3ûhn JVîtaras
N TME CUSTODY OF ThE
BOSTON PUBLIC LIBRARY.
5HELF N°
. AOAMS
DICTIONNAIRE
RAI s O NNÈ
UNIVERSEL
D'HISTOIRE NATURELLE.
9®:
TOME SECOND.
•c i 'il ',^5; ■■ . =s»
RAIS O N
UNIVERSEL
D^HISTOIP^E NATURELLE;
CONTENANT
L^ïlïSTOÏRE DES ANIMAUX,
DES VÉGÉTAUX ET DES MINÉRAUX,
Et celle des Corps céleftes, des Météores, & des autres
principaux Phénomènes de la Nature;
AVEC
UHïSTOîRE ET LA DESCRIPTION
DES DROGUES SIMPLES TIRÉES DES TROIS REGNES ;
Et le détail de leurs iifages dans la Médecine, dans l'Économie domeilique
& champêtre, & dans les Arts & Métiers :
t Plus y une Table concordante des Noms Latins ^ & le renvoi aux objets
da
mentionnes dans cet KJiivra^e,
Oi
*
Par M. Val M ONT de Bomare, Démonftrateur d'Hifloire Naturelle avoué du
Gouvernement; Cenfeur R.oyal; Direcleur des Cabinets d'Hiftoire Naturelle , de
Phyfique, &c. de S. A. S. Monfeigneur le PRINCE DE CONDÉ; Honoraire
de la Société Économique de Berne ; Membre des Académies Impériale des Curieux
de la Nature , Impériale & Royale des Sciences de Bruxelles ; Afîocié Regnicole
de l'Académie des Sciences , Belles-Lettres & beaux Arts de Rouen; des Sociétés
Royales des Sciences de Montpellier, Littéraires de Caen, de la Rochelle, &c.
d'Agriculture de Paris; Maître en Pharmacie.
Nouvelle Edition , revue & confidérablement augmentée par l* Auteur,
TOME SECOND.
"t^
A
PARIS,
Chez B R u N E T 5 Libraire , rue des Écrivains , vis-à-vis le Cloître Saint Jacques
de la Boucherie.
M. D C C. L X X V.
Avec Approb at ion , et Privilège du Roi»
^H
RAISONNE
D'HISTOÎllE NATUPvELLE.
'X
'X ;■ t.;
-^t^ï_(â:^:éés
=î^
"»^
A
H A A 5 voye:^ au mot Thé.
CHABOT, cottus. Petit Poiffon qui fe trouve com-
munément dans les. ruifl'eaux & les rivières rapides. Il le
tient toujours au fond de l'eau , & fe cache fouvent fous
les pierres ; 8c quand on frappe deiîus , l'animal entendant
ce bruit en fort, & en eft comme étourdi, même fans avoir été blefle.
Ce poiflbn a quatre à cinq pouces de long ; fa tête eft aplatie & fi
grande à proportion de (on corps , qu'on l'a appelle en Languedoc ,
tête d'âne. L'iris de l'œil eft couleur d'or.
Le chabot n'a point d'écaillés. Son dos eft jaunâtre &: marqué de
trois ou quatre petites bandes tranfverfales : il a deux nageoires auprès
des ouies, garnies de treize piquans, arrondis & cannelés tout autour;
deux petites nageoires au milieu du ventre & deux autres fur le dos ,
également garnies , la plus petite de quatre piquans , & la plus grande
de dix-fept. Près des ouies eft auflî un petit piquant crochu & recourbé
en deflTus. M. Ddeu^e obferve que les membranes des couvercles des
ouies font à fix offelets. La femelle eft plus grofîe que le mâle : elle
Tome, II, A
ù. C H A
contient beaucoup d^ceufs. Ce poliTon ne fe prend qu'à la nalTe : il fe
nourrit d'infectes aquatiques.
CHACAL. Efpece d'animal qui paroît tenir le milieu entre le loup
& le chien pour le naturel ; l'on en voit de grands & de petits , fuivant
la nature du climat. Cet animal a le mufeau du loup & la queue
du renard ; ceux que l'on voit en Perfe , en Cilicie , en Arménie &
au. Levant où cette efpece efl trcs-nombrcufe & très - incommode ,
font de la grandeur de nos renards. Leur poil efl d'un jaune vif &
brillant ; ce qui leur a fait donner par quelques-uns le nom de loup
dore. Les chacals ont les jambes plus courtes que le renard. Dan? les
pays plus chauds , comme en Barbarie ; en Afie , en Afrique , ces
animaux font plus grands , & leur poil eft plutôt d'un brun-roux que
d'un beau jaune.
Le chacal , dit M. de Biifon , joint à la férocité du loup un peu de
la familiarité du chien. Sa voix efl; un hurlement mêlé d'aboiemens
& de gémiiTemens. Il efc plus criard que le chien , plus vorace que
le loup. Ces animaux ne vont jamais feuls , mais toujours par troupes
de vingt, trente ou quarante , & quelquefois beaucoup plus : ils fe
îafiemblent chaque jour pour faire la guerre & la chafle ; ils vivent,
de petits animaux & fe font redouter àcs plus puiffans par le nombre :,
ils attaquent toute efpece de bétail ou de volailles prefque à la vue
des hommes ; ils entrent hardiment dans les bergeries, les érables, les
écuries; & lorfqu'ils n'y trouvent point de proie , ils dévorent le cuir
des harncis, des bottes , des fouliers , & emportent les lanières qu'ils
ç'ont pas le temps d'avaler. Faute de proie vivante , ils déterrent Xqs-
cadavres des animaux & des hommes : on efl obligé, dit M., de Biiffon ,
de battre la terre fur les fépulturcs , & d'y mettre de grofTes épines
pour les empêcher de la gratter & fouir; car une épaifTcur de quelques
pieds de terre ne fufht pas pourries rebuter : ils travaillent pîufieurs
enfemble ; ils accompagnent de cris lugubres cette exhumation ; &
lorfqu'ils font une fois accoutumés aux cadavres humains, ils ne cefîent
de courir les cimetières , de (uivre \^s, armées , de s'attacher aux
caravanes. Ce font les corbeaux des quadrupèdes : la chair la plus
infeâ:ée ne les dégoûte pas. Leur appétit eft fi confiant & fi véhément,
que le cuir le plus fec efl encore favoureux pour eux , & que toute
peau, toute graifle , toute ordure animale leur efl également bonne.
Cî-L\CAMFJ.<. Cet oifeau des Antilles efl brun fur le dos , d'uti;
C H A 5
blanc tirant un peu fur le brun fous Is ventre î il a le bec & les pieds
bleuâtres ; il habite ordinairement les montagnes comme le hocco , de
y élevé fes petits ; ce qu'il y a de plus remarquable dans cet oif^au ,
qui a à- peu-près le cri de la poule , c'efl que ce cri eft fi fort , fi
prompt , fi continuel , qu'un feul de ces oifeaux fait autant de bruit
qu'une balTe - cour entière ; ce qui lui a fait donner le nom de
'ChachalacameU , qui fignifie oifeau criard.
CHACRELLE ou CHACPvîL. Voy. Cascarïlle.
CFIAGRIN ou SAGRI , eft la peau du derrière d'une efpece d'dnt
ou de mulet fort commun en Turquie 6: en Pologne , qu'on a préparée
par le lavage , l'épilation , le tannage & l'application de la graine de
moutarde. Les Marchands font venir le chagrin de Conftantinople ,
de Tauris , d'Alger, de Tripoli , de quelques endroits de la Syrie;
■& les Gaîniers l'emploient particulièrement à couvrir leurs ouvrages
les plus précieux: roye:^ ce que nous en avons dit à la fin du mot Ane.
CHAÎNUK. Nom fous lequel on défigne quelquefois la vachs de
Tartaric. Voyez ce mot.
CHAIR FOSSILE ou CHAIR DE MONTAGNE, caro montnna,
Efpece d'amiante à feuillets épais & folides, formée par un aOemblage
de fibres dures: elle eft griiâtre , quelquefois nuée d'un peu de rofe ,
pefante & tombe au fond de i'eau. On en trouve dans la carrière de
Serpentine de Zccblitz & dans la mine de Nordberg en "Weftmanie,
Voyci Amiante.
CHALCITE. Fcyei Colcotkar fossile.
, CHALEUR. Foye^ à Carticlc CHAUD.
CHAMAROCH , malus h^dïca , porno angulGfo , carambolas dicla^
Ceft un fruit des Indes , gros com-m.e un œuf de pouie , alongé ,
jaunâtre , divifé en quatre parties , orné de raies & d'interftices ,
contenant des femences d'un acide agréable. Ce fruit croît à un arbre
grand comm.eun coignafiier. Ses feuilles reftemblent à celles du pommier.
Ses fleurs font à cinq feuilles , inodores , mais agréables par leur
couleur blanche tirant fur le rouge.: Suivant M. Ddcuzj , cet arbre
eft du genre de ïuverrkoa de Linncuus de même que le b'dïmhi.
Les Indiens de Goa ufent de ce fruit en aliment & en médecine.
On le confit au fucre: il eft agréable au goût, excite l'appétit , réjouit
le cc£ur : on l'ordonne pour les fièvres bilieufes , pour la dyifenterie.
Les Canarins le font entrer dans leurs collyres pour les taies & les
A2
4 C H A
nuages qui ternifïènt la vue : les Sages - femmes du pays le mêlent
avec du bétel & le font prendre aux femmes qui viennent d'accoucher ,
pour faire fortir plus promptement Tarriere-faix , & pour gargarifer
la gorge. F^ojyei Bétel»
CHAMARRAS. Foyci Germandrée d'eait.
CHAMEAU & DROMADAIRE, camelus & dromedarîus. Ces deux
noms , dit M. de Buffon , ne défignent pas deux efpeces difl^érentes s
mais indiquent feulement les deux races diftinéles & fubfiftantes de
temps im.mémorial dans l'efpece du chameau. Le principal , & pour
ainfi dire l'unique caradere fenfible par lequel ces deux races différent *
confifte en ce que le chameau porte deux bolTes , & que le dromadaire
n'en a qu'une : il effc auili plus petit & moins fort que le chameau ;
mais tous deux fe mêlent , praduifent enfemble ; & les individus qui
proviennent de cette race croifée , font ceux qui ont le plus de
vigueur îk qu'on préfère à tous les autres. Les métis iiTus du dromadaire
& du chameau , forment une race fécondaire qui fe multiplie pareillement
& qui fe mêle auffi avec les races premières ; en forte que dans cette
efpece comme dans celle des autres animaux domeftiques, il fe trouve
plufieurs variétés , dont les plus générales font relatives à la différence
des climats.
On diftingue en Afrique trois efpeces différentes de chameaux. Les
uns font les plus grands , les plus forts ; ils portent jufqu'à mille livres
pefant , & quelquefois jufqu'à douze cents livres , d'où vient qu'en
Orient on les nomme navire de terre. Les autres viennent du Turqueftan
en Aiie , & font plus petits que les premiers ;. ils ont deux boffes ,
& font également propres à être chargés & à être montés. Les troifiemes
font petits , maigres , & font fi bons coureurs, qu'ils peuvent faire
plus de trente lieues en un feul jour.
On vit à Paris en 17^2, un chameau m.âîe &: un dromadaire femelle.
Le cham^eau que l'on eftimoit pouvoir être âgé de quatorze ans , avoit
Cx pieds de hauteur, non compris fes deux boffes , & dix pieds de
longueur. On remarquoit au bout du mufle quatre nafeaux , dont les
deux plus grands étoient percés d'outre en outre , afin d'y pouvoir
paffer un anneau de fer pour conduire l'animal à volonté ;, en deffous
de ces premiers nafeaux , font deux autres beaucoup plus petits , qui
fervent à la refpiration. Les yeux de cet animal font gros & faillans;^
le front efl revêtu d'un poil touffu & refTemblant à de la laine i le refle
C H A i
du corps efl: recouvert d'un poil doux au toucher , de couleur fauve ,
un peu cendré , & guère plus long que celui d'un bœuf ; les oreilles
courtes & rondes , le cou très -long , & orné d'une belle crinière, les
genoux gros , les pieds fendus & onguiculés , les jambes de derrière
très-hautes & très-menues. On obferve dans ces animaux des callofités
aux jointures des jambes de devant , à celles de derrière , & flir la
poitrine. Toutes ces callofités viennent de ce que cet animal ne fe
couche pas fur le côté comme les autres , mais s'accroupit : toutes les
parties qui portent fur la terre dans cette pofition , s'endurcifTent &
deviennent calleufes. Sa queue eft courte & peu garnie de poil ,
excepté à l'extrémité.
Il efl à remarquer que cet animal, ainfi que tous les autres animaux
ruminans , n'a point de dents incifives à la mâchoire fupérieure, mais
feulement deux grandes dents de chaque côté , dont la poftérieure
eft recourbée en arrière , fembiable aux défenfes d'un fanglier , & qui
devient quelquefois fi longue , qu'on eft obligé de la fcier :1a mâchoire
inférieure eft bien garnie de dents. La verge du dromadaire eft , ainfi
que celle du taureau , très-longue & fort mince. Le maître du chameau
aiîura que cet animal s'accouple à reculons , & eftedivement on voit
que fa verge eft tournée en arrière , & que l'urine jaillit à reculons
par un filet continu en arcade. Mais MathioU dit avoir vu k contraire
dans l'accouplement d'une efpece de chameau ; ce qui paroît d'ailleurs
confirmé par l'obfervation que l'on a faite , que la verge de dromadaire
fe tourne également en avant comme en arrière. Le fait eft que la
femelle s'accroupit pour recevoir le mâle, & elle ne rentre en chaleur
qu'un an ou deux après.
Le chameau entre en rut vers le quinze Janvier , & refte dans cqz
état deux ou trois mois. Pendant ce temps , la nature opère en lui
un effet bien fingulier: il bâille très-fréquemment, il écume continuel-
lement, & il lui fort de la bouche une ou deux groifes veines rouges.
Le fommet de la tête qui eft bien garni de poil , refte toujours mouillé
comme d'une fueur abondante j il mugit alors aiTez fréquemment
comme un taureau en furie ; il perd l'appétit , il maigrit , tout foiî
poil tombe , excepté celui de la bofie. On profite de cette circonftance
pour recueillir le poil de ces animaux avec foin , à caufe du grand
commerce qu'on en fait. On le mêle avec d'autres poils , & il entre
pour lors dans la fabrique des chapeaux , particulièrement de ceux
6 C H A
de Caudebec. Il arrive quelquefois, notamment dans le rut, que les
deuxboflesdu chameau, qui ne font form.ées que par des excroiflances
de chair , s'affaifTent , & penchent comme fi elles vouioient tomber ,
parce qu'alors les mufcles qui les foutiennent , perdent leur refTort ;
mais il faut avoir l'attention de les relever & de les maintenir droites,
jufqu'à ce qu'elles aient repris leur attitude & leur confiftance naturelles.
Lorfque le rut cO: pafTé , cet animal recouvre Ton appédt, fa vigueur,
fon embonpoint ; il fe revêt d'un nouveau poil. Tant qu'il eft en
appétit, il mange du foin , -de la paille , de l'orge , dj l'avoine ;
ii peut manger vingt ou trente livres de foin par jour: s'il eft dégoûté,
les chardons , les ronces lui réveillent l'appétit. Il boit rarement ,
mais lorfqu'il a foif il boit beaucoup à la fais.
Le dromadaire femelle, qui n'étoit alors âgé que de trois ans , n'étoit
aufii qu'à la moitié de fa grandeur. Il reilem,bioit beaucoup au chameau,
à l'exception d'une boiïc unique qu'il avoit fur le dos : fon poil étoit
brunâtre , & plus long que celui du chameau.
Le dromadaire fcm.elle & le chameau mâle dont nous venons de
parler , s'aimoient & fe carefToient mutuellement ; ils étoient tellement
accoutumés à vivre enfem.ble , que quand la femelle ne voyoit plus
fon compagnon , elle crioit , & fe débattoit violemment , fans vouloir
ni boire ni manger. C'eft cette fymxpathie qui a produit l'agrément
de voir naître, un chameau dans Paris ; phénom.ene d'autant plus digne
de remarque , qu'il paroît que la plupart 6.0.3 animaux ào-s climats
chauds, perdent lafaculté d'engendrer dans les pays plus tempérés, ainfi
qu'on l'obferve dans le^ fingcs , les perroquets & autres. Suivant les
obfervations exades qu'on a faites , la mère a porté un an entier le
petit chameau dont nous parlons ; mais il n'a vécu que trois jours.
Le dromadaire , dit M, de Bujfon , eft fans comparaifon plus géné-
ralement répandu que le chameau \CQ\m- ci ne fe trouve guère que dans
le Turquedan & dans quelques endroits du Levant ; tandis que le
dromadaire , plus commun qu'aucune autre bête de fomme en Arabie,
fe trouve de même en grande quantité dans toute la partie feptentrionale
de l'Afrique , qui s'étend depuis la mer Méditerranée jufqu'au fleuve
Niger , & qu'on le retrouve en Egypte , en Perfe , dans la Tartarie
méridionale, & dans les parties feptentrionales de l'Inde. Le dromadaire
occupe donc des terres îmmenfes , & le chameau eft borné à un petit
terrain ; le premier habite des régions arides & chaudes ; le fécond
C H A 7
un pays moins fec & plus tem.péré , & fefpsce entière paroît être
confinée dans une zone de trois ou quatre cents lieues de largeur ,
qui s'étend depuis la Mauritanie jufquà la Chine: elle ne fubfifte ni
au-defTus , ni au-defîbus de cette zone. Cet animal , quoique naturel
aux pays chauds , craint cependant les climats où la chaleur eft excellîve:
fon efpece finit où commence celle de l'éléphant , & elle ne peut
fubfifter ni fous le ciel brûlant de la zone torride , ni dans les climats,
doux de notre zone tempérée. Il paroît être originaire d'Arabie ; car,
non -feulement c'eft le pays où il eft en plus grand nombre, mais
c'eft audi celui auquel il eft le plus conforme.
On ne fe trompe guère fur le pays naturel des animaux , en le
jugeant par ces rapports de conformité ; leur vraie patrie eft la terre
à laquelle ils refl'emblent , c'eft-à-dire , à laquelle leur nature paroît
s'être entièrement conformée , fur-tout lorfque cette m-éme nature de
l'animal ne fe modifie pas ailleurs, & ne fe prête pas à l'influence des
autres climats. La nature , toujours fage & féconde , a fait naître des
anim.aux fi bien appropriés à chaque clim.at , qu'en vain voudroit-on '
multiplier les rhennes hors des pays glacés, ou les éléphans hors des
pays brûlans : les autres climats deviennent funeftes à chacun de ces
animaux. Mais de quelle utilité ne font-ils pas aux habitans des contrées;
auxquelles la nature les a affedés ? Peut-il fe trouver un animal plus
propre que le chameau à fupporter les plus rudes fiitigues au milieu
des fables arides de l'Afrique , à pouvoir refter quelquefois neuf jours
& davantage (ans boire, en faifant cependant chaque jour vingt-cinq
à trente lieues , de en portant des poids énormes ?
Si par hafard auili il fe rencontre une mare à quelque diftance de
' leur route, ils fentent l'eau de plus û'une dema-lieue ; la foifqui les preiTe
leur fait doubler le pas , & ils boivent en une feule fois pour tout
le temps pafié , & pour autant de temps à venir ; car fouvent leurs
voyages font de plufielîrs femaines , & leur temps d'abftinence dure
autant que leurs voyages : on ne leur donne par jour qu'une pelotte
de pâte , & même on ne leur îaille chaque jour qu'une heure de
repos.
Cette facifité qu'ont les chameaux de s'abftenir de boire , n'eft
pas tout-à-fait de pure habitude, c'eft plutôt un efïet de leur conformation..
Il y a dans le chameau , indépendamment des quatre eftomacs qui fe
trouvent d'ordinaire dans les animaux ruminans , une cinquième poche
8 C H A
qui lui fert de réfervolr pour conferver de l'eau. Ce cinquième eftomac
manque aux autres animaux , & n'appartient qu'aux chameaux ; il
eft rempli d'une multitude de cavités & d'une capacité aflez vafte
pour contenir une grande quantité de liqueur ; elle y féjourne fans
fe corrompre , & fans que les autres alimens puifTent s'y mêler.
Lorfque l'animal efl: prelîe par la foif , & qu'il a befoin de délayer
les nourritures feches & de les macérer par la rumination , il fait
remonter dans fa panfe , & jufqu'à l'œfophage , une partie de cette
eau par une fimple contradion des mufcles : ^c'eft donc en vertu de
cette conformation très - finguliere , que le chameau peut fe pafler
plufîeurs jours de boire , & qu'il prend en une feule fois une pro-
digieufe quantité d'eau , qui demeure faine & limpide dans ce réfervoir,
parce que les liqueurs du corps , ni les fucs de la digeftion ne peuvent
s'y mêler.
Le chameau efl: un animal fort docile : on le drefle dès fon enfance
à fe baiffer & s'accroupir lorfqu'on veut le charger. Pour l'y former,
dès qu'il efl: né , on lui plie les quatre jambes fous le ventre , & on
le couvre d'un tapis fur le bord duquel on met des pierres , afin
qu'il ne puifTe pas fe relever. Comme cet animal eft très-haut , on
l'accoutume à fe mettre en cette pofture dès qu'on lui touche les
genoux avec une baguette , afin de le pouvoir charger plus aifément.
On le laiffe auffi pendant quelque temps fans lui permettre de teter ,
afin qu'il contrade de bonne heure l'habitude de boire rarement. On
ne fait point porter de fardeaux à ces animaux , avant l'âge de trois
ou au quatre ans. Quand ils fentent qu'ils font aflez chargés, il ne
faut pas penferàleur en donner davantage, autrement ils fe rebutent,
donnent de la tête , & fe relèvent à l'inflant. Enfin , fi on les furcharge
malgré eux , ils jettent des cris lamentables.
Ceux qui veulent avoir de bons chameaux de charge, les châtrent,
quoique l'on fâche 'que cette opération ôte en général aux animaux
une partie de leur vigueur ; mais ils les rendent par-là dociles en tout
temps , & leur font éviter le rut qui les énerve & les rend furieux.
Comme cet animal , ainfi que le mulet , a de la rancune , il devient
dangereux pour ceux qui le mènent pendant qu'il eft en rut ; il fe
fouvient alors du m.al qu'on lui a fait , & lorfqu'il peut attraper fon
ennemi , il l'enlevé avec les dents , le laiffe retomber à terre & le
foule aux pieds , jufqu'à ce qu'il foit écrafé : le temps du rut pafle,
l'animal
C H À p
^animal reprend fa première douceur. li n'eft pas vrai, comme on lô
ïit dans quelques Auteurs , qu'il y ait une antipathie marquée du
thameau vis-à-vis de l'âne , du cheval & du mulet ; car on voit
fouvent ces animaux réunis fous un même toit, fans qu'ils témoignent
la moindre averfion les uns contre les autres.
Les chameaux d'Afrique foutiennent bien mieux la fatigue que ceux
ïi'Afîe. Quand les premiers commencent à faire voyage, il eft néceflaire
qu'ils foient gras ; car on a éprouvé qu'après que cet animal a marché
quarante ou cinquante jours fans manger d'orge , fa bojGTe commence
à diminuer, & il ne peut plus porter de charge. Ceux d'Afie ne
peuvent réfifter à cette fatigue ; il faut leur donner tous les jours
environ trois livres de pâte d'orge. Les Turcs font ufage en Europe
de chameaux pour porter leurs bagages : on en voit en Efpagne ,'
que les Gouverneurs des Places frontières y envoient ; mais ils n'y
vivent pas long-temps , parce que le pays eft trop froid pour eux.
Cependant les Mofcovites en élèvent de tous jeunes, qu'ils accoutument
peu à peu à leur climat méridional. La durée de la vie de ces animaux
paffe pour être environ de cinquante ans.
On dit qu'il y a en Afrique de petits dromadaires qui fontjufqu'à
quatre-vingts lieues par jour. Ils font très-utiles aux Couriers de
l'Orient pour porter en <iiligence leurs dépêches ; leur allure eft le
trot ; lorfque ces animaux prennent le galop, c'eft un fpedacle agréable
de voir leur crinière & Je long poil de leur fanon flotter au gré du
vent. On charge le chameau fur fa bolTe , ou on y fufpend des paniers
aflfez grands pour qu'une perfonne y puifTe tenir afiife , les jambes
croifées à la manière des Orientaux : c'eft dans ces paniers qu'on
voiture les femmes. On attelé aufîl les chameaux pour traîner des
chars: on ne fe fert point d'étrillé pour les panfer ; on les frappe
feulement avec une petite baguette pour faire tomber la poulîîere
qui eft fur leur corps. On fe fert du fumier de ces animaux que l'on
fait fecher , pour préparer la cuifine au milieu des déferas. Il ne faut
point frapper les chameaux pour les faire avancer, il fuffit de chantet
& de (ïitler ; ïorfqu'ils font en grand nombre , on bat des timbales.
On leur attache auiîi des fonnettes aux genoux , & une cloche au
cou pour les animer & pour avertir dans les défilés. Cet animal eft
courageux; on le fait marcher aifément, excepté lorfqu'il fe trouve
de la terre grafTe & gliflante , parce que fon pied , qui eft plat ôc
Tome II. B
io' CHÂ
large , charnu en defTous , & qui n'eft revêtu que d'une peau molle
& peu calleufe , qu'on peut regarder comme une efpece de femelle
vivante , glifle à chaque inftant. Lorfqu'on rencontre de ces mauvais
pas , on eft quelquefois obligé d'étendre de gros tapis pour faire pafTer
les chameaux , ou d'attendre que le chemin foit praticable.
Labat dit que l'on ne trouve point de chameaux en Amérique , à
moins, dit-il 5 qu'on ne prenne pour des chameaux les glama & les
pacos , efpece de grands moutons du Pérou ; car , à l'exception de la
laine dont ils font revêtus, & de la grandeur , ils approchent beaucoup
du chameau véritable. Voyc:^ Glama & fur-tout l'art. Paco.
Les chameaux font des animaux domeftiques doublement utiles ; en
Afie & en Afrique , on fait un grand ufage de leur lait , qui eft
apéritif, & propre à chaffer les impuretés du fang par la voie des
urines : on attribue même à l'ufage continuel que les Arabes font de
ce lait l'exemption de plufieurs maladies, telles que les dartres , la gale,
la lèpre. On mange aufli la chair de ces animaux.
Outre l'ufage que l'on fait de leur poil pour les chapeaux , on le
file & on en fait des étoffes. Ce poil nous vient du Levant par la voie
de Marfeille.
CHAMEAU JAUNE, Cdmdusfavus.Vo\{^on des Indes Orientales;
& que l'on pêche dans le détroit de Seram. Sa couleur eft jaune, &
fon corps eft tout couvert de petites boffes ; fa chair eft fort grafïè
& tachetée. Les habitans arment leurs flèches des aiguillons très-durs
de ce poifTon , & ils s'en fervent à la guerre.
CHA.MECK. Nom donné au Pérou & dans la Guiane, au coaita^
efpece de fapajou. Voyez ces mots.
CHAMITES. Ce font les cames pétrifiées. Voyez Came.
CHAMCSCERASUS ou FROLE, Foyi^ à la fin de l'article Cerisier.
CHAMCEDRIS ou PETIT CHÊNE. Foyc^ Germandrée»
CHAMCE - NERION. Quelques-uns l'appellent le petit laurier -rofe,
M. Haller dit que c'eft une efpece très-différente du ncrium , & d'une
autre claffe. Des modernes l'appellent epilobium. Les Suédois ont
commencé à fe fervir d'une efpece fort commune dans les forêts du
Nord. On en fait de l'ouate ; elle peut même fervir pour des étoffes ,
quand on la mêle avec du coton. Voici le caradere du genre du
chamœ-nerion : la fleur eft compofée d'un calice divifé en quatre parties,
d'une corolle à quatre feuilles , huit étamines , & un piftil dont le
C H A 1 1
ftîgmate eft refendu en quatre , & porté par le germe , qui devient
une efpece de filique longue & grêle , carrée , qui s'ouvre en quatre
panneaux , & renferme un grand nombre de femences à aigrettes. Il
y a. plufieurs efpeces de ce genre.
CHAMCERODENDROS. Foyci iEcoLETHRON.
CHAMOIS , YSARD ou CHEVRE DES ALPES , mplcapra.
Animal quadrupède ruminant , du genre des chèvres que l'on voit en
troupe fur les montagnes , & dont la peau eft d'un grand ufage dans
le commerce.
Le chamois eft plus grand que la chèvre ; il reflemble beaucoup
au cerf pour la forme du corps. Le ventre , le front & le commencement
de la gorge , font blancs , & le refte du corps eft par-tout d'une couleur
noirâtre. Le poil qui couvre le dos & les flancs, eft de deux efpeces:
par-deflbus le grand poil qui paroît , il y en a un petit fort court
& très-fin , autour des racines du grand , comme dans le caftor ; aux
endroits ovl ce grand poil eft long , il eft onde & frifé comme celui
des chèvres.
Le mâle & la femelle ont des cornes longues d'une palme & demie,
légèrement ridées , droites jufqu'à une certaine hauteur , pointues &
recourbées en forme d'hameçon par le haut. Elles font noires & fîmples.
Chaque année on obferve fur la plupart de ces cornes un anneau de
plus 5 comme dans tous les animaux de ce genre.
On dit qu'avec l'âge , les cornes du chamois deviennent fi crochues
en arrière & fi pointues , que ces animaux les font entrer quelquefois
dans leur peau en voulant fe gratter , qu'elles s'y engagent de façon
qu'ils ne peuvent plus les retirer , & qu'ils périfTent de foibleffe &
de faim dans cette pofition. On remarque deux ouvertures derrière
les cornes du chamois ; on a prétendu que ces trous fervoient à la
refpiration de l'animal , lorfqu'en fouillant pour chercher les racines
des herbes dent il fait fa nourriture , la terre lui bouchoit par hafard
les narines. Cette opinion difparoît par l'obfervation , puifqu'on a
remarqué que le crâne fe trouve au fond de ces ouvertures , & qu'il
n'y a aucune iflue.
Les chamois, ainfi que tous les animaux du genre des chèvres, ont
pour caraélere de n'avoir point de dents incifives à la mâchoire fupérieure ,
d'en avoir huit à l'inférieure , le pied fourchu , les ongles fort longs
fur-tout ceux des pieds antérieurs. On trouve aflez fréquemment dans
B 2
'12 C HA
un des ventricules de ces animaux , une boule ou peîotte que î'ori
nomme béioard germanique. Il étoit autrefois fort recherché; on le regar^
doit comme le meilleur après le bézoard oriental , & on l'employoit dans^
tous les cas oii il fallait augmenter la tranfpiration , & ranimer rofcillatioo-
des foîides. Depuis qu'une phyfique éclairée examine les objets avec
plus d^attention , & qu'elle évalue par coiiféquent les propriétés des corps
avec plus d'exaditude & de févérité, ce bézoard , qui n'eft qu'une efpece
d'égagropi/e , eft bien déchu de fon crédit,. M. Geoffroy 5. en l'examinant^
a reconnu que cette boule n'étoit formée que par un amas de poiÎ3
que l'animal avale en fe léchant , &: d'un refte de fibres de plantes ,
telles que celles du doronic , qui n'ont pu être digérées par l'eftomac
de l'animal. Il s'en trouve quelquefois quifont recouvertes d'une couchs
bézoardique alTez mince ; ce qui donne à celles-ci quelques vertuf:*
Voyei les mots B^zoARD & Egagropile..
Le chamois eft un animal fauvage , alerte , précautionné , mais
timide; nous'en avons vu beaucoup fur les Pyrénées , fur les Alpes,
dans les montagnes du Dauphiné , fur-tout dans celles de Donolu)»
Gn rencontre fouvent ces animaux en troupe de cinquante ou plus ;
ils vont à la pâture le matin & le foir , rarement dans la journéev.
Pendant qu'ils paifTent , il y en a toujours un de la bande, qui eft en
fentinelle & a Tceil au guet ( on le nomme bête avancée). Dès qu'il
fent ou apperçoit ou enteiKi quelque chofe, il jette un cri par lequei
il avertit tous les autres de fuir. Ce cri d'épouvante eft un fifflement
pouifé avec tant de force, que les rochers ou les forets en^.retentiflent :
il eft aufti long que l'iraleine peut tenir fans reprendre: il eft d'abord
fort aigu ,.& baifle fur la fin. Le chamois fe repofe un inftant,, regarda
de tous côtés & recommence à {îffler;il frappe la terre du pied , il fa
lance fur des pierres fort élevées, il regarde, court fur des éminences,,
& quand il a découvert quelque chofe il s'enfuit. Le fifflement du
mâle eft plus aigu que celui de la femelle ; ce fifflement fe fait par les
narines , & n'eft proprement qu'un foufBe aigu trè:;-fort, fe.mblable au
ion que pourroit rendre un homme , en tenant la langue au palais ,
ayant les dents à-peu-près fermées , les lèvres ouvertes & un peu
alongées , & qui fouffieroit vivement & long-tem.ps. Les ehamois ne.
montent ni ne defcendent pas perpendiculairement; mais en décrivant
ïine ligne oblique , en fe jetant en travers ,, fur-tout en defcendant^
ilâ fe jettent, du haut en bas au travers d'un rocher qui eft à-peu-près
C H A 15
perpendiculaire , de la hauteur de plus de vingt & trente pieds ,
fans qu'il y ait la moindre place pour pofer ou retenir leurs pieds ;
ils frappent le rocher trois à quatre fois des pieds en fe précipitant ,
& vont s'arrêter à quelque petite place , au-delTous , qui eft propre
à les retenir : il paroît à les voir dans les précipices , qu*ils aient plutôt
des ailes que des jambes. Si le chamois monte ainii & defcend faci-
lement les rochers , c'eft par fon agilité & la force de fes jambes ; il
les a fort hautes & bien dégagées , celles de derrière paroifîent un
peu plus longues & toujours recourbées ; ce qui le favorife beaucoup
pour s'élancer de loin : quand les chamois fe jettent de bien haut, ces
jambes un peu repliées reçoivent le choc qu'ils tbnt en fe précipitant^
elles font l'effet de deux refforts & rompent la fDrce du coup.
La chalfe de ces animaux eft aifez périlleufe , parce qu'il iaut les
pourfuivre fur les rochers qu'ils parcourent avec la plus grande aifance,.
& où ils fautent avec autant a'agilité que les bouquetins. Les chiens
ne peuvent les fuivre dans tous les précipices inaccelîibles , & 1*î
Veneur fe voit fouvent engagé dans des lieux où il ne peut ni avancer"
ni reculer fans un danger égal : le feul parti qui lui refte alors eft de
s'élancer à travers les écueils les plus aflreux. Il arrive affez. fouvent
que des chaifeurs de chamois tombent dans ces gouifres; fouvent encors
pourfuivi jufques dans des défilés qui n'ont que quatre pouces de
largeur , le chamois s'élance fur le chafleur qui lui barre la paffag^
& le précipite du rocher en bas. Dans ces cas les chaffcurs expérimentés
fe jettent ventre à terre , afin que le chamois puiffe s'élancer fans les
toucher , ou bien ils demeurent debout en fe collant contre le rocher»
l'animal ne voyant alors aucun jour entre le rocher , eft fDrcé de
s'élancer à côté, & le chaffeur adroit profite de ce moment pour le
poulfer de la main dans l'abym.e..
Les chamois craignent fi fort la chaleur , que pendant l'été on ne
les trouve jamais que dans les antres des rochers à l'ombre , fouvent
parmi des tas de neiges ou de glaces , ou dans les forêts hautes &bie:î
couvertes , toujours du côté du penchant des montagnes ou rochers
fcabreux , qui font face au Nord , & qui font à l'abri des rayons du
foleil. Ces animaux aiment le fsl , c'eft pourquoi on en répand dans
les endroits où on veut les attirer : comme ils ont l'odorat très-fin ,
les chafleurs ont grand foin d'aller à eux le nez au vent. Ils font en
xnt pendant prefque tout le mois de Septembre j les femelles portent
14 C H A
neuf mois , 8c mettent bas pour l'ordinaire en Juin ; elles ne mènent
point leurs petits fur les rochers , qu'ils ne foient en état de bien
grimper. Lorfqu'on les attrape jeunes , on peut les apprivoifer comme
les chevreuils : on les met au nombre des animaux chaftes , parce
que chaque mâle habite avec fa femelle. Les chamois ont deux ennemis
dangereux dans les loups cerviers , que cependant les Suiffes font
prefque venus à bout de détruire , & dans l'efpece d'aigle appelle
Lianmer-geyer. Voyez au mot Aigle , la manière dont ce terrible oifeau
s'y prend pour les attraper.
M. Altinan , qui nous a donné la defcription des animaux de la
Suiffe, diftingue deux efpeces de chamois ; lavoir , celle dont nous
venons de parler (& que les Chaffeurs nomment ^e^^5 d6S bois). L'autre
eft plus petite & plus rougeâtre , d:meure toujours fur les montagnes
les plus inacceffibles , &nedefcend jamais dans les vallons ; ces derniers
font gras dans Tété, & leur chair eft bonne à manger, fur-tout en
hiver; le chamois qu'on a vu à Paris en 1765* étoit de l'efpece petite;
mais ces deux efpeces de chamois , dit M. Huiler , ne font que de
très-légères variétés.
On attribue au fiel de chamois , la propriété de diffiper les taies des
yeux , & de guérir la niélalopie , efpece de maladie dans laquelle la
vue s'affoiblit à l'approche du foleil couchant , au point que les
perfonnes qui y font fujettes , ne voient point à fe conduire.
La peau de chamois préparée efc fouple & fort chaude : on en fait
des bas , des gants , des culottes, &c. Cette peau a le grand avantage
de pouvoir fe favonner fans rien perdre de fa qualité ; les peaux de
chèvres , de boucs , de chevreaux , de moutons , font fufceptibles de re-
cevoir les mêmes préparations que les chamois , & fe vendent fous le
même nom. On fait ufage des cornes de chamois pour les porter fur
des cannes.
CHAMP AD A. Grand arbre deMalaque forttoufFu, dont les branches
font cendrées , noueufes , & donnent par incifîon un fuc acre &
gluant comme le tithymale. Le fruit naît du tronc & des grofles
branches , & a fix pouces de long & autant de circonférence: il a la
figure des melons. Son écorce eft verte & divifée en petits pentagones
au centre defquels il y a un point noir. Le pédicule en eft gros &
ligneux ; il pénètre dans la fubftance du fruit & s'y difperfe en plufieurs
gros filamens qui vont fe réunir à la pointe , mais defquels il part
C H A ,;
comme des amandes , qu'une pulpe blanchâtre enveloppe. Si Ton
ouvre l'écorce & qu'on écarte la pulpe fpongieufe , les amandes fe
détachent de leurs compartimens & demeurent attachées à la queue
comme les grains du raifin à la grappe. Cette pulpe eft fucrée ; on la
fuce : le goût en eft aflfez bon , mais l'odeur en eft forte. Les habitans
du pays aiment ce fruit parce qu'il échauffe & entête. On en fait
cuire les amandes ou châtaignes dans l'eau; mais elles ne valent pas
les nôtres. Mém. de L'Acad. p^ 33/. tom. IX,
CHAMP ANZÉE ou CHAMP ANES. Les Anglois , qui fréquentent
la côte d'Angole , donnent ce nom au petit ourang - outang. Voyez
ce mot.
CHAMPIGNON , fungus. Genre de plante dont les différentes
efpeces ont un pédicule qui foutient un chapiteau de figure commu-
nément ramaffée , convexe en deflfus, concave en deffbus, ordinairement
uni , & rarement cannelé fur la furface convexe ; feuilleté fur la furface
concave, ou fiftuleux , c'eft-à-dire, garni de petits tuyaux.
Ce genre de pLmces membrano-cellulaires, fpongieufes ou fubéreufes
comme l'eft le liège, doit piquer notre curiofîté par fes fingularités ,'
fes caraderes particuliers , & par la promptitude extraordinaire avec
laquelle il végète. Il eft d'autant plus intéreffant de favoir bien diftinguer
les efpeces , que plufîeurs font utiles dans les Arts & dans la Médecine,
telles font l'agaric de chêne & celui du méle:{e. Voyez à l'article Agaric.
Les autres efpeces de champignons au contraire, font ou des poifons
très-aétifs, ou fufpeds, quoiqu'agréables à manger.
Le genre des plantes avec lequel les champignons ont le plus de
reffemblance, font,fuivant les obfervations de M. de JuJJieu, les lichens ,
dont il y a une efpcce qui croît dans les Canaries & les pays du Nord,
& dont on fait un grand ufage dans la teinture fous le nom à'orfe'dle,
Foje^ ce mot. Les champignons font , ainfi que les lichens , dénués
de branches , de tiges & de feuilles ; comme eux ils naiffent & fe
nourrifïont fur des troncs d'arbres , fur des morceaux de bois pourri,
& fur des parties de toutes fortes de plantes réduites en fumier : ils
leur reffv'irblent aufii par la promptitude avec laquelle ils croiffent ,
& par la facilité que la plupart ont à fe fécher, & à reprendre enfuite
leur première forme lorfqu'on les plonge dans l'eau. Il y a enfin entre
les uns & les autres une manière prefqu'uniforme de produire leurs
graines. Cette analogie eft d'autant plus importante pour la connoifîknce
i6 C H A
de la nature des champignons , que plufieurs Auteurs anciens & mo-
dernes ne les regardoient point comme des plantes , mais comme de
fimples excroiiTances. Pour peu cependantqu'on examine leur fubftance,
kur organifation & leurs variétcs , on ne peut les méconnoitre pour
des plantes,
La démonftration en efl devenue complette par la découverte que
Michcll a faite en 1729 de fleurs & de graines dans diiTérentes efpeces:
découverte confirmée en lyy^ par M. GUditfch , & e;i lyyy par M,
Battarra, Il faut néanmoins convenir que ce que Mlchdi f^rend pour
1-es étamines dans ces plantes , efl fort douteux & fo mbic n'être que
des rejettons fous la forme d'une poulTiere , fur- tout dans le lichen^
On peut cependant divifer les champignons en deux clafles , dont
les uns ne portent que des graines , & les autres des graines & des
fleurs. Ceux qui ne portent que des graines , font les champignons
proprement dits , le poreux , Vkirijfê, la rnorïlk , les fongoïdcs , la vejf&
de loup , les agarics , les coralU-fungus & les trufcs. Ceux qui portent
des graines & des fleurs font, les thyphoïdes & Y/iypoxilon. Les graines
fe font fentir au toucher , en manière de farine , dans les champignons
dont la tête efl feuilletée en deflbus , lors fur- tout qu'ils commencent
à fe pourrir. On les apperçoit aifément à la faveur de la loupe , dans
les lames de ceux dont les feuillets font noirs à leur marge. On les
trouve fous la forme d'un-e poufliere dans ceux que l'on nomme vejfc
de loup^ Toutes ces graines font très-afliringentes : l'on s'en fert pour
arrêter les hémorragies confidérables.
On ne voit guère de plante qui fourniffe plus de variétés en grolTeur,'
en hauteur , en étendue & en différence de couleur des cannelures &
du chapiteau , que ne le fait celle-ci. La plupart des champignons
n'ont point de racines : d'autres ont à fa place une mucofité femblable
à l'empâtement de quelques ///c«j : d'autres ont des fibres qui forment
quelquefois un réfeau à mailles inégales, dont quelques-unes produifent
des plantes fembiables à leur mère. Il . y a encore Xaman'ua ou cham-
pignons à feuillets , le mucor & les genres voifîns du mucor.
On peut faire une divifion générale &bien importante en champignons
nuijîbles & en champignons bons à manger. C'efl ici que l'erreur efl: bien
fatale ; l'expérience faite en tous lieux , en tout pays fur ceux de la
meilleure qualité , ne tend pas trop à nous raflTurer. fur leur ufage
bienfaifant ; car ceux que l'on mange avec fécurité par rapport à leur
bon
C H A 17
bon goût , deviennent aifément dangereux ou pour avoir été cueillis
trop tard , ou par la nature du lieu où. ils croifTent , ou par le (lie
dont ils fe nourriflent , ou par le voifinage de ceux qui fe pourrifîent ,
ou de ceux qui font par hafard empoifonnés. J'avoue que les mêmes
champignons ne font pas également funeftes dans tous les pays. L'on en
peut dire autant de la ciguë : les Rufles , félon M. HalUr , mangent
les champignons que nous croyons les plus dangereux, ceux-là même
dont on fe fert pour tuer les mouches. Ces peuples y ont reconnu une
qualité enivrante , fans avoir cefle d'en faire ufage. L'on ne doit manger
qu'avec beaucoup de modération , de ceux même qui ont toutes les
conditions requifes de falubrité apparente , parce que leur nature
fpongieufe les rend de très-difficile digeftion.
Les fymptômes fâcheux & même mortels que les m.auvais champignons
caufent , font fur-tout le vomiiTement , lopprefiion , la tenfion de
l'eftomac & du bas- ventre, l'anxiété, des tranchées dans les entrailles,
la foif violente , la cardialgie , la dyflfenterie , l'évanouiflement , le
hoquet , le tremblement de prefque toutes les parties du corps , la
gangrené & la mort. Excepté les deux derniers fymptômes , nous
avons malheureufement éprouvé fuccefiîvement tous les autres dans
un voyage que nous fîmes en Angleterre. Un tableau de fi funeftes
accidens eft-il bien propre à nous donner du goût pour un mets de
fenfualitéfi voifin du poifçn', fur- tout n'étant pas toujours bien certains
d'en manger de falutaires , à caufe de leur figure trompeufe , de
l'ignorance , de la négligence , du manque d'attention des gens qui
les cueillent ou qui les apprêtent !
Quoi qu'il en foit , les champignons font un mets dont les anciens
gourmands étoient auiîi curieux que les modernes. La fenfualité l'em-
portant fur le danger , on a fait un art d'élever des champignons fur
des couches de fumier, &: même en pleine campagne. On en fait venir
dans les jardins en toute faifon. Pour cet effet , on fait dans le mois
de Juin des couches de fumier qui contiennent du crottin de cheval.
Au commencement du mois d'Août les crottes de cheval commencent
à blanchir , & font parfemées de petits cheveux ou filets blancs ^
déliés, branchus & tortillés autour des pailles dont le crottin efl formé:
ce crottin alors ne fent plus le fumier , mais il répand une odeur de
champignon. Ces filets blancs ne font que les germes développés des
champignons : l'extrémité de ces filets s'arrondit, groifit en bouton.
Tome lU jQ
18 C H A
& devient , en fe développant , un champignon. Le champignon crû
de cette manière, vient par grofles touffes qui repréfontent une petite
foret : les uns ne font qu'en boutons , tandis que les autres font tout
forme'j. Peut-être chaque touffe de champignon étoit-elle enfermée
dans la même, graine. Ces filets blancs ou germes de champignons
peuvent fe conferver long-temps fans pourrir ; & même defiechés, ils
reviennent de produifent des champignons Ijrfqu'on les remet fur des
couches.
Ce font ces champignons qui croiflent fur la couche, dont on fait
ufagc dans les ragoûts. Fungus campejiris , efcuUntus , vulgatijjimus ,
Parijienf. M. Halter dit qu'il y a d'autres efpeces aufli délicates que ce
champignon. Tel eft le laferas jaune , ou ^oronge , la chanterelk , le
champignon à lait doré. Les légiflateurs en cuihne , les maîtres de la
fcience de la gueule ( ainfi que s'exprime Montagne ) , croient être parvenus
à difiinguer fans méprife, les bons champignons d'avec les mauvais.
Ils aflurent que les bons champignons font ceux qui prennent leur
accroiiTement dans la durée d'une nuit , foit naturcllem.ent , foit par
art fur des couches de fumier ; qu'ils doivent être d'une grofieur
médiocre, à -peu -près de celle d'une châtaigne, charnus, bien nourris,
blancs en deffus , rougeâtres en deffous , d'une confiflance afiez ferme ,
moelleux en dedans , d'une odeur & d'un goût agréables .-qu'au contraire
les champignons mauvais & pernicieux font ceux qui ayant demeuré
trop long-temps fur la terre, font devenus bleus, noirâtres ou rouges,
& dont la tige eft devenue creufe. Mais ces marques générales ne
fatisferont pas aifément des Phyficiens; ils demandent des marques
caradériftiques qui indiquent dans le grand nombre des variétés d'efpeces'
de champignons naturels, \qs bonnes , les douteufes & iQspernicieufes : con-
noiflance bien importante.
On prétend qu'il y a certaines efpeces de champignons dont l'odeur
a produit à des perfonnes une efpece d'épilepfîe , & qu'une femme
tomba dans une maladie qui dégénéra en folie , pour avoir mangé
des champignons vénéneux. M. le Monnier rapporte daiis un des
Mémoires de l'Académie , les accidens fâcheux arrivés à toute une
famille pour avoir mangé du fungus média magnitudinis cueilli dans la
châtaigneraie de Chambourcis. Il paroît que les fymptômes produits fi
promptement fur les fibres nerveufes , font occadonnés par des par-
ticules acres & cauftiques. Il eit donc avantageux de bien laver dans
C H A ip
de l'eau , & encore mieux dans du vinaigre , les champignons que
l'on regarde comme de bonne efpece , parce que ces fluides enlèvent
le peu de parties acres qui pourroient être nuifibles. M. ie Monnhr a
eu le même fcntiment fur la nature du champignon.
Si toutefois quelqu'un par ignorance , par gourmandife, par témérité
ou par peu de confiance dans ces fages préceptes , avoit mangé des
champignons empoifonnés , le meilleur remède ed: d'abord d'avoir
recours aux vomitifs pour débarrafier promptement l'eftomac de ce
poifon. Si on n'en a point fous fa main de tels que l'on délire, com.me
la guérifon ne dépend que de la promptitude du fecours , on peut
mettre du fel marin dans de l'eau tiède , en faire boire au malade
quantité & coup fur coup : cette eau diflbut le champignon , irrite
l'efiomac & provoque au vomilfemient. On doit faire fuccéder les mi-
noratifs , les favonneux, les adoucifians , comme le lait & les cata-
plafmes émolliens pour diftendre les parties à l'extérieur. M. Bourgeois
dit que pour émouffer & envelopper la cauflicité des champignons »
adoucir en même temps l'érofion & l'inflammation qu'ils produifent
fur les membranes de l'efiiom.ac & des inteftins , il faut faire ufage,&
à grandes dofes réitérées , d'huile , des déccxflions de racines & de
femences mucilagineufes , des gelées de corne de cerfâ: d'ivoire , des
dilToiutions de gommes arabique & adragante dans l'eau de rofe, après
avoir fait précéder les émétiques & les laxatifs doux.
Les diftérens corps fur lefquels peuvent croître diverfes elpeces de
champignons , nous préfentent des phénomènes dignes d'attention. M»
Méri a vu à l'Hôtel -Dieu de petits champignons plats & blanchâtres,
fur des bandes qui avoient été trempées dans l'oxicrat & enfuite ap-
pliquées fur les membres fraâurés des malades. M. Léméri a obfervé
le même phénomène.. On a vu de même des champignons croître en
vingt - quatre heures & parvenir à la groHeur du doigt , fur des
bandelettes dont on enveloppoit les jambes d'un enfant rachitique ,
& fur lefqu elles on afin jettiflbit des écliffes. ¥ï..dc Fougeroux a communiqué
à l'Académie des Sciences une obfervation d'une autre nature , mais
qui contribue encore à faire voir combien ce végétal (inguiler a de
vertu produdive , & combien il s'accommode aifément de toutes fartes
de fituations: il s'agit d'un champignon qui avoit pris fa croiflance
fur un autre , mais en fens renverfé ; en forte qu'il y étoit adhérent
par fa partie arrondie , & préfeatoit au dehors fa partie concave &
C z
iîo C H A
feuilletée , furmontée d'un' pédicule qui paroifToit très-net, & n'avoir
jamais été attaché à aucun corps d'où il eût pu tirer fa nourriture.
Ces phénomènes (inguliers donnent lieu de croire que les graines de
champignon étant extrêmement fines , peuvent être aifément tranf-
portées fur dilTérens corps , & qu'elles éclofent & deviennent fenfibles
dans les endroits où elles trouvent des fucs & un degré de chaleur
propres à les faire paroître.
Il en eft de même pour les champignons de cuinne. Les crottes de
cheval ne renferment donc pas feulement les graines de ces champignons ,
mais elles ont auflî un fuc & même une chaleur propre à les faire
germer , de mêm.e que le fuc qui fe trouve dans la racine du panicaut
lorfqu'il fe pourrit , fait éclore le germe du plus délicat de tous les cham-
pignons ( Vorongc ) qui naifTent en Provence & en Languedoc ; ainfi
la mouffe fait germer la graine des moujfcrons. C'efl par la même raifon
que quelques efpeces de champignons, à^ moriUcs ,^ agarics ^^oràlies
de judas , ne viennent qu'aux racines & aux troncs de certains arbres.
D'autres , comme la chanterdU^ la davere , viennent en pleine terre
à l'ombre.
Nous allons , fuivant notre plan ordinaire, préfenter dans un tableau
raccourci les diverfes efpeces de champignons qui font de quelque
ufage, & auxquels on peut appliquer une partie des chofes que nous
avons dites ci-deflus : on les connoîtra mieux par contrafte. Nous
parlerons donc des moujfcrons , des morilles , des truffes , de la pierre à
champignon , de la v^[^e de loup & de Voreillc de Judas,
Moujferon.
Mousseron ou MouCERON , fungus vernus , efcuhntus , plleolo ro-
tundiori. C'eft une petite efpece de champignon qui croît au printemps
dans les bois au milieu de la moulTe , fous les arbres , même entre
les épines , dans les prés ; il en revient chaque année au même lieu
d'où l'on en a tiré. On les reconnoît à leurs petits pédicules cylin-
driques , crépus , ridés à leur bafe , très-courts , qui "foutiennent de
petites têtes de la grofleur d'un pois, mais qui deviendroient beaucoup
plus gros fi on ne les arrachoit pas : ils font garnis en defTous de
plufieurs filions qui s'étendent du centre à la circonférence. Toute la
fubfiance de ces champignons, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, eft
blanche , charnue , fpongieufe , agréable au goût & d'une bonne
/
C H A 2 1
odeur ; c'eft pourquoi on les emploie dans les meilleures tables dans
les fauces. Nos Cuifiniers s'exercent à les préfenter en ragoût fous
toutes fortes de faces ; & l'on nous offre à manger des croûtes aux
mouffcrons , des moujfcrons à la crème , à la provençale , ôcc.
Monllc,
Morille , hohtus efculentus , feu fungus cavernofus aut porofus. C'eft
une efpece de champignon qui porte des graines. Ce champignon eft de
la grolîeur d'une noix ; quelquefois plus. Sa fubfcance cft charnue
toute percée de trous ; de forte qu'elle rgffemble très-bien à des
rayons de miel. Sa couleur eft d'un blanc un peu rougeâtre , ou
fduve ou noire : elle eft concave en dedans , blanche & comme enduite
d'une fine poufîiere. Le pédicule qui foutient la morille eft tout
blanc , creux bc garni à fa partie inférieure de racines menues 6c
filamenteufes.
Quelques perfonnes diftinguent quatre efpeces de morllks par leur
grofleur , leur figure & leur couleur. On trouve cette plante au
printemips dans le bois de Vincennes , dans la forêt de Saint-Germain,
dans la vallée de Montmorency, & dans la plupart des lieux herbeux,
humides , &c.
Les morilles récentes ou feches, préparées de différentes manières,
paffent pour délicieufes. On les met dans différens affaifonnemens. Qui
n'a oui parler aux gourmands de morilles farcies , de morilUs frites ,
de morilles à l'italienne, de morilles au lard , de pain aux morilles de
de tourtes aux morilles ? On fait un grand ufage de crème aux morilUs
pour exciter à l'ade vénérien , & difpofer efficacement ceux qui en
mangent à le fatisfaire. Les Romains beaucoup plus voluptueux que
nous faifoient leurs délices de morilles. Néron appelloit ce genre de
nourriture le ragoiU ou mets des Dieux , cibus Deorum , parce que
Claude dont il fut le fuCceffeur , empoifonné par des morilles , fut
mis au rang des Dieux ; mais ces morilles , fuivant Suétone , étoient
farcies de poifon , boleti mcdicaii.
Truffe,
Truffe , tuhera, II paroît que la truffe eft regardée comme une
efpece de champignon , puifqu'on la range dans la claffe des champignons
qui portent des graines, La truffe a la forme d'une maffe charnue ,
22 C H A
informe, prefque ronde, raboteure, marbrée ou veinée ordinairement;
ce qui défigne une organifation. On en trouve de grifes & de noires.
Lorfqu'elles commencent à naître , elles ne font guère plus grofTes
qu'un pois : on dit qu'on en a vu quelquefois , mais très-rarem.cnt ,
qui pefoient jufqu'à une livre. La truffe naît & croît dans la terre ,
& ne paroît pas au dehors. Comme les cochons en font fort friands ,
quand ils en trouvent en fouillant la terre , ils annoncent leur bonne
fortune par des cris de joie : cette indiforétion avertit bientôt le
Fâtre : celui-ci aux aguets accourt , les écarte , les chafle à coups
de bâton , & réferve cetj:e trouvaille pour les tables où fe trouvent
des palais plus délicats. On reconnoît encore les endroits où elles
font fous terre , lorfqu'en regardant horizontalement for la forface de
la terre , on voit voltiger au-defîùs d'un terrain léger & plein de
crevafies , des effaims de petites mouches qui font produites par de
petits vers fortis des truff'es , & qui y avoient été dépofés par de
femblables mouches dans l'état d'œufs. C'efc en Septembre & en Oc-
tobre que Ton fait la recherche des truffes. Communément on ne
trouve point d'herbe dans les endroits où il y a de ces fortes de
champignons : les pays chauds , les lieux fecs & fablonneux , tels
que certains lieux du Périgord , du Limoufin , de l'Angoumois , de
la Gafcognc & particulièrement de l'Italie , font Iqg f ndroits où l'on
en trouve. Il y en a de plufieurs efpeces j mais les plus excellentes
font de moyenne groffeur , bien nourries , dures , ayant beaucoup-
d'odeur , & une faveur particulière qui eft très -agréable pour bien
des perfonnes. La Savoie produit une efpece de truffe qui pefe quel-
quefois jufqu'à deux livres, & qui a exadement le goût de l'ail: ces
efpeces font agréables pour les perfonnes flattées de cette forte de
faveur.
On trouve dans les forêts épaiffes & les montagnes efcarpées d'Al-
lemagne & de Hongrie, une efpece de truffe de la groffeur d'une noix,
d'un noir pourpré & d'une dureté moyenne , d'une odeur Ipermatique:
c'efî: le boktus ccrvi des Auteurs. On donne de grands éloges à ces
trufî'es ; on s'en fert dans les remèdes qui excitent à l'amour.
Racine de Champignon, appellée improprement Pierre A Cham-
pignon , fungif&r lapis. La racine de champignon fe trouve en difterens
endroits du royaume de Naples , & particulièrement dans la Pouille.
Elle produit prefque en tout temps de grands champignons blanchâtres ,
C H A 23
poreux en deiïbus ; dont la tête qui eft convexe ", efl foutenue
par un pédicule d'environ cinq pouces de haut. Ce champignon ed
charnu , bon à manger , & fort recherché dans les pays où il fe trouve.
On tranfporte cette racine en difFérens endroits de l'Italie ; & on en
a vu en France qui ont végété pendant quelques années , & produit des
champignons. Elle eft vivace & d'un volume affez conlidérable. Il
y a des endroits où , quand cette racine eft couverte d'un peu de
terre, & enfuite arrofée d'eau tiède, elle produit des champignons
au bout de quatre jours.
f'^ejffè de Loup.
Vesse de loup , fungus rotundus orbiculans aut lycoperdon bovijîa,
C'eft une efpece de champignon un peu arrondi , environ de la
grofleur d'une noix , membraneux , &: dont le pédicule n'eft prefque
point apparent. Quand il eft jeune , il eft couvert d'une peau blan-
châtre & cendrée , qui n'eft point lifte , mais comme compofée de
plufieurs grains , renfermant d'abord une pulpe molle , fpongieufe
dans la fuite. Lorfque ce champignon eft arrivé à fa maturité , il
. eft noirâtre; fa pulpe fe defleche , fe convertit en une pouftiere d'un
brun jaunâtre; fi on comprime ou écrafe ce champignon, il fe crevé,
pete & jette une pouftiere très-puante en manière de fumée. Cette
pouftiere examinée au microfcope , paroît être une infinité de petits
globules garnis d'une petite pointe. Ces globules font autant de graines
qui s'implantent dans la terre & rèproduifent la plante.
Cette efpece de veffe de loup croît aux environs de Paris : on
en voit une efpece fur les Alpes qui croît de la grofleur de la tête.
Ce champignon pris intérieurement , eft un dangereux poifon ; mais
employé à l'extérieur, c'eft un excellent aftringent; En Allem.agne,
tous les Barbiers ont de ces vieux & grands champignons qu'ils font
fécher. Ils les réduifent en poudre ; cette poudre jetée fur les plaies ,
arrête le fang, defteche les ulcères purulens , & arrête les hémorroïdes.
On ne doit point manier ni employer ce champignon fans précaution ,
parce que fa poudre lancée dans les yeux produit de grandes ophtal-
mies , ou inflammations des yeux.
Oreille de Judas,
Oreille de Judas ou champignon de sureau, agarkus aurïculcz
forma, Efpece de champignon ainfi nommé parce qu'il a la figure &
24 C H A
fouvent la grandeur de Toreille d'un homme. Il croît fur le fureau
qui fournit à ce champignon le fuc qui lui eft propre pour le faire
paroître. On en fait ufage , écralé & appliqué extérieurement, comme
d'un réfolutif, pour les tumeurs & les inflammations de la gorge. Nous
avons vu à Rouen des Médecins en donner en gargarifme pour laver
la gorge dans l'angine : on faifoit alors bouillir ce champignon dans
du lait. Nous avons parlé de l'agaric au n ot Jgaric^ On peut confulter
les deux volumes avec figures iri'^°, que le Doéljur Sclmjjér vient
de publier fur les champignons.
Champignon marin. Nom qu'on donne à un animal marin de
couleur rouge , qui n'a point de fang , & qui fe voit dans l'ile de
Cayenne & ailleurs. On le donne auflî à deux autres produdions :
l'une eft un zoophyte, c'eft Xanémom de mer ; voy&i^ ce mot^ L'autre
eft un polypier de la nature des madrépores , lamelleufe , pierreufe,
ordinairement arrondie & conique , convexe d'un côté & concave de
l'autre. Leur face convexe eft feuilletée , & les lames font minces ,
larges , plus ou moins dentelées , partant d'une fente ou fiUon aflTez
profond qui eft au fommet , & allant aboutir en droite ligne à la
circonférence , où elles fe replient pour remonter au fommet de la
partie concave. Ce polypier eft quelquefois oblong & peu conique ;
fes lames ftnueufes font entrecoupées ; ce qui lui donne un afpeét
chatoyant. On l'appelle champignon limace. Si les lames font radiées,
on lui donne le nom de taupe marine , & celui de chenille marine quand
le champignon eft courbé de façon à imiter une chenille pliée en deux
dont la tête ôç la queue fe rapprochent. En général ces polypiers
font femblables pour la figure à un champignon dépouillé de la peau
qui couvre fes feuillets cellulaires ou dont la partie inférieure feroit en
deffus. Le champignon de mer madrépore eft très-dur. Les plus grands
qui ont quelquefois une forme conique , pourroient couvrir la tête ;
aulli les appelle-t-on bonnets de Neptune, Voyez ce mot & celui de
FONGIPORE.
CHANCELAGUA. Plante de la nouvelle Efpagne. Elle croît en
abondance aux environs de Panama. Son goût eft amer comme celui
de la centaurée ; & fon infufion a l'odeur aromatique du baume du
Pérou. Telle eft la defcription , peut-être trop fuccinte , qu'on trouve
de cette plante dans les Mém. de VAcad. ann. lyoy. pag. 62. On lui
attribue à-peu-près les mêmes propriétés du quirii^uina : fa dofe eft
d'un
C H A 2 ;
d*un à deux gros ^ prîfe en infufion la plus chaude qu'il eft pofTible.
Quand le malade a pris ce remède , on le couvre bien & on le
fait fuer.
M. de, Bougaînville nous a donné un paquet de cette plante. Elle
reflemble aflez à notre petite centaurée d'Europe ; elle ef^un peu
moins haute. On la nomme auflî cachen-lagiim ou cancha-lagua ; elle fe
nomme en Chily cachîn-lagua. On en fait des gargarifmes pour les maux
de gorge : en breuvage , c'eft un excellent fébrifuge.
CHANCELAGUE. C'eft le canchïlapia ou le cajichalagua des Es-
pagnols. Plante que l'on regarde comme une efpece de petite centaurée
à fleur de couleur pourpre, & qui croît à Guayachili dans le Pérou,
où on en récolte une grande quantité. Elle s'élève à la hauteur d'un
pied : fes tiges font rameufes , coudées ; fa racine eft infipide , li-
gneufe ; la tige anguleufe ; les feuilles font conjuguées, & au fommet
des rameaux. La fleur a un calice tubuleux , échancré en cinq parties
longues & pointues; la corolle eft monopétale & de couleur pourpre,"
infundibuliforme ; l'ovaire fe change en deux capfules oblongues , en
parties cylindriques , unies & ftriées , & qui renferment dans la ma-
turité du fruit , quantité de petites femences , de couleur obfcure &
d'une faveur fort amere. On eftime cette plante , apéritive , emmé-
nagogue, fébrifuge & très-antivermineufe , prife en fubftance à la
dofe d'un demi-gros. Prife en théi-forme , & en grande quantité ,
çUe purge , & eft fudorifique. Cette plante , fi ufitée dans les Indes
Efpagnoles , paroît être le chancclagua.
CHANTERELLE. Nom donné à une efpece de chajnpignon. Voyez
ce mot.
CHANTRE ou CHANTEUR , ou POUILLOT , afîlus. Petit
oifeau du genre du becfigue , efpece de petit roitelet cendré & non
crête. Sa femelle pond cinq œufs à coque blanche & tiquetée de
roux : cet oifeau habite les bois où il vit d'infectes.
CHANVRE , cannabis, C'eft une plante annuelle des plus utiles ^
dont il y a deux efpeces qui croiffent toutes deux delà même graine:
l'une porte les fleurs mâles ou étamines; l'autre porte la graine.
La tige de ces plantes eft quadrangulaire , velue, rude au toucher,
unique, creufe en dedans, haute de cinq ou fix pieds, couverte d'une
ccorce qui fe partage en filets. Ses feuilles naiffent fur des queues
oppofées deux à deux ; elles font divifées jufqu'à la queue en quatre,
Tom& //, D
26 C H A
cinq , ou en un plus grand nombre de fegmens étroits , d*un ver«
foncé 5 rudes , & d'une odeur forte. L'efpece qui porte les étamines
ou la fleur , & qui eft l'efpece fécondante , efl appellée improprement
par les gens de la campagne , chanvre femelle ; & ils nomment l'autre
efpece qili porte les fruits , chanvre mule. En changeant cette faufïe
application des noms , on retrouve la vérité.
Dans l'efpece de chanvre à fleurs , les fleurs fortent des ai0elles
des feuilles fur un pédicule chargé de quatre petites grappes placées
en fautoir , compofées d'étamines. Les fruits naiflTent en grand nombre
le long des tiges fur l'autre efpece, fans aucune fleur qui ait précédé:
ils font compofés de pifliils , enveloppés d'une capfule membraneufe,
A ces pifl:ils fuccedent des graines arrondies , lifTes , qui contiennent
une amande blanche , douce , huileufe , & d'une odeur forte. Cette
graine porte le nom de chenevis.
On feme du chanvre dans prefque tous les pays , à caufe des
filamens que l'on retire de fes tiges, & dont on fait des toiles plus
ou moins belles , fuivant la nature du terrain où le chanvre a crû ,
les préparations qu'on a données à la terre , la bonté de la graine^
le temps de la récolte , & la manière dont on le prépare. On en fait
auffi. des voiles pour les vaiffeaux , & des cordes , dont l'utilité dans
l'emploi de nos machines & pour la marine,, eft: aujourd'hui connue
de toutes les nations.
Un objet fi intéreflant a attiré les yeux de plufieurs Obfervateurs
très-intelligens &très-induftrieux.MM. Dodart^ Duhamel ôc Marcandier,
nous ont donné des Traités remplis d'expériences & de vues intéreflTantes
fur cette matière. On trouve aufïi dans un Mémoire de la Société
d'Agriculture de Berne , d'excellentes inftrudions fur la culture du
cAd/zvre. L'Auteur de ce Mémoire, dont nous allons extraire reffentiel»
avoit étudié les Ouvrages des Auteurs précédens.
Quoique le chanvre croiffe à-peu-près par-tout , les terrains qui
lui conviennent te mieux font les terres grafTes & humides. Comme
il fupporte mieux le froid que le chaud , il réufllt mieux aufli dans
les pays du Nord & les lieux tempérés , que dans les pays chauds :
il fe plaît finguliérement fur les bords des rivières. On en feme , dit-on,
aflez en France , pour que ce Royaume foit en état de fe pafler des
Etrangers à cet égard. On voit cependant dans le nouveau volume de la
Société d'Jgriculiure de Bretagne , qu'elle fait des plaintes ameres de ce
CHA 27
que Sa Majeflé tire du Nord la plus grande partie de fes approvi-
fionnemens en chanvre. Quelques perfonnes prétendent, que lafupé-
riorité du chanvre du Nord, a plus contribué que rinfuffifance de la
Province à faire négliger ceux de la Bretagne ; mais cette opinion
eft démontrée très-faulTe , puifque , fuivant les expériences de M,
Duhamel , les chanvres de Riga ont donné moins de premier brin' par
quintal , que les chanvres de Lanion, De plus , on obferve dans la
marine , que le chanvre de Riga pourrit plus promptement que celui
de Bretagne, Dès qu'on favorifera cette branche importante de com-
merce, le cultivateur , travaillant à Tenvi dans un climat favorable,
en fera d'abondantes récoltes , qui fuffiront bientôt au befoin d'une
partie de la navigation commerçante. On en cultive en Angleterre ,
mais pas aflèz pour fournir la marine du Roi : il en eft encore de
même à l'égard des Provinces-Unies. Si à l'Amirauté d'Amfterdam ,
(ville où les Hollandois ont leur plus grand magafin pour la marine)
l'on voit tant de chanvre , ce n'eft point totalement de leur crû ;
quoique leur fol foit très-convenable à la culture de cette plante >
ils en tirent de leurs voifins , & fur-tout de Riga.
Il eft efTentiel , avant de femer le chanvre , d'avoir bien préparé la
terre par des engrais , par des labours multipliés. C'eft une excellente
méthode , lorfqu'on laboure la terre pour la première fois , que d'en-
tafTer les gazons & de les brûler ; ils fourniftent , par ce moyen, un
fel propre pour la végétation. On doit choifir pour femence de la
graine d'une couleur obfcure qui marque fa maturité , de l'année
précédente; car, plus vieille , elle ne vaut rien. On doit la femer en
Avril , plutôt ou plus tard , fuivant le climat & la faifon. Dans les
terres gralfes, on feme plus épais que dans les terres feches & maigres:
il faut que la femence foit mife très-profondément en terre , bien re-
couverte, & la défendre jufqu'à ce qu'elle foit levée, contre les oifeaux
qui en font fort avides,^
Le chanvre levé fort vite dans une terre mouillée ; c'eft le contraire
dans une terre feche , à moins que l'art ne vienne à fon fecours. S'il
levé rare , il eft à craindre que l'herbe ne l'étouffé ; dans ce cas il
faut arracher les mauvaifes herbes : mais dès que le chanvre eft plus
grand que l'herbe , il l'étoufte en la privant d'air. En Angleterre , où
on cultive le chanvre pour faire des cordages & des toiles grolîîeres
pour les voiles , lorfque la graine eft levée , on arrache beaucoup de
D 2
2% C H A
chanvre , en forte qu'il refte un pied de diftance entre chaque tige :
la plante ainfi ifolée , prend plus de nourriture , jouit davantage des
influences de l'air , devient plus grofTe , &: donne par conféquent des
fils plus gros. Lorfqu'on cultive le chanvre pour en faire des toiles
d'un ufage ordinaire , on le laifTè lever épais ; par ce moyen, les tiges
plus fines & plus pliantes , donnent des fils plus fins. Le fil que l'on
tire du chanvre fin , eft aulîî fort que celui du chanvre grolîler..
Vers le mois de Juillet , lorfqu'on apperçoit que le chanvre , que
nous avons appelle mâle , & que les payfans novumQut femelle , com-
mence à devenir jaune vers le haut , & blanc vers la racine , & qu'on
voit tomber les fleurs à étamines ; dès qu'on juge que la poufliere
de ces étamines, prefque toute diflipée, a eu le temps de féconder le fruit ,
il faut alors arracher ce chanvre mâle brin à brin ; il ne pourroit refier
plus long-temps fur pied , fans préjudice : fi on l'arrachoit trop tôt ,
la graine ne feroit point fécondée ; on ne trouveroit que des grains
vides & trompeurs. On n'arrache le chanvre femelle qu'un mois après,
ou même plus. Après avoir arraché le chanvre , on le lie par faifceaux,
on le difpofe la tête en haut , afin que le foleil le faffe fécher. On le.
bat enfuite pour en tirer la graine : celle qui fe fépare facilement^
efl la meilleure & la plus propre pour la femence.
Préparation du chanvre»
Lorfque le chanvre a été arraché , il faut le faire rouir. M. Marcandler
juge qu'il eft plus avantageux de faire cette opération lorfque le chanvre
eft encore vert , & que les fucs circulent encore , que d'attendre qu'il:
foit fec ; car il a obfervé que , lorfqu'il pleut fur du chanvre à moitié
fec , la pluie le tache & le noircit : d'ailleurs , fuivant cette méthode ,
il ne faut que trois ou quatre jours pour le faire rouir; au lieu que
il on le lailTe fécher auparavant , il faut huit ou dix jours.
Pour faire rouir le chanvre , on doit le mettre dans une mare d'eau ,
expofée au foleil (ce lieu s'appelle routoir ou rutoir ). Après avoir
coupé la tête & les racines qui font inutiles, on l'entafTe en bottes,
& on le charge de pierres , afin qu'il plonge dans l'eau,
La police doit veiller à ce qu'on ne faffe point rouir le chanvre
dans des eaux courantes ; car l'eau dans laquelle on macère le chan-
vre, devient fi puante, que c'eft un très-dangereux poifon pour ceux
j^ui en boivent j & les antidotes les plus excellens , donnés à temps >
C H A 2j>
ont bien de la peine à y remédier. Cependant en bafle Bretagne, où
Ton regarde le chanvre comme une matière de première utilité ;
parce que la fureté de la plupart des vailTeaux, & même des barques
qui font le cabotage , dépend de leur bonne qualité , on ne balance
point à rouir dans des eaux courantes les chanvres , qui en chafTent
tout le poiflbn , & fur-tout le faumon.
D'autres font rouir leur chanvre , en Texpofant fur le pré , à la
rofée & au foleiî. Le but de l'opération que l'on appelle roui, efl: de
diflbudre une fubftance gommeufe qui attache à la tige les fils de
l'écorce , afin qu'on puilTe les féparer plus facilement. Si on laifle le
chanvre rouir trop long-temps , il fe pourrit , & le iSl en eft plus
foible. S'il y relie trop peu , on ne peut pas le féparer : l'expérience
feule apprend le temps qu'il faut l'y laiflèr. L'eau , la température
de l'air , le chanvre même y apportent de la différence , fuivant les
obfervations de M. Duhamel. Cet Académicien a trouvé , i°. que le
chanvre étoit plutôt roui dans une eau dormante que dans une eau
courante , dans une eau trouble que dans une eau claire ; 2°. qu'il
eft plutôt préparé dans un tem^ps chaud , que dans un temps froid ;
3°. que le chanvre qui a crû dans une terre légère , qui a toujours
eu allez d'humidité , qui a été cueilli de bonne heure , fe rouit plus
vite que celui qui a crû dans une terre forte & dans des lieux fecs.
On dit que le chanvre qui demande le moins de temps pour être
roui , vaut mieux que l'autre , parce que le fil en eft plus fort.
Comme le chanvre femelle refte plus long-temps en terre , qu'il
reçoit plus de nourriture , le fil qu'il donne eft plus grofîîer & plus"
fort : le chanvre mâle , qu'on cueille le premier , donne des fils plus
fins , & eft le plus eftimé pour faire la toilcr
Lorfque le chanvre a été bien roui , on le lave & on le fait fécher ,
les uns au foleil , les autres dans un féchoir. Il s'en élevé alors une
vapeur forte, inébriante ; & très-ftupéfiante , dont on doit toujours
fe méfier quand on le defteche dans un lieu fermé ou peu aéré. Le
chanvre ayant été ainfi préparé , les filamens ou fibres longitudi-
nales , fe uétachent aifément , & on les fépare de la partie ligneufey
en le tàllant , c'eft-à-dire , en rompant le bout d'un tuyau , & en-
tirant d'un bout à l'autre l'écorce qui eft autour. Cette opération ,,
ufitée dans certains pays , eft très-longue. Le plus communément
on ïeffadc , c'eft^à-dire , on le broie fous une machine faite exprès ^
30 C H A
& que l'on appelle macque ; de cette manière , on fait beaucoup plus
d'ouvrage en bien moins de temps. La Société d' Agriculture, de Bretagne
fe propofe d'examiner par l'expérience , fi la macque ou broie de Li-
vonie , dont M. de Ckoifeui a fait venir un modèle , & qui diffère
un peu de la nôtre , ne lui eft pas préférable , comme on le conjec-
ture par l'examen de fa ftrudure , qui paroît propre à détruire moins
les filamens du chanvre , lorfqu'on le mâche. Par l'opération de la
macque , le fil fe détache de la chenevotte , qui , pour lors , eft
réduite en pouffiere. La filaffe , quoiqu'ainfi préparée , contient encore
beaucoup de parties étrangères , dont il faut la débarraffer. Pour cet
effet , les uns la battent ; d'autres la pilant dans des mortiers de bois;
d'autres , comme dans certains endroits de la Livonie , la font paffer
fous un grand rouleau fort pefant, mu par le moyen d'une roue à eau,
& qui roule fur une table ronde avec une extrême rapidité. Les fils
du chanvre qui a pafle fous cette machine , fe divifent & fe féparent
mieux que par la première opération. L'inconvénient de cette mé-
thode , eft qu'elle fait beaucoup de pouffiere , qui occafionne aux
ouvriers des maladies très - dangereufes.
Après que le chanvre , par ces premières opérations , a été dé-
pouillé de la partie ligneufe, on le pafTe fucceffivement fur des efpeces
de peignes de fer , gros d'abord , & enfuite far de plus fins : par cette
manœuvre , le chanvre acquiert de la douceur , de la blancheur &
de la finefle.
Lorfque le chanvre a été aflfez long-temps dans l'eau , pour que
l'écorce , qui eft toute compofée de fils, puille fe détacher aifément,
cette écorce , encore dure & élaftique, ne paroît pas propre à produire
des fils aifez fins. M. Marcandicr , après des expériences réitérées , &
faites avec une intelligence fuivie , qui fuppofe beaucoup de fagacité
& de zèle , eft parvenu à lui donner facilement & fans frais , toutes
les bonnes qualités qui lui manquoient , & à épargner beaucoup la
peine & la fanté des ouvriers ; tant eft grand l'empire de l'art fur la
nature. Quand le chanvre a reçu la première préparation d'être teille
ou broyé , & qu'il eft réduit en filaffe , il propofe de prendre la filafîe
par petites poignées , de les mettre dans des vafes remplis d'eau , &
de les y laiffer plufieurs jours, ayant foin de les frotter & de les tordre
dans l'eau , fans les mêler. Cette opération eft comme une féconde
efpece de rouiffage ; le chanvre fe décharge de fa gomme la plus
C H A 31;
groffiere : on le tord , on le lave bien à la rivière ; puis on le bat fuc
une planche , & on le lave encore de nouveau. On reconnoît que le
chanvre eft purgé de fa crafTe , lorfqu'il a un œil clair. Les "parties
du chanvre fe féparent alors , fe nettoient & paroiflènt aufli belles que
fi elles avoient pafTé par le ftîran : on le tord , Se on le fait féchei;
fur des perches.
Le chanvre préparé par cette méthode , paroît compofé comme
d'autant de fils de foie. Plufieurs expériences ont appris que , par
cette opération , le plus mal-propre & le moins prifé peut acquérir
des qualités qui l'égalent à celui qui eft regardé comme le plus par-
fait,'Après cette opération, on remet le chanvre au féranceur , pour en
retirer les fils les plus fins : on n'eft plus obligé de le battre autant ;
la matière fe travaille plus facilement , & l'ouvrier n'eft pas tant ex-
pofé à cette poufllere fi dangereufe dont nous avons parlé.
Le chanvre ainfi préparé , égale le plus beau lin , & ne donne
qu'un tiers d'ètoupes. Cette étoupe , qui jufqu'ici n'avoit été em-
ployée que par les cordiers , donne une matière fine , blanche & douce ,
dont on n'avoit point encore connu l'ufage. On en fait , en la cardant,
une ouate qui vaut mieux que les ouates ordinaires : on peut même ,
en la filant , en faire de très-bon fil. Si on mêle ces étoupes avec
parties égales de laine , on en peut fabriquer des ouvrages de bon-
neterie , de draperie ; mélangées avec du coton , on en peut fabriquer
d'autres ajuftemens ou meubles. La foie de chanvre préparée par M,
Marcandier , peut être blanchie & teinte en diverfes couleurs , pour
les ouvrages de tapifîerie , de broderie , des étoffes , &c. Tels font les
avantages du chanvre. On peut dire , à la gloire de M. Marcardier,
qu'il a fimplifié & redifié la méthode concernant l'économie cham-
pêtre de cette plante & les Manufactures qui l'emploient. Les Nations
étrangères ont couronné M. Marcardicr , en adoptant fa méthode.
M. k F rime de Sévère ^ au fil donné la manière de faire le chanvre fir^
& aufii beau que celui de Perfe. Sa méthode confifte à mettre au
fond d'une cuve de bois , de petites bottes de chanvre peigné & lavé,
& de verfer deffus ce chanvre , qui eft couvert d'une toile , une
ielTîve chaude, bouillante, & compofée d'eau , de foude pulvérifée,
& d'un peu de chaux auflî en poudre. Si le chanvre fe divifê en petits
filamens comme de la toile d'araignée, on le retire j finon, on retire
laleffive'qui s'eft filtrée, on la fait chauffer de nouveau, & on réitère
32 C H A
l'opération. Enfuite on lave bien le chanvre dans Teau claire, puis
on le paiïë dans une eau de fa von bouillante , & enfin on le lave bien
jufqu'à ce que l'eau forte claire , & on le fait fécher à l'ombre : alors
le chanvre eft fin & blanc.
Les feuilles de chanvre paroifïent contenir une vertu enivrante &
afibupifiante. Kœmpfer YcippoYtQ que, dans quelques endroits des Indes
Orientales , on en prépare une boifTon qui enivre , & qui eft d'ufage
dans ces Pays. Quelques - uns mêlent la graine de chanvre avec les
autres alimens, de même que l'orge ; mais elle remplit la tête de fumée,
& fi on en mange trop , elle excite le délire , comme fait la coriandre.
Cette graine émulfive, bouillie dans du lait, eft utile pour la toux &
la jaunifie. Quelques AuteursTont donnée aufïî pour un fpécifique contre
la gonorrhée , fur - tout lorfqu'elle eft accompagnée d'éreélions fré-
quentes &douloureufes. On en exprime encore une huile bonneà brûler,
& qui eft très - réfolutive. On dit que fi l'on donne de la graine de
ckanvre aux poules , elles pondront des œufs même au cœur de l'hiver;
mais 5 comme on l'a très-bien obfervé , cette graine ordinairement les
nourrit trop , & les rend ftériles , en les faifant devenir trop graffes.
CHANVPŒ AQUATIQUE , eft i'eupatoire femelle bâtarde. Foye^
Eupatoire.
CHANVRE DES INDES. Voyei Aloes Pitte.
CHAOS. Les anciens Fhilofophes ont entendu par ce mot, un état de
ténèbres .un mélange confus de particules de toute efpece, fans forme, ni
régularité. Les Naturaliftes,les Sages du Paganifme , les Théologiens,
&:c. des premiers fiecles ont embrafie la même opinion ; le chaos eft pour
eux le berceau de l'univers ; ils rapportent l'origine du monde à une
mafte informe & confufe de matières entafiées pêle-mêle , & mues en
tous fens les unes fur les autres. Des Philofophes Platoniciens , &:c.
admettoient dans le chaos plufieurs périodes & révolutions , comme
des paOages fuccefiifs d'un c/:^(?5 dans un autre, jufqu'à ce qu'enfin,
fuivant eux, les loix du mouvem.ent & les différentes combinaifons aient
amené l'ordre des chofes qui conftituent cet univers. Biirnct ZiiînvQ ,?ivec
raifon , que fi l'on excepte Ariftote & les Pythagoriciens , perfonne n'a
jamais foutenu que notre planette ait eu de toute éternité la forme
que nous lui voyons ; mais que , fuivant l'opinion confiante des Sages
de tous les temps , ce que nous appelions maintenant le Globe terrcfire ,
n'étoit , dans fon origine , qu'une mafle informe , contenant les principes
C H A 5^
& les matériaux du monde tel que nous le voyons. Moyfe , le
plus ancien des Ecrivains , repréfente aufîi , au commencement de
THiftoire Sacrée, le monde comme n'ayant été d'abord qu'une mafle
informe , où les élémens étoient fans ordre & confondus. Quelle def-
cription plus énergique peut-on avoir du chaos ? Le chaos , félon cet
Auteur facré, étoit une maffe couverte d'eau.
Quoi qu'il en foit du chaos des Anciens & de fon origine , il eft conf-
iant que celui de Moyfe renfermoit dans fon fein toutes les natures déjà
déterminées 5 & que leur aflbrtiment ménagé par la main de l'Eternel ,
enfanta bientôt cette variété de créatures qui forment le tableau de
l'univers. Ainfi tout, jufqu'à ce temps, étoit demeuré engourdi dans
la nature : la fcene du monde ne fe développa qu'à mefure que la voix
du Créateur rangea les êtres dans cet ordre merveilleux qui en fait
aujourd'hui la beauté.
CHAPEAU D'EVEQUE , ephmdium. Plante qui croît aux lieux
humides , dans les prés , même dans les jardins. Sa racine fe divife en
plufieurs parties garnies de fibres en deflbus. La tige de cette plante
s'élève à la hauteur d'environ un pied. Les feuilles font amples, larges,
pointues comme celles du lierre , vertes , affez dures , dentelées tout
autour , & attachées trois à trois à des queues menues & rondes. Les
fleurs font petites, de couleur variée, rougeâtres, jaunes, rayées de
blanc, & à quatre pétales difpofés en croix. A ces fleurs fuccedent
des gouffes compofées de deux parties, & qui contiennent des femences
arrondies. On eftime cette plante humedante & rafraîchiflante.
CHAPON, gallus eviratus. Jeune coq coupé, ou poulet mâle à qui
on a ôté les tefticules. Voye^ à Cardclc Coq.
CHARAMAIS , amhcla. Arbre des Indes, grand comme un néflier,
dont la racine eft laiteufe : fes feuilles font d'un vert clair , & femblables
à celles du poirier. Son fruit, appelle /z/7/c£Z-/;z^m/;z àlacôtede Coro-
mandel, eft fort anguleux, d'une couleur jaune & d'un goût aigrelet.
Il naît en grappe , & contient un noyau pierreux qui reffbmble à une
aveline. Les Indiens le mangent communément mûr ou non mûr, confit
avec du fel pour exciter l'appétit : ils en mêlent aufii dans leurs fauces.
Cet arbre croît dans les forêts & fur les montagnes éloignées de la mer
en Canara, en Décan.
Les Canarins & les Décanois s'en fervent en décoâ:ion pour les
Éevres : ils en broient la racine avec de la moutarde, &la fjnt prendre
Tomi, II, E
54 C H A
^ux aflhmatiques.. Ce remède purge violemment par haut & par bas.»-,
c'eft un de leurs médicamens les plus utiles,.
CHARANSON.>"oyq Cliarençon..
CHARBON MINERAL , Charbon de Terre ou Houille , cari>o
petreus,_ C'eft unefubftance inflammable, compofée d'un rnélange de
terre, de pierre , de bitume & quelquefois de foufre. Elle eft d'un
noir foncé, feuilletée, & fa nature varie iuivant les endroits d'où elle
eft tirée. Cette matière, une fois allumée , conferve le feu plus long-
temps, & produit une chaleur plus vive qu'aucune autre fubftance
ipAammaLle; l'adion du feu la réduit ou en cendres ou en une mafie,
poreufe & fpongieufe , qui reiTemble à des fcories ou à de la pierre-
ponce.
On diftingue deux efpeces de charbon minéral : la première eft gralîe,-
dure, ccmpade , d'un noir luifant : elle s'allume difficilement, mais
donne me flamme claire, brillante, accom.pagnée d'une fumée fort
épaifle ; c'cft la meilleure efpece.
Le charbon minéral de la féconde efpece eft tendre , friable , fe
décompofe à l'air & s'allume facilement , mais il donne une flamme
peu vive & de peu de durée. Cette différence qui provient de ce que
celui de la première efpece eft plus chargé de bitume, a donné lieu à
la ciftinélion du charbon minéral en charbon de terre & charbon de pierre.
Le premier, plus bitumineux, fe trouve plus profondément en terre;
le fécond fe rencontre prefqu'à la furface ,"cequi eft caufe qu'il eft.
fpuvent confondu avec des matières étrangères..
Il y a des mines de charbon de terre dans prefque toutes les parties ;
de l'Europe; le plus eftiraé fe tire ai: x- environs de Newcaftle, & fait-
i^n objet de commerce très-confidérr.ble pour la ( rande-Eretagne. Il
s'en trouve en Ecofle une efpece fufcepùble de prendre le poli à un
certain point ; aufli en fait-on des tabatières & des boutons. Les, Anglois
le nomment cannd- co.il.
On a annoncé dans les papiers publics d'A.ngleterre là découverte
d'un nouveau charbon de terre qui fe trouve en Irlande : ce charbon ne
donne point de fumée, mais jette à la ronde une flamme bleue &
conftante , fortement imprégnée de foufre , & qui refte fufpendue
^u-defTus en forme de nuage. Ce charbon fe trouve en très-grande
quantité dans des lits de marbre noir. On prétend qu'il a l'avantage
4e, purifier l'air,. Les habitans , voiflns de ces mines, jouiiTent d'un,
C H A st
^atmofpliere clair & net , tandis que dans les autres parties du royaume
on eft continuellement enveloppé de brouillards épais pendant l'hiver.
Les habitans y jouident d'une bonne fanté , ne font point attaqués
de maladies chroniques. Le Doéleur Mcad difoit que fi on faifoit
ufage de ce charbon à Londres , l'air s'y purifieroit , la Ville ne feroit
plus couverte de vapeurs infedes , & que les maladies qui font la
fuite de l'air épais qu'on y refpire , difparoitroient. i^'ufage de ce
charbon , fur les vaiffeaux , feroit très-utile aux Marins , en procurant
plus de falabrité à l'air qu'ils refpirent fur mer , & les garantiffant de
la fumée dont tout le vaifTsau efl infeâté , lorfque le vent la rabat
dans le vaifTeau.
La France poffede aufii une grande quantité de charbon de la
meilleure efpece. Il y en a des mines en Auvergne , en Bretagne ,
en Normandie , en Hainaut , en Lorraine , dans le Lyonnois , dans
le Forez , tzc. Celui de Château-la-Morliere en Forez a communé-
ment les plus belles couleurs de l'iris ou de la queue de paon. On
-en trouve de femblable dans la mine de St. Hubert , près Saarbruch,
Les fentimens des Naturalifres font partagés fur la formation & fur
la nature du charbon minéral. Le fentiment le plus plaufible , parce
qu'il eft fondé fur des obfervations , eft celui qui attribue au charbon
minéral, ainfi qu'aux difî-erens bitumes , au jayet & aufuccin, une
origine végétale. L^s couches de charbon minéral font ordinairement
couvertes de grès , de pierres calcaires , d'argile & de pierres fem-
blables à l'ardoife , fur icfquelles on trouve des empreintes de plantes
de forêts , fur-tout de fougères & de capillaires , dont les analogues
ne font point de notre continent. Le mur oufoleR toujours compofé
d'une pierre plus dure que le toit. On voit des efpeces de charbon
minéral , dans lefquelles on remarque la véritable texture des couches
ligneufes. Le bois fojjlle trouvé depuis quelques années en Allemagne,
dans le Comté de NaiTau , prouve d'une manière convaincante la
véritable origine du charbon minéral. A la furface de la terre fe
rencontre un vrai bois rélîneux , qui n'eft certainement point de
notre continent. Plus on enfonce en terre , plus on trouve ce bois
décompofé , c'eft-à-dire, friable, feuilleté ; d'une condftance terreufej
enfin , en fouillant plus bas , on trouve un vrai charbon minéral.
Il y a donc lieu de penfer que par des révolutions arrivées à notre
globe 3 des forêts de bois réfineux ont été enfevelies dans le fein de la
E 2
5^ C HA
terre , où au bout de plufieurs fiedes le bois , après avoir (ouffert
unedécompofitlon, s'eft changé en un limon ou en une matière terreufe,
qui a été pénétrée parla fubftance réfineufe que le bois contenoit lui-
même avant fa décompofition , & enfuite a été minéialifée. Tel eft
le fentiment des Chimiftes & des Naturaliftes les plus accrédités. On
nous permettra d'expofer nos réflexions fur la formation des bitumes
en général; elles font le fruit de nos obfervations dans les différentes
mines de charbon ou houillieres que nous avons viiitées pendant plus
de douze ans.
C'eft ordinairement dans les pays montueux & inégaux que fe
rencontrent les mines de charbon. On a , pour les reconnoître, des
lignes qui leur font communs avec les autres efpeces de mines. Voyez
ce mot. Mais ce qui les caraâérife plus particulièrement , c'eft que
dans le vcifinage on découvre d'autres mines de charbon , ou des
pierres chargées d'empreintes de lonchïus & autres plantes du même
genre. Un autre indice eft que pendant les fortes chaleurs de l'été l'air
le trouve rem>pli de vapeurs & d'exhalaifons fulfureufes , & que le
terrain eft.imipregné de bitume ou de terre alumineufe. On découvre
ces mines à l'aide de la tarriere , ou par l'examen des eaux qui
viennent des montagnes , oii l'on foupçonne qu'il peut s'en trouver.
Si le fédiment de ces eaux eft noirâtre , ou fi c'eft une ochre jaune
qui , féchée & calcinée , ne foit prefque point attiiable à l'aimant ^
ce font des indices favorables.
Le charbon minéral fe trouve ou par couche ou par veines dans
l'intérieur de la terre : ces couches varient dans leur épaifieur , qui
n'eft quelquefois que de deux ou trois pouces ; pour lors elles ne
valent point la peine d'être exploitées : d'autres , au contraire , ont
une épaifleur très-confidérable. On dit qu'en Scanie, près de Hel-
fîngbûurg , il y a des couches de charbon de terre qui ont jufqu'à
quarante-cinq pieds d'épaifleur. Ces couches ou veines fuivent toujours
une diredion par^.! ele aux différens lits des pierres ou de terre qui
îes accompagnent i mais leur inclinaifon varie au point de ne pouvoir
être déterminée. On trouve des veines de charbon qui font inclinées
du levant au couchant de plus de trente - fix degrés à l'horizon ,
quelquefois elles fe relèvent tput - à - coup , prennent une nouvelle
diredion , rarement elles paroifTent horizontales , mais décrivent une
courbe en remontant jufqu'à la furface de la terre du côté oppofé à
C H A 57
la veine principale, f^oye^ l'article Filons & celui de Couches de la
Terre. Confidérant que les veines ou couches de charbon font
communément inclinées & ne fe rencontrent point dans les montagnes
primitives , mais dans les fecondaires ou dans les terrains qui avoifi-
nent celles-ci ; d'après la pofition & la forme de ces couches , &c.
nous fommes tentés de croire que le charbon minéral a pour bafe une
terre argileufe qui a été dépofée par verfoir , c'eft-à-dire , précipitée
dans des méandres inclinés , que des révolutions locales avoient
accidentellement préparés : des eaux limoneufes s'y précipitant , la
terre s'en fera féparée & aura formé les couches matrices du charbon ,
de-là les feuilletis plus ou moins épais de cette efpece de bitume terreux:
la matière infiam.mable minéralifée ( qui eft le le bitume proprement
dit ) amafTée dans des cavités qui avoifinent ces dépôts de couches
matrices , & produite par la décompofition des arbres réfineux ,
peut-être aufli des infiltrations de fubftan ces tourbeufes, terres favon-
neufes , &c. cette matière inflammable , dis - je , fubiiîânt une
fermentation à l'aide des mélanges , fe fera élevée comme au bain-
marie , & aura paifé par les crevafles , les méandres , en mafquant
& pénétrant les couches matrices dont nous avons fait mention : c'eft
probablement ainiî que la plupart des charbons de terre ont été
formés ; dans ceux oii l'on trouve des empreintes végétales , la terre
en eft argileufe ; &: dans ceux où l'on trouve des empreintes animales ,
foitde teftacées , ou de cruftacées , &c. la terre en eft marneufe ; auflî fait-^
elle eftervefcence avec les acides. Nous avons encore obfervé que le
bitume qui rend noir le charbon déterre, n'a cette couleur que parce
qu'il a touché immédiatement à la matière du feu. Sa confiftance eft
due à la terre qu'il a pénétrée ; car fi le bitume noir s'élevoit à nud
dans les fouterrains & fe figeoit loin du foyer , il formeroit un bitume
femblable à celui qui dégorge du fond des eaux , & produiroit ou
l'afphalte ou le jayet. C'eft le degré de minéraiifation , de concen-
tration , d'évaporation , le voifinage ou l'éloignement du feu local
qui produit des différences entre la pefanteur , la confiftance , l'odeur
& la couleur des bitumes : le naphte & le fuccin jaune ne femblent
différer que par la confiftance : il en eft de même de Xajphalte & du
jayei comparés à la pi[!afphaUe èc au maliha. Le bitume qui a pénétré
la terre matrice du charbon minéral étoit dans l'état de pétrole. S'il
n*a pas fait corps avec elle, il diftille par les crevaffes ou dégorge
5-^ C H A
fur les eaux dans l'état de fluidité ; c'eft la pétrole même. En un
mot , chacun de ces bitumes donne à ranalyfe les mêmes produits,
Voyei chacun de ces mots.
Lorfqu'on a découvert une mine de charbon , on perce deux puits
ou bures qui traverfent les couches fupérieures & inférieures de la
veine de charbon " de terre. L'un de ces puits fert à placer une pompe
pour épuifer l'eau , l'autre pour tirer le charbon. Ces bures fervent
aufTi à donner de l'air aux ouvriers , & à fournir une ifllie aux vapeurs
dangereufcs qui ont coutume d'infeéler ces fortes de mines. Il y a
deux efpeces de ces vapeurs ou exhalaifons pernicieufes , qui préfentent
des phénomènes différens & très-curieux. L'on nomme l'une moiiffetc
ou poujjc , & l'autre feu brifou. Voyez au mot Exhalaison le détail
de leurs phénomènes , & les moyens que l'on emploie pour fe garantir
de leurs terribles effets. Comme peu de perfonnes connoiffent alTez
îa méthode de deffécher les mines de charbon à l'aide de la vapeur de
l'eau bouillante , nous confeillons de confulter la defcription de la
Machine qui fe trouve dans le (ixieme volume à^Q.^ Machines approuvées
par CAcad. P-oy. des Sciences.
Les mines de charbon s'embrafent quelquefois d'elles-mêmes, au
point qu'il eft très-difficile & m.ême impoflible de les éteindre : c'eft
ce qu'on peut voir en plufîeurs endroits d'Angleterre, où il y a des
mines de charbon qui brûlent depuis un nombre d'années. La mine
'de Z"^ickau en Mifnie brûle depuis plus d'un fiecle. Ces embrafemens
font caufés, tantôt par fapproche des lampes des ouvriers qui travail-
lent dans les mines & qui mettent le feu à des vapeurs inflammables
qui en fortent, voye^ à V article Exhalaisons minérales ; tantôt
l'embrafement fpontané eft dû à îa décompoiition des pyrites qui s'y
trouvent, roj/Ê^ Pyrites. Peut-être, en rapprochant cette dernière
circonfcance de celle de la formation des bitumes , tzc, trouverait-on
une explication très - naturelle de la formation à^s, volcans & de 1h
caufe de certains tremhletnens de terre.
Le charbon de terre eft d'une très-grande utilité dans divers ufages
de la vie. On s'en fert pour le chauffage & pour cuire les allmerîs dans
les pays où le bois n'eft pas commun , comme en Angleterre & en
Suéde. Plufîeurs arts & métiers en font ufage. Les Maréchaux , Ser-
ruriers, & en général tous ceux qui travaillent le fer, lui donnent
la préférence à caufe de la vivacité & de la durée de fa chaleur. On
CHA 5P
Remploie dans des Verreries : on l'eftime fur-tout pour cuire la brique
^ les tuiles. On en chauffe avec fuccès des fours à chaux ; &: depuis
quelque temps les Anglois ont trouvé le moyen de s'en fervir dans
le traitement des mines de fer. On l'emploie aufli pour la rédudion
des autres métaux. Il faut pour cela qu'il ne contienne que très-peu
Qu même point de parties fultureufes , mais beaucoup de matière
bitumineufe. Wright , dijjlrt dt Fcrro. On peut le delîbufrer en le
faifant brûler , comme on brûle le bois pour faire du charbon ; alors
il eft fec, fpongieux, d'un gris noirâtre , plus léger , plus volu-
mineux : tel eft le charbon minéral préparé que les Anglois appellent
coacks.
On a prétendu que la grande quantité de vapeurs qui s'élèvent du
charbon déterre, dont en fait un fi grand ufage à Londres, occa-
flonnoit la maladie connue en Angleterre fous le nom de Confomptïon^
Il eft vrai que ValUrius & Ho^man ont obfervé que la phthifie &
autres maladies confomptives ont été moins communes en Saxe, & ne
font prefque point connues en Suéde depuis l'ufage du charbon de
terre ; mais il peut fe trouver dans les charbons de terre de quelques,
pays des matières étrangères pernicieufcs qui ne fe trouvent point dans
d'autres, & nous croyons que les charbons à gorge de pigeon font
très-dangereux à brukr cans un endroit clos & peu fpacieux. Ces
couleurs font cucg à des iiihi.lations , & il n'eft pas rare de trouver
dans de tels charbons du gypfe ou delà félénite , du foufre en nature,
de la pyrite ou des eiftorefcences vitrioliques ; tel eft celui du
Rouergue , proche Sevérac , qui contient le quart de fon poids de
vitriol de mars tout formé : on en trouve aufli dans les houiilieres
de la Picardie.
CHAKEON VÉGÉTAL & FOSSILE. C'eft un charbon curieu:îç
parle lieu où on le trouve, & dont la f rmation peut être propofée
en problème aux iJaturaliftes. Près de la ville û'Altorf en Franconie,
au pied û'une montagne couverte de pins & de fapins , on voit une
ouverture profonde qui forme ime efpece d'abîme , que l'on a nommé
temple du Di.iblc ou de Diane, On a trouvé dans ce lieu de grands
charbons , femblables à du bois d'ébene , épars çà & là dans une
efpece de grès fort dur; en continuant la fouille on en trouva de:
femblables épars dans l'efpace d'une demi-lieue , & d'autres renfermés
dans de. la terre argileufe.. Ces charbons étoient difpofés horizonta--
40 CHA
lement , & il s'en trouvoit de plus ou moins longs ; il y avoit une
grande quantité de pyrites fulfureufes auprès de ces charbons ,
quelques - uns en étoient tellement pénétrés , qu'ils tomboient en
efflorefcence. Ces charbons étoient pefans , compares : on a eflayé
avec fuccès de s'en fervir pour forger du fer. Le feu les réduit en
une cendre blanche , dont on retire par la leflive un alkali fixe.
Il s'eft trouvé quelques morceaux qui n'étoient point entièrement
réduits en charbon , Tautre moitié n'étoitque du bois pourri. D'après
cet expofé il y a lieu de penfer que des forêts ayant été renverfées
& enfouies par des éruptions de feux fouterrains , une portion de
ces forêts aura été réduite en charbon par l'effet de ces mêmes feux,
dont nous tâchons d'expliquer la caufe aux mots Tremblement de
TERRE Se Volcan.
CHARBONIER ou KOOL-FISCK, Foy. Morue noire à T article
Morue.
CHARBONIER ou Serpent a collier , natrix , eft un ferpent
aquatique , médiocrement gros , mais afTez long. Sa tête eft un peu
large & plate , moufle par le bout : fa gueule fort ample eft munie
de petites dents crochues tournées vers le gofier. Le collet eft menu,
tacheté de jaune , blanchâtre en defTus , & formant le demi-cercle.
Ce demi collier eft proprement la marque caradériftique de ce
ferpent. Les écailles de la tête font fort larges & plus foncées que
celles du refte du corps. Le ventre eft renflé & diminué de groffeur
jufqu'à la queue , qui eft fort déliée. Le dos eft de couleur noirâtre ;
quelquefois d'un gris-brun : le deflous du corps , près de la tête,
eft blanchâtre ; les côtés font garnis de points noirs. Le ventre eft
varié de blanc , de bleuâtre & de noir ; les taches noires augmentent
en nombre & en grandeur jufqu'à Varius. Les écailles de la queue
font tout-à-fait noires ; le defTus du corps eft couvert de petites
écailles bigarrées de lignes noires , & qui montent de diftance en
diftance vers le milieu du dos. On lui compte cent foixante-dix-fept
bandes écailleufes fous le ventre , & quatre-vingt-cinq écailles à
la queue.
Le ferpent à collier ne fent pas mauvais , & on le manie fans aucun
danger. En 1764 , nous en avons élevé un qui , dès qu'on lux
préfentoit le doigt , s'y entortilloit promptement ; il careflbit les
lèvres humeâ:ées de faliye , entroit tantôt dans notre chemife , &
tantôt
CHÂ 41
tantôt fe gliflbit fous notre bonnet de nuit , & y reftoit comme caché.
Cet animal eft ovipare : il dépofe fes œufs dans des trous expofés au
midi, furies bords des eaux croupifïantes , ou plus ordinairement dans
des couches de fumier. Ces œufs font gros comme des œufs de pie :
ils font collés enfemble par une matière gluante , en forme de grofle
grappe quarrée , compofée de dix-huit à vingt œufs oblongs , entre
lefquels il y en a de vides ou clairs ; & qui étant mis dans feau , y
furnagent , tandis que les autres qui font pleins , vont au fond de
l'eau. Chaque œuf eft couvert d'une membrane mince, mais compade,
& d'un tiflli ferré. Il contient un petit ferpent roulé fur lui-même ,
& entouré d'une matière femblable à du blanc d'œuf, avec un placenta,
dont le cordon ombilical tient au bas-ventre , environ à un pouce de
diftance de Vanus. Si l'on ouvre l'œuf , l'animal en fort d'abord
immobile , puis il s'alonge & remue , mais fans pouvoir ramper. Le
petit ferpent ne fort communément de fon œuf qu'après que cette
enveloppe féminale a été fuffifamment échauffée par les rayons du
fbleil , ou par la chaleur du fumier.
Ce ferpent rampe fur la terre & nage dans l'eau avec aflez d'agilité î
il fe plaît dans les lieux humides , & dans les buiflbns en été ; mais
en hiver , il demeure comme engourdi dans les trous au pied des
haies , quelquefois auprès des maifons : il vit fur terre & dans l'eau :
il aime le lait, mais il fe nourrit ordinairement d'herbe , de fourmis,
de fouris , de lézards & de grenouilles. L'ouverture de fa gueule ,
le golierôc l'œfophage font fufceptibles d'une extrême dilatation; aufil
dès que ce ferpent a faifî une petite grenouille , elle a beau faire des
efforts pour lui échapper , il faut qu'elle paffe fans être mâchée.
Toutes les parties de cet animal font fudorifiques & purifient le
fang. On l'appelle quelquefois fcrpmt d'eau , couUuvn ferpcntim Sc
anguille de haie.
CHARBONNIERE. Voye^ Méfange.
CHARDON DE MER.Efpece de grand ourfm de la Méditerranée.
Voye-i Oursin de mer.
CHAPvDON , carduus. Genre de plantes compofées : les feuilles de
leur enveloppe font bordées d'épines , au moins vers leur extrémité,
ou terminées par une pointe duie & piquante. Leurs fleurons font
prefque tous hermaphrodites ; & ce qui leur eft particulier , c'eft
qu'ils font fertiles , quoiqu'ils n'aient fouvent qu'un ftigmate 5 les
Tome IL F
42 CH A
fleurs radiées , au contraire , ne font fertiles que lorfqu'eîles en ont
deux. On place parmi la fedion des chardons le carthame , lacarline,
la chaujje trape , &c. Fuye:^ces mots & l^s articles Chardon.
CHARDON AUX ANES, ou C HAKDON HEMOUROIDAL,
carduus vinearum repcns, C'eft une espèce de drfiitm qui croît entre les
vignes ; fa racine ell: noirâtre &: rampante , de même que fa tige
qui eft blanchâtre &: haute d'un pied. Ses feaillvis , qui leiTemblent
â celles du laitron doux, font longues, d'un vert noirâtre en-dcfl'us,
blanches & lanugineufes en - deilous , découpées & piquantes ; fes
rameaux portent aux extrémités des tètes écailleufes , plus grofles
que des glands de chêne , fans épines , chargées d'un bouquet de
petits fleurons rougeâtres , découpés en lanières ; il fuccede à ces
fleurs des femences garnies chacune d'une aigrette. Cette plante eft
apéritive : les ânes ne la recherchent pas tant que le chardon commun ;
on prétend que fa tcte féchée & portée dans la poche , guérit les
hémorroïdes ; mais cette vertu efl: une idée populaire , abfurde &
contraire aux lumières delà faine Phyfique ; il faudroit de prodigieufes
émanations pour produire un effet aufii fenfible. Le Chardon beau ,
polyacanthus , décrit par Cafabona , Herborifle du Duc de Florence,
ne difl~ere du chardon aux ânes que par {qs feuilles plus grandes ôc
plus chargées û'épines jaunâtres , rangées par intervalles deux à deux
eu trois à trois , ou quatre à quatre. On le nomme aufli poly acanthe^
CHARDON BÉNI , carduus hnedicîus. Cette plante fi vantée
naît dans les bonnes terres ; on la cultive aufli dans les jardins. Sa
racine efl blanche , diviiée en plufieurs branches , & fibrée ; fes
feuilles font découpées prefque comme celles du piflenlit , fort ameres ,
velues, ôc terminées par des épine: molles & courtes; fa tige efl rameufe,
branchue, velue , haute de deux pieds & demi; (qs fleurs font grandes,
à Pleurons jaunes , découpés en lanières , & enfermés dans des têtes
écailleufes ; fes lemences font longues, cannelées , jaunâtres , garnies
chacune d'une aigrette : il n'y a guère que les feuilles , les femences
& les fommets de cette plante d'ulage en Médecine. Le chardon
béni eft un bon fudorifique , un puifilmt alexitere & fébrifuge. Sa
décodion rend l'urine épaifle & fétide : on prétend qu'elle rend
l'éruption de la petite vérole facile & heureufe. Mais M. Bourgeois
oblerve qu'elle eft plus nuifible qu'utile : c'eft , dit- il, un remède
très-chaud, & très- propre à allumer la fièvre de l'éruption, qu'on
CHA 43
doit plutôt chercher à calmer. Il prétend encore qu'on doit éviter
les fudorifiques & la Tueur : mais fi le cas demandoit d'exciter l'éruption
par un défaut de fièvre , ce qui eft très - rare , il faudroit préférer
l'eau diftiilée de cette plante , qui eft moins chaude & plus tempérée
que fa décoclion. Tout le fuc de cette plante eft fort amer. Le
chardon béni des Américains eft l'argemone. Foye^^ Pavot épineux.
CHARDON A BONNETIER , ou A FOULON , ou A CARDER,
dipfacus fativus , feu carduus fullonum. Cette plante , que l'on nomme
encore vcr^c a bercer , eft ou cultivée , ou fauvage. I^a première eft
blanche , unie , d'une longueur médiocre , pouflant une tige haute
déplus de quatre pieds , droite, folide , creufe, fillonnée , épineufe, &
grofTe com.me le pouce ; fes feuilles font deux à deux , grandes ,
vertes , épineufes par les bords , & tellement unies enfemble autour
de la tige , qu'elles font une cavité propre à recevoir l'eau de l'atmof-
phere fi néceffaire à cette plante ; l'extrémité des tiges eft garnie de
têtes oblongues , groffes comme un œuf de canne , garnies de pointes
très-roides & un peu recourbées , divifées régulièrement comme des
cellules d'une ruche , par des balles pliées en gouttière & pointues,
aflembiées fur un placenta alongé ; les intervalles renferment un fleuron
à quatre étamines , découpé en plufîeurs parties , blanc ou purpurin,
engagé dans un calice particulier , qui porte fur un embrion de
graine qui fe change en une femence cannelée comme celle du fenouil,
& amere ; les têtes blanchifTent en veillilTant , & quand on les ouvre
par le milieu , on y trouve toujours des vermifleaux. Ces têtes hérilïees
font d'un grand ufage ; elles fervent aux Bonnetiers pour draper les
bas , &; aux Cardeurs-Couverturiers , pour peigner les draps. Il eft
défendu , par les Rc^lemens généraux & particuliers , d'en fortir du
Royaume. Cette plante eft eftimée anti-putride & diurétique comme
Tafperge, La deuxième efpece eft fauvage, plus petite; fes feuilles
font plus molles ; les écailles ne font ni fermes ni crochues, La liqueur
que contient le bafiin des feuilles de la tige , eft eftimée comme un
bon cofmétique ; c'eft ce qui a fait donner au chardon à bonnetier,
le nom de bain ou de cuve de Vénus, Au refte, ces deux fortes de
plantes, dit M. D&lcu7^e , forment un genre à part, différent de
celui du chardon , te de clafle difi-erente.
CHARDON COMMUN , ou EPINE BLANCHE SAUVAGE ,
ou Chardon a feuilles d Acanthe , fpina alba , aut carduus.
Fa
44 CH A
foliîs tomtntojis , feu ïncanis. C'eft une efpece de chardon qui croii:
dans les lieux incultes j fa racine eft tendre & douceâtre ; fa tige
haute de quatre à cinq pieds , eft , ainfi que fes feuilles ,
cotonneufe , fort épineufe ; les fommités font terminées par des
têtes rudes , qui foutiennent des bouquets à fleurons purpurins ,
comme dans les autres chardons , mais dont il diffère parce que le
placenta eft nu & fans balles , & feulement creufé de petites folfettes
ou alvéoles , où font implantées les graines. Les graines font garnies
d'une aigrette , diverliiiées , d'un goût amer. C'eft î'efpece de chardon
que l'âne préfère : elle fait une forte de bruit fous les dents de cet
animal. Sa racine eft apéritive, carminative, & fa graine eft, dit- on,
anti-épilcptique.
CHARDON BLEU. Voy^i à la fin de Vanlck Chardon
HOLAND.
CFIARDON DORÉ , carduus foljlitialis. Ce chardon , qui fleurit
& entre dans fa vigueur au temps du folftice d'été , croît plus
ordinairement aux pays chauds. On le cultive aulli dans les jardins.
Sa racine eft ligneufe ; fa tige , haute de deux à trois pieds , eft
rameufe, cotonneufe; fes feuilles & fes têtes reffemblent à celles du
barbeau , & font garnies d'épines longues , jaunes , difpofées ea
étoiles ; la fleur & les graines font femblables à celles de tous les
chardons : elle eft très-fudorifique.
CHARDON ECHINOPE , echinopus major. L'échinope eft ,
félon M. DcUuis , d'un genre tout -à-fait différent des chardons, &
dont le caradere confifte en ce que les têtes font compofées de
fleurons qui ont chacun leur calice propre , droit & imbriqué ,
réunis fur un placenta ordinairement arrondi , garni d'un calice
commun. ,
L'échinope croît dans les endroits montagneux & pierreux. Sa racine
eft noirâtre en dehors , fa tige purpurine & lanugineufe; fes feuilles
font oblcngues , vertes, brunes en-deffus, blanchâtres en-defTous &
très-découpées, glutineufes au toucher; les têtes font fphériques, les
fleurons de couleur bleue , & les graines oblongues. On en connoît
encore deux autres efpeces. La deuxième qui croît en Languedoc y
eft plus petite que la précédente ; fa racine eft divifée en plufieurs
têtes qui pouffent chacune une tige. La troiHeme eft annuelle; fes
têtes font fort grofles ce fphériques ; fes feuilles en naiflant font chargées'
C H A 4 ^
d'un coton que Ton en fépare en les faifant bouillir dans une leflîve
de cendres de farment. Ce coton ainfl préparé , fert de mèche ou
d'amadou dans les Royaumes de Valence & d'Andaloufie en Efpagne.
Peut-être, dit Lcm&ri , que le moxa des Chinois, qui n'eft point
différent de cet amadou , fe tire de l'armoife de cette manière. Ses
feuilles font propres pour la pleuréfîe &: la goutte fciatique. Voye:^
Moxa.
CHARDON ETOILE , ou CHAUSSE - TRAPE , cakhrapa.
Cette plante , qu'on trouve fréquemment dans les champs aux
environs de Paris , eft , félon quelques-uns , appellée ainfi , de ce
que fon calice fleuri refl'embîe aux chaufle-trapes de guerre ; elle a
des racines cordées intérieurement , une tige haute de trois pieds ,
des feuilles découpées profondément comme celles du coquelicot ,
très-ameres ; les têtes fleuries font dans un calice écailîeux , pointu
& term.iné par des épines roides , difpofées en forme d'étoiles ', les
fleurons de la circonférence font fliériles , les femences font garnies
d'aigrettes : cette plante efl: f.idorifique, propre à lever les obfl:ruâ:ions,
fébrifuge , & fort recommandée pour prévenir les douleurs de la né--
phrétique. Il y a auûi le chardon étoile à fleurs jaunes , & à feuilles
d'aubifoin.
CHARDON A FOULON , ou A CARDER. Foyc^ Chakdoh
A BONNETIER.
CHARDON DES INDES OCCIDENTALES , ou MELON A
CHARDON , mdocacius Americana. Cette plante d'Amérique n'eft
point un chardon : elle efi: d'une forme aufli merveilleufe , qu'étrange
& bizarre. Elle reflemble à un gros melon tout hérifTé de piquans &
planté immédiatement fur la terre. Elle nait ordinairement fur les
rochers , ou dans des lieux fecs & arides. Sa racine efl: un corps de
plufieurs grofies fibres, blanches, ligneufes & branchues , d'où fort
une ma{fe groffe comme la tête d'un homme , rarement ronde , mais
ovale ou en pain de fucre. La furface extérieure efl: toute cannelée
à la façon de nos melons , les côtes en font plus relevées & toutes
ondées par divers plis , entre lefqueîs naififent des écuflons cotonneux
d'où fortent deux aiguillons prefque offeux , longs d'un pouce , blancs ,
mais rouges par la pointe. La peau qui recouvre cette mafTe efl: verte
& comme ornée de petits points , l'intérieur efl: maffif , charnu , d'une
fubftance blanche & fucculente. Du fommet de cette msfle fort une
j^^ CH A
manière de cylindre haut de dix pouces &: épais de trois. L'intérieur de
ce cylindre eften partie charnu & enpartiecbmporé d'un coton très-blanc,
très-fin, & rempli de petites épines dures & rouge?. Le fommet du cylindre
eft arrondi comme la coifie d'un chapeau & comparti d'une manière
très-agréable. On diroit un réfeau formé de plufieurs rayons courbés
qui fe croifent en tous fens. Dans chaque lofange on voit fortir une
fleur très-rouge , quelquefois fimple , d'autres fois double , faite en
cloche & divifée en plufieurs fegmens. A ces fleurs fuccedent des
fruits également rouges de la grolïeur & figure d'une clive. La chair,
qui contient quantité de petites graines noires , efî: fort tendre ,
fucculente , blanche , & d'un goût acide très-agréable qui plaît allez
aux Américains. Quand ce fruit efl; mûr de qu'il commence à fortir
de fa capfuîe , on diroit alors un rubis enchâllé. On a bien de la
peine à multiplier cette plante en Europe. Confultez Miller.
CHARBON MARIE ou DE NOTRE-DAME, ou ARTICHAUT
SAUVAGE , carduus marianus. Cette plante qui vient communément
aux environs de Paris dans les lieux champêtres & incultes , eil
encore connue fous le nom de chardon argentin. Sa racine efi: longue,
épaiHe , fucculente , pouffant une tige de la groffeur du doigt ,
cannelée , couverte de duvet , haute de trois à quatre pieds. Ses
feuilles font larges, longues, crénelées & garnies de pointes luifantes ,
verdâtres & tachetées de lignes te points blancs. Ses fleurs naiiïènt
au fommet des rameaux dans une manière de tète armée de pointes
dures & aiguës. Le total forme un bouquet de fleurons évafés par
le haut , découpés en lanières , & de couleur purpurine : il leur
fuccede des graines femblables à celles du carthams , garnies d'aigrettes
& douces au goût : c'efl un allez bon fudorifique & fébrifuge. On
fait plus d'ufage de fa femence que des feuilles. C'ePc, félon M.
Bourgeois , un excellent remède , foit en poudre , avec la poudre
tempérante de Stahl , foit en émulfion avec les femences froides ,
dans les points de côté inflammatoires & dans toutes les efpeces de
fièvres exanthématiques.
CHARDON-ROLAND ou CHARDON A CENT TÊTES,
ou PANICAUT , erjngium. Cette plante qui vient en abondance dans
les champs & le long des chemins , aux lieux fablonneux & aux
rivages de la mer , a une racine longue d'un pied , de la groffeur du
doigt , tendre , ayant à fon milieu une corde ou nerf folide , noirâtre
CHA 47
en dehors , blanchâtre en dedans , d'une faveur douce : elle poulTe
une tige cannelée , haute d'un pied & demi , remplie d'une moelle
blanche & garnie de rameaux tout-autour. Ses feuilles font alternes ,
larges, unies, verdâtres , légèrement aromatiques ; découpé. s pro-
fondément des deux côtés en lanières, & garnies dans leurs crenelures
de pointes rondes. Les fomimets font chargés d'un nombre de têtes
épineufes , lefquelles foutiennent des fleurs blanchâtres à cinq feuhles
difpofées en rofe. A ces fleurs fuccedent des graines doubles & ovaI:;s,
applaties du côté qu'elles fe touchent , convexes & cannelé;;;:: de
l'autre : au-defibus de ces têtes font des feuilles plates , en rond ,
ftriées, pointues & épineufes. Lorfquc la plante efl: mure, elle eit
arrachée par la violence du vent & emportée au travers des champn.
Toutes fes parties font d'ufage en Médecine , & fur-tout la racine qui efl:
diurétique, néphrétique, propre à exciter les règles & l'amour: on la confit
& on la fait prendre avec fa graine pour remédier à l'impuifTance.
Elle eft au nombre des cinq petites racines apéritives , qui font le
chiendent^ le câprier, la garence , V arrête-bœuf & le chardon-rcland i
les cinq grandes racines apéritives font ïuche , Vafperge , le fenouil , le
perjîl & le petit houx. Voyez chacun de ces mots.
Il faut obferver , dit M. Deleu^e , que Veryngium n'efl; pas un
chardon à proprement parler. Ce genre forme une efpece de nuance
jçntre les plantes à fleurs aggrégées & la clafTe des ombelliferes , à
laquelle il appartient par la firuclure de fes fleurs , qui font , comme
toutes celles de cette clafie , compofées de cinq étamines , deux
piftils , d'une corolle à cinq feuilles & d'un calice placé au - deflTus
du germe , qui devient un fruit form.é de deux graines réunies ;
mais il diffère de tous les autres genres de cette clafle , parce que fes
fleurs font rafl'em.blées fans pédicule fur un placenta comm.un conique ,
& féparées entr'elles par des balles. Des diverles efpeces de ce genre^
celle que nous avons déc-rite ci-delliis efl: la plus commune.
Il y a une forte d'eryrigium marin ou panicaut de mer , eryngium
marinum , lequel croît communément fur les côtes méridionales &:
feptentrionales de la mer. Elle a beaucoup de rapport avec la précédente
par fes têtes , fes fljurs & fes graines ; mais elle eft diMerente par fes
tiges qui font courbées vers la terre, & par fes feuilles qui font rondes,
entières & très- épineufes à leurs bords, un peu iemblables à elles
de la mauve. Ses racines font charnues , odorantes ; elles lont fort
■'%
48 CHA
eftimées en conferve pour la phchiiie, & aufîî pour exciter à Tade
vénérien.
Gn trouve fur les Alpes une belle efpece dV^^/z^'^-^w qu'on y appelle
chardon hhu. Selt)n M, DcUu^e. , Ta tige eft droite & fes feuilles plus
molles que celles des efpeces précédentes: à la racine & au bas de la tige
elles font entières : celles du haut de la tige font refendues. La tête
des fleurs eft cylindrique , bleuâtre ; mais ce qui rembellit eft la fr-aife
qui l'accom.pagne , formée d'un grand nombre de feuilles étroites ,
découpées , colorées de bleu , fur - tout à l'extrémité , & qui en fe
relevant forment autour de la tête une efpece de vafe à claire voie*
CHAKDONNETTE. Ffpece de chardon fauvage à larges feuilles.
CHARDONNERET , cardudïs. Genre de petit oifeau fort agréable
par fes belles couleurs & par fon chant. On en diftingue de plufieurs
efpeces, qu'on trouve ou en Suéde ou en Laponie , ou en Ingermanie,
& même en A^mérique. Ce petit oifeau , nommé chardonneret de ce
qu'on le voit communément dans les chardons , dans les épines , &
qu'il vit en partie de leurs femences , eft plus petit que le pinfon ,
à-peu-près de la groffeur du tarin. Son plum.age eft joliment diver-
fifié : il a fur le devant de la tête & à la gorge des marques rouges;
le haut de fa tête eft noir , les tempes font blanches , les ailes noires
6t bigarrées de blanc : on voit une bande jaune çà & là dans les
grandes plumes. Le mâle a la gorge , le dos plus noirs, & la tête
plus longue que la femelle.
Les chardonnerets vont en troupe , vivent plufieurs enfem.ble &
font leur nid dans les buiiTons & les arbrifTeaux; ils pondent fixou huit
œufs ; ils couvent jufqu'à trois fois l'an , en Mai, en Juin & en Août:
cette dernière couvée eft la meilleure. Les chardonnerets vivent jufqu'à
vingt ans. Plus ils font niais étant jeunes , meilleurs ils font pour
être élevés en cage : le langage de ces petits chanteui s eft très-agréable.
Si on les met auprès d'une linotte , d'un ferin ou d'une fauvette ,
leur chant fe coupe , & par fa variété il forme une efpece de petit
concert. Il y a des Oifeliers qui , pour varier ces petits individus ,
mettent en cage un chardonneret mâle avec un ferin des Canaries fe-
melle ; bientôt après leur accouplement ils produifent un oifeau
mulâtre , carduclis hybrida. Le chardonneret privé ou non privé fait
fon nid avec de la moufle , de la laine , & le garnit en dedans de
toutes fortes de poils : il s'élève en cage comme le ferin.
C H A 41)
Au cap de Bonne - Efpérance on diftingue un joli chardonneret ;
grisâtre en été , d'un noir mêlé d'incarnat en hiver. Le mâle & la
femelle fe chériflent très-tendrement ; ils ne s'écartent point l'un de
l'autre. Ils font un nid de coton , & ils le divifent en deux apparte-
mens : la femelle occupe la partie de rez - de - chauffée , & le mâle
l'étage plus élevé. Il y a aulîi des chardonnerets à tête blanche , à
tête variée , à tête noire ; d'autres font tout blancs ou tout noirs ou
jaunâtres. Le chardonneret du Canada reflemble beaucoup à un ferin dont
la queue , les ailes & la tête feroient noires.
CHARENÇON, CHARANSON, Calandre ou Chate-peleuse
ou cossoN , en latin curcuLio» C'eft un petit coléoptere à étui ;
c'eft un petit fcarabée ovipare qui multiplie fînguliérenient , ennemi
de nos blés , fléau terrible qui , fans des foins prefque continuels ,
détruiroit la farine de nos grains dans les granges , & les réduiroit
en un tas de fon. Cet infeéle eft brunâtre; il eft long à -peu -près
d'une ligne & demie ; fa largeur eft proportionnée. Sa tête eft alongée
en forme de trompe ou comme armée d'une pointe longue , menue ,
qu'il introduit dans les grains des blés pour fe nourrir de la fubftance
fàrineufe. A l'extrémité de la trompe font les antennes & les mâ-
choires; ce qui conftitue le principal caradere de ce genre d'infedes ,'
dont il y a plufieurs efpeces. Cet infecle _, avant de pàroître fous cette
forme de fcarabée , a paru fous celle de ver , fe nourrifTant auiîi de la
fubftance du blé, même des fèves, des pois, des lentilles & plufieurs
autres graines , qui toutes attaquées par cet infeéle, nagent au-de(îus
de l'eau , tandis que les autres tombent au fond. Ces ver^ , ou plutôt
ces larves de charençon , font les mêmes que celles de la plupart des
infeftes à étuis ; elles reflemblent à des vers alongés & mous ; elles
ont en-devant fix pattes qui , ainfi que la tête , font écailleufes. Les
endroits où habitent ces larves & leurs m^étamorphofes , préfentent
quelques particularités. Certaines efpeces, notamment celles qu'il nous
importe de faire connoître , trouvent moyen de s'introduire dans les
grains de blé , lorfqu'elles font encore petites; c'eft-là leur domicile î
& il n'eft pas facile de les y découvrir ; elles y croiflent à leur aife
& agrandifîent peu-à-peu leur demeure aux dépens de la farine in-
térieure du grain dont elles fe nourriflent. Lorfque i'infede , après
avoir mangé toute la farine , eft parvenu à fa grofleur , il refte caché
fous l'écorce vide du grain qui fubfîfte feule > s'y métamorphofe , y
Joniè II, G
50 CHA
prend l'état de nymphe & n'en fort que fous la forme d'Infeâie parfait»
en perçant la peau de fon habitation. On ne peut qu'avec peine re-»
eonnoître à la vue les grains de blé qui font attaqués & vidés par ces
infedes. Le froid engourdit ces animaux fans les faire périr; la chaleur
ne les fait pas périr , au moins ils fupportent alTez bien jufqu'à
foixante-dix degrés du thermomètre de M. di Pdaumur ; ils habitent
même par préférence le côté du grenier expofé au midi. Les charençons
multiplient beaucoup & aiment à vivre en fociété , aufli fe ramaffent-
ils toujours par pelotons. Mais ils aiment la tranquillité ; pour peu
qu'on les inquiète en remuant le blé , ils percent les grains & cherchent
à fe procurer un abri ailleurs. On voit dans quelques pays des cha-
rançons qui ont jufqua la groifeur & la longueur du gros cerf
volant.
On rencontre par-tout dans les champs, fur la fabine, fur le lierre,
fur les feuilles du noyer , de l'abfinthe , de l'aurone, de la nielle, dans
les têtes des artichauts & fur quelques autres plantes , différentes ef-
peces de charençons , tous reconnoiffables par cette efpece de bec
pointu ou trompe effilée , longue , couleur de corne , & d'où fortent
deux antennes en maffes , coudées dans leur milieu. Les uns ont les
cuifles fimples & unies ; d'autres les ont armées d'une appendice épi-
neufe. Plufieurs efpeces ont les élytres comme foudées enfemble. Linnœus
donne la defcription de trente - trois efpeces , ( M. Geoffroy en cite-
cinquante - trois ) qui varient par leur couleur , les ftries , &c. On
diftingue le charençon trompette , ainfi nommé de fa longue trompe j,
le charençon à écailles vertes & dorées y Iq charençon cartifanne fans ailes i.
celui de la fcrophulaire , qui fe forme au haut des tiges une efpece
de veflie demi-tranfparente , dans laquelle il s'enferme & fe métamor-
phofe; celui des feuilles d'orme; le charençon fauteur ; le grand charençon
du palmier y lequel provient du ver palmifle^ Voyez ce mot. La larve
du charençon fauteur établit fon domicile dans le parenchyme des feuilles 5»
fouvent prefque toutes les feuilles d'un orme paroifTent jaunes & comme
mortes vers un de leurs bords, tandis que tout le refle de la feuille eft
vert. Si on examine ces feuilles , on voit que cet endroit mort forme
une efpece de fac ou de véficule ; les deux lames ou pellicules exté-
rieures de la feuille, tant en defliis qu'en defTous , font entières , mais
éloignées & féparées l'une de l'autre , & le parenchyme qui eft cn-
tr'elles a été rongé par plufieurs petites larves de charençons qui y
C H A ; I
ent établi leur demeure ; c'eft-là qu'elles fubulent leur transformation ,
fortent en perçant ces véficules fous la forme de charençons fauteurs ,
dont les pattes pofcérieures font longues , fortes , font l'effet d'un
reffort ; ils fautent avec tant d'agilité , qu'on a beaucoup de peine à
les attraper. Les charençons de la fcrophulaire font des plus jolis pan
le travail fingulier de leurs étuis ; mais leurs larves ont l'art de fc
former une petite habitation , propre à piquer la curiofité. Lorfque
ces larves , après avoir rongé les feuilles de la fcrophulaire, font
parvenues a leur grofîeur & font prêtes à fe transformer, elles for-
ment au haut des tiges une efpece de veflie à moitié tranfparente ,
dans laquelle elles s'enferment & fe métamorphofent; cette veflîe ronde
& affez dure , paroît produite par une humeur vifqueufe , dont
on voit la larve couverte. Comment , dit M. Geoffroy , l'infede peut-il
avec cette efpece de glu former cette véficule ronde ? Ced ce que je
n'ai pu parvenir à appercevoir ; j'ai feulement trouvé les larves nou-
vellement renfermées dans cette véficule ; je les y ai vues fous la forme
de nymphes , & enfin l'infede parfait eft forti fous mes yeux. Ces
véficules font de la groffeur des coques qui renferment les graines de
la fcrophulaire , & fouvent mêlées avec elles j mais on lesdiftingue
©ifément par leur tranfparence & leur forme ronde , qui diffère du
fruit de la fcrophulaire , lequel fe termine en pointe»
L'objet le plus intéreffant pour nous relativement à ce genre d'in-
fedes , feroit de découvrir un moyen sûr & efficace de le détruire Se
d'étouffer cette race dès l'inflant de fa naiffance. Les livres économi-
ques font pleins de recettes pour chafTer les charençons ; mais il ne
paroît pas qu'on en connoifle encore une feule vraiment efficace. Ce-
pendant voyez au mot Blé , à l'article de la confervation des grains ,
les moyens ufités pour fe débarrafTer de ces ennemis dangereux.
CHARME , carp'miis. C'efl un arbre fort commun dans les forêts.
Abandonné à la nature , il n'efl pas d'une grande beauté ; il paroît
vieux , chenu dès qu'il eft à la moitié de fon âge, & vient rarement
4'une bonne groffeur. Son tronc court , mal proportionné , eft re~
marquable fur-tout par des efpeces de cordes qui partent des prin-
cipales racines , s'étendent le long du tronc & en interrompent la
rondeur. Son écorce blanchâtre & alFez unie , eft ordinairement chargée
d'une moufle brune qui la dépare. La tête de cet arbre, trop grofîe
pour le tronc , n'eft qu'un amas de branches foibles & confufes 9
G 3
•-"i^
^2 CHA
parmi îefqiienes la principale tige fe trouve confondue ; & {a feuin-c
eft trop petite pour la grandeur de l'arbre : en forte que fi à cette
apparence ingrate & fauvage on ajoute fa qualité de réfifter aux
exportions les plus froides , de réuflir dans les plus mauvais terrains
de toute efpece , & d'être d'un bois rebours & des plus durs , on
pourroit confidérer le charme entre les arbres comme on regarde un
Lappon parmi les hommes. Cependant en ramenant cet arbre à un
état mitoyen , & en le foumettant à l'art du Jardinier , on a trouvé
moyen d'en tirer le plus grand parti pour former des palilTades , des
haies , des bofquets ou des portiques , des colonnades & toutes ces
décorations de verdures qui font le premier & le plus grand embellif-
fement d'un jardin bien ordonné. Toutes les formes qu'on donne à
cet arbre lui deviennent fi propres , qu'il fe prête à tout ce qui y
a rapport. On peut le tranfplanter à cet effet petit ou grand : il fouffre
la tonfure en été comme en hiver; & la foupleffe de fes jeunes rameaux
favorife la forme qu'on en exige , & qui efl complétée par leur
multiplicité. Il pouffe beaucoup de petites branches toutes chargées
de feuilles dentelées , d'un beau vert , & qui font un peu plifTéesj
elles tombent même difficilement dans l'hiver , quoique mortes. Il
porte fur le même pied des fleurs mâles & des fleurs fem.elles : les
mâles font à étamines ^ difpofées à chaton ; les fleurs femelles forment
par leur affemblage fur un filet commun , des efpeces d'épis écailleux.
Sous chaque épi écailleux fe trouve un piflil auquel fuccede une efpece
de noyau ovale & anguleux , dans lequel efl une amande.
Le charme fe multiplie très-bien de femence, mais plus vite de bran-
ches couchées. Si on fait cette opération en automne, elles ont fuf-
£famment de racines pour être tranfplantées au bout d'un an. Il n'efl
avantageux de couper les têtes de charmille qu'on tranfplante , à quatre
doigts de terre , comme le font les Jardiniers , que lorfque le plant
cfl mal enraciné , anciennement arraché &; planté dans une mauvaife
terre : le bon plant doit être ccnfervé dans toute fa longueur. Le
charme vient affez volontiers dans toutes fortes de terrains , & a l'avan-
tage de croître même fous l'ombrage. Comme ce bois pouffe len-
tement & fe couronne trop pour profiter en futaie, il y a plus d'avantage
à le couper en taillis tous les quinze ans. Des Economes pour faire
des plantations de charmes , tirent la tharmilU des pépinières , ou même
çies forêts j fi l'on fs trouve à portée : la première fe reconnoit aifément
CHÂ n
4 fon écorce claire ^ & à ce qu'elle eft bien fournie de racines ; celle
au contraire qui a été prife au bois eft étiolée , crochue & mal en-
racinée. Le bois de charme de nos forêts eft blanc , mais très - dur ;
aulÏÏ les Tourneurs & d'autres ouvriers l'emploient-ils beaucoup à divers
ouvrages ; & même dans les lieux où l'orme eft rare -, on en fait des
eiTieux & divers ouvrages de charron âge, Les Menuifiers n'en font
guère d'ufage , tant parce qu'il eft difficile à travailler , que parce
qu'il eft fujet à être piqué de vers. Ce bois eft très-bon à brûler &
donne d'excellent charbon ; il eft fort recherché pour les fourneaux
de verrerie , parce que fon feu eft vif & brillant.
II y a une efpece de charme à feuilles panachées , mais qui n eft
pas d'une grande beauté. Il y a encore le charme de Virginie à larges
feuilles ; le charme d'Orient dont les feuilles font moins pliftees & plus
lifles que celles du nôtre ; elles tombent de l'arbre avant l'hiver : le
charme à fruit de houblon quitte aufli fes feuilles avant l'hiver , & ne
produit pas dans les jardins , au printemps , la mal-propreté qu'oa
reproche à notre charme ordinaire & au charme de Virginie. Au reftef
cette circonftance défavantageufe eft un trop petit défaut pour contre-
balancer jamais l'agrément que les charmilles donnent dans la belle faifora
par leur verdure claire & tendre 3 & par leur figure régulière &
uniforme , dont le noble afped eft connu de tout le monde.
Dans le Canada il croît une efpece de charme qu'on appelle bois
d'or & bois dur ; il reffemble à l'orme & a le fruit comme le houblon.
Ce bois eft plus brun que le nôtre , & fort eftimé des Canadiens qui
en font des rouets de poulie pour les vaiffeaux. Cet arbre eft très-
beau & mériteroit d'être multiplié en France.
CHARREE ou FKIGANE , phrygamum, Infede aquatique qui fe
fait une enveloppe autour du corps avec de petits brins d'herbe &
de bois qu'il lie ou colle les uns aux autres au moyen d'un fil mu-
cilagineux qui fort de fa ^ bouche. Cet infede qui reffemble à une
petite chenille & qui a la couleur d'une cendre lelTivée , a fix pattes
de chaque côté avec lefquelles il marche dans l'eau : à mefure qu'il
groftit, il change d'enveloppe flottante; enfuite il fe métamorphofe
en une mouche à quatre ailes , de forme alongée : c'eft la mouche
papillonnacée : elle a de longues antennes en filets , la bouche garnie
de quatre barbillons , & porte fes ailes le long du corps en toit ar-;
jondij ce port lui donne quelque reiE^mblance avec une phalène.
54 C! H A
On trouve quantité de charries dans les eaux courantes. Les tr iiitcÉ
en font fort avides. Dans quelques pays , après qu'on a tiré ces infedes
de leurs étuis , ils fervent d'appât pour attirer les petits poifions*
Aldrov. Z/. VIL dc'mf&ci. cap. i. mais voyez l'article Phrygane.
CHASSE-BOSSE ou PERCE-BOSSE , lyfimachia. Cette plante
fi renommée pour les hémorragies , croît fur le bord de nos étangs ,
de nos ruilTeaux , dans tous les lieux humides & marécageux. Sa
racine eft rampante & rougeâtre. Ses têtes font velues , noueufes ,
hautes de trois pieds ; fes feuilles femblables à celles du faule , bor-
dées d'un filet d'un rouge-brun ; fes fleurs jaunes , inodores & découpées
en cinq ou fix parties. A ces fleurs fuccedent àts, fruits fphériques
qui renferment dans leur cavité des femences menues , très-afi:rin-
gentes. Lyjimachus , fils d'un Roi de Sicile , mit le premier cette plante
en ufage ; c'eft d'où lui vient fon nom latin ; on la nomme encore
corneille plante. On s'en fert quelquefois pour teindre en jaune les étoffes
de laine. Il y a , dit M, DeUu^e , plufieurs autres plantes de ce genre,
dont le caraâere confifle en ce que la fleur efl: ordinairement à cinq
étamines & un piflil , la corolle monopétale faite en baflin , divifée en
autant de fegmens qu'il y a d'étamines ; le fruit placé fur le calice
eft une capfule ronde terminée par une pointe 3c compofée de dix
panneaux.
CHASSE-MERDE. Y oy qz Strund-Iager,
CHASSE-RAGE. Foyei Passe-rage.
CHAT , ye/i^. Animal quadrupède qui a vlngt-fîx dents ; favoir,
douze incifives, quatre canines ; elles font plus longues que les autres,
^ dix molaires , dont quatre en deffus & fix en deflbus. Les mamelles
font au nombre de huit j quatre fur la poitrine & quatre fur le ventre. Il
a cinq doigts aux pieds de devant , & feulement quatre à ceux de derrière.
Quant à la couleur de leur poil, il y en a de blancs , de noirs, de
gris , de cendrés , de roux , de tachetés de dififérentes nuances j M»
Gmelin a obfervé qu'à Tobolsk les chats font rouges.
Le chat 3 dit M. de Buffon , eft un domeftique infidèle qu'on ne
garde que par nécefTité pour l'oppofer à un autre ennem.i encore
plus incommode , & qu'on ne peut chalfer... Quoique \qs chats ,
fur-tout quand ils font jeunes, aient de la gendllefle , ils ont en même
temps une malice innée , un caradere faux , un minois hypocrite ,
>in naturel pervers que l'âge augmente encore , & que l'éducation pe
C H A ^^
fait que mafquer ; en un mot ils font moins amîs de l'homme , que
familiers par intérêt & par habitude... La forme du corps & le tem-..
pérament font d'accord avec le naturel. Le chat eft joli, léger, adroit,
propre & voluptueux. Ce qui eft très-rare dans les animaux , la femella
paroît être plus ardente que le mâle ; elle l'invite , c-ÎIe le cherche ,
elle l'appelle ; elle annonce par de hauts cris la fureur de (as defirs ,
ou plutôt l'excès de fes befoins ; & lorfque le mâle la fuit ou la dé-
daigne , elle le pourfuit , le mord , le force pour ainfi dire à la fatis-
faire , quoique les approches foient toujours accompagnées d'une vive
douleur.
Oo prétend que la caufe de cette douleur accompagnée de cris
dans la chatte , comme il arrive auiîi à la lionne , dépend moins de
l'adion brufque que de la partie naturelle des ijiâles de ces animaux, quî
étant très-courte , font obligés de s'attacher à leur femelle avec leurs griffes
& leurs dents , & les font beaucoup fouffrir ; ce qui paroît auffi plus
naturel que le fentiment de ceux qui difent que la femence de ces
animaux eft brûlante. D'après la defcription anatomique du chat , oa
voit que le gland de cet animal eft hérifle de papilles roides , pi-
quantes & dirigées en arrière: cette mécanique ne feroit- elle point
auiTi une des caufes de la douleur de la femelle dans l'accouplement?
Au fujet de l'accouplement de ces animaux , £oyk rapporte un
fait fingulier: il dit qu'un gros rat s'accoupla à Londres avec une
chatte ; qu'il vint de ce mélange des petits qui tenoient du chat &c
du rat , & qu'on les éleva dans la Ménagerie du ^ Roi d'Angleterre. Il
falloit fans doute que l'excès du befoin de ces animaux fût bien vif j,
pour que des efpeces fi ennemies fe réunifient enfemble.
Les chattes entrent communément en chaleur au printemps de eiî
automne; elles portent environ cinquante-fix jours. Le^- portées font
de quatre , cinq ou fix. Les femelles fe cachent pour mettre bas , parce
que les mâles font fujets à dévorer leur progéniture , peut - être pai:
jalon fie des foins de la femelle. En effet elles prennent 'in foin par-
ticulier de leurs petits, fe jettent avec fureur furies chicnr; & autres
animaux qui voudroient en approcher : lorlqu'on les inquiète trop ,
elles le fervent de leur gueule pour prendre leurs petits par la peau
du cou & les tranfporter dans un autre lieu. Une chofe très-iiu. iliere,'
ceft que ces mères fi foigneufes , fi teidres , deviennent quelquefois
dénaturées , ôc dévorent aulïi leurs petits qui leur étoient ii cher?.
^^ C H A
Il femble que la caufe qui pouiFe quelquefois les mères à détruire
leurs petits , ne doit pas être la même que celle qui excite les mâles
à chercher à les dévorer : il y a lieu de p enfer que les mâles ne le
font que parce qu'ils voient que leurs femelles ceflent de les rechercher,
étant toutes occupées du foin de leur famille. L'on pourroit croira
que les mères ne fe portent à cet excès de cruauté que dans le moment
(de l'accouchement , probablement par la rage que leur caufe la dou-
leur : ce qui le prouveroit , c'eft que fouvent elles ne font que les
mutiler , & en prennent enfuite tous les foins po(îibles.
Les chats ont pris tout leur accroiflement à quinze ou dix - huit
mois. Ils font en état d'engendrer avant l'âge d'un an , & peuvent
engendrer toute leur vie , qui ne s'étend guère au-delà de dix ou douze
ans ; ils font cependant très-durs , très-vivaces , &. ont plus de nerfs
& plus de refforts que d'autres animaux qui vivent plus long-temps.
Le chat, fans être drefle , devient de lui-même un très -habile
chaffeur ; mais fon naturel , ennemi de toute contrainte , le rend in-
capable d'une éducation fuivie. Son grand art dans la chalTe eonfifte
dans la patience & dans l'adreffe ; il refte immobile à épier les ani-
maux , & manque rarement fon coup. La caufe phyfique la plus im-
médiate de ce penchant que les chats ont à épier & à furprendre les
autres animaux , vient de l'avantage que leur donne la confrontation
particulière de leurs yeux ; leur prunelle pendant la nuit fe dilate
finguliérement ; d'ovale & étroite qu'elle étoit dans le jour , elle de-
vient pendant la nuit large & ronde ; elle reçoit alors tous les rayons
lumineux qui fublîftent" encore ; & de plus elle eft encore toute imbi-
bée de la lumière du jour : l'animal voit très-bien au milieu des té-?
nebres , & profite de ce grand avantage , pour reconnoître , attaquer
& furprendre fa proie. Les yeux du chat font pendant la nuit telle-
ment imbibés de lumière , qu'ils paroiffent très-brillans & très lumi--
neux ; & il femble que l'éclat , la fplendeur qu'on remarque au joui?
dans les yeux de cet animal , vient du brillant velouté de la rétine ,
à l'endroit où elle entoure le nerf optique. Mais ce qui arrive à l'œil
cju chat plongé dans l'eau eft d'une explication plus «difficile, & a été
autrefois dans l'Académie des Sciences , le fujet d'une grande difpute.
Voici le fait. On a découvert que fi on plonge un chat dans l'eau ,
^ que Ton tourne alors fa tête , de forte que fes yeux foient direde-?
p.^nt expofés à une grande lumière , il arrive , i", que malgré la
grande
§'
C H A $1
gf ande lumière , la prunelle de l'animal ne fe rétrécît point , & qu'au
contraire elle fe dilate ; & dès qu'on retire de l'eau l'animal vivant ,
fa prunelle fe reflerre. 2''. Que l'on apperçoit diftindement dans l'eau
le fond des yeux de cet animal , qu'il eft bien certain qu'on ne peut
voir à l'air. ( M, fiailcr dit qu'on y voit la rétine avec les vaiffeaux
rouges qui la traverfent , & qu'au refle la prunelle fe dilate à tout
animal qui fe meut ; & le chat n'a rien de particulier par rapport à
ce fait. ) L'expofé d'un tel phénomène feroit foupçonner une forte de
paradoxe dans ce qui eft dit plus haut : c'eft dans les Mémoires de
l'Académie des Sciences , ann. 1704, 170^ , 1710 & 1712 , qu'il faut
lire les conteftations curieufes & utiles qui partagèrent les Académi-
ciens fur le chat plongé dans l'eau. Comme ces animaux fon très-
propres , & que leur robe eft toujours feche & luftrée , leur poil s'élec-
trife aifément , & on en voit fortir des étincelles dans l'obfcurité ,
fur-tout lorfqu'on les frotte à rebroulfe-poil avec la main.
Quoique le chat foit un animal très- volontaire, on peut cependant
le dreffer à faire plufieurs tours de pafle-palfe. N'a-t-on pas mcme
vu à la Foire Saint-Germain , il y a quelques années , un concert de
chats drefles tout exprès ? Ces animaux étoient placés dans des ftalles
avec un papier de mufique devant eux ; & au milieu étoit un fînge
qui battoit la mefure : à ce lignai réglé , les chats faifoient des cris ou
miaulemens trilles & déplaifans , dont la diverfité formoit des fons
plutôt aigus que graves , & tout-à-fait rifibles. Ce fpeâiacle fut annoncé
au petit peuple fous le nom de Concert miaulique. Le chat eft
tellement paffionné pour la liberté , que lorfqu'il l'a perdue , tout autre
fentiment cède au defir de celui de la recouvrer. M. Lemeri enferma un
jour dans une cage un chat avec plufieurs fouris ; ces petits animaux
d'abord tremblans à la vue de leur ennemi , s'enhardirent bientôt au
point d'agacer le chat , qui fe contenta de les réprimer à coups de
pattes, fans les empêcher de retourner à leur premier badinage, qui
n'eut point de fuites tragiques.
Comme on élevé cet animal dans prefque toutes les maifons, chacun
a été à portée d'obferver plufieurs petites nuances de leur caractère,
leurs rufes & leur allure tortueufe. L'ufage des ongles de cet animal ,
ainfi que de ceux du tigre , dépend d'une mécanique particulière :
ils ne font jamais ufés par le frottement du marcher, parce que l'animal
peut les cacher & les retirer dans leur fourreau par la contradion
Tomt II, H
5 8 C H A
des mufcles qui les attachent , & ne les faire fortîr que quand il s'en
veut fervir pour frapper , pour déchirer , & s'empêcher de glifler.
'Ainfi l'artitîce de ces fortes d'armes , qui font tout à la fois offenfives
& défenfives , mérite encore l'attention des Anatomiftes. Le vulgaire
ne reconnoît dans ces griffes que l'inftrument de la colère , & plus
fouvent de la perfidie de cet animal. Le talon du chat , comme celui
des finges , des lions , des chiens , n'étant pas éloigné du refle du
pied, cet animal peut s'affeoir aifément , ou plutôt s'accroupir.
Doit-on regarder comme vrai , ce que dit Mathiolc , quoi u'il en
rapporte pkifîeurs exempLs , que l'haleine des chats pourroit caufer
la pulmonie à ceux qui la refpireroient trop fréquemment. Ce qu'il y
a de certain , c'eft qu'on a vu des perfonnes qui avoient une antipathie
mécanique & finguliere pour les chats , ainfi que d'autres l'ont pour
d'autres objets : on dit que Henri III , Roi de France, avoit tant d'an-
tipathie pour les chats , qu'il changeoit de couleur, & tomboit en fyn-
cope dès qu'il en voyoit.
On voit tous les jours avec étonnement , qu'un chat tombant de
très-haut fe retrouve toujours fur fes pattes, quoiqu'il les eût d'abord
tournées vers le ciel, & qu'il parût devoir tomber fur le dos: \z fouine,
le rmard , le putois & le tigre font dans le même cas. Suivant la dé-
monftration de M. Parent , cet effet fingulier dépend de ce que dans
l'inflant de la chute, ces animaux recourbent leur corps & font un
mouvement mécanique comme pour fe retenir ; d'où réfulte une
efpece de demi-tour , qui rend à leur corps le centre de la gravité,
^ les fait tcmber fur les pattes ; la plus fine connoiffance de la mér
canique ne fercit pas mieux en cette occafion , dit le célèbre Hif-
torien de l'Académie , que ce que fait un fentiment de peur confus
6 aveugle.
Le chat lappe pour boire , comme font tous ceux d'entre les qua-
drupèdes qui ont la babine ou la lèvre inférieure plus courte que la
fupérieure.
Le chat fauvage , nommé en terme de chalTe Chat-haret , diffère peu
du chat domeftique. Il eft plus gros , plus fort : il a toujours les
lèvres noires , le poil un peu rude , les oreilles plus roides , ainfi que
tous les animaux fauvages ; les couleurs -plus confiiantes , & la queue
plus grofle. On ne connaît dans ce climat qu'une feule efpece de
chat fauvage , que l'on retrouve aulîl dans prefque toutes les contrées ^
G H A 5"^
même en Amérique , fans qu'on y puiffe remarqer de grandes variétés.
Au Cap de Bonne-Efpérance on voit des chats de couleur bleue , ou
plutôt couleur d'ardoife. En Perfe , on en voit dont la couleur" eft la
même que celle de nos chats chartreux , mais dont les poils font
longs 5 doux & foyeux comme ceux des chats d'Angora. Ces chats
ont une queue fort longue , & garnie de poils longs de cinq ou fix
doigts : ils l'étendent & la renverfent fur le dos en forme de panache,
comme font les écureuils. D'autres, du genre du chat , reflemblent à de
gros animaux féroces ; tels font le chat-pard ou de montagne , le chat
cervier. Voyez l'article Lynx, Il y a lieu de penfer que les chats de
Perfe , d'Angora en Natolie , d'£fpagne , & nos chats chartreux , ne
font qu'une même race dont la beauté dépend de l'influence particu-
lière de chaque climat. On peut remarquer en général , dit M. de
Bufon , que de tous les climats de la terre habitable , celui d'Efpagne
& celui de Syrie , font les plus favorables à ces belles variétés de la
nature : les moutons , les chèvres , les chiens , les cha/s , les lapins , &c.
ont en Efpagne , en Natolie & en Syrie la plus belle laine , les plus
beaux & les plus longs poils ; les couleurs les plus agréables & les
plus variées. Il femble que ce climat adouciffe la nature , & embellifle
la forme de tous les animaux. Voye^^ à l'article Chèvre. Il n'en eft pas
fans doute de même à l'égard du chat volant , qui ne nous a paru être
qu'une forte de gros écureuil volant^ & qui avec les chauves-fouris&les pré-
tendus chiens volans ^ pourroit faire une clafle particulière de quadrupèdes
rolans : divifion qui , pour le dire en pafTant , dérangeroit la méthode
des Zoologiftes , & y ajouteroit de la confufion. Voye^ ÉcureuiIi'
VOLANT.
Les Dames Chinoifes ont des chats domefliques à oreilles pendantes,
& dont les poils font fins & très longs. Ces caraderes , joints à la
diverfité des couleurs , font des fignes évidens de la longue durée de
leur domefticité. Ces mêmes caraderes défignent auflî , dans les autres
animaux, l'ancienneté de leur efclavage, ainfi que le prouve très-bien
M. de Buffon.
La chair des chats , bien gras & bien nourris , & particulièrement
celle des chats fauvages , préparée en civet , eft trouvée par plufieurs
perfonnes , & fur-tout par les habitans de quelques cantons de la
SuifTe, d'un aufli bon goût que celle du lapin & du lièvre.
Tout le monde fait que le chat a été révéré comme un Dieu par
Ha
€o € H A
les Egyptiens ; & que celui qui en tuoit un , foit de propos délibère ^
foit par inadvertance , étoit févéremcnt puni. S'il en mouroit un de.
mort naturelle , toute la maifon fe mettoit en deuil ; on fe rafoit le?
fourcils ; on l'embaumoit , & on l'inhumoit avec tous les honneurs de
l'Apothéofe. On a vu ailleurs des perfonnes plus affligées de la mort
de leur chat , que de la perte d'une famille voifine , ruinée par une
incendie , & poufler la folie jufqu à faire graver & pofer des épitaphea
fur la tombe de leurs chats. Henri III ne penfoit pas ainfi.
On voit au cabinet du Jardin du Roi plufieurs fœtus de chats
monftrueux , plus finguliers les uns que les autres , & entr'autres un
chat à deux têtes. Nous en confervons deux femblables dans notr^
cabinet.
Les Pelletiers apprêtent la peau du chat , & en font diverfes four-
rures. Les peaux de chats fauvages ou chats-harets , font de couleur
brune ou grife : on en tire beaucoup de Mofcovie ; l'Efpagne fournit
auiîi beaucoup de cette pelleterie. M. Bourgeois dit qu'on fait beaucoup
de cas en SuilTc de la peau de chat fauvage , préparée avec le poil,,
pour envelopper les membres attaqués de rhumatifme & de fciatique
les plus opiniâtres & les plus invétérés , & que fouvent on s'en trouve
guéri.
CHATAIGNE D'EAU. Foyei Teibule aquatique..
CHATAIGxNE DE MER. Foye^ Oursin.
CHATAIGNIER, caflanea. On en diftingue de deux efpeces j
fevoir, le fauvage, qui porte proprement le nom de chaLÙgnier ; l'autre
efpece que l'on cultive , fe v\omvs\Q marronnier. Le tronc de CQt arbre eft-
quelquefois fi gros , qu'à peine trois hommes peuvent l'embraficr. Sa
tige eft ordinairement très-droite , fort longue jufqu'aux branchages
& bien proportionnée. Quoiqu'il croilîe du double plus vite que le chêne,
ion bois eft folide ; il eft prefqu'incorruptible , & il pétille dans le feu..
Son écorce lifte & tachetée tire fur le gris. Ses feuilles longues de
quatre à cinq pouces, dentelées fur les bords, & qui donnent beau-
coup d'ombrage , ne font prefque point attaquées des infedes , peut-
être à caufe de leur état de féchereftè. Les fleurs mâles font des chatons
Gompofés d'étamines , & croiftent fur le même individu , mais féparées
des fleurs femelles. Ces dernières qui ont une forte odeur fpermatique,.
font formées par un calice , au milieu duquel eft unpiftil qui fe change
en un fruit épineux , qui fe fend lorfqu'il eft mûr , & lailTe échapper
un ou plufieurs marrons,.
C H A 61
Le ckâta'ignUr efl un grand & gros arbre , qui croît naturellement
dans les climats tempérés de l'Europe occidentale. Quelle qu'en foit
la caufe , il eft moins commun préfentement qu'il ne Tétoit autrefois:
& c'efl à regret qu'on ne trouve plus de châtaigniers dans les forêts
de plufieurs Provinces , oîi il y a quantité d'anciennes charpentes de
ce bois. Cet arbre, par fa ftature & fon utilité , a mérité d'ctre mis
au nombre de ceux qui tiennent le premier rang parmi les arbres
foreftiers; & on eft généralement d'accord que ce n'eft qu'au chêne
feul qu'il doit céder. Il paroît certain , par les regiftres de l'hôtel-de-
ville d'Orléans , que Ton a vu la forêt d'Orléans changer alternati-
vement de nature de bois , avoir été pendant un laps de temps en
chênes , enfuite en châtaigniers , redevenir enfuite forêt de chênes^
Dans les forêts de chênes il fe trouve beaucoup de jeunes châtaigniers
mêlés , qui profitent peu , parce qu'ils font étouffés par les autres
arbres. Quand on abat les bois , le châtaignier qui a de l'air poufTe
avec vigueur , étouffe les jeunes poufTes des chênes & prend leur
place.. On a fait les mêmes obfervations dans d'autres forêts.
Le châtaignier eft un arbre que l'on cultive avec fuccès dans la
Tourraine , dans le Limoufin , dans le Vivarais & le Dauphiné , oii'
il produit de très-beaux marrons que l'on porte à Lyon j ce qui les
fait nommer marrons de Lyon. Le châtaignier ne diffère du marronnier ,:
qu'en ce que n'étant pas cultivé , fon fruit & toutes fes parties font
plus petites. Ainfi fi l'on veut cultiver le châtaignier pour en avoir
de meilleur fruit , il faut le greffer en flûte ou en écufTon , & alors
on l'appelle numonnier : on peut encore le multiplier de branches
couchées.
On fait à Bordeaux avec le bois de châtaignier , qui eft blanc &
d'une dureté médiocre, pi ufieurs ouvrages de menuiferie très-beaux.
Il eft excellent pour la charpente : on s'en fert pour la fculpture j il
a toutes les qualités néceffaires pour faire de bons vaifleaux propres
à contenir les liqueurs. Lorfque le châtaignier a la grofTeur des taillis,
on en fait de bons cerceaux & des futailles parfaites. M. Bourgeois dit
que les vafes du châtaignier contribuent beaucoup à donner de la
qualité au vin & à le perfedionner ; la fermentation s'y fait très-
lentement ; & le vin qu'on y entonne , conferve plus de douceur î.
d'ailleurs les pores de ce bois font plus petits & plus ferrés que ceux
du fapin & du chêne ^ & la partie fpiritueufe s'évapore beaucoup;
67. C H A
moins. Cette feule confidération devroit engager à planter des bols
de châtaigniers dans beaucoup de pays de vignobles , où il réuffiroit
très-bien , & où on en néglige la culture. Il feroit fur-tout très-utile
dans les pays où les vins font verts & foibles. Le bois du châtaignier
pétille au feu & rend peu de chaleur ; fon charbon s'éteint prompte-
ment ; & fi l'on fait ufage des cendres de ce bois pour la leliive ,
le linge eft taché fans remède.
Le châtaignier forme de très-belles futaies , lorfqu'il eft dans un
terrain qui lui eft propre. Les terrains où il fe pi :ît le plus , font
ceux dont le limon eft mêlé de fable & de pierrailles : il fe contente
auflî des terrains fablonneux , pourvu qu'ils foient humides : il re-
doute les terres dures & marécageufes. Il n'eft pas rare de voir des
châtaigniers d'une groffeur prodigieufe : Kirker , dans fa Chine illuf-
trée 5 cite un de ces arbres que l'on voyoit fur le mont Etna : fa
groffeur étoit telle , que fon écorce fervoit de parc pour enfermer
pendant la nuit un troupeau de moutons.
Le fruit du châtaignier eft d'une très-grande utilité; le climat contri-
bue beaucoup à lui donner de la qualité & fur-tout de la groffeur.
Les châtaignes du Portugal font plus groffes que les nôtres ; & celles
d'Angleterre font plus petites. Les Montagnards vivent tout l'hiver de
ce fruit qu'ils font fécher fur des claies au moyen du feu, & qu'ils
font moudre , après l'avoir pelé , pour en faire du pain , qui eft
nourriffant , mais fort lourd , indigefte & venteux ; les habitans du
'Périgord, du Limoufin &des montagnes des Cevennes , font un grand
ufage de ce pain de châtaigne pétri avec du lait. On prétend que
tous ces peuples ont un tein jaunâtre : effet produit par cette nourri»
ture. Les châtaignes féchées , connues fous le nom de châtaignes blanches
ou de cafiagnons , fe préparent dans les Provinces méridionales de
France. Une circonftance remarquable dans cette préparation qui eft
longue , mais qui d'ailleurs n'a rien de particulier , c'eft qu'on fait
prendre aux châtaignes , avant que de les expofer au feu , un com-
mencement de germination qui leur donne une douceur très-agéable :
dans cet état elles différent des châtaignes fraîches , comme le grain
germé ou le malt diffère du même grain mûr & inaltéré ; aufÏÏ y a-t-il
tout lieu de conjeélurer qu'elles feroient très-propres à fournir de
bonne bierre. M. Montet a donné une defcription de la façon de fécher
les châtaignes 5 ufitée dans les Cevennes, Voyelles Mémoires di l'Académie
C H A 6-3
des Sciences , annk 1768 . Voici la façon dont les Habitansdu Limoufin
préparent les châtaignes. Après les avoir fait fécher fur des claies à
la fumée , ils les broient dans de grands pots de fer avec deux morceaux
de boii ajuftés en forme de tenailles ; ils en forment une efpece de
bouillie qu'ils mangent mêlée avec du lait ; fouvent ils les mangent
cuites & pelées , ou bien grillées : la chdtaigna eft le mot générique.
La chdtaigna pdada eft celle qui eft cuite dans Teau ; la chdtaigna
grïllada , celle qui eft grillée ; & la chdtaigna burfada , celle qui eft
en bouillie. Dans les Cevennes on fait auiîi avec les châtaignes une
bouillie qu'on nomme la chdtaigna ou burfada. On donne aux
beftiaux & à la volaille les châtaignes deftechées & brifées. On fert
les marrons {uv les meilleures tables, foit bouillis, foit rôtis, foit glacés.
X-a farine de châtaigne eft employée pour arrêter les diarrhées.
Outre le marronnier ordinaire on diftingue celui qui eft à feiàlUs
panachées , celui qui eft à g'^ppes , & le châtaignier de Virginie ou le
chinkapin , & celui d'Amérique à larges feuilles & à gros fruit. Confuhei^
Miller /'OKA ks plantations en grand de cette forte d^ arbre,
CHATAIGNE NOIRE. Voyei Ckiocere.
CHAT CERVIER. Voyzi à tartide Lynx.
CHx\T DE CONSTANTINOPLE , ou Chat d'Espagne , Chat
Musqué, Chat Civette, Chat Genette, Foyeià la fn du mot
Civette f article Genette.
CHAT MARIN. Foyei Roussette-Poisson. Quelques-uns don-
nent le nom de chat marin à une efpece de phoque. On donne aufîî
le nom de chat marin à ïours marin. Voyez ces mots.
CHATE-PELEUSE. Voyei Charençon.
CHAT-HU ANT , (irix findula ; LiNN. Efpece de hibou de la
grofteur d'un pigeon. L'iris de l'œil eft bleuâtre & le bec d'un jaune
verdâtre. Il y a le petit chat-huant qui tient de la chouette, M. Briffon
fait mention du chût ■ huant du Canada , (Irix Canadenfis ; du
chat-huant de la baie c'Hucfon ; c'eft le ^qûx. faucon- chouette d'Edwards
il y en a de blancs ; du chat - huant & de la chouette du Mexique ;
de la chouate de Coquimbo ; c'eft la chevêche- lapin de Feuillée. Il y a
encore le chat - huant de Cayenne. Cette efpece d'oifeau nouvellement
connue , eft de la grandeur du chat-huant ; mais fes yeux (ont jaunes.
Un carr.â:ere remarquable de cet oifeau eft fon plumage roux , rayé
tranfverialement de lignes en ondes brunes & très-étroitesj non-feulement
(^4 C H A
fur la poitrine Scie ventre , mais mêms fur le dos, Son bec efl de couleur
de chair; fes ongles noirs. F'oyei aux mots Hiboj & Chouette.
CHATOYANTE. Nom donné par les Lapidaires à la pierre que
des Naturaliftes ont appellfe aii du monde, L'expreflîon de chatoyante,
eft tirée de l'œil du chat, ôc tranfportée dans la langue des Lithologiftes:
c'eft montrer dans une certaine expolition à la lumière un ou plufieurs
rayons brillans , colorés ou non colorés , au dedans ou à la furface»
partant d'un point comme centre , s'étendant vers les bords de la
pierre , & dirparciflant à une autre expofition de lumière. Voye^
(EiL DU Monde.
CHAT-PA?\D , cartus p ardus. Quadrupède féroce de l'Afrique ,
dont le nom & la figure ont fait croire qu'il étoit engendré par le
mclange d'un léopard & d'une chatte , ou d'un chat & d'une pan-
thi;re. Cette opinion a été foutenue par les Anciens , quoiqu'il y
ait une grande différence entre ces deux fortes d'animaux pour leur
groffeur , pour la durée du temps de leur portée. On a diflequé un chat-pard
mâle à l'Académie , qui n'avoit que deux pieds & demi de longueur,
& un pied & demi de hauteur.,Sa queue avoit huit pouces de longueur:
il reflembloit extérieurement au chat , & auffi gros à proportion de
la longueur ; le defTus du corps étoit roux , le deflbus du ventre & le
dedans des jambes étoient de couleur ifabelle ; le deflbus de la gorge
blanc. La peau du corps tachetée de plaques noires & longues, celles
du ventre étoient rondes, & les oreilles traverfées de bandes noires.
Les poils de la barbe plus courts que ceux du chat. Foyei les Mem,
de l'Acad. Roy, des Sciences, Tome III , Partie I. Voyez maintenant
l'article Serval,
CHAT DE ROCHER. Nom donné à uns efpece de roujfette»
Voyez ce mot.
CHAT-TIGRE, roye^ Serval.
CHAT VOLANT & CmEN VOLANT. Fbyq Chauve-Souris.
CHAVAYER. F'oyei à l'article Caille-LAIT.
CHAUD & CHALEUR. Nom donné à une propriété du feu , dont
la nature eft oppofée au froid ; on connoît la préfence , & l'on mefure
le degré de la chaleur par la raréfadion de l'air , ou par c-elle de quelque
liqueur renfermée dans un thermomètre.
La diverfité de chaleur des différens climats de la terre & des
différentes faifons , naît en grande partie de la nature du fol , de fa
fituation
G H A 6^
lîtuatîon & des différens angles fous lefquels les rayons du foleil
viennent frapper la furface de la terre. Les montagnes qui préfentent
au foleil un côté concave , font quelquefois l'effet d'un miroir ardent
fur la plaine qui eft au bas. Les nuées qui ont des parties concaves
ou convexes produifent quelquefois le même effet par réflexion ou par
Téfraétion. On fait qu'un terrain pierreux , fablonneux , plein de
craie, réfléchit la plupart des rayons, & les renvoie dans l'air, tandis
qu'un terrain gras , à tourbe & noir , abforbe la plupart des rayons
& n'en renvoie que fort peu ; ce qui fait que la chaleur s'y conferve
long-temps. Voyc^ Fkoid & Feu.
Les Naturaliftes foutiennent communément que la chaleur augmente
à mefure qu'on approche du centre de la terre , mais cela n'eft point
exaélement vrai. En creufant les mines , les puits , &c. on trouve qu'à peu
dediflance de la furface de la terre , on commence à fentir de la
fraîcheur ; un peu plus bas , on en fent davantage j & lorfqu'on eft
parvenu au point où les rayons du foleil ne peuvent répandre leur
chaleur 5 l'eau s y glace ou s'y tient glacée; c'eft cette expérience qui a
fait inventer les glacières , S:c. Mais quand on va encore plus bas ,
favoir à quarante ou cinquante pieds de profondeur , on com-
mence à fentir de la chaleur , de forte que la glace s'y fond : & plus
on creufe au - delà , plus la chaleur augmente jufqu'à ce qu'enfin la
refpiration y devient difficile , & que la lumière s'y éteiirt. Ce dernier
phénomène ne feroit-il pas dû à l'inertie de l'air , ou aux vapeurs
ftagnantes & mophétiques ?
Si, au contraire, l'on monte de hautes montagnes , même dans les
climats les plus chauds , l'air , à une certaine élévation , fe trouve
froid & perçant. On attribue cet effet à la fubtilité de l'air dont les
parties font trop écartées les unes des autres à une fi grande hauteur,
pour réfléchir une affez grande quantité de rayons du foleil. M.
^o//r^é<3/i dit qu'on pourroit encore ajouter trois caufes de la fraîcheur
de l'air qu'on reflent fur les hautes montagnes ; la première, c'efl que
l'air n'y efl: jamais tranquille comme dans la plaine , mais dans une
agitation continuelle; la féconde, l'obliquité des rayons du foleil. (En
effet la chaleur ne provient pas de la plus grande proximité de cet aflre,
& le froid de fon plus grand éloignement : il efl: démontré que Iw foleil
eft plus rapproché de nous en hiver qu'en été. Les chaleurs dans tous
Iqs climats ont pour caufe la chute perpendiculaire de (qs rayons, le
Tome //, I
66 C H A
froid de l'hiver , fa chute la plus oblique , vérités prouvées par les
différentes poritions de la iphere , qui donne la température de la zone
torride, des zones tempérées & des glaciales; ) la troifieme, c'eft que
Tair eft beaucoup moins chargé de vapeurs aqueufes, qui étant de
figure fphérique raiîemblent plufieurs rayons dans un même foyer ,
comme les verres lenticulaires. La chaleur brûlante & étouitante qu'on
relient dans la plaine quelque temps avant les orages d'été , ne démontre-
t-elle pas d'une manière inconteftable , combien cette dernière caufe
contribue aux divers degrés de chaleur de notre atmofphere ?
CHAUSSE-TKAPE. Voyc^ Chardon étoile.
CHAUSSE-TRAPE. Coquillage de mer, d*un blanc fale, couvert
de bclîages , de rides & de trois rangs de ramages déchiquetés
depuis le haut jufqu'en bas : ce coquillage univalve, eft, félon M»
d" Argcnville , de la famille des pourpres : on l'appelle aulflî cheval de
frife , de fa reflemblance avec la chahfje-trape de guerre. Cette machine
étoit fort en ufage chez les Romains. Ils avoient foin d'en femer dans
les plaines pour empêcher le paflage de 1? Cavalerie ennemie. Ces
machines étoient de fer ou de cuivre enfoncées dans la terre par
quelques-unes de leurs pointes , il en reftoit toujours d'autres élevées
qui bklToient les pieds des hommes ou des chevaux , lorfqu'ils s'en-
gageoient avec trop de confiance fur ce terrain perfide.
CFIAUVE-SOURIS , vefpertilw. Animal d'une ftruéture finguliere,
que l'on voit voltiger lé (oir dans les airs au déclin du jour , & que
Ton peut confidérer , comme faifant la nuance des quadrupèdes aux
oifeaux , puilqu'il n'eft pas parfaitement quadrupède , & encore plus
imparfaitement cifeau.
La chauve- fouris nous paroît un être difforme , parce qu'elle ne
relTemble à aucun des modèles que nous préfentent les grandes clafles
de la nature. Elle a quelque refTemblance avec la fouris; elle eft,
ainfi qu'elle, couverte de poils, mais elle porte de longues oreilles,
qui font doubles dans quelques efpeces. La tête de ces animaux a
fur-tout des difformités finguiieres: dans quelques efpeces , le nez eft à
peine vifible , les yeux font enfoncés tout près de la conque de
l'oreille ; dans d'autres, les oreilles font aufïî longues que le corps,
ou bien la face eft tortillée en forme de fer à cheval , & le nez eft
recouvert par une efpece de crête. Ce font ces formes de têtes
fîngulieres qui ont engagé M, cCAubmion à donner à ces nouvelles
C H A 6-7
efpeces de chauve-fouris qu'il a découvertes, le nom de grand & petit
fer à cheval^ celui (Soràllar. Un feul coup-d'œil jette fur les belles
planches de l'Hiftoire Naturelle de MM. de Buffon & ^Aubenton ,
les fera mieux connoître que toutes les defcriptions. On voit dans
le Cabinet du Jardin du Roi ces diverfes efpeces de chauve-fouris
confervées dans de l'efprit- de-vin. En général les chauve-fouris ont
les yeux très-petits , la bouche fendue de l'une à l'autre oreille. Leurs
mâchoires font armées de dents très-tranchantes ; elles ont à la partie
poftérieure deux petites pattes , mais les deux pattes de devant font
des efpeces d'ailerons , ou fi l'on veut , des pattes ailées , où l'on
ne voit que l'ongle d'un pouce court , qui fert à l'animal pour
s'accrocher ; les autres quatre doigts font très-longs & dix fois plus
grands que les pieds , réunis par une membrane qui va rejoindre les
pattes de derrière, & même la queue dans quelques efpeces ; (car
toutes les chauve - fouris n'ont pas de queue ). C'eft à l'aide de cette
membrane que l'animal déploie à volonté , qu'il voltige dans les airs
par des vibrations brufques , dans une direélion oblique & tortueufe,
pour attraper les r < ucherons & les papillons dont il fait fa nourriture.
Les chauve-fouris font de vrais quadrupèdes par un grand nombre
de caraâeres , tant intérieurs qu'extérieurs. Les poumons , le cœur,
les organes de la génération , tous les autres vifceres font femblables
à ceux des quadrupèdes , à l'exception de la verge qui eft pendante
& détachée , fuivant la remarque de M. de Bufori , ce qui eil particulier
à l'homme , aux finges & aux chauve-fouris. Ces animaux produifent
comme les quadrupèdes leurs petits vivans ; les femelles ont deux
mamelles , & n'ont ordinairement que deux petits, qui, àhs qu'il font
nés, s'attachent aux mamelles de la mère. On dit qu'elle les alaite &
les tranfporte même en volant. C'eft en été que les chauve-fouris
s'accouplent & mettent bas : car elles font engourdies pendant tout
l'hiver ; on les trouve fufpendues dans les voûtes des fouterrains par
les pieds, la tête en bas; d'autres fe recelé t dans des trous.
Quoique ces animaux fupportentplus aifémentla diète que le froid,
ils font cependant carnaffiers : car s'ils peuvent entrer dans un office
ils s'attachent aux quartiers de lard , à la viande cuite ou crue , fraîche
ou corrompue.
Les chauve-fouris fe retrouvent dans divers pays ; mais dans la
plupart des climats chauds, on en voit de mxonftrueufespourla groffeur.
I 2
é^ C H A
Il yen a qui ont une forme de tête fi fingulîere, que tes animaux-
auxauels on a donné les noms de chkns-volans , & de chats-volans , ne
font peut-être que des chauve-fouris très-grofïes, dont la bouche efl
armée de fortes dents. (Peut-être auâî les véritables chiens-volans ne
font-ils que de très-grands polatouches ou écureulls-volans à longue
queue , & dont M. Fofmaër a donné la defcription ). II y a des efpeces
qui font particulières à l'Afie méridionale & à l'Afrique , d'autres à
l'Amérique.
En Afrique & dans l'Afie méridionale il y en a deux efpeces qui
paroillent aflez diftindes , & quife trouvent dans l'un & l'autre climat j
l'une porte le nom de rcujfuu & l'autre celui de rougette,
La roujjette , dont le poil eft d'un roux brun , a neuf pouces de
longueur depuis le bout du mufeau jufqu'à l'extrémité du corps , c^
trois pi^eds d'envergure , lorfque les membranes qui lui fervent d'ailes
font étendues : cet animal eft de la grofleur d'un corbeau ; les Chinois
en m.angent la chair qu'ils trouvent délicate.
La rougctte. , dont le poil eft cendré - brun , n'a guère que cinq
pouces & demi de longueur & deux pieds d'env. ? jure : elle porte fus:
le cou un demi-collier d'un rouge vifmclé d'orangé, dont on n'apperçoit
aucun veftige ûir le cou de la rouifette ; on les trouve toutes deux
à nie de Bourbon , à Madagafcar , à Ternate , aux Philippines & dans
les autres îles de l'Archipel Indien. Ces deux efpeces de chauve-fouris
fe voient au Cabinet du Roi , oii elles ont été apportées de l'île de
Bourbon.
Ces deux efpeces font donc attachées à ce climat , &: différent d'une
autre qui eft très-fréquente en Amérique. On ne nousa point tranfmis le
nom Américain de ce quadrupède volant, auquel M. de. Buffcn a donné
le nom de vampire^ parce qu'il fuce le fang des hommes & des animaux
qui dorment. Les chauve-fouris de l'ile de France ont ceci de particulier
qu'elles volent de Jour comme la plupart des oifeaux. Elles ont près
de quatre pieds d'ehvergure ; elles ne perchent pas , elLs s'accrochent
par les pieds aux branches des arbres , la tête pendant en bas ; &
eqmme leurs ailes font aufîi. fournies de plufîeurs crochets, elles ne
tombent pas aifcment quand on les a. frappées. Quand on les voit
4'un peu loin , pendantes & enveloppées de leurs ailes, on les prend,
plutôt pour des fruits ,. que pour des oifeaux..
Qn. dit que vers la rivière des Amazones, il y a des chauve-fqurîji
C H À 6*^
monflrueufes qui font un des plus grands fléaux , parce qu*elles fucen
le fang des chevaux & des mulets j elles ont détruit le gros bétail que
les Millionnaires y avoient apporté, &qui commençoit à s'y multiplier.
Il y a des endroits où elles font en fi grand nombre , qu'on les voie
voler par nuées ; à la pointe du jour elles s'attachent au fommet des
arbres, & s'y tiennent pendues l'une à l'autre comme un eflaim
d'abeilles.
Le vampire eft plus petit que la rougette , il a le mufeau plus alongé^
rafped: hideux , comme les plus laides chauve-fouris , la tête informe
& furmontée de grandes oreilles fort ouvertes & fort droites ; il a le
nez contrefait, les narines en entonnoir , avec une membrane au-deffus
qui s'élève en forme de crête pointue & qui augm.ente de beaucoup
la difformité de fa face. Les anciens connoiffoient aifez imparfaitemen-t
ces quadrupèdes ailés , qui font des efpeces de monftres ; & il efi: affez
•vraifemblabie que c'eft d'après ces modèles bizarres de la nature que
leur imagination a defliné les harpies. Les Voyageurs de l'Amérique
s'accordent à dire que les chauve-fouris de ce nouveau continent
fucent , fans les éveiller, le fang des hommes & des animaux endormis.
Nous avons cru , dit M. de Ënffbn , devoir examiner comment il e/i
pollible que ces animaux puilient fucer le fang fans caufer en même
temps une douleur au moins afiez fenfible pour éveiller une perfonne
endormie.. S'ils entamoient la chair avec leurs dents , qui font trèsi-
fortes & groffes comme celles des autres quadrupèdes de leur taille ^
l'homme , le plus profondément endormi , & les animaux fur - tout ,.
dont le fommeiî cfl plus léger que celui de l'homme, feroient bruf-
quement réveillés par. la douleur de cette morfure : il en eft de même
des blefliires quMs pcurroient faire avec leurs ongles ; ce n'eft donc
qu'avec la langue qu'ils peuvent faire des ouvertures aflfez fubtiles
dans la peau, pour en tirer du fang & ouvrir des veines fans caufer
une vive douleur. Nous n'avons pas été à portée de voir la langue du
vampire ; mais , ajoute-t-il , celle des roujfetus , que M. d''Aiibentcn
a examinées avec fjin , femble indiquer la poffibiiité du fait ; cette,
langue eft pointue & hériflee de papilles dures, très-fines , très-aiguës
& dirigées en arrière ; de ces papilles les unes ont trois pointes com^me
un trident , ce font celles qui font placées fur le milieu de la partie:
moyenne antérieure de la langue; ces pointes , qui font très -fines ,,.
peuvent s'inCnuer dans les pores de la peau , les élargir & pénétreji
70 CHA
afTez avant pour que le fang obélfTe à la fuccion continuelle de la
langue. Ces animaux fucent ainfi le fang des hommes & des animaux
pendant qu'ils dorment , jufqu'à les épuifer & mcme au point de les
faire mourir ; car les veines étant ouvertes , le fang s'écoule fans que
le dormeur s'en apperçoive.
Les roujjettcs & les rougettes font des animaux plus grands, plus
forts & peut-être plus méchans que les vampires ; mais c'eft à force
ouverte, en plein jour auffi bien que la nuit , qu'elles font leur dégât;
elles tuent les volailles & les petits animaux , elles fe jettent même
fur les hommes , les infultent & les bleflent au vifage par des morfures
cruelles ; cependant les Voyageurs ne difent point qu'elles fucent
le fang des hommes & des animaux endormis : mais leur {ilence
n'eft pas une preuve complette , attendu la grande analogie , & la
grande reffemblance qu'il y a entre ces animaux & les vampires.
On voit encore en Amérique une efpece de chauve - fouris qui y
eft très-commune, qui ne fe trouve point en Europe, & qu'on peut
nommer la chauvc-fouris fer de lance , parce qu'elle porte au devant de
fa face une membrane qui repréfente aflez bien' un fer de lance garni
de fes oreillons ; cette efpece de chauve-fouris' eft encore remarquable
en ce qu'elle n'a prefque point de queue , & qu'au lieu d'avoir fix
dents incifives à la mâchoire inférieure comme les autres chauve-fouris,
elle n'en a que quatre : on en voit une autre au Sénégal , dont la
membrane qu'elle porte fur le nez refTcmble à une feuille ovale.
Les chauve-fouris , dit M. de Buffon , qui ont de grands rapports
avec les oifeaux par leur vol , par leurs ailes , 8c par la force des
mufclcs pedoraux , paroifTent s'en approcher encore par ces membranes
ou- crêtes qu'elles ont fur la face. Ces parties excédentes qui ne fe
préfentent d'abord que comme des difformités fuperflues , font les
caraderes réels & les nuances vifibles de l'ambiguité de la nature entre
ces quadrupèdes volans & les oifeaux : car la plupart de ceux-ci ont
auflî des membranes & des crêtes autour du bec & de la tête, qui
paroifîent toutes aufli fuperfiues que celles des chauve-fouris.
CHAUVE -SOURIS AQUATIQUE. Foyei Guacuaua.
CHAUVE-SOURIS CORNUES. Tojq Andiracuacku.
CHAVITSI. Nom donné par les Kamtfchadales au meilleur & au
plus gros poilfon de leur pays : il reffemble au faumon ordinaire ,
-mais il eft plus large. Son mufeau eft pointu , la mâchoire fupérieure
CHA 71
efl: plus longue que ririférieure. Son dos eft bleuâtre & tacheté de
noir , les flancs font argentés , & le ventre blanc -, les ouies longues
& minces : (a chair eft rouge ; fa largeur eft environ le quart de fa
longueur. Le chavitfî eft un poiîTon rare & fort gras ; fa grai:Te ne
peut fe conferver , elle fe corrompt. Les Cofaques (aient fon ventre ,
fon dos & (a tête. Le ventre eft la partie la plus délicate 5 quand
ce poilTon eft féché au foleil , on prétend qu'il égale & furpaft'e même
i'efturgeon de Jakaîski , qui eft le plus renommé.
CHAUX NATURELLE. Foye^ au mot PiEKRE A CHAUX.
CHEKAO. Nom donné à une forte de fpath alcalin & ftrié que
les Chinois font entrer dans la compoiition de la couverte de la por-
celaine. Foyz^ Spath.
CHELIDOINE GRANDE ou ÉCLAIRE, chdidonia major. Cette
plante croît dans les environs de Paris,dansles haies, dans les fentes des mu-
railles & des vieux édifices; elle fe plaît finguliérement à l'ombre. Ses racines
font fibreufes , armées a une tête rougeâtre garnie de chevelu ; fa tige eft
rameufe, nouée ,un peu velue & haute d'un pied &demi: fes feuilles font
vertes,liffcs, découpées, un peu femblables à celles de XancoVu , ouà celles
de la renoncule des jardins : voye^ ces mots. De l'aiffelle des feuilles
qui font à l'extrémité des tiges , s'élèvent des pédicules longs chargés
de fleurs difpofées en bouquets ou en croix , compofées chacune de
quatre feuilles jaunes ; le piftil fe change en une filique longue d'un
pouce & demi, verte d'abord , enfuite rougeâtre, qui répand en
s'ouvrant des graines d'un jaune noirâtre , applaties & groffes comme
celles du pavot. Toutes les parties de l'éclairé contiennent un fuc jaune
ou orangé afl'ez abondant. Cette plante , prife en infufion faite à l'eau
ou au petit lait, & à la dofe de quatre ou cinq onces par jour, eft
diurétique , propre pour les obftrudions de la rate , du foie & des
uretères , & fur-tout pour guérir la jaunifle ;car elle donne de la fluidité
à la bile épaiflie dans les pores biliaires. On prétend que fon ufage eft
pernicieux lorfque la jaunifTe eft due à une inflammation du foie, ou
à quelque maladie aiguë , comm.e le fpafme, la morfure d'une vipère,
d'un animal enragé , &c. On prétend aufli que fon fuc pris intérieure-
ment diflipe le poifon par les fueurs ; mais il en faut prendre modé-
rément : car il eft fi acre qu'il produit fouvent des fymptômes
horribles.
CHELIDOINE PETITE ou PETITE SCROPHULAIRÇ ,
72 CHE
clulldonîa minor. Plante qui , félon M. Ddm^z ^ eft une efpece de
renoncule. On la trouve prefque dans les mêmes endroits que la
précédente ; fa racine eft également fibreufe ; à ces fibres blanchâtres
font attachés des tubercules oblongs , gros comme de petits pignons
&: de diflérentes formes ; fes tiges font demi -rampantes , fes feuilles
arrondies , vertes & luifantes , & d'une faveur d'herbe. Au fommet
de chaque tige naît une fleur femblable à celle des renoncules, d'une
couleur dorée & éclatante ; du milieu s'élève un piftil qui fe change
en un fruit arrondi en mianiere d'une petite tête verte -jaunâtre , &
rempli de femences oblongues. Cette plante ne tient pas le dernier
rang dans les antifcorbutiques : pilée & appliquée fur les hémorroïdes,
fur les écrouelleSjfur les verrues, elle y produit un effet très-falutaire:
on la fait cuire dans du fain-doux pour en faire une pommade propre
aux maladies ci-delfus défignées.
CHELIDOINE. On donne aufîi ce nom à des pierres rondes ,
applaties , que les hirondelles ont avalées pour faciliter leur di-
geftion : on les trouve dans leur eftomac, Voy^i^ Pierre d'hirondelle.
CHENOLITE. Vovez Brontïas,
CHENE , quercus, C'eft le plus grand, le plus beau , le plus durable
& le plus utile des végétaux qui croiffent dans nos forêts. Cet arbre il
renommé dans la haute antiquité , fi chéri des nations Grecques &
Romaines, chez lefquelles il étoit confacré au père des Dieux, fi
célèbre par le facrifice de plufieurs peuples , cet arbre qui a fait des
prodiges, qui a rendu A^s oracles , fut aulfi le frivole objet de la
vénération de nos pères , qui dirigée par des Druides trompeurs , ne
rendoient aucun culte que fous les aufpices du 2,ui de chêne facré; voy\
Gui. Mais ce même arbre confidéré fous un point de vue plus vrai ,
ne fera plus à nos yeux qu'un fimple objet d'utilité : il méritera à cet
égard des éloges bien moins relevés, il eft vrai, mais beaucoup mieux
fondés.
Le chêne eft généralement répandu dans les climats tempérés , il
ne fe plaît point dans les deux autres climats oppofés. Il fe fait
connoître par fa majefté : car dans fon âge mûr il furpafle prefque tous
les autres par fa hauteur & fa grolfeur j il répand fes rameaux au
large; fon tronc eft couvert d'une écorce épaifle , raboteufe, crevaffée,
rude & rougeâtre intérieurement. Ses feuilles font d'un beau vert ,
plus larges à leur extrémité 3 découpées dans leurs bords par des
iinuofités
ÎJnuofités arrondies , & attachées à des pédicules afTez courts. Cet
arbre porte fur le même pied , mais dans des endroits féparés, des
îlfiurs mâles & des fleurs femelles. Les premières font à étamines ; elles
font attachées le long d'un filet Se foi-ment un chaton ; leur ufage eft
de féconder les fleurs femelles compofées d'un calice «pais , charnu ,
au milieu duquel eft un piftil ; ces dernières font auflî quelquefois
difpofées fur un filet. A ces fleurs fuccedent les fruits que l'on nomms
glands , qui font engagés en partie dans une efpece de petite coupe,
qu'on appelle calice ou cupule. Ce fruit , en forme d'olive , couvert
d'une écorce dure, luifante , renferme une amande compofée de deux
lobes d'un goût âpre & aufter e , verte au commencement , enfuite jaunâtre
& fu jette à l'attaque du ver.
La durée de la vie du chêne de la dureté de fon bois , font propor-
tionnées à la lenteur de fon accroilTement. Dans les terrains gras, il
prend trois pieds de tour en trente ans ; il croît plus vite alors & fait
fes plus grands progrès jufqu'à quarante ans. Quoiqu'il ne dédaigne
prefqu'aucun terrain , la nature du fol & l'expoution occafionnent de
grandes différences dans fon accroiifement , &: dans la qualité de fon
bois. Le chêne, ainfi que grand nombre d'autres arbres, croît plus vite
dans les terrains bas & humides ; mais alors fon bois eft beaucoup plus
tendre, plus caffant, moins propre à la charpente ; celui qui croit fur
les montagnes eft noueux & plein de force. Nous avons dit ci - defîus
que le chêne fe diftingue par fa hauteur & fa grofieur. Harlay rapporte
que, dans le Comté d'Oxford en Angleterre, un chêne dont le tronc
avoit cinq pieds quarrés dans une longueur de quarante pieds, ayant
été débité , ce tronc produifit vingt tonnes de matières , & que fes
branches rendirent vingt-cinq cordes de boisàbrûler.Cet arbre paroîtêtre
le même cité par Plot dans fon Hijioire Naturelle d'Oxford , dont les
branches de y^. pieds de longueur, mefurées depuis le tronc, pouvoient
ombrager 304. Cavaliers .ou 4374 Piétons. Ray rapporte , dans (on
Hifloire générale des Plantes , qu'on voyoit de fon temps en Veftphalie
plufieurs chênes mcnftrueux , dont l'un fervoit de citadelle, & dont
l'autre avoit 30 pieds de diam.etre , fur 130 pieds de hauteur. On
peut juger de la grofleur prodigieufe de ces arbres par celui dont
fureat tirées les poutres tranfverfales du fameux vaiffeau appelle l&
Broyai Dovnlïng , conftruit par Charles L Roi d'Angleterre ; ce cliêne
fournit quatre poutres , chacune de 44 pieds de longueur fur 4 pieds
iQme 11, K
74' C H Ê
pieds p pouces de diamètre. L'arbre , continue Ray , qui fervît de
mât à ce vaifleau , mérite d'être cité , quoique d'un autre genre ; il
avoit p9 pieds de long fur 55* pieds de diamètre. II y a plufieurs
exemples d'arbres également monftrueux pour la grofieur. /^oye^ à
farncle Pain de Singe.
Lorfqu'on veut former une futaie de chênes , il faut femer des
glands abondamment , ménager de l'abri au jeune plant , & le couper
à propos : ce font les vrais moyens d'avancer la plantation , ainfi
qu'on peut le voir au mot Eois. Quant aux jeunes chênes qu'on élevé
pour planter en avenues ou en quinconces , il faut les faire germer
dans du fable, & les couvrir légèrement de terre au mois de Mars,
Avant de les y mettre , il eft avantageux de couper la radicule ou
germe ; par ce moyen le jeune chêne poufle des racines latérales &
ne forme plus de pivot : mais étant fourni de quantité de racines
latérales , il fe tranfplante aulh facilement que les ormes & les tilleuls»
yojei ces mots. M. Erland Turfen a donné depuis quelque temps une
nouvelle manière de planter des chênes. Il exige que le terrain foit
léger 5 égal, enclos; que le gland foit planté dru auffi-tôt qu'il eft
ramafle , & que le terrain foit recouvert de moufle. Il faut avoir foin
de tranfplanter les nouveaux chênes & les arrofer , couper ceux
qui viennent mal , & donner de l'air à ceux qui réufiîffent. Mémoires
de C Académie de Stockholm, Voyez auiîi un excellent Traité Angîois
fur la culture des jeunes chênes , qui a pour titre , the modem Druid
(le Druid moderne).
Le bois de chêne réunit tant d'excellentes qualités, tant d^avantages,
qu'il eft le plus recherché de tous les arbres pour un très - grand
nombre d'ouvrages; pour la ftrudure des moulins, des preflfoirs;
pour la menuiferie , le charronnage; pour des treillages , des échalas,
des cercles ; pour du bardeau , des éciifles, des lattes, & pour tous
les ouvrages où il faut de la folidité , de la force , du volume & de la
durée , & notamment pour la charpente des bâtimens & la conftrudion
des navires. Les défauts du chêne femblent faits pour ajouter à fa force ,
& pour le rendre propre à certains ufages particuliers. Le tronc d'un
vieux chêne fe tortille fouvent ; il devient pour lors très-propre pour
faire des piliers & des colonnes deftinées à porter de grands poids.
On appelle merrain le cœur du chêne , on en fait des douves. Lorfque
ce bois eft bien fecj ôc coupé dans une faifon favorable afin qu'il nç
CHÊ 7r
fe tourmente .pas , il dure jufqu à fix cents ans , pourvu qu'il foit à
couvert des injures de l'air. Si l'on eft néceflité de faire ufage du bois
encore vert , on n'a rien de mieux à faire pour le mettre en état d'ac-
ouérir les qualités nécelTaires, & même celle de n'être point attaqué
par les vers, que de laifler tremper les planches dans l'eau , qui dilTout
& enlevé toute la fève , fuivant l'épreuve qu'en a vue M. E/Iis , qui
propofe cette méthode pour le bois de hêtre. Foye^ FIètre,
Cette précaution n'eft pas néceiTaire lorfqu'on l'emploie fous terre
& dans l'eau en pilotis , où l'on dit qu'il fe conferve jufqu'à quinze
cents ans. Cette efpece de bois , qu'on emploie par préférence pour
les éclufes & dans les machines hydrauliques, eft très-propre pour le
chauffage & forme d'excellent charbon. Il y a un moyen , alnfi qu'on
le peut voir au mot Bois, de procurer à l'aubier, qui naturellement
eft tendre & épais dans le chêne , la qualité du bois dur. Uaub'ur ,
qui eft compofé de douze ou quinze cercles ou couches annuelles ,
eft plus marqué dans la chêne que dans les autres arbres. Il eft dé-
fendu aux ouvriers par leurs Statuts, d'employer aucun bois où il y ait
de l'aubier , tant il eft défedueux. Cependant M. d& Buffon propofe
des moyens pour donner à l'aubier prefqu'autant de folidité, de force,
de durée qu'en a le cœur du bois de chêne. Voyc:^ à l'artick Bois.
Le chêne eft utile dans toutes fes parties. On fait ufage de l'écorce
de ces arbres encore jeunes , réduite en poudre & fous le nom de
tan brut , pour préparer les cuirs : la fciûre de fon aubier , fon bois
& même le cœur du bois, ont la même propriété, avec cette diue-
rence cependant que l'écorce agit plus fortement fur les cuirs que le
bois & le cœur du bois , mais moins que l'aubier. L'écorce fert auflî
pour teindre en j aune-brun ou en noir : celle qui a palfé les cuirs ,
fe nomme tan préparé. On en forme des mottes à brûler : on en fait
ufage auiîi peur faire des couches dans les ferres chaudes. Riea
n'échauffe mieux que cette matière la terre qu'on deftine aux ananas,
aux plantes graffes & exotiques. Le gland , fruit du chêne , manque
fréquemment , parce que fa fleur eft aufïi délicate que celle de la
vigne ; mais quand la glandée eft abondante , on en retire un grand
profit pour la nourriture des cochons , auxquels cette nourriture
procure un excellent lard. Ce fruit fert aufti à nourrir les bêtes fauves
& à engrailTcr au befoin certaines volailles. En Efpagne on vend dans
îe§ marchés des glands d'une faveur douce & agréable , comme on
K 3
js e H ê
vend ici les cKâtargnes. Voyzi^ Chêne vert. En lyop (année de dl-
fette) , de pauvres gens firent du pain avec la farine de notre gland r
quoique ce pain fut très-défagréable au goût , il s^èn fit une grande-
confommation dans plufieurs Provinces de France. M. Linnœus dit qu'il-
feroit très-bon de rôtir les glands, avant de les moudre , pour rendre
le pain moins lourd.
Le chêne eft la patrie d'un très-gran:d nombre d'efpeces d^infe(5tes ;:
chacun y trouve la nourriture qui lui eft propre. Voilà pourquoi on
remarque fur les chênes une grande quantité de diverfes efpeces de';
galles. Ceft dir des chênes du Levant que croiflent les noix de galle ,
dont on fait ufage pour préparer les étoffes à recevoir diverfes efpeces.
de teinture , ainfî que pour faire de l'encre. L'écorce, 1 aubier , le;
bois , les feuilles , les glands , les noix de galle , les tubercules qui fe:
trouvent fous les feuilles , le gny , plante-parafite , l'efpece de cham-r
pignon qui eft nommé agaric de chêne y la. rnoujfe même 'yQn un mot les^
diverfes producflions tant naturelles que contre nature du chêne , font?
d'ufage en Médecine. Leurs vertus font en général ftiptiques Sc
aftringentes.
Outre l'efpece de chêne la plus commune dans nos bois d'Europe»
dont nous venons de parler , il y en a encore plufieurs autres & beau-
coup de variétés , d'autant que cet arbre fe multiplie de femences, -
Des Botaniftes en comptent au moins quarante , qui ne font ni répan-
dues , ni fort connues. Les chênes qui croiflent dans le Levant dô
en Amérique , ont pour eux la variété & l'agrément ; mais les nôtres
font fupérieurs pour la qualité du bois. Nos chênes. à gros glands & à--
pédicules longs,ainfi que les chênes à glands moyens di à pédicules courts, ,
fournifient d'excellent bois. Le bois du chêne à petits glands eft'
rebours.
On donne le nom de chêne rohre ou rouvre , quercus gallifer , à cette?
efpece de chêne remarquable aulîi par fes feuilles qui font couvertes-
de duvet : on le trouve aux environs d'Aubigny près de Paris. Son'
gland eft petit , & tellement enveloppé dans fon calice , qu'il mûrit
difficilement.
Le bois du chêne de Virginie eft remarquable par fes veines rouges;.
Il y a une efpece de chêne toujours vert, dont les feuilles font ob —
longues & fans finuofités : les Indiens font ufage de. fon gland quiète
doux , pour épaiÛîr leur foupej ils en. retirent aufli une huile. très^
C H É 7' 7
Bonne. Il croît en Canada , à la Virginie , à la Caroline, une efpece
de chêne vert , ainfi nommé de fon écorce blanchâtre. M. de Buffon Ta
cultivé avec fuccès dans Tes plantations en Bourgogne ; c'ell: vraifem-
blablement celui qui porte des glands auffi doux que les noifettes :
plufieursefpeces de chênes verts ont le même avantage. Cette efpece de
chêne croît plus vite environ d'un tiers: il eft très-robufte & s'accommode
des plus mauvais terrains. Que d'avantages propres à en faire défireif
hi multiplication ! L'Amérique produit aufîi une efpece de chêne dont
\t gland eft très-long ; ainfi cet arbre fe trouve commun à l'ancien de
au nouveau Continent,-
CHÊNE MARIN. Voye^ à tanïck Fucus.
CHÊNE VERT , ïhx. Le chêne vert reftemble abfolument au chénd
pour la fleur & pour le fruit; mais il en diffère par fes feuilles qui
reflfemblent aflez à celles du houx, & qui ne tombent point l'hiver,
ires feuilles du chêne vert font fermes , dentelées en dents de fcie &:
piquantes par les bords d'un vert foncé , la plupart un peu velues &
blanchâtres par deffbus , placées alternativement fur les branches. Il
j?- en a des efpeces qui font d'affez gros arbres, & qui donnent urt
bois fort dur , dont on fait pour la Marine des ellîeux de poulies.
Gomme ce bois a beaucoup de refîbrt , on le choifit auiîi par pré--
férence pour les manches de mail. Il eft d'un fi bon ufage,que M.
Duhamd confeiîle d'en femer des bois entiers : il eft vrai qu'il croît
lentement; mais cet inconvénient lui eft commun avec les bois durs.
Quelques efpeces de chênes verts portent un gland doux & auffi bonf
à manger que les châtaignes. On en voit beaucoup d'expofés fur les-
marchés en Efpagne ; on en fait une efpece de pain en Barbarie,..
&c. Le chêne v€rt croît auffi à Louifîane. Il y a auffi l'efpece de chêng
vert plus connue fous le nom d'jé«{e. Voyez ce mDt.
Il croît naturellement en Languedoc , en Provence , en Efpagne^',
en- Portugal, une efpece de petit chêne vert , femblable à un petif
buiffion garni de feuilles très-petites & d'un vert très-lu'fant : on le-
nommQ i/ex aculeuta cocciglandifera, C'eft fur ce petit arbre que fe' nour-
rit cet infede utile & précieux que l'on nomme kermès. Foye^ fori-
hifioirc au mot KtRMÈs. Les Provençaux nomment ce chêne vert fim--
plement kermès. Le kermh galle-- infede ne vit abfolument que furcetteî
feule efpece de chêne vert: on ne le trouve jamais fur un autre ptetû^'
■ "X
7S C H E
chcne vert , fi femblable à celui - là , qu'on a peine à les diftinguer.
On peut cultiver avec fuccès ces petits arbrifTeaux dans nos bofquets;
mais on n'y trouve jamais le kermès. Il refte à favoir {i cet infedô
tranfporté de fon pays natal , pourroit fubfifter dans notre climat.
CHENEVI. Nom donné à la graine que produit le chanvre. L'on
appelle chencvotu la tige du chanvre féparée de fa filafle. Foye^
Chanvre.
CHENILLE , eruca. C'eft une des plus variées & des plus nom-
breufes familles d'infedes que nous connoiflions dans la nature. Jean
Goedart , dans fon Hifioire dc:> Infccîcs , en a remarqué jufqu'à cent cin»
quante efpeces. Des Naturaliftes qui ont étudié ces mêmes animaux,
en ont encore ajouté d'autres efpeces qui avoient échappé à Gocdari^
L'hiftoire de cet infeéle eft capable de piquer la curiofité de l'homme
le plus indifférent. Qu'il life: il verra bientôt qu'elle eft en effet remplie
de curieufes métamorphofes , & la plus variée de tous les fujcts que
nous préfente l'hiftoire des infeâes & même de tous les animaux.
Nous nous attacherons , d'après l'abrégé des infedes de M. de Rèaumur
par M. BciT^in , à décrire les traits les plus frappans de l'induftrie de
ces animaux. Nous dirons d'abord ce qui convient aux cheniHes en
général ; & nous donnerons enfuite , par ordre alphabétique fecon-
daire, l'hiftoire des chenilles les plus (ingulieres , foit pour l'induftrie,
foit pour la forme, C'eft dans les Ouvrages de M. de, Réaumur qu'il faut
puifer des détails plus circonftanciés , & chercher une diftributioii
favante des chenilles en claffes, en genres & en efpeces.
La chenille eft un infeâe contre lequel bien de gens font prévenus,
parce qu'ils la croient venimeufe & capable d'empoifonner. C'eft
un préjugé des plus faux , ainfi qu'on aura lieu de le voir , & dont
il eft bon de revenir ; on en fera plus difpofé à s'intéreffer à leur
hiftoire, & à vouloir connoître par foi- même leurs travaux & leurs
métamorphofes. Il faut cependant avouer que certaines chenilles ve-
lues 5 fur-tout lorfqu'elles font prêtes à fe métamorphofer , & encore
plus les nids qu'elles fe font conftruits , occafionncnt fur la peau quel-
ques démangeaifons , mais qui ne font fuivies d'aucun fâcheux effet \
il faut feulement manier ces chenilles avec plus de précaution. La plus
à redouter eft la chenilU proccjjionnalre , & encore plus fon nid ^ comniQ
qn le verra plus bas.
C H E 7^
Defcript'ion des Chenilles , & caraclcrcs pour les d'ijlinguer.
Dans la belle faifon , toute la Nature paroît remplie d'infedes de
diverfes efpeces. Ceux qui font nés au printemps ou en été, périflent
ou difparoifTent la plupart à l'approche de l'hiver : car il eft rare de
voir des infeâies qui vivent plus d'un an. D'autres fe cachent fous terre,
dans les fentes des pierres , fous les écorces des arbres ; un grand
nombre y périffent : d'autres engourdis pendant la faifon rigoureufe ,
reparoiffent au printemps , les uns fous la forme oii ils étoient avant
l'hiver , les autres fous une forme nouvelle. La chaleur du printemps
qui ranime tout ce qui a vie , fait éclore les œufs que chaque infede
avoit dépofés , fuivant le vœu de la Nature , dans le lieu le plus propre
à leur confervation ; c'eft ainfî que le monde des infedes fe rajeunit.
Les œufs des chenilles éclofent des premiers. Il eft fi avantageux de
détruire dans leurs berceaux certaines efpeces de chenilles nombreufes
qui ravagent & dévaftent nos vergers , que nous ne manquerons point,
dans l'hiftoire particulière de chaque chenille , d'indiquer les endroits
oij l'on trouve ces œufs réunis , afin de détruire en partie pendant
l'hiver , ces peuplades redoutables. Heureufement pour nous que dans
ce nombre prodigieux d'efpeces de chenilles , fi l'on en excepte celles
qui font dans les fruits , & que leur petitefle fait pafTer pour des vers,
il n'y en a que cinq ou fix efpeces de nuifibles.
L'état de la chenille n'eft que pafiTager : toute chenille fe change
en papillon , après avoir paiîe par un état moyen qu'on nomme
chryfalide i èc tout papillon vient d'une chenille. La chenille n'eft donc
pas un animal parfait , non plus que la chryfalide : & M. Delcii^e a
raifon de dire qu'elles ne font que le papillon renfermé fous des en-
veloppes pourvues d'organes particuhers pour le mouvement & la
nutrition , organes dont le papillon fe défait , lorfque parvenu au terme
de fon entier accroiffement il quitte fes dernières dépouilles ; ce n'eft
qu'alors qu'il paroît infede parfait & pourvu des organes propres à
la réprodudion de l'efpece , qui ne fe trouvent pas , ou du moins ne
font pas développés dans la chenille & dans la chryfalide. Du refte
le nom de métamorphofe qu'on emploie ordinairement pour défigner
le paffagede l'inied. par ces différens états , n'indique qu'une apparence;
au lieu a'un changement proprement dit , il n'y a qu'un développement.
Ainfi cette manière de métamorphofe fi conftante diftingue les chenilles
■%
/'
t& C H E
,des fauffcs chénîlUs qui fc changent en mouclies -, & des faux vers dont
îes uns fe changent aufli en mouches , les autres en fcarabées , &;
les autres ne fubifTent aucun changement. Nous allons voir les caraéle-
res extérieurs , diflindifs d'infeûes £ difi-erens par leurs métamor-
phofes*
Le corps de la vraie chenille a beaucoup plus de longueur que de
diamètre i il eft partagé en douze anneaux : toute l'enveloppe de la
tête femble écailleufe. La chenille a deux efpeces de jambes ; favoir,
Cx écailleufes & pointues , attachées au premier anneau , & fuivies
ordinairement de huit autres jambes mcmbraneufcs , ti de deux autres
à l'extrémité poftérieure , mais tournées d'un autre fens. Ces jambes
membraneufes font armées de crochets écailleux , arrangés en cou-
ronne autour de la plante de chaque pied. A ces caraderes oa
reconnoîtra facilement que ce que l'on prend pour des vers dans les
fruits 5 font de véritables chenilles. Toute chenille qui eft pourvue de
feize jambes fe change en papillon , ainfi que celles qui en ont moins
que ce nom^bre ; mais toutes celles qui en ont plus de feize ou moins
de huit 5 font de faulTes chenilles qui fe changent ou en m.ouches à
tcie, ou en fcarabées. Voyc^^ faufles Chenilles à f article Mouches à
£cie. On obferve encore que les vraies chenilles ont leur fourrure
iTioUe , flexible ou membraneufe , tandis que celle du hanneton eft
.écailleufe.
Le nombre des jambes écailleufes des chenilles ne varie jamais ; il
ïiQïi eft pas de même des m.embraneufes : c'eft ce qui a donné lieu
à M. de RéaumurdQ form.er différentes dalles de chenilles. Le génie de
certaines chenilles , & le premier coup d'ceil qui frappe par des dif--
ferences tr.ès-fenfibles , a aufii donné lieu à d'autres claiTes : telles font
ce/les qui vivent en fcciété pendant toute leur vie , & qui font les plus
pernicieufes pour nos arbres ; telles font au0î les chenilles folitaires ,
ks cheriilles rafes , celles qui font velues ; les chenilles à tubercules ,
à brojjes , à aigrettes , éj-ineufes , dont on va voir fucceiîivement
rhiftpire,
liçi démarche des chenilles eft plus dégagée que celle des vers de
urre ; voyi^^ ce mot. Le mouvement progrefiif ne s'exécute pas ce-
pendant chez toutes les chenilles avec la même vîtefle ; mais la plupart
fp meuvent de la manière fuivante. Elles commencent à retirer & re-
,0urbcîr un peu leur extrémité poftérieure ^ en formant une petite
bolTç
C H É êi
boffe en îiaut; te en ferrant les deux ou trois derniers anneaux^ par
deffous. Par ce moyen , dit M. ïï'^eis , la dernière paire de jambes fait
un pas , fe a\^mponne , & ce renflement fe coule par un mouvement
ondulatoire le long du corps, jufqu a la tête , de forte que chaque
paire de jambes, foit membraneufes , foit écailleufes , trouve le moyen,
iorfque le renflement palîe par delTus , de pouvoir s'avancer & fe cram-
ponner à une nouvelle diftance: enfin la tête peut fe porter en avant,
en relâchant fes anneaux contigus & ferrés à leur tour : c'eft ainfi que
s'accomplit le pas. Cette façon de ramper , qui paroît la plus fimplc,
efl: commune à la plupart des chenilles ; nous difons à la plupart ,
car Fon en voit dont le mouvement progrefTif efl: très-diffe'rent , ainfi
qu'on l'obfervera en lifant l'hifloire des différentes chenilles ci-après,
La groflfeur des chenilles varie depuis les plus petites que Ton
trouve dans les fruits , jufqu'à la plus grolTe : telle que la chenille du.
papillon à téie de mort , qui a quatre pouces & demi de longueur. Il
y a de chaque côté de la tête des chenilles cinq ou fix petits grains
noirs , qu'on ne voit bien qu'avec la loupe , qui paroillcnt être les
yeux de l'infedre , èc qu'on appelle facettes à miroirs.
On remarque de chaque côté , le long du corps à.^^ vraies & à^%
fauffes chenilles , neuf petites ouvertures ovales alongées , bordées
d'un cordon qui varie de couleur dans les efpeces difi^érentes, ce font
les poumons , organe de la refpiration At% chenilles .• on les nomme
fiigmates'. voyez au mot Insecte. Ces parties , ainfi que les dents ,
& la filière qui eft ce corps charnu d'où fort la foie que filent les
chenilles , font comimunes à toutes les chenilles. L'hiftoire du ver à
foie, qui eft une véritable chenille, fait donc eîfentiellement partie de
rhiftoire des chenilles ; mais comme cet infede eft un des plus inté-
refilins , nous renvoyons à fon hiftoire pour le détail de la ftruâure
admirable de cette filière , & des vaifTeaux qui contiennent la foie ,
pour qu'on puifTe voir d'un feul coup d'œil tout l'intérieur du corps
des chenilles. La réunion de cet article avec celui-ci complettera
l'abrégé de l'hiftoire des chenilles. Foye^ Ver a soie,
Métamorphofes des Chenilles,
Toute chenille change trois fois de peau pendant fa vie ; de rafe
qu'elle étoit d'abord , elle paroît quelquefois velue à fon 'dernier
changement de peau : telle autre qui étoit velue , finit par être rafe.
Tome //, „. L
82 CHE
La chenille pafle d'abord de fon état de chenille à celui de chryfalîdej
& enfuite à celui de papillon.
Voyons les foins que prend la chenille , & la fituation oii elle
fe met pour pafTer à l'état de chryflilide , efpece de léthargie qui la
laifle fouvent pendant plufieurs mois de fuite, & quelquefois plus d'un
an, expofée fans défenfe à tous les événemens , mais qui ne Tem-
pêche pas de reparoître enfuite fur la fcene du monde , auflî admi-
rable dans fon état de chryfalide, aulli merveilleufe dans fa métamor—
phofe en papillon, que finguliere dans fon premier état»
Moyens qu emploient les Chenilles pour fe procurer un repos ajfurè
pendant leur état de chryfalides»
Les chenilles nous font voir quatre moyens dififérens. Les unes fe
filent des coques , d'autres fe cachent fous terre dans de petites cel-
lules bien maçonnées ; les unes .fe fufpendent par leur extrémité pof*
térieure , & d'autres fe lient par une ceinture qui leur embraffe le
corps. Diverfes efpeces de chenilles font appercevoir un génie parti-
culier dans la conflrudlion de leurs coques , où l'on voit beaucoup
de variétés pour la forme & pour la matière ; nous parlerons de celle
du ver à foie , la plus belle & la plus intérelfante pour nous , au mot
Vek a soie»
Conflruciion des coques , & leurs variétés*
Les deux coques, qui approchent le plus de celles des vers à foie ,
pour ia forme & pour la couleur, font celles de la chenille a aigrettes ^.
qui eft d'un jaune citron , & celle de la chenille nommée la livrée ^^
qui approche du blanc. Ces coques font fi peu fournies en foie , qu'elles
feroient tranfparentes , fi la première n'y faifoit entrer de fes poils,
& fi l'autre ne la faupoudroit d'une poudre jaune ; voye^^ plus bas
Chenille a aigrettes, & Chenille a livrée. Quelques chenilles
fe forment avec de la foie ou une matière particulière , des coques
qui font comms membraneufes & d'un poli fi vif à l'extérieur, qu'on
les prendroit pour un gland de chêne tiré de fon calice ; telles font
celles d'une chenille de l'aube -épine & de l'abricotier.
Une chenille qui vit en fociété fur les haies , fait entrer dans la
conftrudion de fa coque trois fortes de matière , de la foie, de fora
poil &• de la cire. Je parle de cire , dit M. Ba(m , parce que cette-
Biatiere en a le gras j la mollefTe Se l'apparence» Je mis , ajoute- t-il>
QUE 8 3
une de ces coques avec celles d'un ver à fcie dans de refprit de felj
après deux mois de féjour dans cette liqueur , la dernière étoit entiè-
rement diflbute & réduite en fédiment, & l'autre n'étoit point altérée;
elle a réfïfté encore plus de trois mois contre ce puiflant difiblvant.
Cette extrême compacité eft fans doute la raifon d'une précaution
que prend la chenille en la fabriquant : c'eft d'y lailTer un ou deux trous
pour fe conferver une communication libre avec l'air extérieur. Com-
ment le papillon pourroit-il fortir d'une coque aufîi folide ? AuiTi la
chenille en la conftruifant y ménage-t-elle une petite calote fimplement
collée avec une légère couche de gomme ; & lorfque le papillon veut
fortir, il ne fait que donner quelques coups de tête , aulli-tôt la calote
s'ouvre comme le couvercle d'une boîte à charnière. Cette chenille
qui vit en fociété fur les haies , commence à paroître au mois de Mai:
le fond de fa couleur eft un bleu foncé ; elle eft à tubercules garnis
de poils , fes jambes membraneufes font d'un beau rouge. Ces chenilles
fe filent fur les haies des toiles plus belles , plus larges , plus fatinées
que toutes les autres qui filent de la même manière. Au bout de fix
femaines de fociété, elles fe féparent & placent 'chacune leurs coques
contre des branches. Les papillons qui en fortent , font des phalènes ^
à antennes à barbes de plumes ; ils n'ont point de trompe ; leur couleur
dominante eft un brun jaunâtre, avec une large bande de la même-
couleur, mais plus claire , & mouchetée de taches noires. Cette chenille
n'eft pas commune.
La coque en Tiajjc eft celle dont la ftrudure eft la plus admirable»
elle eft l'ouvrage de la chenille à tubercules qui donne le papillon paon,
Foye^ Chenille a tubercules.
Un très- grand nombre d'autres chenilles s'introduifent dans la terre,'
& s'y forment une retraite ruftique : en foulant & humedant la
terre pour la rendre duâile, elles y forment une cavité propre à les
contenir ; quelques-unes foutiennent ces voûtes avec des fils de foie
qui uniflTent & lient les molécules de terre. Ces chenilles fe mettent
ordinairement affez avant fous terre pour n'être point incommodées
de la gelée : la nature leur a appris vraifemblablement à fe placer
dans la température qui leur eft propre.
Le génie eft diverfifié dans un certain nombre d'efpeces de chenilles,
tout eft mefuré relativement à leur durée*& à leurs befjins. Il y en
S une qui vit ordinairement fur le chêne , & qui applique fous fes
L 2
S4 C H E
feuilles une coque faite en forme de bateau. Cette chenille eftja: pfus-
indurrrieufe de celles qui conftruifent de la forte. Elle paroît dès le
mois de Mai : elle eft rafe , de moyenne grandeur , d'un beau vert un
peu jaunâtre. Après avoir filé fur la feuille le fond de fon bateau , elle-
en élevé les côtés auxquels elle donne la courbure : elle les loutient
avec des fils de foie fimplement faufilés , & en même temps elle ren-
force & redouble ces côtés qui n'étoient d'abord qu'une fimple gaze^.
Cela fiit , elle coupe ces fils & écarte les deux côtés du bateau quL
font deftinés à fervir de fupport à un toit qu'elle doit pofer defTus..
Ce toit eft une pièce de foie qui forme une plate-forme convexe. Cette,
coque eft agréable à voir pour fa forme , fa belle couleur foyeufe,
fa propreté , & la netteté de l'ouvrage. Au bout d'un mois, il en fort
un papillon ^ dont les ailes font en deflus d'un beau vert tendre ,,
traverfé par des traits d'un blanc jaunâtre ; le corps eft d'un vert;
céladon pâle : la chryfalide eft verte , la chenille l'eft aulîi. La même
couleur continuée dans tous ces trois états , n'eft pas une chofe commune
cliez ces infeCles.
11 y a certaines chenilles qui garnilfent leurs coques de petits grains
de table qu'elles détachent des murs dont les pierres font affez ten--
dres pour être pulvérifées par leurs petites dents.
Une autre fe fait une coque de ga^on, C'eft- une chenille rafe , de:
moyenne grandeur, qui vit fur la moufle des pierres. Lorfque le temps
de fa métamorphofe approche , elle choifit une place fur cette efpece.
de Dré ; elle y coupe. d'une forme quarrée de petites mottes de moufle;,
elle les enlevé avec les racines , & les arrange en voûte , en les
liant avec des fils de foie; l'ouvrage eft fait avec tant de propreté,
que l'on ne peut diftinguer la place ou eft la coque', que par la.
petite bofle que forme, cette voûte.
On rencontre dans le mois de Mai, fur le chêne, mais afiez rare--
ment , une chenille qui fe fert de l'épiderme des branches , avec tout
l'art polfible , pour en conftruire une coque en hotte , ainfi nommée
à caufe de fa figure. Pour fe former une idée jufte de la manière
dont, la chenille s'y prend pour conftruire cette coque en hotte , il
faut s'imaginer une hotte coupée dans la longueur du côté qui fait
la poche , & dont on auroit rabattu les deux côtés , en forte qu'ils
formeroient comme deux ailes , une de chaque côté ; telle eft la,
première forme que. cette chenille donne à fa coqiie, L'infeâe coupe.
C H fî gy
& enlevé par lanières toutes égales , & quatre ou cinq fois plus longues
que larges , l'épiderme de la branche à l'endroit où il veut placer fa
coque. Il applique Tes lanières d'épidermc de chaque côté , les unes
à côté des autres , & les unes au-defïlis des autres en forme de
triangle redangle. La chenille réunit les deux ailes en les rappro-^
chant ; & elle les colle , par le moyen de fa foie , fî parfaitement, d&
haut en bas , que la couture échappe aux yeux. Elle ferme l'ouverture-
qui fe trouve à la partie fupérieure y & elle tapiiTe de foie tout l'in-
térieur de cette efpece de hotte.
Cette ouvrière fi brillante par fes taîens , ne l'eft pas beaucoup par
la figure: c'eft une chenille velue, de grandeur médiocre , dont les
poils font rouXj^ difpofés par houpes ; la couleur de fa peau eft ua
blanc jaunâtre. Une chofe remarquable , c'efl que fon dos eft plus
plat que celui des chenilles ordinaires. Elle fe change en un papillon
d'un gris clair. Ce papillon a des ailes très-larges, qui- couvrent tout
fon corps , & qui s'étalent par en bas en manière de chape. Les co'
ques de cette chenille font affez difficiles à trouver fur les branches,,
parce qu'étant de leur couî-eur , on les prend pour de petites boffes
qui croifîênt fur l'écorce des arbres. On trouve auiîî fur les branches'
de faule & d'ofier des coques en hotte , mais de pure foie , 6c qui ,,
quoique plus éclatantes , ne fjppofent pas tant d'induftrie»
Cheniil^s qui fe fufpcndera par Us pieds pour fc changer en chryfaUdes\>-
Certaines efpeces de chenilles , telles que les chenilles^ épîneufes ,
celles fur-tout qui vivent fur les orties , & quelques chenilles rafes ,.
ne fe filent point de coques avant de pafTer à l'état de chryfalides-,
mais elles fe fufpendent par les pieds. Toute chenille qui veut fependre-
par les pieds commence à appliquer fur la furface de quelque coros un^
certain nombre de fils de foie ; fur cette foie , elle en file d'autre en ma--
niere de petite boucle qui imite la foie frifée. C'eil: au milieu de'
cette foie que la chenille fixe fes deux pattes de derrière : ellelailîè-
enfuite pendre fon corps , la tête en bas ; & elle refte dans cette-
Situation jufqu'à ce qu'elle le métamcrphofe en chryfalide. La chenille-
a l'art dans cette pofition , de quitter la peau qui la recouvroit , fans^
cependant fe laifTer tomber. Elle courbe fon corps , enfle fes premiers-
anneaux , & par cet efîbrt , la peau fe crevé fur la partie du dos lai
^lus près de la tête. Il ne fort par cette ouverture ^ a^ue la moitié du-^^
8 ^ C H E
corps de ranimai ; la chei-iUle détache de toutes les parties de fa peau
le refle de fon corps; c'eft-là l'inftant où il fembleroit que la chryfalide
détachée de la peau de la chenille devroit tomber. Les anneaux de
la chryfalide qui rentrent les uns dans les autres , pincent la peau de
îa chenille , & elle fe foutient par des tranfports fucceilifs de cette
peau d'un anneau à un autre : elle la fait remonter vers la queue »
de elle ne celTe point de pincer la peau qui la foutijnt jufqu'à ce qu elle
ait appliqué fa queue terminée en râpe , & qu'elle l'ait fixée dans le
petit paquet de foie. Alors elle lâche la peau : elle fait quelques mou-
vemens ; elle pirouette pour tâcher de fe débarrafler de cette peau
qui eft à côté û elle , & qui la gêne. Cette opération longue à dé-
crire , eft pour cet infede l'aifaire d'une minute : un inftant avant,
on voyoit une chenille fufpendue ; l'inftant d'après , c'eft une chry-
falide couleur d'or, l^ojei la Defcription des chenilles Ipineufes , au mot
Chenille épineuse.
Chenilles qui fe lient pour fe changer en chryfalides.
Les chenilles dont nous venons de parler , ont befoin , pour fubir
leurs métamorphofes , d'être pendantes & d'avoir la tête en bas: en
voici d'autres qui ne peuvent y parvenir qu'ayant la tête élevée, ou.
tout au moins horizontale. Comment la chenille pourra-t-elle fe fou-
tenir dans cette pofition , lorfqu'elle aura quitté fa peau de <^enille ,
& qu'elle fera changée en un corps fans membres qui puifTent la
retenir > La nature lui a enfeigné l'art d'y pourvoir. Dans la clafïe
des chenilles qui fe lient , on en diftingue trois efpeces , qui diflerent
un peu par les manières de ^'y prendre ; mais elles parviennent
toutes au même but. La chenille du chou , que nous prenons pour
exemple , & dont on peut voir la defcription au mot Chenille du
CHOU, commence à filer un petit tapis de foie , de la longueur de
fon corps , fur le lieu où elle fe fixe. Elle y cramponne bian fes
jambes , & enfuite elle travaille à fe pafler un lien autour du corps.
Ce lien doit être folidement attaché , & former autour d'elle une
peinture qui ne foit ni trop lâche, ni trop fefrée. £n effet , fi elle étoit
trop ferrée , elle mettroit la chenille dans TimpuifTance de quitter fa
vieille peau ; trop lâche au contraire , elle laifleroit fon corps trop
pendant. La chenille ne manque point d'attraper ce jufte milieu,
pomme fon corps eft très-foupie , elle approche fa tcte d'un de fe;?
CHE 87
flancs j attache â côté d'elle le premier fil de foie ; & repliant Bc rou-
lant fa tête fur fon dos , elle va coller le fil qui fort de fa filière à
l'autre flanc oppofé ; elle double enfuite ce premier , & continue
cette manœuvre quarante ou cinquante fois. Tous ces brins de foie
réunis n'en forment qu un feul , que l'on ne peut appercevoir fans
attention. La chenille retire enfuite fa têtQ de deffous ce lien qui
paroît alors très-lâche ; & au bout de quelques jours , elle fe dé-
barrafle de fa peau de la manière dont nous l'avons déjà décrit : elle
paroît fous la forme d'une chryfaiide , dont le corps plus raccourci ,
prend par conféquent plus de diamètre ; & le lien devient fi jufte ,
qu'il efi: caché , pour la plus grande partie , dans les anneaux de
la chryfaiide.
La chenille du fenouil , qui tend au même but que la précédente ,
s'y prend un peu différemment : elle relevé toute la partie antérieure
de fon corps, & fe met danslapofture d'un homme à genoux. Après
avoir appliqué un fil d'un côté , elle le prolonge , & le foutient fur
îes premières jambes écailleufes comme fur deux bras; & continuant
de filer , elle le fixe de l'autre côté : ce premier fil eft un modèle
pour les fuivans , qui font tous filés les uns après les autres. Tous
ces fils , raflemblés fur cette première paire de jambes , refTemblent
parfaitement à un écheveau de foie , mou , flexible , dont les brins
ne font point liés les uns aux autres. L'art de la chenille confifte ici
à les pafTer tous enfemxble fur fa tête , & à les faire gliffer jufqu'au
cinquième anneau. Malheur à la chenille fi l'écheveau s'échappe , fi
les fils s'éparpillent : elle ne peut plus faire de nouveau lien , parce
qu'elle n'avoit de matière foyeufe que pour celui-là : il y va cepen-
dant de fa vie d'être liée. Dans le cas oii elle ne peut y parvenir ,
elle reflie pendante : il ne lui efl: plus polTible de fe changer en
chryfaiide ; & après avoir épuifé fes forces , elle meurt dans fa
vieille peau.
CHENILLE A AIGRETTES. C'efl: une efpece de chenille qui porte'
en tête un très -bel ornement. Du premier anneau d'auprès de fa tête^
fortent deux aigrettes , qui ne font point des poils fimples , mais de
très- belles plumes, arrangées en bouquet. Une femblable aigrette efl:
placée à la partie poftérieure. On trouve fur le prunier de ces efpeces
de chenilles , qui , outre ces aigrettes ordinaires , en ont encore:;
d'autres fur les côtésr
•8 s C H E
CHENILLE â AIGRETTES & A BROSSES. OqÎ): uiie efpece de cherîlîe
«mbeilie de deux genres d'ornemens j favoir , d'aigrettes & de brcfTjs.
J^ojei Chenille a brosses.
On rencontre dans le mois de Mai cette efpece de chenille (iir le
pommier. Lorfqu elle a acquis fa grandeur naturelle , elle eft longue
environ xi'un pouce & demi ; tout fon corps eft mêlé de taches rouges ,
jaunes & noires. Onobferve aux deux côtes de fa tcte, deux tubercules
-d'un beau rouge de corail ; deux aigrettes , dont une à la partie
poftérieure ; quatre brofies d'un beau jaune doré ; les tubercules ou
,boutons qui recouvrent les anneaux font ornés de petits bouquets de
poils jaunes. Ces chenilles fe filent des coques , s'y changent en
chryfalides , & au bout de dix ou douze jours on en voit fortir des
papillons prefqu'informes , couverts d'un poil gris cendré , n'ayant
pour ailes que de petits moignons qu'on apperçoit difficilement : ella
ie traîne à peine hors de fa coque & refte im.mobile en attendant le
•mâle. Celui-ci plus vif & de moyenne taille , fe remarque par fes
antennes à barbes de plume , qu'il porte toujours droites comme le
iievre porte fes oreilles : fes ailes, de couleur de feuille morte lavée,
pnt un petit œil blanc au milieu. Ce papillon ne dédaigne point fa
:mafiive compagne .: il la féconde ; après quoi elle pond fes œufs entre-
mêlés avec les poils de fon anus, qui fervent à les tenir en quelque
forte enveloppés, & à les garantir des intempéries de l'air. Elle meurt
prefqu'aufli-tôt après fa ponte finie , comme tous les papillons femelles
^ui pendent leurs œufs tout de fuite. Il fe fait pendant l'année deux
générations de cette efpece de chenille; & fuivant quelques obfcrvations,
2es chenilles des gén^érations tardives font moins grandes & moins
yigoureufes. Ce n'eft que petit- à-petit que les beautés de cette efpece
jd^ qhenijie fe développent ; ce n'efl: qu'à la troifîeme & dernière mua
-qu'eile eft rev.êtue .de tous fes ornemens. Ces efpeces de chenilles ne
font point de dégât dans nos vergers.
CHENILLE A BROSSES.. C'eft une efpece ds chenille que la nature
a ornée de fes plus aim.ables couleurs , & qu'elle a embellie de petites
.tou.fîes de poils d'une forme très-agréable. Ces bouquets de poils font
•placés un peu derrière la tête au nombre de quatre , far les anneaux
g\i ccrps. ,de la chenille ; ils fc-nt d'un poil fin, ferré & coupé net par
J,çur fcnirnet;, imitant afltzbi.çn nos bro/Tcs, d'où eft venu le nom de
fhc ùl/e à broJJ'cs, Une de ces chenilles oui fe nourrit fur b châtaigner
eut ^^-
^ autres arbres , eft remarquable par la couleur de fa peau qui eft
d'un beau vert, recouverte de poils blonds & longs ; par un bouquet
de poil couleur de rofe terminé en pointe & placé fur le derrière ;
par fes brofTes jaunes, couleur de rofe à leur extrémité; par quatre
des intervalles de fes anneaux qui femblent être d'un beau velours
noir. Cet éclat de couleurs ne dure au plus que fept ou huit jours.
Cette chenille file une coque aflfez femblable à celle du ver à foie ,
&: pour la forme & pour la couleur ; fa chryfalide eft garnie de petits
toupets de poils velus. Au bout de plufieurs mois ils fort d'une des efpeces
de ces chryfalides des papillons femelles , dont les ailes font d'un blanc
fale , traverfées dans la largeur par deux bandes jaunâtres , avec une
efpecede petite frange à leur extrémité. Ain fi , comme on le voit, ce
n'eft point une règle générale que les plus belles chenilles donnent les
plus beaux papillons. L'une de ces chenilles porte le nom de patte étendue ;
c'eft une phalène. Ilyaplufieurs autres efpeces de ces chenilles à
brofles , que le hafard préfentera à l'Obfervateur ; mais elles fe
refl'embleront toujours par ces traits généraux.
CHENILLE ARPENTEUSE. C'eft une des efpeces de chenilles des
plus nombreufes : il y en a plufieurs claftes qui différent les unes des
autres parla couleur, le nombre de leurs jambes membraneufes, &
la fingularité de leurs attitudes. Les arpenteufes ont été nommées
ainfi 5 parce que lorfqu'elles marchent, elles relèvent leur corps en
arc 5 amenant les jambes de derrière à la place où étoient celles de
devant ; en forte qu'elles femblent dans leur marche mefurer ou arpentée
le terrain avec la longueur de leur corps.
Les arpenteufes ont ordinairement le corps long & effilé. Une de^
claffes les plus nombreufes eft de celles qui n'ont que deux jambes
intermédiaires ; ce qui les oblige à faire de fi grands pas , qu'elles
fourniroient un problême affez curieux en hiftoire naturelle; favoir,
Q^uel ejl ranimai dont la longueur dis pas ne dépend point de celle de fes
jambes'^ La chenille arpenteufe fatisfait aux conditions de l'énigme
propofée. C'eft ordinairement au printemps que l'on voit le plus de
ces arpenteufes ; dès le mois de Mai elles difparoiffent , parce qu elles
fe changent en chryfalides. Les unes font leurs coques dans la terre , d'au-
tres fur des feuilles , d'autres fe fufpendent en fe pafTant une ceinture
autour du corps. Elles ont toutes une qualité bien remarquable;
Tome II, M
^o CHË
c'eft de ne point faire un pas qu'elles ne filent , Se n*en lailïênt la
trace fur les corps où elles palTent. La nature, fi riche & Çï varies'
dans les moyens qu'elle a donnés à chaque individu pour fa confervation >
a voulu que cet infedie filât continuellement,, afin qu'il put être en
état de faire ulage de fon fil dans les inftans preflans. Cette chenille
veut-elle éviter quelque infeile ou quelque oifeau qui en veut à fa
vie, elle fe précipite le long d*un cordage qu'elle tient toujours prétj
& laiiTant fortir du fil de fa filière , elle évite le péril &: s'^éloigne à
volonté. Veut-elle remonter , elle fe lert de fes pattes de derrière ,
grimpe le long de fon fil, & lorfquMle eft arrivée au haut, elle fe
débarrafle en coupant le paquet de fil qu'elle avoit replié dans fes
pattes en montant. Ces efpeces de chenilles qui n'occafionnent point
la moindre élevure fur la peau , à moins que d'y être écrafées ,
caufent cependant de la fi-ayeur à bien des perfonnes , notamment
aux Dames, en tombant ainfi brufquement des arbres fur le vifage
ou fur d'autres parties découvertes du corps.
On ne s'apperçoit pas ordinairement du dommage que font les
arpenteufes , parce qu'elles n'attaquent guère que les forêts , qui
fournilfent abondamment à leur nourriture. Le dégât qu'occafionna
en 1737 fur toutes les campagnes des environs de Paris, & dans
plufieurs Provinces du Royaume , une multitude immenfe d'arpen-
teufes à douze jambes , fit ouvrir les yeux fur cet objet pour la
première fois. En Alface , des champs que Ton voyoit le matir^
couverts de belles & larges feuilles de tabac , étoient dévorés le foir.
Il ne refloit aux légumes des environs de Paris que les tige?. Heu-
leufement elles ne touchèrent point du tout aux blés , il n'y eut que
quelque peu d'avoines d'endommagées. Au bout d'un mois ce fléau
difparut ; toutes ces chenilles filèrent leurs coques , fe changèrent
en papillons, & périrent aux approches de l'hiver.
Arpenteuse en BATON. C'eft une efpece de chenille finguliere
par fon attitude. Les unes fe tiennent fur les branches d'arbres 5
élevées fur fur les deux jambes de derrière , & le corps roide ; on
les prendroit pour de petits bâtons de bois mort ; d'autres ont fur
le corps des éminences qui les font paroître comme des bâtons
raboteux : on ne les peut prendre pour des animaux vivans , que
lorfqu'on les voit marcher. Quelque forcées que paroifTent ces attitudes,
elles leur font naturelles j & Ton voit par fes boucles réhauflees.
C H E t) i
mie îa longueur de fes pas excède encore celle des autres. Les érables ,
les chênes, les ormes, les charmes en font ordinairement aflez bien
peuplés ; c'eft au commencement du printemps qu'il faut chercher à
les voir ; car dès la fin de Mai elles font toutes rentrées en terre pour
filer leurs coques.
CHENILLE DU Chêne , furnommée la CassiNi. C'eft une de
ces chenilles curieufes par l'attitude dans laquelle elles pafTent leur vie.
Celle-ci, qu'on trouve le plus communément fur le chêne , tient fa
tête renverfée fur fon dos : elle femble toujours regarder le ciel , ce
qui l'a fait honorer du nom fameux de celui qui ne vivoit que pour
contempler les aftres. Cette chenille de moyenne grandeur eft d'un
vert tendre , taché de petits traits blancs , partagés le long du dos
par une raie bleue ; elle eft remarquable par fes jambes d'un rouge de
corail. Au temps de fa métamorphofe , cette cheaille contemplative
defcend de fon obfervatoire & va fe filer une coque en terre, oii elle
fe change en papillon. Le mâle de ces papillons porte fur la tête une
huppe formée de poils fins un peu jaunâtres, ce qui le diftingue de la
femelle qui n'en a point, leurs ailes étant de même couleur de cannelle
foncé , & ondées de nuances plus obfcures. Une autre chenille qu'on
trouve fur le chêne dès le mois de Mai, d'un vert un peu jaunâtre ,
avant de fe mettre en chryfaîide , fe file avec une adreffe fort finguliere
une coque d'une belle foie en forme de bateau renverfé. Une autre habite
fur les jeunes branches , & forme avec l'épiderme qu'elle coupe par
lanières & qu'elle entrelace de fils de foie en forme de triangle redlangle,
une coque en forme de hotte. Elle ferme l'ouverture de la partie
fupérieure, & la tapiiTe intérieurement avec de la foie. Pourreconnoître
CCS coques , il faut les obferver très-attentivement ; car elles font faites
avec tant d'art , qu'on ne les prendrait que pour de petites boffes qui
croifTent fur l'écorce des arbres.
CHENILLE DU Cpiou. Il eft intéreffant de connoître 8c de favoir
comment l'on peut furprendre cette chenille qui ravage les choux ,
sinfi que quelques autres qui en font friandes. La plus belle efpece qui
s'attache aux choux , eft une chenille ornée dans toute la longueur
de fon corps de trois raies d'un jaune citron ; les efpaces compris entre
ces trois raies font d'un bleu pâle ou noir. Cette chenille eft une de
celles qui , pour fe changer en chryfalides , fe lient le corps avec un
lien de foie, Foy.ci-dejfusau mot général ChenilLE , l' article CiiENiLLLS
M 2
5)2 C HE "
QUI SE LIENT LE CORPS. Sa chryfalide eft anguîeufe ; elle eft d'uri
jaune pâle piqué de quelques points noirs. Elle fe change en un papillon
diurne, dont les ailes font d'un citron clair piqué de points noirs. Ces
papillons font très-fréquens dans les jardins depuisle printemps jufqu'à la
find'Oflobre, ainfî que d'autres papillons blancs, qui fe nourrifient auflî
du chou lorfqu'iîs font dans l'état de chenilles. Ces papillons voltigent de
fleurs en fleurs , de feuilles en feuilles , conduits par trois motifs princi-
paux, celui de trouver le fuc des fleurs, de fe chercher les uns les autres
pour la multiplication de leur efpece; & les femelles pour pondre. Cette
pénible fondion exige de ces femelles qu'elles prennentdefréquens repos*
On les voit voltiger de la fleur qu'elles vont butinera la feuille de chou
oii elles dépofent un ou deux oeufs ; elles retournent de nouveau fur
les fleurs , ou voltigent à travers les airs jenfuite elles viennent dépofer
un nouvel ceuf. En forte que ces oeufs fe trouvent difperfés çà & là
fur les feuilles du chou. Qu'on en approche à Tinftant oiÀ le papilloa
en fort, on voit un petit ceuf long, jaune & piqué debout fur la
feuille ; dans certaines années les feuilles de chou en font toutes jonchées.
C'eP:-là qu'ils éclofcnî ; les chenilles qui en naiffent fe cachent pendant
le jour dans le centre du chou , & ne viennent à la picorée que la
nuit. Ceft ce temps qu'il faut faifir pour les furprendre à la lueur d'une
lanterne ; on les ramafle facilement , & on en titre double profit : on.
en engraifle la volaille , & Ton fauve lès choux de leur déprédation.
CHENILLE Cloporte. Cette chenille eft ainfi nommée parce-
qu'elle n'eft guère plus grande que les cloportes : fon corps eft arrondi
de la même façon , & fon ventre eft applati. On en trouve des efpeces ,
qui différent un peu , fur le chêne, l'orme, le baguenaudier & les
plantes légumineufes , même fur le bouleau; elles font d'un beau vert &
couvertes d'un poil ferré & très-court. Ces chenilles s'attachent fouveat
aux murs & fe fufpendent par un lien de foie pour fe changer en
chryfalides. Fbye{ au mot Chenille , à l'article Chenilles qui se
LIENT , l'art qu'elle emploie pour y parvenir. Les papillons de la
chenille cloporte de l'orme font d'un brun clair légèrement rougeâtre,,
le deflbus des ailes inférieures a une bande de petites taches rouges
arrondies en oeil , au milieu duquel eft un petit cercle noir. Les-
papillons argus & les papillons petits porte-queues proviennent de ces
chenilles. Foye^ Porte-queue.
CHENILLE commune. On a donné ce nom à une efpece de chenille
C HË :p5
i^ul n'eft'que trop commune prefque toutes les années , qui dépouille
diverfes efpeces d'arbres de leurs ornemens, qui ronge les jeunes fruits
naifïans & les bourgeons de nos arbres fruitiers. Cet ennemi deftruâeur
de nos vergers , eft d*autant plus à craindre , qu'il multiplie fînguUére-
ment : chaque année en fait voir deux générations. Il n'y a prefque
pas un feul mois où l'on ne puiffe trouver de ces chenilles : une feule
changée en papillon , pond jufqu'à trois ou quatre cents œufs , d'où ,
au bout de deux mois , fortent autant de chenilles qui multiplient
dans la même progrefïîon : ainfi , dès la féconde génération , une
feule chenille peut être mère d'un million d'enfans. Les diverfes retraites
de ces chenilles , fous leurs différentes formes , font donc eflentielles
à connoître , afin de détruire en partie par des foins vigilans une nation
fi redoutable.
La chenille commune eft de moyenne grandeur, d'un roux bnmi
elle fe diftingue aifément à deux petits mamelons d'un rouge vif,
placés fur l'extrémité poftérieure du corps. Ces mamelons ont un
mouvement; mais il paroît que l'ufage n'en eft pas encore connu. Cette
efpece de chenille eft du nombre de celles qui vivent en fociéîé pendant
toute leur vie. Les jeunes chenilles éclofes à la fin de l'été , filent de
concert une toile qui leur fert de tente pour fe mettre à couvert , &
d'où elles fortent pour aller dévafter les feuilles des environs.
Leurs nids font formés de toiles qu'elles filent à l'extrémité des
branches , qu'elles uniffent & entrelacent , ainfi que les feuilles. Lorf-
qu'elles fentent l'approche de l'hiver , elles garniflent bien leurs nids
avec de nouvelle foie. Elles forment plufieurs cellules, dont chacune
a fa porte qui donne fur des routes communes qui conduifent dehors :
une cellule contient cinq ou fix chenilles. C'eft fous de telles tentes
que chaque famille paffe l'hiver chaudement ; & quoique toute compofée
de chenilles encore dans leur enfance , ayant au plus deux lignes de
longueur , elle réfifte aux froids les plus rigoureux , tant à caufe de
la bonté de leurs nids, que par la force de leur tempérament. On a
expofé ces chenilles à nud à un froid plus rigoureux que celui de 1709,
elles y ont réfifté parfaitement , tandis que d'autres infecles y ont-
péri.
Dès le mois d'Avril & Mai ces petites chenilles vont dévorer les
bourgeons & les feuilles nailfantes qui les environnent. Alors les efforts^
de l'homme deviennent inutiles pour les détruire ; l'ennemi fe répand-
^4 C K E
& moilïbnne les plus belles efpérances; il n'y a que des pluies froides^
qui en les furprenant ainfî difpcrfées , puifTent les détruire en une
matinée ou deux , ainfi qu'on en fît une heureufe expérience en l'année
1732. L'année précédente avoit été fi favorable pour leur multipli-
cation , que dès le mois de Septembre les feuilles des arbres fruitiers,
des haies & des arbres de foret paroifToient deflechées ; les gens de la
campagne attribuoient cet effet au foleil ; mais il n'étoit produit que
par les légions nombreufesde ces chenilles qui avoient rongé les feuilles:
elles réfifterent à l'hiver ; & dès la mi-Mai elles avoient dépouillé les
arbres de la moitié de leurs feuilles. L'alarme étoit générale : les Ma-
giflrats donnèrent des Ordonnances pour obliger le peuple de porter
du fecours aux arbres fruitiers , lorfqu'une main invifible nous délivra
de ce fléau terrible par des pluies favorables. L'année fuivante à peine
vit-on de ces chenilles ; mais le peu qui échappa du naufrage n'a que
trop renouvelle Tefpece, & nous met dans le cas d'être attentifs à
prévenir de pareils malheurs.
Lorfque le temps de la métamorphofe de ces chenilles , qui eft vers
le mois de Juin, eft arrivé, elles fe féparent , vont chacune de leur
côté, & fe filent furies feuilles des arbres une coque brune, douce
iau toucher, qui feroit très-propre à être cardée : elles les fabriquent
entre des feuilles qu'elles courbent pour couvrir leurs coques & fuppléer
à l'emploi de la foie ; car cette coque eft très - mince : ces feuilles
courbées font des indices du lieu de leurs retraites. Au bout de trois
femaines elles en fortent en papillon. Ces papillons font de grandeur
moyenne, blancs, & de la clafTe des noélurnes. La femelle difpofe
fes œufs avec un art admirable : elle les dépofe fur des feuilles j & à
rnefure qu elle pond un œuf, elle l'enveloppe d'une efpece de foie jaune,
•Ce font les poils qu'elles ont à la partie poftérieure qu'elles arrachent
par le moyen de leur anus, & qu'elles arrangent pour faire un lit
doux & mollet fur lequel repofent les œufs entafTés lit par lit. Ces
poils font fins, foyeux, & fi bien arrangés , que cette fuperficie ne
îailTe plus voir qu'une belle étoffe de foie , fur laquelle la pluie gîifïe
^ ne fait aucune imprefîion. C'eO: toujours à un endroit expofé au
foleil que le papillon place fon nid. Il fe fait remarquer par fa belle
couleur jaune & par fa forme qui tient de celle d'une fève coupée
par la moitié, & placée fur fa partie plate, On doit détruire dans les
jardins avec diligence, & les coques & les nids; car avant que Toa
e H E pj
commence à échenlller , elles ont déjà fait beaucoup de ravage fui* les
jeunes bourgeons & fur les boutons à fruit de l'année fuivante. Lorfque
ces chenilles fe répandent dans nos forets , il n'y a d'autres fecours à
attendre que du ciel, des oifeaux , des ichneumons & autres entO"
mophages (deftfuâeurs d'infedes ).
L'étofl-e des nids de ces chenilles , dit M. Ba:(in , eft très-fournie de
foie d'une très-grande réfiftance : elle feroit bien propre à être cardée
fi on vouloir eflayer d'en faire quelque ufage. On eft déjà afluré qu'elle
eft très propre à faire du papier : M. Guettard de l'Académie Royale
des Sciences , en a fait l'expérience. Elle a donné un papier qui avoit
toute la force & la beauté qu'on pouvoit defirer ; il ne lui manquoit
qu'un peu de blancheur qu'il ne feroit peut-être pas impoftible de lui
procurer par d'autres préparations.
CHENILLE ÉPINEUSE. Le corps de cette efpece de chenille au lieu
d'être recouvert de poils fins , eft garni d'épines dures & pointues. Il
y a deux fortes de chenilles épineufes ; les unes font armées de fimples
piquans, & les autres de piquans branchus. Les unes & les autres
vivent ordinairement en fociété fur les feuilles d'orties : elles ne font
point de coques , mais fe fufpendent par les pieds de derrière. Dans
cette pofition elles quittent leur peau & paroiflent fous la forme de
chryfalides d'une belle couleur. Il en fort de beaux papillons diurnes
très-fréquens dans les jardins. U amiral , la bellc-dams , le gamma , le
morîo , les tortues , &c. viennent des chenilles de cet ordre. Voye:ç_
Van avec lequel ces chenilles fe débarrajjent de leur peau , au mot général
Chenilles , à ranicU Chenilles qui se suspendent par les
PIEDS.
La chenille à (impies piquans eft très-commune fur les orties. Ses
épines qui ne font que des poils roides & piquans, ne font point à
craindre pour nos doigts ; ils n'ont point l'inconvénient des poils de
certaines efpeces de chenilles velues. Ces pointes cependant défendent
aflez bien ces chenilles contre les mouches ichneumones. Dans la laborieuse
opération du changement de peau , elles font cachées fous une toile
qu'elles ont filée en commun. Lorfqu'elles font prêtes à fe changer en
chryfalides, elles fe retirent chacune à divers endroits , fur ces bran-
ches , des feuilles ou autres corp? . C'eft de ces chryfalides que fortent
ces beaux papillons, les plus brillans objets des jardins & des champs.
Un rouge brun eft la couleur dominante de la partie fupérieure de
5?^ C H Ë
leurs ailes : cette couleur efl: divifée par des taches noires , jaunes ^
bleues, violettes, diverfement figurées; on eft frappé fur-tout d'une
efpece d'œil ou tache circulaire, dont un rouge vif occupe le centre:
ce rouge eft environné d'autres cercles en partie jaunes , en partie
bleus.
L'autre efpece de chenille épineufe diffère par fes épines bran-
chues : chaque épine a une tige principale d'où, partent cinq ou (ix
autres pointes ; elle efc fu!-tout remarquable par fa tête petite & faite
en forme de cœur. Sa chryfalide fe diftingue facilement par deux
efpeces de cornes tournées en croiflant que l'on voit au bout de la
tête. Les efpeces de papillons qui en viennent , ne font pas fi brillans
que les précédens. Le dcfllis de leurs ailes eft de couleur aurore un
peu rougeâtre , & parfemé de taches noires : le contour de ces
ailes les fait paroître comme déchirées. Les papillons paons de vulcain ,
de peùie tortue , viennent de chenilles épineufes. Ce font les papillons
des chenilles épineufes qui ont occafionné cette prétendue pluie de
fang, qui en l'année 1608 jeta l'alarme parmi les habitans d'Aix en
Provence. On vit un jour fur les murs de la ville , fur ceux des ci^-
metieres & des maifons de la campagne , une multitude de taches
rouges qui paroilfoient comme autant de gouttes de fang. Il n'en
fallut pas davantage à des efprits eflrayés , pour fe perfuader que
c'étoit l'effet d'une pluie de fang tombée pendant la nuit , &que c'étoit
-le préfage des plus triftes malheurs. Un Philoiophe ( M. de Peirefe )
qui s'occupoit tranquillement à étudier la nature, obferva que les pa-
pillons des chenilles épineufes qu'il avoit élevées , jetoient , en quittant
l'état de chryfalide , une goutte d'une matière fanguinolente. Il la
cornpara à ces taches rouges qui étoient fur les murs , & reconnut à
l'infiiant quelle étoit l'origine de cette prétendue pluie de fang. Le
nombre des papillons femblables qui voltigeoient dans les airs, acheva
de confirmer fa penfée , de difîîmuler la frayeur , & de défabufcr le
peuple alarmé.
Nous dirons à cette occafion que tout papillon , en quittant fon
état de chryfalide , fe vide d'une matière liquide , rouge quelquefois,
ou d'une autre couleur. Cette liqueur fert à faire croître la chenille
èc la chryfalide; mais elle devient inutile au papillon.
CHENILLE ( fauffe ). Voyez à l'article Mouches à fc'ie,
CHENILLE pu FENOUIL. Elle méfite d'être connue , tant à caufe
CHE PT
de la beauté de fon papillon , que pour une fingularité qui lui eft
propre. C'eft ordinairement fur le fenouil que fe rencontre cette che-
nille 5 à laquelle on trouve une légère odeur de fenouillette. Elle
k nourrit auili fur les feuilles de carotte ; elle s'accommode même
très- bien de celles de ciguc. Le fond de fa couleur eft un beau vert,
traverfé fur chaque anneau par une raie noire qui en fait le contour.
Toutes ces raies noires font coupées chacune en fîx endroits par des
taches d'un rouge orangé. Cette chenille fait fortir , lorfqu'il lui plaît,
d'entre fa tête & fon premier anneau, une corne à deux branches qui
partent d'un même tronc , & ont aflez bien , lorfqu'elles font forties en
entier , la figure d'un Y. Ces cornes font de couleur rougeâtre & de
fubftance charnue commie celles des limaçons , capables à-peu-près des
mêmes mouvemens de fortir & de rentrer entièrement dans le corps.
Ces cornes leur font fans doute de quelque ufage , mais que l'on
ignore encore. Cette efpece de chenille eft du nombre de celles que
Ton voit quelquefois fe dévorer les unes les autres au défaut de
feuilles.
Le papillon qui naît de la chryfalide anguleufe de cette chenille,
eft un des plus beaux , le citron , & un beau noir font fes feules
couleurs; mais elles font diftribuées d'une manière agréable. Ses ailes
inférieures font ornées d'un œil feuille - morte , nué & entouré de
bleu , fuivi de fix taches , dont les unes font rondes & les autres
taillées en croiflant , & du plus beau bleu. Lorfque ce papillon tient
fes ailes élevées & appliquées l'une contre l'autre , il femble qu'elles
fe terminent par une queue. Ces chenilles , loin de faire tort , don-
nent des papillons qui font l'ornement des jardins. On range ces pa-
pillons dans la famille des grands Poru-queucs. Voyez Porte-queue»
CHENILLE DES gFxAins. Voyez à l'article Papillon des blés.
CHENILLE DE HAIES , qui vit en fociété. Foye^ fon hipohc
au mot général Chenille , .à l'article de la Conjlrucîion des coques.
CHENILLE , furnommée la livrée ou annulaire, C*eft une efpece
de chenille à laquelle les Jardiniers ont appliqué ce nom qui répond
afTez bien à fes couleurs : elle fe reconnoît à un petit filet blanc qui
règne fur le milieu , & tout le long du dos , accompagné de chaque
côté d'une bande bleue , bordée de part & d'autre , d'un cordonnet
rougeâtre. Cette chenille eft à demi - velue : fa tête & fa partie pof-
térieure font bleuâtres.
Tome IL ' N
5,^ C H E
Cette efpcce de cîienllle n'eft, dans certaines années, maffieureii-
fement que trop commune dans les jardins. Elle eft avide des feuilles
de toutes les efpeces d'arbres fruitiers; & elle s'accommode aufil des
feuilles d'un très'grand nombre d'autres arbres. Il efl; intéreflant de
lavoir les endroits où l'oa trouve réunis ces ennemis naiiTans , afin
de les détruire dans leurs berceaux.-
Il ncik perfonne qui n'ait obfervé quelquefois autour des jeunes
branches des arbres , une efpece d'anneau de la largeur de cinq à fix;
lignes ; cet anneau efl: formé par quatorze & jufqu'à dix-fept rangs
d'ceufs, arrangés en lignes (pirales , mais très-ferrés : il contient quel-
quefois jufqu'à deux ou trois cents œufs.
Voilà le nid dangereux qu'il faut détruire , & cependant qu'on ne
peut s'empêcher d'admirer. C'eft le papillon femelle qui difpofe fes
CBufs avec cet ordre , & qui les unit tellement par une efpece de-
maftic qui fort de fon corp-î , qu'il ne refte pas le moindre vide
entr'eux. Cet anneau d'oeufs , quoique folide , n^eft pas adhérent à'
la branche ; car on peut le faire tourner comme une bague autour
du doigt.
C'eft de ces œufs pondus en automne , & qui réfiftent aux froids
les plus- rigoureux , que naît une fociété nombreufe de chenilles , .gui ,-
dans leur enfance , vivent fraternellement : elles filent de concert d&s^
toiles autour d'elles , qui leur forment Ôqs efpeces de tentes : elles
y font entrer quelques feuilles qui font à leur portée , & font leurs
zepas en toute fureté à l'abri des orages & des animaux mangeurs
d'infedes. Lorfque ces feuilles font dévorées , la famille fe tranfporte
plus loin 3 & y recommence fon ravage ; en peu de jours un arbre
en buiflbn , eft dégarni de feuilles. Dans le temps de leur repos ,
ou pendant leur digeftion , on leur voit faire un mouvem.ent fingulier
dont la raifon eft inconnue : toutes enfemble , & comme de concert ^
donnent en l'air en tous fens des coups de têtes extrêmement brufques,
& même aflez forts pour faire réfonner les parois d'une cloche de-
verre j fous laquelle on les tiendroit enfermées. Parvenues à leur gran-
deur, elles fe difperfent , & chacune fonge à conftruire fa coque;
c'eft pour l'ordinaire au mois de Juin, roye^ CarticU Livrée & An-
NULLAIRE.
Les coques de cette efpece de chenille ont quelque reflemblance
avec celles des vers à foie ; elles font d'un jaune clair j couleur qui
• C H E 99
'ïSe leur ^îent point de la matière même , maïs qui ell: produite par
une poudre que la chenille tire de fon corps , & qu'elle fait pénétrer
dans le tifTu de la coque , qui , fans cela , feroit tranfprrente. Au
bout d'un mois & plus , il en fort des papillons mâles & femelles ,
en partie a'un clair tirant fur l'agate , & en partie ifabelle : le mâle
fe diftingue par la couleur plus claire & par fon adivité ; car la fe-
melle eft de l'efpece de celles qui ne font point ufage de leurs ailes.
CHENILLE Maçonne. Elle eft nommée ainfi , parce qu'elle fait
«ntrer dans la conftruélion de fa coque , de petits grains de fable ,
qu'elle détache de certains murs affez tendres pour céder à fes
efforts.
CHENILLE A Manteau Royal. Ceft une chenille qui eft l'em-
blème des grandeurs paffageres. On lui donne la nom de munUau royal,
parce que dans un certain temps , on remarque fur les anneaux d©
fon corps des taches qui , lorfqu'elles font développées , repréfentent
aflez bien des fleurs de lis. Ces efpeces de fleurs de couleur
rcugeâtre , relevée par des traits d'un jaune clair , fe détachent
très-bien fur cette chenille qui eft de couleur très-brune. A mefure
que l'animal grandit , toute cette pompe royaie difparoit ; en cinq
ou fix jours on la voit naître & s'évanouir : c'eft la fortune du Roi
Théodore , ainfi que le dit très-agréablement M. Ba:(in. De prefque
liiTe qu'étoit cette chenille dans fa première jeunefTe , elle devient en
croiflant couverte de longs poils très - fins , qui occafionnent des dé-
mangeaifons à la peau des perfonnes qui les touchent , mais fans
caufer d'enflure. On fe débarraffe facilement de cette incommodité,
en fe frottant les doigts avec un peu d'huile , & les effuyant. Cette
chenille emploie à la conftrudion de fa coque , le même art que
la Chenille Ma ne. Voyez ce mot.
La coque de cette chenille fe trouve entre les feuilles des diverfes
plantes dont elle fe nourrit, telles que le poirier, la ronce , le charme,
le troène & l'épine : cette coque eft remarquable par fa forme de poire,
un peu renflée du côté de la queue : elle eft environ d'un pouce &
demi de longueur , tapiflee en dedans d'une foie très-fine , fatinée ,
<& couleur de gris de perle. Les papillons qui fortent de ces efpeces
de coques , font des phalènes. Ils font l'un & l'autre de couleur jaune,
mais plus foncée dans le mâle. Un caradere remarquable dans l'une
3c l'autre efpece , eft un ceil blanc , bordé de noir , placé au milieu
N 2
Too C H Ë
de chaque aile fupérieure. Le manteau royal n'eft point du nombre
des chenilles redoutables pour les jardins & les campagnes.
CHENILLE Marte ou Herissone. On a donné ce furnom à
une efpece de chenille très-velue , hideufe par fa forme & fon poil
roux. La couleur , l'épaifleur & la longueur de fes poils , répondent
très-bien à l'idée que nous avons de l'animal qui porte ce nom. On
peut voir cette efpece de chenille dans les prés depuis le mois de
Mai jufqu'au mois d'Odobre. Elle marche aifez vite, va fur les
ormes , & defcend ordinairement au mois d'Août fur les gramens.
C'eft entre les feuilles des plantes baffes telles que le gazon , le
trèfle , l'ortie , dont elle fait fa nourriture , que l'on trouve fa coque
qui eft petite , proportionnellement à la grandeur de la chenille ;,
auffi 5 lorfqu'elle la conftruit , eft-elîe continuellement pliée en deux.
Sa coque eft compofée d'une étoffe , moitié foie & moitié poil de
chenille. Prefque toute chenille qui va fe changer en chryfalide, cherche
à fe procurer une enveloppe douce , foyeufe , propre à recevoir les
membres délicats de la chryfalide. Cette chenille velue commence ^
ainfi que plufieurs autres de même efpece , à filer autour d'elle un
tiffu foyeux , mais dont les mailles font lâches ; elle fe débarraffe en-
fuite de fes poils , qu'elle fait entrer dans les mailles : elle s'épile ab-
folument , & tapiffe l'intérieur de fa coque d'une couche foyeufe. C'efl:
de cette coque qu'une chenille, née au commencement de l'été, après
avoir paffé par l'état de chryfalide , paroît dans le mois d'Août fous
la forme d'un papillon nodurne. Le mâle ne diffère de la femelle que par
fes antennes plus belles & plus fournies ; prééminence attachée au fexe
mafculin chez les papillons. Cette efpece de chenille frugale ne fait tort
ni à nos jardins , ni à nos vergers. C'eft une des trois efpeces, ainfi
que le Manteau royal & les Proceffîonnaires , qu'on ne doit manier
qu'avec circonfpedion , parce que leurs poils, ainfi que leurs coques,,
occafionnent des démangeaifons très-vives.
CHENILLE MINEUSE des feuilles de vigne. Cette chenille ,
obfervée à Malthe par M. Godeheu de Rivllle , eft très-finguliere, parce
qu'elle diffère abfolument de toutes les autres chenilles connues. La
mineufe eft affez petite : elle loge & fe nourrit entre les deux épi-
dermes des feuilles : elle y forme une galerie ; ce qui la fait nommer
îujneufc : die fe nourrit de la fubftance intérieure des feuilles. Lorfque,
k. temps de fa métamorphofe approche , elle coupe deux portions
C H E 10 1
d*epiîîerme de feuilles en forme ovale : elle les unit avec de la foie ,
& en fait une coque , mais qu elle laifle ouverte par un bout. C'eft
ici qu'elle nous préfente fa plus grande fingularité ; n'étant point
pourvue de pattes comme les teignes , ni de crochets , elle a recours
à une induftrie , à l'aide de laquelle elle marche en toute forte de
pofîtions , même fur les corps les plus polis. Elle avance fon corps
hors de fa coque , forme un monticule de foie ; & par le moyen
de fon fil qui y eft attaché , elle attire fa coque à elle : elle y réitère
toujours la même manœuvre , & voyage de la forte ; la trace de fa
marche eft marquée par des monticules de foie à demi-ligne de dif-
tance les uns des autres. Cette chenille , après avoir paffé par l'état
de chryfalide , fe change en un petit papillon très-beau, dont la tête,
les pattes & le corps font argentés ; le fond de fes ailes eft d'un beau
noir. Cette chenille a aufli fes ennemis; ce font de petits ichneumons
fort jolis j dont le corps eft tacheté de jaune & d'un très - beau
rouge.
CHENILLE DE LA MOUSSE DES PIERRES. Chenille rafe , de moyenne
grandeur , qui travaille avec tant d'adrefîe , qu'à peine peut-on. apper-
cevoir le lieu de fon habitation. Son génie l'invite à arracher de petites
mottes de moufle fur les pierres , les difpofer en voûte avec des fils
de foie , & fe former avec la plus grande propreté une jolie coque
de gazon , que l'on ne peut reconnoître que par un peu plus d'élé-»
vation.
CHENILLE A OREILLES. C'eft une efpece de chenille de moyenne
grandeur, demi-velue, chargée de tubercules fur lefquels s'élèvent de petits
bouquets de poils noirs hérifles. Deux tubercules plus éminens, placés aux
deux côtés de la tête font furmontés d'une touffe de poils , qu'on feroit
tenté de prendre pour des oreilles ; ce qui lui a fait donner le nom
de chenille à oreilles, Heureufement la durée de la vie de cette efpece
de chenille n'eft pas longue ; car lorfque la faifon eft favorable pour
leur multiplication , elles ravagent par préférence les pommiers Se
les chênes. Cette chenille commence à paroître en Avril : vers Juin
& Juillet elle file fa coque qui n'eft prefque qu'un réfeau. A la fin de
ces mois , fortent des papillons des deux fexes. Le mâle plus petit,
tire fur la couleur d'agate : il eft vif & ami du plaifir. La femelle eft:
d'un blanc fale ; quoique pourvue d'ailes , elle ne vole point ; elle eft:
lourde ^ maiTive & furchargée du poids de fes ccufs ^ qu elle difpofe
ÎC2 C îî E
•avec le mcme art que la chenllU commune. Voyez à l'article Chenille
COMMUNE. Foye^ aujjî U mot Zig-zag.
C'eft vers le mois d'Août que Ton peut remarquer fur le tronc
des arbres des plaques larges de plus d'un pouce , & couverte.* d'un
poil gris-blanc ; ce font là les nids des œufs qu'il faut détruire , fi
l'on ne veut dès le printemps en voir fortir nombre de chenilles, qui
fe difperfent à l'inftant de leur naiflance pour ne plus fe réunir , &
qui vont ravager les vergers chacune de leur côté.
CHENILLE DU pin, p'uhyocampa, C'eft une efpece de chenille qui
a été mife par M. de Réaumur au rang des proceiîionnaires. Elle fe
trouve aux environs de Forges, dans le pays deGex, entre le Mont-
Jura & la Suifle. Ces chenilles font velues , d'une couleur roufsâtre,
longues d'environ quinze lignes. Les divers avantages qu'elles réunif-
fent, pourroient nous les rendre très- utiles. Elles filent en fociété
des cocons de la grolTeur d'un melon ordinaire , dont on peut tirer
,de fort belle & bonne foie : elles en fortent toutes à la file au lever
du fjleil , pour aller chercher la pâture : une trace de foie d'une ligne
de large , marque la route qu'elles fuivent pour s'éloigner de leur nid;
& elles y reviennent par la mcme route deux ou trois heures après.
Elles ne s'attachent point à d'autres arbres que les pins fauvages;
arbres com.muns en France , & qui croifient dans les lieux les plus
flériles ; mais il eft difficile de détacher ces cocons des arbres , car
ils ont toujours pour centre une branche de l'arbre , droite & fem-
blable à une quenouille à filer. Le plus court fans doute , feroit de
couper les branches. Toutes les jeunes chenilles forties des œufs d'une
mcme mère , travaillent de concert depuis le printemps jufqu'à l'entrée
de l'hiver , & même quelque temps après les premières neiges ; ce
qui fait préfuraer qu'elles pourroient fournir de la foie prefque toute
l'année dans la partie méridionale du Royaume, comme la Provence,
le Bas-Languedoc & le Rouffilîon. Si cette conjedure étoit vraie ,
combien ces infedes ne feroient-ils pas utiles ? Si les chenilles font en
état de fournir de la foie à raifon de leur nourriture , ces arbres
étant vivaces, la nourriture ne leur manque en aucun temps. Ce ne
fera que le temps qui pourra nous apprendre le fuccès de lemblablej
expériences. M. de la Rouviere cTEyjfautier , Chevalier de S. Louis ,
Auteur d'un Mémoire fur ces chenilles , paroit n'avoir eu aucune
içonnoifiance du papillon: il penfe même que cette chenille ne devient
\
CHË ïor
Jamïs pîîpiHort. Maïs îl me femble que dans lliiflolre desinfedes, oa
ne connoît aucune véritable chenille qui ne fe change en papillon.
Comment celle-ci fe multiplieroit-elle , puifque toute chenille eft
dépourvue des parties propres à la génération ? En feuilletant les
Auteurs, il me paroîtque cette idée eflune erreur popul?ire qui apafféf
jufqu'à nous par tradition & par écrit ; il y en a tant de ce genre î
Une autre particularité véritable de ces chenilles, c'eft d'avoir fur ie
dos des efpeces de ftigmates différens de ceux par lefquels elles refpirent
Tair, & qui plus eft de darder vifiblement, dans certains temps, par
ces mêmes ftigmates , des flocons de leurs poils même aflez loin. Ils
peuvent, en tombant fur la peau, caufer des démangeaifons, mais
l'effet en fera bien plus grand fi l'on a manié ces infedes. Tous
les Jurifconfultes favent que le Droit Romain condamne formellement
aux plus grandes peines ceux qui auront fait avaler de cette chenille
réputée venimeufe , réduite en poudre.
On fit, il y a quelques années, auprès de Forges, de très-bons bas'
de foie\en queftion, quoiqu'elle ne fût ni décreufée , ni dévidée , mais-
arrachée à la main & filée. L'art ne pourroit-il pas travailler ici avec
fuccès à perfedionner l'ouvrage de la Nature ? Cette foie eft très-forte
& d'un blanc argenté , fur-tout lorfqu'on a foin de la ramaiTer avant
les neiges. On a vu des cocons de foie fur les pins qui font dans le
Jardin du Roi à Montpellier. Avec quel plaifir tout bon Citoyen
verroit-ii s'élever cette nouvelle branche de commerce dans les endroits
plantés de pins, dits vulgairement /;i/z^^f5? Mais le Gouvernement
feul a le pouvoir d'animer & d'encourager les premières tentatives , qui
font toujours difficiles & difpendieufes,
CHENILLE PfvOCEssioNNAiR£. C'eft une des efpeces de chenilles
qui vivent en fociété pendant toute leur vie. Chaque couvée, qui
comprend depuis cinq jufqu'à fept cents individus , ne fe défunit jamais^.
La proceflionnaire eft de moyenne grandeur : elle eft d'un brun prefque
noir au-deffus du dos, Se blanchâtre fur les côtés & fur le ventre p
chargée fur le dos de poils blanchâtres , & très - longs , difpofés en
aigrettes ; ces chenilles choififtent par préférence les chênes , ceux
fur- tout qui font fur les lifieres. Elles filent de concert une toile ,>
qui leur fert de domicile , ou elles vivent & travaillent en bonne-
intelligence ; ce n'eft que la nuit qu'elles fortent de leur nid pour fe-
promener & aller ronger les feuilles de chêne des environs, La provifioB^
î©4 CHE
leur manque- t-eîle , elles fe mettent en maixlie lefoîr pour paflerd'ua
chêne à un autre.
Ceftunfpedacle fort agréable pour un amateur d'Hiftoire Naturelle,
de les furprendre dans leurs voyages. On les voit obferver , pendant
■toute leur route, une marche réglée. Il y en a toujours une en tête
qui eft comme le chef de la troupe ; celle-ci eft fuivie immédiatement
de deux autres qui marchent de front ; ces deux- là le font de trois ,
qui le font de quatre , & ainfi de fuite , tant que la largeur du terrain
le permet. L'ordre de cette marche n'eft pas toujours le miême : il
varie quelquefois ; mais toujours obfervent - elles de tenir leurs
rangs fi ferrés , que les foldats les mieux difciplinés ne s'avancent pas
avec plus d'ordre. On les voit auffi defcendre à la file les unes des
autres le long du tronc d'un arbre , pafïèr fur les feuilles & faccager
tout fans interrompre l'ordre de leurs évolutions. Le pillage eft-il fait,
elles fe retirent en bon ^ordre dans leur nid pour recommencer de
nouveau, &c. La régularité de leur marche leur a fait donner, par
M. dcRéaumur , le nom àQ proceJjiGnnaires ou cvolutïonna'ircs.
Après avoir ainfi paffé les deux tiers de leur vie à aller de place en
en place , elles filent , pour leur dernier domicile , une toile qu'elles
doublent & redoublent : eKes y pratiquent deux ouvertures , l'une
pour entrer & l'autre pour fortir ; c'efi; fous cette tente qu'elles
conftruifent chacune leurs coques, dont l'afiemblage forme des efpeces
de gâteaux. Ce nid refiemble à une vieille toile d'araignée. Quoi-
qu'afiez remarquable par fon volume , car il a quelquefois plus d'un
pied & demi de long , fur près d'un demi-pied de large , lorfqu'on
îe regarde fans attention , on le confond facilement avec de grofles
boffes qui fs forment fur le tronc des arbres.
Cette efpece de chenille eft fort velue , & plus dangereufe que
toutes les autres. Les nids qu'elle forme font encore plus à craindre,
fur-tout lorfqu'ils font anciens , par les démangeaifons qu'ils peuvent
icaufer. Ces efpeces de chenilles font entrer dans la compofition de
leurs coques , les poils dont elles étoient couvertes. Ces poils qui ,
Jorfqu'ils étoient fur l'animal , étoient doux , foyeux , fe durciflent ,
fe réduifent en pointes très-fines ; en forte que lorfqu'on vient à en-
lever ou à ouvrir ces nids , il s'élève un nuage de ces petites pointes,
qui entrent dans la peau de ceux qui font aux environs , & ils y
p^ccafipnpent .de fortes démangeaifons : fi même il arrive qu'ils s'attachent
C HE loj
à des parties délicates , telles que les paupières , ils y caufent des
inflammations qui durent quatre ou cinq jours. M. </e Réaumur a
éprouvé une fois , avec fuccès , de frotter rudement avec du perfil
les endroits douloureux ; ce qui a adouci fur le champ les déman-
geaifons cuifantes , &: les a rendues de peu de durée. Cet avis n'eft
pas hors de propos pour les Amateurs d'Hiftoire Naturelle.
Les papillons qui naiflent de ces efpeces de chenilles , font des pha-
lènes qui portent leurs ailes en toits : ils n'ont point de trompe; leurs
antennes ont des barbes. Les couleurs, de leurs ailes font mclées de
gris & de noir , diipofées par ondes & par taches. Le mâle & là
femelle ne difrcrent prefque point l'un de l'autre. On trouve fouvent
dans les nids de ces chenilles qui vivent en fociété , une larve grofTe,
longue , noire , un peu molle & à fix pattes écailleufes; cette larve
qui donne le buprejic carré de couleur d'or , attaque & dévore ces che-
nilles qui n'ont aucunes défenfes. Foye^ Bupkeste.
CHENILLE DU saule , a double queue. C'eft une efpece de
chenille allez rare 5c des plus curieufes, tant par fes attitudes fingulieres,
que par le bizarre arrangement de (ts couleurs & le jeu de fes queues.
Cette efpece de chenille ,. dans fon enfance, eft entièrement noire. On
remarque fur fa tête deux efpeces de cornes, qui ont allez l'air de longues
-oreilles ; à la féconde roue on peut oblerver que ces longues oreilles ne
font que des tubercules furmontés d'un petit bouquet de poil; au troifieme
& dernier changement de peau , on les voit abfolument diiparoître. Si
la nature ne fait rien en vain, il faut que ces tubercules , d'un ufage
d'abord utile à la chenille, mais inconnu pour nous , lui deviennent pour
lors inutiles.
Dès l'enfance de cette chenille , ainfi qu'à l'âge où elle a pris toute
fa longueur qui eft de deux pouces & plus , on obferve à fa partie
poftérieure une double queue. Elle confjfte en deux tuyaux droits, un
peu plus gros à leur origine qu'à l'autre bout, de matière folide, mais
creux, hérilfés en dehors du côté du dos de plufieurs rangs d'épines.
La chenille fait fortir de ces étuis des lilets couleur de pourpre, qu'elle
alonge, raccourcit, replie & fait jouer en tous fens à volonté; il paroît
que ces queues lui fervent d'armes défenfives. M. de Rhumur furprit
un jour une de ces chenilles dans l'inftant où une mouche vint fe pofer
fur fon corps; aufli-tôt elle fit fortir avec vîtefie un de ces filets , & le
dirigea à l'endroit où étoit la mouche , comme fi elle eût voulu lui
Tome 11, O
106" C H^
donner un coup de fouet. Se la mouche partît fur îê champ.
Cette efpece de chenille marche peu ; fon attitude approche un peu
de celle de la chenille nomméQ fp'iirix. Les parties charnues du premlc?
anneau lui forment comme une efpece de coiffe , où le blanc , le cou-
leur de rofe & le noir fe trouvent mélangés. Suivant les obfervations
de M. Geer, Correfpondant de l'Académie , cette chenille a auprès de
la tête une fente tranfverfale , d'où elle fait fortir , lorfquon la touche,,
quatre efpeces de mamelons charnus, qui lancent au loin uns liqueur
dont on verra fufage ci-delfous. La partie fupérieuredu corps eft d'un
pourpre de diverfes nuances ; ces chenilles font leur nourriture ordinaire
de feuilles de fauîe ; mais, dit M. Ba^in, elles me firent voir un jour
que leur goût n'étoit pas fixé à ces efpeces de feuilles. J'en trouvai
deux qui rongeoient de grand appétit une feuille de papier qu'un valet
avoit laiflee par mé.jarde dans le poudrier où je les nourriffois.
Cette chenille eft de celles qui font leur premier repas de la peau
qu'elles viennent de quitter ; elle ne fe dépouille point de fa peau , à-
la manière des autres, en la faifant gonfler & crever furie dos; fou
.vieux crâne fe détache d'abord de fa tête en entier comme un bonnet:
on voit avec étonnem.ent que cette tête grollit un moment après , aa
point d'être trois fois plus groffe qu'elle n'étoit fous fon ancien crâne,
La chenille fe retire de fa vieille peau comme d'un fac. Quelquefois
elle perd dans cette opération une de fes queues ou elle les retire
mutilées, tant elles fe détachent difficilement de leurs étuis^ Cette perte
ne fait point mourir la chenille , &- le papillon qui en naît n'eft point
mutilé , parce que la queue eft une de ces parties qui deviennent inutiles
à la chenille lorfqu'elle eft dans l'état de chryfalide.
La chenille du faule mife dans une boîte de bois , la ronge pour s'y
creufer une efpece de cavité qui, fait partie de fa coque; elle en forn^
l'autre partie avec les copeaux qu'elle cimente au moyen d'une gomme
foyeufe; elle fe trouve ain fi renfermée dans une coque de bois très-dure &
^très-folide : c'êft dans ce tombeau qu'elle fubitfesmétamorphofes. Après
y avoir refté plufieurs mois, le papillon fe prépare à en fortir, &
il en vient à bout, quoique dépourvu d'armes tranchantes. Ce papillon
eft un phalène , nommé par M. Geoffroi queue fourchue,
M. Bonnet a obfervé, dans un Mémoire imprimé dans le deuxième
tome de ceux préfsntés à l'Académie, que la liqueur dont nous avons
.parié, étoit un véritable acide» Elle rougit les fleurs de. chicorée fauvagtip
■ CHE Î07
feîie fait fur la langue rimprefilon du vinaigre, elle coagule le fang dans
une légère plaie; fi l'on verfe une goutte de cette liqueur dans refprit
de vin , il fe fait une coagulation fenfible. Ces cavaâeres d'acide bien
marqués doivent attirer l'attention des perfonnes qui croient que le
corps animal ne contient aucun acide hors des premières voies. Outre
les divers ufages d'utilité que cette liqueur a vraifemblablement pour
cette chenille , il paroît qu'elle fert aufli de diflblvant au papillon pour
ramollir le tifl'u de fa coque & fe faire jour : la preuve en eCi que M.
Bonnet a ramolli très - fenfiblement des portions de coques de cette
chenille , fur lefquelles il a fait tomber de cette liqueur.
M. Lyonnet , Avocat & Déchifireur des Patentes à la Cour des Etats
Généraux des Provinces Unies , a fans doute trouvé dans cette efpece
de chenille des proportions qui lui ont paru favorables aux obfervations
anatomiques ; il en a fait, il y a quelques années , uneexaéle anatomie,
qu'il a expofée en figures dans un Ouvrage in-4.°. avec des détails qui
font tout à la fois l'éloge de fa patience & de fon talent : refte à favoir
fi toutes les chenilles des diverfes contrées fe refiemblent au point de
rendre générale la conféquence que M. Lyonnet prétend tirer d'après la
feule efpece qu'il a analyfée.
CHENILLE furnommée le Sphinx. On a donné ce nom à plufieurs
chenilles à caufe de leur port aflez reflemblant à celui que les Peintres
& les Sculpteurs donnent ordinairement à l'animal fabuleux qui porte
ce nom. Voy, Varûch Sphinx. L'une de ces belles chenilles eft rafe &;
de la plus grande efpece : lorfqu'elle eft parvenue à fon entier accroif-
fement (qui arrive ordinairement vers la fin d'Août ), elle efi: longue
de trois pouces & plus ; elle eft d'un beau vert, ornée de chaque côté
de fept grandes boutonnières , partie blanches , partie gris de lin. Sa
tête eft ceinte d'un ruban noir; elle porte une corne fur l'extrémité du
cx)rp3 ; on la trouve ordinairement fur le troène, quoiqu'elle puifle fe
nourrir auiîî de feuilles de Jilas & de pommier. Lorfqu'elle n'eft point
occupée à manger, q\\(:. porte fa tête haute, ce qui la fait refîembler
su fphinx.
En Septembre, quand cette chenille eft prête à fe métamorphofer,
ces belles couleurs commencent à difparoître; elle entre dans la terre,
elle en lie les parties avec quelques fils, & s'y change en une de ces ;
chryfalides rem^arquables par une efpece de nez fait en trompe qui leur
pend fur la poitrine., De cette chryfaiide fort , dix à onze, mois après., \
O2
io8 CHE
un papillon nodurne fort beau; fes ailes qu'il porte bien _ étendues ,
laiflert appercevoir le deffus de Ton corps , dont chaque anneau, fe'paré
par un bordé noir , eft orné d'un couleur de rofe nué.Ses ailes inférieures
qui font les plus belles , font en partie d'un rouge tirant fur le couleur
rofe , dont les nuances font variées. Le deffus des ailes fupérieures a plus
de brun,mais relevéd'ondes rougeâtres, & de taches ondées d'un beau noir.
CHENILLE DU tithymale. Cette chenille mérire d'ctre connue
pour fa beauté. Parvenue à fa groiTeur naturelle , elle a quelquefois
trois pouces &demi de longueur. Elle eft parfaitement rafe, les anneaux
de fon corps font d'un beau noir piqueté de points jaunes. Chaque
anneau eft féparé par une bande' d'un beau noir velouté , & cette
bande eft ornée de trois taches , dont deux font blanches & une rouge.
Une raie rouge règne le long de fon dos; fes jambes , le deflous de fon
ventre, le chaperon qui couvre fon anus, les deux tiers de la corne
qu'elle porte à fon extrémité extérieure , & fa tête font d'un beau rouge r
toutes ces couleurs ont le luifant du vernis. Dans la première jeuneffe,
les couleurs de cette chenille font plus douces ; les parties que nous
avons dit être d'un beau noir, font d'abord d'un vert tendre , & celles
qui parviennent au rouge , ne font d'abord que d'un beau jaune.
Cette belle chenille eft commune dans certains cantons ; on ne la
trouve ordnairementque fur le tithymale à feuilles de cyprès. Au défaut
des feuilles de cette plante, on peut lui donner des feuilles del'efpece de
tithymale que les payfans nomment épurgc, & dont le lait a beaucoup
plus a'âcreté. Cette chenille boit avec délices un lait végétal qui laiffe
fur nos organes une impreffion de feu infupportable , & qui nous
purgeroit avec la dernière violence. C'eft dans les mois de Mai & de
Juin que fon trouve cette efpece de chenille. Elle file fa coque en
terre, & il en fort un fort beau papillon de la famille dQsfphinx cpervicrs :
la femelle pond fes œufs , & dans la même année donne une féconde
génération de chenilles & de papillons ; les couleurs de la femelle font
plus brillantes ; fes ailes font d'une belle couleur d'olive , relevée par
un rouge de lilas ; ces couleurs ont un œil velouté qui contribue encore
à les embellir. Ce papillon eft nocflurne, il ne s'éveille qu'après le foieil
couché , fon vol eft remarquable en ce qu'il eft droit & roide , il relTemble
tout-à-fait à celui d'un oifeau.
CHENILLE A TUBERCULES. C'eft la plus belle efpece de chenilles :
elle tire fon ornement de boutons étoiles que l'on nomme tubcrcuUst
C H E îôp
On rencontre une de ces efpcces de chenilles fur le poirier, fa longueur
eft quelquefois de trois pouces & plus , elle eft d'un vert un peu jaunâtre :
la tête de ces tubercules eft d'un bleu de turquoife ; on feroit tenté de
les prendre pour autant de pierreries, ils font environnés de cinq poils
fortscourtsquiforment une étoile, du centre de laquelle s'élève un long
poil terminé par un petit bouton : un chaperon rouge recouvre fon anus.
