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Full text of "Dictionnaire raisonné universel d'histoire naturelle : contenant l'histoire des animaux, des végétaux et des minéraux, et celle des corps célestes, des météores, & des autres principaux phénomenes de la nature; avec l'histoire et la description des drogues simples tirées des trois regnes ... plus, une table concordante des noms latins ..."

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3ûhn  JVîtaras 


N  TME  CUSTODY  OF  ThE 

BOSTON     PUBLIC   LIBRARY. 


5HELF    N° 

. AOAMS 


DICTIONNAIRE 

RAI  s  O NNÈ 
UNIVERSEL 

D'HISTOIRE    NATURELLE. 


9®: 


TOME    SECOND. 

•c  i  'il  ',^5;       ■■  .    =s» 


RAIS O N 

UNIVERSEL 

D^HISTOIP^E    NATURELLE; 

CONTENANT 

L^ïlïSTOÏRE  DES  ANIMAUX, 

DES  VÉGÉTAUX  ET  DES  MINÉRAUX, 

Et  celle  des  Corps  céleftes,  des  Météores,  &   des   autres 
principaux  Phénomènes  de  la  Nature; 

AVEC 

UHïSTOîRE    ET    LA    DESCRIPTION 

DES  DROGUES  SIMPLES  TIRÉES  DES  TROIS  REGNES  ; 

Et  le  détail  de  leurs  iifages  dans  la  Médecine,  dans  l'Économie  domeilique 

&  champêtre,  &  dans  les  Arts  &  Métiers  : 

t   Plus  y  une  Table  concordante  des  Noms  Latins  ^  &  le  renvoi  aux  objets 


da 


mentionnes  dans  cet  KJiivra^e, 


Oi 


* 


Par  M.  Val  M  ONT  de  Bomare,  Démonftrateur  d'Hifloire  Naturelle  avoué  du 
Gouvernement;  Cenfeur  R.oyal;  Direcleur  des  Cabinets  d'Hiftoire  Naturelle  ,  de 
Phyfique,  &c.  de  S.  A.  S.  Monfeigneur  le  PRINCE  DE  CONDÉ;  Honoraire 
de  la  Société  Économique  de  Berne  ;  Membre  des  Académies  Impériale  des  Curieux 
de  la  Nature ,  Impériale  &  Royale  des  Sciences  de  Bruxelles  ;  Afîocié  Regnicole 
de  l'Académie  des  Sciences ,  Belles-Lettres  &  beaux  Arts  de  Rouen;  des  Sociétés 
Royales  des  Sciences  de  Montpellier,  Littéraires  de  Caen,  de  la  Rochelle,  &c. 
d'Agriculture  de  Paris;  Maître  en  Pharmacie. 

Nouvelle  Edition ,  revue  &  confidérablement  augmentée  par  l* Auteur, 

TOME    SECOND. 


"t^ 


A 


PARIS, 


Chez  B  R  u  N  E  T  5  Libraire ,  rue  des  Écrivains ,  vis-à-vis  le  Cloître  Saint  Jacques 

de  la  Boucherie. 


M.     D  C  C.    L  X  X  V. 

Avec  Approb at ion ,  et  Privilège  du  Roi» 


^H 


RAISONNE 

D'HISTOÎllE  NATUPvELLE. 


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'X  ;■  t.; 


-^t^ï_(â:^:éés 


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A 

H  A  A  5  voye:^  au  mot  Thé. 


CHABOT,  cottus.  Petit  Poiffon  qui  fe  trouve  com- 
munément dans  les.  ruifl'eaux  &  les  rivières  rapides.  Il  le 
tient  toujours  au  fond  de  l'eau ,  &  fe  cache  fouvent  fous 
les  pierres  ;  8c  quand  on  frappe  deiîus ,  l'animal  entendant 
ce  bruit  en  fort,  &  en  eft  comme  étourdi,  même  fans  avoir  été  blefle. 
Ce  poiflbn  a  quatre  à  cinq  pouces  de  long  ;  fa  tête  eft  aplatie  &  fi 
grande  à  proportion  de  (on  corps ,  qu'on  l'a  appelle  en  Languedoc , 
tête  d'âne.  L'iris  de  l'œil  eft  couleur  d'or. 

Le  chabot  n'a  point  d'écaillés.  Son  dos  eft  jaunâtre  &:  marqué  de 
trois  ou  quatre  petites  bandes  tranfverfales  :  il  a  deux  nageoires  auprès 
des  ouies,  garnies  de  treize  piquans,  arrondis  &  cannelés  tout  autour; 
deux  petites  nageoires  au  milieu  du  ventre  &  deux  autres  fur  le  dos  , 
également  garnies  ,  la  plus  petite  de  quatre  piquans ,  &  la  plus  grande 
de  dix-fept.  Près  des  ouies  eft  auflî  un  petit  piquant  crochu  &  recourbé 
en  deflTus.  M.  Ddeu^e  obferve  que  les  membranes  des  couvercles  des 
ouies  font  à  fix  offelets.  La  femelle  eft  plus  grofîe  que  le  mâle  :  elle 
Tome,  II,  A 


ù.  C  H  A 

contient  beaucoup  d^ceufs.  Ce  poliTon  ne  fe  prend  qu'à  la  nalTe  :  il  fe 
nourrit  d'infectes  aquatiques. 

CHACAL.  Efpece  d'animal  qui  paroît  tenir  le  milieu  entre  le  loup 
&  le  chien  pour  le  naturel  ;  l'on  en  voit  de  grands  &  de  petits ,  fuivant 
la  nature  du  climat.  Cet  animal  a  le  mufeau  du  loup  &  la  queue 
du  renard  ;  ceux  que  l'on  voit  en  Perfe  ,  en  Cilicie  ,  en  Arménie  & 
au.  Levant  où  cette  efpece  efl  trcs-nombrcufe  &  très  -  incommode  , 
font  de  la  grandeur  de  nos  renards.  Leur  poil  efl  d'un  jaune  vif  & 
brillant  ;  ce  qui  leur  a  fait  donner  par  quelques-uns  le  nom  de  loup 
dore.  Les  chacals  ont  les  jambes  plus  courtes  que  le  renard.  Dan?  les 
pays  plus  chauds ,  comme  en  Barbarie  ;  en  Afie  ,  en  Afrique  ,  ces 
animaux  font  plus  grands ,  &  leur  poil  eft  plutôt  d'un  brun-roux  que 
d'un  beau  jaune. 

Le  chacal ,  dit  M.  de  Biifon  ,  joint  à  la  férocité  du  loup  un  peu  de 
la  familiarité  du  chien.  Sa  voix  efl;  un  hurlement  mêlé  d'aboiemens 
&  de  gémiiTemens.  Il  efc  plus  criard  que  le  chien  ,  plus  vorace  que 
le  loup.  Ces  animaux  ne  vont  jamais  feuls  ,  mais  toujours  par  troupes 
de  vingt,  trente  ou  quarante  ,  &  quelquefois  beaucoup  plus  :  ils  fe 
îafiemblent  chaque  jour  pour  faire  la  guerre  &  la  chafle  ;  ils  vivent, 
de  petits  animaux  &  fe  font  redouter  àcs  plus  puiffans  par  le  nombre  :, 
ils  attaquent  toute  efpece  de  bétail  ou  de  volailles  prefque  à  la  vue 
des  hommes  ;  ils  entrent  hardiment  dans  les  bergeries,  les  érables,  les 
écuries;  &  lorfqu'ils  n'y  trouvent  point  de  proie  ,  ils  dévorent  le  cuir 
des  harncis,  des  bottes  ,  des  fouliers  ,  &  emportent  les  lanières  qu'ils 
ç'ont  pas  le  temps  d'avaler.  Faute  de  proie  vivante  ,  ils  déterrent  Xqs- 
cadavres  des  animaux  &  des  hommes  :  on  efl  obligé,  dit  M.,  de  Biiffon , 
de  battre  la  terre  fur  les  fépulturcs  ,  &  d'y  mettre  de  grofTes  épines 
pour  les  empêcher  de  la  gratter  &  fouir;  car  une  épaifTcur  de  quelques 
pieds  de  terre  ne  fufht  pas  pourries  rebuter  :  ils  travaillent  pîufieurs 
enfemble  ;  ils  accompagnent  de  cris  lugubres  cette  exhumation  ;  & 
lorfqu'ils  font  une  fois  accoutumés  aux  cadavres  humains,  ils  ne  cefîent 
de  courir  les  cimetières  ,  de  (uivre  \^s,  armées  ,  de  s'attacher  aux 
caravanes.  Ce  font  les  corbeaux  des  quadrupèdes  :  la  chair  la  plus 
infeâ:ée  ne  les  dégoûte  pas.  Leur  appétit  eft  fi  confiant  &  fi  véhément, 
que  le  cuir  le  plus  fec  efl  encore  favoureux  pour  eux ,  &  que  toute 
peau,  toute  graifle ,  toute  ordure  animale  leur  efl  également  bonne. 

Cî-L\CAMFJ.<.  Cet   oifeau  des  Antilles  efl  brun  fur  le  dos ,  d'uti; 


C  H  A  5 

blanc  tirant  un  peu  fur  le  brun  fous  Is  ventre  î  il  a  le  bec  &  les  pieds 
bleuâtres  ;  il  habite  ordinairement  les  montagnes  comme  le  hocco  ,  de 
y  élevé  fes  petits  ;  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  cet  oif^au , 
qui  a  à- peu-près  le  cri  de  la  poule  ,  c'efl  que  ce  cri  eft  fi  fort  ,  fi 
prompt ,  fi  continuel ,  qu'un  feul  de  ces  oifeaux  fait  autant  de  bruit 
qu'une  balTe  -  cour  entière  ;  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de 
'ChachalacameU ,  qui  fignifie  oifeau  criard. 

CHACRELLE  ou  CHACPvîL.  Voy.  Cascarïlle. 

CFIAGRIN  ou  SAGRI ,  eft  la  peau  du  derrière  d'une  efpece  d'dnt 
ou  de  mulet  fort  commun  en  Turquie  6:  en  Pologne  ,  qu'on  a  préparée 
par  le  lavage  ,  l'épilation  ,  le  tannage  &  l'application  de  la  graine  de 
moutarde.  Les  Marchands  font  venir  le  chagrin  de  Conftantinople  , 
de  Tauris ,  d'Alger,  de  Tripoli  ,  de  quelques  endroits  de  la  Syrie; 
■&  les  Gaîniers  l'emploient  particulièrement  à  couvrir  leurs  ouvrages 
les  plus  précieux:  roye:^  ce  que  nous  en  avons  dit  à  la  fin  du  mot  Ane. 

CHAÎNUK.  Nom  fous  lequel  on  défigne  quelquefois  la  vachs  de 
Tartaric.  Voyez  ce  mot. 

CHAIR  FOSSILE  ou  CHAIR  DE  MONTAGNE,  caro  montnna, 
Efpece  d'amiante  à  feuillets  épais  &  folides,  formée  par  un  aOemblage 
de  fibres  dures:  elle  eft  griiâtre  ,  quelquefois  nuée  d'un  peu  de  rofe  , 
pefante  &  tombe  au  fond  de  i'eau.  On  en  trouve  dans  la  carrière  de 
Serpentine  de  Zccblitz  &  dans  la  mine  de  Nordberg  en  "Weftmanie, 
Voyci  Amiante. 

CHALCITE.  Fcyei  Colcotkar  fossile. 
,     CHALEUR.  Foye^  à  Carticlc    CHAUD. 

CHAMAROCH  ,  malus  h^dïca  ,  porno  angulGfo  ,  carambolas  dicla^ 
Ceft  un  fruit  des  Indes  ,  gros  com-m.e  un  œuf  de  pouie  ,  alongé  , 
jaunâtre ,  divifé  en  quatre  parties  ,  orné  de  raies  &  d'interftices  , 
contenant  des  femences  d'un  acide  agréable.  Ce  fruit  croît  à  un  arbre 
grand  comm.eun  coignafiier.  Ses  feuilles  reftemblent  à  celles  du  pommier. 
Ses  fleurs  font  à  cinq  feuilles  ,  inodores  ,  mais  agréables  par  leur 
couleur  blanche  tirant  fur  le  rouge.:  Suivant  M.  Ddcuzj  ,  cet  arbre 
eft  du  genre  de  ïuverrkoa  de  Linncuus  de  même  que  le  b'dïmhi. 

Les  Indiens  de  Goa  ufent  de  ce  fruit  en  aliment  &  en  médecine. 
On  le  confit  au  fucre:  il  eft  agréable  au  goût,  excite  l'appétit ,  réjouit 
le  cc£ur  :  on  l'ordonne  pour  les  fièvres  bilieufes  ,  pour  la  dyifenterie. 
Les  Canarins  le  font  entrer  dans   leurs  collyres  pour  les  taies  &  les 

A2 


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nuages  qui  ternifïènt  la  vue  :  les  Sages  -  femmes  du  pays  le  mêlent 
avec  du  bétel  &  le  font  prendre  aux  femmes  qui  viennent  d'accoucher , 
pour  faire  fortir  plus  promptement  Tarriere-faix ,  &  pour  gargarifer 
la  gorge.  F^ojyei  Bétel» 

CHAMARRAS.  Foyci  Germandrée  d'eait. 

CHAMEAU  &  DROMADAIRE,  camelus  &  dromedarîus.  Ces  deux 
noms  ,  dit  M.  de  Buffon  ,  ne  défignent  pas  deux  efpeces  difl^érentes  s 
mais  indiquent  feulement  les  deux  races  diftinéles  &  fubfiftantes  de 
temps  im.mémorial  dans  l'efpece  du  chameau.  Le  principal  ,  &  pour 
ainfi  dire  l'unique  caradere  fenfible  par  lequel  ces  deux  races  différent  * 
confifte  en  ce  que  le  chameau  porte  deux  bolTes ,  &  que  le  dromadaire 
n'en  a  qu'une  :  il  effc  auili  plus  petit  &  moins  fort  que  le  chameau  ; 
mais  tous  deux  fe  mêlent ,  praduifent  enfemble  ;  &  les  individus  qui 
proviennent  de  cette  race  croifée  ,  font  ceux  qui  ont  le  plus  de 
vigueur  îk  qu'on  préfère  à  tous  les  autres.  Les  métis  iiTus  du  dromadaire 
&  du  chameau ,  forment  une  race  fécondaire  qui  fe  multiplie  pareillement 
&  qui  fe  mêle  auffi  avec  les  races  premières  ;  en  forte  que  dans  cette 
efpece  comme  dans  celle  des  autres  animaux  domeftiques,  il  fe  trouve 
plufieurs  variétés  ,  dont  les  plus  générales  font  relatives  à  la  différence 
des  climats. 

On  diftingue  en  Afrique  trois  efpeces  différentes  de  chameaux.  Les 
uns  font  les  plus  grands  ,  les  plus  forts  ;  ils  portent  jufqu'à  mille  livres 
pefant ,  &  quelquefois  jufqu'à  douze  cents  livres  ,  d'où  vient  qu'en 
Orient  on  les  nomme  navire  de  terre.  Les  autres  viennent  du  Turqueftan 
en  Aiie  ,  &  font  plus  petits  que  les  premiers  ;.  ils  ont  deux  boffes  , 
&  font  également  propres  à  être  chargés  &  à  être  montés.  Les  troifiemes 
font  petits ,  maigres ,  &  font  fi  bons  coureurs,  qu'ils  peuvent  faire 
plus  de  trente  lieues  en  un  feul  jour. 

On  vit  à  Paris  en  17^2,  un  chameau  m.âîe  &:  un  dromadaire  femelle. 
Le  cham^eau  que  l'on  eftimoit  pouvoir  être  âgé  de  quatorze  ans ,  avoit 
Cx  pieds  de  hauteur,  non  compris  fes  deux  boffes  ,  &  dix  pieds  de 
longueur.  On  remarquoit  au  bout  du  mufle  quatre  nafeaux  ,  dont  les 
deux  plus  grands  étoient  percés  d'outre  en  outre  ,  afin  d'y  pouvoir 
paffer  un  anneau  de  fer  pour  conduire  l'animal  à  volonté  ;,  en  deffous 
de  ces  premiers  nafeaux ,  font  deux  autres  beaucoup  plus  petits ,  qui 
fervent  à  la  refpiration.  Les  yeux  de  cet  animal  font  gros  &  faillans;^ 
le  front  efl  revêtu  d'un  poil  touffu  &  refTemblant  à  de  la  laine  i  le  refle 


C  H  A  i 

du  corps  efl:  recouvert  d'un  poil  doux  au  toucher  ,  de  couleur  fauve  , 
un  peu  cendré ,  &  guère  plus  long  que  celui  d'un  bœuf  ;  les  oreilles 
courtes  &  rondes  ,  le  cou  très -long ,  &  orné  d'une  belle  crinière,  les 
genoux  gros  ,  les  pieds  fendus  &  onguiculés  ,  les  jambes  de  derrière 
très-hautes  &  très-menues.  On  obferve  dans  ces  animaux  des  callofités 
aux  jointures  des  jambes  de  devant  ,  à  celles  de  derrière ,  &  flir  la 
poitrine.  Toutes  ces  callofités  viennent  de  ce  que  cet  animal  ne  fe 
couche  pas  fur  le  côté  comme  les  autres  ,  mais  s'accroupit  :  toutes  les 
parties  qui  portent  fur  la  terre  dans  cette  pofition  ,  s'endurcifTent  & 
deviennent  calleufes.  Sa  queue  eft  courte  &  peu  garnie  de  poil , 
excepté  à  l'extrémité. 

Il  efl  à  remarquer  que  cet  animal,  ainfi  que  tous  les  autres  animaux 
ruminans  ,  n'a  point  de  dents  incifives  à  la  mâchoire  fupérieure,  mais 
feulement  deux  grandes  dents  de  chaque  côté  ,  dont  la  poftérieure 
eft  recourbée  en  arrière  ,  fembiable  aux  défenfes  d'un  fanglier ,  &  qui 
devient  quelquefois  fi  longue  ,  qu'on  eft  obligé  de  la  fcier  :1a  mâchoire 
inférieure  eft  bien  garnie  de  dents.  La  verge  du  dromadaire  eft ,  ainfi 
que  celle  du  taureau ,  très-longue  &  fort  mince.  Le  maître  du  chameau 
aiîura  que  cet  animal  s'accouple  à  reculons ,  &  eftedivement  on  voit 
que  fa  verge  eft  tournée  en  arrière  ,  &  que  l'urine  jaillit  à  reculons 
par  un  filet  continu  en  arcade.  Mais  MathioU  dit  avoir  vu  k  contraire 
dans  l'accouplement  d'une  efpece  de  chameau  ;  ce  qui  paroît  d'ailleurs 
confirmé  par  l'obfervation  que  l'on  a  faite  ,  que  la  verge  de  dromadaire 
fe  tourne  également  en  avant  comme  en  arrière.  Le  fait  eft  que  la 
femelle  s'accroupit  pour  recevoir  le  mâle,  &  elle  ne  rentre  en  chaleur 
qu'un  an  ou  deux  après. 

Le  chameau  entre  en  rut  vers  le  quinze  Janvier ,  &  refte  dans  cqz 
état  deux  ou  trois  mois.  Pendant  ce  temps  ,  la  nature  opère  en  lui 
un  effet  bien  fingulier:  il  bâille  très-fréquemment,  il  écume  continuel- 
lement, &  il  lui  fort  de  la  bouche  une  ou  deux  groifes  veines  rouges. 
Le  fommet  de  la  tête  qui  eft  bien  garni  de  poil ,  refte  toujours  mouillé 
comme  d'une  fueur  abondante  j  il  mugit  alors  aiTez  fréquemment 
comme  un  taureau  en  furie  ;  il  perd  l'appétit  ,  il  maigrit ,  tout  foiî 
poil  tombe  ,  excepté  celui  de  la  bofie.  On  profite  de  cette  circonftance 
pour  recueillir  le  poil  de  ces  animaux  avec  foin  ,  à  caufe  du  grand 
commerce  qu'on  en  fait.  On  le  mêle  avec  d'autres  poils ,  &  il  entre 
pour  lors  dans  la  fabrique  des  chapeaux  ,  particulièrement  de  ceux 


6  C  H  A 

de  Caudebec.  Il  arrive  quelquefois,  notamment  dans  le  rut,  que  les 
deuxboflesdu  chameau,  qui  ne  font  form.ées  que  par  des  excroiflances 
de  chair  ,  s'affaifTent  ,  &  penchent  comme  fi  elles  vouioient  tomber , 
parce  qu'alors  les  mufcles  qui  les  foutiennent  ,  perdent  leur  refTort  ; 
mais  il  faut  avoir  l'attention  de  les  relever  &  de  les  maintenir  droites, 
jufqu'à  ce  qu'elles  aient  repris  leur  attitude  &  leur  confiftance  naturelles. 
Lorfque  le  rut  cO:  pafTé ,  cet  animal  recouvre  Ton  appédt,  fa  vigueur, 
fon  embonpoint  ;  il  fe  revêt  d'un  nouveau  poil.  Tant  qu'il  eft  en 
appétit,  il  mange  du  foin  ,  -de  la  paille  ,  de  l'orge  ,  dj  l'avoine  ; 
ii  peut  manger  vingt  ou  trente  livres  de  foin  par  jour:  s'il  eft  dégoûté, 
les  chardons  ,  les  ronces  lui  réveillent  l'appétit.  Il  boit  rarement , 
mais  lorfqu'il  a  foif  il  boit  beaucoup   à  la  fais. 

Le  dromadaire  femelle,  qui  n'étoit  alors  âgé  que  de  trois  ans  ,  n'étoit 
aufii  qu'à  la  moitié  de  fa  grandeur.  Il  reilem,bioit  beaucoup  au  chameau, 
à  l'exception  d'une  boiïc  unique  qu'il  avoit  fur  le  dos  :  fon  poil  étoit 
brunâtre ,  &  plus  long  que  celui  du  chameau. 

Le  dromadaire  fcm.elle  &  le  chameau  mâle  dont  nous  venons  de 
parler  ,  s'aimoient  &  fe  carefToient  mutuellement  ;  ils  étoient  tellement 
accoutumés  à  vivre  enfem.ble  ,  que  quand  la  femelle  ne  voyoit  plus 
fon  compagnon  ,  elle  crioit ,  &  fe  débattoit  violemment ,  fans  vouloir 
ni  boire  ni  manger.  C'eft  cette  fymxpathie  qui  a  produit  l'agrément 
de  voir  naître,  un  chameau  dans  Paris  ;  phénom.ene  d'autant  plus  digne 
de  remarque ,  qu'il  paroît  que  la  plupart  6.0.3  animaux  ào-s  climats 
chauds,  perdent  lafaculté  d'engendrer  dans  les  pays  plus  tempérés,  ainfi 
qu'on  l'obferve  dans  le^  fingcs  ,  les  perroquets  &  autres.  Suivant  les 
obfervations  exades  qu'on  a  faites ,  la  mère  a  porté  un  an  entier  le 
petit  chameau  dont  nous   parlons  ;  mais  il  n'a  vécu  que   trois  jours. 

Le  dromadaire  ,  dit  M,  de  Bujfon  ,  eft  fans  comparaifon  plus  géné- 
ralement répandu  que  le  chameau  \CQ\m- ci  ne  fe  trouve  guère  que  dans 
le  Turquedan  &  dans  quelques  endroits  du  Levant  ;  tandis  que  le 
dromadaire  ,  plus  commun  qu'aucune  autre  bête  de  fomme  en  Arabie, 
fe  trouve  de  même  en  grande  quantité  dans  toute  la  partie  feptentrionale 
de  l'Afrique  ,  qui  s'étend  depuis  la  mer  Méditerranée  jufqu'au  fleuve 
Niger ,  &  qu'on  le  retrouve  en  Egypte ,  en  Perfe  ,  dans  la  Tartarie 
méridionale,  &  dans  les  parties  feptentrionales  de  l'Inde.  Le  dromadaire 
occupe  donc  des  terres  îmmenfes ,  &  le  chameau  eft  borné  à  un  petit 
terrain  ;  le  premier  habite  des  régions  arides  &   chaudes  ;  le  fécond 


C  H  A  7 

un  pays  moins  fec  &  plus  tem.péré  ,  &  fefpsce  entière  paroît  être 
confinée  dans  une  zone  de  trois  ou  quatre  cents  lieues  de  largeur  , 
qui  s'étend  depuis  la  Mauritanie  jufquà  la  Chine:  elle  ne  fubfifte  ni 
au-defTus  ,  ni  au-defîbus  de  cette  zone.  Cet  animal ,  quoique  naturel 
aux  pays  chauds  ,  craint  cependant  les  climats  où  la  chaleur  eft  excellîve: 
fon  efpece  finit  où  commence  celle  de  l'éléphant  ,  &  elle  ne  peut 
fubfifter  ni  fous  le  ciel  brûlant  de  la  zone  torride ,  ni  dans  les  climats, 
doux  de  notre  zone  tempérée.  Il  paroît  être  originaire  d'Arabie  ;  car, 
non -feulement  c'eft  le  pays  où  il  eft  en  plus  grand  nombre,  mais 
c'eft  audi  celui  auquel  il  eft  le  plus  conforme. 

On  ne  fe  trompe  guère  fur  le  pays  naturel  des  animaux ,  en  le 
jugeant  par  ces  rapports  de  conformité  ;  leur  vraie  patrie  eft  la  terre 
à  laquelle  ils  refl'emblent ,  c'eft-à-dire ,  à  laquelle  leur  nature  paroît 
s'être  entièrement  conformée ,  fur-tout  lorfque  cette  m-éme  nature  de 
l'animal  ne  fe  modifie  pas  ailleurs,  &  ne  fe  prête  pas  à  l'influence  des 
autres  climats.  La  nature ,  toujours  fage  &  féconde  ,  a  fait  naître  des 
anim.aux  fi  bien  appropriés  à  chaque  clim.at ,  qu'en  vain  voudroit-on  ' 
multiplier  les  rhennes  hors  des  pays  glacés,  ou  les  éléphans  hors  des 
pays  brûlans  :  les  autres  climats  deviennent  funeftes  à  chacun  de  ces 
animaux.  Mais  de  quelle  utilité  ne  font-ils  pas  aux  habitans  des  contrées; 
auxquelles  la  nature  les  a  affedés  ?  Peut-il  fe  trouver  un  animal  plus 
propre  que  le  chameau  à  fupporter  les  plus  rudes  fiitigues  au  milieu 
des  fables  arides  de  l'Afrique  ,  à  pouvoir  refter  quelquefois  neuf  jours 
&  davantage  (ans  boire,  en  faifant  cependant  chaque  jour  vingt-cinq 
à  trente  lieues  ,  de  en  portant  des  poids  énormes  ? 

Si  par  hafard  auili  il  fe  rencontre  une  mare  à  quelque  diftance  de 
'  leur  route,  ils  fentent  l'eau  de  plus  û'une  dema-lieue  ;  la  foifqui  les  preiTe 
leur  fait  doubler  le  pas  ,  &  ils  boivent  en  une  feule  fois  pour  tout 
le  temps  pafié  ,  &  pour  autant  de  temps  à  venir  ;  car  fouvent  leurs 
voyages  font  de  plufielîrs  femaines  ,  &  leur  temps  d'abftinence  dure 
autant  que  leurs  voyages  :  on  ne  leur  donne  par  jour  qu'une  pelotte 
de  pâte  ,  &  même  on  ne  leur  îaille  chaque  jour  qu'une  heure  de 
repos. 

Cette  facifité  qu'ont  les  chameaux  de  s'abftenir  de  boire  ,  n'eft 
pas  tout-à-fait  de  pure  habitude,  c'eft  plutôt  un  efïet  de  leur  conformation.. 
Il  y  a  dans  le  chameau ,  indépendamment  des  quatre  eftomacs  qui  fe 
trouvent  d'ordinaire  dans  les  animaux  ruminans ,  une  cinquième  poche 


8  C  H  A 

qui  lui  fert  de  réfervolr  pour  conferver  de  l'eau.  Ce  cinquième  eftomac 
manque  aux  autres  animaux  ,  &  n'appartient  qu'aux  chameaux  ;  il 
eft  rempli  d'une  multitude  de  cavités  &  d'une  capacité  aflez  vafte 
pour  contenir  une  grande  quantité  de  liqueur  ;  elle  y  féjourne  fans 
fe  corrompre  ,  &  fans  que  les  autres  alimens  puifTent  s'y  mêler. 
Lorfque  l'animal  efl:  prelîe  par  la  foif ,  &  qu'il  a  befoin  de  délayer 
les  nourritures  feches  &  de  les  macérer  par  la  rumination  ,  il  fait 
remonter  dans  fa  panfe  ,  &  jufqu'à  l'œfophage ,  une  partie  de  cette 
eau  par  une  fimple  contradion  des  mufcles  :  ^c'eft  donc  en  vertu  de 
cette  conformation  très  -  finguliere  ,  que  le  chameau  peut  fe  pafler 
plufîeurs  jours  de  boire  ,  &  qu'il  prend  en  une  feule  fois  une  pro- 
digieufe  quantité  d'eau ,  qui  demeure  faine  &  limpide  dans  ce  réfervoir, 
parce  que  les  liqueurs  du  corps  ,  ni  les  fucs  de  la  digeftion  ne  peuvent 
s'y  mêler. 

Le  chameau  efl:  un  animal  fort  docile  :  on  le  drefle  dès  fon  enfance 
à  fe  baiffer  &  s'accroupir  lorfqu'on  veut  le  charger.  Pour  l'y  former, 
dès  qu'il  efl:  né  ,  on  lui  plie  les  quatre  jambes  fous  le  ventre  ,  &  on 
le  couvre  d'un  tapis  fur  le  bord  duquel  on  met  des  pierres  ,  afin 
qu'il  ne  puifTe  pas  fe  relever.  Comme  cet  animal  eft  très-haut ,  on 
l'accoutume  à  fe  mettre  en  cette  pofture  dès  qu'on  lui  touche  les 
genoux  avec  une  baguette ,  afin  de  le  pouvoir  charger  plus  aifément. 
On  le  laiffe  auffi  pendant  quelque  temps  fans  lui  permettre  de  teter  , 
afin  qu'il  contrade  de  bonne  heure  l'habitude  de  boire  rarement.  On 
ne  fait  point  porter  de  fardeaux  à  ces  animaux  ,  avant  l'âge  de  trois 
ou  au  quatre  ans.  Quand  ils  fentent  qu'ils  font  aflez  chargés,  il  ne 
faut  pas  penferàleur  en  donner  davantage,  autrement  ils  fe  rebutent, 
donnent  de  la  tête  ,  &  fe  relèvent  à  l'inflant.  Enfin ,  fi  on  les  furcharge 
malgré  eux  ,  ils  jettent  des  cris  lamentables. 

Ceux  qui  veulent  avoir  de  bons  chameaux  de  charge,  les  châtrent, 
quoique  l'on  fâche  'que  cette  opération  ôte  en  général  aux  animaux 
une  partie  de  leur  vigueur  ;  mais  ils  les  rendent  par-là  dociles  en  tout 
temps  ,  &  leur  font  éviter  le  rut  qui  les  énerve  &  les  rend  furieux. 
Comme  cet  animal  ,  ainfi  que  le  mulet  ,  a  de  la  rancune ,  il  devient 
dangereux  pour  ceux  qui  le  mènent  pendant  qu'il  eft  en  rut  ;  il  fe 
fouvient  alors  du  m.al  qu'on  lui  a  fait  ,  &  lorfqu'il  peut  attraper  fon 
ennemi ,  il  l'enlevé  avec  les  dents  ,  le  laiffe  retomber  à  terre  &  le 
foule  aux  pieds ,  jufqu'à  ce  qu'il  foit  écrafé  :  le  temps  du  rut  pafle, 

l'animal 


C  H  À  p 

^animal  reprend  fa  première  douceur.  li  n'eft  pas  vrai,  comme  on  lô 
ïit  dans  quelques  Auteurs  ,  qu'il  y  ait  une  antipathie  marquée  du 
thameau  vis-à-vis  de  l'âne  ,  du  cheval  &  du  mulet  ;  car  on  voit 
fouvent  ces  animaux  réunis  fous  un  même  toit,  fans  qu'ils  témoignent 
la  moindre  averfion  les  uns  contre  les  autres. 

Les  chameaux  d'Afrique  foutiennent  bien  mieux  la  fatigue  que  ceux 
ïi'Afîe.  Quand  les  premiers  commencent  à  faire  voyage, il eft  néceflaire 
qu'ils  foient  gras  ;  car  on  a  éprouvé  qu'après  que  cet  animal  a  marché 
quarante  ou  cinquante  jours  fans  manger  d'orge  ,  fa  bojGTe  commence 
à  diminuer,  &  il  ne  peut  plus  porter  de  charge.  Ceux  d'Afie  ne 
peuvent  réfifter  à  cette  fatigue  ;  il  faut  leur  donner  tous  les  jours 
environ  trois  livres  de  pâte  d'orge.  Les  Turcs  font  ufage  en  Europe 
de  chameaux  pour  porter  leurs  bagages  :  on  en  voit  en  Efpagne  ,' 
que  les  Gouverneurs  des  Places  frontières  y  envoient  ;  mais  ils  n'y 
vivent  pas  long-temps ,  parce  que  le  pays  eft  trop  froid  pour  eux. 
Cependant  les  Mofcovites  en  élèvent  de  tous  jeunes,  qu'ils  accoutument 
peu  à  peu  à  leur  climat  méridional.  La  durée  de  la  vie  de  ces  animaux 
paffe  pour  être  environ  de  cinquante  ans. 

On  dit  qu'il  y  a  en  Afrique  de  petits  dromadaires  qui  fontjufqu'à 
quatre-vingts  lieues  par  jour.  Ils  font  très-utiles  aux  Couriers  de 
l'Orient  pour  porter  en  <iiligence  leurs  dépêches  ;  leur  allure  eft  le 
trot  ;  lorfque  ces  animaux  prennent  le  galop,  c'eft  un  fpedacle  agréable 
de  voir  leur  crinière  &  Je  long  poil  de  leur  fanon  flotter  au  gré  du 
vent.  On  charge  le  chameau  fur  fa  bolTe ,  ou  on  y  fufpend  des  paniers 
aflfez  grands  pour  qu'une  perfonne  y  puifTe  tenir  afiife  ,  les  jambes 
croifées  à  la  manière  des  Orientaux  :  c'eft  dans  ces  paniers  qu'on 
voiture  les  femmes.  On  attelé  aufîl  les  chameaux  pour  traîner  des 
chars:  on  ne  fe  fert  point  d'étrillé  pour  les  panfer  ;  on  les  frappe 
feulement  avec  une  petite  baguette  pour  faire  tomber  la  poulîîere 
qui  eft  fur  leur  corps.  On  fe  fert  du  fumier  de  ces  animaux  que  l'on 
fait  fecher  ,  pour  préparer  la  cuifine  au  milieu  des  déferas.  Il  ne  faut 
point  frapper  les  chameaux  pour  les  faire  avancer,  il  fuffit  de  chantet 
&  de  (ïitler  ;  ïorfqu'ils  font  en  grand  nombre  ,  on  bat  des  timbales. 
On  leur  attache  auiîi  des  fonnettes  aux  genoux  ,  &  une  cloche  au 
cou  pour  les  animer  &  pour  avertir  dans  les  défilés.  Cet  animal  eft 
courageux;  on  le  fait  marcher  aifément,  excepté  lorfqu'il  fe  trouve 
de  la  terre  grafTe  &  gliflante  ,  parce  que  fon   pied  ,  qui  eft  plat  ôc 

Tome  II.  B 


io'  CHÂ 

large ,  charnu  en  defTous ,  &  qui  n'eft  revêtu  que  d'une  peau  molle 
&  peu  calleufe  ,  qu'on  peut  regarder  comme  une  efpece  de  femelle 
vivante  ,  glifle  à  chaque  inftant.  Lorfqu'on  rencontre  de  ces  mauvais 
pas  ,  on  eft  quelquefois  obligé  d'étendre  de  gros  tapis  pour  faire  pafTer 
les  chameaux  ,  ou  d'attendre  que  le  chemin  foit  praticable. 

Labat  dit  que  l'on  ne  trouve  point  de  chameaux  en  Amérique ,  à 
moins,  dit-il  5  qu'on  ne  prenne  pour  des  chameaux  les  glama  &  les 
pacos ,  efpece  de  grands  moutons  du  Pérou  ;  car ,  à  l'exception  de  la 
laine  dont  ils  font  revêtus,  &  de  la  grandeur  ,  ils  approchent  beaucoup 
du  chameau  véritable.  Voyc:^  Glama  &  fur-tout  l'art.  Paco. 

Les  chameaux  font  des  animaux  domeftiques  doublement  utiles  ;  en 
Afie  &  en  Afrique  ,  on  fait  un  grand  ufage  de  leur  lait ,  qui  eft 
apéritif,  &  propre  à  chaffer  les  impuretés  du  fang  par  la  voie  des 
urines  :  on  attribue  même  à  l'ufage  continuel  que  les  Arabes  font  de 
ce  lait  l'exemption  de  plufieurs  maladies,  telles  que  les  dartres  ,  la  gale, 
la  lèpre.  On  mange  aufli  la  chair  de  ces  animaux. 

Outre  l'ufage  que  l'on  fait  de  leur  poil  pour  les  chapeaux  ,  on  le 
file  &  on  en  fait  des  étoffes.  Ce  poil  nous  vient  du  Levant  par  la  voie 
de  Marfeille. 

CHAMEAU  JAUNE,  Cdmdusfavus.Vo\{^on  des  Indes  Orientales; 
&  que  l'on  pêche  dans  le  détroit  de  Seram.  Sa  couleur  eft  jaune,  & 
fon  corps  eft  tout  couvert  de  petites  boffes  ;  fa  chair  eft  fort  grafïè 
&  tachetée.  Les  habitans  arment  leurs  flèches  des  aiguillons  très-durs 
de  ce  poifTon ,  &  ils  s'en  fervent  à  la  guerre. 

CHA.MECK.  Nom  donné  au  Pérou  &  dans  la  Guiane,  au  coaita^ 
efpece  de  fapajou.  Voyez  ces  mots. 

CHAMITES.  Ce  font  les  cames  pétrifiées.  Voyez  Came. 

CHAMCSCERASUS  ou  FROLE,  Foyi^  à  la  fin  de  l'article  Cerisier. 

CHAMCEDRIS  ou  PETIT  CHÊNE.  Foyc^  Germandrée» 

CHAMCE  -  NERION.  Quelques-uns  l'appellent  le  petit  laurier -rofe, 
M.  Haller  dit  que  c'eft  une  efpece  très-différente  du  ncrium  ,  &  d'une 
autre  claffe.  Des  modernes  l'appellent  epilobium.  Les  Suédois  ont 
commencé  à  fe  fervir  d'une  efpece  fort  commune  dans  les  forêts  du 
Nord.  On  en  fait  de  l'ouate  ;  elle  peut  même  fervir  pour  des  étoffes  , 
quand  on  la  mêle  avec  du  coton.  Voici  le  caradere  du  genre  du 
chamœ-nerion  :  la  fleur  eft  compofée  d'un  calice  divifé  en  quatre  parties, 
d'une  corolle  à  quatre  feuilles ,  huit  étamines  ,  &  un  piftil  dont  le 


C  H  A  1 1 

ftîgmate  eft  refendu  en  quatre  ,  &  porté  par  le  germe ,  qui  devient 
une  efpece  de  filique  longue  &  grêle ,  carrée  ,  qui  s'ouvre  en  quatre 
panneaux  ,  &  renferme  un  grand  nombre  de  femences  à  aigrettes.  Il 
y  a.  plufieurs  efpeces  de  ce  genre. 

CHAMCERODENDROS.  Foyci  iEcoLETHRON. 

CHAMOIS  ,  YSARD  ou  CHEVRE  DES  ALPES  ,  mplcapra. 
Animal  quadrupède  ruminant ,  du  genre  des  chèvres  que  l'on  voit  en 
troupe  fur  les  montagnes  ,  &  dont  la  peau  eft  d'un  grand  ufage  dans 
le  commerce. 

Le  chamois  eft  plus  grand  que  la  chèvre  ;  il  reflemble  beaucoup 
au  cerf  pour  la  forme  du  corps.  Le  ventre ,  le  front  &  le  commencement 
de  la  gorge ,  font  blancs ,  &  le  refte  du  corps  eft  par-tout  d'une  couleur 
noirâtre.  Le  poil  qui  couvre  le  dos  &  les  flancs,  eft  de  deux  efpeces: 
par-deflbus  le  grand  poil  qui  paroît ,  il  y  en  a  un  petit  fort  court 
&  très-fin  ,  autour  des  racines  du  grand ,  comme  dans  le  caftor  ;  aux 
endroits  ovl  ce  grand  poil  eft  long  ,  il  eft  onde  &  frifé  comme  celui 
des  chèvres. 

Le  mâle  &  la  femelle  ont  des  cornes  longues  d'une  palme  &  demie, 
légèrement  ridées ,  droites  jufqu'à  une  certaine  hauteur  ,  pointues  & 
recourbées  en  forme  d'hameçon  par  le  haut.  Elles  font  noires  &  fîmples. 
Chaque  année  on  obferve  fur  la  plupart  de  ces  cornes  un  anneau  de 
plus  5  comme  dans  tous  les  animaux  de  ce  genre. 

On  dit  qu'avec  l'âge  ,  les  cornes  du  chamois  deviennent  fi  crochues 
en  arrière  &  fi  pointues  ,  que  ces  animaux  les  font  entrer  quelquefois 
dans  leur  peau  en  voulant  fe  gratter  ,  qu'elles  s'y  engagent  de  façon 
qu'ils  ne  peuvent  plus  les  retirer  ,  &  qu'ils  périfTent  de  foibleffe  & 
de  faim  dans  cette  pofition.  On  remarque  deux  ouvertures  derrière 
les  cornes  du  chamois  ;  on  a  prétendu  que  ces  trous  fervoient  à  la 
refpiration  de  l'animal  ,  lorfqu'en  fouillant  pour  chercher  les  racines 
des  herbes  dent  il  fait  fa  nourriture  ,  la  terre  lui  bouchoit  par  hafard 
les  narines.  Cette  opinion  difparoît  par  l'obfervation  ,  puifqu'on  a 
remarqué  que  le  crâne  fe  trouve  au  fond  de  ces  ouvertures ,  &  qu'il 
n'y  a  aucune  iflue. 

Les  chamois,  ainfi  que  tous  les  animaux  du  genre  des  chèvres,  ont 
pour  caraélere  de  n'avoir  point  de  dents  incifives  à  la  mâchoire  fupérieure , 
d'en  avoir  huit  à  l'inférieure  ,  le  pied  fourchu  ,  les  ongles  fort  longs 
fur-tout  ceux  des  pieds  antérieurs.  On  trouve  aflez  fréquemment  dans 

B  2 


'12  C  HA 

un  des  ventricules  de  ces  animaux  ,  une  boule  ou  peîotte  que  î'ori 
nomme  béioard  germanique.  Il  étoit  autrefois  fort  recherché;  on  le  regar^ 
doit  comme  le  meilleur  après  le  bézoard  oriental ,  &  on  l'employoit  dans^ 
tous  les  cas  oii  il  fallait  augmenter  la  tranfpiration ,  &  ranimer  rofcillatioo- 
des  foîides.  Depuis  qu'une  phyfique  éclairée  examine  les  objets  avec 
plus  d^attention ,  &  qu'elle  évalue  par  coiiféquent  les  propriétés  des  corps 
avec  plus  d'exaditude  &  de  févérité,  ce  bézoard ,  qui n'eft  qu'une  efpece 
d'égagropi/e  ,  eft  bien  déchu  de  fon  crédit,. M.  Geoffroy  5. en  l'examinant^ 
a  reconnu  que  cette  boule  n'étoit  formée  que  par  un  amas  de  poiÎ3 
que  l'animal  avale  en  fe  léchant ,  &:  d'un  refte  de  fibres  de  plantes  , 
telles  que  celles  du  doronic ,  qui  n'ont  pu  être  digérées  par  l'eftomac 
de  l'animal. Il  s'en  trouve  quelquefois  quifont  recouvertes  d'une  couchs 
bézoardique  alTez  mince  ;  ce  qui  donne  à  celles-ci  quelques  vertuf:* 
Voyei  les  mots  B^zoARD   &  Egagropile.. 

Le  chamois  eft  un  animal  fauvage  ,  alerte  ,  précautionné  ,  mais 
timide;  nous'en  avons  vu  beaucoup  fur  les  Pyrénées ,  fur  les  Alpes, 
dans  les  montagnes  du  Dauphiné  ,  fur-tout  dans  celles  de  Donolu)» 
Gn  rencontre  fouvent  ces  animaux  en  troupe  de  cinquante  ou  plus  ; 
ils  vont  à  la  pâture  le  matin  &  le  foir  ,  rarement  dans  la  journéev. 
Pendant  qu'ils  paifTent  ,  il  y  en  a  toujours  un  de  la  bande,  qui  eft  en 
fentinelle  &  a  Tceil  au  guet  (  on  le  nomme  bête  avancée).  Dès  qu'il 
fent  ou  apperçoit  ou  enteiKi  quelque  chofe,  il  jette  un  cri  par  lequei 
il  avertit  tous  les  autres  de  fuir.  Ce  cri  d'épouvante  eft  un  fifflement 
pouifé  avec  tant  de  force,  que  les  rochers  ou  les  forets  en^.retentiflent  : 
il  eft  aufti  long  que  l'iraleine  peut  tenir  fans  reprendre:  il  eft  d'abord 
fort  aigu  ,.&  baifle  fur  la  fin.  Le  chamois  fe  repofe  un  inftant,, regarda 
de  tous  côtés  &  recommence  à  {îffler;il  frappe  la  terre  du  pied  ,  il  fa 
lance  fur  des  pierres  fort  élevées,  il  regarde,  court  fur  des  éminences,, 
&  quand  il  a  découvert  quelque  chofe  il  s'enfuit.  Le  fifflement  du 
mâle  eft  plus  aigu  que  celui  de  la  femelle  ;  ce  fifflement  fe  fait  par  les 
narines  ,  &  n'eft  proprement  qu'un  foufBe  aigu  trè:;-fort,  fe.mblable  au 
ion  que  pourroit  rendre  un  homme  ,  en  tenant  la  langue  au  palais  , 
ayant  les  dents  à-peu-près  fermées  ,  les  lèvres  ouvertes  &  un  peu 
alongées  ,  &  qui  fouffieroit  vivement  &  long-tem.ps.  Les  ehamois  ne. 
montent  ni  ne  defcendent  pas  perpendiculairement;  mais  en  décrivant 
ïine  ligne  oblique  ,  en  fe  jetant  en  travers  ,,  fur-tout  en  defcendant^ 
ilâ  fe  jettent,  du  haut  en  bas  au  travers  d'un  rocher  qui  eft  à-peu-près 


C  H  A  15 

perpendiculaire  ,  de  la  hauteur  de  plus  de  vingt  &  trente  pieds  , 
fans  qu'il  y  ait  la  moindre  place  pour  pofer  ou  retenir  leurs  pieds  ; 
ils  frappent  le  rocher  trois  à  quatre  fois  des  pieds  en  fe  précipitant , 
&  vont  s'arrêter  à  quelque  petite  place  ,  au-delTous  ,  qui  eft  propre 
à  les  retenir  :  il  paroît  à  les  voir  dans  les  précipices  ,  qu*ils  aient  plutôt 
des  ailes  que  des  jambes.  Si  le  chamois  monte  ainii  &  defcend  faci- 
lement les  rochers ,  c'eft  par  fon  agilité  &  la  force  de  fes  jambes  ;  il 
les  a  fort  hautes  &  bien  dégagées  ,  celles  de  derrière  paroifîent  un 
peu  plus  longues  &  toujours  recourbées  ;  ce  qui  le  favorife  beaucoup 
pour  s'élancer  de  loin  :  quand  les  chamois  fe  jettent  de  bien  haut,  ces 
jambes  un  peu  repliées  reçoivent  le  choc  qu'ils  tbnt  en  fe  précipitant^ 
elles  font  l'effet  de  deux  refforts  &  rompent  la  fDrce  du  coup. 

La  chalfe  de  ces  animaux  eft  aifez  périlleufe  ,  parce  qu'il  iaut  les 
pourfuivre  fur  les  rochers  qu'ils  parcourent  avec  la  plus  grande  aifance,. 
&  où  ils  fautent  avec  autant  a'agilité  que  les  bouquetins.  Les  chiens 
ne  peuvent  les  fuivre  dans  tous  les  précipices  inaccelîibles  ,  &  1*î 
Veneur  fe  voit  fouvent  engagé  dans  des  lieux  où  il  ne  peut  ni  avancer" 
ni  reculer  fans  un  danger  égal  :  le  feul  parti  qui  lui  refte  alors  eft  de 
s'élancer  à  travers  les  écueils  les  plus  aflreux.  Il  arrive  affez.  fouvent 
que  des  chaifeurs  de  chamois  tombent  dans  ces  gouifres;  fouvent  encors 
pourfuivi  jufques  dans  des  défilés  qui  n'ont  que  quatre  pouces  de 
largeur  ,  le  chamois  s'élance  fur  le  chafleur  qui  lui  barre  la  paffag^ 
&  le  précipite  du  rocher  en  bas.  Dans  ces  cas  les  chaffcurs  expérimentés 
fe  jettent  ventre  à  terre  ,  afin  que  le  chamois  puiffe  s'élancer  fans  les 
toucher  ,  ou  bien  ils  demeurent  debout  en  fe  collant  contre  le  rocher» 
l'animal  ne  voyant  alors  aucun  jour  entre  le  rocher  ,  eft  fDrcé  de 
s'élancer  à  côté,  &  le  chaffeur  adroit  profite  de  ce  moment  pour  le 
poulfer  de  la  main  dans  l'abym.e.. 

Les  chamois  craignent  fi  fort  la  chaleur  ,  que  pendant  l'été  on  ne 
les  trouve  jamais  que  dans  les  antres  des  rochers  à  l'ombre  ,  fouvent 
parmi  des  tas  de  neiges  ou  de  glaces ,  ou  dans  les  forêts  hautes  &bie:î 
couvertes ,  toujours  du  côté  du  penchant  des  montagnes  ou  rochers 
fcabreux  ,  qui  font  face  au  Nord ,  &  qui  font  à  l'abri  des  rayons  du 
foleil.  Ces  animaux  aiment  le  fsl ,  c'eft  pourquoi  on  en  répand  dans 
les  endroits  où  on  veut  les  attirer  :  comme  ils  ont  l'odorat  très-fin  , 
les  chafleurs  ont  grand  foin  d'aller  à  eux  le  nez  au  vent.  Ils  font  en 
xnt  pendant  prefque  tout  le  mois  de  Septembre  j  les  femelles  portent 


14  C  H  A 

neuf  mois ,  8c  mettent  bas  pour  l'ordinaire  en  Juin  ;  elles  ne  mènent 
point  leurs  petits  fur  les  rochers  ,  qu'ils  ne  foient  en  état  de  bien 
grimper.  Lorfqu'on  les  attrape  jeunes ,  on  peut  les  apprivoifer  comme 
les  chevreuils  :  on  les  met  au  nombre  des  animaux  chaftes  ,  parce 
que  chaque  mâle  habite  avec  fa  femelle.  Les  chamois  ont  deux  ennemis 
dangereux  dans  les  loups  cerviers  ,  que  cependant  les  Suiffes  font 
prefque  venus  à  bout  de  détruire  ,  &  dans  l'efpece  d'aigle  appelle 
Lianmer-geyer.  Voyez  au  mot  Aigle  ,  la  manière  dont  ce  terrible  oifeau 
s'y  prend  pour  les  attraper. 

M.  Altinan  ,  qui  nous  a  donné  la  defcription  des  animaux  de  la 
Suiffe,  diftingue  deux  efpeces  de  chamois  ;  lavoir  ,  celle  dont  nous 
venons  de  parler  (&  que  les  Chaffeurs  nomment  ^e^^5  d6S  bois).  L'autre 
eft  plus  petite  &  plus  rougeâtre  ,  d:meure  toujours  fur  les  montagnes 
les  plus  inacceffibles  ,  &nedefcend  jamais  dans  les  vallons  ;  ces  derniers 
font  gras  dans  Tété,  &  leur  chair  eft  bonne  à  manger,  fur-tout  en 
hiver;  le  chamois  qu'on  a  vu  à  Paris  en  1765*  étoit  de  l'efpece  petite; 
mais  ces  deux  efpeces  de  chamois ,  dit  M.  Huiler  ,  ne  font  que  de 
très-légères  variétés. 

On  attribue  au  fiel  de  chamois ,  la  propriété  de  diffiper  les  taies  des 
yeux ,  &  de  guérir  la  niélalopie ,  efpece  de  maladie  dans  laquelle  la 
vue  s'affoiblit  à  l'approche  du  foleil  couchant  ,  au  point  que  les 
perfonnes  qui  y  font  fujettes  ,  ne  voient  point  à  fe  conduire. 

La  peau  de  chamois  préparée  efc  fouple  &  fort  chaude  :  on  en  fait 
des  bas  ,  des  gants  ,  des  culottes,  &c.  Cette  peau  a  le  grand  avantage 
de  pouvoir  fe  favonner  fans  rien  perdre  de  fa  qualité  ;  les  peaux  de 
chèvres ,  de  boucs  ,  de  chevreaux ,  de  moutons ,  font  fufceptibles  de  re- 
cevoir les  mêmes  préparations  que  les  chamois  ,  &  fe  vendent  fous  le 
même  nom.  On  fait  ufage  des  cornes  de  chamois  pour  les  porter  fur 
des  cannes. 

CHAMP  AD  A.  Grand  arbre  deMalaque  forttoufFu,  dont  les  branches 
font  cendrées  ,  noueufes  ,  &  donnent  par  incifîon  un  fuc  acre  & 
gluant  comme  le  tithymale.  Le  fruit  naît  du  tronc  &  des  grofles 
branches ,  &  a  fix  pouces  de  long  &  autant  de  circonférence:  il  a  la 
figure  des  melons.  Son  écorce  eft  verte  &  divifée  en  petits  pentagones 
au  centre  defquels  il  y  a  un  point  noir.  Le  pédicule  en  eft  gros  & 
ligneux  ;  il  pénètre  dans  la  fubftance  du  fruit  &  s'y  difperfe  en  plufieurs 
gros  filamens  qui  vont  fe  réunir  à  la  pointe  ,  mais   defquels  il  part 


C  H  A  ,; 

comme  des  amandes  ,  qu'une  pulpe  blanchâtre  enveloppe.  Si  Ton 
ouvre  l'écorce  &  qu'on  écarte  la  pulpe  fpongieufe  ,  les  amandes  fe 
détachent  de  leurs  compartimens  &  demeurent  attachées  à  la  queue 
comme  les  grains  du  raifin  à  la  grappe.  Cette  pulpe  eft  fucrée  ;  on  la 
fuce  :  le  goût  en  eft  aflfez  bon  ,  mais  l'odeur  en  eft  forte.  Les  habitans 
du  pays  aiment  ce  fruit  parce  qu'il  échauffe  &  entête.  On  en  fait 
cuire  les  amandes  ou  châtaignes  dans  l'eau;  mais  elles  ne  valent  pas 
les  nôtres.  Mém.  de  L'Acad.  p^  33/.  tom.  IX, 

CHAMP  ANZÉE  ou  CHAMP  ANES.  Les  Anglois ,  qui  fréquentent 
la  côte  d'Angole ,  donnent  ce  nom  au  petit  ourang  -  outang.  Voyez 
ce  mot. 

CHAMPIGNON  ,  fungus.  Genre  de  plante  dont  les  différentes 
efpeces  ont  un  pédicule  qui  foutient  un  chapiteau  de  figure  commu- 
nément ramaffée  ,  convexe  en  deflfus,  concave  en  deffbus,  ordinairement 
uni ,  &  rarement  cannelé  fur  la  furface  convexe  ;  feuilleté  fur  la  furface 
concave,  ou  fiftuleux  ,  c'eft-à-dire,  garni  de  petits  tuyaux. 

Ce  genre  de  pLmces  membrano-cellulaires,  fpongieufes  ou  fubéreufes 
comme  l'eft  le  liège,  doit  piquer  notre  curiofîté  par  fes  fingularités ,' 
fes  caraderes  particuliers  ,  &  par  la  promptitude  extraordinaire  avec 
laquelle  il  végète.  Il  eft  d'autant  plus  intéreffant  de  favoir  bien  diftinguer 
les  efpeces ,  que  plufîeurs  font  utiles  dans  les  Arts  &  dans  la  Médecine, 
telles  font  l'agaric  de  chêne  &  celui  du  méle:{e.  Voyez  à  l'article  Agaric. 

Les  autres  efpeces  de  champignons  au  contraire,  font  ou  des  poifons 
très-aétifs,  ou  fufpeds,  quoiqu'agréables  à  manger. 

Le  genre  des  plantes  avec  lequel  les  champignons  ont  le  plus  de 
reffemblance,  font,fuivant  les  obfervations  de  M.  de  JuJJieu,  les  lichens , 
dont  il  y  a  une  efpcce  qui  croît  dans  les  Canaries  &  les  pays  du  Nord, 
&  dont  on  fait  un  grand  ufage  dans  la  teinture  fous  le  nom  à'orfe'dle, 
Foje^  ce  mot.  Les  champignons  font ,  ainfi  que  les  lichens  ,  dénués 
de  branches  ,  de  tiges  &  de  feuilles  ;  comme  eux  ils  naiffent  &  fe 
nourrifïont  fur  des  troncs  d'arbres  ,  fur  des  morceaux  de  bois  pourri, 
&  fur  des  parties  de  toutes  fortes  de  plantes  réduites  en  fumier  :  ils 
leur  reffv'irblent  aufii  par  la  promptitude  avec  laquelle  ils  croiffent  , 
&  par  la  facilité  que  la  plupart  ont  à  fe  fécher,  &  à  reprendre  enfuite 
leur  première  forme  lorfqu'on  les  plonge  dans  l'eau.  Il  y  a  enfin  entre 
les  uns  &  les  autres  une  manière  prefqu'uniforme  de  produire  leurs 
graines.  Cette  analogie  eft  d'autant  plus  importante  pour  la  connoifîknce 


i6  C  H  A 

de  la  nature  des  champignons ,  que  plufieurs  Auteurs  anciens  &  mo- 
dernes ne  les  regardoient  point  comme  des  plantes ,  mais  comme  de 
fimples  excroiiTances.  Pour  peu  cependantqu'on  examine  leur  fubftance, 
kur  organifation  &  leurs  variétcs  ,  on  ne  peut  les  méconnoitre  pour 
des  plantes, 

La  démonftration  en  efl  devenue  complette  par  la  découverte  que 
Michcll  a  faite  en  1729  de  fleurs  &  de  graines  dans  diiTérentes  efpeces: 
découverte  confirmée  en  lyy^  par  M.  GUditfch  ,  &  e;i  lyyy  par  M, 
Battarra,  Il  faut  néanmoins  convenir  que  ce  que  Mlchdi  f^rend  pour 
1-es  étamines  dans  ces  plantes  ,  efl  fort  douteux  &  fo mbic  n'être  que 
des  rejettons  fous  la  forme  d'une  poulTiere  ,  fur- tout  dans  le  lichen^ 
On  peut  cependant  divifer  les  champignons  en  deux  clafles  ,  dont 
les  uns  ne  portent  que  des  graines ,  &  les  autres  des  graines  &  des 
fleurs.  Ceux  qui  ne  portent  que  des  graines  ,  font  les  champignons 
proprement  dits  ,  le  poreux ,  Vkirijfê,  la  rnorïlk  ,  les  fongoïdcs ,  la  vejf& 
de  loup ,  les  agarics  ,  les  coralU-fungus  &  les  trufcs.  Ceux  qui  portent 
des  graines  &  des  fleurs  font,  les  thyphoïdes  &  Y/iypoxilon.  Les  graines 
fe  font  fentir  au  toucher  ,  en  manière  de  farine ,  dans  les  champignons 
dont  la  tête  efl  feuilletée  en  deflbus  ,  lors  fur- tout  qu'ils  commencent 
à  fe  pourrir.  On  les  apperçoit  aifément  à  la  faveur  de  la  loupe ,  dans 
les  lames  de  ceux  dont  les  feuillets  font  noirs  à  leur  marge.  On  les 
trouve  fous  la  forme  d'un-e  poufliere  dans  ceux  que  l'on  nomme  vejfc 
de  loup^  Toutes  ces  graines  font  très-afliringentes  :  l'on  s'en  fert  pour 
arrêter  les  hémorragies  confidérables. 

On  ne  voit  guère  de  plante  qui  fourniffe  plus  de  variétés  en  grolTeur,' 
en  hauteur  ,  en  étendue  &  en  différence  de  couleur  des  cannelures  & 
du  chapiteau  ,  que  ne  le  fait  celle-ci.  La  plupart  des  champignons 
n'ont  point  de  racines  :  d'autres  ont  à  fa  place  une  mucofité  femblable 
à  l'empâtement  de  quelques ///c«j  :  d'autres  ont  des  fibres  qui  forment 
quelquefois  un  réfeau  à  mailles  inégales, dont  quelques-unes produifent 
des  plantes  fembiables  à  leur  mère.  Il .  y  a  encore  Xaman'ua  ou  cham- 
pignons à  feuillets  ,  le  mucor  &  les  genres  voifîns  du  mucor. 

On  peut  faire  une  divifion  générale  &bien  importante  en  champignons 
nuijîbles  &  en  champignons  bons  à  manger.  C'efl  ici  que  l'erreur  efl:  bien 
fatale  ;  l'expérience  faite  en  tous  lieux ,  en  tout  pays  fur  ceux  de  la 
meilleure  qualité  ,  ne  tend  pas  trop  à  nous  raflTurer.  fur  leur  ufage 
bienfaifant  ;  car  ceux  que  l'on  mange  avec  fécurité  par  rapport  à  leur 

bon 


C  H  A  17 

bon  goût ,  deviennent  aifément  dangereux  ou  pour  avoir  été  cueillis 
trop  tard  ,  ou  par  la  nature  du  lieu  où.  ils  croifTent  ,  ou  par  le  (lie 
dont  ils  fe  nourriflent ,  ou  par  le  voifinage  de  ceux  qui  fe  pourrifîent  , 
ou  de  ceux  qui  font  par  hafard  empoifonnés.  J'avoue  que  les  mêmes 
champignons  ne  font  pas  également  funeftes  dans  tous  les  pays.  L'on  en 
peut  dire  autant  de  la  ciguë  :  les  Rufles  ,  félon  M.  HalUr  ,  mangent 
les  champignons  que  nous  croyons  les  plus  dangereux,  ceux-là  même 
dont  on  fe  fert  pour  tuer  les  mouches.  Ces  peuples  y  ont  reconnu  une 
qualité  enivrante  ,  fans  avoir  cefle  d'en  faire  ufage.  L'on  ne  doit  manger 
qu'avec  beaucoup  de  modération  ,  de  ceux  même  qui  ont  toutes  les 
conditions  requifes  de  falubrité  apparente  ,  parce  que  leur  nature 
fpongieufe  les  rend  de  très-difficile  digeftion. 

Les  fymptômes  fâcheux  &  même  mortels  que  les  m.auvais  champignons 
caufent  ,  font  fur-tout  le  vomiiTement  ,  lopprefiion  ,  la  tenfion  de 
l'eftomac  &  du  bas- ventre,  l'anxiété,  des  tranchées  dans  les  entrailles, 
la  foif  violente  ,  la  cardialgie  ,  la  dyflfenterie  ,  l'évanouiflement  ,  le 
hoquet  ,  le  tremblement  de  prefque  toutes  les  parties  du  corps  ,  la 
gangrené  &  la  mort.  Excepté  les  deux  derniers  fymptômes  ,  nous 
avons  malheureufement  éprouvé  fuccefiîvement  tous  les  autres  dans 
un  voyage  que  nous  fîmes  en  Angleterre.  Un  tableau  de  fi  funeftes 
accidens  eft-il  bien  propre  à  nous  donner  du  goût  pour  un  mets  de 
fenfualitéfi  voifin  du  poifçn',  fur- tout  n'étant  pas  toujours  bien  certains 
d'en  manger  de  falutaires  ,  à  caufe  de  leur  figure  trompeufe  ,  de 
l'ignorance  ,  de  la  négligence  ,  du  manque  d'attention  des  gens  qui 
les  cueillent  ou  qui  les  apprêtent  ! 