Cette chenille fe file en été une grofle coque qui préfente des (in-
gularités intéreffantes , ainfi qu'on le verra à la fin de cet article. De
la chryfalide renfermée dans cette coque, & qui y pafle l'hiver, (&
même deux hivers, c'eft-à-dire deux ans ) on voit fortir au mois de
Mai ou de Juin un papillon fuperbe de la plus grande efpece, qui
porte le nom de grand paon. On l'apperçoit rarement dans les jardins
pendant le jour, parce que c'eft un papillon nodurne.Plufieurs nuances
de brun , de gris , de rougeâtre , font agréablement mélangées fur fes
ailes, qui ont quelquefois, étant étendues, cinq pouces de longueur :
on remarque principalement fur fes ailes quatre grands yeux très-bien
nuancés. Sa grandeur le fait facilement diftinguer du moyen & du petit
paon di nuit , dont les couleurs allez femblables font plus claires : les
chenilles d'où viennent tous ces papillons phalènes font à tubercules.
Sur une de ces chenilles de couleur verte , à tubercules jaunes , ou
couleur de rofe , & ornée de bandes d*un noir velouté , s'attache
une petite mouche grife à tête rouge , du genre des ickeneiimones , qui
dépofe its œufs & les colle fur le corps de la chenille : on peut les y
obferver comme des points blancs. Lorfque les vers font éclos, ils
percent la chenille & s'introduifent dans fon corps pour fe nourrir de fa
fubftance. Ceft ainfi que l'attente du curieux qui les élevé, eft fouvent
trompée. Ces chenilles font rares ; par conféquent font peu de dégâts,
La chenille à tubercules conftruit une coque dont la ftruc5èure eft des
des plus admirables. Tous les cas , tous les inconvéniens font prévus
dans la conftrudion de cette coque ; la chenille s'y met à l'abri de
rinfulte desinfedophages , quipourroient l'attaquer pendant fon nouvel
état de foiblefie qui dure neuf mois. EUefe ménage le moyen de fortir
d'une prifon fi forte & fi bien clofe, par la même ouverture qui empêche
tout autre infede d'y entrer , & qu'elle fe ménage en la filant , comme
fi elle avoit pu prévoir qu'étant papillon , elle ne fera point pourvue
d'organes propres à en percer les murs. Cette coque eft tilTue de foie
brune & faite en forme de poire. La pointe de cette poire eft terminée
iio C H «
par des bouts de fils réunis en pointe , mais qui ne font point colles
les uns contre les autres. Dans l'intérieur de la coque fe trouve un
fécond rang de pointes difpofées de même & ayant le même jeu. Ces
fils imitent fort bien les ofîers de ces nafles difpofées comme pludeurs
entonnoirs rentrant les uns dans les autres ; le poiflon y entre facile-
ment, parce que les baguettes fe prêtent; mais lorfqu'ii eft pafie, elles.
fè réuniffcnt en pointe , lui piquent le nez , & lui ferment le paflage
par où il étoit entré. Ce que nous faifons pour attraper le poiflon ,
cette chenille le fait pour n'être point attrapée par fes ennemis. Les
fils réunis en pointe qui ferment l'extrémité de fa coque, empêchent
l'ennemi d'entrer. Le papillon veut-il fortir ; il ne fait qu'un léger effort
pour écarter ces fils qui , étant fouples , prêtent comme des reflbrts ,
^ reviennent à leur premier état lorfque le papillon en eft forti ; en
forte qu'on ne peut diflinguer qu'au poids une coque vide d'une coque
pleine. Cette coque a été très-bien nommée coque en najffe.
L'on voit par ce détail , fur les chenilles , combien il eft agréable
de fuivre la chryfalide dans fes progrès ; jufqu'au moment où elle devient
papillon. Fojei Chrysalide & Papillon.
CHENILLE-PLANTE , fcorpioidcs. On donne ce nom à une plante
rampante qui croît aux lieux fecs & arides du Languedoc , & qui poufle
des tiges velues à la hauteur d'un pied , revêtues de quelques feuilles
Semblables à celles delà percefeuillc Ses fleurs font petites , légumineufes
&: jaunes, il leur fuccede des goufles velues , de couleur obfcure, &
qui ont la figure d'une chenille roulée fut elle-même , d'où eft venu le
nom de cette plante. Ces fruits mis fur les falades prêtent au badinage
& infpirent un petit effroi à ceux qui redoutent ces infeftes. Chacune
ide ces gouffes eft compofée de plufieurs pièces attachées bouta bout
& contenant chacune uns femence taillée en forme dç rein ; cette plante
e/l alexipharmaque,
CHERÎMOLIA. Arbre que l'on cultive avec grand foin dans le
Pérou , parce que les Indiens 'eftiment fon fruit le meilleur du pays , &
fi fain qu'on en donne à manger aux malades. Le çherimolia croît à la
hauteur de douze pieds : fes feuilles font alternes, grandes, de figure
ovale, d'un beau vert en deffus, & traverfées dans leur longueur d'une
côteafl'ez élevée qui donne beaucoup de nervure. La fleur eft triangulaire,
blanche en dedans ^ verdâtre en dehors. Son fruit eft taillé en cœur
fomme cçlui du guanabane ^ S<; de çpule>ir brune dans fa maturité. L3
C H E I î I
ekiîr en efl Manche , femblable à de la bouillie , douceâtre & mêlée de
plufieurs femences.
CHERMÈS. Voyer^ Kermès.
CHERS^A. Efpece de dipfade, Ceft un ferpent des plus dangereux,-
en ce que la morfure qu'il fait eft brûlante comme du feu & même
mortelle. Celui qui en eft mordu , refte immobile Gommée par une
efpece d'enchantement : il eft attaqué de fanglots , change de couleur,
fefent étourdi , perd laconnoiirance; fes membres fe glacent; il s'endort;
bientôt il eft attaqué de palpitations de cœur, de grandes douleurs ; fes
poils tombent & fes chairs pourriiTent : il devient enfuite affligé du
cours de ventre , & meurt bientôt après.
CHERVI ou GY^OLE, Jifarum. Ceft une plante qu'on cultive-
dans les jardins potagers, & qui fleurit au mois de Juin. Sa racine eft-
eompoféede plulieurs navets ridés, faciles à cafler , longs de fix pouces-,
gros comme le doigt , attachés à un collet en manière de tête , de
couleur blanche, d'un goût très - doux , fucré, agréable, & bons à
manger. Ses tiges font cannelées, grofles, & hautes de deux pieds,
fes feuilles font petites , vertes , légèrement crénelées , & attachées
plufieurs à une côte , comme au panais. Ses fleurs nailîènt en ombelles
aux fommités : elles font odorantes & difpofées en rofe. Ces fleurs fonc
fuivies de petits fruits , compofés chacun de deux graines oblongues ^
un peu plus grandes que celles du perfil, étroites, cannelées fur le
dos , & de couleur obfcure.
Les racines de chervi font d'ufage fur les meilleures tables , frites ,
cuites dans le lait, dans les bouillons, &c. Pline, , le Naturalifte, nous
apprend que l'Em.pereur Tibère les aimoit tellement , qu'ils les exigeoit
des Allemands en form.e de tribut annuel. Bocrkaave , dans fon Traité
des Plantes du Jardifi de Leyde , regarde ces racines non- feulement
comme vulnéraires , mais comme le meilleur remède que Ton puifïe'
employer pour le crachement & lepiflement de fang. La racine de chervi
eft une de .celles dont M. Margraff a retiré par le moyen de Tefprit de
vin, un beau fucre blanc, peu inférieur à celui des cannes, à fucre»
^oyei CHiJloire de l' Académie dû Berlin,
CHEVAL , equus. Animal quadrupède , du genre àQ% folipedes ^
connu de tout le monde par la beauté de fa taille, le courage, la force ,-
îa docilité de fon caraftere , & Futilité iniinie dont il eft à I homme,
La domefticité du clieval eft fi ancienne, qu'on ne trouve plus de
1.2 CHE
chevaux fauvages dans aucune des parties de l'Europe. Ceux que l'on
voit par troupes en Amérique font des chevaux domeftiques & Eu-
ropéens d'origine , que les Efpagnoîs y ont tranfportés , & qui s'y
font multipliés, car cette efpece d'animaux manquoit au nouveau monde,
ainfi que les Efpagnoîs le remarquèrent d'abord par la frayeur des
Mexicains & des Péruviens , qui, les voyant montés fur des chevaux,
les prirent pour des Dieux. Ces animaux fe font très-bien multipliés
dans ce climat. On en voit quelquefois dans 1 île de Saint - Domingue
des troupes de plus de cinq cents qui courent tous enfemble. Lorfqu'iis
apperçoivent un homme , ils s'arrêtent tous ; l'un d'eux s'approche à
une certaine diftance, fouiïîe des nafeaux, s'ébroue, prend la fuite,
& tous les autres le fuivent.
Ces animaux , quoique rendus à la nature , paroilTent, dit-on, avoir
dégénéré , & être moins beaux que ceux ûEfpagne , quoiqu'ils foient
de cette race. Peut-être ce climat leur ell:-il moins favorable , pour
l'élégance de la forme. Quoi qu'il en foit, ces chevaux fauvages font
beaucoup plus forts , plus légers & plus nerveux que la plupart des
chevaux domeftiques : ils ont, dit M. de Bufon , ce que donne la
nature , la force & la noblelTe ; les autres n'ont que ce que l'art peut
donner , l'adrcffs & l'agrément.
Le naturel de ces animaux n'eft point féroce ; ils font feulement fiers
& fauvages : ils prennent de l'attachement les uns pour les autres : ils
ne fe font point la guerre cntr'eux , & vivent en paix , parce que
leurs appétits font fimples & modérés , & qu'ils ont allez pour ne fe
rien envier.
Les habitans de l'Amérique prennent les chevaux fauvages dans des
lacs de corde qu'ils tendent dans les endroits que ces animaux fréquen-
tent : fi le cheval fe prend par le cou , il s'étrangle lui-même , fi on
n'arrive pas affez tôt pour le fecourir. On attache l'animal fougueux
à un arbre , & en le laifî'ant deux jours fans boire ni manger , on le
tend docile ; & même avec le temps il devient fi peu farouche , que
s'il fe trouve dans le cas de recouvrer fa liberté , il ne devient plus
fauvage , & fe laifle reprendre par fon maître.
La plus noble conquête , dit M. de Bufon , que l'homme ait jamais
faite , eft celle de ce fier & fougueux animal , qui partage avec lui les
fatigues de la guerre & la gloire des combats. Auflî intrépide que fon
maître , le cheval voit le péril & l'afixonte : il fe fait au bruit des armes:
il
îî Taîme , Il le cherche , & s'anime de la même ardeur : il partage aufll
fes plaifîrs à la chafle , aux tournois & à la courfe : il brille & il étincelle;
mais docile autant que courageux, il ne fe 1 aille point emporter à Ton
feu : il fait réprimer fes mouvemens j non-feulement il fléchit fous la
main de celui qui le guide , mais il femble confulter fes defirs , &
obéifTant toujours aux impreffions qu'il en reçoit , il fe précipite , fe
modère ou s'arrête , & n'agit que pour y fatisfaire :■ c'efl une créature
qui renonce à fon être, pour n'exifter que par la volonté d'un autre;
qui fait même la prévenir ; qui , par la promptitude & la précifion de
fes mouvemens , l'exprime & l'exécute ; qui fent autant qu'on le defire ,
ôc ne rend qu'autant qu'on veut ; qui fe livrant fans réferve , ne fe
refufe â rien , fert de toutes fes forces , s'excède , &: même meurt pour
mieux obéir. En un mot, la nature lui a donné une difpofition d'amour
& de crainte pour l'homme , avec un certain fentiment des fervices
que nous pouvons lui rendre-; & cet animal connoît moins fon efclavage
que le befoin de notre protedion.
DcfcriptioTZ des qualités cjjinûdks qui forment un beau Cheval,
Pour juger plus furement des occàlîonsoii les défauts font ou ne font
pas compenfés par les qualités , il eft à propos d'avoir dans l'efprit le
modèle d'un cheval parfait , auquel on puiffe comparer les autres
chevaux. Voici l'efquifiTe de ce m.odele.
Le cheval eft de tous les animaux celui qui, avec une grande taille,
a le plus de proportion & d'élégance dans les parties du corps. En lui
comparant les animaux qui font immédiatement au-defTus & au-deflbus,
on trouve que l'âne eft mal fait, que le lion a la tête trop grolTe ,
que le bœuf a la jambe trop menue, que le chameau eft diftorme, 8c
que le rhinocéros & l'éléphant ne font , pour ainfi dire , que des maffes.
Dans le cheval bien fait l'attitude de la tête & du cou contribue plus '
que celle de toutes les autres^parties du corps , à donner à cet animal
un noble maintien. Une belle encolure doit être longue & relevée,
& cependant proportionnée à la taille du cheval. Lorfqu'elle eft trop
longue ou trop menue 3 les chevaux donnent ordinairement des coups
de tête; & quand elle eft trop courte ÔC trop charnue, ils font pefans
à la main. Pour que la tête foit le plus avantageufement placée, il
faut que le front foit perpendiculaire à l'horizon. La tête doit être feche '
^ menue, fans être trop longue; les oreilles peu diftantes , petites j,'
Tome II, P
114 C H E
droites , immobiles , étroites , de'Iiées & bien plantées fur le haut de
la tête; le front étroit & un peu convexe; les falieres remplies, les
paupières minces; les yeux clairs, vifs, pleins de feu, affez gros &
avancés à fleur de tête ; la prunelle grande ; la ganache décharnée &
un peu épaifife ; le nez un peu arqué; les nafeaux bien ouverts & bien
fendus : la cloifon du nez mince ; les lèvres déliées ; la bouche médio^
crement fendue; le garrot élevé & tranchant; les épaules feches, plates
& peu ferrées ; le dos égal, uni, infenfiblement arqué fur la longueur»
& relevé des deux côtés de l'épine qui doit paroître enfoncée ; les flancs
pleins & courts; la croupe ronde & bien fournie ; la hanche bien
garnie , le tronçon de la queue épais & ferme ; les bras & les cuifles
gros èc charnus ; le genou rond en devant ; le jarret ample & évidé ;
les canons minces fur le devant & larges fur les côtés ; le nerf bien
détaché ; le boulet menu; le fanon peu garni; le paturon gros & d'une
médiocre grandeur ; la couronne peu élevée ; la corne noire, unie &
luifante ; le fabot haut ; les quartiers ronds ; les talons larges &
médiocrement élevés ; la fourchette menue & maigre , & la foie épaiife
& concave.
Remarques fur les perfections & imperfections d^un Cheval,
Il y a peu de chevaux dans lefqueîs on trouve rafTemblées toutes
les perfedions dont on vient de parler. Lorfqu'^on acheté un cheval, iî
y apluheurs ohfervations à faire pour n'être point trompé, & reconnoître
tous fes défauts : mais ce détail feroit déplacé ici. Comme il y a peu
d'animaux qu'on ait autant étudiés que le cheval , nous renvoyons aux
fources mêmes pour prendre connolfïànce dans un plus grand détail 5.
d'une multitude 4'obiets concernant cet animal , defquels nous ne
parlerons point, parce qu'ils fe rapprochent plus de fart, & s'éloignent
davantage de l'Hiftoire Naturelle. Ces fources font : Le nouveau parfait
Maréchal^ de M. Garfaut ; l'Ecole & les Elémens de la Cavalerie, de
M. de la Guériniere ; le Nouveau Newcafll^ , par M. Bourgelat , le
Véritable & Parfait Maréchal , par M, Solleyfel ; le troiiieme volume de
de rHifioire Naturelle de MM. de Buffon & d'Aubenton ; la Connoïfjance.
des Chevaux ; le Traité de Georges-Sim&n Winter , petit in-folio , avec
figures ; le Cours d'Hyppia trique , par M. la Fofle ; & celui de M. Vitet,
Nous allons feulement faire , d'après M, de Buffon , quelques remarques
qui pourront mettre en ét3t de juger des perfections ou imperfections
d'un cheval»
C H Ë îiY
On juge afTez bien du naturel & de l'état a(fî:uel de l'animal par le
mouvement des oreilles. Il doit, lorfqu'il marche , avoir la pointe des
oreilles en avant : un cheval fatigué a les oreilles bafles : ceux qui font
colères & malins portent alternativement Tune des oreilles en avant
l'autre en arrière : tous portent l'oreille du côté où ils entendent quelque
bruit ; & lorfqu'on les frappe fur le dos ou fur la croupe , ils tournent
les oreilles en arrière. Les chevaux qui ont les yeux enfoncés ou un
ceil plus petit que l'autre , ont ordinairement la vue mauvaife ; ceux
dont la bouche eft feche, ne font pas d'un auffi bon tempérament que
ceux dont la bouche eft fraîche & devient écumeufe fous la bride.
Le cheval de felle doit avoir les épaules plates , mobiles & peu
chargées ; le cheval de trait , au contraire , doit les avoir grolles ,
rondes & charnues : fi cependant les épaules d'un cheval de felle font
Il feches, qu'elles avancent trop fous la peau , c'eft un défaut qui
défigne que les épaules ne font pas libres , & que par conféquent le
cheval n'eft pas propre à fupporter la fatigue. Un autre défaut pour
le cheval de felle , eft d'avoir le poitrail trop avancé , de les jambes de
devant retirées en arrière , parce qu'alors il eft fujet à s'appuyer fur la
main en galopant , & même à broncher & à tomber. Lorfque les jambes
de devant du cheval font trop longues , il n'eft pas alTuré fur fes pieds ;
fï elles font trop courtes , il eft pefant à la main. On a remarqué que
les jumens font plus fujettes que les chevaux à être balfes du devant,
& que les chevaux entiers ont le cou plus gros que les jumens &
les hongres.
Les yeux des chevaux font fujets à plufieurs défauts qu'il eft quel-
quefois difficile de reconnoître. Lorfque l'œil eft fain , on doit voir
à travers la cornée deux ou trois taches couleur de fuie au-defîus de
la prunelle; car pour voir ces taches, il faut que la cornée foit claire,'
nette & tranfparente. La prunelle petite , longue & étroite , ou en-
vironnée d'un cercle blanc , déhgne un mauvais œil : lorfque l'œil a
une couleur bleue-verdâtre , la vue eft certainement trouble.
Moyen de juger de l'dge des Chevaux,
Une des chofes les plus importantes à connoître , lorfqu'on acheté
un cheval , eft fon âge : les falieres creufes n'en font qu'une indice
équivoque , puifqu'elles le font quelquefois dans de jeunes chevaux
engendrés de vieux étalons : c'eft par les dents qu'on peut en avoir
V 2
%i^ CHE
une connoiffancesûre. Lecnevalen a quarante, vingt-quatre mâcheîlere s
quatre canines & douze inciiîves. Quinze jours après la naiflance du.
poulain , les dents commencent à lui poufler : ces dents de lait tombent
en difFérens temps 5 & font remplacées par d'autres, A l'âge de quatre ans
& demi les dernières dents de lait tombent & il leur en fuccedeû'autres^
ce font ces dernières qui marquent l'âge du cheval. Elles font an
nombre de quatre aifées à reconnoître ; ce font les troificmes tant en
haut qu'en bas, à les compter depuis le milieu de l'extrémité de la
mâchoire. On les nomme avec raifon les coins , car elles font effec-
tivement aux quatre coins qui bornent les dents incifîves. Ces dents
font creufes , & ont une marque noire dans leur concavité : à quatre
ans & demi elles ne débordent prefque pas au-defTus de la gencive , &
le creux eft fort fenfible: à fixans & demi il commence à fe remplira
la marque commence auffi à diminuer & à fe rétrécir , & toujours de
plus en plus jufqu'à fept ans & demi ou huit ans , que le creux eft.
tout- à-fait rempli & la marque noire effacée. Lorfque ces dents que
l'on nomme les coins , ne donnent plus connoiffance de l'âge du cheval,
on cherche à en juger par les quatre dents canines. Jufqu'à l'âge de
ûx ans ces dents font fort pointues ; à dix ans celles d'en haut pa-
roiffent émouffées , ufées & longues, parce qu'elles font déchauffées,
la gencive fe retirant avec l'âge ; & plus elles le font , plus le cheval
eft âgé. De dix jufqu'à treize ou quatorze ans , il y a peu d'indices
de l'âge ; mais alors quelques poils des fourcils commencent à devenir
blancs. Il y a des chevaux dont les dents font fi dures , qu'elles ne
s'ufent point & fur lefquelles la marque noire ne s'efface jamais ; mais
ces chevaux qu'on appelle héguis , font aifés à reconnoître par le creux
de la dent , qui eft abfolument rempli , & par la longueur des dents
canines. On a remarqué qu'il y a plus de jumens que de chevaux qui
Soient dans ce cas»
Comme la durée de la vie des animaux eft proportionnelle au temps
de leur accroiffement , le cheval dont l'accroiffement fe fait en quatre
ans , peut vivre fîx ou fept fois autant , c'eft-à-dire , vingt-cinq ou
trente ans , & même plus.
Des allures du ChevaL
Le pas eft Tallure la plus lente du cheval ; il doit cependant être
laflèz prompt» Il ne le faut ni alongé ni raccourci ; ce mouvement
C H E ï 1 7
cfi: le plus doux pouf îe cavalier. La marche du cheval efl: d'autant plus
légère, que (es épaules font plus libres : il faut que le mouvement de fa
jambefoitfacile, hardi: quand la jambe retombe, le pied doit être fermCj^
& appuyer également fur la terre, fans que la tête foit ébranlée ; car fi la
tête bailTe, elle défigne la foibleffe des jambes, hepas eft un mouvement
très-doux pour le cavalier, parce que cette marche fe fait en quatre
temps qui fe fuccedent immédiatement ; car le pied droit de devant
part le premier, & eft fuivi à peu de diftance du 'pied gauche de
derrière , auquel fuccede le pied gauche de devant ; & à celui - là s-
le pied droit de derrière. Dans cette efpece de mouvement , le centre
de gravité du corps de l'animal ne fe déplace que foiblement & refte
toujours à-peu-près dans la direélion des deux points d'appui qui ne'
font pas en mouvement. Le cavalier eft d'autant plus doucement ^.
que les mouvemens du cheval font égaux & uniformes dans le train
de devant & dans celui de derrière ; & en général les chevaux dont
le corps eft long , font plus commodes pour le cavalier , parce que-
fon corps fe trouve plus éloigné du centre des mouvemens.
Lorfque le cheval irotte , les pieds partent de même que dans le
pas , avec cette différence que les pieds oppofés tombent enfemble 5
ce qui ne fait que deux< temps dans le trot , & un intervalle. La du-
reté du trot vient de la réfiftance que fait la jam^be de devant, lorf-
que celle de derrière fe levé.
Dans le galop il y a ordinairement trois temps & deux intervalles:
comme c'eft une efpece .de faut , toute la force vient des reins. La^
jambe gauche de derrière part la première & fait le premier temps;-
la jambe droite de derrière & la jambe gauche de devant tombent
enfemble , c'eft le fécond temps ; enfuite la jambe droite de devant
fait le troifieme temps. Dans le premier intervalle, quand le mouvement
eft vite, il y a un inftant oii les quatre jambes font en Tair en m.ême
temps , & où l'on voit les quatre fers du cheval à la fois. Il réfulte
donc de ces mouvemens , que la jambe gauche qui porte tout le poids
& qui pouffe les autres en avant , eft la plus fatiguée. Il feroit à-
propos d'exercer les chevaux à galoper indifféremment des deux pieds
de derrière , le cheval en foutiendroit plus long-temps cet exercice;
vicient. Les chevaux qui dans le galop lèvent bien haut ies jambes
de devant , avancent moins que les autres & fatiguent davantage :aufll
e'eft à quoi l'on a grand foin d'exercer le cheval au manège. Le pas
i I s C H Ë
pour ctre bon, doit être prompt, léger & sûr'; le trot, prompt, ferme'
& foutenu. Le galop , prompt , sûr & doux.
UarnbU eft une allure que l'on regarde comme défedueufe & non
naturelle ; car c'eft celle que prennent les chevaux ufés lorfqu'on les
force à un mouvement plus prompt que le pas , & les poulains qui
font encore trop foibles pour galoper. Dans cette allure qui eft très-
fatigante pour le cheval & très-douce pour le cavalier , les lieux jambes
du même côté partent en mcme temps pour faire un pas , & les deux
jambes de l'autre côté en même temps pour faire un fécond pas. Ce
mouvement progreflif revient à-peu-près à celui des bipèdes; dans cette
allure du cheval , deux jambes d'un côté manquent alternativement
d'appui, & ces chevaux font dès- lors plus fujets à tomber.
Uentrepas & Vaubin font deux allures qui font mauvaifes , & qui
viennent l'une & l'autre d'excès de fatigue & de foiblefle des reins
du cheval. L'entrepas tient du pas & de l'amble , & l'aubin du trot
& du galop. Les chevaux de Mefl'agerie prennent l'entrepas au lieu
du trot , & les chevaux de pofte l'aubin au lieu du galop , à mefure
qu'ils fe ruinent.
Des Haras,
Les chevaux rendent de fi grands fervices , qu'on s'efl: attaché a
les multiplier , & à s'en procurer de belles races & à prendre foin de
leur éducation. Il y a des haras dans plufieurs Provinces. Pour établir
un haras , il faut choifir un bon terrain & un lieu convenable ; on
le divife en plufieurs parties , qu'on ferme de fofîés & de bonnes haies.
On met les jumens pleines & celles qui alaitent leurs poulains dans
la partie oii le pâturage efl le plus gras : on met celles qui n'ont point
été couvertes dans un canton de pâturage moins gras , parce que fî
elles prenoient trop d'embonpoint , elles feroient moins propres à la
génération. On renferme enfin les jeunes poulains entiers ou hongres
dans la partie du terrain la plus feche & la plus inégale , pour les
accoutumer à l'exercice & à la fobriété. L'expérience a même appris
que les chevaux font d'autant plus nerveux & d'un tempérament
d'autant plus fort , qu'ils ont été élevés dans un terrain plus (qc. On
laiffe les chevaux dans ces pâturages pendant tout l'été ; mais en
hiver on les enferras dans les écuries , dan.s lefquelles on les laifle
en liberté.
C H E IIP
Dès Tage de deux ans & demi le cheval efl en état d'engendrer, de
les jumens , comme toutes les autres femelles , font encore plus précoces
que les mâles : mais ces jeunes chevaux ne produifent que des poulains
mal conformés èc mal conftitués. On ne doit permettre au cheval de
trait Tufage de la jument qu'à quatre ans ou un peu plus , & qu'à fix
ou fept ans aux chevaux fins , parce que ces derniers font plus long-
temps à fe former. Les jumens peuvent avoir un an de moins. Elles
font en chaleur depuis la fin de Mars jufqu'à la fin de Juin : le temps de
la plus forte chaleur ne dure guère que quinze jours ou trois femaines.
Il faut profiter de ce temps pour leur donner l'étalon , que l'on doit
choifir beau , bien fait , fain par tout le corps , qui , outre toutes les
belles qualités extérieures , ait encore toutes les bonnes qualités in-
térieures , du courage , de la docilité , de l'ardeur ; car on a remarqué
que le cheval communique , par la génération , toutes fes bonnes &
mauvaifes qualités naturelles & acquifes. Dans ces climats la jument
contribue moins que 1 étalon à la beauté du poulain; mais elle contribue
peut-être plus à fon tempérament : c'eft pourquoi il faut choifir des
jumens qui foient bonnes nourrices & d'une excellente conftitution.
Lorfqu'on a choifi un étalon qui a toutes les qualités requifes, &
que les jumens qu'on veut lui donner font raflemblées, il faut avoir
un autre cheval entier qui ne fervira qu'à faire connoître les jumens
qui font en chaleur. On fait palTer toutes les jumens l'une après l'autre
devant ce cheval entier. Il veut les attaquer toutes : celles qui ne
font point en chaleur fe défendent par des ruades répétées , il n'y a
que celles qui y font qui fe laiiTent approcher. Ce mâle , plus vigoureux ,
plus ardent par la réfifiance qu'il a éprouvée , fe difpofe à faire fête
à la femelle , & déjà il croit triompher , m.ais au lieu de le laiffer
approcher tout-à-fait _, on le retire & on lui fubfiitue le véritable étalon.
Qn a foin de déferrer la jument amoureufe , car il y en a qui font
chatouilleufes & qui ruent à l'approche de l'étalon. Un homme tient
la jument par le licol , & deux autres (pourvoyeurs) conduifent en
grande cérémonie l'étaJon par des longes. En entrant dans l'arène,
fon ardeur s'éve lie. Le henniflement , le fouffle des nafeaux font le
langage de fes defirs. Deux autres hommes ( appareilleurs ) aident à
l'accouplement, l'un en détournant ou levant la queue de la jument;
carunfeul crin qui s'oppoferoit, pourroitbleffer l'étalon dangereufement.
L'autre eft fouvent obligé de diriger le membre génital vers l'entré^
,v
120 CHË
du vagin dont il dilate les lèvres, ce bon office efl fait avec beaucouîJ
de précaution^ On reconnoît que Taâie de la génération a été réellement
confommé , lorfque dans les derniers momens de la copulation , le
tronçon de la queue de l'étalon a eu un mouvement de balancier près
delà croupe j car ce mouvement accompagne toujours Témiffion de
la liqueur féminale qui eft très-abondante dans ces animaux.
Quoiqu'un bon étalon puifle fuffire à couvrir tous les jours une fois pen-
dant les trois mois que dure la monte, il vaut mieux ne lui donner qu'une
jument tous les deux jours , pour le ménager davantage. Un étalon ainfi
conduit peut couvrir quinze ou dix-huit jumens, & produire dix ou douze
poulains dans les trois mois que dure cet exercice. Pendant que les
jumens font en chaleur , il fe fait une ftillation d'une liqueur gluante
.& blanchâtre : c'eft cette liqueur que les Grecs ont appellée Vhippomanhs
de la jument, & dont ils prétendoient qu'on pouvoit faire des philtres ,
fur-tout pour rendre un cheval frénétique d'amour. Cet hippomanes efl
bien différent de celui qui fe trouve dans les enveloppes du poulain.
Voyei^ Hippomanes.
Quelques perfonnes lâchent leur étalon dans le lieu où font raflem-
blées les jumens; ces dernières produifent plus furement que de l'autre
façon , mais l'étalon fe ruine plus en (ix femaines qu'il ne feroit en
plufieurs années étant conduit avec modération de la manière dont
on vient de le dire.
Du croifement des Races»
Une obfervation des plus elTentielles , & abfolument néceflaire dans
îes haras , c'eft le foin de croifer les races , pour les empêcher de
dégénérer.
Il y a dans la nature, dit M. deBuffon, un prototype général dans
chaque efpece, fur lequel chaque individu eft modelé, mais qui fembîe
.en fe réalifant s'altérer ou fe perfedionner par les circonftances ; en
forte que relativement à de certaines qualités , il y a une variation
Hzarre en apparence dans la fucceflion des individus, & en même temps
une conftance admirable dans toute l'efpece. Le premier animal , le
premier cheval , par exemple , a été le modèle extérieur ou le moule
intérieur fur lequel tous les chevaux qui font nés, tous ceux quiexiftent
^ tous ceux qui naîtront ont été formés ; mais ce modèle a pu s'altérer
|f fe perfeélionnèr en coroiîiunic[uant f^ forme & fe multipliant.,..,
L'emprçintQ
CHE 12 f
L'empreinte orîgînaîre fubfîfte en fon entier dans chaque individu j
mais que de nuances diffe'rentes dans les divers individus, tant dans
Tefpece humaine que dans celle de tous les animaux , de tous les
végétaux, de tous les êtres en un mot qui fe reproduifent !.... Co-
qu'il y a de plus fîngulier, c'eft qu'il femble que le modèle du beau &
du bon foit difperfé par toute la terre, & que dans chaque climat il n'en
réfide qu'une portion , qui dégénère toujours ; à moins qu'on ne la
réunifie avec une autre portion prife au loin ; en forte que pour avoir
de bon grain , de belles fleurs , &c. il faut en échanger les graines ,
& ne jamais les femer dans le même terrain qui les a produites; & de
même, pour avoir de beaux chevaux, de bons chiens, &c. il faut
donner aux femelles du pays des mâles étrangers , & réciproquement
aux mâles du pays , des femelles étrangères , fans cela les grains , les
fleurs , les animaux dégénèrent , ou plutôt prennent une fi forte
teinture du climat , que la matière domine fur la forme , & femble
Tabâcardir : l'empreinte refte , mais défigurée par tous les traits qui
ne lui font pas eiïentiels. En mêlant au contraire les races, &: fur- tout
en renouvellant toujours par des races étrangères , la forme femble
fe perfeélionner , & la nature fe relever &: donner tout ce qu'elle peut
produire de meilleur.
L'expérience a appris que des animaux, ou des végétaux tranfplan tés
d'un climat lointain, fouvent dégénèrent & quelquefois fe perfedionnent
au bout d'un petit nombre de générations. Cet eiïet eft produit par
la différence du climat & de la nourriture ; l'influence de ces deux
caufes agiflant toujours davantage fur chaque nouvelle génération ,
rend ces animaux exempts ou fufceptibles de certaines affedions , de
certains vices de conformation , de certaines maladies. Les chevaux
d'Efpagne & de Barbarie deviennent en France des chevaux François
fouvent dès la féconde, & toujours à la troifieme génération; on eft
donc obligé de croifer les r^ces , au lieu de les conferver.
On renouvelle la race à chaque génération en faifant venir des
chevaux Barbes ou d'Efpagne pour les donner aux jumens du pays ;
un cheval & une jument d'Efpagne ne produiroient pas enfemble d'auiÏÏ
beaux chevaux en France , que ceux qui viendront de ce même cheval
d'Efpagne avec une jument du pays. Ce phénomène fe conçoit aifément
lorfqu'on obferve que dans un climat chaud , par exemple, il y a eft
excès ce qui fera en défaut dans un climat froid, & réciproquement;
Tom& II, ->-^;
4r<
122 CHË
il fe fait une compenfation du tout lorfqu'on joint enfemble des animaux
de ces climats oppofés. On doit donc dans le croifement des races
corriger les défauts les uns par les autres; donner à la femelle qui pèche
par un défaut , foit dans la conformation extérieure , foit dans le
caradere , un étalon qui pèche par un excès contraire , & op-
pofer les climats le plus qu'il eft poflible ; donner, par exemple,
à une jument d'Efpagne un étalon tiré d'mi pays froid.
Cet ufage de croifer les races fe retrouve même dans l'efpece humaine.
On peut croire , dit M. de Buffon , que par une expérience dont on
a perdu toute mémoire, les hommes ont autrefois connu le mal qui
réfultoit des alliances du même fang , puifque chez les Nations les
moins policées , il a rarement été permis au frère a'époufer fa fœur.
Cet ufage , qui efl: pour nous de droit divin , & qu'on ne rapporte
chez les autres peuples, qu'à des vues politiques , a peut - être été
fondé fur l'cbfervaticn. La politique ne s'étend pas d'une manière (î
générale & fiablolue, a moins qu'elle ne tienne au phyfique ; mais (i
les hom.mes ont une fois connu par expérience que leur race dégénéroit
toutes les fois qu'ils ont voulu la conferver fans mélange dans une même
famille, ils auront regardé comme une loi de la nature celle de l'alliance
avec des familles étrangères , & fe feront tous accordés à ne pas foufFrir
de mélange entre leurs enfans. Et en effet , l'analogie peut faire
prélumer que dans la plupart des climats les hommes dégénéreroient^
comme les animaux , après un certain nombre de générations.
Des Poulains.
Les jumens portent ordinairement onze mois & quelques jours ;
felles accouchent debout , au lieu que prefque tous les autres quadru-
pèdes fe couchent. On aide celles dont l'accouchement eft difficile. Le
|)oulain , ainfi que dans toutes les efpeces d'animaux , fe préfente
ordinairement la tête la première ; il rompt fes enveloppes en fortant
de la matrice , & il tombe en même temps plufieurs morceaux folides,
que Von nommQYhippomanès du poulain. /Fbj'^^ HiPPOMANÈs. La jument
ieche le poulain aulfi-tôt après fa naiiïance.
,. . On ne laifle tetter les poulains que cinq, fix ou fept mois au plus j
jàjprès les mois de lait on leur donne du fon deux fois par jour , & un
peu de foin; on les tient dans l'écurie tant qu'on leur fent de l'inquié-
tude pour leur mère ; quand cette inquiétude eft diflipée , & qu'il
\''\f /■(»■. . .
CHE 125
fait beau , on les conduit au pâturage. Lorfqu'ils ont pafle de cette
manière le premier hiver , au mois de Mai fuivant on les mené au
pâturage, où on les laifle coucher en plein air pendant tout l'été
jufqu'au mois d'Odobre. Si on les examine paître dans une prairie,
on s'apperçoit bientôt qu'ils s'attachent principalement aux plantes
graminées , c'eft-à-dire , de la famille des chiendents.
C'eft lorfque les jeunes chevaux font ainfi réunis en troupe , qu'on
peut obferver leurs mœurs douces &: leurs qualités fociales. Leur force
& leur ardeur ne fe marque ordinairement que par des fignes d'ému-
lation : ils cherchent à fe devancer à la courfe , & même à s'animer
au péril , en fe cénant de traverfer une rivière , fauter un fofîé ; &
ceux qui, dans ces exercices naturels, donnent l'exemple ; ceux qui
d'eux-mêmes vont les premiers , font les plus généreux, les meilleurs,
& fouvent les plus dociles & les plus fo uples, lorfqu'ils font domtés.
Nous avons dit que l'on a vu des chevaux prendre les uns pour
les autres un attachement fingulier : on rapporte que parmi des
chevaux de cavalerie , il y en avoit un fi vieux , qu'il ne pouvoit
broyer fa paille ni fon avoine ; les deux chevaux que l'on m^ettoit
habituellement à côté de lui , broyoient fous leurs dents , la paille &
l'avoine, & la jetoient enfuite devant le vieillard qui ne fubfiftoit que
par leurs foins généreux. Ce trait fuppofe une force d'inftind qui étonne
la raifon.
On dirige les poulains en les laiiTant paître le jour pendant l'hiver;
& la nuit pendant l'été , jufqu'à l'âge de quatre ans , qu'on les tire du
pâturage pour les nourrir à l'herbe feche. Ce changement de nour-
riture demande des précautions ; quelques-uns leur donnent alors des
breuvages contre les vers ; mais à tout âge , & dans tous les chevaux , fains
ou malades , quelle que foit leur nourriture , leur eftomac , ainfi que
celui des ânes , eft farci d'une fi grande quantité de vers , qu'il ne
faut peut-être pas regarder ces vers comme une fuite de mauvaife
digeftion , mais plutôt comme un effet dépendant de la nourriture ÔC
de la digeftion ordinaire de ces animaux,
C'eft à un an ou dix - huit mois , ou à deux à trois ans , dans
certaines Provinces , qu'on hongre ou châtre les poulains. On lie les -
jambes de l'animal : on ouvre les bourfes , & on enlevé les tefticùles ,
en coupant les vaifleaux qui y aboutilîent , & les ligamens qui les
foutiennent. Enfuite on referme la plaie , que l'on étuve pendant
Q 2-
. -Mi- , V '
■ -c-n ' . ■ ■
124 CHA
plufieurs jours avec de l'eau fraîche. On ne hongre les chevaux qu'au
printemps & en automne; en Perfe , en Arabie & en plufieurs endr its
du Levant , on ne leur fait point cette opération. En enlevant à ces
animaux les fources de la vie , on leur ôte la force , le courage , la
fierté, &c. mais on leur donne de la tranquillité , de la docilité &. de
la douceur. On doit laiiTer entiers les chevaux deftinés aux plus pé-
nibles travaux. Le cheval hongre peut s'accoupler j mais non pas en-
gendrer.
Ces l'âge de trois ans , on peut commencer à drelTer un cheval ,
en procédant par degrés , l'accoutumant d'abord à fupporter la felle
& à foufhir le bridon ; mais on ne doit pas le monter avant l'âge de
quatre ans , parce qu'avant ce temps il n'eft pas allez fort pour le
poids du cavalier. On commence aufli au même âge à domter le
cheval de trait , en l'attelant avec un autre ; & tout cela doit fe faire
avant qu'on ait mis les chevaux au grain & à la paille ; car alors ils
font plus difficiles à drefler.
C'eft avec le mors & l'éperon que nous commandons aux chevaux;
le mors rend les mouvemens pins précis , Se l'éperon les rend plus
prompts. Mais fans ces refiources de l'art, les Numides couroient ànu fur
leurs chevaux, dont ils étoient obéis, comme nous le fommes de nos
chiens. Nous montons fur nos chevaux à l'aide de l'étrier , tandis que
les Perfes avoient appris à leurs chevaux à s'accroupir , lorfque le
cavalier vouloit les monter.
L'homme s'eft fait un art très -étendu de drefler & de monter ce
fier & fougueux animal. Le cavalier le rend fouple & docile fous fa
main ; & l'art de monter à cheval avec noblefle & avec grâce , fait
un des plus grands plaifirs , & un des meilleurs exercices pour les
jeunes gens. Cet art , que l'on nomme le manège , a des détails im-
menfes , & qu'on ne peut apprendre qu'en montant ces animaux.
L'exercice du cheval , qui conferve de la vigueur à la jeunefTe qui
ne le prend que pour fes plaifirs , eft quelquefois pour certaines per-
fonnes, & dans certaines maladies , fur-tout dans celles qui attaquent
les poumons , le meilleur remède qu'on puifle employer.
Les chevaux , ainfi que tous les animaux couverts de poil , muent
ordinairement au printemps , & quelquefois en automne : ils font alors
plus foibles; il faut les ménager davantage a & les nourrir un peu
plus largement!
CHE 12;
■ Les chevaux élevés dans les lieux humides & marécageux , muent
aufîî de corne. On peut remarquer dans le cheval , plufîeurs fortes de
henniOemens différens , relatifs à fes pallions. Lorfqu'un cheval effc
animé d'amour , de defir, d'appétit , il montre les dents , & femble
rire. Il les montre auiïi dans la colère , & lorfqu'il veut mordre. Il
lèche quelquefois, mais moins fréquemment que le bœuf, qui eft ce-
pendant moins fufceptible d'attachement.
Le cheval ne refte couché , & ne dort guère que deux ou trois
heures; il y a même des chevaux qui dorment debout. Comme le
cheval plonge fon nez dans l'eau en buvant , on ne doit point le laiffer
boire lorfqu'il a chaud ; car , indépendamment des coliques que l'eau
froide peut lui caufer , il prend le germe de cette maladie que l'on
nomme morve , laquelle eft une inflammation de la membrane pi-
tuitaire.
Le cheval devenu animal domeftique , eft fujet à un grand nombre
de maladies ; & on regrette de voir abandonné aux foins & à la pra-
tique j fouvent aveugles , de gens fans connoilTance , la fanté d'un
animal fi utile & fi précieux. La Médecine vétérinaire ei): , de nos jours,
renouvellée & exercée avec fuccès par M. Bourgdat , Ecuyer de l'Aca-
démie de Lyon. Cet habile homme a formé , par les ordres & fous
la protedion du Roi , une Ecole publique à Lyon , & enfuite près
Paris , où il donne les règles & les moyens de foulager ces animaux
dans les maladies. Cet art peut auffi donner des induétions utiles par
analogie , pour guérir certaines maladies des hommes. Pour en avoir
une idée, il fuffira d'aller voir cet établiflement à Alfort , près Cha-
renton , à deux petites lieues de Paris.
Variétés des Chevaux.
Nous allons donner le plus brièvement qu'il nous fera poflible, une
idée des caraéleres produits par l'influence du climat , & qui diflinguent
les diverfes races de chevaux que fourniffent nos Provinces , les autres
parties de l'Europe , &c. Il faut de l'habitude & même une aflez longue
expérience pour diftinguer les chevaux des différens pays , parce que
le mélange des races a occafionné des variétés nuancées à l'infini.
Plufieurs de nos Provinces françoifes fourniffent des chevaux , dont
les uns font des chevaux de main j les autres , de bons Ôc beaux chevaux
126 C H E
de carrofle , de labourage , de rouliers & de fomme ; mais il y en
a de plus eftimés les uns que les autres.
Les chevaux Bretons approchent , pour la taille & pour la fermeté
du corps , des chevaux Poitevins : ils font courts &: ramafles: ils ont la tête
courte & charnue ; les yeux d'une moyenne grolTeur ; la mouftache
de la lèvre fupérieure, épaifle & ramaiTée. On fait ufage de ces che-
vaux pour l'artillerie , pour le tirage & pour le carrofle : ils font peu
propres à la courfe.
Les chevaux Poitevins font bons de corps & de jambes : ils ne font
ni beaux , ni bien faits.; mais ils ont de la force.
Les meilleurs chevaux de felle nous viennent du Limoufin ; ils ref-
femblent aflez aux chevaux barbes , & font excellens pour la chafle ,
mais lents dans leur accroiflement : on ne peut guère s'en fervir qu'à
huit ans.
Les chevaux Normands font à peu près de la même taille que les
chevaux Bretons : on fournit les haras de Normandie de jumens de
Bretagne & d'étalons d'tLfpagne. Ce mélange produit des chevaux
trapus , vigoureux , propres au carrofle , à la cavalerie , & à toute
forte d'exercices. Il vient fur - tout du Cotentin d'excellens chevaux
de carrofle.
Les chevaux du Boulonnois & de la Franche-Comté étant trapus,
font propres pour le tirage.
Les chevaux de Gafcogne tiennent un peu des chevaux d'Efpagne ,
quoique moins beaux de taille & plus lourds ; ils font propres aux
carrofles , chariots , & conviennent à la cavalerie. De la croupe &
de la jambe ils imitent beaucoup le mulet.
Les chevaux de Picardie , de Champagne , Bourgogne , Beauce
& Brie font inférieurs aux précédens ; aulîî n'y a-t-il guère de haras
dans ces Provinces en général.
Les chevaux de France ont le défaut contraire aux chevaux
Barbes; ceux - ci ont les épaules trop ferrées , les nôtres les ont
trop grofles.
Les chevaux Arabes font les plus beaux que l'on connoifle en
Europe ; il n'y a point de précaution qu'on ne prenne en ce pays
pour en conferver la race également belle : on ne voit que très rare-
ment de ces chevaux en France. Aufli les Bédouins ( forte d'Arabes
C H E 127
cjiil fe dîfent defcendus d'îfmaël ) qui fe foucient peu de la généalogie
de leur famille , font - ils très - curieux de celle de leurs chevaux •
ils les diflinguent en trois races , les nobles , les méfailliés & les
roiuriers.
Les chevaux Barbes ou de Barbarie font plus communs que les
Arabes \ ils ont l'encolure fine , peu chargée de crins , la tête petite,
belle , moutonnée , la queue placée un peu haut , les jambes
belles , bien faites , fans poil , le nerf bien détaché , le pied bien
fait. Ils font légers & propres à la courfe ; leur taille eft un peu pe-
tite , car les plus grands n'ont guère plus de quatre pieds huit pouces;
mais l'expérience apprend qu'en France, en Angleterre , & en plufieurs
autres contrées , ils engendrent des poulains plus grands qu'eux. Ceux
du Royaume de Maroc pafient pour les meilleurs. L'excellence de
ces chevaux Barbes confifte à ne s'abattre jamais , à fe tenir tranquilles
lorfque le cavalier defcend ou lailfe tomber la bride ; ils ont un grand
pas & un galop rapide , les deux feules allures que leur permettent
les habitans du pays.
Les chevaux d'Efpagne tiennent le fécond rang après les Barbes ;
ceux de belle race font épais, bien étoffés , bas de terre. Ils ont beau-
coup de foupleffe & de mouvement dans la démarche , du feu , de
la fierté. Les chevaux d'Efpagne n'ont guère plus de quatre pieds
neuf à dix pouces ; ceux d'Andaloufie palTent pour les meilleurs. On
préfère ces chevaux à tous les autres du monde , pour la guerre ,
pour la pompe , & pour le manège. Les chevaux d'Efpagne font
tous marqués à la cuiiTe , de la marque du haras où ils ont été
élevés.
Les plus beaux chevaux Anglois font affez femblables aux Arabes
'& aux Barbes , dont ils fortent en effet ; mais ils font plus grands ,
plus étoffes , vigoureux , capables d'une grande fatigue , excellens
pour la chafTe & la courfe. Il feroit à defirer qu'ils eufTent plus de
grâce & de foupleffe ; ils font durs & ont peu de liberté dans les
épaules. Tout le monde fait que les Anglois ont beaucoup de goût
pour l'art gymnaftique de la courfe. Les Annales de Newmarket
fourniffent des exemples de chevaux qui étoient , à la lettre , plus
vîtes que le vent. On rapporte qu'un Maître de pofte d'Angleterre
fit gageure de faire 72 lieues de France en ly heures ; il fe mit en
courfe , monta fucceflivement quatorze chevaux , dont il en remonta
•3. ••
128 CHE
fept pour la féconde Fois , & fit fa courfe en onze heures trente-deux
minutes. Voilà une courfe vraifemblablement plus rapide que celle
des Jeux Olympiques.
Les chevaux Napolitains font eftimés pour les attelages: ils ont la
tcte grofle , fencolure épaiife , ils font difficiles à drefler ; mais ils ont
la taille riche , les mouvemens beaux ; Ils font cxcellens pour l'appareil
& ont de la difpofition à piafier.
Les beaux chevaux Danois font parfaitement bien moulés , bons
pour la guerre & pour l'appareil ; les poils finguliers , comme pic 3c
tigre, ne fe trouvent guère que dans ces races de chevaux.
Les chevaux de Hollande, fur -tout ceux de Frife, font très-bons
pour le carroffe , co font ceux dont on fe fert le plus communément
en France. Les chevaux Flamands leur font biens inférieurs, ils ont
le pied d'une grandeur démefurée.
Les chevaux d'Allemagne font généralement pefans , & ont peu
d'haleine. Les Tranfylvains & les Hongrois, au contraire, font bons
coureurs : les Houflards & les Marchands Hongrois leur fendent les
nafeaux , pour leur donner , dit-on , plus d'haleine , & les empêcher
de hennir à la guerre.'
Les chevaux Arabes viennent des chevaux fauvages des déferts
d'Arabie , dont on a fait très-anciennement des haras, qui les ont tant
multipliés , que toute l'Afie & l'Afrique en font pleines. Ces chevaux
font fî légers , que quelques-uns d'entr'eux devancent les autruches à
la courfe. Les Arabes ne fe fervent de leurs chevaux que pour la
chafle ; lorfque l'herbe manque, ils les nourrilTent de dattes & de lait
de chameau : ils gardent pour eux les jumens , parce qu'ils ont appris
par expérience qu'elles réfiftent mieux que les chevaux à la fatigue ;
ils vendent aux Turcs les chevaux qu'ils ne veulent pas garder pour
étalons. Les Arabes aiment finguliérement leurs chevaux, ilsles traitent
doucement , parlent & raifonnent avec eux , & les font coucher dans
leurs tentes : on remarque que ces animaux femblent n'ofer remuer de
peur de faire du mal à leurs hôtes , & ils font fî habitués à vivre dans
cette familiarité , qu'ils fouflTrent toute forte de badinages. Pendant tout
le jour les chevaux des Arabes reftent à la porte bridés & fellés : ils
leur donnent à boire deux ou trois fois , & ne les font manger que la
nuit, Lorfque l'Arabe monte fa jument , fitôt qu'il la prefle légèrement ,
elle
CHË ï2^
elle part avec une vîtefTe incroyable, 6c faute les haies & les foflcs
aufli légèrement qu'une biche.
Les chevaux de Turquie font beaux , très-fins, pleins de fe" , mais
délicats. On élevé beaucoup de chevaux dans la Perfe; communément
ils y ont des tailles médiocres : il y en a même de fort petits , qui
n'en font ni moins bons , ni moins forts ; il s'y en trouve aulfi d'une
belle taille.
Les chevaux qui naiflent aux Indes & à la Chine , font lâches ,
foibles, petits. Tavemler dit qu'il a vu un jeune Prince du Mogol en
monter un très - bien fait , dont la taille n'excédoit pas celle d'un
lévrier. En 1765* arriva à Portfmouth un femblable cheval des Indes:
il étoit âgé de cinq ans, n'avoit que vingt-huit pouces de hauteur,
& étoit néanmoins très-bien proportionné dans fa taille. Les chevaux
dont les Grands de ce pays fe fervent , viennent de Perfe & d'Arabie»
On leur fait cuire le foir des pois avec du fucre & du beurre au lieu
d'avoine. Cette nourriture leur donne un peu de force ; fans cela ils
dépériroient entièrement, parce que le climat leur eft contraire.
! Les Tartar.es ont des chevaux forts, hardis , vigoureux, qui marchent
deux ou trois jours fans s'arrêter , qui paffent quelquefois quatre à
cinq jours fans autre nourriture qu'un poignée d'herbe de huit heures
en huit heures , & qui d'ailleurs font vingt-quatre heures fans boire*
Les chevaux de la Chine , au contraire , font fi foibles qu'on ne peut
s'en fervir à la guerre; aullî peut-on dire que ce font les chevaux Tar-
tares qui ont fait la conquête de la Chine,
Les chevaux d'Iflande , fuivant Anderfon , font courts , petits ,
comme dans tout les pays du Nord, oii l'accroiflement des productions
naturelles de la furface de la terre eft refferré par le froid , au lieu
que les poifibns de mer y font , au contraire , très-grands. Ces chevaux
endurcis au climat , foutiennent des fatigues incroyables. A l'approche
de l'hiver leur corps fe recouvre d'un crin extrêm.emsnt long , roide
& épais.
M. l'Abbé Outhlcr, dans le Journal de fon Voyage au Nord, nous
apprend que les chevaux y font petits, bons, vifs, fans être vicieux.
Comme les Lapons n'en font ufage que pendant l'hiver , parce que
l'été ils font leurs tranfports par eau , dès le commencement du mois
de Mai ils donnent la liberté à leurs chevaux , qui s'en vont dans^
certains cantons des forêts où ils fe réuniffent , vivent en troupes , Ôc
Tome, II, R
?^;v;-v
130 CHE
chargent de canton lorfque la pâture leur manque. Quand la faifoiî
devient tâcheufe, les chevaux quittent la forêt & reviennent chacun à
leur logis. Si pendant l'été le maître a befoin d'un cheval , il le va
chercher, l'animal fe laifle prendre, & lorfque fon ouvrage eft fait,
il va rejoindre (es camarades.
Il réfulte de ces faits, & de plufieurs autres réunis dans l'Hiftolre
Naturelle de M. de Buffon , que les chevaux Arabes ont été de tout
temps , & font encore les premiers chevaux du monde , tant pour la
beauté que pour la bonté; que c'eft d'eux que l'on tire, foit im-
médiatement 5 foit médiatement par le moyen des Barbes , les plus
beaux chevaux qui foient en Europe , en Afie & en Afrique ; que le
climat d'Arabie efl: vraifemblablement le vrai climat des chevaux ,
puifqu'au lieu d'y croifer les races par des races étrangères, on a
grand foin de les conferver dans toute leur pureté ; que fi ce climat
n'eft pas lui-même le m.eilleur climat pour les chevaux , les Arabes
l'ont rendu tel par les foins particuliers qu'ils ont pris de tous les temps
d'ennoblir les races , en ne mettant enfemble que les individus les
mieux faits & de la première qualité ; que par cette attention fuivie
pendant des Cecles , ils ont pu perfecftionner l'efpece au-delà de ce
que la nature auroit fait dans le meilleur climat. On peut encore en
conclure que les climats plus chauds que froids , & fur-tout les pays
fecs , font ceux qui conviennent le mieux à la nature da ces animaux.
On doit conclure aulïî , des obfervations de M, de Buffon , qu'en
général les petits chevaux font meilleurs que les grands ; que le foin
leur eft aulîi néceflaire à tous que la nourriture ; qu'avec de la fami-
liarité & des carefles on en tire beaucoup plus que par la force & les
châtimens ; que les chevaux des pays chauds ont les os , la corne
les mufcles plus durs que ceux de nos climats ; que quoique la chaleur
convienne mieux que le froid à ces animaux , cependant le chaud excefîif
ne leur convient pas ; que le grand froid leur eft contraire ; qu'enfin
leur habitude & leur naturel dépendent prefqu'en entier du climat , de
la nourriture , des foins & de l'éducation.
En Guinée , à la Côte d'Or , les chevaux font très-petits , fort indociles,
propres à fervir feulement de nourriture aux Negres,qui en aiment la chair
autant que celle des chiens. Les Arabes mangent auflila chair des jeunes
chevaux fauvages : ce goût fe retrouve en Tartarie & même à la Chine,
. Parmi les chevaux, comme parmi les autres animaux, on voit
CHE 151
quelquefois des écarts de la Nature : on peut mettre de ce nombre le
hucîphale d'Alexa.ndvQ, qui avoit une tête de bœuf; le cheval que
Jules Céfar fit élever , qui avoit les deux pieds de devant faits prefque
comme ceux de l'homme ; un cheval né dans le pays de Vérone , qui
avoit, dit-on , la tête d'un hommic; un autre en Bohême qui avoit
la queue femblable à celle d'un chien ; enfin on prétend en avoir vu
^hermaphrodites : ce qui eft encore très-fingulier , c'eft que l'on a amené
de l'Inde en Angleterre un chaval Carnivore ; il attaquoit les hommes
au ventre , & leur mangeoit les entrailles, f^oye^ Gazette de France ,
1771 , mois de Septembre.
Les chevaux font, ainfi que les autres animaux domefl:iques,fujets
quelquefois à des maladies épidémiques. Ces maladies font ordinaire-
ment occafionnées ou par l'efpece de nourriture ou par la température
des faifons. Dans l'automne de l'année 1753 , les chevaux , tant à
Paris qu'à la campagne , furent attaqués d'une efpece de toux qui ,
lorfqu'on n'y remédioit pas de bonne heure , dégénéroit en dégoût, &
étoit quelquefois fuivie de la mort. Un remède des plus fimples s'oppofoit
au. progrès du mal; on frottoit la bouche du cheval attaqué de la toux
avec du miel ; on lui donnoit pour boifTon de l'eau blanche, c'eft-à-
dire , de l'eau dans laquelle on avoit mis du fon. Ce remède guériflbit
le mal dans fon principe.
De toutes les matières tirées du cheval , & vantées par les Anciens
comme ayant de grandes vertus , on ne fait ufage dans la Médecine
moderne que du lait de jument , qui refifemble affez à celui d'ânefle ,
parce qu'il contient beaucoup de férofité , & peu de parties caféeufes
& butireufes; ce qui le rend propre dans l'afthme, la phthifie, l'atrophie.
M. Bourgeois prétend même que le lait de jument eft beaucoup plus
adouciiïant & plus fortifiant que celui d'ânefre,& qu'il lui eft préférable
à tous égards. On devroit en faire un ufage beaucoup plus fréquent
qu'onne fait , dans les afredions de poitrine ; d'ailleurs on peut fe procurer
celait dans tous les pays 5 au lieu qu'il y en abeaucoup où on ne garde
point d'âneffe, La moelle de cheval eft aufti très-utile pour les douburs de
rhumatifme & de fciatique pour guérir les membres attaqués d'atrophie ÔC
de foiblefle.
Le cheval donne au commerce, après fa mort, fa dépouille. C'eft
fon crin , fon poil , fa peau & fa corne. On fait avec fon crin des
boutons , des tamis , des toiles , des archets d'inftrumens à cordes : on
R2
fï 3 2 C H Ë
en remboure les Telles & les meubles , & on en fait des Cordes. Les
Tanneurs préparent fon cuir , qui eft employé par les Selliers & les
Bourreliers. Les Tabletiers - Peigniers emploient la corne du cheval,
CHEVAL DE FRISE. Nom dune coquille univalve. Foye^
Chaufle-trape.
CHEVAL MARIN. Foyei Hippocampe.
CHEVAL DE RIVIERE. Foye^ Hippopotame.
CHEVALIER, totanus. Cifeau aquatique du genre du bécafleau,
& de la grofîeur d'un pigeon ou d'un pluvier doré , & dont il y a
plufieurs efpeces.
La première efpece eft le chevalier ronge : c'eft un oifeau haut monté,
qui marche vite; il a le bec long, rouge & noirâtre vers le haut: fa
tête, fon cou, (es ailes & fa queue font de couleur cendrée; il a le
Ventre blanc , & les jambes fort longues & rouges; il habite les prés , les
rivières , les étangs ôc les bords de la mer ; il entre dans Teau jufqu'aux
cuiffes; fa chair eft délicate & de bonne odeur ; elle eft eftimée
reftaurante.
La deuxième efpece n'en diffère que par fon bec & fes jambes qui
font noirs ; le defFus du bec qui touche à la tête eft rougeâtre , fon
plumage eft auflî plus noir. Quand ces oifeaux font en mue, on les
prendroit pour des pluviers noirs. Il y a encore le chevalier rayé , le
chevalier tacheté, le chevalier cendré^ le chevalier blanc de la baie d'Hudfon ^
èc le chevûiier de Bengale ^ dont le plumage eft vert fur le dos & blanc
au ventre , le refte eft brun- orangé.
CHEVECHE. Voy-:i à l'article ChoUETTE.
CHEVESNE ou MEUNIER. Foye^ ce mot.
CHEVEUX. Foyei ^ '^cirtide Poil.
Oh appelle chevelure Tenfemble de tous les cheveux dont la tête eft
couverte. On donne le nom de Chevelus à une Nation fauvage de
l'Amérique méridionale , qui habite au nord du fleuve des Amazones,
& qui laiffe croître fes cheveux jufqu'à la ceinture. C/zeve/w fe dit encore
de ces (ïlamens qui font placés entre les greffes racines, & qui imitent
les cheveux. Foye^^ à Varncle Racine.
CHEVEUX DE VÉNUS. Foye^ Capillaire,
CHEVRE & CHEVREAU. Foyei Bouc.
CHEVRE DES ALPES. Voye^ Chamois.
CHEVRE A MUSC. Foye^ à l'anicU Gazelle»
C H E 153
CHEVRE DANSANTE. C'eft le nom que les anciens ont donné
à une matière lumineufe que l'on apperçoit dans les airs , & qui paroit
ctre compofée d'ondes , tantôt opaques , tantôt lumineufes , qui
roulent les unes fur les autres lorfqu'il fait du vent. Ce phénomène
tient à celui de l'aurore boréale. Foye^ Aurore boréale.
CHEVRE-FEUILLE , caprifoUum. C'eft un arbriffeau grimpant ,
des plus agréables dans les jardins par le coloris & la fouplefle de fes
tiges qui s'entrelacent à volonté , par fes feuilles d'un vert gai , & fur-
tout par la couleur , l'élégance de fes fleurs & leur odeur fuave. Les
fleurs du chèvre - feuille viennent au fommet des ram.eaux en grand
nombre, difpofées en rayons ; elles font tantôt blanchâtres, tantôt
jaunâtres ou colorées de rouge , d'une feule pièce qui eft un tuyau à
fon origine, évafé par le haut & partagé en deux lèvres, dont la
fupérieure eft fort découpée , & l'inférieure en forme de langue. Elles
renferment ordinairement cinq étamines & un piftil. Aux fleurs
fuccedent des baies molles , femblables à celles du fureau, & divifées
en deux loges.
Dans ces arbrifTeaux, les feuilles font oppofées & bien féparées :
dans d'autres efpeces, telles que le chevre-feuille d'Italie , les feuilles
font fouvent réunies enfemble par leur bafe , & ne font qu'une feuille
traverfée par la tige. Les Jardiniers en cultivent plufieurs efpeces fous
les noms de chcvre-fcudUs précoces , tardifs , ^jlcurs ccarlaus , 3c de chèvre-"
feuilles toujours vert}. En réuniffant ces diverfes efpeces, on fe procure
pendant tout le printemps & tout l'été ces fleurs délicieufes qui parfu-
ment les airs , &: dont la douce odeur plaît généralement.
Cet arbrifleau fe multiplie facilement de boutures , ou de marcotes ;
& comme il croît fort vite , quoique un peu ombragé , on peut le
placer , comme on fait en Angleterre , autour des arbres dans les avenues ;
il s'entrelace dans les branches, ou forme des arcades^ & flatte agréa-
blement la vue & l'odorat ; il s'élève aflez dans les jardins pour garnir
de hautes pallflades , des portiques , des berceaux , des cabinets.
Quoique le chevre-feuille foit une plante traçante , on peut aufîi le
réduire à ne former que des buiflons , des haies , des cordons ; & par
le moyen d'une taille fréquente , on peut l'arrondir &; lui faire une
tête. Il feroit fort agréable de tailler ainfi en pomme tous les arbrif-
feaux à fleurs & de les mettre dans des pots , pour faire l'ornement
des parterres lorfqu ils font en fleur , & les ôter enfuite pour y en
1^4 C H E
fubftituer d'autres. Cet arbrifTeau eft fujet à être attaque par les pu-
cerons , mais moins à Texpofition du nord qu'à celle du midi. On y
remédie en quelque forte , en coupant les plus jeunes rejetons auxquels
ils s'attachent toujours de préférence.
Le chèvre - feuille précoce fleurit dès la fin d'Avril , le Romain
au commencem.ent du mois de Mai ; les fleurs palTent vite. Les chèvre-
feuilles blanc & rouge d'Angleterre fleuriflfent à la mi-Mai ; celui d'Alle-
magne que nous trouvons ici dans nos bois, à la mi -Juin; il poufïe
moins de fleurs que les autres efpeces , & de longs rejetons qu'il faut
ménager jufqu'à ce que la fleur foit paflée. Le chèvre -feuille rouge
tardif d'automne donne des fleurs qui durent environ quinze jours.
Le chevre-feuille toujours vert commence à fleurir en Juin; il paroît
encore quelques bouquets en Odobre. Comme originaire de l'Amé-
rique ,'il efl: un peu délicat ; mais on les garantit facilement des grands
hivers avec un peu de foin : il a l'avantage d'être rarement attaqué
des pucerons.
Le chevre-feuille de Virginie efl; des plus agréables , par fes [fleurs
jaunes en dedans & d'une couleur écarlate au dehors ; il commence
à fleurir au mois de Mai^ & a encore des fleurs en automne ; il réfifte
très- bien au froid; il fe multiplie facilement; il ne lui manque que l'agré-
ment d'avoir de l'odeur : les pucerons l'attaquent un peu dans les étés
chauds. Ce chevre-feuille fe trouve aulîî dans la Caroline , & la couleur
de fes fleurs varie un' peu.
Le chevre-feuille du Canada a une fleur petite & de peu d'appa-
rence ; celui de Candie a les feuilles du fuftet ; fes fleurs , qui n'ont
point d'odeur, font en partie blanches & en partie jaunâtres.
Le fuc exprimé des feuilles de chevre-feuille efl: vulnéraire & dé-
terfif ; on le recommande pour les vices de la peau. L'eau diftillée
des fleurs de cettQ plaute, efl: utile pour l'inflammation des yeux. M.
Dcleuie obferve que le genre des chevre-feuilles , auquel M. Lînnaus
a donné le nom de loniccra , comprend aufli les diverfes efpeces de
chamcc-cerafus , dont une a été citée à la fuite de l'article Ccrljicry 3c
qui ne diffère des chevre-feuilles , que parce que leurs fleurs & leurs
fruits naiflent deux à deux au bout d'un pédicule commun.
CHEVRETTE ou SALICOQUE , ^ibba fquilU. Petit cruftacée de
mer, plus menu que la fquille ; il efl: armé d'une grande corne au front;
ViïiQ partie de fa queue fe relevé & finit par quatre efpeces d'ailes
C H E 13;
moins larges qu'à la fqullle. Sa chair eft douce & tendre ; on mange
les chevrettes bouillies avec le vinaigre. Elles fe trouvent en quantité
fur les côtes de Saintonge & ailleurs ; leur croûte eft noire ; mais
étant cuites , elles rougifTent comme des écrevilfes. La chevrette s'ap -
pelle en Normandie crevette franche , pour la diftinguer du bouquet qui
eft plus petit.
On trouve dans la Garonne une grande quantité de chevrettes qui
font grifes en fortant de l'eau , & qui deviennent blanches , en les
faifant cuire; on dit que celles que l'on pêche plus près delamerrou-
giflent; peut-être ne font-elles pas de la même efpece, & que cette
variété dans le changement de couleur n eft occafionnée que par la
diverfité de l'élément , & par la nature des alimens dont ils fe nourrif-
fent, La chevrette à^s ruifleaux fe repofe ou nage toujours fur fes
côtés applatis. Les mouvemens vifs & rapprochés de fa tête & de fa
queue, joints à l'agitation de fes pattes , faident dans fa démarche
alfez agile.
CHEVRETTE & Chevreau. Voyez à l'article Chevreuil. On
donne auflî le nom de chevrette à la femelle du cerf- volant. Voyez
ce mot.
CHEVREUIL 5 capreolus. Animal quadrupède, fauvage , ruminant,
du genre des cerfs , & du nombre des bêtes fauves. Le chevreuil ref-
femble affez au cerf; il eft cependant plus petit ; & quoique la queue
du cerf foit courte , celle du chevreuil l'eft encore davantage , car on
ne l'apperçoit pas. Le chevreuil , dit M. de Bujfon,a. plus de grâce,
plus de vivacité , & même plus de courage que le cerf. Il eft auftî
plus gai , plus lefte & plus éveillé : fa forme eft moins arrondie ôc
plus élégante ; fa figure plus agréable. Ses yeux font plus beaux &
plus brillans. Il ne fe plaît que dans les pays les plus fecs ou mon-
tagneux , tels que les Alpes du côté de la Suifîe : il eft encore plus
rufé que le cerf, plus adroit à fe dérober , & plus difficile à fuivre :
il a plus de fineife & plus de reflburces d'inftind. Il habite aulîi
nos forêts.
Quoiqu'il ait le défavantage de laifTer après lui des émanations plus
fortes , qui donnent aux chiens plus d'ardeur & plus de véhémence d'ap-
pétit , que l'odeur du cerf , il ne laifle pas de fe fouftraire à leur pour-
fuite par la rapidité de fa première courfe , & par fes détours multipliés,
Lorfqu'il fe fent prefle de trop près, il va, revient, retourne fur fes
I 5 (T C H E
pas 5 & confond toutes les émanations : ii fe fépare enfuîte de la terre
par un bond , & fe jette à côté ; il fe met ventre à terre , & laiffe ,
fans bouger , paflfer près de lui la troupe entière de fes ennemis
ameutés.
Le chevreuil diffère du cerf ^<: du daim par le naturel , par le tem-
pérament , par les mœurs , & auili par prefque toutes les habitudes
de nature , dit M. de Buffon, Au lieu de fe mettre en hardes comme
eux 5 & de marcher par grandes troupes , il dem.eure en famille ; le
père , la mère , les petits vont enfemble : ils font auixi conftans dans
leurs amours , que le cerf l'eft peu. Comme la chevrette produit or-
dinairement deux faons , l'un mâle & l'autre femelle , ces jeunes ani-
maux , élevés par la douce habitude de vivre enfemble , prennent une
fi grande aftedionfun pour l'autre, qu'ils ne fe quittent jamais. Lorfque
le père & la mère commencent à rentrer en rut , ce qui arrive vers
la fin d'Oélobre , au commencement de Novembre , le père voulant
jouir des plaifirs en fecret , chafle les jeunes faons , qui ne s'écartent
pas beaucoup; & ces enfans reviennent auprès de leur mère à la fin du
rut j qui ne dure guère que quinze jours. Les jeunes faons reftent
encore avec leur mère quelque temps ; elle les carefle afïedueufement.
La troupe s'accroît , & ils vivent auflî fraternellement en petite famille
pendant l'hiver ; mais lorfque la faifon des amours éveille les jeunes
faons 5 le frère & la fœur quittent leur mère; & tous deux liés d'amitié,
fe retirent dans quelqu'autre partie de la forêt, s'y établilTent & de-
viennent à leur tour les chefs d'une nouvelle famille.
La tête du chevreuil eft, ainfi que celle du cerf, ornée d'un bois
vivant ; mais ce bois eft bien moins grand ; & chaque côté n'eft ja-
mais garni , même à l'âge de quatre ans , que de quatre à cinq
andouillers : cependant on reconnoît facilement les vieux chevreuils à
l'épailfeur du mérain, à la largeur de la bafe qui le foutient, & à la
grofleur des pelures. Le chevreuil perd fon bois tous les ans, & refait
fa tête ainfi que le cerf, mais dans des temps différens. Le cerf ne
met bas fa tête qu'au printemps , & ne la refait qu'en été ; au lieu
que le chevreuil met bas la fienne vers la fin de l'automne , & la
refait pendant l'hiver. Cette différence vient de ce que le chevreuil
jouiffant plus paifiblement , ne s'épuife point par le rut comme le cerf.
Le bois du chevreuil a d'ailleurs les mêmes propriétés en Médecine
que celui du cerf. Foyci Cerf,
CHA 137
îl paroît depuis queîc^ue temps une lettre de M. Stadely Apothicaire
à Giegen en Souabe , dans laquelle on lit : qu'un chevreuil élevé
dans un parc , appartenant au Baron de Trazberg , ayant grandi à un
certain point , devint dans la faifon des amours très à craindre pour
les Dames ; de forte que pour éviter des accidens fâcheux , le maître
du Château qui le chérifToit, fut néanmoins obligé de le faire châtrer ;
ce qui procura la tranquillité qu'on fouhaitoit : mais comme l'opération
avoit été faite précifément dans le temps où le chevreuil pouiToit fon
premier bois , qui même avoit déjà deux pouces de hauteur , la croif-
fance de ce bois fut arrêtée; il fe forma aux feuls bouts de fes cornes,
une excrefcence bouclée , membraneufe , velue & femblable à une
perruque bien peignée. Cette belle coiffure le rendoit très - curieux.
Quand cet animal fe frottoit & qu'il faifoit tomber quelques boucles,
il les relevoit avec beaucoup d'avidité ; mais celles qu'il perdoit ainfi,
étoient rem.placées dans le même temps où les autres animaux de cette
efpece pouffent leur bois, c'eft-à-dire au printemps. Ce fait ou cette cor-
refpondance des parties génitales de ces animaux , avec la croiffance de
leur bois , que l'on obferve aulîî dans les cerfs , eft une chofe très-
remarquable. On vient encore d'obferver tout récemment de femblables
excrefcences fur la tête de deux chevreuils non coupés , mais qui
avoient été bleffés aux parties génitales.
La chevrette porte cinq mois & demi ; elle met bas à peu près vers
le commencement de Mai: les biches, au contraire, portent près de
huit mois. Cette différence feule , dit M. de Buffon , fuifiroit pour
prouver que ces animaux font d'une efpece affez éloignée , pour ne
pouvoir jamais fe rapprocher ni fe mêler , ni produire enfemble une
race intermédiaire. Par ce rapport auffi-bien que par la figure & par
la taille , ils fe rapprochent de l'efpece de la chèvre autant qu'ils
s'éloignent de l'efpece du cerf; car la chèvre porte à peu près le même
temps; & le chevreuil peut-être regardé comme une chèvre fauvage
qui 5 ne vivant que de bois , porte du bois au lieu de cornes.
On a lieu de penfer que le chevreuil ne vit tout au plus, que douze
à quinze ans. Comme il aime à courir , on ne peut l'élever que dans
un grand parc qui ait au moins cent arpens : il lui faut une femelle.
On peut l'apprivoifer , mais non pas le rendre obéiffant , ni m^ême fa-
milier ; il retient toujours quelque chofe de fon naturel indépendant.
Quelque privd qu'il puiffe être^ il faut s'en défier; il conferve toujours
Tome II, S
13 8 C H E
le defîr de fa liberté ; les mâles fur-tout font fujets à des caprices dan-
gereux , à prendre certaines perfonnes en averiion; & alors ils s'élancent
fur elles , & donnent des coups de tête aflez forts pour renverfer un
homme : ils le foulent même aux pieds , lorfqu'ils font renverfé.
La chafTe du chevreuil fe fait avec de petites meutes. Ceft toujours
les collines &les plaines élevées qu'ils habitent par préférence. L'amour
paternel fait oublier tout péril à cet animal fi rufé. Le chafleur le fait
venir quelquefois fous fon fufil, en imitant le cri plaintif des petits faons ,
mi . . . mi.
Au printemps les chevreuils font leurs nuits & leurs viandis dans
les feigles , les blés & les buiffons ; ils broutent aufli les premiers bou-
tons , les feuilles naiffantes : cette nourriture chaude fermente dans
leur eftomac , & les enivre de manière qu'il eft très-aifé alors de les
furprendre. En été ils vont aux gagnages , c'eft-à-dire aux pois, fèves,
Vefces 5 dans le voifinage des forêts ; ils y demeurent jufqu'en au-
tomne 5 qu'ils fe retirent dans les taillis , d'où ils fottent feulement
pour aller aux regains des prés & des avoines dont ils font très-
friands. Ils gagnent en hiver les fonds des forêts , s'approchant feulement
des ronces bc des fontaines où l'herbe eft toujours verte. Voilà les
lieux où le veneur doit aller en quête , félon les faifons , avec fon li-
mier 5 pour rencontrer & détourner le chevreuil.
De tous les animaux des forêts , la chair du chevreuil eft fans
contredit la meilleure ; elle eft très-agréable : mais celle des chevreuils
qui vivent dans les pays fecs , montagneux , eft bien fupérieure à celle
des autres. La preflure du chevreuil eft bonne pour la dyftenterie. Dans
le commerce on donne le nom de peaux de daim à celles des che-
vreuils de Louiuane. On en prépare à Niort la peau en blanc ; & elle
eft très-douce. Voyez le Dicîionnaire des Arts & Métiers,
CHEVREUIL ODORIFÉRANT ou MUSQUÉ, Foye^ Gazelle.
CHEVROTAIN. Nom fous lequel M. de Buffon défigne un joli
petit animal qui fe trouve aux Indes , à Ceylan , à Java , au Séné-
gal, à Congo & dans les autres pays exceftivement chauds, & que
prefque tous les Voyageurs ont indiqué fous les noms de petit Cerfo\x
petite Biche.
Les chevrotains reffemblent en effet en petit au cerf par la figure du
mufeau , par la taille fvelte, la queue courte, & la forme des jambes;
mais ils en différent prodigieufement par la petitelfe de leur corpulence.
CHE i3i>
les plus grands chevrotains n'étant tout au plus que de la grandeur du
lièvre : d'ailleurs ils n'ont point de bois fur la tcte. Les uns font abfo-
îument fans cornes; & ceux qui en ont , les ont creufes , annelées &
allez femblables à celles de la ga:^elU ; mais ils ne font ni cerfs , ni
gazelles , & font une ou plufîeurs efpeces à part.
Ces petits animaux que les Naturaliftes ont défignés par ces mots ;
Cervus pcrpufillus , juvencus , Guinccnjis , font d'une figure élégante ,
très-bien proportionnés dans leur taille s ils font des fauts & des bonds
prodigieux , car on dit qu'ils fautent par-deflus une muraille de dix à
douze pieds : cependant il paroît qu'ils ne peuvent pas courir long- temps ,
car les Nègres les attrapent à la courfe. Rien n'eft plus mignon , dit Def-
marchais dans fes Voyages , plus privé & plus careflant que ces petits
animaux ; mais ils font d'une lî grande délicatefle , qu'ils ne peuvent
fupporter le palîage des mers ; & quelque foin qu'on ait pris pour en
apporter en Europe , on n'a jamais pu y parvenir : de plus , ces petits
animaux ne peuvent vivre que dans des climats exceflivement chauds.
Ce font les pieds de ces petits chevrotains que les Indiens enchâlfent
dans de l'or , ou garniflent de petits fers d'or , pour en faire préfent
aux Européens amateurs de curiofîtés naturelles. Nous en avons déjà
dit quelque chofe à l'article Cerf,
CHEVROTIN. Nom donné par M. Brîjfon à un genre d'animaux,
quadrupèdes , ruminans , dont le caradere eft de n'avoir point de;
dents incifîves à la mâchoire fupérieure , d'en avoir huit à l'inférieure,
d'avoir le pied fourchu & point de cornes. Tels font , l"". le chevrotin
d'Afrique ; c'eft le bouc damoifcau. 2^. Le chevrotin de. Guinée , qui eft
le cerf d'Afrique à poil rouge de Séba. 3°. Le chevrotin des îndts; c'eft
la chèvre de Congo, de Kolbe. â^ , Le chevreuil mufqué &: le xé des
Chinois, y*^. Le Chevrotin de Surinam ; c'efr la biche rougeâtre ôc ta-
chetée de blanc, de Klein,
CHICAROU. Voyei SiEUKEL.
CHICORÉE 5 Ciçorium, La plupart des plantes que Ton nomme
chicorées, font, excepté \a fauvage , des endives. Voyez Endive.
CHICORÉE Blanche ou ENDIVE Commune , Cicorium latlfo-
ûum Cette plante , ainfi que les deux fuivantes , font annuelles ; au
lieu que la chicorée fauvage eft vivace. La chicorée blanche a des
racines fibreufes & laiteufes , des feuilles longues, larges, femblables
ô celles.de la laitue , crénelées en leurs bords , un peu ameres, &cou^
S 2
140 CHE
chées fur terre avant qu elle monte en tige ; cette tige eft haute d*un
pied & demi, lifle , cannellée , rameufe & tortue, empreinte d'un fuc
laiteux. Ses fleurs naiffent de l'aifTelle des feuilles: elles font bleuâtres ,
femblables à celles de la chicorée fauvage , aufiî bien que les grai-
nes anguleufes qui fe trouvent renfermées dans des capfules oblongues»
CHICORÉE FRISÉE , cicorium crifpum. Ses feuilles font plus gran-
des , crêpées tout autour & finueufes. Sa tige eft plus grande , plus
grofle & plus tendre. Sa graine eft noire.
CHÎCOixÈE PETITE Endive , cicorium augufii-folium. Ses feuilles
font plus étroites, plus ameres au goût, & fa tige plus branchue
qu'aucune efpece d'endive. On cultive les endives dans les jardins po-
tagers , pour l'ufage de la cuifine. Les Jardiniers ont l'art de rendre frifée
l'endive commune. Semée au printemps , elle croît promptement ,
fleurit & porte des graines Tété ; elle meurt enfuite. Semée au mois
de Juillet , elle dure l'hiver , en la couvrant de terre ou de fable au
mois de Septembre ou d'Odobre , après avoir lié auparavant fes
feuilles; & elle devient blanche comme de la neige: dans l'hiver on la fert
à la place d'autres falades. Elle a de la faveur, & elle eft plus agréa-
ble , moins amere au goût qu'étant verte. On en fait aafTi ufage dans
les bouillons de viande. Ces plantes font falutaires , rafraîchifidmtes ^
appaifent le bouillonnement de fang. On en met dans les apozemes
apéritifs, f^oyei Miller & BradUy fur la culture de Vendive,
CHICOREE SAUVAGE , cicorium fylvefire. Sa racine eft longue d'un
pied , fibreufe , remplie d'un fuc laiteux. Sa tige eft ferme , velue ,
tortueufe. Ses feuilles font femblables à celles du piifenlit , velues &
d'un vert foncé. Ses. fleurs nailfent des aiffjlles des feuilles qui font à
l'extrémité des tiges , difpofées en bouquet de couleur bleue : il leur
fuccede une capfule qui vient du calice , & qui contient des femences
anguleufes , blanchâtres , fans aigrettes : toute la plante eft empreinte
de beaucoup de fuc laiteux , amer ; elle croît avec ou fans culture.
Ses racines, (qs feuilles , fes fleurs & fes graines font d'ufageen mé-
decine & en cuifine. Par le foin des Jardiniers , elle devient fort blanche
& moins amere : prife en aliment ou en médicament elle eft réputée
propre contre les obftrudions du foie , dans la jauniffe & dans les in-
flammations 5 foit de la gorge , foit de la poitrine. Sa graine eft au
nombre des quatre petites femences froides , qui font celles de chicorée
fauya^e , d'endive f de laitue ôi de pourpier» M, Bourgeois prétend cj^ue laj
C H E 141
racine Se la feuille de chicorée fauvage font un remède excellent contre
les douleurs de rhumatiime invétérées. On fait infufer demi -once de
cette racine , ôc une demi-poignée de fa feuille feche , dans une pinte
d'eau bouillante , pour en boire à fa foif pendant plufieurs femaines.
Des perfonnes ayant pris des racines de chicorée fauvage , nettoyées
& partagées en quatre dans leur longueur, les ont dépofées fur des
feuilles de papier fous un poêle , pendant trois jours , pour y être
féchées. Cette opération faite , on a coupé ces racines en petits mor-
ceaux, de la grolTeur de la fève du café; enfuite on en a moulu les
parties, & on en a préparé une liqueur comme celle du café; on lui fait
fubir deux ou trois bouillons, & on la tire au clair. Cette chicorée
caféi-forme a la même couleur, & , dit-on, la même faveur, tant en
poudre qu'en liquide ; il faut y mettre un peu moins de fucre. Mercure
de France , Avril 1771.
CHICOT DU Canada. Voyez à l'article Pois de terre.
CHIEN, canis. Animal quadrupède, le plus familier de tous les
animaux domeftiques ; ayant pour caraélere , dit M. Linnœus , dix
mamelles, dont quatre fur la poitrine, & fix fur le ventre (le mâle
n'en a que fix en tout) ; quatre doigts aux pieds de derrière, &cinq
à ceux de devant.
Le chien, dit M. de Biiffon , indépendamment de la beauté de fa
forme, de la vivacité , de la force, de la légèreté, a par excellence
toutes les qualités intérieures qui peuvent lui attirer les regards de
rhcmme. Il pofTede un ientiment délicat , exquis , que l'éducation
perftdionne encore, ce qui rend cet animal digne d'entrer en fociété
avecThomme. Il H.it concourir à fes defleins , veiller à fa fureté, l'aider,
le défendre , le flatter : il fait, par des fervices affidus , par des careifes
réitérées, par des cris de douleur, ou par des jappemens de joie, ou
par des hurlemens de defir , fe concilier fon maître, le captiver, & de
fon tyran fe faire un protedeur.
Onfentira,ditencoreM. (^e5«^/z , de quelle importance cette efpece
eftdans l'ordre de la Nature, enfuppofant un inftant qu'elle n'eût jamais
exifté. Comment l'homme auroit- il pu fanslefecours du chien conquérir,
domter, réauire en efclavage les autres animaux? Comment pourroit-il
aujourd'hui découvrir , chaiTer, détruire les bêtes fauvages & nuifibles?
Pour fe mettre en fureté & pour fe rendre maître de l'univers vivant,
il a fallu, continue le même Auteur , commencer par fe faire un parti
142 C H E
parmi les animaux , fe concilier avec douceur & par careflfe ceux quï
fe font trouvés capables de s'attacher & d'obéir, afin de les oppofer
aux autres. Le premier art de l'homme a donc été l'éducation du
chien ; le fruit de cet art , la conquête & la poflefiion paifible de la
terre.
Quelques Naturaliftes ont compris dans le genre du chien, le loup,
le renarJ , \a. civette ^ le blaireau, la loutre, afin de donner une idée
des principaux caraderes diftindifs de ces animaux quadrupèdes par
un objet de comparaifon bien connu. Mais fi ces animaux ont quelque
rapport avec le chien pour la forme , par le nombre & l'arrangement
des dents , par les griffes , ils en différent , & même les uns des autres ,
par les mœurs , le naturel & plufieurs autres caraéleres qui les rangent
fous des efpeces particulières & différentes.
M. de Buffon confidérant le grand rapport qu'il y a par la conformation
intérieure & par des différences extérieures très-Iégeres entre le chien
de berger , le renard & le loup , a voulu effayer fi ces animaux pourroient
produire enfemble. Il efpéroit au moins parvenir à les faire accoupler.
& que s'ils ne produifoient pas des individus féconds , au moins ils
cngendreroient des efpeces de mulets»
Pour cet effet il éleva une louve prife à l'âge de deux mois dans la
forêt ; il l'enferma dans une cour avec un jeune chien de même âge :
ils ne connoifToient l'un & l'autre aucun individu de leur efpece. Pendant
la première année ces jeunes animauxjouoient perpétuellement enfemble
& paroifToient s'aimer. A la féconde année ils commencèrent à fe difputer
pour la nourriture & à fe donner quelques coups de dents : la querelle
commençoit toujours de la part de la louve. A la fin de la troifieme
année ces animaux commencèrent à fentir les imprellions du rut , mais
fans amour ; car loin que cet état les adoucît ou les rapprochât l'un
de l'autre, ils devinrent plus féroces, ils maigrirent tous deux, &:
le chien tua enfin la louve qui étoit devenue la plus maigre & la
plus foible.
Dans le même temps M. de Buffon fit enfermer avec une chienne en
chaleur un renard que l'on avoit pris au piège. Ces animaux n'eurent
pas la moindre querelle enfemble ; le renard s'approchoit même affez
familièrement : mais dès qu'il avoit flairé de trop près fa compagne ,
le figne du defir difparoiffoit , & il s'en retournoit triftement dans fa
hutte. Lorfque la chaleur de cette chienne fut palTée , on lui en
CHE î4^
fubftîtua jufqu*à trois autres fucceflivement pour lefqueîles il eut la même
douceur , mais la même indifférence : enfin on lui amena une femelle
de Ton efpece qu'il couvrit dès le même jour.
On peut donc conclure de ces épreuves , faites d*après nature , que
le renard & le loup font des efpeces non - feulement différentes du
chien , mais féparées & affez éloignées pour ne pas pouvoir les rap-
procher, du moins dans ces climats.
Les chiens préfentent quelque chofe de remarquable dans leur
ftrudure : ils n'ont point de clavicules , & ont un os dans la verge.
Leur mâchoire eft armée d'une quarantaine de dents , dont quatre
canines font remarquables par leur s pointes & leur longueur, & que l'on
obferve de même dans le lion & plufieurs autres animaux carnalîîers.
Les futures de la peau font très - diftindes. On reconnoît la jeunelïè
des chiens à la blancheur de leurs dents , qui jauniffent & s'émouffent
à mefure que l'animal vieillit, & fur-tout à des poils blanchâtres qui
commencent à paroître fur le mufeau. La durée ordinaire de la vie
des chiens eft environ de quatorze ans ; cependant on a vu un barbet
vivre jufqu'à l'^ge de dix - fept ans ; mais il étoit décrépit , fourd ,
prefque muet &: aveugle.
Les mâles s'accouplent en tout temps. La chaleur des femelles
dure environ quatorze jours ; elles ne fouffrent l'approche du mâle
que vers la fin de ce temps, & elles entrent en chaleur deux fois par
an. Le mâle & la femelle font liés & retenus dans l'accouplement par
un effet de leur conformation & par le gonflement des parties ; ils fe
féparent d'eux-mêmes après un certain temps , mais on ne peut les
féparer de force fans les bleffer , fur-tout la femelle. Celle-ci porte
cinq ou fix petits à la fois , quelquefois davantage. Le temps de fa
portée dure deux mois & deux ou trois jours. On dit qu'elle coupe
avec (qs dents le cordon ombilical , & qu'elle mange l'arriere-faix. Le
nouveau né s'appelle petit- chien , catdlus. Les yeux de ces petits
animaux ne commencent à s'ouvrir qu'au bout de quelques jours. La
mère lèche fans ceffe fes petits, & avale leur urine & leurs excrémens
pour qu'il n'y ait aucune ordure dans fon lit. Quand on lui enlevé fes
petit? , elle va les chercher , les prend à fa gueule & les rapporte dans
fa cabane avec beaucoup de précaution. C'eft là où fa tendreffe éclate;
elle pourfuit d'un air inquiet le raviffeur , elle réclame avec inftance
& même avec menaces, Enfin on prétend qu'en les prenant à terre ^
Ï44 C H I
elle commence toujours par le meilleur , St qu'elle détermine aînfî l6
choix des chafTeurs qui le gardent préférablement aux autres.
On ne peut réfléchir fans admiration fur la force digeftive d^ Teftomac
des chiens : les os y font ramollis & digérés, & le fuc nourricier en
eil extrait. Quoique l'eftomac des chiens paroifle allez s'accommoder
de toutes fortes d'alimens, il efi: rare de leur voir manger des végétaux
cruds. Lorfqu'ils fe fentent malades ils broutent des feuilles d'une
efpece de gramcn qui les font vomir & les guérilfent. Les crottes ou
excrémens que rendent ces animaux font blanchâtres, fur-tout lorfqu'ils
ont mangé des os : ces excrémens blancs font nommés' par les Apo-
thicaires Magnéjîe animale ou Album Grœcum ; &: la Médecine qui ne
fe pique pas de fatis faire le goût par fes préparations , fe l'eft appropriée
comme médicament : cependant on eft revenu , à ce qu'il paroît , de l'ufage
de cette fubftance prife intérieurement pour la pleuréfie; on en fait tout
au plus ufage à l'extérieur dans l'efquinancie, comme contenant unfel
ammoniacal nitreux. On prétend que ces excrémens font (î acres ,
qu'ils détruifent entièrement les plantes , excepté la r&nouu & le thalïclron ;
que leur caufticité eft telle, qu'aucun infede ne s'y attache. Le chien
en buvant ne fait que lapper avec la langue. Les chiens étant échauffés,
tirent la langue ; & quand ils fe rencontrent , de quelque taille qu'ils
foient , ils fe flairent au derrière les uns les autres. Eft-ce par goût ?
eft-ce par politefle ?
Tout le monde a remarqué que lorfqu'un chien veut fe repofer , il
fait un tour ou deux en pivotant fur le même lieu. Le chien a mille
autres petites allures d'inftinâ: qui frappent les yeux de tout le monde.
L'attachement que quelques perfonnes ont pour cet animal , ou va
jufqu'à la folie , ou efl: fondé fur l'idée de la métempfycofe. Les
Mahométans ont dans leurs principales Villes des hôpitaux pour les
chiens infirmes ; & Tournefort alTure qu'on leur laifle des penfions en
mourant , & qu'on paie des gens pour exécuter les intentions du
teftateur. Cette douce retraite efl;, dit-on, une jufle récompenfe de
leurs fervices. Il arrive quelquefois aux chiens de rêver en dormant ;
ils remuent alors les jambes & aboient fourdement croyant être en
fentinelle. Nous le répétons ; le chien eft l'animal domeftique qui a
par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent fixer l'attention
& la reconnoiffance des hommes. Sufceptible d'éducation, tantôt c'eft
yn chien fidèle qui garde les troupeaux, les ralfemble dans un pâturage
limité
C H I ^ 4 ?
limité, court, épie, va &: vient ; toujours prêt à exécuter les ordres
du Berger ou du Bouvier , garantit le mouton timide de la gueule du
loup ravifleur , rappelle la brebis errante ou le bœuf récalcitrant.
Tantôt emporté par l'ardeur de la chafle , c'eft un Um'ur qui quête ,
uwUvner qui lance & pourfuit fous les yeux du Piqueur le fanglier féroce,
le -cerf &: le daim légers. Plein d'intelligence , c'eft un èpagmul , un
braque qui, par la finelTe de fon odorat , connoît refpece de gibier,
l'indique au ChafTeur par différens fignes : c'eft un buffet , un chien
courant qui pourfuit le lièvre & le lapin , & avertit le Chaffeur en
donnant de la voix. Tantôt c'eft un fier & léger danois qui précède
l'équipage d'un Maître opulent , &: annonce le palîage d'un puiflant
Seigneur. En un mot, c'eft un domeftique sûr & vigilant, toujours
prêt à défendre , au péril de fes jours , les intérêts & la vie de fon
Maître. Il le fuit par-tout , lui fait compagnie, l'amufe, le flatte, le
careffe. N'étant point volontaire , il obéit fans réfiftance. S'il fait une
faute , il vient avec docilité en recevoir le châtiment , & lèche la main
qui le frappe. Fidèle par nature , rien ne peut le corrompre. Toujours
il retourne à fon Maître. Infenfïble aux appas d'une condition meilleure,
il refte conftamment attaché au Maître leplus pauvre, le plus indigent,
le plus miférable. Ses différentes manières d'aboyer, fon maintien, fon
gefte modifié, fes yeux, le mouvement de fa queue, ce qu'il a reçu
de l'éducation & de la nature , tout eft le langage le plus expreflif
des fentimens de fon ame. L'affedion , la reconnoiflance , les regrets
de l'abfence, la joie du retour , les defirs fe manifeftent au dehors
d'une manière pathétique , ou avec un éclat qui tient del'enthoufîafme.
Il n'a de colère que contre fes ennemis ou ceux de fon bienfaidieur ;
ce qu'il exprime en hérillant le poil de fon dos , en grondant & en
montrant les dents ; dans ce moment fes yeux font étincelans & toute
fa phyfionomie menaçante. Tout le monde fait Thiftoire du chien
délateur de TafTaflin de fon- Maître & du lieu de raifaflinat...^
Quelques Auteurs prétendent que les chiens contraélent les maladies
des perfonnes avec qui on les fait coucher , & que c'eft même un
excellent moyen de guérir les goutteux ; mais comme un homme qui
prend la maladie d'un autre ne le foulage pas pour cela , il y a toute
apparence qu'un malade ne peut recevoir de foulagement d'un chien
qu'on lui applique , que dans le cas oii la chaleur de l'animal attaqueroit
Tome lit T.
;i4^ C H I
la maladie en ouvrant les pores , en facilitant la tranfpiration , & en
donnant ifTueà la matière morbifique. Quoi qu'il en foit, comme les
chiens en léchant les plaies qu'ils ont reçues , les détergent & en
hâtent la confolidation , on a vu des perfonnes guéries avec fuccès de
plaies & d'ulcères invétérés , en les faifant lécher par des chiens. C'étoit
la méthode de guérir d'un homme que l'on a vu long-temps à Paris ,
& que Ton nommoit le Médecin de Chaiidrai , du lieu où, il faifoit fon
féjour.
De tous les animaux que nous connoiflbns , les chiens font les plus
fujets à la rage ou hydrophobie ; cette maladie fi trifte pour eux &c
des plus funeftes à l'humanité, eft produite chez ces animaux par la
difette de boire & de manger pendant plufîeurs jours , ou quelquefois
par la mauvaife qualité des matières corrompues dont ils fe nourriflfent
aflez fouvent (fuivant M. Mead , Médecin Anglois ), ou encore par
le défaut d'une abondante tranfpiration après avoir long-temps couru.
Cette maladie terrible rend le chien furieux & meurtrier : dans cet
état il ne connoît perfonne , il s'élance indifféremment fur les hommes
ôc fur les animaux qu'il rencontre ; il les mord , & fa morfure em-
poifonnée leur communique la même maladie fi on n'y porte un prompt
remède. Cette contagion gagne d'abord les parties du corps les plus
humides, telles que la bouche, la gorge, l'eftomac; elle y caufe une
ardeur, un delféchement & une irritation il grande, que le malade
tombe dans une aliénation de raifon , dans des convulfions , dans une
horreur & une appréhenfion terrible de tout ce qui eft liquide. Auflî
ne faut-il pas s'étonner fi les animaux ainfi que les hommes, dans cet
état de fureur , ont une averfion infoutenable pour l'eau. Cet effet ,
ainfi qu'on l'apprend des malades , dépend de l'impolTibilité où ils font
d'avaler les liquides ; car toutes les fois qu'ils font effort pour le
faire , il leur monte aJors , à ce qu'il leur femble , quelque chofe
fubitement dans la gorge qui s'oppofe à la defcente du fluide. Les
fymptômes & les accès de cette maladie font des plus terribles, &
malheureufement les remèdes connus ne font pas toujours àes effets
certains. On emploie le plus communément les bains froids & les
immerfions dans la mer, quelquefois fans fuccès. En 17401e Chirurgien
Anglois Jean Douglas imagina auffi de faire ufage de la pommade
mercurielle qui , à ce qu'il paroît, n'eftpas non plus toujours infaillible,
i)ien fouvent on a été obligé d'étouffer le malade, Comme cette maladie
C H I 147
paroît être vi*aïnient fpafmodique , on y a employé , avec beaucoup de
îuccès, les caïmans, tels que V opium & les antifpafmodiques, ainfî
qu'on le voit dans la DifTertation du Dodeur Nugcnt , Médecin à Bath.
Lémery confeille en pareil cas l'ufage fréquent des fels volatils , & le
Dodeur Mcad confeille un mélange de lichen cinereus terre/Iris avec du
poivre , comme un préfervatif aiTuré contre la rage.
Comme il arrive fouvent dans plufieurs maladies des hommes, que
la crainte & l'inquiétude influent plus fur un malade que le mal réel ,
"M. Petit, Chirurgien, offre , dans l'Hiftoire de l'Académie, année
1723 , un expédient pour favoir fi le chien , dont on a été mordu, &
que l'on fuppofe tué depuis , étoit enragé ou non. Il faut, dit -il,
frotter la gueule , les dents & les gencives du chien mort avec un
morceau de chair cuite , que l'on préfente enfuite à un chien vivant;
s'il le refufe en criant & en hurlant, le mort étoit enragé, pourvu
cependant qu'il n'y eût point de fang à fa gueule. Si la viande a été
bien reçue & mangée , il n'y a rien à craindre.
Les chiens font encore fujets à plufieurs autres maladies , & parti-
culièrement les bichons , qui font naturellement revêtus d'une bonne
quantité de poils épais , ce qui peut les empêcher de tranfpirer
fuffifamment ; ces mêmes fortes de chiens attaqués de la grippe font
fujets à des vomiffemens fréquens, & d'avoir , ainfî que l'homme , dQS.
pierres dans la veiîie. Lémery , Diciionnaire des Drogues , dit avoir vu
tirer, par M. Méry , à l'Académie , de la velTie d'un petit chien bichon,
une pierre groffe comme im œuf de poule , qui l'avoit fait mourir,
& que cette pierre étoit de même fubflance , dureté & couleur que
celles qu'on retire de la veflie de l'homme. Les chiens font fouvent
attaqués de coliques, de la gale, de la chute du poil & de l'alopécie.
Cette dernière maladie leur vient pour avoir trop joui , fur-tout les
mâles qui deviennent fourds auflî par la même raifon ( des individus
d'un autre ordre n'en font pas quittes pour la perte d'un des fens },
Des recherches anatomiques ont fait découvrir qu'il s'engendre fouvent
dans leurs inteflins des vers folitaires. Voye:^ au mot Ver Solitaire
quels font les moyens connus pour chafTer ce ver polipeux & rongeur, qui
déchire auffi quelquefois les entrailles de Thomme. Dans l'Amérique
méridionale , les chiens font attaqués d'une efpece de maladie véné-
rienne qui refTemble à la petite vérole, Les habitans du pays l'appellent
pejîe,
T 2
14§ CHI
Variitis dans les Chiens,
Comme de tous les animaux domeftiques le chien efl celui qui paj?
inftind: naturel s'eft attaché de plus près à 1 homme , fa domefticité
eft des plus anciennes ; & de même que Ton naturel eft le plus fufceptible
d'impreflion , & fe modiiîe le plus aifément par les caufes morales ,
il eft aufii de tous celui dont la nature eft la plus fujette aux variétés
& aux altérations caufées par les influences phyfiques. Le tempé-
rament, dit M. de Bufon , les facultés, les habitudes du corps varient
prodigieufement dans ces animaux : la forme même n'eft pas conftante.
Dans un même pays un chien eft très-différent d'un autre chien , &
l'efpece eft , pour ainfi dire , toute différente d'elle - même dans les
différens climats. De-là cette confufion , ce mélange & cette variété
de races , fi nombreufes , qu'on ne peut en faire Ténumération ; de-là
cette différence fi marquée pour la grandeur de la taille , la figure du
corps , l'alongement du mufeau , la forme de la tête , la longueur &
la diredion des oreilles & de la queue, la qualité, la quantité du poil;
en forte qu'il ne refte rien de commun à ces animaux que la conformité
de l'organifation intérieure , & la faculté de pouvoir produire tous
enfemble ; feule preuve que malgré cette grande différence apparente,
ils ne font qu'une feule & même efpece.
Une des caufes qui a encore le plus contribué à cette grande variété
& à cette grande altération dans l'efpece des chiens , c'eft que comme
ces animaux vivent affez peu de temps , ils produifent fouvent ; & les
variétés, les altérations, la dégénération font devenues plus fenfibles,
puifque ces animaux font plus loin de leur fouche que ceux qui vivent
plus long-temps. De plus, comme ces animaux font perpétuellement
fous les yeux de l'homme, dès que par un hazard affez ordinaire à la
nature, il s'eft préfenté quelque variété (inguliere, on a tâché de la
perpétuer 5 enuniffant ces animaux femblables; & ce qui n'étoit d'abord
qu'une variété , eft devenu enfuite , pour ainli dire , une efpece conftante,
C'eft ainfi que ceux qui font commerce de ces petits animaux pour
l'amufement des Dames, créent, en quelque forte, tous les ans des
efpeces nouvelles , & détruifent celles qui ne font plus à la mode. Par
le mélange de ces animaux, ils corrigent les formes, varient les cou-
leurs, & inventent, pour ainfi dire , des efpeces telles que ï arlequin y
le mopfe , 3cc,
C H I i^p
Au milieu de cette variété prodigieufe de chiens , comment reconnoître
le modèle originaire , le premier type , ou du moins celui qui s'en écarte
le moins? Comme la nature , dit M. de Buffon , ne manque jamais
-de reprendre fes droits lorfqu'on la lailTe agir en liberté , & qu'elle
tend toujours à détruire le produit d'un art qui la contraint pour fe
réhabiliter, on peut, d'après le rapport des Voyageurs, juger auquel
de nos chiens refîemble le plus le chien fauvage ou le chien domeftique,
qui, abandonné dans l'Amérique aux mains de la nature, s'eftle plus
rapproché de fa forme primitive. Les Voyageurs nous apprennent
que ces chiens fauvages ont le mufeau effilé , les oreilles droites , le
poil rude, ce qui les fait reflembîer le plus à ce que nous nommons
chien de Berger, Ces chiens , naturellement fauvages , ou qui le font
devenus , font maigres , légers ; en Amérique ils fe raffemblent par
troupes pour faire la guerre aux tigres , aux lions : on ell: obligé de
les pourfuivre comme les bêtes féroces ; mais lorfqu'on les prend
jeunes, on les apprivoife le plus aifément du monde , ils oublient leurs
mœurs féroces pour devenir amis de l'homme.
M. de Buffon , dont les idées font fi pleines de génie , préfumant
donc, d'après ces obfervations , que le chien de Berger efl celui de tous
qui approche le plu§ de la race primitive , remarquant de plus que
ce chien a un caradere décidé auquel l'éducation n'a pas de part|
qu'il efr le feul qui naiffe, pour ainfi dire, tout élevé, & que guidé
par le feul naturel , il s'attache de lui-même à la garde des troupeaux ,
s'eft confirmé dans l'opinion que ce chien eft le vrai chien de la nature,
celui qu'elle nous a donné pour la plus grande utilité, celui qui a le
plus de rapport avec Tordre général des êtres vivans qui ont mutuelle-
ment befoin les uns des autres, celui enfin qu'on doit regarder comme
la fouche & le modèle de l'efpece entière.
D'après ces réflexions , M. de Buffon pour donner une idée plus
nette de Tordre des chiens , de leur dégénération dans les différens
climats , & du mélange de leurs races , a drelTé une table, ou fi Ton
veut , une efpece d'arbre généalogique , où Ton peut voir d'un coup
d'ceil toutes ces variétés. Cette table eft orientée comme les cartes
de géographie, èc il a fuivi, autant qu'il a été poflibîe , la pofition
refpedive des climats.
Le chien de Berger tR la fouche de l'arbre. Ce chien , tranfporté dans
les climats rigoureux du Nord, s'eft enlaidi, & rapetiffé chez les
i^o CHI
Lapons ; 11 paroît s'être maintenu & même perfedlonné en Iflande ;
en Ruflie , en Sibérie , dont le climat eft moins rigoureux. Les chiens
de Tartarie, d'Albanie, du nord de la Grèce, du Danemarck, de
l'Irlande , font les plus grands , les plus forts & les plus puiffans
de tous les chiens ; on s'en fert pour tirer des voitures. Dans quelques
pays on fe fert de ces chiens pour tirer des fardeaux fur un traîneau
ou fur une petite charrette , on les attelé comme des chevaux, il
en faut huit ou environ pour traîner ce que traîneroit un cheval.
Comme ces chiens font fort rares en France , je n'en ai jamais vu
qu'un, dit M, de Buffon , qui me parut avoir tout aflîs cinq pieds de
hauteur , & reflembler pour la forme au chien que nous appelions
grand Danois; mais il en différoit beaucoup par l'énormité de fa taille ,
H étoit tout blanc , & d'un naturel doux & tranquille. Ces changemens
font arrivés par la feule influence des climats , qui n'a pas produit
une grande altération dans la forme , car tous ces chiens ont le poil
épais &: long, l'air fauvage, ils n'aboient point fréquemment; quoique
dans le même climat, il peut arriver quelquefois des variétés fingulieres
dans l'organifation. Leibnit:^ dit avoir vu un chien quirépétoitpar écho
différens mots que fon maître prononçoit.
Le même chun de Berger tranfporté dans des climats tempérés , &:
chez des Peuples entièrement policés , comme en Angleterre , en France,
en Allemagne , aura perdu fon air fauvage , fes oreilles droites , fon
poil rude , épais & long , & fera devenu dogue , chien courant & mâtin»
Le chien courant , le braque & le bajfet ne font qu'une feule & même
race de chiens; car on a remarqué que dans une même portée il fe
trouve afTez fouvent des chiens courans , des braques & des bajfeis , quoi-
que la lice n'ait été couverte que par l'un de ces trois chiens. Le chien
courant tranfporté en Efpagne & en Barbarie s'y eft couvert, ainfi que
tous les animaux de ces pays , d'un poil long, fin & foyeux.
Le dogue tranfporté d'Angleterre en Danemarck eft devenu petit
Danois; & ce même petit Danois , tranfporté dans des climats excef-
fivement chauds, tels que la Guinée, au bout de trois ou quatre ans,
y a dégénéré au point de perdre la voix , de ne point aboyer , de ne
faire qu'hurler triftement , de perdre tout-à-fait le poil , & d'être auflî
défagréable à la vue qu'au toucher. C'eft ce chien dont la race a été
tranfportée en Turquie , où on la multiplie ; ce qui l'a fait nommer
improprement chien Turct
G HI 15'î
Ceft avec M. de Buffon qu'il faut fuivre en détail toutes ces variétés
occafionnées par les climats , l'abri , la nourriture , l'éducation j &
voir la double origine des raus médjfes , c'eft-à-dire , produites du
mélange de ces premières variétés occafionnées par l'influence des
climats. Avec quel plaifir ne voit-on pas aufli dans fon ouvrage les
gravures des variétés des chiens les plus remarquables!
Dïvïjion des Chiens,
Ceux qui élèvent des chiens pour en faire commerce , les divifent
en trois clafTes ; la première contient les chiens à poils ras ; la féconde,
les chiens à poils longs ; & la dernière clafle , les chiens qui nom pas
de poils. Il n'y a dans cette claffe que le chien Turc ; cette race , en
s'accouplant avec les chiens à poil , donne des chiens Turcs métis , qui
ont quelques petites boufFettes de poils en différentes parties du corps»
Les chiens à poils ras font, le dogue d'Angleterre ou le bouledogue'^
c'eft le plus hardi , le plus nerveux & le plus vigoureux de tous les
chiens. Viennent enfuite le doguin d'Allemagne , forte de bouledogue
de la moyenne efpece , & le petit doguin n'eft pas plus gros que le
poing.
Le grand Danois , efpece de chien très-belle & très - recherchée ,
qui fe plaît à fuivre ou précéder les chevaux & les équipages. On
leur coupe les oreilles , ainfi qu'aux Danois de la petite efpece , pour
leur rendre la tête plus belle. En général on ôte les oreilles à tous
les chiens à poils ras, excepté les chien de chaJje.Uarlequin ,Iq roquet ^
Vartois font des variétés du chien Danois.
Le grand lévrier à poils ras , & qui, mêlé à Vépagneul, donne le lé-
yrier à poils longs : ces lévriers n'ont point de nez ; mais ils ont l'œil
excellent i ils lancent les lièvres, & les attrapent à la courfe. Le lé-
vrier de moyenne efpece eft du même ufage ; mais celui de la petite
efpece eft très-rare , très-cher ; & on ne le recherche que pour fa
figure élégante , car il n'a pas même i'inftinél de s'attacher à fon maître.
On dit que l'on voit en Efpagne des lévriers qui ont un nez excel-
lent , foit que ce foit la différence du climat qui leur donne cette
qualité , foit qu'ils viennent des chiens dont on a mélangé les races ;
car il eft vrai que ces lévriers ne font pas d'une forme aufli élégante
que les nôtres.
La fupériorité de la fineife de l'odorat dans les chiens dépend de
1^2 CHI
la grandeur de la "membrane olfadoire , &: de l'exercice continuel que
ces animaux font de cet organe.
On dit qu'on fe fert dans certains pays de chiens pour découvrir les
truffes ; on fouille avec certitude dans i'endrcit où Ton voit que le chien
gratte la terre en aboyant un peu.
Le braque ou chien courant a les oreilles longues , pendantes l
l'odorat excellent; il quête devant le ChafL^ur , il voit le gibier de
l'odorat; s'il le furprend, il fe tient en arrêt , & annonce au Chafleur
l'endroit où elH'animal , & même fon attitude défigne l'efpcce d'animal.
Les chiens courans font ordinairement blancs , & ont des taches noires
ou fauves fur un fond blanc; de plus ils Ibnt fufceptibles , en qualité
de chiens de chalTe, de perfeârions & de défauts dans la forme du
corps, qui font prefque en auffi grand nombre que ceux des chevaux
de mianege; car l'art de la chafle ell: aufll étendu que celui du manège.
On emploie diverfes manières pour élever ces chiens pour la chafle
du cerf, du chevreuil ou pour celle de la plaine.
Le limier eft affez fort; c'eft un grand chien muet, c'efl- à-dire, qui
n'aboie pas , & qui fert à quêter & à détourner le cerf. Il fert auflî
à la chalTe du fanglier & de toute efpece de groffe bête , fur-tout pour
les lancer hors de leur fort, ou pour achever de les tuer, lorfqu'étant
forcées , elles fe défendent trop bien contre les chiens de meute.
Les baffas font bas fur pattes ; ceux à jambes torfes peuvent être
regardés comme des rachitiqucs , dont l'efpece s'eft perpétuée. Ces
chiens viennent de Flandres; ils font bons pour la chafle des animaux
qui s'enterrent, tels que les blaireaux, renards & autres ; ils donnent
de la voix , & quêtent bien. Ces chiens ont les pattes concaves en
dedans, ce qui leur donne beaucoup d'avantages pour fouiller dans
la terre ; on les nomme aufli chiens de terre.
Les chiens à poils longs font les épagneuls de la grande & de la petite
efpece. Ils ont le poil lilTe , de m.oyenne longueur; ils font d'autant
plus eftimés, que les poils des oreilles & de la queue font longs &
foyeux. Les épagneuls noirs & blancs font ordinairement marqués de
feu fur les yeux. Les épagneuls chafîent très - bien , ils donnent de
la voix , forcent les lapins dans les broulfailles , & chaflent le nez
bas. JJépagneul noir ou gredin eft tout noir : on appelle pyrames les
gredins qui ont les fourcils marqués de feu.
Le bichon eft une efpece de chien très-petit , qui étolt autrefois à
la
h. mode. Il étoit û petit , que les Dames le mettoient dans leur manchon ;
tout Ton corps, & fur-tout fa tête, étoit recouvert de grandes foies
liffss & pendantes. On s'en eft dégoûté , apparemment parce que ces
animaux à poils extrêmement longs font toujours mal -propres. Ils
font devenus Ci rares, qu'on n'en voit plus. Celui qui eft gravé dans
THiftoire Naturelle de M. de Buffon , l'a été d'après les miniatures d'HiC^
toire Naturelle qui font à la Bibliothèque du Koi , ainfi que le chim
lion , qui ne diffère du premier que parce que la partie poftérieure du
corps eft garnie a^ poils plus courts , ce qui donnoit à cet animal une
petite relTembiance avec le lion.
On dit que le rnoj^en de conferver dans leur état de petiteHe cesj
animaux de races fi mignonnes , eft de leur frotter , lorfqu'ils font
encore jeunes , l'épine dn dos avec de l'efprit de vin , ou quelque huile
ejOTentielle acre , & de ne les nourrir que très-fobrement.
Le chien louy eft- recouvert d'un poil long, doux, loyeux; le chiew
de Sibérie n'en diffère eue parce ciue la tête de ce dernier eft garnie
4*aulîî longs poils que le reue du corps.
Les barbets de la grande ^'^ce font reconnoiffables à leurs poils frifés ;
ils vont très-bien à l'eau, & font excellens pour la chaffe des oifeaux
aquatiques. Les barbets de la petite efpece ne vont point à i'eau. On
dit qu'en générai les barbets font les plus attachés de tous les chiens î
on a des exemples furprenans de leur fidélité & de leur inftinél.
Il y a des chiens qui n'ont 'e poil ni ras , ni long; ce font les chien^
qu'on appelle Dogues de forte race ou nos chiens de Boucher. Ce font
là , ainfi que les dogues d' Angleterre & les bouledogues , les athlètes du
combat du taureau. On comprend parmi les dogues , ïalan dont on
diftingue trois fortes ; i", h' alan gentil qui tire furie lévrier : 2*. UaLim
de boucherie j dont les Bouchers fe fervent pour conduire leurs bccufsr
^"".Yxïalan vautre^ qui eft une race de mâtins, propre à la chaffe de,
Tours & du fîinglier.
On nomme chiens des rues ceux qui reffemblent à tous les chiens en
général , fans relfembler à aucun en particulier , parce qu'ils pro^
viennent du mélange des races plufieurs fois mêlées,
Lorfqu'on fit îa découverte du Pérou & du Mexique . on y trouva
une efpece de chien domeftique , nommé ^/co. Cet animal a les mœurs
douces, le fentiment , l'affedion , la fidélité du chien d'Europe, &le
même attachement pou;- fon inaitre, Qn en diftingue même deux &.
Tioms. Il» , V
i;4 ^ NI
trois e'pcces; l'une des chiens favoris, chéris des Dames Péruviennes.
Ils font d'une difformité finguliere, & cependant agréable. Leur dos
eft v.Hîté & un peu boiïïi. On diroit que leur tête fort immédiatement
de leurs épaules , tant leur cou eft court. Ils font de la grandeur des
petits chiens de Makhe. Ils font tachetés de jaune , de blanc & de
noir. Toujours bien nourris, bien peignés, bien foignés , ils font gras,
potelés : on les nomme Michuacamns , du nom de leur pays. Ceux
d'une autre efpece , dtftinés à la chaffe , reffemblent allez à nos petits
chiens ; mais ils font maigres , ont un air trifte & fauvage : on les
nomme Techkhi. Les Américains en mangent la chair. Enfin , ceux de
la troifieme efpece, & qu'on appelle Xoloï^icuïntli ^ font les plus grands
de ces chiens Américains. Souvent il a plus de trois coudées de lon-
gueur; & ce qui lui eft particulier, c'eft qu'il eft tout nu & fans poil:
fa peau eft douce , unie & marquée de taches jaunes & bleues. M. dû
Buffon penfe que cette «fpece de chiens nus du Mexique , a été tranf-
portée en Amérique , & qu'elle vient des pajs des Indes & des pays
les plus chauds de l'ancien continent. Le nom ClAIco étoit donné aux
mlchuacanms & aux ttchichis ; & il peut fe faire que ces animaux, quoi-
que de race en apparence très- différente de celle de tous nos chiens,
foient cependant ilTus de la mcme fouche. Les chiens de Laponie,
de Sibérie , d'Iflande , &c. ont pu palTer comme les renards , les loups,
d'un continent à l'autre , & fe dénaturer enfuite comme les autres
chiens , par le climat & la domefticité. L'alco à cou court fe rapproche
du chien d'Iflande ; & le techichi eft peut - être h ch'un crabe de la
Guiane , ainfi nommé , parce qu'il fe nourrit principalement de crabes
& de cruftacées.
Des Voyageurs ont encore parlé de quelques autres fortes de chiens^
tels que ceux de la côte d'Or, du Royaume d'Ifligny, des chiens jau'
nés de la Chine, du ch'un maron , animal qui , félon le Père le Comte,'
naît aux Indes , & tient également du chien , du loup & du renard.
Nous n'en citerons pas davantage; ceux qui voudront en être inftruits,
pourront confulter la Kynographie de Paulin , ouvrage aftez étendu.
Les Anglois ont fu faire une branche d'exportation de leurs chiens
de chafle , doués d'un odorat très - fin , & nommés par les chalTeurs
chïins de race royale ; ils font aufîî commerce de leurs dogues , qu'ils
font combattre les uns contre les autres, pour leur donner plus de nerf &
de courage.
C H ï I ; f
Les clîîens tranfportés dans les climats chauds , y perdent leur ar-
deur, leur courage, leur fagacité & leurs autres talens naturels; mais,
comme fi la nature ne vouloit jamais rien faire d'abfolument inutile ,
dans les mêmes pays où les chiens ne peuvent plus fervir aux ufages
auxquels nous les employons ici, on les recherche pour la table; or»
les conduit au marché par troupeaux, comme les moutons , & ils s'y
vendent plus chers que ces animaux, & même que tout autre gibier.
Le Nègre ne trouve pas de mets plus délicieux qu'un chien rôti .
Les Sauvages du Canada , qui habitent un climat froid , ont le même
goût que les Nègres, pour la chair du chien. Ce goût dépend- il de
.l'homme, ou du changement de qualité qui arrive à la chair de ces
animaux dans les climats très-chauds ou très-froids ? Ce qu'il y a de
certain, c'eft que dans nos climats tempérés la chair du chien eft des
plus mauvaifes à manger. Le Père Sabard , dans fon voyage au pays
des Hurons , en mangea , & n'en eut pas goûté deux fois , qu'il en
trouva la chair bonne & d'un goût un peu approchant de celle du
porc. Les Péruviens mangent la chair de ïako dont il eft fait mention
ci-deflus.
On emploie les peaux de chiens dont les poils font longs , fins &
beaux , pour diverfes fourrures , principalement pour des manchons.
Pour donner plus de relief à ces fourrures , on leur fait imiter , au
moyen de différentes préparations , les mouches ou les taches de peau
de figre & de panthère.
Les peaux de chiens paflees en mégie fervent aufli à faire de gants
pour les femmes. Depuis quelques années on en fait ufage , pour diffiper
les contractions des mains , pour adoucir la peau de cette partie , &
pour en foulager les démangeaifons. On fe fert encore de bas de peau
de chien dans les mêmes vues , & dans celle de fortifier les jambes ,
& d'en prévenir l'enflure , l'engorgement & les varices. On apprête
auflî en gras des peaux de chien dont on fait des pièces d'eftomac , que
ks Dames appliquent fur leur poitrine pendant la nuit , pour fe rendre
cette partie de la peau douce au toucher , comme élaftique.
CHIEN CRABE. Dans la Guiane on donne ce nom à un quadru-
pède que quelques-uns regardent comme une efpece de chien. Sa
figure reflembie un peu à celle du renard. Il a le poil du chacal 9
& il préfère les crabes & autres cruftacées à toute autre efpece de
nourriture,
V z
uS^ €KI
CHIEN DE IVÏER , canîs marinus aut gaUus, On donne ce nom â
"beaucoup d'efpeces d'animaux de la mer , dont les plus grands font mis
au nombre des cétacées les plus forts. En général le chien de mer eft
un cruel animaî , l'ennemi de tous les vrais poiflbns , qui cèdent à fes
coups : il leur fait la chaffe à force ouverte ; il foufRe horriblement
& attend fa proie clans des lieux ferrés , encre des rochers où il I3
dévore.
Le chien de mer eft moins de l'ordre des poiiibns à nageoires épi-
neufes, que des animaux de mer à nageoires cartilagineufes. Leur genre ^
auquel Arudi a donné le nom de fqiialus , diffère de celui à^s raies
par la form.e aiongée du corps. Les animaux de ce genre ont de chaque
côté cinq ouvertures traniverfaies pour les ouies. Il y a l'aguillat , la
cagnot; l'émifole, le lentillac, le méiandre , le lequin , la rouiTette.'
Le chien de mer, appelle Inm'ie & carcharias , eft le même que le re-
cjuin. Des Naturaliites ajoutent à ce nombre le derbio » la bonite , la
vache marine , le veau marin , &c. Le Ledeur pourra juger du peu
de rapport de plufieurs de ces animaux, en coniultant chacun de ces
înots. Voye2 auili celui de fquaii.
Le chien de mer des Provençaux & des Languedociens , eft raguil-"
Jat ; fon coips eft long , fans écailles Z-i cendré ; fa peau eft rude; fon
dos qui eft d'une couleur brune cendrée el; garni de deux aiguillons
découverts , pointus & forts , où tiennent fix nageoires ; fon ventre
eft bîai>châtr8 7<î m^oins rude que le lefte du corps ; fa t^^te fe termine
en pointe , fes yeux font grands , fa gueule eft en-deifous, faite e.i
demi-lune & toujours ouverte ; elle elt armée fur les côtés de deux
files de bonnes dents : il a deux trous au lieu d3 narines , des ouies
découvertes aux côtés comme dans les poifTons longs & car^ibghieuXs
deux nageoires près des ouies & deux autres près de l'anus ; fon corps
Unit p?r une queue fourchue dont le liant eft plus long que le bas. lî
a l'eftomac grand & large , le foie double , comme tous iss chiens de
r.ier , jaunâtre , t£ dans lequel eft cachée la véficuîe du fiel. La
femelle contient des ^e;irs , les uns parfaits ^ d'autres qui fe forment ,'
§i font plus gros que ceux de poule ; ils adhérent à la veine ombili-
cale. Ces œufs éclofent dans la matrice , puif-]ue les petits chiens de
jner fortent du ventre de leur mère déjà garnis de leurs aiguillons,'
d'abord mous «x enfuite durs. La chair de ce vivipare de la Médi-
l^rsï^zU eil dure ^ peu efliœçe, I^a peau de chien de mer § ie grajû
fort dur , mais moins rond que celui du chagrin. On en fait ufage
pour polir les ouvrages au tour , en menuiferie & autres. On en couvre ■
auiîi des boîtes : pour empêcher que ces peaux ne fe retirent après
que l'animal en eft dépouillé , on les tient étendues fur des planches ,
quand elles font fraîches.
CHIEN-RAT. Nom donné par les Hollandois qui habitent le Cap
^e Bonne-Efpérance , à Vichneumon, Voyez ce mot,
CHIEN DE TERRE, royer Zemni.
CHIEN VOLANT. On eft fort incertain fi cet animal n'efl pa&
fandiraguachu, efpece de chauve - fouris dune grofieur extraordinaire.
Foyci ces mots, M. BriiTon appelle le chien volant roujfctu , & en fait
un genre particulier , dont le caradere eft d'avoir quatre dents inci-
iîves à chaque mâchoire , les doigts onguiculés , joints enfemble par
une memibrane étendue en aile dans les pieds de devant , & féparés
les uns des autres dans ceux de derrière. Par cet expofé , le chien
volant diffère de la chauve-fouris par le nombre & la figure de fes
dents , & par fon mufsau qui eft plus alongé. Il y a le chien votant
de Ternate , le chien volant à cou rou^c , & le ciiien volant de la Nouvellt
EJpagne,
La première efpece eft d'un roux jaune, & fe trouve dans les endroits
les plus éloignés des deux Indes ; elle çft fort portée, au coït : la
femelle a des mamelons afiez approchans de ceux des femmes qui
îiourriiTent.
La deuxième efpece a le poil du corps brunâtre , o: celui du cou
ïougeâtre ; elle fait moins de peine aux hommes q:ie la précédente ;
on la trouve dans file de Bourbow.
La troiiîeme efpece eft très-rare , elle habite ies lievix déferts , & en
particulier les vieux arbres ; on la trouve à Terre - Neuve. Foye:^
TarticJe Chauve-Souris.
CHIENDENT , gramcn. On diftingue en Botanique x'bus le nom
de graminées une prodigieufe quantité de gramens ou chiendents •■^voyQZ
l'article Gp»aminées. Ct^pendant on donne plus particulièrement 2^
fans épithete ce nom à celui qu on emploie vulgairement en Phar-
macie. Nous ne diftinguerons que deux efoeces de chiendents , fa voir.
Le Chiendent ordinaire , gramen oficin. Cette plante eft com»-
mune dans les terres labourables & labourées ; fes racines font blanches ^
rampantes , nousufes par intervalles , épaiiTes d'une ligne ou çnvkon^
i j 8 C H I
d'une faveui\douceatre ; fes chaumes ou tiges ont deux à trois pieds
* de long : ils font droits, noueux , garnis de quatre à cinq feuilles qui
fortent d'autant de nœuds , & qui enveloppent la tige , larges de
trois lignes, terminées en une pointe; fes tiges portent en leurs fommités
des épis où font attachées des fleurs à étamines : fes graines font
oblongues , brunes , approchant de la figure des grains de blé.
Le Chien dent pied de poule , gramen daclylon. Ses racines font
vlvaces , femblables aux précédentes , fes feuilles plus larges , plus
pointues , fes épis plus étroits & difpofés quatre ou fix enfemble au
haut du chaume, en manière d'étoile ou d'un pied d'oifeau, d'où vient
fon nom. Cette plante eft connue aux environs de Paris ; on en trouve
dans l'île Maquerdlc ou des Cignes. Elle croît abondamment dans les
pays méridionaux de la France. Sa graine eft connue fous le nom de
manne, de Pologne, commue celle du chiendent flottant eft connue fous
le nom de manne de Pruffe. Voyez ces mots.
Nous nous fervons fréquemment des racines du chiendent ordinaire
dans les tifanes , décodions & bouillons apéritifs. Les racines du chien-
dent, celles du fenouil, du perfil , de la garance, & du petit houx,
font les cinq racines apéritives. Nous difons que la racine du chiendent
eft le principal ingrédient de la tifane ordinaire des malades ; de celles
qu'ils fe prefcrivent eux-mêmes fi généralement, que c'eft prefque une
même chofe pour le peuple qu'une tifane ou une légère décodion de
chiendent rendue plus douce par l'addition d'un petit morceau de réglifle.
On fait auflî quelque ufage du chiendent dans les Arts : les Vergetiers
font avec celui de Provence des brofles ou vergettes. Ils dépouillent
auparavant ces racines de leurs écorces , ils en font des paquets qu'ils
foulent fous les pieds , ce frottement fépare les branches douces &
fines de la mère racine : on appelle celle-ci chiendent de France , & les
rameaux, barbe de chiendent,
Lorfque les chiens fe fentent malades , la nature les invite à manger
les feuilles du gramen , qui les purge & les guérit. Par quel inftinél
les animaux favent-ils tous diftinguer leurs remèdes ? & par quelle
forte de fatalité les hommes policés , qui prétendent que l'efprit eft
fupérieur à l'inftinct , n'ont-ils pas ce même avantage ?
Il y a une efpece de chiendent furnommé brife-os ; Anthericum
ojjïfragum^ Linn. Thomas BarthoUn eft le premier qui ait connu ce
gramen. Il a, dit-on, la propriété d'amollir les os des animaux qui
C H ï I y^
en mangent , à un tel point qu'ils plient comme s*lls étolent rompus,
d'où lui eft venue fon épithete.
CHIENDENT MARIN. Nom donne' à une efpece de fucus qui
reflemble à la barbe de la baleine, Ceft Vyachan^a des Kamtfr
chadales.
CHIENDENT FOSSILE. Ceft Vamlante,
CHINCAPIN DES Anglois. Ceft un châtaignier de Virginie ,
dont les feuilles font affez femblables à celles de nos châtaigniers. Il
porte des fruits qui reffemblent à de petits glands de chêne vert , &:
qui font renfermés dans une capfule très-épineufe. Ces arbres ne font
que languir en France , & viennent aufli fort mal en Angleterre ; mais
ils grandiflent promptement & portent de beaux fruits dans leur pays
natal. Foy&:i Châtaignier.
CHINQUEIS. Foyci à Cartkk Chit-se.
CHINQUIS. Nom tiré de la langue Chinoife, & donné par M,
de Bu^on à un oifeau nommé par M. Bri[fon , le Paon du Thibet, Il
eft de la grofleur d'une pintade; l'iris de fes yeux eft jaune, fon bec
cendré, fes pieds gris, le fond de fon plumage eft cendré , varié de
lignes noires & de points blancs. Ce qui fait fon ornement principal
& diftindif , ce font de belles & grandes taches rondes , d'un bleu
éclatant , changeant en violet & en or , répandues une à une fur les
plumes du dos & les couvertures des ailes ; deux à deux fur les pennes
des ailes, & quatre à quatre fur les longues couvertures de la queue,
dont les deux du milieu font les plus longues de toutes , les latérales
allant toujours en fe raccourciflant de chaque côté : l'on ne fait rien
de fon hiftoire , pas même s'il fait la roue en relevant en éventail fes
belles plumes chargées de miroirs , de même que fait le paon.
CHIPEAU , prepcra. Nom donné à une efpece de canard dont
WïLLu2.hhy a parié.
CHIQUES ou POU DE PHARAON. Petits infedes redoutables
dans les îles Antilles , ils fe rencontrent ordinairement dans les lieux
fecs, poudreux ou mal -propres; ils ne font guère plus gros que les
cirons , & reffemblent à de petites puces ; ils ne fautent pas comme
elles , n'ayant prs le même reffort dans les pattes , & c'eft un
grad bonheur. Ils s'introduifent à la manière des cirons dans
îa chair , & caufent enfuite des démangeaifons douloureufes &
infupportables, Les chiques s'attachent d'ordinaire , & par préférence ,
î 1^0 à H i
au-deiTous &: au-deffus des ongles des pieds, fe cachent entîéremenf
dans la chair , y fucent le fang, & y acquièrent en trois jours beaucoup
d'embonpoint. Ils s'y pratiquent uneefpece de nid formé d'une tunique
blanche & déliée , qui a la figure d'une perle plate , & de la grofleur
d'un petit pois. Chacun d'eux fe tapit danses petit efpace, de façon
que fa tête & (gs pieds fe trouvent tournés vers l'extérieur ; de forte que
pour les tirer , il faut cerner ^ fcariiier la chair tout autour , ce qu'on ne
peut faire fans douleur. Ce n'eft pas là le feul inconvénient ; lorfqua'
la chique eft tirée, il refte un trou qui quelquefois s'apofthume &
dégénère en un ulcère malin qu'il ePc dinicile de détruire & de guérir ,'
fur-tout quand en arrachant la chique , il en refle une partie dans le
trou. Si on ne fe hâte pas de fe débarrafler de ce cruel animal , il
remplit bientôt le trou de lentes ou œufs , defquels viennent autant
de chiques, qui toutes s'établifient près du lieu de leur naifiance, ce
qui fait qu'il s'en amafîe par centaines , qui endommagent tellement
les pieds , qu'on efl contraint de garder le lit , ou tout au moins de
marcher avec un bâton. Ceux qui ont foin de fe laver fouvent Se
de fe maintenir proprement ^ craignent peu cette fâcheufe incom-
modité.
La chique n'efl pas feulement antropophage , elle attaque encore les
chiens , les chats, même les finges. L'antidote le plus sûr pourfe garandc
de ces fortes d'infedes , eft de fe frotter les pieds avec des feuilles de
tabac broyées & d'autres herbes acres de ameres ; le roucou eft leur
poifon; la pommade m.ercurielle pourroit être auffi de bon ufage.'
Les tous des Brafiiiens & les ningas des Indiens font aulli des chiques;
'Au contraire les chiques qui attaquent les enfans dans la Mifnie font
de véritables clragonricau^, f^oye^ à VarticU Crinons.
CHIRI. On doane ce nom en Malabar au mancvoufte ou ichneumoni
Voyez^ Ichneumon.
CHIRIMOYA. Fruit du Pérou, de l'efpece qu'on nomme dansle^
Iles Françoifes pomnu de. candie. Voyez es mo::. Mais celui du Pérci<
eft beaucoup plus agréable , & on lui donne communément la préfé-
rence fur l'ananas. M. de, la Condamine dit que le goût en eft facré
S: vineux ; la grolTeur & la figure approchent de celles de nos pommes
pointues d'Europe : la peau eft v^erdâtre &; comme brodée de com-
partimens écailleux. Sa chair eft blanche , mollaflTe, parfemée de filandres,"
§c contenant des femençe§ oblongues & applaties, Ce fruit croît fur un
arbre
C H I i<?i
arbre haut & touffu ; fa fleur eft à quatre pétales , d'une odeur très-
agréable & d'un vert brun.
CHIRITE. Nom donné à un ftaladite qui imite une main, Foye^
Staladite.
CHIRONS. Foyei Ver des Olives.
CHIRURGIEN (le). Voyei à CankU Jacana.
CHIT-SE. Arbre des plus eftimés à la Chine pour la beauté & la
bonté de fon fruit. Cet arbre eft auiîî gros qu'un noyer , & fe trouve
abondamment dans les Provinces de Chantong & de Kouang. Les
fruits font comme étranglés par le milieu ; ils confervent leur fraîcheur
pendant tout l'hiver : la grolîeur de ceux qui font réputés bons &
mûrs , égale celle des oranges. La chair en eft rougeâtre, d'une faveur
douce, mêlée d'an peu d'âpreté qui fait plaifir , & lui donne une vertu
aftringente & falutaire : ces fruits qui contiennent trois ou quatre
noyaux pierreux , mûriffent rarement fur l'arbre : on les "ceuille en
Automne, & on les met fur de la paille ou fur des claies où ils achèvent
de mûrir. Ce détail ne convient qu'au ch'u-fe cultivé , car celui qui
eft fauvage (le fe-(/e) a un tronc tortu , les branches entrelacées de
épineufes : le fruit n'en eft pas plus gros qu'une pomme rofe de la petite
efpece. Les Arboriftes Chinois font des éloges magnifiques de ces
arbres : les plus modérés lui reconnoiffent fept avantages confidérables;
1°. de vivre long-temps & de produire conftamment des fruits ; 2°. de
répandre au loin une belle ombre; 3°. de n'avoir point d'oifeaux qui
y faffent leurs nids; 4,°, d'être exempts d'infeéles ; 5". d'avoir des feuilles
agréablement panachées à la fuite d'une gelée blanche ; 6°. d'engraiffer
la terre avec fes feuilles , comme feroit le meilleur fumier ; 7°. enfin ,
de produire de beaux fruits & d'un goût exquis.
On prépare ces fruits en en ôtant les pépins, on les applatit, & oii
les fait fécher au foleil , afin qu'ils fe candillent ; voye^ U détail qu'en
donne U P&r& <^'Entrecolles , dans Us Lettres Edifiantes , tom. 24. Le
chit-fe feroit-il le chi-ku des Chinois & le chinqueis des Manilles. Voy^
le Dïcl'ionnaïre des Voyages.
CHIVEF, en langue Syriaque fignifie un figuier \ on rencontre
cet arbre aux Indes dans fîle de Zipangu; fes feuilles font rondes &
fort vertes ; fon fruit gros comme un bon melon , eft de couleur
jaune fafrané , d'un goût exquis , fe fondant dans la bouche ; il contient
des femences femblables à celles du concombre : ce fruit eft peétoral
Tome II, X
1^2 CHÔ
& rafraîchifTant : tout Farbre a quelques rapports avec \q papayer» Voy.
ce mot.
CHOASPITES. Voyez à l'article Chryfoberil,
CHOCOLAT. Foyei à la fuite du mot Cacao.
CHON-KUI. Voyez Chiingar.
CHOU. Efpece de coquillage bivalve de la famille des cœurs, Voy,,
ce mot. Ce chou eft à côtes groflTes & ftriées , longitudinales , tachetées
par intervalles de pourpre, 6c chargées de tuiles peu Taillantes : fes bords
font profondément dentelés. Il y en a de parfaitement blancs.
CHOU , hnijfica. Plante réputée tenir le premier rang entre les
herbes qu'on mange, & que les Anciens avoient en (i grande vénération a
qu'au témoignage de Finie, Chryfppc , Pythagore , & fur-tout C^^ow,
avoient écrit plufieurs volumes fur fes facultés. On diftingue plufieurs
efpeces de choux d'ufage en cuifine & en Médecine , dont nous ferons
mention ci-après. Les choux en général ont des fleurs en croix, & ne fe
perpétuent que de graines qu'il faut laifler fécheraux montans que l'on a
coupés, &c. qu'il faut enfuite vanner & ferrer pour l'année fuivante.
CHOUAN. Efpece de femence inconnue , aflez femblable au femen
contra , un peu plus nourrie , d'un vert-jaunâtre, d'un goût légèrement
aigrelet : on l'apporte du Levant. Quelques perfonnes la font entrer
dans la compofition du carmin. On donne aufli le nom de chouan au
poifîon appelle meunier. Voyez ce mot.
CHOU BLANC ou CHOU BLOND , hraffica alha vulgaris. Sa
racine efl: fibreufe , & pouffe une tige garnie de feuilles arrondies , d'un
vert-rougeâtre, tendres, dentelées en quelques-uns de leurs bords,
remplies de nervures qui s'entrelacent , attachées à des queues longues :
fes fleurs font blanches , en croix , compofées de quatre pétales ; à
ces fleiu's fuccedent des filiques longues garnies dans leur intérieur de
graines arrondies : toute la plante blanchit en croiflant & acquiert
une certaine couleur bleuâtre , verdâtre : ce qui le fait auflî appeller
§hou vert , chou commun.
Le chou fupporte l'hiver : au commencement du printemps les gens
délicats eftiraent fort fes jeunes poufies dans la falade ; les feuilles de
choux rouges & mûrs font en ufage dans la Médecine ; celles des choux
blancs ne fervent guère qu'en cuiiine. La décodion pure de chou eft
fort dégoûtante & puante : auflî quand un chou pourrit dans la terre ,
il fépand une grande infe<Sion, De tous les temps les Jardiniers ont
C H (5 ~t (f j
cultivé les choux ] les Anciens les ont regardés comme une panacée
végétale. On dit que les Romains ne fe font fervis que de chou pendant
Cx cents ans dans toutes leurs maladies. Le chou fut le fpécifique
de Caton pour garantir fa famille de la pefte. Aujourd'hui le riche ôc
le pauvre , & prefque tous les gens de la campagne , fur -tout les
Hollandois & les Allemands, en font un très-grand ufage ; en Béarn
il n'eft peut-être pas un feul habitant qui n'en mange une fois par jour,
La garbure de ce pays eft un potage aux choux & aux cuiffes d'oies ,
ou au lard , qu'on fert régulièrement à fouper fur toutes les table?.
L'on peut cependant conclure des rapports défagréables que le chou
excite, que cette plante eft difficile à digérer & ne convient qu'aux
eftomacs des perfonnes qui font un grand travail de corps. Nous avons
déjà dit que les feuilles tendres du chou blanc font plus exquifes que
celles du rouge ; le chou - fleur eft plus agréable , plus délicat : la
•qualité particulière du chou rouge , eft de faciliter l'expectoration.
Les Médecins diftinguent des vertus contraires dans les différentes
parties du chou ; fon fuc a la propriété de lâcher le ventre , & fa
fubftance, qui eft aftringente, de le relTerrer : c'eft de-là qu'eft venu
ce proverbe de l'Ecole de Salerne : jus caulis folvit , aijus fuh^antia.
jîringk.
On lit dans la matière médicale , après une longue énumération
des propriétés merveilleufes du chou , que quelques Prédicateurs &
quelques Muficiens boivent fouvent de la décoélion du chou rouge
avec des raifins fecs , pour fe guérir de l'enrouement qui furvient quand
on a beaucoup parlé, & pour fe conferver la voix. Le choucraut ou
favcr-kraut, efpece de mets fi ufité en Allemagne , n'eft autre chofe que
du chou porté par une fermentation , à laquelle on l'a difpofé dans
cette vue , à l'état acéteux ou acide.
CHOU CARAÏBE DES AMÉRICAINS. Cette plante n'eft poinc
un chou ; elle reffemble à )^arum ou pied de veau d'Amérique , &
répond parfaitement à la colocafu d'Egypte. Ses feuilles ont du rap-
port avec celles de la grande ferpentine ; fa tige eft haute de trois à
quatre pieds ; fes fleurs de couleur purpurine : il s'élève de leur ca-
lice un piftil qui devient un fruit femblable à celui de l'arum ; fa
femence vient rarement à maturité \ fa racine eft groffe , rougeâtre
en dehors , jaunâtre en dedans, charnue , bonne à manger , d'un goût
de châtaigne & d'une odeur douce, Son fruit eft aftringent , propre
X 2
1(^4 C H O
pour la dyflenterie: on mange fes feuilles & fes racines dans la foupe.
Le chou caraïbe croît aux Indes Orientales , dans le Levant , & en
plufieurs contrées de l'Amérique où on le cultive pour fervir de nour-
riture aux efclaves. Aux îles de France & de Bourbon on l'appelle
fongo. Voyei CoLOCASiE.
CHOU DE CHIEN. Voyei nu mot Mercuriale.
CHOU DU COCOTIER. Voye^ à Vamch Coco.
CHOU COLSA. Voyti CoLSA.
CHOU-FLEUR , braffica cauli -fiora. Ses feuilles font amples, lon-
gues 5 étendues , de quatorze à feize pouces , plus longues & plus
étroites que celles du chou pommé blanc , d'un vert clair, quelquefois
mêlé de bleu , traverfées de nervures blanchâtres , un peu dentelées
à leur bord , d'efpace en efpace. Les feuilles du centre fe ramafTcnt
&. forment une tcte , mais plus molle & moins ferrée que dans les
autres choux pommés. Du milieu de ces feuilles s'élèvent beaucoup
de tiges chargées d'un amas de fleurs naifiantes, commie par bouquets.
Ces tiges font épaifies , blanches , molles , agréables au goût, & fort
bonnes à manger. Si on les laifîe pouffer jufqu'à une hauteur conve-
nable , elles portent des fleurs & des flliques, comme dans les autres
choux; mais la graine ne réuflit guère en France ; il faut en faire venir
du Levant. Les Jardiniers attachent ordinairement avec quelques liens
en rond , les feuilles qui entourent la tête ou pomme de chou-fleur,
afin de les conferver long-temps en cet état & les empêcher de monter
en graine ; fi l'on coupe ces têtes fans en arracher les troncs, il re-
poulTe de petits rejetons que l'on fait paffer pour les brocolis , efpece
de choux exquis que l'on cultive en Angleterre & en Italie , &
dont on mange les feuilles avec la \iande , èc fur- tout en faîade
chaude.
• CHOU FRISÉ BLANC , braffica alba crifpa. Ses feuilles font
Tondes , ridées , comme véficulées , de couleur jaune-verdâtre ; tra-
verfées de côtes , & attachées à des queues courtes ; elles fc ramaf-
fent en haut & forment aulFi une tête ronde , petite & blanchâtre.
■Sa fleur efl: jaune , formée en croix , & porte auflî des filiques
remplies de graines.
. CHOU MARIN SAUVAGE D'ANGLETERRE , crambc maritima.
Cette plante , qui fe trouve auflî aux lieux maritimes en Angleterre,
a des feuilles à-peu-près comme celles du chou , frangées , pliflees
C HO i(?^
par ondes , & d'un afpeâ: plus agréable , d'un aflez bon goût ; fes
•fleurs font auflî en croix ; il leur fuccede des fruits ou coques fili-
queufes , ovales , d'une matière fpongieufe , contenant une femence
oblongue ; cette plante cft vulnéraire & vermifuge.
CHOU DE MER. Efpece de liferon. Voyi^ Soldanelle.
CHOU PALMISTE. Voyi^ Palmiste.
CHOU POMMÉ BLANC , brajjica caphata alba. Sa racine eft
fibreufe , pouffant une tige bafle , mais groffe & couverte d'une écorce
épaiiTe , remplie d'une fubftance moelleufe , d'une faveur acre, tirant
fur le doux. Les premières feuilles qui fortent, font d'un gris-bleuâtre,
amples, peu découpées &: ondées , garnies de côtes & de nervures
épaifles , portées fur de longues & groffes queues ; en arrachant les
feuilles du bas , il refle toujours à la tige l'impreflion de leur adhé-
rence. Les feuilles d'en haut s'approchent , s'embraflent , s'emboîtent
& fe compriment fî fortement en s'enveloppant , qu'elles forment une
grofle tête , arrondie , malîîve : on en voit dans la Flandre, qui pe-
fent jufqu'à quarante livres. Les feuilles intérieures , à mefure qu'elles
s'éloignent de la circonférence, perdent leur couleur verte-bleuâtre,
& deviennent blanches. Les Jardiniers coopèrent à faire pommer le
chou , pour le rendre blanc & bon , en liant toutes les feuilles en-
femble. Au commencement du printemps, on replante le chou pommé
afin d'avoir de la graine; fa tête s'ouvre, & il fort de fon milieu
une tige haute , chargée de fleurs jaunes en croix , dont le piftil
■fe change en une filique longue , remplie de graines arrondies ôc
noirâtres.
CHOU POMMlL ROUGE , bmffica capltata rubra. On le nomme
aulîî chou cabus ronge ; il eft femblable au précédent , à l'exception
de la couleur ; fes feuilles font bigarrées d'un pourpre foncé , mé-
langé de vert; les côtes & les nervures font lougeâtres; elles fe ra-
maffent en pomme ; les fîèurs en font jaunes : ce chou réfifte à la
gelée de 1 hiver.
CHOU ROUGE , braffica rubra .vulgaris. Ceft l'efpece de chou
la plus haute; elle monte quelquefois à la hauteur d'un petit arbre,
& dure plufieurs années , fur-tout lorfqu'on la cultive. Sa tête eft grofle
& s'élève communément à la hauteur de cinq à fix pieds ; elle eft d'un
pourpre foncé, raboteufe en fa bafe , rameufe ; fes feuilles larges,
: longues , ceintes d'un xouge obfcur , mêlé de bleuâtre & nerveufes ,
1(^(5' C H (5
font placées fans ordre Se écartées. Ses fleurs font jaunes , attachée^
à des branches droites ; il leur fuccede des filiques longues de cin^
doigts, & qui contiennent des graines roufTes, arrondies.
CHOUCAS ou CHUCAS. Efpece de petite corneille grife , qui
a à-peu-près la même manière de vivre que le ^rolU ou freux ,
autrement appelle corneille des bois. Le choucas a le bec & les pieds
noirs , fait fes petits au printemps , vole en troupe & i^'apprivoife
facilement ; niais lorfqu'il eft nourri en cage , mais fin , rufé , inventif
& difficile à prendre quand il eft grand. Il ne vit point de charogneS/j
il fe nourrit de graines , de glands , de fauterelles &: de vers.
CHOUCAS - CHOUCETTE , monednUu Ceft la plus petite de
toutes les efpeces de corneilles : on la nomme choucas , de fon crî.
Cet oifeau a beaucoup de rapport avec la corneille vulgaire ; la façon
de vivre & la voix font peut-être les feules diftinâions de ces deux
fortes d'animaux. Le choucas a les pieds , le bec & tout le corps d'un
noir un peu moins foncé que dans le corbeau & la corneille ; il va
toujours en troupe ; il approche rarement des rivières : il fréquente en
grand nombre les vieux châteaux , ainfi que les églifes & les bâti-
mens ruinés. Cet oifeau fait fon nid dans le creux des arbres & des
muraille^ ; il pond cinq à fix œufs plus petits , plus pâles & plus
marquetés que ceux de la corneille ; il mange beaucoup de grain ; &
quand il eft raflafié , il cache le refte en terre ; il aime également à
friponner & à cacher les monnoies d'or & d'argent: aufli , dit-on en
françois , fripon comme une chouette ( diminutif de choucette ) , ce qui
eft confirmé par ces vers d'Ovide ;
Afutata ejh in avem , ^uts nunc quoque dillgit aurum ,
Nigra pedes , nigris veluta. monedulu pennis.
Le choucas du Cap de Bonne- Efpcrance eft d'un noir verdâtre &
a fix grandes foies noires , trois fois plus longues que fon bec.
Le choucas à collier , monedula torquata , fe trouve en Suifîè , &
reffemble d'ailleurs à la .chouette. Il y a aulfi le choucas entièrement
, blanc ; le choucas noir; celui qui eft noirâtre & qui habite les AlpeîSi
.celui des Philippines eft d'un noir verdâtre , ainfi que celui du Cap
de Bonne-Efpérance ; le choucas de couleur pourpre eft la pie de la.
Jamaïque,
pHOUCAS ROUGE ou CORBEAU ROUGE, coriacw. Ce nom
'S-.i
C H O I (?7
feul défigne fa différence d'avec le précédent ; il a effedlvement le
bec , les pieds & les jambes d'un rouge orangé , le bec un peu cro-
chu ; il eft plus grand & fort criard : il paroît peu en rafe campagne ;
on ne le voit guère que fur le haut des montagnes des îles Cyclades ,
de Cornouailles, d'Auvergne, quelquefois en Bretagne ; plus commu-
nément fur le mont Jura. Sa chair eft d'afTez bon goût.
CHOUETTE , aluco aut ulula nocîua. Oifeau de nuit , dont on
connoît deux efpeces , la grande & la petite.
La grande chouette , ou grimaud , ou machette , ou le grand chat"
huant , eft de la taille d'un pigeon ramier. Elle a le plumage tanné
& blanchâtre , la tête grofle & penchée en arrière , les yeux grands ,
la prunelle noire , mêlée de jaune ; le bec un peu courbé & d'un
jaune pâle, verdâtre, les doigts féparés comme aux oifeaux de nuit ;
les ongles crochus , aigus & noirs. On la diftingue aifément de la hu»
lotte & du chat-huant par la couleur de fes yeux, qui font d'un très-
beau jaune ; au lieu que ceux de la hulotte font d'un brun prefque
noir, & ceux du chat-huant d'une couleur bleuâtre; on la diftingue
plus difficilement de \! effraie ^ parce que toutes deux ont l'iris des yeux
jaune , environné de même d'un grand cercle de petites plumes blan-
ches ; que toutes deux ont du jaune fous le ventre , & qu'elles font
à-peu-près de la même grandeur. La chouette eft plus brune, mar-
quée de petites taches longues comme de petites flammes ; c'eft pour-
quoi on la nomme nociua jlammeata , & V effraie , nociua guttata , parce
qu'elle eft couverte de petits points ou de gouttes.
La petite chouette ou la chevêche , nocîua minor aut fîrix Jîammea^
a l'iris des yeux d'un jaune pâle , le bec brun à la bafe & jaune vers
le bout ; fon corps & fes ailes font couverts de taches blanches , fa
queue eft comme celle de la perdrix. Selon M. Linnceus , elle n'eft.
guère plus groiTe qu'un merle>, Voyez Linn. Faun. Suecic. t. 2. n. 22,
Son cri ordinaire eft poupou , poupou , qu'elle pouffe & répète en
volant; lorfqu'elle eft pofée, elle jette un autre cri fi net & fidiftinâ:,
qu'on le prendroit pour une voix humaine qui crieroit aime , héme ,
éfme, M. dèBuffon dit qu'un de fes gens fut tellement trompé par la
reffemblance de fon fi bien articulé pendant la nuit , qu'il fe mit à la
fenêtre & répondit à l'oifeau , croyant que c'étoit une perfonne : qui
ejl la-bas} je ne m'' appelle pas Edme ^ je m^appelle Pierre. Le domicile
ordinaire de cet oifeau eft dans les mafures écartées des lieux peuplés ,
i6S CHR
dans les carrières, dans les ruines des anciens édifices abandonnés;
elle ne s'établit que dans les arbres creux , & refTemble par toutes ces
habitudes à la grande chouette. Elle n'eft pas abfolument oifeau de
nuit , elle voit pendant le jour beaucoup mieux que tous les autres
oifeaux nodurnes , & fouvent elle s'exerce à la chafTe des hirondelles
ôc des autres petits oifeaux, quoique aflez infrudueufement , car il eft
rare qu'elle en prenne ; elle réuiîît mieux avec les fouris & les petits
mulots qu'elle ne peut avaler entiers & qu'elle déchire avec le bec &
les ongles. Elle plume auiTi les oifeaux très-proprement avant de les
manger , au lieu que les hiboux , la hulotte & les autres chouettes les
avalent avec la plume , qu'elles vomiiTent enfuite fans pouvoir la digérer.
Elle pond cinq œufs qui font tachetés de blanc & de jaunâtre.
La grande chouette fait aufli fon nid dans le creux des arbres &
dans tous les trous des murailles : lorfque le voile de la nuit commence
à fe répandre, cet oifeau fort comme un brigand de fon habitation.
En effet , on ne voit la chouette qu'à l'entrée de la nuit & à la pointe
du jour ; elle jette quelques cris, rode en fîlence pour chercher fa
proie. Elle eft l'ennemi de tous les petits oifeaux, elle faifit les jeunes
lapins & levrauts -endormis , & fe nourrit aufli de lézards & de gre-
nouilles ; elle dévore les fouris dans les granges & les magafins ; mange
aufli les œufs. Dès que le commencement du jour peut la trahir^ elle fe re-
tire. Elle peut refter trois à quatre jours fans manger : des Chafleurs en
dreffent quelquefois. Si la chouette a l'imprudence de paroître dans le
jour , tous les oifeaux qui reconnoififent leur ennemi, fonnent l'alarme ,
fe réunifient , fondent fur elle , & lui font la guerre. Dès qu'elle eft
environnée & preffée de tous côtés , bien affaillie , elle fe couche fur
le dos, & ne fait paroître que fon bec crochu & fes griffes aiguës pour
fe défendre vigoureufement. Si elle apperçoit un faucon ou un autre
oifeau de proie attaqué d'un nombre d'autres oifeaux , elle court
promptement à fon fecours. La race des brigands fe protège.
On ne trouve point de chouettes en Candie : fi l'on y en porte elles
meurent auilî-tôt. Elles vivent bien au Cap de Bonne - Efpérance : les
* Européens qui y habitent , y apprivoifent ces fortes d'oifeaux , & les
accoutument à nettoyer leurs appartemens de fouris , &c. A l'égard
de la chouette noire , voyez hulotte. ,
CHRYSALIDE , chryfalis aurclia. Ce mot exprime communément
'4'^ <îes chenilles enveloppées d'efpeces de coques dures & épaiffes , ou
" -;' • ^ plutôt
plutôt l'état des chenîUeS quand elles ont quitté leur dernière peau de
chenille ; état dans lequel leur forme raccourcie les fait reflembler grof-
fîérement à quelque efpece ÛQ/eve , nom qu'on leur a donné quelquefois.
Les chenilles paroiflent alors fans pieds, fans mouvement, & elles ne
prennent plus de nourriture. La chryfaîide attend ainfi fa plus brillante,
mais fa dernière métamorphofe , dont fouvent elle ne jouit qu'autant
de temps qu'il lui en faut pour pondre & mourir : ainfi la chryfaîide
eft cet état moyen entre celui de la chenille & celui du papillon ; état
que la chaleur abrège & que le froid prolonge. Une chryfaîide a une
forte de reflembiance avec un enfant en maillot. Quoiqu'elle n'ait aucun
membre mobile , on y diftingue toutes les parties du papillon couchées
fur le corps de la chryfaîide. M. DeUn^c obferve que les chryfalides
qui viennent de chenilles épineufes font angulaires & ne font point
renfermées dans des coques. Quelques-unes de ce genre font remar-
quables par une belle couleur d'or qui brille fur tout leur corps , ou
qui y eft diftribuée par taches, & qui a fans doute donné lieu au nom
de chryfalides & aaurilies. On confond fouvent le mot chryfaîide avec
celui de nymphes, quoique différent à certains égards. On en peut voir
la différence au mot Nymphe; yoyci^ aulli l'article Chenille & celui
de Papillon.
CHRYSITES. Nom que les anciens Lithologiftes ont. donné à la
pierre de touche , à caufe de la propriété qu'elle a de fervir à effayer
l'or. Voyi^^ PiERBE DE TOUCHE. On défigne aufli par le mot de chryjites ^
ce qu'on appelle improprement litharge d'or , à caufe qu'elle eft d'un
jaune qui rcfiemble à ce métal. Foye^ à l'article Plomb.
CHRYSOBATE. Nom que l'on a donné à une efpece de dendrite
artificielle formée par une végétation d'or renfermée entre deux criftaux
foudés au feu, que l'on taille enfuite pour les monter en bague, 8c
dont on peut faire des dcflus de tabatière. Voyez le Mémoire de M,
de la Condamine , Académie des Sciences ij^i ^ page ^^82, Ce mot Grec
fignifie buifj'on d'or.
CHKYSOBEPvIL , chryfoheryllus. Cette pierre précieufe , que nous
foupçonnons être la même que le choafpites des Anciens , eft d'une
teinte formée de jaune, de vert & de bleu; elle chatoie un peu, & '
eft plus éclatante que le béril couleur de cire & que le béril huileux,
CHRYSOCOLLE. Des Minéralogiftes modernes , & entr'autres
W nllerius , défignent par le mot chryfocolle , une mine de cuivre, dans ...,
Tome //. Y N ji^r
,170 C H ^
laquelle ce métal, après avoir été difTous, a fubî une nouvelle combî-r
naifon & s'eft précipité dans l'intérieur de la terre. On applique ce
nom au bleu & au vert de montagne. Voyez ces deux articles & celui
de Cuivre. Quelques Auteurs ont défigné le borax par le nom de
chryfocolle. Foye^ Borax.
CHRYSOLITE, chryfolitus. Pierre précieufe tranfparente , éclatante ,
d'un jaune verdâtre, & plus dure que l'aiguë marine. Bien des perfonnes
regardent cette pierre comme une topaze occidentale ; mais elle eft
bien moins brillante , plus pâle , tirant un peu fur la couleur orangée.
Celles qui font d'un vert de poireau font réputées chryfoprafes. Voyez
ce mot. La bdle chryfolite qui fe trouve en Bohême & dans les Indes
Occidentales , dans le Bréfil, eft jaune, mélangée d'une teinte légère
de vert ; plus elle eft verdâtre , moins elle eft précieufe. On ne taille
guère cette pierre à facettes , mais communément en cabochon. La
chryfolite n'eft peut-être qu'une efpece de /J^ri^c?/, Voyez ce mot à l'art»
Émeraude.
CHRYSOMELE, chryfomela. Infede coleoptere dont le caraétere
eft d'avoir les antennes en forme de collier, à articles globuleux, plus
grofles vers le bout, le corps ovale, & la poitrine un peu ronde, le
corcelet large , uni & bordé fur fes côtés. Plufîeurs efpeces font parées
des couleurs brillantes de l'or & de l'airain. On admire fur-tout la
chryfomeU à galons & ï arlequin doré : les ailes étendues offrent une couleur'
d'un très-beau rouge. Les pattes ou plutôt les tarfes font com.pofés
de quatre articles qui tous ont en-deftbus des efpeces de pelottes bru-
nâtres très -vifibles,
M. Linnœus cite trente -trois efpeces de chryfomeles, qui différent
entr'elles moins par les lieux qu'elles habitent , que par leur grandeur
& par la variété ou bigarrure des élytres , c'eft-à-dire , des étuis des ailes '
différemment colorés , mous & pondues , d'autres ftriés & foîides , tantôt
unis , tantôt convexes, &c.Il nous a paru que plufîeurs des chryfomeles-
de cet Auteur appartenoient à d'autres genres d'infedes. M. Gwffroy ,
Hijloire des Infectes des environs de Paris , n'en compte que vingt efpeces
bien caradérifées.
La chryfomele marche affez lentement , & fè trouve ou dans les
carrières , ou dans les prairies , ou fur les arbres , tels que le bouleau >
ou enfin fur les plantes , telles que l'afperge , le nénuphar , la renoncule ,
_..;- le peuplier, .quelquefois aufti dans le bois pourri. Parmi ces animaux
■ . • . ' 't'-fi '
C H K 17Î
ïî y en a qui n'ont aucune odeur, d'autres qui en les touchant jettent
une liqueur huileufe de d'une odeur défagréable.
CHRYSOPRASE , chryfoprafius, Pierre défignée dans les Anciens
fous \qs noms de prajius ou chryfopuron» C'eft une efpece d'émeraude
qui tire Ton nom de fa couleur , qui eft un vert de poireau. La chry-
foprafe a beaucoup de reflemblance avec l'aventurine d'un vert pâle
mêlé de noir ou de jaune fafrané , que l'on voit dans les cabinets des
curieux, & qui a par nuances intermédiaires, des taches rouges Scdes
apparences de paillettes d'or. On prétend qu'il n'eft pas rare d'en
trouver effedivement dans la belle chryfoprafe , qui eft -vraifembla-
biement le péridot des Modernes. Voye:^ les Mémoires d& C Académie d&
B&rlin , année lyy^ , pa^e. 202,
CHULON ou GHELASON. Animal de Tartarie que fa forme 8c
fa grofleur rapprochent du loup. On fait grand cas à Pékin de la peau
de cet animal : le poil en eft long , doux, épais , & de couleur grisâtre.
Quoique le chulon foit fort commun en Ruffie & dans les pays voifins,
fa peau fe vend auiîi très-bien à la Cour de Mofcovie.
CHUMPl. Efpece de minéral qui fe trouve fouvent à Choyaca ;
au Potofî dans les mines d'or & d'argent. Il a beaucoup de rapport
avec Xémeril d'Efpagne pour la couleur, la pefanteur & les propriétés.
Alon:^, Barba, Voy, Émeril. On foupçonne que le chumpi eft lamine
"de Platine, Voyez ce mot.
CHUNGAR. Oifeau qui tient du héron & du butor, & qui habite
cette partie du pays des Mogols qui touche aux frontières de la Chine;
c'eft le butor de la Sibérie & de la grande Tartarie : il eft tout-à-fait
blanc, excepté par le bec, les ailes & la queue qui font rougcs. Sa
chair eft délicate, 6c approche beaucoup pour le goût de celle de la
gelinotte.
Les R-uffes nomment cet oifeau krati-shot. Le mot chungar eft Turc.
C'eft le même oifeau dont il eft fait mention dans l'Hiftoire de Timur-
Beck, p. 35'0, fous le nom de chon-kui, & que les Ambaffadeurs de
,Kapjak préfenterent à Jenghi^-Kan, On l'a regardé de tout temps comme
un oifeau de proie, & l'on eft dans Tufage de le préfenter aux Rois
du pays, orné de plufîeurs pierres précieufes , comm.e une marque .
d'hommage.
Les RuHiens, de même que les Tartares de la Crimée, ont été
long-temps obligés par un traité avec la Porte Ottomane , d'en envoyer
. <•* ' V ■
172 CHU
un chaque année au grand Seigneur, orné d'un certain nombre de
diamans.
CHUPALULONES. Nom d'un arbufte dont le fruit fe mange, &
qui croît dans la Province d'Efméraldas & à Mindo à TOueft de
Quito. La fleur de cet arbufte dellinée & peinte à la gouache par
M. di la Condamine ^ èc envoyée au Jardin du Roi, relTemble à une
belle rofe couleur de carmin , du centre de laquelle s'élève un tuyau
cylindrique blanc, qui porte vers le haut des mouchetures flambées,
couleur de carmin ; & du fommet fortent des étamines jaunes avec
plufieurs piflils.
ÇHUKGE. Cet oifeau efl: une efpece d*outarde, qui tient le milieu
entre la grande & la petite efpece. Elle efl: originaire de Bengale i
elle efl non-feulement plus petite que celle d'Europe , d'Afrique &
d'Arabie; mais elle efl: encore plus menue à proportion, & plus haut
montée qu'aucune autre outarde. Elle a vingt pouces de haut depuis
le plan de pofition jufqu'au fommet de la tête: fon cou paroît plus
court , relativement à la langueur de fes pieds : du refle elle a tous les
caraâeres de l'outarde; trois doigts feulement à chaque pied & ces
doigts ifolés; le bas de la jambe fans plumeSj^ le bec un peu courbé^
mais plus alongé.
CIBOULE. Foye7 Oignon.
CICINDELE, cicindda. De tous les infeéVes coléoptères, la cicm-
dele efl peut-être le plus beau. C'eft un genre d'infeéle très-commun ^
dont le cara<5l:ere cft d'avoir les antennes menues comme un fil, ou
fétacées, les m.achoires élevées & dentées, le corfelct d'un rond angu-
laire & un peu applati & bordé, mais qui ne couvre pas la tête de
î'infede; les étuis des ailes un peu flexibles, fans cependant être mem-
braneux. Leur habitation ordinaire eft les fleurs. Parmi ces infeéèes ,
il y en a des efpeces qui ont une fingularité remarquable. Les cicin-
deles ont de chaque côté deux véfîcules rouges, charnues, irrégulieres
& à plufieurs pointes, qui partent des côtés du corfjlet & du ventre,
un peu en-defl'ous , & que l'infeâe fait enfler & défenfler à volonté»
Ces efpeces d'appendices rouges à plufieurs pointes, ont été appeliées
par quelques Amateurs d'Hiftoire Naturelle, des Cocardes ; & les cjcin-
deles qui en font pourvues, portent le nom de Cicind&Us à cocardes.
J'en ai remarqué , dit M. Geofroy , autour de Paris , trois efpeces >
^iâYoirj la cidndiU bcdsau^ la çiçindde vèru à points rouges j & la cicinz
•'A
C I E 175
dzlc verte à points jaunes. Quel peut être Tufage de cette partie fingu-
liere , qui n'a point certainement été donnée à ces infedes fans quel-
ques raifons ? Cefl; ce qu'il eft difficile de décider. J'ai , continue M.
Geoffroy , quelquefois mutilé ces cicindeles ; je les ai privées d'une ou
de toutes ces véficules , fans qu'elles aient paru moins agiles & moins
vives. Peut-être quelque hafard heureux, ou quelque obfervation fuivie
donneront-ils plus de lumières fur Tufage de ces parties.
La cicindele paroît être du genre du ver luïfant. Voyez ce mot. M.
Geoffroy cite dix-fept fortes de cicindeles. M. Linnccus n'en cite que
fix efpeces, la première court avec vîteffe & vole de même , ainfi que
les autres cicindeles. Tout fon corps eft de couleur d'oir: le defliis.des
étuis des ailes, de couleur verte, ponduée de blanc. Elle a la tête
verdâtre, les ailes brunes, les yeux noirs, le corps court, les pieds
longs & menus , ainfi que les antennes : elle fe trouve au printemps
dans les prairies ftériles. La deuxième efpece eft noirâtre & habite les
bois. La troifieme eft verdâtre & fréquente le bord des eaux. La qua-
trième a les ailes d'un noir tirant fur le bleu. La cinquième eft d'un
vert bleu : fes antennes font compofées de dix articles. La fixieme
enfin a la poitrine d'un bleu luifant, & les élytres de couleur minime.
CIECEE-ETE. Petit cancre du Bréfil fort connu des Portugais.
Ce cruftacée eft de forme carrée, gros comme une aveline. Sa coquille
eft d'un brun jaunâtre. Sa chair eft en ufage dans le Bréfil, foit en
aliment ou en médecine pour guérir d'une maladie qu'on y nomme
mia,
CIEL, Cœlum, Suivant l'idée populaire, c'eft cet orbe azuré &
diaphane qui environne la terre. Cette voûte célefte d'une belle cou-
leur d'azur fi douce , fi uniforme & fi fereine, n'eft autre chofe qu'une
vapeur ténue & légère , qui , par l'éloignement , paroît être de cette
agréable couleur ; fa ténuité laille voir à travers, les planètes & ces
étoiles lumineutes , que l'œil trompé croit placées fur un fond azuré.
En Aftronomie on entend par ciel, cette région immenfe dans
laquelle les étoiles , les planètes & les comètes fe meuvent avec cet
ordre admirable & harmonieux , imprimé par la main Divine. On
divife ce monde célefte en Ciel proprement dit, qui contient le Firma-
ment où font les étoiles ; & en Cieux des planètes qui font au-defïbus
des étoiles, - '
Dès la naiflance du monde, le Ciel fut l'objet de la contemplation -.^
■> ■ ■ ' 'k^ "
•i^
174 C I E
des hommes. Ses corps les plus fenllblcs furent ies premiers remarques.
De-là vient que la lune par fes fréquentes révolutions & par la diver-
fïté de fes phafes fut le premier aftre dont ils fe fervirent pour divifer
le temps. A la vue du changement fenfible des quatre faifons, caufé
par rapprochement & par l'éloignement du foleil, & de fa révolution
en un même point pendant le cours de douze lunaifons, ils apperçu-
rent fans peine le mouvement de cet aftre fecondaire , & firent les
mois de douze lunes ( une année ). Ces connoifTances les conduifirent
bientôt à examiner le mouvement des planètes & à déterminer l'époque
de lénrs. révolutions. Ce fut alors qu'ils reconnurent les étoiles fixes,
les étoiles errantes ;, les planètes & les comètes.
Les Anciens avoient regardé les cieux comme folides & incorrup-
tibles, c'eft-à-dire, n'étant point fujets à la moindre altération. Cepen-
dant les obfervations modernes faites par le moyen des lunettes d'ap-
proche, nous apprennent que dans le foleil ou les planètes ilfe forme
continuellement de nouvelles taches ou amas de matières très-confi-
dérables, qui fe détruifent ou fe corrompent enfuite; ôc qu'il y a des
étoiles qui changent , qui difparoiflent tout-à-coup.
Newton a très-bien démontré par les phénom.enes de corps céleftes
par les mouvemens continuels des planètes dans la vîtefle defquelles
on ne s'apperçoit d'aucun ralentifTement , & par le paflage libre des
comètes vers toutes les parties des cieux, qu'ils font un efpace immenfe
abfolument vide de toute matière , fi l'on en excepte la malTe des
planètes, des corne! es , ainfi que leurs atmofpheres. f^oyei ces mois.
CIERGE ÉPINEUX, Cierge du Pérou, Flambeau du Pérou,
cereus Ptruvianus, C'eft une plante originaire du Pérou, & dont Boer-
haave compte jufqu''a treize efpeces. Elle eft remarquable par fa
forme finguliere & par fa hauteur , qui attirent les yeux de ceux
qui vont voir les ferres du Jardin du Roi. Cette plante qui a été
décrite fi exactement par M. de Jujjieu en 171 (5. ( Mlm, de CAcad. des
des Se, p. i^ô". ) n'a point de feuilles. Sa tige eft anguleufe, cannelée &
garnie de paquets de piquans. Son écorce eft d'un vert gai, tendre,
-liiTe, & couvre une fubftance charnue, blanchâtre, pleine d'un fac
f* glaireux, au milieu de laquelle on trouve un corps ligneux, de quel-
ques lignes d'épailTeur, auffi dur que le chêne. Lp. racine eft vivace ,
V petite & fibreufe. La fleur eft fans odeur , com.Dofée d'une trentaine
/\.dQ. pétales longs de deux pouces, lavé? de pourpre clair à leur extré-
i^ - -
CIÊ 17;
mité : elle eft relevée par une infinité d'étamines. A cette fleur fuc-
CQde un fruit femblable à celui du poirier fauvage, charnu, couvert
d'une membrane velue Se vifqueufe. Ce fruit ne mûrit point dans ce
pays-ci ; mais aux Barbades les naturels en cultivent une efpece
autour de leurs habitations , à caufe de fon fruit qui eft cannelé ,
de ia grofleur d'une poire de bergamote , d'une faveur agréable &
d'une odeur des plus fuaves. Il y a plufieurs efpeces de cierges qu^
fe diftinguent principalement par le nombre de leurs angles & par leur
port droit ou rampant.
Le cierge épineux que l'on voit dans une des ferres. du, Jardiiî- du
Boi, y fut planté au commencement du (iecle, foiis la Surihtéïïdànce
de M. Fagon. Cette plante n'avoit alors que trois ou' quatre pouces
de long, fur deux & demi de diamètre. On a obfervé que d'une
année à l'autre elle prenoit un pied & demi ou environ d'accroifife-
ment. La crue de chaque année fe diftingue par autant d'étrangle-
mens de fa tige. En 17 16 il étoit déjà parvenu à vingt-trois pieds de
hauteur. A fa douzième année il a commencé à pouffer des fleurs 9
& il en donne ordinairement en Eté en différens endroits quelquefois
au nombre de quinze ou feize : elles ont peu d'odeur. Peu d'efpeces
donnent des fleurs dans nos climats: on ne compte guère que cells
du Jardin Royal à Paris &; des Jardins de Botanique de Leyde &
d'Amfterdam , qui aient paru en floraifon ; encore ces fleurs pafTent-
elles très-vîte , & ne font bien en état que la nuit & vers le matin.
On a communiqué dans une féance de l'Académie de Rouen , un
moyen pour hâter de huit années la jouiflance des fleurs du cierge
épineux. On ne peut voir fans furprife qu'une plante avec des racines
fi courtes & avec aufli peu de terre, puiffe poufl^er des jets d'une iï
grande hauteur. Cette plante, ainfi que )l opuntia , fe multiplie très-
facilement de bouture. On coupe une de ces tiges que Ton laiûe dans
un lieu fec quinze jours ou trois femaines pour confoîider la blefFare;.
& en Juin ou Juillet on la pique en terre légère où elle prend très-
bien racine : mais il faut l'abriter du Nord , des pluies , de la gelé<3^
& de la trop grande fécherefîe.
CIERGE PASCAL. Les curieux appellent ainfi une 'coquine-??»
tinivalve du genre des cornets. Elle eft blanche , la pointe . de fo»
ouverture eft ordinairement violette. Foy, Cosnets>
&:'
^
■■'■v.i^
'':^\riJÊL^_
176- CIG
CIGALE ou CHANTEUSE, en latin clcada, La cigale eft, félon
M. Linnœiis , une mouche hémiptere & du genre de celles qui ont
quatre ailes , & qui portent une fcie. Elle eft la plus grande de toutes
les mouches que produit l'Europe. On en diftingue de trois efpeces
principales qui différent en grandeur & en couleur; mais qui du refte
fe reflemblent , ainfi que les autres , par le^ parties effentielles. L'efpece
la plus grande furpafle en grofTeur le hanneton. Il ne faut pas confondre
cette mouche avec certaines fauterelles que le peuple de quelques
Provinces appelle improprement cigales. Il n'y a aucune reflemblance
entre, l'une & l'autre.
La -tête de là cigale eft large, courte & comme applatie. Ses yeux
font à facettes & placés en faillie aux deux côtés de la tête : elle a ^
ainfi que les mouches ordinaires , trois yeux lilTes fur la partie fupérieure
de la tête , & des antennes plus courtes que la tête. Son corfelet qui
eft ce qu'on appelle dans les grands animaux la poitrhie , eft un peu
rond , compofé de deux pièces qui fe meuvent indépendamment l'une
de l'autre. Il eft d'un brun luifant , prefque noir , bordé d'un jaune-
brun dans la plus grande efpece. Elle a quatre ailes, belles (les deux
inférieures plus grandes & croifées), minces, déliées, comme mar-
quetées , tranfparentes & pofées en toit. Le refte du corps eft formé
de huit anneaux écailleux qui vont toujours en décroiifant de grofleur.
Elle n'a pour bouche qu'une trompe faite avec l'art ordinaire de la
nature , & qui eft en defTous , c'eft-à-dire, pliée fous la poitrine : elle
lui fert à pomper dans les vaifTeaux des feuilles & des branches , le
fuc qui y eft contenu ; car elle en fait fa nourriture , & non point de
rofée , comme le difoient les Anciens.
C'eft vers le temps delamoiffon que les cigales fe font entendre. On ne
les trouve en France que dans les parties méridionales , comme en
Provence & en Languedoc. M, Duhamel en a cependant trouvé dans
le Gatinois,
Les mâles fe diftinguent facilement des femelles , & ils ont les uns
& les autres des parties d'une ftrudure admirable , digne de notre
curiofité , & appropriées par la nature à l'ufage auquel elles font
deftinées. Les femelles ont au derrière une fcie dont nous verrons la
fon^ion. Les tnâles font pourvus , fous le ventre , de petites timbales
deftinées à chanter leurs amours & à appeller leurs femelles. Leur
i" chant
CIG 177
cliant eft aîgu, & fe fait entendre le matin & dans la chaleur du jour:
ceft ce qui a fait dire à Virgile , Egl. II.
Sole fub ardenù , refonant arhujla cictàls,
La propagation des efpeces étant une des vues principales de la
nature, elle y a pourvu dans tous les animaux d'une manière atimirable ,
tant par la compofîtion que par la variété des "inftrumens dont elle
les a pourvus. Un grand nombre d'infedes mènent une vie errante : ils
font fouvent très - loin \qs uns des autres , & ne fe rencontireroient
peut-être jamais fi la nature n'avoit marqué un certain- temps 'de leur
vie pour les forcer à fe joindre. Les infeâies rarnpans" & ceux qui
vivent fous terre, font poulfés l'un vers l'autre par un fentiment qui
attire les deux fexes. Les infedes dont la vie fe palTe en l'air , occupés
à chercher leur nourriture fur les fleurs & fur les plantes , favent fe
reconncître de loin , lorfque le befoin prefîant de multiplier leur efpece
les anime.
Parmi les cigales, c'eft le mâle qui, par fon chant, inftruit de fes
defleins la femelle , quoiqu'elle foit quelquefois fort éloignée. Il eft
étonnant qu'en Languedoc & en Provence , où ces mouches font fî
communes, on croie que c'eft la femelle qui chante. Ceftdans l'Hiftoire
des Infedes de M. de Réaumur , qu'il faut chercher le détail de la
flru(5lure merveilleufe de l'organe dont le bruit efl defliné à appeller
la femelle. Nous ne pouvons en donner ici qu'une efquilTe très-
imparfaite.
On obferve fous le ventre de la cigale mâle , à la fuite de fes fîx
jambes , qui font courtes & d'égale longueur , & qui ont trois articles
à chaque tarfe , deux calottes écailleufes , que l'animal ouvre & ferme
a volonté. Ces calottes couvrent des cavités que l'on peut nommer
timbales , à caufe de leur relTemblance avec cet inflrument militaire.
Dans chacune de ces timbales, on obfèrve plufieurs cavités féparées
par diverfes membranes : on y obferve un triangle écailleux très-<
folide. La membrane qui efl au-deflous de ce triangle, efl fine, bien
tendue , & préfente les couleurs les plus vives de l'arc- en -ciel. On
peut voir encore cette membrane dans toute fa beauté , même darts
1 animal defféché. L'examen anatomique a fait voir à M. de Rèaiinjur
deux mufcles vigoureux , qui , en fe contradant & fe relâchant alter-
nativement & avec célérité , rendent alternativement conve^a^._i8ç
Tome //, '.-Z ■
.— -V» .4:. >. .
^ 7 g C I G
concave une membrane réfonnante , pleine de rugofités , Se ayant Ta
Toideur d'un parchemin fec : l'air agité par cette membrane , eft mo*
difié dans les diverfes cavités dont nous avons parlé. Cette mécani-*
que eft démontrée, parce qu'en tiraillant ces mufcles , on fait chanter
une cigale , quoique morte , pourvu que les parties foient encore
fraîches. Un papier roulé , & frotté doucement fur la timbale la fait
réfonner.
La fcie dont la femelle eft armée , ne préfente pas moins de mer-
veilles dans fa ftrudure. Le dernier anneau de la femelle eft fendu
fous le ventre & contient une tarière , qui , ainfi que celles qui ont
été accordées aux infcdes , pour couper, fcier , entailler & percer,
eft d'écaillé ou de corne & très-folide. Celle des grandes cigales, a un
demi-pouce de longueur & plus: elle fort du ventre de fanimal, non
comme l'aiguillon de la guêpe fort de fon étui , par un relfort qui
î'alonge & le pouffe en dehors , mais comme la lame d'un couteau
qui fe ferme & qui s'ouvre. Cette tarière n'eft pas auffi fimple qu'elle
le paroît au premier coup d'ceil ; elle eft compofée de trois pièces,
dont celle du milieu eft taillée en fer de flèche ; les deux pièces
d'à côté jouent fur celle-là par le moyen d'une rainure ; & chacune
peut jouer féparément : elles font armées fur le côté de dentelures
très-fines en forme de fcie. La cigale fe fert de cet inftrument fi bien
façonné , pour percer des branches , & y dépofer des œufs. Elle choifit
des branches mortes & feches, mais tenant encore à l'arbre , parce que
la fève & l'humidité des branches vertes nuiroient à fes œufs. D'autres
mouches à fcie les dépofent au contraire dans des branches vertes
êc pleines de fève : ces derniers ont apparemment befoin d'être hu-
meâés par la fève qui nuiroit aux autres, La mère cigale le fait ^
ou plutôt fe conduit comme fi elle en étoit inftruite. C'eft à l'aide
du jeu alternatif de fes fcies , qu'elle fouleve les fibres de la furface
de la branche qu'elle veut percer : elle fait pénétrer fa fcie jufqu'à la
la moelle ; & elle dépofe dans fon intérieur & à la file , huit ou dix
œufs. Le paquet de fibres rabattues bouche l'entrée. Elle recommence
cnfuite fa manœuvre , & perce une nouvelle folfette un peu plus haut
ou un peu plus bas. On eftime qu'elle pond environ quatre cents
ceufs. Les. branches oii font dépofés ces œufs , font remarquables par
de petites élévations formées par une portion du bois qui a été
foulevée. Malgré ces travaux 6c ces foins naturels de la mère cigale ;,.
C î G 17^
|30ur la confervation de Tes petits , une mouche ichneumone , pourvue
auili d'un aiguillon , va dépofer fes œufs au milieu de ceux de - la
cigale , & il en naît des vers carnafliers , qui dévorent les petits de
la cigale à Tinftant de leur naiflance.
Les petits de la cigale ne font là que dans leur berceau. Auffi- tôt
que les œufs font éclos , ce qui arrive communément à la fin de l'au-
tomne , ceux des petits vers qui ne font pas devenus la proie des
enfans ichneumons , en fortent. Ils font blancs & pourvus de dix Ion-*
gués jambes , à l'aide defquelles ils defcendent au pied de Tarbre, &
vont fe nourrir de la fève des racines jufqu'au temps de leur chan-
gement en nymphe. Ces nymphes font de la clafle de celles qui mar-
chent, qui prennent de la nourriture , & qui ont elles-mêmes à croître.
Leur tête ne diftere pas beaucoup de celle qu'elles auront par la fuite.
La trompe eft déjà parfaite, parce qu'elles en font ufage pendant toute
leur vie. On n'apperçoit aux nymphes ni les inftrumens du chant ,
ni la tarière : les deux premières jambes font Amplement remarqua-
bles par leur forme , qui les rend propres à piocher & à ouvrir la
terre ; aullî , ces nymphes fe creufent-elles des trous de deux à trois
pieds de profondeur dans la terre , pour pafTer l'hiver à l'abri du
froid , fans avoir befoin de faire de magaun , ni d'aller mendier chez
la fourmi voifine. Au retour du printemps , ces nymphes quittent Ja
terre , grimpent fur les arbres , & s'accrochent aux branches & aux
feuilles. C'eft-là que s'accomplit la métamorphofe qui leur eft com-
mune avec les autres infeétes : elles deviennent alors ailées & font de
véritables cigales , qui font à leur tour réfonner les chants d'allégreffe.
Bientôt l'am.our les anime , & l'efpece fe multiplie.
Les payfans font bien aifes d'entendre chanter ces infedes , parce
qu'ils s'imaginent que leur chant , lorfqu'il eft vif & continuel', an-
nonce un bel été & une riche moifibn. Ils prétendent aufli avoir
obfervé que dès que ces animaux chantent , il n'y a plus de jours
froids à craindre. Il paroit vraifemblable que la cigale mâle ne chante
que pour encourager fa femelle à travailler avec plus de joie : fon
travail eft à la vérité pénible. Mais nous venons de le dire; elle entend
la voix d'un jeunj époux qu'elle aime ; il l'invite à préparer des re-
traites aux enfans dont elle va devenir mère , & l'amour rend délicieux
prefque tout ce qu'il faut faire.
Les guêpiers ^ les mardmts font très-friands de la chair 'de la ci^do*
i8o C I G
'Aufïï les enfans de Tîle de Crète attrp.pent-îls ces oîfeaux, en laiffant
voler des cigales , dans le corps defquelles ils ont mis un petit ha-
meçon attaché à un fil qu'ils tiennent. L'oifeau ^ qui avale la mouche
avec rapidité , eft pris à l'inftant à l'hameçon.
Les nym.phes de cigales étoient regardées autrefois comme un mets
exquis 3 les Orientaux , & particulièrement les Grecs , en faifoient
le délice de leur table : on mangeoit les cigales , même après leur
changement. Ariflote nous apprend , qu'avant l'accouplement on pré-
féroit les mâles , & qu'après l'accouplement on préféroit les femelles ,
â caufe des oeufs qu'elles contenoient ; on ne verroit aujourd'hui
qu'avec dégoût un pareil mets ; d'où a pu venir cette diverfité de
goût , fi les organes ont fubfifiié les mêmes ? La cigale en poudre efl
eftimée apéritive , propre pour la colique , & pour les maladies de
la veffie.
M. de Réaumur a parlé d'un autre infede , qui , par la pofition 6d
la ftruélure de fa trompe , par celle du fourreau dans lequel elle ell:
logée 5 refifemble aux cigales : il a la même induftrie pour introduire
fes CEufs dans une branche d^arbufte ; mais il n*a pas le talent du
chant comme les cigales: on connoît cet infede fous le nom de pro-clgaU,
Voyez ce mot.
Les efpeces que renferme îe genre des cigales , font aflez nom-
breufes aux environs de Paris ; plufieurs d'entr'elles méritent d'être
remarquées , les unes pour leur couleur , les autres pour leur forme»
La cigale à ailes tranjpar entes , reiTemble en petit aux grandes cigales
de Provence. La cigaU à taches rouges , eft un des plus beaux infedes
de ce pays-ci ; & fi elle étoit plus grande , elle pourroit le difputer
aux infedes les plus brillans que nous fourniflent les pays étrangers»
La cigale flamboyante , quoique petite, eft remarquable par cette belle
bande ferpentante , couleur de cerife , dont fes étuis font ornés. L&
grand diable porte fur fon corfelet deux efpeces d'ailes ou larges
cornes arrondies , qui lui donnent un air hideux. Le petit diable , eft
«ncore plus fingulier ; outre les deux cornes pointues dont les côtés
de fon corfelet font armés , il en a une troifieme au milieu qui va en
ferpentant gagner l'extrémité de fon corps. Cette dernière corne fe
trouve, mais toute droite , dans le demi -diable , qui n'a point de
cornes latérales fur fon corfelet. L'infede qui s'enveloppe d écume >
içiont nous donnons l'hiftoire au mot fautèrdle-pucs , eft mis par M»
C I G i8i
Geoffroy , au rang des cigales. Voyez aufii écume prlntannure.
M. le Dodeur Pallas donne dans fes Mélanges zoologiques la def-
cription de la c'igah globul'ifere. Cet infede eft d'une ftrudure mer-
veilleufe: Ton corps eft petit & noirâtre; fes pieds font jaunâtres, &
les ailes de couleur de verre blanc ; la tête qui eft petite & de figure
conique , fe fait voir armée d'une épine très longue, hériflée de poils,
& qui fe recourbe fur le dos de l'animal. Cette cigale a quatre pieds qui
ont chacun un globule fphérique & hérilTé de poils blanchâtres. Deux de
fes pieds fe dirigent vers les côtés , & deux en dehors. Les globules
attachés à ceux de derrière ne font point couverts de poils ; mais
ceux de devant ont une efpece d'épine qui en eft toute hériflée.
CIGALE DE MER , cicada marina. Efpece de cruftacée ou de fquille
cifelée , aflez femblable à la cigale de terre. Etant cuite , elle devient
rouge comme le furmulet ; fa chair eft de bon goût : fes premiers
bras ne font point fendus au bout , comme aux cancres ; fon corps
eft orné d'entaillures ; elle eft beaucoup plus petite que la langoufte,
à qui elle reffemble beaucoup.
CIGALE DE BiviEBE , cicada fiuviatiUs, C'eft une petite mouche
à fix pieds qu'en voit fur l'eau , & qui difiere de celle de terre par
fa tête qui eft plus avancée.
CIGNE. Voyei CvGNE.
CIGOGNE , ciconia. Genre de gros oifeau de pafïâge à longues
jambes , que Linnccus place dans le rang des fcolopaces. Le bec eft
droit 5 long , épais & terminé en pointe fine. On en diftingue de plu-
fieurs efpeces; favoir, la cigogne, blanche , la cigogne noire & la cigogne
d'Amérique , &c.
JVÎ. Perrault prétend avec raifon qu'il ne faut pas confondre l'ibis
avec la cigogne , qui eft plus grande dans toutes fes parties , & qui
n'a pas comme l'ibis blanc des plumes rouges. D'ailleurs fes grandes
plumes font entre-mélées à la racine d'un duvet , dont la blancheur
eft éblouiflante. La ftrudure en eft fort particulière; car chaque pe-
tite plume de ce duvet a un tuyau de la grofleur d'une petite épingle,
qui fe divifeen cinqt-ante ou foixante autres plus petits, &plus fins que
des cheveux. Ces petits tuyaux font auiîi garnis des deux côtés de
petites fibres prefqu'imperceptibles. La cigogne blanche a encore
plus de plumes noires que l'ibis blanc, Uibis eft du genre du
courlis.
I
iB2 C I G
La ciffogne ordinaire ou blanchz , ciconia alha , eft plus grande c[ue
le héron ordinaire : elle a le tour des yeux garni de plumes & la peau
fort noire en cet endroit ; le bec d'un rouge pâle , droit , à angles de
pointu ; ce qui lui fert d'arme pour tuer les ferpens dont elle fa
nourrit en partie. La partie du pied depuis le talon eft grisâtre , le
refte rouge; les trois doigts de devant font joints enfemble , à leur
commencement , par des peaux courtes & épaifles ; le doigt de der-:
riere eft gros & court ; fes ongles font blancs , un peu femblables à
ceux de l'homme. Le bruit que la cigogne fait, ne vient, dit-on, que
de i^on bec , dont les deux parties fe frappent l'une contre l'autre avec
beaucoup de violence.
Nous avons vu en été cet oifeau dans le Brabant Se la Hollande ;
faire fon aire au haut des tours & des cheminées. Il habite l'Egypte Se
l'Afrique en hiver. Ils volent en troupe , & alongent alors les pieds
en fendant l'air. Quand ils dorment , ils ne font portés que fur un
pied , la tête entre les épaules. Rien de plus admirable que le foin
des cigognes pour leurs pères & mères quand ils font vieux ; ils vont
aux champs pour eux , les nourriflent. Aufli le bon naturel de cet
oifeau a échauffé l'imagination de ceux qui en ont parlé, & a paifé
en proverbe : ( pïetatis cuhrïx , dit Pétrone, ) Il étoit anciennement
défendu en Theflalie de tuer des cigognes , parce qu'elles délivroient
le pays des ferpens, des grenouilles & des limaçons : on ne regarderoit
pas encore de bon œil en Hollande ceux qui en tueroient ; on courrojt
rifque d'être lapidé. Ce motif eft , dit-on , fondé fur leur gratitude Se
leur refpeâ: pour la veillefle , ou fur quelques autres bonnes qualités,' •
qu'on a vantées dans la cigogne ; telles que la chafteté & la fidélité
conjugale, la reconnoiflance envers fes hôtes; peut-être que la raifon
la plus vraifemblable de ces égards pour la cigogne, eft fon utilité:
elle détruit les ferpens , les crapauds & autres animaux dont on a
horreur dans le pays.
Les femelles de ces oifeaux pondent à chaque couvée deux ou quatre
ceufs, de la groffeur Se couleur de ceux des oies; le mâle, toujours
fidèle à fa compagne, ne l'abandonne point quand elle a été fécondée;
il va chercher de la nourriture , & partage avec elle les fatigues du
ménage ; on prétend même que le mâle couve aufîi pendant que la
mère ef^ à chercher fa vie jou à m.archer pour fe délafler : la couvé©
dure un mois. Quel foin n'ont-ils pas pour leur çigogneaux ? Tour-à-i
CIG i^i
tour Ils s'emprefTent à leur chercher de quoi vivre : ils foufFrent les
infultes du vent & les dangers du feu , plutôt que d'abandonner leurs
petits , qui ont auili pour leurs père & mère Taffedion la plus tendre.
Ces cigognes aimônt les grenouilles & les limaces.
Les ennemis de la cigogne font la corneille , Vaigle , le plongeon &
la chauve-fouris. Voyez ces mots.
ïjci cigogne noire, ciconia nigra, aut fufca , qui, félon M. Perrault^
n'eft pas l'ibis noir , eft de la grandeur de la cigogne précédente. Son
plumage & fonbec font mélangés d'un certain luftre vert, quireflemble
à celui du cormoran : la poitrine & les cuifles font blanches; les jambes
longues, chauves au-deflus du genou. Cette efpece de cicogne fréquente
les marais &les côtes de la mer : elle fe plonge dans les eaux, lorfqu'elle
a deflein de faire quelque capture pour s'en nourrir ; elle aime beaucoup
les grenouilles; elle fait également du bruit avec fon bec. Leurs petits,
quand ils ont faim , pouflent des cris femblables à ceux des hérons.
La cigogne d'Amérique , ciconia Americana , ne diffère pas des précé-
dentes pour la forme. Son plumage eft blanc & noir par intervalles y
entre-mélangé d'une nuance verte, qui s'obferve aufli fur fon bec d'un
fond jaune & cendré , avec une tache rouge à l'angle de l'œil. C'eft;
l'oifeau maguari du Eréfil. L'oifeau appelle jabiruguacu eft encore une
efpece de cicogne , ainfi que le negro de la Guiane.
On eftime la cigogne alexipharmaque , & propre dans les maladies
du genre nerveux : fa chair eft peu agréable & de difficile digeftion.
On lit dans les Éphémérides d'Allemagne , que les os de cet oifeau
font compofés de lames très-tendres ; & que quoiqu'ils foient creux en
dedans , ils font cependant plus durs & plus compares que ceux des
quadrupèdes , & font tranfparens ; on s'en fert pour faire des appeaux.
Tous les os de cet oifeau font fi bien difpofés, qu'on ne fauroit trop
admirer Tinduftrie de la nature, d'avoir ajufté avec tant de fageiïè ,
pour le vol, des corps folides & en même temps fi légers. On remarque
un artifice admirable à la troifieme articulation de l'aile ; en l'étendant
l'animal monte dans l'air; en la repliant il defcend à fon gré. L'inf-
peélion eft feule capable de faire .bien concevoir cette mécanique, Voy^
à l'article OiSEAU.
CIGUË , cicuta. Plante fameufe par l'ufage dont elle étoit à Athènes ;
comme un poifon que Ton employoit pour faire périr ceux que
l'Aréopage avoit condamnés à mort. Le nom de cette plante fe joint
i84 C 1 G
dans notre efprit avec celui de Socrate , qui , fans murmurer contre
rinjuflice de fes Juges , eut la fermeté philorophique d'avaler le fatal
breuvage ( ou fuc de ciguë ) qui lui fut envoyé par TAréopage.
Lorfqu'on vint , dans fa prifon , lui annoncer qu'il avoit été condamné
à moït- par les Athéniens , il répondit, & eux par la Nature..,,,
Aujourd hui nous cherchons la ciguë dans nos climats ; nous voulons
la connoître par nos yeux, fur -tout depuis que l'expérience a appris
qu'on- en peut retirer plufieurs avantages , en l'employant à propos.
^>Ofi di{?HT£iVé deux efpeces de ciguë , la grande & \^ petite ciguë. Nous
■parlerons 'auliX''de la ciguë aquatique, qui n'efl pas moins importante à
connoître dans la République Médicinale.
La racine de la grande ciguë eft longue d'un pied , grofïe comme le
doigt, rameufe & couverte d'une écorce mince, jaunâtre, blanchâtre
intérieurement , d'une odeur forte & d'une faveur douceâtre. Elle
pouffe une tige qui eft fiftuleufe , cannelée, haute de trois coudées ,
d'un vert gai , parfeméc cependant de quelques taches rougeâtres.
Ses feuilles font ailées, partagées en plufieurs lobes, liffcs, d'un vert
noirâtre , d'une odeur puante , approchant cependant de celle du
perfîl. Ses fleurs font en rofes , difpoiées en parafol , auxquelles fuc-
cèdent de petites graines convexes , avec des filions & des éminences
crénelées. Toute cette plante a une faveur d'herbe falée , une odeur
narcotique & fétide. Son fuc rougit le papier bleu. Elle croît aux
environs de Paris , dans les lieux ombrageux , dans les décombres &:
dans les champs ; elle fleurit en été.
La ciguë préfente des obfervations bien fingulieres; elles prouvent
que la nature du fol, la différence du climat, influent fur les corps
qui y font foumis. A Rome, la ciguë ne pafToit pas pour un poifon;
tandis qu'à Athènes on ne doutoit point qu'elle n'en fut un très-violent,
A Rome on la regardoit comme un remède propre à modérer & à
tempérer la bile. Il paroît que dans nos contrées la ciguë n'a pas les
. mêmes degrés de malignité qu'elle avoit dans la Grèce , puifqu'on a
vu des perfonnes qui ont mangé une certaine quantité de fa racine &
de fes tiges, fans en mourir. Gcorge-Scbajlien Jungius rapporte dans les
Mélanges curieux de la Nature, imprimés en langue latine, qu'un
homme de Lettres bu voit pendant huit jours tous les matins trois
onces de fuc de ciguë , pour appaifer l'efïervefcence de fon fang &
;"pour faire paffei: la trop grande rougeur de fon vifage, & il n'en
éprouvoit
Ù 1 G t 8 ;
^prouvoît aucun accicient fâcheux , finon un peu de roiblelTe. Quoique
Pline vante auflî la ciguë contre TivrefTe , & que Le/cale dife qu'en
voyageant en Lombardie il vit , à fon grand étonnement , fervir de
la falade où il y avoitde la ciguë, & qu'il apprit que les gens eu pays
en mangeoient & n'en étoient pas incommode's , toutes ces autorités
ne peuvent cependant contre- balancer le poids de celles qu'on leur
oppofe, Se qui prouvent que toutes les efpeces de ciguës font plus
ou moins venimeufes. Le meilleur antidote efl; le vinaiere , même
î'acide de limon , en guife de vomitif, avec de roximeU tiède _, en
quantité fuililante pour faciliter le vomiiTement. On ,^€te)i,d qù©-, la
thériaque , dans de Teau-de-vie, eft une efpece decontrepoitorf.'.^ ,
Les feuilles de ciguë, employées extérieurement, font adouciffantes &
réfolutives : les Apothicaires en préparent un emplâtre qui paffe pous:
un bon fondante Les cataplafmss de ciguë piiée avec des limaçons ,
& malaxée avec les quatre farines réfolutives , font vantés pour les
tiouleurs de goutte & de fciatique,
"^La petite ciguë , athufa , qu'on fubflitue à la précédente dans ks
boutiques pour Tufage externe, diffère de la première, non-feulem-ent
€n ce qu'elle efl plus petite , que fa tige n'eft point marbrée de
taches rougeâtres, & que fon odeur n'eft pas fi forte , mais encore
parce qu'elle eft , dit M. DeUuic , d'un genre différent. Elle porte à
ia bafe de chacune des petites ombelles partiales une demi-fraife de
trois feuilles étroites , longues & rabattues. Ses graines font arrondies'
& ftriées. Ses propriétés font un peu inférieures à celles de la grande
ciguë. On a nommé cette dernière le pcrJiL des fous , par la grande
areuemblance de fes feuilles avec celles du perliî ; refTembîance qui a
trompé quelques perfonnes , & leur a été funefte. Voici ce que
rapportent plufieurs Auteurs des mauvais effets de la petite ciguë :
elle trouble l'efprit, excite^ des vertiges, des convulfions , des délires,
des accès de frénéfie ou de manie ; elles rend les extrémités froides ,
donne le hoquet , le cc'cr.i rnorhiis & la diarrhée. On lit dans les Mé-
moires de la Société Royale de Montpellier , que la ciguë , comme
beaucoup d'autres plantes auili nuifibles , eft un poifon froid , narcotique
4]ui s'attache au genre nerveux, & qui agit fur la maHe^du fang en
diiTclvant & non en coagulant. On trouve dans les mêmes Mémoires,
24. Mai 1708 , une obfervation, ou plutôt Thifloife de pref jue toute
ijne famille qui fut em^oifonnée pour avoir mangé une tarce fr.iîe
Tome II, -• A a ■> v
t.*
ig(^ CIG
avec des ccufs, delà mie de pain & de la petite ciguë qu*on avoit
prife pour du perfil. On ouvrit le cadavre du père de famille , &
on trouva. une férofité noirâtre dans l'eftomac , le foie dur & tirant
fur le l^^në, & la rate de couleur livide; le corps n'étoit point enflé,
la bctiiéRs'^étoit; noîfe. ..
Qutl.ques Médecins avoient fait ufage autrefois de la ciguë intérieu-
rement pour plufieurs maladies : l'ufage en étoit tout- à -fait tombé
dans I^pvîbli, lorfque M. Storck , Médecin à Vienne en Autriche ,
rgj3Q,uVén^4lfage de ce remède, qu'il a employé pour guérir des
ftlttirr^S:, des'^ulceres malins & des cancers invétérés. C'efl: dans foti
Qu'Orage qu'il faut voir le détail du fuccès de fes remèdes, fur-tout
■, jdahs les maladies fcrofuleufes. Il a employé des pilules , faites avec le
'"ïùc de la grande ciguë, exprimé, évaporé en confiftance d'extrait, &
_ j,-, ,mêlé'.a\'ec de la poudre de ciguë. Les Médecins doivent être d'autant
.•.'•■ plus flattés de trouver, dans l'ufage lent & modéré des poifons végétaux,,
i^airemede efficace aux maladies les plus rebelles , que le hafard ne
' fôrable pas avoir autant de part à ces fortes de découvertes qu'à celles
cfulplus grand no^rjbre d^s principaux fecours de l'art. En un mot,
l'exti-ait de ciguë foulage confidérablement , lors même qu'il ne guérit
pas. Voyez aufli la Dijf^nation fur la Ciguë , par M. Jofeph Ehrard. A
Siraslourg , 1 7 6 3 .
CIGUË AQUATIQUE, cicuta aquatîca. Cette efpece de ciguë croît
dans les foffés , les étangs , & .fleurit au mois de Juin. Sa tige efl:
épaiHe, creufe , cannelée, pleine de nœuds , divifée en plufieurs
branches, d'où fortent des feuilles ailées, plus minces & plus tendres
que celles delà ciguë. Cette plante pafTe pour être plus venimeufe que
la ciguë ordinaire.
M, Wepfer a donné un Traité, imprimé à Leyde en 1733, ''^"^^,
, 'oii il rapporte les effets mortels qu'a produit cette efpece de ciguë,
",/ , Ses Obfervations fe trouvent confirmées par celles de M. Jaugcon, qui
- à^rapporté à l'Académie des Sciences que trois Soldats Allemands
îçaUïurent fiibitement tous trois en moins d'une demi-heure, pour
-' aVoir,,mangé de la cicmaria palujlr'is , qu'ils prenoient pour le calamus
iiromaticas,, iÇroprQ à fortifier Tefliomac. Il y a en effet une efpece de
. \^îûlan!MuJj} (y^'cîguë aquatiqiis y à feuilles d'ache fauvage , qui efl:
odorante, aroipiàtique , & qui tromperoit ^qs gens plus habiles en
ce genre , que ne le font communément des Soldats. M. HalUr dit
C'T L îg7
qu'il y a de l'apparence que cette ciguë n'a pas été déterminée exads-
ment; le phellandrium ne pafle pas, félon cet Auteur , pour deilrudiiF,
parce que la. graine eft en ufage dans la baiîe Saxe contre les fièvres
intermittentes & les ulcères invétérés. Mais cette afTertion.iïj'efL pas
concluante. ■ - ' ....
On prétend que le poifon de la ciguë aquatique eft un ij;;ritaht ; car
on trouva à l'un de ces Soldats les membranes de reftomac ".percées
d'outre en outre , & aux deux autres feulement corrodées. Lesemede
le plus efficace contre ce poifon^ eft d'exciter le vomiiïem^ijj^^yée.fajîe
enfuite fuccéder les adouciiTans gras & huileux pour ro^querfe6lt{5n
des reftes de poifon qui n'ont pu être chafles par le vômiffemerit. Les
Kamtfchadales donnent à cette plante le nom d'omeg , & l'emploient
contre les douleurs des reins de la manière fuivante. Ils enferment le"
malade dans une étuve , & lorfqu'il comm.ence à tranfpirer j'ilâ' lui .-.^
frottent le dos avec cette ciguë , obfervant de ne point toucher, la '"',:.
région des reins ; car , f^lon eux , le malade mourroit fur le chaî^^u ' ,
CILTI. royei Tapiti. '^-" _
CIPvlOLEE, cimolca. Terre bolaire , blanchâtre ou rougeâtre.,:qùî
ie tiroit autrefois de Cimolis , l'une des Cyclades , aujourd'hui H'^r-
gentierc , & dont les Anciens fe fèrvoient comme nous nous fervons
de la terre figiliée. Voye^ f article Bol, & celui .de Terre
Sigillée.
Les Kabitans de l'Archipel fe fervent encore de celle qui eft fans
couleur , pour blanchir le linge & les étoffes. La cimolêe. des Artifans
eft le moulard. Voyez ce mot.
CINABRE N AT U RE L , ànnabaris nadva. Le cinabre eft ,
en quelque forte , la mine de mercure la plus connue, & qui3 par
ime mécanique accidentelle & naturelle , a été combinée dans des.
Cavités fouterraines avec un quart de fon poids , même plus , de *
ibufre plus ou moins pur ; enfuite fublimé par des feux locaux aux-
voûtes des mines oii cette fubftançe fe trouve. Du moins le procédé-
dont on fe fert en Chimie pour en faire d'artiiîciel , f^it préfum^^'i^è
les chofes fe palfent ainii. -tî ,"'"
Le cinabre natif eft compaéle & communément d'un rougie'tde briquai -- ••
rarement d'un rou^e vif, quelquefois d'ud roiige dhématife^; Cçtté .;,
diverfité de couleur dépend de la proportion des parties terreftres ou ;
jbétérogenes avec lefquclles le cinabre eft mêlé : il eft ci'un tifîu écailleux
.^'Aa 2
- ».>
■I 8 8 C I N
©•u en {Irîes , d'une pefanteur fpécifîque inégale. Si on le met en poudre,
il perd Ton éclat brillant ; il acquiert une couleur de carmin y. & prend
alors le nom de vtrmïLlon^
LeS/principales mines de cinabre font celles de Kremnitz en Hon-
grie, d'Ydria' dans la Carniole , d'HoroAj^itz en Bohême, celles de
Carlnthitj, du Frioûl & ""de Guançavelica au Pérou; la plus riche eft
celle d'Àlmaden en Efpagne , fur les frontières de l'Eflramadoure. Orr
prétend qu'elle rapporte au Roi , tous les ans , près de deux millions
de livre^:^' ;^ çau/e la perte de bien des hommes. Voyc^^ k Mémoire-
îrès-cirtdhj?ancié quen a donné M, d& JuJJïcu à t Académie des Sciences
année 1719. Celle des Philippines en Afie eft la plus haute en couleur.
Le Duché de. Deux -Ponts abonde aufli en mines d'un cinabre qui a
pour matrice des mines de fer. La mine de cinabre folide , ftriée &
veloutée de MacrfTchfel dans l'Eledorat Palatin , contient quantité de
mercure vierge coulant, & du cinabre en petits criftaux rouges &:
tranfparens comme des rubis. On a exploité autrefois une mine do
cinabre de couleur brunâtre & pyriteufe , dans les environs de
SaÎTit - Lo en Normandie».
On rencontre le cinabre communément dans des matrices ter-
reufes , calcaires & ferrugineufes , entrecoupées de filons de pyrites
fulfureufes , de pierres quartzeufes , d'argent gris , &c. Comme le
foufre minéralife prefque toutes les fubftances demi -métalliques-
& métalliques , & qu'il a beaucoiip d'affinité avee le mercure ,
on conçoit aifément leur combinaifon. On peut révivifier le mer-'
cure, c*eft - à - dire , le débarraffer de fes entraves, au moyen
d'un intermède qui ait plus d'affinité avec le foufre minéralifateur.
On en trouve le procédé décrit dans notre Minéralogie , dans lô
Dicîionnaire de Chimie , &c. & dans le Mémoire du favant Naturalifte
cité ci-delTus. Dans ce même Mémoire on trouve la manière de s'af-^
: furer fi un minéral contient du mercure , ou eft un vrai cinabre.
' - Il faut en faire rougir au feu un petit morceau ; & lorfqu'il paroît
couvert d'une petite lueur bleuâtre , le mettre fous une cloche de
verre , au travers de laquelle on regarde fi. les vapeurs fe condenfent
. : -^lèîus la forme de petites gouttes de mercure , en s'attachant au verre ,
'■^'' ^'-. ÇkU .en- découlant le long de fes parois. Ce même Auteur nous donne
avffi un moyen de reeonnoître fi le cinabie a été falfifié ; c'eft par
ia. couleur de la flamme , loxfqu'on le /net fur des tli43:i:Jons ardegsi
GIN i8p
SI elle eil d'un bîeu tirant fur le violet & fans odeur , c'cft une mar-
que que le cinabre eft pur j fi la Bamme tire fur le rGV:L;e , on aura
lieu de foiipçonner cu'il a été faliifié avec du minium ; li le cinabre
fait une efcece de bouillonnement furies charbons, 'il ,y aiiya» lieu de
croire qu'on y a méîé du fang de dragon. . . •
Le cinabre naturel eft le minium des Anciens ; le minium des Mo^
dernes eft une chaux rouge de plomb : Pline dit qu'on s'en fervoit
dans la peinture ; aux grandes fêtes on en frottoit le vifage de la
ftatue de Jupiter , & les Triomphateurs s'en frottoient tc5u't le GQrps ,
apparemment pour fe donner un air plus fanglant & plus territjlè.
Par cinabre, anificid , ils entendoient une fubftance fableufe , qui ,
félon Théophrafte , étoit d'un rouge très-vif & fort brillant , laquelle
fe trouvoit dans l'Afie mineure , dans le voifinage d'Ephefe. On ea -
féparoit par des lavages faits avec foin , la partie la plus déliée. Au-
jourd'hui , par cinabre artificiel , on entend un mélange de mercure
& de foufre fublimés enfemble par la violence du feu. Cette fubftance
doit être d'un beau rouge foncé , difpofé en longues ftries luifantes..
Ce cinabre fadice eft plus pur, & doit être préféré au naturel.
On fe fert du cinabre fadice en poudre , fous le nom de vermil-
lon , pour l'ufage de la peinture. Pris intérieurement , c'eft un tempé-
rant : on en fait des fumigations mercurielles , très - utiles pour la
guérifon des maladies vénériennes : ces vapeurs pénètrent dans l'inté-
rieur par les pores cutanés , & produifent des effets femblables à ceux
du mercure adminiftré par friâion. Foye:^ les mots Mercure & Soufre»
CINANCHINE. Foyei Garance petite.
CINIPS ou CYNIPS. Nom d'un genre d'infeâes très - intéreffans
par leur forme & leur inftind. Le cynips , ce petit animal pourvu
des organes néceffaires à fa fubfiftance , à fes befoins , à fes plaifirs
& à la multiplication de fon" efpece , emploie beaucoup d'adrelfe & - 7 '
de précaution pour mettre en sûreté fa progéniture. On obferve que
fon rentre eft armé d'un aiguillon , dont le jeu admirable s'exécute
par une efpece de reffort caché dans l'intérieur du ventre. Tel eft
rinfirument dont le cynips fe fjrt pour percer l'épiderme de la feuille, ;.,-,./
ou pour pénétrer dans le corps des chenilles , à deffein d'y dép.ofer fesi';^ 2^- ;V
cEufs. La nature qui agit toujours en mère , veille à la. reprodudion
des êtres ; aufïi elle n'abandonne pas cette poftérité future , quifem-
ble avoir été jetée au hafard, L'œuf dépcic dans la nervure de la feuille ^
ipo CîN
occafîonne une extravafion desfucs végétaux. De-là nalfîeiit ces faufTes
petites pommes , Ces^galles & autres excroiflances de dilTérentes formes ,
dans'lèfqU^léSnl^-'vîét.ëtlos trouve la nourriture & le logement. Roulé
en ;bouie"t!àiiS'f(>ri' appartement étroit , obfcur , mais propre , com-
m6Qe'..^'^l-Val)ViF(fe riritempéfie de Tair & de tous les dangers, il n'a
dei^^^^énr^^/ogreriirqu'à la faveur des mamelons dont il eft pourvu
fut^*^^os -j^^:5qU''il: fait fortir ou rentrer à fa volonté. Eft-il parvenu
à fQ^jjâêrïyel'apcrpiiTement , il fe change en chryfalide , s'ouvre une
p'or-fe/j'3^i^^^rî ailes & prend fon eflbr. C'efl ainfi qu'il devient
>r ''Mm^^iit- d'im^^^Mlelément.
'^ ^jL • A Lé cynïps du fauta , pai" un inftind particulier, quitte fon logement
'■fv. ,,4^ va va rit de fe changer en chryfalide , fe cache dans la terre, & s'y file une
- /'CÔ-qn^ ferme, dans laquelle il fubit fa métamorphofe.
Les^cFlenilles , i-as pucerons font choifis quelquefois par les cynïps,'
,^{).pCjj être dépofit^^S'' de fes oeufs. Ce dépôt leur efl fatal. Lever,
- '. Ai^^ fortant de rcEuf^vit , comme la mouche ichneumone à antennes
" ;^--;^:l*^ibra!îi^es , auîf--aépens de fon hôte. Voyc^^ Ichmumon, Voici un trait
'V'^^.p^ï'àfite , plus extraordinaire encore. Il arrive fouvent que le ver
"dêM^ichneumon , qui dévore la chenille , eft , à fon tour , dévoré par
le. ver du cynips.
De ces fortes de mouches ou cynips, les uns fe changent en in«-
. fefîies ailés fous la peau de la chenille ou du puceron , & n'en fortent
que pour voler. D'autres quittent leur logement cadavéreux , & fe
cachent fous des feuilles pour fubir leur m.étamorphofe. Il y a dej
cynips qui , dans l'état de ver , c'eft-à-dire , de larves, ne fe donnent
aucun logement ; mais en revanche leurs chryfalides cachées fous leS
feuilles , &; fouvent en grand nombre , les unes à côté des autres <%
font couvertes d'une cuirafie qui les défend mieux de l'infulte. Devenus
habitans de l'air , ils ne vivent plus que pour s'accoupler & fatisfaire ,
^-■7 ijtî'yceu de la nature. La femelle fécondée va dépofer fes œufs aux
'% :. ên«rôits que fon inflind m.aternel lui indique... On obferve que dans
k ■%'.' Ï^^ïî3.ture tout eft au mieux poilible. Par ce qui précède , on voit
;--*^ •''/ N^-'^'igîfè^i^^iîP^^ cynips a été donné à un genre de mouches dont les
**>.^|' ^'^*^^*^$iiliâlon%;très-nombreufes ; & la plupart des infedes de ce genre
Ji(^ ^nt'idês .^(^^^^5 fort brillantes ; quelques -unes ont même un éclat
îrès-VÎfV ^^^'^^ibleati le difputer pour la beauté avec l'or^ les émerau-
^es ^ tels font l'^Wî'^V''' dpr-éj , le porte-or &' plufieurs autres. Quel^^ues
■V-tl
-'.i.-^
f
^^
C I P ipi
"efpeces dont les couleurs font plus obfcures , fe font remarquer par
la propriété qu'elles ont de fauter prefque aulîi vivement que les puces.
Le bedeguar , excroiffance que Ton remarqué,' fo lèvent fur les
rofiers fauvages , doit fon origine aux larves ■dë-^'cympSvÂ'A'oye;^;
Bedeguar. *' ^.«.,.. . . -; -, :, , .
Les mouches cynips différent des moucliis afch'^2iï^\^^tx,stzfi.Q^xp',
par la petitefle , par la -forme des antennes, qui font;TOi}d-->^A lyri-
ques , d'égale grolTeur dans toute leur longueur ,'i&Br1tew7Si\^1i^
dans leur milieu , oi^i elles forment un angle plus Q^i^^^i^a^iS^liiT^^Ious
avons dit qu'elles font armées d'un aiguillon -cii^îlfi^i^iiîfc'^
riere 5 garni de pointes fur les côtés , conlmé^ le ferbit un rep 'é^Ti''
flèche; ce qui a fait donner par quelques Naturaliftes, à ces*in<>à-T^
ches , le nom de mouches â tarière. Cet aiguillon eft remarquable''
par fa pofition ; il n'eft pas placé précifément à. l'extrémité. dû \ven- "
tre , comme dans plufieurs autres infedes ; .-fih;^ en deffous , é-ntj:e..
deux lames que forme le ventre de cet infe^^,Jia larve de cette; ■ .
mouche relfemble à un ver blanc , à tête brune &^cailleufe. .. '•n'/' -
CIPRES. VoyeT^ Cyprès. ■'■'"'■ >--<^^*^'
CIRCÉS.ou HERBE DE SAINT ETIENNE , c/rc^^ . Sa §P^' '
eft longue 5 rampante & noueufe ; fes tiges grêles, velues,. moellpUr
fes , t<. hautes d'un pied ; fes feuilles dentelées par leurs bords &
pyramydales; fes fleurs font en épis longs. A ces fleurs fuccèdent des
fruits pyriformes , hériffés & contenant des femences longuettes. Cette
plante croît dans les lieux ombrageux & humides: elle eft réfolutive
& vulnéraire. On l'a nommée Circée , ou Herbe des Magiciennes , de ce
qu'elle s'attache fortement aux habits , au point d'arrêter les hom-
mes , de même que la Circée de la fable les attiroit par fes enchan-
temens.
CIRE , cera. Matière tirée des végétaux , & élaborée dans le corps"
des abeilles. Nous avons dit au mot Abeilles, à l'article de la<i^/r
coite de la P repolis & de la Cire , la manière dont les abeilles en\j|)nt
la récolte ftir la pouffiere des étamines ; & au même mot , p.'';'^'^;^ -
nous avons expofé les ufaçes de la cire dans les Arts & dari*^!^ :Mîé-. > r'. -aç;-"*'^* '
decine. On fait que la chaleur qui règne dans les rucUeev^keV^ej;-^^^ " x*^^*^
cire, la fait iaunir. Il nous refte à dire que l'art de ra^^l^eVlï^^fcite^v-.'i'CjL '
a Ion premier état de blancheur , confifte à la dif]!>oT^{.dp.' manière-
qu'elle foit prefc^ue toute en furface , afin que;'l%«|^v"côliibince da-
m.
^
A.
r--
î^2 C î R
lalr, & du folell , diillpe le parties étrangères qui la coloroient. îî y
a des cires qui font plus difficiles à blanchir : on ne peut fur - tout
parvenir à blanchir celles des pays de vignoble,
La cire eft devenue d'une fi grande néceffité pour les Arts & les
befoins«djg la vie domeftique, qu'il s'en faut de beaucoup que l'Europô
même enîpuifl'e fournir affez pour notre confommation. Nous en ti-
rons d0> Barbarie , de Smyrne , de Conftanîinople , d'Alexandrie , des
Iles de l'Archipel , & fur-tout des pays du Nord , où les mouches à
niieT;font multipliées. On eftime la confommation quife fait en France
de cif#^^angere ;, à plus d'un million de livres pefant. Ces confidé-
ratioris' ne doîvent-elles pas engager à chercher les moyens de multi-
plier les mouches à miel dans pluneurs de nos Provinces , où es
n'eft point la matière première qui nous manque , mais feulement les
ouvriers nécefiaires pour la mettre en œuvre.
'' On peut voir au mot Arbre de Cire], ce que nous avons dit de
la cire de la Louijpinc', & de la cire de la Chine.
CIRÏ-APO A. 'Cancre qui fe trouve dans le fond des eaux filées
^*^liu Bréfil. C'ell; le xirica de Cayenne ; fy. chair efl d'un fort bon goût.
''^^^.!>^ojq Cerique.
/^'.^''•GIRÎES. Foyei Arbre de Cire.
■ ■y^c^^-^^-^'^ 5 ^carus. Genre d'ijnfeâie aptère , fans ailes , ordinairement
jrcTl||)etit 5 qui a un corps rond , deux yeux , huit pieds , & les
■y lamtjjés compofées de huit articles , la tête pointue. On compte vingt-
^ huir à trente efpeces de cirons: nous rapporterons ici les plus coni:-
jnunes , à commencer par celui qui s'iniinue entre l'épiderme & la
peau de l'homme.
Le ciron efc à peine de la grofieur d'une lente , efpece de vermine
qui croît dans les cheveux : fa figure eft ronde, diScile à difi;inguer,
tant elle eft petite , même avec le fecours du microfcope. Son corps
ïV^'l'- jnfécable en apparence , efl cependant partagé en douze anneaux ,
^.' dorit le premier contient la t.éte ; il s'en fert pour ronger feulement
^*v"4 ^ les fùbfcances animales, car les cirons qui vivent de fubfiances vé-
tjles.,. font, différens , ainfi que ceux de plufieurs autres efpeces.
'^'^''ik ^'^-^i^- ■^^Si^''^^ ^^^ s'attachent à dsîs infedles , d'autres à des oifeaux , ôc
'■^iL}^'^ .-"•' ' -fl*artfe%a^4^.quadrupedes. Celui dont nous parlons , ne parcît s'attacher
^ ■ ■ qiF^^l AOip_^^^>ç>g le trouve queiqucrois ûans les puitules de la gale ^
dans cçlîes^ît-fiànt occan années par la petite vérole , & a la fuite
Se longues maladies-, ou dans les dents carîëes ; îl caufe des déman-
geaifoiis très-incommodes ; c'eft au moyen de Tes pieds de devant qu'il
fait des fiHons fous la peau , comme les taupes en font dans la tçrre ;
il naît non feulement aux pieds, mais encore aux mains. Seloti 3"^^^^-
merdam , il fort tout parfait de fon œuf; il fait naître des ^elfies jdatis
les endroits où il fe trouve, & fuit les rides de la peau'; tantôt il
fe repofe , tantôt il ne femble travailler que pour caufer des'déman-
geaifons avec prurit. On peut en retirer ces infedes avec une pointe
d'aiguille. Alors ils refient imm.obiles : en les réchauffant avec-l'haloine ,
lis reprennent leur adivité & courent très-vite. Ils. feJpgçrtfàûlTi dans
les vêtemens des galeux, dont on doit s'interdire toute communica-
tion. Il n'y a que les odeurs fortes & pénétrantes qui détruifent cet
incommode infeéle ; heureufement qu'il n'eft pas fi dangereux que la
chique des Antilles, Voyez ce mot. .*--"• ,'
Une autre efpece fe trouve dans les vieux paniers d'bfier & les
boulins des colombiers ; fes pieds font au nombre -de huit; il marche «^
a reculons & fe nourrit de vermines qui fe rencontrent dans les. vieux- *t^^
bois; mais cet infede n'eft point du genre du ciron , .dont irdiifsf^^-
par la forme finguliere de fes antennes, qui font fort grandes r^jati^' ' "
vement au refte du corps, & qui, comme le dit M. Ddeure^'okt
la forme des pinces du fcorpion. Les inieéles fuivans font des eîg^ès
de cirons : celui des jardins va en troupes , il eft beaucoup pluçâ^gros
que celui des oifeaux , & notamment que celui du pinçon , dofnt m,x-
Géir a parlé dans les Aftes de Stockholm ; ce dernier eft fi petit qu'on
ne peut le voir fans une loupe : le ciron des moutons varie, pour la
couleur , & gâte beaucoup leur laine. Celui des boeufs & des\.chiens
eft ovale, blanchâtre, & orné d'une tache noire : celui de la vieille
farine & du fromage eft affez femblable à celui qui fe trouve dans la
peau de l'homme, mais il eft un peu plus grand: celui des fcarabées
èc des vers à foie , réfide fous la poitrine ou entre les cuilfes de : ces
infedes : il eft de couleur roulfe , & m.arche très- vite. Celui d^s aigres
eft très-commun; il ne court pasmoms vite. ■' -
CIRQUINÇON ou CIRQUINSSON. Ceft le tatou à,.(Jix-f^,
^t9^
bandes. Voye^ à Vartick Armadille. ■ ^- -^ ''^''\iW^^^^^''^t-.:i^^
CISITE , cijlus. Le cifte eft un joli arbrifîeau doht;i1^^i"^fi^3^; -, ^'^V.sv4>r '
«fpec^squi diiferent par la forme de leurs feuilles^ jïÇ^|^''ai4i-rifeaLfx • ; '
çroiffent naturellement en Provence j en EfpagnéV"'ï%,îtalie' & dans
Toma II, . ..„ : - ■ B b
,j*-
r
ijP4 C T S
les lies de l'Archipel. On peut les élever ici dans les bofquets prin-
taniers ; ils font un très-bel effet par leurs fleurs y affez femblables
aux rofes , auxquelles fuccedent des capfules qui contiennent de petites
femences rondes. La frudification eft eflentiellement la même que celle
de ÏUlianthcme , & on les range , dit M. DcUu^t , fous un même genre
qui comprend plufieurs autres efpeces. Les ciftes confervent leur
verdure pendant l'hiver , & les moins délicats peuvent être mis dans
les bofquets de cette faifon. Ceft fur le cifte qui croît en Cypre , en
Candie , en Grèce & en Italie que l'on recueille le ladanum , fubltance
xéfîneufe que Ton. vend dans les boutiques fous le nom de labdanum
& de lod&n des Arabes ; aulli a - 1 - on donné à ce petit arbriffeau le
nom de àjtus hdon ou cifius ladanïjcra Crcùca,
Tournefort nous a appris dans fon voyage du Levant la manière
dont on fait préfentement la récolte du ladanum, fubftance qui étoit
très-précieufe du temps de Pline , de Dlofcoridc , de Thcophrafîc & de
Bclon. Les Moines Grecs , les Caloyers & même certains Payfans , fe
tranfportent pendant la plus grande ardeur de la canicule fur les
montagnes qui font auprès de la Canée , autrefois le fameux Cydon ,'
Capitale de l'île de Crète , fur les montagnes de l'île de Candie, entre
autres au pied du Mont Ida, & autres îles de l'Archipel. Pour faire
' c^tte récolte , ils font armés de fouets formés d'un grand nombre de
lanières de cuir en forme de frange attachées au bout d'une perche. Ils
les paflent & repaflent fur les ciftes ; la matière réfineufe qui tranfpire
alors de tous les pores de la plante , s'attache à ces cuirs , dont ils la
détachent en les grattant. On eftime qu'un homme en peut recueillir
deux livres par jour : cette fubftance réfineufe eft le labdanum pur ;
.alors elle eft en maffe , molle, gluante, inflammable, d'un gris noi-
râtre , d'une odeur agréable & d'un goût acre , balfamique : on nous
l'envoie dans des peaux ou veiîies : c'eft la meilleure. Dans le commerce,
il s'en trouve d'une autre forte en pains tortillés , durs , fragiles ,
s'amolliffant cependant à la chaleur; d'une odeur foible , mélangé avec
du fable noir ferrugineux très-fin , & avec des réfines odorantes , à
Bon marché , qu'on a fait fondre enfemble : c'eft celui - là que Ton
noimxïQ labdanum in tortis , & qu'on fubftitue fi communément au vrai
• labdanum^'h^ -
Autrefois bn recueilloit le labdanum en peignant la barbe & les poils
des jambe| des jjhevres qui av oient brouté le cifte , Se auxquels cettQ
C ï s i^^
matière graiïe étoît adhérente par fa vifcofîté ; & comme II y reftoit
toujours quelques brins de poil , les Marchands nommoient alors cette
réfine labdanum en barbe.
Le labdanum , appliqué extérieurement , eft réfolutif ; intérieurement , il
eft aftringent. Les Dames Grecques & Circallîennes portent fouvent à la
main des boules de labdanum mêlé avec de l'ambre & du maftic en larmes ,
& s'en fervent pour les flairer, c efl; un parfum agréable. Ces boules de lab-
danum font utiles contre l'air peftilentiel; en Turquie on fait entrer le lab-
danum dans la compofition des talifmans foporifiques ufités dans les Ser-
rails Mufulmans & Tartares, moins pour fe rendre propice le Dieu Mor-
phée,que pour caufer une forte de léthargie ou d'engourdiifement aux
veftales à qui on ne veut pas décerner les honneurs du mouchoir ; on fait
que ce refus leur cauferoit un grand chagrin. Les Parfumeurs préparent
une huile odorante de labdanum : on le fait entrer dans la compofition
des paftilles. EnEfpagne, où cet arbriffeau croît ,auffi, les Payfans
en retirent par ébuUition cette fubftance réfineufe , mais qui eft . la
moins eftimée de toutes.
Il s'attache aux racines des ciftes une plante parafite affez femblable
à la joubarbe ou à Xorobanche , auflî l'a-t-on nommée hypoclfle. Cette
plante s'élève à trois ou quatre pouces de hauteur; fa tige eft charnue^.
de couleur jaunâtre , d'un goût aftringent , couverte de peti|^s
écailles épailfes. Les fleurs qui naiffent à l'extrémité des -brancfies
reîTemblent au calice de la fleur du grenadier ; de fon milieu s'élève
un piftil terminé par un globule cannelé , dont les globules en s'ouvrant
jettent une poufliere très -fine ; ainfi cette partie tient lieu de piftil,
d'étamines & de fommets. A la fleur fuccede un fruit mou, plein d'un
fuc vifqueux, gluant, limpide , fade , & rempli de graines fines comme
dé la poufliere. Ce globule cannelé refte toujours attaché à ce fruit
qui eft fphérique. C'eft le fuc de ce fruit , qui après avoir été exprimé
& féché au foleil , jufqu'à confiftance d'extrait , donne ce fuc noir ,
d'un goût auft ère , qu'on nous apporte de Provence , de Languedoc,
des pays Orientaux , & qui eft counu fous le nom à^hipocijle. Ce fuc
a les vertus de ï acacia , c'eft un puifiant aftringent.
CÎSTELE, c'ijlela. Le caradere de ce genre d'infeéles , ainfi nommé
par M. Geoffroy , confifte dans la forme de fes antennes^ qui vont
en groifilTant de la bafe à l'extrémité, & dont les articles', birâimeaux ,
an approchant de cette extrémité , deviennent de plus çii pl-u^s,perfoliés,
B'b 2
-:^^t
if^ C I T
ou comporès de lames applaties^ tranrverfes & percées ouenGîées paf
leur milieu : une autre partie de fon caraâere efl: tirée de la forme
de fon corfelet fans rebord èc conique; on ne connoît rien fur l'hiftoire
de ce genre ; c'eft un fujet d'obfervations : on fait feulement que ce
petit inréi^e. retire fa tête fous fon corfelet comm.e la vAi//^//^., Voyez
ce. mot.
CITERNE. Nom donné à un réfervoir fouterrain prépare quelque-
fois par la nature , mais plus fouvent conftruit par l'art , où l'eau de
pluie deftinée pour les divers befoins de la vie va fe retirer. On ne
peut fe palTer Mg -citernes dans plufieurs pays maritimes, &: dans
quantité d'endroits de l'Afie , & d'autres parties du monde. Comme
l'eau de toute la Hollande efl: faumache , quantité de maifons ont des
citernes conftruites avec un foin , un goût & une propreté admirables»
Mais la plus belle citerne connue , fe trouve à Conftantinople. Les
voûtes de ce réfervoir portent fur deux rangs de deux cent douze
piliers chacun ; ces piliers , qui ont deux pieds de diamètre , font
plantés circulairement, & en rayons qui tendent à celui qui efl au
centre.
L'eau de citerne efl ordinairement une des meilleures de celles dont
on peut ufer , foit pour boire , foit pour le blanchiiTage , foit pour
les teintures , parce qu'elle n efl que peu ou point empreinte de
parties terreufes comme les autres eaux. Voyez les m.oyens que M. de
la Hir& donne pour pratiquer en tout pays des citernes, &c. Mém,
de r Acad^ des Scienc. 1705.
CITLÏ, eft le même animal que. le taped on tapit'u Koyc:^c«.
dernier mot,
CITRINELLE ou TARIN. Foyei ce mot,
CITRONNELLE. Foye^au mot Mélisse & l'article Aurone, Ofl
donne aufTi dans quelques endroits , le nom de citronnelle au fyringa^
CITRONNIER, àtreum vulgare, CqH un petit arbre toujours vert 3
/ . ' & qui ne devient que médiocrement haut dans nos jardins; fa racine
.efl branchue , & s'étend en tout fens, Ugneufe, couverte d'une écorce
^une en dehors, blanche en dedans. Le bois du tronc de cet arbre
V^ ^eflblanc & dur, fon écorce efl d'un vert pâle , fes branches ou rameaux
"">"*.^K)nt nomQjceux , longs, fort pliants , revêtus d'une é.corce unie &
verte. -Ses Feuilles font fïmples , fans talon , longues, larges, reffem-
^lant.es.'àvcèllek. du laurier 3 mais plus charnues , dentelées eu leurs:-
Cil* 1^7
bords , d'une belle Couleur verte , luifante , d'une odeur forte &
contenant beaucoup d'huile. Sa Heur naît au fommet des rameaux ^
où elle forme un bouquet; elle eft en rofe à cinq feuilles, difpofées
en rond , de couleur blanche purpurine, d'une odeur agréable , dou-
ceâtre , elle eft foutenue par un calice rond & dur.
A cette fleur , fuccede un fruit oblong ou ovale , quelquefois
fphérique, gros ordinairement comme une poire de moyenne grofleury
couvert d'une écorce raboteufe & inégale , charnue, épaifïe, d'abord
verdâtre, enfuite citrine , d'une odeur très - agréable & ,d'-un goût
aromatique piquant. La chair en eft épailTe , cartitegineufe , d'une
acidité agréable & légèrement odorante, partagée intérieurement en
plufieurs loges , pleines d'un fuc acide contenu dans des véficules
mémbraneufes : chaque fruit contient quelquefois plus de cent cin-
quante graines renfermées dans la moelle véficulaire ; elles font
oblongues , pointues de deux côtés, renfermant une amande blanchâtre
un peu amere ; quelques-uns de ces fruits pefent quatre , fix & neuf
livres , & quelquefois beaucoup plus.
On voit fouvent le printemps confondu agréablement avec l'automne
fur cet arbre , qui eft chargé de fleurs & de fruits , dont les uns
tombent par maturité , tandis que les autres commencent à mûrir,-
& que d'autres mém^e ne commencent qu'à paroître , mais l'automne eft
le temps où l'on en recueille davantage. On cultive cet arbre dans
les pays chauds , en Italie , en Provence , en Languedoc & en;
Portugal.
Il paroît par le Traité ^Ebembltar (de l'an 1187 )-, traduit de
l'Arabe en Latin , &c. que le citronnier a été apporté d'abord de^
l'Aflyrie & de la Médie en Grèce , & de là dans les Provinces méri-
dionales de l'Europe : c'eft pourquoi fes fruits font appelles en latin
niaLi medica , mala ajjyria : on les appelle citrons en François. (lî
eft bon d'obfervcr que ce qu'on appelle communément cZ/ro/z à Paris,
eft le limon de toutes les Provinces de la France , de tous les pays
de l'Europe , & des Botaniftes , tant anciens que modernes) Les
Romains appeîioient aufli les citrons mnlum medicum , foit à caufe ,
qu'ils venoient delà Médie, foit à caufe de leur vertu médieinale ; '>^^'-'
car ces fruits étoient en grande réputation chez les Aneiens-Til parqit-;'-"
même , par le fécond livre des Géorgiques , qu'on s'ea^fbfvoit- çôntre-
les prétendus enchantemens>-
\: :
,Ti?8 CîT
On cultive auflî le citronnier à la Chine , aux Indes Orientales &
Occidentales; mais dans les pays du Nord il donne des fruits bien
inférieurs à ceux des climats chauds. Les Botaniftes en diftinguent dix
efpeces principales , quoiqu'ils n'ignorent pas que les Jardiniers de
Genesv qui en eft la grande pépinière pour l'Europe , font il curieux
d'étenûre..;çette variété , qu'ils l'augmentent tous les jours, L'efpece
de citronnier la plus eftimée eft celle de Florence , dont chaque citron
fe vend à Florence même cinquante fous de notre monnoie : on. en
envoie en préfent dans les différentes Cours de l'Europe. Cette efpece
particulière ne peut venir dans fa perfection que dans la plaine qui
eft entre Pife & Livourne ; & quoiqu'on ait tranfporté ces fortes de'
citronniers du lieu m.ême en divers autres endroits choifis d'Italie, ils
perdent toujours infiniment de cet aromate , de cette finefl'e de goût
que leur donne le terroir de cette plaine.
On ne mangeoit point encore de citron du temps de Pline , Tufage
en commença du temps de Galien & d'Apicius ; celui - ci nous a
confervé la manière dont on l'accommodoit.
Aujourd'hui toutes les parties du citron, l'écorce, tant intérieure
qu'extérieure , la chair , la pulpe ou le fuc , & les graines font d'un
excellent ufage dans nos aîimens & en médicamens : on fert les citrons
fur les tables pour aflaifonner les viandes de leur fuc : coupés par
tranches & mêlés avec du fucre , ils procurent bonne bouche , appaifent
la foif 5 réveillent l'appétit & aident la digeftion. Le citron eft alexi-
pharmaque, & fon fuc eft anti-fcorbutique. Tel eft le témoignage
des Hoilandois , qui, au retour des longs voyages qu'ils font fur mer
dans les Contrées éloignées , font guéris auffi-tôt qu'ils peuvent aborder
en Portugal , & avoir des citrons ou des oranges. On tire le fel eftentiel
du citron en faifant évaporer fon fuc jufqu'à confiftance de firop clair.
Ce fuc fimplement exprimé du citron , eft acide par excellence ; on
en fait de la limonade avec de l'eau & du fucre ; ce breuvage faélice
eft devenu tellement à la mode , qu'il a eu Thonneur de donner fon
nom en 1673 à une Communauté de la Ville de Paris. La limonade
h l'afigloife , celle dont onconfomme une fi grande quantité dans les îles
,- de l'Améi-iqye, eft compofée de vin de Canarie, de jus de limon , de fucre,
.de girofid", de cannelle & d'un peu d'eflence d'ambre ; c'eft une boiffbn
dçliciejjife. L^ar limonade fimple eft non - feulement une boifTon très-
agréable ^prQpre 'à rafraîchir & défaîtérer dans l'état de ûinté, m.ais.
V '^
C I T i5>P
feîon M. Bourgeois, elle eft aufii très-utlîe dans toutes les efpeces de
fièvres, fur-tout dans les putrides, bilieufes & malignes : elle calme
reffervefcence du fang, elle prévient & corrige fa trop grande dijTolution;
elle détruit les levains putrides & bilieux , tant dans les premières que
les fécondes voies ; elle foutient les forces des malades, & éteint la
foif brûlante qui les tourmente. Le fuc de citron dans lequel on fait
difToudre le fel d'abfinthe , eft un fpécifique des plus affurés pour calmei:
les vomiflemens, fur -tout s'ils ont pour caufe une bile acre qui regorge
dans le duodénum & dans l'eftomac ; on en prend deux cueillei;ées,à café
toutes les demi- heures.
L'écorce du citron eft compofée d'une infinité de véficules remplies
d'une huile eifentielle; elle eft fort odorante & aromatique, ce qui la
rend vermifuge & cordiale : on la confit avec le fucre, & on la fert au
deffert avec les autres confitures. Des perfonnes font une liqueur de
citron ou eau de citronnelle , fort agréable au goût avec les zeftes ou
l'écorce jaune du citron frottés contre un morceau de fucre, l'eau-de-vie
& le firop de fucre : cette liqueur ou efpece de ponche eft d'un parfum
doux & gracieux. On tire de l'écorce l'huile effentielle , foit par la
diftillation , ou en l'exprimant entre les doigts fur une glace ou dans
un entonnoir de verre : l'eau fans pareille , ce fluide aromatique fî
connu, n'eft autre chofe que de l'efprit de vin chargé d'une petite
quantité d'huile efientielle de citron , que l'on diffout goutte à goutte
& en tâtonnant , jufqu'à ce qu'on ait atteint au degré de parfum le
plus agréable. On fait un firop avec le fuc de citron & le fucre , qui
eft fort agréable & falutaire auffi pour appaifer le bouillonnement du
fang. Avec la pulpe ou la moelle acide du citron, on fait une conferve
antifcorbutique : les graines font vermifuges. Dans le temps des
maladies épidémiques , on larde en tout fens un citron de clous de
girofle , & on le porte dans fa poche pour le fentir fouvent, afin de
fe garantir de la contagion.
II y a, dit -on , des citrons qui font en même temps oranges 3
c'eft-à-dire , que certain nombre de côtes diflerentes , ou plutôt de coins
folides continués jufqu'à l'axe du fruit , font d'orange & les autres.de
citron. Eft-ce un effet de l'art, ou font-ce des efpeces particulière?^ '
ou plutôt ce fait ne doit-il pas être compté au nombre âiQs Tables ?
Il eft parlé dans les Ephémérides d'Allemagne de citrons- mon ft-rueux
en forme de mains : on lit aulli dans les Lettres Édifiantes ,À,. tome 20,
y
2 0 0 fc î T
.pc.^ù jp/ , que le Vqvq f^^EntruolUs nous a envoyé de la Chine la
■ i]gure d*un. citron" nomme main di Dïm par les Chinois & dont ils
: font t, grand. cas "pour fa ..beauté & pour fon odeur. Ce fruit eft tel
parafa forrng j qu'on croit voir les doigts d'une main qui fe ferme.
Cette f^5^è5.viendroit-elle des caufes particulières qui auroient changé
■', fon^efjiÇ^.èf? Voici une autre fingularité bien plus étrange , dont par-
»V lent (Quelques Auteurs; c'eft d'un citron renfermé dans un autre, citrum
» > i/î'^/Vo'yNousty-avùns vu auflî une noix contenue dans une autre, &
\un ^ùf r^f^r^ié dans un autre ; mais pour expliquer la caufe de ce
. ^r dacisi^^itronnier , il ne fuflît pas de dire que deux boutons,
/ ^^Jnàiffafit'' d'une même qiieue, fort près l'un de l'autre , les chairs fe
\^Y' 'confondent à caufe deleur trop grande proximité : ceci ne produiroit
qu'un fruit double ou jumeau & accouplé.
• Il y a une autre efpece de citron qu'on appelle citron doux ; fon
^oût eft allez fade ; on ne l'eftime guère , fî ce n'eft par fa beauté :
..'•" car il eft ordinairement plus gros que le citron commun.
L'eiTence du cédra ou bergamote , fi odorante , fi eftimée dans
nos parfums , eft tirée d'une efpece de citron d'Italie , nommé ber-
gamote , dont on dit que l'origine vient de ce qu'un Italien de Ber-
game s'avifa d'enter une branche de citronnier far le tronc d'un poi-
rier bergamote; les citrorîs adultérins qui font provenus, tiennent du
.citronnier & du poirier. L'inventeur fit un fecret de cette découverte
pendant long-temps , & en fut enrichi. La bergamote eft une orange
rouge en forme de poire , bien différente du cédra. Cette origine du
citron bergamote ne paroît pas encore vraifemblable ; car les greffes en
général ne peuvent réuilir que lorfqu'il y a un rapport immédiat pour
• Je mouvement de la fève , & entre les arbres que l'on greffe fun
fur l'autre : il fe préfente ici des caractères efl'entiels bien difî'érens
entre ces deux eipeces d'arbres , l'un reftant toujours vert , 6»: l'autre
_^>;, _:. perdant fes feuilles pendant Thiver.
■'"*'**- On fait de ces fruits une confiture liquide , & une confiture feche ;
-ils font entiers dans la liquide, & par quartiers dans la feche. C'eft
;^eç- l'écorce fuave du citron-bergamote qu'on garnit l'intérieur des
' bo.î^^âpp^eUées bonbonnières.
' DCs'pl^rfo.nnes , pour tirer l'effence de cédra, en preffent les zeftes
ou ^<sij[)rce5J"i^,î!^s extérieures dans un vaiiTeau de verre dont l'orifice
eft'Jét-reis^^cet.tç 'mst^uvre eft longue ; l'huile ^flentielk en eft à la vérité
'■^ '" r- ■ plus
C ï T 2 0 1
plus éthérée , plus odorante ; mais l'on procède Gommuném^ent par
voie de diftillation , pour tirer cette huile, efj^ntiôlle» Ueau _(ie cédra
entre dans la compofition de celle des Barbades. Il nous refte à pajler
du bois de citronnier des Anciens , qui étoit très-fare &" très-eftimé à
Rome: c'étoit ou la grandeur des meubles qu'on en faifol^'j> ou la
beauté des ondes & des nœuds qui le rendoient fi précieux. Qn^pfétend '
qu'on y fubfiituoit quelquefois le bois de cèdre. Aujourd'hui ce quel'on '^
entend par bois de citron , eft le bois de rofc de lu Qjiianc'^Y'ejQi.
■V
ce mot. , i „;,•. .. .i:,
"?
"^\A\^^'- .
CITRON DE TERRE. Foye^ à V article ^iAZAs. j52^'. -r^- -V-
CITRONNELLE. Voye^ à l'article Av^ON^'^^^''^' ' "^'v. V
CITROUILLE ou PASTEQUE, citrullus. Ceft une plante po-
tagère & cucurbitacée quel'on cultive dans les jardins: on la regarde
comme une efpece d'anguria. Ses racines font menues & chevelues ;
elle répand fur terre des farmens fragiles , rampans., velus, garnis de
grandes feuilles, découpées profondément en plufieurs lanières , rudes
& hérilTées. Il fort des ailTelles des feuilles , des vrilles & des pédi-
cules qui portent des fleurs jaunes en cloche, auxquelles fuccedent des
fruits ronds , charnus , couverts d'une écorce afiez dure, mais unie &:
lille, d'un vert foncé & tacheté de blanc , enfuite jaunâtre. Ce fruit
eft fi gros , que fouvent un homme ne peut l'embrafler. La chair de
la citrouille ordinaire eft d'un blanc rougeâtre, ôcd'un faveur douce ,
agréable. Sa graine eft une amande blanche , agréable au goût , &
contenue dans une fubftance fongueufe , qui eft au milieu du fruit :
cette femence eft mife au nombre des quatre grandes femences froi-
des , qui font celles du concombre , du melon , de la courge & de la <
citrouille. Voyez chacun de ces mots. La citrouille croît fans culture
dans les pays chauds de l'Europe. On la feme dans le Nord , & elle
y porte du fruit ; mais il n'arrive jamais à une parfaite maturité. Les
jardins d'Egypte font remplis de citrouilles , qui varient beaucoup &v'" '5 '
différent les unes des autres: mais il n'y a point d'endroits où la ci- --*^"'' '
trouille profite mieux qu'au Brefil, & où fa pulpe foit plus douce ".'.
& plus fucculente. , -l::/*'*^^
On appelle à Paris citrouille , le pepo ohlongus , qui eft \n\e,'i?Mt?e -s'^'-
plante cucurbitacée & fort différente de celle qu'on \\Qni^^é'^(zûre^* .
Ses tiges également farmenteufes , s'attachent aux pl|i^ç^ ^vpjfiaes '
ou à des bâtons, Se? feuilles font amples , découpées coiiijû§^c|lfes
Tome IL •£ c—^ ''
202 C I V
du figuier , attachées à des queues longues & un peu éplneufes. Ses
fleurs font en clocha, lamigineufes & fafranées , un peu odorantes.
Aux fleurs qui ibn,t nouées v/uccedent des fruits grands comme ceux
du potiron 5 "tantôt longs & pyr^imidaux , tantôt ronds, mais tou-
jours, charnus , boflelés , couverts d'une écorce dure , ligneufe , d'un
. vertrn<Hra-tr<j>- tacheté. La chair en efl: tendre : ils font creux inté-
\.''irS^ûtiff{Qnt:f/èpmme partagés en trois quartiers. On trouve les femen-
'^T46esvïianîlâî^ij^:fpongieufe , comme dans toutes les plantes cucur-
. ' ' bitaeéesf, ;v'w>""' :•,
•/ >;. Les ;^i!if)^t^&sut]^^.ie. multiplient que de graine : on la recueille
Jorfqu'qh côti|!>'è4e i^«it,pour s'en fervir ; on la trempe dans l'eau
.,/ savant de la femer, pour faire avancer 4e germe. La citrouille fert à
: faire des potages, des fricalTées , même du pain , des beignets , ôc
des remèdes rafraîchiffans èc tempérans. Les femences font apéritives i
^.yf / ^é dn en tire par expreflîon une huile propre à corriger les vices de la
-•''*>* ^» peau & à l'amollir.
' ,~'y-'"^ CIVADE. Nom donné à une efpece de petite fquille qui n'a point
"';•.;»;. ...de cornes au front. Se dont la chair efl: fade.
' ■ t' CIVE ou CIVETTE , cepafcclUls. Plante potagère , dont les fleurs
purpurines font ramaflees en petits paquets : elle produit beaucoup
'" de feuilles qui font comme de petites brindilles bafles,que Ton coupe
à fleur de terre , & dont on fait des fournitures de falades. On dif-
îingue trois efpeces de cive ; la cive de Portugal , la grojfe cive d"* An-
gleterre , & la petite que l'on nomme civette ou ciboulette : elles ne
différent que par la grofleur de leurs feuilles. La racine de la cive
eft un aflemblage de petites bulbes , comme l'échalote : quelques-uns
appellent la civette , appétit , parce qu elle eft d'un goût plus fin que
l'oignon commun. On fait avec la civette des bordures dans les po-
tagers. L'ufage efl: de la multiplier par les petits rejetons de fon
pied. Une culture ordinaire , une bonne terre , efl: tout ce qu'il.
lui faut.
CIVETTE & ZIBET , anirnal ^iheihicum, La plupart des Natu-
'raliftes ont cru qu'il n'y avoit qu'une efpece d'animal qui fournît le
parlj^m qu'on appelle civette. Nous avons vu , ainli que M. de Buffon ,.
' . \;. deux- Q^|:es animaux qui fe reflemblent à la vérité , par les rapports
^^éÇepti^ls "de la conformation , tant à l'intérieur qu'à l'extérieur;, mais
qui^spendant différent l'un de l'autre par un afiez grand nombre-
«ft' >
C î V S.OS
d'autres caraderes , pour qu'on puifîe les regarder comme faifanî deu:c
efpeces réellement diftérentes.
L'animal que nous appelions ici civette ^ cïk originaire d'Afrique ,
& fe nomme kajlor dans la Guinée. Le ^ibat efl vraifémblabîement
îa civette de l'Afie , des Indes Orientales & de rArabiev;il>:difFejL',e
de la civette en ce qu'il a le corps plusalongé , le muf^au iplMs de-
lié, îa queue plus longue & mieux marquée de tache? "i^ li'anjrîeaux ,
le poil plus court , plus mollet , point de crinière j^x^Mi^-dire y :-c
poil plus long que les autres fur le cou , ni le ^■ton^'^î&jl^'^mç,- du •
dos ; point de noir au-deflbus des yeux , ni far^&jj|&^(^'^aSere^
particuliers & très-remarquables dans la civettèC^. W^*^^^* '■'' ".-.^^
Le zibet paroit être à M. de Buffon le même'anim.al que celui qui/-,.,
a été décrit par M. de la Peyronie, fous le nom i^ animal dumufc , dans:
les Mémoires de l'Académie. Les différences qu'il y a obfervées , étoient
fî légères, qu'elles pourroient bien n'être que des variétés accidentèjr-.^ v 7^.^
les, auxquelles les civettes doivent être plus fujettes que les autres j^;^
animaux fauvages , puifqu'on les élevé & qu'on les nourrit comme
des animaux domefliques , dans plufieurs endroits du Levant & des^^ .
Indes. 1'
On appelle ces animaux chats miifqués ou chats civettes ,felis ^ihethina',
ils n'ont cependant rien de commun avec le chat , que l'agilité du
corps ; ils reflemblent plutôt au renard , fur- tout par la tête. Ils
ont la robe marquée de bandes & de taches ; ce qui les fait reifembier
de loin à de petites panthères , dont ils différent à tous autres égards.
Ils ont quelque refîemblance avec la genette , qui, comme la civette,
porte un fac dans lequel fe filtre une humeur odorante , mais dont le
parfum eft très-foible & de peu de durée : au contraire , celui des
civettes efl très-fort ; celui du zibet efl encore plus violent. A la fin
de cet article nous parlerons de la genette , afin de faire mieux con-
noître ces animaux qui ont un fi grand rapport , en les préfentant ,
fuivant notre plan ordinaire, fous un même tableau.
La civette & le ^ibet font deux animaux propres aux climats chauds
de l'ancien continent. Ceux que l'on trouve en Amérique , y ont -.ét^ .
tranfportés ; car ces animaux, fenfibles au froid, n'ont pu pafl^-d'un
continent à un autre , par les terres du Nord. Comme les^jcii.ofes que ,/ , '
nous avons à dire de ces animaux leur font communes, ou 'du mpins •
<iu'il feroit difficile de les appliquer à l'un plutôt qu'à faut rû,,^ nous
-Gc'-a
>
204 "civ
ne les défignerorts pluf j^réfentement que fous le nom général dé
civette,
A rextérieur ,■ la civette .niâle ne fe peut diftinguer de la civette
femelle. EHè^ônt tellement fëmblables par tout ce qui fe voit au
dehors ,^ qu'il n'y a même aucune 'apparence de diftindion de fexe*
.■ . Le mâle a leyparties qui ,lui font propres , cachées & renfermées
fu>,deda1is. 'Lè''^ vafe ou le réceptacle de la liqueur odorante , dont
ouV^tu;'£..âvfe>ijrété prife par les Anciens pour la marque du fexe
■;^de Ifi^lieUc^ft tout-à-fait pareil dans les deux fexes.
Qettê^'ii^rèat qu'on nomme civette , fe trouve dans une poche ou fac
4^. , placé au-deÇous de l'anus & entre les parties propres au fexe de chacun
. ^ de ces animaux"., -..Cette poche a une ouverture de deux pouces ou
environ ; fa capacité eft aflfez grande pour contenir un petit œuf de
poule. La liqueur qu'on y trouve eft une humeur de la confiftance
^ de pommade , & dont le parfum , quoique fort, eft très-agréable au
■ " . '> fortir même du corps de l'animaL II ne faut pas confondre cette ma-
w'^\ tiere des civettes avec le mufc , qui eft une humeur fanguinolente
que l'on retire d'une efpece de chevreuil fans bois , ou de chèvre fans
'■,^^; Cfernes , qui n'a rien de commun avec les civettes , que de fournir
^;.>c^mme elles un parfum violent.
>.> Lorfqu'on vient à rechercher s'il n'y a point de conduits particuliers
dans la civette qui apportent cette liqueur odorante , on ne découvre
que des rameaux qui pafTent des veines & des artères hypogaftriques
dans les deux facs qui font la grande poche. Ce phénomène s'exécute
donc par le feul moyen des glandes qui font renfermées dans les facs
du réceptacle de la civette , lefquelles ont la faculté de prendre dans
les artères ce qui eft propre à être converti en liqueur odorante ; de
même que les glandes des mamelles s'imbibent de la matière qu'elles
trouvent dans le fang, propre à recevoir le caradere du lait. Les
vaiifeaux qui vont au fac du réceptacle font fort gros dans le mâle, mais
à peine les peut - on appercevoir dans la femelle : aulîî la civette du
' . ,niâle a une odeur plus forte & plus agréable que celle de la femelle.
' ''^Gmme la nature ne fait rien en vain , cette liqueur odorante eft
,- fan^N'ogatç pour ces animaux de quelque ufage que l'on ignore encore. On
■%^\.v^c^f^fs^i'^l^ent des mufcles , dont la fondion paroit être de fermeï
■ :•t0^■^^,^ë^J■&'',de leur procurer un mouvement capable de faire fortir
■ la %ti(^ujç^ûi»r.antç'j^ dont la rétention eft infupportable à ces animaux j
%''%:>
îorfque par le temps elle a acquis une acrîmj^ie piquante ; car on a
remarqué que les civettes paroiffent avoir une ^inq;iiiéty^è- qui les agite
6c qui les tourmente, quand il s'eft amàifé quelque '.tcjuanxité de cette
liqueur quelles s'efforcent de faire «)^tîr. .
Les civettes, c'eft-à-dire, la tivette & le zibet , quolqu^Gr^maM^s,
& natifs des climats les plus chauds de l'Afrique & dé-^'Â^^-j. peuvent : •
cependant, dit M. û^e Buffon , vivre dans les pays tg^f ré^ "& /niêiil^
froids, pourvu qu'on les défende avec foin des mySix^'-QÀ' j^^?fï^]^ dc''%
qu'on leur donne des alimens fucculens & choifis. C^>eè .O^pùrrie^^
quelquefois un aflez grand nombre en Hollande, où rQn-.^j^|^>nrnie^.ce"
de leur parfum. La civette faite à Amfterdam eft -préférée"' pa^■, nos .^j-
Commerçans à celle qui vient du Levant ou des Indes, qui eft ordi-ï-^'-^ ^
nairement moins pure. Celle qu'on tire de Guinée feroit la meilleure
de toutes, fi les Nègres , ainfi que les Indiens & les Levantins, ne la
falfifioient en y mêlant des fucs de végétaux , comme du ladanwn , du /
fiorax & d'autres drogues balfamiques & odoriférantes. ' ;,• ^ '
Pour recueillir ce parfum ils mettent l'animal dans une cage étroite '^ %
où il ne peut fe tourner ; ils ouvrent la cage par le bout, tirent l'animal
par la queue, le contraignent à demeurer dans cette fituation étt ,;^v
mettant un bâton à travers les barreaux de la cage, au moyen duquel '^•■.;
ils lui gênent les jambes de derrière j enfuite ils font entrer une pe.tité
cueillier dans le fac qui contient le parfum : ils raclent avec foin lés
parois intérieures de ce fac , & mettent la matière qu'ils en tirent dans
un vafe qu'ils couvrent aufli-tôt. Cette opération fe répète deux ou
trois fois par femaine. La quantité de l'humeur odorante dépend
beaucoup de la qualité de la nourriture & de l'appétit de l'animal : il
en rend d'autant plus, qu'il eft m.ieux & plus délicatement nourri ; en
général on en peut tirer à chaque fois une dragme & demie ou deux
dragmes. Delà chair crue & hachée, des œufs , du riz, de petits \J ■,,':.
animaux, de la jeune volaille, & fur-tout du poiflbn, (ont les mets -r.?; ,
qu'il faut lui offrir , & varier de manière à entretenir fa fanté & exciter /' -
fon appétit : il lui faut très -peu d'eau; Se cependant il urij^ fré--'
quemment. --^^ ;^^t
Le parfum de ces animaux eft fi fort , qu'il fe communiqu^t'à^olues ;^;..-
les parties de leur corps , & que leur poil en eftimbu. Sv%|^'S'^^|^J^'4*■
en les irritant , l'odeur s'exalte encore davantage ; & fi b^|^■,^^^ïlteK^e;•.
jufqu'à les faire fuer , on recueille la fueur qui eft-^aûffiittl^i^à^fumée ,
zo6 ... CÎV
Ik qui fert a falfite' lé*' parfum , ou du moins à en augmenter le
volume.
Les. civette^ V .C9"ti"ue M. de ^«^o/z, font naturellement farouches,
& ménfQ uji*^ifu féroces ; cependant on les apprivoife aifément , au
rnotî-rrr afiTci'^Çkur les approcher & les manier fans grand danger. Elles
... _„ ■_• :t fbjjtes & tranchantes ; mais leurs ongles font foibles &
ôJ&filW: t..- "^ l-^^nt agiles & même légères , quoique leur corps foit
*>ri
Và©l"-ç';'^''^ : u.^o .autent comme les chats , & peuvent auffi courir
. o4ij^mvi^*^^,^-iiiiéns ; elles vivent de chafîe, fuprennent les petits animaux
^^:^;^ferÇ^ï3ç.' "Leurs yeux brillent la nuit, & il eft à croire qu'elles
•1 ^^6ient çatfs Tobfcurité. Lorfque les animaux leur manquent, elles fe
;noiirri(ïènt.dfe fruits. Elles habitent volontiers les fables brûlans , les
' montagnes arïdts. Elles produifent en aiTez grand nombre dans leur
climat, mais quoiqu'elles puiflent vivre dans les régions tempérées , &;
qu'elles y rendent comme dans leur pays natal , une liqueur parfumée ,
elles ne peuvent y multiplier. Elles ont la langue moins rude que le
chat; leur cri relîembie aflez à celui d'un chien en colère.
La civette ou cette liqueur onélueufe qui fe tire de ces animaux,
-.Ka,.- lorfqu'elle eft nouvelle , la conOflance de miel & eft de couleur
■ bknche : en vieillifiant elle jaunit èc brunit. Cette liqueur fe nomme
' s^ibù en Arabie, aux Indes, & dans le Levant où l'on "en fait un plus
grand ufage qu'en Europe. On l'employoit autrefois dans les maladies
hyftériques des femmxes , mais on a reconnu que ce parfum & les
autres , tels que le mnfc & Xamhn gris , étoient plus contraires qu'utiles
à ces états ; & que les odeurs fétides , telles que le gdlbanum , le
c.:flortum & autres femblables , produifoient un meilleur effet. Les
Parfumeurs & les Confîfeurs emploient encore la civette dans le mélange
de leurs aromates. L'odeur de ce parfum quoique violente , eft plus
• fuave que celle du mufc. Toutes deux ont paffé de mode lorfqu'on
i"ax0finu l'ambre gris , ou plutôt dès qu'on a fu le préparer ; & l'ambre
"\- . mcAie qui étoit , il n'y a pas long- temps , l'odeur par excellence, le
^) ' parfum réfineux ( peut-être végétal ) , le plus exquis & le plus noble ,
^ ,.pgîdu_ fa vogue & n'eft plus du goût de nos gens délicats.
ttà^gt|é^<è^'^,-v_un animal plus petit que les civettes , dont le corps
eft.fïius'àtï>j>gë^îa tête plus effilée ;, les jambes beaucoup plus courtes.
C î V 20^
tacheté de même, ayant aufli (ur le dos une efpsce de crinière j mais
fe dillinguant des civettes par une queue àuïïî longue, que le corps,
marquée alternativement d'anneaux noirs & blancs.' X^^genette porte
comme la civette , un fac dans lequel fe filtre une efpedrjde "parfum ,
mais foible & dont fodeur ne fe conferve pas. Elle eft^fl^îï t>eu dlus
grande que Id. fouine qui lui refiemble beaucoup par lafc'rta^^îiuK^df^'? s
auffi-bien que par le naturel & les habitudes : feulem^tilp«i;oil;,q^u'o2^\.
apprivoife la genette plus facilement. On les a appell:éfi>e>Ç^^£5 i/ff.-X*^^J^>'
tantinopU , chats d'EJpagne , chats gertetic , quoiqu'ils n'§iç4fc'4fjféft^aj),t
rien de commun avec les chats que l'art d'épier & de pren^^^^tduii^j
& de s'apprivoifer comme eux. C'efl: peut - être parce qu'-on ne le^
trouve guère que dans l'Efpagne & le Levant, qu'on leur a donné ie
furnom de ces Pays. On a vu dans la ménagerie de. S/ A. S. M^'. le '
Comte de Clermont , à Paris , deux genettes , l'une mâle , l'autre * •
femelle , & qui ont engendré deux petits qui fe voient aduellement
dans le cabinet d'Hiftoire Naturelle au château de Chantilly ; le père
& la mère font maintenant dans la ménagerie de Chantilly.
La peau de cet animal fait une fourrure légère & très -jolie. Les
manchons de genette étoient àla mode il y a quelques années, & fe.j ,/
vendoient fort cher; mais comme Ton s'eft avifé de les contrefaire, en ..
peignant de taches noires des peaux de lapins gris , la m.cde en a paîTé.^'
& le prix en a baiffé.
CIVETTE VOLANTE. C'eft le chat-volant. Fbyq ce mot.
CLAIRON , cUrus, Genre d'infeéle coléoptere qui reffemble au
hoflriche par la forme cylindrique de fon corfelet qui eft fans rebords ,
& par les pelotes ou éponges dont fes tarfes font garnis ; fcs antennes
font en malTe & compofées de trois articles. Il n'a point de trompe.
Sa couleur eft fort belle ; il y en a de plulieurs fortes dont les larves
habitent, les unes dans les nids des abeilles maçonnes, d'autres dans
les charognes , & une autre enfin fur le rcfeda & autres plantes. L^'eibece'- •■.;\ ■^^■'
de clairon la plus remarquable eft celle dont la larve qui eft de couleur ';■ 'yK ' -
rouge s'introduit dans le nid des abeilles maçonnes, perce leurs cellules, * «r#
mange les petits vers & les chryfalides qui y font renfermées , fgf.mc- • ^,:
5aii - •••/''•'•'
tamorphofe , en fort avec des étuis d'une liçhe couleur & .çl'viiWSa-- v^j,
deffin. La folidité de cet étui lui fert de bouclier contref^^g^iilloï*^ -'^^^''''
vengeur des abeilles. Il pafle le refte de fa vie à voltiger^.|^,:fl^rs^•î^'^^
Voyez à l'article -^/'t'/Y/t^i maçonnes, ■vA-ir?^'''- •■>•''
•2o8 C L A
CLANDESTÏÎ^E ou HERBE CACHÉE, dandefilna Jîon fub^
cœntho ^ Tourne/. Nom. donné à une plante qui fe plaît dans les lieux
froids ^hui»iâes>,.r5è^i'ombre des arbres & dans les bois , laquelle
croîj; en plu^ufâ 'endroits de TAniou , près de la Rochelle, & très-
communérrilfit aux environs de Nantes , &:c. La clandeftine paroît
pendanf le printemps ; c'ePc alors qu'elle montre fes fleurs, qui forment
é&s bôjLiq*|its:ii'tfn beau pourpre bleuâtre. Elle tire fa nourriture des
'"jiie^l^s taiiîrlés des arbres , telles que du hêtre , du chêne, du peuplier,
dîi-ï^SfeS&c. voilà pourquoi ce végétal étant tranfplanté ne fubfifte
pas Jong-*{^in"ps.
^ ^.ît/a coj;oli^de.la çifij^deftiiie eftfoutenue verticalement fur fon calice
•■ teîlîé"'en forfi^^^'ÇÎtfcîite ]' elle eft monopétale, & du nombre des
fleurs en m4fqûe de Tournefort, La lèvre fupérieure efl: large par le
haut & concave ; la levre inférieure eft plus petite , repliée & découpée
en trois parties , creufée en manière de gouttière. On y remarque
ime efpece de mciarium , quatre étamines , un piftil. -Le fruit eft une
capfule à deux pas élaftiques, qui, parvenus à l'état de maturité, fe
contournent rapidement en manière de cornets , pour lancer aux
, environs & avec force le peu de graines que chaque capfule contient :
. " ta graine eft un peu arrondie , & oifre une petite tache noire qui
•■ jdoit fervir de paffage aux élémens du germe. Comme ces graines font
ordinairem.ent cachées fous les feuilles mortes des arbres, ou nichées
dans les trous & inégalités du terrain , elles fe trouvent plus à portée
• çi'atteindre les racines des arbres les plus déliées & les plus fuperficielles ,
au moyen de deux ou trois radicules chevelues , jaunes & rondes ,
quelquefois blanches qu'elles pouffent elles-mêmes & qui fervent à les
.uiir à des individus étrangers, dont elles tirent des fucs alimentaires,
;.&'pour continuer leur végétation & leur développement.
La tige de la clandeftine eftfucculente , & prefqu'entiérement cachée
enterre ainfi que fes feuilles qui font fans pédicules , & taillées en écailles
blahchûtres , petites, charnues, difpofées en croix & dont les nervures
font rayées de lignes purpurines. Les racines donnent beaucoup de
rejets^- çé qui multiplie l'efpece- confidérablement ; elles fe divifent &
fe fûb^vifent'jufqu'à ce que les plus petites ramitications fe terminent
•en petits" gic^ules ou efpeces de mamelons de la grofleur d'un petit
poisi,^ bla'r^îi|ti'çs ^ fouvent on voit plufieurs de ces m.ameîons
fubdi^^ir^:';, a.îfèz'près les unes des auttes : & ces mamelons qui
^
^■i . çommuniquoicnt
G L É 2op
lîiuniquent avec les racines des arbres font auta'i?Ii:^é fuçoirs , de
ventoufes qui en pompent immédiatement la fàye a leitr profit.-^ Des
Hiçoirs qui ne touchent d'abord qu'un point de Fécorçe ides' racines
nourricières , s'épanouiflent bientôt , en embraflent une;>.]pîus grande
partie, & finififent par les entourer quelquefois en entier ril y a p|ùs î
ces fuçoirs fe pratiquent une entrée dans l'écorceSc 1©5 ivicines. Tel elb.;,
en abrégé le mécanifme de la plante parafîte que nou$. vèûQns'd»;^
décrire d'après M. Benhdot du Paty. " ■ .'•'^■^
Le fuc exprimé de cette plante efl: eftimé apéritif Sv^ohiqiie ; oC
Ton prétend que la clandeftine prife en fiibftanGe.^ a la Vét^i' de 'dé-
truire les principales caufes de la ftérilité daini's.^^,Te|tii^lJioik;pbu^ f .
rions en citer quelques exemples en faveur des perlbnfïes'du fexe qui
recherchent, défirent cette puifiTance pour ,1a propagation du genre
humain.... mais quid tentarc noccbh} il faut eflayer de la clandeftine.
CLÉMATITE ou HefxEe aux gueux , ou Viorne , clematuis.
C'eft un genre de plante à fleurs en rofe , compofées ordinairement ^^
de quatre pétales , fans calice, & d'un grand nombre d'étamines & de
piftîls , auxquels fuccedent des fruits dans lefquels les femences font
raflemblées par bouquets , & font terminées par un filament fembla- '
ble en quelque forte à une petite plume. Il y a piufieurs efpeces de /
cette plante , dont les unes font vivaces , & les autres font des arbrif-
feaux grimpans , dont quelques - uns font très - agréables par leurs
fleurs.
La clématite commune ou V herbe aux gueux , efl ainfi nommée, parce
que les mendians , pour exciter la compaffion , fe fervent du fuc de
cette plante, pour faire paroitre des rougeurs , des inflammations. , _. .
des ulcères à quelque partie du corps , notamment aux jambes. Ce
mal eft plus effrayant à la vue que dangereux ; ils le font facilement ^
lorfqu'ils le veulent, en étuvant la partie avec de l'eau fraîche , qu
en y appliquant des feuilles de poirée. Cette efpece de clématite qu'ils
emploient , eft fort commune dans les haies. Ses fleurs blanchâtres
forment des bouquets, au mois de Juin, plus finguliers que beaux,
mais d'une odeur agréable. Dans l'automne , & quelquefois une'fTonnç
partie de Thiver , on croiroit de loin voir des fleurs fur r.le^jirbrif- ;
féaux dépouillés de feuilles: ce font les graines de^^fte plante, - -
chargées d'aigrettes barbues & blanches. La partie îfgrî^u^' &
Tome IL - ^fK ' "'"* *
210 C L O
farmenteufe de ces arbrlfTeaux eft propre à faire des liens & des ruches
de mouches à miel ; on en fait auflî de jolis paniers»
Il y ,a auflî une efpece de clématite à fleur bleue double , qui eft
un des plu§ beaux arbrifleaux que l'on puifle employer dans les jardins^
pour former'des paliflades ou couvrir des portiques & des berceaux.
Il (Croît fort vîte & garni d'un beau feuillage d'un vert -brun; Dès
là' fîrt' (ré''-*3'^iiih , il commence à fe charger de fleurs d'un bleu foncé ,
eh fi^graficîe abondance, qu'elles couvrent fon feuillage : elles fe fuc-
cedent'Apèndant l'efpace de deux mois. Il fe multipUe facilement de
bouUii'e^" qui donnent des fleurs dès la féconde année: lorfqu'on le
t^iUe-'tardy ilp.oufl^ de nouveaux rejetons qui donnent des fleurs pen-
daîit toute l'àutorrine»
On cùItive-en Angleterre une autre efpece de clématite dont les
fleurs font doubles & d'un beau rouge incarnat : il feroit à defirer
qu'il fut moins rare & qu'on le cultivât ici ; car il réunit tous les avan-
tages de l'arbrifleau précédent. Le clématite d'Efpagnc garde toujours
ion feuillage tendre & brillant ; mais elle eft très-délicate. Il y a en-
core d'autres efpeces de clématite à fleurs bleues & blanches , qui
\ font de petites plantes vin^aces , fort robuftes. Les feuilles de clé-
matite peuvent être employées utilement , pour ronger les chairs
baveufes qui empêchent les plaies de fe cicatrifer. Voyez maintenant
FLummule,
CLOCHER CHINOIS. Petit coquillage univalve & operculé ,
de la famille des vis : fa robe eft d'un brun fale. Foye^ le mot Vis,
CLONISSE ou COUTOIR. Coquillage bivalve, delà famille des
cames , à coque épaille : il eft arrondi , un peu renflé , orné quelque-
fois d'une trentaine ou quarantaine de cannelures tranfverfales & ri-
dées îles battans font marqués intérieurement d'une centaine de petites
dents , entre lefquelles deux dents plus grolTes , & à-peu-près triangu-
laires , obtufes & fort proches l'une de l'autre , forment la charnière-
du battant droit , elles font difpofées de manière à recevoir les trois
dents du battant gauche. Ce coquillage marin fe tient enfoncé dans
.le fable. Les femmes le pèchent avec une bêche recourbée. Il s'en
fait une grande confomm.acion pendant le carême, à Bordeaux &
dans les campagnes voifines de la baye : on en envoie dans des facs
eu dajas. des feariJs jufqu'à Touloufe. Sa chair eft faine & délicate : eH&
C L O 2 ï t
fe conferve trois remaines pendant l'hiver. Les Nègres du Sénégal la
mangent cuite fous les cendres,
CLOPORTE. C'efl: un petit infede aptcrc , fans ailes ^auq^uel on a
donné, tant en Latin qu'en François , des noms finguliers : en Cham-»
pagne on le nomme Porcelet de Saint Antoine , parce qu'oti; s'eft ima-
giné que fa figure avoit quelque rapport avec celle d'un pourceau :• on
le nomme en Latin Afellus ou MUlepes \ afellus ou /^t^i^..)^, à cau^Te
de fa couleur ; milUpcs , à caufe du nombre de fes jambes , qui diffère
beaucoup en nombre de celles du véritable millepied. , >\
Le cloporte eft plat , fon corps efl ovale, de la longueûr'.^^ fongie
du petit doigt , recouvert d'une peau comme, .çcailleufè & tuîLég ,
divifée en huit anneaux ; chaque écaille paroît liiîe & luflirée, Sa^'tcte'
efl: petite, arrondie & armée de deux cornes ou antennes, qui lui fer-
vent à tâter le terrain ; il a quatorze jambes , fept de chaque côté?
fa queue eft doublement fourchue, longuette, pointue. Cet infe(3:e
efl d'une feniibilité exquife ; pour peu qu'on le touche , il fe replie
tête contre queue , & forme la boule à la manière des hérifTons. li •
refte dans cet état, jufqu'à ce que le danger foit paffé. Parmi les Au-
teurs, les uns prétendent que cet infede eft ovipare; d'autres préten-
dent qu'il eft vivipare, Bourguet , dans une lettre fur la génération des
plantes & des animaux , dit que « les cloportes pondent leurs cÉufs .
» au nombre de foixante ou environ , tout à la fois ; ils pendent
w à la mère par un pédicule blanc , qui reffemble à un filet. Les
» mères fe les mettent fort induftrieufement fur le dos par le moyen
» de ce filet. Une matière vifqueufe attache les petits , qui pen-
» dent à leur tour chacun à un petit fil blanc , qui leur fert de
33 cordon ombilical. Des qu'ils font fuffifamment attachés en rang les
» uns après les autres fur les fegmens du dos de la mère , le commun
» pédicule fechc & difparoît. Alors les petits paroilTent dans leur
» torme naturelle , ayant tous la tête tournée du même côté que la
» mère , qui feche peu à peu en les portant quelque temps.... Les petits
a>. encore fur le dos de la mère , jufqu'à ce que le petit filet foit fec;
» après quoi ils defcendent , & vont chercher eux - mêmes leur
» nourriture. » .>-^ >
Voilà des obfervations détaillées qui fuppofent que l^ci^'n a vu la
chofe , & qu'on peut trancher le nœud de l'indécifibn, ^Langius dit
avoir obfervé que les cloportes femelles portent leurs petits attachés
Dd 2 '
112 C L O
à leur ventre , à-peu-près comme les écrevifles y portent les œufsr.
Lcmery dit qu'ils font vivipares. Suivant des obfervations inférées dans
les Ephémérides d'Allemagne, on a vu fe détacher d'un cloporte mort,
que l'on -examinoit au microfcope , un très -grand nombre de petits
cloportes trçs-bien formés, qui fortoient, à la file les uns des autres^
vers.la_pTeinj.ere paire des jambes de finfeâie. Nous avons examiné
ces anitnaux,en différentes faifons de l'année , & ils nous ont paru
ovipares. lVf.,de Cayeu a reconnu qu'ils changeoient deux fois d'enve-
loppe par année , & que leurs œufs font fphériques , gros comme un:
grain dè-^^payot , couleur de paille , & rangés fous le ventre de la
mere«,'.C?es oeufs ne réulîîffent pas tous; car à mefure qu'ils grofllfïent,
& que les pattes de la mère deviennent trop courtes , relativement
au volume qui le? entoure , une grande partie efi: brifée ou écrafée
par le frottement qu'ils éprouvent contre le corps que le ventre de la
femelle parcourt. Il n'en réuflît pas plus de douze ou quinze , qui
contiennent chacun un fœtus , lequel venant à fortir , fe range entre
les pattes de la mère , &: fe tapit dans l'efpece de feuillure que ces
pattes forment, en s'appliquant fur le ventre. Dès que les œufs font
vides , le filet qui fait l'office de cordon ombilical , tombe , arraché
par le mouvement continuel des petits , qui ne s'écartent guère qu'ils
n'aient acquis environ une demi-ligne de longueur. Ils ont même
fadreffe de fe réunir & de s'accrocher les uns aux autres , de ma-
nière qu'on les prendroit pour une proéminence du ventre qui leur
fert de couvert. Telle eft l'obfervation de M» de Cayeu. Mais la nature
cft fi variée & fi riche dans fes producflions , qu'il ne feroit peut-être
pas impoflîble que des diverfes efpeces de cloportes , les unes fuffent
ovipares , les autres vivipares.
Il y a , en effet , plufieurs efpeces de cloportes qui différent un
peu par la couleur , la grandeur & le lieu de leur habitation. On voit
quelquefois dans les fourmilières de jeunes cloportes tout blancs , qui
paffent l'hiver dans un état d'engourdilfement , ainfi que les fourmis :
on les voit épars parmi elles , & rangés dans les pelotons de fourmis
entaffés. Le cloporte domeftique eft plus grand ; il fe retire dans les
fentes des murs , fous les toits nitreux , & dans les endroits ombragés,
pierreux , & fous les vieux bois pourris dans les caves. Aufîî eft-ce
lui que l'on emploie de préférence , foit en fubftance , foit en infufiofi
dans les maladies où il s'agit de réfoudre. Suivant M. Bourgeois ^ on peu-t
C L O 213
dire que les cloportes font un des plus excellens remèdes que la fvla-
tiere Médicale nous fournifîe , & d'un ufage très-étendii & très-fréquent
dans la médecine. Outre leur vertu de réfoudre & de fondre les hu-
meurs de toute efpece, & de purifier le fang, en chailant par les urines
les fels acres & fcorbutiques dont il eft infedé , on doit Je régarder
comme le meilleur fpécifique qu'on puillè employer côntïe.Tafthme
de toute efpece, mais fur-tout l'humoral, & contre touties'Jèlséfpece's
d'hydropifies , lesaffedions fcorbutiques & fcrophuleufes, lés'fqpirres, •
les cancers , &c. Ces cloportes écrafés & appliqués en cataplafme'fur la
gorge, font encore bons dans l'efquinancie. Celui qui eft noir",Tfe Jj-o.uve'
fous les pierres dans les lieux frais & humides. Le cloporfç^jïôUg^-tîi-uti
vit dans les mêmes lieux que le noir. Le cloporte fauvage , que l'on
trouve dans les blés & fous l'écorce des arbres , n'eft pàs'lfî'èfficace que le
cloporte gris ou domeftique , contenant , dit-on , moins de parties
nitreufes. Nos cloportes domeftiques ne font que peu ou point in-
commodes , en comparaifon de ceux qui , fuivant les relations de
quelques Voyageurs , naifTent dans l'île de Madagafcar. Il fe trouve
encore une efpece de cloporte dans les eaux falées , que les Pê-
cheurs difent faire mourir les perches , en s'infinuant dans leurs mâ-
choires. On en trouve une autre efpece dans les eaux douces & dans
les puits. On la nomme cloporte aquatique. Voyez Aselle. Il y a aufll
le cloporte de mer , qui eft très-grand , & qui fe trouve fous les
plantes qui couvrent les banches de la mer.
On donne encore le nom de cloporte à une petite coquille grave-
leufe , du genre des porcelaines. Foye^ ce mot. Enfin on le donne auftî
à une chenille velue.
CLOU DE GIROFLE. Voye^ Girofle. Il eft parlé du Clou
du Para à l'article Bois de Crave, Voyez ce mot.
CO. Voyei^ à l'article LiERRE,
COAITA. Nom donné à une grande efpece de fapajou , dont le
corps eft effilé , velu & mal proportionné dans fes membres. On en
voit de noirs & de blancs ; les uns barbus , & les autres fans barbe.
Ces efpeces de quadrumanes font aflez communs dans la Guiane , au
Panama & au Pérou. Ils vivent en fociété , ont un certain degré
d'intelligence qui étonne toujours , & fur-tout beaucoup d'adrefle. Leur
nourriture confifte en poiffons , vers , infedes, & notamment en fruits»
Les huîtres font aufîl de leur goût ; car lorfque la marée s'eft retirée ^
2 14 COA
ils viennent far le rivage , prennent ce cedacée , le pofent fur un ro-
cher, le frappent à coups de pierre , brifent Técaille de en mangent
l'animal. Ces fapajoux ne font pas un accueil honnête à Ihomme
voyagçùr^ qui traverfe les bois. Les uns font mille contorfions, mille
poftures':g^Otefques ; d'autres grincent ridiculement les dents , fautent
de branches" en branches. Il y en a même qui tâchent de pilier fur
■ ^éJne■Z''d\ï• Voyageur. Leur queue fufceptible de contradion à fon
■ extrémité, eft pour eux une cinquième main très-adroite. Ils s'en fer-
vent;, polir pêcher , attirer les corps qui font à leur portée , & pour
' fe' • fufpeadîfe aux branches. Voyez à l'article Cercop'uluque , l'induftrie
, «Jç'^Êc^.àhimaux, pour traverfer une rivière.
. Be^ femelles des coaitas ne font point fujettes à l'écoulement pério-
dique': elles, ne produisent ordinairement qu'un ou deux petits , les
portent toujours^ fur le dos ; & ce poids femble n'ôter rien à leur
agilité. Ces animaux deviennent familiers , carefi'ans : ils font d'un
naturel doux & docile. Le froid de nos climats efl: trop rigoureux
pour cette forte d'individus. On prétend que des vers de f^pt à huit
pouces de longueur habitent leurs inteftins. La chair de ceux qui ont
îTiangé beaucoup de fruits , eft exquife au goût de la plupart des
colons.
COATI. Animal quadrupède qui ne fe trouve que dans les cli-
mats méridionaux de l'Amérique. On a donné ce nom à plulieurs
animaux bien différent j mais le Coaù-mondi ne paroît qu'une variété
du Coati.