Quoi  qu'il  en  foit ,  les  champignons  font  un  mets  dont  les  anciens 
gourmands  étoient  auiîi  curieux  que  les  modernes.  La  fenfualité  l'em- 
portant fur  le  danger  ,  on  a  fait  un  art  d'élever  des  champignons  fur 
des  couches  de  fumier,  &:  même  en  pleine  campagne.  On  en  fait  venir 
dans  les  jardins  en  toute  faifon.  Pour  cet  effet ,  on  fait  dans  le  mois 
de  Juin  des  couches  de  fumier  qui  contiennent  du  crottin  de  cheval. 
Au  commencement  du  mois  d'Août  les  crottes  de  cheval  commencent 
à  blanchir  ,  &  font  parfemées  de  petits  cheveux  ou  filets  blancs  ^ 
déliés,  branchus  &  tortillés  autour  des  pailles  dont  le  crottin  efl formé: 
ce  crottin  alors  ne  fent  plus  le  fumier ,  mais  il  répand  une  odeur  de 
champignon.  Ces  filets  blancs  ne  font  que  les  germes  développés  des 
champignons  :  l'extrémité  de  ces  filets  s'arrondit,  groifit  en  bouton. 
Tome  lU  jQ 


18  C  H  A 

&  devient ,  en  fe  développant ,  un  champignon.  Le  champignon  crû 
de  cette  manière,  vient  par  grofles  touffes  qui  repréfontent  une  petite 
foret  :  les  uns  ne  font  qu'en  boutons ,  tandis  que  les  autres  font  tout 
forme'j.  Peut-être  chaque  touffe  de  champignon  étoit-elle  enfermée 
dans  la  même,  graine.  Ces  filets  blancs  ou  germes  de  champignons 
peuvent  fe  conferver  long-temps  fans  pourrir  ;  &  même  defiechés,  ils 
reviennent  de  produifent  des  champignons  Ijrfqu'on  les  remet  fur  des 
couches. 

Ce  font  ces  champignons  qui  croiflent  fur  la  couche,  dont  on  fait 
ufagc  dans  les  ragoûts.  Fungus  campejiris  ,  efcuUntus ,  vulgatijjimus  , 
Parijienf.  M.  Halter  dit  qu'il  y  a  d'autres  efpeces  aufli  délicates  que  ce 
champignon.  Tel  eft  le  laferas  jaune  ,  ou  ^oronge  ,  la  chanterelk  ,  le 
champignon  à  lait  doré.  Les  légiflateurs  en  cuihne  ,  les  maîtres  de  la 
fcience  de  la  gueule  (  ainfi  que  s'exprime  Montagne  ) ,  croient  être  parvenus 
à  difiinguer  fans  méprife,  les  bons  champignons  d'avec  les  mauvais. 
Ils  aflurent  que  les  bons  champignons  font  ceux  qui  prennent  leur 
accroiiTement  dans  la  durée  d'une  nuit ,  foit  naturcllem.ent  ,  foit  par 
art  fur  des  couches  de  fumier  ;  qu'ils  doivent  être  d'une  grofieur 
médiocre,  à -peu -près  de  celle  d'une  châtaigne,  charnus,  bien  nourris, 
blancs  en  deffus  ,  rougeâtres  en  deffous  ,  d'une  confiflance  afiez  ferme , 
moelleux  en  dedans  ,  d'une  odeur  &  d'un  goût  agréables  .-qu'au  contraire 
les  champignons  mauvais  &  pernicieux  font  ceux  qui  ayant  demeuré 
trop  long-temps  fur  la  terre,  font  devenus  bleus,  noirâtres  ou  rouges, 
&  dont  la  tige  eft  devenue  creufe.  Mais  ces  marques  générales  ne 
fatisferont  pas  aifément  des  Phyficiens;  ils  demandent  des  marques 
caradériftiques  qui  indiquent  dans  le  grand  nombre  des  variétés  d'efpeces' 
de  champignons  naturels,  \qs bonnes ,  les  douteufes  &  iQspernicieufes  :  con- 
noiflance  bien  importante. 

On  prétend  qu'il  y  a  certaines  efpeces  de  champignons  dont  l'odeur 
a  produit  à  des  perfonnes  une  efpece  d'épilepfîe  ,  &  qu'une  femme 
tomba  dans  une  maladie  qui  dégénéra  en  folie  ,  pour  avoir  mangé 
des  champignons  vénéneux.  M.  le  Monnier  rapporte  daiis  un  des 
Mémoires  de  l'Académie  ,  les  accidens  fâcheux  arrivés  à  toute  une 
famille  pour  avoir  mangé  du  fungus  média  magnitudinis  cueilli  dans  la 
châtaigneraie  de  Chambourcis.  Il  paroît  que  les  fymptômes  produits  fi 
promptement  fur  les  fibres  nerveufes  ,  font  occadonnés  par  des  par- 
ticules acres  &  cauftiques.  Il  eit  donc  avantageux  de  bien  laver  dans 


C  H  A  ip 

de  l'eau  ,  &  encore  mieux  dans  du  vinaigre  ,  les  champignons  que 
l'on  regarde  comme  de  bonne  efpece ,  parce  que  ces  fluides  enlèvent 
le  peu  de  parties  acres  qui  pourroient  être  nuifibles.  M.  ie  Monnhr  a 
eu  le  même  fcntiment  fur  la  nature  du  champignon. 

Si  toutefois  quelqu'un  par  ignorance  ,  par  gourmandife,  par  témérité 
ou  par  peu  de  confiance  dans  ces  fages  préceptes ,  avoit  mangé  des 
champignons  empoifonnés  ,  le  meilleur  remède  ed:  d'abord  d'avoir 
recours  aux  vomitifs  pour  débarrafier  promptement  l'eftomac  de  ce 
poifon.  Si  on  n'en  a  point  fous  fa  main  de  tels  que  l'on  délire,  com.me 
la  guérifon  ne  dépend  que  de  la  promptitude  du  fecours  ,  on  peut 
mettre  du  fel  marin  dans  de  l'eau  tiède  ,  en  faire  boire  au  malade 
quantité  &  coup  fur  coup  :  cette  eau  diflbut  le  champignon  ,  irrite 
l'efiomac  &  provoque  au  vomilfemient.  On  doit  faire  fuccéder  les  mi- 
noratifs ,  les  favonneux,  les  adoucifians ,  comme  le  lait  &  les  cata- 
plafmes  émolliens  pour  diftendre  les  parties  à  l'extérieur.  M.  Bourgeois 
dit  que  pour  émouffer  &  envelopper  la  cauflicité  des  champignons  » 
adoucir  en  même  temps  l'érofion  &  l'inflammation  qu'ils  produifent 
fur  les  membranes  de  l'efiiom.ac  &  des  inteftins  ,  il  faut  faire  ufage,& 
à  grandes  dofes  réitérées  ,  d'huile  ,  des  déccxflions  de  racines  &  de 
femences  mucilagineufes ,  des  gelées  de  corne  de  cerfâ:  d'ivoire ,  des 
dilToiutions  de  gommes  arabique  &  adragante  dans  l'eau  de  rofe,  après 
avoir  fait  précéder  les  émétiques  &  les  laxatifs  doux. 

Les  diftérens  corps  fur  lefquels  peuvent  croître  diverfes  elpeces  de 
champignons  ,  nous  préfentent  des  phénomènes  dignes  d'attention.  M» 
Méri  a  vu  à  l'Hôtel -Dieu  de  petits  champignons  plats  &  blanchâtres, 
fur  des  bandes  qui  avoient  été  trempées  dans  l'oxicrat  &  enfuite  ap- 
pliquées fur  les  membres  fraâurés  des  malades.  M.  Léméri  a  obfervé 
le  même  phénomène..  On  a  vu  de  même  des  champignons  croître  en 
vingt  -  quatre  heures  &  parvenir  à  la  groHeur  du  doigt ,  fur  des 
bandelettes  dont  on  enveloppoit  les  jambes  d'un  enfant  rachitique  , 
&  fur  lefqu elles  on  afin jettiflbit  des  écliffes.  ¥ï..dc  Fougeroux  a  communiqué 
à  l'Académie  des  Sciences  une  obfervation  d'une  autre  nature ,  mais 
qui  contribue  encore  à  faire  voir  combien  ce  végétal  (inguiler  a  de 
vertu  produdive ,  &  combien  il  s'accommode  aifément  de  toutes  fartes 
de  fituations:  il  s'agit  d'un  champignon  qui  avoit  pris  fa  croiflance 
fur  un  autre ,  mais  en  fens  renverfé  ;  en  forte  qu'il  y  étoit  adhérent 
par  fa  partie  arrondie ,  &  préfeatoit  au  dehors  fa  partie  concave  & 

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iîo  C  H  A 

feuilletée  ,  furmontée  d'un'  pédicule  qui  paroifToit  très-net,  &  n'avoir 
jamais  été  attaché  à  aucun  corps  d'où  il  eût  pu  tirer  fa  nourriture. 
Ces  phénomènes  (inguliers  donnent  lieu  de  croire  que  les  graines  de 
champignon  étant  extrêmement  fines  ,  peuvent  être  aifément  tranf- 
portées  fur  dilTérens  corps ,  &  qu'elles  éclofent  &  deviennent  fenfibles 
dans  les  endroits  où  elles  trouvent  des  fucs  &  un  degré  de  chaleur 
propres  à  les  faire  paroître. 

Il  en  eft  de  même  pour  les  champignons  de  cuinne.  Les  crottes  de 
cheval  ne  renferment  donc  pas  feulement  les  graines  de  ces  champignons  , 
mais  elles  ont  auflî  un  fuc  &  même  une  chaleur  propre  à  les  faire 
germer ,  de  mêm.e  que  le  fuc  qui  fe  trouve  dans  la  racine  du  panicaut 
lorfqu'il  fe  pourrit ,  fait  éclore  le  germe  du  plus  délicat  de  tous  les  cham- 
pignons (  Vorongc  )  qui  naifTent  en  Provence  &  en  Languedoc  ;  ainfi 
la  mouffe  fait  germer  la  graine  des  moujfcrons.  C'efl  par  la  même  raifon 
que  quelques  efpeces  de  champignons,  à^  moriUcs ,^ agarics  ^^oràlies 
de  judas ,  ne  viennent  qu'aux  racines  &  aux  troncs  de  certains  arbres. 
D'autres  ,  comme  la  chanterdU^  la  davere ,  viennent  en  pleine  terre 
à  l'ombre. 

Nous  allons ,  fuivant  notre  plan  ordinaire,  préfenter  dans  un  tableau 
raccourci  les  diverfes  efpeces  de  champignons  qui  font  de  quelque 
ufage,  &  auxquels  on  peut  appliquer  une  partie  des  chofes  que  nous 
avons  dites  ci-deflus  :  on  les  connoîtra  mieux  par  contrafte.  Nous 
parlerons  donc  des  moujfcrons ,  des  morilles  ,  des  truffes  ,  de  la  pierre  à 
champignon ,  de  la  v^[^e  de  loup  &  de  Voreillc  de  Judas, 

Moujferon. 

Mousseron  ou  MouCERON  ,  fungus  vernus ,  efcuhntus  ,  plleolo  ro- 
tundiori.  C'eft  une  petite  efpece  de  champignon  qui  croît  au  printemps 
dans  les  bois  au  milieu  de  la  moulTe  ,  fous  les  arbres  ,  même  entre 
les  épines  ,  dans  les  prés  ;  il  en  revient  chaque  année  au  même  lieu 
d'où  l'on  en  a  tiré.  On  les  reconnoît  à  leurs  petits  pédicules  cylin- 
driques ,  crépus ,  ridés  à  leur  bafe ,  très-courts  ,  qui  "foutiennent  de 
petites  têtes  de  la  grofleur  d'un  pois,  mais  qui  deviendroient  beaucoup 
plus  gros  fi  on  ne  les  arrachoit  pas  :  ils  font  garnis  en  defTous  de 
plufieurs  filions  qui  s'étendent  du  centre  à  la  circonférence.  Toute  la 
fubfiance  de  ces  champignons,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur,  eft 
blanche ,  charnue  ,   fpongieufe  ,  agréable   au   goût  &   d'une  bonne 


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odeur  ;  c'eft  pourquoi  on  les  emploie  dans  les  meilleures  tables  dans 
les  fauces.  Nos  Cuifiniers  s'exercent  à  les  préfenter  en  ragoût  fous 
toutes  fortes  de  faces  ;  &  l'on  nous  offre  à  manger  des  croûtes  aux 
mouffcrons  ,  des  moujfcrons  à  la  crème  ,  à  la  provençale  ,  ôcc. 

Monllc, 

Morille  ,  hohtus  efculentus  ,  feu  fungus  cavernofus  aut  porofus.  C'eft 
une  efpece  de  champignon  qui  porte  des  graines.  Ce  champignon  eft  de 
la  grolîeur  d'une  noix  ;  quelquefois  plus.  Sa  fubfcance  cft  charnue 
toute  percée  de  trous  ;  de  forte  qu'elle  rgffemble  très-bien  à  des 
rayons  de  miel.  Sa  couleur  eft  d'un  blanc  un  peu  rougeâtre  ,  ou 
fduve  ou  noire  :  elle  eft  concave  en  dedans ,  blanche  &  comme  enduite 
d'une  fine  poufîiere.  Le  pédicule  qui  foutient  la  morille  eft  tout 
blanc  ,  creux  bc  garni  à  fa  partie  inférieure  de  racines  menues  6c 
filamenteufes. 

Quelques  perfonnes  diftinguent  quatre  efpeces  de  morllks  par  leur 
grofleur  ,  leur  figure  &  leur  couleur.  On  trouve  cette  plante  au 
printemips  dans  le  bois  de  Vincennes  ,  dans  la  forêt  de  Saint-Germain, 
dans  la  vallée  de  Montmorency,  &  dans  la  plupart  des  lieux  herbeux, 
humides  ,  &c. 

Les  morilles  récentes  ou  feches,  préparées  de  différentes  manières, 
paffent  pour  délicieufes.  On  les  met  dans  différens  affaifonnemens.  Qui 
n'a  oui  parler  aux  gourmands  de  morilles  farcies  ,  de  morilUs  frites , 
de  morilles  à  l'italienne,  de  morilles  au  lard  ,  de  pain  aux  morilles  de 
de  tourtes  aux  morilles  ?  On  fait  un  grand  ufage  de  crème  aux  morilUs 
pour  exciter  à  l'ade  vénérien  ,  &  difpofer  efficacement  ceux  qui  en 
mangent  à  le  fatisfaire.  Les  Romains  beaucoup  plus  voluptueux  que 
nous  faifoient  leurs  délices  de  morilles.  Néron  appelloit  ce  genre  de 
nourriture  le  ragoiU  ou  mets  des  Dieux  ,  cibus  Deorum  ,  parce  que 
Claude  dont  il  fut  le  fuCceffeur  ,  empoifonné  par  des  morilles  ,  fut 
mis  au  rang  des  Dieux  ;  mais  ces  morilles  ,  fuivant  Suétone  ,  étoient 
farcies  de  poifon ,  boleti  mcdicaii. 

Truffe, 

Truffe  ,  tuhera,  II  paroît  que  la  truffe  eft  regardée  comme  une 
efpece  de  champignon  ,  puifqu'on  la  range  dans  la  claffe  des  champignons 
qui  portent  des  graines,  La  truffe  a  la  forme  d'une  maffe  charnue , 


22  C  H  A 

informe,  prefque  ronde,  raboteure,  marbrée  ou  veinée  ordinairement; 
ce  qui  défigne  une  organifation.  On  en  trouve  de  grifes  &  de  noires. 
Lorfqu'elles  commencent  à  naître  ,  elles  ne  font  guère  plus  grofTes 
qu'un  pois  :  on  dit  qu'on  en  a  vu  quelquefois  ,  mais  très-rarem.cnt  , 
qui  pefoient  jufqu'à  une  livre.  La  truffe  naît  &  croît  dans  la  terre  , 
&  ne  paroît  pas  au  dehors.  Comme  les  cochons  en  font  fort  friands , 
quand  ils  en  trouvent  en  fouillant  la  terre ,  ils  annoncent  leur  bonne 
fortune  par  des  cris  de  joie  :  cette  indiforétion  avertit  bientôt  le 
Fâtre  :  celui-ci  aux  aguets  accourt ,  les  écarte  ,  les  chafle  à  coups 
de  bâton  ,  &  réferve  cetj:e  trouvaille  pour  les  tables  où  fe  trouvent 
des  palais  plus  délicats.  On  reconnoît  encore  les  endroits  où  elles 
font  fous  terre  ,  lorfqu'en  regardant  horizontalement  for  la  forface  de 
la  terre  ,  on  voit  voltiger  au-defîùs  d'un  terrain  léger  &  plein  de 
crevafies ,  des  effaims  de  petites  mouches  qui  font  produites  par  de 
petits  vers  fortis  des  truff'es  ,  &  qui  y  avoient  été  dépofés  par  de 
femblables  mouches  dans  l'état  d'œufs.  C'efc  en  Septembre  &  en  Oc- 
tobre que  Ton  fait  la  recherche  des  truffes.  Communément  on  ne 
trouve  point  d'herbe  dans  les  endroits  où  il  y  a  de  ces  fortes  de 
champignons  :  les  pays  chauds  ,  les  lieux  fecs  &  fablonneux  ,  tels 
que  certains  lieux  du  Périgord  ,  du  Limoufin  ,  de  l'Angoumois ,  de 
la  Gafcognc  &  particulièrement  de  l'Italie  ,  font  Iqg  f  ndroits  où  l'on 
en  trouve.  Il  y  en  a  de  plufieurs  efpeces  j  mais  les  plus  excellentes 
font  de  moyenne  groffeur ,  bien  nourries  ,  dures  ,  ayant  beaucoup- 
d'odeur  ,  &  une  faveur  particulière  qui  eft  très -agréable  pour  bien 
des  perfonnes.  La  Savoie  produit  une  efpece  de  truffe  qui  pefe  quel- 
quefois jufqu'à  deux  livres,  &  qui  a  exadement  le  goût  de  l'ail:  ces 
efpeces  font  agréables  pour  les  perfonnes  flattées  de  cette  forte  de 
faveur. 

On  trouve  dans  les  forêts  épaiffes  &  les  montagnes  efcarpées  d'Al- 
lemagne &  de  Hongrie,  une  efpece  de  truffe  de  la  groffeur  d'une  noix, 
d'un  noir  pourpré  &  d'une  dureté  moyenne ,  d'une  odeur  Ipermatique: 
c'efî:  le  boktus  ccrvi  des  Auteurs.  On  donne  de  grands  éloges  à  ces 
trufî'es  ;  on  s'en  fert  dans  les  remèdes  qui  excitent  à  l'amour. 

Racine  de  Champignon,  appellée  improprement  Pierre  A  Cham- 
pignon ,  fungif&r  lapis.  La  racine  de  champignon  fe  trouve  en  difterens 
endroits  du  royaume  de  Naples ,  &  particulièrement  dans  la  Pouille. 
Elle  produit  prefque  en  tout  temps  de  grands  champignons  blanchâtres , 


C  H  A  23 

poreux   en   deiïbus  ;  dont  la  tête  qui   eft  convexe  ",    efl  foutenue 

par  un  pédicule  d'environ  cinq  pouces  de  haut.  Ce  champignon  ed 

charnu ,  bon  à  manger ,  &  fort  recherché  dans  les  pays  où  il  fe  trouve. 

On  tranfporte  cette  racine  en  difFérens  endroits  de  l'Italie  ;  &  on  en 

a  vu  en  France  qui  ont  végété  pendant  quelques  années ,  &  produit  des 

champignons.  Elle  eft  vivace  &  d'un   volume  affez   conlidérable.  Il 

y  a  des  endroits  où  ,    quand  cette  racine  eft  couverte  d'un  peu  de 

terre,  &  enfuite  arrofée  d'eau  tiède,  elle  produit  des  champignons 

au  bout  de  quatre  jours. 

f'^ejffè  de  Loup. 

Vesse  de  loup  ,  fungus  rotundus  orbiculans  aut  lycoperdon  bovijîa, 
C'eft  une  efpece  de  champignon  un  peu  arrondi  ,  environ  de  la 
grofleur  d'une  noix  ,  membraneux ,  &:  dont  le  pédicule  n'eft  prefque 
point  apparent.  Quand  il  eft  jeune  ,  il  eft  couvert  d'une  peau  blan- 
châtre &  cendrée  ,  qui  n'eft  point  lifte  ,  mais  comme  compofée  de 
plufieurs  grains  ,  renfermant  d'abord  une  pulpe  molle  ,  fpongieufe 
dans  la  fuite.  Lorfque  ce  champignon  eft  arrivé  à  fa  maturité ,  il 
.  eft  noirâtre;  fa  pulpe  fe  defleche  ,  fe  convertit  en  une  pouftiere  d'un 
brun  jaunâtre;  fi  on  comprime  ou  écrafe  ce  champignon,  il  fe  crevé, 
pete  &  jette  une  pouftiere  très-puante  en  manière  de  fumée.  Cette 
pouftiere  examinée  au  microfcope ,  paroît  être  une  infinité  de  petits 
globules  garnis  d'une  petite  pointe.  Ces  globules  font  autant  de  graines 
qui  s'implantent  dans  la  terre  &  rèproduifent  la  plante. 

Cette  efpece  de  veffe  de  loup  croît  aux  environs  de  Paris  :  on 
en  voit  une  efpece  fur  les  Alpes  qui  croît  de  la  grofleur  de  la  tête. 
Ce  champignon  pris  intérieurement ,  eft  un  dangereux  poifon  ;  mais 
employé  à  l'extérieur,  c'eft  un  excellent  aftringent;  En  Allem.agne, 
tous  les  Barbiers  ont  de  ces  vieux  &  grands  champignons  qu'ils  font 
fécher.  Ils  les  réduifent  en  poudre  ;  cette  poudre  jetée  fur  les  plaies  , 
arrête  le  fang,  defteche  les  ulcères  purulens  ,  &  arrête  les  hémorroïdes. 
On  ne  doit  point  manier  ni  employer  ce  champignon  fans  précaution  , 
parce  que  fa  poudre  lancée  dans  les  yeux  produit  de  grandes  ophtal- 
mies ,  ou  inflammations  des  yeux. 

Oreille  de  Judas, 

Oreille  de  Judas  ou  champignon  de  sureau,  agarkus  aurïculcz 
forma,  Efpece  de  champignon  ainfi  nommé  parce  qu'il  a  la  figure  & 


24  C  H  A 

fouvent  la  grandeur  de  Toreille  d'un  homme.  Il  croît  fur  le  fureau 
qui  fournit  à  ce  champignon  le  fuc  qui  lui  eft  propre  pour  le  faire 
paroître.  On  en  fait  ufage  ,  écralé  &  appliqué  extérieurement,  comme 
d'un  réfolutif,  pour  les  tumeurs  &  les  inflammations  de  la  gorge.  Nous 
avons  vu  à  Rouen  des  Médecins  en  donner  en  gargarifme  pour  laver 
la  gorge  dans  l'angine  :  on  faifoit  alors  bouillir  ce  champignon  dans 
du  lait.  Nous  avons  parlé  de  l'agaric  au  n  ot  Jgaric^  On  peut  confulter 
les  deux  volumes  avec  figures  iri'^°,  que  le  Doéljur  Sclmjjér  vient 
de  publier  fur  les  champignons. 

Champignon  marin.  Nom  qu'on  donne  à  un  animal  marin  de 
couleur  rouge  ,  qui  n'a  point  de  fang  ,  &  qui  fe  voit  dans  l'ile  de 
Cayenne  &  ailleurs.  On  le  donne  auflî  à  deux  autres  produdions  : 
l'une  eft  un  zoophyte,  c'eft  Xanémom  de  mer  ;  voy&i^  ce  mot^  L'autre 
eft  un  polypier  de  la  nature  des  madrépores  ,  lamelleufe ,  pierreufe, 
ordinairement  arrondie  &  conique  ,  convexe  d'un  côté  &  concave  de 
l'autre.  Leur  face  convexe  eft  feuilletée ,  &  les  lames  font  minces  , 
larges  ,  plus  ou  moins  dentelées  ,  partant  d'une  fente  ou  fiUon  aflTez 
profond  qui  eft  au  fommet ,  &  allant  aboutir  en  droite  ligne  à  la 
circonférence ,  où  elles  fe  replient  pour  remonter  au  fommet  de  la 
partie  concave.  Ce  polypier  eft  quelquefois  oblong  &  peu  conique  ; 
fes  lames  ftnueufes  font  entrecoupées  ;  ce  qui  lui  donne  un  afpeét 
chatoyant.  On  l'appelle  champignon  limace.  Si  les  lames  font  radiées, 
on  lui  donne  le  nom  de  taupe  marine  ,  &  celui  de  chenille  marine  quand 
le  champignon  eft  courbé  de  façon  à  imiter  une  chenille  pliée  en  deux 
dont  la  tête  ôç  la  queue  fe  rapprochent.  En  général  ces  polypiers 
font  femblables  pour  la  figure  à  un  champignon  dépouillé  de  la  peau 
qui  couvre  fes  feuillets  cellulaires  ou  dont  la  partie  inférieure  feroit  en 
deffus.  Le  champignon  de  mer  madrépore  eft  très-dur.  Les  plus  grands 
qui  ont  quelquefois  une  forme  conique  ,  pourroient  couvrir  la  tête  ; 
aulli  les  appelle-t-on  bonnets   de  Neptune,  Voyez   ce  mot  &  celui  de 

FONGIPORE. 

CHANCELAGUA.  Plante  de  la  nouvelle  Efpagne.  Elle  croît  en 
abondance  aux  environs  de  Panama.  Son  goût  eft  amer  comme  celui 
de  la  centaurée  ;  &  fon  infufion  a  l'odeur  aromatique  du  baume  du 
Pérou.  Telle  eft  la  defcription  ,  peut-être  trop  fuccinte  ,  qu'on  trouve 
de  cette  plante  dans  les  Mém.  de  VAcad.  ann.  lyoy.  pag.  62.  On  lui 
attribue  à-peu-près  les  mêmes  propriétés  du  quirii^uina  :   fa  dofe  eft 

d'un 


C  H  A  2  ; 

d*un  à  deux  gros  ^  prîfe  en  infufion  la  plus  chaude  qu'il  eft  pofTible. 
Quand  le  malade  a  pris  ce  remède  ,  on  le  couvre  bien  &  on  le 
fait  fuer. 

M.  de,  Bougaînville  nous  a  donné  un  paquet  de  cette  plante.  Elle 
reflemble  aflez  à  notre  petite  centaurée  d'Europe  ;  elle  ef^un  peu 
moins  haute.  On  la  nomme  auflî  cachen-lagiim  ou  cancha-lagua  ;  elle  fe 
nomme  en  Chily  cachîn-lagua.  On  en  fait  des  gargarifmes  pour  les  maux 
de  gorge  :  en  breuvage ,  c'eft  un  excellent  fébrifuge. 

CHANCELAGUE.  C'eft  le  canchïlapia  ou  le  cajichalagua  des  Es- 
pagnols. Plante  que  l'on  regarde  comme  une  efpece  de  petite  centaurée 
à  fleur  de  couleur  pourpre,  &  qui  croît  à  Guayachili  dans  le  Pérou, 
où  on  en  récolte  une  grande  quantité.  Elle  s'élève  à  la  hauteur  d'un 
pied  :  fes  tiges  font  rameufes  ,  coudées  ;  fa  racine  eft  infipide  ,  li- 
gneufe  ;  la  tige  anguleufe  ;  les  feuilles  font  conjuguées,  &  au  fommet 
des  rameaux.  La  fleur  a  un  calice  tubuleux  ,  échancré  en  cinq  parties 
longues  &  pointues;  la  corolle  eft  monopétale  &  de  couleur  pourpre," 
infundibuliforme  ;  l'ovaire  fe  change  en  deux  capfules  oblongues ,  en 
parties  cylindriques  ,  unies  &  ftriées ,  &  qui  renferment  dans  la  ma- 
turité du  fruit ,  quantité  de  petites  femences ,  de  couleur  obfcure  & 
d'une  faveur  fort  amere.  On  eftime  cette  plante  ,  apéritive ,  emmé- 
nagogue,  fébrifuge  &  très-antivermineufe  ,  prife  en  fubftance  à  la 
dofe  d'un  demi-gros.  Prife  en  théi-forme  ,  &  en  grande  quantité  , 
çUe  purge ,  &  eft  fudorifique.  Cette  plante  ,  fi  ufitée  dans  les  Indes 
Efpagnoles ,  paroît  être  le  chancclagua. 

CHANTERELLE.  Nom  donné  à  une  efpece  de  chajnpignon.  Voyez 
ce  mot. 

CHANTRE  ou  CHANTEUR  ,  ou  POUILLOT  ,  afîlus.  Petit 
oifeau  du  genre  du  becfigue ,  efpece  de  petit  roitelet  cendré  &  non 
crête.  Sa  femelle  pond  cinq  œufs  à  coque  blanche  &  tiquetée  de 
roux  :  cet  oifeau  habite  les  bois    où  il  vit  d'infectes. 

CHANVRE  ,  cannabis,  C'eft  une  plante  annuelle  des  plus  utiles  ^ 
dont  il  y  a  deux  efpeces  qui  croiffent  toutes  deux  delà  même  graine: 
l'une  porte  les  fleurs  mâles  ou  étamines;  l'autre  porte  la  graine. 

La  tige  de  ces  plantes  eft  quadrangulaire ,  velue,  rude  au  toucher, 

unique,   creufe  en  dedans,  haute  de  cinq  ou  fix pieds, couverte  d'une 

ccorce  qui  fe  partage  en  filets.    Ses  feuilles  naiffent   fur  des   queues 

oppofées  deux  à  deux  ;  elles  font  divifées  jufqu'à  la  queue  en  quatre, 

Tom&  //,  D 


26  C  H  A 

cinq ,  ou  en  un  plus  grand  nombre  de  fegmens  étroits ,  d*un  ver« 
foncé  5  rudes ,  &  d'une  odeur  forte.  L'efpece  qui  porte  les  étamines 
ou  la  fleur ,  &  qui  eft  l'efpece  fécondante ,  efl  appellée  improprement 
par  les  gens  de  la  campagne  ,  chanvre  femelle  ;  &  ils  nomment  l'autre 
efpece  qili  porte  les  fruits  ,  chanvre  mule.  En  changeant  cette  faufïe 
application  des  noms  ,  on  retrouve  la  vérité. 

Dans  l'efpece  de  chanvre  à  fleurs ,  les  fleurs  fortent  des  ai0elles 
des  feuilles  fur  un  pédicule  chargé  de  quatre  petites  grappes  placées 
en  fautoir  ,  compofées  d'étamines.  Les  fruits  naiflTent  en  grand  nombre 
le  long  des  tiges  fur  l'autre  efpece,  fans  aucune  fleur  qui  ait  précédé: 
ils  font  compofés  de  pifliils ,  enveloppés  d'une  capfule  membraneufe, 
A  ces  pifl:ils  fuccedent  des  graines  arrondies  ,  lifTes ,  qui  contiennent 
une  amande  blanche  ,  douce  ,  huileufe ,  &  d'une  odeur  forte.  Cette 
graine  porte  le  nom  de  chenevis. 

On  feme  du  chanvre  dans  prefque  tous  les  pays  ,  à  caufe  des 
filamens  que  l'on  retire  de  fes  tiges,  &  dont  on  fait  des  toiles  plus 
ou  moins  belles  ,  fuivant  la  nature  du  terrain  où  le  chanvre  a  crû  , 
les  préparations  qu'on  a  données  à  la  terre ,  la  bonté  de  la  graine^ 
le  temps  de  la  récolte  ,  &  la  manière  dont  on  le  prépare.  On  en  fait 
auffi.  des  voiles  pour  les  vaiffeaux ,  &  des  cordes ,  dont  l'utilité  dans 
l'emploi  de  nos  machines  &  pour  la  marine,,  eft:  aujourd'hui  connue 
de  toutes  les  nations. 

Un  objet  fi  intéreflant  a  attiré  les  yeux  de  plufieurs  Obfervateurs 
très-intelligens  &très-induftrieux.MM.  Dodart^  Duhamel  ôc  Marcandier, 
nous  ont  donné  des  Traités  remplis  d'expériences  &  de  vues  intéreflTantes 
fur  cette  matière.  On  trouve  aufïi  dans  un  Mémoire  de  la  Société 
d'Agriculture  de  Berne  ,  d'excellentes  inftrudions  fur  la  culture  du 
cAd/zvre. L'Auteur  de  ce  Mémoire,  dont  nous  allons  extraire  reffentiel» 
avoit  étudié  les  Ouvrages  des  Auteurs  précédens. 

Quoique  le  chanvre  croiffe  à-peu-près  par-tout  ,  les  terrains  qui 
lui  conviennent  te  mieux  font  les  terres  grafTes  &  humides.  Comme 
il  fupporte  mieux  le  froid  que  le  chaud  ,  il  réufllt  mieux  aufli  dans 
les  pays  du  Nord  &  les  lieux  tempérés ,  que  dans  les  pays  chauds  : 
il  fe  plaît  finguliérement fur  les  bords  des  rivières. On  en  feme  ,  dit-on, 
aflez  en  France ,  pour  que  ce  Royaume  foit  en  état  de  fe  pafler  des 
Etrangers  à  cet  égard.  On  voit  cependant  dans  le  nouveau  volume  de  la 
Société  d'Jgriculiure  de  Bretagne ,  qu'elle  fait  des  plaintes  ameres  de  ce 


CHA  27 

que  Sa  Majeflé  tire  du  Nord  la  plus  grande  partie  de  fes  approvi- 
fionnemens  en  chanvre.  Quelques  perfonnes  prétendent,  que  lafupé- 
riorité  du  chanvre  du  Nord,  a  plus  contribué  que  rinfuffifance  de  la 
Province  à  faire  négliger  ceux  de  la  Bretagne  ;  mais  cette  opinion 
eft  démontrée  très-faulTe  ,  puifque  ,  fuivant  les  expériences  de  M, 
Duhamel ,  les  chanvres  de  Riga  ont  donné  moins  de  premier  brin'  par 
quintal ,  que  les  chanvres  de  Lanion,  De  plus  ,  on  obferve  dans  la 
marine  ,  que  le  chanvre  de  Riga  pourrit  plus  promptement  que  celui 
de  Bretagne,  Dès  qu'on  favorifera  cette  branche  importante  de  com- 
merce,  le  cultivateur  ,  travaillant  à  Tenvi  dans  un  climat  favorable, 
en  fera  d'abondantes  récoltes  ,  qui  fuffiront  bientôt  au  befoin  d'une 
partie  de  la  navigation  commerçante.  On  en  cultive  en  Angleterre  , 
mais  pas  aflèz  pour  fournir  la  marine  du  Roi  :  il  en  eft  encore  de 
même  à  l'égard  des  Provinces-Unies.  Si  à  l'Amirauté  d'Amfterdam  , 
(ville  où  les  Hollandois  ont  leur  plus  grand  magafin  pour  la  marine) 
l'on  voit  tant  de  chanvre  ,  ce  n'eft  point  totalement  de  leur  crû  ; 
quoique  leur  fol  foit  très-convenable  à  la  culture  de  cette  plante  > 
ils  en  tirent  de  leurs  voifins ,  &  fur-tout  de  Riga. 

Il  eft  efTentiel ,  avant  de  femer  le  chanvre ,  d'avoir  bien  préparé  la 
terre  par  des  engrais ,  par  des  labours  multipliés.  C'eft  une  excellente 
méthode  ,  lorfqu'on  laboure  la  terre  pour  la  première  fois  ,  que  d'en- 
tafTer  les  gazons  &  de  les  brûler  ;  ils  fourniftent ,  par  ce  moyen,  un 
fel  propre  pour  la  végétation.  On  doit  choifir  pour  femence  de  la 
graine  d'une  couleur  obfcure  qui  marque  fa  maturité  ,  de  l'année 
précédente;  car,  plus  vieille  ,  elle  ne  vaut  rien.  On  doit  la  femer  en 
Avril  ,  plutôt  ou  plus  tard ,  fuivant  le  climat  &  la  faifon.  Dans  les 
terres  gralfes,  on  feme  plus  épais  que  dans  les  terres  feches  &  maigres: 
il  faut  que  la  femence  foit  mife  très-profondément  en  terre  ,  bien  re- 
couverte, &  la  défendre  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  levée,  contre  les  oifeaux 
qui  en  font  fort  avides,^ 

Le  chanvre  levé  fort  vite  dans  une  terre  mouillée  ;  c'eft  le  contraire 
dans  une  terre  feche  ,  à  moins  que  l'art  ne  vienne  à  fon  fecours.  S'il 
levé  rare  ,  il  eft  à  craindre  que  l'herbe  ne  l'étouffé  ;  dans  ce  cas  il 
faut  arracher  les  mauvaifes  herbes  :  mais  dès  que  le  chanvre  eft  plus 
grand  que  l'herbe  ,  il  l'étoufte  en  la  privant  d'air.  En  Angleterre  ,  où 
on  cultive  le  chanvre  pour  faire  des  cordages  &  des  toiles  grolîîeres 
pour  les  voiles ,  lorfque  la  graine  eft  levée ,  on  arrache  beaucoup  de 

D  2 


2%  C  H  A 

chanvre ,  en  forte  qu'il  refte  un  pied  de  diftance  entre  chaque  tige  : 
la  plante  ainfi  ifolée  ,  prend  plus  de  nourriture  ,  jouit  davantage  des 
influences  de  l'air  ,  devient  plus  grofTe  ,  &:  donne  par  conféquent  des 
fils  plus  gros.  Lorfqu'on  cultive  le  chanvre  pour  en  faire  des  toiles 
d'un  ufage  ordinaire  ,  on  le  laifTè  lever  épais  ;  par  ce  moyen,  les  tiges 
plus  fines  &  plus  pliantes ,  donnent  des  fils  plus  fins.  Le  fil  que  l'on 
tire  du  chanvre  fin  ,  eft  aulîî  fort  que  celui  du  chanvre  grolîler.. 

Vers  le  mois  de  Juillet  ,  lorfqu'on  apperçoit  que  le  chanvre  ,  que 
nous  avons  appelle  mâle  ,  &  que  les  payfans  novumQut  femelle  ,  com- 
mence à  devenir  jaune  vers  le  haut ,  &  blanc  vers  la  racine  ,  &  qu'on 
voit  tomber  les  fleurs  à  étamines  ;  dès  qu'on  juge  que  la  poufliere 
de  ces  étamines,  prefque  toute  diflipée,  a  eu  le  temps  de  féconder  le  fruit , 
il  faut  alors  arracher  ce  chanvre  mâle  brin  à  brin  ;  il  ne  pourroit  refier 
plus  long-temps  fur  pied ,  fans  préjudice  :  fi  on  l'arrachoit  trop  tôt  , 
la  graine  ne  feroit  point  fécondée  ;  on  ne  trouveroit  que  des  grains 
vides  &  trompeurs.  On  n'arrache  le  chanvre  femelle  qu'un  mois  après, 
ou  même  plus.  Après  avoir  arraché  le  chanvre  ,  on  le  lie  par  faifceaux, 
on  le  difpofe  la  tête  en  haut ,  afin  que  le  foleil  le  faffe  fécher.  On  le. 
bat  enfuite  pour  en  tirer  la  graine  :  celle  qui  fe  fépare  facilement^ 
efl  la  meilleure  &  la  plus  propre  pour  la  femence. 

Préparation  du  chanvre» 

Lorfque  le  chanvre  a  été  arraché  ,  il  faut  le  faire  rouir.  M.  Marcandler 
juge  qu'il  eft  plus  avantageux  de  faire  cette  opération  lorfque  le  chanvre 
eft  encore  vert  ,  &  que  les  fucs  circulent  encore  ,  que  d'attendre  qu'il: 
foit  fec  ;  car  il  a  obfervé  que  ,  lorfqu'il  pleut  fur  du  chanvre  à  moitié 
fec ,  la  pluie  le  tache  &  le  noircit  :  d'ailleurs  ,  fuivant  cette  méthode  , 
il  ne  faut  que  trois  ou  quatre  jours  pour  le  faire  rouir;  au  lieu  que 
il  on  le  lailTe  fécher  auparavant ,  il  faut  huit  ou  dix  jours. 

Pour  faire  rouir  le  chanvre  ,  on  doit  le  mettre  dans  une  mare  d'eau  , 
expofée  au  foleil  (ce  lieu  s'appelle  routoir  ou  rutoir  ).  Après  avoir 
coupé  la  tête  &  les  racines  qui  font  inutiles,  on  l'entafTe  en  bottes, 
&  on  le  charge  de  pierres  ,  afin  qu'il  plonge  dans  l'eau, 

La  police  doit  veiller  à  ce  qu'on  ne  faffe  point  rouir  le  chanvre 
dans  des  eaux  courantes  ;  car  l'eau  dans  laquelle  on  macère  le  chan- 
vre, devient  fi  puante,  que  c'eft  un  très-dangereux  poifon  pour  ceux 
j^ui  en  boivent  j  &  les  antidotes  les  plus  excellens ,  donnés  à  temps  > 


C  H  A  2j> 

ont  bien  de  la  peine  à  y  remédier.  Cependant  en  bafle  Bretagne, où 
Ton  regarde  le  chanvre  comme  une  matière  de  première  utilité  ; 
parce  que  la  fureté  de  la  plupart  des  vailTeaux,  &  même  des  barques 
qui  font  le  cabotage ,  dépend  de  leur  bonne  qualité ,  on  ne  balance 
point  à  rouir  dans  des  eaux  courantes  les  chanvres ,  qui  en  chafTent 
tout  le  poiflbn  ,  &  fur-tout  le  faumon. 

D'autres  font  rouir  leur  chanvre  ,  en  Texpofant  fur  le  pré  ,  à  la 
rofée  &  au  foleiî.  Le  but  de  l'opération  que  l'on  appelle  roui,  efl:  de 
diflbudre  une  fubftance  gommeufe  qui  attache  à  la  tige  les  fils  de 
l'écorce  ,  afin  qu'on  puilTe  les  féparer  plus  facilement.  Si  on  laifle  le 
chanvre  rouir  trop  long-temps  ,  il  fe  pourrit  ,  &  le  iSl  en  eft  plus 
foible.  S'il  y  relie  trop  peu  ,  on  ne  peut  pas  le  féparer  :  l'expérience 
feule  apprend  le  temps  qu'il  faut  l'y  laiflèr.  L'eau  ,  la  température 
de  l'air  ,  le  chanvre  même  y  apportent  de  la  différence  ,  fuivant  les 
obfervations  de  M.  Duhamel.  Cet  Académicien  a  trouvé  ,  i°.  que  le 
chanvre  étoit  plutôt  roui  dans  une  eau  dormante  que  dans  une  eau 
courante  ,  dans  une  eau  trouble  que  dans  une  eau  claire  ;  2°.  qu'il 
eft  plutôt  préparé  dans  un  tem^ps  chaud  ,  que  dans  un  temps  froid  ; 
3°.  que  le  chanvre  qui  a  crû  dans  une  terre  légère  ,  qui  a  toujours 
eu  allez  d'humidité ,  qui  a  été  cueilli  de  bonne  heure  ,  fe  rouit  plus 
vite  que  celui  qui  a  crû  dans  une  terre  forte  &  dans  des  lieux  fecs. 
On  dit  que  le  chanvre  qui  demande  le  moins  de  temps  pour  être 
roui ,  vaut  mieux  que  l'autre ,    parce   que  le  fil  en  eft  plus  fort. 

Comme  le  chanvre  femelle  refte  plus  long-temps  en  terre  ,  qu'il 
reçoit  plus  de  nourriture  ,  le  fil  qu'il  donne  eft  plus  grofîîer  &  plus" 
fort  :  le  chanvre  mâle ,  qu'on  cueille  le  premier ,  donne  des  fils  plus 
fins  ,  &  eft  le  plus  eftimé  pour  faire  la  toilcr 

Lorfque  le  chanvre  a  été  bien  roui ,  on  le  lave  &  on  le  fait  fécher , 
les  uns  au  foleil ,  les  autres  dans  un  féchoir.  Il  s'en  élevé  alors  une 
vapeur  forte,  inébriante  ;  &  très-ftupéfiante ,  dont  on  doit  toujours 
fe  méfier  quand  on  le  defteche  dans  un  lieu  fermé  ou  peu  aéré.  Le 
chanvre  ayant  été  ainfi  préparé  ,  les  filamens  ou  fibres  longitudi- 
nales ,  fe  uétachent  aifément ,  &  on  les  fépare  de  la  partie  ligneufey 
en  le  tàllant  ,  c'eft-à-dire  ,  en  rompant  le  bout  d'un  tuyau  ,  &  en- 
tirant  d'un  bout  à  l'autre  l'écorce  qui  eft  autour.  Cette  opération  ,, 
ufitée  dans  certains  pays  ,  eft  très-longue.  Le  plus  communément 
on  ïeffadc ,  c'eft^à-dire ,  on  le  broie  fous  une  machine  faite  exprès  ^ 


30  C  H  A 

&  que  l'on  appelle  macque  ;  de  cette  manière  ,  on  fait  beaucoup  plus 
d'ouvrage  en  bien  moins  de  temps.  La  Société  d' Agriculture,  de  Bretagne 
fe  propofe  d'examiner  par  l'expérience  ,  fi  la  macque  ou  broie  de  Li- 
vonie ,  dont  M.  de  Ckoifeui  a  fait  venir  un  modèle  ,  &  qui  diffère 
un  peu  de  la  nôtre  ,  ne  lui  eft  pas  préférable ,  comme  on  le  conjec- 
ture par  l'examen  de  fa  ftrudure  ,  qui  paroît  propre  à  détruire  moins 
les  filamens  du  chanvre  ,  lorfqu'on  le  mâche.  Par  l'opération  de  la 
macque  ,  le  fil  fe  détache  de  la  chenevotte  ,  qui  ,  pour  lors  ,  eft 
réduite  en  pouffiere.  La  filaffe  ,  quoiqu'ainfi  préparée ,  contient  encore 
beaucoup  de  parties  étrangères ,  dont  il  faut  la  débarraffer.  Pour  cet 
effet ,  les  uns  la  battent  ;  d'autres  la  pilant  dans  des  mortiers  de  bois; 
d'autres ,  comme  dans  certains  endroits  de  la  Livonie  ,  la  font  paffer 
fous  un  grand  rouleau  fort  pefant,  mu  par  le  moyen  d'une  roue  à  eau, 
&  qui  roule  fur  une  table  ronde  avec  une  extrême  rapidité.  Les  fils 
du  chanvre  qui  a  pafle  fous  cette  machine ,  fe  divifent  &  fe  féparent 
mieux  que  par  la  première  opération.  L'inconvénient  de  cette  mé- 
thode ,  eft  qu'elle  fait  beaucoup  de  pouffiere  ,  qui  occafionne  aux 
ouvriers  des  maladies  très  -  dangereufes. 

Après  que  le  chanvre  ,  par  ces  premières  opérations  ,  a  été  dé- 
pouillé de  la  partie  ligneufe,  on  le  pafTe  fucceffivement  fur  des  efpeces 
de  peignes  de  fer ,  gros  d'abord  ,  &  enfuite  far  de  plus  fins  :  par  cette 
manœuvre  ,  le  chanvre  acquiert  de  la  douceur ,  de  la  blancheur  & 
de  la  finefle. 

Lorfque  le  chanvre  a  été  aflfez  long-temps  dans  l'eau  ,  pour  que 
l'écorce  ,  qui  eft  toute  compofée  de  fils,  puille  fe  détacher  aifément, 
cette  écorce  ,  encore  dure  &  élaftique,  ne  paroît  pas  propre  à  produire 
des  fils  aifez  fins.  M.  Marcandicr ,  après  des  expériences  réitérées  ,  & 
faites  avec  une  intelligence  fuivie ,  qui  fuppofe  beaucoup  de  fagacité 
&  de  zèle  ,  eft  parvenu  à  lui  donner  facilement  &  fans  frais ,  toutes 
les  bonnes  qualités  qui  lui  manquoient  ,  &  à  épargner  beaucoup  la 
peine  &  la  fanté  des  ouvriers  ;  tant  eft  grand  l'empire  de  l'art  fur  la 
nature.  Quand  le  chanvre  a  reçu  la  première  préparation  d'être  teille 
ou  broyé ,  &  qu'il  eft  réduit  en  filaffe  ,  il  propofe  de  prendre  la  filafîe 
par  petites  poignées  ,  de  les  mettre  dans  des  vafes  remplis  d'eau ,  & 
de  les  y  laiffer  plufieurs  jours,  ayant  foin  de  les  frotter  &  de  les  tordre 
dans  l'eau  ,  fans  les  mêler.  Cette  opération  eft  comme  une  féconde 
efpece  de  rouiffage  ;  le  chanvre   fe   décharge  de  fa   gomme  la  plus 


C   H  A  31; 

groffiere  :  on  le  tord ,  on  le  lave  bien  à  la  rivière  ;  puis  on  le  bat  fuc 
une  planche ,  &  on  le  lave  encore  de  nouveau.  On  reconnoît  que  le 
chanvre  eft  purgé  de  fa  crafTe  ,  lorfqu'il  a  un  œil  clair.  Les  "parties 
du  chanvre  fe  féparent  alors ,  fe  nettoient  &  paroiflènt  aufli  belles  que 
fi  elles  avoient  pafTé  par  le  ftîran  :  on  le  tord  ,  Se  on  le  fait  féchei; 
fur  des  perches. 

Le  chanvre  préparé  par  cette  méthode  ,  paroît  compofé  comme 
d'autant  de  fils  de  foie.  Plufieurs  expériences  ont  appris  que  ,  par 
cette  opération  ,  le  plus  mal-propre  &  le  moins  prifé  peut  acquérir 
des  qualités  qui  l'égalent  à  celui  qui  eft  regardé  comme  le  plus  par- 
fait,'Après  cette  opération,  on  remet  le  chanvre  au  féranceur ,  pour  en 
retirer  les  fils  les  plus  fins  :  on  n'eft  plus  obligé  de  le  battre  autant  ; 
la  matière  fe  travaille  plus  facilement ,  &  l'ouvrier  n'eft  pas  tant  ex- 
pofé  à  cette  poufllere  fi  dangereufe  dont  nous  avons  parlé. 

Le  chanvre  ainfi  préparé  ,   égale   le   plus  beau  lin  ,  &  ne    donne 
qu'un   tiers   d'ètoupes.  Cette  étoupe  ,    qui  jufqu'ici    n'avoit  été    em- 
ployée que  par  les  cordiers  ,  donne  une  matière  fine  ,  blanche  &  douce  , 
dont  on  n'avoit  point  encore  connu  l'ufage.  On  en  fait ,  en  la  cardant, 
une  ouate  qui  vaut  mieux  que  les  ouates  ordinaires  :  on  peut  même , 
en  la  filant ,  en  faire   de  très-bon  fil.  Si  on  mêle  ces  étoupes  avec 
parties  égales  de  laine  ,  on  en  peut  fabriquer  des  ouvrages  de  bon- 
neterie ,  de  draperie  ;  mélangées  avec  du  coton  ,  on  en  peut  fabriquer 
d'autres  ajuftemens  ou  meubles.  La  foie  de  chanvre  préparée  par  M, 
Marcandier ,  peut  être  blanchie  &  teinte  en  diverfes  couleurs  ,  pour 
les  ouvrages  de  tapifîerie  ,  de  broderie  ,  des  étoffes ,  &c.  Tels  font  les 
avantages  du  chanvre.    On  peut  dire  ,  à  la  gloire  de  M.  Marcardier, 
qu'il  a  fimplifié  &   redifié  la  méthode   concernant  l'économie  cham- 
pêtre de  cette  plante  &  les  Manufactures  qui  l'emploient.  Les  Nations 
étrangères   ont  couronné    M.    Marcardicr ,    en   adoptant  fa  méthode. 
M.  k  F  rime  de  Sévère  ^  au  fil  donné  la  manière  de  faire  le  chanvre  fir^ 
&  aufii  beau  que  celui  de  Perfe.    Sa  méthode   confifte   à  mettre  au 
fond  d'une  cuve  de  bois  ,  de  petites  bottes  de  chanvre  peigné  &  lavé, 
&  de  verfer  deffus   ce  chanvre  ,    qui  eft  couvert   d'une  toile  ,    une 
ielTîve  chaude,  bouillante,   &  compofée  d'eau  ,  de  foude  pulvérifée, 
&  d'un  peu  de  chaux  auflî  en  poudre.  Si  le  chanvre  fe  divifê  en  petits 
filamens  comme  de  la  toile  d'araignée,  on  le  retire  j   finon,  on  retire 
laleffive'qui  s'eft  filtrée,  on  la  fait  chauffer  de  nouveau,  &  on  réitère 


32  C  H  A 

l'opération.  Enfuite  on  lave  bien  le  chanvre  dans  Teau  claire,  puis 
on  le  paiïë  dans  une  eau  de  fa  von  bouillante  ,  &  enfin  on  le  lave  bien 
jufqu'à  ce  que  l'eau  forte  claire ,  &  on  le  fait  fécher  à  l'ombre  :  alors 
le  chanvre  eft  fin  &  blanc. 

Les  feuilles  de  chanvre  paroifïent  contenir  une  vertu  enivrante  & 
afibupifiante.  Kœmpfer  YcippoYtQ  que,  dans  quelques  endroits  des  Indes 
Orientales ,  on  en  prépare  une  boifTon  qui  enivre  ,  &  qui  eft  d'ufage 
dans  ces  Pays.  Quelques  -  uns  mêlent  la  graine  de  chanvre  avec  les 
autres  alimens,  de  même  que  l'orge  ;  mais  elle  remplit  la  tête  de  fumée, 
&  fi  on  en  mange  trop  ,  elle  excite  le  délire ,  comme  fait  la  coriandre. 
Cette  graine  émulfive,  bouillie  dans  du  lait,  eft  utile  pour  la  toux  & 
la  jaunifie.  Quelques  AuteursTont  donnée  aufïî  pour  un  fpécifique  contre 
la  gonorrhée ,  fur  -  tout  lorfqu'elle  eft  accompagnée  d'éreélions  fré- 
quentes &douloureufes.  On  en  exprime  encore  une  huile  bonneà  brûler, 
&  qui  eft  très  -  réfolutive.  On  dit  que  fi  l'on  donne  de  la  graine  de 
ckanvre  aux  poules  ,  elles  pondront  des  œufs  même  au  cœur  de  l'hiver; 
mais  5  comme  on  l'a  très-bien  obfervé ,  cette  graine  ordinairement  les 
nourrit  trop  ,  &  les  rend  ftériles  ,  en  les  faifant  devenir  trop  graffes. 

CHANVPŒ  AQUATIQUE ,  eft  i'eupatoire  femelle  bâtarde.  Foye^ 
Eupatoire. 

CHANVRE  DES  INDES.  Voyei  Aloes  Pitte. 
CHAOS.  Les  anciens  Fhilofophes  ont  entendu  par  ce  mot,  un  état  de 
ténèbres  .un  mélange  confus  de  particules  de  toute  efpece,  fans  forme,  ni 
régularité.  Les  Naturaliftes,les  Sages  du  Paganifme  ,  les  Théologiens, 
&:c.  des  premiers  fiecles  ont  embrafie  la  même  opinion  ;  le  chaos  eft  pour 
eux  le  berceau  de  l'univers  ;  ils  rapportent  l'origine  du  monde  à  une 
mafte  informe  &  confufe  de  matières  entafiées  pêle-mêle  ,  &  mues  en 
tous  fens  les  unes  fur  les  autres.  Des  Philofophes  Platoniciens  ,  &:c. 
admettoient  dans  le  chaos  plufieurs  périodes  &  révolutions  ,  comme 
des  paOages  fuccefiifs  d'un  c/:^(?5  dans  un  autre,  jufqu'à  ce  qu'enfin, 
fuivant  eux,  les  loix  du mouvem.ent  &  les  différentes  combinaifons  aient 
amené  l'ordre  des  chofes  qui  conftituent  cet  univers.  Biirnct  ZiiînvQ ,?ivec 
raifon  ,  que  fi  l'on  excepte  Ariftote  &  les  Pythagoriciens  ,  perfonne  n'a 
jamais  foutenu  que  notre  planette  ait  eu  de  toute  éternité  la  forme 
que  nous  lui  voyons  ;  mais  que ,  fuivant  l'opinion  confiante  des  Sages 
de  tous  les  temps  ,  ce  que  nous  appelions  maintenant  le  Globe  terrcfire  , 
n'étoit ,  dans  fon  origine ,  qu'une  mafle  informe ,  contenant  les  principes 


C  H  A  5^ 

&  les  matériaux  du  monde  tel  que  nous  le  voyons.  Moyfe  ,  le 
plus  ancien  des  Ecrivains  ,  repréfente  aufîi  ,  au  commencement  de 
THiftoire  Sacrée,  le  monde  comme  n'ayant  été  d'abord  qu'une  mafle 
informe  ,  où  les  élémens  étoient  fans  ordre  &  confondus.  Quelle  def- 
cription  plus  énergique  peut-on  avoir  du  chaos  ?  Le  chaos ,  félon  cet 
Auteur  facré,  étoit  une  maffe  couverte  d'eau. 

Quoi  qu'il  en  foit  du  chaos  des  Anciens  &  de  fon  origine ,  il  eft  conf- 
iant que  celui  de  Moyfe  renfermoit  dans  fon  fein  toutes  les  natures  déjà 
déterminées  5  &  que  leur  aflbrtiment  ménagé  par  la  main  de  l'Eternel , 
enfanta  bientôt  cette  variété  de  créatures  qui  forment  le  tableau  de 
l'univers.  Ainfi  tout,  jufqu'à  ce  temps,  étoit  demeuré  engourdi  dans 
la  nature  :  la  fcene  du  monde  ne  fe  développa  qu'à  mefure  que  la  voix 
du  Créateur  rangea  les  êtres  dans  cet  ordre  merveilleux  qui  en  fait 
aujourd'hui  la  beauté. 

CHAPEAU  D'EVEQUE ,  ephmdium.  Plante  qui  croît  aux  lieux 
humides  ,  dans  les  prés  ,  même  dans  les  jardins.  Sa  racine  fe  divife  en 
plufieurs  parties  garnies  de  fibres  en  deflbus.  La  tige  de  cette  plante 
s'élève  à  la  hauteur  d'environ  un  pied.  Les  feuilles  font  amples, larges, 
pointues  comme  celles  du  lierre  ,  vertes  ,  affez  dures ,  dentelées  tout 
autour  ,  &  attachées  trois  à  trois  à  des  queues  menues  &  rondes.  Les 
fleurs  font  petites,  de  couleur  variée,  rougeâtres,  jaunes,  rayées  de 
blanc,  &  à  quatre  pétales  difpofés  en  croix.  A  ces  fleurs  fuccedent 
des  gouffes  compofées  de  deux  parties,  &  qui  contiennent  des  femences 
arrondies.   On  eftime  cette  plante  humedante  &  rafraîchiflante. 

CHAPON,  gallus  eviratus.  Jeune  coq  coupé,  ou  poulet  mâle  à  qui 
on  a  ôté  les  tefticules.  Voye^  à  Cardclc  Coq. 

CHARAMAIS  ,  amhcla.  Arbre  des  Indes,  grand  comme  un  néflier, 
dont  la  racine  eft  laiteufe  :  fes  feuilles  font  d'un  vert  clair ,  &  femblables 
à  celles  du  poirier.  Son  fruit,  appelle  /z/7/c£Z-/;z^m/;z  àlacôtede  Coro- 
mandel,  eft  fort  anguleux,  d'une  couleur  jaune  &  d'un  goût  aigrelet. 
Il  naît  en  grappe  ,  &  contient  un  noyau  pierreux  qui  reffbmble  à  une 
aveline.  Les  Indiens  le  mangent  communément  mûr  ou  non  mûr,  confit 
avec  du  fel  pour  exciter  l'appétit  :  ils  en  mêlent  aufii  dans  leurs  fauces. 
Cet  arbre  croît  dans  les  forêts  &  fur  les  montagnes  éloignées  de  la  mer 
en  Canara,  en  Décan. 

Les  Canarins  &  les  Décanois  s'en  fervent  en   décoâ:ion  pour  les 
Éevres  :  ils  en  broient  la  racine  avec  de  la  moutarde,  &la  fjnt  prendre 
Tomi,  II,  E 


54  C  H  A 

^ux  aflhmatiques..  Ce  remède  purge  violemment  par  haut  &  par  bas.»-, 
c'eft  un  de  leurs  médicamens  les  plus  utiles,. 

CHARANSON.>"oyq  Cliarençon.. 

CHARBON  MINERAL ,  Charbon  de  Terre  ou  Houille  ,  cari>o 
petreus,_  C'eft  unefubftance  inflammable,  compofée  d'un  rnélange  de 
terre,  de  pierre  ,  de  bitume  &  quelquefois  de  foufre.  Elle  eft  d'un 
noir  foncé,  feuilletée,  &  fa  nature  varie  iuivant  les  endroits  d'où  elle 
eft  tirée.  Cette  matière,  une  fois  allumée  ,  conferve  le  feu  plus  long- 
temps, &  produit  une  chaleur  plus  vive  qu'aucune  autre  fubftance 
ipAammaLle;  l'adion  du  feu  la  réduit  ou  en  cendres  ou  en  une  mafie, 
poreufe  &  fpongieufe ,  qui  reiTemble  à  des  fcories  ou  à  de  la  pierre- 
ponce. 

On  diftingue  deux  efpeces  de  charbon  minéral  :  la  première  eft  gralîe,- 
dure,  ccmpade  ,  d'un  noir  luifant  :  elle  s'allume  difficilement,  mais 
donne  me  flamme  claire,  brillante,  accom.pagnée  d'une  fumée  fort 
épaifle  ;  c'cft  la  meilleure   efpece. 

Le  charbon  minéral  de  la  féconde  efpece  eft  tendre  ,  friable  ,  fe 
décompofe  à  l'air  &  s'allume  facilement ,  mais  il  donne  une  flamme 
peu  vive  &  de  peu  de  durée.  Cette  différence  qui  provient  de  ce  que 
celui  de  la  première  efpece  eft  plus  chargé  de  bitume,  a  donné  lieu  à 
la  ciftinélion  du  charbon  minéral  en  charbon  de  terre  &  charbon  de  pierre. 
Le  premier,  plus  bitumineux,  fe  trouve  plus  profondément  en  terre; 
le  fécond  fe  rencontre  prefqu'à  la  furface  ,"cequi  eft  caufe  qu'il  eft. 
fpuvent  confondu  avec  des  matières  étrangères.. 

Il  y  a  des  mines  de  charbon  de  terre  dans  prefque  toutes  les   parties  ; 
de  l'Europe;  le  plus  eftiraé  fe  tire  ai: x- environs  de  Newcaftle,  &  fait- 
i^n  objet  de  commerce  très-confidérr.ble  pour  la  (  rande-Eretagne.  Il 
s'en  trouve  en  Ecofle    une  efpece  fufcepùble  de  prendre  le  poli  à  un 
certain  point  ;  aufli  en  fait-on  des  tabatières  &  des  boutons.  Les,  Anglois 
le  nomment  cannd-  co.il. 

On  a  annoncé  dans  les  papiers  publics  d'A.ngleterre  là  découverte 
d'un  nouveau  charbon  de  terre  qui  fe  trouve  en  Irlande  :  ce  charbon  ne 
donne  point  de  fumée,  mais  jette  à  la  ronde  une  flamme  bleue  & 
conftante ,  fortement  imprégnée  de  foufre  ,  &  qui  refte  fufpendue 
^u-defTus  en  forme  de  nuage.  Ce  charbon  fe  trouve  en  très-grande 
quantité  dans  des  lits  de  marbre  noir.  On  prétend  qu'il  a  l'avantage 
4e,  purifier  l'air,. Les  habitans ,  voiflns  de  ces  mines,  jouiiTent  d'un, 


C  H  A  st 

^atmofpliere  clair  &  net ,  tandis  que  dans  les  autres  parties  du  royaume 
on  eft  continuellement  enveloppé  de  brouillards  épais  pendant  l'hiver. 
Les  habitans  y  jouident  d'une  bonne  fanté ,  ne  font  point  attaqués 
de  maladies  chroniques.  Le  Doéleur  Mcad  difoit  que  fi  on  faifoit 
ufage  de  ce  charbon  à  Londres ,  l'air  s'y  purifieroit ,  la  Ville  ne  feroit 
plus  couverte  de  vapeurs  infedes  ,  &  que  les  maladies  qui  font  la 
fuite  de  l'air  épais  qu'on  y  refpire  ,  difparoitroient.  i^'ufage  de  ce 
charbon ,  fur  les  vaiffeaux  ,  feroit  très-utile  aux  Marins  ,  en  procurant 
plus  de  falabrité  à  l'air  qu'ils  refpirent  fur  mer ,  &  les  garantiffant  de 
la  fumée  dont  tout  le  vaifTsau  efl  infeâté  ,  lorfque  le  vent  la  rabat 
dans  le  vaifTeau. 