Le coati eft un animal aflez petit ; tout fon corps eft de couleur
roufTe ( l'autre n'a que le ventre & la gorge de cette couleur, le refte
étant d'un brun prefque noir); fes oreilles & fes jambes font courtes,
fes yeux font petits : on le diftingue aifément de tous les autres ani-
maux par fon mufeau alongé , & par ion grouin mobile en, tout fens»
Il a , comme Xours , une grande facilité à fe tenir debout fur les
pattes de derrière, dont les talons font larges: il a cinq doigts à cha-
que patte. Nous en avons vu à Paris plufieurs qui étoient privés ;
l'un, entr'autres, étoit fenfible au froid, & il approchoit du feu en
fe tenant debout fur les deux pattes poftérieures ; alors il étendoit les
antérieures & ouvroit fes efpeces de mains , puis fe frottoit la poitrine
& le ventre à la manière de l'homme. Sa queue eft touffue , annelée,
plu? longue que fon corps, lorfqu'elle n'eft point tronquée , car cet
^n;mal e^ fujet à ,Ia ronger^
CO B . 2IJ
Ce goût {îngulier , & qui paroît contre nature , n'ell cependant pas
particulier au coati , dit M. de Buffon. luQS Jinges y les makis ,' te quel-
ques autres animaux à queue longue, rongent le bout de leur queue,
en mangent la chair & les vertèbres , & la raccourcififent peu-à-peu
d'un quart ou d'un tiers. On peut tirer delà une indudioH géne'rale,
continue M. de Bufon ; c'eft que dans des parties très - al'ongées , &
dont les extrémités font par conféquent très -éloignées dy. -centre du
fentiment ,ce fentiment eft foible , & d'autant plus foible ; ;^uie la dis-
tance eft plus grande , &: la partie plus menue ; car fi l'extrôœi^e de
la queue de ces animaux étoit une partie fort fenfible ,\>||5:^nfatÎDii
de la douleur feroit plus forte que celle de cet appétit i"S:''5fe«Skr*
ferveroient leur queue avec autant de foin que les autres pàr^tiés de
leur corps. Au refte , le coati eft un animal de proie.,; qui fe'-nour-
rit de chair & de fang , qui , comme le renard oii la/oume, eft
fort rufé & a beaucoup d'adreflfe : il égorge les petits animaux , les
volailles , & cherche les nids d'oifeaux pour en manger les œufS. 14 eft
dangereux pour les chiens qu'on emploie à le chalTer ; & il faut qu'ils
foient bien courageux , car il fe défend vigoureufement. On prétend
que fa dent eft venimeufe. On ne peut l'avoir qu'en le tuant à coups
de fufil y il faut même ne le tirer que quand il fuit Se non quand
il eft arrêté. Sa chair eft d'un aftez bon goiit dans la Guiane^
COBALT ou COBOLT , cobaltum. Cette fubftance que bien des
Auteurs ont regardée jufqu'ici comme une fimple mine arfénicale , eft
une matière métallique particulière , dont on retire un régule qui
diffère beaucoup de celui d'arfenic. Le cobalt eft pefant , dur , fria-
ble , d'une couleur ou cendrée , ou jaune , ou rofe , ou noirâtre ^.
d'un tiffu tantôt ftrié ou grainu , tantôt écailleux ou criftallifé , ou
tricoté , femblable à une fcorie vitreufe , reffemblant dans la fradure
à du métal fondu : il s'en rencontre encore de miroité ou fpéculaire , de
terreux , couleur de fleur de pécher ; & prefque toutes les autres efpeces
expofées^à l'air acquièrent fuperficiellement cette même couleur pour-
pre ou de gorge de pigeon , qu'on peut regarder comme une miné-
ralifation , & d'autres fois comme une efflorefcence, qui eft écailleufe
ou ftriée , &c. Il y . a auffi des cobalts dont i'efflorefcence eft nuée-
de blanc , de bleu & de vert. La mine eft noire & commune en
a
Thurinp-e.
Le cobalt demeure allez fixe au feu j. fa fubftance m^talli^ue- ^,
;:fi
zi<^ C O B
calcinée, fournit une terre fous le nom àq fafrc , & qui, mélange'e
d'alkali fixe , de quartz ou de filex , fe vitrifie plus facilement , &:
donne alotis un beau" verre bleu, très-précieux , & appelle dans le
commerce û^wr , y^^/^ , bUu £ email ^ verre de cobalt ; fubftance fi utile
dans lajp^tîture pour la faïance , la porcelaine , dans la teinte des
émauxv;.(8^'. ilÉîns le bleu d'empois.
, i^,jg9balÉ.; difTous dans l'eau régale, affoiblie enfuite avec de l'eau
pure, fcTrmè'une encre de fympathie très-curieufe : l'écriture n'eft pas
<'ifibte^.i'^pk>^r la lire , il ne faut qu'approcher la lettre auprès du feu ,
-^ecrîtui-e^^jfôk 'alors en caradere d'un beau vert. En refroidiflant ,
.; le&^^Tattcïfis^fpaj^oînènt. On peut les faire reparoître par le même
procéda ,^tia,uÉes les fois qu'on le defire. Il ne faut pas trop échauffer
Illettré j lj&S'*^àrties colorantes fe dilîiperoient ou s'altéreroient , &:
les ti;âîts difparoatroient pour toujours. On a fait des écrans dont
1 efquifle ; ne. prélentoit que des arbres dépouillés , tableau du triife
V., hiver-.;^h les mettant devant foi , pour fe garantir du feu, on voyoit
^ les arbres- s'orner de feuilles , & les tapis de gazon fe couvrir de la
verdure du printemps. Combien de traits de galanterie ont été dé-
voilés à des yeux chaftes , par le moyen de cette encre , dont de
/^•/■' Petit- Maîtres ou de perfonnes peu fcrupuleufes & indifcrettes fe font
i ^^'atmifées !
'^% %Çi cobalt ne s'unit guère par la fufion avec le mercure , ni avec le
bifmuth ; mais très-facilement avec le cuivre. Dans fon état de mine,
il contient fouvent du bifmuth , de l'argent, du foufre & de l'arfenic ,
ce qui Taltere toujours plus ou moins. La matrice pierreufe eft fou-
vent un quartz couleur d'améthyfte ou un pétrofilex.
Les mines de ce demi-métal font à Schneeberg en Saxe. On vante
notamment celle de Rappolt à Johann-Georgenftadt , qu'on exploite
jufqu'à cent quara;ite braffes de profondeur. On en a aullî rencontré
à Sainte-Marie aux Mines , & dans la mine de Gifihain aux Pyrénées
fur les frontières d'Efpagne , dans la Province de Cornouailles en
Angleterre , dans les montagnes d'Ecoflê , &c. Ilparoît que les Chinois
& fur-tout les Japonois ont aulfi des mines de cobalt chez eux , par
les porcelaines bleues il efiimées qui venoient autrefois de leur pays:
mais il y a lieu de croire , ainfi qu'il eft dit dans l'Encyclopédie , que
]eurs mines font épuifées , ou du moins que leur cobalt actuel eft d'une
qualité
-^y^
C O B à î 7
tïuàlité Inférieure , car le bleu de leurs porcelaines modernes n'efl
plus fi beau.
L'exploitation -des mines de cobalt eft aflez dangereufe , îittendu
qu'il y règne très-fouvent des vapeurs arfénicales , &c. qui font périr
ceux qui y travaillent; ou du moins qui leur ulcèrent les'i;|n^ds & lé;s
mains , ou les rendent fujets à la phthifie & à la piiiinpiiie. Cela
n'empêche point ks enfans de courir les mêmes dangerS,;ti^€ leurs.
pères, ^'■"^
On trouve dans le deuxième volume de notre Minérafei^'» p^ So
Editde 1774, un détail très-circonftancié des opirétiorts ^t^fâlt. fu-
bir au cobalt pour le dégager ou de l'arfenic buSc&lf^'^iuUi;'(a^tOrré
faélion en fafre , ( chaux métallique qui, revivifiée par res..fondans & le
phlogiftique 5 donne le vrai régule de cobalt ) ; en©rfa vitrification ,
& les exprefles inhibitions que l'Eledeur fait d'en envoyer de pur
hors de fes Etats. '^'O^^-'^ ■■ -
D'après les nouveaux éclaircilTemens que nous avons du principe -, 'y
colorant du lapis laïuU ( voyez ce mot ) , & d'après quelques expériences
particulières que nous avons tentées , nous ne défefpérons pas qu'on
ne reconnoifle par la fuite que le cobalt n'eft qu'une combinaifon du ■
fer 5 de l'arfenic , &c. . • ^\V'*'
Les Mineurs Allemands donnent auiîî le nom de cobaU , à un'.êtrft*'^-
chimérique : c'efl félon eux un phantôme ou démon fouterrain , k qui^.
ils attribuent la figure d'un petit nain; ce prétendu gnome, lorfqu'il
n'eft pas favorable, étrangle les Mineurs; mais lorfqu'il eft bénévole,
il leur fait découvrir les filons les plus riches.
COBAYA, l^om que l'on donne au Bréfil au cochon d'Inde^ Voy.
ce mot.
COBBAN. Petit arbre du pays de Sumatra : il eft femblable au
pêcher : fa feuille eft petite ; -fes branches , courtes & couvertes d'une
écorce jaune , rendent une gomme roufsâtre dans l'été. Son fruit qui
eft de la groffeur & de la figure d'une pomme médiocre , contient une
noix grofle comme l'aveline , où Ton trouve une amande amere dont
on tire par expreflion une huile médicinale propre pour la . furdité.
COBRE DE CAPELLO , cobra capdla, Efpece de' pem, ferpent
des Indes , long d'un pied & demi , gros comme le petit doigt , dont
la peau eft noire fur le dos & blafarde fous le ventre : il gonfle (à
joue 5 U crie comme les grenouilles, étant irrité : fa limorfure eft
Tom& IL jE'è-r .
■I.,
2i8 C O C
mortelle. Il habite fouvent vers les pieds de l'arbre papayer en Amé-
rique : il vit d'araignées & d'autres infedes. Séba donne la defcription
d'une autre efpece , qui eft une vipère de Ceylan ; il parle aufli de
plufieurs[rfefpens à lunettes, qui ont le nom de cobra : il dit que ce
ferpenta d&Vcouronne fur la tête; fi cette couronne eftdela figure
d'une ■ 'lunçtt^ 5 le ferpent eft de la famille du ferpent à lunettes : voyez
ce i1i0L.-G]i trouve une vipère dans le Ceylan qui a ce même caradere:
oh Tàppeile cobra dcNcuflrla, On en trouve aufTi dans le Bréfil , dans l'île
dfe Ternàte^lâ Siam; enfin, félon le même Séba , on en rencontre
iie- quatorze èfpeces ; mais fuivant la defcription de ce Naturalifte,
.. ce -ifon^! des yi)7iè77/5 à limâtes ^ auxquels les Portugais donnent indif-
tindem^h.t lé nom de cobra , qui doit être réfervé à Tefpece précé-
deihment décrite, ainfi qu'au bojob'u
COCA ou eue A , myrto jîmïlïs îndica , fruciu raceniofo, Arbrifleau
peu pranchu qui croît dans l'Amérique méridionale. Sa feuille efl"
moIIè ,' verte , & reflemble à celle du myrte : fon fruit eft difpofé en
grappes , d'abord rouges comme le myrtille , enfuite noires; c'eft en
. rcet état qu'on le récolte , & qu'on le fait fécher pour le conferver. lî
io^t aux habitans du Pérou de petite monnole , de même que le cacaa
, en fert aux Mexicains : l'on peut dire que cette plante eft une des
richefles de ces Indiens , car Ton en fait un grand commerce. Plufieurs
.Eipagnols fe font formés des fortunes confidérables à ce trafic , & les
revenus de l'Evêque, des Chanoines & de l'Eglile Cathédrale de Cufco
proviennent pour la plupart de la dixme des feuilles defféchées du coca.
Les Occidentaux s'en fervent , comme les Orientaux du bétel , &
les Européens du tabac ; fes feuilles font en grand ufage au Pérou
pour fortifier &: réparer les forces abattues , pour défaltérer & nourrir:
on en mêle avec des écailles d'huîtres calcinées , & l'on en forme des
paftilles qu'on tient long-temps dans la bouche , les mâchant avec
grand plaifir. Foye^^ la Relation de D. Antonio Ulloa , n°, 82p &
830.
COCAGNE. C'eft le nom qu'on donne aux petits pains de paftei
qu'on emploie en teinture. Foyei à VarticU Pastel-Guede.
COCCINELLE , coccinella. Petit fcarabée fort commun & très-
;• connu du peuple fous le nom de bête à Dieu , ou de vache à Dieu. Sqs
antennes font compofées de gros articles noueux qui vont en groffifTant
vers le bout , elles font auflî plus courtes que les antennules ; aufTi
f^ r\ r>
: o c ' 2 19
faut-il hs chercher pour les voir. Le corps de ces infedes efl: court,
lifle , he'mifphérique , il n'a guère plus de diamètre qu'une lentille
ordinaire ; fes étuis tantôt rouges ou blancs avec des points noirs ,
tantôt noirs avec des points rouges, tantôt bruns, tantôt violets & de
différentes nuances , ont l'éclat & le brillant de Técaille. X'ç.s femelles
fécondées par les mâles, dépofent des œufs oblongs , jaunâtres,, d'où
forteht de petits vers; lents dans leur marche & ennemis dès pucerons.
Aufll trouve-t-on fréquemment ces vers ou larves fur^Ies feuilles
d'arbres chargées de pucerons. Ces larves prêtes à fe mét|iri>orphofei;,
fe fixent fur une feuille par la partie poftérieure de .leJÙf^.,,cp.rps,"|e
courbent , fe gonflent, forment une efpece de crofle. Leur peàuis ét^d,
fe durcit au bout de quinze jours , la chryfalide ou nymphe fe fend
fur le dos. L'infede parfait reçoit les impreffions de Tair , qùidqçne
plus de confiftance à fes étuis. Il vole rarement , & ne fe foutient
pas long-temps en l'air. Ces jolis petits fcarabées fe tiennent auiriflir les
fleurs ; confultez l'article fcarabée tortue. Des différentes -larves de '
coccinelle , la plus curieufe efl le hlrïfjon blanc. Voyez ce mot.
COCHÊNE. Voyci Cormier
COCHENILLE , coccimlla. Ced: une fubflance que l'on emploie
pour la teinture de l'ccarlate & du cramoifi. On nous l'apporte" de . ,
l'Amérique, en petits grains, convexes & cannelés d'un côté , &.•
concaves de l'autre. On a ignoré pendant long - temps l'origine-de
cette matière : quelques - uns l'ont regardée comme des baies de
plante; mais il efl confiant aujourd'hui que c'efl un pro§alU-inf:cl^^
defféché , fur-tout depuis que l'on fait fa manière de vivre. Voyez
rvogalh-wfccie à la fuite du mot galU-infecie, Il efl même aifé , en
examinant la cochenille que l'on nous envoie dans le commerce , de
s'aifurer de l'exiflence de cet infede. Si on la fait ramollir & gonfler
dans de l'eau ou du vinaigre , & qu'on l'examine enfuite à la loupe,
on diflingue les difterens anneaux du corps de l'infeéle ; on voit les
antennes, les attaches des jambes, & quelquefois les jam.bes entières.
On peut comparer la figure entière de la cochenille à celle de nos
punaifes domeftiques , qui, étant defféchées , font groffes comme une
petite lentille , hémifphériques , annelées , d'un rouge noirâtre , ino-
dores , & teignent en rouge. L'infecte cochenille a une trompe quî ^
fort du corfelet entre la première & la deuxième paire de pattes : les 'r
mâles feuls ont deux ailes, droites, élevées. L*èxtrémité du ventre
Le 2"
!i2a C O C
eft garnie de filets; & la femelle conferve toujours, étant defTéchée,
fa figure animale : caraâere qui la fait diftinguer du kermès.
Le Mexique eft le feul pays où l'on recueille la cochenille. Cet
infeéle/^que Ton foupçonne vivipare , s'attache aux feuilles de diverfes^
plantes»„*Lçsi Indiens l'y ramaflent , & la tranfportent fur une autre-
plante, à laquelle on donne les noms de figuier d'Inde , de cardajfi , de-
raque^e , '^^Viôpal , & (^opuntia. Voyez ce mot. Cette plante efi: aflez;
remarquàbre *dàns les ferres chaudes par fes feuilles , ou plutôt fes
branches épaiflfes , oblongues & arrondies qui tiennent les unes aux
autres^^S^r-ieurs.- extrémités : nous en parlerons au mot opuntia, Les^
Indi€rt|?îcultîvèiit'>cett6 plante avec foin autour de leurs habitations ;•
& poiifs'aûurer une récolte sûre, de cochenille, ils la fement, pour
. ainfi'dlte,, fur cette plante. Ils font avec de la moufle , ou du foin'
fift bii déjà bourre de coco , des efp.eces de petits nids appelles-
pajlhs.^ dans chacun defquels ils mettent douze ou quatorze cocher
nilles ": ils placent deux ou, trois de ces nids fur chacune des feuilles
. : éQ-càrdaJle..,. appellées des Indiens pencas , auxquelles ils reftent
afllijettis par le moyen des épines qui naiflent naturellement fur ces
£euil!es. Au bout de quelques jours, ces cochenilles donnent naiffance
a:" des milliers de petits,, qui ne font pas plus gros que des mites. Ces
.nouveaux nés fe difperfent bientôt fur les plantes , & ne tardent point
^6^(0. £xer dans les endroits les plus fucculens , où ils reftent jufqu'à
".■.T.ieur dernier période d'accroiffement=. Ces infe(5i;es ne font que piques
i jvjila plante & en tirer le fuc.
On fait chaque année trois récoltes de cochenille. Dans la première
on enlevé les nids & les cochenilles que l'on avoit mifes dedans, &.
qui y ont péri après avoir donné naiflance à leurs petits : trois ou
quatre mois après , on fait la récolte du produit de cette génération.
Les grofles cocKenilles que l'on laiile donnent lieu à une troifieme
génération , que l'on recueille au bout de trois ou quatre autres
mois. On détache la cochenille de defTus les feuilles avec un
pinceau.
Aux approches de la mauvaife faifon , c'eft-à-dire , àes pluies &
des temps froids , les Indiens coupent les feuilles de raquctu , & les
tranfportent dans leurs habitations avec la nouvelle cochenille qui
cJ èft dcffus. Ces feuilles fe confervent vertes pendant fort long-temps ,
. ainfi que. toutes les plantes gralTes ; &, les cochenilles croilTent aiufi
COC 22 1
pendant fa mauvaife faifon. Lorfqu'elle eft pafTée j on en remet une
grande partie fur des feuilles dans des nids, ainfi que • nous l'avons
déjà dit. La cochenille de la dernière récolte n'eft pas >âufli^ belle.,
parce qu'on eft obligé de racler les feuilles de la raquette pçuf enlever
ces petits infeéies , & qu'on mêle par eonféquent lài-i^Çlure des
plantes avec la cochenille , qui eft d'ailleurs de différentes ^grofleurs ,
parce que les mères fe trouvent avec les nouveaux , nés.% -C'eft-
pourquoi les Efpagnols donnent à cette cochenille le nojXiÀQ graniUa,
On n'a rien de plus prefTé , lorfqu'on a recueilliJ^^^'liQelî^niHe,
que de la faire mourir , parce que ces infedes.j^^ gjîj\f^^v5'^>>^^
pendant quelque temps léparés de la planté, poiirroient faire leurs
petits qui s'échapperoient , & feroient perdus pour le pfiSprié- .
taire ; la manière dont on la fait périr, influe beaucoup fur fa couleur,
& lui fait donner divers noms. On appelle rcnegricla la coctteriilîe
qu'on fait périr dans des corbeilles plongées dans de l'eau chau4e:i-elle
eft d'une teinte d'un brun-rouge, & privée, en partie, de cgttè-efpece '.
de poudre blanche dont eft couvert le corps de ces infedes yivans.
Celle quia été defféchée dans les témafcales ( efpeces de fours) eft
d'un gris cendré ou jafpé : elle a du blanc fur un fond rougeâtre; on
l'appelle jafp&ada. Celle que l'on met fur des plaques , appellées .
comaUs , qui ont fervi à faire cuire le maïs , eft fujette à avoir été
trop chauffée , & devient noirâtre ; ce qui la fait nommer negra, '".
Trois livres de cochenilles vivantes ne pefent qu'une livre étant
defféchées : on donne à cette chenille, en quelques pays où elle eft
cultivée de la manière dont nous venons de parler , le nom de
cochenille mejleque , parce qu'on en trouve à Métèque , dans la Pr»-
vince de Honduras : on lui donne aufîi le nom de cochenille fine &
domejîique. Cette cochenille ainfi préparée, peut conferver pendant
plus de trente ans fa partie colorante & fans aucune altération, ainfi que
l'a éprouvé M. Hellot fur une cochenille qui avoit cette date d'antiquité.
La cochenille recueillie fur les plantations du figuier d'Inde cultivé , eft
la meilleure: on en recueille auffi une autre efpece que l'on nomme
cochenille Jihejire , parce qu'elle fe trouve naturellement fur une efpece
de figuier d^Inde, qui croît fans culture , & qu'on la ramafle fur cett^e
plante, de même que nous récoltons le kermès (\jix des arbuftes qui fe
multiplient auffi fans notre fecours; voyez kermès. Le figuier d'Inde fau-
vage a plus de piquans fur fes feuilles ^ que celui qui eft cultivé. Cette.
2 22 C O C
cochcniile' fournit bien moins de teinture que l'autre ; aufii ed - eib
moins "chère.
On trouve auffi d'autres fortes de cochenilles , foit dans nos ferres ,
& elles' ^nt. été apportées avec les plantes étrangères , foit fur le
chiendent 'y âp^cllées phalari s , ou enfin fur les branches de l'orme :
.pell'QK:i■;t'f!^^-/fèrt femblable à la belle cochenille de l'opuntia, Ceft le
' coccus M^H ■:, ■ cprpore fufco , fcrico albo de M. Geoffroy , 412.
•: Les Provinces du Mexique où on recueille la plus de cochenille ,
font cdies- de .Tiafcala , de Guaxaca , de Guatimala & de Honduras.
Il ^iîti^q;u''il y ait bien des hommes occupés à ce travail , car on a
calculé,' en ^73 6, qu'il entroit en Europe, chaque année, huit
cent" quatre-vingt mille livres pefant de cochenille , dont un tiers'
fetJÎément -de cochenille filveftre. On évalue ce commerce à plus de
.quinze millions en argent année commune. Cet objet de commerce
i^>% important , que les naturels Mexicains & les Efpagnoîs qui n'y
ont que certains petits établiflemens , la cultivent avec un foin
extrême. Il femble que la grande confommation qu'on fait de la
• cochenille , mériteroit qu'on fit des tentatives pour en établir la
culture dans les îles de l'Amérique , ou en d'autres climats , où la
température feroit convenable à cet infeclc , & à la plante dont il
fe nourrit.
La cochenille eft fudorifique ; les femmes Italiennes en font, dit-on,
ufage pour empêcher l'avortement ; mais la plus grande quantité eft
employée dans la teinture en écarlate ou en cramoifî , & pour faire
le carmin , cette fécule d'un rouge tendre , fi am.ie de focil , fî
précieufe en peinture , fi propre à nuancer, à rehaulTer , par une
heureufe illulion , les foibles couleurs de la pommette des joues de
quelques Dames. Ceft à la toilette qu'on admire cet art ; c'eft-là
que le pinceau , armé de carmin , devient rival de la nature.
Les Anglois tirent de la cochenille une teinture finon plus belle ,
du moins auffi brillante que la nôtre , & à moins de frais que nous.
Tout leur fecret confifte à la m^éler avec de la laque des Indes.
Dans le commerce on vend fous le nom de Be^ctta du crépon ou
du linon très-fin , teint avec de la cochenille : les meilleurs viennent
de Conftantinople , & font d'un rouge très -vif: on les contrefait
à Strasbourg : les Dames s'en fervent quelquefois auffi pour fe farder,
après l'avoir un peu, trempé dans l'eau ; on peut aulii l'emiployer pour
CGC 223
colorer les liqueurs à l'efprit de vin. La laine nakarat du Portugal ,
qui n'eft autre chofe que du coton coloré avec de la cochenille ,
fert encore aux mêmes ufages. Les Marchands de vin Anglois font
un grand ufage de linons ou drapeaux teints avec la cochenille ,
pour donner de la couleur à leurs vins rouges lorfquTls en ^manquent >
& qu'ils ne font pas aflez hauts en couleur.
COCHENILLE de Pologne , ou Kermès DU.'KqRD , ou
Kermès des racines , en latin , coccus Polonîcus'iîhcîorjûs', but
coccus radicum, C'eft , félon Fobfervation CIV des Éphçmérides à^^
Curieux de' la Nature , par le Dodeur Bcrnhardi ."di\Bemî^:^ xm
infedie hémiptere , petit , rond , un peu moins gros 'q\i'ùjj%rèin de
coriandre, plein d'un fuc purpurin, & qu'on trouve adhérent, vers
la fin de Juin , à la racine d'une efpece de renouée ou de centinode
( knawel ) que M. Ray a nommée Polygomim çoccifemm Incahum
flore majore, perennï ^ &: que M. de Tournefon a regardée comme, u/ié
efpece de pied-de-lion, alchimilla gramineo folio y majore flprè,l\jQO:
le fcleranthus perennis , Linn. ^' "ir.- ,\-
Selon M. Breyn, \q polygonum efl: abondant dans le Palatin^f de
Kiovie , voifin de l'Ukraine, vers les Villes de Ludnow , Piatka,
Stobdyfzce, & dans d'autres lieux déferts ou fablonneuxde l'Ukraine ,
de la Podolie , de la Volhinie , du grand Duché de Lithuanie , &:
même dans la Pruffe du côté de Thorn. Les payfans , & tous ceux
qui en font la récolte , favent que le polygonum ne rapporte ' pas
tous les ans ; la récolte manque fur-tout lorfque le temps eft pluvieux .
& froid : ils favent auffi que c'eft immédiatement après le folftice
d'été, que l'efpece de kermès qui s'y trouve eft mûr & plein de (on
fuc purpurin. Il's ont à la main une petite bêche creufe , faite en
forme de houlette , & qui a un manche court ; d'une main ils
tiennent la plante ; ils la lèvent de terre , & avec l'autre main ,
armée de cet inftrument , ils détachent ces efpeces de faufles baies
ou infeéles ronds , & remettent la plante dans le même trou pour
ne pas la détruire : ils font cette manœuvre avec une dextérité &
vîteiTe admirables. Ayant féparé le coccus de fa terre , par le moyen
d'un crible fait exprès, ils prennent foin d'éviter qu'il ne fe convertifle
en vermiffeau. Pour l'em^pêcher , ils l'arrofent de vinaigre , & quel- ;
quefois auffi d'eau la plus froide ; puis ils le portent dans un lieu
chaud, mais avec précaution ; ou bien ils l'expoferit au foicil pour la
'224 CGC
faire fccher &: pour le faire mourir. S'ils étoîent defTéchés trop prc-
cipitammïjnt , ils perdroient leur belle couleur. Quelquefois ils féparent
ces petits jnfcdies de leur véficules , en les prefTant doucement avec
rextrémité^'(âes doigts ; & enfuite ils en forment de petites maffes ron-
des. Il fâùc.f^.rè cette expreffion avec beaucoup d'adreffe & d'attention;
autrement1i^;Juc colorant feroit réfous par une trop forte comipref-
fiôn-, & '-"fe:- j^Duleur pourpre fe perdroit. Les Teinturiers achètent
beauedtîp'^i^^r cher cette teinture réduite en mafle, que quand elle
.eft ent;c>rê'.èii^^raines.
®»^^5^il§'3daft$ la même Diflertation , que quelques Seigneurs
Pcîîo»àji^^*^3ni^.fe terres dans l'Ukraine , afferment avantageufement
l?i réc^t'ér^dp. coccus aux Juifs , & le font recueillir par leurs ferfs
Ipu ■j^ars^vàifaux ; que les Turcs & les Arméniens , qui achètent cette
^.ârdgh4 des- Juif? 3 l'emploient à teindre la laine , la foie , le cuir, le
mâfrôl|wà;l&^-$$ij; qtreûes de leurs clievaux; que les femmes Turques
eri'^4J^t 4a- 'teinture avec le jus de citron ou du vin , & s'en fervent
journejldrûent pour fe peindre l'extrémité des mains & des pieds , d'une
beltb couleur incarnate; qu'autrefois les HoUandois achetoient auflî
le cSccus fort cher 5 & qu'ils l'employoient avec moitié de cochenille,
pb^r^teindre les draps en écarlate ; que de la teinture de cet infede,
je.^tfaite par le jus de citron ou une leffive d'alun , or» peut , avec la
cr.aie 5 faire une laque pour les Peintres ; & qu'en y ajout^mt un peu
de gomme Arabique, elle eft auiîi belle que la laque de Florence;
, enfin , qu'on conferve le fuc exprimé des coques du Polygonurii, pour
les mêmes ufages médicinaux que le kermès , &: qu'on le fait entrer
,dans la confedion d'alkermès à Varfovie.
Soit que toutes ces propiiétes foient exagérées , foitque ce kermès
qu'on a envoyé à Dantzig à M. HcUot , fût éventé & trop vieux , ce
favant Académicien n'a jamais pu , en le traitant , ou comme le ker-
mès , où. comme la cochenille, en tirer que des lilas , des couleurs
>,i,^'^.jde -chair, des cramoifis plus ou moins vifs; & il ne lui a pas étépof-
ilble de.parvenir à en faire des écarlates. D'ailleurs, celui qu'il a em-
jp\<dyé, a coûté beaucoup plus cher que la plus belle cochenille, puis-
qu'il ne fournit pas la cinquième partie de la teinture que rend cet
infede du- Mexique : c'efl; vraifemblablement pour cette raifon , que
v^*" le commerce de cette drogue eft extrêmement tombé, & que l'on
ïfQ connoît plus \q coccus ou çochcnUU de graine que de nom ^ dan^
-'. ' . la
C oc 22;
la plupart des Villes d'Europe qui ont quelque réputation pour leurs
teintures.
M. Linnœus met cette forte de cochenille dans l'ordre '^^aesinfedes
hémiptères, & du genre de ceux qui ont la bouche placée a la poitrine,
le ventre fétacé par le bas, & deux ailes élevées ; mais^il ny-aqùe léè
mâles qui ont des ailes. Voici les différentes efpeces d'infeâbes?jiè.*irr^nge -
fous le nom de coccus , & qui font autant de gallinfedes oaîdcipr'ogallin-
fedes ; favoir, i". la cochenille de Pologne ( kermès radicum ) ; J2*Hs coccus
de la pilofelle ; 3°. le coccus du phalaris , (ce coccus ^ùr.yxr^-ê^w^Us^') ^
/^. le coccus du citron ; y*^. le coccus du bouleau ; 6°. Iç £OC<?a^^^Jtnf^-
tes; 7°. enfin le coccus du chêne vert , ou le kermès de Érpye,nce,
Ce même Auteur parle d'un coccus aquatique , qui fe trouvè.da^'i^les .
foffés & dans les marais fur les plantes aquatiques. M. DeUu^àitx^ok']
trouve auflî les coccus fur l'argentine , le fraifier y là\po^unttUâxrïctâ'î
'«•X ^•.•■■>''*.*^-
mais plus rarement. ' *}^?V^:r'r|È
On vient de découvrir en Mofcovie , près de Woramii :j une
nombreufe famille de cochenilles qui s'attachent à la racine ;dii
fraifier. - ' ^ -
COCHENILLE DE PROVENCE. Ceft le Kermès de l'ilex^.ou
chêne vert. Voyez Kermès de Provence* - v
COCHEVIS. Foyei Alouette.
COCHLEARIA. Foyei Herbe aux cuillers.
COCHLITES. Les Lithologiftes diftinguent par ce nom des co-
quilles univalves foffiles , dont la divifion eft la même que celle des
coquilles univalves vivantes ôc uniquement du genre des limaçons,
Voyei au mot Limaçon.
COCHON CHINOIS. Cet animal eft parvenu en Europe : on le
connoît en France. On fait qu'il eft plus petit que notre cochon ,
que fon dos eft concave , & pour ainfi dire , enfellé, On l'eagraifTe^ ^
& fa chair palTe pour excellente au goût. ^^u
COCHON D'EAU, ou PORC DE RIVIERE. Fojy^^ Cabi ai. ^
COCHON DE GUINÉE. Foyei Porc de Guinée.
COCHON D'INDE , cunlculus , fiu porcellus Indicus. Cet animal
^ft plus petit que le lapin : fes oreilles font tranfparentes & arron-
dies : il n'a prefque point de queue; fes dents font femblables à celles
du rat î fon poil peut être comparé à celui des cochons : fa couleur.'
Tome //. . . . F f
•»*
.,i'
2 2cr c o c
varie , mais la plupart font ordinairement mêlés par de grandes taches
de blarc, de noir & de roux.
Suivant les obfervations de M. de Buffbn , ce petit animaî , quoi-
qu originaire des climats chauds du Bréfil & de la Guinée , nelaiife pas
de, vivre v&'<^â produire dans les climats tempérés, & même dans les
pays.froidSi'^;^n le (oignant & le mettant à l'abri de l'intempérie des
fâiforis. iCeà animaux font d'^un tempérament li précoce, fi ardent,
■ qu'ils fo. recherchent & s'accouplent cinq ou fix femaines après leur
naifla^ce j quoique réellement le développement des parties Toîides
&.. des organes de la génération , ne fe fafle & n'acquière toute Ton
énergie , que vers l'âge de cinq à fix mois. Les femelles ne portent quô
troi*»; femaines : on en a vu mettre bas à deux mois d'âge. Les fem.elles
produifent au moins tous les deux mois , jufqu'à fept à huit petits d'une
portée , qu'elles n'allaitent qu'environ quinze jours : les petits qui
visfttient de naître , produifant de même , l'on eft étonné de leur
prompte & proJigieufe multiplication. Avec une feule couple , on
pourroit en avoir un millier en un an ; mais ils fe détruifent auffi vite
qu'ils pullulent > le froid & l'humidité les font mourir. Ainll leur
deftrudion eft en proportion de leur multiplication.
•Ces petits animaux , même les mâles , fe laiffent manger par les
chats fans réfiftance : ils n'ont de fentiment bien diftinâ:if que celui
de l'amour : ils font alors fufceptibles de colère : ils fe battent cruel-
lement , & fe tuent même quelquefois pour jouir d'une femelle. Ils
paflent leur vie à dormir , fe divertir & manger. Ils mangent à toute
heure du jour & de la nuit, & cherchent à jouer aufîî fouvent qu'ils
mangent. Ils ne boivent jamais , mais ils urinent à tout moment : le
jus des plantes ou des fruits leur tient lieu de boiifon. Ils ont une
efpece de gazouillement , qui marque leur plaifir , lorfqu'ils font au-
près de leur femelle , & un cri fort aigu , lorfqu'ils refTentent de la
douleur. Ces animaux s'aflTeyent fur les pattes de derrière comme les
; lapins : ils fe frottent la tête avec celles de devant: ils font très-frileux
& périflent dans l'hiver , à moins qu'on ne les tienne dans un endroit
fec & chaud. Ils font naturellement doux & privés; ils ne font aucun
mal y mais ils font également incapables de bien : ils ne s'attachent
point. Doux par tempérament , dociles par foibleire,prefqu'infenfibles
à tout., ils ont, dit M. de Buffbn ,, l'air d'automates montés pour la
propagation y faits feulement pour figurer une efpece,.
CGC 227
On élevé ces animaux en France plutôt par curiofïté , que par
rutiîité qu'on en peut retirer : on les y appelle porcelet des Indes ou
lapin Chinois, Leur peau n'a prefque aucune valeur : leur chair n'eft
pas bien excellente. On dit qu'ils guettent & attrapent très -^ien les
fouris ; mais il y a lieu de penfer qu'ils font bien inférieurs aux
c^x^ts pour l'adrefTe. Au Eréfil on appelle le cochon d'Inde çavia,
JJûguti ou agouti du Bréfil dont nous avons parlé , efl: du înéme ordre ;
on l'appelle rat fauvage de [''Amérique.
M. le Doâieur P allas ait , dans ^qs Mélanges Zoodiques^(\u.Q\éç.dyïcL
que nous connoiflbns fous le nom de petit cochon d'înde ,/efk' tïls-
difFérent du lièvre & des rats : il n'a de convenance àveC''' les lièvres
que par^la grolTeur & la forme du tronc; mais les cuifies poflçrieures
font beaucoup moins longues , la tête & les oreilles n'ont aucun rap-
port , & femblent tenir le milieu entre celles des porcs-épics & des
rats. Le cavia a la gueule & les dents du porc-épic; les piéda :aOté-
rieurs font quadrifcules ; les pieds poftérieurs font tridaclyles St quel-
quefois penta-dadyles : on ne remarque point de clavicules dans Ton
fquelette ; & en cela il diffère des loirs. Sa tête eft petite & appîatie.
Ses oreilles font rondes & nues. Son poil eft roide , long , mais poli.
Il marche avec moins d'agilité que le lièvre. L'amérique eft l'afile
ordinaire des cavias : c'eft dans ce Continent qu'on trouve les diflTé-
rentes efpeces de ce genre d'animaux; la plus commune & la plus cortr.
nue de toutes , celle qui s'eft reproduite en Europe, eft le cavia co-
baya , ou le cochon des Indes de M. de Biifon,
COCHON DOMESTIQUE , fus. Animal quadrupde qu'on a mis
au rang des animaux à pieds fourchus , & qui ne ruminent pas. Le
cochon eft le porc châtré : celui qui ne l'eft pas , s'appelle verrat. Voyez
Sanglier.
COCFION - MARON. On donne ce nom en Amérique aux co-
chons qu'on y a tranfportés des autres parties du monde , qui y font
devenus fauvages & s'y font multipliés , en rentrant dans les forêts» ^
On y en diftingue de trois efpeces , fur lefquelles la nature du climat
a vraifemblablement influé plus ou- moins , fuivant la difi-erence des
contrées d'où on les avoit tirés.
Ceux de la première efpece font courts. Ils ont la tête groffe , le;
snufeau peu alongé & les défenfes fort longues , les jambes de devant
près d'un tiers plus courtes que celles de derrière ; ce qui fait qu'ils
* Ffa
228 COC
font fujets à culbuter , en courant. Ils font armés de longues défen-
fes , & font très -dangereux pour les ChafTeurs , quand ils ont été
■ bleflés. On dit que ce font les Efpagnols qui tranfporterent ces co-
chons 'en Amérique lors de la découverte qu'ils en firent , & qu'ils
les tirèrent ^de Cadix , où on en voit encore beaucoup qui leur
refTemblenii:. ;
Les cocbob^-marons de la féconde efpece ne différent nullement de
nos cochon'è ''domeftiques ; & il paroît que ce font des cochons qui
fe font échappés des parcs oii on les nourriflbit. Ce font des enne-
mis redoutables pour le ferpent à fonnettes. Voy, à VartïcU Boiciningua.
Les derniers font des cochons de Siam & de la Chine, qui y ont
été trânfport.çs.par des vaifleaux françois.
/SE^^-'-Voit auflî dans ce pays -ci, depuis quelques années , l'efpece
■ du-^çochon, de Siâm qui réuflit très -bien. Il a quelque reflemblance
'âVêc te; petit ^fenglier : les femelles produifent beaucoup de petits
qui^ïbiît très - délicats à manger en cochon de lait. Ces animaux
ne (ont; point difficiles ; ils s'accommodent de toutes fortes de
nourrrtures.
COCHON DE Mer ou Marsouin , fus marinus. Efpece de dauphin ;
gros poiffon oblong , dont le nez relfemble un peu à celui du cochon
terreftre. Il fouit de même dans la terre. Ce cochon a quarante-huit
dents très-aiguës à chaque mâchoire , trente-fept côtes de chaque côté.
Ses nageoires font placées horizontalement. Il monte fouvent dans la
rivière de Seine avec les marées. Sa couleur eft jaunâtre : il eft fort
gros. Sa chair eft indigefte & de mauvais goût ; mais on ne laiiîe
pas d'en manger. On fait fondre fa graiffe & on l'aromatife , dit
Limery , avec quelque plante odorante ; c'eft ce qu'on appelle huile
de marfouin. Elle eft émolliente. Quand elle eft pure , on s'en fert
dans les Tanneries & les Savonneries. Foye^ Dauphin à la fuite
du mot Baleine. *
c .^j^.COCHON SAUVAGE. Voye^ Sanglier.
^v "^\COCO ou COQUO. C'eft le nom que l'on donne au fruit de certaines
■;^r éfp_^ç;es de palmiers : fruit des plus précieux par fa grande utilité, ainfi
,-v. • que, lés arbres qui le produifent. Ils fourniflent feuls à un petit ménage
i l'aliment^, .la boiffon , les meubles , la toile & un grand nombre
. .4'uftenfiles. L'Afrique , l'Afie , l'Amérique , font la patrie de ces
a'rbres utiles.
C O C 2 2p
Le coco , nommé aufïî noix de l'Inde , croît dans les Indes, Ce
fruit eft plus gros que la tête d'un homme, ovale, quelquefois rond:
trois côtes qui fuivent fa longueur , lui donnent une. forme triangu-
laire. Ces côtes forment une efpece de gaîne ou enveloppe , dont
la noix de coco , de la groffeur pour l'ordinaire d'une -poîr^j.de coing
ou d'un petit melon ovale, fort en grolTilfant. Le b'ojlt^hpt^î^jequer
la noix eft attachée à la branche, a trois ouvertures tiiHdes de deux
à trois lignes de diamètre, qui font fermées & remplies d'une jnaatiere
grisâtre, fpongieufe comme du liège , par lefquelles^î''>ftiiYant îes
apparences , le fruit tire fa nourriture de l'arbre., ^ La, cbquille de
cette noix eft grofle , dure , ligneufe , ridée : on la travaille pour
différens ufages. A Siam elle fert à mefurer des liquides.' On grEdus-.
fa capacité avec des cauris , petites coquilles de la famille d^ p-ok-
celaines, connues fous le nom de pucelages, & qui fervent de7iâhnjr>
noie. Les Dieppois font avec les coques de coco,* désv-Çvâ'TéSj'CJdes-
gobelets , des gondoles, & autres jolis ouvrages nuancés de dwerfes
couleurs, & d'un poli très-luifant. Il vient beaucoup de noix dê^coco
des îles Antilles en Amérique. Lorfque cette noix n'eft pas encore
mûre , on en tire une bonne quantité d'eau claire , odorante , aigrelette ,
dont on fait ufage dans le pays , foit pour fe défaltérer ou pour
relever des fauces : en général elle eft fort agréable au goût. Les
Malabares appellent alors la noix clsv'i.; mais fi le fruit a pris fôti
accroilTement , la moelle que renferme l'écorce prend de la confiftance ,
devient bonne à manger, & prend un goût qui approche de celui
de l'amande. On peut par trituration retirer un lait de ces amandes.
Les Indiens tirent de cette moelle ou amande de cocos frais , une'
huile pour les lampes , & d'ufage pour faire cuire le riz , &c. La
coque qui enveloppe la noix de coco , eft épailTe , & couverte à
l'extérieur d'une peau mince & lifle , de couleur grife à l'extérieur ,
mais garnie en dedans d'une efpece de bourre rougeâtre & filandreufe
dont les Indiens font de la ficelle , des cables & des cordages de toutç-
efpece. Les Malabares appellent cette bourre cayro : elle eft préférable-
à l'étoupe pour calfater les vailTeaux , parce qu'elle ne fe po$imt.
Vite. - .. .>i ■
. ' '■ ■ ' ^'v .
Le coco croît par régimes fur les rameaux particuliers d'une efpece^/. '••
de palniier de médiocre groffeur, mais qui devient'fort grand, &|'
qui va peu-à-peu en s'étréciifant. Il eft quelquefois moins '^ros dans
yt."
'230 c o c
fon milieu qu'à fes extrémités. Il poulie peu avant dans la terre fa
principale racine ; mais elle eft environnée d'une très-grande quantité
d'autres plus petites entrelacées les unes dans les autres , qui aident
à fortifier l'arbre : (cette particularité eft commune à plufieurs efpeces
de palmièp), 'Cet arbre fe nomme coconer , palma Indïca coccifir^
û/i^f//q/^,' ;^ar;«ete eft terminée par des feuilles fort longues & larges
à pr6poi:tioa^.Ç: dont le milieu eft fort épais. Ses fleurs font femblables
à celles deis^'4ù"tres efpeces de palmier. Voye^ à VarticL Palmier. A ces
fleurs qui font en régime, fuccede un groupe des cocos dont nous
avons parlé ..ci- -delTus. Comme le cocotier fleurit tous les mois , il
paroît toujours' couvert de fleurs & de fruits, qui mûriflent alternati-
vement.- Lès'habitans fe fervent des feuilles fous le nom d'o/a , pour
couvrir leurs maifons & faire des voiles de navire ; on dit même qu'elles
ietir fervoîeiit autrefois de parchemin pour écrire les faits mémorables
-& lèâ contrats publics. Les branches feuillées fervent à faire des
parafois- & des nattes grolîieres. La partie de l'arbre d'où fortent les
branches- feuillées , eft environnée de plufieurs couches de fibres en
réfeauX , qui peuvent tenir lieu de tamis pour les liquides. Des
Voyageurs difent que la fciûre ou râpure des branches peut aufii
fervir à faire de l'encre. Les Indiens montent le long des troncs du
palmier en fleur fur de petits échelons faits de jonc. Ils coupent le
bout du rameau où dévoient naître les jeunes cocos, & à leur place
on adapte un petit pot de terre, dans lequel tombe la fève deftinée
à la nourriture & à l'accroifl*ement du fruit qu'on a retranché. Voilà
îe vin de palmier , dont la faveur eft fi agréable & fi rafi-aîchiffante.
Ce fuc vineux tout frais fert de boiffon fous le nom de jura OMfoury,
& expofé au foleil il devient aigre & donne du vinaigre. Ce fuc
donne par la diftillation de fort bonne eau-de-vie , appellée arraka
ou rack. Après avoir recueilli ce premier fuc , ils en retirent un
. fécond qui n'eft pas fi fpiritueux , mais qui donne par évaporation
\"|"^pn fucre noir qu'ils appellent ja^ra. Le fommet de l'arbre eft une
, efpece de chou palmifte très -bon à manger. On emploie le bois du
-.■ cocotier à la conftruftion des maifons & des navires. On en faitparti-
• puliérement des chevrons.
Il y a, au rapport de Llm&ry ^ une efpece de coco des Maldives.
On en trouve de gros & de petits jettes fur les bords de la mer par
j[e:5 flots. Ce fonf, dit-on, des cocos qui ont été fubmergés avec les
CGC 251
palmiers , lors des inondations de la mer fur les îies Maldives , qu'on
a prétendu avoir autrefois fait partie du Continent. Les Indiens
regardent ces efpeces de cocos comme un remède univerfel ; ce qui
les rend très-rares. Ils les payent au poids de Tor. Parmi ces cocog
des Maldives il y en a qui font formés comme deux lob^? ovoïdes
qui fe réunilFent parle milieu, de manière à repréfenter . ci'un côté,
une paire de feifes , & de l'autre, les parties naturelles de^I^ femme. On
vient de découvrir aux îles des trois Frères , près des Maldives yh lieu
natal de ces cocos , dont on a apporté plufieurs en France. Un de
ces cocos a germé dans la traverfée de l'Inde en Europe.-
Il croît au Pérou & au Bréfil une efpece de coco fait en forme
de cloche, & dont la tête efl: fermée par une matière qui reiTemble
a un champignon ; il contient un grand nombre d'amandes renfermées
dans des coques très-dures. L'arbre qui porte ces fruits croît fur. les
montagnes d' Andos , ce qui leur a fait donner le nom. . ^'dma-^des.
d'Andos : ce fruit & toutes les produdions de cet arbre.-'foflt de la
même utilité que celles du palmier à coco des Indes. Voyez Jacapucaio»
COCON. Nom donné au tiflu filamenteux qui fert d'enveloppe
au ver à foie, & dont on obtient par une opération qu'on appelle le
tirage, cette fubflance animale appellée foie , que nous employons
à tant d'ouvrages précieux, roye^ à tanicU Ver a soie. Le cocon
eft , à proprement parler , le tombeau où la chenille fe met en
chryfalide. Voyez ce mot à l'article Nymphe. Foyci auffî Coque.
COCOT-ZIN. C'efl une très-petite efpece de tourterelle qui fe
trouve en Amérique, à Saint-Domingue , à la Martinique ; c'eft le
picuip'mima de Pifon & de Marc Grave, & la petite tourterelle d'Jf'
capulo : on trouve cet oifeau dans toutes les parties méridionales du
nouveau continent.
COC-SIGRUE. Efpece de fauterelle des Antilles, dont parle le Pa
du Tertre : elle efl à peu près femblable au pulpo. Voyez ce mot.
COCU. C'efl le Coucou. Voyez ce mot, . ,.■■*.'
. CODAGA-PALE ou CODAGO-PALE ,. codagapala. C'efl on '
arbriiTcau C-fpece à^ mrium) aflTez commun dans le Malabar & dans.",
nie de Ceylan. Sa racine efl courte , très-fibreufe , couverte d'une '.
écorce brunâtre & laiteufe , d'un goût amer & piquant : elle pouffe
des tiges fermes &: ligneufes qui fe fubdivifent en ram^eaux „ vétues^
d'une écorce noirâtre qui couvre un bois blanchâtre» Ses feuilles font
l'
2 3 2 C O S
grandes, pointues, nerveufes , verdâtres, oppofées , & répandent
un fuc laiteux. Les tiges portent en leurs fommets des fleurs mo-
nopétâles à cinq quartiers & autant d'étamines , ramaflees en un
. cône pointu , d'une odeur agréable , & fort belles. A ces fleurs il
fuccede dans., chacun des calices qui les foutiennent , deux petites
goufTes dtb'tt^ très-longues , cannelées , de couleur de cendre. Les
fi-raines (ont rattachées au duvet comme le cordon ombilical l'efl: au
placenta,:;, .i-^v:
On marlgeYournellement en Afrique les fueilles du codaga-pale Se
de plufieufs fofl;ei>d'apocins , cuites dans du bouillon, pour toutes les
fièvres criti.qiîei^,/&Li Ton emploie le quinquina. L'écorce de la racine
& du bois niondé de fa moufle , reflemble intérieurement à celle du
quinquiiia^V .pilée & prife dans du lait aigri, elle efl: vermifuge &
trè^-^OÎîné^pour"' toutes fortes de flux , foit lientériques , foit dyf-
fem^ÂqiïiejS'jiibithémorrhoïdaux, particulièrement pour les diarrhées
réceîitesv' & qui proviennent d'un dérèglement dans le boire & le
platiger. ■Voy^'^Us Mémoires d'Edimbourg , Tome III. Page J2.
CODDAM-PULLL Voyez à l'article Carcapidli,
COENDOU. Efpece d'animal qui fe trouve dans toute l'étendue
de l'Amérique , depuis le Bréfil & la Guiane jufqu'à la Louiiiane ,
. & dans les parties méridionales du Canada, Cet animal a été regardé
par plufieurs Naturaliftes comme une efpece de porc-épic ; mais
fuivant les favantes obfervations de M. de Buffon , cet animal ne lui
reflemble que parce qu'il a, comme lui, des piquans : il efl: beaucoup
plus petit. Sa tête efl à proportion moins longue , fon mufeau plus
. court ; il n'a point de panache fur la tête , ni de défenfe à la levre
fupérieure : fes piquans font trois ou quatre fois plus courts &
beaucoup plus menus. Il a une longue queue ; au lieu que celle
du porc-épic efl très-courte. Il eft carnaflîer plutôt que frugivore.
Il cherche à furprendre les oifeaux , les petits animaux & les
. volailles j au lieu que le porc-épic ne fe nourrit que de légumes,
dép^racines & de fruits. Il dort pendant le jour comme le hériflbn ,
jVi^.êouri: pendant la nuit. Il monte fur les arbres & fe retient aux
i^ brancîîfes avec fa queue, ce que le porc-épic ne fauroit faire.
Ge'ÊTanim'al eft fufceptible de s'apprivoifer , & fa chair eft très-bonne.
C(ÊUR-7''Cor. Eft un corps mufculeux , c'eft-à-dire , une fubftance
compofeê d'une ^uite continue de fibres différemment entrelacées.
G(EU 23.
Il eft (itué dans la cavité de la poitrine , où toutes les veines
aboutiflent , & d'où toutes les artères fortent : par fa contradion &
£à dilatation alternative , il eft le premier inftrument de la circu-
lation, du fang & le principe de la vie. Dans tous les animaux le -
cœur a , en quelque forte , la figure d'un cône oUi 'd'une pyramide
renverfée , dont ^ la partie fupérieure , qui eft la^plus'^ge , /eft
appellée bafe , & l'inférieure pointe : elle eft un peu- tQtlcn^ "vers le
côté gauche. Sa grandeur n'eft point déterminée ,'.S^-'eiIef varie
dans les difFérens individus. Les animaux timides ont^-tbiijdurs le
cœur plus grand que ceux qui font courageux. :,-C).n",;trotivera une
courte théorie du mouvement du cœur & rimportarîc^,*de ce vifcere,
dans l'article de V économie animale , à la fuite du mot HoMiviE.
C(EU-R DE BŒUF ou Petit corosol , guanabanus friiHuimrlnnato
minori luteo. Ban. On donne ce nom au fruir cachlmSf^imQ
efpece de corofolier d'Amérique , que les Efpagrt'olsVggpèîîérît
guanabo-pintado , arbre guanabane qui a caufé beaucQup'^''4é"^vû3n-
troverfes parmi les Auteurs Botaniftes , & qui eft aufômâ'Bui*:'lb^t
comm*un à Cayenne & dans les Indes Orientales. Il vient facilement
dans les terrains défrichés. Cet arbre fleurit deux fois l'an. Il eft
propre à former des entourages , & on le mêle avec le médicinier
qu'il foutient. f^oye^ ce mot à Vartick Ricin. On prétend que fa
racine deftechée eft employée par les Indiens contre l'épilepfîe , &;
qu'ils la font avaler pulvérifée au malade dans l'inftant qu'il s'en trouve •
attaqué. Cette même poudre prife par le nez comme du tabac ,
produit le même effet. Le fruit du cœur de bœuf eft ordinairement
gros comme un melon médiocre : celui des Iles a jufqu'à fix pouces
de diamètre , & pefe jufqu'à huit livres. Il a la figure d'un cœui'.
So'n écorce eft d'abord verte, enfuite jaunâtre , comme écailieufe :
fa chair eft fort blanche, & d'un goût aigrelet très-délicat, approchant
de celui de nos crèmes : on en fait ufage comme d'une marmelade
ou pâte fucrée. Cette chair renferme un nombre de femences noirâtres
dont les Malayes fe fervent en place de légumes, Ce fruit eft,ti;ès--
rafraîchiflant & excite l'appétit. ^.-^^^'^î-^y: ^
En général le fruit du corofolier eft fort fain. On a éprbti^é, qîie '
plufieurs perfonnes incommodées de violentes diarrhées , "^ont'^^té
guéries en ne mangeant que des corofols pendant pJulj.eurs'^ /purs,-..
Lorfque le fruit n'eft pas encore en maturités, *fi çn k ,:(çàopç par
Tome. lU .; G g
234 C (E U
tranches de l'épaifTeur du doigt , il tient lieu de cuîs d'artichauts dans
les fricafîees & les ragoûts ; mais quand il ejR: trop mûr , on l'emploie
utilement à engraifler les pourceaux qui en font extrêmement friands,
Foye;^ Cachimentier.
COEUR COQUILLE , coucha cordis. Genre de coquillage bivalve ,
de figure arrondie , cannelé ou tuile , quelquefois épineux , à char-
nière-de nticulçô > & qui repréfente par une ou par deux faces, quand
les deux valves bombées font jointes & bien fermées , la vraie forme
d'un cœur r q*eft de-là que ce coquillage a pris fon nom. Suivant
M, de Rome ,. on peut établir trois fous - divifions des difterentes
coquilles qui . -appartiennent à ce genre & auxquelles les amateurs
ont donné des rioms analogues aux chofes qu'elles repréfententi i°. celles
dont I es-faces latérales repréfentent toutes deux à la fois ( la coquille
é tarit bien fermée ) des cœurs bien formés , & dont les fommets font fort
prè^s l'un deTautre : voilà les cœurs proprement dits ; tels font la conque
exotique , le maron épineux, 2°. Les fommets de celles-ci font fort écartés
l'un de l'autre , & laifTent entr'eux un efpace rhombe ou lozange
nommé' c^re/z/ze. Elles comprennent les efpeces Marches; telles font la
corbeille , Yurchc de Noé. 3°. Celles dont une feule des faces latérales
repréfente un coeur , & que l'on diftingue par les noms de cames
tronquées ou de conques de Vénus. Tels font la came coupée , la came en
bec de fiûte , le concha veneris , la gourgandine , la vieille ridée , le chou ,
la fa itiere ou tuilée y le bénitier de Saint-Sulpice , le cœur de bœuf , le
cœur triangulaire , ou en foufflet , ou à réfeau , la fraife , le cœur de
Vénus y le cœur en bateau. Voyez les planches qu'en ont données les
Conchyliologlftes.
CCEUR DES INDES. Voyez à l'article pois de merveille,
CCEUR DE S. THOMAS. Nom donné au fruit qui fe trouve dans
la goufîe d'une des efpeces ai acacia. Voyez ce mot.
COFFRE. Voye^ Poisson-coffre.
COIGNASSIER ou COIGNIER , en Provençal Coudounier ,
en Latin cydonia. Il y a plufieurs efpeces ou variétés de coignaflîers
qui^ne différent que par la groffcur & la figure de leurs fruits. Le
coignaflier de Portugal à gros fruits & à grandes feuilles , fe greffe
fur le coignafTier ordinaire. '^
Le coignaflier eft un arbre du genre du poirier , peu élevé & qui
n'eft fouvent pas plus haut qu'un arbrifTeau : on le met au rang de»
C O î âH
arbres fruitiers. Il poufle des racines grandes , étendues , abondantes
& de couleur obfcure. Son tronc , ou plutôt fon bois , eft tortu ,
froueux , dur , blanchâtre, couvert d'une écorce médiocrement épaifife,
cendrée en dehors , Ôc rougeâtre en dedans. Elle tombe avec le tempsf
par morceaux. Les branches font chargées de beaucoiïp dà ra*meaux
qui s'inclinent & s'étendent plus qu'ils ne s'élèvent. Ses feuilles font
alfez femblables à celles du pommier , point dentelées',"ër^r§ees d'un'
duvet fin & blanchâtre en deffous. Ses fleurs font à cin"^' feùiîîés diP-
pofées en rofes , femblables à celles des rofiers fauvagesr A ces fieurs
fuccedent des fruits qui varient un peu pour la forme, tantôt ronds,
tantôt alongés, femblables à une poire , d'une belle '€Ôule*ur jaune ,
quelquefois godronnés , couverts d'un duvet épais qui s'emporte aifé-
ment. Leur chair eft très-odorante & un peu acide. Ces fruits font
aftringentsj ils font connus fous le nom de coings oxipoiresdsçoings.
On les mange rarement cruds : cuits, ils font plus amis de l'eftomâc.
C'eft avec la pulpe des coings que l'on fait les gelées appeiîées co-
iignac : cette ménie gelée eft encore appellée rob de coing ( myva
cydoniorum). On fait aufîî à^s liqueurs & un vin de coing. Le firop
de coing eft acide & eftimé aftringent. C'eft à tort qu'on en fait ufage,
foit pour évacuer , foit pour corriger la pituite. M. Bourgeois dit qu'il
doit plutôt produire les deux effets oppofés. On peut faire ufage en
médecine de ce firop dans les hémorrhagies , fur-tout lorfqu'elles font
-accompagnées de fièvre & de chaleur , dans les diarrhées & les vo-
mifTemens bilieux , après avoir fait précéder la rhubarbe. On peut
multiplier le coignier de rejetons qui fe trouvent ordinairement au
pied des vieux arbres , de branche couchée , de bouture , de femence , &
par le moyen de la grcjfe : mais il y a du choix à faire fur ces dif-
férentes méthodes. i°. Les rejetons s'enracinent mal. 2.°, La branche
couchée, quoique faifant un bon plant , occafionne un double travail,
■qui eft la tranfplantation. 3°. La bouture eft le meilleur expédient
pour avoir les fujets les plus propres à être greffés , & fe les procurer .
plus promptement. 4'*, La femence , quoique produifant des plantés
excellentes , n'eft point ufitée , comme étant la voie la plus longue;'
y^. La greffe pourrolt fervir à perfedionner les fruits du cdlgnaffiee^
fi l'on vouloit s'en donner la peine. On peut aufli greffer le coignaffier
fur le poirier , qui donne plus de groifeur aux coings , &c. L'écuffon . "
^ CEÏI dormant eft la forte de greffe qui réuflit le mieux fur le coignalîîer»
2^6 COL
On cultive beaucoup le coîgnafïier ordinaire , parce qu'il fert de fujet
pour greflPer toutes les efpeces de poiriers. Comme cet arbre pouffe
peu en bois , les poiriers greffés fur coignaflier , ne s'élèvent point fi
haut, donnent du fruit plus promptement & ordinairement plus beau,"
que lorfqu'ils' font greffés fur des poiriers fauvageons. Le coignaffier
fe plaît dajis.-îes coteaux , dans les terres plutôt mêlées de fable que
d'argile ;.jrr^âis' il craint les terrains trop maigres & trop fuperficiels»
Cet arbre foilffre aifément la tranfplantation , & n'exige d'autre taille
que le retranchement des branches chifonnes & gourmandes.
COLCHIQUE 5 colchlcum. Ce végétal digne de remarque , qu'on
nomme aîiifi -;^br/ au chien ou tm-chkn, eft une plante qui croît au
milieu jdês,|)rairies baffes , quelquefois fur les montagnes , & qui étoit
aufrreCô"ijS*fQ^t.-;Commune dans la Colchide , quon appelle préfente-
mêntsia-jflia^relie. La racine du colchique eft compofée de deux tu«
beçciiîie§<blancs; un charnu & l'autre barbu, remplis d'un fuc laiteux
& enveloppes de quelques tuniques noires ou rougeâtres. La bulbe
eft arrondie, applatie d'un côté , fillonnée quand la plante fleurit,
& fans filions dans un autre temps. Il s'élève immédiatement de la
racine,., trois ou quatre tuyaux longs , grêles , blanchâtres , tendres ^
qui s'épanouiffent vers le haut en fix parties , formant comme une
fleur de lys , de couleur tantôt purpurine , tantôt blanchâtre, tantôt
gris de lin ; il s'en trouve auflî de panachées. Ses fleurs paroiffent
. avant les feuilles au commencement de féquinoxe d'automne: ces fleurs
font éphémères} elles fe fanent après avoir duré deux ou trois jours;
enfuite au commencement du printemps fuivant , il s'élève de la ra-
cine trois ou quatre feuilles femblables à celles du lys blanc. Il fort
du milieu de ces feuilles deux , trois ou quatre follicules en forme
de fiiiques triangulaires , épaiffes , oblongues , noirâtes , remplies de
femences arrondies , & d'un brun noirâtre : lorfqu'elles font mûres ,
les feuilles périffent avec les tiges.
Toutes les parties de cette plante ont une odeur plus ou moins
forte & qui caufe quelquefois des naufées. La racine excite la falive
dclafait paroître un peu amere : prife intérieurement elle eft un poifon;
car en e gonfle comme une éponge dans la gorge & dans l'eftomac,
'en forte qu'elle fait fuffoquer : on fent en même temps une pefanteur
& line chaleur co'nfidérables autour de l'eftomac, un déchirement dans
les èntraille? , des démangeaifons par tout le corps , on rend du fang
C O L 257
par les Telles avec des morceaux de la racine même : Indépendamment
de l'émétique, Tufage du petit lait & des lavemens adouciflans &
émoiliens font très - falutaires en pareil cas. . Autant la racine du
colchique eft nuifible à l'intérieur , autant , dit Wedclius , elle eft
fpécifique extérieurement contre la pefte & contre toutes^ fortes de
maladies épidémiques ; il fufHt de la portier en amukttê; au- cou. Ge
même Médecin la prefcrivoit auffi en décodion pour l^élT-ies parties
du corps attaquées des morpions. On ^ doit tirer de 'teïPe la.^racine
de colchique vers Téquinoxe d'automne , lorfque les fl©ujfs commen-
cent à fe faner : on les coupe par tranches & on les fait fécher.à
Tombre. Nous ne finirions pas cet article fi nous voulions parier de
toutes les propriétés qu'on donne à cette plante employée 'extérieu-
rement. En général elle eft eftimée alexipharmaque contrC'iMrPJ^^ î
mais Quirinus Rivinus dit , à l'égard des précédentes aro^ùîé^ê^ ""de
colchique , qu'elles n'ont d'autre ufage que d'encourager <Ij^|5^^i5iîe
& d'empêcher de craindre la contagion ; car tout le monde fait
l'effet que produit la terreur , & combien elle eft propre à augmenter
la violence de la pefte.
Le colchique pris intérieurement, eft, comme rtous venons de
le dire ci - deffus , un poifon très-violent ; mais comme les plus
grands poifons peuvent devenir de grands remèdes , quands ils font
maniés comme il convient , celui-ci paroît être à préfent dans ce
cas. C'eft à M. Stork , Médecin à Vienne en Autriche , que nous
fommes redevables d'avoir découvert les vertus médicinales du col-
chique. Cet habile Médecin , digne de la reconnoifi'ance de tous
les hommes , après avoir reconnu les eflets du colchique , par desi
épreuves faites fur lui - même , a découvert que la racine de cette
plante à la dofe d'une once , dans une livre de vinaigre , qu'on réduit
enfuite en oximel , peut être prife intérieurement fans danger; &
que cet oximel eft un des plus puiffans diurétiques qu'on puilfe em-
ployer. M. Stork a guéri avec ce remède , & comme par miracle^
plufîeurs hydropifies qui paroiffoient défefpérées. La dofe d'oximel
de colchique eft d'un gros , une ou plufîeurs fois par jour, fuîvant
les cas , dont le Médecin eft feul en état de juger. La DifTeffàridn
que M. Stork a publiée à ce fujet, a été traduite en François. M,;
Halkr dit que l'onguent de colchique n'a pasréufîi'en Angleterre»
COLCHIQUE JAUNE. Foye^ Lys Narcisse.
5 3 s COL
COLCOTHAR-FOSSÏLE ou CALCHÏTES , en latin cakhuis
nativa rubra, C'cft une terre endurcie dont la couleur eft rouge ;
d'une faveur fliptique , vitriolique &: martiale , fujette à tomber en
efflorefcence ; brillante dans les endroits de la fradure ; fe diffolvant
plus ou moins facilement dans Teau , mais jamais en entier. Il eft
dit dans notre Minéralogie , vol. i , p. SS^ , que c'eft aux diverfes
alte'rations .du'calchite que nous devons la formation de différentes
fubftances , dont il eft fait mention dans Diofcoride , Mathiole , Pline ,
&c. fous leS'. noms fpécieux de Mijy , Sory & Mélanteria» Voyez
ces mots. On l'a appelle aulîî Alcabrufy , & Alcaxadim.
On peut regarder le calehite foffile , comme une terre martiale
rouge furcBargée de vitriol , ou comme le réfultat de la décompo-
(itioo ide pyrites fulfureufes , qui avoient pour bafe du fer. Ces
^yiàtés..(dans leur décompofition produite par la fmguliere propriété
q'uàirlô fer de décompofer le foufre au moyen de l'eau , & de
former alors du vitriol , ) auront opéré en certaines circonftances
comme on l'obferve fouvent en Angleterre & en Suéde , des efpeces
de feux qui auront calciné le vitriol martial jufqu'au rouge , de la
même manière qu'on produit en Chimie cki colcothar artificiel , en
calcinant du vitriol vert ou vitriol de fer.
Le colcothar naturel fe trouve parmi des terres alumineufes en Suéde,
en Allemagne, en Efpagne & à Saint Lo en Normandie. Il eft fort
rare & fort cher : on l'eftime aftringent s c'eft un des ingrédiens
de la fameufe thériaque d'Andromaque.
COLENICUI. Cet oifeau du Mexique eft de la groffeur de notre
caille 5 a les ailes un peu longues ; eft brun fur le corps , gris fale
& noir par-deflous , il a la gorge blanche , & des efpeces de fourcils
blancs.
CULÉOPTERE. Nom donné à la clafTe des iiifcéles à étuis
e'eft-à-dire , dont les ailes font couvertes de fourreaux. Tous font
ovipares. Voyci^ ce que c'eft à l'article Insecte. Le hanneton eft
Colioptcre, Voyez à l'article Scarabée.
COLIART. Nom donné à la raie ondée ou cmdrêe. Voyez foa
article au mot Raie.
COLIBRI , polytmus. Nom donné à un genre de petits oifeaux qui
peuvent pafTer pour de petits chef- d'oeuvres de la nature pour leur
beauté , pour leur forme & pour leur façon de vivre , & pour la petiteiTe
COL 2 3p
&:la finefle de leur taille. On les trouve fort communément dans
plufieurs contrées de l'Amérique , & aux Indes Orientales.
Il y en a des efpeces fort différentes , pour la grofleur & pour les
couleurs ; il s'en trouve de fi petits , qu'on leur a, donné le noni
à^oifcau mouche ; mais M. Brijfon en fait un genre particulier du
même ordre , & dont il compte vingt efpeces ; la plupart font
huppés. On remarque dans notre cabinet deux de ces petits ani-
maux dans un feul petit nid de coton ; leur bec eft droit :. c!eft ïa
feule différence qu'ils ont , étant comparés avec le colibri qui fa
arqué.
Il y a des efpeces de colibris qui ont toutes les couleurs des
pierres précieufes. Edwards^ dans fon Hijloire Naturelle des Oifeaux,
donne les figures & les defcriptions du colibri rouge à longue queue;
du petit colibri brun de Surinam ; du colibri vert à longae .q.ueu^;,^
du colibri à tête noire & à longue queue ; du colibri dont lé ventre
eft blanc; du colibri bleu & vert; du colibri vert du Mexique, dont
le ventre efl noir ; du colibri huppé ; & du colibri à gorge rouge ,
c'efl le colibri violet de Cayenne, Il y a aufîî le colibri piqueté de la
Nouvelle Efpagne ; le colibri à queue blanche de Surinam. Le colibri
tout bleu , c'eft le gros colibri de Du Tertre, &c. Mais il vaut mieux
inviter le Leéleur à les voir dans le Cabinet du Roi 3^ dans ceux
des amateurs , que de vouloir les décrire : le tableau que l'art
entreprendroit de tracer feroit trop inférieur à la réalité. Ces oifeaux ,
même defféchés , font un ornement fi brillant , que les femmes du
pays les fufpendent à leurs oreilles , de la même façon que nos
Dames font des diamans. Leurs plumes font fi belles , qu'on les
emploie à faire des tapifferies , & mêmes des tableaux.
Parmi les oifeaux - mouches , on diftingue l'efpece à gorge de
topaze ; celui à gorge tachetée ; ceux ou à ventre blanc , ou à
poitrine bleue ; celui à collier ; l'efpece dont la hupe eft compofée
de très4)elles plumes difpofées en couronne ; l'efpece à gorge de rubis.
La longueur du bec varie dans les différentes efpeces de colibris^
Le bec de ces oifeaux n'efl guère plus gros qu'une aiguille , &
cependant il les rend très - redoutables à de gros oifeaux , que l'on
nomme gros bu , qui cherchent à furprendre les petits du colibri
dans leur nid. Dès que le colibri & l'oifeau mouche paroiifent , le
gros bec fuit en criant de toutes fes forces , parce qu'il fent à queî
2^0 COL
ennemi i! a afll.iire. Le colibri ou Toifeau mouche fe met à fa pour-
fuite ; & s'il peut l'atteindre , il s'attache avec fes griffes fous l'aile
du gros bec , & le pique avec fon bec acéré jufqu'à ce qu'il l'ait
mis hors de combat. Les yeux du colibri font petits & noirs. Ces
jolis oifeaux volent avec tant de rapidité , qu'on les entend plutôt
qu'on," ne les voit ; en volant ils font entendre une efpece de bour-
donnemerttirf;ce qui les a fait nommer auflî bourdonneurs : ils fe
fou tien nent , pendant long -temps en l'air , & femblent y refter
immobiles^-'*;
Ils.jie f^'jiburriflent que du fuc des fleurs : rarement s'y repofent- ils 5
ils .voltigent • a^utour de la fleur comme le papillon , & fucent le fuc
du neâàr "avec leur langue , longue, fine & déliée : celle de l'oifeau
irfduehé. eft.fourchue & relfemble à deux brins de foie rouées : aulTi
.J^^^do^noêr-t-On quelquefois les noms Aq fiice-fieurs ou d'oifeau abeille,
(rnellifûga.j.aut: mellivora avis. ) Les Efpagnols les appellent picci
Jîor, On dit qu'après la faifon des fleurs , ces oifeaux reftent engourdis,
& dans une efpece de léthargie , ce qui leur a fait donner aux
Antilles le nom de Renati y mais à Surinam & à la Jamaïque, où
ir y a des fleurs toute l'année , on ne ceffe point de voir ces oifeaux»
&'eh très-grande quantité. Quand ils volent , ce font comme autant
d'arc-cn-ciels nuancés des plus riches couleurs.
M. de la Condamine aflure n'avoir vu nulle part des colibris en
plus grande quantité que dans les jardins de Quito , pays dont le
climat efl: tempéré. Les Habitans du Bréfil donnent à l'oifeau mouche
les noms do guinambi, guinanbi ^ aratica ^ aratarataquam \ les Portugais le
nomment p^-gafrol , & les Efpagnols tomincios.
Ces oifeaux font de petits nids d'une forme élégante ; ils les garniflent
d'une efpece de coton ou de foie très-belle , très-douce , avec une
propreté & une délicatefle merveilleufe. Ils ne pondent jamais que
deux œufs : ceux de l'oifeau mouche font gros comme des pois ordi-
naires , blancs , avec quelques petits points jaunes. Le mâle & la
femelle les couvent fun après l'autre. Les petits étant éclos , ne
paroiffeot -pas plus gros que des mouches , ils fe couvrent peu à peu
d'un duvet très-fin, auquel fuccedent les plumes. Le colibri aime de
préférence le voilinage du citronnier & de l'oranger : c'efl: fur leurs
, . branches qu'il fait fon petit nid avec une adreife finguliere. La feule
' façon de prendre ce petit anim<il efl: , dit -on , de lui jetter un peu
4.^^=- do
COL 2
. î
de fabîe pour Tétourdir , ou de lui préfenter une baguette frottée
de glu ou de gomme diflbute. Quand on veut le conferver après fa
mort , on lui enfonce dans le fondement un petit brin de bois , on
le tourne pour y faire attacher les inteflins , & on les tire dehors;
après quoi on pend l'oifeau par le bec à la cheminée, ou ce qui eil
mieux encore, on le fait fécher lentement dans uhe étuvç , en-
veloppé dans un petit fac de papier , afin que ni Îa;j53méè ni une
chaleur trop vive ne puiiTent gâter le brillant du colbris.des'iplumes
de cet oifeau. " '
On peut jouir afiez facilement dans le pays , du plaifir d'élever
ces charmans oifeaux. Au rapport de Labat , le Père Honâidicr ,
fon confrère, ayant pris un de ces nids d'oifeaux , le mit ' dafts une
cage à fa fenêtre ; & l'amour paternel furmontant toutes les craintes,
le père & la mère apportoient à manger à leurs petits ^ r:&,.rnêî^iîs
s'apprivoiferent au point qu'ils ne fortoient plus de la' chambre, ou
fans contrainte ils venoient m.anger & dormir avec leurs petits. Ce
Religieux les nourrifîbit avec une pâte prefque claire , qu'il faifoit
avec du bifcuit , du vin d'Efpagne & du fucre. Ces petits oifeaux
paffoient leur langue fur cette pâte ; & quand ils étoient raffafîés ,
ils voltigeoient & chantoient. Leur chant eft une efpece dé bour-
donnement fort agréable ; il eft clair & foible , proportionné à
l'organe qui le produit. On ne pouvoit voir rien de plus aimable
que ces quatre petits animaux , volans de tous côtés dedans &
dehors la maifon , revenant à la voix de leur père nourricier ,
voltigeant autour de lui , fe perchant fur fes doigts. Il les conferva
de cette manière pendant cinq à fîx mois , jufqu'à ce qu'il les perdit
par accident , un rat les ayant mangés,
COLIMAÇON. Voyei Limaçon.
COLIMBE , colymbus. <ïenre d'oifeau aquatique , plongeur »
qui nage entre deux eaux ; & après un certain efpace , il revient
fur l'eau. Kkïn diftingue cet oifeau des plongions. Voyez ce mot.
Les colimbes font des efpeces de grèbes. Voyez ce mot. Il y en a
de grands & de petits , avec ou fans huppe fur la tête'.^'cet animal
femble être podicipede , c'eft-à-dire , paroit boiter en marchant,
parce qu'il a les pieds placés proche du bas-ventre , & qu'ils s'^lon-
gent en arrière : il nage maeux qu'il ne marche. La plupart ont le-^
bec pointu, &. les pieds com.me palmés, relTçniMant beaucoup àu:i:
Tome II, ■' i^lh^ti
2.^2 COL
foulques 5 ou macreufes, ou poules d'eau. Les couleurs des oifeaux
de cette efpece varient ; il y en a qui ont des colliers , & dont le
dos 5 le cou &: la tête font de couleur noire avec de petites lignes
blanches ; d'autres n'ont point de collier. La couleur de toute la
face fupérieure du corps tire plus fur le cendré , & au lieu de
petites Ijandes >,, il n'y a que des points blancs ; peut - être que
ceux-ci font les femelles, & les autres les mâles. Il y a encore beau-
coup d'obfcurité fur le caradere de ces oifeaux aquatiques.
COLING Aou CoTiNGA. Cet oifeau fe trouve en Amérique. On y en
diftingue plufieurs efpeces qui font très-belles, deux entr'autres méritent
la préférence^ la première à peu près de la taille d'une grive, a le deffus
du corps. d'un bleu très- éclatant, les aîles noires, le delTous du corps
d'un pourpre violet ; elle eft nommée par Edwards, manaquin bleu à
poitrine pourpre. Quelques-uns ont à la poitrine une bande du même
bleu que celui du dos, & quelques taches de couleur de rofe à la partie
inférieure du cou & du ventre. Cet oifeau fait un bruit femblable à
celui 'd'une clochette , que l'on entend de très-loin. Le temps où il fe
fait entendre ainfi , eft dans les mois de Décembre & de Janvier. La
féconde efpece pour la beauté, a fes plumes noires à leur origine, &
d'un bleu d'aigue-marine à leur extrémité; la gorge & la partie infé-
rieure du cou font d'un pourpre violet très-éclatant. Cette efpece fe
trouve à Cayenne. Le cotinga du Mexique a tout le corps varié de
bleu & de noirâtre. Celui qu'on trouve à Maynas eft plus petit que
leimauvis : les plumes de fa tête & de fon cou font brunes à leur
origine, & terminées par un bleu éclatant. Sa queue eft variée dQ%
mêmes couleurs : fa gorge eft d'un violet foncé. Les autres plumes de
fon corps iont blanches à leur origine, & d'un violet pourpre terminé
par un bleu éclatant.
Le cotinga de Surinam eft de la corpulence de notre gros bec : il
eft d'un rouge écarlate au-deftus de la tête, aux reins, au croupion,
au bas du ventre , aux jambes , à la queue qui eft terminée de noir.
Toutes les autres parties du corps font d'un rouge terne, de même
que le bec. ^
COLIN-GRISART. Voyez fon article à la fuite du canard de mer ,
au mot Canard.
COLIN NOIR. Voyei Foule d'eau.
COLINS. On dçfigne fous ce nom des oifeaux du Mexique, dont
^
X
f->
COL 243
il y a plufieurs efpeces connues fous les noms à^ grand colin , de ^onî-
colin, de cacolin^ de coyokos , de coUnicui, Voyez ces mots. La cou-
leur dominante du grand colin eft le fauve; fa tête eft variée de
blanc &: de noir; il a auffi du blanc fur le dos & au bout des ailes, ce
qui doit contrafter agréablement avec la couleur noire des pieds & du
bec.
COLIOU. Cet oifeau qui habite la partie la plus'Jméridionaîe de
l'ancien continent, fe trouve au Sénégal, au Cap de Bonne^Efpé-
rance. Il eft à peu près de la grofleur d'un pinfon d'Ardenne: un de
fes caraéleres eft d'avoir deux plumes du milieu de la ^ueue plus
longues que les plumes latérales; le bec en cône raccourci, convexe
en delfus, aplati en delfous. Le coliou du Cap a le deflfus du/. corps
cendré, mais mêlé d'une légère teinte de couleur vineufe:âu cou &
à la tête. Les couvertures du defliis de la queue font d'un ^marron
pourpré. Celui du Sénégal a le fond du plumage gris,..drverfement
nuancé ; les plumes de la tête un peu plus longues que les autreis, lui
forment une efpece de huppe. j
COLIQUE. Efpece de petit coquillage qui eft le même que la
.monnoie de Guinée. Voye^ Porcelaine.
COLLE DE POISSON. Voyei au mot EsTURGECfN , à farticle
du Grand Esturgeon ou Icthyocolle. On a donné le nom de
colle à une matière animale ou végétale, d'une confîftance tenace,
& qui fert, quand elle eft molle ou liquide , à joindre plufieurs chofes,
de manière qu'on ne puiife les féparer que difficilement ou point du
tout , quand elle eft feche. M. Mujjchembroek dit que la raifon pour
laquelle la colle unit deux corps entre lefquels elle eft étendue , c'eft
qu'elle s'infinue dans les cavités de leurs furfaces qui fe touchent alors
par un plus grand nombre de points. On diftingue différentes fortes
de colle : 1°. celle d'Angleterre , appellée colU foru par excellence ,
taaro-colla. Voyez fa préparation à la fuite du mot Taureau. 1°. La
colle, pour dorer qui fe fait avec la peau d'anguille, la chaux & le blanc
d'œufs. 3°. La colU de farine, qui fert aux Tifferands , aux Cartonniers
& aux Selliers, 4*^. La colle de Flandres qui n'eft qu'un diminutif de la
colle-forte ; elle fert aux Peintres , &c. & eft la bafe de la colle à
bouche, j". La colle de gant tremblante , fe fait avec des rognures de
gants & de parchemin. 6°. La colle à miel, d'ufage chez les Doreurs^
fe fait en mêlant du miel avec de Veau de colle & un peu de-yinài-
■■'»;;.S!\'
2 44* COL
gre : au défaut de miel on y met de la gomme Arabique. 7*. La coU&
d'Orléans eft de la colle de poilTon détrempée dans de Teau de chaux.
8°, La colle de Mofcovie qui eft celle de poiflbn. On en fait aulTi avec
les parties cartilagineufes du chien de mer, de lafeche, &c.
COLLIER . ARGENTÉ. Voye^ à t article Pf.ince.
COLLINE. Ceft une éminence de terre pour l'ordinaire labourable,
COLOCASXE 5 colocafia. Plante étrangère qui refTemble à Varum ou
pkd-de-veau;, \^c dont les anciens ont parlé. On l'appelle quelquefois
culcas ou cokas, X-QS feuilles de la colocafie d'Egypte dont il eft men-
tion 5 font âuiOfî larges que celles du chou , également nerveufes &
remplies d'.un'fuc vifquÊux. Sa tige eft haute de trois pieds & grofTe
comme le pouce. Les fleurs font grandes, amples comme celles de
l'arum, 4e ,CQjileur purpurine, monopétales, de figure irréguliere ,
en^fÏD^ine 'd'oreille d'âne. Il s'élève de chaque calice un piftil qui
devient enfuite un fruit prefque rond , qui contient quelques graines»
M^ Deleu^e dit que fa frudification eft effentiellement la même que
celle du piedde-veau. Voyez ce mot. La racine qui contient la prin-
cipale vertu, eft charnue, bonne à manger étant cuite, & d'un goût
approchant de celui de la noifette. Bontixs s'eft donc trompé quand
il a diit qu'elle étoit vénéneufe : il eft certain que les Arabes font
encore commerce de cette racine, & qu'en Egypte, en Syrie, en
Candie , Se autres régions Orientales , on en mange fans aucune macé-
ration: elle a, étant crue, un peu d'amertume & d'âcreté vifqueufe,
mais tout cela s'adoucit par la cuiftbn.
Les Antiquaires reconnoîtront aujourd'hui la fleur de .cette plante
fur la tête de quelques harpocrates, & de quelques figures panthées,
par fa forme d'oreille d'âne ou de cornet, dans laquelle eft placé
le fruit : & il y a toute apparence qu'elle étoit chez les Egyptiens
un fymbole de fécondité. Foyei les Mémoires des Infcriptions, Tome II,
Les curieux de nos pays cultivent la colocafie avec beaucoup de
peine. On la tient toujours dans les ferres , fans prefque l'expofer à
l'air, qui endommage promptement fes feuilles: rarement on la voit
jproduire des fleurs. La colocafie eft proprement une forte ^arwn
yulgan dont parle Profper Alpin.
COLOMBE, columba. Selon quelques Ornithologiftes , ce nom
défigne feulement la femelle du pigeon ; félon d'autres au contraire.
COL 245"
c*eft une efpece particulière. On trouve en effet plufieurs efpeces
de colombes dont il eft fait mention dans les Auteurs ; telle eft celle
d'Italie ; femblable en tout au pigeon ; elle eft feulement plus petite.
Cet oifeau fait fon nid dans les creux des rochers & dans les tours :
fa ponte eft de deux œufs; fa vie eft longue; il eft paflager;- il vole
en troupe, il fe nourrit de glands & de toute forte de grains. . '
La colombe de Groëland eft, dit-on, le petit plongéô/zjie VIÛq (Iq
Farne, ou la tourterelle de l'Ifle de Bafs près d*Ediinbourg. La
colombe de Portugal eft un peu plus grofte que la tourteiNsUe ordi-
naire; fon plumage eft fort fombre. Celle de la Chine eft plus groffe,
& un peu bleuâtre. Si la colombe eft exaâement un^pigeon, on en
trouvera des détails plus circonftancics à Yanicla pigeon,
La colombe a été de tout temps fort célèbre chez les Poctes: c'eft
l'attribut de la déefle des grâces & de la beauté; c'eft auffi le'TyTÛboJ^
de la douceur. On l'a appellée uifeau de Cithere, parce que cetahlmal
eft fort porté à la propagation.
C'eft de la colombe qu'on a formé le nom de colombier , pour
défigner le lieu où. les pigeons fe retirent pour la propagation de
l'efpece.
COLOMBINE. Nom donné à la fiente de pigeon. Voyez ce
mot.
COLOPHONE, COLOPHANE ou ARCANSON, colophonia.
Nom donné à une préparation de térébenthine , d'ufage en Médecine ,
& chez les joueurs d'inftrumens à corde de boyau, qui s'en fervent
pour frotter leurs archets ou ce qui en fait la fonâion. Foye:^ aux
mots Pin & Sapin.
COLOQUINTE , aicumis colocynthis , Linn, Plante cucuméracée
qui naît abondamment dans les Ifles de l'Archipel , & fur les côtes
maritimes de l'Orient , même dans les deux Indes , où il y en a
plufieurs variétés : elle poulTe plufieurs tiges rampantes à terre, velues
& cannelées: fes feuilles naiflent feules , éloignées les unes des autres,
& attachées à de longues queues, blanchâtres, velues, larges, décou-
pées profondément; aux ailTelles de ces feuilles naiffent des vrilles,
fes fleurs font jaunes, pâles, évafées en cloches, découpées en cinq
quartiers : celles qui font fécondées fe changent enfuite eh un fruit
fphérique, de la groiTeur d'une orange, recouvert d'une écorcé durey-,-
d'abord verdâtre, enfuite jaunâtre. Les Indiens féparent c^te.^îgrce^
2^<r COL
de après avoir fait fccher la pulpe Ibngueufe, membraneufe & blan-
châtre qui remplit ce fruit , ils nous Tenvoient ; au moins nous la
recevons en cet état d'Alep : elle eft feche , fpongieufe , compofée de
feuilles membraneufes , divifée en trois parties , légère , & d'une
amertume i^nfupportable , acre au goût, exCitant des naufées. Se
bleflant le - goiter. Elle contient de petites graines aplaties , dures ,
unvpeii^^g^ireSj roufsâtres , de la grandeur de celles du concombre.
On prétend' qu'il y a de plufieurs efpeces de potirons & de citrouilles
qui,- devenanc ameres, pourroient être placées parmi les coloquintes.
Ceux qui feroient curieux de cultiver cette plante dans nos climats,
doivent en femer les graines dans des lits chauds de terre préparée ^
& en diriger îa culture comme celle des concombres dont on veut hâter
la maturité.
La coloquinte eft un médicament aufli ancien que la Médecine; iî
purge, violemment, de même que le tabac & l'ellébore. Foye^ ces
mots. Ces remèdes réfino-gommeux contiennent, dit M. Geoffroy , une
huile très-acre, propre à irriter les nerfs &à les fecouer violemment:
car il on met dans la plaie d'un animal la plus petite goutte d'huile de
i tabac , il tombe aufÏÏ-tôt dans des convulfions de tout fon corps, dans
iefquelles il meurt bientôt. La plupart des amers tirés des végétaux
produifent une femblable fecoufle fur les nerfs de certains animaux :
ils font fur-tout très-contraires aux oifeaux. La coloquinte peut purger
les humeurs épaifîes qui réfifteroient à l'agaric & au turbith; elle
convient fort dans l'apoplexie & dans d'autres cas où il faut fe tirer
d'un danger par un autre. M. Bourgeois dit que c'eft le plus excellent 8c
le plus sûr de tous les vermifuges, & qu'il eft fur-tout fpécifique contre
îe ténia ou ver plat, & contre les affeélions foporeufes.
Quoique S, Pauli condamne les Médecins trop timides fur l'ufage
de la coloquinte , nous croyons cependant avec C. Hoff'rnann , d'après
ce que nous avons vu, qu'elle eft deftrudive & dangereufe; qu'elle
.ébranle, trouble & bleffe l'eftomac, les vifceres & les nerfs, elle brife
les petites veines, en fait fortir le fang, corrode les inteftins , & leur
caufe de cruelles douleurs. Ce remède, félon Hoffmann, eft un grand
poifon. On doit donc l'employer avec prudence & en petite dofe; &
M. Bourgeois avoue qu'il convient même mieux de fe fervir des tro-
\.,: chifques alhandal , dans lefquels îa coloquinte eft enveloppée dans îe
" ' fniicjlage" de la gomme adragante , que de la coloq^ujnte en poudre,
'•*
.•■T;T
COL 247
On trouve dans les Mém, de VAcad» des Scienc, an, /70/, une analyfe
de la coloquinte par M. Buulduc.
COLS A ou COLZAT5 brajjîca <7rvé«/?5. Efpece de chou que l'on
cultive avec fuccès dans le Pays-Bas, fur-tout dans les environs de
Lille, où il fait un objet confidérable de commerce. On diftingue
plufieurs efpeces de colfaa, favoir, celui àjlcurs blanches ^^11^ 3. été
apporté de Hollande en Flandres que depuis quelques années, & deux
autres efpeces à fleurs jaunes. De ces deux dernières efpeces il y en a
une qu'on nomme le colfa chaud , qui eft le plus commun en Flandres,
& qui y eft regardé comme le meilleur , parce qu'il croît aifément
par-tout & qu'il exige moins d'engrais. La méthode de cultiver le
colfa eft la même pour toutes les efpeces ; & chacune d'elles acquiert
plus ou moins parfaitement les accroiflemens qui lui font propres ,
félon la nature du terrain où l'on feme , félon la bonne ou mauvaife
culture qu'il a reçue , la circonftance des temps & celle des acci-
dens auxquels elle eft fu jette. Cette efpece de chou diffère des autres
qui font cultivées , par fes feuilles plus petites & non pommées ,
par fes tiges plus grofles , cependant hautes de quatre à cinq pieds.
Tout eft utile dans le colfa ; fa graine dont on tire le principal
profit, donne par exprellîon une huile graffe , femblable à celle de
navettes , propre à brûler , à faire du favon noir , à préparer les
cuirs & à fouler les étoffes de laines : la graine la plus noire, la plus
feche,laplus pleine & qui paroît la plus huileufe lorfqu'on l'écrafe,
eft la meilleure pour le moulin. Les pains ou tourteaux de colfa , dont
on a exprimé l'huile , fervent à nourrir & engraifTer les beftiaux
de toute efpece , bœufs , vaches & moutons : on les leur donne
émiettés & mêlés avec du fon ; les vaches qui en mangent , donnent
du lait en abondance. Ces tourteaux font encore un des meilleurs
engrais pour les terres dcftiaées à recevoir les femences du colfa.
Tous les beftiaux mangent aufli la menue paille qui fort du van &:
les houppes des pieds de colfa. On fe fert encore de ces menues
pailles pour faire des breuvages aux vaches ; la groffe paille & les
pieds de colfa que les Flamands appellent navets , fervent à chauffer
le four.
Le colfa fe plaît dans les terres douces & qui ont du fond ; il
demande beaucoup d'engrais. On le feme & on le replante comme
les choux y on le difpofe par rangées à un pied les uns des autres.
24^ COL
& on laide fix pouces d'intervalle environ entre les plantes de cha-
que rangée.
Le colfa fe récolte à la fin de Juin ou au commencement de Juil-
let ; on le fcie comme le blé , lorfqu'il eft jaune ; on le met en meule
( tas )/au niilieu des champs : il y fermente; ce qui lui fait rendre
beaùcoupvpltis, dliuile qu'il n'en rendroit fans cela; on le bat enfuite
pour en reôueiilïr la graine qui fe conferve très- bien dans les greniers
avec lé limjîle foin de la remuer.
Le coija Qu quelquefois attaqué de la nielle , fur- tout lorfqu'il
eft replanté. dans des vallées trop fumées & expofées au brouillard.
On ne lui connoit pas. d'autres maladies.
GOLyBRÏNE. Nom donné à une efpece de pierre ollaire & à
la ferpèntarri de Firginie. Voyez ce mot & celui de pierre colubrine.
CbWUW^EKES, Voyez Malvacécs,
COLUVRiNE DE VIRGINIE , piftolochia Flrginiana, On ne
nous, envoie dans le commerce que la racine de cette plante, qu'on
dit être une efpece d'ariftoloche ; elle eft fibreufe , compofée de fila-»
mens- longs , .bruns , jaunâtres en dedans , d'une odeur forte , prefque
femblable à la ferpentaire de Virginie. Foye:^ ce mot. On l'appelle
'2inG\ racine du fnagro'êl : elle nous vient de la nouvelle Angleterre,
& elle eft eftimée un puiflTant alexipharmaque.
COMBATTANT. Nom qu'on donne au paon de mer. Foye^
Ci mot.
COMB-BIRD ou PEIGNÉ. Olfeau qui habite les environs du
Sénégal: il eft de la grandeur d'un coq d'Inde; fon plumage eft gris,
rayé de blanc & de noir ; il a une grande envergure , vole peu ;
il marche gravement , & levé fièrement fa tête , qui eft ornée d'un
duvet doux 5 long , pendant de deux côtés , & frifé par la pointe;
ce qui lui a fait donner le nom de peigné, La partie la plus belle à
■^oir dans cet animal , eft fa queue , qui reftemble à celle d'un coq
d'Inde , quand il fait la roue ; la partie fupérieure de cette queue eft
d'un beau noir brillant , ^ le b^s eft ^ufli blanc que l'ivoire : on en
fait des éventails.
COMETE. Corps célefte , de la nature des planètes , qui paroît
fjudainement parmi les aures fous différentes figures 8^ grandeurs ,
& difparoit de même , & qui , pendant le temps de fon apparition ,
fc jjieut dans uns orbite' .4e même uati^te que celle des planètes î
Aa> '•• . mais
C O }/l 2 4<>"
mais très - excentrique ; ( en forte qu'on ne i'apperçoit que dans ui
partie de fôn orbite la plus voifine de la terre ) Ôc que l'on foup-
çonne être fournis aux mêmes lois que les autres corps céleftes.
Les comètes font diftinguées principalement des autres aftres, eîi
ce qu'elles ont des ornemens qui ne changent peut - être que felont
les afpeds du foleil; elles font appellées par \QVul^h:è;^coUes Jîam-
boyantes. On leur donne le nom de barbe , quand lesiaydns de lu-
mière précédent la tête de la comète ; celui de queue , qiiand ils la
fuivent; & celui de chavelure , quand ils l'entourent : à.la A^érité, les
comètes font plus ordinairement accompagnées d'aune queitc'- ovi trdtn ce
de lumière , toujours oppofée au foleil. D'après l'obtfervation des-
phénomènes , le célèbre Newton a penfé que les comètes étoient créées
de même que les autres planètes avec le monde, que ce?. queue,s lu-
mineufes étoient des vapeurs fort fubtiles , qui s'exhaloient de la tête
au noyau de la comète échauffée par la chaleur du foleil , lorfqu'elle
eft dans fa plus grande proximité ; car comme elle parcourt autour
de cet aftre une orbite elliptique très alongée, elle devient invifîble,
lorfqu'elle efl: dans la partie la plus éloignée du foleil. M. Newton
penfe que ces vapeurs font attirées par les planètes ; qu'elles fe mê-
lent avec leurs atmofpheres , & qu'elles fourniilent ainfi à l'en rre tien
v^ du fluide qui s'évapore continuellement & qui entre dans la com-
pofition des corps ; fans quoi , pendant que la terre s'accroît fans
celTe , l'eau diminueroit en même proportion , fi la perte n'en étoit
rétablie par des matières étrangères. M. Dcleu^e obferve que la queue
des comètes eft plus grande , après qu'elles ont pafle le périhélie ,
qu'avant : ce qui joint à la lumière dont brille cette queue , favorife
rhypothefe de M. de Mairan , qui attribue la formation , du moins
pour la plus grande partie , à une portion de l'atmofphere folaire,
dont la comète fe charge , en la traverfant.
La grandeur des comètes varie beaucoup. Il y en a qui paroilTent
furpaffer les étoiles de la première & de la féconde grandeur. On
en obferva une du temps de Néron qui égaloit le foleil en dia-
mètre ; & en 105*2 , il en parut une de la grandeur de la lune: comme
elle paroifToit enveloppée de fumée , ion afpe(^ étoit défagréable.
M. HalUy n'a donné les tables que de vingt-urug-^ comètes ; mais on
en a obfervé beaucoup d'autres depuis , q^ui ont été reconnues très-
Tome II, . I i
^^o C OM
différentes ; de M. Lubîmitski , Polonois , fait monter à quatre cent
quinze , le nombre de celles qui ont paru depuis le déluge.
Le mouvement des comètes eft varié à l'infini ; les unes s'avancent
d'Occident en Orient ; d'autres en fens contraire : leur mouvement
fe dirige tantôt vers le Nord , tantôt vers le Midi ; il eft aulîi tantôt-
plus ^rapide , 'tantôt plus lent. On a obfervé une comète qui avoit
une vîteflerBien extraordinaire , puifquelle parcourut en un jour
quarante degrés.
Ce n'êft- que vers l'an ijSo , qnJppien a le premier obfervé aftro-
logiqueiiient la marche des comètes : mais c'eft au Chevalier Newton
que nous fom|nes redevables d'une vraie théorie de leur mouvement:
nous diïtons- encore ajouter que le Dodeur HalUy eft le premier
Cométbgraphe qui ait fait voir que les comètes ont un cours réglé,,
que Ton' pÊtrt'déterminer par le calcul. Son Théâtre Cométique parut
dès l'annéç' 1705* , & a été traduit en François en 1742 y par M»
le Monnisr ; il n'y a peut-être point d'ouvrage où la méthode de cal-
culer le mouvement apparent des comètes foit expliqué en fi peu d&
mots ■& avec tant de netteté.
Quoique la queftion du retour des comètes foit du nombre de
celles'"^ue la poftérité feule pourra réfoudre, l'opinion de Newton^
qui regarde leur retour comme périodique , eft la plus vraifemblable,
Plufieurs rapports dans le période , certaines circonftances dans la
route , ont fait croire que c'ctoit les mêmes comètes qu'on voyoit
reparoître par intervalles. M.. Halky a remarqué qu'il avoit paru
quatre fois de fuite une comète dans l'intervalle de cinq cent foixante-
quinze ans; favoir , à la miort de Jules Céfar , enfuite l'an de Jefus-
Chrift y^i jpuis au mois de Février 1106: & en dernier lieu, fur
V la fin de l'année 1680. Ce fameux Aftronorae conjedure que le pé-
riode de cette fameufe' comète pourroit bien être de cinq cent
fûixante-quinze ans ; ce que nos defcendans feuls pourront vérifier.
Il y a ime chofe finguliere fur ce période ; c'eft qu'en remontant
de cinq cent foixante- quinze ans en cinq cent foixante - quinze ans,
depuis l'année de la mort de Jules Céfar , où on croit que cette
comète a paru , on tombe dans l'année du déluge ; c'eft ce qui a
^ fait penfer à Whifton , que le déluge univerfel pourroit bien avoir été
oçcafionné pat la rencontre ou l'approche de cette comète qui fe
<^
C O M 2 j t
trouva alors fort près de la terre. Cette opinion qui ne peut être
regardée que comme une conjedure , n'a d'ailleurs rien de contraire
à la faine Philofophie, qui nous apprend que l'approche d'une telle
comète eH capable ou de bouîeverfer le globe que nous habitons, ou
de relever l'axe de la terre ; ce qui , félon M. de Maupenuis , nous
procureroit un printemps perpétuel. En fuppofantjj/:'pqur un mo-
ment , que cette conjedure fût bien fondée , il jii<:^-faudroit pas
chercher plus loin l'origine de la terreur que l'apparition des ^comètes
a infpirée aux peuples pendant long-temps. En 1080 j_'qu*eiques Fhi-
lofophes étoient encore vraifemblabîement dans l'opinionvulgaire fur
ce fujet 3 puifque le fameux Jacques Bcrnoulii difoit , que fi le corps
de la comète n'eft pas un ligne vifîble de la colère de Dieu , la
queue en pourroit bien être un. (Les comètes ^ de m.ême que fe'é.clipfes
font célébrées avec beaucoup d'appareil dans l'Indus ^ ie G.ange , Ôc
fur-tout dans le Tanaifer). Ce m.eme Aflronome prédit ^ retour de
lacomete.de 1680, pour le 17 Mai 1715?. Aucun Agronome . dit
M. de Foliaire y ne fe 'coucha cette nuit-là ; mais la comète né parut
point. ]\1. Halley a été plus exaél dans fon calcul. La comète q^u'il
avoit annoncée pour l'année lyyp , eft arrivée ; & M. CUiraut , en
calculant fon période & fa marche , la prédit à vingt-deux jolh's de
fon apparition ; Mrs. l'Abbé Fingré , l'Abbé C happe , Ginùl , (S*^. en
ont été témoins oculaires , l'un étant à Tobolsck , l'autre à l'île
Rodrigue , &c. Enfin la probabilité du fyftéme de Newton , fur le
cours & le retour des comètes , a été portée au plus haut degré j
on pourroit dire , prefque à la certitude , par le retour de la comète
de 1682, arrivé en 1"]$^ , & par l'accord de ce même retour, avec
le calcul dont les réfultats ont d'autant plus approché de l'obferva-
tion j qu'on y a plus tenu compte des divers élémens du mouve- >f;
ment de cette comète , félon le fyftême Newtonieii. Foycr^ CHifloirc
de l Académie. Royale des Sciences , ann. lyic) , &c,
COMÉTITES. Nom donné à des aftoïtes folfiles & à étoiles
chevelues ; on en trouve beaucoup dans les environs de Bafle en
SuifTe &: de Lifieux en Normandie.
CONANA , palma daciïlïfera , caudlce & frucîu acideatis , Barr»
Palmifte du Pays de Cayenne : cet arbre eft affez'beau ; mais il efl:
fl rempli de piquans , qu'on ne peut en approcher. Son fruit~ naît
autour de quelques branches , près de la tête de l'arbre : fa chair
* ^ ' ^-
2^2 CON
contient un noyau auflî dur que le coco & de la grofleur d*une noi-
fette : au dedans eft une amande blanche que l'on mange après avoir
fait chauffer le noyau pour l'en tirer : le goût approche un peu de
celui de nos amandes. Maifon Rujî. de Cayenne»
CONANA SAUVAGE. M. de. Prèfontainc dit que cet arbre n'a
aucun rapport avec le conana palmijle ; il fe trouve dans les grands
bois de la' Gmiane : fon fruit qui eft jaune & un peu femblable à celui
du coignafïïer', "contient quatre graines entourées d'une pellicule ai-
grelette. Les Sauvages en font une boiffon qui approche beaucoup
du vin. Les'fangliers vivent ordinairement de ce fruit dans la faifon;
c'eft.aù.ffi dans ce même temps, que les Chaflfeurs font sûrs de tuer
quantité -de-; ces- iSAimaux. La graine du conana fauv âge reffemble à
celle de 'fôw^^/. Voyez ce mot.
Dans fefpeoè qui croît aux environs du Para , il y a trois graines •
qu'on appelleMmproprement mufcada, & qu'on emploie dans les coli-
ques : le fruit eft renflé , arrondi , avec deux éminences aux deux
bouts , différentes en groffeur , mais toutes deux mouffes.
CONANI . FRANC. Petit arbriffeau du pays de Cayenne , connu
fous le nom de bois à enivrer le poijfon, Barrere n'indique cette plante
fous le nom d'eupatorium arbore/cens venenatum , fioribus albis glomera-
tis y pag. 60 , que comme un poifon. Le Didionnaire Caraïbe dit
que c'eft une herbe qui vient fi abondamment dans les jardins, qu'ils
en font infeélés : il en parle fous le nom de conamy , page 177 ; &
il paroît que cette plante tire fon nom de conani , rivière au bord
de laquelle il s'en trouve beaucoup. L'ufage qu'on en fait aux îles,
eft d'écrafer fa feuille dans un trou fait en terre. On en jette dans
Teau dormante , ou bien on en favonne le marc dans le trou qu'on
veut enivrer : ce poifon eft fi fubtil , qu'auffi tôt les poiffons viennent
fur Teau & meurent : on les mange fans qu'on en reffente aucune
incommodité. Peut]- être le conani eft - il ï arbre à enivrer les poljfons^
Voyez ce mot.
L'on trouve aufli dans le Para un conani dont la vertu eft des trois
quarts moins prompte. Les Sauvages Maillés qui habitent les pays
noyés du côté d'Yapok , l'ont , dit-on , reçu des Indiens fugitifs du
Para , & font communiqué aux Colons de Cayenne.
CQNCHITES, conchitœ. Sont les coquilles bivalves foffiles, &
fur-tout celles du genre de Miuître, Voyez au mot Coquille le
m.
CON 255
fiom de leurs analogues vivans , & les mots huître ^ fojples^
CONCHO-LEPAS. Nom donné à une efpece de Upas à bafe
ovale qui refîemble beaucoup à une valve de bucardite ( cœur )
deftituée de charnière , & dont le fommet recourbé fur l'un de fes
côtés 3 donneroit une apparence de fpires. Sa couleur ell: ordinai-
rement fauve. Il eft orné de grolfes ftries un peu raboteufes- & lon-
gitudinales. Il y a des concho - lépas où d'autres petites ftries fe
croifent en réfeau. Foye:^ Lepas.
CONCOMBRE CULTIVÉ, cucumcr fativus. C^^i m^ '^IzntQ
dont les racines font droites, blanches & fibreufes, qui potifle des
tiges farmenteufes , longues, velues & rampantes fut^iterrea aux-
quelles nailïènt alternativement des feuilles amples , ariguleufes &
découpées profondément. Il fort de l'aiflelle des feuilles des vrilles
c/u mains , & des fleurs d'une feule pièce, en cloche . évàfées , de
couleur jaune pâle; il leur fuccede un fruit long d'environ demi-pied,
gros comme le bras, arrondi aux deux extrémités, anguleux , droit
ou tortu , vert ou blanc , quelquefois jaunâtre , charnu , fucculent ,
d'une faveur particulière , auftere ; fon écorce eft mince , & fouvent
parfemée de verrues ou petits boutons. Le fruit eft divifé en dedans
par trois ou quatre quartiers remplis d'une pulpe qui contient beau-
coup de graines oblongues , aplaties , laiteufes & douces : cette
amande eft une des quatre grandes femences froides.
On cultive le concombre dans les jardins potagers ; car fon fruit
eft bon en cuifine , foit crud , foit cuit , quoiqu'un peu indigefte :
on fe fert auffi de fa femence dans les émulfions pour modérer le
trop grand mouvement du fang : on confit les petits concombres
verts au vinaigre , au fel & au poivre , & on les nomme cornichons /
fouvent ce ne font que des concombres qui n'ont pu profiter & venir
à maturité. On les mange en falade & en ragoût. M. Bourgeois dit
qu'on procure beaucoup d'agrément à la falade de cornichons en y
ajoutant quelques feuilles d'eftragon , qui en relevant beaucoup le
goût. On doit avoir l'attention de faire évaporer la plus grande partie
du fuc aqueux des cornichons, en les laifl'ant quatre ou cinq jours
fur des tablettes à l'ombre avant de les mettre dans le vinaigre , &,
de faire ufage de vinaigre violent & fpiritueux ; fans ces deux pré-
cautions ils moififient & fe gâtent le plus fouvent, fur-tout s'ils ont
crû par un temps pluvieux, .-.
/
5^4 C O N
L'efpece de concombre que les Portugais cultivent au Para, s'élevd
très-facilement à Cayenne ; mais le fruit efl: d'un pourpre noirâtre
Cucumer fruHu oblongo obfcure purpurajccnte, Barr.
CONCOMBRE MARIN , cucuwcr mar'mus, Efpece d'animal de
meiè;^"' g'ros & long comme le petit doigt, privé de fang, orné de
tu,b'^rcu][e:§'i;ï6£' ayant la couleur & l'odeur du concombre ; comme
f^l'lfartiel'^iôtô.fnes ne fé diftinguent pas aifément, cet animal pourroit
bien êt^'^lun/*^op/'/^jy^e holotur'u. Voyez ces mots.
.CpNÇÎ)^iBKE" SAUVAGE, momordica elaurium. LiNN. Cette
pîant-e'-_q^:gB jftokim^ concombre d'am , cucumer ajininus , croît
principalement, ^i^x; lieux incultes , en Languedoc & en Provence;
GUClqu^fô^S'^aiiffi p'n-i'a''cultive dans les jardins : fa racine eft longue ,
grofiè & branche , un peu fibrée , charnue & amere ; il en fort de
grofïê^ "tiges; fucculentes & rampantes à terre , fur lelquelles naifll- y.
des feuiîks à-pcu-près femblables à celles du concom.bre, mais elles
font plus petites , ainfi que fes fleurs. Ses fruits font longs d'un à
déux' pouces, cylindriques, tuberculeux & très -velus , partagés en
trois loges remplies d'un fuc amer. Si on touche légèrement ces
fruits- lorfqu'ils font mûrs, ils jettent avec force un fuc fétide & des
graines luifantes noirâtres.
Le fuc exprimé de cette plante prcfque mûre , enfuite épaifii , fe
nomme elaterlum : il étoit autrefois û'ufage pour purger fortement la
bile par haut & par bas : on ne s'en fert guère aujourd'hui , parce
qu'il eft, dit-on, ainfi que la coloquinte, très - contraire à l'eftom-ac
& aux inteftins. On prétend que fon fuc , appliqué à la vulve en
peffaire , fait fortir le fœtus qui eft mort , & que s'il eft vivant, il
le tue. Il paroît , fuivant M. Bourgeois , que c'eft par un préjugé
que la plupart des Médecins ont abandonné l'ufage de Xelaurium ;
c'eft , à fon avis , le meilleur & le plus innocent de tous les purgatifs
•'•pour évacuer les eaux des hydropiques. Ce Médecin en fait tous les.
jours- ufage dans cette fâcheufe maladie , à la dofe de dix à quinze
grains avec les plus heureux fuccès. La tige deflechée des concom-
bres fauvages fufe fur le charbon comme le nitre.
CONCRÉTIONS pierreuses minérales. P'oye^^ au mot Sta-
r AGITES. Quant aux concrétions pierreufes des animaux, voyez
Bl'^ard & Calcul.- ■'
CONDOMA, M. F allas lui donne le nom ^antilope firepjiaros , &:
CON - 'tiss
le fange dans lesjfin'comes. Voyez rarticle Gaielle, Cet animal paroît
être le même que la chèvre du Cap de Bonne-Efpérance , rem.arqua-
ble à plufieurs égards. Sa taille eft celle d'un grand cerf, fa tètQ eft
fort belle & ornée de deux cornes unies , recourbées par une double
flexion , pointues , de trois pieds de long , & dont les extrémités
font diftantes de deux pieds.
CONDOR ou CUNTUR ou contour ou ,GRYPS,vpU^/i;liESlM^R-.
GEYER OU VAUTOUR DES AGNEAUX. Il paroît que i^l^ôi^u ; connû
fous ces divers noms, eft le même; on le trouve dans fùn-.^UWtre
Continent, au Pérou, en Afrique, en Afie & daîis.îesi&iferttàgnes
delà Suide. Il polTede à un degré plus haut que.raigje ,t0uteàles ^la-
lités , toutes les puiflances que la Nature a départies aux è^'é<eÇljçs plus
parfaites de cette clalfe d'êtres ; c'eft le plus énormç des''-oifeâux de
proie ; fa force prodigieufe répond à fa taille ; fon envergure |?c'eft-
à-dire , fes ailes étendues ont quatorze & quinze pieds d'upe extré-
mité à l'autre. On en a tué un au Pérou qui avoit feize pieds d'en-
vergure ; la longueur de l'une des groffes plumes étoit de deux pieds
quatre pouces. ( Ce font les ailes du condor que les Sculpteurs imi-
tent & donnent aux figures d'Anges ). Le bec du condor eft, fî ro-
bufte & fi fort , qu'il peut éventrer un bœuf. Sa tcte eft ornée d'yne
crête ; fon plumage eft tacheté de blanc & de brun foncé prefque
noir. Lorfque cet oifeau s'abat, il fait un fi grand bruit, qu'il infpire
reîtroi. Il habite les montagnes , & n'en defcend que dans les temps
de pluie & de froid. Ce tyran de l'air , qu'on n'a encore pu parve-
nir à détruire dans les hautes montagnes de la Suifte , fait une guerre
cruelle tant aux troupeaux de chèvres & de brebis , qu'aux chamois ,
aux lièvres & aux marmotes. Il attaque feul un homme & tue aifé-
ment un enfant de dix ou douze ans ; arrête un troupeau de moutons ,
choifit à fon aife celui qu'il yeut enlever , emporte les jeunes che-
vreuils , tue les biches & les vaches , prend aulîî de gros p o liions .-.
fe nourrit , ainfi que l'aigle , de proie vivante & non pas de cadavres.
Lorfqu'il voit fur un roc efcarpé quelque animal trop fort pour l'en-
lever , il prend fon vol de manière à renverfer cet animal-dans quel-
que précipice , pour jouir commodément de fa proie. Quant aux
petits animaux , il les enlevé en volant & fans s'abattre , au moyen
de fes griffes , qui font d'une grandeur & d'une ■ force furprenantes.
Arrivé près de fon nid avec fon fardeau , il le laiiOre tomber à terre
27<5* C O N
pour que fa proie fe tue j ce cruel ennemi la reprend enCuite Se îa
porte à fes petits. Il y a peu d'années qu'un laemmer-geyer de la plus
grande efpece failit , près d'une maifon bâtie fur le lac du Thun, un
enfant de trois ans ; il l'auroit emporté , lorfque le père armé d'un
bâton , accourut aux cris de fon enfant ; & comme cet oifeau placé
dans un terrain plat , ne peut prendre fon vol que difficilement , il
attaqua le raviffeur , qui quitta fa proie pour fe défendre ; & l'oifeau
ne tomba mort fur la place , qu'après un combat très-opiniâtre. M.
Halkr dit qu'un laemmer-geyer avoit enlevé Thomas PLitcr , père du
célèbre Médecin , & il le portoit à fon aire , lorfque par des cris on
força le tyran de l'air à laiiTer tomber fa proie. Le Gouvernement
Helvétique donuQ" une récompenfe confidérable pour chaque tête de
ces oifeaux redoutables. Les Indiens du Nouveau Monde , au rapport
de M, de la Condamine. ( Voyags fur la rivière des Amaiones , & Hijîoir^
des l'n'cas ) leur préfentent pour appât une figure d'enfant , faite d'une
argile très-vifqueufe ; le condor fond d'un vol rapide fur cette figure
comme fur une- proie afTurée j mais il y engage fes ferres de manière
qu'il ne peut fe dépêtrer , & on le tue aifément. Ces oifeaux digèrent
jufqu'aux os des agneaux & des cabris ; ils ont les nerfs d'une force
étonnante , & fur-tout les os très-forts , quoique beaucoup plus lé-
gers à proportion , que ceux des quadrupèdes. On foupçonne que
les oifeaux nommés par les Arabes rou/i , font les mêmes que les
condors , qui fe trouvent dans la région de Sophala , des Caifres &
^ de Monomotapa , jufqu'au royaume d'Angola.
CONDOUS. Foyei Coudous.
CONDRILLE, chondrïlla. Cette plante qui croît dans les champs
& fur les bords des chemins , a une racine longue , empreinte d'un
fuc laiteux , fort gluant , àz% feuilles femblables à celles de la chicorée
fauvage, une tige haute de quatre pieds, des fleurs à demi^flcurons ,
jaunes & découpées , fuccédées par des graines oblongues , à aigrettes
fimples , portées par un filet , & de couleur cendrée : le calice eft
cylindrique , ftrié & garni d'une efpece de calice extérieur. Cette
plante eft humedante , adoucififante , apéritive.
CONDURI ou CONDOUMANI. Voye^ Laga.
CONE. Voy^i^ Arbre conifere.
CONFERVA. C'eft le nom que l'on donne à ces filets verts qui
forment par leur entrelacement , un tiifu quelquefois alTez ferré qui
fur nacre
C O N 5^7
fumage fur les eaux , & dans lequel on obferve pîufieurs buîks
d'air qui le foutiennent. En cafTant une des fibres , on le voit fe rac-
courcir & Te contourner comme les mains ou vrilles d'une plante lc~
gumineufe ; c'eft par cette propriété que fe fait l'entrelacement. Oj
a toujours regardé le conferva comme une plante aquatique ; mais
M. De/mars , Doéleur en Médecine, le met en queftion dans le Jour-
nal économique , Avril ijôi.
Eft-ce une plante ,. dit-il ? on n'en connoît ni la fleur, ï^i la graine.
Efl-ce un ^oovkytc} Une infinité d'infedes habitent autQUï'Sde cette
produdion ; m.ais leur doit - elle fon origine ? Ijôriqutoiit^'èièt en
macération 5 çontinue-t-il , quelque partie animajé- ou. végétale , on
voit naître aux environs de la fubftance qui fe décompôfé , quantité
de filets qui forment autour du corps macéré une efpece de toimn-^
tum ; fi l'adion de l'air verdit ces filets, voilà du conferva. L'è. con-
ferva , quoique defféché , reverdit dans l'eau. La poulîiere dont il fe
couvre en féchant au foleil , fe précipite au fond de l'eau, y. reverdit
pareillement , & reparoît fous la forme de nouveau conferva.
Le conferva rcticulata lui paroît encore moins plante que le précé-
dent : il a examiné à la loupe les côtés & les articulations de ces
réfeaux formés par des hexagones réguliers. Il a cru remarquer que
ces côtés & ces articulations étoient creux & logeoient des infedes
quife mouvoient librement le lon^ des. côtés. Je ne vois , dit-il, que
les madrépores qui aient quelque analogie avec cette produdion des
eaux douces. Il a obfervé que dans des fioles de verre , remplies d'eau ,
fans addition d'autres fubfl:ances , il fe formoit à la longue aux parois
du verre , en dedans , à différentes difl:ances , au-deffus du niveau de
l'eau , de petits grains verts , ronds , placés à côté les uns des au-
tres, defquels il fortoit par la fuite des fils plus ou moins longs,
qui verdifToient.
Quoi qu'il en foit , le conferva a toujours été regardé jufqu'à pré-
fent , comme une efpece de plante aquatique du genre des bijlns»
Voyez ce mot. Le conferva reffemble à tous ces corps organiques &
purement membraneux, qui peuvent, dit-on, fe reproduire en en-
tier par toutes leurs parties. Les fibres du conferva , vues avec un
bon microfcope , paroilTent être évidemment des tuyaux capillaires,
féparés par des cloifons parallèles , à diftances- égales. On lit dans
ies volumes de l'Académie , que l'on a attribué à la produdion plus
Tom& //, • K k
^
258 CON
abondante qu'à Tordinaire de cette efpece de plante, que l'on nomme
aulîi moujfe d'eau , à caufe de fa verdeur & de fa refiemblance avec
la moufle* : on a , dis - je , attribué à la multiplication extraordinaire
de cette plante , en Tannée 173 1 , ainfi qu'à celle de Vhippuris aqua-
tîca ( chara ') , efpece de plante fembîabîe à la petite prête de nos cam-
pagnes 5 les maladies populaires qui ont régné à Paris pendant l'été
& l'automne de cette année.
La, qualité à^Xhippuris eft d'être d'une odeur marécageufe, decom-
muniquèi' /à: la piâin qui 'la touche fon odeur défagréable , de rendre
Feau fade & dégoûtante. Foye^ à Variïck Prèle.
Le cojiferva communique à l'eau un feu qui, en la buvant, laiile'
dàqs le. gjoÏÏet une âcreté , & dans la bouche une fécherefie incom-
mode : elle imprime même dans la main qui la ferre, une ardeur à
peu près 'ïèmblable à celle qui eft occafionnée par l'eau un peu trop
chaude. Les maladies caufées par la mauvaife qualité des eaux de la
Seine, en Tannée 173 1, furent des féchereffes de bouche, quantité
de maux de gorge , dont quelques-uns fe tournèrent en efquinancie
& eh difi-erentes fluxions à la tête.
Voici une obfervation peut-être favorable aux préfomptions de M.
Dcfmars. On obferva dans cette eau de rivière , examinée au microf-
cope, plufieurs infedes très-petits, qui ne fe voient point dans l'eau
de fontaine. Seroient-ils des polypes d'eau douce & les inftrumens or-
ganiques du conferva ?
Le conferva a été connu de Pline. On le nomme aufli Un mari-
time ou mouffe aquatique , compofée de filamens foyeux & très -fins.
Cette fubftance eft moins commune fur les bords de la mer que dans
les mares , les étangs & les baiîins des jardins. M. Gueitard foup-
çonne que plufieurs perfonnes ont tenté de filer cette plante, Lorf-
qu'elle eft mouillée , elle a une flexibilité qui furprend ; & la grande
quantité que Ton en trouve dans les endroits qui font favorables à
fa multiplication , & qui fait que fes fibres s'entrelacent de façon qu'iî
en réfulîe une efpece d'étoffe de gros bouracan , a dû engager plus
d'une fois à rechercher le nwyen de rendre le conferva utile dans
les arts.
CONGÉLATION Pierreuse. Voyti l'article Stalacitte.
CONGRE 5 conger. Excellent poiflbn de mer , appelle quelquefois
par les François , an^uilU d^ mèr. On en çonnoît de deux efpece^ î
CON 2;^
î'un eu blanc & fe pèche en haute mer ; l'autre efl noir & fe pêche
fur les bords du rivage. Il refTemble beaucoup à l'anguille d'eau douce.
Sa peau eft de différentes couleurs ; la tête verte, le corps brun, mêlé
de bleu , & le ventre jaunâtre. Ce poiffon eft fort alongé , & quelque,
fois gros comme la cui(fe d'un homme. Sa chair eft coriace : les Ef-
pagnols feuls en font grand cas. Ce poiÛTon fait la chalfe aux poules
d'eau ; mais il a pour ennemi la langouflc. On en pêche beaucoup
en Bretagne , vers Quimper , pendant tout l'été : l'on ep pêche aulÏÏ
aux Indes & dans le Bréfil.
Ceux qui achètent des congres pour les faire fécher ,"4i^, ouvrent
par le ventre depuis la tête jufqu'au bout de la queue ; on Jeur feiffe
la tête : on ne les fale point. On fait des taillades dans les chairs
qui font épaiffes , afin qu'étant expofées à l'air , elles fe'deffechent
plus facilement : on pafle un bâton d'une extrémité du poifîbn à
l'autre pour le tenir ouvert, & on le pend à l'air. Quand le poiflbn
eft bien delféché , on en fait des paquets de deux cents livres pefant
qu'on envoie à leur deftination : ils paifent ordinairement à Bordeaux
p'our le temps de la foire. Le produit de cette pêche , quoique fort
diminuée, monte cependant , année commune, à mille quintaux, &
's'y vend quelquefois jufqu'à dix écus le cent.
Le congre d'eau douce eft le Mucu. .
CONGRE Serpent. Seba donne ce nom à un Serpent de mer
d'Afrique &: à diftérentes efpeces de murènes. Voyez ce mot. Le congre
fcrpent eft bariolé de manière qu'on prendroit la marqueterie de fa
peau, pour autant d'armoiries. Le congre murène tient plus de l'an-
guille que du ferpent: ii participe de l'un & de l'autre fans être d'une
de ces deux claifes : d'où il paroît qu'il eft une efpece d'amphibie. On
en rencontre dans les îles Moluques , dans le Bréfil : les grenouilles
font leur nourriture apparente,
CONISE ou Herbe aux Moucherons , cony^a. Cette plante
qui croît dans les bois , fur les montagnes , le long des chemins &
contre les murailles , a des racines éparfes , ligneufes , odorantes ,
ameres , qui pculfent plufieurs tiges à la hauteur de trois ou quatre
pieds, velues & rameufes. Ses feuilles reftemblent à celles de la mo-
lene noire. Ses fleurs font des bouquets à fleurons , jaunes & d'une
. odeur forte : les fleurons du tour du difque font fans étamines ; il leur
.fuccede des graines longuettes à aigrettes, portées par un plancenta ras,
Kk 2
2So C O N
Le calice eft écailleux. Cette plante efl: alexipharmaque , provoqué
les mois aux femmes : elle efl: propre à guérir la gale & à chalTer
les puces & les moucherons. La conife des prés eft un afer. Voyez
ce mot.
On vient d'envoyer des îles de France & de Bourbon , au Jardin
Royal des Plantes de Paris , les femences d'une efpece de conife
vifqueufe. Le calice de la fleur eft divifé en cinq parties , compofé
de dix folioles à peu près égales en grandeur , & de cinq autres
plus petites , toutes difpofées en manière d'écaillés. Les feuilles font
placées alternativement fur les tiges , marquées d'une forte nervure
dans leur longueur. Elles font ovales , lancéolées , dentées en ma-
nière de fcie ; les dentelures aiguës , tournées vers la pointe ; fes
racines font fibreufes : fes tiges très-nombreufes , menues , droites,
s'élèvent des racines à peu près à la hauteur d'un pied & demi :
elles fe divifent en plulieurs rameaux ; chaque tige fe partage en fon
fommet en trois parties , dont une eft feule & féparée , & les deux
autres fur le même fupport. Ses fleurs de couleur dorée naifieat au
fommet de ces divifîons , prefque difpofées en corymbe : chacune a
fon pédicule particulier ; les tiges & les feuilles font gluantes &
vifqueufes.
CONQUE. Nom donné aux coquilles bivalves , & principalement
à celles du genre de l'huître. Voyez ce mot.
CONQUE ANATIFERE , concka anatlfera. Terme général ,
fuivant M, d'ArgenvîlU , fous lequel on comprend les trois familles
de coquillages multivalves , qui font les glands de mer , les conques
anatiferes & les poujfe- pieds. Ces coquillages différent plus par la
forme de la coquille que par celle de l'animal : la plus grande différence
qu'il y ait entr'eux , eft qu'on ne mange que la chair du pédicule
des pouiTe - pieds. Les glands de mer compofent une famille à
part.
Conque anaûjere fignlfie conque qui porte un canard. Plufïeurs
Auteurs ont dit , & quelques perfonnes difent encore , que la hernache
ou harnache nommée par quelques-uns cravant , efpece d'oifeau
marin plus gros que la macreufe , croît & fort de la conque anatifere,
& que cet oifeau tire fon origine du bois pourri des vailTeaux. Quel-
que abfurde que foit cette idée , voici ce qui pourroit y avoir donné
lieu. Les oifeaux de la' mer , ainfî que l'obferve M, d'Argenville ,
C O N 26-1
font leurs nids dans des plaines marines Se parmi des amas de diffé-
rentes coquilles : prêts à pondre , ils becquettent l'animal renfermé
dans ces coquilles , ils l'obligent de fortir , & mettent leurs ceufs à
fa place. Quand les petits font aOez forts , ils rompent leur prifoii
pour prendre leur vol. Il y a lieu de penfer que c'eft ce qui a
donné lieu à la fable de l'oifeau produit par cette coquille.
On donne à la conque anatifere divers noms. Dans quelques ports
on l'appelle fapinette ; en Bretagne bernachc. M, Néedham , dans fes
nouvelles Obfervations microfcopiques , en a donné la defcription fous
le nom. de bemacle. Ce coquillage très-fingulier a trois parties diffé-
rentes : favoir , le pédicule , qui eft plus ou moins long & large ,
& qui fert de fupport au coquillage ; la coquille , & l'anim.al qui efl
renfermé dans la coquille.
Le pédicule eft une forte d'étui cylindrique formé par plufieurs
membranes fufceptibles d'extenlion & de contraélion. Il a quelquefois
jufqu'à fix pouces & plus de longueur : il eft. compacte & noirâtre,
C'eft par l'une des extrémités de ce pédicule que le bernacle adliers
aux rochers , aux vaifîeaux & aux autres corps étrangers. A la partie
fupérieure du pédicule eft la coquille compofée de cinq pièces ou
valves à peu près triangulaires , mais qui différent affez confidérable-
ment entr'elles : deux font grandes & trois petites ; elles font tenues
dans une étroite union par une pellicule mince qui tapiffe la furface
intérieure. Le jeu que cette pellicule donne aux pièces , leur permet
de s'écarter foiblement & de fe rapprocher, La tête de l'animal qui
loge dans la coquille , paroit garnie d'une efpece de houppe faite en
forme de plumaceau ; c'eft une vingtaine de petites cornes ou bras
de différentes longueurs qui , vus au microfcope , paroiilent frangés.
Lorfque l'animal les agite , ils forment des courbes irrégulieres
renfermées les unes dans les autres. M. Néedham croit que lorfque
l'animal les agite , foit au-dedans de fa coquille , foit au-dehors , il
forme dans l'eau un courant , & que par ce moyen il attire , comme
dans un précipice, les animalcules dont il fe nourrit. La tête hériifée
de ces fortes de cornes , peut fortir au-dehors de la coquille & rentrer
au-dedans. Le corps du bernacle eft affez refî'emblant à une petits
huître.
Outre l'efpece de conque anatifere à gros pédicule dont nous venons
de parler , il y en a deux autres efpeces 5 dont l'une fe tient toute
2(^2 C O N
droite enfoncée dans le fable au fond de la mer , collée par fa glu fur une
branche de plante marine ; ce qui fait que fon pédicule a la forme
d'une queue d amande : l'autre eft nommée arborefcentc , parce qu elle
s'attache en parafîte fur des produdions marines , telles que les
lithophyus fur lefquels elle prend fa croiffance. Nous avons obfervé
que ces deux dernières efpeces fe trouvent dans la Manche , & les
premières font communes fur les parages de la Bretagne & de la
Méditerranée.
M. Nécdham foupçonne que les conques anatiferes fe multiplient
par une forte de végétation comme les polypes. Il en a trouvé fix
ou fept jointes enfemble par leur extrémité , femblables à des petits
qui fortent du corps de la mère ; mais c'étoit peut-être des portions
de frai qui fé' touchoient & avoient pris leur accroiffement fans fe
féparer les unes des autres. Il a obfervé une excroiflance bleue
placée au-defîbus du groupe des cornes ; ces excroiflances vues au
microfcope , ont paru être un fac membraneux rempli de petits
globule? bleus , d'une figure ovoïde , & allez femblable au frai des
autres- poiffons. Le même Auteur fait mention d'une autre efpece
de bernacle qui fe trouve aufli attachée aux rochers & contre les
vaififeaux : il eft renfermé avec fa coquille & fon pédicule , dans une
autre coquille univalve qui a la forme d'un cône tronqué : il ref-
femble affez aux glands de mer , avec lefquels il eft aifé de les
confondre.
CONQUE EXOTIQUE , cocha exotka. Coquille bivalve , étran-
gère , & de la famille des cœurs , de forme prefque fphérique ,
blanche tant au dedans qu'au dehors , excepté quelques parties qui
font d'un cannelle plus ou moins foncé ; à côtes formées de trois ftries ,
dont celle du milieu eft mince , élevée en vive arête & creufe inté-
rieurement en forme de tuyau ; à bords dentelés , laiflant entr'eux
un jour quand la coquille eft fermée ; & à charnière compofée dans
l'une & l'autre valve de deux dents fous les fommets , & d'une
très-grande latérale. Cette coquille eft très- rare à trouver complette.
S. A, S. M*', le Prince de Condé poffede dans fon coquillier , la plus
belle ôc la plus grande conque ecçoùque, C'eft le kaman de M. Adanfon.
CONQUE SPHÉRIQUE. Coquillage univalve de la famille des
tonnes. Voyez ces mots.
CONQUE DE VÉNUS , concha Vmms, On donne ce nom à
C O N 2^3
une coquille bivalve de la famille des cames tronquées,, efpeces de
cœurs. Voyez ces mots. La conque de Vénus eft fort recherchée des
curieux , elle eft prefque ovale & voûtée , fiilonnée profondément
tout autour par des lignes parallèles. Le devant de la coquille ,
repréfentant la vulve d'une femme , dévoile -fouvent à des yeux
indifcrets & profanes l'image d'un objet dont la polTefïîon n'eftréfervée
qu'aux favoris de l'hymen & de l'amour. Ce prototype eft, dit-on,
un larcin fait à la Déefle de la beauté , lorfque Mercure , encore
enfant, eut dérobé fa ceinture. Les lèvres de cette coquille font
quelquefois garnies, du côté de la charnière uniquement, de deux
rangs de piquans plus ou moins forts & alongés , c'eft alors le fymbole
de la pudeur & de l'innocence, Lorfqu'il eft fans épines , on lui
donne le nom de gourgandim. La couleur ordinaire de cette coquille
eft le lilas nué de blanc. On a donné le nom de créole au concha
Venais , qui eft fans pointes , dont les ftries font moins 'faillantes ,
&: dont le renflement latéral eft différemment coloré. On donne le
nom de levantine à la conque de Vénus Orientale , Vetula, Ses ftries
font circulaires aulîî , en forme de feuilles tranchantes. L'enfonce-
ment latéral , qui repréfente la vulve , eft profond &: d'un fauve-
roux.
CONSOUDE (Gï?iV\àQ) , fimphytutn majus. Cette plante, qu'on
appelle auffi oreille d'âne Se confire , croît aux lieux humides dans
les près , elle eft de la claffe des borraginées. Ses racines font lon-
gues , noires en dehors , blanches en dedans , remplies d'un fuc
vifqueux. Ses tiges font creufes , velues & hautes de deux à trois
pieds : fes feuilles font verdâtres , pointues , longues & larges. Ses
fleurs naifient au fommet des rameaux & des tiges : elleà font blan-
ches , purpurines & évafées en entonnoir , ou plutôt la partie
fupérieure de leur tube a la forme d'un godet peu évafé , & dont
le bord eft découpé en cinq pointes courtes. L'orifice du tube, dit
M. Deleu:(e , eft terme par cinq lames pointues. Le piftil qui s'élève
du milieu du calice fe change en quatre graines noirâtres, luifantes,
ayant la figure d'une tcte de vipère.
Ses feuilles , fes fieurs , & fur-tout fa racine , font d'ufage parmi
les incrafians. Cette racine a plus de mucilage que celle de guimauve ;
on en fait un firop qu'on trouve dans les boutiques.
La confoude eft vulnéraire & arrête le crachement de fang ;
2 ^4 C O N
appliquce extérieurement , elle convient dans les luxations Se
fradures des os. M. Bourgeois dit que cette plante eft encore très-
utile pour guérir les hernies des enfans ; on pile en bouillie fa racine
fraîche , qu'on applique en cataplafme fur l'anneau dilaté , on leur
en fait boire en tifane ; on fait même une conferve avec la racine
pilée & le fucre , dont on leur fait prendre deux fois le jour une
cuillerée à café. La tifane de racine de confoude eft encore très-
efficace dans les règles des femmes trop abondantes , & dans les pertes
de fang. Sçnnert rapporte que cette plante étoit en ufage parmi les
filles de fon pays pour réparer les ravages d'un amour entreprenant ,
( ad fophifilcàtionem virginhatis ; ) mais c'eft une aflez mauvaife ref-
fource en ce. cas. La fleur de la virginité fe flétrit pour toujours
fous la main qui la cueille. Il y a beaucoup d'autres plantes que
plufieurs Botanifl:es ont rangées avec la confoude à caufe de leurs
propriétés; favoir , la biigk , la grande marguerite, îa brumlle ^ la
pâquerette ou petite marguerite , la tormentille , le pied - d'alouette , la
verge d'or, Voye^^ ces mots. La confoude dorée eft la jacohée des Alpes
de Tournefort.
CONSTELLATION. C'eft l'affemblage de plufieurs étoiles voi-
fînes exprim.ées & repréfentées fous le nom & la figure d'un animal
ou de quelqu'autre chofe : on l'appelle aufîi un ajlérifme. Voyez
Étoile , à la fuite du mot Planète.
Les Aftronomes , qui aujourd'hui connoifiTent peut - être autant
Je ciel étoile , que les Naturaliftes connoiflent la terre , comptent
douze fignes ou conftellations dans le zodiaque , dont fix font
feptentrionaux ; favoir , le hèlier , le taureau , les gémeaux , Vécrevi[fe ,
le lion & la vierge. Les fix autres font méridionaux; favoir, la
balance , le fcorpion , le fagittaire , le capricorne , le verfeau & les
poij^ons,
CONTINENT. Nom donné à une efpace qui contient plufiiLurs
grandes terres jointes enfemble, i°. L'ancien; 2°, le nouveau; 3"*.
les terres auftrales connues ou foupconnées ; 4°. les terres ardiques
dont la féparation d'avec l'Amérique n eft pas encore bien déterminée,
Jls onr encore ce-la de remarquable , qu'ils paroiiTent comme partagés
en deux parties , qui feroient toutes quatre environnées d'eau ôc
formeroient des Continens à part , fans deux petits étrangle-
piens de terre appelles i/ikmss. Les Continens forment des avances
confidérables
C O N 26s
durables dans le baflln de la mer: ce font des caps ^ deî promontoires ^
des pé-n'infules.
CONTOUR ou CUNTUR. Foyei Condor.
CONTRA -YERB A. Dans le" commerce on donne ce nom à
une racine de figure pareille à celle de la ^édoaire. Voyez ce mot..
Cette racine eft apportée des Philippines , & pafle chez les Efpa-
gnols pour un alexitere puiflant & d'ufage pour les fièvres malignes ;
elle diffère beaucoup de la plante fuivante.
CONTRA -YERV A, eft une plante que lesEfpagnoIs ont nommés
ainfi parce qu'elle eft un contre - poifon : on l'appelle auilî racine de
Drak ( Drakena radix ) , parce que François Drak , Anglois , fut \z
premier qui la rapporta d'un voyage dans lequel il avoit fait le
tour du monde. Il y a des Botaniftes qui ont donné le même nom
de contra -yerva à d'autres plantes : les uns , comme C. Bauhin ,
l'ont regardée comme un fouchet long , odorant ; & le drakena ,
comme un fouchet long & fans odeur. Hermande:^ croit que le contra-
yerva eft une elpece de grenadille , coanempUli» Bdnnijlzr dit que
c'eft une camèline ; Sloane une arifloloche. Guillaume Houfîon , CJii-
rurgien Anglois , étant en Amérique , a recueilli dans les montagnes
auprès de l'ancienne Vera - Crux , la racine qu'on appelle contra-
yerva chez les Droguiftes ; & il a découvert que c'étoit une efpece
de dorfîenia.
Voici l'extrait de ce qu'on lit de la plante contra-yerva dans les Ma-
nufcrits du P. Plumier, qui dit avoir trouvé cette plante dans l'île de
Saint-Vincent. Sa racine reftemble à celle du fceau de Salomon.
Elle s'enfonce obliquement dans la terre : elle eft fibreufe, d'un goût
brûlant à- peu-près comme celui de la pyrethre. Il en fort fix petites
feuilles femblables à celles de la berce , attachées à des queues longues.
Du même fommet des racines fortent quatre pédicules qui foutien-
nent des fleurs très-petites , entourées de petites écailles noirâtres.
Selon Linnœus , fes fleurs n'ont point de pétales, mais une feule
enveloppe particulière à chaque fleur , quadrangulaire & concave :
il leur fuccede plufieurs graines arrondies , pointues & blanches.
Dans le commerce nous ne voyons que la racine deflechée de cette
plante , qui croît communément à Charcés , Province du Pérou ,
& au Mexique , d'où les Efpagnols nous l'apportent. Dans l'état
de ficcité , elle eft grofle comme une plume de cygne , longue de
Tome II, Ll
2^(5- COP
de deux pouces , noueufe , très-fibrée , d'un ronge tanné en dehors -,
blanchâtre en dedans ; d'une odeur de feuilles de figuier , &
d'un goût acre , légèrement aromatique : on ne fe fert que de
la partie tubéreufe de la racine , qui pafTe pour un puiflant
fudorifique & alexipharmaque , un fort antidote contre les poifons
qui coagulent le fang. Bien des perfonnes la préfèrent , avec raifon,
au bh^oard contre la pefte ; mais peut-être à tort , à la thériaque ,
comme contre-poifon. Voyez PforaUa^
COPAL. Foyc^ Résine copal,
COPALME. Foyei Liquidambar.
COPALXOCOTI. Petit arbre de la Nouvelle Efpagne très-vanté,
& qu'on croît être le favonnkr. Foyei ce mot»
COQ , gaHus , gallinaceus. Genre d'oifeau , qui au milieu de fon
ferai! de pûrul.es , fe fait remarquer par la beauté de fa taille , par
fa démarche fiere & majeftueufe ; par fes longs éperons aux pattes ;
par fa crête charnue , dentelée , d'un rouge vif & brillant qu'il
porte fur le front ; par fes pendans fous le menton ; par la richeiTe
& la variété des couleurs de fon plumage & par le contour agréable
des plumes de fa queue , qui font pofées verticalement.
Le coq & la poule , étant des animaux domeftiques , varient fingu-*
liérement pour les couleurs : auflî en voit-on de toutes les nuances»
Le coq eft un oifeau qui annonce , par fon chant , les heures de
la nuit & la pointe du jour : il eft l'horloge vivante des gens de la
campagne. On a remarqué que de tous les oifeaux de jour , le rofîîgnoi
& le coq font les feuls qui chantent pendant la nuit. ( Aufli les
Mythologiftes ont regardé le coq comme le fymbole de la vigilance 5^
c eft pour cette raifon qu'on le trouve fouvent dans les antiques ,
entre les attributs de Minerve & de Mercure.)
Au refte , M. du Verney a fait voir , dans un coq vivant , que
la voix ne fe forme pas vers le larynx , comme dans les autres ani-»
maux î mais au bas de la trachée - artère vers la bifurcation.
Le coq eft le plus lubrique des oifeaux. Il aime à prendre {qs
ébats amoureux en plein air : à peine ouvre-t-onle poulailler qu'on
le voit entrer au milieu de fon ferail & courir après les poules, les
pourfuivre & les fubjuguer ; on dit que chaque jour il coche Îqs
poules jufqu'à cinquante fois. L'ufage immodéré du plaifir épuife
promptement le coq j aufli eft-il au bout de peu d'années hors d'état
COQ '2^7
cfengendrer. Cet olfeau règne en fouveraîn p?/iml fes poules ; il
aime {inguliérement fes fu jettes : il veille avec adiduité à leur con-
fervation ; tantôt amant doux , complaifant , attentif , il eft aux
petits foins, avertit les poules du danger: a-t-il trouvé quelques
grains, il les appelle pour partager avec lui fa bonne fortune; il
pouffe même la galanterie jufqu à s'en priver pour elles. Tantôt c'efl:
un fouverain jaloux qui ne fouffre pas la préfence d'un rival. Si
l'on contrefait fon chant, il eft inquiet, en alarmes , raffemble fes
poules ; fon cri alors eft pour elles le fîgne de la protedion , de la
réprimande & de la menace.
Un bon coq doit être d'une taille plus grande que petite , avoir le
plumage ou noir ou rouge obfcur ; la patte grofle &; bien garnie
d'ongles & d'ergots ; la cuiflè longue , grolfe & bien emplumée ; la
poitrine large ; le cou élevé & bien fourni de plumes ; le bec court
& gros; les yeux noirs ou bleus ; l'oreille blanche •& grande; les
barbes rouges & bien pendantes ; le plumes de la t^tè & du cou
étendues jufques fur les épaules Se dorées ; l'aile forte , la queue
grande & repliée en faucille. Il faut qu'il foit éveillé , ardent , beau
chanteur; de même qu'il faut accoutumer fes femmes à l'accueillir,
de les autres coqs à fouffrir ce rival , dans les cas où un feul n©
faffiroit pas fi le nombre d€s poules étoit trop confidérabie.
Les coqs font fiers Se courageux : ils fe battent avec opiniâtreté.
Ce fpe'ftacîe fingulier eft du goût de plufieurs Nations : c'eft la
coutume en Angleterre de les nourrir avec foin pour les faire battre
enfem.ble. On annonce ces combats de coqs : qui fe font au milieu
d'un amphithéâtre oii Ton s'aftembîe en foule. Il s'y fait fouvent
des gageures confidérabîes , & Targent que l'on y dépofe appartient
quelquefois à ceux dont les coqs remportent la victoire. Il y a de
ces coqs belliqueux qui aiment mieux mourir que defelailfer vaincre
ou de fe fauver par une fuite ignotninieufe , ou de furvivre à une
honteufe défaite. Les Chinois & quelques Peuples des Philippines &
des Indes Orientales , font aufli fort paflîonnés pour ces fortes de
fpectacles. On vit en Angleterre , il y a quelques années , dans un
de ces fpedacles un exemple fingulier de fympathie entre deux coqs,
qui mérite d'être rapporté. Il y avoit à Chefter , dit l'Auteur du
Journal Encyclopédique 5 deux coqs très - beaux, .&: qui s'étoient
fouvent figoalés dans ce cirque ; mais on ne les avoit point encore
LI2
26% COQ
préfentés l'un contre Tautre. On voulut enfin favoir lequel des deux
étoit le plus fort ; chacun des fpedateurs s'intérefTa pour l'un des
combattans ; mais les deux coqs fe regardèrent , & , contre Fattente
du Public , ils ne fe chargèrent pas. On leur jetta quelques grains
de blé pour les irriter ; ils mangèrent enfemble, & fe promenèrent
enfuite paifiblement. On mit au milieu d'eux une poule , dans la
perfuafîon que du moins la jaloufie romproit l'intelligence qui pa-
roifToit régner entr'eux : on fe trompa encore. Ils carefferent la poule
tour à tour , & toujours fans jaloufie. Le Diredeur des jeux les
fépara , & leur teignit les plumes , afin que fous ce déguifement ils
ne fe reconnurent plus. Cet expédient ne réuflit pas mieux : les
deux coqs ne violèrent pas la paix qui les uniflbit. On préfenta
pour dernière reiTource , de nouveaux coqs à chacun d'eux; ils de-
vinrent furieux 5 combattirent à toute outrance, & battirent leurs
adverfaires. Quand on les vit bien irrités , on retira les coqs
étrangers , & on ne laifïa plus qu'eux fur l'arène ; mais ils demeurèrent
encore amis , & parurent tout aufli paifibles qu'ils l'avoient été
dans les premiers inftans.
Œufs réputés de Coq.
On trouve quelquefois dans le nid des poules un petit œuf gros
comme un œuf de pigeon , qu'on appelle ceuf de coq , parce qu'on
croit vulgairement que le coq l'a pondu ; & le peuple y ajoute
d'autres idées fuperftitieufes. Un Fermier ayant apporté plufieurs de
ces prétendus œufs de coq à M, de la Peyronîe, ce Savant fit plufieurs
obfervations fur cet objet, qu'il inféra dans un Mémoire, imprimé
parmi ceux de l'Académie des Sciences pour l'année 1710. Nous
allons en donner le précis.
Beaucoup de perfonnes , d'ailleurs raifonnables , croient avec le
peuple, que les coqs pondent des œufs; & que ces œufs étant couvés
dans du fumier ou ailleurs , on en voit éclore des ferpens ailés ,
qu'on appelle Bafilics. Les faits fuivans démontrent la faufleté de cette
tradition fabuleufe. iV/. de la Peyronîe ouvrit ces prétendus œufs de
coq ; il les trouva fans jaune ; mais au milieu il apperçut un corps
qui refiembloit affez bien à un petit ferpent entortillé : il le développa
fans peine , après en avoir raffermi la fubftance dans de l'efprit de
vin. Il en ouvrit plufieurs ; mais la différence qui s'y trouvoit, c'e{l
COQ 2 6^
que le prétendu ferpent n'étoit pas dans tous également bien repréfenté :
il y en avoit dans lefquels on ne voyoit qu'une tache jaune. D'après
l'examen de ces œufs fans jaune , M. de la Peyronie conçut l'idée
d'examiner fi le coq , auquel on les attribuoit , n'étoit pas herma"
phrodite. Ses entrailles furent ouvertes , examinées : on lui trouva
deux gros tefticules bien conditionnés , caraderes du mâle , & nulle
trompe ni ovaire ; ce qui prouvoit inconteftablement qu'il étoît
incapable de ponte par défaut d'organe. Le prétendu pondeur ayant
été égorgé , le Fermier trouva des œufs femblabies aux premiers , &
découvrit enfin qu'ils étoient pondus par une poule. Ce fut dans les
entrailles de cette poule que M. de la Peyronie découvrit la fource de ce
phénomène fingulier, qui avoit tant induit en erreur. L'infpedion lui
apprit que l'organifation altérée de cet animal étoit telle , que les mem-
branes très-minces de l'œuf qui n'avoit que très-peu de blanc & point
de coque , fe crevoient dans le palfage de Voviductus ; le jaune s'échap-
poit 5 & la poule pondoit ces petits œufs fans jaunes. M. Haller dit aufîi
avoir vu un œuf de coq qu'on lui avoit donné pour bien avéré ,
& que c'étoit un très -petit œuf, dont le fœtus & le jaune avoient
difparu , & dans lequel il n'y avoit que du blanc avec beaucoup de
bulles d'air. On voit des poules qui pondent quelquefois des œufs
femblabies à ceux dont on vient de parler, lorfque dans des efforts
ou par quelqu'autre caufe extérieure , le jaune d'œuf efl crevé dans
Voviduclus ; mais la caufe n'étant pas confiante , ces mêmes poules
en font aulll de bien conditionnés. Des étranglemens ou des com-
preiTions à- peu-près femblabies , qui anéantiffent les petits des ovi-
pares , en leur ôtant la matière de leur nourriture , ne rendroient
que monftrueux ceux des vivipares , qui ne portent pas cette matière
avec eux, & qui vont la puifer dans la matrice, pourvu que la
compreffion ne détruisît aucune partie eifentielle à la vie de l'animal»
On ne doit donc pas être furpris de ce que ceux-ci nous fourniffent
beaucoup plus de monfîres que les autres.
Des Coqs monflrcs.
On a cependant vu des coqs monfirueux , notamment un coq à
deux têtes fur un feul corps , un autre à uns feule tti^ fur deux,
corps, & d'autres à trois ou quatre pattes. Il fe trouve encore des^
coqs naturellement cornus , & d'autres qui le, Xont par artifice,,
Ô70 COQ
comme on en voit quelquefois dans les cabinets des curîeiix. M,
Duhamel , dans un Mémoire imprimé parmi ceux de l'Académie
Royale des Sciences , année 174-6 , nous apprend en quoi confifte
cet artifice.
On coupe la crête du coq à un travers de doigt près des os du
trâne ; il fe forme dans la duplicature de la crête un vide , dan$
lequel on place un jeune ergot de la groffjur d'un grain de
chenevi , qu'on coupe au pied d'un poulet. Au bout de quinze
jours ou trois femaines , l'ergot y a contra<3:é une union parfaite,
fi on a eu foin d'empêcher que le coq ne Tait fait tomber par \q
imouvement de fa tête ; & quatre à cinq mois après , il a acquis
un demi - pouce de longueur. M. Duhamel en a vu qui , au bout
de trois à quatre ans , avoient plus de quatre pouces. Un Auteur
dit avoir. vu- fur la têt« d'un chapon une pareille corne qui avoit
neuf pouces, de. longueur. Nous avons vu en 1765", à Paris, un
coq que l'on difoit originaire d'Afrique. Du milieu de fa crête
fortoient deux cornes jaunâtres , creufes , cannelées , longues de
trois po.uces & demi , évafées & arquées comme celles du chamois.
Ses ergots étoient gros & fort longs. Ses cornes nous ont paru na-
turellement implantées fur la tête de foifeau. Quoi qu'il en foit, on
ne peut s'empêcher de convenir que l'ergot détaché delà patte d'un
poulet & placé fur la tête d'un coq , & qui y conferve fa même
organifation , à l'exception qu'il devient plus grand, eft une véritable
greife pratiquée fur un animal. Il eft curieux d'obferver qu'il fe
form.e une cfpece d'articulation & plufieurs ligamens affez forts pour
foutenir cette grande corne. Tous ces organes , comme le dit
M. Duhamel , ne fe trouvent point dans l'état naturel , ni fous
!a crête des coqs , ni aux environs de leur ergot; du moins, dit-iî ^
je n'ai pu les appercevoir ; ainii la nature fait fubvenir à iès befoins
par de nouveaux organes. C'eft un fait bien fingulier , mais qui fe
trouvera probablement confirmé par beaucoup d'obfervations fur
ies monftres.
Des Chapons,
Le chapon eft un poulet auquel on enlevé les deux tcfticules pour
qu'il ne s'épuife point par les pkifirs, qu'il acquière plus d'embonpoint,
^' que fa chair en 'devienne plus délicate. Cette opération fait perdre
COQ 27 1
la voix au coq; ce qui prouve d'une manière bien évidente le rcipport
intime, quoique caché, qui fe trouve entre ces organes. Le poulet
qui n'a été châtré qu'à demi , a un refte de voix grêle qui n'a point
la plénitude du fcn de celle du coq ; aufli l'appelle-t-on cocâtrc , parce
qu'il n'eft réellement ni coq, ni chapon. On pratique aulTî la même
opération fur les poules : on les engrailTe délicatement, & elles Ce nom-
ment alors poulardes: c'eft un des mets les plus exquis & les plus
falutaires.
La méthode de châtrer les poulets eft très-ancienne ; il en eft parlé
dans le Deutéronome: on la pratiquoit à Rome, & il y avoit des pou-
lardes qui pefoient quelquefois jufqu'à feize livres. Il fut défendu de
châtrer les' poules ; & ce fut pour éluder cette loi qu'on chaponna
les jeunes coqs. On chaponne les poulets à trois mois , en Juin ,
temps où il ne fait ni trop chaud ni trop froid. L'animal après cette
opération eft trifte , mélancolique , honteux & confusj il fçmbie
regretter pendant quelques jours la fource de fa vigueur. & de fes
plaifirs; en un mot il femble fentir l'importance de la perte qu'il a
faite; aufïî aifeéle-t-il de ne pas fe montrer aux yeux des poules
pendant quelques femaines ; celles-ci ne chantent point pour lui.
On tire un fervice fîngulier des chapons : on drell'e ces eunuques
à conduire & à élever les poufîins quand on ne veut pas laiffer perdre
de temps aux poules. Pour infpirer ce goût au chapon , on le choifit
vigoureux, on lui plume le ventre, on lui fuftige la partie déplumée
avec une poignée d'orties , & on fenivre avec du pain trempé dans
du vin. Après avoir réitéré cette cérémonie deux ou trois jours de
fuite, on le met fous une cage avec deux ou trois poulets un peu
grands i ces poulets en lui pafTant fous le ventre, adouciffent la cuif-
fon de fes piqûres. Ce foulagement l'habitue à les recevoir: bientôt
il s'y attache, il les aime, il les conduit; & fi on lui en donne ui^i
plus grand nombre , il les reçoit , les couvre de fes ailes , les élevé
& les garde plus long-temps que la mère n'auroit fait.
On eftime davantage le chapon à l'âge de fept à huit mois, qu'en
tout autre temps. Sa chair convient à toutes fortes de tempéramens
& à toutes fortes d'âges.
Le poulet eft un aliment très-léger & très-falutaire. On en fait une
eau de poulet que l'on donne aux malades , auxquels on veut faire
faire diète: cette boiflfon convient auili dans les- douleurs d'entrailles
2.12 ' COQ
& le choUra-morhus ^ pour tempérer îa bile qui regorge dans l'eftomac.
Le bouillon de vieux coq , gallus annofus , eft fort recommandé en
Médecine dans les maladies chroniques, M. Bourgeois dit que es
bouillon eft fur-tout très-falutaire aux afthmatiques , qu'il foulage
confîdérablement. On emploie afifez communément fa chair dans les'
confomraés dont on nourrit les malades foibles, languiilans, certains
convalefcens , £c quelques vieillards qui ont befoin d'une nourriture
abondante fans que leur eftomac en foit fatigué. Le coq étoit autre-
fois la vidime du facrifice qu'on faifoit à Efculape lorfqu'on guériflfoit
d'une maladie.
Des Poules,
Les poules font du nombre des animaux domeftiques les plus
précieux, â*j.a.uie!"du tribut qu'elles nous donnent tous les jours.
Le port"^ de la queue des poules eft particulier à ce feul genre
d'oifeau, & il nous paroîtroit très-fingulier fi nous le voyions pour
la première foiâ. "Elles font les feules dont la queue eft dans un plan
vertical & pliée en deux parties égale?.
Les poules nous préfentent une multitude de variétés : on en
diftingue entr'autres plufieurs efpeces qui ont des caraéleres marqués
différens; favoir, les poules de Caux ou de Padoue : elles font très-
grofles , & font , ainfi que celles de Bruges & de Mirebalais , haut
montées. Les poules à jambes courtes appellées auflî pieds courts. Les
poules f rifles appellées mal à propos porte-laine, dont les plumes font
réfléchies vers la tête. Les poules NégreJJes qui nous viennent de
Guinée, du Sénégal & de Mozambique: elles ont les os noirs, îa
crcte & la peau noire , & la chair blanche. Les poules fans queue &
mèvciQ fans croupion, dites ailleurs des culs nus , ou poules de Perfe,
Les poules qui ont cinq doigts à chaque pied, trois antérieurs & deux
poftérieurs. ( Les poules & les coqs à cinq doigts doivent être regardés
comme monftres). hes poules dont la tête eft ornée d'une huppe: elles
font belles, haut montées, &: on les nommQ poules huppées. Les
poules pattues qui ont des plumes jufqu'à l'extrémité des p^ttQs , gallinoi
vlumipedes.
On a vu à Paris une grande variété de ces fortes d'oifeaux & de
pigeons dafis la ménagerie de S. A. S. Monfeigneur le Comte de
Çiermont, Voici li^,^>ft.Ç ou état dçs coqs &: poules qui étoient dans
les
COQ i75
les différentes cages a la fin de Mars ij6S, Les charnoifés , les écailks J^
poijfon , les frifés , les ardoifés y les blancs , les noirs à huppe blanche ,
les dorés , les argentés , les citronés , les périnées en bleu ou en blanc
ou en violet; Iqs faïences , les hermines en blanpou en jaune, \qs porte-^
Joie, les pierrées en noir ou dorées & naines; les nains Anglois ôc
blancs , les perlés. Ces oifeaux font aduellement dans la ménagerie de
Chantilly.
Les poules de moyenne grandeur & noires de plumage, font eftimées
les meilleures pondeufes. Comme les poules font ordinairement des
œufs en abondance pendant la plus grande partie de l'année , elles ne
fauroient fuffire long-temps à tant de produxflions ; aufli communé-
ment deviennent-elles ftériles au bout de trois ou quatre ans. Les
premiers oeufs que pondent les poules font petits ;_&.:ep^ général les
CEufs des féconde, troifieme & quatrième années fohf plus' gros que
ceux de la première. Il y a des poules qui ne donnent qu'un œuf
en trois jours; d'autres pondent de deux jours l'un 3 d'autres' tous les
jours. M. de Réaumur en a eu une qui pondoit deux œufs dans le
même jour. Les poules ceflent de pondre plutôt les unes que le^
autres.
La fécondité des poules eft admirable -;i 'mais cette- richefle de pro-
duâion tarit vers la fin de l'automne & en hiver. Ce feroit ces œufs'
qui viennent dans le printemps & dans. l'été en fi grande abondance ,-
qu'il feroit avantageux de conferver frais. J^oj^c^-e;^ le procédé à t article
(EUF.
Les poules ne laiflent pas de pondre fans le commerce avec les
coqs: ces œufs fe confervent encore mieux & plus furement que ceux
qui ont été fécondés ; mais ils ne valent rien pour donner à couver,
parce qu'il n'y a point de germe & qu'il n'en naîtroit rien.
• L'organifation de l'œuf nous préfente un fpedacle des plus curieux,
dont on voit la defcription aux articles Oiseau & duF. On y réunit
fous le même coup d'œil l'organifation des œufs d'oifeaux, d'infeéles
& de poiiïbns , & le tableau des divers moyens qu'emploie la nature
pour la réprodudion de ces fortes d'animaux.
A l'égard des propriétés de l'œuf de la poule , on eftime que le
blanc feul eft très-diététique, nourriffant; & que le jaûîje efi: très-
échauffant & même aphrodifiaque. Tout le monde cônnbît l'ufage des
Î3ouillons à la reine^ dont h bafe-eft le jaunè.'-<i'œtiiF>dans la "toux ,
Tome IL Mm
274 COQ
dans les coliques bîlîeufes & dans les tranchées violentes qui fucce"
dent quelquefois à l'ufage des purgatifs réfineux. Le jaune d'œuf eft
la bafe du lok pedoral, du digeftif ordinaire , il fert à lier quantité
de fauces. Le blanc d'oeuf eft rinftrument chimique le plus ufité de
la clarification des liqueurs & du fucre. Il entre dans la compofition:
de la pâte de guimauve & de celle de réglifle. La coquille d'œuf réduite
en poudre eft un abforbant terreux.
Manière dont les Poulets s^y prennent pour fortir de Vc&uf,
La couvée dure vingt-un jours. C'eft une befogne très-fatigante
pour la couveufe, & qui l'échaufFe beaucoup. Le degré de chaleur
de l'incubation eft de trente-deux degrés & demi au thermomètre de
M. de Riaumur : c'eft à l'aide de cette douce tranfpiration que fe déve-
loppent aveo lenteur toutes les parties du poulet. La poule ne fe
fert de fon bec" que pour retourner les œufs & les faire changer de
place , & quelquefois pour jeter hors du nid les fragmens de la
coquille dont le poulet s'eft débarraffé. Le poulet renfermé dans l'œuf,
eft feul chargé par la nature de tout Touvrage qui doit être fait
avant qu'il fe puiflfe mettre en liberté; ouvrage qu'on eftimeroit bien
au-deflus de fes forces, fi des obfervations journalières n'apprenoient
celles qu'il a, & comment il fait les employer quand fon état
aduel lui fait fentir le befoin qu'il a de naître & de jouir delà liberté,
D'excellens Obfervateurs . ont fuivi jour par jour le progrès de
l'accroiflement du poulet pendant toute la durée de l'incubation. C'eft"
dans leurs ouvrages qu'il faut chercher le détail de la marche que
la nature fuit dans ce travail.; nous nous contenterons de dire qu'entre
les parties qui étoient alongées & étendues dans les premiers jours s
les unes dans les derniers jours font pliées dans leurs articulations ,
les autres courbées , & toutes plus rapprochées du corps. Les parties
du poulet prenant chaque jour de l'accroiiTement, les jambes & le
cou deviennent fi longs que le poulet eft forcé de les plier pour leur
faire trouver place dans la cavité où il eft logé. Dans ces derniers jours
fa mafl'e totale prend donc néceflairement la forme d'une boule , &; fa
tête eft paiTée fous l'aile : c'eft ici qu'on a lieu d'admirer , ainfi que
dans toutes les opérations de la nature, que ce qui femble fait par
néceiTité , eft ce qui pouvoit être fait de mieux par choix.
La tête du poulet, àinfi que celle de tous les animaux naiftans, eft
COQ 27f
cfune grofleur confidérable par rapport au volume du corps : c'eft à
l'aide de la mafle de cette tête armée d'un petit bec pointu , que
l'oifeau frappe à coups redoublés les parois de la coquille qu'il faut
percer. Ces coups font fouvent aflèz forts .pour fe faire entendre; &:
fi on fait épier les momens , on les lui voit donner : la tête n'eu
refte pas moins fous l'aile.
L'effet des premiers coups de bec du poulet eft une petite fêlure
qui eft ordinairement entre le milieu de l'œuf &: fon gros bout , mais
plus près de celui-ci , parce que la partie antérieure du poulet eft
tournée vers cette partie. Quand la fêlure eft fenfible , on dit que
l'œuf eft héclù* On voit les éclats fauter, fans que la membrane qui
tapifle l'intérieur de l'œuf paroifle percée ; ce qui avoit fait penfer
que les œufs étoient bêchés par la poule. Mais on conçoit aifément que
la membrane étant flexible & appuyée fur la coquille , peut réfifter
aux coups qui font fendre & éclater une matière plus roide.
Tous les poulets n'emploient pas un temps égal à finir cette grande-
opération : il y en a qui parviennent à ie tirer de leur coquille dans
l'heure même où ils ont commencé à la bêcher ; d'autres n'éclofent
qu'au bout de deux ou- trois heures : quelques-uns font plus long-
temps, fuivant TépaifTeur de la coquille, & fuivant la force du poulet.
Il y en a qui, trop impatiens de voir le jour , attaquent de trop
bonne heure leur coquille à coups de bec ; mais ils paient cher leur
impatience , car ils languiflent & meurent quelques jours après être
nés. La raifon en eft, fuivant l'obfervation de M. de Réaumur, que les
poulets, avant de naître, doivent avoir dans leur corps une proviilon
de nourriture qui puilfeles difpenfer d'en prendre d'autre pendant plus de
vingt-quatre heures après qu'ils font éclos. Cette provifîon confifte
dans une portion confidérable du jaune, qui n'a pas été confomroée,
& qui entre dans le corps par le nombril. Le poulet qui fort de fa
prifon ou coquille, avant que le jaune foit entré dans fon corps, périt
donc néceffairement. Lorfque les années font trop feches, les pou-
lets ne peuvent pas quelquefois parvenir à ouvrir leurs coquilles. Si
on ne les aide pas un peu , en enlevant une partie de la coquille ,
après qu'ils l'ont fêlée , on rifque de les voir périr dans l'inftant où
ils étoient près de paroître au jour. Dans ce cas , on trouve fouvent
les plumes du jeune oifeau collées contre les parois iij^érieures de
Tœufj & cela doit arriver nécelTairement toute^s.les fois que l'œuf a.
--' Mm 2
27^ COQ
éprouvé une chaleur trop forte. Pour remédier à cet inconvénient p
on met les œufs dans f eau pendant cinq à fix minutes. L'œuf pompe à
travers fa coquille les parties les plus ténues de l'eau ; & l'effet de cette
humidité efl: de difpofer les plumes qui font collées à la coquille , à
s'en détacher plus facilement: peut-être aufli que cette efpecedebain
rafraîchit le jeune oifeau , & lui donne allez de force pour brifer fa
coquille avec le bec. Il en eft de même des perdrix, des pigeons, &
probablement de plufieurs oifeaux utiles , dont on pourra fauver un
grand nombre par le procédé indiqué ci-delTus , ou par quelqu'autre
procédé analogue.
Quand le poulet eft parvenu à ouvrir fa coquille , dans le premier
inftant oii on le voit , on en augure mal ; on juge fes forces épuifées
par les efforts qu'il a faits , & on le croit bien près d'expirer ; mais
au bout dhin temps , quelquefois aflez court , il paroît tout autre.
Toutes fes parties fe fortifient ; il entreprend de fe traîner fur fes
jambes.'; fes plumes qui ne font qu'un duvet fin , & qui ,'pendant qu'elles
étoient mouillées , faifoient prefque paroître le poulet prefque nu ,
commencent à fe développer. Le duvet étoit tenu dans des tuyaux
de membranes qui fe brifent en fe delféchant : les barbes du duvet
prennent leur reffort , elles s'épanouiffent j & quand elles font toutes
féchées & redreffées , le poulet eft revêtu très- joliment & très-chau-
dement. Au bout de vingt-quatre heures , on voit ce petit peuple
emplumé , courant , trottant , fautant , accourant à la voix de leur
mère , becquetant le grain fous fes yeux , & préfentant par leur gen-
tilIelTe le plus agréable fpedacle , tandis que d'ua autre côté; la mère
préfente un tableau des plus frappans des foins & de la tendrelTe mater-
nelle. Rien de plus fîngulier que le fpeélacle d'une poule à qui l'on
a fait couver des œufs de canards, Auflî-tôt que ces nouveaux nés
apperçoivent un ruilTeau , plus dociles au penchant de la nature ,
qu'à la voix d'une mère défolée qu'ils méconnoiffent , ils fe jettent
à l'eau & nagent : c'eft alors qu'on voit la mère naturelle les fuivre
de l'œil le long du bord , leur donner des avis , leur reprocher leur
témérité , demander à tout le monde du fecours contre fes inquié-
tudes 5 fes craintes Ôc fes alarmes.
De la manier e de faire éclore des poulets,
, Les Egyptiens. ^à^,qui les autres peuples ont dû les premières
COQ 277
connolfiances de la plupart des Arts , s'en font confervé un qui n*eft en-
core mis en pratique que chez eux , celui de faire éclore des poulets fans
le moyen des poules. Ils favent conftruire de longs & fpacieux fours ,
d une forme particulière , rangés lun fur l'autre , en différens étages ^
dans un double rang qui forme une efpece de dortoir , & dans les-
quels ils mettent une grande quantité d'œufs : par le moyen d'un feu
doux 3 bien ménagé , & dont l'aliment eft de la fiente d'animaux •
mêlée avec de la paille, ils leur procurent une chaleur égale à celle
que les poules donnent aux œufs qu'elles couvent ; & au. Jjout d'un
certain nombre de jours ( de vingt à vingt-deux ) , on vo'if éclore un
fi grand nombre de pouflins , qu'on peut les mefurer & les vendre
au boifleau. En effet, à mefure que les coques inanimées fej*ompent,
une armée de petits bipèdes s'élève & fe dégage chacun de fa prifon.
Le fpedacle en efl agréable ; on croit voir en petit le prodige qu'on
fit voir au Prophète , un lieu couvert d'offemens qui fe -lèvent & ref-
fufcitent. C'eft à Manfoura que l'on voit le plus grand nombre de ces
fours ; & il n'y a que les feuls habitans du village de Bermé , fitué
dans le Delta , qui ont l'induflrie héréditaire de diriger ces fours.
Cette manière de faire éclore , a été connue de Pline. & de Diodore
de Sicile.
C'efl cette fcience économique , précieufe pour la multiplication
d'oifeaux domefliques d'une utilité fi immenfe , que M. de Réaiimur
a cherché à enlever aux Egyptiens. Il n'eft forte d'expériences qu'ii
n'ait tentées ; & il eft enfin parvenu à en faire un art dont il nous
a donné la defcription dans fon Ouvrage intitulé : Art de faire éclore
& ^élever en toutes faifons des oifeaux domefliques de toute efpece , foit
par le moyen de la chaleur des couches de fumier , foit par le moyen d&
celle du feu ordinaire ; Ouvrage excellent , où brillent également la
fagacité , l'exacfle vérité & le zèle pour le bien public {d). L'intérêt
que tout le monde peut prendre naturellement pour un art fi utile ,
nous engage à' en donner une légère efquifTe.
Cette matière vraiment importante , offre deux objets : celui de
faire éclore des poulets , & celui de les élever. Les Egyptiens ont
. été difpenfés , par la chaleur des contrées qu'ils habitent , de faire
{à) M. Halier dit que cet art de faire éclore les poulets fans poule, Te trouve
dans le Recueil d'Ouvrages d'Agriculture , attribué ïCorJlantin ,.^"-.dans un Cha-
pitre attribué à Dàmocritc,
ff-^
278 COQ
des recherches par rapport à ce fécond objet; maïs dans nos climats^
c'eft celui qui préfente les plus grandes difficultés.
M. de, Réaumur donne dans fon Ouvrage la conftrudion des fours ,
au moyen defquels on peut faire éclore des poulets comme en Egypte ,
& les élever ; il y indique aulli l'avantage qu'on peut retirer des fours
èc des fourneaux qui font toute l'année en feu , pour y entretenir
dans des étuves qui contiendroient un grand nombre d'œufs , une
chaleur propre à les couver ; tels font les fours de verrerie , les
fourneaux où l'on fond les mines , ceux des Pâtilliers , & fur - tout
ceux des Boulangers. On pourroit même , dit-il , avoir des étuves
dans toutes les campagnes où il y a des fours banaux qu'on chauffa
tous les jours.
M. de Réaumur convient qu'il n'avoit pas aflez penfé au parti qu'on
peut tirer de la chaleur de ces fours ou fourneaux , lorfqu'il imagina
de faire fervir des couches de fumier à cet ufage. Mais au refte , ces
couches peuvent devenir néceflaires dans les campagnes où l'on peut
manquer, de la première reffource. Ces moyens font trop ingénieux
pour que nous n'en donnions pas une légère idée.
Un tonneau défoncé par un bout eft prefque un four tout fait ^
qu'il ne s'agit que de mettre en place. On établit une couche de
fumier fous un hangar , dans un lieu où il puifle régner un peu d'air.
On place au milieu de cette couche le tonneau défoncé, qu'on enduit
en dedans de plâtre , afin d'empêcher les vapeurs du fumier , qui
feroient mortelles pour les poulets , de pénétrer dans l'intérieur du
tonneau; on recouvre ce tonneau avec un couvercle percé d'un grand
nombre de trous fermés avec des bouchons : ces trous m^ultiplient
les moyens de régler la chaleur à volonté , en donnant autant 6c
aufli peu d'air qu'on le defire. On fufpend dans ce tonneau des pa-
niers les uns au-defifus des autres ;& on les remplit d'œufs: on leur
procure autant qu'il eft pofllble , une chaleur de trente-deux degrés
au thermomètre de M. de Réaumur y c'eft-là la vraie chaleur de la poule
qui couve : trente-quatre degrés font une chaleur forte , mais qui
n'eft point mortelle aux poulets ; au lieu que celle de trente-fix de-
grés eft abfolument trop forte. Lorfque les œufs ont eu à-peu-près un^
chaleur de trente-deux degrés , pendant toute la durée de la couvée ,
il eft aftez ordinaire d'en voir fortir les poulets le vingtième jour,
c'çft-à-dire, un jou^', plutôt qu'ils ne fortsnt dans ce pays des oeufs
COQ 27P
touvés par une poule : la raifon en vient de ce que ces oeufs ne font
pas expofés au refroidifTement , comme le font de temps en temps
ceux de la poule. Entre les œufs d'une même couvée , les uns éclofent
plutôt , les autres plus tard , à raifon de l'épaifTeur plus ou moins
grande de la coque qui fait varier la tranfpiration.
Comme il tranfpire toujours du fumier de la couche une efpece
d'humidité qui s'introduit par les trous qu'on eft obligé d'ouvrir pour
entretenir une chaleur égale; & que cette humidité, quoiqu'elle ne nous
paroifle pas fenfible, devient mortelle aux poulets , M. de Réaumur a
éprouvé que le moyen certain de l'éviter , eft de coucher le tonneau
ou de lui fubftituer de longues caiffes , qu'on difpofe de m.aniere qu'il
y ait une efpece de mur quifépare le corps de la caiflTe de l'ouverture;
on entoure donc les caifTes de fumier par derrière ; & de cette manière
l'humidité ne peut nullement fe communiquer, & les poulets éclofent
à merveille. Il paroîtroit par l'examen qu'on en a fait , qu'à égale
quantité d'œufs il naît un plus grand nombre de poulets des œufs
couvés dans les fours à fumier ou dans ceux échauffés à l'aide du
feu, que des œufs couvés par les poules, qui elles-mêmes en brifent
quelquefois plufieurs , ou abandonnent leurs œufs avant qu'ils foient
éclos. On peut eftimer qu'il vient des œufs couvés dans les fours, à-peu-
près les deux tiers de poulets.
Lorfque les petits poulets font éclos , il faut les mettre en état de
jouir de la liberté néceflaire , pour exercer leurs jambes & fortifier
leur corps. Pour cet effet on les met dans une boîte longue de cinq
ou fix pieds, &: recouverte d'une claie d'ofier. On peut donner à
cette boîte le nom. de pouffîniere : on la place au milieu d'une couche
de fumier qui lui communique une douce chaleur. On met dans cette
pouffînien de petits vafes qui contiennent la nourriture propre aux
poulets. Quand on veut opérer des effets pareils à ceux que la nature
nous fait voir , il faut la copier dans fes procédés : ainfi il faut donner
aux poulets quelque chofe d'équivalent à cette douce prelîion du
ventre de la mère contre le dos des petits qu'elle couve ; preflion
qui leur eft très-néceffaire , puifque leur dos a plus befoin d'être
échauffé que toutes les autres parties du corps. On établit donc dans
la pouffiniere une mère ou une couveufe inanimée qui leur tient lieu
d'une poule vivante. Qu'on fe repréfente un pupitre tel que ceux
quon met fur une table à écrire, dont toutes les parois de la cavité
-280 ■ COQ"
intérieure font revêtues d'une bonne fourrure d'agneau, on jugera
qu elle peut être pour les poulets l'équivalent d'une mère , & même
valoir mieux pour eux. Ceft un logement qui leur donne une libre
entrée; mais le toit étant un peu élevé & incliné , ils ne fauroient
avancer dans l'intérieur fans que leur dos touche les poils de la peau
dont la furface intérieure de ce toit eft recouverte : à mefure qu ils
s'enfoncent plus avant , leur dos prefle davantage la fourrure , & ils
la prefTent plus ou moins à leur gré. C'eil: fous cette mère artificielle
que les pbulets vont fe réchaufter fuivant leur befoin. Lorfque les
poulets font plus forts & plus gros que des merles , on les fait pafTer dans
une grande cage où ils peuvent fe percher & faire ufage de leurs ailes.
Il eft avantageux d'y pratiquer une mère artificielle pour mettre les
poule^ à l'abri des vents froids & de la pluie. Lorfqu'après ces foins
& aveè.iè'^tëmps les poulets font devenus aifez forts ^ on les lailfe courir
dans la baffe-cour.
Ce que nous avons dit de ia manière d'élever des poulets, s'étend
à tous les oifeaux qu'on aura fait éclore dans les fours , pourvu qu'ils
foient du nombre de ceux qui, après être nés fe nourriffent d'eux-
mêmes dès qu'ils ont à leur difpofition des alimens convenables, 8c
qui n'exigent point que leur père & mère leur donne la becquée; tels
font les dindonneaux y \qs faifundcaux , les perdreaux ,nes caïllet&aux , &;
tant d'oifeaux de différentes efpeces qui appartiennent à la clafTe des
poules ou gallinacées. Les oifeaux de la clafîe des canards & des oies naif-
fentaufîi bien inftruits ; mais ils ne font pas contents s'ils ne trouvent de
i'eau où ils puiflent s'aller jeter de temps en temps, y manger & y bar-
boter : c'eft pourquoi il faut pratiquer dans les poufTinieres préparées
pour ces efpeces d'oifeaux , une terrine pleine d'eau qui fervira de
petit bafîin, dans lequel les cannetons & les oifons ne manqueront pas de
s'aller baigner. L'obfervation d'un fait où fe reconnoît la fagefïe de la
Nature , fe préfente ici tout naturellement. On a remarqué qu'en général
ks oifeaux dont les petits font en état de prendre eux-mêmes leur
nourriture au fortir de la coquille, ont un très-grand nombre de
petits; au lieu que ceux qui font obligés de leur porter la becquée,
en ont un plus petit nombre : ces oifeaux n'auroient pu fuffire à ce
travail. La méfange qui a jufqu'à douze à quinze petits, n'eft pas une
tixception à cette régie; car elle nourrit (qs petits avec des vers, dont
i'ip feiil peut fervir à.raffafier plufieurs,
t Outre
COQ 281
Outre le grand profit que Ton peut tirer de cette méthode ingénieufe,
pour multiplier beaucoup les poulets, on a l'avantage de mettre les
poules dans le cas de ne pas perdre à couver, le temps quelles emploi-
roient à pondre.
COQ DES BOIS ou des Bruyères ou de Limoges, Quelques
Naturaliftes ne mettent point de différence entre ces deux oifeaux,
& les regardent comme le même. Ils regardent néanmoins celui des
bois comme un peu plus grand: on l'appelle uro~guUus tetrao major;
& celui des bruyères , tetrao feu uro-galLus minor. M. IfalÙr'idlt cepen-»
dant que ces deux oifeaux différent eflfentiellement l'un de l'autre,
Uauerhdhn ou le grand coq des bruyères ne fe trouve pas dans les
Alpes; c'eft lui qui appelle les poules de fon efpece par un cri
iïngulier que les Allemands appellent yi/{e/2 : la Nature fait obéir ces
poules à la voix de leur fultan, & les réunit au pied de fon arbre.
Le birckhahn fe trouve fur les Alpes, il y porte le nom de faifan; il
eft noir comme Vauerhahn , avec les yeux entourés d'une peau de
couleur d'écarlate : fa taille eft fort inférieure à celle de Xauerhahn :
il fe plaît dans les pierrailles couvertes de rhodendros Se de vitis Idcea
foUis exalbidis. Nous nous contenterons de décrire ici le coq des
bruyères ; à l'égard du coq des bois d'' Amérique , voyez gelinote dti
Canada.
Le Coq des Bruyères , gallus fi/veftris , eft à-peu près de la taille
du coq d'Inde. Cet oifeau paroît noir de loin ; mais lorfqu'on le
regarde de plus près , on voit que fes plumes font entre-mélées de
toutes fortes de couleurs. Au-deflus des yeux & ^ autour des oreilles
on remarque de petites plumes rouges: les deux ailes aufîî bien que
la queue, font traverfées d'une bande blanche qui repréfente un beau
cercle blanc quand l'oifeau étale fa queue , comme font le paon 6c
le coq d'Inde. On diftingue fur-tout l'efpece qui a la queue fourchue»
Sa femelle eft d'un jaune verdâtre.
Le Coq de bruyère , né libre & indépendant , fe plaît beaucoup dans
les bois écartés dont le terrain eft marécageux & couvrerc de beaucoup
de mou/Te. Il fe nourrit de fruits: parmi Ijs arbres il s attache principa-
lement aux chênes & aux pins dont les pommes lui fervent de
nourriture: cependant il fait choix entre les pins, & il dépouille quel-
quefois un arbre de toutes fes pommes, pendant qu'il ne touche pas
à cfclles d'un autre. Le coq de bruyère n'eft rien moins qu'un oifeau
Tome IL N n
582 COQ
de proie : c'eft l'animal la plus paifible ; il n'oflfenfe pas le moindre
infede, excepté les œufs de fourmis qu'il mange; il ne fait aucun
dommage ni aux champs, ni aux prés.
Les amours de cet oifeau préfentent un fpedacle aflez curieux &
afTez fîngulier. II commence à entrer en chaleur vers les premiers
jours de Février : cette chaleur fe manifefte dans toute fa force vers
la fin de iMars , & elle continue jufqua ce que les feuilles poufTent
aux arbres.
Pendant toute cette falfon on voit ces oifeaux paflionnés fe pro-
mener fur un pin ou fur quelqu'autre arbre, dès la pointe du jour
& à l'approche du foleil couchant , ayant la queue étalée en rond,
le cou tendu , la tcte enflée , & fe mettant en toutes fortes de
pofturesr' extraordinaires. Leur cri amoureux eft une forte explofion ,
qui devient enfuite un fon femblable à celui d'une faux qu'on aiguife ,
& finit par une exploiion femblable à la première. Ce cri cefle &
recommence alternativement. Tous les fens de cet oifeau font telle-
ment émus dans ces inftans de pafiion, qu'il ne prend garde à rien;
les foudres du Chafleur tonneroient autour de lui fans qu'il s'en
apperçût : au lieu que dans tout autre temps il a Fouie fi fubtile ,
que le moindre bruit l'effarouche ; c'eft pourquoi on choifit pour le
tirer le temps otl il crie, Lorfqu'il a fini ce fingulier ramage, un Chaf-
feur habile fe garde bien de faire aucun bruit, parce qu'alors il entend
très-clair & fait attention à tout.
Chaque coq de bruyère pendant fa chaleur, fe tient dans un certain
canton d'où il ne fort point; & fouvent dans les forêts ils fe trouvent
fi près les uns des autres , que d'un même endroit on en entend plu-
fieurs à la fois. Le coq eft d'abord feul;mais auflî-tôt que les poules
l'entendent, elles lui répondent , s'approchent , fe rangent & l'attendent
fous l'arbre. Chaque coq a plufieurs poules comme le coq domeftique :
il defcend de l'arbre , les coche & féconde leurs œufs.
La poule de bruyère eft plus petite que le coq, & reffemble par
fon plumage à la perdrix. Elle pond jufqu'à huit ou neuf œufs blancs
marquetés de jaune : elle les dépofe au milieu de la moufle dans un
lieu fec. Lorfqu'elle eft obligée d'aller chercher fa nourriture , elle
les recouvre auflî de mouffe &c les cache de manière qu'on a bien
de la peine à les découvrir. Dès que les petits font éclos , la
snere les promené dans les bois , où ils fe nourrifient d'œufs de
A.
COQ 2g3
fourmis jufqu'à ce que devenus forts, ils s'accoutument à manger des
pommes de pin. Quoique ces poules foient très-fécondes, ces oifeaux
ne font pas très-nombreux, parce que les oifeaux de proie , les renardS'
& autres animaux en détruifent beaucoup.
On voit quantité de ces oifeaux dans le nord de l'Angleterre de
de l'Ecofle & dans Ic-s Alpes, Il y en a de piquetés en Suéde; il s'en
trouve aufli à Albreda fur la rivière de Gambie en Afrique , & qui
font d'une grofTeur monflrueufe. On prétend qu'ordinairement les mâles
fe tiennent enfemble , de les femelles à part. M. Brijfon fait un genre
particulier du coq de bruyère qu'il range parmi les gelinotes. Il
y a auflî le coq de bruyère à fraife. Voyez Gelinots de Canada,
COQ-D'INDE, gallo-pavo, C'eft un gros oifeau d'un genre différent
de celui du coq , & qui nous a été apporté des Indes occidentales.
On l'a naturalifé & multiplié dans ce pays-ci au point qu'il eft devenu
très-commun. On conduit ces oifeaux comme des troupeaux dans les
champs pour les faire paître,
La tête & le cou du coq d'Inde font recouverts d'une peau qui
ordinairement eft lâche & flafque, & peu colorée; mais qui fe gonfle,
s'étend & devient d'un pourpre vif, l3rfque l'oifeau eft animé de
quelque paflion : le fommet de fa tête paroît alors de trois couleurs ,
qui font le blanc, le bleu & le pourpre. On le voit auftî marcher avec
la fierté du paon, & étaler pompeufement fa queue en roue, d'où
eft venu le proverbe trivial fi&r comme un coq d'Inde. A proprement
parler, le dindon a deux queues; l'une fupérieure, & l'autre inférieure,
la première eft compofée de dix-huit grandes plumes implantées
autour du croupion, & que l'animal relevé lorfqu'il piaffe ; la féconde
ou l'inférieure confifte en d'autres plumes moins grandes, & refte
toujours dans la lituarion horizontale.
Cet oifeau a un appendice charnu & rouge , qui lui tombe de deflus
le bec & defcendd'un pouce plus bas: lorfqu'il mange, cet appendice
fe raccourcit beaucoup. Le coq d'Inde n'a pas d'éperons aux jambes.
Quand les mâles font un peu âgés , on les diftingue des femelles
par un petit bouquet de crins femblables à de la foie de cochon &
qui fe trouve fous la gorge. Les femelles que l'on nomme poules
d'Inde , ont dans le même enJroit un petit morceau de chair fan»
crin.
Les dindons ontdifférens tons, différentes inflexions de voix,feÎQft
N 0*2
2^4 COQ
rage, le fexe & fuivant les pafTions qu'ils veulent exprimer; îeur
démarche eft lente, leur vol efl: pefant; ils boivent, mangent, avalent
de petits caillous , & digèrent à-peu-près comme les coqs , & comme
eux ils ont un double eftomac , c'eft-à-dire , un jabot & un géfier y
mais comme ils font plus gros , les mufcles de leur géfier ont aufli
plus de force.
Les coqs d'Inde varient pour la couleur. II y en a dont les plumes
font noires , avec urt peu de blanc à l'extrémité j d'autres font gri-
sâtres -y d'autres d'un gris un peu rougeâtre. Nous en avons vu un
grand nombre de tout blancs , tant mâles que femelles à l'ile Adam,
chez S. A, S. M^^ le Prince de Conti. On fait que ces oifeaux ont
une antipathie finguliere pour la couleur rouge , dont la vue les fait
prefque entrer en fureur t en effet , ils s'irritent à la vue d'un habrt
rouge, deviennent furieux, s'élancent , attaquent à coups de bec,
& font tous leurs efforts pour éloigner un objet dont la préfence
femble leur être infupportable ; & s'ils fe croient vidorieux , ils font
auffi la roue. La guerre que les coqs d'Inde fe livrent entr'eux , efl
bien moins violente que celle de nos coqs de bafle-cour ; le vaincu
ne cède pas toujours le champ de bataille; quelquefois même il eft
préféré par les femelles : on a remarqué qu'un dindon blanc ayant été-
battu par un dindon noir , prefque tous les dindonneaux de la couvée
furent blancs. L'accouplement des dindons fe fait à-peu-près de la
même manière que celui des coqs , mais il dure plus long - temps j
& c'efl peut-être par cette raifon qu'il faut moins de femelles au mâle,,
& qu'il s'ufe beaucoup plus vite.
Les poules d'Inde font deux pontes tous les ans ; Tune en Février
5c l'autre au mois d'Août : chaque ponte efl de quinze oeufs ; une
poule en peut couver à la fois vingt à vingt - cinq. Ces œufs forit
blancs , parfemés de petites marques rougeâtres mêlées de jaune»
Quoique cet oifeau fe foit très - bien habitué à notre climat , les
petits ou dindonneaux font délicats à élever dans leur première
jeunefTe ; mais lorfque ce temps critique efl pafTé , ils deviennent
fort vigoureux , fupportent très - bien le froid ; & même c'efl dans
le temps des gelées que les dindons engrailTent le plus : ils fuppoxr
tent à merveille en plein air , le froid & les frimats»
Une Fermière intelligente nous a dit avoir obfervé que fefpece
lies dindons grisâtres efl la plus robufle. Elle a employé avec fuccès
COQ 28;
îa méthode de les plonger dans l'eau à l'inftant de leur naiiïance :
leur tempérament en eft devenu plus fort , plus en état de fupporter
les intempéries des faifons ; & elle les a toujours élevés avec la plus
grande facilité. Dans les premiers jours on nourrit les dindonneaux
avec du pain & du vin ou du cidre , & enfuite avec une pâte de
farine & d'orties hachées ; lorfqu'ils ont un mois on peut les mener
paître aux champs. Il faut avoir foin de les mener boire , fur-tout
dans le temps des grandes chaleurs.
Lorfqu'on voit les dindonneaux un peu languifïàns , il faut leur
faire boire un peu de vin , & leur faire avaler aufli un grain de
poivre ; il ne faut pas manquer de les vifiter de temps en temps ,
& de leur percer les petites veflies , qui leur viennent fous la
langue & autour du croupion, & de leur donner de l'eau de rouille;
on confeille même de leur laver la tête avec cette eau pour prévenir
certaines maladies auxquelles ils font fujets; mais il faut avoir foin
de les bien elTuyer & de les fécher exadement ; car on fait combien
toute humidité eft contraire aux dindons du premier âge.
Il y a des Provinces où on chaponne les coqs d'Inde , & où on
les engraifle en leur faifant avaler de la pâtée faite d'orties , de fon
Se d'œufs. Il eft rare que Ton foumette les dindonneaux à la
caftration , comme les poulets ; ils engraiffent fort bien fans cela ,
& leur chair n'en eft pas moins bonne ; nouvelle preuve qu'ils font
d'un tempérament moins chaud que les coqs ordinaires.
On connoît encore plufieurs efpeces de coqs d'Inde , celui qui
porte une hupe blanche , & celui du Eréfil dont le bec & les ongles
font noirs & les pieds d'un beau rouge.
On voit à la Louifiane beaucoup de coqs d'Inde ou dindons fau-
vages : ils ont la torme des nôtres , mais ils font plus gros leur
plumage eft d'un gris de maure , bordé d'un filet doré , ce qui les
rend plus beaux. Lorfque les naturels du pays veulent aller à la
chafle de ces oifeaux , ils vont aux endroits où il y a le plus d'orties.
Ils font chafler leurs chiens : les dindons s'échappent d'abord en
courant fort vite ; mais loifqulls font près d'être atteints & faifis
par la gueule des chiens , ils vont fe percher fur des branches d'ar-
bres ; alors les chafleurs peuvent tourner tout autour , & les tuer
l'un après l'autre fans qu'aucun s'envole. Les naturels du pays
^relTent les petites plumes de ces oifeaux pour fe faire des mantes
2^6 C OQ
pour riiiver. Ils fe fervent de la queue pour faire des éventails U
des parafols.
COQ DE BANTx^M. Ceft une efpece de petit coq tout-à-fait
hardi & courageux , & qui ne craint point Tennemi le plus redou-
table ; il combat même contre des chiens & des chats. Ses plumes
font d*une belle couleur orangée : la poitrine , le ventre & les cuiiTcs
font noires. Le long des cuifies on remarque des plumes longues
& roides, qui paflent les genoux de deux pouces , & qu'on appelle
hottes» Ces oifeaux font originaires de Bantam dans les Indes. Voyez
Buntame,
COQ DES BOIS & DES BRUYERES. Voyez à la fuite de
l'article Coq,
COQ DE CURASSAU ou COQ INDIEN , gallus Indiens,
Cet oifeau efl fort différent du coq cT Inde , quoique ces noms
paroiflent fynonimes. On auroit mieux fait de Tappeller coq de Perfe^
du nom du lieu où il fe trouve : on en voit aulli en Afrique où il
efl: appelle ano. Il fe trouve encore dans les Indes Occidentales ,
&: il y porte le nom de mitu-pouranaa. Cet oifeau n'eft que de la grandeur
d*un médiocre poulet d'Inde : fon plumage efl: noir , mêlé de quel*
qu'autre teinte de couleur. On le diflingue aifément du coq d'Inde
par fa tête furmontée d'un panache , qui s'étend depuis le bec
jufqu'au commencement du derrière du cou : ce panache eft com-
pofé de plumes noires , longues de deux pouces & plus. yoyc:i
Us Mémoires de l*AcadcmU dus Sciences , tome 3 , part, l , pag, 223 ,
&c. Voyez auffi l'article Hocos,
Les Anglois ont une efpece de coq qu'ils nomment 'coq de Wend"
kover , & qu'ils dreflent à la chaife comme un oifeau de proie , c'ert:
la crejferelle. Voyez Querccrdle,
Comme les Anglois ont beaucoup de goût pour le combat à.Qi
coqs , c'eft fans doute chez eux que l'on doit voir les plus belles
cfpeces , & que même cet oifeau peut fe perfectionner par le mélange
des races. Auflî les Négocians A^ngh is font-ils venir de Hambourg,
des coqs furnommés du lieu coqs de Hambourg, Ils portent leur queue
en quelque façon comme les coqs d'Inde. Ces coqs ont un air ma-
jeftueux , un riche plumage : les cuiifes & le bas de leur ventre
font d'un noir velouté j ce qui leur a fait donner aufli le nom de
culoti di velours»
COQ 2S7
COQ DES JARDINS ou GRAND BAUME, coftus hortorum.
Cette plante , connue aufii fous le nom d'herh du coq , eft cultivée
dans les jardins. Tourne/on la regarde comme une tanaijie , tanacaum
honenfe , foliis & odore menthœ ; d'autres la nomment mmthe, - coq ,
parce que Tes racines fibreufes refTemblent à celles de la menthe. Ses
tiges font cannelées , velues , rameufes , pâles ôc hautes de deux
pieds; fes feuilles oblongues, dentelées en leurs bords. Ses fleurs font
jaunâtres : elles naiffent comme celles de la tanaifie en bouquets ,
au fommet des branches ; il leur fuccede des femences menues & fans
aigrettes. Cette plante a une odeur forte & aromatique : elle eft
alexipharmaque , vermifuge & propre à exciter les mois aux femmes;
elle eft la bafe d'une huile par infufion , appellée à Paris huile de
baume , remède populaire &: domeftique des plaies & des cbntufions.
On en mettoit autrefois dans les fauces pour en relever le goût,
COQ DE MARAIS. Voyei Feancolin.
COQ MERDEUX. Voyez à l'article Huppe,
COQ DES ROCHES. Très - bel oifeau , qui fe trouve dans la
Guiane , c'eft le rupicola de M. Briflbn. M. Linnceus lui donne le
même nom latin en le rangeant dans un genre d'oifeau qu'il appelle
■ pipra.
Cet oifeau eft un peu plus petit que le pigeon commun. Son bec
eft d'un jaune clair ^ à peu-près fait comme celui du coq ordinaire.
Les narines un peu ovales , grandes & cachées fous les plumes
antérieures de la huppe dont ce magnifique oifeau eft paré. Tout le
plumage eft , tant en deffus qu'en delfous , d'une belle & éclatante
couleur d'orange , feulement plus claire fous le bec. Les belles
plumes de la huppe qui forment un croiflant , font auiîî couleur
"de feu : elles paroiffent comme aplaties fur les côtés, élevées d'en-
viron un pouce & demi ; au haut des plumes de cette huppe fe
voit une bandelette étroite qui court en rond , & d'un beau
-pourpre, ce qui donne à Toifeau un afped fuperbe. Aufti ^^rr^re,
qui eft le premier nomenclateur de cet oifeau, le défigne-t-il ptir
cette phrafe : gallus férus , faxaiilis , croceus , crljiam e plumis conf-
truclam gerens. ( Effai fur l'Hiftoire Naturelle de la France équinoxiale,
Paris, 174-9. ^'°*) Les groftes plumes inférieures des ailes font d'un
noir pâle , tachetées de blanc vers le milieu. Les plumes des côtés
intérieurs, au bout dé 4a premtere-^grôfTe plume, diminuent tout- à
2.^î COQ
coup de leur largeur, de façon que la penne y paroît au boue
comme nue & fans plumes, ce qui eft fort remarquable dans cet
oifeau. Les grolfes plumes fuivantes font auiîi d'un noir pâle ; du
côté extérieur , de couleur d'orange , & aux extrémités d'un blanc
reflétant la couleur de feu. Près du dos fe voient quelques plumes
filamenteufes , de la même couleur & qui flottent fur les ailes. On
diflingue peu de noir dans quelques plumes de la queue , qui toutes
font de couleur aurore, courtes & comme coupées au bout. Les
jambes font courtes & les cuifles font couvertes jufquau genou
par les plumes du ventre : les pieds qui font jaunes ainfi que les
doigts & les ferres , ont trois doigts devant & un derrière. Les ongles
font crochus & larges. M. Brijfon dit que le doigt du milieu des
trois antérieurs efl: adhérent au doigt extérieur , jufqu à la troifiemfr
articulation , & au doigt intérieur , jufqu à la premierç jointure. Le
coq des bois n'a point d'ergots. Le coq de roche fe trouve dans le
pays de Surinam & de toute la Guiane.
COQUALLIN. Animal quadrupède qui ne fe trouve que dans les
parties méridionales de l'Amérique, Il a été regardé par quelques-
uns comme une efpece àikureuïl ; mais il ne reifemble à ce dernier
que par la figure & le panache de la queue , & en diffère par
plufieurs autres caraéleres extérieur^ , par 1q naturel & par les
inœurs.
Le coquallin , dit M. de. Bufon , efl: beaucoup plus grand que
l'écureuil. C'eft un joli animal & très-remarquable par fês couleurs ;
il a le ventre d'un be^u jaune , & la tête aufli-bien que le corps
variés de blanc , de brun , de noir & d'orangé. Il fe couvre de fa
queue comme l'écureuil ; mais il n'a pas comme lui des pinceaux
de poils à l'extrémité des oreilles. Il ne monte pas fur les arbres ,
mais il habite dans des trous & fous les racines des arbres ; il y
fait fa bauge & y élevé fes petits. Il remplit fon domicile dç grains
& de fruits pour s'en nourrir pendant l'hiver. Il eft défiant & rufé,
& même aflez farouche pour ne jamais s'apprivoifer.
COQUARD ou FAISAN BATARD. On connoît fous ce nom
une variété du faifan produite par le mélange du faifan avec la
poule ordinaire. Le coquard eft plus petit que le faifan, il a ainfi
que lui une longue queue , un cercle rouge autour des yeux , & fe
rapproche du ço(j ordinaire par les couleurs communes ^ obfcures
COQ 2S^
de fon plumage à qui a beaucoup de gris plus ou moins foncé ;.
ce faifan bâtard eft une efpece de mulet qui ne multiplie point ;
mais on en élevé beaucoup en Allemagne , parce qu'ils font un mets
très - délicat.
COQUE. Les Naturaîiftes expriment , par ce mot , toute enveloppe
ou' nid de différente texture & figure , formé avec un art fingulier
par certains infedes. Les matières qui fervent à la conftrudion de
ces enveloppes font, ou de foie , ou de poils , ou de poufîiere , ou
d'épiderme de plantes , de glu , &c. diverfes chenilles fe renferment
fous cette coque lorfqu'eîles deviennent nymphes ou chryfalides ;
d'autres infedes y dépofent leurs œufs, Foyc^^ h mot Nymphe 6*
cduï de. Cocon.
COQUELICOT. Voyti à tamch Pavot.
^ COQUELOURDE. Pulfanlla folio crafflorc & majore folio. Cette
plante , qu'on appelle pulfatilU & paffe-flmr , ou herbe du vent , eft
naturellement champêtre , & croît aux lieux pierreux, incultes,
fecs & montagneux : on en trouve aux environs de Paris , fur le
Mont-Valérien ; mais comme fa fleur eft belle , on la cultive aufîî
dans les jardins. Sa racine eft longue , groffe comme le petit doigt,
noire, d'un goût acre & amer, fîmple , ou divifée en plufieurs
têtes , chevelue au collet. Elle poufie des feuilles attachées à des
côtes longues , fort velues. Les feuilles relTemblent , par leur décou-
pure & leurs poils à celles du panais fauvage. Il s'élève d'entr'elles
une tige haute d'environ neuf à dix pouces, ronde, creufe & velue ^
fon fommet foutient une feule fleur à fix grandes feuilles oblon«-
gués , pointues , difpofées en rofe , velues en dehors , glabres en
dedans. Cette fleur paroît communément à la fin de Mars ; les
Anglois l'ont nommée , par cette raifon , the Pafque-fiower , fleur de
Pâques. Sa couleur varie fuivant l'expofition du lieu où tWo, croît :
elle eft un peu colorée de pourpre clair lorfqu'elle vient à l'ombre ;
mais quand la plante vient à l'expcfition dufoleil, la fleur eft d'une
belle couleur de violette. Le piftil de la fleur fe change en un fruit
formé en manière de tête arrondie, chevelue, compofée deplufieurs
femences , qui finijffent par une queue barbue comme une plume.
M. Haller dit qu'il y a plufieurs belles efpeces de coquelourde
aux Alpes ; elles font blanches , jaunes , & pourprées , avec un ve-
louté doré.
Tome IL O 0
■2S)o COQ
La coquelourde eft inficive & vulnéraire , propre contre les ma^
ladies foporeufes : fes feuilles fraîches ou deflechées & mifes dans îe
nez , font fternutatoires. Les Maréchaux s'en fervent pour déterger
& incarner les vieux ulcères. Le peuple en applique les feuilles pilées
aux poignets ou à la plante des pieds , où elles font l'effet d'un
petit véficatoire qui guérit fouvent les fièvres, La coquelourde des
Jardiniers efl; la couqudourdc. Voyez ce mot.
COQUERELLE ou COQUERET. Voyc^ Alkekenge.
COQUES DU LEVANT , coccl Orientales, Ce font de petits
fruits ou des baies , grofles comme de gros pois , fphériques , d'un
brun noirâtre , qu'on nous envoie feches des Indes Orientales : elles
contiennent chacune une femence jaunâtre plus ou moins friable ,
mais très-fufceptible de l'attaque du ver ; ce qui fait qu'en vieil-
liffant , elles font prefque toujours vermoulues , & qu'elles de-
viennent de plus en plus vides & fort légères. Dans le commerce y
on les^tiroiive toujours avec une petite queue ; mais on ignore
précifément à quelle efpece de plante ce fruit appartient. Quelques-
uns , félon Lémery , prétendent que c'eft à une efpece de clématite^
les autres à un tithymak ou à un folanum d'Egypte; peut-être
appartient-il à cet arbre fingulier dont nous avons parlé , fous le
nom à! arbre à enivrer les poijfons. Quoi qu'il en foit, on s'en fert
comme de la graine de ftaphis- aigre pour faire mourir les poux: l'expé-
rience a aufli appris que les coques du Levant , réduites en pâte & mê-
lées avec du pain , étoient propres pour enivrer & endormir tellement
les poiflbns qui en avoient mangé , qu'ils paroifîent com.me morts
& faciles à prendre. Moyen sûr , s'il en eft un , de fe procurer
une pêche abondante , heureufe & facile. Mais comme on a reconnu
que la chair du poiflbn , péché par cette méthode, étoit dangereufe,
on décerna , dans le (lecle dernier , des peines pécuniaires , &: même
afflidives en cas de récidive , contre ceux qui uferoient à l'avenir de
cette méthode.
COQUILLAGE , conchylium. Ver teflacée , dont le corps efl
mou , fans articulation fenfible , & recouvert , en tout ou en
partie , d'une enveloppe de fubftance dure , de nature crétacée ,
que l'on nomme coquille ; fubftance foluble avec effervefcence dans
les acides, & à laquelle l'animal eft attaché par plufieurs mufcles.
C'eft elle qui le garantit du choc des corps étrangers , & il s'y retire
COQ 2i?i
au moindre danger. Nous diibns que l'animal n'eft attaché , dans
rintérieur de fa coquille , que par un ou deux mufcles , ou au
plus quatre ; en quoi il diffère des cruftacées & des infeâes , qui
en ont une grande quantité répandue fur toute la furface interne.
Si quelque chofe peut nous donner lieu d'admirer comment la
Nature parvient à fes fins par des moyens difïerens , c'efl de voir
que dans les animaux ordinaires , tels que les oifeaux , les quadru-
pèdes , les poiflbns , les reptiles , &c. les os font recouverts de
mufcles & de chairs , auxquels ils fervent de point d'appui ; ici la
coquille , qu'on peut regarder comme l'os de l'animal , puifqu'eile
en fait les fondions en fervant de bafe & d'appui , enveloppe au
contraire les mufcles & la chair.
Tous les coquillages ont une reffemblance générale ; la figure &
le nombre des parties , qui compofent l'animal & la coquille , mettent
entr*eux de grandes différences. Les parties de l'animal qui font
extérieures, que la vue & le toucher font appercevoir & recon-
noître facilement, font au nombre de vingt : elles ne fe trouvent
cependant pas toutes réunies dans toutes ces fortes d'animaux. Les
parties de la coquille & qui ne font pas toutes eflentielles à chaque
coquillage , font au nombre de dix. Nous rapprocherons tous ces
détails fous un même point de vue.
i
Dijllnciion des Coquilles,
M, Adanfon , qui s'efl autant & peut-être plus attaché à donner
la defcription des animaux logés dans les coquilles , que celle de
leurs robes ou des coquilles elles-mêmes, diftingue quatre ordres
de coquilles ; i°. celles d'une feule pièce, qui font les univalves ;
2°. celles qui font compofées de deux pièces inégales en grandeur,
.& fouvent de nature différente , dont l'une efl plate & fert d'o-
percule ; ce font les coquilles operculées : 3°. celles dont les deux
pièces que Ton nomme battans , font à-peu-peu égales ; elles font
nommées coquilles bivalves : /^. celles qui font formées par Taflem-
blage de plufîeurs pièces ordinairement inégales , qui font les coquilles
multivalves,
M. d' Argenville , qui dit fonder fon fyflême des coquilles fur des
obfervations comparées & redifiées d'après ce qu'en ont dit Anfîote ,
Pline , Diofcoride , Aldrovande , Gefner , Jonjîon , Rondelet , Belon^
O O 2
:2jP2 coq
Lijicr , Rumphius , Bonanni , Langius , &c. s'eft attaché à confidére?
le coquillage par Textérieur , & l'enveloppe , ce qui ne comprend
que la robe de l'animal ou coquille. En conféquence , il a divifé
les coquilles en celles de mer , celles d*eau douce & celles de terre.
Voici le fyftême de ce Naturalifte : trois clafTes contiennent les di-
verfes coquilles; il les divife, i°, en univalves , 2.^, en bivalves ^
3*^, en multivalves.
La première "cîafTe comprend quinze familles ou genres : favoir ,
les Upas , VorcilU de mer , les vermijjcaux ou coquilles en tuyaux ,
les nautiles , les limaçons à bouche ronde; ceux c\\n \ ont demi- ronde ,
& ceux qui l'ont aplatie ; les buccins ou trompes^ les vis , les cornets
ou volutes 5 les cylindres ou riiombes , les murex ou rochers , les
pourpres , les tonnes Se les porcelaines.
La deuxième claiî'e fournit fix genres ou familles ; favoir , les
huîtres , les cames , les moules , les cœurs ou bucardites , les peignes
& pétoncles , & l^^s folen ou couteliers, (Les couteliers ne font qu'un
fous-genre de la famille des tellines , qui doit être la fîxieme des
bivalves, )
La troifïeme claife , dont il a aullî formé fix familles , renferme
les ourjins , les glands , les poujje pieds , les conques anatifercs , les
pholades & ïofcabrion. Nous ne formerions volontiers des pouffe-pieds
& conques anatiferes que deux fous-genres de la même famille , &
nous propoferions pour fîxieme famille des tuyaux de mer multi-
valves, tel que le taret.
Pour ce qui regarde les coquillages fluviatiles , M. £Argenville
les divife en deux clafles , en univalves & en bivalves. On ne connoît
dans les univalves fluviatiles que fix familles , favoir , les Upas , les
plan'orbis , les limaçons , les buccins , les tonnes ôc les vis. Les bi-
valves fluviatiles n'offrent que des cames , des moules & des tellines»
Il diflingue les coquillages terreftres en vivans & en morts ; les vivans
font toujours univalves , & ne comprennent que les limaçons , les
yis & les buccins ; la robe de ces limaçons eft fort variée ; ceux
qui font morts , font nommés fofïîles ; dans les coquilles fofliles on en
trouve de marines , de fluviatiles & de terreftres , & qui comprennent
les trois claffes , d'univalves , de bivalves & de multivalves: Par cette
diviiion , qui plaît à beaucoup d'amateurs , on voit que la mer , les
eaux douces & la -i^rre jiourrifTent des coquillages diifçrens ,
COQ 2^5
dont les organes font appropriés à la nature de chacun de ces
élémens.
Il y a des Naturalifles qui diftinguent feulement les coquilles en
littorales & en pélagiaims : les premières fe trouvent fur les bords de
la mer ou à des profondeurs médiocres. Les pélagiennes , au contraire,
fe produifent au plus profond de la mer : de - là vient que l'on ne
trouve prefque jamais les analogues de ces efpeces dans l'état de fof-
fïles , c'eft-à-dire , les coquilles foffiles dans leur état naturel.
' Comme la coquille eft ce qui frappe d'abord la vue , examinons-
la , d'après M. Adunfon , pour en connoître les parties.
Définition des parties externes & internes des Coquillages,
On nomme /pires les tours & circonvolutions que fait une coquille
en fe repliant fur elle-même : on compte les fpires , en partant
de l'ouverture de la coquille , & en remontant vers le fommet. Les
fpires , dans le plus grand nombre des coquilles , vont de droite à
gauche , en fe fuppofant dans la coquille à la place de l'animal ;
les coquilles dans lefquelles les fpires tournent de gauche à droite ,
font rares , & fe nomment uniques.
Le nombre des fpires & leur figure varient dans la même efpece ,
par l'âge & par le fexe : par ïigQ , car l'accroifiement de la coquille
fe fait par l'ouverture , qui s'étend de jour en jour , d'où il fuit né-
cefTairement que le coquillage a d'autant plus de fpires , qu'il eft
plus âgé ; par le fexe , car , fuivant la curieufe obfervation de M.
Adanfon , on trouve des coquillages de même efpece , tels que
ceux de la pourpre & du buccin , dont les fpires font plus nombreu-
fes , plus alongées & plus renflées ; caradere du mâle : la coquille de
la femelle eft plus petite.
Le fommet eft la partie qui ^fait ordinairement la pointe , & tou-
jours le fond même de la coquille ; cette partie varie un peu dans
quelques-unes , telles que le lépas , dans lequel il y a à la place un
creux comme un ombilic ; le bouton eft la pointe du fommet.
La partie par où fort l'animal , eft appellée ordinairement bouche^
mais M. Adanfon l'a défignée par celui Couverture , afin de ne point
confondre l'ouverture de la coquille , avec la bouche de l'animal. La
figure de l'ouverture varie dans diverfes efpeces de coquillages. L'on
a obfervé que fi les lèvres ou bords d'une coquille font tranchans ,
■^^4; COQ
c(i(ï que ranimai qui l'habite n'eft pas encore parvenu à fa grandeii?
naturelle : avec l'âge ils parviennent prefque tous , notamment ceux
de mer , à former un léger rebord autour de la bouche , en touc
ou en partie.
JJ opercule efl: une petite pièce cartilagineufe ou pierreufe, de figure
variable , qui eft attachée au corps de l'animal. Dans quelques ef-
peces , elle ferme exaélement l'ouverture : l'animial l'ouvre, lorfqu'il
veut fortir de la coquille , & la referme au moindre danger ; mais il
y a des coquilles , telles que les rouleaux & quelques efpeces'de
pourpres , dont l'opercule , beaucoup plus petit que l'ouverture , ne
paroît pas propre à garantir l'animal contre l'attaque des corps étran-
gers. L'opercule , dans les efpeces de limaçons operculés , efl tou-
jours fillonné de plufieurs lignes concentriques & parallèles à fes
bords ; il eft ou d'une nature crétacée , opaque , difl'oluble dans les
acides , ou d'une fubftance cartilagineufe , à demi-tranfparente , inal-
térable aux acides ; celui - ci mis fur le feu , répand ordinairement
une odeur forte , infupportable , mais quelquefois gracieufe. Ces
opercules qui fe trouvent rarement dans les cabinets avec les coquilles
auxquelles ils appartiennent , font remarquables par leurs filions
concentriques , & différent effentiellement des opercules des limaçons
terreflres ; car ces premiers naiffent avec l'animal auquel ils font adhé-
rens , au lieu que ceux des limaçons terreflres n'adhèrent point à
î'animal , mais font formés tous les ans une ou plufieurs fois , par
une bave vifqueufe , fortie du corps du limaçon. Cette bave fe dur-
cit, devient blanche, &: le garantit de la grande féchereffe , occafionnée,
foit par la grande chaleur , foit par le grand froid : on n'y obferve
point de rayons concentriques ; elle eft un peu dilToluble dans les
acides , excepté celles de quelques limaçons dont l'opercule refTemble
aiTez à du vélin.
Uombilic eft un trou en forme de nombril , dont eft percé le noyau
de la coquille univalve à fa partie fupérieure.
On nomme battans , les deux pièces des coquillages bivalves, parce
qu'elles font ordinairement toutes deux d'une forme affcz femblable ,
comme le font les deux battans d'une porte. L'endroit où les muf-
çles du corps de l'animal étoient attachés , fe fait toujours reconnoî-
tre dans la furface interne de ces battans , où l'on voit une, deux
ou plufieurs taches enfoncées.
*î^
COQ 2sif
La charnière fe trouve placée proche des fommets , accompagnée de
dents qui contiennent les battans toujours dans la même place , ainfi
qu'on l'obferve dans la nérite.
Le ligament eft un corps fpongieu-x , ou une efpece de mufcie placé
â la charnière , & dont l'ufage eft de fermer & d'ouvrir la coquille :
il eft en-dedans dans les coquilles qui ne font point dentées comme
l'huître ; mais il fe trouve placé en dehors dans celles qui le font :
les Naturaliftes nomment ce ligament gingiime.
Les coquilles font enveloppées extérieurement d'une membrane plus
ou moins fine , fuivant les efpeces de coquillage; on peut la nommer
le pcriojle : elle en fait réellement l'office , puifqu'elle contribue à
l'accroifTement de la coquille & à fa confervation. M.. Adanfon ne
diftingue la nacre , comme partie de la coquille , que pour faire con-
noître par ce titre , quelles font celles qui en portent , celles qui n'en
portent pas , & enfin celles dont la fubftance tient le milieu entre la
nacre & la nature ordinaire des coquilles. Après cette légère defcrip-
tion des parties de la coquille, paffons à celle de l'animal.
Suivant les excellentes obfervations de Vi, Adanfon , « entre les anî-
» maux renfermés dans \qs coquilles , les uns ont une tête , une bou-
» che , des mâchoires , des dents , des cornes , des yeux , un cou ,
» un manteau , un pied , des trachées , des ouies , un anus & un
» corps ; d'autres ont toutes ces parties , excepté les yeux , les cornes
» & le manteau ; d'autres enfin n'ont que le manteau , les trachées ,
y> les ouies , la bouche , l'anus & quelquefois le pied. De-là , deux
» divifions générales des coquillages en limaçons & en conques ; de-là»
» la fubdivifion des limaçons en univalves & en operculés ,-& celle
» des conques en bivalves & en multivalves».
On obferve d'abord , dans les limaçons , à la partie fup.érieure du
corps, une éminence ronde & charnue , dans laquelle Swammcrdani
a découvert un cerveau compofé de deux parties globuleufes ; ainfii
on donne à cette éminence , le nom de tête : dans les conques , telles
que l'huître , on ne peut Tappercevoir. Les cornes font des tuyaux
mobiles, qui ne fe trouvent que dans les limaçons , & même pas dans
tous : elles ne font jamais moins de deux , ni jamais plus de quatre ;
leur ftruélure varie dans diverfes efpeces de coquillages, D^ins le genre
du limaçon terrefti-e , c'eft , félon les obfervations de Svjammerdam ,
le nerf optique lui-même , fous la forme d'un tuyau creux , qui a la
2.^6 COQ
propriété de fe développer , d'élever jufqu'à Ton extrémité, wne efpece
de bulbe qui eft l'œ// de l'animal. Il a obfervé que cet œil eft recou-
vert imérieurement d'une tunique qu'il appelle uvée ; dans l'intérieur,
il a diftingué trois humeurs ; favoir , Vaqusufe , la criflallinc & la
vitrée. Malgré tant d'appareil , le fens de la vue paroît très - obtus
dans ces animaux ; cependant c'eft la partie de l'animal la plus fen-
fîble : au moindre choc , ce nerf eft attiré dans l'intérieur de la tête,
par le moyen d'un mufcle. La ftrudure de cet organe eft différente
dans les autres limaçons ; leurs cornes font compofées de fibres lon-
gitudinales , entrecoupées de mufcles annulaires , par le jeu defquels
l'animal développe , alonge & contradc à volonté fes cornes ; mais
elles confervent toujours à l'extérieur une partie de leur longueur,
& ne rentrent jamais entièrement dans la tête. Leur ufage n'eft point
apparent. Swammerdam a contredit Pline , qui dit que les cornes de
ces limaçons leur fervent à fonder le terrain où ils veulent marcher,
&".'^qiîè*'(ïes ' ^parties font les organes les plus fenfibles & les plus
délicats de tout le corps de l'animal. Les limaçons n'ont jamais
plus de deux yeux ; mais leur pofition varie : dans quelques-uns ils
font fur le fommet de deux des cornes ; dans d'autres , à la bafe des
cornes ou au milieu : quelques-uns même en font privés.
La bouche 5 dans les limaçons , eft placée au-deflous de la tête , &
elle varie dans les efpeces par fa grandeur , fa forme & fa pofition.
Dans les conques , telles que l'huître , la bouche eft placée dans
la partie bafTe de la coquille , près de la charnière : elle eft
compofée de quatre feuillets minces & d'un tiflu fibreux, qui abou-
tiflent à l'eftomac par un œfophage fort court. Cette bouche , par
fon mouvement continuel , attire l'eau , lorfque l'animal ouvre fa
coquille. Dans les limaçons , on obferve deux mâchoires ; l'une fu-
périeure , l'autre inférieure , qui , dans quelques-uns , font garnies
de petites dents ou ofl'elets cartilagineux , analogues à la corne ,
très-durs , quelquefois rouges , & dont la pointe eft recourbée vers
l'eftomac ; ils ont aufîî une efpece de langue ; mais on n'a pu dé-
couvrir ces parties dans les conques. D'après cet examen , on ne
doit plus être étonné du dégât que les limaçons font fur nos fruits
& fur nos .légumes.
Les limaçons carnafllers font ordinairement dépourvus de mâchoi-
res ; mais ils ont à leurulace une efpece de trompe qui rentre dans
leur
COQ 2P7
leur corps à volonté : elle cH plus ou moins longue , percée à fon
extrémité d'un trou rond , & bordée d'une membrane catilagineufe ,
armée de dents. Ces limaçons carnafliers s'attachent fur les coquilla-
ges , les percent comme avec une tarriere , les fucent & s'en nour-
riiTent. Tous les limaçons ont une efpece de cou plus ou moins long,
qui fupporte la tête & l'éloigné du refte du corps. Les conques n'ont
rien de femblabîe. Le corps des coquillages eft contourné & moulé
dans leur coquille : auffi, dans les limaçons , eft-il à fpires , & dans
les conques & patelles il eft plat.
Lq pied , dans les coquillages, eft cet aflTemblage de gros mufcles,
à l'aide duquel & par un mouvement d'ondulation,. l'animal fe traîne
de fe tranfporte d'un lieu à l'autre, mais toujours en gliflant; tel eil
le mouvement progreflif des limaçons. Cette partie, qui varie dans
les conques , ne leur fert point toujours à ces mêmes ufages : elle fert
de reflbrt aux tellines pour fauter avec force: elle n'exifte point dans
quelques genres, tels que l'huître. ï^ri^-'v.-:
M. Adanfon donne le nom de manteau, au lieu de celui ah^ collier ,
à une membrane mufculeufe, ordinairement aflTez mince, qui recouvre
è: ta pille les parois intérieures de la coquille. L'inconftancé & l'irré-
gularité de fa forme, qui varie fuivant les divers mouvem.ens de
l'animal. Ta déterminé à lui donner ce nom. Dans quelques coquillages
cette membrane environne le cou de l'animal ; dans d'autres éXz
forme efFedivement une efpece de manteau, qui enveloppe & recouvre
non-feulement le dedans, mais même le dehors de la coquille. Dans
l.es conques , telles que l'huître , cette membrane fe divife en deux ,
& recouvre tout le corps de l'animal. Le principal ufage du manteau
dans les coquillages, eft d'empêcher que l'eau n'entre dans la coquille
contre la volonté de l'animal, ou de la retenir à fon gré. Dans les
conques , par exemple , où il eft divifé en deux lobes , lorfque la
coquille s'ouvre, les deux lobés s'appliquent exaélement l'un contre
l'autre ; de manière que l'eau du dehors ne peut y entrer, ni celle du
dedans en fortir , fans la participation de l'animal.
On remarque à droite , f jr le dos du limaçon , une ou deux ouver-
tures qui font des trachées qui fervent à la refpiration de l'animal.
Un peu au-deiTous de cette trachée, on voit une ouverture féparés
par une (impie cloifon; c'eft fon anus. Dans les conques, le manteau
f^it quelquefois deux ouvertures, qui font les trachées par où l'animal
Tome IL -^ P-p
2p8 COQ
afpire l'air & l'eau chargée du limon qui fait fa nourriture. L'air &
l'eau , que le limaçon afpire par fes trachées , font portés dans quatre
petites ouies , qui féparent & filtrent l'air nécelfaire pour Fanimal. Il
eft facile d'obferver les ouies dans les conques, telles que Thuître*
Ce font quatre feuilL'ts membraneux, extrêmement minces, taillés
en demi-lune , formés d'un tiffu difpofé comme de petits tuyaux
d'orgues très-ferrés ; fur le dos de chacun de ces feuillets eft un rang
de petits trous ovales, par lefquels l'eau entre dans les tuyaux & les
fait gonfler. Les excrémens des limaçons font vermiculés, contournés
comme de petits tourillons de corde ou de fil; au lieu' que ceux
des conques font en petits grains. Dans les limaçons , le cceur a un
mouvement très-fenfible , & eft placé prefque fur la furface du corps;
au lieu que dans les conques, il eft dans l'intérieur, IVUlis afTure
avoir apperçu dans l'huître le mouvement de fyftole & de diaftole.
Les limaçons univalves ne font attachés à leur coquille que par un
feul xxiuîéi, en forme de ruban , adhérent à la coquille, & qui fe ramifie
dans le corps de l'animal; les lim.açons operculés font mouvoir leur
opercule à l'aide d'un autre mufcle. Parmi les conques il y en a qui,
comme fhuître, n'ont qu'un mufcle qui leur travcrfe le corps pour
s'attacher au milieu des battans de la coquille , ou l'on en voit toujours
rimpreflîon ; dans d'autres efpeces il y en a plus ou moins, & placés
diverfement, L'ufage de ces mufcles eft d'écarter & de rapprocher les
battans , au gré & fuivant le befoin de l'animal.
L'être le plus négligé de la Nature en apparence a , ainfi que les
autres, une organifation merveilleufe ; mais il n'y a peut-être pas
d'endroit, ainfi que le dit très-bien M. Ailanfon^ par oii les coquillages
foient plus bizarres & en même temps plus admirables, que par le
fexe. Dans les uns le fexe eft diftingué ; on voit des individus mâles
& des individus femelles comme dans la pourpre; dans les autres le
fexe eft réuni. Ceux-ci font appelles hermaphrodites.
On peut, fuivant les curicufcs obfcrvations de cet Académicien,
diftinguer trois fortes d'hermaphrodifme dans les coquillages; i". ci;lui
auquel on n'apperçoit aucune des parties de la génération , foit mâles,
foit femelles, & qui, fans aucune efpece d'accouplement, produit fon
lemblable ; il eft particulier aux conques ; 2°. celui qui, réunifiant en
lui les deux efpeces des parties fexuellcs, ne peut fe faSre à lui-
même, mais a befoin du concours de deux individus qui fe fécondent
COQ 5i)i>
i'ccîproqucment &: en même temps, l'un fei'vant de mais à 1 autre ,
pendant qu'il fait à fon égard ies fondions de femelle : cet herma-
phrodifme (e voit dans les limaçons ternfires ; 5°. celui qui, pofTédant
les deux efpeces de parties génitales , a befoin de la jonélion de deux
individus , mais qui ne peuvent fe féconder en même temps , à caufe
de l'eloignement de leurs organes. Cette fituation défavantageufe les
oblige de monter les uns fur les autres pendant l'accouplement. Si
un individu fait, à l'égard de l'autre, la fonélion de mâle, ce mâle ne
peut ctre en même temps fécondé par fa femelle, quoique herma-
phrodite; il ne le peut être que par un troilieme individu qui fe met
fur lui vers les côtés en qualité de mâle. C'eft pour cette raifon que
l'on voit fou vent un grand nombre de ces animaux accouplés en cha-
pelet les uns à la queue des autres. Le feul avantage que cette efpece
d'hermaphrodites ait fur les limaçons , dont le fexe efl: partagé, c'efl
de pouvoir féconder, comme mâle, un fécond individu, & être
fécondé en même temps , comme femelle , par un troifieme' individu.
Il ne leur manqueroit plus, félon les réflexions de M. Aâanfon ,
pour réunir toutes les efpeces d'hermaphrodifmes , que d^ pouvoir fe
féconder eux-mêmes, & être en même temps le père & la mère du
même animal. La chofe , ainû qu'il l'obferve, n'eft pas impoilible,
puifque plufieurs font pourvus des deux organes néceflaires ; & peut-
être quelque Obfervateur y découvr.ira-t-il un jour cette forte de
génération , qui ne doit pas nous paroître plus étrange que celle des
conques, des polypes & de tant d'autres animaux fembîables, qui fe
reproduifent fans accouplement fcnfible , & fans aucun des organes
requis dans les autres animaux pour opérer la génération. Dans les
limaçons dont le fexe eft partagé, l'ouverture de l'organe efl: placée
fur la droite de l'animal. Dans les hermaphrodites de la féconde
efpece, les parties mafculines & les parties féminines font unies
enfemble : elles ont une ouverture commune qui fe trouve fur le
coté droit, à l'origine des cornes. Dans les hermaphrodites de la:
troifiemc efpece, chaque organe a fon ouverture diftinguée; l'une à
l'origine des cornes, & l'autre beaucoup au-defTous. Foye^ HERr-îA-
PHRODITE.
Les conques & les limaçons difterent encore par la manière de faire
leurs petits. Les conques font vivipares , mais leurs petits font enve-
loppés dans une coquille, qui ell nette au dehors dans les efpeces qui
"^■-- ' P p 2
5 00 COQ
changent de place, mais recouverte d'un gluten dans les coquillages
qui , comme les huîtres, font deftinés à refter fixés fur les lieux où
ils font collés dès leur naiffance. Quelques limaçons font vivipares,
d'autres font ovipares. II y en a dont les œufs font recouverts d'une
croûte, comme celle des œufs des oifeaux & des reptiles; tels font
ceux des limaçons terreftres. Il y en d'autres dont les œufs font par
paquets, & enveloppés d'une matière gélatineufe, comme la glaire
baveufe qui recouvre les œufs des grenouilles & de certains poiflbns;
tels font ceux des pourpres. D'autres ont des œufs qui font des efpeces
de facs membraneux , fphériques 5 quelquefois folitaires, ordinairement
réunis en maffe , ayant quelque rellemblance aux cellules d'une ruche
à miel, ce qui leur a fait donner le nom de favago. Chaque fac contient
plufieurs petits , qui éclofent dans leur maturité. Arijlots & Rondelet
avoient dit le contraire de cette production des coquillages, perfuadés
rque tops "^çes animaux dévoient uniquement leur origine au limon &:
à ia-.poliïriture. Les conques font les coquillages les plus féconds, le
nombre de leurs petits va à plufieurs milliers: la fécondité eft beaucoup
moindre dans les limaçons operculés , & encore moindre dans les
univalves.
Les coquillages ont une partie dont on ignore encore fufage ; ce font
\qs filets. On peut les obferver le long du bord du manteau des
huîtres. Ils paroiflent être de la même nature que leurs cornes , pour
la ftrudure & la fenfibilité; lorfqu'on coupe, par exemple, les filets
d'une huître, quoiqu'ils n'aient point de mouvement progreflif, ils fe
meuvent avec tant de vivacité , que la vue en eft fatiguée.
La dernière partie des coquillages dont il nous refte à parler font les
fils , qui font d'une nature analogue à celle des cheveux ou des fi-bres
nerveufes des quadrupèdes. Leur ufage eft de fixer & d'attacher les
conques au fond des eaux, comme l'ancre^ fixe un vailfeau fur les
mers. Si on coupe les fils de ces animaux , ils ne tardent pas à en
pofer d'autres avec leur pied , qui leur fert de condudeur , & par
le moyen duquel ils fe fixent aux corps immobiles qu'ils rencontrent.
Foyei Bissus.
Manière dont fiont formées les Coquilles.
D'après la connoiflance organique du corps de l'animal qui habite
la coquille, on concevra facilement la manière dont elle s'eft formée j
COQ 501
des expériences faites par M. de Réaumur fur des coquillages de terre,
de mer , de rivière , le prouvent d'une manière inconteftable. Le
corps de l'animal eft couvert ou criblé d'un grand nombre de tuyaux
remplis de pores, dans lefquels s'élève la liqueur dont il fe nourrit:
ce font des vaifleaux qui charient la liqueur qui eft dépofée dans
les véficules des membranes ou du corps fpongieux ; tout s'y pafie
comme dans l'oflification de la partie membraneufe de nos os. La
liqueur eft mêlée de parties vifqueufes & calcaires qui fe raflembîent
fur la furface du corps de l'animal , qui s'y étendent fuccef-
fivement, s'y épaifliffent & s'y figent en une efpece d'émail ; de
la réunion de ces parties vifqueufes , fe forme une petite croûte fo-
lide , qui eft la première couche ; à celle-là s'applique , par une fem-
blable opération , une féconde , une troifieme couche ; & ainfi plu-
fieurs autres. Les coquilles croiflent en quelque manière , a la façon
des pierres: la feule différence eft que dans les coquilles. l'ap^plication
de la nouvelle matière fe fait en feuillets , & toujours en d'&fixj'us de
la première couche , c'eft-à-<iire , par infra-pojîdon. La preuve en eft,
que fi l'on expofe une coquille au feu , fes couches fe détachent
comme une pâtiiïerie feuilletée , & l'on apperçoit alors aifément cette
organifation. S'il exifte quelque différence entre la formation de la
coquille des conques & celle des limaçons , c'eft que les conques naif-
fent avec la première couche de la coquille déjà toute formée , au
lieu que les limaçons ovipares naiflent fous une coque qui n'eft point
leur coquille , laquelle eft formée poftérieurement de la manière dont
nous l'avons décrit. C'eft toujours par l'ouverture que le coquillage
s'agrandit par le même méchanifme , fans quoi fon collier refteroit
à nud. L'animal recommence cette opération jufqu'à ce que fon corps
foit parvenu à fon état de perfedion. On reconnoît que les coquilles
àQs limaçons font à leur dernier période d'accroiffement , lorfqu'ont
obferve à l'ouverture de leur coquille , une efpece de rebord d'une
ligne de largeur qui tourne en - dehors ; c'eft ce qu'on nomme lourkt^
( On trouvera à l'article os , des détails intéreffans fur l'efpece d'ofli..
fication des coquilles , &c. ) La coquille qui fert de maifon à ces
animaux , devient d'autant plus épaifie , plus folide , plus contour-
née ou plus étendue , que l'animal vieillit davantage , fans quoi l'ani-
mal, en croiflant , feroit refté nu. Toutes les fois qu'un coquillage^
vivant a fa robe mutilée , aulÏÏ-tôt l'açimal répare la brcche , ou \s^
'5 0 2 COQ
trou, ou la fradure avec une bave qui, en fe durclflant , devient
d'un blanc fale & Couvent ride'e. Il y a des coquilles qui font canne-
lées perpendiculairement , comme la famille des peignes ; d'autres font
ftriées en deux fens , comme la pholadc , ou tranfyerfalement comme
certains rouleaux. Dans les tonnes , on en trouve dont les unes font
cannelées perpendiculairement, & d'autres un peu horizontalement ou
obliquement. On dit qu'une coquille eft flr'Uc , quand elle porte de
petits filets ou filions tracés fur fa robe : fi ces filions font forts ,
& qu'ils failient beaucoup , alors on les nomme cannelures. Une même
coquille peut être fi:riée & cannelée en même temps : il y en a de
lifles ; d'autres font chargées de parties faillantes , ou qui font gar-
nies de grofles pointes comme les murex ou rochers , ou d'éminences
feuillces comme les pourpres. On trouvera des exemples de ces termes
à l'article général de chaque clafTe de coquilles.
■ ,' "' Couleurs des Coquilles,
M. de Réaumur dit que la couleur des coquilles eft une fuite né-
ceflaire de la manière dont croît la coquille du limaçon ; que tout
le .contour de cette maifon doit être formé par fon collier, comme
étant la partie la plus proche de la tcte ; ainfi il fuffira que ce collier
( qui eft rayé de taches noires , brunes. Sec. égaies aux raies de la
coquille , placées dans le même fens ) foit compofé de difi-erens-
couloirs ou cribles particuliers , pour former extérieurement une co-
quille de diverfes couleurs , & variée dans les nuances de fes cou-
leurs mêmes , au moyen des liqueurs de différentes nuances , ou
de fucs viciés qui auront pafle par les divers cribles. A l'égard
des limaçons , dont le corps vers le collier eft diapré de diffé-
rentes couleurs , ces taches répondent à des taches fjmblables
à. celles dont la coquille eft peinte. Ce mécanilme & cette corref-
pondance , entre les raies ou les diaprures fur les colliers , &:
fur celles dont les coquilles font tracées, étant une fois admis, on
peut concevoir la régularité des rubans ou lignes ; quant à l'irrégu-
larité de ces taches , fur quelques coquilles , le déplacement brufque
de l'animal fuffit pour cela. On a remarqué que la robe Àqs vieu:jç
coquillages eft ornée de couleurs moins vives que celles dont l'animal
eft d'un âge moyen ; les jeunes coquilles ont aufii les couleurs dç I3
bcviche»plus foible^p
COQ 303
Crue des Coquillages , leur mouvement progrejjif ^ leur adhéjion , &c.
Entre les animaux à coquilles leS uns font carnaffiers , tels que
les pourpres , qui percent les coquillages & en mangent les petits
habitans ; d'autres fe nourriîTent des eaux qu'ils pompent , & qui
contiennent des parties grafles , herbacées, & même de petits infectes
ou des vers ; car ces êtres inombrables font femés dans toute la
nature ; la moindre goutte d'eau en contient quelquefois un grand
nombre. Parmi les coquillages , les uns reftent enfe'velis dans le
limon ; d'autres s'en élèvent pour refpirer fur la furface de l'eau:
les lépas , qui font attachés aux rochers , fortent de leur place pour
aller chercher l'aliment. Les oreilles de mer vont paître pendant les
nuits des beaux jours. On remarque que les uns vont chercher leur
nourriture , ainfi que tous les animaux ; les autres , collés (dans les
lieux de leur naiifance , tels que les huîtres & les orgues. d&, mer ,
extraient, à la manière des plantes, leur nourriture du- finldJeau
de la matière ambiante. On peut croire que les gros animaux à
coquilles qui tiennent le fond des mers , y font immobiles : leur
grofleur & leur pefanteur fpécifique , qui va quelquefois jufqu'à
deux cens livres & plus, font des preuves de leur fiabilité, au
moins de l'extrême lenteur de leur mouvement progreflif. Au refte,
les teftacées qui marchent font prefque tous à couvert de toute
injure & à l'abri des pourfuites de leurs ennemis. Ils tranfportent
fans peine leur demeure où ils veulent , & ils fe trouvent toujours
chez eux , en quelques pays qu'ils voyagent. Ils ne la quittent jamais;
elle eft attachés à leur corps par un ligament , qui dans les uni-
valves turbines tient à la première fpire intérieure de la coquille :
c'eft comme un vaifieau muni de tous fes agrès , dont l'animal fe
fert pour fe tranfporter dans les difFérens endroits où il veut aller V
fa manœuvre toute fimple eft des mieux concertée. Voyez le buccin
tant marin» que fluviatile ; cet animal a reçu des mains de la nature
une grande peau mufculeufe qu'il alonge & relferre à volonté ; veut-il
quitter le .fond de l'eau pour prendre l'air à la furface de cet
élément , il vide fon vailleau de toute l'eau qui pourroit s'y
trouver en étendant fa peau mufculeufe , de façon qu'elle en bouche
toutes les voies & en rempliffe exadement toute la capacité fans
déborder , & il tourne en haut la proue ou la partie pointue de
;^04 C O Q
fa coquillt; pour fendre Tcau plus facilement : cette manœuvre
finie , il donne le mouvement à la machine , & il arrive fans peine
i la furperficie ; alors il lui fuffit de faire déborder quelque peu
fa peau mufculeufe tout autour de fa coquille , pour refter plus
facilement fufpendu dans l'eau , jufqu'à ce qu'ennuyé ou prefle par
la faim , il foit obligé de faire quelque trajet pour trouver de quoi
pâturer ; c'efl en ce moment qu'il étend deux efpeces de cornes larges ,
aplaties , & cependant coniques , qui lui fortent derrière la tête
& lui fervent tour à tour de voile , de gouvernail & de rames : s'il
jeft raflafié & qu'il lui prenne fantaifie de regagner le fond de
l'eau 5 ici la manœuvre change ; il a befoin d'eau dans fon vaifiTeau
pour le couler à fond : pour cela il lui fuffit d'étendre & d'alonger
fon cou. hors de fa coquille , la peau mufculeufe qui fait partie de
fon c^ , fe trouvant rétrecie , l'eau entre de toute part & fub-
mergg le vaifleau. Cette mécanique eft une induftrie naturelle à
tous les-' limaçons : on préfunie bien qu'il y a quelques différences
■ <âan5" Ij^s manœuvres à caufe de la différente configuration de leurs
coquilles qui exige une différente pofition ; piir exemple, l'efpece
appellée cornet de Sf, Hubert ou de chajfe , tourne fa coquille fur le
plat pour fe foutenir facilement fur la furperficie de l'eau. Confultez
maintenant la marche du nautile. Les coquillages , ainfi que les
autres animaux , ont des fenfations proportionnées à leurs befoinr.
Celles des coquillages ne paroilTent pas bien exquifes ; cependant
on dit qu'ils fe retirent lorfqu'ils entendent du bruit , & que
lorfqu'on va pour les pc.cher , on garde un profond filence. La
nature , qui veille fur tous les .êtres créés , leur a donné à tous
les moyens néceiîaires de confervation.
Les coquillages qui vivent dans le fable & fous la boue ont un
ou deux tuyaux , plus ou moins longs , félon que ces animaux
s'enfoncent plus ou moins dans le fable. C'eft par le moyen de
ces tuyaux qu'ils fe confervent une communication libre avec l'eau
qui eft au-deffus d'eux.
Certains coquillages adhèrent d'une manière involontaire fur les
fables 5 les rochers ; entaffés les uns fur les autres , ils y font collés
par une efpece de glu , qui eft le ciment univerfel dont la Nature s'eft
fervie toutes les fois qu'elle a voulu, pour ainfi dire, bâtir dans la
mer. Ces coquillages ainfi fixés dans les mers , réfiftent à la violenc.e
des
COQ jof
des eaux , dont les mouvemens brufques & vloîens les emporteroient;
d'autres fe cramponnent , pour ainfi dire , à la manière des écrevijfes
de mer , des homars ; les moules de mer , la pïnnt marine , & autres
s'attachent fur différens corps , & s'en détachent à volonté à l'aide
de leurs fils; d'autres, ainfi que ['œil de bouc , efpece de lèpas ,
s'attachent par une bafe très - plate à des furfaces très -polies ; &:
i!s y adhèrent avec tant de force , que mis dans une pofition ver-
ticale, il faut à^QS poids de vingt & trente livres pour leur faire lâcher
prife. Cette adhérence iî forte de l'œil de bouc , vient d'une glu qui
fort de fon corps.
Tout ce qui vient d'être dit de la {trudure organifée. tant interne
qu'externe des coquillages de mer , eft applicable aux coquillages d'eau
douce. Ces derniers font feulement moins variés dans leurs genres &
dans leurs efpeces : ils n'ont ordinairement que deux cornes,, aii lieu
qu'on en voit quatre dans les coquillages de mer &: dans ceux de/terre.
La mer fournit d'ailleurs infiniment plus de coquillages , & plus "béau^
que tous les fleuves, les rivières & les lacs pris enfemble. La couleur
des coquillages d'eau douce eft de beaucoup inférieure à celle des
coquillages de mer ; effet que l'on attribue au défaut de particules
faiines ; ce qui rend aufîî ces coquillages mal - fains & peu propres
pour la table , fur - tout les moules , dont la chair efl dure & in-
digefl:e. La terre nourrit , ainfi que les eaux , des coquillages. On
ne connoît que cinq genres de ceux qui font couverts de coquilles ;
favoir , les limaçons , les buccins , les conques fphériques , les vis &
les lépas, La clafTe des vers nuds , qui paroifTent de la même efpece
que les limaçons de terre , fe réduit à la feule limace , dont il y
a plufieurs efpeces. Les limaces pondent des œufs tout bleus , Se
gros comme des grains de poivre , qu'elles cachent en terre avec
grand foin. Foyc:^ Limace,
De ce qui vient d'être expofé^ concernant les coquillages , il réfulte
que l'animal efl formé avant fa coquille , & que leur flruélure inté-
rieure eft bien différente de celle des poiffons. Leur ventre fuit la
bouche , & la bouche s'attache aux inteftins. Comme ces animaux
font privés de fang , l'humeur dont ils font remplis leur en tient
lieu. Leur chair eft moins attachée à la coquille que celle des
poiflbns l'eft à l'écaillé : elle n'y tient que par un point au fommet.
On doit encore remarquer que dans les coquillages qui , comme les
Tome II» • . Q ^
so^ COQ
huîtres , doivent refier fixés toute leur vie , la coquille efl: d'abord
couverte d'une matière mucilagineufe capable de la coller aux dif-
férens corps auxquels elle peut toucher ; cette matière fait la première
adhéfion , qui fe fortifie enfuite par les fucs qui fervent à l'accroifTe-
ment de la coquille. Dans les coquillages deftinés à changer de
place, la coquille eft fort nette au dehors : toutes les coquilles font
égales , très-polies en dedans , de en dehors fouvent raboteufes ou
épineufes , cochlca mucronatx.
Au rejQie' les caraderes que l'on affigne vulgairement aux coquilles
te quife réduifent aux formes & aux couleurs , ne pourroient fervir à
en diftinguer les différentes efpeces , s'ils fe réuniflbient tous dans
chaque efpece particulière; mais heureufement on y trouve toujours
un caraâere fpécifique qui donne moyen d'employer un nom , une
épithete, même une phrafe pour défigner une coquille & la diftinguer
parfaitement des autres : on a même trouvé le moyen en faveur de
ceux^igfui ne veulent prendre qu'une légère teinture de l'Kiftoire Natu-
relle des coquilles, de fubrdtuer aux phrafes des Naturaliftes, des noms
u(ités tels que ceux des chofes auxquelles elles paroiflent relFembler :
de-là font venus le chou, le coutelier, le ruban, la lampe, le cor de
chajfe , V oreille de mer , le cœur , la conque de Vénus , &Cr Parmi ces
noms il y en a qui caraélérifent aflez bien les coquilles auxquelles on
les a donnés. Mais le langage des Naturaliftes eft généralement plus
connu. Voyez l'article Limaçon pour avoir une idée plus complette de;
la crue des coquilles.
Manière de pécher ^ de ramafjer les Coquilles & de les encaijfer,
Lorfqu'on fe promené fur la grève d'une mer, il ne faut pas croirer
que toutes les coquilles qu'on y trouve font originaires du lieu. Il y a
de ces animaux voyageurs,. & que la mer, à l'occafion d'une tempête,
charie ou dépofe quelquefois en abondance fur des rivages éloignés ;
rarement alors leur coquille eft bien confervée. Il y a cinq manières de
pêcher les coquillages; favoir, à la main, au râteau, à la drague, au
filet & en plongeant. Dans l'Inde on fait pêcher les coquilles par des
Nègres qui font au fait de cette manœuvre. Communément l'un defcend
un panier rempli de pierres, & celui qui plonge jette ces pierres &
les remplace par des coquilles. Les coquilles que la mer amené par
fon reflux fur fes bords, font plus ou moins mutilées, ou roulées, ou
COQ 307
altérées dans leurs couleurs. Souvent Ton profite du retour des
grandes marées pour en ramalTer , & particulièrement dans les temps
des équinoxes ; parce que la mer montant plus qu'en d'autres temps,
& fe retirant plus qu elle n a coutume , on peut avancer plus loin
fur la grève , y marcher à pied , & prendre les coquillages à la
main. Souvent auflî le coquillage s'enfable , alors il faut fouler 1©
fable avec le pied , c'eft un moyen de le faire fortir. Les Nègres
plongeurs pour pécher des coquilles fixes , font armés d'un fer
pointu qui leur fert à détacher non- feulement des huîtres , mais
encore des madrépores , des lithophites , & en même tem.ps à fe
défendre contre les animaux de mer dangereux. Sur nos côtes on
drague les coquillages ; mais cette manière endommage leur robe.
On retire facilement l'animal de fa coquille en la m.ettant danS" l'eau
chaude ; on tâche cependant de conferver le ligament de la charnière
des bivalves : cette attention empêche que les valves ne foient dépa-
reillées. Quand aux multivalves , on les laifTe fimplement -"fécheif'V.
d'elles-mêmes fans en faire fortir l'animal. L'odeur qui en réfulte n'eft
pas très-défagréable ni de longue durée , fur-tout quand à la fortie de
la mer , on a eu foin de les plonger deux ou trois fois dans l'eau douce.
La plupart des coquilles en fortant de la mer, font revêtues ou
d'un drap , ou d'un tartre marin, qui cachent leurs couleurs brillantes :
heureufement les curieux favent bien les débarrafTer de ces enve-
loppes pour jouir de tout ce qu'elles peuvent ofiTir d'agréable à la
vue , &c. On a encore l'attention de ne point féparer les coquilles
qui fe trouvent attachées plufieurs enfemble. On aime à voir dans
les cabinets , des groupes d'huîtres , de glands de mer , d'arches
de Noé , de poulfe - pieds , de tubulaires , ou plutôt de tuyaux
marins, &c.
Ceux qui envoient des coquilles font dans l'ufage de les mal
cncaifler. On doit toujours avoir la précaution de féparer celles
qui font pefantes , ou grofles , ou épaifl'es , de celles qui font
légères , petites & minces. L'on doit envelopper de papier celles
qui, comme les rouleaux , font unies & folides; remplir de coton
la bouche de celles qui ont peu de confiftance ; & lorfqu'elles font
très fragiles , les mettre féparément dans des boîtes. Les coquilles
cpineufes doivent être entremêlées de varec dcfl'alé & bier^ féché ,
ou même de coton , de non pas de fon ni de fciûre de bois 5 qui
Q q 2
5o8 COQ
s'aftaifTant à la longue , laiflent un vide dans lequel les coquilles fe
heurtent les unes contre les autres.
Pourrions -nous terminer cet article fans rapporter l'ufage que
plufieurs peuples ont fait de font encore à préfent des coquilles ,
corps qui , par la variété & l'élégance de leurs formes , la beauté
& la vivacité de leurs couleurs , & par mille autres fmgularités ,
font aujourd'hui l'objet de la recherche & de l'amufement de tant
de curieux, L'efpece appellée monnoic de Guinée ^ petite porcelaine
qui eft nommée vulgairement pucelage ou colique , fert en effet de
monnoie en Guinée , & même aux îles du Cap - Vert , à Léonda ,
au Sénégal , à Bengale & dans quelques îles Philippines. A Ben-
gale on en fait encore des braflelets , des colliers & d'autres bijoux.
Quelques Indiens , fur-tout à Zangaguara , en font des ceintures
de nudité , c'eft-à-dire , pour couvrir les parties naturelles. Des
Canadiens en font auffi des ceintures & des colliers de paix. On y
diftingue la came, violette en dedans , qui fe trouve dans les mers
de l'Occident , & des morceaux de lambis , couleur de rofe. Nul
traité entr eux ni avec les Officiers du Roi , qu'on ne fe préfente
de part & d'autre ces fortes de colliers , pour affurance de fa parole.
En Egypte & en Afrique les Dames pendent pour ornement des
coquillages à leurs oreilles & à leur cou. Les Grecs en compo-
loient autrefois un fard avec du fuc de citron ou avec de la pom-
made dont ils fe frottoient le corps. Les habitans de Tyr retiroient
autrefois du murex , une belle couleur pourpre dont ils faifoient
ufage en teinture. Les Turcs & les Levantins garniffent les harnois
de leurs chevaux avec des caiiris , & en revêtent des vafes avec
une adrefie fuprenante. Dans l'île de Sainte -Marthe elles font em-
ployées à orner les nattes de joncs & de palmes qui couvrent les
murailles. Des ouvriers ont l'art de tirer du burgau une belle nacre ,
nommée dans le commerce burgaudine , qu'on incrufte d'or & dont
on fait des navettes. Combien d'ouvrages , tels que tabatières , boîtes
à mouches , manches de couteaux , cuillers , jettons , &c. font
faits avec la nacre de l'huître à perle. On fait avec les cames , des bagues
fculptées 5 que l'on appelle camées. Des efpeces d'huîtres produifent des
perles qui fervent d'ornement ; & leur groffeur , ainfi que leur
orient ^ contrebalancent quelquefois la valeur & le brillant du
.diamant. Des perfonnes induftrieufes font des bouquets de fleurs
COQ 5op'
avec des coquilles ; & Tart avec lequel on choifît & on arrange
ces petites coquilles diverfement colorées & figurées , trompe fouvent
les yeux. On en fait auflî de jolis ccmpartimens de deffin fur les
criflaux de deflert. On en exécute aujourd'hui en France très-
parfaitement & avec tant de dextérité , qu'on ne peut rien voit-
de plus agréable en ce genre. Chez les Romains les coquilles nom-
mées buccins, fervoient de trompettes à la guerre : ce font ces mêmes
coquilles que les Hollandois nomment trompettes. Les Sauvages ,
peuple amateur du chant & de la danfe , joignent enfemble des
tonnes , des buccins , des porcelaines , des cafques , & en forment
dQS efpeces de lyre , qui étant expofées à un courant d'air , rendent
un certain bruit propre à les animer dans leurs danfes. On fait
dans quelques pays avec les nautiles , des coupes dont on fe fert
en place de verre à boire. Avant l'ufage des fèves , établi aujour-
d'hui dans plufieurs endroits , les coquilles fervoient dai^s les
grandes Aflemblées pour donner fon fuffrage. La Loi de l'Oftracifme
tire fon nom du mot orpa-^iv , qui fignifie huître ou coquille. Cette
Loi , comme l'on fait , fut établie chez les Athéniens pour
exiler pendant dix années ceux que leurs grandes richelfes ou leur
grand crédit avoient rendus fufpeél:s au peuple : on fe fervoit de
coquilles fur lefquelles on écrivoit le nom de l'exilé, & le nombre
des fuffrages devoit excéder celui de fix cents.
En Corfe on fait des étoffes avec la foie ou byffus de la pinne
marine : cette foie a beaucoup de rapport avec le byffus des anciens.
On prétend qu'à la Cour de l'Empereur de la Chine l'on joue avec
des valves de cames peintes intérieurement , comme nous jouons en
France avec des cartes ; & que dans les Provinces de Kiam-fi on pile les
coquilles appellées cauris , qu'on les enfouit dans terre , & qu'enfuite
on les fait entrer dans les pâtes de certaines porcelaines. Aux Indes
orientales , fur-tout à la côte de Coromandel , on calcine les coquilles
pour en faire de la chaux. En Angleterre & en d'autres pays, les
coquilles fervent à blanchir la cire ; les Anglois s'en fervent aufîî ,
de même que les Cultivateurs de Sardaigne & de Sicile , pour
fertilifer les terres : par ce moyen on produit une efpece de cron
ou de faluniere telle qu'on en trouve en Touraine & en Vexin. En
France , dans la Bretagne , à Landernau , on calcine, quelquefois
• les écailles d'huîtres pour faire de la chaux & pour blanchir les t©iles»
310 COQ
On fe fert aufÏÏ des valves de petites moules de rivières , dans
lefquelles on fixe par le moyen d'une gomme , de l'or , de l'argent
ou autre métal moulu & réduit en poudre , à Tufage des Peintres
& des Eventailliftes. On fait avec toutes fortes de coquilles , des
grottes ; on en garnit le bord de quelques bafïins , on en décore
des cafcades. Les coquilles fervent aulli de modèle pour orner cer-
taines fculptures. Il y a plufieurs efpeces de coquillages dont bien
des perfonnes mangent la chair avec délices , tels iont les moules ,
les huîtres, les lépas , les limaçons, les ourfins , &c. Les Romains
qui prétendoient que l'ufage de ces animaux portoit à la volupté,
en admettoient toujours dans leurs repas ; on en abufoit même
tellement qu'on fut obligé de promulguer une loi pour les profcrire.
Aldrovandc les appelle viduarum cupediœ. Pétrone s'explique à peu
près dans les mêmes termes à cet égard. On lit même dans la
Maifpn Ruftique de Varron la manière dont ils s'y prenoient pour
engxaifler les coquillages , afin de les rendre plus agréables au
goût.
COQUILLES. Nom donné à la partie dure qui recouvre les
animaux teftacées . & dont la forme varie toujours , fuivant la diffé-
rence de l'efpece. Une belle colleélion de coquilles , diltribuée
comme il eft dit à la fuite du mot Hifloire Naturelle , eil une
chofe fort agréable à voir. Prefque tout le monde fe laiflè d'abord
éblouir par le brillant de ces belles enveloppes ; mais bientôt on
defire de connoître forganifation de tous les animaux qui s'en revê-
tent : elles fourniffent même au Naturalifte un fujet de méditation
qui eft , pour ainfi dire , indépendant des animaux auxquels elles
ont appartenu. Ainfi Boiianni a eu raifon de dire que les coquillages
étoient recreatio mentis & oculi,
La plupart des coquilles de mer & des fluviatiles qui ont exifté
depuis le commencement du monde , exiftent encore aujourd'hui à
peu près fous la même forme. Non feulement cette matière a la
propriété de fe maintenir fous la même apparence , fans que les
générations des hommes puilTent la voir changer de nature , mais
elle fe multiplie chaque jour , ^ la quantité des coquilles augmente
excelîivement par le nombre prodigieux des individus que produifent
la plupart des efpeces de coquillages , & par leur accroiffement qui
fe fait en peu de temps ; aulTi toutes les mers en font-elles jonchées.
COR 3n
f^oyei au mot Coquillage. A l'égard des coquilles de mer que
l'on trouve dans tous les pays du monde habité , foit difperfées
dans les plaines , Toit réunies en plufieurs endroits en aflez grande
quantité pour former des terrains fort étendus , &c. rien ne prouve
mieux le changement qui efi: arrivé à notre globe. Souvent les
coquilles-fofiîles font m.élées dans les graviers , les craies, les mar-
nes , les argiles , &c.
Comme les coquilles font une des matières les plus abandantes
que nous appercevions fur la furface de la terre & dans fon fein ,
jufqu'aux plus grandes profondeurs oii il a été ouvert ; & que de
toutes les parties des animaux , fi on en excepte les dents , les
coquilles font celles qui fe confervent le plus long - temps après la
mort de l'animal ; il eft facile de concevoir comment ces fortes
d'enveloppes fe trouvent ainfi dans la terre , féparées de leurs
animaux , & avoir cependant confervé une figure analogue à celles
des coquilles vivantes. On trouve aufli des coquilles pétrifiées,
Foye-^ à Vart'uk PÉTRIFICATION & celui de Fossiles,
CORACIAS , corada. Genre d'oifeau dont le caradere efl d'avoir
quatre doigts non palmés , trois devant & un derrière , ôc les
jambes emplumées jufqu'à l'éperon ; le bec conique, alongc & un peu
arqué. Foye:^ Choucas. Cet oifeau , un peu moins gros qu^une
corneille , eft d*un plumage qui tire fur le violet. Il habite les Alpes,
les montagnes de Candie , de Cornouaille en Angleterre, le Mont-
d'Or en Auvergne. Le coracias huppé que Ton voit fur les mon-
tagnes de SuiiTe , eft à-peu-près de la grofleur d'une poule. Le
noir de fon plumage brille d'un vert luftré ; il fait fon nid dans
les murs les plus élevés des anciennes tours , & pond deux ou trois
ceufs à chaque couvée.
CORAIL , corallutn, C*eft une des plus belles , des plus précieufes
& des plus fingulieres fubftances marines. Il n'y a point de pro-
dudion naturelle fur laquelle les Anciens & les Modernes aient
tant écrit. On l'a pris autrefois pour un arbrifleau de mer; mais
les curieufes découvertes de M. Piyffond ( étant en 1725" fur les
côtes de Barbarie par ordre du Roi ) ont prouvé par la fuite que
les coraux font de véritables produdions de vers , des efpeces de-
cellules formées par des polypes , de même que les madrépores ^
les lithophytes , les éponges. Voyez au mot Polype les furpre^
5 12 COR
nantes obfervatîons qui ont été faites par M, TrembUy , &c. fur
les polypes d^eaii douce,
La ftruâ:ure & la forme du corail qui reflemble à un arbriflfeau
dépouillé de feuilles , n'avoient pu manquer d'induire en erreur :
ce tronc d'où partent des branches latérales , cette efpece d'écorce
qui le couvre , tout concouroit à en impofer. M. de MarJigU, ce
grand Obfervateur des produdions naturelles de la mer , avoit
cru , en 1706 , y découvrir des fleurs ; mais c'étoit les polypes
habitans de ces cellules , que fon imagination féduite transformoit
en fleurs , & que M. Peyjjonel appelle orties corall'ines. Quelques-uns
trompés par la dureté du corail , l'avoient mis au nombre des
pierres : d'autres avoient cru que c'étoit le produit d'un précipité
de fels, de terre & d'autres principes. On Tappelloit arbre pierreux ^
lithodendros.
Le corail n'a point de racines ; on le trouve collé fortement fur
via jCùr'fate de différens corps. On en a vu fur des os de baleine , fur
des crânes , fur des bouteilles, comm.unément fous les avances des
rochers , dans les antres de la mer , & toujours la tête en bas.
Ces corps fervent Amplement de bafe au corail. Sa tige efl: pour
l'ordinaire armée de branches : fa grofleur ne paffe guère un pouce.
La plus grande hauteur à laquelle il s'élève dans la mer Adriatique,
& même très-rarement , efl; d'un pied ou un peu plus. Quoique la
tige & les ramifications foient communément rondes , on en voit
quelquefois de larges & plates. Le corail rouge ou rofe efl le plus
commun : on le trouve dans la mer Adriatique. On en voit auflî
du blanc dans cette mer & dans la Baltique. Il n'efl: pas rare de
trouver des branches de corail eh partie rouges & en partie blanches ,
ou dont la coupe tranlverfale prefente différentes couches concentri^
ques couleur de rofe jaunâtre , blanches , violettes , & d'un rouge
fanguin de la plus haute couleur. Pour ce qui concerne la nature
du corail noir , ou bleu, ou vert, &c, & le corail articulé, voye^
LiTHOPHYTE, à la fuite du mot Coralline.
Lorfqu'on examine l'organifation du corail , on obferve que la tige
& les branches paroiflent formées d'une fuite de petits tubes , dont
plufieurs croiflent enfemble parallèlement les uns aux autres , &
pouffent des branches en difïérens fens ; ce qui fait que le corail
leffemble à quelques «irbriffeaux de mer pétrifiés, On remarque que
COR 31^
ces petits tubes qui rampent enfemble ; varient leurs diredions
fuivant les obftacles que leurs architeâies trouvent en chemin ; fi ,
par exemple , il s'attache une coquille à la tige ou aux branches
du corail , elle ne manque pas d'être recouverte en tout ou en
partie , par la fubftance même de ce corail. Ces tubes étant corn-
pofés d'une matière crétacée Se mêlée avec la fubftance vifqueufe
&: membraneufe qui tranfpire des polypes qui habitent le corail ,
ils fe contradent , & deviennent folides à mefure que leurs habitans
les abandonnent; c'eft- à-dire, que les différentes particules dont ils
font compofés , s'attirent fortement les unes les autres , & acquièrent
la dureté du marbre , avec la propriété d'en recevoir le poli. Les
petits tubes qui forment l'enveloppe extérieure du corail , font de
couleur jaunâtre : ils ne font point folides comme ceux qui font en
dedans ; on les trouve pleins d'une matière laiteufe qui eft le corps
tendre des polypes. Nous difons que ia matière qui tranfpire du
corps des polypes forme les tubes , & qu'à mefure que les^poï^^s^
en forment de nouveaux fur la furface , ils quittent les anciens ,
ceux-ci s'agglutinent & fe ferrent les uns contre les autres. Le
corail fe durcit dans l'intérieur. C'eft toujours dans la partie ex-
térieure qu'habitent les petits polypes.
A l'inftant où on retire le corail des mers , on le voit couvert
d'une fubftance rouge & comme membraneufe , qui femble en être
l'écorce : cette efpece d'écorce s'enlève aifément avant qu'elle foit
deftechée ; elle eft extérieurement ornée de points faillans , & intérieu-
rement toute parfemée de cavités en forme d'étoiles : ces cavités
reçoivent cette figure des griffes ou bras des polypes. Si on enlevé
l'enveloppe ou écorce membraneufe , on apperçoit que les étoiles ont
une communication avec les apparences de tubes qui font en
delfous , & qui font formés par les polypes , que l'on peut regarder
comme les architedes & les habitans de ces belles productions. Il y
a lieu de penfer que les coraux fe forment à la manière des coquilles
ou des madrépores. Voye^ au mot Coquillage f article de la forma-
tion des coquilles,
Lorfqu'on met un morceau de corail dans du vinaigre ou plutôt
dans de l'efprit de nitre fumant , affoibli peu- à-peu par fix parties
d'eau , fa partie calcaire fe dififout d'abord , les cellules deviennent
ii'ès-vifibles , & la partie membraneufe refte dans fon entier ; ce qui
Tom& Hp R r
3î4 COR
prouve bien que les coraux doivent leur formation à des animaux.
Les polypes qui habitent les coraux paroiflfent reflembler beau-
coup aux polypes d'eau douce. Voyez ce mot & celui de Polipe,
Ces vers font blancs , mous , un peu tranfparens , & leurs bras fe
préfentent fous la forme d'une étoile à huit rayons ; ces petits bras
ainfi étendus fervent au polype pour faifir fa proie : ce font ces
bras qu'on avoit pris pour des pétales de fleur?. Tout ceci ne peut
s'obferver que dans le corail récemment péché , & tenu dans l'eau
de la mer; car au moindre mouvement les polypes fe contradent
par un jeu femblable à celui des cornes des limaçons , & fe replient
dans leurs cellules. On voit au cabinet du Roi un petit morceau
de corail bien intéreflant , il eft couvert de polypes dans l'état de
développement. Ces polypes fe multiplient par des ctufs extrême-
ment petits qui fe détachent par les côtés de Tanimal ; &: par la
mollelTe de leur conliflance ils s'attachent aux corps fur lefquels ils
tombent; Tant que cette première cellule ou cet œuf du polype eft
encore fermé , tout y efl: dans un état de mollelTe ; mais lorfqu'il
s'eft ouvert , on commence à y remarquer quelques petites lames
dures , qui prennent peu - à - peu la vraie conhftance du corail. A
mefure qu'il croît, les polypes fe multiplient , & il fe forme de
nouvelles ramifications ; & à .mefure que les polypes abandonnent
leur première habitation , le corail acquiert de la grofîeur , de la
dureté , de la pefanteur. Ainli le corail eft un polypier d'une fubf-
tance dure & compaéle , intérieurement maflive , pleine & folide ,
fans aucun trou , ni porofité , comme dans les madrépores , tou-
jours branchu , légèrement ftrié. A l'égard du corail blanc oculé des
boutiques , c'eft une efpece de madrépore. Pour achever de prendre
une légers idée de la ftrudure merveilleufe des coraux , des madré-
pores 5 des lithophytes , &c. voye\ à la fuite du mot CoBALLiNE.
Le corail peut être employé feul con- me abforbantou alkali terreux,
Diflbus par l'acide du vinaigre, il donne un fel neutre favonncux,
qui peut être regardé comme diurétique & tonique. On en fait aufîî
une teinture & un firop aftringent. La préparation du corail pro-
prement dite 5 celle dont le produit eft connu dans les boutiques
fous le nom de corail rouge préparé , confjfte à le recuire en poudre
dans un mortier de fer , à le tamifer , à le porphyrifer , & à le former
enfuite en petits trochifques, Ce corail entre dans les confeélions
' <.
d^hyaclnthe Se d'alkermès , & dans les poudres dentifrices. M, Bour-
geois dit que le corail préparé eft un très bon aftringent , qu'on peut
employer fans crainte dans toutes les efpeces d'hémorragies , & dont
il fait beaucoup d'ufage dans fa pratique. Il fe fert avec un grand
fuccès dans les pertes des femmes les plus opiniâtres d'une poudre
compofée de parties égales de corail rouge, de quinquina & de
nitre , à la dofe de deux fcrupules trois fois le jour.
Quoique le corail foit très -dur , lorfque par le temps ou par
queîqu'acddent il a perdu fon écorce , il eft fujet à être rongé par
de petits animaux , qui le rendent fi foible & fi fragile , qu'on ne
peut plus l'employer en bijouterie. Les marbres les plus durs qui fe
trouvent dans le fond des mers ne font pas exempts des attaques de
ces individus.
La pèche du corail fe fait depuis le commencement d'Avril jufqu'à
la fin de Juillet , notamment dans les bouches de Bonifacio-.vis-Ȉ-vis
l'île de Sardaigne ; on en pèche aulîî fur les côtes de Tunis. ;Les
Pécheurs Corailliers , foit de Corfe, foit de Catalogne , attachent
deux chevrons en croix , & les appefantiffent avec un boulet ou
avec un gros morceau de plomb , qu'ils mettent au milieu pour les
faire tomber à fond ; ils en entortillent négligemment du chanvre de l'a
grofleur du pouce , & ils entourent les chevrons, qui ont auffi à
chaque bout un filet en manière de bourfe; ils attachent ce bois à
deux cordes , dont l'une tient à la proue & l'autre à la poupe de la
barque ; enfuite ils le laiflent aller à tâtons au courant & au fond
de l'eau , afin que la machine s'accroche fous les avances des ro-
chers ; par ce moyen le chanvre s'entortille autour des branches de
corail. On emploie cinq ou fix perfonnes pour tirer les chevrons
& pour arracher le corail qui refte attaché à la filafle , ou qui
tombe dans la bourfe j s'il^ tombe dans la mer , les Plongeurs le
vont chercher.
On recherche beaucoup les grandes branches du corail, pour les
vendre aux perfonnes qui font des coUedions de curiofités naturelles,
ou pour les polir avec le fil de chanvre, le blanc d'oeuf ou de
l'éméri , ou pour les fculpter & en faire des ornemens qu'on envoie
dans l'Inde , en Afie , & fur-tout en Arabie. On en fait une infinité,
de petits ouvrages, comme des cuillers, des pommes de canne, des
manches de couteau , des poignées d'épée , des colliers , des braflelets
. • R r 2
V .
3i(? C OR
& des grains de chapelet. Les Mahométans de TArabie Heureufe
comptent le nombre de leurs prières fur un chapelet de corail; &
l'on n*enterre prefque perfonne parmi eux , fans lui mettre un de
ces chapelets au cou.
CORAIL ARTICULÉ. Sa fubftance eft alternativement dure &
flexible. Il y en a de rouge , de blanc, de jaune. Ce polypier,
dont Torganifation eft très -régulière , paroît fervir de padage des
coraux aux lithophytes ; il n'a point de pores ni d'étoiles ; il eft
toujours en arbriflcau & bien branchu. Les efpeces varient pour
la grandeur , la couleur & la dureté. Les digitations font dures ,.
ftriées, inégales en hauteur, demi-tranfparentes, dures dans l'efpece
blanche , & les articulations font prefque liflfes , petites , étranglées,
& d'une fubftance de corne d'un brun noirâtre dans cette même
efpece. Auffi rien ne reiTemble-t-il mieux , pour la configuration
extérieure , à cette plante qui porte le nom de prêU ou de queue
de cheval. Dans le corail rouge articulé les articulations , au liea
d'être enfoncées , font plus faillantes que le refte , auiîi l'appelle-
t-on corail noueux ou gérziculé,
CORAIL BLANC DES BoUTiQUES. On l'appelle auflî corail blanc
oculé, C'eft une efpece de madrépore d'un blanc de lait , commun
dans la Méditerranée. Ses rameaux font arrondis , liftes , tortueux
& entrelacés les uns dans les autres , parfemés de grands trous ou
pores aflez éloignés les uns des autres , débordant un peu la fu-
perficie , étoiles & cannelés en dedans. On en trouve dans les autres,
mers à étoiles moins éparfes , & d'une couleur lilas^ Il n'eft pas
rare d'y obferver des tubes vermiculaires.
CORAIL FAUX ou NOIE. Foyei Lithophytes à la
fuite du mot CoRALLiNE.
CORAIL DE Jardin. Voyei Poivre de Guinée..
CORAL. Couleuvre de la rivière des Amazones , remarquable
par la variété &: la vivacité de fes couleurs. Ce ferpent eft , dit-on ,
amphibie. On afllire en avoir vu de vingt - cinq à trente pieds de
longueur & d'un pied d'épaifleur. Un tel monftre eft bien capable
d'infpirer la terreur ; cependant M. de la Condamine dit qu'on peut
en être mordu fans qu'il en réfulte d'autre accident que celui d'une
blefTure ordinaire. Pluheurs Auteurs rapportent fort férieufement des
faits extraordinaires de ce ferpent, II habite ordinairement les grands
COR s 17
lacs formés par î'épanchement des eaux des fleuves au - dedans des
terres. Les Indiens Maynas l'appellent yacumana ou mère if eau,
CORALINE. Coquillage bivalve de la famille des peignes. Cette
coquille eft rouge & ponceau vers la tête, ftriée, cannelée, ornée
de bofles élevées , creufes & difpofées par zones : fes oreilles font
inégales , mais le chantournement de {qs bords eft régulier.
CORALLIN. On donne ce nom à un ferpent de Siam , qui eft
très- rare & très-beau. Il eft ceint de bandes autour du corps, qui,
depuis la tête jufqu à la queue , font rouges & blanches fucceffive-
nient. Le corps de ce ferpent eft long & grêle , fa tête eft fort belle.
CORALLINE , corallïna. C'eft le nom qu'on donne à des pro-
dudions marines, qui ont la forme de plantes , & qui font compofées
de plufieurs branches minces , & fubdivifées en fines ramifications;
elles reffemblent à certaines moulTes : auilî quelques Botaniftes , avec
Tournefon , ont-ils mis toutes les corallines au rang de ces mouffes ; mais
les obfervations de M. Peyjfonel, fuivies de celles del'illuftre M. Z?ér/7ûr</
de JuJJîeu , ont appris à diftinguer les corallines en deux clafTes , dont
les unes font de vraies plantes, & les autres font produites par des
vers marins , ainfî que le corail. Voyez ce mot. Confultez auffi les
Mémoires de l* Académie Royale des Sciences , 7742 , & la Préface du
VI volume des Mémoires pour fervir à rHiJloire des lnfeB.es,
Les découvertes que l'on a faites oc que Ton fait tous les jours j
prouvent que cette dernière clafTe eft la plus nombreufe. On re-
marque que la plupart des corps marins que leur figure avoit fait prendre
jufqu'à préfent pour des arbrilleaux, des plantes, des mouffes de mer, font
non-feulement le domicile d'animaux, mais qu'ils font encore leur ouvra-
ge, & qu'ils fervent à leur confervation , leur défenfe , leur propagation.
Nous difons que parmi les corps auxquels on a donné le nom de
corallines ^ il y en a dont les junes font formées par des vers marins,
efpeces de faux infedes ; les autres font de véritables plantes. M.
Bernard de Juffîeu ,. cet excellent Obfervateur , n'a pu reconnoître
jufqu'à préfent que fept efpeces différentes de corallines plantes 9
défignées dans Toumefort fous les noms de
1. Corallina , /. B,
2. Corallina rubens millefolii divifurce,
3.. Corallina capillaceo midtifido folio albido,
^. Corallina capillaceo multifido folio nigro.
•5 1 8 COR
j*. Corullina capillaceo muhifido folio viriJ':.
6, Corallina rubens , vaide ramoja , capïlLaua,
7. Corallina alba , valdï ramofa , capillac&a.
Il en refte un très-grand nombre dont la nature eft encore incer-
taine, & que Ton ignore appartenir au genre des vers-infedes
marins ou à celui des plantes , tant la nature pafTe , par des nuances
infenfibles , du règne végétal au règne animal.
On s'attachera dans le refte de cet article à parler des corallines
productions de vers marins , comme d'objets nouveaux & dignes d'attirer
l'attention 5 par leur beauté , leur élégance , leur diverfîté , 8c
plufieurs autres traits curieux. On verra avec plaifir les demeures
imperceptibles d'une multitude d'animaux , ou plutôt un nouveau
inonde , peuplé par des millions d'habitans , aufll remarquables par
la diverfîté de leurs formes , que par la fingularité des procédés
induftrieux qu'ils fuivent pour leur confervation : mais ouvrons le
Traité^des corallines de M. Ellis , imprimé à la Haie en lyyô, in-^°.
avec fig. Confultons ce qu'il en dit , & ce que nous avons vérifié à
Londres dans le cabinet de ce favant Anglois.
On diftingue les corallines en véJicuUufes , en tubukufes , en cellu-
l^ujes & en corallines articulées. On regarde auiîl comme produdions
de vers-infe'fles les kcratopkytes , les efcarres , les éponges , les alcyons.
Nous parlerons fous ce même article de ces diverfes produirions ,
parce qu'étant réunies fous un feul point de vue , on peut jouir
du plaifir de la comparaifon.
Voyons d'abord la manière dont on peut s'y prendre pour étudier
des animaux fi déliés.
Ceft fur les rochers ou fur les bancs d'huîtres qui ont été négligés
pendant quelque temps, que l'on trouve en petits buiffons les coral-
lines les plus variées. Aufîi-tôt que les Pécheurs ont pris les huîtres
qui en font chargées , il faut les mettre dans un grand vafe de bois ,
& les couvrir d'eau de mer. Au bout d'une heure on voit s'épanouir
les polypes , qui s'étoient contractés à l'inftant où on les avoit tirés
de l'eau. Pour lors on verfe doucement fur les bords du vafe autant
d'eau bouillante qu'il y a d'eau froide (on pourroit aulTi les plonger
dans le vinaigre ). Cela fait, on ôte promptement avec des pinces
les corallines de defTus les coquillages : on met les efpcces féparées
dans de petits vafes de criftal blanc , remplis d'un efprit de vin bica
COR 51C)
clair 5 mais affoibli par de l'eau au point de n'être pas plus fort que
de bonne eau-de-vie : à l'inftant les polypes perdent la vie fans
avoir le temps de fe contrader. Il faut avoir foin que le diamètre
des petits vafes de criftal n'excède point la longueur du foyer de la
loupe avec laquelle on fe propofe de faire les obfervations. On ne
peut faire ces fortes de colleâions que pendant l'été , parce qu'en
hiver les polypes font contraâés par le froid.
Les polypes , conftruâ:eurs des cellules dont nous allons parler ,
refTemblent aflez aux polyp&s d'eau douce. Nous avons dit à l'article
corail , que l'on voit aujourd'hui dans différens cabinets d'HiPioire
Naturelle , de petits bocaux contenant quelques branches de corail
rouge , chargées de leurs polypes des mieux confervés dans une
liqueur appropriée , où on obferve très - diftinâement leurs bras
étendus en forme d'étoiles , & femblables aux pétales d'une petite
fleur blanche , qui fe détachent fi;r un fond rouge.
On verra au mot polype d'eau douce la manière de fe nourrir pde
croître , de fe multiplier de ces vers-infeâies , qui vraifemblablement
eft la même que celle des polypes de mer , fuivant les Obferva-
tions de M. ElUs. La réunion de ces deux articles donnera l'hiftoire
de ces fingulieres productions de la nature. On va confidérer lés*
diverfes efpeces de corallines.
Corallims véjiculeufts. Ces corallines fe diftinguent par leur fubf-
tance , qui approche de celle de la corne , & par des branchages j,.
qui font autant de tuyaux , difpofés de façon qu'ils femblent former
ime très- jolie plante. La plupart de ces corallines ont leurs branches
dentelées , comme les feuilles des mouifes. Dans certains temps de
l'année on les trouve chargées de petits corps , qui , vus au mi-
crofcope , paroilfent comme autant de viftculcs. Quelques Auteurs,
faute d'avoir examiné ces corallines animées dans les eaux de la mer ,
avoient pris ces véiicules pour des ampoules flottantes qui foutc-
noient les corallines lur l'eau , femblables en cela à celles de X'aciniaire
& du chêne de mer. Les Obfervations de M. Ell'is lui ont appris que-
ces vè'cuLs font les matrices ou habitations de jeunes polypes, quji
fortent du corps de leur mère , comme ceux d'eau douce, avec cette
différence , que les corps des polypes marins font à l'abri fous cette
couverture vèJicuUuft. Lorfque le jeune polype a pris un 'certain
accroifîement , le fommet àQÏ^véJicuU commence à s'ouvrir; l'animal^;
-■jf
3 20 COR
s'avance en dehors ; & déployant Tes bras , cherche de tous côtes
fa nourriture ; au moindre mouvement il fe contrade & fe retire au
fond de fa véficule , qui fe referme en même temps. La forme des
véficules varie dans différentes efpeces de corallines. Il y en a
quelques-unes dont les véficules ont un petit couvercle élaftique ,
qui en ferme l'entrée aufli-tôt que l'animal s'efl retiré au fond.
Lorfque les polypes ont acquis un certain degré de force , les vé-
ficules fe détachent comme les pétales des fleurs.
Parmi ces corallines véficuleufes , il y en a d'une très-jolie forme.
L'une , que l'on nomme la queue d'écureuil , forme un jet droit ,
garnie d'une touffe épaiffe de branches placées en fpirale comme
fur le pas d'une vis , & qui environnent la tige depuis fon fommet
jufqu'à la racine. Les véficules d'une autre efpece , groflîes au microf-
cope, ont la figure d'une fleur de lis ou d'une pomme de grenade qui
commence à s'ouvrir î ce qui lui en fait donner le nom. Une autre
efpece , qui eft très-rare, & qui croît à la hauteur de dix à douze
pouces 5 a mérité par fa forme élégante le nom de queue de faifan.
Les articulations de la coralline que l'on nomme fil de mer , & qui
. fe trouve fur les côtes d'Angleterre , font formées d'une matière
. élaftjque ; ce qui les rend très-propres à réfifter à la violence des
vagues. Ses véficules , placées fur des pédicules faits en forme de
vis 5 cèdent aifément à l'effort des ondes fans en être endommagées.
Le tamaris de mer , le fapiri de mer , l'antenne d'écrevijfe ou tarhe de
mer , les corallines à lendcs & à coffes , font aufli des corallines
■yéficuleufes,
Corallines tuhuleufes. La fubflance de ces corallines eft de corne
élaflique ; ce font de fimples tubes qui croiffent appliqués les uns
aux autres ; ces corallines font garnies de branches , mais elles n'ont
point de véficules. Il y a des corallines qui reffemblent à des tuyaux
de paille d'avoine longs de cinq à fix pouces ; c'eft à leur fommet
que fe trouvent les polypes oinés de crêtes garnies de plumes. Il
y en a dont les polypes font d'un rouge cramoifi le plus éclatant.
On peut regarder cette efpece de coralline comme la plus fimple
de toutes, & en partant de celle-là, fuivre toutes les autres, à
travers la variété infinie de leurs formes , 2c remonter jufqu'à la
plus parfaite de tout^ l'efpece.
.On pçut remarquer que les polyves de mer , deftinés par la nature
à
COR 521
à vivre dans le (ein des flots agités , &: au milieu d'un peuple d'en-
nemis de tout ordre , ont été pourvus de ce qui étoit nécefTaire à
leur confervation. Ils font fixés par leur bafe fur des corps folides >
& armés d'une enveloppe d'une matière dure ou femblable à de la
Corne ; précaution inutile pour les polypes d'eau douce , qui vivent
dans les eaux tranquilles des étangs & des fofles.
Corallines cellukufcs. La fubftance de ces corallines eft cruftacée,
caflante & tranfparente : groflies au micro fcope , elles paroifTent
toutes couvertes de petites cellules très-minces , oii logent de petits
animaux joints enfemble. M. Ellis s'eft affuré , par plufieurs ob-
fervations , que dans cette efpece il y en a qui fe métamorphofent
en corps teftacées de la forme des limaçons ou des nérites ; mais
ils reftent attachés à leurs cellules par un ligament ombilical, jufqu'à
ce qu'ils puiiïènt pourvoir eux-mêmes à leur fubfîftance. On peut
penfer qu'ils fe multiplient en répandant leur frai par toute la co-
ralline. Il y a aufli , dans cette clafiTe , beaucoup de variétés potir
les formes. Il y a la rampante , la coralUnc à cils , celle à touffe
Côulîur d'ivoire,
Corallines articulées. Cqs corallines font formées d'une matière
pierreufe ou crétacée & caffante , dont la furface eft couvert^de
cellules de polypes. Les articulations de ces corallines font unies
l'une à l'autre par une membrane rude & pliante , faite d'une
infinité de petits tubes de la même nature & joints étroitement enfemble.
Comme ces tubes font très - plians dans l'eau , ils cèdent fans fe
rompre à l'agitation des flots. Lorfqu'on met ces corallines dans le
vinaigre , l'acide diflbut la matière crétacée , & laiflTe en entier
l'autre partie , qui forme non-feulement les ligamens des articulations
pierreufes , mais qui fert encore de fondement aux cellules de ces
articulations. Les corallines^ de ces efpeces font delà forme la plus
élégante. Il y en a de blanches , de rouges , de vertes & de cendrées ;
on diftingue la bugU coralUne , la commune ou blanche des Apo-
thicaires, la coralline rouge , le pinceau marin, &c. çlles ont toutes
de commun , que lorfqu'on les laiffe expofées à l'air & au foleil ,
«lies deviennent blanches.
Les corallines articulées de nos climats font fi denfes , & leur
furface eft fi unie qu'on peut à peine en découvrir les pores à l'aide
du microfcope. Celles des climats plus chauds font généralement
Tome //, S s
522 COR
d'un tilTu plus lâche : les cellules & les tubes , qui unifTent les arti-
culations , fe voient à l'œil fimple. Lorfque la matière crétacée eft
diiToute , on apperçoit les petits tubes qui répondent à la furface
des articulations , où ils font terminés en petites coupes , qui ,
jointes enfemble par les côtés , repréfentent au naturel les gâteaux
des abeilles. Le fommet de chacune de ces coupes répond à un
pore de la furface crétacée.
Lïthophyus ou faux Coraux,
Lïthophytes ou kératophytes. Noms différens que Ton donne à l'ou-
vrage d'efpeces de polypes branchus , de la nature de l'ortie de mer^
Les lithophytes, au premier coup d'œil, paroiffent confifter en une
fubftance qui ti^nt en partie de la nature du bois ou de la corne, &
en partie de celle de la pierre : ce qui les a fait appeîler par (\mq\'
quQS-uns faajjes planus mannes. On y obferve, comme dans les coraux
lin tronc, des tiges, des ramifications qui font tellement entrelacées
dans certaines efpeces , qu'elles ont la forme d'un filet : cette diverfité
de formes leur a fait donner aufïl les noms (^éventail de. mer , de
plumes de mer , de cyprès marin , & autres noms analogues à leur forme.
Les rarneaux principaux des lithophytes paroiflent tous compofés
de fibres longitudinales , étroitement ferrées les unes contre les
autres ; la même organifation fe retrouve jufque dans les plus
petites ramifications qui font flexibles. Lorfqu'on en coupe tranf-
verfalement un tronc principal , on obferve que tous ces tubes font
placés en rond autour du centre du tronc, à peu près de même que
les anneaux circulaires qui fe forment dans le bois. Cette fubftance,
qui n'eft pas fi dure que le corail , eft flexible & paroît tenir de la
nature de la corne : elle en donne Todeur lorfqu^on la brûle , ce qu'on
doit fans doute regarder comme une des meilleures preuves que c'eft
une matière animale. Toute la furface du tronc & des branches eft
recouverte d'une efpece d'écorce celluleufe & friable, qui varie beau-
coup , foit pour la forme, foit pour Tépaiffeur. Ces cellules qui font
la demeure des polypes, font fouvent ornées des plus belles couleurs»
jaune, violet, rouge, gris, &c. Les liihophytes reffemblent donc au
corail , tant dans leur tiffu , que dans les principes animaux que la
chimie en retire ; la différence eft , en ce que les tubes du corail fe
changent en une matière pierreufej & ceux de l'autre 5 en une
•T
COR 325
matière cornée, deîa nature de celle qui eft connue communément fous
îe nom de baleine. Du refte , c'eft la même organifation , & on voit
que ces corps font peu éloignés l'un de l'autre dans la grande échelle
de la nature. Voyc:^ Corail,
• Il eft bon d'obferver que les tubes longitudinaux des lithophytes &
des coraux, ne font point unis par des fibres ou tuyaux , latéraux comme
les vaifTeaux longitudinaux du bois; d'où il paroît que leur grande
adhérence vient de la vifcofîté que répandent les polypes. On remar-
que que les lithophytes des climats les plus chauds , ceux des Indes
occidentales, font même beaucoup plus durs que le bois; telle eft:
l'efpece appellée improprem.ent corail noir , corail anthipates , & qui n'eft
qu'un kératophyte ou lithophyte noir, dont les rameaux font plus ou
moins nombreux, ronds ou aplatis , droits ou tortueux. Ce lithophyte
eft creux intérieurement , formé en couches, lifle & luifant en fa Juper-
ficie, nullement diffoluble dans les acides, brûlant très-bien .fans
laifler de cendres comme les végétaux , mais feulement une matière
charbonneufe très-friable, comme delà corne brûlée; on en ren-
contre beaucoup près de Malthe & près de l'île d'Amboine. 11 n'eft
pas rare d'en pêcher de couleur olivâtre près de Corfou dans la
Méditerranée.
On trouve fur les côtes de Norwege les plus beaux lithophytes ,
on en a vu qui avoient jufqu à feize pieds de haut. Leur empâtement
fur les corps pierreux, eft femblable à celui du corail, c'eft à-dire,
que leur bafe n'eft ni chevelue ni fibreufe comme dans les végétaux,
mais le plus fouvent étendue en matière de plaque ou de feuillet,
qui , par fa furface aftez large , comme garnie de fuçoirs mucilagineux
& infinués foiblement dans les pores de leur foutien , embraffe forte-
ment les corps fur lefquels ils ont pris naiifance. On diroit quelque-
fois que cette plaque eft un amas de cordons collés fur la furface
des cailloux ou des rochers qu'ils embrafTent , ou qui leur fervent de
bafe & de point d'appui.