La  France  poffede  aufii   une  grande    quantité   de   charbon   de  la 
meilleure  efpece.   Il  y  en  a  des   mines  en   Auvergne  ,    en  Bretagne , 
en  Normandie  ,  en  Hainaut ,    en  Lorraine  ,   dans  le  Lyonnois ,  dans 
le  Forez  ,    tzc.   Celui  de  Château-la-Morliere  en  Forez  a  communé- 
ment les  plus  belles  couleurs  de  l'iris  ou  de  la  queue  de  paon.    On 
-en  trouve  de  femblable  dans  la  mine  de  St.  Hubert ,  près  Saarbruch, 
Les  fentimens  des  Naturalifres  font  partagés  fur  la  formation  &  fur 
la  nature  du  charbon  minéral.  Le  fentiment  le  plus  plaufible ,   parce 
qu'il  eft  fondé  fur  des  obfervations  ,   eft  celui  qui  attribue  au  charbon 
minéral,  ainfi  qu'aux  difî-erens  bitumes ,  au  jayet  &  aufuccin,   une 
origine  végétale.   L^s  couches  de  charbon  minéral  font  ordinairement 
couvertes  de  grès  ,  de  pierres  calcaires  ,     d'argile  &  de  pierres  fem- 
blables  à  l'ardoife  ,   fur  icfquelles  on  trouve  des  empreintes  de  plantes 
de  forêts  ,   fur-tout  de  fougères  &  de  capillaires ,  dont  les  analogues 
ne  font  point  de  notre  continent.  Le  mur  oufoleR  toujours  compofé 
d'une  pierre  plus  dure  que  le  toit.   On  voit  des  efpeces  de  charbon 
minéral  ,  dans  lefquelles  on  remarque  la  véritable  texture  des  couches 
ligneufes.  Le  bois  fojjlle  trouvé  depuis  quelques  années  en  Allemagne, 
dans  le  Comté  de  NaiTau  ,    prouve   d'une  manière    convaincante  la 
véritable   origine    du    charbon   minéral.     A  la  furface  de  la  terre  fe 
rencontre  un  vrai    bois    rélîneux ,     qui  n'eft  certainement  point    de 
notre   continent.    Plus  on  enfonce  en  terre ,    plus  on  trouve  ce  bois 
décompofé  ,  c'eft-à-dire,  friable,  feuilleté  ;  d'une  condftance  terreufej 
enfin ,  en  fouillant  plus  bas  ,    on   trouve    un  vrai  charbon  minéral. 
Il  y  a  donc  lieu  de  penfer  que  par  des   révolutions  arrivées   à  notre 
globe  3  des  forêts  de  bois  réfineux  ont  été  enfevelies  dans  le  fein  de  la 

E  2 


5^  C  HA 

terre ,  où  au  bout  de  plufieurs  fiedes  le  bois ,  après  avoir  (ouffert 
unedécompofitlon,  s'eft  changé  en  un  limon  ou  en  une  matière  terreufe, 
qui  a  été  pénétrée  parla  fubftance  réfineufe  que  le  bois  contenoit  lui- 
même  avant  fa  décompofition ,  &  enfuite  a  été  minéialifée.  Tel  eft 
le  fentiment  des  Chimiftes  &  des  Naturaliftes  les  plus  accrédités.  On 
nous  permettra  d'expofer  nos  réflexions  fur  la  formation  des  bitumes 
en  général;  elles  font  le  fruit  de  nos  obfervations  dans  les  différentes 
mines  de  charbon  ou  houillieres  que  nous  avons  viiitées  pendant  plus 
de  douze  ans. 

C'eft  ordinairement  dans  les  pays  montueux  &  inégaux  que  fe 
rencontrent  les  mines  de  charbon.  On  a  ,  pour  les  reconnoître,  des 
lignes  qui  leur  font  communs  avec  les  autres  efpeces  de  mines.  Voyez 
ce  mot.  Mais  ce  qui  les  caraâérife  plus  particulièrement ,  c'eft  que 
dans  le  vcifinage  on  découvre  d'autres  mines  de  charbon  ,  ou  des 
pierres  chargées  d'empreintes  de  lonchïus  &  autres  plantes  du  même 
genre.  Un  autre  indice  eft  que  pendant  les  fortes  chaleurs  de  l'été  l'air 
le  trouve  rem>pli  de  vapeurs  &  d'exhalaifons  fulfureufes  ,  &  que  le 
terrain  eft.imipregné  de  bitume  ou  de  terre  alumineufe.  On  découvre 
ces  mines  à  l'aide  de  la  tarriere  ,  ou  par  l'examen  des  eaux  qui 
viennent  des  montagnes  ,  oii  l'on  foupçonne  qu'il  peut  s'en  trouver. 
Si  le  fédiment  de  ces  eaux  eft  noirâtre  ,  ou  fi  c'eft  une  ochre  jaune 
qui ,  féchée  &  calcinée ,  ne  foit  prefque  point  attiiable  à  l'aimant  ^ 
ce  font  des  indices  favorables. 

Le  charbon  minéral  fe  trouve  ou  par  couche  ou  par  veines  dans 
l'intérieur  de  la  terre  :  ces  couches  varient  dans  leur  épaifieur  ,  qui 
n'eft  quelquefois  que  de  deux  ou  trois  pouces  ;  pour  lors  elles  ne 
valent  point  la  peine  d'être  exploitées  :  d'autres ,  au  contraire ,  ont 
une  épaifleur  très-confidérable.  On  dit  qu'en  Scanie,  près  de  Hel- 
fîngbûurg  ,  il  y  a  des  couches  de  charbon  de  terre  qui  ont  jufqu'à 
quarante-cinq  pieds  d'épaifleur.  Ces  couches  ou  veines  fuivent  toujours 
une  diredion  par^.!  ele  aux  différens  lits  des  pierres  ou  de  terre  qui 
îes  accompagnent  i  mais  leur  inclinaifon  varie  au  point  de  ne  pouvoir 
être  déterminée.  On  trouve  des  veines  de  charbon  qui  font  inclinées 
du  levant  au  couchant  de  plus  de  trente  -  fix  degrés  à  l'horizon  , 
quelquefois  elles  fe  relèvent  tput  -  à  -  coup  ,  prennent  une  nouvelle 
diredion ,  rarement  elles  paroifTent  horizontales  ,  mais  décrivent  une 
courbe  en  remontant  jufqu'à  la  furface  de  la  terre  du  côté  oppofé  à 


C  H  A  57 

la  veine  principale,  f^oye^  l'article  Filons  &  celui  de  Couches  de  la 
Terre.  Confidérant  que  les  veines  ou  couches  de  charbon  font 
communément  inclinées  &  ne  fe  rencontrent  point  dans  les  montagnes 
primitives ,  mais  dans  les  fecondaires  ou  dans  les  terrains  qui  avoifi- 
nent  celles-ci  ;  d'après  la  pofition  &  la  forme  de  ces  couches ,  &c. 
nous  fommes  tentés  de  croire  que  le  charbon  minéral  a  pour  bafe  une 
terre  argileufe  qui  a  été  dépofée  par  verfoir  ,  c'eft-à-dire  ,  précipitée 
dans  des  méandres  inclinés ,  que  des  révolutions  locales  avoient 
accidentellement  préparés  :  des  eaux  limoneufes  s'y  précipitant  ,  la 
terre  s'en  fera  féparée  &  aura  formé  les  couches  matrices  du  charbon  , 
de-là  les  feuilletis  plus  ou  moins  épais  de  cette  efpece  de  bitume  terreux: 
la  matière  infiam.mable  minéralifée  (  qui  eft  le  le  bitume  proprement 
dit  )  amafTée  dans  des  cavités  qui  avoifinent  ces  dépôts  de  couches 
matrices  ,  &  produite  par  la  décompofition  des  arbres  réfineux , 
peut-être  aufli  des  infiltrations  de  fubftan ces  tourbeufes,  terres  favon- 
neufes  ,  &c.  cette  matière  inflammable  ,  dis  -  je  ,  fubiiîânt  une 
fermentation  à  l'aide  des  mélanges ,  fe  fera  élevée  comme  au  bain- 
marie  ,  &  aura  paifé  par  les  crevafles ,  les  méandres  ,  en  mafquant 
&  pénétrant  les  couches  matrices  dont  nous  avons  fait  mention  :  c'eft 
probablement  ainiî  que  la  plupart  des  charbons  de  terre  ont  été 
formés  ;  dans  ceux  oii  l'on  trouve  des  empreintes  végétales ,  la  terre 
en  eft  argileufe  ;  &:  dans  ceux  où  l'on  trouve  des  empreintes  animales  , 
foitde  teftacées ,  ou  de  cruftacées ,  &c.  la  terre  en  eft  marneufe  ;  auflî  fait-^ 
elle  eftervefcence  avec  les  acides.  Nous  avons  encore  obfervé  que  le 
bitume  qui  rend  noir  le  charbon  déterre,  n'a  cette  couleur  que  parce 
qu'il  a  touché  immédiatement  à  la  matière  du  feu.  Sa  confiftance  eft 
due  à  la  terre  qu'il  a  pénétrée  ;  car  fi  le  bitume  noir  s'élevoit  à  nud 
dans  les  fouterrains  &  fe  figeoit  loin  du  foyer  ,  il  formeroit  un  bitume 
femblable  à  celui  qui  dégorge  du  fond  des  eaux  ,  &  produiroit  ou 
l'afphalte  ou  le  jayet.  C'eft  le  degré  de  minéraiifation ,  de  concen- 
tration ,  d'évaporation  ,  le  voifinage  ou  l'éloignement  du  feu  local 
qui  produit  des  différences  entre  la  pefanteur  ,  la  confiftance ,  l'odeur 
&  la  couleur  des  bitumes  :  le  naphte  &  le  fuccin  jaune  ne  femblent 
différer  que  par  la  confiftance  :  il  en  eft  de  même  de  Xajphalte  &  du 
jayei  comparés  à  la  pi[!afphaUe  èc  au  maliha.  Le  bitume  qui  a  pénétré 
la  terre  matrice  du  charbon  minéral  étoit  dans  l'état  de  pétrole.  S'il 
n*a  pas  fait  corps  avec  elle,  il  diftille  par  les  crevaffes  ou  dégorge 


5-^  C  H  A 

fur  les  eaux  dans  l'état  de  fluidité  ;  c'eft  la  pétrole  même.  En  un 
mot ,  chacun  de  ces  bitumes  donne  à  ranalyfe  les  mêmes  produits, 
Voyei    chacun  de  ces   mots. 

Lorfqu'on  a  découvert  une  mine  de  charbon  ,  on  perce  deux  puits 
ou  bures  qui  traverfent  les  couches  fupérieures  &  inférieures  de  la 
veine  de  charbon  "  de  terre.  L'un  de  ces  puits  fert  à  placer  une  pompe 
pour  épuifer  l'eau  ,  l'autre  pour  tirer  le  charbon.  Ces  bures  fervent 
aufTi  à  donner  de  l'air  aux  ouvriers  ,  &  à  fournir  une  ifllie  aux  vapeurs 
dangereufcs  qui  ont  coutume  d'infeéler  ces  fortes  de  mines.  Il  y  a 
deux  efpeces  de  ces  vapeurs  ou  exhalaifons  pernicieufes  ,  qui  préfentent 
des  phénomènes  différens  &  très-curieux.  L'on  nomme  l'une  moiiffetc 
ou  poujjc  ,  &  l'autre  feu  brifou.  Voyez  au  mot  Exhalaison  le  détail 
de  leurs  phénomènes  ,  &  les  moyens  que  l'on  emploie  pour  fe  garantir 
de  leurs  terribles  effets.  Comme  peu  de  perfonnes  connoiffent  alTez 
îa  méthode  de  deffécher  les  mines  de  charbon  à  l'aide  de  la  vapeur  de 
l'eau  bouillante  ,  nous  confeillons  de  confulter  la  defcription  de  la 
Machine  qui  fe  trouve  dans  le  (ixieme  volume  à^Q.^  Machines  approuvées 
par  CAcad.    P-oy.  des  Sciences. 

Les  mines  de  charbon  s'embrafent  quelquefois  d'elles-mêmes,  au 
point  qu'il  eft  très-difficile  &  m.ême  impoflible  de  les  éteindre  :  c'eft 
ce  qu'on  peut  voir  en  plufîeurs  endroits  d'Angleterre,  où  il  y  a  des 
mines  de  charbon  qui  brûlent  depuis  un  nombre  d'années.  La  mine 
'de  Z"^ickau  en  Mifnie  brûle  depuis  plus  d'un  fiecle.  Ces  embrafemens 
font  caufés,  tantôt  par  fapproche  des  lampes  des  ouvriers  qui  travail- 
lent dans  les  mines  &  qui  mettent  le  feu  à  des  vapeurs  inflammables 
qui  en  fortent,  voye^  à  V article  Exhalaisons  minérales  ;  tantôt 
l'embrafement  fpontané  eft  dû  à  îa  décompoiition  des  pyrites  qui  s'y 
trouvent,  roj/Ê^  Pyrites.  Peut-être,  en  rapprochant  cette  dernière 
circonfcance  de  celle  de  la  formation  des  bitumes  ,  tzc,  trouverait-on 
une  explication  très  -  naturelle  de  la  formation  à^s,  volcans  &  de  1h 
caufe  de  certains  tremhletnens  de  terre. 

Le  charbon  de  terre  eft  d'une  très-grande  utilité  dans  divers  ufages 
de  la  vie.  On  s'en  fert  pour  le  chauffage  &  pour  cuire  les  allmerîs  dans 
les  pays  où  le  bois  n'eft  pas  commun  ,  comme  en  Angleterre  &  en 
Suéde.  Plufîeurs  arts  &  métiers  en  font  ufage.  Les  Maréchaux ,  Ser- 
ruriers, &  en  général  tous  ceux  qui  travaillent  le  fer,  lui  donnent 
la  préférence  à  caufe  de  la  vivacité  &  de  la  durée  de  fa  chaleur.  On 


CHA  5P 

Remploie  dans  des  Verreries  :  on  l'eftime  fur-tout  pour  cuire  la  brique 
^  les  tuiles.  On  en  chauffe  avec  fuccès  des  fours  à  chaux  ;  &:  depuis 
quelque  temps  les  Anglois  ont  trouvé  le  moyen  de  s'en  fervir  dans 
le  traitement  des  mines  de  fer.  On  l'emploie  aufli  pour  la  rédudion 
des  autres  métaux.  Il  faut  pour  cela  qu'il  ne  contienne  que  très-peu 
Qu  même  point  de  parties  fultureufes ,  mais  beaucoup  de  matière 
bitumineufe.  Wright  ,  dijjlrt  dt  Fcrro.  On  peut  le  delîbufrer  en  le 
faifant  brûler  ,  comme  on  brûle  le  bois  pour  faire  du  charbon  ;  alors 
il  eft  fec,  fpongieux,  d'un  gris  noirâtre  ,  plus  léger  ,  plus  volu- 
mineux :  tel  eft  le  charbon  minéral  préparé  que  les  Anglois  appellent 
coacks. 

On  a  prétendu  que  la  grande  quantité  de  vapeurs  qui  s'élèvent  du 
charbon  déterre,  dont  en  fait  un  fi  grand  ufage  à  Londres,  occa- 
flonnoit  la  maladie  connue  en  Angleterre  fous  le  nom  de  Confomptïon^ 
Il  eft  vrai  que  ValUrius  &  Ho^man  ont  obfervé  que  la  phthifie  & 
autres  maladies  confomptives  ont  été  moins  communes  en  Saxe,  &  ne 
font  prefque  point  connues  en  Suéde  depuis  l'ufage  du  charbon  de 
terre  ;  mais  il  peut  fe  trouver  dans  les  charbons  de  terre  de  quelques, 
pays  des  matières  étrangères  pernicieufcs  qui  ne  fe  trouvent  point  dans 
d'autres,  &  nous  croyons  que  les  charbons  à  gorge  de  pigeon  font 
très-dangereux  à  brukr  cans  un  endroit  clos  &  peu  fpacieux.  Ces 
couleurs  font  cucg  à  des  iiihi.lations  ,  &  il  n'eft  pas  rare  de  trouver 
dans  de  tels  charbons  du  gypfe  ou  delà  félénite  ,  du  foufre  en  nature, 
de  la  pyrite  ou  des  eiftorefcences  vitrioliques  ;  tel  eft  celui  du 
Rouergue  ,  proche  Sevérac  ,  qui  contient  le  quart  de  fon  poids  de 
vitriol  de  mars  tout  formé  :  on  en  trouve  aufli  dans  les  houiilieres 
de  la  Picardie. 

CHAKEON  VÉGÉTAL  &  FOSSILE.  C'eft  un  charbon  curieu:îç 
parle  lieu  où  on  le  trouve,  &  dont  la  f  rmation  peut  être  propofée 
en  problème  aux  iJaturaliftes.  Près  de  la  ville  û'Altorf  en  Franconie, 
au  pied  û'une  montagne  couverte  de  pins  &  de  fapins  ,  on  voit  une 
ouverture  profonde  qui  forme  ime  efpece  d'abîme  ,  que  l'on  a  nommé 
temple  du  Di.iblc  ou  de  Diane,  On  a  trouvé  dans  ce  lieu  de  grands 
charbons  ,  femblables  à  du  bois  d'ébene  ,  épars  çà  &  là  dans  une 
efpece  de  grès  fort  dur;  en  continuant  la  fouille  on  en  trouva  de: 
femblables  épars  dans  l'efpace  d'une  demi-lieue ,  &  d'autres  renfermés 
dans  de.  la  terre  argileufe..  Ces  charbons  étoient  difpofés  horizonta-- 


40  CHA 

lement ,  &  il  s'en  trouvoit  de  plus  ou  moins  longs  ;  il  y  avoit  une 
grande  quantité  de  pyrites  fulfureufes  auprès  de  ces  charbons  , 
quelques  -  uns  en  étoient  tellement  pénétrés  ,  qu'ils  tomboient  en 
efflorefcence.  Ces  charbons  étoient  pefans  ,  compares  :  on  a  eflayé 
avec  fuccès  de  s'en  fervir  pour  forger  du  fer.  Le  feu  les  réduit  en 
une  cendre  blanche  ,  dont  on  retire  par  la  leflive  un  alkali  fixe. 
Il  s'eft  trouvé  quelques  morceaux  qui  n'étoient  point  entièrement 
réduits  en  charbon  ,  Tautre  moitié  n'étoitque  du  bois  pourri.  D'après 
cet  expofé  il  y  a  lieu  de  penfer  que  des  forêts  ayant  été  renverfées 
&  enfouies  par  des  éruptions  de  feux  fouterrains  ,  une  portion  de 
ces  forêts  aura  été  réduite  en  charbon  par  l'effet  de  ces  mêmes  feux, 
dont  nous  tâchons  d'expliquer  la  caufe  aux  mots  Tremblement  de 
TERRE  Se  Volcan. 

CHARBONIER  ou  KOOL-FISCK,  Foy.  Morue  noire  à  T article 
Morue. 

CHARBONIER  ou  Serpent  a  collier  ,  natrix  ,  eft  un  ferpent 
aquatique ,  médiocrement  gros  ,  mais  afTez  long.  Sa  tête  eft  un  peu 
large  &  plate ,  moufle  par  le  bout  :  fa  gueule  fort  ample  eft  munie 
de  petites  dents  crochues  tournées  vers  le  gofier.  Le  collet  eft  menu, 
tacheté  de  jaune  ,  blanchâtre  en  defTus  ,  &  formant  le  demi-cercle. 
Ce  demi  collier  eft  proprement  la  marque  caradériftique  de  ce 
ferpent.  Les  écailles  de  la  tête  font  fort  larges  &  plus  foncées  que 
celles  du  refte  du  corps.  Le  ventre  eft  renflé  &  diminué  de  groffeur 
jufqu'à  la  queue  ,  qui  eft  fort  déliée.  Le  dos  eft  de  couleur  noirâtre  ; 
quelquefois  d'un  gris-brun  :  le  deflous  du  corps  ,  près  de  la  tête, 
eft  blanchâtre  ;  les  côtés  font  garnis  de  points  noirs.  Le  ventre  eft 
varié  de  blanc  ,  de  bleuâtre  &  de  noir  ;  les  taches  noires  augmentent 
en  nombre  &  en  grandeur  jufqu'à  Varius.  Les  écailles  de  la  queue 
font  tout-à-fait  noires  ;  le  defTus  du  corps  eft  couvert  de  petites 
écailles  bigarrées  de  lignes  noires  ,  &  qui  montent  de  diftance  en 
diftance  vers  le  milieu  du  dos.  On  lui  compte  cent  foixante-dix-fept 
bandes  écailleufes  fous  le  ventre  ,  &  quatre-vingt-cinq  écailles  à 
la  queue. 

Le  ferpent  à  collier  ne  fent  pas  mauvais  ,  &  on  le  manie  fans  aucun 
danger.  En  1764  ,  nous  en  avons  élevé  un  qui  ,  dès  qu'on  lux 
préfentoit  le  doigt  ,  s'y  entortilloit  promptement  ;  il  careflbit  les 
lèvres  humeâ:ées  de  faliye  ,  entroit  tantôt  dans  notre  chemife  ,  & 

tantôt 


CHÂ  41 

tantôt  fe  gliflbit  fous  notre  bonnet  de  nuit ,  &  y  reftoit  comme  caché. 
Cet  animal  eft  ovipare  :  il  dépofe  fes  œufs  dans  des  trous  expofés  au 
midi,  furies  bords  des  eaux  croupifïantes ,  ou  plus  ordinairement  dans 
des  couches  de  fumier.  Ces  œufs  font  gros  comme  des  œufs  de  pie  : 
ils  font  collés  enfemble  par  une  matière  gluante  ,  en  forme  de  grofle 
grappe  quarrée ,  compofée  de  dix-huit  à  vingt  œufs  oblongs ,  entre 
lefquels  il  y  en  a  de  vides  ou  clairs  ;  &  qui  étant  mis  dans  feau ,  y 
furnagent ,  tandis  que  les  autres  qui  font  pleins ,  vont  au  fond  de 
l'eau.  Chaque  œuf  eft  couvert  d'une  membrane  mince,  mais  compade, 
&  d'un  tiflli  ferré.  Il  contient  un  petit  ferpent  roulé  fur  lui-même  , 
&  entouré  d'une  matière  femblable  à  du  blanc  d'œuf,  avec  un  placenta, 
dont  le  cordon  ombilical  tient  au  bas-ventre ,  environ  à  un  pouce  de 
diftance  de  Vanus.  Si  l'on  ouvre  l'œuf ,  l'animal  en  fort  d'abord 
immobile  ,  puis  il  s'alonge  &  remue  ,  mais  fans  pouvoir  ramper.  Le 
petit  ferpent  ne  fort  communément  de  fon  œuf  qu'après  que  cette 
enveloppe  féminale  a  été  fuffifamment  échauffée  par  les  rayons  du 
fbleil  ,    ou  par  la  chaleur  du  fumier. 

Ce  ferpent  rampe  fur  la  terre  &  nage  dans  l'eau  avec  aflez  d'agilité  î 
il  fe  plaît  dans  les  lieux  humides  ,  &  dans  les  buiflbns  en  été  ;  mais 
en  hiver ,  il  demeure  comme  engourdi  dans  les  trous  au  pied  des 
haies  ,  quelquefois  auprès  des  maifons  :  il  vit  fur  terre  &  dans  l'eau  : 
il  aime  le  lait,  mais  il  fe  nourrit  ordinairement  d'herbe  ,  de  fourmis, 
de  fouris  ,  de  lézards  &  de  grenouilles.  L'ouverture  de  fa  gueule , 
le  golierôc  l'œfophage  font  fufceptibles  d'une  extrême  dilatation;  aufil 
dès  que  ce  ferpent  a  faifî  une  petite  grenouille  ,  elle  a  beau  faire  des 
efforts  pour  lui  échapper  ,  il  faut  qu'elle  paffe  fans  être  mâchée. 
Toutes  les  parties  de  cet  animal  font  fudorifiques  &  purifient  le 
fang.  On  l'appelle  quelquefois  fcrpmt  d'eau ,  couUuvn  ferpcntim  Sc 
anguille  de  haie. 

CHARBONNIERE.  Voye^  Méfange. 

CHARDON  DE  MER.Efpece  de  grand  ourfm  de  la  Méditerranée. 
Voye-i  Oursin    de  mer. 

CHAPvDON  ,  carduus.  Genre  de  plantes  compofées  :  les  feuilles  de 
leur  enveloppe  font  bordées  d'épines ,  au  moins  vers  leur  extrémité, 
ou  terminées  par  une  pointe  duie  &  piquante.  Leurs  fleurons  font 
prefque  tous  hermaphrodites  ;  &  ce  qui  leur  eft  particulier ,  c'eft 
qu'ils  font  fertiles  ,  quoiqu'ils  n'aient  fouvent  qu'un  ftigmate  5  les 
Tome  IL  F 


42  CH  A 

fleurs  radiées ,  au  contraire ,  ne  font  fertiles  que  lorfqu'eîles  en  ont 
deux.  On  place  parmi  la  fedion  des  chardons  le  carthame  ,  lacarline, 
la  chaujje  trape  ,    &c.  Fuye:^ces  mots  &  l^s  articles  Chardon. 

CHARDON  AUX  ANES,  ou  C  HAKDON  HEMOUROIDAL, 
carduus  vinearum  repcns,  C'eft  une  espèce  de  drfiitm  qui  croît  entre  les 
vignes  ;  fa  racine  ell:  noirâtre  &:  rampante  ,  de  même  que  fa  tige 
qui  eft  blanchâtre  &:  haute  d'un  pied.  Ses  feaillvis  ,  qui  leiTemblent 
â  celles  du  laitron  doux,  font  longues,  d'un  vert  noirâtre  en-dcfl'us, 
blanches  &  lanugineufes  en  -  deilous  ,  découpées  &  piquantes  ;  fes 
rameaux  portent  aux  extrémités  des  tètes  écailleufes ,  plus  grofles 
que  des  glands  de  chêne  ,  fans  épines  ,  chargées  d'un  bouquet  de 
petits  fleurons  rougeâtres  ,  découpés  en  lanières  ;  il  fuccede  à  ces 
fleurs  des  femences  garnies  chacune  d'une  aigrette.  Cette  plante  eft 
apéritive  :  les  ânes  ne  la  recherchent  pas  tant  que  le  chardon  commun  ; 
on  prétend  que  fa  tcte  féchée  &  portée  dans  la  poche  ,  guérit  les 
hémorroïdes  ;  mais  cette  vertu  efl:  une  idée  populaire ,  abfurde  & 
contraire  aux  lumières  delà  faine Phyfique  ;  il  faudroit  de  prodigieufes 
émanations  pour  produire  un  effet  aufii  fenfible.  Le  Chardon  beau  , 
polyacanthus  ,  décrit  par  Cafabona  ,  Herborifle  du  Duc  de  Florence, 
ne  difl~ere  du  chardon  aux  ânes  que  par  {qs  feuilles  plus  grandes  ôc 
plus  chargées  û'épines  jaunâtres ,  rangées  par  intervalles  deux  à  deux 
eu  trois  à  trois ,  ou  quatre  à  quatre.  On  le  nomme  aufli  poly acanthe^ 

CHARDON  BÉNI  ,  carduus  hnedicîus.  Cette  plante  fi  vantée 
naît  dans  les  bonnes  terres  ;  on  la  cultive  aufli  dans  les  jardins.  Sa 
racine  efl  blanche  ,  diviiée  en  plufieurs  branches  ,  &  fibrée  ;  fes 
feuilles  font  découpées  prefque  comme  celles  du  piflenlit ,  fort  ameres  , 
velues,  ôc  terminées  par  des  épine:  molles  &  courtes;  fa  tige  efl  rameufe, 
branchue,  velue  ,  haute  de  deux  pieds  &  demi;  (qs  fleurs  font  grandes, 
à  Pleurons  jaunes ,  découpés  en  lanières ,  &  enfermés  dans  des  têtes 
écailleufes  ;  fes  lemences  font  longues,  cannelées ,  jaunâtres  ,  garnies 
chacune  d'une  aigrette  :  il  n'y  a  guère  que  les  feuilles  ,  les  femences 
&  les  fommets  de  cette  plante  d'ulage  en  Médecine.  Le  chardon 
béni  eft  un  bon  fudorifique  ,  un  puifilmt  alexitere  &  fébrifuge.  Sa 
décodion  rend  l'urine  épaifle  &  fétide  :  on  prétend  qu'elle  rend 
l'éruption  de  la  petite  vérole  facile  &  heureufe.  Mais  M.  Bourgeois 
oblerve  qu'elle  eft  plus  nuifible  qu'utile  :  c'eft  ,  dit- il,  un  remède 
très-chaud,   &  très- propre  à  allumer  la  fièvre  de  l'éruption,  qu'on 


CHA  43 

doit  plutôt  chercher  à  calmer.    Il  prétend  encore  qu'on  doit  éviter 
les  fudorifiques  &  la  Tueur  :  mais  fi  le  cas  demandoit  d'exciter  l'éruption 
par  un  défaut  de  fièvre ,   ce  qui  eft  très  -  rare ,  il  faudroit  préférer 
l'eau  diftiilée  de  cette  plante  ,   qui  eft  moins  chaude  &  plus  tempérée 
que  fa  décoclion.    Tout  le    fuc    de   cette    plante  eft  fort  amer.   Le 
chardon  béni  des  Américains  eft  l'argemone.  Foye^^  Pavot  épineux. 
CHARDON  A  BONNETIER ,  ou  A  FOULON ,  ou  A  CARDER, 
dipfacus  fativus  ,  feu  carduus  fullonum.    Cette  plante  ,  que  l'on  nomme 
encore  vcr^c  a  bercer ,    eft  ou  cultivée ,   ou  fauvage.    I^a  première  eft 
blanche ,   unie ,    d'une  longueur  médiocre ,  pouflant  une  tige  haute 
déplus  de  quatre  pieds  ,  droite,  folide  ,  creufe,  fillonnée  ,  épineufe,  & 
grofTe  com.me  le  pouce  ;    fes  feuilles   font  deux   à   deux  ,    grandes  , 
vertes ,   épineufes   par  les  bords ,  &  tellement  unies  enfemble  autour 
de  la  tige  ,  qu'elles  font  une  cavité  propre  à  recevoir  l'eau  de  l'atmof- 
phere  fi  néceffaire  à  cette  plante  ;   l'extrémité  des  tiges   eft  garnie  de 
têtes   oblongues  ,  groffes  comme  un  œuf  de  canne  ,  garnies  de  pointes 
très-roides  &  un  peu  recourbées ,  divifées  régulièrement  comme  des 
cellules  d'une  ruche  ,   par  des  balles  pliées  en  gouttière  &  pointues, 
aflembiées  fur  un  placenta  alongé  ;  les  intervalles  renferment  un  fleuron 
à  quatre étamines ,  découpé  en  plufîeurs  parties ,  blanc  ou  purpurin, 
engagé  dans  un   calice  particulier  ,    qui  porte    fur    un    embrion   de 
graine  qui  fe  change  en  une  femence  cannelée  comme  celle  du  fenouil, 
&  amere  ;  les  têtes  blanchifTent  en  veillilTant ,  &  quand  on  les  ouvre 
par  le  milieu  ,  on  y  trouve  toujours  des  vermifleaux.  Ces  têtes  hérilïees 
font  d'un  grand  ufage  ;  elles  fervent  aux  Bonnetiers  pour  draper  les 
bas  ,  &;  aux  Cardeurs-Couverturiers ,    pour  peigner  les  draps.  Il  eft 
défendu  ,  par  les  Rc^lemens  généraux  &   particuliers ,  d'en  fortir  du 
Royaume.  Cette  plante  eft  eftimée  anti-putride  &  diurétique  comme 
Tafperge,    La  deuxième  efpece  eft  fauvage,    plus  petite;  fes  feuilles 
font  plus  molles  ;   les  écailles  ne  font  ni  fermes  ni  crochues,  La  liqueur 
que  contient  le  bafiin  des   feuilles  de  la  tige  ,   eft  eftimée  comme  un 
bon  cofmétique  ;   c'eft  ce  qui  a  fait  donner  au  chardon  à  bonnetier, 
le  nom  de  bain  ou  de  cuve  de  Vénus,  Au  refte,   ces  deux  fortes  de 
plantes,   dit   M.   D&lcu7^e ,   forment    un   genre  à  part,    différent    de 
celui  du   chardon  ,    te  de  clafle   difi-erente. 

CHARDON  COMMUN ,  ou  EPINE  BLANCHE  SAUVAGE , 
ou  Chardon  a  feuilles  d  Acanthe  ,  fpina  alba  ,    aut   carduus. 

Fa 


44  CH  A 

foliîs  tomtntojis  ,  feu  ïncanis.  C'eft  une  efpece  de  chardon  qui  croii: 
dans  les  lieux  incultes  j  fa  racine  eft  tendre  &  douceâtre  ;  fa  tige 
haute  de  quatre  à  cinq  pieds  ,  eft  ,  ainfi  que  fes  feuilles  , 
cotonneufe  ,  fort  épineufe  ;  les  fommités  font  terminées  par  des 
têtes  rudes  ,  qui  foutiennent  des  bouquets  à  fleurons  purpurins  , 
comme  dans  les  autres  chardons  ,  mais  dont  il  diffère  parce  que  le 
placenta  eft  nu  &  fans  balles  ,  &  feulement  creufé  de  petites  folfettes 
ou  alvéoles  ,  où  font  implantées  les  graines.  Les  graines  font  garnies 
d'une  aigrette  ,  diverliiiées  ,  d'un  goût  amer.  C'eft  î'efpece  de  chardon 
que  l'âne  préfère  :  elle  fait  une  forte  de  bruit  fous  les  dents  de  cet 
animal.  Sa  racine  eft  apéritive,  carminative,  &  fa  graine  eft,  dit- on, 
anti-épilcptique. 

CHARDON   BLEU.   Voy^i  à  la  fin    de   Vanlck  Chardon 

HOLAND. 

CFIARDON  DORÉ  ,  carduus  foljlitialis.  Ce  chardon  ,  qui  fleurit 
&  entre  dans  fa  vigueur  au  temps  du  folftice  d'été  ,  croît  plus 
ordinairement  aux  pays  chauds.  On  le  cultive  aulli  dans  les  jardins. 
Sa  racine  eft  ligneufe  ;  fa  tige  ,  haute  de  deux  à  trois  pieds  ,  eft 
rameufe,  cotonneufe;  fes  feuilles  &  fes  têtes  reffemblent  à  celles  du 
barbeau  ,  &  font  garnies  d'épines  longues  ,  jaunes  ,  difpofées  ea 
étoiles  ;  la  fleur  &  les  graines  font  femblables  à  celles  de  tous  les 
chardons  :   elle  eft  très-fudorifique. 

CHARDON  ECHINOPE  ,  echinopus  major.  L'échinope  eft  , 
félon  M.  DcUuis ,  d'un  genre  tout -à-fait  différent  des  chardons,  & 
dont  le  caradere  confifte  en  ce  que  les  têtes  font  compofées  de 
fleurons  qui  ont  chacun  leur  calice  propre  ,  droit  &  imbriqué , 
réunis  fur  un  placenta  ordinairement  arrondi  ,  garni  d'un  calice 
commun.     , 

L'échinope  croît  dans  les  endroits  montagneux  &  pierreux.  Sa  racine 
eft  noirâtre  en  dehors  ,  fa  tige  purpurine  &  lanugineufe;  fes  feuilles 
font  oblcngues ,  vertes,  brunes  en-deffus,  blanchâtres  en-defTous  & 
très-découpées,  glutineufes  au  toucher;  les  têtes  font  fphériques,  les 
fleurons  de  couleur  bleue  ,  &  les  graines  oblongues.  On  en  connoît 
encore  deux  autres  efpeces.  La  deuxième  qui  croît  en  Languedoc  y 
eft  plus  petite  que  la  précédente  ;  fa  racine  eft  divifée  en  plufieurs 
têtes  qui  pouffent  chacune  une  tige.  La  troiHeme  eft  annuelle;  fes 
têtes  font  fort  grofles  ce  fphériques  ;  fes  feuilles  en  naiflant  font  chargées' 


C  H  A  4  ^ 

d'un  coton  que  Ton  en  fépare  en  les  faifant  bouillir  dans  une  leflîve 
de  cendres  de  farment.  Ce  coton  ainfl  préparé  ,  fert  de  mèche  ou 
d'amadou  dans  les  Royaumes  de  Valence  &  d'Andaloufie  en  Efpagne. 
Peut-être,  dit  Lcm&ri ,  que  le  moxa  des  Chinois,  qui  n'eft  point 
différent  de  cet  amadou  ,  fe  tire  de  l'armoife  de  cette  manière.  Ses 
feuilles  font   propres  pour  la  pleuréfîe  &:  la  goutte  fciatique.  Voye:^ 

Moxa. 

CHARDON  ETOILE  ,  ou  CHAUSSE  -  TRAPE  ,  cakhrapa. 
Cette  plante  ,  qu'on  trouve  fréquemment  dans  les  champs  aux 
environs  de  Paris  ,  eft ,  félon  quelques-uns ,  appellée  ainfi  ,  de  ce 
que  fon  calice  fleuri  refl'embîe  aux  chaufle-trapes  de  guerre  ;  elle  a 
des  racines  cordées  intérieurement ,  une  tige  haute  de  trois  pieds  , 
des  feuilles  découpées  profondément  comme  celles  du  coquelicot  , 
très-ameres  ;  les  têtes  fleuries  font  dans  un  calice  écailîeux  ,  pointu 
&  term.iné  par  des  épines  roides ,  difpofées  en  forme  d'étoiles  ',  les 
fleurons  de  la  circonférence  font  fliériles ,  les  femences  font  garnies 
d'aigrettes  :  cette  plante  efl:  f.idorifique,  propre  à  lever  les  obfl:ruâ:ions, 
fébrifuge ,  &  fort  recommandée  pour  prévenir  les  douleurs  de  la  né-- 
phrétique.  Il  y  a  auûi  le  chardon  étoile  à  fleurs  jaunes ,  &  à  feuilles 
d'aubifoin. 

CHARDON  A  FOULON ,  ou  A  CARDER.  Foyc^  Chakdoh 

A    BONNETIER. 

CHARDON  DES  INDES  OCCIDENTALES ,  ou  MELON  A 
CHARDON  ,  mdocacius  Americana.  Cette  plante  d'Amérique  n'eft 
point  un  chardon  :  elle  efi:  d'une  forme  aufli  merveilleufe ,  qu'étrange 
&  bizarre.  Elle  reflemble  à  un  gros  melon  tout  hérifTé  de  piquans  & 
planté  immédiatement  fur  la  terre.  Elle  nait  ordinairement  fur  les 
rochers  ,  ou  dans  des  lieux  fecs  &  arides.  Sa  racine  efl:  un  corps  de 
plufieurs  grofies  fibres,  blanches,  ligneufes  &  branchues  ,  d'où  fort 
une  ma{fe  groffe  comme  la  tête  d'un  homme  ,  rarement  ronde  ,  mais 
ovale  ou  en  pain  de  fucre.  La  furface  extérieure  efl:  toute  cannelée 
à  la  façon  de  nos  melons ,  les  côtes  en  font  plus  relevées  &  toutes 
ondées  par  divers  plis  ,  entre  lefqueîs  naififent  des  écuflons  cotonneux 
d'où  fortent  deux  aiguillons  prefque  offeux  ,  longs  d'un  pouce ,  blancs  , 
mais  rouges  par  la  pointe.  La  peau  qui  recouvre  cette  mafTe  efl:  verte 
&  comme  ornée  de  petits  points  ,  l'intérieur  efl:  maffif ,  charnu  ,  d'une 
fubftance  blanche  &  fucculente.  Du  fommet  de  cette  msfle  fort  une 


j^^  CH  A 

manière  de  cylindre  haut  de  dix  pouces  &:  épais  de  trois.  L'intérieur  de 
ce  cylindre  eften  partie  charnu  &  enpartiecbmporé  d'un  coton  très-blanc, 
très-fin,  &  rempli  de  petites  épines  dures  &  rouge?.  Le  fommet  du  cylindre 
eft  arrondi  comme  la  coifie  d'un  chapeau  &  comparti  d'une  manière 
très-agréable.  On  diroit  un  réfeau  formé  de  plufieurs  rayons  courbés 
qui  fe  croifent  en  tous  fens.  Dans  chaque  lofange  on  voit  fortir  une 
fleur  très-rouge  ,  quelquefois  fimple  ,  d'autres  fois  double ,  faite  en 
cloche  &  divifée  en  plufieurs  fegmens.  A  ces  fleurs  fuccedent  des 
fruits  également  rouges  de  la  grolïeur  &  figure  d'une  clive.  La  chair, 
qui  contient  quantité  de  petites  graines  noires  ,  efî:  fort  tendre , 
fucculente  ,  blanche  ,  &  d'un  goût  acide  très-agréable  qui  plaît  allez 
aux  Américains.  Quand  ce  fruit  efl;  mûr  de  qu'il  commence  à  fortir 
de  fa  capfuîe  ,  on  diroit  alors  un  rubis  enchâllé.  On  a  bien  de  la 
peine  à  multiplier  cette  plante  en  Europe.  Confultez  Miller. 

CHARBON  MARIE  ou  DE  NOTRE-DAME,  ou  ARTICHAUT 
SAUVAGE  ,  carduus  marianus.  Cette  plante  qui  vient  communément 
aux  environs  de  Paris  dans  les  lieux  champêtres  &  incultes  ,  eil 
encore  connue  fous  le  nom  de  chardon  argentin.  Sa  racine  efi:  longue, 
épaiHe  ,  fucculente  ,  pouffant  une  tige  de  la  groffeur  du  doigt  , 
cannelée  ,  couverte  de  duvet ,  haute  de  trois  à  quatre  pieds.  Ses 
feuilles  font  larges,  longues,  crénelées  &  garnies  de  pointes  luifantes  , 
verdâtres  &  tachetées  de  lignes  te  points  blancs.  Ses  fleurs  naiiïènt 
au  fommet  des  rameaux  dans  une  manière  de  tète  armée  de  pointes 
dures  &  aiguës.  Le  total  forme  un  bouquet  de  fleurons  évafés  par 
le  haut  ,  découpés  en  lanières  ,  &  de  couleur  purpurine  :  il  leur 
fuccede  des  graines  femblables  à  celles  du  carthams  ,  garnies  d'aigrettes 
&  douces  au  goût  :  c'efl  un  allez  bon  fudorifique  &  fébrifuge.  On 
fait  plus  d'ufage  de  fa  femence  que  des  feuilles.  C'ePc,  félon  M. 
Bourgeois ,  un  excellent  remède  ,  foit  en  poudre  ,  avec  la  poudre 
tempérante  de  Stahl  ,  foit  en  émulfion  avec  les  femences  froides  , 
dans  les  points  de  côté  inflammatoires  &  dans  toutes  les  efpeces  de 
fièvres  exanthématiques. 

CHARDON-ROLAND  ou  CHARDON  A  CENT  TÊTES, 
ou  PANICAUT  ,  erjngium.  Cette  plante  qui  vient  en  abondance  dans 
les  champs  &  le  long  des  chemins  ,  aux  lieux  fablonneux  &  aux 
rivages  de  la  mer  ,  a  une  racine  longue  d'un  pied  ,  de  la  groffeur  du 
doigt ,  tendre  ,  ayant  à  fon  milieu  une  corde  ou  nerf  folide ,  noirâtre 


CHA  47 

en  dehors ,  blanchâtre  en  dedans  ,  d'une  faveur  douce  :  elle  poulTe 
une  tige  cannelée  ,  haute  d'un  pied  &  demi ,  remplie  d'une  moelle 
blanche  &  garnie  de  rameaux  tout-autour.  Ses  feuilles  font  alternes  , 
larges,  unies,  verdâtres ,  légèrement  aromatiques  ;  découpé. s  pro- 
fondément des  deux  côtés  en  lanières,  &  garnies  dans  leurs  crenelures 
de  pointes  rondes.  Les  fomimets  font  chargés  d'un  nombre  de  têtes 
épineufes  ,  lefquelles  foutiennent  des  fleurs  blanchâtres  à  cinq  feuhles 
difpofées  en  rofe.  A  ces  fleurs  fuccedent  des  graines  doubles  &  ovaI:;s, 
applaties  du  côté  qu'elles  fe  touchent  ,  convexes  &  cannelé;;;::  de 
l'autre  :  au-defibus  de  ces  têtes  font  des  feuilles  plates  ,  en  rond  , 
ftriées,  pointues  &  épineufes.  Lorfquc  la  plante  efl:  mure,  elle  eit 
arrachée  par  la  violence  du  vent  &  emportée  au  travers  des  champn. 
Toutes  fes  parties  font  d'ufage  en  Médecine  ,  &  fur-tout  la  racine  qui  efl: 
diurétique,  néphrétique, propre  à  exciter  les  règles  &  l'amour:  on  la  confit 
&  on  la  fait  prendre  avec  fa  graine  pour  remédier  à  l'impuifTance. 
Elle  eft  au  nombre  des  cinq  petites  racines  apéritives  ,  qui  font  le 
chiendent^  le  câprier,  la  garence  ,  V  arrête-bœuf  &  le  chardon-rcland  i 
les  cinq  grandes  racines  apéritives  font  ïuche  ,  Vafperge ,  le  fenouil ,  le 
perjîl  &  le  petit  houx.  Voyez  chacun  de  ces  mots. 

Il  faut  obferver  ,  dit  M.  Deleu^e  ,  que  Veryngium  n'efl;  pas  un 
chardon  à  proprement  parler.  Ce  genre  forme  une  efpece  de  nuance 
jçntre  les  plantes  à  fleurs  aggrégées  &  la  clafTe  des  ombelliferes  ,  à 
laquelle  il  appartient  par  la  firuclure  de  fes  fleurs  ,  qui  font ,  comme 
toutes  celles  de  cette  clafie  ,  compofées  de  cinq  étamines ,  deux 
piftils ,  d'une  corolle  à  cinq  feuilles  &  d'un  calice  placé  au  -  deflTus 
du  germe ,  qui  devient  un  fruit  form.é  de  deux  graines  réunies  ; 
mais  il  diffère  de  tous  les  autres  genres  de  cette  clafle  ,  parce  que  fes 
fleurs  font  rafl'em.blées  fans  pédicule  fur  un  placenta  comm.un  conique  , 
&  féparées  entr'elles  par  des  balles.  Des  diverles  efpeces  de  ce  genre^ 
celle  que  nous  avons  déc-rite  ci-delliis  efl:  la  plus  commune. 

Il  y  a  une  forte  d'eryrigium  marin  ou  panicaut  de  mer  ,  eryngium 
marinum  ,  lequel  croît  communément  fur  les  côtes  méridionales  &: 
feptentrionales  de  la  mer.  Elle  a  beaucoup  de  rapport  avec  la  précédente 
par  fes  têtes ,  fes  fljurs  &  fes  graines  ;  mais  elle  eft  diMerente  par  fes 
tiges  qui  font  courbées  vers  la  terre,  &  par  fes  feuilles  qui  font  rondes, 
entières  &  très- épineufes  à  leurs  bords,  un  peu  iemblables  à  elles 
de  la  mauve.   Ses  racines  font  charnues ,    odorantes  ;  elles  lont  fort 


■'% 


48  CHA 

eftimées  en  conferve  pour  la  phchiiie,  &  aufîî  pour  exciter  à  Tade 
vénérien. 

Gn  trouve  fur  les  Alpes  une  belle  efpece  dV^^/z^'^-^w  qu'on  y  appelle 
chardon  hhu.  Selt)n  M,  DcUu^e. ,  Ta  tige  eft  droite  &  fes  feuilles  plus 
molles  que  celles  des  efpeces  précédentes:  à  la  racine  &  au  bas  de  la  tige 
elles  font  entières  :  celles  du  haut  de  la  tige  font  refendues.  La  tête 
des  fleurs  eft  cylindrique ,  bleuâtre  ;  mais  ce  qui  rembellit  eft  la  fr-aife 
qui  l'accom.pagne  ,  formée  d'un  grand  nombre  de  feuilles  étroites , 
découpées  ,  colorées  de  bleu ,  fur  -  tout  à  l'extrémité ,  &  qui  en  fe 
relevant  forment  autour  de  la  tête  une  efpece  de  vafe  à  claire  voie* 

CHAKDONNETTE.  Ffpece  de  chardon  fauvage  à  larges  feuilles. 

CHARDONNERET  ,  cardudïs.  Genre  de  petit  oifeau  fort  agréable 
par  fes  belles  couleurs  &  par  fon  chant.  On  en  diftingue  de  plufieurs 
efpeces,  qu'on  trouve  ou  en  Suéde  ou  en  Laponie  ,  ou  en  Ingermanie, 
&  même  en  A^mérique.  Ce  petit  oifeau  ,  nommé  chardonneret  de  ce 
qu'on  le  voit  communément  dans  les  chardons ,  dans  les  épines ,  & 
qu'il  vit  en  partie  de  leurs  femences ,  eft  plus  petit  que  le  pinfon  , 
à-peu-près  de  la  groffeur  du  tarin.  Son  plum.age  eft  joliment  diver- 
fifié  :  il  a  fur  le  devant  de  la  tête  &  à  la  gorge  des  marques  rouges; 
le  haut  de  fa  tête  eft  noir  ,  les  tempes  font  blanches ,  les  ailes  noires 
6t  bigarrées  de  blanc  :  on  voit  une  bande  jaune  çà  &  là  dans  les 
grandes  plumes.  Le  mâle  a  la  gorge  ,  le  dos  plus  noirs,  &  la  tête 
plus  longue  que  la  femelle. 

Les  chardonnerets  vont  en  troupe  ,  vivent  plufieurs  enfem.ble  & 
font  leur  nid  dans  les  buiiTons  &  les  arbrifTeaux;  ils  pondent  fixou  huit 
œufs  ;  ils  couvent  jufqu'à  trois  fois  l'an  ,  en  Mai,  en  Juin  &  en  Août: 
cette  dernière  couvée  eft  la  meilleure.  Les  chardonnerets  vivent  jufqu'à 
vingt  ans.  Plus  ils  font  niais  étant  jeunes  ,  meilleurs  ils  font  pour 
être  élevés  en  cage  :  le  langage  de  ces  petits  chanteui  s  eft  très-agréable. 
Si  on  les  met  auprès  d'une  linotte  ,  d'un  ferin  ou  d'une  fauvette  , 
leur  chant  fe  coupe  ,  &  par  fa  variété  il  forme  une  efpece  de  petit 
concert.  Il  y  a  des  Oifeliers  qui ,  pour  varier  ces  petits  individus  , 
mettent  en  cage  un  chardonneret  mâle  avec  un  ferin  des  Canaries  fe- 
melle ;  bientôt  après  leur  accouplement  ils  produifent  un  oifeau 
mulâtre  ,  carduclis  hybrida.  Le  chardonneret  privé  ou  non  privé  fait 
fon  nid  avec  de  la  moufle  ,  de  la  laine  ,  &  le  garnit  en  dedans  de 
toutes  fortes  de  poils  :  il  s'élève  en  cage  comme  le  ferin. 


C  H  A  41) 

Au  cap  de  Bonne  -  Efpérance  on  diftingue  un  joli  chardonneret  ; 
grisâtre  en  été  ,  d'un  noir  mêlé  d'incarnat  en  hiver.  Le  mâle  &  la 
femelle  fe  chériflent  très-tendrement  ;  ils  ne  s'écartent  point  l'un  de 
l'autre.  Ils  font  un  nid  de  coton ,  &  ils  le  divifent  en  deux  apparte- 
mens  :  la  femelle  occupe  la  partie  de  rez  -  de  -  chauffée ,  &  le  mâle 
l'étage  plus  élevé.  Il  y  a  aulîi  des  chardonnerets  à  tête  blanche  ,  à 
tête  variée  ,  à  tête  noire  ;  d'autres  font  tout  blancs  ou  tout  noirs  ou 
jaunâtres.  Le  chardonneret  du  Canada  reflemble  beaucoup  à  un  ferin  dont 
la  queue  ,  les  ailes  &  la  tête  feroient  noires. 

CHARENÇON,  CHARANSON,  Calandre  ou  Chate-peleuse 
ou  cossoN  ,  en  latin  curcuLio»  C'eft  un  petit  coléoptere  à  étui  ; 
c'eft  un  petit  fcarabée  ovipare  qui  multiplie  fînguliérenient  ,  ennemi 
de  nos  blés ,  fléau  terrible  qui  ,  fans  des  foins  prefque  continuels  , 
détruiroit  la  farine  de  nos  grains  dans  les  granges ,  &  les  réduiroit 
en  un  tas  de  fon.  Cet  infeéle  eft  brunâtre;  il  eft  long  à -peu -près 
d'une  ligne  &  demie  ;  fa  largeur  eft  proportionnée.  Sa  tête  eft  alongée 
en  forme  de  trompe  ou  comme  armée  d'une  pointe  longue ,  menue  , 
qu'il  introduit  dans  les  grains  des  blés  pour  fe  nourrir  de  la  fubftance 
fàrineufe.  A  l'extrémité  de  la  trompe  font  les  antennes  &  les  mâ- 
choires; ce  qui  conftitue  le  principal  caradere  de  ce  genre  d'infedes ,' 
dont  il  y  a  plufieurs  efpeces.  Cet  infecle  _,  avant  de  pàroître  fous  cette 
forme  de  fcarabée  ,  a  paru  fous  celle  de  ver  ,  fe  nourrifTant  auiîi  de  la 
fubftance  du  blé,  même  des  fèves,  des  pois,  des  lentilles  &  plufieurs 
autres  graines ,  qui  toutes  attaquées  par  cet  infeéle,  nagent  au-de(îus 
de  l'eau ,  tandis  que  les  autres  tombent  au  fond.  Ces  ver^ ,  ou  plutôt 
ces  larves  de  charençon  ,  font  les  mêmes  que  celles  de  la  plupart  des 
infeftes  à  étuis  ;  elles  reflemblent  à  des  vers  alongés  &  mous  ;  elles 
ont  en-devant  fix  pattes  qui  ,  ainfi  que  la  tête  ,  font  écailleufes.  Les 
endroits  où  habitent  ces  larves  &  leurs  m^étamorphofes  ,  préfentent 
quelques  particularités.  Certaines  efpeces,  notamment  celles  qu'il  nous 
importe  de  faire  connoître ,  trouvent  moyen  de  s'introduire  dans  les 
grains  de  blé  ,  lorfqu'elles  font  encore  petites;  c'eft-là  leur  domicile î 
&  il  n'eft  pas  facile  de  les  y  découvrir  ;  elles  y  croiflent  à  leur  aife 
&  agrandifîent  peu-à-peu  leur  demeure  aux  dépens  de  la  farine  in- 
térieure du  grain  dont  elles  fe  nourriflent.  Lorfque  i'infede  ,  après 
avoir  mangé  toute  la  farine  ,  eft  parvenu  à  fa  grofleur ,  il  refte  caché 
fous  l'écorce  vide  du  grain  qui  fubfîfte  feule  >  s'y  métamorphofe ,  y 
Joniè  II,  G 


50  CHA 

prend  l'état  de  nymphe  &  n'en  fort  que  fous  la  forme  d'Infeâie  parfait» 
en  perçant  la  peau  de  fon  habitation.  On  ne  peut  qu'avec  peine  re-» 
eonnoître  à  la  vue  les  grains  de  blé  qui  font  attaqués  &  vidés  par  ces 
infedes.  Le  froid  engourdit  ces  animaux  fans  les  faire  périr;  la  chaleur 
ne  les  fait  pas  périr  ,  au  moins  ils  fupportent  alTez  bien  jufqu'à 
foixante-dix  degrés  du  thermomètre  de  M.  di  Pdaumur  ;  ils  habitent 
même  par  préférence  le  côté  du  grenier  expofé  au  midi.  Les  charençons 
multiplient  beaucoup  &  aiment  à  vivre  en  fociété  ,  aufli  fe  ramaffent- 
ils  toujours  par  pelotons.  Mais  ils  aiment  la  tranquillité  ;  pour  peu 
qu'on  les  inquiète  en  remuant  le  blé ,  ils  percent  les  grains  &  cherchent 
à  fe  procurer  un  abri  ailleurs.  On  voit  dans  quelques  pays  des  cha- 
rançons qui  ont  jufqua  la  groifeur  &  la  longueur  du  gros  cerf 
volant. 

On  rencontre  par-tout  dans  les  champs,  fur  la  fabine,  fur  le  lierre, 
fur  les  feuilles  du  noyer  ,  de  l'abfinthe  ,  de  l'aurone,  de  la  nielle,  dans 
les  têtes  des  artichauts  &  fur  quelques  autres  plantes  ,  différentes  ef- 
peces  de  charençons  ,  tous    reconnoiffables  par  cette   efpece  de  bec 
pointu  ou  trompe  effilée  ,  longue ,  couleur  de  corne  ,  &  d'où  fortent 
deux  antennes  en  maffes ,  coudées  dans  leur  milieu.  Les  uns  ont  les 
cuifles  fimples  &  unies  ;  d'autres  les  ont  armées  d'une  appendice  épi- 
neufe.  Plufieurs  efpeces  ont  les  élytres  comme  foudées  enfemble.  Linnœus 
donne  la  defcription  de  trente  -  trois    efpeces  ,  (  M.  Geoffroy  en  cite- 
cinquante  -  trois  )  qui  varient  par  leur  couleur  ,  les  ftries  ,  &c.  On 
diftingue  le  charençon  trompette ,   ainfi  nommé  de  fa  longue  trompe  j, 
le  charençon  à  écailles  vertes  &  dorées  y  Iq  charençon  cartifanne  fans  ailes  i. 
celui  de  la  fcrophulaire  ,  qui  fe  forme  au  haut  des  tiges  une  efpece 
de  veflie  demi-tranfparente ,  dans  laquelle  il  s'enferme  &  fe  métamor- 
phofe;  celui  des  feuilles  d'orme;  le  charençon  fauteur  ;  le  grand  charençon 
du  palmier  y  lequel  provient  du  ver  palmifle^  Voyez  ce  mot.  La  larve 
du  charençon  fauteur  établit  fon  domicile  dans  le  parenchyme  des  feuilles  5» 
fouvent  prefque  toutes  les  feuilles  d'un  orme  paroifTent  jaunes  &  comme 
mortes  vers  un  de  leurs  bords,  tandis  que  tout  le  refle  de  la  feuille  eft 
vert.  Si  on  examine  ces  feuilles ,  on  voit  que  cet  endroit  mort  forme 
une  efpece  de  fac  ou  de  véficule  ;  les  deux  lames  ou  pellicules  exté- 
rieures de  la  feuille,  tant  en  defliis  qu'en  defTous  ,  font  entières  ,  mais 
éloignées  &  féparées  l'une  de  l'autre ,  &  le  parenchyme  qui  eft   cn- 
tr'elles  a  été  rongé  par  plufieurs  petites  larves  de  charençons  qui  y 


C  H  A  ;  I 

ent  établi  leur  demeure  ;  c'eft-là  qu'elles  fubulent  leur  transformation , 
fortent  en  perçant  ces  véficules  fous  la  forme  de  charençons  fauteurs  , 
dont  les  pattes  pofcérieures  font  longues  ,  fortes  ,  font  l'effet  d'un 
reffort  ;  ils  fautent  avec  tant  d'agilité  ,  qu'on  a  beaucoup  de  peine  à 
les  attraper.  Les  charençons  de  la  fcrophulaire  font  des  plus  jolis  pan 
le  travail  fingulier  de  leurs  étuis  ;  mais  leurs  larves  ont  l'art  de  fc 
former  une  petite  habitation ,  propre  à  piquer  la  curiofité.  Lorfque 
ces  larves  ,  après  avoir  rongé  les  feuilles  de  la  fcrophulaire,  font 
parvenues  a  leur  grofîeur  &  font  prêtes  à  fe  transformer,  elles  for- 
ment au  haut  des  tiges  une  efpece  de  veflie  à  moitié  tranfparente  , 
dans  laquelle  elles  s'enferment  &  fe  métamorphofent;  cette  veflîe  ronde 
&  affez  dure  ,  paroît  produite  par  une  humeur  vifqueufe  ,  dont 
on  voit  la  larve  couverte.  Comment ,  dit  M.  Geoffroy  ,  l'infede  peut-il 
avec  cette  efpece  de  glu  former  cette  véficule  ronde  ?  Ced  ce  que  je 
n'ai  pu  parvenir  à  appercevoir  ;  j'ai  feulement  trouvé  les  larves  nou- 
vellement renfermées  dans  cette  véficule  ;  je  les  y  ai  vues  fous  la  forme 
de  nymphes  ,  &  enfin  l'infede  parfait  eft  forti  fous  mes  yeux.  Ces 
véficules  font  de  la  groffeur  des  coques  qui  renferment  les  graines  de 
la  fcrophulaire ,  &  fouvent  mêlées  avec  elles  j  mais  on  lesdiftingue 
©ifément  par  leur  tranfparence  &  leur  forme  ronde  ,  qui  diffère  du 
fruit  de  la  fcrophulaire  ,  lequel  fe  termine  en  pointe» 

L'objet  le  plus  intéreffant  pour  nous  relativement  à  ce  genre  d'in- 
fedes ,  feroit  de  découvrir  un  moyen  sûr  &  efficace  de  le  détruire  Se 
d'étouffer  cette  race  dès  l'inflant  de  fa  naiffance.  Les  livres  économi- 
ques font  pleins  de  recettes  pour  chafTer  les  charençons  ;  mais  il  ne 
paroît  pas  qu'on  en  connoifle  encore  une  feule  vraiment  efficace.  Ce- 
pendant voyez  au  mot  Blé  ,  à  l'article  de  la  confervation  des  grains  , 
les  moyens  ufités  pour  fe  débarrafTer  de  ces  ennemis  dangereux. 

CHARME  ,  carp'miis.  C'efl  un  arbre  fort  commun  dans  les  forêts. 
Abandonné  à  la  nature  ,  il  n'efl  pas  d'une  grande  beauté  ;  il  paroît 
vieux  ,  chenu  dès  qu'il  eft  à  la  moitié  de  fon  âge,  &  vient  rarement 
4'une  bonne  groffeur.  Son  tronc  court ,  mal  proportionné  ,  eft  re~ 
marquable  fur-tout  par  des  efpeces  de  cordes  qui  partent  des  prin- 
cipales racines  ,  s'étendent  le  long  du  tronc  &  en  interrompent  la 
rondeur.  Son  écorce  blanchâtre  &  alFez  unie  ,  eft  ordinairement  chargée 
d'une  moufle  brune  qui  la  dépare.  La  tête  de  cet  arbre,  trop  grofîe 
pour  le  tronc ,   n'eft  qu'un  amas  de  branches  foibles  &  confufes  9 

G  3 


•-"i^ 


^2  CHA 

parmi  îefqiienes  la  principale  tige  fe  trouve  confondue  ;  &  {a  feuin-c 
eft  trop  petite  pour  la  grandeur  de  l'arbre  :  en  forte  que  fi  à  cette 
apparence  ingrate  &  fauvage  on  ajoute  fa  qualité  de  réfifter  aux 
exportions  les  plus  froides  ,  de  réuflir  dans  les  plus  mauvais  terrains 
de  toute  efpece  ,  &  d'être  d'un  bois  rebours  &  des  plus  durs  ,  on 
pourroit  confidérer  le  charme  entre  les  arbres  comme  on  regarde  un 
Lappon  parmi  les  hommes.  Cependant  en  ramenant  cet  arbre  à  un 
état  mitoyen  ,  &  en  le  foumettant  à  l'art  du  Jardinier  ,  on  a  trouvé 
moyen  d'en  tirer  le  plus  grand  parti  pour  former  des  palilTades ,  des 
haies  ,  des  bofquets  ou  des  portiques ,  des  colonnades  &  toutes  ces 
décorations  de  verdures  qui  font  le  premier  &  le  plus  grand  embellif- 
fement  d'un  jardin  bien  ordonné.  Toutes  les  formes  qu'on  donne  à 
cet  arbre  lui  deviennent  fi  propres ,  qu'il  fe  prête  à  tout  ce  qui  y 
a  rapport.  On  peut  le  tranfplanter  à  cet  effet  petit  ou  grand  :  il  fouffre 
la  tonfure  en  été  comme  en  hiver;  &  la  foupleffe  de  fes  jeunes  rameaux 
favorife  la  forme  qu'on  en  exige  ,  &  qui  efl  complétée  par  leur 
multiplicité.  Il  pouffe  beaucoup  de  petites  branches  toutes  chargées 
de  feuilles  dentelées  ,  d'un  beau  vert  ,  &  qui  font  un  peu  plifTéesj 
elles  tombent  même  difficilement  dans  l'hiver  ,  quoique  mortes.  Il 
porte  fur  le  même  pied  des  fleurs  mâles  &  des  fleurs  fem.elles  :  les 
mâles  font  à  étamines  ^  difpofées  à  chaton  ;  les  fleurs  femelles  forment 
par  leur  affemblage  fur  un  filet  commun  ,  des  efpeces  d'épis  écailleux. 
Sous  chaque  épi  écailleux  fe  trouve  un  piflil  auquel  fuccede  une  efpece 
de  noyau  ovale  &  anguleux ,  dans  lequel  efl  une  amande. 

Le  charme  fe  multiplie  très-bien  de  femence,  mais  plus  vite  de  bran- 
ches couchées.  Si  on  fait  cette  opération  en  automne,  elles  ont  fuf- 
£famment  de  racines  pour  être  tranfplantées  au  bout  d'un  an.  Il  n'efl 
avantageux  de  couper  les  têtes  de  charmille  qu'on  tranfplante  ,  à  quatre 
doigts  de  terre  ,  comme  le  font  les  Jardiniers  ,  que  lorfque  le  plant 
cfl  mal  enraciné  ,  anciennement  arraché  &;  planté  dans  une  mauvaife 
terre  :  le  bon  plant  doit  être  ccnfervé  dans  toute  fa  longueur.  Le 
charme  vient  affez  volontiers  dans  toutes  fortes  de  terrains  ,  &  a  l'avan- 
tage de  croître  même  fous  l'ombrage.  Comme  ce  bois  pouffe  len- 
tement &  fe  couronne  trop  pour  profiter  en  futaie,  il  y  a  plus  d'avantage 
à  le  couper  en  taillis  tous  les  quinze  ans.  Des  Economes  pour  faire 
des  plantations  de  charmes ,  tirent  la  tharmilU  des  pépinières  ,  ou  même 
çies  forêts  j  fi  l'on  fs  trouve  à  portée  :  la  première  fe  reconnoit  aifément 


CHÂ  n 

4  fon  écorce  claire  ^  &  à  ce  qu'elle  eft  bien  fournie  de  racines  ;  celle 
au  contraire  qui  a  été  prife  au  bois  eft  étiolée ,  crochue  &  mal  en- 
racinée. Le  bois  de  charme  de  nos  forêts  eft  blanc  ,  mais  très  -  dur  ; 
aulÏÏ  les  Tourneurs  &  d'autres  ouvriers  l'emploient-ils  beaucoup  à  divers 
ouvrages  ;  &  même  dans  les  lieux  où  l'orme  eft  rare  -,  on  en  fait  des 
eiTieux  &  divers  ouvrages  de  charron  âge,  Les  Menuifiers  n'en  font 
guère  d'ufage ,  tant  parce  qu'il  eft  difficile  à  travailler  ,  que  parce 
qu'il  eft  fujet  à  être  piqué  de  vers.  Ce  bois  eft  très-bon  à  brûler  & 
donne  d'excellent  charbon  ;  il  eft  fort  recherché  pour  les  fourneaux 
de  verrerie  ,  parce  que  fon  feu  eft  vif  &  brillant. 

II  y  a  une  efpece  de  charme  à  feuilles  panachées  ,  mais  qui  n  eft 
pas  d'une  grande  beauté.  Il  y  a  encore  le  charme  de  Virginie  à  larges 
feuilles  ;  le  charme  d'Orient  dont  les  feuilles  font  moins  pliftees  &  plus 
lifles  que  celles  du  nôtre  ;  elles  tombent  de  l'arbre  avant  l'hiver  :  le 
charme  à  fruit  de  houblon  quitte  aufli  fes  feuilles  avant  l'hiver ,  &  ne 
produit  pas  dans  les  jardins  ,  au  printemps ,  la  mal-propreté  qu'oa 
reproche  à  notre  charme  ordinaire  &  au  charme  de  Virginie.  Au  reftef 
cette  circonftance  défavantageufe  eft  un  trop  petit  défaut  pour  contre- 
balancer jamais  l'agrément  que  les  charmilles  donnent  dans  la  belle  faifora 
par  leur  verdure  claire  &  tendre  3  &  par  leur  figure  régulière  & 
uniforme  ,  dont  le  noble  afped  eft  connu  de  tout  le  monde. 

Dans  le  Canada  il  croît  une  efpece  de  charme  qu'on  appelle  bois 
d'or  &  bois  dur  ;  il  reffemble  à  l'orme  &  a  le  fruit  comme  le  houblon. 
Ce  bois  eft  plus  brun  que  le  nôtre ,  &  fort  eftimé  des  Canadiens  qui 
en  font  des  rouets  de  poulie  pour  les  vaiffeaux.  Cet  arbre  eft  très- 
beau  &  mériteroit  d'être  multiplié  en  France. 

CHARREE  ou  FKIGANE  ,  phrygamum,  Infede  aquatique  qui  fe 
fait  une  enveloppe  autour  du  corps  avec  de  petits  brins  d'herbe  & 
de  bois  qu'il  lie  ou  colle  les  uns  aux  autres  au  moyen  d'un  fil  mu- 
cilagineux  qui  fort  de  fa  ^  bouche.  Cet  infede  qui  reffemble  à  une 
petite  chenille  &  qui  a  la  couleur  d'une  cendre  lelTivée  ,  a  fix  pattes 
de  chaque  côté  avec  lefquelles  il  marche  dans  l'eau  :  à  mefure  qu'il 
groftit,  il  change  d'enveloppe  flottante;  enfuite  il  fe  métamorphofe 
en  une  mouche  à  quatre  ailes  ,  de  forme  alongée  :  c'eft  la  mouche 
papillonnacée  :  elle  a  de  longues  antennes  en  filets  ,  la  bouche  garnie 
de  quatre  barbillons  ,  &  porte  fes  ailes  le  long  du  corps  en  toit  ar-; 
jondij  ce  port  lui  donne  quelque  reiE^mblance  avec  une  phalène. 


54  C!  H  A 

On  trouve  quantité  de  charries  dans  les  eaux  courantes.  Les  tr iiitcÉ 
en  font  fort  avides.  Dans  quelques  pays  ,  après  qu'on  a  tiré  ces  infedes 
de  leurs  étuis  ,  ils  fervent  d'appât  pour  attirer  les  petits  poifions* 
Aldrov.  Z/.  VIL  dc'mf&ci.  cap.  i.  mais  voyez  l'article  Phrygane. 

CHASSE-BOSSE  ou  PERCE-BOSSE  ,  lyfimachia.  Cette  plante 
fi  renommée  pour  les  hémorragies  ,  croît  fur  le  bord  de  nos  étangs , 
de  nos  ruilTeaux ,  dans  tous  les  lieux  humides  &  marécageux.  Sa 
racine  eft  rampante  &  rougeâtre.  Ses  têtes  font  velues  ,  noueufes  , 
hautes  de  trois  pieds  ;  fes  feuilles  femblables  à  celles  du  faule ,  bor- 
dées d'un  filet  d'un  rouge-brun  ;  fes  fleurs  jaunes ,  inodores  &  découpées 
en  cinq  ou  fix  parties.  A  ces  fleurs  fuccedent  àts,  fruits  fphériques 
qui  renferment  dans  leur  cavité  des  femences  menues  ,  très-afi:rin- 
gentes.  Lyjimachus ,  fils  d'un  Roi  de  Sicile  ,  mit  le  premier  cette  plante 
en  ufage  ;  c'eft  d'où  lui  vient  fon  nom  latin  ;  on  la  nomme  encore 
corneille  plante.  On  s'en  fert  quelquefois  pour  teindre  en  jaune  les  étoffes 
de  laine.  Il  y  a  ,  dit  M,  DeUu^e ,  plufieurs  autres  plantes  de  ce  genre, 
dont  le  caraâere  confifle  en  ce  que  la  fleur  efl:  ordinairement  à  cinq 
étamines  &  un  piflil ,  la  corolle  monopétale  faite  en  baflin  ,  divifée  en 
autant  de  fegmens  qu'il  y  a  d'étamines  ;  le  fruit  placé  fur  le  calice 
eft  une  capfule  ronde  terminée  par  une  pointe  3c  compofée  de  dix 
panneaux. 

CHASSE-MERDE.  Y oy qz  Strund-Iager, 

CHASSE-RAGE.  Foyei  Passe-rage. 

CHAT  ,  ye/i^.  Animal  quadrupède  qui  a  vlngt-fîx  dents  ;  favoir, 
douze  incifives,  quatre  canines  ;  elles  font  plus  longues  que  les  autres, 
^  dix  molaires  ,  dont  quatre  en  deffus  &  fix  en  deflbus.  Les  mamelles 
font  au  nombre  de  huit  j  quatre  fur  la  poitrine  &  quatre  fur  le  ventre.  Il 
a  cinq  doigts  aux  pieds  de  devant ,  &  feulement  quatre  à  ceux  de  derrière. 
Quant  à  la  couleur  de  leur  poil,  il  y  en  a  de  blancs  ,  de  noirs,  de 
gris ,  de  cendrés  ,  de  roux ,  de  tachetés  de  dififérentes  nuances  j  M» 
Gmelin  a  obfervé  qu'à  Tobolsk  les  chats  font  rouges. 

Le  chat  3  dit  M.  de  Buffon  ,  eft  un  domeftique  infidèle  qu'on  ne 
garde  que  par  nécefTité  pour  l'oppofer  à  un  autre  ennem.i  encore 
plus  incommode  ,  &  qu'on  ne  peut  chalfer...  Quoique  \qs  chats  , 
fur-tout  quand  ils  font  jeunes,  aient  de  la  gendllefle  ,  ils  ont  en  même 
temps  une  malice  innée  ,  un  caradere  faux ,  un  minois  hypocrite , 
>in  naturel  pervers  que  l'âge  augmente  encore  ,  &  que  l'éducation  pe 


C  H  A  ^^ 

fait  que  mafquer  ;  en  un  mot  ils  font  moins  amîs  de  l'homme ,  que 
familiers  par  intérêt  &  par  habitude...  La  forme  du  corps  &  le  tem-.. 
pérament  font  d'accord  avec  le  naturel.  Le  chat  eft  joli,  léger,  adroit, 
propre  &  voluptueux.  Ce  qui  eft  très-rare  dans  les  animaux ,  la  femella 
paroît  être  plus  ardente  que  le  mâle  ;  elle  l'invite  ,  c-ÎIe  le  cherche  , 
elle  l'appelle  ;  elle  annonce  par  de  hauts  cris  la  fureur  de  (as  defirs  , 
ou  plutôt  l'excès  de  fes  befoins  ;  &  lorfque  le  mâle  la  fuit  ou  la  dé- 
daigne ,  elle  le  pourfuit ,  le  mord ,  le  force  pour  ainfi  dire  à  la  fatis- 
faire  ,  quoique  les  approches  foient  toujours  accompagnées  d'une  vive 
douleur. 

Oo  prétend  que  la  caufe  de  cette  douleur  accompagnée  de  cris 
dans  la  chatte  ,  comme  il  arrive  auiîi  à  la  lionne  ,  dépend  moins  de 
l'adion  brufque  que  de  la  partie  naturelle  des  ijiâles  de  ces  animaux,  quî 
étant  très-courte ,  font  obligés  de  s'attacher  à  leur  femelle  avec  leurs  griffes 
&  leurs  dents  ,  &  les  font  beaucoup  fouffrir  ;  ce  qui  paroît  auffi  plus 
naturel  que  le  fentiment  de  ceux  qui  difent  que  la  femence  de  ces 
animaux  eft  brûlante.  D'après  la  defcription  anatomique  du  chat ,  oa 
voit  que  le  gland  de  cet  animal  eft  hérifle  de  papilles  roides  ,  pi- 
quantes &  dirigées  en  arrière:  cette  mécanique  ne  feroit- elle  point 
auiTi  une  des  caufes  de  la  douleur  de  la  femelle  dans  l'accouplement? 

Au  fujet  de  l'accouplement  de  ces  animaux  ,  £oyk  rapporte  un 
fait  fingulier:  il  dit  qu'un  gros  rat  s'accoupla  à  Londres  avec  une 
chatte  ;  qu'il  vint  de  ce  mélange  des  petits  qui  tenoient  du  chat  &c 
du  rat ,  &  qu'on  les  éleva  dans  la  Ménagerie  du  ^  Roi  d'Angleterre.  Il 
falloit  fans  doute  que  l'excès  du  befoin  de  ces  animaux  fût  bien  vif  j, 
pour  que  des  efpeces  fi  ennemies    fe  réunifient  enfemble. 

Les  chattes  entrent  communément  en  chaleur  au  printemps  de  eiî 
automne;  elles  portent  environ  cinquante-fix  jours.  Le^-  portées  font 
de  quatre ,  cinq  ou  fix.  Les  femelles  fe  cachent  pour  mettre  bas  ,  parce 
que  les  mâles  font  fujets  à  dévorer  leur  progéniture  ,  peut  -  être  pai: 
jalon  fie  des  foins  de  la  femelle.  En  effet  elles  prennent  'in  foin  par- 
ticulier de  leurs  petits,  fe  jettent  avec  fureur  furies  chicnr;  &  autres 
animaux  qui  voudroient  en  approcher  :  lorlqu'on  les  inquiète  trop  , 
elles  le  fervent  de  leur  gueule  pour  prendre  leurs  petits  par  la  peau 
du  cou  &  les  tranfporter  dans  un  autre  lieu.  Une  chofe  très-iiu.  iliere,' 
ceft  que  ces  mères  fi  foigneufes ,  fi  teidres  ,  deviennent  quelquefois 
dénaturées ,  ôc  dévorent  aulïi   leurs  petits  qui  leur  étoient  ii  cher?. 


^^  C  H  A 

Il  femble  que  la  caufe  qui  pouiFe  quelquefois  les  mères  à  détruire 
leurs  petits ,  ne  doit  pas  être  la  même  que  celle  qui  excite  les  mâles 
à  chercher  à  les  dévorer  :  il  y  a  lieu  de  p enfer  que  les  mâles  ne  le 
font  que  parce  qu'ils  voient  que  leurs  femelles  ceflent  de  les  rechercher, 
étant  toutes  occupées  du  foin  de  leur  famille.  L'on  pourroit  croira 
que  les  mères  ne  fe  portent  à  cet  excès  de  cruauté  que  dans  le  moment 
(de  l'accouchement ,  probablement  par  la  rage  que  leur  caufe  la  dou- 
leur :  ce  qui  le  prouveroit  ,  c'eft  que  fouvent  elles  ne  font  que  les 
mutiler ,  &  en  prennent  enfuite  tous  les  foins  po(îibles. 

Les  chats  ont  pris  tout  leur  accroiflement  à  quinze  ou  dix  -  huit 
mois.  Ils  font  en  état  d'engendrer  avant  l'âge  d'un  an  ,  &  peuvent 
engendrer  toute  leur  vie  ,  qui  ne  s'étend  guère  au-delà  de  dix  ou  douze 
ans  ;  ils  font  cependant  très-durs  ,  très-vivaces  ,  &.  ont  plus  de  nerfs 
&  plus  de  refforts  que  d'autres  animaux  qui  vivent  plus  long-temps. 

Le  chat,  fans  être  drefle  ,  devient  de  lui-même  un  très -habile 
chaffeur  ;  mais  fon  naturel ,  ennemi  de  toute  contrainte  ,  le  rend  in- 
capable d'une  éducation  fuivie.  Son  grand  art  dans  la  chalTe  eonfifte 
dans  la  patience  &  dans  l'adreffe  ;  il  refte  immobile  à  épier  les  ani- 
maux ,  &  manque  rarement  fon  coup.  La  caufe  phyfique  la  plus  im- 
médiate de  ce  penchant  que  les  chats  ont  à  épier  &  à  furprendre  les 
autres  animaux  ,  vient  de  l'avantage  que  leur  donne  la  confrontation 
particulière  de  leurs  yeux  ;  leur  prunelle  pendant  la  nuit  fe  dilate 
finguliérement  ;  d'ovale  &  étroite  qu'elle  étoit  dans  le  jour  ,  elle  de- 
vient pendant  la  nuit  large  &  ronde  ;  elle  reçoit  alors  tous  les  rayons 
lumineux  qui  fublîftent"  encore  ;  &  de  plus  elle  eft  encore  toute  imbi- 
bée de  la  lumière  du  jour  :  l'animal  voit  très-bien  au  milieu  des  té-? 
nebres  ,  &  profite  de  ce  grand  avantage ,  pour  reconnoître ,  attaquer 
&  furprendre  fa  proie.  Les  yeux  du  chat  font  pendant  la  nuit  telle- 
ment imbibés  de  lumière ,  qu'ils  paroiffent  très-brillans  &  très  lumi-- 
neux  ;  &  il  femble  que  l'éclat ,  la  fplendeur  qu'on  remarque  au  joui? 
dans  les  yeux  de  cet  animal ,  vient  du  brillant  velouté  de  la  rétine  , 
à  l'endroit  où  elle  entoure  le  nerf  optique.  Mais  ce  qui  arrive  à  l'œil 
cju  chat  plongé  dans  l'eau  eft  d'une  explication  plus  «difficile,  &  a  été 
autrefois  dans  l'Académie  des  Sciences  ,  le  fujet  d'une  grande  difpute. 
Voici  le  fait.  On  a  découvert  que  fi  on  plonge  un  chat  dans  l'eau  , 
^  que  Ton  tourne  alors  fa  tête ,  de  forte  que  fes  yeux  foient  direde-? 
p.^nt  expofés  à  une   grande  lumière  ,   il  arrive  ,  i",   que  malgré  la 

grande 


§' 


C  H  A  $1 

gf ande  lumière  ,  la  prunelle  de  l'animal  ne  fe  rétrécît  point ,  &  qu'au 
contraire  elle  fe  dilate  ;  &  dès  qu'on  retire  de  l'eau  l'animal  vivant  , 
fa  prunelle  fe  reflerre.  2''.  Que  l'on  apperçoit  diftindement  dans  l'eau 
le  fond  des  yeux  de  cet  animal ,  qu'il  eft  bien  certain  qu'on  ne  peut 
voir  à  l'air.  (  M,  fiailcr  dit  qu'on  y  voit  la  rétine  avec  les  vaiffeaux 
rouges  qui  la  traverfent ,  &  qu'au  refle  la  prunelle  fe  dilate  à  tout 
animal  qui  fe  meut  ;  &  le  chat  n'a  rien  de  particulier  par  rapport  à 
ce  fait.  )  L'expofé  d'un  tel  phénomène  feroit  foupçonner  une  forte  de 
paradoxe  dans  ce  qui  eft  dit  plus  haut  :  c'eft  dans  les  Mémoires  de 
l'Académie  des  Sciences  ,  ann.  1704,  170^  ,  1710  &  1712  ,  qu'il  faut 
lire  les  conteftations  curieufes  &  utiles  qui  partagèrent  les  Académi- 
ciens fur  le  chat  plongé  dans  l'eau.  Comme  ces  animaux  fon  très- 
propres  ,  &  que  leur  robe  eft  toujours  feche  &  luftrée  ,  leur  poil  s'élec- 
trife  aifément  ,  &  on  en  voit  fortir  des  étincelles  dans  l'obfcurité  , 
fur-tout  lorfqu'on  les  frotte  à  rebroulfe-poil  avec  la  main. 

Quoique  le  chat  foit  un  animal  très- volontaire,  on  peut  cependant 
le  dreffer  à  faire  plufieurs  tours  de  pafle-palfe.  N'a-t-on  pas  mcme 
vu  à  la  Foire  Saint-Germain  ,  il  y  a  quelques  années ,  un  concert  de 
chats  drefles  tout  exprès  ?  Ces  animaux  étoient  placés  dans  des  ftalles 
avec  un  papier  de  mufique  devant  eux  ;  &  au  milieu  étoit  un  fînge 
qui  battoit  la  mefure  :  à  ce  lignai  réglé  ,  les  chats  faifoient  des  cris  ou 
miaulemens  trilles  &  déplaifans  ,  dont  la  diverfité  formoit  des  fons 
plutôt  aigus  que  graves  ,  &  tout-à-fait  rifibles.  Ce  fpeâiacle  fut  annoncé 
au  petit  peuple  fous  le  nom  de  Concert  miaulique.  Le  chat  eft 
tellement  paffionné  pour  la  liberté  ,  que  lorfqu'il  l'a  perdue  ,  tout  autre 
fentiment  cède  au  defir  de  celui  de  la  recouvrer.  M.  Lemeri  enferma  un 
jour  dans  une  cage  un  chat  avec  plufieurs  fouris  ;  ces  petits  animaux 
d'abord  tremblans  à  la  vue  de  leur  ennemi  ,  s'enhardirent  bientôt  au 
point  d'agacer  le  chat ,  qui  fe  contenta  de  les  réprimer  à  coups  de 
pattes,  fans  les  empêcher  de  retourner  à  leur  premier  badinage,  qui 
n'eut  point  de  fuites  tragiques. 

Comme  on  élevé  cet  animal  dans  prefque  toutes  les  maifons,  chacun 
a  été  à  portée  d'obferver  plufieurs  petites  nuances  de  leur  caractère, 
leurs  rufes  &  leur  allure  tortueufe.  L'ufage  des  ongles  de  cet  animal  , 
ainfi  que  de  ceux  du  tigre  ,  dépend  d'une  mécanique  particulière  : 
ils  ne  font  jamais  ufés  par  le  frottement  du  marcher,  parce  que  l'animal 
peut  les  cacher  &  les  retirer  dans  leur  fourreau  par  la  contradion 
Tomt  II,  H 


5  8  C  H  A 

des  mufcles  qui  les  attachent ,  &  ne  les  faire  fortîr  que  quand  il  s'en 
veut  fervir  pour  frapper  ,  pour  déchirer  ,  &  s'empêcher  de  glifler. 
'Ainfi  l'artitîce  de  ces  fortes  d'armes  ,  qui  font  tout  à  la  fois  offenfives 
&  défenfives  ,  mérite  encore  l'attention  des  Anatomiftes.  Le  vulgaire 
ne  reconnoît  dans  ces  griffes  que  l'inftrument  de  la  colère  ,  &  plus 
fouvent  de  la  perfidie  de  cet  animal.  Le  talon  du  chat  ,  comme  celui 
des  finges  ,  des  lions  ,  des  chiens  ,  n'étant  pas  éloigné  du  refle  du 
pied,  cet  animal  peut  s'affeoir  aifément ,  ou  plutôt  s'accroupir. 

Doit-on  regarder  comme  vrai  ,  ce  que  dit  Mathiolc  ,  quoi  u'il  en 
rapporte  pkifîeurs  exempLs  ,  que  l'haleine  des  chats  pourroit  caufer 
la  pulmonie  à  ceux  qui  la  refpireroient  trop  fréquemment.  Ce  qu'il  y 
a  de  certain  ,  c'eft  qu'on  a  vu  des  perfonnes  qui  avoient  une  antipathie 
mécanique  &  finguliere  pour  les  chats  ,  ainfi  que  d'autres  l'ont  pour 
d'autres  objets  :  on  dit  que  Henri  III ,  Roi  de  France,  avoit  tant  d'an- 
tipathie pour  les  chats  ,  qu'il  changeoit  de  couleur,  &  tomboit  en  fyn- 
cope  dès  qu'il  en  voyoit. 

On  voit  tous  les  jours  avec  étonnement ,  qu'un  chat  tombant  de 
très-haut  fe  retrouve  toujours  fur  fes  pattes,  quoiqu'il  les  eût  d'abord 
tournées  vers  le  ciel,  &  qu'il  parût  devoir  tomber  fur  le  dos:  \z  fouine, 
le  rmard  ,  le  putois  &  le  tigre  font  dans  le  même  cas.  Suivant  la  dé- 
monftration  de  M.  Parent ,  cet  effet  fingulier  dépend  de  ce  que  dans 
l'inflant  de  la  chute,  ces  animaux  recourbent  leur  corps  &  font  un 
mouvement  mécanique  comme  pour  fe  retenir  ;  d'où  réfulte  une 
efpece  de  demi-tour  ,  qui  rend  à  leur  corps  le  centre  de  la  gravité, 
^  les  fait  tcmber  fur  les  pattes  ;  la  plus  fine  connoiffance  de  la  mér 
canique  ne  fercit  pas  mieux  en  cette  occafion  ,  dit  le  célèbre  Hif- 
torien  de  l'Académie  ,  que  ce  que  fait  un  fentiment  de  peur  confus 

6  aveugle. 

Le  chat  lappe  pour  boire  ,  comme  font  tous  ceux  d'entre  les  qua- 
drupèdes qui  ont  la  babine  ou  la  lèvre  inférieure  plus  courte  que  la 
fupérieure. 

Le  chat  fauvage ,  nommé  en  terme  de  chalTe  Chat-haret ,  diffère  peu 
du  chat  domeftique.  Il  eft  plus  gros  ,  plus  fort  :  il  a  toujours  les 
lèvres  noires ,  le  poil  un  peu  rude  ,  les  oreilles  plus  roides ,  ainfi  que 
tous  les  animaux  fauvages  ;  les  couleurs -plus  confiiantes  ,  &  la  queue 
plus  grofle.  On  ne  connaît  dans  ce  climat  qu'une  feule  efpece  de 
chat  fauvage ,  que  l'on  retrouve  aulîl  dans  prefque  toutes  les  contrées  ^ 


G  H  A  5"^ 

même  en  Amérique ,  fans  qu'on  y  puiffe  remarqer  de  grandes  variétés. 
Au  Cap  de  Bonne-Efpérance  on  voit  des  chats  de  couleur  bleue  ,  ou 
plutôt  couleur  d'ardoife.  En  Perfe  ,  on  en  voit  dont  la  couleur"  eft  la 
même  que  celle  de  nos  chats  chartreux  ,  mais  dont  les  poils  font 
longs  5  doux  &  foyeux  comme  ceux  des  chats  d'Angora.  Ces  chats 
ont  une  queue  fort  longue  ,  &  garnie  de  poils  longs  de  cinq  ou  fix 
doigts  :  ils  l'étendent  &  la  renverfent  fur  le  dos  en  forme  de  panache, 
comme  font  les  écureuils.  D'autres,  du  genre  du  chat ,  reflemblent  à  de 
gros  animaux  féroces  ;  tels  font  le  chat-pard  ou  de  montagne ,  le  chat 
cervier.  Voyez  l'article  Lynx,  Il  y  a  lieu  de  penfer  que  les  chats  de 
Perfe  ,  d'Angora  en  Natolie  ,  d'£fpagne  ,  &  nos  chats  chartreux ,  ne 
font  qu'une  même  race  dont  la  beauté  dépend  de  l'influence  particu- 
lière de  chaque  climat.  On  peut  remarquer  en  général  ,  dit  M.  de 
Bufon  ,  que  de  tous  les  climats  de  la  terre  habitable  ,  celui  d'Efpagne 
&  celui  de  Syrie ,  font  les  plus  favorables  à  ces  belles  variétés  de  la 
nature  :  les  moutons ,  les  chèvres  ,  les  chiens ,  les  cha/s  ,  les  lapins ,  &c. 
ont  en  Efpagne ,  en  Natolie  &  en  Syrie  la  plus  belle  laine ,  les  plus 
beaux  &  les  plus  longs  poils  ;  les  couleurs  les  plus  agréables  &  les 
plus  variées.  Il  femble  que  ce  climat  adouciffe  la  nature ,  &  embellifle 
la  forme  de  tous  les  animaux.  Voye^^  à  l'article  Chèvre.  Il  n'en  eft  pas 
fans  doute  de  même  à  l'égard  du  chat  volant ,  qui  ne  nous  a  paru  être 
qu'une  forte  de  gros  écureuil  volant^  &  qui  avec  les  chauves-fouris&les  pré- 
tendus chiens  volans  ^  pourroit  faire  une  clafle  particulière  de  quadrupèdes 
rolans  :  divifion  qui ,  pour  le  dire  en  pafTant ,  dérangeroit  la  méthode 
des  Zoologiftes  ,  &  y   ajouteroit  de  la  confufion.  Voye^  ÉcureuiIi' 

VOLANT. 

Les  Dames  Chinoifes  ont  des  chats  domefliques à  oreilles  pendantes, 
&  dont  les  poils  font  fins  &  très  longs.  Ces  caraderes  ,  joints  à  la 
diverfité  des  couleurs ,  font  des  fignes  évidens  de  la  longue  durée  de 
leur  domefticité.  Ces  mêmes  caraderes  défignent  auflî ,  dans  les  autres 
animaux,  l'ancienneté  de  leur  efclavage,  ainfi  que  le  prouve  très-bien 
M.  de  Buffon. 

La  chair  des  chats  ,  bien  gras  &  bien  nourris ,  &  particulièrement 
celle  des  chats  fauvages  ,  préparée  en  civet ,  eft  trouvée  par  plufieurs 
perfonnes  ,  &  fur-tout  par  les  habitans  de  quelques  cantons  de  la 
SuifTe,  d'un  aufli  bon  goût  que  celle  du  lapin  &  du  lièvre. 

Tout  le  monde  fait  que  le  chat  a  été  révéré  comme  un  Dieu  par 

Ha 


€o  €  H  A 

les  Egyptiens  ;  &  que  celui  qui  en  tuoit  un  ,  foit  de  propos  délibère  ^ 
foit  par  inadvertance ,  étoit  févéremcnt  puni.  S'il  en  mouroit  un  de. 
mort  naturelle  ,  toute  la  maifon  fe  mettoit  en  deuil  ;  on  fe  rafoit  le? 
fourcils  ;  on  l'embaumoit ,  &  on  l'inhumoit  avec  tous  les  honneurs  de 
l'Apothéofe.  On  a  vu  ailleurs  des  perfonnes  plus  affligées  de  la  mort 
de  leur  chat  ,  que  de  la  perte  d'une  famille  voifine ,  ruinée  par  une 
incendie  ,  &  poufler  la  folie  jufqu  à  faire  graver  &  pofer  des  épitaphea 
fur  la  tombe  de  leurs  chats.  Henri  III  ne  penfoit  pas  ainfi. 

On  voit  au  cabinet  du  Jardin  du  Roi  plufieurs  fœtus  de  chats 
monftrueux  ,  plus  finguliers  les  uns  que  les  autres  ,  &  entr'autres  un 
chat  à  deux  têtes.  Nous  en  confervons  deux  femblables  dans  notr^ 
cabinet. 

Les  Pelletiers  apprêtent  la  peau  du  chat ,  &  en  font  diverfes  four- 
rures. Les  peaux  de  chats  fauvages  ou  chats-harets ,  font  de  couleur 
brune  ou  grife  :  on  en  tire  beaucoup  de  Mofcovie  ;  l'Efpagne  fournit 
auiîi  beaucoup  de  cette  pelleterie.  M.  Bourgeois  dit  qu'on  fait  beaucoup 
de  cas  en  SuilTc  de  la  peau  de  chat  fauvage ,  préparée  avec  le  poil,, 
pour  envelopper  les  membres  attaqués  de  rhumatifme  &  de  fciatique 
les  plus  opiniâtres  &  les  plus  invétérés  ,  &  que  fouvent  on  s'en  trouve 
guéri. 

CHATAIGNE  D'EAU.  Foyei  Teibule  aquatique.. 

CHATAIGxNE  DE  MER.  Foye^  Oursin. 

CHATAIGNIER,  caflanea.  On  en  diftingue  de  deux  efpeces j 
fevoir,  le  fauvage,  qui  porte  proprement  le  nom  de  chaLÙgnier  ;  l'autre 
efpece  que  l'on  cultive  ,  fe  v\omvs\Q  marronnier.  Le  tronc  de  CQt  arbre  eft- 
quelquefois  fi  gros ,  qu'à  peine  trois  hommes  peuvent  l'embraficr.  Sa 
tige  eft  ordinairement  très-droite ,  fort  longue  jufqu'aux  branchages 
&  bien  proportionnée.  Quoiqu'il  croilîe  du  double  plus  vite  que  le  chêne, 
ion  bois  eft  folide  ;  il  eft  prefqu'incorruptible  ,  &  il  pétille  dans  le  feu.. 
Son  écorce  lifte  &  tachetée  tire  fur  le  gris.  Ses  feuilles  longues  de 
quatre  à  cinq  pouces,  dentelées  fur  les  bords,  &  qui  donnent  beau- 
coup d'ombrage  ,  ne  font  prefque  point  attaquées  des  infedes  ,  peut- 
être  à  caufe  de  leur  état  de  féchereftè.  Les  fleurs  mâles  font  des  chatons 
Gompofés  d'étamines  ,  &  croiftent  fur  le  même  individu ,  mais  féparées 
des  fleurs  femelles.  Ces  dernières  qui  ont  une  forte  odeur  fpermatique,. 
font  formées  par  un  calice  ,  au  milieu  duquel  eft  unpiftil  qui  fe  change 
en  un  fruit  épineux  ,  qui  fe  fend  lorfqu'il  eft  mûr ,  &  lailTe  échapper 
un  ou  plufieurs  marrons,. 


C  H  A  61 

Le  ckâta'ignUr  efl  un  grand  &  gros  arbre  ,  qui  croît  naturellement 
dans  les  climats  tempérés  de  l'Europe  occidentale.  Quelle  qu'en  foit 
la  caufe  ,  il  eft  moins  commun  préfentement  qu'il  ne  Tétoit  autrefois: 
&  c'efl  à  regret  qu'on  ne  trouve  plus  de  châtaigniers  dans  les  forêts 
de  plufieurs  Provinces ,  oîi  il  y  a  quantité  d'anciennes  charpentes  de 
ce  bois.  Cet  arbre,  par  fa  ftature  &  fon  utilité  ,  a  mérité  d'ctre  mis 
au  nombre  de  ceux  qui  tiennent  le  premier  rang  parmi  les  arbres 
foreftiers;  &  on  eft  généralement  d'accord  que  ce  n'eft  qu'au  chêne 
feul  qu'il  doit  céder.  Il  paroît  certain  ,  par  les  regiftres  de  l'hôtel-de- 
ville  d'Orléans  ,  que  Ton  a  vu  la  forêt  d'Orléans  changer  alternati- 
vement de  nature  de  bois  ,  avoir  été  pendant  un  laps  de  temps  en 
chênes ,  enfuite  en  châtaigniers  ,  redevenir  enfuite  forêt  de  chênes^ 
Dans  les  forêts  de  chênes  il  fe  trouve  beaucoup  de  jeunes  châtaigniers 
mêlés  ,  qui  profitent  peu  ,  parce  qu'ils  font  étouffés  par  les  autres 
arbres.  Quand  on  abat  les  bois ,  le  châtaignier  qui  a  de  l'air  poufTe 
avec  vigueur  ,  étouffe  les  jeunes  poufTes  des  chênes  &  prend  leur 
place..  On    a  fait  les  mêmes  obfervations  dans  d'autres  forêts. 

Le  châtaignier  eft  un  arbre  que  l'on  cultive  avec  fuccès  dans  la 
Tourraine  ,  dans  le  Limoufin  ,  dans  le  Vivarais  &  le  Dauphiné ,  oii' 
il  produit  de  très-beaux  marrons  que  l'on  porte  à  Lyon  j  ce  qui  les 
fait  nommer  marrons  de  Lyon.  Le  châtaignier  ne  diffère  du  marronnier ,: 
qu'en  ce  que  n'étant  pas  cultivé  ,  fon  fruit  &  toutes  fes  parties  font 
plus  petites.  Ainfi  fi  l'on  veut  cultiver  le  châtaignier  pour  en  avoir 
de  meilleur  fruit ,  il  faut  le  greffer  en  flûte  ou  en  écufTon  ,  &  alors 
on  l'appelle  numonnier  :  on  peut  encore  le  multiplier  de  branches 
couchées. 

On  fait  à  Bordeaux  avec  le  bois  de  châtaignier  ,  qui  eft  blanc  & 
d'une  dureté  médiocre,  pi ufieurs  ouvrages  de  menuiferie très-beaux. 
Il  eft  excellent  pour  la  charpente  :  on  s'en  fert  pour  la  fculpture  j  il 
a  toutes  les  qualités  néceffaires  pour  faire  de  bons  vaifleaux  propres 
à  contenir  les  liqueurs.  Lorfque  le  châtaignier  a  la  grofTeur  des  taillis, 
on  en  fait  de  bons  cerceaux  &  des  futailles  parfaites.  M.  Bourgeois  dit 
que  les  vafes  du  châtaignier  contribuent  beaucoup  à  donner  de  la 
qualité  au  vin  &  à  le  perfedionner  ;  la  fermentation  s'y  fait  très- 
lentement  ;  &  le  vin  qu'on  y  entonne  ,  conferve  plus  de  douceur  î. 
d'ailleurs  les  pores  de  ce  bois  font  plus  petits  &  plus  ferrés  que  ceux 
du  fapin  &  du  chêne  ^    &  la  partie    fpiritueufe  s'évapore  beaucoup; 


67.  C  H  A 

moins.  Cette  feule  confidération  devroit  engager  à  planter  des  bols 
de  châtaigniers  dans  beaucoup  de  pays  de  vignobles  ,  où  il  réuffiroit 
très-bien  ,  &  où  on  en  néglige  la  culture.  Il  feroit  fur-tout  très-utile 
dans  les  pays  où  les  vins  font  verts  &  foibles.  Le  bois  du  châtaignier 
pétille  au  feu  &  rend  peu  de  chaleur  ;  fon  charbon  s'éteint  prompte- 
ment  ;  &  fi  l'on  fait  ufage  des  cendres  de  ce  bois  pour  la  leliive  , 
le  linge  eft  taché  fans  remède. 

Le  châtaignier  forme  de  très-belles  futaies  ,  lorfqu'il  eft  dans  un 
terrain  qui  lui  eft  propre.  Les  terrains  où  il  fe  pi  :ît  le  plus  ,  font 
ceux  dont  le  limon  eft  mêlé  de  fable  &  de  pierrailles  :  il  fe  contente 
auflî  des  terrains  fablonneux  ,  pourvu  qu'ils  foient  humides  :  il  re- 
doute les  terres  dures  &  marécageufes.  Il  n'eft  pas  rare  de  voir  des 
châtaigniers  d'une  groffeur  prodigieufe  :  Kirker  ,  dans  fa  Chine  illuf- 
trée  5  cite  un  de  ces  arbres  que  l'on  voyoit  fur  le  mont  Etna  :  fa 
groffeur  étoit  telle ,  que  fon  écorce  fervoit  de  parc  pour  enfermer 
pendant  la  nuit  un  troupeau  de  moutons. 

Le  fruit  du  châtaignier  eft  d'une  très-grande  utilité;  le  climat  contri- 
bue beaucoup  à  lui  donner  de  la  qualité  &  fur-tout  de  la  groffeur. 
Les  châtaignes  du  Portugal  font  plus  groffes  que  les  nôtres  ;  &  celles 
d'Angleterre  font  plus  petites.  Les  Montagnards  vivent  tout  l'hiver  de 
ce  fruit  qu'ils  font  fécher  fur  des  claies  au  moyen  du  feu,  &  qu'ils 
font  moudre  ,  après  l'avoir  pelé  ,  pour  en  faire  du  pain  ,  qui  eft 
nourriffant  ,  mais  fort  lourd  ,  indigefte  &  venteux  ;  les  habitans  du 
'Périgord,  du  Limoufin  &des  montagnes  des  Cevennes  ,  font  un  grand 
ufage  de  ce  pain  de  châtaigne  pétri  avec  du  lait.  On  prétend  que 
tous  ces  peuples  ont  un  tein  jaunâtre  :  effet  produit  par  cette  nourri» 
ture.  Les  châtaignes  féchées ,  connues  fous  le  nom  de  châtaignes  blanches 
ou  de  cafiagnons ,  fe  préparent  dans  les  Provinces  méridionales  de 
France.  Une  circonftance  remarquable  dans  cette  préparation  qui  eft 
longue ,  mais  qui  d'ailleurs  n'a  rien  de  particulier  ,  c'eft  qu'on  fait 
prendre  aux  châtaignes ,  avant  que  de  les  expofer  au  feu  ,  un  com- 
mencement de  germination  qui  leur  donne  une  douceur  très-agéable  : 
dans  cet  état  elles  différent  des  châtaignes  fraîches  ,  comme  le  grain 
germé  ou  le  malt  diffère  du  même  grain  mûr  &  inaltéré  ;  aufÏÏ  y  a-t-il 
tout  lieu  de  conjeélurer  qu'elles  feroient  très-propres  à  fournir  de 
bonne  bierre.  M.  Montet  a  donné  une  defcription  de  la  façon  de  fécher 
les  châtaignes  5  ufitée  dans  les  Cevennes,  Voyelles  Mémoires  di  l'Académie 


C  H  A  6-3 

des  Sciences  ,  annk  1768 .  Voici  la  façon  dont  les  Habitansdu  Limoufin 
préparent  les  châtaignes.  Après  les  avoir  fait  fécher  fur  des  claies  à 
la  fumée  ,  ils  les  broient  dans  de  grands  pots  de  fer  avec  deux  morceaux 
de  boii  ajuftés  en  forme  de  tenailles  ;  ils  en  forment  une  efpece  de 
bouillie  qu'ils  mangent  mêlée  avec  du  lait  ;  fouvent  ils  les  mangent 
cuites  &  pelées ,  ou  bien  grillées  :  la  chdtaigna  eft  le  mot  générique. 
La  chdtaigna  pdada  eft  celle  qui  eft  cuite  dans  Teau  ;  la  chdtaigna 
grïllada  ,  celle  qui  eft  grillée  ;  &  la  chdtaigna  burfada  ,  celle  qui  eft 
en  bouillie.  Dans  les  Cevennes  on  fait  auiîi  avec  les  châtaignes  une 
bouillie  qu'on  nomme  la  chdtaigna  ou  burfada.  On  donne  aux 
beftiaux  &  à  la  volaille  les  châtaignes  deftechées  &  brifées.  On  fert 
les  marrons  {uv  les  meilleures  tables,  foit  bouillis,  foit  rôtis,  foit  glacés. 
X-a  farine  de  châtaigne  eft  employée  pour  arrêter  les  diarrhées. 

Outre  le  marronnier  ordinaire  on  diftingue  celui  qui  eft  à  feiàlUs 
panachées  ,  celui  qui  eft  à  g'^ppes  ,  &  le  châtaignier  de  Virginie  ou  le 
chinkapin  ,  &  celui  d'Amérique  à  larges  feuilles  &  à  gros  fruit.  Confuhei^ 
Miller /'OKA  ks  plantations  en  grand  de  cette  forte  d^ arbre, 

CHATAIGNE   NOIRE.  Voyei  Ckiocere. 

CHAT  CERVIER.    Voyzi  à  tartide   Lynx. 

CHx\T  DE  CONSTANTINOPLE  ,  ou  Chat  d'Espagne  ,  Chat 
Musqué,  Chat  Civette,  Chat  Genette,  Foyeià  la  fn  du  mot 
Civette  f article  Genette. 

CHAT  MARIN.  Foyei  Roussette-Poisson.  Quelques-uns  don- 
nent le  nom  de  chat  marin  à  une  efpece  de  phoque.  On  donne  aufîî 
le  nom  de  chat  marin   à  ïours  marin.   Voyez  ces  mots. 

CHATE-PELEUSE.  Voyei  Charençon. 

CHAT-HU ANT  ,  (irix  findula  ;  LiNN.  Efpece  de  hibou  de  la 
grofteur  d'un  pigeon.  L'iris  de  l'œil  eft  bleuâtre  &  le  bec  d'un  jaune 
verdâtre.  Il  y  a  le  petit  chat-huant  qui  tient  de  la  chouette,  M.  Briffon 
fait  mention  du  chût  ■  huant  du  Canada  ,  (Irix  Canadenfis  ;  du 
chat-huant  de  la  baie  c'Hucfon  ;  c'eft  le  ^qûx.  faucon- chouette  d'Edwards 
il  y  en  a  de  blancs  ;  du  chat  -  huant  &  de  la  chouette  du  Mexique  ; 
de  la  chouate  de  Coquimbo  ;  c'eft  la  chevêche- lapin  de  Feuillée.  Il  y  a 
encore  le  chat  -  huant  de  Cayenne.  Cette  efpece  d'oifeau  nouvellement 
connue  ,  eft  de  la  grandeur  du  chat-huant  ;  mais  fes  yeux  (ont  jaunes. 
Un  carr.â:ere  remarquable  de  cet  oifeau  eft  fon  plumage  roux ,  rayé 
tranfverialement  de  lignes  en  ondes  brunes  &  très-étroitesj  non-feulement 


(^4  C  H  A 

fur  la  poitrine  Scie  ventre ,  mais  mêms  fur  le  dos,  Son  bec  efl  de  couleur 
de  chair;  fes  ongles  noirs.  F'oyei  aux  mots  Hiboj  &  Chouette. 

CHATOYANTE.  Nom  donné  par  les  Lapidaires  à  la  pierre  que 
des  Naturaliftes  ont  appellfe  aii  du  monde,  L'expreflîon  de  chatoyante, 
eft  tirée  de  l'œil  du  chat,  ôc  tranfportée  dans  la  langue  des  Lithologiftes: 
c'eft  montrer  dans  une  certaine  expolition  à  la  lumière  un  ou  plufieurs 
rayons  brillans  ,  colorés  ou  non  colorés  ,  au  dedans  ou  à  la  furface» 
partant  d'un  point  comme  centre  ,  s'étendant  vers  les  bords  de  la 
pierre  ,  &  dirparciflant  à  une  autre  expofition  de  lumière.  Voye^ 
(EiL  DU  Monde. 

CHAT-PA?\D  ,  cartus  p ardus.  Quadrupède  féroce  de  l'Afrique  , 
dont  le  nom  &  la  figure  ont  fait  croire  qu'il  étoit  engendré  par  le 
mclange  d'un  léopard  &  d'une  chatte ,  ou  d'un  chat  &  d'une  pan- 
thi;re.  Cette  opinion  a  été  foutenue  par  les  Anciens  ,  quoiqu'il  y 
ait  une  grande  différence  entre  ces  deux  fortes  d'animaux  pour  leur 
groffeur ,  pour  la  durée  du  temps  de  leur  portée.  On  a  diflequé  un  chat-pard 
mâle  à  l'Académie  ,  qui  n'avoit  que  deux  pieds  &  demi  de  longueur, 
&  un  pied  &  demi  de  hauteur.,Sa  queue  avoit  huit  pouces  de  longueur: 
il  reflembloit  extérieurement  au  chat ,  &  auffi  gros  à  proportion  de 
la  longueur  ;  le  defTus  du  corps  étoit  roux ,  le  deflbus  du  ventre  &  le 
dedans  des  jambes  étoient  de  couleur  ifabelle  ;  le  deflbus  de  la  gorge 
blanc.  La  peau  du  corps  tachetée  de  plaques  noires  &  longues,  celles 
du  ventre  étoient  rondes,  &  les  oreilles  traverfées  de  bandes  noires. 
Les  poils  de  la  barbe  plus  courts  que  ceux  du  chat.  Foyei  les  Mem, 
de  l'Acad.  Roy,  des  Sciences,  Tome  III ,  Partie  I.  Voyez  maintenant 
l'article  Serval, 

CHAT  DE  ROCHER.  Nom  donné  à  uns  efpece  de  roujfette» 
Voyez  ce  mot. 

CHAT-TIGRE,  roye^  Serval. 

CHAT  VOLANT  &  CmEN  VOLANT.  Fbyq  Chauve-Souris. 

CHAVAYER.   F'oyei  à  l'article  Caille-LAIT. 

CHAUD  &  CHALEUR.  Nom  donné  à  une  propriété  du  feu ,  dont 
la  nature  eft  oppofée  au  froid  ;  on  connoît  la  préfence ,  &  l'on  mefure 
le  degré  de  la  chaleur  par  la  raréfadion  de  l'air  ,  ou  par  c-elle  de  quelque 
liqueur  renfermée  dans  un  thermomètre. 

La  diverfité  de  chaleur  des  différens  climats  de  la  terre  &  des 
différentes  faifons ,  naît  en  grande  partie  de  la  nature  du  fol ,   de  fa 

fituation 


G  H  A  6^ 

lîtuatîon  &  des  différens  angles  fous  lefquels  les  rayons  du  foleil 
viennent  frapper  la  furface  de  la  terre.  Les  montagnes  qui  préfentent 
au  foleil  un  côté  concave ,  font  quelquefois  l'effet  d'un  miroir  ardent 
fur  la  plaine  qui  eft  au  bas.  Les  nuées  qui  ont  des  parties  concaves 
ou  convexes  produifent  quelquefois  le  même  effet  par  réflexion  ou  par 
Téfraétion.  On  fait  qu'un  terrain  pierreux  ,  fablonneux  ,  plein  de 
craie,  réfléchit  la  plupart  des  rayons,  &  les  renvoie  dans  l'air,  tandis 
qu'un  terrain  gras ,  à  tourbe  &  noir ,  abforbe  la  plupart  des  rayons 
&  n'en  renvoie  que  fort  peu  ;  ce  qui  fait  que  la  chaleur  s'y  conferve 
long-temps.  Voyc^  Fkoid  &  Feu. 

Les  Naturaliftes  foutiennent  communément  que  la  chaleur  augmente 
à  mefure  qu'on  approche  du  centre  de  la  terre  ,  mais  cela  n'eft  point 
exaélement  vrai.  En  creufant  les  mines  ,  les  puits  ,  &c.  on  trouve  qu'à  peu 
dediflance  de  la  furface  de  la  terre  ,  on  commence  à  fentir  de  la 
fraîcheur  ;  un  peu  plus  bas ,  on  en  fent  davantage  j  &  lorfqu'on  eft 
parvenu  au  point  où  les  rayons  du  foleil  ne  peuvent  répandre  leur 
chaleur  5  l'eau  s  y  glace  ou  s'y  tient  glacée;  c'eft  cette  expérience  qui  a 
fait  inventer  les  glacières  ,  S:c.  Mais  quand  on  va  encore  plus  bas  , 
favoir  à  quarante  ou  cinquante  pieds  de  profondeur  ,  on  com- 
mence à  fentir  de  la  chaleur ,  de  forte  que  la  glace  s'y  fond  :  &  plus 
on  creufe  au  -  delà ,  plus  la  chaleur  augmente  jufqu'à  ce  qu'enfin  la 
refpiration  y  devient  difficile  ,  &  que  la  lumière  s'y  éteiirt.  Ce  dernier 
phénomène  ne  feroit-il  pas  dû  à  l'inertie  de  l'air  ,  ou  aux  vapeurs 
ftagnantes  &  mophétiques  ? 

Si,  au  contraire,  l'on  monte  de  hautes  montagnes ,  même  dans  les 

climats  les  plus  chauds  ,  l'air ,  à  une  certaine  élévation ,    fe   trouve 

froid  &  perçant.    On  attribue  cet  effet  à  la  fubtilité  de  l'air  dont  les 

parties  font  trop  écartées  les  unes  des  autres  à  une  fi  grande  hauteur, 

pour    réfléchir  une  affez   grande  quantité   de   rayons   du   foleil.  M. 

^o//r^é<3/i  dit  qu'on  pourroit  encore  ajouter  trois  caufes  de  la  fraîcheur 

de  l'air  qu'on  reflent  fur  les  hautes  montagnes  ;  la  première,  c'efl  que 

l'air  n'y  efl:  jamais  tranquille  comme  dans  la  plaine ,    mais  dans  une 

agitation  continuelle;  la  féconde,  l'obliquité  des  rayons  du  foleil.  (En 

effet  la  chaleur  ne  provient  pas  de  la  plus  grande  proximité  de  cet  aflre, 

&  le  froid  de  fon  plus  grand  éloignement  :  il  efl:  démontré  que  Iw  foleil 

eft  plus  rapproché  de  nous  en  hiver  qu'en  été.  Les  chaleurs  dans  tous 

Iqs  climats  ont  pour  caufe  la  chute  perpendiculaire  de  (qs  rayons,  le 

Tome  //,  I 


66  C  H  A 

froid  de  l'hiver ,  fa  chute  la  plus  oblique  ,  vérités  prouvées  par  les 
différentes  poritions  de  la  iphere  ,  qui  donne  la  température  de  la  zone 
torride,  des  zones  tempérées  &  des  glaciales;  )  la  troifieme,  c'eft  que 
Tair  eft  beaucoup  moins  chargé  de  vapeurs  aqueufes,  qui  étant  de 
figure  fphérique  raiîemblent  plufieurs  rayons  dans  un  même  foyer  , 
comme  les  verres  lenticulaires.  La  chaleur  brûlante  &  étouitante  qu'on 
relient  dans  la  plaine  quelque  temps  avant  les  orages  d'été ,  ne  démontre- 
t-elle  pas  d'une  manière  inconteftable ,  combien  cette  dernière  caufe 
contribue  aux  divers  degrés  de  chaleur  de  notre  atmofphere  ? 

CHAUSSE-TKAPE.   Voyc^  Chardon  étoile. 

CHAUSSE-TRAPE.  Coquillage  de  mer,  d*un  blanc  fale,  couvert 
de  bclîages  ,  de  rides  &  de  trois  rangs  de  ramages  déchiquetés 
depuis  le  haut  jufqu'en  bas  :  ce  coquillage  univalve,  eft,  félon  M» 
d" Argcnville ,  de  la  famille  des  pourpres  :  on  l'appelle  aulflî  cheval  de 
frife  ,  de  fa  reflemblance  avec  la  chahfje-trape  de  guerre.  Cette  machine 
étoit  fort  en  ufage  chez  les  Romains.  Ils  avoient  foin  d'en  femer  dans 
les  plaines  pour  empêcher  le  paflage  de  1?  Cavalerie  ennemie.  Ces 
machines  étoient  de  fer  ou  de  cuivre  enfoncées  dans  la  terre  par 
quelques-unes  de  leurs  pointes  ,  il  en  reftoit  toujours  d'autres  élevées 
qui  bklToient  les  pieds  des  hommes  ou  des  chevaux  ,  lorfqu'ils  s'en- 
gageoient  avec   trop  de  confiance  fur  ce  terrain  perfide. 

CFIAUVE-SOURIS  ,  vefpertilw.  Animal  d'une  ftruéture  finguliere, 
que  l'on  voit  voltiger  lé  (oir  dans  les  airs  au  déclin  du  jour  ,  &  que 
Ton  peut  confidérer ,  comme  faifant  la  nuance  des  quadrupèdes  aux 
oifeaux ,  puilqu'il  n'eft  pas  parfaitement  quadrupède  ,  &  encore  plus 
imparfaitement  cifeau. 

La  chauve- fouris  nous  paroît  un  être  difforme  ,  parce  qu'elle  ne 
relTemble  à  aucun  des  modèles  que  nous  préfentent  les  grandes  clafles 
de  la  nature.  Elle  a  quelque  refTemblance  avec  la  fouris;  elle  eft, 
ainfi  qu'elle,  couverte  de  poils,  mais  elle  porte  de  longues  oreilles, 
qui  font  doubles  dans  quelques  efpeces.  La  tête  de  ces  animaux  a 
fur-tout  des  difformités  finguiieres:  dans  quelques  efpeces  ,  le  nez  eft  à 
peine  vifible  ,  les  yeux  font  enfoncés  tout  près  de  la  conque  de 
l'oreille  ;  dans  d'autres,  les  oreilles  font  aufïî  longues  que  le  corps, 
ou  bien  la  face  eft  tortillée  en  forme  de  fer  à  cheval ,  &  le  nez  eft 
recouvert  par  une  efpece  de  crête.  Ce  font  ces  formes  de  têtes 
fîngulieres  qui  ont  engagé   M,  cCAubmion  à  donner  à  ces  nouvelles 


C  H  A  6-7 

efpeces  de  chauve-fouris  qu'il  a  découvertes,  le  nom  de  grand  &  petit 
fer  à  cheval^  celui  (Soràllar.  Un  feul  coup-d'œil  jette  fur  les  belles 
planches  de  l'Hiftoire  Naturelle  de  MM.  de  Buffon  &  ^Aubenton , 
les  fera  mieux  connoître  que  toutes  les  defcriptions.  On  voit  dans 
le  Cabinet  du  Jardin  du  Roi  ces  diverfes  efpeces  de  chauve-fouris 
confervées  dans  de  l'efprit- de-vin.  En  général  les  chauve-fouris  ont 
les  yeux  très-petits ,  la  bouche  fendue  de  l'une  à  l'autre  oreille.  Leurs 
mâchoires  font  armées  de  dents  très-tranchantes  ;  elles  ont  à  la  partie 
poftérieure  deux  petites  pattes  ,  mais  les  deux  pattes  de  devant  font 
des  efpeces  d'ailerons ,  ou  fi  l'on  veut ,  des  pattes  ailées  ,  où  l'on 
ne  voit  que  l'ongle  d'un  pouce  court  ,  qui  fert  à  l'animal  pour 
s'accrocher  ;  les  autres  quatre  doigts  font  très-longs  &  dix  fois  plus 
grands  que  les  pieds ,  réunis  par  une  membrane  qui  va  rejoindre  les 
pattes  de  derrière,  &  même  la  queue  dans  quelques  efpeces  ;  (car 
toutes  les  chauve  -  fouris  n'ont  pas  de  queue  ).  C'eft  à  l'aide  de  cette 
membrane  que  l'animal  déploie  à  volonté ,  qu'il  voltige  dans  les  airs 
par  des  vibrations  brufques  ,  dans  une  direélion  oblique  &  tortueufe, 
pour  attraper  les  r  <  ucherons  &  les  papillons  dont  il  fait  fa  nourriture. 

Les  chauve-fouris  font  de  vrais  quadrupèdes  par  un  grand  nombre 
de  caraâeres  ,  tant  intérieurs  qu'extérieurs.  Les  poumons  ,  le  cœur, 
les  organes  de  la  génération  ,  tous  les  autres  vifceres  font  femblables 
à  ceux  des  quadrupèdes  ,  à  l'exception  de  la  verge  qui  eft  pendante 
&  détachée  ,  fuivant  la  remarque  de  M.  de  Bufori ,  ce  qui  eil  particulier 
à  l'homme ,  aux  finges  &  aux  chauve-fouris.  Ces  animaux  produifent 
comme  les  quadrupèdes  leurs  petits  vivans  ;  les  femelles  ont  deux 
mamelles  ,  &  n'ont  ordinairement  que  deux  petits,  qui,  àhs  qu'il  font 
nés,  s'attachent  aux  mamelles  de  la  mère.  On  dit  qu'elle  les  alaite  & 
les  tranfporte  même  en  volant.  C'eft  en  été  que  les  chauve-fouris 
s'accouplent  &  mettent  bas  :  car  elles  font  engourdies  pendant  tout 
l'hiver  ;  on  les  trouve  fufpendues  dans  les  voûtes  des  fouterrains  par 
les  pieds,  la  tête  en  bas;  d'autres  fe  recelé  t  dans  des  trous. 

Quoique  ces  animaux  fupportentplus  aifémentla  diète  que  le  froid, 
ils  font  cependant  carnaffiers  :  car  s'ils  peuvent  entrer  dans  un  office 
ils  s'attachent  aux  quartiers  de  lard ,  à  la  viande  cuite  ou  crue ,  fraîche 
ou  corrompue. 

Les  chauve-fouris  fe  retrouvent  dans  divers  pays  ;  mais  dans  la 
plupart  des  climats  chauds,  on  en  voit  de  mxonftrueufespourla  groffeur. 

I  2 


é^  C  H  A 

Il  yen  a  qui  ont  une  forme  de  tête  fi  fingulîere,  que  tes  animaux- 
auxauels  on  a  donné  les  noms  de  chkns-volans ,  &  de  chats-volans ,  ne 
font  peut-être  que  des  chauve-fouris  très-grofïes,  dont  la  bouche  efl 
armée  de  fortes  dents.  (Peut-être  auâî  les  véritables  chiens-volans  ne 
font-ils  que  de  très-grands  polatouches  ou  écureulls-volans  à  longue 
queue ,  &  dont  M.  Fofmaër  a  donné  la  defcription  ).  II  y  a  des  efpeces 
qui  font  particulières  à  l'Afie  méridionale  &  à  l'Afrique  ,  d'autres  à 
l'Amérique. 

En  Afrique  &  dans  l'Afie  méridionale  il  y  en  a  deux  efpeces  qui 
paroillent  aflez  diftindes ,  &  quife  trouvent  dans  l'un  &  l'autre  climat  j 
l'une  porte  le  nom  de  rcujfuu  &  l'autre  celui  de  rougette, 

La  roujjette  ,  dont  le  poil  eft  d'un  roux  brun  ,  a  neuf  pouces  de 
longueur  depuis  le  bout  du  mufeau  jufqu'à  l'extrémité  du  corps ,  c^ 
trois  pi^eds  d'envergure  ,  lorfque  les  membranes  qui  lui  fervent  d'ailes 
font  étendues  :  cet  animal  eft  de  la  grofleur  d'un  corbeau  ;  les  Chinois 
en  m.angent  la  chair  qu'ils  trouvent  délicate. 

La  rougctte.  ,  dont  le  poil  eft  cendré  -  brun  ,  n'a  guère  que  cinq 
pouces  &  demi  de  longueur  &  deux  pieds  d'env.  ?  jure  :  elle  porte  fus: 
le  cou  un  demi-collier  d'un  rouge  vifmclé  d'orangé,  dont  on  n'apperçoit 
aucun  veftige  ûir  le  cou  de  la  rouifette  ;  on  les  trouve  toutes  deux 
à  nie  de  Bourbon  ,  à  Madagafcar  ,  à  Ternate  ,  aux  Philippines  &  dans 
les  autres  îles  de  l'Archipel  Indien.  Ces  deux  efpeces  de  chauve-fouris 
fe  voient  au  Cabinet  du  Roi  ,  oii  elles  ont  été  apportées  de  l'île  de 
Bourbon. 

Ces  deux  efpeces  font  donc  attachées  à  ce  climat ,  &:  différent  d'une 
autre  qui  eft  très-fréquente  en  Amérique.  On  ne  nousa  point  tranfmis  le 
nom  Américain  de  ce  quadrupède  volant,  auquel  M.  de.  Buffcn  a  donné 
le  nom  de  vampire^  parce  qu'il fuce le  fang  des  hommes  &  des  animaux 
qui  dorment.  Les  chauve-fouris  de  l'ile  de  France  ont  ceci  de  particulier 
qu'elles  volent  de  Jour  comme  la  plupart  des  oifeaux.  Elles  ont  près 
de  quatre  pieds  d'ehvergure  ;  elles  ne  perchent  pas  ,  elLs  s'accrochent 
par  les  pieds  aux  branches  des  arbres  ,  la  tête  pendant  en  bas  ;  & 
eqmme  leurs  ailes  font  aufîi.  fournies  de  plufîeurs  crochets,  elles  ne 
tombent  pas  aifcment  quand  on  les  a.  frappées.  Quand  on  les  voit 
4'un  peu  loin  ,  pendantes  &  enveloppées  de  leurs  ailes,  on  les  prend, 
plutôt  pour  des  fruits ,.  que  pour  des  oifeaux.. 

Qn.  dit  que  vers  la  rivière  des  Amazones,  il  y  a  des  chauve-fqurîji 


C  H  À  6*^ 

monflrueufes  qui  font  un  des  plus  grands  fléaux  ,  parce  qu*elles  fucen 
le  fang  des  chevaux  &  des  mulets  j  elles  ont  détruit  le  gros  bétail  que 
les  Millionnaires  y  avoient  apporté,  &qui  commençoit  à  s'y  multiplier. 
Il  y  a  des  endroits  où  elles  font  en  fi  grand  nombre ,  qu'on  les  voie 
voler  par  nuées  ;  à  la  pointe  du  jour  elles  s'attachent  au  fommet  des 
arbres,  &  s'y  tiennent  pendues  l'une  à  l'autre  comme  un  eflaim 
d'abeilles. 

Le  vampire  eft  plus  petit  que  la  rougette  ,  il  a  le  mufeau  plus  alongé^ 
rafped:  hideux  ,  comme  les  plus  laides  chauve-fouris  ,  la  tête  informe 
&  furmontée  de  grandes  oreilles  fort  ouvertes  &  fort  droites  ;  il  a  le 
nez  contrefait,  les  narines  en  entonnoir  ,  avec  une  membrane  au-deffus 
qui  s'élève  en  forme  de  crête  pointue  &  qui  augm.ente  de  beaucoup 
la  difformité  de  fa  face.  Les  anciens  connoiffoient  aifez  imparfaitemen-t 
ces  quadrupèdes  ailés ,  qui  font  des  efpeces  de  monftres  ;  &  il  efi:  affez 
•vraifemblabie  que  c'eft  d'après  ces  modèles  bizarres  de  la  nature  que 
leur  imagination  a  defliné  les  harpies.  Les  Voyageurs  de  l'Amérique 
s'accordent  à  dire  que  les  chauve-fouris  de  ce  nouveau  continent 
fucent ,  fans  les  éveiller,  le  fang  des  hommes  &  des  animaux  endormis. 
Nous  avons  cru  ,  dit  M.  de  Ënffbn  ,  devoir  examiner  comment  il  e/i 
pollible  que  ces  animaux  puilient  fucer  le  fang  fans  caufer  en  même 
temps  une  douleur  au  moins  afiez  fenfible  pour  éveiller  une  perfonne 
endormie..  S'ils  entamoient  la  chair  avec  leurs  dents  ,  qui  font  trèsi- 
fortes  &  groffes  comme  celles  des  autres  quadrupèdes  de  leur  taille  ^ 
l'homme ,  le  plus  profondément  endormi  ,  &  les  animaux  fur  -  tout ,. 
dont  le  fommeiî  cfl  plus  léger  que  celui  de  l'homme,  feroient  bruf- 
quement  réveillés  par.  la  douleur  de  cette  morfure  :  il  en  eft  de  même 
des  blefliires  quMs  pcurroient  faire  avec  leurs  ongles  ;  ce  n'eft  donc 
qu'avec  la  langue  qu'ils  peuvent  faire  des  ouvertures  aflfez  fubtiles 
dans  la  peau,  pour  en  tirer  du  fang  &  ouvrir  des  veines  fans  caufer 
une  vive  douleur.  Nous  n'avons  pas  été  à  portée  de  voir  la  langue  du 
vampire  ;  mais ,  ajoute-t-il ,  celle  des  roujfetus  ,  que  M.  d''Aiibentcn 
a  examinées  avec  fjin  ,  femble  indiquer  la  poffibiiité  du  fait  ;  cette, 
langue  eft  pointue  &  hériflee  de  papilles  dures,  très-fines ,  très-aiguës 
&  dirigées  en  arrière  ;  de  ces  papilles  les  unes  ont  trois  pointes  com^me 
un  trident ,  ce  font  celles  qui  font  placées  fur  le  milieu  de  la  partie: 
moyenne  antérieure  de  la  langue;  ces  pointes  ,  qui  font  très -fines  ,,. 
peuvent  s'inCnuer  dans  les  pores  de  la  peau ,  les  élargir  &  pénétreji 


70  CHA 

afTez  avant  pour  que  le  fang  obélfTe  à  la  fuccion  continuelle  de  la 
langue.  Ces  animaux  fucent  ainfi  le  fang  des  hommes  &  des  animaux 
pendant  qu'ils  dorment ,  jufqu'à  les  épuifer  &  mcme  au  point  de  les 
faire  mourir  ;  car  les  veines  étant  ouvertes  ,  le  fang  s'écoule  fans  que 
le  dormeur  s'en   apperçoive. 