Efcarres*
Escarres , efcharra. Autres efpeces de polypiers , les uns font de
fubftance molle, les autres font durs; ceux-ci appartiennent propre-
ment à la claffe des millepores. Les autres polypiers qui font quelque-
fois d'une fubftance cornée , ont une très-grande reifemblance avec
. S s 2
3 24 C O R
les feuilles de moufles de mer ou plantes nommées par les Botanifîes
fucus. Leur caradere diftindif confîfte en ce que les petites cellules ,
dont leur furface eft parfemée, reflemblent par leur arrangement à une
toile fur le métier.
On obferve que dans ces efcarres , les rangs des cellules fortent de petits
tubes qui s'uniflent enfemble & forment une forte de tige , qui en s'élevant
fe partage en feuilles étroites, dont les cellules font difpofées comme
des rayons de miel. Ces efpeces de produdions à polypiers, lorfqu'on
les retire de la mer , font d'un tiflu mou & fpongieux : elles répan-
dent une forte odeur de poiflbn ; mais lorfqu'elles font deflechées ,
elles deviennent femblables à de la corne ou à de certaines feuilles
fanées.
Il y a aufïî de ces polypes qui environnent quelques /«cz/i, & les
enveloppent avec leurs cellules, fucus telam lincamve nfcrens ; mais il
ne faut point les confondre entièrement avec les efcarres pîerreufes &
les kiratophytes,
Ceft dans le cabinet du Jardin du Pvoi , qu'on a occafion d'admirer
toute la richefle de la nature dans la variété des produdions à polypiers.
Quelle diverfité n'obferve-t-on pas dans les formes, dans les organi-
fations ! quelle finefle dans le rétépore dentelle ! quelle forme fïnguliere
dans le chou de mer ! Ceft dans cette même colledion , & dans une
infinité d'autres, qu'on voit ces domiciles de vers dont nous avons
parlé, ainfi que ceux que nous aurons occafion de citer en exemple ,
& une multitude d'autres fous des noms appropriés à leur forme ou
à leur organifation , tels que Vafîroke cerveau & autres. Foyei ces
mots.
Eponges.
Épo'biGE , /pongia. Subffance légère, grisâtre ou jaunâtre, molle
& cependant élaftique, très-poreufe , qui s'imbibe d'une grande quantité
d'eau à proportion de fon volume. On avoit penfé, même avant
Ariftote , qui avoit rejeté cette idée, que ces corps étoient fufcepti-
bles de fentiment. On fut fans doute conduit à cette penfée par une
forte d'expérience. Les éponges étant le domicile de polypes ou d'ani-
malcules d'un ordre particulier , on ne peut pas douter que tant de
milliers de petits animaux qui fe retirent fubitement & tous à la fois
dans leurs cellules , ne faflent éprouver à la main qui veut arracher
toute la colonie , une réfiftance d'une nature bien dififérente de l'im-:
preffion eue feroit fur elle un corps inanimé,
COR 32;
Les éponges font des polypiers compofés de plufieurs fibres qui
s'entrelaçant les unes dans les autres , s'unifient & forment une efpece
de réfeau percé de tubes plus ou moins larges & profonds. Ces tubes
qui paroiflent remplis d'une fubftance molle & blanchâtre, forment
par leurs différentes inflexions des figures très-variées. La ftru(5ture
organique des éponges n'a pas encore été étudiée autant qu'elle pour-
roit l'être; c'eft aux Obfervateurs des bords de la mer à nous en
inftruire. On trouve des éponges qui reffemblent à des ruches à miel;
d'autres à des entonnoirs , à un éventail, à une crofTe, à une calote, à
un mortier, à un manchon, à une mitre d'Evêque, à un chapeau,
à un turban, à un bonnet. Il y en a une efpece qui eft ordinairement
longue de quinze à dix-huit pouces, comprimée, à côtés garnis de
petits trous : la partie fupérieure eft percée d'une fuite de trous larges
& profonds , rangés fur une même ligne , qui lui ont fait donner le
nom de fiute de Pan» Une autre efpece d'épongé très-finguliere & que
l'on appelle Iq priapc de Neptune, eft en forme de colonne de couleur
rouffe, à fibres rudes, ferrées & affez folides , parfemée en toute fa
circonférence de grandes cavités irrégulieres, & creufée ou percée
dans toute fa longueur d'un ou de deux grands trous cylindriques ,
qui ne font communément ouverts que par un bout. Quand plufieurs
gros tuyaux fe trouvent placés l'un près de l'autre , on les appelle
tuyaux d'orgue.
L'efpece connue fous le nom de cierge, eft en colonne pyramidale.
Il y a une éponge dont letiffu eft femblable à la mie de pain , de forme
ovale, comprimée, avec une efpece d'empâtement circulaire. On
l'appelle le gobelet de Neptune,
L'efpece qui eft renflée par fa bafe, & digitée au fommet, porte
le nom de gant de Neptune ; celle qui a la forme d'un cornet , eft
appeîlée trompette de mer. Le tilTu en eft mince & remarquable par
quantité de petits trous cyfindriques. Enfin il y a àos éponges qui
portent le nom des fubftanccs organifées qu'elles imitent. Il y a V éponge
opuntia ; elle eft en feuilles très-épaiffes & arrondies. U agaric de mer', fes
feuilles font minces & découpées. U éponge ourjin ; les pointes dont
elle eft hériflee , & qui la traverfent de part en part , font liées les
unes aux autres par des fils épars , minces & très-déliés. Uépange
morille a une grande reffemblance avec ce végétal. Uéponge corne de
daim eft palmée & digitée: fa couleur eft d'un brun obfcur.
s 2^ COR
La plupart des éponges fe trouvent dans la Méditerranée : on en
pêche beaucoup du côté des Mes de l'Archipel & de Samos , où il
y a de bons plongeurs pour cela, & où, félon M. de Toumefon , on
ne marie guère les garçons qu'ils ne puifTent plonger fous l'eau au
moins à huit brades de profondeur, pour détacher les éponges fixées
aux rochers.
On retire des éponges, parla Chimie, le même produit animal;
que des coraux 8c des coraU'ines ; ce qui prouve bien encore leur origine
animale.
Les éponges fines différent de celles que l'on nomme ^rojfes éponges
ou éponges desfrotteurs , parce que leur tiffu eft plus ferré , & que leurs
pores font plus étroits. Les meilleures & les plus fines ont une teinte
de^gris cendré. La préparation des éponges confifte à les faire macérer
dans l'eau douce pour les dépouiller de leur odeur marine: les
parfumeurs les font encore baigner à diverfes reprifes dans l'eau rofe ,
ou de fleurs d'oranges, &c. On les fait fécher autant de fois; enfin on
les arrofe d'un petit filet d'effence d'ambre. Ces fortes d'épongés ont
alors ime odeur agréable quand on fe lave.
Alcyons,
Alcyon , alcyon'mm. Ce font des produdons marines , qu'on n'a
encore pu rapporter à aucune autre claffe. Elles font principalement
deftinées à fervir de nids & de matrices à des animaux de mer ; telle
e{k la figue de mer, qui, lorfqu'on l'ouvre, fait voir une multitude de
petites particules jaunâtres , & qui contient une grande quantité de
petits polypes. Les alcyons varient beaucoup dans leur forme & dans
leur fubftance : il y en a de fpongieux , & d'autres qui paroiffent
charnus. Ils ont aulîi différentes fortes d'enveloppes ; les uns ont
une peau graveleufe , d'autres coriace , d'autres calleufe , d'autres friable ;
les uns reffemblent à des fruits ou à d'autres corps. Il y a la poire
de mer , le guêpier de mer , le chardon de mer , la vefie de loup de mer*
On met aulîi au rang des alcyons le raijîn ou làfavonnette de mer,
production marine , ainfî nommée de fa forme , & parce que les
matelots en font ufage pour fe laver les mains en guife de favon.
Elleefl compofée de petites veffiesde la groffeur d'un pois ou d'un grain
de raifm, jaunes, rondes , appliquées enfemble en forme de boules. Ces
vefTies font-elles le frai ou les ovaires du buccin commun? Chacune d'elle?
cor: 127
contient plufieurs embryons de petits coquillages qui , lorfqu'ils gran-
diflènt 5 forcent une porte en forme de valvule qui efl à la veflîe, & vont
vivre au milieu des eaux. Le frai ou les ovaires du buccin de la
Virginie , ont la forme des coquillages nommés patelles , qui feroient
enfilés comme un chapelet ; chacune des véficules efl: pourvue d'une
valvule qui met les jeunes coquillages à l'abri de tout danger, &
leur permet de fortir lorfqu'ils font alfez forts.
Les alcyons faits en forme de petites coupes portées fur des pédi-
cules , renferment quelquefois des œufs ; dans d'autres , on a dé-
couvert de petits pétoncUs très-bien formés. Peut-être pourra-t-on
y découvrir par la fuite de petits polypes comme dans lafgue de mer.
Scolopendre de mer , qui confirme des Coraux tuhuleux , ou plutôt des
efpeces de Tubulaires. ^
Les polypes ne font pas les feuls vers qui conflruifent des efpeces
de coraux & des corallïms tubuleiifcs. On trouve fouvent fur les
bords de la mer , auprès de Dieppe , après la marée , des malTes
de couleur de fable foncé, organifées d'un tiflli caflant & poreux.
Nous en avons trouvé des quantités innombrables fur la grevé de
Scheveling près de la Haye , en Hollande. La maflTe fablonneiife
repréfente de petits entonnoirs un peu aplatis , placés obliquement
les uns fur les autres ; ces couvertures fe terminent en dedans par
de petits tubes qui font le domicile de l'animal. On remarque fur
la plupart des cellules un petit couvercle de fable que les animaux
forment vraifemblablement pour leur propre fureté & pour leur
défenfe , lorlque quittant la partie ouverte de l'entonnoir , ils fe
retirent dans leur tuyau. Ces tubes ont un certain rapport avec
une efpece de vermijjeaux de mer. Voyez ce mot & celui àlAmatotc,
L'animal qui habite ces coraux tubuleux , eft une efpece de fco-
lopendre , qui relTemble à une fangfue étendue & aplatie : fa tête efl
garnie de trois rangs ovales de plumes plates, c'efl-à-dire , de filets
fermes , que l'animal agite à fon gré pour attirer la nourriture dans
fa bouche.
Pour fervir de récapitulation à ce que nous avons dit fur les
coraux, les efcarres , les Ikhophytes ou kératophytes , les alcyons, les
corallines , & autres produdions à polypiers de cette nature , telles
que les madrépores , nous ajouterons les remarques que nous avons
3 2S COR
eu occafion de faire à ce fujet en vifitant les difFérens parages des
mers de l'Europe. Sans prétendre rien ajouter aux découvertes de
MM. Trcmblcy ^ Peyjfond , Ellls , Donatl, Réaumur & Bernard de
Juffîeu , nous attribuons aux petits polypes marins , avec ces Phi-
lofophes , l'origine des produdions dont il eft queftion. La répétition
de leurs expériences , qui nous a réuffi , eft moins la preuve de notre
aflertion , que l'autorité de ces favans Naturaliftes. Que penfsr de
l'opinion de quelques Modernes qui, pour fe ranger du parti de
Tournefon , & faii'e végéter , avec ce Botanifte , tous les corps
pierreux , difent que les coraux font des plantes cryptogames ,
c'eft-à-dire , de l'ordre des plantes qui cachent leurs fleurs dans leurs
fçuilles ou leurs fruits ? Qui pourroit admettre aujourd'hui cette forte
defyftême, puifqu'on ne trouve point de feuilles dans les efpeces
de>^eoraux , ni de fruits dans les madrépores, ni déracines traçantes
dans les lithophytes.
Les polypes marins , dont l'extrémité des branches de corail fe
trouve remplie dans la mer , & qui ont été autrefois regardés par
M. de Marjigli comme des fleurs , font donc des animaux qui laiflent
iippercevoir des mouvemens & une apparence de vie , de qui font
j:;apables d'avoir produit le corail. Ce qui avoit été pris pour des
graines ne font que les oeufs de ces animaux. La feule difficulté
qui nous refte à expliquer , c'eft la manière dont ces animaux
ont formé un corps dur & roide , organifé , quelquefois perforé ,
jquelquefois fans apparence de pores , & difpofé en branches ou
rameaux à la manière des végétaux. Comment l'animal a-t-il pu
pénétrer à volonté , fortir , habiter dans l'intérieur des branches ou
entre l'écorce & la fubfl:ance du corail? Tels font les problèmes que
jious allons tâcher de réfoudre.
On fait que ces polypes de mer font des vers qui vivent en manière de
république : ils fe pratiquent chacun une cellule qui s'obftrue bientôt
par une abondance de matière gélatineufe , plus ou moins empreinte
de fubftance calcaire , qui exude de leur corps , de la même manière
que le limaçon laifle fortir de fon collier la fubfliarxe nécelTaire à
l'augmentation de fa coquille. La feule différence efl: que le limaçon
travaille à augmenter la capacité de fa m.aifon pour fe couvrir;
au lieu que les polypes - étant des animaux très - petits , prefqu im-
perceptibles a- foibles ,; n'abandonnent leur première demeure, que
quand
quand elle eS: prefque pleine. Ils jettent les fondatipns d'une
deuxième fur la première , & bâtiflent ainfi de fuite. L'ouvrage
fe continue toujours par y«A:^^-/7o/?^io/z , & non par intus fufcspdon ,
comme dans les végétaux. L'extrême multiplication par les côtés ,
& l'efpece de palingénéfie dont ces petits animaux polypiers font
fufceptibles , obligent les derniers venus ou reproduits , qui ont
befoin d'un efpace pour pouvoir faire les mouvemens néceflaires à
leur vie & à leur confervation , à s'éloigner, à s'étendre , & par
ce moyen former latéralement de petites colonies : voilà ce qui
produit les branches dans les coraux , les madrépores , &c. & leur
donne extérieurement le port de plantes garnies de l'=»urs rameaux.
Ceci explique aulli comment de fi petits animaux forment des m.iifes
aulîî grandes , aulîl groiTes & aufli étendues. Le trop grand nombre
d'habitans détermine les deux tiers d'entr'eux à fe diipjrfer ailleurs,
à form.er de nouveaux travaux ; il en relie feulement quelques-uns
qui prolongent l'édifice ou la tige primitive. Ces polypes font diffé-
rens d'une autre efpece , parafite ou iin:ple locataire , laquelle
habite quelquefois fous l'efpece d'écorce qui recouvre le corail &:
tant d'autres coi-ps marins. Elle en fort quand elle veut : on apper-
çoit fes cellules en manière de proéminences. Voilà fans doute l'efpece
d'animaux qui aura induit en erreur quelques perfonnes , & qui
leur aura fait foupçonner que tous les polypes qu'on découvre fur
les coraux & les madrépores , n'y font pas plus néceflaires que les
Bernards ÛHcrmius , qui vont fe nicher dans les coquilles vides des
limaçons ou des buccins.
Une des ôbjedions les plus importantes qu'on m'ait faites , c'eft
de demander fi le corail dont on auroit ôté l'écorce & féparé le
pied , ou détaché l'empâtement , pouvoit vivre , parce que c'eft
le feul moyen de favoir s'ils font néceffaires à cette prétendue plante ,
& jufqu'où elle eft redevable de fa formation aux polypes ? Voici
ma réponfe. Il eft connu par les différentes pêches du corail roug&
dans la Méditerranée , & du corail blanc dans la mer Baltique ,
qu'on retire fouvent ces corps fans écorce , féparés depuis long-temps
de leur pied ou de leur empâtement , & auxquels on trouve des
polypes encore adhérens ; ainfi le pied ne fert que de bafe & d'appui
au corail fixé , & l'écorce me paroît fouvent étrangère & inutile
aux divers coraux ; car il y en a qui n'eft pas même l'ouvrage des
Tome II, . . T t
^ 3 o COR
polypes. Ce n'eft quelquefois qu'une forte de 'tartre marin Se
limoneux ; il n* a pas les mêmes propriétés du corail : celui - ci eft
calcaire ; Tenveloppe au contraire eft inattaquable aux acides ; elle
ne fait que s'y amollir comme dans tous les fluides ; en un mot, elle
me paroît diflFérer abfolument des titano-kératophytes , autres efpeces
d'écorces formées d'un amas immenfe de petits polypes morts & def^
féchés à l'entrée de leurs cellules , & qui recouvrent certaines efpeces
de lithophytes , ou ce ne font que des peaux , des membranes ex-
térieures formées par la réunion d'efpeces de tuyaux membraneux
dans lefquels les polypes font renfermés , & qui font partie de leur
corps. Les prétendues racines ne font , comme nous l'avons dit
ci-defîus, qu'une efpece d'empâtement fourni par la maffe de ces
animaux qui fe font trouvés réunis dès la fortie de l'amas d'ceufs.
Tolitès les mers ne contiennerit pas également des productions à
polypier. Les coraux ne fe trouvent guère que dans la Méditerranée ;
celles qui bordent certaines Contrées de l'Amérique , font fertiles
en difiérens madrépores ; quantité de baies des Indes Orientales ne
font pas moins riches en polypiers des plus beaux. L'Océan qui
baigne les côtes de la France , & les mers du Nord n'offrent guère
que -des corallines & des lithophytes en petit nombre & peu variés.
Comme la mer a autrefois recouvert la terre , de-là vient que cer-;
tains cantons de la terre font remplis de madrépores , &c. tandis
que d'autres n'en offrent point ou très-peu. Si l'on examine la caufe
qui fait rencontrer plus de polypiers vivans dans les mers des deux
Indes qu'ailleurs , on verra que la nature des rochers , des plages ,
la température qui convient à ces polypes & à ce qui leur fert de
nourriture , tout les invite à fe fixer & à bâtir dans les régions
marines qui font plus tranquilles.
Voici une autre objedion plus forte encore contre le fyflême
qui établit les corallines , les éponges , les alcyons , les efcarres ,
&c. comme produdions à polypiers : c'eft qu'il ne feroit pas pollible,
dit-on 3 que tantôt une même coralline fût l'ouvrage uniforme de
différentes efpeces de polypes , & tantôt que la même efpece de
polypes conftruisît des corallines de formes différentes ; car on trouve
en effet les mêmes fortes de polypes fur des efpeces de corallines
qui fe refTemblent très- peu. Je dirai, pour répondre à cette ob:
)e<5tion , que dans le nombre é^i cinquante-trois fortes de corallines
COR 531
dont M. Ellls a parlé dans Ton EiTai , il y en a qui font foavent
habitées & vifitées par plufîeurs polypes vagabonds , qui ne partici-
pent point au travail qui fe fait dans ces corallines qu'ils ne font que
vifiter ; mais qui deviennent, au contraire , habiles ouvriers dans
leurs travaux propres. Par exemple , les polypes des corallines à
collkr , ceux de la main de mer paroiflent les mêmes ; ces premiers
ont cependant un plus grand nombre de bras ou rayons, & un plus
grand nombre de griffes que les autres. Si leurs habitations font
aflez voifines les unes des autres , comme il fe rencontre très-
fouvent , les polypes de la coralline à collier , d'ailleurs très-adifs ,
venant à fortir de leurs cellules, & à vifiter celles de leurs voifins,
y demeurent fans y travailler ; ceux de la main de mer en font de
même à Tégard de la coralline à collier ; il en efl: fans doute de
même pour les autres ^corallines fenulaires (à articulations aplaties).
Il n'y a donc rien d'étrange d'admettre , pour la conflrudion des ,,,
coraux, des madrépores, &c. que les polypes n'ont pas befoin de
faire un feul corps avec ces matières. Si quelques-uns, comme je le
viens d'expofer , font domiciliés & fixés , les autres font vagabonds ,
& ne tiennent nullement à leur domicile. Les polypes , inftrument
des produdions dont nous venons de faire mention , bâtiffent lé. plus
fouvent en contre-bas. Chacune de ces différentes produélions a eu
fon efpece particulière^ d'ouvriers : le corail eft donc l'ouvrage d'une
feule & même famille , & le corail n'eft en ce fens qu'un affemblage
de cellules bâties par ces petits animaux. L'ouvrage eft aux polypes ,
ce que le guêpier eft aux guêpes : tel bâtit à réfeau , ou à filet, ou à
mailles; un autre à cellules rondes ou hémifphériques , ou en ftel-
loïdes , ou en feuillets , ou à petits trous fymétriques , ou en enton-
noir; pour cela chaque polype a une manière de fe placer : celui
des champignons de mer s'arrange horizontalement : ceux du cerveau
marin prennent des direélions finueufes & contournées , &c. De -là
la différence de configuration dans les travaux des divers polypes.
Doit-on être étonné de trouver dans la mer le bout des coraux encore
mous , puifque ces bouts font le dernier période du travail des
polypes & le prolongement d'un corps qui s'accroît fort vite , oc
qui ne prend de dureté & de confiftance qu'à mefure que les polypes
vieilliffent , & font nécelîités d'ajouter à la fouche de leurs alvéoles
ou habitations au moyen des générations fucceiTives. La charpente
. Tt 2
s 32 cor:
organique en efl: d^ibord mucilagineufe , bientôt cartUagineufe , &
enfin étayée , confolidée par les parties calcaires , mais qu'on peut
défunir par l'adminiflration de l'acide nitreux affoibli : c'efl: alors qu'on
ne peut voir , fans admiration , tout cet ouvrage organifé à mailles,
devenir fufceptible d'être plié & chiffonné en tous fens , & conferver
cependant toute fa régularité. Ce qui vient d'être dit , peut, jufqu'à
certain point, s'appliquer à la formation & à la nature dei coquilles,
des perles , peut-être à la coquille de Tœuf, des os , & à la bizarre
conPirudion du corail articulé noueux , qui femble en quelque forte
formé , tantôt par le polype du corail , & tantôt par celui du litho-
phyte , comme fi chacun de ces animaux devoit enter l'un fur l'autre
refpedivement leur ouvrage, &c. ouvrage dont chaque articulation
ou ajineau n'eft peut-être dû qu'à chacune des générations fucceQîves.
Cette forte de corail eft ou blanc, & fe trouve communément fur
les parages de la Jamaïque, &:c. ou rouge, & fe rencontre ab on-;
damm.ent dans les grandes Indes.
Il n'y a que les lithophytes ou kératophytes , les éponges , quelques
coraîlines qui ne produifent pas fenlîblement d'effjrvefcence avec les
acides, comme ne contenant que peu ou point de parties calcaires.
D'ailleurs leur fubftance convient avec la matière mollaffe & carti-
lagineufe des madrépores : elle brûle également comme de la corne,
en exhalant une odeur fétide urineufe , en un mot, une odeur de
plumes ou de baleines brûlées.
CORALLÏNITES. Genre de polypites finement branchus &
ramifiés ; ce font des coraîlines devenues foffiles. Elles font rares.
CORALLITES. Ce font les coraux devenus fofliles. On en trouve
d'articulés dans les environs de Meiïine. Les coraux devenus foffiles
n'ont plus la même couleur qu'ils avoient dans la mer.
CORALLOIDES. On donne ce nom à des produélions en forme
d'arbrifleau qui fe trouvent dans la mer contre les rochers, & qui
font plus ou moins dures : elles différent en grandeur , en couleur
& en figure : elles font toujours étendues en branches & fans trous ,
comme les coraux & les madrépores , mais quelquefois ftriées. Voy.
Corail & Madrépore. On trouve beaucoup de coralloïdes foffiles',
elles différent peu des coralUtes. Quelques Botaniftes ont donné le nom
de coralloïdes à quelques efpeces de lichens branchus & à des plantes
rameufes de la famille des champignons.
COR 333
CORBEAU , corvus aut corax, Oifeau de moyenne grandeur ,
gros comme un chapon , & connu parmi le peuple fous le nom de
colas. Il a le bec robufte , gros , pointu , un peu voûté & très-noir ;
les narines entourées de poil , la langue large & fendue ; tout le
corps noir , avec une certaine couleur bleue luifante , qui fe remarque
fur - tout à la queue & aux ailes ; le ventre tirant fur le brun ; le
milieu du dos revêtu feulement de duvet ; les ailes & la queue
longues ; les ongles crochus , grands , principalement ceux de der-
rière ; le pied écailieux & noirâtre.
Cet oifeau pouffe un croalîement épouvantable : il a le gofier dilaté
au-deflbus du bec ; ce qui forme une poche , dans laquelle il porte
fa nourriture. Il vit très -long -temps, mange de tout, grains, in-
fedes, charognes de quadrupèdes, de poiffons , d'oiieaux : il prend
même des oifeaux vivans dans les baffe-cours , à la manière des oi-
feaux de proie. Le jeune corbeau fe peut apprivoifer & dreffer pour
la fauconnerie : on lui apprend à parler. Le corbeau fe rencontre
par tout pays : il eft hardi , rufé & doué d'un odorat exquis ; il ne
craint ni le froid , ni le chaud. Cet oifeau efl naturellement voleur;
& l'efpece fe multiplie beaucoup. Il fait fon nid dans les forêts épaif-
fes , fur les arbres les plus élevés , ou dans de vieilles tours , au com-
mencement de Mars; les femelles pondent quatre, cinq & jufqu'à fîx
œufs , qui font d'un vert pâle , tirant fur le bleu , tachetés de raies
noirâtres : les petits s'appellent corbillards. Le .mâle fidèle marque un
grand amour pour la femelle : il prend foin de la nourrir & de l'en-
graifîer dans le temps de l'incubation ; ils fe carefTent mutuelle-
ment bec à bec , comme font les pigeons avant de s'accoupler.
En Angleterre il eft défendu de faire aucune violence au corbeau,
parce qu'il mange les charognes terrestres & des rivages ^ qui pour-
roient empuantir l'air. On le refpecle auffi en Suéde. Il eft très-eflimé
dans les Indes. Mais en revanche dans l'île de Féroë, où il eft de
tous les oifeaux de proie le plus redoutable aux brebis , on lui
fait la chaffe ; fa tête eft à prix ; il eft d'ufage qu'à certain jour de
l'année , chaque habitant apporte à la Chambre de Juftice un bec de
corbeau. On fait un monceau de tous ces becs ; on y en fait un feu
de joie ; & il y a amende pour ceux qui ne fourniffent pas leur
contingent. Les corbeaux multiplient efïeâivement beaucoup dans les
déferts & fur les rochers de flflande : on y en voit quelquefois de
j 3 4 COR
tout blancs. Ces terribles oifcaux fe jettent impitoyablement fur les
petits agneaux ; à, après leur avoir crevé les yeux , pour les empê-
cher de fe fauver , fouvent ils les ont mangés avant que les Payfans,
qui font toujours au guet , foient arrivés au fecours : s'ils arrivent
allez tôt pour chafTer le corbeau , l'agneau n'en eft pas moins aveuglé»
& comme dans cet état il ne fauroit trouver fa nourriture , ils le
tuent & l'écorchent fur le champ. C'eft de - là que viennent ces four-
rures ou petites peaux douces qu'on trafique eaDannemarck& dans le
pays de Holftein , fous le nom de fma-asken , & qui font beaucoup
en vogue parmi les gens du médiocre état. En France , les Gardes-
chafle ont grand foin de couper les pattes des corbeaux qu'ils tuent ,
pour les préfenter aux Seigneurs , qui leur donnent une petite ré-
compenfe.
Le corbeau a pour ennemi le milan : fon vol eft pefant. Par-tout "
où le corbeau eft établi , la corneille ni les oifeaux de fon efpece n'y
peuvent prétendre aucune poileffion ; cependant ils fe réuniffent pour
ia défenfe commune. S'ils voient tomber un de leurs camarades , ils
volent autour de lui , en croaflant , reviennent vers le Chafleur , pref-
que fur fon fufil , femblent le menacer , & ne refpirent que ven-
geance. Les pennes du corbeau fervent à faire des touches pour frap-
per les cordes des épinettes , des clavecins , & aux Artilliers pour
empenner les traits. Sa chair a un goût de venaifon qui n'eft pas
agréable ; les feuls pauvres gens en mangent : on prétend que les
petits calcinés au fortir du nid , produifent un excellent fpécifique
pour le mal caduc.
Il y a plufieurs fortes d'oifeaux appelles corbeaux , dont parlent
les Naturaliftes : favoir, le corbeau à collier , qu'on foupçonne être
une efpece de vautour , ou plutôt une efpece de choucas. Voyez ces
mots. Le corbeau huppé , dont les griffes font très-fortes , & le plu-
mage varié de vert , de bleu doré ; le corbeau des Indes , dont le plu-
mage reflemble à celui du coq d'Inde ; le corb^eau rhinocéros ; le cor-
beau touge , qu'il ne faut pas confondre avec le choucas rouge ; le cor^
beau des bois ; le corbeau de nuit : fous ce nom ;, on diftingue deux
oifeaux très-différens , l'un dont le cri eft fi défagréable , qu'on croit
entendre un homme qui vomit, c'eft le bihoreau; l'autre dont le cri
eft un hurlement , c'eft la hulotte : voyez ces mots. Le corbeau aqua^
tique , qui eft le cormoran : wyci ce mot. On trouve en SuiiTe de cjans
COR 33J
le Nord des corbeaux blancs; & l'on a vu, il y a quelques années,
dans le Jardin du Palais Royal , une efpece de corbeau noir , à bec
èc pattes rouges : il y a aufli le corbeau tacheté de blanc , du Mexique.'
CORBEAU DE MER. Foyc^ Fou.
CORBEILLE, Nom donné , fuivant M. d^Argenvîlle , à un beau
coquillage bivalve, à grofles ftries longitudinales, larges, aplaties,
quelquefois chargées par zones de petits tubercules , à carène large,
à coque épaifle & pefante , à bords intérieurs profondément découpés
& de la famille des cœurs : voyez ce mot. On donne aulli le nom de
corbeille à la tricotée. Voyez ce mot.
CORCELET. C'eft la partie du corps des infectes , placée entre
la. tête & le ventre. Voyez à l'article Infecte^
CORCHORE ou MAUVE DES JUIFS , corchoms aut mdochïa.
Plante fort jolie & cultivée avec foin dans les jardins en Egypte &
en Judée. Sa tige eft haute d'un pied & demi : fes feuilles font al-
ternes & femblables à celles de la mercuriale : fes fleurs jaunes & pe-
tites , à cinq feuilles , & difpofées en rofe : elles ont un grand nom-
bre d'étamines & un piftil : le calice eft auffi à cinq feuilles. Il leut^
fuccede des fruits ronds en forme de filique , qui renferment de pe-
tites graines cendrées , & d'un goût vifqueux.
Les Indiens mettent le corchore au nombre de leurs plantes pota-
gères : en Médecine elle a les mêmes propriétés que la guimauve.
On connoît trois autres efpeces de corchore , outre les variétés de
celle-ci. Au refte , dit M, Deleu^e , le nom de melochla , qui lui a été
donné par Alpin , eft employé par les Botaniftes modernes , pouîT
déligner un genre de plante de l'ordre des malvacées.
CORCOPAL. Voyez Meiocorcopaiu
CORDILE. Voyci Thon.
CORDON BLEU. Nom donné par les amateurs à une coquille
ombiliquée de la famille des limaçons à bouche demi-ronde : on la
foupçonne terreftre. M, d'Argenville place le cordon bleu dans les ton-
nes. Foyei ce moi,
CORDON ombilicaL Voyez à l'article Homme,
CORDYLE , cordylus. Lézard d'Amérique , qui devient très-gros
& très-grand. En général cet animal tient du crocodile & de la fala-
mandre , par la tête & fa gueule très-fendue ; il a la figure de lat
tortue ; fes yeux font grands &: brillans ; le trou des narines petit
1
0
s'^ C O R
^ rond ; la langue fourchue ; fes pattes de devant & de derrière (e
terminent en cinq doigts armés de griffes crochues & pointues , &
féparés comme ceux des lézards ; fon cou eft court & gros ; fon corps
eft large & plat, couvert d'écailles dures, minces & jaunes brunâtres,
ou d'un vert furdoré ; le deffus de fa grofle queue eft hérifle jufqu'au
bout d'une crête dentelée comme une fcie : les autres écailles font of-
feufes. On appelle le cordyle fouette-queue , caudiverbera , parce qu'il
frife & entortille fa queue , en fouettant continuellement de côté &
d'autre. Cet animal irrité eft fort colère. Quand on le touche , fes
yeux étincellent; & dans ce même temps, il enfle comme un fac la
peau de fa gorge : fes dents font tranchantes : fa vie eft fort dure -
èc l'unique moyen de lui faire lâcher prife , quand il mord , c'eft
de lui enfoncer quelque chofe de pointu dans les narines; car auflî-tôt
qu'il eft touché dans cet endroit , il répand quelques gouttes de fang,
& meurt.
Cet animal eft amphibie & ovipare : il fe fert de fes pieds & de
fa queue pour marcher , grimper , nager & frapper tout ce qu'il
approche.
On voit fur les côtes d'Afrique un cordyle de couleur bleue , & à
queue épineufe ; il a comme le précédent , proche de la gueule ,
une ouverture , fous laquelle font les ouies ; la gueule eft couverte
d'écaillés, rangées en forme de tuiles. La chair du cordyle eft bonne
à manger.
CORI. Animal de l'Amérique , & qui paroît être le même que
Vaperea. Voyez ce mot.
CORIANDRE , coriandrum. C'eft une plante qu'on cultive dans
les champs aux environs d'Aubervilliers , près Paris , & autres lieux
voifins; fa racine eft petite , fimple & blanche ; fa tige eft haute
d'un pied & demi , ronde , grêle & rameufe ; fes feuilles inférieures
font comme conjuguées , arrondies , dentelées ; les fupérieures plus
profondément découpées, & divifées'en lanières fort étroites; fes fleurs
font au fommet des rameaux , difpofées en parafol , de couleur de
chair , compofées chacune de cinq feuilles , rangées en rofe : leur
calice fe change en un fruit compofé de deux graines rondes, vertes
d'abord , enfuite jaunâtres.
L'odeur de toute la plante eft aromatique , forte , défagréa-
ble : quand on la brife entre les doigts , elle rend une puanteur
infuppor table.
COR 537
infupportable , approchant de celle dQ \sl punalfe , de portant à la tête ;
mais elle s'adoucit avec le temps & acquiert une faveur fuave &
agréable. Il n'y a que la graine deflechée qui foit aujourd'hui chez
nous d'un ufage familier ; car la plupart des Arabes & des Grecs
lui attribuent une vertu froide , narcotique, étourdiffante , deftruc-
tive , notamment au f.ic de la feuille , qui , pris en breuvage , eft ,
félon eux , un auffi grand poifon que le fuc de la ciguë. Tragus avertit
auflî les Droguiftes de ne jamais vendre à qui que ce foit cette graine
fans être préparée avec du fucre , ou macérée dans le vinaigre , à
moins, dit-il , qu'ils ne veuillent vendre du poifon à la place de re-
mède : mais l'expérience a détruit depuis long-temps ce préjugé. Les
Egyptiens font mê;ne un ufage fiiigulier de cette plante verte : les
Efpagnols en prennent fréquemment , fur-tout de la graine , dans
leurs cordiaux : les Hollandois en mêlent dans leurs alimens. Toute-
fois l'on n'en doit ufer que modérément & deflechée ; alors elle eft
un aromate gracieux. C'eft un bon carminatif & ftomachique : elle
donne bonne haleine. On l'emploie dans l'eau clairette ou le roflfolis
des fix graines , dans la bière , dans l'eau des Carmes , & dans l'eau
de miel royale. On la couvre de fucre chez les Confifeurs , pour en
faire de petites dragées qui font d'un bon goût. ■.
CORIGUAYRA. Voyez l'article Didelphe.
CORIMBE. Voyez ce que c'eft à l'article Plante,
CORINE. Suivant Monfieur Pallas , c'eft une efpece ^antilope.
Voyez ce mot à l'article Ga^eUe, Cet animal paroît être ou une va-
riété ou une efpece de gazelle ; il en a les mœurs , les habitudes
le naturel , quelques petites différences extérieures : on le trouve au
Sénégal : il peut avoir à-peu-près deux pieds de hauteur , & deux
pieds & demi de longueur ; fes cornes ont fix pouces de longueur ,
& fix lignes feulement d'épailTeur; elles font diftantes l'une de l'autre
de deux pouces à leur naiflance , & de cinq à fix pouces à leur ex-
trémité ; elles portent au lieu d*anneaux , des rides tranfverfales ,
annulaires , fort ferrées les unes contre les autres dans la partie in-
férieure , & beaucoup plus diftantes dans la partie fupérieure de la
corne : ces rides qui tiennent lieu d'anneaux , font au nombre de
près de foixante. Son poil eft court , luifant & fourni , fauve fur
le dos & les flancs , blanc fous le ventre & fous les cuifles , avec la
queue noire. Il y a dans cette même efpece de la corine, des indi-
Tomc II, . V V
338 COR
vidus dont le corps eft tigré de taches blanchâtres , femées fans
ordre.
CORIS ou CAURIS. Voyez Cauris & l'article Porcelaine.
CORISE 5 corixa , notonecîx fpccies. Cet infede a quelque reflTem-
blance avec la punaifc à avirons ; mais il en diffère par des caraderes
particuliers , qui doivent empêcher de les confondre ; les caractères
font d'avoir un feul article dîix tarfes , d'avoir quatre ailes croifées ,
des antennes très-courtes , fituées au-deffous des yeux , une trompe
courbée en-deflbus ; les autres caraderes par lefquels le corife dif-
fère de la punaife à avirons , font de ne point avoir d'écuflbn , &:
d'avoir les deux premières pattes figurées en pinces d'écrevifle , à-peu-
près comme celles de la naucore ; les quatre dernières pattes, comme
celles des punaifes à avirons , repréfentent des nageoires. Le corife ,
dont M. Geoffroi ne connoît qu'une efpece aux environs de Paris , fe
trouve dans les ruiffeaux , les mares : il nage quelquefois fur le ven-
tre ; ce que ne fait jamais la punaife à avirons. Du refte , même
agilité dans l'eau , mêmes habitudes , même port, extérieur , même
^ manière de nager fur le dos , mêmes armes pour piquer , & même
puanteur. Voyez punaife à avirons.
CORLIEU ou COURLY , nummius. Genre d'oifeau fcolopace ,
c'eft~à-dire , à long bec arqué , dont on diftingue plufîeurs efpeces.
Il y a le grand courly , le petit courly , le corlicu blanc du Bréfil , le
corlieu brun , le corlicu rouge , le corlieu vert , le corlieu varié du Mexi-
que , le coriieu noir èc \q corlieu de plaine. Comme tous ne différent les
uns des autres que par la grandeur ou la couleur , tant mâles que
femelles , nous ne décrirons que la première efpece. Cet oifeau tient
fon nom de fon chant , car en volant il prononce corlieu.
Le grand corlieu d'Europe , eft de la grandeur de ïaigrette , Ôc
à-peu-près de la groffeur d'un chapon ; fon bec eft long d'un demi-
pied & voûté en faucille; fon cou eft longuet, gros & bien emplumé,
la couleur de cet oifeau eft grife , marquetée de brun noirâtre ; le
deffous du ventre eft blanchâtre , moucheté de noir ; la gorge
eft blanche , variée de taches grifes ; fa queue eft courte & bigarrée ;,
les grandes plumes du bord des ailes font noires ; il a quatre doigts
à chaque pied , dont celui de derrière eft fort court : la moitié de
la cuiffe au-delfus du genou , eft toute dénuée de plumes , comme à
tous les oifeaux de marais : il eft hîiut monté fur fes jambes.
c o p: 3-3P
Cet animal vit en fociété, habite les marais ^ le bord des fleuves , de
.la mer & des étangs ; il court avec vîteiïc ; il vole en troupe, & Te
nourrit dans les prairies humides de petits vers qu'il tire de terre
avec fon bec long , fort effilé & arqué ; il pond quatre œufs au
mois d'Avril : fa chair eft d'un goût fauvageon , mais aflez bonne.
Le courly de terre eft le grand pluvier; voyez à l'article Pluvier,
JLq coiaiy de Madagafcar reffemble à notre corlieu vulgaire. Le grand
courly d'Amérique a le devant de la tête nu , & d'une couleur bleue
foncée.
CORMIER ou SORBIER ou COCHESNE, en latin forhus. Ceft
un de nos beaux arbres de forêts , qui fe plaît dans les climats tem-
..pérés de TEurope ; fes racines font grolfes & s'enfoncent autant qu elles
s'étendent : fon tronc eft droit , uni , long , d'une grofleur bien pro-
portionnée à fon bois , dont Taccroiflement eft fort lent, qui eft très-
dur , compade & rougeâtre : fes branches qui fe fou tiennent & fe
raflemblent , forment une tête affez régulière : lorfqu'elîes ont un
pouce de diamètre , elles font marquetées de taches blanchâtres qui
^'étendent & couvrent le bois , lorfqu'il devient de la grofleur du.
bras : mais dès qu'il prend plus de volume , fon écorce rembrunit
par \qz gerçures qui la déchirent & la font tomber par filandres. Ses
feuilles font oblongues , crénelées , blanchâtres en-deflbus , ftipti-
ques , rangées par paires fur une côte , comme celles du frêne, gar-
nies de ftipules à leur infertion fur les branches : fes fleurs font pe-
tites , blanchâtres , en rofe , difpofées plufieurs enfemble : chacune
eft compofée d'un calice d'une feule pièce , découpée en cinq parties ,
au bord intérieur duquel font attachées plufieurs étamines, de trois
piftils & d'une corolle à cinq pétales. Il leur fuccede des fruits fur-
montés des reftes du calice , contenant trois fem.ences, qui diflLrent
un peu de forme & de couleur dans les diverfes efpeces.
Voici le détail de ces différentes efpeces ou variétés du cormier les
plus connues jufqu'à préfent. lYLe cormier franc ; c'eft celui que Ton
trouve plus communément dans les enclos. 2°. Le cormier à fruit, en
forme de poire ; 3°. ou en façon d^œuf : les fruits de ces deux dernières
efpeces font les plus âpres & les plus auftercs de tous. 4.**. Le cormier
À fruit rouge ou rougeâtre : ce fruit eft plus gros & d'un meilleur goût
que ceux des efpeces précédentes. Il y en a une efpece dont le fruit
j§ft rouge aufli , mais très-petir , peu moelleux , tardif & d'un mauvais
V V 2
340 COR
goût. 5"**. Le cormier du Levant à feuille de frêne : cette efpece eft fort
rare ; Tourncforc l'a trouvée dans le voyage qu'il a fait au Levant.
Quelquefois le fruit en eft jaunâtre. 6°. Le cormier fauvage , ou des
OifeUurs : celui-ci eft exacflement une efpece , car les autres ne font
que des variétés occafionnées par la différence des climats ou des
terrains. Ce cormier eft petit ; fes feuilles font hâtives & vertes ;
fes fleurs difpofées en ombelles , font plus blanches & plus belles :
fes fruits font des baies d'un rouge jaunâtre , & fervent particulière-
ment à piper les oi(eaux , qui en font leurs délices. Il réfifte dans
des climats froids, & jufques dans la Laponie. C'eft-là le véritable
forbier. On le nomme auOi branffis ou hurlafjîer.
Les Eucherons nomm.ent cormieres ceux dont les fruits font fembla-
bles à de 'petites poires de couleur un peu rouge, & cochênes ceux
dont les fruits ou baies font d'un beau rouge orangé , fouvent écarlate,
& raflemblés par bouquets qui offrent le fpedacle le plus agréable
& le^ plus enchanteur de loin. La pulpe en eft jaune, & contient
quatre pépins. Les cormiers aiment une terre fubftantielle , & font
un très-bel effet dans les bofquets du printemps, par la multitude de
leurs fleurs d'un blanc fale & en bouquets. On les multiplie à mer-
veille de pépins de cormes dépouillés de leur pulpe, & on les conduit
comme les plants de poirier. Mais comme tout eft conféquent dans les
opérations de la Nature, la lenteur de l'accroiffement de cet arbre
influe aufli fur le temps de la produdion de fon premier fruit, en
proportion à-peu-près égale: ce n'eft guère qu'après trente ans de plan-
tation qu'il en rapporte. Nul doute aufli que la dureté de fon bois ne
contribue à faire rélifter cet arbre à toutes les intempéries des faifons.
Le grand hiver de 1709 ne porta aucun préjudice au cormier. Le
plant de cormier réuflit merveilleufement à la tranfplantation; on en a
vu réuflir dans les plantations de M. de Bufon , en Bourgogne, qui
avoient plus d'un pied de tour, & aujnoins vingt-cinq de hauteur ;
mais il faut à ces arbres tianfplanté^ une demie culture, telle qu'ils
la peuvent trouver dans les vignes, les enclos, les terres labourables,
&c. On peut greffer le cochéne fur le poirier, Talizier, le pommier
&: l'épine blanche. Le cormier fe trouve plus fréquemment en Italie
que nulle autre part. Il eft très-commun en Alface & en Lorraine.
Les cormes ou fruit des cormiers , donnent une bonne nourriture
aux bêtes fauves: les fruits du cochcne., fufpendus aux arbres en
COR 541
automne & même en hiver , attirent les grives qui en font friandes :
ceft un appât qui les attire. Ce fruit, avant d'être mûr, eft aftringent
& convient dans les diarrhées : on cueille en automne celui des
cormiers cultivés , on le îaifle mûrir fur la paille, & il ell: alors plus
agréable que les mjîes. On peut retirer de ce fruit, par la fermenta-
tion , un cidre plus fort que celui des pommes. Les Suédois en font une
liqueur dont ils ufent en guife de vin. Nous difons que le bois de
cormier eft le plus dur de tous ceux que fournifTent les arbres de nos
forêts ; aufli eft-il recherché par les Tourneurs , les Menuifiers , les
Charrons , les Ebéniftes , les Graveurs , les Armuriers ; fa couleur eft
d'un gris tendre, il eft fufceptible du plus beau poli; il eft fur-tout
excellent pour les parties de machines expofées à de grands frottemens,
telles que des pièces de preflbir, des outils de menuiferie, des che-
villes de moulins, &c. Il a pour défaut d'être fujet à fe tourmenter un
peu. On fait avec fon écorce des féaux pour recueillir la poix. Bien
des perfonnes (avent que l'on fe fert des rameaux de forbier dar?s la
teinture noire commune; mais bien peu favent que ce bois feul fuffit
pour teindre du plus beau noir, & très-durable. Foy, Mcm, de Suéde ^ ,
XV, vol, ryS;^.
CORMORAN, corvus aquaùcus aiit phalacrocorax. Genre d'oifeau
aquati-jue , excellent pêcheur, & qui eft de la grofieur d'une oie. On
en diftinguedeux efpeccs dont le caradtere eft d'avoir quatre doigts à
chaque pied, les trois antérieurs tiennent au pcftérieur par des mem-
branes ; tous les doigts font gros , l'ongle de celui du milieu antérieur
eft dentelé en deflbus comme une fcie. Le bec eft droit, arrondi &
crochu par la pointe.
Le grand cormoran a une efpece de huppe brune, le bout de la
queue eft arrondi. Chez le cormoran ordinaire la poitrine & le ventre
font cendrés, & le corps noirâtre. Cetoifeau eft remarquable par un bec
long, crochu à l'extrémité, ddnt les bords font tranchans, & dont
il fe fert habilement pour attraper & retenir le poiflon. On remarque
dans le pied du cormoran, ainfi qu'il eft dit ci-deffus, une ftruâure
extraordinaire; les quatre doigts font unis enfemble par trois mem-
branes , ce qui donne à ces oifeaux la facilité de voguer fous feau
avec une vîtefTc incroyable , au lieu que ks autres palmipèdes n'ont
que deux membranes qui joignent les trois doigts de devant. Un autre
avantage qu'aie cormoran, c'eft que fes pattes font tournées en de-
5 4-2 COR
dans, au contraire des autres animaux qui nagent & qui ont des
pattes de cette efpece ; mais ce que dit Gcfmr , que les cormorans
prennent quelquefois leur proie avec un pied, & l'apportent au
rivage en nageant de l'autre, rend raifon pourquoi les pattes de ces
oifeaux font tournées en dedans; car au moyen de cette difpofition.,
une feule frappant l'eau, la poufle jufrement & direiflement fous le
milieu du ventre , & fait aller le corps de l'oifeau droit , au lieu qu'une
feule patte, tournée en dehors, n'eût donné à l'eau qu'une impulfion
oblique par rapport au corps , & par conféquent le cormoran eut
tourné en nageant, comme fait un bateau où l'on ne rame que d'un
aviron ; ainfi la feule patte qu'il emploie pour nagar , fait l'office
d'un gouvernail. Elle feule le conduit à bord. L'ongle du fécond doigt
antérieur de ces oifeaux étant dentelé en deffous comme une fcie, lui
donne encore la facilité de ferrer & de retenir plus facilement le
poiflTon dont les écailles font gliflantes. Une autre lingularité qui ne
fe» trouve point encore dans d'autres oifeaux , & que l'on rencontre
dans le crâne derrière la tête du cormoran , c'eft un petit offelet long
de trois doigts , menu , en forme de poignard. Il eft planté dans les
mufcles du cou.
Cet oifeau qui habite les côtes maritimes , plonge & vogue fous
feau pour attraper le poiffon. Lorfqu'il en faifit quelqu'un avec fon
bec crochu , foit par le derrière , foit par le côté comme il ne peut
l'avaler commodément la queue la première, à caufe des nageoires,
des crêtes, des écailles qui l'empêchent d'entrer dans fon gofier, il ne
manque point quand il en tient un dans fon bec , de le jeter en l'air
en lui faifant faire un demi-tour, afin que la tête retombe la pre-
mière , & il le rattrape avec tant d'adrefle , qu'il ne manque jamais
fon coup : ( raifonnement bien jufte , fi c*eft le raifonnement d'un
animal ; infcinâ; incroyable , fi c'eft un inftind ! ) Aulli f homme
induftrieux a-t-il fu profiter des tatens du cormoran. Le Père le Comte
dit qu'à la Chine on les drefle pour la pêche, comme on drefl'e ici des
chiens & des oifeaux pour la chafle : on leur donne le nom de loiva^
Un Pêcheur peut aifément gouverner jufqu'à cent de ces pour-
voyeurs : pn les place fur les bords du bateau ; & lorfqu'on eft arrivé
su lieu de la pêche , au moindre fignal ils partent tous , & fe difper-
fent fur un étang; ils cherchent, ils plongent, ils reviennent cent fois
fyï l'eau, jufqu'à ce qu'ils aient trouvé leur proie; alors ils lafaififfent
avec leur bec. Se la portent incontinent à leur maître. Quand le poiflbn
eft trop gros , ils s'entr'aident mutuellement ; l'un le prend par la
têt^, Tautre par la queue, & tous de concert l'amènent ainfi jufqu'au
bateau, où on leur préfente de longues rames, fur lefquelles ils fe
perchent avec leur poiflbn, qu'ils n'abandonnent au condudeur que
pour en aller chercher d'autres. On a la précaution de leur mettre
un anneau de fer au bas du cou, ou de leur lier le gofier avec une
corde, de peur qu'ils ne fuccombent à la tentation d'avaler le poiflbn
de la pêche : car s'ils en étoient raffafiés, ils n'auroient plus ni ardeur,
ni courage, en un mot ni envie de travailler. Ils peuvent avaler
d'autant plus facilement un poiflon d'une certaine grolïeur, que leur
cefophage eft fort membraneux, & fufceptible de fe dilater beaucoup.
Tout démontre que la nature a organifé cet oifeau pour être un
excellent pêcheur.
La petite efpece de cormoran eft commune en Prufle & en Hol-
lande. Ces oifeaux font leurs nids non-feulement fur les rochers du
bord de la mer , mais aulîî fur des arbres élevés près des étangs &
des lacs : ce qui, fuivant quelques Auteurs, eft particulier au grand
& au petit cormoran entre tous les oifeaux qui ont des membranes
aux pieds. Ils ne laiffent point manquer leurs petits de poiiTons de
toutes efpeces; car ces oifeaux fréquentent indifféremtnent les eaux
falées. Quoique le cormoran ne fe nourrifle que de poifTon , fa chair
n'eft pas excellente. Les Kamtfchadales donnent le nom de tchaikï à
ces oifeaux. On dit qu'ils ont quatre narines; les cuilTes font cou-
vertes de plumes jufqu'aux genoux. Ces Infulaires fe fervent de la
veiTie de ces oifeaux en guife de liège pour faire flotter leurs filets ;
& des es des ailes ils en font des étuis à aiguilles , &c.
CORNALINE ou PIERRE DE SARDE, camcolus. Ceft une
pierre pefante , d'un grain fin , demi-tranfparente , de la nature de
l'agate, mais dont on la difting^e facilement par fon tilTu, femblable
à de la corne, & d'un rouge vifj 6u de couleur de chair; on ne peut
la confondre avec le jafpe , quelque rouge qu'il fut, puifqu'il eft
opaque , ni avec l'agate rouge, dont l'incarnat eft lavé & comme
éteint en comparaifon de celui de la cornaline, qui cependant eft fuf-
eeptible de toutes les teintes de rouge pur.
Comme la netteté de la couleur fuppofe toujours dans les pierres
une pâte fine ou épurée, celle de la cornaline a en cela beaucoup de
-5:44 COR
rapport avec celles de l'agate &: de la fardoine. Ainfî tdle pierre dont
la teinte tient du rouge & de l'orangé, rend la dénomination équi-
voque ; mais on pourroit dire qu'elle feroit une fardagatc , ou moitié
cornaline , & moitié fardoine,
La couleur & la dureté des cornalines font peu confiantes: les
Jouailliers nomment cornatines orientales & de vieille roche celles qui
font dures, également tranfparentes , & qui prennent un poli éclatant ;
de même qu'ils nomment cornalines occidentales ou de nouvelle roche
celles qui font tendres. Les plus parfaites approchent en quelque forte
du grenat pour la couleur, & même pour la tranfparence. Ces cor-
nalines font très-rares : on prétend qu'dles ne fe trouvoient qu'en
Perfe, & qu'on n'en connoît plus aujourd'hui les carrières : les cor-
nalines ordinaires viennent de l'Arabie & de l'Egypte. Nous en avons
rencontré aufli aux confins du Poitou.
Cornaline oncyce , cornaline œillée , cornaline herborifée. Les caraéleres
& le^ différences de ces efpeces de cornalines font les mêmes que dans
l'agate , en fuppofant le rouge vif & toutes fes nuances fur un fond
blanc ou blanchâtre. Les cornalines herborifées font plus eflimées que
les agates herborifées, parce que le rouge vif fur un fond blanc a plus
d'éclat que le noir; les jeux delà nature leur donnent plus ou moins
de prix, f^oyei Agate,
On fait avec la cornaline des bagues, des cachets & d'autres bijoux
femblables, qui font aujourd'hui très à la mode, fur-tout quand on
y remarque quelqu'accident fingulier , ou qu'elle efl afïèz dure pour
recevoir la peinture à l'émail,
CORNE, cornu. C'eft ce corps organifé, dur & folide qui croît
fur la tête de quelques animaux à quatre pieds, de qui eft une de
leairs armes défenfives & offenfives. Les cornes varient pour la forme ,
quoique d'ailleurs elles foient toutes affez femblables pour l'orga-
nifation. .^^
Le tiffu de ce corps paroît compofe de plufîeurs filets, qui naiffent
par étage de toute la furface de la peau qui efl fous la corne; ce ne
font que les produdions des mamelons delà peau, ainfï que le prouve
l'accroiffement & le gonflement de la tige des cornes de cerf. Ces
filets , foudés enfemble par une humeur vifqueufe, forment autant de
cornets de différentes hauteurs , enchaffés les uns dans les autres ; ce
qui efl caufe que la pointe , compofée de toutes ces enveloppes , efl
plus
COR 5d,^
plus folide que la bafe. On peut fatisfaire fa curiofîté fur rexadituds
de tous ces détails , en examinant une corne fciée longitudinalement,
& que l'on a fait bouillir. On verra que Tos cellulaire qui foutient la
corne, & qui fe trouve auflî fcié félon fa longueur, eft revêtu d'une
membrane, parfemée d'un grand nombre de vaififeaux qui portent
la nourriture à toutes les parties. Les filions qui paroifTent fur les
cornes femblent formés par le gonflement & la tenfion perpétuelle des
veines &: des artères parfemées dans la peau dont elles font recou-
vertes dans leur naiflance.
L'accroiflement des cornes fe fait différemment dans les animaux
à qui elles ne tombent point; l'apophyfe de l'os du front qui fert de
première bafe à la corne, & le péricrâne qui la couvrent, croifîent
& font croître la corne, par plusieurs couches qui s'appliquent les unes
aux autres, & qui forment une croûte.
On a vu fur le front de quelques humains , s'élever quelquefois
une excroiflance dure, longue, pointue, ayant l'apparence d!*une
corne. Le cas le plus (ingulier de cette difformité , eft celui d'un
Payfan du pays du Maine, auquel, à l'âge de fept ans, il avoit percé
une corne cannelée du côté droit de la tête, qui s'étendoit en fs
recourbant vers le côté gauche ; en forte que la pointe retoraboit fur
le crâne, fi on ne l'eût coupée de temps en temp5. Il reflfentoit alors
de grandes douleurs, ainfi que lorfqu'on la touchoit. Ce malheureux,
pour cacher fa difformité monftrueufe , s'étoit retiré dans les bois
jufqu à l'âge de trente-cinq ans , où le Maréchal de Lavardin étant
à la chaffe le fit prendre , & le préfenta à Henri IV : enfuite il fut
donné en fpeâ;acle dans Paris à tout le monde. Cet homme , défef-
péré de fe voir prom.ener comme un ours , en conçut tant de cha-
grin , qu'il en mourut bientôt après : voyc^ Mc^rai & VHiJloirc . de,
M. de Thou , Livri CXXIII, ^
Ces fortes d'excroiffances ne^aroiffent être que des produ6lions des
mamelons de la peau. Il y a lieu de penfer qu'on pourroit prévenir
ces difformités dès leur origine : il ne s'agiroit que de frotter l'excroif-
fance naiffante avec de l'efprit de fel ; la racine s'en deiïécheroit &:
tomberoit d'elle-même. Il paroî^ qu'il y a une forte de différence
dans la nature des différentes cornes des quadrupèdes. La corne du
cerf & du rhenne paroît fe rapprocher plus de la nature offeufe de la
délenfe du narhwal & de celle de la vache marine , &c. La corne du
Tom& IL ^ X X
3 ^6 COR
bouc , du taureau , du bélier , fe rapproche davantage de la nature
de VongU des animaux & de l'écailIe de la tortue : voye^ chacun de
ces mots. L'ingénieux & induftrieux Malpighi a le premier découvert,
avant Tannée i^yy, ( voyc^ fes Epîtres , p. ii. ) l'origine , l'accroifle-
inent & la ftrudure de la corne des animaux : enfuite l'illuftre du
Verney expofa le même mécanifme dans une Lettre inférée dans le
Journal des Savans , du ^ Mai i68p. Il faut cependant convenir
que depuis ce temps les Phyficiens n'ont fait que jeter un coup d'ceil
trop fuperficiel & trop peu curieux fur les contours variés , la
forme, la grandeur , la dureté, les ufages, &c. des cornes des animaux,
La nature a aulli donné des cornes dures & à pointe fine à quel-
ques infeéles : voye:^ à la fuite de C article général Insecte. On donne
communément le nom de corne à ces efpeces de petits télefcopes qui
partent de la tilt du limaçon & autres animaux femblables , & aux
touffes déplumes qui s'élèvent fur celle des chats- huans& autres oifeaux;
&: enfin à l'ongle dur & épais qui règne autour du fabot du cheval.
On appelle cornée , la tunique la plus externe , la plus épaifle , &
la plus forte du globe de l'œil , & qui renferme toutes les autres
parties dont ce globe efl compofé : voye\ (Sil , à C article des Sens ,
û. la fuite du mot Homme. On donne le nom de corne à certaines fubf-
tances métalliques unies à l'acide du fel marin. Voye\ le Dictionnaire
de Chimie,
CORNE D'AMMON , cornu Ammonis, Cefl une coquille foffile ,
contournée en fpirales , aplatie , femblable à des cornes de bélier :
il y en a de différentes efpeces ; les unes font unies comme les gros
nautiles ; d'autres font ftriées , tuberculées , épineufes , ombiliquées
ou à oreilles •■, plufieurs d'entr'elles paroiffent ornées d'arborifations
fur la face extérieure. Ces arborifations qui reffemblent à des feuilles
de cerfeuil , ne font qu'autant de futures ou d'apophyfes qui régnent
dans l'intérieur, & par où s'uniffent &^^ défuniflent les parties comme
vertébrées de ces coquilles qui font erî quelque forte concamérées ,
doifonnées ou chambrées , comme le font quelques nautilites avec
lefquelles elles ont de la reffemblance : les nautilites ont les articu-
lations & les concamérations fimples & unies ; mais les cornes d'Am-
mon ont plus de volutes extérieurement apparentes , & la bouche en
efl moins ouverte. Voyii;^ Nautile & Nautilite.
On rencontre beaucoup de cornes d'ammon en Europe j c'ell une
des pétrifications les plus abondantes qui foîcnt en France , notam-
ment en Bourgogne près d'Agey ; dans les environs de Caen en
Normandie, & entre Saint - Macaire & Marmande en Guyenne,
où dans certains endroits la terre en eft jonchée ; les chauflees ,
les grands chemins en font en partie conftruits. Les bancs des car-
rières de pierre & de marbre en renferment dans leur fein. Les cornes
d'ammon font aullî les plus nombreufes des pierres figurées. Il y
en a de grandeurs très-différentes. Il s'en trouve qui ont jufqu'à près
d'une toife de diamètre. On en a découvert dans des fables , qui font
il petites qu'on ne peut les appercevoir qu'à l'aide du microfcope.
Entre ces deux extrémités , il y en a une grande quantité de toutes
les grandeurs. M. Spada , dans fon Catalogue des folTiles des envi-
rons de Vérone , parle de quarante-quatre fortes de corne d'ammon.'
Ces fortes de foJliles , fur-tout ceux de la grande efpece , ne font
communément que le noyau des coquillages proprement dits , mais
dont on ne trouve plus les analogues vivans de l'efpece. L'on a
feulement des preuves inconteftables qu'elles font des coquilles du
genre des nautiles. Voye^ Us Mémoires de L'Académie , 1722 , pagô
237. Lorfque ces pétrifications font dépouillées de leur enveloppa
nacrée , il arrive fouvent qu'elles fe revêtent d'une croûte ferrugi-
neufe ou pyriteufe & qui a la couleur & le brillant d'un métal doré :
c'eft ce qu'on appelle Xarmatun, Ce faux brillant fe détruit bientôt
par le contaél de Thumidité. Il n'efl: pas rare de voir dans les ca--
binets des cornes d'ammon fciées en deux , dont les concamérations
font remplies de fpath.
Quelques Auteurs prétendent que \q falagraman des Indiens qui (e
trouve en Indoftan , dans la rivière de Gandica, au nord de Patna,
eft une forte de corne d'ammon vivante. Cette coquille eft fort chère,
chez les Indiens. Les Bramines qui leur font un facrifice tous les
jours, en font un cas particule , & les confervent dans des boîtes
précieufes. Ils prétendent qu'un de leurs Dieux y a long -temps refté
caché. Loin de vouloir vendre des falagramans aux Européens cu-
rieux , ils ne veulent pas même les leur faire voir , croyant que leur
Dieu feroit fouillé s'il étoit touché par un Chrétien. Voyez fur le
falagraman la Lettre du Père Calmeite au Père du Halde , dans le
XXVI recueil des Lettres Édifiantes , page 5"^^ , &:c. & la planehe
<^.ui eft à la page 37/ du même volume.
X x 2
54S COR
On a nommé ce foflile corm d'ammon , a caufe de fa forme , &
parce que cette coquille étoit autrefois confacréc dans les dévotions
qu'on faifoit à Jupiter Ammon , car les anciens croyoient qu elle
avoit la vertu de faire expliquer les fonges myftérieux. On voit que
la fuperftition a toujours régné chez i'efpece humaine.
CORNE DE CERF , coronopus. Ceft une plante dont on diftln-
gue deux efpeces, l'une domeftique & l'autre fauvage. La première
eft cultivée dans les jardins potagers pour l'ufage des falades. Sa
xacine eft petite : elle pouffe beaucoup de feuilles , fi étroites , telle-
ment découpées & comme nerveufes , qu'elles repréfentent de petits
bois de cerfs ; & c'eft de là qu'eil venu le nom de corne de cerfi
elles font d'un goût aftringent , mais agréable. Il s'élève d'entre ces
feuilles des tiges velues , hautes d'un pied & demi , portant des fleurs
femblables à celles du plaintain , & difpofées de même.
La corne de cerf fauvage a des feuilles plus découpées , très-
velues , reffemblantes au pied d'une corneille. Ses tiges portent un
épi également velu , où il naît des fleurs & des femences femblables
aux précédentes. Sa racine eft fibrée. Cette plante croît principale-
ment aux lieux fablonneux proche de la mer : elle eft vulnéraire a
apéritive & propre à arrêter les hémorragies.
CORNE DE CERF D'EAU. Voyc^ Cresson Sauvage.
CORNE DU NARHWAL. Foyei au mot Baleine , à la def-
■cription du Narhwal.
CORNE. (Pierre de) Voyc^ Pierre de Corne.
CORNE DE RHINOCÉROS. Voyei à tartidc Rhinocéros.
CORNÉE. Voyei à la fuite des articles Insecte & Homme.
CORNEILLE , cornix, Oifeau du genre du corbeau , mais plus
petit, & qui a le bec , les pieds & les jambes noirs , ainfi que tout
le refte du corps. La corneille a la langue fourchue , les yeux grands ^
le plumage noir. Elle fréquente les b^., les campagnes, les bords
des eaux , & vit de toutes fortes de fubftances animales & végétales.
Elle fait fon nid au haut des arbres , & pond cinq à fix œufs d'un
blanc bleuâtre. Les petits qui en éclofent font bons à manger. La
femelle feule couve les œufs , & le mâle a foin de lui apporter de
. la nourriture pendant le temps de l'incubation. Ces oifeaux volent
en troupes : leur vol eft rapide &*leur marche lente ; leur bec eft
fi fort qu'il peut caffcr des noix, lis font un grand dégât dans les
..i^
COR 5 4P
terres nouvellement enfemencées. Voici la meilleure manière de détruire
ces brigands. On prend des frefTures de boeuf, ou d'autres morceaux de
bafle boucherie , coupés par petits morceaux, que l'on mêle avec la râpure
de noix vomique ; on laifle le tout s'incorporer pendant vingt- quatre
heures à froid : on répand à la pointe du jour ces morceaux de viande
fur les terres enfemencées : dès que les corneilles en ont mangé &
que la viande eft digérée, elles tombent mortes. Un des appâts que les
corneilles aiment beaucoup aulîî , font les fèves de marais. On les
perce quand elles font vertes , avec une aiguille ou épingle fans
tête , qu'on laifîè dans la fève ; & en hiver on les répand fur la terre ;
les corneilles ne les ont pas plutôt mangées & digérées , qu'elles
languiflent & meurent , l'aiguille leur reftant dans les inteftins. On
fait dans le temps des neiges une chafîe à la corneille très-plaifante :
on met un morceau de viande crue dans le fond d'un cornet, & de
la glu à l'entrée. On diftribue ces cornets dans la neige. «X)ès que
ces oifeaux apperçoivent la viande , ils plongent la tête dans le
cornet. A l'inftant ils font capuchonnés , fe mettent à voler , ne
voient plus , s'élèvent en ligne droite à perte de vue , & tombent
à terre excédés de fatigue. Il en arrive autant au corbeau , & autres
oifeaux carnivores qui donnent dans le piège. Ces oifeaux fe retirent
l'hiver dans les greniers , d'où les hiboux les chafient. Leur nourriture
ordinaire font les charognes , les vers , les limaçons , les chenilles ,
les grenouilles , le petit gibier , &c, Lorfqu'ils crient ou qu'ils
croalTent, ils font beaucoup de bruit.
Le nom de corneille eft encore donné à d'autres efpeces d'oifeaux ,
tant du genre des corbeaux que de celui du coracias ; tels que la
corneille cendrée ou emmantelèe qui eft granivore & fujette à avoir des
poux (c'eft le bomekraye des Belges, la corneille noire ou fauvage qui
eft le freux ou grole , voyez Freux ; la corneille de la Jamaïque qui
eft très-noire & fort criarde jl|B^:* Cormille des Indes dont le plumage
eft femblable à celui du pigeon Éifet ; la corneille pourprée , la corneille
choucas de Cornouailles , & la corneille des bois , ou le coracias huppé
des Cantons SuifTes. On élevé toutes ces efpeces de corneilles en
cage , & on les nourrit avec du blé de Turquie , &c. Au Cap il y
a des corneilles de mer , dont la chair eft délicieufe. Leurs plumes
font noires & douces : on s'en fert dans le pays pour garnir des lits
& des oreillers, Quelques - uns prétendent que c'eft une forte de
^5-0 COR
cormoran. La corneUle variée de blanc eft le corbeau marbré de Féroc»
Il y a aufîi la corneille blanche.
CORNEILLE-PLANTE. Voyei Chasse-Bosse.
CORNETS 5 yolut<z. Coquillages univalves & operculés , du
genre des volutes, Voye^^ ce mot. Ces efpeces de coquilles font des
plus agréables & des plus précieufes : leur forme eft en cône; leurs
fpires comprimées & roulées les unes fur les autres , fe terminent
d'un côté en une tête aplatie ou peu élevée , & forment de l'autre
une pyramide plus ou moins conique. Leur bouche eft étroite ,
longue ; la lèvre intérieure eft cachée en dedans , & ne fe montre point
dehors comme dans les rouleaux. Leur robe eft toujours richement
bigarée de jolies couleurs. Il y a des cornets d'une feule couleur ;
d'autres font cannelés , d'autres entourés de lignes marquées par des
taches , ou peints en ondes ou en réfeaux , ou entourés de bandes.
Parmi ces coquilles on diftingue le tï^re jaune , cornet rare par fes
taches blanches fur un fond jaune , Vaile de papillon , la tinne de
beurre , Yamadis , Vefplandlan , V amiral & le vice-amiral , le grand
amiral ^Xcxtramiral ^ \?i jlamboyante , Y aumuce y \q pavillon d'orange ,
iQfptcirCy l'hébraïque, le clergé ou ïonyx , la couronne impériale, le
damier.
COPvNICHONS. ?^oyei au mot Concombre.
CORNOULLIER ou CORNIER , en latin cornus. Arbre dont
on diftingue plufieurs efpeces , notamment deux principales qui font
fort différentes entr'elles par le volume , la difpofition des fleurs ,
Ja forme des fruits , la qualité du bois ; mais que les Méthodiftes ont
toujours fait aller enfemble. Cette diftindion principale fe fait en
cornoullller mâle & en cornoullller femelle ; cependant ces caraéleres fe
trouvent là fauffement employés & induifent en erreur , attendu que
chaque efpece de ces arbres eft mâle &iemelle tout enfemble. Comme
Ton doit donc fe difpenfer de confet^gt ces dénominations abufives ,
nous traiterons les prétendus cornoultliers mâles fous le fîmple nom
de cornoullller ; & ceux qu'on fait tout aufll mal-à-propos pafler pour
femelles 5 fous celui de cornoullller fanguln.
Le cornoi|illiereft un arbre d'une grandeur médiocre , aflez commun
dans les bois & dans les haies. Sa tige eft tortue, courte, noueufe
3i chargée de beaucoup de rameaux. Son écorce d'un gris roufsâtrCa
fe détache lorfque l'âge la fait gercer. Les feuilles qui ne paroiflen^
COR 3 )- î
que dans i'întervalle des fleurs aux fruits , font d'un vert foncé ^
ovales , oppofées , relevées en deiTous de nervures très - faillantes
qui partent de la nervure du milieu , & vont circulairement fe joindre
à la pointe. Cet arbre fleurit dès le commencement du printemps •
il eft fi chargé de petites fleurs, difpofées en ombelle garnie à fa bafe
d'une fraife de quatre feuilles , ou compofées de quatre pétales
jaunes , d'un pifl:il & de quatre étamines jaunâtres , qu'il en paroît
tout jaune. A ces fleurs fuccedent des fruits approchans de l'olive ,
mais d'un beau rouge, mous, charnus, contenant un noyau divifé
en deux loges qui renferment chacune une amande. Lorfqu'ils font
mûrs , on les appelle cornouUles. On peut alors les confire comme
l'épine-vinette , car ils font fort aigrelets. On prétend, que ces fruits
yerts peuvent être confits au vinaigre comme les olives.
L'accroiffement du cornouiliur efl: fi lent , qu'il lui faut quinze
années pour prendre environ dix pieds de hauteur : aufli fon bois
qui eft très-dur, a-t-il les qualités de celui du cormier. Les intem-
péries des faifons ne font point capables de retarder fa venue : il
s'accommode de tous les terrains & de toutes les expofitions. Cet
arbre n'eft pas fans quelque agrément. Sa fleur très - hâtive , aflez
apparente , & de longue durée , fon feuillage d'une belle verdure ,
qui n'eft jamais attaqué des infedes , & qui fouffre l'ombre des
autres arbres ; & la figure régulière qu'on peut donner par la taille
au cornouiliur , fans nuire à fon fruit , doivent engager à l'employer
dans quelques cas pour l'ornement , foit à de&rpalifTades baffes , foit
en le mettant dans les remifes. On peut multiplier le cornouiliur àQ
rejetons qui pouffent au pied , & ce fera la voie la plus courte ;
ou s'en tenir à femer les noyaux de cornouilles. Quoique cet arbre
n'exige point de culture , il n'eft pas moins certain qu'il profite
beaucoup mieux quand o*^ ,1e cultive , & que fon fruit en devient
plus gros , plus coloré , mojljg^ftringent & d'un meilleur goût.
Voici les différentes eipeces de cornouilîier que l'on connoît à
préfent. l°. Le cornouilîier fauvage ; c'eft celui que nous venons
de décrire. Le cornouilîier franc ; c'eft la même efpece améliorée par
la culture. ^°. Celui d. fruit Jaune i il eft affez rare. 4.^ Celui b. fruit
hlancy il eft encore plus rare, fon fruit plus précoce & plus doux ,
mais plus petit, j*"^. Le cornouilUeF du Levant ; fon fruit qui vient
rarement , eft cylindrique, (5°. Celui à feuilles de citronnier, 7°, Le
5 5 2 COR
cornoulllkr de Flrginle à feuilles tachées. S**. Idem à gros fruit rouge,
p*'. Idem à grande Jlmr; il n'a que fept à huit pieds de haut, & eft
très-commun dans les pépinières autour de Londres oii il eft connu
fous le nom de dogwood de VirginU. M. Miller dit qu'il ne l'a point
encore vu porter de fruits en Angleterre. Ses fleurs reftent fix femaines
épanouies & à fe perfeélionner ; après ce temps , dit Catesby , il leur
fuccede des baies difpofées en grappes , qui font rouges , ovales ,
ameres , & qui en reftant fur l'arbre , font d'un aulîi bel afped en
hiver , que fes fleurs l'ont été au printemps. Les fleurs de ce cor-
nouiilier font quelquefois rougeâtres , & leurs fruits tardifs. Il y en
a qui demandent Torangerie pour pafl'er fhiver.
Le cornouïllier fanguin ^ virga fanguinea , eft un arbiifl'eau très-commun
dans les bois , dans les haies , &c. L'écorce de fes jeunes rameaux eft
d'un rouge vit & foncé. Sa fleur vient en ombelle comme celle de
toutes les efpeces de ce genre ; mais l'ombelle efl: toute nue : fes baies
font noires & huileufes. Cet arbriiTeau fe multiplie plus qu'on ne veut.
Il y a auflî des cornouilUers fanguins à feuille panachée , à fruit blanc,
à feuilles blanches , & à feuilles de laurier. Il y a encore une efpece
de cornouiUier nain de Canada , qui n'eft prefque qu'une herbe , qui
fera propre à faire des bordures fi elle peut s'accommoder à notre
climat.
CORNUPEDE 5 corniger aut cornifer. On donne ce nom à l'animal
dont la tête efl: armée de cornes.
COROLLE. Nom.que les Botanifl:es donnent à la partie la plus
apparente des fleurs. Voyez le mot FUur & le Vocabulaire de l'article
Plante dans ce Didionnaire.
COKOSSOLIER. Foye^ à l'article Cœur de Bœuf & celui de
Cachimentier.
CORPS , corpus. Eft cette partie de l'animal compofée d'os , de
mufcles, de canaux, de liqueurs ,^^^i^^ nerfs , &c. qui font le fujet
de l'Anatomie comparée. Il y a tant 3e diverfités dans la feule figure
extérieure du corps des animaux , & fur-tout des infeâes , qu'il feroit
impofiible d'épuifer cette variété. Foye^ les articles Animal , Qua-
drupède, Homme, Poisson, Oiseau & Insecte.
On appelle corps marins , des coquilles , des coraux , des madré-
pores, des poiflbns , Sec. que l'on trouve enfouis & pétrifiés dans le
fsin de la terre. Voyez Fojfile^
On
COR 3^j
On appelle corps figures , des pierres à qui des cîrconftances fortuites
ont fait prendre dans Je fein de la terre des formes bizarres , qui
peuvent quelquefois avoir de la reflemblance avec des corps étrangers
aux règnes végétal & animal. Voyez Jeux de la Nature : voyez aufîi
Artholite , Lardite , &c.
L'on donne auffi le nom de corps inconnus à certains foflîles qui ne
peuvent fe rapporter à aucun analogue vivant , ni à aucunes pétri-
fications , telles font les loupes pierreufes appellées oolithes , hammites ,
cenchrites , pifolites , miconkes , orobites , &c. on peut y placer les pierres
numifmales y les phacites , les lumbricites. Les diiférens noms qu'elles por-
tent , ont été tirés de la relfemblance qu'on leur a trouvée ou avec
des œufs de poiflbns, ou avec des graines de végétaux; mais on ne
fait rien de pofitif fur leur véritable origine. Les uns , comme la
pierre nommulaire , font -ils des tejîacites ; les autres feroient-ils ou
des ftalagmites, ou des boutons d'étoile de mer. Voyez Pierre nom^
mulaire & Oolithe. ^
Enfin l'on appelle corps naturels toutes les fubftancés matérielles dont
raflemblage compofe l'univers. A Tégard du corps réiiculaire , voyez
à l'article Peau. *
CORTUSE , cortufa. Plante aftringente & vulnéraire , dont les
feuilles font larges & découpées. Ses fleurs font femblables à celles
de l'oreille d'ours , & purpurines. Sa racine efl: fibreufe.* Toute la
plante eft odorante : elle croît aux lieux ombrageux dans les terres
argileufes.
CORU. Arbre du Malabar femblable au coignaffier. Sa fleur efl
faune & inodore : fa feuille reffemble à celle du pécher. Son écorce
eu. mince , légère , verte , & pleine d'un fuc laiteux & fort gluant ,
& dont on fait ufage contre toute forte de flux, Confultez Rai &
James.
CORZA. Nom fous lequePiè ^àim eft connu en Efpagne, Voye^^
Daim. »
COS. Voyei^ Pierre a aiguiser ou a rasoir.
COSQUAUTH, Voyii Aura,
COSSON. Efpece de charançon qui attaque les fèves, les pois ,
&: même les blés. Voye^ Charançon.
COSTUS, cojlus iridem redolens. Sa racine eft célèbre dans les
antidotaires des Pharmaciens. La racine du coftus , dont il eft mention.
Tome //, >* Y y
efl différente du co/ius corùcofus , qui eft la cannelle blanche, Voye^
€e mot. Le coftus des boutiques efl: une racine exotique , coupée en
morceaux oblongs , gros comme le pouce , légers , poreux , &
cependant durs , mais friables , un peu réfineux , d'un goût acre de
gingembre mêlé de quelque amertume , aromatique , d'une odeur
légère de violette , d'un jaune gris ou brun : elle eft tirée d'un arbriflfeau
qui refîemble beaucoup au fureau, & qui croît abondamment dans
l'Arabie heureufe , en Malabar , au Bréfil & à Surinam : il porté
une fleur odorante , que M. Linnczus dit être compofée de trois feuilles
avec un neciarium. Cette plante efl le chïan-fou des Chinois , le ttjîava.'-
hua dont on .trcfùve la defcription & la figure dans XHort. Malabar, T,
XL pi. ly. A/^r^r^^ penfe que c'eft: le paco-caat'ingua du Bréfil. Sa
racine eft mife au nombre des céphaliques : c'eft un des ingrédient
de ,1a grande thériaque d'Andromaque. M. Geoffroi ( Mémoire de
r Académie des Sciences , 1740^ page ^8.) penfe que l'aunée eft un©
racme fort approchante du cofius ; car étant choifie bien nourrie ,
féchée avec foin & gardée long-temps , elle perd cette forte odeur
qu'on lui connoît , & acquiert celle du cojîus dont on mange dans
le pays les tiges fraîches pour les gonorrhées. On fe fert des feuilles
du coftus appliquées extérieurement pour guérir les coliques , &; fur
les yeux pour les fortifier.
Le cojîus qu'on trouve dans les cabinets des curieux, eft ou blanc
tirant fur le rouge , léger , d'une odeur très - fuave , d'un goût acre ,
brûlant & mordant , & fe nomme coJlus Arabique ; ou il eft léger,
plein & noir , très - amer , d'une odeur forte d'œillet , c'eft le cojlus
Indien , k pucho des Maiabares dont on fait un grand commerce
dans la Perfe, l'Arabie ; ou enfin pefant, d'une couleur de buis,
dont l'odeur porte à la tête , c'eft le cojîus Syriaque ou Romain.
Les cojîus des Anciens étoient beaucoup plus odorans que ceux
de nos jours : ils s'en fervoient po'ia^jkire des aromates & des par-
,fums ; ils les brûloient fur les autels comme l'encens. On voit par
cette defcription que le coftus des Grecs , des Latins & des Arabes ,
eft un même nom qu'ils ont donné à difïérentes racines. L'omo-.
nymie en Botanique fait un chaos qu'on ne débrouillera jamais.
COTE 5 cojîa. Nom donné à un long os courbé , placé fjr les
côtés du thorax dans une diredion oblique, l^oye^ à la fuit^ du mot
Os 5 l'article Sq.uelete humain, Qu'il nous foit permis de dire ici
C O T 3sf
que la /elure des cotes n'eft qu'un vain nom ; & leur enfonçure prétendue
fans fraflure n'eft qu'une pure illufion que les BaUUuls ou Renoueitrs
ont répandu dans le public comme des accidens communs , qu'eux
feuis favent rétablir par leur expérience , leur manuel particulier , ^
leurs appareils appropriés. Nous finirons par indiquer les bonnes
fources où le Leéleur peut puifer les plus grandes lumières fur cette
partie du corps humain. Nous devons entièrement à Vcfale l'exade
connciflance de la ftrudure & de la connexion des côtes. II faut
confulter fur la mécanique & fur l'ufage de ces fegmens olFeux ,
Winfioiv , dans les Mémoires de t Académie , année 1720 ; fur leur
configuration , leurs attaches & leur effet dans ia refpiration , M.
Sénac , Mémoire de l'Académie , 1724 ; fur leur nombre plus ou moins
grand , M. Hunaud , idein 1740 ; fur leur fradure interne , MM.
Petit & Gûulard , idem 174,0. Tous ces Auteurs font admirables
fur ce fujet , & excellens fur les autres parties de l'Anatomie ,
&c. A l'égard des côtes de la baleine , cet animal de mer a des côtes
véritablement offeufes , & c'eft à tort qu'on les confond avec les
barbes ou fanons de ce cétacée. Voyez ce que c'eft que \qs fanons à
l'article Baleine de Groenland.
COTE. On donne aufH ce nom aux terres & rivages qui s'éten-
dent au loin le long du bord de la mer ou des rivières. Il y a des
côtes très -hautes, très - efcarpées , comme coupées à pic, & très-
dangereufes pour la navigation par les roches dures , les bancs
de fable , ou les bas - fonds , ou les roches à fleur d'eau qui font
auprès.
On appelle coteau , tout terrain élevé en plan incliné au-defTus du
niveau d'une plaine , fuppofé que ce terrain n'ait pas une grande
étendue ; ainfi coteau eft le diminutif de côte. Les coteaux doivent être
autrement cultivés que les plaines : cette culture varie encore félon
la nature de la terre & l'expo^tion. On a obfervé que les côtes ^
les coteaux ne font ordinainrorent fertiles que d'un côté : on diroit
que le côté oppofé ait été dépouillé de fa terre fertile par des couv-.
rans. Foye^ cette théorie au mot Terre,
COTINGA. Oifeau du genre du merle : il y en a d'un vert
bleuâtre ; on le trouve chez les Maynas. On en rencontre aufîi dans
le Mexique qui ont le dos d'un bleu pur, le ventre d'un beau violet,
ie bout des ailes ^ de la queue font noirs. Celui de Cayenne eft d'un
. Y y 2
'5 J 6- C O T
rouge pourpre , Te bout de fes ailes eft bîanc. lî y en a auffî àventrd
jaune. Il y a encore refpece appellée manakin bUu , à poitrine
pourpre , qui fe trouve dans le Bréfil , aind que le cotinga tout
blanc, le cendré & le tacheté. Voye:^ maintenant Cotinga.
COTONNIER. C'eft une des plantes les plus utiles que la nature
nous préfente dans l'une & l'autre Inde , & que l'induftrie humaine
travaille avec le plus d'art. Il y a pluheurs efpeces de cotonniers ,
dont les unes s'élèvent en arbre , & une autre eft herbacée , connue
fous le nom de cotonnier commun , en latin , xylon herhaceum , par
oppofition aux autres efpeces nommées xylon arborcum , cotonnier
arbre.
Le cotonnier eh arbre s'élève , au rapport du P. Diitertre , du P,
Labat & de M. Freiier , à la hauteur de huit à dix pieds. Son tronc
eft gros comme la jambe , branchu & fort rameux» Ses feuilles font
divifées en trois & pofées alternativement. Il porte une fleur jaune
monopétale en forme de cloche, & fendue jufqu'à la bafe en cinq
ou (ix quartiers , de la grandeur de celle de la mauve appellée rofe
d'outremer. A ces fleurs fuccede un fruit de la grolTeur d'une noix ^
divifé en plufieurs cellules qui contiennent un duvet en flocons ou
une filafle d'une grande blancheur qu'on nomme coton , & à laquelle
font attachées plufieurs graines noires de la grofleur d'un pois. Il
paroît même que le coton s'eft formé en fuintant des graines. Ce fruit
s'ouvre de lui-même lorfqu'il eft mûr; & fi l'on n'en faifoit la récolte
à propos 5 le coton fe, difperferoit & fe perdroit.
On peut diftinguer trois efpeces de ces cotonniers , qui différent
par la beauté & la fineffe du coton qu'ils produifent , & par l'arran-
gement des graines dans leurs gouffes. Il en croît à la Martinique une
efpece dont les graines , au lieu d'être éparfes dans la goufle , font
ferrées & amoncelées dans le milieu en un flocon très-dur, ce qui
tfi fait nommer coton de pierre : c'eftÇ^elle qui donne le plus beau
coton. Des deux autres efpeces , lune donne le coton le plus
commun dont on fait des matelas & des toiles ordinaires , &c l'autre
un coton blanc & fin dont on peut faire des ouvrages très-déliés.
On cultive aufli aux Antilles une quatrième efpece de cotonnier,
qui ne diffère prefque des précédentes qu'en ce qu'elle donne un coton
d'une belle couleui: de chamois & très-fin , que Ton nomme cocorz
de Siam, On en fait des bas d'un extrême finefle, qui font recherchés
COT 5^7
â caufé de leur belle couleur naturelle : peut-être cet arbre eft-il
originaire de Siam. Il y a encore dans nos Iles Françoifes une autre
efpece de cotonnier qui donne un coton blanc, & que l'on nomm&
coton de Siam à graine verte.
M. de Préfontaine ^ Mai/on Rujiiqiie deCayenne , obferve que îe coton
eft de toutes les denrées d'Amérique la plus facile à cultiver , Se qui
exige le moins de Nègres dans une habitation. Le cotonnier vient
de graine : tout terrain convient à ce végétal lorfqu'une fois il eft
forti de terre. Quand l'arbre eft parvenu à la hauteur de huit pieds,
on lui callë le fommet & il s'arrondit ; on coupe aulli la branche qui a
forte Ton fruit à maturité , afin qu'il renaifle des principaux troncs
de nouveaux rejetons , fans quoi l'arbriflTeau périt en peu de temps:
c'eft pour la même raifon qu'on coupe le tronc tous les trois ans rez
terre , afin que les nouveaux jets portent un coton plus beau & plus
abondant. L'arbre donne du coton au bout de fix mois. Il y a deux
récoltes , une d'été & une d'hiver. La première eft la plus abondante
& la plus belle; elle fe fait en Septembre & Odobre : l'autre qui fe
fait communément en Mars , eft encore moins avantageufe par rapport
aux pluies qui faliiTent le coton , & aux vents qui fatiguent l'arbre.
Pour bien cueillir le coton , un Nègre ne doit fe fervir que de trois
doigts : & pour ce travail le Nègre n'a befoin que d'un panier dans
lequel il met le coton , qu'on expofe aû'ffi-tôt au foleil pendant deux
ou trois jours , après quoi on le met en magafin , prenant garde que
les rats ne l'endommagent ; car ils en font fort friands : on fe fert
enfuite de moulins à une , deux & quatre paffes pour l'éplucher 5c
pour en féparer la graine ; puis on le met en balle dans un fac de
toile forte , bien coufu & mouillé , afin que le coton s'y attache &
qu'on puifîe le fouler également. Les balles de coton pefent depuis
deux cent foixante & dix livres jufqu'à trois cents vingt livres.
Quelques Auteurs parlent i^line efpece de cotonnier qui rampé
comme la vigne: ils difent aulîi qu'il croît au Bréfil un autre coton-
nier de la hauteur des plus grands chênes; & que dans l'Ifle de Sainte-'
Catherine il y en a une efpece dont la feuille eft large & divifée en
cinq fegmens , & le fruit de la grolTeur d'un petit œuf de poule. Ce
font nos Iles Françoifes de l'Amérique qui fourniflent les meilleurs
cotons, qui font employés dans les fabriques de Rouen & de Troyes,
Les Etrangers mêmes tirent les leurs de la Guadeloupe , de Saint-
'SS^ C O T
Domingue & des contrées adjacentes. On cultive auHî des cotonniers
dans la Sicile , dans la Fouille , en Syrie , en Chypre & à Malthe.
On prétend qu'en Amérique les cotonniers font vivaces, & que ceux
des Indes & de Malthe font annuels. Dans plufieurs endroits du
Levant on cultive le cotonnier commun ou herbacé. Sa tige velue ,
ligneufe, ne s'élève qu'à trois ou quatre pieds: fes feuilles font fem-
blables à celles du petit érable; & fon fruit eft de la groffeur d'une
petite noix. C'eft dans l'emploi de cette matière , reçue toute brute
des mains de la Nature , que brille l'induftrie humaine , foit dans
la récolte, le moulinage, l'emballage , le filage; foit dans la manière
de peigner le coton, de l'étouper, de le luftrer, d'en mêler diverfes
fortes pour différens ouvrages, de former le fil, de le dévider, «de
l'ourdir , &c. Sous combien de formes différentes & prefque con-
traires , ne voit-on pas paroître cette même matière ! Quelle diffé-
rence de la mouffeline à des tapifferies ! des couvertures de toile de
coton à du velours de coton ! Cette diverfité dépend du choix de la
matière & de la manière de l'employer. Foyei le Diction, des Ans &
Métiers,
Prefque tous les ouvrages faits avec le coton, font mouffeux,
parce que les bouts des filamens paroiffent fur les toiles ou eftames
qui en font faites : c'eiR: cette efpece de mouffe qui a fait donner le
nom de moujjeline à toutes^es toiles de coton fines qui nous vien-
nent des Indes, & qui en effet ont toutes ce duvet. Pour éviter ce
défaut dans les mouflelines très-fines , on ctoupe le coton , c'eft-à-dire
qu'on enlevé tous les filamens courts. Ces belles mouffelines fines font les
.ouvrages les plus délicats & les plus beaux que l'on faffe avec le coton
filé. Outre ceux dont nous avons déjà parlé , on en a fait encore
des futaines , des bafins , des bas dont la beauté & la perfedion efl
quelquefois telle , qu'une paire de bas pefant une once & demie ou
deux onces, vaut depuis trente jufqu'à foixante & quatre-vingt livres.
/.En Amérique on mélange les diverfes fortes de cotons pour faire des
rayures dans les ouvrages : pour cela (5h met fur la carde tant de fils
en flocons d'une telle qualité , & tant d'une autre , fuivant l'ufage
qu'on en veut faire ; les Indiens ne connoiffent point ces mélanges.
La diverfité des efpeces que la Nature leur fournit, les met en état
de fatisfaire à toutes les fantaifies de l'art ; & les préparations qu'ils
ijonnçnt à leurs cotons^ n'ont niil rapport avec les nôtres, Le cpîoa
COt iS9
entre aufîî dans une infinité d'étoffes où il fe trouve tiffu avec la
foie , le fil & diverfes autres matières. Enfin , c'eft la mèche ordinaire
des matières propres à éclairer.
Outre les cotons dont nous venons de parler , il y a auffi en Amé-
rique le coton du fromager & celui du mahot. Voyc^ Fromager &
Mahot.
A la Chine les Laboureurs fement dans leurs champs , immédia-
tement après la moiflbn ordinaire, une efpece de cotonnier herbacé,
& ils en recueillent le coton peu de temps après. Les Egyptiens en
font de même à l'égard de Xapocïn pour en retirer la houate. Voye-{^
Apocin. On croit que le cotonnier de la Chine eft une efpece d'ar-
moife très-velue, appellce moxa. On en fépare le duvet ou coton (qui
eft une forte de bourre ) en écrafant les feuilles : les Chinois, les
Japonois , & même les Anglois , en forment des mèches grofîes
comme un tuyau de plume , dont ils fe fervent pour guérir la goutte :
ils mettent le feu à une de ces mèches , & ils en brûlent la partie
affligée , d'une manière à produire peu de douleur. Quoi qu'il en
foit de ces propriétés , il eft sûr que notre coton véritable mis fur
les plaies en forme de tente , y occafionne l'inflammation. Leuwenhoeck
attribue cet effet à la figure des fibres du coton [qui , vues au mi-
crofcope, ont deux côtés plats comme tranchans , fins & roides.
COTYLEDON. Foye^ Nombril de Vénus, On donne auffi Iç
nom de cotylédon aux feuilles féminales des plantes..
COUCHE-COUCHE. Voye^ Cousse-Couche.
COUCHES DE LA TERRE, tdluris (irata aut fîatumina.VojQZ
à l'article Terre,
COUCHES LIGNEUSES. Foye^ a Vartick Bois.
COUCOU , en latin cuculus. Genre d'oifeau dont on diftingue
beaucoup d'efpec'es. Tous ont deux doigts devant & deux derrière,.
Le bec eft un peu convexe & comprimé par les côtés. '
Le nom de coucou ou de -coqu a été donné à cet oifeau , du cri ■
qu'il forme en chantant. Les efpeces différent & pour la grandeur
& pour la couleur , ou la longueur de la queue. Le compxi des Indes
Orientales eft d'un noir verdâtre ; celui de Coromandel a la tête 6c
& une huppe vertes, le ventre & le cou blancs, le dos noirâtre, les
aiies comme dorées , & la queue cendrée ; celui de la Chine eft tout
bleu, Le coucou de Mindanao eft entièrement moucheté de virgules
3 <^o cou
jaunâtres, vertes &: blanches. Le coucou de Saint -Domîngue a le
bec long , cuculus longirojicr ; le coucou cornu du Bréfîl a une crête
ou une huppe qui fe divife en deux parties. C'eft une efpece d'oifeau
Je plumes. Voyez ce mot. Le coucou vulgaire eft de la grandeur de
l'épervier ; il n'a point le bec fi crochu ni fi fort ; il a des plumes
jufques fur les pieds ; fon plumage eft cendré , traverfé de lignes
noires ; celui du ventre eft d'un blanc fale & ftrié de brun ; les pieds
font fafranés. Cet oifeau eft carnaflîer & vorace ; il fe nourrit de
chair de cadavres , de petits oifeaux , de chenilles , de mouches ,
de fruits & d'ceufs d'oifeaux. On n'apperçoit dans ce climat le
coucou , que; jdepuis le commencement de Mai jufqu'à la fin de
Juillet : dans tout le refte de l'année il difparoît entièrement , foit
qu'il fe -retire dans les pa}'s éloignés & chauds , ce que fa pefanteur
ne permet guère de croire j foit qu'il fe cache dans des endroits où
il n'eft pas poflible de le trouver ; foit qu'il refte engourdi dans des
arbres creux, dans des trous de roche, dans la terre.
La fem.elle de cet oifeau aune fingularité qui la diftingue de toutes
les autres ; c'eft de ne point conftruire de nid & d'aller pondre fon
ceuf (car on dit qu'elle n'en pond quun feul) dans celui de quelque
petit oifeau , comme fauvette brune , li/iotte , jjiîfunge , roitelet , rousse-
gorge , & de laiffer ainfi à cette nouvelle mère le foin de le couver.
Le coucou s'empare auiîî du nid de ^alouette , du pinçon , de la ber-
geronctte , &c. & en écarte quelquefois plufieurs oeufs s'il y en trouve
trop , pour mettre le fien a la place ; après quoi il abandonne le
fruit de fes amours : alors l'oifeau auquel appartient le nid , couve
rcEuf du coucou , adopte & foigne le petit lorfqu'il eft éclos , & le
.-'' nourrit jufqu'à ce qu'il foit affez fort pour prendre l'eiTor. On eft
frappé d'une telle indifférence, comparée à cette tendreflc générale,
à ces foins qu'ont les autres oifeaux pour leurs petits. D'où peut
venir ce défordre apparent dans un ouvrage de la Nature où tout
eft fondé fur des raifons folides ? La bizarrerie que nous croyons
quelquefois y remarquer , n'eft que l'effet de notre ignorance. ?vT,
}Ièri^ant , tie l'Académie Royale des Sciences , obferve dans un Mé-
înoire qu'il a .donné fur le coucou, que dans les autres oifeaux l'eftomaç
'i eft prefque joint au dos & totalement recouvert par les inteftins ; &
qu'au contraire l'eftomaç du coucou eft placé d'une manière toute
.^^fférente , il fe trouve dans la partie inférieure du ventre , & recouvre
gbfolument
cou 5c<it
abfûluînent les ïntefllns. De cette pofïtioii de reflomac , il fuit qu'il
eft aufli difiicile au coucou de couver fes œufs & fes petits , que
cette opération eil facile aux autres oifeaux , dans lefquels les parties
qui doivent pofer prefqu'immédiatement fur les œufs ou fur les petits,
font molles & capables de fe prêter fans danger à la comprellîon
qu'elles doivent éprouver. Il n'en eft pas de même du coucou: les
membranes de fon eftomac chargées du poids de fon corps & com-
primées entre les alimens qu'il renferme & des corps durs , éprou-
veroient une comprellion douloureufe & contraire à la digeftion. II
fuit encore de la ftruélure particulière de cet animal , que fes petits
îî'ont pas le même befoin d'être couvés que ceux des autres oifeaux,
leur eftomac étant plus à l'abri du froid fous la maffe des inteftins ;
& c'eft peut-être la raifon pour laquelle le coucou donne toujours
(es petits à élever à de très-petits oifeaux : ils n'y perdent rien quant
à l'incubation qui leur ejQ: moins néceffaire , & y gagnent par la
facilité qu'ils ont , comme les plus forts dès leur naiflance , de vivre
aux dépens des petites familles qui viennent d'éclore avec eux. C'eft
ainfi qu'ils violent les droits de l'hofpitalité. Après avoir dévoré leurs
frères de lait , leur ingratitude cruelle & monftrueufe les porte quel-
quefois jufqu'à attaquer les mères qui les ont couvés -& élevé?.
Heureufes les nourrices d'un autre ordre d'animaux quand elles ne
deviennent pas les vidimes de leurs propres enfans ! Au refte , d'après
l'obfervation anatomique ci-delfus , on peut dire que plus on étudie
la Nature, plus on voit que les eftets les plus oppofés fe rapportent
précifément aux mêmes plans & aux mêmes vues; mais il faut avouer
au fil que le Pocte a eu raifon de dire : Sic vos non volais , nidificatis.
a-res.
COUDOUNISR. Fojq CoiGNAssiER. '
COUDOUS ou CONDOUS. Quadrupède à pied fourchu , &c
qui fe trouve dans les pays les plus chauds de l'Afie , & en Afrique
au Cap de Bonne - Efpérance , chez les Hottentots. La tête de cet \
animal eft garnie de cornes très-groffes , prefque droites , d'une fubf-
t3nce épaiffî & noire , creufes , remplies comme celles^ des bœufs
d'un os qui leur fert de noyau ; elles ont depuis la bafe , & dans la plus
grande partie de leur longueur , une groffe arrête épaifie & relevée ^
d'environ un pouce ; & quoique la corne foit droite , cette arrête
proéminente fait un tour & demi de fpirale dang la partie inférieure.
Tome JI, Z 2
5^i COU
& s'efface en entier dafls la partie fupërieure de la corne qui Iq
termine en pointe ; elles ne différent de celles des bufles que parce
qu'elles font rondes & droites , au lieu que celles des bufles font
courtes & aplaties ; on dit que cet animal eft de la grandeur d'un
cheval, de couleur grisâtre, & a , comme le cheval, une efpece de
crinière. M. de Buffon penfe que cet animal peut être une efpece
féparée du bufle , ou bien fimplement une variété du bufle. C'eft
ïamilopc oryx de M. F allas , il le range dans les contoriï-cornes. Voyez
l'article GaidU. On voit une très - belle peau avec les fabots , &
tenant au mafTacre du coudous , dans l'un des cabinets de Chantilly,
On l'a reçue fous le nom de condoma. Voyez ce mot.
COUDRIER ou NOISETIER , corylus. Arbriffeau dont la racine
eft longue , grofTe & robufte , enfoncée profondément dans la terre
& étendue au large , pouffant de groffes tiges qui fe partagent en
plufieurs branches fortes , & en des verges pliantes , fans nœuds &
flexibles , dont le bois efl: blanc & tendre. Ses feuilles font larges ,
un peu ridées &: dentelées , d'une couleur verte , & pâles en deflous.
Il a pour fleurs, des chatons oblongs qui portent les fleurs mâles,
& des houppes de filets rouges, qui font les piftils des fleurs femelles,
X-es chatons font d'abord verdâtres , enfuite jaunâtres, écailleux, &:
ne laiffent après eux aucun fruit. Les fruits naiffent fur le même arbre,
mais en des endroits féparés , unis plufieurs enfemble : ce font les
noifettes que tout le monde connoît : elles font enveloppées chacune-
dans une coiffe membraneufe & frangée par les bords. Le fruit efl:
ou rond ou ovale : fon écorce eft ligneufe , jaune - rougeâtre ; elle
renferme une amande qui donne un fuc laiteux , recouverte d'une
pellicule rougeâtre dans les noifetiers cultivés , & roufsâtre dans les
autres. L'amande eft très-bonne à manger.
Le noifetier croît par la culture dans les jardins , les vignes & les
vergers ; ceux qui font fauvages viennent par-tout , dans les forêts
& le long des chemins; mais leur accroiffement eft fort lent. M.
Daubcnton dit en avoir vu de fort vieux à la vérité , qui avoient
quarante piçds de haut , & plus de deux pieds de tour , & qui ne
dépériffoient point encore. M. Halkr dit qu'il y avoit en 1727 un
noifeti-er de cette taille dans le jardin de Leyde , & qu'il y avoit été
mis par Charles de l'Ecluse , c'étoit une variété venue du Levant.
Parmi ceux que l'on cultive & dont on fe fert pour faire des haies
1" -
cou 3^^
dans les jardins , les uns portent des fruits longs cachés dans des
calices de même figure , fermés , verts & frangés à leur bord ; d'au-
tres en portent de ronds & dont le calice eft court & plus ouvert : '
telles iont les avelines. Ce font les meilleures noifettes : on nous les
apporte du Lyonnois & d'Efpagne. Les fruits des noifetiers fauvages
font petits & moins agréables à manger.
En général les noifettes nourriffent plus que les noix : on les couvre
de fucre chez les Confifeurs : on en tire , par expreflion un huile
douce 5 très-utile pour la toux invétérée. Le bois du coudrier , tout
différemment de celui des autres arbres , a plus d'utilité quand il eft
d'un petit volume , que lorfqu'il a plus de groffeur : on s'eft aufîî
afîuré par plufieurs expériences , qu'il dure trois fois davantage
lorfqu'il a été coupé dans le temps de la chute des feuilles, que
, celui qui a été abattu pendant l'hiver ou au commencement du prin-
temps. Au refle , le bois du coudrier n'eft propre qu'à de petits
uf^es. On l'emploie fur-tout à faire des cerceaux pour les futailles,
parce qu'il eft droit , fou pie & fans nœuds : on fait des arcs de
flèches avec les branches fouples de coudrier. On prétend auffi fe
fervir de ces mêmes branches pour découvrir des fources , des tréfors
cachés , & des mines ; mais ces vertus furnaturelles font des pro-
priétés imaginaires & fuperflitieufes , dont des fourbes abufent tous
les jours pour tromper la crédulité des gens infatués d'anciens préjuges :
heureufement que les dupes en ce genre font le plus petit nombre
des Citoyens, f^oyc^ Baguette divinatoire,
COUGUAR. Animal féroce de l'Amérique , que l'on nomme
tigi-e rouge à la Guiane. Cet animal eft alfez haut fur fes jambes ,
€&\é , lévreté ; il a la tête petite , la queue longue , le poil court
& afkz généralement d'un roux vif ; il n'eft marqué ni de bandes
longues, comme le tigre; ni de taches rondes & pleines, comme
le léopard ; ni de taches en anneaux ou en rofes , comme l'once.
& la panthère. Cet animal vorace grimpe fur un arbre touffu , s'y
cache & s'élance de-là fur fa proie. Sa légèreté & la longueur de
fes jambes le rendent très-propre à grimper aifément fur les arbres.
Cet animal eft pareifeux & poltron lorfqu'il eft rafTafié.
Le couguar eft allez commun à la Guiane ; autrefois on a vu ces
brigands arriver à la nage & en nomibre dans l'île de Cayenne , pour
dévafter les campagnes & égorger les troupeaux ; c'étoit dans les
Zz 2
'3 (Té COU
commencemens uh fléau pour la Colonie ; maïs peu-à-peu on Tes
a chaires , détruits ou relégués loin des habitans.
Lorfqu'on étoit obligé de paflfer la nuit dans les bois , il fuffifoit
d'allumer du feu pour lui infpirer de la terreur & le faire fuir.
On fait de la peau de ces animaux des bouffes de cheval ; leur
chair eft maigre , & a un fumet défagréabîe.
COUI. Nom que Ton donne dans nos Colonies Françoifes au
CalebaiTier d'Amérique : on appelle coins les vaifleaux qui font faits
de la moitié de fon fruit , & dont les Nègres fe fervent en guife
de fébilîes de bois , &:c. Les Caraïbes ont l'art d'en faire d^ jolie
vaiifeile. Foje^ a Vartïch Calebassier d'Amérique.
COULEUVRE 5 coluber. Efpece de ferpent , dont la tête eft
plate & la queue pointue. Le Didrionnaire des Animaux cite plus
de vingt efpeces de couleuvres , d'après MM. Linnœus , Scba , les.
■Acies êiUpfal & les Voyageurs ; mais la plupart font des vipères ou.
des ferpens diiférens de la couleuvre. Nous ne parlerons que des
couleuvres les plus connues.
La couleuvre ordinaire eft un reptile ovipare que Ton regarde
comme la plus grande efpece de nos ferpens; c'ef!: , pour ainfi dire,
notre ferpent domeftique : il eft long ordinairement de quatre à cinq^
pieds , rond & gros de deux pouces ; fa tête eft plate ; fa bouche
garnie de dents aiguës ; fa langue eft noire & fourchue à l'extrémité j
étant en colère , die la lance dehors. La morfure de nos grofïes
couleuvres peut occafionner, lorfqu'elles font irritées, des inflam'!
mations , mais qui n'ont point le danger de celles de la vipère. ( /^oy^
à Varùcle ViPERE la différence des dents de ce ferpent , avec les
dents & les mâchoires de la couleuvre. ^ Cet animal habite les buis ,,
les lieux déferts & pierreux : il change de peau tous les ans dans
l'été. Sa chair , fon cœur & fon foie palTent pour être fudorifiques;
fa graiffe eft émolliente.
La couleuvre des Antilles fe nomme courejfe , elle eft longue de
trois à quatre pieds , menue , mouchetée , vive , & ne fait point de
mal. Les Nègres prétendent quelle détruit les rats &: les infedes-,
aufli la laiffent-ils venir dans leurs cafés.
La couleuvre d'eau , appellée auffi fetpcnt cTeau , couleuvre fcrpen»
îlne , anguille de haie & ferpent à collier ^ eft décrite à l'article Chat"
honnier. Voyez ce moto.
Cou 5^;
La couleuvre cendrée de Suéde , celle qui eft noire dans l'Angleterre,
font des vipères : celle qui efl: de deux couleurs dans le Malabar ,
n'eft point venimeufe : les Indiens , chez qui elle efl: commune &
familière , la voient avec plaifir : ils en mettent dans leur fein
pour fe rafraîchir dans les grandes chaleurs de l'été. Voyez ferpcnt
de Malabar, Les couleuvres de Surinam , dont la couleur eft bleue
ou aurore , font des ferpens afïez dangereux. La couleuvre efculape
a des dents dont la morfure n'efl: pas plus à craindre que celle du
ferpent efcfulape. La couleuvre cornue des Arabes & des Egyptiens,
quoique privée de dents , pafle pour être très-venim.eufe : celles des .
îles Françoifes ne font aucun mal ; les habitans du pays marchent
delTus impunément pieds nuds , & les prennent à la main fans aucun
danger : on y en voit dont le regard eft (i affreux , que , quoique
non venimeufes , elles font quelquefois rebrouffer chemin aux plus
hardis ; la peau de celles-ci fert dans le pays à faire des baudriers.
Parmi les différentes efpeces de couleuvres , il s'en trouve qui,
bien loin de fuir , pourfuivent opiniâtrement ceux qui ofent les
frapper. On en voit dans Tile de Saint-Dominique une efpece grofîe
comme le bras , ayant douze pieds de longueur j & qui , fans
mordre les poules , les entortille & les ferre comme le ferpent
étouffeur avec tant de force , qu'elle les fait bientôt mourir. La
couleuvre des Moluques a jufqu'à trente - deux pieds de longueur :
elle en veut particulièrement aux hommes ; mais au défaut de chair
humaine , elle a , dit - on , recours à une autre nourriture : elle va
mâcher des herbes fur le bord de la mer , après quoi elle monte fur
les arbres qui avancent dans l'eau , & elle y dégorge ce qu'elle a
mangé. Auili-tôt divers poiflbns viennent pour avaler cet appât , &
à l'inflant la couleuvre , qui fe tient fufpendue au moyen de fa ,
queue , fe jette fur fa proie. Si elle la manque , elle la retrouve
bientôt ; car le poilTon qui a avalé de i'herbe dégorgée , tombe
dans une forte d'ivrelfe qui le rend comme immobile fur la^ furface
des bords de l'eau. Ces rufes fuppofent une inftinâ: trop réfléchi
pour paroître croyable dans un animal fembiable. Mais q^ue n'a pas
prévu l'Auteur de la nature !
Toutes les couleuvres dont la peau diverfement colorée repréfente
un tiffu travaillé au métier , & qui ont la tête comme cifelée & ornées
de perles 3 font des ferpens très - lafcifs , qui fe meuvent moins om
^66 COU
rampant que par fauts avec une vîtefle aflez confidérable. Toutes
ces fortes de reptiles exhalent une odeur défagréable : ils fe nour-
riflent de grenouilles , de petits lézards , de ravets , de petits oi-
feaux , de rats & fouris, La couleuvre de notre pays , aime paf-
lîonnément le lait : on en a vu entortillées aux jambes des vaches ^
leur fuccer le pis aux heures oii on devoit traire ces animaux. Il
n'eft pas rare d'en voir entrer dans les mafures , & même dans les
maifons, & y habiter en parafites. Quelques-unes ont témoigné de
rafifedion pour ceux qui prenoient foin de les nourrir. Foye^ Serpent
FAMILIER. Le remède contre la morfure des couleuvres venimeufes
font les mêmes que».pour la vipère, l'eau de luce & tous les alkalis
volatilf.
COULEUVRÉE ou VIGNE BLANCHE. Voyer^ Brionne.
COULILAY/AN. C'eft l'écorce gommo-réfineufe d'un arbre aro-
înatique , que l'on dit être différent de celui qui porte l'écorce de
cannelle giroflée. Voyez ce mot.
Le coulilawan croît naturellement aux îles Moluques : fon odeur
tient de celle du girofle & de la cannelle : c'eft une nouvelle efpece
d'épicerie dont on fait ufage aâ:uellement en Hollande : cette écorce
eft épaifle & compacfle , brune en dehors & d'une couleur claire en
dedans _, facile à réduire en poudre ; & alors elle exhale une odeur
fuave & forte. L'arbre qui porte cette écorce, efl: grand , & fouvent
fi gros par en bas , qu'un homme ne peut l'embraller. Sa cime efl
ferrée & peu épaifle. Ses feuilles font larges vers les pédicules &
Dointues à l'extrémité oppofée ; elles ont trois côtes ou nervures
qui parcourent la longueur de la feuille , ainfi que dans les feuilles
du m.aîabathrum & de la cannelle. L'arbre coulilawan fem.ble n'être
pas du genre de ces arbres , par la différence de fes fleurs Se de
fcs fruits. M. Canheufer , dans une differtation inaugurale de Mé-
decine fur l'écorce à odeur de girofle d'Amboine , l'appelle Laurum
canellîferam Amboinenfcm proceriorem , foliis longiorihus atque trinervis ,
haçcis calyculatïs oblongo-rotundis, La racine de cet arbre a le goût
du faffafras , & lui reffemble quant à la dureté & à la couleur. Les
Chirurgiens de la Compagnie des Indes Hollandoifes s'en fervent
depuis 1676, tant à Batavia que fur les vaiffeaux , à la place du
faffafras ; & peut-être fait-on de même en Hollande , puifqu'on n'y
trouve aucune différence*
cou 5 6n
Au moyen de la diftillation on retire de l'écorce du coulilawan
une huile efïèntielle, qui pafTe dans toute la Hollande pour l'huile
de girofle. Les Indiens en font entrer l'écorce dans leur bobori , qui
eft une efpece d'onguent , fouvent compofé de feuls aromates. Ils
s'en oignent le corps , tant pour fe parfumer que pour prévenir ou
pour difiiper les douleurs qu'ils contradent par l'air froid des nuits ,
auquel iis s'expofent en couchant à la belle étoile. Une demi -livre
de cette écorce ne fournit pas un demi-gros dliuile. Cette huile eft
regardée comme un fpécifique contre les fluxions : on en frotte les
parties affedées. L'eau qu'elle diftille eft laiteufe , & répand une
odeur très-aromatique : fon goût eft amer. L'huile; en eft claire , trans-
parente , & fumage : on la diftingue par une couleur jaunâtre. Une
demi-once d'écorce pulvérifée & extraite avec l'efprit-de-vin , adonné
cinquante grains de réfine ; l'eau n'en a tiré que quarante-huit grains
de gomme. L'eau-de-vie de France n'a procuré que trente - quatre
grains d'extrait , qui étoit moins aromatique que les précédens. On
peut préfumer que cette écorce, prife intérieuremnt, échauffe le
fang , augmente fon mouvement progrefiif & inteftin , diflbut la
pituite dans l'eftomac & dans les inteftins , favorife la digeftion ,.
arrête les yomilfemens , chaffe les vents , diflipe les douleurs qui
dérivent de la pituite , guérit les dévoiemens, défopile le roéfentere
& les autres vifceres , amené les évacuations périodiques des fem-
mes, augmente les fécrétions de la falive & de toutes les autres
humeurs.
COULOIR. Voyi:{^ Clonisse.
COULON-CHAUD , armarla. Genre d'oifeau dont on diftingue
deux efpeces , & dont le caraélere eft d'avoir quatre doigts , trois
devant & un derrière; fon bec eft noir, droit , mais incliné &: un
peu comprimé. Il vit fur les ^ bords de la mer, & fait fon nid dans
le fable , d'où lui vient le nom ^arcnaria. Edwards le nomme
Tourne-pierre de la baye d^Hudfon, Linnœus lui donne le nom ^intreprete ;
il eft à peu près de la groffeur d'un merle : des plumes noires bordées
de blanc forment fa coiffure ; le finciput , les ternpes , le menton ,
les reins , le croupion & la plus grande partie du deffous du corps font
blancs, le refte du corps en deffus eft noir, brun & ferrugineux f
une partie des jambes eft dénuée de plumes» Il à les pieds orangés
& les ongles noirs.
s 6^ COU
Le couion-chaud cendré qui eft l'alouette de mer de Caushy , a
îa gorge , le ventre , le bas du dos blancs , avec des bords de cette
couleur aux ailes & à la queue,
COUPAYA. Grand arbre du pays de Cayenne : c'eft un faux
fjnarouba qu'on a tort d'employer au lieu du véritable : il n'en a pas
Jes mêmes qualités. Il efl aifé de les diftinguer par leurs racines ; celle
du coupaya eft d'un fombre & fiilandreufe ; celle à\xJiinarouba eft jaune
& compacte. Voye^ Sîmarouba.
COUPE-BOURGEON. Voyc^ Lisette.
COUPEPvOSE NATURELLE. Voye^ au mot Vitriol.
COUPEUR D'EAU , Urus roftro incequali. Oifeau aquatique dont
î^ bec fort tranchant eft tout-à-fait irrégulier , la mâchoire inférieure
étant de près de deux pouces plus longue que la fupérieure. Le cou-
peur ^d'eau eft, fuivant quelques^-uns , une efpece de mouette^ noire
depuis le mùiieu de la tête , par le cou & devant le bec , au dos ,
aux ailes jufqu'à la queue; il a les pieds & la moitié du bec rouges.
On doit regarder le coupeur d'eau comme un hc en clfeaux» Voyez
ce mot.
COUP y, conpy arhor hirfuio folio , Barr, Grand arbre du pays
de Cayenne qui vient gros, fort droit , & fe travaille facilement;
fes racines &: fes branches font tortueufes , on y trouve des courbes
toîjtes faites pour la conftruâion. Son fruit eft un peu plus gros
q.ue celui du faouary. Voyez ce mot. Il tombe en Mars : on le
mange auffi comme le cerneau; il a prefque le même goût & eft tout
-auili agréable. Son bois dure plus & eft plus folide que le chêne ,
mais on ne l'emploie guère pour bâtir , à caufe de fa pefanteur,
qui lui a fait donrter par les Sauvages le nom de coupy , c'eft-à-
dire , pefant. Il efi; d'ailleurs d'une grande utilté. On en tire des dalles
qui ont jufqu'à cinquante pieds de longueur , & qye les SucrierS
peuverit employer. Les Indigotiers 3c les Roucouyers fe fervent des
cclats de fon bois par préférence à toute autre matière , pour faire
précipiter la fécule de ces plantes. C'eft une de fes vertus particu-
lières. ^oy£:{ Indigo & Roucou,
COUQUELOUr\DE , COQUELOURDE DES JARDINIERS ,
lychnls coronarïa Diofcoridls , faùva. H y a plufieurs efpeces de cette
pUnte appeilée autl'ement /'^^^-/^ettrou o^Hkt de Dieu. Nous ne par-
lerons que de celle qui eft cultivée & de la fauvage, La première
pouflè
cou ^Sp
poufTe beaucoup de tiges lanugineufes , hautes de deux pieds &
rameufes. Ses feuilles font cotonneufes , mores , un peu femblables
à celles de la fauge. Ses fleurs naiflent aux fomniités des tiges ,
compofées de cinq feuilles difpofées en œillet , d'un rouge fouvent
marbré , belles à la vue , garnies intérieurement d'une efpece de
couronne. A cette fleur fuccede un fruit de figure conique, qui
s'ouvre par la pointe , & laifle appercevoir des femences prefque
rondes : fa i-acine eft fibreufe.
La couquelourde fauvage en diffère par fes^tiges rougeâtres vers
la bafe. Ses feuilles font nerveufes & oppofées. ^es fleurs fortent de
l'aiilelle des feuilles ; elles font d'ailleurs , ainfi q^e^le fruit , fem-
blables aux précédens. Sa racine efl: grolfe , longue & plongée pro-
fondément en terre. Cette plante croît dans les champs contre les
haies : fon fuc efl: une puiflante errhine : fes femences font purgatives
& alexipharmaques.
COURANS. Les Navigateurs donnent ce nom à un mouvement
progreflif que l'eau de la mer a en différens endroits , & qui peut
accélérer ou retarder la vîtefl"e du vaifleau , félon que fa direétion
efl: la même que celle du vaifleau , ou lui efl: contraire. Les courans
font-ils différens de ce qu'on appelle j?//x & reflux : tiennent-ils au
même fyftéme, & à celui des vents ? On pourroit le foupçonner. F'oy,
les anicles Vent , Mer & Gouffre. Il y a aufli les fouffles ou
courans d'air qui fortent des glacières. Ces vents font après & péné-
trans, ces fouffles annoncent la pluie ou l'orage.
COURATARY. Efpece de liane qui croît à Cayenne , & plus
groffe que le bois-puant de la Guiane : elle fe fend par quartiers : on
l'emploie pour faire des cercles de barriques. Les feuilles de cet arbre <
qui reflemblent à celles du noyer , font alfez rudes pour fervir aux .
Indiens à polir leurs différens ouvrages. Son écorce , dit M. iie '
Préfontaine , pourroit être bonne à tanner les cuirs ; le couratary efl; ,:
le malpighia afperrima & amplonuâs'plglahdis fcîîo : Barïi, Foyet^
LlÀNE.
■ COURBARIL, Voyei à Vartide RÉSINE ANIMÉ.
COURESSE. On nomme ainfi la couleuvre des Antilles. Voye:^
à l'article CoULEUVRE.
ir
COUREUR , corrira. Nom donné à un genre d'oifeau aquatique
plus petit & du même genre que ïavocaie , mais fon bec eft plus court
Tome II. A a a
3 70 COU
& plus droit. Cet oifeau qui fe trouve en Italie court très -rapide-
ment. Son plumage eft couleur de rouille fur le dos , & blanc au
ventre. Son bec eft jaune, excepté par le bout où il eft noir.
COURGE ou CALEBASSE , cucurbïta, C'eft une plante qui
pouffe plufieurs tiges farmenteufes , grofles comme le doigt , très-
longues 5 rampantes à terre ou grimpant à des perches , à l'aide de
fes vrilles ou mains. On diftingue trois efpeces de courges : la courge
longue , la greffe & la caUhaJfe, Elles font annuelles : elles portent
des fleurs en cloche de deux efpeces, toutes fendues aflez profondé-
ment en cinq parties , & portées par un calice à cinq dentelures. Les
unes font ftériles pu. mâles , & portent trois étamines réunies en un
feul corps ; aux autres qui ont à leur centre un piftil refendu en
trois 5 fans étamines, fuccede le fruit qui, dans la première efpece,
a quelquefois quatre pieds de longueur & plus , Técorce en féchant
jaunit & durcit comme du bois. La chair de cette efpece eft fon-:
gueufe & rafraîchiflante. On en fait aujourd'hui une confiture affez
eftimée. La féconde efpece a la figure d'un flacon rond, ventru : on s'en
fert au même ufage. La troifieme efpece eft nommée ca/ebaffe ou
façon , à caufe de la figure de fon fruit , qui eft fait en bouteille.
C'eft la calebafle d'herbe des Américains : cucurbïta lagenarïa. Lorfque
ce fruit eft bien fec , on le vide , & il forme d'excellentes bouteilles
à pèlerin. Voyez CaUbaJfc d'herbe.
Les 'graines de ces fruits font mifes au nombre des quatre femences
froides majeures. On dit que les feuilles vertes de courge , appliquées
fur les mamelles , font perdre le lait. La chair ou pulpe de la courge
calebafTe eft très-aqueufe , un peu nourriffante , fort rafraîchiflante,
& par conféquent propre dans les ardeurs d'entrailles & dans les
conftipations qui dépendent de cette caufe : elle relâche les premières
voies & eft bientôt évacuée par les felles. On ne la mange point crue,
à caufe de fon goût fade & infipide j mais on l'emploie dans les
potages , fur-tout dans les pays chauds où on l'apprête comme tant
d'autres légumes. Les Médecins de Montpellier ordonnent la décodion
ou eau de courge dans les mêmes cas où l'on emploie à Paris l'eau
de poulet , l'eau de veau & le petit lait.
COURLEROLES, Nom qu'on donne en Dauphiné à la counillkre^
Voyez Grillon taupe*
CQURLY ou COURLIS. Foye^ Corlieu.
cou 37 î
COURONNE DE COULEURS. Ce font ces couronnes ou
anneaux lumineux , tantôt blanchâtres , tantôt d'une foible couleur
d'arc-en-ciel, qu'on obferve quelquefois autour du foleil, des étoiles,
des planettes : on les appelle autrement &c plus communément hahs.
Ces anneaux font formés par des nuages minces, ou un brouillard
peu épais. Que l'on place entre fon œil & une lumière un vafe plein
d'oau chaude, les vapeurs qui s'élèvent feront appercevoir de fem-
blables couronnes ; aufli Icrfque le temps eft bien ferein , on ne voit
point de ces anneaux lumineux. Lorfque l'atmofphere eft chargée de
V3peurs, on voit fouvent la lune entourée d'iin petit cercle lum.ineux
<jui tire un peu fur le jaune. On dit aufîi couronna boréale de couronne
mêridionaU : la première eft une conftellation de. 1 îiemifphere fepten-
trional , où il y a huit étoiles félon les Catalogues de FtolomU & de
Tycho-brahé: la féconde eft une conftellation de l'hémifphere méridional,
elle eft compofée de treize étoiles.
COURONNE D'ETHIOPIE. Coquillage univalve du genre des
iorîqucs fphiriques on tonnes. Voyez ce dernier mot.
COURONNE IMPÉRIALE , corona Imperlalis. Plante originaire
des Pays Orientaux, qui tire fon nom de la difpofition de fes fleurs,
du genre de la fritillairc , & qu'on cultive dans les jardins. Sa racine
eft une bulbe non écailleufe ou lamineufe, comme cellé?*tics lys j mais
folide comme celle de l'oignon , compofée de tuniques qui s'emboîtent
les unes dans les autres , fibreufe en deflbus, & d'une odeur .d'ail. Cet
oignon coupé par rouelles , ces rouelles jettent en leur circonférence
plufieurs petits oignons femblables à celui qu'on a ainfi coupé. Sa tige
& fes feuilles font femblables à celles du lys fauvage ; fes fleurs qui
font l'ornement de nos jardins printaniers , font difpofées comme en*
couronne, farmontées d'un bouquet de feuilles. Chacune de ces fleurs ;
a lix feuilles difpofées en cloche, de couleur purpurine, tirant fur le \
jaune ; à cette fleur fuccede un fruit oblong , cannelé, divifé intérieu-
rement en trois loges remplies de femences plates : cette plante eft.
émolliente & fa racine digeftive ; mais on ne la cultive que pour fon
agrément, car on prétend qu'elle eft venimeufe en toutes fes parties,
fur-tout fa racine qui, félon IP'epfir, prife intérieurement, produit
les mêmes effets que la clguc.
COURONNE IMPÉRIALE. Coquille univalve dont la couronne
eft dentée en manière d'épines : elle eft du genre des volutes. Voyez
ce mot, ^ A a a 2
.^
x-«.
3 72 COU
COUROUCA. Arbre des îles de l'Amérique : il eft gros , haut &
droit : il a l'écorce noirâtre; l'aubier rouge & le bois proprement dit
d'un violet (i brun , qu'il tire fur le noir de l'e'bene. Son fruit eft en
grappes : ce (ont des goufles arrondies qui contiennent un fruit fphé-
rique, moitié rouge & moitié noir, de la grofleur d'une aveline. Les
perroquets en font fort friands quand il eft vert ; lorfqu'il eft fec , il
eft trop dur.
COUPvOUCOU, trogon. Nom donné à un genre d'oifeaux dont
M. Biijjon compte fept efpeces. Ces oifeaux ont deux doigts antérieurs
& deux poftérieurs , 'Ic'b jc court , un peu crochu , & plus large qu'épais.
Le couroucou du Jpréfil eft nommé curucu'i ; pour la corpulence il
approche beaucoup de notre pie ordinaire , fa tête & le deflus de fon
corps , font a un vert doré , changeant en bleu , & en couleur de cuivre
de rofette. On en voit à Cayenne de cendrés, de verts, & d'autres
à ventre blanc , qui font de la grofleur d'un merle. Le Mexique en a
qui font variés de blanc, de noir & de fauve, de la grofleur de notre
étourneau, & d'autres qui font variés de bleu, de jaune, de vert, de
noir, à-peu-près gros comme un pigeon.
COURY. Nom donné par Ed lards au gros bec tacheté de Java.
COURTÎLLE ou COURTILLIERE. F. Grillon taupe.
COUSLN^ cidcx. Petit infede, connu de tout le monde par fon
bruit incommode qui trouble quelquefois le repos de la nuit, & encore
plus paji fes piqûres cruelles. Les nôtres font pacifiques , fi on les
compare à ceux de l'Afie, de l'Afrique & de l'Amérique, au rapport
de tous les Voyageurs , qui en ont été cruellement tourmentés : on
les nomme dans ces pays maringouins. Leur piqûre met le corps tout
■en feu : leurs aiguillons pénètrent à travers les étoffes les plus ferrées.
Les habitans font fouvent obligés, pour s'en garantir, de s'envelopper
dans des nuages de fumée , dont ils rempliffent leurs cafés ; d'autres
fe renferment dans des tentes , faites de lin & d'écorce d'arbre. Les
Lapons mcmes font incommodés cruellement de ces infedes , qui ne
font pas plus gros que des puces , mais d'une opiniâtreté fans égale.
Comme il paroît que la métamorphofe de ces infectes eft femblaole à
celle des cvujins , fhiftoire de ces derniers pourra fervir à faire con-
noître les autres.
Le coufin eft monté fur de hautes jambes, & habite de préférence
le long des eaux Ôc des marais, On peut quelquefois le confondre avec
'*'i
cou 375
la tîpuk de la petite efpece appellée culiciforme , infede affez fe'mblable ;
mais celui-ci en diffère parce qu'il eft beaucoup plus grand, monté fur
des jambes très-hautes & proportionnées à la longueur effilée de fon
corps. La différence la plus eflentielle pour notre repos , ell; que la
t'ipuU n'a point , comme le coufin , la tcte armée d'un aiguillon. Ce
caradere diftingue très-bien, même les petites efpeces de tipules d'avec
les coufîns.
On diftingue aux environs de Paris trois efoeces différentes de
coufins ; mais nous ne nous arrêterons qu'à ce qu'il y a de commun
à tous les coufins en général , 6c qui peut intérelTer notre curiofité.
Le corps léger des coufins eft foutenu par fix longues jambes : leur
tête eft armée d'un aiguillon dont la ftrudure eft'des plus curieufes ,
& elle efl: ornée de belles antennes à panaches, qui, ainfi que dans
tous les infed-js, font plus belles & plus touffues chez les mâles que
chez les femelles : ces infeâies font les mieux empennachés de tous les
animaux connus. Ils ont ùe^ yeux à réfcau & quatre fligrna tes , organes
de la refpiration. f^.au mot Insecte la defcription intèrejjante de ces parties.
Cet infede n'a que deux ailes, & derrière ces ailes deux petits ba-
lanciers, qui lui font communs avec toutes les mouches à deux ailes ,
mais que n'ont peint les mouches à quatre ailes ; ce qui dcy^neroit lieu
de penfer que ces balanciers dans celle-ci ont un ufage qui fupplée à
la paire d'ailes qui lui manquent. Les ailes de cet infede, vues au mi-
crcfcope , parciiknt tranfparentes comme le talc , & recouvertes de
petites écailles, dans un ordre agréable & régulier.
La trom.pe ou raiguillon du coufin efi: compofée d'un nombre pro-
digieux de parties d'une délicatefle infinie, & jouant toutes enfemble
pour concourir à l'ufage dont elles font à Tintede. Ce que 1 on apper-
çoit à l'œil , n'eft que le tuyau qui contient le ciard ; ce tuyau eft fendu ;
•cette fente eft ménagée, pour que le tuyau, qui eft d'une matière
ferme ti non flexible , puifle s'écarter du dard , & fe plier plus ou
moins , à proportion que le dard fe plonge dans la plaie. De ce tuyau ,
qui eft percé , fort un aiguillon , qui a le jeu d'une pompe d'une ftruc-
ture bien fimpîe, &: par-!à même û'autant plus admirable. Cet aiguillon
eft com.pofé de cinq à lix petites lames , fembk-bles à des lancettes
apphquées les unes fur les autres; les unes font dentelées à leur extré-
mité en forme de fer de flèche, les autres font fim.plemcnt tranchantes.
Lorfque le faifceau de ccà lames eft introduit dans la veine , le fang
5 74 ^^'^
s'élève dans ia longueur de ces lames, comme dans des tuyaux capil-
laires ; & il s'élève d'autant plus haut , que ces diamètres font plus
petits. Cette mécanique de conftrudion & d'afcenfion des liqueurs
s'obferve mieux dans l'aiguillon du taon , qui eft plus gros , mais conftruit
fur le même modèle. Voye:^ Taon.
Dans l'inftant que le coufin lance fon dard dans la veine , il lalfle
écouler quelques gouttes d'une liqueur qui nous occalionne enfuite
des démangeaifons infupportables. On penfe que cette liqueur, que le
coufin darde ainfi dans' la plaie, fert à rendre le fang plus fluide, afin
qu'il le pompe alors plus aifément ; fi cela eft , nous payons cîier
l'avantage que l'infede en retire.
Il y a des perlbnnes que ces piqûres réduifent dans un état cruel.
La peau de certaines perfonnes paroît être plus de leur goût. Il n'y a
pas lieu de croire que ce foit à raifon de fa finelîe, puifqu'on voit des
Pâmes dont la peau , quoique très-fine & très-délicate , n'en eft point
attaquée. M. de Réaumur croit qu'on pourroit trouver quelque moyen
de rendre notre peau défagréable aux coufins, en la frottant, par
exemple, de l'infufion de quelques plantes qui leur fuffent défagréables.
Si on pouvoit en remarquer quelqu'une fur laquelle les coufins n'ai-
maflent pas à fe repofer , ce feroit un moyen d'abréger les effais. Un
remède contre la piqûre de ces infedes eft, dit-on, de l'alkali volatil;
à ce défaut, de gratter un peu ferme la partie qui vient d'être blelfée;
6 d^ la laver avec de l'eau fraîche ; mais il eft eflentiel de le faire
auftî-tôt après que l'on a été piqué; fi on ne s'en eft point apperçu,
ce qui arrive très-fouvent , & qu'on ait laifle au poifon le temps de
fermenter, on ne fait le plus communément en grattant qu'augmenter
l'enflure & les cuiflbns. Le remède alors eft d'humefter la plaie avec
la falive , & de réfifter , s'il eft polFible , à la démangeaifon de gratter.
M. Bourgeois prétend que les meilleurs remèdes contre la piqûre des
coufins, des guêpes, des abeilles & de toute forte d'infeâes, ce font
les huiles. Si l'on applique de l'huile d'amandes ou d'olives , ou même
de l'huile de lin ou de noix fur la piqûre de quelque infeâe àls qu'on
s'en apperçoit, il ne furvient ni inflammation, ni ampoules, ni dér
mangeaifpn,
Métamorphofe du Coujirî,
Le ,coufin eft un de ces infedes qui jouilTentfucceilivçmônt dedçux
cou 575"
genres de vie qui paroifTent bien oppofés : ils naiffent fous la figure
de petits poiflbns , & finifient par être habitans de Tdir. Depuis le mois
àe Mai jufqu'au commencement de l'hiver, les eaux dormantes des
marais & celles qu'on laifle croupir dans des baquets fourmillent de
petits vers 5 qui, comme la plupart des infefles , ont trois métamor-
phofes à fubir. Ces vers font très-aifés à reconnoître dans l'eau , parce
qu'on les voit prefque toujours fufpendus, la partie poftérieure à la
furface de feau, & la tête en bas. De la partie poftérieure de ces vers,
il part d'un côté une efpece de petit tuyau où farbacane, s'évafant à
fon extrémité comme un entonnoir; c'eft-là.l'organe de leur refpira-
tion ; de l'autre côté de cette même partie poftérieure font quatre
petites nageoires. Dès qu'on agite l'eau , on voit ces vers fe précipiter
au fond avec la plus grande promptitude, à l'aide de ces nageoires;
mais l'inftant d'après on les voit revenir à la furface, parce que l*brgane
de leur refpiration n'étant point propre comme les ouies des poiflbns
à extraire l'air de l'eau , ils font obligés de venir à fa furface pour
refpirer. Ces vers font longuets : leur tête eft armée de crochets qui
font dans un mouvement continuel , & qui leur fervent à attrapper
les infedes imperceptibles, les petits brins de |)lantes dont ils fe nour-
riffent. Ces infedes reftent ainfi dans l'état de ver environ quinze Jours
ou trois femaines, fuivant que la faifon eft plus ou moins chaude; de
pendant ce temps ils changent trois fois de peau.
Au bout de ce temps, ces vers fe transforment en une nympî^, qui
eft le coufin même , mais enveloppé d'une membrane très-fine, deftinée
à tenir en braffiere tous les membres de l'infede , qui fe forment & fe
fortifient fous cette enveloppe , où il refte huit à dix jours. Pendant
ce temps la nymphe ne prend & n'a befoin d'aucune nourriture, les
organes de la refpiration ont changé de lieu & de forme ; elle refpire
par deux efpeces de cornets qui font proche de la tête, mais qui,
lorfqu'elle fera pafiee à l'état d'infede ailé , deviendront des Jîigmates^
JElle fe tient, ainfi que le ver, à la furface de l'eau pour refpirer,
mais roulée fur elle-même. Au moindre mouvement, elle defcend dans
l'eau en fe déroulant , à l'aide des rames dont elle eft munie à la partie-
poftérieure. L'agilité & la manière de fe mouvoir de ces nymphes q^
un Ipedacle fingulier.
Dans les jours chauds de Tété il eft très-facile de voir paflêr les".
nymphes à l'état de coufin dans un baquet d'eau. La nymphe fè déroulej
(*«.<
37<^ cou
elle élevé une partie de fon corps hors de l'eau ; elle fe gonfle & fait
crever fon enveloppe dans cet endroit. On voit paroître la tête du
coufin hors de l'eau; l'infede continue à fortir de fon enveloppe; èc
ce qui lui fervoit il n'y a qu'un moment de robe, change d'ufage , ôc
lui tient prcfentement lieu de bateau : il vogue au gré des vents : il eft
lui-même la voile & le mât du navire. L'infede eft alors en danger :
pour peu qu'il faiTe le moindre vent, l'eau entre dans le bateau, le
fait couler à fond, & l'infede fe noie. Dans les jours où le vent fouffle
avec violence , on voit parmi les coufms une image terrible des effets
de la tempête; car ces infedes qui finflant auparavant feroient péris
il on les avoit tenus pendant un temps aflez court hors de l'eau, n'ont
rien alors autant à craindre que l'eau.
Le coufin n'eft pas plutôt devenu aile , qu'il cherche fa nourriture
dans leTang des animaux, & auiîi, à ce que l'on penfe , dans le fuc
des feuilles fur lefqueîles il fe tient pendant la chaleur du jour. L'ac-
couplement de ces infedies, dont il n'y avoit cependant point lieu de
douter , avoit échappé à M. de Réaumur & aux plus induftrieux Ob-
fervateurs. Il ne faut pas en être étonné, puifque, fuivant les obfer-
vations de M. Godhcu ^qu'on lit dans le tome troifieme de la partie
étrangère des Mémoires de l'Académie, cette fcene fe paffe au milieu
des airs & en volant; on ne s'étoit point avi(é de la chercher là. Peut-
être ces infeétes ne font-ils pas les feuls qui s'accouplent en l'air ; mais
il eft ^en certràn qu'ils s'y accouplent, & que cet élément fait, comme
la terre & les eaux , partie de l'empire de l'amour.
On diftingue facilement le coufin d'avec fa femelle : le coufin eft
plus alongé qu'elle , & il a à la partie poftérieure deux crochets , qui
lui fervent, ainfi que dans plufieurs infectes, à retenir la femelle :
celle-ci n'en a point ; mais à leur place font deux palettes qui lui
fervent pour arranger fes œufs dans le temps de la ponte. Le mâle fe
diftingue de plus par la beauté de fes panaches.
Ponte de la femelle du Coujîn,
Lorfque la femelle a été fécondée, elle va dépofer fes œufs fur la
furface de l'eau, afin que le ver naiflant fe trouve dans l'élément qui
lui fera alors nécelfaire. Pour cet effet, elle s'attache fur une feuille
ou à quelqu'autre corps fur la furface de l'eau ; elle croife fes jambes
de derrière, & place dans fangle qu'elles forment fon premier œuf,
avec
cou 5 77
avec le bout de fon anus, qui dans ces infedes a une flexibilité mer-
veilleufe ; elle dépofe fuccelîîvement Tes autres œufs , qui fe collent les
uns aux autres ; en écartant fes pattes , elle donne à cet aflemblage
d'œufs une forme de bateau qui a fa proue & fa pouppe. Cette efpece
de petit bâtiment vogue fur les eaux, à raifon de fa légèreté ; mais il
y eft quelquefois englouti par les tempêtes. La ponte du coufin eft
depuis deux cents jufqu'à trois cent cinquante œufs, de chacun defquels
fort un ver au bout de deux ou trois jours : £omme il ne faut qu'en-
viron un mois d'une génération à l'autre, on en peut compter fix à
fept par an ; en forte que nous ferions certainement enfevelis dans
des nuages de coufins, s'ils ne devenoient la proie des oifeaux , &
fur-tout de l'hirondelle, 8c d'une multitude d'infedes carnaffiers. Nous
difons que les cou fins dépofent leurs œufs dans une eau ftagnante &
corrompue ; mais les petits infeftes après leur développement , fe
nourriflent de cette corruption ; on peut s'en aifurer par l'expérience
fuivante. Que l'on remplifle deux vafes d'eau corrompue, & que l'on
laifle dans l'un tous les petits des coufins qui s'y trouvent , tandis
qu'on tirera exaétement de l'autre ceux qui y font, il arrivera que l'eau
pleine d'infedes fe purifiera en peu de temps & que l'autre répandra
une mauvaife odeur.
COUSSECOUCHE , ou COUCHE - COUCHE. Nom donné à
une racine potagère des îles Antilles, qui croît ordinairement.de la
grolfeur & à-peu-près de la forme d'un gros navet : Técorce en e* d'un
brun grisâtre , rude au toucher & garnie de fibres. La chair de la
couiïecouche a la confiftance de celle d'une châtaigne bouillie, mais
plus cafiante : la couleur en eft blanche, quelquefois d'un violet foncé.
Cette racine cuite dans de l'eau avec un peu de fel , fe mange avec
des viandes falées ou du poifTon. C'eft un mets fort eftimé des Dames
Créoles, quoiqu'il foit un peu , venteux,
COUSSINET DES MARAIS. Foyei Canneberge.
COUTELIER ou MANCHE DE COUTEAU , folcn. Genre de
coquillage bivalve de la famille des tdlims ^ nommé ainfi de fa forme,
& qui fe trouve abondamment fur le bord de prefque toutes les mers.
C'eft le cannolichio des Italiens , & le pivot des Anglois. On nomme
auili ces coquilles canaux , goutiieres èc feringues : il y en a de droits :
d'autres courbés en fabre ou en goufies de fèves , colorés en rofe ou
en violet ou en gris, &c, Les deux valves du coutelier font convexes
Tome II» B b b
^78 C O X
extérieurement & concaves intérieurement; lorfqu'elles font réunies
elles forment un rouleau ouvert aux deux extrémités, tranchant par
un bout & à bourrelet par l'autre ; elles font attachées près de l'extré-
mité inférieure par un ligament à relTort. Depuis ce ligament jufqu'à
l'autre bout de la coquille, il y a fur le joint qui fe trouve entre les
deux pièces , deux membranes coriaces & élaftiques qui forcent la
coquille vivante à n'être jamais béante que par les deux bouts.
Ce coquillage vit dans le fable, où il s'enfonce quelquefois jufqu'à
deux pieds de profondeur , & dans une pofîtion verticale : toute fa
manœuvre , tout fon mouvement progreffit confifte alors à remonter
du 'fond de fon trou juiqu'au deflus du fable , & à rentrer enfuitefous
le fable. Lorfque la mer eft retirée , on reconnoît leur domicile par
ces troug.' Pour attirer l'animal fur la furtace du fol , le Pécheur jette
une pincée de fel dans chaque trou ; aulli-tôt on apperçoit du mouve-
ment dans le fable, l'animal fort, & le Pêcheur le failit promptement;
car s'il rentre dans fon trou , il ne fe laide plus attraper à ce piège :
on a recours alors à de longs fers pointus que l'on appelle dardlllons ,
pour les amener fur le fol. Lorfqu'on a retiré ce coquillage de fon
trou & qu'on l'étend fur le fable , on lui voit faire des mouvemens
qui font connoître la manière dont il defcend dans le fable & dont il
remonte. Voyez Mcm, de VAcad. diS Sc'unc, ann, lyii,
COUTOIRS. Voye?^ Clonisse.
C(>UTURIERES. Voye^ à tanïcU Tipule.
COWALAM. Eft, un grand arbre de file de Ceylan & de Malabar:
fa fleur a , félon M. Linnœus , douze étamines & un piftil ; la corolle
eft de quatre feuilles, & le calice divifé en quatre quartiers; fon fruit
reflemble à une orange dont l'écorce feroit vercatre : fous cette écorce
s'en trouve une autre dure, ligneufe , qui enveloppe une pulpe vif-
queufe , humide, jaunâtre, acide, laquelle contient nombre de graines
plates , oblongues , blanches & pleines d'un fuc tranfparent & gom-
jneux. On trouve dans Ray & James un éloge pompeux du goût &
des propriétés médicinales de ce fruit.
COUVERCLE DE COQUILLE. On donne ce nom à Xopercule,
Voyez ce mot. Les Apothicaires fe fervoient autrefois de celui qui
étoit cartilagineux , fous le nom de blaua Byiantia, Voyez Blatu de
ConjïantïnopU. ,.
COXOLISSL Voyez à l'article Hocos.
C R A 3 7P
COYOLCOS. La couleur dominante de deffus le corps de cet oifeau
du Mexique , eft le fauve mêlé de blanc ; le defTous de Ton corps &
fes pieds font de couleur fauve; le fommet de fa tête eft noir 5c blanc;
deux bandes de même couleur defcendent des yeux fur le cou : il a
tous les caraéleres des colins , même grolTeur , même chant, mêmes
moeurs , même manière de vivre.
CRABE , cancer oblongus. Animal du genre des cruflachs , efpece
d'amphibie, d'une forme oblongue , ou à corps large &: évafé, & dont
on diftingue plufieurs efpeces. Il y a les crabes de mer, ceux d'eau
douce , ceux de terre. En général , les crabes ont la queue compofée
de tables , rabattue en deflbus , & appliquée fur le ventre : la tête n'eft
pas féparée du corps. Ils ont dix jambes , cinq de chaque côté , y
compris les bras. Le crabe fait ufage des ferres noires qui font au bout
de fes bras , avec la même dextérité que le quadrupède fe fert de fes
pieds de devant. On nomme fes ferres forets , pinces , tnordans ou U^
nailles. Les Pêcheurs font obligés , avant de porter ces animaux au
marché, de leur lier étroitement les bras dans un fac : fans cette pré-
caution ils s'entre -tueroient & fe couperoient les jam.bes. Ceft une
chofe affez curieufe que de les voir marcher avec tout leur attirail de
pieds. Le crabe a beaucoup de conformité avec \% cancre, Foye^ ce
mot. Son corps eft recouvert d'une croûte dure , fort évafée , fouvent
noirâtre & plom.bée, & quelquefois chargée de proéminences ou d'in-
cruftations, ou de corps parafites. Si on ouv.e la bouche d'uivcrabe,
on y remarque plufieurs dents , des appendices , des pellicules , &
tant de petits détails, qu'on ne peut s'empêcher d'y admirer l'artifice
de la Nature. Ses yeux font noirs, un peu éloignés l'un de l'autre:
tantôt l'animal les fait fortir en dehors, tantôt il les fait rentrer dans
leur orbite. Ceft à la partie inférieure de la table & proche de l'anus
que fe trouve la queue articulée , & velue par Textrémité : c'eft en
cet endroit chez la femelle que s'attachent les œufs par des appendices,
en forme de grappe de raifin. La femelle a cette partie plus large que
le mâle : chez celui-ci elle finit en pointe; chez la femelle au contraire
cette queue eft également large dans toute fa longueur, & fe termine
en arc de cercle. La femelle a deux ovaires & deux ouvertures , le
mâle a pareillement deux parties qui font fituées vers l'origine de fes
dernières pattes ; ainfi l'accouplement peut être double.
Le crabe eft un animal aftez hideux à voir : il n'habite guère que
^80 CRA
les bords des rochers : fi le flot s'en retourne & qu*il le laiffe à fec, il
retire fes jambes à lui & demeure immobile. On trouve toujours les
crabes par bandes : ils marchent tantôt en avant ou à reculons, tantôt
de travers ou de côté. Quelques perfonnes prétendent en avoir con-
fervé un à deux mois dans une cave fans eau. Les combats de ces
animaux font cruels, fur-tout dans le temps de l'amour oii ils font
furieux; ils s'entre - battent , frappent leurs pinces meurtrières l'une
contre l'autre , fe heurtent de front à diverfes reprifes à la manière
des béliers : c'efi: ainfi qu'ils fe difputent la poflelîion d'une femelle; &c
lorfqu'il s'agit de l'accouplement , le mâle vainqueur renverfe fur le
dos fa femelle ; le plaifir les emboîte , les lie étroitement enfemble
ventre à ventre Se queue contre queue, enfuite le mâle aide la femelle
à fe remettre fur fes pattes. Les crabes, ainfi que tous les cruftacées
& les ferpens, ont la propriété finguliere de fe dépouiller au printemps
de leur vieille robe : dans cet état on les appelle crabes bourjî&rs. Ils fe
tiennent cachés dans le fable jufqu'à ce qu'ils aient recouvré un habit
qui, en les préfervant des injures de l'air, leur permette de reprendre
des forces & leur caradere courageux. Ils fe défendent très - bien
contre les feches ^ les calmars & les polypes : ils aiment les vers , les-
mouches , les fangfues & les grenouilles. La chair du crabe eft un peu
difficile à digérer. Ses œufs font meilleurs, ainfi que le laumalin , fubf"
tance verdâtre & grenue qui fe trouve fous l'écaillé du dos , & dont
on fait la fauce pour les manger. On le fait cuire comme l'écrevilTe»
Ses pattes ou bouts noirs appellées apices ckelarum cancrorum nigricantes y
fervent en Pharmacie dans la poudre alexipharmaque de la ComtefTe
de Kent.
On voit des crabes d'une grandeur démefurée dans l'iîe des Ca^icres
en Amérique : ce fut dans cet endroit & par ces mêmes animaux
qu'en idoj" le fameux navigateur Anglois, François Drack fut afiailli
& périt miférablement; quoique bien armé , il lui fallut fuccomber &:
devenir la proie de ces crabes monftrueux : fouvent les Pécheurs de
nos côtes font cruellement pinces par les crabes de mer.
Les crabes de terre ou de montagne font peu gros. On les nomme en
Amérique tourlouroux. Leur écaille eft unie & mince, fouvent tachetée^
Ils marchent affez vite , par bandes , & égratignant la terre. Ils fuivent
toujours leur route par la ligne la plus droite ; ils s'efforcent même
d'efcalader les murailles & tout ce qui s'oppofe à leur paflage : e'eft
C R A 581
alors qu'ils s'eflropientj & qu'ils deviennent la proie de leurs ennemis.
Quand ils rencontrent quelque chofe qui leur fait peur, ils frappent
leur mordant comme s'ils vouloient épouvanter à leur tour les objets
qui les ont épouvantés. Ils font affez délicats ; mais quand ils ont
mangé des pommes de mancdinicr ou des feuilles de fenjîûvc, ils s'em-
poifonnent & empoifonnent ceux qui les mangent : il faut cependant
convenir que ce poifon ne fe manifefte pas ainfi dans tous les pays &
dans tous les temps ; car dans l'île de la Grenade , où l'on prend com-
munément les crabes fous le mancelinier , on ne s'eft jamais apperçu
qu'ils aient incommodé perfonne : au refte , on prétend que le fecret
pour connoître s'ils font fains ou non , eft de regarder le taumalin ;
s'il eft noir, c'eft une marque qu'ils font empoifonnés. Si on prend les
petits crabes par une jambe ou par un mordant, ils la laiiTent à la
main & s'enfuient ; ( la Nature a accordé aux crabes & à tous les
cruftacées la propriété de reproduire leurs pattes & quelquefois leurs
antennes quand elles ont été caiTées. ) On les trouve communément
'dans les montagnes & les cannes un peu éloignées de la mer, excepté
dans le mois de Juin , temps oii ils fe baignent. Voye^ Tourlourou".
Les crabes blancs habitent les lieux marécageux & le bord de la
mer. Leur couleur n'eft pas précifément blanche; ellereft jaunâtre: ils
font plus gros que les crabes violets.
Les crabes violets font très- rares à la Martinique depuis qu'on, les y
a détruits. Ce font les Caraïbes qui en apportent des îles voifines. Ces
cruftacées, dont le nom indique la couleur de leur écaille , font gros
comme le poing & plus. Sloane en donne une bonne figure, vol,
/, tab. II , (ous le nom de Lind-crab,
Les crabes honteux fe trouvent au Bréfil &: aux Antilles : ils font
ainfi nommés à caufe de la façon dont ils appliquent leurs mordans
contre leur corps, comme s'ils , vouloient les cacher.
En général les crabes font une vraie manne dans bien des pays mari-
times. Les Caraïbes ne vivent prefque d'autre chofe. Les Nègres
établis aux îles s'en nourriffent au lieu de viande falée. Les Blancs
favent aufli les accommoder de manière qu'on en fert fur toutes les
tables.
Le crabe de vafe ou de palétuviers , eft une efpece de cruftacée très-
commun à Cayenne, dont les efclaves & les petites gens font leur nour-
riture la plus ordinaire. Ces crabes font plus ou. moins bons , félon les
382 C R A
faifons; délicieux en Mars; difficiles à fouille^r dans les temps de pluies:
le gonflement des rivières remplit alors d'eau les trous où ils fe réfu-
gient dès qu'ils apperçoivent les Nègres. Il faut de l'adrefTe & une
forte de précaution pour les prendre dans leur cellule. Ils n'y entrent
que de côté ; c'efi: leur façon de marcher. Dans cette fituation ils pré-
fentent leurs ferres pour leur défenfe. Le mal qu'ils font eft quel-
fois confidérable. Les Nègres, pour n'en être point pinces, fe fervent
d'un bâton crochu pour les attraper. D:ins de certains temps
ces crabes couvrent la vafe; on les prend alors aifément; mais ils
font moins bons à manger. On voit aux Antiîles de petits crabes
fem.blables à»ceux de nos côtes. Ils font toujours en vedette pour
butiner, & l'on prétend qu'ils tiennent la plupart dans une de leurs ferres
un petit'caillou: comme ils ont, dit-on, l'induftrie d'épier les huîtres,
les rlîoules, & ceux des coquillages bivalves que la marée amené, ils
attendent qu'ils ouvrent leurs deux battans , & y gliifent un petit
caillou qui les empêche de fe refermer; par ce moyen nos chafleurs
les attrapent facilement & en font une bonne curée.
De toutes les différentes efpeces de crabes qu'on trouve dans les
Antilles,, la plupart font des cancres. Foye^^ et mot. Celles dont on
fait le plus d'ufage font les crabes blancs , les crabes rouges , & les
crabes manicoux ainfi nommés à la Grenade, & connus à la Martinique
fous le nom de Jériqucs de rivière. Les crabes & les fériques de mer
fentetit un peu le marécage , & n'ont pas tant de fubftance que les
autres.
L'on voit dans les Cabinets des carapaces de crabes de la côte de
Coromandel, ayant fur le dos une croix très-bien faite, avec des ap-
parences de perfonnages de chaque côté. Ces crabes font rares, même
dans le pays : on peut voir dans le P. Kirker , China illujlrata , p. ^'y,
l'origine merveilleufe qu'il attribue à la croix dont ces crabes font
décorés.
On trouve dans la terre prefque tous les analogues des crabes
devenus foHiles. On les appelle crabius. Voyez Gammarolitcs.
CRABIER , cancrophagus. Nom donné à plufieurs efpeces d'oifeaux
du genre de la grue , & que l'on regarde comme des hérons. On les^
trouve en Siléfie, & en Italie près de Bologne ; ils font d'un roux
brun ou tachetés; quelquefois ils font jaunes. Celui du Bréfil eft
de couleur d'acier varié de jaune. Celui de Bahama eft huppé. On
C R A 385
en trouve dans la Jamaïque & dans la Caroline qui font bleus. Il y
a auiïi le carbier vert des Iles Antilles, On a donné à ces oifeaux le
nom de crabur, parce qu'ils fe nourrilTent de crabes. Ils mangent
aufli des grenouilles & de petits poifîbns. Koye?^ à là fuite, de CarticU
Hékon.
CRAIE , creta, C'eft une terre calcaire , friable, farineufe , privée
de faveur & d'odeur , communément blanchâtre & peu compaâ:e :
calcinable , attaquable par les acides , tant végétaux , que minéraux ,
s'étendant confîdérablement dans l'eau ; attirant ou abfordant beaucoup
l'humidité de l'atmofphere , & s'attachant à la langue. On trouve la craie
primitive dans des montagnes fecondaires, en mafl'es très-confidérables,
remplies de cailloux jllcx ^ (pierres à fuhl noires) -qui *y forment un
bancfouvent continu & toujours horizontal , & de coquilles ou de ma-
drépores difperlés çà & là, m.ais communément dans un état de fpath ,
& plus ou moins bien ccnfervés. La craie qu'on trouve autrement , &
privée de ces corps organifés , eft une terre calcaire de tranfport.
Les divers fentimens fur l'origine de la craie font peu décififs ,
eft-ce une terre primitive & de toute antiquité ? eft-elle le réfultat
de la décompolition de la pierre à fufil ? ou ne feroit-elle pas plutôt
une terrification des produdions d'animaux m.arins , telles que les
madrépores & les coquilles ? Ce qui nous feroit adopter cette dernière
opinion , c'eft qu'on ne trouve pas de carrière de craie primitive qui
ne contienne , ou des coquilles , ou ^^^ madrépores , qui venant à
fe détruire, à fe comminuer , forment la craie. Ne pourroit-on pas
expliquer aufii la préfence des pierres à fufil qui y forment des bancs
horizontaux , en difant que toutes les montagnes où l'on trouve la ^
craie ainfi mêlée de cailloux , font un angle avancé : or fur le bord \
de la mer, les montagne^ qui y font fcmbîablement un angle iliillant ,
font des rochers qui contiennent beaucoup des mafles de pétrofilex
& de pierres à fuhl, lefquellès s'en détâchent au flux & reflux des
deux principales marées de l'année, & tombent fur le fol horizontal
de la plage , qui alors eft formée de coquilles & d'autres produdions
fem.blabîes , que la mer y a délaiflees : par ce moyen une couche de
cailloux aura recouvert le fol coqu illier ; celui-ci , à une marée fui-
vante , aura couvert à fon tour le banc de cailloux , qui font aflez
durs pour fe conferver , étant privés d'air ; mais les coquilles plus
tendres fe feront en partie terrifiées, La retraite des eaux de la mer
3'84 C R A
^aura facilité la formation d'une maiTe de craie , qui , par le Iat)S du
temps , aura été couverte de Vhumus ou terre végétale. Cela pofé ,
la craie doit fon origine à la terre des parties folides des animaux ,
ainfi que les pierres calcaires ; voyez ce mot. En effet , cette terre
a beaucoup de rapport avec \e fulcrum , ou le foutien des os , avec
la terre des coquilles d'oeufs & avec celle des coquilles tant fluviatiles
que marines , même des coraux , des perles & des madrépores , &c.
Audi la craie blanche eft-elle un abforbant terreux qu'on peut em-
ployer en Médecine pour la fubftituer au corail , aux yeux ou pierres
d'écrevifle , à la corne de cerf calcinée , ôcc, on en donne trente à
quarante grains pour abforber & détruire les levains acides de l'efto-
mac, fur-tou't dans la maladie appellée/od'<2 , qui eau fe un fentlment
de brûlure au gofier. M. Bourgeois dit s'en être fervi utilement dans
un peu de lait , matin & foir , pour chaffer les vers des enfans. Ce
remède , dit-il. eft d'autant plus eftimable , que les enfans le prennent
fans,' le favoir , en y mêlant un peu de fucre en poudre ou du miel.
Des JMarchands de Vin fe fervent aufli de la craie en poudre pour
détruire l'aigreur du vin , mais c'eft un aflez mauvais remède , puis-
qu'elle le rend fade & foible , d'ailleurs il faut le boire aufii-tôt.
Nous avons dit plus haiit que la craie , qui ne contenoit point
de corps organifés , étoit communément une craie de tranfport ; en
effet elle eft très-friable, très-douce au toucher, d'un grain égal,
ce font des eaux fomerraines qui l'ont entraînée , chariée , dépofée
dans les lieux où on la trouve. Celle-ci eft fouvent par zones colorées.
En réfléchiflant fur cet expofé , on ne doit pas être étonné de la
différence dans les couleurs , la denlité & le degré de pureté qu'on
obferve dans divers morceaux de craie ; étant fufceptible de s'étendre
dans l'eau , la craie a pu être accidentellement mélangée avec des
terres ou des débris de pierre d'une nature différente , & former en
fç dépofant ce qu'on nomme agaric minéral y ofléocollc , guhr de craie,
craie coulante , craie rouge , craie en poujjïere , Ôéc. Voye-{^ notre MiNÉ-
HALOGIE , tome I. édition de 1774.
On trouve de la craie en Champagne , en Bourgogne , à Meudoii
près de Paris, & dans plufieurs endroits du Royaume. Quoique cette
fubilance n'ait pas beaucoup de folidité , on ne laiffe point que de
s't^n fervir avec fuccès pour bâtir , & tout le monde fait que prefque
toiite la ville de B.heims çn Champagne eft bâtie de craie un peu
folidô
CRÂ 3 8>
follde à la vérité, A l'égard de celle qui efl très-tendre, très- friable,
on s'en fert pour fertilifer les terres trop argileufes ou trop friables ;
on s'en fert pour tracer au cordeau ; on en fait aufll des crayons
pour le deflln. Le blanc de Troie il utile pour blanchir les pla-
fonds , les couvertures de laine , & certains gros draps , n'eft que de
la craie,
CRAIE DE BRIANÇON , n'eft point une craie , mais une
pierre talqueufe , friable & réfradaire : voye^ au mot Talg.
CRAM. Foyei Raifort.
CRAMPE ou TREMBLE, roye^ Torpille.
CRAN ou CRON. Foye^ Falun.
CRANE , cranlum. On exprime par ce mot la boîte ofieufe qui
renferme le cerveau des animaux , le cervelet & la moelle alongée :
c*ef]: notamment cette partie fupérieure qui leur fert de heaume, f^oy»
les mots Homme , Cerveau , & r article Squelette à la fuits du
mot Os.
CRAPAUD , bufo, Efpece particulière d'animal à quatre pattes ,
du genre & de la famille des grenouilles ; cependant différent en ce
qu'il fe traîne par terre , & que la grenouille faute. Voye^ au mot
Grenouille les autres caractères par lefquels il en dtffcre encore.
Le crapaud efl: gros environ comme le poing , laid , hideux : il a
la tête un peu groffe ; les yeux faillans & pleinf de feu j la gueule
grande ; les gencives fortes , non dentées , mais raboteufes , & qui
ne lâchent pas prife aifément ; les pieds de devant courts , terminés
chacun par une main fendue à quatre doigts à-peu-près égaux , &
ceux de derrière garnis de fix doigts liés enfemble par une membrane;
le dos large & plat ; le ventre enflé & tacheté ; la gorge pâle-jau-
nâtre , & plus ou moins changeante ; la peau épaifife , difficile à
percer , grife-brunâtre , hérilïee de verrues ou de taches noirâtres 8c
livides , qui femblent autant de puftules. Le crapaud s'accouple comme
les grenouilles , c'eft-à-dire que le mâle monté fur le dos de la femelle ,
Tembraffe avec fes pattes de devant.
Parmi les crapauds il y en a d'aquatiques , rana palujlris venenata ;
& de terreftres , bufo rubeta. Ceux-ci font plus grands. On divife
encore ces derniers en grande & petite efpece ; & quoique nés dans
l'eau , ils n'y paffent que les premiers jours de leur vie. C'eft dans
les crapauds terreftres de la petite efpece , que le hafard ^ auteut
Tome 11^ C c c
3"8(5- C R À
de prefque toutes les découvertes, a fourni à M. Demours roccafîon
d'examiner l'accouplement de ces animaux , & d'obferver deux faits
finguliers qui regardent l'accouchement de la femelle. Le premier efV
la difficulté extrême , pour ne pas dire l'impoffibilité , qu'éprouve la
femelle à faire fortir fes œufs de fon corps fans un fecours étranger.
Le fécond eft que le mâle travaille de toute fa force & avec les pattes
de derrière , à lui arracher fes œufs. Voici la mécanique de cet
accouchement , où M. Demours préfida. C'eft avec les doigts de fes
pieds que le mâle , qui forme une efpece d'équitation , tire les œufs
du fondement de fa femelle, parce que le réceptacle en eft près la
partie inférieure du reclum. Ces œufs forment une efpece de chapelet,
& font ren^rmés chacun dans une coque membraneufe qui contient
l'embryon* La tâche de la femelle eft de faire fortir le premier œuf;
alors J£^mâle commence à exercer fa fondion d'Accoucheur ou de Ma-
trone^, & il s'en acquitte avec une adreffe qu'on ne foupçonneroit
pas d'un animal qui paroît fi engourdi. Ce mâle paffe entre deux
doigts , tantôt du pied gauche de derrière , tantôt du pied droit , le
cordon du chapelet i & en alongeant fa patte vis-à-vis le fondement
de fa femelle , qui demeure alors immobile , il continue fon ouvrage
avec vigueur , & toujours avec de nouveaux fuccès , puifqu'à chaque
effort ou reprife il fait fortir autant d'œufs. Il ne quitte point l'ou-
vrage que l'accouchelnent ne foit entièrement fini. Nous le répétons,
fans ce bon office , la femelle périroit en travail.
Le crapaud paroît entrer en colère pour peu qu'on le touche : alors
il femble gonfler fa peau comme un ballon , & réfifter aux coups-
qu'on lui porte , tant il a la vie dure. Il lâche difficilement ce qu'il
a une fois faifi entre fes mâchoires , à moins qu'on ne l'expofe aux
rayons du foleil qu'il ne peut fouffrir. Cet animal marche lentement ^
parce qu'il a le ventre gros , le corps lourd & les pattes courtes
Quand il fe fent preffé , il lance par derrière au vifage de celui qui
le pourfuit , une liqueur limpide qui pafle pour être plus ou moins
venimeufe , & qu'on prend improprement pour fon urine. Cette
liqueur virulente & fluide eft contenue dans une bourfe particulière ^
analogue à la veftie. Leur bave eft également plus ou moins veri-
meufe : il eft arrivé fouvent que des champignons , des falades èc des
fruits ont caufé des indigeftions nauféabondes , qui n'avoient point
d'autre caufe que la virulence de ces animaux, Ces exemples fuffifent
CRA 387
pour blâmer rindlfcrétion de ceux qui mangent des herbes ou des
fruits nouvellement cueillis à terre , fans les laver auparavant. M.
HalUr dit qu'il y a des efpeces de crapauds qui rendent une liqueur
laiteufe par les verrues de leur dos , & qu'il n'y a pas de poifon dans
ce lait. l^'S, crapauds des pays chauds font les plus dangereux : on
en trouve en Italie près d'Aquapendente qui font gros comme la
tête d^un homme, & qui, dit-on, portent quelquefois leurs petits
fur leur dos. On lit dans les Secrets & Remèdes , par M. l'Abbé
Roiiffeau , ci-devant Capucin , & foi-difant Médecin de Louis XIV ,
une expérience fur le crapaud , d'après Vanhtlmont. Si l'on met ,
dit-il , un crapaud dans un vafe aflez profond pour qu'il n'en puifle
fortir , & qu'on le regarde fixement pendant qu'il vous regarde aufli ,
en peu de temps l'animal tombe mort. Vanhelmont attribue cet effet
à une idée de peur que cet animal conçoit à la vue de l'homme*
M. l'Abbé Roiijfeau dit avoir répété quatre fois en Egypte "cette ex-
périence , & avoir reconnu que Vanhelmont avoit xiit la vérité. Il
«iflure avoir paffé pour un Saint devant un Turc , puifqu'il avoit
tué de fa vue un animal auilî horrible : mais qu'ayant voulu faire
cette même expérience en fon paffage à Lyon , en revenant des
Pays Orientaux 5 le crapaud n'en mourut point ,_^& il aîfure avoir
manqué d'en mourir lui-même. L'animal ne pouvant fortir de fon
vale , s'agita , s'enfla extraordinairement , sxleva fur fes quatre
pattes 5 fouffla fans remuer de place , regarda fixement M. l'Abbé
Roufjeau ; les yeux de l'anim.al parurent rouges , très-enfiammés , 5c
à l'inftant il prit une foibleffe univerfelle à notre Obfervateur ,
qui alla jufqu'à l'évanouiffement accompagné de fueurs froides &
d'un relâchement par les felles & les urines : pour fe guérir il fit
long -temps ufage de la thériaque & de la poudre de vipères. Ne
pourroit-on pas dire ici qu'un tel effet étoit produit par une idée
de peur & de préjugé que notre Obfervateur avoit conçue à la vue
du crapaud ?
Le crapaud habite pour l'ordinaire dans des fofles, des cavernes ,
des fumiers , des décombres , dans des haies , fous des tas de pierres,
aux lieux ombrageux , humides , folitaires & puants. On a trouvé
de ces animaux renfermés dans des troncs d'arbres , & même dans
des blocs de pierre , où ils dévoient avoir pafle nombre d'années
iaiiS autre aliipent que l'eau qui pouvoit fuinter à travers le bois ou
C c c 2
3 88 C R A
la pierre. Il fe cache pendant le jour , à moins que la pluie ne Tinvîte
à fortir. Il eft vorace & fe nourrit, comme les grenouilles, d'infedes,
de mouches, de vers, de fcarabées, de petits limaçons, de fauge,
de ciguë & de camomille puante.
Le crapaud eft du nombre des animaux qui n'ont qu'un ventricule
au cœur.
On aflTure que les fymptômes que caufe le venin de cet animal ,
font la couleur jaune ce la peau , l'enflure , la difficulté de refpirer ,
rengourdifTem.ent , le vertige , les convuliions, la défaillance, les
fueurs froides & là» mort. Les émétiques , les lavemens & la théria-
que en font les antidotes.
Outre le crapaud terreftre ou commun dont nous avons parlé ,
il y a le crapaud a eau qui n'eft pas moins horrible que le précédent,
& qui habite dans les lieux rempHs d'eaux croupies : on le dit moins
venimeux. Avant fon état de perfedion il paffe à celui de têtard^
comme la greneuille. Son cri eft femblable au chant du coucou : s'ils
croaflent plufieurs enfemble , l'on croiroit entendre une meute de
chiens courans qui font à la chalïè. On regarde le crapaud réduit
en poudre , comme un grand fudorifique & diurétique.
On prépare avec les crapauds vivans , une huile par infufion &
décoélion. Cette huile eft anodine & déterfive. Les crapauds entrent
aufli dans le baume tranquille. M. Adanfon dit que quand les Nè-
gres d'Afrique font incommodés des migraines , ou que l'ardeur du
foleil leur fait mal à la tête, ils fe frottent le front avec à^s crapauds
vivans ; ce qui les foulage merveilleufement.
On trouve dans le Bréfil un crapaud nommé aquaqua , dont la
peau eft d'un rouge clair-grenelé, qui la fait paroître comme toute cou-
verte de perles. Sa tête eft prefque triangulaire comme un bonnet
de Prêtre , ornée de franges pointues , 2i. à-peu-près femblable à
la mitre d'un Evêque. Ses yeux font pleins de feu ; fa peau eft a'un
brun rouge; (es pieds font perlés & [es ongles crénelés. Le crapaud
de Virginie n'eft pas moins remarquable; il eft monftrueux, cornu
& épineux , & il a les pieds frangés. On y trouve aufli le crapaud
acéphale qui eft dangereux. Sa tète eft prefque confondue avec fon
corps.
Ceux de la Côte d'Or & de Surinam font d'une grcfleur monf-
liueiife ; celui qui eft appelle par les Américains, pipai ou curwu^
.A-_
C R A s^P
eft Fort célèbre chez quelques Naturaliftes ", en ce que fa femelle
procrée fes petits dans fa propre peau & fur le dos; exemple qui,
s'il exifte, eft prefque contraire au cours de la nature. Elle porte
fur le dos des efpeces d'yeux qui font autant d'oeufs couverts de leur
coque ; ces œufs font enfoncés profondément dans la peau , & recou-
verts d'une croûte membraneufe d'un roux jaunâtre & luifant; l'in-
tervalle de chaque œuf eft rempli de petites puftulcs qui reifemblent
à des perles. La difficulté eft de concevoir comment l'incubation fe
fciit en cet endroit , & comment l'humeur prolifique du mâle peut
percer les dos offeux de fa femelle pour la féconder ; ce fait eft digne
d'admiration , & tout-à-fait extraordinaire. Les Nègres de l'Amérique
font leurs délices des cuifles du pipai mâle. Sa bd^ve & fon efpece
d'urine caufent des inflammations fuivies de fâcheux accidens , ainfi
que fon fang , fa graillé & fon fiel , pris intérieurement. Des malheu-
reux empoifonnent dans le pays avec la poudre de cette efpece de
crapaud qui eft une fois auffi gros que les crapauds de ce pays -cl.
Cet animal a aux deux côtés de la tête des excroiflances femblables
à de groupes verrues.
Le crapaud des Antilles n'eft proprem.ent qu*une très-groftè gre-
nouille grife , mouchetée , ayant la peau fine : elle fe tient ordinai-
rement dans les coftieres fur le penchant des montagnes, & quelquefois
au bord des petits ruilfeaux. Sa chair eft blanche & délicate. On
la prépare en fricaftee de poulet, & deux de ces grenouilles fuffifent
pour former un bon plat.
Tous les crapauds différent entr'eux par leur grandeur & par la
diuérence de leurs couleurs , qui varie encore fuivans les différens
jours Les crapauds différent aufii par la forme de leurs pieds , par
la grolfeur de leurs yeux & la durée de leur vie , par la vîtefie de
leur marche, par la difi^érence des lieux où ils repairent , & par
l'abonclance &c la torce virulente de leur liqueur. Le plus dangereux
eft le crapaud radier ; au rcfte ils font tous nuiiibles aux fondemens
des a:iciens mûrs : ils y font des trous à la manière des taupes ,
notamment dans les étables, dans les caves & les celliers : ils ravagent
aufli les frriiiicrs dans les jardins. Les Jardiniers les chafl'ent de leurs
jar. ins , en y brûlant du vieux cuir. Ces animaux ont la vie fort
dure. Voyez à l'article Animal»
CRAPAUD. Nom donné à un arbre qui croît dans les Antilles ^
5po C R A
principalement à la Grenade. Son bois efl: rouge, dur, très-pefant,
d'un fil mêlé & difficile à travailler. M. U Romain dit qu'on en fait
des planches de douze à quatorze pouces de large , qui ne font bonnes
qu'employées à couvert ; elles font fujettes à fe fendre inégalement ,
fur-tout lorfqu'on les veut percer à la vrille , ou qu'on y enfonce
des clous ou des chevilles.
CRAPAUD DE MER. Nom donné par quelques-uns à une efpecc
de petit poijjon armé. Voyez ce mot,
CRAPAUD VOLANT. Foye^ Tette-cpievre.
CRz\PAUDINE , hïifonïus. Ceft une dent de poiflon pétrifiée :
on l'a nom.mée crapaudine , parce qu'on croyoit qu'elle tiroit fon
origine du crapaud. Une étude plus exacte de la Nature a appris
que c'eft une vraie dent molaire de dorade , ou d'un poifTon du
Bréfil , nommé k grondeur : on en tire la preuve de l'analogie de la
forna©*'' Toute la furface intérieure des deux mâchoires du grondeur,
eu, comme parée de tubercules inégaux pofés les uns à côté des au-
tres , & qui font autant de dents ; les plus groffes font placées dans
le milieu d'un bout à l'autre, & les plus petites fur les côtés; elles
font convexes en defTus , concaves en deffous , & minces. Lorfqu'elles
font pétrifiées, ou fofiiles , on donne aux plus groffes le nom de
crapaudincs , &: aux plus petites celui à'yeux de fcrpcns, Vo)'ez Us
Mémoires dç. V Académie des Sciences ,, année 1723.
Les crapaudines font lifTes en dehors ; on en voit d'arrondies , la
plupart font hémifphériques ; il y en a aufîî d'oblongues. Les deux
premières refTemblent à de petites calotes , qui ont environ cinq à
fix lignes de diamètre ; les autres font alongées comme une petite
auge en deffous ^ voûtées en deffus ; elles ont quelquefois un pouce
de longueur fur quatre lignes de largeur. Au refle leur grandeur
varie de même que leurs couleurs. Il y en a de giifes , de rouffes ,
de brunes, de blanches, de noires, de verdâtres ; quelques-unes ont
des taches centrales , & fotit cerclées de plufieurs zones de différentes
couleurs comme l'onix : c'efl la refî'emblance de ces pierres avec la
prunelle d'un œil qui leur a fait donner le nom ^yeux de Jerpens.
On trouve beaucoup de ces foffiles dans l'île de Minorque & ailleurs.
La crapaudine étoit autrefois portée en am^ulette ; mais depuis long-r
temps on n'ajoute plus de foi à ces prétendues vertus.
(CRAPAUDINE , Jldcrlds, Plantç qui a'oît fréquemment aux lieux
C R A 5P ï
arides , montagneux , fablonneux , & dans les champs incultes. Sa
racine eft ligneufe & vivace ; elle poulTe plufieurs tiges longues d'un
à deux pieds , carrées , velues , jaunâtres , & communément cou-
chées par terre ; fes feuilles font oppofées le long des branches , Se
refTemblent à celles de la fauge ; fes fleurs font en gueule , verti-
cillées , & maculées comme la peau du crapaud , d'où vient fon
nom. Ces fleurs éclofent depuis Juin jufqu'en automne : il leur
fuccede quatre femences oblongues , noirâtres , renfermées dans une
capfule qui a fervi de calice à la fleur. Cette plante a une odeur
puante approchant de celle de Vortie morte. Voyez ce mot.
Cette plante eft vulnéraire , propre pour les hernies appliquée
en cataplafme , & pour arrêter les fleurs blanches , étant prife en
décodion. Les Allemands s'en fervent communément dans les bains
deftinés à ouvrir les pores de la peau : on remarque même que
l'eau du bain faite avec fa décodion , devient toute trouble & géla-
tineufe après qu'on en eft forti , tant elle eft chargée de crafles
qui fermoient Tifllie a la tranfpiration. On prétend que les Juifs
ont été les premiers qui ont mis cette plante en ufage dans la Me-:
decine. . ,
CRAVAN ou Crabran, Oifeau aquatique , autrement nommé
Oie nonette. Voyer^ u mot.
CRAUPÊCHEROT ou CORBEAU PÊCHEUR. Nom fous lequel
on connoît en Bourgogne le balbuzard. Voyez ce mot,
CRAYE. Voyei Craie.
CRAYON. Nom générique , par lequel on défîgne plufieurs
fubftances terreufes , pierreufes , minérales, colorées, & dont on
fe fert pour tracer des lignes , defliiner , peindre au paftel. Telles
font la craie, Icifanguine, la molybdène, la pierre noire, \qs ochres :
voyez ces mots. On taille & on donne une forme à ces matières
propres à les mettre dans un porte - crayon»
CRAYON NOIR ou Min£ de Plomb des Peintres. Foyc^^ à
la fuite des mots Talc & Molybdène.
CRAYON NOIR ou Pierre noire, ampelltls aut pnigius. C'eft
une pierre comme fchifteufe , noire , tendre , friable , dont les
Charpentiers & les Deflînateurs fe fervent pour tracer des lignes;
Du temps de Diofcoride on ne rencontrok cette pierre qu^aux envi-
virons de Seleuche en Sourie ; mais aujourd'hui on. en tro-uve
^5>2 C R A
abondamment à la Ferrlere-Bechet,entreSéez Se Alençon en Normandie,
où nous avons obrervé qu'elle eft entremêlée de pyrites qui la vitrio-
lifent. La pierre noire a une faveur acre, ftyptique, & une odeur
bitumineufe ; elle fe décompofe facilement à l'air , à la manière des
pyrites fulfureufes ; alors elle produit du vitriol martial , & peut
noircir la teinture de galle : expofée au feu , elle brûle un peu , &
l'on voit fa couleur noire fe changer en rouge ; quelquefois cette
pierre contient de l'alun , ou a la propriété de faire effervefcence
avec les acides ; cette dernière , par la vertu de fa bafe _, convient
Singulièrement aux engrais des terres à vignobles. Il y a même un pays
en Allemagne (Eaccarach) oii les habitans amaffent de la pierre noire
atramentaire , la mettent en tas , & la laiffent décompofer jufqu'à
ce qu'elle foit réduite en une efpece d'argile ; ils la difperfent enfuite
en manière de fumier fur la terre à vigne qu'ils veulent fertilifer ; &
par cette opération ils font périr les vers qui montent aux farmens ,
améliorent le fol ; & le fruit de la vigne prend alors un goût d'ardoife,
tel qu'on le remarque dans le vin de la Mofelle. On trouve encore
deux carrierres de cette pierre noire en Veftphalie , dans l'Évéché
d'Ofnabruck près d'Effen. On en tranfporte une grande quantité en
Hollande, (feroit-ce pour y contre-faire l'encre de la Chine?) Il
palTe près de ces carrières une rivière dont quelquefois les eaux font
entièrement noires. Voyez Bruckmann , Epijlol. itiner. centur. III,
epïjl. ïj. On fe fert encore en quelques pays de cette pierre pour
teindre les cheveux en noir & les fourcils. On en fait aufli des
"*N dépilatoires. On nomme encore cette pierre urrc à vigne & ampéliu.
Elle fe diflbut dans Fhuile après avoir été broyée.
CRAYON ROUGE ou SANGUINE DES PEINTRES, rubrica.
C'eft une terre endurcie , ou une pierre friable , d'un rou^e plus ou
moins foncé , facile à tailler en crayons pour l'ufage des Defllna-
teurs ; on nous l'envoie de Cappadoce , d'Angleterre & de Saxe.
L'on n'eft pas encore certain de l'origine de cette pierre : on croit
que c'eft une efpece ^ochrc de, fer précipitée dans une terre argileufe^
ou une ftéatite tendre , mêlée à une hématite décompofée. Le crayon
rouge pulvérifé avec l'eau , forme une mafle qu'on peut pétrir ; fî
on l'expofe en cet état à un degré de feu affez fort & gradué, il fe
durcira au point de recevoir le pÔli , & de dçnner des étincelles
avec le briquet.
CRÈME.
C R Ê 3 9 i
CRÈME. Dans l'économie ruflique ' on donne ce nom à la parti»
la plus délicate & la plus grafle du lait. Foye^ à tanick Lait.
. CRÈME DE TARTRE. Foyei à Vankk Tartre.
CRÉOLE, On donne ce nom à toute perfonne nie à TAmériquei
Voyc^^ à Vanïck Homme,
CRÉPUSCULE. C'eft cette lumière qui diminue par degrés in-
fenfibles , depuis la pointe du jour jufqu'au lever du foleil, & depuis
le coucher du foleil jufqu'à la nuit fermée. Cependant on donne
vulgairement le nom ^aurore à la lumière qui précède le lever du
(bleil , & celui de crépufcuU à celle qui fuit fon coucher. On fuppofe
ordinairement que le crépufcule commence & finit quand le foleil eft
à dix-huit degrés au-deffous de l'horizon. Il dure plus long -temps
dans les folftices que dans les équinoxes , & dans la fphere oblique
que dans la fphere droite. Peut-on réfléchir fans admiration à cet effet
merveilleux produit par l'atmofphere , dans lequel fe réfradent les
rayons de lumière , & par le moyen duquel nous paffons de la nuit
au jour , & du jour à la nuit par degrés infenfibles ? Que d'avan-
tages n'en réfulte-t-il pas ? Le commencement du crépufcule arrive
lorfque les étoiles de la fixieme grandeur difparoiffent le matin ;
mais il finit quand elles commencent à paroître furie foir, la lumière
du foleil dont l'air eft pénétré, étant le feul obftacle qui les empêchoit
de paroître. Les crépufcules d'hiver font moins longs que ceux d'été,
parce qu'en hiver l'air , étant plus condenfé , doit avoir moins de
hauteur , & par conféquent les crépufcules finiffent plutôt ; c'eft le
contraire en été. Ajoutons à cette caufe , qu'en hiver le foleil arrive
plutôt à dix-huit degrés fous l'horizon qu'en été. De plus , les cré-
pufcules du matin font plus courts que ceux du foir : car l'air eft
plus denfe & plus bas le matin que le foir , parce que la chaleur
du jour le dilate & le raréfie , & par conféquent augmente fon
volume & fa hauteur. Cet effet fuit néceffairement , puifque la
réfraâion de la lumière eft proportionnelle au volume & à la hauteur
du milieu dans lequel elle fe fait.
CRESSERELLE. Voye^ Quercerelle.
CRESSON ALENOIS. Voyez Cnpn des jardins.
= CRESSON DORÉ ou de ROCHE. Voyez Saxifrage dorée.
CRESSON DE FONTAINE., naflunium aquaticum. Plante aqua^
tique, crucifère & qu'on nomme au flî crc£on de ruijfeau ou d\au ^
Tomu lU D d d
55)4 C R E
parce qu'elle croit dans les marais & les niifTeaux. EHe a une racine
blanche , filamenteufe ; (es tiges font longues d'environ un pied ,
grofles 5 courbées , creufes , cannelées , d'un vert tirant fur le rou-
geâtre; Tes feuilles font fucculentes , prefque rondes , toujours vertes
obfcures , rangées plufieurs fur un côté , comme empennées , odo-
rantes , & d'un goût piquant & agréable î fes fleurs font petites ,,
blanches , compofées chacune de quatre feuilles difpofces en croix ^
avec plufieurs étamines à fommets jaunes ; elles naiiTent aux fommités
des tiges & des branches : leurs épis font fort courts quand îa planta
eft jeune , ils s'étendent dans la fuite : il leur fuccede des filiques un.
peu courbées, qui fe divifent en deux loges , remplies de petites
femences arrondies , & acres au goût.
Cette plante fleurit en Juillet & en Août ; elle efl: toujours ver-
dâtre , aulîi peut-on en ufer dans les falades pendant toute l'année.
Celle qu'on nomme cail/i à Rouen, eft un creffon cultivé, fort tendre,
d'un goût exquis , & préférable à tout autre ; le creiïbn préfère les
ruiffeaux dont l'eau eft claire. On en fait avec les écrevilTes d'excel-
lens bouillons propres à purifier la mafte du fang des fcorbutiques.
On doit cependant obferver de ne pas employer le crefîbn en toutes
circonftances dans le fcorbut , mais feulement lorfque (on caradera
eft acide , & non pas lorfqu'il y a apparence de gangrené ou de,
diftblution des vaifTeaux , & de putréfaâion. Plufieurs Praticiens
lecomm^andent l'ufage du lait au creffon dans les maladies de îa peau ,
dans les embarras des reins & de la vefîie : il eft encore recommandé
dans la pthifie & les maladies chroniques du poumon. Le creflbn ^
ainfi que la femence de moutarde , le cochléaria , le beccabunga ,
& toutes les plantes crucifères, contiennent beaucoup de fel volatil»
Nous le répétons , le creflbn d'eau eft une des plantes antifcorbuti-
ques des plus adives , elle contient un efprit alkali volatil afiez
fenfible , qui s'élève dans la diftillation à un très-léger degré de feu i
c'eft pourquoi les Médecins inftruits ne doivent point le prcfcrire
en forme de décoétion ; auflî en ordonne -t on le fuc à la dofe de
trois à c^uatre onces. On peut exprimer ce fuc commodément de la
plante fraîche dans tous les temps de l'année ; & quand on veut faire
entrer cette plante dans les bouillons , il faut néc*.fiairement ou fe
contenter de l'mfufion de la planta au bain-marie , & dans des
vaifTeaux 3 foit de terre , foit d'étain^ foit de verre , exadement fermés j^
CRE 5P;
eu en introduire le fuc dans le bouillon à demi-refroidi. On fait avec
lefucdu creflbn ^le miel crud , ou encore mieux avec le miel rofat,
un gargarifme très-fpécifîque pour toutes les efpeces d'efquinancies ,
Se pour les ulcères de la gorge , du palais & la langue. M. Bour-
geois aflure s'en être fervi av,ec le plus grand fuccès dans les efquinancies
ibit pituiteufes , foit accompagnées d'ulcères gangreneux. On prépare
dans les boutiques une eau diftillée , un firop & un extrait de creflbn;
un vin pour les gencives : on préparoit aulîî un fel lixiviel , lorfqu'on
n'avoit pas encore découvert que ces fortes de fels ne retenoient rien
des vertus particulières des plantes dont ils avoient été tirés. Il faut
cependant convenir que le fel alkali que l'on tire du creflbn par la
combufl:ion efl: foulé d'acide.
Le creflbn d'eau mangé crud avec les volailles & fous quelqu'autres
viandes rôties , en efl: un aflaifonnement très-falutaire , il excite l'appétit :
il produit les mêmes bons efl^ets mangé en falade , foit feul , foit
avec quelques autres herbes , dont il corrige la crudité. Son ufage
diététique efl: fort analogue à celui de la moutarde. C'eft: un fuccédané
du cochléaria.
CRESSON DES JARDINS ou Cresson Alenois , ou Nasitor,
najlurt'ium hortenfe. On cultive ce creflbn dans les jardins , pour l'em-
ployer, au défaut du précédent, dans les falades. Sa tige rameufè
eflr couverte d'une efpece de poufliere bleuâtre j fes feuilles font
oblongues , très - découpées & acres ; fes fleurs font en croix, de
couleur blanche purpurine , auxquelles fuccedent de petits fruits ,
lefquels fe partagent en deux loges , qui contiennent chacune une
femence acre & rougeâtre. On feme ce creflbn au printemps; il
fleurit en Mai & Juin ; & refte également vert dans l'hiver ; fon
ufage efl: familier dans nos alimens; mais il efl; très-peu employé en
Médecine.
CRESSON DES PRÉS ou Cardamine ou Passerage sauvage,
najîunium pratcnfe fylvefire» Les feuilles de cette plante qui croît dans
les prés & autres lieux humides, font attachées à de longues qpeues,
& empennées : les inférieures font arrondies ; celles de la tige font
étroites. Il s'élève de leur milieu une tige haute de dix pouces; fea
fleurs, compofées de quatre feuilles en croix, font blanches, un peu
purpurines; à ces fleurs fuccedent de petites filiques divifées en deux
log'ii , contenant de petites femences arrondies. Sa racine eft menue
Ddd2
5^^ CRE
& fibreufe : toutes les parties de cette plante (ont apérltîves & antî-
fcorbutiques.
CRESSON SAUVAGE ou Corne de Cerf d'eau, nafîunîum
ycrrucarium. Cette efpece de crefTon appellée quelquefois ambroifie fuu'
vagc rampante on pied de corneille de Ruel , vient le long des chemins
& dans les endroits humides ; fa racine eft grofle, & poufTe des tiges
rampantes ; Tes feuilles font découpées, reflemblantes à la corne de
cerf & au crefibn ; fes fleurs petites , également difpofées en croix ;
fes fruits font autant de verrues , grofles comme un petit pois, ren-
fermant entre deux panneaux des femences noirâtres , pareilles à peu
près à un pépin de raifin. Ce creffon eft en vigueur dans tout l'été :
on le confit comme le pourpier au fel ou au vinaigre, pour Tufagô
de la falade : on frotte les poireaux des mains avec la feuille de cette
plante pour. les faire pafler.
M. Ualler rapporte que Mademoifelle Stephens a donné de la répu-
tation à cette plante, en la faifant entrer dans fon remède contre la
pierre.
On donne le nom de creflbn d'Inde à la capucine, Voyei ce mot. Il
y a aufli le creflbn à feuilles de raifort ^ le creflbn à feuilles laciniées,
& le faux creflbn à fleur jaune. '
CRÉTACÉ. Se dit d'un corps qui participe de la craie. Voye-^
ce mot.
A
CRETE DE COQ, crifla galli. C*ef! une efpece de plante pédi-
culaire qu'on diftingue en mâle & femelle; mais cette diftindion, dit
M. Deleuie, porte fur des dénominations vulgaires, & ne défigne qus
des variétés. Ce genre de plante que M. Linnceus appelle rhinanthus ,
refîemble beaucoup à celui des pédiculaires. La principale difterenca
tonfifte en ce que le calice n^a que quatre pointes, & que la capfuk
des graines efî: obtufe. La première efpece de crête de coq poufle des
tiges carrées , vides & hautes d'un pied & demi ; {t^ feuilles naiflent
fans queue, crénelées de manière à imiter la crête du coq; fes fleurs
font des efpeces de tuyaux jaunes qui fortent de l'aiflelle des feuilles;
il leur fuccede un petit fruit membraneux , rempli de femences oblon-
gués de couleur obfcure. La deuxième efpece n'en diffère que par la
petitefle de toutes fes parties : l'une & l'autre croiflent dans les champs
& dans les prés« On prétend que les animaux qui mangent de cette
plante, font auflî-tôt attaqués d'une grande quantité de poux, Oa
GRE 5^7
place cependant la crête de coq au nombre des plantes vulnéraires ,
& on la dit excellente pour guérir les fiftules.
CRÊTE DE COQ. On donne ce nom à des coquilles bivalves, dti
genre des huîtres ; la robe efi: ou marron clair ou violette , granuleufe
& comme chagrinée , de forme arrondie , à larges plis , difpofés de
manière que les angles faillans d'une valve s'enclavent dans les angles
rentrans de l'autre. La charnière efl un ligament. On donne aufll à
ces fortes de coquilles le nom ^oràlU de. cochon»
CREVETTE. Voye^^ Chevrette.
CRIARD. Nom que les Brafiliens donnent à une efpece de cor-
neille ou de corbeau du pays, & dont tout le plumage eft d'un beau
bleu tendre.
CRIN. Foyti Poil. \ .
CRIN DE MER. Voye^ Gordiu?.
CRINONS ou DRAGONNEAUX , comedoms aut crînones. C'eft
un de ces animaux gloutons qui affligent l'humanité : ils mangent les
allmens que les enfans ont pris , & ne font pas plus gros que des che-
veux ou poils courts : ce font de petits vers capillaires ou filiformes
qui naiilent de préférence fous la peau des enfans maigres & délicats,
& leur caufent une maladie nommée par plufieurs Auteurs impropre-
ment, morbiis pïlaris , qui efl un autre genre de maladie. Il ne faut
pas confondre les crinons avec les cirons, Foye:(^ ce mot. A Taide du
microfcope on diflingue ces animaux de couleur cendrée, ayant deux
cornes, les yeux ronds, la queue longue, fourchue & velue par les
bouts qui font relevés. Ces vers font horribles à voir. Ils occupent
ordinairement les parties mufculeufes du dos , des épaules , du gras
des cuiffes, de la jambe & du bras, fous l'épiderme , & caufent une
démangeaifon continuelle & fâcheufe qui efl très-fenfible , ainfi que
des inquiétudes , des cris , des infomnies qui maigriffent les enfans &
les forrt tomber en langueur, quoiqu'ils tettent bien , qu'ils mangent
avec appétit. Cette maladie eft fort connue dans les pays chauds.
Horftius, lih.4, obf. 3j , foupçonne avec fondement que la caufe
ides crinons eft le défaut de tranfpiration infennble;la matière retenue
dans les pores cutanés s'altère, s'échauffe & fait éclore les œufs de ces
petits animaux. Dans ces cas on met renfant dans un bain où on îe
frotte avec du miel; les crinons fortent avec la fueur, & il eft facile
de les racler avec une croûte de pain tranchante , îorfqu'iîs montrent
3p8 C RT
la tête. D'autres mettent l*enfant jufquau cou datas une leffive où ilj
ont fait bouillir dans un fachet de la fiente de poule , l'y laiifent fuer,
& excitent les crinons à fortir avec leurs mains enduites de miel ; ils
les raclent enfuite comme nous venons de le dire : il faut continuer
cette opération jufqu'à ce qu'on ne voie plus fortir de ces infedes.
Malgré ces remèdes , fi les dracuncules ou crinons lont trop abon-
jdans , ou qu'ils fe régénèrent trop aifément , alors il faut employer la
méthode de Timxus , qui confifte à donner intérieurement de la tein-
ture d'antimoine , ou de la poudre de vipère; à baigner les malades
comme il eft dit ci-deflus, & les laver enfuite avec une pinte d'eau
fi'abfinthe, dans laquelle on a fait diffoudre deux onces d'aloès hépa-
tique. Le remède^ que les femmes Portugaifes emploient en pareil cas
lî'eft pas moins fpécifique : c'efi: un compote de miel , de lait & de fuie
Àq cheminée ; on peut auffi fe fervir avec fuccès de la pommade mer-
curielle dont on fait ufage contre la gale , pourvu que le mercure y
entre à moindre dofe.
On donne improprement le nom de chiques aux dracuncules qui
attaquent les cnfans de la Mifnie. Foye'^ Chiques. Amatus Lufitanusy
çur, 64, unt. 7, dit avoir vu une fubflance en forme de ver de trois
coudées de longueur , tirée peu à peu pendant plufieurs jours du talon
jd'un jeune Ethyopien, qui lui caufoit de grandes douleurs. Le fait
^'étant pa0e à ThefTaîonique , il vit à cette occafion un Médecin
Arabe , qui lui dit que cette maladie étoit fort commune & très-
.dangereufe dans l'Egypte, dans Tlnde & dans tous les pays voifins :
fille eft appellée par Avicmnc , vma Médina ; & par Gaiun , dracnn^
culus. Mais il n'y a pas apparence que ce foit la même maladie qui efl
défignée fous ces noms différens, parce que la veine de Médine, telle
que l'obfervation (^Amatus en donne l'idée, eft autre chofe que les
dracuncules, tels ciuEimulier les décrit: ceux-ci font très-courts ref-
pedivement, ils peuvent être tirés par morceaux fans conféquence;
ceux-là font très-longs, plus folides; & fi on vient à les rompre en
jes tirant , il s'enfuit dc^ douleurs beaucoup plus violentes qu'aupa-
ravant.
Comme le ténia n'eft autre chofe qu'un polype, & qu'il fe reproduit
par végétation , n'y auroit-il pas lieu de croire que les dragonneaux
font auffi de vrais vers polypeux , puifque les portions qui reftent fous
les tégumens après la rupture de celles (^ui en ont été tirées, ne font
CRI 3^5
pas privées de mouvement, & font auflî nulfîbles que lorfque les vers
font encore entiers. Dans les Obfcrvations de Médecine de la Société
d'Edimb, vol. 6, art, y6 ^ on lit que les dragonneaux de Guinée caufent
quelquefois des ulcères dans les parties qu'ils afFedent , qui peuvent
avoir des fuites très-fâcheufes , & que l'on a tiré de plufieurs endroits
de la jambe d'un jeune homme , dans Tîle Bermade , des portions de
ces vers jufqu'à la longueur de quatre-vingt-dix pieds. Voilà un fait
qui femble bien propre à confirmer l'analogie des dracuncules avec le
ténia» Ruifch fait mention, Thefaur, anat, lib. 3, /z**. 74, d'un ver de
Guinée, de ceux qui affedent les pieds des habitans de ce pays avec
de très-grandes douleurs. Voy&i^ Ver de Guinée.
CRIOCERE ou PORTE-CROIX , trioceris. Genre d'infede co-
léoptere, dont les antennes compofées d'articles globuleux, refTem-
blent à une efpece de cordonnet. Son corfelet eft cylindrique î fa larve
eft grofle & courte ; elle fe trouve fur différentes fleurs & autres par-
ties de plantes ; mais c'eft en terre , au pied des végétaux qu'elle a
dévorés , qu'elle fe métamorphofe. Elle y forme une coque dont l'in-
térieur eft tapiiTé d'une efpece de bave luftrée : le dehors refïknble à
une petite motte de terre , & ce nouvel habit eft en général plus propre
& plus folide que le premier; par exemple, la larve du criocere qui
fe trouve fur les lis , a à la queue deux mamelons membraneux qui
Faident à marcher; fes ftigmates font noirs, & fa peau qui eft très-
fine & délicate, fe trouve toujours couverte par fes excrémens mêmeS'
qui fortent de fon anus , placé fur fon dos» Ce toit les met à Tabrt
de la pluie & du foleil. La larve du criocere a au contraire tout le
corps hérifle de pointes fouvent fourchues. On l'appelle la châtaigne,
noire. Voyez Te'gne des lis & f^er Hottentot^
CRIQUET. Voye'^ Grillon.
CRISTAL , cryjîallus. En Hiftoire Naturelle on" donne ce nom i^i
toutes les fubftances minérales qui prennent d'elles-mêmes une figure-
conftante & déterminée. Il y a donc autant de différentes efpeces de'
criftaux, qu'il y a de fubftances qui affeârent une figure régulière : un:
grand nombre de pierres calcaires, gypfeufes , vitrifiables, réfiradaires,.
de métaux, de demi-métaux, les pyrites, le foufre, font dans ce cas,.
& prennent une forme diftindive à laquelle il eft aifé de les connoître^
Mais cette figure déterminée ne change rien aux qualités ou propriétés»
efi[êntielles^
400 CRI
La criftallifatlon dans ces corps naturels paroît fe faire fuîvant les
mêmes lois que la criftallifation des Tels dans le laboratoire du Chi-
mifte. L'aggrégation lente des parties homogènes & conflituantes des
corps, accompagnée de certaines circonftances, les fait paflfer de l'état
de fluides à celui de folides. La preuve inconteftable que les criftaux,
même ceux de roche, ont d'abord été dans un état de fluidité, fe tire
des corps étrangers , tels, que des gouttes d'eau, des infeâies, des
plantes, des métaux, d'autres corps étrangers, &c. qui s'y trouvent
fouvent renfermés. Ce font particulièrement ces morceaux dûs au
hafard , dont les Curieux ornent leurs cabinets. Mais combien de
criftaux paroiffent renfermer des corps étrangers , fans en contenir ef-
fedivement? L'on croit voir dans les uns de l'amiante, dans d'autres
de l'argent qui végète, ou des moufles, des iris & quantité d'accidens
que des Amateurs du merveilleux fe plaifent à y trouver, & qui ne
font dûs qu'à des points glaceux , &c. produits par le choc d'une autre
pierre, ou par l'arrangement des molécules crifliallines ; en un mot qui
ne font communément que l'effet de la réfradion des rayons lumineux
différemment modifiés. Quelques-uns donnent le nom de Jluores à tous
les crijlaux colorés , de quelque nature qu'ils foient ; mais on appelle
plus particulièrement les crijîaux defpath fufibles avec ou fans couleur,
Jluores fpathïci, Voye^ Fluors. Il efl: démontré que les criftaux font
colorés par des fubftaiîces métalliques, qui ont été mifes en diffolution
dans le fein de la terre, & entraînées par les eaux, ou élevées fous la
forme de vapeurs, qui font venu fe joindre à la matière encore li-
quide , dont les criftaux dévoient être formés, La couleur indique
fouvent la nature des métaux colorans ; le cuïvrt donne du vert & du
bleu; \q plomb donne du jaune, & \q fer donne du rouge & quelque-
fois aufli du bleu : on reconnoît encore autrement les criftaux lapi-
difiques, & les criftallifations formées par des influences métalliques;
c eft à la forme. Ceux du plomb font cubiques comme le fpath vitreux,
la marcaffite vulgaire & le fel marin ; ceux de l'étain font pyramidaux
comme le criftal de roche & de quartz. Ces derniers font aufîî prif-
matiques hexagones, ainfi que la plupart des fpaths calcaires, la mine
de plom,b verte , la mine d'argent rouge. La forme rhomboïdale eft
particulièrement affedée à la félénite, au criftal d'Iflande ; l'odaëdre,
aux pyrites , au fer , à l'alun , au rubis , &c.
La Nature qui travaille avec lenteur , mais qui travaille incefTam-;
ment ,
CRI 40 î
ment , forme tous les Jours dans le fein de la terre , à l'aide des vei-
nules d'eau qui y font répandues, ces criftaux, ces minéraux : elle
altère & change la forme des fofliles répandus dans fon fein ; c'eft ainfi
qu'elle nous fait voir des cornes d'Ammon , & les creux de quelques
pierres tapifles de criftaux, ou recouverts en tout ou en partie d'un
éclat métallique ou pyriteux.
CRISTAL D'ISLANDE , cryftalljis^ fffandîca fpathîca. Ce criftal
tire fon nom de l'île où il fe trouve : on le rencontre fur-tout au pied
d'une montagne de Rcer-Floerde. Erafme Banholïii eft le premier qui
a fait connoître cette forte de criftal, en en. donnant un Traité par-
ticulier. C'eft à tort que M. de La Hire l'a confondu avec le talc. C'eft
une efpece de fpath calcaire, de figure rhomboïdale jufques dans fes
plus petites parties, tranfparent comme du cri/îal de roche, dilToluble
dans les acides. Quand on le calcine dans un creufet , il y devient
d'abord feuilleté, puis il pétille, fe divife en rhomboïdes , répand une
odeur urineufe ou de foie defoufre, & acquiert pour lors la propriété
de luire dans l'obfcurité. Mais la propriété la plus difiindive & 1?
plus remarquable de ce crîjlal. d^Ifiande, eft celle de faire paroître
doubles les objets qu'on voit à travers. Meilleurs Huyghens èc Newton
ont expliqué la réfradion extraordinaire de ce criftal fpathique ; cet
effet (ingulier vient, difent-ils, de ce que le rayon de lumière qui
traverfe cette pierre , y fouffre une double réfradion tout-à-fait par-
ticulière. Dans les autres corps tranfparens il ne fe fait qu'une réfrac-
tion , parce que les rayons qui tombent perpendiculairement fur leur
furface , paflent tout droit fans fouffrir de réfraâion : les rayons obli-
ques fe rompent toujours. Au lieu que dans le criftal d'Iflande les
rayons perpendiculaires foufïrent réfradion, parce qu'il eft compofé
tranfverfalement & horizontalement de diverfes furfaces qui fe touchent
différemment; ainfi on voit néceffairement doubles les objets qu'on
regarde au travers de ce fpath diaphane. On peut obferver ce phé-
nomène en lifant l'étiquette du crijlaL d'IJlande, qui fe trouve dans
l'armoire des pierres précieufes du Cabinet du Roi.
CRISTAL DE MADAGASCAR. Voyeifon article à la fuite du
viol Quartz.
CRISTAL DE MINE. Nous donnons ce nom à des criftallifations
plus ou moins tranfparentes, très-dures, & fouvent colorées , qui fe
trouvent dans des cavités ou fentes de mines, Ces criftaux forment
Tomi IL E e e
'402 CRI
rarement des quilles ifolées dès leur bafe, maïs toujours confondues
enfemble , excepté parla pointe qui communément eft hexaèdre; il y
en a auflî fous d'autres formes. On peut les regarder comme des
criftallifations quartzeufes : voyc^ Quartz. Quantité de ces criftaux
font fouvent recouverts de fpath fufible en petites écailles & de mar-
caflites. Ces matières groupées enfemble fur des bafes ou blanches ou
colorées, & de différentes'^ures, font autant de drufens fort com-
muns dans les mines de Saxe , &:c.
CRISTAL DE^ MONTAGNE. La plupart des Naturaliftes don-
nent ce nom, tantôt au criftal de roche, tantôt à une criftallifation
affez tranfparente fort 'duré, femblable à une mafle de verre fondu,
& non en' quilles. Tels font les crifiaux des mines & celui de Md~
dagafcar.
CRISTAL DE ROCHE , crljlallus rupea. On donne ce nom , ou
celui ^de crifial par excellence , à une pierre tranfparente , avec ou fans
couleur ; qui fait feu- avec l'acier , qui a la forme d'un prifme à fix
cotés , plus ou moins long , terminé à fes deux extrémités par une
pyramide hexagone, quand fa conformation eft parfaite ; alors les
quilles ou canons font la plupart couchés tranfverfalement & fe croi-
fent les uns les autres. Cependant cette règle fouffre des exceptions ,
car on voit des quilles de criftal de roche n'offrir que la pyramide fu-
périeure, plus ou moins régulière, l'inférieure étant fouvent cachée
ou confondue dans la pierre qui lui fert de matrice ou de bafe ,
les quilles ou canons font debout & à-peu-près parallèles les uns aux
autres. Quand on remarque dans le criftal de roche une autre figure
que celle d'un canon en prifme hexagone, il y a lieu de croire que
cela vient de ce que deux ou plufteurs quilles de criftaux font venues
%L fe joindre de différentes manières , & fe font confondues en quelque
^rte dans leur formation. Tout eft dû à l'équilibre ou au dérange-
jment que les parties ont éprouvé à l'inftant de la criftalliiation, &c,.
Voye-{ ci-dejfus à l'article Ckistal. On peut remarquer dans certains
criftaux de roche , qu'ils ne font compofés que de lames extrêmement
fines , appliquées les unes fur les autres. On a obfervé que c'eft tou-
jours le quartz quiTert de bafe ou de matrice au criftal de roche, &:
c'eft dans cette pierre qu'il fe forme conftamment : d'oii l'on pourroit
conjedurer avec beaucoup de vraifemblance que lé criftal de roche,
pur & parfait n'eft autre chofe qu'un quartz plus épuré ^ dont les
CRI 40^
parties font homogènes, fimilaires, petites, ténues, d'abord fufpen-
dues dans un fluide , & enfuite rapprochées lentement par Tévapora-
tion du même fluide. Les Anciens faifoient difFérens vafes de criflial
de roche, dont le prix étoit très-confidérable : on admire encore au-
jourd'hui les beaux lufl:res de criftaL de roche, les girandoles, &c. mais
ordinairement on les imite en verre de Bohême.
On trouve le criftal de roche dans toutes les parties du monde , où
il y a des montagnes en chaîne , & ordinairement dans des grottes ou
des cavernes, communément abreuvées d'eau. Ils Rendent aux voûtes
fupérieures ; ils tapiflent aufli les parois des cavefnes ; il en vient des
Indes, du Bréfil. En Europe, c'efl: le Mont Saint-Gothard qui en
fournit la plus grande quantité. En 1719 on découvrit dans le Tfin-
kégletcher, faifant partie du Grimfelberg , en Suifle , des pièces de
criftal de roche pures & fans défauts , les unes pefoient cinq cents
livres, & d'autres huit cents livres, elles furent eftimées à plus de
trente mille écus ; on en a même tiré dans l'île de Madagafcar des
morceaux de (îx pieds de long, & de quatre de large, fur autant
d'épaiffeur. La mine de Fischbach au Wallais fournit aujourd'hui les
malles les plus groffes & les plus parfaites de criflial de roche. On
vient d'y en découvrir une magnifique pièce : c'efl: une quille ou canon
xju'on dit être du poids de douze quintaux ; il a fept pieds de contour,
& deux pieds & demi de hauteur.
Sduuch-^er obferve que plus le lieu d'où on le tire efl: élevé, plus
le criftal eft parfait. M. Bertrand dit que ceux qui cherchent des crif-
taux ont quelques indices , auxquels ils prennent garde avant de tra-
vailler à percer les rochers pour entrer dans les cavernes. 1°. Les
■couches de quartz blanc qu'ils appellent criJlaL bande ; jamais ils ne
s'attachent à la pierre calcaire, mais à des rochers blancs très-durs;
ils cherchent quelques fiflures qui conduifent à une grotte , & ils ou-
vrent le rocher. 2°. Ils s'attachent fur-tout aux lieux où les lits du
rocher font relevés , & ofiVent une apparence de convexité. 3°. Les
ouvriers frappent çà & là avec des inftrumens de fer ; lorfqu'ils en-
tendent un fon comme celui d'une caverne prochaine , ils travaillent.
S'ils entendent le fon d'une mafle de rocher folide & fans cavités, ils
vont ailleurs. 4°. Une eau limpide qui fort de quelque fiffure du roi*
cher; une terre fine & jaunâtre, qui apercé quelque part; des crif-
îailifations imparfaites , adhérentes aux environs dans quelque cavitéj
Eee 2
^"^^
'40 4- CRI
tout cela font autant d'indices d'une grotte ou caverne , & d'une mîner
de criftai qui n'eft pas éloignée. 5"°. Quand on eft arrivé & defcendu
dans la mine; alors un ouvrier fufpendu à une corde fonde & choifit
à la forme & à l'œil , les morceaux les plus durs & les plus purs ,
qu'il détache aifément. Les degrés de perfedion dans les criftaux de
roche coniiftent en ce qu'ils foient d'une blancheur parfaite, clairs,
tranfparens comme de l'eaity^rès-nets & fans taches , très-durs & fuf-
ceptibles du poli le plus vif; en un mot que dans leur couleur ils
foient de la plus grande tranfparence , & qu'ils imitent le diamant.
Nous avons une fuite de criftaux de roche, dont les canons des
uns font comme opaques, d'autres font laiteux par la bafe ; il y en
a d'enfumés & de toutes les couleurs; il y en a aufîi qui ne font co-
lorés qu'extérieurement par une vapeur métallique, & la bafe eft
ordinairement plus large , la pyramide hexagone eft quelquefois
tronquée ; enfin il y en a qui font recouverts de fpath perlé.
On trouve quelquefois en pleine campagne, & dans des rivières,
des morceaux de criftal qui ont été tranfportés 8c arrondis par le
roulement des eaux ; les cailloux appelés diamans de Médoc , du Rhin,
. de Dauphiné , de Brouage , de Royan , de Canada paroiflent être
dans ce cas. Ceux d'Alençon qu'on rencontre dans le granit , font des
criftaux à pans & d'une couleur enfumée. Les diamans de Cornouailles
ne font aulîi que dçs criftaux de roche très-durs & fans couleur.
On foupçonne avec afifez de vraifemb lance, que le m/?^/ de. roche
eft la bafe des pierres prècieufes ( voyez ce mot ) ; car réellement il n'en
diffère que par la dureté. AufTi lorfqu'il eft coloré , on l'appelle du
nom de la pierre précieufe à laquelle il refTemble par la couleur , en
y ajoutant l'épithete de faux. C'eft ainfi qu'on nomme faux rubis le
criftal de roche rouge ; faux faphir, celui qui eft bleu \fauffe émeraudz^
celui qui eft v^rt; faujfe topaze, celui qui eft jaune, &c. L'art fait
ufage du criftal de roche pour imiter les pierres prècieufes. On le fait
fondre à l'aide d'un alkali fixe & du plomb , & on y mêle les matières
colorantes propres à chaque pierre précieufe que l'on veut imiter,
C'eft dans ïart de la Verrerie de Néri, commenté par Kunckcly qu'oa
peut apprendre la méthode de faire en ce genre marcher l'art prefque
de pair avec la nature ; ces fortes de pierreries artificielles fe nom-
ment criflallins , ou émaux clairs : on colore aufti les criftaux à froid
ou à chaud par les fucs des végétaux étendus dans des liqueurs éthé-
fées ; ces criftaux fe nomment rubaffes , &c,
CRÛ 'Aof
On trouvera plufîeurs détails intéreflans fur l'article Cristal dans
notre Minéralogie, tome J,
On a attribué dans la Médecine de grandes vertus aux criftaux de
roche , foit fufpendus au cou pour éloigner les fonges inquiets , foit
pris intérieurement en poudre pour guérir la dyflenterie, les fleurs
blanches , augmenter le lait aux Nourrices , &c. brifer la pierre.
Cette prétention eft fi abfurde que nous ne nous arrêterons point à
la réfuter. Mais on devroit bannir abfolument de tels remèdes qui
n'ont que des propriétés imaginaires, pour ne pas .dire dangereufes ;
en un- mot , qui ne peuvent pas faire plus de^bien eri Médecine que
du caillou ou du verre pilés. Il n'y a que la calcination de ces corps
ignefcens qui en peut altérer la nature & les rendre moins mal-fai-
fans : M. le Do6leur Bourgeois, l'un des Commentateurs de notre
Didionnaire imprimé à Yverdon , prétend même que le criflal , calciné
& porphyrifé, efl: un très-bon aftringent contre les diarrhées les plus
opiniâtres ; il feroit curieux de connoître la nature de l'acide dans le
criftal de roche & fon état de combinaifon.
CRISTE-MARINE. roye^ Passepierre.
CROCODILE , crocodilus. Animal ovipare , efpece d'amphibie ,
l'un des plus gros d'entre les lézards, très-commun en Egypte, dans
une partie de l'Inde & dans plufieurs contrées chaudes de l'Amérique,
On croit que c'eft lui dont il eft fait mention dans l'Ecriture Sainte,
fous le nom de Uvïaihan. Voyez ce mot.
Le crocodile eft un monftre d'une voracité dangereufe , qui diffère
des autres lézards par fes dents nombreufes , qui font longues , très-
pointues , rangées comme celles d'un peigne : celles de la mâchoire
fupérieure s'emboîtent dans l'intervalle de celles d'en bas , & celles-ci
dans l'intervalle des fupérieures. Sa langue eft fi courte, à proportion
de celle des lézards , qu'on a dit du crocodile qu'il n'avoit point de
langue. Il y a une autre différence eflentielle entre le crocodile & le
cayman dont nous avons parlé : celui-ci aie corps plus ramalîe, la
tête élevée, le mufeau abaiffé & court, formant un angle à fa racine;
& au contraire le crocodile, fur-tout celui du Nil , a le corps étroit,
le mufeau en ligne égale & très-aJongé, l'ouverture de la gueule beau-
coup plus ample : il diffère encore du cayman par les écailles, les
anneaux de la queue , la dureté des os , la couleur du corps , & par
plufieurs autres particularités qu'on reconnoîtra dans la- defcription
que nous en allons donner.
40^ C R O
Le crocodile efi:, ainfi que le cayman, îe plus fort Se le plus grand
de tous les lézards : lorfque fa crue eft faite , il a au-delà de vingt
pieds de longueur ; il eft couvert d'une peau fort dure, écailleufe,
jcouleur de bronze ou d'un brun jaunâtre, marquetée de blanc & de
vert : fa tête eft large ; il a un mufeau de cochon : fa gueule s'ouvre
jufqu'aux oreilles; fon gofier eft fort ample; fes mâchoires font gar-
iiies d'un nombre de dentVcsnines , longues & rondes, blanches &
pointues , qui paflènt les unes entre les autres exactement : les racines
de fes dents font creufes & plus longues que les dents même. On
prétend que chez cet 'animal la m/âchoire fupérieure eft la feule mo-
bile ; elle s'articule à" îa nuque du cou : il a deux petits trous en
forme de croiflant , qui font fes narines; les ouvertures des oreilles
font au-deffus des yeux. La mâchoire inférieure eft immobile, atta-
chée à l'os du jlirnum pour augmenter fa force ; fon immobilité fait
que le crocodile va toujours en regardant en avant , portant la tête
.droite & diredement alongée. ( Nous avons cependant obfervé deux
crocodiles vivans ; l'un à Londres , & l'autre à Paris ; & il nous a paru ,
y Jorfqu'il mangeoit le poiflfon que nous lui donnions, que fa mâchoire
'' inférieure étoit infiniment plus mobile que la fupérieure. ) Ses yeux
font femblables à ceux du cochon, quelquefois étincelans , fortans
hors de la tête , placés en fureté dans leur orbite ofTeux, mais immo-
biles : fes cuifiTes fe plient de côté; fes pieds de devant font armés de
cinq griffes fort crochues & aiguës ; ceux de derrière de quatre : fa
queue eft ronde & aulîî longue que le refte du corps.
Les écailles du crocodile font de trois fortes ; celles qui couvrent
les flancs , les bras , les jambes & une partie du cou font à-peu-près
rondes; celles du dos , du milieu du cou.& de defTus la queue font
\ par bandes, gravées, & non tuilées comme celles du ventre : fur le
dos, au milieu de chaque écaille, il y a une crête dont félévation di-
minue infenfiblement vers les fiancs : la queue qui commence au-delà
des pieds de derrière, a aulîi deux de ces rangs de crêtes fort élevés,
'qui s'unifient pour ne former qu'un feul rang à un pied du bout de
' \z queue : cette difpofition de queue aide beaucoup à Tanimal pour
nager; les écailles qui garniflent le ventre, le deflbus delà queue,
du cou & de la mâchoire , même des pattes & le dedans des jambes,
font minces , flexibles , fans crêtes , non tuilées , prefque carrées ,
inoins dures que celles du dos ;: fous le ventre, un peu au-delà des
C R O '407
pieds de derrière, eft tine ouverture large, qui probablement efl:
l'anus.
Nous avons déjà dit qu'on trouve des crocodiles dans le Gange,
dans le Nil & le Niger , en Afie, en An-ique & dans plufieurs grands
fieuves en Amérique ; la plupart de ceux que nous voyons en France
viennent du Nil en Egypte , où il y en a une grande quantité : ils ha-
bitent dans les rivières & dans la vafe d^s^ rivages chauds ; ils y font
comme immobiles : c'eft ainfî qu'ils fe tiennent à Taffôt pour furprendre
leur proie. Ils mangent beaucoup de poiflbns ,.. des limaçons, & font
fort friands de chair humaine : ceux du Nil dévorent le menu bétail
qui vient boire, ils comm.encent par l'affommer de leur queue; ils
mangent aulTi des enfans ; ceux de l'Amérique dévorent les hommes
qu'ils peuvent attraper. De même que les tortues, ils pondent depuis
vingt jufqu'à cinquante & foixante œufs dans le fable fur les rivages,
& ils éclofent aufli fans incubation par la chaleur du foleil. Ces œufs
font gros comme ceux des oies : leur goût n'eft point défagréable; le
peuple en Amérique & les Nègres en mangent , ainfi que de la chair^
du crocodile. L'ichneumon eft aulîi très- friand des œufs & delà chair
des jeunes crocodiles ; c'eft même l'ennemi déclaré de cette race de
lézards. Dans l'ile de Boutan on apprivoife quelques-uns de ces ani--
maux ; on les engraifle & on les tue pour en faire un mets très-eftimér-
En Amérique on les mange comme viande de Carême,
On ne peut prendre les crocodiles qu'avec des hameçons de fer j
car leur peau , excepté le ventre , eft une cuirafle fi dure qu'elle eft
impénétrable aux traits , aux flèches & à toute efpece d'arquebufade»
A Siam, pour prendre ces animaux, on tend au travers des rivières
trois ou quatre rangs de filets deftinés à cet ufage; on les place de
diftance en diflance: le crocodile épuife fes forces au premier Se au
fécond filet ; puis des Mercenaires accourent dans leurs balons , achèvent
de fépuifer par plufieurs coups donnés à propos, & de l'affoiblir en-
tièrement par la perte de fon fang, évitant avec grand foin fes coups
de dents & fa queue : enfuite ils lui ferrent fortement la gueule. Se'
avec la même corde ils attachent la tête à la queue , & lient les pattes '
enfemble fur le dos; toutes ces précautions ne font pas inutiles, car"
cet animal reprenant bientôt fes forces , feroit d'étranges ravages.
On prétend que cet animal craint la vue & l'odeur du fafran , & que
fes entrailles ont une odeur mufquée : il a cela de commun avec touties.'
4o8 C?vO
ks autres efpeces de crocodiles dont nous ferons mention ci-après. La
plus grande force du crocodile confifte dans fa gueule, fon dos, fes
griffes & fa queue : c'ell; avec ces terribles armes qu'il faifit, renverfe
& déchire fa proie ; il eft plus dangereux dans l'eau que fur terre ,
parce qu'il fe meut facilement dans ce fluide ; fur terre il fe retourne
difficilement; mais quoiqu'il foit d'une lourde mafîe , il ne laifle pas
de marcher fort vite fur ufr terrain uni. Malgré tant de dangers d'ap-
procher cet anthropophage, les Nègres n'en ont pas peur; ils font
fouvent luter leur adi^éffe contre la force du crocodile : pour cela ils
tâchent de furprendre cet animal dans un endroit oi^i il ne peut pas
fe foutenir fans nager , & ils vont à lui hardiment avec un cuir de
bœuf entortillé au bras gauche, & une baïonnette dans la main droite;
ils lui mettent le bras garni de cuir dans la gueule, la lui tiennent
ouverte; & comme il n'a qu'une très-petite langue, il s'emplit d'eau.
& fe noie : pour le faire moyrir plutôt, ils lui donnent des coups de
baïonnette dans la gorge & lui crèvent les yeux.
Le crocodile eft plus gros & plus grand dans certaines contrées que
' dans d'autres; celui qu'aux Antilles Ton appelle cayman , eft, dit-on,
le plus grand : voyc^ ce mot. Cependant on voit des crocodiles dans
la Guinée , dans le Sénégal & la Gambra , même dans le fleuve des
Amazones, qui ont depuis vingt jufqu'à trente & trente-trois pieds
de longueur : M. de la Condaminc ( Voyage delà rivière des Amazones)
en a vu un grand nombre fur la rivière de Guayaquil ; ils reftent
pendant des journées entières fur la vafe étendus au foleil. Il n'y a pas
d'animal qui, après ctre né fi petit, devienne fi grand : l'efpece de
crocodile, nommée alligator, a depuis huit jufqu'à douze & quinze
pieds de longueur. Près le palais royal à Saba fur la côte des efclaves,
le Roi de cette contrée tient à honneur, comme une magnificence
\ extraordinaire , d'avoir deux étangs remplis d'alligators : ( le Roi de
Siam met fa magnificence à pofiéder beaucoup d'éléphans. ) Les cro-
codiles des Moluques, au contraire de ceux des autres pays, font
voraces & dangereux fur terre ; & dans la mer ils font fi lâches & fï
engourdis, qu'ils fe laifTent prendre aifément, parce que leurs doigts
des pieds de derrière n'étant attachés par aucune membrane, ils ne
peuvent nager avec facilité. Quand le mâle veut féconder fa femelle,
il la renverfe fur le do? ( csr on prétend que leur accouplement fe
(ait ventre à ventre ) i eriiuite ii lui aide à reprendre fa première
pfiure,
G R O 409
poflure. Le crocodile de Ceyian ell: nommé kimhuU^^r les habitans du
pays ; il eft marqué de taches noirâtres. Celui du Gange a le mufeaa
fort long & fort effilé.
Par tout on rencontre le tableau de la fuperftition humaine :1e cro-
codile a été autrefois adoré , apprivoifé & nourri par crainte dans la
ville d'Arfinoë, autrement vilU des crocodiles , voifine du lac Mceris ,
où il y en avoit une grande quantité. On l'attachoit par les pattes de
devant; on lui raettoit aux oreilles des pierres précieufes & on lui donnoit
des viandes confacrées à manger jufqu'à ce qu'il mourût. Alors on
1 embaumoit , enfuite on le brûloit , & on Venfermoit fa cendre dans
des urnes , & on la portoit dans le caveau , lieu de la fépulture
des Rois.
Ce qui fait honte à l'humanité , tout a été déifié, fans en excepter les
chofes les plus viles. L'homme s'efî: dégradé jufqu'à drefler des autels
a un Dieu Sterculus , à une Déeffe Caca , au Dieu Crcpitus , ( Dieu
Pet ). C'eft chez les Anciens que les Dieux fe font multipliés à l'infini
par le caprice de leurs adorateurs. Ils avoient des Dieux criminels &:
débauchés , àç,s Dieux injuftes & violens , des Dieux avares & vo-
leurs, des Dieux ivrognes , des Dieux impudiques, des Dieux cruels \
& fanguinaires , &c. Le Dieu Vagitanus préfidoit aux cris des enfans,
Alais il y a un temps où les Egyptiens , dont l'imagination ingénieufe
favoit , en amufant les yeux, enfeigner la Morale & la Philofophie,
mettoient des figures idéales aux portes des temples pour défigner
quon devoit aimer & craindre les Dieux. Par exemple , le fphinx ,
ce monftre , partie femme & partie lion ou oifeau , n'a jamais exifté
dans la nature : ils favoient formé pour indiquer les mois où le Nil
fe déborde , c'eft-à-dire , lorfque le foleil entre dans les fignes du
lion & de la vierge. Ils donnoient encore une autre explication à
cette figure fymbolique : félon eux, c'étoit l'emblème de notre ame;
la figure humaine fignifie la rellemblance de l'homme avec Dieu , les
ailes lui fervent pour fe porter vers le ciel , & la fiamme qu'on voit
fur la tète du, fphinx , fignifie que l'ame eft toujours agilfante comme
le feu. On voit à Sainte-Geneviève de Paris un fphinx , la dorure y
eft appliquée fur des couches de plâtre ; ce qui fuppofe que l'art
<]'appliquer ainfi l'or eft connu depuis long-temps. Voyez maintenant
Amidttte. A l'égard des Féùckcs , ce font des Dieux tutéîaires d'un
autre ordre. En voici des exemples : le ferpent appelle Empereur , a
Tome IL F f f
^>:fe.
'410 C R O
été & efl encore regardé comme un Devin ou Prophète chez les
Mexicains : le fcarabée ondueux & le crocodile ont été adorés chez
les Egyptiens : les Nègres n'ont cefle de mettre au rang de leurs
Fétiches ( Dieux ) , la dcfenfe de l'efpadon , le poiflbn appelle féiiche,
& notamment le dabou'é ou f&rpent fétiche. Voyez ces mots.
CROCUTA. Les Anciens ont défigné fous ce nom l'hyenc Voyez
ce mot. ""-^-..^
CROISETTE , cruciata. Cette plante vient abondamment dans
les haies , dans les buifïbns , aux bords des folFés & des ruilTeaux. Sa
racine eft noueufe , fibreufe , jaunâtre & rampante ; fes tiges font
hautes d'environ un pied , grêles , carrées , velues & fort noueufes ;
il fort de chaque nœud quatre feuilles , difpofées en croix , velues ,
moufles & fans queue. Ses fleurs font verticillées, de couleur jaune;
leur calice fe change en un fruit fec , compofé de deux graines arron-
dies. Cette plante eft un bon vulnéraire aftringent, tant à l'intérieur
qu'à Textérieur; on la recommande fur-tout dans les cas où lefcrotum
eft gonflé par la defcente de l'inteftin. La croifate de. Portugal a des
racines qu'on pourroit fubftituer , fuivant l'expérience de M. Dam-
, bournay , à celles de la garence pour teindre en rouge. Cette croi-
fette a l'avantage de réuflir parfaitement fans prefqu'aucuns foins de
culture , même dans les terres les plus mauvaifes.
CROISETTE ou CROISADE. Eft le nom qu'on a donné à une
conftellation de l'hémifphere auftral , compofée de quatre étoiles en
forme de croix. C'eft par le fecours de ces quatre étoiles que les
Navigateurs peuvent trouver le pôle antardique.
CROIX DE CHEVALIER. Voye^ Trieule terrestre.
CROIX DE Jérusalem ou de Malte , ou fleur de Cons-
TANTiNOPLE, lychnïs Chalccdonica, Cette plante , nommée ainfi de la
.Ville d'où elle a été apportée , & de la reiTemblance de fa fleur avec
la Croix de l'Ordre de Malte , eft une efpece de lychnis qu'on ne
cultive dans les jardins que pour l'agrément : fa racine poufle plufieurs
tiges, hautes de trois pieds, velues , menues & vides : Ïqs feuilles
font oblongues, vertes, velues, & embraifent leur tige par la bafe:
fes fleurs font difpofées en ombelles , d'un bel afpeél , quelquefois
blanches, variées d'incarnat, d'une odeur agréable; chacune de ces
fleurs eft compofée ordinairement de cinq feuilles, rangées en œillet,
fendues en deux parties égales , & garnies le plus fouvent au-delà de
C R O 411
leur moitié de deux ou trois pointes , qui jointes à celles des autres
feuilles, forment une couronne. On en voit dont la fleur eft double,
& dans lefquel!es la petite croix de Malte efl: environ de la moitié
plus bafle. Il fuccede à cette fieur un petit fruit velu , de figure
conique, qui rt^nferme un tas de femences roufles he'mifphériques.
CF\CiMPYRE yoy'S^ Pomme de terre.
CKON ou CRAiN". Foyc? Falun. -^
CkONE. On appelle ainfi des endroits au fond de l'eau , remplis
de racires d'arbres , de grands herbages , Ôcc. Ceft ordinairement où
fe retire le poiflbn. ^ !^
CROPAL. Nom donné par quelques-uns à la codaga-pale. Voyez
ce mot. \
CROPIOT. Petit fruit ridé de l'Amérique, qui contient une
femence femblable au poivre noir d'Ethiopie , d'un goût très-acre :
les Indiens en mêlent dans leur tabac quand ils veulent fumer ; ils
prétendent que c'eft un remède propre à foulager le mal de tête.
GROS-DE-CHIEN. A la Martinique & à l'Ile de Sainte -Lucie
on donne ce nom à une efpece de ferpent qui n'eft pas venimeux.
Sa longueur eft d'environ fix pieds , & fa grofleur eft comme celle
du poignet d'un homme robufte. Voye^ VarticU Serpent a tête
DE CHIEN.
CROTALAIRE , crotalària AJîatïca , folio Jingulari vermcofo ,
floribus cœruUis. Plante étrangère dont le genre eft fort nombreux.
On la cultive en Europe dans quelques jardins ; fa racine eft ligneufe
& fibreufe ; fa tige haute de deux pieds , noueufe , & jettant beaucoup
de rameaux difpofés en rond j fes feuilles fontobtufes, vertes en deflus,
blanchâtres en deflbus, parfemées de verrues , & ondées en leurs
bords : fes fieurs font difpofées en épis , légumineufes & de couleur
bleue ; les étamines font toutes réunies en gaine , & le calice divifé
en trois pointes ; il leur fuccede des gouftes enflées , noirâtres , velues ,
contenant de petites femences jaunâtres , acres au goût, & qui ont
îa figure d'un petit rein.
CROTIN. Dans l'économie ruftique on donne ce nom à la fiente
fraîche du cheval & au fumier de mouton. Ce font d'excellens engrais.
Foyci Us mots ExCRÈMENT & FuMiER. On appelle crottes la fiente
de lapin , de chèvre , de lièvre , de brebis , &c,
CROUPION, uropy^ius. Foy&i à CartlcU OiSEAU.
Fff2
412 C R 0 CRU
CROWN-VOGEL, Uoifeau nommé de ce nom par les Holîan-
dois, ell: celui que M. BriJJon nomme f-iifan couronné des Indes, Quoi-
que cet oifeau foit aufli gros qu'un dindon , il paroît certain qu'il
appartient au genre du pigeon ; il en a le bec , la tête , le cou, toute
la forme du corps, les jambes , les pieds, les ongles, la voix, le roucou-
lement, les mœurs. Les mâles & les femelles fereflemb lent parfaitement:
ils ne pondent point ici , non^~^lus qu'en Hollande ; c'eft dans les Indes
un oifeau debafle-cour. On voit cet oifeau dans le cabinet de Chantilly.
CRUCIFERES , cruàfcrcz. On a donné ce nom à une famille de
plantes dont les quatre pétales des fleurs font ordinairement difpofées
en croix. Telles font la rave , le navet , le crefïbn , le thaliclron ,
le chou , la roquette , la moutarde , le thlafpi, le velar, le giroflier,
la dentaire, &c. Ces plantes font prefque toutes herbacées, quoique
la plupart foient bifannueiles ou vivaces , par leurs racines ; leur
forme eft communément ramalTée & plus ou moins régulière. Les
racines font ou rameufes, tortueufes & fibreufes , ou charnues en
navet. Les tiges & les jeunes branches font cylindriques , les feuilles
de la tige alternes. Le feuillage eft difpofé circulairement , far -tout
dans le bas des tiges oii les feuilles s'étendent circulairement comme
autant de rayons fur la terre. Les fleurs font hermaphrodites , dif-
pofées la plupart en épi au bout des branches : elles ont fix étamines
dont les deux latérales font plus courtes que les quatre du milieu.
Les fleurs doublent facilement par la culture. Leur couleur entre
pour beaucoup dans le caraélere des feâtions qu'on en fait quelquefois.
Le fruit eft fîliqueux , les graines font aflez petites & attachées pen-
dantes au placenta. Les plantes crucifères ont un goût acre & font
chargées de fel alkali fixe qu'on en retire par la combuftion : ces fels
donnent au contraire par la diftillation de Talkali volatil. La plupart
ont une odeur fétide & des graines huileufes. Ces plantes nouvelle-
ment cueillies , font antifcorbutiques , & feches elles n'ont plus de
vertu. Il faut éviter l'ufage des crucifères dans les maladies aiguës ,
car il mené à la putréfadion. Voyez -en des exemples aux articles
cre£on & velar, L'alkali volatil des crucifères guérit du venin , des
morfures venimeufes , de la rage , de la gale & de la lèpre ; pour
cela il faut en ufer intérieurement & en appliquer fur les plaies.
CRUSTACÉES, cmjlacca anïmalïa. On entend par ce mot
àtï, animaux couverts d'une croûte dure par elle-même , mais molle
CRU 413
en comparaifon des écailles ou coquilles pierreufes des tcjlacics : voyez
ce mot. On met au nombre des cruftacées , le cancre , ïtcrcvljje , le
homar ^ les crevettes ou fquilles & toutes les fortes de crabes dont les
enveloppes tiennent le milieu entre celles des te/lacées Se des animaux
mous. Des Méthodiftes modernes rangent les cruftacées dans la clafîe
des infecftes. Ils en ont en efïet quelques caraderes eflentiels , même
\tî, principaux , fi au lieu de Tidée peut-être trop vague , attachée
auparavant au mot àHnfecie , on la détermine comme a fait M. Linnxus,
On divife les crujîacus en trois genres , dont le premier comprend
ceux qui ont le corps alongé , tels que les écrevîjfes ,\les langoujîes ,
les homars , les fquilUs , &c. Le fécond renferme ceux dont le corps
eft large & évafé , tels que les crabes ; & le troifieme ceux dont le
corps eft arrondi ou en forme de cœur , tels que les cancres.
Les cruftacées n'ont point de fang ni d'os ; on leur diftingue une
tête , un eftomac , un ventre & des inteftins. La tcte & le ventre de
ces animaux font immobiles & tiennent avec tout le corps : les deux
premières dents qu'ils ont font extérieures , & doivent être regardées
comme des molaires deftinées à broyer la nourriture qu'ils prennent j
entre ces deux dents , ils ont une efpece de langue. Leurs yeux
font fitués au-deflus de la bouche : ils n'ont point de paupières , leur
tête eft armée de deux petites cornes , qui leur fervent peut-être
moins à fe défendre contre leurs ennemis , qu'à fonder leur route :
ils ont huit pieds & deux efpeces de bras : leur chair eft rougeâtre.
Les cruftacées habitent les étangs marins , l'embouchure des rivières ,
les lieux limoneux & les fentes des rochers : ils vivent de bourbe ,
d'ordure & de chair: le mâle eft plus gros & plus grand que la femelle:
(c'eft l'oppoféde ce qu'on remarque dans lesinfeélcs ). Ils s'accouplent
dans le printemps & reftent très-long-temps dans cet état : la femelle
produit de petits œufs rouges , couverts d'une légère membrane , &
qui font attachés au ventre : les œufs qui font en dehors font impar-
faits , &: prennent avec le temps leur accroiftement. Leur chair eft
plus ou moins agréable au goût , mais difficile à digérer. Tous les
cruftacées changent tous les ans de peau, Voye^^ le détail de cette
méchanique à la Jiiite de P article ÉCREVISSE,
Lorfque ces animaux perdent quelques membres , il en revient
d'autres , & les parties tronquées fe reproduifent quelquefois doubles ,
ainfi qu'aux étoiles marines. Quand les curieux veulent conferver en
414 CRU C U B
entier des crufiacées avec leurs couleurs naturelles, on fait tremper
dans Teau douce ceux qui ont été' pris dans la mer , enfuite on fait
fécher à l'ombre ceux qui font petits : il s'introduit dans la chair
de ces animaux morts, des vers qui la mangent à mefure qu'elle fe
corrompt , ce qui ne les rend pas fujets à fentir mauvais par la fuite
des temps. Si le volume de ces arimâux eft trop confidérabîe , il faut
faire en forte d'en vider lés-^airs fans endommager leur croûte ni
défunir leurs articulations. ^''-^-
CRUSTACITES. Nom donné aux différentes efpeces de crufcacées
foffiles , pétrifiés ou empreints fur la pierre, tels font les aJlacoUus ,
les gammarolkes & les cancrites. Voyez ces mots.
CUBEBES ou QUABEBES, cubebœ, Plufieurs prétendent que
les cubebes font des fruits très- anciennement connus , ce qu'on en
dit eft fort incertain.
Les cubebes des boutiques font de petits fruits fecs, fphériques, à
peu près de la grofleur du poivre , grisâtres , ridés , garnis d'une
petite queue, & d'une odeur aromatique : fes grains font fragiles, d'un
goût fort acre , qui attire beaucoup de falive.
On nous apporte les cubebes des Indes ; elles croifient abondam-
ment aux îles de Java à un arbrifleau rampant, & qui s'attache aux
arbres voifins , comme le lierre. Cet arbrifleau approche du fm'ilax
afpera. P. Herman l'appelle curanc : fes feuilles font petites , fes fleurs
odorantes. U leur fuccede .|jjgs grappes chargées de baies rondes , qui
font les cubebes : on les met fécher au foleil pour les jtranfporter :
Jes habitans du pays font fort jaloux de leur culture.
Les habitans de Mafcaraigne (île de Bourbon) appellent cubebes^
poivre à queue , un poivre aromatique qui n'eft guère plus gros qu'un
grain de millet. Il vient en bouquet à l'extrémité des branches d'une
plante farmenteufe qui croît dans les bois : ces petits fruits s'appellent
cubebes de Bourbon,
Les cubebes corrigent la mauvaife odeur de la bouche & le dégoût,
conviennent dans l'apoplexie , fortifient l'eftomac : étant mâchées
Idng-tem.ps avec du maftic en larmes, elles excitent aux plaifirs de
l'amour ; aufli les Indiens font-ils un grand ufage des cubebes ma-
cérées dans le vin pour s'exciter à Tade vénérien. Les peuples de
nie Java s'en fervent pour échauffer l'eftomac & procurer de Tappétitt
On prétend que les Indiens font bouillir les cubebes avant que de
eue 41 ^
les vendre , afin qu'on ne puifTe les femer : nous n'en croyons rien,
CUCI. Fruit délicieux , d'un goût doux t-c agréable , rond &
oblong, gros & de la couleur d'une petite orange , renfermant un
gros noyau très-dur , quadrangulaire , & revêtu d'une coque de
couleur roufsâtre. Ce fruit cordial & reftaurant croît dans les
Indes Orientales & en Ethiopie fur une efpece de palmier appelle
ciiciofera palma facie. Cet arbre paroît être le même que le cuciophoron
de Thêophrafîe : on doute même fi cet arbre eft un vrai palmier ; car
à peine s'eft-il élevé de terre, qu'il fe partage en plulleurs corps ou
troncs , & chaque corps a plufieurs branches. De plus*, le fruit cuci
n eft point en grappes ; & peut-être que le nux Indica de Cordus eft
notre cuci , ou du moins le coco. Quoi qu'il en foit , la tunique
du bezoard de F omet, que cet Auteur foutenoit être une des plus
grandes curiolités qu'on eût vues , cette enveloppe fi finguliere dont
il prétendoit avoir fait la découverte , qu'il a décrite & repréfentée
dans fon Traite des Drogues , page 105" & 106 , fig. 35* , voliime 2 ,
édition de 173 y , comme faifant partie de l'animal d'Orient qui porte
le bezoard , n'étoit autre chofe que notre fruit exotique cuci , dans
lequel , ou Pomet lui-même , ou quelque Charlatan par qui il s'étoit
laiile tromper, avoit enchafle un bezoard fort adroitement : on en
voit la preuve dans un Mémoire de M. Geofroi , le jeune , fur les
bezoards. Mémoire de l* Académie des Sciences , 17 12.
CUCUJU ou COCOJUS. Infede dîleoptere d'un vert doré :
il eft défigné fous le nom de buprejîe. C'eft le richard de YHiJîoire
abrégée des Infccîes de M. Geoffroi, On diftingue plufieurs fortes de
cucujus, dont les antennes font courtes & en fcie. Les pays étran-
gers fournifient beaucoup de ces infedes. Foye^^ Acudia. ,
CUCULLE, notoxus, M. Geoffroi {Hijloire des Infccies des envi-
rons de Paris) donne ce nom à un infeéle qui porte à la partie anté-
rieure de fon corfelet une appendice en forme de cuculle ou de
. coqueluchon ; fes antennes font fimples , filiformes & de la longueur
de la moitié de fon corps. La couleur de ce rare infed:e eft jau-
r.âtre ; fes yeux font noirs & fort gros ; les étuis font ornés de
quatre taches noires ; outre cela la future des étuis eft noire & s'unit
aux taches inférieures , en formant une large bande tranfverfale
fur les étuis mêmes. La cuculle fe rencontre fur les plantes ombel-
liferes.
415- eue GUI
CUCURUCU. Serpent du Bréfil , plus gros que le ferpent à
fonnettes , quelquefois long de douze pieds , couvert d'écaillés jau^
nâtres tachetées de noir. Sa tête eft très-venimeufe : les Sauvages la
coupent & la jettent pour pouvoir manger la chair de ce ferpent.
Ceux qui en font mordus font pris d'un vertige & attaqués d'une
fièvre tremblante ; une fueur froide s'empare de tout leur corps , &
ils meurent en moins d'un J^ur. Le venin de ce ferpent produit le
même effet que le poifon de Xaimorrhous : il ronge les veines , &:
caufe une fi grande inffommation , que le fang fort par les narines,
par les oreUles , &- par le defTus des ongles , tant des mains que
des pieds. /
CUGEI.IER. Voyei Alouette.
CUGtJACU- APAKA. Cet animal du Eréfil ne paroît être qu'une
variété du chevreuil d'Europe, f^oye^ ce mot,
CUICET, Voyei à L'article MARMOTTE.
CUIETÉ. Foye?^ à Ûarîiçh Calebassier d'Amérique.
CUILLER , ( la ) cochlcarïus. Genre d'oifeau ainfî nommé de la
forme de fon bec. La mâchoire fupérieure efl onguiculée par le bout
?>L reflemble en total à une cuiller, ce qui a fait dire bec à cuiller. La
cuiller a quatre doigts, favoir, trois devant ^ un derrière, le bec eft
épais , gros &; court. Le plumage du dos eft d'un blanc cendré en
defîus , & d'un roux brun en delTous; le defTus de la tête eft noir; le
cou eft blanc. Cet oifjeau.tfui eft de la grofTeur du courly , fe trouve
dans la Guiane & au Eréfil : on diftingue la cuiller tachetée ; l'efpeçe
brune qui eft le tamatia de Marc^rave,
CUIR, royei Peau,
^ CUIR FOSSILE ou de montagne , aluta montana , aut coriuin
fojjîle. C'eft une efpece d'amiante à filets afTez fiexibles , & entrelacée
de manière qu'ils forment des efpeces de feuillets. La couleur en eft
grisâtre. On trouve cette fubftance dans la vallée de Campan aux
' Pyrénées, & dans la mine de Sahlberg en Weftmanie. Il y a encore
. une efpece qui refTemble à du papier gris, ce qui l'a fait nommer aufîî
papier fojjïle. Voyez Amiante.
CUISSE ou Equerre. Les amateurs ont donné ce nom à une co-
quille bivalve , du genre des huîtres , violette en deflus , nacrée en
dedans. Les deux valves font à -peu -près d'équerre l'une fur l'autre;
l'une eft courte , étroite &: finit en pointe, l'autre eft large , longue
^
'«
C U I 417
Se arrondie à Ton extrémité ^ arquée dans fon milieu. La charnière a
une rangée de quantité de dents ou entailles qui régnent dans toute
la largeur du fommet de chaque valve.
CUIVRE, cupruriu C'eft de tous les métaux imparfaits celui qui
approche le plus de l'or & de l'argent pour les qualité?. Il eft d'une
couleur rougeâtre, éclatante; il eft très-fonore, très-dur, dudile &
malléable, & fi facile à rouiller , que tous les diffolvans , tels que
Teau, les huiles, les acides agifienf^fur lui,& le colorent en vert.
C'eft à cette couleur verte nommée cerugo , qu'il eft: facile de reconnoître
la préfence du cuivre. Les alkalis volatils changent cette couleur
verte en bleu. Rien n'eft plus propre que cet alkali pour découvrir
fi une liqueur contient des parties cuivreufes. Quelque petite que
.foit la portion de ce métal contenue dans une liqueur, dès qu'on y
verfe de l'alkali volatil , il la fait voir à l'inftant en développant la
couleur bleue.
Le cuivre fe trouve dans la terre fous diverfes formes & fous un
nombre infini de couleurs , & mêlé ou combiné avec différentes ma-
tières; & l'on peut dire que le cuivre eft de tous les métaux, celui
dont les mines font \qs plus variées. On le rencontre rarement fous
fa véritable forme métallique; mais cependant plus fréquemment que
le fer. Les mines de cuivre font communément chargées de foufre ,
d'arfenic , de parties ferrugineufes & d'une portion d'argent , fans
compter les terres & les pierres qui lui^grvent de matrice ou de
minière, & qui font ou Xchifteufes ou quartzaufes , &c. Le cuivre a
été le premier métal connu des Anciens. Les Romains ont eu l'art
de le durcir & de l'amener prefque à l'état de l'acier , à l'aide de la
trempe & du marteau. Ils faifoient avec ce métal les inftruments de
première néceflité, tels que des charrues, des couteaux, des haches,
des épées , des fers de lances , &c.
Il y a des mines de cuivre dans toutes les parties du monde connu:
elles font difpofées par filons qui pénètrent la terre à des profondeurs
extrêmes. La Suéde, le Danemarck & l'Allemagne font aujourd'hui
les pays qui en fourniflent le plus. Le cuivre du Japon eft fort eftimé
a caufe de fa dureté; il eft en petits lingots aflez minces. Son mérite
confifte à être extrêmemiCnt pur. Celui de Coquimbo dans le Chili eft
peu recherché. Celui de Caftamboul dans la Natolie eft au(L l on que
celui du Japon.
Tom& IL ^ Z Z
4i8 C U I
Le cuivre natif 8^ malléable, quoiqu'il ne (oit pas aufTi pur que îe
cuivre de rojhte , ne fe trouve point ordinairement en grofTes mafîes,
mais par petits grains, par petits feuillets minces, ou par paillettes,
ou par petits rameaux dans les fentes des rochers en Sibérie, en Hon-
grie , en Saxe, en Suéde & en France.
Le cuivre précipité pur offre une efpece de réfeau : c'eft une mine de
féconde formation. On la tr-eiive à S. Bel , en Suéde , &c.
La mine de cuivre criflaUtfée eft'tommunément odacdre & jaunâtre,
& fe trouve en Suéde & .en Saxe. -
Le vert de iîiontagne ou chryfocole verte eft une mine de cuivre qui
a été mife en diiiblution dans le fein de la terre , peut-être par i'acide
marin, & jqui en fe précipitant s'eft unie à diverfes efpeces de terres
ou de pierres : on la trouve ou en globules, ou en crifrallifations ,
en bouquets, ou en houppes foyeufes. La mine de cuivre verte de
la Chine qui eft fi recherchée des curieux, eft de cette nature. On
l'appelle mine de cuivre foyeuj'e , ou fatinée , ou mine d'atlas. Elle eft
chatoyante , ftriée eu en aiguilles difpofées par faifceaux comme l'a-
miante, communément friable & poreufe; il y en a de folide & qui
^ peut recevoir le poli ; alors c'eft une efpece de malachite chatoyante
ou veloutée, dont on trouve de beaux morceaux en Sibérie.
La chryfocole bleue ou bleu de montagne , fi commun dans le Duché
de Wirtemberg, eft la mine difToute par l'alkali volatil : l'acide vi-
triolique en forme une oc^'e bleue ; elle eft aufîî commune en Saxe,
Lamine de cuivre a^urJe eft d'un tifTu qui la fait reflembler à du verre
dans l'endroit où elle a été rompue. Elle eft d'une belle couleur bleue:
elle ne pefe pas beaucoup , & elle a une conliftance peu folide. On
prétend qu'elle eft de toutes les mines de cuivre celle qui contient le
\ moins de 4er, d'arfenic & de foufre, & qu'on en tire une grande
quantité d'excellent cuivre , qui entre en fufion très-aifément ; on en
trouve en Saxe.
La mine de cuivre vitreufe proprement dite, eft grife , ou purpurine,
ou violette , ou noirâtre & eft fort riche , fur-tout celles de Smolande
& de Freyberg. Elle eft très-pefante , médiocrement dure ; elle rend
depuis cinquante jufqu'à foixante-dix livres de cuivre par quintal.
Elle contient un peu de fer, mais plus de foufre & d'arfenic.
hcL mine de cuivre hépatique eft un peu ferrugineufe, fin--tout à la
fuperficie , ^ eft communément chargée d'efilorefcences bleues ou
C U I 4 ï 9
Vertes, ou traverfée d'un cuivre jaune. Le Tillot en Lorraine, Frey-
berg en Saxe, Ste. Catherine en Bohême, offrent de cette forte de
mine, couleur de foie, & qui prend le nom de mine, de cuivre ti^nèe,
lorfqu'elle eft parfemée de taches jaunes & entre-coupée de veines
fpatheufes ; s'il n'y avoit que du jaune , on la nommeroit rrunc de
briauc,
j.
Il y a d'autres mines de cuivre , grifes , blanches , noirâtres , &
fouvent alliées à l'argent gris & àrla blende. Elles font dures , pe-
fantes & unies dans leur fra(5lure-. La mine de -cuivre la plus com-
mune & peut-être la moins riche, eft ou d'un jaune d'âr très- éclatant,
entremêlé de différentes couleurs très-brillantes , nuéesMe rouge , de
bleu & de violet , qui jouent l'iris : on l'appelle mine 3^ cuivre gorge
de pigeon ; elle eft commune au Tillot en Lorraine. Enfin\il y en a
qui font ou d'un jaune verdâtre , ou d'un jaune pâle : telle eft la pyrite
cuivreufe ou mine jaune de cuivre : elle contient outre le cuivre , du
fer , du foufre, de l'arfenic, &c. Les couleurs vertes & bleues donnent
lieu de foupçonner la préfence du cuivre; cependant le fer en raifon
de la différence des menftrues ou diffolvans, donne aufli quelquefois
les mêmes couleurs, Foye:^ les articles Malachite, Bleu de mon-
tagne , Lapis lazuli , &c.
A l'égard des mines de cuivre figurées , ce ne font que des ardoifes 1
avec empreintes de poiflbns minéralifées par le cuivre , & qu'on trouve
fréquemment à Ilmenau , à Eifleben & à,.JVlansfeld.
Que de travaux, que d'induftrie n'emploie-t-on point pour féparer
le cuivre des diverfes fubftances avec lefquelles il eft combiné ! il n'y
a que le fer minéralifé qui foit plus dilEcile à fondre. Le cuivre rou-
git long-temps au feu avant que d'entrer en fufion : il donne à la flamme
une couleur qui tient du bleu & du vert. Il eft aufti un des métaux
les plus diiîiciles à féparer de la mine : & les opérations qu'on lui fait
fubir ne font pas abfolument les mêmes par-tout : elles varient fuivant
la qualité des mines. Au refte il faut prefque toujours celle du triage,
du bocard, du criblage, du lavage, du grillage, de la fonte, du
raffinage. En un mot , le travail des mines de cuivre eft le chef-
d'oeuvre de la métallurgie. Le cuivre bien dégagé de toutes matières
étrangères & bien pur, fe nomme cuivre de rofette ^ ^ a pour lors
toutes les qualités qui conftituent le cuivre.
Le cuivre par fon mélange avec diverfes autres fubftances, donne
Gg§2
r
42 0 C U I
îiaifTance en quelque forte à de nouveaux métaux qui acquièrent de
nouvelles propriétés , & dont quelques-uns font d'une grande beauté.
Si on le fond avec le ^incy il donne le tombac^ Iq pinchebeck , \q Jim'Uor
de le métal de prince ; avec la calamine , il forme le cuivre jaune ou
laiton , ou airain. Par ce dernier alliage , le cuivre perd fa grande
dudlilité , mais il devient capable de fe bien mouler : étant fondu , il
coule aifément dans les moules qu'on lui préfente , & prend plus fi-
dèlement tous les traits qu'on veut lui imprimer. Le laiton étant poli
prend l'éclat de l'or :'on en garnit des armoires, des commodes, des
pendules fous mille formes gracieufes. On en fait des lampes , des
luftres, des flambeaux, des candélabres de toute efpece, & diverfes
pièces d'une ferrurerie délicate , plus connue chez nos voifins que
parmi nous, telles que des pentures de tableaux, des targettes , des
charnières , des compas , des alhidades de Géométrie , les inftrumens
des Aftronomes, & tout le rouage de l'Horlogerie, &c. On préfère
pour ces ouvrages l'airain ou cuivre jaune , au cuivre rouge qui eft
plus fujet à verdir : l'airain eft en revanche plus dur j & on s'en eft
même fervi pour exprimer la dureté. On dit unfieck d'airain , un front
d^ airain. Si on mêle le cuivre avec de l'orpiment & de l'étain, on aura
une compofition propre à faire des miroirs métalliques : uni avec de
farfenic , il devient blanc , fragile & caflant ; on le nomme alors cuivre
blanc. Le cuivre allié avec de l'étain fait une compofition très-fon-
nante , connue fous 1© nom de bronze. Cette compofition fe jette en
fonte pour faire des cloches, & fur-tout pour faire ces ftatues colof-
fales deftinées à immortalifer les grands hommes , & à conferver les
époques des événemens mémorables. On en fait des monnoies, des
■..médailles , & tout l'attirail meurtrier de la guerre. Une petite quan-
tité de cuivre que l'on allie à l'or & à l'argent, donne à ces métaux
une dureté qu'ils n'auroient point fans cela : elle les rend plus faciles
à travailler , leur conferve leur dudiiité , & les perfedionne en quel-
que forte. Le cuivre privé de fon phlogiftique & réduit en chaux mé-
tallique , fe nomme fafran de Vénus , écailles de cuivre ou (Es uflum
( cuivre brûlé ) : alors il eft propre à colorer en vert les verres , les
émaux, & à peindre la faïence & la porcelaine.
Le cuivre diffous par l'acide vitriolique donne des criftaux bleux,
Lorfqu'il eft diflbus par l'acide marin, il produit des criftaux foyeux
& par bouquets, .qui font d'un beau vert. Ce fel neutre eft propre à
C U I 421
donner cette couleur aux feux d'artifice : pour peu qu'on en mette
dans un brader , la flamme conferve long - temps une couleur d'arc-
en-ciel très-vive. Une diflbiution de cuivre dans laquelle on fait trem-
per une lame de fer , peut en impofer à des yeux ignorans , & pré-
fenter l'image de la tranfmutatlon du fer en cuivre. Lorfqu'on plonge
la lame , l'acide difTout le fer , & le cuivre fe dépofe fur la lame de
fer 5 dont la fuperficie recouverte des^-parties cuivreufes, prend un
coup d'oeil de cuivre, La nature opère quelquefois cette tranfmutatlon
dans les lieux fouterrains; & le cuivre précipité ainfî fe nomme cuivre
de cémentation ou cuivre précipité. On en prépare ainfi -à Neufol en
Hongrie, &c. \
Le cuivre , comme il efl dit ci-delTus , eft un des métaux les plus
employés dans les arts & métiers, parce qu'il a beaucoup de malléa-
bilité 5 de flexibilité , de dudilité , de dureté & d'élafticité. Le cuivre
du Japon & celui du Tyrol font les meilleurs de tous , & les moins
fujets à la rouille & à noircir à l'air. On en fait mille uflienfîles; des
cordes de clavecin , des feuilles pour les faux galons d'or ; c'efl: ce que
l'on appelle criptau ou clinquant. Les feuilles plus battues s'appellent
or cC Allemagne : réduites en poudre, elles produifent ce qu'on appelle
or en coquilles , &c. Le cuivre entre dans les caraderes d'Imprimerie.
Par fa propriété de fe diifoudre dans les acides , tant végétaux que
minéraux , on en forme du vert-de-gris avec les rafles du raifin & de
la vinafTe (gros vin), préparées exprès; matierd d'un fi grand ufage
en peinture, en teinture &: dans la pelleterie. Voy&{^ la Théorie quen
a donnée M. Montet dans les Mémoires de l'' Académie Royale des Sciences,
M. Bourgeois dit que le vert-de-gris diffous dans le vinaigre & palTé
par le tamis de crin pour le féparer des rafles du raifin & autres im-
puretés, enfuite broyé fur un marbre avec un tiers de tartre blanc,
fait un vert de couleur de rofe très-éclatant , & qui a prefque le bril-
lant & la folidité de la peinture à l'huile , fi on fe fert de bon vinaigre
pour l'employer au lieu d'eau. Le vert- de-gris fert auflî en Médecine
pour confumer les chairs, on ne l'emploie qu'extérieurement.
Si on fe contente de diflbudre le verdet dans du vinaigre diflillé, &
de faire évaporer cette diflbiution filtrée, on en obtiendra par la voie
de la criftallifation le verdet diflillé dont on fe fert en miniature pour
peindre en vert. Si l'on veut un détail plus circonftancié fur les mines
de cuivre & les travaux ou opérations qu'on leur fait fubir , &c, on
•422 C U I
peut confulter ce qui en eft dit dans le fécond volume ^e notre Mi-
néralogie , & dans le Didionnaire des Arts & Métiers.
Quoique tout le monde foit inftruit des dangereux & terribles effets
du cuivre pris intérieurement , 6c qu'on ait établi par-tout des fa-
briques de porcelaine, de faïence & des vafes de fer battu, l'ufage du
cuivre ne tombe point : il eft la matière ordinaire des fontaines , des
cuvettes & de tout^ la^batt^rie de nos cuifines, dont il réfulte jour-
nellement tant d'inconvéniens fâcheux. Il eft étonnant de voir avec
quelle fécurité ou quel aveuglement impardonnable on prépare encore
un grand nemibre de nos alimens , ôc fouvent avec combien peu de
précautiory* on met la boifîbn dans des vafes qui portent dans leur
fein un uoifon dont nous ne fom,mes garantis que par une légère lame
d'étaity, d'ailleurs fi facile à fe fondre ou à être pénétrée aulli par
des. acides. La Suéde nous préfente un exemple de générofité & de
iageiïe à fuivre ; quoique le cuivre foit un préfent que la nature a
fait à cette contrée , & qu'il foit un des objets les plus conlidérables
de fon commerce, le Gouvernement en a défendu l'ufage dans tous
les Hôpitaux & dans tous les autres établiffemens qui font de fon
Teftbrt. On a mcme obfervé que les ouvriers qui travaillent ce métal ,
font . fouvent attaqués de diarrhées , & éprouvent quelquefois les
fymptômes les plus violens ; ce qui eft vraifemblablement occafionné
par les particules corrofives de ce miétal qui agifl'ent fur les poumons
& l'eftomac. Dans les atteliers en grand on y refpire une forte odeur
de cuivre; les travailleurs ont leurs cheveux, la peau du vifage , des
mains & les ongles colorés en vert. Si l'on avale par malheur du vert-
de-gris , on reflent à Tinftant de terribles douleurs dans l'eftomac, dans
les inteftins , des naufées, des vomiflemens horribles, des envies fré-
quentes , & fouvent inutiles, d'aller à la felle ; une grande difficulté
de refpirer, un dcfféchement dans la bouche, des infomnies , des con-
traétions fpafmodiques des membres , c'eft-à-dire fur les nerfs , des
vertiges : voilà les fuites de ce poifon ; fouvent la mort fuccede, & Ci
on fait l'ouverture du cadavre , on trouve l'eftom.ac & les inteftins
corrodés & délabrés. Le^ faftes de la Médecine font remplis d'exem-
ples funeftes des malheurs caufés par ce poifon métallique : il y a peu
de famille particulière , qui n'ait quelque récit à faire fur les dange-
reux effets de ce métal , contre lefquels on peut ufer avec fuccès du
^ait , de rhuile#5c des corps gras ;, pris en boiflbn Ôi en lavement , &
C U I CUL 423
en abondance. Il faut avoir recours encore aux émétiques,
Nous avons cru devoir nous étendre fur les redoutables effets du
vert-de-gris. Le favant M. Bourgeois , l'un des Commentateurs de notre
Dictionnaire imprimé à Yverdon , difant que ce poifon n'eft pas fi
dangereux & fi violent que nous le croyons , & que tous les accidens
qu'il caufe fe diflipent fans remède au bout de quelques jours; je vou-
drois que tout le monde n'eût pas plusjieu cje s'en plaindre, /^qy^^ la
Thefe fur le danger des vaijfcaux de cuivre dans la préparation des alimens ,
foutenuc dans les Ecoles de Médecine de Paris.
CUIVRE DE CORINTHE, œs Corimhiacum. C'efKcette fameufe
& précieufe compofition métallique fi vantée pour fa beauté, fa fo-
lidité, fa rareté, & qu'on préféroit à l'or même, mais dc^it le fecret
efl: perdu depuis plufieurs fiecles. Ce cuivre étoit compofé a^un mé-
lange de cuivre, d'or & d'argent, fait par art, & non pas un rriliage
fortuitement arrivé lors de l'embrafement de Corinthe, comme le dit
Florus, JJ orichalque faélice des Anciens , auri-chalcum , étoit vraifem-
blablement une efpece de cuivre de Corinthe. L'Interprète Syriaque
de la Bible prétend que les vafss que Hiram donna à Salomon pouï
le temple, étoient de cuivre Corinthien. Sa rareté femble avoir été
la principale caufe de ce que fon prix devint exorbitant. On en faifoit
un fi grand cas, qu'il pafiTa en proverbe que ceux qui vouîoient pa-
roître plus habiles que les autres fur les Arts, flairoient la pureté du
cuivre de Corinthe. C'eft le fujet d'une des jolies épigrammes de Maniai:
Confuluk nares an oîerent a:ra Corinthum,
Culpavic ftatuas , & Polyclece , tuas.
a> Mon cher Polyclete , il a condamjaé vos (tatues , parce qu'elles n'ont
» point à fon nez l'odeur du cuivre de Corinthe m.
CUL-BLANC ou VITREC, vitifiora. Petit oifeau du genre du
bec-figue , & dont il y a plufieurs efpeces qui différent par la groffeur,
la couleur & le lieu qu'ils habitent. Le cul-blanc efi: ordinairement
gris par-deffus , mais il a le ventre blanc , ainfi que les plumes du
croupion; ce qui l'a fait appeler cul-l^Ianc f à'autvQS font cendrés, &
ont le croupion également blanc, &c.
Le cul-hlanc eft grand comme le moineau, & gros comme la mé-
fange : fon bec noir reffemble à celui du pluvier : fes jambes & l'extré-
mité de fa queue font noires : fon vol n'eft pas long»; il fait un petit
424 CUL eu M
cri en partant & vole à fleur d'eau : il n'a aucun chant fuivi. Cet olfeau
ne vit ni en cage ni en volière ; fa chair eft peu délicate. Il fait fon
nid dans les trous des amas de pierres ou des vieilles mafures. Il pond
cinq ou fix œufs. On le voit fuivre les Laboureurs pour manger les
vers & tous les infedes que la charrue découvre.
Celui d'Angleterre fait Tes petits dans de vieux terriers de lapins:
on l'appelle mouux, O^ prend beaucoup de ces oifeaux aux gluaux,
à l'aide d'un appeau qui les attire.S3n mange le cul-blanc, mais il n'eft
pas abfolument délicat. Le cul-blanc roux s'appelle rouleau : on le
trouve à Gibraltar & en Italie. On donne aufli le nom de cul- blanc au
bécafleau commun, l^ oyc^ Bécafleau.
CUL-D'ANE. On donne ce nom , ou celui de cul-de- chevaux , à
J'efpece de zoophyte appelé ortie de mer. Voyez ce mot,
CUL- JAUNE, eft le pic-verd de Guyenne.
CUL-ROUGE 5 eft le nom qu'on donne à ^êpeiche , efpece de pic.
Voye^ Pic,
CUMIN, cuminum. Cette plante que l'on cultive à Malthe fous le
nom ^anis acre, eft ombellifere, annuelle, haute d'un pied, & divifée
en plufieurs branches : fa racine eft petite , blanche & fibrée ; elle périt
quand la femence eft mûre : fes feuilles font peu nombreufes & capil-
laires : fes fleurs naiflent aux fommets des rameaux , & font difpofées
en parafol arrondi. Il leur fuccede de graines oblongues , d'un gris-
brun , jointes deux à deux , cannelées comme celles du fenouil ,
pointues par les deux bouts , convexes d'un coté , applatiesde l'autre,
d'une faveur unpeuamere, aromatique , acre jdéfagréable, d'une odeur
forte , que les pigeons aiment beaucoup.
Ses graines font d'ufage chez les Hollandois , qui en mettent dans
îeurs fromages : & chez les Allemands, qui en mêlent avec du gros
fel dans la pâte du pain pour s'exciter à boire. Quoique moins car-
minative que la graine du carvi , elle convient fort dans la colique
venteufe; c'eft une des quatre grandes femences chaudes. Il y a des
Provinces où , pour attirer beaucoup de pigeons dans les colombiers,
on y met une pâte faite bmqc de la terre imbibée d'huile d'afpic , ÔC
lardée de graine de cumin.
CUMIN CORNU , hypecoon. Plante qui croît aux pays chauds.
Sa racine eft longue & rougeâtre. Ses tiges font longues d'un pied
& ram.çufes, Ses feuilles font fgmblables ^ celles de la rue fauvage. Sa
C U M C U K 42;
ûem eft jaunâtre, petite, à quatre étamines, compofées de quatre
feuilles difpofées en croix , à trois dentelures , & dont les deux ex-
te'rieures font plus grandes que les autres. Le calice eft de deux pièces,
A la fleur fuccede une gouflè plate , formée en manière de faux &
compofée de plufieurs pièces jointes enfemble bout à bout, renfer-
mant des graines noirâtres & en forme de rein. Cette plante eft nar-
cotique. ^-'- ,;,
CUMIN DES PRÈS. Des Hèr5oriftes donnent ce nom au carvi't
Voyez ce mot. '
CUMRAH. Skaiv rapporte qu'il fe trouve dans la Barbarie, dans
les environs d'Alger , un animal connu fous le nom de cumrak , &
dont on fe fert dans ces pays avec un grand avantage. \Cette race
d'animaux provient de l'union d'un âne avec une vache. J^oy^ei Varu
Jumart. . ^
CUNOLITE. C'eft une folîîle à bafe elliptique , applatl d'un côté,
arrondi de l'autre, orné d'une fente longitudinale qui repréfente les
parties génitales de la femme ; ce qui l'a fait appeller par Barrere,
cunnolïtcs ^ (à JîmUitudïm cum vulva muUebri Jive cunno ^. La partie
inférieure eft chargée de cercles concentriques & finement ftriée du
centre à la circonférence , ainfi qu'en la fuperfacie. Par l'examen de
ceux de ces folliles que nous avons eu occafion de voir, nous croyons
que la cunolite eft une forte de madrépore fongite , analogue à
l'efpece appellée champignon de mer. En effet , fi on met tremper ce
folfile pendant quelque temps dans de l'eau forte affoiblie , on y
découvrira à la partie fupérieure les feuillets cellulaires , qui s'éten-
dent d'un centre commun à la circonférence , comme dans les cham-
pignons de mer. M. Gueuard place la cunolite parmi les porphes^
Voyez ce mot.
CUNTUR ou CONTOUR. Voye^ Condor.
CURAGE. Voye^^ Persicaire acre.
CURBMA, eft le taon-curcas , ou plutôt une efpece d'oeftte qtlî
s'attache au rhenne. Voye^^ à V article Taon,
CURCUMA. Voy&i^ Terre mérite. «^
CURUCU. Voye-{ CURURU.
CURUCUCU. Serpent du pays des Incas , long de dix à douze
pieds , grisâtre & tacheté de noir fur le dos , & de jaune fous la ventre»
Sa tête eft plus étroite & fe^ dents plus longues que dans les autres
Tome lU Hhh '
42^ eus
ferpens. Il eft très-venimeiix &: redoutable. Cependant les Indiens en
mangent la chair. Il ne fait aucun mal , fi on ne l'irrite ; mais quand
il eft attaqué il arrondit tout Ton corps , & s'élance fur fon ennemi :
le venin de fa morfure eft fi violent , qu'il caufe en vingt heures des
vertiges , des tremblemens , des tranchées , h fièvre ardente , la
fueur froide . & enfin la mort. Mais ce qui eft fingulier , fon venin
ne coagule point le fang:^ il le-jpet tellement en eftbrvefccnce , qu'il
l'oblige à fortir par le nez , par le^yeux , par les oreilles , & mém&
fous les ongles.
Le ferpei^t appelle cumcu-nnga , eft une fois plus long & plus gros
que le curucucu. Ses écailles font tiquetées de noir & de blanc , & le
bout de fi/ queue eft pointu comme une alêne. Sa gueule qui eft:
garnie .'Qe deux rangs de dents recourbées à chaque mâchoire , rend
ce reptile fort redoutable.
CUFvUPA. C'eft le nom que les Omaguas , nation de l'Amérique,,
donnent à une plante , au moyen de laquelle ils fe procurent une-
ivreiTe qui dure vingt-quatre heures , pendant laquelle ils ont des
vifions les plus agréables. Ils prennent aufli cette plante réduite ea
poudre , comme nous prenons le tabac , mais avec plus d'appareil.
Ils fe fervent pour cela d'un tuyau de rofeau terminé en fourche ;
ils font entrer chaque branche dans une narine : cette opération ,.
fuivie d'une afpiration violente , leur fait faire une grimace fort
ridicule aux yeux d'un Européen ; mais qui pafle pour agrément
dans leur pays. Voyez le Voyage de M. de la Condamine,
CURURU ou CURUCU , eft le crapaud pipai de Surinam & du
Bréfil 5 dont la bave , l'urine & le fiel fervent à quelques malheureux
endurcis aux crim.es , pour faire un poifon lent qu'il eft difficile de^
détruire. Voye^ à la fuite, du mot Crapaud, v
CUSCUTE 5 cufcuta. Plante parafite d'une efpece bien finguliere,
puifqu'elle ne le devient qu'après avoir tiré fa première nourriture
de la terre par un filet qui lui fert de racine , & qui fe deffeche bientôt.
Cette plante n'a point de feuilles & ne poufle que des filets ou che-
veux rougeâtres. Ces cheveux , au moyen de certains tubercules qui
font l'office de racines , s'infèrent dans î'éccrce des autres plantes ,.
auxquelles ils peuvent atteindre , de telle forte qu'ils rompent les
vaifieaux qui y diftribuent le fiic nourricier, & deviennent autant de
fuçoirs qui portent la nourriture à la plante parafite , aux dépens
.4
eus 427
de celle à laquelle elle s'attache. La cufcute s'accommode de toutes
les plantes qui font pour elle ce que la terre eftpour celles qui y jettent
leurs racines. Le fuc doux & mucilagineux des plantes papilionacées
& labiées, lui convient aulli bien que le fuc acre & cauftique des
plantes crucifères. Elle poufle avec la derniere-rvigueur fur l'ortie, &
particulièrement fur la vigne , où elle croît en fi grande abondance ,
qu'elle forme ce qu'on appelle le raijiti-iarbuy Voyi\^ à Vartïck Vigne.
Les fieurs de cette plante naifïent en petites têtes diftribuées de
côté & d'autre fur les filamens capillaires ; elles- font en cloches, blan-
châtres ou rougeâtres ; il leur fuccede un fruit arrondi y, qui contient
de petites graines. On obferve que la graine de la cufcute n'a qu'une
enveloppe membraneufe , & relîemble fort à celle des liliacées , en
ce qu'elle confifte en un corps farineux ou charnu qui colitient un
embryon aflez petit . cylindrique , à un feul cotilédon , & qui le perce
horizontalement par un feul côté pour végéter; à fa fortie il paroit
comme un long filet , qui fe courbe comme un crochet ; dès qu'il a
acquis deux pouces de longueur, on apperçoit vers fon extrémité un
petit tubercule , c'eft la première de fes feuilles qui reffemblent à de
petites écailles. La cufcute fe renouvelle tous les ans par le moyen
de fa graine. Si l'on fume cette graine dans des ports de terre, elle
levé très-bien, mais elle périt bientôt entièrement , quand elle ne
trouve pas près d'elle des plantes fur iefquelles elle puifle grimper
pour en tirer le fuc nourricier.
Les différentes plantes auxquelles s'attache la cufcute , & dont elle
doit prendre en partie les propriétés , par le fuc qu'elle ...en pompe ,
lui fait donner les noms âiépithyme .. d'épuhymbrc , à^angoure de lin ,
d'ty;/ marrube , d'éfi lavande. Au refte , la cufcute ne vient pas feu-
lement fur les plantes dont elle a emprunté le nom j ces noms marquent
feulement qu'elle fe rencontre plus communément fur ces plan.es ;
mais on la trouve fur un fi^grand nombre d'autres , qu'on pourroit
peut-être croire qu'elle peut s'attacher iudiftindement fur toutes fortes
de plantes. En un mot, la cufcute pouffe également fes tiges en tous
fens ; toute diredion lui eft bonne , cependant la plante eft contournée
dans le fens de la courbure de la graine , & la plantule eft tournée
en fpirale dans la femence.
La cufcute croît dans tous les pays chauds , froids , tempérés. Elle vient
en Suéde, dans les Alpes, en SuiiTe , en Angleterre, par toute la
Hhh2
4L
-42Ï C Y G
France , en Italie Se en Egypte; & nous devons à M. de Tourmfortl
dans fes Voyages du Levant , une belle defcription de celle d'Ar-
ménie : mais en quelque pays qu'elle végète , on ne la rencontre
ordinairement que dans les lieux frais & à l'abri du foleil. On en trouve
dans les boutiques de deux fortes, celle de Candie & de Venife. L'une
eft rougeâtre & l'autre eft jaunâtre : mais ces couleurs ne peuvent
former des efpeces. Si l'on 'met J^es branches de l'une & l'autre cou-
leur fur une plante qui foit à l'ombre , alors elles perdent cette
couleur & deviennent blanchâtres. Cette plante eft plus curieufe
qu'utile: car elle ne poflede qu'à un degré très-foible , les propriétés
ùqs plantes, fur lefquelles elle croît. Voye:^ Plantes parasites,
CYGNJS , cygnus. Oifeau le plus grand de tous les palmipèdes du
genre de Toie , & l'un des plus beaux des oifeaux aquatiques ; il pefe
jufqu'à vingt livres , quand il eft avancé en âge. Il nage avec une
noblelfe , une aifance & une grâce fingulieres. Son plumage eft cendré
avec quelques nuances de jaune dans fa première année ; mais au
bout d'un an il devient d'une blancheur qui a pafle en proverbe. Le
cygne a quatre pieds & plus de longueur , & plus de fept pieds d'en-
vergure : tout fon corps eft recouvert d'un plumage mollet & délicat,'
fur lequel les riches cherchent quelquefois en vain le fommeil ; on en
fait aufli des houpes à poudrer. Le bec du cygne eft terminé par un
appendice en forme d'ongle , rond à la pointe ; il y a une raie noire
de chaque côté depuis les narines jufqu'à la tête; il eft d'abord de
couleur livide ou plombée , & devient rougeâtre lorfque l'oifeau n'eft
plus dans la?-premiere jeunefle. Ce bec eft large , pour que le cygne
puilTe prendre à la fois une plus grande quantité de limon , & y
faifir ce qui s'y trouve de vermifTeaux , en éparpillant le refte. Le
deflus eft percé, ainfi que dans l'oie & le canard, pour que Tanimaî
puifle rejetter l'eau par cette ouverture, & avaler feulement les herbes
aquatiques , les graines , ou les œufs de poifTon qu'il a pris. L'ongle
du bout refte toujours noirâtre , tandis qu'à la bafe du bec il s'élève
une tubérofité charnue , un peu grande, noire, remarquable, réfléchie
en bas ou en devant. La nature a pourvu ces oifeaux d'un long cou ,
compofé de vingt-huit vertèbres , parce que ne pouvant s'enfoncer ,
ils atteignent par fon moyen profondément dans l'eau , en nageant
de côté & d'autre, pour chercher leur nourriture. Ajoutons que leur
langue eft comme hérilTée de petites dents»
< C Y G 42i?
L'Attatomîe à obfervé que l'âpre- artère de cet oifeau efl réfiéchie
en manière de trompe , ce qui contribue à donner de la force à fa
voix ; mais on n'en doit pas moins regarder comme fabuleux , ce
que les Anciens ont dit de la mélodie du cygne mourant. La trachée
de la grue eft dans le même cas , & cependant cet oifeau n'eft guère
vanté pour fon chant & pour fa mélodie. On peut foupçonner avec
Aldrovande , que quand le cygne fauvage tient pendant près d'une
demi-heure toute la tête & le cou plongés au fond de l'eau , pour y
chercher fa nourriture , ayant les pieds élevés vers le ciel ; cette
partie de la trachée-artere , qui eft renfermée dans la capfule du fter-
num 5 lui peut fervir de réfervoir , d'où il tire affez d'air pqur refpirer.
Confultez le détail anatomique de cette merveille , inféré^ dans la
Théologie Phyfique de Z^er/z^w , in-S'*. page 47p. Ce détail eft d'après
Bartholïn. Il paroît que tous les animaux aquatiques en général qui
fe plongent long-temps dans l'eau , ont la trachée-artere formée dans
le même plan à-peu-près.
On a dit que le cygne avoit fervi de modèle pour perfedionner
la fabrique des navires ; les premiers fabricateurs ayant formé fur le
cou & la poitrine la proue & la quille ; fur le ventre & la queue ,
la poupe & le gouvernail ; fur les ailes, les voiles, & fur les pieds,
les rames. On ne fauroit voir, il eft vrai, de fpedacle plus agréable
& plus élégant , que celui d'une troupe de cygnes au milieu des
eaux , lorfqu'ayant foulevé leurs ailes avec grâce , en forme de voiles,
le vent les enfle & fait voguer avec rapidité cette flotte emplumée ,
fans rifque d'être fubmergée. *
On prétend que le cygne vit très-long-temps. La femelle pond cinq
à fix œufs , & elle les couve pendant près de deux mois. On peut
croire en effet que la vie de ces animaux eft longue , fi , fuivant la
remarque de Pline , les animaux qui font portés plus long - temps
dans le ventre de la mère , ont une vie de plus longue durée ; car l'in-
cubation répond en général au féjour du fœtus dans la matrice.
' La femelle aime éperdument fes petits , & les défend vigoureufe-
ment. Après l'accouplement , le m.âle & la femelle fe plongent dans
l'eau à diverfes reprifes , & courent l'un après l'autre en fe jouant ,
comme font les oies , les canards^ & les autres animaux aquatiques»
Le Cygne sauvage, cygnus férus , eft moins grand & moins^pelant
que le cygne domeftique j la bafe du bec de cet oifeau eft recouverte
430 CYG
par une peau jaune, & toutes fes plumes ne font pas blanches comme
celles du cygne domeftique. On prétend que le féjour ordinaire de
ces cygnes eft la Scanie.
Le cygne étoit autrefois plus à la mode en France qu'il ne l'eft au-
jourd'hui : on en voyoit par-tout fur la rivière de Seine ; on en éievoit
autrefois beaucoup dans l'île des Cygnes , appeilée aujourd'hui Mu'
querelle. Quelques perfonnes riches fe font encore un plaifir d'en
avoir dans leurs baflins . Ceux que l'on voit fur la Tamife font très-
beaux , ainfi que ceux qui voguent fur les magnifiques canaux de
Chantilly. jQuand ces animaux volent , c'efl: ordinairement par trou-
pes : ils ont,', dit-on , chacun le bec appuyé fur le cygne qui précède,
& Il celui/qui va à la tête , fe trouve fatigué , il va fe placer à la
queue -de la troupe.
La chair du cygne eft de difficile digeftion ; les jeunes cygne-s ,
tendres & délicats , font cependant afîez bons à manger. La graifle
de cet oifeau , mêlée avec du vin , dilîipe , dit-on , les taches de
rouflfeur. La peau du cygne, étant recouverte d'une grande quantité
de duvet , eft d'ufage contre les rhumatifmes , parce qu'elle occa-
fionne une douce tranfpiration , propre à difliper les humeurs arrêtées
dans les parties fur lefquclles on l'applique. Son duvet fert à remplir
des coulilns^ ^ des oreillers. On fait ufage des plumes de cygne pour
écrire , & l'on a obfervé que les tuyaux des grandes plumes des
tiiles font plus gros dans le cygne privé que dans le fauvage. Cet
oifeau eft la nourriture commune des Kamtfchadales : dans le temps
de la mua*.pn le chafiTe avec des chiens , & on i'aflbmme avec des
xnaflues ; en hiver on. le prend dans les rivières qui ne gèlent pas. ■
On dit qu'il y a en Amérique- une efpece de cygne dont le pied
droit eft comme les ferres d'un oifeau de proie , & le pied gauche
comme celui des autres cygnes ; il fe fert du premier pour faifir fa
proie en plongeant &c il emploie l'autre pour nager ; mais ceci mérite
d'être confirmé. A l'égard de l'oie à duvet , voyez canard à duvet à
l'article Canard,
^ CYGNE CAPUCHONNÉ , cy^nus cucullatus. On voit aux Indes
Orientales, dans Tile Maurice une efpece de cygne qui tient du coq
d'Inde & de Wiutruche , & dont la bafe du bec eft couverte d'une peau
ernplumée faite en forme de coqueluchon. On dit qu'il eft très-ftupide,
oc qu'il le hùfTe prendre aiférp.ent. C'eft- le dronu : voyez ce mot,
C, Y i; C Y N • 4^1-
CYLINDRES ou ROULEAUX , rhombi. Genre de coquillages
univalves , arrondis , nommés ainfi de leur figure , & dont la bouche
eft toujours alongée & operculée. Les Conchyliophiles recherchent
dans cette famille de coquilles , celles que l'on appelle le drap d'or^
le drap d^argent , la brunttte , le brocard de foie , la moire , le cylindre
porphyre , Volive de Panama , lécorchée, La robe de ces coquilles cft
une des plus fujettes à être altérée nffl?-^eux qui les vendent aux
curieux. Les fpires de ce coquillage font plates, & comme roulées
les unes fur les autres.
CYLINDRITES , font les coquilles précédentes dévoues foffiles,
CYMBALAIRE , cymhalarïa vidgaris. Plante qui croît contre les
murailles humides dans les pays chauds. Ses tiges font Im't déliées
& pendantes : fes feuilles font anguîeufes comme celles duV|ierre ,
vertes-brun en defiTus, purpurines en deflbus, fucculentes & d'un goût
amer. Du pied de ces feuilles s'élèvent des pédicules qui portent chacun
une fleur purpurine, reifemblante à celle du muiïîe de veau,; mais
terminée en bas par un éperon. Aux fleurs fuccedent des coques
partagées en deux loges remplies de petites femences plates & ailées,
La cymbalaire convient pour arrêter les pertes de fang.
CYNIPS. Voyei CiNiPS.
CYNOCEPHALE, cynocephalus, Efpece de finge, plus grand &
plus farouche que les finges ordinaires , qui a la tête d'un chien , &
qui n'a point de queue. Foye^ Singe;
CYNOGLOSSE ou LANGUE DE CHIEN, cynoglojjum. Cette
plante croît aux lieux arides, Sa racine efl: droite, noirât^^ ^n dehors,
blanche en dedans , femblable à une rave , d'une odeur forte , & d'un
goût fade , mucilagineux. Ses tiges font rameufes , lanugineufes ,
hautes de deux pieds: fes feuilles, longues, étroites, pointues ,,
lanugineufes & d'une odeur forte. Ses fleurs naifTent le long des bran-
ches , & font à peu près fem.blables à celles de la bugloffe , d'une
couleur rouge fale. A ces fleurs fuccede un fruit à quatre capfules
hériffées de poils piquans qui s'attachent aux habits. Chaque capfule
contient une femence applatie. Sa racine & fes feuilles font d'ufige
pour arrêter les flux de toute efpece : on les eftime encore narcoti-
ques & anodines.