Les  roujjettcs  &  les  rougettes  font  des  animaux  plus  grands,  plus 
forts  &  peut-être  plus  méchans  que  les  vampires  ;  mais  c'eft  à  force 
ouverte,  en  plein  jour  auffi  bien  que  la  nuit  ,  qu'elles  font  leur  dégât; 
elles  tuent  les  volailles  &  les  petits  animaux ,  elles  fe  jettent  même 
fur  les  hommes  ,  les  infultent  &  les  bleflent  au  vifage  par  des  morfures 
cruelles  ;  cependant  les  Voyageurs  ne  difent  point  qu'elles  fucent 
le  fang  des  hommes  &  des  animaux  endormis  :  mais  leur  {ilence 
n'eft  pas  une  preuve  complette  ,  attendu  la  grande  analogie ,  &  la 
grande  reffemblance  qu'il  y  a  entre  ces  animaux  &  les  vampires. 

On  voit  encore  en  Amérique  une  efpece  de  chauve  -  fouris  qui  y 
eft  très-commune,  qui  ne  fe  trouve  point  en  Europe,  &  qu'on  peut 
nommer  la  chauvc-fouris  fer  de  lance  ,  parce  qu'elle  porte  au  devant  de 
fa  face  une  membrane  qui  repréfente  aflez  bien'  un  fer  de  lance  garni 
de  fes  oreillons  ;  cette  efpece  de  chauve-fouris' eft  encore  remarquable 
en  ce  qu'elle  n'a  prefque  point  de  queue  ,  &  qu'au  lieu  d'avoir  fix 
dents  incifives  à  la  mâchoire  inférieure  comme  les  autres  chauve-fouris, 
elle  n'en  a  que  quatre  :  on  en  voit  une  autre  au  Sénégal ,  dont  la 
membrane  qu'elle  porte  fur  le  nez  refTcmble  à  une  feuille  ovale. 

Les  chauve-fouris ,  dit  M.  de  Buffon  ,  qui  ont  de  grands  rapports 
avec  les  oifeaux  par  leur  vol  ,  par  leurs  ailes  ,  8c  par  la  force  des 
mufclcs  pedoraux  ,  paroifTent  s'en  approcher  encore  par  ces  membranes 
ou-  crêtes  qu'elles  ont  fur  la  face.  Ces  parties  excédentes  qui  ne  fe 
préfentent  d'abord  que  comme  des  difformités  fuperflues ,  font  les 
caraderes  réels  &  les  nuances  vifibles  de  l'ambiguité  de  la  nature  entre 
ces  quadrupèdes  volans  &  les  oifeaux  :  car  la  plupart  de  ceux-ci  ont 
auflî  des  membranes  &  des  crêtes  autour  du  bec  &  de  la  tête,  qui 
paroifîent  toutes  aufli  fuperfiues  que  celles  des  chauve-fouris. 

CHAUVE -SOURIS  AQUATIQUE.  Foyei  Guacuaua. 

CHAUVE-SOURIS  CORNUES.  Tojq  Andiracuacku. 

CHAVITSI.  Nom  donné  par  les  Kamtfchadales  au  meilleur  &  au 
plus  gros  poilfon  de  leur  pays  :  il  reffemble  au  faumon  ordinaire  , 
-mais  il  eft  plus  large.  Son  mufeau  eft  pointu ,  la  mâchoire  fupérieure 


CHA  71 

efl:  plus  longue  que  ririférieure.  Son  dos  eft  bleuâtre  &  tacheté  de 
noir ,  les  flancs  font  argentés  ,  &  le  ventre  blanc  -,  les  ouies  longues 
&  minces  :  (a  chair  eft  rouge  ;  fa  largeur  eft  environ  le  quart  de  fa 
longueur.  Le  chavitfî  eft  un  poiîTon  rare  &  fort  gras  ;  fa  grai:Te  ne 
peut  fe  conferver ,  elle  fe  corrompt.  Les  Cofaques  (aient  fon  ventre , 
fon  dos  &  (a  tête.  Le  ventre  eft  la  partie  la  plus  délicate  5  quand 
ce  poilTon  eft  féché  au  foleil ,  on  prétend  qu'il  égale  &  furpaft'e  même 
i'efturgeon  de  Jakaîski ,  qui  eft  le  plus  renommé. 

CHAUX  NATURELLE.  Foye^  au  mot  PiEKRE  A  CHAUX. 

CHEKAO.  Nom  donné  à  une  forte  de  fpath  alcalin  &  ftrié  que 
les  Chinois  font  entrer  dans  la  compoiition  de  la  couverte  de  la  por- 
celaine. Foyz^  Spath. 

CHELIDOINE  GRANDE  ou  ÉCLAIRE,  chdidonia  major.  Cette 
plante  croît  dans  les  environs  de  Paris,dansles  haies,  dans  les  fentes  des  mu- 
railles &  des  vieux  édifices;  elle  fe  plaît  finguliérement  à  l'ombre.  Ses  racines 
font  fibreufes ,  armées  a  une  tête  rougeâtre  garnie  de  chevelu  ;  fa  tige  eft 
rameufe,  nouée  ,un  peu  velue  &  haute  d'un  pied  &demi:  fes  feuilles  font 
vertes,liffcs,  découpées,  un  peu  femblables  à  celles  de  XancoVu  ,  ouà  celles 
de  la  renoncule  des  jardins  :  voye^  ces  mots.  De  l'aiffelle  des  feuilles 
qui  font  à  l'extrémité  des  tiges ,  s'élèvent  des  pédicules  longs  chargés 
de  fleurs  difpofées  en  bouquets  ou  en  croix ,  compofées  chacune  de 
quatre  feuilles  jaunes  ;  le  piftil  fe  change  en  une  filique  longue  d'un 
pouce  &  demi,  verte  d'abord  ,  enfuite  rougeâtre,  qui  répand  en 
s'ouvrant  des  graines  d'un  jaune  noirâtre ,  applaties  &  groffes  comme 
celles  du  pavot.  Toutes  les  parties  de  l'éclairé  contiennent  un  fuc  jaune 
ou  orangé  afl'ez  abondant.  Cette  plante ,  prife  en  infufion  faite  à  l'eau 
ou  au  petit  lait,  &  à  la  dofe  de  quatre  ou  cinq  onces  par  jour,  eft 
diurétique ,  propre  pour  les  obftrudions  de  la  rate ,  du  foie  &  des 
uretères  ,  &  fur-tout  pour  guérir  la  jaunifle  ;car  elle  donne  de  la  fluidité 
à  la  bile  épaiflie  dans  les  pores  biliaires.  On  prétend  que  fon  ufage  eft 
pernicieux  lorfque  la  jaunifTe  eft  due  à  une  inflammation  du  foie,  ou 
à  quelque  maladie  aiguë  ,  comm.e  le  fpafme,  la  morfure  d'une  vipère, 
d'un  animal  enragé  ,  &c.  On  prétend  aufli  que  fon  fuc  pris  intérieure- 
ment diflipe  le  poifon  par  les  fueurs  ;  mais  il  en  faut  prendre  modé- 
rément :  car  il  eft  fi  acre  qu'il  produit  fouvent  des  fymptômes 
horribles. 

CHELIDOINE    PETITE    ou   PETITE    SCROPHULAIRÇ  , 


72  CHE 

clulldonîa  minor.  Plante  qui ,  félon  M.  Ddm^z  ^  eft  une  efpece  de 
renoncule.  On  la  trouve  prefque  dans  les  mêmes  endroits  que  la 
précédente  ;  fa  racine  eft  également  fibreufe  ;  à  ces  fibres  blanchâtres 
font  attachés  des  tubercules  oblongs ,  gros  comme  de  petits  pignons 
&:  de  diflérentes  formes  ;  fes  tiges  font  demi -rampantes  ,  fes  feuilles 
arrondies ,  vertes  &  luifantes  ,  &  d'une  faveur  d'herbe.  Au  fommet 
de  chaque  tige  naît  une  fleur  femblable  à  celle  des  renoncules,  d'une 
couleur  dorée  &  éclatante  ;  du  milieu  s'élève  un  piftil  qui  fe  change 
en  un  fruit  arrondi  en  mianiere  d'une  petite  tête  verte -jaunâtre  ,  & 
rempli  de  femences  oblongues.  Cette  plante  ne  tient  pas  le  dernier 
rang  dans  les  antifcorbutiques  :  pilée  &  appliquée  fur  les  hémorroïdes, 
fur  les  écrouelleSjfur  les  verrues,  elle  y  produit  un  effet  très-falutaire: 
on  la  fait  cuire  dans  du  fain-doux  pour  en  faire  une  pommade  propre 
aux  maladies  ci-delfus  défignées. 

CHELIDOINE.  On  donne  aufîi  ce  nom  à  des  pierres  rondes  , 
applaties  ,  que  les  hirondelles  ont  avalées  pour  faciliter  leur  di- 
geftion  :  on  les  trouve  dans  leur  eftomac,  Voy^i^  Pierre  d'hirondelle. 

CHENOLITE.  Vovez  Brontïas, 

CHENE ,  quercus,  C'eft  le  plus  grand,  le  plus  beau  ,  le  plus  durable 
&  le  plus  utile  des  végétaux  qui  croiffent  dans  nos  forêts.  Cet  arbre  il 
renommé  dans  la  haute  antiquité  ,  fi  chéri  des  nations  Grecques  & 
Romaines,  chez  lefquelles  il  étoit  confacré  au  père  des  Dieux,  fi 
célèbre  par  le  facrifice  de  plufieurs  peuples ,  cet  arbre  qui  a  fait  des 
prodiges,  qui  a  rendu  A^s  oracles  ,  fut  aulfi  le  frivole  objet  de  la 
vénération  de  nos  pères  ,  qui  dirigée  par  des  Druides  trompeurs  ,  ne 
rendoient  aucun  culte  que  fous  les  aufpices  du  2,ui  de  chêne  facré;  voy\ 
Gui.  Mais  ce  même  arbre  confidéré  fous  un  point  de  vue  plus  vrai , 
ne  fera  plus  à  nos  yeux  qu'un  fimple  objet  d'utilité  :  il  méritera  à  cet 
égard  des  éloges  bien  moins  relevés,  il  eft  vrai,  mais  beaucoup  mieux 
fondés. 

Le  chêne  eft  généralement  répandu  dans  les  climats  tempérés ,  il 
ne  fe  plaît  point  dans  les  deux  autres  climats  oppofés.  Il  fe  fait 
connoître  par  fa  majefté  :  car  dans  fon  âge  mûr  il  furpafle  prefque  tous 
les  autres  par  fa  hauteur  &  fa  grolfeur  j  il  répand  fes  rameaux  au 
large;  fon  tronc  eft  couvert  d'une  écorce  épaifle  ,  raboteufe,  crevaffée, 
rude  &  rougeâtre  intérieurement.  Ses  feuilles  font  d'un  beau  vert , 
plus  larges  à  leur  extrémité  3   découpées  dans  leurs  bords  par    des 

iinuofités 


ÎJnuofités  arrondies  ,  &  attachées  à  des  pédicules  afTez  courts.  Cet 
arbre  porte  fur  le  même  pied  ,  mais  dans  des  endroits  féparés,  des 
îlfiurs  mâles  &  des  fleurs  femelles.  Les  premières  font  à  étamines  ;  elles 
font  attachées  le  long  d'un  filet  Se  foi-ment  un  chaton  ;  leur  ufage  eft 
de  féconder  les  fleurs  femelles  compofées  d'un  calice  «pais  ,  charnu  , 
au  milieu  duquel  eft  un  piftil  ;  ces  dernières  font  auflî  quelquefois 
difpofées  fur  un  filet.  A  ces  fleurs  fuccedent  les  fruits  que  l'on  nomms 
glands ,  qui  font  engagés  en  partie  dans  une  efpece  de  petite  coupe, 
qu'on  appelle  calice  ou  cupule.  Ce  fruit ,  en  forme  d'olive  ,  couvert 
d'une  écorce  dure,  luifante  ,  renferme  une  amande  compofée  de  deux 
lobes  d'un  goût  âpre  &  aufter  e ,  verte  au  commencement ,  enfuite  jaunâtre 
&  fu jette  à  l'attaque  du  ver. 

La  durée  de  la  vie  du  chêne  de  la  dureté  de  fon  bois  ,  font  propor- 
tionnées à  la  lenteur  de  fon  accroilTement.  Dans  les  terrains  gras,  il 
prend  trois  pieds  de  tour  en  trente  ans  ;  il  croît  plus  vite  alors  &  fait 
fes  plus  grands  progrès  jufqu'à  quarante  ans.  Quoiqu'il  ne  dédaigne 
prefqu'aucun  terrain  ,  la  nature  du  fol  &  l'expoution  occafionnent  de 
grandes  différences  dans  fon  accroiifement ,  &:  dans  la  qualité  de  fon 
bois.  Le  chêne,  ainfi  que  grand  nombre  d'autres  arbres,  croît  plus  vite 
dans  les  terrains  bas  &  humides  ;  mais  alors  fon  bois  eft  beaucoup  plus 
tendre,  plus  caffant,  moins  propre  à  la  charpente  ;  celui  qui  croit  fur 
les  montagnes  eft  noueux  &  plein  de  force.  Nous  avons  dit  ci  -  defîus 
que  le  chêne  fe  diftingue  par  fa  hauteur  &  fa  grofieur.  Harlay  rapporte 
que,  dans  le  Comté  d'Oxford  en  Angleterre,  un  chêne  dont  le  tronc 
avoit  cinq  pieds  quarrés  dans  une  longueur  de  quarante  pieds,  ayant 
été  débité  ,  ce  tronc  produifit  vingt  tonnes  de  matières ,  &  que  fes 
branches  rendirent  vingt-cinq  cordes  de  boisàbrûler.Cet  arbre  paroîtêtre 
le  même  cité  par  Plot  dans  fon  Hijioire  Naturelle  d'Oxford  ,  dont  les 
branches  de  y^.  pieds  de  longueur,  mefurées  depuis  le  tronc,  pouvoient 
ombrager  304.  Cavaliers  .ou  4374  Piétons.  Ray  rapporte  ,  dans  (on 
Hifloire  générale  des  Plantes  ,  qu'on  voyoit  de  fon  temps  en  Veftphalie 
plufieurs  chênes  mcnftrueux ,  dont  l'un  fervoit  de  citadelle,  &  dont 
l'autre  avoit  30  pieds  de  diam.etre ,  fur  130  pieds  de  hauteur.  On 
peut  juger  de  la  grofleur  prodigieufe  de  ces  arbres  par  celui  dont 
fureat  tirées  les  poutres  tranfverfales  du  fameux  vaiffeau  appelle  l& 
Broyai  Dovnlïng ,  conftruit  par  Charles  L  Roi  d'Angleterre  ;  ce  cliêne 
fournit  quatre  poutres ,  chacune  de  44  pieds  de  longueur  fur  4  pieds 
iQme  11,  K 


74'  C  H  Ê 

pieds  p  pouces  de  diamètre.  L'arbre  ,  continue  Ray  ,  qui  fervît  de 
mât  à  ce  vaifleau ,  mérite  d'être  cité ,  quoique  d'un  autre  genre  ;  il 
avoit  p9  pieds  de  long  fur  55*  pieds  de  diamètre.  II  y  a  plufieurs 
exemples  d'arbres  également  monftrueux  pour  la  grofieur.  /^oye^  à 
farncle  Pain  de  Singe. 

Lorfqu'on  veut  former  une  futaie  de  chênes ,  il  faut  femer  des 
glands  abondamment ,  ménager  de  l'abri  au  jeune  plant ,  &  le  couper 
à  propos  :  ce  font  les  vrais  moyens  d'avancer  la  plantation ,  ainfi 
qu'on  peut  le  voir  au  mot  Eois.  Quant  aux  jeunes  chênes  qu'on  élevé 
pour  planter  en  avenues  ou  en  quinconces ,  il  faut  les  faire  germer 
dans  du  fable,  &  les  couvrir  légèrement  de  terre  au  mois  de  Mars, 
Avant  de  les  y  mettre  ,  il  eft  avantageux  de  couper  la  radicule  ou 
germe  ;  par  ce  moyen  le  jeune  chêne  poufle  des  racines  latérales  & 
ne  forme  plus  de  pivot  :  mais  étant  fourni  de  quantité  de  racines 
latérales  ,  il  fe  tranfplante  aulh  facilement  que  les  ormes  &  les  tilleuls» 
yojei  ces  mots.  M.  Erland  Turfen  a  donné  depuis  quelque  temps  une 
nouvelle  manière  de  planter  des  chênes.  Il  exige  que  le  terrain  foit 
léger  5  égal,  enclos;  que  le  gland  foit  planté  dru  auffi-tôt  qu'il  eft 
ramafle  ,  &  que  le  terrain  foit  recouvert  de  moufle.  Il  faut  avoir  foin 
de  tranfplanter  les  nouveaux  chênes  &  les  arrofer  ,  couper  ceux 
qui  viennent  mal  ,  &  donner  de  l'air  à  ceux  qui  réufiîffent.  Mémoires 
de  C Académie  de  Stockholm,  Voyez  auiîi  un  excellent  Traité  Angîois 
fur  la  culture  des  jeunes  chênes ,  qui  a  pour  titre ,  the  modem  Druid 
(le  Druid  moderne). 

Le  bois  de  chêne  réunit  tant  d'excellentes  qualités,  tant  d^avantages, 
qu'il  eft  le  plus  recherché  de  tous  les  arbres  pour  un  très  -  grand 
nombre  d'ouvrages;  pour  la  ftrudure  des  moulins,  des  preflfoirs; 
pour  la  menuiferie  ,  le  charronnage;  pour  des  treillages  ,  des  échalas, 
des  cercles  ;  pour  du  bardeau  ,  des  éciifles,  des  lattes,  &  pour  tous 
les  ouvrages  où  il  faut  de  la  folidité ,  de  la  force  ,  du  volume  &  de  la 
durée  ,  &  notamment  pour  la  charpente  des  bâtimens  &  la  conftrudion 
des  navires.  Les  défauts  du  chêne  femblent  faits  pour  ajouter  à  fa  force  , 
&  pour  le  rendre  propre  à  certains  ufages  particuliers.  Le  tronc  d'un 
vieux  chêne  fe  tortille  fouvent  ;  il  devient  pour  lors  très-propre  pour 
faire  des  piliers  &  des  colonnes  deftinées  à  porter  de  grands  poids. 
On  appelle  merrain  le  cœur  du  chêne ,  on  en  fait  des  douves.  Lorfque 
ce  bois  eft  bien  fecj  ôc  coupé  dans  une  faifon  favorable  afin  qu'il  nç 


CHÊ  7r 

fe  tourmente  .pas ,  il  dure  jufqu  à  fix  cents  ans ,  pourvu  qu'il  foit  à 
couvert  des  injures  de  l'air.  Si  l'on  eft  néceflité  de  faire  ufage  du  bois 
encore  vert ,  on  n'a  rien  de  mieux  à  faire  pour  le  mettre  en  état  d'ac- 
ouérir  les  qualités  nécelTaires,  &  même  celle  de  n'être  point  attaqué 
par  les  vers,  que  de  laifler  tremper  les  planches  dans  l'eau  ,  qui  dilTout 
&  enlevé  toute  la  fève ,  fuivant  l'épreuve  qu'en  a  vue  M.  E/Iis ,  qui 
propofe  cette  méthode  pour  le  bois  de  hêtre.  Foye^  FIètre, 

Cette  précaution  n'eft  pas  néceiTaire  lorfqu'on  l'emploie  fous  terre 
&  dans  l'eau  en  pilotis  ,  où  l'on  dit  qu'il  fe  conferve  jufqu'à  quinze 
cents  ans.  Cette  efpece  de  bois  ,  qu'on  emploie  par  préférence  pour 
les  éclufes  &  dans  les  machines  hydrauliques,  eft  très-propre  pour  le 
chauffage  &  forme  d'excellent  charbon.  Il  y  a  un  moyen  ,  alnfi  qu'on 
le  peut  voir  au  mot  Bois,  de  procurer  à  l'aubier,  qui  naturellement 
eft  tendre  &  épais  dans  le  chêne ,  la  qualité  du  bois  dur.  Uaub'ur , 
qui  eft  compofé  de  douze  ou  quinze  cercles  ou  couches  annuelles  , 
eft  plus  marqué  dans  la  chêne  que  dans  les  autres  arbres.  Il  eft  dé- 
fendu aux  ouvriers  par  leurs  Statuts,  d'employer  aucun  bois  où  il  y  ait 
de  l'aubier ,  tant  il  eft  défedueux.  Cependant  M.  d&  Buffon  propofe 
des  moyens  pour  donner  à  l'aubier  prefqu'autant  de  folidité,  de  force, 
de  durée  qu'en  a  le  cœur  du  bois  de  chêne.  Voyc:^  à  l'artick  Bois. 

Le  chêne  eft  utile  dans  toutes  fes  parties.  On  fait  ufage  de  l'écorce 
de  ces  arbres  encore  jeunes  ,  réduite  en  poudre  &  fous  le  nom  de 
tan  brut ,  pour  préparer  les  cuirs  :  la  fciûre  de  fon  aubier ,  fon  bois 
&  même  le  cœur  du  bois,  ont  la  même  propriété,  avec  cette  diue- 
rence  cependant  que  l'écorce  agit  plus  fortement  fur  les  cuirs  que  le 
bois  &  le  cœur  du  bois ,  mais  moins  que  l'aubier.  L'écorce  fert  auflî 
pour  teindre  en  j  aune-brun  ou  en  noir  :  celle  qui  a  palfé  les  cuirs  , 
fe  nomme  tan  préparé.  On  en  forme  des  mottes  à  brûler  :  on  en  fait 
ufage  auiîi  peur  faire  des  couches  dans  les  ferres  chaudes.  Riea 
n'échauffe  mieux  que  cette  matière  la  terre  qu'on  deftine  aux  ananas, 
aux  plantes  graffes  &  exotiques.  Le  gland  ,  fruit  du  chêne ,  manque 
fréquemment  ,  parce  que  fa  fleur  eft  aufïi  délicate  que  celle  de  la 
vigne  ;  mais  quand  la  glandée  eft  abondante  ,  on  en  retire  un  grand 
profit  pour  la  nourriture  des  cochons  ,  auxquels  cette  nourriture 
procure  un  excellent  lard.  Ce  fruit  fert  aufti  à  nourrir  les  bêtes  fauves 
&  à  engrailTcr  au  befoin  certaines  volailles.  En  Efpagne  on  vend  dans 
îe§  marchés  des  glands  d'une  faveur  douce  &  agréable  ,  comme  on 

K  3 


js  e  H  ê 

vend  ici  les  cKâtargnes.  Voyzi^  Chêne  vert.  En  lyop  (année  de  dl- 
fette) ,  de  pauvres  gens  firent  du  pain  avec  la  farine  de  notre  gland  r 
quoique  ce  pain  fut  très-défagréable  au  goût ,  il  s^èn  fit  une  grande- 
confommation  dans  plufieurs  Provinces  de  France.  M.  Linnœus  dit  qu'il- 
feroit  très-bon  de  rôtir  les  glands,  avant  de  les  moudre  ,  pour  rendre 
le  pain  moins  lourd. 

Le  chêne  eft  la  patrie  d'un  très-gran:d  nombre  d'efpeces  d^infe(5tes  ;: 
chacun  y  trouve  la  nourriture  qui  lui  eft  propre.  Voilà  pourquoi  on 
remarque  fur  les  chênes  une  grande  quantité  de  diverfes  efpeces  de'; 
galles.  Ceft  dir  des  chênes  du  Levant  que  croiflent  les  noix  de  galle  , 
dont  on  fait  ufage  pour  préparer  les  étoffes  à  recevoir  diverfes  efpeces. 
de  teinture  ,  ainfî  que  pour  faire  de  l'encre.  L'écorce,  1  aubier  ,  le; 
bois  ,  les  feuilles  ,  les  glands  ,  les  noix  de  galle  ,  les  tubercules  qui  fe: 
trouvent  fous  les  feuilles ,  le  gny ,  plante-parafite ,  l'efpece  de  cham-r 
pignon  qui  eft  nommé  agaric  de  chêne  y  la.  rnoujfe  même 'yQn  un  mot  les^ 
diverfes  producflions  tant  naturelles  que  contre  nature  du  chêne ,  font? 
d'ufage  en  Médecine.  Leurs  vertus  font  en  général  ftiptiques  Sc 
aftringentes. 

Outre  l'efpece  de  chêne  la  plus  commune  dans  nos  bois  d'Europe» 
dont  nous  venons  de  parler  ,  il  y  en  a  encore  plufieurs  autres  &  beau- 
coup de  variétés ,  d'autant  que  cet  arbre  fe  multiplie  de  femences,  - 
Des  Botaniftes  en  comptent  au  moins  quarante  ,  qui  ne  font  ni  répan- 
dues ,  ni  fort  connues.  Les  chênes  qui  croiflent  dans  le  Levant  dô 
en  Amérique ,  ont  pour  eux  la  variété  &  l'agrément  ;  mais  les  nôtres 
font  fupérieurs  pour  la  qualité  du  bois.  Nos  chênes. à  gros  glands  &  à-- 
pédicules  longs,ainfi  que  les  chênes  à  glands  moyens  di  à  pédicules  courts,  , 
fournifient  d'excellent  bois.  Le  bois  du  chêne  à  petits  glands  eft' 
rebours. 

On  donne  le  nom  de  chêne  rohre  ou  rouvre  ,  quercus  gallifer ,  à  cette? 
efpece  de  chêne  remarquable  aulîi  par  fes  feuilles  qui  font  couvertes- 
de  duvet  :  on  le  trouve  aux  environs  d'Aubigny  près  de  Paris.  Son' 
gland  eft  petit  ,  &  tellement  enveloppé  dans  fon  calice ,  qu'il  mûrit 
difficilement. 

Le  bois  du  chêne  de  Virginie  eft  remarquable  par  fes  veines  rouges;. 
Il  y  a  une  efpece  de  chêne  toujours  vert,  dont  les  feuilles  font  ob — 
longues  &  fans  finuofités  :  les  Indiens  font  ufage  de. fon  gland  quiète 
doux  ,  pour  épaiÛîr  leur  foupej  ils  en. retirent  aufli  une  huile. très^ 


C  H  É  7' 7 

Bonne.  Il  croît  en  Canada  ,  à  la  Virginie  ,  à  la  Caroline,  une  efpece 
de  chêne  vert  ,  ainfi  nommé  de  fon  écorce  blanchâtre.  M.  de  Buffon  Ta 
cultivé  avec  fuccès  dans  Tes  plantations  en  Bourgogne  ;  c'ell:  vraifem- 
blablement  celui  qui  porte  des  glands  auffi  doux  que  les  noifettes  : 
plufieursefpeces  de  chênes  verts  ont  le  même  avantage.  Cette  efpece  de 
chêne  croît  plus  vite  environ  d'un  tiers: il  eft  très-robufte  &  s'accommode 
des  plus  mauvais  terrains.  Que  d'avantages  propres  à  en  faire  défireif 
hi  multiplication  !  L'Amérique  produit  aufîi  une  efpece  de  chêne  dont 
\t  gland  eft  très-long  ;  ainfi  cet  arbre  fe  trouve  commun  à  l'ancien  de 
au  nouveau  Continent,- 

CHÊNE  MARIN.  Voye^  à  tanïck  Fucus. 

CHÊNE  VERT ,  ïhx.  Le  chêne  vert  reftemble  abfolument  au  chénd 
pour  la  fleur  &  pour  le  fruit;  mais  il  en  diffère  par  fes  feuilles  qui 
reflfemblent  aflez  à  celles  du  houx,  &  qui  ne  tombent  point  l'hiver, 
ires  feuilles  du  chêne  vert  font  fermes  ,  dentelées  en  dents  de  fcie  &: 
piquantes  par  les  bords  d'un  vert  foncé ,  la  plupart  un  peu  velues  & 
blanchâtres  par  deffbus  ,  placées  alternativement  fur  les  branches.  Il 
j?-  en  a  des  efpeces  qui  font  d'affez  gros  arbres,  &  qui  donnent  urt 
bois  fort  dur  ,  dont  on  fait  pour  la  Marine  des  ellîeux  de  poulies. 
Gomme  ce  bois  a  beaucoup  de  refîbrt  ,  on  le  choifit  auiîi  par  pré-- 
férence  pour  les  manches  de  mail.  Il  eft  d'un  fi  bon  ufage,que  M. 
Duhamd  confeiîle  d'en  femer  des  bois  entiers  :  il  eft  vrai  qu'il  croît 
lentement;  mais  cet  inconvénient  lui  eft  commun  avec  les  bois  durs. 
Quelques  efpeces  de  chênes  verts  portent  un  gland  doux  &  auffi  bonf 
à  manger  que  les  châtaignes.  On  en  voit  beaucoup  d'expofés  fur  les- 
marchés  en  Efpagne  ;  on  en  fait  une  efpece  de  pain  en  Barbarie,.. 
&c.  Le  chêne  v€rt  croît  auffi  à  Louifîane.  Il  y  a  auffi  l'efpece  de  chêng 
vert  plus  connue  fous  le  nom  d'jé«{e.  Voyez  ce  mDt. 

Il  croît  naturellement  en  Languedoc  ,  en  Provence  ,  en  Efpagne^', 
en- Portugal,  une  efpece  de  petit  chêne  vert  ,  femblable  à  un  petif 
buiffion  garni  de  feuilles  très-petites  &  d'un  vert  très-lu'fant  :  on  le- 
nommQ  i/ex  aculeuta  cocciglandifera,  C'eft  fur  ce  petit  arbre  que  fe' nour- 
rit cet  infede  utile  &  précieux  que  l'on  nomme  kermès.  Foye^  fori- 
hifioirc  au  mot  KtRMÈs.  Les  Provençaux  nomment  ce  chêne  vert  fim-- 
plement  kermès.  Le  kermh  galle-- infede  ne  vit  abfolument  que  furcetteî 
feule  efpece  de  chêne  vert:  on  ne  le  trouve  jamais  fur  un  autre  ptetû^' 


■  "X 


7S  C  H  E 

chcne  vert  ,  fi  femblable  à  celui  -  là  ,  qu'on  a  peine  à  les  diftinguer. 
On  peut  cultiver  avec  fuccès  ces  petits  arbrifTeaux  dans  nos  bofquets; 
mais  on  n'y  trouve  jamais  le  kermès.  Il  refte  à  favoir  {i  cet  infedô 
tranfporté  de  fon  pays  natal  ,  pourroit  fubfifter  dans  notre  climat. 

CHENEVI.  Nom  donné  à  la  graine  que  produit  le  chanvre.  L'on 
appelle  chencvotu  la  tige  du  chanvre  féparée  de  fa  filafle.  Foye^ 
Chanvre. 

CHENILLE ,  eruca.  C'eft  une  des  plus  variées  &  des  plus  nom- 
breufes  familles  d'infedes  que  nous  connoiflions  dans  la  nature.  Jean 
Goedart ,  dans  fon  Hifioire  dc:>  Infccîcs  ,  en  a  remarqué  jufqu'à  cent  cin» 
quante  efpeces.  Des  Naturaliftes  qui  ont  étudié  ces  mêmes  animaux, 
en  ont  encore  ajouté  d'autres  efpeces  qui  avoient  échappé  à  Gocdari^ 
L'hiftoire  de  cet  infeéle  eft  capable  de  piquer  la  curiofité  de  l'homme 
le  plus  indifférent.  Qu'il  life:  il  verra  bientôt  qu'elle  eft  en  effet  remplie 
de  curieufes  métamorphofes  ,  &  la  plus  variée  de  tous  les  fujcts  que 
nous  préfente  l'hiftoire  des  infeâes  &  même  de  tous  les  animaux. 
Nous  nous  attacherons  ,  d'après  l'abrégé  des  infedes  de  M.  de  Rèaumur 
par  M.  BciT^in  ,  à  décrire  les  traits  les  plus  frappans  de  l'induftrie  de 
ces  animaux.  Nous  dirons  d'abord  ce  qui  convient  aux  cheniHes  en 
général  ;  &  nous  donnerons  enfuite  ,  par  ordre  alphabétique  fecon- 
daire,  l'hiftoire  des  chenilles  les  plus  (ingulieres  ,  foit  pour  l'induftrie, 
foit  pour  la  forme,  C'eft  dans  les  Ouvrages  de  M.  de,  Réaumur  qu'il  faut 
puifer  des  détails  plus  circonftanciés  ,  &  chercher  une  diftributioii 
favante  des  chenilles  en  claffes,  en  genres  &  en  efpeces. 

La  chenille  eft  un  infeâe  contre  lequel  bien  de  gens  font  prévenus, 
parce  qu'ils  la  croient  venimeufe  &  capable  d'empoifonner.  C'eft 
un  préjugé  des  plus  faux  ,  ainfi  qu'on  aura  lieu  de  le  voir ,  &  dont 
il  eft  bon  de  revenir  ;  on  en  fera  plus  difpofé  à  s'intéreffer  à  leur 
hiftoire,  &  à  vouloir  connoître  par  foi- même  leurs  travaux  &  leurs 
métamorphofes.  Il  faut  cependant  avouer  que  certaines  chenilles  ve- 
lues 5  fur-tout  lorfqu'elles  font  prêtes  à  fe  métamorphofer  ,  &  encore 
plus  les  nids  qu'elles  fe  font  conftruits ,  occafionncnt  fur  la  peau  quel- 
ques démangeaifons  ,  mais  qui  ne  font  fuivies  d'aucun  fâcheux  effet  \ 
il  faut  feulement  manier  ces  chenilles  avec  plus  de  précaution.  La  plus 
à  redouter  eft  la  chenilU  proccjjionnalre  ,  &  encore  plus  fon  nid  ^  comniQ 
qn  le  verra  plus  bas. 


C  H  E  7^ 

Defcript'ion  des  Chenilles  ,  &  caraclcrcs pour  les  d'ijlinguer. 

Dans  la  belle  faifon ,  toute  la  Nature  paroît  remplie  d'infedes  de 
diverfes  efpeces.  Ceux  qui  font  nés  au  printemps  ou  en  été,  périflent 
ou  difparoifTent  la  plupart  à  l'approche  de  l'hiver  :  car  il  eft  rare  de 
voir  des  infeâies  qui  vivent  plus  d'un  an.  D'autres  fe  cachent  fous  terre, 
dans  les  fentes  des  pierres  ,  fous  les  écorces  des  arbres  ;  un  grand 
nombre  y  périffent  :  d'autres  engourdis  pendant  la  faifon  rigoureufe , 
reparoiffent  au  printemps ,  les  uns  fous  la  forme  oii  ils  étoient  avant 
l'hiver  ,  les  autres  fous  une  forme  nouvelle.  La  chaleur  du  printemps 
qui  ranime  tout  ce  qui  a  vie ,  fait  éclore  les  œufs  que  chaque  infede 
avoit  dépofés  ,  fuivant  le  vœu  de  la  Nature  ,  dans  le  lieu  le  plus  propre 
à  leur  confervation  ;  c'eft  ainfî  que  le  monde  des  infedes  fe  rajeunit. 
Les  œufs  des  chenilles  éclofent  des  premiers.  Il  eft  fi  avantageux  de 
détruire  dans  leurs  berceaux  certaines  efpeces  de  chenilles  nombreufes 
qui  ravagent  &  dévaftent  nos  vergers  ,  que  nous  ne  manquerons  point, 
dans  l'hiftoire  particulière  de  chaque  chenille  ,  d'indiquer  les  endroits 
oij  l'on  trouve  ces  œufs  réunis  ,  afin  de  détruire  en  partie  pendant 
l'hiver ,  ces  peuplades  redoutables.  Heureufement  pour  nous  que  dans 
ce  nombre  prodigieux  d'efpeces  de  chenilles  ,  fi  l'on  en  excepte  celles 
qui  font  dans  les  fruits ,  &  que  leur  petitefle  fait  pafTer  pour  des  vers, 
il  n'y  en  a  que  cinq  ou  fix  efpeces  de  nuifibles. 

L'état  de  la  chenille  n'eft  que  pafiTager  :  toute  chenille  fe  change 
en  papillon ,  après  avoir  paiîe  par  un  état  moyen  qu'on  nomme 
chryfalide  i  èc  tout  papillon  vient  d'une  chenille.  La  chenille  n'eft  donc 
pas  un  animal  parfait ,  non  plus  que  la  chryfalide  :  &  M.  Delcii^e  a 
raifon  de  dire  qu'elles  ne  font  que  le  papillon  renfermé  fous  des  en- 
veloppes pourvues  d'organes  particuhers  pour  le  mouvement  &  la 
nutrition  ,  organes  dont  le  papillon  fe  défait ,  lorfque  parvenu  au  terme 
de  fon  entier  accroiffement  il  quitte  fes  dernières  dépouilles  ;  ce  n'eft 
qu'alors  qu'il  paroît  infede  parfait  &  pourvu  des  organes  propres  à 
la  réprodudion  de  l'efpece  ,  qui  ne  fe  trouvent  pas ,  ou  du  moins  ne 
font  pas  développés  dans  la  chenille  &  dans  la  chryfalide.  Du  refte 
le  nom  de  métamorphofe  qu'on  emploie  ordinairement  pour  défigner 
le  paffagede  l'inied.  par  ces  différens  états ,  n'indique  qu'une  apparence; 
au  lieu  a'un  changement  proprement  dit ,  il  n'y  a  qu'un  développement. 
Ainfi  cette  manière  de  métamorphofe  fi  conftante  diftingue  les  chenilles 


■% 

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t&  C  H  E 

,des  fauffcs  chénîlUs  qui  fc  changent  en  mouclies  -,  &  des  faux  vers  dont 
îes  uns  fe  changent  aufli  en  mouches  ,  les  autres  en  fcarabées  ,  &; 
les  autres  ne  fubifTent  aucun  changement.  Nous  allons  voir  les  caraéle- 
res  extérieurs  ,  diflindifs  d'infeûes  £  difi-erens  par  leurs  métamor- 
phofes* 

Le  corps  de  la  vraie  chenille  a  beaucoup  plus  de  longueur  que  de 
diamètre i  il  eft  partagé  en  douze  anneaux  :  toute  l'enveloppe  de  la 
tête  femble  écailleufe.  La  chenille  a  deux  efpeces  de  jambes  ;  favoir, 
Cx  écailleufes  &  pointues  ,  attachées  au  premier  anneau  ,  &  fuivies 
ordinairement  de  huit  autres  jambes  mcmbraneufcs  ,  ti  de  deux  autres 
à  l'extrémité  poftérieure  ,  mais  tournées  d'un  autre  fens.  Ces  jambes 
membraneufes  font  armées  de  crochets  écailleux  ,  arrangés  en  cou- 
ronne autour  de  la  plante  de  chaque  pied.  A  ces  caraderes  oa 
reconnoîtra  facilement  que  ce  que  l'on  prend  pour  des  vers  dans  les 
fruits  5  font  de  véritables  chenilles.  Toute  chenille  qui  eft  pourvue  de 
feize  jambes  fe  change  en  papillon ,  ainfi  que  celles  qui  en  ont  moins 
que  ce  nom^bre  ;  mais  toutes  celles  qui  en  ont  plus  de  feize  ou  moins 
de  huit  5  font  de  faulTes  chenilles  qui  fe  changent  ou  en  m.ouches  à 
tcie,  ou  en  fcarabées.  Voyc^^  faufles  Chenilles  à  f article  Mouches  à 
£cie.  On  obferve  encore  que  les  vraies  chenilles  ont  leur  fourrure 
iTioUe ,  flexible  ou  membraneufe ,  tandis  que  celle  du  hanneton  eft 
.écailleufe. 

Le  nombre  des  jambes  écailleufes  des  chenilles  ne  varie  jamais  ;  il 
ïiQïi  eft  pas  de  même  des  m.embraneufes  :  c'eft  ce  qui  a  donné  lieu 
à  M.  de  RéaumurdQ  form.er  différentes  dalles  de  chenilles.  Le  génie  de 
certaines  chenilles  ,  &  le  premier  coup  d'ceil  qui  frappe  par  des  dif-- 
ferences  tr.ès-fenfibles ,  a  aufii  donné  lieu  à  d'autres  claiTes  :  telles  font 
ce/les  qui  vivent  en  fcciété  pendant  toute  leur  vie  ,  &  qui  font  les  plus 
pernicieufes  pour  nos  arbres  ;  telles  font  au0î  les  chenilles  folitaires  , 
ks  cheriilles  rafes  ,  celles  qui  font  velues  ;  les  chenilles  à  tubercules  , 
à  brojjes  ,  à  aigrettes  ,  éj-ineufes  ,  dont  on  va  voir  fucceiîivement 
rhiftpire, 

liçi  démarche  des  chenilles  eft  plus  dégagée  que  celle  des  vers  de 
urre  ;  voyi^^  ce  mot.  Le  mouvement  progrefiif  ne  s'exécute  pas  ce- 
pendant chez  toutes  les  chenilles  avec  la  même  vîtefle  ;  mais  la  plupart 
fp  meuvent  de  la  manière  fuivante.  Elles  commencent  à  retirer  &  re- 
,0urbcîr  un  peu  leur  extrémité  poftérieure  ^   en  formant   une  petite 

bolTç 


C  H  É  êi 

boffe  en  îiaut;  te  en  ferrant  les  deux  ou  trois  derniers  anneaux^  par 
deffous.  Par  ce  moyen  ,  dit  M.  ïï'^eis ,  la  dernière  paire  de  jambes  fait 
un  pas  ,  fe  a\^mponne  ,  &  ce  renflement  fe  coule  par  un  mouvement 
ondulatoire  le  long  du  corps,  jufqu  a  la  tête  ,  de  forte  que  chaque 
paire  de  jambes,  foit  membraneufes  ,  foit  écailleufes  ,  trouve  le  moyen, 
iorfque  le  renflement  palîe  par  delTus ,  de  pouvoir  s'avancer  &  fe  cram- 
ponner à  une  nouvelle  diftance:  enfin  la  tête  peut  fe  porter  en  avant, 
en  relâchant  fes  anneaux  contigus  &  ferrés  à  leur  tour  :  c'eft  ainfi  que 
s'accomplit  le  pas.  Cette  façon  de  ramper  ,  qui  paroît  la  plus  fimplc, 
efl:  commune  à  la  plupart  des  chenilles  ;  nous  difons  à  la  plupart , 
car  Fon  en  voit  dont  le  mouvement  progrefTif  efl:  très-diffe'rent ,  ainfi 
qu'on  l'obfervera  en  lifant  l'hifloire  des  différentes  chenilles  ci-après, 

La  groflfeur  des  chenilles  varie  depuis  les  plus  petites  que  Ton 
trouve  dans  les  fruits  ,  jufqu'à  la  plus  grolTe  :  telle  que  la  chenille  du. 
papillon  à  téie  de  mort  ,  qui  a  quatre  pouces  &  demi  de  longueur.  Il 
y  a  de  chaque  côté  de  la  tête  des  chenilles  cinq  ou  fix  petits  grains 
noirs  ,  qu'on  ne  voit  bien  qu'avec  la  loupe  ,  qui  paroillcnt  être  les 
yeux  de  l'infedre ,  èc  qu'on   appelle  facettes  à  miroirs. 

On  remarque  de  chaque  côté  ,  le  long  du  corps  à.^^  vraies  &  à^% 
fauffes  chenilles  ,  neuf  petites  ouvertures  ovales  alongées  ,  bordées 
d'un  cordon  qui  varie  de  couleur  dans  les  efpeces  difi^érentes,  ce  font 
les  poumons  ,  organe  de  la  refpiration  At%  chenilles  .•  on  les  nomme 
fiigmates'.  voyez  au  mot  Insecte.  Ces  parties  ,  ainfi  que  les  dents  , 
&  la  filière  qui  eft  ce  corps  charnu  d'où  fort  la  foie  que  filent  les 
chenilles ,  font  comimunes  à  toutes  les  chenilles.  L'hiftoire  du  ver  à 
foie,  qui  eft  une  véritable  chenille,  fait  donc  eîfentiellement  partie  de 
rhiftoire  des  chenilles  ;  mais  comme  cet  infede  eft  un  des  plus  inté- 
refilins ,  nous  renvoyons  à  fon  hiftoire  pour  le  détail  de  la  ftruâure 
admirable  de  cette  filière  ,  &  des  vaifTeaux  qui  contiennent  la  foie  , 
pour  qu'on  puifTe  voir  d'un  feul  coup  d'œil  tout  l'intérieur  du  corps 
des  chenilles.  La  réunion  de  cet  article  avec  celui-ci  complettera 
l'abrégé  de  l'hiftoire  des  chenilles.  Foye^  Ver  a  soie, 

Métamorphofes  des    Chenilles, 

Toute  chenille  change  trois  fois  de  peau  pendant  fa  vie  ;  de  rafe 
qu'elle  étoit  d'abord  ,  elle  paroît  quelquefois  velue  à  fon  'dernier 
changement  de  peau  :  telle  autre  qui  étoit  velue  ,  finit  par  être  rafe. 

Tome  //,  „.  L 


82  CHE 

La  chenille  pafle  d'abord  de  fon  état  de  chenille  à  celui  de  chryfalîdej 
&  enfuite  à  celui  de  papillon. 

Voyons  les  foins  que  prend  la  chenille  ,  &  la  fituation  oii  elle 
fe  met  pour  pafTer  à  l'état  de  chryflilide  ,  efpece  de  léthargie  qui  la 
laifle  fouvent  pendant  plufieurs  mois  de  fuite,  &  quelquefois  plus  d'un 
an,  expofée  fans  défenfe  à  tous  les  événemens  ,  mais  qui  ne  Tem- 
pêche  pas  de  reparoître  enfuite  fur  la  fcene  du  monde  ,  auflî  admi- 
rable dans  fon  état  de  chryfalide,  aulli  merveilleufe  dans  fa  métamor— 
phofe  en  papillon,  que  finguliere  dans  fon  premier  état» 

Moyens   qu  emploient   les  Chenilles  pour  fe  procurer  un   repos  ajfurè 
pendant  leur  état  de  chryfalides» 

Les  chenilles  nous  font  voir  quatre  moyens  dififérens.  Les  unes  fe 
filent  des  coques  ,  d'autres  fe  cachent  fous  terre  dans  de  petites  cel- 
lules bien  maçonnées  ;  les  unes  .fe  fufpendent  par  leur  extrémité  pof* 
térieure ,  &  d'autres  fe  lient  par  une  ceinture  qui  leur  embraffe  le 
corps.  Diverfes  efpeces  de  chenilles  font  appercevoir  un  génie  parti- 
culier dans  la  conflrudlion  de  leurs  coques  ,  où  l'on  voit  beaucoup 
de  variétés  pour  la  forme  &  pour  la  matière  ;  nous  parlerons  de  celle 
du  ver  à  foie  ,  la  plus  belle  &  la  plus  intérelfante  pour  nous ,  au  mot 
Vek  a  soie» 

Conflruciion  des  coques ,  &  leurs  variétés* 

Les  deux  coques,  qui  approchent  le  plus  de  celles  des  vers  à  foie  , 
pour  ia  forme  &  pour  la  couleur,  font  celles  de  la  chenille  a  aigrettes ^. 
qui  eft  d'un  jaune  citron  ,  &  celle  de  la  chenille  nommée  la  livrée  ^^ 
qui  approche  du  blanc.  Ces  coques  font  fi  peu  fournies  en  foie ,  qu'elles 
feroient  tranfparentes  ,  fi  la  première  n'y  faifoit  entrer  de  fes  poils, 
&  fi  l'autre  ne  la  faupoudroit  d'une  poudre  jaune  ;  voye^^  plus  bas 
Chenille  a  aigrettes,  &  Chenille  a  livrée.  Quelques  chenilles 
fe  forment  avec  de  la  foie  ou  une  matière  particulière  ,  des  coques 
qui  font  comms  membraneufes  &  d'un  poli  fi  vif  à  l'extérieur,  qu'on 
les  prendroit  pour  un  gland  de  chêne  tiré  de  fon  calice  ;  telles  font 
celles  d'une  chenille  de  l'aube -épine  &  de  l'abricotier. 

Une  chenille  qui  vit  en  fociété  fur  les  haies  ,  fait  entrer  dans  la 
conftrudion  de  fa  coque  trois  fortes  de  matière ,  de  la  foie,  de  fora 
poil  &•  de  la  cire.  Je  parle  de  cire  ,  dit  M.  Ba(m  ,  parce  que  cette- 
Biatiere  en  a  le  gras  j  la  mollefTe  Se  l'apparence»  Je  mis ,  ajoute- t-il> 


QUE  8  3 

une  de  ces  coques  avec  celles  d'un  ver  à  fcie  dans  de  refprit  de  felj 
après  deux  mois  de  féjour  dans  cette  liqueur ,  la  dernière  étoit  entiè- 
rement diflbute  &  réduite  en  fédiment,  &  l'autre  n'étoit  point  altérée; 
elle  a  réfïfté  encore  plus  de  trois  mois  contre  ce  puiflant  difiblvant. 
Cette  extrême  compacité  eft  fans  doute  la  raifon  d'une  précaution 
que  prend  la  chenille  en  la  fabriquant  :  c'eft  d'y  lailTer  un  ou  deux  trous 
pour  fe  conferver  une  communication  libre  avec  l'air  extérieur.  Com- 
ment le  papillon  pourroit-il  fortir  d'une  coque  aufîi  folide  ?  AuiTi  la 
chenille  en  la  conftruifant  y  ménage-t-elle  une  petite  calote  fimplement 
collée  avec  une  légère  couche  de  gomme  ;  &  lorfque  le  papillon  veut 
fortir,  il  ne  fait  que  donner  quelques  coups  de  tête ,  aulli-tôt  la  calote 
s'ouvre  comme  le  couvercle  d'une  boîte  à  charnière.  Cette  chenille 
qui  vit  en  fociété  fur  les  haies ,  commence  à  paroître  au  mois  de  Mai: 
le  fond  de  fa  couleur  eft  un  bleu  foncé  ;  elle  eft  à  tubercules  garnis 
de  poils  ,  fes  jambes  membraneufes  font  d'un  beau  rouge.  Ces  chenilles 
fe  filent  fur  les  haies  des  toiles  plus  belles  ,  plus  larges ,  plus  fatinées 
que  toutes  les  autres  qui  filent  de  la  même  manière.  Au  bout  de  fix 
femaines  de  fociété,  elles  fe  féparent  &  placent 'chacune  leurs  coques 
contre  des  branches.  Les  papillons  qui  en  fortent  ,  font  des  phalènes  ^ 
à  antennes  à  barbes  de  plumes  ;  ils  n'ont  point  de  trompe  ;  leur  couleur 
dominante  eft  un  brun  jaunâtre,  avec  une  large  bande  de  la  même- 
couleur,  mais  plus  claire ,  &  mouchetée  de  taches  noires.  Cette  chenille 
n'eft  pas  commune. 

La  coque  en  Tiajjc  eft  celle  dont  la  ftrudure  eft  la  plus  admirable» 
elle  eft  l'ouvrage  de  la  chenille  à  tubercules  qui  donne  le  papillon  paon, 
Foye^  Chenille  a  tubercules. 

Un  très- grand  nombre  d'autres  chenilles  s'introduifent  dans  la  terre,' 
&  s'y  forment  une  retraite  ruftique  :  en  foulant  &  humedant  la 
terre  pour  la  rendre  duâile,  elles  y  forment  une  cavité  propre  à  les 
contenir  ;  quelques-unes  foutiennent  ces  voûtes  avec  des  fils  de  foie 
qui  uniflTent  &  lient  les  molécules  de  terre.  Ces  chenilles  fe  mettent 
ordinairement  affez  avant  fous  terre  pour  n'être  point  incommodées 
de  la  gelée  :  la  nature  leur  a  appris  vraifemblablement  à  fe  placer 
dans  la  température  qui  leur  eft  propre. 

Le  génie  eft  diverfifié  dans  un  certain  nombre  d'efpeces  de  chenilles, 
tout  eft  mefuré  relativement  à  leur  durée*&  à  leurs  befjins.  Il  y  en 
S  une  qui  vit  ordinairement  fur  le  chêne ,  &  qui  applique  fous  fes 

L  2 


S4  C  H   E 

feuilles  une  coque  faite  en  forme  de  bateau.  Cette  chenille  eftja:  pfus- 
indurrrieufe  de  celles  qui  conftruifent  de  la  forte.  Elle  paroît  dès  le 
mois  de  Mai  :  elle  eft  rafe  ,  de  moyenne  grandeur ,  d'un  beau  vert  un 
peu  jaunâtre.  Après  avoir  filé  fur  la  feuille  le  fond  de  fon  bateau ,  elle- 
en  élevé  les  côtés  auxquels  elle  donne  la  courbure  :  elle  les  loutient 
avec  des  fils  de  foie  fimplement  faufilés ,  &  en  même  temps  elle  ren- 
force &  redouble  ces  côtés  qui  n'étoient  d'abord  qu'une  fimple  gaze^. 
Cela  fiit ,   elle  coupe  ces  fils  &  écarte  les  deux  côtés  du  bateau  quL 
font  deftinés  à  fervir  de  fupport  à   un  toit  qu'elle  doit  pofer  defTus.. 
Ce  toit  eft  une  pièce  de  foie  qui  forme  une  plate-forme  convexe.  Cette, 
coque  eft  agréable  à  voir  pour  fa  forme  ,  fa  belle  couleur  foyeufe, 
fa  propreté  ,  &  la  netteté  de  l'ouvrage.  Au  bout  d'un  mois,  il  en  fort 
un  papillon  ^  dont  les  ailes  font   en  deflus  d'un    beau   vert  tendre  ,, 
traverfé  par  des    traits   d'un  blanc  jaunâtre  ;   le  corps  eft   d'un  vert; 
céladon  pâle  :  la  chryfalide  eft  verte  ,  la  chenille  l'eft  aulîi.  La  même 
couleur  continuée  dans  tous  ces  trois  états ,  n'eft  pas  une  chofe  commune 
cliez  ces  infeCles. 

11  y  a  certaines  chenilles  qui  garnilfent  leurs  coques  de  petits  grains 
de  table  qu'elles  détachent  des  murs  dont  les  pierres  font  affez  ten-- 
dres  pour  être  pulvérifées  par  leurs  petites  dents. 

Une  autre  fe  fait  une  coque  de  ga^on,  C'eft-  une  chenille  rafe  ,  de: 
moyenne  grandeur,  qui  vit  fur  la  moufle  des  pierres.  Lorfque  le  temps 
de  fa  métamorphofe  approche ,  elle  choifit  une  place  fur  cette  efpece. 
de  Dré  ;  elle  y  coupe. d'une  forme  quarrée  de  petites  mottes  de  moufle;, 
elle  les  enlevé  avec  les  racines  ,  &  les  arrange  en  voûte  ,  en  les 
liant  avec  des  fils  de  foie;  l'ouvrage  eft  fait  avec  tant  de  propreté, 
que  l'on  ne  peut  diftinguer  la  place  ou  eft  la  coque',  que  par  la. 
petite  bofle  que  forme,  cette  voûte. 

On  rencontre  dans  le  mois  de  Mai,  fur  le  chêne,  mais  afiez  rare-- 
ment ,  une  chenille  qui  fe  fert  de  l'épiderme  des  branches  ,  avec  tout 
l'art  polfible  ,  pour  en  conftruire  une  coque  en  hotte  ,  ainfi  nommée 
à  caufe  de  fa  figure.  Pour  fe  former  une  idée  jufte  de  la  manière 
dont,  la  chenille  s'y  prend  pour  conftruire  cette  coque  en  hotte ,  il 
faut  s'imaginer  une  hotte  coupée  dans  la  longueur  du  côté  qui  fait 
la  poche  ,  &  dont  on  auroit  rabattu  les  deux  côtés ,  en  forte  qu'ils 
formeroient  comme  deux  ailes  ,  une  de  chaque  côté  ;  telle  eft  la, 
première  forme  que.  cette  chenille  donne  à  fa  coqiie,  L'infeâe  coupe. 


C  H  fî  gy 

&  enlevé  par  lanières  toutes  égales ,  &  quatre  ou  cinq  fois  plus  longues 
que  larges  ,  l'épiderme  de  la  branche  à  l'endroit  où  il  veut  placer  fa 
coque.  Il  applique  Tes  lanières  d'épidermc  de  chaque  côté  ,  les  unes 
à  côté  des  autres  ,  &  les  unes  au-defïlis  des  autres  en  forme  de 
triangle  redangle.  La  chenille  réunit  les  deux  ailes  en  les  rappro-^ 
chant  ;  &  elle  les  colle  ,  par  le  moyen  de  fa  foie  ,  fî  parfaitement,  d& 
haut  en  bas ,  que  la  couture  échappe  aux  yeux.  Elle  ferme  l'ouverture- 
qui  fe  trouve  à  la  partie  fupérieure  y  &  elle  tapiiTe  de  foie  tout  l'in- 
térieur de  cette  efpece  de  hotte. 

Cette  ouvrière  fi  brillante  par  fes  taîens  ,  ne  l'eft  pas  beaucoup  par 
la  figure:  c'eft  une  chenille  velue,  de  grandeur  médiocre  ,  dont  les 
poils  font  rouXj^  difpofés  par  houpes  ;  la  couleur  de  fa  peau  eft  ua 
blanc  jaunâtre.  Une  chofe  remarquable  ,  c'efl  que  fon  dos  eft  plus 
plat  que  celui  des  chenilles  ordinaires.  Elle  fe  change  en  un  papillon 
d'un  gris  clair.  Ce  papillon  a  des  ailes  très-larges,  qui- couvrent  tout 
fon  corps  ,  &  qui  s'étalent  par  en  bas  en  manière  de  chape.  Les  co' 
ques  de  cette  chenille  font  affez  difficiles  à  trouver  fur  les  branches,, 
parce  qu'étant  de  leur  couî-eur  ,  on  les  prend  pour  de  petites  boffes 
qui  croifîênt  fur  l'écorce  des  arbres.  On  trouve  auiîî  fur  les  branches' 
de  faule  &  d'ofier  des  coques  en  hotte  ,  mais  de  pure  foie ,  6c  qui ,, 
quoique  plus  éclatantes  ,  ne  fjppofent  pas  tant  d'induftrie» 

Cheniil^s  qui  fe  fufpcndera  par  Us  pieds  pour  fc  changer  en  chryfaUdes\>- 


Certaines  efpeces  de  chenilles  ,  telles  que  les  chenilles^  épîneufes  , 
celles  fur-tout  qui  vivent  fur  les  orties  ,  &  quelques  chenilles  rafes  ,. 
ne  fe  filent  point  de  coques  avant  de  pafTer  à  l'état  de  chryfalides-, 
mais  elles  fe  fufpendent  par  les  pieds.  Toute  chenille  qui  veut  fependre- 
par  les  pieds  commence  à  appliquer  fur  la  furface  de  quelque  coros  un^ 
certain  nombre  de  fils  de  foie  ;  fur  cette  foie  ,  elle  en  file  d'autre  en  ma-- 
niere  de  petite  boucle  qui  imite  la  foie  frifée.  C'eil:  au  milieu  de' 
cette  foie  que  la  chenille  fixe  fes  deux  pattes  de  derrière  :  ellelailîè- 
enfuite  pendre  fon  corps  ,  la  tête  en  bas  ;  &  elle  refte  dans  cette- 
Situation  jufqu'à  ce  qu'elle  le  métamcrphofe  en  chryfalide.  La  chenille- 
a  l'art  dans  cette  pofition ,  de  quitter  la  peau  qui  la  recouvroit ,  fans^ 
cependant  fe  laifTer  tomber.  Elle  courbe  fon  corps  ,  enfle  fes  premiers- 
anneaux  ,  &  par  cet  efîbrt ,  la  peau  fe  crevé  fur  la  partie  du  dos  lai 
^lus  près  de  la  tête.  Il  ne  fort  par  cette  ouverture  ^  a^ue  la  moitié  du-^^ 


8  ^  C  H  E 

corps  de  ranimai  ;  la  chei-iUle  détache  de  toutes  les  parties  de  fa  peau 
le  refle  de  fon  corps;  c'eft-là  l'inftant  où  il  fembleroit  que  la  chryfalide 
détachée  de  la  peau  de  la  chenille  devroit  tomber.  Les  anneaux  de 
la  chryfalide  qui  rentrent  les  uns  dans  les  autres ,  pincent  la  peau  de 
îa  chenille  ,  &  elle  fe  foutient  par  des  tranfports  fucceilifs  de  cette 
peau  d'un  anneau  à  un  autre  :  elle  la  fait  remonter  vers  la  queue  » 
de  elle  ne  celTe  point  de  pincer  la  peau  qui  la  foutijnt  jufqu'à  ce  qu  elle 
ait  appliqué  fa  queue  terminée  en  râpe  ,  &  qu'elle  l'ait  fixée  dans  le 
petit  paquet  de  foie.  Alors  elle  lâche  la  peau  :  elle  fait  quelques  mou- 
vemens  ;  elle  pirouette  pour  tâcher  de  fe  débarrafler  de  cette  peau 
qui  eft  à  côté  û  elle  ,  &  qui  la  gêne.  Cette  opération  longue  à  dé- 
crire ,  eft  pour  cet  infede  l'aifaire  d'une  minute  :  un  inftant  avant, 
on  voyoit  une  chenille  fufpendue  ;  l'inftant  d'après  ,  c'eft  une  chry- 
falide couleur  d'or,  l^ojei  la  Defcription  des  chenilles  Ipineufes  ,  au  mot 
Chenille  épineuse. 

Chenilles   qui  fe   lient  pour  fe   changer  en   chryfalides. 

Les  chenilles  dont  nous  venons  de  parler  ,  ont  befoin ,  pour  fubir 
leurs  métamorphofes  ,  d'être  pendantes  &  d'avoir  la  tête  en  bas:  en 
voici  d'autres  qui  ne  peuvent  y  parvenir  qu'ayant  la  tête  élevée,  ou. 
tout  au  moins  horizontale.  Comment  la  chenille  pourra-t-elle  fe  fou- 
tenir  dans  cette  pofition  ,  lorfqu'elle  aura  quitté  fa  peau  de  <^enille  , 
&  qu'elle  fera  changée  en  un  corps  fans  membres  qui  puifTent  la 
retenir  >  La  nature  lui  a  enfeigné  l'art  d'y  pourvoir.  Dans  la  clafïe 
des  chenilles  qui  fe  lient  ,  on  en  diftingue  trois  efpeces ,  qui  diflerent 
un  peu  par  les  manières  de  ^'y  prendre  ;  mais  elles  parviennent 
toutes  au  même  but.  La  chenille  du  chou  ,  que  nous  prenons  pour 
exemple  ,  &  dont  on  peut  voir  la  defcription  au  mot  Chenille  du 
CHOU,  commence  à  filer  un  petit  tapis  de  foie  ,  de  la  longueur  de 
fon  corps  ,  fur  le  lieu  où  elle  fe  fixe.  Elle  y  cramponne  bian  fes 
jambes  ,  &  enfuite  elle  travaille  à  fe  pafler  un  lien  autour  du  corps. 
Ce  lien  doit  être  folidement  attaché  ,  &  former  autour  d'elle  une 
peinture  qui  ne  foit  ni  trop  lâche,  ni  trop  fefrée.  £n  effet ,  fi  elle  étoit 
trop  ferrée  ,  elle  mettroit  la  chenille  dans  TimpuifTance  de  quitter  fa 
vieille  peau  ;  trop  lâche  au  contraire  ,  elle  laifleroit  fon  corps  trop 
pendant.  La  chenille  ne  manque  point  d'attraper  ce  jufte  milieu, 
pomme  fon  corps  eft  très-foupie  ,  elle  approche  fa  tcte  d'un  de  fe;? 


CHE  87 

flancs  j  attache  â  côté  d'elle  le  premier  fil  de  foie  ;  &  repliant  Bc  rou- 
lant fa  tête  fur  fon  dos  ,  elle  va  coller  le  fil  qui  fort  de  fa  filière  à 
l'autre  flanc  oppofé  ;  elle  double  enfuite  ce  premier  ,  &  continue 
cette  manœuvre  quarante  ou  cinquante  fois.  Tous  ces  brins  de  foie 
réunis  n'en  forment  qu  un  feul  ,  que  l'on  ne  peut  appercevoir  fans 
attention.  La  chenille  retire  enfuite  fa  têtQ  de  deffous  ce  lien  qui 
paroît  alors  très-lâche  ;  &  au  bout  de  quelques  jours  ,  elle  fe  dé- 
barrafle  de  fa  peau  de  la  manière  dont  nous  l'avons  déjà  décrit  :  elle 
paroît  fous  la  forme  d'une  chryfaiide ,  dont  le  corps  plus  raccourci , 
prend  par  conféquent  plus  de  diamètre  ;  &  le  lien  devient  fi  jufte  , 
qu'il  efi:  caché ,  pour  la  plus  grande  partie  ,  dans  les  anneaux  de 
la  chryfaiide. 

La  chenille  du  fenouil ,  qui  tend  au  même  but  que  la  précédente , 
s'y  prend  un  peu  différemment  :  elle  relevé  toute  la  partie  antérieure 
de  fon  corps,  &  fe  met  danslapofture  d'un  homme  à  genoux.  Après 
avoir  appliqué  un  fil  d'un  côté  ,  elle  le  prolonge  ,  &  le  foutient  fur 
îes  premières  jambes  écailleufes  comme  fur  deux  bras;  &  continuant 
de  filer ,  elle  le  fixe  de  l'autre  côté  :  ce  premier  fil  eft  un  modèle 
pour  les  fuivans ,  qui  font  tous  filés  les  uns  après  les  autres.  Tous 
ces  fils ,  raflemblés  fur  cette  première  paire  de  jambes  ,  refTemblent 
parfaitement  à  un  écheveau  de  foie  ,  mou  ,  flexible  ,  dont  les  brins 
ne  font  point  liés  les  uns  aux  autres.  L'art  de  la  chenille  confifte  ici 
à  les  pafTer  tous  enfemxble  fur  fa  tête ,  &  à  les  faire  gliffer  jufqu'au 
cinquième  anneau.  Malheur  à  la  chenille  fi  l'écheveau  s'échappe  ,  fi 
les  fils  s'éparpillent  :  elle  ne  peut  plus  faire  de  nouveau  lien  ,  parce 
qu'elle  n'avoit  de  matière  foyeufe  que  pour  celui-là  :  il  y  va  cepen- 
dant de  fa  vie  d'être  liée.  Dans  le  cas  oii  elle  ne  peut  y  parvenir  , 
elle  reflie  pendante  :  il  ne  lui  efl:  plus  polTible  de  fe  changer  en 
chryfaiide  ;  &  après  avoir  épuifé  fes  forces  ,  elle  meurt  dans  fa 
vieille  peau. 

CHENILLE  A  AIGRETTES.  C'efl:  une  efpece  de  chenille  qui  porte' 
en  tête  un  très -bel  ornement.  Du  premier  anneau  d'auprès  de  fa  tête^ 
fortent  deux  aigrettes  ,  qui  ne  font  point  des  poils  fimples  ,  mais  de 
très- belles  plumes,  arrangées  en  bouquet.  Une  femblable  aigrette  efl: 
placée  à  la  partie  poftérieure.  On  trouve  fur  le  prunier  de  ces  efpeces 
de  chenilles  ,  qui  ,  outre  ces  aigrettes  ordinaires  ,  en  ont  encore:; 
d'autres  fur  les  côtésr 


•8  s  C  H  E 

CHENILLE  â  AIGRETTES  &  A  BROSSES.  OqÎ):  uiie  efpece  de  cherîlîe 
«mbeilie  de  deux  genres  d'ornemens  j  favoir ,  d'aigrettes  &  de  brcfTjs. 
J^ojei  Chenille  a  brosses. 

On  rencontre  dans  le  mois  de  Mai  cette  efpece  de  chenille  (iir  le 
pommier.  Lorfqu  elle  a  acquis  fa  grandeur  naturelle ,  elle  eft  longue 
environ  xi'un  pouce  &  demi  ;  tout  fon  corps  eft  mêlé  de  taches  rouges  , 
jaunes  &  noires.  Onobferve  aux  deux  côtes  de  fa  tcte,  deux  tubercules 
-d'un  beau  rouge  de  corail  ;  deux  aigrettes  ,  dont  une  à  la  partie 
poftérieure  ;  quatre  brofies  d'un  beau  jaune  doré  ;  les  tubercules  ou 
,boutons  qui  recouvrent  les  anneaux  font  ornés  de  petits  bouquets  de 
poils  jaunes.  Ces  chenilles  fe  filent  des  coques  ,  s'y  changent  en 
chryfalides  ,  &  au  bout  de  dix  ou  douze  jours  on  en  voit  fortir  des 
papillons  prefqu'informes  ,  couverts  d'un  poil  gris  cendré ,  n'ayant 
pour  ailes  que  de  petits  moignons  qu'on  apperçoit  difficilement  :  ella 
ie  traîne  à  peine  hors  de  fa  coque  &  refte  im.mobile  en  attendant  le 
•mâle.  Celui-ci  plus  vif  &  de  moyenne  taille  ,  fe  remarque  par  fes 
antennes  à  barbes  de  plume ,  qu'il  porte  toujours  droites  comme  le 
iievre  porte  fes  oreilles  :  fes  ailes,  de  couleur  de  feuille  morte  lavée, 
pnt  un  petit  œil  blanc  au  milieu.  Ce  papillon  ne  dédaigne  point  fa 
:mafiive  compagne .:  il  la  féconde  ;  après  quoi  elle  pond  fes  œufs  entre- 
mêlés avec  les  poils  de  fon  anus,  qui  fervent  à  les  tenir  en  quelque 
forte  enveloppés,  &  à  les  garantir  des  intempéries  de  l'air.  Elle  meurt 
prefqu'aufli-tôt  après  fa  ponte  finie ,  comme  tous  les  papillons  femelles 
^ui  pendent  leurs  œufs  tout  de  fuite.  Il  fe  fait  pendant  l'année  deux 
générations  de  cette  efpece  de  chenille;  &  fuivant  quelques  obfcrvations, 
2es  chenilles  des  gén^érations  tardives  font  moins  grandes  &  moins 
yigoureufes.  Ce  n'eft  que  petit- à-petit  que  les  beautés  de  cette  efpece 
jd^  qhenijie  fe  développent  ;  ce  n'efl:  qu'à  la  troifîeme  &  dernière  mua 
-qu'eile  eft  rev.êtue  .de  tous  fes  ornemens.  Ces  efpeces  de  chenilles  ne 
font  point  de  dégât  dans  nos  vergers. 

CHENILLE  A  BROSSES..  C'eft  une  efpece  ds  chenille  que  la  nature 
a  ornée  de  fes  plus  aim.ables  couleurs  ,  &  qu'elle  a  embellie  de  petites 
.tou.fîes  de  poils  d'une  forme  très-agréable.  Ces  bouquets  de  poils  font 
•placés  un  peu  derrière  la  tête  au  nombre  de  quatre ,  far  les  anneaux 
g\i  ccrps.  ,de  la  chenille  ;  ils  fc-nt  d'un  poil  fin,  ferré  &  coupé  net  par 
J,çur  fcnirnet;,  imitant  afltzbi.çn  nos  bro/Tcs,  d'où  eft  venu  le  nom  de 
fhc  ùl/e  à  broJJ'cs,  Une  de  ces  chenilles  oui  fe  nourrit  fur  b  châtaigner 


eut  ^^- 

^  autres  arbres  ,  eft  remarquable  par  la  couleur  de  fa  peau  qui  eft 
d'un  beau  vert,  recouverte  de  poils  blonds  &  longs  ;  par  un  bouquet 
de  poil  couleur  de  rofe  terminé  en  pointe  &  placé  fur  le  derrière  ; 
par  fes  brofTes  jaunes,  couleur  de  rofe  à  leur  extrémité;  par  quatre 
des  intervalles  de  fes  anneaux  qui  femblent  être  d'un  beau  velours 
noir.  Cet  éclat  de  couleurs  ne  dure  au  plus  que  fept  ou  huit  jours. 
Cette  chenille  file  une  coque  aflfez  femblable  à  celle  du  ver  à  foie  , 
&:  pour  la  forme  &  pour  la  couleur  ;  fa  chryfalide  eft  garnie  de  petits 
toupets  de  poils  velus.  Au  bout  de  plufieurs  mois  ils  fort  d'une  des  efpeces 
de  ces  chryfalides  des  papillons  femelles  ,  dont  les  ailes  font  d'un  blanc 
fale ,  traverfées  dans  la  largeur  par  deux  bandes  jaunâtres  ,  avec  une 
efpecede  petite  frange  à  leur  extrémité.  Ain  fi  ,  comme  on  le  voit,  ce 
n'eft  point  une  règle  générale  que  les  plus  belles  chenilles  donnent  les 
plus  beaux  papillons.  L'une  de  ces  chenilles  porte  le  nom  de  patte  étendue  ; 
c'eft  une  phalène.  Ilyaplufieurs  autres  efpeces  de  ces  chenilles  à 
brofles  ,  que  le  hafard  préfentera  à  l'Obfervateur  ;  mais  elles  fe 
refl'embleront  toujours  par  ces  traits  généraux. 

CHENILLE  ARPENTEUSE.  C'eft  une  des  efpeces  de  chenilles  des 
plus  nombreufes  :  il  y  en  a  plufieurs  claftes  qui  différent  les  unes  des 
autres  parla  couleur,  le  nombre  de  leurs  jambes  membraneufes,  & 
la  fingularité  de  leurs  attitudes.  Les  arpenteufes  ont  été  nommées 
ainfi  5  parce  que  lorfqu'elles  marchent,  elles  relèvent  leur  corps  en 
arc  5  amenant  les  jambes  de  derrière  à  la  place  où  étoient  celles  de 
devant  ;  en  forte  qu'elles  femblent  dans  leur  marche  mefurer  ou  arpentée 
le  terrain  avec  la  longueur  de  leur  corps. 

Les  arpenteufes  ont  ordinairement  le  corps  long  &  effilé.  Une  de^ 
claffes  les  plus  nombreufes  eft  de  celles  qui  n'ont  que  deux  jambes 
intermédiaires  ;  ce  qui  les  oblige  à  faire  de  fi  grands  pas  ,  qu'elles 
fourniroient  un  problême  affez  curieux  en  hiftoire  naturelle;  favoir, 
Q^uel  ejl  ranimai  dont  la  longueur  dis  pas  ne  dépend  point  de  celle  de  fes 
jambes'^  La  chenille  arpenteufe  fatisfait  aux  conditions  de  l'énigme 
propofée.  C'eft  ordinairement  au  printemps  que  l'on  voit  le  plus  de 
ces  arpenteufes  ;  dès  le  mois  de  Mai  elles  difparoiffent ,  parce  qu  elles 
fe  changent  en  chryfalides.  Les  unes  font  leurs  coques  dans  la  terre  ,  d'au- 
tres fur  des  feuilles  ,  d'autres  fe  fufpendent  en  fe  pafTant  une  ceinture 
autour  du  corps.  Elles  ont  toutes   une   qualité   bien  remarquable; 

Tome  II,  M 


^o  CHË 

c'eft  de  ne  point  faire  un  pas  qu'elles  ne  filent ,  Se  n*en  lailïênt  la 
trace  fur  les  corps  où  elles  palTent.  La  nature,  fi  riche  &  Çï  varies' 
dans  les  moyens  qu'elle  a  donnés  à  chaque  individu  pour  fa  confervation  > 
a  voulu  que  cet  infedie  filât  continuellement,,  afin  qu'il  put  être  en 
état  de  faire  ulage  de  fon  fil  dans  les  inftans  preflans.  Cette  chenille 
veut-elle  éviter  quelque  infeile  ou  quelque  oifeau  qui  en  veut  à  fa 
vie,  elle  fe  précipite  le  long  d*un  cordage  qu'elle  tient  toujours  prétj 
&  laiiTant  fortir  du  fil  de  fa  filière ,  elle  évite  le  péril  &:  s'^éloigne  à 
volonté.  Veut-elle  remonter ,  elle  fe  lert  de  fes  pattes  de  derrière  , 
grimpe  le  long  de  fon  fil,  &  lorfquMle  eft  arrivée  au  haut,  elle  fe 
débarrafle  en  coupant  le  paquet  de  fil  qu'elle  avoit  replié  dans  fes 
pattes  en  montant.  Ces  efpeces  de  chenilles  qui  n'occafionnent  point 
la  moindre  élevure  fur  la  peau  ,  à  moins  que  d'y  être  écrafées  , 
caufent  cependant  de  la  fi-ayeur  à  bien  des  perfonnes ,  notamment 
aux  Dames,  en  tombant  ainfi  brufquement  des  arbres  fur  le  vifage 
ou  fur  d'autres  parties  découvertes  du  corps. 

On  ne  s'apperçoit  pas  ordinairement  du  dommage  que  font  les 
arpenteufes ,  parce  qu'elles  n'attaquent  guère  que  les  forêts ,  qui 
fournilfent  abondamment  à  leur  nourriture.  Le  dégât  qu'occafionna 
en  1737  fur  toutes  les  campagnes  des  environs  de  Paris,  &  dans 
plufieurs  Provinces  du  Royaume  ,  une  multitude  immenfe  d'arpen- 
teufes  à  douze  jambes  ,  fit  ouvrir  les  yeux  fur  cet  objet  pour  la 
première  fois.  En  Alface  ,  des  champs  que  Ton  voyoit  le  matir^ 
couverts  de  belles  &  larges  feuilles  de  tabac ,  étoient  dévorés  le  foir. 
Il  ne  refloit  aux  légumes  des  environs  de  Paris  que  les  tige?.  Heu- 
leufement  elles  ne  touchèrent  point  du  tout  aux  blés  ,  il  n'y  eut  que 
quelque  peu  d'avoines  d'endommagées.  Au  bout  d'un  mois  ce  fléau 
difparut  ;  toutes  ces  chenilles  filèrent  leurs  coques ,  fe  changèrent 
en  papillons,  &  périrent  aux  approches  de  l'hiver. 

Arpenteuse  en  BATON.  C'eft  une  efpece  de  chenille  finguliere 
par  fon  attitude.  Les  unes  fe  tiennent  fur  les  branches  d'arbres  5 
élevées  fur  fur  les  deux  jambes  de  derrière ,  &  le  corps  roide  ;  on 
les  prendroit  pour  de  petits  bâtons  de  bois  mort  ;  d'autres  ont  fur 
le  corps  des  éminences  qui  les  font  paroître  comme  des  bâtons 
raboteux  :  on  ne  les  peut  prendre  pour  des  animaux  vivans  ,  que 
lorfqu'on  les  voit  marcher.  Quelque  forcées  que  paroifTent  ces  attitudes, 
elles  leur  font  naturelles  j   &  Ton  voit  par  fes  boucles  réhauflees. 


C  H  E  t)  i 

mie  îa  longueur  de  fes  pas  excède  encore  celle  des  autres.  Les  érables , 
les  chênes,  les  ormes,  les  charmes  en  font  ordinairement  aflez  bien 
peuplés  ;  c'eft  au  commencement  du  printemps  qu'il  faut  chercher  à 
les  voir  ;  car  dès  la  fin  de  Mai  elles  font  toutes  rentrées  en  terre  pour 
filer  leurs  coques. 

CHENILLE  DU  Chêne  ,  furnommée  la  CassiNi.    C'eft  une  de 
ces  chenilles  curieufes  par  l'attitude  dans  laquelle  elles  pafTent  leur  vie. 
Celle-ci,  qu'on  trouve  le  plus  communément  fur  le  chêne ,  tient  fa 
tête  renverfée  fur  fon  dos  :  elle  femble  toujours  regarder  le  ciel ,  ce 
qui  l'a  fait  honorer  du  nom  fameux  de  celui  qui  ne  vivoit  que  pour 
contempler  les  aftres.  Cette   chenille   de   moyenne  grandeur  eft  d'un 
vert  tendre  ,  taché  de  petits  traits  blancs ,   partagés  le   long  du  dos 
par  une  raie  bleue  ;  elle  eft  remarquable  par  fes  jambes  d'un  rouge  de 
corail.  Au  temps  de  fa  métamorphofe ,  cette  cheaille  contemplative 
defcend  de  fon  obfervatoire  &  va  fe  filer  une  coque  en  terre,  oii  elle 
fe  change  en  papillon.   Le  mâle  de  ces  papillons  porte  fur  la  tête  une 
huppe  formée  de  poils  fins  un  peu  jaunâtres,  ce  qui  le  diftingue  de  la 
femelle  qui  n'en  a  point,  leurs  ailes  étant  de  même  couleur  de  cannelle 
foncé ,  &  ondées  de  nuances  plus  obfcures.  Une  autre  chenille  qu'on 
trouve  fur  le  chêne  dès  le  mois  de  Mai,    d'un  vert  un  peu  jaunâtre  , 
avant  de  fe  mettre  en  chryfaîide  ,  fe  file  avec  une  adreffe  fort  finguliere 
une  coque  d'une  belle  foie  en  forme  de  bateau  renverfé.  Une  autre  habite 
fur  les  jeunes  branches ,  &  forme  avec  l'épiderme  qu'elle  coupe  par 
lanières  &  qu'elle  entrelace  de  fils  de  foie  en  forme  de  triangle  redlangle, 
une  coque   en  forme  de   hotte.   Elle  ferme  l'ouverture  de  la  partie 
fupérieure,  &  la  tapiiTe  intérieurement  avec  de  la  foie.  Pourreconnoître 
CCS  coques  ,  il  faut  les  obferver  très-attentivement  ;  car  elles  font  faites 
avec  tant  d'art ,  qu'on  ne  les  prendrait  que  pour  de  petites  boffes  qui 
croifTent  fur  l'écorce  des  arbres. 

CHENILLE  DU  Cpiou.  Il  eft  intéreffant  de  connoître  8c  de  favoir 
comment  l'on  peut  furprendre  cette  chenille  qui  ravage  les  choux  , 
sinfi  que  quelques  autres  qui  en  font  friandes.  La  plus  belle  efpece  qui 
s'attache  aux  choux ,  eft  une  chenille  ornée  dans  toute  la  longueur 
de  fon  corps  de  trois  raies  d'un  jaune  citron  ;  les  efpaces  compris  entre 
ces  trois  raies  font  d'un  bleu  pâle  ou  noir.  Cette  chenille  eft  une  de 
celles  qui ,  pour  fe  changer  en  chryfalides  ,  fe  lient  le  corps  avec  un 
lien  de  foie,  Foy.ci-dejfusau  mot  général  ChenilLE  ,  l' article  CiiENiLLLS 

M  2 


5)2  C  HE  " 

QUI  SE  LIENT  LE  CORPS.  Sa  chryfalide  eft  anguîeufe  ;  elle  eft  d'uri 
jaune  pâle  piqué  de  quelques  points  noirs.  Elle  fe  change  en  un  papillon 
diurne,  dont  les  ailes  font  d'un  citron  clair  piqué  de  points  noirs.  Ces 
papillons  font  très-fréquens  dans  les  jardins  depuisle  printemps  jufqu'à  la 
find'Oflobre,  ainfî  que  d'autres  papillons  blancs,  qui  fe  nourrifient  auflî 
du  chou  lorfqu'iîs  font  dans  l'état  de  chenilles.  Ces  papillons  voltigent  de 
fleurs  en  fleurs ,  de  feuilles  en  feuilles  ,  conduits  par  trois  motifs  princi- 
paux, celui  de  trouver  le  fuc  des  fleurs,  de  fe  chercher  les  uns  les  autres 
pour  la  multiplication  de  leur  efpece;  &  les  femelles  pour  pondre.  Cette 
pénible  fondion  exige  de  ces  femelles  qu'elles  prennentdefréquens  repos* 
On  les  voit  voltiger  de  la  fleur  qu'elles  vont  butinera  la  feuille  de  chou 
oii  elles  dépofent  un  ou  deux  oeufs  ;  elles  retournent  de  nouveau  fur 
les  fleurs  ,  ou  voltigent  à  travers  les  airs  jenfuite  elles  viennent  dépofer 
un  nouvel  ceuf.  En  forte  que  ces  oeufs  fe  trouvent  difperfés  çà  &  là 
fur  les  feuilles  du  chou.  Qu'on  en  approche  à  Tinftant  oiÀ  le  papilloa 
en  fort,  on  voit  un  petit  ceuf  long,  jaune  &  piqué  debout  fur  la 
feuille  ;  dans  certaines  années  les  feuilles  de  chou  en  font  toutes  jonchées. 
C'eP:-là  qu'ils  éclofcnî  ;  les  chenilles  qui  en  naiffent  fe  cachent  pendant 
le  jour  dans  le  centre  du  chou ,  &  ne  viennent  à  la  picorée  que  la 
nuit.  Ceft  ce  temps  qu'il  faut  faifir  pour  les  furprendre  à  la  lueur  d'une 
lanterne  ;  on  les  ramafle  facilement ,  &  on  en  titre  double  profit  :  on. 
en  engraifle  la  volaille  ,  &  Ton  fauve  lès  choux  de  leur  déprédation. 

CHENILLE  Cloporte.  Cette  chenille  eft  ainfi  nommée  parce- 
qu'elle  n'eft  guère  plus  grande  que  les  cloportes  :  fon  corps  eft  arrondi 
de  la  même  façon  ,  &  fon  ventre  eft  applati.  On  en  trouve  des  efpeces  , 
qui  différent  un  peu ,  fur  le  chêne,  l'orme,  le  baguenaudier  &  les 
plantes  légumineufes  ,  même  fur  le  bouleau;  elles  font  d'un  beau  vert  & 
couvertes  d'un  poil  ferré  &  très-court.  Ces  chenilles  s'attachent  fouveat 
aux  murs  &  fe  fufpendent  par  un  lien  de  foie  pour  fe  changer  en 
chryfalides.  Fbye{  au  mot  Chenille  ,  à  l'article  Chenilles  qui  se 
LIENT ,  l'art  qu'elle  emploie  pour  y  parvenir.  Les  papillons  de  la 
chenille  cloporte  de  l'orme  font  d'un  brun  clair  légèrement  rougeâtre,, 
le  deflbus  des  ailes  inférieures  a  une  bande  de  petites  taches  rouges 
arrondies  en  oeil ,  au  milieu  duquel  eft  un  petit  cercle  noir.  Les- 
papillons  argus  &  les  papillons  petits  porte-queues  proviennent  de  ces 
chenilles.  Foye^  Porte-queue. 

CHENILLE  commune.  On  a  donné  ce  nom  à  une  efpece  de  chenille 


C  HË  :p5 

i^ul  n'eft'que  trop  commune  prefque  toutes  les  années ,  qui  dépouille 
diverfes  efpeces  d'arbres  de  leurs  ornemens,  qui  ronge  les  jeunes  fruits 
naifïans  &  les  bourgeons  de  nos  arbres  fruitiers.  Cet  ennemi  deftruâeur 
de  nos  vergers ,  eft  d*autant  plus  à  craindre  ,  qu'il  multiplie  fînguUére- 
ment  :  chaque  année  en  fait  voir  deux  générations.  Il  n'y  a  prefque 
pas  un  feul  mois  où  l'on  ne  puiffe  trouver  de  ces  chenilles  :  une  feule 
changée  en  papillon  ,  pond  jufqu'à  trois  ou  quatre  cents  œufs  ,  d'où  , 
au  bout  de  deux  mois  ,  fortent  autant  de  chenilles  qui  multiplient 
dans  la  même  progrefïîon  :  ainfi  ,  dès  la  féconde  génération ,  une 
feule  chenille  peut  être  mère  d'un  million  d'enfans.  Les  diverfes  retraites 
de  ces  chenilles ,  fous  leurs  différentes  formes ,  font  donc  eflentielles 
à  connoître  ,  afin  de  détruire  en  partie  par  des  foins  vigilans  une  nation 
fi  redoutable. 

La  chenille  commune  eft  de  moyenne  grandeur,  d'un  roux  bnmi 
elle  fe  diftingue  aifément  à  deux  petits  mamelons  d'un  rouge  vif, 
placés  fur  l'extrémité  poftérieure  du  corps.  Ces  mamelons  ont  un 
mouvement;  mais  il  paroît  que  l'ufage  n'en  eft  pas  encore  connu.  Cette 
efpece  de  chenille  eft  du  nombre  de  celles  qui  vivent  en  fociéîé  pendant 
toute  leur  vie.  Les  jeunes  chenilles  éclofes  à  la  fin  de  l'été ,  filent  de 
concert  une  toile  qui  leur  fert  de  tente  pour  fe  mettre  à  couvert ,  & 
d'où  elles  fortent  pour  aller  dévafter  les  feuilles  des  environs. 

Leurs  nids  font  formés  de  toiles  qu'elles  filent  à  l'extrémité  des 
branches ,  qu'elles  uniffent  &  entrelacent ,  ainfi  que  les  feuilles.  Lorf- 
qu'elles  fentent  l'approche  de  l'hiver ,  elles  garniflent  bien  leurs  nids 
avec  de  nouvelle  foie.  Elles  forment  plufieurs  cellules,  dont  chacune 
a  fa  porte  qui  donne  fur  des  routes  communes  qui  conduifent  dehors  : 
une  cellule  contient  cinq  ou  fix  chenilles.  C'eft  fous  de  telles  tentes 
que  chaque  famille  paffe  l'hiver  chaudement  ;  &  quoique  toute  compofée 
de  chenilles  encore  dans  leur  enfance  ,  ayant  au  plus  deux  lignes  de 
longueur ,  elle  réfifte  aux  froids  les  plus  rigoureux  ,  tant  à  caufe  de 
la  bonté  de  leurs  nids,  que  par  la  force  de  leur  tempérament.  On  a 
expofé  ces  chenilles  à  nud  à  un  froid  plus  rigoureux  que  celui  de  1709, 
elles  y  ont  réfifté  parfaitement ,  tandis  que  d'autres  infecles  y  ont- 
péri. 

Dès  le  mois  d'Avril  &  Mai  ces  petites  chenilles  vont  dévorer  les 
bourgeons  &  les  feuilles  nailfantes  qui  les  environnent.  Alors  les  efforts^ 
de  l'homme  deviennent  inutiles  pour  les  détruire  ;  l'ennemi  fe  répand- 


^4  C  K  E 

&  moilïbnne  les  plus  belles  efpérances;  il  n'y  a  que  des  pluies  froides^ 
qui  en  les  furprenant  ainfî  difpcrfées ,  puifTent  les  détruire  en  une 
matinée  ou  deux  ,  ainfi  qu'on  en  fît  une  heureufe  expérience  en  l'année 
1732.  L'année  précédente  avoit  été  fi  favorable  pour  leur  multipli- 
cation ,  que  dès  le  mois  de  Septembre  les  feuilles  des  arbres  fruitiers, 
des  haies  &  des  arbres  de  foret  paroifToient  deflechées  ;  les  gens  de  la 
campagne  attribuoient  cet  effet  au  foleil  ;  mais  il  n'étoit  produit  que 
par  les  légions  nombreufesde  ces  chenilles  qui  avoient  rongé  les  feuilles: 
elles  réfifterent  à  l'hiver  ;  &  dès  la  mi-Mai  elles  avoient  dépouillé  les 
arbres  de  la  moitié  de  leurs  feuilles.  L'alarme  étoit  générale  :  les  Ma- 
giflrats  donnèrent  des  Ordonnances  pour  obliger  le  peuple  de  porter 
du  fecours  aux  arbres  fruitiers  ,  lorfqu'une  main  invifible  nous  délivra 
de  ce  fléau  terrible  par  des  pluies  favorables.  L'année  fuivante  à  peine 
vit-on  de  ces  chenilles  ;  mais  le  peu  qui  échappa  du  naufrage  n'a  que 
trop  renouvelle  Tefpece,  &  nous  met  dans  le  cas  d'être  attentifs  à 
prévenir  de  pareils  malheurs. 

Lorfque  le  temps  de  la  métamorphofe  de  ces  chenilles ,  qui  eft  vers 
le  mois  de  Juin,  eft  arrivé,  elles  fe  féparent  ,  vont  chacune  de  leur 
côté,  &  fe  filent  furies  feuilles  des  arbres  une  coque  brune,  douce 
iau  toucher,  qui  feroit  très-propre  à  être  cardée  :  elles  les  fabriquent 
entre  des  feuilles  qu'elles  courbent  pour  couvrir  leurs  coques  &  fuppléer 
à  l'emploi  de  la  foie  ;  car  cette  coque  eft  très  -  mince  :  ces  feuilles 
courbées  font  des  indices  du  lieu  de  leurs  retraites.  Au  bout  de  trois 
femaines  elles  en  fortent  en  papillon.  Ces  papillons  font  de  grandeur 
moyenne,  blancs,  &  de  la  clafTe  des  noélurnes.  La  femelle  difpofe 
fes  œufs  avec  un  art  admirable  :  elle  les  dépofe  fur  des  feuilles  j  &  à 
rnefure  qu  elle  pond  un  œuf,  elle  l'enveloppe  d'une  efpece  de  foie  jaune, 
•Ce  font  les  poils  qu'elles  ont  à  la  partie  poftérieure  qu'elles  arrachent 
par  le  moyen  de  leur  anus,  &  qu'elles  arrangent  pour  faire  un  lit 
doux  &  mollet  fur  lequel  repofent  les  œufs  entafTés  lit  par  lit.  Ces 
poils  font  fins,  foyeux,  &  fi  bien  arrangés  ,  que  cette  fuperficie  ne 
îailTe  plus  voir  qu'une  belle  étoffe  de  foie ,  fur  laquelle  la  pluie  gîifïe 
^  ne  fait  aucune  imprefîion.  C'eO:  toujours  à  un  endroit  expofé  au 
foleil  que  le  papillon  place  fon  nid.  Il  fe  fait  remarquer  par  fa  belle 
couleur  jaune  &  par  fa  forme  qui  tient  de  celle  d'une  fève  coupée 
par  la  moitié,  &  placée  fur  fa  partie  plate,  On  doit  détruire  dans  les 
jardins  avec  diligence,  &  les  coques  &  les  nids;  car  avant  que  Toa 


e  H  E  pj 

commence  à  échenlller ,  elles  ont  déjà  fait  beaucoup  de  ravage  fui*  les 
jeunes  bourgeons  &  fur  les  boutons  à  fruit  de  l'année  fuivante.  Lorfque 
ces  chenilles  fe  répandent  dans  nos  forets ,  il  n'y  a  d'autres  fecours  à 
attendre  que  du  ciel,  des  oifeaux  ,  des  ichneumons  &  autres  entO" 
mophages  (deftfuâeurs  d'infedes  ). 

L'étofl-e  des  nids  de  ces  chenilles  ,  dit  M.  Ba:(in  ,  eft  très-fournie  de 
foie  d'une  très-grande  réfiftance  :  elle  feroit  bien  propre  à  être  cardée 
fi  on  vouloir  eflayer  d'en  faire  quelque  ufage.  On  eft  déjà  afluré  qu'elle 
eft  très  propre  à  faire  du  papier  :  M.  Guettard  de  l'Académie  Royale 
des  Sciences  ,  en  a  fait  l'expérience.  Elle  a  donné  un  papier  qui  avoit 
toute  la  force  &  la  beauté  qu'on  pouvoit  defirer  ;  il  ne  lui  manquoit 
qu'un  peu  de  blancheur  qu'il  ne  feroit  peut-être  pas  impoftible  de  lui 
procurer  par  d'autres  préparations. 

CHENILLE  ÉPINEUSE.  Le  corps  de  cette  efpece  de  chenille  au  lieu 
d'être  recouvert  de  poils  fins ,  eft  garni  d'épines  dures  &  pointues.  Il 
y  a  deux  fortes  de  chenilles  épineufes  ;  les  unes  font  armées  de  fimples 
piquans,  &  les  autres  de  piquans  branchus.  Les  unes  &  les  autres 
vivent  ordinairement  en  fociété  fur  les  feuilles  d'orties  :  elles  ne  font 
point  de  coques ,  mais  fe  fufpendent  par  les  pieds  de  derrière.  Dans 
cette  pofition  elles  quittent  leur  peau  &  paroiflent  fous  la  forme  de 
chryfalides  d'une  belle  couleur.  Il  en  fort  de  beaux  papillons  diurnes 
très-fréquens  dans  les  jardins.  U amiral ,  la  bellc-dams  ,  le  gamma  ,  le 
morîo ,  les  tortues  ,  &c.  viennent  des  chenilles  de  cet  ordre.  Voye:ç_ 
Van  avec  lequel  ces  chenilles  fe  débarrajjent  de  leur  peau ,  au  mot  général 
Chenilles  ,    à  ranicU  Chenilles    qui  se  suspendent  par  les 

PIEDS. 

La  chenille  à  (impies  piquans  eft  très-commune  fur  les  orties.  Ses 
épines  qui  ne  font  que  des  poils  roides  &  piquans,  ne  font  point  à 
craindre  pour  nos  doigts  ;  ils  n'ont  point  l'inconvénient  des  poils  de 
certaines  efpeces  de  chenilles  velues.  Ces  pointes  cependant  défendent 
aflez  bien  ces  chenilles  contre  les  mouches  ichneumones.  Dans  la  laborieuse 
opération  du  changement  de  peau  ,  elles  font  cachées  fous  une  toile 
qu'elles  ont  filée  en  commun.  Lorfqu'elles  font  prêtes  à  fe  changer  en 
chryfalides,  elles  fe  retirent  chacune  à  divers  endroits  ,  fur  ces  bran- 
ches ,  des  feuilles  ou  autres  corp? .  C'eft  de  ces  chryfalides  que  fortent 
ces  beaux  papillons,  les  plus  brillans  objets  des  jardins  &  des  champs. 
Un  rouge  brun  eft  la  couleur  dominante  de  la  partie  fupérieure  de 


5?^  C  H  Ë 

leurs  ailes  :  cette  couleur  efl:  divifée  par  des  taches  noires ,  jaunes  ^ 
bleues,  violettes,  diverfement  figurées;  on  eft  frappé  fur-tout  d'une 
efpece  d'œil  ou  tache  circulaire,  dont  un  rouge  vif  occupe  le  centre: 
ce  rouge  eft  environné  d'autres  cercles  en  partie  jaunes  ,  en  partie 
bleus. 

L'autre  efpece  de  chenille   épineufe   diffère   par   fes   épines  bran- 
chues  :   chaque  épine  a  une  tige  principale  d'où,  partent  cinq  ou  (ix 
autres  pointes  ;  elle  efc  fu!-tout  remarquable  par  fa  tête  petite  &  faite 
en  forme   de   cœur.   Sa   chryfalide  fe  diftingue  facilement   par  deux 
efpeces  de  cornes  tournées  en   croiflant  que  l'on  voit  au  bout  de  la 
tête.  Les  efpeces  de  papillons  qui  en  viennent ,  ne  font  pas  fi  brillans 
que  les  précédens.  Le  dcfllis  de  leurs  ailes  eft  de  couleur  aurore  un 
peu    rougeâtre  ,  &    parfemé  de  taches   noires  :    le   contour    de  ces 
ailes  les  fait  paroître  comme  déchirées.  Les  papillons  paons     de  vulcain  , 
de  peùie  tortue  ,  viennent  de  chenilles  épineufes.  Ce  font  les  papillons 
des  chenilles  épineufes   qui  ont  occafionné  cette  prétendue  pluie  de 
fang,  qui  en  l'année  1608  jeta  l'alarme   parmi  les  habitans  d'Aix  en 
Provence.  On  vit  un  jour  fur  les  murs  de  la  ville  ,  fur  ceux  des  ci^- 
metieres  &  des  maifons  de  la  campagne  ,   une  multitude  de  taches 
rouges  qui   paroilfoient  comme  autant   de  gouttes  de    fang.  Il  n'en 
fallut  pas  davantage   à   des   efprits   eflrayés  ,  pour  fe  perfuader  que 
c'étoit  l'effet  d'une  pluie  de  fang  tombée  pendant  la  nuit ,  &que  c'étoit 
-le  préfage  des  plus  triftes   malheurs.  Un  Philoiophe  (  M.  de  Peirefe  ) 
qui  s'occupoit  tranquillement  à  étudier  la  nature,  obferva  que  les  pa- 
pillons des  chenilles  épineufes  qu'il  avoit  élevées  ,  jetoient ,  en  quittant 
l'état  de  chryfalide  ,  une  goutte    d'une  matière    fanguinolente.  Il   la 
cornpara  à  ces  taches  rouges  qui  étoient  fur  les  murs ,  &  reconnut  à 
l'infiiant  quelle    étoit  l'origine    de   cette  prétendue   pluie  de  fang.  Le 
nombre  des  papillons  femblables  qui  voltigeoient  dans  les  airs,  acheva 
de  confirmer  fa  penfée  ,   de  difîîmuler  la  frayeur ,  &  de  défabufcr  le 
peuple  alarmé. 

Nous  dirons  à  cette   occafion  que  tout  papillon  ,  en  quittant  fon 

état  de  chryfalide  ,  fe  vide  d'une  matière  liquide ,  rouge  quelquefois, 

ou  d'une  autre  couleur.  Cette  liqueur  fert  à  faire  croître  la  chenille 

èc  la  chryfalide;  mais  elle  devient  inutile  au  papillon. 

CHENILLE  (  fauffe  ).  Voyez  à  l'article  Mouches  à  fc'ie, 

CHENILLE  pu  FENOUIL.  Elle  méfite  d'être  connue ,  tant  à  caufe 


CHE  PT 

de  la  beauté  de  fon  papillon ,  que  pour  une  fingularité  qui  lui  eft 
propre.  C'eft  ordinairement  fur  le  fenouil  que  fe  rencontre  cette  che- 
nille 5  à  laquelle  on  trouve  une  légère  odeur  de  fenouillette.  Elle 
k  nourrit  auili  fur  les  feuilles  de  carotte  ;  elle  s'accommode  même 
très- bien  de  celles  de  ciguc.  Le  fond  de  fa  couleur  eft  un  beau  vert, 
traverfé  fur  chaque  anneau  par  une  raie  noire  qui  en  fait  le  contour. 
Toutes  ces  raies  noires  font  coupées  chacune  en  fîx  endroits  par  des 
taches  d'un  rouge  orangé.  Cette  chenille  fait  fortir ,  lorfqu'il  lui  plaît, 
d'entre  fa  tête  &  fon  premier  anneau, une  corne  à  deux  branches  qui 
partent  d'un  même  tronc ,  &  ont  aflez  bien ,  lorfqu'elles  font  forties  en 
entier ,  la  figure  d'un  Y.  Ces  cornes  font  de  couleur  rougeâtre  &  de 
fubftance  charnue  commie  celles  des  limaçons  ,  capables  à-peu-près  des 
mêmes  mouvemens  de  fortir  &  de  rentrer  entièrement  dans  le  corps. 
Ces  cornes  leur  font  fans  doute  de  quelque  ufage  ,  mais  que  l'on 
ignore  encore.  Cette  efpece  de  chenille  eft  du  nombre  de  celles  que 
Ton  voit  quelquefois  fe  dévorer  les  unes  les  autres  au  défaut  de 
feuilles. 

Le  papillon  qui  naît  de  la  chryfalide  anguleufe  de  cette  chenille, 
eft  un  des  plus  beaux  ,  le  citron  ,  &  un  beau  noir  font  fes  feules 
couleurs;  mais  elles  font  diftribuées  d'une  manière  agréable.  Ses  ailes 
inférieures  font  ornées  d'un  œil  feuille  -  morte  ,  nué  &  entouré  de 
bleu  ,  fuivi  de  fix  taches  ,  dont  les  unes  font  rondes  &  les  autres 
taillées  en  croiflant ,  &  du  plus  beau  bleu.  Lorfque  ce  papillon  tient 
fes  ailes  élevées  &  appliquées  l'une  contre  l'autre ,  il  femble  qu'elles 
fe  terminent  par  une  queue.  Ces  chenilles  ,  loin  de  faire  tort  ,  don- 
nent des  papillons  qui  font  l'ornement  des  jardins.  On  range  ces  pa- 
pillons dans  la  famille  des  grands  Poru-queucs.  Voyez  Porte-queue» 

CHENILLE   DES  gFxAins.  Voyez  à  l'article  Papillon  des  blés. 

CHENILLE  DE  HAIES  ,  qui  vit  en  fociété.  Foye^  fon  hipohc 
au  mot  général  Chenille  ,  .à  l'article  de  la  Conjlrucîion  des  coques. 

CHENILLE ,  furnommée  la  livrée  ou  annulaire,  C*eft  une  efpece 
de  chenille  à  laquelle  les  Jardiniers  ont  appliqué  ce  nom  qui  répond 
afTez  bien  à  fes  couleurs  :  elle  fe  reconnoît  à  un  petit  filet  blanc  qui 
règne  fur  le  milieu ,  &  tout  le  long  du  dos  ,  accompagné  de  chaque 
côté  d'une  bande  bleue ,  bordée  de  part  &  d'autre  ,  d'un  cordonnet 
rougeâtre.  Cette  chenille  eft  à  demi  -  velue  :  fa  tête  &  fa  partie  pof- 
térieure  font  bleuâtres. 

Tome  IL    '  N 


5,^  C  H  E 

Cette  efpcce  de  cîienllle  n'eft,  dans  certaines  années,  maffieureii- 
fement  que  trop  commune  dans  les  jardins.  Elle  eft  avide  des  feuilles 
de  toutes  les  efpeces  d'arbres  fruitiers;  &  elle  s'accommode  aufil  des 
feuilles  d'un  très'grand  nombre  d'autres  arbres.  Il  efl;  intéreflant  de 
lavoir  les  endroits  où  l'oa  trouve  réunis  ces  ennemis  naiiTans  ,  afin 
de  les  détruire  dans  leurs  berceaux.- 

Il  ncik  perfonne   qui  n'ait   obfervé    quelquefois  autour  des  jeunes 
branches  des  arbres ,  une   efpece  d'anneau  de  la  largeur  de  cinq  à  fix; 
lignes  ;  cet  anneau  efl:  formé  par  quatorze  &  jufqu'à  dix-fept  rangs 
d'ceufs,  arrangés  en  lignes  (pirales  ,  mais  très-ferrés  :  il  contient  quel- 
quefois jufqu'à  deux  ou  trois  cents  œufs. 

Voilà  le  nid  dangereux  qu'il  faut  détruire  ,  &  cependant  qu'on  ne 
peut  s'empêcher  d'admirer.  C'eft  le  papillon  femelle  qui  difpofe  fes 
CBufs  avec  cet  ordre  ,  &  qui  les  unit  tellement  par  une  efpece  de- 
maftic  qui  fort  de  fon  corp-î  ,  qu'il  ne  refte  pas  le  moindre  vide 
entr'eux.  Cet  anneau  d'oeufs ,  quoique  folide ,  n^eft  pas  adhérent  à' 
la  branche  ;  car  on  peut  le  faire  tourner  comme  une  bague  autour 
du  doigt. 

C'eft  de  ces  œufs  pondus  en  automne  ,  &  qui  réfiftent  aux  froids 
les  plus-  rigoureux  ,  que  naît  une  fociété  nombreufe  de  chenilles  ,  .gui  ,- 
dans  leur  enfance ,  vivent  fraternellement  :  elles  filent  de  concert  d&s^ 
toiles  autour  d'elles  ,  qui  leur  forment  Ôqs  efpeces  de  tentes  :  elles 
y  font  entrer  quelques  feuilles  qui  font  à  leur  portée  ,  &  font  leurs 
zepas  en  toute  fureté  à  l'abri  des  orages  &  des  animaux  mangeurs 
d'infedes.  Lorfque  ces  feuilles  font  dévorées ,  la  famille  fe  tranfporte 
plus  loin  3  &  y  recommence  fon  ravage  ;  en  peu  de  jours  un  arbre 
en  buiflbn  ,  eft  dégarni  de  feuilles.  Dans  le  temps  de  leur  repos  , 
ou  pendant  leur  digeftion  ,  on  leur  voit  faire  un  mouvem.ent  fingulier 
dont  la  raifon  eft  inconnue  :  toutes  enfemble ,  &  comme  de  concert  ^ 
donnent  en  l'air  en  tous  fens  des  coups  de  têtes  extrêmement  brufques, 
&  même  aflez  forts  pour  faire  réfonner  les  parois  d'une  cloche  de- 
verre  j  fous  laquelle  on  les  tiendroit  enfermées.  Parvenues  à  leur  gran- 
deur, elles  fe  difperfent ,  &  chacune  fonge  à  conftruire  fa  coque; 
c'eft  pour  l'ordinaire  au  mois  de  Juin,  roye^  CarticU  Livrée  &  An- 

NULLAIRE. 

Les  coques  de  cette  efpece  de  chenille  ont  quelque  reflemblance 
avec  celles  des  vers  à  foie  ;  elles  font  d'un  jaune  clair  j  couleur  qui 


•        C  H  E  99 

'ïSe  leur  ^îent  point  de  la  matière  même  ,  maïs  qui  ell:  produite  par 
une  poudre  que  la  chenille  tire  de  fon  corps ,  &  qu'elle  fait  pénétrer 
dans  le  tifTu  de  la  coque  ,  qui  ,  fans  cela  ,  feroit  tranfprrente.  Au 
bout  d'un  mois  &  plus  ,  il  en  fort  des  papillons  mâles  &  femelles  , 
en  partie  a'un  clair  tirant  fur  l'agate  ,  &  en  partie  ifabelle  :  le  mâle 
fe  diftingue  par  la  couleur  plus  claire  &  par  fon  adivité  ;  car  la  fe- 
melle eft  de  l'efpece  de  celles  qui  ne  font  point  ufage  de  leurs  ailes. 

CHENILLE  Maçonne.  Elle  eft  nommée  ainfi  ,  parce  qu'elle  fait 
«ntrer  dans  la  conftruélion  de  fa  coque  ,  de  petits  grains  de  fable  , 
qu'elle  détache  de  certains  murs  affez  tendres  pour  céder  à  fes 
efforts. 

CHENILLE  A  Manteau  Royal.  Ceft  une  chenille  qui  eft  l'em- 
blème des  grandeurs  paffageres.  On  lui  donne  la  nom  de  munUau  royal, 
parce  que  dans  un  certain  temps  ,  on  remarque  fur  les  anneaux   d© 
fon  corps  des  taches  qui ,  lorfqu'elles  font  développées  ,  repréfentent 
aflez    bien    des    fleurs    de    lis.    Ces    efpeces   de    fleurs  de   couleur 
rcugeâtre  ,    relevée    par  des  traits   d'un    jaune  clair  ,   fe    détachent 
très-bien  fur  cette   chenille  qui  eft  de  couleur  très-brune.  A  mefure 
que  l'animal  grandit  ,  toute   cette  pompe  royaie  difparoit  ;  en  cinq 
ou  fix  jours  on  la  voit  naître  &  s'évanouir  :  c'eft  la  fortune  du  Roi 
Théodore  ,  ainfi  que  le  dit  très-agréablement  M.  Ba:(in.  De  prefque 
liiTe  qu'étoit  cette  chenille  dans  fa  première  jeunefTe ,  elle  devient  en 
croiflant  couverte  de  longs  poils  très  -  fins  ,  qui  occafionnent  des  dé- 
mangeaifons  à  la  peau   des  perfonnes   qui   les   touchent  ,  mais  fans 
caufer  d'enflure.  On  fe  débarraffe  facilement   de  cette  incommodité, 
en  fe  frottant  les  doigts  avec  un  peu  d'huile ,  &  les    effuyant.  Cette 
chenille   emploie    à  la    conftrudion  de  fa  coque  ,    le  même  art   que 
la  Chenille  Ma  ne.  Voyez   ce  mot. 

La  coque  de  cette  chenille  fe  trouve  entre  les  feuilles  des  diverfes 
plantes  dont  elle  fe  nourrit,  telles  que  le  poirier,  la  ronce  ,  le  charme, 
le  troène  &  l'épine  :  cette  coque  eft  remarquable  par  fa  forme  de  poire, 
un  peu  renflée  du  côté  de  la  queue  :  elle  eft  environ  d'un  pouce  & 
demi  de  longueur  ,  tapiflee  en  dedans  d'une  foie  très-fine ,  fatinée  , 
<&  couleur  de  gris  de  perle.  Les  papillons  qui  fortent  de  ces  efpeces 
de  coques  ,  font  des  phalènes.  Ils  font  l'un  &  l'autre  de  couleur  jaune, 
mais  plus  foncée  dans  le  mâle.  Un  caradere  remarquable  dans  l'une 
3c  l'autre  efpece ,  eft  un  ceil  blanc ,  bordé  de  noir ,  placé  au  milieu 

N  2 


Too  C  H  Ë 

de  chaque  aile  fupérieure.  Le   manteau  royal  n'eft  point  du  nombre 
des  chenilles  redoutables  pour  les  jardins  &  les  campagnes. 

CHENILLE  Marte  ou  Herissone.  On  a  donné  ce  furnom  à 
une  efpece  de  chenille  très-velue  ,  hideufe  par  fa  forme  &  fon  poil 
roux.  La  couleur  ,  l'épaifleur  &  la  longueur  de  fes  poils ,  répondent 
très-bien  à  l'idée  que  nous  avons  de  l'animal  qui  porte  ce  nom.  On 
peut  voir  cette  efpece  de  chenille  dans  les  prés  depuis  le  mois  de 
Mai  jufqu'au  mois  d'Odobre.  Elle  marche  aifez  vite,  va  fur  les 
ormes  ,    &  defcend  ordinairement  au  mois  d'Août  fur  les  gramens. 

C'eft  entre  les  feuilles  des  plantes  baffes  telles  que  le  gazon  ,  le 
trèfle  ,  l'ortie  ,  dont  elle  fait  fa  nourriture  ,  que  l'on  trouve  fa  coque 
qui  eft  petite  ,  proportionnellement  à  la  grandeur  de  la  chenille  ;, 
auffi  5  lorfqu'elle  la  conftruit  ,  eft-elîe  continuellement  pliée  en  deux. 
Sa  coque  eft  compofée  d'une  étoffe  ,  moitié  foie  &  moitié  poil  de 
chenille.  Prefque  toute  chenille  qui  va  fe  changer  en  chryfalide,  cherche 
à  fe  procurer  une  enveloppe  douce  ,  foyeufe ,  propre  à  recevoir  les 
membres  délicats  de  la  chryfalide.  Cette  chenille  velue  commence  ^ 
ainfi  que  plufieurs  autres  de  même  efpece  ,  à  filer  autour  d'elle  un 
tiffu  foyeux ,  mais  dont  les  mailles  font  lâches  ;  elle  fe  débarraffe  en- 
fuite  de  fes  poils  ,  qu'elle  fait  entrer  dans  les  mailles  :  elle  s'épile  ab- 
folument  ,  &  tapiffe  l'intérieur  de  fa  coque  d'une  couche  foyeufe.  C'efl: 
de  cette  coque  qu'une  chenille,  née  au  commencement  de  l'été,  après 
avoir  paffé  par  l'état  de  chryfalide ,  paroît  dans  le  mois  d'Août  fous 
la  forme  d'un  papillon  nodurne.  Le  mâle  ne  diffère  de  la  femelle  que  par 
fes  antennes  plus  belles  &  plus  fournies  ;  prééminence  attachée  au  fexe 
mafculin  chez  les  papillons.  Cette  efpece  de  chenille  frugale  ne  fait  tort 
ni  à  nos  jardins  ,  ni  à  nos  vergers.  C'eft  une  des  trois  efpeces,  ainfi 
que  le  Manteau  royal  &  les  Proceffîonnaires  ,  qu'on  ne  doit  manier 
qu'avec  circonfpedion  ,  parce  que  leurs  poils,  ainfi  que  leurs  coques,, 
occafionnent  des  démangeaifons  très-vives. 

CHENILLE  MINEUSE  des  feuilles  de  vigne.  Cette  chenille  , 
obfervée  à  Malthe  par  M.  Godeheu  de  Rivllle ,  eft  très-finguliere,  parce 
qu'elle  diffère  abfolument  de  toutes  les  autres  chenilles  connues.  La 
mineufe  eft  affez  petite  :  elle  loge  &  fe  nourrit  entre  les  deux  épi- 
dermes  des  feuilles  :  elle  y  forme  une  galerie  ;  ce  qui  la  fait  nommer 
îujneufc  :  die  fe  nourrit  de  la  fubftance  intérieure  des  feuilles.  Lorfque, 
k.  temps  de  fa  métamorphofe  approche  ,  elle  coupe  deux  portions 


C  H  E  10  1 

d*epiîîerme  de  feuilles  en  forme  ovale  :  elle  les  unit  avec  de  la  foie  , 
&  en  fait  une  coque  ,  mais  qu  elle  laifle  ouverte  par  un  bout.  C'eft 
ici  qu'elle  nous  préfente  fa  plus  grande  fingularité  ;  n'étant  point 
pourvue  de  pattes  comme  les  teignes  ,  ni  de  crochets ,  elle  a  recours 
à  une  induftrie  ,  à  l'aide  de  laquelle  elle  marche  en  toute  forte  de 
pofîtions  ,  même  fur  les  corps  les  plus  polis.  Elle  avance  fon  corps 
hors  de  fa  coque  ,  forme  un  monticule  de  foie  ;  &  par  le  moyen 
de  fon  fil  qui  y  eft  attaché ,  elle  attire  fa  coque  à  elle  :  elle  y  réitère 
toujours  la  même  manœuvre ,  &  voyage  de  la  forte  ;  la  trace  de  fa 
marche  eft  marquée  par  des  monticules  de  foie  à  demi-ligne  de  dif- 
tance  les  uns  des  autres.  Cette  chenille  ,  après  avoir  paffé  par  l'état 
de  chryfalide  ,  fe  change  en  un  petit  papillon  très-beau,  dont  la  tête, 
les  pattes  &  le  corps  font  argentés  ;  le  fond  de  fes  ailes  eft  d'un  beau 
noir.  Cette  chenille  a  aufli  fes  ennemis;  ce  font  de  petits  ichneumons 
fort  jolis  j  dont  le  corps  eft  tacheté  de  jaune  &  d'un  très  -  beau 
rouge. 

CHENILLE  DE  LA  MOUSSE  DES  PIERRES.  Chenille  rafe ,  de  moyenne 
grandeur  ,  qui  travaille  avec  tant  d'adrefîe  ,  qu'à  peine  peut-on.  apper- 
cevoir  le  lieu  de  fon  habitation.  Son  génie  l'invite  à  arracher  de  petites 
mottes  de  moufle  fur  les  pierres  ,  les  difpofer  en  voûte  avec  des  fils 
de  foie  ,  &  fe  former  avec  la  plus  grande  propreté  une  jolie  coque 
de  gazon  ,  que  l'on  ne  peut  reconnoître  que  par  un  peu  plus  d'élé-» 
vation. 

CHENILLE  A  OREILLES.  C'eft  une  efpece  de  chenille  de  moyenne 
grandeur, demi-velue,  chargée  de  tubercules  fur  lefquels  s'élèvent  de  petits 
bouquets  de  poils  noirs  hérifles.  Deux  tubercules  plus  éminens,  placés  aux 
deux  côtés  de  la  tête  font  furmontés  d'une  touffe  de  poils  ,  qu'on  feroit 
tenté  de  prendre  pour  des  oreilles  ;  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom 
de  chenille  à  oreilles,  Heureufement  la  durée  de  la  vie  de  cette  efpece 
de  chenille  n'eft  pas  longue  ;  car  lorfque  la  faifon  eft  favorable  pour 
leur  multiplication  ,  elles  ravagent  par  préférence  les  pommiers  Se 
les  chênes.  Cette  chenille  commence  à  paroître  en  Avril  :  vers  Juin 
&  Juillet  elle  file  fa  coque  qui  n'eft  prefque  qu'un  réfeau.  A  la  fin  de 
ces  mois  ,  fortent  des  papillons  des  deux  fexes.  Le  mâle  plus  petit, 
tire  fur  la  couleur  d'agate  :  il  eft  vif  &  ami  du  plaifir.  La  femelle  eft: 
d'un  blanc  fale  ;  quoique  pourvue  d'ailes  ,  elle  ne  vole  point  ;  elle  eft: 
lourde  ^  maiTive  &  furchargée  du  poids  de  fes  ccufs  ^  qu  elle  difpofe 


ÎC2  C  îî  E 

•avec  le  mcme  art  que  la  chenllU  commune.  Voyez  à  l'article  Chenille 
COMMUNE.  Foye^  aujjî  U  mot  Zig-zag. 

C'eft  vers  le  mois  d'Août  que  Ton  peut  remarquer  fur  le  tronc 
des  arbres  des  plaques  larges  de  plus  d'un  pouce ,  &  couverte.*  d'un 
poil  gris-blanc  ;  ce  font  là  les  nids  des  œufs  qu'il  faut  détruire  ,  fi 
l'on  ne  veut  dès  le  printemps  en  voir  fortir  nombre  de  chenilles,  qui 
fe  difperfent  à  l'inftant  de  leur  naiflance  pour  ne  plus  fe  réunir  ,  & 
qui  vont  ravager  les  vergers  chacune  de  leur  côté. 

CHENILLE  DU  pin,  p'uhyocampa,  C'eft  une  efpece  de  chenille  qui 
a  été  mife  par  M.  de  Réaumur  au  rang  des  proceiîionnaires.  Elle  fe 
trouve  aux  environs  de  Forges,  dans  le  pays  deGex,  entre  le  Mont- 
Jura  &  la  Suifle.  Ces  chenilles  font  velues  ,  d'une  couleur  roufsâtre, 
longues  d'environ  quinze  lignes.  Les  divers  avantages  qu'elles  réunif- 
fent,  pourroient  nous  les  rendre  très-  utiles.  Elles  filent  en  fociété 
des  cocons  de  la  grolTeur  d'un  melon  ordinaire  ,  dont  on  peut  tirer 
,de  fort  belle  &  bonne  foie  :  elles  en  fortent  toutes  à  la  file  au  lever 
du  fjleil  ,  pour  aller  chercher  la  pâture  :  une  trace  de  foie  d'une  ligne 
de  large  ,  marque  la  route  qu'elles  fuivent  pour  s'éloigner  de  leur  nid; 
&  elles  y  reviennent  par  la  mcme  route  deux  ou  trois  heures  après. 
Elles  ne  s'attachent  point  à  d'autres  arbres  que  les  pins  fauvages; 
arbres  com.muns  en  France  ,  &  qui  croifient  dans  les  lieux  les  plus 
flériles  ;  mais  il  eft  difficile  de  détacher  ces  cocons  des  arbres ,  car 
ils  ont  toujours  pour  centre  une  branche  de  l'arbre  ,  droite  &  fem- 
blable  à  une  quenouille  à  filer.  Le  plus  court  fans  doute ,  feroit  de 
couper  les  branches.  Toutes  les  jeunes  chenilles  forties  des  œufs  d'une 
mcme  mère  ,  travaillent  de  concert  depuis  le  printemps  jufqu'à  l'entrée 
de  l'hiver  ,  &  même  quelque  temps  après  les  premières  neiges  ;  ce 
qui  fait  préfuraer  qu'elles  pourroient  fournir  de  la  foie  prefque  toute 
l'année  dans  la  partie  méridionale  du  Royaume,  comme  la  Provence, 
le  Bas-Languedoc  &  le  Rouffilîon.  Si  cette  conjedure  étoit  vraie  , 
combien  ces  infedes  ne  feroient-ils  pas  utiles  ?  Si  les  chenilles  font  en 
état  de  fournir  de  la  foie  à  raifon  de  leur  nourriture  ,  ces  arbres 
étant  vivaces,  la  nourriture  ne  leur  manque  en  aucun  temps.  Ce  ne 
fera  que  le  temps  qui  pourra  nous  apprendre  le  fuccès  de  lemblablej 
expériences.  M.  de  la  Rouviere  cTEyjfautier  ,  Chevalier  de  S.  Louis , 
Auteur  d'un  Mémoire  fur  ces  chenilles  ,  paroit  n'avoir  eu  aucune 
içonnoifiance  du  papillon:  il  penfe  même  que  cette  chenille  ne  devient 


\ 


CHË  ïor 

Jamïs  pîîpiHort.  Maïs  îl  me  femble  que  dans  lliiflolre  desinfedes,  oa 
ne  connoît  aucune  véritable  chenille  qui  ne  fe  change  en  papillon. 
Comment  celle-ci  fe  multiplieroit-elle  ,  puifque  toute  chenille  eft 
dépourvue  des  parties  propres  à  la  génération  ?  En  feuilletant  les 
Auteurs,  il  me  paroîtque  cette  idée  eflune  erreur  popul?ire  qui  apafféf 
jufqu'à  nous  par  tradition  &  par  écrit  ;  il  y  en  a  tant  de  ce  genre  î 
Une  autre  particularité  véritable  de  ces  chenilles,  c'eft  d'avoir  fur  ie 
dos  des  efpeces  de  ftigmates  différens  de  ceux  par  lefquels  elles  refpirent 
Tair,  &  qui  plus  eft  de  darder  vifiblement,  dans  certains  temps,  par 
ces  mêmes  ftigmates ,  des  flocons  de  leurs  poils  même  aflez  loin.  Ils 
peuvent,  en  tombant  fur  la  peau,  caufer  des  démangeaifons,  mais 
l'effet  en  fera  bien  plus  grand  fi  l'on  a  manié  ces  infedes.  Tous 
les  Jurifconfultes  favent  que  le  Droit  Romain  condamne  formellement 
aux  plus  grandes  peines  ceux  qui  auront  fait  avaler  de  cette  chenille 
réputée  venimeufe  ,  réduite  en  poudre. 

On  fit,  il  y  a  quelques  années,  auprès  de  Forges,  de  très-bons  bas' 
de  foie\en  queftion,  quoiqu'elle  ne  fût  ni  décreufée ,  ni  dévidée  ,  mais- 
arrachée  à  la  main  &  filée.  L'art  ne  pourroit-il  pas  travailler  ici  avec 
fuccès  à  perfedionner  l'ouvrage  de  la  Nature  ?  Cette  foie  eft  très-forte 
&  d'un  blanc  argenté ,  fur-tout  lorfqu'on  a  foin  de  la  ramaiTer  avant 
les  neiges.  On  a  vu  des  cocons  de  foie  fur  les  pins  qui  font  dans  le 
Jardin  du  Roi  à  Montpellier.  Avec  quel  plaifir  tout  bon  Citoyen 
verroit-ii  s'élever  cette  nouvelle  branche  de  commerce  dans  les  endroits 
plantés  de  pins,  dits  vulgairement /;i/z^^f5?  Mais  le  Gouvernement 
feul  a  le  pouvoir  d'animer  &  d'encourager  les  premières  tentatives ,  qui 
font  toujours  difficiles  &  difpendieufes, 

CHENILLE  PfvOCEssioNNAiR£.  C'eft  une  des  efpeces  de  chenilles 
qui  vivent  en  fociété  pendant  toute  leur  vie.   Chaque  couvée,   qui 
comprend  depuis  cinq  jufqu'à  fept  cents  individus  ,  ne  fe  défunit  jamais^. 
La  proceflionnaire  eft  de  moyenne  grandeur  :  elle  eft  d'un  brun  prefque 
noir  au-deffus  du  dos,    Se  blanchâtre  fur  les  côtés  &  fur  le  ventre p 
chargée  fur  le  dos  de  poils  blanchâtres  ,   &  très  -  longs  ,    difpofés    en 
aigrettes  ;    ces   chenilles  choififtent  par  préférence  les  chênes ,  ceux 
fur-  tout  qui  font  fur   les  lifieres.  Elles  filent  de  concert  une  toile  ,> 
qui  leur   fert  de  domicile  ,    ou  elles  vivent  &  travaillent  en  bonne- 
intelligence  ;  ce  n'eft  que  la  nuit  qu'elles  fortent  de  leur  nid  pour  fe- 
promener  &  aller  ronger  les  feuilles  de  chêne  des  environs,  La  provifioB^ 


î©4  CHE 

leur  manque- t-eîle  ,  elles  fe  mettent  en  maixlie  lefoîr  pour  paflerd'ua 
chêne  à  un  autre. 

Ceftunfpedacle  fort  agréable  pour  un  amateur  d'Hiftoire  Naturelle, 
de  les  furprendre  dans  leurs  voyages.  On  les  voit  obferver  ,  pendant 
■toute  leur  route,  une  marche  réglée.  Il  y  en  a  toujours  une  en  tête 
qui  eft  comme  le  chef  de  la  troupe  ;  celle-ci  eft  fuivie  immédiatement 
de  deux  autres  qui  marchent  de  front  ;  ces  deux- là  le  font  de  trois  , 
qui  le  font  de  quatre ,  &  ainfi  de  fuite ,  tant  que  la  largeur  du  terrain 
le  permet.  L'ordre  de  cette  marche  n'eft  pas  toujours  le  miême  :  il 
varie  quelquefois  ;  mais  toujours  obfervent  -  elles  de  tenir  leurs 
rangs  fi  ferrés  ,  que  les  foldats  les  mieux  difciplinés  ne  s'avancent  pas 
avec  plus  d'ordre.  On  les  voit  auffi  defcendre  à  la  file  les  unes  des 
autres  le  long  du  tronc  d'un  arbre ,  pafïèr  fur  les  feuilles  &  faccager 
tout  fans  interrompre  l'ordre  de  leurs  évolutions.  Le  pillage  eft-il  fait, 
elles  fe  retirent  en  bon  ^ordre  dans  leur  nid  pour  recommencer  de 
nouveau,  &c.  La  régularité  de  leur  marche  leur  a  fait  donner,  par 
M.  dcRéaumur ,  le  nom  àQ proceJjiGnnaires  ou  cvolutïonna'ircs. 

Après  avoir  ainfi  paffé  les  deux  tiers  de  leur  vie  à  aller  de  place  en 
en  place  ,  elles  filent ,  pour  leur  dernier  domicile ,  une  toile  qu'elles 
doublent  &  redoublent  :  eKes  y  pratiquent  deux  ouvertures ,  l'une 
pour  entrer  &  l'autre  pour  fortir  ;  c'efi;  fous  cette  tente  qu'elles 
conftruifent  chacune  leurs  coques,  dont  l'afiemblage  forme  des  efpeces 
de  gâteaux.  Ce  nid  refiemble  à  une  vieille  toile  d'araignée.  Quoi- 
qu'afiez  remarquable  par  fon  volume  ,  car  il  a  quelquefois  plus  d'un 
pied  &  demi  de  long ,  fur  près  d'un  demi-pied  de  large  ,  lorfqu'on 
îe  regarde  fans  attention  ,  on  le  confond  facilement  avec  de  grofles 
boffes  qui  fs  forment  fur   le  tronc  des  arbres. 