On donne aufîi le nom de cynoglojfe à une efpece de petite fo/e
qui fe tïouve dans la Méditerranée & dans l'Océan.
45 2 C Y P
CYPPvES , ciiprcjfus, Ceft un grand arbre toiijous vert , dont îl
y a plulleurs efpeces : Tune s'élève en pyramide & efk nommée impro-
prement cyprès f&mdk ; l'autre efpece qui étend fes branches de tous
côtés, eft nommée aulîi improprement cyprïs mâU\ car les fleurs mâles
& les fleurs femelles des cyprès croilTent fur le même individu , mais
fur différentes parties du même arbre. Les fleurs mâles font de petits
chatons ovales d'où fortent des étamines qui répandent en certains
jours de printemps , une fi grande quantité de pouflîere fécondante ,
que l'on croît voir de la fumée s'élever des gros cyprès. Cette pouf-
iiere féconde les fleurs femelles qui fortent d'un petit cône écailleux.
Les feuilles du cyprès font toujours vertes & d'un vert obfcur ,
d'une od^r pénétrante & aflez agréable loïfqu'on les écrafe, comme
articulées les unes dans les autres , & difpofées en rameaux qui fem-
blent tout couverts d'écaillés très-fines. Aux fleurs femelles fuccedent
des fruits ronds, raboteux, d'une faveur acerbe, que l'on nomme
noix '^e cyprès , nuces cupre£î. On s'en fert comme afl:ringens. Ces
fruits le deflechcnt , fe crevaflent , & laiffent échapper des graines
aplaties &: anguleufes dont les fourmis font fort friandes. Lorfqu'on
veut faire gjermer ces graines avec fuccès , il faut cueillir aux mois
de Mars & d'Avril , les fruits qui commencent à fe fendre, les mettre
au grenier dans une boîte expofée au (bleil , & ne femer que la graine
qui tombe au fond de la boîte. Cette graine ne demande qu'à être
légèrement recouverte de terre. Comme cet arbre efl: originaire des
Pays Orientaux, il vaut mieux en tirer la graine de nos Provinces
Aléiidional^ , de la Provence & du Languedoc. Le bois de cyprès
dont le tronc devient droit & gros , efl: dur , pâle , ou d'un jaune
rougeâtre , parfemé de veines foncées , d'une odeur agréable : il fe
eorrom.pt difficilement. Théophrafle dit que les portes du Temple d'E-
phefe étoient faites de ce bois incorruptible. L'Hiftoire rapporte auflî
que les portes de S. Pierre à Rome, qui en étoient, ont duré depuis
Conjîantin le Grand , jufqu'au temps du Pape Eugène IF, ceft-à-dire,
pendant l'efpace iioo ans; & ces portes étoient encore très -bonnes
îorfque ce Pontife les fit remplacer par des portes d'airain. Les caifles
eu l'on enferme les momies en Egypte , font auflî de bois de cyprès.
Ce bois peut ctre fubftitué au cèdre : il réfifl:e mieux aux injures de
i^'air que \q chêne. On pourroit l'employer ayantageufemcnt pour faire
4e3
CYP 45Î
des palifTades, des échalats & des treillages. Il feroit à defîrer, die
M. Duhamel, qu'on en multipliât les plantations. On fait en Orient,
ufage de fon bois pour la charpente. On appelloit autrefois dans Tîle
de Candie , dos jiliœ , les plantations de cyprès , parce que les Can-
diots les donnoient pour dot à leurs filles. Les jeunes cyprès font un
peu délicats ; mais lorfqu'ils ont bien pris racine , ils réfiftent très-
bien aux hivers ordinaires. Ces arbres fburnifïènt de la réfine par
incifion , dans les pays chauds; mais nullement dans ce pays-ci : on
voit feulement tranfpirer de l'écorce des jeunes cyprès, une fubftance
blanche qui reflembîe à Ja gomme adragante. M. Duhamd a vu des
abeilles fe donner bien de la peine pour la détacher ; apparemment
qu'elles emploient cette matière dans leur propoLis, Les fruits^appellés
galbuUs ou noix de cyprès , font eftimés aftringens .& fébrifuges à la
dofe d'une dragme en poudre.
Le cyprès pyramidal fe garnit de branches prefque depuis le pied:
& comme les plus baffes, contre l'ordinaire , font celles qui prennent
le moins d'accroiffement , & que les unes & les autres s'approchent
naturellement de la principale tige en s'élevant perpendiculairement;
cet arbre prend de lui-même une forme , d'autant plus régulière que
l'art n'y a point de part; & il eft très-propre à border des terrafles,
à former des allées , à terminer des points de vue dans de grands
jardins , où fur-tout il fait une belle décoration lorfqu'on l'emploie
dans des places difpofées en demi-cercle. Cependant cet arbre a déplu
& on l'a exclu des jardins , parce qu'on a prétendu qu'il portoit
l'ennui par-tout où il étoit, & qu'il armonçoit la trifteflîiK mais c'efl:
une idée bizarre qu'on ne s'efi: faite qu'à force d'avoir vu dans les Poctes ,
que les Romains , qui ont confacré le cyprès à Platon , faifoient
planter ces arbres comme le fymbole de la triftelTe , autour de leurs
tombeaux , fans faire attention qu'on ne le préféroit pour cet ufage
que parce qu'il fait naturellement décoration. Les maifons de cam^
pagne des Italiens doivent une partie de leurs agrémens à ces arbres»
Le cyprès de Portugal eft plus petit, moins robufle & plus lent à croître
que ceux de ;ios Contrées. Ses fruits font d'une couleur bleuâtre &
tout au plus de la grofîeur d'une cerife ordinaire. Les Portugais
donnent à cet arbre le nom de Cèdre de Bujfaco , parce qu'on a corn-
încncé à le cultiver à Buflaco , qui eft un grand Couvent désarmes
Toms il, I i i
454 C Y T
à quatre lieues de Coîmbre en Portugal. Le cyprh de Virginie a les
feuilles de l'acacia. Ce cyprès d'Amérique porte le nom de cedrc
blanc 5 cuprejjus foliis acaciœ deciduis. Cet arbre croît dans les lieux
gras & aquatiques de cet hémifphere , où il parvient à une hauteur
& grofîeur confidérables. Cette efpece quitte fes feuilles.
CYTISE, cytifus. Il y en a de plufieurs efpeces : les uns font de
très-jolis arbuiles cultivés dan.s les jardins par les Fleuriftes; & les
autres de grands arbres qui croiflent naturellement fur les Alpes. Les
cytifes portent des fleurs légumineufes, dont le calice eft divifé en
deux lèvres * la fupérieure a deux pointes , l'inférieure en a trois. A
ces fleurs fuccedent des fruits compofés de deux coffes liffes , aplaties,
étroites j^ar le bas, longues de deux pouces au moins , fur trois
lignes /de largeur , & qui renferment des femences dures , taillées en
cœur. Les feuilles de tous les cytifes font difpofées en treffle , ou
compofées de trois folioles, foutenues fur une même queue, & placées
alternativement fur les branches : la grandeur & la figure font très-
différentes , fuivant les efpeces. Les petits cytifes font un effet char-
mant dans les bofquets printanniers par la multitude de leurs feuilles
& de leurs fleurs jaunes. On les taille en boule.
Le trifolium des jardiniers efl un petit cytife à feuilles liffes & ar-
rondies.
I". Les grands cytifes des Alpes font également un très -bel effet par
leurs belles grappes de fleurs jaunes pendantes. Le bois de ces arbres
eft très-dur , & d'une couleur d'ébene verte ou jaunâtre avec des
veines brmies ,. ce qui le fait reffembler au bois des îles , c'eft pour-
quoi on le nomme Yébenier des Alpes ou faiijfe ébene. On le nomme
auflî aiibours. On fait avec fon bois , qui fe noircit dans le coeur en
vieilliffant , des manches de couteaux. On dit qu'il eft alTez liant pour
en faire des brancards de chaife. Sa dureté le rend encore très-utile :
on en fait des flûtes , des clous de bois & d'autres petits ouvrages.
Les fleurs & la femence de cytife font eftimées apéritives : on en
confit les boutons au vinaigre. Les feuilles de cytife font réfolutives.
Tous les cytifes craignent le trop grand froid ; auilî n'en voit- on prefque
"point dans les pays du Nord. Tous , excepté celui des Alpes , ne
font cultivés que pour l'agrément : ils croiffent affez promptement cha-
cun dans leur efpece. Voici en peu de nKrts la lifte d^s cytifes connus.
C Y T 43;
1°. Le q^tife-genet , cytîfo-genijla,
2°. Le cytifc des jardins, que l'on taille en boule & en paliflade.
3**. Le cytifc vert foncé. Ses fleurs font jaunes & droites.
4°. Le cytifc velu. Ses feuilles font couvertes d'une efpece de duvet
roufsâtre. Ce petit arbrifl'eau a pris faveur en Angleterre, Quelque-'
fois fes fleurs font jaunes & pourprées.
5"°. Le cytifc rampant. On le trouve cQJiimunément en Bourgogne,;
fur les montagnes au couchant de la ville de Dijon. Ses branches s'inr
clinent naturellement & rampent.
6°. Le cytifc des Canaries eft toujours vert ; cependant '^ feuille efl:
blanchâtre. Il ne peut paffer l'hiver chez nous que dansH'orangerie
dont il fait l'ornement en Mars & en Avril , qui eft le te^s de fes
fleurs. \
7°. Le cytifc épineux n'eft délicat que dans fon enfance.
8**. Le cytifc de Montpellier fleurit en Mai : il s'élève à huit pieds.'
9**. Le cytifc de Portugal. Ses feuilles reffemblent à celles de la lu-»
2erne : fes fleurs naiffent aux aifl'elles des feuilles. . Il y en a dont
les fleurs font blanches ou argentées , ainfi que les feuilles , & plus
ou moins grandes.
10. Le cytifc du Levant à grandes feuilles blanchâtres en deffous^
On n'en fait pas grand cas.
11°. Le cytifc d'Afrique. Sa feuille efl: étroite & un peu velue.
12''. Le cytifc d^Amérique. Son écorce efl: garnie d'une efpece de
duvet qui la fait paroître foyeufe Cet arbrifl'eau efl: fort délicat.
13°. Le cytifc à fruit blanc. On le cultive dans les jbdes Occi-
dentales à caufe de l'abondance du fruit qu'il rapporte , & dont on
fait ufage dans les alimens du pays ; mais on s'en fert plus commu-
nément pour nourrir les pigeons, ce qui l'a fait nommer le pois
des pigeons, ^
14°. Le cytifc- indigo. Ses. feuilles n'ont prefque point de pédicule.
On fe fert de cette plante dans la Louifîane pour faire une fubf-
tance bleue qui imite l'indigo. On pourroit la cultiver dans nos
Provinces Méridionales.
15"°. Le cytife à feuilles ovales. Il ne s'élève qu'à trois pieds. Il efl
très-robufte , mais fort rare.
16°. Le cytifc de Sibérie. Sa feuille efl blanchâtre & droite, & fes
fleurs viennent en bouquets au bout des branches. «
I i i 2
'i^ .
^^
43 ^ C Z ï
CZÎGITHAÎS ôu Mulets de Dauric, Ces animaux , alnfî
nommés par les Tartares Mongoux , font probablement le même
animal que l'onagre des autres Provinces de TAfie : ils n'en différent
que par la longueur & la couleur du poil , qui , félon M» Bdl ,
paroit onde de brun & de blanc. Ces onagres czigithais fe trouvent
dans les forêts de la Tartarie , jufqu'au cinquante-unième & cinquante-
deuxième degré. Il ne fai^ pas les confondre avec les zèbres, dont
les couleurs font plus vive^, &~i>ien autrement tranchées , & qui
d'ailleurs forment une efpece particulière prefque aulîî différente
de celle de l'âne que de celle du çhevaK Voyez l'article Onagn à la
fin du mot; Ane , & lé mot Zsbre»
^i>
ÎD A B t) A I 43 7
D
ABOUÉ. Foyei Serpent Fétiche.
DABUH ou DABACH. rojez Hyène.
Dactyle , daUylus Idœus. -Elirfîeiu's Natu^liftes expriment par
ce nom , une bèUmniu. Voyez ce mot.
Quelques Auteurs ont donné encore ce nom de daUyk à Tantale ,
à la dentale foflile , & à tous les tuyaux cloifonnés on Inon conca-
mérés , &c. On appelle daclylïus des moules de mer cylindriques ,
connues fous le nom de daites de. mer & devenues folîil^ Voye^^
.dattes de mer,
DACTYLOBE. Voye^ à i article Oiseau.
DAGUET. Voyei Cerf.
DAILS. Voye^à la fuite du mot, PholâDE.
DAIM 5 darna recentïorum ; feu cervus palmatns. L'animal auquel
nous donnons le nom de daim , reflemble beaucoup au cerf; mais il
eft plus petit , & il en diffère fur - tout en ce que fes cornes font
larges & plates par le bout : on a comparé cette partie à la paume
de la main , parce qu'elle eft entourée de petits andouillers en forme
de doigts. La tête de la femelle du daim n'eft point ornée de bois.
Quoiqu'aucune efpece ne foit plus voifine d'une autre que l'efpece
du daim feft de celle du cerf, ces animaux qui fe relfemblent à tant
d'égards, dit M. de Buffon , ne vont point enfemble, fc>fuient, ne
fe mêlent jamais , & ne forment par conféquent aucune race intermé-
diaire. La nature a établi entre ces deux efpeces une antipathie mu-
tuelle qui s'oppofe à leur alliance.
Les daims paroifl'ent être d'une nature moins robufte & moins
agrefte que celle du cerf ; ils font auflî beaucoup moins communs
dans les forêts. On en élevé dans des parcs où ils font, pour ainfî
dire , à demi-domeftiques. L'Angleterre eft l'endroit de l'Europe où
il y en a le plus dan? les parcs , & où l'on fait le plus de cas de cette
iVenaifon. Il y a des daims aux environs de Paris & dans quelques
Provinces de France : il y en a en Efpagne & en Allemagne ; il y
en a auffi en Amérique qui peut-être y ont été tranfportés d'Europe,
Il femble que ce foit un animal des climats tempérés j car on n'en
43 8 DAT
trouve point , ou que très-rarement , dans les forêts du Nord. Comme
le daim eft moins fauvage , plus délicat, & pour ainfidire, plusdomel^
tique que le cerf , il ell aufll fujet à un plus grand nombre de variétés.
La tcte de tous les daims mue comme celle des cerfs ; mais elle
tombe plus tard : ils font à-peu-près le même temps à la refaire. Les
daims raient comme le cerf, dans le temps du rut , mais d'une voix
balle & entre-coupée. Ils ne s'éxcedent pas autant que le cerf, & ne
s'épuifent point par le rut. Ils ne s'écartent pas de leur pays pour
aller chercher* des femelles ; cependant ils fe les difputent & fe battent
à toute outrance; ainfi ils jouifTent par droit de conquête & prennent
leurs plajfirs avec ménagement. Plus fociables que les cerfs , ils font
portes àMemeurer enfemble :ils fe mettent en hardes , & reftent prefque
toujotfrs les uns avec les autres. Dans les parcs, dit M. de Buffon,
lorfqu'ils fe trouvent en grand nombre , ils forment ordinairement
deux troupes qui font bien diftindes , bien féparées , & qui bientôt
deviennent ennemies, parce qu'ils veulent également occuper le même
'endroit du parc. Chacune de ces troupes ou hardes a fon chef qui
marche le premier, & c'eft le plus fort & le plus âgé ; les autres fuivent,
& tous fe difpofent à combattre pour chafler l'autre troupe. Ces
combats font fmguliersl^ar la difpo(ition qui paroît y régner : ils
s'attaquent avec ordre, fe battent avec courage, fe foutiennent les
uns les autres, & ne fe croient pas vaincus par un feul échec; car ils
reviennent à la charge le lendemain , le combat fe renouvelle même
tous les jours, jufqu'à ce que les plus forts chafïent les plus foibles &
les relèguent dans le mauvais pays. Le terrain difputé refte à la
poflefflon du vainqueur. Ils aiment les terrains élevés & les collines,
La chafle du daim & celle du cerf n'ont entr'elles aucune différence
effentielle.
Le daim fe nourrit, de même que le cerf, de grains & de bois:
comme il broute de plus près que le cerf, le bois coupé par la dent
du daim repouffe plus difficilement que celui qui l'a été par la dent
du cerf, Les daims ruminent : ils recherchent les femelles dès la féconde
année de leur vie. Inconftans dans leurs amours, ils ne s'attachent
pas à la même femelle, comme le chevreuil , mais ils en changent
comme 1 e cerf. Ces animaux s'apprivoifent aifément.
La daine porte huit mois & quelques jours, comme la biche ; elle
•produit de méme^crdinairemçnt un faon , quelquefois deux, & très-
BAI D A R 4^p
rarement trois. Ils font en état d'engendrer & de produire des l'âge
de deux ans, jufqu'à quinze ou feize ans : enfin ils reflemblent au cerf
par prefque toutes les habitudes naturelles; & la plus grande différence
qu'il Y ait entre ces animaux , eft dans la durée de la vie. Foye^^ Cerf.
Les cerfs vivent vingt -cinq à trente ans, & les daims ne vivent
qu'environ vingt ans. Comme ils font plus petits , il y a apparence ,
dit M. de Bufon, que leur accroilfemènt eil: encore plus prompt que
celui du cerf; car dans tous les animaux , la durée de la vie eft pro-
portionnée à celle de l'accroifTement , & non pas au ten^ps de la gefta-
tion , comme on pourroit le croire , puifqu'ici le temps de la geftation
eft le même ; & que dans d'autres efpeces , comme celle SsL^œuf^ on
trouve que, quoique le temps de la geftation foit fort long\ la vie
n'en eft pas moins courte. \
Le daim fournit dans le commerce les mêmes marchandifes que le
cerf. Sa peau eft eftimée , après qu'elle a été paffée en huile chez les
Çhamoifeurs , ou en mégie. On en fait des gants, des culottes, Sec.
DAIM DE BENGALE. C'eft l'axis de Pline. Voyez Jxis,
DAINTIERS. En Vénerie l'on donne ce nom aux tefticules du
cerf. Fbyei à rartîck Cerf.
DALE. On appelle ainfi une pierre qyfe comme celle de liais,
débitée par tranches de peu d'épailfeur, & dont on couvre les terralTes,
les balcons : on en fait aufll du carreau.
DAMAN ISRAËL, Eft une grande efpece de gerboife. Voyez
Gerboîfe,
DAME D'ONZE HEURES. Voyez OrnhhogaU,
DAME DES SERPENS. Efpece de boic'mingua ou de ferpent à
fonnettes , dont les couleurs imitent les taffetas flambés, Foye:^ Boi-
CININGUA,
DAMIER. Coquille univalve , du genre des cornets, à fommet
aplati, ornée de taches noires, quelquefois jaunes, fur un fond blanc,
ou de taches blanches triangulaires fur un fond noir. Voyez Cornets.
DAMIER. Voyez à l'article PetrcL
DANTALE. Voyez Dentale,
DANTE & DANTA. On a donné ces noms à deux animaux
très-différens ; l'un d'Afrique connu fous le nom de ^ebre ; & l'autre
fe trouve en Amérique fous le nom de tapir. Voyez ^^ebre & manlpouris,
DARD , jaculatrix. Efpece de ferpent acontias qui fe trouve aux
440 D A R DAT
îles de Barlovento dans la nouvelle Efpagne. Ses écailles font jaunes-
roufsâtres , lofangées & coupées par un cordon qui règne depuis la
tête jufqu'au bout de la queue. Toutes les jointures des écailles font
orangées. F'oyei Acontias.
DARD ou VANDOISE , jaculus. Petit poîflbn de rivière de la
longueur d'un hareng, qui'va^rt vite dans Teau : il femble qu'il s'y
élance comme un dard, d'où luieTT'venu fon nom. Ce poilTon eft de
l'efpece des poiiTons blancs &'de la famille des muges. Il eft long de
neuf doigtô ; -il a le 'coVps large & le mufeau pointu : il eft couvert
d'écailles fnoyennesV^5Ç^'<ié petites lignes. La nageoire de l'anus eft
compoféè de dix a.tetes : fa couleur eft entre le brun , le vert & le
jauney"*!! a l'eftomac petit & le foie blanc , où eft attachée la bourfe
du fiel II devient fort gras. Sa chair eft molle, mais bonne, agréable
au goût, & meilleure que celle de tous les autres muges. Cette chair
eft très-eftimée ,',& fi faine, qu'on dit en proverbe '. fa\n comme dard,
DARRY ou DERRY. Nom qu'on donne en Hollande & en Zélande
à un bois 3i à toutes fortes de parties de végétaux, ufés, comme
dénaturés & prefque réduits à l'état 3c à la confiftançe d'une tourbe
char.bonneufe. . ^^
DATTES , daciylï, "^^ font des fruits oblongs , gros comme le
pouce , longs d'un pouce & demi, compofés d'une pellicule mince,
rouisâtre , dont la pulpe ou la chair eft jaunâtre , grafle , ferme ,
bonne à manger, douce, d'un goût vineux & fucré, Cette chair en-
vironne un gros noyau alongé , grisâtre, cylindrique, dur & creufé
«d'un fillpn .dans fa longueur. Ces fruits naiftent en Barbarie, dans l'île
de Gorée , près de celle du Sénégal & en Efpagne ; il en croît aufïî
en Provence , mais qui font maigres & fe corrompent très-facilement.
.Nous donnerons la rnaniere d'en faire la récolte & leur ufage, aprèg
Savoir décrit l'efpece de palmier qui les produit»
Hijloir^ du Palin'ur Dattier,
■''■'^,J^Q palmier dattier eft, un arbre de la grande efpece à^s palmiers. Il y
en a de fauvages & de cultivés. Il pouffe une racine qui fouvent eft
,Iîmplè, & toujours épaiffe & ligneufe : elle elî environnée vers fon
collet de menues branches, un peu tortueufes, nues & ferpentantes.
Le bois & l'écorce de ces premières branches font fibres, ftexibles,
rouffcâtïes & d'un goût acerbe, Le tronc de l'arbre n'eft pas trop gros
■ '• ■ il
DAT 44 ï
îl eft droit , cylindrique & fans branches ; avec le temps fa hauteur
furpafle huit brafles. Il a pour écorce les queues ou chicots {polkx}
des branches feuillées qui reftent après qu'on les a coupées, & qui
font placées fymétriquement, y en ayant toujours fix autour du tronc;
de forte que les fix qui font au-defTus , répondent à l'endroit des in-
terfaces qui fe trouvent entre les queues des branches inférieures.
Cette efpece d'écorce eft d'ailleurs épaiffe & chargée d'écaillés, ce qui
facilite pour monter à l'arbre. Quand, la fuperficie du tronc eft nue,'
elle eft de couleur fauve. La fubftance intérieure du t^ronc eft com-
pofée de fibres longitudinales, épaifles , lign«à^^^cepend^t légères;
étant unies par une matière fongueufe. Le peù^dÊ^folidité é^ ce bois
le rend très-difficile à travailler. Le jeune palmier dattier a^ans le
milieu de fon tronc, une efpece de nerf ligneux : au bout d'un "an il
contient une moelle bonne à manger; avancé en âge, le tronc ç'en-
durcit, il n'y a que le fommet de bon à manger; plus vieux encore,"
îl n'y a que les boutons du fommet où fe trouve cette moelle molle ,
blanche , tendre , charnue , caffante , douceâti'e & favoureufe. )Les
Perfans & les Arabes en font fort friands : mais comme cette moelle
eft le germe produdif des branches qui doivent naître , l'arbre meurt
lorfqu'on la coupe. '**%*'
Le palmier dattier eft communément terminé par une feule^-jéte
conique , qui eft compofée au moins de quarante branches feuillées ,
&c de quatre-vingts au plu5 , placées en rond i les plus anciennes fe
courbent bientôt en arc vers l'horizon, & enfin fe fanent. Des aiflelles
des branches feuillées fortent des grappes branchues {fpadix) qui ont
chacune leur enveloppe, {fpatha ) & qui portent des fleurs dans le
palmier mâle , & des fruits dans le palmier femelle. La côte de la
branche feuillée eft très-grande, longue d'environ trois brafles, yer-
<lâtre, lifle; étant jeune, luifante & jaunâtre; étant vieille, courbée
& creufée en gouttière ; d'une fubftance fibreufe & analogue à celle
du tronc- Cette côte eft compofée vers fon extrémité , de feuilles
femblables à celles du rofeau : elles durent toujours ; elles font ailées.
& en très-grand nombre, foutenues fur des efpeces de queues ligneufes,
fi fortement attachées à la côte , qu'on ne peut les en arracher qu'avec
peine. Ces feuilles font fituées obliquement & alternativement , larges '
de deux pouces , & longues d'une coudée , fort pointues , d'un vert
aie & plices p.ar le milieu, fort dures, feches & pleines de nervures.
'j^^2 ï) A T
Au fommet du palmier datt'ur & à la bafe des côtes , fe trouvent
trois ou quatre fortes d'enveloppes à réfeau, femblables à de l'étoupe
ou au gros chanvre, repréfentant par leur figure une nafle dont les
fils feroient collés & appliqués en croix, & non pas entrelacés. Ces
enveloppes plus ou moins larges, & colorées en jaune félon la vétufté
de l'arbre, fervent à affermir un nombre de branches , & mettre à
couvert des injures extérieures'lïtjn-feulement les branches feuillées,
mais encore principalement celles des jeunes grappes. Nous confervons
dans notre cabinet une de ces enveloppes à réfeau : nous la devons,
ainfi que plufieurs autres fubftances curieufes , à la générofîté de M,
de Bourges, digne citoyen & négociant de Paris.
Les ^eurs du palmier dattier naiffent enclofes dans une autre grolïe
enveloppe, qu'on appelle élaté. Cette enveloppe s'ouvre quand elle a
atteint une certaine groffeur, & elle lailfe paroître des fleurs -blanches,
difpofées en grappes. A ces fleurs placées au haut du tronc & aux
aiflelles des branches feuillées , fuccedent fur le même rameau en
graj)pe, appelé régime, cent quatre-vingt à deux cents dattes, dont
nous avons déjà parlé, & qui étant mûres, fervent de nourriture à un
grand nombre de perfonnes dans les Indes, en Perfe, en Syrie, en
Afrique, en Egypte &?|R5 Judée. Celles qu'on nous envoie ne font
gueres employées que pourla Médecine. Foye^ la manière de les conferver^
a la fin de cet article.
Culture du Palmier Dattier,
Le palmier qui naît de lui-même des racines d'un autre , commence
à donner des fruits après quatre années de tranfplantation dans un
terroir fertile j dans un terrain ftérile il ne rapporteroit qu'au bout de
fix i fept ans : mais celui qui vient d'un noyau efl: bien plus long-
temps à donner du fruit.
Voici l'ordre dans lequel les palmiers , foit mâles , foit femelles ,
produifent lei;rs différentes fleurs. Vers le mois de Février ces arbres
pouffent leurs boutons dans les aiiTelles des branches feuillées; il en
réfulte des fpathes chargées de duvet , qui croiffent peu-à-peu , &
grofTiffent au point que le mois fuivant elles s'entr'ouvrent dans leur
longueur , & laiffent paroître un corps femblable à une truffe. Ce
corps ainfi dégagé, prend bientôt la figure d'une grappe compofée
d'un grand nombre de pédicules qui foutiennent de petites fleurs dans
DAT 445
les mâles , Se des efpeces de petites prunes dans le palmier femelle :
les fleurs fécondent ces fruits nailTans, qui mûriflent dans l'efpace de
cinq mois. Les palmiers les plus vigoureux portent huit ou dix grappes,
La grappe mâle eft parfemée d'un grand nombre de petites fleurs
oblongues , à trois pétales & à étamines velues. Elle porte deux cents
pédicules 3 dont les plus courts fupportent quarante petites fleurs , les
moyens foixante, & les plus loiigs-^uatre-vingts. Au commencement
de Mars les fpathes fe rompent; les grappes femelles paroiflent d'abord,
& peu de jours après elles font nues , & portent un trèsrgrand nombre
d'embryons, gros & ronds comme un grain de poivre, lui(ans & d'un
goût acerbe. Dans le mois de Mai ces fruits font déjà gros ccmime nos
cerifes : leur couleur efl; verte. En Juin leur offelet ou noyau^groflît,
leur chair devient plus folide, & ils mûriflent dans le mois d'Août,
fans que la chair pulpeufe continue d'être aahérente à fon noyau.
Le palmier fe plaît dans les terrains fablonneux-^des pays chauds.
On le cultive dans la Grèce , dans l'Italie & un peu en France. Lors-
qu'on feme des noyaux il en naît des palmiers m.âles & femelles); mais
lorfqu'on plante des racines, les palmiers qui naiflent fuivent le^fexe
de leur mère racine. Quand on a planté dans la terre les jeunes poufles
de deux ou trois ans , on a foin de l^wcrofer pendant l'été : on
extirpe celles qui pullulent autour du palmilr , ainfi que tous les infeéles
qui pourroient nuire à l'arbre. Lorfque les palmiers font en état de
porter des fleurs & des fruits, on prend foin d'en multiplier & accé-
lérer la fécondité. Pour y réuffir, on cueille fur la fin de Février, au
fomrhet de l'arbre, les fpathes mâles remplies de fleurs fécondantes;
on retire les grappes dont les fleurs ne font pas encore épanouies: on^.
partage ces grappes en petites baguettes fourchues , & on les fixe
tranfverfalement fur le milieu des grappes femelles , jufqu'à ce que les
jeunes embryons ayent acquis de la vigueur , étant couverts de la
matière féminale des petites ^fleurs mâles. Ceft ainfi que la pouflîere
des étamines s'infinue dans le fruit à l'inflant du développement. Mais
dans les pays déferts la nature fupplée à l'induftrie humaine ; les
2éphyrs légers s'emparent des pouflieres fécondantes du palmier mâle,
ies tranfportent & en favorifent les palmiers femelles qui n'en font pas
éloignés , & qui fe trouvent fur la diredion de la courfe du zéphyr.
Nous apprenons que dans le Jardin de l'Académie de Berlin il y a
^n dattier femelle d'environ fsize pieds de haut, fur neuf pouces de
Kkk2
^44 ï) A T
diamètre : îl fleurit depuis plus de quarante ans ; en 1749 on y fufpendk
une fleur mâle de dattier, & dans le mois d'Avril 1750 on y cueillit
de très-belles & excellentes dattes, dont les noyaux plantés dans le
mois de Janvier fuivant , ont produit une pépinière de palmiers'
dattiers.
Lorfqu'on obierve la confiance & l'uniformité de la nature dans Tes
productions , & qu'on remarqua qu^dle a donné les germes propres à
chaque individu, on ne^pèut fe réfoudre à croire ce qu'on lit dans
un Mémoire lu à l'Académie de Gottingue, que fi l'on plante le noyau
du palmier -Jattler, de manière que le côté oii il y a une incifion pro-
fonde, foit tourné vers le ciel, il en vient un palmier femelle , mais
que quajhd on a placé en haut la furface unie, & qui n'a qu'une légère
incifioh , il en vient un palmier maie. On y lit auffi que le moyen
d'avoir des palmiers qui donnent des dattes de très-bonne heure ( lors
même qu'ils n*ont que fîx ou fept pieds ) , c'eft d'arrofer les noyaux
qu'on a femés avec de l'eau falée, ainfi qu'on le pratique au village
d'Elc-he , tandis qa'au village de Murcie oii on ne les arrofe qu'avec
de l'eau commune, les dattiers n'y portent du fruit que très-tard.
Manière de récolter^ de conferver les Dattes, & Cufage qii'on en fait.
^-■*-
Lorfque les dattes forït-Tniires , on en diftingue trois fortes, félon
les trois degrés de maturité : la première , eft de celles qui ne font
mûres qu'à l'extrémité; la deuxième, de celles qui font mûres jufqu'à
environ la moitié, & la troifieme eft de celles qui font entièrement
mûres. On les récolte fouvent en même temps, parce que trois jours
d'intervalle achèvent le degré de maturité dans celles qui ne le font
pas ; & comme elles tombent d'elles-mêmes étant mûres, on eft obligé,
de peur qu'elles ne fe meurtriftent en tombant, de les cueillir à la
main' fur les grands palmiers , ou de fecouer les grappes des petits
palmiers dans un filet. Cette récolte de dattes fe fait en automne , en
deux ou trois fois , jufqu'à ce qu'on les ait toutes recueillies dans
l'efpace de trois mois.
Pour achever de mûrir & fécher ces trois clalTes de fruits , on les
expofe au foleil fur des nattes. Elles deviennent d'abord molles, & fe
changent en pulpe ; enfin elles s'épaifliffent & fe bonifient au point de
n'être que peu ou point fujettes à fe pourrir. Les dattes étant defféchécs ,
on les met au prelfoir pour en tirer le fuc mielleux , & on les renferme
DAT 44^
(dans des peaux de clievres , de veaux , de moutons , ou dans de longs
paniers faits de feuilles de palmiers fauvages, en forme de facs ; ces
fortes de dattes font la nourriture la plus ordinaire du peuple du pays:
ou bien après en avoir tiré le fuc, on les arrofe de nouveau avec le
même fuc avant que de les renfermer : ou enfin on ne les exprime
point, & on les renferme dans des cruches avec une grande quantité
de firop ; celles-ci ne font deftin^es-'tfue pour les riches : on appelle ces
dattes 5 ainfi préparées , caryous , caryotce. ...
Celles qu'on nous envoie dans le commerce, de Syrie & d'Egypte
en Europe , font en partie féchées fur l'arbre rnéme ; ou plus comm^u-
néraent, lorfqu'elles étoient prêtes à mûrir, on les a cueillies^ enfuite
percées, enfilées & fufpendues, pour les faire fécher. . l
On tire par expreflîon, de ces dattes récoltées & defféchéeren la
dernière manière, une forte de firop, qui tient lieu de beurre, étant
gras & doux , & qui fert de fauce & d'aflaifonnement dans les alimens.
Le peuple du pays fe fert effeâivement de ce firop en guife de beurre,
pour la pâtifferie, pour afifaifonner le riz & la fine farine, lorfq^u'on
veut fe régaler dans les feftins & les jours de fêtes. Pour retirer ce fuc,
les uns mettent une claie d'ofier fur une table de pierre ou de bois
inclinée, en plein air, & font un creux ^^^lancher , pour y placer
un vafe de terre, propre à recevoir le firof^Enfuite ils chargent ces
claies d'autant de dattes feches qu'elles en peuvent contenir. Les dattes
venant à fermenter & étant prefiees par leur propre poids, laiffent
échapper leur liqueur, qui coule dans le vafe de terre : quelquefois
on ferre les claies avec des cordes , & on les charge de groffes pierres :
on réitère cette opération jufqu'à ce qu'on ait exprimé à-peu-près
tout le fuc des dattes , lefquelles étant confervées fervent comme nous
l'avons dit à la nourriture du peuple.
Kccmpfir, Amxnit, exot. fafcicuL v. dit que les Bafréens & les Arabes,
qui ont une grande quantité de palmiers , emploient en place de
prefToir , une chambre à double plancher, & dont les murailles font
tapiflees de rameaux. Le plancher fupérieur efi: mobile : ils jettent fur
rinféiieur une certaine quantité de dattes , qui font devenues afiez
molles en fe féchant; quelquefois aufii ils jettent de l'eau bouillante;
enfuite ils laiffent tomber le plancher mobile , qu'ils chargent à volonté.
Le firop , extrait de cette manière, eft plus Hquide que le précédent;,
niais moins fluide que celui à^i payfans qui habitent les montagnes
44^ ^ DAT
voulues 5 où il n'y a que peu ou point de palmiers dattiers : ces payfans
achètent le marc des dattes paflees au prefToir , & les font bouillir
jufqu'à ce qu'elles foient réduites en une bouillie très-claire , mais qui
eft peu agréable ^z peu nourrifTante,
Le bois du tronc de palmier dattier fert en Afrique en place de bois
de charpente; on en fait des pieux qui refirent long-temps dans l'eau.
Ses feuilles , ou les branches feui44é^es fervent à couvrir les cabanes
des payfans : ils en font àulli des fagots ; ils font des balais avec les
grappes , des vafes & des plats avec les fpathes ou enveloppes ,
auxquelles ils donnent la figure qu'ils veulent; ils emploient les ham-
pes des^' grappes à faire des chauflures ^ d'excellentes cordes pour
leur nwine. ■
Nousavons déjà dit que la moelle du fommet de ce palmier &fes tendres
branches feuillées , qui font en forme de cône , fourniffent aulli une
nourriture délicate. On prétend que les jeunes grappes mâles & fe-
melles (pnt aufli très -bonnes; on peut manger toutes ces parties crues,
ou cuites avec la viande de mouton. Les dattes elles-mêmes fourniiîent
naturellement & par les préparations de fart, une diverfité de mets
fort agréables. Les dattes, comme nous avons dit ci-delfus, étant
récentes , font un alimaMfrfelutaire aux Egyptiens , aux Africains ,
ëc fur-tout pour ceux "qui ne boivent que de l'eau : delTéchées, elles
font plus diliiciies à digérer. On fait bouillir les noyaux pour les
amollir , & ils fervent de nourriture aux boeufs que Ton fait repofer,
A la Chine on fait brûler ces ofTelets , & on les fait fouvent entrer
dans la compofition de Vencre de la Chine, En Efpagne on les brûle
pour faire une poudre propre à nettoyer les dents : on en fait auOî le
faux ivoire brûlé. En Natolie on eft dans l'ufage de jeter de l'eau
fur les dattes pour les faire fermenter , & en tirer du vin qui peut
fe changer en vinaigre. Souvent on tire de ce vin par la diftillation
un efprit , & comme l'ufage des liqueurs fpiritueufes eft févérement
défendu par Ja Religion de Mahomet , on le fait palier fous le nom
de remède , pour foulager les crudités & les coliques d'eftomac : afin
de mieux guérir ces maux , les gens riches ajoutent, avant la diftil-
lation , de la fquinc , de ïambre & des aromates ; mais le commun
du peuple y met de la racine de rcglijfe & de Vahjimhe de Pcrfe , ou
tie la petite racine de vrai- jonc odorant , ou de \à ftmencine de Turquie
ou. de Perfe. hQ ne&ar de datte que boivent les Souverains à^ Congo,
eft la liqueur fpiritueufe pure des dattes ferragntées,.
DAT "447
Le palmier renferme fes vertus alimentaires dans la moelle de fon
tronc $c dans fes fruits ; on trouve encore dans ces derniers une vertu
médicinale. L'expérience a appris que les fruits du dattier font légé- '
rement aftringens , & modèrent les cours de ventre; qu'ils fortifient
l'eftomac, adouciffent la poitrine & tous les organes du poumon,
même les douleurs des reins & de la veffie ; mais il faut en ufer mo-
dérément : autrement elles caulèhrie mal de tête & rafFoiblilTemenf
de la vue , produifent des obftruélions & la mélancolie.
DATTES DE MER. On donne ce nom quelquefois à des corps
mous , que M. Ccfîoni , habile Pharm.acien de Livourne , dit être
les véritables fruits de ïalgue à feuilles étroites des Verriers. On en trouve
la figure dans un Livre intitulé , la Gallerie de Minerve, V
On donne aufli le nom de datte de mer à une coquille bivalve ,
cylindrique , épaiife & du genre des moules. Ses valves font revêtues
d'un périofte brun ou de couleur roulTe ou marron , & fe joignent
exaélement. On y diftingue quelques ftries très-fines ; l'int^ieur eft
nacré. Ce coquillage qui fe trouve à Toulon & fur les côtes d'Italie,
d'Afrique, même en Amérique, eft enfermé vivant dans une pierre
qu'il a creufée , quoique très-dure , difljple à cafler , même à coups
de mafTue , & formant une partie des roclilif de marbre , &c. qui
avancent dans la mer & en font baignés.
Voici un fait qui prouve inconteftablement que ce coquillage bi-
valve perce la pierre , & qu'il n'y eft point renfermé par la pétrifi-
cation du terrain , comme l'ont penfé quelques Naturaliftes à l'égard
des dails du Poitou : voyez l'article Fhotade. On trouve des dattes
dans les moellons qui ont été employés aux anciennes fortifications
maritimes & quais de Toulon ; ces moellons ont été apportés de lieux
élevés & éloignés de la mer ; néanmoins en caflant de ces pierres ou
blocs nouvellement tirés de la mer, on trouve dans leur intérieur
beaucoup de dattes fraîches^ bonnes à manger, car la chair de ce
coquillage a un goût fort agréable & eft regardée comme un mets
délicat. Les Anciens connoiflbient déjà fa bonté ainfi que la fingularité
qu'il offre à ceux qui le mangent dans l'obfcurité ; la lumière phof-
phorique que donne ce teftacée eft li vive , qu'elle fait paroître leur
bouche enflammée. Voici ce qu'en dit Milvus Marinus :
Da&ylus illujîrat radiant! lumine petram ,•
^pojîius mtnfce y luir.ine nienfa nncu
44^ t)ÀT
Cette lumière fe trouve auflî dans la pholade du Poitou. En
examinant l'extérieur des pierres qui renferment des dattee de mer ,
on n'y découvre que quelques trous de figure irréguliere ; les uns
aflez petits pour qu'on n'y puifTe introduire qu'une paille ; d'autres
gros comme le bout du doigt, mais toujours beaucoup trop petits,
pour qu'on en puifTe tirer la coquille fans la brifer : ce n'eft donc
qu'en caflant les pierres qu'on fe peut mettre en état de bie n examiner
les dattes & leurs loges. Ces' coquilles n'ont point d'articulation à
charnières co^rne quelques huîtres , mais les deux panneaux font
joints par un ligament qui s'étend depuis le bout le plus menu de la
coquille jufqu'à fon milieu. Il y a de ces coquilles qui ont plus de
trois 'pouces de longueur, & un pouce de diamètre. Ces efpeces de
moules font pourvues de quelques fils : elles font étant jeunes des
trous dans la pierre dure & augmentent la capacité de ces loges fui-
vant leur crue : elles n'ont qu'un très-petit jeu dans ces prifons , qui
repréfeitent exaélement en creux la forme extérieure de la coquille :
l'ouverture depuis la furface de la pierre, forme un entonnoir jufqu'à
la demeure du coquillage , qui étant proportionnée à fa grandeur
& à fa configuration , ne Jui permet pas de s'y retourner : la tête
de l'animal étant toujo4^jpppofée à cette ouverture , il efl à préfumer
qu'il l'introduit la première , & que par conféquent elle a dû fervir
dans fon travail. Au refte , ces dattes de mer n'affedent point dans
les pierres une polîtion uniforme; il y en a de plus parallèlement à
l'horizon , d'autres font en pofition verticale , & la plus grande partie
font inclinées fous différens angles ; ce qui fait que Xouvent la loge
d'un ancien fe trouve dans le chemin d'un fécond , & dans ce cas il
en coûte la vie au voifin : ce nouvel ouvrier forme fa loge aux dé-
pens de la fienne, il la traverfe & détruit la coquille jufqu'au niveau
de l'augmentation qu'il défire faire à fon habitation. Ceci prouve
encore que les dattes de mer creufent & augmentent leurs loges peu
fL peu,
Ces animaux , quoique renfermés dans une pierre dure , puifque
c eft une forte de marbre , ne font pas à l'abri de quelques ennemis qui
leur font la guerre : il y a des efpeces de fcolopendres , longues
depuis un pouce jufqu'à cinq, fort menues, qui parviennent à leurs
loges par leurs communications , & qui dévorent les dattes. M. de
fçiigeroux , qui a donné un JVJémojire fur ces coquillages , inféré
mm
D A IT 44^
dans le cinquième volume des Savans étrangers , dit avoir encore
trouvé dans ces trous des efpeces de cloportes de mer & une puce de
mer. Mais comment ces dattes dans l'état de leur enfance fe creu-
fent-elles leur domicile ? Il faut croire qu'elles s'attachent avec leurs fils
à la pierre qu'elles veulent tarauder , Se que les dents ou afpérités qui
font fur leur coquille creufent peu à peu une demeure proportionnée
à leur volume : l'on fait que Tunique occupation de ce teftacée fe
réduit à prendre la nourriture que la mer lui apporte , à multiplier
ion efpece (il eft hermaphrodite), & à creufer fa demeure.
DATURA. f^oye^ à l'ariicle Pomme Épineuse.
DAUCUS DE CANDIE , daucus Crencus. Cette plaïke , qui
vient communément fur les endroits pierreux & montagneux!, dans
l'île de Crète, aujourd'hui de Candie, & dans les Alpes , a une racine
longue, groffe comme le doigt , fîbrée & d'un goût de panais. Sa tige
eft haute d'un pied , cannelée & velue. Ses feuilles font cotonneufes,
cendrées & découpées comme celles du fenouil. Les fomimets de
fes branches foutiennent des ombelles lanugineufes , blanchâtres,
d'une odeur agréable & d'un goût piquant : elles font compofées de
petites fteurs en rofe , à cinq pétales blancs, dont le calice fe change
en un fruit formé de deux femences oblb^ues , cannelées , velues ,
convexes d'un côté & applaties de l'autre.
On donne àufîî le nom de daucus à la carotte fauvage ; autrement
appellée chirouis ou faux chcrvi. Voyez aux mots Carotte , &c.
La femence du daucus de Candie eft eftimée lithontriptique, hif-
térique & carminative : elle eft la première des quatre femences chau-
des mineures , qui font celles à^ammi , âiache , de perjil & de daucus.
On fubfticue fouvent la femence" du chirouis à celle du daucus de
Candie , qui eft l'un des ingrédiens de la grande thériaque. Les daucus
font des efpeces de panais fauvages. Dans le Levant , on fait un vin
de daucus pour réfifter au venin & pour provoquer les règles.
DAUPHIN. Foyei à la fuite, du mot BaleiNE.
DAUPHIN. On donne encore ce nom à une coquille univalve;
qui eft du genre des limaçons à bouche ronde. Voyc^^ Limaçon de
MER. Les contours de cette coquille font armés de pointesdéchiquetées. \
Les Aftronomes ont aulli donné le nom de dauphin à une constella-
tion de l'hémifphere boréal : elle eft compofée de dix étoiles , félon
^tolomée & Tyçho,
Tomi IL LU
4^0 D AU DEL
DAUP^ADE. Voyti Ceterach.
DEEB. Nom que l'on donne en Barbarie au chacal. Voyez ce mot.'
DÉGEL. On entend par ce mot le relâchement du grand froid ,
cet adouciflement de l'air qui réfout les neiges dans tout un pays ; en un
mot la fonte de la glace qui pour lors reprend fon premier état de
fluidité. La glace fe fond beaucoup plus lentement qu'elle ne s*eft
formée ; elle commence à fe farïdre par la furface ; mais au lieu que
Teau fe gelé du centre à la circonférence , elle fe dégelé de la cir-
conférence au centre. Voyz\^ Glace.
DÉGRAS. Dans le commerce on donne ce nom à l'huile de poifTon-
qui a fe^i à paffer des peaux en chamois. Cette même huile fert enfuite
aux cojfroyeurs pour pafler principalement les cuirs blancs, Voyc\ U
Dictionnaire des Arts & Métiers.
DÉLIVRE. Foyei Arriere-faix.
DELTA. Foyei Double C.
DÉLUGE , diluvium. Ce mot exprime la plus grande alluvion qui
ait; laifîSfs couvert la terre ; celle qui a dérangé l'harmonie première ,
ou plutôï' la ftrudure de l'ancien monde ; celle qui , par une caufe
extraordinaire des plus violentes , a produit les effets les plus terri-
bles , en bouleverfant la terre , foulevant ou applaniflant des mon-
tagnes j difperfant les hâ^Htans des mers , couche par couche fur la
terre ; celle enfin qui a femé jufques dans les entrailles du globe
terreftre , les monumens étrangers que nous y trouvons , & qui doit
être la plus grande , la plus ancienne & la plus générale cataftrophe
dont il foit fait mention dans l'hiftoire ; en un mot , la plus grande
époque de la Chronologie.
M. IValch , dans fa Thefe fur le déluge des Anciens , dit que la
mémoire du déluge univerfel s'eft confervée chez toutes les Nations ;
les Grecs , & fur-tout les Egyptiens & les Aflyriens en ont eu des
opinions différentes. Le même Auteur dit encore qu'il règne une con-
tradiction entre ceux des Grecs qui en ont écrit. Les uns foutiennent
qu'il y a eu deux déluges , d'autres font mention de trois , quelques-
uns de quatre , & d'autres en ajoutent encore un cinquième , M,
Walch rapporte tous ces déluges différens des Payens à celui de Noë,
d'où ils prennent leur fource , puifque tous les Écrivains profanes
en racontent les mêmes circonflances. Enfin il s'étonne que tandis que
les paroles de Moyfe font fi claires , on puifle difputer du déluge ,
î) É L 4^1
de l'année , du temps & des autres circonftances. Telle fut cette
inondation générale , qu'elle détruifit tout ce qui avoit vie fur la
furface de la terre, excepté Noë , fa famille , les poiflbns & tout
ce qui fut renfermé dans l'arche avec Noc. Moyfc nous en donne
l'Hiftoire dans la Genefe, Chap. VI & VII. Les meilleurs Clirono-
logiftes la fixent à l'an de la créatioa^ i-<5y6 , 2^293 ans avant J. C.
Le déluge a fait & fait encore le plus grand fujet des recherches &
des réflexions des Naturaliftes , &c. Les points principalement con-
teftés peuvent être réduits à trois ; 1°. fon étendue , o'eft-à-dire , s'il
a été abfolument général ou feulement pour certains pays-; 2°. fa
caufe ; 3". & fes effets. Il nous fuffira de dire qu'on a regardé àDmme
une preuve phyfique de l^univerfalité du déluge & des grands chan-
gemens qu'il a opérés fur toute la furface du monde , cette multitude
étonnante de corps marins qui fe trouvent répandus \^^ant fur la
furface de la terre que dans l'intérieur même de tous les continens:
mais la difficulté eft d'expliquer cette difperfîon d'une manijif5è .con-
forme à la difpofition , à la fîtuation des bancs , des couches &: des
contrées où on les trouve. M. Pluchc, {SpcBach de la Nature-^ làrne
VIII , pag. 93.) en parlant du déluge , dit que \q:-. régions du Tigre &
de l'Euphrate n'ont point été toujours con^rifes dans cette terrible
fubmerfion , & qu'elles feules, parmi toutes celles"'de l'ancien monde,
furent les premières découvertes , & habitées par les defcendans de
Noë : auffi les appelle-t-il le berceau du genre humain. M. de Kéralio
prétend qu'il y a eu des Savans très -pieux & très -orthodoxes, qui
ont penfé que Moyfe , fe conformant au ftyle oriental, avoit dé/]gné
par le mot terre , la feule portion du globe ( la Paleftine & quelques
cantons voifins) qui avoit été habitée par les Ifraëlites & leurs an-
cêtres, M. Grouner penfe que Dieu ayant réfolu de toute éternité de
noyer les hommes , &c. de cet âge , avoit difpofé pour cet effet les
lois de la Nature. M. l'Abbé/e Brun, Précepteur des Pages de la
Reine, a voulu , il y a quelques années, retracer fous nos yeux ce
tableau du défaftre de nos pères & du deuil général de la Nature.
M. l'Abbé Le Brun penfant que l'élévation des eaux qui ont couvert
autrefois la terre , n'étoit peut - être qu'un fîmple effet de la force
centrifuge portée à un certain degré, & que ce feul mouvement de
turbination , imprimé au globe , l'ayant fait pirouetter avec une
vîtefTe accélérée , les eaux ont du fortir des réfervoirs du grand abîme,
LII2
4^2 ï) E C
& monter contre leur propre pefanteur. C'a été d'après ce fyflême que
notre ingénieux Phyficien a voulu nous donner au Louvre une image
du déluge ; & pour démontrer les caufes de ce phénomène , voici
l'expérience qui a été faite & que nous avons vue. On a pris un globe
terreftre armé de foupapes , & enfermé concentriquement dans un
globe de verre. On a commencé par remplir d'eau le globe terreftre;
on en a fermé l'ouverture pratiquée dans le globe de verre j enfuite,
par le moyen d'une manivelle, on a donné au globe intérieur un
léger mouvement de rotation; l'eau n'a point franchi fes barrières;
mais l'a-t-on fait mouvoir avec une vîtefTe accélérée, bientôt la mafle
d'eau a;'forcé les foupapes attachées à la furface extérieure de ce globe
terreftre , & a rempli toute la capacité du globe de verre en s'échap-
pant avec force ; ainfi le globe terreftre a été entièrement couvert de
fes propres eaux. On a ceffé d'agiter le globe , l'eau eft rentrée dans
les réfervoirs à peu près jufqu'à l'horizon du globe , & s'eft mife en
équilibrft^vec elle-même. Voilà donc , fuivant M. l'Abbé k Brun ,
une efquijDTe de la caufe du déluge \ voilà une démonftration de la
conformité du fyftême de Moyfe avec les lois de la Nature , & une
réfutation des erreurs évidentes de Burnet ^ de Whifton , de Woodward,
de l'illuftre Bo^uet & de M. Pluche. Cette expérience fait honneur au
"génie de M. l'Abbé # Brun. Elle annonce une grande connoifiance de
la théorie des forces centrales. On trouve dans le Recueil de l'Aca-
démie des Sciences , plufîeurs belles machines de cette efpece , & l'on
a fu mettre à profit la force centrifuge pour i^élévation des eaux ;
mais celle-ci nous démontre-t-elle le déluge univerfel d'une manière
bien conforme au récit de l'Hiftorien facré ? D'ailleurs , fi par un
mouvement de turbination , imprimé à notre globe, & mû enfuite avec
une vîtefle accélérée , les eaux ont monté contre leur propre pefanteur,
il faudra admettre que les animaux, &c. auront été projedés, en raifon
de leur propre mafle & pefanteur, à des élévations & des diftances
beaucoup plus confidérables — C'eft aux Phyficiens qu'il appartient
de s'expliquer là-deflus..... Nos Lecteurs n'exigeront pas de nous de
plus grandes réflexions ; mais avant de terminer cet article , il convient
de dire encore que M. Pluche prétend que les dépouilles de l'Océan
parlent à tous les yeux ; que le langage àQS pétrifications eft entendu
du peuple le plus groffier ; que ce font des monumens dûs au plus
mémorable de tous les événemens , & que ces reliques du monde
ancien font à côté de rHiftoire de Moyfe , ce que font les médailles
à côté de l'Hiftoire Romaine. Nous aurons occafion de dire en partie
notre fentiment fur l'origine des folliles , à l'article Fossiles & au mot
Terre dans cet Ouvrage.
DEMI -MÉTAUX , fimi - mctalla. On donne ce nom à à^s fubfrances
pefantes , plus ou moins folides & opaques , qui ont un grand rapport
avec les métaux par leur afpeéè- , 'j^aes mctallica , par leur éclat
& par la fufibilité dont ils font fufceptibles , qui fe purifient au feu
prefque tous par fublimation , & qui prennent en fe refroidiiTant une
furface convexe ; en un mot, qui pofTedent les propriétés métalli-
ques , à l'exception de la fixité , de la malléabilité & de la duétilité.
Ainfi toute fubftance qui a la pefanteur , l'éclat métallique , qui ne
peut fe purifier fans fe fublimer , ou qui fe détruit au feu , ou qui s'y
réduit en vapeurs ou en flammes, (excepté le cobalt) & qui fe brife
fous le marteau , eft un demi-métal. Il faut auffi en excepter les pyrites
proprement dites ; elles ont bien l'éclat & la pefanteur métalliques ,
mais elles fe vitriolifent.
Ceci étant , les demi-métaux différent eflentielîement des minéraux
proprement dits , qui ne font qu'un aflemblage de matières terreufes
ou pierreufes , entremêlées de fels , de bitumes & de portions mé-
talliques ochracées , le tout fufceptible d'être r^uit en pierre, en
fcories, en verre, & de ne contracter que peu ou point d'union avec
les demi- métaux.
Toutes ces propriçj;és fi efTentielles pour la diflribution des ctres
qui compofent le règne minéral, nous font reconnoître fix demi-mé-
taux , dont cinq font folides , & le fixieme eft fluide.
Les demi-métaux folides, purifiés par la Nature ou par l'Art (ce
qui s'entend de leur état de régule) font ïarfcnic à face métallique , le
cobalt y le bifmutk, ï antimoine & le :(inc.
Le demi-métal fluide, (qu'il foit vierge ou révivifié du cinabre)
eft le mercure.
Les demi-métaux , tels que la Nature les préfente , font, ainfi que
les métaux , rarement dans leur état de pureté ou de régule; ils font
toujours alliés à d'autres fubftances métalliques , ou adultérés , c'eft-
à-dire , déguifés par des matières minéralifantes , qui font le foufro
&: l'arfenic. Voyc^ ces mots & les articles Minéraux & Métaux.
A l'égard du mercure , les Chymiftes font auffi embarralfés que les
'^) 4 DE M
Naturalises , fur le rang qu'il doit tenir parmi les minéraux ; il n*a
pas la malléabilité naturelle, ni la fixité, ni la folidité des métaux :1e
défaut de ces propriétés le rapproche des demi-métaux : il efl: , comme
eux , fufceptible de laplus grande volatilité ;d'un autre côté, il n'eft point
combuftible , il eft fluide habituellement : ce n'eft que par le mélange
qu'on le rend folide, ou par ua. froid excellif -& artificiel qu'il devient
malléable : d'où Ton peut déduire que le mercure efl; unique de fon
efpece.
On cite tous les jours la defcription d*un nouveau demi -métal
trouvé dans la mine de cobalt de Fcerila en Heiflnfie , & dont M.
Cronjîé^t a fait mention fous le nom de Nickel dans les Mémoires des
Savans de Suéde en 175" i , tome XIII ; & en I75'4, tome XVI"
Voye^ Nickel. Depuis ce temps on a encore fait mention d'un autre
nouveau minéral , qui fe trouve aux environs de Géra , dans le
Voigtland , Province de la Saxe ; on l'y voit en forme d'une veine
paflableasent forte & couchée contre une montagne. Perfonne ne l'^
encore ^déflni , ni nommé, parce que fes propriétés font des plus
étranges : c'efl: une matière fort poudreufe , extrêmement blanche &
prefque femblable à de la craie de Briançon , on diroit d'un guhr
d'argent des plus onélueux au toucher. Voici les principales propriétés
qu'on a déjà reconnues à ce minéral ; 1°. il efl: très-propre à polir
& luftrer l'or & l'argent ; 2°. il ne change pas au feu , & Ton n'a pu
le mettre en fufion ; 3°. il efl; très -bon pour nettoyer & adoucir la
peau des mains & du vifage; 4°. étant mis dans l'eau il fe divife au
point qu'on peut en vernifler des figures de plâtre , qui paroiflent
enfuite argentées ; j^. on peut en faire des crayons pour defliner fur
le papier en guife de molybdœm : fes traits font doux , moelleux &
luifans , & fur-tout très-propres à defliner des fleurs que l'on veut
enfuite enluminer ou peindre ; ô"*. on en tire un /;wo'//?^r infiniment
fupérieur à celui qu on tire du bifmuth ; 7°, il peut fervir aux Fac-
teurs d'orgues pour enduire la futaine de leurs moules , qui fe conferve
par-là dans les fontes , & ne brûle pas fi-tôt qu'à l'ordinaire : ajoutez
qu'il donne aux tuyaux d'orgues le poli de l'argent : ce nouveau
minéral ne feroit-il point une molybdsne blanche? Voye^ Molyb-
dène.
DEMI-RENARD. Nom que les François de l'Amérique donnent:
su didelphe ou philandre. Voye^ Dipelph^,
DEM 4j^
DEMOISELLES {mouches.) Sous ce nom vulgaire on comprend,
^^ les demoifelles qui ont été des formica- Uo : 2*". ces jolies petites
mouches , qui dans leur premier âge ont été des vers à fix pieds,
nommés petits lions ou lions de pucerons , parce qu'ils fe nourrifTent
principalement de ces infedes , fl tranquilles & fi peu capables de fe
défendre contr'eux : 3°. les demoifelles plus généralement connues de
ceux qui n*ont pas fait une étude particulière de ces petits animaux.
Comme ces mouches naiflent & croiflent dans des lieux très-différens ,
qu'elles font aufîî de genres différens , malgré quelques rapports ex-
térieurs 5 & que leur hiftoire peut intérelFer la curiofité & l'inftrudion
du Ledeur , nous ferons des articles féparés de chaque efpece de ces
animaux , & nous les ferons paffer en revue , chacun dans leurs trois
états différens , celui de ver , celui de nymphe & celui de mouche.
DEMOISELLES AQUATIQUES, lihell(e , auc perlœ, aut mor-
déliez. C'eft l'efpece de mouches connue dans prefque toute la France ,
même par les enfans , fous le feul nom de demoifelles : on prétenc^qu'elles
doivent ce nom à la longueur de leur corps & à leur taille fine :
car l'on ne connoît point de mouches qui aient le corps plus long &
plus délié que celui de plufieurs efpeces de ces demoifelles aquatiques :
on y compte ordinairement onze anneaux. M. de Réaumur en diftingue
trois genres : fa voir , demoifelles à corps court & aplati , demoifelles à
tête greffe & fphérique , demoifelles à tête petite &: large. M. Linnœus
les divife en moyennes , petites & grandes demoifelles : ce qui revient
à la diftindion de M. de Reaumur. Le Naturalifte du Nord en compte^^
quatre efpeces dans les moyennes, autant dans les petites , & huit
dans les grandes : toutes ont les antennes courtes , la queue fourchue
ou garnie de pinces , mais feulement dans les mâles , & la bouche
garnie de mâchoires ; elles ont de plus , trois petits yeux lifîes
entre les grands yeux à réfeau au devant , & trois articulations aux
tarfes.
Origine des Demoifelles aquatiques , leur état de nymphes , leur mitamorphofi
& leur accouplement.
Cette mouche naît dans l'eau , & y prend un accroiffement complet.
Elle commence par être un ver hexapode ou à fix pieds : ce ver eft
encore jeune & très-petit quand il devient nymphe : il a déjà la même
proportion dans toutes fes parties , qu'il aura étant transformé : ainfi
^4 {s T) E M
les demoifelles à corps court viennent des nymphes les plus cour-
tes, &c.
Les nymphes des trois genres de demoifelles aquatiques , font pour
la plupart d'un vert-brun , fouvent falies par la boue qui s'eft attachée
à leur corps : celles de quelques autres efpeces qui fe tiennent dans
l'eau claire , montrent des taches blanchâtres ou verdâtres très -joli-
ment diftribuées. M. de Réaumur leur a trouvé à toutes, une tête,
un cou , un corfelet,.yn corps compofé de dix à onze anneaux, &
lîx jambes attachées au conelet ; ces nymphes vivent dans l'eau, y
nagent avec kurs jambes , & la refpirent. M. Poupart croit avoir'
remarqué , qu'en cet état elles tiennent beaucoup de la nature des
vrais poiflbns , & qu'elles font pourvues d'ouies.
Chaque efpece de nymphe porte un mafque dont la form.e eft diffé-
rente : l'une porte un cafque; l'autre un mafque aplati, & la troifieme
un mafque plat & effilé : cet organe lingulier, placé au devant d'une
bouché^garnie .de bonnes dents, eft, dit M. DeUu:(e, mobile au gré
dé l'infeéïe fur l'extrémité d'une efpece de manche par lequel il eft
attaché à fon cou , & lui fert à faifir les petits infedes aquatiques dont
il fe nourrit & qu'il furprend en relevant fon mafque qu'il tenoit aupa-
ravant baiflé. Toutes ces nymphes vivent dix à onze mois fous l'eau ,
avant que d'être eh état de fe transformer en demoifelles. Les temips
les plus favorables à leur métamorphofe & à leur accroilfement , font
depuis le mois d'Avril, jufques & compris celui d'Oélobre ^ c'eft hors
de l'eau que doit s'accomplij^la grande opération , qui fait palier l'in-
fecle de l'état de poiffon , "^celui d habitant de l'air. Après être refté
,^u bord de l'eau d'où il eft forti, pendant le temps néceffaire pour fe
bien fécher , il fe met en marche, & cherche un lieu oii fa transfor-
mation puifle fe faire commodément ; fouvent la nymphe fe détermine
pour une plante fur laquelle elle grimpe. Après l'avoir parcourue ,
elle fe fixe , la tcte en haut , foit contre la tige , foit contre une
t?ranche, ou contre une feuille ; quelquefois elle s'attache contre un
brin dé bois fec. La métamorphofe de cette nymphe en demoifelle,
çft la même que celle des autres nymphes en mouches , foit à deux
Qu à quatre ailes : c'eft aullî la même que celle des chryfalides en
papillons.
Les demoifelles aquatiques ont quatre ailes trcs-tranfparentes , fem-
blables à la gaze la plus fine 2i la plys éclatante j ou à du talc ouvragé.
Çettç
DEM ^4^7
Cette éfpece de petite étoffe eft argentée ou dorée dans les unes ,
ornée de taches colorées dans d'autres : ces ailes font moins grandes
que celles des demoifelles terreftres ; cependant les demoifelles aqua-
tiques volent beaucoup plus , & avec plus de grâce : on diroit qu'elles
planent comme un oifeau, en un mot elles ne font pas obligées de
lever leurs ailes auflî haut , ni de les faire^defcendre aulfi bas que les
demoifelles terreftres , dont le vol eft lourd , de femble n'avancer qu'au
moyen de grands battemens d'ailes.
L'accouplement de ces infedes eft fort fingulier , leurs amours fe
décident par un enlèvement.
Depuis le printemps jufques vers le milieu de l'automne , on les
voit dans les prairies bordées par une rivière ou par un ruiffeau , les
unes pofées fur des plantes, les autres volant en l'air : & parmi ces
dernières, on en remarque qui volent par paires finguliérement difpo-
CéQS. Le bout du corps de celle qui eft antérieure, eft poféfur le cou
de la poftérieure : toutes deux également amoureufes & animées jdes
mêmes défirs, volent de concert, & elles ont alors le corps étendu
en ligne droite. L'antérieure eft le mâle , qui , avec les crochets qu'il
a au bout du derrière, tient fa femelle faifie par le cou, & la conduit
en ravifîeur où il lui plaît d'aller. Celle-ci paroît fe laiflfer conduire
volontiers, puifqu'elle agite fes ailes pour aller. en avant, comme
elle feroit fi elle étoit entièrement libre.
Telle eft la manière dont ces infedes commencent à fe faire l'amour.
Lorfque le mâle qui plane tient ainfi fa femelle , il la ferre '& ne la
laiffe plus échapper : ce raviffeur n'eft pa^^pendant encore fort avancé.
Il lui eft impoflible de porter fa partie vers celle de fa femelle qu'il
tient par l'extrémité de fon corps. Tant que la femelle ne fe prête point
à fes défirs , l'accouplement ne peut fe faire : auffi le mâle tient-il
quelquefois fort long-temps fa femelle; il l'emporte en traverfant les
airs, fufpendue à fa queue, ^jufqu'à ce qu'enfin celle-ci ou fatiguée,
ou mife en adion , fe rende à fes importunités ; pour lors la femelle
qui cède à la force ou au penchant, fait de fon corps un cercle. Son
ventre ainfi replié paife entre fes jambes & par devant fa tête; & elle
porte elle-même l'extrémité de fon ventre contre la partie du mâle qui
s'accouple avec elle fans lâcher la tête de fa femelle. Pendant cet
accouplement, ces infeéles font dans une attitude finguliere : ils forment
une efpece d'anneau. La tête de la feciçlle eft accrochée par la queuç
Toms IL ' . ^^ '^ ra.
4;8 DEM
du maîc, tandis que l'extrémité de Ton ventre qui fait le cercle, eft
accouplée avec la partie fupérieure du ventre de ce même mâle. Ces
infeéles volent dans cette attitude forcée, & ne Te féparentque lorfqua
l'accouplement eft tout-à-fait fini. Si ces fortes d'enlévemens font fort
communs, il n'en eft pas moins vrai que ces bizarres accouplemens
nous font voir combien la Nature eft féconde & inépuifable en in-«
ventions pour parvenir à fes fins^ .
Les parties propres aux mâles font tout autrement placées dans le
corps des demoifelles , que dans celui des autres mouches. M. d&
Réaumur a reconnu cette partie mafculine fous le corps, près de fa
jondion avec le corfelet , c'eft-à-dire aux premiers anneaux.
Les demoifelles font des infedes fort vifs : les couleurs dont elles
font ornées , fervent à diftinguer le caradere dominant du fexe. Les
plus petites font ordinairement les mâles : celles qui habitent les prairies
& qui s'y font remarquer par leur belle couleur bleue , s'accouplent
avcG ^drgs demoifelles d'un verdâtre doré , & avec d'autres purement
grisâtres. .Les femelles pondent leurs œufs réunis en grappes; quelquefois
elles les dépofent un à un. Foye:^ les Mémoires fur les Infectes , de A/,
de Réaumur , Tom. VI.
DEMOISELLE du Formica-leo, libella gracilis. Mouche qui a
été formica-leo , & qui eft d'un genre différent de celui des demoifelles
qui aiment à voler le long des rivières. Quoiqu'elle ait des ailes plus
longues & plus larges que fon corps , fon vol a quelque chofe de
pefant, & le cède beaucoup en agilité au vol des demoifelles les plus
communes. Mais avant d^ra^er de cette jolie mouche , confidérons-
la au berceau & avec fon mafque , c'eft-à-dire , dans l'état de yôr-
mica-leo.
Defcriptioa du Fourmi- Lion ou Formica- Léo,
Il n'y a guère plus de foixante ans qu'on a obfervé cet infede, &
les particularités qui l'ont rendu célèbre. L'on croyoit du temps à' Albert
le Grand que le fourmi-lion avoit été réellement une fourmi, qui après
avoir changé de nature & d'inclination, devenoit formidable à ceux
qui lui avoient donné l'être & les dévoroit. On connoît à préfent le
ridicule de cette opinion. Le nom ûq formica-leo ( lion des fourmis )
qui lui a été donné d'abord par les François , a été généralement
adopté, & ce nom lui convient d'autant mieux, que malgré la rufe
dont cet animal fe fert pour détruire les infedes, il paroît fe plaii'e
DEM 4JP
davantage à attraper des fourmis : il en eft le lion & l'ennemi le plus
redoutable.
Le fourmi-lion qu'il ne faut pas confondre avec \q formica -vulpes,
voyez ce mot, eft un ver ou larve hexapode, & de ceux qui doivent
fe transformer en une mouche à quatre ailes. Il eft de la longueur d'un
cloporte commun , mais plus large ; fa tête eft aflez longue , & fon
corps arrondi en s'alongeant vers la-qùeue; fa couleur eft d'une efpece
de gris fale marqueté de points noirs ; les fix jambes qui foutiennent
le corps , relèvent peu : on remarque trois parties diftindes dans la
longueur de cet animal , le corps , le corfcUt , te la tête. Le corps eft
la partie la plus confidérable ; on y compte onze petits anneaux
membraneux : avec la loupe , on y apperçoit un nombre de poils noirs.
& courts, & des houpes difpofées en nls qui font les organes de la
refpiration de l'infede. Son corfelet eft court & étroit : la première
paire de jambes y eft attachée , les deux autres paires le font aux
deux premiers anneaux du corps : au-deflus de fa tête eft un©;efpece
de cou , dont la position la lui fait remuer en tous fens. Sa tête diffère
<lu commun des infedes ; elle eft plate & plus large à fon bout extérieur,
que par- tout ailleurs. M. de Réaumur y a remarqué deux boûch's$ .bu
trompes placées aux deux extrémités en manière de cornes : elles font
deftinées à pomper le fuc du corps des infeâes dont le formica-leo fe
nourrit. Ces trompes liftes en apparence, font écailleufes, mobiles,
xlures , longues de deux lignes & peuvent aller à la rencontre l'une de
l'autre, comme font les dents des chenUles & de plufieurs autres in--
fecles. Le formica-leo a vers la bafe c^^§ cornes deux petits yeux
noirs, très-vifs, qui lui font appercevoif le moindre objet. Les autres
animaux ont reçu des ailes ou du moins des pieds pour s'avancer fur
leur proie ; celui-ci ne fait que fuir ou marcher à reculons par petites
fecouftes; il ne court point après fa proie, il m.ourroit plutôt de faim
que de faire un pas vers elle; il faut que fa proie vienne le trouver:
il a le fecret de la faire tomber dans une embufcade qu'il lui drefle ;
c'eft l'unique moyen qui lui ait été donné pour vivre : c'eft toute fk
fcience , mais elle lui fuffit.
Difcripùon de lafoffc du Formica- Léo, & riifcs de cet infecte pour fe nourrir,
Lorfque le formica-leo veut attraper les infedes, il fe place ordi-
îiairement fous le pied d'une vieille muraille , pour être à couvert de
J\ï m m 2
la pluie , dans des terrains fecs & compofés de grains fins. Quelquefois
il fait fes trous fous un arbre planté dans un fol aride & grenelé ;
alors le pied de f arbre lui fert de mur, & la pluie ne peut renverfer
fon ouvrage : il eft eflentiel que le terrain foit un fable fec & nîobile
pour obéir à fes efforts. Quand il veut creufer la foffe oii il prend fon
gibier, il commence par coiirber fon derrière qui eft en pointe, & il
l'enfonce comme un foc de charhîe-en labourant le fable à reculons:
ceftainfi qu'il trace à plufieurs reprifes & à petites fecouffes un lillon
circulaire, dont le diamètre fe trouve toujours égal à la profondeur
qu'il veut donner à fa foffe. Sur le bord de ce dernier lillon , il en
creufe un fécond, puis un troiGeme, & enfin d'autres toujours plus
petits que les précédents : il s'enfonce de plus en plus dans le fable
qu'il jette avec fes cornes fur les bords , & même beaucoup plus loin,'
en marchant toujours en arrière fur une ligne fpirale : à mefure qu'il
s'enfonce , fes coups de tête réitérés jettent le fable hors du cercle , &
en Vident peu- à-peu le dedans. Sûr dans fes opérations, il décrit un
cercle parfait , & trace une volute fans compas. Il donne à la pente du
terrain qu'il creufe la plus grande roideur qu'il eft poillble, fans en
.attirer l'éboulement. Sa foffe reffemble affez bien à un cône renverfé,
ou plutôt au dedans d'un entonnoir.
Quand le fourmi-lion eft nouvellement éclos , la foffe qu'il fait eft
fort petite ; mais il l'agrandit en proportion de fon accroiffement ,
jufqu'à lui donner plus de deux pouces de diamètre à fon ouverture,
fur autant de profondeur. Lorfque fon ouvrage eft fini, il fe met en
embufcade «n fe cachant toVù^bn bas fous le fable, de manière que fes
deux cornes embraffent juftement le point qui termine le fond de
l'entonnoir. Le voilà jour & nuit en vedette ; & pour lors malheur
au cloporte , au puceron , à la fourmi , & à tout infecle mal-avifé ,
qui vient roder fur les bords de ce précipice , que le fourmi-lion n'a
fait en pente & dans le fable que pour faire rouler en bas tous ceux
■qui s'y préfenteroient.
C'eft principalement fur la fourmi , que le formica-leo fonde fa
cuifine : elle n'a point d'ailes pour fe tirer de ce trou ; des infedes
ailés y périffent auffi par l'adreffe du chaffeur. Dès qu'il eft averti par
la chute de quelques grains de fable dans la trémie , qu'il y a une
capture à faire , il fe retire quelque peu & ébranle, par fon mouvement ,
le pied de l'architedure en fable , qui s'éboule aulli-tôt &; roule jufqu'au
DEM ^^i
fond, en entraînant fa proie dans les décombres. Sî cette proie eft
agile , Cl elle remonte vite , & fur-tout fi elle a des ailes , le fourmi-
lion fait partir, à diverfes reprifes , quantité de fable qu'il lance plus
haut qu'elle ; c'eft une grêle de pierres pour un animal tel qu'un mou-
cheron ou qu'une fourmi. Aveuglé & accablé de la forte par un déluge
des pierres qui pleuvent de toutes parts , Se entraîné par la mobilité
du fable qui s'écroule fous fes pieds^ttmprudent & malheureux infeéèe,
quel qu'il foit, eft enfeveli dans les ruines & tombe entre les deux ferres
de fon ennemi , qui les lui plonge dans le corps , l'attire violemment
fous le fable & en fait fon repas en le fuçant. Il n'y a que les infedes
trop gros, & ceux dont la peau eft trop dure. pour être percée avec
fes cornes qu'il laifle en liberté. Quand il ne refte plus que le cadavre,
il fe garde bien de le laifler chez lui : un tel afpeft cauferoit la terreur,
& pourroit empêcher de nouvelles vifites. Pour s'en débarralTer, il
l'étend fur fes cornes, & d'un mouvement brufque il le jette adroite-
ment à plus d'un demi-pied du bord de fon embufcade. Si f^ fofle eft
un peu dérangée par cette expédition; fi elle s'eft reniplie, & que
l'ouverture de l'édifice étant devenue trop grande pour la profondeur,
il n'y ait pas affez de pente, il faut le réparer ; nouveaux travaux; il
arrondit , il creufe, il évacue , Ôc enfin fe remet tranquillement à l'aiFût
pour une féconde capture.
Le fourmi-lion fait voir combien la patience & la rufe font néceflaires
dans le métier de Chaffeur. Cet animal pafTe quelquefois les femaines 8c
les mois entiers fans remuer; & ce qui eft plus étonnant , fans m.anger.
Sa fobriété eft telle qu'on en a vu <*fi^-e plus de fix mois dans une
boîte exadement fermée, où il n'y avoit que du fable : néanmoins,
pour ne pas être expofés à un jeûne trop rigoureux, ils favent placer
leur trou dans des lieux fréquentés par les infedes.
Métamorphofc du Formica- Lco en nymphe.
Les formïca-Uo naiffent en été ou en automne , & fe transforment
une ou deux années après ; quelquefois plutôt , d'autrefois plus tard.
Quoi qu'il en foit , quand le fourmi-lion eft parvenu à un certain
âge , & que la nature veut le renouveller pour paroître fous fa der- •
niere forme , alors il ne fait plus de folfe ; mais il fe met à labourer le
fable , & à y tracer une multitude de routes irrégulieres : ce qu'il fait
apparemment pour fe mettre en fueur ; après quoi il fe cache fous le
4^2 DEM
fable , comme dans fon tombeau. La fueur qui îul fort de tout le
corps 5 réunit peut-être tous les grains cju elle touche. Peut-être aulll
le fourrai-lion. attache-t-il tous ces grains avec un fil gluant, & qu'il
s'en forme ainfi une croûte qui le couvre de toutes parts. Qu'on fe
figure une petite boule de cinq ou fix lignes de diamètre, fous laquelle
l'animal conferve encore la liberté de fe mouvoir. Mais il nefe contente
pas d'une muraille toute nue , qi5r4e morfondroit , il fait un autre
ufage de fon fil^ qui eft beaucoup plus délié que celui du ver à foie,
J&: qu'il file à peu-près comme fait faraignée. Il attache ce fil à un
endroit; puis le mené à un autre, & cela en tous fens : fes fils font
croifés & recroifés , j&méme collés les uns fur les autres : il tapilTe
& drape tout l'intérieur de fa retraite d'une très-belle étoffe de foie ,
qui eft comme fatinée & de couleur perlée. Dans cet ouvrage toute
îa propreté & la commodité font pour le dedans ; il ne paroît au-
dehors qu'un peu de. fable. On confond le logis du fourmi-lion avec
la terrje^yoifine ; par-là il fe met à couvert de la recherche des oifeaux
mal-intentionnés : il gagne à être oublié ; il vit en repos; au lieu qu'il
feroit perdu fi des dehors plus écîatans attiroient les yeux fur lui.
Il démeure enfermé de la forte fix femaines ou deux mois, quel-
quefois plus : dans ce temps de repos, fa tête eft entre fes jambes.
Quand il eft temps de changer de figure , il fc dé.:'ait de fes yeux, de
fes poils, de fes pattes, de fes cornes, & de fa première peau. Toute
fa dépouille fe retire au fond de la boule comme un chiftbn. Il refte
de lui une nymphe ou une forme de vermiffeau, qui a d'autres yeux,
d'autres pattes, d'autres entrailles, & quatre ailes membraneufes; le
tout empaqueté fous une pellicule qui paroît n'être autre chofe qu'une
liqueur defféchée , comme il arrive à tous les papillons , lorfqu'ils fe
défont de la dépouille de chenille pour devenir chryfalide.
Métamorphofe du Formica- Léo nymphe , en Mouche ou Demoifelk.
"Dans fétat de nymphe ou de vermiflTeau, fanimal n'a pas plus de
trois lignes de long. Il paroît alors avoir , comme nous venons de le
dire, quatre ailes membraneufes, fix pieds, deux grofles cornes ou
antennes molles & creufes, deux yeux noirs & deux tenailles en forme
de fcie, qui lui fervent de dents. Ce vermifleau refte encore quelque
temps dans fa petite retraite avant que de paroître fous une nouvelle
& dernière forme;^ Le temps de J'eijt.iere métamorphofe étant arrivé 5
#»
DEM 46-^
le? membres du nouvel animal ont acquis la confîfiance & la vigueur
néceflaires : il veut fortir de fa loge ; il déchire la tapiflerie de fa
chambre, & perce en rond la muraille de fa maifon avec Tes dents
qui font toutes femblables à celles des fauterelles : il fait effort ; il
élargit l'ouverture ; il paffe la moitié du corps ; il fort enfin ; c'efl: ainfî
que fe termine la féconde mue de cet infede. Son long corps qui eft
replié circulairement comme uner-volute , & qui n'occupe pas plus d«
trois lignes d'efpace, fe développe , s'étend, & acquiert en un inftant
quinze à feize lignes de long. Ses quatre ailes qui étoient ferrées à
petits plis , & qui n'occupoient dans l'étui ou elles étoient emboîtées,
que l'efpace de deux lignes, fe défroncent,' & 'en deux minutes de-
viennent plus longues que le corps. Enfin le chétif fourmi-lion devient
une grande & belle mouche appelée demoifelU , qui, après avoir été
quelque temps immobile & comme étonnée du fpedacle de la Nature,
fecoue fes ailes & va jouir dans les airs d'une liberté qu'elle n'avoit pas
connue dans Tobfcurité de fa vie précédente. Avec les lambeauîi de fa
première nature, elle a quitté en même temps fa pefanteur, fa férocité
& fes inclinations fanguinaires. Tout eft nouveau en elle : on n'y ap-
perçoit plus que gaieté, qu'agilité, que grâce, noblelfe & dignité.
Si Ton confidere le fourreau membraneux qui n'eft plus ni vermifTeau
vivant, ni deftiné à devenir mouche, on reconnoîtra que cet étui eft
tranfparent, qu'il y a des cornes ou antennes, des yeux, des dents,
des ailes , des pieds , &c. qui étoient les fourreaux de femblables parties
de la demoifelle; on reconnoîtra auilî qu'elle en eft fortie par une
crevaife qui s'eft formée far fon dos proehe de la tête,
La demoifelle commence à fortir de fa coque dans les premiers jours
de Juillet. Lorfqu'elle marche, elle porte fes ailes en forme de toît
au-defius du corps, lequel eft alors entièrement caché. Son corps eft
grisâtre : chaque anneau eft bordé d'un peu de jaune. Les ailes font
une efpece de gaze prefque blanche : on remarque fix ou fept petites
taches brunes fur chacune des fupérieures , & trois ou quatre fur
chacune des inférieures.
A en juger par la force de leurs dents & les différens accompagne^
mens de leur bouche , ces mouches font autant graminivores , qu'elles-
étoient carnivores dans leur premier âge fous la forme de formica- Uo^
Les femelles ont befoin d'être fécondées peu de temps après leur
transformation, M. de Riaumur croit que le nombre de leurs œufs eil
4(5^4 DEM
petit; mais la grofleur en eft aflez confidérable : Ils font cylindriques^
un peu courbés ; la coque en eft dure & un peu rougeâtre. Les mères
pondent ces œufs un à un dans un terrain fablonneux , où , dès que
le petit formica-ko eft éclos , il fe fait une folfe proportionnée à fon
corps, & en peu de temps il devient chaffeur.
Les mâles font plus petits que4es femelles. Ces demoifdUs n'ont pas
les petits yeux lilTes , difpofés en triangle fur la tête , comme plufîeurs
mouches & les dem.oifelles les plus communes.
DEMOISELLE du lion des pucerons, hemerobius. Ceftunetrcs-
jolie mouche, dont le corps eft fort long & femblable à celui des .-.^
loiigues mouches, nommées aulH demoifdks , mais d'un genre très-
différent ; & M. Ddmie. a raifon de dire que ce n eft pas plus une
demoifelle que ïéphéiner& , la phryganie , &c.
Comme ces mouches viennent de vers métamorphofés & nommés
lions, de pucerons , nous croyons devoir commencer par donner l'hiftoire
4e ces Vers.
Defcrlptlon du Lion des Pucerons,
. Le lion-puceron eft un ver-larve à fîx jambes, qui eft l'ennemi des
pucerons , d'où on l'a appelé petit-lion ou lion des pucerons. Ce petit
animal a des cornes femblables à celles du formica ko , avec lefquelles
il fuce les pucerons. Comme il peut marcher en avant avec aftez de
vîtelfe , il va à la chaffe : ces caraderes le diftinguent effentiellement
du forwica-ko qui ne marche qu'à reculons , & qui eft un chafteur
permanent. Le corps du lion-puceron eft alongé & aplati. L'endroit
où il a plus de largeur eft auprès du corfelet; de-là jufqu'au corfele*^
il fe rétrécit infenfiblement , de façon que le bout du derrière eft pointu,'
Le corfelet eft court & porte la première paire de jambes ; les deux autres
paires partent des deux premiers anneaux du corps. Quand le lion^
puceron marche fur les feuilles peuplées de pucerons, il recourbe le
bout de fon derrière ou queue, & s'en fert de manière qu'il lui tient
lieu d'une feptieme jambe : le delïbus de fon corps eft tout ridé & fillonné.
Cette defcription convient à trois genres de lions-pucerons qui dif-
férent entr'eux ou par des mamelons , ou par des aigrettes compofées
de dix à douze poils, ou par les couleurs différentes , foit rouges, foit
çitrincs , ou enfin par les diverfcs grandeurs. Nous en pourrons dire
i^r.core nucîque chofe à larticle de.s ôiv^ejrfes m.ouchee,
Quand
^ÉL..
D E M' 46:;
Quand un de ces vers a faifi un puceron , il le fuce en un infiant.
Le lïon-puuron eft , en naiffant , extrêmement petit ; cependant en
moins de quinze jours il acquiert à-peu-près toute la grandeur à laquelle
il peut parvenir. Lorfqu'un de ces vers peut attraper entre Tes cornes
un autre ver de fon efpece , il le fuce aufli impitoyablement que ^\
x;'étoit un puceron.
Métamorphofc du Lion-Puceron en nymphe.
Au bout de quinze à feize jours de vie ,. cet animal a acquis fa
grofleur, & fe prépare à la métamorphofe. Il (è retire de defTus les
feuilles peuplées de pucerons , & va fe mettre dansées plis de quelques
-autres feuilles ; ou bien il fe fixe dans quelqu'autre place qui lui a
paru commode. Là, avec la filière placée à fa queue, il fe forme une
petite coque ronde d'une foie très -blanche , & dans laquelle il fe
renferme à la manière des clienilles daps leurs chryfalides. Les toôrsdu
fil qui compofe cette coque, font très-ferrés les uns contre \qs autres;
& ce fil étant fort par lui-même, le tiflu fe trouve très-folide. Les
coques des plus grands de ces infedes, ne font pas plus grofïès qu'un
pois. Peu de temps après que cette coque eft finie, ce petit lion sV
transforme en nymphe. Dans l'été , c'eft au bout de trois femaines ;
mais lo-rfque la coque n'a été faite qu'en automne , la nymphe y pafle
tout rhivei , & ne fubit qu'au printemps fa dernière métamorphofe,
Mltamorphofe. du Lion-Puceron nymphe , -en DcmoifeUe,
C'eft dans cette petite retraite ou coque & fous le voile du myftere
•que fe fait le grand travail de la nature : à la dépouille du ver fuccede
\ine petite nymphe retenue dans fon berceau , jufqu'à ce qu'elle aie
'acquis affez de confiftance & de vigueur : ainli la transformation en
nymphe du lion-puceron étant arrivée, cet animal devient, après fa
■dernière métamorphofe , une fort jolie mouche appelée hémérole ou
demoifdk du lion des pucerons. Cette mouche du lion àçs> pucerons a
des ailes plus amples que celles des demoifelles du fourmi-lion; elle
les porte aufïi tout autrement. Quand elle eft en repos, ces ailes
forment alors un toit , au-deflous duquel le corps eft logé. Ces ailes
font plus délicates, plus déliées que la gaze même, & l'on peut lire
facilement au travers. Ce tifiu eft d'un Vert tendre & éclatant; quel-
f^uefois il paroît avoir une teinte d'or, Le vol des hémérobes eft lourd;
Toim IL N n n
4(^? DEM
le corfeîet de ces mouches eft auflî de ce même vert ; maïs ce qu'elles
ont de plus brillant, ce font deux yeux gros & faillans , placés chacun
fur un côté de la tête. Ils font de la couleur du plus beau bronze
rouge, M. Ddmiç obferve qu'elles ont des antennes en filets , cirrq
articles aux tarfes, & n'ont point de petits yeux lifïes. Au refte, les
belles couleurs de l'efpece qu'on vient de décrire, font, dit-il, con-
trebalancées par une fort mauvaifè odeur. Les hémérobes confervent,
après leur métamorphofe-, leur inclination carnafliere : ces infeâies
parfaits non contens de faire la guerre aux pucerons qui fe laiffent
dévorer tranquillement , ne s'épargnent pas entr'eux.
Ces mouches font leurs œufs fur les feuilles du fureau : elles les
attachent au moyen d'une matière vifqueufe , foyeufe que fhémérobe
file en relevant la partie poftérieure de fon ventre. On prendroit alors
ces feuilles pour être chargées de petits boutons de fleurs, ou pour
des plantes parafites. C'eft da^ ces œufs^ foutenus en fair , que fe
fof&ie le ver petit-lion : il perce* par la fuite fa coque, & defcend fur
les feuilles où il trouve des pucerons qui deviennent bientôt fa proie*
Un Savant avcit fait graver dans les Ephémérides d'Allemagne , des
feuilles At fureau chargées de ces ccufs , qu'il avoir pris pour de petites
fleurs très-fingulieres , & dont l'origine lui paroiflbit très -difficile à
expliquer. Feu M, d& Rèaumur , dont la fagacité ne laiffoit rien échapper ,
dévoila la véritable nature de ces fleurs prétendues.
Remarque fur les Mouches Demoifelles*
En général les demoifelles ont une groffe tête en comparaifon de
leurs corps , & elle ne tient à la poitrine que par un filet fort menu ;
elles ont comme les autres mouches & les papillons des ailes fupérieures
& des ailes inférieures. Il y a des demoifelles qui , dans leurs momens
de tranquillité, les tiennent toutes quatre appliquées les unes contre
les autres ; d'autres laiflent voir leurs quatre ailes , en les tenant un
peu écartées les unes des autres , un peu élevées au-deflus du corps.
Les demoifelles de quelque genre & de quelque efpece que ce foit,
n'ont pas plutôt leurs ailes fuffifamment affermies , qu*elles prennent
l'eflbr comme les oifeaux de proie, & pour la même fin. Elles doivent
paffer une partie de leur vie au milieu des airs : elles y font cent tours
& retours pour y découvrir des infeâes ailés plus foibles qu'elles, &:
dont elles s'emparent. Les mâles ont encore un autre objet dans leurs
DEM 457
•Courfes ; c'eft de trouver des femelles auxquelles ils pulfTent s'unir :
leurs amours, & la manière dont ils s'y prennent pour perpétuer leur
efpece conjointement avec leurs femelles , méritent d'être obfervées.
DE?vlOISELLE. Nom donné au carouge, oifeau de Saint-Do-
mingue. Voyez Carouge.
DEMOISELLE de Numidie, ou grue de Numidie, Grus Nu-
mldlca j aut virgo Numidica vulgb diBâ» Oifeau ainfi nommé des anciens
Naturaliftes , de ce qu'il vient de cette Province de l'Afrique , & parce
qu'il a certaines allures qui femblent imiter les geftes & la coquetterie
d'une femme qui afFeâ:e de la gri'ce dans fon port &: dans fa manière
de marcher.
La demoifelle de Niimid'u eft rare. C'eft un oifeau du genre de la
cigogne. Son plumage eft gris & plombé, & comme bleuâtre : elle a
fur la tête des plumes élevées en forme de crête, longues d'un pouce
èc demi ; les côtés de cette crête fontjioirâtres. On remarque a^ coin
de chaque œil un trait de plumes iMlnches & déliées, qui pafTè fous
l'appendice , & qui lui forme des éminences ou des efpeces de grandes
•oreilles. Le devant de fon cou a des plumes noires plus déliées encore
qui pendent fur l'eftomac avec grâce; fes jambes font couvertes d'é-
cailles ; fes ongles font noirs & médiocrement crochus : la plante de fes
l'ieds eft picotée comme du chagrin. On a vu fix de ces oifeaux à la
Ménagerie de Verfailles ( Ton y en voit encore ) ; ils furent difféqués
après leur mort par M. Perrault, Tous ceux qui les y avoient vus
vivans, difoient que leurs geftes & leurs fauts avoient quelque rapport
à la danfe .des Bohémiennes , & qu'ils fautoient en fuivant les gens
qu'ils rencontroient ; de façon qu'ils fembloient plutôt fe faire regarder ,-
que fe faire donner à manger. On leur donnoit les noms de bateleur ,
danfetir ^ bouffon, parajite ^ baladin, antropomime & comédien, à caufe
de leurs attitudes fingulieres , & pour ainfi dire , affedées. Comme
cet oifeau imite les geftes qu'il voit faire aux hommes , on prétend
que les chafleurs qui en veulent prendre ufent d'un fîngulier ftratagême;
ils fe frottent les yeux en leur préfence avec de l'eau qu'ils tirent d'un
vafe ; & enfuite ils s'éloignent en emportant ce vafe , auquel ils en
fubftituent un autre pareil qui eft plein de glu : alors la demoifelle de
Numidie vient auprès du nouveau vafe & fe colle les yeux & les pieds
avec la glu , en imitant les geftes qu'elle a vu faire aux hommeSé
Foyei les Mém, dji CAcad, des Sciences de Paris , lom. j , part, 2»
N n n 2
4^^8 DEM D E N
DEMOISELLE. Petit poiflTon épineux ou armé d'aiguillons , qui
fe trouve aux Indes Orientales. On lui a donné le nom de demoifelle^
à caufe des bandes tranfverfales de différentes couleurs , les plus belles
& les plus vives, qui ornent fa robe. Dans les uns le ventre eft jaune,
le dos eft orné débandes rouges, & les côtés le font de lignes bleues;
dans d'autres de la même efpece, la tête eft rouge & la bouche bleue,
le corps chargé de taches violetïês, quelquefois blanchâtres, mêlées'-
de noir : les aiguillons de ce poiffon fortent de la queue & des na-
geoires»
On donne auflî le nom de demoijW^ç- monjlrueufe au poiffon appelé
marteau. Voyez ce mot.
DEMOISELLE. Petit poiffon de la Côte de Gènes & d'Antibes^
appelé GiRELLA des Italiens. Voye^ Donzelle.
DENDKAGATE. Les Auteurs Naturaliftes ont donné ce nom aux
agates^kerborifces. Voyez Dcndrites.
■pENDRITES , dcnderkes. On donne ce nom à des pierres qui portent
rimage des végétaux. Ces pierres , la plupart opaques , font communes
à Pappenheim& àEifleben en Saxe. On en trouve au ffi en Auvergne,
à G^yereaU près d'Orléans, à Sague dans le Comté de Neufchatel, à
Angerbourg en Pruffe & dans file d'Elbe ; les unes font calcaires
comaie le marbre de Florence , les autres font ignefcentes , comme-
ÏQ grès des environs de Fontainebleau.
Tout le monde connoit cette efpece de peinture naturelle , ces jeux
de la nature dont toutes les variétés ont beaucoup de convenances"
entr'elles par les ramifications , &c. Elles font couchées à plat dans
l'intérieur d'une fente de pierre , ou formées fur des plans réguliers
dans l'endroit de la fraâiure de la pierre : fouvent ces peintures font
auffi corre<5tes que fi c'étoit le pinceau du plus habile Artifte qui les
eût -tracées. Ce font autant de miniatures naturelles, que M. Pluchc
a nommées dcndrophorcs y mais que M. Linnœus a m.ifes au rang des pé-
trifications qui imitent la Peinture. On préfume qu'elles ont été for-
vmées par des fluides chargés , foit de bitumes , foit de minéraux,
diftéremment colorés & comprimés entre deux furfaces, de la même
manière que le broyeur de couleur en produit , lorfqu'il enlevé moins
à plomb fa molette qu'en plan incliné de deffus la matière broyée. La
feule difficulté , eft que dans la nature l'écartement ne peut fe faire
d'une manière uniforme dans lesplônsimmobiles des dendrites ; cependant
BEN - ^69
toutes ces arborifations partent des fentes dont la diredion eft fouvent
parallèle entr'elles : fouvent ces mêmes fentes , en gardant ce parallé-
îifme, coupent le plan, tantôt obliquement, tantôt à angles droits,
ce qui eft caufe que le moindre coup de marteau fait communément
découvrir dans le fein d'une pierre des dendrites difpofées en tous fens.
On appelle pkrrcs herborifécs les dendrites qui repréfentent des vé-
gétaux, & ipomorphius celles qui portent l'image des animaux: on en
fait des tableaux, avec ou fans pièces de rapport, & qui font à^^
plus agréables, quand les pierres, qui leur fervent de toile, peuvent
fouffrir le poli, ^ ^
Aux yeux d'un Phyficien, il ne doit pas pa'roître étonnant qu'un
fluide comprimé ait formé , en s'extravafant &: en fe delTéchant , des
figures qui ont un certain rapport foit avec des corps naturels , foit
avec des produits de l'art : ce fluide peut repréfenter des efpeces de
figures humaines fur des pierres acci4entellement taillées , fculpté^s &
gravées par la nature. Le hafard &' les circonftances locales peuvent
cccafionner des bizarreries dans la conformation des corps pierreux ,
de même que dans la crifl:allifation desfels, qui offrent quelquefois aufli
des ramifications ou des efpeces de dendrites contre les parfois "infé-
rieures du vaiffeau & au-deffus de la liqueur qui leur fert de menftrue,
6c que l'on fait évaporer,
Quant aux noms qu'on donne aux pierres figurées, tout dépend
de la fidion & d'une imagination vive qui fe plaît dans le merveilleux.
Les Amateurs voient fur les belles agates herborifées qui viennent de
Moka, des portraits , des payfages , des buiflbns, des terraffes , des
coteaux , des vergers, des bocages , des forêts de plantes épaiffes, des
vaiiTeaux, un port de mer avec un phare : voyez A^au herborifie^ On
voit auffi fur quelques morceaux de marbre de Florence, des buftes,
des ruines d'architeélure , des lointains, des nuages, un ciel, un cré-
pufcule , ou une aurore , un foleil couchant , un incendie , des pyra-
mides , des obélifques , &c. On préfume bien que la plupart de ces
figures ne font pas toutes tellement caradérifées qu'il ne foit befoin
d'un peu d'imagination pour fuppléer à ce qui leur manque du côté de
la régularité du deflin , nous conviendrons qu'il fe trouve aifez de
perfonnes qui ont autant de fiction à cet égard qu'en a le Poëte dans le
facré Vallon. Les cailloux de Bohême , notamment ceux d'Egypte
offrent aufli difierentes figures. On voit dans ceux-ci des femm.es au
bain, des grotefques de Callot, 6cc. .
470 I> E M
Comme ces fortes de pierres figurées , ou jeux de la Nature , ont de
tout temps été recherchées par les Curieux , Ton doit ctre moins
furpris , fi tant d'Auteurs Phyficiens ont écrit fur les dcndrius, Pline ,
Aldrovandc , Kircker , Bocconc, Agricola, Ferranuimpirad , ont prefque
tous prétendu que la formation des arbuftes figurés fur la pierre , efl
due à certaines exhalaifons d'une matière minérale colorée , qui s'eft
infiltrée dans le fein de la terre ,^^ufques dans les moindres interftices
des pierres. Tel eft le fentiment des Anciens & de bien des Modernes.
Il feroit ridicule de remonter à l'époque du déluge univerfel , pour
amener des plantes étrangères, doiti le dépôt fur, les pierres auroit
formé ces miniatures , il auroit au contraire formé de vraies empreintes.
Les dendrites, quoique régulières en apparence, diiferent cependant
des véritables impreffions de plantes , en ce qu'elles paroiffent toujours
fans racines, fans feuillages reconnoiflables , fans fruits, ni graines
appajr^ntes : elles repréfentent prefque toutes des parties de peupliers ,
de^ ifs, des picea, ou des mélèzes, ou des moufles fines. Mais l'illufion
céfle lorfqu'on les compare avec les corps naturels ; elles ne font au
fond que_^ des figures , des images , des apparences , des ombres de
yjégéidiwx^Çonfultii^ les favantes Diflertations fur les dendrites des
Dodeurs Scheuchicr & Salerm , & de M. l'Abbé de Sauvages. Voyez
Jeux delà Nature ^ Empreintes Gt' pierres figurées (a).
DENDROITES , dendroites. On donne ce nom à toute efpece de
foflile qui eft ramifié , ou qui a des branches comme les arbres ; telle
£ft la 7nlne d'argent ramifiée , &c, on les appelle aufll dendromorphes^
( j. ) M. Ddcuic dit qu'il efl: à remarquer , d'après ce qui eft obfervé ci-deiïus ,
que les ramifications des deflins qu'on voie fur les dendrites , ont ordinairement
pour bafe un trait brun ou noir , qui eft une fente de la pierre j que fi cette fente
traverfe l'épaifleur d'une plaque , on voit fur les deux furfaces de cette plaque des
traits ramifiés qui aboutiffent à cette fente , & que les parois de la fente , même
dans l'épaifTeur de la plaque , font couvertes d'une teinte pleine de la matière colo-
rante qui forme les deffms. Ne pourroit-on pas conjetflurer , dit IM. Dcleu^e , que
cette matière colorante , quelle qu'elle foit , ctoit renfermée primitivem.ent entre les
couches de la pierre lors de la formation ; que s'y étant fait enfuite de nouvelles
crevaiTes dans TépaifTeur des feuillets , la matière colorante s'y eft portée , & s'eft
arrangée en lignes ramifiées par un mécanifme pareil à celui des végétations métal*
iiques^ dont le procédé eft décrit dans les Jl/cmoires du CAcidànic des Sciçnces,
.^g, 173 ï. Vojei Cbryfobate,
DEN 471
BENDROLITES. Nom donné à des parties de végétaux en arbres
& pétrifiés, Ceft ce qu'on appelle hois pétrifié. Voyez à l'article
Pétrifications,
DENDROPHORE. Foye^ Dendrites.
DENTAIRE , d&ntaria. Plante qui croît aux lieux montagneux
& ombrageux , & dont on oonnoît quatre efpeces.
La première poufTe, de fa racine écailleufe ou dentée & blanchâtre ,
une tige haute d'un pied , qui porte fur une côte fept feuilles oblon^
gueSj pointues, verdâtres & dentelées tout autour, rudes au tou-
cher : fes fleurs nailTent attachées à des pédicules femblables à celles
du giroflier , blanchâtres & difpofées en croix : à chaque fleur fuccede
une filique remplie dje femences rondes.
La féconde efpece diffère de la précédente par fa petiteflfe & par fes
fleurs purpurines : elle porte cinq feuilles. M. Linnœus prétend que
cette efpece n'eft qu'une variété de la précédente, . , "' •-'',^.
La troifîeme , outre les filiques , poufle entre les aiflelles desfeuilres
certains tubercules écailleux , noirâtres èc de mauvais goût ; ces
tubercules font de petites racines , qui en fe détachant de ideflus la
plante , tombent dans la terre , & produifent chacune une^ nouvelle
plante dentaire : elle porte fept feuilles.
La quatrième efpece a des fleurs de couleur herbeufe & d'un goût
fort mordicant : elle porte neuf feuilles.
Ce qui fait paroître les racines de la dentaire articulées , ce font
les premières feuilles qui font oblitérées , & dont il ne refte que l'o-
rigine des pédicules fous la forme d'écaillés orbiculaires, charnues &
imbriquées.
Toutes les dentaires font carminatives & vulnéraires i on emploie
les deux premières intérieurement, & les deux autres extérieurement,
DENTAIRE OROB ANCHE , dcntaria orobranche. Plante qui
croît fous les arbres & aux lieux ombrageux : on en diftingue trois
efpeces,
La première pouffe de fa racine tuberculeufe &: dentée une tige
haute d'un pied, groffe comme le petit doigt, ronde, fragile & pul-
peufe'; elle n'a point de feuilles, mais il naît à leur place certaines
oreillettes membraneufes. Ses fleurs font en tuyau, évafées , & d'un-
pourpre mêlé de blanc; elles contiennent quatre étamines , dont deux
font plus longues que les autres, A ces fleurs fuccedent des fruits
•472 D E N
gros comme de moyennes cerifes, renfermés à moitié' dans un calice velu
ou feuillu : chaque fruit contient un nombre de petites femences rondes
& noirâtres: toute la plante a un goût aqueu"x : un peu amer & acerbe,
La féconde efpece eft plus petite , & fes fleurs font moins nom-
breufes : fa tige eft tranfparente.
La troifieme efpece eft unfi^..^lante bafte , pleine de fuc; fes fleurs
font petites , un peu femblables à celles de Torchis : fa racine eft ra-
meufe .di blanche.
On a vu de grands fuccès de ces plantes pour les ulcereî du pou-
mon , pour les hernies & la colique.
DENTALE, <jV/2w/////;?. Petit coquillage univalve, non contourné,'
de Tordre ou famille des tuyaux de mer. Voyez ce mot. Sa figure eft
conique; il eft étroit, long, cannelé longitudinalement , & courbé
un peu en iirc , blanc par la pointe , ordinairement verdâtre par la
p^lie la plus renflée. On le trouve fur les côtes d'Angleterre, &
«irielquefois fur celles de Normandie. L'animal qui habite cette co-
quille , n'a point de pattes en panache comme celui de Tantale , ou
même il< n en a point ; il manque aufli d'opercule. Il a à fa partie
inférieure' un pied ou empâtement. Des Charlatans Italiens prétendent
qùè les" dentales portées en amulette & pendues au cou , guériflent
de Tefquinancie : que de malades font les vidimes de cette erreur !
On nomme les dentales foildes dentalites.
Quelques Auteurs rangent avec ces corps les Vitiàtcs ou tuyaux
cloifonnés ; Voyc^ Okthocératites : ils y rapportent aulTi les a/Wo/^jr
pu noyaux de ces foffiles , lefquels font faits comme des paquets de
verres de montres empilés , & formant un cône tronqué, & qui
appartiennent à des vermiifeaux teftacées & cloifonnés.
• DENTALE , DANTÂLE , Dente ou Maemot , dtnux. On
donne ce nom à' un poiftbn du genre des fpares , qui forti de l'eau,
s'agite ^ palpite toujours ; il vit proche des rivages autour des rochers
dans la Méditerranée : il reflemble un peu à la dorade par la figure,
les nageoires , les aiguillons , les écailles & la couleur qui tire entre
le rouge & le blanc. Ses écailles font légèrement tachetées : il a quatre
dents à chaque mâchoire qui fe diftinguent parmi les petites. Le den-
tale de la mer Baltique devient plus grand que celui de la Méditer-
ranée. Ce poi0bn étant petit eft le fynagns de bien des Auteurs ,
.& (juand il eft devenu très - grand ^ c'eft le fynodçn^
PENT.
D E N. '47 3
DENT DE CHIEN , dens canis. Plante que l'on cultive quel-
quefois dans les jardins , & qui croît aux lieux montagneux : on en
connoît de deux efpeces.
La première poufTe de fa racine oblongue , charnue , fibreufe , &?
faite en dent de chien , deux autres feuilles marbrées & rampantes à
terre , femblables à celles du lys des volées. Il s'élève d'entr'elles un
gros pédicule rouge , portant une belle fleur à fix feuilles , reco-
quillée vers le haut & marbrées , ayant en leur milieu fîx étamines
purpurines : à ces fleurs fuccede un fruit marbré , arrondi & relevé
par trois petits angles , renfermant dans trois loges des femences
oblongues & jaunâtres.
^ La deuxième efpece a des feuilles plus longues & plus étroites , la
fleur plus grande , & la racine plus grofle.
On ne fe fert que des racines de ces plantes pour amollir & réfoudre
les tumeurs. -
DENT DE LION ou PISSENLIT , dens ieoms. Ceft une planté
haiTe très-commune dans tous les environs de Paris , & que l'on
cultive aulîi dans les jardins; elle a une racine laiteufe, delà grofleui*
du petit doigt ; fes feuilles font oblongues , médiocrement larges ,
découpées comime celles de la chicorée fauvage, & couchées fur terre:
il s'élève d'enîr'elles des pédicules longs d'une palme, ronds, nuds,
lîftuleux , tendres , un peu velus , rougeâtres , quoiqu'empreints d'un
fuc laiteux , foutenant en leur fommet une belle fleur compofée de
demi-fleurons jaunâtres , d'une odeur afl'ez agréable ; à cette fleur
fuccedent des graines rougeâtres , garnies d'aigrettes , & dont l'ar-
rangement offre un afped: agréable , elles font difpofées en rond ;
CCS femences tombent dans leur m.aturité , & elles font emportées par
le vent : les enfans en font autant par le fouffle , c'efl: un amufement
pour eux. On appelle léig de Moine la couche chauve qui refl:e après
la chute de la fleur.
Toutes les parties de cette plante font ameres , un peu aflringentes
& remplies d'un fuc laiteux : on ne fait ufage que de la racine & des
feuilles : elles font efliimées , comme les autres chicoracées , vulnéraires,
fébrifuges & apéritives , propres dans les obfl:ru<5lions du foie & du
méfentere , & dans toutes les efpeces de jaunifle. Au printemps on
mange aufli les feuilles tendres du pilTenlit en falade , & cuites à l'eau
Tome IL O 0 o •
474 D E N
. avec le beurre frais ou au bouillon de viande, M. Bourgeois dit qu'on
,en fert Tur les meilleures tables , & beaucoup de perfonnes les pré-
fèrent aux épinards : c'eft un aliment fort fain.
DENTS 5 dénies. Ce meuble eft précieux à prefque toutes les
cfpeces du règne animal : c'eft un inftrument qui par la trituration
prépare à l'eftomac des aliq^ens folides , dont la digeftion difficile
pourroit fatiguer , & même altérer ce vifcere. Ce font les os les plus
durs & les plus compaéles de ceux du corps humain èc même des
brutes. Toutes les efpeces dé dents de l'une & de l'autre mâchoire
-font l'ornement de la bouche , notamment chez les humains : leur
email d'une blancheur éclatante eft relevé ou par des lèvres d'un
beau rouge de corail, ou d'un beau noir d'ébene. C'eft de toutes les
parties du corps celles qui lui coûtent le plus à acquérir & à conferver.
Les dents ont une figure , une dirpofition & un arrangement des
plusadipirables : elles font d'autant plus fortes qu'elles approchent
-^lus du centre de mouvement; elles font placées dans des loges par-
ticulières' qu'on nomme alvéoles ; elles y font affermies par une articu-
lation en:fftrme de cheville , appellée gomphofe. Il y a trois fortes
.::.4é dents' JÎàns la plupart des animaux & notamment chez l'homme,
-'Cëlies qui font dans la partie antérieure de chaque mâchoire , fe
nomm-ent incijives ; elles font larges , minces & plates , quelques-uns
les appellent dents de primeur , primons , parce qu'elles paroifïent les
premières : d'autres les nomment dents de lait , laclei ; &: d'autres
rieufes , ridentes , parce qu'elles fe montrent les premières quand on
rit. Les dents canines qui fe trouvent entre les incijïves & les molaires ^
font (à la mâchoire fupérieure) celles que le peuple nomme œillens
ou dents de l'œil , parce qu'une partie du nerf qui fait mouvoir les
yeux s'y diftribue , & de-là le danger de les tirer : enfin les molaires
font celles qui fervent à la maftication. Les premières n'ont qu'une
racine, les canines en ont quelquefois deux; & les molaires en ont
fouvent trois & quatre. A mefure que les dents veulent fortir, la
■gencive devient molle & vermeille. Jufqu'à ce temps la matière de
la dent eft vifqueufe 5; molle. Foye\ à la fuite du mot Homme.
Les dents, félon Peyer^ font formées depdlicuîes repliées, durcies
& jointes enfemble par une mucofité vifqueufe. Si l'on examine les
dents du cerf, du cheval , du mouton , &c. on trouvera que le fen-
timent de cet Auteur eft bien fondé, M, de, la Hirc , le jeune ^ a
-'iK .
D E N ^ 47^
obfervé que le corps de la dent eft couvert d'une fubftance particulière
& blanche , appellée émail j entièrement différente de celle du refte de
la dent qui eft jaune. Cet émail, appelle jomo/?^, <^oïff& ou croûte, par
quelques Auteurs , eft compofé d'une infinité de petites fibres qui
s'oîlifient par leurs racines , à peu près comme font les ongles on
les cornes. Tout cela fe difcerne facUenrent dans une dent caflee. Si
par quelqu'accident un petit morceau de cet émail fe trouve décapé ,
enlevé , Tos de la dent reftera niid ; mais ne pouvant fouffrir le contad
de l'air ou d'une liqueur froide, il fe cariera : de-là l'imprudence d'ufer
trop l'émail des dents à force de dentifrices. Les dents ne font point
fenlibles par elles-mêmes ;• il n'y a que les nerfs qui s'y diftribuent :
de plus l'émail eft la feule partie des dents qui croît. Les cauftiques
& les liqueurs fjDiritueufes appaifent les maux de dents , mais il eft
dangereux d'en faire ufage.
Plus on examine la figure des dents dans les différens anini&ux qui
en font jK)urvus , & plus on les trouve exadement proportionnées !à
la nourriture particulière & aux befoins de chaque individu : ain(î
dans les animaux carnafiiers elles font propres à faifir/,- à tenir, à
<iéchirer la proie. Dans les animaux qui vivent d'herbia'gès-, ^lies,.
font propres à ramalTer & à brifer lès végétaux. Il y a des poifTons
qui ont leurs dents à la langue comme la truite, ou au fond du gofier
comme le merlus : d'autres ont trois, quatre ou cinq rangs de dents à
la même mâchoire, comme les chiens de m.er. Les écreviifes de mer
ont trois dents placées au fond de leur efcomac , accompagnées de
mufcles qui fervent à les m.ouvoir. On trouve un tableau frappant de
la différence des à^Vit^ , de leur difpofition , &c. en examinant les
mâchoires de Thomme^ du requin, du crocodile, delà vipère, du
tigre, de l'ours, du loup, du lion, du bœuf, ( le genre à^^ qua-
drupèdes ruminans n'ont point de dents incifives à la mâchoire fiapé-
rieure ) du chameau , du cerf, du cheval , du caftor , du lapin , du
cochon, du finge, de l'éléphant, delà dorade, &c. Les dents de la
baleine de Groenland font d'une nature analogue à celles des cornes
ongulées des animaux quadrupèdes. Terminons par dire que les dents
artificielles fe font ordinairement ou avec l'ivoirô , ou avec i'os de la
jambe d'un bœuf, ou avec les dents de cheval de rivière , qui eft
l'hippopotame. Voyc^^ Os, Ces dents fa<flices imitent allez les dents
O O O 2
\n<^ D E N D E P
naturelles, mais elles n'en ont ni l'utilité ni la beauté, elles jaunififerït
& s'amolliflent.
DENTS FOSSILES ou PÉTRIFIÉES , dmus fojjlks. On donne
ce nom à toutes fortes de dents d'animaux , tant quadrupèdes que
poifTons , & qui font improprement connues fous les noms de dent de
ferpent ou glojjopetrc , hufomtt Q^^crapaudine , & Yvoin fo[p.U. Voyez
ces mots.
DENTELAIRE ou HERBE AU CANCER , dmidlarla , aut
■ plumbago. Plante qui croît aux pays chauds de l'Europe ; fa racine
eft fort fibreufe, & pouffe plufieurs tiges cannelées à la hauteur de
deux pieds ou environ ; fes feuilles font dentelées & femblables à celles
de la conife : fes fleurs, de couleur .purpurine , font monopétales en
tube évafé , dont le limbe eft divifé en cinq quartiers. Elles ont cinq
étamines attachées à autant d'écaillés qui ferment le bas de la corolle»
Il n'y a qu'un piftil dont le ftigmate eft fendu en cinq. Ces fleurs fe
changent chacune en une capfule qui contient une femence pointue
comme uh grain de feigle & farineufe. Cette plante eft eftimée propre
à ^uérir^tes cors des pieds, & les durillons qui fe forment proche le
fond9l6:eî1t en allant à cheval. Rondeht prétend que c'eft un puiffant
cauftique ; & perfonne n'ignore l'hiftoire de cette fille , qui fe trouva
écorchée vive pour s'en être frottée dans le deffein de guérir de la gale.
On tire avantage de la vertu cauftique de la dentelaire pour guérir
les cancers invétérés & cenfés incurables par leur adhérence à des
parties offeufes. On en fait infufer les feuilles dans de l'huile d'olive ^
dont on oint trois fois par jour les ulcères chancreux , jufqu'à ce que
l'efcare noire foit encroûtée , pour que le malade ne fouffre plus de
vives douleurs par cette application; ce qui va à quinze jours environ,
La racine au plumbago ou dentelaire d'Afrique, d'Amérique & d'Ane
eft acre , cependant un peu fucrée & aromatique ; les Nègres & les
Indiens en boivent la décoélion , pour exciter le vomiflement & les
urines , lorfqu'ils ont été bleffes par quelques bêtes venimeufes. Cette
même racine eft falivaire , & imprime une couleur plombée aux
dents.
DENTELLE I}E MER. Nom donné à Vcf carre, Foye^ c& mot à
la fuite de r article CoRALLiNES.
DEPONE. Nom d'un grand & rare ferpent du Mexique , orné
de taches diiFéremment colorées. Sa tête eft extrêmement grande ôc
D E P .477
garnie de mâchoires armées , tant en haut qu'en bas , de dents lon-
gues , tranchantes , & affermies dans leurs alvéoles , comme dans le
brochet. Parmi ces dents on en diftingue dans la mâchoire fupérieure
deux principales , qu'on peut nommer défenfes , & que n'ont point
Jes ferpens , même plus grands. Ces défenfes ne font point cachées
dans un fourreau fitué le long de la inâchoire , mais dans le râtelier
inférieur. Ses yeux font fi gros 5c fi grands , qu'ils lui donnent un
afped horrible. Quoique les écailles de fon front foient arrangées
avec beaucoup d'art, on remarque , avec plus .de plaifir encore, la
grande & double chaîne des écailles qui tapiflent fon dos , & dont les
bouts font joints enfembîe en manière de bouclier. Les côtés font
ornés & armés tout à la fois d'écaillés quadranguiaires ou rhomboï-
dales, marbrées de vaftes taches fphériques ;/ celles du ventre font
tranfverfales , amples , paillées & relevées d'une moucheture roufi'â-
itre : fes taches ornent également fa queue qui efî; grêle , Jongue &
pointue. On prétend que ces fortes de ferpens font faifis de frayeur
à la vue d'un homme ; ils font attaqués d'une efpece fingùliere" de
poux qui fe fourrent entre leurs écailles , les mordent , ,&, les dé-
fblent. ^ "''v^^^"" '
Ces poux , qui en général font le fléau des ferpens , ont Cix pieds
en devant, cachés fous la tête, & leur derrière eft cafqué comme
une tortue.
DEPOT. En Hiftoire Naturelle on donne ce nom à des fubftances
terreufes ou minérales chariées par l'eau & précipitées fous différentes
formes. Il y a les dépôts pierreux ; roje^ à rarticlc Staladlites ; les
dépôts métalliques ; voye:^ à Vartick Cuivre. Les atterriifemens font
aullî des efpeces de dépôts. Voyi\^ ÂtterriiTement.
DEPOUILLE DE SERPENT , fmccla anguium. On donne ce
nom à la peau que le ferpent quitte quand il mue : on la trouve tantôt
entre les pierres , tantôt dans des trous en terre , quelquefois fous
des racines d'arbres : on fe fervoit beaucoup autrefois de cette vieille
peau de ferpent pour les douleurs des oreilles , des dents & des yeux :
on la faifoit infufer , & on fe gargarifoit ou on étuvoit la partie ma-
lade : on étoit aulîi dans l'ufage de brûler & de réduire en cendre
ces peaux, & de cette poudre on s'en frottoit pour guérir la gale.
Quelquefois encore les fem.mes enceintes en portent fur les reins pour
empêcher l'avortement , & aux cuifTes pour faciliter l'accouchement:
478 D E R DES
tant ed grand le préjugé ! M. le Doâeur Sanchci nous a affuré que
la dépouille de ferpent , mêlée avec un peu d'huile & de l'avoine ,
guériflbit la morve d'un cheval qui en faifoit ufage pendant un
mois.
DERBIO. Voyci Glaucus.
DERMESTES. On donne-^e nom à un genre d'infedes coléop-
tères , qui font des Jcatabées dijpqucurs , & dont le caradere eft d'avoir
les antennes en forme de mafiue , & à feuillets pofés tranfverfalement
& enfilés à une tige.. Dans- leur premier état ils ont la forme de vers
à fix- jambes, àiïons lavés' hexapodes , à tête écaille ufe, & la plupart
afîez velus. Les Naturalises connoiflent vingt-deux efpeces ou varié-
tés de cet infede , dont une partie s'attache volontiers pendant
robfcurité aux charognes , aux cadavres, à la viande & au lard, fur
les habits , dans les tapifleries , furies végétaux, autour des fenêtres,
& dans la fiente du cheval , même dans le fumier à moitié pourri.
Prefque toutes , principalement leurs larves , font le fiéau des peaux
delTéchées des animaux, foit à poil ou à plume, ainfi qu'on l'obferve
dans les .Cabinets des Curieux , où l'on garde des animaux empaillés,
ou conlervés autrement que dans les liqueurs. La plupart des fcara-
bées difTéqueùrs./ quand on les touche, replient leurs pieds & leurs
antennes , les cachent & reftent comme immobiles jufqu'à ce qu'ils fd
croient hors de danger. On ne peut les forcer à fortir de cet état
d'insdion en les piquant & les déchirant. Il n'y a que la chaleur un
peu forte qui les oblige de reprendre leur mouvement pour s'enfuir.
Le dermejles à points de Hongrie , qui fe trouve dans les bois , eft un
des plus grands de ce genre , exhale une odeur infede , rend une
liqueur fétide,- fe jette avec voracité fur les limaçons & les infedes
qu'il peut attraper; il fait entendre un cri plaintif qui imite le bruit
d'un fer chaud trempé dans l'eau & retiré fur le champ. Ses pinces
font redoutables. Foye^^ V article Scarabée,
DERRY. Voyti Darry.
DÉSERT , eft une contrée non habitée & fouvent ftérile relati-
vement à fon fonds , qui eft ou pierreux ou fablonneux.
DESMAN. Efpece de rat mufqué , particulier à la Laponie & à la
IV^ofcovie , diffèrent du rat mufqué des Antilles & du Canada, Voye:^
fi, r article Rat MUSQUÉ,
DESTRUCTEUR DES CHENILLES. Çoèdart donne , ^vçc
DES D E T 47P
raifon , ce nom à un ver ou larve qui a au-devant de la tcte deux
pinces, qui étant ferrées, forment un anneau, & dont il fe fert
pour attraper adroitement les chenilles par le ventre , en fort*
qu'elles y demeurent attachées.
Ce ver eft d'un beau jaune luifant , & eft fi bien armé , qu'il peut
aifément nuire à toutes fortes de^Jienilles. Quand il a blefTé avec fes
cornes une chenille , celle - ci fe tourmente fort & s'élance de tous
côtés , pendant que le ver demeure tout étendu , comme s'il étoit
mort : on remarque, qu'après que le ver l'a quittée , Tendroit où il l'a
pincée , s'enfle aufli-tôt , ce qui paroît être l'effet d'une forte de venin
qu'il jette.
Cet infedle qui coopère à détruire les chenilles , fouffre aifément
le froid ; il fe retire dans la terre : fi on le jette au feu , il produit
une flamme femblable à celle que produit l'huile qui brûle. Ce ver
ne vit guère plus de deux jours dans l'état de larve > après fk" 'm éta-
morphofe , il /devient un animal ailé , armé de deux crochets, dont il
fe fert pour percer les œufs des fourmis & des taupes-grillons , dont
il eft avide. On fappelle alors mange, » œufs de grillons ; mms ce petit
animal , ennemi de prefque tous les infedes , tombQ'à fon tour dang
les pièges du taupe-grillon qui le dévore. •
DESTRUCTEUR DES CROCODILES, (krokodillen-doodcr,)
Les Hollandois donnent ce nom à ïichneumon,,
DETROIT , fretum. Nom que les Géographes donnent à une mer
étroite ou refferrée des deux côtés par les terres , & qui ne laifle
qu'un petit paflage pour aller d'une mer à une autre , tels font le
Détroit du Sund , celui du Eelt, les Dardanelles, le Détroit de
Veïgatz entre la Mofcovie & la Nouvelle Zembie. Les Détroits de
, Davis , d'Hudfon , de Bahama, de Magellan, ou de Magalhacns
en Amérique. Le Détroit le plus fréquenté eft celui de Gibraltar ,
qui fépare l'Europe de l'Afrique > &; joint la Méditerranée avec l'Océan
Atlantique. Le Détroit qui fépare la France d'avec l'Angleterre s'ap-
pe.le le Pas de Calais. Fannius croit que les Détroits & les Golfes
ont été formés pour la plupart par l'irruption de la mer dans les
terres. Une des preuves qu'il en apporte , c'eft qu'on ne trouve
prefque point d'Iles dans le milieu des grandes mers , & jam^lis
beaucoup d'Iles voifînes les unes des autres. M. de Buffon , Hijlolre
NaturdU , /ow. /, obferve que la dire'^ion de la plupart des Détroits
'4?!o DE V D î A
efi: d'Orient eîi Occident ; ce qu'on attribue à un mouvement ou
effort général des eaux de la mer dans ce fens. Il y a encore dans
la Méditerranée, entre la Sicile & la Calabre ultérieure, un Détroit
connu fous le nom de Fare de Messine , Fretum Siculum, Ce canal
éft aflez connu par fon flux & reflux qui s*y fait de fix heures en fix
heures avec une extrême rapidité k. comme aufll par fes courans , qui
allant tantôt dans la mer de Tofcane , & tantôt dans la mer de Sicile , ont
donné lieu à tout ce que les Anciens ont dit de Scylla & de Carybde.
Ce dernier eft un cfourant d'eau , que les Matelots craignoient beau-
coup autrefois , &: qu'on affronte aujourd'hui fans péril par le moyen
des barques plates, Voye^^ Mer.
DEVIDOIR. Nom donné par les Hollandois à une coquille bi-
valve de la famille des huîtres ; les François l'appellent la bijlournce,
en Latin ojlreum tortuofum. Cette rare coquille efl: blanche , nuée de
fauve 3 a deux faces ; l'une triangulaire, l'autre en demi-cœur alongé,
pxefque planes & a équerre dans la valve fupérieure , convexe dans
l'inférieure ; contournée l'une fur l'autre , de manière à fe joindre
plys ou .m©itîs exaélement : fa robe eft charfiée de ftries longitudinales
qui partent du fommet : la charnière eft formée d'un grand nombre de
petites eiitailles qui régnent dans prefque toute l'étendue du fommet
de chaque valve.
DÉVORANTE. Voyc^^ JvIouche dévorante.
DEZ FOSSILES , tejjcriz Badcnfis vd foffîlcs. On les trouve à
quelques pieds de profondeur dans la terre près deZurzach & de Bade
en Suiffe. Ces dez font en tout femblables à ceux dont nous nous
fervons aujourd'hui ; ils font feulement plus petits; il y en a qui fem-
blent être d'os , d'autres de bois , & d'autres de terre cuite. Scheu-
dqer & Jltmann ont démontré que ces dez font l'ouvrage de fart ,
qu'ils fervoient autrefois pour jouer , & qu'ils font marqués pour cela.
Le lieu où on les trouve, fait foupçonner qu'il peut y en avoir eu
autrefois une fabrique , ou qu'ils y ont fervi à l'amufement des Lé-
gions Romaines qui ont féjourné dans ces Contrées , & qui ne jouoient
alors qu'ayecdes poignées de dez ; ces prétendus dez foffiles ont été
-tellement recherchés, & deviennent aduellement fi rares , que quel-
ques Ouvriers de ces lieux-îà les ont contrefaits pour attraper l'argent
des Voyageurs curieux.
DIABLE. Foyei à Cartkk PrOjCigale,
PÏAELE.
D I A 481
DIABLE. . Les habîtans des Antilles appellent aînfî un oifeau de
nuit fort laid à voir. Il a la figure d'un canard , le regard effrayant ,
le plumage tiqueté de noir & de blanc ; il fait, comme les lapins , des
trous en terre qui lui fervent de nids. Cet oifeau habite les plus
hautes montagnes , & n en defcend que pendant la nuit : fon cri eft
lugubre; mais fa chair eft très-bopne à manger, Hijloin NaturdU des
Antilles, tome IL
DIABLE DE JAVA ET DE TAVOYEN ou TAYVEN. Foyê^
à VanicU Lfzaed fcailleux.
DIABLE DE MER. Ceft notre macreufe , dont le plumage efl
îout-à- fait noir , à l'exception d'une tache blanche fur la tête : voytT^
Macreuse. On donne aulîi le nom de diahU d&- mer on pêcheur marin ,
ranâ pifcatrix , au poifl'on cartilagineux que /^o/z^e/ef a nommé ^^/^z/z^ct.
Voyez ce mot & l'article qui fuit.
DIABLE DE MER. Les Pécheurs des côtes d'Afrique donnent
ce nom à un monftre qu'ils prennent quelquefois , & dont on voit, la
dépouille dans les cabinets des Naturaliftes. Cet animal, :quî a en
grand la figure qu'un têtard a en petit , a environ quatre--^ieds de
îong & un pied d'épaifleur ; fon dos eft chargé d'une bolîe armée- dfe
quelques aiguillons femblables à ceux des hériffons ; fa tête , qui
eft plus groife que le refte du corps , eft plate, circulaire, garnie
de petites boffes, entre lefquelles on voit deux yeux plus ou moins
noirs & gros ; fa gueule, qui eft extraordinairement fendue, eft
armée de plufieurs rangs de dents fort aiguës , dont il y en a deux
de crochues , comme celles du fanglier. La mâchoire fupérieure eft
plus courte que l'inférieure; ce qui eft caufe que fa bouche eft toujours
ouverte. Sa langue eft large , comme cartilagineufe , & n'eft point
détachée du palais. La quantité de dents qui fe voient aux mâchoires»
dans l'arriére - bouche , fur la langue, & au fond de la gorge, ne
contribue pas peu à rendre cette gueule effroyable. Les petites dents
qui font vacillantes , font courbées du côté de l'intérieur de la bouche.
Ses nageoires qui font très-fortes , très-étendues , & dont les rayons
font cartilagineux , ont leurs extrémités dentelées ou feftçpnées. Les
nageoires pedorales font en forme de mains ou de pieds jW& la peau .
en eft fort dure & rude. Cet animal a en tout cinq nageoires & une
xjueue affez large ; aucune apparence de narines au dehors. Les ouies
ou braachies font , dit Jrudi , au nombre de trois de chaque côté.
Tome Jlt P P P
^tî t) î A
6a peau eft épaifîej onâmeufe, fans écailles, brune Se marquetée fur
le dos , blanche fur le ventre. Le contour de fa mâchoire intérieure
eft garni d'appendices cutanées , en forme de barbes , qui fe trouvent
auffi à toute la circonférence du corps. On prétend que ce qui lui
a fait donner le nom de diable de mer , font deux cornes noires affez
pointues, longues de neuf pouces , qu'il a au-deffas des yeux ou
du mufle , & qui fe recourbent fur fon dos , comme celles du bélier.
Sa figure hidcufe , fon regard de côté , fa gueule énorm^e , tout
répond afiez à Tidée fantaflique que l'on s'eft formée de l'être mal-
faifant , fur-tout quand on lui a retiré les entrailles , & qu'on lui pailè
une bougie allumée dans le corps ; car il paroît alors un monftre
des plus efFrayans. Sa chair eft un poifon qui provoque des vomifle-
mens & àcs défaillances qui cauferoient bientôt la mort , fi on n'y
remiédjoit par quelque antidote.
On trouve encore une autre forte de diable de mer ^ dont la chair
n'eft pas fi venimeufe , mais qui n'eft pas moins hideux à voir,
quoique' la figure en foit différente. Les plus grands n'ont guère qu'un
pied de. longueur & autant de largeur. Quand ils veulent , ils s'enflent
tellement-', qu'ils paroiflent aufli ronds qu'une boule : ils ont en petit
les mêmes yeux & les mêmes dents que l'efpece précédente, avec une
feule corne ; leur queue eft faite comme une rame ; ils ont une forte
nageoire fur le dos , & une autre fous le ventre. On leur remarque
aufli deux faufles pattes ou nageoires fur les côtés ; chacune d'elle a
huit doigts, munis d'ongles aflez piquans. Leur peau eft hériflee
comme celle du requin , excepté fous le ventre ,, où elle eft tachetée
& comme ondulée de noir.
Sur la côte d'Or & fur la côte d'Yvoire , en Afrique, on trouve
une efpece de raie, que les habitans appellent aufli diable de mer. Ce
poiifon eft long de vingt- cinq pieds , & large de dix-huit, fur trois
d'épaifleur : fes côtés font garnis d'angles faillans , auflî durs que la
corne , & dont les coups font très - dangereux. Sa queue eft longue
comme un fouet , & armée d'une pointe aflèz redoutable. Le dos eft
armé de pointes longues de deux pouces , & aiguës comme des clous :•
fa téi?€, qui eft jointe immédiatement au corps, eft garnie de dents
plates & tranchantes. Pour rendre cet animal plus inévitable , \a.
Nature lui a, dit-on, donné quatre yeux; il en a deux près du gofier,
qui font ronds & fort grands 3 deux autres fur la tête vers les côtés y
D î A 4Bs
maïs plus petits. A chaque côté du gofier , il y a trois cornes de
longueur & d'e'paifleur différentes : celle du milieu , au côté droit ,
eft longue de trois pieds , fur un pouce & demi de large : celle du
milieu , du côté gauche , efl plus petite : heureufement que ces cornes
font flexibles , & peuvent nuire difficilement. La peau de cet animal
eft rude & feche comme celle du requin. Sa chair eft coriace & de
mauvais goût ; fon foie donne de fort bonne huile.
Le diable de la mer Méditerranée , fe nomme Baudroie : il refifemblc
■beaucoup à la première efpece dont nous avons parlé. Sa gueule énorme
eft garnie de dents mobiles comme celles du requin. Son gofier ou
l'oelophage en eft auffi garni de plus petites :il femble fortir du fond
une efpece de bourelet épineux.
Les Pécheurs des Iles de l'Amérique donnent encore le nom de
diabk à un grand poiflbn plat en forme de grande raie , plus large
que long 3 ayant quelquefois plus de dix pieds d\m aileron àTautre,
& plus- de deux pieds d'épaifleur vers le milieu du corps Ses antennes
ou cornes fe recourbent en fe tortillant commue de^grofles^cornes de
bélier. La gueule de ce poiffon eft démefurément ouye^rte , ayant
plus de deux pieds de large; elle n'eft point armée de dchts,- mais
on remarque des membranes très-épaiffes qui recouvrent les gencives
de ce monftre îorfqu'il veut engloutir quelque gros poifîbn. Il a une
efpece de gouvernail fur le dos à la partie poftérieure , de laquelle fort
une queue très-agile, longue de quatre à cinq pieds, & en forme de
fouet. Tout l'animal eft couvert d'une peau très- forte, rude, grife
fur le dos , & blanche fous le ventre : fa chair eft indigefte comme
celle des groffes raies dont ce poiffon paroît être une efpece : par
cette defcription on voit que le diable des Iles a une reflemblance en
partie avec ceux d'Afrique , & en partie avec celui de la Méditer-
ranée : cependant il paroit en différer par quelques parties. Foye^faru
■Galai^ga,
On trouve dans le Journal de Médecine, (Janvier Ijô^) la def-
cription & la figure de deux diables de mer échoués fur le fable dans
la rade de Breft en 1764 : l'un d'eux avoit dans fon eftomac un chien
de mer de la longueur du bras , & une anguille de mer. C^ détail
lait voir qu'il y a plufieurs efpeces de diables de mer, & que la gran-
deur n'y met pas la feule différence , comme plufieurs le préfument.
•On vait que le nom de diaMe donné â l'ctre malfaifant , prince des
Ppp 2
484 D î A
ténèbres, a été appliqué par un préjugé populaire, à tous les êtres
dont la forme hideufe infpiroit de la terreur.
DIABLE DES BOIS. Efpece de fmge à queue prenante , & fort
longue, yojei Belzebut à l'article Singe.
DIABLE DES PALETUVIERS. Dans l'île de Cayenne on donne
ce nom à une efpece de corbeau aquatique , dont le plumage eft d'un
bleu noirâtre. ^"'>-'
DIABLOTINS. Oifeaux de la Dominique, de la Guadeloupe &
de l'Amérique Septentrionale , où ils viennent, depuis le mois de
Septembre jufqu'en Novembre, s'accoupler, pondre & élever leurs
petits : ils font de la grofTeur d'une poule & de la forme d'un canard
ordinaire. Ce font des efpeces de mouettes brunes. Voyez Mouette.
Leur plumage eft noir , mêlé de blanc ; leurs jambes font courtes ;
leurs pieds font palmés , & cependant armés d^ongles longs & cro-
chus ; leur bec eft femblable à celui des oifeaux du genre des cor-
beaux : ils ont des yeux à fleur de tête , & voient admirablement
bien la nuit ; mais ils voient fi peu dans le jour , que quand ils font
furpris par la lumière , hors leur retraite , ils heurtent contre tout
ce qu'ils rencontrent i & enfin tombent à terre. Ces animaux font
d'excellens pêcheurs de nuit , & repairent toujours deux à deux,
vers les montagnes : ils s'y tiennent dans des trous comme les lapins ;
c'eft là qu'ils pondent , couvent & élèvent leurs petits.
Dans le mois de Mars on trouve dans les trous la mère avec fes deux
petits qui font couverts d'un duvet épais & jaune , tel que celui des
oifeaux. Ces petits font en état de s'envoler vers la fin de Mai : tous
reviennent régulièrement en Septembre. Leur chair eft noirâtre & un.
peu huileufe -y d'ailleurs elle eft fort nourriffante»
DIAGREDE. f'oyei Scammonée..
DIAMANT, adamas. C'eft la pierre précieufe la plus pure , la
plus dure, la plus pefante & la plus diaphane; étant polie, c'eft la-
p!-us brillante de toutes les pierreries & de toutes les criftalli&tions t
en un mot^ c'eft la plus précieufe de toutes les matières dont les.
hommes font convenus de faire la repréfentation du luxe- Se de l'o-
pulence.
La couleur du. diamant varie à nnfini : il eft ordinairement fans
couleur ; mais on en trouve de toutes les couleurs & de toutes lesi
nuances de couleur,. On doute , quoi qu'en difent les Jouailliers ^
t) I A 4S>
^u*on ait jamais vu de diamans d'un auHî beau rouge que le
rubis , d'un aufli beau pourpre que le grenat , d'un aufïi bel orangé
que l'hyacinthe , d'un aufîî beau vert que l'émeraude ,. & d'un auflî
beau bleu que le faphir , &c. Le diamant vert , lorfque fa couleur
eft d'une bonne teinte , eft le plus rare ; il eft auiïi le plus cher. Le
diamant couleur de rofe & le bleu font txès-eftimés, &ménîe le jaune.
Les diamans roux ou noirâtres ne font que trop communs : ces
couleurs en diminuent beaucoup le prix.
Le diamant a naturellement dans fa minière primitive, qui eft une
matrice fablonneufe & rougeâtre, quelquefois argileufe & noire, un©
criftallifation tantôt odaédre , en pointe, & tantôt cubique. Prefque tous
les diamans du commerce font bruts , arrondis & couverts d'une croûte
grisâtre qu'ils ont acquife par les frottemens réitérés en roulant &
tombant en cafcades avec les torrens. Cette croûte obfcure & fouvent
groffiere , laifle à peine appercevoir quelque tranfparence dans l'in-
térieur de la pierre ; de forte que les meilleurs connoifleurs ne peuvent
juger de fa valeur. Lorfqu'ileft ainfi encroûté, onVappdlQ diamant bruu
On prétend que le diamant peut fe divifer par tablettes, à l'aide
d'un inftrument pointu. Il eft vitreux dans fes fra<5lures ; & d'une
dureté fî confîdérable , qu'on ne le peut ufer qu'avec 'la* poudre
^égriféc qui provient de l'écorce des autres diamans noirs entiers.
Cette pierre précieufe réfifte à la lime , & acquiert la propriété de
reluire dans l'obfcurité , foit en la frottant contre un verre dans les
ténèbres , foit en l'expofant quelque temps aux rayons du foleil,
foit en la faifant chauffer fortement dans un creufet , ou en la plon-
geant dans de l'eau chauffée au degré moyen de l'ébullition. Le
diamant , comme la plupart des pierres tranfparentes , . a la pro-
priété d'attirer , immédiatement après avoir été frotté, la paille, les
plumes, les feuilles d'or, le papier, la foie & les poils; mais il n'a
pas la propriété de réfîfter à la violence de toutes les efpeces de feu ,
{ans en être altéré. Des expériences faites à Florence , & dont oi>
trouve le détail dans la nouvelle édition françoife des (Euvreî de Hen-
ckd , in-4. démontrent que le diamant eft altérable au feu folaire , au
point d'y difparoître , tandis que le rubis y réfifte & ne fait^que s'y
amollir. De nouvelles expériences faites à Berlin prouvent aufli que
les diamans perdent un peu de leur poids abfolu étant ou- long-
temps 5 ou fouvent expcfés près du feu. D'autres expériences faites^
4^6 ^ D î A
récemment a~"Psris confirment la même deftrudtion du diama'nt mis
dans un creufet au feu de réverbère. Ces expériences ont été répétées
publiquement en 177 1 & 1772 par MM. Roux, Darcet , Rouelle,
M^^ccjuer , Mitouart , Cadet , &c. mais plufieurs d'entre ces habiles
Chymiftes ont opéré féparément , & ont employé diftérens procédés,
aufli en ont -ils obtenu des réiyltats fouvent très-différens. Ces divers
ïéfultats ont été coniignés dans les papiers publics.
Le diam.ant bien examiné n'eft peut-être qu'un criftal trcs-pur ,
qui, pendant fa criftaiîifation qui s'efl: opérée avec lenteur , a acquis
une figure régulière , une grande dureté, une pefanteur fpécifique
confîdérable ; en un mot , une belle eau ou tranfparence ; mais il faut
îa réunion d'un trop grand nombre de circonftancss pour que la
nature nous offre beaucoup de beaux diamans ; c'eft pourquoi nous
voyons plus de criftaux de roches ou de diamans pleins de défauts ,
que de diamans parfaits. Les défauts les plus ordinaires du diamant,
font les points èc les gendarmes. On appelle points de petits grains
blancs ^ noirs ou rouges ; & gendarmes , des points ou des grains plus
grands, ^en façon de glaces. Ces défauts font ou naturels ou artifi-
ciels : naturels , quand l'éclat interrompu provient de l'arrangement
.des parties conftituantes qui ont été brufquces dans leur coagulation;
■artificiels , iorfque les diamans reflètent mal , à caufe du vide des
gerçures ou étonnemens produits par des contre -chocs ou par des
couleurs fales. On a encore exprimé ces défauts par différens noms ,
comme tables , dragoneaux , jardinages. Les corps étrangers y prC''
4uifent quelquefois des filandres ou des veines , Ôcc.
Les Lapidaires , dont le talent eu de tailler & de polir ces pier-
res , retranchent au befoin les endroits défeâueux , & en font des
tablettes. ou àas pendeloques. La première opération de la taille du
diamant , cft celle par laquelle on le décroûte ; pour cela il faut
pppojer le diamant au diamant , & les frotter les uns contre les autres
<" c'eft ce qu'on appelle cgrifirj i on les maftique chacun au bout'd'un
petit bâton en forme de manche , pour les tenir & frotter avec plus
4e facilité ; par ce moyen les diamans mordent l'un fur l'autre , &
il s'en^^étache une pouffiere que l'on reçoit dans une petite boîte
iTommée ègrifoir ;, cette pouiTiere fertenfuiteà les tailler & à les polir.
Four leur donner le poli, il faut fuivre le fil de la pierre ; fans cette
|)reç.aution on n*y rçu0iroit pas,; au contraire le diamant s'échaufferoit
DîA 487
fans prendre aucun poîi , comme il arrive dans ceux qui n'ont pas
le fil dirigé uniformément : on les appelle diamans de jiatun.. Les
Lapidaires les comparent à des nœuds de bois dont les fibres font
pelotonnées de façon qu'elles fe croifent en différens fens. Ils appellent
diamant rofe , le diamant taillé à facettes par-defRis , & platpar-deffous*
Ils nomment diamant brillant celui^.4iii-t^ taillé à facettes par-delTous
comme par-defTus. Pour exécuter cette taille qui produit le plus grand
effet , on forme trente-trois faces de différentes figures , & inclinées fous
différens angles fur le deffus delà pierre, c'eft-â-dire, fur la partie qui eft
hors de l'œuvre : on fait vingt - cinq autres faces fur la partie qui efîi
dans l'œuvre, aufii de différentes figures & inclinées différemment, de
forte que les faces de deffus correfpondent à celles du delfous dans des
proportions affez juftes , pour multiplier les réRexions & pour donner
en même temps quelque apparence de réfraction à certains afpeéis :
c'efl par cette mécanique que Ton donne des reflets au diamant, &
des rayons de feu qui font une apparence de réfraélicn , dans laquelle
on voit en petit les couleurs du fpectre folaire, c'eft -à-dire, du rouge,
du jaune , du bleu , du pourpre , &C. î'^oysT^ U Dicliônnairp ^es Arts
& Métiers, au mot LAPIDAIRE, ' -, . .,\ •
Un beau diamant eR d'autant plus efliraé, qu'il a moins de défauts,
qu'il a plus de hauteur & de fond , & que fes reflets écîatans & vifs
frappent plus vivement les yeux. Le prix en efl fouvent arbitraire ;
tout dépend de la fantaifie, de la mode &: des moyens : cependant on
effime leur valeur dans'Ie Commerce par A^r^w. Chaque A;<^r<î/ équivaut
à quatre grains un peu moins forts que ceux du poids de marc , &
chacun de ces grains fe divife en demis , en quarts , en huitièmes ,
en feiziemes, 6:c. En voici des exemples dans les cinq plus beaux
diamans que l'on connoiffe. 1°. Celui qui ornoit le trône du Grand
Mogol , pefe deux cent foixante & dix-neuf karats , neuf feiziemes
de karat. On affure que Tamas-Kouli-Kan s'efl emparé de ce diamant
taillé en rofe, que le Voyageur Tavernier a eftimé 11,723,278 livres,
2°. Le diamant du Grand Duc de Tofcane , qui pefe cent trente-
neuf karats & demi ; fa valeur eft , félon le même Tavernier , de
2,<5o8,335' livres. 3^ Les deux diamans du Roi de France-*^ dont
l'un appelle le grand Sancy par corruption de la prononciation du
nombre de cent Jîx karats qu'il pefe , ou parce qu'il a appartenu
autrefois à quelqu'un de la Maifon de Harlay de'Sancy. Ce diamant
488 D î A
a coûté 600,000 livres. 4^ L'autre diamant, qui fait auiïî partie des
diamans de la Couronne, eft \q pitre ou ;le régent, que M. le Duc
d'Orle'ans acquit pour k Roi pendant fa régence ; il pefe cinq cent
quarante-fept grains parfaits ; il coûta deux millions & demi ; mais il
vaut davantage. On l'a appelle pitre par corruption de Pits , qui étoit
le nom d'un Gentilhomme Aiiglois de qui on.acheta cette belle pierre.
5"**. Le diamant qui fe voit aujourd'hui parmi les pierreries de la
Czarine, pefe fept cent foixante-dix-neuf karats {a), 6°, Enfin on
affure que le diamant, que poffede aujourd'hui le Roi de Portugal ,
pefe douze onces ; mais -il eft très-défeâueux.
Quand un diamant pefe plufieurs grains ou karats , le tarif du
karat ceffe , & la différence en eft très - grande , puifque le karat
— ' — .jil'à,*-'-" '
(a) On lit dans l'une des Gazettes de France, en 1771 , qu'en lyié arriva à'IC-
pahan à ^mfterdam Grégoire Suffras , Seigneur Grec , ayant à vendre un diamant
d'unç grolTeur extraordinaire, beau, pur, & du poids de fept cent ioixante & dix-
neuf Içàr^s. En 1772 , l'Impératrice de toutes les Ruflîes , en fit l'acquificion pour
la fomme de douze tonnes d'or , & a afllgné au vendeur quatre mille roubles de
penlîon annuelie.' Mais voici l'anecdote hiftorique de ce gros diamant : C'eft M.
JFloyde f Miiioi d'Infanterie Françoife dans l'Inde , qui nous a communiqué les
détails fuiyans ,- & qu'il nous a sfTuré avoir appris en partie , étant à Scheringam ,
d'un Ecame &. d'un F,crivain Malabare , & en Hollande à Ton retour en Europe, Un
Soldat François , Grenadier au Bataillon de l'Inde , déferta , s'aiïubla de la pagne
JVlalabare , apprit les élémens de la Théogonie Indienne , fe fit inftruirc tant qu'il
en trouva les moyens , devint Pandarons en fous-ordre , & eut à fon tour foa
entrée & fon pofie dans l'enceinte du Temple de Brama. On ignore fi ce Soldat
avoit vu la fameufe ftatue de Scheringam , ftatue ^ huit bras , à quatre têtes , &
fur- tout cgè fe voyoient deux yeux que formoient deux diamans de la grofleur la plus
étonnante & de la plus belle eau : toujours ell-il vrai qu'un Grenadier François , qui
changCi^fon état contre celui d'un Malabare , qui a en horreur toute eftiifîon de
fang , n'cft point en fa place : ce Grenadier n'écoit point fait à réfifter à l'empire
de deux beaux yeux , il effaya de s'approprier ceux de la Divinité don: il étoit le
Prêtre & le Gardien. Ses efforts ne furent pas couronnés par un fuccès complet ,
niais au moins il eut un œil. Il abandonna ainfi le Dieu Brama devenu borc^ne
$c chercha fon falut dans la fuite. Il fc rtfugia chez les Anglois , à Trichynapeiity
qui l'envoyèrent à Gondelour , & de-là il fut à Madrafs : embarqué pour l'Europe ,
jî vencf^Ta-il de Brama ioooo roupies , qui font près de 50C00 livres de notre
laonnoie. Le Capitaine de vaiffeau qui l'acheta , le revendit à fon arrivée à Londres
17 op 18000 livres flcrling à up Juif , qui plufieurs années après s'en défi: plus
^vsntageufement auprès d'un Négociant foi-diianc Prince,
peiîè
D I A 48^
peut être eftimé pour trente -deux grains. Se même pour foixante-
quatre, &c. Tel eft le mérite du diamant , que dans tous les fiecles
ôc chez toutes les Nations policées il a été regardé comme la plus
belle des productions de la nature dans le règne minéral ; mais il a
toujours été le figne le plus en valeur dans le Commerce , & l'orne-
ment le plus riche dans la fociété.
Il femble que la Nature foit avare-é*une matière fi parfaite & fi
belle. Jufqua ce fiecle on ne connoiiToit de mines de Mamans que dans
les Indes Orientales; mais on en a trouvé depuis dans le Bréfil en
Amérique ; & Ion dit que la grofle mafle dé diamant du Roi de
Portugal a été trouvée dans cette Contrée du Nouveau Monde.
Les meilleures mines de diamans & les plus riches font dans les
Royaumes de GolcondeL, de Vifapour & de Bengale, fur les bords du
Gange , dans l'ile de Bornéo,
Lamine de Raolconda eft dans la Province de Carnatica, à cinq
journées de Golconde , & à huit ou neuf de Vifapour. Dans» ce lieu
la terre eft fablonneufe , pleine de rochers , & couverte de "taiHij).
Les roches font féparées par des veines de terre d'un demifd-oigt,
& quelquefois d'un doigt de largeur ; & c'eft dans cette "t-erre^qùe Ton
trouve les diamans. Les mineurs tirent cette terre avecdes fers crochus,
enfuite on la lave dans des fébilles pour en féparer les diamans': on
répète cette opération deux ou trois fois , jufqu'à ce qu'on foit affuré
qu'il n'en refte plus. L'autre mine, appellée gani en langue du pays,
& coulour en langue perfienne, eft à fept journées de Golconde; du
côté du Levant. Il y a fouvent jufqu'à foixante mille ouvriers , ho^n-
mes , femmes & enfans qui exploitent cette mine. Quand on eil convenu
de l'endroit que l'on veut fouiller , on en applanit un autre aux
environs , & on l'entoure de murs de deux pieds de haut , & û'eipace
en efpace on lailTe des ouvertures pour écouler les eaux ; enfuite on
fouille le premier endroit. Les hommes ouvrent la terre ; les enfans
& les femmes la tranfportent dans l'endroit entouré de murs. On con-
tinue la fouille jufqu'à ce qu'on trouve l'eau : cette eau n'eftpas inutile;
on s'en fert pour laver la terre qui a été tranfportée : on la verfe par-
deflus , & elle s'écoule par les ouvertures qui font aux pieds des murs.
La terre ayant été lavée deux ou trois fois , on la laifl'e fétSEt , &
enfuite on la vanne dans des paniers faits exprès : cette opération
finie , on bat la terre grolTiere qui refte pour la vanner de nouveau
Tome II, Qqq
4pô D î A
deux ou trois fols ; alors les ouvriers cherchent les diamansà la maîn.
Aujourd'hui les veines de cette mine font prefque épuifécs. Les dia-
mans qu'on y trouve font pour l'ordinaire bien formés , gros , pointus ,
& d'une belle eau : il y en a auflî de jaunes & d'autres couleurs. Quel-
ques-uns ont une écorce luifante , tranfparente & un peu verdâtre ,
quoique le centre de la pierre foit d'un beau blanc. Ceux qui font
jaunâtres brillent fans être mittés-j-- étant expofés dans les ténèbres;
pour cela il fuffit de les avoir fait rougir au feu.
Les mines de Ramiah , de Garem &: de Muttampellée , ont une
terre jaunâtre; & plufieurs de leurs diamans lont d'une eau bleuâtre.
La terre & les diamans des mines de Whootoor , Canjecconda &
Lattawar reffemblent à celles de Coulour ou Curruve ; cependant il
y a d'affez beaux diamans dans la mine de Lattawar qui ont la forme
du gros bout d'une lame de rafoir. Ceux de la mine de Ramulconeta
font très-petits , verds , & d'une belle eau. Ceux de la mine de Car-
natica font jaunes- noirâtres , défeélueux , & fe mettent en morceaux
qiian(3»*on les égrife. Les mines de diamans de Wafergerrée & de
Mahnemurg ont jufqu'à cinquante brafles de profondeur dans des
rochéi-s.^a première couche eft d'une pierre dure & blanche, dans
laquelle on creufe un puits de fix pieds de profondeur pour arriver
à une forte de minerai de fer : on remplit le trou avec du bois, on
y met le feu , & on l'entretient dans toute fa force pendant deux ou
trois jours ; enfuite on l'éteint avec de l'eau : la pierre étant ainfi
attendrie jon creufe & on enlevé le minerai qui a quatre pieds d'épaiffeur.
On rencontre une veine de terre rouge qui s'étend fous lé rocher à
deux ou trois braifes : on enlevé cette terre, & fi on y trouve des
diamans , on creufe jufqu'à l'eau : c'eft-là le dernier terme du travail.
Ces mines exigent beaucoup de dépenfe. On trouve aulîi des diamans
dans le minerai ; ils font gros , la plupart d'une belle eau, mais inégaux
& de mauvaife forme.
La mine de Muddenxurg fi facile à exploiter , furpafle les autres
pour la beauté des diamans, qui la plupart pefent vingt - quatre ,
vingt huit & quarante grains. La mine de Melwillée qui fut décou-
verte en 1670, contient beaucoup de diamans d'une belle figure, &
qui ^tht depuis foixante jufqu'à quatre- vingt -dix & cent grains;
mais leur eau eft jaunâtre ; & autant ils ont d'éclat au fortir de la
mine , autant ils s'obfçurcifTent fur la meule : d'ailleurs ils ont peu
D I A ^P f
de dureté. Auflî ne font- ils pas recherchés. Dans la mine, ces diamans
font encroûtés de fable , & on ne peut les diftinguer des graviers
qu'après les avoir frottés contre une pierre. On en fait la recherche,
dans le gravier à la plus grande lumière du foleil.
On ne doute pas que les mines du Royaume de Vifapour , fur-tout
celle de Gazerpellée , ne renferment des ^iamans auffi gros & auflt
beaux que ceux du Royaume de Gotcofiae; mais la politique du Roi
de Vifapour efl: de ne permettre l'exploitation que des mines où il ne
fe trouve que de petits diamans : à la vérité il y a moins à gagner ;
mais ces mines font moins difpendieufes & moins rifquables que celles
de Golconde. De plus , ces Rois ne font travailler que certaines
mines particulières pour ne pas rendre les diamans -trop communs ;
^ encore fe réfervent-ils les plus gros : c'eft pourquoi il y a en Europe
très-peu de diamans d'un grand volume. Il y a beaucoup d'autres
petites mines de diamans voidnes de celles dont il vient d'être fait
mention , même à Bifnagar , à Malacca & en Arabie : mais dans
toutes ces mines de l'Inde Orientale , les diamans font cachés^:^ans la
terre, de façon qu'on en apperçoit rarement en la creufant V il faut
la tenir à la main. ■' '^"^ •.
Il y a dans le Royaume de Bengale , une rivière appeliée Goud ^
où l'on trouve des diamans. Cette mine qui a été découverte avant
toutes les autres , porte le nom de mine de Soumelpour, On n'y peut
travailler que vers la fin de Janvier & le commencement de Février,
temps où les grandes pluies* font tombées & les eaux de la rivière
éclaircies : alors les ouvriers ou habitans voifins remontent la riv^ere
jufqu'aux montagnes d'où elle fort, au nombre d'environ huit malle,
de tout fexe & de tout âge. Les eaux font alors allez baffes pour
qu'on puiffe difiinguer & reconnoître la qualité du fable au fond de
la rivière. Les ouvriers les plus expérimentés prétendent que les
endroits les plus abondans eh diamans , font ceux où l'on voit de ces
•pierres de foudre appellées f;<jr<2«/2W5 (c'eft v^<^ pyrite, f^oye:^ ce mot).
Enfin, quand on a choifi l'endroit où l'on veut travailler, on dé-
tourne le cours de l'eau , enfuite on tire le fable jufqu'à deux pieds
de profondeur , & on le porte fur le bord de la rivière dans nn lieu
entouré de murs. On arrofe ce fable pour le laver, onle^anne,
^c. comme on le fait dans la mine de Coulour. On trouve aufli des
diamans dans la. rivière de Succadan , dans l'île de Bornéo. Quoique
Q q q 2
4P2 BIC
les Souverains du pays ne veulent pas en lalfTer fortir de chez eux, 5c
que la plupart de ces habitans foient féroces & cruels, il y a cependant
des Portugais qui en achètent , en fraude , des gens qui vont les
voler dans la mine, malgré toute la vigilance des fuivaillans.
Vers le commencement de ce fieclc on a trouvé au Bréfil des dia-
mans & d'autres pierres précieufes , comme des rubis , des topafes,
des péridots , &c. Ces piarreSThr-Bréfil font belles ; & quoiqu'on les
vende afTez cher, on craint qu'elles ne bailfent de prix , tant la mine
eft cbondante. Les diamans qu'on appelle JLimans de Portugal , wien"
nent de la rivière de Melhoverde dans le Bréfil. Ceux du Canada
ne font que des criftaux de roche , ainfi que ceux d'Alençon , de
Briftol. Foyei les articles Cristal & Cailloux-Cristaux.
DIAPERE. Cet infede eft remarquable par la forme fmguliere de
fes antennes, elles font compofées c'anneaux lenticulaires, aplatis &
enfilés les uns avec les autres par leur centre; cet infede reflfemble
beaucoup à une chi-yfomele , mais il en ditfere par le nombre des
pieces'de fes tarfes & par la forme de fes antennes. Il eft lifle , bril-
lant, noir à l'exception des étuis, qui ont chacun huit ftries longi-
tudinales^^formées par des points, & trois bandes tranfverfales jaunes.
La prerriiere de ces bandes placées au haut de l'étui eft large &
terminée par un bord onde. La féconde qui eft au milieu de l'étui ,
eft plus étroite , & fes bords , tant en haut qu'en bas , font pareil-
lement ondulés. Enfin la troifieme eft à l'extrémité de l'étui , & nô
forme guère qu'une large tache à l'exti^émité de chaque étui. Cet
infede, dit M. Ge^ffivi , eft très-rare ; on l'a trouvé à Fontainebleau
dans le cœur d'un chêne pourri.
DICTAME BLANC ou FRAXTNELLE , fraxlndla. Cette plante
vîvace vient d'elle-même dans les bois du Languedoc, de la Provence ,
de l'Italie & de l'Allemagne : elle n'eft pas de la famille du dilame
de Crète , dont nous parlerons ci-après. Elle fe perpétue également
par fa racine ou par fa graine.
Le didame blanc ou fraxinelle, a des racines branchues, fibreufes,
de la grolfeur du doigt , d'où fortent des tiges rougeâtres qui croiflent
à la ha^ur d'un pied & demi, rondes, velues & remplies de moelle,
garnieyrfe feuilles luifantes , d'un vert clair, fermes , crénelées &
de la forme des feuilles de frêne ; ce qui a fait donner le nom de
fraxinelle à cette plante. Ses fleurs naifTent aux fommités des tiges ;
D I C 4^3
elles font belles , grandes, difpofées irrégulièrement, ou en manière
d'épi, compofées chacune de cinq feuilles, de couleur purpurine ,
d'une odeur approchante de celle du bouc , & durables : elles ont dix
étamines courbes chargées de points glanduleux , & un feul piftil. A
cette fleur fuccede un fruit compofé de graines réunies , ordinaire-
nient au nombre de cinq , qui contiennent de petites femences poin-
tues, noirâtres de luifantes.
Les extrémités des tiges & les pétales des fleurs , font couverts
d'une infinité de véficules pleines d'huile efiTentielle , comme on peut
Tobferver facilement à l'aide d'un microfcope : elles répandent , dans
les jours d'été , le foir & le matin , des vapeurs éthérées , inflammables,
& en telle abondance , que fi l'on place au pied de cette plante une
bougie allumée, il s'élève tout-à-coup une grande flamme qui fe
répand fur toute la plante ; elle forme alors un buiffon ardent très-
curieux. Lorfqu'on diftilîe cette plante dans un état de maturité
convenable, elle fournit beaucoup d'efprit redeur (c'efl: le principe
odorant des végétaux), mais qui n'efl: plus inflammable , à caufe de la
partie aqueufe de la plante qui diflile avec lui. ...^
En Médecine on ne fe fert que de la racine mondée de fraxînelle :
elle efl: employée dans les médicamens cordiaux , fudorifiques & hys-
tériques : on prétend qu'elle efl: très - utile contre les poifons & les
bleflures faites avec des armes empoifonnées , même pour répilepfie. Q uel-
quefois cette racine agit comme purgative & même émétique: l'ufage
doit en être interdit dans les fièvres continues. M. Sto^ck vient de
donner des obfervations fur cette racine; elles tendentà prouver qu'elle
a beaucoup de vertus pour guérir les maladies chroniques. Il en fait
une effence avec l'efprit de vin , & un vin médicamenteux. Cefl: fur-
tout Te fi'en ce ou teinture fpiritueufe qu'il emploie contre l'épilepfie,
les vers, la fièvre mtermittente , la mélancolie, la fuppreflion menf-
truelle & les fleurs blanches. Dans les pays chauds de l'Europe on
tire des fleurs de la fraxinelle , une eau dîîlillée très-odoriierante ,
dont les Dames Italiennes le fervcntcomme d'un cofmétique également
agréable & innocent.
"dTCTAME ou DICTAMNE de CRETE , diciamnus Qm^- Ce
didame fi célébré p;.r Ij Poëte VirolU^ efl une espèce d'origan fo. i <?|réable
â l'odorat & à la vue , & qui croît en Candie fur le Mont Ida, d'où on
nous rapporte fec. Cette plante croît aufli d'elle-même dans les tentes des
;4.P4 ■ D î G D î D
rochers de la Grèce, Elle a des racines brunes & fibreufes , des tiges
dures & lanugineufes , hautes de neuf pouces , un peu purpurines &
rameufes. Les feuilles naifTent deux à deux aux nœuds des tiges : elles
font arrondies , longues d'un pouce , verdâtres & couvertes d'un duvet
épais & blanchâtre. Leur odeur eft agréable & pénétrante, mais leur
faveur eft très-acre. Ses fleurs naiflent en été au fommet des bran-
ches, dans des épis grêles & ecaîîîéux, de couleur violette ou pur-
purine en dehors. Chaque fleur eft en gueule, portée fur un calice
,en cornet , cannelé & contenant quatre graines arrondies très-
jnenues.
De tout temps les Médecins ont recommandé l'ufage des feuilles
odorantes du didame pour provoquer les règles , & pour la fortie
du fœtus & de l'arriére -faix. Elles entrent dans la grande thériaque
^ Andrbmaqiu , dans le mithridate & la confedion d'hyacinthe. Ce
didame fe trouve quelquefois en Provence , en Italie. Il fe multiplie
de bouture dans un terrain fec & fablonneux.
f^Nous 'connoiflbns encore une féconde efpece de didame, dlcîanmus
montis Sipylï , o'rigani foUis, Ce fut le Chevalier Whecler qui l'envoya
à Oxford après l'avoir trouvé fur le mont Sipyle dans l'Afîe mineure,
près du Méandre. Cette nouvelle efpece de didame eft une très-jolie
plante qui porte de grands épis de fleurs d'une beauté durable , ce
qui fait qu'elle mérite une place dans les jardins des curieux. Elle
fe multiplie &: fe cultive à tous égards comme la précédente.
DICTAME FAUX, pfeudo - diciammis , eft une plante que Ton
cultive dans nos jardins , & qui a un certain rapport avec le vrai
didame de Crète ; mais , félon M. Tlalkr , c'eft un marrube. Sa:
racine eft menue, ligneufe & fibrée : fes tiges font grêles, nouées,'
velues , blanchâtres. Ses feuilles lanugineufes ont quelque reflcmblance
■avec celles du didame vrai. Ses fleurs font en gueule , verticillées ,
de couleur purpurine, & découpées par le haut en deux lèvres : il
leur fuccede des femences oblongues. Toutes les propriétés de cette
plante font les mêmes que celles du vrai didame , mais beaucoup
inférieures.
DKg^ME DE VIRGINIE. Nom donné par quelques - uns au
poiiliot Ravage. Voyez ce mot.
DIDELPHE , diddphis. Petit animal quadrupède , grand comme
iin lapin, naturel au feul Continent du Nouveau Monde, & fur- tout
D I D '4^5-
aux parties méridionales de ce pays ; il eft même difficile d'en élever
en Europe. M. Vofmacr prétend, contre le fentiment de M. de Buffon,
que le philander ou didelphe exifte auffi bien en Afie qu'en Amé-
rique , & M. Pallas affirme aufii qu'il s'en trouve aux Moluques &
au Cap de Bonne-Efpérance.
On connoît plufîeurs efpeces de dlâdpjus qui ont été décrites par
divers Auteurs fous les noms àQ rai~-dti-^réfil , opajfum , manicou^fh'u
landre , rat des bois de la Louiiiane & de Surinam , loir fauvage d'A-
mérique , corigitayra marïtacaca , & fatigue. Leur caraélere , félon M,
Brijfon , eft d'avoir la gueule bien fendue , dix dents incifives à la
mâchoire fupérieure , huit à l'inférieure , & des-^dents canines & mo-
laires , très-blanches , & dont le nombre varie. A chaque pied , qui
eft femblable à celui des finges, ils ont cinq doigts onguiculés, très-
forts ; le pouce eft très-diftind , mais fans ongle. Ils s'appuient fur le
talon en marchant. Ils ont les oreilles minces comme celles de la chauve-
fouris, la tête comme celle du renard, & un mufeau pointu, garni
de deux larges narines. Les yeux font ronds & paroiffent.fortir <^q
la tête.
Toutes les efpeces de didclphes ont les pattes de dérrier^e-rîïôins bien
organifées, ou plus mal faites que les antérieures. Ils s'àfleient aifé-
ment & même par habitude, fur leur eu, & peuvent faire mille lin-
geries avec leurs pattes. Ils grimpent à merveille fur les arbres, & ne
fe nourriftent fouvent que de feuilles, de fruits & d'écorces de certains
arbres ; ils font aufti très-friands d'oifeaux auxquels ils font la guerre.
Les véritables didelphes nous font voir une organifation finguliere,
& différente de celle de tous les autres animaux. On voit dans leurs
organes de la génération plufieurs parties doubles qui font (impies dans
les autres animaux. Le gland de la verge du mâle & celui du clitoris
de la femelle, font fourchus & pàroiifent doubles. Le vagin qui eft
fîmple à l'entrée , fe partage enfuite en deux canaux. Les femelles ont
à la partie inférieure du ventre , un petit fae ou manchon fourré tant
.en dehors qu'en dedans , dont l'ouverture relTemble en longueur au
jabot d'une chemife , & a environ trois pouces & demi, dans lequel
font renfermées leurs mamelles , & où fe retirent leurs petits nouvelle-
ment nés. Cette poche naturelle a du mouvement & du jeu ^^5Pf mé-
canique de ce mouvement s'exécute par le moyen de plufieurs mufcles
& de deux os qui n'appartiennent qu'à cette eipece d'animal.'Ces mufcles
4P<^ DI D
ferrent la poche fi exadement, qu'on n'en peut voir Touverture qu'en
la dilatant de force avec les doigts. Les petits font conçus dans la
matrice intérieure de l'animal , mais ils en fortent étant encore d'une
petitefle extrême , pour entrer dans la poche & s'attacher aux ma-
melles, où ils reftent collés pendant le premier âge, & juf^u'à ce qu'ils
aient pris aflez de force & d'accrollTement pour fe mouvoir aifément.
Cet organe, & toute lanatomte-dexet animal, ont été très-bien décrits
par G, Cowper. On peut préfumer avec beaucoup de vralfeinblance,
dit M. de Buffon , que dans ces animaux la matrice n^9: pour ainfi
dire que le lieu de la conception , de la formation & du premier dé-
veloppement du fœtus , dont l'expulfion étant plus précoce que dans
les autres quadrupèdes, l'accroiflement s'achève dans la bourfe où ils
entrent au moment de leur naiflance prématurée. Perfonne , continue
M. dQ -Buffon , n'a obfervé la durée de la geftation de ces animaux,
que nous préfumons être beaucoup plus courte que dans les autres ;
& comme c'efl: un exemple fingulier de la nature que cette expulfion
précoce du fœtus , nous exhortons ceux qui font à portée de voir des
didelphes vivans dans leur pays natal , de tâcher de favoir combien les
femellé^^ portent de temps, & combien de temps encore après la naif-
fance j,- les petits reftent attachés à la mamelle avant que de s'en féparer:
cette obfervation curieufe par elle-même , pourroit devenir utile en nous
indiquant peut-être quelque moyen de conferver la vie aux enfans
venus avant le terme,
La conformation de la queue du didelphe eft aufii très-finguliere &
fort utile à l'animal. Elle n'eft couverte de poil qu'à fon origine,
jufqu'à deux ou trois pouces de longueur : l'extrémité n'offre qu'une
peau liffe & écailleufe ; les vertèbres du milieu de la queue fontépineufes
ou à crochets par la partie inférieure : ( confultez Xt^sTran factions philofo»
ph'iqms, année I5'98, n**. 239 ) '& lorfqu'on faifit l'animal par cet
endroit , elle s'entortille auflî-tôt autour du doigt ; auffi l'animal fe
fufpend-il aifez fouvent aux branches par la queue , la tête vers la
terre , & guette-t-il dans cette attitude fa proie fur laquelle il s'élance
lorfqu'elle vient à pafifer. Il eft fi friand d'oifeaux, & particulièrement
de v'â^i^Q , qu'il entre hardiment dans les baffes- cours & dans les pou-
Iaill5î5p^ défaut de gibier, il vit de feuilles, de fruits & d'écorce
d'arbres. Quelquefois il fe balance fufpendu aux branches par la queue
comme \QS,*Jin§es à qutuc prenante. Le didelphe s'apprivoife très-
facilement;
D I D 4r97
facilement ; mais Ton odeur défagréable le r^nd" auflî dégoûtant que le
putois : cette mauvaife odeur réfide dans fa peau. Sa chair eft une d^
que celles recherchent les Sauvages nègres. Les fentàies des naturels
du pays filent le poii de cet anima!, qui eflf fin", fans cependant être
lifle ni doux au toucher; la couleur en eft grife- roufTâtre. Elles ert
font des jarretières qu'elles teignent enf^'ite en rouge.
La femelle de cet animal eft avantagée d'un fac par la nature, pour
fatisfaire, dit M. Gaut'ur, à l'amour extraordinaire qu'elle a pour Tes
petits, qui naifTent nus & pelés , les yeux clos, & par conféquent dans
le befoin d'être fecourus. La mère les foigne elle-même, ne les quitte
pas, les careffe fans celle, fes nourrit, les met dans fa poche ou dans
fon manchon pour les récîiauftcr; elle les porte par-tout avec elle,
fans Xq.^ expofer à l'air &'au froid. Elfe Tes allaite à l'entrée de ce berceau
portatif, avec fes mamelons ranges exprès pour la commodité de ces
petits marmots , à l'endroit qu'il faut & à leur portée. Lorfque les
petits font affez fjrts , la mère les fait fortir de temps en temps, fur-
tout quand il pleut, pour les laver; elle les effuie enfuitô avec fès
pattes, les kche & les remet promptement dans fa poche : qi^jquefois
elle les expofe au folerl quand il fait beau ; & lorfqu'ils ont,,fes yeux
ouverts , fa tendrefie & fa joie fe déploient; elle lesamufe en folâtrant,
elle danie avec eux, les agace , leur apprend à marcher & à faire
mille petites fingeries ; mais aulfi-tôt qu'ils font afTez forts pour cher-
cher leur nourriture i elle les fevre, tc feint de les chaffcr pour les
e'xciter à fe paffer des foins maternels.; cependant elle les fuit de l'œil
ôc veille à leur conduite : & fi par hafard le moindre bruit l'avertit de
quelque danger, elle court aux uns & aux autres, les met tous dans
fa poche, & les em^porte dans un endroit plus fiir & plus tranquille.
Pendant tout lé temps de rédùcatiOn les defirs de l'amour ne troublent
pas les devoirs de cette tendre mère. Elle n'ê voit aucun mâle jufqu'à
ce que là petite famille fbif en état de" s'approvifionner , de pourvoir
à tout, en un mot de fe palTer entièrement de fon fecours; elle ne la
quitte qu'après mille carelîes & mille gambades.
Les mâles font des infidèles, des inconft'ans , & d'es libert{^<;, qui
courent les champis,.&: cherchent pendant ce teîrfps-Ià de bâBfj for-
tunes : cependant comme à femelles égales ils préfèrent celles qu'ils ont
époufées les premières , ils délaiffent leur conquête p^ffagere , &
Tome II, Rrr "^
4;>ï î) I E t) I G
reviennent à leurs premières femelles, dès qu'elles font débarraffees de
toutes les attentions qu'elles donnent à leur petit ménage.
Qui croiroit que cet animal fi rufé en apparence, eft flupide, au
point qu'étant furpris, il n'ofe s'enfuir & fe laide tuer à coups de
bâton , fur-tout ceux des îles qui avoifînent l'Amérique.
DIERVILLE , dienilla,. Petit arbriffeau originaire de l'Acadie ea
'Amérique, & qui ne s'élève dâfiï^notre climat qu'à trois pieds de hau-
teur. Il a beaucoup de reffemblance avec le fynnga par fon bois &
par fa feuille , dont les dentelures font cependant plus régulières &
bien moins profondes. Il donne au commencement de Juin de petites
fleurs jaunâtres ,■ irrégulieres , ou en forme d'entonnoir à pavillon
découpé en cinq parties , & terminé par un tuyau qui eft articulé avec
le piflil ; on y compte cinq étamiqes. Ces fleurs font très-difperfées fur
les branches ; elles durent environ quinze jours. Il en paroit quelques-
unes fur la fin d'Août , de même durée que les premières. A ces fleurs
fuccede un fruit pyramidal partagé en quatre loges remplies de graines
aflez menues.
La multiplication de cette plante difpenfe de tous foins : elle fe fait
plus qu'on ne veut par le moyen de fes racines traçantes qui produifenê
à leur extrémité quantité de rejetons ; ce qui fait qu'on ne peut l'aflTujétir
à aucune forme régulière. Quoique la diervilU fe plaife à l'ombre &
dans les terres limonneufes & humides, cependant elle donne beaucoup
plus de fleurs dans les terrains fecs. Le meilleur parti qu'on puifTe tirer
de cet arbrifleau , c'eft de l'employer à garnir des bofquets où il ne
craindra point l'ombrage des grands arbres , & où fon principal agrément
fera de faire une jolie verdure de bonne heure, dès le commencement
de Février : les rigueurs de nos hivers ne l'altèrent point.
DIGITALE , digitalis. Cette plante qu'on nomme aufïî gants de
Notre-Dame, croft fans culture aux lieux pierreux & fablonneux , fur
]es montagnes , ou avec culture dans les jardins aux eavirons de Paris ,
&c. Sa racine eft fibreufe & amere : fa tige eft haute de deux à trois
pîeds, grofle comme le pouce, velue, rougeâtre & creufe :fes feuilles
ibnt en quelque façon femblables à celles du bouillon blanc, d'un goût
amer ^Étf fleurs font en grand nombre , de couleur purpurine & diver-
£fiée*^it agréables à voir , percées dans le fond & évafées par l'autre
bout , pref^e femblables à un dé à coudre,, A ces fleurs fuccedent des
fruits oblongs, velus, qui font à^^ coques divifées chacune en deux
D r N D I P 4p^
îoges, remplies de femences menues, un peu anguleufes & roufsâtres.
La digitale eft émétique. Le peuple de Sommerfet en Angleterre fe
fait vomir & fe caufe quelquefois des fuperpurgations avec la décodion
de cette plante , qui eft d'ailleurs déterfive & laxative. Les fleurs de cette
plante bouillie dans le faindoux , font une pommade excellente pour les
maladies fcrophuleufes. Il y a un ancien proverbe en Italie qui dit que
la digitale guérit toutes les plaies '. JLialda chc tutu piaghc faida. Mais
cet éloge , dit M. HalUr , ne convient qu'à la digitale à fleur pourprée»
car il y en a plufieurs autres efpeces en Allemagne & dans les Alpes.
Au refte, elles font toutes acres, & d'un ufage fufped:.
DINDE & DINDON. Foyei Coq-d'Inde à la fuite de f article Coq;
DINOTE , dinotus» M. Guettard appelle ainfî un genre de vermi-
culaire dont l'animal eft inconnu. Le tuyau eft conique, contourne
fur lui-même & fans cloifons, de rnéme que le plan-orbis vulgaire.
DIPLOLEPE , dïplolepiss Nom donné à un genre d'infede à caufê
des deux lames de fon ventre, dans lefquelles fon aiguillon fe trouve
caché, de même que dans le cinips, dont il diftere par fes antennes
qui font droites , longues , filiformes , toutes unies , au lieu que dans
le cinips elles font coudées, brifées & cylindriques. Sa larve eft préci-
fément femblable à celle du cinips, & habite de même dans les galles
des arbres & arbuftes , dans lefquels elle croît & fe métamorphofe , &
■dont elle fort fous la forme d'infede parfait. Ainfî le diplolepe aux an-
tennes près, a les mêmes organes, mêmes habitudes, même caradere
& le même logement que le cinips. Voyez ce mot. *^
DIPSADE, dipfas. Serpent de la Lybie & de la Syrie, des plus
dangereux , & qui , félon Kolbe , a environ trois quarts d'aune de
longueur. Il eft fort gros au bas de la tête , & cette grofleur va toujours
en diminuant jufqu'à la queue. Son cou eft aflfez long : le corps eft blanc,
moucheté de taches roulTes & noiîes. La queue eft très-mince.
Les dipfadcs naiflent plus abondamment en Afrique & dans l'Arabie
que par tout ailleurs : elles habitent les lieux maritimes, & fe retirent
toujours dans les terres falées. Ce ferpent eft très-agile quand il s'agit
d'attaquer £a proie ; fa morfure eft fi venimeufe , qu'elle enflamme tout-
à-coup le fang, & qu'elle caufe une foif dévorante à ceux oui en font
attaqués. Lucain , dans fa Pharfale , rapporte qu'Aulus >-4|Rv2 y ^'^^
-des foldats de Caton , fut mordu d'une dipfade , & qu'il ne put*éteindre
fo foif brûlante ui avec l'eau , ni avec fon propre fangl^ Tels font les
Rrr2
^00 D I P D O M
effets de la morfure de la dipfade : d'abord on paroît comme immobile
ou paraly tiqu-e , le ventre devient enflé , fouvent on perd connoifTance;
on ne peut rendre l'eau ni par la bouche, ni par les urines, ni parles
fueurs; en un mot, point d'évacuation, ni de tranfpiration :1e poil
tombe erifuite. A cet état fiiccedtnt des démangeaifons violentes, le
ventre fe lâche , & le malade termine fes douleurs par la mort qui lui
arrive. Il n'y a point d'autre^^Sl^*^^ ^-"^ d'appliquer fur le champ le
feu à la partie blefîee & la fcaritier , puis employer de puillans vomitifs
& fudorifiques, & faire manger abondamment de la viande falée. Si
l'on a été mordu au .bras ou à la jambe, il faut promptement faire
une forte ligature au-deffus de la plaie, pour empêcher le poilon de
faire des progrès; enfuite on doit ufer des moyens prclcrits,
DIPTERE. Fqyc' ce mot a l article EnsecTE.
DIS3EQUEUR ou SCARABÉE DISSEQUEUR. Voycr^
Pekmesteî;,
DODO. Eft le cygne capuchonné. Voye:^ au mot Cygne.
DOGEIinGE. Efl une efpece de baleine qui ne fe rencontre que
dans la baie de^Qualhc'C., ciép^ndante des îles de Fer» ë, oii l'on fait
J.a pèche -d-v . plus bylies bal chines. Foy^i rai //or Baleine.
De D-oglingc a cela de Imgulicrj, que non-feulement fa chair eft de
mauvais goût , mais encore fonjard; & que fi quelqu'un en mangeoit,
ce lard pénétreroit à travers les pjres de la peau avec Thumeur de la
tranipiration, & communiqueroit.à la chemife une couleur jaune &
une odeur fétide. Cette graiffe eft fi pénétrante, quelle tranfude à
travers les tonneaux où on la met: aulVi les Pécheurs font peu de cas
de cette baleine.
DOGUE. Eft un chien.de la grande efpece qu'on apprivoife facile-
înent, & dont on fe fert pour garder les maifons, ou pour combattre
contre les taureaux & autres bêtes. On nomme doguins , les dogues de
petite efpece. l^'oye^ ces mots à V article Chien.
DOIGT MARIN ou MANCHE Y^^ COUTEAU. Voyei
COUTELIEK,
DOMPTE - VENIN , ofckplas. Cette plante, que les Efpagnoîs
nommait auffi vince-toxiciim , a une racine très-fibrée. De la racine il
fort i9p^'^'^ ^^S^^ ^^^ hauteur de deux pieds, rondes, pliantes,
aiouée^erpentantes, & qui s'attachent quelquefois aux plantes voifmes.
Ses feuilles nsiffent oppofées deuxàdeu^^i dles font ovales, pointues.
DON ^01
uon-anguleufes , & garnies de quelques poils à Tinfertion du pédicule.
De laiflelle des feuilles fortent des pédicules divifés enplulîeurs autres,
qui portent des fleuri blanchâtres; la corolle efl monopétale en forme
de godet ou de foucoupe partagée en cinq lobes, & porte autour de
fon centre cinq neélaires concaves, de chacun defquels fort un filet.
On y compte auffi cinq étamines & deux piflils, A chaque fleur fuccede
un fruit à deux graines membraneufgs_^eblongues , contenant des fe-
mences roufsâtres & garnies d'une aigrette , couchées par écailles , de
attachées à un placenta. Cette plante croît abondamment dans le Le-
vant , le Canada & aux environs de Paris.
Il y a plufieurs autrec efpeces à'afdcpias , & M. DiUuieoh^QvVQ que
quelques-unes des plantes auxquelles on avok donné le nom ^apôcyn^
apparùennent à ce genre.
Les racines du dompte-venin font feules d'ufage en Médecine : elles
font d'une faveur amere, un peu acres, aromatiques, d'une odeur à-
peu-près femblable à celle du fenouil. Le fuc de cette racine efl limpide.
Ses propriétés font fudorifiques & alexipharmaques : elle excite à quel-
■ques-uns à^z naufées & un léger vomiflement. Paracdfi afluré que le
vin de dompte- venin chaiTe par la plante des pieds les"" eaux qui font
-entre cuir & chair.
On fe fert quelquefois extérieurement des feuilles & graines pllées
-de cette plante pour réfoudre & mondifier les ulcères fordides des
•îiiamelles. L'on dit que Afckpias fut le premier Médecin qui mit cette
plante en ufage ; & c'efl: de-là que lui efl venu un de fes nom.s, {af-
cUpias ou efciilape). M- Halkr prétend que cette plante efl: fufpecle,
acre, a*un goût & d'une odeur défagréables, tiès-voifine d'ailleurs des
«apocyns &: des nerium qui font, dit-il, de véritables poifons,
DONZELLE, don^dla. Petit poiilon de rocher , l'un des plus beaux
tle la Méditerranée. Il a le des d'un verd noirâtre; &: fur les côtés,
toutes les couleurs variées de Tare en ciel. Son corps eft oblong , menu,
>& gros com.me le pouce : fes écailles font fort fines, fes nageoires épi-
'neufes, tes ytux petits, la prunelle noire, l'iris rouge, les dents fort
cblanches , sigucs ^ crochues : fanus eft au milieu du ventre : Il a
'deux nageoires au dos & au ventre. On en voit beaucoup Cj^^ côte
de Geiics Se u Antibes , où ils nagent en troupes & viennen3|fcit-on>
anort-re ceux oui fe baignent. On ne les pêche guère ^-'i K ligne:
la chair en eft tendre & courte. Ceux que l'on pèche eh pleine mejc
^02 DOR
font meilleurs que ceux qui fe trouvent fur les côtes. Ce poifTon efl:
ie JuUs & le gircUa de Rondelet.
DORADE, aurata vulgarls, Efpece de poifTon de mer, nommé ainfî
d'une ligne de couleur d'or qui s'étend depuis la tête jufqu'à la queue.
La dorade efl; très-commune dans les Indes Orientales & Occiden-
tales , en Afrique, le long de la Côte d*Or , à Madagafcar , à la Chine,
au Bréfil ; il s'en trouve aiîfft-^aucoup dans la Méditerranée. C'efi:
un poiiTon fort craintif, & à qui le froid efl: fort contraire. Il devient
plus grand qu'une très-groflfe alofe ( on nomme les petites fauquenes):
fon corps n'a guère plus d'épaiffeur que celui du faumon; fa queue
efl: longue , fourchue & large : il efl: couvert d'écaillés moyennes de
différentes couleune. Sorti de l'eau , il a le ventre couleur de lait , les
..côtés comme argentés , le dos efl: d'un bleu noirâtre ; mais dans l'eau
il efl: fans contredit le plus beau poifTon de la mer : il paroît couvert
d'or fur un fond vert azuré. Ses yeux font gros , rouges & pleins de
feu. Son mufeau efl: camus & arrondi. Ses deux mâchoires fe divifent
en quatre parties , & font garnies chacune , indépendamment des dents
incifives, canines & petites molaires, d'une groffe molaire, ronde ou
oblongue , que Ton enchâffe fouvent dans de l'or. On leur donne le
«om de crapaudlm : voyez ce mot. Ces tubercules oflèux fervent au
poiffon à écrafer certains coquillages, tels que la tdl'mc , le peigne , &c.
Le dos de la dorade efl: tranchant , & porte une nageoire qui s'étend
fur prefque toute fa longueur , & qui a vingt-quatre aiguillons, dont
les onze premiers font fermes & ofl^eux, & les autres flexibles & car*
tilagineux. Ce poiifon efl bien meilleur en été qu'en hiver ; aufïl n'en;
voit-on guère que dans cette première faifon aux marchés de Rome ,'
de Venife , de Gènes , &c, l'on s'en nourrit communément en Langue-
doc pendant le carême. La chair de ce poiffon efl; blanche, ferme,'
un peu feche, mais d'un bon goût. La dorade de l'Océan efl: différente
de celle de la Méditerranée,
La dorade efl le plus léger de tous les animaux qui nagent. Elle efl:
fort vive & gourmande; elle mange ceux de fon efpece. Elle efl; l'ennemi
mortel des poiffons volans : elle les chaffe en pleine mer avec un tel
scha^^nient, qu'elle fe laiffe prendre fouvent à leur apparence; car il
fuffi^'^.^lier en croix deux plumes de poule ou de pigeon à l'hameçon
qu'on laille traîner à l'arriére du navire. Lorfqu'elle voit ces plumes
quelle prend pour wn poiffoji valant , elle engloutit l'hameçon qui efl
t)OR yo5
recouvert d'un peu de toile blanche, & fe prend ainfi en croyant faire
elle-même une excellente capture. Dans l'Océan on harponne les do-
rades, ainfi que les bonites & les marfouins, avec un trident, emmanché
au bout d'un bâton & attaché au bout d'une corde pour le retirer, c'eft
ce que les Marins appellent yô«i/ze.
Quelquefois les dorades, que l'on nomme aufli brane ou brame de mer ^
pafTent dans les lacs qui s'abouchent .a«x mers : elles y vivent; mais leur
chair y acquiert un goût bourbeux. Leur foie defîeché , pulvérifé ôc
mis dans du vin , eft employé pour guérir de la dyffenterie.
On prétend que le petit poijfon d'or appelle des Chinois Kin -yu ,
eft une efpece de dorade d'eau douce qu'on nourrit en cette contrée
dans de petits étangs très-profonds faits pour cet uj^ge , & qui fervent
d'ornement aux maifons de campagnes. Mais ce petit poifTon eft du
genre des carpes , comme on le verra par les caraderes indiqués ci-
defïbus, C'eft le cyprinus pinna ani duplici, cauda trifurca, Linn. AS,
Stock. 1^40, Faun. Suce. JJ'.
Les plus jolies dorades Chinoifes font d'un beau rouge, comme
tacheté de poudre d'or ou d'eiTence rouge d'Orient: on en voit auflî
d'argentées. On prétend que les premières font les mâles, & les dernières
font les femelles : on obferve à celles-ci des taches blanches autour des
ouies , & de petites nageoires; l'une & l'autre font très-vives & adives,
elles fe plaifent à jouer fur la furface de l'eau ; mais elles ont à craindre
la moindre impreffion de l'air qui les fait bientôt périr. A Pékin où
l'on en élevé chez les Grands, on ne leur donne rien à manger pendant
l'hiver : elles avalent la matière gélatineufe des parois du baflîn ; elles
fe nourriffent aufli de petits vers rougeâtres qu'elles trouvent dans les
racines des herbes qui croiflent au fond des étangs. Souvent on les prend
pendant cette faifon pour les conferver dans des vafes de porcelaine plus
profonds que larges, mais fans aucune nourriture. En Europe, & fur-
tout en France, où l'on a trarîfporté de ces poiflbns, on leur donne un
peu de pâte de froment détrempé, de« jaunes d'ceufs & des limaçons;
au printemps , on les remet dans leurs balîins. Les Grands Afiatiques
fe plaifent à les élever, à les appeler; au coup de fifflet, on voit la
troupe brillante ou dorée, fe jouer à la furface de l'eau, (ê xBfputer
la nourriture qu'on leur jette. Enfin on peut obfèrver à loifir mwmou-
vemens agiles de ces petits poiflbns , dont la propagation eft aflèz
abondante 5 même exceflive, dans la Province de Fokien en Chine,
504 DOR
& dans toutes les régions chaudes de cet Empire. On a foin de cEangëP
deux fois par femaines Teau des bailîns où Ton tient ce petit poiffon , &
d'y mettre au fond "^in pot de terre renverfé & percé de trous , afin
qu'ils puififent s'y mettre à couvert de la chaleur du foleil : on a foiri
aufli de jeter des herbes vertes fur la f.irface du baffin pour en entreteniir
la fraîcheur & l'ombre qu'ils -recherchent volontiers : on ne doit toucher
ce poiflon qu'avec le filet , ou une^ruble faite exprès. Si on le touche
avec la main, il meurt ou tombe en langueur; le bruit d*uti orage, du
tonnerre ou du canon ,& l'odeur de la poix lui fonc trcs-préjudiciablés".
Dans le mois de Mai,.i6rf.juecepoiirjn a dépofé fon frai , on eft attentif
à enlever auffi-tôt celui qui nage fur l'eau, fans quoi, les dorades lè
dévorcroient. On fe met dans un vafe expofé au foleil , jafiu'à ce que
la chaleur ait animé les embryons dorades , qui paroiflent d'abord
noires, & qui par degrés deviennent rouges ou blanches, c'eft- à-dire,
de couleur d'or ou d'argent : ces belles couleurs commencent toujours
à paroître par l'extrémité de la queue. Les Chinois font un commerce
cônfidér^le de.x'es petits poifTons qui font alors gros comme le petit
doigt ,.?mais qui deviennent avec le temps gros comme un hareng. Il y
a des Provinces en Chine où l'on ne retire pas le frai de l'étang, mais
on y jette des herbes, afin qu'il puiffe s'y attacher. Après ce temps,
& lorfqu'on s'apperçoit que les mâles celïent de fuivre les femelles , on
tranfporte le poilfon dans un autre lieu, & le frai doit refter expofé au
foleil trois ou quatre jours; enfuite on en laifle pafTer quarante ou
cinquante , au bout defquels feau doit être changée , parce que le frai
commence à prendre diilindement la forme du poiflon.
La dorade Chinoife reflemble affez à une petite brème ; fa tête eft
groife & alTcz plate par en haut , toute unie & fans piquans aux
ouies; fa bouche eft obtufe, garnie à l'entrée du gofier, & non dans la
bouche , de trois fortes dents. Les narines font remarquables , car elles
font doubles; fes yeux font grands, ronds & élevés; le dos eft un peu
élevé , le ventre renflé , les écailles grandes , tuilées & difpofées par
bandes ou lignes droites. Ce poiffon a huit nageoires : favoir , une ail
dos, deux à la poitrine, autant à la partie antérieure du ventre , autant
àla ]||jt^irieure; la dernière enfin eft la queue, & elle eft la plus grande
de to^Ui-es; elle eft en forme de trident, repliée des deux côtés comme
la queue d'une poule, & le poiiTon peut la lever de la même manière
que le coq d'Inde levé la queue, lorfqu'il eft irrité : la veflie eft double
comme
D O R yo;
comme dans les ables, les brèmes, & dans tous les poiflons du genre
des carpes, dont il eft une efpece. Le boyau eft de la longueur du
poiflbn plié en trois , & couvert de graiffe. Les trois dents font placées
précifément à l'endroit de la tête où le boyau commence : favoir, deux
aux côtés, & une troifieme plus pointue que les autres contre le dos«
Les principaux caraâeres , tant intérieurs qu'extérieurs de ce poiflbn ,
font i^ trois arêtes renfermées dansJa-iTrembrane qui couvre les ouies;
2°. les dents qui fe trouvent dans le goder , & non dans la bouche ; 3*'. la
veffie divifée en deux parties inégales; 4°. los nafal, qui dans tout ce
genre de poiflons , reflemble à un pied de vache j 5*°. une double na-
geoire pofliérieure à côté du ventre; 6°. la nageoire delà queue, fendue
en trois , ou en forme de trident ; 7°. enfin , une quQue dont la nageoire
n'eft ni horizontale, comme dans les cétacées, ni pecpendicuiaire ,
comme dans les poiflons , mais repliée des deux côtés.
La dorade Chinoile ou /'oi/Zô/s d'or, perd fa belle couleur dans Tefprit-
de-vin : elle la conferve un peu mieux, fi on veut deflecher pe-u^à peu
ce poiflon. On peut reconnoître très-aifément la figure de 'te poifiQn
avec fes couleurs naturelles fur la plupart des vaifleaùx de pofceîains
de la Chine. M. Bafier a donné un très-bon Mémoire fur les pfaiiTons
dorés, leurs variétés, & la manière de les élever
DORADILLE. Voyei Ceterach.
DORCAS. Il paroît que la chèvre que les Arabes appellent
a!gaicl (gazelle) eft la^dorcas ou la chèvre de Lybie. Voye:^ Ga-
zelle.
DORÉE ou POISSON DE SAINT-PIERRE, /z^^r, fwe gallus ,
marinus. Ce poiflbn a depuis un pied jufqu'à feize pouces de longueur;
fa forme efl: plate, & prefque d'égale épaifleur dans toute fon étendue;
fa tcte & le dos font de couleur brune , fes nageoires noires , & fes côtés
dorés. AiU milieu du corps il a une tache ronde , large d'un demi-
pouce, fes écailles font prefque imperceptibles : on y diftingue une
ligne tortueufe de la tête à la queue: fes yeux font grands, &c au-
defliis il porte deux aiguillons , dont la pointe eft tournée vers la
queue ; il a fur le dos dix autres aiguillons de grandeur inégale.
D'entre deux aiguillons fortent des poils femblabîes à des^ies de
cochon , à la racine defquels il y a de petits os , qui reflernwent à
des clous à deux têtes, & l'autre vers la queue. Il a, au bas du ven-
tre , une nageoire fournie de cinq aiguillons : le refte du ventre eft
Tome II, S s s
'50 6- D O R
garni d'os tranchans comme des couteaux : il a quatre nageoires en-
defllis 6c en-delTous des ouies ; fa queue fait fa dernière nageoire. On
y'compte quinze piquans branchus , & lorfque le poiffon fétend, fon
extrémité efl circulaire. Sa bouche eft fort fendue & ouverte, avec
quatre ouies de chaque côté; fes boyaux font menus & entortillés les
uns dans les autres ; fes œufs font rouges; fon foie eft blanc, fa rate
rouge & petite; la partie bafife-il^(on cœur eft rouge; mais le haut
& le milieu tirent fur le blanc , ce qui eft rare dans les poilTons ; fa
chair eft moins dure que celle du turbot , d'un bon fuc , facile à
cuire ôc à digérer : elle étoit fort eftimée des Anciens.
La dorée vit de cadavres & de tout ce qu'elle trouve dans la mer ;.
elle eft peu timide, & habite volontiers les rochers, ou de l'Océan ou
de la Méditerranée : on la nomme dorée à caufe de la couleur jaune
qu'elle a fur les côtés ; le peuple lui a donné le nom de poiffon de S.
Pierre , parce qu'il a cru que cet Apôtre avoit pris , lors de la pêche
miraculeufe , un tel poiffon dans ces filets; & par commandement du
Sauveur ^, il avoit tiré de la bouche de ce poiffon un cicU , pièce de
monncie. ,' pouf payer le tribut , & que l'empreinte de fes doigts avoit
formé fur les côtés de la dorée la tache que l'on y remarque.
DORMEUR , cephalus feu afdlus palujlris, Efpece de poiffon de
couleur grife , qui a la tête large , & dont M. Gautier a donné un
deffin coloré dans les planches de fon Journal. Ce poilTbn a une par-
ticularité fînguliere; il s'affoupit entre deux eaux _, à un pouce de
profondeur , & flotte dans cet état paiflblement au gré des vagues ;
on le prendroit à la main s'il n'avoit la peau extrêmement gluante ,
ce qui fait qu'on ne le peut faifir aifément : la chair de ce poiffon n'eft
pas fort délicate.
DORMILLEOUSE. Nom donné à la torpille. Voyez ce mot.
DORONIC, doronicum. Plante fameufe chez les Arabes, chez les
Grecs & les Botaniftes Européens du dernier fiecle.
Cette plante , qui croît fur les montagnes en Suiffe , proche de
Genève , en Autriche, en Styrie, en Provence & en Languedoc, a
de petites racines tuberculées ou comme articulées par des nœuds ,
repréfentant en quelque façon la figure du fcorpion , ferpentant obli-
quement , & légèrement fibrées. De ces racines fortent plufieurs
feuilles larges , verdâtres , molles & lanugineufes , comme celles du
concombre. Sa tige eft haute d'environ un pied, cannelée, chargée
DOR ■ ■ ;o7
de duvet , & partagée en un petit nombre de rameaux , qui portent
à leur fommet des fleurs radiées, dont le difque eft. formé de plufieurs
fleurons jaunes , & la couronne de demi- fleurons , appuyés fur des
embryons & renfermés dans un calice échancré jufqu'à la. bafe en
plulieurs parties. A ces fleurs fuccedent des femences noirâtres , me-
nues & garnies chacune d'une aigrette.
On trouve chez les Droguifl:es la-ratme féchée & mondée du doronîc»
Plufieurs Collèges de Médecine refl:iment un poifon ; d'autres un
contre-poifon. Ce qu'il y a de certain, c'efl: que les animaux à quatre
pattes, particulièrement les chiens, meurent fept à huit heures après
en avoir mangé. L'iîluflire Gefncr , pour fatisfaire le célèbre Mathiok
qui lui difoit , à l'égard des propriétés du doronic , qiùd iencare nocebit}
prit intérieurement deux gros de cette racine : il n'en iiit pas incom-
modé dans le même efpace de temps que les animaux dont nous
avons parlé; mais après ce temps il enfla par tout le corps, & tomba
en foiblefl'e pendant deux jours : il ne put faire cefler ces fymptômes ,
qu'en prenant un bain d'eau chaude. M. Balkr prétend que Gefncr fe
fentit feulem.ent afiadi , & que ce fut un accident pàfTager;;!! ajoute
que les Chafleurs , par fuperftition , en prennent tous' les .j,Qurs fans
en fentir de mauvais eOets. On pourroit croire , continue M. H aller y
qu'elle approche de Xarnïca , mais qu'elle paroît plus douce. Quoi
qu'on en dife, cette racine eft afiez dangereufe , & doit être exclue
des cordiaux en Pharmxacie. Celle du doruniciiw radice dulci eft la moins
fufpede; &, de l'aveu de M. HalUr , on en ufe beaucoup dans la Phar-
macie des Alpes.
Les Allemands refufcront de comprendre dans cette cenfure le
doronic de leur pays , ou Varnica de Schroder , puifqu'ils en font un
grand ufage, & qu'ils s'en trouvent bien. Mais ce doronic efl différent
du précédent : il refîbmble par fes feuilles au plantain velu : fa racine
& fes feuilles font aromatiques , ainfi que fes fleurs qui font d'un
jaune doré. C'eft ce doronic dont les fleurs fe voient , dit M. Haller,
en grands bouquets fur toutes les maifons & les prés du Hartz, On
ne ie (ert guère en Médecine que des fleurs de Varnica. On les fait
bouillir ou infufer dans de la bière ou dans du vin , & on i^adminiflre
aux perfonnes qui ont fait des chûtes. Dès qu'on en a fait'ufage, on
relient de cruelles douleurs ; fouvent elle intercepte un peu la
ycfpiration & caufe des anxiétés , mais ces fymptômes s'appaifent
S s s 2
yo8 D o e: dot
promptement , ou par un flux d urine , ou par le vomiffement , ou
par la faignée , & par ces caufes mêmes elle diffipe le fang extravafé
par les chûtes. En un mot , la manière brufque d'opérer de cette
efpece de doronic , quoique falutaire aux Allemands , fait foupçonner
que ce remède pourroit être fâcheux au plu« grand nombre d'hommes
d'un autre pays , fur-tout dans les Contrées méridionales. Dans les
Vofges , & même à Paris , dn-en-^fait ufage en infufion théiforme à
l'eau pour les crachemens de fang ou Thémopthyfie : cette boifion
convient auiîî dans l'afthme & le catharre , dit le Doâeur Fchr : on
Teftime encore trcs-fudorifique. On appelle tabac des Vofges une pou-
dre fternutatoire faite avec les feuilles & la racine de Yarnica, JJarnlca
croît abondamment aulîi aux environs de Plombières, & principalement
dans les plus hautes montagnes des Vofges , des Alpes : on la ren-
contre encore dans les terrains incultes de la Sologne , où on l'appelle
grande bétolne - tabac»
DORQUE. C'eft ïépaulard. Voyez ce mot.
DORSTENIA. yoyei à l'article CoNTKA- YERVA.
DOS CROCHU. Nom donné au poiOTon que les Kamtfchadales
appellent ,^ar/»^5/zé ; il eft très-commun ^ fon corps eft plat & long
d'environ dix-huit pouces ; il a la tête petite , le mufeau pointu , les
dents menues & aiguës, le dos bleuâtre & tacheté de points ronds,
la queue fourchue. Sa chair efl blanche & bonne à manger. Cepen-
dant les Nationnaux n'en font point de cas.
DOTRALE ou DOTERELLE DES ANGLOIS , mormellus
Ànglorunu Oifeau que plufieurs Ornithologiftes croient être de la
même efpece que le guignard , qui eft une forte Aq petit pluvier, Vojqz
ces mots. Parmi les dotrales , les mâles , dit WiUughby , font plus
petits que les femelles ; mais ils fe reflemblent fi exaftement par les
couleurs & par le port extérieur , qu'il n'eft prefque pas poflible de
les diftinguer. Cet oifeau eft fort parefleux : lorfqu'on a tendu des
filets pour le prendre , il faut l'y conduire en choquant deux pierres
l'une contre l'autre : au premier bruit il femble s'éveiller, il étend une
aile & une patte. Les Chafleurs , par un préjugé aflez ridicule ,
font dans l'ufage d'imiter alors, par leurs geftes , les mouvemens de
cet oifeau, en étendant un bras oii une jambe, afin, difent - ils y
d'aider à la capture ; mais il n'y a pas lieu de croire que ce jeu rende
la chaffe plus facile ou plus abondante.
DOU yo^
DOUBLE C ou GAMMA. C'ell un papillon de nuît fort connu
des Naturaliftes , ou fous ces.noms, ou fous celui de Ropert le diaùie,
ou fous celui de deàa. Ce papillon a quatre pieds , les jambes blan-»
ches; les premières ailes font en angles, fauves & tachetées de noir;
les fécondes ailes font marquées d'un V blanc : on le trouve fur l'ortie
& autres plantes fur lefquelles la chenille de l'ortie fe nourrit, Le
douhU C eft le papillon de la bcdaude^ -Voyez ce mot.
On donne aufli le nom de double. JV h. un phalène , ou papillon
nodurne , dont les antennes font blanches & dentelées dans les mâles,
& fétacées dans les femelles: fes élytres font applaties. La chenille de
ce papillon eft d'un vert jaunâtre , & fe trouve communément dans
les jardins.
DOUBLE-FEUILLE , ophris hifolia. Plante qui croît le long des
vallées humides. Sa tige eft haute de quatre à fix pouces, ronde,
portant en fon milieu feulement deux feuilles oppofées l'une à l'autre,
& femblables à celles du plantain. Les fleurs qui naiflent au fommet
de la tige font, fuivant M. ^e Tourmfort , d'un vert blanchâtre , com-
pofées chacune de fix feuilles , cinq difpofées en coiffé dan's.Ja partie
fupérieure, & une flxieme qui occupe le bas de la fleur ., S^ qui a
deux petits bras & deux petites jambes; en un mot, qui rep réfente
en quelque forte un corps humain. Le calice de la fleur fe change en
•un fruit relevé de trois côtes , & qui contient des graines femblables
à de la fciûre de bois. Cette plante eft vulnéraire , déterfive. On
diftingue une deuxième efpece ^ophrîs qui porte trois feuilles , mais
qui n'eft qu'une variété de la précédente. '
DOUBLE-MARCHEUR , amphisbxna. On donne ce nom à fix
cfpeces principales de ferpens , qui ont été nommées ferpcns à deux
têtes , quoiqu'ils n'en aient qu'une , mais à caufe de l'égale grofleur
de leurs extrémités. En effet , leur queue eft obtufe ; tellement ar-
rondie par le bout , & extérieurement fi conforme avec la tête ,
qu'on ne peut , à la fimple vue , difcerner , d'une manière diftinéle ,
quelle partie eft la tête ou la queue ; c'eft la même difficulté qu'on
rencontre dans les vers de terre.
JJamphisbene marche en avant & en arrière comme une écreviiTe ou
le ver de terre. Il eft comme imbécille : il a les ouies fi larges, qu'elles
lui couvrent en quelque forte les yeux, & le rendent prefque aveu-
gle : c'eft par fa manière de ramper , tantôt par un bout & tantôt
5-10 D O U
par l'autre , qu'on Ta nommé double, marcheur. Les fegmens des anneaux
de cet animal font femblables à ceivx des vers. Sa queue eft très-
forte ; il fe nourrit de fourmis, de limaçons , & principalement de vers.
Quoique M. Lmnœus dife que cette forte de ferpent mianquant de
dents canines ou molaires, fa morfure ne doit point être dangereufe,
cependant les Portugais difent qu'il mord d'une manière affez veni-
meufe , pour caufer d'abord- joiie douleur femblable à la piqûre
d'une abeille; enfuite une inflammation femblable à celle que caufe
la fatale morfure de la vipère , & enfin qu'il en réfulte la mort. Les
fix efpeces ^aniphïshme. font :
i**. Celui de Ceyian , qui eft couvert de petites écailles rouffes ,
oblongues , jafpées de noir. Les écailles de fa tête font grandes , faites
en forme de cœur & d'un jaune clair. Ce ferpent a un odorat très-
fin ; ce qui lui eft fort utile pour chercher fa nourriture.
,2*. Celui d'Amboine, à peau émaillée , d'un rouge clair-cendré,
orné/^e petites raies blanches & irrégulieres. Ses yeux font très •
petits & couverts d'une membrane. On remarque cet anneau blanc
autour 4fe la itête.
3°. 0n autre double-marcheur d'Amboine, à écailles rouges. On ne
découvre dans fa tête ni yeux ni narines; m.ais elle eft ornée d'une
crête brunâtre , tachetée de blanc,
4.°. Uumphisbene, qu'on rencontre par toute la terre & particulié-
rem.ent dans la Lybie , dont le corps eft en partie jaune, en parti©
rouge y marqueté de blanc ; fcs marbrures & fa groffeur varient fui*
vant les divers pays.
j°. Le double-marcheur d'Amérique , qui eft grêle de corps , long
de taille , couvert d'écaillés blanchâtres par tout le corps , & qui eft
orné, par intervalles réguliers, de bandes d'un beau bleu turquin,
6°. Le double- niarcheur du Bréfil , qui eft d'un rouge de corail : on
le ViommQ puold. Ce ferpent eft magnifique : il a le corps couvert
d'écaillés rhomboïdales, qui font d'un rouge incarnat; les angles inr
■férieurs des écailles font vergetés de taches ponceau : le ventre eft
■ d'un jaune fafrané : toutes ces écailles jettent un admirable éclat.
On donne encore le nom. ^amphisbene à plufieurs autres ferpens ,
qui font efFedivement des doubles- marcheurs & des ferpens aveugles ,
çœcUia , & qui ne difterent des précédens que par les couleurs. Les
^nneaujfs qui font autour du corps & de la c^ueue , font conformés
D O U S'il
de même. Nous b£nnlflbns tout ce que renthcuiîafme a fait dire de
merveilleux aux Voyageurs au fujet des amphisbenes : il fuffit d'ou-
vrir les ouvrages de Ridfch , de Scba , &c. pour y reconnoître la
fable.
DOUC. C'eft le même animal que le grand finge de la Gochin-
chine, maison le trouve aufli à Madagafcar ; il tient des ^«^/7o/z5 , par
fa longue queue, des babouins, parjà-grande taille , ^ des Jinges ip^n
fa face plate. Il a de plus , dit M. de Buffon , un cara(5lere particulier
par lequel il paroît faire la nuance entre les guenons & les fapajous :
ces deux familles d'animaux différent entr'elles ,. en ce que les guenons
ont les fefles pelées , & que tous les fapajous les ont couvertes de
poils ; le doue eft la feule des guenons qui ait du poil fur les felTes
comme les fapajous. Il leur refl'emble aufli par TaplatilTement du mufeau,
mais en tout il approche infiniment plus des guenons que des fapa-
jous, defquels il diffère, en ce qu'il n'a pas la queue prenante", &
aufli par plufieurs autres caractères effentiels. Son caradere.^e* plus
ordinaire eft d'être alîis. Il eft friand de fèves & de bourgeons d'ar-
bres. " \,
Le doue & toutes les guenons font de l'ancien Contihentji tandis
que tous les fapajous ne fe trouvent que dans le nouveau : fa robe
variée de toutes couleurs femble indiquer l'ambiguïté de fa nature; il
y a lieu de penfer que c'efl cette efpece de linge, ainfi que Xouanderou ,
tous les deux habitans de l'Afie & des Indes ^Méridionales , qui nous
fourniffent ces bézoards fi eftimés ; en effet , les bézoards qui fe for-
ment dans l'eftom.ac & les inteftins du doue , font plus recherchés &
plusprécieux , & produifent, dit-on , plus d'efîet que ceux des chèvres
& des gazelles : on prétend que la peur les leur fait rejeter avec les
excrémens ; auiîi les Indiens vont-ils à la quête du bézoard , en pour-
fuivant ces animaux le bâton à la main. Voyez l'article Bézoard , &
le mot Jinge,
DOUCE AMERE ou VIGNE SAUVAGE , dulcamara. Cette
plante qui croît aux lieux aquatiques dans prefque toute l'Europe ,
le long des ruifîeaux & des foiîes , eft encore connue fous les noms de
Vigne de Judée ou de mof.elle - grimpante , ou de loque<%
folanum fcandens. Sa racine eft petite & fibreufe : fes branches font
grêles, farmenteufes , longues de cinq à fix pieds, & rampantes fur
la terre ou grimpantes fur les haies ou fur les buiffons & fur bs
^12 D O U
arbrifieaux qu'elles rencontrent, & où elles s'accrochent. Dans les
jeunes branches l'écorce eft verte; dans les vieilles , elle eft gercée &:
■cendrée , & d'un goût doux &c amer , d'où lui vient fon nom de
didcaniara. Son bois renferme une moelle fongueufe & caflante. Ses
feuilles font oblongues, lififes , pointues & rangées alternativement
le long des branches ; allez femblables à celles de la morelle ordinaire,
de couleur verte-brune, d'-uûe^(aveur fade , & d'une odeur narcotique.
Au refte ces feuilles varient fuivant les différentes parties de la plante ;
celles d'en bas ont à leur bafe deux appendices femblables à de petites
feuilles ; au contraire , celles d'en haut font (impies. Ses fleurs font
petites & naiflent en'^bbuquet ou en grappes, comme dans le fola-
num commun , d'une odeur défagréable. Leur couleur eft d'un bleu
tirant fur le* violet avec cinq taches d'un vert tendre au centre. Cha-
cune de ces fleurs eft une rofette découpée en cinq parties. A ces
fleui-s fuccedent des baies ovales, molles, fuccubntes, rougeâtres ,
vifqiieufes , d'une faveur vineufe, & contenant plufieurs femences
aplaties & blanchâtres. Le calice refte avec ces baies & conferve fa
couleur rîaturelle.
La dippcë amere fe multiplie aifément de drageons enracinés qui fe
trouvent au bas des gros pieds : on en fait encore des marcottes & des
boutures ; on les fevre au printemps pour les planter dans un terrain
humide; elles s'y enracinent fort vite, après quoi on les tranfporta
aux endroits où on les deftino^ On connoît différentes variétés de
cette ^nte; les unes ont des fleurs panachées, & d'autres ont des
fleurs doubles, & quelquefois les fruits en font jaunes. Les Jardiniers
plantent fouvent la douce amere pour garnir le bas des tonnelles &
des petits murs de terraffe ; comme elle eft farmenteufe , ils la palif-
fent. Cette^ plante par fes fleurs & fes fruits, produit un effet très-
agréable à la vue dans les remifes, tant en été qu'en automne.
Cette plante eft diurétique, anodine, difTout le fang extravafé &
grumelé dans les vifceres , & purge quelquefois violemment par les
fclles & par les urines qu'elle rend noires. M. HalUr rapporte que
Boeihaave faifoit beaucoup de cas de ce folanum , il en donnoit l'in-
fufion dans la pîeuréfie. Les Dames de Tofcane employoient autrefois
le fuc des grains de cette plante pour fe farder & enlever les taches
du vifage. Foyzi Mobelle.
DOUCETTE»
D O U D R A y 1 3
DOUCETTE. Nom que l'on donne , ainfi que celui de bourfcttc,
a la ïîidchc que Ton mange en falade. Foye^ Mâche,
DOUROU. Foyei VoADOUROu.
DOUVE. Eft une efpcce de renoncule de prés, qui eft mortelle à.
tous les beftiaux , particulièrement aux moutor.s qui en mangent,
Foye^ à Ûartïck Renoncule.
DRACONCULE , dracunculus. Poifioo épineux de la Méditerranée ,
que les Languedociens nomment poison lézard , à caufe de fa refîem-
blance avec le lézard de terre. C'eft le coltus finna fecunda dor/i alba
d'Artedi. Sa tête eft aplatie , plus large que le corps , & armée de
deux pointes fur le derrière : il rejette l'eâu'-par des trous qui lui
fervent peut-être de narines. Ses nageoires font longues & de couleur
d'or mêlée d'argent. Sa peau eft fine & marquetée de différentes cou-
leurs : fon ventre eft large, plat & blanc : fa chair eft femblahje pour
le goût à celle des petits goujons. La dernière nageoire du dos a* cinq
pointes faites comme cinq épis d'orge ; mais la piqûre n'en e^^as fî
dangereufe que celle de l'araignée de mer appellée riyg. Voyez ce
mot. . ■' \
DRACONCULE. Voyi^ Dragonneau & CRiNONs.-x;.r'Vi
DRACONITES. Voy^i Pierre de Dragon.
DRAGEES DE TIVOLI, confatï di Tivolï. En Hiftoire Na-
turelle, on donne ce nom à des concrétions poreufes , de la nature
des ftalagmhes. Voyez ce mot. Les dragées de Tivoli font de petits
grains arrondis , qu'on trouve dans les antres fouterrains ijj^r tous
pays , & notammicnt aux environs de Tivoli : ils font blancs , 6c
paroifTent fouvent comme vernifles.
DRAGON , draco. Il n'eft pas encore bien décidé fi cet animal ,
dont il eft fait mention dans toutes les langues Orientales , êcc. exift-e
ou non. Les defcriptions ridicules , d'ailleurs fi peu confiantes , qu'en
ont fait la plupart des Auteurs , donnent tout lieu de croire que
£'eft un être imaginaire. Si nous en croyons certains Ecrivains , le
dragon habite par toute la terre, & la manière pompeufe avec laquelle
ilfe préfente fur le théâtre des animaux, eft digne de curiofité; il
eft décrit , tantôt comme un animal à figure humaine avec un beau
vifage, & qui ne fe nourrit que de plantes venîmeufes : (tel étoit .j
dit l'Auteur de natiira rcrum , cité par Ruifch , l'animal qui féduifit
Adam & Eve) j tantôt on le repréfente ayant la figure d'un cochon,
Toms II, T 1 1
^î4 B R A
le corps menu , le bec fort, les dents de fanglier, 5^ les yeux auflî
trillans qu'une pierre précieufe ; tantôt comme un volatile ornito-
phage j moitié aigle & moitié louve , & qui efl: engendré par Tac-
couplemént de ces deux animaux ; tantôt comme un ferpent ennemi
de réiéphart , & capable d'infeder par fon haleine un très -grand ■
atmofphere ; tantôt enfin comme un animal crété & bigarré , de cent
quarante coudées de long^ijui^ne fe couche que fur l'or, & qui tue
par fa vue perçante. Voilà une ébauche du merveilleux qu'on lit
dans les Auteurs. Il p^'.roît qu'il faut ranger le dragon fur la ligne de
ïargus à cent yeux , de Vkydre à cent têtes , & du ccrbcrc , portier
de l'Enfer, à cent gueules. Difons- cependant qu'on a peut-être donné
indiftindemient le nom pompeux de dragon aux animaux monftrueux
du genre des ferpens , des lézards , des crocodiles , que l'on a trouvé
en différeris temps , & qui ont paru extraordinaires par leur grandeur
ou par leur fit^ure. On ne fait pas à quel degré d'accroifiemcnt un
reprîlê*;peut parvenir ; s'il refte ignoré dans fa caverne pendant un
très-long-temps, fa figure doit changer avec l'âge, & dans la fuite
des vénérations il fe trouve aflez de difformités & de monftruofités
pour f^rpV'ùn dragon d'un animal appartenant à une efpece ordinaire.
Par conféquent les dragons font fabuleux , fi on les donne comme
une efpece d'animaux confiante dans la nature; mais il pourroit avoir
exifté des dragons fi on les regarde comme des monftres , ou comme
des animaux parvenus à une grandeur extraordinaire pour leur
efpecéiH^
Laiffons de côté toutes ces fuppofitions & expofons, d'après quel-
ques Hiftoriens ou Voyageurs dignes de foi , ce qu'on entend par
dragons ailés & dragons de mer , &c.
DRAGON. En Aftronomie on donne ce nom à une conftellatiort
de l'hémifphere feptentrional , compofé, félon Ptolomée, de trente-
une étoiles. /^oye{ ^article Etoiles à. La fuite du mot Planète,
DRAGON AILÉ , draco volans. On donne ce nom à une forte
de lézard ailé comme une chauve-fouris , qui a quatre pieds , & qui
fe cache dans des antres. Nicolas Grimmius en a deffiné un dans les
Indes , & il paroît par la defcription qu'en donne Ray , que c'eft un
lézard volant ; que cet animal fe perche fur les branches des arbres
fruitiers , & fe nourrit de fourmis , de mouches, de papillons & d'au-
tres petits infedes4 mais qu'il ne fait aucun mal , ni aux autres
D p. A 51;
efpeces d'animaux , ni aux hommes. Il refte à favoir fi ce lézard
volant eft le même que le ferpent prétendu volant de quelques Auteurs.
M. Linnœus QYo'it que le dragon volant à^Sêba, eft le lézard volant
dAfrique»
Selon ce Naturalifte , le dragon volant a fous le gofier deux efpeces
de vefîies jaunâtres , & qui s'enflent quand il vole ; fes ailes font com-
pofées de fix rayons , fort fembîables-'^ux nageoires d'une grolTe
perche , & éloignés de fes bras ; elles font attachées à fes cuiflfes ôc
occupent le côté du bas-ventre : il a les pieds garnis de cinq doigts
inégaux , & dont les ongles font aigus & crochus ; la queue de cet
animal paroît comme articulée , & moins longue que fon corps ; elle
eft couverte d'écailles carinées , imbricées & en forme d'angle : celles
du corps font obtufes ; fa couleur tire fur le bleu avec des raies noires:
fon cou eft chargé de rugofités , & d'une efpece de capuchon carti —
lagineux, qui fait l'office a'une velîie aérienne* En effet , l'animal peut
l'emplir d'air à volonté , foit pour s'aider à voler , ou poiy: '*s%mpê-
cher de trop enfoncer dans l'eau ; il peut pareillement en retirer l'air ,
&: fe plonger s'il veut au fond de l'eau. Excepté le cap.U:fhon , la
tête de ce dragon refîemble à celle des lézards ; les trous"" ^ë^ oreilles
font ronds & concaves , ceux des narines font convexes ; on remarque
proche des yeux une verrue calleufe, & à côté de la gueule, une
crête partagée en quatre : quelques Auteurs prétendent que c'eft-là
le vrai bajîlic»
Quoi qu'il en foit , Slba dit que cet animal vit également cPhs l'eau
& fur la terre, qu'il peut nager & voler, qu'il arrange , ramafle ou
déploie fes ailes , félon les divers befoins : on voit très-peu de dra-
gons volans en Europe. Nous n'en avons vu qu'un dans tous nos
voyages : c'éîoit dans un cabinet de curiofités naturalles en Hollande.,
L'on en voit aâuellement deux dans les cabinets de Chantilly. Siba,
donne la defcription de trois efpeces différentes , qui fe trouvent ,
dit-il , en Amérique & en Afrique. Voyc^^ Lézard ailé.
DRAGON DE MER, aramus pifcis- Cet anim.al qui eft la vive
Ms François , eft un poiffon de mer à nageoires épineufes , que l'orvr
pêche dans la Méditerranée <k. dans l'Océan. Celui de la Méditerra-
née n'eft pas plus grand que la' paume de la main; celui de l'Océan
,a jufqu'à la longueur d'une coudée.
Ce poiffon eft long 3 & ferré depuis la tête jufqu'à la queue : le
T 1 1 2
■^xè t) R A
fomniet de fa tête va de niveau avec fon dos : fa bouche eft fort
grande; étant fermée, elle paroît pointue : la mâchoire inférieure eft
beaucoup plus longue que la fupérieure; il a une infinité, de petites
dents, tant aux deux mâchoires, qu'au palais & à la langue : fes deux
narines 'font placées fur le fommet de la tête, & munies d'un petit
aiguillon ;- fes yeux font d'un beau vert , fitués aufli fur le haut de
la t3te , affez voifins l'un dè^^l-autte , & couverts d'une membrane : ils
parciflent fortir de la tête ; l'iris efl: de couleur d'or , les orbites font
grands & munis de deux aiguillons : la membrane des ouies efl:
compofée de fiK arêtes larges : la couleur du dos eft plus obfcure que
celle du ventre qui eft blanche : les nageoires du dos font fillonnées-
dans toute leur longueur , & tout le corps eft marqué de lignes-
obliques : l'animal a les flancs ferrés , le ventre un peu en forme de
faux; fa queue eft fourchue , mais étant étendue, elle paroît égale.
Ce poifTon a en tout huit nageoires , dont deux au dos, autant à la
poitrine ■& au ventre, une à l'anus & une à la queue.
Toutes ces nageoires, quoique cartilagineufes, font très -fortes,
pointues cgjnrne une alêne , cependant rudes & rameufes depuis le
milieu jiifq«'*au bout. Indépendamment des petits aiguillons que ce
poiflbn porte aux orbites des yeux, il a fur la tête un autre aiguillon
fort & pointu.
Ce poiflbn a communément huit à dix pouces de long , ou la gran-
deur d'un maquereau; fa chair eft tendre, blanche, ferme, courte,
d'un trS^-bon goût, & facile à digérer; fa peau eft dure & feche.
On en pêche beaucoup dans les mois de Juin & de Juillet : lorfqu'it
fe fen^ pris , il devient fort agile , & tâche de fe cacher dans la
bourbe.
Les Pêcheurs Hollandois portent au marché une grande quantité
de ce poiflbn ; le peuple de ce pays en fait en partie fa nourriture ,
& lui donne le nom de pieurman , qui fîgnifie homme de pierre : ils
donnent auflTi ce nom à tous les poiflbns armés d'aiguillons. I^qs mêmes
Pêcheurs difent qu'une certaine humeur qui fort des arêtes tranchantes
de la première nageoire du dos de la vive, eft un poifon. Cet animal,
pour la façon de vivre , & la pointe venimeufe , reflemble aflez au
fcorpion.
On prétend que les Anciens n'ont nommé ce poiflbn dragon , qu'à
caufe de fes grands & beaux yeux , & de la piqûre de fes aiguillons ,
D Pv À 5-17
qui efl: très-dangereufe , fur-tout de ceux qui font au Iiaut du dos ;
c'efl pourquoi les Pécheurs & les Poifîbnniers ne manient le dragon de
mer qu'avec précaution , ainfi que les Cuiflniers ; & on le fert fouvent
fur les tables la tête coupée : ces aiguillons font la feule défenfe de la
vive contre les Pêcheurs ; s'ils en font piqués , la partie s'enfle, & la
tumeur eft accompagnée ordinairement d'inflammation , de douleur
& de fièvre. Ces aiguillons n'ont , pâs- même perdu tout leur venin
quand l'animal eft mort ; & quand par hafard les Cuifiniers en font
piqués, il leur arrive prefque les mêmes accidens , que fi l'animal
eue été vivant. C'eft encore d'après cette finguliere propriété , qu'il
eft ordonné par les Réglemens de Police aux Pêcheurs & aux Mar-
chands de poiflbn de les couper. Le venin de cet animal n'exifte que
dans la mécanique ou manière dont les piquans agiflent.
Selon Lemery , le remède à ce mal confifte à fe fervir de rîiatieres
acres & volatiles, &c. comme d'efprit-de-vin , d'un mélange d',o]^pns
& de fel , ou bien de la chair même de la vive ; félon M." Ahdry ,
il faut appliquer fur la blefliire le foie écrafé de l'animal même.
DRAGON DE MURAILLE. Les Chinois donnent ^e nom. à
une efpece de lézard qui court fur les murailles.; ils luh'tjîit donné
aufli le nom de Garde du Palais , ou de Dame de la Cour , parce que
l'ufage des Empereurs Chinois eft , dit-on , de faire oindre le poignet
de leurs concubines d'un onguent compofé de la partie huileufe de cet
animal & d'autres ingrédiens. Cette teinture magique , difent - ils ,
dure tant que leurs concubines ne reçoivent pas les carelfes d'^. autre
homme ; mais aufli-tôt qu'elles oublient leur devoir , le figne de
fidélité difparoît , & leur incontinence eft découverte. Dans la partie
méridionale de l'Europe , &: fur-tout dans les climats brûlans de toutes
les Contrées où le tempérament eft plus précoce , plus vif, en un
mot , le cri de la nature , une telle épreuve troubleroit fouvent la
tranquillité des ménages.
DKAGOJN VEGETAL. Arbre des Indes qui porte iey^w^f/^^r^go;?,"
Voyez ce mot,
DRAGON VOLANT. Voye^ â ranicie -Etoile tombante.
DRAGONNE AU ou DRACONCULE , gordms itudincnfis, Linnl
Les Médecins donnent ce nom à un petit animal qui a la figure &
la tortuofité d'un petit ferpent ou d'un petit ver capillaire , cependant ^
long &: large , qui fe met entre cuir & chair , particulièrement auT^
5 T 3 D R A D R ï
jambes & aux mufcles du bras. Ceux qui habitent les pays chauds
font fort fujets à être incommodés de cet animal , qui leur paroît
fur-tout fous la peau des côtes. On prétend que l'Empereur Henri V
eft mort de la maladie des draconcuUs : nous avons parlé du dra-
gonneau à Tarticle Crinons. Voyez ce mot.
DRAP D'OR & DRAP ORANGÉ. On donne chacun de ces
îioms à deux fortes de coquillages uni valves , dont le compartiment
€n 2ig-2ag efl ou doré, ou formé de grandes taches & de lignes au-,
rores fur un fond blatK:. On apperçoit dans les fafcies du drap d'or
une nuance bleuâtre. -Gelon les obfervations de M. ^t/^/?/^;? , il paroît
que ce coquiUage eft opercuU , & du genre des rouleaux. Voyez ce
jmot. Le drap cTafgent eft d'un fond blanc marbré de bleu , &c,
DRAP MORTUAIRE. Infede du genre des fcarabées , & quia
£n petit la même forme que celle du hanneton. Il eft en deflbus &
.erfllskfl^ d'une couleur noire, un peu bleuâtre, & varié de marques
S>c de tadîes blanches ; il a fur fon corfeîet des points blancs , difpofés
en deux bander longitudinales de trois points chacune, outre quelques
autres phMp^itits : il a auili fous le ventre une raie longitudinale , formée
pareillerSnt de points blancs, & '^lacé chacun au milieu d'un des
anneaux de cette partie. Cet infede fe trouve fur la fleur de l'angélique
de même que fur la plupart des plantes ombelliferes. M. Geoff, 7p.
DRAP MORTUAIRE. Les Holîandois appellent ainfi une coquille
..du g^iLe des olives. Sa robe eft d'un vert céladon , ornée de chevrons
coucSjSp violet -noir, imitant le point d'Hongrie, à petite tête,
dont les premières révolutions ou fpirales rentrent l'une dans l'autre,
DRAPIER. Voysi Martin Pêcheur.
DFvAVE , draba. Plante fort conimune fur les bords des chemins
au Languedoc & des autres pays chauds. On la regarde comme une
forte de pajferagc ; elle eft haute d'un pied ; fa tige eft ferme , cannelée
& rameufe j fes feuilles font cblongues , grisâtres & dentées ; fes fleurs
font petites , attachées à des ombelles , & difpofées en croix. Il leur
fuccede un fruit formé en petit cœur , rempli de femences menues ,
jroufles & acres, La racine de cette plante eft petite , îigneufe &
^blanchâtre.
La Drave eft incifîve & carminative.
PRENNE, Nom donné à la grande grive du Gui. Voyez ce mot.
PKIFF, La plupart des AJchimiftes ont donné ce nom à la fameuf^
D R î D R O 5^Tp
pierre de Butikr , fî vantée par Van Hdmcjity on la nommoit aiifii
periapton faluâs magneticuîn , & on îa regardoit comme propre à attirer
le venin; on a poufle le mervei!leux jufqu'à prétendre qu'il {uMoit
de goûter cette pierre du bout de la langue pour être guéri des ma-
ladies les plus terribles : cette pierre étoit , dit-on , compofée d'ufnée
humaine, de fel marin & de vitriol cuivreux empâté avec de la colle
de poifîbn. Woit ga^phylatmm phyjîco-nudkum,
DRILL. Voyci Okang-outang.
DROGUIER. Eft une colîedion de difTérentes fubRances de îa
Nature , dans les trois règnes , Minéraux , Végétaux & Animaux,
Le Naturalifte , dans fes courfes philofophiques ^ ramalTe toutes les
oifFérentes produâions naturelles; il les étudie pour les diftribuer par
clafies 5 ordres , genres & efpeces ; il préfente tous ces .tréfors exoti-
ques ou indigènes à la Pharmacie , à la Chimie , à la Teinture ^ à la
Peinture , à l'Orfèvrerie , à tous les Arts & à toutes les Sciences»
C'ell: dans le cabinet du Naturalifte , qu'on voit les échaatillons de
ce que les hommes peuvent recueillir , échanger , fabriquer & m.ettre
en oeuvre, comme aulîi de toutes les falhncations qu'oi^ypeut faire;
en un mot , on y trouve la matière du commerce & de^%nduftrie.
Un Droguier bien compofé fatisfait aux befoins & à l'agrément de la
vie, en inftruifant des particularités de chaque pays. Tel eft le
motif quiengage maintenant les Grands à avoir des droguiers. M. l'Abbé
Pluche dit à ce fujet , que plus les Princes polTedent les détails de ces
fortes de colledions , plus ils fe montrent au fait des intérêfjpfe: des
travaux de la fociété qu'ils gouvernent. On appelle drogue toutes les
épices & autres matières qui fervent à la Médecine & aux Arts. Voy^
Epiceries & Vanick Histoire Naturelle.
DROMADAIRE. Voyz^ au mot Chameau.
DRONTE , raphui. Genre particulier d'un oifeau étranger , feuî-
de fon efpece , & que quelques-uns ont regardé improprement comme
une efpece d'autruche des Indes Orientales. Le dronte habite ordi-
nairement dans l'île Maurice , fi renommée par le beau bois d'ébene
qui en vient. Cet animal eft fort ftupide : fa grandeur & fa figure-
tiennent du coq d'Inde & de l'autruche ; fa taille furpafïe celle dit^
cygne ; fa tête eft longue , grofle & difforme : des plumes fuivent le
contour de la bafe de fon bec , s'avancent en pointe fur le front ^
puis s'arrondiiTent autour de la face en manière de capuchon, d'où-
^50 D R O DRU
lui eft venu le nom de cygne encapuchonné : Tes yeux font noirs ^
grands : Ton bec eft très - long , gros , robufte , pointu & crochu ,
de couleur d'un bleu pâle : fon cou eft grand , gras & courbé : le
corps gros &: rond, couvert de plumes grifes & molles, comme celui
de l'autruclie : fes ailes font courtes : fes jambes font grofles , courtes
^ jaunâtres : il a quatre doigts , trois devant & un derrière ; il ne
vole point & marche lentejnent : fa chair efl: grafle & fi nourrilTante,
aue trois ou quatre drontes fuïïifbnt pour raflafier cent perfonnes. On
trouve commune'ment des pierres dans l'eftomac de cet animal.
On regarde comm.unément , dit M. de Bujfon , la légèreté comme
un attribut propre aux oifeaux ; mais fi on vouloit en faire le carac-
tère effentiel , le dronts n'auroit aucun titre pour y être admis ;
car foin d^nnoncer la légèreté par fes proportions ou par fes m.ou-
vemenSp^. il paroît fait exprès pour nous donner l'idée du plus lourd
des étf;è§ organifés. La grofleur , qui dans les animaux fuppofe la
force, ne.. produit ici que la pefanteur ; l'autruche, le touyou , le
c.afoar oe font pas plus en état de voîçr ^ue le dronte; mais du moins
ils font très-rv^ts à la courfe, au lieu que le dronte paroît accablé
de fon pc^pfe poids , & avoir à peine la force de fe traîner : il efl:
dans les oifeaux, dit encore M. ^jï Buffon , ce que lepareffeux.eftdans les
quadrupèdes : on diroit qu'il eu: compofé d'une matière brute , inac-
tive , où les molécules vivantes ont été épargnées. Il a des ailes ,
mais ces ailes font trop foibles & trop courtes pour l'élever dans les
cùrs : ]^f^ i:ne queue , mais cette queue eft difproportionnée & hors
de fa p^ce ; on le prendroit pour une tortue qui feroit affublée de la
dépoup!e d'un oifeau j & la Nature , en lui accordant ces ornemens
inutiles , f^mble avoir voulu ajouter l'embarras à la pefanreur , la
gauckerie des mouvemens à l'inertie de la mafle , & rendre fa lourde
épaiffeur encore plus choquante , en faifant fouvenir qu'il eft oifeau.
DROUE. FoyiT^YtTU.
DRUSE , ■'dnif'in. Nom Allemand qui fignifie glande , & que les
I^aturaliftes François commencent à adopter pour défigner des groupes
ou amas de criftaliifations , foit minérales, foit fpathiques, &c. qui
t^piflent fi fouvent les cavités Aqz filons.
Les Mineurs entendent aufîi par ce mot , des filons poreux &
fpongieux & dépourvus de la matière métallique qu'ils ont perdue,
foit par fadicn d'un feu fouterrain, foit par des diifolvans, &c. L^
rencontra
DRY DUC fil
rencontre de ces drufes déplaît infiniment aux Mineurs ; ils préten-
dent qu'elle leur annonce que le filon va devenir moins riche , joint
à ce qu'ils s'attendent à trouver peu après un roc vif très - difficile à
percer. Foyei^ VartïcU Filons.
DRYIN , dryinus. Eft un ferpent d'Amérique , & qui fe trouve
aulli aux environs de Conftantinople. Il eft ainfi appelle du mot Grec
A^ûjvof, qui fignifie c^é^/zé , parce qu'jl.-a^ Ta couleur de cet arbre, &
qu'il fe cache dans le creux du chêne. Ce ferpent efi: de la longueur
& groifeur d'une médiocre anguille : il a un regard affreux ; fa tête
eft fort joliment marquetée : fa gueule éft armée de dents pointues \
le defllis de fon corps eft couvert de grandes écailles qui vont en
rond, dont chacune eft barrée de raies rouges.' Dès que quelque
animal ou quelque homme le touche , il jette une certaine liqueuc
extrêmement puante , d'une odeur pareille à celles des tanneries.
Quand le dryin a fait cette évacuation, il eft moins dangerfecrx. II
mord ordinairement au talen & au pied : ceux qui en font mordus
deviennent tout défigurés, & meurent en langueur, exhalant de tout
leur corps une puanteur infupportable. Le remède à fe-^orfure eft
le même que pour celle de la vipère, c'eft-à-dire , l'u^cge de ïalkali
volatil. Le dryin fe retire auiîi dans kfrprés humides, où il fe nourrit,
d'efpeces de fauterelles & de petites grenouilles,
. DSHEREN. Foyci Ahu.
DUB. Sorte de lézard non-venimeux , qui fe trouve dans le^éferts
de la Lybie en Afrique : il a un pied & demi de longucur/'êc trois
pouces de largeur. L'eau le fait mourir. Il fait des œufs femblables
à ceux du crapaud. Les Arabes le mangent rôti : fa chair a re goût
de la grenouille. Ce lézard eft fort difpos , & fi fort, qu£ lorfqu'il
a -la tête *; la moitié du corps dans un trou , quoique fa queue de-
meure dehors , il eft impofljble de fen arracher, quelque effort que
l'on faife ; les Chaffeurs , pour l'en retirer, font obligés, d'agrandir ce
trou avec un inftrument. Au bout de trois jours qu'on l'a tué, fi on
le met auprès du feu , les parties de fon corps fe meuvent ou pal-
pitent encore, mais comme fi l'animal expiroit.
DUC , buho. Oifeaudenuit , c^^Vi.Linnocus met à la tête àQ% oifeaux
de proie : M. Bnjjon le place dans le genre du hibou. On difiingue
pîufieurs efpeces de ducs , dont le caradere eft d'avoir trois doigts en
Tomai, Vvv
y ^ 2 DUC
devant & un par derr'ere ; le dernier eft tourné en arrière : la fuperficie
du bec, depuis la bafe jufqu'à la pointe, eft crochue, les narines font
couvertes de plumes qui ont la rudefle du poil : il n'a point autour du
bec le ccra de la plupart des oifeaux de proie.
La premi'ire efpece eft le grand duc , bubo maximus ; c'eft l'efpece de
hibou la plus forte, le plus grand des oiL-aux nodùrnes; ceft en
quelque forte l'aigle de la nuit & le roi de cette tribu d'oifeaux qui
craignent la lumière du jour , & ne volent que quand elle s'éteint. Son
cri eft effrayant & femble exprimer les fons û'un animal fouffrant ,
Jud hou , hou-hou, bouh û, pou^ hou : cek d'après cette forte de cri lu-
gubre , que quelques François l'ont appelé chat-huant plaintif: il fait
retentir ce cri dans le filence de la nuit , lorfque les autres animaux fe
taifent , & c'eft alors qu'il les éveille, les inquiète, les pourfuit &: les
enlevé, ou les met à mort pour les dépecer & les emporter dans fa
retraite. Il defcend rarement dans les plaines , & ne fe perche pas vo-
lontiers fur les arbres. Sa chafle la plus ordinaire eft les jeunes lièvres,
les lapins , les taupes , les mulots , les fouris ; il avale ces dernières
toutes entieri^^^' & en digère la fubftance charnue & vomit le poil, les
os & la peau en pelotes arrondies; il mange aufti les chauve-fouris, les
ferpens, les lézards, les crapaj^ds , les grenouilles, & en nourrit fes
petits; il chafTe alors avec tant d'adivité & d'adrefle, quefon nid regorge
de provifions ; il en rafîemble plus qu'aucun autre oifeau de proie.
(5ette efpece n'eft pas auflî nombreufe en France que celle des autres
hiboux ,'"§[ il n'eft pas sûr qu'ils reftent au pays toute Tannée. Leur
nid a près de trois pieds de diamètre , & eft compofé de petites branches
de bois ^c entrelacées de racines fouples , & garni de feuilles en dedans.
On ne trouve ■ fouvent qu'un œuf ou deux dans ce nid , un peu plus
gros que les œufs de poule. Ces oifeaux chafTent dans le fiknce, &
avec plus de légèreté que leur grofte corpulence ne paroît le permettre.
On les voit fouvent fe battre avec les bufes ; ils font ordinairement les
plus forts & les maîtres de la proie qu'ils leur enlèvent. Le grand duc
eft un puiffant oifeau : M. HalUr ^flure qu'on l'a vu combattre & vaincre
un aigle. Ce même Obfervateur ajoute que cet oifeau a les yeux fin-
guliérement conformés; la cornée en eft fi convexe , qu'il paroît avoir
un tube appliqué fur la fclérotique : cette grande furface de la cornée
ramafle un nombre fupérieur de rayons de lumière , & contribue à
DUC 521
rendre l'animal fenfïble au peu de lumière qui refte dans l'air en
rabfence du foleii. Ils fupportent même plus aifément la lumière da
jour que les autres oifeaux de nuit ; car ils fortent de meilleure heure
le foir, & rentrent plus tard le matin. On voit quelquefois le duc aflailli
par des troupes de corneilles qui le fuivent au vol & ren\^jonnent par
milliers. Il loutient leur choc , poufle des cris plus forts qu'elles , &
finit par les difperfer, & fouvent par enprendre quelques-unes lorfque
la lumière du jour baifle. On fe fert du duc dans la Fauconnerie pour
attirer le milan j on attache au duc une queue de renard, pour rendre
fa figure encore plus extraordinaire; il'^vole à fleur de terre, & fe pofe
dans la campagne , fans fe percher fur aucun arbre : le milan qui
l'apperçoit de loin , arrive & s'approche du duc , non pas pour le
combattre ou l'attaquer, mais comme pour l'admirer, & il fe tient
auprès de lui allez long-temps pour fe laifTer tirer par le Chafleur, ou
prendre par les oifeaux de proie qu'on lâche à fa pourfuite.-Le duc blanc
de la Lapponie paroît de la même efpece que le nôtre, & ne doit fa
couleur qu'au froid du climat. Comme cet oifeaû 'craint peu le chaud
& ne redoute pas le froid, on le trouve également daiï&Jes deux Con-
tincns, au Nord & au Midi; & non-feulement on y trouve l'efpeca
même, mais encore les variétés de Tirfpece. I^q jacurutu du Bréfîl ell:
le même oifeau que notre grand duc commun : on connoît auiîî le grand
duc de Firginic : en un mot on diftingue trois fortes de grands ducs ,
moins par la tailie, qui eft aflez égale, que par le plumage', dont les
couleurs font allez différentes. Le premier a àQ& plumes noirâtres, qui
s'élèvent de trois doigts au-delTus des oreilles , & en manierei^de cornes.
Le deuxième eft le grand duc d'Italie ; il diffère du précédent par fes
jambes, qui font couvertes de plumes duvetées jufqu'a l'extrémité des
doigts , qui font aufli plus petits : tout le champ de. fon pennage eft
fauve. Le troifieme a les jambes peu ou point velues, Sl les ferres plus
foibles : on l'appelle grand duc déchaujffé, bubo pedlbus nudis. Le grand
duc ne fait pas feulement fa retraite dans les fombres cavernes des-
montagnes & des rochers , mais aufii dans les arbres creux , dans les
édifices ruinés & dans les mafures abandonnées , fous les toits des grandes
maifons, des greniers, dans des trous de tours & de murailles, enfin
dans des lieux peu fréquentés par les hommes : c'eft-là où cet animal
dépofe fes œufs , les couve & élevé fes petits. ^|
V V V 2
5 24 DUC
La deuxième efpece eft le moyen duc , qui eft encore un chat-huan
cornu ou hibou cornu , ajïo. On en diftingue aufli de deux fortes ; la
première a le champ du pennage plus cendré &: plus blanchâtre ; l'autre
eft plus fauve, & d'une couleur de rouille plus lavée : leur tête eft
chamarrée ^^ ronde, de même que dans tous les oifeaux qui ne butinent
que la nuit : les oreilles font compofées de deux cornes de plumes :
toute la face, depuis les fourclls jufqu'aux nafeaux, & tout ce qui eft
autour des yeux & du bec, efToiTTé- &: environné de petites plumes,
déliées comme des poils : cette forte de collet ou de couronne de plumes
eft ou fauve ou d'un cendré blajjchâtre : les yeux font grands, la prunelle
noire , le tour jaune : le bec , d'un brun noirâtre , mais moins courbé
que celui du hibou vulgaire : les plumes du vol font grandes & jafpées;
celles de la. queue ne s'étendent pas beaucoup au-delà du vol : les ferres
font longiies & robuftes, garnies de beaux ongles noirs, aigus &
courbés; les jambes fortes : ceux qui font jaunes ou fauves les ont, ainfi
que les griiFes, couvertes de plumes velues jufqu'au-defius des ferres»
Le moyen duc eft évidemment une efpece différente de celle du grand
duc, qui eft -^ôs comme une oie, & de celle àufcops, ou petit duc ,
qui n'eft pas plus gros qu'un merle ;refpece en eft beaucoup plus com-
mune dans nos climats , que cel^e du grand duc , que l'on n'y rencontre
que rarement en hiver, au lieu que le moyen duc y rcfte toute l'année,
& fe trouve même plus aifément en été qu'en hiver. Cet oifeau ne fe
donne gu^re la peine de conftruire de nid , il pond dans des nids
étrangers qu'il trouve tout faits , comme à^s nids de pie, de bufe; on
fe fert du hibou & du chat-huant pour attirer les oifeaux à la pipée ; &
l'on remarque que les gros oifeaux viennent plus volontiers à la voix
du hibou , qui^eft une efpece de cri plaintif ou de gémiffement grave
& alongé, cloi^ , cioud , qu'il ne ceffe de répéter pendant la nuit, &
que les petits ooifeaux viennent en plus grand nombre à celle du chat-
huant^ qui eft une voix haute, une efpece d'appel hoho, hoho : tous
deux font pendant le jour des geftes ridicules & bouffons en préfence
des hommes & des autres oifeaux ; mais , dit M. de Buffon , ces mou-
vemens bouffons ou fatiriques , attribués aw hibou par les Anciens ,
appartiennent auffi à prefque tous les oifeaux de nuit , & dans le fait
ils fe réduifent à une contenance étonnée, à de fréquens tournemcns
de tête en haut 3 en bas , & de tous côtés , à des craquemens de bec^.
D U G D U N 3'2s'
à des trépidations de jambes & des mouvemens de pieds , dont ils
portent un doigt, tantôt en arrière, tantôt en avant.
he petit duc, fcops , eft remarquable par fon plumage plus élégam-
ment bigarré & plus diftindement tacheté que celui des autres ; car
tout Ton corps eft très-joliment varié de gris , de roux, de 'brun & d§
noirj Tes jambes font couvertes jufqu'à leur origine de plumes d'un
gris roufsâtre mêlé de taches brunes^_JZ)ette efpcce diffère des deux
autres par fon naturel, elle fe réCinit en troupe en automne & au
printemps pour voyager ; ces oifeaux partent après les hirondelles , &
arrivent à -peu -près en même temps ,•11 n'en refte que très-peu ou
point du tout dans nos Provinces pendant l'hiver; il y a lieu de croire
qu'elles font des voyages de long cours , & qu'elles paffent d'un continent
à l'autre. L'oifeau de la Nouvelle Efpagne , connu fou-s le nom de
talchicuatli , paroît être la même efpece, ou une efpece bien voifîne.
Les petits ducs recherchent les endroits qu'habitent les mulots, &
rendent quelquefois par leur arrivée les plus grands fervices, en détrui-
fant ces animaux qui dans de certaines années pullulent à -un tel point,
qu'ils dévorent toutes les graines & toutes les racines des pfentes leé plus
néceffaires à la nourriture & à l'ufage de l'homme; le petit duc, ou
fcops, eft fouvent confondu avec la chèvythc, parce que ces deux oifeaux
font à-peu-près de la même groffeur, & que les petites plumes émi-
nentes qui diftinguent le petit duc font très-courtes & trop peu appa-
rentes pour faire un caradere qu'on puiffe reconnoître de loin, La
couleur de ces oifeaux varie beaucoup fuivant l'âge & le climat, &
peut-être le fexe ; ils font tous gris dans le premier âge ; il y en a de
plus bruns les uns que les autres, quand ils font adultes; la co\|Jeur des
yeux paroît fuivre celle du plumage. ^*
DUGON. Fauffe efpece de morfe. ou de vacht marine ^YoyQZ ce qui
en eft dit à la fin de ce dernier mot.
DUNES. Ceft ainfi qu'on nomme des hauteurs détachées les unes
des autres , ou monticules de fable, qui fe trouvent accumulées le long
d'une côte fur le bord de la mer ou^e la plage. Les dunes font au
nombre des atterriffemens ; entre Dunkerque & Calais les dunes peuvent
avoir environ un quart de lieue de largeur ; on trouve fur le*fable des
dunes des environs de Calais & de Boulogne des fiagmens de quelques
efpeces de coquilles qui fe déiruifcnt peu-à-peu par les flots de la mer
X
^26 DU R D U Y
dans le flux ôc reflux. Les côtes maritimes de la haute Normandie font
garnies de pareilles dunes , ou de bancs de fable,
DURE MERE. Voyez à l'article Homme,
DURION, durio. Grand arbre des Indes en Malaca, dont le bois
efl: fort & folide , couvert d'une écorce grisâtre, trcs-rameux & garni
de feuilles larges de deux pouces & longues de iïx doigts , fort den-
telées & de couleur roufle : fa- ^Qe^ur efl: d'un blanc jaunâtre : les habitans
l'appellent luaa. A cette fleur fuccedent des fruits gros comme un
melon , couverts d'une écorce ferme, fïllonnée comme celle du melon,
mais hérifîee de forts piquaffts. Ce fruit eft intérieurement divifé en
quatre cellules , qui contiennent chacune , dans trois ou quatre autres
réceptacles , des amandes ou fruits fort blancs , de la grofleur d'un
ceuf de poule, Ces fruits paroiflent d'abord défagréables au goût à ceux
qui n'en on-t pas encore mangé, & d'une odeur d'oignons pourris;
mais après s'y être accoutumé, on trouve que le goût "en eft exquis.
Les Indiens appellent cet arbre batan, & (on ïruxt duryaotn. Ils eftimcnt
ce fruit apéritif, carminatif & fudorifique. Quand ils craignent d'en
avoir trop mangé, ils mâchent du bccd , pour prévenir l'indigeflion,
DUCHAL, Efpece de liqueur vineufe dont on ufe en Perfe : elle
reflembîe à du firop & elle en*a la confiftance : on la fait avec du moût
de vin : quelquefois on l'évaporé jufqu'à ficcité, afin d'en rendre le
tranfport plus facile ; & quand on veut en faire ufage , il fuffit d'en
diflbudrè un peu dans de l'eau mclée avec un peu de vinaigre , alors
on a une boiflbn qui eft, dit-on, très-propre à appaifer la foif , &
fur-tout très -commode dans un pays où l'ufage du vin eft défendu,
JDlciionn. dcllubner, Foyci^L^articU ViN <z la fuite du mot ViGNE.
DUTROÂ ou DATUPvA. Plante des Indes dont la graine prife
intérieurement caufe une joie infenfée, qui fait perdre la raifon & la
mémoire. Il y a un pays où les femmes en font fouvent prendre à leurs
maris. P^oye^ à la fuite de l'article Pomme épineuse.
DUVET, On appelle ainfi la plume menue & chaude qui couvre
tout le corps de l'oifeau & qui le garantit du froid. Le duvet du gerfault
& celui du canard d'Iflande ( canard à duvet ) portent le nom ^êdredon^
Le duvet d'autruche eft de deux efpeces ; l'un , qui eft fin, & fe nomme
foil d'autruche ; l'autre, qui eft gros, n'eft que les petites plumes de
cet oifeau que les Plumaiîiers frifentavec le couteau : roj^e^ Autkuche,
Qîi dit aufli le duvet c^'i^ne plante, Voye^^ à t article Planth»
D Y T '^27
DYTIQUE,, dytlfcus» Ce mot qui fignifie plongeur défigne un genre
d'infeâes aquatiques nommés en François fcarahées if eau, dont le carac-
tère eft d'avoir le plus fouvent des antennes fétacées & des pieds propres
à nager & fans poils. Voyez Tourniquet de Scarabée aquatique. Les dy-
tiques font communs dans les balTins, les étangs , les eaux dormantes,
le£ ruifleaux & les mares. Leur larve, femblableà celle du ver ajfajjîn ,
s'enfonce dans la terre, fous Teau, pour y faire fa coque.
^Mi^à
52S EAU
E
J^AU, aqua. Eft un corps fans couleur, tranfparent, volatil, ra-
refcible , infipide , inodore , qui a la propriété de mouiller tout ce
qu'il touche, & qui eft ordinairement fluide.
Du moins telles font les propriétés de l'eau pure; car nous verrons
plus bas , ^ue la nature nous préfente quelquefois de l'eau chargée de
matières étrangères qui lui donnent de l'odeur, de la couleur, de la
faveur; & que l'eau eft auflî quelquefois dans un état de folidité.
Différences des Eaux,
Leurs différences font d'être froides ou chaudes , fimples ou com-
pofées, concrètes ou fluides.
L'état naturel de l'eau dans les climats tempérés eft d'être fraîche &
fluide i dans M^zone glacée , l'état naturel de l'eau eft d'être froide &
iolide, & ce n'eft que par accident qu'elle devient chaude, ou compofée.
Dans le premier cas , on l'appelle eau proprement dite ; dans le fécond,
elle prend le nom , ou de glace, ou de neige, ou de grêle ; & dans le
dernier cas on la défigne fous le nom d\au thermale : difons maintenant
que des Phyfîciens du premier rang difent que l'état le plus naturel
xle l'eau eft celui de folidité, & qu'elle n'eft en forme fl.uide que par
l'effet de la fufion occafionnée par des parties du feu qui y circulent
& y fon|: interpofées. On compte prefque autant d'efpeces d'eaux
fluides, qu'i!||r (l'de matières que l'eau peut tenir en diflblution , foit
par elle-même, foit au moyen de quelque corps quiferve d'intermède.
Sous ce rapport , les eaux font, ou favonneufes , ou fulfureufes , ou
bitumineufes, ou alumineufes, ou vitrioliques, ou muriatiques, ou
minérales m.étalliques , c'eft-à-dire, pyriteufes, ainfi qu^on le verra
par les détails fui vans..
Nous fuivroçs ici la divinon 'générale des eaux qu'on lit dans notre
^Améïalogifù'.t.I. Edit.de \yy^. nous les cQnfidérerons comme fimples,
^5i comme compofées»
Eaux JimpliS»
9
Q>mîne eaux Jimplcs , cîîes font réputcas ne contenir aucunes
fubftances
EAU 5* 2 p
fiibflances étrangères à celles qui confâtuent réiément aqueux : mais les
Chimiftes, en les analyfant, ont toujours trouvé quelque réfîdu falin
ou terreux, &c. qui fait conclure que la fimplicitc qu'on leur attribue,
eft une (implicite purement relative. MM. Bocrhaave 8c Marcgraf ont
aulîî prouvé que l'eau la plus pure en apparence, à l'odeur & à la
faveur, donnoit encore, après la diftillation la plus fcrupuleufement
redifiée des parties hétérogènes. M, Lavoijzer , de l'Académie des
Sciences, a lu à la rentrée publique, le 14 Novembre 1770, une excel-
lente Diflertation , dans laquelle il traite & difcute avec clarté cette
queiHon : Peau la plus pure coniient-elle de la terre, & cette eau peut-elU
être changée en terre? M. Lavoijier conclud que l'eau dillillée feulement
une fois ou deux à une chaleur douce &: lente , eft prefque abfolument
pure : qu'elle ne change point de nature par îa diftillation, & n'acquiert
aucune nouvelle propriété par des diftillations réitérées, & que la
terre que les Chimiftes ont imaginé retirer de l'eau, n'étoit" que des
débris de l'alambic dont on s'étoit fervi , & rapprochés par févapora-
tion. M. Hartfoëcker a obfervé qu'une eau de fontaine^ (non préparée)
très-limpide, expofée à l'air libre eft remplie d'une infinité d'animaux,
avec lefquels ceux de l'air s'accouplent, & multiplient prodigieufement
en très-peu de temps , & deviennent enfuite de petits infeâies volans.
Ces infedes proviennent d'œufs ou de vers qui y exiftoient, ou qui
y font furvenus par diflérens moyens. Fanhdinont rapporte, & c'eft
un fait très -connu à préfent, que l'eau (non diftillée J la plus pure
dont on approvifionne nos navires, éprouve fous la ligne une véritable
putréfadion ; qu'elle devient roufsâtre , enfuite verdâtre , & enfin
rouge : que dans ce dernier degré d'altération elle répand une puanteur
infupportable, & qu'elle fe rétablit enfuite d'elle-même OTpeu de jours:
cette altération eft due à des corps étrangers à l'eau. ,
Les eaux JimpUs font les plus communes, & ne pefent environ que
foixante-dix livres par pied cube : elles font ou aériennes ou terreftres.
Les eaux de Caïr font, ou fluides, comme la pluie, ou congelées,
comme la neige & la grêle; elles défalterent peu les animaux; mais
elles conviennent merveilleufement à la végétation. La pluie tombe
en gouttes plus ou moins groîTes , & avècplus où moins de fréquence;
elle forme & entretient les eaux des mares , des citernes & plufieurs
lacs : voye^^ Pluie. Celle de tempête eft fort grolTe : la pluie fine donne
îa bruine. Ces eaux après être tombées fur la terre , coulent dans les
Tome, //, X x x
^30 ' ■ EAU
ruifTeaux, dans les rivières & dans la mer, d'où elles font enlevées dé
nouveau dans ratmofphere , & donnent en retombant les météores
connus fous les noms de brouillard & de rofée. Voyez ces mots.
Les eaux du ciel congelées font les moins altérables; mais quoiqu'on
les emploie, fans inconvénient, dans les BrafiTeries , on obferve qu'en
général elles font mal faines étant fondues ; quantité d'habitans du Tirol
& de la Suifle en font une funefte expérience : ils prétendent que c'eft
l'ufage d'une telle eau qui leur donne les goitres auxquels ils font fujets;
& Ton fait que toutes les eaux de la Suiffe ne proviennent , pour la
plupart , que des neiges fondues. Parmi les eaux congelées, on compte
la grêle, la neige, & les météores connus fous le nom de frimas, de
verglas , de givre , &c. Voyc:^ chacun de ces mots.
Les eaux terre/Ires lont celles que l'on rencontre , tant à la furflice
qu'à l'intérieur de notre globe : elles font ou ftagnantes, ou coulantes,
ou glacées.
Ueau coulante ell: d'un ufage indifpenfable aux divers befoins &
agrémens de la vie : c'eft la plus faine , la plus favoureufe aux organes
du goût , & la plus propre à appaifer la foif de tous les animaux ; elle
eft plus pefante, plus long-temps à s'échauffer, à fe refroidir & à
bouillir que l'eau célefte : parmi ces eaux , l'eau de fource eft la plus
claire & la plus légère ; on la nomme aufli eau de roche : on ne lui
reconnoît de faveur que celle du fol qu'elle arrofe dans fon trajet fou-
terrain. C'eft elle qui forme les fontaines , les puits , &c. Ce font de
femblables eaux qu'on diftribue, comme à commandement, (d'un
feul coup de clef) au buffet, à la cuifîne, au bafim du parterre, &
aux cuvettes ^du potager.
Il y a^ des eaux de fource qui coulent continuellement , & d'autres
périodiquement ," c'eft-à-dire à certains temps de l'année ou de la
journée , &c. Il eft vraifemblable que la fource primitive de ces der-
nières eaux eft généralement due à des fontes de neige opérées immé-
diatement après, que le foleil a paru fur l'horizon du lieu : d'autres
font périodiques, irrégulieres , & fuivent dans Ijur écoulement les
variations du temps, yoyei ce que nous en difons à l article Fontaine,
Ueau de puits eft également une eau fouterraine , dont l'origine &
les propriétés paroifîent peu différentes de la précédente : il eft certain
cependant, qu'elle eft plus indigefte, & plus propre adonner, par
une forte d'aftridion, ou une autre propriété équivalente, de l'inten-
EAU 5-31
iîté aux couleurs rouges qu'on imprègne fur la toile,- le coton, la
futaine & autres étoffes. Les Jardiniers fe gardent bien d'en employer
l'eau fans l'avoir expofée à l'air , à moins que le puits ne foit peu pro-
fond : autrement ils feroient périr les racines des plantes. On verra aux
articles Fontaine & Mines , que les eaux fouterraines , dont l'exiftence
eft généralement connue , fe trouvent à toutes les profondeurs de la
terre, où il y a des crevafîes & de l'air à refpirer; & que les odeurs
plus ou moins fuaves , qu'exhalent plufîeurs d'entre ces eaux , ne pro-
viennent vifîblementj que de ce qu'elles ont lavé les montagnes, 8c
baigné les prairies dans le temps des fleurs , ou dilfous des fubftances
ou folîîles , ou minérales , avant ou pendant leur infiltration fouter-
raine. M. Leutman dit que fi on filtre de l'eau de puits au travers'd'un
papier gris , qu'on laiffe enfuite fermenter ou pourrir cette eau , &
qu'on la filtre de nouveau, elle fera plus pure que fi on la diftilloit.
L'eau de rivière, qui tire fon origine en grande partie , des fontaines,
fources & ruiffeaux , eft fouvent impure , fur-tout près des grandes
Villes qu'elle a arrofées , ou immédiatement aptes des orages : elle
s'épure enfuite , & devient propre à appaifer la foif, à préparer nos
alimens, à blanchir le linge; elle diflbut mieux le favon, nettoie plus
à fond le linge ; elle efl: plus ondueufe; enfin elle efi: préférable à
toutes fortes d'eaux pour faire prefque toutes les couleurs de la
teinture.
Les eaux Jîagnantes font fans écoulement, elles font troubles &
grisâtres , d'une odeur vappide & d'un goût bourbeux ; elles dépofent
beaucoup de limon , & elles fe corrompent d'autant plus facilement
qu'elles ont déjà un commencement de putréfadion : telles font les
eaux de vivier, de mare ou de marais & d'étang. Q^s eaux fe delle-
chent aiféroent en été , & fe réduifent en une matière bourbeufe ,
-excepté celle d'abyme : le fond des eaux bourbeufes & marécageufes
eft toujours orné de buifl'ons & de moufTes : il eft en outre la retraite
d'une infinité d'infedes & de vers, & fe change peu à. peu en une
excellente terre combuftible. Foyc?^ Tourbe. -
Les eaux de citerne ne font qu'une eau de pluie,- ou de ravine ra'-
maffée dans d^s trous ombragés , SCaufii larges que profonds. Souvent
une large citerne reçoit en un inftant toute l'eau qu'un orage paflager
répand fur les batimens & dans les cours : la citerne eft une reflburce
quand une féchereife de longue durée tarit les fources des puits &
Xxx2
EAU
5-32
les ruifTeaux : cette eau eft fort légère & admirable pour les arrofc-
mens : toutes les parties limoneufes que Teau a balayées dans les
cours forment, au fond de la citerne, un fédiment que le Jardinier
préfère à toutes les efpeces de terreaux : la citerne eft en cela une
efpece de mare. Voyc^ Citerne.
Les eaux des lacs font ou ftagnantes , ou en partie coulantes &
en partie ftagnantes ; leur pefanteur , & leurs propriétés générales
tiennent le milieu entre ces deux efpeces d'eaux. On remarque fou-
vent àQS couleurs & des phénomènes extraordinaires dans ces eaux,
Voye::^ l'article Lac.
La glace eft une eau folide & très-poreufe , qui contient beaucoup
d'air , & qui a la propriété de réfraéler & de réfléchir les rayons
de la lumière comme fait un morceau de criftal. Les expériences faites
en 1740, fur la glace, par M. de Mairan , fixent l'augmentation du
volume que l'eau prend en fe glaçant , à la quatorzième partie de
celui qu'elle avoit étant fluide. Foye^ k mot Glace.
■ -^^ Eaux ccmpofcés»
On appelle les eaux compofées , eaux minérales. Elles font chargées
ou imprégnées de principes minéraux , en affez grande quantité pour
produire fur le corps humain des effets fenfibles & différens de l'eaii
commune. Les eaux minérales font ces fources facrées des anciens ,
qui font autant de précieux préfens de la nature. Elles font ou froides
ou chaudes : ces propriétés , qui leur font étrangères , les rendent
d'un ufage particulier. On ne les rencontre pas par-tout indifférem-
ment : on peut les féparer de leur alliage , foit par l'évaporation ,
ou par la diftil|ation , foit par la filtration ou par la précipitation.
Les eaux minérales froides tn été, font un peu chaudes en hiver,
& contiennent alors plus de cet efprit éthéré , élaftique , que quel-
ques Hydrologiftes nomment Vame de l'eau minérale. Il y a de ces
eaux qu'on nom^me acidulés , à caufe d'un certain goût piquant qu'elles
impriment fur la langue, à peu près égal à celui du vin mouffeux,
comme le vin de Champagne & la bierre : telles font les eaux de
Spa , de Pyrmont , de Vais , &c. L'air élaftique fe manifefte dans la
plupart de ces eaux , par les bulles qui s'élèvent continuellement à
leur furface , & par leur goût piquant.
Ueau minérale terreufe eft la plus pefante de toutes les eaux, &
*
EAU 5" 3 5
très-propre à former des dépôts , des incruftatîons & des ftalacSites ',
on rappelle eau pltrifiaiiu : telles font celles d'Arcueil , près Paris j
d'Albert , en Picardie ; de Carlsbad , en Bohême. L'ufage de ces
eaux eft fort fufpe*^ pour les perfonnes fujettes à la gravelle, & il
doit paroître étonnant que le célèbre Hoffmann ait regardé celles de
Carlsbad comme un lithontriptique : c'eft aux Médecins à prononcer.
A l'égard des eaux coulantes qui contiennent des parties fableufes ,
elles font pernicieufes pour la fabrique du papier ; elles le font couper
dans les replis,
\J&au minérale ammoniacale contient un fèl urineux & fétide ; elle
donne une teinture bleue au cuivre diflbus dans l'acide nitreux : elle
purge violemment : il y en a une fontaine près de Francfort fur Iç
Mein.
Les eaux minérales ^AEîon font les plus énergiques entre les eaux
purgatives des environs de Londres : elles caufent à ceux qui les
prennent des douleurs au fondement & dans les inteftins : elles font
fort chargées de fels. '^
Ueau vitrioUque a un goût aftringent : elle s'approprie quelquefois
dans la terre une fubftance comme argileufe ; alors elle forme l'eau alu-
mineufe : fi elle a rencontré une terre ou pyrite martiale , elle fs
convertit en une eau ferrugineufe , dont la propriété eft de noircir
l'infufion de noix de galle & d'autres végétaux aftringens, comme aufli
de dépofer un ochre jaunâtre : telles font celles de Niderbronn , à
quatre lieues de Haguenau , &c. Quand Veau vitriolique trouve le
moyen d'attaquer du cuivre , elle devient eau cuivreufe , & fi en cet
état on y trempe un morceau de fer , elle abandonne fon cuivre, qui
fe précipite fur le fer avec la couleur rouge qui lui efl ^bpre -, cette
couleur, qui eft l'effet d'un cuivre de cémentation , a fait croire à
plufieurs que la tranfmutation de ces métaux l'un en l'autre, étoit
conftante. On travaille à cette opération pour d'autres vues , dans
le Lyonnois , dans l'Irlande , à Neufol en Hongrie , f-& même dans
la Penfilvaninie , où l'on a découvert depuis peu des eaux riches eîi
cuivre : la proportion du vitriol bleu , qu'elles tiennent en difTolu-
tion , eft d'une once fix gros par pinte, & la four ce donne fept à huit
cents muids de cette eau cémentatoire dans les vingt-quatre heures.
Enfin fi Veau vitriolique vient à attaquer du zinc , elle acquiert en même
temps la propriété de colorer en jaune le cuivre rouge : on appelle
Î54 . EAU
CCS fortes d'eaux , fur - tout celles qui font cuivr eufes , eau ùmm*
iatoires. Voyez l'article Cuivre.
Ucaii muriatiqiu ou eau marine chargée de fel commun , eft la plus
abondamment répandue dans la nature : elle varie en degré de falùre,
en couleur & en pefanteur dans les différentes Contrées de l'Océan,
Voye^au mot Mer. Elle pefe ordinairement trois livres par pied cube
plus que l'eau commune ou (impie ordinaire. On trouve en Franche--
Comté , à Salies dans le Béarn , & dans le Palatinat du Rhin ,
même en difFérens autres endroits de l'Europe, des fontaines ou puits,
dont l'eau faumache eft également chargée de fel marin : le fel qu'on
en tire eft beaucoup plus clair , mais il a moins de faveur , moins
d'acide & plus de terre alkalefcente. Ce défaut , dit M. Haller , le
rend moins propre à conferver le poiflbn. L'efpece de bitume , ou
ide fubilance ondueufe que contient l'eau de la mer , la rend amere
& impotable. Voye^ Mer.
IJcau alkaiim naturelle fait efrervefcence avec tous les acides , &
verdit le firop 'de violettes : telle eft celle de Freyenwald.
JJeau qui contient du fel neutre, telles que font celles d'Ebshom en
■Angleterre , d'Egra en Bohême , & de Seidiitz , ne fait aucune ef-
fervefcence ,;" foit avec le^^cides , foit avec les alkalis.
IjQS'^et^x favonneufes ou eaux fmecîites , ont un œil laiteux , & font
grafTes au toucher , comme l'eau lixivielle du favon : on s'en fert en
-divers lieux d'Angleterre , & même à Acqs dans le Comté de Foix ,
.pour dégraiffer" & blanchir les étoffes. Celles de Contrexeville en
Lorraine , .font'légérement favonneufes & eftimées propres à brifer la
pierre du rein : celles de Plombières font rangées parmi les plus
puiffans dé"puratifs. M. Bourgeois cbferve , avec raifon , que les eaux
favonneufes acquièrent cette propriété en coulant, foit fur des lits d'ar-
gile à foulons , foit fur des couches de marne de différente nature.
Comme ces terres font afTez-diffolubles dans l'eau , il n'eft pas éton-
nant qu'elles s^n chargent , Se qu'elles prennent un œil blanchâtre &
Jaiteux : cohfé'quemment elles font excellentes pour arrofer les prés
qu'elles fertilifent autant que les eaux des égoûts, des fumiers & des
écuries.
Les eaux bituminetifes font^graffes , volatiles , en partie inflamma-
bles , parce qu'elles font chargées de pétroles : on appelle les fources
qui les contiennent 5 Fontaines brûlantes : il y en a de cette efpece près
EAU ^3^
de Cracovie en Pologne : on en trouve auffi en SuifTe , à Tremolac
& près de Clermont en France, & près d'Edimbourg en Ecoffe; leur
couleur eft fort variée , leur faveur eft acide & pénétrante ; elles
font mourir tous les animaux qui fe trouvent dans les petites rivières
où elles fe déchargent.
Les eaux minérales chaudes font ou fimples ou compofées, plus ou
moins colorées, pefantes & limpides : elles ont un degré de chaleur 3
& contiennent une quantité de matière éthérée , plus ou moins con-
fidérable : il s'en trouve cependant dans lefquelles on ne peut recon-
noître aucune mixtion , ce qui fait diftinguer ces fortes ôicaux chaudes
en eaux thermales Jimples & en eaux thermales compofées. Nous difons
qu'il y a des eaux minérales plus ou moins chaudes : celles que l'on
appelle bridantes ont cela de fîngulier , qu'elles n'oflPenfent , difent
quelques-uns , ni la bouche ni la langue ; tandis que fi on buyoit de
î'eau ordinaire échauffée au même degré , on occafionneroft beaucoup
de douleurs dans les deux parties ci-defTus citées , ainfi qu'à l'eftomac.
Un autre phénomène digne de remarque dans ces mêmes eaux chau-
des & naturellement minérales , c'eft que mifes far le feu"t;;lîes ne
prennent pas le mouvement d'ébullition plutôt que l'eau commune
la plus froide , & l'eau minérale fe refroidit moins vite aufiî ; mais
cela paroît incroyable. '^
Les eaux thermales Jimples paroiflent pures , à l'exception d'une
fubftance éthérée : elles font infipides , très-légères , & affez fpiritueufes
pour caufer une efpece d'ivrefle à ceux qui en boivent quelques
verrées : telle eft celle de PfeflPer en Suilfe, therma faharia aut piperina :
leur chaleur proviendroit - elle de ce qu'elles coulent fur un lit pier-
reux , échauffé au deffous par un lit de matières pyrirlufes en dé-
compofition ? Si la pierre qui fert de fol aux eaux thermales Jimples ^
eft un peu poreufe , il n'en faut pas davantage pour que les vapeurs
des pyrites y pénètrent , & fe mêlant à ces eaux , les rendent un peu
vitrioliques ; ce feront alors des eaux compofées , Pqui. agiront fur
i'infufion de noix de galle : telles font les eaux de Pife' éc de quantité
d'autres lieux en Italie. Etant à Balaruc , &; faifant quelques ob-
fervations fur les bains fudatoires qui y font établis , je me reffou-
viens qu'à la fource de cette eau , la chaleur eft au quarante-deuxicme
degré du thermomètre de M. de Réaumur, Je trouvai aux environs
des pyrites & des poncesl Ces eaux ne font pas fimples.
■$^(^ ^ E A U
Les eaux thermales compopes font plus pefantes & en bien plus
grand nombre que les eaux thermales Cmples , fi elles font vitriolico-
martiales , elles décèlent dès leurs fources les fubftances minérales
pchracées , qui entrent dans leur compofition ; ces eaux noirciflbnt
beaucoup la teinture de la noix de galle; telles font celles de Forges,
Si les eaux thermales font fulfureufes , elles auront une odeur nido-
reufe , à peu près femblable à celle d'une dLTolution de foie de
foufre 5 plus ou mois forte en certains temps de l'année , comme celle*
d'Aix , de Barrege , d'Arles , de Cauterets & de Saint-Amand. Leur
fédiment , qui eft inflammable , forme effedivement , avec le fel de
tartre , un hepar fulphuns ( foie de foufre ). Ces eaux noirciifent l'ar-
gent , & ont une couleur de girafol. Le fol , qui fert de lit à de
fcmblables eaux, eft toujours plein d'excavations, remplies de belles
fleurs de foufre , jaunâtres & inflammables ; d'autres fois le foufre eft:
/"ubiimé'en-'forme de fleurs , comme on l'obferve dans les eaux d'Aix-
la-Chapelle : elles exhalent en quantité d'endroits des vapeurs nuifibles
3larefpiration,,§(:onlesfentdefortloin;telles font les eaux d'Aquazolfa
fituées entre Rome & Tivoli, On trouve aulTi des eaux minérales & f-il-
fureufes à Caftle-loed & à Fairburn , dans le Comté fie Vofs & à Pitkea-
thly , dans le Comté de Perth en Ecofîe ; quoique très-fulfureufcs , elles
font tranfparentes , fans couleur ; mais elles fe troublent bientôt.
Les principales eaux thermales & falées du Royaume font les eaux
de Balaruc, du Mont-d'Or , de Bourbon, de Vichy , de Bagneres,
de Bourbonnes, Les froides font celles de Fougues, de Mier , de
Valo , d'Yeuzet. Les eaux de Seltz font fpiritueufes , ainfi que celles
de Spa & de Pyrmont qui font martiales. M. f^enel a donné un Mé-
moire à rAjIldémie Royale des Sciences , dans lequel il décrit l'art de
contrefaire ces eaux falées Se fpiritueufes. Parmi les différentes eaux
minérales froides , & que la nature nous offre toutes préparées ,
pour le foulagement de nos maux , on diftingue aufTi celles de Forges
en Normandie^ de Pafly près Paris , de CranfTàc dans le Rouergue,
/de Vais, dans le bas Vivarais , de Sainte-Reine en Bourgogne , de
Seiûlitz en Bohême , de Bufiang en Lorraine , &c.
Une obfervatîon importante , & qui eft due à M. Monnet , nous
apprend que prefque toutes nos eaux minérales ferrugineufes froides,
contiennent du fer le plus pur dans un état de véritable diflblution
par lui-même , ôç fans l'addition d aucun autre intermède que l'eau
znême g
EAU y^^
même ; que cette diflblutîon faite à froid fe colore peu à peu en un
pourpre plus ou moins foncé , fuivant la quantité de métal qui s'y
trouve alors. Si ces eaux minérales viennent à éprouver quelque degré
de chaleur , foit par Tart , foit par la nature , elles fe troublent
aufîi-tôt, & leur fer (qui y étoit tenu en difTolution par le feul in-
termède de l'air fixe) fe précipite très-promptement. Les eauxchaudes,
c eft-à-dire thermales , ne diflblvent & ne peuvent contenir du fer que
par l'intervention du vitriol.
La curiofité nous a conduit dans divers lieux où ces fortes d'eaux
fourdent. Nous en avons examiné les environs , & nous y avons
toujours reconnu , ou des amas de pyrites faciles à fe décompofer , ou
des terres alumineufes , ou des couches de charbons très-fulfureux :
nous les avons trouvées communément dans des terrains glaifeux
d'une part, poreux & calcaires de l'autre, enfin voifins des monta-
gnes. D'après cette infpedion , nous croyons devoir plutôt attribuée
les différens degrés de chaleur de ces eaux , à des mélanges de pyrite?
qui s'échauffent en fe décompofant, qu'à des feux fouterrains. L'odeur,
le goût & les propriétés qui en réfultent, lorfqu'on boit ces eaux
minérales , ou quand on s'y baigne , la nature des lieux d'où elle?
fortent , tout indique la caufe de ce phénomène. Les eaux minérales
ordinaires peuvent paroître froides à leur iffue , & avoir cependant
été chaudes dans les fouterrains ; tout dépend de la diftance qui fe
trouve entre l'endroit où l'eau a fa fortie , & celui où réfide la caufe
de la chaleur.
Enfin il y a des eaux colorées de différentes nuances , par diverfe^
matières qui s'y trouvent accidentellement interpofées au moment
d'une alluvion un peu confidérable , ou d'une éruptron fouterraine
qui s'eft faite dans le lieu où elles coulent. Ces eaux imprégnées
de corps étrangers qu'elles entraînent , effraient beaucoup le peuple,
qui croit voir couler du fang , du lait , de l'encre , &c. On fent bien
que dans cet état de commotion qui fe communique de la terre aux
efprits , rien ne doit paroître que fous les idées acceffoires les plus
terribles , & un rien aide l'imagination à réaliler les chimères les plus
extravagantes.
Telle eftl'hifloire abrégée & particulière des différentes efpeces d'eaux
les plus remarquables. D'après ces notions préliminaires , il nous refle
à confidérer l'eau dans fes propriétés générales, dans ce qu'elle peut
Tome IL J y X
j!8 EAU
offrir de plus intérefTant , relativement à l'I-Iiftolre Naturelle , à la
Phyfique , & aux befoins les plus importans de la vie.
Propriétés générales des eaux»
On reconnoît toutes les eaux, par leur goût, par leur couleur &
leur limpidité , & plus encore par d'autres épreuves inventées à cet
effet ; les moyens en font afTez différens ; i*. ou par les fens exté-
rieurs , c'efl-à-dire , par la vue , par la faveur & par l'odorat ; 2°.
par la balance hydroftatique ; 3*^. par les épreuves chymiques , dont
on voit l'explication dans les Ouvrages des Hydrologiftes , dans le
Didionnaire de Chymie , & même dans la Table raifonnée qui fe
trouve à la fin de la claffe des Eaux , dans notre Traité particulier de
Minéralogie. Cette dernière manière de diftinguer les eaux efl: la moins
équivoqui^.; mais il n'en efl: pas moins vrai que les mélanges qui fe
trouvent dari&, cet élément, font fouvent très-compliqués & très-diffi-
ciles à reconnoître. M. Bourgeois propofe l'ufage d'un quatrième moyen
pour faire la comparaifon de différentes eaux , & en connoître le
degré de légèreté , & de bonté ou pureté. Pour cet effet il faut
mettre plulieurs verres remplis de différentes eaux fous le récipient
d'une pompe pneumatique^ & l'ébullition fera plus ou moins forte
dans chaque verre , en proportion de leur légèreté & pureté.
Une des propriétés phyfîques de l'eau eft de pouvoir augmenter de
volume fur le feu jufqu'à ce qu'elle foit en ébullition : elle peut même
être dilatée à un point qui'paffe l'imagination; puifqu'une goutte
d'eau, expofée à un degré de chaleur un peu plus grande que celle
de l'ébullition. occupe , en fe convertiffant en vapeurs , un efpace
quatorze mille fois plus grand que celui qu'elle occupoit fous fa forme
de liqueur. Quoi qu'on en ait dit dans les papiers publics, nous difons
d'après nos propres expériences , que l'eau n'ef} point compreffible
dans fon état ordinaire ; m.ais dans l'état de vapeur, elle devient
élaffique & compreff-ble. On a fait ufage de ce principe dans les
pompes à feu , pour épuifer l'eau des mines les plus profondes, &
dans plufîeurs autres ' machines ingénieufes. Une partie de la Ville
de Londres n'eft fournie d'eau que par ^e moyen. La plus grande
partie de ce qui compofe les ballons de fumée , n'eft encore que de
l'eau en vapeur , c'eft fur ce principe que quelques-uns l'ont appliquée
ï une mécanique fort ingénieufe & curieufe , dont voici l'utilité. On
EAU j:59
conflruît , dans la cliemlnée de la cuifîne , une roue , dont les pâlies
font de tôle ; la roue eft pofée verticalement fur un pivot ; à Taxe
horizontal de la roue eft un pignon à dents , qui , à mefure que les
vapeurs du bois en combuftion s'élèvent dans la cheminée, fait mou-
voir la broche qui y eft aflujettie par une corde,
La dilatabilité de l'eau produit encore quelquefois des effet? plus
violens que ceux de la poudre à canon , puifqu'étant enfermée &
pouffée à une certaine violence de feu , elle brife avec çxplofion les
vaifleaux qui la contiennent. L'eau produit encore ce dernier phéno-
mène , lorfqu'elle contient une trop petite quantité de feu , qu'elle
perd fa fluidité , & qu'elle fe change en glace. Des Phyficiens difenf
que la dilatation de l'air qui eft dans f eau , eft la caufe du premier
phénomène , & fon expanfion eft la caufe du fécond.
Toutes les efpeces d'eaux mifes dans un vafe ouvert à l'air libre
& expofé fur le feu , s'échauffent jufqu'au degré d'ébullitiprr': elles ne
peuvent outre-paffer ce degré , quelque violence de feu qu'on leur
faffe éprouver, parce qu'alors elles fe diffîpent en vapeurs; cependant
elles peuvent bien dans leur expanfion , acquérir un degré de chaleur
beaucoup plus grand. On fait auiîi que dans la machine de Papîn ,
lorfque cet inftrument eft fermé hermétiquement , & expofé fur le
feu , l'eau s'échauffe au point de ramoIli'^ & de diffoudre les os qu'on
y a mis. L'eau, par fa fluidité, s'accommode , de même que tous les
fluides , à toutes fortes de figures : elle remonte facilement à fon
niveau dans les fiphons qui ne font pas.capillaires. On la voit courir,
s'arrêter, s'étendre, fe refferrer, s'élancer, & m-ém.e s'élever à telle
hauteur qu'il nous plaît , & permettre qu'un vaiffeau la traverfe fans
obftacle : c'eft cette même fluidité ou fouplefie de %^u qui la fait
entrer dans les canaux qu'on lui préfente , & fe répandre dans les
jardins, dans les appartemens, dans les ballirs & les m.agafins hy-
drauliques des Teintureries, des Brafleries , des Tanneries,- &c.
On dit qu'elle eft poreufe , en ce que d'une part elle tranfmet la
lumière , & que de l'autre elle contient une quantité d'air confidéra-
ble , qui y eft encore fous fa forme d'air élaftique : l'eau mife fous le
récipient de la machine pneumatique prouve cette vérité : elle eft
quatorze fois moins pefante que le mercure ; mais elle pefe huit cent
quarante & même huit cent cinquante fois plus que l'air : elle eft plus
coulante que l'huile : elle eft le diffolvant des fels , &c. Ses parties
Yyy 2
•514 <^ EAU
font fi déliées , fi ténues , qu'elles peuvent pénétrer au travers du bois
tendre , du cuir & d'autres corps où Tair ne peut pafTer. Cette même
ténuité des parties de l'eau , la rend fufceptible d'être enlevée &
ientraînée par le feu & l'air , & de nager dans l'efpace. Tous ks bois,
durs ou tendres j de quelque nature qu'ils foient , augmentent de
Volume & de pefanteur lorfqu'ils font dans l'eau , propriété dont on
applique l'ufage pour divifer des pierres d'une grofl'eur confidérable.
On a vu des cables mouillés fe gonfler au dépens de leur longueur,
Zc faire rapprocher du point fixe où ils étoient attachés , des mafles
prodigieufts. On a au(fi obfervé que l'eau froide s'introduit dans un
corps impénétrable à l'eau chaude , à raifon de la diminution de
denfité , du plus grand volume , & de la dilatation de l'eau échauffée.