Cette  efpece  de  chenille  eft  fort  velue  ,  &  plus  dangereufe  que 
toutes  les  autres.  Les  nids  qu'elle  forme  font  encore  plus  à  craindre, 
fur-tout  lorfqu'ils  font  anciens  ,  par  les  démangeaifons  qu'ils  peuvent 
icaufer.  Ces  efpeces  de  chenilles  font  entrer  dans  la  compofition  de 
leurs  coques ,  les  poils  dont  elles  étoient  couvertes.  Ces  poils  qui , 
Jorfqu'ils  étoient  fur  l'animal ,  étoient  doux  ,  foyeux ,  fe  durciflent , 
fe  réduifent  en  pointes  très-fines  ;  en  forte  que  lorfqu'on  vient  à  en- 
lever ou  à  ouvrir  ces  nids  ,  il  s'élève  un  nuage  de  ces  petites  pointes, 
qui  entrent  dans  la  peau  de  ceux  qui  font  aux  environs  ,  &  ils  y 
p^ccafipnpent  .de  fortes  démangeaifons  :  fi  même  il  arrive  qu'ils  s'attachent 


C  HE  loj 

à  des  parties  délicates ,  telles  que  les  paupières  ,  ils  y  caufent  des 
inflammations  qui  durent  quatre  ou  cinq  jours.  M.  </e  Réaumur  a 
éprouvé  une  fois ,  avec  fuccès  ,  de  frotter  rudement  avec  du  perfil 
les  endroits  douloureux  ;  ce  qui  a  adouci  fur  le  champ  les  déman- 
geaifons  cuifantes  ,  &:  les  a  rendues  de  peu  de  durée.  Cet  avis  n'eft 
pas  hors  de  propos  pour  les  Amateurs  d'Hiftoire  Naturelle. 

Les  papillons  qui  naiflent  de  ces  efpeces  de  chenilles  ,  font  des  pha- 
lènes qui  portent  leurs  ailes  en  toits  :  ils  n'ont  point  de  trompe;  leurs 
antennes  ont  des  barbes.  Les  couleurs,  de  leurs  ailes  font  mclées  de 
gris  &  de  noir  ,  diipofées  par  ondes  &  par  taches.  Le  mâle  &  là 
femelle  ne  difrcrent  prefque  point  l'un  de  l'autre.  On  trouve  fouvent 
dans  les  nids  de  ces  chenilles  qui  vivent  en  fociété ,  une  larve  grofTe, 
longue  ,  noire  ,  un  peu  molle  &  à  fix  pattes  écailleufes;  cette  larve 
qui  donne  le  buprejic  carré  de  couleur  d'or  ,  attaque  &  dévore  ces  che- 
nilles qui  n'ont  aucunes  défenfes.  Foye^  Bupkeste. 

CHENILLE  DU  saule  ,  a  double  queue.  C'eft  une  efpece  de 
chenille  allez  rare  5c  des  plus  curieufes,  tant  par  fes  attitudes  fingulieres, 
que  par  le  bizarre  arrangement  de  (ts  couleurs  &  le  jeu  de  fes  queues. 
Cette  efpece  de  chenille  ,. dans fon  enfance,  eft  entièrement  noire.  On 
remarque  fur  fa  tête  deux  efpeces  de  cornes,  qui  ont  allez  l'air  de  longues 
-oreilles  ;  à  la  féconde  roue  on  peut  oblerver  que  ces  longues  oreilles  ne 
font  que  des  tubercules  furmontés  d'un  petit  bouquet  de  poil;  au  troifieme 
&  dernier  changement  de  peau  ,  on  les  voit  abfolument  diiparoître.  Si 
la  nature  ne  fait  rien  en  vain,  il  faut  que  ces  tubercules  ,  d'un  ufage 
d'abord  utile  à  la  chenille,  mais  inconnu  pour  nous ,  lui  deviennent  pour 
lors  inutiles. 

Dès  l'enfance  de  cette  chenille ,  ainfi  qu'à  l'âge  où  elle  a  pris  toute 
fa  longueur  qui  eft  de  deux  pouces  &  plus  ,  on  obferve  à  fa  partie 
poftérieure  une  double  queue.  Elle  confjfte  en  deux  tuyaux  droits,  un 
peu  plus  gros  à  leur  origine  qu'à  l'autre  bout,  de  matière  folide,  mais 
creux,  hérilfés  en  dehors  du  côté  du  dos  de  plufieurs  rangs  d'épines. 
La  chenille  fait  fortir  de  ces  étuis  des  lilets  couleur  de  pourpre,  qu'elle 
alonge,  raccourcit,  replie  &  fait  jouer  en  tous  fens  à  volonté;  il  paroît 
que  ces  queues  lui  fervent  d'armes  défenfives.  M.  de  Rhumur  furprit 
un  jour  une  de  ces  chenilles  dans  l'inftant  où  une  mouche  vint  fe  pofer 
fur  fon  corps;  aufli-tôt  elle  fit  fortir  avec  vîtefie  un  de  ces  filets  ,  &  le 
dirigea  à  l'endroit  où  étoit  la  mouche ,  comme  fi  elle  eût  voulu  lui 
Tome  11,  O 


106"  C  H^ 

donner  un  coup  de  fouet.  Se  la  mouche  partît  fur  îê  champ. 

Cette  efpece  de  chenille  marche  peu  ;  fon  attitude  approche  un  peu 
de  celle  de  la  chenille  nomméQ  fp'iirix.  Les  parties  charnues  du  premlc? 
anneau  lui  forment  comme  une  efpece  de  coiffe ,  où  le  blanc ,  le  cou- 
leur de  rofe  &  le  noir  fe  trouvent  mélangés.  Suivant  les  obfervations 
de  M.  Geer,  Correfpondant  de  l'Académie ,  cette  chenille  a  auprès  de 
la  tête  une  fente  tranfverfale  ,  d'où  elle  fait  fortir  ,  lorfquon  la  touche,, 
quatre  efpeces  de  mamelons  charnus,  qui  lancent  au  loin  uns  liqueur 
dont  on  verra  fufage  ci-delfous.  La  partie  fupérieuredu  corps  eft  d'un 
pourpre  de  diverfes  nuances  ;  ces  chenilles  font  leur  nourriture  ordinaire 
de  feuilles  de  fauîe  ;  mais,  dit  M.  Ba^in,  elles  me  firent  voir  un  jour 
que  leur  goût  n'étoit  pas  fixé  à  ces  efpeces  de  feuilles.  J'en  trouvai 
deux  qui  rongeoient  de  grand  appétit  une  feuille  de  papier  qu'un  valet 
avoit  laiflee  par  mé.jarde  dans  le  poudrier  où  je  les  nourriffois. 

Cette  chenille  eft  de  celles  qui  font  leur  premier  repas  de  la  peau 
qu'elles  viennent  de  quitter  ;  elle  ne  fe  dépouille  point  de  fa  peau  ,  à- 
la  manière  des  autres,  en  la  faifant  gonfler  &  crever  furie  dos;  fou 
.vieux  crâne  fe  détache  d'abord  de  fa  tête  en  entier  comme  un  bonnet: 
on  voit  avec  étonnem.ent  que  cette  tête  grollit  un  moment  après  ,  aa 
point  d'être  trois  fois  plus  groffe  qu'elle  n'étoit  fous  fon  ancien  crâne, 
La  chenille  fe  retire  de  fa  vieille  peau  comme  d'un  fac.  Quelquefois 
elle  perd  dans  cette  opération  une  de  fes  queues  ou  elle  les  retire 
mutilées,  tant  elles  fe  détachent  difficilement  de  leurs  étuis^  Cette  perte 
ne  fait  point  mourir  la  chenille  ,  &-  le  papillon  qui  en  naît  n'eft  point 
mutilé  ,  parce  que  la  queue  eft  une  de  ces  parties  qui  deviennent  inutiles 
à  la  chenille  lorfqu'elle  eft  dans  l'état  de  chryfalide. 

La  chenille  du  faule  mife  dans  une  boîte  de  bois  ,  la  ronge  pour  s'y 
creufer  une  efpece  de  cavité  qui,  fait  partie  de  fa  coque;  elle  en  forn^ 
l'autre  partie  avec  les  copeaux  qu'elle  cimente  au  moyen  d'une  gomme 
foyeufe;  elle  fe  trouve  ain  fi  renfermée  dans  une  coque  de  bois  très-dure  & 
^très-folide  :  c'êft  dans  ce  tombeau  qu'elle  fubitfesmétamorphofes.  Après 
y  avoir  refté  plufieurs  mois,  le  papillon  fe  prépare  à  en  fortir,  & 
il  en  vient  à  bout,  quoique  dépourvu  d'armes  tranchantes. Ce  papillon 
eft  un  phalène  ,  nommé  par  M.  Geoffroi  queue  fourchue, 

M.  Bonnet  a  obfervé,  dans  un  Mémoire  imprimé  dans  le  deuxième 

tome  de  ceux  préfsntés  à  l'Académie,  que  la  liqueur  dont  nous  avons 

.parié,  étoit  un  véritable  acide»  Elle  rougit  les  fleurs  de. chicorée  fauvagtip 


■  CHE  Î07 

feîie  fait  fur  la  langue  rimprefilon  du  vinaigre,  elle  coagule  le  fang  dans 
une  légère  plaie;  fi  l'on  verfe  une  goutte  de  cette  liqueur  dans  refprit 
de  vin  ,  il  fe  fait  une  coagulation  fenfible.  Ces  cavaâeres  d'acide  bien 
marqués  doivent  attirer  l'attention  des  perfonnes  qui  croient  que  le 
corps  animal  ne  contient  aucun  acide  hors  des  premières  voies.  Outre 
les  divers  ufages  d'utilité  que  cette  liqueur  a  vraifemblablement  pour 
cette  chenille ,  il  paroît  qu'elle  fert  aufli  de  diflblvant  au  papillon  pour 
ramollir  le  tifl'u  de  fa  coque  &  fe  faire  jour  :  la  preuve  en  eCi  que  M. 
Bonnet  a  ramolli  très  -  fenfiblement  des  portions  de  coques  de  cette 
chenille ,  fur  lefquelles  il  a  fait  tomber  de  cette  liqueur. 

M.  Lyonnet ,  Avocat  &  Déchifireur  des  Patentes  à  la  Cour  des  Etats 
Généraux  des  Provinces  Unies  ,  a  fans  doute  trouvé  dans  cette  efpece 
de  chenille  des  proportions  qui  lui  ont  paru  favorables  aux  obfervations 
anatomiques  ;  il  en  a  fait,  il  y  a  quelques  années  ,  uneexaéle  anatomie, 
qu'il  a  expofée  en  figures  dans  un  Ouvrage  in-4.°.  avec  des  détails  qui 
font  tout  à  la  fois  l'éloge  de  fa  patience  &  de  fon  talent  :  refte  à  favoir 
fi  toutes  les  chenilles  des  diverfes  contrées  fe  refiemblent  au  point  de 
rendre  générale  la  conféquence  que  M.  Lyonnet  prétend  tirer  d'après  la 
feule  efpece  qu'il  a  analyfée. 

CHENILLE  furnommée  le  Sphinx.  On  a  donné  ce  nom  à  plufieurs 
chenilles  à  caufe  de  leur  port  aflez  reflemblant  à  celui  que  les  Peintres 
&  les  Sculpteurs  donnent  ordinairement  à  l'animal  fabuleux  qui  porte 
ce  nom.  Voy,  Varûch  Sphinx.  L'une  de  ces  belles  chenilles  eft  rafe  &; 
de  la  plus  grande  efpece  :  lorfqu'elle  eft  parvenue  à  fon  entier  accroif- 
fement  (qui  arrive  ordinairement  vers  la  fin  d'Août  ),  elle  efi:  longue 
de  trois  pouces  &  plus  ;  elle  eft  d'un  beau  vert,  ornée  de  chaque  côté 
de  fept  grandes  boutonnières ,  partie  blanches ,  partie  gris  de  lin.  Sa 
tête  eft  ceinte  d'un  ruban  noir;  elle  porte  une  corne  fur  l'extrémité  du 
cx)rp3  ;  on  la  trouve  ordinairement  fur  le  troène,  quoiqu'elle  puifle  fe 
nourrir  auiîî  de  feuilles  de  Jilas  &  de  pommier.  Lorfqu'elle  n'eft  point 
occupée  à  manger,  q\\(:.  porte  fa  tête  haute,  ce  qui  la  fait  refîembler 
su  fphinx. 

En  Septembre,  quand  cette  chenille  eft  prête  à  fe  métamorphofer, 
ces  belles  couleurs  commencent  à  difparoître;  elle  entre  dans  la  terre, 
elle  en  lie  les  parties  avec  quelques  fils,  &  s'y  change  en  une  de  ces  ; 
chryfalides  rem^arquables  par  une  efpece  de  nez  fait  en  trompe  qui  leur 
pend  fur  la  poitrine.,  De  cette  chryfaiide  fort ,  dix  à  onze,  mois  après.,  \ 

O2 


io8  CHE 

un  papillon  nodurne  fort  beau;  fes  ailes  qu'il  porte  bien  _  étendues  , 
laiflert  appercevoir  le  deffus  de  Ton  corps ,  dont  chaque  anneau,  fe'paré 
par  un  bordé  noir  ,  eft  orné  d'un  couleur  de  rofe  nué.Ses  ailes  inférieures 
qui  font  les  plus  belles ,  font  en  partie  d'un  rouge  tirant  fur  le  couleur 
rofe ,  dont  les  nuances  font  variées.  Le  deffus  des  ailes  fupérieures  a  plus 
de  brun,mais  relevéd'ondes  rougeâtres,  &  de  taches  ondées  d'un  beau  noir. 

CHENILLE  DU  tithymale.  Cette  chenille  mérire  d'ctre  connue 
pour  fa  beauté.  Parvenue  à  fa  groiTeur  naturelle ,  elle  a  quelquefois 
trois  pouces  &demi  de  longueur.  Elle  eft  parfaitement  rafe,  les  anneaux 
de  fon  corps  font  d'un  beau  noir  piqueté  de  points  jaunes.  Chaque 
anneau  eft  féparé  par  une  bande'  d'un  beau  noir  velouté ,  &  cette 
bande  eft  ornée  de  trois  taches  ,  dont  deux  font  blanches  &  une  rouge. 
Une  raie  rouge  règne  le  long  de  fon  dos;  fes  jambes ,  le  deflous  de  fon 
ventre,  le  chaperon  qui  couvre  fon  anus,  les  deux  tiers  de  la  corne 
qu'elle  porte  à  fon  extrémité  extérieure ,  &  fa  tête  font  d'un  beau  rouge  r 
toutes  ces  couleurs  ont  le  luifant  du  vernis.  Dans  la  première  jeuneffe, 
les  couleurs  de  cette  chenille  font  plus  douces  ;  les  parties  que  nous 
avons  dit  être  d'un  beau  noir,  font  d'abord  d'un  vert  tendre  ,  &  celles 
qui  parviennent  au  rouge ,   ne  font  d'abord  que  d'un  beau  jaune. 

Cette  belle  chenille  eft  commune  dans  certains  cantons  ;  on  ne  la 
trouve  ordnairementque  fur  le  tithymale  à  feuilles  de  cyprès.  Au  défaut 
des  feuilles  de  cette  plante,  on  peut  lui  donner  des  feuilles  del'efpece  de 
tithymale  que  les  payfans  nomment  épurgc,  &  dont  le  lait  a  beaucoup 
plus  a'âcreté.  Cette  chenille  boit  avec  délices  un  lait  végétal  qui  laiffe 
fur  nos  organes  une  impreffion  de  feu  infupportable ,  &  qui  nous 
purgeroit  avec  la  dernière  violence.  C'eft  dans  les  mois  de  Mai  &  de 
Juin  que  fon  trouve  cette  efpece  de  chenille.  Elle  file  fa  coque  en 
terre,  &  il  en  fort  un  fort  beau  papillon  de  la  famille  dQsfphinx  cpervicrs  : 
la  femelle  pond  fes  œufs ,  &  dans  la  même  année  donne  une  féconde 
génération  de  chenilles  &  de  papillons  ;  les  couleurs  de  la  femelle  font 
plus  brillantes  ;  fes  ailes  font  d'une  belle  couleur  d'olive ,  relevée  par 
un  rouge  de  lilas  ;  ces  couleurs  ont  un  œil  velouté  qui  contribue  encore 
à  les  embellir.  Ce  papillon  eft  nocflurne,  il  ne  s'éveille  qu'après  le  foieil 
couché ,  fon  vol  eft  remarquable  en  ce  qu'il  eft  droit  &  roide  ,  il  relTemble 
tout-à-fait  à  celui  d'un  oifeau. 

CHENILLE  A  TUBERCULES.  C'eft  la  plus  belle  efpece  de  chenilles  : 
elle  tire  fon  ornement  de  boutons  étoiles  que  l'on  nomme  tubcrcuUst 


C  H  E  îôp 

On  rencontre  une  de  ces  efpcces  de  chenilles  fur  le  poirier,  fa  longueur 
eft  quelquefois  de  trois  pouces  &  plus ,  elle  eft  d'un  vert  un  peu  jaunâtre  : 
la  tête  de  ces  tubercules  eft  d'un  bleu  de  turquoife  ;  on  feroit  tenté  de 
les  prendre  pour  autant  de  pierreries,  ils  font  environnés  de  cinq  poils 
fortscourtsquiforment  une  étoile,  du  centre  de  laquelle  s'élève  un  long 
poil  terminé  par  un  petit  bouton  :  un  chaperon  rouge  recouvre  fon  anus. 

Cette  chenille  fe  file  en  été  une  grofle  coque  qui  préfente  des  (in- 
gularités  intéreffantes ,  ainfi  qu'on  le  verra  à  la  fin  de  cet  article.  De 
la  chryfalide  renfermée  dans  cette  coque,  &  qui  y  pafle  l'hiver,  (& 
même  deux  hivers,  c'eft-à-dire  deux  ans  )  on  voit  fortir  au  mois  de 
Mai  ou  de  Juin  un  papillon  fuperbe  de  la  plus  grande  efpece,  qui 
porte  le  nom  de  grand  paon.  On  l'apperçoit  rarement  dans  les  jardins 
pendant  le  jour,  parce  que  c'eft  un  papillon  nodurne.Plufieurs  nuances 
de  brun ,  de  gris ,  de  rougeâtre ,  font  agréablement  mélangées  fur  fes 
ailes,  qui  ont  quelquefois,  étant  étendues,  cinq  pouces  de  longueur  : 
on  remarque  principalement  fur  fes  ailes  quatre  grands  yeux  très-bien 
nuancés.  Sa  grandeur  le  fait  facilement  diftinguer  du  moyen  &  du  petit 
paon  di  nuit  ,  dont  les  couleurs  allez  femblables  font  plus  claires  :  les 
chenilles  d'où  viennent  tous  ces  papillons  phalènes  font  à  tubercules. 

Sur  une  de  ces  chenilles  de  couleur  verte  ,  à  tubercules  jaunes  ,  ou 
couleur  de  rofe  ,  &  ornée  de  bandes  d*un  noir  velouté ,  s'attache 
une  petite  mouche  grife  à  tête  rouge  ,  du  genre  des  ickeneiimones  ,  qui 
dépofe  its  œufs  &  les  colle  fur  le  corps  de  la  chenille  :  on  peut  les  y 
obferver  comme  des  points  blancs.  Lorfque  les  vers  font  éclos,  ils 
percent  la  chenille  &  s'introduifent  dans  fon  corps  pour  fe  nourrir  de  fa 
fubftance.  Ceft  ainfi  que  l'attente  du  curieux  qui  les  élevé,  eft  fouvent 
trompée.  Ces  chenilles  font  rares  ;  par  conféquent  font  peu  de  dégâts, 

La  chenille  à  tubercules  conftruit  une  coque  dont  la  ftruc5èure  eft  des 
des  plus  admirables.  Tous  les  cas  ,  tous  les  inconvéniens  font  prévus 
dans  la  conftrudion  de  cette  coque  ;  la  chenille  s'y  met  à  l'abri  de 
rinfulte  desinfedophages  ,  quipourroient  l'attaquer  pendant  fon  nouvel 
état  de  foiblefie  qui  dure  neuf  mois.  EUefe  ménage  le  moyen  de  fortir 
d'une  prifon  fi  forte  &  fi  bien  clofe,  par  la  même  ouverture  qui  empêche 
tout  autre  infede  d'y  entrer ,  &  qu'elle  fe  ménage  en  la  filant ,  comme 
fi  elle  avoit  pu  prévoir  qu'étant  papillon  ,  elle  ne  fera  point  pourvue 
d'organes  propres  à  en  percer  les  murs.  Cette  coque  eft  tilTue  de  foie 
brune  &  faite  en  forme  de  poire.  La  pointe  de  cette  poire  eft  terminée 


iio  C  H  « 

par  des  bouts  de  fils  réunis  en  pointe  ,  mais  qui  ne  font  point  colles 
les  uns  contre  les  autres.  Dans  l'intérieur  de  la  coque  fe  trouve  un 
fécond  rang  de  pointes  difpofées  de  même  &  ayant  le  même  jeu.  Ces 
fils  imitent  fort  bien  les  ofîers  de  ces  nafles  difpofées  comme  pludeurs 
entonnoirs  rentrant  les  uns  dans  les  autres  ;  le  poiflon  y  entre  facile- 
ment, parce  que  les  baguettes  fe  prêtent;  mais  lorfqu'ii  eft  pafie,  elles. 
fè  réuniffcnt  en  pointe ,  lui  piquent  le  nez ,  &  lui  ferment  le  paflage 
par  où  il  étoit  entré.  Ce  que  nous  faifons  pour  attraper  le  poiflon  , 
cette  chenille  le  fait  pour  n'être  point  attrapée  par  fes  ennemis.  Les 
fils  réunis  en  pointe  qui  ferment  l'extrémité  de  fa  coque,  empêchent 
l'ennemi  d'entrer.  Le  papillon  veut-il  fortir  ;  il  ne  fait  qu'un  léger  effort 
pour  écarter  ces  fils  qui ,  étant  fouples  ,  prêtent  comme  des  reflbrts  , 
^  reviennent  à  leur  premier  état  lorfque  le  papillon  en  eft  forti  ;  en 
forte  qu'on  ne  peut  diflinguer  qu'au  poids  une  coque  vide  d'une  coque 
pleine.  Cette  coque  a  été  très-bien  nommée  coque  en  najffe. 

L'on  voit  par  ce  détail ,  fur  les  chenilles  ,  combien  il  eft  agréable 
de  fuivre  la  chryfalide  dans  fes  progrès  ;  jufqu'au  moment  où  elle  devient 
papillon.  Fojei  Chrysalide  &  Papillon. 

CHENILLE-PLANTE ,  fcorpioidcs.  On  donne  ce  nom  à  une  plante 
rampante  qui  croît  aux  lieux  fecs  &  arides  du  Languedoc  ,  &  qui  poufle 
des  tiges  velues  à  la  hauteur  d'un  pied ,  revêtues  de  quelques  feuilles 
Semblables  à  celles  delà  percefeuillc  Ses  fleurs  font  petites  ,  légumineufes 
&:  jaunes,  il  leur  fuccede  des  goufles  velues  ,  de  couleur  obfcure,  & 
qui  ont  la  figure  d'une  chenille  roulée  fut  elle-même  ,  d'où  eft  venu  le 
nom  de  cette  plante.  Ces  fruits  mis  fur  les  falades  prêtent  au  badinage 
&  infpirent  un  petit  effroi  à  ceux  qui  redoutent  ces  infeftes.  Chacune 
ide  ces  gouffes  eft  compofée  de  plufieurs  pièces  attachées  bouta  bout 
&  contenant  chacune  uns  femence  taillée  en  forme  dç  rein  ;  cette  plante 
e/l  alexipharmaque, 

CHERÎMOLIA.  Arbre  que  l'on  cultive  avec  grand  foin  dans  le 
Pérou  ,  parce  que  les  Indiens  'eftiment  fon  fruit  le  meilleur  du  pays  ,  & 
fi  fain  qu'on  en  donne  à  manger  aux  malades.  Le  çherimolia  croît  à  la 
hauteur  de  douze  pieds  :  fes  feuilles  font  alternes,  grandes,  de  figure 
ovale,  d'un  beau  vert  en  deffus,  &  traverfées  dans  leur  longueur  d'une 
côteafl'ez  élevée  qui  donne  beaucoup  de  nervure.  La  fleur  eft  triangulaire, 
blanche  en  dedans  ^  verdâtre  en  dehors.  Son  fruit  eft  taillé  en  cœur 
fomme  cçlui  du  guanabane  ^  S<;  de  çpule>ir  brune  dans  fa  maturité.  L3 


C  H  E  I  î  I 

ekiîr  en  efl  Manche ,  femblable  à  de  la  bouillie ,  douceâtre  &  mêlée  de 
plufieurs  femences. 

CHERMÈS.  Voyer^  Kermès. 

CHERS^A.  Efpece  de  dipfade,  Ceft  un  ferpent  des  plus  dangereux,- 
en  ce  que  la  morfure  qu'il  fait  eft  brûlante  comme  du  feu  &  même 
mortelle.  Celui  qui  en  eft  mordu  ,  refte  immobile  Gommée  par  une 
efpece  d'enchantement  :  il  eft  attaqué  de  fanglots  ,  change  de  couleur, 
fefent  étourdi ,  perd  laconnoiirance;  fes  membres fe  glacent;  il  s'endort; 
bientôt  il  eft  attaqué  de  palpitations  de  cœur,  de  grandes  douleurs  ;  fes 
poils  tombent  &  fes  chairs  pourriiTent  :  il  devient  enfuite  affligé  du 
cours  de  ventre ,  &  meurt  bientôt  après. 

CHERVI  ou  GY^OLE,  Jifarum.  Ceft  une  plante  qu'on  cultive- 
dans  les  jardins  potagers,  &  qui  fleurit  au  mois  de  Juin.  Sa  racine  eft- 
eompoféede  plulieurs  navets  ridés,  faciles  à  cafler ,  longs  de  fix  pouces-, 
gros  comme  le  doigt ,  attachés  à  un  collet  en  manière  de  tête ,  de 
couleur  blanche,  d'un  goût  très  -  doux  ,  fucré,  agréable,  &  bons  à 
manger.  Ses  tiges  font  cannelées,  grofles,  &  hautes  de  deux  pieds, 
fes  feuilles  font  petites ,  vertes  ,  légèrement  crénelées ,  &  attachées 
plufieurs  à  une  côte ,  comme  au  panais.  Ses  fleurs  nailîènt  en  ombelles 
aux  fommités  :  elles  font  odorantes  &  difpofées  en  rofe.  Ces  fleurs  fonc 
fuivies  de  petits  fruits ,  compofés  chacun  de  deux  graines  oblongues  ^ 
un  peu  plus  grandes  que  celles  du  perfil,  étroites,  cannelées  fur  le 
dos ,  &  de  couleur  obfcure. 

Les  racines  de  chervi  font  d'ufage  fur  les  meilleures  tables ,  frites  , 
cuites  dans  le  lait,  dans  les  bouillons,  &c.  Pline, ,  le  Naturalifte,  nous 
apprend  que  l'Em.pereur  Tibère  les  aimoit  tellement ,  qu'ils  les  exigeoit 
des  Allemands  en  form.e  de  tribut  annuel.  Bocrkaave  ,  dans  fon  Traité 
des  Plantes  du  Jardifi  de  Leyde ,  regarde  ces  racines  non- feulement 
comme  vulnéraires  ,  mais  comme  le  meilleur  remède  que  Ton  puifïe' 
employer  pour  le  crachement  &  lepiflement  de  fang.  La  racine  de  chervi 
eft  une  de  .celles  dont  M.  Margraff  a  retiré  par  le  moyen  de  Tefprit  de 
vin,  un  beau  fucre  blanc,  peu  inférieur  à  celui  des  cannes,  à  fucre» 
^oyei  CHiJloire  de  l' Académie  dû  Berlin, 

CHEVAL ,  equus.  Animal  quadrupède  ,  du  genre  àQ%  folipedes  ^ 
connu  de  tout  le  monde  par  la  beauté  de  fa  taille,  le  courage,  la  force ,- 
îa  docilité  de  fon  caraftere  ,  &  Futilité  iniinie  dont  il  eft  à  I  homme, 

La  domefticité  du  clieval  eft  fi  ancienne,  qu'on  ne  trouve  plus  de 


1.2  CHE 

chevaux  fauvages  dans  aucune  des  parties  de  l'Europe.  Ceux  que  l'on 
voit  par  troupes  en  Amérique  font  des  chevaux  domeftiques  &  Eu- 
ropéens d'origine  ,  que  les  Efpagnoîs  y  ont  tranfportés  ,  &  qui  s'y 
font  multipliés, car  cette  efpece  d'animaux  manquoit  au  nouveau  monde, 
ainfi  que  les  Efpagnoîs  le  remarquèrent  d'abord  par  la  frayeur  des 
Mexicains  &  des  Péruviens  ,  qui,  les  voyant  montés  fur  des  chevaux, 
les  prirent  pour  des  Dieux.  Ces  animaux  fe  font  très-bien  multipliés 
dans  ce  climat.  On  en  voit  quelquefois  dans  1  île  de  Saint  -  Domingue 
des  troupes  de  plus  de  cinq  cents  qui  courent  tous  enfemble.  Lorfqu'iis 
apperçoivent  un  homme ,  ils  s'arrêtent  tous  ;  l'un  d'eux  s'approche  à 
une  certaine  diftance,  fouiïîe  des  nafeaux,  s'ébroue,  prend  la  fuite, 
&  tous  les  autres  le  fuivent. 

Ces  animaux  ,  quoique  rendus  à  la  nature  ,  paroilTent,  dit-on,  avoir 
dégénéré  ,  &  être  moins  beaux  que  ceux  ûEfpagne ,  quoiqu'ils  foient 
de  cette  race.  Peut-être  ce  climat  leur  ell:-il  moins  favorable  ,  pour 
l'élégance  de  la  forme.  Quoi  qu'il  en  foit,  ces  chevaux  fauvages  font 
beaucoup  plus  forts  ,  plus  légers  &  plus  nerveux  que  la  plupart  des 
chevaux  domeftiques  :  ils  ont,  dit  M.  de  Bufon  ,  ce  que  donne  la 
nature ,  la  force  &  la  noblelTe  ;  les  autres  n'ont  que  ce  que  l'art  peut 
donner ,  l'adrcffs  &  l'agrément. 

Le  naturel  de  ces  animaux  n'eft  point  féroce  ;  ils  font  feulement  fiers 
&  fauvages  :  ils  prennent  de  l'attachement  les  uns  pour  les  autres  :  ils 
ne  fe  font  point  la  guerre  cntr'eux  ,  &  vivent  en  paix  ,  parce  que 
leurs  appétits  font  fimples  &  modérés ,  &  qu'ils  ont  allez  pour  ne  fe 
rien  envier. 

Les  habitans  de  l'Amérique  prennent  les  chevaux  fauvages  dans  des 
lacs  de  corde  qu'ils  tendent  dans  les  endroits  que  ces  animaux  fréquen- 
tent :  fi  le  cheval  fe  prend  par  le  cou ,  il  s'étrangle  lui-même  ,  fi  on 
n'arrive  pas  affez  tôt  pour  le  fecourir.  On  attache  l'animal  fougueux 
à  un  arbre  ,  &  en  le  laifî'ant  deux  jours  fans  boire  ni  manger  ,  on  le 
tend  docile  ;  &  même  avec  le  temps  il  devient  fi  peu  farouche  ,  que 
s'il  fe  trouve  dans  le  cas  de  recouvrer  fa  liberté  ,  il  ne  devient  plus 
fauvage  ,   &  fe  laifle  reprendre  par  fon  maître. 

La  plus  noble  conquête  ,  dit  M.  de  Bufon  ,  que  l'homme  ait  jamais 
faite ,  eft  celle  de  ce  fier  &  fougueux  animal ,  qui  partage  avec  lui  les 
fatigues  de  la  guerre  &  la  gloire  des  combats.  Auflî  intrépide  que  fon 
maître  ,  le  cheval  voit  le  péril  &  l'afixonte  :  il  fe  fait  au  bruit  des  armes: 

il 


îî  Taîme ,  Il  le  cherche ,  &  s'anime  de  la  même  ardeur  :  il  partage  aufll 
fes  plaifîrs  à  la  chafle ,  aux  tournois  &  à  la  courfe  :  il  brille  &  il  étincelle; 
mais  docile  autant  que  courageux,  il  ne  fe  1  aille  point  emporter  à  Ton 
feu  :  il  fait  réprimer  fes  mouvemens  j  non-feulement  il  fléchit  fous  la 
main  de  celui  qui  le  guide ,  mais  il  femble  confulter  fes  defirs  ,  & 
obéifTant  toujours  aux  impreffions  qu'il  en  reçoit ,  il  fe  précipite  ,  fe 
modère  ou  s'arrête  ,  &  n'agit  que  pour  y  fatisfaire  :■  c'efl  une  créature 
qui  renonce  à  fon  être,  pour  n'exifter  que  par  la  volonté  d'un  autre; 
qui  fait  même  la  prévenir  ;  qui ,  par  la  promptitude  &  la  précifion  de 
fes  mouvemens ,  l'exprime  &  l'exécute  ;  qui  fent  autant  qu'on  le  defire  , 
ôc  ne  rend  qu'autant  qu'on  veut  ;  qui  fe  livrant  fans  réferve ,  ne  fe 
refufe  â  rien  ,  fert  de  toutes  fes  forces ,  s'excède  ,  &:  même  meurt  pour 
mieux  obéir.  En  un  mot,  la  nature  lui  a  donné  une  difpofition  d'amour 
&  de  crainte  pour  l'homme  ,  avec  un  certain  fentiment  des  fervices 
que  nous  pouvons  lui  rendre-;  &  cet  animal  connoît  moins  fon  efclavage 
que  le  befoin  de  notre  protedion. 

DcfcriptioTZ  des  qualités  cjjinûdks  qui  forment  un  beau  Cheval, 

Pour  juger  plus  furement  des  occàlîonsoii  les  défauts  font  ou  ne  font 
pas  compenfés  par  les  qualités ,  il  eft  à  propos  d'avoir  dans  l'efprit  le 
modèle  d'un  cheval  parfait  ,  auquel  on  puiffe  comparer  les  autres 
chevaux.    Voici  l'efquifiTe  de  ce  m.odele. 

Le  cheval  eft  de  tous  les  animaux  celui  qui,  avec  une  grande  taille, 
a  le  plus  de  proportion  &  d'élégance  dans  les  parties  du  corps.  En  lui 
comparant  les  animaux  qui  font  immédiatement  au-defTus  &  au-deflbus, 
on  trouve  que  l'âne  eft  mal  fait,  que  le  lion  a  la  tête  trop  grolTe  , 
que  le  bœuf  a  la  jambe  trop  menue,  que  le  chameau  eft  diftorme,  8c 
que  le  rhinocéros  &  l'éléphant  ne  font ,  pour  ainfi  dire  ,  que  des  maffes. 
Dans  le  cheval  bien  fait  l'attitude  de  la  tête  &  du  cou  contribue  plus  ' 
que  celle  de  toutes  les  autres^parties  du  corps  ,  à  donner  à  cet  animal 
un  noble  maintien.  Une  belle  encolure  doit  être  longue  &  relevée, 
&  cependant  proportionnée  à  la  taille  du  cheval.  Lorfqu'elle  eft  trop 
longue  ou  trop  menue  3  les  chevaux  donnent  ordinairement  des  coups 
de  tête;  &  quand  elle  eft  trop  courte  ÔC  trop  charnue,  ils  font  pefans 
à  la  main.  Pour  que  la  tête  foit  le  plus  avantageufement  placée,  il 
faut  que  le  front  foit  perpendiculaire  à  l'horizon.  La  tête  doit  être  feche  ' 
^  menue,  fans  être  trop  longue;  les  oreilles  peu  diftantes  ,  petites  j,' 
Tome  II,  P 


114  C  H  E 

droites ,  immobiles ,  étroites ,  de'Iiées  &  bien  plantées  fur  le  haut  de 
la  tête;  le  front  étroit  &  un  peu  convexe;  les  falieres  remplies,  les 
paupières  minces;  les  yeux  clairs,  vifs,  pleins  de  feu,  affez  gros  & 
avancés  à  fleur  de  tête  ;  la  prunelle  grande  ;  la  ganache  décharnée  & 
un  peu  épaifife  ;  le  nez  un  peu  arqué;  les  nafeaux  bien  ouverts  &  bien 
fendus  :  la  cloifon  du  nez  mince  ;  les  lèvres  déliées  ;  la  bouche  médio^ 
crement  fendue;  le  garrot  élevé  &  tranchant;  les  épaules  feches,  plates 
&  peu  ferrées  ;  le  dos  égal,  uni,  infenfiblement  arqué  fur  la  longueur» 
&  relevé  des  deux  côtés  de  l'épine  qui  doit  paroître  enfoncée  ;  les  flancs 
pleins  &  courts;  la  croupe  ronde  &  bien  fournie  ;  la  hanche  bien 
garnie  ,  le  tronçon  de  la  queue  épais  &  ferme  ;  les  bras  &  les  cuifles 
gros  èc  charnus  ;  le  genou  rond  en  devant  ;  le  jarret  ample  &  évidé  ; 
les  canons  minces  fur  le  devant  &  larges  fur  les  côtés  ;  le  nerf  bien 
détaché  ;  le  boulet  menu;  le  fanon  peu  garni;  le  paturon  gros  &  d'une 
médiocre  grandeur  ;  la  couronne  peu  élevée  ;  la  corne  noire,  unie  & 
luifante  ;  le  fabot  haut  ;  les  quartiers  ronds  ;  les  talons  larges  & 
médiocrement  élevés  ;  la  fourchette  menue  &  maigre  ,  &  la  foie  épaiife 
&  concave. 

Remarques  fur  les  perfections  &  imperfections  d^un  Cheval, 

Il  y  a  peu  de  chevaux  dans  lefqueîs  on  trouve  rafTemblées  toutes 
les  perfedions  dont  on  vient  de  parler.  Lorfqu'^on  acheté  un  cheval,  iî 
y  apluheurs  ohfervations  à  faire  pour  n'être  point  trompé,  &  reconnoître 
tous  fes  défauts  :  mais  ce  détail  feroit  déplacé  ici.  Comme  il  y  a  peu 
d'animaux  qu'on  ait  autant  étudiés  que  le  cheval ,  nous  renvoyons  aux 
fources  mêmes  pour  prendre  connolfïànce  dans  un  plus  grand  détail  5. 
d'une  multitude  4'obiets  concernant  cet  animal  ,  defquels  nous  ne 
parlerons  point,  parce  qu'ils  fe  rapprochent  plus  de  fart,  &  s'éloignent 
davantage  de  l'Hiftoire  Naturelle.  Ces  fources  font  :  Le  nouveau  parfait 
Maréchal^  de  M.  Garfaut ;  l'Ecole  &  les  Elémens  de  la  Cavalerie,  de 
M.  de  la  Guériniere  ;  le  Nouveau  Newcafll^  ,  par  M.  Bourgelat  ,  le 
Véritable  &  Parfait  Maréchal ,  par  M,  Solleyfel  ;  le  troiiieme  volume  de 
de  rHifioire  Naturelle  de  MM.  de  Buffon  &  d'Aubenton  ;  la  Connoïfjance. 
des  Chevaux  ;  le  Traité  de  Georges-Sim&n  Winter ,  petit  in-folio ,  avec 
figures  ;  le  Cours  d'Hyppia trique  ,  par  M.  la  Fofle  ;  &  celui  de  M.  Vitet, 
Nous  allons  feulement  faire  ,  d'après  M,  de  Buffon  ,  quelques  remarques 
qui  pourront  mettre  en  ét3t  de  juger  des  perfections  ou  imperfections 
d'un  cheval» 


C  H  Ë  îiY 

On  juge  afTez  bien  du  naturel  &  de  l'état  a(fî:uel  de  l'animal  par  le 
mouvement  des  oreilles.  Il  doit,  lorfqu'il  marche  ,  avoir  la  pointe  des 
oreilles  en  avant  :  un  cheval  fatigué  a  les  oreilles  bafles  :  ceux  qui  font 
colères  &  malins  portent  alternativement  Tune  des  oreilles  en  avant 
l'autre  en  arrière  :  tous  portent  l'oreille  du  côté  où  ils  entendent  quelque 
bruit  ;  &  lorfqu'on  les  frappe  fur  le  dos  ou  fur  la  croupe  ,  ils  tournent 
les  oreilles  en  arrière.  Les  chevaux  qui  ont  les  yeux  enfoncés  ou  un 
ceil  plus  petit  que  l'autre  ,  ont  ordinairement  la  vue  mauvaife  ;  ceux 
dont  la  bouche  eft  feche,  ne  font  pas  d'un  auffi  bon  tempérament  que 
ceux  dont  la  bouche  eft  fraîche  &  devient  écumeufe  fous  la  bride. 

Le  cheval  de  felle  doit  avoir  les  épaules  plates  ,  mobiles  &  peu 
chargées  ;  le  cheval  de  trait  ,  au  contraire  ,  doit  les  avoir  grolles , 
rondes  &  charnues  :  fi  cependant  les  épaules  d'un  cheval  de  felle  font 
Il  feches,  qu'elles  avancent  trop  fous  la  peau  ,  c'eft  un  défaut  qui 
défigne  que  les  épaules  ne  font  pas  libres ,  &  que  par  conféquent  le 
cheval  n'eft  pas  propre  à  fupporter  la  fatigue.  Un  autre  défaut  pour 
le  cheval  de  felle  ,  eft  d'avoir  le  poitrail  trop  avancé  ,  de  les  jambes  de 
devant  retirées  en  arrière ,  parce  qu'alors  il  eft  fujet  à  s'appuyer  fur  la 
main  en  galopant ,  &  même  à  broncher  &  à  tomber.  Lorfque  les  jambes 
de  devant  du  cheval  font  trop  longues ,  il  n'eft  pas  alTuré  fur  fes  pieds  ; 
fï  elles  font  trop  courtes  ,  il  eft  pefant  à  la  main.  On  a  remarqué  que 
les  jumens  font  plus  fujettes  que  les  chevaux  à  être  balfes  du  devant, 
&  que  les  chevaux  entiers  ont  le  cou  plus  gros  que  les  jumens  & 
les  hongres. 

Les  yeux  des  chevaux  font  fujets  à  plufieurs  défauts  qu'il  eft  quel- 
quefois difficile  de  reconnoître.  Lorfque  l'œil  eft  fain  ,  on  doit  voir 
à  travers  la  cornée  deux  ou  trois  taches  couleur  de  fuie  au-defîus  de 
la  prunelle;  car  pour  voir  ces  taches,  il  faut  que  la  cornée  foit  claire,' 
nette  &  tranfparente.  La  prunelle  petite  ,  longue  &  étroite ,  ou  en- 
vironnée d'un  cercle  blanc  ,  déhgne  un  mauvais  œil  :  lorfque  l'œil  a 
une  couleur  bleue-verdâtre ,  la  vue  eft  certainement  trouble. 

Moyen   de  juger  de  l'dge  des  Chevaux, 

Une  des  chofes  les  plus  importantes  à  connoître ,  lorfqu'on  acheté 
un  cheval ,  eft  fon  âge  :  les  falieres  creufes  n'en  font  qu'une  indice 
équivoque  ,  puifqu'elles  le  font  quelquefois  dans  de  jeunes  chevaux 
engendrés  de  vieux  étalons  :  c'eft  par  les  dents  qu'on  peut  en  avoir 

V  2 


%i^  CHE 

une  connoiffancesûre.  Lecnevalen  a  quarante,  vingt-quatre mâcheîlere s 
quatre  canines  &  douze  inciiîves.  Quinze  jours  après  la  naiflance  du. 
poulain  ,  les  dents  commencent  à  lui  poufler  :  ces  dents  de  lait  tombent 
en  difFérens  temps  5  &  font  remplacées  par  d'autres,  A  l'âge  de  quatre  ans 
&  demi  les  dernières  dents  de  lait  tombent  &  il  leur  en  fuccedeû'autres^ 
ce  font  ces  dernières  qui  marquent  l'âge  du  cheval.  Elles  font  an 
nombre  de  quatre  aifées  à  reconnoître  ;  ce  font  les  troificmes  tant  en 
haut  qu'en  bas,  à  les  compter  depuis  le  milieu  de  l'extrémité  de  la 
mâchoire.  On  les  nomme  avec  raifon  les  coins  ,  car  elles  font  effec- 
tivement aux  quatre  coins  qui  bornent  les  dents  incifîves.  Ces  dents 
font  creufes ,  &  ont  une  marque  noire  dans  leur  concavité  :  à  quatre 
ans  &  demi  elles  ne  débordent  prefque  pas  au-defTus  de  la  gencive ,  & 
le  creux  eft  fort  fenfible:  à  fixans  &  demi  il  commence  à  fe  remplira 
la  marque  commence  auffi  à  diminuer  &  à  fe  rétrécir ,  &  toujours  de 
plus  en  plus  jufqu'à  fept  ans  &  demi  ou  huit  ans ,  que  le  creux  eft. 
tout- à-fait  rempli  &  la  marque  noire  effacée.  Lorfque  ces  dents  que 
l'on  nomme  les  coins  ,  ne  donnent  plus  connoiffance  de  l'âge  du  cheval, 
on  cherche  à  en  juger  par  les  quatre  dents  canines.  Jufqu'à  l'âge  de 
ûx  ans  ces  dents  font  fort  pointues  ;  à  dix  ans  celles  d'en  haut  pa- 
roiffent  émouffées  ,  ufées  &  longues,  parce  qu'elles  font  déchauffées, 
la  gencive  fe  retirant  avec  l'âge  ;  &  plus  elles  le  font ,  plus  le  cheval 
eft  âgé.  De  dix  jufqu'à  treize  ou  quatorze  ans  ,  il  y  a  peu  d'indices 
de  l'âge  ;  mais  alors  quelques  poils  des  fourcils  commencent  à  devenir 
blancs.  Il  y  a  des  chevaux  dont  les  dents  font  fi  dures  ,  qu'elles  ne 
s'ufent  point  &  fur  lefquelles  la  marque  noire  ne  s'efface  jamais  ;  mais 
ces  chevaux  qu'on  appelle  héguis ,  font  aifés  à  reconnoître  par  le  creux 
de  la  dent ,  qui  eft  abfolument  rempli ,  &  par  la  longueur  des  dents 
canines.  On  a  remarqué  qu'il  y  a  plus  de  jumens  que  de  chevaux  qui 
Soient  dans  ce  cas» 

Comme  la  durée  de  la  vie  des  animaux  eft  proportionnelle  au  temps 
de  leur  accroiffement ,  le  cheval  dont  l'accroiffement  fe  fait  en  quatre 
ans ,  peut  vivre  fîx  ou  fept  fois  autant ,  c'eft-à-dire  ,  vingt-cinq  ou 
trente  ans  ,  &  même  plus. 

Des    allures   du    ChevaL 

Le  pas  eft  Tallure  la  plus  lente  du  cheval  ;  il  doit  cependant  être 
laflèz  prompt»  Il  ne  le  faut  ni  alongé  ni  raccourci  ;  ce  mouvement 


C  H  E  ï  1 7 

cfi:  le  plus  doux  pouf  îe  cavalier.  La  marche  du  cheval  efl:  d'autant  plus 
légère,  que  (es  épaules  font  plus  libres  :  il  faut  que  le  mouvement  de  fa 
jambefoitfacile,  hardi:  quand  la  jambe  retombe,  le  pied  doit  être  fermCj^ 
&  appuyer  également  fur  la  terre,  fans  que  la  tête  foit  ébranlée  ;  car  fi  la 
tête  bailTe,  elle  défigne  la  foibleffe  des  jambes,  hepas  eft  un  mouvement 
très-doux  pour  le  cavalier,  parce  que  cette  marche  fe  fait  en  quatre 
temps  qui  fe  fuccedent  immédiatement  ;  car  le  pied  droit  de  devant 
part  le  premier,  &  eft  fuivi  à  peu  de  diftance  du  'pied  gauche  de 
derrière  ,  auquel  fuccede  le  pied  gauche  de  devant  ;  &  à  celui  -  là  s- 
le  pied  droit  de  derrière.  Dans  cette  efpece  de  mouvement ,  le  centre 
de  gravité  du  corps  de  l'animal  ne  fe  déplace  que  foiblement  &  refte 
toujours  à-peu-près  dans  la  direélion  des  deux  points  d'appui  qui  ne' 
font  pas  en   mouvement.  Le  cavalier  eft  d'autant  plus  doucement  ^. 
que  les  mouvemens  du  cheval  font  égaux  &  uniformes  dans  le  train 
de  devant  &  dans  celui  de  derrière  ;  &  en  général    les  chevaux  dont 
le  corps  eft  long  ,  font  plus  commodes  pour  le  cavalier  ,  parce  que- 
fon  corps  fe  trouve  plus  éloigné  du  centre  des  mouvemens. 

Lorfque  le  cheval  irotte ,  les  pieds  partent  de  même  que  dans  le 
pas ,  avec  cette  différence  que  les  pieds  oppofés  tombent  enfemble  5 
ce  qui  ne  fait  que  deux<  temps  dans  le  trot ,  &  un  intervalle.  La  du- 
reté du  trot  vient  de  la  réfiftance  que  fait  la  jam^be  de  devant,  lorf- 
que celle  de  derrière  fe  levé. 

Dans  le  galop  il  y  a  ordinairement  trois  temps  &  deux  intervalles: 
comme  c'eft  une  efpece  .de  faut  ,  toute  la  force  vient  des  reins.  La^ 
jambe  gauche  de  derrière  part  la  première   &  fait  le  premier  temps;- 
la  jambe  droite   de   derrière  &   la  jambe  gauche  de  devant  tombent 
enfemble ,  c'eft  le  fécond  temps  ;   enfuite  la  jambe  droite  de  devant 
fait  le  troifieme  temps.  Dans  le  premier  intervalle,  quand  le  mouvement 
eft  vite,  il  y  a  un  inftant  oii  les  quatre  jambes  font  en  Tair  en  m.ême 
temps ,  &  où  l'on  voit  les  quatre  fers  du  cheval  à  la  fois.  Il  réfulte 
donc  de  ces  mouvemens  ,  que  la  jambe  gauche  qui  porte  tout  le  poids 
&  qui  pouffe  les  autres  en  avant ,  eft  la  plus  fatiguée.   Il   feroit  à- 
propos  d'exercer  les  chevaux  à  galoper  indifféremment  des  deux  pieds 
de  derrière  ,  le   cheval  en   foutiendroit  plus    long-temps  cet  exercice; 
vicient.  Les  chevaux  qui  dans  le  galop  lèvent  bien  haut  ies  jambes 
de  devant ,  avancent  moins  que  les  autres  &  fatiguent  davantage  :aufll 
e'eft  à  quoi  l'on  a  grand  foin  d'exercer  le  cheval  au  manège.  Le  pas 


i  I  s  C  H  Ë 

pour  ctre  bon,  doit  être  prompt,  léger  &  sûr';  le  trot,  prompt,  ferme' 
&  foutenu.  Le  galop  ,  prompt ,  sûr  &  doux. 

UarnbU  eft  une  allure  que  l'on  regarde  comme  défedueufe  &  non 
naturelle  ;  car  c'eft  celle  que  prennent  les  chevaux  ufés  lorfqu'on  les 
force  à  un  mouvement  plus  prompt  que  le  pas ,  &  les  poulains  qui 
font  encore  trop  foibles  pour  galoper.  Dans  cette  allure  qui  eft  très- 
fatigante  pour  le  cheval  &  très-douce  pour  le  cavalier ,  les  lieux  jambes 
du  même  côté  partent  en  mcme  temps  pour  faire  un  pas ,  &  les  deux 
jambes  de  l'autre  côté  en  même  temps  pour  faire  un  fécond  pas.  Ce 
mouvement  progreflif  revient  à-peu-près  à  celui  des  bipèdes;  dans  cette 
allure  du  cheval ,  deux  jambes  d'un  côté  manquent  alternativement 
d'appui,  &  ces  chevaux  font  dès- lors  plus  fujets  à  tomber. 

Uentrepas  &  Vaubin  font  deux  allures  qui  font  mauvaifes  ,  &  qui 
viennent  l'une  &  l'autre  d'excès  de  fatigue  &  de  foiblefle  des  reins 
du  cheval.  L'entrepas  tient  du  pas  &  de  l'amble ,  &  l'aubin  du  trot 
&  du  galop.  Les  chevaux  de  Mefl'agerie  prennent  l'entrepas  au  lieu 
du  trot ,  &  les  chevaux  de  pofte  l'aubin  au  lieu  du  galop ,  à  mefure 
qu'ils  fe  ruinent. 

Des  Haras, 

Les  chevaux  rendent  de  fi  grands  fervices  ,  qu'on    s'efl:  attaché  a 
les  multiplier ,  &  à  s'en  procurer  de  belles  races  &  à  prendre  foin  de 
leur  éducation.  Il  y  a  des  haras  dans  plufieurs  Provinces.  Pour  établir 
un  haras ,  il  faut  choifir  un  bon  terrain  &  un  lieu  convenable  ;  on 
le  divife  en  plufieurs  parties ,  qu'on  ferme  de  fofîés  &  de  bonnes  haies. 
On  met  les  jumens  pleines  &  celles  qui  alaitent  leurs  poulains  dans 
la  partie  oii  le  pâturage  efl  le  plus  gras  :  on  met  celles  qui  n'ont  point 
été  couvertes  dans  un  canton  de  pâturage  moins  gras  ,  parce  que  fî 
elles  prenoient  trop  d'embonpoint ,  elles  feroient   moins  propres  à  la 
génération.  On  renferme  enfin  les  jeunes  poulains  entiers  ou  hongres 
dans  la  partie  du  terrain  la  plus  feche  &    la  plus  inégale ,  pour  les 
accoutumer  à  l'exercice  &  à  la  fobriété.  L'expérience  a  même  appris 
que  les    chevaux  font  d'autant  plus  nerveux   &    d'un  tempérament 
d'autant  plus  fort ,  qu'ils  ont  été  élevés  dans  un  terrain  plus  (qc.  On 
laiffe  les  chevaux  dans  ces   pâturages  pendant  tout  l'été  ;  mais  en 
hiver  on  les  enferras  dans  les  écuries  ,   dan.s  lefquelles  on  les  laifle 
en  liberté. 


C  H  E  IIP 

Dès  Tage  de  deux  ans  &  demi  le  cheval  efl  en  état  d'engendrer,  de 
les  jumens ,  comme  toutes  les  autres  femelles  ,  font  encore  plus  précoces 
que  les  mâles  :  mais  ces  jeunes  chevaux  ne  produifent  que  des  poulains 
mal  conformés  èc  mal  conftitués.  On  ne  doit  permettre  au  cheval  de 
trait  Tufage  de  la  jument  qu'à  quatre  ans  ou  un  peu  plus ,  &  qu'à  fix 
ou  fept  ans  aux  chevaux  fins ,  parce  que  ces  derniers  font  plus  long- 
temps à  fe  former.  Les  jumens  peuvent  avoir  un  an  de  moins.  Elles 
font  en  chaleur  depuis  la  fin  de  Mars  jufqu'à  la  fin  de  Juin  :  le  temps  de 
la  plus  forte  chaleur  ne  dure  guère  que  quinze  jours  ou  trois  femaines. 
Il  faut  profiter  de  ce  temps  pour  leur  donner  l'étalon ,  que  l'on  doit 
choifir  beau  ,  bien  fait ,  fain  par  tout  le  corps  ,  qui ,  outre  toutes  les 
belles  qualités  extérieures ,  ait  encore  toutes  les  bonnes  qualités  in- 
térieures ,  du  courage  ,  de  la  docilité ,  de  l'ardeur  ;  car  on  a  remarqué 
que  le  cheval  communique ,  par  la  génération ,  toutes  fes  bonnes  & 
mauvaifes  qualités  naturelles  &  acquifes.  Dans  ces  climats  la  jument 
contribue  moins  que  1  étalon  à  la  beauté  du  poulain;  mais  elle  contribue 
peut-être  plus  à  fon  tempérament  :  c'eft  pourquoi  il  faut  choifir  des 
jumens  qui  foient  bonnes  nourrices   &  d'une  excellente   conftitution. 

Lorfqu'on  a  choifi  un  étalon  qui  a  toutes  les  qualités  requifes,  & 
que  les  jumens  qu'on  veut  lui  donner  font  raflemblées,  il  faut  avoir 
un  autre  cheval  entier  qui  ne  fervira  qu'à  faire  connoître  les  jumens 
qui  font  en  chaleur.  On  fait  palTer  toutes  les  jumens  l'une  après  l'autre 
devant  ce  cheval  entier.  Il  veut  les  attaquer  toutes  :  celles  qui  ne 
font  point  en  chaleur  fe  défendent  par  des  ruades  répétées ,  il  n'y  a 
que  celles  qui  y  font  qui  fe  laiiTent  approcher.  Ce  mâle ,  plus  vigoureux  , 
plus  ardent  par  la  réfifiance  qu'il  a  éprouvée ,  fe  difpofe  à  faire  fête 
à  la  femelle  ,  &  déjà  il  croit  triompher  ,  m.ais  au  lieu  de  le  laiffer 
approcher  tout-à-fait  _,  on  le  retire  &  on  lui  fubfiitue  le  véritable  étalon. 
Qn  a  foin  de  déferrer  la  jument  amoureufe  ,  car  il  y  en  a  qui  font 
chatouilleufes  &  qui  ruent  à  l'approche  de  l'étalon.  Un  homme  tient 
la  jument  par  le  licol  ,  &  deux  autres  (pourvoyeurs)  conduifent  en 
grande  cérémonie  l'étaJon  par  des  longes.  En  entrant  dans  l'arène, 
fon  ardeur  s'éve  lie.  Le  henniflement ,  le  fouffle  des  nafeaux  font  le 
langage  de  fes  defirs.  Deux  autres  hommes  (  appareilleurs  )  aident  à 
l'accouplement,  l'un  en  détournant  ou  levant  la  queue  de  la  jument; 
carunfeul  crin  qui  s'oppoferoit,  pourroitbleffer  l'étalon  dangereufement. 
L'autre  eft  fouvent  obligé  de  diriger  le  membre  génital  vers  l'entré^ 


,v 


120  CHË 

du  vagin  dont  il  dilate  les  lèvres,  ce  bon  office  efl  fait  avec  beaucouîJ 
de  précaution^  On  reconnoît  que  Taâie  de  la  génération  a  été  réellement 
confommé ,  lorfque  dans  les  derniers  momens  de  la  copulation ,  le 
tronçon  de  la  queue  de  l'étalon  a  eu  un  mouvement  de  balancier  près 
delà  croupe j  car  ce  mouvement  accompagne  toujours  Témiffion  de 
la  liqueur  féminale  qui  eft  très-abondante  dans  ces  animaux. 

Quoiqu'un  bon  étalon  puifle  fuffire  à  couvrir  tous  les  jours  une  fois  pen- 
dant les  trois  mois  que  dure  la  monte,  il  vaut  mieux  ne  lui  donner  qu'une 
jument  tous  les  deux  jours ,  pour  le  ménager  davantage.  Un  étalon  ainfi 
conduit  peut  couvrir  quinze  ou  dix-huit  jumens,  &  produire  dix  ou  douze 
poulains  dans  les  trois  mois  que  dure  cet  exercice.  Pendant  que  les 
jumens  font  en  chaleur ,  il  fe  fait  une  ftillation  d'une  liqueur  gluante 
.&  blanchâtre  :  c'eft  cette  liqueur  que  les  Grecs  ont  appellée  Vhippomanhs 
de  la  jument,  &  dont  ils  prétendoient  qu'on  pouvoit  faire  des  philtres  , 
fur-tout  pour  rendre  un  cheval  frénétique  d'amour.  Cet  hippomanes  efl 
bien  différent  de  celui  qui  fe  trouve  dans  les  enveloppes  du  poulain. 
Voyei^  Hippomanes. 

Quelques  perfonnes  lâchent  leur  étalon  dans  le  lieu  où  font  raflem- 
blées  les  jumens;  ces  dernières  produifent  plus  furement  que  de  l'autre 
façon ,  mais  l'étalon  fe  ruine  plus  en  (ix  femaines  qu'il  ne  feroit  en 
plufieurs  années  étant  conduit  avec  modération  de  la  manière  dont 
on  vient  de  le  dire. 

Du  croifement  des  Races» 

Une  obfervation  des  plus  elTentielles  ,  &  abfolument  néceflaire  dans 
îes  haras ,  c'eft  le  foin  de  croifer  les  races ,  pour  les  empêcher  de 
dégénérer. 

Il  y  a  dans  la  nature,  dit  M.  deBuffon,  un  prototype  général  dans 
chaque  efpece,  fur  lequel  chaque  individu  eft  modelé,  mais  qui  fembîe 
.en  fe  réalifant  s'altérer  ou  fe  perfedionner  par  les  circonftances  ;  en 
forte  que  relativement  à  de  certaines  qualités  ,  il  y  a  une  variation 
Hzarre  en  apparence  dans  la  fucceflion  des  individus,  &  en  même  temps 
une  conftance  admirable  dans  toute  l'efpece.  Le  premier  animal  ,  le 
premier  cheval ,  par  exemple  ,  a  été  le  modèle  extérieur  ou  le  moule 
intérieur  fur  lequel  tous  les  chevaux  qui  font  nés,  tous  ceux  quiexiftent 
^  tous  ceux  qui  naîtront  ont  été  formés  ;  mais  ce  modèle  a  pu  s'altérer 
|f  fe  perfeélionnèr  en  coroiîiunic[uant  f^  forme  &  fe  multipliant.,.., 

L'emprçintQ 


CHE  12  f 

L'empreinte  orîgînaîre  fubfîfte  en  fon  entier  dans  chaque  individu  j 
mais  que  de  nuances  diffe'rentes  dans  les  divers  individus,  tant  dans 
Tefpece  humaine  que  dans  celle  de  tous  les  animaux  ,  de  tous  les 
végétaux,  de  tous  les  êtres  en  un  mot  qui  fe  reproduifent  !....  Co- 
qu'il  y  a  de  plus  fîngulier,  c'eft  qu'il  femble  que  le  modèle  du  beau  & 
du  bon  foit  difperfé  par  toute  la  terre,  &  que  dans  chaque  climat  il  n'en 
réfide  qu'une  portion ,  qui  dégénère  toujours  ;  à  moins  qu'on  ne  la 
réunifie  avec  une  autre  portion  prife  au  loin  ;  en  forte  que  pour  avoir 
de  bon  grain ,  de  belles  fleurs  ,  &c.  il  faut  en  échanger  les  graines , 
&  ne  jamais  les  femer  dans  le  même  terrain  qui  les  a  produites;  &  de 
même,  pour  avoir  de  beaux  chevaux,  de  bons  chiens,  &c.  il  faut 
donner  aux  femelles  du  pays  des  mâles  étrangers ,  &  réciproquement 
aux  mâles  du  pays ,  des  femelles  étrangères ,  fans  cela  les  grains ,  les 
fleurs  ,  les  animaux  dégénèrent  ,  ou  plutôt  prennent  une  fi  forte 
teinture  du  climat ,  que  la  matière  domine  fur  la  forme ,  &  femble 
Tabâcardir  :  l'empreinte  refte  ,  mais  défigurée  par  tous  les  traits  qui 
ne  lui  font  pas  eiïentiels.  En  mêlant  au  contraire  les  races,  &:  fur- tout 
en  renouvellant  toujours  par  des  races  étrangères ,  la  forme  femble 
fe  perfeélionner  ,  &  la  nature  fe  relever  &:  donner  tout  ce  qu'elle  peut 
produire  de  meilleur. 

L'expérience  a  appris  que  des  animaux,  ou  des  végétaux tranfplan tés 
d'un  climat  lointain,  fouvent  dégénèrent  &  quelquefois  fe  perfedionnent 
au  bout  d'un  petit  nombre  de  générations.  Cet  eiïet  eft  produit  par 
la  différence  du  climat  &  de  la  nourriture  ;  l'influence  de  ces  deux 
caufes  agiflant  toujours  davantage  fur  chaque  nouvelle  génération  , 
rend  ces  animaux  exempts  ou  fufceptibles  de  certaines  affedions  ,  de 
certains  vices  de  conformation  ,  de  certaines  maladies.  Les  chevaux 
d'Efpagne  &  de  Barbarie  deviennent  en  France  des  chevaux  François 
fouvent  dès  la  féconde,  &  toujours  à  la  troifieme  génération;  on  eft 
donc  obligé  de  croifer  les  r^ces ,  au  lieu  de  les  conferver. 