C'eft encore en vertu de la fluidité de l'eau , & de la propriété qu'ont
toutes ks^ parties de fa furface , de fe tenir à une égale diftance du
tentre de la* terre, qu'elle nous offre un moyen facile pour niveler
les terrains.
Nous le répétons , c'efl par fa volatilité & rarefcibilité , qu'elle
s'élève avec les particules aériennes & ignées dans l'atmofphere , pour
y former les nuées , les brouillards , la rofée , la pluie , le givre , le
verglas , & tant d'autres météores de même nature.
Enfin c'eft par une circulation continuelle , que cet élément hu-
mefte l'air & la terre , & met celle-ci en état de contribuera la
produdion des minéraux, à la formation & à l'entretien des fon-
taines , des lacs , des rivières , & particulièrement à la confervation
de la vie des animaux & à la végétation. En effet , quantité de plan-
tes, telles que des citrouilles, des oignons , des plantes légumineufes
& plufieurs iBÊtvQS , reçoivent de l'accroiffement & mûriffent dans
l'eau , tandis qu'elles périroient en terre dans les temps de féchereîïè.
Voyc^^V Expérience de f^anhelmont , celle de Boy le , &c.
C'eft encore à l'eau que nous fommes redevables de l'extrême clarté
& falubrité de l'air , en ce que tombant de la moyenne région, elle
le purge à^s corps hétérogènes qui y étoient fufpendus , & qu'elle
entraîne avec elle. Q\\^ de phénomènes dignes de nos réflexions , fi
l'habitude ne les avoit en quelque façon avilis à nos yeux ! c'eft elle
qui fait jouer les machines propres à moudre , à fouler , à fendre , à
forger , à fcier , à réduire en bouillie le chiffon dont on fait le papier,
à exprimer Thuile des fruits , le fucre de la caone , & à dévider la
EAU y4t
foie ; c*eft fon écoulement qui nous amené à peu de frais des quantités
innombrables de trains de bois propres à la conftrudion ou à nos
foyers , &c. L'eau eft un inftrument chymique de l'analyfe menjflruelle ,
dont l'application eft très-étendue ; elle a mille ufages économiques &
diététiques j elle nous fert à blanchir notre linge, à dégraifler nos
étoffes, à nous préparer des bouillons , des gelées, des firops, des
bcifibns agréables j elle nous fcurnit plufieurs remèdes fous une forme
commode & falutaire ; étant échauffée à vingt-trois ou vingt-quatre
degrés , elle eft très-utile pour Tu-age du bain , dont "les effets font
de laver & nettoyer les craffes qui bouchent les pores de la peau ,
arrêtent la tranfpiration , &c. Les eaux minérales froides ou chaudes
font aufîi de la plus grande utilité, pour notre fanté ; on en fait
iifage en boifîbn ; celles qui font chaudes fervent extérieurement auiïx
en bainà', en douches, en étuves , en lotion, en injeélion.
Ceux qui n'ont pas appris fart de nager , fe ploagént fouvent
dans l'eau de manière à ne pouvoir s'en retirer facilement ; & quelque-
fois ils y font fuffoqués ; moins à raifon de la trop petite quantité
d'air qui fe trouve dans Teau , infuffifante pour maintenir !e jeu des
poumons , qu'à caufe de l'eau même, qui, félon M, Bourgeois , s'infinue
<lans les poumons par la trachee-artere, par des mouvemens néceffaires
& involontaires que l'on fait fous l'eau |)our refpirer , ce qui arrête
dfubitement la circulation du fang, produit une fuffocation mortelle,
& une extravailon du fang dans le cerveau , ou une véritable apoplexie,
le fang ne pouvant revenir de la tête dans les vaiffeaux du tronc &
des extrémités. Ainfi ce n'eft pas encore la quantité d'eau que les
noyés ont avalée qui les fait périr , puifqu'à peine leur en trouve-
t-on une pinte dans Tcftcmac ; mais c'eft la denfité , % pefanteur de
Teau, fupérieures à celles de l'air. S'il y a quelque efpoir de rendre
la vie à un hom.me qu'on a retiré de l'eau , on doit l'envelopper
promptem.eni dans é^s draps ou dans à^s couvertures (on .ne doit
pas m.êm^e craindre les ravages que l'air pourroit caiifer dans les
poumons , en y pénétrant trop fubitement); enfuite il faut le porter
dans un lit très -chaud, & l'y tourmenter ou agiter de cent façons
différentes : ce n'tft pas fans fuccès qu'on- y joint l'ufage des fridions
fpiritueufes , com.me , par exemple , celle d'efprit de vin camphré.
Les potions cordiales anti-apopieéliques & tous les médicamens qui
peuvent remuer fortement Ja machine & le genre nerveux , ^«tapt
^42 EAU
adminiftrés, foit par le haut, foitparle bas, font encore fort utiles
dans cette occafîon. Détharàïngius confeille en pareil cas l'opération
de la trachéotomie & de fouffler promptement & fortement avec la
bouche ou au moyen de quelque tuyau que ce foit , une grande
quantité d'air dans le poumon. On lit dans l'Encyclopédie que l'a-
mour de l'humanité devroit infpirer aux Académies l'idée de choifir
de ces fortes d'objets utiles pour être le fujet de leurs prix , & que
les expériences heureufes en ce genre mériteroient les récompenfes
du Souveram. Aufli la Société établie à Amfterdam a-t-elle difcuté
& indiqué les moyens qui fe pratiquent pour fauver les noyés , &
qui ont eu les plus heureux fuccès. Premièrement il faut fouffler
dans le fondement du noyé au moyen d'une pipe , ou d'un fourreau,
ou d'une gaine, ou d'un tuyau, ou d'un foufflet ; plus cette opé-
ration fera. prompte , forte & continue , & plus elle fera avanta-
geufe, llrt -JFumigateur introduifant dans le corps du noyé la fumée
chaude & pénétrante du tabac , fera encore plus efficace que l'air
fîmple , & cette ^opération doit être faite à l'inftant où. le corps eft
tiré de l'eau. Secondement il faut , le plutôt poiïible , fécher & ré-
chauffer le corps du noyé , quoiqu'il paroifle abfolument froid , & même
roide : il faut luipafTer une chemife chaude, l'envelopper de couvertures
de laine feches & échauffées , ou de peaux de moutons ; le lit doit être
fortement bafîiné, enfuite les draps couverts de cendres très -chaudes ,
l'y rouler & l'agiter en letenantfurlecôté.Troifiémement, tandis qu'on
emploiera ces rrfDyens indiqués avec circonfpedion & perfévéran-
ce , il fera encore très - utile de faire , fur-tout le long de l'épine du
dos , des friélions avec des étoffes de laine échauffées , ou des linges
imbibés d'ea^ie-vie , ou faupoudrés de fel en poudre ; mettre fous
les narines de l'efprit de fel ammoniac dont on lui frottera auffi les
tempes; chatouiller la gorge & le nez avec une plume , & fouffler
dans ce ^dernier organe d'une poudre fternutatoire , éviter de verfer
dans la gorge aucune liqueur qu'après avoir apperçu quelques fîgnes
de vie. Le pouls & la chaleur naturelle venant un peu à fe rétablir,
l'on fera une faignéé-fjour dégager le cerveau, le cœur & \qs pou-
mons du fa ng dont ils font furchargés , &: faciliter la circulation. Si
les extrémités reftent froides, & que le pouls refte éteint, on doit
s'abitenir de ce dernier fecours. Quatrièmement , on peut foulager
promptement un noyé par un moyen qui a réuûi plufieurs fois, Une
EAU É B E ^43
perfonne vivante aura le courage de sMtendre fur le noyé , mettra
fa bouche fur la fienne , lui ferrant les narines d'une main , & s'ap-
puyant de l'autre fur fon fein gauche , il foufflera avec force & con-
tinuité pendant plus d'un quart d'heure , s'il le faut , pour enfler
immédiatement les poumons du noyé avec fon haleine , l'air chaud
étant préférable en cette occafion. Cette opération peut fuppléer à
celle de fouffler dans le fondement avec une pipe , &c. C'eft à tort
qu'on roule les noyés dans un tonneau , qu'on les fufpend avec des
cordes attachées fous les bras ou aux jambes , ou qu'on les tient la
tête baffe & renverfée {a),
La recherche des eaux fe fait ordinairement en Août , en Sep-
tembre & Odobre , parce que la terre eft alors plus feche , & que
l'eau qui s'y trouve peut s'appeller fourcs. Une perfonne, pour décou-
vrir des eaux , doit examiner l'afped du terrain , la fituation du lieu ,
& la nature des terres; quand il trouve une terre couverte de rofeaux,
de creffons , de menthes , de lierre terreftre , de joncs & d'autres
plantes aquatiques , il connoît aifément qu'il y a de l'eau fous ïhumus^
& dont la profondeur s'étend jufqu'au lit de glaife qui la retient.
EAU DE PIERRERIES. Les Jouailliers fe fervent de ce mot
pour exprimer la couleur , la tranfparence , la pureté & l'éclat des
pierres précieufes : ainli l'on dit, cstte perle eft d'une belle eau ; voyez
Perle : l'eau de ce diamant eft trouble ; voye:^ Diamant , 6* VanicU
Pierres précieuses. •
EAU DE RAZE. Voye^ à l'article PïN.
ÉBENE. On donne ce nom à une efpece de bois qui vient des
Indes : il eft très -dur & très-pefant, & par conféqu^^t fufceptible
de recevoir un très-beau poli; aufli l'emploie-t-on dans les ouvrages
de marqueterie & de mofaïque.
On diftingue trois fortes d^éàenes des Indes : favoir , la noire , la
rou^e & la vene. La noire eft la plus eftimée, & on en fait d'autant
plus de cas , qu'elle eft noire comme du Jayet , fans aubier & très-
mafiive. L'arbre qui donne l'ébene noire croît à I . iagafcar. Il devient,
au rapport de M. Flacoun qui y a réfidé en qualité de Gouverneur ,
très- grand & très- gros : fon écorce eft noire, & fes feuilles font affez
(^) M. Pia, Echevin de la ville de Paris , a fait conftruire une boîte fumigatoire
qnj contient tout ce qui eft ncceiTaire pour fecourir les noyés . les fuccès journaliers opérés
par cette machine, rendent fon Auteur digne de la reconnojiïance de tous les hommes.
^44 E B E
femblables à celles de notte myrte. Quelques Voyageurs prétendent que
les habitans des îles ont foin d'enterrer ces efpeces d'arbres auflî -tôt
qu'ils font abattus, pour augmenter leur belle couleur noire. L'écorce
de ce bois , infufée dans de l'eau , eft bonne , dit-on , contre la pituite
& les maut vénériens : jfi on en jette fur des charbons allumés , elle
exhale une odeur agréable. Cette forte d't;'^2«g eft peut-être le /^u/Zizcoco
des Antilles, f^oyei ce mot. Le Père Plumier parle d'un autre arbre
d'éhne noire qu'il a découvert à Saint-Domingue , & qu'il appelle ^^r-
tium portulacx fol'ùs , acultatum , ehenï materiœ.
L'arbre qui donne ïéhene veru eft très-touffu : c'eft le bignonîa arboT
hexaphylla , fion maximo lutco de Barrere, Ses fleurs font grandes &
jaunes. Ses feuilles font unies , d'un beau vert ; fous la première écorce
de l'arbre on en trouve une féconde,, blanche, de répaiffeur de deux
pouces, &-qui eft l'aubier; le refte jufqu'au cœur , eft d'un vert foncé
tirant fur le noir , mêlé quelquefois de veines jaunes. On fait ufage
de ce bois , nonrfeulement dans la mofaïque, mais auflî en teinture;
parce qu'il donne un très-beau vert naiflant. Comme Vébene verte eft:
un bois tiès-gras, il prend aifément feu. On peut donner à une pierre
une couleur brune en la frottant avec ce bois. C'eft de ce bois que
les Indiens font les ftatues de leurs Dieux & les fceptres de leurs
Rois. On a remarqué que Vébene verte mife en terre ne fe conferve
pas long-temps. Dans la Guiane l'on fait bouillir fa fleur au défaut
de féné , & elle purge avec fuccès. Ce purgatif donné à temps , réuftit
en 175'j' , pendant l'épidémie qui régnoit à Cayenne : c'étoient des
attaques de coqueluche violente , accompagnées de fièvres & de maux
de tête.
Uébene jaune n*eft qu'une variété de Vébene verte.
Ces bois d'ébenes noires & vertes fe trouvent non-feulement à Mada-
gafcar-, mais aufïî à Saint-Maurice dans les Antilles , & fur-tout dans
l'ile de Tabago. Les Indiens nomment indifféremment haion-maintki ,
toutes les efpeces d'ébene. M. l'Abbé Demanet dit que près du lac du
Pannier-Foule , ea^/c Gorée & le Sénégal , il y a une forêt de bois
d'ébene du plus beau hoir , que les Nègres appellent jalam-banno.
Quand à Vébene rouge appeîiée aufîî grenadille , elle eft très-connue
aujourd'hui des Tabletiers : c'eft même un des plus beaux bois que
nous ayons. Quelques ouvriers prétendent qu'il prend mieux le poli
ique l'ébei^ noire.
Les
Ê B E É C X ^4y
Les Ebénifles & les Tabletiers ont trouvé l'art d'imiter le hls d'ébem
avec le bois de poirier & d'autres bois durs , qu'ils colorent en jioir
d'ébene , tantôt avec une décodion chaude d'encre à écrire , tantôt
& plus communément ils font infufer & bouillir de la limaille de fer
avec du fort vinaigre ; ils pafTent avec le pinceau cette décoâion fur
l'ouvrage en bois qu'ils veulent teindre en noir , & lorfqu'elle eft feche,
ils y pafîènt une féconde fois une forte décoârion de noix de galle faite
à l'eau. On applique cette couleur fur les bois avec une broffe rude,
& on fe fert d'un peu de cire chaude pour donner le poli ou plutôt
le luilre. M. Bourgeois a obfervé que fi on fe fert d'encre pour teindre
le bois , il ne prend pas un beau noir , &: cette teinte n'eft point
durable , parce qu'elle n'entre point aiïèz dans le bois. Le véritable
bois d'ébene noire eft le plus propre à recevoir le poli , & cependant
celui qu'on emploie le moins en marqueterie. On a avec caifon donné
la préférence aux bois de couleur , qui , par la variété de leurs
veines , femblent préfenter des defîins différens , tels que le bois violet y
le bois de rofe , &c»
ÉBENE DE CRETE. On donne ce nom à l'arbrifleau nommé
auiîî Barbe de Jupiter. Voyez ce mot.
ÉBENE FOSSILE. Ce n'eft que du jayet. Voye^ Jais.
ÉBENIER DES ALPES ou EBENE FAUSSE. Nom donné à
ïaubours, Koye\ à la fuite du mot Cytise.
ÉBRUN. En Bourgogne on donne ce nom au blé ergoté. Foye:^ à
VarticU Seigle.
ÉCAILLE. C'eft en général cette fubftance réfiftante , & quelquefois
fort dure , qui couvre extérieurement un grand nombre de poiffons
& d'autres animaux, & qui peut s'en détacher par piecfws. Elle diffère
beaucoup pour la forme, la confiftance & les autres qualités, fuivant
lesdiftérentes efpeces d'animaux , comme on le voit , par exemple , dans la
carpe , dans \ huître , dans la tortue , le tatou , \q pangolin furnommé le U{ard
écailleux , &c. En général ces couvertures extérieures font d'une beauté
& d'une régularité furprenante dans les poiffons ; elles préfente nt une
variété infinie de figures & d'arrangemens : li y en a d'armées de
pointes acérées, comme celles de la perche, de la foie, &c. d'autres
ont le tranchant uni , comme celles du merlus , de la carpe , de la
tanche , &c. Elles varient même dans un feul poifTon : car lés écailles
tirées du ventre , du dos , des côtés & des autres parties du corps
Torna II, Zz|p
^4<? É C K É C H
font fort différentes ; & certainement quant à îa varie'té , beauté ,
régularité & ordre de leur arrangement , les écailles des poiffons ont
beaucoup de refîemblance avec les plumes qui font fur le corps &
fur les ailes des teignes & des papillons, f^ojei au mot Able ce que
l'on peut penferau fujet de la formation des écailles de poiiTon. Foye:^
aujji à VanïcU Poisson,
ÉCAILLE ou GRANDE ECAILLE. On donne ce nom à un
poiffon de l'Amérique , long de deux pieds , dont le dos eft affez
rond 5 le ventre gros & la queue fort large , il eft couvert d'écailles
argentées , larges de plus d'un pouce. La chair de Vécaille eft fort
blanche , ferme , graffe, délicate Ôc d'un bon goût. On pêche ce poiffon
au fond des ports & dans les étangs qui communiquent à la mer.
ECARLATE DE GRAINE. Foye^ au mot Kermès.
ÉCHALOTTE , ccpa Jfcahnica. Plante fort cultivée dans les
jardins potagers. Sa racine eft un aifemblage de plufieurs bulbes unies
enfemble. Cette racine eft groffe comme une aveline , oblongue , &
reffemble affez à^l'ail pour l'odeur & pour la faveur : elle eft portée
fur un paquet d'autres racines fibreufes. Ces bulbes pouflent àQS tiges
creufes ou des efpeces de feuilles longues , fîftuieufes , droites &
liffes 5 ayant la même faveur que la bulbe. Ses fleurs naiffent en
bouquets ou paquets fphériques : chacune d'elle eft compofée de
fix feuilles rangées en fleurs de lys : il leur fuccede des fruits fphé-
riques, remplis de femences arrondies.
La racine bulbeufe eft d'un grand ufage pour affaifonner les fauces;
elle produit d'ailleurs le même effet que les autres genres d'oignons»
Voyez ce mot. Elle excite l'appétit & la foif. C'eft un bon vermifuge
& un alexipharmaque.
IjQS Jchalotî:s d'Effagne ou rocamloles font des tubercules qui vien-
nent fur les têtes d'une efpece da'd qu'on cultive en Efpagne & dans
nos jatdins. Voye?^ Ail. On plante l'échalotte autour des planches
d'oignons : fa culture eft très-facile , ainfi que celle de l'ail, pour peu
que le terrain foit convenable. Sur la fin de l'été on arrache de terre
les échalottes , & elles fe confervent tout l'hiver.
ÉCHARA ou ESCARE. Voy.fon article à la fuite du wo^CoPxALLiNE.
ECHARBON. Nom qu'on donne à la châtaigne d'eau, qui croît près des
rivières , dont la graine eft fort dure : elle eft épineufe : fes feuilles
font larges. Il y a encore un écharbon, terrestre qui eft également épi-
neux ^ & cjli croit dans les mafures.
É C H 5*47
ECHASSE ou HYMANTOPE, hymantopus. Genre d'oifeau don
on dillingue deux efpeces , & dont le caradere eft d'avoir uniquement
trois doigts ante'rieurs , rouges; le bec droit , fort long, cylindrique
& renflé vers la pointe. IScchaffc a les jambes rouges & fort longues,
& fon corps n'eft pas fî gros que celui du pigeon ; le plumage eft
d'un gris -blanc, nué de vert ; les ailes & le deflus de la tête font
noirs. Uéchajfe habite les rivages maritimes d'Europe & du Mexique :
il vit d'infeéles.
ÉCHELLE ou PORT. Il y a les échelles du Levant ; ce font des
ports dans la Méditerrane'e fous la domination des Turcs , où les
Marchands Européens vont commercer , & où ils entretiennent des
Condils , des Fadeurs & des Commifîionnaires, Les principaux font
Tripoli, Alger, Tunis, Candie, le Caire, Alep , Alexandrette,
Chypre , Smyrne , Conftantinople. "^
ÉCFIELETTE. Nom donné au pic de muraille. Voyez ce mot,
ÉCHINÎTES. On donne ce nom à des ourfins fojïîles ou pétrifiés.
Il y a autant de variétés dans la figure des échinites , qu'il y en a
dans les ourfins vivans. Voye^^ Oursin. Nous avons des ourfins fof-
fîles , qui font prefque dans leur état primitif; d'autres font convertis
en fpath , d'autres font filicés ou agatifés ; il y en a audî de ferru-
gineux. On en trouve dans les montagnes à craie àtz environs de
Paris, de Rouen, fur le mont Randen , notamment en Angleterre, &c.
ÉCHINOPE. Voye'{_ Chardon Échinope.
ECHINOPHORE , ech'mophora. Coquillage univalve du genre des
conques fphériques. Voyez Tonnes.
Il y a des Auteurs qui l'appellent buccinite. Voyez Buccin.
ÉCHO. Lieu naturel, & quelquefois artificiel, où le fon eft réfléchi
ou renvoyé par un corps foîide , & qui par-là fe répète & fe renou-
velle à l'oreille. Les lieux les plus propres aux échos font voûtés ;
c'eft-îà que le fon fe grofîit & fe réfléchit : s'il y a plufieurs voûtes,
l'écho eft multiple ou tautologique , c'eft-à-dire, répète plufieurs
fois. I! y a des lieux où ce phénomène préfente des fingularités fans
nombre : tantôt l'écho ne répète que des fyllabes , tantôt des mots
entiers. Au refte , tout ce qui réfléchit le fon , peut être la caufe
d'un écho : c'eft pour cela que les murailles ou remparts de ville ,
les forêts , les montagnes , les cavernes , les rochers ou lieux élevés
iie 1 autre côté d'une rivière , peuvent produire des échos. Les coups
Z2Z*J
^^48 É C L ECO
terribles du tonnerre qui gronde , ne font que des échos répétés qui
retentiflfent dans l'air.
ÉCLAIR. Foyei à VarticU Tonnerre,
ÉCLAIRE ou FELOUGNE. Voyti tanïcU Chélidoine.
ÉCLIPSE. Privation pafTagere , foit réelle , foit apparente , de-
lumière dans quelqu'un des corps céleftes , par l'interpcfition d'un
corps opaque entre le corps célefte & Tceil , ou entre ce même corps
& le foleil. Les éclipfes de foleil font dans le premier cas : les éclipfes
de lune & des fatellites font dans le fécond ; car le foleil eft lumineux
par lui-même, & les autres planètes ne le font que par la lumière
qu'elles en reçoivent. Les éclipfes des étoiles par la lune ou par d'au-
tres planètes, s'appellent proprement occultations. Lorfqu'une planète,
comme Vénus & Mercure , pafTe fur le foleil, comme elle n'en couvre
qu'une petit^partie , cela s'appelle P'^Jfage,
L'on regardoit autrefois les éclipfes & les comètes commic la fource
de grands malheurs j mais aujourd'hui le peuple même eft inftruit de
la caufe de ces phénomènes naturels. On fait que les éclipfes de lune
viennent de ce que cette planète entre dans l'ombre de la terre , &
ne peut être éclairée par le foleil durant qu'elle la traverfe. Les
éclipfes de lune font univerfelles , vifibles pour tous ceux fur
l'horizon defquels la lune fe trouve , qui les voient tous en même
temps de la même grandeur & de la même durée ; elles n'arrivent
que dans le temps de la pleine lune , parce qu'il n'y a que ce temps
où la terre foit entre le foleil & la lune. Les éclipfes de foleil n'ar-
rivent que dans 'les nouvelles lunes , & viennent de l'interpolitioa
diamétrale de la lune, qui cache aux habitans de la terre une partie
du foleil , ou même le foleil tout entier : on pourroit dire auffi que
c'eft la terre qui eft éclipfée. La durée d'une éclipfe eft le temps entre
l'immerfion &.rémerfion. Uimmerjîon dans une éclipfe eft îe moment
auquel le difque du foleil ou de la lune commence à fe cacher : Vimtr-
Jion eft le moment où le corps lumineux éclipfe commence à reparoître,
La théorie des éclipfes & la juftefte avec laquelle on eft parvenu depuis
long-temps à les calculer & à les prédire , tout fert à nous convaincre
de la certitude des calculs aftronomiques , & des efforts dont l'efprit
humain eft capable.
ÉCORCE , cortex, L'écorce des arbres eft la partie du végétal qui
leçoit extérieurement la première les influences de l'atmofphere , Cx
%
ECO jr4^
falutaires ou fi pernicieufes à la végétation : elle eft en même temps
celle qui reçoit la dernière les effets des produâions médullaires qui
fe font au centre.
Nous avons dit, au mot arbre, que l'écorce eft compofée de trois
parties différentes entr'elles , & faciles à diftinguer ; favoir , i"^. de
Vêpiderme , 2°. de Vccorce moyenne , 3°. & du liber,
JJépidenm eft la peau extérieure qui enveloppe les couches corti-
cales : c'eft une membrane très -fine , toujours tranfparente , com-
munément fans couleur , élaftique & un peu poreufe.
Uécorce moyenne qui fe trouve entre Vêpiderme Se le liher , eft coni-'
pofée de fibres ligneufes longitudinales , de vailfeaux propres & du
tifl'u cellulaire. Ce que l'on appelle ici fibres ligneufes longitudinales ,
font de très- petits vaifî'eaux creux , dans lefquels coule la fève. Ils
font fimples , fe collant les uns aux autres fans anaftomofe , de ma-
nière qu'ils forment un tiffu de petits faifceaux en reiGrau , dont les
mailles font plus longues que larges. Ces petits faifceaux font les
mufcles des végétaux. Les vaijfcaux propres , qu'on pourroit appeller
aufîî vaifieaux fanguins à caufe de leur ufage , font des tubes longi-
tudinaux, droits , collés contre les fibres féveufes , & remplis du
fuc propre que l'on peut regarder comme le fang de la plante , tel que
le lait dans le figuier & le tithymale , la réfine dans les pins & les
piftachiers , la gomme dans les jujubiers, le mucilage dans les mauves,
&c. Le tijfu cellulaire eft un affemblage de véficules jointes bout à
bout, en chapelet & côte à côte, fans communication fenfible,
placées entre les mailles des fibres féveufes. Foye:^ le détail de cetu
organijadon à la fuite du mot ApxBRE.
Le liber eft compcfé de pellicules qui repréfentent les feuillets d'un
livre : elles touchent immédiatement au bois. Le liber fe détache tous
les ans des deux autres parties de l'écorce ; & en s'uniffant avec
Vaubier , il produit fur toute la circonférence de farbre une nouvelle
couche qui en augmente le diamètre. - •
On peut connoître fi un arbre que Ton deftine à fendre , fe di«
vifera droit ou non , foit que cet arbre foit debout ou à terre ; pour
cela il fuffit de donner un coup de ferpe par la bafe , & tirer l'écorce
de bas en haut : fi elle fe détache en ligne droite , farbre fe fendra
de même ; fi , au contraire , l'écorce fe levé de biais , le bois fe
divifera de manière inégale.
jfo É CO
îi kmblc que l'écorce des arbres efl la partie où la fève & les
principes végétaux abondent davantage. En eflet , le fel , l'huile ,
&c. s'y manifeftent par la bonté des cendres de l'écorce , toujours
préférables à celles du bois pélard ou écorcé. Ne pourroit-on pas
déduire de cette même caufe l'effet du tan ou écorce du chêne , qui
étant pulvérifé, eft fi utile pour façonner le cuir, le pénétrer, l'af-
fermir, le rendre fouple, Tempécher de fe corrompre, le rendre im-
pénétrable à l'eau , le difpofer à fe prêter à différentes formes , en un
mot, le rendre propre à notre ufage ? Voye\^ f article Tan au mot
Chêne.
Il y a d'autres écorces d'arbres dont on fait un commerce confidé-
rable. Il y en a d'aromatiques , comme eft l'écorce du canndur de
Ceyian & celle de cafcarilU ; de médicinales, comme le quinquina; de
propres à file&te^ telle qu'eft celle du lin , du chanvre , de X ortie , du
^mét de de celrt^ins arbres des Indes, fur lefquels on levé de longs
tilamens dont on fait des étoffes mêlées de foie ou de coton. L'écorce
intérieure & blanche du lagettc eft compofée de douze ou quatorze
couches , qui peuvent être féparées en autant de pièces d'étoffes ou
de toile. Le liège qui fert à conferver quantité de liqueurs précieufes,
n'eft que l'écorce d'un grand chêne - vert des pays méridionaux de
l'Europe : en Suéde fécorce du bouleau fert à couvrir des maifons ;
en Canada on détache la fine écorce du bouleau qui fait une efpece de
papier à écrire naturel. C'eft en coupant circulairement, ou, pour l'ordi-
naire, en incifant quelque peu l'écorce de certains arbres, qu'on en
retire dus liqueurs , des gommes & des réfïnes d'un ufage fort varié.
Le pin incifé de cette manière , nous donne la poix , le goudron , le
brai liquide pour poilfer les vaiffeaux & les cordages. Le fapin , le
WcleieylQ ccdre , le cyprès, le térébinthe , le leniifque y &c. nous don-
nent 1^ térébenthine , le maftic en larmes , l'encens , le fandarac ;
d'autres nous donnent le benjoin , le ftorax , le baume de Judée ,
celui de copahu , .& toutes les différentes refînes dont on compofe
jdes vernis , des parfums & des remèdes. On trouve tous ces détails
répandus dans le corps de cet Ouvrage , fous les noms qui leur font
propres. En certains pays feptentrionaux les écorces de pin & fijr-
tout de peuplier , étant moulues , fervent de nourriture en temps de
ilifette,
ÉCORCE DE l'arbre qui porte l*Encens , ou NARCAPHTE
Tli'i'MJA.MJt, Foyei à t article Ox-IBAN,
Eco É C R 5» ; î
ÉCORCE CaryocostiNE ou de WiNTER , cortex Jim pari, aut cortex
Winuranus, Cette écorce appartient à uneefpece de laurier qui croît dans
les contrées fituées vers le milieu du détroit de Magellan. Clujius, Gafpard
Bauhin & Sebald de IVecrt ont parlé de cet arbre. Georges Handyfidi
eil celui qui en a donné la meilleure defcription : il a rapporté , au
commencement de ce fîecle , de fa graine en Angleterre , avec urï
échantillon de Tes feuilles & de fes fleurs fur une petite branche. C'eft
d'après l'infpeélion de toutes ces parties de l'arbre , &c. que le Che-
valier Hans-Sloane a placé cet arbre dans la clafl'e ^o.'S, pereclymenum ^
& l'a appelle cannelkr de Wïnter, Voyez à l'article Cannelle blan-
che.
ÊCORCE DE GIROFLE. Voye^ Cannelle Giroelée.
ÉCORCE SANS PAREILLE. Voyei à r article Cannelle
BLANCHE. ,^v^
ÉCORCHÉE. Nom que l'on donne à un coquillage univalve &
operculé, du genre des rouleaux. Voyez ce mot.'
ÉCORCHEUR. Oifeau du genre de la pie-grieche. Cet oifeau de
proie efl: plus petit que la pie-grieche touffe , & a les mêmes habitudes 5
il eft ainfi qu'elle un oifeau de paflage : la reflemblance eft fi grande ,
qu'il y a îîeu de penfer que ces oifeaux ne font que des variétés , ainfi
que Vccorcheur varié, L'écorcheur arrive au printemps , fait fon nid
fur des arbres, ou même dans des buiflbns en pleine campagne, &
non dans les bois; part avec fa famille vers le mois de Septembre j
fe nourrit communément d'infedes , & fait auffi la guerre aux petits
oifeaux.
ÉCOUFLE. Belon donne ce nom au milan royal , oifeau de proie ^
d'autant plus dangereux , qu'il ne fait aucun bruit en volant, Foye^
Milan royal.
ÉCOURGEON. Fpyei Escourgeon.
ÉCREVISSE , aflacus. Animal cruftacée , d'un genre différent
des cancres & des crabes. On en diflingue deùjc'' efpeces principales :
favoir, les écrevijfes de mer, qui font le homard^ la langoujle , &c. èc
les écrevijjes de rivière : toutes ont le corps 6c la queue alongés.
Le Homard ou Hommard , ajlacus garhmarus'marinus , efl une
très-groffe écreviffe de mer , dont il y a de deux fortes. L'une a deux
gros mordans plus longs & plus larges que la main , & beaucoup
plus forts que ceux des crabes ; l'autre a feulement deux grands
5^2 ÉCR
barbillons , longs comme le bras & hérifîes de la même forte que les
pieds des crabes. L'un & l'autre croifTent à une grandeur extraor-
dinaire : on en trouve quantité dans les Antilles, oii les Infulaires les
prennent la nuit à la clarté de la lune ou d'un flambeau , dans des
lieux pierreux où la mer , après s'être retirée , laifle de petites fofles
pleines d'eau : ils les enfilent avec une fourche de fer ou les coupent
en deux.
Les gros homards font aufTî fort communs dans nos mers , fur nos
côtes : leur cuirafle cruftacée eft femée de taches bleues plus ou
moins grandes fur un fond rougeâtre , qui couvre le tiffu blanc. Lorf-
que ces animaux font cuits , leur cuirafTe devient toute rouge. Ils ont
devant les yeux deux cornes longues & plus menues que celles de la
langonjlc , & deux autres plus petites : il fort aufll du milieu du front
une autre petite corne platte , large & découpée en fcie des deux côtés.
Le homard a dîx pattes, y compris fes deux bras faits en tenailles,
dont l'animal fe ferf comme d'une main. Ses bras font fans jointure
abfolue,& ne font point velus; mais il en a deux autres plus petits qui le
Cont : les bouts font faits comme des becs d'oifeaux; la partie de defTus eft
ipobile & ferrée contre celle de deflbus qui eft immobile : fes ferres font
dentées en dedans. On remarque qu'un des deux bras eft toujours plus
gros que l'autre : il n'y a que le premier de chaque côté ( les plus
proches des grands bras ) qui foient fendus par le bout. La queue
eft couverte de cinq anneaux cruftacés ; le bout en eft large, & comme
g.a}:ni d'ailes pour nager. Les yeux des homards font courts, petits,
ce qui eft au contraire dans la langoufte ; mais leur bouche eft égale-
ment fendue en long. Les dents & la langue, ainfi que l'eftomac, le
conduit par où defcend la nourriture , & les autres parties intérieures,
font comme dans la langoufte.
La petite efpece des homardsa la tête & la poitrine plus découpées,
njieux arrondies, la corne dentée delà tête fort longue, & mobile à
la volonté de l'animal ; les cornes font flexibles & articulées. Le corps
e(v couvert de tablettes rougeâtres chargées de traits bleus en travers,
^ette efpece de homards eft aflez rare.
A l'égard de la Langouste ^ locufta , on en connoît de plufieurs
efpeces, Ce cruftacée n'a point de fang, non plus que les précédens:
ï^ croûte n'eft pa^ fort dure ; fes deu:?(: cornes font longues & garnies
d'aiguillons
É c r: * ;n
d'aiguillons devant les yeux , avec deux autres cornes au-defTus, pius
déliées & plus courbes. Son dos eft rude & plein d'aiguillons : Ta
queue eft comme celle de TécreviiTe, & elle fe dépouille de fa croûte
de même que le font tous les cruftacées. La langoufte diffère des
écreviffes en ce qu'elle a deux pieds de chaque côté fans pinces plates,
ou qu'elle a au plus une pince à crochet. Elle a cinq nageoires à la
queue j le refte eft couvert de tablettes minces. Les langouftes vivent
dans les lieux pierreux ; elles repairent pendant l'hiver fur le bord
des rivières , & dans l'été elles fe retirent dans les lieux profonds. Elles
fe battent entr'elles avec leurs cornes. Elles fe nourrififent de petits
poiflbins qu'elles trouvent autour d'elles. On appelle aulîi la langoufte
fauurdU de mer 6c hyppocampe ; cependant Xhyppocampe eft tout diffé-
rent. Voye^ ce mot,
L'EcREVissE DE RiviERE , ajlacus jluviatïlis , eft d'une groffeur
bien inférieure au homard. Elle naît dans les rivieres^^^u dans les ruif-
feaux d'eau bien courante. Le tronc de fon corps e{^ 'rond ; & fa tête
finit par une corne aifez large , courte & pointue , fous laquelle font
fes yeux. Elle a devant la tête quatre autres cornes , dont deux font
longues & deux courtes , articulées flexibles & qui fe terminent par
une pointe velue ou de poil. Ses bras font fourchus, dentelés, &
articulés en cinq parties , plus minces près du corps qu'à l'extrémité ;
c'eft peut-être ce qui les fait cafter même lorfque l'animal ne fe donne
que des mouvemens ordinaires. C'eft avec ces bras qu'elle eft en état
de pincer & de blefler. Les deux premières jambes quifuivent les deux
bras 5 font également fendues au bout , & quelquefois velus. Les deux fui-
vantes font munies d'un ergot. La bouche eft garnie de dents , comme celle
des langoujies &des cancres, La queue lui fert à nager & même à marcher
fur terre , mais feulement à reculons. On a obfervé que les crabes , les ho-
mards , les fquilles , &c. qui fe portent aufli en arrière au lieu de fe porter
en avant comme les autres animaux, font aufti conformés différemment
de ceux-ci , en ce que les écailles qui leur tiennent lieu d'os , • font
en dehors au lieu d'être en dedans, & que le foie , l'eftomac , &Cr font
placés au-delTus du cœur, &c. L'écrevifTe d'eau douce femelle a, comme
les écreviffes de mer demêmefexe, des excroiffançes de chair où font logés
fes œufs. Sa croûte rougit extérieurement par là cuifïbn. De l'eau forte
ou feulement de Teau-de-vie répandue fur cette même écaille , la
Tome //. . . A a a a
5'5-4 ECR
rend prefque auflî rouge que Ci elle étoit cuite. La chair de ce cruflacée
efl molle & humide.
Les écrevifTes font très-voraces : elles fe nourriflent de charognes
aquatiques & d'ordures. Une écrevifle de fix à fept ans n'eft encore,
félon les Pêcheurs , qu'une écrevifle de grandeur médiocre. En vieil-
liflant il fe forme dans la région de leur eftomac , deux efpeces de
petites pierres, qu'on appelle improprement jygwr cTccnv'iJjes, Vo^ ez
ci-deffous Pierres d'Ecrevisses.
Dans toutes les bonnes tables on fait cas des écrevifTes , tant de
mer que de rivière , fur-tout des dernières. Leur chair eft fort nour-
riflante , de bon goût , fortifiante , un peu difficile à digérer , notam-
ment celle des écrevifTes de mer. L'écrevifTe de rivière entre dans des
bifques , des coulis , &:c. & augmente la qualité alimenteufe de ces
mets : aufîî cette écrevifTe fîuviatile efl elle regardée comme un mé-
dicament alimetî'teux , qui purifie le fang ,' qui le fouette , qui le
divife, qui difpofe les humeurs aux excrétions, qui ranime Tofcil-
lation des vaifTeaux & le ton des folides : en général , elle convient
dans les chaleurs de poitrine , & dans les indifpoCtions qui pro-
viennent d'une trop grande âcreté dnumeurs, pourvu qu'on en ufe
modérément. En un mot , c'eft un remède incifif & tonique ; & on
l'ordonne à ce titre dans les maladies de la peau , dont le caraélere
n'eft point inflammatoire ni éréfypélateux , ab humorum kntâ mucagine ,
dit Boêrhaave : on l'emploie encore dans les obftruétions , dans les
bouffifTures. On prépare dans tous ces cas , des bouillons atténuans
dans lefquels on fait entrer cinq ou fix écrevifTes écrafces dans un
mortier de marbre , même davantage , félon l'habitude.
Lorfque les écrevifTes , ainfi que les homards & les crabes , ont
perdu -une de leurs grofTes jambes, il leur en renaît une autre en la
\ même, place, mais- plus petite : c'eft un fait avancé d'après l'expérience
par M. de Rèaumur, Il eft bon d'obferver que ces jambes ne croifTent
que lorfqu'elles n'ont été rompues que jufqu'à la troifiemeou dernière
articulation. Quel phénomène admirable dans cette reprodudion !
Autres efpeus cfÉcrcviJJes,
On trouve beaucoup d'écrevifTes dans les rivières de l'Amérique,
dont les mordans font plus forts que ceux des nôtres. On y fait éga-
lement avec ces écrevifl'es d'excellentes foupes : celles du Sénégal font
É C Pv . 5 ^ j
]es plus exqiiifes. Il n'en efl pas de même de celles des Moîuques qui
caufent la mort, dans l'efpace de vingt-quatre heures, à ceux qui en
mangent. Ces écrevifles font terreftres : elles reflemblent un peu aux lan-
gouftes ; elles repairent fous certains arbres (les manceniUîcrs), dont
l'ombre ne fou fTre aucune herbe , Se qui caufent même des maladies
à ceux qui s'y endorment.
V Les écrevifles de la Côte d'Or font de couleur pourpre : elles fon*
des trous en terre à la manière des taupes. Leur chair eft fort délicate.
Celles de l'île de Tabago font verdâtres & de bon goût.
Génération des Écnvijfes.
Selon L. A, Ponius , l'écrevifle de rivière a des œufs plus gros , à
proportion, que l'écrevifle de mer. Celle-ci a deux ouvertures pac
où fortent fes œufs , & qui font fituées l'une à droite & l'autre à
gauche , à côté de l'endroit ou fe réunifllent les o.S qui couvrent le
ventre , ou plutôt la partie antérieure de l'animal. Cette couverture
cifiere dans l'écrevifle d'eau douce, en ce qu'elle eft compofée de
plufîeurs os qui ont tous enfembîc la figure d'un bouclier alongé.
Pour indiquer les caractères par lefquels on peutdiftinguer une écreviîïe
mâle d'avec une écrévifle femelle , il fautdiftinguer le corps de l'animal en
trois parties ; favoir, le ventre, la queue & les membres. Le ventie
contient tous les vifceres & les ovaires dans les femelles; & dans les
mules, les tefticules, les vaiflfeaux fpermatiques , &c. Nous avons
déjà dit que la queue eft compofée de beaucoup de lames tranfver-
fales, dures & ofieufes, qui s'articulent enfemble , & de beaucoup
de mufcles. Les membres de TécreviATe font de deux efpeces; favoir,
les gros & les petits. Les gros ont des pinces , & s'appellent bras ;
les autres fe nomment jambes ou pattes. Tous les membres font plus
gros dans les mâles que dans les femelles. C'eft par les petits mem-
bres, ainfî que par les barbes de la queue qu'on diftingue les mâles
d'avec les femelles : on prétend que celles - ci n'ep ont que quatre
paires , & que les mâles en ont cinq ; ce qui ne nous a pas paru tou-
jours vrai. On reconnoît une écrévifle femelle aux lames tranfverfales
de fa queue , qui font toujours beaucoup plus larges que chez les
écreviflfes miâles. De plus , les femelles ont vers l'extrémité des barbes,
fous la queue , de petits filets , auxquels les œufs font attachés en
Janvier , Février & Mars, Ponius dit que dans chacun des bras de
Aa aa 2
57^ É C R
la troifîeme paire , chez toutes les écrevilTes , 11 y a un petit orifice
ovale. Les canaux membraneux qui tirent leur origine des ovaires ,
aboutififent à ces orifices , par lefquels fortent les œufs , après avoir
dit-il , parcouru toute la longueur des canaux membraneux. On peut
remarquer fous le ventre de la femelle les deux petites ouvertures
par lefquelles fortent les œufs. Les organes de la génération dos
écrevifles, qui font doubles tant chez les mâles que chez les femelles,
font formés de manière qu'il eft difficile de concevoir un accouplement
dans ces animaux. Peut-être le mâle féconde-t-il les œufs pondus par
fa femelle , en les arrofant de fa femence ; ce qui feroit rentrer les
écrevifTes dans la clalTe des poiffons proprement dits. La ponte fe fait
en Novembre & Décembre. Voyez Willis , Tra:l. de anim, brut, cap. 8»
Allie des ÈcreviJJes & autres Crujîacies»
La mue àes cruftacées n'eft pas moins digne de l'attention des Na-
turaliftes 5 que la réproduâion de leurs membres. Par cette mue ces
animaux fe dépouillent chaque année , non - feulement de leur robe
écaillcufe , mais aulîi de toutes leurs parties cartilagineufes & ofïeufes ;•
ils fortent de leur écaille, & la laiffent entièrement vide. La mue ne
fe fait jamais avant le mois de Mai ni après celui de Septembre ,
fur-tout dans les écrevifTes , qui celfent de prendre de la nourriture
folide quelques jours avant leur dépouillement : alors fi on appuie
le doigt fur Técaille , elle plie ; ce qui prouve qu'elle n'eft plus fou-
tenue par les chairs. Quelques momens avant cette mue, l'écrevilTe
s'agite très-vivement, elle frotte fes jambes les unes contre les autres,
fe renverfe fur le dos , replie & étend fa queue à différentes fois ,
agite fes cornes , & fait encore d'autres mouvemens pour fe détacher
de l'écaillé qu'elle va quitter. Pour en fortir , elle gonfle fon corps,
& il fe fait entre la première des tables de la queue & la grande écaille
du corp-s^ une' Ouverture qui met le corps de 1 écrevifTe à découvert.*"
il eft d'un brun fjncé.^ tandis que la vieille écaille eft d'un brun ver-
dâtre. Après cette" rupture, l'animal refle quelque temps en repos;
enfuite.iî fait difïèVens mouvemens & gonfle les parties qui font fous
la grande écaille , dont la partie poftérieure eft bientôt fouîevée ; pour
l'antérieure , elle ne refte attachée qu'à l'endroit de la bouche : alors
il ne faut. plus qu'un quart-d'heure pour que l'écrevifTe foit entièrement
dépouillée. Elle tire fa tête en arrière, dégage fes yeux, fes cornes.
ÉCR yj7
fes bras , & fucceflîvement toutes fes jambes , dont les deux premières
r^M-oiflent les plus difficiles à dégainer, parce que Textrémité eft beau-
^up plus grolïe que les autres parties j mais on conçoit aifément cette
opération , quand on fait que chacun des tuyaux écailleux qui for-
ment chaque partie, eft de deux pièces longitudinales qui s'écartent
l'une de -l'autre dans le temps de la mue. Enfin l'écreviffe fe retire de
ceflbus la grande écaille , & auiîî-tôt elle fe donne brufquement un
mouvement en avant , étend la queue & la dépouille de fes écailles.
Cette opération eft violente , c'eft un moment critique qui fait périr
beaucoup d'écre-vifles : celles qui y réfiftent, reftent très-foibles pen-
dant quelques jours. Après ce grand travail de la mue , leurs jambes
font molles, & Tanimal n'eft recouvert que d'une membrane , qui
en vingt-quatre heures devient une nouvelle écaille folide & prefque
aulTi dur€ que l'ancienne ; au moins elle eft capable de mettre l'animal
à l'abri de tout choc. Quelques obfervations ont donné lieu de croire
que la matière qui eft nécefiaire pour confoîider la nouvelle écaille,
vient des pierres d'écreviftes , qui ne difparoiflent chez l'animal que
quand fa mue eft paflee. Foyci ci-dcjfous Pierres d'Ecrevisses,
Pierres d'ÉcreviJfes,
Ce qu'on appelle en Médecine yeux cTécreviJfes , ne font point les
yeux de cet animal , & n'y reflemblent nullement. Ce font de petites
pierres blanches , à figure de boutons , rondes en dêftiis , ordinaire-
ment applaties par la bafe , & qui fe trouvent dans la région de leur
eftomac. Nous avons dit ci-defiiis que les écrevifles muent à la fin
du printemps : non-feulement elles fe dépouillent alors de leur enve-
loppe , mais encore de leur eftomac : c'eft dans ce temps qu'on trouve
les pierres appellées improprement ^"^«j; cT écrevifles. Ces pierres com-
mencent à fe former quand l'ancien eftomac fe détruit , & font^enfuite
enveloppées dans le nouveau , où elles diminuent toujours de gran-
deur jufqu'à ce qu'enfin elles difparoiffent. M. .Ce.fJ^o/ "croit qu'elles
contribuent aufli à nourrir l'animal pendant fa mue. MM. de Rcaurnur
bi Moiinfey , Médecin des Armées de l'Impératrice de Rufiie , ont auflî
parlé de cette efpece de calcul. Voici comment- s'exprime ce dernier
Auteur. ^
Les pierres faufiement appellées yeux d'écrevijfes , fe trouvent dans
le corps des animaux de ce nom, Chaque écreviiie en produit deux
jj3 Ë C R
tous les ans ; favoir , une de chaque côté de la partie antérieure Ce
inférieure de l'eftomac. Ces deux pierres prennent leur origine entre
les deux membranes de cet organe. Le côté plat ou concave touche
la membrane interne qui eft mince & tranfparente , quoique forte
& d'une fubftance cornée. Le côté convexe efl: conftamm.ent vers le
dehors : il eft couvert des membranes charnues & molles de l'eftomac,
& leurs Hbres laiflènt des traces fur la furface de la pierre. Elle croît
peu à peu par juxta - pofition , & en lames , entre ces deux mem-
branes extérieures.
L'intérieure qui n'eft que de la corne , ne fert qu'à réfifter ; c'eft
ce qui fait que toutes les pierres font convexes de ce côté. La pre-
mière écaille qu'on peut obferver , & fur laquelle toutes les autres
s'appliquent , eft placée vers le centre ; & l'on reconnoît très-bien
les couches qui s'appliquent fucceffivement. Avant que l'on puifie
trouver ces pierres dans l'animal , on apperçoit de petites taches
circulaires , un peu opaques , & plus blanches que le refte de l'efto-
mac. Ces taches font à la place que doivent occuper les pierres ,
vis-à-vis des fubftances tenaces ëc mucilagineufes , appellées glandes
par quelques-uns : c'eft à tort qu'on croit que ces glandes s'endur-
ciiïen: peu-à-peu , au point de devenir ce qu'on appelle yeux d'icrc'
vijfes. M. Mounfey prétend que c'eft encore une erreur de croire que
les écrevifles fe défont de ces pierres lorfqu'elles fe dépouillent de
leur écaille; car dans ce temps, dit-il, les pierres percent la tunique
interne & cornée de leur eftomac. Les trois dents de ce vifcere bri-
fent les pierres ; ?^ en peu de jours les liqueurs qui y abondent, les
diflolvent : voilà la raifon |(fourquoi l'on trouve tant d'yeux d'écrevifles
à moitié confommés. Cet Auteur prétend qu'on trouve peu de pierres
dans les rivières que les écreviftes habitent. La plupart des Natura-
liftes Çî^ient aujourd'hui que ces pierres ont été le réfervoir de la
matière que les écrevifles emploient pour réparer la perte de leurs
fcaiile^,'-
Les pierres ^ont la teinte eft brune , font celles qui fe font trou-
vées dans l'eftomac de l'écrevifTe au moment qu'elle a été prife. C'eft
dans les grands fleu /es du côté d'Âftracan qu'on trouve les écrevifies
qui ont les pierres les plus grandes. Les Pécheurs n'y prennent , en
quelque façon ,' ces animaux qu'à caufe de leurs pierres. Pour les
tirer de leur eftomac, les uns les écrafent avec un pilon de bois; ils
Ê C K ^^p
mettent enfuîte îe tout dans l'eau , & l'on trouve les pierres au fond
des baquets : d'autres mettent des écrevifies en tas & les y laifTent
pourrir ; enfuite , au moyen de l'eau , ils en féparent les pierres ,
qu'ils vendent quatre ou cinq fous la livre. On auroit peine à croire
la quantité prodigieufe qu'on en exporte dans les divers pays , où ^
malgré la modicité de ce prix , on les contrefait avec des fubftances
argillo-calcaires , blanches & fans odeur : on a l'art d'en former des
paftilles ; greffes comme des pois ou de petits boutons , aplaties ,
orbiculaires , caves d'un côté, convexes de l'autre, faciles à rompre,
& qui imitent les pierres d'écrevifles naturelles.
Les pierres d'écrevifTes n'ont ni faveur , ni odeur apparentes : ce
font des abforbans terreux qu'on fait prendre pour adoucir les acides
de l'tftomac. M. Bourgeois dit que ces mêmes pierres contiennent
des principes volatils , qui les rendent apéritives , diurétiques &
même ftomachiques.
Pèche des Ècrevijfes,
On pêche Vicnvijfe de plufieurs manières. Une des plus (impies ,
c'efi: d'avoir des baguettes fendues , de mettre dans la fente de l'appât,
comme delà tripaille, des grenouilles , &c. de les difperfer le long
du ruifleau où l'on fait qu'il y a des écreviffes cafernées ; de les y laiff^r
repofer afTez long- temps pour que les anim^aux s'attachent à l'appât ;
d'avoir un panier ou une petite truble ; d'aller lever les baguettes
légèrement , de gliffer fous l'extrémité oppofée le panier , & d'enlever
le tout enfemble hors de l'eau : à peine l'écreviffe fe verra-t-elie hors
de l'eau , qu'elle fe détachera de l'appât ; ilfeis elle fera reçue dans le
panier. D'autres les prennent à la main : ils entrent dans l'eau , ils s'y
couchent & étendent leurs bras en tous fens vers les trous^où ils fup-
pofent les écrevifies cachées : il y en a qui mettent le ruiffeati à fec :
les écrevifies qui manquent d eau , font- forcées de fortir dé leurs
trous & de fe laifier prendre. Un piège qui n'efjt pas moins sûf, c'eft
celui qu'on tend à leur voracité: on laifie pourrir uiii^hat mort, un
chien , un vieux lièvre ; ou bien l'on prend un morceau de cheval mort,
on le jette dans l'eau , on l'entoure de petits fagots d'épines , on fy
laifie long-temps ; il attire toutes les- écrevifies, que l'on prend en
traînant à foi toute la charogne & les fagots d'épines avec un crochet.
Comme elles aiment beaucoup le fel , des facs qui en auroient été
remplis feroient le même eft'et que la charogne.
5 é-o É C R • ECU
ÉCRITURE ARABIQUE ou CHINOISE. On donne ce nom
à une coquille bivalve , de la famille des cames, à bafes ovales irré-
gulieres , à ftries tranfveiTales , fines & aplaties , & qui a fur les deux
valves plulieurs lignes d'un violet noir , dont la di£pofkion bizarre
paroît former des carad:eres finguliers. C'eft un deffin de traits en zig-
zag qui fe croifent diverferaent l'un fur l'autre , & forment plufieurs
lofanges fur un fond blanc. Les HoUandois l'appellent natu de jonc*
Voyez Came.
ÉCROUELLES. Voyc^ Agrouelles.
ECU DE BRATTENSBOURG , nummus Bratunshurglcus. On
trouve dans la Laponie Suédoife , près du fort de Brattensbourg ,
dans une Ville appelîée Yvoë , de petites pierres en forme de mon-
noie. Ces pierres nûmifmales montrent en leur furface une figure
aflez femblable à une' tête de mort. M. Stolbœus les appelle oflracites
numifmatici. Il a publié à leur fujet une diflertation ou il démontre
que c'efi; une coquille d'huître parafîte très- petite , qui tire fa nour-
riture par trois ouvertures qui lui donnent cette reffemblance impar-
faite qu'on y voit avec la figure d'une tête de mort. Voyez Acia Littcr^
& Scient. Succic, ann, //j/.
ECUELLE D'EAU , hydrocotïk vulgarïs. Cette plante qui croît
abondamment dans les marais , a une racine fibreufe , qui pouffe plu-
fieurs petites tiges grêles, farmenteufes , rampantes : fes feuilles font
rondes , creufées & attachées à de petites queues qui s'infèrent dans
le difque de la feuille ; fes fleurs font petites , blanchâtres , à cinq
feuilles , & rangées en ombelles ; elles ont cinq étamines & deux
piflilfi,. A ces fleurs fuccedent des fruits compofés de deux graines
fort aplaties ^ très-convexes. Cette plante efl: acre au goût: elle eft
déterfive , .J^rûlnérairè.& apéritive.
ÉCUME DE MER ou MERDE DE CORMARIN. On donne
ce nom à ïalcyonium Voyez ce mot & celui de Polypier.
ÉCUME PRIiNTANxNIEPvE. C'eft une fubftance affez femblable
à de la falive. Cette écume doit fon origine à une efpece de petit
infed:e connu tiras le nom de fauurdU - puce , ou de cigaU bédaude.
Cet infeéle fingulier eft une procigale : on la trouve aux environs de
Paris. C'eft fa larve qui fe couvre au printemps d'une efpece d'écume
qui tranfpire de fon anus & de fon corps. Cette larve fe loge ordi-
nairement dans l'angle des feuilles, dans la bifurcation des tiges àp
plufieurs
ECU ^si
pîufleurs efpeces de plantes. Les peiTonnes qui ne connoiiTent point
Tinflinâ: de ces infedes , croient effedivement appercevoir fur les
plantes une falive moufleufe ; mais le Naturalifte détruit le logement
humide, & découvre l'infede dont il obferve l'induftrie & la promp-
titude à fe faire une nouvelle retraite. L'infede métamorphofé s'appelle
cigale hédaude. Voye^ Procigale & CiGALE.
ÉCUREUIL BARBARESQUE. Foyei tanîck Rat VkUàisTz,
où il en eft parlé.
ÉCUREUIL DE CANADA , Ecureuil gris , ou Ecureuil
DE Virginie. Petit animal dont la fourrure eft d'ufage fous le nom
de Petit-gris. Voyci ce mot.
ÉCUREUIL ÉPILEPTIQUE. On lui a donné ce nom , parce
qu'il dort continuellement , & que lorfqu'on le réveille il femble tom-
ber en épilepfie : on le trouve en Pruffe. On prétend que c'eft une
efpece de Loir. Voye^^ ce mot,
ÉCUREUIL-PALMISTE. Foye^ Rat-Palmiste.
ÉCUREUIL VOLANT , fc'mrus voLans. Eft un animal dont les
oreilles font petites , arrondies , les yeux grands & noirs , quelque-
fois furmontés de deux longs poils d'un brun fauve : il porte une
mouftache compofée de poils noirs longs d'un pouce & demi. Sa
queue eft fort longue , fa tête paroît plus pointue que celle de l'écu-
reuil. Il a deux dents incifives , tant en delTus qu'en deffous , d'un
jaune foncé : les inférieures font plus longues. Les dents molaires fe
trouvent aulîi au fond de la bouche. Les pieds de devant & de der-
rière , fur- tout ceux-ci, font conime cachés fous la peau à voler , qui
les recouvre prefque jufqu'aux pattes. Lesspieds antérieurs font divifés
en quatre doigts de couleur noire , ceux du milieu plus longs que
les autres , tous armés d'un ongle pointu & arqué. Les pattes pofté-
rieures font noires aulTi , & ont cinq doigts , mais le cinquième ,
qui eft l'intérieur, eft beaucoup plus court, & ne paroît que comme
un fimple appendice. Les articulations de ces doigts- font fernblables
à celles des écureuils. Les poils de l'écureuil volant font fort drus .
très-doux au toucher , &: varient , fuivant les clima'fè?!; pour la cou •
leur , qui eft communément d'un gris obfcur.
Ce quadrupède habite fur les arbres comme l'écureuil , il va de
branche en branche; & îorfqu'il faute pour pafler d'un arbre à un
autre , ou pour traverfer un efpace confidérable , fa peau qui eft
Tome IL B b b b
S62 ECU
lâche & plifiee fur les côtés du corps , fe tire au dehors , fe bande &
s'éJargit par la diredion contraire des pattes antérieures qui s^étendent
en avant , & de celles de derrière qui s'étendent en arrière dans
le mouvement du faut, La peau ainfi tendue & tirée en dehors de
plus d*un pouce , ce qui la rend fort mince vers les bords du milieu,
augmente d'autant la furface du corps fans en accroître la maffe , &
retarde par conféquent l'accélération de la chute , en forte que d'un
feul faut l'animal arrive à une alTez grande diftance. Ainfi , comme
l'obferve M. de Buffon , ce mouvement n'eft point un vol , comme
celui des oifcaux, ni un voltigement comme celui des chauve-fouris ,
qui fe font tous deux en frappant l'air par des vibrations réitérées,
C'eft un fimple faut , un élancement dans lequel tout dépend de la
première impulfion , dont le mouvement eft feulement prolongé &:
fubfifte plus long-temps , parce que le corps de l'animal préfentant
une plus grande furface à l'air , éprouve une plus grande réfiftance ,
& tombe plus lentement ; mais il ne tomberoit pas certainement de
bien haut fans fe tuer, parce que le volume qu'il oppofe à l'air ne
feroit pas capable de le foutenir contre l'accélération de fa chute. Ci
elle duroit trop long-temps. Il nage comme les autres animaux, fans
étendre les prolongemens de fa peau ; & quoique fon poil foit mouillé,
l'animal fe foutient en l'air , comme s'il étoit fec , & il peut voler à
fa manière en fortant de l'eau. 'On obferve dans l'efpece de faut que
fait ce quadrupède pour pafler d'un arbre à un autre , qu'il agite fa
longue queue en lui faifant faire des ondulations de côté 3 & d'un
bout à l'autre.
On voit de ces animaux en Pologne, en Laponie, dans la Finlande, en
Virginie , dans la Nouvelle Efpagne & en Canada : ilyenaauffi, dit M,
Fo/^tfé>, dans les îles Moluques ou Philippines; ilsfontdelagrofîèur d'un
chat: l'on en voit un dans le Cabinet de Chantilly ; ceux d'Europe égalent
le volume d'un rat , notamment ceux qu'en Ruflie on ^l^^qWq polatouches.
Ceux qu'on voit à laLouifiane font de la groifeur d'une fouris,& s'élancent,
comme il eft dkci-deffus, d'un arbre à un autre jufqu'à ving-cinq ou
trente pieds dè'iâîftance : ces animaux font fortjolis; on peut les apprivoi-
fer:il eft cependant bon de leur mettre une petite chaîne , car'aimantla
liberté , ils regagneroient promptement les bois. On les nourrit de
pain , de fruits , de graines ; ils aiment fur-tout les boutons & les
|eun.es pouflfes du fin & du bouleau i ils ne cherchent point les noix
ECU 5-^3
êcîes amandes comme les écureuils, mais ils tiennent pareillement leur
Kourriture avec leurs pattes antérieures & reftent affis fur leur derrière!
C'eft fur les arbres qu'ils fe font un lit de feuilles, dans lequel ils s'en-
feveliflent , & où ils demeurent tout le jour , pour y dormir pendant
l'ardeur du foleil ; ils n'en fortent que la nuit , & quand la faim les
prefTe. Comme ils ont peu de vivacité , & qu'ils font peureux, ils
deviennent aifément la proie des martes & des autres animaux qui
grimpent fur les arbres ; auflî l'efpece fubfiftante eft-elle en très-petit
nombre , quoique ces animaux produifent ordinairement trois ou quatre
petits. Cependant l'efpece en eft bien plus commune en Amérique
qu'en Europe & aux Indes Orientales.
M. P^//a5 parle aufli d'une nouvelle efpece d'écureuil volant qui ne
fe trouve que dans l'Océan Indien. Il eft gros comme un petit lapin.
Sa tête eft plus ronde & plus groffe que celle de l'écureuil ordinaire,
fa mouftache eft roide & noire ; fa queue eft ronde & beaucoup plus
longue que fon corps, & très-velue , comme laineufe. Le poil du
corps eft roide & de couleur roufTe-brune avec des taches noirâtres
dans les femelles , au contraire des mâles dont la queue &: le corps
font noirs , quelquefois tachetés de blanc.
Il eft digne de remarque que l'écureuil volant & les chauves-fouris,*
font les feuls animaux volans connus , auxquels la nature ait donné
des mamelles & du lait pour la nourriture de leurs petits.
ÉCUREUIL VULGAIRE ,fciurus. Vent animal quadrupède, connu
de tout le monde , dont la tête & le dos font de couleur fauve , Ôc
le ventre blanc. Ces animaux ont deux dents incifives à chaque mâ-
choire, ils n'ont point de dents canines; leurs doigts font onguiculés;
aulîi grimpent-i's , avec la dernière agilité , fur les arbjres , même fur
ceux dont l'écorce eft la plus lifle. 11 y a dans divers pays, des écu-
reuils de plufieurs autres couleurs, noirs, gris, cendrés j mais il eft
inutile de les décrire , un feul coup d'œil jeté dans les Cabinets des
Naturaliftes en donnera une connoifTance bien plus'exade. Au lieu
de détailler ces diverfes fortes d'écureuils , nous croj^ps faire plus de
plaifir à nos Ledeurs , en peignant l'écureuil, ^én décrivant fes
moeurs , d'après l'illuftre M. de Buffon,
L'écureuil eft- un joli petit animal , qui n'eft qu'à demi-fauvage,
& qui, par fa gentillefle , par fa docilité, par l'innocence même de
fes mceurs , mériteroit d'être épargné ; il n'eft ni carna'ilier, ni nuifibie,
Ebbb 2
j6^ ECU
quoiqu'il faififTe quelquefois des oifeaux : fa nourriture ordinaire , font
des fruits , des amandes, des noifettes, du gland , &c. Il efl propre,
lefte , vif, très-alerte, très-éveillé, très-induftrieux ; il a les yeux
pleins de feu , la phyfionomie fine , le corps nerveux , les membres
très-difpos; fa jolie figure efl rehauflee & parée par une belle queue,
en forme de panache, qu'il relevé jufques deflus fa tête , & qu'il
maintient étendue , c'eft un parafol fous lequel il fe met à l'ombre.
Le deflbus de fon corps eft garni d'un appareil tout aulîi remarquable,
& qui annonce de grandes facultés pour l'exercice de fa génération.
Il eu, pour ainfi dire , moins quadrupède que les autres; il fe
tient ordinairement aiîîs , prefque debout lorfqu'il veut manger, &
fe fert de fes pieds de devant , qui font libres , comme d'une main ,
pour porter à fa bouche : dans cette attitude le corps eft dans une
pofition verticale. Au lieu de fe cacher fous terre, il eft toujours en
l'air : il approche des oifeaux par fa légèreté ; il demeure , comme
eux , fur la cime des arbres , parcourt les forêts , en fautant de l'un
à l'autre, y fait fon nid , cueille les graines, boit la rofée , & ne
defcend à terre que quand les arbres font agités par la violence des
vents. On ne le voit jamais que fur les grands arbres de haute futaie»
Il craint l'eau plus que la terre , & l'on aflure que lorfqu'il faut la
paffer , il fe fert d'une écorce pour vaifleau , & de fa queue pour
voiles & pour gouvernail. Il ne s'engourdit pas, comme le loir,
pendant l'hiver, il eft en tout temps très-éveillé, toujours très alerte:
pour peu que l'on touche au pied de l'arbre fur lequel ilrepofe, il
fort de fa petite bauge , & fuit fur un autre arbre.
Ce petit quadrupède eft très-prévoyant ; il ramafle des noifettes pen.
dant l'été, en remplit le tronc & les fentes d'un vieux arbre qu'il a
choifi : voilà le grenier auquel il a recours en hiver ; il cherche auflî
fes provifions fous la neige, qu'il détourne en grattant. Il a la voix
éclatante , & plus perçante encore que celle de la fouine : il a de plus
un petit grognement de mécontentement , qu'il fait entendre toutes
les fois qu'on l'irjrite : il eft trop léger pour marcher, il va ordinai-
rement par petJ«fauts, & quelquefois par bonds.
On entend les écureuils , pendant les belles nuits d'été , crier , en.
courant fur les arbres les uns après les autres : ils femblent craindre
l'ardeur du foleil ; ils demeurent pendant le jour , à l'abri , dans leur
domicile, dont ils fortent le foirpour s'exercer 5 jouer, faire l'amour
ECU s<^9
te macger : ce domicile eft chaud , propre & impénétrable à la
pluie. Ceft ordinairement fur l'enfourchure d'une branche qu'ils
s'établiflent : ils commencent par tranfporter des bûchettes qu'ils mê-
lent, qu'ils entrelacent avec de la moufTe; ils la ferrent enfuite, ils
la foulent , & donnent aflez de capacité & de folidité à leur ouvrage ,
pour y être à l'aife & en fureté avec leurs petits : il n'y a qu'une
ouverture par le haut , jufte , étroite , & qui fuffit à peine pour
paffer. Au deflus de l'ouverture , eft une efpece de couvert ou de
dôme en cône , qui met le tout à l'abri , & fait que la pluie découle
par les côtés du toit , & ne pénètre pas le petit domicile. Quel art
dans la conftruftion de ce nid !
Ces animaux entrent en amour au printemps , & mettent bas au
mois de Mai ou au commencement de Juin ; ils produifent ordinaire-
ment trois ou quatre petits qu'ils élèvent avec tout le foin poifible:
ils muent au fortir de l'hiver : ils font propres , fe peignent & fc poliflent
le poil avec leurs mains &: leurs dents : ils n'ont aucune raauvaife
odeur j leur chair eft aflez bonne à manger : le poil de leur queue
fert à faire des pinceaux ; mais leur peau n'eft pas une fort bonne
fourrure.
On lit , dans l'Encyclopédie , que les Auteurs font mention d'au-
tres écureuils étrangers ; mais il refte à favoir , s'ils font de la même
efpece que l'écureuil ordinaire, ou fi c'eft improprement qu'on leur
a donné le nom ^écureuil. Pour s'en affurer , il faudroit avoir des
defcriptions exaâes de ces animaux. L'abus des noms n'eft que trop
fréquent dans l'Hiftoire Naturelle ; on en a un exemple frappant moins
dans l'écureuil gris de Virginie , que l'on dit être aufli gros qu'un
lapin , que dans le coquallin : voyez ce mot ; & dans ïicureuil volant ^
qui nous a paru être fi reflemblant à de certains rats , qu'on feroit
tenté de croire que ceux qui l'ont nommé écureuil, n'avoient jamais
vu ni écureuils , ni loirs , ni lérots,
ÉCUSSON ou FRAGMENS D'ÉCHINITE , "cchmodtmiatum
fragmenta^ On donne ce nom à des pièces quarrées ^^^orbiculaires ^
dont l'alîemblage , en très -grand nombre , compofe là coquille de
ïourjin. Voyez ce mot.
Communément les écuflbns font des parties pétrifiées du ventre de
l'échinite fpatagoïde ; on en trouve aufli de crénelés ou dentelés , &
qui appartiennent à l'ourfin , appelle khïnomciriu par quelques Auteurs? .
^66 É D E t G K
cfautres échancrés au bord , comme les futures du crâne , & qui pro-
viennent de Tourfin difcoïde. On ne peut guère avoir une idée nette
de tout ceci , qu'en lifant le mot Oursin.
ÉDERDON ou ÉDREDON. Voyei au mot Canard a duvet.
ÉDOLÏO. Oifeau qu'on voit au Cap de Bonne-Efpérance , & qui
refTemble parfaitement au coucou. On le rencontre toujours dans des
buiflbns épais, ou fur de hauts arbres. Dès qu'il fait beau, il cris
d'un ton lamentable cdolio , êdolio t^'û articule cette petite chanfon
aufli diflinclement qu'un homme peut le faire ; c'eft de-là que lui efi:
v^nu fon nom,
EELPOUT. Voyei Lotte.
EFFLORESCENCE. Nous défignons par ce nom la matière en
flocons qui fe forme à la fuperficiede certains corps minéraux quifedé-
compofentpar lecontaâide l'air , &c. comme on l'obferve fur le cobalt,
fur les pyrites fulfureufes , martiales & cuivreufes : quelquefois la ma-
tière efi: poudreufe , ainfi qu'il arrive aux fels qui perdent leur eau
de criftallifation ; tels font les aluns , les vitriols, &c. L'arfenic,
expofé à l'air , devient également farineux. Voyei les anicUs Pyri-
tes , Vitriol , Cobalt , Arsenic & Alun.
EFFRAYE. Efpece d'oifeau de nuit , autrement appelle Fréfale^
V-Oyez ce mot.
EGAGROPILE , ûcgagro-pUeus. On donne ce nom à des pelotes
ou boules fphériques de poil, qu'on trouve dans les inteftins, & plus
fouvent dans la panfe , qui eft le premier des quatre eftomacs de plu-
fi^urs quadrupèdes ruminans , tels que le boeuf, le veau , la vache ,
le mouton, la chèvre, le chamois, le bouc, &c. Ces boules font
formées de l'aiTemblage des poils que ces animaux détachent & avalent
en fe léchant, ce qu'ils font très -communément , fur-tout dans le
temps qu'ils font en repos : leur falive colle ces poils les uns fur les
autres ; le mouvem.ent inutile que leur eftomac fait pour digérer ces
poils, leur- fait" prendre , avec le temps , la forme fphérique qu'on
remarque dan^.:j^gagropile. Ces boules font quelquefois velues en
dehors comme $fl dedans, & d'autres fois unies, comme enduites
ou enveloppées d'une croûte brunâtre , dure , luifante & femblable
à xlu cuir; mais celles-ci font formées depuis long-temps , & l'on en
voit qui ont jufqu'à quatre & cinq pouces de diamètre. L'on en voit
u^îç dans k Cabinet de Chantilly, qui efl grofle comme la tcte d'un
EGA É I S ; 57
homme; & elle a été trouvée dans l'appendice du cœcum d'un bœuf.
On trouve fouvent dans le ventricule de l'yfard ou chamois , une
pelote grofle comme un œuf de poule , ovale, un peu aplatie, très-
légère & revêtue d'une écorce dure , noirâtre & luifante ; l'intérieur
eft compofé d'herbes mâchées en pelotons , faifant partie de celles
que l'animal avoit avalées pour fa nourriture. On l'appelle bc^oard
d'Allemagne ; mais on ne lui reconnoît aucune des vertus fi vantées,
foit pour les hémorragies, foit pour les vertiges. En effet, ordonner
des mafles de poil non digérables , c'eft tomber dans le ridicule de
Velfchius , qui a compofé un livre des propriétés de Vé^agropilc-
Voyez l'article Ruminans. On voit dans le Cabinet de Chantilly une
belle colleâion à'égagropiles & de bé^oards de pierre.
ÉGAGROPILE DE MER. Voy. l'article Pelote de mer.
ÉGIPAN. Voye:^ à t article Homme des bois.
ÉGLANTIER & ÉGLANTINE. Foyei Rosier sauvage à l'an.
Rosier.
ÉGLEDUN ou ÉGLEDON , eft le canard à duvet ou à plumes
molles , dont il eft parlé dans la fuite de l'article Canard. Voye^
ce moi,
ÉGLEFIN ou ÉGREFIN , egkfinus. On donne ce nom à une
efpece de morue ou merlu. Voyez ces mots.
ÉGRISEE. Les Lapidaires donnent ce nom à la poudre de dia-
mans ordinairement noirs , dont on fe fert pour ufer les bords des
autres diamans , & pour en adoucir les inégalités des facettes, Voyxi
à C article Diamant.
EGUILLE ou ÉGUILLETTE. Nom qu'on donne en Bretagne à
Torphie, Voyez ce mot. Goëdard le donne aulTi à la chenille de ronce,
EIDER. Foyei Canard a duvet.
EISENMAN ou EISENRAM ou EYSENGLANTZ , eft un
minéral ferrugineux qui accompagne quelquefois les mines d'étain ,
qui leur fert d'enveloppe , de cadre , ou en décelé des filoîTS affez
riches. L'eifenram eft regardé par tous les Minéralogiftes du Nord,
comme une mine de fer réfraâ;aire , arfénicaîe , vora,ce & ftérile en
métal : elle eft remplie de mica, ou écaiJleufe , grisâtre ou bleuâtre,
& devient rouge à mefure qu'on en détache des parties avecJa lime,
Voye:^ l'article Fer. On donne encore le nom d'eifenram à de Tor d&
lavage y qui, dans la féparation qu'on fait , par la febile, des parties
5'(5'8 ' ' É L A ^
fablonneufcs ^ limonaufes avec lefquelles on le trouve mèlôg, s'efl
attaché à de petits grains bruns ou noirâtres de fer , attirable à l'ai-
jnant. Foyc^ aujjî l'ariide WoLFKAM.
£LAN Qu ELLEND , en latin aUe. Animal du genre des cerfs ,
ôi que Ton regarde comme i'alcée des Anciens.
L'élan eft un animal quadrupède ruminant èc cornu , (auvage ,
grand comme un cheval , & habitant les pays feptentrionaux. On
en trouve en Mofcovie , en Lithuanie , en Pologne, en Suéde, en
Laponie & en Canada; plus rarement dans ces quatre derniers pays ;
mais fur-tout en PruiTe. Il a plus de cinq pieds & demi depuis le
bout du mufeau jufqu'au commencement de la queue , qui n'a que
deux pouces de longueur ; fa tête eft fort grofle _, fes yeux font étin-
celans , fes lèvres font grandes , grofles & détachées des gencives ,
fes dents font médiocres , fes oreilles relTemblent alTez à celles de
l'âne poiir la largeur &: pour la longueur; fon ventre eft ample comme
celui de la vache , fa queue eft fort petite , fes jambes font longues
j& menues , fes pieds noirâtres, & fes ongles fendus comme ceux du
bœuf ; fon poil , d'un jaune obfcur , mêlé d'un gris cendré , appro-
che alfez , pour la couleur , de celui du chameau ; cependant, on dit
que la couleur varie fuivant les faifons de l'année , qu'il eft plus pâle
en été qu'en hiver , au contraire de ce que nous voyons arriver aux
daims & aux autres animaux. Ce poil a jufqu'à trois pouces de Ion-
. gueur ; lorfqu'on le coupe & qu'on l'examine au microfcope , il paroît
fpongieux en dedans comme le jonc. Comme ce poil eft élaftique,
il eft propre à faire des matelas & à garnir des felles.
Il faut que les jambes de ce quadrupède foient extrêmement fortes
& roides , puifque d'un coup de pied il terrafle l'animal ou le Chaf-
feur qui ofe l'approcher. Il a les jambes fî fermes qu'il court fur la
glace ,& fur les rochers avec une extrême vîtefTe fans tomber , ce qui
lui donne auflî le moyen de fe fauver des loups & des autres ani-
maux, carnafilers qui ne peuvent l'y fuivre. Si l'on peut croire que
^ej animal ^^kifi^jet à l'épilephe, on ne croira cependant pas que
îbrfqu'il efl: ^itaqué de l'^^ccès de ce mal , il s'en guérit en portant fon
pied gauche julque dans Ion oreille , & que la corne de ce pied ,
nommée ungjila alccs , eft un remède infaillible pour i'épilepfie , fi^r-
tout iorfqu'o'n dit que le (impie attouchement de cet ongle, porté en
l;)ague ou en anîijlette , guérit de cette funefte maladie : s'il pouvoit
Ê L" A I >r^
être de quelque utilité, ce feroit râpé Se mîs dans quelque infufîon ,
à caufe du Tel volatil qu'il contient. Les Médecins du fiecle précédent
faifoient beaucoup de cas de cet ongle pour la maladie ci-defius indi-
quée : il entre encore dans la compofition de la poudre de Gututte*
Ce remède paroît avoir perdu Ton crédit , & nous croyons que c'efi:
avec raifon.
Il n'y a que l'élan mâle qui porte des cornes : elles font très-gran»
des , fort pefantes , cylindriques à leur origine ; enfuite elles s^élar-
gifTent beaucoup & forment une table plate qui a fur fes bords
plufieurs prolongemens en forme de doigts ; elles excédent aflez
communément la largeur de deux palmes , tandis qu'elles égalent à
peine la longueur de deux pieds. On a vu des cornes d'élan munies
de dix -huit à vingt cornichons fi amples & fi efpacés , que deux
hommes pouvoient s'y afleoir à la fois. L'élan met bas fes cornes
tous les ans aux mois de Février & de Mars , la démangeaifon qu'il
y fent l'engage à fe frotter la tête contre les arbres pour s'en débar-
rafTer. Il lui en croît de nouvelles , qui , lorfqu'ellcs font encore
tendres & cartilagineufes , font revêtues d'une peau molle & lanugi-
neufe qui les garantit du froid jufqu'à ce qu'elles aient acquis une
dureté convenable ; au mois d'Acût fa tête fe trouve ornée ou
chargée d'un nouveau bois.
Dans la direction anatomique de cet animal , on a obfcrvé que la
glande pinéale ef!: d'une grandeur extraordinaire , puifqu'elle a plus
de trois lignes de long, ainfi que celle du dromadaire. Cette obfer-
vation eft favorable à ceux qui attribuent à la diflérente conformation
Aqs organes du cerveau les diverfes opérations des fens intérieurs; car
en remarque que les lions , les ours , le loup , & les autres bétes
courageufes & cruelles , ont cette partie fi petite, qu'elle efc prefque
imperceptible , au lieu qu'elle QÏ'i fort grande<lans ceux qui font timides ,
comme efi: l'élan. On a remarqué auili que l'organe de l'odorat eft très-
gros & fort étendu dans cet animal , ce qui rend raifon de la fi nef fe
de fon odorat. . K^*'
L'élan aime les lieux omi)rageux & humides ; il fe no)arfit de feuilles,
d'écorces d'arbres, de m.oulfes. Ces animaux pour l'ordinaire vont en
troupes , ils font auffi habiles à nager que le cerf. Le mâle ne fe bât
point pour la femelle au temps du rut , qui arrive vers la fin d Août;
dans ce temps il pouïTe un cri femblable à celui du cerf, & bat
Tome IL C c c c
^yo E L A
fréquemment la terre avec les pieds de devant : Ton bois & fes pieds
font fes armes défenfives. La femelle met bat vers la mi-Mai , èc ne
fait qu'un faon ou deux : ces faons fuivent leurs mères peadant deux
eu trois ans , & elles leur font fi attachées , qu'elles fe feroient plutôt
tner que de les abandonner. En prenant ces faons tous jeunes , 01 peut
les cDnrivoifcr : on les fait teter des vaches qui les fcuffrcnt volontiers»
Uélan , comme animal peureux & timide , fe retire dans les pro-
fondes folitudes des bois les plus épais. On les prend de diverfes
manières , foit au lacet , c'eft-à-dire, avec des balivaux affujettis avce
des cordes , qui , en faifant l'effet de reflbrt lorfque l'animal vient à
pafler , ferrent une corde qui le faiiit à la gorge & l'étrangle ; foie
en le chalfant avec des chiens dans des Blets , ou en le faifant tomber
dans des fofles : lorfque cet animal fauvage a été blefîe, (î le Chaf-
feur ne fe fauve au plus vite, l'élan en fureur revient fur lui, &
comme il a beaucoup de force , le foule fous fes pieds ou féleve fur
fes cornes , & vient fouvent à bout de le tuer.
Cet animal fe plaît dans les fapinieres; on le prend facilement dans
les neiges oii il s'enfonce. On en envoie en France la peau palTée à
Fhuile : on la vend improprement fous le nom de bujfle. Voyez ce mot.
Les plus grandes peaux s'appellent chapons. On en fait des baudriers ,
des ceinturons, des gants, &c. On dit que la peau d'élan eft propre
à faire des cuiraffes , parce qu'elle eft très-épaifle & très-dure , &c.
prefque impénétrable aux coups de feu. On en fah encore ufage
dans plufisurs arts 8c .métiers.
Il paroït que l'animal connu dans l'Amérique feptentrionale fous le
Hom d'orignac, eft une efpece d'élan. Tout ce que Denys , dans fon
Hiftoire Naturelle , en rapporte , s'accorde avec ce que nous avons
dit de l'élan : il prétend, que la chair de cet animal fent un peu la
venaifon, & eftaulîi a^éable à manger que celle du cerf. J'ai vu
dans le cabinet de 'M, le Prince de Croy un bois d'orignac du Ca-
nada , dont l'envergiffe eft de cinquante - fept pouces & demi : chaque
cctene eft pal^^j^ &• large de trente-fîx pouces 8c demi , fur trente
pèitces & dijïii' de hauteur. L'orignac a pour ennemi, dans ce.
.^-^^jiâjrs'-, le r^ard & le quincajou. Voyez ces mots.
"^ '^îH^oique l'élan foit un animal des pays feptentrionaux , on en trouve-
cependant aufii' en Afrique , mais qui font plus gros que ceux d'Eu-
jope;...^^en..voit dans certains cantons de la Cordiliere, & dans le.
ê
É L É ^71
vcinrage de Quito : on en rencontre aufil quelques - uns a la Chine.
ELLCTRUM. On donne ce nom au fuccin. Voyiez ce mot.
ÉLEMEMS , elewenu. Les Anciens, comme tout le monde fait,
admctîoient quatre lléruens ou corps :priraitift , prima naturalia , dont
ils ruppoCcient les autres formés: ïalr^ \q feu , Veau, la arn ; voyez
ces mot?. La Chymie moderne fe rapproche beaucoup de ce fenti-
menr. Les élémens , coniidérés comme ifolés , font purs & fîmples 5
ils font les principes de tous les autres corps que nous connoiflbns
fous le nom à.Q fcondalrcs : en efîet les clémens combinés entr eux,
forment alors, parleurs différentes proportions, ces mixtes, ces
com-pofés variés que nous préfente la Nature à l'infini.
La phiole élémentaire des Phyficiens eft un vafe cylindrique ou uti
tube, qui contient les matière? propres à repréfenter les quatre élé-
mens : ces matières font, l'émail obfcur concafle , qui va au fond de
la phiole ; voilà la urre : l'huile de tartre par défaillance repréfentera
Veau : feau- de-vie chargée d'une très-petite teinte de tournefol , re-
préfentera Vair : l'huile de lin , ou mieux encore de térébenthine,
colorée par le fafran , repréfentera le feu. Toutes ces matières font
tellement différentes en poids & en figure , que quand on les brouille
par quelque violente agitation , on voit à la vérité , pour un peu
de temps , un vrai chac? ; mais à;peine a-t-on c.effi d'agiter ces fubf»
tances , qu'on voit chacune retourner en fon lieu naturel.
ULERIL /''t>jé{ Résine EL EMi.
ÉLÉOMELL Cefl un baume fort huileux , -plus épais que le miel
ti doux au goût , qui coule du tronc d'un arbre à Palmyre , contrée
de la Syrie : on le tire auffi des bourgeons oléagineux de cet arbre;
voilà tout ce qu'on fait de l'origine de Véléorheil : cette drogue prife
dans l'eau évacue parles felles ks humeurs crires & hilieufes ; les
malades qui s'en fervent font attaqués û'en^ourdifi'epient ik perdent
leurs foTces , mais ces fymptômes ne font point^ craindre. Confulteis
Diofcoridc èc Charnbers. ..-/"y-^^
ELEPHANT , elcpkas. Le plus grand des quacr-tipÊdes , cornac
la /'<î/e//7c eft le plus grand des animaux à-:|ï2geoires, êc.r'2//^/'«ir.^4lle
plus grand des oifeaux. L'éléphant efî: un des .pjlus finguliers deptr^'v
les quadrupèdes, pour la conformation de piufieurs paj^^es du côr*^:^.'
En confidérant cet animal , relativement à l'idée què^'iious avons de
ia juftelfe à^% proportions , il fem^ble m.al proportionné ;> ."à-'i^^ufe de
'5 7 2 É L É
fon corps gros & court , de fes jambes roides & mal - formées , de
{es pieds ronds & tortus , de fa grofïe tête , de fes petits yeux & de
fes grandes oreilles : on pourroit dire aufîi que l'habit dont il eft cou-
vert , eft encore plus mal taillé & plus mal fait. Sa trompe , fes
défenfes , fes pieds le rendent auflî extraordinaire que la grandeur de
fa taille. La defcription de ces parties & l'hiftoire de leurs ufages
ne donneront pas moins d'admiration , que leur afped caufe de
furprife.
Rien de plus vrai & en même temps de plus vif que le tableau
que rilluftre M. de Bufon fait de cet animal. Chaque être dans la na-
ture a, dit -il, fon prix réel & fa valeur relative; fi l'on veut juger
au jufte de l'un & de l'autre dans l'éléphant , il faut lui accorder au
moins l'intelligence du caflor ^ l'adreffe àujinge, le fentiment du chien,
& y ajouter enfuite les avantages particuliers, uniques, de la force,
de la grandeur , & de la longue durée de la vie. Il faut fe repréfenter
que fous fes pas il ébranle la terre; que de fa main (c'efl: le nom que
donne à fa trompe notre éloquent Ecrivain ) il arrache les arbres ; que
d'un coup de fon corps il fait brèche dans un mur ; que terrible par
la force , il eft encore invincible par la feule réfiftance de fa mafie ,
par î'épaifleur du cuir qui la couvre ; qu'il peut porter fur fon dos
une tour armée en guerre, & chargée de plufieurs hommes; que feul
il fait mouvoir des machines & tranfporte des fardeaux que fîx che-
veaux ne pourroient remuer; qu'à cette force prodigieufe il joint encore
le courage, la prudence, le fang froid , TobéilTance cxaéte; qu'iléon-
ferve de la modération dans {qs pallions les plus vives ; qu'il eft plus
confiant qu'impétueux en amour ( car Pline nous apprend que le
ra-dlarefte conftamment attaché à fa femelle, & qu'on ne les voit
point fe battre entr'eUx pour pofieder une femelle , comme on le voit
chez certains animaux); que dans fa colère il ne méconnoît pas fes
amis ; qu'il n'attaque jamais que ceux qui l'ont ofFenfé ; qu'il fe fou-
, vient des bienfaits auffi long temps que des injures : que n'ayant nul
goût pour la;|:ijair & ne fe nourriflànt que de végétaux , il n'eft pas
né renneiïii -des' autres a^iraaux; qu'enfin il eft aimé de tous , puifque
tpi.îjs le refpeâent & n^ont nulle raifon de le craindre.
Les pays chauds de l'Afrique & de TAfie font lés lieux où naiflent
les éléphans ;• ceux des Indes font beaucoup plus grands , & par
conféquent plus forts que ceux de l'Afrique. C'eû fous ces climats
É L Ë ^75
brûlans que (c trouvent toujours les plus grands animaux , ainfi qu'on
l'a obfervé. Les éléphans de Ceyian , fans être les plus grands , font
eftimés les meilleurs , parce qu'ils font les plus courageux & les plus
dociles.
On ne trouve point préfentement d'élephans fauvages dans toute la
partie de l'Afrique , qui eft en-deçà du Mont Atlas ; il y en a même
peu au -delà de ces montagnes jufqu'au fleuve du Sénégal ; mais il
s'en trouve beaucoup au Sénégal m-cme , en Guinée , au Congo, à
la Côte des Dents , au pays d'Ante , d'Acra , de Bénin , & dans
toutes les autres terres du Sud de l'Afrique, jufqu'à celles qui font
terminées par le Cap de Bonne-Efpérance , à l'exception de quelques
Provinces très-peuplées; car les éléphans ont abandonné les endroits trop
fréquentés par les hommes. On trouve aufïi ces animaux en Abyffinie,
en Ethiopie , en Nigritie , fur les Côtes Orientales de l'Afrique , &
dans l'intérieur des terres de toute cette partie du monde. Il y en a
aufli dans les grandes îles de l'Inde & de l'Afrique , comme à Ma-
dagafcar, à Java, & jufqu'aux Philippines. Il paroit miême par le té-
moignage de tous les Voyageurs , qu'il fe trouve beaucoup plus d'é-
lephans en Afrique qu'en Afie , quoique cependant ce dernier cîim.at
paroiiTe être naturellement leur patrie. La raifon à laquelle on- peut
attribuer cette différence de nombre dans l'efpece , félon M. de Buffon ,
c'eft que les Nègres qui n'ont pas eu l'art de foumettre les éléphans
comme le font les Afiatiques , n'ont pas l'avantage de ces peuples
pour les attaquer à force ouverte, avec des éléphans privés, comme
on le peut voir à l'article de la chafîe de l'éléphant ; les Nègres ne
peuvent les prendre que par des embûches dans des folTes qu'ils re-
couvrent de broulfailles. ■ ■ ,
Quoique les climats tempérés foîent peu propres à l'éléphant, on
en a cependant vu un vivre, dans la Ménagerie dix Roi de France,
pendant treize ans. Cet éléphant étoit du ;^yaume de Congo , il
fut envoyé au Roi en i66S^ par le Roi de. Portugal. Cet animal
qui n'étoit alors âgé que de quatre ans, avoit déjà-fi^^pieds & demi
de hauteur, à prendre depuis là terre jufqti''au deflus dti dos. Pendant
les treize années qu'il vécut, il ne crut que d'un pied : on peutpré-
fumer que ce fut le changement de pays & de la nourriture qui re-
tarda fon accroiiïement à ce point. Lorfque MM. de V Académie Royale
dis Scknces en firent la defcription , il n'avoit qu« fept pieds & deird'
V
<'] £^ K L E
<ie baiîteur ; Ton corps avoit douze pieds tk demi ce tour ; fa longueur
£toit prefque égale à fa hauteur. Cet animai étoit petit , en compa-
raifon de ceux que Ion voit en Afie , & qui ont, dit-on, jufqu'à
treize, quatorze ou quinze pieds , & mcme plus , de hauteur.
Celui qu'on voit acftuelîement à Paris C 1770) ^^ encore fort jeune
& fort petit. II paroît aufîî qu'il ne parviendra pas à îa hauteur de
ceux qui ne quittent point leur pays natal. Sa hauteur acîuelle n'eft
pas tout-à fait de fix picdr.- Il eft zg€ d'environ cinq ans. Sa trompe
a à-peu-près trois pieds , & Tes déicnfes un piedv. Nous avons vu
deux cléphans dans le Parc de Saint-James à Londres , & qui appar-
tenoient à la Reine ; ils avoient la taille & 1 âge de celai de la Mé-
nagerie de Veriuilles.
Lorfque l'éléphant eft revctu de fa chair & de fa peau , les jambes
de derrière paroiiTent plus courtes que celles de devant , parce qu'elles
font moins dégagées de la mafTe du corps; ces jambes reiTcmblent plus
à celles de l'homme qu'à celles de la plupart des quadrupèdes , en ce
que le talon pofe à terre , & que le pied efl: fort court : la plante
de leurs pieds eft garnie d'une corne en form.e de femelle , qui eft
<lure , folide & épaifîe d'un pouce : il y a lieu de croire que cette
partie varie de forme dans les divers individus. La force des jambes
de féléphant eft proportionnée à fa lourde mafle ; aufii on dit qu'il va
fort vite, & que de fon pas il atteint aifem.ent un homm.e qui court.
Il nage très-bien , tant à caufe du grand volume d'eau , que fa mafle
^déplace , que parce qu'il eft fujet à avoir le ventre enfié par des veines
qui le lui rendent fort gros. Quelques Auteurs ont dit, que le peu
de fouplefie des jambes empéchoit Téléphant de fe relever lorfc|u'il
étoit couché : on a -appris de ceux qui ont gouverné celui de la Mé-
nagerie , que lesliuit premières années qu'il y a vécu, il fe couchoit
Sijfe relevoit a.ve€,.beaucoup de facilité ( celui de Paris en fait autant),
& que les cinq .derni^|p années il ne fe couchoit plus pour dormir;
mais qu'il s'appuyoit contre le mm- de fa loge : en forte que s'il arri-
voit qu'il fe^p^hât , lorr^u'il étoit malade , il falloit percer le plan-
cher d'au-de^^'^ pour lè^'-l'clever avec des engins. Mais vraifembla-
blement cet animal , dans fon climat & dans fon état naturel , n'au-
jroit pas perdu -fi promptement la fouplelFe de fes jambes ; & l'on
peut regarder comme incertain , ce que pîufieurs Auteurs ont avancé,
•<jue pour fe rendre maître d'un éléphant , on obferve l'arbre fur
É L É 5'75'
lequel il s'appuie pour dormir pendant la nuit ; qu'on le fcie prefque
tout-à-fait pendant fon abfence , & que lorfque ce pefant animal vient
à s'appuyer contre Tarbre pour prendre fon repos , il tombe fans
pouvoir fe relever; du moins pourroit-on penfer que cette méthode
ViQ peut fervir au plus que pour prendre les vieux clép'nans.
L'organe le plus admirable de le plus particulier à féléphant , elï
fa trompe dans laquelle on remarque des mouvemens & des ufages
qui ne fe trouvent point dans les autres animaux; fa ftrudure efttout-
à-fait linguliere.
Cette trompe eft très-longue , & l'animal l'alonge & la raccourcit
à volonté. Cette partie , qui , à proprement parler , n'eft que fon
nez , eiï charnue , nerveufe , creufe comme un tuyau , extrêmement
flexible dans tous les fens ; l'extrémité de cette trompe s'élargit comme
le haut d'un vafe , & fait un rebord dont la partie de deflbus cft plus
épaiffe que les côtés ; ce rebord s'alonge par le defTus , 2c forme alors
comme le bout d'un doigt. Au fond de cette efpece de petite taffe ,
on apperçoit deux trous , qui font les narines ; *c'efl: par le moyen
de ce rebord qui eft à l'extrémité de la trompe , ou de cette ef-
pece de doigt , que l'éléphant fait tout ce qu'on peut faire avec la
main, jufqu'au point que celui de la Ménagerie dénouoit les cordes
qui l'attachoient j qu'il prenoit avec adrelTe les chofes les plus petites ^
• & qu'il les rom.poit.
Lorfque cet animal applique les bords de l'extrémité de fa trompe-
fur quelque corps , & qu'il retire en miême temps fon lialeine , ce corps
refte collé contre la trompe, & en fuit les divers mouvemens; c'eft
ainfi que l'éléphant enlevé des chofes fort pefantes , ,& même jufqua
un poids de deux cents livres. Je me fouviens ^^u'éh préfentant la
paume de ma main à nud à l'un des éléphcins de Londres , la trompe-
produifit fur la peau un effet de fuccion fi confidérable , que j'en-
fentis mon bras & mon corps attirés vêts l'^^knal ; & faifant une
fecouffedu bras pour retirer ma maia, je crus que la peau, qui faifoit
la cloche , en étoit arrachée. C'efl encore dans cette ^trompe que
réfîde , pour ainfi dire , tous le fens du toucli'er de cet animal : ce fens"^-
efl aufH délicat , aufîî diflind dans cette efpece de main que dans celle;
de l'homme.
L'éléphant a le cou trop court pour pouvoir baifTer fa tête jufqu'à-
terre , Ôc brouter l'herbe avec la bouche , ou boire facilement ; lorf-"
'^^6 É L É
qu'il a foif , iî trempe !e bout de fa trompe clans î'eau , & en afpîraîit
il en remplit toute la cavité , enfuite il la recourbe en deflbus pour la
porter dans fa bouche, & l'enfonce jufques dans le gofier , au-delà
de Tépiglotte. L'eau pouflee par la fîmple expiration , defcend dans
l'cEfophage , & par cette admirable prévoyance de la nature , il n'entre
point d'eau dans le" larinx , ce qui feroit arrivé néceflairement fans
cela. Quand l'éléphant veut manger , il arrache l'herbe avec (à
trompe , & en fait des paquets qu'il porte dans fa bouche. Tout
cela peut faire penfer que ,1e petit éléphant tête avec fa trompe, &
qu'il la recourbe enfuite dans fa bouche pour avaler le lait. Cette
trompe lui fert non-feulement de main , mais encore d'un bras très-
nerveux ; car on dit qu'il s'en fert pour arracher les arbres médio-
cres, & brifer les branches d'arbres lorfqu'il veut fe faire un paflTage
dans les forêts,. Il fait jaillir au loin, & dirige à fon gré l'eau dont
il a rempli fa trompe: on dit qu'elle ( fon réfervoir ) peut en con-
tenir plus de deux féaux.
La tête de féléphant a quelque chofe de monftrueux , elle fupporte
•deux oreilles très-longues , très-larges & très-épaiifes , difpofées à
peu près comm.e celles de l'homme ; elle efl recouverte d'une peau
fort épailTe. Le crâne efl: auffi très-fort , fur-tout à l'endroit du front,
où il a jufqu'à fept pouces d'épaifleur , ce qui fupplée aux futures qui
lui deviennent inutiles pour l'ufage établi par la fage nature, d'em-
pêcher que les fradures ne s'étendent trop loin. Il eft certain que
cette épciffeur extraordinaire des 05 du crâne de cet animal, les em-
pêche d'être fujets à des fradures qui lui feroient auffi dangereufes
qu'elles le font aux autres animaux, à qui la moindre fêlure des os
.du crâne peut être mortelle. Cefl: apparemment cette épaiffeur qui
fait que les flecheâ peuven: percer la tête de l'éléphant aÏÏez avant fans
Ip blcffer dangereuferf>ept, Ô^, même fans eu faire fortir du fang. Mais
au milieu du derrie/e |i© la-tête , le crâne n'a pas l'épaiffeur d'une
demi-ligne; cependant cet endroit du cerveau , eft celui dont la bief-
fure eft la ]>Î05- .mortelle j"^: ne pouvant être fi légèrement blefle, que
i'animaî rie meure dans le- même ioftant. Aufll lorfqu'il arrive que l'é-
îéphant entre en fureur^ le; condudetir , pour fauver fa vie, n'a
d'autre relTource que celle de le tuer. Pour cet effet il lui enfonce
un clou à fendroit du crâne dont nous venons de parler, dans la
feife (^ui çft fituée entre dv-jx petites éixiinences. Vraifemblablement
il
É L É HT
lî efl rare que l'élépliant entre dans de femblables fureurs, cet animal
étant d'un naturel doux & docile. Il eft digne de remarque que le
cerveau de ce monftrueux animal, eft extraordinairement petit.
La bouche de l'éléphant eft la partie la plus balTe de fa tête , &
femble plutôt être jointe à fa poitrine qu'à fa tête ; elle n'eft armée
qu€ de huit dents, quatre à la mâchoire fupérieure , & quatre à
Tinférieure, Comme fa trompe & fes huit dents feroient une trop
foible défenfe, la nature lui en a encore donné deux autres, qui
fortent de la mâchoire fupérieure, & qui font très-fortes. Elles font
longues de quelques pieds & un peu recourbées en haut ; l'animal
s^en fert pour attaquer & fe défendre vivement contre fes ennemis.
La femelle eft armée de défenfes de même-que le mâle , ainfi qu'on
l'a vu dans l'éléphant femelle de Verfailles, Ces défenfes n'ont pas
tombé pendant treize années que cet animal a vécu à la Ménagerie;
ce qui doit faire croire qu'elles ne font pas fujettes à tomber comme
le bois du cerf. Elles font creufes dans leur- naiftance , & environ
jufqu'à la moitié de leur longueur, & mêm^e plus; le refte jufqu'à la
pointe eft folide ; leur fubftance eft ce qu'on nomme l'ivoire , &
approche plus de la nature de la corne, que de celle des dents; car
elle s'amollit au feu , ce qui n'arrive pas à celle des dents. Ces dé-
fenfes font fi fortes que l'éléphant de la Ménagerie les avoit employées
£ faire deux trous dans les deux faces d'un pilier de pierre qui fortoit
du mur de fa loge. Lorfqu'il vouloir dormir , il faifoit entrer fes
défenfes dans ces trous , & cela lui fervoit de point d'appui.
L'éléphant a des yeux très -petits; fes paupières font garnies de
poils, ce qui lui eft particulier avec l'homme, Icjinge , ï autruche & le
grand vautour. Son corps eft couvert d'une peau toute compofée de
rides, ce qui la fait paroitre fort vilaine, d'autant plus qu'elle eft
garnie en quelques endroits feulement de foie femblable à celle du
fangller. On en obferve fur-tout à la partie^^coavexe de la trompe ,
aux paupières & a la queue , qui en eft garnie en toute fa longueur,
& terminée par une houpe , dont les poils font aflez longs , fem-
blables en quelque forte à de la corne ,. .^j de la gïdflèiir d'un gros
fil de fer. Les Indiens attribuent à ces poils de grandes vertus qui
ne lont qu'imaginaires ; les Africains, tant hommes que femmes, s'en
fervent dans leurs parures. Les queues d'éléphant font fi recherchées
q.u'elles fe vendent quelquefois deux ou trois Efclaves ; les Nègres
Tomill, Dddd
^^9 É L É
expofent même fouvent leur vie pour tâcher de la couper à ranima!
vivant, car alors la fuperftition lui attribue de bien plus grandes
vertus.
Nourrltun de t Eléphant ^ & fis ennemis.
Ces animaux , qui font très-utiles pour les fervices qu'ils rendent,
& dont nous parlerons plus bas , font coûteux à nourrir ; auffi la lar-
geur de leurs inteftins furpaiïe-t-elle de beaucoup la proportion ^qu'ils
ont coutume d'avoir avec le refte du corps dans les animaux qui ne
ruminent pas comme celui-ci, Un éléphant confomme plus en huit
jours, que ne confommeroient trente Nègres. Fr. Pierre de Laval
rapporte dans fes Voyages qu'un éléphant mange jufqu à cent livres
de ritz par jour. La nourriture du petit éléphant de la Ménagerie,
fans y comprendre ce qui lui étoit donné par ceux qui le vifitoient,
confîftoit tous les jours en quatre-vingts livres de pain , douze pintes
de vin , & deux féaux de potage où. il entroit quatre ou cinq livres
de pain ; au lieu de pptage , on lui donnoit de deux jours l'un, deux
féaux de riz cuit dans l'eau. Il ayoit auffi tous les jours une gerbe
de blé pour s'amufer ; car après avoir mangé les grains des épis ,
il faifoit des poignées de paille , dont il chalToit les mouches , & pre--
noit plaifîr à la rompre par petits morceaux , ce qu'il faifoit fort
adroitement avec le bout de fa trompe; il mangeoit auffi de fherbe
dans les promenades qu'on lui faifoit faire tous les jours.
Plus ces animaux s'éloignent de leur climat naturel , plus il eft
néceflaire , pour les conferver , de leur donner une nourriture
chaude , qui puilfe entretenir leur chaleur naturelle. Thevenot , dans
fes Voyages , dit même qu'à Delhy non feulement on leur fait manger
de la viande , mais qu'on leur fait boire de l'eau-de-vie , & qu'on
leur donne une pâte de farine , de fucre & de beurre.
Les éléphans fauvagelP^vivent d'herbes, de fruits, & même de bran-
ches d'arbres, dont ils mangent du bois aflez gros. Dans les mois
d'Août ôc de Septembre 5^ ils viennent dans les champs de blé ou de
mil, où ils font encore -pius de dégât par les grains qu'ils foulent
aux pieds, que par ceux qu'ils confomment. Les Africains pour gar-
der leurs champs , allument de côté & d'autre des feux dont l'éclat
les épouvante. Ces terribles mangeurs peuvent cependant très-bien
relier jufqu'à fept à huit jours fans boiie ni manger. Leur boiffon efl
Ê L É •j'y^'
de l'eau, qu'ils ont foin de troubler avant que de la boire, ainfi que
le fait le chameau : on remarque la même chofe dans les oies, les ducs
& autres oifeaux, qui avalent de petites pierres, & mêlent fort fou-
vent du fable & du gravier avec l'eau qu'ils boivent.
Il convient d'obferver auflî que les éléphans fauvages vivent ordi-
nairement en fociété dans les forêts & les vaftes folitudes : ils ne
s'écartent guère des autres, afin de fe porter du fecours dans l'occa-
fîon ; aufîi les chaffeurs n'ofent-ils attaquer que ceux qui s'égarent
ou qui traînent après les autres, car pour alîallir la troupe entière
il faudroit une petite armée, encore pe^droit-on beaucoup de monde
avant de parvenir à les vaincre. Lorfque les éléphans font des mar-
ches périlleufes, c'eft à-dire, lorfqu'iîs vont paître fur des terres cul-
tivées , ils vont tous de compagnie ; le plus fort & le plus âgé mar-
che en tête , conduit la troupe ; le fécond en âge & en force fait
l'arriére- garde; les plus foibles font dans le milieu delà troupe,
& les mères portent leurs petits qu'elles embralfent avec leurs
trompes. "*■
Ces colofïes fauvages entrent quelquefois dans des champs de
tabac , qu'ils ravagent. Si la plante eft encore jeune & beaucoup
aqueufe , elle ne leur fait point de mal; mais fi elle eft mûre ou pro-
che de fa maturité , elle \qs enivre , & leur fait faire des poftures
très-plaifantes. Qaand par malheur pour eux la dofe en eft un peu
trop forte, ils s'endorment, & alors les Nègres fe vengent aifément
du dommage qu'ils ont reçu de leurs pieds & de leur trompe. La
fiente de ces animaux ne vaut rien pour engraifier les terres , parce
qu'elle produit quantité de racines, d'herbes, & quelquefois de tabac,
La raifon en eft, que comme la digeftion ne fe fait jamais parfaite-
ment bien dans leur vafte eftomac ; les graines font rendues quelque^
fois aulfi peu altérées qu'elles l'étoient avant .d'avoir été avalées.
Les éléphans font très-fréquens fur la Céte d'or , où ils font beau-
coup de tort aux arbres fruitiers & aux bananiers.
Quoique l'éléphant foit fupérieur à tous les-'autr^s quadrupèdes
par la maffe, qu'il ait dans fa trompe &,dans {qs longues & vigou-
reufes défenfes des armes terribles, il eft'cependant attaqué & vaincu
par d'autres animaux féroces, dont quelques-uns ont la force jointe
à la légèreté àes mouvemens. Ses ennemijs font le tigre , le lion , les
ferpens , le rhinocéros, fur-tout l'homme qui emploie divers moyens
Dddd2
■^^o È L É
pour l'attraper, le réduire en efclavage , ou le faire mourir pour lui
enlever Tes défenfes d'ivoire.
Le rhinocéros fe fert de la corne qu'il porte au-defTus du nez pour
tâcher de percer le ventre de l'éléphant. Quoique le lion foit pour
l'éléphant un ennemi des plus dangereux , étant armé de gritFes ter-
ribles, & de dents acérées & vigoureufes , on dit qu'il eft encore
moins redoutable pour lui que le tigre , parce que celui-ci à la
faveur de fon agilité prodigieufe , l'attaque, pour ainii dire, de
tous les côtés en même temps. Lorfque le tigre peut parvenir à faifîr
la trompe , il la déchire , ou -Ja prefie fi fort, qu'il étouffe quelquefois
l'éléphant ; les bleffures qu'il y fait font telles, que la trompe devient
inutile à l'animal , & qu'il périt de faim.
L'éléphant eft encore fort expofé aux infultes des plus vils infeéte?:
les mouches l'incommodent & le piquent dans les endroits où fa
peau eft gercée ; c'eft pourquoi il fronce fa peau & écrafe tous les
infeéles qui fe trouvent dans les gerçures. Il a foin de jeter avec fa
trompe de la pouiliere fur fon corps , ^ ^q {q rouler fur la terre en
fortant du bain : car il ne manque pas de fe baigner fouvent , foit
pour faire tomber la croûte que la pouffiere a formée fur fa peau ,
foit pour ramollir fon épiderme qui eft fujet à fe deflecher. AufiEl
pour prévenir ce defîechemnnt frotte-t-on d'huile la peau de ceux
qu'on tient en efclavage.
Mœurs & inJîinB de t Eléphant,
? Nous avons dit que. les yeux de l'éléphant, quoique petits relative--
ment au volume de fon corps , font , dit M. d& Buffon , brillans & fpiri-
tuels, & ce qui les diftingue de ceux de tous les autres animaux, c'eft
Texpreiïion pathétique du fentiment & la conduite prefque réfléchie de
tous leurs mouvemens;il les tourne lentement & avec douceur vers fon
maître ; il a pour lui le regard de l'amitié, celui de l'attention lorfqu'iî
lui parle, Iç coup d'œilde l'intelligence quand il l'a écouté, celui de la
pénétration 'iorfqu'il veut I^ prévenir; il femble réfléchir, délibérer,
penfer & nefe déterminer qu^après avoir examiné & regardé à plufieurs
fois, & fans précipitation , fans pafiion,les fîgnes auxquels il doit obéir:
sinfî Téléphant a beaucoup d'inftind & de docilité : il eft fufceptible
d'attachement , d'affedion & de reconnoifiance , jufqu'à fccher de dou-
leur, lorfqu'iî a perdu fon gouverneur. On l'apprivoife fi aifément, &
É L É ^8ï
oh ïe foumet à tant d'exercices différens , que Ton eft furprîs qu'une
béte aufîî lourde , prenne fi facilement les habitudes qu'on lui donne.
On lit dans l'Hiftoire naturelle de M. de Bufon , que Ton fe fert de
féléphant pour le tranfport de l'artillerie fur les. montagnes, &: c'ePc-Ià
que l'intelligence de cet annimal fe fait mieux fcntir. Voici comme il
s'y prend: pendant que les bœufs attelés à la pièce de canon font eiforî
pour la traîner en haut , l'éléphant poufle la culafle avec fon front , &
à chaque efibrt qu'il fait, il foutient l'affût avec fon genou qu'il place
à la roue; ilfem.ble qu'il comprenne ce qu'on lui dit. Veut- on lui fair&
faire quelque corvée pénible, s'il y répugne, le Cornac (c'eft ainfi qu'on
appelle fon conducteur) promet de lui donner de ïarackl , ' (Voyez ce
mot), ou quelque choie qu'il aime, alors l'animal fe prête à tout ; maia
il efl dangereux de lui manquer de parole, plus d'un Cornac en a été
la vidime. Il s'eft paffé à ce fujet dans le Bécan un trait qui mérite
d'être rapporté, & qui, tout incroyable qu'il paroît, eft exacicmenî
vrai. Un éléphant venoit de fe venger de fon Cornac en le tuant. Sa
femme, témoin de ce fpeâ:acle, prit fes deux enfans & les J€ta aux
pieds de l'animal , encore tout furieux, en lui difanî, puifque m as tul
mon mari ^ ôta-moi aujjï la vie ainji quà mes e/z/^/z^. L'éléphant s'arrêta
tout court; revenu de fa fureur, & comme s'il eût été touché de regret,
il prit avec fa trompe le plus grand de ces deux enfans, le mit fur fon
cou, l'adopta pour fon Cornac & n'en voulut point fouffrir d'autres".
L'éléphant qu'on voit aduellem.entàParis ( 1770) aime à être flatté,
il paroît doux & docile : il préfente même fouvent fa trompe à fon maître
pour en être carelTé. Il eft très-adroit; il prend du. riz avec fa trompe
dans la main des Dames ; il débouche une bouteille de vin pour la
boire. Rien n'eft plus fingulier que de lui voir faire cette opération. On
met à cet effet devant lui une bouteille dont le bouchon îaifî'e un peu
de prife. L'animal prend la bauteille avec fa trompe; il la renverfe &
en met le bas dans fa mâchoire ; il ramené "enfuite le bout de fa trompe
au-deffus du cou delà bouteille, pince le bouchon & i'ôte.-.le bouchon
tombe pour lors; la liqueur coule dans fa t^rompe. Lor(<p0 la bouteille
eft vuide,il la laiffe échapper ( quelquefois illa pofe à terre avec fa
trompe); il porte enfuite fa trompe, qui luifert d'entonnoir, à fon goder
& y verfe le vin. Tout prouve que cette trompe eft extrêmement fouplet
elle femble réunir tous les fens de l'animal: ce n'eft pas feulement pou?
Lui une main , un bras ; on la peut encore regarder comme le fîege de
5- s 2 Ê L Ë
f Gclorat , du tuât Se du goût. La facilité qu'il a de s'en fervir ne con-
tribue pas peu à rendre cet organe aufli fin , auflî prompt & auffi délicat
qu'il Teft*
Ces animaux ne s'irritent que lorfqu'on les ofFenfe , alors ils dreflent
les oreilles & fur-tout la trompe dont ils fe fervent pour renverfer les
hommes ou les jeter.au loin, arracher les arbres & foulever tout ce
qui leur fait obftacle. Lorfqu'iîs ont terraffé un homme , & que leur
fureur eft grande , ils l'entraînent à l'aide de leur trompe contre leurs
pieds de devant & marchent deflus, ou le mafîacrent en le frappant & le
perçant avec leurs défenfes. L'éléphant obéit exaétement aux volontés
de fon Cornac^ s'il lui commande de faire peur à quelqu'un, il s'avance
fur lui comme s'il vouloit le mettre en pièces; mais lorfqu'il eft tout
prêt , il s'arrête tout court fans lui faire le moindre mal. Ceft ainfi qu'à
la voix de fon maître il modère fa fureur. Le Prince du Mogol en a
qui fervent de bourreaux pour exécuter les criminels; (i leur conduâeur
îeur commande de dépêcher promptement ces miférables , ils les mettent
en pièces en un moment avec leurs pieds; au contraire s'il leur com-
mande de les faire languir, ils leur rompent les os les uns après les
(Butres, bc leur font fouffrir un fupplice auili cruel que celui de la roue.
Suivant le rapport de ceux qui gouvernoient l'éléphant de la ménagerie
de Verfaiîles, il fembloit connoître quand on fe moquoit de lui, de
s'en fou venir aufli pour s'en venger, quand il en trouvoit l'occafion.
Un homme l'ayant trompé en faifant fembîant de lui jeter quelque chofe
dans la bouche, il lui donna un coup de fa trompe qui lui rompit deux
côtes, il le foula aux pieds, lui caiïa une jambe, & voulut lui enfoncer
fes défenfes dans le yentre ; mais heureufement elles entrèrent dans la
terre aux deux côtés de la cuifle qui ne fut point blefiee. Un Peintre
voulant le defliner en une attitude extraordinaire , qui étoit de tenir fa
trompe levée & fa bauche ouverte , le valet du Peintre, pour le faire
demeurer en cet ém, lui jetoit des fruits dans la bouche, & le plus fou-
vent n'en faifoit qiie le gefte. A la fin l'éléphant en fut indigné; &
comme s'il eût connu que j'envie que le Peintre avoit de le delîîner,
étoit la caufe de cette importunité, au lieu de s'en prendre au valet,
il s'adreffa au maître, .& lui jeta par fa trompe une quantité d'eau,
dont il gâta le papier fur lequel il delTmoit.La fureur de ces animaux
efl très-dangereufe; mais comme ils craignent beaucoup le feu, on arrête
cette fureur en leur jetant des pièces d'artifices enflammées.
É L Ê ^B|
Tous les éléphans privés ont d'abord été fauvages , car I éléphant ne
s'accouple point & n'engendre point dans l'état de do mefticité, quoiqu'il
reflentede temps en temps les plus vives atteintes de refFervefcence amou-
reufe, qui le font entrer en fureur ; mais ne pouvant fe fatisfaire fans
témoin, il devient infenfé, violent, & on a befoin des chaînes fes plus
fortes & d'entraves de toutes efpeces pour arrêter fes mouvemens Se
maîtrifer fa colère. On fépare alors les éléphans mâles d'avec les femelles,
pour éviter de donner fujet à ces accès de fureur. L'éléphant diffère donc
de tous les animaux domeftiques que l'homme traite ou manie comme
des êtres fans volonté , dit M. de Buffon ; il n'eft pas du nombre de ces
efclavesnés que nous propageons, mutilons, ou multiplions pour notre
utilité; ici l'individu feul eft efclave, l'efpece demeure indépendante &
refufe conftamment d'accroître au profit du tyran qui lui ôte fa liberté.
Il y a beaucoup d'incertitude fur le temps de la portée de la femelle
de l'éléphant, & fur la durée du temps qu'elle allaite fon petit; on foup-
çonne qu'elle n'en produit qu'un feul tous les deux ou trois ans. Il y a
auffi beaucoup de diverfité de fentimens fur la manière dont fe fait
leur accouplement. On prétend que la femelle amafîe des feuilles avec
fa trompe , en fait une forte de lit , s'y couche fur le dos quand elle
veut recevoir le mâle, & l'appelle par fes cris; que leur accouplement
ne fe fait que dans les lieux écartés & les plus folitaires. La durée de
la vie de ces animaux, n'eft guère mieux connue: quelques-uns difent
qu'ils vivent jufqu'à cent vingt & même deux cents ans. Si l'on con-
noifToit bien la durée de leur accroiflement, on pourroit juger de la
durée de leur âge; puifque, fuivant Tobfervation de M. de Buffon, la
longueur de la vie eft proportionnelle à la durée dé raccroilTement.
Une obfervation remarquable & affurée par liexamen, c'eft que l'ori-
fice extérieur de la matrice n'eft point dans la femelle de l'éléphant au
même endroit où elle fe voit aux autres animaux. Dans l'éléphant, elle
eft fituée au milieu du vertre près du nombril; ell,e étoit placée dans
l'éléphant de la Ménagerie que l'on a diflequé , à l'extrémité d'un conduit
qui formoit une éminence depuis l'anus j.ufqtî à l'ouverture placée près
du nombril; ce conduit qui avoit deux pieds & demi dèJong, enfer-
moit un clitoris de la même longueur; enlorte qu'il paroiffoit remplir
entièrement ce conduit, ainfi que le fait la verge des mâles de la plupart
des brutes ; cette ftrudure avoit même toujours fait croire avant la
diQedion, que cet éléphant étoit un mâle. Les mamelles dans la femelk-
"5' 's 4 Ë L E ■
de réiéphant font au nombre de deux, & placées à la poitrine comme
jiu.x femmes.
On feroit une longue hifloire de l'éléphant, fi on rapportoit tout
ce qu'on a dit de fon inftind , & tous les détails du cérémonial établi
chez leS difFérens peuples qui ont beaucoup de vénération pour cet
animal. On verroit que l'amour du merveilleux a fait croire que Télé-
phant a des vertus & des vices, qu'il eft chafte 8c modefte, orgueil-
leux, &c. Des Nations entières ont fait des guerres longues & cruelles,
^ des milliers d'hommes fe font égorgés pour la conquête de XcUphant
h/anc, qui n'eft qu'une variçté acceflbire de la nature. Cent Officiers
feignent un éléphant de cette couleur à Siam; il eft fervi en vaifellc
d'or, promené fous un dais, logé dans un pavillon magnifique, dont
les lambris font dorés. Plufieurs Rois de l'Orient préfèrent à tout autre
titre, celui de Pojfeffeur de VéUphant blanc. Le cas que les Indiens font
de l'éléphant blanc efl fondé fur l'idée qu'ils ont de la métempfycofe ;
ils penfent que ces forte? d'éléphans font les mânes vivantes des Empe-
reurs de l'Inde; ils fo;it perfuadés qu'un corps au/ÏÏ majeflueux que
celui de cet animal ne peut être animé que par l'ame d'un grand homme ,
ou d'un Roi. Plufieurs voyageurs difent qu'en Orient on dreffe des
éléphans à avoir pour le Prince la vénération due à la Majefté royale;
.aufli-tôt qu'ils l'apperçoivent, ils fléchi0ônt les genoux pour l'adorer
^ la manière des Orientaux, & fe relèvent un moment après. Enfin, il
n'y a point de fujet aîTez témxéraire pour ofer manquer de refpecl: aux
éléphans du Roi de Siam , dont plufieurs, à la honte de Tefprit humain,
font chargés de titres & décorés des premières dignités du royaume.
On a obfervé que les éléphans qui vivent dans les plaines, dans les
pays gras, & fur le bord du Niger, qui eft fort fréquenté par les
hommes , font plus doux, plus aifés à apprivoifer, que ceux qui vivent
dans les montagnes & dans \q.% déferts de l'Afrique : parce que ceux-ci
vivant toujours a\j,- ^milieu des bêtes féroces qui cherchent à les fur-
prendre pour les' 4évor'er, en deviennent eux-nrjêmes plus fauvages &
plus féroces,
Ufa^& qui ton fait des ÈUphans,
Les Princes Indiens font confifter en partie leur grandeur à nourrir
beaucoup d'éléphans , c*eft une fomptuofité très-couteufe ; on dit que
^'Empereur du Mogol en a plufieurs milliers, Le Roi de Madari , le
Seigneur
■É L't -y 8;
'Seigneur de Narging\ie & de Eimagar, le Roi des Naires & celui de
-Nanful en ont plufieurs centaines-, qu'ils diftinguent en trois clalTes:
l^ les plus grands font pour le fer vice immédiat du Prince ; leurs harnois
font d'une magnificence qui étonne , on les couvre de draps travaillés
en or & couverts de perles, leurs dents ou défer.fes font ornées d'or très-
Bn & d'argent, & quelquefois on le$ couvre de diamans : 2°. ceux
d'une taille moyenne font pour la guerre: 3°. les petits font pour l'ufage
& le fervice ordinaire.
Ces animaux rendent des fervicçs proportionnés à leur force. Ils
^/ortent toutes fortes de fardeaux d'un poids énorme, jufqu'à de petites
.pièces de canon fur leur affût. En Perfe & aux Indes , les femmes de
qualité & les grands Seigneurs voyagent fur ces animaux; on difpofe
fur leur dos de larges pavillons richement ornés, dans lefquels plufieurs
perfonnes peuvent fe coucher ou s'affeoir,.
On leur fait aufîî porter des tours dans lefquelles on place plufieurs
-hommes armés pour la guerre. Ces tours, au moins dans certains
endroits , font longues & larges comme un grand lit , & placées en travers
furie dos de l'éléphant; elles peuvent contenir fix ou fept perfonnes
aflifes à la manière des Levantins. Tout le monde fait que les Orientaux
iurent les premiers à mener ces animaux en troupe aux combats. Ils
•rompoient les rangs, épouvantoientles chevaux, écrafoient les hommes
ibus leurs pieds , & il étoit difficile de les blefier. On les avoir même
.drefle à faifir les hommes avec leur trompe , & à les jeter dans la tour
qu'ils portoient ; cette tour contenoit des foldats qui faifoient pleuvoir
xies javelots de toutes parts. Lorfqu'on menoit l'éléphant au combat,
on attachoit à l'extrémité de fa trompe une chaîne ou un fabré nud,
dont il fe fervoit fort adroitement contre les ennemis. ( Dans les pays où.
notre canon &: nos arts meurtriers ne font qu'imparfaitement connus, on
combat encore avec des éléphans.)
On trouva à la fin le moyen de leur réfiflery (x^ à. l'aide du feu qui
les épouvante, ou avec des armes en forme de faux, dont on leur
coupoit la trompe, & de longues piques qti'on leur, enfonçoit fous la
queue à l'endroit où la peau eft moins éipaifl'e; enfin c^ leur oppofa
<i'autres éléphans. On vit alors les animaux les plus terribles pr^^ndre
part dans les querelles des hommes, & s'entre-détruire pour les défendre
ou pour les venger.
Les Romain? en ayant pris fur leurs ennemis en décorèrent leur*
Jcme II, Eeee
•5'8^ ÉLÉ
triomphes, S: en attelèrent à leurs chars. Céfar fe fît éclairer par quarante?
éléphans qui portoient devant lui des flambeaux à la guerre. On en
expofa quelquefois dans le cirque, où l'on vit des éléphans vaincus quel-
quefois par un feul homme : exemple frappant de la fupériorité de
ladrelTe fur la force ! *
La charge du plus fort éléphant eft de trois mille livres j lorfqu'on
le prefle, il peut faire en un jour le chemin de fix journées; il peut
courir au galop. Lorfqu'on eft pourfuivi par cet animal, on ne peuc
l'éviter qu'en faifant des détours , parce qu'il n'eft pas auffi prompt à fe
retourner de côté, qu'à marcher en avant.
Pour conduire l'éléphant, on fe met fur fon cou, on tient à la main
une grofle verge de fer très-pointue par un bout, & terminée à l'autre
par un crochet pointu. On fe fert de la pointe au lieu d'éperon, & le
crochet fupplée à la bride: car le condudeur ainfi placé, pique l'animal
aux oreilles & au mufeau , pour diriger fa marche. Communément il
le pique au front, & cette piqûre lui entretient une plaie toujours
ouverte. Ces animaux ont le pied très-sûr, & ne bronchent prefque
jamais : on dit que les Romains en avoient drefle à marcher fur la corde.
Comme le volume des poumons & des inteftins de l'éléphant eft énorme,
cet animal fe foutient très-bien fur l'eau, comme nous l'avons dit,&
y nage à merveille ; aufti s'en fert-on utilement pour le paffage des
rivières ; outre deux pièces de canon de trois ou quatre livres de balle
dont on le charge dans ces occafions, on lui met encore fur le corps une
infinité d'équipages, indépendamment de quantité de perfonnes qui
s'attachent à fes oreilles & à fa queue pour pafTer l'eau ; lorfqu'il eft ainfi
chargé, il nage entre deux eaux, & on ne lui voit que la trompe qu'il
tient élevé pour refpirer.
Ckajfc de rÉUphanu
La chaffe de l'éléphant fe fait différemment dans les divers pays, &
fuivant la puifTance & les facultés de ceux qui leur font la guerre ; car
au lieu de conftruire, comme les Rois de l'Afie, des murailles, des terrai
fes , ou de faire des paliffades, des parcs ou de vaftes enceintes, les
pauvres Nègres en Afrique fe contentent de creufer fur leur paffage des
folles affez profondes pour qu'ils ne puiffent en fortir lorfqu'ils y font une
fois tombés. L'ouverture de ces fofTes eft couverte avec des branches
d'arbres^ fur kfquelles on répand légèrement de la terre: les Nègres
ÉLÈ ^87
préparent auiïl les chemins qui conduifent à ce précipice , en y femant
du riz , du mil, ou des fruits, & embarraflant les environs de ces che^
mins trompeurs avec des arbres abattus & entre-mêlés , alin d'engager
l'éléphant à prendre la route de la fofle. Lorfqu'il y eft tombé , il eft
aufîî-tôt environné de Chafleurs, qui le tuent à coups de flèches & de
fagaies, & quelquefois avec des armes à feu.
Les Princes Orientaux font ordinairement leurs chafTes avec pompe;
ils y emploient tant de monde , qu'on diroit que le Prince part à la tête
de fes troupes pour aller livrer bataille. Voici le tableau d'une des chafTes
aux éléphans du Roi de Siam. On commence par attirer le plus grand
nombre deléphans fauvages qu'il eft poflible dans un parc fpacieux,
«nvironné par de gros pieux , qui laiflènt de grandes ouvertures de
diftances en diftances : on les y fait venir par le moyen d'une femelle
que l'on fait crier; les mâles répondent à ces cris amoureux par des
hurlemens effroyables, & s'approchent auffi-tôt des femelles qu'ils
fuivent: d'autres fois on les épouvante par le fon des trompettes, des
tambours, & fur-tout par des feux que l'on diftribue en divers endroits
de la forêt , pour les faire fuir dans le parc.
Lorfqu'ils y font arrivés , on fait autour une enceinte d'éléphans de
guerre, pour empêcher que les éléphans fauvages ne franchiffent les
paliflfades ; enfuite on mené dans le parc à-peu-près autant d'éléphans
privés des plus forts, qu'il y a d'éléphans fauvages: les premiers font
montés chacun par deux chaffeurs qui portent de groffes cordes à nœuds
coulans, dont les bouts font attachés à l'éléphant. Les cornacs ou
conducteurs de chacun de ces éléphans, les font courir contre un
éléphant fauvage , qui fuit aufli-tôt , & fe préfente aux ouvertures du
parc pour en fortir, mais il eft repoufle par les éléphans de guerre
qui forment l'enceinte du dehors. Pendant qu'ils marchent ainfi dans le
parc, les chaffeurs jettent leurs nœuds fï à propos dans les endroits où
l'éléphant doit mettre le pied , qu'en peu de temps tous les éléphans
fauvages font attachés. A l'inftant on met aux/:ôtés de chacun d'eux deux
éléphans domeftiques, un de chaque côté j & on les attache avec eux;
un troifieme marche devant & tire l'éléphant fauvage par une corde;
un quatrième le fuit , & le fait marcher à grands coups de tête qu'il lui
donne par derrière. On conduit ainfi les éléphans fauvages chacun à
une efpece de remife oii on les attache à un gros pilier qui tourne
comme un cabeftan de navire; on les laifle là pour leur donner le temps
E ee e 2
^88 É L É
d'appaifer leur fureur : là Ils jettent des crii terribles, & font encore des
efforts étonnans pour fe dégager, mais c'eft en vain: alors on tâche
de les calmer & de les adoucir, en leur jetant des féaux d'eau fur le
corps, & en leur verfant de l'huile fur les oreilles, & au bout de peu de
jours , ils deviennent doux & font bien apprivoifés.
Au Pégu on emploie pour cette chafTe plus d'art, mais moins de
monde. On attire de même les éîéphans fauvages par le moyen de
femelles drelTées au manège, & dont les parties de la génération font
frottées d'une huile fort odoriférante , que les mâles fentent de loin:-
«lles attirent ceux-ci dans un parc environné de gros & forts pieux
plantés à telle diftance l'un de l'autre, qu'un homme peut pafler entre
deux, mais non pas un éléphant, excepté à l'entrée du parc. Lorfque
les éîéphans fauvages y font entrés , on ferme la grande ouver-
ture par une herfe ; les éîéphans femelles que fuivent les éîéphans fau-
vages, entrent dans les écuries qu'on leur a ménagées, & à l'indant
on baifle la couliffe des portes. Les éîéphans fauvages fe voyant feuls
enfermés dans ce parc , entrent en fureur , pourfuivent les hommes qui
s'y trouvent pour faire les manoeuvres néceflaires; mais ceux-ci échap-
pent entre les pieux. Ces animaux en fureur jetent des cris, gémiflent,
font des efforts contre les pieux pendant deux ou trois heures; enfin les
forces leur manquent, la fueur tombe de toutes les parties de leur corps;
ils laiffent pendre leur trompe à terre. Lorfqu'ils font dans cet état, on
fait rentrer les femelles dans le parc ; aufîî-tôt les élephans fauvages com-
mencent à les fuivre : celles-ci entrent dans d'autres écuries , les éîéphans les
y fuivent, y entrent, & ils s'y trouvent pris tous feuls, parce que les
femelles fortent par une autre porte. Ils font quatre ou cinq jours fans
boire ni manger; mais au bout de ce temps ils s'accoutument à leur
efclavage.
A un quart de lieue de Louvo, il y a une efpece d'amphitéâtre dont
la figure efl un grand carré-long, entouré de hautes murailles terraf-
fées,fur lefquelles fe placent les fpedateurs ; le long de ces murailles
en dedans, règne une paliffade de gros piliers fichés en terre à deux pieds
l'un de l'autre; il y a une grande ouverture du côté de la campagne;
on procède à cette chaffe de la même manière qu'on le fait dans les
vafles parcs dont nous avons parié.
A Patane, Royaume dépendant de celui de Siam, on mené feule-
înent un fort éléphant privé dans le bois: dès que l'éléphant fauvage
EL É y
Tapperçoit, il vient l*attaqoef. Ces deux éléphans croifent leurs trom-
pes, s'efForçant de fe renverfer l'un l'autre: pendant que la trompe da»
Téléphant fauvage eft embarrajOfée , on hii lie les jambes de devant de
on s'en empare , parce qu'il n'ofe plus remuer ayant peur de tomber.
Le P. Labat dit plaifamment, qu'il ne fait fi les éléphans d'Afrique
font plus bêtes que ceux des autres pays, ou fi les Nègres ont moin»
d'efprit & d'adrefle que les Indiens; toujours efl41 certain que les Nègres
ne fe font pas encore avifés d'apprivoifer ces animaux & d'en faire aucun
ufage. Ils les attrapent dans des fofTes profondes recouvertes feulement
de branches avec un peu de terre , & là ils les tuent à coups de flèches.
D'autres vont vingt-cinq ou trente enfemble, & ofent les attaquer : 1&'
plus hardi d'entr'eux fe gliffe auprès de l'éléphant, lui donne un coup
de fagaie & fe fauve vers l'endroit où fes camarades font cachés; ceux-
ci lui portent de nouveaux coups dans ks endroits les plus foibles :
tandis qu'il en veut pourfuivre un, les autres le frappent de nouveau j
il périt enfin fous leurs coups. Ceci fuppofe une grande adrefîe qui eft
affez naturelle à Thomme fauvage. Les Nègres font commerce avec les
Européens de défenfes d'éléphans : ils font des boucliers avec fa peau ;'
ils aiment fa chair & la trouvent excellente, fur- tout lorfqu'elle a
acquis beaucoup de fumet.
Les grandes défenfes dont nous avons avons parlé, font ce qu'on
nomme l'ivoire, dont on fait ufage en Médecine , mais fur-tout dans les
Arts. C'eft particulièrement à Dieppe qu'on en fait les ouvrages les
plus jolis en fculpture & en marqueterie. L'ivoire pour Tufage inté-
rieur , a à peu près les mêmes propriétés que la corne de cerf. M. Bour--
geois obferve cependant que la poudre & la gelée d'ivoire ne contien-
nent pas de principes volatils comme la corne de cerf. La gelée eft-
d'ailleurs beaucoup plus aftringente & incrafante; on l'emploie avec
fuccès dans les hémorragies &, les pertes immodérées des femmes : elle
eft plus efficace dans ces cas, que celles des cornes de cerf. La majeure-
partie de l'ivoire qui fe voit dans le commerce , fe tire des côtes d'Afri-
que. L*ivoire de Ceyian eft le plus eftimé , parce qu'il eft moins fujet
à jaunir. La facilité que l'ivoire a à fe fendre , le rend très-difficile ^
travailler; c'eft pourquoi plufieurs perfonnes ont cherché le moyen de-
remédiera cet inconvénient, en donnant à cette fubftance des prépa-
rations qui l'amolliftent. Plufieurs de ces préparations ont afîez bienp-
léuffi pour faire efpérer un fuccès plus heureux. FoyciC article. Yvoihe»»
^po ÉLI EPvlB
On tire de l'ivoire, ainll que de la corne de cerf, en ies faifant brûîer
dans des vaifleaux clos , une poudre d'un très-beau noir , qui eft d'ufage
dans la peinture, & qu'on nomme noir d'ivoire : c'eft V ivoire bràLl des
boutiques. Il eft à remarquer que plus les matières dont on fait les noirs
font blanches , plus les noirs qui en proviennent font beaux & hauts
en couleur. Le noir liquide d'Angleterre fi renommé pour les bottes,
n eft autre chofe qu'une efpece d'encre faite avec une pinte de bière, un
once de noir d'ivoire en poudre, deux onces de fucre candi en poudre,
& une demi-once de gomme arabique concaflee : il faut faire bouillir
le tout jufqu'à réduâion de moitié. Lorfque la liqueur eft refroidie, il
faut la remuer, puis la palier dans une toile très-claire. On la met
enfuite dans une bouteille de grès bien bouchée. On a foin d attacher
le bouchon à l'anfe de la bouteille , fans quoi l'adion de la liqueur
qui quelquefois fermente, le feroit fauter. Pour s'en fervir, on prend
une plume qu'on trempe dans la bouteille , on en frotte le foulier , &
on l'étend avec une brofle à longs poils, & on en a une féconde pour
polir jufqu'à ce que le cuir devienne luifant comme s'il étoit enduit
a un beau vernis noir.
On doit à M. Dauhmton plufieurs obfervations très-importantes &
îErès-curieufes fur l'organifation de Xivoir&, Voyez Yvoire.
ÉLITRE. Voyi^^ ce mot à t article Insecte»
ELKE ou ÉLEND. Voye^ Élan.
ELLEBORE noir & blanc. Vayt^^ Hellébore.
ELLEBORINE, hdUhorine latifolia morztana.'PhntQ dont les feuilles
femblent ne différer d'avec celles de l'ellébore blanc , qu'en ce qu'elles
font plus petites. Ses tiges croiftent à la hauteur d'un pied & demi,
fondes & farineufes. Ses fieurs font compofées chacune de fix feuilles
inégales, blanches & purpurines, dont la fixieme qui eft \q ncclarium y
eft creufe & a une lèvre ovale. Le calice devient un fruit triangulaire
& rempli de femences femblables à de la fciûre de bois. L'elleborinç
croît aux lieux montagneux & ombrageux. Elle eft apéritive. M.
Haller obferve qu'il y a quatre efpeces d'elleborine bien différentes»
piais l'ufage en eft inconnu dans la médecine.
EMBAUMEMENT. Compofition balfamique qui fert à con-
ferver les cadavres. Il y en a de différentes efpeces. Foyc^ à t article
Momie.
EMBERIZA. Nom que l'on donne à Kortolan jaune & au traquei
Jplcinc» - .
Ê M B Ê M Ë 5-^ î
EMBRASEMENS SOUTERRAINS. Phénomène dont il eft
çarlé à l'article Feu foutcrrain , &c. de cet Ouvrage. L'on préfume
que les embrafemens fouterrains ne fe manifeftent point toujours par
des effets fenfibles & éclatans ; mais qu'ils agifTent fouvent paifible-
ment & fans produire d'éruptions dans le fein de la terre. Alors les
fubftances bitumineufes folides, dit M. Rouelle, peuvent être liqué-
fiées j diftiller & fuinter à travers des couches de la terre & des
pierres mêmes. De-là les naphtes , les pétroles, &c. Voye^ Bitume.
EMBRYON. Ceft le nom que l'on donne au fœtus ou plutôt à
l'animalcule dont l'accroiffement commence dans la matrice. Quelques
Auteurs n'emploient le terme ^embryon que pour exprimer les rudi-
mens du corps d'un animal, renfermés dans un œuf, dont la. pla-
centa n'a pas encore jeté des racines , pour l'implanter dans la
matrice : voye^^ à ^article Homme. Des Auteurs BotaniHes donnent
aufîi le nom d'embryon au haut du piftil où eft le fruit. Foye^^ à Car"
ticle Plante , le mot Etamine , &c.
ÉMÉ ou EMEU. Voyei Casoab. « '
'EME'KAXJ'DE , Jmaragdus^ Eft une pierre précieufe, diaphane g
refplendiiîante , d'une couleur verte, plus ou moins foncée, & plus
ou moins amie de fœil pendant le jour; car aux lumières elle paroît
noirâtre. Sa criftallifation naturelle eft d'une figure indéterminée ^
cylindrique ou cubique, tantôt prifmatique triangulaire ou quadran-
gulaire : elle eft plus communément en canons tronqués , dont les
côtés font inégaux & les angles obtus. Elle a pour matrice , ou îe
quartz, ou le criftal , quelquefois le fpath fufîble , coloré en vert. On
donne à ces matrices pierreufes & verdâtres , le nom de prafe ou de
men d'émeraude : elles font trop tendres , trop gercées & trop inéga-=
lement colorées pour qu'on en faffe cas.
L'émeraude tient le cinquième rang dans les pierres précieufes, eu
égard à la dureté, la lime a un peu de prlfe fur elle; cependant elle
reçoit un poli vif & des plus éclatans. L'émeraude réfifte long- temps au
feu ordinaire, fans que fa couleur, que l'on foupçonne être due au
fer & au cuivre , s'altère : néanmoins un feu violent & continu en
dégage la couleur fous la forme o'une vapeur verdâtre & bleuâtre,
alors la pierre refte fans couleur, & fe détn:it fouvent dans l'adion
du feu. Si en fe contente de chauffer l'émeraude fortement dans le'
feu 5 jufqu'à rougir ^ elle y deviendra bleue , enfuite phofphorique
^■pz ■ ï! M E
(dans l'obrcurlté ; mais elle ne garde cette couleur & fa propriété
^occikique qu'autant qu'elle eft pénétrée par le feu , puifqu en le
j-efroidiflant elle reprend fa première couleur naturelle.
L'émeraude d'un vert avivé , d'une belle eau , bien rayonnante &:
la plus dure , eft regardée par les Joailliers comme orientale & de
vieille roche. Les Arabes appellent cette émeraude lamarut ; les Per-
jfans, les Indiens, pachée. On en trouve de grolTes comme le pouce
dans les Indes Orientales , ^ près de la ville d'Afuan en Egypte ;
ornais elles font très-rares.
On donne le nom à'émeraude Occidentale à celle dant la couleur efl:
|)Ius délayée, c eft- à-dire , d'un vert clair & agréable à la vue. Elles
rayqnnent moins que les Orientales : elles viennent du Pérou & de
.Carthagene, dans la vallée de Manta , dépendante de Porto -Viéjo ,
d'oii on en apporta une quantité prodigieufe lors de la conquête de
.ces pays par les Efpagnols, & parmi lefquelles on en trouva beau-
coup qui étoient Orientales. Depuis que la mine de Manta eft épuiféo
mi perdue , on ^ trouvé d'autres mines d'émeraudes en Amérique ;
elles font fituées dans la vallée de Tunca ou Tomana , allez près de
la nouvelle Carthage , ,& entre les montagnes de Grenade & de
Popayan ; c'eft de-là qu'on en tranfporte à Carthagene une fi grande
quantité tous les ans. Il y a aufli des émeraudes dans le Bréfil, qui
font d'un vert foncé & d'une très-belle eau. Leur criftallifation eft
.en canons ou prifmes à fîx ou huit pans , dont quelques-uns rentrent
Couvent en façon de gouttière, & fe terminent, lorfqu'ils font entiers,
par une pyramide triangulaire afTez obtufe. Ces émeraudes ont pour
^^atrlce un quartz blanc, plus ou moins tranfparent, dans lequel
£lles font comme encaftrées.
Les émeraudes bâtardes font très-tendres , nullement rayonnantes ,
^ très-peu eftimées. On en trouve dont la couleur verte eft mêlée
de jaune légèrement bruni; alors on nomme cette pmeraude péridot;
ipolie à facettes, elle produit affez fouvent les mêmes phénomènes
que la tourmaline. Voyez ce mot. A l'égard des émeraudes de Car-
thagene, connues fous le nom de negres-cartes ou morillons, ce font,
pour le plus fouvent, des criftaux décaèdres, formés de deux pyra-
mides quadrilatères:, jointes bafe à bafe, dont les fommets oppofés
font tronqués & terminés par un plan redangle ou carré long.
La plupart des émeraudes que l'on trouve chez les Droguiftes,
comm^
É M E s 93
comme faifant partie des cinq fragmens pre'cieux pour Tufage médi-
cinal, ne font que des fluors,- des fpaths fufibles, verdâtres , que l'on
rencontre dans le Bourbonnois & dans l'Auvergne. Ces faufies éme-
raudes'ne font ni plus ni moins falutaires au corps humain que les
émeraudes fines: l'une & l'autre ne font que des vers naturels qui ne
font pas rares, & même en très-gros morceaux. Cétoit vraifembla-
blement un fpath fufible émeraudé, qu'un Roi de Babylone préfenta
au Roi d'Egypte fous le nom ^émeraudé. : elle étoit longue de quatre
coudées & large de trois. Tel pouvoit être encore ce fameux obélif-
que d'Egypte , compofé de quatre émeraudes , qui avoient quarante
coudées de haut, quatre de large en quelques endroits, & deux dans
d'autres. Il efi: impoiîïîble qu'il y ait jamais eu des émeraudes de cette
grandeur. On conferve dans le tréfor de la cathédrale de Gènes ,
depuis plus de fix cents ans , une jatte hexagone d'émeraude d'un
beau vert; fon grand diamètre a quatorze pouces & demi : fa hau-
teur efl: de cinq pouces neuf lignes, & fon épaifieur de trois lignes.
Ce monument eft gardé fous pluOeurs clefs , dépofées en diverfes
mains. On ne le montre au Public que rarement & qu'en vertu d'un
décret du Sénat : le vafe foutenu par un cordon pailé dans les deux
anfes & fufpendu au cou du Prêtre prépofé pour l'expofition, ne
fort point de fes mains. Il eft défendu par un ancien décret, du 24.
Mai 1476 , fous de grieves peines , de toucher ni d'approcher de
trop près du facré plat, ( il facro catino di fmsraldo orkntak ^ pag,
5'2. ) L'hifioire nous apprend que ce vafe fut engagé par un Siège
de Gènes, l'an 1319, au Cardinal Luc de Fiefque pour une fomme
de douze cents marcs d'or , & que cette fomme fut acquittée ic le
gage retiré douze ans après. M. d& la Condàmine qui a eu occasion
de voir cette émeraudé, dit qu'elle eft exe^îTi|:ièè:.de glaces, de nuages,
mais qu'il s'y trouve plufieurs petits vides ^fe.mblables à des bulles
d'air. En 1726 il parut à Gènes un QuPiîrage- tjui tend à prouver
que ce vafe précieux fut préfenté.^ Salomon 'pa'r- $aba j & que ce
fut le plat dans lequel on fervit rÂgpéa'u Pafcal à Taû^ufte Cène de
Jefus-Chrift, la veille de fa paftîon:, \
Les émeraudes fines ont une valeur péfu conftante dans le com-
merce des Lapidaires; tout dépend de la grandeur & épaifTeur de Ja
pierre, de fon beau vert de prairie, exempt de taches, ou onglets.
Les Anciens diftingu oient douze fortes d'émeraudes par les intenfîtés
Tome II. Ffff
55)4 É M E
des couleurs ; & ils avoient tant d'eftime pour cette pierre , qu'il
étoit expreiïement défendu de rien graver deflus. Les trois plus belles
efpeces étoient la Scythhnne , la Baclrknne & VEgyptienne. On Ta
appellée par la fuite pierre de Domitien & de Néron. Celles d'entre les
émeraudes qui étoient entièrement opaques & d'une grofleur énorme,
n'étoient que des jafpes verts, & rarement à^s criftaux; en un mot
des émeraudes bâtardes ou faufTes , comme il eft dit ci-deiTus,
Plufieurs Hifloriens, entr'autres ïlnca GarciLijjb de la Fega, font
mention de la déejfe êmeraude» Cet Auteur dit que les peuples de la
vallée de Manta au Pérou adorolent une émeraude groflfe comme un
ceuf d'autruche : on la montroit les jours de grandes fêtes ; & les
Indiens accouroient de toutes parts pour voir leur déefTe , & pour
lui offrir des émeraudes. Les Prêtres & les Caciques donnoient à
entendre que la déefle émeraude étoient bien aife qu'on lui préfentàt
& confacrât fes filles à fon culte; & par ce moyen ils en amaiTerent
une grande quantité. Les Efpagnols , dans le temps de la conquête
du Pérou, trouvèrent toutes les filles de la déefie , mais les Prêtres
cachèrent fi bien la mère qu'on n'a jamais pu favoir où elle étoit.
D. Alvarado & fes compagnons briferent la plus grande partie des
émeraudes fur des enclumes , parce qu'ils croyoient que fi elles
étoient fines , elles ne dévoient pas fe cafler. La mine d'où l'on tiroit
ces émeraudes , & qui a donné le nom à la Province d'Zfmeraldas
au N. N. O. de Quito, eft perdue aulTi ; on ne fait pas à Puerto
Viejo, à quelques lieues de la côte du Pérou, à un degré de lati-
tude Sud , d'où étoit îtirée l'émeraude que l'on adoroit.
ÉMERAUDINE. Al«- DcUuie décrit cet infede coléoptere , qui
eft du genre des fcarabées, & que fa couleur a fait regarder comme
une efpece de cantharide, Il.eft affez large pour fa longueur , d'un vert
doré, luifant par-defTus^ & d'une couleur de cuivre rouge poli par-
defifous. On le, troi^ve vfuf les fleurs. Sa larve eft un ver hexapode
( à fix pieds.},;; 4û.i. rongé' l^s. racines des arbres èc des plantes,
L'émerauûine eft,agréabl4';à',f^>i.r, à caufe de {qs belles couleurs.
ÉM^IL; fmyris q{Ï la 'pkis'':dur«;j la plus ingrate, la plus ftérile
miire de" f^f^'-Si l'une des plus réfradaires & des plus voraces. Foyc^fa
defcripùon à l^ article F.Efi,
ÉMERILLON , ASALÔN , accipiter , cefalon. On donne ce nom
au plus petit des oifeauxde proie; il eft paflager, le plus léger & le
É M E S9^
plus vite de tous les oifeaux de chafTs. Il eft de la groflfeur d'un
merle. Sa tête & le deflbus de fon corps font bigarrés , & de même
couleur que le faucon : le bec & les ferres font noirs. Il a le tour du
bec, celui des yeux, les jambes & les pattes fort jaunes. Cet oifeau.
eft vif, hardi : c'eft un plaifir de voir fon courage à la pourfuite des
oifeaux qu'il attaque pour en faire fa proie. Il tue les perdrix en les
frappant de fon bec fur la tête, & fon coup eft fait en un inftant.
Cet oifeau eft toujours en adion : c'eft le feul des oifeaux de proie
dont on ait peine à diftinguer le mâle d'avec la femelle , étant de
même groffeur. L'émerillon eft un des animaux qu'il étoit défendu
aux Juifs de manger.
Les Habitans des îles Antilles ont un émerillon qu'ils nomment
ë'''^'ë^y r> 2L caufe du cri qu'il fait & qui exprime ces deux fyllabes.
Il eft plus petit que le nôtre, & ne fait la chaffe qu'aux petits lézards
& aux fauterelles qui font fur les arbres, quelquefois aux petits pou-
lets nouvellement éclos.
M. de Bufon diftingue deux efpeces d'émerillon ; l'un Vémcnllon
des- Naturaliftes, qui eft celui que nous avons décrit, & qui lui
paroît fe rapprocher beaucoup plus de l'efpece de la cnffercHe ; l'autre
efpece d'émerillon eft Vémerillon des Fauconniers , qui , quoique
très-voifine du faucon par le courage & le naturel , reifemble néan-
moins plus au hobereau par la figure , & encore plus au rochur. Le
caradere qui le diftingue du hobereau, eft d'avoir les aîles beaucoup
plus courtes ; elles ne s'étendent point à beaucoup près jufqu'à l'extré-
mité de la queue; au lieu que celles du hobereau^ s étQndQUt un peu au-
delà de cette extrémité. L'émerillon s'éloignet;ide l'efpece du faucon
&: de celle de tous les autres oifeaux de proî^-, par un attribut qui
le rapproche de la clafTe commune des autres^, oifeaux , c'eft que le
mâle & la femelle font dans l'émerillon ,,. de jk-- même grandeur; au
lieu que dans tous les autres oifeaux de^pfâieN-Ié-.mâlè. eft bien plus
petit que la femelle. D'où peut venir cette 'dffféi'^oceconftarite de
groiîeur entre le mâle & la femelle ?J'^i-tfb.uyé/ dit '.^^ Bnfon ,
eu comparant les paflages de œux 'qîii^'oftt' diflequé .:Ge^ ; oiie'aj.ix ,de
proie, qu'il y a dans la plupart .des. fejfn elles û^-.dmJiblo\içkcum ?tffQZ
gros & affez étendu ; tandis que dàn^' lés mâles il n'y. a qu'un cœcww,
& quelquefois point du tout. Cette différence de conformation. .inté-
rieure, qui fe trouve toujours en plus dans les femelles, eft-.Beut-être
5p<r E M E Ë M P
la vraie caufe phyfique de leur excès en grandeur.
Les oifeaux connus fons le nom ^émerUlon d'Europe , ^cmerillon de
la Caroline ou de Caycnne^ & ^cmerïLlon de Saint-Domingue ou dts
Antillis , ne paroifîent à notre Auteur qu'une variété dans l'efpece de
la crejfe relie.
EiMERUS ou SECURIDACA. Foye^ à Li fin de Vanide SÉNÉ.
ÉMEU ou EME. Ce nom a été donné à deux oifeaux différens,
au touyoîi & au cafoar. Voyez ces mots.
EMGALO. Efpece de cochon fauvage & extraordinaire de la Baflfe-
Ethiopie, qui a deux terribles défenfes dans la gueule. Les Portu-
gais font un cas lingulier de la râpure de fes dents: ils en mettent
dans leurs bouillons pour les rendre alexipharmaques ou fébrifuges.
Dapper dit que quand cet animal fe fent malade, il lime fes dents
contre une pierre , & qu'il lèche auffi-tôt cette râpure pour fe
guérir L'emgaloneferoit-il pas le bwbi-roiijja ? Voyez Barbi-Roussa..
EMÎSOLE, gaUus lavis. Elpece de chien de mer dont les mâchoires
■ne font point garnies de dents , mais feulement âpres & rudes. Pour
les ouies, la figure & les nageoires, &c. il reJlemble aflez au chicTt
de mer appelle aguillat. L'éraifole n'a cependant point d'aiguillons. Son
mufeau eft plus long, plus large; mais l'ouverture de la bouche plus
étroite que chez laguillat. lia des trous au-devant ce la bouche, à
la place des narineç:i,;& d'autres plus petits derrière les yeux. Sa.
queue eft compofée de trois nageoires. On en trouve une def-
cription anatomique dans les Ades de Coppenhague , tome IF ^
page 282, .^,|^_
ÉMÎTES. Pierre tl^dre & blanche dont les Anciens ont parlé.
C'eft une aUbaflrite, ^,o"yez ce mot.
EMOUCHÊT o.ii.'JîOUCHET. Oifeau de proie qui eft le tiercelet
ou mâle de reWrv/V ,,q';i,n^ vaut rien pour la chaffb du vol: il
n'y a que ■ là.feiïléll^ i^ij^: r.çin emploie à cet ufiige. Foyei au mot
Êperviee.
EMPAKASiSÊ.kr IMPÀNCSUE^ZE. Ceft le nom qu'on donne
dans ^•pa^'s 4^ Cong(*-i)Bi' ..'d'Angola à des efpcces de vaches fau-
^yagés, Idoft^ila' cpiU-euf/ 4ti J^ii èft ',<S:a rouge ou noire, ou cendrée,
^On préten4-^ue\cet anirïtôl ru comme, le lion, & qu'il reiïemble
un peu au bufHe pour la fig*uré 3^ les mœurs. Il eft d'une légèreté
extrêxriè, à la eourfe, La chaflTe en eft trcs-dangereufe, car s'il fe fent
E M P ' ^91
bîeffé, il fait face au ChafTeur, l'attaque furieufement , & le tue s'il
ne trouve un arbre pour afïle. Cet animal a toujours de l'inimitié
pour les Chafleurs ; car s'il en furprend quelqu'un , il le frappe de
fon mufeau , parce qu'il ne peut fe fervir de fes cornes ; il Is foule
aux pieds, & ne le quitte que mort ou mourant. Lorfque cet animal
n"eft point attaqué, il regarde les paflans non armés d'un œil fixe,
mais fans leur nuire. L'empakafîe a les cornes & les oreilles d'une
longueur exceffive, les cornes un peu femblables à celles du bouc,
unies , luifantes & tirant fur ie noir. Les Nègres en font quantité de petits
uftenfîles & de parures, miêmes des inflrumens de mufique. On tranf-
porte en Portugal la peau de ces animaux, & Aq-M dans les Pays-
Bas cù l'on en fait des corfelets & des plafoons; les habitans s'en
fervent pour leurs excellentes targettes , mais ils n'ont point l'art de
le: préparer.
Des Voyageurs atteftent qu'une vache ordinaire meurt à Tinflant,
fi elle paît dans I3 même pâturage qu'un empakafie, ou même qu'un
buffle; d'oii l'on pourroit conclure que l'haleine de ces animaux eft
un poifon pour les autres befliaux La femelle de l'empakaife eft l'im-
panguezze des iNaturaliftes : l'un & l'autre fe tiennent compagnie
fidelJement. Leur chair, quoique grofliere & glaireufe, eft cependant
nourriffante, les efcîaves en mangent volontiers & la trouvent de bon
goût : après l'avoir coupée en pièces , ils la font fécher au foleil. La
moelle qui fe tire de leurs os eft, dit-on , un remède infaillible pour les
humeurs froides & les tranchées.
LMFALANGA. Animal quadrupède &: cornu du Pays du Ben •
guela, dont le corps tient de la mule, & la ^te du bœuf fauvage :
ies cornes font larges & tortueufes. On jug^-;:de fâge de cet animal
au nombre des entrelaçures des cornes._ L'enipalanga n'habite que les
forêts ; mais on l'a retiré des mains de Va ça^e . pour, le civilifer &
l'aflervir au joug du labourage & d'autres Jti'yàcéY.eg^î^ftient impor-
tans. On man^re fa chair. La peau tfe^'^fôn' côu" 'efl-i d'un fort bon
ufage pour les femelles de fouliers. Ne^^|fè^irroit-6n ^^s- foupçonner
que VdTî^palunga , VempukajJ&^Vimparî^i^p'ivint.àii^s vari^és'^ dà>l> i/o n ?
.Voyez ce mot. .'',.. .- ■• ;
EMPEREUR, gladius. Eft un grand pc^iSbn' fans d,enb, dont lé^
mufeau eft fait en épée ou en couteau. Il a huit ouies fi,i: chaque
côté j le corps eft rond, Il eft connu dans TArchipel & dans.;^Ia mer
^p8 E M P
d'Afrique. Les uns l'appellent épée de mer, d'autres efpadon. Voyez ces
mots à la fuite de l'article Baleine.
EMPEREUR, imperator. Quelques Infedologiftes donnent ce nom
à une efpece de papillon des jardins , dont la couleur des ailes eft
admirable. Il a quatre pieds : des ailes rondes & dentelées , de cou-
leur tirant fur le roux, tacheté de noir, & defTus des lignes argentées
avec des lignes noirâtres qui traverfent.
EMPEREUR. Efl: un ferpent de Guadalafare dans le Mexique ,
très-connu des Naturaliftes. L'habillement de cet animal eft éclatant
& magnifique. Ses écailles blanchâtres font délicatement taillées &
relevées d'une belle marbrure de taches noires qui repréfentent comme
des armoiries ; toutes fes autres écailles font ornées de points noirâ-
tres ou d'efpeces de nuages de différentes couleurs. Sa tête ne le
cède point en coloris & en magnificence aux autres parties du corps.
Sa gueule eft toute garnie de dents pointues. Les écailles du ventre
font légèrement tiquetées de taches & de points noirs. Sa queue finit
en une pointe très-fine & dure. Ses tefticules font très-remarquables
dans la planche oli Séba le repréfente.
L'Auteur du Dicllonnairc des animaux dit que les Mexicains appel-
lent auflî ce reptile, devin o\.\ ferpent qui prifage les chofes à venir. Ils
prétendent que lorfqu'ils font menacées de tempêtes , de grandes ma-
ladies, de peftes & .d'autres pareils malheurs, ce ferpent les annonce
par des fifflemens fïnguliers qui font aflembler plufieurs autres efpeces
de ferpens. Quand les Payfans entendent les cris aigus & diflbnans
de ces reptiles, ils en font extrêmement alarmés, s'attendant à toutes
fortes de malheurs; Bè'^rendent par crainte un culte & des honneurs
a ces ferpens, comméV^ip.'ués d'un génie prophétique par lequel ils
peuvent avertir à tegi"^s4esJiommes des maux futurs.
EMPREINTE%i^^/i/^i.- Les Lithologiftes donnent ce nom à des
pierres qui\pt)rÇen^;'^e^ïlfl%{ltedifi;inâ:e de végétaux ou d'animaux,
foit en totit,-}loîr-9i;i;'partïë,.^^^^ compte de plufieurs efpeces dans
l'uft -^ rautr««d^ -tes. deu^'-regnÊs.
;;; -Cieif^^ôô i^OXmal préfeiitQ-.dçi;feçippintes de madrépores, d'infcâ:es,
- tie coquilles' de' •tÔiJt<qi~efpéG£s7 (je. crufiâcées , de poifTons , d'amphi-
bies, d'oifeaux^ de quadrupèdes , même d'homm^es & d'efpeces de
zoophites, .
Gn reconnoît dans les empreintes végétales, des capillaires, des
E M P ^pp
moufles , des chiendents, des bruyères, des tuyaux de plantes, des
feuilles d'arbres, des graines, des filiques & épis, & autres fruits. Les
Lithographes inftruits décident, au premier coup dœil, la différence
qu'il y a entre l'origine des dendrites & celle'des empreintes; ils
fuivent dans la diftribution des variétés qui fe^ trouvent dans les
empreintes dont nous venons de parler , le même ordre que les Bota-
niftes ont établi dans les clafles des plantes vivantes.
Que le déluge univerfel , ou quelqu'éboulement particulier des
terres foient la caufe primordiale de ce phénomène, il n'en eft pas
moins permis de croire, que des parties végétales ou animales ont
été imprimées fur de la pierre encore molle , ou enfermées acciden-
tellement dans des terres argileufes d'abord diffoutes, mais qui fe font
enfuite endurcies par le laps du temps, à la manière des ardoifes.
Ces pierres encore molles , ont reçu facilement lempreinte parfaite ,
& en creux, de la plante ou de quelqu'une de fes parties, & qui
ordinairem.ent s'eft détruite enfuite; comme elles ont laiflé vide l'efpace
qu'elles occupoient , on en peut encore difcerner l'efpece fur ces
pierres, aux traits évidens & relatifs, tant de la ftrudure que de la
grandeur naturelle de la plante.
Toutes les empreintes végétales, & prefque toutes les animales fe
trouvent dans des pierres feuilletées , dans des fchiftes , dans de l'ar-
doile voiline des charbonnières. Celles que nous.lrouvons en Europe
font à des profondeurs aflez confidérables , & font, pour l'ordinaire ,
exotiques, c'eft-à-dire , qu'elles ont leur analogue en Afie ou en Amé-
rique. C'eft ainli que M. de Ju£îeu a trouvé: dans la carrière fcbif*
teufe le loner de la petite rivière de Giez à la-IÉ^te de S. Chaumont
en Lyonnois , l'empreinte du truit de X arbt&,:^^^} Tout autre Bota-
nifte que lui auroit cru herborifer dans ua aou veau monde. Voyez
Arbre, t rifle. *.-: "
Dans notre Litholifation publique de'-j^^jJÎÇ^ao^s ,"avQns trouvé,
dans un des lits glaifeux de la carrière '^^.^pnt'àr^bre; près' de Faris ,
une Innchiu étrangère qui étoit en nature.'&^très-b'rjen^jconferveè^à la
couleur près. Nous avons encore tratrv^-iclàï^Siiriedêk^iCÎia^^^
de Bretagne, à plus de trois cents &, fèptvîc'éhts ^ieds de profondeur,
pkifieurs empreintes de la fougère ab.rpffèau qui végète en Chine &
en Amérique. Nous confervons cès morceaux rares dans notre
Cabinet»
<?oo - •■ E N C
La régularité de prefque toutes les empreintes comparées avec
leurs analogues vivans-, fait prcfumer que ces plantes ont dû nager
dans une eau limoneufe 5 fort épaifle, dont la terre s'eft précipitée
deflus & a pris l'empreinte. Une autre fingularité , c'efl que les em-
preintes qui fe trouvent à peu de profondeur, portent communément
des marques du pays où elles fe trouvent. Au refte ces empreintes
plus ou moins parfaites & trouvées à des profondeurs plus ou moins
confidérablcs font toutes des monumens des révolutions arrivées à la
furface de notre globe. Foyc^ Dendkites, Jeux-de j.a Nature &
Pierres figurées.
EMPYREE. Nom que /on donne quelquefois à la partie la plus
élevée des Cieux. M. Dcrham a cru que les taches qu'on apperçoit
dans certaines confteilations, font des trous du firmament à travers
defqusis on voit l'empyrée: mais cette idée eft aufli extraordinaire que
bizarre. Voyei Etoiles à la fuiu du mot Planète, Foy^^ aujjî Us
mots Ciel, Constellation & Firmament.
ENCARDITES , encardia. Des Naturalises donnent ce nom à
des coquilles folTîles , bivalves , & qui congénerent ou aux cœurs
appelles boucarditis , ou à des noyaux de midùvalvcs foJJiUs & congé-
nères aux ourfîns.
ENCENS. Voyci Oliban.
ENCENS BLAîîiC & MARBRÉ". Foyei aux artlcUs Pin & Sapin.
ENCENS D'EAtJ. Voye?^ Persil de marais.
ENCENS DES ;'lNDES ou DE MOKA. Ceft l'encens en mafTe
& mal-propre. ' »-^'
ENCENS DE.T^'RÎNGE. Nom donné à la réflne que four-
nlfient les pins de Xk&^fnge, & fur-tout du territoire de Saxe qui
abonde en forêts d,^:6<^fjprtes d'arbres. Les fourmis fauvages en reti-
rent de petitajg'rç^m^u* -nu'elles enfouififent dans la terre quelquefois
jufqu'à quatik^pîô^Sfd. ^:^p:fiiç^^x '. là cette poix fe réduit en maffs;
on la tirç ^fïiiiit&,dj t^rê- par gros morceaux, & c'eft ce qu'on
appelle ehcen's'.:-d&'''-3^himn^^,' ' -■''
ENCliElÏALOID'K,:iV4^//.^///:c5» On donne ce nom à des adroïtes
ou à des :<rofU//ûâ^^y^/'cîT. forrie dç champignon ondulé, approchant
du cerveau di'l^ipîune: 'V'ôy^ei'MEAJSIDRÏTES,
ENCHOiX. >by^î lÀNdHbis:
ENCpUBERT. Ceft le tatou à fix bandes. Voye^ à tartîde k^mp.-
dille. ENCRÎNITES.
E N C E N H <5'o ï
ENCRINITES. royei à rartîcU Palmier marin.
ENCRINUS. Foyci LiLiUM lapideum , & fartlcU Palmier
MARIN.
ENDIVE. Foyei au mot Chicorée.
ENDORMIE. Nom donné au datura [îramonîum* Ceft la pomme
épineuse. Foyei ce mot,
ENFANT. Foye:(^ à la fuite de ^article Homme.
ENFANT EN MAILLOT. Des Conchyliologiftes donnent ce
nom à une efpece de coquillage de la clafTe des univalves & de la
famille des vis. Voyez Vis.
ENFLE-BCEUF. Eft un nom donné par les Bergers à un faux
profcarabée carnafîier, c'eft un buprefte, dont les ailes font renfer-
mées dans des étuis de couleur d'or. Cet infeâe eft plus long que la
cantharide : fes jambes font auflî plus longues & plus groiTes. Ses
yeux font fort enfoncés. Il fort de fon front deux longues cornes. Sa
tête eft petite & armée de dents en forme de tenailles , avec lefquelles
il fait des morfures cruelles. Voyez à l'article Buprefie,
ENGRI. Animal de la baffe Etiopie , & qu'on croit être une forte de
//g'/'^. Voyez ce mot.
Le quadrupède dont il s'agit eft d'autant plus particulier, qu'il n'atta-
que jamais les hommes blancs ; & l'on remarque que dans l'inftant où
il rencontre un Nègre avec un Européen , il fe jette feulement fur
l'Ethiopien : c'eft pourquoi le Roi de Congo , pour dépeupler fon pays
de cette forte d'animaux féroces , met leur vie à prix, & fait récompen*
fer celui de fes fujets qui , en apportant la peau d'un engri, donne par-
là une preuve qu'il l'a tué . Les Ethiopiens croient^*^ la ch ^ ir de ce qua-
drupède eft un poifon fi fubtil , que l'on tombe-eti phrénéfie dès qu'on,
en a mangé. -y^^ '.,.r..
ENHYDRE , enhydrus. On donne ce nom àtitiÉfcg^odîs- remplie d'eau.
On voit dans les cabinets de quelques Gurlçtihcrde^'eri^aux de roches ,
ou des boules d'agate contenant des bùîle^d;*éa^ , dont le rnouvement
eft très -fenfible à la vue fimple, lorfqu'ôn'jhcljtne- & reîevè^trèsrdouce-
ment la pierre. On voit parmi les pi^rres-predeufes dif jCMïxnet de
Chantilly un criftal d'améthyfte quirjc'pçttient unètrè^s'^j^ètite buUe d'eau.
Foyei GÉODE. "'"- ' ' ' ' ' '
Si fa forme a quelque reflemblance avec les' tefticules, on l'appelle
inorchyte. Son nom change fuivant le nombre d'attributs de ces pierres
Tome II, G g g g
€01 E N K Ê P A
figurées : font-elles grouppées deux enfemble , c'eft un dïorchytt : lorf-
qu'il y en a trois , on dit triorchyte, &c. On en trouve beaucoup en An-
gleterre. On en rencontre auili près de Dax en France.
ENKAFATRAHE. Selon Hubmr , Diciionn. Unïv, ceft le nom d'un
arbre qui fe trouve dans l'île de Madagafcar , dont le bois eft verdâtre
& rempli de veines. On dit qu'il répand une odeur fort agréable , fem-
blable à celle de la rofe ; & qu'en Técrafant fur une pierre avec de l'eau ,
& appliquant extérieurement ce mélange f.ir la région du cœur ou fur
la poitrine , c'eft un remède fouverain contre les foiblefî'es & palpita-
tions.
ENSADE. C'eft une efpece de figuier de la baffe Ethiopie, & de plu-
fieurs parties des Indes Orientales : de fes branches ou rameaux fortent
des paquets ce filamens qui, en fe courbant julqu'à terre, y prennent
racine , & poufîbnt d'autres troncs dent il fe forme ainG des forets en-
tières. On fait des étoiles de fon écorce. Foye:^ raniclc Palétuvier.
ENTGPilOLiTHES , entomoi'uhi. Sous ce nom on montre dans les
Cabinets des Curieux , des pierres fciffiles ou fchifteufes , dans lefquelles
on remarque les empreintes de divers infedes ; tels que dQsfcarabées^ des
mouches.
ENTRAILLES. Nom donné aux inteflins ou boyaux. Quelquefois
ce mot fe prend dans un fens plus général , pour tous les vifceres y
toutes les parties' çènfermées dans le corps de l'homme ou d'une béte.
. ENT?<OQ'UÉf,-y(r-:ei à raniclc ?AL¥iIER MARIN.
ENVERGURE. Met qui exprime l'étendue des ailes d'un oifeau qui
vole. Voyez l'articïs'^.//'^;?//.
ÉNULE CAMPEE. T^oyei Aunée.
ÊOUSE ou Y'^B ou CFiÊNE VERT. Foyei ces deux dcrnurs
mots. .[■'-'' ftr'^^
ÉPAÇNEÙt; "Éî^ti^'nètit chien de chaffe & de chambre , dont le
poil eft long^'et^ij^ ciiïçvJiftes couleurs , qui a la queue épaiffe & touf-
fue. Oh j§^e%ibft.'}5o.uj Jii .c^^ de^ja caille & de la perdrix. Il force le
lapi.T daHs IeS'%oufpim^sf;fqut]qiLefo's il ride & fuit la bête fans crier.
Il cHaÔelè fféz bas. Çf com*rwe^l(^ viennent d'Efpagne, il paroît
que leur; "nbifi eft'unoçpff^ptipti (fii-riom du lieu de leur ongmQ,Voy6^
ÉPAVES DE MER ou HERPES MARINES. On donne ce nom à
toutes produdions que la mer tire de fon fein , & qu'elle jette naturel-
É P A É P E (?o 5
rellement fur fes bords , telles que l'ambre , le corai! , les pelotes de
mer, &c.
ÉPAULARD ou D ORQUE , orca, Ceft une efpece de dauphin,
mais vingt fois plus gros , & qui fert utilement le pêcheur de la baleine,
en ce qu'il la mord , la fait mugir horriblement , & la fait fuir fur les
côtes. L'épaulard a quatre dents très-tranchantes &: grandes. Voyc:^^ Car-'
ticU Baleine.
ÉPAULÉE. Nom donné à une teUine cambrée. Foye^ Telline.
ÉPEAUTRE. Voye^ Froment locar.
ÉPÉE DE MER. Foyei au mot Baleine , l'article Épéc de mer dç.
Groenland,
ÉPEÎCHE ou CUL-ROUGE. Voye^ à Vartkk Pic-vert.
ÉPERLAN, epelanus. Ce petit poifTon eil ainfi nommé par fa blan-
cheur , qui refl'embîe à celle des perles. Il a beaucoup de rapport avec
les petits merlans ; mais il eft aflez femblable à Vable , excepté par les
nageoires dont les racines font rouges comme celles du gardon. L'éper-
lan eft, dit M. DzUu^e ^ de l'ordre des poiflbns à nageoires molles , &
de ceux qui , outre les nageoires ordinaires , ont à l'extrémité du dos
une apparence de nageoire charnueou adipeufe : il a des dents aux mâ-
choires , au palais ôc à la langue. L'éperlan prend naiflance dans la mer,
& remonte enfuite dans les rivières , particulièrement dans la Seine. H
a une ligne au milieu & le long des côtés , qui va jufqu'à la queue,
faite en efpece d'arc : il eft long de quatre pouces , fur un de groffeur
ou environ. Sa chair eft molle , tendre, exquife au goût , & fentantun
peu la violette. Elle fe digère bien , mais nourrit peu : elle convient a
tout âge & à toutes fortes de tempéramens.'î^^erlan multiplie beau-
coup : étant dépouillé de fes écailles perléa^on lui voit fur le corps
cJifFérentes couleurs , femblables à celles de 15èfê^ën-ciel. Les plus efti-
mes fe prennent depuis la fin de l'été jufqu,'l"F|qti'es , dans la rivière de
Seine , vers Caudebec. On ^le pêche .aTa;çMe ,qu 'aûx.^rands filets :
quelquefois on pratique des bâtardeaûjc pouF..d^{>ur^;éi*l de petits ruif-
feaux qu'il fuit volontiers, & ou bn'tè^|5i'^dr^fa[çlleffient. -On envoies
Paris ces poiftbns arrangés & liés fij^^-^ieHp^îtîTts p^
Il y a auili un éperlan de //ze/^*, dtinV"iV.|^i*pS;^ft^ plus épais & plus
court. Il n'eft bon qu'au for tir. tie la m^i fans quoi il eft nuiiible à la
fanté.
• ÉPERON. Nom qu'on donne à un coquillage univalve de la famille
Gggg 2
6-04 É P E
des Limaçons a bouche ronde. Il eft régulièrement chargé de pointes
aiguës.
ÉPERONNIER. M. de. Buffon a donné ce nom à un oifeau quo
quelques Naturaliftes ont nommé faïfan paon ; en l'examinant avec
attention , il a trouvé qu'il différoit de Tun & de l'autre de ces oifeaux
par trop de caraéteres pour mériter ce nom ; mais il eft remarquable
par un double éperon qu'il a à chaque pied , caradere prefque unique
qui l'a déterminé à lui donner le nom âicperonnur. Cet oifeau a l'iris des
yeux jaune, ainfi que l'efpace entre la bafe du bec, l'oeil & le bec fupér
rieur rouges , l'inférieur brun foncé , & les pieds d'un brun fale ; fon
plumage eft d'une beauté admirable , fa queue eft fcmée de miroirs ou
de taches brillantes de forme ovale ^ & d'une belle couleur de pourpre,
avec des reflets bleus , verts &. or ; ces miroirs font d'autant plus d'ef-
fet qu'ils font terminés & détachés du fond par un double cercle, fun
noir & l'autre orangé obfcur ; chaque penne de la queue a deux de ces
miroirs accolés l'un à l'autre , la tige entre deux, & malgré cela , com-
me cette queue a infiniment moins de plumes que celle du paon, elle
eft beaucoup moins chargée de miroirs ; mais en récompenfe féperon-
nier en a une trè:-grande quantité fur le dos & (ur les ailes où le paon
n'en- a pas du tout; ces miroirs des ailes font ronds , & comme le fond
du plumage eft brun, on croiroit voir une belle peau de martre zibe-
line enrichie de faphirs , d'opales, d'émeraudes & de topafes. Les plus
grandes pennes de f a^ije n'ont point de miroirs , toutes les autres en ont
chacun un , & quel" qu'en foit l'éclat , leurs couleurs foit dans les ailes,
foit dans la queue, ne pénètrent point jufqu'à l'autre furface de la penne,
dont le delTous eft d'un Tombre uniforme. Le mâle furpaffe en grofleur
le faifan ordinaire , la ferrielle eft d'un tiers plus petite que le mâle , &
paroît plus lefte & plus éveillée ; elle a , comme lui, l'iris jaune , mais
point de rouge dans le bct;-^^ la queue beaucoup plus petite : quoique
fes couleurs, apfTrochentpij^S de celles du mâle que dans l'efpece des
paons & des félfans^ éep,0'n'daht elles font plus mattes, plus éteintes,
& n'ont point ce lufti^e , -ce-jeu; ces ondulations de lumière qui font un
fi bel eflvt danis ks miroiçisr^du mâle. Cet oifeau diffère du ffenre des
faifans , i^ parce que les longues plumes de fa queue font arrondies
& non pointues par le bou^ ;"ii*r parce -qu'elles font droites dans toute
leur longueur, & non recourbées en en bas: 3^ parce qu'elles ne font
pas la gouttière renverfée par le renverfement de leurs barbes , comme
É P E 60^
dans le faifan : 4*. enfin parce qu'en marchant il ne recourbe point fa
queue en haut. Il appartient encore moins à refpece du paon , dont il
diifere non-feulement par le rapport de la queue , par la configuration
& le nombre des pennes dont elle eft compofée ; mais encore par les pro-
portions de fa forme extérieure , par la groffeur de la tête & du cou , &
en ce qu'il ne redrtfle & n'épanouit pas fa queue comme le paon , qu'il
n'a au lieu d'aigrette qu'une efpece de huppe plate , formée par les
plumes du fommet delà tête qui fe relèvent, &dont la pointe revient
un peu en avant. M. Edwards a eu cet oifeau vivant à Londres.
É?£R V1£R ou ËPREVIER , /parvenus aut accip'uer, C'eft un oifeau
Carnivore , de la longueur d'un pied : celle des ailes éterhdues eft de
deux pieds. Il a la tête arrondie , le bec court & gros , crochu , d'ua
bleu noirâtre. Le bec fupérieur a un appendice angulaire des deux
côtés des narines. Sa langue eft noire, les yeux caves & d'une grandeur
médiocre , l'iris jaune , le cou longuet , le plumage fupérieur d'un
brun fombre marqueté de taches tirant plus fur le noir. La poitrine &
les flancs un peu jaunâtres, tiquetés de brun. Les ailes s'étendent jus-
qu'au milieu de la quei.e. Les cuifles font fortes &: charnues comme
celles des autres oifeaux de proie. Les jambes menues , longues , jau-
nâtres & de niveau avec la queue : les doigts en font longs , armés de
grifles courbées & noires.
L'éper\itr vit c'cifcaux, & marque peu de goût pour les cerfs-volans
& autres inf âe^ ; mais il eft friand de lapins , de rats & de grenouilles.
Il eft hardi, intrépide, vole bien les faifans, les perdrix , les cailles;
& dans quelques endroits, le merle , l'étourneau, la grive , la pie & le
geai. Les Oilcleurs les attrapent quelquefois dans leurs filets en prenant
d'autres oifeaux à la glu. Les meilleurs épervieb nous viennent d'EfcIa-
vonie. Ceux d'entre ces oifeaux qui font niais ,,^u. ont été pris dans le
nid, ou n'ont pas encore mué, ou n'ont point-élevé dp petits; mais
ceux qui ont toujours été à eux , font très-ruf^s ^ comme, nous le dirons
dans un moment.
Le mâle de l'épervier fe nomme mouchci "oujmpuchet , il eft à-peu-
près de la grandeur du pigeon. Ha le bèc -,.. Vs narines , .le croc angu-
laire , la langue & l'iris comme la femelle.Xe plumage eft un peu plus
fombre , traverfé de taches rougeâtres & qnâées. Ses cuifles, fes jambes
& fes ferres font de même que dans répervier*ïl y a ?i\xffiVcpervier tacheté
de blanc ^ Véjjeryier de la Caroline ou à pigeons y l'épervier des alouettes ;
^o6 É P E
le petit ipervler de la Caroline eu: une efpece d'émerlllon ; Vépervkr
de la Baye d^Hudfon pu à queue anneléc ; Vzpcrvicr cendré de Caymne ,
il eft un peu plus grand que celui d'Eurape, fes pieds font rouges.
L'épervier fait fon nid fur les rochers & les arbres les plus élevés. Il
pond cinq œufs blancs, mouchetés vers la pointe qui eft obtufe, d'un
cercle de taches purpurines.
La mue de cette efpece' d'oifeaux eft au commencement du printems.
On les mot dans une- thambrc en liberté & en leur particulier ; pour
cela il faut qu'il y ait deux cages , l'une au levant, l'autre au couchant:
dans le milieu de la chambre font plufieurs perches , au haut defquelles
on attache de la viande de mouton, de poule , ou de vieux pigeons :
on leur en donne deux fois par jour ; mais une fois feulement lorf-iu'on
veut les faire voler le lendemain , afin de les affamer un peu , & qu'ils
pourfuivent plus ardemment leur proie. L'épervier quitte facilement
fon maître, pour peu qu'on le contredife; & quelquefois lorfqu'il n'a
pu prendre l'oifeau, il s'envole , va fe percher fuj un arbre, & ne veut
plus revenir.
L'épervier étant jeune , eft d'une chair tendre &: aflez bonne à man-
ger. Quelques Médecins, en recommandent l'ufage contre fépilepfie :fes
ferres râpées & réduites, en poudre font, dit on , anti-dyflentériques. On
prétend que fes excr^rnens hâtent & facilitent l'accouchement, & que
fa graiiïe a la verçup^fî. remédier aux vices de la peau.
Il n'y a point d'oifeaux plus communs en Egypte que l'épervier : les
Anciens de cette contrée lui rendoient des honneurs divins.
EPERVIER MARI^. Foyc^ Fou.
EPERVIERS. Orr..<linne ce nom à des papillons bourdonneurs qui fe
tiennent au-defTu^-âës^êurs, c'eft-à-dire, dans l'air, & fans prefque
changer de plac€y:.peij)âar|çt .que leur trompe alongée en face la liqueur
miellée. ^^oysj./'^^e/gS.PîlïNK.
ÉPKTlI/^.î^rn "donfi^ àlunç efpece de hallier qui croît dans les
favanes naturelles 'du' pây^'d<^^ffyenne. Les Indiens l'emploient à frotter
jufqu'au fang }e^neVdç:i.i]^uaes-Ghiens qu'ils deftinent à la chafle,pour
leur infinuer dans ïes pl9J:e$'^^Vett\*jqu'ils fuppofent à cette plante. Ils
lui attribuçnt'eficorèiinè-jmtfe qiîàliçé dont la plupart des Créoles ne
doutent pas; c'eft celle' âe^fë.- faire aimer quand on en porte fur foi;
c'eft ce qui a donné lieu au^^overbe yon lui a donné de l'épctit , quand
on parle de quelqu'un bien amoureux. Cette dernière vertu eft, dit-on.
É P H Con
, commune à quelques lïams : voyez ce mot. Maïf^ Rujl. de Cay»
EPHEMERE, mufca epkemera. hcs Natuvalilles ont donné ce nom
à plufîeurs efpeces de mouches dont îa vie q0. d'une très-courte durée;
& peut-être que le mot d'éphémère n'exprime pas afiez la courte durée
qui a été preicrite à la vie de quelques-unes. îl y en a qui ne doivent
pas voir luire le foleil, qui ne naiflent en été qu'après qu'il eft couché,
& qui périfltnt avant le lever de cet afti-e. On pourroit même dire
que celles-ci jouifTent d'une vie très-longue eft comparaifon d'autres
éphémères, puifqu'il y en a qui vivent à peine une heure ou une demi-
heure; mais aufll il y en a quelques efpeces qui vivent plufieurs jours.
Au rtfte, que leur imiporte ? elles fournifîent leur carrière.
On diftingue un grand nombre d'erpeces de mouches éphémères,
qui différent entr'elles , fuivant les pays où elles naiflent , par la gran-
deur , la couleur de leurs ailes , &c. mais elles ont des reflemblances
générales par le peu de durée de leur vie, & par leurs ailes qui ont la
forme de celles des papillons : ces ailes ne différent de celles des
papillons , que parce qu'elles font minces , tranfparentes , & qu'elles ne
font point couvertes d'écaillés.
Les éphémieres ont la tête afTez grofïe, & les antennes fort courtes:
les petits yeux lifies font placés au-devant de îa tête, & fort gros dans
quelques efpeces. Elles ont quatre ailes très-jcSiraent tilFues , dont deux
font placées en-deffus , deux en-deiTous. Les^*4^* fupérieures font de
beaucoup plus grandes que les inférieures: ces, -i^ernieres font même fî
petites dans quelques efpeces, qu'à peine peut-.oq les appercevoir. Lorf-
que ces mouches font en repos , elles porteRC liurs quatre ailes fur le
dos, appliquées les unes contre les autresp^ perpendiculairement au
plan de leur poiition, comme les portent la ptupâTÇ^des papillons diurnes.
Le corps de ces mouches eft alongé, cof^pfi^^jié >dix anneaux: il fort
du dernier une queue beaucoup plustîîi*iS.Ùè^-qu.e f^nimal, & formée
par deux ou trois filets extrêmement t^^ifgjfKS, Ces njÔj^cnes fe tiennent
à volonté fur les eaux , à faide des trdi^&brranches deçette queue , qu'elles
favent étendre (i adroitement, que-l'cs autres" parties du corps paroif-
fent hors et l'^au fans fe nioGit^»' ; , v -v ,«^ ^ . .
Ces infedes, avant d^^paît>iffe"aipG/fQ'us î^^
dans Tcau pendant une, ôeilx ou trois "jitî'tjées; fous la forme de ver; &
enfuite de nymphe. Foye^ U mot jN.Yiûj-iiE. Si on les conlidere dans ces
différens états, leur vie eft longue relativement à la vie ordinaire des
erû8 É P H
infedes. II n'y a de différence entre le ver & la nymphe , qu'en ce que
celle-ci a de plus que le ver, des fourreaux d'ailes fur le corfelet. L'un
& l'autre ont fix jambes écailleufes attachées au corfelet. Leur tête eft
un peu triangulaire & applatie;leur bouche eft garnie de dents; leuc
partie poftérieure eft garnie, ainfi que dans leur état de mouche, de
trois filets qui font bordés chacun des deux côtés de franges de poil ,
& qui vraifemblablement font d'ufage à cet infede lorfqu'il nage. Lorf-
qu on examine ces infedes avec attention , on obferve le long de leur
corps de chaque côté, des fortes de petites houpes qui ont un mou-
vement fort rapide: elles varient de forme dans les différentes efpeces:
il y en a qui reffemblent à des rames de galère. Ces parties font, fuivant
l'exaél examen qu'en a fait M. de Réaumur, les ouies qui fervent à la
refpiration de cet infede, qui eft par-là en quelque forte une efpece de
poiffon.
Ces infedes qui doivent fe transformer en mouches , ne nagent que
très-rarement dans l'eau; mais comme cet élément leur eft abfolument
néceflaire , ils fe creufent de petits trous dans les terres de confifl:ance
glaifeufe,jqui fe trouvent fur les bords des rivières. Lorfqueles eaux de
la Marne & de la Seine viennent à baiffer , on voit fur le bord de ces
rivières, jufqu'à deux o.u trois pieds au-delfus du niveau de l'eau, la
terre toute criblée de petits trous dont l'ouverture peut avoir deux ou
tL'ois lignes de diamètre. Ces trous font vides; les infedes les ont aban-
donnés lorfqu'ils fe font vus à fec, & ont été creufer plus bas dans la
terre baignée par l'eau. Ces trous qui fervent d'habitation à ces infedes,
font diriges horizontalement: ils ont deux ouvertures placées l'une à
côté de l'autre, de forte .que la cavité du trou eft femb'able à celle d'un
tuyau coudé; l'infede entre .par une ouverture, & fort par l'autre ; il
proportionne la capacitéMie ce tuyau à fes différens états d'accroiffe-
ment. La transformation de ces nymphes en mouches fe fait avec la plus
grande facil ité;.. quelquefois î^lks emportent encore leurs dépouilles de
nymphes qui leïi'jf.tfenneut à1a queue.
Dans chaque i^ays-.leâ^ mouches éphémères paroifTent tous les ans
avec une forte dfe régularité \ ^ie' n'.6ft" aufîi que pendant un certain
nombre de jours, confécutifs, -.qu'elles ïemplifîent l'air aux environs des
rivières : enfin ce n'eft qu'à une' certaine heure de chaque jour, que les
premières commencent à fortir de 1 eau pour devenir, habitantes de l'air.
Cette heure n'eft pas la même pour les éphémères de différentes efpeces ;
celles
\
É P H 60^
celles du RKln, de laMeufe, &c, commencent à volè'r xieux heures environ
avant le coucher du foleil. Les plus diligentes de celles de la Seine & de
la Marne, ne s'élèvent en l'air que lorfque le foleil oft prêt à fe coucher :
ce n'eft qu'après qu'il Teft que le gros de ces mouches forme des nuées.
Elles fe répandent par-tout en uninftant; elles folâtrent fur la furfacedes
eaux; fi Ton tient une lumière, elles s'y portent de toutes parts; elles
décrivent des cercles tout autour & entoutfens; mais toujours avec
une régularité finguliere. Ne plaignons donc pas i'éphémere : con-
tente du deftin que lui a fait la Nature, elle joue fur le bord de fon
tombeau.
Ce n'eft guère que vers la Saint Jean que paroifTent des nuées d'éphé-
mères dans des pays plus froids que le nôtre : & c'eft vers la mi-Août
<{UQ ces nuées fe montrent aux environs de Paris. Les Pêcheurs favent
par expérience le temps où les éphémères doivent paroître fur une
rivière. Plus de chaud ou plus de froid , des eaux plus hautes ou plus
balles, & d'autres circonftances peuvent rendre une année plus avancée
ou plus tardive en mouches éphémères.
Ces mouches qui éclofent toutes à peu près dans le même moment,
n'ont prefque qu'un inftant à vivre ; mais cet inftant fuffit pour rem-
plir la fin à laquelle elles font deftinées, c'eft-à-dire , pour perpétuer
leur efpece. A. peine les femelles font-elles nées , qu'elles font prêtes à
pondre, & qu'elles pondent en effet. Quelques Naturaliftes psnfent que
' le mâle féconde les ceufs , comme le poifTon , àl'inftant de la ponte; mais
M. de Réaumur croît que les mâles s'accouplent avec les femelles.
Ces accouplemens , il eft vrai, peuvent difficilement être apperçus
par rObfervateur : car, comme la vie de ces mouches eft la plus courte
de celle des animaux connus, leur accouplemeïit-eft.Vraiferablablement
le plus court de tous, & beaucoup plus cou^-iju^ celui des oifeaux
qui dure fi peu. C'eft à l'eau des rivières ;jjipe^l|. plupart des mouches
éphémères confient leurs œufs ; d'autres le^îaiiïenjt-âttardTLés aux corps
furlefquels il leur arrive de fe pofer ou de^ôîtibér , îànt elles paroilTent
preflees du befoin de s'en débarrafler.
Il n'y a point de femelle d'infèâe qui Jïi,ettiP au- jour un aufli grand
nombre d'oeufs, que celui qu'y met une niou^he ép'hémere. En un inftant
on voit fortir de fa partie poftérieurejine-^ultitude d'ceufs difpofés
€n manière de grappe, dont les , gramsvfe touchent. Chaque grappe
contient plus de trois centcinquante œufs; ainfi en un inftant la mouche
Tom^lL Hhhh
'(^10 ÉPI
éphémère pond fept à huit cents ceiifs. Ces grappes d^œufs ne font pas
plutôt forties du corps de la femelle , qu'elles tombent au fond de l'eau.
Les ceufs qui échappent à la voracité des poiffons , donnent nailTance à
de petits vers qui vont fe mettre en fureté fur les bords de la rivière, dans
ks trous qu'ils fe pratiquent.
Les mouches éphémères font en fi grande abondance dans de certaines
années, que dès que leur inftant de vie eft pafle, on les voit tomber
comme les flocons de la neige la plus abondante : la furface de l'eau en
eft couverte ; la terre en eft toute jonchée fur le bord des rivières où
elles s'ammoncelent , & forment une couche d'une épailTeur confidé-
Table. Les Pécheurs regardent les éphémères comme une manne quifert
de nourriture aux poiOfons, efca voladUs & r//'^rw;& ils prétendent que
cette manne ne tombe que pendant trois jours. En effet, ces infedes
lie paroiflent que pendant trois jours de fuite en grande abondance ;& ce
fpeélacle fingulier ne dure chaque jour que l'efpace d'une demi-heure.
Les mouches éphémères qui ont une vie de plufieurs jours , préfen-
tent une particularité qui ne s'obferve dans aucune mouche des autres
efpeces,ni même dans aucune efpece d'infede ailé; c'eft qu'étant dans
leur état de mouche, elles ont encore à fe défaire d'une dépouille. C'eft
pourquoi on voit ces mouches cramponnées contre une muraille ou
contre un arbre: elI^'S reftent quelquefois plus de vingt-quatre heures
dans cette pofiticm.y en attendant qu'elles puiflent quitter leur vête-
ment.
On a auflî donné le nom d'éphémère à une plante que Tourne/on a
défignée ainfi dans fes Ijiftitutions de Botanique : Ephemcrum Fir^inianum
jlore ceruko majorï^ ^<^^i
ÉPICÉA ou ÉPICIA. Nom du fapin le plus commun en Europe.
Plusrobufte quele vïSfi^J&pin, il s'accommode plus facilement de toutes
fortes de terrains;^ Cet arBre.-eft le principal fonds des forêts du Nord,
oii il s'éleVefi-ùiîe très^-grand^ hauteur. Il neft pas rare de le voir
couvert de nieige.pendant-(Hfe,mois de l'année. Dans la difette des four-
rages, les Suédois' d^iïfteiit à leurs chevaux les jeunes branches d'épicia
hachées & mêlées ayèc^^^tî peu d'avoine. Au mois d'Avril, on enlevé
des lanières d'écorces à ces arWes à.\\ côté du Midi. Il découle entre
récorce& le bois une réfine. On'Ia recueille tous les quinze jours. On
renouvelle les entrailles de l'écorce'dans les années chaudes; cette récolte;
eft plus abondante &: de meilleure qiialité : voyez les diverfes prépa-
Ê P I 6ii
rations de cette réfine aux articles Pin Se Sapin. Le bois d'épicia fert
à faire des mâts de navires, & de bonnes planches. Quoiqu'un peu
inférieur au vrai fapin , comme il eft moins noueux , il fe travaille plus
facilement.
ÉPICES ou ÉPICERIES. On entend par ce mot les fubftances
végétales & orientales, ou d'un autre pays étranger , plus ou moins
douées d'odeur de défaveur, & dont tous les peuples aujourd'hui font
ufage dans les divers alimens : il convient d'en citer en exemple quel-
ques-unes. Les racines nous donnent le gingembre. Les écorces, la
canelle & la cafcarille. Les bois , celui d'anis, de rofe & d'afpalat. Les
tiges, l'orcanette , le fchgenante & le calamus aromatique. Les feuilUs y
le thé, le didame & le laurier, hesjieurs, le fafran du Levant, les
balauftes & la fleur d'orange. Les fruiis , le citron, la bergamotte, les
dattes , les poivres , le cacao , les piftaches , la mufcade , le girofle & le
café. Les graines ou femences , les différentes efpeces d'anis, le fenouil,
îe cumin, la graine d'Avignon, le daucus, le carvi, l'ambrette, &c.
F'oye:^ chacun de ces mots.
De tout temps l'épicerie a été la plus belle branche du commerce :
& en fe conciliant le trafic de la droguerie, elle efl: devenue la plus
immenfe & la plus importante partie du négoce, A peine eut-on renou-
velle la navigation par l'invention de la bouflble, ^ue l'étude de l'Hif-
toire Naturelle, & celle de la véritable Phyfiquè, réveillèrent l'induit
trie du commerce. Dès le quatorzième fiecle, le^ Négocians de tout
le Midi de l'Europe, envoyèrent en Afrique & dans toutes les échelles
du Levant; on en rapporta le coton, l'opium, le riz & les noix de
galle. Les Vénitiens jaloux des entreprifes dea Marchands de toute la
grande hanfe ou afTociation qui s'étoit formée "^pur le coiTimerce de la
mer Baltique & de tout le Nord ; les VéntSéns"V„.d.^s-je , trafiquèrent
fort heureuferaent à Alexandrie & au Cjake-_^:Ies. marchandifes que
les Arabes & les Egyptiens alloient chèrch^'rmix'Indrs &' dans tout
l'Orient par la mer rouge. On fe reiToa.vïè.ht-'tt5'iTJoiirs=*'d'u profit qu'ils
firent alors fur le coton , fur la foie, fur fOr^Tur^ les poivrés, fur les
perles, fur les pierreries , & fur toutes îp^^^fo^uesi cle-i'Afie. Ils étoient
les feuls ûifl:ributeurs des épiceries; &^dg;ns .toutes- Jes. tables on ne con-
iioilïoit rien de plus exquis que ces produâtibhs, de l'Inde & àes Molu-
€^ues.Le fucre n'étoit point encore connu en-'Europe; les feules épiceries
faifoient le principal ornement des grandes fêtes : on ne connoiflbit rien
Hhhh2
■6x2 ÉPI
de plus propre à être préfenté avec bienféance aux Juges , après îâ
dccifion d'un procès: de-là eft venu le nom d'é^ices du Palais^ S portula
mu [paies.
Dans les feftins de noces, l'époufe en diftribuoit à toute raflemblée ;
& les Univeifités, dans leurs réjouiflances , s'étoient conformées à cet
tifage. Les Hcilandois favent très-bien que le débit de cette marchan-
dife n'a jamais baifle; mais les François favent mieux qu'aucune Nation,
jufqu'où l'art des Cuifiniers en a porté Tufage,
On appelle quatrc-ipices ,v,x\ mélange aromatique & réduit en poudre,
lequel eft compofé eflentiellement de girofle , de mufcade , de poivre
noir & de canelle ou de gingembre : aujourd'hui on y ajoute de l'anis,
de la coriandre , du macis , du piment de la Jamaïque , quelquefois aufîî
des herbes aromatiques, comme thym, marjolaine & laurier. Lorf-
qu*on y joint des morilles, des moulTerons & des culs d'artichauds, alors
ce compofé prend le nom déplus royales , & ne fert que pour alTai-
fonner les mets les plus exquis. Tels font les moyens les plus fimples
d'ajouter aux faveurs naturelles & innocentes d'autres faveurs agréables
& perfides,
EPICIA. Voyez les articles Sapin & Epicéa,
ÉPIDERME. Voy«z à l'article Peau.
ÉPI "D'E AU y "ppfamogeton. Plante qui croît dans les marais , les
étangs , proche deitibntaines , des rivières & de tous les lieux humides.
Cette plante aquatiqUta des racines grofles , rondes, nouées, blanches,
rampantes , garnies de iibres déliées qui s'étendent beaucoup fous les
eaux : elle pouffe pl^^fieiirs tiges longues , grêles , également nouées &
rameufes. Ses feuilkf qiii naifîent dans l'eau , font longues & étroites;
mais quand la plante -a-'j^û fuffifamment pour furpafler l'eau , elles de-
viennent larges comme Celles du plantain : elles font prefque ovales ,
nerveufes , luifentes v->&'d'uj5vert pâle , attachées à de longues queues»
Il s'élève dWre fes feuSÊes des pédicules qui foutiennent des épis de
fleurs purpurines 'i- quatre fètailles, fans calice & difpofées en croix. A
ces fleurs fuccedent" dés, capfules ramaflees quatre à quatre, en manière
de tête, Ces capfules font ^ôlxlongues , aflez grandes , dures, rougeâtres,
& remplies d*une- graine blanche..
• Cette plante prife.en déçoîftion , eft afliringente & rafraîchiflante.
Elle convient extérieuremeç't^our les dartres & les autres démangeai-
sons de la peau», ■ »" *''
ÉPI 6î^
11 faut obferver que les fleurs de ce genre de plante , ont quatre éta-
mines & quatre embrions terminée immédiatement par les ftigmates. Le
potamogcton que nous décrivons ici eft le plus commun , celui de Fuchs ^
page 6^1, & nous convenons avec M, Halhr qu'il y en a plufieurs
efpeces auxquelles cette defcription ne convient pas , du moins en-
tièrement. .
ÉPI-FLEURI. Voyei Stachys.
EPINARDS 5 ^i/z^îci^. Plante potagère très en ufage dans nos cui-
fines. Sa racine eft fimple , menue , blanche & fibreufe. Ses tiges croif-
fent à la hauteur d'environ un pied : elles font rondes , fiftuleufes &
rameufes. Ses feuilles font larges , pointues , découpées , anguleufes ,
tendres , d'un vert obfcur , fucculentes , & attachées à de longues
queues. Les tiges font revêtues depuis leur milieu jufqu'en haut , de
fleurs à étamines , de couleur herbeufe ou purpurine : il ne leur fuccede
aucun fruit ni femences. Les fruits naiflent en des endroits féparés , &
ils deviennent des capfules ovales, épineufes, qui renferment chacune
une femence prefque arrondie.
Les épinards cuits à l'eau font un alimem peu nourriflfant & de facile
digeftion : ils peuvent procurer ou entretenir la liberté du ventre. Ils
font très-utiles dans les cas où-l'on interdit l'ufage d€;s viandes , notamment
quand on comimence à manger après des indigeftions de viandes ou
de poifïbn , dans les diarrhées qui les fuivent , e^en général dans les
dévoiemens accompagnés de rapports nidoreux^- dans cette difpofîtioiî
des premières voies , qui donne aux fucs digeftifs la difpofition alka^
lefcente dont parle Bocrhaave, On peut dire plus généralement encore ^
que l'épinard eft un aliment aflez fain , & à-pèii*près indifférent pour
le plus grand nombre des fujets.
Les épinards fe multiplient de graines que^i^OK feme à la mi«Aoiic
fur une planche bien labourée , & dans des rigoles ou rayons profonds
de deux doigts, tirés au cordeau, éloig.nésCd''unpied l'un de l'autre ,
& couverts de terre ; on a foin de les fer0êr &t de-les arrofer. On en
récolte à la mi-Odobre , en Carême &: au commencement de Mai, fé-
lon le temps de la femaifon. .-
L'épinard fauvage eft le bonhenri, Pans le -pays de . Cayenne , le?
Créoles donnent le nom. ^ épinards a.\X pfiytçlaçca Amçricatta mn.onfruciu
de Banere, parce qu'ils mangent les feuilles de cette plante dans le po-
tage & en guife ^'épinards après en avoir ôté le jpfemier bouillon qui ea
efl: noirci. Cette plante , ou plutôt cet arbuflc , eft naturel au pays ,
& croît fans culture après les premières pluies. Il eft d'une grande ref-
fource aux Nègres : les Blancs en mangent auflî les feuilles avec
plaifir.
ÉPINE : voyei fon article dans le tableau alphabétique , &c . à la
fuite du mot Plante. On trouvera la defcription de l'éjjine du dos à
farticle Squelette , inféré à la fuite du mot Os.
ÉPINE BLANCHE, foyc^ au mot, NÉFLIER.
ÉPINE BLANCHE SAUVAGE. Voyc^ Chardon commun.
ÉPINE DE BOUC. Eft Tarbriffeau d'où découle la gomme adrai
ganthe. Voyzi^ Barbe de renard.
ÉPINE JAUNE , fcolymus. Plante qui a beaucoup de rapport avec
k chardon à fleur dorée. L'épine jaune qui croît communément dans
ks pays chauds , en Italie & en Languedoc , a une racine longue &
giofle comme le pouce, tendre , jaunâtre, empreinte d'un fuc laiteux,
ivfifez agréable au goût , & dont les cochons font fort friands. La tige
.eft haute d'un pied & demi , velue & rameufe. Ses feuilles qui fortent
les premières de fa racine, font longues, larges, finueufes , éparfes à
terre , épineufes , & d'uH vert marbré de blanc. Les feuilles des tiges
^ des rameaux font plus courtes , plus découpées , & les épines en
font plus roides. Sa ^è\xï eïk. un bouquet à demi-fleurons jaunes-dorés
& féparés. A cette fleur fuccede une tête compofée de plufîeurs femen-
ces larges , plates "S: pailleufes , enveloppées par le calice. La racine
de "l'épine jaune & apéritive , & convient , dit Lémery , pour arrêter
^3 femence.
ÉPINE NOIRE. Foyei Prunellier.
ÉPINETTE ou: Sàjpinette i^u Canada. Eft l'efpece de fapin d'où
idécoule le baume du Cana^a,V oyQZ ce mot & celui de Sapin.
ÉPINEA^INETXË<4(gVXNETIER , herbcris. Arbrifl^au épineux
liiui vient communérnent «ISnl'-les jardins aux environs de Paris , où il
l^rt de haiç: on ^-tr^ve aulîi dans les lieux incultes , au bord des
feois & dans 'les builToDS. Cet arbrifleau eft affez haut. Ses racines font
jaunâtres, branchues, fibréufes & rampantes. Ses jets ou furgeons font
longs de trois coudées,: bfanchus^ épineux , jaunes & gluans en de-
dans : l'écor ce éri^éft blanche , talnce èi iifle. Ses feuilles font petites >
j&blongues, crénelées toUt'ài^|our ,^ & entourées d'aiguillons mous
^'yo yerjt.igai ^ lifle.s ^>: .d*ii^ g/JÛt acide. Les fleurs ont une odeur forte;
É? ï <5*ij
elles font difpofées en petites grappes, & compofées chacune de plu-
lîeurs petites feuilles jaunes , rangées en rofe dans un calice aufîi à fix
feuilles. La fleur de l'épine-vinette a une fingularité remarquable, &
qui mérite d'être mife au nombre des phénomènes végétaux. Lorfqu'oti
touche légèrement avec^ un ftilet ou une épingle le pédicule de fês
étamines , elles fe replient du côté du piftil : il n'eft pas rare qu'elles
entraînent avec elles les pétales , ëc que la fleur fe referme. Lorfque
ces fleurs fenfitives font pafTées , le pifliil fe change en un fruit cyîindrir-
que , mou , long de quatre lignes , qui devient rouge en mûrillant , &:
qui efl: rempli d'une forte de pulpe acide , affez agréable , & d'un ou de
deux noyaux oblongs.
La racine, les fruits Se les graines du vinétier font d'ufage en Méde-^
cine : le fuc des fruits colore en rouge le papier bleu. La racine eft
amere j les fruits font rafraîchiflans & afl:ringens : ils tempèrent le bouil-
lonnement des humeurs, appaifent le flux de ventre bilieux, arrêtent
les dyflenteries , fortifient fefliomac & excitent l'appétit. On les mange
feuls lorfqu'ils font mûrs , ou confits avec le fucre. On en fait en Phar-
macie un firop , une gelée , un rob ou raifiné , qui font comptés par-
mi les cordiaux. On fait une confiture très-agréable avec l'efpece qui eil
fans pépins.
Les Médecins Egyptiens font ufer de ces fruits^ en décodion dans les
fièvres malignes , putrides & pefl:ilentielles , & pàyrticùliérement contre
les diarrhées ; ils y mêlent un peu de graine de fenouil , pour empê-
cher qu'ils ne nuifent à l'eflomac. En Europe on fait boire en place du
jus de limon le fuc acide des baies du berberis, étendu dans feau pour
appaifer l'acrimonie alkaline des fièvres chaudes & putrides. Les pé-
pins ou les graines font des aftringens convenables pour les fleurs blan--
ches. La décodion à l'eau , ou Tinfufion auy^-in;.4e Técorce des racines
efl: bonne contre la jaunifle , & un fpéçifiqué^é<>îïtre i^ fièvre quarte:
on en boit un grand verre une heure avpït*pâccès,.troi^- fois de fuite.
Cet^e boiffon produit quelquefois des. Xomiffç.nieîîsi ûlr-tQyt celle au
vin ; mais la guérifon n'en efl que plus ^affurée^Bes' Teinturiers em--
ploient auflî cette même écorce , macérée 'dans la leiïive, ou bouillie-
dans l'eau de fontaine, pour teindre eertaines étoffes en' jaune , fil^.
laine, coton ; o"» en colore auffi les «leubles dé menuiferie , le bois,
blanc, &c. On s'en fert encore pour donner iîii'luilre aux cuirs corroyés.-
Eniin les piqûres des épines du, vinétier prit tpujours paflé pour dango^-
'6\^ Ê P T
j-eufes & dlfTicUes à guérir. Auflî les haies que l'on fait avec cet arbilfTeau ,
font-elles redoutables par leurs piquans.
On cultive aujourd'hui dans les jardins un vinétier qui a été apporté
xiu Canada, & qui diffère du précédent par la grandeur de Tes feuilles ,
,& la grolfeur de fes fruits.
Les fruits de ces deux vinétiers fort avancés en âge, fe trouvent
quelquefois manquer de pépins apparens. Le mot bcrberis eft Arabe. Le
vinétier de Candie a l'écorce raboteufe & grisâtre. Son bois eft jaune ainfi
que fa racine , dont on peut faire la plus belle teinture : les curieux cul-
tivent encore un vinéùer àfruit blanc , mais ce n'eft qu'une variété, qui
à la vérité eft fort rare : le vinétier du Levant produit un fruit noir.
Le plant de notre vinétier eft fort utile à la campagne , parce qu'il
fert de fujet pour greffer les arbres fruitiers. Il fe plaît dans les lieux
frais.
EPINOCHE ou ÉPINOCLE , pifcis aculeatus. Petit poiflbn fans
lÉcailles , qui fe pêche dans les lacs & dans les rivières , & dont on dif-
tingue de deux fortes ; la grande & la petite efpece : la grande eft armée
de trois aiguillons fur le dos , & de trois au ventre qui fe tiennent, &
qui reffemblent à la feuille d'épinard , ce qui l'a fait appeller aufti poif-
fon épinarde. Ces aiguillons font pointus & forts : l'animal les drefle
quand il a peur , .ou' quand il s'agit de fe défendre contre les autres
poififonsi Ce poiflbn n'a qu'une feule nageoire fur le dos, & deux lances
ofleufes de figura triangulaire , à la place des nageoires du ventre.
L'épinoche eft un poiflbn fi abondant en certaines contrées , que quand
pn pêche les étangs, on enlailfe une grande quantité aux pauvres gens,
qui s'en nourriffent,^
La féconde efpecè^-^pinoche a dix aiguillons fur le dos , dirigés
alternativement à ■clEQit^"'^:;à- gauche ; on en voit defcendre la rivière du
Nar , en Ombrie , pour e.j^çr^4ans le Tibre.
On obferve c^e l'épinoche jeft un poiflbn lefte & agile , & très fré-
quent dansjle^ petites rivière^. 'Son naturel eft fi peu farouche, qu'il
vient jufques:ftir%l^,pi^s de ceux qui fe baignent; communément il
établit fon (Jomiçile fous je$-algues & autres plantes aquatiques, mange
des vers de terre , -qui fervent nàêrpe d'amorce pour le prendre. Il paroît
fjue le foleiî làiTfait plaifir. Mais un procédé fingulier & qui mérite
d'être étudié , c'eft que ce petit poiflbn va chercher au loin des brins
d'herbes bu débris de.. végétauJ^^,' les apporte dans fa bouche , les
Gepole
É P O ■ . ' (?!7
«îépofe fur la vafe , les y fixe à coups de tête , veille avec la plus grande
attention à fes travaux. Eft-ce un nid ? eft-ce un magafîn de vivres ? Si
d'autres épinoches approchent de cet endroit , bientôt il leur donne la
chafle 5 & les pourfuit au loin avec une vivacité étonnante.
ÉPI-THYM , ÈPi- Lavande , Épi-Marrube. Sont des plantes pa^
rajius. Voyez ce mot & celui de Cuscute. .
ÉPONGE D'ÉGLANTIER ou BEDEGUAR. Foyei à l'article
Rosier sauvage.
ÉPONGE DE MER. Foye^ à l'article Coralline.
ÉPONGE PYROTECHNIQUE. On donne ce nom à Vamadou.
fait avec certains grands champignons qui croifTent autour des vieux
arbres.
ÉPONGE DE RIVIERE ou PLANTE-ÉPONGE , fpon^ia fia^
vlatilis. L'éponge de rivière , dont M. de Réaumur nous a donné la
defcription dans les Mémoires de l'Académie , nous avoit paru être
formée par des polypes d'eau douce j mais M. de JuJJîcu , cet excellent
Obfervateur de la Nature, nous a aflliré que, quelque examéa qu'il
ait fait pour y en découvrir, il n'en a jamais" apperçu. ■
Cette plante, dit M. de Réaumur , qui ne paroît pas avoir de racine,"
a pour bafe une efpece de plaque très-large , dont elle tapiiTe les corps
fur lefquels elle croît, à-peu-près de même que certaines efpeccs de*
moufles. Cette plaque tient fortement à ces corps.ielle y eft collée par
le moyen d'un mucilage, dont toute cette plante éft remplie ; iî s'élève
de cette plaque des branches difpofées à-peu-près de même que celles
du corail ; ces branches ont la longueur de deux , trois ou quatre
pouces , & deux ou trois lignes de diamètre ;'?^le> font com.me inégales
& raboteufes.
M. de Réaumur a trouvé cette plante iiariS -la- Se]n^: attachée à une
j^'ï^- ", '"' •" '■-'I
des pierres des piles du pont-neuf, >àçlâjîô'i;rs pouc^ 4e' profondeur
fous l'eau. Pour l'ordinaire elle pouJfTejl^s branches rtiivant. la ligne
horizontale , c'eft-à-dire , en fuivant la-. furfâce'dçj^aù*,^ mais quelque-
fois on la voit placée perpeîidiculaireme»t';âu ''plan:, des. pierres aux-
quelles elle eft attachée. . .. . .
La couleur de l'éponge derîviere quàrid.on Ja tire d^l'eau , eft d'un
vert pâle tirant fur le jaune fale. M. d'^ ^^/s^/;2«r4 néanmoins remarqué
au commencement de Juillet, que ÎVxti-éïnité' de toutes les branches
Tome JI, I i i i ..
(^i8 ET O É RÀ
étcit d'un blanc jaunâtre plus pâle que le citron , parce que cette plante
étoit apparemment en fève & croifToit pour lors.
Lorfque cette éponge eft feche, elle eft très-fragile : examinée à la
vue fimple , elle paroît comme chagrinée, & montre quelques trous
ou pores aflez grands , difpofés fans arrangement & parfaitement ref-
fembîans aux trous des éponges de mer ; mais lorfqu'on la regarde avec
une loupe , on la trouve percée d'une infinité de petits trous remplis
de mucilage , & dont les bords font ornés d'une multitude de petits
poils prefque imperceptibles. Lorfqu'on fe frotte la peau avec cette
plante , il s'y fait une rougeur aiTez remarquable fans élévation fenfi-
ble 5 accompagnée d'une cuilîbn à-peu-près femblable à l'ardeur qu'on
reffent au bout d'une heure lorfqu'on a touché à des feuilles d'ortie , Se
que l'on a été aflez patient pour ne fe point gratter. Cette démangeai-
fon cuifante a duré près de dix-huit heures à l'Obfervateur curieux ,
d'après lequel nous parlons. Il penfe que cet effet peut venir de ce que
les petits poils , qui bordent extérieurement les pores de cette plante,
entrent dans la peau.
Si l'on remet cette éponge feche dans l'eau , elle reprend à peu de
chofe près fon premier volume & fa première mollefle. On peut enfuite
exprimer l'eau dont ! elle eft remplie, comme des autres éponges; mais
fi on la.pre0e_^tr^p,^ie fe brife. Enfin , lorfqu'après avoir été pluneurs
: fois rerfiife dàns'.Të'^U & féchée , on la laifle fécher en dernier lieu ,
elle prend une-'cài^^ur cendrée, & perd fodeur de poiflbn qu'elle
avoit d'abord , & qurkii eft naturelle.
ÉPOUVANTAIL^ Nom donné à Vhironddlc d& mer noire* Voyez c&
mot. f:-^-^ ^
. ÉPURGE ou ÇA-tÂPUCE. Foyei Tithimale.
ÉRABLE ,. ai'eryi3^^n genre d'arbre , dont il y a un grand nom^
bre d'efpeces,..:^uj^ofirrSfft beaucoup de variété pour rembelliffement
des jardins ,;1ariïm(e^-yerdure de leurs feuillages faifant autant de dif-
férentes.JiUarjceeî^i'ilijir:,^^^ d'érables. II eft peu d'arbres qui
ra(rerrffe>lônt aiiktpt'd^ex^^ d'utilité que ceux-ci ; qui
eroiflènt avèç'p'lu's de yîtè'fTe.ôc d'uniformité ; qui s'accommodent mieux
des plus mauvaifés expofitiôns'l cjyi exigent moins de foins & de cul-
ture ; qui réfiftent-mieux à toutes les intempéries des faifons , & que
l'on puiife multiplier avâcpilt? de facilité. ,Plufieurs de ces efpeces d'éra-
bles cro.iflentjnaturellefhent IhEiirppe , quelques-unes dans le Levant,
& le plus grahid ^ombre dans T Amérique^
É R A î 6"!^
Ces arbres fleurifTent en Avril , & portent des fleurs en rofe de peu
d'éclat , à cinq pétales & huit étamines ; il leur fuccede des fruits cein-
pofés de deux ou trois capfules , qui font terminées par un feuillet
membraneux : on trouve dans chacune de ces capfules une femence
ovale. Les érables ont la plupart les feuilles découpées plus ou moins
profondément & plus ou moins grandes , mais qui font toutes pofées
deux à deux fur les branches. Il y a auffi des érables à feuilles ovales.
Toutes les efpeces d'érables que l'on connoit, femblent faites pour
la température de notre climat: elles y réufliffent à fouhait ; elles s'y
foutiennent contre quantité d'obftacles qui arrêtent beaucoup d'autres
arbres, & rempliflent tout ce qu'on peut en attendre. On peut diftin-
guer les différentes efpeces d'érables en grands & petits : les grands éra-
bles forment de belles tiges bien droites , ils ont l'écorce unie , la feuille
fort grande : les petits érables ont le bois plus menu , la feuille plus
petite 5 & font d'autant plus propres à former ou à regarnir des palifla-
des , qu'ils ont le mérite fîngulier de croître à l'ombre & fous les autres
arbres.
Nous allons préfenter dans cet article un tableau des diverfes efpeces
d'érables les plus connus , èc dont on retire le plus d'avantage. '
Erable blanc de Montagne ou Sycomore ', aurmontanum can- _
àïdum. Le fycomore devient en peu de temps un grand & gros arbre ;
il fe garnit d'un feuillage épais, qui donne beaUtotîp 'd'ombre & de
fraîcheur ; fa tige s'élève droite , fon écorce efl:,.Jutfie , roufsâtre ; fa
feuille large , liiTe , découpée en cinq parties principales, dentelées,
d'un vert brun en deflus & blanchâtre en deflpus-; fes fleurs , qui font
d'une couleur herbacée , viennent en grappes ioô^ues & pendantes.
Cet arbre a été autrefois fort à la mode pouf^lfêjre des avenues & des
faîles dans les parcs ; mais on l'a prefque abandonné ^, parce qu'il fe dé-
pouille de très-bonne heure, & que fes fôui^|eâ- font, fui êtes à être dé-
vorées par les infedes : un de fes défauts eftd'a^if-.'^Ies. feuilles d'une
verdure trifl:e , trop foncée, & fur-toutt JQnqiJ'^ m^^^^ à
pouffer, ce qui eft entiérem.ent .0{5pd^;ai|y^t^t de
prefque tous les arbres ; mais il y auroit peut-etrerde l'art à profiter même
de ce contrafte de verdure. /; ; '
Cet arbre a des qualités qui rachetentàmplenient ces petits défauts;
il fe multiplie de toute manière avec la pluj. grande' facilité , même par
îe moyen de la greffe fur les autres érabks i il eff d'un tempérament fî
riii^î',. ■
620 E R A
robufte , qu'il s'accommode à toutes fortes de terrains ; il fe foutîent
contre les grandes chaleurs & les longues fe'cherefTes , même dans les
Provinces méridionales de ce Royaume , où l'on n'a pas eu de meilleure
refTource que de recourir au fycomore , pour remplacer avec fuccès
différentes autres efpeces d'arbres qui avoient péri fucceflivement dans
une partie du cours de la ville d'Aix en Provence. Un avantage très-
grand & particulier à cet arbre , c'eft qu'il réfifte parfaitement à la
violence & à la continuité des vents ; enforte qu'on doit l'employer
par préférence lorfqu'on veut garantir quelques bâtimens ou quelques
plantations de rimpétuofité des vents.
Le fycomore eft , au rapport de M. Miller , celui de tous les arbres
qui eft le moins affeâé par les vapeurs de la mer : il réfifte aux hivers
les plus rigoureux , même dans fa première jeu nèfle , & il foutient le
froid exceflîf du Canada , où cet arbre eft fort commun , de dont on tire
par incifion une fève dont on fait de bon fuc , que l'on nomme fucre
d'érable , comme on en xetire aufli d'une autre efpece d'érable, que
Ton nomme lepetit érable plane ou VérabU à fucre. Nous expliquerons à
l'article de cette efpece d'érable , les circonftances qu'il faut choifir
& la manière dont on . doit s'y prendre pour retirer le fucre de ces
. arbres.
;, ?-:Ceft ,ic!?rdinairement dans les pays de Montagnes que croît natureî-
ieraent^'fycDmprdîvpn le trouve dans quelques forêts de l'Europe
& de i'Amérique Septentrionale ; comme cet arbre croît au mieux
dans les terrains lesf'plus fecs & les plus arides , fon bois eft fec ,
léger , fonore, brill^nl: auflî les Luthiers s'en fervent-iîs avantageufe-
ment pour faire leiri^'^lfiftrumens. C'eft le meilleur de tous les bois
blancs, il n'eft poiat,,fujet à fe tourmenter, à fe déjeter, ni à fe fen-
dre ; qualités que l^"Jlj^^|iiftes , les Armuriers, les Sculpteurs, les
Tourneurs, les. Menùifter-èi;^ autres, recherchent pour la fabrique de
plufieurs petità^ôuvrages,
;Ly/-<î^/^j^ç.w/zc>r</^^)2ftV n;eft qu'une variété de l'efpece dont nous
venoïlà de, paflër.^'^elîé il^en "diffère que par fes feuilles bigarrées de
jaune & dô vert, qmf.foiît.'aiîLagfiment fingulier: cette variété de
'^ipouleur, qui n'efl qu'un accidelK-^^Ccafion né par la foibleffe ou la
ipaladie de l'arbre^ ou 'par la maiivaife qualité du terrain, ne fe fou-
tient.dans la plupart 4bs;autj;es arbres panachés, qu'en les multipliant
par îa.^i;çffê.ou eh" çoucliant leurs branches, & en leur faifant pren--
•"^-■^Ô
ÊRA '621
dre racine 5 & nullement en femant leurs graines, attendu que les
plantes qui en naiflent , rentrent dans leur état naturel ; mais dans
refpece des fycomores panachés, on peut multiplier cette variété,
même par la graine , qui , lorfqu'on la feme , produit des plans qui
font prefque tous panachés.
Érable plane ou a feuilles de platane. Cet arbre poufîe
une belle tige droite , & peut fe diftinguer du fycomore par fon
écorce, qui efl: blanchâtre fur le vieux bois; par fes boutons rou-
geâtres pendant l'hiver; par fes feuilles plates, minces, amplement
découpées, à grandes dents fort aiguës, dont les intervalles fon
confidérables , liffes d'ailleurs & fines, d'un vert un peu moins tendre
que celles du platane, & qui ne font point blanches en deflbus; par
fes fleurs jaunes difpofées en bouquet. Le fycomore au contraire , a
l'écorce roufsâtre; les boutons jaunes en hiver; la feuille plus épaifle,
plus brune; les fleurs d'un petit jaune verdâtre moins apparent. L'érable
blanc a les feuilles dentelées , mais les dents eu font plus courtes & plus
nombreufes.
L'érable plane efl:, après le platane, un des plus beaux arbres que
l'on puifTe employer pour l'ornement des jardins : il n'a point les petits
défauts du fycomore ; car fa verdure tendre &J:^agréable Te foutient
avec égalité pendant toutes les faifons, & fes feuilles ne for^t jamais
attaquées par les infeftes: il a de plus toutes les 'bQnhi? qualités- du
fycom.ore , avec lequel il a tant d'analogie, qu'on peut lui appliquer
tout ce que nous avons dit plus haut du fycorhdre : cet érable plane
donne un ombrage plus épais, & il croît mêmi^l^us vite que le fyco-
more. On a vu des plants de cet arbre, v^ii^^de femence dans un
terrain fec , s'élever jufqu'à douze pieds en ..ttgis ans. Les Anglois
donnent à cet arbre le nom à'éraMe de. A^i^?^»"- parce que vraifem-
blablement il leur efl venu de ce pays-ià»liSo»"4.l .e,ft très-commun.
U érable plane panaché n'eft qu'une yârieté-' de l^.foéce dont nous
venons de parler: il n'eft pas encore Certain .*^^ë:l£î,\:gr^ine de cette
efpece, étant femée, donne des plants qTarcbnferyeiit. la; variété des
couleurs de la plante, comme le.faitf la graiffe du, fycomore panaché.
Petit Érable plane pu JÈfij(lLE a WcBE,,Yr<zcer."^/>o'/>7/W7zz/;7îr;:
Cet arbre eft de moyenne grandeùr^^ilvcroît natureHemept eii- *•¥«-.
ginie , où il eft fort commun jon-l'y viQ^m^J^raMe à fucre: là feuille
de cet arbre a alTez de refleniblaacè'$v!^celjl«.'de i*érable. ■pian^..6rdi-
■? •• .'-Â
6-22 ■ Ê R A
iiaire, mais eîie eft plus grande, plus mince, & d'un vert pluspule,
tenant du jaunâtre en deïTuSg & un peu bleuâtre en deflbus,il a auflî
un accroifiement bien plus lent. Cet arbre, ainfi qu'on le lit dans l'En-
cyclopédie, eft encore fort rare en France; cependant nous en avons
vu en 1762 plufieurs plants dans les jardins de M. de Bujfon à Mont-
bard en Bourgogne-, qui , quoiqu âgés de dix ans, n'avoient encore
donné ni fleurs ni graines. Cet arbre eft tiès-robufte , il foutient très-
bien les grandes chaleurs & les grandes fécherelî'es ; il prend plus d'ac-
croiflement dans les terrains fecs & élevés, que dans les bonnes terres
de vallée.
On retire par incifion , dans la Virginie & au Canada, du petit
érable plane dont nous parlerons, & du fycomore, une liqueur fluide
S^ limpide comme Feau la mieux filtrée, qui laifle dans la bouche un
petit goût fucré fort agréable; la première le nommQ fucrc de plaine ,
& \a.(Qcon&Q fucre d'érable. L'eau d'érable efl; plus fucrée que celle de
plaine, mais le fucre que l'on retire de l'eau de plaine en la concentrant
par' évaporation , efl: plus agréable que celui d'érable. L'une & l'autre
efpece d'eau efl: fort fucrée ; on n'a jamais remarqué qu'elle ait
incom.modé ceux qui en ont bu , même étant en fueur : elle paflè
trcs-prjDmptement p'^i-- les urines.
*iQ@t, retire la li^ew fucrée de ces deux efpeces d'érables , enfaifant
. une in^cfîT ôvslè vers le bas de l'arbre: il faut que cette incifion
pénétré dans lè-'bxHs^jufqu'à la profondeur de deux ou trois pouces,
parce que ce font -î^- fibres ligneufes, & non les fibres cortixales ,
qui JournifTent cette.^Uqueur fucrée. Dès que les arbres entrent en
fève, que leur écorce commence à fe détacher du bois, c'efl-à-dire ,
vers le mois de Mai^,. I^ (eve ne co-ule prefque plus, ou celle qui
découle a un gpig^'^tfhérbe défagréable , & on ne peut parvenir à
.l'amener à l'état-d-e, fùere^^es habitans en font alors une efpece de
^rop;CapinaiÊe,;^€«efl: depûi^ia mi-Mars jufqu'à la mi-Mai que ces
prbrès dor?nent;'.c^te/^ plus grande abondance: on
fiche iaii-dçHo^là de la plaie un"tu.yàU.de bois mince qui reçoit la fève,
Zi la 'conduit xlahs. vin 'vafe que Fon met au pied de l'arbre, Lorfque
:i,es circonftapcé? font fk\^orabîes!, c'efl:-â-d.ire, après le dégel, la liqueur
coulé fi abondajffimeni "qu'elle forme un filet de la groiTeur d'un
tuyau de plume , .jp<: v9^i*,eUe femplit une mefure de pinte de Paris
dans u.nnfluart-d'hèur;e,''iy,es .vieux arbres donnent moins de liqueur que
S jc-pnes^. rttlis elle'ôfl:' pî^^^'^fucrçe,
ÉKÂ ^62^
Il eft elTentiel , lorfqu on veut conferver les arbres , dé ne leur
faire qu'une feule entaille ; car fî on en fait quatre ou cinq , dans la
vue d'en tirer une plus grande quantité de liqueur, alors les arbres
dépérilTent, & les années fuivantes on en tire bien moins de liqueur.
Pour amener cette liqueur à l'état de fucre , on la fait évaporer par
l'adrion du feu, jufqu'à ce qu'elle ait acquis la confiftance d'un firop
très-épais , & on la verfe enfuite dans des moules de terre ou d'écorce
de bouleau : en fe refroidiflant le firop fe durcit , & l'on obtient des
pains ou des tablettes d'un fucre roux & prefque tranfparent, qui cft
affez agréable, fi l'on a fu faifir le degré de cuifTon convenable; car
le fucre d'érable trop cuit a un goût de mclalfe ou de gros firop de
fucre , qui eft peu gracieux. Deux cents livres de cette liqueur
fucrée, produifent ordinairement dix livres de fucre. Quelques habi-
tans de ces pays fophiftiquent le fucre d'érable avec un peu de farine
de froment, qui lui communique plus de blancheur; mais ce fucre
alors a une odeur moins agréable & une faveur moins douce.
Le fucre d'érable , pour être bon , doit être dur, d'une couleur
roufie, un peu tranfparent, d'un odeur fuave, & fort doux fur la
langue ; on l'emploie au Canada pour le même .ufage que celui des
cannes à fucre. On eftime que l'on fait tous les aîis au Canada douze
à quinze milliers pefant de ce fucre.
Jufqu'à préfent on n'a point encore retiré en-"Krance de 'liqueur- '
fucrée de l'érable: on peut remarquer feulement fut les feuilles du
fycomore , & fur celles du petit érable , une humidité vifqueufe très-
fucrée, qui n'eft que le fuc extravaféde ces arUe.s, quife condenfefur
les feuilles.
Il croît en Virginie une efpece d'érable, dont Jes feuilles font d'un
vert brillant en deflus , & argentin en defiR)us;'à«iîî Ta-t-on nommé
érable blanc. Dès le mois de Janvier, dan£^>ÎTEs hivers peu .rigoureux ^
il commence à donner des fleurs rouges qui^font un afpeâ; très-agréable-
dans une femblable faifon: on leur voit-fuccédeir les fruits quij^ ayant
la même couleur , font durer le même ngrémèit: 'il >'& (é plaît que dans
une bonne terre. . ■
Il croît aulli à la Virginie une ;autrq-. efpece 'd'arable , dont les,;
feuilles différent, pour la forme, de' celles des autres érables , & ont,
quelque rapport avec les feuilles du frènéV'ce-Aquî l'a" fait nommer
irabU à feuilles de frine : cet arbre afAtinëès-béau feuillage .(fùn^ert
> II-
62^ E R B ESC
tendre, il réuflit & croît très-vite dans toutes fortes de terrains: on
devroit s'attachera le multiplier, à caufe de l'utilité que l'on pourroit
retirer de fon bois.
On voit en Italie, le long des chemins, une efpece d'érable à Feuilles
rondes, que l'on nomme 0pale , dont le feuillage eft très-beau, & qui
mériteroit d'être multiplié.
L'Érable COMMUN ou le petit Érable, eft d'une refTource
infinie pour fuppléer à la charmille, par tout oii elle refufe devenir,
& pour remplacer les vides où tout autre plant périt. Les feuilles de
cette efpece font beaucoup plus petites que celles des précédentes,
& découpées en trois ou cinq pièces principales, échancrées de chaque
côté : fon écorce ell cannelée. De toutes les efpeces d'érable , celui
de Candie eft le plus petit.
Lorfqu'on veut femer des graines d'érable, comme les mulots en
font fort friands & en détruifent beaucoup , le mieux eft de les ftra-
tifier- ( c'eft-à dire les mettre alternativement couches par couches ) ,
avec de la terre légéregment humide , ou avec du fable, pour ne les
femer qu'au printemps'pêie-mêle avec ce fable; elles lever ont alors trcs-
promptement , fur-tgut fi on ne les a pas mifes trop avant dans la
terre. , , .. ^^
On XiSn.ne le fl^âftl'^de brouflin acrabU ( moLlufcum) à une excroif-
fance.^^dée"&^.2|^K^ée fort agréablement , qui vient pour l'ordinaire
fur férable. Cettç.jtoftance étoit d'un grand prix chez les Romains.
On s'en fert encoç^.a^jourd'hui pour faire des calTettes, des tablettes,
<3c quelques autres, bu "-rages.
ERGOT ou BÏ^^^QRNU. Voyei à l'art. Seigle.
ERGOT. Nom ^ueJ,*on. donne vulgairement à une forte de corne
mp-lle, ou -aux turneutsipm poil que portent entre les jambes. Sec.
léâ chevau?^ &.:^aelques^^ à pied fourchu. On appelle encore
-^/•^?> les épdf0ft^3U.^co.q.
- ^.|klSYMÛM, ^^j/^l Yélak.
;/,-';ER.MINE. ^'bvéf HERmNE..
# : EflS.'^Ko^'t'^ a VdTÛch Oeobe,.
," ESCALIER. .vNom donné par" quelques-uns à un coquillage uni-
valve que l'on "place" dans la famille des vis, & qui pourroit être
regardé' co.n\me une efpece à'Si xuyau de mer , puifqu'il n'a point
ESC 6-2^
d'axe intérieur ou noyau qui s'obferve dans toutes les coquilles tur-
binées, L'efcalier, lorfqu'il eil: d'une certaine grandeur, eft très-recher-
ché & très-précieux : on l'appelle a.ufCi fcalata : voyez ces mots. On
prétend que l'amour de la parure fait mettre aux oreilles des femmes
Chinoifes, la. fcalata, comme un ornement qui peut compenfer les
diamans. Le Golfe adriatique en produit beaucoup de petits qui appar-j
tiennent aux vis. Ce font les £a\i{ihsfcalata. F'oyei ScALATA.
ESC AKBOT , /carabe us. Infeéte volant & coléopterCj, c'eft-à-dîre,
dont les ailes font renfermées dans des étuis. Quelques Naturaliftes
donnent le nom d'efcarbot à tous les fcarabées ; mais ce nom paroit
plus communément affedlé à rinfe<^e que nous nommons fouille-merdc
ou fcarabéc pilulairc, fcarahcus pilularis , ainfi qu'à celui qu*on nomme
fcarabée onciueiix ou profcarabê& ^ profcarabeus , deux efpeces d'infeétes
qui font de quelqu'ufage dans la Médecine. M. Lïnnœus a étendu
beaucoup la claiTe des efcaibots qu'il diftingue de celle des fcarabées.
Voyti^ Scarabée.
L'Esc ARBOT COMMUN OU GRAND PiLULAiRE , connu Vulgaire -
ment fous le nom de fou'dU-merde , fodi-merda,,.^ a le corps large ,
épais, de couleur noire, luifante, mêlée d'une teinte de bleu. Son
corfslet eft arrondi & fort convexe. Sa tête qui eft bombée en-defius,
& de forme rhomboïdale , foutient deux antenn^es^jdont les eî^rémités
font divifées par plufieurs filets. La bouche de rin^fiè-eft g-a^nie de
deux mâchoires rabattues & parfemées d'un duvB: tariaé. Les jambes
font antérieurement dentelées en manière de fcf^-^'ftrudure appro-
priée à l'ufage dont elles font à l'infeéle ; car if^s^ fert pour former
des pilules ou boules de fiente , dans lefquelle,§^.n, dépofe fes œufs,
qui y éclofent à faide de cette douce chaleur. ;2tt|iiimier dont ils font
enveloppés. Il paroit que cet infecte prend uif'ioîfii'iiarticulier de cette
boule, le berceau de fa famille, & qui k>|raajfporte par-tout avec
lui. Si on la lui enlevé, & qu'on la dépofe à u^é petite diftanc,e.,<;jil
vient la reprendre
Le fouille-merde, ainfi que la plupart des eTcarbots,- eft vraiement
nyélalope , t'eft- à-dire , qu'il voit plus clair de nuit que de jour:
l'éclat du foleil l'éblouit ; il ne vole, que Ta nûiç. Ceft toujours dans
les fientes de vache ou de cheval que l'on trouve ces infeétes ; cepen-"
dant on croira avec peine ce que difent quelques Auteurs , que cef-
Infede détefteles rofes, & que la feule odei^r de ces fleurs le fait mourir.
Tome IL , • . Mkk' ' '
626 ESC
On dlftingue pîufieurs autres efpeces de fouille-merde, qui dîfFérent
de celui dont nous venons de parler, par leur petitefle, & quelques
autres accidens. Comme ces infeéles contiennent beaucoup d'huile &
de fel volatil, on les met dans de l'huile de lin, & on les lailTe infu-
fer au foleil. Cette huile acquiert une vertu réfolutive, adouciflTante'
& fortifiante : on l'emploie avec fuccès en liniment, en y trempant
du coton pour réfoudre les hémorroïdes, & pour en appaifer les
douleurs.
L'ËscAPvBOT ou Scarabée onctueux ou Proscaràbée. Cet
infede eft différent du genre des efcarbots; il eft gros comme le
doi^t , & a quelquefois un pouce & demi de longueur. Ses antennes
font compofées d'anneaux ronds, plus gros au milieu de l'antenna
qu'aux deux extrémités. Il n*a point d'ailes, mais feulement deux étuis,
qui ne couvrent que la moitié du corps. En général cet infede eft:
tout noir & mollaiTej fa tête & fon cou font d'un pourpre foncé ou
violet. On apperçoît autour du corps pîufieurs cercles nuancés de bleu y
de vert & de jaune.
On nomme cet in{Q&:e JcaraBée onctueux , parce qu'il fuinte de toutes
les jointures defes jambes, une liqueur grafie , ondueufe, de couleur
jaune , qui teint les mains , & qui efl: d'une aflez bonne odeur. C'eft-
ordinairement vers le mois de Mai, rarement plus tard, que l'ontrouve--
ces infe:p:es dansJe^-^ois , le long des chemins, ou dans les prés humides r
ils fe nourriffentd^e vers, mais principalement de feuilles de violettes ôc
d'herbes tendres.
Cet infede fut adore autrefois par les Egyptiens. Ils l'îionoroient
comme une vive image du foleil. On le voit repréfenté tantôt fous fa
forme, tantôt au lieu fb tête il porte l'image du foleil ou une tête
à'IJis. Tel étoit'Xe'^u^^-fcarabce,
La liqueur qui fuinte de cet efcarbot, eft pleine d'huile & de feî
volatil. On dit que cette liqiieur ondueufe eft un bon topique pour
le^, plaies i^OQ' la .fait, entrer dans les emplâtres contre les bubons
& les. charbons peflilefitiéis. L'huilé par infufion, faite avec ces infedes,
eft éftim.ée bonne contre':la, piqûre des fcorpions,
- Entre les infedes que M. Lianccus place dans la claiTe dQS efcarbots ,
les plus curieux à connoître font le najicorne ou efcarbot- Licorne , qui
■ a une corne qui fe courbe en arc fur les épaules ; ïejcar bot-mouche qui
bat des ailes avec une viteffe incroyable i les ejcarbots verts & dorés qui
ESC 6'27
ne reffemblent aux cantharîdes que par la couleur ; Fayei Emerau-
DiNE : les efcarbots-fauterelles qui , après avoir ramafie cnfemble leur
tête & leur poitrine, font un faut en alongeant le corps; voye^ Tau-
pin : & ïefcarbot joueur de lyre , ainfi nommé , parce qu'il rend ua
ion femblable à celui de la lyre, par le mouvement de fa tête qu'il
frotte contre fon ventre. Ces efcarbots , ainfi que tous les autres ,
avant que de paroître dans cet état, ont été dans celui de ver, & ont
fubi d'autres métamorphofes , ainfi qu'on peut le voir au mot
Scarabée.
Parmi les efcarbots étrangers , un des plus finguliers , eft Vefcarbot'i
éléphant , fcarabeus-elephas. Efpece de grand fcarabée que l'on rencontre
à Moka, à Surinam, fur la rivière de Ronoch, & dans la Province
de la Guiane dans l'Amérique méridionale. Cet infede eft large de
deux pouces un quart, long de trois pouces; indépendamment de fa
trompe qui a plus d'un pouce de longueur. Son corps eft noir , fes
antennes, ou plutôt les cornes, font immobiles; mais fa trompe eft
fort mobile. On diftingue encore une éminence au-deflus de la tête
de l'animal.
En général on ne doit placer parmi les efcarbots que les infeéles
qui ont la propriété de renfoncer leur tête fous leur corfelet , ils vivent
dans les charognes & les fiçntes d'animaux. ' .
ESCARBOUCLE ou Pierre de charbon àïvdent , carboncw
lus. Les anciens ont donné ce nom à prefque toutes les pierres pré-
cieufes tranfparentes &: rouges : aujourd'hui on entend par efcarbouclc
le vrai rubis. Voyez ce mot,
ESCARRE. Foyei jon arùcU au mot C0RALÏ.1NE. On appelle
efcharitcs les efcarres ou rétépores devenus foflilés j^ à pores grands
& petits, & arrondis ou à maires ovales. Ainfi ies* feuilles ou lames
des efcarites qui font dures, quelquefois finiples & d'autres fois
groupées, fe trouvent ou percées à jour, ou feulement parfeméesi
de trous fur les deux furfaces. On trouve beaucoup de ces fofliles en
Touraine.
ESCARGOT. Nom que l'on donne, au. limaçon terreftre. Voye^,
Limaçon.
ESCLAVE. Nom que l'on donne au tangara de Saint Domingue.
Son plumage eft brun deflus le dos, & tacheté de blanc fous le Ventres
il a la queue un peu fourchue, Foye^ TangarA.
.. Kkkk a
■^2 8 ESC ESP
ESCOURGEON. Eft Vorge cPaueomne dont l'épi a quatre côté^,
aujieu que l'orge ordinaire n'en a que deux : on l'appelle orge quarré ,
wgi dt primct
On recueille ce grain dès le mois de Juin, c'eft un fecours pour les
pauvres gens; & ils en vivent en attendant que la moififon leur fournilTe
leur provifion pour l'hiver. L'efcourgeon fe peut couper en vert, &
jepoulTer deux ou trois fois: les chevaux en aiment également le
vert & le grain. Voyei C article Orge.
ESCULAPE. Ees Zoologiftes donnent par excellence ce nom a
un ferpent jouflu & à grolTes babines, qui ne caufe point la mort,
& qui ne fait même aucun mal, à moins qu'il ne foit irrité; car alors
il mord un peu. Ce ferpent naît dans l'ile de Caprée , & dans pref-
que toutes les parties du monde habité. En Italie il eft fi doux , fi
familier, qu'on ne trouve dans les lits, & qu'il vit volontiers avec les
hommes,
M. Linnœus en ci^e un qui eft long d'environ un pied & demi , &
' de la groffeur d'un doigt. Sa queue n'a de longueur que la fixieme
partie de fon corps. On lui compte quarante-deux écailles qui font
égales en grandeur.
Scba fait mention de fept efpeces d'efculapes de diverfes couleurs
magnifiques ,-& qui fe trouvent ou au Bréfil , ou à Panama, & en
d'autre$ pays de'f^Amérique, Leur gueule eft armée de dents pointues
& un peu crochues : au fil dès que ce ferpent a une fois un morceau
dans la gueule, il le poufle aifément dans fon gofier; mais il ne fauroit
enfuite le rejetter_à<caufe de fes dents en crochets : ce qui fait qu'avant
de prendre fon repas qui confifte ordinairement en rats champêtres,
• en loirs & en oifeauxy il ne manque pas de les flairer, fe donnant
garde de porter à fa' gueule ce qu'il ne juge pas pouvoir avaler com-
modément,
. ESPADON -ou. ipÉE DE mer dentelée ou poisson a scie»
' Voye:^au mot 'Qm.wœj. S article Espadon,
ESPARCETTE.royeç Sain-foin.
-V. -ESPARGOUTE ou :ESPARG0ULE. Voyei Sperjule,
ESPATULE. Fojye^ Glayeul puant,
ESPATULE, M. Bamre dit qu'on a donné ce mot à une efpece
de héron blanc qui fe trouve dans l'ile de Cayenne, & dont le bec
eft-femblable en quelque forte à l'efpatule dont les Apothicaires fe
ESP EST 62g
fervent pour remuer leurs drogues. Les plumes de cet oifeau changent
de couleur en vieilliflant : elles deviennent -tantôt jaunes & tantôt
rouges ; changement qui s'obferve dans le plumage de plusieurs autres
oifeaux de l'Amérique. Voyez Paktu,
ESPAZE. Voyc':^ Flambeau.
ESPLANDIAN. Coquille univalve de la famille des cornets. Sa robe
eft bariolée de petites lignes fauves fur un fond blanc , & ces lignes
fe joignent de différentes manières en forme de fils de toile d'araignée;
ce qui a fait appeller cette coquille toiU d'araignée chez les Hollandois,
Sa tête peu élevée eft chargée de petits tubercules. Il y a des
efplandians dont le réfeau eft plus ou moins ferré & qui offrent à^^
zones.
ESQUAQUE ou ESCAYE. Foye^ U mot Ange.
ESQUINE. Voyei Squine.
ESSAIM. Voyei au mot AbeiLLE.
ESSENCE D'ORIENT. Voyei à fan'ich Able,
ESTOMAC. Voyez à l'article Homme.
ESTRAGON , dracunculus efcukntus. Plante qu'on cultive dans
tous les jardins potagers. Sa racine eft longue, branchue & vivace :
elle pouffe tous les ans de nouvelles branches on tiges, de la hauteur
de deux ou trois pieds, dures, grêles , un peu apguleufes, rameufes.
Ses premières feuilles font découpées ; celles q^Jeùf' fucçedent font
longues, étroites & femblables à celles du lin*. -bu-rde "fhyfope, d'un,
vert obfcur, luifantes , d'une faveur acre, aromatique, mêlée d'une
douceur agréable , approchante de celle de l'anis. Ses fleurs font
rangées à l'extrémité des rameaux, comme dans' l'aurone ordinaire j
mais elles font fi petites , qu'à peine peut-on les voir : elles font jaunes ^
eompofées de plufieurs fleurons tubulés , partagés en étoile , formant
enfemble de petits bouquets» A ces fleurs x^icèecient de petits fruits
arrondis & écailleux qui contiennent des feiiie.aces nues &fans aigrettes,-
On multiplie l'eftragon de graines & de plants enracinés : on le plante-
au mois de Mars, & on l'efpace de quelques pouces.-. . , , / " ' "
Toute cette plante a une grande acrimonie* Elle eft emplb^^ée dans
les falades, pendant qu'elle eft encore j-éuhe & tendre ; car non félf^-
lement cet afî'aifonnement relevé le gbûtd^ la falade, mais.il' peut
encore devenir fort utile pour l'eftomac, & concourir efficacement-
avec le fel^le poivre & le vinaigre, à corriger U fadeur &• Tinertie-;
6-5 0 EST
des plantes aqueufes & infipides , telles que la laitue & plufieurs
autres plantes qui fe mangent en falade. Elle efl puiflamment incifive,
ape'ritive & digeftive; elle donne de l'appétit, diiTipe les vents, excite
les règles & la falive. En France on fait un vinaigre d'eftragon d'une
odeur & d'un goût agréables, il eft fort en ufage en Cuifine & en
Pharmacie. En Angleterre , fon eau diflillée eft la plus eftimée de
toutes pour empêcher la contagion de la pefte.
M. Ilalhr dit qu'on a tiré de la Sibérie un eftragon femblable à
celui des jardins; mais fans âcreté & fans goût.
ESTURGEON on ÉTURGEON,en latin acclp enfer feu fturio ,
Poifl'on de la clafle des cartilagineux, c'eft-à-dire, de ceux dont les
nageoires font foutenues par des cartilages & qui, au lieu d'os ont
des cartilages dans leur intérieur.
Dans le genre des efturgeons, il y a fur-tout deux efpeces intérêt-
fantes à connoître , par l'utilité qu'on en retire. La première eft l'eftur-
geon ordinaire ou cominun , fi eftimé pour fon bon goût ; & l'autre
efpece eft le grand eftîirgeon, dont la chair n'eft pas bien bonne à
manger, mais dont on retire la colle de poiflbn qui eft d'un fi grand
ufage dans les arts : àuffi ce poiftbn eft-il nommé par quelques Auteurs
pifcis ichtyocoLla , Vichlyocolle.
"' -Les.marques^ caradériftiques du genre des efturgeons, font d'avoir
un trou de chaque côté de la tête , que quelques Auteurs regardent
comrne lék- ouies, d,*autres comme les narines; une bouche fituée
au-deflbus en forme dé tuyau & fans dents ; un corps oblong muni
ordinairement de lèpt nageoires.
L'efturgeon ordirtairéj, & dont on fait tant de cas, a le corps long ;
mais en même temps. d'une forme pentagone ou à cinq angles, qui
font formés par autant\~âe rangs d'écaillés. Les écailles de chaque
rangs ont toutes en général ^ leur fommet, une épine courte, forte ,
recourbée en arrière. Sa tête eft de médiocre grofleur, hériflee auflî
de petites pointes ou de petits tubercules. Ses yeux font petits fon
iris argentée: le mufeau eft long , large, finiffant en pointe; la bou-
che eft dépourvue d"è dtfi)ts, faite comme une forte de tuyau qui
peut s'avancer jufqu'à un certain point, puis fe retirer. Comme cet
anima) n'a point de mâchoires , il paroît clairement qu'il ne fe nourrit
qu'en fuçant, & qu'il fait fa plus grande nourriture d'infedes de mer,
ainfi ^u on l'a pbfervé par l'examen qu'on a fait de ce qui fe trouvoic
<^.
EST 63 i
(dans fon eftomac. La queue de ce poiflbn efl femblable à celle des
chiens de mer , fourchue de manière que la partie fupérieure avec
le corps, même aminci, s'avance loin au-delà de l'inférieure.
On dit que tant que l'efturgeon refte dans la mer , il n'y devient
pas bien gros, & que fa chair, alors n'eft pas bien bonne; mais que
lorfqu'il remonte dans les fleuves d'eau douce , il y devient beaucoup
plus grand & d'un goût exquis. Ce poifiTon fé rencontre fréquemment
dans les grands fleuves, tels que le Nil, le Don, le Danube &
le Pô ; on le pêche aufli dans les grandes rivières. Ceux qu'on pêche
dans la Loire, ont quelquefois jufqu'à trois aunes de longueur. On en
préfenta un à François I, qui étoit long de dix-huit pieds. On ea
pêche quelquefois dans l'Elbe qui pefent jufqu'à deux cents livres.
Les efl:urgeons font d'un très-grand revenu par-tout, mais fingu-
liérement furlePont-Euxinjcar enfortantdela mer, ilsentrent en très-
grande quantité dans le Palus Méotide, où l'on en pêche beaucoup à l'em-
bouchure du Don. Les efrurgeons ne peuvent fè pêcher à l'hameçon; on
ne les prend qu'au filet, parce que ces poiffons fe nourrifîent plutôt
en fuçant qu'en dévorant. On ne leur trouve jamais dans l'eftomac de
nourriture grofliere : ce qui a fait dire proverbialement en Allemand ,
fobre ou frugal comme un ejîurgcon. On prétend que ce p-oifTon cherche
fa vie fous l'eau en fouillant la terre avec fon mufeau.
L'efturgeon efl: d'une force confidérable dans l'eau, & nc^ fur la
terre. Quand il a le ventre appuyé , il renverle dun coup de queue
l'homme le plus robufl:e, pour peu qu'il le touche, & même il peut
calfer de très-fortes perches. Si les Pêcheurs ne prexioient point leurs
précautions, ils rifqueroient quelquefois d'avoir-leyjambes cafféss ; aufli ,
pour l'empêcher de donner des coups de queue: 4ïs tâchent de lui atta-
cher de court la queue avec la tête en fornré' de demi- cercle
La pêche de ce poiflbn commence en Février dans la rivière de la
Garonne du côté de Bordeaux, & dure jufqù'en Juillet ou Août^ ôc
même un peu plus tard, fuivant la Xaifortl Quand le,s Pêcheurs s'ap-
perçoivent qu'il y a des efl:urgeons de pris, ils.les tetifent & les atta-
chent à à^is bateaux, en leur--paflant des-^ôrdes qui traverfent leî
ouies & la gueule du poiflbn. Ils peuvent les conferver ainfi vivans
pendant plufleurs jours, jufqu'à ce qu'ils en aiept affez pour les mener
à Bordeaux , où ce poiflx)n efl fl commun", que tout le inonda en
jnange, La chair de fon dos a, dit-on, le gout du veau>~& celle de
6^2 EST?'
{on ventre , celui du cochon. Aufli fa chaîr eft-elîe regardée par
quelques Médecins, comme de très -difficile digeftion , & comme
n'étant propre qu'aux eftomacs robuftes. Les laitances de ce poilTon
font de la plus grande délicatefle. Comme il fe rencontre dans les
mêmes endroits que le faumôn, les Pécheurs le nomment le conduclcur
des faunwns.
Les Pécheurs qui vont à la pêche de Tellurgeon fur le Palus
Méotide, à l'embouchure du Don, en tirent un double profit. Auffi-
tôt qu'ils ont péché des efturgeons , ils les falent , les fufpendent à
des perches pour les faire fécher au foleil, & vont vendre cette
marchandife en Grèce , où on nomme ces poiflbns ainfi falés
juoronna, & lorfqu'ils font frais, xirichi. On tranfporte auffi de cette
chair falée en Italie, oii elle prend le nom de fpinalia. Cette faline
çft auflî commune en Grèce que chez nous le hareng , & en Italie la
tiionine, .^^
On donne le r\ohv'^Q' caviar on kaviac aux œufs de Teflurgcon, que
l'on prépare auffi-tôt après la pêche , en les lavant bien dans du vin
blanc , & en ôtant certains ligamens dans lefquels ils font entremêlés,
& la pellicule qi^l.les:' enveloppe; on les fait un peu fécher au foleil,
on les mefenfaitè-^vec du fei dans un vailfeau percé de petits trous:
on les Y écràfe avec la main; iorfque toute Thumidité fuperflue eft
bien diitipéep^oe -t^iar doit être d'un brun rougeâtre j on le met en
galettes épailTes d*'un' doigt , & larges comme la paume de la main;
puis on farrangç dans des bariques, & on l'envoie en divers lieux
éloignés de la mçr/|;iE)u on trouve cette denrée excellente. Le caviar
forme un branch^: .©onfiderabie du commerce des Hollandois, On en
porte fur-tout beaiiéoép. aux Mofcovites, qui en font un grand ufage
dans leurs trois earéme?^^u'ils obfervent très-fcrupuleufement. Il n'y
a qu'une feule efpece , d^efturgeon dont on puiffe faire le caviar. Les
Kufles nomment cette e(pece de' {romcigQ kaviarîfckari ; ils y mêlent fou-
yent du poivre & de^_ l'oignon avec de fhuile & du citron. Le caviar
eft le fécond mets "favori des Kamtfchadaies. Les Italiens font venir
une grande quantité djér' ce mets"; ils le regardent aufli comme un
manger fort délicat; mais,on prétend qu'il eft très-mal fajn & fiévreux.
En Hollande on coupe les efturgeons par morceaux , qu'on garde
jda.ns des barils, après les avoir confits dans le fel & la faumure. On fait
^rand ois en Angleterrede la chair d'efturgeon confite de cette manière.
^ - '* , :^ «,:.'■ Oa
EST (?35
On fait encore avec les vefïîes blanches qui s'étendent le long du dos
de ce poiflbn, une efpece d'ichtyocolle ou décolle de poifTon grife,
jaunâtre , que les Droguifles vendent en feuilles , fans être roulas.
Elle eft plus difficile à diflToudre que celle dont nous allons parler ; mais
quand elle eft diflbute , elle a les mêmes propriétés.
Le GRAND Esturgeon ou I'IchtyocClle , ichtyocolla pifcis , a la
peau douce , blanche, fans épines ni écailles ; & pour épine du dos,
un cartilage percé comme avec une tarière, d'un grand trou vide depuis^
la tête jufqu'à la queue : on en voit qui pefent depuis deux centsjufqu'à
quatre cents livres , & qui ont jufqu'à vingt -quatre pieds de longueur.
Ce poifTon palTe tous les ans de la Mer dans le Danube , où l'on en
prend une grande quantité ; mais principalement en Valachie vers les
embouchures de ce fleuve. Cette émigration fe fait depuis l'automne
jufqu'au mois de Janvier ; le plus fort de la pcche eft en Novembre &
Odobre. Il s'en débite communément tous les vendredis à Vienne en
Autriche, jufqu'à foixante , & même cent. Ce^^^HTons nagent tou-
jours en bande , & accourent au fon des tronïpettes , ce qui donne
aux Pêcheurs la facilité de les envelopper dans leurs filets , & de les
amener à bord. Le grand efturgeon eft fi timide'que le plus pstit poif-
fon le fait fuir. Ce poifTon fe trouve encore comcaunément dans les ,.
mers de Mofcovie. On l'appelle bdluge ou botlucti»*^' (^ trouve aufîî
dans le fleuve Volga. M. Collïnfon a donné un Mémoire ftjfte.iézoard
qui fe trouve quelquefois dans ce poifTon. V oyié^tfanfaBt'^hUofoph^
vol, XLIV , «°. 45*j , page. 45 1, .'/^^'"'- <-.^'
ColU de Poifon, .-M^'
■ Mm .
La chair du grand efturgeon eft douceâtv.^y^gj^igii.te., & ne devient
fupportable à manger que loifqu'elle a étë^^Jté$v Ce qu'il fournit de
plus utile foit pour la Médecine, foit po^rîéj.^m^Vi. c'eft VichtyocalU ^
autrement nommée colle de poiJJ'on , quî-rLeft,;.'à' proprement parler ',
qu'une gelée de poifTon extraite par lé moyen ;=* de feau chaude, (^n..,
prend la peau , les entrailles , Teftomac , les^nageoires , la queue; les
parties nerveufes, & la veflie d'air de ce poifTon ; on les réduit enbouil* -, ;
lie dans de l'eau bouillante ; on étend cette- bouillie mucilagineufe en
petits feuillets , afin qu'en féchant elle fe réduîfe en forme de parche- -^
iiîin ; quand elle eft prefque feche , on 'la roule ordinairement en
Tome 11. . "' ^.L'iU'''- '
^3 4 E S T^
cordons ; c'eft alors ce qu'on nomme colle depoiffon, La meilleure eft en
petits cordons , blanchâtre , claire , tranfparente , fans odeur & fans
faveur. Celle qui eft en gros cordons , eft fujette à être remplie d'une
colle jaune de mauvaife odeur. Il faut conferver cette fubftance dans
un lieu fec , car elle s'humed:e à l'air. Toute la colle de poifiTon que
nous voyons en. France, nous eft fournie par les Hollandois , qui la
vont chercher au Port d'Archangel , oii Ton en prépare beaucoup.
Comme la colle d'epoifîbn poflede une qualité deflicative , incarna-
tive , anodine & un peu émoUiente , on l'emploie avec fuccès dans les
ulcérations de la gorge & des poumons, & dans la dyflenterie ; on
l'emploie aufli dans les emplâtres agglutinatifs. C'eft Xalcana de quel-
ques Arabes,
La colle de poiflTon eft d'ufage pour donner du luftre & de la confîf^
tance aux rubans de foie, aux gazes, pour gommer le tafetas d'Angle-
terre , que l'on recoyyre enfuite de baume du Pérou dilfous par l'efprit
de vin j pour contrefaire lés perles fines , & pour plufieurs autres pra-
tiques des Arts. Oii. la fait fondre avec du fucre , & on la recuit en
une efpece de colle, jaune &: tranfparente qu'on laifle humeder dans la
bouche pour coller Je- papier. Les Delîinateurs fe fervent de la colle de
poifl'on ainfi préparée-, fous le nom de colle à bouche ; les Limonadiers
^' * iè fervetu de:CoIl,e:idê poiiTon pour éclaircir le café ; les Marchands de
- vin la fontdiûbudr^ dans du vin , & s'en fervent pour éclaircir le vin ;
■.'^•^' on jette'ète mélanger'<Jans le tonneau , il fe forme fur la furface de la
liqueur une eau quï^,^en fe précipitant peu-à-peu jufqu'au fond, en-
traîne avec elle toutè^^les parties groflieres j en forte que l'on peut dire
que c'eft le filtre q'aiJpaiTe à travers la liqueur , & non la liqueur à
travers le filtre. ILy.:à. encore une autre colle de poijfon qu'on tire de
Hollande & d'Angle\erre e» petits livres ; mais on prétend que ce n'eft
que le rebut & la:^çariiejJ^^oins pure de la colle de poifTon de Mof-
çovié. D'autres' fois c^tè^eile eft tirée de divers autres animaux ma-
. -.^rios, tels que marfouins ,. loups marins , vaches marines, baleines,
^ri'tîujins , fcches & toiHe forte d^''poiirons cutanés ou fans écailles : on
>Tcn p'itnd toutes les.parties > excepté la graifle ou l'huile ; & les os quand
ils font durs , on les fait cuire dans de l'eau , on pafle la liqueur par
, un tamis ou par un linge a enfuite on la tire au clair & on la fait éva-
porer jufqu'â ce que les gouttes qu'on laiffe tomber, fe figent en fe re-
froidiflànt j aîoxs la €olle.eft faites on la jette fur une table de pierre &
É s U É T A ^3 j
à rebords, & lorfqu'elle fait corps, on la tortille Se on fenfile pour
€n faire des cordées qu'on laifle fécher à l'ombre. M. MulUr, Secrétaire
de l'Académie de Péterfbourg , a donné dans le cinquième volume des
Savans étrangers , un Mémoire fur la colU de poijfon. Il fait obferver que
celle d'efturgeon eft préférable à tous égards. Pour rendre la colîc de
poi£on très-forte , on l'amincit à coups de marteau , on la coupe en
petits morceaux, & on la met digérer dans de l'eau-de-vie furie feu.
Souvent on l'emploie avec fuccès en guife de colle-forte ordinaire. Rien
n*eft meilleur pour recoller la porcelaine & le verre.
ESULE GRANDE ET PETITE. Voye^ TiTHYMALE.
ET AIN ou ÉTAIM , flannum , eft l'un des métaux imparfaits & le
plus mou après le plomb. Sa couleur eft blanche & brillante , il eft
facile à ternir , mais i! ne fe rouille pas : il eft peu dudile , & quand on
le courbe en diflerens fens , il produit une efpece de cri : il eft plus te-*
nace & plus élaftique que le plomb , & peu fonote par lui-même. Plus
ce métal eft pur, & moins il pefe; c'eft le plus,lé^er de tous les métaux,
mais étant dans l'état de minéral & minéralifé j^fà, pefanteur fpécifique
l'emporte fur prgfque celle de tous les métaux minéiralifés auffi, L'étain
d'Angleterre eft le plus pefant , & celui qui. 'confient la plus grande
quantité d'arfenic & peut-être de zinc. v ? -^t^v^^. .^ - ,^
L'étain poflede beaucoup de propriétés qui le-ra^roc1ientdu plomS'î '
il fe fond promptement, & à une chaleur modérée.; njais;^ un cer- ;
tain degré de feu, il fe calcine & finit par fô.4h^ftger5--à' mde d'un '
fondant, en un verre laiteux, opalin, comme-îe font aufli les os
calcinés , fi on les jette dans du verre tenu i^iufion. On prétend
qu'un atome de ce métal en vapeur , rend aig^^" caffant une grande
quantité d'or, de la même manière que |é rer^devient aigre dans
la forge des Serruriers, pour peu qu'oi\^^' approche du cuivre de
trop près. L'étain s'amalgame très-bieii-jç^^e^i^èl^yLies fubftances mé-
talliques, excepté le plomb J il leur-enlê^iHEoutes la dudilité & ta
malléabilité, fi on met du fer dans de-rétain fondu i ils contraftent
une forte d'alliage : mais fi on . â-''rîmpruderice de mettre de 1 étain
dans du fer fondu, ils fe convertiffèat auflî tôt l'un &; l'autre eii
petits globules qui crèvent > & font explol^on comme des g^enades^ "
On lit dans notre Traité particulier de Minéralogie plulieurs détails
circonftanciés fur ce métal, qui feroient déplacés ici, nous y ren-
voyons nos Le<aeurs: nous «dirons feulement que Tétain à; fes jhines
LUI 2' ;
6s(^ ' ■ ÉTA
particulières ; qu'il naît ordinairement dans les endroits fablonneuîi
* ou fchifteux dés montagnes à filons, (rarement dans celles en cou-
ches ) & en mafles plus ou moins confidérables , ainfi qu'on robferve
en Allemagne, en Bohême, en Suéde & en Pologne, en Angleterre
& aux Indes. * '*-'
Ces filons ne font quelquefois que légèrement couverts de terre,
& viennent même fouvent aboutir & fe montrer à nud à la furface.
Dans les mines de, Devonshire & de Cornouailles, la diredion des
filons d'e'tain eft ordinairement de l'Occident à l'Orient, quoique dans
d'autres parties de l'Angleterre les filons aillent ordinairement du
Nord au Sud ; pour lors conftamment ces filons s'enfoncent vers le
Nord perpendiculairement de trois pieds fur huit de cours. Les
Mineurs ont remarqué que les parties latérales des filons de la mine
de Devonshire ne font jamais perpendiculaires, mais toujours un peu
inclinées. Il y a en.jSax.e, dans le diflrid: d'Altemberg, une mine
d'étain en maiTe quipeu5''^tre regardée comm.e un prodige dans la miné-
ralogie. Cette mine. a 'environ vingt toifes de circonférence, & fourr.it
de la mine d'étain depuis la furface de la terre jufqu'à cent cinquante
toifes de profondeur perpendiculaire.
L'étain efh mmj^allfé ou par le foufre , ou par la pyrite blan-
- çhe arfenkal^.-ûu ,aliiç . au fer: on n'en voit que peu ou point
e pur. ^^ ,.X;:r Vf. C.Ç^
Là niraè'd^'ëtaînja.^us ordinaire eft celle de Cornouailles & celles
de Devonshire', "de, Bohême & de Saxe , qui font criftallifées , en
polyèdres irrégulijprsv^âç dont la couleur eft noirâtre. Ces minerais
font ftriés à la fûriece, intérieurement ils font ou grenus, ou
Les crlftaux d'étaîi^. proprement dits , font une mine d'étain , dont
la figure extérieure eft à pans indéterminés , ou à neuf pans irrégu-,.
^y}ier$, terminés, par, \ine pyramide triangulaire, obtufe; le tiffu inté-
.^ïeuf eft feuilleté, de couleurs '& tranfparences différentes: ils devien-
jî^t^rQuges à la cpmminution , & donnent à la fonte foixante-dix
,.<iivres ou environ par quintal. Il y a aufli des criftaux d'étain blancs
en Carinthie, à Altemberg & à Topliz. Il n'eft pas rare de voir des
criftaux d'étain jaunâtres & tranfparens, ou violets. Enfin il y en a
de gris , de rougeâtres , de bruns , &c. en Saxe.
Les. grenats d'étain font quelquefois d'un beau rouge , aflèz durs pour
É T A- ^ 6-37
couper le verre, & refftmblent entièrement à ceux dont on fait' des
bijoux. Ces grenats qui ont pour matrice ordinaire une pierre talqueufe
ou fchifteufe , font dodécaèdres & communs en Bohême & dans les
Alpes Laponnes. *
Ce que l'on nomme fabU d'étain , «ft une mine de tranfport ,
formée des débris des précédentes mines, & que des courans d'eau
ont détachés de ces minières , & dépofés enfuite dans l'endroit où
des Pailloteurs la retirent par le lavage avec la-fébille, ou avec des
râteaux à dents de fer. On en trouve à Eybenftock en Saxe, &c. On
"appelle mundick une mine d'étain trop pauvre ou trop adultérée pour
valoir la peine de l'exploitation. Voyc^ Mundick. Les Mineurs don-
nent le nom de fchort à une mine d'étain furchargée de fer arfénical,
Voye^ SCHORL & SCHIRL.
En général, les mines d'étain font enveloppées ou dans de la roche
de corne criftallifée , ou englobées dans des j?«orJf,de.fpath fufible verts ,
ou bleus, ou blancs, ou interpofées dans de I^-nîine^de fer arfénicale,
réfraâaire&rapace, difficile à entrer en fufion,^itteft le w^o^^z/tz ; voyez
ce mot, rarement dans la molybdène. La fur-^çnvelop'pe ou matrice de
cettb mine eft communément fchifteufe, miiâcé.e. , ferrueineufe &
fableufe. Il tfî: bon o'obferver que les mines -d^ë^iti font toujours ,
difficiles à exploiter & à traiter, à caufe des fubftahces auxquelles" elles .
font alliées. Quand on a trouvé une mine d'éçain , on y pratique
d'abord des puits, des galeries, des percemens : IcyLfqUvil |'agit'<3PébranIei!
& de détacher le métal de fa minière , il faut foiivent mettre le feu à
des bûchers dans le fouterrain , afin d'y prodiïirç£--d€S^ gerçures, par
lefquelles la fonde, les leviers , les pics puifl'entr^ybirprife; c'eft encore
un moyen de calciner la pierre , d'amollir \Q.vCiéi^&c d'en retirer le
minerai avec des pinces, comme fi l'on démblrinbit.une vieille muraille,
( Cette opération fe fait quelquefois aùfîî dans .ItiJ mine de plomb ,
argent & cuivre de Ramelsb^rg près-'d^ :Goiîar--âu Hartz, dani'-lQ
pays d'Hanovre, dont la mine eft exceflivement dure;) Enfuite "on
extrait le métal de fa mine par le triage, là 'torréfaction, pUÎs le
pliage, le lavage & la fonte dans un fourneau de réverbère.
La mine étant purifiée &" féchée, ( mais avant la fufion) fe nomme
pierre d'étain. La partie fupérieure de la malïè d'étain fondu eft Ci
molle , fi peu dudile, que pour la travailler (^àitM.Geoffroî , Mat. Mcâ^
vol. I» p, z8z') on eft obligé d'y allier trois livres de cuivré par
<y3Ï 3ÉTA
quintal d'étain de fonte. On met deux livres de cuivre ou cinq livres
de plomb dans la partie du milieu; & dans la couche inférieure, on
met dix-huit livres de plomb. Il y a cependant des mines d'étain dont
la nature eft telle, qull ne faut que peu d'alliage pour le rendre fonore
& malléable.
On diftingue dans le commerce trois différentes fortes d'étain; favoir,
l". l'itain plané ou de marais : il eft aflèz pur , mais point fonore, &
trop liant ; on lui donne encore les noms d'étain d' Angleterre , étain crijlal/ia
di à la rofe. On le travaille au marteau fur une platine de cuivre placée
fur une enclume avec un ou deux cuirs de caftor entre l'enclume & la
platine,
2°. Hétain commun , qui fe trouve chez tous les Potiers d'étain : c*eft
un alliage d'étain plané, de plomb, & quelquefois de cuivre jaune.
^". Uétain fonnant, ou étain fin , qui eft un mélange d'étain plané,
de bifmuth, de cuivre rouge & de zinc; il eft le plus éclatant , le plus
fonore, le plus fecife à ouvrager: on y ajoute, au befoin,du régule
d'antimoine, pourri eh augmenter la dureté. Pour rendre cet alliage
encore plus fonore",,oii;le bat fortement à coups de marteau ; c'eft ce
qu'on appelle .^ro/^z/ -f étain.
Le mélange ■*,d;e-;4*étain doit être annoncé par la marque qu'on eft
obligé d'y appofer^ l'étain mélangé avec un tiers de plomb , doit porter
deux marques- OTXj^trôles ; s'il eftcompofé de cinq parties contre une
de plomb , il'^doit'atoir trois marques; enfin s'il contient trois livres
d'alliage de plo^j^^par quintal , il faut qu'il ait quatre contrôles.
L'étain de Siàtrr^-ceîui de la Chine, du Japon, & d'autres pays de
l'Inde Orientale /vi^r^nfent en lingots , formés en manière de pyramides
tronquées, ay/ç^lin rebord : c'eft ce que les Marchands appellent étain
en chapeau, cm. ùaînik Maiac, On les défigne encore différemment dans
le commerce: on a]5pelle étain d l'agneau , celui qui eft contre marqué
. des armes de la Ville de^:^ueô; & étain de brique, celui qui provient
':^i/f4;0^1emagne,,&. Vqui jcuj a^^'^^ marque à Hambourg. Ainfi
'"t^rcfâin purifié fe trouve dans, lé'^limmerce ou en lingots, ou en fau-
y^ Jïtiàii^ , ou en lames qu'ôîTiiômme verges, & en cubes appelles chapeaux :
•*bn fait l'effai d$ l'étain pour en connoître la qualité & le titre, le jetant
tout fondu dans une lingotiere de craie: plus le lingot eft léger, &
meilleur oiî plus fin l'étain doit être , &c.
é;
^#^ "^
(> . • "'* ' '^':: . y
É T A 6^^
Ce métal a été un des plus anciens objets du commerce maritime
des Gaulois & des Carthaginois. Ils alloient le chercher en Angleterre
avec les mêmes précautions que nos Navigateurs emploient pour cacher
leui^ découvertes, L'Hiftoire rapporte k trait d'un Capitaine qui aima
mieux fe faire échouer, que de laiffer reconnoître fa route à d autres
vaifTeaux qui le fuivoient. ' ' ■ ..^
L'étain entre dans la compofition des miroirs métalliques, du bronze
êc des cloches. L'expérience a appris àj'altérer différemment, pour en
former toutes fortes de vaifTeiles & d'uftenfiles de ménage (^). On s'en
fertpour étamerle cuivre, & pour la fabrique des tuyaux d'orgues. On
en fait, par une légère calcination , une chaux grife, qui eft la potic
d'étain, fi propre aux Diamantaires, & à d'autres Ouvriers pour polir
ïeurs ouvrages: il entre dans la compofition des émaux, dans celle de la
foudure pour les métaux mous, & dans la couverte de la fayance. On
peut battre l'étain en feuilles minces, & les, charger de mercure; par
ce moyen elles acquerront la propriété ( étantappliquées derrière une
glace) de peindre ou de réfléchir les objets',' alnfî qu'on en connoît
l'effet dans les miroirs. Ces feuilles non amalgamées:, mais peintes ou
vernies d'un côté, font connues fous le nom (^2^>£àu -yjon .Qn mQt aux
torches de cire, pour faire des armoiries de deuir^orisenfèrt aufîîpour
{a) M, de Jufii rapporte un fait dont il a été témoin , S^^^«i^r?TUT^4>ïe)-i le dail|!;eE
•^e fe fervir de vaifTeaux d'étain allié de plomb : il dit qu'enfSâ^fe-îçnJte une farr.ille fut
attaquée d'une maladie très -longue & très - particulière, ^^à'.lgiaueUô. les Médecins ne
comprirent rien pendant fort long-temps , jufqu'à ce <^'^ .^^n on découvrit que
«cette maladie venoit d'avoir mangé du beurre qui avoit^^ér^oû^vé dans un vaiffcau
^'étain allié avec du plomb. /♦' '''*''^"^
L'alliage de l'étain avec le zinc n'eft pas nonplaijÇ^nipt dç^ê^aiger : M. de JujU
^it qu^il renferme une fubftance arféràcale, que £èi»f!iL"j?ér*èçé€S--4»îi ont fait découvrir.
K^uelques grains de fleurs de zinc pourroient faiÊe; tifi gran<î'*ravage dans le corps hu- .
main,- d'ailleurs le zinc fe dilTout avec une très-^^Pa^è; faeiltçr'par tous les acidêsl
Les fubflances que l'on pourroit fans daiiger^airé' eiitre/^nH'alliacre de l'étain .
font, 1°. le fer, qui, comme on fait, ^|!^^hn- lîïïê* qualité hùifible à l'îio^Aie^-
quoique ce métal foit attaquable par les" fils , îKii^ ^eut produire aucun mal ; z*. le
légule d'antimbine ; on peut en fureté l'allier .avec l'itâin , va que les fels qui entreji^,!
•dans les alimens ne le diffolvent pasi' 3°.^-3e bifmutlr; quoique Tufage incerne de ce
idemi-métal ne foit pas exempt de danger , on n'a pourtant point à redoutei fes effets
i^ans l'alliage de l'étain , parce qu'il ne fe oiiTouc que diiEcilenient dans les acides les
f<lus forts, s;j^ -'_.
• ■- '. ^- -'4^ ■
/s
<5'40 E T À
faux-argenter les décorations d'artifice & de théâtre , pour orner les
cartouches , &c. dans les fêtes publiques 8c dans les pompes funèbres ,
ou pour, faire lavanturine blanche, ou pour blanchir le fer. La diflb-
lution de raclures d'étain, par J'eau régale, a la propriété de donner
beaucoup d'éclat aux couleurs rouges, aufli les Teinturiers s'en fervent-
ils pour faire la belle couleur écarlate des étoffes en laine, & de cramoifî
fur celles en foie, &c, ïf t^onne une couleur pourpre à la'difTolution
de l'or. Les Potiers d'etain vendent à différens Artifans une forte de bas
étain qu'ils appellent claire foumire ou claire étoffe : cet étain participe
de moitié fon poicîs de plomb. Il n'eft pas permis aux Potieis d'étain
de remployer , finon à faire des moules pour la fabrique des chan-
delles. On en fait aufli quantité de petits ouvrages, que les Merciers
appellent du bimblot. Voyez l'article Bimblotier dans le Diâionnain
des Ans & Métiers.
ÉTAIN-DE-GLACE. Foye^ Bismuth. "
ÉTALON. Efi un cheval entier , choifi- & deftiné à l'accouplement,
& dont on veut faire race. Foye^ Haras au mot Cheval.
ET AMINES.. -Voyez les articles F Leur & Plante,
ETANG, jla^nkîftJ^om donné à un amas d'eaux dormantes: c'eft
une |^pece..iié?*réfèrvoi^ dans un pré, dans un verger, &c. formé par la
-' . nature îou par' l^rt," ordinairement plus petit qu'un lac, qui reçoit de
'*■ V* l'eau fans en dégôrg.ef , finon à l'inftant de grandes alluvions , ou lorfqu'il
^-^ efï maintenu par uQeHfehaufTée&creufé pour l'ufage d'un moulin; il efi: plus
grand,plusprofoïia'^^iT30insfujetàfe delTécher queles/7?<2r«. On y nourrit
du poifion: aufii ï^ aïî,<àens Latins ont-ils nommé l'étanç pifcina. On
empoiflonne les éeàigrdans le mois de Mai, & on les pêche ordinai-
rement en Mars>.;WiYtp^Ut conferver de bons poifTons pour l'ufage de
la table, dans les^'ét^àai^s-, cfént l'eau entre & fort continuellement; car
dans les éta_n^gs-".d\eaui d'ormante & bourbeufe,qui ne fe dégorgent pas,
oç.ne peut y confer^r'i^u.e'des carpes, qui font même allez fades &
dé^i^auvais gbût. .Uh' des-iflu^-çonfidérables étangs de ce Royaume efi:
■;ce^ de Villers daris i^s^Berry , qui-a cinq ou fix lieues de circuit. On
. ;>*'vo-ii.^^ii^ la Chine ^quantité", d'étangs ifaits & ménagés avec induftrie,
, pour fournir 4e l'eau dé pluie pendant- la féchercffe de l'été aux Ha-
bitans qui {ont trop loin des rivières , ou dont le terroir n'efi: pas
propre à creufer des puits. Foyq Citerne. Il y a aufii des étangs falés,
tel efi: celui de l'Ifle Maguelphe en Languedoc, où l'on travaille à la
. .*-'i- ..; ■ crifiallifation
ÉTÉ É T I S^i
crlftallifation du fel marin , & celui de Martigue entre Marfeille & le ^
Khône,
ÉTERNELLE ou BOUTON BLANC. Nom donné à l'immortelle
blanche. Foye^ à Cardclc Immortelle.
ÉTITES, (ztitœ,CQ font des pierres pour l'ordinaire ferrugineufes,
au-dedans defquelles il y a une cavité qui eft tantôt vide & tantôt
pleine. La figure extérieure de ces pierres eft peu confiante ; elle eft
ou ronde, ou ovale, ou triangulaire^ ou quarrée, ou comprimée, ÔiC,
quelquefois leur fuperficie eft liffe, d'autrefois gravdeufe.
On a prétendu , mal-à-propos , que ces pierres fe trouvoient dans
les nids des aigles, d'où, leur eft venu le nom de pierres d'aigles ou étites^
parce que les Grecs appelloient l'aigle aitos. C'eft avec aufïî peu de
fondement, que le peuple attribue encore à ces fortes de pierres, les
vertus admirables que les anciens & trop crédules Naturaliftes préten-
doient y avoir reconnues : celle de faire pondte la femelle de l'aigle, de
faire accoucher les femmes , & d'empêcher l^ayortement. ( Hijl, Nat, de
Pline , Liv» IlL chap, at. ) / •il
Les étites font compofées de plufîeurs cpvfç^es , d'un rouge-brun,
olivâtre, & qu'on peut féparer aifément. Il ellevideift. qu'elles ont été
formées d'une matière d'abord molle, qui s'eft^ aggrutirt^e peu- à-peu ,
& a laiifé, ou formé par le retrait, une cavité èia,. dedans. Cels couches "^
enveloppent un noyau limoneux ou ochreux qu'|ile's ^^ort-ent dans^leur
centre, & qui s'y eft confervé depuis la formation de l'étite. Ce noyau
eft ou fixe ou mobile : on l'appelle callimus, •
On trouve l'étite dans bien des mines de fes-^e^r Allemagne, de la
France , notamment dans la chaîne des montagnes d^AJaîs enLanguedoc. -
On en trouve aufïi un banc entier présidé Tr^çu^ en Dombes. La
plus grande quantité fe rencontre prèsyîe^ei'fàAe^: village fitué fur
îe bord du Nil , & dans la grande mer d» Déferç^ue les Arabes appel-
lent Baharlabaama , c*eft-à-dire, lac dè^éc^ê^i>ufiierfans^ eau : e\\^s-(orit
bigarrées, graveleufes, de couleut-cendr^^iôU j-^riâtre & bry raflent
avec le temps. Il y en a dcpuis;îâ-grôlïèuT d'Hti oeuf d'autrviel^ufqu'à
celle d'un pois. Il n'eft pas râre de lès .trouver groupées en*grai?de-.
quantité.
i> ?.!w/
Le noyau ou callimus des étites, étant communément argilleux&
venant à fe deffécher, cefle d'occupgr /tpute la cavité ,.Ô^ produit un
certain bruit quand on vient à agiter brufquemeht la pierre d'aigle» Les
Tome II, ' '' "^ Mmmaij\
6^.2 Ê T O
Arabes ont nommé l'étite /w^5;^e, c'eft-à-dîre, pierre Tonnante. La
cavité efl: un caradere plus eflentiel à la géode qu'à la pierre d'aigle,
f^oyei GÉODE.
On rencontre quelquefois dans les environs d'Alençon , près des
mines de fer, des étites brillantes, noirâtres & très-péfantes , fufcep-
tibles d'efflorefcence : on. les doit regarder comme une forte de pyrite
vitriolique, ferrugineufe &' caverneufe; leur figure eil indéterminée:
voyei l'article Vybite. KunJmanrtèc Lejjcr parlent d'un setito-colite qui
reflemble parfaitement au membre viril dans fon état d'éredion , avec
les teflicules. C'efI: un priapolite. Voyez ce mot.
ÉTOILE,y?^/i<z avis, Oifeau de la côte d'or , en Afrique : il a la gro(--
feur d'un merle : fon plumage eft très-agréablement diverfifîé par trois
couleurs ; favoir, le blanc , le jaune & le noir : fes pieds font jaunâtres, on
y compte trois doigts; les ongles font noirs & très-courts : fon bec eft
aflez long, courbé & noifâtre par le bout , le deflbus en eft blanchâtre;
fa voix eft très-forte , & reffemble au rugifTement. Si les Nègres l'en-
tendent crier du côté gauche dans leurs voyages, il retournent aufli-
tôt fur leurs pas, tant ils regardent comme finiftre le cri de cet
oifeaju. '' ly'
ÉTOILE MiAMBL'OYANTE, Nom que l'on a donné quelque-
fois aux- comètes ; à 'Caufe de la queue ou chevelure lumineufe dont
elles font prefque toujours accompagnées. Foye^Coisi'ETE,
ÉTOILE MAKIN|: PÉTRIFIÉE. Les Lithologiftes donnent ce
nom. à quantité de tfCirre's en forme d'étoiles , ou marquées d'étoiles en
relief ou en graviiféjT-cTtt- parfemées d'étoiles. De-là vient que toutes les
efpeces de madréporesTotlîles peuvent réclamer ce nom. M. Barrand dit
avec raifcn qu'on aurolt dû réferver cette dénomination aux parties de
Vétoilc marine propreftiertt dlfe, & dont on trouve les articulations verté-
brales ou bourrelets '.ofTéux'endifFérens endroits , particulièrement en
SuSÛTe & en Toura'me/Les tîtlidgraphes peuvent auffi impofer ce nom
auit;^rticles deS"^ diff'^re^es JtoïUi d&mcr ou a ftrophites ,conn\xes fous- le
nom^iç tête de M e|^^,^by-eE> ce mot & l'article Étoile de Mer.
.Les pédjcules ou bràrCçhes dés encrinites , des entroques , peuvent
auftî' être comprifes fous ce nom, "AVye^ l'article Palmier Marin,
ÉTOILE DE MER. Eft le limaçon épineux du Cap.
ÉTOILE DE MEK , Jlclla^marina, Efpece de ver ou de zoophyte,
auquel les Naturaliftes ont docné çanom , à caufe de fa figure en forma
'V*
T O ^(;^_f ' '"■■
-d'étoile, & "dont tous les curieux parent leurs cabinets. On en connoîtplu- -^y
Ceurserpeces, qui varient parla couleur, par le nombre de rayons &
par le mécanifme particulier qu'ils nous font voir dans leur marche. Nous
en avons ramafle fur les parages du Texel & de Scheeveling en Hol-
lande, dont les unes avpient une, deux, trois, quatre & cinq branches
ou pans ; nous en avons recueilli au confluent du Sund , près les bancs de
Jutland, qui avoient treize rayons: on en apporte des Indes qui en ont
jufqu'à trente-huit, & qu'on nomme J^leil de, mer , à caufe^de leur figure
& de la quantité de leurs rayons ; d'autres ont les branches rameufes.
Prefque toutes celles que nous avons ramaflees fur les divers rivages
de la Méditerranée font garnies de longues épines.- & on ne les prend
pas toujours auffi impunément dans les rnains que celles des environs
de riflande, qui en font entièrement dépourvues. Ainfi l'on peut diftin-
guer bien des fortes d'étoiles de m.er : les unes font liiTes, les autres font
épineufes, il y en a d'arborefcentes ou braochues.
Parmi les étoiles de mer, il y en a dont les rayons font renflés dans
le milieu , d'autres font aplatis; il y en a d'obtus.^^& d'autres ont une
forme pyramidale. L'efpece la plus ordinaire ;e{|divifëe en cinq rayons,
toutes ont au milieu ou centre du corps une oiïv©j:.tujre fpjj^xique, que
les Naturaliftes regardent comme le grand fuç€Wr--Qji^ys^c«é de l'ani-
mal, & autour de laquelle font cinq dents cKt /durchettes , iîures- &
comme olTeufes, dont les étoiles fe fervent pour" t.epijf, les co^iîlages
.qui font leur nourriture: peut-être que c'eil a^cces-memes pointes
qu'elles ouvrent les coquilles à deux piece^. ^^^''^façe fupérieure de
VcLo'Ue de mer Se de chacun des rayons, efl: recoui^égte^cn cuir calleux, <
callum f///r«w 5 diverfement coloré, granuleuii^QU fouvent hérifTé de
petites éminences offeufes qui le traverfent^J/S: on dedans d'un nombre •
prodigieux de vertèbres & autres o]lele,ts ôrticulés.uniformément, foit
enfemble, foit avec les éminences ofTeu^esde la péau^ Chaque rayon de
ïétoilc de mer efl; garni à fa furface inférieure d'un-gJ-'ançl nombre de faïJ^es
jambes. - .
Les fauflès Jambes de ïétoîUyêer.mer à^ciiKï; ^ans, font en fi'grand
nombre, qu'elles garniflent prçfque toute la- fûrface des rayons du côté
oii elles font attachées. Elles y font poféés dans quatre rangs différensj
chacun defquels contient environ foixante-feize faufles jambes, & par
conféquent l'étoile entière efl: pourvue de quinze cent vingt fauflès
jambes» Vétoile de mer ne marche cependant qu'avec beaucoup de
Mmmm 2
'SM'::^^
%.-•>■♦--,
'•'"ï/'^44 ÉTO
lenteur. Ces prétendues jambes, il eft vrai, font fi molles, qu'elfes ne fem-
blent guère mériter le nom de jambes. Ce ne font , à proprement parler,
que des efpeces de fuçoirs ou de cornes , afTez femblables à celles du
limaçon : elles en ont la couleur , la confiftance & la forme ; elles font
affez fouvent retirées comme les cornes du limaçon, ce n'efl que lorfque
l'animal veut marcher qu'il les développe.
On peut en remarquer très-aifément la mécanique admirable ; il ne
6*agit que de mettre à découvert les parties intérieures d'un des rayons
de l'étoile , en coupant la peau du côté de la furface fupérieure de ce
rayon. Lorfque cette opération eft faite, on obferve que chaque rayon
eft compofé d'un grand nombre de vertèbres , formant une ou deux ran-
gées & percées dans le milieu d'un petit trou qui communique des unes
aux autres. Les vertèbres à double fuite laiflTent entr'elles un canal plus
ou moins large. A chaque côté de cette coulilîe au canal , on obferve
deux rangs d'efpeces de petites boules ou perles , claires , tranfparen-
tes, rangées les unes auprès des autres. Ces petites boules font formées
d'une membrane mince, dont l'intérieur eft rempli d'eau. Aufli-tôt qu'on
vient à preflTer ces boujeis avec le doigt , on en découvre toute l'ingé-
rieufe mécànnjue. Cej^boules fe vident, & l'eau qui en fort fait étendre
& gonfler lés^lSis jambes qui y correfpondent ; lorfqu'on cefle de
preffer ^"^ les fauffes jambes fe contradent par leur reflbrt naturel , &
font remonter l'eau dans les boules. On conçoit aifément que tout ce
que yétoiU ffà faire pçur enfler fes faufles jambes , c'eft de prefTer les
boules" par contradion, C'eft de ces faufles jambes ainfi alongées que
les étoiles fe fervent riioms pour marcher que pour fe fixer fur les pier-
res & le fable , foit qu elles foient à fec , foit que l'eau de mer les
couvre.
Il y a quelques, annéçs qu« parcourant les rivages de la mer d'Fcofle ,.
je trouvai l'occafiôû d^y ramaflèr quantité d'étoiles de mer , & de fatis-
faire ma curiofité futîeQy mouvement & fur la manière dont elles fe
nourriflent. J'étoisvplacérfort^avantageufement pour ces obfervations j
il y;;^oit plufieurs ^t?te5 mares d'eau fur la grève, j'y portai toutes
les étôliqs que j'àvois ramaflees^ &en les voyant cheminer, j'obfervai
que ces animaux qui font mous , préfentoient une convexité d'un côté,
^& une concavité de l'autre : celle-ci étoit le côté de la bouche. Cette
orme eft celle qui m'a paru être naturelle à toutes les efpeces d'étoiles
marines lorfqu'elles nagent ; elles fe fufpendoient obliquement dans
É T O (?4 j
feau, & formoîent avec leurs rayons de légères ondulation* , ce qui
fans doute provenoit moins du frottement de l'eau , que du mouvement
de contraction & raïongement qu*elles exercent à l'inftant où elles che-
minent. L'animal veut-il defcendre furie fol, il cefiTe Tes mouvemens
& éprouve une efpece d'inertie, èc fa pefanteur fpécifique le fait tomber
perpendiculairement ( dans Teau tranquille ) fur -deux 'de fes pans ; ( les
pans ou bras doivent être regardés comme les véritables jambes ) mais
fi l'eau eft agitée, il fuit en tombant .une diredion oblique. Eft-il def-
cendu fur le fol , il s'attache à la vafe , èc fait fortir & avancer à volonté
les centaines de faux pieds dont nous avons parlé ci-deffus , & qui pa-
roiflènt être autant de fuçoirs mobiles , tendineux, fufceptibles d'alon-
gement & de contradion , mais très-propres à fixer ces animaux au
befoin dans le lieu qui leur eft le plus convenable. En un mot, l'ani-
mal peut reculer , aller de côté , en avant , en tous fens , fans changer
de pofition abfolue. Les dents ou fourchettes .des étoiles de mer fervent
à ccmminuer leurs alimens : il fe trouve , dans rintervalle , des vafcu-
les très-convenables pour la déglutition. Chacun de ces inftrumens eft
adapté à autant d'efpeces de trachées, lefquellef s'unifient à des efpeces
de petites poches grêles : celles-ci font recouveri^ ^i'HPA. gf^^de quan-
tité d'une fubftance qui eft comme laiteufe, g^latideulte,' grUmeleufe^
femblable à la chair de l'ourfin, ^'? -
Les étoiles de mer font la déjedion de leurs "excrémens par autant
de petits anus intérieurs qu'elles ont de fourchettes. *Cha^ue efpece de
hoyau rectum a fon rendez-vous à-peu-près au centre de l'animal , où
l'on voit une verrue ou une efpece ^opercule : oe^fe ve|fue eft blanchâ-
tre & offeufe ; elle eft fituée dans la partie cïu-ftacée & à l'oppcfîte de
l'ouverture que l'on dit être la bouche. Il eft étbniTiànt que Llnckius , qui
a donné en 1733 un Traité in-folio & avec %uijes de ees animaux, n'ait
pas été inftruit de la mécanique & desL moyeQSiçJue'les étoiles m.arines
emploient , foit pour manger , foirpoux. dejêâ:^r. M. Je RéaumufAts.
avoit prefque tous connus , ainfi qu pii;|)eutr'1é_ VG% dans un Mémoire
qu'il a donné à cefujet à l'Acad.Ves ScHncà^^arfriée tyio , p. 61^4,-
Les étoiles marines font fujettes à perdrè^t!ïn%/deux ou plufieurs de
leurs rayons , & à les réparer , le tout de la même manière qu'on î'ob-
ferve dans les écreviflès. On en voit dont un des rayons offre une bi-
furcation par l'extrémité , produite par un déchirement accidentel. Les
excrémens des étoiles marines font noirâtres , précédés & fuccédés d'une
^#^'
É T 0
oùtto de liqueur fraîche , acre , derai-tranrparente , blanchâtre , ferrr^"
blable au No(loch-ufnée & gélatineux qui fe trouve dans les champs im-r
rnédiatement après les orages , & dont MM. Geoffroi & de Réaumur ont
parlé dans les Mémoires de l'Académie des Sciences. L'odeur de la chair
des étoiles de mer efl analogue à celle de l'ourfin ^ & le goût à celui
des cruftacées. • ,
Les étoiles épineufes ont communément cinq branches, chacune
defquelles eft pointue , étroite à l'endroit de fon infertion , large vers
le milieu ou p^r-apiidale & plus ou moins longue félon la grandeur de
l'animal. Le corps, & notamment le tranchant du pourtour, ainfi quç
les branches de cette étoile font garnis de piquans mobiles, coniques,
& en quelque forte femblables à ceux du hériflbn , & il faut s'en mé-
fier ; différemment en cela des rayons de l'étoile liffe , qui font feule-
ment couverts de petits tubercules , à-peu-près comme il s'en trouve
fur les pattes du poîjpe.
Il y a de certaines efpeces d'étoiles de mer dont les rayons ne font
point garnis de bras-l fuçoirs 3 ces rayons qui relTemblentà des queues
4e lézar^t,. leur fervent:, elix-memes de jambes. L'animal en accroche
rleux à i'ehdiait' vêts lequel il veut s'avancer , & fe traîne fur ces deux?
là , •taiTid^^qU'e le ràyon^.q'-^^ ^^^^ ^^ oppofé fe recourbe en un fens con«
traire ^vls'appiiue fur le-fable & pouffe l'étoile vers le même endroit,
v'^j^ly-àtiiié autre. sfpece ds petite étoile, qui avance & fe remue par
.îi'flnbyeà de'{ès bt'ânches , qu'elle plie & replie comme font les fer-r
pens ; ces'branches" détachées du centre, ont encore du mouvement,
comme cela ànlwlo^iaj^ vers ou aux couleuvres qu'on a coupés en plu-^
fieurs morceaus:. ■";•.
La petite étoile de-i<îier que l'on nomme étoile à rayons à queue dç.
lézard ^ a effediverheni: ^es-rayons aufîî fragiles que la queue des lézaçds.:
ces rayons font^rr^>îf^,«^çampofés de vertèbres articulées enfemble
cqmme par oceûq^^ 5?' •fertêçit. d'un corps lenticulaire, aplati, quel-
^quçfois pentagooe,; les cinq fentes de la bouche font plus ou moin-s
gràftd.es. On nomtnQ.f (^h^indrolJes celles dont les rayons en queue de
lézard 4ont ou écailleua^pii chargés de plufieurs rangées longitudinales
de pointes longues & plus. ou moins fines; ces dernières étoiles font
noirâtres ,. violettes.
jLes moindres chocs que leur font effuyer les flots contre des pierres,
jeiir font perdre de? rayons> Mais la Nature a psurvu à ces pertes frç-
E T O , . 5^7
quentes auxquelles font expofées les diverfes étoiles deriier ; à peine ' #
ont-elles perdu quelque rayon , qu'il leur en croît un nouveau. Pour
éviter ce danger , les petites étoiles dont nous venor^s de parler , fe
tiennent fur des côtes unies qui ne font couvertes que de fable : on les
trouve fouvent enfoncées fous ce fable, où elles marchent fort lente-
ment.
Parmi les diverfes efpeces d'étoiles , il y en a une entr autres d'une
ftrudure très-fînguliere : fes rayons,, fe fubdivifent en quelque forte
comme des rameaux d'arbres, j^ufll là nonime-t-on-^i/e arborcfcenu :
on foupçonne que c'eft un véritable polypier , mais d'une efpece aufîi
fînguliere que celle du palmier marin ; voyez ce mot. On remarque
d'abord cinq groffes branches arrondies , partant du corps de cet ani-
mal , qui eft ainfî que fa bouche d'une figure pentagone ; ainfi la bouche
a auflî cinq angles qui naiflent de la rencontre de cinq lèvres , qui ré-
pondent aux cinq côtés du corps ; entre refpac^»ides branches il y a
un trou ; chaque branche fe partage en deux rârïieaux ^ fes rameaux en
deux autres & ainfi fuccelîivement en une infinité 'de petites ramifica-
tions, dont les dernières font auflî fines que de| cheveux. (Tout eft
compofé d'articles marqués de points en deflbus du lafcérâîèmejtrt. ) Oa
en a trouvé 81920 dans une étoile de mer qu^ l'on coîil^ve-dans le
cabinet de la Société Royale de Londres. Toutes cgs t?rançhel $£ les
rameaux qui en fortent font recourbés en dedans , £e plient comrhe'tii\
épervier, & font faits pour prendre la proie & là'poftéf .à.la B'ouchel'
Telle eft la tête de Mèdufe , qu'on voit dans tous les cabinets des Na-
turaliftes, & qui eft plus ou moins eftimée, à r'ait^^'rr'àe fa grofl'eur , de
fa couleur , du nombre & de la confervation de*^^s rayons ou branches.
On nomme étoiles chevelues ^ celles à dix rayon|^^ naiflans deux à deux
de cinq tiges courtes, compofésen defllis de pièce^i' en forme d'anneaux,
articulées , alternativement larges d'un 'cÔte.^feiV^oites de l'autre ,
creufes en deffous en forme de gouttiéî'è"Br bord'eâs.^de cloaque côtéj^e
filets verticillés ou petites pattes altèriies-^àuilî' articulées. Le corp_s efi
demi-fphérique en defllis, plat en àé\£o.u$.\Li^di^d:nQTCiméQ'dccim^^
de Cornouaïlle ; c'eft la rofacéc de Linckius, /--;
On voit beaucoup d'étoiles marines aux Antilles : ces animaux fe
promènent pendant le calme ; mais, aufli-tôt qu'ils prévoient l'orage ,
ils s'attachent , à l'aide de tous les filets ou fuçoirs de leurs pattes ,
contre les rochers : ces fils en entonnoir deviennent pour eux autant
fjS , Ê T O
. d'arfcres , quî les tiennent fi fortement appliquées , que toute la vio-
lence des eaux les plus agitées ne peut les en détacher.
D'après les caraderes généraux que nous avons donné des différentes
étoiles de mer, on peut les divifer en deux fedions,
I**. Celles à rayons ou lobes fendus en deffous fuivant leur longueur,
& dont les unes ont cinq rayons , les autres moins , d'autres plus de
cinq. Telles font les étoiles à quatre rayons , on les appelle cruciformes.
On denne le nom dQ falciforme à. celle dont le rayon eft large dans
l'origine & s'étréciflant vers le bout. Celle qui eft couverte en delTus
d'éminences à mamelons , en puftules granuleufes , eft appelée étoile à
grains de petite vérole. Celle dont les rayons effilés font recouverts de
tubercules granuleux comme des perles , fe nomme étoile à grains de
millet. Celle dont le tranchant du pourtour eft totalement hériffé de
pointes longues couchées dans fon plan , & à diftances égales les unes
des autres, fe nomme la peclinée. Lorfqu'un grand nombre de rayons
partant d'un difque font revêtus chacun de deux ou trois côtés longi-
tudinales épineufes^ Se de ftries tranfverfales , on lui donne le nom de
foleil CL iidllis Ipineiix ^ ou celui de tournefol quand fes rayons font aplatis.
On ^1p^ç^^yQmetè , celle dont un feul rayon eft fort long & les autres
■^ trèsrcourts, C^îe appelée pdté réticulé , eft bombée en deffus , concave
.en defifous-j ori!CŒ^ft réfeau à mailles triangulaires dont chaque join-
^ftijré^ àihïtki}Uê:^§tâa^ du pourtour, eft armée d'un denticule
conique ^S^^^^^^^Ê^^^^ pyramidaux. L'efpece nommée le fort penta^
gone , eft à roî^ŒŒ|Èpntagone , & chaque angle eft terminé par un
gros t\xhQïQ\i\â^JEF.çt^m^:tn patte d^oie eft fort plate , mince comme le
carton fin ; fes rayons gïéles font comme engagés dans une membrane
granuleufe. L'efpece ?^f^é\é& la mojaique de Cik de France , n'eft qu'une
variété au pdté ré-ticxj^u. .
..,g!'.ljQséioiles.denHf'^^^yons ou lobes entiers , les étoiles vermiformes ,
ou:à queue deié^tùs^^^^^evelues^ les médufes , que l'on nomme auffi
étùiUs^ arborefcehtes o\î> afir^ophytes: Ee palmier marin paroît apppartenir
à cettç fedion d'étoilds. marines. Voyc^ Palmier marin,
;^tGÏLE-PLANXE ou- G_AZON. Nom que l'on donne à Cayenne
à mie plante grimpante ," connue fous le nom de jafmin rouge ; c eft
un. liferon, & le quamodit folUs tenùiter jncijis & pinnatis de Barrere. La
Heur en -eft petite '& couleur de feu : on en forme des berceaux très'
^%véé)lz^f^oyci.'^''rarticlejA.smm, ■
;. ' ' ; -!>; '-fr^-"/ . ÉTOILE
É T O 6^^
ETOILE TOMBANTE, fiella cadens, Ceft un pKénomenè q^ue
f on peut obferver aflez fouvent dans les foirées du pi-interas & de l'au-
tomne. Il fembie voir une étoile fe détacher du ciel , & tendre par fa
chute au bas de Thorifon , ou quelquefois fe perdre dans le vague des
airs. Cette étoile apparente eft un petit globe de feu, qui répand une '
lumière vive, femblable à celle de l'étoile : fouvent il fe diifipe dans
les airs , quelquefois il parvient jufques fur la terre : alors on trouve
au lieu de fa chute une matière de couleur jaunâtre & vifqueufe comme
de la colle , la matière combuftible ayant été entiérô^raent confumée.
Lorfque les vapeurs enflammées , dans le temps des éclairs . repréfen-
tent une colonne de feu qui tombe du ciel en droite ligne, on l'appelle
feu pyramidal ; fi cette lumière flotte dans l'air , & qu'elle foit plus
épaifle par le milieu que par les extrémités, on l'appelle dragon volant.
Les Phyficiens parviennent à imiter ces météores : pour cet effet on
forme une boule avec du nitre , du camphre & du limon ; on l'hii-
mede avec de l'eau de vie forte, on y met le feu, on la lance dans les
airs ; fa lumière & les circonftances de fa chute^nt aflez femblables à
celles de ces météores. t^ . , --f^-^'
ÉTOILÉES. Nom botanique donné à uhjwà'ré de pîint^ /^(?y«^
UBI AGEES. :
ETOILES. Voyei à la fuite de l'article Plan:éT£,
ÉTOUFFEUR. /^c)y^{ GiEOYA, ^^^^ H^- -^
ÉTOU.RNEAU ou SANSONNET, /?^r;2«5:^^^^'atrez connu'j?^^^
la beauté de fon plumage. On en diftingue pI^fiç^BN^îpaqes : favoir ,
Vétourneau vui^uire , les ètourmaux blancs , ^ ctoia^^^Êi^ Indes , Vétour»
neau marin , Vétourneau à rouges ailes , l'étou'rfifait^J^tyHn du Cap de
Bonne-Efpérance , Vétourneau jaune & ^rtt/z3|^^'>jtôuifiane , Vétour-
neau à tête blanche , Vétourneau à tête J^^*^^^^^ Nouvelle Efpa-
gne, &c. " '
JJétourneau commun efl: un oifeau qui vit,^5t^t , &,fe trouve pétr-
tout , il efl: de la grofleur d'un merle : for^iiflfiltnagé'eft noirâtre, ta-
cheté de gris , de blanc, quelquefois de bleu , de jaune & dejouge
pourpre qui change à différens afpeâs Vfon bec eft aflez femblable à
celui de la pie, mais plus délié, droit & arigialeux : fa langue eft -dure y
delà nature de la corne , & fendue : le mâle a un filet noir en deflous :
il a l'œil noir , le dos plus charge de couleur pourpre & le croupion
plus Ycrdâîre : la femelle a une petite maille dans le blanc de" l'œil: fon
Tome IL .;^, . . , NnfîO^-''^ "
/^o : É T O EVE
plum'age eft aufli moins tacheté que celui du mâle : la queue de retour^
.'ne.aTi^ft courte Sa noire : il a les pieds jaunes & les ongles prefque noirs.
Le jeune étourneau n^'a qu'une tache fur tout fon plumage , c'eft pour-
quoi bien des perfonnes ont de la peine à le diftinguer alors d'avec le
merle ordinaire. L'é.ourneau a les cuiflTes garnies de plumes jufqu'aux
genoux : il habite en été les endroits aqueux, vers les prés ; & en hiver
fur les tours & les toits des maifons : il vit de vers , de petits fcarabées,
de chairs de cadavres , de baies , de raifins & de femences : on le nour-
rit aufli en cdge-sL.il pond quatre ou cinq œufs , qui font légèrement
^.teints d'un bleu verdâtre : il fait fon nid dans des trous de maifons ou
d'arbres.
Les étourneaux font des oifeaux de fociété, qui volent en troupe
& demeurent enfemble ; leur vol eft en quelque forte circulaire ,
parce qu'ils tâchent de gagner toujours le milieu de la bande. Cet
oifeau vit vingt ans & plus ; il efl: fort docile ; on i'apprivoife facile-
ment ; il eft fufcept.iBle d'éducation & de talens, on lui apprend aifé-
ment à rép^;^ quelqiïes mots: la goutte & l'épilepHe font des mala-
dies au'tSlQe.Ufï's il . eft ..f^jet étant détenu en cage. On lui fait la
chafic vers •ie,temps'd'e& vendanges, parce qu'alors il eft gras & allez
bûn i mang'er. . '] ...^i.
X^çs ancieïi<!nu(jîâj^i*grand cas de la chair des étourneaux, ils en
^rvoient fQiB^QrtLfitn leurs tables. La tête fent un peu Todeur de la
. fourmi, '^'^tfîlil^JiJ^l.jO" !^ retire avant que d'apprêter l'oifeau -, on en
ôte aulTi là -peaiç.,?!^^ qu'elle eft amere.
ETTALCHs^-Ci^ft un arbre étranger, afiez grand , épineux, dont
le branchage '"&' les feuilles ont beaucoup de rapport avec le cèdre
ou avec le genévrier; fon bois en Numidie eft blanc, en Lybie violet
& noir , & en Ethiopie très-noir. Les Italiens l'appellent fingu. D en
découle une refîne fort analogue à celle du maftic de Crète. Son bois
eft fudorifique , & fert aufli^ taiî'e des inftrumens de mufique.
feVENTAli^- D£ U%%, Foyii^au mot CORALLINE.
■ .|y£NTAIL ou POISSON E& ÉVENTAIL. Ceft le w^yco-
vïjca'^à^s Hollandoïs. 'Cq {5oîfFôn a des nageoires fort longues fur le
do^, qui fe recourbent vers la tête , & forment en quelque forte la
figure d'un éventail , d'oii-Iui eft Arenu fon nom. On remarque fur
fa tête deux proéminences en maniere-.de cornes : il eft armé fur le
dos.& au bas du ventre d'un grand nombre d'aiguillons , qui fe joignent
EVE E U F ;^;..|.
par une membrane: il a fur h dos trois fâches roug^es & quarrees;
la reRe de fon corps eft d'un bleu alTez clair. Les Indiens le font àQ([é-
cher & fumer pour le manger. Ce poiflbn eft rare ep Europe.
EVENTAIL TESTACÉE. Nom donné à- l'efpece de coquille
bivalve du genre des peignes; elle eft plus connue fous le nom de
So/e. Voyez ce mot.
EVEQUE, epifcopus avis. Nom donné à un petit oifeau du genre
du tangara, commun dans la Louifiane & dans le Bréfil ; fon plu-
mage eft bleu , ies ailes , qui forment une efpece tfécharpe , tirent
fur le violet : il eft moins grand que le ferin ; par la mélodie de fon
ramage il furpaffe le chant de nos rolîignols ; il chante pendant l'efpace
d'un quart de minute, fans qu'on s'apperçoive qu'il reprenne fa refpi-
ration. Après s'être repofé deux fois autant de temps qu'il a chanté,
il recommence & continue toujours de même pendant deux heures.
ËVERTZEN. C'eft un poiflbn des Indes, qui.femble être de la
famille des brimes de mer» Voyez ce mot. Les Navigat-^yrs l'appellent
maître; les Portugais meris ; & les Brafiiiens gu^apu-gut^Cu^. 3^ cou-
leur eft noirâtre : il a fur le dos fix aiguillons, qui 'frènrié^nt '"à fes
nageoires, & des taches blanches; on en voit âtifTi a^fa 'quelle' & aux
nageoires; tout le corps eft tiqueté de marqaes^, de différentes; cou-
leurs. 11 y a une faifon où ce poiflbn eft exçeHétit^5^%nger;.âî<)xs
fa chair eft graflfe : mais dans un autre temps -'^îp;è^ât''dure 3c-, S'
coriace, que les mâchoires les mieux dentées t^^^^àsçœfer la déchirer.
On en mange dans l'ile d'Amboine & dans toi^fea'amrès lieux mari-
times des Indes. " "^^
- --r
EUFRAISE 5 eupkrafia. Plante très-commune fur les montagnes ,
dans les forêts & dans les prés : elle a uneV.racine (impie , menue ,
ligneufe, tortueufe , & garnie de fibres , "ÎZTpouflTe une. ou plufieurs
tiges, hautes de fix pouces ou envirojj, grêles , velues, noirâtres,
tantôt branchues, tantôt nue^ : fes feuille? font petites , veinées, lijî-
fantes & incifées autour, d'un verf foncée,, d'une faveur vifqueufë'&-.
un peu amere: fes fleurs fortent des aiiTellesi. des feuilles, repréie.piànt
un mufle béant à deux lèvres , de -couleur blanche, tachet^es^de
points purpurins & jaunes : il fuccede à cette fleur un petit fruit ;ou
capfule j partagée en deux loges qui renferment des femences menues ôc
blanches.
Cette plante eft d'ufage étant fleurie , elle rend les humeurs plus
, , Nnnn 3 ^''^■,
6^2.-: E U L E U P
propres a la circulation , ^ afFermit le ♦orr des fibres relâchées dans
les glandes du cerveau. Ceft pourquoi on dit que Veufraifc eft
"ophthalmique & céphalique, qu'elle fortifie merveilleufement la vue,
& la rétablit fouveiit lorfqu'elle eft foible & prête à fe perdre. Tous
!es jours des vieillards feptuagénaires qui ont perdu prerqu'enticre-
ment la vue par des veilles 3c de longues études , la recouvrent par
Tufage du fuc exprimé de cette plante, infiltré dans les coins de l'œil,
ou pris intérieurement avec de la poudre de cloporte à l'entrée du
fommèll. Quelqnes-uns fiament l'eufcaife deflechée en guife de tabacs
on en fait auflî une forte de vin, en la cuifant avec du moût dans
le temps de la vendange. Cependant on ne doit pas faire un ufage
intérieur trop immodéré de l'eufraife ; car Ton a quelques exemples^
du dérangement & des défordres qu'elle caufeà la longue à Teftomac».
Son fucre eft acre & defagréable au goût.
EULOPHE, eulopkusi Ce genre d'irifç^ces eft voifin de ceux des
cinips & des diplolepesj mais il en diffère par la forme de fes antennes,,
q^ui font br^|jp:hucs èc forment une efpece de joli panache , ce qui
lui a faî^ i^ômîer le nom; qu'il porte. Les branches des antennes naif-
fent dU'fi.fet principal'^ elles font au nombre de trois qui partent du
,fecoiid, dii troifieme*'(§c du quatrième anneau de l'antenne: les chry-
falides relTemblent à crelles des cinips, & il en fort des infeâies dorés ^
^•^serdâtres & brillans»
EUNUQUE , xajiratus aut cunuchus. Nom donné à un homme
auquel on â^oté la faculté d'engendrer, pour lui procurer une voix
nette & aiguë , &c. Voyez ce qui eft dit de ces hommes mutilés àt
la fuite du mot Homme»
ÉVONIMOIDE , cdafrus fcandens , LiNN. Arbrifîèau très-com*-
mun aux environs de Québec, & qu'on peut mettre au rang des
fufains : voyez ce mot. X'évonimoïde eft très-flexible ; il s'élève con-^
fidérablement par le fecours des arbres voifins, autour defquels il
s'^tortille en tous fens. "Quoiqu'il foit dépourvu de vrilles, il embrafie;
Cependant les autres arbres fi fortement, qu'à mefure qu'ils gro/îîf~
fertti,' 3*paroît s'enfoncer= & s'enfevelîr dans leur écorce & leur fubf-
taàfce, & les fait enfin périr* Si dans fon voifinage il ne fe rencontre
point d'arbre pour s'élever , il fe tortille fur lui-même. Voyez les Mé-
moires^ dz L'Académie des Sciences ^' ann, iyi6^
EUPATOIRE y eupatorium,. Cette plants , ainC appeUée du nona-
E U P V '6^j
<îu Roi Mithrldate Eupator ^ qui la mit le premier en ufagô pour lés
maladies du foie , croît naturellement aux lieux humides dans Us
environs de Paris : fa racine eft obliqué y f breufe , blanchâtre' ^
amere : fa tige eft rameufe, haute de quatre pieds, droite, cylindri-
que, velue & d'un vert purpurin, remplie d'-une moelle blanche,,
jetant une odeur aromatique quand on la coupe : fes feuilles font nom-
breufes, attachées trois enfemble fur une même queue, un peu fem-
blables à celles du chanvre, oblongues, d'un goût amer; fes fleurs
font des bouquets à fleurons & évafés : fes femence»- font obîôngues
& garnies d'une aigrette.
L'eupatoire eft toute d'ufage. M. Geoffroi dit que les feuilles de cette
plante contiennent un fel femblable au natron des anciens. Elles font
vulnéraires, & bonnes pour les maladies du foie. On en fait fur-tout
ufage dans la cachexie & pour les perfonnes qui deviennent bouffies
& menacées d'hydropifie : elle convient pour toutes les maladies de
la peau. Gefner , qui éprouvoit fur lui-même lâ^ v^rtu de chaque
remède, avec autant d'attention que Sanciorius i?^^ Îqs expé-
riences fur la tranfpiration infenfible, ditavoi^bu la l3ol^ui#. fes fibres
delà racine d'eupatoire bouillies dans du vin; qu'il lui en-furyint des
évacuations abondantes par les felles & paroles 'urines ; ^u'il vomit
douze fois, & rejeta plus de pituite & plus facilement qu'en ne le
fait par VdUbore, On ne fe fert prefque plus de cette plante ieb.
Médecine. - ■«' '".
On donne aufîi le nom à^eupatoîre femelle bâtarde , ou -chanvre aqua-
tique^ au bidens foliis tripartico divijis feu achmellà , qui a prefque le
même port, & dont on vante les qualités pour les difficultés d'uriner,.
& pour réfifl:er au venin que produit la morfure de certains ferpens^
M. Haller dit que cette plante a le goût 1^ 'l'odeur d'une pénétration
extraordinaire, & qui promet beaucoup; mais l'ufage n'en eft pas
reçu en Médecine. M. Deleu^e obferre ici que le bïdens forme un^
genre à part & bien différent de rèupatoirel" Ses fleurs, font à fleu-
rons ou radiées dans quelques efpe'ces.. Les' jemences font couronnées
de deux ou trois pointes barbelées en forme de,- cornes. Le placenta
eft chargé de balles; & on compte plufieurs efpeces de ce genre. L'^//-
patoïre de Mefué eft le ptarmica luiea fuave olens de Tournefort.
EUPHORBE, ^K/7/zor/'i////7. Plante de l'Afrique , appeilée ainfi dunorrE
^Eu'^horbius y Médecin de Juba Roi de Lybie, qui compofa un livrer
» iii.
<SJ4:'. . E U F
, fui^ cette- plante , & fit l'honneur à fon Médecin de lui donner fon
nom. Nous parierons de cette fubftance après avoir décrit Veuphor-
• 'i^i'er , que plufieurs Botanîftes' ont. mis dans le genre des thhymaUs ,
à caufe de fes fleurs. II y a fept à huit efpeces différentes d'euphor-
bier, qui 'ont là plupart beaucoup de rapport avec le cierge épineux,
dont elles différent cependant non-feulement par la fleur & par le
fruit, mais encore par le fuc laiteux &: acre dont elles font empreintes
en abondance. Foyc;^ CHiJloire des Plantes rares du Jardin d'Amfîerr
dam •;'yar ComnnUln.
JJ euphcrbier efl: un arbrifleau qui dans les terres fablonneufes eft
haut de plus de dix pieds : fa racine efl: grofle , pivotante 3c fibreufe ,
blanche intérieurement, & recouverte en dehors d'une écorce brune:
fa tige, qui efl: Ample, a trois ou quatre angles; elle eft comme
articulée & entrecoupée de différens nœuds : les bords anguleux font
échancrés entre le,§,J5|euds, & garnis d'épines roides, brunes & placées
deux à deux .-jsettej tige efl: couverte d'une écorce épailTe , verte-
brune, & replie .<i'urie efpece de pulpe blanchâtre, très-laiteufe ,
elle Ce^^è'âMge. en plufieurs branches, dénuées de feuilles, mais garnies
de qùerq^|s;petits tî^endices, ronds, épais, laiteux, & placés feuls
à feuis mV lcs"Soî-(jf ^es fleurs naiflent principalement du fond des
• fînuofitçs qui fe ti^iivent fur les bords anguleux; elles font au
. nombre de trois enfemble; leur pédicule eft laiteux; leur calice eft
renflé, ôrdivifé en cinq quartiers: il fuccede à ces fleurs des fruits
gros comme des pois.; ce font des capfules à trois loges , aplaties^
laiteufes, vertes d'àbÔ^^, qui rougiffent un peu dans la fuite: ces cap-
fules contiennent trois ^^ines arrondies & blanchâtres.
Toute cette plante ^È^^^bondamment remplie d'un fuc laiteux &
acre qui en découle, en-'q'^lqu'endroit qu'on y falfe l'incifion. L'eu-
phorbier croît dans la Lyt)i|6&ir le Mont Atlas, en Afrique, aux îles
- 'Xanaçies, en Malabar & aux-Incfes Orientales.
>^^^JË;*é"uphorbier eft de toutes les pjantes étrangères celle qui donne le
-i'J.'^-^Mkm -niauvais goût . au: îai\' Si -à.-fe^^ftde.
,és\iges de l'euphorbief'^î'Arfrique contiennent un lait brûlant dont
;.»4une petite quantité devienjdroît funefte aux beftiaux qui en mange-
raient: l'efpece d*euphorbiér .trànfplantée eiî" Europe & cultivée , eft
infiniment moins mordicante , quoiqu'elle le foit encore beaucoup. Elle
donne ordinairement la diarrhée aux moutons; cependant ces animaux.
EUP ' ;:^;^>
les vaches & les chèvres mangent volontiers de cette^Iante,- malgré,
fon amertume & fon âcreté. Mais fi l'on nç s'efi: pas encore apperçu.
de ks mauvais effets fur les chèvres , ils ne font que trop évidens
fur les moutons & fur les vaches ; elle altère la farîté des premiers ,
elle gâte la chair & le lait des autres.
Quand on- veut faire des incifîons à l'euphorbier' d'Afrique , on fe
couvre le vifage autant qu'on peut , ou bien on les fait de loin avec
une lance , afin d'éviter rincom.modité que produifent les pr^ipieres
exhalaifons du fuc laiteux, qui font très-fuhtil.es^''"très-âcres , très •
pénétrantes & très-violentes. Lémery dit qu'on reçoit ce flic dans des
peaux de mouton, qu'on place autour de la plante, où il fe con-'
denfe & fe durcit dans l'état où nous le recevons; on nomme ce fuc
euphorbu. C'eft une gomme réfine, que les Anglois tirent des îles Ca-
naries, les Hoîlandois du Malabar; les Efpagnols , les Italiens & les
François de Salé au Royaume de Fez, où elle-W^apportée des pays
de l'Afrique les plus éloignés de la mer. ^^,
L'euphorbe eft en larmes, d'un jaune plus ou moins' tl^f^^ ^^^^n-
ehues, caverneufes, friables, fans odeur; maîs<jd'un g^ût^l^çs-àcre ,
cuifant, qui caufe des naufées: il fufïït d'en touchêj^|égej;emertt^a ^gue
pour avoir la bouche enflammée.
Toutes les parties de l'euphorbier font fi fu^k'r, qu'il.' fuHit aufît .
de les flairer pour éternuer: fi on fe frotte les narîn'es Hè'fôij. fiuilsi-il
en découle beaucoup o'humeurs aqueufes; lorf^'oh'èn preild la pou-
dre en guife de tabac, il en réfulte une très-fof te. irritation," fouvent
une hémorragie , & elle enfiamime quelqii^is "lês^.jnembranes du
cerveau. Son acrimonie fi violente fait qu'o^ji^e'putvérife l'euphorbe
qu'avec beaucoup de peine: auffi les DrômiK^s &'';les Apothicaires
ont foin de n'employer à cet effet que d^-perfonnes rgbuftes; on \qs
avertit de détourner le vifage de deflu|S^ mortier , qui d'ailleurs efti\ •
'M-
Les Anciens ne nous 4^^t jiè.r\^;\<|és^^^tùs médicinales de Veur
. phorbe. Les nouveaux Grecs, ièsj\r^eg, & avec eux les Médecins
modernes de l'EuroDe, lui attribuent une puifî'ante vertu de tirer iâ'
férofité de tout le corps. Il eft étonnant que ce remède, qui eft^sle
- ^^6: /■ * E U P E X C
pks â<:r^/ le pl^us ardent de tous les hydragogues , foit employé
intérieurement.' En effet, l'euphorbe ne purge pas fans caufer la
xléfaillance, une fueur froide,- & fouvent des ulcères dans l'eflomac
Se les inteflias : le$i|çides & les adoucilTans émouûTent fa vertu érofive ;
mais malgré ces précautions , combien eft peu sûr ce remède ! Il
convient tout au 'plus pour 'ébranler les membranes des vifceres atta-
qués de paralyfie; comme irritant, il convient encore dans les affec-
tions iaporeufes & l'apoplexie. L'euphorbe appliquée extérieurement,
incife \qs humeur^'^paiû^s^ caufe de la rougeur , de l'inflammation ,
& quelquefois des ulcères. Elle eft utile dans le tremblement , dans
ia léthargie, & pour ceux qui perdent la mémoire.
Les Maréchaux fe fervent de l'euphorbe en poudre pour le farcîn
& la gale des chevaux. IJes perfonnes trop inconfidérées croient
s'amufer fort innocemmeni-^h femant de cette poudre fur le parquet
d'une chambre ou Ion tient afiemblée de danfe: à peine les Dames
ont-elles fait^ quelques |?as^' que leur robe volante ou le mouvement
de leur^^M^r^si^ke'l'aif , fouleve la poudre & la fait monter au
vifagèv^e^'^^^f^teurs^'^qui tous éprouvent aulîi-tôt , chacun de fon
côte ,-• 1^3( oe^tites îîl^jijulfîons d'un éternument violent, & une fonte
- ' ^'I^Q^iCurs^s-'j^^^'fîdef able.
:^iX]Vm^sè/^yei EuFRAîSE.
-£UROES. C^ft la j^ierre de Judée. Voyez ce mot,
EXCRÉMEJ)ï3^.,,^>%/«e;zrttOT. Ce terme eft employé dans un fens
pliis.ou'-iaqîns éfeildjj^il fignifie en général toute matière, foit fluide,
foit folide, qùi^^.îÊ^wéc du corps des animaux, parce qu'elle eft
furabondantè^ inu?ï^f*i%uifible,
Ainfi le fàn'g^flfir^!^^^*|^efL une matière excrémentielle rejetée des
vaiffeaux de la, fEiàtrice y uù il étoit ramalXe en trop grande quan-
tité. Vàytai^ ce qui en "e?!* dit à l'article Puberté^ à la fuite du mot
HoMMEi-.
.' Jucs rnatieres:f^ale5.ifc>«^^0^^s hors du corps où elles ne peu*
.} Y^rit ^-e d^âucQij(ifc^.ù^]iw *^^ animale, étant dépouil-
^î'T^çs de toutes les partils qui p)uvaiiint contribuer à la formation du
chyle. i. " ;/! ,. . , . . - ., • , . - ...
Iv'urine , la matière de là- 'tr^fj^i^attbft,^' fueur, fontaudi féparées
jdê la malle des humeurs, où elles ne pourroient que porter la cor-
jstiptioîî q'i'elks .Gommpncjent à contrafter eUes-mêmes,
- ' Prefque
E X C • • Ç^n ^
Prefque toutes îes humeurs excrémentielles font formées dès ,ré7 -
crémens qui ont dégénéré à force de fervir aux, dif^rens ufages du
corps.
Cependant on entend plus particulièrement par lefeuj mot excrément ,
la partie groiîiere, le marc des alimens & des fiics.Çigeftifs dont l'éva-*
cuation fe fait par le fondement.
Les excrémens varient dans les animaux à raifon de leurs efpeces &
de la diverfité de leurs alimens. Les ''excrémens des animaux font pour
îa plupart d'excellens engrais , dont la nature vari^^& eft par'confé-
quent plus ou moins propre à différentes terres ; car on obferve de la
différence pour les effets, entre le fumier de cheval, celui de vache,
les crotins de moutons , l'émeu du faucon , & la fiente du pigeon ou
colombine. Foyc^ Cartick Fumier.
Les excrémens font auflî d'ufage en Médecine ou pour les Arts, La
merde du chien , connue fous le nom ^album grcecam, eft employée pour
teindre en noir certains cuirs , avec de la vieille ferraiHe. L'excrément
; ;. . -fi.-
du paon eft d'ufage pour l'épilepiie ; celui ^e la cdr«éi//^p.pur la dyf-
fenterie ; celui de l'hirondelle , pour l'efquinancie & la ee^l^^-'É^hréti-
que ; celui du mulet , pour exciter la fueur ; celui de poiftês, pour les
tranchées rouges des chevaux; les crottes du rat, ppi^tlaiÊe croître. les ,
cheveux ; le crotin du cheval , pour la pleuréfiçuvî \â fiéntï-^tU^pigeb^n^Sf
dQS martres, pour contrefaire le mufc ; celle ducmaodiUl dont les, -Mcî^'^'
rafles fe fervoient autrefois comme d'un cofméti^le^o'pre à rendre* le
teint brillant. Les excrémens de la baleine n'o&t»Sa^*^e- fétide , leur
couleur eft rouge , on les a employés en teinti^^^^ ; l'èxcrément
de Xhomme eft quelquefois employé pour fak.^^"^*rxl?s::bubons pefti-
lentiels àfuppuration, & pour défacérer l'açi^^J^Jardimers s'en fer-
vent aufli fous le terme honnête de poudretiçix ^ ^
A l'égard de la forme maronnée , &ç.^§ii3dftt la plupart des fientes .
d'animaux, elle eft due à la figure rri(^m^<?pes"efpfeces de loges efpacées
ou cellules dans lefquelles la ^ent^^^^ f ar le Jéjour qu'elle y fajt.
11 en eft de même pour la forme de:ï'â1it|«§&jésKd'éxcrçp^
a obfervé d'après l'analyfe de di^er^e^6|ëni^jiï^^ d^'oif^V^"
rendoient beaucoup plus de fel yôlatljul ^^iéduit avec raifon la p^b*
priété de ce que chez ces animaux jurlne'-^e confond avec les gros
excrémens, & fort par la même iflue; ce qui neft pas chez les autre»
animaux. On fait effeâivement qu'il n'eft uoiat de fubftance aninlale
Tome II» ' 0 . 0 o o - '
M
^jS.'; E X H
<lan5 laquelle le fel ammoniacal , dont îa putréfacTtion produit un feî
'volatil, foit aufll développé que dans l'urine. '
EXHALAISON. Ceft la fumée ou vapeur qui fort d'une fiibftance,
& qui fe répand dans l'air. On doit donner proprement le nom de
vapeur aux fumées -humides, qui s'élèvent de Teau & des autres corps
liquides j & celui à\xhalaifon aux fumées fcches qui s'exhalent des corps
folides, tels que la terre , le feu , les minéraux, les foufres , les fels :
ces corpufcules s'élèvent des corps durs & terreftres , foit par la chaleur
de l'air"^ foit paï^quelqu'autre caufe, & font, conjointement avec les-
vapeurs , les fources des météores aériens.
On ne fauroit éviter avec trop d'attention de s'expofer aux exhalai-
fons qui s'élèvent quelquefois de certains corps & dans certaines cir-
confiances, telles que les vapeurs des volcans, les émanations cadavé-^
reufes & phofphoriques de ces corps tués qu'on a enterrés par tas &: à
peu de profondeur après une bataille fanglante ; car ces exhalaifons
font fouvent mortelles^,, on en a des exemples de toute efpece : il arrive
même quelquefois qu'ah êft fuffoqué par ces vapeurs , avant d'avoir pu
en recoÉRTOîtire les mauvais effets. Nous nous contenterons d'en citer un,
exemple» Çh Ut çisn? là Gazette de France, 14 Juin 1773, qu'à SvTj-
lieu eh Bourgogne,. 46rs de l'ouverture d'une folle creufée dans TEglife-
de cette ville , où les enfans delà Paroiffe étoient affemblés au nombre»
de foixante pour recevoir la première Communion, il s'éleva des exha-
laifons fî funeftes ,-.qirele Curé , le Vicaire , quarante Communians &
deux cents particuliers -en font morts dans l'efpace de quinze jours , &
l'on ajoute que plufieurs -autres perfonnes en ont été dangereufement
malades. On peut juger delà combien eft pernicieufe notre méthode
d'enterrer dans les Eglifes , & même dans des Cimetières , au milieu
des grandes Villes. Nos -Magiftrats attentifs à tout ce qui concerne la
vie & le bien-être du citoyen, ont voulu pourvoir à ces inconvéniens ;
mais malheureufement le préjugé populaire & d'autres confidérations
fe font oppofées à des vues aufll fages. Il eft rapporté dans les Mémoires
de^i' Académie , année 1701 , qu'un Maçon qui travailloit auprès d'un
puits , dans la ville de Rennes , ayant laiffé tomber fon marteau dans
ce puits , un Manœuvre qui fut envoyé pOur le chercher , fut fuffoqué
avant d'être arrivé à la furface de l'eau jdeux autres hommes qu'on y;
dcfjçendit après, furent fuffoqués de même \ on y defcendit un qua-
îricrîic, à qui on recommanda de crier dès qu'il fentircit quelque chofe
E X H ■ . 6^9
lii cria bien vîte , dès qu'il fut près de la furface de l'eau ; & onTetetirà
auflî-tôt ; mais il mourut trois jours après. Il dit qu'il avoit fenti uhe
chaleur qui lui dévoroit les entrailles. On defcendit enfuite un chien ,
qui cria dès qu'il fut arrivé au même endroit , & qui s'évanouit dès
qu'il fut en plein air : on le fit revenir en lui Jetant de l'eau , comme
il arrive à ceux qui ont été jetés dans la fameufe Grotte du Chien ,
près de Pouzzol dans le Royaume de Naples. foyc^ Gbotte du
Chien.
Après avoir retiré les trois cadavres avec des crocs", on les ouvrit ,
& on ne remarqua aucune caufe apparente de mort. Ce qu'il y a de
plus fingulier , c'ell: qu'on buvoit de l'eau de ce puits fans qu'elle fît
aucun mal. Les exhalaifons,, en détruifant feulement l'élafticité de l'air ,
le privent de cette puiflance qui le rend la fource de la vie.
Voici un autre accident occafionné par des exhalaifons d'wi autre
genre , mais non moins funeftes. Un Boulanger de Chartres avoit mis
dans fa cave la braife de fon four : fon fils y étant defcendu avec de
nouvelle braife , la lumière qu'il portoit s'éteignit- au milieit:4?^ i'efcaiier ;
il remonta, la ralluma & redefcendit : dès qu'il fut dans la t^v^Jfril cria
qu'il n'en pouvoit plus, & celfa bientôt de crier ; fon frère voulut courir
â fon fecours ; mais il n'en revint point : trois autres perfbnnë's qui
eurent la même hardieffe y périrent.
Le lendemain un Boulanger trop hardi vouîan6>-retirer ces corps avec
un croc, fe fit defcendre dans la cave avec une ccfKie , & recommanda
qu'on le retirât dès qu'il crieroit : il cria bien vite ; mais la corde, s'étant
rompue , il retomba , & quelque diligence que l'on fît pour renouer
la corde , on ne put que le retirer mort : on l'ouvrit, & on trouva
toute l'organifation du corps très-altérée , les lobés du poumon tachetés
démarques noirâtres, les inteftins gros comme le bras, rouges, en-
flammes ; & ce qu'il y de plus fingulier, tous les mufcles des bras , des
cuifics & des jambes étoient comme féparés de ces parties. Le Magif-
trat prit connoifTance de ce fait , & on confuîta des Médecins. Il fut
conclu que la braife , qui avoit..été mife dans la cave , étolt fans douf e
mal éteinte , & avoit fait élever une vapeur maligne & mortelle ;' qu'il
falloit par conféquent jeter dans la ôaye une grande quantité d'eau pour
éteindre le feu & arrêter le mal , ce qui fut exécuté : enfuite on defcen-
dit dans la cave un chien & une chandelle allumée ;le chien ne mourut
Oooo 2 ^'
C6s E X H
poiût ', & la chandelle ne s'éteignit point preuve certaine que Te pérîl
etoit paiïe (a), '
En Weftphalie , dans une carrière voifine des eaux minérales aërées
de Pyrmont , s'éleveenviron à deux pieds du fol , & à cinq ou fix
dans les temps d'orage , une vapeur qui n'occafionne aucune variation
ni aa tb^irmometre , ni au baromètre, mais qui produit d'abord une
fenfation de chaleur aux pieds , qui gagne infenfiblement le refte du
corps 5_j&: provoque une tranfpiratioii très -abondante. Lorfqu'on fe
baiffe, on éproave que cettç vapeur eft très- pénétrante , fort acre,
qu'elle picote les yeux èi en tire des larmes ; elle laifle dans la bouche
un goût defoufrei elle occafionne des étourdiflemens , 8c feroit périr,
ii l'on y reftoit long-temps. Les infedes & les oifeaux meurent aulÏÏ'tôt
qu'ils font atteints par ces vapeurs. L'habile Tradudeur de Lehmann ,
qui rapporte ces faits , tom, I , pag. 25)4 , penfe que ces vapeurs font
fulfureufes , & qu'elles font aufli de la même nature que celles de la
Grotte du Chien.
Ces exhalâifons malignes agiflent diverfement félon leur nature , ainft
que lé^jrolive le fait fuivant : Quelques perfonnes creufoient la terre
dansTiffé cave à Paris , croyant y trouver un tréfor caché : après qu'el-
les eurent travaillé quelque temps , la fervante étant defcendue pour
appeler fon maître, les trouva morts tous dans la pofture de gens qur
travaillpient , a^^antles yeux ouverts , la bouche béante, de manière
qu'ils fembloieriî* ehs^O^i^e refpirer ; mais ils étoient roides comme des
ftatues, & froids eoïïîiïie marbre. On fait que toutes les matières ani-
males & naturellement 'JDhofphoriques , renfermées dans l'intérieur de
la terre ou dans des lieux humides , & qui n'ont pas une ouverture affez
(^) Suivant M. Bourgeois . les vapeurs qui s'i^levent des charbons arJens font de
jr.ême nature de celles du foufré en flamme , quoique cependant plus fubtiles. Elles
Vfteflt.de iT!-êmc •to,us"lcs. a5îin;i3.ux , tant par la crifpation & l'étranglement qu'elle?
- ■.ttay.fè»! par leur irritation dans les bronches du poumon , que parce qu'elles détruifen»
■ •' éjajMjfrnéijl TcUfticité de l'air-, & ces deux caufes font plus que fiiftlfantes pour dé-
■, 1m^^*t03^^3-conp la refpiration & caufer une mort fubite. On doit , continue le même
:I*ii^/lcien, mettre le plutôt po/l'ible au grand air les perfonnes attaquées de cet acci-
dent, leur ouvrir ia veine du. cou -,' leur fbuffler de Tair chaud & de la turaée de tabac
i^ans fers pou nions. ie'p.,un mot on doit mettre en ufage les mêmes lêcours qu'on donne
aux Noyés, /^py^i^ à l'àrtUlc ^à\\.
h. .
E X H .^ .,541
grande pour communiquer & être rafraîchies par Taîr extérieur , peu- '
vent être enflammées par la moindre caufe , & exciter des fermenta-
tions , même des incendies &: des explofions , quand elles font arrivées
8 un certain degré de fermentation. Depuis quelques années Ton en a
vu des exemples : Un homme étant aux latrines , y jeta un morceau
de papier allumé ; il s'en éleva auflî-tôt avec bruit une flamme vive &
d'un tel volume , qu*il en fut renverfé , après avoir eu le vifage & les
mains brûlés en partie î le mouvement & le bruit au:gmentererrt dans
la fofle d'aifance ; des jets de flamme en fortoient par intervalles , & on
fut obligé d'y jeter une très -grande quantité d'eau pour éteindre un
feu dangereux , qu'une caufe fi légère en apparence avoit allumé.
Nous fumes appelés en 1766 dans une maifon près du marché St,
Jean à Paris , à l'inftant où un Vidangeur , en ôtant la pierre ou la
clef de la foife d'aifance , manqua d'être fufFoqué , briilé & renverfé par
ks vapeurs qui en étoient forties & s'étoient enflammées à la lumière
d'une chandelle qu'un des affiflans tenoit à fa main. On renjit la pierre,
on me raccnta le bruit qui s'étoit fait entendre ; je fus curleîjX-de voir
le phénomène , je fis retirer la clef, je plongeai la lumière au.Jiîilieu
des vapeurs, & il fe fit encore une petite inflammation tonnante comme
un coup de piftolet , & tout ceflTa. ,,■.
Près de Wight en Angleterre, dans le pays dé Ê^miaflTe , ed ua
puits qui , lorfqu'il fe trouve vide , répand une .vapeur fulfureufe fî
chaude , qu'elle donne à l'eau le même mouvement & la même chaleur
que quand elle efl: bouillante ; fi l'on approchç alors à fa furfaceune
chandelle allun ée , la vapeur s'enflamme trè^-promptement. Cette
flam.me par un terrps calme dure plufieurs heurtis y- & fa chaleur fufHt
pour cuire ces œufs; quoiqu'en tout autretèmp'S l'eau foit froide,.
Cette vapeur tient à celle des exhalaifons minérales dont il fera fait
mention ci-après. On peut citer ici cet autre phénomène arrivé à Bref- .
law au mois de Septembre 177 1 : Un partioilier qui demeure danà/
une des tours de l'ancien mur ce cette ville ,, étant defcendu dan^^ife^ •
cave avec fa fille, n'eut pas plutôt fermé la porte derrière- lui, ''qùéi^^**
lumière s'éteignit. Il apperçut à l'inflant une petite flamme envifonoée .
de fumée qui ^erpentoit en torme c'éelait. Comme elle approchoit de I.Ui ,■
il le couvrit les yeux de fes mains pour les garantir ; mais il eut. feS' -
mains & les cheveux brûlés ; il eut beaucoup de peine â regagner l'efc£-
iier > ^ quana la pot te s'ouvrit j ilfe fit dans la cave une tprte explora*
. T,:t'nair.me qui en fortit, fit à fa iille une brûlure aux pieds. La cave
navoit d'autre ouverture que la porte. Cet homme , qui a été vifité par
les Médecins , s'eft trouvé dans un état dangereux.
Voici encore lin autre accident du même genre , qui eft à la con-
noiflance d'un grand nombre de perfonnes. Vers le milieu de l'année
17/6 , il furvint aux environs de Paris un orage confidérable ; un
payfan de Saint-Ouen avoit rempli de fumier un trou qu'il avoit fait
au milieu de fa cour ; la pluie fut fi abondante qu'elle s'échappa de ce
trou , &i pénétra dans la cave : ce payfan , pour tâcher de conferver fjn
vin 5 y defcendit & tomba mort: fa femme ne le voyant point revenir,
fut le chercher ; elle éprouva le même fort. Leurs enfans s'étant apper-
çus de ce malheur appelèrent du fecours ; fix perfonnes entrèrent dans
la cave , de tombèrent avec les mêmes accidens que ceux que produi-
roit le poifon le plus violent. A force de friétions aux jambes , aux bras
èc fur toutes les parties du corps , on ranima la circulation à cinq d'en-
tr'eux , car le fixieme mourut. On eut recours aux efprits volatils , à
la fum4© :dîl tabac infinuée par le nez pour faire revivre le jeu de la
circufiatiôh* 5 & on leur donna des cordiaux. Nous connoiflons une
cave qui appartient à des Pveligieufes , & ou Ton cultive fur une couche
de fumier des champignons :1a vapeur infede qui s'élève de ce fouter-
rain , a plus uïfrîQ'^Q.ïs fait perdre fubitement connoilTance , & même
la vie aux pe.rïbe|?£s,qui avoient été pour cueillir les champignons.
M. 'l'Abbé^^T/o^ 5 Chanoine de Luzarche , à fept lieues de Paris ,
a mandé à M.- ^^^^ç<^|ue le 6 Août 1767 , vers les neuf heures du
foir, il obferva-îë fait: fil ivant. Je defcendois , dit-il, au nord du vil-
lage d'Epinay-Ie-fec',. qiii eft à une demi -lieue de Luzarche : le temps
étoit chargé Se fedifpdfoit à l'orage : à quarante ou cinquante pas de
mon chemin, dahis' une voirie çi'arbres , regardant au couchant j'ai vu
venir à moi un nuage obfcur qui rouloit fur un terrain couvert de
feigle. Ce nuag.erpouvoit avoir fix à huit toifes de largeur; il paroif-
, /ôif' obfcur dans fa. bafe 8ç blanc dans fa partie fupérieure. Continuant
:^(>h^ chemin & défcenda'nt toujours-au nord, le nuage qui alloit du
cbuchaàt à l'orient, s'eft tellement approché de moi, que je n'en
efois qu'à'fiX'ipas-; alors il m'a paru infiniment plus noir, & j'ai fenîi
airiSt-tô't une od^tit^de Toufrè fi fuffoquante, qu'il ne m'a pas été
pofîible' ^'avancer Tjjifus loin : l'air échauffé fe dilatoit très-fort : j'avois
4e*'4a peiîîe à •refpiFer:"a1ies" livres s'épailîifToient , & je ne pouvoir
E X H
prefque pas parler : j'ai eu recours à mes jambes qui trembloient Cotis
moi: j'ai fait quelques pas du côté de l'orient, & je me fuis fenti*
poufle par ce nuage : j'ai changé de route , & j'ai trouvé une provi-
fîon d'air fuffifante pour refpirer. Mon compagnon de voyage a fenti
les mêmes imprefîions que moi. Nous nous étions fans doute approchés
trop près du rendez-vous des vapeurs de la terre , qui s'en élevoient
peut-être pour former le tonnerre , dont on étoit menacé dans ce
moment. " .., -
Exhalaisons minérales , halitus minérales. Il foft des lieux pro-
fonds de la terre, des grottes & fur-tout des filons ou veines métalli-
ques minéralifées , qui font proche de la furface de la terre, notam-
ment des galeries, des fouterrains d'oii on retire le charbon de terre
& autres fubftances minérales, fu jettes à fe décompofer par le conta(ft
de l'air , &c. il fort , dis-je , des exhalaifons de différentes efpeces ,
& qui produifent des effets tout différens: nous allons les réunir ici
fous un feul point de vue. Ces exhalaifons font appellées différemment
par les Mineurs, fuivant leur nature: les unes font nommées pro-
prement exhalaifons y les autres y^w brijfou, d'autres moufcttcou 0uJJe ,
& d'autres gas.
Les Mineurs nomment proprement exhalaifons , ceilesqui font très;^..^
fenfîbies & très-confidérables, qui ne fe condenfëîîta^înntt' en liqueur ,^
& qui fe font voir, fur-tout le matin , dans ler:|emps que là rofée
tombe à la furfate de la terre & dans Ton inteheu^ "Aj.^Ja "fuite de
ces exhalaifons, les Mineurs trouvent les filons^-d^^^lii&^s qui font
dans le voifînage , ftériles , dépourvus du minéral" qu'ils- contenoicnt ^
& femblables à des os cariés, ou à des rayoris^:d~4; miel. Quelquefois
l'effet en eft plus rapide; les vapeurs paroiffent enflammées, elles for-
tent de la terre accompagnées d'épaiffes fumées, ôt -produifent des
éruptions, à la fuite defquelles les veines' métalliques fe trouvent
détruites: ces phénomènes tiennent aux mêmes caufeS tj^ue les inflam-
mations des volcans. Foye^ Volcan. . , .
Enfin, il règne dans les miines (^uiont^été long-telîîps abandonn'ees,,
des vapeurs fouterraines , que Vovi nommQ inhalations ou inhalùifons
qui contribuent infiniment à là compofition ^ rdécomp.ofition * des,;
minéraux métalliques, puifque par leur moyen* il fe'^faît c;optiriu€^l]j&^ .
ment des diffolutions , qui font ènfuite fuiyieS dq-p-ouveîles ^cbmbif: '''
naifons ; ce font ces exhalaifons minçrâlcs ^qtjt jouent le plwi 'gr^rp
'"V
'>*^
-><.«
■' >'
'■■Cr >»"•
(^5^^ ■ E X H
rèl$*ciâns la criflallifation , la coloration des pierres & la minéralifation
'f^ûvei les articles Cristal & Minéraux.
* ■ ' Feu Brijfou ou Terou» ' '
On donne ces noms & celui de feu fauvaoe à des exlialaifons qui
s'élèvent quelquefois dans certaines mines de charbons, de métaux &
de Tel gemme , & dont les effets font auflî terribles que finguliers.
Cette vapeur fort avec un efpece de fifflement par les fentes des fou-
terrains où l'on travaille: elle fe rend même fenfible aux yeux, &
paroît fous la forme de ces fortes de toiles d'araignées ou ôls blancs
que Ton voit voltiger dans l'air à la fin de l'été. Lorfque l'air circule
librement dans les fouterrains & qu'il a aiTez de jeu, on n'y fait pas
beaucoup d'attention; mais lorfque cette vapeur ou matière n'eft point
afifez divifée par l'air, elle s'allume aux lampes des ouvriers, & pro-
duit des effets femblables à ceux du tonnerre & de la poudre à
canon.
Pour prévenir ces effets dangereux, voici comment s*y prennent
les OT^vriers. Ils ont l'œil à ces fils blancs qu'ils entendent & qu'ils
voient fortir des fentes: ils les faififFent avant qu'il puifTent s'allumer
à leurs lampes ,.3«: les écrafent entre leurs mains. Lorfqu'ils font en
trop^gra,nde quantité, ils éteignent la lumière qui les éclaire, fe
jettent ventre à^térre, & par leurs cris avertifTent leurs camarades
d'en faire a^ût^iTt.-: Alors la matière qui s'eft enflammée avant qu'ils
ayent pu étjeiivdre- leur lumière, pafïe par defTus leur dos, & ne fait de
mal qu'à . ceux ^£ui,j^jûnt pas eu la même précaution, ceux là font
expofés à être ttîes tîtt""i)lefrés. On entend cette matière fortir avec
bruit & mugir dan|; les" monceaux de charbon , même à l'air libre &
après qu'ils ont été tirés liors de la mine ; mais alors on n'en doit plus
rien craindre.
Quand les^miAes de charbon font fujettes à des vapeurs de cette
efpece, il èfL^trjes-idangereux pour les ouvriers d'y entrer, fur-tout
le lendemain d'un joiir pendant lequel on n'y a point travaillé , parce
que la matière s'eft amalfée dans le temps qu'il n'y avoit aucune com-
motion. 4ans l'air fouterrain, Aufîî en Angleterre & en Ecoffe a-t-on
recours à un fi:çj)^£djent avant d'entrer dans la mine. On y fait def-
cendre un hommeyêtu (Xun paltot de toile cirée ou de linges mouillés;
f ^ n'y a dans c^ vêtement qui couvre auffi la tête , que deux
\S A'- .' "/ troug
E X H ^ :r:S6r''\ r
trous Titrés qui répondent aux yeux ) il tient une longue perche ,
au bout de laquelle eft une lumière: lorfqu'il efl defcendu, il fe met."
ventre à terre; & dans cette pofture , il s'avance, àc approche fa
lumière de l'endroit d'où part la vapeur : elle s'enflanume fur le champ
avec un bruit effroyable , qui reffemble à celui d'un violent coup de
tonnerre, & va fortir par un des puits. Cette opération purifie l'air,
& l'on peut enfuite defcendre fans rien craindre dans la mine: il eft
très-rare qu'il arrive malheur à l'ouvrier qui a allumé la vapeur ,
pourvu qu'il fe tienne étroitement couché contre terré, parce que
toute la violence de l'adion de ce tonnerre fouterrain fe déploie contre
le toit fupérieur de la mine.
Les vapeurs des mines qui font autant de gas ; voye^ ce mot, peu-
vent être de natures différentes; les unes font fimpîement inflammables,
telles étoient celles que l'on vit fortir à travers de l'eau dans une
mine de charbon. M. Mead ^ de la Société Royale de Londres ,^^^ro-
duifit par art une vapeur qui préfentoit les mêmes phénomènes; pour
cet effet, il recueillit dans une veflie les vapeurs qui s'élevèrent d'un
mélange d'acide vitriolique , d'eau commune & de limaille; dé fer.
L'inflammation d'autres vapeurs eft accompagnée d'explofions terri-
bles; on lit dans les Tranfadions Philofophiques, qu'unhomme s'étant
approché imprudemment avec fa lumière de l'ouverture d'un des puits
d'une mine, pendant que la vapeur en fortoit, elle ^enflamma fur le
champ; il fe fit par trois ouvertures différentes une éruption de feu,
accompagnée d'un bruit effroyable: il périt foixante Bc'neuf perfonnes
dans cette occafion. Deux hommes & une femme^;qui étoient au
fond du puits de cinquante-fept braffes de profondeur , furent pouffes
dehors, ôc jettes à une diftance confidérable...La fecouffe de la terre
fut il violente, que l'on trouva un grand nombre de poiffons morts,
flottans à la furface de l'eau d'un petit ruiffeau qui étoit à quelque
diftance de l'ouverture de la^ mine. II. eft arrivé lé .premier d'Avril
ïy^y un accident aufli terrible dans une mine de' charbon à une lieue
& demie de Newcaftle , par quelque imprudence dè^- ouvriers qui la ■
fouilloient à cent braffes de profondeur^; l'air s'y eft'embrafé tout
d'un coup, & la vapeur enflammée a produit une explofion qui a
rendu à l'ouverture un bruit femblable à un grand coup' de tonnerre» ,
On a retiré le plutôt poffible les malhsureu'x.'. cpV' -étoient' ref^^^
fond de cet abyme : aucun n'étoit iQ.ort »\înais le'ieU'' ïés,^y^^î^it
■-.■r.<v'/
0
1C
;.î:-
'C6^ ; E X H
. j-é3aits dans l'état le plus déplorable. Le lendemain plufieurs per^
fonnes , & entr'autres quelques Infpedeiirs s'étant rendus à l'ou-
▼erture de la jnine pour examiner les effets de ce défaflre, la
vapeur mofétiqu© s'eft enflammée de nouveau, & éclatant avec plus
de violence que la première fois, elle a tué huit perfonnes & dix-
fept chevaux.
On a mandé de "Workington, au Comté deCumberland', que la fofle
d'une mine de charbon, aux environs de cette ville, exhalant une odeur
infupportable , il avoit été défendu aux ouvriers d'y travailler ; mais
^ qu'elle s'enflamma au moment où l'on y defcendoit une chandelle en-
fermée dans une lanterne pour examiner d'où provenoit cette vapeur»
L'explofion fut fi forte , qu'elle fe fit entendre à fix lieues. Cet acci-
dent a coûté la vie à fix perfonnes; d'autres y ont perdu la vue, 8c
plufieurs fpedateurs que la curiofité avoit attiré dans cet endroit , ont
été bleffés. Galette de France, Août lyyo.
Le phénomène le plus fingulier que les exhalaifons minérales nous
préfentent , efl: celui que les Mineurs nomment ballon : il paroît à la
partie Supérieure des galeries des mines, fous la forme d'une efpece de
poche arrondie, dont la peau reflemble à la toile d'araignée. Si ce fac
;■ vient à crever , la matière qui y étoit renfermée fe répand dans les fou-
terrains, & fait périr tous ceux qui la refpirent.
Moufette ou Mofette ou Poujjey Mephitis>
C*efl: une vapeur dangereufe qui s'élève alTez communément, fur—
tout dans les çhaleyçs de l'été, dans quantité de mines de charbon que
l'on exploite, & (Ja^quefois dans les mines métalliques. Les moufettes
font fréquentes auiîî en Italie, & fur-tout dans le Royaume de Naples,.
Une quantité de puits , de caves &: de cavernes naturelles en font infec-
tés. C'eiî une vapeur qui n'a prefque aucune qualité fenfible ; mais qui
tue tout animal qui la refpire. On a remarqué pendant les incendies du
Mont Vefuve, dit M. Haller , qiiQ toutes les caves voifines, excavées
dans d'anciennes caves , étoient remplies de moufettes homicides.
Dans les mines dé çh'ârbon cette vapeur mofettique reffemble quelque-
fois à un brouillard épais : elle a la propriété d'éteindre peu à peu les lampes
& les charbons ardens : elle donne une toux convulfive, la phthifie,,
■'•'^mème fuÊfoque-^es ouvriers, lorfqu'ils s'en laifiTent furprendre. Aufli;
ed-ii^ une maxim'ç.parrai eux, qu'il faut avoir l'œil autant à la kimier.ù:.
*.f •
<«."■*■
t¥
■W
E X H -: 6âri^' r
qu'à Ton ouvrage. Lorfqu'ils apperçoivent que la lumière de leurs lampes „
s'affoiblit, le plus sûr pour eux eft de fe faire retirer promptement d(:î'
Ja mine. L'effet de cette vapeur eft d'appefantir & d'endormir ; mais elle
agit quelquefois fi promptement, que les ouvriers tombent de l'échelle
en defcendant dans la mine. Alors elle faifit la gorge, & fait éprouver
une fenfation femblable à celle d'une corde qui ferreroit étroitement le
cou.
Lorfqu'on les fecourt à temps, on peut les fkuver : on les porte au
grand air, où ils reftent quelque temps fans donner aucun figne de vie.
Le remède le plus efficace, eft de couper un gazon, de coucher le ma-
lade fur le ventre, de façon que fa bouche pofe fur le trou fait dans la
terre, d'appliquer enfuite ce gazon fur fa tête. Sil n'a pas été trop long-
temps expofé à la vapeur, il revient peu à peu , comme d'un profond
fommeil. D'autres leur font avaler de l'eau tiède avec de l'efprit de vin;
ce mélange leur procure un vomiflement très-abondant de matières
noires; mais fouvent il refte au malade une toux convulfive pour le
refte de fes jours.
Ces terribles effets font produits par un air ftagnant , qui ài.p.erdu
fon élafticité , étant chargé de particules fulfurcufes d'une odeur ^hepar
fulphuris.V own ne point s'expofer à ces dangers , avant de fe. remettre .,•. : .,-
à l'ouvrage , on defcend par le puits une chandelle allumée pour recori- - •
noitre l'état de l'air.
Lehmann rapporte, Tom. I. p. 26b, qu'on obferve fouvent dans les
mines abandonnées, où les eaux fe font ramaffées , une vapeur bleuâtre
à leur furface, très-fenfible à la vue. Cette vapett,r vç'éleve pour peu
qu'on agite l'eau , & caufe des accidens furîeftestt^ux ouvriers.
On rencontre encore quelquefois de femblablès petits dépôts d'eau
dans la mafle des mines. Lorfque l'ouvrier perce avec un outil un pareil
endroit , la vapeur qui s'en échappe le fait périr , s'il ne fe retire
promptement. On peut confùîter le troifieme volume ^e Ici. Chimie de
M. Baume , à l'article Réflexions fur Us, Exhalaïfgrjs m'inlraUs , Z'. 3 68^
Heureufement ces exhalaifons rie regnenjt, pas continuellement dans
les mines , ni dans toutes les mines ; & d'aiileurs ^n a grand foin d'em-
ployer tous les moyens que l'art peut fuggérer pour faciliter la circu-
lation de l'air dans les fouterrains. Pour cet eîtet", on ouvre une galerie;^
liorifontale au pied de la montagne ;'& cette galerie fait i^vec les buré*''"
ou puits perpendiculaires de la mine^ une efoçce de fyphori qui fev^ife
■^.'
' 'eC'B' E X O E YS
. le renouvellement de l'air. Mais de toutes les méthodes que l'on peut
employer, il n'y en a pas de plus fure que le ventilateur , ou la machine
de Sutton. Au refte^l'Hiftoire des exhalaifons minérales eft très-propre
à éclaicir la théorie des tnmblcmms de terre ^Aqs volcans Se autres embra-
fem.ens fouterrains. Foyei ces mots & les articles Charbon minékal &
Pyrites.
EXOCET, ou ADONIS, ou FAUCON DE MER. Efpece de
poijfon volant. Voyez ce mot & celui de Gabot.
EXQUIMA. Quadrupède qui paroît être une variété du Coaita»
Voyez ce mot.
EYSENRAN ou EYSEN-GLANTZ. Voye^ Eisenman
'■y ••»
X>
FAB FAI ''66h
•?.
Jr ABAGO5 ^ygophîllum, LiNN. Planté amere qui eft une efpece
àQ peplus , ou de peuplier, qu'on trouve dans la Romanie, & qu'on
cultive au Jardin du Roi , & ailleurs dans les ferres chaudes. Sa racine
eft menue & ferpentante : Tes tiges font rameufes , fes feuilles oblongues,
un peu fembiables à celles du pourpier, nerveufes & ameres au goût.'
Il fort de leurs aiflelles des pédicules qui foutiennenc chacun une fleur
rouge, difpofée en rofe ; elle efl: à dix étamines, & cinq pétales : l'ovaire
efl: entouré d'une enveloppe de cinq feuilles. A. cette fleur fuccede un
fruit membraneux 5 long, cannelé , qui contient plui^eurs femences apla-
ties. Le fabago efl: eftimé un excellent vermifuge.
FABRECOUILLER. Voyei Micacoulier.
FACE ,y^cia. Voyez Fifage,\es articles Homme & S qud(itLe'^'<4t^.,
T AGIKKY. , fagar a. Fruit des Indes dont on diflingue deuxefpeces;
Tune qui reffemble en tout à la cubebe; l'autre, qui eft plus groilè ,
reffemble à la coque du Levant, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ils ' .^.'
font l'un & l'autre aromatiques, & ont les mêmes vertus que la cubebe.
Voyez ce mot.
FAISNE ou FOUESNE. Voye^ au mot HÊTRE.
F AAS AN , pha^anus. Genre d'oifeau des bois, dont on difl:ingue
plufieurs efpeces. Le coq-faifan d'Europe eft admirable par la variété
& par l'éclat de fon plumage : il reflemble un peà'au coq ordinaire.
Quand le faifan eft en amour , fa tête eft extrêmement rouge , & fes
yeux font étincelans comme du feu. Le plumage de cet oifeau eft de
trois couleurs , brun , de couleur d'or & vert : le defTus de fa tête
eft d'un cendré luifant. Sa queue eft fort longue, A l'endroit des oreilles
du mâle uniquement, il s'élève de petites touffes de plumes plus longues
que les autres. La poule-faifande n'a point de cgfulerirs aufli brillantes
que le maie ; elle eft à-peu près dé la couleur de la caille; Les plumes
des faifans fervent quelquefois pour mettre aux -chapeaux, au-lieu de
plumes d'autruches.
Les faifans font de la groffeur d'un chapon , ils ne font pas natu-
rellement fort communs 'dans ce pays-ci ; mai»' pai Xés;fpipslt[u'en font
t^^p"'* FAI
.'^rendre les Princes & les Seigneurs, ils les multiplient beaucoup
dans leurs parcs. Le goût de ce gibier eft des plus exquis, lorfqu'il
eft fuffifamment attendu : fa chair eft délicate , d'un bon fuc & très-
nourriflante. Pourv faciliter la multiplication de ces oifeaux , qui ne
vivent que fept à huit ans, on en élevé dans des enceintes murées que
Ton nomme faifanderies ; telle eft celle d'auprès de Verfailles.
Cette éducation domeftique que l'on fait des faifans & des perdrix
rouges ou grifes , eft le meilleur moyen d'en peupler une terre, & de
réparer la deftrudion que la chaffe en fait. Par ces foins, on met les
•œufs , ik ces jeunes oifeaux à l'abri d'une multitude d'ennemis , tels que
les fouines, les renards, les oifeaux de proie, qui mangent les œufs ou
les petits encore foibles. La manière d'élever les faifans, eft prefque
îa même que pour les perdrix rouges ou grifes.
Manière d^êlever des Faifans,
Le lieu où l'on établit la faifanderie , doit être difpofé de manière
que l'herbe croiffe dans la plus grande partie, & qu'il y ait un affez bon
nombj-eitie petits buiffons épais & fourrés, pour que chaque bande de
faifandeaùx puiffe s'y retirer à part, à l'ombre & à l'abri pendant la
gra.nde chaleur-, ou pendant les mauvais temps.
Pour fe procurer beaucoup d'oeufs de faifans, il faut nourrir pendant
toute l'année un certain nombre de poules-faifandes. On les tient enfer-
mées au nombre de cinq à lix avec un coq, dans de petits enclos fépa-
rés , où ell^s- font à l'abri de tous les animaux malfaifans. Il faut que
chaque enceinte foit. bien féparée, & que les coqs ne puifTent ni fe voir
ni s*entendre \ car le^ mouvem.ens d'inquiétude ou de jaioufie que s'infpi-
reroient les uns les autres, ces mâles moins lafcifs que nos coqs domcf-
tiques,fi peu ardens pour leurs femelles, èi cependant fi ombrageux pour
leurs rivaux , ne manqueroient pas d'étouffer ou d'affoiblir des mou-
veîïîens plus doux, & fans lefquels il n'eft point de génération. Ainfi
dans^plufie'urs animaux, comme dans l'homme, le degré de la jaloufie
n'eft pas^ toujours proportionné au befoin de jouir. Le phyfique àes
facultés fe troubîè ■<^- nuit à la propagation. Au commencement de
Mars, il eftifbpn de leur donner un peu de farralin pour les échauffer
.& hâter le temps de l'amour. Il feroit dangereux que les poules RilTent
trop graffes, elles,^ en pondroient moins ; & la coquille de leurs œufs
^QïQit fipioJle, qu'ils CQUrroient rifquc d'être écrafés dans l'incubaiion.
FAI \' cyi
Les poules- faifandes qu'on confçrve pour faire race doivent être
jeunes, elles pondent davantage , plus tôt , & les couvées qui fe font
de bonne heure font les plus favorables.
C'eft vers la fin d'Avril que commence îa ponte des poules-faî-'
fandes. On a foin d'aller ramalTer le foir tous les œufs : car li on ne
prenoit point ce foin, ils fe trouveroient fou vent cafTés & mangés par
les poules mêmes. On fait enfuite couver ces oeufs par une poule de
baffe-cour qui doit être bonne couveufe, c'efl-à-dire , qui doit refier
avec attache fur les œufs. Au bout de vingt-quatre à vingt-cinq jours
les faifandeaux éclofent. On les enferme avec la poule fous une caifîe
aérée , & dont on augmente la longueur à mefure qu'ils grandifîent. Les
faifandeaux demandent beaucoup de foin pour leur nourriture : il efl
néceffaire dans le premier mois de les nourrir principalement avec des
vers & nymphes de fourmis noires qu'on ramaffe dans les bois, & que
l'on nomme improprement œufs de fourmis , ainfî qu'on peut le voir aa
mot Fourmi.
Si on ne peut en trouver , on y fupplée en leur donnant des œufs
durs hachés & mêlés avec de la mie de pain & un peu de laïque : à
mefure qu'ils deviennent plus forts , on leur donne du grain. Ces jeunes
oifeaux font fujets à être attaqués par une efpece de, poux, qui- leur efl
commune avec la volaille; ils maigriffent alors & meurent quelquefois. Le ' ^' "
meilleur remède pour les en garantir , eft de les tenir proprement»Lorfque
les faifandeaux ont un peu plus de deux mois, les plumes de leur queus
tombent , & il leur en pouffe de nouvelles. Ce moment efl aiîèz criti-
que à paffer ; fufage des vers de fourmis le rend moins dangereux. Un
des foins les plus importans, c'efl de leur donnei^^toujours de L'eau-
nouvelle; ce défaut d'attention leur caufe une maladie commune aux
poulets, qu'on nomme la /^t-jp/V, qui fe manifefteparune pellicule blanche
qui recouvre leur langue: cette maladie efl prefque toujours mortelle
aux faifandeaux.
La méthode efl la même pour élever les perdrix; il faut obferver
feulement que les perdreaux rouges font plus délicats que 'les. faifan-
deaux, & que les vers de fourmis leur font plus néceifaires. J)ès que les
perdreaux rouges ont atteint fix femaines , il feroit dangereux de les
vouloir tenir renfermés; ils deviennent alors in jets à une maladie conta-
gleufe, qu'on ne prévient qu'en les laifTiint libres à la campagne. Cette-
maladie s'annonce par une enflure conildef abte' à la tête &■ aux pieds ,.
■\^
6i^ F A î
"loi' elle efi accompagnée d'une foif qui hâte la mort quand on la fatls-
fait. On ne doit donner la liberté aux faifans que lorfqu'ils ont deux
mois & demi. La perdrix grife ne demande pas tant de foin , & s'élève
beaucoup plus aiiîement que la perdrix rouge. Confultez le Guide du
Fermier, ouvrage Anglois , traduit tout récemment en François, chez
Coftard à Paris.
Les faifans fe perchent la nuit dans les hautes futaies; le jour ils fré-
quentent les bois taillis, les buiflbns & les lieux remplis de brouffailles i
car ces cifeaux font d'un caradere fauvage: quoiqu'accoutumés à la
fociété des hommes, quoique comblés de leurs bienfaits les faifans s'éloi-
gnent le plus qu'il efl pofiible de toute habitation humaine, & il efl:
très-difficile d'en apprivoifer. On prétend néanmoins qu'on les accou-
tume à revenir au coup de fifflet , c'eft-à-dire , qu'ils s'accoutument à
venir prendre la nourriture que ce coup de fifflet leur annonce toujours ;
jnais des que leur befoin eft fatisfait , ils reviennent à leur naturel , &
ne Gonnoiffent plus la main qui les a nourris ; ce font donc , dit M. de
JBujffhn ,Aqs e(d.avQS indomptables qui ne peuvent fe plier à la fervitu-
de, ^tii-ne connoifTent aucun bien qui puifle entrer en comparaifon
iivec la liberté , qui cherchent continuellement à la recouvrer , & qui
n'en manquent jamais l'occafion. Les fauvages qui viennent de la per-
dre font fiirieux.j ils fondent à grands coups de bec fur les compagnons
ÀQ leur captivité j & n'épargnent pas même le paon. Leur naturel efl: IT
farouche étant rendus aux mains delà nature, que non -feulement ils
évitent l'homme ^ mais qu'ils s'évitent les uns les autres , fi ce n'efl: au
mois d'Avril , qui efl: le temps où le mâle recherche fa femelle ; il eft
facile alors de les'trouver dans les bois, parce qu'ils fe trah illent eux-
mêmes par un battement d'ailes qui fe fait entendre de fort loin. On
idit que le faifan efl: fort ftupide ; qu'il fe croit bien en fureté lorfque fa
léte eii cachée , comme an l'a dit de tant d'autres oifeaux ôc qu'il fe
îaifle prendre à tous les pièges ; lorfqu'on le chafle au chien courant ,
£c qu'il a été rencontré,- il ^regarde fixement le chien tant qu'il efl: en
arrêt , & donne tout le temps au ChafTeur de le tirer à fon aife : il fuffit
de lui préfenter fa propre imiage , ou feulement un morceau d'étolïe
jTOuge fur «ne toile blanche , pour l'attirer dans le piège : on le prend
'^nçpve en tendant des lacets ou des filets fur les chemins ou il pafle le
foir & le matin , pour aller boire ; enfin on le chafle à Toifeau de proie ;
^v l'on pr.éte:id que ceux qui font pris de cette manière , font plus tendres
FAI ^73:
^ de meilleur goût. La femelle fait fon nid à terre dans les buîflbhs les
plus épais : elle pond pour le moins autant d'œufs que la perdrix.
On dit que la poule domeftique donne avec le coq-faifan, des œufs
marquetés de noir, beaucoup plus gros que les oeufs de la poule com-
mune ; & que les petits qui en proviennent font fi femblables à de vrais
faifandeaux, qu'on pourroit s'y tromper. On prétend même que les
femelles qui proviennent de ces œufs , produiroient des faifans parfaits
à la première ou à la féconde couvée, fi on les accouploit avec leur
père. Il y a plufieurs efpeces & beaucoup de variétés parmi les faifans,'
félon la diverfité des pays oii ils naiffent.
Le plus beau de tous les faifans , eft fans contredit le faîfan rouge de
la Chine , Phajianus aureus Sinenjis, Cet oifeau parvenu à l'âge de deux
ans porte fur fa tête & fon cou une huppe ou panache qui eft d'un beau
jaune de topaze, & fe redreffe à la volonté de l'animal, notamment
dans la faifon des amours. Il a le plumage doré , citron , couleur d'écar-
late , d'émeraude , bleu célefte, brun, jaune : toutes ces fuperbes
couleurs qui tranchent les unes fur les autres, font un très -agréable
mélange. Il porte une belle & longue queue. Cet oifeau de TAfje con-
fervé avec tout l'art podible , fe fait remarquer par la richeife de fes
couleurs, parmi ceux du Cabinet du Jardin du Roi, & dans celui de
Chantilly : on y voit auflî \q faifan blanc de la Chine. ^ \q faifan panaché
dt la Tartane. La huppe & le ventre de celui-ci font noirs , tout le refte
du plumage eft panaché de noir fur un fond blanc. î on npurrit dans la
Ménagerie de Chantilly , un bon nombre de ces charmans- oifeaux.
On trouve encore beaucoup d'oifeaux appelles faifans, dans plu-<
fieurs autres contrées, & qui varient, foit par, i|. plumage , ou par
quelqu*autre particularité, he faifan de C Amérique- vl le plumage noir
& une crête rouge , pendante comme celle d'une petite poule d'Inde t
fes pieds font rouges. Le faifan du Bréjil a fur la tête une*crête
huppée : le deifous de fa gorge eft fans plumes , & la peau en eft
rouge, "Lq faifan des Antilles a le cou très-long , la tête & le bec
d'un corbeau: fon plumage eft d'un gris mêlé de roux, excepté fur
la poitrine où il eft d'un beau bleu : fa queue eft noire & n'eft pas
fort longue. Cet oifeau eft le caracara. Voyez ce mot. Dans une
balTe-cour il fait une guerre cruelle à tous les oifeaux domeftiques.
Dans une maifon , il fait le maître ; il chafte les chiens qu'il becqueté
en traître, fouvent il fe jette aux jambes des étrangers. Il n'en eft
Tomô II, Q q q q
■/7i ■ FAI
pas de même du faïfan de. Carajow ou des Indes Occidentales : Ton
caraâere eft doux, fociable; il vit fort bien avec les autres oifeaux:
il a fur la mâchoire fupérieure une excrefcence ronde, jaune & dure,&
de la groflfeur d'une aveline : fa tête eft huppée , frifée d'un noir velouté &
panaché ; voyez l'article Hocos hefaifan de la Guianc n'eft point l'oifeaiï
mot-mot du Bréfil , ni la poule fauvage que Feu'dUc appelle katrakas-katra-
kas , mais le merail ou Vyacou : voyez ces mots. Le faifan-paon eft ainfî
nommé des efpeces de plumes qu'il a fur la tête, parce qu'il eft prefque-
aufli gros que le paon : il diffère du faïfan couronne des Indes , qui fe
trouve à Banda. Mais ce ne font point des faifans , ce dernier eft de-
la famille des pigeons ; fa femelle eft brune : voyez Crown - vo^el &
Eperonn'w\ On diftingue aufTi le faifan huppé de Cayenne. Voyez Hoa^in,
Le faifan de Penfilvanie & du Maryland eft lagelinotedu Canada t
voyez ce mot. Le faifan des Caf'res a le plumage blanc moucheté
de gris ; ceux de Congo font noirs & bleus : celui de Juîda à la Côte
d'Or , eft tout blanc mêlé de bleu , & a la tête couronnée d'une
touffe noire. Le faifan de Madagafcar eft violet : on le rencontre aufll
dans le pays des Amazones. Sa tête eft furmontée d'une huppe étagée
de plumes noires & blanches, & qui baiffent «ou fe dreflènt à la
volonté dç l'oifeau : fa démarche eft noble & liere. La chair de toutes
ces fortes d'oifeaux, eft d'un goût exquis & convient à tous les tem-
péramens. he faifan bâtard , phajianus ubridus , eft tacheté de brun &:
de blanc. Voyez Coquard,
FAISAN BRUAN; ou FAISAN DE MONTAGNE , urogal^
lus. Eft le coq des hois on coq de bruyère^ Voyez ce mot à la fuite de
l'article Coq, & 1 article Gelinote du Canada.
FAISAN CORNU DES INDES. C'eft le NapauL Voyez ce^
mot.
FAISAN D'EAU. Nom qu'on a donné au Turbot, Voyez ce
ÏROt.
FAISAN DE MER. 'rbyc^ au mot Canard a duvet: on l'ap-
pelle aufTl PiNTAlL.
FAITIERE ou TUILÉE, imbricata» Nom donné à une efpece de
coquillage bivalve du genre des cames tronquées, & de la famille des
Caurs, Voyez ce mot.
La faitiere préfente par une face un cœur ouvert; mais le faitage
de deifus eft fon caractère fpéçifique, On remarque fur fa coquille fix
V À t '^7f.
a fept principales Se grandes ftries longitudinales; aVec de grandes
cavités entre deux , traverfées de différentes lignes qui forment des
étages & des couches en manière de tuiles minces, de plus en plus
grandes à mefure qu'elles s'approchent des bords. Il y a des faitieres
blanches, d'autres de couleur citron, quelquefois verdâtres, nuées de
rofe plus ou moins bombées , d'un beau blanc en dedans. Les deux
valves qui fervent de Bénitier dans l'Eglife de S. Sulpice à Paris, Se
dont la République de Venife avoit autrefois faitpréfentà François I,
appartiennent à la euilée. On en conferve aufîi deux dans le cabinet de
Sainte Geneviève à Paris, elles font deftinées au même ufage pour la
nouvelle Eglife.
FALABRIQUIER, ^oyq Mi^acoulier,
FALAISE. Nom qu'on donne aux côtes de la mer qui font élevées ^
efcarpées, & garnies de landes à leur bafe,
FALANGES. On donne ce nom à de groflès mouches des îles
Antilles , qui ont la tête & le mufeau comme un finge. Il y en a de
plufieurs efpeces ; les unes qui ont des trompes, d'autres qui ont
des cornes. Les phalanges ne font point des mouches , mais des çfpeces
d'araignées, roye^ Phalange.
FALLTRANCHS. Dans le commerce on donne ce nom à un
mélange affez arbitraire des principales herbes plus pu moins vulnér*
raires qu'on a récoltées fleuries & dans leur plus grande vigueur, fur
les montagnes jde la Suiffe & de l'Auvergne. Les payfans Genevois
& Suifles, fur-tout les Glaronnois ou habitans de Glarnes, dès qu'ils
les ont ramaffées, les coupent par petits morceaux pour les déguifer ,
puis les font fécher pour s'en fervir en infufion théiforme , que l'on
coupe quelquefois avec du lait & un peu de fucre. Ces herbes
vulnéraires font ordinairement les feuillies & fleurs defanick , de hugle,
de pervenche , ,de verge d'or, de véronique^ de pyrole , de pied de chat j
de pied de lion , de langue de cerf ^ àiarmoife^ de pulmonaire , de hrii"
nelle , de bkoine , de verveine , de fcrophalaire , à!aigremoine , de petite
centaurée , de menthe , de pilofdle , rarement de capillaire , qui , félon
M, Haller , efl; très-rare en Suiffe j & plufieurs autres plantes, Foye^
ces mots.
Les SuifTes vendent ordinairement aux Drogulfles leurs falltranchs
,«n paquets de deux onces, foigneufement cachetés & munis de certi-s
ficats pour faire foi du foin avec lequel ils ont été récoltés dans le
Qqqq2
'if:;^ FÀt
'pays. Lorfque l'odeur, la couleur & la faveur font de la qualité
requife, les propriétés en font plus efficaces. On s'en fert comme de
bons diurétiques: ils font propres pour la jaunifle , pour les rhumes
invétérés , & pour diflfoudre le fang coagulé : mais plus ces herbes
ont de vertu , plus il faut en faire ufage avec prudence. M. Struve ,
Chimifte de Laufanne , vend un falltrank compofé uniquement de
plantes aromatiques des Alpes , dont M. HalUr lui a indiqué le choix.
Ce font des abfinthes peu connues , des milles feuilles , & d'autres
plantes odorantes & ameres. Falltrank eft un nom Allemand , com-
pofé de Fallen, tomber, & de Trank, boiflbn ; ce qui fignifie liqueur
propre pour ceux qui font tombés.
FALUN ou CRON ou CRAN. Noms donnés vulgairement à
des bancs de terre, compofés d'un amas confidérable de tritus de
coquilles foffiles , & de madréporites qui ont perdu leur émail. Ces
bancs appelles falunieres^ fe trouvent particulièrement en Touraine &
au Vexin. On fefert de falun dans quelques pays, au lieu de marne,
pour améliorer certaines terres.
La longueur, la largeur & la profondeur de ces couches, qui fe
trouvent fous terre où elles ont été formées par des dépôts fucceflifs ,
varient beaucoup. Les falunieres de Touraine ont trois grandes lieues
& demie de longueur , fur une de largeur moins confidérable , &
plus de vingt pieds de profondeur. D'où vient ce prodigieux amas
dans un pays éloigné de la mer de plus trente-fix lieues ? Comment
s'eft-il formé? Quelquefois on y trouve encore des corps marins peu
calcinés ou non réduits en poudre: alors l'on peut les reconnoître, à
la couleur près, par les carafteres qui leur font communs avec les
analogues vivans. On y diftingue fur-tout différentes efpeces de madré-
pores , de coraux , de dents , des vertèbres Ci étoiles marines des en troques ,
des os de poiffons , des fragmens de coquilles de tous genres : tout ici
annonce les traces des révolutions arrivées à notre globe. Ce cron
cft cominunément dans l'état d'un fable plus ou moins atténué. Com-
bien de couches de terre calcaire femblent n'être que le réfultat de
falunieres très-comminuées ! telles font peut-être les couches de craie de
tranfport.
Les Payfans, dont les terres font en ce pays naturellement ftériles,
exploitent en Odobre les falunieres, enlèvent le cron, & le répandent
delféché & d'une manière uniforme fur leurs champs pour les fertiiifer.
F À M FAN V77
Cet engrais les rend fertiles, comme ailleurs la marne & le fumier ;& ;'
une terre une fois falunée , l'efl pour trente ans. Quand on veut ex-
ploiter une faluniere avec profit , on choifit celle qui eft recouverte
d'une couche de terre de peu d'épaifleur , de quatre pieds au plus : les
endroits bas & aquatiques doivent être préférés en cette occafion ; mais
le travail demande de la célérité , Teau fe préfentant de tout côté pour
remplir le trou à mefure qu'on le rend profond : auili eft-il rare qu'on
emploie moins de quatre-vingts ouvriers à la fois. On en afTemble fou- .
vent plus de cent cinquante : une partie des travailleurs creufe ; l'autre
épuife l'eau. On commence le travail de grand matin : on eft forcé
communément de l'abandonner fur les trois heures après midi. On a
obfervé que le lit de bon falun n'eft mêlé d'aucune matière étrangère :
on n'y trouve ni fable , ni pierre, ni terre ; & l'eau qui s'y filtre , eft
claire & n'a point de mauvais goût. Le falun tiré après les premières
couches , eft extrêmement blanc. Les coquilles qu'on y remarque ,
font toutes placées horizontalement & fur le plat. Les bancs des falu-;
nieres ont des couches diftinéles. Tout ceci tend à prouver que la falu-
niere eft le réfultat de plufieurs dépôts fucceffifs, & qu'elle efk l'ou-
vrage du féjour conftant & durable d'une mer aflife & tranquille ,. ou
du moins fe balançant d'un mouvement très-lent. Voyez cet article dans
les Mémoires de VAcad, des Sciences^ann. lyzo ; Voyez aufli l'article ÏEKRE
de ce Didionnaire.
FAMOCANTRATON. Efpece d'animal de l'ile de Madagafcar , de
la forme d'un lézard , qui vit d'infedes , & qui fe tient attaché à l'écorce
des arbres où l'on a peine à l'appercevoir. Au-deftus du dos , de la queue ^
des jambes, du cou, & à l'extrémité du mufeau , fe trouvent des efpe-
ces de crêtes & de griffes qui lui fervent à s'attacher contre les arbres.
Il tient toujours fon gofier ouvert pour y recevoir des araignées & des
mouches dont il fait fa principale nourriture. Cet anim.al s'élance très-
rapidement fur la poitrine des Nègres lorfqu'ils ont l'imprudence de
s'approcher d'un arbre où il fe trouve : ils le craignent beaucoup, parce
qu'il fe colle fi fortement fur la peau , qu'ils ne peuvent s'en défaire
qu'avec le fecoursd'un rafoir. Dapper, Defcripiion de r Afrique, page
4S8 , dit que le mot/amocantraton fignifie en langue du pays , fauteur à
la poitrine,
FANNASHIBA. Hubner {Diciionn. Univerf ) dit que c'eft un grand
arbre du Japon , dont les feuilles font d'un vert foncé & forment une
:g-7..-e 'FAN PAR
* .i^rpece de couronne ; Tes fleurs font en bouquets, étant attachées les unes
:aux autres ; elles répandent une odeur très-agréable & fi forte qu'on la
;peut fentir à une lieue quand le vent donne. Les Dames les font fécher ,
& c'en fervent à parfumer leurs appartemens. On plante cet arbre dans
le voifinage des Temples & des Pagodes j &c quand il eil vieux , on le
brûle dans les funérailles des morts,
FANONS ou Barbes de Baleine. Ce font ces grandes lames de
fept à huit pieds de longueur , qu'on nomme improprement cous de
Baleine ; elles font d'une nature analogue à celle des cornes ongulées
d'animaux. Voyez l'article Baleine de Groenland,
FAON. Eft le petit de la biche ;on donne aufll ce nom au petit du
ciievreuil & du daim,
FAR AFES. Sont des animaux fauvages de l'île de Madagafcar , fort
femblables aux loups, mais encore plus voraces. Les habitans font
-obligés d'entretenir continuellement du feu dans leurs cafés pour en
éloigner ces dangereux ennemis. On foupçonne que c'ell; ïadil ou le
.chacal. Voyez ces mots.
FARD. Foyei Pierre a Fard.
FARINE. Eft du grain moulu -& réduit -en poudre, dont on a fé-
■paré le fon avec des bluteaux. Les farines propres à faire du pain , font
.celles de froment, de feigle, de farrafin , de maïs, d'orge, de riz,
d'avoine , du panis , & toutes celles qui étant mêlées avec de l'eau ,
lont alimenteufes & fuiceptibles de la fermentation panaire & vineufe ,
■ou de former par.4a^ coétion une efpece de gelée connue fous le nom
À'empois, Il paroît ihême d'après des expériences , qu'il y a dans la fa-
rine une partie acefcente , & une autre qui naturellement penche à
l'alkalefcence : on a démontré ces deux parties à Boulogne & à Stras-
*bourg.
La fubftance farineufe eft abondamment répandue dans le règne
végétal. La Nature nous la préfente dans un grand nombre de plantes,
.dans les femences de toutes les graminées & de toutes les légumineufes ;
dans les fruits du chêne-, duhptre , dy châtaignier , dans la moelle du
fagoutier, dans Técorce d'une efpece de .pin , dans la fécule du manio-
que , dans les racines de plufieurs plantes potagères & dans celles d'af-
phodele , dans la truffe blanche, appelée /'oz/zwe de terre.
Avec quelle fatisfaétion ne voit-on pas ies diverfes Académies propo-
ser des fujets de prix plus iritérelTans les :uns que les .autres ; d'après k
PAR C-rg,
^ûeftion propofée par rAcadémie des Sciences , Belles-Lettres & Art»
de Befançon , d'Indiquer Us végétaux qui pourroient fuppiécr , en temps de
difette , à ceux que Con emploie communément à la nourriture de C homme ,
& à leur préparation. M. Parmentier , Apothicaire- Major de l'Hôtel
royal des Invalides , qui a remporté le prix , prouve dans fon Mé-*
moire , d'après des recherches chimiques , que la partie amidonée efl
celle qui eft vraiment nutritive dans les végétaux , & que Ton peut
retirer cette partie nutritive amidonée par trituration , par lotion ,
du marron d^lnde , du gland , des racines de bryone , de fiambe ou iris ,.
de glayeul, de colchique , de pied de veau , defcrpentaire , de petite chéli-
doiney dQ filipendule , des femcnces de la nielle des blés ^ des racines d^eU
lébore à feuilles d'aconit , delà fumeterre bulbeufej des mandragores , des
chiendents. La méthode de M. Parmentier pour obtenir l'amidon de ces.
diverfes efpeces de végétaux eft très-fimple ; il fuffit de nettoyer &
éplucher les racines , de les râper , & de les foumettre à la prefie ; de
prendre enfuite le marc &de le délayer dans beaucoup d'eau , il dépofe
un fédiment blanc 5 qui lavé & féché eft un véritable amidon. G'eftpar
cette méthode que les Infulaires enlèvent au maniaque , à une efpece
^yuca, des fucs très-vénéneux, & en obtiennent la fubftance farineufe,
dont ils fe nourriflent. M. Parmentier a pris les amidons extraits des di-
vers végétaux 5 dont nous avons parlé , il les a convertis en. pain ,. en
les mêlant avec parties égales de pommes de terre réduites en pulpe ,-
& la dofe ordinaire de levain de froment; le pain s'eft trouvé fans aucun
mauvais goût , & de très-bonne qualité. Voyez les mots. Pommes di
terre ^ Pied de veau^ Maniaque, .t<*^
On retire des blés gâtés , ou des griots ou recoupetteis,, un fédiment
avec lequel on fait une pâte blanche & friable, connue fous le nom
^amidon. On l'emploie à faire de la colle, de l'emplois blanc ou bleui
le meilleur eft blanc, doux , tendre & friable. Les ConEfeurs, Chande--
liers , Teinturiers du grand teint, BlanchiiTeurs de gaze, font aulîi ufage
de l'amidon : on en peut faire aufli avec la racine d'arum ou pied de veau
& la pomme de terre ; l'amidon eft peâoral , propre à a.dôûcir les âcretéa
de la poitrine; on l'emploie cuit avec le lait pour la diarrhée.
Plufieurs Médecins ont obfervé que les farineux font plus propres
à produire des acides dans les premières voies que la plupart des alImensL
tirés des animaux: d'un autre côté l'expérience prouve que les peuples:^
qui font ufage des alimens farineux non fermentes, ont un air de fanté,,.
6.ÎO FAR
Ib teint fiais & fleuri & de rembonpoint ; mais ils font lourds , paref-
feux, peu propres aux exercices & aux travaux pénibles , fans vivacité,
fans efprit, fans defirs & fans inquiétude. La bouillie de nos enfans fe
fait avec de la farine de froment non fermenté. Cependant on préfère
le pain fermenté au pain non levé. On emploie fouvent les farines en
cataplafmes pour réfoudre ou amollir.
FARINE EMPOISONNÉE. Les Mineurs donnent ce nom à l'ar-
fenlc en fleurs que l'on trouve quelquefois attaché aux voûtes de la
minière de cette fubftance, P^oye^ Arsenic.
On appelle aufli farine empoifonnée le dépôt blanchâtre que produit
une fumée condenfée dans des vaifleaux faits exprès, lorfqu'on travaille
à retirer le bleu d'émail du codait , ordinairement allié à Varfenic. Voyez
Cobalt. Cette farine efl: également arfénicale ou empoifonnée.
FARINE FOSSILE ou MINÈKALE , farina fojpiis. Nom qu'on a
donné par une fuite d'erreurs populaires à une fubfl:ance crétacée, ou
efpece do guhr calcaire, blanchâtre, reflemblant à de la groffe farine, èc
dont ..Brukmann, Epijl. iùn. de farin» foJjîL rapporte que les gens du
commun en Saxe firent autrefois ufage , dans un temps de famine & de
difette, comme d'une farine célefte. Il ajoute férieufement , qu'ils en recon-
nurent bientôt la mauvalfe qualité; ce qui n'efl: pas difficile à croire.
Il n'y d pas une grande différence entre la farine foffiU, V agaric mini-^
ral,\Q lait de lune. fo(JiU , & les guhrs de çraie.^oyQï ces difFérens mots.
La foliditéjla ténuité, la couleur & la configuration y mettent peut-
être la plus grande, différence. Voyez Ludivig, Pou & Scheuch^er, Si la
farine foflile eft marbrée , on l'appelle terre miraculeufe.
Comme l'on trouve toujours la farine fofîile dans des endroits caver-
neux où l'air pénètre , il y a lieu de croire qu'elle eft, ou le réfultat
ji'une fl:alaâ:ite décompofée, ou d'un guhr de craie defféché, & qui y
^ été apporté par le courant des eaux fouterraines, Voye^ Guhr.
FARLOUSE. C'eft l'alouette de pré ; oifeau qui fe trouve en Italie
(& en Lorraine, & qui vole en petites troupes. Il niche dans les bois
taillis ; il cache fon nid en terre entre les racines des arbriffeaux cour
verts de mouffes par le pied. Il paroît au printemps & difparoît en
Odobre. Son ramage tient de celui de l'alouette ordinaire & il vole de
ynême. Voyez à l'article Alouette.
FASCIOLA , ou Sang-sue limace. Efpece de ver du genre des
fcMa^ ( voyez ce mot ) , &: dont M, Llnno^us donne la figure dans fon
%
F À S PAU 6Zi
■ ^
Sj/I, Nat, pag, yo , tah* 7 , «. /. Les poiiTons & les chiens font plus
fujets que Thomme à être attaqués par ce ver aquatique qui fe trouve
dans les torrens & fous les pierres ; fon corps eft d'une figure ovale ,
& à peine de la grandeur d'une femence de melon , un peu plus gros
que le vrai tccnïa ou ver folitaire ; Ton en trouve de la longueur d'une
aune , mais fans articulations fenfibles : ce qui fait qu'on ne peut pas
déterminer fi c'eft un feul ver ou plufieurs enfemble , comme on le pré-
fume à l'égard du txnia , dont la vraie longueur eft indéterminée , &
qui eft divifé en travers , c'eft-à-dire , par anneaux.
Le fafciola eft aplati , fes deux extrémités font rondes , fes furfaces
plates font chargées de trois lignes longitudinales , & fes côtés font
crénelés*
FASEOLE. Efpece de/êve qui fe mange verte , & qui eft plus com-
mune en Italie qu'en France, Il y en a de blanches , de jaunes , de rouges
& de bigarrées. Voyc^ Haricot.
Les Antilles produifent une forte de faféoUs brunes , qui rampent
ordinairement au bord de la mer dans le fable , mais qui paflèqt pour
dangereufes , ainfi que les ricins. Voyez ce mot, '' • '^
FAU. VoyCl HÊTRE,
FAV AGITE ou FAVONITE. Nom donné à un aftroïte foiîîle dont
les étoiles font grandes , ou ovales , ou angulaires , à-peu-près fembla-
bles aux cellules d'un rayon de miel: ces cellules font fouvent remplies
de criftallifations ou fpatheufes , ou filicées. On trouve beaucoup de
favagius aux environs de Dax , & dans la Birfe près de Bafle : quantité
de marbres de première formation font remplis de favonites.
FAUCHEUX ou ARAIGNÉE DES CHAMPS. Foyei^on article
à la fuite du mot Araignée.
FAUCON , falco. Genre d'oifeau de proie , dont il y a plufieurs
efpeces. Ils ont été nommés ainfi , parce que leurs griffes font faites
en forme de faux. C'eft de cet oifeau que la Fauconnerie tire fon nom#
C'eft l'oifeau de proie le plus noble de fon efpece. C'eft parmi ces oi-.
féaux de proie qu'on a choifi les efpeces les plus courageufes & les
moins rebelles pour les dreffer à la chaffe du vol. Ces oifeaux bien dref^
fés pourfuivent le licvrc , & même les bêtes fauves , telles que le loup ,'
IcfangUer, &c.
On divife les faucons en huit efpeces , dont quatre volent haut , 6C
les quatre autres volent bas. Les quatre premiers font Vautour , Vépef
Terne //« R r r r
6^2 F A U
vier 5 le gerfauh j & Vémerlllon ; les quatre autres font , le faucon , îe^
/anier, \q /acre , & le hobereau. De tous ces oifeaux, le faucon & l'au-
tour font d'un fervice plus sûr & plus ordinaire que ks autres.
Le Faucon-gerfault, gyrfalco, approche beaucoup de V aigle i^out
Ici grandeur; c'efl, après lui, l'oifeau le plus fier, le plus hardi &le plus
fort ; fes plumes font toutes blanches, excepté celles du dos ôi des ailes,
qui ont des taches noires en forme de cœur ; fa queue eft courte & a
des bandes tranfverfales noires. Sa tête efl aplatie ; fon bec &: fes jambes
font de couleur bleue jaunâtre.
Cette efpece de faucon aire en Prufle & en Ruflîe i c'eft de Norwege,
du Danemarck , & principalement de riflande que viennent les meil-
leurs: on lui fait voler le milan, le héron, l'outarde, la grue & tout
le gros gibier. Son tiercelet eft plus délicat & plus difficile à gouverner..
yoye:^ le mot Tiercelet.
Le Faucon-sacre, yîz/co facer, eft plus petit que \egerfaul(, mais il
le furpaffe en courage & en agilité : on en diftingue plufieurs efpeces. Le
nieilkur facre, (êlon les habiles Fauconniers, fe connoît par fa couleur
tannée', rouge & grife : il doit avoir les jambes & le bec courts; les doigta
des pieds bleus, de même que le bec; le corps alongé; les ailes & la
queue longues.
On diftiiigue plufieurs efpeces Aq faucon s-lanier ; elles ne différent que
par le plumage, qui en général, tire fur le grisâtre: ces oifeaux ont
le bec d'une médiocre grandeur, & un peu crochu par le bout. Foye:(^
Lanier.
Le Faucon émerillon a le plumage brun ; la partie inférieure de
fon corps eft couleur de paille. Foyeç Émkrtllon.
U autour , Vépervier, ont été décrits fous ces noms. Fbyei ces mots. W
y a auffi le faucon fors ^ falco hornotinus ; le faucon hagard ou boffu,falco
gibbofus; \q faucon à tête blanche , falco leucocephalus ; \q faucon blanc ^ le
faucon noir, \q faucon tacheté, le faucon brun , \q faucon rouge, \q faucon
d'Italie, le faucon d' IJlande , \q faucon gentil , \q faucon pèlerin , le faucon
de Barbarie ; \q faucon à collier ,falco torquatus ; \q faucon de Tartarie,le
faucon de roche , le faucon de montagne ou montagner ; U faucon de la
baye de Hudjon ; le faucon étoile , falco fiellaris ; le faucon huppé des
Indes, \q faucon des Antilles, \q faucon pécheur des îles du Vent, il ne vit
que de poiiTon; la crefferelle, le faucon de Bengale^ il eft petit & d'un
noir orangé ; le faucon pattu^
F A U 6$i_
X.e faucon proprement dit j eft de couleur grlfe, armé d'un bec fort
crochu &: de ferres vigoureufes. Les faucons blancs font les plus rares,
mais peut-être auffi les plus braves: on en trouve en Iflande, en Mof-
covie. Le Roi de Danemarck envoie tous les ans quelques-uns de fes
Fauconniers en Iflande, pour prendre & tranfporter à Copenhague
autant de faucons & de gerfaults capables de fervir, qu'on en peut
avoir , foit pour fa propre fauconnerie , foit pour en faire des préfens
dans les Cours étrangères. Le Grand-Maître de Maîthe fait aullî préfent
au Roi de France, tous les ans, de douze de ces oifeaux, ordinai-
rement blancs , par un Chevalier de l'Ordre à qui le Roi fait préfent
de mille écus. Ces faucons blancs viennent aullî d'Iflande. Les Mar-
chands Fauconniers font obligés, à peine de confifcation de leurs
oifeaux, avant de pouvoir les expofer en vente, de les venir pré-
fenter au grand Fauconnier, qui retient ceux qu'il eftime néceflaires
aux plaKîrs du R.oi,
En Iflande on prend les faucons, les gerfaults & autres oifeaux de
proie par le moyen d'oifeaux dreffés exprès à cet effet, & pofés à terre
dans des cages. Ces animaux volent en l'air le faucon à des diftances
incroyables, ils en avertiflent par certains cris, leurs Maîtres, qui Te
tiennent cachés dans une petite tente couverte de verdure,, d'où ils
lâchent auiTi-tôt un pigeon attaché à une ficelle : le faucon qui l'apper-
çoit fe plonge delfus , & il eft pris vivant dans un filet qu'on jette fur
lui. On les embarque dans des vaifleaux, on les nourrit de viande de
bœuf & de mouton, & on en prend tous les foins imaginables: on les
fait repofer fur des chaffis de lattes minces, couverts de gazon &: de
gros drap , afin qu'ils foient mollement, & en même temps fraîchement,
ians quoi leurs jambes s'échauffent & deviennent fujettes à une efpece
de goutte.
Il y a aux Indes Orientales une efpece de faucon huppé très-beau :
fa grandeur approche de celle de Tautour j il a une double huppe fur
la tête; fon cou eft rouge , fon plumage eft traverfé de lignes blanches
& noires ; l'iris de fes yeux eft jaune; fon bec eft d'un bleu foncé, fes
'jambes font garnies de plumes qui lui tombent jiifque fur fes pieds. Il
y a plufieurs autres efpeces de faucons , dont il feroit trop long de
-donner les defcriptioiîs. Leurs petits fe nommant fauconneaux,
Rrrr 2
<i
/R4 F A U
- Manière dont on drejjc les Faucons à la chajje du vol»
L'homme 5 dit M. de Buffon, n'a point influé fur la nature de ces
animaux, Quelqu'utiles aux plaifirs , quelqu agréables qu'ils foient pour
le fafte des Princes chafTeurs, jamais on n^a pu en élever, en multi-
plier l'efpece. On dompte à la vérité le naturel féroce de ces oifeaux ,
par la force de l'art & des privations : on leur fait acheter leur vie par
àQS mouvemens qu'on leur commande; chaque morceau de leur fubfif-
tance ne leur eft accordé que pour un fervice rendu. On les atta-
che, on les garotte, on les affuble, on les prive même de la lumière,
& de toute nourriture pour les rendre plus dépendans ,plus dociles , &
ajouter à leur vivacité naturelle l'impétuofîté du befoin ; mais ils fervent
par nécefîîté , par habitude & fans attachement ; ils demeurent captifs
fans devenir domefliques ; l'individu feul eft efclave , l'efpece eft toujours
libre , toujours également éloignée de fempire de l'homm.e; ce n'eft
même qu'avec des peines infinies qu'on en fait quelques prifonniers,
& rien n'eft plus difficile que d'étudier leurs mœurs dans l'état de
nature," Comme ils habitent les rochers les plus efcarpés des plus hautes
montagnes, qu'ils s'approchent très-rarement de terre, qu'ils volent
d'une hauteur & d'une rapidité fans égale, on ne peut avoir que peu
de faits fur leurs habitudes naturelles. Parlons maintenant de la chafTe
au moyen de cet oifeau, &expofons plus en détail les caraderes propres
& particuliers à ce bipède, fes maladies, &c.
On fait que la chafïè du faucon n'appartient qu'aux Rois & aux
Princes ; on fe propofe dans ces chalfes la magnificence & le plaifir; elle
eft plus exercée en Allemagne qu'en France. Il y a dans la fauconnerie
plufieurs fortes de vols. Il y a le vol pour le milan auquel on emploie
le gerfault, & quelquefois lefacre, ainfi que pour le vol du héron; le
.vol pour la corneille & la pic, celui de la perdrix, celui des oifeaux de
rivière, & le vol pour le poil. Les Fauconniers diftinguent les oifeaux
de chaffe en deux clafles ; favoir , ceux de la fauconnerie proprement-
dite, & ceux qu'ils appellent de ïautourrerie , & dans cette féconde claffe
ils comprennent non -feulement Vautour, mais qiïqoiq ïépcrvier ^ les
hapayes , les bufes , &c.
Les oifeaux de proie que l'on drefTe à la chafTe du vol , font ou des
oifeaux niais ou des oifeaux hagards. On appelle oifeaux niais ou
bij aunes ^ ceux qui ont été pris dsns les nid?^ çeux-çi font les plus aifés
F AU ^'^^s:
â drefTer, Les oifeaux hagards font ceux qui ont joui de la liberté avant-
d'être pris: ces derniers font plus farouches, plus difficiles à appri-
voifer. Les befoins étant le principe de la dépendance de l'oifeau ; s'il
efl: trop farouche on l'affame, on cherche même à lui augmenter le
befoin de manger en nettoyant fon eftomac par des cures , qui font de
petits pelotons de filalTe qu'on lui fait avaler , & qui augmentent fon
appétit : on l'empêche de dormir pendant plufieurs jours & pendant
plufieurs nuits : s'il eft méchant, on lui plonge la tête dans l'eau, 6c
enfin on fatisfait fon appétit. Se voyant bien traité , l'oifeau fe fami-
liarife, & le Fauconnier en fait enfuite tout ce qu'il veut. Il y a plufieurs
fignes de force & de courage dans un oifeau de proie, tels font le
bec court, la poitrine nerveufe, les jambes courtes, les ongles fermes
& recourbés. Une marque des moins équivoques de bonté dans ces
oifeaux, c'eft de chevaucher le vent, c'eft-à-dire , de fe roidir contre ,
& de tenir ferme fur le poing quand on les y expofe.
Le principal foin du Fauconnier, eu d'accoutumer l'oifeau de proie
à fe tenir fur le poing, à partir quand il le jette, à connoître fa voix
ou tel autre fignal qu'il lui donne , & à revenir à fon ordre. Pour amener
l'oifeau à ce point , il faut fe fervir de leurre.
Le leurre eft une repréfentation de proie; c'eft un morceau d'étoffe
ou de bois garni d'un bec, de pieds & d'ailes. On y attache de quoi
paître l'oifeau. On lui jette le leurre quand on veut le réclamer, ou
le rappeler. La vue d'une nourriture qu'il aime, jointe au cri que fait
le Fauconnier, le ramené bien vite. Dans la fuite la voix feule fuffit. On
donne le nom de tiroir auxdifférens plumages dont on'équipe le leurre.
On change le plumage fuivant l'efpece d'oifeau à la cfiafTe duquel on
veut le drelfer ; onfubftitue.à celui du perdreau, celui du héron ou
du milan. Pour affriander l'oifeau à fon objet, on attache fur le leurre
de la chair de poulet ou autre, mais toujours cachée fous les plumes
du gibier : on y ajoute du fucre, de la cannelle, de la moelle & autres"
ingrédiens propres à échauffer le faucon plutôt à une chaffe qu'à une
autre : de forte que par la fuite, quand il s'agit de chaffer réellement^
il tombe fur fa proie avec une ardeur merveiileufe. Quand on exerce
ainfi l'oifeau , on le tient attaché à une ficelle qui a plufieurs toifes de
longueur.
Après plufieurs femaines d'exercice on elTaie l'oifeau en pleine cam--
^agne, Onlui attache des grelots aux pieds pour être plutôt inftruiî'
■'s.>
.5-8^ "^ F A U
de Tes mouvemens. On le tient toujours chaperonné, c'efl-à-dlre, îa
tête couverte d'un cuir qui lui defcend fur les yeux , afin qu'il ne voie
que ce qu'on lui veut montrer, & fi-tôt que les chiens arrêtent ou font
lever le gibier que Ton cherche, le Fauconnier déchaperonne l'oifeau
& le jette en l'air après fa proie, Ceft alors une chofe divertiflante, que
de le voir ramer , planer, voler en pointe, monter & s'élever par degrés
& à reprifes, jufqu'à fe perdre de vue dans la moyenne région de l'air,
ïl domine ainfi fur la plaine: il étudie les mouvemens de fa proie que
î'éloignement de l'ennemi a rafluréei puis tout à coup il fond deflus
comme un trait , &: la rapporte à fon maître qui le réclame. On ne
manque pas, fur-tout dans les commencemens , à lui donner, quand il
eft retourné fur le poing, le géiîer & les entrailles de la proie qu'il a
apportée.Ces récompenfes & les carefTes du Fauconnier animent l'oifeau
à bien faire, & à n'être pas libertin ou dépiteux, c'efl:- à-dire , à ne pas
s'enfuir pour ne plus revenir , ce qui lui arrive quelquefois.
On drefle cies oifeaux au poil , c'eft-à-dire, à pourfuivre le lièvre; &
ïl y en a qui font au poil & à la plume. On peut même dreller de
jeunes faucons forts & vigoureux à la chaiTe du chevreuil, du fanglicr
^du loup. Four y parvenir, on bourre la peau d'un de ces animaux:
on met dans le creux de fes yeux la nourriture que l'on a préparée pour
le faucon , & on a foin de ne point lui en donner d'autre : on traîne rani-
ma:! mort pour le faire paroître en mouvement, comme s'il avoit vie,
le faucon fe jette aulTi-tôt deflus ; le befoin de manger le rend indus-
trieux & attentif à fe bien coller fur le crâne pour fourrer (on bec dans
i'œii, malgré le mouvement. Quand on mené l'oifeau à la chafle, il ne
manque pas de fondre fur la première bête qu'il apperçoit , & de fe
planter d'abord fur fa tête pour lui becqueter les yeux : il l'arrête par
ce moyen , & donne ainfi au Chaffeur le temps de venir & delà tuer
fans rifque^ pendant qu'elle eft plus occupée de l'oifeau que du Chaf-
feur.
Le faucon efl: fujet à une maladie qu'on appelle crac. Pour y remé-
dier , il faut purger les oifeaux avec une cure de filafle ou de coton ,
Sç enfuite les paître avec des viandes macérées dans l'huile d'amandes-
douces & dans l'eau de rhubarbe alternativement ; puis leur donner
,:encore une cure de filaiTe comme auparavant. On peut lier la cure avec
jde la rue ou de i'abfinriie : & fi l'on remarque que le mal foit aux
fçins ^ en-dehors, il faudra f^ir^ tiédir du vin gc en çtuver ces ^ac^
F A U _ ^ ^ -est,
tïes. On ne dit point en quoi confifte le crac; maïs ce qui qÛ. certain,,
c'eft que la plupart des oifeaux de proie font fujets à cette maladie ,
ainfï qu'à la craie , autre infirmité qui furvient auffi aux faucons ,. &
qui eft une dureté des émeus ,{i extraordinaire, qu'il s'y forme de petites
pierres blanches, de la grolTeur d'un pois,lefquelIes venant à boucher le
boyau, caufent fouvent la mort aux oifeaux, fi l'on n'y remédie promp-
tement. Comme ce mal eft caufé par une humeur feche &: épaiffe , il
faut l'humeder & l'atténuer en trempant la pâture dans du blanc d'oeuf
& du fucre candi battus & mêlés enfemble. On peut aufli fe fervir de
miel. La momie eft le meilleur vulnéraire intérieur pour tous les efforts
de l'oifeau de proie. Les faucons font aufli attaqués d'une efpece de
vers qu'on nomme Filandres, Voyez ce mot.
L'intrépidité des faucons eft quelquefois nuifible à leur pennage.
Quelques-unes de leurs plumes font ou faulfées ou brifées par la vio-
lence du vent, ou dans la chaleur du combat, & l'on croiroit qu'il n'y
a point de remède : on rajufte cependant le pennage cafTé en entant un
bout de plume fur celui qui refte , au moyen d'une aiguille que l'on
introduit dans les deux bouts pour les rejoindre , & le vôLn'en eft
point retardé. La penne caffée, même dans le tuyau, fe rejoint à
une autre en la chevillant des deux côtés avec des tuyaux de plumes
de perdrix. Lorfque le pennage n'eft quefaufle,on le redreffe en le
mouillant avec de l'eau chaude. La chaleur & la preiTion remettent les
plumes dans leur état naturel.
^ Vers le mois de Mars, qui eft le temps de l'amour de ces oifeaux,
on leur fait avaler de petits cailloux pour détruire leurs œufs
naiffans.
FAUCON MARIN. Foyei Milan marin.
FAUFEL. Nom donné à la noix d'Areque. Foye^ à Cartick
Cachou.
FAULX ou FLAMBEAU, Efpece de tœnia de mer. Voye^
Flambeau.
FAUNE. Les Zoologiftes donnent ce rrom à un papillon qui fe
trouve dans les forêts. Le deffus de fes- ailes eft brun i, & a des
taches jaunes irrégulieres : les premières ailes font jaunes par-delfus,
& ont les bords nébuleux; fur chacune il y a un point blanc qui a
la figure d'un œil: les fécondes ailes font d'une couleur fombre, mêlée
de blanc & de noir, On voit avec pjaifir ce papillon dans les Cabinets
àQ^ Curieux,
.^ F A U
FAUNE DES BOIS. Voyez à l'article Homme fauvagel
FAU-PERDRIEU. Ceft un oifeau de rapine du genre du bufard,
qui prend les cailles & les perdrix : il leurre aufli le lapin , court fur
le duc 5 &: s'enfuit quand il apperçoit le facre. Il vole au loin^ proche
de terre, & en-haut comme le milan. Il vole moins bien que le fau-
con 5 le tiercelet & le facre.
Le fau-perdrieu eft beaucoup plus fort que le milan. Ses jambes
font plus grandes, plus déliées, jaunes & couvertes de tablettes: fon
bec & fes ongles font de couleur plombée & moins crochus que chez
tous les autres oifeaux carnivores. Il a la queue & le bout des ailes
noires , le plumage fauve. Le deflus de la tête & le deffous de la
gorge font blanchâtres & rougeâtres, de même que le pli de fes ailes,
aux deux côtés de l'eilomac ; les plumes qui lui^couvrent l'oreille font
noires.
On alTure que le fau-perdrieu fait fon nid fur les buiflbns, fur les
..arbres de moyenne élévation très-ifolés dans les plaines de TAuver-
gne , le long des garennes , oii il fait beaucoup de dégât. Voyez
Bufard»
FAUSSE-AMÉTHYSTE. Nom donné à des fpaths fufibles ou
£uors, communément cubiques & de couleur violette: on en trouve
aujourd'hui en grande quantité en Angleterre.
FAUSSE BRANC-URSINE. Foye^ Berce.
FAUSSE CHELIDOINE. Koyei Piekre d'hirondelle.
FAUSSE CHENILLES, Foyci ce mot à Cartide Mouches K
SCIE. '.^ .V:""
FAUSSE-ÈBENE. Ceft Vibénier des Alpes.
FAUSSE-GALENE. Les Minéralogiftes défignent fous ce nom
pne fubftance minérale qui a quelque relTemblance pour ie coup-
4'oEil à la galène de plomb, mais dont on ne tire point de métal. Foye^
,Galene.
FAUSSES-GALLES. Foyc^ Galles de Chenb.
FAUSSE-GUIMAUVE ou MAUVE DES INDES, ahiaîlon;
Cette plante, qui croît dans les jardins, a une racine branchue, des
tiges rameufes & hautes de quatre pieds ou environ , revêtues dç
feuilles un peu velues & femblables à celles des courges. Ses fleurs
naiiTent dans l'aiiTelle des feuilles : elles font jaunâtres, & reffemblent à
içelles des mauves 3 le calice eft fimple^ anguleux & plifle, Son frui€
F À u y^^p'
cîl arrondi, cannelé & compofé de plufieurs gaines membraneufes ;
qui s'ouvrent en deux parties, & renferment quelques femences noi-
râtres, qui ont la figure d'un petit rein. Cette plante eft diurétique,
pedorale, agglutinante & confolidante.
FAUSSE-MALACHITE. Ceft le jafpe vert-clair de Sibérie : il
s'en trouve auffi en Saxe.
FAUSSES-PLANTES MARINES. Fojei à Vartïck Plantes
Marines.
FAUSSES-PLANTES PARASITES. Voy^i au mot Plantes
Parasites.
FAUSSE-RHUBARBE. Voyc^ Rue des Prés.
FAUSSES-TEIGNES. Voye^ à la fuite de CartlcU Teignes.
FAUVE, BETE FAUVE. Les Veneurs comprennent fous ce nom
le cerf, le daim & le chevreuil. Voyez ces mots.
FAUVE. Ceft un oifeau des îles Antilles , ainfi appelle de la
couleur de fon plumage. Sa groflfeur égale celle d'une poule d'eau. Son
ventre eft blanc.
Les fauves font très - maigres , & n'ont guère de valeur que
par leurs plumes, dont on fait un bon débit. Ces oifeaux ont les
pieds palmés comme les cannes, & le bec pointu comme la bécafïe.
Nul oifeau n'eft aufli ftupide que le fauve; car foit qu'il fe lafTe de
voler, foit parce qu'il prend des barques pour des rochers flottans,
ou des vaifteaux pour des arbres, dès qu'il en apperçoit quelqu'un
à l'approche de la nuit, il vient aufli-tôt fe repofer deflus , & avec
une telle confiance ou étourderie , qu'il fe laiflfe prendre fans aucune
difficulté. Le fauve paroît être le Fou , voyez ce mot.
FAUVETTE, curruca. Ceft un petit oifeau du genre du hec-
figue, voyez ce mot; il eft très-connu par le fon mélodieux de fon
chant: on en diftingue plufieurs efpeces ; favoir, la fauvette brune ^
\^ fauvette roujfe , la. fauvette fauve, h fauvette à tête noire & la fauvette
de couleur diverffile , &c.
1j?l fauvette brune, curruca fufca ^ eft prefque femblable au roftîgnol,'
mais plus petite. On l'élevé en cage , ou elle chante. Elle fe retire
dans les creux des murailles, & elle diffère de fon mâle par le fom-
met de la tête , qui eft de couleur tannée. Elle fréquente le bord des
ruifleaux, où on l'entend chanter. Elle fait fon nid fur le bord des
grands chemins; & ce nid eft très-artificieufement tiflu de crins de
Tome 11^ Ssss
^S>o F A U
cheval. Les oeufs qu'elle pond ont communément une couleur cen*
drée, avec des taches de couleur de fer, Ceft le pmit-chaps des
Anglois.
l^a fauvette, à tête roujfc , cmruca riifa, fe retire dans les chenevieres ,
où elle chante continuellement : elle fe nourrit de vers qu'elle va
chercher autour des buifTons & des arbrifleaux. Sa gorge, fa poitrine
& fon ventre font d'un blanc tirant fur le jaune; le refte eft brunâtre.
Elle a le bec jaunâtre & longuet, la tête plate, la queue courte &
jaunâtre par-deffous , le defTus eft de couleur de rouille; les environs
des cuifles font noirâtres; fes pieds font longs, déliés & d'un jaune
pâle ; fes ongles font noirs. Le pennage du mâle eft plus rougeâtre,
La femelle pond quantité d'œufs : elle conftruit fon nid dans des
mafures, des buiiTons, & derrière des murailles.
hafauvene fauve eft de couleur de châtaigne , excepté par le
devant, qui eft entièrement blanchâtre dans la femelle, & cendré
dans le mâle. Les grandes plumes des ailes font noires & tachetées de
blanc.
La fauvette à tête noire ; curruca atri capîlla , porte fur la tête une
grande tache noire. Son cou eft cendré ; le dos d'un vert obfcur ; la
poitrine &: le ventre font d'un gris blanchâtre; le bec eft noir, & les
pieds font plombés. La fauvette noire & blanche n'eft qu'une variété
de la fauvette à tête noire.
Toutes les fauvettes fe nourriflent de mouches & de vers : elles
ahnent les lieux aquatiques. Leur chair eft apéritive, & fort bonne à
manger. On élevé de préférence les fauvettes à tête noire , à caufe
de leur chant. On nourrit les petits fîx jours après qu'ils font éclos ,
avec une pâtée faite de chenevi écrafé, de perfil haché & de mie de
pain bien arrofée. On les tient dans une cage , où il n'entre de l'air
que par la porte , & on a foin de les tenir chaudement dans l'hiver. Il
y a aufîî la petite fauvette , la fauvette grife ou la grifette ; Xa fauvette
des rofeaux , c'eft ïoifeau âefauge ^'Albin; la fauvette babillarde , c'eft
le moineau de jonc , curruca garrula\ la fauvette tachetée de brun^ de cendré,
de blanc & de jaune, curruca nœvia ; elle fuit le bétail dans les pâtu-
rages: on la trouve auflî au Cap de Bonije-Efpérance : la fauvette des
bois eft la rouffette, voyez ce mot; h fauvette de haie eft la paffe-bufe ,
curruca fepiaria , ou fauvette de buiffon,
FAUX , facindlus^ Ojtfeau imantopede ou de la taille du héron , &
F A U .e^i
qui a toutes les mêmes habitudes : il approche beaucoup de Tlbis. Ses
cuifles, le ventre, le dos, le cou & la poitrine font d'un beau rjuge
tirant fur le brun. Ces deux dernières parties font particulièrement
couvertes de longues taches brunes ; & le milieu du dos eft rempli
de taches d'un vert obfcur. Cette même couleur fe voit encore en
quelques endroits des ailes & de la queue. Son bec eil noir, fort long,
& conformé par-devant en manière de faux , d'où lui eft venu loa
nom. Ses jambes de Ces pieds font de la même couleur, & d'une éteadue
aflez confidérable.
FAUX-ACACIA. Foyei Acacia commun.
FAUX-ACOKU3. Foy^i à la fulu du mot AcoRUs.
FAUX-ALBATRE. Foye^ Alabastrite.
FAUX-ALUN DE PLUME, l^oyc^ Faux-Asbeste.
FAUX-ASBESTE , pfeudo asbefius. Cette fubftance , qu'on appelle
auCCi faux-alun de plume , eft quelquefois une amiante à fibres roides,
mais plus commutiément une efpece de gypfe fibreux , qui fe réduit
facilement en poudre. Sa couleur eft blanche ou d'un gris cendré nué
de vert. Il n'eft point réfradaire au feu comme l'asbefte , 5c ne fe
diflbut pas fi facilement que l'alun : il n'en a pas la faveur, c'eft pour-
quoi on lui donne Tépithete dQ faux-asbefîi. On en vend quelquefois &
par défaut de connoiflance, dans les boutiques des morceaux fous le
nom d'alun de plume : il nous vient de plufieurs lieux de la France ;
nous en avons rencontré une grande quantité dans la m.ontagne de
Sombernon , près de Dijon en Bourgogne. Lorfqu'on brife cette
matière entre les doigts, & qu'on en met la poudr.e fur la peau,
elle y excite, mais moins que l'asbefte roide, un picotement fem-
blable à celui que cauferoient de petites pointes de plumes. Foje:^
AsBESTE, Alun de plume & Gypse.
FAUX-EAUME DU PÉROU. Voyc^ Lotier odorant.
FAUX-BOURDONS. On donne ce nom aux mâljs des abeilles.
foyei Abeille.
FAUX-CAFÉ Foyei à Farùcle Palme de Christ.
FAl^X-'^HERVI. Foyei Carotte sauvage.
FA-UX-CORAIL. On donne ce nom ^ux madripons & di\xx éponges
vèjiadaires, f^oye:^ C article Corail y celui de CoKALLiNE,
FAUX-CUMÎN ou CUMIN NOIrl. Foye'^, Nielle Romainç.
FAUX-DICTAME, pfiudo diclamnus, C*cft une efpece de marrube
Ssss 2
^3)2' F A ly
qu'on cultive quelquefois dans les jardins. Sa racine efl menue , îigneufc
fibrée : elle poufle beaucoup de petites tiges menues , nouées , velues
& blanchâtres. Ses feuilles font arrondies, reflfemblent un peu à celles
du didame de Crète, & font triangulaires comme elles. Ses fleurs
font en gueule , verticillées , de couleur purpurine : il leur fuccede
des femences oblongues. Cette plante efl defîicative , & poiïede
d'ailleurs les vertus du véritable didame, mais dans un degré beau-
coup inférieur; elle n'eft pas fi aromatique, ni fi odorante.
FAUX-FROMENT. Foyei Fromental.
FAUX-GERME. Conception d'un fœtus informe , imparfait , &
entièrement défectueux. Foyei au vïot Homme.
FAUX-GRENATS. Ce font les grenats d'or. Foyei ce mot à tanïcU
Or, & CL celui de Grenat.
FAUX-LAPIS. C'efi: l'émail bleu qu'on retire du cobalt. Voyez
ce mot.
Pour la manière de retirer cette chaux colorante du cobalt, voye^
notre Miniîralogie & le dicîionnaire de Chimie,
FAUX-PISTACHIER ou NEZ COUPÉ, jîaphllodendron. Les
fieurs de cet aibrifleau viennent par grappes pendantes : elles font
longuettes, à cinq étamines: la corolle efi; de cinq feuilles, difpofées
en rofe de couleur jaune, ou plutôt blanc fale. Aux fleurs fuccedent
des fruits membraneux, ou plutôt des veflies remplies d'air, divifées
deux à deux ou trois à trois , par des cloifons membraneufes. On trouve
dans l'intérieur de leurs fruits deux ou trois noyaux ronds , applatis
d'un côté, dont on fait des chapelets qui reffemblent à ceux du bois
de coco. Les fruits du faux-piftachier croifTent fi mal dans ce pays-
jci, & les amandes en font fi petites qu'on ne peut en retirer de l'huile,
comme on le fait dans les climats chauds. Les feuilles de cet arbrifleau
font compofées de trois ou cinq folioles ovales, attachées à une
nervure commune, terminée par une feuille impaire j elles font oppofées
furies branches.
Le faux-pifl:achier étant taillé, peut former de fort jolis builTons,
qui font un effet très-agréable dans les bofquets du printems, lorfqu'on
fait contraftcr leurs grappes jaunes avec les grappes blanches des
cytifes, en entremêlant alternativement ces deux efpeces d'arbriffeaux,
C'efl improprement qu'on appelle le faux-piftachier , pijîache fauyage^
Voyez ce mot.
FAU F É N 6^3
FAUX-PRASE, FoyeiVsEVDO-V RASES â ParticU AgATE.
FAUX-REMORA. ;^cy.^^ Anguille.
FAUX-SANTAL DE CANDIE , abdicea. On donne ce nom à
un grand & bel arbre, droit & rameux, qui croît fur le haut des
montagnes de l'île de Candie ; fes feuilles reflemblent à celles de l'ala-
terne; mais elles font plus arrondies & dentelées profondément. Son
fruit eft une baie de la groffeur & de la figure du poivre, de couleur
verte-noirâtre ; fon bois eft dur , rouge, peu odorant, imitant afîez le
fantal rouge quand il eft en poudre.
FAUX^SCORDIUM ou SAUGE SAUVAGE, Foye^ la fuïu de,
tarùde Germandrée d'Eau.
FAUX-SEIGE. Foyei Ray-grass.
FAUX-SÉNÉ. C'eft le baguenaudkr. Voyez ce mot,
FAUX-SIMAROUBA. Voyei Coupaya.
FAUX-SOLEIL. Voyei Parhélie.
FAUX-SYCOMORE ou LILAS DES INDES. Foye^ Aze-
PARACH.
FAUX-TURBITH. Foye^ tankk TUREITH & celui de Tapsie.
FÉFÉ, A la Chine on donne ce nom à un finge qui paroît être
le même que le gibbon. Voyez ce mot.
FELD-SPATH ou SPATH DES CHAMPS. Selon les Minéra-
îogiftes Allemands , ce n'eft qu'un quartz irrégulier, lamelleux ou feuil-
leté , luifant & ignefcent ; il donne des étincelles étant frappé par le
briquet. Le feld-fpaht vert eft le hafalu fpatheux de Cronftedt. Foye^
tartïde Quartz.
FELOUGNE. Foyei^ Chélidoine.
FEMME. Foye^ au mot Homme.
FEMME MARINE & POISSON FEMME. Foye^ h mot Homme
Marin.
FENOUIL , fœniculum. On en diftingue deux efpeces principales j
fâvoir, \q fenouil commun ècÏQ fenouil doux.
Le fenouil commun ou fenouil des vignes , fœniculum vul-
gare, eft celui qu'on vend quelquefois à Paris fous le faux nom d'anis,
3c ^ancih : voyez ces mots : & qui , dans les pays chauds vient fans
culture parmi les cailloux. La racine de ce fenouil eft vivace , &
dure plufieurs années; elle eft de la groffeur du doigt, droite, blan-
chcj odorante, d'un goût un peu doux & aromatique: elle poulTe
6^4: F E N
une tige haute de cinq pieds ou environ, droite, cannele'e, noueufe ;
lifle, couverte d'une écorce mince, & de couleur verte brune. Cette
tige eft remplie intérieurement d'une moelle fongueufe & blanche;
elle eft rameufe vers fa fommité, fes feuilles lont laciniées tn filamens
longs, d'un vert foncé, û'un goût aromatique. Ses fonimités foutien-
nent des ombelles ou bouquets larges , jaunâtres, odorans, appuyés
fur un calice qui fe change en un fruit compolé de deux grauies
oblongues, arrondies, convexes & cannelées fur le dos, aplatie^- de
l'autre côté, non-acres , d'un goût acre un peu fort. Cetie graine eft
adoucie par la culture, & la plante devient un peu difiérente; de là
naiflent les variétés de cette efpece de fenouil ; on la cultive dans
nos jardins. On fe (ert , &:\ cuifine 6c en médecine, des fes graines, de
fes feuilles & de fes racines.
Le fenouil doux , fanicutum dulce , ne diffère du précédent que
par fa tige, qui eft moins haute, plus gréb par fes feuilles, qui font
plus petites: en revanche , fes graines, qui jauniflent avec le temps,
font beaucoup plus grandes, plus douces, & moins acres; en un mot,
plus agréables au goTit & à l'odorat.
Nous venons de dire ci deffus que le fenouil commun ou fauvage,
devient doux par la culture; de même le fenouil doux ou cultivé,
dégénère à mefure qu'on le refeme, & redevient fenouil commun. On
prétend que le fenouil eft originaire de Syrie & des îles Açores La
racine de cette plante tient le premier rang parmi les cinq grandes
racines apéritives: fon fuc pris à jeun guérit les fièvres intermittentes:
c'eft un ludorifique &: un carminatif, qui fouvent excite des rots
fétides. Toutes les parties du fenouil corroborent l'eftomac ; fes feuilles
en décodion fortifient la vue , & excitent le lait aux nourrices.
La graine du fenouil deflechée,eft une des quatre grandes femences
chaudes; elle facilite la Gigcftion,& donne bonne bouche étant mâi.hée:
c'cft un fpécifique dans les fièvres putrides acompagnées de malignité.
Son ufage eft excellent dans les coliques venteufes par haut & par bas;
d*où eft venu cet adage de l'école de Salerne,
Semen fœniculi référât fpiracula culi.
On en fait, avec Teau-de-vie & le fucre, une eau de fenouil qui
eft fort eftimée. On tire de cette graine une huile par la diftillation ,
qui, mêlée avec du fucre, n'eft pas moins bonne pour guérir l^
F E N ^5> j
colique venteufe, aider la digeflion , & qui eft utile aux afthmatiques.
On dit que toute la plante cuite dans du bouillon ou de la bouillie,
eft employée utilement pour faire maigrir ceux qui ont trop d'em-
bonpoint. En Italie & en Languedoc, on préfente au deflert les jeunes
poufTes de fenouil avec le tête de la racine, aflaiflbnnées avec le
poivre, l'huile, 6cc. comme on fait pour la falade. Quelques Apicius
de nos jours recommandent d'envelopper lepoifibn dans les feuilles de
fenouil pour le rendre plus ferme, &c. foit qu'on vueille l'apprêter
frais , foit qu'on le garde dans la faumure. On met auffi les fommités
du fenouil dans les falades, dans les ragoûts & dans les court-bouillons
de poifibn, pour les rendre plus favoureux.
On ne cultlvoit autrefois le fenouil qu'à Florence ; mais on en
cultive aujourd'hui dans le Languedoc & dans d'autres lieux fecs &
chauds. On en feme la graine en planches. On cueille la plante au mois
d'Août , & elle repoufïè après qu'on l'a coupée. Le fenouil que les
Italiens appellent finocchio , ne diffère an fenouil doux que par l'extrême
agrément de fon goût & de fon odeur ; aufîi n'eft-il cultivé que pour
être fervi fur les tables comme le céleri, en guife dç falade. Les
Italiens & les Anglois en font un grand ufage : voye^ Miller pour la
culture du finocchio,
FENOUIL ANNUEL ou HERBE AUX GENCIVES. Foyei
ViSNAGE.
FENOUIL MARIN. Foye^ Passe-pierre.
FENOUIL DE PORC. Foyei Queue de pourceau.
FENOUIL TORTU. Foyc^ Séseli de Marseille.
FENTES MINÉRALES & FENTES PERPENDICULAIRES.
Nous parlerons de cette première efpece de fentes à l'article Filons:
il nous fuffira de dire ici qu'on trouve des fentes dans toutes les
couches de la terre , &: même dans les pierres difpofées par couches.
Ces fentes font fenfibles & aifées àreconnoître, fur-tout dans les terres
qui n'ont pas été remuées: on les peut obferver dans les cavernes &
les excavations , & dans toutes les coupes un peu profondes des mon-
tagnes fecondaires: ces fortes de fentes font to\x\o\JiX s perpendiculaires ;
ce n'eft que par accident , dit M. de Buffon , qu'elles font obliques ,
comme Tes couches horizontales ne font inclinées que par accident. Il
eft vilible que ces fentes ont été produites par le deflecheraent &
écartement des matières qui compofent les couches horizontales, h^s
;^^6 F E N
fentes perpendiculaires des carrières qui font încruflées de concrétions
plus ou moins régulières & à demi-tranfparentes, font autant de canaux
fouterrains par où l'eau coule dans les grottes & les cavernes qui ea
font les baflins & les égouts : vojei Stalactites, les mots Terre ,
Filons , Glaciers, C'eft dans les fentes de grès ou de fchifte ou
de roc, que fe trouvent les métaux , les minéraux, les criflaux , les
foufres, les bitumes. Dans les carrières de marbre ou de pierre à
chaux, les fentes font remplies de fpath,de gypfe, de fable terreux:
dans les argiles, dans les craies, dans les marnes , on trouve ces fentes
ou vides ou remplies de matière dépofée par les eaux de pluie.
FENU-GREC , fœnum-grœcum. On en diflingue deux erpsces;
l'une cultivée , & l'autre fauvage. Comme cette dernière ne diffère
de l'autre que par le défaut de culture, nous ne parlerons que de la
première efpece.
Le fénu-grec que l'on cultive dans les champs a une racine menue ;
blanche, fimple & ligneufe. Sa tige eft feule, haute de fix pouces ou
environ, grêle, verte, creufe en dedans, & rameufe. Ses feuilles font
rangées trois à trois fur une queue : elles font femblables à celles du
trèfle des prés, mais plus petites , un peu dentelées tout autour,
vertes en-delTus , cendrées en-deffous. Ses fleurs fortent des ailTelles
de fes feuilles: elles font légumineufes , blanchâtres. Il leur fuccede des
goufles longues plates, pointues, courbées , étroites, remplies de graines
à-peu-près rhomboïdales avec une échancrure, de fubfl:ance mucilagi-
neufe , d'une odeur & d'un goût défagréables, qui portent à la tête.
On cultive cette plante principalement à Aubervilliers , d'où on nous
apporte la femence feche à Paris , &c. Cette graine efl: d'ufage en Mé-
decine : elle efl émoliiente & propre à appaifer les douleurs : on en fait
du mucilage en la mettant tremper dans de l'eau chaude : on l'emploie
dans prefque toutes les fomentations : c'eft un excellent anodin en lave-
ment pour le flux de ventre & les inflammations des inteftins , excepté
pour les femmes fujettes à la paflion hyftérique : fon mucilage convient
aufli dans les ophthalmies, La graine du fénu-grec entre dans les farines
réfolutives. Les Indiens ont l'art d'en tirer un vin doux qu'ils favent ap-
proprier au befoin.
FER , y^rrw//?. Le fer eft un métal peu malléable, mais très- com-
pare, folide, très-dur, fonore , dudile, & le plus élaftlque des mé-
taux ; après l'or c'eft le plus tenace j les relforts ou arcs d'acier , Us
outils
FER <?P7
outils propres à îlmer , le fon & l'extenfion des cordes de clavecin ,
font preuve de ces propriétés. La couleur du fer eft d'un gris obfcur ,
brillant dans l'endroit de lafradure , où l'on remarque dos grains rhom-
boïdaux : il eft^ après l'étain, le plus léger des métaux. La violence des
coups de marteau redoublés , un frottement violent & rapide , fu^ifent
pour le faire rougir au point d'enflammer des corps combuftibles :
échauffé dans le feu , il pétille , jette de longues étincelles, & rougit
long-temps avant que de fe fondre ; alors il exhale beaucoup de va-
peurs fulfureufes : expofé au miroir ardent , il fe vitrifie à demi en
une matière noirâtre , fpongieufe , ou fe dilUpe en écailles étincelantes.
Il fe rouille à l'air & dans feau, fe dlflbut avec effervefcence dans l'eau-
forte & produit une ochre plus ou moins foncée , fuivant la différence
des menflrues qui font attaqué : il devient vert dans l'acide vitriolique
on fulfureux ; jaune dans l'acide du fel marin , & rouge dans l'acide ni-
treux. Autant il marque d'antipathie pour le mercure , autant il a de
fÀmpathie avec Vaimant ( quand il ne s'y rencontre point d'antimoine'
interpofé qui puifTe en empêcher le jeu ) , puifqu'ils s'attirent récipro-
quement ; ceci eft un moyen fuffifant pour reconnoître le fer par -tout
où il eft fous fa forme métallique ; telles font les principales propriétés
du fer.
La fage Nature toujours attentive à pourvoir au befoin de l'efpece
humaine , a fu multiplier les produdions de première néceGlté. Les
plus utiles du règne végétal & du règne animal , font auffi les pluj
communes. Dans le règne minéral , le fer tient un des premiers rangs
parmi les métaux deftinés à l'ufage de l'homme. La Nature a donné à
ce métal des propriétés fans nombre & très-utiles ; elle l'a répandu auffi
plus abondamment dans les entrailles de la terre , qu'aucun autre
métal.
Dès les premiers âges du monde , les hom.mes ont connu le fer. Oa
prétend qu'il avoit été trouvé & travaillé par Tuhalcain , ( fils de La-
mech & de Scilla ) ou le fixieme defcendant de Caïn. On s'en fervoic
beaucoup du temps d'Abraham. On lit auflî dans les annales de Leangt^
chou 5 que ce métal a été rais en ufage , mêmxe avant les premiers con-
dudeurs des Chinois , & que les anciens habitans de Pékin connurent
la caftine du fer ; & l'on préfume avec aftez de vraiierablance , que le
grand Y-a ( ou Y-u ) s'eft fervi d'inftrumens de fer pour couper les
montagnes , &: creufer ces grands canaux qu'il fit pour donner un libre
Tome IL Tttt
é^p8 FER
cours aux eaux qui inondoient alors les terres. Le fer n'avoit d'abord
d'autre ufage que la culture de la terre . Le luxe , Tavarice le font fervir
à fouiller dans fes entrailles ; l'ambition & la tyrannie en ont fait des
armes pour la deftruftion des êtres. Le befoin & l'induftrie l'emploient
à la perfedion des arts. Il y a plus , il en eft l'ame , & l'ufage de ce
métal s'étend par-tout.
Le fer a fes mines propres & particulières. Il y a peu de pays qui
n'ait dans fes environs des mines & des fonderies de fer. Il y en a des
mines très-riches en France, en Angleterre , en Allemagne , en Nor-
>"wege 5 & même en Amérique ; mais il n'y a point de pays en Europe
qui en fournifîeune aufîî grande quantité , de la meilleure efpece, que
la Suéde , foit par la bonté de la nature de fes mines , foit par les foins
que l'on fe donne pour le travail de ce métal. Tous les Naturaliftes qui
ont voyagé , connoifTent la montagne de fer de Taberg en Suéde. Cette
terre métallique fituée à quarante lieues de la mer, & qui a plus de
quatre cents pieds de hauteur perpendiculaire , & une lieue de circuit,
n'eft , à proprement parler , qu'une mafle ou filon de fer très-riche ; ce
qu'il y a de particulier , eft que dans les environs il n'y a aucune mine
de ce métal. Cette montagne qui eft un des plus finguliers échantillons
du Cabinet de la Nature , eft pofée fur un lit de fable fin dont elle
paroît avoir été autrefois entièrement couverte , & femble avoir
été tranfportée -«dans cet endroit. Quoique depuis plus de deux
fiecles on en ait fait fauter des maffes énormes , elle ne paroît pas
confidérablement diminuée. On apperçoit fur la furface de cette mon-
tagne plufieurs crevafles ou fentes remplies de fable de mer très-fin &
très-pur ; on y trouve auflî des os de cerf& d'autres animaux , rangés
horizontalement dans les lits de fable. On trouve auflî aux frontières
de la Sibérie & de la Ruflie une montagne abondante en fer de la meil-
leure qualité, onYappdlQ fer de Sibérie.
La minière de fer eft la moins profonde : il y en a même beaucoup
qui fe trouvent à la fuperficie de la terre, ou à huit, à douze pieds ; ra-
rement les trouve-t-on à cinquante ou foixante pieds de profondeur.
Les bords des mines de fer font âpres, raboteux, noirâtres ou jaunâ-
tres , & fort fecs :1e minerai y eft toujours difpofé par lits ou couches
horizontales , comme celles des carrières d'oii l'on tire la pierre calcaire
à bâtir , ou pierre de taille ; cependant on en trouve dans l'ancienne
terre en filons inclinés vers l'hôrifon. Le minerai de la nouvelle terre eft
communément répandu dans Les premières couches de la terre , & en
FEU 6'p9
mcfrceauxde différentes formes, grofTeurs & couleurs. Voici les divcr-
fcs efpeces de fer dont font mention les Métallurgiftes.
Le fer e(ï rarement pur dans la terre : les ouvrages des Mlnéralogifles
■& les Cabinets de quelques Curieux en offrent divers morceaux , qui
communément ne doivent leur exiflence qu'à des feux fouterralns. Ce
fer naturel peut être traité plus facilement fous le marteau , que la fonte
de fer : il eil en grains ou en mafles irrégulieres. Il s'en trouve des maf-
îes & des roches très-confidérabies au Sénégal, Cependant nous avons
reçu divers échantillons de fer natif de Suéde , englobé dans une ma-
trice quartzeufe, comme graniteufe ; il eft très-attirable à l'aimant , &
s applatit fous le marteau. Ce fer eft en criftaux odaëdres , féparés les
uns des autres , plus ou moins lifFe ; il s'en trouve aufîî en Corfe. Quoi-
que plufieurs Minéralogiftes , parmi lefquels fe trouve le célèbre Henc
kel, ayent douté de l'exiftence du fer natif ou vierge , {^ferrum natïvuniy
gediegen Eijen ) on pourroit indépendamment de ce que nous avons
dit ci-deffus, leur en citer d'autres preuves. On prétend que le cabinet
Minéralogique de Freyberg en Saxe poffede un morceau de fer vierge
taxé par les Curieux à 2000 florins pour fa rareté ( environ ypoo liv. de
notre monnoie ). On en a découvert dans la baffe Allemagne ; M. le
Baron M Hupfch à Cologne a trouvé dans TElfel fur le territoire du
Duché de Juliers, un morceau de ce fer vierge en maffe irréguliere
<qui avoit été tiré d'une mine avec plufieurs autres mines de fer. Ces
exemples, quoique rares, fuflRfent pour juftifier le fentiment de MM.
WalUrius , Lïnnmis ^ Marggraf^ Stahl , &c. fur l'exiftence du fer natif.
La Mine de fer cristallisée eft aufîi très- rare : elle eft ou odaë-
dre, ou cubique ; quelquefois fon tiffu imite celui de la mine de plomb
«n boutons ou à gros grains. Il y en a aufîi de lamelleufes , en crête
de coq , à facettes. Il s'en trouve encore en bafTe Navarre. Sa couleur
varie ; il y en a de brillantes , d'autres tirent fur la rouille ou font exté-
rieurement d'un brun obfcur. En général cette forte de mine eft trop
minéralifée pour que l'aimant l'attire. La fameufe mine de fer de l'ile
d'Elbe 5 fur la côte de Tofcane , connue du temps des Romains , eft en
beaux criftaux chatoyans la gorge de pigeon. Cette même efpece de
mine eft retrouvée , & les morceaux qu'on nous a envoyés de cet en-»
droit , font de la plus grande beauté.
Ce qui fuit va faire connoître que le fer , ainfï que le cuivre , eft
fufceptible d'avoir, dans l'état de mine , toutes les formes & couleurs
;poiïIbles« T ttt 2
70 0 F E R
La Mine de ter blanche efl rameufe & comme en ftaladlteî
elle contient pour l'ordinaire très-peu de fer ; telle eft celle des Pyré-
nées. On prétend qu'on en trouve qui produit à la fonte depuis vingt,
cinq jufqu'à quatre-vingts livres de fer par quintal ; mais elle n'eft pas
attirabie à l'aimant : on nomme cette mine de (qï fios ferri ; telle eft celle
de Stirie. La mine de fer blanche en criftaux ou poreufe, eft grisâtre:
celle qui refTemble à du fpath fullble chatoyante & lamelleufe , eft
d'une couleur fauve, ou blanche, ou noire; elle eft très- bonne à la
fonte, mais nos Fondeurs n'ont pas toujours l'art d'en tirer tout le
fer, ni d'en féparer l'alliage : telle eft la mine d'Alvare en Dauphiné
qui eft en filon & remplie de plomb blanc , de galène & de pyrite de
cuivre. La mine de Champelite en Franche- Comté a une grande
lefTemblance à de lacaftine grife ou à de la marne blanche. Quand on
fait rougir dans le feu ces fortes de mines , elles noirciffent aufli-tôt ;
mais expofées à l'air libre , elle y acquièrent une couleur rougeâtre.
Il y a aulïi la mine àefcr en grenats noirâtres.
La Mine de fer a superficie spéculaire eft d'un brun fauve,
quelquefois noire: elle eft ou lamelleufe, ou ftriée ou contournée, ou
jhomboïdale & luifante, comme du fpath vitreux ou de la galène ;
c'eft pourquoi on l'appelle mine de fa à facettes ou miroitée: elle con-
tient beaucoup de bon fer: on en trouve à Valdajo en Lorraine, &
dans la mine d'Alvare j mais particulièrement en Suéde, celle-ci reflfem-
ble à du fer poli.
La Mine de fer d'un gris de cendre eft très-riche en métal;
elle blanchit à la comminution : elle eft fouvent mêlée d'arfenic , de
pyrite & d'antimoine : c'eft peut-être une des caufes pourquoi l'aimant
ne i'âttire pas. Son tiffu eft communément granuleux, ou en points bril-
lans. Les Fondeurs mettent cette forte de mine au nombre des
mines feches : on en trouve beaucoup en Suéde , en Bohême & en
Saxe.
. La Mine de fer bleuâtre eft quelquefois rougeâtre & granu-
leufe, fouvent brillante dans l'endroit de fa fradure, & par veines ou
par couches alternatives : quoique riche en fer , elle n'eft que peu ou
point attirée par l'aimant : elle eft plus ou moins facile à fondre , félon
la quantité de fpath vitreux & de pyrites qui s'y rencontrent. On en
trouve confidérablement en Suéde : oa croit que fa couleur bleue eft
l'effet d'une inhalation minéralifatriçe,
FER 70 1
La Mine de f er noiratee eft très-pefante , compade , d'une
couleur plus foncée que n'eft le fer purifié : cette mine contient tant
de métal, qu'il n'eft pas rare de la voir fortement attirée par l'aimant,
& rendre à la fonte depuis cinquante jufqu'à foixante & même quatre-
vingts livres par quintal. Cependant; les Fondeurs de mines la regardent
comme une des principales mines feches; on en trouve quelquefois de
beaux morceaux à Geromagny. Elle eft très-commune en Suéde, &
fouv^nt environnée ou englobée de mica ôc d'asbefte, & alliée à la
blende.
Rien n'eft plus varié que la figure des parties de cette efpece de
mine : étant caiTée elle préfente ordinairement des grains ou points
briilans ou paillettes luifantes , qui différent par la fineffe des
parties.
La Mine de fer arsenicale eft minéralifée par l'arfénic , le
foufre, &c. Elle eft très-dure , de la plus difficile fufion, même vorace
& réfradaire. Sa couleur eft ou argentine , brillante , ou noirâtre : elle
eft ou ftriée ou lamelleufe , & comme cubique, reffemblant un peu
ou à de la mine d'antimoine ou aux criftaux d'étain minéralifés : cette
mine compade eft fouvent auflî formée de TaiTemblage de plufieurs
petits grains briilans , ou en criftaux polyèdres , étroitement unis les
uns aux autres. Elle donne quelquefois des étincelles avec l'acier: elle
devient rouge à mefure qu'on l'écrafe. Il n'eft pas rare d'y rencontrer
de la pyrite ou de la galène de plomb; c'eft pourquoi on la nomme
gaUne de fer. On en trouve en Suéde, en Bohême, en Canada, en
Saxe, & quelque peu en Lorraine. C'eft une efpece de wolfram. Voyez
ce mot ; voyez aulfi le Traité des Mines par Lchmann.
La Mine de fer appellée Pierre hématite ou Ferret d'Es-
pagne ou Sanguine a brunir , hématites fchijlus , eft en quelque
forte la mine de fer la plus riche. Sa forme eft extérieurement, ou
mamelonnée, ou protubérancée comme des rognons ou ftriée; tou-
jours convexe en fa fuperficie , fes aiguilles forment intérieurement
une pyramide irréguliere. On en trouve des morceaux qui s'éclatent,
& qui ont la configuration de bois un peu pourri; c'eft pourquoi on
i'appelle fer fciffile. Cette mine eft brillante en dehors & dans l'inté-
rieur, fouvent luifante, toujours dure, compade, nullement attirable
par l'aimant. Le fer qu'elle fournit eft aigre , caftant , au point qu'on
ne peut le rendre malléable , qu'en le mêlant avec une mine de fer
vdoux Se pitiS pauvre: cîlo produit fou vent dans la fonte depuis qua-
rante jufquà foixante & même quatre-vingts livres de fer par quintal.
Ce fer devient alors très-attirable à l'aimant. Les principales mines
de pierre hématite font en Efpagne dans la Galice. Les habitans de
Compoftelle en font un aflfez bon commerce, parce que cette mine
de fer eft très-recherchée par fa dureté & par la propriété qu'elle a
de polir les glaces, J'or en feuilles , l'acier & les autres métaux. Les
Doreurs & les Orfèvres s'en fervent pour brunir, & les Arquebufiers
pour bronzer les canons da fufils & de piftolets. Uhé/natite d'E/pagne
eft rouge pourpre ; celle du pays de Heiîe eft rouge brun ; celle de
nie d'Eibe fur la côte de Tofcane eft brune noirâtre luifante; celle de la
Lombardie& de la Forêt noire en Allemagne eft globuleufe & noire,
difpofée par couches alternatives & hémàfphériques. Il y a beaucoup
de pierre hématite aux environs de Framont ., fameufe montagne
fituée dans la Principauté de Salm., lieu où nos ancêtres faifoient des
Sacrifices aux Divinités païennes. Il y a aulli de l'hématite noire en
colonnes pyramidales ou en aiguilles cylindriques ifolées ; c'eft une
jsfpece de ftaladite de fer commune en Lorraine & à Eybenftock. On
en trouve aufti de la même qualité fous une forme de végétation; celle
du Duché de Foix eft tubuleufe.
La mine de fer appellée Aimant ( magnes) eft grenelée, de diffé-
rentes couleurs & figures, aifez femblable en poids & en couleur à
i'efpece de mine de fer qu'on appelle fer en roche. On ne réduit point
l'aimant dans les fonderies de fer, parce que ce minerai entre très-
difficilement en fufion , & qu'il ne donne qu'une très-petite quantité
d'un aflez mauvais fer. On reconnoît cette mine à la propriété qu'elle
a d*attirer la limaille & de petits morceaux de fer, & d'indiquer les Pôles,
J^oye:^ le mot Aimant pour fes propriétés phyfiques.
Tous les pays qui ont des mines de fer , ont auftl du minerai
/d'aimant. L'Afrique en a dans l'Ethiopie : l'Efpagne dans la Bifcaye;
îa France dans l'Auvergne, le Hainaut, la Lorraine & le Sau-
murois ; le Nord dans les pays de Gothland & de Vermland en
Suéde, &c.
La mine de fer appellée Emeril, (/^ym) eft vorace, réfra^iaire,
& fi pauvre, qu'on n'en tire prefque rien. Sa couleur eft tantôt cendrée
,ou grisâtre, tantôt brune ou rougeâtre , & reflembîe à une pierre:
^I}e eft très pefante, & d'une dureté fi extraordinaire, que pour la
FER 703
mettre en poudre , l'on eft obligé de fe fervlr de moulins ou de machines
d'acier , inventées à cet effet. Le peu de métal que contient l'émeriî
n'eft point attirable à l'aimant, & ne fait point effervefcence avec
l'eau forte : il durcit au feu , & ne peut fe fondre fans un flux très-
puiflTant; mais ce n'eft point pour le réduire en métal, qu'on exploite
l'émeril; car on n'en tireroit que difficile,ment très-peu de mauvais fer ;
c'eft à caufe de fes propriétés pour les Arts ; divers Ouvriers s'en
fervent à fec, à feau, à l'huile, ou pour dégrolfir ou pour polir les-
ouvrages de verreries & les métaux , tels que les armes de fer &
d'acier, & les glaces; pour tailler, nettoyer & adoucir quantité de
matières pierreufes. On appelle potée ou bouc d'imcril la fubftance qui
fe trouve au fond de l'auge des Lapidaires qui emploient fémeril.
Les mines d'émeril qui fe trouvent à Gerfey & à Gernefey , îles An-
gloifes proche des cates de Normandie , donnent un minerai grisâtre
& folide ; celui d'Efpagne eft également grisâtre , mais lamelleux; celui
du Pérou eft rougeâtre, brunâtre , tendre , graveleux, plein de paillet-
tes de mica , & parfemé de petits points d'or & d'argent effedifs ; ce-
qui le fait nommer émcril d'or , émeril cTarg&nt ;il y a aulîl Vémerll de cui-
vre. On en fépare l'or par l'amalgame avec le mercure. On fait que l'ex-
portation en eft prohibée. ( Quelques-uns foupçonnent que cet émerit
eft le chumpi^ décrit par Alon^o Barba, & la mine de platine des mo-
dernes.) On ne voit cette forte d'émeril , ainfi que celui de Naxie en
Grèce , que dans les plus riches cabinets où il y a des droguiers com-
plets. On trouve dans les Mhn, de VAcad, des Sciences de ly^y , un pro-
cédé pour féparer l'or d'avec fémeri]. L'émeril noirâtre eft aufii fort
rare : il eft orné de points pyriteux ; on le trouve en Pologne & en An-
gleterre.
La mine de fer, appelée Manganaise ou Magnésie (^magaka ) par
les Verriers , eft encore une mine réfradaire, pauvre & aigre : elle efir
grenelée ou ftriée , d'un bleu noirâtre , & falit les mains. La mahga-
naife ne contient guère que dix livres de métal par cent ; encore M. Pote
prétend -il que le fer eft étranger à la vraie condition de la manganaife»
Quelle eft donc la nature de cette matière métallique , feroit-ce une
hlende, efpece de zinc ? Le tiflii de cette mine n'eft pas toujours grenelé;
fouvent il. eft compofé de ftries ou d'écaillés plus ou moins fines, qui
fe croifent. Cette mine eft fouvent traverfée de filons quartzeux ou py-
riteux: elle produit au feu un verre jaune ou violet, On la trouve dans
704 FER
le Piémont , dans la Tofcane , dans la Bohême , en Norwege & en
Angleterre , proche les collines de Mendippo , dans le Comté de Som-
merfet.
La manganaife fert aux Potiers de terre pour noircir les couvertes
de leurs ouvrages ; les Verriers en mettent auflî dans le verre fondu ,
pour lui enlever fa couleur bleuâtre ou vjrdâtre , & lui donner une
tranfparence fans couleur ; c'eft de-îà qu'on l'a appelée \<zfdvon du verre*
Les Emailleurs ont remarqué que , quand on en met trop dans le verre
fondu, loin de le puritier & de le blanchir, eîle augmente la couleur
bleuâtre , & le rend un peu opaque ou d'une couleur pourpre ; tel eft
le défaut trop comm.un du verre de Saxe & de Bohême.
La mine de fer, appelée Pierre du Périgord ( Lipis paracor'ms ),
eft une fubftance mé.tallique , que Ton peut mettre au nombre des mi-
nes de fer de la moindre efpece ou pauvres. La pierre de Périgord a
été nommée aiofi , parce que la première a été trouvée en terre perdue ,
à deux lieues aux environs de Peroufe dans le Périgord. Ce que les
Droguiftes vendent fous le nom de pierre de Périgueux , a des formes &
des propriétés peu confiantes ; nous en avons vu qui étoit à tous égards
«ne efpece de manganaife ; d'autre qui n'étoit qu'une efpece de fcorie
de fer ou de mâchefer. Cette dernière, qui eft la plus ordinaire, eft
poreufe , d'un noir jaunâtre , facile à cafter , mais difficile à réduire en
poudre, femblable à cette forte de faux fer que l'on trouve répandu
fur la furface des terres , dans les vallées , dans les bois , & par-tout
oii il y a eu autrefois de petites fonderies ou forges portatives : on en
trouve auili dans les environs des volcans.
La Mine de Fer micacée {mlcaferrea) , eft fouvent arfénicale ,
compofée d'écaiiles très-minces , brillantes & peu compares , facile à
écrafer & tachant les doigts. Sa couleur eft tannée , obfcure ; elle de-
vient rouge par le frottement : elle donne à la fufion un fer aigre & cal-
fan t. C'eft une efpece à^eifenran : voyez Eifcn-man,
La Mine de Fer limoneuse eft compofée de particules de fer très-
atténuées. Leur couleur eft ou bleuâtre , ou rougeâtre , ou jaunâtre
comme du fer rouillé. Dans le premier cas , c'eft une bonne mine de fer
noirâtre , comminuée & charriée par des courans d'eau qui fe rendent
dans des lacs ou des étangs , ou au bord des rivières ; c'eft -ià que les
portions métalliques fe feront dépofées en forme de fédiment ou de mine
égarée. Dans le fécond & troifieme cas , c'eft une eauacido-minérale,
qui
FER 70 y
qui arrofe des mines de fer, en charrie, décompofe & précipite une
partie fous la forme ^ochrc martiaU j aune , ou de fanguinc à crayon ;
c'eft communément dans des endroits creux & ferrés qu'on trouve cette
efpece de mine de fer. Souvent ces ochres ne font que des décompofi-
tions de pyrites fulfureufes & martiales , dépofées & unies peut-être à
de la terre argileufe.
Les mines limoneufes font toujours graveleufes , fablonneufes &
caverneufes : on les trouve par couches & par lits fous l'eau , & fous la
forme d'une matière terreufe peu compade , dans les endroits humides
ou marécageux : elles femblent s'y être formées comme le tuf. Il n'eft
pas rare d'y rencontrer des corps étrangers. Le fer qu'on en retire par
la réduction , n'eft que peu ou point attirable à l'aimant ; tantôt il eft
caflant à froid, tantôt il cafîe à chaud : c'eft, à proprement parler,
une mine ochracée de fer, mais qui diffère un peu de l'ochre. yoyei
OcHRE. On trouve de ces mines en plufîeurs endroits de l'Europe, &
particulièrement en France.
Il eft rare qu'on travaille à réduire les mines d'ochre , tandis que les
Mineurs exploitent & fondent volontiers les mines limoneufes. La figure
bizarre qu'on remarque dans les diverfes glèbes ou morceaux de cette
efpece de mine , eft aflez difficile à expliquer. L'une eft tantôt rougeâ-
tre & à petit grain ; une autre eft verdâtre , happe à la langue , & eft
ou fableufe ou en grains gros comme des avelines ; une autre eft noire
comme du fer brûlé, ou poreufe comme l'oftéocolle, ou en bâtons
comme des ftaladites , ce qui la fait appeler mine de fir à tuyau-, ou.
en globules , détachés &: arrondis comme des pois , ou ovoïdes aplatis
comme des fèves , ce qui la fait appeler mine de pois ou mine de fevz.s : fi
ces globules font réunis ou grouppés en maffe, alors on dit, mine de
fer en poudingue. Les mines de fer limoneufes , en godets, en géodes
ou pierres d'aigles , ou lenticulaires , ou en rognons , &c. appartien-
nent encore à cette efpece.
La Mine de Fer en sable ou arénacée, n'eft communément
qu'un amas de grains de fer qui ont été entraînés de leur minière par
où l'eau a pafle , dégroffis par le frottement & la longueur du roulis,
enfin dépofésfur les havres, dans les endroits où l'eau fe perd dans la mar.
Ce fer, dont on vient de découvrir dans la Virginie une très-belle mi-
ne , eft fouvent très- riche, attirable à l'aimant, un peu malléable, &: par
conféquent une efpece à^fer viergcSd. couleur eft d'un noir plus ou moins
Tome IL V v v v
70^ FER
foncé ; il fend à la fufion jufqu'à quatre-vingts livres de fer par quintal.
Lamine de fer en fable n*eft donc qu'une mine de tranfport. Cette mine
de fer en fable ne doit pas être confondue avec la mine fabloneufe qui
ne contient ordinairement que peu de fer, beaucoup de fable quart-
zeux ou fpatheux , & dont la couleur eft ochracée & la forme ondu-
leufe. C'eft ordinairement dans un fable de cette efpece que fe trouve
For en paillettes , ou l'or de lavage. Foyc\ Ok,
Obfervations générales fur le Fer & fcs ufages.
On voit, par ce qui vient d'être expofé, que le fer fe rencontre
dans les eaux, dans les différentes terres & dans les pierres : il eft allié
à quantité de minéraux, de pyrites , de demi-métaux & de métaux,
& fur-tout avec les mines d*or. Suivant la nature des menftrues qui
l'ont attaqué, ces menftrues fe colorent différemment, & fe filtrant
ainfî à travers les matières fofîiles, ils impriment leur teinte à quantité
de marbres, d'argiles à Potiers, de jafpes, d'agathes, de criftaux, de
pierres précieufes, de pétrifications, &c. il fe trouve dans les végétaux
& dans les animaux; en un mot, tout notre globe & tout ce qui y efl
contenu eft mêlé de parties de fer : mais fi le fer eft le métal le plus
abondant dans les mines , il eft aufîi celui qui eft le plus facile d'en
tirer. Ainfi rien de fi commun que les mines de fer , & de fi varié :
figure, couleur, mélange, profondeur, inégalité prefque par-tout diflé-
rentes.
C'eft en confultant les Ouvrages des Métallurgiftes , Emanuel Swe-
denborg de Ferro , le Diélionnaire de Chimie, celui des Arts & Métiers',
& notre Minéralogie, qu'on y apprendra les moyens d'approprier ce
métal à nos bc*bins. Nous devons encore dire ici qu'en lyyy l'Académie
de Befançon avoit propofé pour fujet du Prix qu'elle devoit diftribuer
en l'f^C'.Dcdéurminer la meilleure manière de conflruire & de gouverner
un fourneau, de fondre les mines de fer relativement à leurs di^êrentes efpeces-;
de diminuer la confomrnadon des charbons , d'accélérer le temps de chaque
coulée , 6' de donner une meilleure qualité au fer & à la fonte : cet objet
a été rempli par M. Robert, Maître de Forges, ôtc. fous le titre Ôq
Méthode pour laver & fondre avec économie les mines de fer relativement a
leurs différmtes efpcces. Mais comme les détails que préfente ce Mémoire
ne fauroicnt être compris fans le fecours des figures, nous renvoyon-s
I103 Le(?ciurs à l'Ouvrage même, qui eft imprimé in-iz, à. Paris..
F E K 707
'Communément II faut écrafer & laver la mîne de Ter dans une foiTe
a'ppelée lavoir ou patouillard , avec une eau courante qui emporte les
parties terreufes inutiles. On le fond enfuite à l'aide d'un fondant & d'un
feu violent & entretenu à force de charbon. (La plupart des mines de
fer blanches, & celles qui font mêlées d'arfenic , demandent à être gril-
lées & enfuite expofées à l'air, préalablement avant que de les laver.)
On tient le fer fondu pendant douze heures; puis on le coule en lingots,
dans des moules ou ruiffeaux triangulaires de fable. Ce fer de première
fonte s'appelle yèr en gueufe ou. fer de fonte. Chaque lingot pefe dix-huit
cents livres ou environ: c'eft avec ce fer qu'on fait des pots, des vafes^
des tuyaux, des boulets de canon, des bombes, des mortiers, des
marmites , des poids à pefer, des contre-cœurs de cheminée. Si l'on
vouloitdes uftenfiles plus fins, il faudroit tenir le fer en fufion pendant
feize heures au moins. On prétend que le fer ayant la propriété d'aug-
menter de volume en cefTant d'être fluide, donne aux vafes jetés en
inouïe la régularité & la précifion qu'on leur reconnoît.
On peut, dans finftant de la fonte, connoître fi le fer efl: cafTant
.à froid ou à chaud. Le premier eft le fer doux : il eft dudile, très-mal->.
léable étant rouge; mais il eft fragile & cafle fous le marteau étant
refroidi. Le fer caflant à chaud eft le fer ferme ; étant rougi , il fe cafle
fous le marteau , & fe fépare par éclats en beaucoup de morceaux ;
-mais étant refroidi , il prend du corps , réfifte au marteau, & s'y laifle
«n quelque forte étendre plutôt que d'y cafler. Quand le fer eft doux &.
dudile, fes parties font dans l'endroit de la fradure petites comme du.
fable fin; mais lorfqu'il eft aigre & fragile, elles font grofles, angu-
leufes oc offrent à l'œil des parties comme rhomboïdales. Pour purifier
davantage le fer, on le fait pafler par la forge de l'affinerie, ou on
le fond de nouveau, en le remuant fortement avec des barres de fer.
Lorfqu'il eft à demi refroidi, on le porte fur des enclumes, où, à l'aide
d'un marteau de plus de fix cents livres pefant, on le bat &l rebat en
tous fens; alors le fer eft malléable. On le porte de-là à la chaufferie,
où après avoir fupporté la violence du feu jufqu'à l'incandefcence, on
le travaille de nouveau fur l'enclume , & à l'aide des bras nerveux des
Forgerons, on le travaille & on l'étend de la manière que l'on veut, en
lîarres rondes , ou carrées, ou plates, en carillons, en bottes , en cour-
ions , en cornettes, en plaques, en tôle: c'eft ainfi que fe fabrique le
fer forgé, & que par le moyen du martelage, on peut le réduire en
Vvvv 2
7oS F E K
feuilles , qu'on enduit d'étain pour le préferver de la rouille : oh le
homme s.\ors fer- blanc. Le fil d'archal , les cordes de clavecin, de pfal-
térion, &c. fe tirent du fer en barre, qu'on fend en deux avec des roues
d'acier, pour en former des verges de fer: on paQe celles-ci par une
filière ou planche de fer percée d'un nombre de trous de différens
diamètres: on les amené par ce moyen à la finefle d'un cheveu.
L'acier n'efl: qu'un fer purifié & raffiné par la cémentation, furchargé
de phlogiftique, & enfuite trempé. -En cet état il peut couper & limer
le fer: il a une flexibilité élaftique. On en fait des râpes, des cifeaux,
àes lancettes, des rafoirs, des aiguilles, des filières pour les Tireurs
d'or, & des burins pour les Graveurs. On lui retire cette abondance de
phlogiftique en le cémentant avec des fubftances maigres, & il reprend
alors fa première condition de fer. ,
Le fer de fonte, celui de forge & l'acier, font d'un ufage continuel
& indifpenfable. Nous avons dit que le fer feul fournit à la navigation,
au charroi , à la culture de la terre , & à tous les Arts les uftenfiles dont
ils ont befoin pour abattre, pour affermir , pour crcufer, pour tailler,
pour embellir, pour produire en un mot toutes les commodités de
la vie. Les Sauvages en fentent aufli bien le prix que les Nations les
plus policées, puifqu'ils donnent à nos Voyageurs commerçans une alTez
grande quantité d'or & d'argent ou d'épiceries pour une ferpe, une
bêche, un hoyau, ou quelqu'autre inftrument de fer. Les fers différent
beaucoup entr'eux ; mais ce feroit un grand malheur qu'ils fulTent tous
égaux; nos befoins ne le font pas.
Le fer eft aufîi d'un grand ufage en Médecine, & félon M. Bourgeois,
un des meilleurs remèdes que la matière médicale nous fourniffe : félon
lui, il détruit les levains acides & glaireux des premières voies; il
enlevé les obftruélions des vifceres du bas-ventre ; il donne du ton au
genre nerveux. Conféquemment, dit-il, c'eft un excellent remède dans
les maladies hyftériques & hypocondriaques, dans les pâles couleurs,
ou opilations des jzunes filles, dans la fuppreflion , la diminution , déco-
loration & dérangement des règles des femmes , de même que dans les
pertes & règles trop fréquentes & trop abondantes, qu'il rétablit dans
l'état naturel. Les Maréchaux fe fervent avec fuccès, pourfuit M.5o«r-
geols , de la limaille de fer pour détruire des vers afcarides auxquels les
chevaux font fujets,&: qui leur caufent des démangeaifons infupporta-
blés au fondement & la fièvre, On fait grand cas de la limaille de fex
FER 7oj>
i^ui a été expofée à la rofée de Mai pour en faire un fafran de Mars
apéritif. M. Gzoffrol a beaucoup célébré la vertu balfamique & vulné-
raire du fer. Il y a long-temps que l'en a dit de ce mêtcà, pungit &
ungit , fauciat ^ fanât, r
Le fer & le foufre combinés, produifent quelquefois dans l'intérieur
de la terre ào-s ravages redoutables : voyer^C article Pyrites , celui d& Vol-
cans 5 & celui de Tremblemens de TePxRE. C'eft aufli par le moyen du
fer & des mélanges convenables qu'on imite ces phénomènes défaftreux
& les météores ignés ; tels que le tonnerre & les éclairs. Voyez ces mots.
FER A CHEVAL. Efpece de grande Chauve- four is. Voyez ce
mot.
FER DE CHEVAL , ferrum equinum. Plante qui croît aux lieux in-
cultes dans les pays chauds. On en diftingue plus communément deux
efpeces ; Tune vivace , & l'autre annuelle. Sa racine eft ligneufe & un
peu fibrée; elle poulTe plufieurs tiges hautes comme la main , menues,
«mguleufes & garnies de feuilles oblongues , un peu femblables à celles
de la lentille. Sa fleur eft légumineufe & jaune : il lui fuccede une
goufle plate, courbée, gaudronnée ou échancrée fur les deux bords,
i dans d'autres efpeces la goufle n'a des échancrures qu'au bord intérieur)
de manière qu'elle femble compofée de plufieurs pièces courbes comme
en fer à cheval, & mifes bout à bout. Chaque lobe renferme une fe-
mence figurée en croifTant. On eftime cette plante vulnéraire , ftoma-
chique & alexipharmaque.
FER SCISSILE, Voyez l'article Pierre hématite au mot Fer.
FEROCOSSE. Dans l'île de Madagafcar on donne ce nom à un ar-
brifleau qui porte une efpece de petit chou rond, dont les Infulaires
fe nourriffent.
FERRET D'ESPAGNE. Voyez l'article Pierre hématite au mot
Fer.
FERPvUGINEUX. Eft ce qui participe de la nature du fer, ou qui
contient des particules de ce métal. La plupart des eaux minérales font
ferrugineufes : il y a aufli l'ochre de fer, &c. Voye:^ Fer, Ochre, &
f article Eau.
FERRUGO. On donne ce nom à la rouille de fer qui fe produit
naturellement fur les barres de ce métal , expofées à l'impreflion des
fluides,
FÉRULE , ferula. Plante des pays chauds de l'Europe , de l'Afrique
fj i^' FER
te de î'Afic. Sa racine eft grande , branchue , droite , no'ir?.trc , &
-pleine d'un fuc laiteux. Sa tige eft haute de fept à huit pieds , groffc ,
fongueufe , moelleufe , rameufe ; devenant dure vers l'automne, &
enfuite ligneufe. Ses feuilles reflemblent à celles du fenouil î mais elles
font plus amples : il naît aux fommités des fleurs en ombelles , jaunâtres
& difpofées en rofe; une fraife de feuilles accompagne tant les ombel-
les partielles, que l'ombelle totale. Lorfque la fleur efl:pa(rée,il paroît
des femences jointes deux à deux, grandes, ovales, minces & enve-
loppées d'une membrane ; on en cultive en Languedoc dans les
jardins.
La, moelle de la férule prife en décodion , efl: aftringente & fudorifî-
que. Sa femence «ft carminative : on fe fert de fes tiges encore molles ,
pour lier & fupporter les plantes qui s'inclinent trop. Les Régens des
Collèges fe fervoient autrefois de ce farment fongueux & verdâtrc ,
pour châtier leurs Difciples : l'ufage en étoit le même de cet inftrument
il connu aétuellement des jeunes Ecoliers ; d'où vient que Maniai a
appelé la férule , Sceptrum Pœdagogorum.
Invifum nimiùm pueris , gratumque magifttis.
En Grèce le creux de la tige de la férule ( narthex ) eft: abondamment
rempli d'une moelle blanche , qui étant bien feche prend feu comme la
mèche ordinaire ( l'amadou ). Ce feu s'y conferve parfaitement bien ,
& ne confume que peu-à-peu la moelle , fans endommager l'écorce ; ce
qui fait qu'en certains pays on fe fert de cette plante pour tranfporter
du feu d'un lieu à un autre^ Cet ufage eft de la première antiquité , &
nous explique le paflage de Martial , où il fait dire aux férules : Nous
hlairons par Us bienfaits de Promethée. Ces mêmes tiges font quelquefois
afTez fortes pour fervir d'appui-main , mais trop légères pour blefTer ceux
que l'on frappe. Cette tige étoit autrefois le Sceptre des Empereurs du
Bas-Empire : elle étoit aufîî le fymbole de l'autorité royale : on l'em-
ployoit alors avec art en particulier pour faire des ouvrages d'Ebénif-
terie les plus précieux ; aujourd'hui on la brûle dans la Fouille en guife
d'autre bois , & elle ne fert plus en Grèce même qu'à faire des tabou-
rets,: pour cela on applique alternativement en long & en large les tiges
feches de cette plante , pour en former les cubes arrêtés aux quatre coiçs
avec des chevilles.
Jfjes arbres ou arbriCTeaux , d'où dçcoulent les gommes réfines , teîtg^
F Ë T FEU lu
que la gomme ammoniac , le galbanum , Vajfa-fœtida , &c. font du genre
des férulacées. Voyez ces mots.
FÉTICHE. PoifTon qui fe pêche en Afrique à l'embouchure du Ni-
ger , & qui tient fon nom du refped ou de refpcce de culte que les Nè-
gres d'Afrique lui rendent , comme à l'interprète de leur Divinité. Il eft
d'une rare beauté. Sa peau, qui eft brune fur le dos , devient plus claire
& plus brillante près de l'eftomac & du ventre. Son mufeau eft droit ,
& terminé par une efpece de corne dure & pointue , de trois pouces de
longueur. Ses yeux font grands & vifs : aux deux côtés du corps , pro-
che des ouies, on découvre quatre ouvertures longues , dont on ignore
l'ufage : on en voit de fept pieds de longueur &r plus. Hifî. Gen. des
Voyag, tom.IV, pag. zG2 , édit. in-^^.hes Nègres, fur-tout ceux du
Royaume de Bénin , ont aufli d'autres Dieux tutélaires ; il s'en trouve
dans leurs maifons un fi grand nombre , qu'à peine s'y trouve-t-il quel-
qu'endroit libre. Ces idoles ont aulÏÏ des hutes particulières , où les habi-
tans vont quelquefois leur oftrir des facrifices. Leurs Prêtres s'attribuent
une correfpondance avec le diable , & l'art de pénétrer dans l'avenir
par le moyen d'un pot percé de trois trous , dont ils tirent un certain
fon. Foyei maintenant Serpent Fétiche.
FETU ou FÉTUQUE, ou DROUE , fijlnca , au£ fe/Iua avenacea
flerilis elatior. Efpece de gramen , qui fembîe être un feigle bâtard ou
une avoine fauvage , & qu'on trouve en quantité entre les blés,
parmi l'orge & le plus fouvent entre les feigles, quand l'hiver a été
humide. Le fétu poufl'e des tiges ou tuyaux bas, menus, faciles à kr
fendre , & garnis de feuilles femblables à celles du froment : (zs fom-
mités foutiennent des épis pareils à ceux de l'avoine; ils renferment
des grains grêles, oblongs, rougeâtres & barbus: ces épis font quel-
quefois ramaftes comme un petit paquet, d'autres fois ils font difperféù.
Cette plante eft bonne pour conduire les tumeurs à la fupuration. Les
pauvres du Nord mêlent fouvent la farine de la droue avec celle d'è
quelque bon grain pour en faire un affez mauvais pain.
FÉTU-EN-CUL ou OISEAU DU TROPIQUE. ^oye^P ail let-
i:n-cul.
FEU, ignis. On doit confidérer le feu fous deux états différens ,
ou entrant comme principe dans la compofition des corps , ou bien
feul dans fon état naturel. L'examen du feu confidéré comme entrant
dans la Gompofition des corps j ^ qu'on nom.me slors phlogiftiqu&j.
7t2 FEU
eft abfolument du refTort de la Chimie , Ôc pour le connoître fous ce
point de vue, nous renvoyons au Dïclïonnain de Chimie , ainli qu'aux
Ouvrages des Pyrologiftes , & fur-tout au Traité du Feu , par
Bocrhaave,
Le feu que les Scholafliques regardent comme un des quatre élémens
& comme le premier agent de la nature; Iq/cu, dis-je, confidéré dans
fon état naturel, mérite proprement le nom de feu, de matière du
foleil , de la lumière, de la chaleur. Cet élément naît avec nous,
pénètre notre propre fubftance; fes effets nous fuivent par-tout; riea
ne nous eft plus familier, & c'eft peut-être une des raifons qui nous
empêchent d'en connoître plus particulièrement la nature. Le foleil
( dans rhypothefe que cet aftre eft une mafle de feu ) paroît être
comme le réfervoir général de cette fubftance qui femble s'en émaner
perpétuellement. Le feu fe répand dans tous les corps que nous con-
noiffons; il paroît plus abondant dans les corps animés que dans les
autres. On prétend qu'il n'entre pas comme principe eftentiel à leur
mixtion , puifqu'on peut les en priver , du moins en grande partie ,
fans qu'ils fouffrent pour cela la moindre décomposition. Il n'en eft
pas moins vrai qu'il eft néceflaire à toutes les compofîtions & décom-
pofîtions des corps. Le plus grand changement que fa préfence ou fon
abfence leur caufe, eft de les rendre ou fiuides ou folides, en forte
qu'on peut regarder la plupart des autres corps comme folides de
leur nature; & le feu, comme fluide par effence, & principe de la
fluidité des autres.
Une des principales propriétés de ce feu pur, eft de pénétrer faci-
lement tous les corps, de fediftribuer entr'euxavec une forte d'égalité.
Une autre propriété du feu, eft de dilater tous les corps qu'il pénètre
par la ténuité & la divifion infinie de fes parties. Les Phyficiens ont
profité de cet effet pour conftruire des thermomètres, qui leur font
connoître les variations de la température de l'atmofphere.
Nous avons dit que le feu eft regardé généralement comme principe
de la lumière & de la chaleur. Il peut donner l'un & l'autre en même
temps, & produire l'un des deux effets fans être la caufe du fécond;
c'eft-à-dire, que le feu peut donner de la lumière fans chaleur, & de la
chaleur fans lumière. La lumière n'eft donc pas un figne certain de la
préfence de la chaleur; les écailles de poiffons qui féntent mauvais,
le bois pourri, les vers luifans, le phofphore donnent de la lumière
fans
FEU 713
fans une chaleur fenfible. Les rayons de la lùne rafTemble's dans le
foyer d'un miroir ardent , donnent une mcfie lumineufe qui n'a
aucune adion fur la boule d'un thermomètre. La chaleur peut exifter
de même fans lumière. Un fer chaud peut contenir aflTez de parties
de feu pour brûler, enflammer des corps combuftibles , quoique dans
robfcurité la plus profonde , il ne répande aucune lumière. Donc la
lumière n'annonce pas toujours la préfence du feu' d'une façon aulH
confiante que la chaleur.
Quoique le feu foit par-tout, il a fîiîlu que les hommes, pour
l'approprier à leurs befoins, inventafîent des moyens de le faire pa-
roître : le frottement ou le choc des corps durs , le mélange de certaines
liqueurs , la plupart des phofphores , les miroirs concaves , 5c les
verres convexes , font les principaux moyens que l'induftrie des hom-
mes a imaginés pour commander en quelque manière à cet élément.
Les expériences de l'éledricité , qui paroilfent avoir un rapport fi
intime avec le phénomeme du tonnerre , prouvent d'une manière bien
fenfible, avec quelle profufion le feu eft répandu dans toute la nature.
^oyei Tonnerre.
Lorfque le feu efl: caché dans les corps, il y eflpaifîble , & dans une
forte d'inertie : mais s'il agit vifiblement , il les confume. D'après cette
dernière propriété, nous dirons que le feu efl: cet être adif que nous
reconnoiiTons à fon éclat, qui nous donne de la chaleur, & qui nous
caufe de la douleur lorfque nous en approchons de trop près ; mais qui ,
à une certaine diftance, nous fait éprouver une fenfation à-peu-près
égale à celle que nous reffentons dans une faifon moyenne & tempérée;
toutes fes parties fe mettent en équilibre avec elles mêmes , agiffent
& fe répandent avec égalité dans les corps ; mais fans tendre vers
aucun point de la terre : fes principales propriétés (ont d'exciter la
chaleur dans les corps animés & inanimés , de caufer l'évaporation des
fiuides . la vitrification des terres & pierres, la détonnation, la caîci-
nation , la fufion & réduétion des métaux, la combuflion èc l'incinéra-
tion des végétaux &: des animaux, la liquation des rennes , d'être le
principe de la fluidité des autres corps, ôtc. M. de Volialrc , dans fa
Differtation fur le feu, jugée digne de l'impreifiorv par l'Académie des
Sciences , rappelle en deux vers toutes les propriétés du feu. Voici la
belle devife qu'il a mife à la tête de fa pièce:
Ignis ubique latet , n?.taram aiPipIeftitur omnem ;
Cuncla parie, rénovât , diviàit , ùrit, alit.
Tome //, X X X X
7'4 PEU
Pour produire tous ces effets, le feu a befoln d'aliment. Se les
matières les plus propres à lui en fervir, font les huiles, les tourbes,
les difî'érentes efpeces de charbon?, le bois, &:c. ajoutez à cela l'accès
libre de Vair. Voyez ce mot.
FEU S. ANTOINE. Voyez à l'article Seigle, mal S. Antoine.
FEU ERÏSSOU. Foyci fon article, à la fuite du mot Exha-
laisons.
' FEU DU CIEL. Ceft le tonnerre. Voyez ce mot.
FEU S. ELME. Ceft le nom que l'on donne à de petites flammes
que Ton voit fur mer dans les temps d'orage aux mâts , aux pavillons,
à toutes les parties faillantes & fupérieures des vaiffeaux. Ce phénomène
eft très fréquent fur les vaiffeaux furpris par la tempête dans la mer
des Indes : ces m.étéores ignés tombent en forme de boule çà & là
fur le vaiffeau fans faire aucun mal, & par conféquent fans le brûler
ni le couler à fond, quoi qu'en difent Pline & Cardan. Ce feu,
qu'on a nommé aufîi Cajlor & Pollux , n'efl autre chofe que le feu
éledirique.
FEUX FOLETS , ambulones aut ignés fatui. Ce font de petites
flammes foibles, qui volent dans l'air à peu de diftance de la terre,
& qui paroiflent aller çà & là à l'aventure , ou au gré des mouve-
mens de l'air. Ils reiTemblent à îa lueur d'une chandelle dans une
lanterne. Ces feux fe voient fréquemment dans les lieux d'où s'élevcùt
des parties volatiles inflammables, tels que \q.% cimetières, les gibets,
les lieux miarécageux & où l'on tire de la tourbe. Ceft en été & au
commencement de l'automne qu'ils fe font voir, fur- tout dans les
pays chauds. Les feux folets font la terreur des gens de campagne,
parce qu'ils fuient ceux qui les pourfuivent & pourfuivent ceux qui
les fuient; effet tout naturel produit par l'air comprimé, qui chaffe
cette flamme légère devant celui qui la pourfuit, tandis qu'elle paroît
pourfuivre celui qui la fuit, parce qu'elle fe précipite dans le vide qu'ail
laifîe en fuyant. Lorfqu'on les faiilt, on trouve que ce n'efl autre
chofe qu'une matière lumineufe, glaireufe comme le frai de grenouille g,
& qui n'eft ni brûlarite , ni chaude. Voici ce que dit le Chevalier
Ifaac Ncivîon : « Le feu folet efl une vapeur qui brille fans chaleur .
» n'y a-t-il pas la même différence entre cette vapeur & la flamme.
FEU F E V 71;
» qu'entre le bois pourri qui n'a point de chaleur, & les charbons
3j enflammés qui brûlent ? Optiq, quejî. 10.
Il y a une aiïtre efpece de feu folet nommé ignls lambens , c*efl:
une petite flamme ou lumière que l'on apperçoit quelquefois fur la
tête des enfans, des hommes & fur la crinière des chevaux lorfqu'on
les peigne. Cet effet qui n'efl; point un météore aérien efl: produit
par des exhalaifons onâ:ueufes , qui s'attachent aux cheveux & aux
crins, & s'enflamment par le frottement fans donner de chaleur. Les
étincelles qui fortent dans Tobfcurité du dos des chats, en le frottant à
contre poil, tiennent, ainii que Vignislambcns , & même les feux follets,
aux phénomènes éleélriques.
FEU PYRAMIDAL. V oyQ% ï ï^ivûdQ ÈtoiU tombante.
FEU SOUTERRAIN. L'exiflience en efl:incontefl:able ; ilfe faitfentir
dans les bains chauds, & dans les fontaines, furies eauxdefquelles on
voit quelquefois des flammes ; il fe manifefi:e par une foule de vapeurs
chaudes qui s'élèvent de la terre ou des montagnes brûlantes qui font
répandues dans toutes les parties du monde; le feu fouterrain eft
quelquefois produit par l'effervefcence fortuite de quelques mélanges
propres à exciter le feu: d'autres fois il efl: entretenu par des matières
fulfureufes, bitumineufes, &: par l'air qui s'y communique de caverne
en caverne , &c. Les Mineurs , qui travaillent aux mines, métalliques,
aflurent que plus on creufe avant en terre, plus on éprouve une
chaleur incommode, qui s'augmente toujours à mefure qu'on defcend,
fur-tout au-deffous de 480 pieds de profondeur. Foyci à t article
Chaleur. Souvent ces fortes de feux renfermés trop à l'étroit ouvrent
le haut des montagnes , & déchirent les entrailles de la terre , qui en
fouffrent une grande agitation. Quelquefois quand le foyer efl: fous
la mer , il en agite les eaux avec une violence qui fait remonter les
fleuves, & qui caufe des inondations fur terre & des typhons dans
la mer: c'eît probablement à cette caufe qu'on doit attribuer les trem-
blemens de terre & une partie des funeftes inondations qu'on a effliyés
dans plufieurs endroits de l'Europe en lyyy : année qui fera trifle-
ment fameufe dans l'hifloire. Voyt^ les articles Terre , Treiviele-
JVIENT DE TERRE, VoLCANS , FeU & BlTUMES.
FEVE , faba. Ce nom fe donne quelquefois aux chryfalides des
chenilles qui fe métamorphofent en papillons : voyez Chryfalide &
Nymphe ; mais il convient mieux à plulieurs efpcces de graines légu-
Xxxx a
-ji'g PEV
iTîineufes : nous les reftrelndrons ici à la fève de marais , & à la fève
petite ou féverolle.
La Fève de marais ou de jardin, //^<2 major vulgaris , eft
une plante légumineufe , fort connue , & qu'on cultive dans les
jardins & les marais, &:c. fa racine eft en partie droite, & en partie
rampante y garnie de tubercules & de fibres ; fes tiges font hautes d'en-
viron trois pieds, carrées, creufes en dedans, couvertes de pkifieurs
côtes qui naiffent par intervalles, auxquelles font attachées àts paires de
feuilles oblongues, arrondies, un peu épaiffes, bleuâtres, veinées, &
hï^QS'y fes fleurs font légumineufes , oblongues, de couleur tantôt
blanche, marquée de taches noires, tantôt purpurine & noirâtre; il
leur fuccede des gouiTes , longues, grofles, relevées, charnues, corn-
pofées, chacune de deux cofies, qui renferment quatre ou cinq grofTes
fèves aplaties, oblongues, ordinairement blanches, mais quelquefois
rouges, purpurines, ayant une marque longue & noire à l'endroit où
elles font attachées à leur gouffe j lecorce ce cette fève eft épaiffe &i
comme coriace; fa fubftance intérieure étant deflechée, eft dure & le
partage aifément en deux parties; on y obferve alors, à une des extré-
mités, la plantule apparente.
La Feverolle , /i/*^ wînor , qu'il ne faut pas confondre, comme
quelques-uns, avec le haricot (voyez ce mot ) ne diffère de la pré-
cédente, que par fa petiteOe , & parce qu'elle eft plus garnie de
feuilles, & détruits : fes fèves font de couleur, ou blanchâtre, ou jau-
nâtre ou noire; on la cultive dans les champs.
La tige , les feuilles , les fleurs , les goufles & les graines des fèves
de marais font d'ufage en Médecine. Les fèves fe miangent vertes ou
mûres, après les avoir fait cuire avec des herbes aromatiques & les
aflaifonneniens ordinaires. Ifidore prétend, liv, /y, orh^in, ch. 4, qus
les fèves ont été le premier légume dont les hommes ont fait ufage^
Pline dit que l'on a elfayé d'en faire du pain. Les fèves font ventcufes,
indigeftes étant vertes, Se fourniilent une nourriture trop groiîiere pour
les perfonnes délicates , & fur-tout aux gens de cabinet;, ceux qui
font accoutumés à de gros travaux peuvent s'en accommoder. Les
perfonnes qui font fujettes à la colique, au mal de tète 3c au refler-
rement de ventre, doivent s'en abftenir. On fert tous les jours fur le&
meilleures tables des fèves vertes; on les prépare de diverfes manières,
après en avoir ôté i'écorce, pour les rendre plus tendres. Lorfqu'elles
F E V 717
font feches on en fait delà purée: en général on en mange peu de
féchées à Paris; mais il y a des provinces, où elles font une nourriture
fort ordinaire : fur mer les Matelots en font un ufage fort journalier.
La farine de fèves pelées, lommtum, faite pa'r trituration, eft au
nombre des quatre farines réfoîutives , qui font , les farines d'orge ,
d'orobe, de lupin & de fcves : on met aufll la farine de fèves parmi
les cofmétiques pour les taches du vifage. Dans les boutiques on
trouve une eau diftillée des fleurs de fèves, propres à décrailèr & à
adoucir la peau. Les Egyptiens ont regardé les fèves comme impures &
comme le fy mbole de la mort, & leurs Prêtres s'en abftenoient. Les
fèves ont fervi autrefois pour donner les fuffrages dans l'éledion des
Magiftrats. Aujourd'hui les Anglois les font cuire avec du miel pour
fervir d appât au poifTon.
FEVE DE BENGALE , faba Bengalenfa, Fruit étranger qu'on
trouve fouvent avec le mirobolan citrin que l'on nous envoie des
Indes Orientales. C'eft comme une excroiffance compade , ridée ,
ronde, applatie , crcufée en manière de nombrii, large d'environ un
pouce, brune en dehors, noirtâtre en dedans, d'un goiit ftiptique &
aftringent, fans odeur; on s'en fert aux Indes pour teindre en jaune.
On ioupçonne que lafcve de, Bengale qÏïIq mirobolan citrin lui-même,
qui a été blefîé par la piqûre d'un infede , ce qui lui a donné une
forme monftrueule. f-'^oyci Mikobolans.
FEVE D'EGYPTE. Plante exotique, alTez curieufe par la beauté
de fa fleur. C'eic le ndumbo du Ceylan. La plupart des Auteurs Bota-
nifles connoiOènt la Jcvc d''Egypte pour une efpece de nymphée à
fleurs blanches , pourpres & incarnates : il femble c^^Hcrodote ait
voulu parler de cette plante, en faifant mention d un lys d'eau cou'»
leur dçt rofe, & a'un lys blanc, qui naiflent dans .le Nil. Sa fleur
feroit-clîe la même qu'un certain Poëîe prélenta commue une mer-
veille à Hadrien, ious le nom de lotus antinoien. Plutarque l'appelle
le cûpujaik par rapport à la couleur de ce beau moment du jour.
Son fiuit qui a la forme d'une coupe de ciboire, en portoit le nom
chez Its Grecs; il y a des bas reliefs, des médailles & des pierres
gravée?, ou ce fruit eft fouvent repréienté, fervant de fîege à un
enfant. La tige de la fève d'Egypte a un pied &: demi de haut.
Ses feuiîlts font fort larges, creuiées en forme de nombril, & attachées
à des pédicules hérifl£s d'épines. On trouve la figure de cette plante
entière dans CommeLïn , Breynïus ôc Plukenett
7i8 F E V FEU
Quelques Auteurs ont aufîî donné le nom de fevc â'E§yptc à la
colocajie. Voyez ce mot.
FEVE ÉPAISSE. Voyei Orpin.
FEVE DE S. IGNACE. Petit fruit des Indes Orientales , qui eft
un puifTant purgatif, Voyc^^ ce qui m cfi dit à Cartick Noix Vomique.
FEVE MARINE ou PIERRE DE Ste. MARGUERITE, /^^^
marina , eft l'opercule rouge d'un petit limaçon à bouche ronde. Voyez
à l'article Limaçon de Mer.
FEVE DE MALAC ou BALADOR, faha de Malacca. C'eft
\ anacarde. Voyez ce mot.
FEVE DU MÉDICINIER. Voye^ au wot Ricin.
FEVE PURGATIVE Occidentale. Foyq Ricin.
FEVE DE TREFLE. On donne ce nom à l'anasyris puant. Voyez
ce mot.
FEVEROLLE. P^oye^ Feve de marais & Haricot.
FEUILLE 5 ojlraco-folium. Nom donné à une coquille bivalve du
genre des huîtres. Elle eft de couleur marron & de forme oblongue ;fa
valve fupérieure eft chargée dans fcn milieu d'une forte côte longitudi-
nale i fa valve inférieure offre communément un fillon qui correfpond à
la côte oppofée , & par où la coquille adhéroità quelque corps , à une
branche , &c. On voit de larges plis & cannelures obliques qui naifient
de la côte & du fillon. Les deux valves s'adaptent exa<5lement Tune dans
l'autre. Leur charnière eft un ligament comme dans la crête de coq.
FEUILLE & FEUILLAGE , /o/i/^/w & frondes. On donne le nom
àQ feuillage à l'alTemblage de branches & de feuilles que l*on voit fur les
arbres & fur les plantes. Le feuillage eft auiTi un terme qui fert aux Bo-
taniftes pour exprimer la figure que les feuilles prennent ; c'eft ainli
qu'on peut dire que dans l'orme , le tilleul , &c. le feuillage eft aplati ,
parce que leurs feuilles s'étendent horizontalement les unes d'un côté ,
les autres d'un autre côté fur un même plan. hQ feuillage eft croifé dans
la plupart des plantes qui ont les feuilles oppofées , ainfi qu'on le voit
dans le myrte & le jafmùn. Le feuillage eft rond dans le pin , parce que
fes feuilles s'étendent circulairement autour des branches. Le feuillage
eft verîicillé , lorfque plus de deux feuilles oppofées rayonnent autour
de la tige , où elles forment comme autant d'étages ; la famille à^s apa-
rines , en fournit beaucoup d'exemples. On fait que c'eft la diverfe
pofition des feuilles qui fait le plus au port des plantes herbacées
comme la difpofition des branches fait le port des arbres.
FEU ' 71^
On nomme fiiàllaïfon , foliado , les feuilles proprement dites que
produifent annuellement toutes les plantes ; mais toutes ne les renou-
vellent pas dans le même temps : la plupart des moufies , par exem-
ple , & des pins fe couvrent de feuilles pendant l'hiver ; celles de la fa-
mille des gramens & des liliacées au printems ; nombre d'arbres , fur-
tout étrangers , en été : d'autres plantes, telles que quelques champi-
gnons & moulfes , la plupart des fougères , &c. ne font bien en vigueur
qu'en automne. La feuillaifon efl: encore avancée ou retardée félon que
le foleil amené plutôt ou plus tard le degré de chaleur convenable à cha-
que efpece. M. Lïnnaiis a été le premier qui ait écrit fur le temps com-
paré de la feuillaifon des plantes dans chaque climat. Confultez Amcz-
nit. Acad, vol. j pag^ 3 6^3 , vernatio arborum. Mais M. Adanfon prétend
que ce Naturalifte a négligé de tirer des réfultats moyens entre toutes
les obfervations qu'il a publiées comme abfolues , & il a donné dans
quatre tables ce qui convient pour déduire des règles certaines , & pour
conclure plus pofitivement du fait dont il eft queftion. Confultez le pre^
mïcr volume des fanùlles des Plantes , depuis la page 85 jufquà c/C). La
plupart des plantes quittent leurs feuilles tous les ans : c'eft ce qu'on
appelle effeuillai fon , defoUatio , ou chute de s feuilles , qui a fes limites
comme la feuillaifon. On remarque une grande variété dans la manière
dont la plupart des plantes quittent leurs feuilles ; car 1°. il y en a qui
les laifTent tomber toutes à la fois tous les ans ; 2°. d'autres fois elles
relient fur l'arbre ôc y meurent parle froid de l'hiver , mais la force
de la fève du printems les fait tomber pour faire place à de nouvel-
les feuilles , alnfi qu'on le remarque dans le chêne , le charme , &c,
3°, d'autres confervent vertes leurs feuilles jufqu'au printems , faifon
011 il en repoufle de nouvelles , comme on le voit fur le jafmin jaune
des bois , le troène , le lilas , l'érable de Crète ; 4.°. d'autres les con-
fervent constamment vertes toute l'année , & ne laiffent tomber les
anciennes feuilles que long-temps après la production des nouvelles. Le
noyer eft un des arbres qui prennent le plus tard leurs feuilles &: qui
les quittent le plus tôt. Enfin il paroît que la température de l'air a
beaucoup de part à l'effeuillaifon , & qu'un foleil ardent contribue
auffi beaucoup à la hâter. Le froid ou l'humidité de l'automne accé-
lèrent encore plus la chute" des feuilles, comme la féchereffe tend à la
retarder. Nous ne parlerons ici que des feuilles des plantes mêmes ; car
il ne faut pas confondre avec elles \qs feuilles JloraUs ou braUées ^ qui
720 FEU
font immédiatement au-deiîous des fleurs ; celles-ci ont une (Irudurc
ordinairement différente de celle des autres feuilles de la même plante :
telles font, par exemple , celles qui foutiennentles fleurs de tilleul. Ily
a des perfonnes qui donnent auflî le nom de feuilles aux pétales qui font
parties intégrantes de la fleur. Ceft ainfi qu'on dit vulgairement une
Jîeur à cinq feuilles. U^niQmble de ces feuilles s'appelle coro//j ; & chaque
feuille confîdérée en particulier porte le nom de pétale. Voyez ces mots
à l'article Plante. Foye^ au£i Vanide Fleur.
M. Adanfoîi confidere les feuilles comme à^s tiges ou branches qui
feroient aplaties: elles ont, dit-il, les mém.es parties, un épidémie,
une écorce des deux côtés, & un corps ligneux au centre: elles en dif-
férent feulement en ce que leur épiderme a des mamelons ou glandes
corticales fur toute leur furfacedans les herbes, & àla furface inférieure
feulement dans les arbres. i^. Le tiflfa cellulaire ou parenchyme y efl:
plus confidérable que dans les tiges, & toujours dans fon état de ver •
deur, & fucculent fans pafler à celui de moelle» De l'organifation des
feuilles paflbns à leur divifion.
On divife les feuilles en trois genres ; favoir en Jimples , en compofées
de en indéterminées. IjQS feuilles Jimples font celles dont le pétiole ou pé-
dicule n'en porte qu'une : on en fait fept ordres, ou on les confidere
fuivant la circonférence, les angles, les finus, la bordure, la furface,
le fom.met & les côtés : ainfi l'une efl: orbiculaire ou ronde, l'autre eft
en forme de coin, ou en fer de lance, ou en forme d'alêne; une autre
efl: en forme de m_ain , ou dentelée ou membraneufe , ou piquante ou
véficuleufe, ou lifle , ou ondée & nerveufe , ou charnue ou fifl:uleufe.
l^es feuilles compofées fe forment de plufieurs feuilles réunies enfemble
fur un mém.e pétiole. Ces feuilles font quelquefois recompofées ; telles-
font celles dont le pétiole commun fe partage deux fois avant de fe
charger de folioles ; elles font fur- compofées , quand le pétiole fe fubdi-
vife plus de deux fois. Les feuilles indéterminées font celles qui fe font
diftinguer fans avoir égard à leur ftruâure ni à leur forme, mais à la
direélion, au lieu, à l'infertion & à la fituation.
On nomme feuilles pavoijées ^ folia peltata, celles qui fofet attachées
au pédicule par leur centre, ou à-peu-près , & non par les bords;
telles font celles de la capucine, du ricin, &c. l^es fetàlàs palmées y ou
en éventail ou en parafol ,yô/iiz palmata , flabeUifcrmia , font celles qui
ont des divifions profondes , mais réunies à leur bafe , telles que celles
du
FEU 721
"du latanler, du manîoque , du ricin. Les feuilles Jighèes , folla digitata^
font celles qui font raflemblées en rayons au fommet du même pédi-
cule, dont elles Te féparent d'elles-mêmes, comme dans le marronier,
le lupin, le ceiba, le baobab, &c. Les feuilles ailées , folia alata , font
celles dont les découpures en ailerons font partie de la côte ou de leur
pédicule, comme celles de la roquette, de la benoîte, &de la plupart
<ies ombeliiferes.
On appQlÏQ fuilles pinées ^ on empennées , foVia pinndta , celles dont
les divifions forment autant de petites feuilles diftinâes & attachées à
une côte commune avec laquelle elles ne font pas corps; telles font
1 1 plupart des legumineufes. Enfin les feuilles conjuguées , folia conjugata,
font encore des efpeces de feuilles pinnées, mais au nombre de deux
feulement , fur le même pédicule commun , comme dans le courbaril.
Il y a des plantes qui n'ont point de feuilles, telles que les bifTus ,
les champignons, & un nombre de fucus , &c. Malpighi , dans fon
Anatom, PLintar, a obfervé le premier la manière dont les feuilles des
plantes font pliées ou roulées dans les bourgeons avant leur dévelop-
pement, M, Linn(£us a étendu ces mêmes recherches en 17JI dans fon
Vkil. Botan. p. 106,
Nous avons eu foin, en décrivant chaque plante, de confidérer les
feuilles par rapport à leur ftruâure , à leur fuperficie , à leur figure ,
à leur confillance, à leur découpure, à leur fituation ou difpofition,
& à leur grandeur ; au moins dans celles qui exigeoient ces fortes de
détails botaniques. Des Obfervateurs ont remarqué des variations dans
les feuilles de quelques plantes : par exemple , la grande bétoine de
Danemarck a quelquefois des feuilles qui font comme anaftomofées ;
'les feuilles des tulipes ordinaires fe trouvent fouvent unies à leur bafe,
& font par conféquent fourchues à leur extrémité fupérieure ; les
feuilles du lilas à feuilles découpées , du moins celles des tiges qui
partent du tronc ou de la fouche, ne font point découpées l'année que
ces tiges ont poulTc; les feuilles de la grande joubarbe ordinaire font
fujettes à s alonger & à paroître plus aiguës à leur pointe ; alors leur
couleur eft d'un vert très - pâle , tirant fur le jaune , &c. Confuliei Us
Obfervaùons de M, Gu&uard»
Utilité des feuilles , leur infpeUion au microfcope , &c, &c.
Les feuilles font utiles fur l'arbre, ( elles font aux branches ce que
Toim //. Y y y y
^la FEU
le chevelu eft aux racines,) & le font encore après leur chute: fur
l'arbre, elles font une des plus grandes beautés de la Nature: nos
arbres fruitiers n'ont rien qui approche de !a verdure des forets : elles
procurent pendant l'été une ombre communément falutaire à toutes les
efpeces d'animaux , & peut-être qu'elles fourniffent la vie aux arbres
mêmes. L'air influe beaucoup fur les végétaux, & les feuilles femblent
être les premières parties de l'arbre deftinées à en recevoir les impref-
fions : il y a lieu de croire qu'elles font aufll les principaux organes de
la fève & de là tranfpiration : en effet , le fruit périt fur les branches
dégarnies de feuilles: il a moins de goût fi on en ôte une partie; enfin
le fruit eft dans toute fa bonté, fi on y laifle toutes les feuilles. Pendant
le jour la chaleur fait monter la fève dans les feuilles, directement &
latéralement : cette fève tranfpire même quelquefois par les pores des
feuilles. Au retour de la nuit & de la fraîcheur , il fe fait ua mouve-
ment de la fève tout contraire au précédent; les feuilles qui ont ex-
halé tout le jour, pompent de nuit la rofée , & elles en humedent les
branches , les fleurs , les fruits , & l'arbre entier : c'eft ce qui a déterminé
plufieurs perfonnes à faire arrofer dans les chaleurs, non-feulement le
pied de leurs efpaîiers & de leurs arbres de tige , mais même le feuil-
lage entier, fur-tout quand il fe fane; pratique qui leur a réufli.
La fève , qui circule avec moins d'adivité en hiver qu'en été , fait
que le fuc des feuilles s'épaiflit à l'arrivée des froids ; elles tombent par
leur propre poids, ou bien elles jaunilTent, s'éventent & fe diflîpent à
la moindre fecouffe de vent; la terre en efl: bientôt couverte : elles fe
pourriflent au pied des arbres, & forment un terreau qui les fertilife.
Cette jonchée" de feuilles préferve fous fon épaifleur les racines des
plantes encore jeunes , & les met à l'abri du grand haie & des vents
froids : elle couvre les glands & toutes les graines , & entretient autour
d'elle une humidité qui les aide à germer comme fi elles étoient dans
la terre. Les pauvres gens de la campagne en font fouvent de grands
amas : ils brûlent ces feuilles pendant l'hiver pour fe chauffer , & fe
fervent enfuite des cendres pour fe rtilifer les terres fortes ou ftériles.
Les feuilles d'orme & de vigne cueillies vertes , fe donnent en nour-
riture aux bêtes à cornes dans les pays oii les pâturages manquent i
les feuilles de mûrier fervent à nourrir les vers à foie, &c.
Plufieurs liliacées à feuilles charnues & folides fe reproduifent pat
leurs feuilles j mais ce font xlie vrais bourgeons qui fortent, ou de leus
FEU 72f
aîflelleou bare,ou pédicule, comme dans l'aloës & la fcille maritime,
ou de leur extrémité comme dans quelques arums. Ces bourgeons s'éle -
vent de la partie fupérieure de la feuille, tandis qu'il fort des racines
de la partie inférieure ou oppofée au bourgeon. Cette dernière obferva-
tion , dit M. Adanfon , revient à celle de M. Bonnet , qui a vu fortir
des racines des nervures & des pédicules de certaines feuilles de mé-
liflTe, de belie-de-nuit, d'haricot & de chou, plongées pendant quelques
temps dans l'eau; mais qui ne produifirent jamais de branches, ni du.
côté des racines , ni du côté oppofé. Confulu^ le bel ouvrage fur les
feuilles, par M. Bonnet, publié à Leyde en 1774, //z-4°. avec figures.
On ne peut voir les divers ordres de diftributions de feuilles fans (e
livrer au fentiment de l'admiration pour les lois éternelles , qui ont
merveilleufement approprié \qs moyens à la (in. On eft pénétré des
mêmes fentimens, quand on confîdere la régularité avec laquelle les
feuilles font couchées & pliées avant que de fortir du bouton, & la
prévoyance de la Nature pour les mettre à l'abri de tout accident :
confultez ÏAnatomie des plantes du Dodeur Grew , //v. / , tab. 4/ & 42 ;
confultez auflî Malpighi de Gemmis , & la Statique des végétaux de Mo
Mates. L'infpeélion des feuilles au microfcope nous offre encore le fpec-
tacle de mille beautés frappantes que l'œil nu ne peut appercevoir ; on
en eft convaincu par la ledure des obfervations micrpfcopiques de
Bakker. La feuille de certaines rofes, par exemple, eft toute diaprée
d'argent fur fa furface externe. Celle defauge offre une étoffe raboteufe,
mais entièrement formée de touffes & de nœuds aulli briîians que le
criftal. La furface fupérieure de la mercurielle eft un vrai parquetage
argentin, & îes côtés un tiffu de perles rondes & tranfparentes , atta-
chées en manière de grappes , par des queues très-fines & très-déliées.
Les feuilles de rue font criblées de trous femblables à ceux d'un rayon
de miel , d'autres feuilles préfentent comme autant d'étoffes ou de ve-
lours raz de diverfes couleurs. Mais que dirons-nous de la quantité
prefque innombrable de pores de certaines feuilles? Leuwenhoek en a
compté plus de 162000 fur un feul côté d'une feuille de buis. Quant
aux fingularités de la feuille d'ortie piquante , dont nous devons la con-
noiffance au microfcope de Hoock , voyez Oktie. Confultez aulH les
Obfervations & expériences de Tkummingius , fur ranatomïe des feuilles ,
dans le Journal de Leipiig, ann. 1722 , pag. 2-^ , & CObfervation fur té-
(orcc des feuilles, ècc» ]paiM. de Saujfuret .y^
724 FEU
C'efl: par le moyen des infedes qu'on a pu parvenir à avoir le fque-
lette d'une feuille dans fa dernière perfedion. Ces animaux rongent avec
un art infini tout ce qui s'y trouve de charnu , & n'y laifTent que les
fibres ou les nervures par oii coule le fuc qui les nourrit ; ce travail
eft fi bien exécuté , que les hommes n'ont pu parvenir à l'imiter qu'a^
vec beaucoup d'adreffe & à force d'art. Malpighi eft le premier qui a
fait l'anatomie des plantes; Jurùius Scverinus, à l'imitation des infec-
tes, a fait le fquelette d'une feuille de figuier des Indes; Albert Seba ,
Mufchenbroeck ^ KundmanriyHoUmann , & plufieurs autres, ont très»*
bien réuffi à faire le fquelette de différentes fortes de feuilks, en pres-
nant pour modèle le fquelette de feuilles fait par les infedes^
FEUILLE AMBULANTE. On donne ce nom à une efpece d'in-
fede de Surinam, dont les ailes ont les nervures & la figure de feuilles.
Cet infede tient un peu de la fauterelle, & provient, dit-on, d'un ceuf
gros comme un grain de coriandre, & verdâtre. Lorfque les œufs vien-
nent à éclore, il en fort de petits infedes noirs, femblables à des four-
mis. Quand cet infede a acquis une certaine grandeur dans fon nid ,
qui eft pendu à un arbre , il y file une toile dont il s'enveloppe en
quelque manière: après cette métamorphofe , il s'agite violemment,,
jufqu'à ce que fes ailes , étant libres, puiflent s'étendre; alors plus vi-
goureux, il brife cette toile & tombe de l'arbre ou s'envole. Ain fi dès
que ces infedes ont acquis leur grandeur & grofTeur naturelles , ils fe
trouvent munis d'ailes proportionnées à leur force progreftive : leurs
ailes relTemblent à une feuille morte : il y en a d'un vert clair ou brun ;
d'autres marbrées & grifes , quelquefois femblables à une feuille de
citronnier defféchée : il n'eft donc pas étonnant que de fimples Ama-
teurs aient été perfuadés, (d'après la couleur, la configuration & le
îieu oij l'on obfèrve ces animaux , ) que Tinfede appelé feuille ambulante,
provenoit de la feuille des arbres mêmes d'où elle tombe. On voit de
ces infeétes ailés dans divers cabinets d'Hiftoire naturelle en Hollande,
dans celui de Chantilly, &c.
FEUILLE INDIENNE ou MALABATRE, /o/m/n îndum, aut
Malabathrum^ Cet ingrédient , qui entre dans la grande thériaque &
dans d'autres femblables antidotes, eft une feuille femblable à celle du
cannelier ou du citronnier ,^ dont elle ne diffère que par l'odeur & îe
goût : elle eft afTez longue, poir.tue, compade, îuifante, diftinguée par
tiois fortes nervures , ^ui vont de la q^ueue à la poimej d'un vert pâle 3,
FEU F I C '^1^
d'une légère odeur & faveur aromatique , qui approche un peu du gi-
rofle. Cette feuille naît fur un arbre qui croît en Cambaya , dans les
Indes , d'où l'on nous l'apporte feche.
L'arbre qui porte cette feuille s'appelle chez les \ïièÀQWî,'kaîaa-karîia ^
en Latin candla filveflris Malabarica : il croît dans les montagnes du
Malabar. Cet arbre reflerable au cannelier de Ceylan , mais il eft plus
grand & plus haut : les fleurs font petites , difpofées en ombelle, fans
odeur , d'un vert blanchâtre & à cinq pétales : il leur fuccede de peti-
tes baies qui reflemblent à nos grofeilîes rouges : les fleurs paroiflent en
Juillet & Août, & les fruits font mûrs en Décembre ou en Janvier : on
ne fe fert que des feuilles comme d'un alexipbarmaque.
FEUILLE MORTE. Foyei Papillon Feuille morte.
FEUILLES PETRIFIEES , Ihhobiblia. L'exemple des feuilles pétri-
fiées ou incruflées de fucs lapidifiques n'efl: pas rare. On trouve com-
munément dans des carrières de tuf en divers endroits de la France &
particulièrement près de Montpellier , des feuilles de rofeau , de vigne
& de plufieurs autres efpeces de végétaux ; ces feuilles ont confervé
leur forme dans leur nouvel état , au point d'être parfaitement recon-
nues. Il ne faut pas confondre cette pétrification & incruftation avec les
Empreintes de feuilles , lithophylla , qui font très- communes dans le
voifinage à^s mines de charbon de terre.
Scheuchier , Herbar. Diluvian, en cite une afTez grande quantité j^
qu'on trouve aufïi rapportées dans le UiUionnain OryBologiquc de M*
Bertrand,
FEUILLE POISSON. Voyci Folio, cytharus,
FEURRE. Nom donné à la paille de toute forte de Z'//, Voyez ce
mot & celui de Paille.
FIATOLE , fidtola. PoifTon excellent , très-connu à Rome , & qui
fe trouve dans la Mer Rouge & dans la Méditerranée. Il a des traits
tortus & dorés fur tout le corps : on en voit qui ont le dos & les côtés
bleus , le ventre blanc , argenté , & les lèvres rouges. Ce poifibn eft
prefque rond & plat ; fa langue approche en figure de celle de l'homme?
fe chair eft molle, mais très -bonne à manger. Les Vénitiens nomment
le fiatole lifette,
FICOÏDE , ou FIGUE DE MER , ou POIRE MARINE. Corps
marin , ainfi nommé à caufe de fa reflèmblance extérieure avec la figue
ou la poire. On trouve dans la mer ces corps que quelques-uns placent
'J2S Fie
dans le genre des coralloïdes & de l'efpece des fongipores. On nomms
fîcoïtes ces mêmes corps devenus foflîles. Foy&i Fongite & Figue ou
Poire de mer fossile.
FICOÏDES. Genre de plante exotique , qui n'efl: connue que des
Botaniftes & des curieux , & beaucoup plus en Hollande & en Angle-
terre ; toute cette plante eft fucculente ;fes feuilles font conjuguées &
croifTent deux à deux : fa fleur eft en cloche évafée , découpée ordinai-
rement fort menu , & percée dans le fond par où elle s'articule avec le
piftil. Lorfque la fleur eft paflee , le piftil & le calice deviennent tous les
deux enfemble un fruit divifé en plufieurs loges , remplies de femences
très-menues. Le fruit du ficoïdes fe mange , & il fait la plus grande partie
de la nourriture des Hottentots.
■ Boerhaavc diftingue cinquante-trois efpeces de ficoïdes ; & Miller en
nomme quarante-une qui font aujourd'hui cultivées dans les jardins
d'Angleterre. Ceft mal-à-propos que quelques Botaniftes ont confondu
ÏQ ficoïdes avec le bananier, & d'autres avec ]^ opuntia, figuier d'Inde* Le
ficoïdes a pourtant cette relTemblance avec cette dernière plante , que
fon fruit eft toujours formé avant que la fleur s'épanouifle , & qu'il a
à-peu-près la figure d'une figue ; ce qui a engagé BradUy à le nommer
foucy-figue.
Prefque tous les ficoïdes font originaires des environs, du Cap de
Bonne-Efpérance ; ils croifTent communément dans les pierres & les
rocailles aux endroits où il n'y a pas trop d'humidité ; on les multiplie
de graine ou de bouture. Cette plante fe plaît à découvert, & les pe-
tites gelées ont de la peine à mordre deflfus : elle périt fouvent au bout
de trois ans ; ou fi elle vit , elle eft ordinairement mal -faite & dé-
labrée.
Il y a quelques efpeces ât ficoïdes qui font annuelles , & qu'on doit
multiplier de graine tous les ans : leurs feuilles, & leurs branches font
couvertes de véficules tranfparentes , qui les font paroître comme au-
tant de criftaux lorfque le foleil donne defTus. Il y a une autre forte de
ficoïdes qui eft nain , & qui a la même forme que l'aioës : il croît tou-
jours fort près de terre , fans poufler de branches : il dure cinq à fix ans«
Le ficoïdes en buifTon dont la tige eft ligneufe , doit être plus arrofé
que les efpeces précédentes : il demande la chaleur , & à être expofé au
foleil , fans quoi fes fleurs ne s'épanouiront jamais , à l'exception àQt
efpeces qui ne fleurifTent que la nuit.
F T E FI G 727
Les ficoïdes font très-diverfifiés par la cQuleur de leurs fleurs blan-
ches, jaunes, dorées, orangées, bleues, pourpres, écarlatesj & même
quelques efpeces font continuellement en fleurs. Un des plus remar-
quables/coïd'ei, eft celui que les Anglols nommment diamond plant ou
ict plant, & les Botaniftes , ficoïdes a^ Afrique à fleurs de plantain ondées,
argentées & brillantes comme des facettes de miroir. MilUr a trouvé
le moyen d'en perfedionner la culture, & de faire venir en Angleterre
la tige, les branches, & les feuilles de cette efpece plus belles qu'en
Afrique. Ccnfidtéi ce qu'il a dit à ce fujet dans fon Dicîionnaire des
Plantes de jardin : confultez auffi rHiJlor. Plantar. fucculcnt. cum figur.
de Bradley , & dont les diverfes décades ont paru fucceflîvement à
Londres de 1716 jufqu'en 1727 , i/z-^,". Encyclop,
FIEL , feL Voyez à l'article Homme.
FIEL DE TERRE. Foyei FumeteePxE. En Suifle on donne le nom
de fiel de terre à la petite centaurée.
FIENTE. Voyei Excrément.
FIGUE. Les Conchyliologues donnent ce nom à une efpece de coquil-
lage de la clafle des univalves & du genre des tonnes ou conques fphé-
Tiques. La coquille en eft alongée & recourbée , & fa forme imite alTez
la figure d'une 7%a^.
FIGUE BACOVE. Voye^ à tartïclt Bananier,
FIGUE ou POIRE DE MER FOSSILE ,ficoites. Ce font des corps
que l'on trouve dans l'intérieur de la terre , dont la relTemblance exté-
rieure avec ces fruits, peut fervir d'excufe à ceux qui, d'après un examen
fuperficiel , les ont regardés comme des fruits pétrifiés. Ils ont effedi-
vement une ouverture ronde , qui pénètre dans l'intérieur ; mais leur
organifation intérieure bien examinée, prouve qu'ils en différent eflèn-
tiellement.On trouve rarement, parmi les foflîles, des corps végétaux qui
aient été originairement mous & flexibles. M. Guettard qui a examiné
de nouveau ces efpeces de foflîles , y trouve des caractères qui lui font
regarder ces fruits apparens , comme des polypites , & il les défigne fous
le nom de caricoïdes. Peut-être que le corps qui refîemble aux lobes des
poumons , n'eft qu'une efpece ^alcyonium devenu foflile. L'alcyon de
mer eft de couleur d'olive foncée & d'une fubftance tubéreufe : il répand
une odeur très- défagréable, lorfqu'oji l'ouvre, & contient quantité de
particules jaunâtres & de petits facs remplis (l'une liqueur limpide &
vifqueufe. Sa furface eft ornée de petits trous réguliers : yoye\ Alcyon.
72? F I G
h^Jïgue ou poire Je mer a la forme de ces fruits. L'écorce cfl d'une fubf-
tance lifle ou épineufe , plus ou moins friable, d'une couleur grife,
quelquefois rougeâtre , fon extrémité eft percée d'un trou ou cavité
profonde & conique , qui laide appercevoir les cellules intérieures.
FIGUEIRA. Foye^ Bananier.
FIGUIER , Jîius» Arbre qui donne abondamment des fruits déli-
cieux, fur-tout dans les pays chauds , tels que l'Italie & la Provence.
On diftingue jufqu'à trente-cinq & même quarante efpeccs de figuiers;
mais plufîeurs ne peuvent être vraiment regardes que comme des varié-
tés: nous ne parlerons ici que du figuier domeftique, èc du figuier fau-
vage ordinaire.
Le Figuier domestique ,Jîcu5 fativa, eft un arbre d'une hauteur
médiocre , branchu , toufFu , & qui ne devient jamais bien gros ,
parce qu'il poufTe du pied une multitude de rejetons. Le bois de cet
arbre eft blanchâtre, mou, moelleux, il n'eft prefque pas d'ufage ;
cependant les Serruriers & les Armuriers s'en fervent, parce qu'étant
Ipongieux, il fe charge facilement de beaucoup d'huile & de poudre
d'émeril , qu'ils emploient pour polir leurs ouvrages. Ses feuilles font
jes plus grandes de celles des arbres à fruits, rudes, d'un vert foncé; fes
fruits naiflent le long des branches auprès de l'origine des feuilles fans
avoir été précédé par aucune fleur apparente. Ces fruits font plus ou
moins gros, plus ou mojns ronds, de couleur différente fuivant les efpe-
ces, mais ils approchent toujours de la figure d'une poire ; lorfqu'ils
font en parfaite maturité, ils doivent être fort mous & fucculens; on
compte trente variétés de cette première efpece. Les efpeces de figuiers
qui réuflifTent le mieux, font les figues connues de tout le monde , la
ronde & la longue ; celle-ci eft plus abondante, l'autre eft plus précoce;
toutes deux foni excellentes.
On a cru que le figuier ne portoit point de fleurs , mais les Bota-
îiiftes les ont enfin découvertes. Il n'eft pas étonnant qu'elles aient
Échappé à la vue; car elles font cachées dans le fruit même. En ouvrant
une figue , dans les circonftances favorables , on peut obferver à l'inté-
rieur autour de la couronne du fruit , les fleurs mâles qui font des
étamines fupportés par de petits ftilets , & les fleurs femelles qui font
placées près du pédicule : il leur fuccede de petites graines dures. Q/2-
fdtc;^ Us Miim, deÛAcad. des Sciences ^ année iyi2»
-Quoique |e figuier puifTe venir dans prefque tous les terrains, & à
^QUtes
F I G 75^
toutes les exportions, il vient infiniment mieux dans les terres légères ;
& dans une bonne exposition ,1e fruit y a un goût plus fucré, plus fin ;'
& dans nos pays méridionaux la récolte revient deux fois par an. Cet
arbre réuflit à merveille entre des rochers.
La Qiàntinie, BradeUy & Miller , ont déployé tout leur art pour la
perfeétion de cette culture, & pour celle des figueries. Les figuiers
font d'un tempérament très-délicat, & réfiflent avec peine aux hivers
de notre climat : pour les conferver, on les couvre de paille pendant
rhiver; mais malgré ce foin, il en périt toujours des branches, & les
nouvelles qui repouflent, ne peuvent donner du fruit qu'à la troifîeme
année ; on a grand foin de les planter contre les murailles : c'eft la
plus avantageufe de toutes les expofitions. Il y a des perfonnes qui les
mettent en caiiTc, & qui prétendent que c'eft un moyen d'avoir des
figues plus précoces, en plus grande abondance & de meilleur goût:
de plus on a l'avantage de pouvoir les mettre dans la ferre pendant
l'hiver. On a éprouvé avec fuccès , qu'un des moyens de hâter la matu-
rité des figues, fans leur rien ôter de leur bonté, c'eft de mettre avec
un pinceau un peu d'huile d'olive à l'œil des figues, c'eft-à-dire, à
cette ouverture que l'on apperçoit à l'extrémité du fruit ; d'autres per-:
fonnes confeillent de piquer l'ceil de la figue avec une plume ou paille
graiffée d'huile. Si on choilit pour objet de comparaifon deux figues
de même groffeur fur une même branche , Se qui foient parvenues aux
deux tiers de leur grofleur, on obferve bien fenfiblement ce phéno-
mène, & de plus, celle qui a été piquée devient plus grofle que l'autre.
M. Duhamel a penfé que dans cette occafion, l'huile tait à peu-près
le même eifet que les infeéles de la caprification, dont nous parlerons
ci-après.
Le figuier, ainfi que les autres arbres, a befoin d'être taillé, pour •
être d'un meilleur rapport & d'une plus longue durée. Cet arbre diffère
d^s autres arbres fruitiers, on ce que le fruit vient lur les grofles bran-
ches. Il eft effentiel de tailler ces arbres avant que la fève foit en mou-
vement, parce que lorfqu'on les taille, il découle un fuc laiteux dont
cet arbre abonde, & il en réfulte une perte du fuc nourricier qui nécef-
fairement affoiblit l'arbre. Ce fuc laiteux eft amer, fi acre, fi brûlant
& fi corrofif, qu'il fait prendre le lait comme la préfure, qu'il difiout
celui qui eft caillé, comme fait le vinaigre, & qu'il enlevé la peau ou
y fait des taches ineifaçables lorfqu'on l'applique deffus. Cependant
Toms IL Z z z 2
730 F I G
cette fève avec de fi étranges qualités , produit les fruits les plus doux,
les plus fains & les plus agréables au goût. Tels font les procédés ou
plutôt les miracles de la Nature.
Quelques perfonnes ont fait ufage avec fuccès du fuc laiteux du figuier
pour détruire les verrues ou poreaux qui viennent fur la peau. Ce
fuc laiteux entre dans la clalle de ces écritures fympathiques , qui
ne font vifibles qu'en les chauffant; fi l'on trace des lettres fur le papier
avec le lait ou le fuc des jeunes branches de figuier, elles difparoifîent
bientôt; lorfqu'on veut les lire, il faut approcher le papier du feu,&
dès qu'il eft échauffé, les caraderes deviennent vifibles. Le' fuc du figuier
partage cette propriété , non-feulement avec le fuc de limon , le vinaigre
& les autres acides, mais elle lui efi: même commune avec toutes les
infufions & toutes les diffoIutions,dontla matière diffoute peut fe brûler
à très-petit feu,& fe réduire en une efpece de charbon.
Le figuier fe multiplie facilement de rejetons, de boutures, par la
greffe en fiute, &: parla graine : cette dernière méthode, qui eft très-
longue, donne des variétés.
Le figuier sauvage nommé par les Botanifies caprîficus ou caprin
figuier , eft femblable en toutes fes parties au figuier ordinaire, dont ii
ne paroît être, en quelque forte, qu'une variété; mais il porte des
figues qui ne fervent qu'à la caprification, dont ont tant parlé les An-
ciens. Les obfervations de M. de Toiirnejort, & de M. de Godhai , Com-
mandeur à Malthe, nous ont donné toutes les lumières que l'on peut
défirer fur cette pratique finguliere.
Les habitans de l'île de l'Archipel font leur principale nourriture de
figues féchees au four, qu'ils mangent avec un peu de pain d'orge.
Cette raifon les engage à donner toute leur attention à ce qui peut
augmenter la frudification des figuiers.
On cultive dans les îles de l'Archipel & à Malihe deux fortes de
figuiers. La première efpece eft le figuier domeftique,qui porte beau-
coup de fruits , mais qui ne viendroient pas à maturiié, fi on n'avoit
recours à l'art. La féconde efpece, eft le figuier fimvage dont nous
venons de parler. Ce figuier fauvage porte pendant l'année trois fortes
de fruits, qui font nommés des Grecs /omîtes cratirites & orni : ces fruits
ne font pas bons à manger, mais ils font néceffaires pour faire mûrir
les fruits des figuiers domeftii;ues, par l'opération que l'on nomme capri-
ficanorit
FIG , 731
Les Fornites ou tokar-leouel des Malthois, que l'on peut
nommer f gués d'auiomne , paroiiïent dans le mois d'Août, & durent
jufqu'en Novembre fans mûrir. Il s'y engendre de petits" vers produits
d'cEufs dépofés par certains moucherons (efpece de très-petits ichneu-
mons d'un noir luifant ) qui voltigent toujours autour du caprifi-
guier. Dans les mois d'Odobre & de Novembre ces vers devenus
moucherons, piquent d'eux-mêmes les féconds fruits appelés crati-
rites par les Grecs, ou tokar-lanos par les Malthois, qui ne paroiflent
qu'à la hn de Septembre, & que l'on peut nommer figues d'hiver ^Iqs
£gues d'automne tombent peu après la fortie de leurs moucherons. Les
figues d'hiver au contraire reftent fur l'arbre jufqu'au mois de Mai fui-
vant, & renferment les œufs qui y ont été dépofés par les mouche-
rons des figues d'automne. Dans le mois de Mai, la troifieme efpece de
figues que l'on nomme orni dans le Levant, & tokar-taiept àMalthe,
& que nous pouvons ^-^^^qWqï figues printanieres , commencent à paroître.
Lorfqu'elles font parvenues à une certaine grofieur, & que leur œil
commence à s'ouvrir , elles font piquées dans cet endroit par les mou-
cherons qui fe font élevés dans les figues d'hiver.
Dans les mois de Juin ou de Juillet , quand les vers qui fe font méta-
morphofés dans ces figues , font prêts à fortir fous la forme de mouche-
rons, les payfans les cueillent & les portent enfilés à des brochettes fur les
figuiers domeftiques , qui font alors en fleuraifon. C'eft en cela que con-
iîfle le grand travail de la caprificatioh: car fi l'on attend trop tard, les
figues printanieres tombent, 6v la plus grande partie du fruit des figuiers
donieftiques ne fait que languir. Les payfans Grecs vont tous les matins
examiner leurs figuiers fauvages & domeftiques, ils obfervent avec foin
l'œil de la figue : car cette partie ne marque pas feulement le temps
où les piqueurs doivent fortir, mais aufii celui où la figue peut être
piquée avec fuccès. Ils tranfportent alors ces figues printanieres, fur
ties figuiers domeftiques qui font en état de les recevoir; les mouche-
rons métamorphofés qui fortent de ces figues, s'accouplent & entrent
par l'ombilic dans les figues domeftiques, qui font alors grofles comme
des noix, & en fleurs ; ils y dépofent non-feulement la poufTiere fécon-
dante des étamines d'autres figues d'où ils fortent, & dont ils font cou.
verts, mais encore leurs œufs; & les infeéles qui y éclofent , donnent
lieu aux figues domeftiques de mûrir & de groflir ainfi fucceffive-
inent.
Zzzz 2
73 2 F I G
Les payfans connoiflent fî bien ces précieux momens de la caprifi-r
cation , qu'ils ne les laiflent guère échapper. Il leur refte cependant
encore une légère refTource, c'eft de répandre fur les figuiers domefti-
ques les fleurs d'une plante qu'ils nomment djcolïmbos ou skclimos ; il fe
trouve quelquefois dans les têtes de ces fleurs des moucherons propres
à piquer ces figues ; ou peut-être que les moucherons de ces figues fau-
vages, vont chercher leur nourriture fiar ces fleurs. Cette caprification
fait un effet fi fingulier, qu'un de ces figuiers domefl:iques qui donneroit
à peine vingt-cinq livres de figues mûres & propres à fécher, en donne
plus de deux cent quatre-vingts livres. Il faut cependant avouer que ia
caprincatic^n fatigue les arbres, & que les figuiers, qui par ce moyen
ont donné beaucoup de fruit dans une année , en donnent peu l'année
fuivante. Voilà tout le myfl:ere de cette fécondation appelée caprifi-
cation.
L'effet de la caprification efl: bien propre à piquer la curiofité.
Si l'on ouvre en différens temps ces figues domeftiques , on voit
d'abord les moucherons qui fe promènent çà & là dans l'intérieur de
la figue: quelque temps après, on apperçoit que les pépins font extrê-
mement gros, & en les ouvrant, on trouve qu'ils contiennent, ( fui'
vaut l'expreffion de M. Godhen) des amandes vivantes^ c'efl:- à-dire,
qu'il y a intérieurement des vers qui fe nourrirent des amandes des
figues, ce qui prouve encore une nouvelle génération de ces infeéles.
En ouvrant les figues, lorfqu'elles approchent de leur maturité, on
voit les moucherons fortir des pépins, ôc aufli-tôt qu'ils ont féché leurs
ailes, ils s'envolent.
Quand les poires nouent, il y a quelquefois des moucherons qui
dépofent leurs œufs dans l'œil de ces jeunes fruits ; les vers qui en
naiil'ent entrent dans le fruit parle canal du pifliil, & fe nourriflent de
ce qu'ils rencontrent. Ces poires grofliifent beaucoup plus promptement
que les autres, & elles tombent. Cette augmentation de groifeur vient-
elle, dit ^\.\Duhamd , de ce que le ver ayant détruit les organes qui
vont au pépin , les fucs nourriciers fe portent plus abondamment dans
la chair du fruit? Ou cette groifeur dépend-elle d'une extravafîon de
fucs , comme il paroît par les galles qui naiffent à l'occafion de la piqûre
des infeâ:es? C'eft ce qui n'efl; pas encore bien décidé; mais il lemble
qu'il y a quelque rapport entre ce qui arrive aux fruits verreux, &
ce qui réfulte de la caprificatoin , d'autant que les figues caprifiées ne
F IG 75J
font jamais fi bonnes que les autres. La chaleur du folell ne fuffit pas
pour deflecher les figues caprifiées, il faut les mettre au four qui, à la
vérité , leur donne un goût défagréable , mais cette opération eft
néceflaire pour faire périr la femence vermineufe.
On eft étonné de ne pas voir les Grecs multiplier davantage les fi-
guiers que Ton élevé en France & en Italie , & avoir conftamment pen-
dant deux mois la patience de porter les piqueurs d'un figuier à l'autre ,
pour recueillir de mauvaifes figues. La raifon en eft, que comme c'efl;
une de leurs principales nourritures, ils ne fauroient trop en avoir. Leurs
arbres produifent jufqu'à deux cent quatre-vingts livres de figues, au
lieu qu'ils en pourroient tirer à peine vingt-cinq livres des nôtres.
La caprïficatïon nous indique afiez que les graines du figuier en géné-
ral 5 de telle efpece qu'il foit, ne mûrifient pas fans la fécondation , quoi-
que leurs figues, ou les enveloppes de leurs fieurs mûriflent fouvent
fans ce fecours. La m.aniere dent fe fait cette fécondation eft fi fingu-
liere que quelques Auteurs la révoquent en doute; néanmoins elle ren-
tre, ainfi qu'on le vient de voir, dans les lois ordinaires & communes
aux végétaux. L'on voit par ce détail, i°. que la caprïjication des an-
ciens Grecs & Romains , décrites par Théophrajle , Plntarque , Pline &
autres Auteurs de l'antiquité , fe rapporte parfaitement à ce qui fe
pratique encore aujourd'hui dans l'Archipel & en Italie; ils s'accordent
tous à dire que les fruits du figuier fauvage, caprïfuus ^ ne miiriffoient
jam.ais , mais qu'on les fufpendoit aux branches des figuiers domeftiques
pour m.ûrir les leur ; 2^. qu'il eft naturel de conclure que le principal
objet de la caprification' opérée naturellement par les ichneumôns,
eft de féconder des graines qui n'auroient pas mûri fans ce fecours ,
& par conféquent qui n'auroient point produit d'amandes propres à
nourrir les petits de ces infedies , & à perpétuer leur race.
Dans les Provinces méridionales de ce Royaume q\x les figues font
un aliment très-commun & très-ordinaire pendant cinq mois confécu-
tif?, il eft de fait que ces fruits bien choifis dans leur rriaturité , font
un des meilleurs que l'on puiffe manger, & même des plus fains, lorf-
qu'on n'en mange point avec excès. L'eau que l'on peut boire enfuite,
eft la liqueur la plus propre à en délayer la pulpe dans l'eftomac, & à
remédier à une certaine vifcofité incommode de la falive. Mais on y
a aufli obfervé que les figues qui n'avoient pas acquis une maturité
parfaite, qui contenoient encore un fuc laiteux dans leur pédicule &
754 . F I G
dans leur peau , caufoîent très-communément des dyffenteries & des
fièvres ;c'eft ce que j'ai éprouvé par moi-même en 1762.
Les figues feches font eftimées peftorales &: adouciflantes , à caufe
de l'efpece de miel qu'elles ccnticnnent. L'Italie , rEfpagne, le Lan-
guedoc, la Provence & le Levant, font un co.îimerce confidcrable de
figues defféchées au (bleil.
FIGUIER D'ADAM. Cette grande & belle plante , que l'on
nomme plane en quelques contrées , ne porte point ce nom aux Antilles;
on l'appelle fimplementj^'/^icr bananier ; elle eft i\ femblahle au bananier
f]mple,qu'à moins d'une grande habi'ude, on ne peut les difcinguer
que par le fruit, qui dans le premier eH: plus petit, & plus gros à
proportion de fa longueur , la chair en étant d'ailleurs beaucoup plus
délicate. Les Efpagnols les nomment plantains. Cette plante a été
nommée figuier et Adam , parce qu'on prétend que le premier homme ,
après fon péché , pour fe dérober aux yeux de Dieu , fe couvrit des
larges feuilles de cet arbre. Voyc'^ Bananier.
FIGUIER D'AMÉRIQUE, grand figuier, ou figuier admi-
BAELE. Cet arbre que Ton a confondu avec le palétuvier , n'a rien de
commun avec lui, que la façon dont il fe reproduit & s'étend à la
ronde , au moyen des filets qui partent de fes branches, & qui en fe
recourbant à terre prennent racine, & forment de nouveaux troncs.
Le fruit de ce figuier eft à-peu-près de la grofTeur d'une noifette;
du refte il reflemble exadiement à !a figue d'Europe, tant exte'rieure-
ment qu'intérieurement ; mais il a le goût un peu plus fade.
FIGUIER D'INDE ou NOPAL. Voyci Opuntia.
FIGUIER DES INDES ou paretukier ou palétuvier , f.cus
Indica. C'efl un grand & gros arbre qui croît vers Goa aux Indes : il
répand fes rameaux au large, d'où fortent des paquets de filamens fem-
blables à ceux de la cufcute , & qui font de couleur dorée. Lorfqu'ils
font parvenus à terre, ils y prennent racine & forment peu-à-peu ^-
tant de nouveaux arbres, qui produifent à leur tour de nouveaux fi-
lamens ,& ainfî à l'infini; de forte qu'un de ces figuiers multiplie telle-
ment, qu'il remplit un grand pays d'arbres de fon efpece, auffigros&aufllî
hauts que lui, formant une ample & épaifle forêt , qui produit beau-
coup d'ombre. Cet arbre eft Yarhor d& rai^ des Portugais ( arbre aux
racines). Les feuilles des jeunes rameaux font femblables à celles du
coin , vertes en- defTuS;, blanchâtres & lanugineufes en-defTous ; elles
F I G Fit 75 j
fervent de nourriture aux éléphans. Ses fruits font de petites figues
faites comme les nôtres , mais rouges , tant en dehors qu'en dedans ,
douces & un peu moins bonnes à manger que celles d'Europe : l'écorce
de cet arbre fert dans le pays à faire des habillemens.
On donne le nom de figuier d'Inde au chivef qui croît dans Hle de
Zipangu , mais qu'on croit être une efpece de papayer. Voyez ces
mots.
FIGUIER SAUVAGE DE CAYENNE. C'efi: le figukr cité par
Burrcre fous le titre de FIGUIER venimeux , pous^ouli. Cet arbre qui fe
trouve dans le pays de Cayenne , eft rempli d'un fuc laiteux , fi caufti.
que, qu'il caufe des ulcères & des inflammations. Auffi les Sauvages
prennent-ils la précaution de fe couvrir le corps de feuilles , quand ils
coupent cet arbre qui ef!: très-haut & hériflé de piquans. Ses racines
font raboteufes, rampantes, & fortent de terre de manière que l'on
croiroit que le tronc eft monté fur des efpeces d'arcs-boutans. Le bois
en eft mou & n'eft d'aucun ufage. C'eft le comacaï des Portugais du
Para: confultez-en la defcription fous le nom à^ figu'ur fuuvage , dans les
Mémoires de t Académie des Sciences, ann. ijSi , pag. J24, & la fig. de
la feuille & de Jon fruit i p» 2>3^ s P^' ^^'
FIGUIER. On donne aufli ce nom à des efpeces de petits oifeaux
étrangers, & du genre du bec-figue. Il y a le hcc figue de Madagafcar ^
il eft d'un vert mélangé de jaune; celui de Bengale eft d'une couleur
plus foncée , c'eft la moucherolle verte des Indes d'Edwards. Le figuier d&
la Caroline tû de couleur de foufre rembruni. II y a aufli le fi-^uier à
tête rouge à.Q Per>{ilvanic , fon corps eft jaune. M. Brifion cite les di£
férens figuiers de l'Âméri jue , parmi lefquels on trouve le grimpereau de
fapin , la moucherolle bleue ^ & celle aux ailes dorées , celles// croupion
jaune; la grive couronnée d\r ; la gorge jaune du Maryland , d'Edv^ards;
le petit fimon de l'ifle Bourbon; la rnéj'unge- pinçon de CatelLi; le pipit
vert de Cayenne & de Surinam , &c.
FIL DE LA VIERGE. Nom que le Peuple donne improprement à
certaine filamens blancs , quelquefois réunis en grand nombre , & qu'on
voit voltiger en l'air dans les jours d'été & d'automne pendant les gran-
des chaleurs : on croit que ce font des toiles d'araignées emportées &
difperfées par le vent , ou mém.e de fimples filamens très-fins de l'ef-
pece d'araignée appelée faucheux. On foupçonne cependant que ces fils
font dus plutôt à une efpece de tique appelée tifjerand d'automne, Lorf-
n^6 . FIL
qu'on y Tait attention, on peut appercevoîr une multitude prodigieufs
de ces tiques prefque imperceptibles. Ne pourroit-on pas encore foup-
çonner que parmi ces filamens aériens , il y en a beaucoup qui doivent
leur origine au duvet de certaines plantes , dont les feuilles & la tige
font cotonneufes, Foyei les arùclcs Araignée, Faucheux, Tique,
furnommée le t'ijjcrand (^automne , & Saule.
FIL DE MER. Voyc^^ ce. que cefî à C article CoRALLiNE.
FILANDRES. On appelle ainfî des vers petits & fort déliés qui in-
commodent fort les faucons , & quelques autres oifeaux , foit à la gorge ,
autour du cœur , foit au foie, aux reins, aux poumons, & qui quel-
quefois leur font du bien , en ce qu'ils fe nourriffent de ce qu'il y a de
fuperflu dans ces parties. Les fymptômes qui font reconnoitre que les
oifeaux ont cette maladie, c'efl: lorfqu'ils bâillent fréquemment, qu'ils
crient extraordinairement pendant la nuit , & qu'ils fe frottent par -tout.
On apperçoit facilement ces vermicules en ouvrant le bec de l'oifeau:
ils montent au larinx , &: redefcendent. On prétend avec raifon que
CCS vers fe font introduits chez le faucon avec la mauvaife nourriture.
On les en délivre en leur faifant avaler une goufîe d'ail.
FILARIA ou FHYLARIA,/?A///yA«û/o/io %///?r/. Eft un arbrifTeau
de moyenne grandeur, toujours vert & fort branchu , recouvert d'une
écorce blanchâtre ou cendrée. On en connoît de beaucoup d'efpeces ,
entr'autres une qu'on cultive dans les jardins , remarquable par fes.
feuilles panachées, dentelées en leurs bords , qui font d'un beau vert,
un peu femblables à celle du troène ou du lentifque, &: fe confervent
tout l'hiver. Elles font oppofées les unes aux autres ; caraélere fuffifant
pour diftinguer de cet arbrifleau l'alaterne, pour lequel les Herborif-
tes le donnent fouvent. Ses fleurs qui naiflent vers les extrémités des
feuilles , font, fuivant M. Tournefort, en entonnoir ou en godet divifé
en quatre parties , de couleur blanche , verdâtre ou herbeufe, refTem-
blant un peu à celle de* l'olivier; elles contiennent deux étamines &un
piftil. A ces fleurs luccedent des baies rondes, grofTes comme celle du
myrte , noires quand elles font mures , d'un goût doux , accompagné de
quelque amertume, & difpofées en petites grappes : on trouve dans
chacune de ces baies un petit noyau rond & dur. Le bois du fiîaria eft
médiocrement dur , & a une couleur jaune , approchante un peu de
celle du buis, mais qui fe paiTe allez promptement: il ne devient point
aflez gros pour être un bois de fervice. Ses feuilles & fes baies font
aftringentes
F I Ïj 7 3 Y
aftrîngentes & rafraîcliiflantes. Ses fleurs pille'es- dans du vinaigre , & ap-
pliquées fur le front , font céphaiiques.
Le filaria croît abondamment dans les haies & les bois aux envirois
de Montpellier. II fleurit en Mai & Juin , & fon fruit efl: mûr en Sep-
tembre. Comme fon feuillage efl: toujours vert , & qu'il garnit beau-
coup , on en fait aifément des berceaux , ou cabinets de verdure, Scdes
paliifades qui font fort agréables. Il s'élève facilement de graine ou de
bouture. On le tond comme l'on veut, en buiffon ou en boule, eu
liaie , en efpalier , quelquefois m.ême on le met en caifïe.
FILASSE DE MONTAGNE, Ceft VAsbeftc mur. Voyez ce mot.
FILICITE 5 filïcïtis. On donne ce nom aux pierres qui portent
l'empreinte d'une fougère , même celles des capillaires & du polypodc, •
FILICULE. Plante qu'on met au rang des capillaires, & dont on
diflingue plufieurs efpeces. Elle croît dans les terres humides , entre
les buiflbns & fur la bafe du tronc de quelques chênes. Elle efl: efl:imée
apéritive & pedorale. Voyci l'article Fougère.
FILIPENDULE , fiUpendula, Plante fort commune dans les bons
terroirs , même dans les bois & les endroits pierreux de la France ;
elle aime l'humidité, & les fols imbibés d'eau. Sa racine efl: charnue*
elle s'étend en beaucoup de fibres déliées, auxquelles font pendus plu-
fleurs tubercules ou petits glands qui ont la figure d'une olive alon-
gée , de couleur noirâtre en dehors , blanchâtre en dedans ; d'un goût
acre , aftringent , mêlé de douceur . avec un peu d'amertume. Ses
feuilles reflemblent à celles du boucage , mais elles font un peu plus dé-
coupées: leur faveur efl: ftyptique, un peu falée; elles font odorantes'
& gluantes. Sa tige efl: quelquefois unique , haute d'environ un pied,
dure 5 cannelée , ronde , rougeâtre & branchue. Elle porte en fon (om-
met des fleurs comme difpofées en parafol , en rofe , blanches en de-
dans, rougeâtres en dehors, odorantes, portées fur un calice dentelé
ou frangé , & renfermant pUifieurs étamines. li leur fuccede un fruit
prefque fphérique, compofé d'environ douze graines, qui font rudes,
applaties, ramaflees en manière de tête, & rangées comme les douves
d'un petit tonneau. Cette tête s'attache aifément aux habits.
Les racines & les feuilles de filipendule font d'ufage en Médecine:
elles font incifives & diurétiques. La poudre des racines efl très-ufitée
pour les hémorroïdes, les fleurs blanches §c les maladies fcrophuleufes.
Tome II, Aaaaa
758 F 1 1;
Il eft parlé de la fillpendule aquatique fous le nom à^œnanthc. Voyez
ce mot.
. FILLE. Foy^i à la fuite de Varîïch Homme.
FILLES D'ARTICHAUTS. On rappelle ainfi les œilletons que l'on
prend au pied des crtïchauts. Voyez ce mot.
FILONS ou VEINES MÉTALLIQUES , vmce maallk<z. On
donne ce nom à de gros rameaux qui courent fous terre, & font rem-
plis de fubftances mine'rales ou métalli jues , quelquefois de criftallifa-
tions : quelquefois aufiî les filons font vides. Le filon eft, dans le lan-
gage du mineur, la principale veine de la rr.ine: il ne faut pas le con-
fondre avec les fibres ou vénules qui forment de très-petites ramifica-
tions; ainfi l'interruption d'une roche dans fon lit qui fe trouve rem-
plie de matières mine'rales , formée une veine folide qui s'appelle filon.'
Souvent les nions font profondément enfevelis en terre, (il y en a dont
on ne peut jamais reconnoître la terminaifon en profondeur , ) & il
en part des branches qui fe fubdivifent en vénules ou veines , félon la
quantité & le diamètre des crevafles ou fibres fouterraines.
On peut confidércrles filons, eu égard à leur diredion , à leur vo-.
lume ou à leur matière. Les Mineurs confiderent la dlrccilon des filons
ou leur fituEtion , par rapport aux quatre points cardinaux ; la bouf
foie la détermine: mais quand le filon eft encore inconnu, on devine
cette diredion par celles des couches ou des lits des rochers qui fervent
d'enveloppe aux filons.
La fituation des filons, quant à l'horizon, varie aufti. C'eft une au-
tre attention des Mineurs; & c'eft ce que l'on peut appeller ^inclinai'-
fon , ou chute des filons. On la détermine par le quart de cercle : plus
les filons approchent de la perpendiculaire, plus ils font gros & riches.
Les filons qui marchent horizontalement, font pour l'ordinaire pau-
vres. Il y a différentes mines où ils ont la même inclinaifon que les
couches de la mafiere pterreufe qui les recouvre , à moins que quelque
obftacle ne vienne à interrompre leur direélion & leur parallélifrae*
Ces obftacles font , dans les mines de charbon , 'àic. des roches formées
tout-à-coup, qui viennent couper à angle droit ou obliquement, ou
en tout fens , non-feulement le filon , m.ais encore les lits de terre &
de pierre qui font en deffus ou en deifous. Les morceaux de mine ont
dans ces endroits une couleur de gorge de pigeon , ou font ornés
«des diiférentes couleurs de l'arc-en-ciel. La couche de roche , ou terre
fil; 75>
fupérieure , s'appelle toît de la mine ^ celle qui eft en deffbus le/o/ (on
donne plus particulièrement le nom à'appui à la partie de roche qui
fuit en deflbus l'inclinaifon du filon , & fur laquelle il eft appuyé ) ;
de même la partie du filon qui s'approche de la furface de la terre,
s'appelle la têt&; celle qui s'en éloigne fe nomme la queue ; celle ci eft
plus riche.
Le voJume ou la force Am filon fe détermine par fa mafle & par forî
étendue. La nature n'a point produit de règles confiantes à cet égard.
Il y a des lieux où le filon finit tout-à-coup ; d'autres fois il eft inter-
rompu par une vallée ou par une rivière ; mais il paroît au côté op-
pofé, & fouvent il eft fuivi pendant plufieurs lieues. Il y a des endroits
où le filon n'a que quelques pouces de largeur, & ailleurs il offre un
ventre de plufieurs pieds, & mêm.e de plufieurs toifes.Ici c'eft un filon
dilaté : là c'eft une malle énorme qui s'enfonce comme un abîme &
qui remonte plus loin, ou fe trouve difperfée dans toute la partie de
la montagne.
La richefle du filon dépend de la quantité du minéral qu'il contient.
En certains lieux, le minéral remplit toute la fente ; d'autres fois il y
eft par rognons, ou en marrons, ou par malfes. Dans quelques en-
droits on trouve des pierres ftériles & poreufes; ailleurs des fluors,
des drufers de diftérens criftaux, des mines diverfement décompofées
ou détruites par de5 eaux ou par les exhalaifons fouterraines Ôc miné-
raies. C'eft en raifon de leur volurrie que les filons font avantageux :
plus il en part de vénules qui s'y rendent ou y aboutilfent, plus le filon
eft riche, & plus on doit le fuivre.
La m.atiere&le produit du minéral eft la nature & la quantité du
métal même qu'on tire des glèbes par les opérations métallurgiques.
Les matières hétérogènes , & les fiabftances fulfureufes ^u arfénicales
qui fe trouvent dans les minerais , font varier ce produit. Auffi les
filons font-ils réputés précieux & nobles, ou communs, ignobles & fté-
riles, félon qu'ils contiennent plus ou moin? de blende, de pyrites , de
criftallifations, &c. Voye^^ tarikle Mine. On peut confulter fur toutes
ces matières les Ouvrages de M. Schlutur , Lelunann , Cramer^ A^ricola^
Monnet, &c.
Obferv allons fur les Filons & Fentes minérales,
1°, Les mines en filons font ordinairement plus riches que celles qui
Aaaaa 2
740 FIL
font par couches. (Celles-ci font ordinairement de tranfport , & on ne
les rencontre que dans les plaines ou dans les montagnes fecondaires;
ce n'eft qu'accidentellement que les filons font horizontaux dans les
montagnes primitives, & cette fituation ne s'étend pas loin.) 2*^. On peut
diftinguer les filons, enfilons continus, enfilons foibUs , en filons perdus , en
filons retrouvés. 3^. La roche eit entière , lorfque le lit qu'elle forme o'n.
fournit au filon n'eft point féparé, interrompu par des fentes ou des
coupures, ni par des ouvertures. 4". On appelle les efpaces vides,
fentes ; & les coupures tapiffées de criftallifations , de quartz ou de
ipath , nids de drufen. ^^. S'il y a dans ces fentes des matières de mines
métalliques avec des vides , ce font des fentes nobles qui indiquent la
proximité d'une bonne mine. 6°. S'il coule de l'eau par ces fentes , de
des eaux depuis la furface de la terre en dedans , ce font des fentes fié-
■ riles où il ne faut jamais chercher de métal, y''. Si la filtration des eaux efl:
intérieure, leur goût & leur couleur , même le guhr qu'elles produifent,
foit par inhalation ou par dépôt, annoncent fouvent la nature du mi-
néral , & on nomme alors ces fiflures des fentes aqucufes, 8°. Si les fen-
tes font remplies de terre glaife ou marneufe, le minéral eft encore
bien éloigné; & ces fentes font appelées /ê/zr;;^ terrcufes. 9°. La fente eft
régulière lorfqu'elle conferve fa direélion; & onla. nomme irrégidiere lorf-
qu'elle en change: 10°. Quand plufieurs fentes aboutiffent à une feule,
ou s'y dirigent, celle-ci eft capitale; & c'eft vers elle qu'il faut chercher
le minéral. Voye\ maintenant C article Fentes minérales.
On donne encore aux filons d'autres dénominations . qui font com-
munément ufitées aujourd'hui dans la plupart des mines , c'eft-à-dire,
dans Je kngage du Mineur: favoir , _;?/o/î5 pleins, lorfqu'iîs occupent
tout l'efpace de la fente fans interruption; filons en grenaille, quand î'e
minerai eft «n grains comme du fable : on appelle filon plat ou horizon-
tal ou. dilaté , celui qui eft parallèle à l'horizon : filon profond , celu{
qui eft vertical *"& qui s'enfonce dans la montagne ; filon élevé , celui
dont la direction va du bas en haut de la montagne; & s'il eft oblique,,
il tire fon nom de celui dont il approche le plus : filons de vrais cours ,,'
ceux qui confervent leur diredion , leur capacité, même ceux qui fe
réunifient au filon c^'^'ildX'. filons^ rebelles, ceux qui changent fouven^
de direction. On dit enfin que le filon eft dévoyé & du nombre de
degrés que fon angle fait avec le plan horizontal ou avec le vertical
Tous les fiJoasfont ordinairement inclinés a & rarement perpendicu-
FIL 741
laîres : ils font accompagnés d'une écorce ou llfiere de la roche , qu on
^PPqWq falband. Voyez ce mot. Lorfque dans cette liliere on apperçoit
du fpath, c'eft une preuve que le filon, fi on le fuit , deviendra plu5
riche. Si on y apperçoit des gerçures ou des fentes remplies de quartz
ou de criftallifations en trop grand nombre , les efpérances di-
minuent.
Nous avons dit que c'eft par le quart de cercle qu'on détermine la
lituation des filons, eu égard à la ligne verticale ou perpendiculaire?
on les appelle donc perpendiculaires ou droits , s'ils s'enfoncent vers le
centre de la terre : on les regarde comme hoif^ontaux ou couchés , fi
l'angle qu'ils font avec la ligne horizontale , eft au-deïTus de vingt
degrés : on les nomme plats , entre le vingtième & le foixantiemc
degrés ; & obliques ou inclinés , entre le foixantieme & le quatre-
vingtième.
La direélion ou fîtuation des filons , par rapport aux quatre points
cardinaux du monde, eft divifée en vingt-quatre parties égales ou
degrés, qu'on nomme heures. Pour les reconnoître , on fait ufage de
la boulTole manuelle ou minéralogique , que les Allemands appellent
herg-compajf. Quoique garnie d'une aiguille aimantée , elle diitere de
la bouffole vulgaire , & elle ne fert qu'à montrer l'efpace des filons &
leurs degrés d'inclinaifons ou de diredions : elle eft figurée dans
Lehmann. On appelle 1°. filon debout, celui qui court depuis douze
jufqu'à trois; ce filon efi: le fiehend des Allemands ; il fe dirige du
Nord au Sud: 2°. ceux dont le cours eft dirigé depuis trois juiquà
fix, prennent le nom de filon du Levant ou du Matin {morgen >; ils fc
dirigent du Nord-Eft au Sud-Ouefl: 3°. ceux qui vont de fix à neuf^
font appelles 72/0^5 du Soir ou du Couchant (fpaat); ils fe dirigent de
l'Eftà rOueft:4". enfin , ceux qui vont depuis neuf jufqu'à douze forht
les filons inclinés {fiach ) ; ils fe dirigent du Nord-Oueft au Sud-Efl.
On voit que la marche ou l'inclinaifon des filons elFpar quart , c'efl-
à-dire , qu'ils fe tiennent éloignés de ces points d'un quart environ j
& comme il y a quantité de circonflances qui viennent dégrader î«
filon principal ou lui font changer de direétion , il efl très-eflentiel de
connoitre tous ces chofes par la pratique, pour ne pas fe tromper âc
entreprendre les travaux d'une exploitation infruélueufe. Confultez les
Ouvrages qui ont été publiés à cet effet, & particulièrement les Traitée
de Phyfique ^ d'Hijloire NaturuU & d& Minéralogie de l\\,- Lehmann,.
742 F I M F L A
La meilleure dirpofition d'un filon , par rapport aux Mineurs & à
l'Entrepreneur, eft quand un filon eft profond ^ yuï^ant, c'efl-à-dire,
large & épais, parce qu'on y trouve de la matière de tous les côtés,
& qu'on l'exploite par puits & par galeries.
FIMPI , eft un arbre de l'A-rique , de la grandeur de l'olivier,
dont l'écorce féchée au foleil eft légèrement aromatique, mufquée,
mais d'une faveur plus mordicante que le poivre. Les Portugais l'appel-
lent bols iPaguilla,
FINGAH. Cet oifeau connu fous ce nom à Bengale, eft le même
que \a p'u-grieche des Indes à queue fourchue, & la pie-grieche noire
de la Caroline , & diftere des ples-gritches ordinaires par certains
carad:eres; fon bec eft épais Ôc fort, voûté en arc, à-peu-près comme
celui de l'épervier, plus long à proportion de fa groflfeur & moins
crochu, avec des narines afTcz grandes; la bafe de la mandibule ou
mâchoire fupérieure eft environnée de poils roides ; la tête entière, le
cou . le dos & les couvertures des ailjs font d'un noir brillant , avec
un 'reflet de bleu, de pourpre & de vert, & qui fe décide ou varie
fuivâ«t l'incidence de la lumière; fa queue eft faite tout autrement
que celle des pies-grieches dont les plumes du milieu font plus longues,
au lieu que dans celle-ci elles font beaucoup plus courtes que les plu-
mes extérieures, en forte que la queue paroît fourchue, c'eft-à-dire,
vide au mileu vers fon extrémité.
FIONOUTS, eft une plante -particulière à l'île de Madagafcar :
elle a l'odeur du méliîot, & la vertu de faire tomber le poil des parties
où elle eft appliquée. On brûle le fionouts , & on fe fert de fes cendres
pour déterger les plaies amenées à fuppuration.
FIRMAMENT. On appelle ainfi le huitième ciel, cette huitième
fphere de couleur bleue , où les étoiles fixes paroiflent attachées. On dit
huitième ciel , par rapport aux fept cieux des planètes qu'il environne.
Les étoiles ne l^nt attachées à aucune furface fphérique : c'eft notre
imagination & nos fens qui fe trompent là-defTus. Foye^ h mot
Ciel & Canide Etoile à ia fuite du mot Planète.
FLAMAND ou FLAMBANT, ou PHCSNICOPTERE. F^yei
Bechaeu.
.FLAMBEAU ou FLAMBO. Nom d'un animal de mer qui eft
le tœnia d'Ariftote , \Q\:vitta des Latins, & que l'on a nommé aufiî
ruban , parce qu'il eft effedivement long <Sc étroit comme une bande
F L A "74 3
de ruban. On lui a donné en Languedoc le nom Scfpai^e, c'efl-à dire,
épéc, à caufe de fa figure; & celui Aq fiamho ^ parce qu'il eft de cou-
leur de feu. Sa tête eft plate^ cornpofée de plufleurs os: fes yeux font
grands & ronds , & fa prunelle eft petite. Près des oui;.:; il a une
nageoire de chaque côté; & fur le dos il a, depuis la tête jufqu à la
queue, des filets qui font comme des poils. Ce poiflon eft fi mince
qu'en le regardant au jour, on voit fes arêtes le long 'du dos. Il y en
a une efpece dont la chair eft blanche & a le goût de la foie.
FLAMBEAU DU PÉROU. Voyc^ Cierge épineux.
FLAMBE BLANCHE. Voyci Iris. La flambe fétide eft le z^layml
puant.
FLAMEERGENT ou PIE DE MER. Voyci Bécasse de mer
& Fie de mer.
FLAMBOYANTE , eft une coquille de la clafle des univalves &
du genre des volutes. Voyez ces mots. Sa clavicule eft fort élevée &
aiguë. Sa robe eft fafciée de trois zones blanches & de deux plus
larges intermédiaires , de couleur cannelle , quelquefois aurore Vou
fou ci. *:5V ',
FLAMTvIE. On appelle ainfi ce corps fubtil , léger, lumineux &
ardent qu'on voit s'élever au-deffus de la furface des corps qui brû-
lent. La flamme qui eft la partie du feu la plus brillante & la plus
fubtile, eft formée par les parties volatiles du corps brûlant. Foye:^
Feu.
FLAMMETTE ou POIVRÉE. Nom donné fur le bord des
mers de France à une efpece de came , dont l'animal enflamme
la bouche quand on le mange. C'cft une forte de lavignon. Voyez
ces incts.
FLAMMULE , ckmatitîs erecia , LiNN. Nom donflé à une efpece
de clématite qui croît aux environs de Montpelier , & abondamment
dans les bois de la baffe- Autriche ; fa tige eft droite, ferme ,- rameufe
par le bas, haute de trois ou quatre pieds , & d'une couleur fouvent
rougeâire : fes feuilles, de même que fes rameaux font oppofés. Ses
fleurs qui parciflent au haut de la tige, font nombreufes, odorantes,
& ont les mêmes caraéleres de celles de la clématite vulgaire. Les
feuilles récentes de la flSmmAile font d'une faveur acre & corrofive :
les fleurs font également cauftiques. L'ufage des feuilles &: des fleurs
a paffé anciennement pour très-dangereu^t 5 malgré leurs qualités cauf-
7.^4 "^^ ^^ -^
tï^ucs , I^.î. Siorck en a tiré d'excellens remèdes, prlfes en infufion ,
en extrait, en poudre, contre les ulcères vénériens. Foyeila. Dil/erta'
tion de M. Storck fur la FlammuU.
FLECHE D'EAU, fa.gitta aquatlca major, Ceft une efpece de
renoncule, de marais. Voyez ce mot. Ses feuilles font pyramidales
comme une flèche.
FLECHE DE. MER. Voyti Dauphin à r article Baleine.
FLECHES. Voyei à V article Armes.
FLECHES DE PIERRE , fa^itta- formes. Les Lithologiftes don-
nent ce nom ou aux bélemnites ou aux pyrites pyramidales , & quel-
quefois à des pierres très-dures qu'on trouve taillées fous cette forme,
& dont les Anciens fe fervoient en guife de traits. Ils avoient aufÏÏ l'art
de tailler ces pierres fous d'autres formes.
FLET. Voyei Flez.
FLETAN ou FAITAA' ;, Mppogloffus. Ceft un poifTon plat & large
qu'on trouve fur les côtes de l'Océan. On peut, dit-on , le regarder
comme imQ plie ou une limande, ou une foie. En effet, Iq flétan eft
compris avec ces poilfons dans un genre quArtedi a nommé pUuro^
mctes , dont les principaux caraderes font d'avoir fept côtes à la mem-
brane des ouies , & les yeux placés tous les deux d'un même côté.
On en prend dans la mer d'Allemagne qui pefent cent vingt livres i
Ton en pcche aux environs de Tlflande qui pefent jufqu'à quatre cents
livres. Son afpeâ; a quelque chofe d'eifrayant : fa bouche eft armée
tant en haut qu'en bas , d'un double rang de dents un peu courbées
en dedans & fort pointues. Sa langue eft très-forte , roide , & hériffée
jSru fond du palais de quantité de petites dents également pointues :fes
ouies ont de pareils piquants , & par-deflfus , trois couvercles ou
oreilles. Ses yeux font placés du côté droit. Ce poiffon eft fans écailles ,
& nagea plat: il eft trop mince pour fe mouvoir en arrière, de
côté, en avant, aulTi facilement que d'autres poiflbns de la mcme lon-
gueur. On trouve dans l'eftomac de cette plie énorme des harengs &
des poiffons non totalement digérés, mais tout déchirés par le nombre
de pointes meurtrières dont nous avons parlé ci-deflus. Son corps eft
tout environné de nageoires : fa figure extérieure , fes rames , fes
entrailles , tout lui eft commun avec les plies ; il manque également
de la vefiîe propre à contenir l'air : ce défaut rend cette efpece dg
poifion iHcap.?.bîe de s'çlever beaucoup dans i'ijau & de nager loin, On
Remarque
F L E 74?',
remarque encore dans \q flétan cette peau que la Nature a donnée à
tous les poifTons mauvais nageurs de cette efpece , & qu'ils mettent
devant leurs yeux comme un voile, pour les garantir contre les afpé-
rités du fable lorfqu'ils s'y enterrent pendant la tempête , pour ne pas
être balotés par les flots.
Ce poiflTon eft aflez commun à Anvers : fa chair eft de fort bon
goût , mais trop gralTe pour qu'on la puiffe digérer facilement. Dans
la BaflTe-Saxe on prépare avec les nageoires du flétan , qu'on coupe
bien avant dans le dos avec la graiflîe & qu'on fale un peu, une efpece
de manger qu'on nomme raf ou rekd , mais qui n'efl: guère en
ufage que pour les gens du peuple , dont refl;omac efl: robufte. Cet
aliment incommoderoit les riches, dont la délicatefle affoiblit le tem-
pérament. Pour conferver long-temps le raf, on le laiffe fécher au
vent. Les Norvégiens préparent le meilleur raf. Ils pèchent le flétan
pendant la nuit , & immédiatement après la pêche du cabeliau. Ce tra-
vail dure jufqu'à la fin de Juin. Les François qui font des expéditions
pour la pêche de la morue, préparent aufli du raf avec les nageoires ou
des bandes longues de graiffe & de peau qu'ils coupent aux flétans qu'ils
pèchent fur les bancs de Terre-Neuve : ceux-ci font plus petits que
ceux du Groenland. Le flétan ne feroit-il pas une efpece de raie?
FLETELET. Voyc^YL^z.
FLEUR , flos. Les fleurs font des produdions des 77/^/2^25 qulfe chan-
gent en fruits après avoir fatisfait notre vue par la vivacité & la diyer-
fité de leurs couleurs, & avoir flatté notre odorat par les parfums qu'elles
exhalent dans l'atmofphere.
L'idée que Cefalpin avoit fur la nature des fleurs ,. eft afTez fingu-
îiere pour mériter qu'on en faffe mention ici. Ce Botànifte regardoit le
calice des plantes parfaites , comme une expanfion de l'écorce exté-
rieure &grolîîere des branches; la corolle , comme fexpanfion de l'écorce
intérieure ; les étamines , comme un prolongement des fibres du bois ;
Je pifl:il, comme une expanfion de la moelle de la plante; mais à ne
confulter que ce qui fera dit ci-après de l'organifation de ces parties,'
on verra que cette idée n'eft pas tout-à-fait exade.
lu^ fleur complette eft compofée de trois parties. La première eft fen-
veîoppe appelée calice par les Botaniftes : c'eft elle qui foutient les
fleurs & les conferve dans cet arrangement qui eft propre à chacune. La
Seconde eft le feuillage appelé corolk ; il eft compofé d'une ou d©
Tom& ÎU B b b b b
^^6 F L E
plufieurs feuilles de toutes couleurs , qu'on nomme /'fcWc;5.Cefl: à cette
partie que le langage vulgaire donne exclufivement le nom dejieur, ( Du
refte , dit M. Delei/{e , comme dans quelques fleurs le calice eft coloré ,
& qu'il y en a dont la corolle n'a qu'une couleur herbeufe , il peut arri-
ver que dans les fleurs incomplettes on prenne le calice pour une corolle
& vice, versa. ) La Nature a defliiné ces feuilles à couvrir le cœur de la
fleur , & à le mettre à l'abri des injures de l'air ; mais àl'afped du foleil
elles s'épanouifTent ordinairement. M. Linnœus diftingue encore dans les
fleurs , comme parties de la corolle, ce qu'il nomme Iqs necîaires , ( nec-
taria ) ou les organes de la fecrétion du miel. Ils ont différentes formes
& font ordinairement attachés à l'ongle des pétales : quelquefois ce font
des pièces féparées, que leur grandeur peut aifément faire prendre pour
des pétales , & qu'on en dilïingue parce que par leur figure ou parleur
pofition , elles ne paroilTent pas deftinées comme ceux-ci à envelopper
les organes de la génération. La troifieme partie eft le cœur : c'efl: la
partie la plus précieufe de la fleur ; il efl: compofé des It.imïnes , àupljîil
Se d^sfommets.
Les fleurs peuvent être divifées qw Jleurs en feuilles & en jleurs à éta-
mïnes. Les premières font celles qui , outre les étamines ou filets char-
gés de fommets , font encore compofées de ces parties qu'il faut appe-
ler/t'/z/V/é^ de la jieur ; telles font les fleurs delà renoncule , du chou , de
la pâquerette. Les fécondes font celles qui n'ont point de teuilles , mais
feulement des étamines ou filets chargés de fommets ; telles font le&
fleurs de la prêle , de Yavoine , de ïarroche , &c. Prefque toutes les fleurs
à étamines ont un calice , fi -on en excepte le ruban cTeau & la queue
de cheval. On peut encore divifer , avec M. Deleu-;e , les fleurs en com-
plettes &: en incomplettes. Les premières ont , outre les organes eflentiels
de la génération , une corolle & un calice. Les fécondes font celles aux-
quelles manque la corolle ou le calice , ou l'un & l'autre en même
temps. Des Méthodiflies divifent auiîî les fleurs en mdles , Qn femelles &
en hermaphrodites.
On peut donc confidérer les fleurs ou comme fimples , ou comme
compofées. \jQS Jimples font celles qui ne renferment qu'une feule fleur
dans le calice ; telles que font les fleurs de lajufquiame , de lafauge > du
icrifier, &c. Les fleurs compofées font celles qui font effedivement com-
pofées d'autres fleurs : on les a^pdlo fleurs à fleurons & à demi-fleurons ;
telle efl: ïaubifoin, CouiuliQlVexpofu, caracïérifl, des Jleurs compofées , par
F L E 74 7
JTf. îe Francq de Berkey , imprimée à Leyde , in-^. avec figures.
hQs Botaniftes diflinguent encore les fleurs en foUtaires , enfieurs en
tête , Qnjlcurs en ombelles , en fiairs en corimbe , en verticillces , en fieurs
en épis , ou en pannicule , ou en grappe , ou enfisurs écailleufes , &c.
li y a dans la dirpofition des fleurs quelques difficultés qui ne font
pas bien éclaircies , fur-tout à l'égard des épis , pannicules , grappes ,
ombelles & corimbe, ( Voyez ces mots dans le tableau alphabétique de
l'article Plantes. ) Quant à la fituation des fleurs , les unes fe trou-
vent répandues fans ordre fur la plante , le long des branches ou du
tronc , comme dans plufieurs fougères ; les autres font aux aifTelles des
feuilles ou des branches , ou oppofées aux feuilles ; d'autres terminent
îe bout des tiges ou branches.
M. Adanfon obferve judicieufement qu'on induit trop fouvent en
erreur les Etudians en Botanique , lorfqu'on leur dit que nombre de
plantes, telles que le mnfa , la plupart des genres de la famille des ju-
jubiers 5 &c. ont des fleurs mâles mêlées avec des femelles {a). Toutes
leurs fleurs font hermaphrodites ; mais uns partie avorte étiolée par les
autres qui en abforbent les fucs ; & ces plantes n'ont pas plus de fleurs
mâles que les abricotiers, les pêchers, & tant d'autres arbres qui laif-
fent tomber toutes celles qu'ils ne peuvent nourrir. On doit regarder
comme Jleurs maies , celles qui ont quelques parties du fexe mafculin ,
telles que les anteres ou les filets des étamines ; comme femelles , celles
qui ont quelques parties du fexe féminin , telles que l'ovaire , le ftile
ou ftigmate ; comme hermaphrodites , celles qui ont quelques portions
de ces deux parties ; comme neutres , celles qui n'ont abfolument que la
corolle ou le calice , fans aucune apparence d'organes fexuels , telles
que quelques biifus ou champignons. . ' " '
Les fleurs hermaphrodites, ainfi que les fleurs mMes Scies femelles;
peuvent être flériles ; & il ne faut pas confondre les fleurs fl:ériles avec
les neutres. Une fleur fl:é~rile , continue M. Adanfon , doit avoir au
moins une des deux parties fexuelles , & peut les pofleder toutes deux
(j) M. Haller dit que cette obfervation eil très-jufte ; elle revient, dit-il, dans les
gramens , où les fleurs mâles de M. Linnœus ou fes fleurs ftériles , ne font guère que
des fleurs avortées \ & généralement il eft très-ordinaire que dans les plantes à (èxes
réparés , il y ait des fruits avortés dans les fleurs mâles ,• il n'eft pas rare même de
trouver des traces d'étaraines dans les fleurs femelles , comme dans les valérianes,
Bbbbb 2
74^5 F L E
enfemble ; au lieu que la fleur neutre ne peut &: ne doit en avoir aucune ;
ainfi la fleur hermaphrodite peut ètxQ fertile ;& fi elle avorte , elle de-
vient fleriU, Voyez l'article Sexe dans le tableau alphabe'tique du mot
Plante ; voyez aufli l'article Hermaphrodite de ce Didionnaire , &
le DïfcGins fur Us amours des plantes , par M. Pinard, Profefieur de Bo-
tanique & Membre de l'Académie Royale des Sciences de Rouen.
De cette difl:indion il réfulte que parmi les fleurs il s'en trouve qui,
n'étant pas des herm.aphrodites fertiles , c'efl:-à-dire , ne renfermant pas
dans une même enveloppe les deux kxes parfaits pour fe féconder réci-
proquement, alors elles ne peuvent pas produire du fruit. Quelquefois
les fleurs d'une plante entière ou d'un arbre font unifexes, c'eft- à-dire ,
ou toutes mâles ou toutes femelles : celles-ci ne peuvent être fécondées,
ceft-à-dire, produire du fruit ou de la graine , qu'en recevant aupa-
-ravant dans leur ftigmate la pouflîere prolifique qui fe trouve fur les
étamines des fleurs mâles de la même efpece. Ces fleurs mâles ne Drodui-
fent point de fruit après leur chute : elles font à cet égard ce que les
animaux font à l'égard de leurs femelles : celles-ci n'engendrent point
qu'elles n'aient été fécondées par les mâles. Nous avons trop d'exem-
ples fous Içs yeux de cette merveille dans les plantes , pour infifter plus
long-temps ; il fuffira de lire les articles du dattier , du chanvre , du pif'
tachier, du châtaignier ^ du houblon , du peuplier , &c. pour être inftruits
comment certaines plantes font ftériles , & des moyens de les faire fruc-
tifier.
Combien de plantes ont les fleurs bifex^es ou hermaphrodites , c'efl:-
â-dire ^ des fleurs de deux fexes , favoir le pifl:il & l'étamine dans le
même calice. Telles font les lys , la giroflée , la tulipe , le figuier , &
la plus grande partie des efpeces végétales , dans lefquelles le piflil
eft environné d'étamines ^ ou à côté des étamines , &c. Il y a aufli des
plantes qui ont les fleurs des deux fexes, mais dont les mâles font fur
des pieds différehs de ceux des femelles , ou feulement féparées fur le
même pied , comme le .cyprès , le coudrier , le hêtre , le faule , le
chêne , le cèdre , le genièvre , le pin , le mûrier , le melon , le con-
combre , le pommier, le prunier, le grofeiller , le plantain, &c. Qui
ignore que les fleurs & les végétaux mêmes peuvent varier à l'infini,
lorfque la poufliere qui tombe des étamines d'une plante, vient à être
portée par le vent fur le piflil d'une fleur d'une autre efpece ou de dif-
férente couleur ï Çeft ^nfi (ju'eii 17; i M, Linnaus^ ( DiffmUe Plamis
P L Ê 74^
hybnd'is ) a cru reconnoître que la pimpindla agrimonoidcs efl une
nouvelle efpece de plante née de la pimprenelle commune , fécondée
par la poulîîere de l'aigremoine : il ajoute que le nymphoïdes paroît
reconnoître pour père le menyante , & pour mère le nénuphar : le
dadfca ou chanvre jaune de Crète, a eu de même pour père le chanvre,
& pour mère le refeda : l'a. pdore paroît avoir pour mère la linaire , &
pour père la jufquiame ou le tabac. Il efl: probable , dit M. Linnœus, que
plufîeurs autres plantes ont été pareillement formées : félon cet Auteur,
la prodigieufe quantité d'efpeces connues de géran^iums , de cierges ,
d aloës , qui ornent nos jardins , font des dégénérations de la première
efpece. M. Kodretiteur a donné d'excellentes obfervations fur les plantes
hybrides : il avoue qu'on en peut faire par le mélange d'une pouflîere
étrangère ; mais la chofe arrive , dit-il , difficilement fans le concours
de l'art : & ce même Obfervateur affure , après une infinité d'expérien-
ces , que ces efpeces bâtardes font prefque toujours ftériles. La vé-
ronique bâtarde, la barbouquine bâtarde , le pied d'alouette ou delphi-
nette bâtarde , & l'éperviere aufli bâtarde , & quantité d'efpeces qui ,
comme les géraniums , appartiennent au même genre , ont été pro-
duites par le mélange , par la fécondation d'autant d'autres èfpeces de
genres différens , & réciproquement que les genres eux-mêmes ne font
autre chofe qu'un afiemblage de plantes nées d'une feule & même riiere,
fécondées par autant de pères différens. Ceci étant, les plantes dévoient
être peu nombreufes en efpeces , & mêrhe en genres , lorfqu'il plut au
Créateur de donner une exiftence au néant.
Ces exemples de changemens caufés par des fécondations étrangères 5.
fe multiplieront certainement à mefure qu'on fera plus attentif aies obfer-
ver, ou qu'on voudra fe les procurer en fécondant une plante femelle par
une efpece différente, comme il eft dit ci-defFus. M. Adanfon a dit à
cet égard , qu'on pourroit eiTayer de féconder le ricin par le tithy-
male, le chanvre par le houblon , l'ortie par le mûrier, lé faule par
le peuplier , &c. Tout le monde fait qu'en coupant toutes les étamines
d'une tulipe rouge avant l'émifTion de leur poufîiere . & qu'en poudrant
k fligmate de cette même plante avec les étamines d'une autre tulipe
blanche, les graines de cette tulipe rouge produifent des variétés de
tulipes dont les unes font rouges, les autres blanches; d'autres blan-
ches, rouges & marbrées: de même que deux animaux de même efpece
îranfmettent leurs couleurs aiix animaux qu'ils engendrent, Ce que
7 >- o F î^ E
nous venons de dire des tulipes, peut auflî s'appliquer aux anémones,
aux jacintes , aux renoncules, &c. En général, cette théorie de la
génération des plantes peut nous faire entrevoir comment on altère
& on change audî le goût , la forme & la qualité d'un fruit. Il fuffit
de croifer, comme dans certains animaux, la race des végétaux:
combien de fleurs des plus variées naiflent de ces mélanges , je dirois
volontiers de ces accouplemens , accidentels à la vérité. Ces tranfmu-
tations des plantes ne fe perpétuent pas long-temps , elles reprennent
bientôt la forme des plantes paternelles dont elles ont tiré leur origine.
Ainfi les efpeces vraies font confiantes : elles ne changent qu'acciden-
tellement & pour un temps. Il faut donc renouveller la communica-
tion des fexes des efpeces différentes du même genre, pour produire
ces tranfmutations en plantes mulâtres , ou bien châtrer celles qui
font pourvues des deux fexes, & répandre la poufliere génitale des
fleurs mâles fur les organes des fleurs femelles. Aujourd'hui M, Adan-
fon paroît fort oppofé â la polîibilité de ces tranfmutations des efpeces
dans le règne végétal, yoyc:^ les Mém, di VAcad. ann. i/Cc)» Cet
Auteur convient cependant que les changemens fur les efpeces qui fe
perpétuent dans leur pofl:érité , doivent prendre le nom de races. Le
blé de Smyrne efl: au nom.bre des plantes nouvelles. La tranfmutat'.on
confiante, immuable des efpeces , n'a donc pas plus lieu dans les
plantes que dans les animaux: tous les corps ovganifés font comms
afifujettis au prototype de la création primitive. A voir l'harmonie qui
règne dans toutes les parties de l'Univers, tout Philofophe raifon-
pâble eft d'abord porté à croire que les écarts ont aufli leurs lois &
leurs bornes. En effet, plus on obfervera, plus on fera convaincu que
les monftruofltés en tout genrç ^ les variations ont une certaine
latitude, ncceliaire fans doute, & établie pour l'équilibre deschofes;
après quoi elles rentrent dans fordre préétabli par la fageffe du
Créateur. -Si la tranfmutation des efpeces , tant végétales qu'animales,
avoit eu lieu depuis le moment de la création , tout fe trouveront
aujourd'hui dans la plus grande confufion, & il feroit impolîible de
reconnoitre les efpeces primordiales , le type de Tefpece & de fes
variétés.
On obferve que les fruits ou la graine qui fuçcédent aux fleurs
purement femelles , naiflent pour l'ordinaire en un autre endroit que
îa fleur, différemment en cela des fleurs hermaphrodites fertiles, dont
F L E 7^1
le fruit naît communément dans le calice de la fleur qui Ta précédé»
Il y a une infinité de détails répandus à ce fujet dans le corps de
cet Ouvrage , aux articles qui nous préfentent ces fortes de phéno-
mènes. ^
Nous répétons, car on ne peut trop le dire, qu'il fùiiit pour que
la fécondation s'opère , que la moindre parcelle de la matière contenue
dans la poufliere des étamines, foit répandue fur le ftigmate du piftil.
On fait que l'ovaire ou fon ftyle & fon ftigmate font percés d'un bout
à l'autre , même très-fenfiblement dans plufieurs liliacées , dans le
baobab j l'herbe maure, & quelques autres plantes; mais il y en a
beaucoup plus où ils font fermés & pleins. Cela feul fufFiroit pour
prouver que ce n'eft: par l'intromiffion de la poufliere des étamines ,
qui opère la fécondation , ni qui porte le germe dans les ovaires, s'il
n'étoit pas connu pas des obfervations microfcopiques, que l'embryon
fe trouve tout formé dans les graines des plantes qui n'ont pas été
fécondées , & dont le parenchyme ne fait qu'un corps continu avec
lui; de la même manière que le fœtus fe trouve tout formé dans les
oeufs de la grenouille & dans ceux de la poule avant la fécondation ,
félon les obfervations de Malpîghi , de M. HalUr , & plufieurs autres
Anatomiftes modernes aufli célèbres. La fécondation, dit l'Auteur des
familles des plantes , s'opère donc dans les végétaux & les animaux par
une vapeur comme fpiritueufe volatile, à laquelle la matière prolifique
fert fimplement de véhicule : cette vapeur aufli ténue fans doute &
aufli animée , aufli prompte que celle qui enveloppe les corps éledri-
ques , s'infinue, félon le même Auteur, dans les trachées qui fe termi-
nent à la furface des ft:igmates , defcend au placenta lorfqd^il y en a^
pafle de -là aux cordons ombilicaux jufques dans chaque graine où
elle donne la première impulfion , le premier mouvement ou la vie
végétale à l'embryon qui ^eft d'abord comme invifible, & qui peu
après fa vivification paroît comme un point verdâtre dans les uns ,
& blanc dans d'autres. Dans ce fyftême on fuppofe que la graine con-
tient la plante en petit, comme fuivant quelques Auteurs, l'animal efl
renfermé dans l'œuf de la femelle, & n'a befoin de la femence du
mâle que pour exciter une fermentation , un développement. Une
autre opinion fur la manière dont la poufliere rend les arbres féconds,
c'efl:, félon M. Geoffroi , que la poufliere de la fleur eft le premier
germe ou le premier bourgeon de la nouvelle plante, & qu'elle n'a
hdoin poLii" étra développée Qc pour croître que du fuc nourricier
qu'elle trouve préparé dans les embryons de la graine , de même que
le petit animal eft dans la femence du mâle , & n'a befoin que de la
fubftance de l'ovaire, ou des liqueurs contenues dans la matrice, pour
fe développer-* Bi pour croître. Le Ledeur peut remarquer que ces
deux théories de la génération des végétaux ont une analogie très-
exadle avec les deux théories delà génération des animaux. Foyei
GÉNÉRATION.
L'on voit par tout cet expofé, i**. que les moyens dont la nature
fe fert pour procurer la fécondation dans les plantes, varient comme
leurs mœurs & comme la ftrufture de leurs parties ; 2°. que deux
plantes unifexes , l'une mâle & l'autre femelle , naiflent de graines
recueillies fur le même pied : 3°. que les fleurs mâles fleurilTent en même
temps que les femelles , ou avant ; & que les étamines des herma-
phrodites fertiles ou bien conditionnées , s'ouvrent lorfque les piftils
font en état de recevoir leur poufiiere. Les fleurs ne s'ouvrent commu-
nément que dans les beaux temps, ôc fi dans cet état le temps menace
de pluie avant que la fécondation foit achevée, alors elles fe ferment
pour en garantiras étamines &: le jftigmate, ou même pour les préferver
de l'hufnidité de la nuit. Il n'y a que celles dont les étamines font
.couvertes, qui ne fe ferment pas la nuit; enfin, toutes fe ferment dès
que le piftil a reçu la poufliere des étamines: 4.°. que les étamines des
fleurs hermaphrodites font courbées fur le ftigmate du piftil. Dans les
plantes bifexes , androgyiw». , les fleurs mâjes font communément
placées au-deffus des femelles, comme dans le maïs, le typha , le
fnancenilier, le figuier, &c. cependant il y en a beaucoup qui ont les
rnâles placées au-deffous , comme dans le ricin , le buis , le manihot ,
îe pin , &c. & c'efl: le vent qui fert de véhicule en portant leur
poufliere f^r les femmelles qui font au-deflus; j^. qu'en général les
/étamines & les fl:igmates obfervent jrefpedivement le degré de
hauteur & de fituation nécellaire pour fe féconder dans le temps
de lafieuraifon, &c. 6". dans les fleurs qui fe tournent vers la terre,-
comme l'acanthe, le cyclamen, & la couronne impériale, le piflil
eft beaucoup plus long que les étamines, afin que la poufliere dQS
étamines puifle y tomber en quantité fuffifante.
Nous confidérerons maintenant les fleurs dans leur origine , leur
0i!f,urei leur muhi^Ucatien ^ leur çonftrvfition^ leur dcfiinadon ^ &c. mais
noyj
FLE 7n
nous avertîflbns notre Ledeur qu'il n'efl: plus queftion dans ce qui
fuit des fleurs confidérées dans le fens philofophique , nous traiterons
en géne'ral de celles qui par la beauté de leur corolle ont attiré i'atteur
tion des curieux.
Origine des Fleurs, " *
Tout le monde fait que les fleurs proviennent ou de plantes i ou
d'oignons, & que tous les oignons, & la plupart des plantes tirent
leur origine des graines; mais dans les paragraphes ruiv3ns nous indi-
querons des moyens par lefquels on fait venir différentes fortes de
fleurs plus promptement que de leurs graines. Les Jardiniers-Fleuriflies
n'appellent fleurs que celles qui fervent d'ornement & de décoration
aux jardins, tels font les œillets, les tulipes, les renoncules, les
anémones, les tubéreufes, &c. Ce qu'il y a de fingulier, c*eft que
nous n'avons point de belles fleurs, excepté les œillets, qui origi-
nairement ne viennent du Levant; mais aujourd'hui il ne faut plus
aller à Confl:antinople pour admirer les fleurs ; c'eft dans les jardins
de nos Curieux qu'il faut voir leur étalage fucceifif, &c en apprendre
la culture. P^o^yei aujji l'article Plante.
Culture des Fleurs,
Cefi: fur des couches , fur des planches , dans des pots , & dans le*
plates- bandes des parterres, qu'on feme & qu'on élevé des fleurs pro-
venues de graines hdtives , & dont la bonté fe reconnoît à leur pefan-
teur qui les fait aller communément au fond de l'eau. La meilleur©
faifon de femer, efl: depuis Mars jufqu'en Septembre. On feme à quatre
doigts d'intervalle. Si c'efl: une terre meuble & facile à percer , on
recouvre la graine d'un doigt de la même terre ; fi on feme fur couche
( lorfque le fumier a perdu fa grande chaleur), on la recouvre de
deux doigts de terreau. On feme fur la fin d'Août ce qu'on veut
replanter avant l'hiver. On a foin d'arrofer tous les jours avec de l'eau
échauffée au foleil , & de couvrir les graines d'un doigt de paille
longue j mais quand elles font levées, il faut les découvrir, & toute-
fois les garantir des gelées par des paillaffons en dos-d'âne. Si on
plante des oignons de fieurs, il faut creufer la terre à un pied de pro-
fondeur , enfuite cribler de la terre maigre & légère fur la couche en
quantité fuflifante pou£ remplii; les filions ou rigoles, puis unir le,
Tome II, Ccççc
7f4 FLE
tout avec un râteau & y placer les oignons dans une diftancc propor-
tionne'e , & à quatre doigts fous terre. Autour des bordures on peut
mettre des anémones ou des tulipes; mais point de renoncules, car
elles demandent à être feules , tant en pleine terre que dans les
pots.
Il faut être exad à farder dans le temps où la rofée tombe , parce
qu'on arrache mieux- alors les racines des plantes inutiles; il fautaufii
avoir grand foin de faire la guerre aux limaçons, aux perce-oreilles
& autres infedes qui rongent les plantes.
On tranfplante les fleurs dans le printemps & dans Tautomne en
pleine terre ou dans des pots : mais on ne tranfplante qu'après la
féconde année les oignons qui viennent de graine : on les met alors
en bonne terre neuve & légère, & on a des fleurs à la troifieme
année»
. Pendant l'hiver , pour garantir les fleurs du froid , on les met dans
une ferre aérée: on les doit arrofer légèrement api es le lever du foleil.
Dans l'été, il faut les défendre du trop grand foleil, & ne les arrofer
qu'après le foleil couché: il faut que les plater-bandes foient toujours
élevées vers le milieu, & que les pots foient percés par le fond, afin
que l'eau s'écoule, & ne pourrifle pas, par fon féjour, les pieds des
plantes. Au défaut des pots , on peut fe fervir de caiffes plates & por-^
tatives , dont le fond ait été percé de plufîeurs trous de tarière , &
couvert de deux pouces de charbon de terre ou d'autres matières
poreufes; les petites caifTes font très-commodes, elles font un berceau
pour l'enfance des fleurs. Il efl: digne de remarque que la plupart des
fleurs doublent facilement par la culture , fur-tout dans le rofier. On
peut même faire éclore en hiver & le jour que l'on veut la fleur d'une
plante : pour cela on choiiît fur la tige , dans le temps que les dernières
fleurs paroiffent, les boutons les mieux formés & prêts à s'ouvrir i
Oii les coupe avec des cifeaux , obfervant de leur laifler une queue
fort longue. On bouche l'endroit coupé avec de la cire , on laifîe faner
les boutons, puis on' les enveloppe chacun à part dans un papier fec
& on les ferre ainfi dans une boîte. Enfin lorfqu'on veut jouir de la
fleur, il fuffit de couper dès la veille le bout garni de cire, & de le
mettre dans un vafe qui contiendra de l'eau chargée d'un peu de
nitre, le lendemain on verra les boutons s'ouvrir, s'épanouir, briller
de leurs vives couleurs ù reprendre leur odeur naturelle» i^
F L E 77^1
On ne manque pas d'ouvrages fur la culture des fleurs; entr'autres
l^'errarius de Jlorum cultura , Jmjlerdam , 1 6^48 , in-^, Morin , Traité de la,
cultun des fleurs , Paris, 16'j 8, in- 11. Liger, le Jardinier Fleurific^ Paris ^
lyoS^ le Jardin de la Hollande , Leyde, 1^24 , in-l2. Miller, Diclionnaire du.
Jardinage; indépendamment de quantité de traités généraux. On ne
manque pas encore d'inftrudions fur la culture de quelques fleurs parti-
culières , comme des œillets, des tulipes, des oreilles d'ours, des rofes,
des tubéreufes, &c. Enfin perfonne n'ignore que la paffion des fleurs ,
& leur culture a été pouiTée fiioin en Hollande dans le dernier (îecle,
qu'il a fallu des lois de l'Etat pour borner le prix des tulipes, Voye^
ce mot.
Multiplication des Fleurs,
On multiplie les fleurs par différens moyens; 1°. parles rejetons on fur'
geons qui fortent du pied d'une plante, mais avec des racines : ils repren-
nent aifément , & ce font autant de nouvelles plantes ; 2°. par \qs provins ,
qui font les branches qu'on couche en terre , fans les féparer de leuc
mere-branche: 3°. par marcottes, qui font de jeunes branches, belles
&: fortes qu'on fait tenir fur la plante qu'on veut marcotter , en y faifant
une incifion par le milieu près du nœud (^),on tient l'incifion ouverte
par quelque brin de paille , puis on la couvre de quelque peu de terre,
& on l'y arrête , de peur qu'elle ne fe relevé. Dès que la marcotte a
pris racine , on la coupe pour la féparer de la mere-plante, 4°. Par les
houtures, quKont des branches à boutons qu'on prend fur quelque plante
ou arbufl:e,& qu'on fiche en terre fans autre apprêt: on doit chercher
les plus vives; les tailler parle bout en pied de biche, les laifler tremper
quelques Jours dans l'eau , & les planter toutes fraîches; c'eft un moyen
pour qu'elles produifent promptement des racines, y". Par les taies ^
-
(a) M. Bourgeois dit que c'eft fur le nœud même de la branche de la plupait des
plantes qu'on doit faire l'incifion, & qu'il faut la prolonger jufqu'au nœud prochain}
fans cet e précaution les marcottes de la plupart des fleurs ne pouffent point de racines ,
car c'eft des nœuds que fortent les racines. Ce même Phyfîcien. a obfervé que les
marcottes d'œillet ne réuffiffent jamais , fi on né fait pas l'incifion exaftement fur le
nœud : il y a cependant plufieurs fleurs en arbriffeaux qui n'ont point befoin d'inci-
(ion , comme les différentes efpeces de rofiers , les jaCmins , les genêts , &c. 'il fufHt
de coucher au priutems ou au inois d'Août une branche ert terre , & de l'y recenij
avec un crochet.
Ccccc 2.
7;(^ F L E
c'eft une manière de multiplier propre feulement aux fleurs, &qui fe
pratique en éclatant leurs plantes en racines. 6°. Par les caytux & œilU-
tons 5 qui font certains bourgeons que quelques plantes poufTent de leurs
pieds pour fe régénérer. Voy&\ us différens mots dans C Alphabet dts
termes, &i.. de t.artïck général Plante.
Moyen de çonfcrver les Fleurs pendant long-temps dans leur forme & avec uns
partie de leurs odeurs , leurs couleurs naturelles , ou en les changeant.
Pour faire la récolte des plantes en fleur qui font utiles en Méde-
cine, on doit s'attacher aux endroits où elles fe plaifent le plus, & où
elles profitent davantage. On fait que toutes les plantes qu'on cultive
dans les jardins font plus grafles ; celles qui viennent naturellement dans
les campagnes font plus vigoureufes; celles qu'on rencontre fur les
montagnes font plus odorantes ; celles qui croiilent dans les lieux aqua-
tiques font plus acres; celles qu'on fe procure par artifice pendant l'hiver,
ont peu de vertu , & fe fentent du fumier qui leur a été prodigué. Le
moment convenable à la récolte des fleurs , eft celui où elles commencent
à s'épanouir: paflé ce temps, elles perdent chaque jour de leurs par»
lies volatiles , par conféquent de leurs vertus. On doit encore choifip
un beau jour, & ne les cueillir que vers les dix heures du matin, après
que la rofée eft enlevée. Quand elles feront bien defféchéeSjil faut les
enfermer dans un vafe ; les unes, telles que les violettes, les œillets
& les rofes demanden^t à être confervées dans des bouteilles de verre bien
bouchées. A d'autres fleurs il fuffit une boîte de bois garnie de papier
& expofée dans un lieu fec,afin qu'elles ne fe ramollifTent pas. D'au-
tres, telles que les rofes pâles & mufcates, perdent leur odeur en féchant
à l'air libre : les rofes de provins qui n'ont que peu ou point d'odeur
étant fraîches, en acquièrent beaucoup par cette denication. Les fleurs
de bourrache & de buglofe pâlifTent & fe décolorent entièrement: on
en peut dire autant de la germarKÎrée, de la violette, & de la petite cen-
taurée. Pour obvier à cet inconvénient, il fuffit d'en faire de très-
petits paquets avec du papier, & de les expofer à une chaleur modérée^^
foit au foleil , foit à Tétuve. Les feules plantes crucifçres defféchées , ne
confervent point leur vertu.
L'intérêt & la curioCté ont fait trouver les moyens de panacher & de
chamarrer de diverfes couleurs les fleurs vivantes des jardins ; comme
de faire des rofes vertes , jaunes , bleues, & de donner en très-peu de
F L E 7^7
temps deux ou trois couleurs différentes à un œillet, outre fon teint
naturel. On pulvérife, par exemple , pour cela de la terre grafle deffé-
chée au foleiljon l'arrofe enfuite l'efpace de vingt jours d'une eau rouge,
jaune , ou d'un autre teinture, après y avoir femé la graine de la fleur
d'une couleur contraire à cet arrofement artificiel. On lit dans l'Ency-
clopédie que quelques perfonnes ont femé & greffé des œillets dans le
cœur d'une ancienne racine de chicorée fauvage , qu'elles l'ont relié
étroitement, l'ont environné d'un fumier bien pourri; & par les grands
foins du Fleurifte on a vu fortir un œillet bleu, auffi beau qu'il étoit
rare. D'autres ont enfermé. dans une petite canne trois ou quatre graines
de fleurs différentes , & l'ont recouverte de terre & de bon fumier : ces
femences de diverfes tiges ne faifant qu'une feule racine , ont enfuite
produit des branches admirables pour la diverfité des fleurs. Enfin
quelques Fleurifl:es ont appliqué fur une tige divers écuffons d'œillets
différens , qui ont pouffé des fleurs de leur couleur naturelle & qui ont
charmé par la variété de leurs couleurs. Les fleurs en théâtre ou en
parterre varient aufli par leur voifinage: fi les pouflîeres qui tombent
des étamines font portées par l'air fur le pifl:il d'une autre fleur voifine
de même efpece, mais de différente couleur, les graines qui en pro-
viendront produiront une nouveauté dans le coloris de la fleur future»
Les plantes qu'on deffeche fans les aplatir, fans les comprimer, Ôs.
dans leur fituation naturelle , font communément celles dont les fleurs
fervent d'ornement, ou fur la tête des Dames, ou fur les tables dans
les defferts,ou dans les Eglifes ; auffi avant que de les fécher, l'art change
fouvent en des couleurs plus belles ou variées celles qui en font fufcep-
tibles, avec les acides : c'eft ainfi que l'efprit de nitre change en un beau
jaune-citron les fleurs blanches du xcranthemum ( efpece d'immortelle);
en un bel incarnat les fleurs violettes d'un autre xèrandumum , & en un-
beau rouge-cramoifi les fleurs bleues de l'aconit, du pied d'alouette
annuel, & diverfes gentianes. L'eau forte ne kur cauferoit aucun chan-
gement fi elles étoient defféchées ; on les panache fimplement en paf^
iànt deffus un pinceau trempé dans l'eau forte, ou bien on les change
totalement en les plongeant en entier & reuverfées dans cet acide ^
fans y enfoncer leurs tiges qu'il amolliroit &. brûleroit: on les retire de
inéme pour les fufpendre & laiffer égoutter pendant quelques inftans
jufqu'à ce qu'elles aient pris affez de couleur ; alors on les plonge dans
de l'eau claire poui leur enlever toute l'eau forte ,& on les fufpead
7^8' F i: Ë
pour la dernière fols, afin qu'elles fe fechent entièrement. Il faut obferver
que toutes les fleurs ne fe colorent pas de même ; il y en a qui perdent
à être ainfi trempées dans l'acide nitreux , & qui s'y terniffent. Telles
font celles de l'immortelle citron, du foucien Odobre, en Novembre,
car celles d'été fe fechent difficilement; celles du bleuet, de foeillet
d'Inde , d€ la bruyère, de l'amarante , des renoncules , de la ravenelle , &c.
La plupart de ces plantes, ainfi préparées, fe defifechent naturellement
& confervent par-là leur fouplefTe, il y en a mé.ne que l'humidité de
l'air ou de la tête qui les porte dans les chevejx,fait épanouir, & qu8
la fécherefle fait refermer, comme il arrive à la rofe de Jerico, & par-
ticulièrement au xtranthemum , à l'immortelle jaune , dont la fubftance
eft feche & comme cartilagineufe. Mais toutes celles qui font tant foit
peu charnues, comme l'amarante , ou dont les fleurs font fujettcs à (e
frifer & à fe chiffonner, comme le bleuet, Tceillet, l'oeillet d'Inde, la
ravenelle, les renoncules , ont befoin de pafl'er au four, ce qui les rend
fouvent caifantes, lorfqu'on ne leur ménage pas la chaleur par degrés
& qu'on les y expofe à nu ; voici comment cela fe pratique , foit pour des
fleurs, foit pour la plante entière. Ce procédé efl; dans fon origine dû à
M. Jofeph de Monàyde l'Académie de Bologne.
Il faut avoir un fable pur de rivière ou du fablon fin , le faire fécher
ou au foleil , ou dans un poêle à l'étuve, puis le tamifer, afin qu'il foit
d'un grain égal & fin: d'une autre part, l'on a un bocal affez grand, ou
une caifle de bois ou de fer-blanc étamé, d'une largeur médiocre: on
couvre le fond de cette caifle de trois ou quatre doigts de fable, & on
y enfonce le bout de la queue de ces fleurs, de manière qu'elles fe
tiennent droites les unes à côté des autres ; mais fans fe toucher aucu-
nement : enfuite on remplit tout le vide autour des queues avec ce
fable : quand elles font bien enterrées , on en répand autour des flcnirs
& des feuilles , en-dedans & par-defllis , prenant garde de déranger leur
fituation naturelle , & on couvre le tout d'une couche de deux ou trois
doigts de ce même fable, puis on porte cette cailfe dans un endroit
expofé au foleil , ou , ce qui vaut mieux , dans un lieu échauffé par un
poêle ou dans un four chaud d'environ trente à trente-fix degrés , & on
l'y laifTe trois ou fix heures , jufqu'à ce que les fleurs foient bien féchées ,
ce que l'on reconnoît par un échantillon que Ton met au haut du vafe.
A l'égard des tulipes , il faut en couper adroitement le pifl:il qui s'élève
au milieu & renferme la graine, & remplir le vide de fable. On deife-
F LE 7j^
elle aiiflî au four , à nu & fans fablon l'amarante qu'on y met aufîî-tôt
qu'on en a tiré le pain: cette exficcation vive ternit fa couleur; mais on
la fait revenir en la plongeant dans l'eau chaude, & en la faifant fécher
à Tair. Le fruit de l'églantier & pluffeurs autres fe deflechent par cette
méthode.
Parmi les fleurs defTéchées naturellement ou par l'art & qu'on veut
chamarrer , il y en a quelques-unes , fur-tout l'immortelle blanche,
appelée tternelU ou bouton blanc, qu'on trempe dans une eau de gomnje
épaifle pour les poudrer enfuite de diverfes couleurs, telles que le
carmin , le vermillon, la lacque colombine pour le rouge; pour le bleu ,
l'azur, la cendre bleue & le tournefol qui s'y applique liquide ; pour
le jaune, la gomme gutte liquide ou la poudre d'or. On feche au foleil
les fieurs ainfi faupoudrées, enfuite on les retrempe dans l'eau de gomme
arabique , ou dans le vernis de blanc d'œuf édulcoré avec quelques
gouttes de lait de figuier ou de tithymale.
Les Napolitains, pour donner à leurs fleurs artificielles les mêmes
odeurs qu'ont les fleurs naturelles, cachent un peu à'oUo-faccharum dans
le calice de la fleur arâficielle : cet oUo-faccharum efl: une huile eflen-
tielle, combinée avec du fucre; car le fucre fe charge de fhuile aroma-
tique, & lui donne des entraves qui l'empêchent de fe dillîper auflî
promptement qu'elle feroit fans cela ; c'efl: encore un moyen pour
rendre ces huiles mifcibles avec l'eau.
On peut aulîi déterminer l'odeur des fleurs naturelles & vives ; il
fuffit d'arrofer un terreau de vinaigre ambré & mufqué, &c. avant
d'y femer les graines ou oignons également macérés dans cette même
liqueur.
FUurs des quatrt Saifons , &c.
Le retour du printems efl: le retour des fleurs : celles de cette faifon
font les tulipes hâtives , les anémones fimples & doubles à peluche ,
-les renoncules de Tripoli, les jonquilles Amples & doubles, les jacin-
thes, le muguet, les lilas,les narcifles, la couronne Impériale, l'oreille
•d'ours, la giroflée, les violettes de Mars, la penfée , les pâquerettes &
les prime-veres.
Celles qui ornent les jardins en été, c'eft-à-dire, en Juin, Juillet,
'& Août, font les tulipes tardives, les lys, les tubéreufes, les pavots,
les hémérocales ou fleurs d'un jour, les martagons, qui rcffembleut aux
7<^o F L É
lys; les celllets de diverfes efpeces, les giroflées jaunes, rimmortelle»
les bafilics , les pivoines , la croix de Jérufalem , la julienne , les
rofes.
Les fleurs d'automne font la tubéreufe , les balfamines , les reines-
marguerites, les foucis doubles, les amarantes, les pafle-vdours ou
queues de renard, les œillets d'Inde, les rofes d'Inde, celles de tous
les mois, les rofes mufquées , le fafran automnal, le gcranium couronné,
les ombrettes, les carentins fîmples & doubles de toute couleur, les
immortelles, les chignacs , les belles de nuit, les thlafpis.
Celles d'hiver font les anémones fimples , les jacinthes d'hiver , le
cyclamen d'hiver, le laurier-thym, le perce-neige, les immortelles, les
narciffes fimples, le crocus printanier, les hépatiques, &c.
Toutes les fleurs doivent être cueillies au moment où efles s*épa-
nouiflent.
De même que toutes les plantes ne fleuriflfent pas dans la même
faifon & le même mois , de même aufll toutes celles qui fleuriffent le
même jour dans un même lieu , ne s'épanouiffent & ne fe ferment pas
à la même heure. Les unes s'ouvrent le matin, telles que les laitues 5c
les labiées: d'autres à midi, telles que les mauves ; les autres le foir
ou la nuit après le foleil couché ; tels font quelques cierges , quelques
efpeces d'herbes à Robert, &c. & parmi celles qui s'ouvrent le matin,
il y en a qui fe ferment aufîî le matin , tandis que d'autres ne fe fer-
ment que le foir. Il y a à cet égard une grande variété, dontlacaufe
principale dépend de la chaleur, de la lumière & de beaucoup d'autres
circonftances de Fatmofphere qu'on ne peut guère déterminer ou foumet-
tre à un calcul général. Ainfî toutes les remarques qu'on pourroit faire fur
l'heure de l'épanouilTement de certaines fleurs pour le climat où elles
ont été faites, & le tableau que M. Linnceus en a publié fous le nom
ôihorloge botaniqut , n'eft exad que pour le climat d'Upfal. M. HalUr
rapporte que M. MulUr vient de perfedionner cette horloge fur le
phalangium ramofum y & que cela dépend du foleil dont les rayons épa-
nouilTent la fleur.
Les Jardiniers-Fleuriflies fement toutes les graines en quatre temps;
favoir , en Février , en Mars , en Avril & en Mai ; mais on en peut
femer toute l'année. On plante les oignons des fleurs en automne &
au printems. Le coup d'oeil des fleurs eft des plus raviffans, quand
elles font expofées en amphithéâtre. Il faut cependant les difpofer de
manière
F L E j6i
.manière que Tair piiifle circuler librement, & avoir foin de mettre
les pieds des tréteaux du théâtre dans des vafes de plomb remplis
d'eau. Cette précaution empêche que les infeéles malfaifans aillent bu-
tiner fur les fleurs.
Réflexions fur les Jleurs , & leur utilité. •
Il eft bon d'obferver que les fleurs fubiflent des changemens pref-
que à chaque génération , foit par la culture, le terrain , le climat, la
fécherefle , l'humidité, l'ombre , le foleil : tous ces changemens font
plus ou moins prompts félon le nombre, la force, la durée des caufes
qui fe réuniront pour les former , & félon la nature, la difpofition Ôc
les moeurs, pour ainfi dire, de chaque plante.
La fleuraifon , fioratio , & la défleuraifon , dcjloratio , peuvent être
conlidérées fous deux points de vue dilierens; favoir, i°. relativem.ent
au temps ou à la faifon de l'année où elles fe font ; ce qui s'appelle
fimplement J?i;«r^//c;/2 annuelle; 2°. par rapport à l'heure du jour où
les fleurs s'ouvrent, cet épanouiHement s'appQlle Jleuraifon /ournalicre.
On doit obferver qu'en général les plantes des climats les plus froids
& celles des montagnes , fleurifîent au printems de l'Europe : celles
de nos climats tem.pérés fleurilTent pendant notre été : celles du Ca-
nada, de la Virginie , du MillilTipi , fur-tout les plantes vivaces & les
annuelles non cultivées ne fleurirent qu'en automne; celles du Cap
de Bonne - Efpérance fleuriffent pendant notre Iiiver qui efl: leur
été. Ce n'efl qu'en fuivant ces diverfes confidérations, que nous pou-
vons entretenir nos jardins toujours fleuris de plantes vivaces , dont-Ia
fleuraifon ne dépend pas de nous , comme celles des plantes annuelles
que nous pouvons avancer ou retarder en les femant plus tôt ou plus
tard. Au refle , les fleurs fuivent dans leur épanouiffement à-peu-près les
mêmes lois que les feuilles dans leur développement. Fbj«;.^ Feuilles,
Les fleurs font un des ^plus agréables ouvrages delà nature; elles
femblent prodiguer tous les charmes du coloris : en effet, l'arrange-
ment fymétrique de toutes leurs parties , leurs couleurs vives & fraî-
ches, variées & brillantes, leurs parfums exquis attirent & touchent
l'homme le plus infenflbîe. Un parterre peut donc être regardé comme
la palette & la cailblette de la nature : en un mot les fleurs femblent
n'être faites que pour plaire à Thomme & pour décorer fon féjour. Mais
il iaut convenir qu'on ne peut jouir entièrement de l'agrément des
Tome II, Ddddd
7^2 F L E
fleurs , fi l'on ^e contente de les confidérer dans les bornes étroites
d'un parterre. L'homme en aiiroit-il fournis tant d'efpeces à fon do»
maine, s'il n'avoit été attentif à remarquer dans fes promenades ,
qu'elles en-ibeIlI0ent les vallées & les montagnes , que les prairies en
font émaillées , &" qu'on les trouve répandues avec une efpece de pro-
fufion dans les bois , dans les déferts , fur la cime des arbres , &. fur
l'herbe qui rampe.Le charme en eft fi fur, que la plupart des Arts
qui veulent plaire, ne croient jamais mieux réuffir qu'en empruntant
leur fecours : la Sculpture les imite dans fes ornemens les plus légers:
l'Architeârure embellit fouvent de feuillages & de feftons les colonnes
& les faces trop nues de fes édifices : les plus riches broderies ne pré-
fentent guère que des feuillages & des fleurs : les plus magnifiques étoffes
en font parfemées, & on les trouve d'autant plus belles , qu'elles ap-
prochent davantage de la vivacité des fleurs naturelles. Jamais Salo-
mon dans fa plus grande magnificence , dit le Texte facré , n'a été re-
vêtu fi artifliement & avec tant de majeflié que la fleur du lys. Quand
la Sagefïe divine veut nous donner une idée de fon éclat & de fa beauté,
c'efl: toujours des fleurs qu'elle emprunte l'allégorie. L'Hiflioire rapporte
que l'ufage des fleurs de rofe, & même de myrte, qui fembloient dans
les premiers tem_ps defl:inées aux feuls rites facrés, eut lieu dans les
adions ordinaires de la vie : on commença à les employer dans les
funérailles & les jeux qui en étoient la fuite. Les fêtes des Saturnales
n'auroient point été complettes, fi on n'y eût prodigué des rofes.Les
fleurs n'ont donc pas été de tout temps incompatibles avec le deuil ;
aujourd'hui on les écarte de tous les lieux où régnent la douleur &
les larm.es : on les regarde comme le fymbole de la joie & la parure
inféparable des fefl:ins , particulièrement fur la fin des repas , où elles
viennent avec les fruits ranimer la fête qui commiCnce à languir.
Les fleurs nous donnent des pâtes qui enrichiilent nos defferts; des
poudres qui parfument nos demeures , & même des remèdes qui nous
foulagent de quantité de maladies. Les violettes, les jonquilles, les
fleurs de pêcher , les rofes, les jafminSj les œillets , & fur tout les fleurs
d'orange , nous fourniffent des firops , des conferves , des confitures ,
des elTences , des eaux difl:illées, qui nous font jouir des odeurs les
plus exquifes , & des autres qualités des fleurs long-temps après qu'elles
font paffées. Combien d'autres fleurs peuvent fervir pour les parfums,
les odeurs , & même pour les fards , en un mot pour les différentes
préparations des toilettes !
F L E 7^3
Chaque fleur a reçu de la nature la commifTicn de renouveller &
de perpétuer d'année en année la plante qui luiadonné naiflancejc'eft
elle qui fait naître la graine qui lui fuccede. La fleur porte dans foa
fein un germe reprodudif, qui procure l'immortalité à fon cfpece ; &
fouvent elle nous prépare un fruit délicieux, un grain nourriiïant , une
farine dont le goût , quoique (impie , eft toujours attirant, & qu'on
préféreroit , dans la néceffité du choix, aux alimens les plus piquans,
les plus délicieux , & les plus recherchés. Aulîi Pline a-t-il eu raifon
de dire, in jlonhus natura c(l niaxima.
FLEUK. D'ARGENT. Nom que plufleurs Auteurs donnent au lait
de lune. Voyez ce mot.
FLEUR D'ASIE, Différens Voyageurs ont donné ce nom à un fel
qui fe trouve à la furface de la terre dans plufîeurs endroits de l'Afie :
on l'appelle auiîi terre favonmufe de Smyrne, C'eft le natron. Voyez ce
mot.
FLEURS DE BISMUTH & DE COBALT. Voyei aux articles
Bismuth & Cobalt.
FLEUR DE CHAUX NATURELLE, calx nativa. On donne ce
nom à un guhr de craie , qu'on rencontre quelquefois nageant à la fu-
perficie des eaux thermales. Ce guhr a la propriété de reluire dans
Tobfcurité, propriété qu'il tient probablement des parties animales qui
fe rencontrent toujours dans la terre marine ou calcaire.
FLEUR DU CIEL ou NOSTOCH. Voye^ Mousse membka-
NEUSE.
FLEUR DE CONSTANTINOPLE. Foye^ Croix de Jéru-
salem.
FLEUR DE CUIVRE, j?.95 cupri. Des Minéralogiflies donnent ce
nom aux petits grains rouges de cuivre vierge : ils l'appellent aufïi
verre de cuivre.
FLEUR DORÉE. Nom donné à la marguerite jaune. Voyei Mar-
guerite.
FLEUR D'EPONGE. Communément on donne ce nom aux bran-
ches de l'éponge rameufe. Foye^ Eponge à la fuite de ^article Co-
RALLINE.
FLEUR DE FER , fios martis. Les Naturaîifl:es donnent ce nom à
une fubftance pierreufe qu'ils regardent comme une mine de fer blan-
che ; voye'j^ au mot Fer \ mais fouvent ce n eft qu'une concrétion pier-
Ddddda
7<5'4 ' F L E
reufe accidentelle , une forte de ftaladite rpatheufe , formée dans les
cavernes des mines ou dans des fiffures de rochers. Lorfque ces concré-
tions contiennent effedivement du fer, ce qui eft très-rare, étant ex-
pofées au feu , elles y deviennent noires. On trouve beaucoup de ces
belles ftaîadites , appellées Jlos ferri dans la Hongrie , dans les Pyré-
nées ; celles de Stirie font d'un blanc de neige , mais elles brillent
moins que celles des Pyrénées dont le tifiu extérieur eft raboteux &
femble n'être qu'un amas d'aiguilles fpatheufes. Il faut ufer de précau-
tion quand on détache ces criflallifations dans les fouterrains , afin de
les obtenir bien conf rvées : l'on doit avoir quelqu'un qui foit prêt à
les recevoir tandis qu'on introduit des coins de fer à coups de marteau
parla bafe de la congélation. Confultez les Mém, de. tAcad. des Scienc,
ann. lyS^, p. iSo.
FLEUR DU GRAND SEIGNEUR. Voyei à la fuite du mot Am-
BEETTE.
FLEURS DE GRENADE. Voye^ Balaustes.
FLEURS DE GYPSE. Voye^ à Canïch Gypse.
FLEUR DE JALOUSIE. Voy^i Amarante.
FLEUR D'UN JOUR. Voye^ Hemerocale.
FLEUR DE LA PASSION. Voyti Grenadille.
FLEUR DE MUSCADE. On donne improprement ce nom au
macis , qui eft une féconde écorce de la mufcade. Voyez ce mot.
FLEUR DE PAON. Foyc^ à VarùcU PoiNCiLLADE.
FLEUR DU PARNASSE , ^mmen Parnajjî. Plante annuelle qui
vient ordinairement dans les prés & dans les lieux humides. Sa tige eft
d'un demi pied de haut, menue, chargée de feuilles arrondies & atta-
chées à de longues queues rougeâtres , femblables à celles de la violette
ou du lierre , & embraflees vers le bas d'une feuille fans queue. La
fleur eft rofacée ou blanche , compolée de dix feuilles , cinq grandes
& cinq petites , qui font frangées : à ces fleurs fuccedent des fruits ovales
remplis de femences , qu'on peut femer fur couche ou en pots , quand
on veut placer cette plante dans les jardins.
FLEUR DE SAINT- JACQUES. Voyc^ Jacobée.
FLEUR DE SEL MARIN , adarcc. On donne ce nom à une écume
falée , qui s'attache aux rofeaux & à plufieurs autres plantes fur les
bords des mers , & qui s'y endurcit : on l'eftime propre à détruire les
dartres & autres maladies de la peau,
F LE F L U 7(^^
FLEUR DU SOLEIL. On donne ce nom à Vhyfope des gangues :
voyez Héliantheme, & à l'article Herbe au foleiL
FLEURS DE SOUFRE NATURELLES. Foye^ à Vartïde Sou-,
FRE.
FLEUVE. Voyei^ au mot Fontaine.
FLEZ ou FLETELET ou FLET , fietUta, Efpece de poiifons plats
fort communs fur la côte du Boulonnois & en Angleterre : ils font très-
bons , agréables au goût , & à-peu-près de la même qualité que la
limande,
hejiei eft couvert de petites écailles noires , marbrées de rouge ; il
refTemble beaucoup au carrelet. Ce poiflbn de mer ne fe trouve point
dans la Méditerranée , mais il entre dans les rivières qui confluent à
l'Océan. Quoique le flez ne foit pas ordinairement plus gros que la
limande , on dit en avoir vu qui pefoient jufqu'à quatre-vingts livres.
FLIONS , tcllinx. Ce font des coquillages bivalves , du genre des
Cames, Voyez ce mot , & celui de Telline.
FLORÉE D'INDE ou COCAGNE. Foyei Vartïde Pastel.
FLORÎPONDIO 5 Jiramonioïdes arborcum , oblongo & integro folio ^
fruclu levi. Arbre de plein vent & commun dans le Chili , dit le Père
FeuilUe , à qui feul nous en devons une exaâe defcription. Cet arbre
s'élève à la hauteur de douze pieds : la grolfeur de fon tronc , qui eft
fort moelleux , eft à-peu-près de fix pouces : fes branches forment tou-
tes enfemble une belle tête fphérique ; elles font chargées de feuilles
cotonneufes qui naiflent comme par bouquets ; les moyennes ont envi-
ron fept à huit pouces de longueur fur trois à quatre pouces de largeur;
leurs nervures forment un réfeau très -agréable. Les fleurs font en tuyau,
blanches , d'une grande beauté & d'une odeur admirable : il leur fuc-
cede des fruits arrondis , gros comme une orange , couverts d'une
écorce d'un vert grisâtre , & contenant plufieurs amandes. Les Chiliens
fe fervent des fleurs àt fioripondio pour amollir, réfoudre & pouravan^
cer la fuppuration des tumeurs.
FLOS-FERRL Foye^ Fleur de Fer.
FLOTS ou VAGUES. Foyci à Fartide Mer.
FLUKEN. Nom que les Mineurs du pays de Cornouaiîles donnent à
une efpece de terre grisâtre, qui contient des fragmens de quartz roulés,
Voye^ Quartz.
FLUORS MINÉRAUX ou FLUEURS , fiuorcs. On donne ce
7^(? F L U
nom à des criftallifations peu dures, prirmatiques ou cubiques, ou
pyramidales, blanches ou colorées, plus oU moins ti^.iirparentes. On
dit qu'on en trouve beaucoup à l'embouchure dcc volcans , mais on
en rencontre plus communément dans la furface intéiieure des falban-
des qui tapiflent les filons des mines , & quelquefois contre les parois
ou à la voûte des grottes dans les montagnes primitives. On regarde
les primes d'émeraude & d'améchyfte, les faiiifes topafes , &c, qui
font tendres, plus ou moins tranfparentes, mais pefantes & fembiables
au fpath fufible, comme de véritables fluors minéraux. Encdius , de
Rc MetdUicci ^ pag. lâC, èd'it. de Francfort, '"J^y , donne le nom de
Jluors à des criftaux qui fe fondent fi f.icilement au feu, qu'ils fem-
blenty couler & fluer, comme fait la glace au foleil. Les Mineurs
Allemands donnent le nom de JIu[fe aux fluors, parce qu'ils ont fou-
vent la propriété de fervir de fondans ou de flux aux mines que l'on
exploite dans leur voifinage. Ces fortes de fondans , indépendamment
de leur propriété qui facilite la fufion des métaux, les dégage au iïï
des matières étrangères qui leur fervent de gangue. Quand on expofe
un fragment de fluor fur un charbon ardent ifoîé, il jette une lueur
pâle, s'il étoit blancj émeraude, s'il étoit vert; bleuâtre ou violet, s'il
étoit pourpre nué de noir ou couleur d'améthyfle. On voit diftinfle-
ment paffer fuccelfivement cet éclat entre chaque petite lame qui
compofe le morceau, avec diiférens accidens dans ces couleurs; &
comme la chaleur du charbon n'augmente point , 1 effet de cette pierre
phofphorique fe foutient affez long-temps, jufqu'à ce quelle vienne à
décrépiter comme du f^l marin; alors les lames s'éparpillent fans cou-
leur , fans tranfparence. Ainfi c'eft par l'ignition que les fluors miné-
raux acquièrent & perdent leur éclat phofphorique.
Les Fluors spathiques fontlesfpaths vitreux.llyQU a de différentes
figures & couleurs. Foyei r article Spath fusible.
FLUTE. Efpece de poiffon des Indes , ainfi nommé à caufe de fa
longueur comparée à la petiteffe; en effet, il eft aufîl menu que le
petit doigt. Il fait, dit-on, tant de bruit par fon fifflement, que la nuit
on l'entend d'affez loin. Les habitans d'Amboine s'en nourriffent. Les
Hollandois l'appellent j?/«//er. Des Voyageurs donnent le nom de fiae
à la murène. Voyez ce mot.
FLUX & REFLUX DE LA MER. Les Marins donnent ce nom,
ou celui à^ flot, à l'élévation périodique des eaux de la mer; & ils
FOC FOI 16-1
appellent rejlux ou jufant , labaiflement de ces mêmes eaux. Le
moment où finit le flux lorfque les eaux font ftationnaires , s'appelle
la haute mer; la fin du refiux s'appelle la bajji mer. Voyez ce
qui eft dit de cette merveille continuelle de la Nature à l'article
Mee.
FOCA ou FOCAS. Fruit en forme de poire & d'une belle cou-
leur de pourpre, qui rampe à terre comme le melon, & dont on vante
le goût. Ce fruit croît dans l'île de Formofe, près de la Chine. Hubner ,
Dicl. Univerf.
FCETUS. C'eft l'animal formé dans la matrice de fa mère. Quels
font les premiers principes de ce corps? comment commence-t-il ? eft-
11 d'abord tout formé ? C'eft un point que toutes les recherches &
les obfervations faites fur la génération tendent à éclaicir. Ainfi , fans
nous arrêter aux différentes hypothefes imaginées pour expliquer les
principes du développement des corps animés, nous renvoyons nos
Ledeurs au mot Homme , où l'on remonte à la forme du corps
humain la plus petite que les yeux les mieux habitués à obferver
aient pu appercevoir. ^<3y^{ a«^ Génération, Embryon, & ce qui
eft à\t du fœtus à la fuite du mot Homme. A l'égard des fœtus informes,
foit d'humains ou de brutes , ce font des variétés monftrueufes qui
caufent le regret & l'étonnement. C'eft la Nature qui a été troublée dans
fon opération. Foyi?^ Monstre & Hermaphrodite.
FOIE. Foyei à L'article Homme.
FOIN , fœnum. On donne ce nom à l'herbe des prés quand elle
eft mûre. Le gramen y domine, ainfi que le trèfle , le plantain. Il n'eft
pas rare de diftinguer dans un foin bienfaifant , appétiflant & fuccu-
lent, la jacée noire , la graffette des prés , la pimprenelle des près , les
pâquerettes, le tuiîilage, tous les chiendents, le fainfoin, la petite
chélidoine , le trèfle des prés, les marguerites, la dent-de-iion, la pri-
mevère, foliet ou le trefleTauvage jaune, &c.
On fauche les foins en Juin , quand l'herbe commence à jaunir &
qu'elle eft en graine : enfuite on laiffe fécher & faner l'herbe fur le pré,
& on la remue de temps en temps avec des fourches; trois jours après
on met le foin en filions ou en petits tas; enfuite on en fait dQS
meules hautes & rondes, & on le laiife fuer en cet état, puis on le
met en bottes fur le pré, & enfin on le ferre dans le fenil. Il y a
même bien des pays où l'on ferre le foin fans le botteler. Lorfque
7^8 FOI F O t
toutes ces opérations font faites par un beau temps , le foin peut fe
garder en meule ou dans le fenil au moins deux ans; s'il avoit été
mouillé 5 il pourriroit en tas , s'échaufFeroit , & l'on prétend qu'il
pourroit même mettre le feu au grenier. Le Laboureur peut prévenir
cet accident en logeant au cœur du tas deux ou trois fagots d'épines,
ou feulement en faifant piuileurs trous ou cheminées dans le tas avec
une perche pointue; par ce moyen il ménage une iil'ue où les exha-
laifons chaudes viennent fe rendre de toutes parts, & perdent leur
adivité. M. Byjurgcois obferve que le premier foin qu'on fauche fur
la lîn de Juin , s'échauife dans le tas rarement afiez au point de s'en-
flammer ; mais le regain ou fécond foin qu'on fauche ilir la fin d'Août
ou au com.mencement de Septembre, eft beaucoup plus fujet à cet
accident. Le même Auteur ajoute que ni le foin ni le regain ne
s'échaufl^ent au point de s'enflammer , quoique mouillés par la pluie
ou les brouillards lorfqu'on les ramaffe, s'ils ont été auparavant iufii-
famment fanés & fcchés fur le pré, il n'en réfaîte que la pourriture du
tas de foin.
Le foin defl"éché efl: l'aliment ordinaire du cheval & de la plupart
des beftiaux : la quantité en efl: nuihble aux vieux chevaux qu'elle
conduit à la poufle. On doit faire attention à la qualité du foin , qui
varie félon la fituation & la nature du terrain & des prés, où on Ta
cueilli. Le foin va(é , le foin nouveau, celui qui eft trop gros, ou qui
eft pourri, &c. ne peut être que très-nuifible au cheval, & fur- tout
celui dans lequel il fe trouve des plantes pernicieufes, Foye^
FOUERAGE.
FOIN DE MER. C'eft le fucus : voyez ce mot. On donne le
nom de gros foin au fain-foin : voyez ce mot.
FOLE. C'eft un animal qui fe trouve en Chine, & que les habi-
tans du Royaume de Gama ont nommé ainfi : il a prefque la forme
humaine , les bras fort longs , le corps noir & velu ; il marche avec
tant de légèreté ôc de vîtefîe , qu'on ne peut le furpafler à la courfe.
Cet animal qui eft, dit-on, anthropophage, ne feroit-il point une
efpece de grand finge ?
FOLÎO , cytharus. Nom qu'on donne à Rome à un poifibn de merplat,
& femblabîe à la foie : il a la langue , dit- on, déliée , & les dents ferrées
les unes entre les autres : fes écailles font âpres , grandes , & en figura
de lofange : il a depuis l"a tête jufqu'à la queue , par le milieu du corps *
une
•
FOL F O N 7(5'p
une ligne menue comme une corde de luth ; quelquefois ce trait eft
afïèz large : fes parties intérieures font en tout femblables à celles du
turbot & de la foie. Comme ce poifibn fe nourrit d'algue, fa chair n'eft
pas de bon goût. Lq folio eft différent du babillard. Voyez ce mot,
FOLLETTE. Voyc^ Arroche.
FOLLICULE DE SÉNÉ. Foye^ Séné.
FONDRIERE. On donne ce nom en général à toutes les profon-
deurs répandues fur la furface de la terre qui fe font faites par des affaif-
femens ou éboulemens de terrains que le feu , l'eau ou d'autres caufes
naturelles ont mmés, Foye-^ Us articles CAVEfiNE, Grotte, Terre &
Argile.
FONGîPORE , fimglpora. On donne ce nom à quantité de produc-
tions marines à polypier, d'une ftrudurelamelleufe ou feuilletée , dont
les figures font différentes entr'elles ; plufieurs reffemblent aux cham-
pignons terreftres , dont la partie inférieure feroit en deffus. Il y en a
dont les lames font dentelées, d'autres où elles font unies, d'autres les
ont très- faillantes, pointues , plifTées ou finueufes ; mais toujours fous
des formes très-variées. Les clallifications que les Auteurs en ont faites
jufqu'aujourd'hui font très-nombreufes & très-embrouillées. I-a plupart
étant formées fur des différences individuelles , ou des variétés dans
l'efpece ; il eft plus naturel de les diftinguer par la totalité de la figure
que par quelques accidens. Alors on auroit le bouquet de mer ou œillet
de mer , dont on diftingue beaucoup de variétés fous le nom de caryo-
philloides de mer : les alcyons fojjîles ; voyez AlcyoNIUM : les caricoïdes èc
ficoïtes ; voyez Figues fossiles ;. Us champignons de mer fojjîles , ainfî
nommés de leur reffemblance avec les champignons terreftres.
On trouve beaucoup d'autres fortes de fongipores fous d'autres
figures , qui relfemblent un peu au lépas , ceux-ci font des fongites ,
ou qui font orbiculaires , ou repréfentent des agarics ou champignons
qui croiffent au pied des arbres ; il y en a qui reffemblent à des huras ,
à une morille , à une petite tête de chou , aux feffes , à un chapeau
détrouffé; ce font des caricoïdes ou pores : la plupart des fongipores
font cannelés & étoiles , quelquefois liffes. On en trouve beaucoup en
Lorraine & en Touraine. Quantité de pierres calcaires à bâtir àt^ envi-
rons de Paris, fur-tout celles de Verberie , font remplies & formées
pour la plus grande partie de ces dépouilles de la mer, dont on attribue
Tom& II, E e e e e
770 F O N
la fabrique à des polypes. Voyez ce mot , ainfi que les articles
CokAIL, CORALLINE, FoNGiTE & CaRICOIDE.
FONGITES 5 fungitei. Ce font des corps marins & polypiers deve-
nus foflUes , & qui fe diftinguent par leur figure en entonnoir plus ou
moins évafé , & plu« ou moins conique. Les petits trous dont la par-
tie évafe'e eft intérieurement percée font , ainfi que le préfume M.
Gucttard , les extrémités fupérieures d'autant de tuyaux, qui par leur
réunion & l'arrangement qu'ils prennent , forment les corps infundibu-
liformes que nous trouvons maintenant dans la terre. Souvent ces trous
ont été remplis par une matière pierreufe , qui a rendu la fubftance de
ces foifiles, un corps liffe & continu. Ainfi le caradere générique de
ces fortes de polypites ou polypiers foOiles eft d'être d'une figure in-
fundibuliforme ou en entonnoir , dont le pavillon eft parfemé intérieu-
rement ou extérieurement de petits trous fimples ou non radiés , &
avec ou fans un pédicule. Le bonnu de. Neptune ou mïtre Polonoifc , font
dtsfongitcs,
FONTAINE ou SOURCE , fons. On a donné proprement le nom
de fontaine aux eaux qui fourdent de certaines couches de la terre en-
tr'ouvertes , s'amaiTent dans de grands baflins , & verfent enfuite au
dehors ce qu'elles ont reçu. Il femble qu'on ne défigne par le nom de
fource , que les canaux naturels qui fervent de conduits fouterrains aux
eaux , à quelque profondeur qu'ils foijnt placés.
Comme prefque toutes les rivières tirent leur origine des fources
& des fontaines, '& que les fleuves font formés de la réunion des ri-
vières, nous allons en donner l'hiftoire dans ce même article ; leurs
phénomènes font liés trop intimement par la nature pour en faire des
articles féparés. D'un côté, il n'y a point d'effets plus vifibîss, ni peut-
être de plus grand ornement dans notre globe, que cet inépuifable Piux
des fontaines, & ce cours des rivières & des fleuves, qui roulent ma-
jeftueufement leurs eaux à plein canal, dans la longue durée des fiecles.
D'un autre côté , il n'y a point d'effet dont la nature femble avoir
plus afftd:é de nous cacher les caufes. Où peuvent être placés les ré-
fervoirs, pour ai-. fi dire, éternels, immenfes , invifibles, qui de leur
plénitude fourniffent d'une manière aifée des eaux toujours nouvelles,
& qui rempH-ffent par des canaux inconnus les vaftes lits des fleuves,
avec une profufion alTez grande pour pourvoir à tous nos befoins, &
F O N 771
ordinairement afTez mefurée pour ne pas toujours inonder la terre au
lieu de la fertilifer? Par quel mécanifme enfin ces rélervoirs réparent-
ils abondamment leurs pertes journalières ?
Les hommes ont fait ufage de tout leur génie pour chercher l'ori-
gine de ces phénomènes. Il y a diverfité de fentimensjmais dans celui
que nous allons préfenter au Ledeur , on reconnoît la marche de la
nature, & il paroît porté jufqu'à l'évidence, par les démonftrations
des Mariotus & des Halley,
Il s'élève continuellement, fur-tout à l'aide de la chaleur, des ri-
vières , des fleuves, des lacs, de toute la furface de la mer, une vapeur
qui efl emportée dans l'étendue de l'air, en forme de nuées ou brouil-
lards. Cette vapeur fuit l'imprellion des vent? , & ielon qu'elle rencon-
tre un air froid ou qu'elle fe trouve arrêtée par les montagnes , elle
fe condenfe & fe réfoud en rofée, en neige , en pluie. Les eaux qui
en proviennent, trouvent enfuite diverfes ouvertures pour s'infinuer
dans le corps des montagnes & des collines , où elles s'arrêtent dans
des cavités & fur des lits , tantôt de pierre , tantôt de glaife , & for-
ment, en s'échappant de côté, par la première ouverture qui fe pré-
fente , une fontaine paflagere ou perpétuelle , fuivant les circonf-
tances.
On fait par différentes expériences qu'il s'évapore par an, environ
29 pouces d'eau douce, & environ 180 lignes d'eau de la mer; or
cette évaporation efl plus que fuffifante pour produire la quantité
d'eau que les fleuves portent à la mer. Jean Keil prouve par un cal-
cul aflfez plaufible, que dans l'efpace de 812 ans toutes les rivières en-
femble rempliroient l'Océan; d'où il conclut que la quantité d'eau qui
s'évapore de la mer , & que les vents tranfportent fur la terre & fur
les hautes montagnes , pour produire les ruiffeaux & les fleuves, eiî:
d'environ les deux tiers d'une ligne par jour, ou 21 pouces par an ;
ce qui confirme ce que l'on vient d'avancer, que les vapeurs de la mer
font fuffifantes pour produire les fleuves s le furplus de ces eaux cfl;
abforbé & employa pour la nourriture des végétaux & des ani-
maux.
Ce fentiment paroît beaucoup plus vraifemblable que celui de Dif-
cartes , qui fuppofoit que les eaux s'élevoient dans les montagnes en
vapeurs, comme dans un alambic. D'un autre côté, l'expérience ayant
démontré l'impoflibilité de deflaler l'eau de la mer , & de lui enlever
Eeeee 2
772 F O N
fon efpece de goût bitumineux & fa vifcofité par la feule innltrationj
cela prouve la faufleté dufentiment de ceux qui difoient que les eaux.
de la mer fe filtroient à travers les terres dans les cavités des monta-
gnes. Les percolations du centre du globe à la circonférence ne font
pas plus certaines. Bernard PaliJJi y dans un fiecle encore peu éclairé
fur ces objets, étoit fi bien convaincu que les pluies forment les fon-
taines, & que l'organifation des premières couches de la terre eft très-
favorable à l'amas des eaux, à leur circulation & à leur émanation,
qu'il publioit hautement être en état d'imiter ces opérations de la na-
ture. Pour cet effet il auroit formé un monticule , dans lequel il au-
roit obfervé la même diftribution de couches qu'il avoit remarquée à la
furface de la terre dans les lieux qui lui avoient offert des fources. Cette
prom.elTe, difent les Auteurs de l'Encyclopédie, n'étoit point l'efl-et
de ce charlatanifme, dont les Savans ne font pas exempts, & que les
ignorans, qui s'en plaignent, & qui en font les dupes, rendent fouvent
néceifaires.
Les fontaines préfêntent des fîngularîtés bien propres à piquer la
curiofité , foit par rapport à leur écoulement , foit par rapport aux
propriétés & aux qualités particulières du fluide qu'elles produifent.
Il y a des fontaines uniformes , c'eft-à-dire , qui ont un cours foute-
nu , égal &: continuel , & qui produifent dans certaines faifons la même
quantité d'eau ; d'autres {ont périodiques ; & de celles-là , les unes font in-
termittentes , les autres font intercalaires. Les intermittentes font celles
dont fécoulement celle entièrement & reparoît à différentes reprifes
en un certain temps. Telles font la fontaine du Lac de Bourguet en
Savoie : la fource bruyante nommée Bullerborn , en Weftphalie , qui
fourd en bouillonnant ; elle efl à fec deux fois le jour : la fontaine de
Colmar en Provence , dont l'eau coule de la grofleur du bras, & s'ar-
rête alternativement de fept minutes en fept minutes jfes périodes font
extrêmement réglés. Le jour du tremblement de terre de Lifbonne,
( premier Novembre lyjy ) elle devint continue : elle n'a repris fon
intermittence qu'en 1763. Les fontaines intercalaires font celles dont
l'écoulement, fans ceffer entièrement, éprouve des retours d'augmen?-
tation & de diminution qui fe fuccedent après un temps plus ou moins
confidérable. On a donné encore le nom àQ fontaines temporaires , à celles
qui ne coulent que pendant une faifon de l'année. On ci^^ûlo. fontaines
maïaksy celles dont l'écoulement commence vers le mois de Mai^ à la
5
F O N 77
fonte des neiges , & finit en automne. II en efl à peu près ainfi des fon-
taines Journalières , elles coulent lorfque les eaux contenues dans leurs
réfervoirs font à la hauteur des canaux qui les conduifent au dehors.
Le froid de la nuit fufpendant ou diminuant la fonte des neiges , doit
fufpendrele cours de ces eaux. Enfin plufieurs fontaines préfentent dans
leurs cours des modifications qui les font pafler fuccefîîvement de l'uni-
formité à l'intermittence & de l'intermittence à l'intercalaifon , & reve-
nir enfuite à l'uniformité par des nuances aufli marquées.
Les fontaines vraiment intermittentes , celles qui ont attiré l'atten-
tion du peuple & des Philofophes , font celles dont l'intermiffion ne dure
que quelques heures ou quelques jours. On explique d'une manière fort
ingénieufe , & qui paroît très - naturelle , le mécanifme des fontaines,
périodiques , foit intermittentes , foit intercalaires. On fuppofe dans
les collines des cavités où fe réunifient les eaux ; & comme il y a dans
les couches de la terre des courbures très-propres à donner aux couches ,
qui contiennent les eaux pluviales , la forme d'un fyphon, il réfulte que
les écoulemens périodiques dépendent du degré de hauteur de l'eau
dans l'une des branches du fyphon. On peut voir dans ï Encyclopédie un
détail très-curieux & très-bien expliqué de ce mécanifme des fontaines.
Ce détail efl; de M. Defmarets , fi avantageufement connu des Phyfi-
ciens. A l'égard des fontaines que l'on remarque fur le fommet de cer-
taines montagnes , elles ont leurs réfervoirs dans des montagnes plus
élevées ; quand ces dernières font voifi nés des montagnes inférieures,
l'eau y tombe par fon propre poids ; mais quand elles en font éloignées ,
l'eau n'y parvient que par des canaux fouterrains qui forment une efpece
de fyphon ; par le moyen de ce fyphon , l'eau monte dans les mon-
tagnes inférieures afiTez haut pour pouvoir être en équilibre avec le ré-
fervoir qu'elle a dans les montagnes les plus élevées ; & comme fouvent
elle ne peut être en équilibre , qu'elle ne parvienne jufqu'au fommet
même de la montagne, c'eft par cette raifon que Ton voit quelquefois
des fontaines fur les fommets de certaines montagnes.
Le peuple dans les pays qui avoifinent certaines fontaines périodi-
ques, a toujours été effrayé, ou livré, à la vue de ces vicifiitudes & dis
dénouemens de ces bizarreries apparentes dont il ignoroit la cauCe, à
des croyances fiiperfliitieufes , qui dans les matières de phyfique font
toujours fon partage.
Fline^ Ub^ j/, cap^ 2, nous apprend que lesCantabres tiroient des
774 F O N
augures de l'état où ils trouvoient les fources du Tamaricus, ( aujour-
d'hui la Tarmara , dans la Gai, ce. ) Ils regardoient comme un augure
finiftre , lorfque la fontaine venoit à ceffer de couler dans l'inftant qu'on
la regardoit. Les Prêtres des Dieux qui tenoient regifùre des temps où
ces fontaines couloient, pouvoient, moyennant des falau'es honnêtes,
procurer la fatisfadion & raiTurance de voir couler les fources.
Dans des temps moins reculés on voit eîîcore le même efprit de
fuperfiition : le peuple croit en Savoie , que la fontMne des Msrvci/Us,
près de Hautecom.be, ne coule point en préfence ce certaines perfjnnes.
On retrouve les mêmes idées dans les habitans deBrifcam en Devons-
hyre, au fujet de la fource périodique de Lawyel,dont les flux & les
repos intercalaires fe répètent jufqu'à feize fois pendant une demi-
heure : on fent bien qu'elle doit céder de couler devant celui qui arrive
à l'inflant de l'intermittence naturelle de la fontaine.
On a attribué plusconftamment aux fontaines la propriété d'annoncer
l'abondance ou la difctte ; cette idée ne paroit point fi erronée que la
précédente; ces préfages peuvent avoir une caufe phyfique aifée à faifir.
On fait que certaines années pluvi&ufes ou feches, font ftériles ou abon-
dantes. Une fontaine qui éprouvera, dans fon cours, des variations qui
feront dépendantes de la fécherefle ou des pluies, fera une efpece de
météorometre, qui , la plupart du temps , rendra des réponfes aflez jufles.
Jean Fabn , Médecin de Caflelnaudary, prétend que les habitans de
Beleftat, en Languedoc, peuvent juger des années par le cours de Fon-
teftorbe , qui fignifie la fontaine intermittenie : elle eft fituée dans le
Diocèfe deMirepoix.On nomme fo niai ne defamim celles qui ne coulent
que quand il pleut trop, ou qui celTe de couler quand il ne pleut pas
aflez.
Les fontaines périodiques varient beaucoup pour la durée de leur
intermittence. Les unes ont des intermittences très-longues, & d'autres
très-courtes : celle de Colmar, dans le Diocèfe de Senez en Provence ,
coule huit fois dans une heure , & s'arrête autant de fois. Tous ces effets
doivent dépendre en partie de la cavité plus ou moins grande qui corref-
pond à une des branches du fyphon.
Dans le Royaume de Cachemire , on voit une fontaine maïale qui
coule & s'arrête régulièrement trois fois en vingt-quatre heures , au
commencement du jour, fur le midi, & à l'entrée de la nuit: elle ne
coule que pendant le mois de Mai, temps où les neiges fondent; elle
F O N 77;
tarit enfin & demeure à (ec pendant le reftede Tannée. Cependant après
de longues pluies, elle coule fans intermittence & fans ordre, comme
les autres fontaines ; ainfi elle efl: maïale, intermittente & uniforme.
Il y a des fontaines qui ont des fiux &: reflux : il efl: très-poflible que
celles qui font fituées à une très-petite diftance delà mer, aient avec
ces eaux une communication fouterraine ; l'intumefcence produira un
refoulement jufques dans le bafiin de ces fources, allez femblable à celui
que les fleuves éprouvent à leui embouchure lors du flux.
Il y a des fontaines dont l'eau, quoique très-froide , ne laiiTe pas de
bouillir, & d'imiter le mouvement qu'elle auroit fur le feu ; telle efl
la fontaine nom.mée la Ronde, à deux lieux dePontarlier , en Franche-
Comté : la caufe de ce phénomène pourroit bien n'être qu'un air
comprimé renfermé fous terre, & pouffé continuellement à la furface
de l'eau, ce qui lui donne fenfîblement aufîi la propriété du reflux. Le
flux n'a pas plutôt commencé, qu'on entend au-dedans de la fontaine
une efpece de bouillonnement , & qu'on en voit fortir l'eau de tous cotét::
elle produit alors plufieurs bulles , & s'élève toujours peu-à-peu jufqu'à
la hauteur d'un pied ou environ. Elle fe répand enfuite dans un balfm
qu'elle s'efl pratiqué près d'elle. Quand le reflux fe fait, l'eau defcend
peu-à-peu & à peu près dans un même efpace de temps aufli court
qu'il lui en a fallu pour monter. Le période du flux. & reflux dure
environ fîx à fept minutes , & l'intervalle de temps qui règne entre les
deux n'eft tout au plus que d'environ deux m.inutes. La defcente de
l'eau efl fi apparente que la fontaine en tarit pref-ju'entiérement :
cependant l'un des reflux eft régulièrement toujours différent de l'autre,
en ce que la fontaine tarit prefque entièrement une fois, & qu'une autre
fois il refle un peu d'eau dans le baflin, ce qui fe continue toujours
alternativement & en même proportion , fans augmenter ni diminuer.
Vers la fin du reflux, & lorfqu'ilne refte prefque plus d'eau à rentrer,
on entend un petit bruit, comme une efpece à^ gazouillement frémijjant
qu'on pourroit très- bien rendre en Italien par le nom de gargogliofamofo„
On voit aulTi une pareille fource près de Velleia en Italie.
Vann'm place au Japon une fontaine thermale & périodique. Ses
écoulem.ens fe répètent deux fois par jour & durent une heure : feau en
fort avec impétuofité, & forme près de là un lac brûlant. Son eau efl,
dit-il, plus chaude que l'eau bouillante.
La iource de la Reinette , à Forges , offre fur les fix à fept heures
775 F O N
du foii- C<: du matin un phénomène digne de remarque; l'eau de cette
fource fe trouble,, devient rougeâtre, & fe charge de flocons roux,
fans être plus abondante dans ces changemens.
Il y a des fontaines , telles que celles d'Arcueil près de Paris, & celles
que l'on voit à Clermont en Auvergne, dont les eaux font chargées de
particules pierreufes infen(ibles qui s'incruftent fur les corps que ion
jette dans ces fontaines: d'autres, chargées de particules cuivreufes,
recouvrent d'une couche cuivreufe la furface des morceaux de fer
qu'on y jette. Il y a de ces fontaines en Pologne & dans ies monts
Crapaks en Hongrie, Fojei Eaux cémentatoires & Cuivre de
CÉMENTATION.
Les eaux d'une fontaine de Paphlagonie ont la propriété d'enivrer
comme le vin ; & celles d'une fontaine de SenlilTe , village proche de
Chevreufe , font tomber les dents fans fluxion & fans douleur. Il y a de
ces fontaines dont ies eaux font chaudes; on les nomme eaux thermales,
y oyez à l'article Eau,
Il y a des fontaines & des ruifleaux dont les eaux ont des faveurs
falées ; conimunément elles doivent leur origine à des eaux qui ont
diflous telle ou telle efpece de fel dans leur trajet fouterrain. La fon-
taine qui eft au milieu de la ville de Salies dans le Béarn, fournit un
exemple de ces eaux falées ; on y obferve que l'eau s'élève fortement
à dilïerens bouillons par une ouverture ronde , de trois à quatre pieds
de circonférence ; cette ouverture forme le haut d'un puits dont la
profondeur eft de trois pieds. Voici un fait bien (ingulier; c'eft que plus
on tire d'eau de cette fontaine & plus elle en fournit. On prétend que
la caufe de ce phénomène dépend du poids de l'eau fupérieure,& du
puits à jour qui retarde la fortie de celle qui vient de la fource. Cette
fource n'eft pas toujours également abondante, elle l'eft plus en Février
& Mars que dans les autres mois de l'année, & elle l'eft beaucoup moins
dans les mois d'Oétobre , Novembre & Décembre: foixante-huit
livres d'eau fournillent ordinairement douze livres de fel. On préfurae
bien que cette eau qui, fuivant l'expérience de M.d'OrbeJ/anyeû falée
un peu plus de cinq fois que l'eau delà mer; que cette eau, dis-je,eft
d'une grande reîlburce pour les habitans de Salies.
On voit d^autres fontaines ou ruifleaux dont il s'élève des vapeurs
infenfjbks qui font inflammables; fi on y approche du feu, une flamme
Jégere fe aépand aufli-tôt (ai l'sau comme fur l'çfprit de vin. Ce phé-
nonîçne
F O N ■■ ^- 777
nomene dépend vraifemblablement de ce que ces eaux, pafiant par
des mines de foufre & de bitume, fe chargent de particules éthérées,
qui s'enflamment aufîi-tôt qu'on y approche un flambeau allumé. On
voit près de Bofeiey, dans la Province de Shiop,]a faraeufe fontaine
brûlante. L'eau qu'eile contient efr froide ,mais éile e;{hale'des vapeurs
que l'on enflamme avec une chandelle allumée, ^ufli-tôt il en part
des flammes tellement chaudes & brûlantes , qu'elles réduiient en un
moment de gros morceaux de bois vert en cendres, J^oyz:^ à rartlck
Volcan.
On peut aulîi rapporter ici les flngularités de quelques étangs. Les
uns fitués au milieu des continens, font pleins pendant la fécherefle, ôc
prefque à fec pendant la pluie. D'autres aflez près de la mer ou d^s
rivières qui ont le flux & reflux , baifient quand la marée efl: haute ,
& montent quand la m.arée eft baflfe. Tel efl: l'étang de Greenhive, entre
Londres & Gravefand. Voyez à l'article Puits.
On peut expliquer par le mécanifme des fontaines périodiques un
phénomène fingulier que préfentent certaines cavernes. Près de Salfé-
dan, dans les montagnes des environs de Turin, efl: un rocher qui a
une fente perpendiculaire , d'où il fort pendant un certain temps un
courant d'air aflîez rapide pour repoufler au-dehors les corps légers
qu'on expofe à fon action; enfuite l'air y efl; attiré, & il abforbe les
pailles & ce qu'il peut entraîner. Un femblable rocher afpire l'air Se
1 expire aufli fenflblement. Tout ceci paroît avoir pour principe le
mouvement d'un fyphon. Tandis que l'eau fouterrainc qui fe décharge
dans la caverne, n'eft pas parvenue au niveau de l'oriflce inférieur
du fyphon, l'air s'échappe de la caverne par le fyphon ,• à 'mefure
que la caverne fe remplit; mais il fort enfuite par la fente du rocher,
lorfqu'il n'a plus Tiffue du fyphon, & que l'eau d'ailleiu-s verfie par le
canal d'entretien le comprime. Il y rentre lorfque l'eau coule abondam-
^Énent par le fyphon & que la cavité fe vide, rojc^ Caverne. Tout
prouve que les eaux des fources , même celles que l'on remarque dans
les lieux fouterrains, proviennent des vapeurs aériennes & des pluies.
On lit dans les Trunjaci. Philojoph. que des ouvriers Anglois, fort verfés
dans l'exploitation d^s mines, ont obfervé que par tout où l'on trouvoit
de l'eau fous terre, ony avoitauflî trouvé de l'air; qu'au contraire quand
Teau manquoiton ne trouvoit plus d'air à refpirer,& que leurs lampes
s'éteignoient. Or cela ne peut provenir que de ce que les mêmes ouver-
Toms //. ^ Fffff
77S F O N
tures qui ont fervi à introduire l'eau fous terre , ont auflî fervi à y intro-
duire l'air avec une égale liberté. On en doit donc néceflairement con-
clure que cette eau vient des dehors de la terre , & non de la mer, par des
canaux fouterrains. D'ailleurs l'eau de puits ou de fource qui auroit
communication avec l'eau de la mer feroit fufceptible de flux & de reflux»
Fleuves ù Rivières,
Les rivières & les fleuves font des amas d'eaux qui coulent toujours,'
& dont on connoît la fource & l'embouchure. Le nom de rivière, quoi-
que générique ou commun au fleuve & à la rivière, fe difl:ingue de
la manière fuivante : le fleuve efl: une grande rivière qui porte fon
nom jufqu'à la mer, au lieu que la rivière le perd communément en
fe jetant ou dans un fleuve ou dans une autre rivière.
Les rivières & les fleuves prennent toujours leur origine du milieu
ou du bas des montagnes. Il y a fur la furface de la terre des contrées'
élevées qui paroifïent être des points de partage marqués par la nature ,
pour la difl:ribution des eaux. Les environs du mont Saint-Gotard font
im de ces points en Europe. Là fe trouvent les fources du Rhône, du
Rhin , du Danube & du Pô ; de même la montagne de Framont dans
les Vofges oïlre les fources de trois rivières; i*'. la Plaine qui fe joint
à la Meurthe ; 2°. la Saux qui fe décharge dans la Mofelle ; 3". & la
Prufche qui fe décharge dans 1 île à Strafbourg. Le mont Pilât, près de
Samt-Etienne en Forez, donne naiflance à cinq petites rivières qui
rendent leurs eaux à deux mers, à la Méditerranée & à l'Océan , par
le m-oyen du Rhône & de la Loire. Un autre point efl:, en Amérique,
la Province de Quitto , qui fournit des eaux à la mer du Sud, à la
mer du Nord & au golie du Mexique ; en Ane, le pays des Tartares
Mogob , û'où il coule des fleuves , dont les uns vont fe rendre dans la
mer Tranquile ou nouvelle Zemble, d'autres à la mer de Curée, &
d'autres à celle de la Chine.
C'efl: un fpeélacle vraiment intéreflant, que de confîdérsr une rivière
dans fes divers accroiiTcmens. Ce n'efl: d'abord qu'un filet d'eau qui dé-
coule de quelque colline fur un fond de faîrle ou de giaife. Les moin*
dres cailloux , épars à l'aventure, fufîifent pour l'embarrafll-r dans fa
route; elle fe détourne & fe dégage en murmurant: elle s'échappe ennn,
fe précipite &r gap;ne la plaine, emplit les lieux bas où elle tombe; &
grolfie par la jondion de quelques raifleaux , elle s'élève en écartant
F O N 77_9
parle choc de Tes eaux, le limon qu'elle a détaché: elle le dépofe de
côté & d'autre; elle mine infenfiblement ce qui lui réfifte, & fe ren-
ferme dans le fillon qu'elle s'cfl; elle-même tracé. La décharge des
étangs, la fonte des glaciers, des neiges, la chute des ravines & des
courans de toute efpece Tenrichident & la fortifient : elle prend un nom
& un cours réglé; de vaftes prairies & une verdure riante l'accompa-
gnent par-tout; elle tourne autour des collines, & ferpente dans les
plaines pour embellir plus de lieux , & y porter des avantages fans
nombre. Les hommes ont joint leurs travaux à ceux de la nature, pour
former des lits aux fleuves, afin d'empêcher que leurs terres ne fullent
inondées.
On a obfervé que le plus grand nombre des fleuves coulent d'O-
rient en Occident , ou d'Occident en Orient , du moins dans une partie
de leur longueur; & on ne connoît qu'un petit nombre de rivières un
peu conndérables, qui aillent du Nord au Sud, tel eft le Rhône, ou du
Sud au Nord. L'Obi, le Jenifca , le Lena , vont en effet pendant plu-
lieurs centaines de lieues du midi au Nord. Le Nil fait la même chofe,
M. Halkr rapporte que le Gange 8c les grands fleuves d'Aia, de Pégou,
& de Siam-, leMiffiilipi, l'Indus & TEuphrate vont du Nord au Midi,
Cela dépend des chaînes àts montagnes : quand elles s'étendent d'un
pôle à l'autre, comme dans TAm.érique méridionale, ^ peut-être dans
l'intérieur de l'Afrique, les rivières vont à l'Eft ou à l'Ouefl:. Quand
les montagnes s'étendent de l'Efl à l'Oueft , les rivières coulent au
Nord & au Midi.
Les fleuves'font fujets à de grands changemens dans une anriée^, fui-
vant les différentes faifons, & quelquefois dans un même jour. Ces chan-
gemens font occafionnéspar les pluies & les neiges fondues. Au Pérou
& au Chili , il y a des fleuves qui ne font prefque rien pendant la
nuit, mais qui roulent leurs eaux avec abondance pendant le jour,
parce que leurs canaux en font fournis par les neiges que le foleil fait
fondre fur les montagnes. En Europe il y a des rivières abondantes en
été , parce qu'elles tirent leur fource des glaciers, & d'autres diminuent
infeniiblement au milieu de l'été. Celles-ci ne font entretenues que par
les pluies.
On voit àos fleuves s'enfoncer brufquement fous terre , & qui repa-
roiilent dans d'autres lieux , comme de nouveaux fleuves ; tels font ,
dit-on j le Niger & le Tigre. D'autres changent de lit , comme on l'a
Fffff2^
78d F O N
obfervé la nuit du 8 Février 175-6 fur la rivière de Frooyd dans le
Comté de Monmouth en Angleterre. On affure que dans la partie occi-
dentale de rîleSaintDomingue,iiy a une montagne, au pied de laquelle
font pîufîeurs cavernes, où les rivières & les ruifleaux fe précipitent
avec tant de bruit , qu'on les entend quelquefois de fept ou huit lieues.
Au refte, le nombre de ces fleuves qui fe perdent dans le fein de la
terre eft fort petit, & il n'y a pas d'apparence que ces eaux defcendent
bien bas dans l'intérieur du globe : il eft plus vraifembîable qu'elles fe
perdent com.rae celles du Rhin, en fe divifant dans les fables, ou fe
jetant dans un grand fleuve ; ce quiefl: fort ordinaire aux petites riviè-
res qui arrofent les terrains fecs & fablonneux.
M. Guettard ,àcim un Mémoire inféré parmi ceux de l'Académie des
Sciences pour l'année lyyS , a décrit ce qu'il a obfervé dans plufieurs
rivières de la Norm.andie , qui fe perdent & reparoiflent enfuite : ces
rivières font au nombre de cinq , la Rille , l'Ithon , l'Aure , la rivière
du Sap- André, & la Drome. Les trois premières fe perdent peu-à peu
& reparoiflent enfuite ; la quatrième fe perd peu à-peu auflî , & enfin
totalement, mais elle reparoît après ; la cinquième perd un peu de fes
eaux dans fon cours , & finit par fe précipiter dans un gouffre d'où on
ne la voit plus reparoître (<:7).
Ce qui femble donner lieu à la perte de la Rille, de l'Ithon & de
l'Aure, c'efl la nature du terrain des lieux par où elles pafTent ; M.
Gutttard a obfervé qu'il efl: en général poreux, & compofé d'un gros
fable dont les grains font peu liés entr'eux ; ces rivières fe perdent tou-
tes les trois à peu-près de la même façon , c'eft- à-dire par des ouver-«
turcs .que les gens du pays appellent bêtoircs , ( voyez ce mot ) & qui
abforbent plus ou moins d'eau félon qu'elles font plus ou moins gran-
des. M. Gutttard qui les a foigneufement obfervée?, remarque que ces
bétoires font des trous formés en entonnoir , dont le diamètre de l'ou-
(•2) M. î'IaLler croit que ces abymes font fort communs. Il dit en avoir vu où l''e3ii
s'engoiiffroic par un tourbillon, & murmuroit encore fous fes pieds dans le lit de
l'eau froide. Le lac de Joux fe perd par des fentes prefqu'imperceptibles d'un roc 3 &
en général il prétend avoir obfervé que les rivières n'augmentent pas à beaucoup près
dans la proportion Ats nouveaux renforts qu'elles reoivent de toutes parts , & qu'il y
en a qui diminuent. C'eft , continue-t-il , en partie l'effet de l'exhalation j mais appa-
remment que Its eaux qui fe perdent dans le fond du lit de la rivière , y contribueat
auin.
F O N 781
verture efl au moins de deux pieds , & va quelquefois jufqu'à dix Se
quinze pieds , & dont la profondeur varie également depuis un & deux
pieds , jufqu'à cinq , fîx , & même quinze & vingt. La preuve que
l'eau fe filtre à travers le fable , c'eft que fouvent dans une bétoire qui
a deux ou trois pieds de profondeur, &" par laquelle fe perd beau-
coup d'eau , on ne peut enfoncer nulle part un bâton plus loin que la
furface de fon fond. M. Guettard eft fort porté à croire qu'il fe trouve
dans ces cantons des cavités fouterraines , par lefquelles les eaux peu-
vent couler. Vdici un fait que l'on obferve dans les bétoires des rivières
dont nous avons parlé , & particulièrement dans ceux de la Rïîle ,
qui femble prouver qu'il y a dans les montagnes qui bordent fon cours,
àiQs étangs d'eau confidcrables : ce fait eft que ces bétoires deviennent
en hiver, pour la plupart, des fontaines, qui refournifTent autant
d'eau dans le lit de la rivière , qu'ils en avoient abforbé pendant l'été;
or d'oij cette eau peut-elle venir, fi ce n'eft des réfervoirs où étangs
qui font renfermés dans les montagnes, lefquels étant plus bas en été
que la rivière, en reçoivent l'eau, & étant plus hauts en hiver par
les eaux de pluies qu'ils ont reçues , la lui rendent à leur tour.
La rivière du Sap-Andii fe perd en partie de même que celle de
Xlthon & de la Pdlk ; mais elle a cette particularité de plus , qu'à l'ex-
trémité de fon cours , & fans qu'on remarque de cavité iQx\{\\AQ dans
cet endroit , elle s'engouffre pour ainfi dire , & fans chute , l'eau paiTe
entre les cailloux. Ce qui fait prendre à cette rivière cette diredion
fouterraine , eft un obftacle que fon cours rencontre en cet endroit ;
elle y trouve une éminence de fix à fcpt pieds de haut , dont elle a ap-
paremment miné le defious pour y palier, n'ayant pu la franchir. A
quelque diftance de cet endroit elle reparoît ; m.ais en hiver , comme
l'eau eft plus abondante , elle pafle par defllis cette élévation , & foa
cours devient continu. Mais la Drome après avoir perdu une partie de
de fon eau dans fon cours , fe perd entièrement dans une efpece de
gouffre.
Il n'eft pas abfolument rare de voir de ces rivières qui fe perdent
ainfi fous terre ; la rivière d'Ierre ou Hyere a cette fingularité , qui
eft prefque inconnue à tout le monde , quoique cette rivière foit très-
près de Paris.
Une rivière aufïî bien fournie d'eau que celle-là , qui ne tarit & ne
gelé jamais lorfque l'eau a reparu fur terre j une rivière, dit M. Gua^
782 FON
tard , qui pourroit être aufii utile à Paris par fa communication avec la
Seine, mériteroit fans doute qu'on fît quelques efforts pour augmen-
ter fes eaux , ou du moins pour empêcher qu'elles ne fe perdiflent ; il
ne s'agiroit peut-être que de faire de bonne maçonnerie dans les en-
droits où elle fe perd , ou de détourner un peu fon cours dans ces en-
droits, &; lui creufer un nouveau lit : on ne rencontreroit pas par-tout,
comme en Normandie , des cailloux fans liaifon , ou liés fimplement
par une terre qui fe délaie.
Les eaux de l'Fîyere pourroient encore êcre beaucoup augmentées ,
fi on fiiifoit de pareils ouvrages pour les petits ruiffeaux qui s'y ren-
dent en hiver & qui perdent même en ce temps une partie de leurs
eaux.
Voici le détail d'une rivière de l'Orléanois, (c'eîî: le Loiret) qui
mérite l'attention du Naturalifte. Le Loiret tire fon origine de deux
fources qui en fortant de la terre fourniiTcnt feize à dix-huit pieds
cubiques d'eau: voilà donc un ruifleau affez confidérable. La grande
fource du Loiret prend de fi loin fon effort de deflous terre , que l'antre
d'oii elle s'élève efl un abyms dont il n'a pas été pofTible jufqu'à préfent
de trouver le fond. En lySS, M. d'Entragues, Gouverneur d'Orléans ,
en fit fonder inutilement la profondeur avec trois cents braffes d'une corde
attachée à un boulet de canon. Mylord BoUnghroke a répété l'expérienca
en 1732 avec aufTi peu de fuccès. La petite fource du Loiret ne fe peut
pas mieux fonder. L'on peut déduire que s'il n'y a pas un torrent rapide
& fouterrain qui auroit la propriété d'entraîner obliquement la fonde ,
il faut que ces fources foient des abymes ou réfervoirs immenfes.
Quelques fleuves fe déchargent dans la mer par une feule embou-
chure, quelques autres par plufieurs à la fois. Le Danube fe jette
dans la mer Noire par fept embouchures ; & le Volga par foixante-dix
au moins. On prétend qiie le Nil n'en avoit originairement qu'une pour
fe joindre à la Méditerranée, les fables qu'il a chariés lui ont formé
jufqu'à fept erobouchujes ; à force d'en apporter, il s'efi: obfirué le pafiage
à lui-même , & il n'en refte aujourd'hui que deux qui foient navigables.
La pente de prefque tous les fleuves va toujours en diminuant jufqu'à
leur embouchure ; mais il y a des fleuves dont la pente efl: très-bruf -
que , & forme des Cataractes, Voyez ce mot.
Une fingularité digne de rem.arque, c'efl: que les finuofités des fleuves
augmentent lorfqu'ils approchent de la mer. On prétend qu'en Amérique
F O N 783
les Sauvages jugent , par ce moyen , à quelle diflance ils font de la mer.
Il y a dans Tancien Continent environ quatre cents trente fleuves
grands comme l'efl: la Somme en Picardie, & qui tombent immédiate-
ment dans l'Océan ou dans la Méditerranée , ou dans la Mer Noire.
Dans le nouveau Continent on ne connoît guère que cent quatre-vingts
fleuves qui aillent fe décharger dans la mer.
Plufieurs rivières & fleuves roulent des paillettes d*or & d'autres
métaux. On n'en trouve une quantité un peu confidérable que dans les
faifonspluvieufes, parce que les eaux en détachent davantage des mi-
nières: c'eft aufli dans les (inuofités des rivières, que s'amaflent ces
paillettes, & qu'on les y cherche.
On voit quelquefois des rivières diminuer tout-à-coup. C'efl ainfi
que dans la nuit du 28 au 2p Décembre 1762, les qaux de la rivière
d'Eden , dans le Comté de Cumberland , baiiTerent au moins de deux
pieds perpendiculairement ; & cet abaifiement fut fi fubit que plufieurs
poifloiis n'eurent pas le temps de fuivre le courant , & furent trouvés
morts le lendemain fur les bords qui éioiert reftés à fcc. Les eaux ref-
tcrent en cet état jufqu'à onze heures du matin , ^ remontèrent en-
fuite par gradation à leur premier niveau. On n'a remarqué aucune
circonflancc qui ait pu occallonner ce phénomène.
Certains fleuves iont fujets à des débordemens périodiques , qui
inonderît toutes les terres adjacentes, en y portant en même temps la
fertilité & Tabonciance.
Parmii ces fleuves, le plus célèbre efl: le Nil, qui s'enfle fi confî-
dérablemcnt , qu'il inonde toute l'Egypte , excepté les montagnes.
L'inondation commence vers le 17 de Juin , augmente pendant qua-
rante jours , & diminue pendant le même efpace de temps. Hérodou
nous apprend qu'il étoit autrefois cent jours à croître & autant à dé-
croître. Cette diitérence dans la durée des périodes , ne peut être attri-
buée qu'à ce que les pluies & les torrens ont détaché dans les montagnes
de la terre qu'ils ont dépofée , & le terrain du Nil s'efl: élevé à pro-
portion. La caufe du débordement du Nil vient des pluies qui tombent
en Ethiopie , depuis le commencement d'Avril jufqu'à la fin de Septem-
bre , & du vent du Nord qui chafTe les nuages qui portent cette pluie
du côté de i'Abiflinie, &. fait rouler les eaux du Nil à leur embouchure.
Auffi-tôt que le vent tourne au Sud , le Nil perd dans un jour ce qu'il
avoit acquis dans quatre.
7^^ F O N
Les plus grands fleuves de l'Europe font le Volga , le Danube, le
Don. le Nieper, la Buine, puis le Rhône, le Rhin , la Loire , la
Seine ^ la Garonne , la Tvleufe , l'Efcaut , le Tage , le Guadalquivir &
le Tibre : les plus grands fleuves de i'Aiîe font le Hoanhg , le Jenifca,
rChy , le fleuve Amour, le Menamcon , le Kiang , le Gange, l'Eu-
phrate , l'Indus , & le Tigre : les plus grands fleuves de l'Afrique font
le Sénégal qui comprend le Niger , enfuite le Nil , le Zaire , le Coanza ,
la Gambia , le Zambeze , ôcc. Enfin les plus grands fleuves de l'Amé-
rique, qui font aufli les plus larges du monde , font la rivière des Ama-
zones , le fleuve Saint Laurent, celui du Miffilupi qui reçoit le MilTouri,
celui de la Pîafa , l'Orenoque & le Brava. Mais les fleuves les plus rapi
des de tous font le Tigre , ITndus , le Danube , TYrtis en Sibérie Ôc le
Malmiflra en Cilicie,
Les eaux des fleuves & des rivières , en defcendant des montao-nes ,
acquièrent une vîtelTe ou accélération qui fert à entretenir leur courant;
à mefure qu'elles font plus de chemin , leur vîîefle diminue , tant à cau(e
du frottement continuel de Teau contre le fond & les côtés du lit où
elles coulent , que parce qu'elles arrivent après un certain temps dans
les plaines, où elles coulent prefque horizontalement.
Pour favÔîr fi l'eau d'une rivière , qui n'a prefque point de pente »
coule par le moyen de la vîtefle qu'elle a acquile dans fa defcente, ou
par la preflion perpendiculaire de (es parties , il faut oppofer au courant
un cbftacle, un morceau de bois, par exemple , qui lui foit perpen-
diculaire. Si l'eau s'élève & s'enfle tout de fuite au-defifus de l'obflacle,
fa vîtefle vient de fa chute ; fi elle ne fait que s'arrêter , fa vîtefTe ne
vient que de la preflion de [qs parties.
La pente naturelle du lit des rivières n'efl pas le feul moyen qu'em-
ploie la nature pour en modérer le cours. Le choc des eaux contre les
rivages en rompt d'autant plus la violence, qu'elles y touchent plus de
furface ; & plus le cours en eCt finueux , plus ce choc eft répété. Les
grands lacs rompent aufli l'impétuofité des rivières qui s'y abouchent.
Le Rhin , le Rhône , le Teflîn , le Rews , l'Ada , le Meira , l'Aar ,
le Linth , qui defcendent du haut des miontagnes de la Suifle , tra-
verfent des lacs &: y dépofent des parties terreufes. On peut dire aufli
que les eaux des fleuves grands & rapides fe font remarquer jufqu'à
plus de douze lieues au large dans la mer , à l'endroit où elles fe dé-
chargent.
Les
F o N for: 7?,^'
Les eaux des fleuves rongent continuellement les bords de leur lit;
mais en même temps , leur courant devient moins tortueux, & leur lit
s'élargit, c'eft-à-dire , que le fleuve perd de fa profondeur , & par
conféquent de la force de fa preflion ; ce qui continue jufqu'à ce qu'il
y ait équilibre entre la force de l'eau & la réfifliance des bords : pour
lors le fleuve ni les bords ne changent plus. L'expérience le prouve,
puifque la profondeur & la largeur des rivières ne palTe jamais certai-
nes bornes. Les rivières font que quantité de mers abandonnent les
côtes; elles concourent à dépofer fur le rivage affez de matière & de
fédiment pour augmenter la hauteur de la côte , de manière que la mer
n'efl; plus en état de la couvrir de fes eaux ; c'efl: ain/i que la Hollande ,
ia Zélande & la Gueldreg ont été formées.
FONTAINES DE MER. Kolbe , dans fa defcription du Cap de
Bonne-Efpérance , T, 2, ■> P- '3<^, c. 14, donne ce nom à des animaux
teftacées , dont les coquilles qui font d'un vert d'eau , reflemblent à une
éponge ou à un morceau de moufTe, & fe tiennent fi fortement atta-
chées aux rochers , que ni les vents, ni les vagues ne peuvent les en
féparer. En ouvrant une de ces coquilles , on apperçoit une fubfl:ance
charnue , nullement fufceptible de vie apparente ; mais lorfqu'on la
touche, on voit fortir de trois ou quatre trous, de petits filets d'eau,
qui s'arrêtent dès qu'on ceffe de la toucher, & qui recommencent tou-
tes les fois qu'on y met le doigt, jufqu'à ce que la liqueur en foit
épuifée: cette prétendue coquille efl:-eiie un looj^hytey ou un frai de
buccins ? Voyez l'article Jet d'eau marin.
FONTAINE DE POIX. Voyei à fanich AsPHALTE.
FORBICINE , forbicina, Infede très-commun , fort connu , maïs
dont prefqu'aucun Naturalifte n'a parlé. M. Gcoffroi (Hiflioire abrégée
dQS Iniecftes) dit que fon port, fa couleur argentée , & fa légèreté à
courir le font remarquer ; on diroit de petits poiffons. On trouve cet
infecte fous les châflis, auvents, caifles & dans les vieux bois oii règne
un peu d'humidité. On leur difl:ingue fix pattes, dont l'origine eft écail-
leufe & large; deux yeux, une bouche avec deux barbillons mobiles
& longs ; des antennes filiformes ; trois filets efpacés au bout de ùi
queue , & le corps couvert de petites écailles. Il y a deux efpeces de
forbicincs ; l'une qui efl: platte , & l'autre cylindrique. Celle-ci , outre
ks fix pattes , a huit paires d'épines ou de faufles pattes courtes , mo-
biles ; favoir deux à chaque anneau, dont elle fe fert pour fauter, Lorf-
Tome II, G^ZZZ
785 FOR
qu'on touche les forbicines , ils perdent une partie de leurs écailles.
Ils font fî mous qu'on les écrafe par une preffion même légère.
FOKET , fylva, efl une vafte & naturelle plantation d'arbres de
toute efpece, de tout âge, & d'une grandeur plus ou moins coniidé-
rable. Il paroît que de tout temps on a fenti l'importance delà confer-
vation des forêts; elles ont prefque toujours été regardées comme le
bien propre de l'Etat , & adminiPcrées en fon nom : auffi le bois , cette
matière (i précieufe & fi nécefiaire à tous les ufages de la vie, a tou-
jours été très-abondant en France & dans toute l'Europe; mais depuis
quelques (iecles que la France s'eft prodigieufement peuplée , le nom-
bre & l'étendue des forêts ont extrêmement diminué.
Dans le douzième (lecle les forêts étoient d'une étendue beaucoup
plus con(idérable qu'aujourd'hui: on en tiroit auffi moins d'utilité. Juf-
ques-îà les chênes n'avoient rendu que des oracles , & reçu tous les
honneurs du myftere fabuleux, & on ne leur demandoit que le Gui
Sacré; mais d'autres motifs de vénération, de religion, en firent aban-
donner d'abord de très-grandes portions aux premiers Religieux qui y
firent leur retraite. Ces Solitaires convertirent peu-à-peu en des terres
d'un excellent revenu les endroits les moins apparens , mais très-pro-
pres à leurs vues: on peut dire à leur honneur qu'ils furent eux-mê-
mes les ouvriers de ces grandes fortunes qu'on envie à préfent à leurs
fuccelTeurs.
Nous venons de dire qu'à mefure que le nombre des habitans s'eft
accru chez nous , la quantité de terres labourables a augmenté ; car
c'efl une règle d'expérience, que plus la terre eft cultivée , plus elle
nourrit d'habitans ; & que réciproquement, plus elle a d'habitans, ôc
plus elle eft cultivée. L'Etat s'eft donc bien trouvé de la méthode des
délrichemens , & il feroit à défirer que tout ce qui eft en landes fût dé-
friché ; mais qu'on cefsât d'abattre tant de bois, pour ne pas éprouver
le fort de l'Angleterre , qui a laiffé totalement dépérir -fes forêts, &
qui eft obligée de brûler autant de charbon de terre , que les Hoîlandois
brûlent de tourbe. Voyez ces mots. Ce n'eft pas fans raifon qu'on doit
craindre que nos forêts ne foient généralemicnt dégradées ; le bois à
brûler eft très-cher ; le bois de charpente & celui de conftruétion de-
viennent rares à l'excès. M,de Réaumur en 1721, & M. de Buffon en
1739 > °"^ configné dans les Mémoires de l'Académie des Sciences des
re'clamations contre ce dépériflement qui étoit déjà marqué. En fait de
F O ?v * 787
bois &: fur-tout de grands bois , lorfqii'on s'apperçoit de la difette , elle
efl: bientôt extrême , les réparations font très-longues, il faut cent cin-
quante ans pour former une poutre: les connoiffances. quelquefois le
courage, plus fouvent les moyens manquent au plus grand nombre des
Cultivateurs. Ajoutons que dans cette partie de l'économie ruftique,
on n'y voit point de ces prompts changemens de fcene qui excitent
la curiofité , & animent l'intérêt dans ces temps oii Ton eft emprefle de
jouir,
Heureufement que la Maîtrife des Eaux & Forêts empêche aujour-
d'hui les dégradations & abattis arbitraires: on n'abandonne plus le
bois de haute futaie au caprice des particuliers ; le temps de la coupe
en eft prefcrit; on a mis auffi des réferves à la coupe des taillis, c'eft-
à-dire, des menus bois dont on fait des fagots , des chevrons , des cer-
ceaux : on lailfe toujours dix arbres par arpens lorfqu'on abat les hautes
futaies. Voyez ce mot.
Le bois de corde , celui de charpente pour la fabrique des maifons
& des vaiiTeaux , ont aufïi paru trop importans pour n'être pas com.pris
dans la même Ordonnance. Louis XÎV ordonna de plus le quart en
réferve-dans toutes les forêts des Gens d'Eglife & des Communautés
Eccléfiaftiques , ou , comme on dit , des Gens de maïn-moru. Peu con-
tent de ces fages précautions fur l'entretien des forêts , le Gouverne-
ment convaincu que la vigilance publique eft dépofttaire des droits de
la poftérité, a fait border nos grands chemins de longues files d'ormies
ou d'autres bois voyers, pour être au befoin une reilource confidérable,
foit pour le préfcnt , foit pour les générations fuivantes. Le Voyageur,
en traverfam des Provinces entières, jouit à la fois & de la verdure
qui le couvre , & de la beauté du Payfage qu'elle ne lui dérobe pas.
Dans toute la France aujourd'hui on ne voit qu'avenues formées ou
nailïantes, & qui annoncent de tous côtés des jardins de plaifance ^ de«
Châteaux , des Villes.
Dans tous les pays , une foret affure le chauffage à {q's, habitans
voifins: c'eft un tréfor indifpenfabîe pour une grande viîîe; on y amené
d'ordinaire le bois flottant au fil de l'eau , ou lié par trains.
Il y a des forêts très-renomm.ées & d'une grande antiquité; telles
font la forêt d'Hercynie , la forêt Noire, la forêt d'Ardenne, & d'autres
formées depuis peu ; mais il faut un certain laps de temps pour profiter
de celle-ci. Il y a en France des forêts qui font aufli belles que les
^ O T T cr cr o
7S8 FOR
grands jardins d'Angleterre; l'art ne s'y laîfle qu'entrevoir; il n'y dé-
robe aucun des charmes de la nature ; il ne fait que les mettre dans un
plus beau jour, & en augmenter Téclat. Foy cil" article Futaie, Us mots
Bois & Arbre , oii l'on trouvera des de'tails fur la coupe du bois &
fur différentes autres parties de l'économie forefliere.
FORGEPvON , faber. On donne ce nom à un poiflbn , dans la tête
duquel on trouve les figures des inftrumens d'un Forgeron. C'eft un
gros & large poiflbn de mer qu'on découvre près des rochers. Sa tête
efl: applatie , ofleufe, anguleufe , de couleur obfcure, parfemée de
quelques taches purpurines. Sa gueule eft fort large & béante , mais
fans dents ; fes yeux font grands, d'un jaune doré; fon dos eft brun, &
marqué au milieu d'une tache noire & de trois petites figures de cou-
leur dorée: fes écailles font fi petites , qu'on a de la peine à les apper-
cevoir. Le forgeron eft armé, des deux côtés, d'os aufli aigus & auili
tranchans que des couteaux. Il fe nourrit de poiflbn. Sa chair eft ten-
dre , bonne à manger; elle eft facile à digérer,
FORMICA-LEO. Voye^ Fourmi-lion.
FORMICA-VULPES. On a donné ce nom à une efpece d'infefte,
pour le diftinguer du formica-Uo & marquer fa finefle. Un ami de IVL
Carré cherchant à la campagne àts formka-leo ^ trouva dans le fable de
ces trous qu'ils favent faire avec tant d'adrefle; mais la plupart étoiî
fans formica-leo , ce qui lui fit croire que ces infedes avoient été la proie
de quelques animaux plus /io/z5 qu'eux-mêmes. Il fut bien étonné, en
remarquant au fond de ces trous de petits vers longs d'environ fix lignes ^^
fur une demi-ligne de large: il en prit quelques-uns qu'il mit dans du
fable,- où il. leur vit faire leur trou à la manière do^s formica-leo. Il jeta
a QQS formica-vulpcs des fourmis que les formica-leo aiment tant; & ils
s'en faifirent avec ardeur, en les enveloppant avec la moitié de leur
corps, car l'autre demeure enfoncée dans le fable. Comme ils n'ont
pas autant de force que \qs formica-leo , leur proie leur échappe fouvent;
& pour la ratraper , ils fe fervent de la même rufe: ils conftruifent leurs
fofles en talus ; le fable s'éboule fous l'infede qui fuit , & l'animal retombe;
Les formica-vulpes s'en accommodent fort bien ; mais il ne faut pas s'en
étonner , puifqu'ils s'accommodent bien de leur propre efpece. Ces
vers fe métamorphofent en un infede fort femblable au coufin , finon
qu'il eft plus long & plus gros. o
FORAUCO-ICHNEUMONS. Foye^ à tarticU Pou de Boi§.
F O s 78p
FOSSANE ou BERBE. Efpece d'animal qui fe trouve en Afrique
& en Afie, & que quelques Voyageurs avoient défigné fous le nom
de genette de Madagafcar •:> mais cet animal en diffère abfolument , car
il n'a point la poche odoriférante; caradere bien diftindif de lagenette
de Madagafcar. Il a les mœurs de notre fouine, fe nourrit de viande
& de fruits ; mais il préfère les derniers, & aime avec paflion le vin de
Palmier: ce qui l'a fait appeler par quelques-uns buveur de vin. Lesfof-
fanes , quoique fufceptibles de s'apprivoifer , confervent toujours un
peu de férocité.
FOSSILES , Fo[jilia. Ce font des fubftances qui fe tirent du fein delà
terre, & qui appartiennent au règne minéraLVojQZ ce mot. Cependant
le nom de folîiles fe donne principalement aux terres & aux pierres, &
plus particulièrement encore aux coquilles, aux divers ofTemens d'autres
animaux, tant marins que terreftres , & à toutes les produécions à po-
lypier de mer qui fe trouvent dans les entrailles de la terre. Sous ces
deux points de vue , les Naturaliftes regardent les folliles comme foili-
les propres à la terre, ou comme foflîies étrangers à la terre.
Les premiers font appelés en latin fojjîlia natïva ^ & comprennent les
terreSyles pierres, iQsfels^ les/oufres , & bitumes, Iqs demi-métaux , & métaux,
même ÏQspierres fomées dans Teau ou dans le feu. Foye^ chacun de ces mets.
Les foUïles étrangers à la terre ,fo(p.lia hiteromorpha, contiennent des
productions qui ont appartenu aux règnes végétal & animal , & même
des ouvrages de l'art. Les corps organifés ont été enfevelis' dans la
terre, à différentes profondeurs , par une efpece de révolution locale ^
& félon les circonftances , ces fofîiles ont été plus ou moins altérés. On
en trouve encore dans leur état primitif, & qui ont confervé en terre
(fur-tout les coquilles) leur émail brillant, quelques couleurs, & les
mémies emplacemens qu'elles avoient du temps que la mer les conte-
noit; d'autres qui font terrifiés ou endurcis comme une pierre, ou con-
vertis en fpath ; d'autres font minéralifés par des fels , ou embaumes
dans le bitume, ou détruifs' fous la forme d'un noyau ou d'une em-
■preinte. Voyez ces mots. Il y a des endroits où l'on trouve de ces fof-
files en fi grande quantité, qu'on peut les ramafl'er à pleines mains.
Ceux qui fe trouvent dans les glaifes font fouvent chargés d'un en-
duit piriteux , ou convertis en ochre de fer, &c. Foyc:^ l'article Pétri-
PiCATiON , & encore les mots Aflroïtes ou Aftérites , Hyftérolithes,
Yvoire fofîiie , Ofléolithes , Belemnites, Gloiîbpctres , Entroques j Co~
7po F O S
quilles foflîles , Fongites , Echinites, Bois pétrifié , &c. & quantité J*au-
tres ardclcs de ce genre répandus dans notre Diclionnaire ; on peut aujfî con"
fulicr la on^ierm ctajje de notre Minéralogie . II édit. 1774.
L'on peut dire que de tous les phénomènes que préfente THirtoire
Naturelle, il n'en eft point qui ait plus attiré l'attention des Natura-
liflîs, que la quanticé prodigieufe de corps étrangers à la terre , orga-
nifés & devenus fodlles. Que d'hypochefes , que de conjedures , qye
de fyftémes pour expliquer comment ces fubilances ont été, pour
ainfi dire j dépayfées & tranfporîées d'un règne dans un autre. Ce qu'il
ya,fur-tout de frappant, c'eft l'énorme quantité de coquilles & ds-
corps marins dont on rencontre des couches & des amas immenG^s de
toutes les parties du monde habitées, & Touvent à une diftance très-
grande de la mer. Sans fortir de l'Europe nous en avons des exemples
frappans : les environs de Paris même nous préfentent des carrières iné-
puifables de pierres calcaires propres à bàdr , qui paroifient unique-
ment compcfées de coquilles foniles , lefquelles forment des couches im-
menfes & toujours parallèles à l'horizon. Les bancs de plâtre contien-
nent aulli des ofiemens qui paroifTent avoir appartenu à des animaux
marins. Quelquefois il y a plufieurs couches féparées les unes des au-
tres par des îiîs intermédiaires de terre ou de (able. Il fembîe que les
animaux qui ont habité ces coquilles, aient vécu en famille, & formé
une efpece de fociété; efi^edivem.ent on trouve toujours les miémes fof
files enfëmble couchées fur le plat , & formant des amas conlivié-
rabies. *■
On a remarqué que les fofliîes marins qui fe trouvent dans nos pays,
n'ont leurs analogues vivans que dans les mers des Indes &: des pays
chauds. Quelques individus qui font de tous les pays & que l'on
trouve avec ces folîlles, ne détruifent point cette obfervation générale.
On rencontre très-peu d'oiTemens d'animaux terreflres qui auroientpu
avoir été enfeveiis fous les atterriffemens de la mer. Que peut-on
penfer de tant de corps marins renfermés en certains endroits dans la
terre? il faut abfolument convenir qu'autrefois ces lieux ont fervi de
lit à la m.er. Ce fentiment efî: celui de tous les Philofophcs tant anciers
que modernes. Nous exceptons de ce nombre certains Savans qui
fuccéderent aux fiecles d'ignorance, & à qui la Philof:)phie Péripa-
téticienne & les fubtilités de l'école avoient fait adopter une façon de
raifonner fort bizarre, prétendant que les coquilles &: autres foililes
F O s F O T 7^1
étrangers à la terre, avoient été formés par une force plartiquejOu par
une femence univerfellement re'pandue ; en un mot , comme des jeux de la
Nature ; tandis que l'analogie de la forme , de la ftrudure organique , &c.
eût feule fuffi pour les détromper. Comment des explications aufiî
abfurdes peuvent-elles trouver encore aujourd'hui des parrifans ? D'ail-
ïeurs l'expérience prouve que les amas de corps marins.que Ton trouve
dans l'intérieur de la terre, n'y ont point été jetés au hafard; outre
cela ces corps ne fe trouvent point difpofés comme étant tombés en
raifon de leur pefanteur fpécifique, puifque fouvcnt on rencontre dans
les couches fupérieures d'un endroit de la terre, des corps mxarins d'une
pefanteur beaucoup plus grande que ceux qui font au-defibus. Ennn
des corps fort pefans fe trouvent quelquefois mêlés avec d'autres qui font
beaucoup plus légers: tout femble annoncer un féjour des eaux de la
mer très-long & de plufieurs fiecIeS , & non pas une inondation pafla-
gere & de quelques mois, comme quelques-uns le prétendent. Nous le
répétons , fi les folfiles marins euifent été apportés uniquement par
une inondation (ubite & violente , tous ces corps auroient été jetés
confufément fur la furface de la'terre;ce qui eft contraire aux obfer-
vations. Ceux qui prétendent que ces corps ont été apportés par des
courans d'eaux , ne font pas mieux appuyés , parce qu'on devroit
plutôt trouver les foffiles dans le fond des vallées que dans les monta-
gnes à couches: cependant on trouve prefque toujours le contraire.
Témoins encore ces oflemens de baleine qui fe voient dans lé cabinet
de Chantilly , & qui ont été trouvés au milieu des terres en Nor-
wege. Parmi ces offemens folliles de baleine , il y a une véritable côte
de treize pieds de longueur, &de trois pieds de circonférence; elle eft
pétrifiée en quelques parties; d'ailleurs bien configurée. On voit par
tout ce qai vient d'être dit, que le fentim.ent le p!us probable eft celui
des Anciens , qui ont cru que la mer avoit autrefois occupé le conti-
nent que nous habitons. Tout autre fyftême eft fujet à des difficultés
invincibles , & dont il eft impoflible de fe tirer. Au refte la vue des
produdions de la nature nous faifit d'admiration , & lorfqu'on réfléchit
fur les caufes& fur les moyens, l'imagination eft enchaînée par lafur-
prife & le refped. P^oyei maintenant les articles FaLUN , DÉLUGE ,
Tekre, Pétrification, Ostéolithes , 6" Canudotc vers la fin du
mot Bois-FossiLE.
FOTOK. Voyci Pou DE MER.
y ç 2 FOU
FOU ou CANARD A BEC ETROIT, JIu/sus aut Juta. Genre
d'oifeau aquatique, ainfi nommé de la forme de fon bec, & parce
qu'il fe laiffe prendre à la main lorfqu'il vient fe pcfer fur les vergues
des vaifleaux qu'il trouve en mer. Jl,e fou a la grofleur , le gefte & le
bec femblabies à nos corbeaux : fon bec eft crénelé par les côtés, ainli
que Tongle du ^rand doigt : l'ouverture de fon bec, près la bouche
tft fort évafée. On n'y diftingue point de narines ^ mais feuiemenu
deux éminences qui parcourent l'étendue des deux côtés de la
jnâchoire fupérieure. La langue efb fort courte. Il a les ailes & le dos
couverts de plumes grifes^ & tout le ventre garni de plumes blan-
ches : les quatre doigts de fes pieds font palmés & tiennent enfemble
par une membrane continue. Il nage facilement; il bat de l'aile en
yolant, &c fe foutient très-bien en l'air: il fe nourrit de poiflTons qu'il
prend en rafant la furface de l'eau. H s'apprivoife aufli aifément en
deux ou trois jours, que fi on l'^voit élevé à.cs l'inftant de fa nailTancea
Sa chair a un goiit de marécage.
Le fou fe trouve dans l'île de Cayenne : on en voit beaucoup fur
le roc appelle le grand connétable aux îles de Ramires. On en diftingue
plufieurs fortes qui différent par la grandeur &: la variété des couleurs^
il y en a de tout -blancs ; mais la plus grande quantité fe rapporte
aux caractères que nous venons de décrire. Le fou s'appelle aux An-
tilles cpcrvïer marin : on le nomme auflî pirate de mer ^ parce qu'il fe
ilourrit de poiffon , & qu'on lui apprend , comrae au cormoran , 3.
pêcher & à dégorger le poiflbn qu'il a pris.
^Quelques Auteurs ont donné le nom de corbeau de mer au fou.
On trouve chez les Kamtfchadales un corbeau marin que M, Steller
défigne ainfi , corvus aqnaticus maximus crijîatus , periopthalmeis cinna-
^arinis , pojkà candidis. Il eft â-peu-près de la groffeur d'une oie ordi-
naire ; il a la tête petite, le cou long, les plumes d'un noir bleuâtre,
s l'exception des cuifTes dont les plumes font blanches & rangées par
touffes; on remarque auiîi fur fon cou quelques plumes blanches qui
refîemblent afiez à de la foie de fanglier. Ses yeux font entourés d'une
membrane rouge ; la mâchoire fupérieure eft noire, l'inférieure eft rou-
geâtre. Ses pieds font noirs & membraneux ; quand ce corbeau nage,
il tient la tête droite , mais en volant il l'alonge comme la grue ^ il
s'élève de terre difficilement; il vole fort vite; il crie le matin .& le
fon. Son chant reffemble au fon d'une tronipeue, Il >iYal,e j.j?s poiffons
tout;
FOU j^f
tout entiers, couche la nuit fur les bords des rochers d'où il tombe
fouvent dans l'eau & devient la pâture des renards. Ses oeufs font ver-
dâtres 5c de la grofîeur de ceux d'une canne ; fa chair efl: filamenteufe
& de difficile dlgeflion. Voici comment les Kamtfchadales font cuire
cet oifeau; ils le font rôtir tout emplumé dans des trous, & fans être
vidé; ils en ôtent la peau après qu'il eftcuit, & ils le- mangent ainfi,
fes excrémensy donnent un fumet dont ces peuples font friands. ,
FOUDRE , fulnun. Eft la matière enflammée qui fort d'un nuage
avec bruit & violence, & qui tombe avec une vitelTe incroyable fur la
terre en y produifant les phénomènes les plus remarquables. La ma-
tière de la foudre paroît être la même que celle de l'éleélricité, &
fur-tout du tonnerre: celui-ci n'en diffère que parce que cette même
matière enflammée roule avec bruit au-dedans des nuages. Plus un
pays exhale de vapeurs fulfureufes , plus il eft fujet aux éclairs, aa
tonnerre, aux tremblemens de terre, & à la foudre. L'Italie qui efl
remplie de foufre , en efl un exemple: c'eft auflî pour cela qu'il tonne
toute Tannée à la Jamaïque. Voyf^^ Tonnerre, Tremblement de
TERRE , Volcans & Bitumes. Les effets furprenans que produit
ia foudre , ont fourni de tout temps une ample matière à la fpéculation
des Phyficiens, & à la fuperflition des peuples. On fait que les Romains
portèrent au plus haut comble d'extravagance ces folies: file tonnerre
grondoit du côté droit, c'étoit un bon augure; fi au contraire on
l'entendoit du côté gauche , c'étoit un figne fatal. Ciceron rapporte qu'il
n'étoit pas permis de tenir les affemblées publiques lorfqu'il tonnoit;
Jovc tonanu f fulgurante , comïtïa populi habere nefas. #'
FOUENES. Foyei au mot HÊTRE.
FOUGERE , filix. Il fuffit de lire les catalogues des nouveaux
genres de cette plante par le Père Plumier, le Chevalier Huns-Sloane
& Paiver, pour être inftruit que l'un & l'autre monde contiennent
beaucoup de fortes de fougères , &: qu'il n'y a point de plante à qui l'on
ait fait tant d'honneur. M, Ddcu\e obferve que les Botanifles donnent
dans un fens étendu le nom de fougères à une famille de plantes , qu'on
appelle aufîi plantes capHlains & dorjiferes. Les plantes de cet ordre
font d'une fubflance plus feche & d'une contexture différente de celle
des autres plantes: mais ce qui les caradérife, c'eft la frudiification ,
dont l'appareil différent de celui qu'on remarque dans les autres
plantes, n'efl point auffi clairement connu. Ces fructifications font
Tome lU Hhhhh
l<)^ ■ FOU
placées ordinairement dans de petites excavations fous le revers des
feuilles & recouvertes d*une membrane qui, en s'ouvrant, laifle voir
un amas de petites capfules arrondies, portées chacune par un pédi-
cule, & qui s'ouvrant par l'adion d'un anneau élaftique, jettent beau-
coup de menues femences qui ne peuvent, dit toujours M. Ddmiç^
être vues diftindement qu'au microfcope. La diverfe manière dont ces
fruélifîcations font rangées a fourai aux Méthodiftes modernes les prin-
cipaux caraderes pour rétablifiement des genres de cette famille de
plantes. Nous ne rapporterons ici que les trois efpeces principales de
fougère : favoir, i". la foulera mâh , 2°. Xdi fout^cn fitndk , 3^ la fougera
aquatique,
La FOUGERE MALE , fifix non ramofa, dentata. Sa racine efl inodore,,
épaiiTey & femble formée d'un afTemblage de grofifes fibres , charnues ,
jointes les unes aux autres , de couleur noire en dehors , pâle en de-
dans 5 d'une faveur d'abord douceâtre , enfuite un peu amere & aflrln-
gente : elle jette au printems plufieurs jeunes pouffes , lefquelles fe.
changent par la fuite en autant de feuilles larges , hautes d'environ un
pied &: demi , droites , caiïantes , vertes , étendues en aîles & compo-
fées de plufieurs autres petites feuilles placées alternativement fur une
côte garnie de duvet brun : chaque petite feuille eft découpée en plu-
fieurs crêtes , larges à leur bafe & dentelées tout autour. Il règne une
ligne noire dans le milieu des feuilles, & chaque lobe eft marqué en
deffus de petites veines , & en delTous de deux rangs de petits points de
couleur de rouille de fer i ces points font les fruits de cette plante r
( car on n'y voit point de fleurs apparentes : & l'on doute encore que
ces graines découvertes en Angleterre dès 166^ par M. Wdliamcole , &
en Hollande en 1673 par Sivammerdam , ne foient les étamines. On
fait cependant que quelques graines de fougères furent découvertes ert
1739 par M. de JuJJicu , & que plufieurs autres l'ont été en 1760 par M.
Maratd ; M. Hallcr dit pofitivement que la poulTîere contenue dans les
petites excavations des feuilles de fougère , femée fur le plâtre humide
d'une muraille, fournit de nouvelles plantes de la même efpece. ) Ainfi
les fiuits font compofés d'un tas de coques prefqu'ovales , très-petites,
entourées d'un cordon à grains de chapelet , par le raccourcilTement
duquel chaque coque s'ouvre en travers , comme par une forte de ref-
fort, & jette beaucoup de femences menues. Cette fougère aime les
lieux découverts , m.ontagneux & pierreux. M, de Ramon a obfervé que
FOU ^ 7-<>j
les feuilles des jeunes pieds de la fougère maie fubfiftent vertes tout
i'Jiiver , au lieu que les pieds étant devenus vieux, les feuilles périiïènt
toutes les années.
Fougère Femelle ou fougère commune et ordinaire , ^^//at
ramofa , non dentata, C'eft le pteris nquilina* LiNN, elle eft d'un autre
genre que la précédente ( le terme générique des pteris fe tire de la
fîtuation des frudifications fous le bord des feuilles. ) Sa racine eft
oblongue, grofle environ comme le doigt, noirâtre comme la précé-
dente, ferpentante & empreinte d'un fuc gluant, d'un goût amer:
étant coupée à fa partie fupérieure, elle repréfente une efpece d'aigle
à deux têtes j c'eft pourquoi quelques-uns nomment la fougère femelle,
fougère wipcriale , à caufe de cette figure d'aigle qui repréfente les
armes de l'Empire d'Allemagne. Sa tige ou plutôt fon pédicule eft haut
de cinq pieds ou environ , droit , ferme , branchu , un peu anguleux &
rempli de moelle. Ses feuilles font difpofées en ailes comme celles de la
fougère mâle , mais plus petites & non dentées. Ses fruits véficulaires
font placés fur les bords des petites feuilles qui fe plongent & fe réflé-
chifTent tout autour en automne , en formant des finuOtîtés. Quelques-
unes de ces petites veflîes contiennent dans certaines fougères, environ
cent graines fi petites, qu'elles font abfolument invifibles à l'œil, & l'on
ne peut les diftinguer qu'à l'aide d'une excellente lentille. Quelle difpro-
portion entre la grains & la plante ! On trouve dans les Tranfaci.
Philofoph. n, iGi , pag, yy^ & fuiv. la manière d'obferver le jet de ces
graines & l'opération de la nature fous le microfcope, en faifant l'expé-
rience avec la fougère fraîchement cueillie au commenceqient de Sep-
tembre. On peut donc dire que la fougère eft une plante cpiphyUofperme^
c'eft-à-dire portant fes graines fur le dos des feuilles. Cette plante
croît par tout dans les forets ombrageufcs & aux lieux ftériles & déferts.
La Fougère aquatique, autrement dite ofmoiideoM fougère fieurie,
ofmonda, eft ainfi nommée, de ce qu'elle croît aux lieux marécageux ,
dans les foffés, & de ce qu'elle ne porte point de fleurs. La racine de
cette plante eft un amas de fibres longues & noirâtres , entortillées les
unes dans les autres. Ses tiges font nombreufes & hautes d'environ
trois pieds , vertes , cannelées , rameufes & s'étendant en large. Ses
feuilles font longues , aflez étroites, terminées par une pointe moufle,
rangées par paires, plufieurs fur une côte terminée par une feuille.
Le haut de la tige eft partagé en quelques pédicules qui foutiennent
Hhhhh 2
'^^iS FOU
chacun de petites grappes d'un pouce, chargées de graines; ce quf
conftitue le caradere générique de rofmonde. Les Herborifles nomment
fliurs d'ofmondc , les feuilles non développées qui cachent les graines
naiflantes. Les fruits font ramafles comme en grappes, & font des cap-
fuies fphériques femblables à celles des autres fougères : ils fe rompent
par la contraction de leurs fibres, & jettent une poulîiere d'une extrême
fineÛTe.
La fougère femelle eft pour les Laboureurs une mauvaife herbe qui
leur nuit beaucoup, & qui eft très-difficile à détruire quand elle a
trouvé un terrain favorable pour s'y enraciner; car fouvent elle pénetne
par fes racines jufqua huit pieds de profondeur; & traçant au long
& au large , elle s'élève enfuite fur la furface delà terre, & envoie de
nouvelles fougères à une grande diftance. Quand cette plante pullule
dans les pacages, il faut pour la détruire, faucher l'herbe où elle fê
trouve , trois ou quatre fois par an. Heureufement que les moutons
la détRiifent aufîi très-promptement en partie par leur fumier & leur
urine, & en partie en marchant deflus. La fougère qu'on coupe quand
elle eft en fève, & qu'on laifTe enfuite pounrir fur la terre, eft un
excellent engrais.
La racine de fougère mâle, donne par l'analyfe chimique les mêmes
produits que celle de la fougère femelle. Le pauvre peuple du Nord ds
l'Angleterre fait des boules avec les cendres à?s fougères pétries dans
de l'eau ; on les fait fécher au foleil & même rougir au feu, & on s'en
fert au lieu de favon & de foude pour nettoyer le linge. Les gens de
la campagne du Comté de Saxe, fe fervent auflî des fougères deffé"-
chées pour cuire la chaux & pour chauffer le four, en la place de bois
& de paille. Quelquefois on jette des cendres de fougère fur des terres ,
afin de les améliorer; d'autre fois on en tire un fel dont on fait, avec
du fable, le verre vert qu'on appelle verre de fougère, & qui eft fi
commun en Europe. Il y a des endroits où. l'on fe contente de mêler
les cendres de fougère avec les cailloux; le verre n'en eft pas moins
beau: tel eft celui de Florence. On lit dans les Tranfaci, philofoph. n°,
toS , que les cendres de fougère femelle préfentent un autre phéno-
mène bien fingulier. Si on expofe une quantité de fon id fixe lixiviel
à l'humidité, pour qu'il tombe en huile par défaillance (per deliquium)^
on décante cette huile, & le refte du Uxiviuni qui eft rougeâtre, très-
pefant, étant rais à part dans un vaj-ffeau de verre qu'on tient débouché
FOU -i<)-j
pendant cinq ou lîx mois , laifle tomber au fond de îa liqueur une allez
grande quantité de fel précipité fur lequel nage une liqueur claire. Sut
la furface de cette liqueur, fe forment des criftallifations de fel d'une
•figure régulière, femblables à plufieurs plantes de fougère commune qui
jeteroient un grand nombre de feuilles de chaque côté de la tige : cette
efpece de palingénefîe paroît fort curieufe. Ces ramifications falines
fubfiftent plufieurs femaines dans leur état , fi l'on ne remue point le
vaiiTeau; mais le moindre choc les détruit, & alors elles ne fe reforment
jamais. Les Chinois font entrer dans la compofition du vernis de leur
porcelaine le fel de fougère avec la chaux & le borax, &c. il feroit
peut-être à défirer qu'on en tentât le procédé dans nos Manufaélures
de porcelaine : celle du Briftol n'a de la réputation que parce qu'elle efl: ,
dit-on, parvenue à découvrir le fecret des Chinois.
Quant aux vertus médicinales , on préfère la fougère femelle. Sa
racine étoit d'un ufage très-fréquent chez les Anciens pour les mala-^
dies chroniques : elle efl: apéritive & antifplénique. Il faut éviter d'en
donner aux femmes groffes, dans la crainte de leur procurer l'avorte-
ment. C'efl un excellent vermifuge & le plus grand fecret des Empr^
riques , qui la mêlent adroitement avec quelque préparation mercu-
rielle, pour chafler du corps les lombrics^ les vers plats & lefoiàaire.
Dans la difette de 166^ , les Auvergnats en faifoient du pain qui étoit
fort mauvais, femblabîe à des mottes à brûler: & cependant ils s'en
nourriflbient, tant la néceflité fait trouver de reflburces.
La principale vertu de l'ofmonde confifte dans fes grappes chargées
de fruits , ou dans la moelle blanchâtre de fa racine. Cette plante prife
en infufion théiforme , eft très-utile pour les hernies des enfans , pour
les ruptures & les chutes. Bien des perfonnes la regardent comme une
panacée végétale.
FOUGERE ARBRE. Eft cette belle & grande fougère que le Père
Plumier a mife à la tête des autres dans la première planche de fon Ou-
vrage. Ce végétal de l'Amérique croît en effet à la hauteur des arbres
fruitiers d'Europe. Ses tiges font de très-bons pieux pour les paliffades
du pays.
FOUGERE MUSQUÉE, ^oyq à la fuite de t article CekfeuiL.
FOUGERE PÉTRIFIÉE. Foyex Filicite.
FOUILLE-MERDE. Eft le pro-fcarabée de fumier , ou le fcarabée
pillulaire, Foye^ Us mots Scarabéç & l\irtiçU EscAI^^BOTr
7i)8 FOU
FOUINE , foyria j fai maries domeflica. La fouine que quelques Na-
turalises ont confondue avec la marte , en diffère cependant par le
naturel 5 parle tempérament, & même un peu par les couleurs exté-
tieures. La fouine & la marte peuvent être regardées comme deux
efpeces diftindes i car il y a lieu de penfer qu'elles ne fe mêlent point
enfemblc.
La fouine , martes fagorum , diffère de la marte , martes ah'ietum ,
pour la couleur , en ce qu'elle eft plus brune , & qu'elle a la queue
plus grande & plus noire : fa gorge eft blanche , & celle de la marte eft
jaune. Elle en diffère parle naturel & le tempérament , puifque la marte
fuit les lieux découverts , habke au fond des bois , demeure fur les
arbres, & ne fe trouve en grand nombre que dans les climats froids ;
au lieu que la fouine s'approche des habitations , s'établit même dans
les vieux bâtimens , dans les greniers à foin , dans des trous de murail-
les. Enfin l'efpece en eft généralement répandue en grand nombre dans
tous les pays tempérés , & même dans les climats chauds , comme à
Madagafcar , aux Maldives j & elle ne fe trouve pas , comme la marte,
dans les pays du Nord.
La fouine eft de la grandeur du chat: elle a la tête petite, le corps
alongé, les jambes très-courtes, une queue prefque de la longueur de
fon corps, bien touffue, &: dont le poil a deux pouces de longueur.
Cet animal, dit M. de Bufon , a la phyfionomie très-fine, l'œil vif, le
faut léger , les membres fouples , le corps flexible , tous les mouve-
mens très-preftes: il faute & bondit plutôt qu'il ne marche ; il grimpe
aifément le long des murailles crépies , entre dans les colombiers ; il
fe glifl'e aulfi dans les poulaillers , mange les oeufs, les pigeons, les pou-
lets , en tue quelquefois un grand nombre, & les porte à fes petits.
La fouine prend aufîi les fouris, les rats, les taupes & les oifeaux dans
leurs nids.
La fouine s'apprivoife à un certain point; mais elle demeure toujours
affez fauvage, pour qu'on foit obligé de la tenir enchaînée. M. deBuffon
en a élevé une qui s'eft échappée pluiieurs fois de fa chaîne: les pre-
mières fois elle ne s'éloignoit guère & revenoit au bout de quelques
heures, mais fans marquer de la joie, fans attachement pour perfonne
elle demandoit cependant à manger comme le chat & le chien. Peu à
peu elle fit des abfences plus longues , & enfin ne revint plus : elle
avoit alors un an & demi , âge apparemment auquel la Nature avoit
F O U yrjp
pris le defTus, dit M. de Buffon. Elle mangeoit de tout ce qu'on lui
donnoit, à l'exception de la falade & des herbes. On a remarqué qu'elle
buvoit fréquennment ; qu'elle dormoit quelquefois deux jours de fuite:
qu'elle étoit auflî quelquefois deux ou trois jours fans dormir, & que
pour lors elle étoit toujours dans un mouvement continuel. Tout
ceci fuppofe un animal agile, éveillé, jaloux de fa liberté.
Les fouines s'établiiTcnt, pour mettre bas leurs petits, dans un trou
de muraille, dans un grenier à foin, dans un trou d'arbre. Elles por-
tent autant que les chattes. On trouve des petits depuis le printems
JLifqu'en automne. Ces animaux ne vivent guère que huit ou dix ans :
au bout d'un an ils ont acquis prefque toute leur grandeur naturelle.
J-QS fouines, ainli que les martes , rendent des excrémens d'une odeur
de mufc. Ces animaux ont des véhcules intérieures qui contiennent une
matière odorante, femblable à celle que contient la civette. La chair
de ces animaux en centrale un peu l'odeur; cependant celle de marte
n'eft pas mauvaife à manger, au lieu que celle de la fouine eft très-
défagréable. Comme ces animaux font de terribles deflirufteurs de vo-
lailles, on tâche de les prendre au piège, en y mettant pour appât
un poulet ou un œuf.
La fourrure de la fouine efl moins eftimée que celle de la marte :
on la met au rang des pelleteries communes, appelées y^wr^r/^es. Les
fouines font très-communes en France. Il y a en Natolie une efpece
de fouine, dont le poil eft très-fin & très-noir, & dont les fourrures
font très-elHmées. C'eft au Levant 6<: à Conftantinople que s'en fait la
plus grande confommation.
FOULIMENE ou OISEAU DE FEU. On le trouve dans l'ile
de Madagafcar, Ses plumes font de couleur écarlate: fa beauté fait
regretter les difficultés qu'on a d'en élever. Il meurt en hiver.
FOULON, /i///o. Eft un infede volant, du nombre des coléoptè-
res, & qui ronge les racines des arbres. C'eft un fcarabée, dit M,
Geoffrol y qui eft un des plus gros & des plus beaux de ce genre. Il a
la tête & le corfelet noir, les étuis ou élitres un peu moins foncés &
bruns ; mais ce qui le rend plus agréable à la vue , c'eft la couleur
blanche qui tranche fur ce fond , & forme des taches irrégulieres. Ces
taches blanches, confédérées à la loupe, offrent un fpedacle fort jolif
elles fon» compofées & formées par quantité de petites écailles blan-
ches qui s'implantent dans les cavités des étuis & du corfelet , & qui
€oo F O U
i-cïiemMont :i ces pouilîeres écaiîlcuies qui fe trouvent fur les ailes d'2S
papillons. Une autre particularité du foulon , ce font les feuillets de
fes antennes , qui font très-longs & qui égalent la longueur de la têts
& du corfelet réunis enfemble, du moins dans les mâles, car ils font
plus courts dans les femelles; le refte de fantenne efl: fort court, &
compofé feulement de trois articles, (dans Tune & l'autre les antennes
font à fept feuillets) le defTous de l'animal eft velu. Cet infeâe volant
ne fe trouve guère aux environs de Paris , mais très- communément
dans les Provinces voifines , fur-tout dans le Languedoc. Ce fcarabée
<maculé provient d'un ver blanc, qui acquiert en grandiflant des taches
brunes fur le dos, & qui enfuite fe métamorpliofe Qn foulon. Quelques-
uns donnent improprement le nom de fréion au foulon , & celui de
foulon à la guêpe. Voyez ces mots.
FOULQUE, gùUina aquatica. Genre d'oifeau aquatique, & de l'ordre
des oifeaux plongeurs. On en diftingue plulieurs efpeces principales
favoir, \3. foulque proprement dite; le diabU de mer ou macrelle j la ma"
creufe de la baie d'Hudfon ; la foulque du Mexique : mais nous ne par-
lerons dans cet article que de la foulque.
La Foulque ou Morelle ou Jodelle , fulica vulgaris , efl ainfî
nommée de fa couleur de fuie. Cet oifeau efl: gros comme une poule
ordinaire, a la poitrine cendrée, le dos noir-brunâtre , le devant delà
tête efl: de figure ovale, fans plumes, mais couvert d'une pellicule
blanche incarnate , repréfentant en quelque forte la crête d'une poule,.
Sa langue eft plus molle que celle de la poule : il a le bec court , coni-
que, pointu, fort, comprimé latéralement, & de couleur blanche; le
gofier rempli de petites dents molles. Il a aux doigts des membranes
noires fort larges , disjointes ; il n'a que le doigt de derrière frangé :
il marche gravement , fe tenant droit fur fes longs pieds , dont les on-
gles font un peu courbes & pointus ; mais il court légèrement. II fe
plaît dans les marais, dans les foffés des places de guerre, dans les
étangs : il fe perche rarement fur des arbres. Il fe nourrit d'herbes ,
de femences, & même de petits poilTons. On eftime affez fa chair ,
quoiqu'un peu marécageufe : on en peut manger en carême. Robcg a
remarqué à cet oifeau une fingularité ; c'eft que fes côtes font doubles
^ olfeufes , ti. qu'elles fe croifent.
Cet oifeau fait fon nid d'herbes , de joncs brifés , &e. de manière
qu'il flotte fur la furfvice de l'cviu , & qu'il efi fufceptible de hauffer &
" d^
FOU Soi
de baifler, félon la crue ou la diminution de l'eau. Sa conftruâiion eft
tplle dans les joncs, qu'il n'eft point entraîné par le courant de l'eau.
La foulque du Mexique a le bec rouge , un peu jaune par la pointe :
fon plumage eft verdâtre & varié de bleu, de jaune & de pourpre.
FOUNINGO ou Pigeon Ramier vert de Madagascar. Cet oî-
feau paroît être d'une efpece particulière ; & quoique voifine de celle
du ramier, elle en diffère trop par la grandeur, pour qu^on puifTe la
regarder comme une fimple variété.
FOURAA. Foyei à l'article Baume VERT.
FOURMI j/omi/ciî. Cet infede a été beaucoup vanté pourfon travail,
fa diligence & fon économie, fans qu'on ait bien connu en quoi con-
fifte ce travail, cette diligence, cette économie, en un mot, l'induftrie,
la fcience & la politique de ces petits animaux. Ce qu'on a dit des pré-
tendues provifions que les fourmis font l'été pour l'hiver, fe trouve
détruit par des obfervations modernes. Ce feul fait prouve combien les
faits d'Hiftoire Naturelle les plus reçus , ont encore befoin d'être exa-
minés de nouveau.
La fourmi eft un infeéte qui , vu au microfcope, paroît fort curieux
par laftrudurede fa tête, de fon corps, de fa queue, de fes yeux, de
fes cornes , de fes mâchoires, de fes jambes & par fon armure hériffée
de foies blanches & brillantes. ConfuUe:^ les Obfervations microfcopiques
de Hoock, de Powers, de Bakers 6» (a'e Lewenhoëk.
On diftingue plufieurs fortes de fourmis , dont la plus grande diffé-
rence fe trouve dans la grandeur & la couleur; mais dont l'hiftorique
eft à-peu-près le même. Il y en a deux elpeces qui frappent communé-
ment notre vue; favoir , la petite efpece de fourmi rouge, que nous
voyons dans nos jardins fur nos arbres, & la groffe fourmi des bois.
On nomme fourmilière le lieu que les fourmis ont choifi & qu'elles
ont arrangé pour y établir leur domicile. On trouve dans une fourmi-
lière des fourmis mâles, des femelles & des ouvrières fans fexe, comme
parmi les abeilles. Ces trois efpeces de fourmis ont des différences f^n.'
fibles entr'elles, & il y a des caraderes propres qui diftinguent ce
genre d'infeâe de tout autre.
Un de ces caraéleres principaux , tiré de l'infpeclion feule de l'infede,
confifte en une petite écaille relevée qui fe trouve placée dans la
fourmi précifément entre le corfelet & le ventre , à l'endroit où ces
deux parties fe tiennent par un pédicule mince & court. Cette
Tor;ie Jl, , I i i i i
802 F O U
écaille fe trouve dans toutes les efpeces de fourmis & dans tous les
individus, foit mâles , foit femelles, folt dépourvus de fexe ou mulets :
ce caradere eft très- propre à faire diftinguer les fourmis ailées que
l'on pourroit quelquefois méconnoître, de toutes les autres efpeces d'in-
fedes.
Les mâles & les femelles de ces infeétes font ailés, fulvant les ob-
fervations de l'Auteur delà nouvdU Hiftoire abrégée des i/2/^f?e5, quoique
quelques Naturaliftes euflent avancé qu'il n'y avcit que les mâles qui
euffent des aîles. Les fourmis ouvrières n'acquièrent jamais d'ailes, fui-
vant ces obfervations. Les mâles font de toutes les fourmis les plus pe-
tites. Je les ai trouvés, dit l'Auteur dont nous venons de parler, moins
gros que les fourmis ouvrières. Ces mâles , outre leur petitefle , font
reconnoiffables par la grofieur de leurs yeux , qui eft confidérable
par rapport à leur corps. Les femelles font très-grandes, très-groffes ,
ailées comme les mâles , & furpafient de beaucoup pour la grofieur
toutes les autres fourmis; mais leurs yeux font plus petits à proportion
que ceux des mâles. Enfin les ouvrières tiennent le milieu pour la grof-
feur entre les mâles & les femelles: elles font dépourvues d'ailes, mais
elles ont les mâchoires plus grandes que les unes & les autres : on ob-
lèrve que leur mâchoire inférieure eft divifée en deux parties qui font
courbes, qui avancent au dehors, & qui font terminées chacune par
fept petites pointes; ces deux portions de mâchoires font mobiles, &
fervent comme de bras pour tranfporter les jeunes fourmis, &c. aufli
les ouvrières font - elles chargées de tous les travaux de la fourmi-
lière.
On ne rencontre guère dans les fourmilières que les ouvrières & les
femelles. Ces dernières s'y rendent pour dépofer leurs œufs. Les mâles
volent aux environs , & vont s'accoupler avec les femelles qui voltigent
aufli; mais iJs s'approchent peu de l'habitation générale. On les voit
fouvent le foir en été voltigeans tout accouplés avec leurs femelles. Ces
dernières en volant les emportent en Tair avec elles, & on eft tout
furpris en les attrapant au vol, de voir qu'au lieu d'un feul infeéle , on
en a faifi deux , dont l'un eft cinq ou fix fois plus gros que l'autre.
Ces petits infeétes établifient ordinairement leur fourmilière dans un
terrein fec & ferme, au pied d'un arbre ou d'un mur; ils la placent tou-
jours du côté qui eft échauiie par le foleil. L'entrée de cette habitation
eft un peu ceintrée en voûte, foutenue par des racines d'arbrcs ou de
FOU 805
plantes, ou de paillettes alongées, qui empêchent en même temps l'eau
dy pénétrer. Les fourmis s'établilTent , autant qu'il leur ell pofîible ,
dans un lieu déclive; il paroit que la terre qui eft humeélée leur con-
vient mieux que celle qui eft trop feche ou trop humide: quelquefois
il y a deux ou trois entrées pour une feule demeure. Ces entrées con-
duifent à une cavité fouterraine enfoncée fouvent d'un pied & plus en
terre, aifez large, irréguliere en dedans, mais fans aucune féparation
ni galerie, ainfi que quelques Naturalises l'avoient avancé. On fent
qu'une pareille cavité qui les met à l'abri des orages de l'été, & des
glaces de l'hiver, doit avoir coûté beaucoup de peines & de travaux à
des infedes aufli petits. Ils ne peuvent détacher à la fois qu'une très-pe-
tite molécule de terre, & l'emporter enfuite dehors à l'aide de leurs
mâchoires; mais le nombre des ouvrières fuppiée à leur force & à leur
grandeur. Ce nombre prodigieux de fourmis travaille à la fois fans s'in-
commoder & s'embarrafler : elles ont foin de fe partager en deux ban-
des, dont l'une eii compofée de fourmis qui em.portent la terre dehors,
l'autre de celles qui rentrent pour travailler ; par ce moyen l'ouvrage
va continuellement de fans interruption. Qui ne pourroit accorder une
forte d'intelligence à tous ces petits animaux, & avouer que l'Auteur
de la nature les a rendus tels, en renfermant dans leur corps une ame
d'une efpece convenable à leur condition ?
Lorfque la fourmilière eft creiifée, les fourmis s'y retirent les foirs,
& ce n'eft qu'après ce travail fait qu'elles penfent à manger ; jufques-là
on les voit uniquement occupées à leurs travaux. Pas une ne porte en-
core de la nourriture à l'habitation, mais lorfque leur ouvrage eft fini,
elles vont à la picorée.Tout leur eft bon , fruits , graines, infedes morts
charogne, pain , fucre, confitures , tantfeches que liquides. Desquelles
ont trouvé quelque butin, elles s'en chargent pour le porter à la four-
milière, & en faire part à leurs compagnes. Ainfi c'eft à la fourmilière
que Ton porte les vivres pour la confommation journalière : c'eft-là le
réfedoire, la falledes feftins & le lieu d'aflemblée : il n'y a point de ta-
ble particulière chez cette république, tout y eft en commnn, différens
rameaux conduifent au même centre. On voit ces infedes porter ou
tirer des fardeaux beaucoup plus pefans qu'eux. Si le morceau eft trop
lourd, les fourmis fe mettent quelquefois trois ou quatre après, ou
bien elles le déchirent avec leurs mâchoires & l'emportent pièce à pièce.
Il fembleque celles qui ont fait quelque bonne découverte, en faflent
liiii 2
8o4 FOU
part à leurs compagnes. On ignore par quel figne cet avis fe communi-
que; mais Ton peut conjeâiurer que c'eft par un coup de tête, ou un
coup de patte appliqué d'une certaine façon , que celle-ci donne à la pre-
mière qu'elle rencontre en revenant fur fes pas; celle-là fe conduit de
même envers fa plus proche voifine, & ainfi de l'une à l'autre ; de forte
qu'en un inftant, toute la république eft inflruite de l'heureufe nou-
velle: c'eft ainfi qu'elles peuvent battre refirade. En efiet, audî-tôt
qu'elles font retournées au ^domicile commun, on voit toute la four-
milière fe mettre en marche réglée, & former une efpece de procellion.
Toutes vont l'une après l'autre prendre part au butin , en fuivant les
traces de celle qui a découvert la capture, & qui fert de guide, & elles
le rapportent avec le m.éme ordre dans la fourmilière , en formant une
autre bande qui n'interrompt point la file de celles qui viennent. Si
dans la marche quelqu'une vient à périr par accident ou autrement,
d'autres emportent auiii-tôt fon corps afiez loin. On peut faire fortir
des légions de la fourmilière , & les mettre en quête , en répandant à un ,
à^ux & trois pieds de diftance, du pain en miettes, ou de menues
graines. Il nous eft arrivé de fâ'ire cette épreuve entre deux fourmiliè-
res, & nous avons obfervé que toutes les fourmis d'une même répu-
blique fe connoiflênt; amies entr'elles, elles ne fouffrirent point la vifite
d'étrangères ; & quand elles arrivèrent pour picorer fur le champ oi^i il
y avoit du butin , chaque fourmi de la même cité rebrouffoit chemin ;
il y en avoit cependant qui fe battoient , & le parti le plus fort s'em.-
paroit des viéruailles. De nouvelles tentatives m'ont appris qu'il n'y
a point de com.bat général entre les habitans de deux fourmilières voi-
fines l'une de l'autre, quelquefois feulement de petites efcarmouches
{ingulieres , & toujours décidées en peu de temps par la raifon du
plus fort.
Les fourmis font carnafiîeres : elles ne s'attachent pas feulement aux
carcafles des hannetons & des autres fcarabées; mais (i l'on jette dans
une fourmilière une grenouille, un lézard, un vipère ou un oifeau , on
les trouvera au bout de quelques jours diflequés dans la dernière per-
feétion. C'eft le moyen d'avoir les fquelettes de ces animaux plus déli-
catement préparés qu'ils ne pourroient l'être par les mains des plus
fubtils Anatomiftes. Il y a du rifque à irriter les fourmis ; elles dar-
dent dans la peau un petit aiguillon qu'elles ont au derrière , & infinuent
dans la peau une liqueur acre & mordicante qui occalionne de petites
FOU 80;
enfiufes accompagnées de de'mangeaifons , mais dont on {ê guérit en ap-
pliquant fur la peau des comprefles trempées dans l'huile d'olive. La
nourriture que les fourmis rapportent à leur habitation , n'efl: point
mi(è en réfcrve , elle efl confommée entr'elles fur le champ , & fur-tout
elle eu partagée à leurs petits. On trouve tout au plus dans le fouterrain
quelques refces qui n'ont pu être mangés tout de fuite, encore les
fourmis les emportent-elles promptement dehor? , dès qu'ils com-
mencent à fermenter ou à le gâter. ^
La confervation de refpece efl, dans tous lès ètves animés delà na-
ture, le foin le plus important; auflî le principal foin des fourmis re-
garde leurs petits. Ces infeétes refiemblent en cela aux abeilles: ils
ne travaillent avec tant d'ardeur Se d'adivité que pour la propagation
de leur efpece, c'efl pour elles une affaire d'état. Ce font les femelles
ailées qui dépoient leurs œufs. C'eft pour cette raifon qu'on trouve ces
femelles dans les fourmilières, mêlées avec les ouvrières, mais en beau-
coup plus petit nomibre.- On les y voit fur tout dans le fort de l'été
qui efile temps delà ponte: dans les temps froids il n'y en a aucune ;
toute la fourmilière n'efl: compofée que des ouvrières, qui n'ont point
d'aîîer. Pendant cette faifon, les femelles périflènt, mais elles font rem-
placées au printemps par celles qui éclofent des nymphes qui ont pafîe
rJiiver. Le feul travail des femelles eft de dépofer leurs œufs; les ou-
vrières ont foin du refle. Les œufs font blancs , petits & prefqu'imper-
ceptibles. Au bout de quelques jours il en fort des vers qui grodiiTent
bien vite , & au point d'être même plus gros que les fourmis : ce font
ces vers blancs , que l'on nomme improprement œufs de fourmis , &
que l'on vend dans les marchés pour nourrir les rolîignoîs , les perdrix,
les faifandeaux. Les ouvrières ont le plus grand foin de ces jeunes vers.
Comme ils font tendres & délicats , elles ont attention vers le milieu du
jour pendant la chaleur , de les apporter à l'entrée de leurs fouterrains
pour leur faire fentir 1 influence de l'air doux : elles les expofent aufll
aux premiers rayons du foleil bienfaifant. A l'approche de la nuit elles
les reportent au tond de la fourmilière pou'- les garantir du froid. On
voit les fourmis porter avec leurs mâchoires ces vers beaucoup plus
gros qu'elles , fans cependant les blefler. Elles les nourrlflent avec le
même foin : fi les vivres font rares , elles font diète & donnent tout à
leurs petits. Comme ces vers n'ont point de pattes , lorfqu'ils font gros
ils relTemblent aflez à une efpece d'ceuf alongé, Si on les examine au
8o(^ FOU
inicrofcope , on voit que leur tête eft recourbée vers leur poitrine,
& que leur corps efl: compofé de douze anneaux. Le ver parvenu
à fa grofTeur , pafie à l'état de nymphe. Foyei au mot Insecte les dé-,
tails curieux de ces transformations.
Les nymphes font dans \qs commencemens fort molles & prefque
fluides , elles font enveloppées d'une peau blanche & tranfparente ,
qui a l'air d'une pellicule. A mefure que la nymphe fe fortifie & prend
de la confiflance, cette peau , qui paroifiToit remplie de fluide , fe colle
& s'applique fur les différentes parties delà nymphe, & l'on diftingue
alors très -bien toutes les parties de la fourmi , qui doit fortir de cette
enveloppe.
Les fourmis ont pour ces nymphes & pour les enfans les mêmes
foins que pour les vers, excepté qu'elles ne font pas obligées de leur
donner de la nourriture. Ces foins font fi indifpenfables, que jamais
Swammerdam ne put parvenir à faire éclore à l'aide d'une chaleur srti'
ficielle les nymphes de fourmis. Lorfque la nymphe eft parvenue à fa
perfedion, elle quitte fon enveloppe, & devient un infede complet,
une véritable fourmi , ailée fi elle efl: mâle ou femelle , & fans ailes
lorfqu'elle efl; du nombre des ouvrières. C'efl: toujours en l'air que fe
fait l'accouplement à^is fourmis. Les femelles fécondées vont enfuite à
la fourmilière pour y dépofer leurs œufs. Cela fait , tous les mâles
périflfent, ainfi qu'une grande partie des femelles & on ne trouve guère
que des ouvrières dans le com.mencement de Ihivcr. (Peut-être les four-
mis mâles ont-ils le fort des abeilles mâles que les ouvrières tuent après
que les femelles font fécondées. ) Pendant cette mauvaife faifon elles
reftent dans leur fouterrain, où elles font engourdies fans aucun mou-
vement , comme beaucoup d'autres infeéles , & entaffées les unes fur
les autres. On voit par-là combien il ièroit inutile à ces infedes de
faire les provifions qu'on leur a attribuées. Aulli ne font-ils aucun
amas. Mais dès que les premières chaleurs du printems fe font fentir,
les fourmis commencent à fe réveiller de leur état léthargique : qWqs
débouchent les ouvertures & toutes les iifues intérieures des rameaux
qui aboutiflent au lieu où elles fe retirent; elles fortent enfin de leur"
demeure pour aller à la campagne jouir de l'air & chercher des alimcns.
Le Roi Salomon a raifbn d'envoyer les parefleux à l'école de ces
infectes, ils y apprendront à devenir finon très-prévoyans , au moins
très-laborieux.
FOU 'S07
Mais que fignlfie cette cérémonie que nous voyons tous les jours fe
pratiquer dans les allées de nos jardins ? Une fourmi en embrafle une
autre, qui fe replie entre fes ferres & fes jambes de devant, fans que
cela empêche la porteufe de marcher librement par- tout où elle a
affaire. Se rencent-elles ce fervice-là mutuellement? Lorfqu'on les
prend dans cet état d'accolade, celle qui étoit portée par fautre , &
dont le dos recourbé fembloit toucher la terre, fe déprend, & en les
remettant à bas, chacune enfile le chemin qui lui convient. On ne
remarque pas que l'une- foit plus petite que l'autre , & que ce folt
unepolitefîe du mâle pour la femelle: Réplique de M, de la Sorriniere,
à M. Carvé fur la police des fcurmis , que cet. Auteur a inférée dans U
Mercure du mois de Mai 1^4^'
Les fourmis ont beaucoup d'ennemis , le pivert , ainfi que toutes
les pies, en détruifent beaucoup, & plufieurs autres oifeaux en font
fort avides. On peut voir au mot Fourmi-lion, la jolie chaffe que
cet infede en fait. On a cru , pendant long-temps que les fourmis por-
tcient une grande amitié aux pucerons , autour defquels elles s'amaf-
fent, & qu'elles femblent lécher & carelfer. L'obfervation a appris que
cette fraternité n'eft fondée que fur ce que les fourmis font fort friandes
d'une efpece de liqueur fucrée & mielleufe que rendent les pucerons,
& dont ils font fort fouvent enduits. On fait une guerre cruelle aux
fourmiis dans la crainte qu'elles ne gâtent les arbres j mais ce ne font
point elles qui leur font du tort; ce font les pucerons qui s'attachent
aux fleurs , & qui reccquillent les feuilles des pêchers & des poiriers
en les fuçant. Cependant, comme les fourmis attaquent nos fruits, il ,
eft important de s'en défaire. On les attire dans des bouteilles à moitié
pleines d'eau miellée où elles fe noient. Voici les moyens les plus
efiicaces pour les détruire, c'eft de bculeverfer la fourmilière 3c d'y
jeter une chaudronnée d'eau bouillante après le foleil couché, moment
où la fourmilière eft peuplée de fes pillards Se des œuù. Si Ton y
jette, au lieu d'eau bouillante de l'urine dans laquelle on a fsit trem-
per de la fuie de cheminée & une poignée de gros tabac à fumer,
on les fera périr aufli-tôt. Un autre moyen auiîi efficace , & avec
lequel on ne craint point de brûler les plantes comme avec l'urine ^
fur-tout dans les terrains chauds & fecs , confifte, dit M. Bourgeois^
à faire une forte décodicn de feuilles de noyer hachées dans un grand
chaudron i lorfque la dccodion eft firoide , on arrofe la fourmilière
8o8 FOU
comme avec l'urine après l'avoir renverfée. Se on réitère de même
cette manœuvre deux ou trois fois s'il efl: néceflaire : on auroit
beau détruire & renverfer feulement la Fourmilière, même en temps
de pluie, dans peu de jours on la trouveroit rétablie. Il eft d'autant
plus efientiel de détruire les foifrmilieres, qu'elles caufent un grand
dommage aux prairies feches , fur-tout dans les pays chauds, non-
feulement en diminuant d'autant le fourage qui eft précieux, mais
encore en altérant la fève de l'herbe, & ne laiflant qu'une nourriture
pernicieufe au bétail affamé j en un mot elles brûlent toutes les voies
qu'elles fe frayent; cela fe reconnoît bientôt fur le gazon, où leur
chemin devient bientôt marqué , fans herbe & tout brûlé.
Quelques Obfervateurs prétendent que les grofles fourmis font du
tort au bois, parce qu'elles s'attachent fur les jeunes tiges du chêne,
& les font périr ou languir; elles s'y tranfportent pour les mêmes fins
que les fourmis de jardin : elles recherchent aufli les pucerons, & il
règne une fi grande antipathie entre les grofles fourmis des bois &
les petites fourmis des jardins, que lorfque ces animaux habitent les
mêmes lieux, ceux de la grofl^e efpece fe ralTemblent en corps, vont
attaquer leurs ennemies & ne cefTent de les combattre que lorfqu'elles
font entièrement détruites.
On lit dans les 'Mémoires de l'Académie de Berlin un Mémoire
très-détaillé par M. GUditscli , qui obferva dans la contrée du Havely
un eflaim prodigieux de fourmis, qui, vu de loin, faifoit un effet
affez fem^blable à celui d'une aurore boréale, quand du bord de fa
nue il s'élance par jets plufieurs colonnes de flamme & de vapeurs ,
plufieurs rayons en forme d'éclairs qui tendent à fe réunir, mais fans
en avoit l'éclat. Des colonnes de fourmis, un peu obfcures , alloient
& venoient çà & là avec une vîteffe inexprimable , mais toujours en
s'élevant , & leur élévation devint telle , qu'elles parurent s'étendre
au-deffus des nues. Arrivées à ce point, elles ne dil'paroiffoient ni en
tout, ni dans la moindre de leurs parties; mais au contraire elles
fembloient s'épaiflir peu à peu , & s'obfcurcir de plus en plus; d'autres
plus tardives fuivoient les premières & s'élevoient pareillement , ou
en s'élançant plufieurs fois avec une vîteffe égale, ou en montant
l'une après l'autre; cette multitude de colonnes qui s'élevèrent dura
l'efpace d'une demi-heure. Chaque colonne qui flottoit dans l'air étoit
un peu obfcure, reflembloit à un réfeau fort délié, & avoit un mou-
vement
F O IT §oi>'
vement înteflin, comme de trémulation ou d'ondulation ; mais en la
confidérantde plus près, on reconnoiflbit une troupe innombrable d'in-
fedes volans dont elle étoit compofée toute entière ; ces infedes fort
petits, tout à-fait noirs & ailés, confervoient régalité & la forme de
la colonne eotiere, en montant & en^defcçndant continuellement avec
régularité.
Si ces colonnes renfermoient des fourmis des deux fexes , ce donc
je n'ai pu m'aflurer, dit notre Auteur, je nhéfiterois point à les
regarder comme de vrais & nouveaux efl'aims de jeunes fourmis, que
les bornes trop étroites de leur domicile obligent à partir pour d'autres
lieux pendant que la faifon les favorife, & qui vont fe conftruire de
nouvelles demeures. De-là viendroit fans doute ce terrible combat de
grandes & de petites fourmis , qui fe livrèrent bataille autrefois au-
deffus d'un poirier, dans le territoire de Bologne, en préfence
de l'armée d'Eugms IF, & qu yEneas Sylvius rapporte, comme en ayant
été témoin.
Or fuivant les obfcrvations des Auteurs, les fourmis d'une colonie
n'en fouffrent & n'en reçoivent jamais d'étrangères; mais au contraire
elles les chaflent& les tuent. Cela pourroit donner lieu à un nouveau
doute. Chaque colonne en s'élevant de terre dans les nues, & grofllf-
/ant extraordinairement, ne peut fe faire que par la réunion de plu-
fieurs eflaims de fourmis, fortis d'autant de fourmilières différentes,
dont la concorde dure autant que la fituation, la figure & la gran-
deur de la colonne. Si donc les colonnes en queftion font de vrais
eiïaims de jeunes fourmis , il faudra les regarder comme venant de
différens endroits; & leur concorde de courte durée, qui les fait
partir enfemble pour chercher de nouvelles demeures, n'aura lieu
qu'autant qu'ils feront hor^ de leurs fourmilières, & ceffera d'elle-,
même, dès qu'ils viendront à fe féparer, pour prendre polftAion de
leur domicile : ce phénomène eft allez rare, il ne fe voit que dans les
Provinces des climats chauds, & dans les années qui ont été favorables
à la multiplication des fourmis.
♦ - Fourmis étrangères»
Il y a aux Antilles une efpece de fourmis nolns, que Ton appelle
chiens , à caufe de leur piqûre qui eft plus douloureufe que celle des
fcorpions; mais cette douleur dure au plus une heure, & n'cft point
Toms IL ~ ^kkkk
s 10 FOU
fuivie de danger. Les fourmis font en fï grand nombre dans ce pays-là,
qu'elles caufent fouvent de grands dommages, en enlevant les graines
de tabac & autres plantes aufii-tôt qu'elles font femées. Elles infedent
aufii les provifions débouche, telles que les confitures, les viandes,
îes graifles, les huiles , les fruits, &c. Quelquefois elles couvrent les
tables , de façon qu'on eft obligé de les , abandonner fans pouvoir
manger de ce qui a été fervi; on eft aufli contraint de fortir de fon
lit lorfqu'clles y arrivent. La nature à cet égard traite fort md les
Mexicains , il s font obligés de porter leurs lits dans des efpeces d'iles,
ou de les fufpendre entre des arbres , ou de les jucher fur de grands
bafîins d'eau , fur des étangs. C'eft ainfi qu'ils achètent le fommeil.
Quelquefois on trouve à peu de profondeur une furface fort étendue
en tous fens, compofée d'œufs & de nymphes de ces fourmis venimeu-
fes : dès que ces fourmis ont mangé les racines d'un arbre , aulîî-tôt
l'arbre perd toutes fes feuilles & devient noir comme s'il étoit brûlé.
Les Caftillans qui habitent ce pays, n'ayant pas le courage de cher-
cher quelques moyens humains defe délivrer de ce Pxéau , ont jugé plus
à propos &: fur-tout plus facile d'employer un moyen furnaturel , qui
ne leur réuffit pas mieux. Pour fe faire un Protedeur contre les four-
mis & ne rendre jaloux aucun des Saints qu'ils connoiffent , ils ont jeté
le fort ; il eft tombé fur Saint Saturnin.
Au Sénégal on voit des fourmis blanches , dont les fourmilières font
élevées en forme de pyramide , unies & cimentées au-dehors : elles n'ont
qu'une feule ouverture qui fe trouve vers le tiers de leur hauteur ,
d'où les fourmis defcendent fous terre par une rampe circulaire.
Sur la Côte d'Or, en Guinée, & à Maduré dans les Indes Orientales,
on trouve des fourmilières au milieu des champs _, qui font de la hau-
teur d'un homme, & qui font enduites en deffus d'un mortier impéné-
trable : elles en conftruifent encore de grandes fur des arbres fort éle-
vés. Ces fourmis que les Indiens nomment carrcyan ou carias , & les
Péruviens comegen, viennent quelquefois en troupe, en ordre de ba-
taille comme une armée , dans les habitations. On diftingue , dit-on ,
à la tête de leurs bataillons trente ou quarante généraux d'armée, ce
font autant de guides qui iurpaffent les autres en groffeur , qui dirigent
leur marche. Si on a oublié d'enfermer quelques provifions de bouche,
elles s'en emparent , & l'armée des fourmis fe retire avec beaucoup
d'ordre , en emportant avec elle fon butin.
FOU 811
Pendant le féjcur que l'Auteur qui cite ces faits fit au Cap de Corfe,
lin grand corps de cette milice vint rendre vifite au château. Il étoit
prefque jour , lorfque lavant-garde entra dans la chapelle , où quelques
domeftiques Nègres étoient endormis fur le plancher : ils, furent éveillés
par l'arrivée de cette petite armée, dont l'arriere-garde étoit encore à
la diftance d'un quart de mille. Après avoir tenu confeil fur cet inci-
dent , on prit le parti de mettre une longue traînée de poudre fur le
fentier que les fourmis avoient tracé & dans tous les endroits où elles
commençoient à fe difperfer : on en fit fauter ainfi plufieurs milliers qui
étoient déjà dans la chapelle. L'arriere-garde avertie du danger , tourna
tout d'un coup , & regagna diredement fon camp. Le rat & plufieurs
autres animaux ne peuvent éviter ces fourmis : elles fe jettent fur leurs
corps , les accablent par le nombre & par les blefllires , les dépècent &: les
entraînent où elles veulent. En une feule nuit, ces infedes deftrudeurs
dévorent des moutons & des chèvres , & il n'en refte que les os. Mais
rien n'eft plus fingulier que les morceaux de bois où ces fourmis ont
travaillé : on y remarque un trou par où elles fe font introduites ; l'in-
térieur eft évidé prefque en enti.r, & ne montre plus que des cloifons
délicates, parallèles les uns aux autres, ftriées fuivant leur longueur,
& qui ne tiennent enfemble que par des jambages latéraux & parallè-
les à la bafe que ces infedes y ont laiile de diftance en diftance.
A Batavia les fourmis font leurs fourmilières fur des cannes, pour
éviter les innondations : elles les conftruifent avec une terre graflfe, &. y
forment des cellules.
Les habitans de Paramaribo ( Colonie Hollandoife dans le pays de
Surinam ) voient arriver , dans de certains temps , des fourmis que les Por-
tugais appellent fourmis de vïjiu ou vijîtatriccs. Ces fourmis marchent en
grande troupe , & exterminent les rats, les fouris & autres animaux
nuifibles.
Lor(qu'on voit paroître ces fourmis , on s'emprefle d'ouvrir les coffres
& les armoires, afin qu'elles puiffent trouver les rats & les infedes :
elles ne viennent pas auffi fouvent qu'on le défireroit ; car il fe pafîe
quelquefois trois ans fans qu'il en arrive, Lorfque les hommes les
irritent , elles fe jettent fur leurs fouliers & leurs bas qu'elles mettent
en pièces. Ces fourmis de vifite font aulîi défirées, que les armées
de celles de la Guinée font redoutées.
Il faut convenir que les fourmis d'Europe ne rendent pas au genre
Kkkkk:j
s 12 FOU
humain des fervices de cette importance, mais aufll font-elles moins
cruelles envers les animaux. Cependant en Suifle, en Luface, &c. on
les fait fervir à peu près aux mêmes ufages. On en tire, par exemple ,.
un parti merveilleux pour exterminer les chenilles : voici la manière
dont on s'y prend. Si un arbre efl: infcélé de chenilles, on enduit le
bas du tronc de poix molle ,* ou de gîaife délayée , 5c l'on accroche
au haut de l'arbre un fachet rempli de fourmis, auquel on laiffe une
ouverture par où elles puiflent paffer. Les fourmis parcourent Tarbre
& ne peuvent l'abandonner, arrêtées par la glaife; mais prefTées par la
faim, elles fe jettent fur les chenilles, qu'elles dévorent univerfellement^
Journ. étrang. Avril iy6'2»
Mademoifelle Mérian parle de fourmis extrêmement grandes qui fe
trouvent en Amérique, & qui, en une feule nuit, coupent toutes les
feuilles de plufieurs arbres, ôc les emportent dans leurs nids pour la
nourriture de leurs petits : elles habitent dans la terre , quelquefois à huit
pieds de profondeur. Quand elles veulent aller quelque part où elles ne
trouvent point de paflage , arrêtées par un courant d'eau, ou par quel-
qu'autre obftacle, elles fe font un pont fingulier. La première s'attache à
un morceau de bois élevé, qu'elle tient ferré avec fes dents, voilà labafe
inébranlable : une féconde fe place après la première; une troifieme s'atta-
che de même à la féconde r une quatrième à la troifieme , & ainfi de fuite
les unes à la file des autres. Dans cette fituation le cordon s'abandonne au
<vent , efl: porté bientôt de l'autre côté, où la dernière qui devient la pre-
miere & fe trouve à la tête , fe fixe fortement à quelque corps : c'efl ainfi.
que fe forme ce pont fur lequel pafTe une armée nombreufe de fourmis.
Ces fourmis font-elîcs les mêmes que celles que l'on nomme fourmis de
yijîte, qui fe trouvent aufli en Amérique?
Il y a une efpece de fourmis en Amérique & dans les Indes Orien-
tales qui ne marchent jamais à découvert, mais qui fe font toujours
des chemins en galerie, pour parvenir où elles veulent être. On les a
vues fe former ainfi des routes fur un tas de clous de girofie qui alloiî
Jufqu'au plancher , dans un magafin de la Compagnie des Indes Orien-
tales. Arrivées là, elles percèrent le plancher, & gâtèrent en peu
d'heures pour une fomme confidérable d'étoffes des Indes, au travers
defqu elles elles s'étoient fait jour.
Des chemins d'une confliruélion fi pénible, femblent devoir coûter
un temps exceifif aux fourmis q^ui les font : il leur en coûte cependant
FOU S15
beaucoup moins qu'onnelecroiroit. L'ordre avec lequel la multitude y
travaille avance la befogne : on voit à côté l'une de Tautre deux files de ces
fourmis mineufes , dont Tune porte de la terre , & l'autre une matière
vifqueufe. L'une des deux premières de la file applique fa terre au
bord du tuyau ou de la voûte commencée ; l'autre dégorge la liqueur
vifqueufe i elles pétrifient toutes les dQU\ cette terre, & lui donnent la
forme qu'elle doit avoir: elles rentrent enfuitele long de la galerie pour
fe pourvoir de nouveaux matériaux, & prennent leur place à l'extré-
mité pofi:érieure des deux files. Les fourmis qui après celles-ci étoient
les premières en rang, & toutes celles qui fuivent, font de mcme;ôw
par le moyen de cet ordre dirigé par un chef de chaque file qui marque
la route, plufieurs centaines de fourmis travaillent dans un efpace fort
étroit, fans s'embarraflfer & avancent leur ouvrage avec une vîtefle
furprenante.
On dit que la raifon pour laquelle ces infeftes font de fi grands tra-
vaux, efi: pour fe mettre à l'abri du foleil & de la lumière qui leur
font très-dangereux ; car elles meurent fi elles y refient expofées trop
long-temps; la nuit, au contraire, leur rend toutes leurs forces. Peut-
être auflU n'eft-ce que pour fe cacher des fourmis noires & de quan-
tité d'oifeaux qui en font ennemis. Dans les pays qu'habitent ces fourmis
mineufes, on eft obligé, pour conferver les meubles, de les élever fur
àes piedefiaux enduits de goudron. On voit aufii de ces efpeces de
fourmis dans la Guinée j on les appelle vag-vague au Sénégal. Fcyei Pou
DE BOIS.
Barrere, dans fon Hiftoire Naturelle de la France équinoxiale, parle
de plufieurs efpeces de fourmis qui fe trouvent à Cayenne & dans d'autres
parties de l'Amérique. Il y a entr'autres une efpece de fourmi volante y
dont les Nègres & les Créoles mangent le derrière, qui a la forme
d'un petit fac, de la grofieur à peu-près d'un pois chiche, Ôc qui efi:
rempli d'une liqueur blanchâtre, qui paroit n'être autre chofe que les
CEufs même de cet infed:e. On fe fert à Cayenne du nid comme fongueux
d'une efpece de fourmis , pour étancher le fang.
Par-tout on remarque que chaque efpece de fourmi fait confiamment
bande à part, & qu'on ne les voit jamais mêlées enfemble; fi quelqu'uner
par inadvertance fe rend dans un nid de fourmi qui ne foit pas de fon
efpece, elle perd néceflairement la vie , à moins qu'elle n'ait le bonheur
de fe fauver promptement*
8 14 FOU
Fourmis qui donnent de la Rcjine laque.
On a ignoré pendant loag-temps quelle étoit la véritable origine de
la réiine laque; mais il paroît prefque démontré préfentement, qu'elle
eft due à des fourmis vulantea, qui fe trouvent dans plulîeurs provinces
des Indes Orientales; telles que Pegu, Siam, Bengale & Malabar,
Ces fourmis dépofent la laque fur des branches d'arbres, ( que
M. de Jujfîeu foupçonne être des jujubiers ) ou fur des branchages que
les habitans ont foin de pÉjuer en grande quantité , pour fervir de fou-
tiens à l'ouvrage de ces petits infeétes.
M. Geoffroi, Mém. d&ÛAcad. iyi4, ayant examiné avec foin la laque
en bâton, c'eft-à-dire, la laque attachée aux branches, l'a reconnue
pour être une forte de ruche, approchant, en quelque façon, de celle
que les abeilles ou autres i. feâes ont coutume de travailler. En effet,
quand on la caffe, on la trouve partagée en plufieurs cellules ou alvéo^
les , d'une figure aflez uniforme , & qui marque que ce n'a jamais pu
être une gomme ou une réfine qui ait découlé des branchages fur
lefquels on les trouve , comme quelques Naturaliftes Tavoient penfë.
Les cloifons de ces alvéoles font extrêmement fines , & toutes pareilles
à celles des ruches de mouches à miel. Comme elles n'ont rien qui les
défende Ôlqs injures de fair, elles font recouvertes d'une couche de cette
même matière, affez épaifle pour leur fervir d'abri; d'où l'on peut
conclure que ces infedes ne travaillent pas avec moins d'induftrie que
les abeilles, quoiqu'ils aient beaucoup moins de commodités.
Ces alvéoles contiennent de petits corps plus ou moins renflés, &
qui font moulés. Ces petits corps font d'un beau rouge ; les uns plus
foncés & les autres moins. Quand on les écrafe, ils fe réduifent en une
poudre aulTi belle que celle de la cochenille. En mettant ces petits
corps dans l'eau, ils s'y renflent comme la cochenille, la teignent d'une
aufli belle couleur, & en prennent à-peu-près la figure, enforte
que la feule infpedion fait connoître que ce font de petits corps
d'infedes , en quelque état qu'ils foient ; & ce font vraifemblable-
ment les embryons de ces fourmis. Ce font de petits corps qui
donnent à la laque la teinture rouge qu'elle paroît avoir; car quand
elle en efl: abfolument dépouillée ou peu fournie, elle ne donne qu'une
teinte très-légère. Il paroît donc que la laque n'eft qu'une forte de cire
que recueillent ces fourmis , comme les abeilles recueillent notre cire
FOU 8i^
ordinaire ; folt qu'elles la trouvent dans l'état où elle eft fur les fleurs
ôc furies arbres.
Il y a des fourmis à Madagafcar qui conftruifent aufîî des alvéoles
fur des branches avec une efpece de laque, mais qui a abfolument l'o-
deur & la couleur de la cire. Cette laque 'ne donne point de couleur ,
& ne peut être employée en teinture , ni à faire de la cire à cacheter ;
cependant les habitans du pays s'en fervent comme de colle & de
maftic. Cette laque n'étant point d'ufage dans le commerce, eft moins
connue.
Les fourmis de Pégu préparent & travaillent la laque pendant huit
mois de Tannée, pour la production & la confervation de leurs petits.
C'eft cette laque que les hommes ont fu mettre à profit, en l'employant
pour la belle teinture d'écarlate qui fe fait au Levant , & dont l'on fe
fert principalement pour colorer les peaux de chèvres que Ton nomme
cuirs marroquins. Les Indiens en teignent ces toiles peintes fi recher-
chées en Europe , qui ne perdent point leur couleur à l'eau. Cette re-
fîne eft aufli d'ufage pour la cire à cacheter & pour le vernis: elle brûle
en exhalant une odeur agréable.
On fépare la laque des bâtons en la faifant fondre: on la lave; on
îa jette enfuite fur un marbre, oii elle fe refroidit en lames: on la
nomme alors lacjue place,
La laque en grains eft ce qui refte de plus groilier après qu'on en
a tiré la teinture : c'eft cette laque que l'on emploie dans certains ver-
nis, & pour la cire à cacheter. On colore cette cire avec du vermillon;
la cire noire eft colorée avec du noir de fumée ', & celle qui eft de cou-
leur d'aventurine , avec de l'orpiment.
Les Indiens font avec leur laque colorée , une pâte très-dure , d'un
très -beau rouge , dont ils forment dts bracelets appelles manilles. Le
nom de lac ou loc que l'on donne à la réfine ou cire laque lui vient
des Arabes , de qui les Indiens l'ont appris. On la nomme aufîî trec dans
le Royaume de Pégu & de Martaban.
On lit dans le cinquième volume de l'Académie Royale des Sciences
& Belles-Lettres de Berlin , une obfervation de M. Margraf , fur l'a-
bondance d'huile qu'on peut retirer des fourmis. Cet Auteur dit que,
il on excepte le jaune d'ceuf , on n'a rien connu jufqu'à préfent dans
le règne animal, d'où l'on puilTe obtenir une huile tout- à-fait fem-
blable à celle des végétaux , finon les fourmis i car les huiles préten-
?T^ FOU
dues qu'on exprime de certains poiifons, ne font proprement que da
vraies graifles. M. Margraff" 3. obtenu de l'huile eflentielle de fourmis ,
en les diftillant à Teau dans une retorte mife dans un bain de fable. La
couleur de cette Luile eft rougeâtre: expofée entre l'œil & la lumière,
elle paroît tranfparente ; une médiocre gelée l'épaiHît , & par confé-
quent diminue fa limpidité ; elle im.prime au papier une tache huileu-
fe, elle nage au-delTus de l'eau , & ne s'y mêle point. En la diftiilanç
avec l'eau , elle ne s'élevç. ni ne pafTe par l'alambic ordinaire; elle brûle
comme toute autre huile par le moyen de la mèche.
Les fourmis contiennent un acide aflez développé ; la preuve en efl
que fi l'on jette dans une fourmilière une fleur bleue , elle deviendra
rouge. L'analyfe qu'on a faite de ces infedes , démontre cet acide: on
les diftilîe avec de l'efprit-de-vin , & on en retire ce qu'on appelle
eau de mûgnanimitè , à caufe des grandes vertus qu'on lui attribue pour
fortifier le corps, & réparer les forces abattues. En effet, les fourmis
font regardée? comme portant finguliérement aux voies urinaires èc
aux organes de la génération, & comme réveillanc puilfamment l'ac-
tion des organes ; c'eft pourquoi elles palTent pour un remède excel-
lent dans la foibkfle des vieillards, dans la paralyfie, la dilpofition à
l'apoplexie, la foiblefle de la mémoire, l'impuiflance; & cela, foit em-
ployées intérieurement en fubftance, foit extérieurement fous forme
de bain ou de fomentation : on fe fert auifi de cette huile contre le
bourdonnement & autres maux des oreilles, on en imbibe du coton
qu'on renouvelle foir & matin. Confultez le Traité des fourmis de M,
Gould, Lond. iy'4y,ôc les Tranf..ci. Philofoph. n°. /^Si.fccl. 4.
FOURMILIER ou Tamanoir ou TamanduaouMyrmécophage,
autrement Gros Mangeur de Fourmis ou Renard Américain ,
urfus formicurius. Animal naturel au climat de l'Amérique Méridionale,
dont le caradere eft d'avoir le mufeau long, la gueule étroite , comme
pointue & fans aucunes dents, la langue ronde & longue, qu'il infi-
nue dans les fourmilières & qu'il retire pour avaler les fourmis dont
il fait fa principale nourriture. On en diftingue trois efpeces.
La première eft le fourmilier tamanoir. Cet animal a , depuis l'extré-
mité de la queue jufqu'à l'extrémité de la bouche , environ fix pieds
^ demi de longueur; fon mufeau eft extraordinairement alongé, l'ou-
verture de fa bouche très-petite, fa langue menue & longue de plus
éIç deux pieds , il la roule dans fa gueule lorfqu'il la retire toute entière ;
fes
FOU 817
fes oreilles font courtes & rondes, les yeux petits; Tes jambes de der-
rière font longues d'un pied , & terminées comme celles de l'ours ;
celles de devant font un peu plus longues : il a quatre doigts aux pieds
de devant , & cinq à ceux de derrière , qui font tous armés d'ongles
forts; les deux du milieu des pieds de devant font les plus longs, les
plus forts & les plus crochus ; fa queue eft longue de deux pieds Se
demi , couverte de poils rudes & longs d'un pied ; ceux du cou & de
la tête paroifTent tournés en devant ; ils font tout variés de blanc ,
plus noirs cependant vers la partie poftérieure du corps. On remarque
une grande bande noire qui couvre la poitrine tranfverfalement , pafle
fur les côtes , va fe terminer fur le dos vers la moitié de fa longueur ;
les jambes de derrière font noires , celles de devant font blanches avec
une tache noire vers le pied : c'eft la plus grande efpece de fourmilier;
elle fe trouve dans la Guiane & dans le Bréfil , où il eft appelé tama/i'
dua-guacii ou tamandua-ouajfou.
Cet animal relevé fa queue fur fon dos , s'en couvre tout le corps
lorfqu'il veut dormir ou fe mettre à l'abri de la pluie & de l'ardeur du
foleil; les longs poils de la queue & du corps ne font pas ronds dans
toute leur étendue , ils font plats à l'extrémité & fecs au toucher com-
me de l'herbe deflechée ; l'animal agite brufquement & fréquemment
fa queue lorfqu'il eft irrité , mais il la laifle traîner en marchant lorf-
qu'il eft tranquiie, & il en balaie le chemin où il paîTe. Ses pieds pa-
roifTent moins faits pour marcher , que pour grimper & pour faifir ài^'&
corps arrondis : auili ferre-t-il avec une fi grande force une branche
ou un bâton , qu'il n'eft pas poflible de les lui arracher. On voit cette
efpece de grand fourmilier dans le cabinet de Chantilly.
Le fécond de ces animaux eft celui que les Américains appellent
feulement tamandua : il eft beaucoup plus petit que le tamanoir, il n'a
qu'environ dix-huit pouces , depuis l'extrémité du mufeau jufqu'à
l'origine de la queue; fa tête eft longue de cinq pouces , fon mufeau
eft aiongé & courbé en defifous; il a la queue longue de dix pouces
& dénuée de poils à l'extrémité , les oreilles droites , longues d'un
pouce; la langue ronde, longue de huit pouces, placée dans une ef-
pece de gouttière ou de canal creux , au dedans de la mâchoire infé-
rieure; fes jambes n'ont guère que quatre pouces de hauteur, il a
également quatre ongles aux pieds de devant & cinq aux pieds de der-
Tome IL LllU
8i8 FOU
riere; il grimpe & ferre aiifîî bien que le tamanoir ^ & ne marche pas
mieux ; il ne fe couvre point de fa queue qui ne pourroit lui fervir
d*abri , étant en partie de'nuée de poils, qui d'ailleurs font beaucoup
plus courts que ceux de la queue du tamanoir; lorfqu'il dort il cache
fa tête fous fon cou & fous ^^s jambes de devant.
La troifîeme efpece eft le petit fourmilier , autrement dit le petit man^
geur de fourmis» Les Guianois l'appellent ouatiriouaou : c'eft effeâivement
le plas petit des fourmiliers : il a environ quinze pouces de long y com-
pris fa queue, qui eft plds longue que le refte du corps; fon cou eft
très-court; il a deux doigts aux pieds de devant, & quatre à ceux de
derrière; fon mufeau eft court; l'ouverture de fa bouche alfez grande;
i&s oreilles font petites, fes yeux grands; il eft tout couvert de poils
jaunâtres, mêlés de gris, doux au toucher comme de la loie, C'eft le
tamandua-miri du Brélil.
Au refte ces trois animaux, qui différent fi fort par la grandeur &
\qi proportions du corps, ont néanmoins beaucoup de chofes commu-
nes , tant pour la conformation que pour les inclinations & habitudes
naturelles. Tous trois fe nourriflent de fourmis , & plongent leur lan-
gue dans le miel & dans les autres fubftances li:]uldes & vifqueufes.
Ils ramafTent aflez promptement les miettes de pain, & les petits mor-
ceaux de viande hachée. On k? apprivoife & on les élevé aifément ;
ils foutlennent long temps la privation de toute nourriture ; ils dor-
ment ordinaiiement pendant le jour , & marchent pendant la nuit. La
langue de ces animaux eft longue bi ronde, un peu femblable à celle
du pic, de façon qu'ils peuvent la faire fortir U la retirer aifément 5
niais ils lalaiflent traîner pour prendre des fourmis quand ils ont faim:
pour cela iîsvont près d'une fourmilière, ils couchent leur mufeau à terre
fur le bord du fentier le plus battu , c'eft l'endroit où les fourmis paffent,
ils pouffent leur langue au travers du fentier ; c'eft une barrière pour les
fourmis : arrêtées dans leur partage, elles fe donnent mutuellement avis de
Tobftacle; on vient en troupe pour examiner les lieux , on mon*^ fur
la digue, on en parcourt toutes les dimenfions, & les frayeurs font
déjà calmées, lorfque le fourmilier fentant que fa langue eft fuffi(am-
ment chargée de fourmis, la retire & les engloutit, fans qu'il en échappe
une feule; en1;ite il recommence le même exercice auffi long-temps
qu'il eft preflTé Je la faim. Avec les ongles ou griffes des pieds de devant
ils déterrent & culbutent aulii iss fourmilières , jettent l'alarme dans
FOU 8i^
la petite république, & fe nourriflent de fes habitans qu'ils peuvent
faifir à force ouverte ou par rufe. Le fourmilier marche fi lentement
qu'on peut le prendre aifément. Si on le touche avec un bâton, il s'ac-
croupit fur fes pieds comme un ours. Comme il ne peut mordre, il fe
défend avec fes griffes. Il dort tout le jour, la tête pofée entre fes deux
jambes de devant: quand il bpit, il fort de l'eau par fes narines; il
eft d'une vie fort dure; il ne marche que la nuit ; fa chair fent mau-
vais, cependant les Sauvages en mangent: pour l'animal, il exhale une
forte odeur de fourmi. Les mâles ont cel^de particulier, que leurs
tefticules font cachés en dedans fous la peau. Les fem.elles mettent bas
autant de petits qu'elles ont de tettes : ce qui leur eft commun avec
les truies. On prétend que ces animaux recourbent, ainfî que les finges,
l'extrémité de leur queue en deffous, & s'en fervent comme d'une
main pour fe fufpendre aux branches des arbres; dans cette fituation ,
ils balancent leurs corps , approchent leur mufeau des trous & des creux
des arbres; ils y infinuent leur langue, de la retirent enfuite brufque-
ment pour avaler les infedes qu'elle a ramiailés. M. Vofmacr prétend
avoir une efpece de myrmccophagc Africain , dont le groin eft un peu
gros, rond & comme écrafé en deflus.
FOURMILIERE. Nom donné à ces petits monceaux de terre que
les fourmis forment en cône pour leur demeure commune, & pour la
nourriture de leurs petits, yoye:^^ à VanïcU Fourmi.
FOURMI - LION ou FOURMILLON ou FORMICA - LEO.
Voyf{_ au mot Demoiselle du Formica-leo.
M. ai Réaumur croit qu'il y a du côté d'Avignon une efpece de for-
mica-leo différente du nôtre par la grandeur. On en trouve à Saint-
Domingue encore une efpece plus grande que celle des environs d'A-
vignon. Le formica-leo du pays de Genève marche quelquefois en
avant, il eft plus gros & plus diftind. Toutes les efpeces de formica-
leo fe métamorphofent, & font de l'ordre des infedes névropteres,
Voyei à rartïcU Insecte.
FOURRAGE. Nom donné à tous les herbages qui fervent de pâ-
ture aux animaux qui vivent de végétaux. Le fourrage du cheval
comprend le foin, V avoine, la luzerne , \q fainfoin, Iq fon , & la pailU
du froment. Voyez ces mots. Ces fortes de fourrages font une partie de
commerce & d'économie ruftique, très-précieufe: mais il y a beaucoup
de choix : car un fourrage peut être corrompu ou altéré par le mé-
Lllll 2.
S20 FOU
lange. Un animal libre & abandonné à lui-même pour chercher fa
pâture dans les prairies & dans les bois, n'a garde de brouter parmi
les plantes celles qui de leur nature peuvent être nuifibles à fa fanté ;
fon inftinâ: feul le guide de dirige fon appétit vers les plantes propres
à fon entretien. Mais il en eft tout autrement pour un animal dans
l'état d'efclavage ; il eft obligé de fe nourrir de ce que l'aveugle in-
duftrie de l'homme lui prépare & lui préfente. La nécellité lui fait
prendre fouvent des alimens qui lui font contraires ; & fon appétit
naturel irrité par la faim , n'a pas la Lberté du choix : combien n'a-
t-on pas vu de fourrages altérés dans le pré pendant la fenaifon , ou
falilfiées par la cupidité des Marchands dans un temps de difette. Se
produire au plus fecourable des animaux (le cheval ) le farcin , la
gale, la maladie du feu, & fouvent même la morve ?c'eft de la plu-
part des mauvais fourrages que viennent ces maladies épidémiques qui
s'étendent fur le bétail , fe multiplient & font les plus grands ravages
dans les armiées , dans les villes & dans les campagnes: ainfi la nour-
riture la plus commune du cheval eft aufÏÏ la plus fufpede. Nous avons
donné, au mot foin, une lifte des plantes qui doivent compofer un
foin falutaire : nous le répétons, l'on ne peut trop fe mettre en garde
contre Tufage d'un foin mêlé de mauvais herbages , c'eft ce qui nous
engage à indiquer ici les plantes maltaifantes qui peuvent fe trouver
confondues avec les bonnes, briiées, deiTéchées & bottelées enfemble.
Les principales font laconit, toutes les efpeces de tithymales, la gra-
tiole , les perlicaires , le thlafpi , l'efpece de renoncule t^a) appelée douve :
ces végétaux, fur-tout encore verts & vivans, & parmi lefquels on y
[a) M. Halle r , dans les vues de confoler le Cultivateur , j'jftement effrayé par
le peu d'efpérance de pouvoir détruire les renoncules , ou les autres plantes acres ,
dit qu^il faut fe fouvenir que ces plantes perdent leur âcreté par le deffichement , &
deviennent innocentes. Elles feroient dangereufes pendant qu'elles font fur pied , (i les
animaux ne favoient pas les éviter par une fagacité naturelle , qi.i eft , dit-il , aidée
par une efpece de tradition. Il y a près d'Upfal une rocaille où il croît du napel ; les
chèvres du pays y touchent andi peu que les chèvres des Alpes ; m.iis les chèvres
étrangères , dit encore M. Huiler, n'eii connoiffent pas l'effet pernicieux } eiles en
mangent & périffent. Ici la figacité naturelle eft en défaut ; & comme le fuc & la
partie charnue des plantes mal-faifantes iie fe defTechent pas toujours auffi promptement
que les herbes falutaires , il faut donc redouter l'ufage d'ua foin mêlé de mauvais her-
bages.
FOU F R A 821
en a mêlé d'autres où fe trouvent quelquefois le thora &c la catapuce,
font pour le cheval autant de poifons qui lui donnent des tranchées
de différens genres, & le font périr enflé, conftipé. DefTéchés ils font
moins redoutables.
La paille que l'on donne à manger aux animaux, ou qui leur fert
de litière , eft communément de froment. La plus nourriflante & la
plus appétiflante doit ctre blanche, menue & fourrageufe , c'eft-à-dire
mélangée de bonnes plantes , telles que font la gefîe, le fétu, le gra-
teron , le laitron , le liferon , le mélilot, la perce-feuille, le pied-de-
lievre , la vefce,la bourfe àpafteur, la velvote, le coquelicot & plu-
sieurs autres dont les graines nuifent beaucoup à la bonté du blé & de
l'avoine. Mais cette nourriture n'efl: propre que pour les chevaux qui
font peu d'ouvrage , Se qui font d'ailleurs grands mangeurs. La paille
d'avoine, celle des mars, font encore une très-bonne nourriture pour
les chevaux & les bètes à cornes pendant l'hiver ; on peut les mêler
avec le foin ou le regain.
L'avoine eft fans contredit le principal fourrage des chevaux : ils en
font rarement dégoûtés, à moins qu'il ne fe rencontre des graines de
fenevéjde colfa, de coquelicot, &c. voyti Avoine, Le fon eft un
acceflbire du fourrage. Quand il eft nouveau , les chevaux en font
friands; lorfqu'il eft vieux il acquiert une rancidité qui empêche le
cheval d'avaler l'avoine , ou de boire l'eau dans laquelle on en auroit
mis. f^oyei Praikies.
FOURRURE. Foje:^ Pelleterie.
FOUTEAU, FAU ou FAYARD, Arbre de haute-futaie, qui fe
nomme auffî hctre. Voyez ce mot.
FRAGMENS PKÈCIEUX, fragmenta prétiofa. 1)^1)8 les boutiques
des Apothicaires & des Droguiftes, on donne le nom de cinq fra-^mens
préc'uux y à des particules de rubis, defaphir, à^émeraude, de topaze &
àH hyacinthe, qui réfultent de ces diverfes pierreries , à l'inftant où le
lapidaire les dégroflit pour en former aes pierres régulièrement taillées :
fouvent ces fragmens ne font que des primes de pierreries ou quart^tufes , ou
defpathfufibli : voyez ces mots. Autant les anciens employoient de frag-
mens dan:> les compofitionb pharmaceutiques, autant les Modernes inf-
truits les profcrivent & les regardent tout au plus comme capables de
faire illufion à ceux que le brillant féduit. En eftet , le plus grand bien
qu'on puiffe attendre desyr^^we/zi pris intérieurement, c'eft qu'ils ne
g 2 2 F îl A
produifent aucun mauvais effet: la pratique de la Médecine court aiTez
d'autres hafards fans celui-là ; & nous voyons aducllement en France
ces pierreries rendues aux mains du luxe. Il feroit à défirer que les
Pharmacologiftes bannifTent de la lifte des remèdes tous les médicamens
infolubles , terreux & pierreux. Quelle vertu efpérer des émanations 3c
des attrapions? Faut-il être autant efclave de la mode & des préjugés,
pour appliquer i°. fur (on nombril une piei-redejade à delTein de brifer
la pierre de la vefTie; 2". à la cuiflfe une pierre d'aigle pour faciliter
l'accouchement 5 3°. fur la déni ou fur le poignet une pierre d'aimant
pour extraire la douleur & la fièvre; 4°. une amulette ou une plaque
de criftal de roche fufpendue au cou , pour éloigner les fonges qui in-
quiètent; y"", dans l'eftomac une mafle glaifeufe de bol, de taîc,d'ar-
doife , d'ochre pour abforber les acides de ce vifcere , ou une mafle
dangereufe de pierres d'azur & d'Arménie pour purger joyeufement ,
ou un enduit très-abforbant & graveleux , telles que Yo/Iéocollc , \d.glof'
fopetrey les béUmnites , \qs pierres Judaïques & Cl éponge, \qs coquilles d' huî-
tres &c d'œufs , & toutes les terres calcaires , tout ceci pour brifer la pierre
& pour faire uriner. Mais c'eft citer aflez de chimères; en doit-on dire
autant de ces pierres tendres & défedueufes, que les rayons de la lune
mangent , au dire des ouvriers ? Ici il y a moins de bonne foi que
d'ignorance.
FRAGON ou PETIT HOUX. Voye-i Houx frelon.
FRAI. Voyei Fray.
FRAISE. Ce nom fe donne au fruit dufraijîer: voyez ce mot; & à
une coquille bivalve flriée , piquetée , & de la famille des cœurs. Fraife
eft encore dans les anim.aux deftinés à notre nourriture, les entrailles
avec leur enveloppe.
FRAISE ou CAILLE DE LA CHINE. La fraife a été alnfi nom-
mée par M. de Bufon , à caufe de l'efpece de fraife blanche qu'elle a
fous la gorge, & qui tranche d'autant plus, que fon plumage eft d'ua
brun noirâtre; elle eft plus petite que notre caille: on la retrouve aux
Philippines. Les fraifes ou cailles de la Chine ont cela de commun avec
celles de nos climats , qu'elles fe battent à outrance les unes contre
les autres, fur-tout les mâles; & que les Chinois font à cette occafion
des gageures confidérables, chacun pariant pour fon oifeau, comme
on fait en Angleterre pour les coqs. '
¥ hlSlE^ , fragaria. Plante bafte & touffue , qui vient naturellement
F R A 823
dans les forêts & à l'ombre, & qu'on cultive auffi dans les jardins où elle
profite davantage : fa racine eft vivace , fibreufe, de couleur brune fon-
cée , d'un goût aftringent ; elle pouiTe plufieurs pédicules ou queues
menues, longues, velues, grêles, branchues à leurs fommets, & qui
portent des fleurs: elle jette aulTi des queues de même longueur & fi-
gure, qui foutiennent des feuilles. De plus , elle poufîe certains filamens
noueux, qui ferpentent fur terre, y prennent racine, & donnent , de
chaque nœud , des feuilles Se des racines par lefquelles cette plante fe
multiplie. Ses feuilles font au nombre de trois fur une queue, oblon-
gues,peu la'-ges , dentelées tout autour , veinées, velues, vertes en
delTus, & blanchâtres en deflbus. Ses fleurs font attachées quatre ou
cinq à un même pédicule ; elles font en rofe , à cinq pétales blancs,
placés en rond; leur piftil fe change dans le printemps, en un fruit
ovoïde, plein de fuc, charnu, mou , d'abord blanc, puis rouge ex-
térieurement , rempli de graines menues , d'une odeur agréable , d'un
goût doux, vineux, fort exquis. Ce fruit s'appelle //tiz/t! , il mûrit
queÎ4ueK;ii blanc.
Le goût des fraifes cultivées efliplus délicieux : cependant la fraifedes
bois efl: plus falutnirc & plus odorante; leur fuc mis à fermenter donne
du vin , dont on peut re irer un efprit ardent; mais fi on le lailTe fer-
menter trop long-temps , il s'aigrit & fe corrompt: le fuc des feuilles
du fraifier rougit légéiementle papier bleu; & celui des racines le rou-
git confi>.!érablemenr. Ces racines lont mifes au nombre des remèdes
diuréti ]ues , apéritifs & vulnéraires ; leur faveur efl: ftyptique & amere.
M. Geofroi a remarqué , que fi l'on boit fouvent de la décoélion de
racines de frailier & ci'ofeille, les excrémens fe colorent en rouge, de
forte qu'on croiroit d'abord que le malade efl: attaqué d'un flux hépa-
tique : ceci a jeté plus û'une fois l'alarme dans l'efprit des gens peu inf-
truits , mais il fufnc de changer cette boiflTon pour que les excrémens
reprennent leur couleur naturelle. En général , les fraifes font rafraî-
chifiantes, répriment la chaleur de l'eflomac, & excitent les urines : on
les préfente principalement au deflcrt, avec du fucre& arrofées d'eau:
mêlées avec du vin, ou du lait, ou de la crème, elles font plus diffi-
ciles à digérer dans l'eflomac, elles s'y aigriffent plus facilement, &
alors elles caufent des crudités nuifibles au genre nerveux. Si on mange
trop de fraifes , elles portent à la tête & enivrent un peu. On remarque
aufli que les urines contradent affez fouvent l'odeur des fraifes. On ne
824 F R A
peut trop recommander le foin de laver les fraifes avant d'en manger,'
parce que les crapauds & les ferpens , qui en aiment Todeur , repairent
fouvent fous les fraifiers , & jettent leur haleine ou leur bave fur leurs
fruits. (M. HalUr dit cependant qu'il n'y a aucun animal en Europe
dont la falive puifTe nuire, à moins d'être introduite immédiatement
dans le fang. ) Dans^I-çs-pays chauds , & même dans nos Cafés, on fait
une boiflbn avec lejii'ÎJ^es fraifes , le (uc de limon & de l'eau, en quan-
tité égale, mêlés enfSmble avec un peu de fucre. Cette boiflbn qu'on
appelle bavaroijc '^J^'grecque j efl: fort agréable. En Italie on broie la
pulpe des fraifes a^'ècde^'eau rofe, & on en fait enfuite avec le fuc de
citron une conferve délicieufe. Dans les boutiques à.23 Apothicaires &
des Parfumeurs , on trouve une eau diftillée de fraifes , qui efl: un ex-
cellent cofmctique, & utile en gargarifme pour les ulcères de la gorge.
Les Dames s'en fervent volontiers à leur toilette, pour effacer les rouf-
feurs & les lentilles du vifage. On prétend que le fraifier bouilli dans
du vin rouge, & appliqué fur Vos pubis , arrête les fleurs blanches , les
trop fréquentes pollutions qui arrivent la nuit, & les gonorrhées qui
ne font pas virulentes.
Les fraifiers , tant ceux qui portent des fraifes rouges que ceux qui
produifent à^s fraifes blanches , fe multiplient de plant enraciné. Quand
on veut tranfplanter , on préfère le plant tiré des bois à celui des
jardins : on prend au printemps les traînafles qui fe forment en fortant
du corps du fraifler, & qui rampent fur terre, ou bien on les enlevé
en motte: elles prennent aifcment racine, & au bout de deux ou trois
mois , en Ofîobre , on les tranfplante. On a foin d'en placer trois ou
quatre dans chaque trou qu'on fait avec le plantoir fur les bordures,
ou en planches, ou fur des à-dos contre un mur expofé au midi, dans
une tere neuve & légère , qu'on a attention d'arrofer & de farder de
temps à autre. Il efl; utile de ne laifler à chaque pied que quatre mon.
tans des plus forts, & trois ou quatre fleurs de celles qui font le plus
près du pied , & on pince les autres. Il faut , quand il n'y a plus de
fruit, couper rez pied, rez terre les vieux montans , fi on veut avoir
beaucoup de belles & bonnes fraifes. On doit renouveller le plant, tous
les trois ou quatre ans, & ne conferver que les traînafl^es qui font nécef-
faires au plant. On obtient des fraifes hutives , ou dans des terres chau-
des, ou félon l'expofition du fol & l'abri qu'on donne au plant.
Les ennemis du plant du fraifier font les vers des hannetons & du
fcarabée
F R A 82 j
fcarabée rhinocéros, qui, pendant les mois de Mai & de Juin, mangent
le cou de la racine entre deux terres, & font ainfi périr la plante; il
faut alors parcourir les fraifiers , & fouiller au p.igd de ceux qui com-
mencent à fe faner; d'ordinaire on y trouve le gros ver blanc, qui après
avoir caufé ce premier mal , paflTe , fi on n'a foin dé îe détruire , à d'au*
très fraifiers, & les fait pareillement mourir. I;ç?'Anglois qui font ja-
loux de la culture du fraifier, ne ceflent de fà'^felf-^ d'arrofer & de dé-
truire la vermine de cette plante. ^
M. Premier , en revenant de fon voyage de larnexilu Sud, a le pre-
mier fait connoître en Europe le fraifier dif*CHiîi ^ fragaria Chilienjîs
fruclu maxïmo ,foiùs carnojis ^ hïr^uts. Il diffère de toutes les efpeces Eu-
ropéennes par la largeur, l'épaiiTeur & le velu de fes feuilles. Son fruit
de couleur rouge blanchâtre , eft communément de la grofleur d'une
noix, & quelquefois auffi gros qu'un œuf de poule; mais fa faveur n'a
pas l'agrément & le parfum de nos fraifes de bois. Cette plante a donné
du fruit au Jardin Pvoyal de Paris, & en porte depuis quelques années
da'ns le Jardin de Chelfea près de Londres. On a obfervé qu'elle réullit
le mieux àl'expofition du foleil du matin, & demande de fréquens ar-
rofemens dans les temps deféchereflè.
FRAISIEPv EN ARBRE. Voyc^ Arbousier.
FRAMBOISIER. Voyti Vanicic Ronce.
FRANCOLIN,/r^/2co//«if5, eft un cifeau qui ne fréquente que les
montagnes: on le voit rarement en plaine, mais communément dans
les Alpes, en Italie, dans la chaîne des Pyrénées , en Egypte & dans
les Ifles de Chypre & de Samos. Bdon dit que le francolin eft fembla-
ble à la canne-pétiere , mais plus petit : fes pieds & fes jambes font
couverts de plumes com.me ceux du coq des bois ; fa tête refiemble à
celle de la perdrix grife; fon bec eft de même , court & fort. Son plu-
mage eft de différentes couleurs. On a donné le nom àQ/rincolin à un
oifeau affez femblable au précédent, & qui porte fur la tête une hupe
jaune avec des taches blanches , & des taches noires. Il a au defTous
du bec une forte de barbe , com.pofée de plumas très-déliées. Le fran-
colin eft du genre de la perdrix , il fe nourrit de graines & de vers: on
en voit de tout blancs dans les montagnes de la Savoie. Les francolins
font leurs nids en terre, & pondent autant d'oeufs que la perdrix.
On peut élever ces oifeaux dans des voheres; mais il faut avoir
attention de leur donner à chacun une petite loge où il'î puiffent fe
Tome lu _ M m m m m
%2^ F R A
tapir & Te cacher , & de répandre dans la volière du fable & quel»
ques pierres de tuf: fon cri eft moins un chant , qu'un fifHement très-
fort, qui fe fait entendre de fort loin.
On faifoit autrefois beaucoup de cas de la chair du francolin. Martial
en fait l'éloge comme du mets le plus exquis de l'Ionie: elle convient
aux eftomacs foibles. Les Italiens n'ont nommé cet oifeau francolin ,
que parce qu'il eft franc dans ce pays , c'eft-à-dire, qu'il eft défendu
au peuple d'en tuer : il n'y a que les Princes qui ayent cette préro-
gative.
Quelques-uns ont donné aufll au francolin le nom de coq de marais;
mais ce dernier oifeau eft différent de notre francolin , par les lieux
qu'il habite. Le coq de marais eft un attagcn ou une gclinote huppée,
Albin en a parlé fous le nom à^cegocephale. Il fe tient communément
fur les parages fablonneux des mers, y cherche fa nourriture, & neft
pas plus effrayé à la vue du monde que ne l'eft la mouette.
Le francolin d'Olina , qui eft un oifeau différent du francolin de
Bdon ou tattagas, a le cou plus court que ce dernier, le corps plus
xamaffé, les pieds rougeâtres garnis d'éperons &:fans plumes, les doigts
fans dentelure. Il habite les plaines, les lieux basj on i'élevoit aufll
dans les volières.
FRANGIPANIER, plunuria , eft un arbre de l'Amérique qui
s'élève d'environ dix à douze pieds hors de terre : iî pouffe de longues
branches d'un pouce de diamètre, & à-peu-près d'égale grofleur par-
tout d'une extrémité à l'autre, & dénuées de feuilles dans toute leur
longueur. Les feuilles , ainfi que les fleurs , viennent par gros bou-
quets aux extrémités des branches ; en forte que le refte de farbre
paroît extrêmement nu. Les feuilles font trois fois plus grandes que
celles du laurier rofe , & ont la figure d'un glaive. Quant aux fleurs
elles relfemblent beaucoup à celles du jafmin , mais elles font plus
grandes. On diftingue trois fortes de frangipaniers par rapport aux
couleurs de leurs fleurs; i°. celles d\x frangipanier blanc font blanches;
mais bordées d'un filet rofe fur un des bords feulement ; 2°. celles du
frangipanicr mufqué font rouges, & la couleur en eft plus foncée vers
les bords; 3°. enfin celles du frangipanicr ordinaire font d'une belle
couleur de jaune orangé, qui paffant par différentes nuances, fe
termine par un beau rouge de carmin : comme l'odeur de ces fleurs
eft très-fuave , on les fait entrer dans la compofition des tourtes de
F R A F R É S27
francîilpanes du pays. Pour peu qu'on écorche ou qu'on cafTe une
branche , ou qu'on arrache foit une feuille , foit une fleur du frangi-
pan'ier , il en découle auflî-tôt un lait abondant épais , dont quelques
habitans fe fervent pour guérir les vieux ulcères. Nous oublions de
dire que le piftil de la fleur devient dans la fuite un fruit ou une
fîlique qui efl: double pour l'ordinaire , qui s'ouvre d'un bout à l'autre ,
& qui renferme des femences oblongu'es , garnies de feuilles , placées
comme des écailles , & attachées à un placenta. On cultive cet arbre
dans nos ferres chaudes.
FRAXINELLE. Foyei Dictame Blanc.
FRAY ou FRAI. Se dit des œufs du poiflbn , & du temps ou
cet animal les dépofe dans l'eau ; mais ce temps varie félon les poif-
fons. On dit en terme de Vénerie qu'un cerf fraye, quand il frotte fa
tête contre un arbre pour faire tomber la peau velue de fes nouvelles
cornes. On dit encore frai de grenouille & frai de falamandre. Voyez
auffi l'article Poisson.
FRAYE. Voye:^ au mot GrivE.
FREGATE, hirundo marina major, apus roflro adauco , Bark. nut
fregata. C'efi: de tous les oifeaux celui qui vole le plus haut , le plus
long-temps, le plus aifément , &: qui s'éloigne le plus de terre : on
l'appelle olfeau frégate , par allufion à légèreté & la rapidité de fon
vol , qui femble imiter la vîtefle des vaifTeaux qui portent ce nom ,
& qui communément font les meilleurs voiliers de la mer. Il n'efl: pas
rare de rencontrer cet oifeau à trois cents lieues de terre : il ne peut
fe repofer fur l'eau fans périr; fes jambes font courtes, groffes ,
ramalïées ; fes pieds font un peu palmés, mais très-armés de griffes
crochues , fortes & aiguës ; fes ailes font fi grandes qu'elles ont neuf
pieds d'envergure; elles fe meuvent peu fenfiblement dans le vol, & ne
le fatiguent point: on le perd quelquefois de vue. C'efl; à la grandeur
de fes ailes qu'il doit la facilité Aq^q foutenir li long-temps dans fair:
auflî ne defcend-il guère à terre ; il auroit trop de peine à battre des
ailes pour s'en élever ; il perche toujours fur des arbres ou fur des
lieux élevés ; fa groifeur égale celle d'une poule ; fon cou & fa tête
font proportionnés à fa grofleur. Il a le regard afTuré, le bec long,
fort & alfez gros, la partie fupérieure en eft arquée; les plumes du
dos & des ailes font brunes, noires, celles du ventre font grifes chez
les femelles. Les mâles ont une membrane rouge & boutonnée, à peu-
Aï m m m m a
S28 t R É F R Ê
près comme les coqs d'Inde, & qui leur pend jufqu*au milieu du cou;
la queue eft fourchue.
L'oifeau frégate met en ufage fon bec & fes griffes crochus , pour
prendre les poifTons volans & autres poiflbns qui font pourfuivis par
les dorades. Il fond comme un éclair, & enlevé fa proie , en rafantla
fuperficie de la mer, avec une^adreffe admirable, fans prefque jamais
manquer fon coup. Il pourfuit auflî les goélands ou m>auves , &
plufleurs autres oifeaux aquatiques, pour leur faire dégorger le poilfon
qu'ils ont pris de s'en faifir lui-même. Le P. Labi2t dit que la chair de
ces oifeaux fent un peu le poiffon: elle eft fort nourrilfante , & à-peu-
près de la même faveur que celles des poules d'eau : fa graifie eft
fort eftimée , en fridtion , pour les douleurs de la goutte fciatique.
On lit dans ^Hijîoire Naturelle de la France E qu'inox, pag. /j4 , que
comme la frégate fuit ordinairement les vailfeaux, quand on voit un
de ces oifeaux s'approcher de terre , on compte fur l'arrivée ou le
palTage d'un navire. On a donné le nom ailette des frégates , à une
Ile dans le petit cul-de-fac de la Guadeloupe, parce qu'on y trouvoit
beaucoup de ces oifeaux, qui venoient y pafler la nuit & pour y faire
leur nid : mais on les a prefque obligés de déierter en leur donnant la
chaffe pour avoir de leur graifie. On les frappe avec de longs bâtons
qui atteignent au nid ; le coup qu'elles reçoivent les fait tomber à
demi-étourdies. On a vu dans une de ces chafîes, que les frégates qui
prenoient leur effor étant épouvantées, rejetoient chacune deux ou
trois poiflbns, grands comme des harengs , à moitié digérés.
Quelques Auteurs donnent aufîi le nom. àQ frégate, h un animal de
mer, de la groffeur d'un œuf de poule, & de la forme d'une barque. Cet
animal eft toujours fur l'eau , & s'y foutient par une efpece de petite
voile couleur de pourpre. On prétend que cette frégate, qui caufe à la
main des irritations douloureufes quand on y touche, eft un ^oophyte.
Voyez ce mot à l'article Galère.
FRELON. Nom donné à une groffe mouche piquante . qui refTemble
à la guêpe, mais qui eft beaucoup plus groffe & plus venimeufe. Foye^
jon article à la fuite du mot GuÊP£.
FRENE, yrûA-zVzwi. Grand arbre de futaie qui fe plaît dans les lieux.
frais & humides, au bord des rivières & vers les prés : fes racines font
grandes & s'étendent de tous côtés fur la fuperficie de la terre; fon
tronc eft fort élevé, & forme une tige droite affez groffe, uniforme 3,
F RÉ 825>
couverte d'une écorce unie & cendrée ; le bois en eft blanc, lifTe, dur
& onde; fes branches font oppofées; les plus jeunes d'entr'elles font
tendres , un peu noueufes . de contiennent une moelle blanche & fon ■
gueufe; celles qui font vieilles, font géne'ralement ligneufes: (es feuilles
font oblongues, rangées par paires le long d'une côte, qui eft terminée
par une leule feuille dentelée, d'uta goût amer & acre, d'un vert gai;
fes fleurs qui paroifîent en Mai, font des étamines difpofées en grappes,
qui nailfent avant les feuilles, & qui fe diffipent en peu de temps : il
leur fuccede une follicule membraneufe, oblongue, formée en langue
d'oifeau ornuhoglojjum, plate, fort déliée en fa pointe, renfermant dans
fa bafe une femence prefqu'ovale , blanche, moelleufe, d'un goût amer,
& d'une odeur de drogue.
La racine, l'écorce, le bois & les fruits du frêne font d'ufage. Le petit
peuple d'Angleterre confit la graine, ou plutôt le fruit de cet arbre,
avant fa maturité, dans la fauraure de fel &: de vinaigre, & il en ufe
dans les fauces. La décod:ion ou infufion de fon écorce noircit la folu-
tion du vitriol, comme le fait la noix de galle : elle eft un peu fébri-
fuge , & fa feuille vun peu vulnéraire. Son feuillage eft excellent pour
la nourriture des bœufs , des chèvres & des betes à laine. Tous ces ani-
maux en font très-friands pendant l'hiver. Il faut pour cela couper les
rameaux de cet arbre entre les mois d'Août 6c Septembre , & les laifler
fécher à l'ombre. On prétend que le fuc de fes feuilles ou la décoéHon
de l'écorce de l'arbre bue à la dofe de quatre onces, eft un contre-
poifon contre la morfure des ferpens. Cette idée vient fans doute de
Pline , qui a dit gratuitement que les ferpens fe jettent plutôt dans le
feu , que de refter à l'om^bre du frêne, ou de fe cacher fous (qs feuilles.
Camerarius & Charus ont éprouvé plus d'une fois la faulî'eté de cette
antipathie fi furprenante. Il faut feulement convenir que le dégoute-
ment du frêne endommage tous les végétaux qui en font atteints.
Le fel tiré des cendres de l'écorce du frêne, eft appéritif & fudori-
fique. Cette cendre renfermée dans un nouet, eft pyrotique & tient
lieu de cautère potentiel. Les fruits font appéritifs. On vante ce fruit
defféché & pris dans du vin pour faire maigrir , ou pour exciter à
Taâe de Vénus. La manne découle d'une efpece de frêne de l'Italie
appelé orne ou frêne à fleurs ^ parce que fes fleurs font complettes, au
lieu que celles des autres efpeces n'ont point de corolle. Voyc-^ Manne.
On élevé le frêne de plant, qu'on prend dans les bois : il ne demande
^30- FUS
pas beaucoup de culture pour former une belle & haute tige, & une
tête régulière. On en fait des haies; on pourroit l'employer pour l'orne-
ment des jardins: fon feuillage léger, qui eft d'un vert brun & luifant,
contrafteroit agréablement avec la verdure des autres arbres ; mais il eft
fujet à un fi grand inconvénient, qu'on eft obligé de l'écarter de tous les
lieux d'agrément. Les mouches cantsride.s qui naiflent particulièrement
fur cet arbre , le dépouillent prefque tous les ans de fa verdure dans
la plus belle faifon, & caufent une puanteur infupportable. Le frêne,
foit nain ou de la grande efpece , foit celui à feuilles de noyer ou
celui de la nouvelle Angleterre , ou même le frêne blanc d'Améri-
que, &c. ne réuliilTent point dans les terres dures, argileufes , crayon-
neufes ; mais ils viennent vite , & s'élèvent prodigieufement en plaine,
dans une terre légère & peu profonde. Ray rapporte dans fon Hiftoire
générale des plantes, qu'on vendoit de fon temps en Angleterre des
frênes de cent trente-deux pieds de hauteur. Le bois du frêne eft facile
à travailler j il eft blanc, d'abord tendre & flexible, mais avec le temps
il devient compare & très-dur: on l'emploie pour les ouvrages d'artil-
Jerie & pour les pièces de charronage qui doivent avoir du reffort &
de la courbure : on en fait des timons de carroftes, des charrues, des
eflieux , des perches & des échalas , & on s'en fert pour emmancher des
outils. On le débite en grume de plufieurs grofieurs , & depuis dix
jufqu'à dix-huit pieds de long. Les Tourneurs & les Armuriers en
font également ufage. Mais une autre grande partie de fervice que
Von en tire , c'.eft qu'il eft excellent à faire des cerceaux pour les
cuves, les tonneaux Vautres vaifTeaux de cette efpece, Les Ebéniftes
r-echerchent les morceaux qui font pleins de nœuds : il feroit feulement
à défirer que ce bois fût moins fujet à être piqué de vers quand il a
perdu toute fa fève. On obferve que le bois de frêne, lorfqu'il eft vert,
férule mieux qu'aucun autre bois nouvellement coupé,
FRESAIE ou Effraie , ou Hibou d'Eglise ou de Clocher ;
noclua ttmplorum alba-) aiit aluco minor, C'eft cet oifeau de nuit , dont
le cri épouvantable ( chouan ) qu'il pouffe en volant , effraie ceux qui
font fujets à avoir peur. Bien des perfonnes l'appellent oifeau farder ,
ou oifeau de mauvais augure : il eft très-commun en France. Il ne faut
pas confondre \3.frefais avec X orfraie ; le premier de ces bipèdes eft un
oifeau as. nuit , d'un volume médiocre j l'autre eft du genre des gro?
^ifçaux de proie» Voy^\^ Orfjeiaji:?
F R E g^t
La frefale efl à-peu-près de la grandeur du pigeon : elle a quatorze
pouces de long , & trois pieds d'envergure ; le bec long d'un pouce , &
crochu par le bout ; la langue un peu fourchue ; les yeux & le menton
entourés d'un cercle ou collier de petites plumes mollettes , blanches ,
ceintes de plumes jaunes plus roides. Ce collier ou fraife de plumes
commence aux narines de chaque côté , & refTemble au voile que
portent quelques femmes ; en forte que les yeux font comme enfoncés
dans une cavité profonde , formée par de petites plumes redreflees tout
à i'entour. La poitrine , le ventre 8>c le deflbus des ailes font blancs ,
marqués de taches obfcures , carrées & efpacées. Le plumage de la
tête , du cou , du dos , & jufqu aux grandes plumes , tout eft orné&
bariolé de belles couleurs , tacheté ou en lignes fauves. Ses jambes font
couvertes jufqu'aux pieds d'un duvet épais; les doigts revêtus feulement
de poils clair-femés ; l'ongle du doigt du milieu eft un peu moins den-
telé que dans les hérons.
Dans cet oifeau & dans tous les autres de ce genre , l'œil eft d'une
ftrudure rare & finguliere ; car la partie faillante & qui paroit au-
dehors , n'eft rien autre chofe que l'Iris feule , de manière que le globe
de l'œil étant ôté en entier de fon orbite , repréfente un cafque, l'iris ou
la partie apparente répondant au couvre-chef, & la partie cachée , qui
s'étend au-delà en tout fens , répondant aux bords. Les yeux de cet
oifeau font tout-à-fait fixes & immobiles :l€S bords intérieurs des pau-
pières font jaunes tout à I'entour,
La frefaie habite ordinairement dans les trous profonds & inacceÛi-
oles des tours & des clochers, dans les pertuis des rochers efcarpés 8c
dans les creux des arbres. Son chant fe fait entendre fur les onze heures
du foir : fa femelle ne fait point de nid ;elle pond feulement fur la pierre
nue, ou tout au plus couverte accidentellement de quelques ordures.
Sa ponte eft de quatre à cinq œufs oblongs. Pendant le jour la frefoie
refte dans fon trou , dormant droite fur fcs pieds , la tcte panchée eq
devant , le bec caché dans la plume , & ronflant comme un homme :
elle attend ainfi que la nuit foit arrivée pour s'éveiller & butiner; alors
elle fort & s'envole de travers ou en culbutant , à la manière des hi-
boux : fon vol femble obéir au gré du vent ; il eft fi doux qu'on ne
l'entend point; c'eft ainfi qu'elle flotte dans les airs. Elle va dans les
greniers y faire la fondion du meilleur chat du monde : elle y prend
des fouris , dont elle fait fa nourriture : fon eftomac vorace l'invite
8^2 F R E
.y
àufli à prendre fur !es branches des arbres de petits olfeaiix endormis. Il
n'eft pas rare d'en trouver le matin dans un appartement où il y a beau-
coup de fouris , ou encore quand il y a un malade tout gangrené ou
ir.cme mort ; de telles émanations at: irent volontiers cet animal , qui
ne fe fait point de peine de defcendre par une cheminée. Ce font de
pareilles aventures & les lieux oii repaire communément la frefaie ,
qui l'auront fait regarder comme un oifeiiu de mauvais augure,
Lorfque le froid eft rigoureux, on trouve quelquefois cinq ou fix
de CCS oifeaux dans Te même trou , ou cachés dans les fourrages, ils
y cherchent l'abri , l'air tempéré & la nourriture. Pendant l'automne
ils vont viiiter quelquefois pendant la nuit les lieux od l'on a tendu
d^s lacets pour prendre des bécafies & des grives; ils tuent les bécafll^s
qu'ils trouvent fufpendues, les mangent fur le lieu, emportent quel-
quefois les grives & les autres petits oifeaux qui font pris aux lacets,
les avalent fouvent entiers avec la plume, & ne déplument avant de
les manger que ceux qui font trop gros.
On trouve dans le trou de la frefaie des efpeces de pelotes , de la
forme & groifeur d'un œuf de poule. Ces pelotes, efpeces d'égagro-
piles , ne font autre chofe que le réfîdu de fes alimens, qui confîfte
en peaux, poils, plumes, os & autres matières grollieres ; le tout
artiflement enveloppé comme dans une bourfe , que l'oifeau a la
facilité de vomir enfuite , c'eft-à-dire après la digefiion Aqs chairs ; car
en général les hiboux ayant le gofier très-large, peuvent avaler de
gros miorceaux de chair tout entiers , comme un rat , une fouris &
un oifeau: c'efl; ain(i que l'alcyon, le martinet pêcheur & tous les
oifeaux qui avalent des poiflons entiers, rejettent par en -haut
les arêtes & les vertèbres de ces poiflTons , dont la chair eft digérée.
La frefaie n'eft pas d'ufage en aliment : mais quelques perfonnes
eftiment fa chair bonne pour la paralyHe, fa graiife propre pour
alToupir les nerfs , & fon fiel defféché , excellent dans les ophtalmies.
Les petits de la frefaie font tout blancs dans le premier âge, & ne
font pas mauvais à manger au bout de trois femaines; car ils font gras
& bien nourris. Les pères & mères purgent les Eglises de fouris, ils
boivent aflez fouvent , ou plutôt mangent l'huile des lampes, lorf-
qu'elle vient à fe figer.
FREUX ou GROLLE ou GRAIE , comix fruglUga. C'eft une
efpece de corneille des bois ou fauvage, qui fe répand communément dans
les
F R E F R I 835
les campagnes, mais qui repaire dans les bois & les forêts, où elle
fait fon aire. Cet oifeau a une aflez greffe corpulence: il eft tiès-
charnu , & tient le milieu entre le corbeau & la corneille: il eft fort
criard, vole en troupes & en grand nombre. Son bec eft très dr-oit ,
long & pointu : il s'en fert pour tirer les graines & les vers de la terre;
iî fe nourrit auili de fruits. On ne voit point cet oifeau en Italie; il -
y en a une bonne quantité en Angleterre. Beaucoup de perfonnes
le prennent pour une véritable corneille, mais les Laboureurs le dif-
tinguent facilement par la peau blanchâtre & farineufe qui recouvre
la bafe du bec. Ils le chafflnt en faifant beaucoup de bruit avec des
chauderons, ou autres inftrumens bruyans, en jetant des pierres dans
fon nid, en attachant à des arbres des machines qui ont des ailes
comme des moulins à vent, ou en plaçant dans leurs terres labourées
des épouvantails habillés. On l'appelle vulgairement corneilU moif-
fonneiifc,
FRIGANE. Foyei Charrée Gr tanïch Phrygane.
FRIGAKD. Voyci à la fin de, Cartick Hareng.
FRIMAT , eft la même chofe que \q givre. Voyez ce mot.
FRIPIERE. Nom donné à une coquille du genre des limaçons à
bouche aplatie.S^ robe fe trouve ordinairement chargée d'autres coquilles
plus ou moins mutilées , & de cailloux.
FRIQUET, Pajjer ûr/^oz-ew^. Petit oifeau , dont le bec eft court,
noirâtre, un peu gros. lia les pieds, les jambes, les ailes & la tête
comm.e le moineau de muraille : on Tappelle aufti moineau de noyer ;
& quelques-uns croient que c'eft le même que le moineau d'arbre. Voyez
ces mots. Le friquet ne fait que s'agiter àc frétiller fur les arbres. Son
plumage eft comme jafpé.
FRITILLAIRE,yr/>/7/ûr/^. Cette plante liliacée eft fort recherchée
des Fleuriftes. Sa racine eft bulbeufe , folide , blanche, fans tuniques ,
compofée de deux tubercules charnus, demi-fphériques, ayant en
deffous plufieurs fibres. Sa tige eft haute d'un pied, grêle, ronde,
purpurine, fongueufe en dedans; portant (îx ou fept feuilles creufes,
étroites, rangées fans ordre , un peu femblables à celles de la barbe du
bouc, & d'un goût acide. Son fommet porte ordinairement deux fleurs
à (ix feuilles, fans calice , difpofées en cloche, tachetées en tablettes
d'échiquier, ou en fiçon de damier, émaillées de diverfes couleurs
incarnates, & très-agréables à la vue: ( M. Delai^e obferve que
Toma //, N n n n n
«$54 F R O
chaque feuille de la corolle aune petite fofTette au-defTus de l'ongle,
ce qui fert à caradérifer ce genre ) il leur fuccede un fruit oblong,
triangulaire, & rempli de femences aplaties.
La fritillaire croît dans les prés: on la cultive dans les jardins à
caufe de la beauté de fes fleurs. Elle fleurit en Mars : fa racine eft
réfolutive. Si Ton confulte Miller , on apprendra l'art de perfedionner
la culture des différentes fortes de frîtillaires.
FROLE ou CHAMCECERASUS. Voyei à la fin des articles Czi^i-
SIER & ChEVRE-FEUILLE.
FROID. Cette fenfation, oppofée au chaud, doit fa naiflfance à
des caufes purement naturelles, à des agens que l'art des hommes
n'a point excités , mais qui obéifTent Amplement aux lois générales
de l'Univers. Tel eft le froid qui fe fait fentir en hiver dans nos
climats. Tel eft celui qu'éprouvent les habitans des Zones glaciales
pendant la plus grande partie de l'anncee La plupart des hommes
favent que quantité de pays font , par leur fituation & la nature de
leur terrain, beaucoup plus froids que leur latitude ne femble com-
porter. En général , plus le terrain d'un pays eft élevé, & fitué vers
le milieu des grands continens , plus le froid qu'on y éprouve eft con-
fidérable. Mofcou par cette raifon eft beaucoup plus froid qu'Edim-
bourg. C'eft une chofe conftante dans tous les pays du monde, que le
froid augmente à mefure qu'on s'éloigne de la furface de la terre :delà
vient qu'au Pérou, dans le centre même delà Zone torride , les fom-
mets de certaines montagnes font couverts de neiges & de glaces que
l'ardeur du folêil ne fond jamais. îl paroit que la Sibérie , fi on s'en rap-
porte aux rivières qui y prennent leur fource , eft peut-être le pays
du monde le plu3 élevé. Je demande quel froid n'y éprouve-t-on pas.
Les vents ont une influence très-marquée fur les vicilîitudes des fai-
fons , ils apportent fouvent avec eux l'air de certaines régions plus
froides que la nôtre , ce qui rafraîchit notre atmofphere. Ainfi le froid
eft plus général ou plus particulier, félon que le vent du Nord qui
l'amené rcgne fur une plus grande ou fur une moindre étendue de pays ;
il eft d'autant plus confidérable , que les régions d'où vient ce vent de
Nord , font plus vcifines du Pôle , ou plus froides d'ailleurs par quelques
caufes locales. Lèvent de Nord nous apporte en aflez peu de temps l'air
ou le froid des pays feptentrionaux. On trouve par un calcul fort aifé
qu'un tel vent alTez modéré qui parcourroit quatre lieues par heure ,
F R O 8 5 jr
■ apporteroit Tair du Pôle à Paris en moins de onze jours. Ce même air
arriveroit en cette Capitale en fept jours par un vent violent , quiferoit
par heure jufqu'à fîx lieues. Un vent de Nord , Nord-Eft , viendroit
de la Norwege ou de la Laponie en moins de temps. Quoi qu'il en
foit, en efl: alFuré qu'un vent n'eft froid , que parce qu'il prend fa di-
redion de haut en bas : les vents qui ont pafle fur les fommets des mon-
tagnes refroidiffent beaucoup les plaines voifines , dans lefquelles ils fe
font fentir , principalement lorfque ces montagnes font couvertes de
neiges , ainfi qu'on l'obferve en Suifîe.
Depuis qu'on a redifîé la conftrudion des thermomètres , on a ob-
fervé avec beaucoup d'exaditude certains froids exceflifs en diflPérens
lieux de la terre. La table fuivante fera connoître quelques-uns des
principaux réfultats de ces diverfes obfervations ; elle eft tirée d'une au-»
tre table un peu plus étendue , donnée par M. de Lijle , à la fuite d'un
Mémoire très- curieux du même Académicien, furies grands froids de
la Sibérie. Ce Mémoire eft imprimé dans le Recueil de f Académie des
Sciences , ann. lyà^^»
Ta BLE des plus grands degrés de froid obfervés jufquici en diférens lieux
de la Terre»
Degrés au-defTous de la congélation, fuivant la divifion
de Réaumur C^).
A Aftracan , en 1746 - - ~- - ----.---24-,
A Péterfbourg , en 1749 ----------- 30,
A Québec, en 1743 ------------ 53.
A Tornéao en Laponie , en 1737 -------- 37.
A Tomsck en Sibérie, en 1735* -------- - S^
A Kirenpa en Sibérie, en 1738 --------- 63 ^
A Yenifeilk ou Yenifcéa en Sibérie , en 1735* ----- 70.
Pour peu qu'on confulte cette table, on fera bientôt pleinement
convaincu qu'un froid égal à celui qui fe lit fentir à Paris en 1709
( notre grand hiver) exprimé par quinze degrés & demi au-deflfous de
[a) On eft parvenu à un degré de froid beaucoup plus confidérable à Péterlbourg ,
puifque le mercure s'y eft figé ; mais il eft vrai que l'arc aidoit beaucoup la nature.
Ce degré de froid étoic de 186 degrés au-delTous de o de la divifion de Rcuumur,
Nnnnn 2
^^i F R O
la congélation , eft un froid très-médiocre à beaucoup d'égards. Le
froid qu'on a marqué le quatrième eft celui qu'éprouvèrent en 1737,
Meifieurs les Académiciens qui allèrent en Laponie pour mefurer un
degré du méridien vers le cercle polaire ; les thermomètres d'efprit-de-
vin fe gelèrent par un tel froid, & quand on ouvroit une chambre chaude,
l'air de dehors convertifloit fur le champ en neige la vapeur qui s'y trou-
voit,& en formoit de grands tourbillons blancs ; lorfqu'on fortoit, l'air
fem.bloit déchirer la poitrine. Pendant une opération qui fut faite fur
la gîace le 21 Décembre, le froid gela les doigts deplufieurs ouvriers;
la langue & les lèvres fe colloient & fe geloient contre la talTe lorfqu'on
vouluit boire de l'eau- de-vie, qui étoit la feule liqueur qu'on pût con-
ferver aflez liquide pour la boire , & ne s'en arrachoient que fanglantes.
Qu'on juge de ce qu'a dû produire le froid qu'on a reflenti au Spitzberg,
à Yenileik. On aflure qu'à Yakutsky en Sibérie , la terre ne dégelé
jan;ais, même dans l'été, à plus de deux pieds de furiace, & que lorfque
les habitans enterrent leurs morts à trois pieds de profondeur , ils font
sûrs de trouver de la glace, de forte que les corps fe confervent fans
fe corrompre, & reftent conftam.ment dans l'état où on les met en
terre.
On n'a point d'obfervations du thermomètre faites à la Baye d'Hud-
fon , mais on fait que dans ces contrées , lorfque le vent fouffle des
régions Polaires, l'air efi: chargé d'une infinité de petits glaçons que la
la fimple vue fait appercevoir. Ces glaçons piquent la peau de manière
à y exciter- des ampoules, qui d'abord font blanches & tendres, & qui
deviennent «nfuite dures comme la corne. Chacun fe renferme bien
vite par des temps fi affreux, & quelque précaution qu'on prenne, on
ne fauroit s'empêcher de fentir vivem.ent le froid. Dans les plus petites
chambres &: les mieux échauffées, toutes les liqueurs fe gèlent , fans
en excepter l'eau-de-vie ; & ce qui paroîtraplus étonnant 5 c'eft que tout
rintérieur des chambres & les lits fe couvrent d'une croûte de glace
épiîiife de plufieurs pouces, qu'on eft obligé d'enlever tous les jours.
Nous avons parlé aux articles arbres èi plantes , des funeftes effets que
les fortes gelées qui accompagnent les grands froids, produifent furies
végétaux : nous dirons ici quelque chofe des effets du froid fur le
corps des animaux. Les Auteurs difent qu'un air froid relferre, raccour-
cit les fibres animales , qu'il condenfe les fluides , les coagule & les
gele quelquefois j qu'il agit particulièrement en defféchant , en épaif-.
FRO 837
fiflant confîdérablement le fang qui y coule , Sec. delà les différentes
maladies cauféespar le froid , les engelures des membres , les catharres,
le fcorbut , le fphacele , la gangrené , l'apoplexie, la para'yfie , &
même les fluxions de poitrine. Le froid fupprime quelquefois les règles
des femmes , tue fubitement les hommes , & plus fouvent les autres
animaux qui ne peuvent pas comme l'homme fe mettre à l'abri des in-
jures de l'air. Ceci doit paroître étonnant à ceux qui apprendront que
la chaleur animale répond dans Thomme au trente-deuxième degré au-
deflus de la congélation du thermomètre de M. de Réaumur : on feroit
encore plus furpris fi Ton voyoit les grands défordres & même les effets
poflhumes qui arrivent dans l'économie animale préalablement attaquée
d'un extrême froid. Quand on parcourt les glaciers de la Suifle , on efl
quelquefois furpris & tranfi par le froid , fur-tout quand on voyage à
cheval. Le danger fe manifefte par une forte envie de dormir ; fi l'on ne
fe donne pas aufli-tôt beaucoup de mouvement , la mort efl: inévitable ,
mais elle efl: fort douce : la furface de tout le corps meurt la première.
Lorfqu'il arrive à quelque voyageur dans le Canada de mourir de
froid , on l'enterre dans la neige , où on le laiiTe jufqu'au lendemain
& il efl pour l'ordinaire en état de fe remettre en chemin. S'il ne revient
pas aflez vite à la vie , on jette un peu de fumier fur la neige qui le
recouvre , & cela fuffit. Au refle , ceux qui meure fous la neige , s'y
confervent très-long-temps ; mais dès qu'ils font expofés à l'air , ils fe
corrompent promptement.
Les Phyfiologiftes , les Pathologlfî:es , &c- ne ceflVnt de s'occuper
de la caufe phyfique & morbifique du froid. Mais que l'on eft éloigné
des mioyens de fe garantir intérieurement des ravages qu'il caufe trop
communément , fur-tout dans les pays Septentrionaux. Quant à l'exté-
rieur , le premier moyen que les hommies , nés nuds, & laifles à-peu-
près fans défenfe à l'égard du froid, ont trouvé pour fe mettre un peu
à l'abri de cette impreflion défagréable, a été vraifemblablement de fe
mettre derrière un arbre, dans quelque creux dérocher, quelque ca-
verne : le beloin de le nourrir ne pouvant attendre la durée des injures
de l'air , il fallut paiTer d'un lieu dans un autre , ce fat alors qu'on
s'apperçut que la nature avoit donné aux bêtes différens moyens atta-
chés à leur individu , tels que les poils , les plumes , &:c. dont le prin-
cipal ufage paroiffoit être de couvrir la furface de leur corps, & delà
défendre des imprefllons fâcheufes que pouvoient leur caufer les corps
858 F R O
ambians : envier cet avantage & fentir que l'on pouvoit fe Tapproprier,
ne furent prefque qu'une même réflexion. En effet, l'homme qui eut en
partage l'intelligence nécefTaire, ne tarda pas à fe procurer par art les
fecours propres à braver les intempéries des faifons : il fe détermina
donc bientôt à facrifîer à fes befoins les bêtes , auxquelles il crut voir
les couvertures les plus convenables qu'il pût convertir à fon ufage. Il
n'eut pas à balancer pour le choix ; les animaux dont les fourrures font
les plus fournies , durent avoir tout de fuite la préférence : c'eft là vrai-
femblablement le premier motif qui a porté les hommes à égorger les
animaux : on avoit donc des fourrures , mais on n'avoit pas l'art de les
appliquer bien intimement fur toutes les parties du corps : le temps &
rinduftrie ont perfedionné ces moyens : quelle différence du vêtement
& du domicile d'un ancien Lapon avec nos habillemens & nos palais : le
premier vivoit content dans une grotte glacée ; & nous nous plaignons
dans une région tempérée , dans un air échauffé par des poêles ou par
des feux domeftiques j ajoutons à cela les paravents , les rideaux , les
alcôves , &c.
Il convient de dire ici que dans le cas oii l'on reffentira des douleurs
vives caufées par le froid , on fera des fridions fur les parties affligées,
avec des linges chauds. Les vieillards qui ont une difpofition fi contraire
à la génération de la chaleur , doivent en pareille occafion , faire ufage
de liqueurs fpiritueufes , tant à l'intérieur qu'à l'extérieur , afin de four-
nir aux organes vitaux des aiguillons pour exciter leurs mouvemens.
Nous venons de dire que les hommes ont des moyens de fe garantir
du froid ; mais comment cette induftrie eft-elle fuppîéée dans les bru-
tes ? Une Providence admirable, dit un Auteur moderne, fait que les
quadrupèdes des terres aréiques, les rhennes, les ours , les renards, les
oifeaux m.ême , & certains animaux de l'ordre des baleines , ont toute
leur graiflè entre la chair & la peau : la chair eu. extrêmement brune ,
maigre & remplie de fang en plus grande quantité que celle des animaux
des zones torrides. Cette abondance de fang doit caufer une chaleur
capable de réfifler au froid extrême du climat , & la grailfe qui , dit-
il , enveloppe la chair au dehors , doit empêcher la chaleur de s'exha-
ler ; mais la graiffe n'enveloppe pas la chair de tous les animaux. Au
refte le froid ne peut être abfolu : il exifte toujours quelques particu-
les ignées. Cet article exige qu'on life les mots Montagnes , Air ,
Feu , Vents , Glace , Gelée, Chaud.
F R O "2 s 9
FROMAGE DE HOLLANDE. Nom donné au hoh épineux des
Antilles. Voyej ce mot.
FROMAGER ou SAAMOUNA. Arbre d'une figure extraordi-
naire, qui croît dans les Indes & dans les Antilles, à la hauteur du
pin; c'eftie gojfampînus àcs Botanifles , qui le défignent encore fous
ce cara<5i:ere ccyba vit'icis folio acuUata^ Tourne/, Le haut & le tronc de
cet arbre font de la grofleur ordinaire aux autres arbres, mais fon
milieu eft relevé de plus du double tout autour ; les racines qui font
très -greffes, fortent hors deterredefept à huit pieds, & forment '^comme
des appuis ou arcs-boutans autour de la tige; le bout de fes racines
s'étena beaucoup à la ronde. Le bois du fromager eft fort difficile à couper
quand il ed vieux, il eft pliant &fouple 5 moelleux, poreux, comme du
îiege très-tendre, gris en dehors, blanc en dedans, & recouvert d'une
écorce grife remplie de rugofités épineufes. On a appelle cet arbre
fromager, parce que fon bois reifemble à du fromage un peu mou;
fa tige eft toujours verdâtre , fes rameaux font étendus en large,
droits, rangés par ordre, oppofés les uns aux autres; fes feuilles font
vertes , oblongues, veineufes & incifées très-profondément, attachées
cinq à cinq à des queues longues, comme celles de la quinte-feuille j,
{qs fleurs font rouges, quelquefois blanches, fuivies de fruits faits en
tuyaux ou gouifes, larges de deux pouces, fur fix à fept de longueur.
Ces fruits étant mûrs contiennent des iemences d'un rouge noirâtre,
groffes comme un petit pois , & garnies d'une efpece de coton gris
de perle ou de laine blanchâtre, d'une extrême finefle, luifante , mol-
lette & foyeufe au toucher, mais dont les filamens font fi courts,
qu'elle ne peut être ni cardée ni filée , ou que très-difficilement ; ce
fruit n'eft pas plutôt mûr, que. fa coque crevé avec quelque bruit, &
le coton feroit auiii - tôt emporté parle vent, s'il n'étoit recueilli
avec beaucoup de foin. Les Indiens en font l'ufage que nous fiuons
du duvet pour garnir les oreillers, les couflins & les couvre-pieds:
on en garnit aujourû'hui des lits de plume; elle y eft d'autant plus pro-
pre, qu'elle eft bien mollette, d'une grande légèreté, & qu'elle pro-
cure une chaleur douce : on doit fur -tout prendre garde que
quelque étincelle de feu ne tombe deffiis : car cette forte de coton ou
ouatte s'allume très facilement , &: feroit confumée avant que l'on eût
pu l'éteindre. Auifi les Nègres & les Chafleurs du pays l'emploient-
ils au me me ufage que l'amadou ; pour cet effet ils le portent dans
840 F R O
de petites calebafTes. On en garnit des pièces d'eftomac pour exciter
la chaleur dans les parties fur lefqaeiL^s on les applique: on prétend
qu'on en pjurroit fabriquer de beaux chapeaux. Il découle de l'arbre
une gomme, qu'on néglige : peut-être en pourroit-on tirer parti.
Le bois du fromager eft de peu de durée , on ne s'en fert dans le pays
qu'à faire des canots qu'il f^ut renouveller fouvent , fon écorce eft
employée avec furcès dans les tifanes contre la petite vérole.
Le fromager vient très-bien de bouture, on le plante ordinairement
devant les maifons pour jouir de la fraîcheur de fon ombre, & on le
choifit de préférence à un autre , parce qu'il devient gros en peu de
temps, très-feuiîlu, ôc qu'on fait prendre à fes branches la forme &
la Htuation que l'on défire. Ses épines mettent fa délicatefle à l'abri des
infultes de l'étourderie. On prétend même que les habitans font quel-
quefois fervir ces épines au même ufage que les clous.
FROMiiNT, triticurn, C'eft un nom que l'on donne en général aux
grains qui naiflunt dans un épi; mais on le donne par excellence au blé,
cette plante prefque univerfelle. Voye^ Blé. Il y a des endroits oii
l'on ne met point l'orge & l'avoine au nombre des fromens : on les
appelle ordinairement les Mars , parce que ce mois eft la faifon où l'on
commence à les femer. Voye:^^ l\irtLcU Blf, pour la culture de ce grain ,
fes maladies & la manière de les préferver de la deftruélion occafionnée
par la fermentation , ou par l'atta ;ue des infedes.
S-^lon M. Adanfon, on peut diftinguer les fromens au premier abord
en confîdérant la gaine de leurs feuilles qui eft cylindrique, couronnée
d'une membrane courte, & accompagnée de deux oreillettes latérales ,
qui fe recourbent en demi-cercle pour embrafler la tige. Ces plantes
ont depuis deux jufqu'aux fix fleurs hermaphrodites , raflemblées
enfemble dans le même calice. La plupart des fleurs fupérieures des fro-
mens avortent.
FROMENTAL ou FAUX FROMENT, nommé improprement
faux jtigU , connu aujourd'hui le plus communément fous le nom de
ray-gmjj. Voyez ce mot. M. HalUr dit que le fromental eft le gramen
avenaceurn elutius ; & que l'herbe appellée ray-grajf eïï \q loL'ium pcrennc
qui vient le long des chemins.
FROMENT LOCAR , Froment rouge ou épeautre ou blé
LOCULAR , lea. Efpece de froment affez connu dans les endroits rudes
& montagneux de l'Egypte, de la Grèce, de la Sicile, & qu'on
cultive
PRO F R U §4t
cultive cependant comme les autres efpeces de froment , même en
SuiflTe & en Franconie. Cette plante a une racine fibreufe : elle poulie ,
ainfi que le blé ordinaire, un nombre de tuyaux menus, à la hauteur
d'environ deux pieds : fes feuilles font étroites , fes épis font difpofés
comme ceux de l'orge, & la femence en eft menue, de couleur rou-
geâtre. La graine de cette efpece de froment fert à faire de la bière,
& même du pain; car fa farine eft fouvent très-belle, fans aucun mau-
vais goût; il eft vrai que le grain eft fec & diffère de celui du fro-
dnent par fa petitelfe & par l'attachement des balles au grain ; elles, ne
s'en féparent , dit M. HalUr , qu'avec une machine qui donne au blé
un mouvement circulaire.
M. Bourgeois obferve que la balle de l'épeautre que l'on cultive en
Suifle, eft très-utile pour nourrir les chevaux; on s'en fert en place de
paille hachée, elle eft même plus nourriflanté, & les chevaux en font
friands; on y mêle un peu d'avoine. Elle eft fort recherchée dans les
années de difette de paille & de foin. On s'en fert aulfi en Suifle pour
les paillafles des enfans au berceau ou qui urinent dans le lit ; elle
abforbe beaucoup mieux que la paille fhumidité de l'urine. Les
Anciens faifoient avec le grain de l'épeautre leur fromentln. Voyez
Millet.
FRONDIPORE. Eft le millepore dont les rameaux font difpofés
en feuilles épaiffes ou en manière d'écorce. On diroit d'une croûte
piquée de petits points comme de trous d'aiguilles. L'efpece de poly-
pier appellée corn& de. daim eft un frondipore. Voye^ Millepore &
Retépore.
YVJJYÏ , frucîus. Eft le nom qu'on donne à la fubftance repro-
ducflive de l'arbre ou de la plante; ainG le gland eft le fruit du chêne;
le fruit du poirier, eft la poire; celui du frailier eft~la fraife, &c. Le
nom de fruit s'étend également de toutes fortes de graines, foit nues,
foit renfermées dans une enveîo[)pe ligneufe ou charnue , ou mem-<,
braneufe, ou épineufe , &c.
On remarque dans les fruits les mêmes parties eflentielles que dans
les plantes; favoir, les peaux & membranes, les pulpes ou chairs,
& les fibres ou corps ligneux. Si l'on confidere le fruit par fa fubf-
tance, on trouvera qu'il n'y a prefque pas de limites, dit M. Adan-
fon , entre la baie du pêcher, la pomme, le grain de raifin ou de
grofeille : fouvent le même fruit eft d'abord •<;harnu en baie , & enfuite
Tome //, O o o o o
842 F R U
devient une écorce ou une capfule, comme dans quelques brîonnes
Se dans certaines verveines. La figure du fruit varie beaucoup , il
eft communément fphériquc ou ovoïde: mais il y en a d'ailes, d'an-
guleux, d'enflés, d'articulés. Le mcme Auteur ne regarde pas comme
fruit les écailles ou feuilles du calice ou le difque , ni aucune autre
partie de la fleur , ( & avec raifon , dit M. Ddmr^c , puifqu'elles fe
rencontrent dans des fleurs ftériles , ) mais feulement celles de l'ovaire
{a). Selon ce fyfl:éme il y a des plantes fans fruit, c'efl:-à-dire à
graines nues; d'autres à fruit fec, membraneux ou coriace, telle efl:
la capfule ou filique ; le fruit d'abord charnu, enfuite fec comme une
ccorce ,appellée hrou ; le fruit charnu en entier, en baie ou pomme;
le fruit charnu en dedans & recouvert au dehors d'une écorce ou croûte ,
ou ofielet 5 ou fubfl:ance ligneufe ; enfin le fruit en offelet fans chair.
On doit encore faire attention au nombre des loges d'unfruit, & que
la plupart des fruits charnus, en baie, en pomme, ou en écorce, ne
s'ouvrent pas , à moins qu'ils ne foient un peu fecs ; & l'ouverture fe
fait 'chez les uns par le fommet , chez d'autres par la bafe, ou tranf-
verfalement , ou par des trous ou panneaux, ou par des valves com-
me articulées. Les cloifons des fruits font placées afl'ez différemment
dans les différens fruits. Voyf{^ l'article Graine.
Entre les fruits on diflingue, i°. les fruits à noyaux, ^///?^; comme
font les prunes, cerifes , pèches , abricots : 2°. les fruits à pépin, comme
les fraifes, framboifes, grofeilles, pommes, poires: 3°. on dit aufli les
fruits d'été, les fruits d'automne, les fruits d'hiver , à caufe des diffé-
rentes faifons o\\ on les mange. Les fruits à noyaux font de la première
faifon , & ne font aucunement de garde ; quelques-uns des fruits à
pépin, comme les poires, les pommes, font communément de la der-
nière faifon. On appelle fruits rouges, ceux qui ont cette couleur , &
qui viennent abondamment dans les mois de Juin , de Juillet : tels font
les fraifes, les framboifes, les grofeilles , les cerifes, les bigarreaux.
D'autres fruits confervent long-temps leur couleur rouge fans fécher
(>z) M. Ddcu:^e dit ici que les réeeptacles communs des fleurs aggrégées , fufrcnt-ils
pulpeux , ne font pas des fruits : la iî^^ue , dit il , n'en eil pas un , quoiqu'elle en ait
l'apparence. C'eft un réceptacle comnii'n , concave & prefque ferme , dont la figure
& la confiftance charnue en impofent & le font prendre au premier coup d'oeil pour
un fiuic
F R U 843
ni fe gâter , ce qui fait qu'on les mêle parmi les bouquets de deflerts.
La marque de la mdturité & du point auquel on doit manger ces fruits ,
eft lorfque leur queue ne tient pas beaucoup.
On appelle fruits de terre ceux qui viennent à plate terre ; tels font
les melons, \qs potirons , les concombres , de autres courges; il y en a plu-
lieurs autres qui appartiennent aux légumes : voyez ce mot. L'on donne
le nom de fruit ligneux à la noix, à l'amande, à Tav^line ; & celui de
fruit à robe au marron ; tous contiennent la matière reproductible de
leur efpece. On appelle fruit véreux , celui q\ii a éré attaqué & rongé
par des vers, chenilles , faufles chenilles ou autres infectes. Moins l'an-
née eft abondante en fruits, plus le fruit eft fujct à être véreux, èc
on ne manque pas de s'en plaindre.
Pour avoir de beaux iruits, il faut qu'ils foient greffés chacun félon
fon efpece : voye^ la culture de chacun dQS fruits en particulier à l'ar-
ticle de i\- rbre ou de la plante qui le produit. A l'égard de la matu-
ration des fruits , on obferve qu'en général les plantes qui fleuriff^nt
au printems fruétifient en été; celles qui fleuriiTent en été frudifient
en automne; celles qui donnent leurs Beurs en automne, fructifient en
hiver lorfque les gelées ne les font pas périr, ou qu'on les tient dans
les ferres. Les plantes qui fleurillent pendant notre hiver, frudifient
au printems dans nos ferres. Le terme de la m.aturation d&s fruits , &
celui de la feuillaifon ou de la germination des plantes , donnent l'ef-
pace ou la durée de leur vie, qui eft d'autant plus courte pour la même
efpece, que le climat ou on l'élevé eft plus chaud : & il paroît.'en gé-
néral, dit M. Adanfon , que plus la chaleur eft égale & continue, plus
le temps que les plantes annuelles mettent entre le moment où elles
com.mencent à germer & celui où elles fleuriilent, eft égal à celui qui
eft entre leur fleuraifon &: leur maturation oufruclification, ou même
leur entier dépêriflement. Dans les arbres qui laiilent un intervalle
beaucoup plus grand que le commun des plantes , entre la fleuraifon
& la maturation des fruits , on peut hâter la maturité quand on veut;
pour cela il fuffit d'ôter une partie des feuilles de l'arbre qui diminuent
le mouvement de la fève; lorfqu'on ôte trop de ces feuilles avant que
les fruits foient parvenus à leur groffeur , alors ils fe fanent & le fo-
leil les defleche trop.
On ne doit faire la cueillette des fruits qu'au point de leur ma^
^urité. Les fruits pulpeux font mûrs lorfquen les tâtant avec la main,
Ooooo ^
s 44 F R U
ils obéiflent fous le pouce ; tels font îa pêche, l'abricot, & la plupart des
prunes ; d'autres doivent fc détacher d'eux-mêmes ou à très-peu de
chofe près ; tels font le brugnon , la pavie , la pêche violette. Plus les
faijons font pluvieufes, plus tard les fruits mûriflent; mais en quelque
temps que les fruits m.ûrifTent , il n'en faut faire la récolte que dans
,de beaux jours, & faire enforte que toutes les poires ayent leur queue :
lorfqu'iîs font cueillis, on les porte à la fruiterie, oii ils acquièrent une
parfaite maturité a l'abri de l'air extérieur qui aigrit & aHàdit toujours
le fruit. Une fruiterie, pour être bonne, doit être conftruite de murs
épais, un peu exhauifée , voûtée delTus & deffous, dans un lieu fec ,
dont les fenêtres foient tournées au midi. Il faut aulîi que la fruiterie
foit boifée & garnie tout autour de tablettes de bois difpofées en pen-
tes , & couvertes de moufle bien féchée au foleil. Confultez U Q^uin-
tinie, MilUr prétend que les fruits fe confervent beaucoup mieux dans
de grandes corbeilles garnies & couvertes de paille liée avec des cordes ,
que fur des tablettes , afin de les garantir de l'accès de fair de la frui-
terie ; mais il faut avoir foin de mettre chaque efpece de fruit dans des
corbeilles féparées,& on ne doit les ouvrir que lorfque le fruit eft dans
fon temps de maturité & qu'on veut le manger.
Les Cultivateurs expérimentés font dans l'ufage de retirer la terre
d'auteur des beaux arbres à fruit, jufqu'à huit à dix pouces de pro-
fondeur , & jufqu'à la diftance de dix pieds de l'arbre de tous côtés,
enfuite de fubftituer d'autre terre de bonne qualité, cependant un peu
pierreufe ; l'on fait cette opération tous les ans au mois d'Odobre, ou
au moins tous les tro's ans: il faut avoir foin de ne laifler croître au-
cune plante étrangère, qui ne fert qu'à appauvrir le terrain. Il faut
élever les arbres fruitiers en buiflbn , ou en forme de vafe : c'eft la
meilleure de toutes les méthodes pour donner également de l'air aux
fruits. Le terrain un peu pierreux convient par bien des raifons aux
arbres; i°. les infeéles y peuvent moins fouiller; 2°. l'eau de la pluie
ou de farrofoir y pénètre de façon à prendre différentes routes; 3°.
l'air & les influences y ont un peu plus d'accès.
Bien desperfonnes accélèrent la maturité des fruits , ou par la chaleur
du fumier, oii par la chaleur du poêle. Ce moyen depréfenter au deffert
des efpeces de fruits dans une faifon où on ne s'y attend pas , eft le
triomphe de l'art du Jardinier ; mais ce goitvernement des fruits hâtifs
içui enjolivent nos tables , demande des précautions & des dépenfes
au-defîus des facultés des particuliers. Confultez \EcoU du pota^çr»
F R U ^4;
Pour conferver long-temps les fruits à queue, il faut les cueillir fur
les deux heures après midi. Pour cet effet on paiTe entre le &uit &
i'ceil où tient la queue, un fil que l'on noue à double- nœud, & avec
des cifeaux on coupe la queue au-defius du nœud : le fruit étant dé-
taché & pofé dans un cornet de papier la queue en haut , on doit
faire tomber une goutte de cire à cacheter fur le bout coupé de la
queue , & faire pafler le iil par l'ouverture de la pointe du papier ,
enforte que le fruit demeure fufpendu dans le cornet. On ferme la
pointe du cornet avec de !a cire molle : on doit en faire autant à la
grande ouverture du papier; on fufpend enfuite le fil à une folive &
dans un lieu fec & tempéré. Le fruit ainfi fufpendu & ne touchant à
rien, fe conferve fain & entier jufqu'à deux ou trois ans. P^oye^ Raisin
à l'article Vigne.
Les Indiens font préfent aux Européens curieux , de très-beaux &
gros fruits dans des bouteilles, dont l'orifice eft affez étroit, & dans
iefquelles ils les ont fait paiTer lorfque ces fruits étoient encore jeunes
& tendres ; par ce moyen les fruits groilifTent Ôc mûrilTent dans ces
bouteilles , après quoi on les détache & on les y conferve avec de l'eau-
de-vie aromatifée. ( En général, les fruits des Indes ont la peau fort
épaifTe, ceux d'Europe font au contraire aiTez mince.) On conferve
encore les fruits de plufieurs autres m.anieres , dont nous parlerons
à leur article; il fufîit de dire ici en général , que pour les fruits con-
fits, quand le poids du fucre égale celui du fruit, la confiture eft plus
de garde : fi l'on met moins de fucre , le fruit conlervera mieux fon
goût naturel, mais il durera moins.
A l'égard des fruits que l'on veut garder fecs ou demi -confits , on
choifit les plus beaux , on les range à côté l'un de l'autre fur les claies,
& on les met dans un four d'oii l'on vient de tirer' le pain : le four
„ étant refroidi , on lès retire & on répète l'opération une féconde fois.
On fait cette opération avec fuccès pour les cerif2s,.les prunes, les
abricots & les pèches dont on a ôté adroitement le noyau, même pour
les raifîns & les figues. Quant aux poires & aux pommes, il faut ,
avant de les mettre au four , les peler & les faire amollir dans l'eau
bouillante, avec un peu de mélalTe ou de fucre: par cette demi-cuiiTon
on donne à ces fruits une confill:ance qui les rend propres à être tranf-
portés d'une Province à l'autre , &: même à travers les m.ers. Le com-
merce des fruits fecs efl confidérabls dans les pays chauds.
84(^ F R U F U C
Dans les grandes Maifons & chez les Confifeurs, on glace les fruits,
mais fur cette matière nous devons renvoyer nos Ledeurs aux Traités
de l'art du Confifeur mous dirons feulement qu'on glace les fruits rouges
cruds, en les trempant dans des blancs d'œufs battus avec un peu d'eau
de fleurs d'orange ou autres aromates liquides, puis on les fait pafler
dans dufucre en poudre fine, qu'on a tait chauffer dans un plat d'argent.
Il y a des fruits qui ne fe confervent que dans la faumure; tels font
les câpres & les olives.
FRUIT A PAIN. Vnye?^ Arbre du Pain.
FPvUIT DU BAUME, f^oy^i Ca^fcbalsame & le mot Baume
DE Judée.
FRUIT ÉLASTIQUE. Nom donné au Hura. Voyez ce mot.
FRUITS PETRIFIES, carpoUtlie-, D^z Lithologides font mention
de noix, de glands, de châtaignes, de pommesje pin, de liliques& d'autres
fruits véritablement pétrifiés. Foye:^ Carpolites & Noix pétri-
fiées.
P'UCUS ou VAREC. Genre de plante qui naît au fond des eaux
de la mer, ou fur les bords du rivage. Il y en a beaucoup de fortes
dont Impcrati parle : en général, c'eft une plante du genre de f algue :
J^oye^ce mot, ha. plupart des fucus font ramifiés en arbriffeau élevé,
& quelques-uns rampent ou font couchés fous la forme d'une lame
ou û'une veille. Ils tiennent un jufte milieu, dit M. Adanfon, entre
les champignons & les hépatiques. Les fucus font d'une fubfiance ou
membraneufe, ou gélatineufe, ou charnue, ou coriace, ou cartilagi-
neufs ; ils pouffent d'abord plufieurs petites tiges plates, étroites , mais
qui s'élargiifent par la fuite & fe divifent en petits rameaux, portant des
efpeccs de feuilles larges, oblongues, ordinairement lifîes, attachées
avec leurs tiges par une matière également tenace , pliante, membra-
neufe : en un mot, empâtées fur à.QS cailloux & autres corps durs , comme
l'efl le gui fur l'arbre. Cependant il y a des plantes marines qui ont des
racines chevelues, & d'autres un pied femblable à nos mouffes. En
général \qs fucus qui rampent ou qui forment une veffie , n'ont point
de racines : les autres ont à leur place un large empâtement. Sur les
feuilles de quantité àe fucus, s'élèvent des tubercules en forme de veflies
fermées , plus ou moins grandes & plus ou moins arrondies. On foup-
çonne que ces véficules font toujours remplies d'air , ce qui maintient
droit la plante debout dans l'eau ou l'y fait flotter. Le fucus eft fouvent
F U G F U M 8'47
petit ; mais dans certaines mers , il croît quelquefois à la hauteur d'un pied
& davantage. Lorfque cette plante eft nouvellement ramaflee , ou fraîche-
ment jetée par les vagues fur les côtes , fa couleur eft olivâtre ; & en
féchant elle devient noire. On s'en fert pour faire de la foude, & on
en mange plufieurs efpeces.
On rencontre auffi des fucus ou fucoïdes dont les couleurs variées de
rofe, de vert, de citrin, 8cc. flattent infiniment la vue. Les Curieux
qui font des herbiers marins, ramaflent ces fortes de plantes, & les font
deflaler dans l'eau douce en fortant de la mer, enfuite les arrangent
fort artiftemcnt pour les faire fécher entre deux papiers, ou fur ua .»,.<■
carton qu'on couvre enfuite d'un verre; ce qui produit des tableaux
d'un afped fort agréable. Si on garde les fucus marins fans avoir eu
foin de les laifler tremper long-temps dans l'eau douce , le fel paroît
bientôt fur leurs furfaces, & les fait paroître farineufes ou blanchâtres.
On donne aux fucus des noms latins tirés des efpeces de plantes
auxquels ils reifemblent : par exemiple, fucus quercina , fucus Uciuca, &c,
par-là on détermine l'efpece de fucus varec , dont les feuilles ont de la
reffemblance ou à celles du chêne, ou à celles de la laitue. La plupart de
ces plantes font de l'ordre des cryptogames, qui cachent leurs fruits
fous l'aifelle ou dans la continuité de leurs feuilles. iVI. de Kéaumur fit la
découverte en 17 1 1 des étamines & des graines Aqs fucus. ( Confultez les
Mémoires de f Académie.) Dans la plupart de ces fortes de plantes les
étamines font des filets fans anteres ; & M. Adanfon dit que les tuber-
cules qu'on a prétendu- être \e^ fleurs mâles du fucus, font les fleurs
femelles. Confultez auffi les Ouvrages de KLeïn &:de Donan,{\ix \qs fucus ;
& les deux Mémoires de M, de Kéaumur, lus à l'Académie Royale des
Sciences en 171 1 & 1712,
On trouve fur les parois & au fond des badins de différentes eaux
minérales, même ^dans celles qui font chaudes, une plante, laquelle
M. Secondât a indiquée fous cette phrafe : Fucus thcrmalis fubfîandâ .
yeficulari , fuperfiàe reùculari. M. Springsfcld en a fait la matière d'une
Diflertation, (Mém. de l'Acad. de Berlin , ann. I7y2) dans laquelle
il donne le nom de Trcmella thermalis gelannofa , reticulata , fubfîantia
vejîculofa. Voye-^ CarticU TpxEMELLE.
FUCUS. Nom qu on donne encore aux faux-bourdons. Voyez ce
mot à la fuite ce 1 article Abeille.
FUM££, Eft cette vapeur non enflammée, plus ou moins fenfibl«
84S - F U M
& plus ou moins épaiiïe,qui s'élève de la furface des corp? quibrûîeftt.
Elle eft compofée des parties les plus groflieres qui fervent à l'aliment
du feu dans le corps combuftible. On donne auflî le nom de fumées aux
fientes des bétes fauves. On appelle fumet , cette vapeur particulière
qui s'exhale de l'animal cru ou cuit , & qui défigne fa bonté à l'odorat
du connoifleur en gibier. On appelle fumeux le vin mal-faifant qui porte
à la tête, quelque peu qu'on en boive.
FUMETERPvE ou FIEL DE TERRE , fumana. Plante qui croît
naturellement dans les champs & dans les endroits cultivés. Sa racine
eftpeu groffe, légèrement fibreufe, blanche & très-pivotante: elle poufle
des tiges hautes d'un pied ou environ, anguleufes, creufes, en partie
de couleur pourpre, & en partie d'un blanc verdâtre. Ses feuilles font
découpées menu , attahées à de longues queues anguleufes, de couleur
de vert de mer. Ses fleurs qui paroiflent en Mai, font petites, ramaffées
en épi , oblongues, de plusieurs pièces irrégulieres , femblables aux fleurs
légumineufes , compofées chacune de deux feuilles , communément
purpurines, & quelquefois blanches & éperonnées. A chaque fleur fuc-
cède une capfule membraneufe , arrondie , qui renferme une petite
graine fphérique , d'un vert foncé, & d'une faveur amere , défagréable.
Toutes les parties de la fumeterre font tort ameres & favonneufes :
leur fuc acide rougit le papier bleu , & dépofe des crifliaux oftaëdres
qui pétillent au feu. On emploie cette plante pour purger la bile,
donner de la fluidité au fang , exciter les règles & les urines : elle con-
vient très-fort pour- la fièvre , la jauniffe , le fcorbut & les maladies de
la peau.
FUMIER. Cette fubftance , quoique commune , efi: précieufe Se re-
cherchée pour fertilifer les terres fliériles , ou rendues maigres par
l'épuifement des récoltes qu'elles ont produites. Les fumiers font en
général le principal reflbrt d'e l'agriculture ; & ce mot par lequel on dé-
figne métaphoriquement ce qu'on juge méprifable , exprime réelle-
ment la vraie fource de la fécondité des terres & des richeiTes fans lef-
quelles les autres ne font rien. Tout fyflême d'agriculture dans lequel
les fumiers ne feront pas mis au premier degré d'importance , peut être
regardé comme fufped : or l'état de l'agriculture dépend de la quantité
du bétail , les terres ne pouvant emprunter que des fumiers cette fécon-
dité non interrompue qui enrichit les Propriétaires & les Cultivateurs.
Aufli les Laboureurs n'ignorent pas que l'emploi continuel des fumiers
eft
F U M 84P
efi: d'une néceflîté abfolue pour le fuccès de leurs travaux. Leur degré de
bonté confifle en leur degré de fermentation ; alors ils exhalent une
odeur allez forte d'alkali volatil. Voilà ce qu'on appelle à\i fumier fait,
' Le fumier eft compofé principalement des excrémens du bétail avec
la paille qui lui a fervi de litière. Ces matières étant foulées par les ani-
maux & macérées dans leur urine , font dans un état de fermentation
dont la chaleur fe communique aux terres fur lefquelles on lesrépwind:
ainfi le fumier fe tire des écuries , des étables , des bergeries , & de
la retraite de tous les animaux domeftiques.
On diftingue différentes fortes de fumiers , comme produits par di-
vers animaux. Les uns conviennent à une certaine terre , de les autres
à une autre.
luQ fumier de vache convient aux terres feches, maigres & fablon-
neufes. On doit l'enterrer dans ces fortes de terre, avant l'hiver & par
un temps couvert, aiin qu'il agifle davantage.
he fumier de mouton eft fort chaud, contient plus de fsîs. Il eft bon
pour les terres froides & maigres, & peut fe conferver jufqu'à trois ans
de temps.
Le fumier de cheval, de mulet & d'âne, quoique moins gras que les
précédens , n'a pas de moindres qualités. Il convient beaucoup dans
les terres labourables, notamment à celles qui font fortes & humides,
& pour les potagers, mais non pour les arbres , 'parce qu'il eft fort fec
&fort chaud : on doit l'employer de bonne heure.
Celui de porc eft, difent quelques Economes, froid & le m.oins
eftimé de tous ; mais mêlé avec d'autres , il devient propre aux terres
brûlantes & aux arbres qui ont jauni par trop de fécherefte. M. Bour-
geois rapporte que les cultivateurs de la Suifle penfent bien différem-
ment. Ils le regardent, dit-il, & avec raifon, comme le meilleur &
le plus gras de tous les fumiers des animaux. Il eft fur-tout admirable
pour les potagers, pour les plate-bandes & pour les parterres des
Fleuriftes ; il maintient les potagers dans une fraîcheur qui exempte
des fréquens arrofemens qui amaigriffent les terres. D'ailleurs il
détruit & éloigne la plupart des infeéles , fur-tout les fourmis & les
jardinières qui en craignent l'odeur.
Les boues des rues & des grands chemins , les baîayeures des cuifi-
nes , & quantité d'autres fanges meurtrières , après qu'on les a fait
fécher par tas , font un grand bien au pied des arbres , ainfi qu'au
Tome II» -P P P P P
gro F U M
fond des terres ufees, Il en eft de même des cendres, fur-tout pour
les figuiers, & des pailles ou chaumes brûlés avec toutes fortes de
mauvaifes herbes de jardin, des feuilles inutiles, des cofles & fur-tout
des écorces , tie la fuie de cheminée, des chiffons d'étoffe, des poils
des animaux, de la raclure des cornes, des bouts de cuir, & de toutes
fortes de peaux de betes, du marc de vin, des reftes des huileries,
des brafferies, des tanneries, des teintures, & même des laineries,
des favonneries. La columbinc ou fiente de pigeon & celle des autres
volailles, font aufii d'excellcns fumiers. Foyei à L'artlcU Pigeon.
Les habirans des Ardennes n'ont d'autres reffources pour fertilifer
les terres , que dans les cendres de leurs broffailles , mouffes, fougères ,
bruyères, ronces, épines, menues branches, en un mot, de tout ce
qui contribueroit à rendre naturellement un pays ftérile. Ils enlèvent
le gazon & tout ce qui y tient, pour le brûler par petits tas; ils
fement enfuite la cendre qui en réfulte fur leur terre pelée, & font
de leurs terrains incultes & incommodes , des campagnes labourables
& utiles.
Dans plufieurs cantons de la Normandie on creufe dans chaque
métairie des foffes dans lefquelles on entaffe tout le fumier de diffé-
rentes écuries, & lorfqu'il y a été un temps fuffifant , on le retire
pour l'étendre fur les terres j il eft alors prefque femblable à de la tourbe. .
Koye:^ ToUfiBE.
Les terres neuves, & particulièrement celles qui touchent à la fur-
face, font excellentes pour amender celles qui font ufées. Leur engrais
eft plus ftable que les précédens, qui, en quelque forte, font paflagers.
Un engrais très-durable , eft la marne qu'on trouve par lits à diffé-
rens degrés de profondeur, & qui, répandue fur nos champs, s'incor-
pore peu-à-peu avec l'autre fol. Foyc^ Marne. Il y a des argiles ou
glaifes blanches qui n'engraiffent pas moins. Le fable de la mer, l'algue
de mer , les étoiles marines , & quantité d'autres matières , peuvent
aulîi fervir à féconder les terres : l'induftrie humaine fait les mettre
en ufage félon les différentes circonftances. Les Chinois fe fervent des
urines qui font ménagées avec foin dans toutes les maifons dont elles
font un revenu.
Ohfcrvadons fur l'ufage des fumiers.
On doit faire pourrir le fumier qu'on tire de deffous les beftiaux , à
F U M aji
côté des écuries 2^ des étables , dans un trou creufé fur une terre ferme
qui ne boive point d'humidité : il ne faut pas que l'endroit creufé
f oit proche des puits ou des mares , ni qu'il ait de la pente , de peur
que Teau qui y tombe , n'emporte tout le fel du fumier & le meilleur
de la fubftance ; il ne faut pas non plus que la foffe (oit trop profonde,
à moins qu'on y puifle pratiquer quelques faignees pour écouler les
eaux amaflées par les pluies , parce que les eaux venant à croupir
formeroient un fumier aigre où l'on verroit bientôt croître de mau-
vaifes herbes capables d'étoufîer le grain : cependant cette eau n'efl:
pas tout-à-fait à rejeter ; fur-tout lorfqu'elle eft colorée & qu'elle a une
faveur urineufe ; elle convient beaucoup pour arrofer des terres qu'on
laiiTj repofer.
En général , les fumiers d'étahk , les plus pourris, comme de la troi-
fiemxe année, font les meilleurs; autrement ils empêchent la végétation
plutôt que de la faciliter. On doit cependant obierver que s'il s'agit
d'amender une terre épuifée, il ne faut pas y jeter des fumiers trop
confommés, il faut qu'ils foient encore en fermentation pour pouvoir
y porter de la chaleur. Les excrémens doivent être entièrement confon-
dus avec la paille & l'urine des beftiaux. Il n'y a point d'inconvénient
à jeter defius l'eau de favon dont on s'efi: fervi pour nettoyer le linge,
de même que toutes les urines de la m.aifon : c'efL un moyen de faire
changer le fumier de nature , & de le rendre plus gras. Le mélange des
fumiers convient encore en quantité de circonftances , foit dans les terres
humides, foit dans les terres feches. Cette théorie eft déduite de l'ufage
qu'ont la plupart des Laboureurs de changer d'année en année ces
diverfes efpeces d'engrais.
Toutes les terres n'ont pas également befoin de fumier: celles qui
font froides & humides en demandent davantage que les chaudes ; mais
l'excès y eft toujours pernicieux , fînon dans celles qui doivent rapporter
des légumes. Le meilleur temps peur fumer eft le printem^ & l'automne:
encore faut-il enterrer le fumier peu profondément.
Lorfqu'on veut fumer amplement pour corriger le défaut d'un fonds,
on ne doit pas mettre le fumier au fond des tranchées, mais il faut le
répandre au haut du talus qui fe fait par les terres que l'on jette à
mefure que l'on fait les tranchées, & par-là le fumier fe trouve mêlé
dans la terre. C'eft ainfi qu'on doit fumer tant les quarrés pour les
potagers, qus les tranchées pour les efpaliers.
Ppppp2
8^2 FUR
L'expérience a appris aux Cultivateurs que les engrais qui ne valent
rien pour les jardins , font les curures de colombier & de poulailler •
V elles conviennent fur les lins dans les champs; les excrémens deporc,
ceux des animaux aquatiques, même ceux de lapins & ceux de l'homme.
Ces matières font trop chaudes, & ne conviennent qu'aux terres humides
& aux vieux arbres. On peut cependant les expofer fur terre à l'air ,
ou les mêler avec toutes les efpeces de fumiers, pour les laifler jeter
leur feu ; autrement elles brûleroient les feniDnces.
FURET, //v/o aiu vivivra. Joli petit quadrupède du genre des belet-
tes, que quelques Auteurs ont confondu avec le putois ^ parce qu'il a
quelque reffemblance avec lui pour la couleur ; cependant le putois,
naturel aux pays tempérés , eft un animal fauvage comme la fouine ;
& le furet, originaire des climats chauds, ne peut fubiifter en France
que comtme animal domefdque: d'ailleurs , une preuve certaine qu'ils
font d'efpeces diiférentes, c'efi: qu'ils ne fe mêlent point enfemblsr-
Le fureta le corps plus alongé & plus mince, la tête plus étroite,
y le mufeau plus pointu que le putois; la longueur de fon corps jufqu'à
Torigine de fa queue ell d'environ quatorze pouces. Quoique facile à
apprivoifer, & même afiez docile, il ne laifTe pas d'être fort colère ;
il a une mauvaife odeur en tout temps , qui devient plus forte lorf-
qu'il s'échaufi-e ou qu'on l'irrite : il a les yeux vifs & rouges , le regard
enflammé , tous les mouvemens très-fouples ; il eft l'ennemi juré des
lapins , & il eft en même temps fi vigoureux , qu'il vient aifément à
bout d'un lapin , qui eft quatre fois plus gros que lui.
On croit le furet originaire d'Afrique , d'où il fut tranfportéen Efpa-
gne. On s'en eft fervi pour y détruire les lapins , qui s'étoient fîngu-
liérement multipliés dans ce pays, qui paroît être leur vrai climiat na-
turel. On ne peut point fe fervir du putois comme du furet , pour la
chafie aux lapins , parce qu'il ne s'apprivoife pas auffi aifém.ent,
La femelle eft dans cette efpece fenfibîement plus petite que le m.âle ;
lorfqu'elle eft en chaleur, elle le recherche ardem.ment; d<. l'on afiure
qu'elle meurt, fi elle ne trouve pas à fe fatisfaire : auiTi a-t-on foin
de ne les pas féparer. On les élevé dans des tonneaux , ou on leur
fait des nids d'étoupes; ils dorment prefque continuellement: ce fom-
meil fi fréquent ne leur tient lieu de rien ; car dès qu'ils s'éveillent ,
ils cherchent à manger: on les nourrit de fon, de pain & de lait. Ils
produifent deux fois par an; les fem-^Ues portent fix iemaines; quel-
FUR FUT 8n
ques-unes dévorent leurs petits aufiî-tôt qu'elles ont mis bas ; alors
elles deviennent de nouveau en chaleur , & font trois portées , qui
font ordinairement de cinq ou fix.
Lorfqu'on préfente un lapin, même mort, à un jeune furet qui
n'en a jamais vu , il fe jette deffus & le mord av( c fureur; s'il eft vi-
vant , il le prend par lé cou & lui fuce le fang. L'homme toujours in-
duftrieux pour faire tourner à fon profit rinftind & l'induftrie des ani-
maux , tire avantage du naturel carnalTier du furet. On le mené à la
chafle ; mais lorfqu'on le lâche dans les trous des lapins, on le mufele,
afin qu'il ne les tue pas dans le fond du terrier , & qu'il oblige feule-
ment ceux qu'il a harcelés , à fortir & à fe jeter dans le filet dont on
couvre l'entrée. Si on lailfe aller le furet fans mufeliere , on court rifque
de le perdre, parce qu'après avoir fucé le fang du lapin, jufqu'à le
faire mourir, il s'endort dans le terrier; en forte que le furet & le
lapin feroient perdus pour lechaflfeur.'La fouille & la fumée que l'on fait
dans le terrier, ne font pas toujours un sûr moyen de ramener le furet,
parce qu'il peut fortir , fans qu'on le voie , par la bouche d'un autre
terrier, qui communique avec celui dans lequel on l'a fait entrer.
FURIE INFERNALE, /«ri^ infunalls. Nom donné par Solunder
à un animal qui, félon M. Linriczus ^ forme un genre nouveau. Ce cé-
lèbre Naturalifle dit que c'eft un ver filiforme, hériifé de poils de toutes
parts; il a des aiguillons repliés fous fon corps, & il eft de la longueur
de deux lignes : il paroît tous les ans fur les frontières de la Laponie ,
bc fait périr beaucoup d'hommes & d'animaux. Il fe jette d'en-haut
fur les parties du corps qui font à nu, pénètre les chairs en un inftant,
& fait fouvent mourir dans Tefpace d'un quart d'heure au milieu des
douleurs les plus vives. On prétend que cet animal fe trouve aullî en
Flandre & en Suiil'e. L'antidote de ce ver eft le fromage: fi on en ap-
plique fur la partie affeâée , il attire auiîi-tôt le ver, qui fe dégage
pour en venir manger.
FUSAIN. Foye^ Bonnet de Pf.êtee.
FUSEAU. On donne ce nom à i'efpece de buccin qui a les deux
extrémités en pointe: \tfi/feau à dents eft fort rare.
FUSTET. ^oyq Bois ue Fustet.
FUTAIE. Nom qu'on donne à un bois qu'on a laiffé croître au-delà
de quarante ans , & qu'il n'eft pas permis aux ufufruitiers de faire
abattre, parce qu'il fait partie du fonds. Un bois de quarante ans fe
<s
$^4 FUT
nomme futaie fur tal/Ils ; entre quarante Ôcfoixante, c'efl: demi -futaie ;
entre foixante & cent vingt, c eu: jeune & demi-futaie ; au-deflus de deux
cents ans , c'efl: haute futaie fur le retour : ce dernier terme efl: celui
par lequel on défigne tous les vieux bois; on l'appelle aulîî vieille
futaie. On peut avec fuccès laifler croître plufieurs efpeces de bois,
fur- tout ceux dont on tire le plus d'ufage, tels font le chêne, le châtai-
gner , le hêtre , le fapin , &c. Pour avancer ou hâter l'accroilTernsnt
des principaux arbres d'une futaie, il faut retrancher peu-à-peu les
brins foibîes des fepées qui ne manqueroient pas d'être étouffées. Pour
ne point s'y méprendre, l'on ne doit couper que ceux qui languif-
fent d'une manière marquée. Par ce moyen, les brins que leur vigueur
naturelle aura diftingués, auront plus de nourriture & plus dair; ils
s'élèveront & groffiront plus promptement. L'économie n'indique pas
d'autres moyens d'avancer les futaies. La Nature fait le refte. Mais il
faut avoir attention que les arbres des futaies ne folent point trop éla-
gués , & l'on ne devroit jamais faire une fuppreflion totale des bran-
ches, le tronc étant alors dans le cas de fouffrir beaucoup. C'efl: le genre
de déprédation le plus ordinaire & le plus dangereux.
Les futaies font l'ornement des forêts : la hauteur des arbres qui les
compofent , leur vieilleffe , le filence & une fombre fraîcheur y pénè-
trent l'ame d'une émotion fecrete , qui a porté plufieurs peuples à y
célébrer les cérémonies religieufes ; mais leur utilité doit encore les
rendre infiniment plus recommandables. Les futaies feules peuvent four-
nir la charpente aux grands édifices , & les bois fi précieux à la navi-
gation. Foyei Us articles Akbre , Bois , Fokèt , Taillis , &c.
Fin du Tome fécond.
DE L'IMPRIMERIE DE DEMONVILLE , 177;»
a '
^>
1
il.
■ /
ii;
.»
.t'
^
^-;
-'il