On  renouvelle  la  race  à  chaque  génération  en  faifant  venir  des 
chevaux  Barbes  ou  d'Efpagne  pour  les  donner  aux  jumens  du  pays  ; 
un  cheval  &  une  jument  d'Efpagne  ne  produiroient  pas  enfemble  d'auiÏÏ 
beaux  chevaux  en  France ,  que  ceux  qui  viendront  de  ce  même  cheval 
d'Efpagne  avec  une  jument  du  pays.  Ce  phénomène  fe  conçoit  aifément 
lorfqu'on  obferve  que  dans  un  climat  chaud  ,  par  exemple,  il  y  a  eft 
excès  ce  qui  fera  en  défaut  dans  un  climat  froid,  &  réciproquement; 
Tom&  II,  ->-^; 


4r< 


122  CHË 

il  fe  fait  une  compenfation  du  tout  lorfqu'on  joint  enfemble  des  animaux 
de  ces  climats  oppofés.  On  doit  donc  dans  le  croifement  des  races 
corriger  les  défauts  les  uns  par  les  autres;  donner  à  la  femelle  qui  pèche 
par  un  défaut ,  foit  dans  la  conformation  extérieure  ,  foit  dans  le 
caradere  ,  un  étalon  qui  pèche  par  un  excès  contraire  ,  &  op- 
pofer  les  climats  le  plus  qu'il  eft  poflible  ;  donner,  par  exemple, 
à  une  jument  d'Efpagne  un  étalon  tiré  d'mi  pays  froid. 

Cet  ufage  de  croifer  les  races  fe  retrouve  même  dans  l'efpece  humaine. 
On  peut  croire  ,  dit  M.  de  Buffon  ,  que  par  une  expérience  dont  on 
a  perdu  toute  mémoire,  les  hommes  ont  autrefois  connu  le  mal  qui 
réfultoit  des  alliances  du  même  fang  ,  puifque  chez  les  Nations  les 
moins  policées  ,  il  a  rarement  été  permis  au  frère  a'époufer  fa  fœur. 
Cet  ufage ,  qui  efl:  pour  nous  de  droit  divin ,  &  qu'on  ne  rapporte 
chez  les  autres  peuples,  qu'à  des  vues  politiques  ,  a  peut  -  être  été 
fondé  fur  l'cbfervaticn.  La  politique  ne  s'étend  pas  d'une  manière  (î 
générale  &  fiablolue,  a  moins  qu'elle  ne  tienne  au  phyfique  ;  mais  (i 
les  hom.mes  ont  une  fois  connu  par  expérience  que  leur  race  dégénéroit 
toutes  les  fois  qu'ils  ont  voulu  la  conferver  fans  mélange  dans  une  même 
famille,  ils  auront  regardé  comme  une  loi  de  la  nature  celle  de  l'alliance 
avec  des  familles  étrangères  ,  &  fe  feront  tous  accordés  à  ne  pas  foufFrir 
de  mélange  entre  leurs  enfans.  Et  en  effet  ,  l'analogie  peut  faire 
prélumer  que  dans  la  plupart  des  climats  les  hommes  dégénéreroient^ 
comme  les  animaux ,  après  un  certain  nombre  de  générations. 

Des  Poulains. 

Les  jumens  portent  ordinairement  onze  mois  &  quelques  jours  ; 
felles  accouchent  debout ,  au  lieu  que  prefque  tous  les  autres  quadru- 
pèdes fe  couchent.  On  aide  celles  dont  l'accouchement  eft  difficile.  Le 
|)oulain  ,  ainfi  que  dans  toutes  les  efpeces  d'animaux  ,  fe  préfente 
ordinairement  la  tête  la  première  ;  il  rompt  fes  enveloppes  en  fortant 
de  la  matrice  ,  &  il  tombe  en  même  temps  plufieurs  morceaux  folides, 
que  Von  nommQYhippomanès  du  poulain.  /Fbj'^^  HiPPOMANÈs.  La  jument 
ieche  le  poulain  aulfi-tôt  après  fa  naiiïance. 

,.  .  On  ne  laifle  tetter  les  poulains  que  cinq,  fix  ou  fept  mois  au  plus  j 
jàjprès  les  mois  de  lait  on  leur  donne  du  fon  deux  fois  par  jour ,  &  un 
peu  de  foin;  on  les  tient  dans  l'écurie  tant  qu'on  leur  fent  de  l'inquié- 
tude pour  leur  mère  ;  quand  cette  inquiétude  eft   diflipée  ,  &  qu'il 

\''\f     /■(»■.  .      . 


CHE  125 

fait  beau  ,  on  les  conduit  au  pâturage.  Lorfqu'ils  ont  pafle  de  cette 
manière  le  premier  hiver ,  au  mois  de  Mai  fuivant  on  les  mené  au 
pâturage,  où  on  les  laifle  coucher  en  plein  air  pendant  tout  l'été 
jufqu'au  mois  d'Odobre.  Si  on  les  examine  paître  dans  une  prairie, 
on  s'apperçoit  bientôt  qu'ils  s'attachent  principalement  aux  plantes 
graminées  ,  c'eft-à-dire  ,  de  la  famille  des  chiendents. 

C'eft  lorfque  les  jeunes  chevaux  font  ainfi  réunis  en  troupe ,  qu'on 
peut  obferver  leurs  mœurs  douces  &:  leurs  qualités  fociales.  Leur  force 
&  leur  ardeur  ne  fe  marque  ordinairement  que  par  des  fignes  d'ému- 
lation :  ils  cherchent  à  fe  devancer  à  la  courfe  ,  &  même  à  s'animer 
au  péril ,  en  fe  cénant  de  traverfer  une  rivière  ,  fauter  un  fofîé  ;  & 
ceux  qui,  dans  ces  exercices  naturels,  donnent  l'exemple  ;  ceux  qui 
d'eux-mêmes  vont  les  premiers  ,  font  les  plus  généreux,  les  meilleurs, 
&  fouvent  les  plus  dociles  &  les  plus  fo  uples,  lorfqu'ils  font  domtés. 

Nous  avons  dit  que  l'on  a  vu  des  chevaux  prendre  les  uns  pour 
les  autres  un  attachement  fingulier  :  on  rapporte  que  parmi  des 
chevaux  de  cavalerie  ,  il  y  en  avoit  un  fi  vieux  ,  qu'il  ne  pouvoit 
broyer  fa  paille  ni  fon  avoine  ;  les  deux  chevaux  que  l'on  m^ettoit 
habituellement  à  côté  de  lui ,  broyoient  fous  leurs  dents ,  la  paille  & 
l'avoine,  &  la  jetoient  enfuite  devant  le  vieillard  qui  ne  fubfiftoit  que 
par  leurs  foins  généreux.  Ce  trait  fuppofe  une  force  d'inftind  qui  étonne 
la  raifon. 

On  dirige  les  poulains  en  les  laiiTant  paître  le  jour  pendant  l'hiver; 
&  la  nuit  pendant  l'été ,  jufqu'à  l'âge  de  quatre  ans  ,  qu'on  les  tire  du 
pâturage  pour  les  nourrir  à  l'herbe  feche.  Ce  changement  de  nour- 
riture demande  des  précautions  ;  quelques-uns  leur  donnent  alors  des 
breuvages  contre  les  vers  ;  mais  à  tout  âge ,  &  dans  tous  les  chevaux ,  fains 
ou  malades ,  quelle  que  foit  leur  nourriture  ,  leur  eftomac  ,  ainfi  que 
celui  des  ânes  ,  eft  farci  d'une  fi  grande  quantité  de  vers  ,  qu'il  ne 
faut  peut-être  pas  regarder  ces  vers  comme  une  fuite  de  mauvaife 
digeftion  ,  mais  plutôt  comme  un  effet  dépendant  de  la  nourriture  ÔC 
de  la  digeftion  ordinaire  de  ces  animaux, 

C'eft  à    un   an  ou  dix  -  huit  mois  ,   ou  à    deux  à  trois  ans ,  dans 
certaines  Provinces ,  qu'on  hongre  ou  châtre  les  poulains.  On  lie  les  - 
jambes  de  l'animal  :  on  ouvre  les  bourfes  ,  &  on  enlevé  les  tefticùles  , 
en  coupant   les  vaifleaux  qui  y  aboutilîent  ,  &  les   ligamens  qui  les 
foutiennent.  Enfuite   on  referme   la   plaie  ,  que  l'on   étuve  pendant 

Q  2- 

.    -Mi-    ,  V    ' 

■  -c-n     '  .    ■  ■ 


124  CHA 

plufieurs  jours  avec  de  l'eau  fraîche.  On  ne  hongre  les  chevaux  qu'au 
printemps  &  en  automne;  en  Perfe  ,  en  Arabie  &  en  plufieurs  endr  its 
du  Levant ,  on  ne  leur  fait  point  cette  opération.  En  enlevant  à  ces 
animaux  les  fources  de  la  vie ,  on  leur  ôte  la  force ,  le  courage  ,  la 
fierté,  &c.  mais  on  leur  donne  de  la  tranquillité  ,  de  la  docilité  &.  de 
la  douceur.  On  doit  laiiTer  entiers  les  chevaux  deftinés  aux  plus  pé- 
nibles travaux.  Le  cheval  hongre  peut  s'accoupler  j  mais  non  pas  en- 
gendrer. 

Ces  l'âge  de  trois  ans  ,  on  peut  commencer  à  drelTer  un  cheval  , 
en  procédant  par  degrés  ,  l'accoutumant  d'abord  à  fupporter  la  felle 
&  à  foufhir  le  bridon  ;  mais  on  ne  doit  pas  le  monter  avant  l'âge  de 
quatre  ans ,  parce  qu'avant  ce  temps  il  n'eft  pas  allez  fort  pour  le 
poids  du  cavalier.  On  commence  aufli  au  même  âge  à  domter  le 
cheval  de  trait  ,  en  l'attelant  avec  un  autre  ;  &  tout  cela  doit  fe  faire 
avant  qu'on  ait  mis  les  chevaux  au  grain  &  à  la  paille  ;  car  alors  ils 
font  plus  difficiles  à  drefler. 

C'eft  avec  le  mors  &  l'éperon  que  nous  commandons  aux  chevaux; 
le  mors  rend  les  mouvemens  pins  précis  ,  Se  l'éperon  les  rend  plus 
prompts.  Mais  fans  ces  refiources  de  l'art,  les  Numides  couroient  ànu  fur 
leurs  chevaux,  dont  ils  étoient  obéis,  comme  nous  le  fommes  de  nos 
chiens.  Nous  montons  fur  nos  chevaux  à  l'aide  de  l'étrier ,  tandis  que 
les  Perfes  avoient  appris  à  leurs  chevaux  à  s'accroupir  ,  lorfque  le 
cavalier  vouloit  les  monter. 

L'homme  s'eft  fait  un  art  très -étendu  de  drefler  &  de  monter  ce 
fier  &  fougueux  animal.  Le  cavalier  le  rend  fouple  &  docile  fous  fa 
main  ;  &  l'art  de  monter  à  cheval  avec  noblefle  &  avec  grâce  ,  fait 
un  des  plus  grands  plaifirs  ,  &  un  des  meilleurs  exercices  pour  les 
jeunes  gens.  Cet  art  ,  que  l'on  nomme  le  manège  ,  a  des  détails  im- 
menfes  ,  &  qu'on  ne  peut  apprendre  qu'en  montant  ces  animaux. 
L'exercice  du  cheval ,  qui  conferve  de  la  vigueur  à  la  jeunefTe  qui 
ne  le  prend  que  pour  fes  plaifirs  ,  eft  quelquefois  pour  certaines  per- 
fonnes,  &  dans  certaines  maladies  ,  fur-tout  dans  celles  qui  attaquent 
les  poumons ,  le  meilleur  remède  qu'on  puifle  employer. 

Les  chevaux  ,  ainfi  que  tous  les  animaux  couverts  de  poil ,  muent 
ordinairement  au  printemps ,  &  quelquefois  en  automne  :  ils  font  alors 
plus  foibles;  il  faut  les  ménager  davantage  a  &  les  nourrir  un  peu 
plus  largement! 


CHE  12; 

■  Les  chevaux  élevés  dans  les  lieux  humides  &  marécageux ,  muent 
aufîî  de  corne.  On  peut  remarquer  dans  le  cheval ,  plufîeurs  fortes  de 
henniOemens  différens  ,  relatifs  à  fes  pallions.  Lorfqu'un  cheval  effc 
animé  d'amour  ,  de  defir,  d'appétit ,  il  montre  les  dents  ,  &  femble 
rire.  Il  les  montre  auiïi  dans  la  colère  ,  &  lorfqu'il  veut  mordre.  Il 
lèche  quelquefois,  mais  moins  fréquemment  que  le  bœuf,  qui  eft  ce- 
pendant moins  fufceptible  d'attachement. 

Le  cheval  ne  refte  couché  ,  &  ne  dort  guère  que  deux  ou  trois 
heures;  il  y  a  même  des  chevaux  qui  dorment  debout.  Comme  le 
cheval  plonge  fon  nez  dans  l'eau  en  buvant  ,  on  ne  doit  point  le  laiffer 
boire  lorfqu'il  a  chaud  ;  car  ,  indépendamment  des  coliques  que  l'eau 
froide  peut  lui  caufer  ,  il  prend  le  germe  de  cette  maladie  que  l'on 
nomme  morve  ,  laquelle  eft  une  inflammation  de  la  membrane  pi- 
tuitaire. 

Le  cheval  devenu  animal  domeftique  ,  eft  fujet  à  un  grand  nombre 
de  maladies  ;  &  on  regrette  de  voir  abandonné  aux  foins  &  à  la  pra- 
tique j  fouvent  aveugles  ,  de  gens  fans  connoilTance  ,  la  fanté  d'un 
animal  fi  utile  &  fi  précieux.  La  Médecine  vétérinaire  ei): ,  de  nos  jours, 
renouvellée  &  exercée  avec  fuccès  par  M.  Bourgdat ,  Ecuyer  de  l'Aca- 
démie de  Lyon.  Cet  habile  homme  a  formé  ,  par  les  ordres  &  fous 
la  protedion  du  Roi ,  une  Ecole  publique  à  Lyon  ,  &  enfuite  près 
Paris  ,  où  il  donne  les  règles  &  les  moyens  de  foulager  ces  animaux 
dans  les  maladies.  Cet  art  peut  auffi  donner  des  induétions  utiles  par 
analogie ,  pour  guérir  certaines  maladies  des  hommes.  Pour  en  avoir 
une  idée,  il  fuffira  d'aller  voir  cet  établiflement  à  Alfort ,  près  Cha- 
renton ,  à  deux  petites  lieues  de  Paris. 

Variétés  des  Chevaux. 

Nous  allons  donner  le  plus  brièvement  qu'il  nous  fera  poflible,  une 
idée  des  caraéleres  produits  par  l'influence  du  climat ,  &  qui  diflinguent 
les  diverfes  races  de  chevaux  que  fourniffent  nos  Provinces ,  les  autres 
parties  de  l'Europe ,  &c.  Il  faut  de  l'habitude  &  même  une  aflez  longue 
expérience  pour  diftinguer  les  chevaux  des  différens  pays ,  parce  que 
le  mélange  des  races  a  occafionné  des  variétés  nuancées  à  l'infini. 
Plufieurs  de  nos  Provinces  françoifes  fourniffent  des  chevaux  ,  dont 
les  uns  font  des  chevaux  de  main  j  les  autres ,  de  bons  Ôc  beaux  chevaux 


126  C   H  E 

de  carrofle  ,  de  labourage  ,  de  rouliers  &  de  fomme  ;  mais  il  y  en 
a  de  plus  eftimés  les  uns  que  les  autres. 

Les  chevaux  Bretons  approchent ,  pour  la  taille  &  pour  la  fermeté 
du  corps ,  des  chevaux  Poitevins  :  ils  font  courts  &:  ramafles:  ils  ont  la  tête 
courte  &  charnue  ;  les  yeux  d'une  moyenne  grolTeur  ;  la  mouftache 
de  la  lèvre  fupérieure,  épaifle  &  ramaiTée.  On  fait  ufage  de  ces  che- 
vaux pour  l'artillerie  ,  pour  le  tirage  &  pour  le  carrofle  :  ils  font  peu 
propres  à  la  courfe. 

Les  chevaux  Poitevins  font  bons  de  corps  &  de  jambes  :  ils  ne  font 
ni  beaux ,  ni  bien  faits.;  mais  ils  ont  de  la  force. 

Les  meilleurs  chevaux  de  felle  nous  viennent  du  Limoufin  ;  ils  ref- 
femblent  aflez  aux  chevaux  barbes ,  &  font  excellens  pour  la  chafle , 
mais  lents  dans  leur  accroiflement  :  on  ne  peut  guère  s'en  fervir  qu'à 
huit  ans. 

Les  chevaux  Normands  font  à  peu  près  de  la  même  taille  que  les 
chevaux  Bretons  :  on  fournit  les  haras  de  Normandie  de  jumens  de 
Bretagne  &  d'étalons  d'tLfpagne.  Ce  mélange  produit  des  chevaux 
trapus  ,  vigoureux  ,  propres  au  carrofle ,  à  la  cavalerie  ,  &  à  toute 
forte  d'exercices.  Il  vient  fur  -  tout  du  Cotentin  d'excellens  chevaux 
de  carrofle. 

Les  chevaux  du  Boulonnois  &  de  la  Franche-Comté  étant  trapus, 
font  propres  pour   le  tirage. 

Les  chevaux  de  Gafcogne  tiennent  un  peu  des  chevaux  d'Efpagne  , 
quoique  moins  beaux  de  taille  &  plus  lourds  ;  ils  font  propres  aux 
carrofles ,  chariots ,  &  conviennent  à  la  cavalerie.  De  la  croupe  & 
de  la  jambe  ils  imitent  beaucoup  le  mulet. 

Les  chevaux  de  Picardie ,  de  Champagne  ,  Bourgogne  ,  Beauce 
&  Brie  font  inférieurs  aux  précédens  ;  aulîî  n'y  a-t-il  guère  de  haras 
dans  ces  Provinces  en  général. 

Les  chevaux  de  France  ont  le  défaut  contraire  aux  chevaux 
Barbes;  ceux  -  ci  ont  les  épaules  trop  ferrées  ,  les  nôtres  les  ont 
trop  grofles. 

Les  chevaux  Arabes  font  les  plus  beaux  que  l'on  connoifle  en 
Europe  ;  il  n'y  a  point  de  précaution  qu'on  ne  prenne  en  ce  pays 
pour  en  conferver  la  race  également  belle  :  on  ne  voit  que  très  rare- 
ment de  ces  chevaux  en  France.  Aufli  les  Bédouins  (  forte  d'Arabes 


C  H  E  127 

cjiil  fe  dîfent  defcendus  d'îfmaël  )  qui  fe  foucient  peu  de  la  généalogie 
de  leur  famille  ,  font  -  ils  très  -  curieux  de  celle  de  leurs  chevaux  • 
ils  les  diflinguent  en  trois  races  ,  les  nobles  ,  les  méfailliés  &  les 
roiuriers. 

Les  chevaux  Barbes  ou  de  Barbarie  font  plus  communs  que  les 
Arabes  \  ils  ont  l'encolure  fine  ,  peu  chargée  de  crins  ,  la  tête  petite, 
belle  ,  moutonnée  ,  la  queue  placée  un  peu  haut  ,  les  jambes 
belles ,  bien  faites  ,  fans  poil  ,  le  nerf  bien  détaché  ,  le  pied  bien 
fait.  Ils  font  légers  &  propres  à  la  courfe  ;  leur  taille  eft  un  peu  pe- 
tite ,  car  les  plus  grands  n'ont  guère  plus  de  quatre  pieds  huit  pouces; 
mais  l'expérience  apprend  qu'en  France,  en  Angleterre  ,  &  en  plufieurs 
autres  contrées  ,  ils  engendrent  des  poulains  plus  grands  qu'eux.  Ceux 
du  Royaume  de  Maroc  pafient  pour  les  meilleurs.  L'excellence  de 
ces  chevaux  Barbes  confifte  à  ne  s'abattre  jamais  ,  à  fe  tenir  tranquilles 
lorfque  le  cavalier  defcend  ou  lailfe  tomber  la  bride  ;  ils  ont  un  grand 
pas  &  un  galop  rapide  ,  les  deux  feules  allures  que  leur  permettent 
les  habitans  du  pays. 

Les  chevaux  d'Efpagne  tiennent  le  fécond  rang  après  les  Barbes  ; 
ceux  de  belle  race  font  épais,  bien  étoffés ,  bas  de  terre.  Ils  ont  beau- 
coup de  foupleffe  &  de  mouvement  dans  la  démarche  ,  du  feu  ,  de 
la  fierté.  Les  chevaux  d'Efpagne  n'ont  guère  plus  de  quatre  pieds 
neuf  à  dix  pouces  ;  ceux  d'Andaloufie  palTent  pour  les  meilleurs.  On 
préfère  ces  chevaux  à  tous  les  autres  du  monde  ,  pour  la  guerre  , 
pour  la  pompe  ,  &  pour  le  manège.  Les  chevaux  d'Efpagne  font 
tous  marqués  à  la  cuiiTe  ,  de  la  marque  du  haras  où  ils  ont  été 
élevés. 

Les  plus  beaux  chevaux  Anglois  font  affez  femblables  aux  Arabes 
'&  aux  Barbes  ,  dont  ils  fortent  en  effet  ;  mais  ils  font  plus  grands , 
plus  étoffes  ,  vigoureux  ,  capables  d'une  grande  fatigue  ,  excellens 
pour  la  chafTe  &  la  courfe.  Il  feroit  à  defirer  qu'ils  eufTent  plus  de 
grâce  &  de  foupleffe  ;  ils  font  durs  &  ont  peu  de  liberté  dans  les 
épaules.  Tout  le  monde  fait  que  les  Anglois  ont  beaucoup  de  goût 
pour  l'art  gymnaftique  de  la  courfe.  Les  Annales  de  Newmarket 
fourniffent  des  exemples  de  chevaux  qui  étoient  ,  à  la  lettre  ,  plus 
vîtes  que  le  vent.  On  rapporte  qu'un  Maître  de  pofte  d'Angleterre 
fit  gageure  de  faire  72  lieues  de  France  en  ly  heures  ;  il  fe  mit  en 
courfe  ,  monta  fucceflivement  quatorze  chevaux  ,  dont  il  en  remonta 

•3.    •• 


128  CHE 

fept  pour  la  féconde  Fois  ,  &  fit  fa  courfe  en  onze  heures  trente-deux 
minutes.  Voilà  une  courfe  vraifemblablement  plus  rapide  que  celle 
des  Jeux  Olympiques. 

Les  chevaux  Napolitains  font  eftimés  pour  les  attelages:  ils  ont  la 
tcte  grofle  ,  fencolure  épaiife ,  ils  font  difficiles  à  drefler  ;  mais  ils  ont 
la  taille  riche ,  les  mouvemens  beaux  ;  Ils  font  cxcellens  pour  l'appareil 
&  ont  de  la  difpofition  à  piafier. 

Les  beaux  chevaux  Danois  font  parfaitement  bien  moulés  ,  bons 
pour  la  guerre  &  pour  l'appareil  ;  les  poils  finguliers  ,  comme  pic  3c 
tigre,  ne  fe  trouvent  guère  que  dans  ces  races  de  chevaux. 

Les  chevaux  de  Hollande,  fur -tout  ceux  de  Frife,  font  très-bons 
pour  le  carroffe  ,  co  font  ceux  dont  on  fe  fert  le  plus  communément 
en  France.  Les  chevaux  Flamands  leur  font  biens  inférieurs,  ils  ont 
le  pied  d'une  grandeur  démefurée. 

Les  chevaux  d'Allemagne  font  généralement  pefans  ,  &  ont  peu 
d'haleine.  Les  Tranfylvains  &  les  Hongrois,  au  contraire,  font  bons 
coureurs  :  les  Houflards  &  les  Marchands  Hongrois  leur  fendent  les 
nafeaux ,  pour  leur  donner  ,  dit-on  ,  plus  d'haleine ,  &  les  empêcher 
de  hennir  à  la  guerre.' 

Les  chevaux  Arabes  viennent  des  chevaux  fauvages  des  déferts 
d'Arabie  ,  dont  on  a  fait  très-anciennement  des  haras,  qui  les  ont  tant 
multipliés  ,  que  toute  l'Afie  &  l'Afrique  en  font  pleines.  Ces  chevaux 
font  fî  légers ,  que  quelques-uns  d'entr'eux  devancent  les  autruches  à 
la  courfe.  Les  Arabes  ne  fe  fervent  de  leurs  chevaux  que  pour  la 
chafle  ;  lorfque  l'herbe  manque,  ils  les  nourrilTent  de  dattes  &  de  lait 
de  chameau  :  ils  gardent  pour  eux  les  jumens ,  parce  qu'ils  ont  appris 
par  expérience  qu'elles  réfiftent  mieux  que  les  chevaux  à  la  fatigue  ; 
ils  vendent  aux  Turcs  les  chevaux  qu'ils  ne  veulent  pas  garder  pour 
étalons.  Les  Arabes  aiment  finguliérement  leurs  chevaux,  ilsles  traitent 
doucement ,  parlent  &  raifonnent  avec  eux ,  &  les  font  coucher  dans 
leurs  tentes  :  on  remarque  que  ces  animaux  femblent  n'ofer  remuer  de 
peur  de  faire  du  mal  à  leurs  hôtes  ,  &  ils  font  fî  habitués  à  vivre  dans 
cette  familiarité ,  qu'ils  fouflTrent  toute  forte  de  badinages.  Pendant  tout 
le  jour  les  chevaux  des  Arabes  reftent  à  la  porte  bridés  &  fellés  :  ils 
leur  donnent  à  boire  deux  ou  trois  fois  ,  &  ne  les  font  manger  que  la 
nuit,  Lorfque  l'Arabe  monte  fa  jument ,  fitôt  qu'il  la  prefle  légèrement , 

elle 


CHË  ï2^ 

elle  part  avec  une  vîtefTe  incroyable,  6c  faute  les  haies  &  les  foflcs 
aufli  légèrement  qu'une  biche. 

Les  chevaux  de  Turquie  font  beaux  ,  très-fins,  pleins  de  fe"  ,  mais 
délicats.  On  élevé  beaucoup  de  chevaux  dans  la  Perfe;  communément 
ils  y  ont  des  tailles  médiocres  :  il  y  en  a  même  de  fort  petits  ,  qui 
n'en  font  ni  moins  bons ,  ni  moins  forts  ;  il  s'y  en  trouve  aulfi  d'une 
belle  taille. 

Les  chevaux  qui  naiflent  aux  Indes  &  à  la  Chine  ,  font  lâches  , 
foibles,  petits.  Tavemler  dit  qu'il  a  vu  un  jeune  Prince  du  Mogol  en 
monter  un  très  -  bien  fait ,  dont  la  taille  n'excédoit  pas  celle  d'un 
lévrier.  En  1765*  arriva  à  Portfmouth  un  femblable  cheval  des  Indes: 
il  étoit  âgé  de  cinq  ans,  n'avoit  que  vingt-huit  pouces  de  hauteur, 
&  étoit  néanmoins  très-bien  proportionné  dans  fa  taille.  Les  chevaux 
dont  les  Grands  de  ce  pays  fe  fervent ,  viennent  de  Perfe  &  d'Arabie» 
On  leur  fait  cuire  le  foir  des  pois  avec  du  fucre  &  du  beurre  au  lieu 
d'avoine.  Cette  nourriture  leur  donne  un  peu  de  force  ;  fans  cela  ils 
dépériroient  entièrement,  parce  que  le  climat  leur  eft  contraire. 
!  Les  Tartar.es ont  des  chevaux  forts,  hardis  ,  vigoureux,  qui  marchent 
deux  ou  trois  jours  fans  s'arrêter ,  qui  paffent  quelquefois  quatre  à 
cinq  jours  fans  autre  nourriture  qu'un  poignée  d'herbe  de  huit  heures 
en  huit  heures  ,  &  qui  d'ailleurs  font  vingt-quatre  heures  fans  boire* 
Les  chevaux  de  la  Chine ,  au  contraire  ,  font  fi  foibles  qu'on  ne  peut 
s'en  fervir  à  la  guerre;  aullî  peut-on  dire  que  ce  font  les  chevaux  Tar- 
tares  qui  ont  fait  la  conquête  de  la  Chine, 

Les  chevaux  d'Iflande  ,  fuivant  Anderfon  ,  font  courts  ,  petits  , 
comme  dans  tout  les  pays  du  Nord,  oii  l'accroiflement  des  productions 
naturelles  de  la  furface  de  la  terre  eft  refferré  par  le  froid  ,  au  lieu 
que  les  poifibns  de  mer  y  font ,  au  contraire ,  très-grands.  Ces  chevaux 
endurcis  au  climat  ,  foutiennent  des  fatigues  incroyables.  A  l'approche 
de  l'hiver  leur  corps  fe  recouvre  d'un  crin  extrêm.emsnt  long ,  roide 
&  épais. 

M.  l'Abbé  Outhlcr,  dans  le  Journal  de  fon  Voyage  au  Nord,  nous 
apprend  que  les  chevaux  y  font  petits,  bons,  vifs,  fans  être  vicieux. 
Comme  les  Lapons  n'en  font  ufage  que  pendant  l'hiver  ,  parce  que 
l'été  ils  font  leurs  tranfports  par  eau  ,  dès  le  commencement  du  mois 
de  Mai  ils  donnent  la  liberté  à  leurs  chevaux ,  qui  s'en  vont  dans^ 
certains  cantons  des  forêts  où  ils  fe  réuniffent ,  vivent  en  troupes ,  Ôc 
Tome,  II,  R 


?^;v;-v 


130  CHE 

chargent  de  canton  lorfque  la  pâture  leur  manque.  Quand  la  faifoiî 
devient  tâcheufe,  les  chevaux  quittent  la  forêt  &  reviennent  chacun  à 
leur  logis.  Si  pendant  l'été  le  maître  a  befoin  d'un  cheval ,  il  le  va 
chercher,  l'animal  fe  laifle  prendre,  &  lorfque  fon  ouvrage  eft  fait, 
il  va  rejoindre  (es  camarades. 

Il  réfulte  de  ces  faits,  &  de  plufieurs  autres  réunis  dans  l'Hiftolre 
Naturelle  de  M.  de  Buffon  ,  que  les  chevaux  Arabes  ont  été  de  tout 
temps ,  &  font  encore  les  premiers  chevaux  du  monde ,  tant  pour  la 
beauté  que  pour  la  bonté;  que  c'eft  d'eux  que  l'on  tire,  foit  im- 
médiatement 5  foit  médiatement  par  le  moyen  des  Barbes ,  les  plus 
beaux  chevaux  qui  foient  en  Europe ,  en  Afie  &  en  Afrique  ;  que  le 
climat  d'Arabie  efl:  vraifemblablement  le  vrai  climat  des  chevaux  , 
puifqu'au  lieu  d'y  croifer  les  races  par  des  races  étrangères,  on  a 
grand  foin  de  les  conferver  dans  toute  leur  pureté  ;  que  fi  ce  climat 
n'eft  pas  lui-même  le  m.eilleur  climat  pour  les  chevaux ,  les  Arabes 
l'ont  rendu  tel  par  les  foins  particuliers  qu'ils  ont  pris  de  tous  les  temps 
d'ennoblir  les  races ,  en  ne  mettant  enfemble  que  les  individus  les 
mieux  faits  &  de  la  première  qualité  ;  que  par  cette  attention  fuivie 
pendant  des  Cecles ,  ils  ont  pu  perfecftionner  l'efpece  au-delà  de  ce 
que  la  nature  auroit  fait  dans  le  meilleur  climat.  On  peut  encore  en 
conclure  que  les  climats  plus  chauds  que  froids ,  &  fur-tout  les  pays 
fecs ,  font  ceux  qui  conviennent  le  mieux  à  la  nature  da  ces  animaux. 
On  doit  conclure  aulïî  ,  des  obfervations  de  M,  de  Buffon ,  qu'en 
général  les  petits  chevaux  font  meilleurs  que  les  grands  ;  que  le  foin 
leur  eft  aulîi  néceflaire  à  tous  que  la  nourriture  ;  qu'avec  de  la  fami- 
liarité &  des  carefles  on  en  tire  beaucoup  plus  que  par  la  force  &  les 
châtimens  ;  que  les  chevaux  des  pays  chauds  ont  les  os  ,  la  corne 
les  mufcles  plus  durs  que  ceux  de  nos  climats  ;  que  quoique  la  chaleur 
convienne  mieux  que  le  froid  à  ces  animaux  ,  cependant  le  chaud  excefîif 
ne  leur  convient  pas  ;  que  le  grand  froid  leur  eft  contraire  ;  qu'enfin 
leur  habitude  &  leur  naturel  dépendent  prefqu'en  entier  du  climat ,  de 
la  nourriture ,   des  foins  &  de  l'éducation. 

En  Guinée ,  à  la  Côte  d'Or ,  les  chevaux  font  très-petits , fort  indociles, 
propres  à  fervir  feulement  de  nourriture  aux  Negres,qui  en  aiment  la  chair 
autant  que  celle  des  chiens.  Les  Arabes  mangent  auflila  chair  des  jeunes 
chevaux  fauvages  :  ce  goût  fe  retrouve  en  Tartarie  &  même  à  la  Chine, 
.  Parmi  les  chevaux,  comme  parmi  les  autres  animaux,    on  voit 


CHE  151 

quelquefois  des  écarts  de  la  Nature  :  on  peut  mettre  de  ce  nombre  le 
hucîphale  d'Alexa.ndvQ,  qui  avoit  une  tête  de  bœuf;  le  cheval  que 
Jules  Céfar  fit  élever ,  qui  avoit  les  deux  pieds  de  devant  faits  prefque 
comme  ceux  de  l'homme  ;  un  cheval  né  dans  le  pays  de  Vérone  ,  qui 
avoit,  dit-on  ,  la  tête  d'un  hommic;  un  autre  en  Bohême  qui  avoit 
la  queue  femblable  à  celle  d'un  chien  ;  enfin  on  prétend  en  avoir  vu 
^hermaphrodites  :  ce  qui  eft  encore  très-fingulier  ,  c'eft  que  l'on  a  amené 
de  l'Inde  en  Angleterre  un  chaval  Carnivore  ;  il  attaquoit  les  hommes 
au  ventre ,  &  leur  mangeoit  les  entrailles,  f^oye^  Gazette  de  France , 
1771 ,  mois  de  Septembre. 

Les  chevaux  font,  ainfi  que  les  autres  animaux  domefl:iques,fujets 
quelquefois  à  des  maladies  épidémiques.  Ces  maladies  font  ordinaire- 
ment occafionnées  ou  par  l'efpece  de  nourriture  ou  par  la  température 
des  faifons.  Dans  l'automne  de  l'année  1753  ,  les  chevaux  ,  tant  à 
Paris  qu'à  la  campagne  ,  furent  attaqués  d'une  efpece  de  toux  qui , 
lorfqu'on  n'y  remédioit  pas  de  bonne  heure ,  dégénéroit  en  dégoût,  & 
étoit  quelquefois  fuivie  de  la  mort.  Un  remède  des  plus  fimples  s'oppofoit 
au. progrès  du  mal;  on  frottoit  la  bouche  du  cheval  attaqué  de  la  toux 
avec  du  miel  ;  on  lui  donnoit  pour  boifTon  de  l'eau  blanche,  c'eft-à- 
dire ,  de  l'eau  dans  laquelle  on  avoit  mis  du  fon.  Ce  remède  guériflbit 
le  mal  dans  fon  principe. 

De  toutes  les  matières  tirées  du  cheval ,  &  vantées  par  les  Anciens 
comme  ayant  de  grandes  vertus ,  on  ne  fait  ufage  dans  la  Médecine 
moderne  que  du  lait  de  jument ,  qui  refifemble  affez  à  celui  d'ânefle  , 
parce  qu'il  contient  beaucoup  de  férofité ,  &  peu  de  parties  caféeufes 
&  butireufes;  ce  qui  le  rend  propre  dans  l'afthme,  la  phthifie,  l'atrophie. 
M.  Bourgeois  prétend  même  que  le  lait  de  jument  eft  beaucoup  plus 
adouciiïant  &  plus  fortifiant  que  celui  d'ânefre,& qu'il  lui  eft  préférable 
à  tous  égards.  On  devroit  en  faire  un  ufage  beaucoup  plus  fréquent 
qu'onne  fait ,  dans  les  afredions  de  poitrine  ;  d'ailleurs  on  peut  fe  procurer 
celait  dans  tous  les  pays  5  au  lieu  qu'il  y  en  abeaucoup  où  on  ne  garde 
point  d'âneffe,  La  moelle  de  cheval  eft  aufti  très-utile  pour  les  douburs  de 
rhumatifme  &  de  fciatique  pour  guérir  les  membres  attaqués  d'atrophie  ÔC 
de  foiblefle. 

Le  cheval  donne  au  commerce,  après  fa  mort,  fa  dépouille.  C'eft 
fon  crin ,  fon  poil ,  fa  peau  &  fa  corne.  On  fait  avec  fon  crin  des 
boutons ,  des  tamis ,  des  toiles ,  des  archets  d'inftrumens  à  cordes  :  on 

R2 


fï  3  2  C  H  Ë 

en  remboure  les  Telles  &  les  meubles ,  &  on  en  fait  des  Cordes.  Les 
Tanneurs  préparent  fon  cuir ,  qui  eft  employé  par  les  Selliers  &  les 
Bourreliers.    Les  Tabletiers  -  Peigniers  emploient  la  corne  du  cheval, 

CHEVAL  DE  FRISE.  Nom  dune  coquille  univalve.  Foye^ 
Chaufle-trape. 

CHEVAL  MARIN.  Foyei  Hippocampe. 

CHEVAL  DE  RIVIERE.  Foye^  Hippopotame. 

CHEVALIER,  totanus.  Cifeau  aquatique  du  genre  du  bécafleau, 
&  de  la  grofîeur  d'un  pigeon  ou  d'un  pluvier  doré ,  &  dont  il  y  a 
plufieurs  efpeces. 

La  première  efpece  eft  le  chevalier  ronge  :  c'eft  un  oifeau  haut  monté, 
qui  marche  vite;  il  a  le  bec  long,  rouge  &  noirâtre  vers  le  haut:  fa 
tête,  fon  cou,  (es  ailes  &  fa  queue  font  de  couleur  cendrée;  il  a  le 
Ventre  blanc  ,  &  les  jambes  fort  longues  &  rouges;  il  habite  les  prés  ,  les 
rivières ,  les  étangs  ôc  les  bords  de  la  mer  ;  il  entre  dans  Teau  jufqu'aux 
cuiffes;  fa  chair  eft  délicate  &  de  bonne  odeur  ;  elle  eft  eftimée 
reftaurante. 

La  deuxième  efpece  n'en  diffère  que  par  fon  bec  &  fes  jambes  qui 
font  noirs  ;  le  defFus  du  bec  qui  touche  à  la  tête  eft  rougeâtre  ,  fon 
plumage  eft  auflî  plus  noir.  Quand  ces  oifeaux  font  en  mue,  on  les 
prendroit  pour  des  pluviers  noirs.  Il  y  a  encore  le  chevalier  rayé ,  le 
chevalier  tacheté,  le  chevalier  cendré^  le  chevalier  blanc  de  la  baie  d'Hudfon  ^ 
èc  le  chevûiier  de  Bengale  ^  dont  le  plumage  eft  vert  fur  le  dos  &  blanc 
au  ventre  ,  le  refte  eft  brun- orangé. 

CHEVECHE.    Voy-:i  à  l'article  ChoUETTE. 

CHEVESNE  ou  MEUNIER.  Foye^  ce  mot. 

CHEVEUX.  Foyei  ^  '^cirtide  Poil. 

Oh  appelle  chevelure  Tenfemble  de  tous  les  cheveux  dont  la  tête  eft 
couverte.  On  donne  le  nom  de  Chevelus  à  une  Nation  fauvage  de 
l'Amérique  méridionale  ,  qui  habite  au  nord  du  fleuve  des  Amazones, 
&  qui  laiffe  croître  fes  cheveux  jufqu'à  la  ceinture.  C/zeve/w  fe  dit  encore 
de  ces  (ïlamens  qui  font  placés  entre  les  greffes  racines,  &  qui  imitent 
les  cheveux.  Foye^^  à  Varncle  Racine. 

CHEVEUX  DE  VÉNUS.  Foye^  Capillaire, 

CHEVRE  &  CHEVREAU.  Foyei  Bouc. 

CHEVRE  DES  ALPES.  Voye^  Chamois. 

CHEVRE  A  MUSC.  Foye^  à  l'anicU  Gazelle» 


C  H  E  153 

CHEVRE  DANSANTE.  C'eft  le  nom  que  les  anciens  ont  donné 
à  une  matière  lumineufe  que  l'on  apperçoit  dans  les  airs  ,  &  qui  paroit 
ctre  compofée  d'ondes  ,  tantôt  opaques  ,  tantôt  lumineufes  ,  qui 
roulent  les  unes  fur  les  autres  lorfqu'il  fait  du  vent.  Ce  phénomène 
tient  à  celui  de  l'aurore  boréale.   Foye^  Aurore  boréale. 

CHEVRE-FEUILLE ,  caprifoUum.  C'eft  un  arbriffeau  grimpant , 
des  plus  agréables  dans  les  jardins  par  le  coloris  &  la  fouplefle  de  fes 
tiges  qui  s'entrelacent  à  volonté ,  par  fes  feuilles  d'un  vert  gai ,  &  fur- 
tout  par  la  couleur ,  l'élégance  de  fes  fleurs  &  leur  odeur  fuave.  Les 
fleurs  du  chèvre  -  feuille  viennent  au  fommet  des  ram.eaux  en  grand 
nombre,  difpofées  en  rayons  ;  elles  font  tantôt  blanchâtres,  tantôt 
jaunâtres  ou  colorées  de  rouge ,  d'une  feule  pièce  qui  eft  un  tuyau  à 
fon  origine,  évafé  par  le  haut  &  partagé  en  deux  lèvres,  dont  la 
fupérieure  eft  fort  découpée  ,  &  l'inférieure  en  forme  de  langue.  Elles 
renferment  ordinairement  cinq  étamines  &  un  piftil.  Aux  fleurs 
fuccedent  des  baies  molles ,  femblables  à  celles  du  fureau,  &  divifées 
en  deux  loges. 

Dans  ces  arbrifTeaux,  les  feuilles  font  oppofées  &  bien  féparées  : 
dans  d'autres  efpeces,  telles  que  le  chevre-feuille  d'Italie  ,  les  feuilles 
font  fouvent  réunies  enfemble  par  leur  bafe ,  &  ne  font  qu'une  feuille 
traverfée  par  la  tige.  Les  Jardiniers  en  cultivent  plufieurs  efpeces  fous 
les  noms  de  chcvre-fcudUs  précoces ,  tardifs  ,  ^jlcurs  ccarlaus ,  3c  de  chèvre-" 
feuilles  toujours  vert}.  En  réuniffant  ces  diverfes  efpeces,  on  fe  procure 
pendant  tout  le  printemps  &  tout  l'été  ces  fleurs  délicieufes  qui  parfu- 
ment les  airs ,  &:  dont  la  douce  odeur  plaît  généralement. 

Cet  arbrifleau  fe  multiplie  facilement  de  boutures ,  ou  de  marcotes  ; 
&  comme  il  croît  fort  vite  ,  quoique  un  peu  ombragé  ,  on  peut  le 
placer ,  comme  on  fait  en  Angleterre ,  autour  des  arbres  dans  les  avenues  ; 
il  s'entrelace  dans  les  branches,  ou  forme  des  arcades^  &  flatte  agréa- 
blement la  vue  &  l'odorat  ;  il  s'élève  aflez  dans  les  jardins  pour  garnir 
de  hautes  pallflades  ,  des  portiques  ,  des  berceaux  ,  des  cabinets. 
Quoique  le  chevre-feuille  foit  une  plante  traçante  ,  on  peut  aufîi  le 
réduire  à  ne  former  que  des  buiflons  ,  des  haies  ,  des  cordons  ;  &  par 
le  moyen  d'une  taille  fréquente  ,  on  peut  l'arrondir  &;  lui  faire  une 
tête.  Il  feroit  fort  agréable  de  tailler  ainfi  en  pomme  tous  les  arbrif- 
feaux  à  fleurs  &  de  les  mettre  dans  des  pots  ,  pour  faire  l'ornement 
des  parterres  lorfqu  ils  font  en  fleur  ,  &  les   ôter  enfuite  pour  y  en 


1^4  C  H  E 

fubftituer  d'autres.  Cet  arbrifTeau  eft  fujet  à  être  attaque  par  les  pu- 
cerons ,  mais  moins  à  Texpofition  du  nord  qu'à  celle  du  midi.  On  y 
remédie  en  quelque  forte  ,  en  coupant  les  plus  jeunes  rejetons  auxquels 
ils  s'attachent  toujours  de  préférence. 

Le  chèvre  -  feuille  précoce  fleurit  dès  la  fin  d'Avril ,  le  Romain 
au  commencem.ent  du  mois  de  Mai  ;  les  fleurs  palTent  vite.  Les  chèvre- 
feuilles blanc  &  rouge  d'Angleterre  fleuriflfent  à  la  mi-Mai  ;  celui  d'Alle- 
magne que  nous  trouvons  ici  dans  nos  bois,  à  la  mi -Juin;  il  poufïe 
moins  de  fleurs  que  les  autres  efpeces ,  &  de  longs  rejetons  qu'il  faut 
ménager  jufqu'à  ce  que  la  fleur  foit  paflée.  Le  chèvre -feuille  rouge 
tardif  d'automne  donne  des  fleurs  qui  durent  environ  quinze  jours. 
Le  chevre-feuille  toujours  vert  commence  à  fleurir  en  Juin;  il  paroît 
encore  quelques  bouquets  en  Odobre.  Comme  originaire  de  l'Amé- 
rique ,'il  efl:  un  peu  délicat  ;  mais  on  les  garantit  facilement  des  grands 
hivers  avec  un  peu  de  foin  :  il  a  l'avantage  d'être  rarement  attaqué 
des  pucerons. 

Le  chevre-feuille  de  Virginie  efl;  des  plus  agréables  ,  par  fes  [fleurs 
jaunes  en  dedans  &  d'une  couleur  écarlate  au  dehors  ;  il  commence 
à  fleurir  au  mois  de  Mai^  &  a  encore  des  fleurs  en  automne  ;  il  réfifte 
très- bien  au  froid;  il  fe  multiplie  facilement;  il  ne  lui  manque  que  l'agré- 
ment d'avoir  de  l'odeur  :  les  pucerons  l'attaquent  un  peu  dans  les  étés 
chauds.  Ce  chevre-feuille  fe  trouve  aulîî  dans  la  Caroline ,  &  la  couleur 
de  fes  fleurs  varie  un' peu. 

Le  chevre-feuille  du  Canada  a  une  fleur  petite  &  de  peu  d'appa- 
rence ;  celui  de  Candie  a  les  feuilles  du  fuftet  ;  fes  fleurs  ,  qui  n'ont 
point  d'odeur,  font  en  partie  blanches  &  en  partie  jaunâtres. 

Le  fuc  exprimé  des  feuilles  de  chevre-feuille  efl:  vulnéraire  &  dé- 
terfif  ;  on  le  recommande  pour  les  vices  de  la  peau.  L'eau  diftillée 
des  fleurs  de  cettQ  plaute,  efl:  utile  pour  l'inflammation  des  yeux.  M. 
Dcleuie  obferve  que  le  genre  des  chevre-feuilles  ,  auquel  M.  Lînnaus 
a  donné  le  nom  de  loniccra  ,  comprend  aufli  les  diverfes  efpeces  de 
chamcc-cerafus  ,  dont  une  a  été  citée  à  la  fuite  de  l'article  Ccrljicry  3c 
qui  ne  diffère  des  chevre-feuilles ,  que  parce  que  leurs  fleurs  &  leurs 
fruits  naiflent  deux  à  deux  au  bout  d'un  pédicule  commun. 

CHEVRETTE  ou  SALICOQUE  ,  ^ibba  fquilU.  Petit  cruftacée  de 
mer,  plus  menu  que  la  fquille  ;  il  efl:  armé  d'une  grande  corne  au  front; 
ViïiQ  partie  de  fa  queue  fe  relevé  &  finit  par  quatre  efpeces  d'ailes 


C  H  E  13; 

moins  larges  qu'à  la  fqullle.  Sa  chair  eft  douce  &  tendre  ;  on  mange 
les  chevrettes  bouillies  avec  le  vinaigre.  Elles  fe  trouvent  en  quantité 
fur  les  côtes  de  Saintonge  &  ailleurs  ;  leur  croûte  eft  noire  ;  mais 
étant  cuites ,  elles  rougifTent  comme  des  écrevilfes.  La  chevrette  s'ap  - 
pelle  en  Normandie  crevette  franche ,  pour  la  diftinguer  du  bouquet  qui 
eft  plus  petit. 

On  trouve  dans  la  Garonne  une  grande  quantité  de  chevrettes  qui 
font  grifes  en  fortant  de  l'eau  ,  &  qui  deviennent  blanches  ,  en  les 
faifant  cuire;  on  dit  que  celles  que  l'on  pêche  plus  près  delamerrou- 
giflent;  peut-être  ne  font-elles  pas  de  la  même  efpece,  &  que  cette 
variété  dans  le  changement  de  couleur  n  eft  occafionnée  que  par  la 
diverfité  de  l'élément ,  &  par  la  nature  des  alimens  dont  ils  fe  nourrif- 
fent,  La  chevrette  à^s  ruifleaux  fe  repofe  ou  nage  toujours  fur  fes 
côtés  applatis.  Les  mouvemens  vifs  &  rapprochés  de  fa  tête  &  de  fa 
queue,  joints  à  l'agitation  de  fes  pattes  ,  faident  dans  fa  démarche 
alfez  agile. 

CHEVRETTE  &  Chevreau.  Voyez  à  l'article  Chevreuil.  On 
donne  auflî  le  nom  de  chevrette  à  la  femelle  du  cerf-  volant.  Voyez 
ce  mot. 

CHEVREUIL  5  capreolus.  Animal  quadrupède,  fauvage  ,  ruminant, 
du  genre  des  cerfs ,  &  du  nombre  des  bêtes  fauves.  Le  chevreuil  ref- 
femble  affez  au  cerf;  il  eft  cependant  plus  petit  ;  &  quoique  la  queue 
du  cerf  foit  courte ,  celle  du  chevreuil  l'eft  encore  davantage ,  car  on 
ne  l'apperçoit  pas.  Le  chevreuil  ,  dit  M.  de  Bujfon,a.  plus  de  grâce, 
plus  de  vivacité  ,  &  même  plus  de  courage  que  le  cerf.  Il  eft  auftî 
plus  gai  ,  plus  lefte  &  plus  éveillé  :  fa  forme  eft  moins  arrondie  ôc 
plus  élégante  ;  fa  figure  plus  agréable.  Ses  yeux  font  plus  beaux  & 
plus  brillans.  Il  ne  fe  plaît  que  dans  les  pays  les  plus  fecs  ou  mon- 
tagneux ,  tels  que  les  Alpes  du  côté  de  la  Suifîe  :  il  eft  encore  plus 
rufé  que  le  cerf,  plus  adroit  à  fe  dérober ,  &  plus  difficile  à  fuivre  : 
il  a  plus  de  fineife  &  plus  de  reflburces  d'inftind.  Il  habite  aulîi 
nos  forêts. 

Quoiqu'il  ait  le  défavantage  de  laifTer  après  lui  des  émanations  plus 
fortes ,  qui  donnent  aux  chiens  plus  d'ardeur  &  plus  de  véhémence  d'ap- 
pétit ,  que  l'odeur  du  cerf  ,  il  ne  laifle  pas  de  fe  fouftraire  à  leur  pour- 
fuite  par  la  rapidité  de  fa  première  courfe ,  &  par  fes  détours  multipliés, 
Lorfqu'il  fe  fent  prefle  de  trop  près,  il  va,  revient,  retourne  fur  fes 


I  5  (T  C  H  E 

pas  5  &  confond  toutes  les  émanations  :  ii  fe  fépare  enfuîte  de  la  terre 
par  un  bond ,  &  fe  jette  à  côté  ;  il  fe  met  ventre  à  terre  ,  &  laiffe  , 
fans  bouger  ,  paflfer  près  de  lui  la  troupe  entière  de  fes  ennemis 
ameutés. 

Le  chevreuil  diffère  du  cerf  ^<:  du  daim  par  le  naturel ,  par  le  tem- 
pérament ,  par  les  mœurs ,  &  auili  par  prefque  toutes   les  habitudes 
de  nature  ,  dit  M.  de  Buffon,  Au  lieu  de  fe  mettre  en  hardes  comme 
eux  5  &  de  marcher  par  grandes  troupes  ,  il  dem.eure  en  famille  ;  le 
père ,  la  mère ,  les  petits  vont  enfemble  :  ils  font  auixi  conftans  dans 
leurs  amours ,  que  le  cerf  l'eft  peu.  Comme  la  chevrette  produit  or- 
dinairement deux  faons ,  l'un  mâle  &  l'autre  femelle  ,  ces   jeunes  ani- 
maux ,  élevés  par  la  douce  habitude  de  vivre  enfemble  ,  prennent  une 
fi  grande  aftedionfun  pour  l'autre,  qu'ils  ne  fe  quittent  jamais.  Lorfque 
le  père  &  la  mère  commencent  à   rentrer  en  rut ,  ce  qui  arrive  vers 
la  fin  d'Oélobre ,  au  commencement  de  Novembre ,  le  père  voulant 
jouir  des  plaifirs  en  fecret ,  chafle  les  jeunes  faons ,  qui  ne  s'écartent 
pas  beaucoup;  &  ces  enfans  reviennent  auprès  de  leur  mère  à  la  fin  du 
rut  j  qui  ne  dure  guère  que  quinze  jours.  Les  jeunes  faons  reftent 
encore  avec  leur  mère  quelque  temps  ;  elle  les  carefle  afïedueufement. 
La  troupe  s'accroît ,  &  ils  vivent  auflî  fraternellement  en  petite  famille 
pendant  l'hiver  ;   mais  lorfque  la  faifon  des  amours  éveille  les  jeunes 
faons  5  le  frère  &  la  fœur  quittent  leur  mère;  &  tous  deux  liés  d'amitié, 
fe  retirent  dans  quelqu'autre  partie  de  la  forêt,  s'y  établilTent  &  de- 
viennent à  leur  tour  les  chefs  d'une  nouvelle  famille. 

La  tête  du  chevreuil  eft,  ainfi  que  celle  du  cerf,  ornée  d'un  bois 
vivant  ;  mais  ce  bois  eft  bien  moins  grand  ;  &  chaque  côté  n'eft  ja- 
mais garni  ,  même  à  l'âge  de  quatre  ans  ,  que  de  quatre  à  cinq 
andouillers  :  cependant  on  reconnoît  facilement  les  vieux  chevreuils  à 
l'épailfeur  du  mérain,  à  la  largeur  de  la  bafe  qui  le  foutient,  &  à  la 
grofleur  des  pelures.  Le  chevreuil  perd  fon  bois  tous  les  ans,  &  refait 
fa  tête  ainfi  que  le  cerf,  mais  dans  des  temps  différens.  Le  cerf  ne 
met  bas  fa  tête  qu'au  printemps  ,  &  ne  la  refait  qu'en  été  ;  au  lieu 
que  le  chevreuil  met  bas  la  fienne  vers  la  fin  de  l'automne  ,  &  la 
refait  pendant  l'hiver.  Cette  différence  vient  de  ce  que  le  chevreuil 
jouiffant  plus  paifiblement ,  ne  s'épuife  point  par  le  rut  comme  le  cerf. 
Le  bois  du  chevreuil  a  d'ailleurs  les  mêmes  propriétés  en  Médecine 
que  celui  du  cerf.  Foyci  Cerf, 


CHA  137 

îl  paroît  depuis  queîc^ue  temps  une  lettre  de  M.  Stadely  Apothicaire 
à  Giegen  en  Souabe  ,  dans  laquelle  on  lit  :  qu'un  chevreuil  élevé 
dans  un  parc ,  appartenant  au  Baron  de  Trazberg  ,  ayant  grandi  à  un 
certain  point ,  devint  dans  la  faifon  des  amours  très  à  craindre  pour 
les  Dames  ;  de  forte  que  pour  éviter  des  accidens  fâcheux  ,  le  maître 
du  Château  qui  le  chérifToit,  fut  néanmoins  obligé  de  le  faire  châtrer  ; 
ce  qui  procura  la  tranquillité  qu'on  fouhaitoit  :  mais  comme  l'opération 
avoit  été  faite  précifément  dans  le  temps  où  le  chevreuil  pouiToit  fon 
premier  bois ,  qui  même  avoit  déjà  deux  pouces  de  hauteur ,  la  croif- 
fance  de  ce  bois  fut  arrêtée;  il  fe  forma  aux  feuls  bouts  de  fes  cornes, 
une  excrefcence  bouclée  ,  membraneufe  ,  velue  &  femblable  à  une 
perruque  bien  peignée.  Cette  belle  coiffure  le  rendoit  très  -  curieux. 
Quand  cet  animal  fe  frottoit  &  qu'il  faifoit  tomber  quelques  boucles, 
il  les  relevoit  avec  beaucoup  d'avidité  ;  mais  celles  qu'il  perdoit  ainfi, 
étoient  rem.placées  dans  le  même  temps  où  les  autres  animaux  de  cette 
efpece  pouffent  leur  bois,  c'eft-à-dire  au  printemps. Ce  fait  ou  cette  cor- 
refpondance  des  parties  génitales  de  ces  animaux  ,  avec  la  croiffance  de 
leur  bois ,  que  l'on  obferve  aulîî  dans  les  cerfs  ,  eft  une  chofe  très- 
remarquable.  On  vient  encore  d'obferver  tout  récemment  de  femblables 
excrefcences  fur  la  tête  de  deux  chevreuils  non  coupés  ,  mais  qui 
avoient  été  bleffés  aux  parties  génitales. 

La  chevrette  porte  cinq  mois  &  demi  ;  elle  met  bas  à  peu  près  vers 
le  commencement  de  Mai:  les  biches,  au  contraire,  portent  près  de 
huit  mois.  Cette  différence  feule  ,  dit  M.  de  Buffon  ,  fuifiroit  pour 
prouver  que  ces  animaux  font  d'une  efpece  affez  éloignée  ,  pour  ne 
pouvoir  jamais  fe  rapprocher  ni  fe  mêler  ,  ni  produire  enfemble  une 
race  intermédiaire.  Par  ce  rapport  auffi-bien  que  par  la  figure  &  par 
la  taille  ,  ils  fe  rapprochent  de  l'efpece  de  la  chèvre  autant  qu'ils 
s'éloignent  de  l'efpece  du  cerf;  car  la  chèvre  porte  à  peu  près  le  même 
temps;  &  le  chevreuil  peut-être  regardé  comme  une  chèvre  fauvage 
qui  5  ne  vivant  que  de  bois  ,  porte  du  bois  au  lieu  de  cornes. 

On  a  lieu  de  penfer  que  le  chevreuil  ne  vit  tout  au  plus,  que  douze 
à  quinze  ans.  Comme  il  aime  à  courir  ,  on  ne  peut  l'élever  que  dans 
un  grand  parc  qui  ait  au  moins  cent  arpens  :  il  lui  faut  une  femelle. 
On  peut  l'apprivoifer ,  mais  non  pas  le  rendre  obéiffant ,  ni  m^ême  fa- 
milier ;  il  retient  toujours  quelque  chofe  de  fon  naturel  indépendant. 
Quelque  privd  qu'il  puiffe  être^  il  faut  s'en  défier;  il  conferve  toujours 

Tome  II,  S 


13  8  C  H  E 

le  defîr  de  fa  liberté  ;  les  mâles  fur-tout  font  fujets  à  des  caprices  dan- 
gereux ,  à  prendre  certaines  perfonnes  en  averiion;  &  alors  ils  s'élancent 
fur  elles ,  &  donnent  des  coups  de  tête  aflez  forts  pour  renverfer  un 
homme  :  ils  le  foulent  même  aux  pieds  ,  lorfqu'ils  font  renverfé. 

La  chafTe  du  chevreuil  fe  fait  avec  de  petites  meutes.  Ceft  toujours 
les  collines  &les  plaines  élevées  qu'ils  habitent  par  préférence.  L'amour 
paternel  fait  oublier  tout  péril  à  cet  animal  fi  rufé.  Le  chafleur  le  fait 
venir  quelquefois  fous  fon  fufil,  en  imitant  le  cri  plaintif  des  petits  faons  , 
mi .  .  .  mi. 

Au  printemps  les  chevreuils  font  leurs  nuits  &  leurs  viandis  dans 
les  feigles  ,  les  blés  &  les  buiffons  ;  ils  broutent  aufli  les  premiers  bou- 
tons ,  les  feuilles  naiffantes  :  cette  nourriture  chaude  fermente  dans 
leur  eftomac ,  &  les  enivre  de  manière  qu'il  eft  très-aifé  alors  de  les 
furprendre.  En  été  ils  vont  aux  gagnages ,  c'eft-à-dire  aux  pois,  fèves, 
Vefces  5  dans  le  voifinage  des  forêts  ;  ils  y  demeurent  jufqu'en  au- 
tomne 5  qu'ils  fe  retirent  dans  les  taillis  ,  d'où  ils  fottent  feulement 
pour  aller  aux  regains  des  prés  &  des  avoines  dont  ils  font  très- 
friands.  Ils  gagnent  en  hiver  les  fonds  des  forêts  ,  s'approchant  feulement 
des  ronces  bc  des  fontaines  où  l'herbe  eft  toujours  verte.  Voilà  les 
lieux  où  le  veneur  doit  aller  en  quête ,  félon  les  faifons ,  avec  fon  li- 
mier 5  pour  rencontrer  &  détourner  le  chevreuil. 

De  tous  les  animaux  des  forêts  ,  la  chair  du  chevreuil  eft  fans 
contredit  la  meilleure  ;  elle  eft  très-agréable  :  mais  celle  des  chevreuils 
qui  vivent  dans  les  pays  fecs ,  montagneux  ,  eft  bien  fupérieure  à  celle 
des  autres.  La  preflure  du  chevreuil  eft  bonne  pour  la  dyftenterie.  Dans 
le  commerce  on  donne  le  nom  de  peaux  de  daim  à  celles  des  che- 
vreuils de  Louiuane.  On  en  prépare  à  Niort  la  peau  en  blanc  ;  &  elle 
eft  très-douce.  Voyez  le  Dicîionnaire  des  Arts  &  Métiers, 

CHEVREUIL  ODORIFÉRANT  ou  MUSQUÉ,  Foye^  Gazelle. 

CHEVROTAIN.  Nom  fous  lequel  M.  de  Buffon  défigne  un  joli 
petit  animal  qui  fe  trouve  aux  Indes  ,  à  Ceylan ,  à  Java  ,  au  Séné- 
gal,  à  Congo  &  dans  les  autres  pays  exceftivement  chauds,  &  que 
prefque  tous  les  Voyageurs  ont  indiqué  fous  les  noms  de  petit  Cerfo\x 
petite  Biche. 

Les  chevrotains  reffemblent  en  effet  en  petit  au  cerf  par  la  figure  du 
mufeau  ,  par  la  taille  fvelte,  la  queue  courte,  &  la  forme  des  jambes; 
mais  ils  en  différent  prodigieufement  par  la  petitelfe  de  leur  corpulence. 


CHE  i3i> 

les  plus  grands  chevrotains  n'étant  tout  au  plus  que  de  la  grandeur  du 
lièvre  :  d'ailleurs  ils  n'ont  point  de  bois  fur  la  tcte.  Les  uns  font  abfo- 
îument  fans  cornes;  &  ceux  qui  en  ont  ,  les  ont  creufes ,  annelées  & 
allez  femblables  à  celles  de  la  ga:^elU  ;  mais  ils  ne  font  ni  cerfs ,  ni 
gazelles  ,  &  font  une  ou  plufîeurs  efpeces  à  part. 

Ces  petits  animaux  que  les  Naturaliftes  ont  défignés  par  ces  mots  ; 
Cervus  pcrpufillus ,  juvencus  ,  Guinccnjis  ,  font  d'une  figure  élégante  , 
très-bien  proportionnés  dans  leur  taille  s  ils  font  des  fauts  &  des  bonds 
prodigieux ,  car  on  dit  qu'ils  fautent  par-deflus  une  muraille  de  dix  à 
douze  pieds  :  cependant  il  paroît  qu'ils  ne  peuvent  pas  courir  long-  temps , 
car  les  Nègres  les  attrapent  à  la  courfe.  Rien  n'eft  plus  mignon  ,  dit  Def- 
marchais  dans  fes  Voyages  ,  plus  privé  &  plus  careflant  que  ces  petits 
animaux  ;  mais  ils  font  d'une  lî  grande  délicatefle  ,  qu'ils  ne  peuvent 
fupporter  le  palîage  des  mers  ;  &  quelque  foin  qu'on  ait  pris  pour  en 
apporter  en  Europe ,  on  n'a  jamais  pu  y  parvenir  :  de  plus ,  ces  petits 
animaux  ne  peuvent  vivre  que  dans  des  climats  exceflivement  chauds. 
Ce  font  les  pieds  de  ces  petits  chevrotains  que  les  Indiens  enchâlfent 
dans  de  l'or  ,  ou  garniflent  de  petits  fers  d'or  ,  pour  en  faire  préfent 
aux  Européens  amateurs  de  curiofîtés  naturelles.  Nous  en  avons  déjà 
dit  quelque  chofe  à  l'article  Cerf, 

CHEVROTIN.  Nom  donné  par  M.  Brîjfon  à  un  genre  d'animaux, 
quadrupèdes ,  ruminans  ,  dont  le  caradere  eft  de  n'avoir  point  de; 
dents  incifîves  à  la  mâchoire  fupérieure ,  d'en  avoir  huit  à  l'inférieure, 
d'avoir  le  pied  fourchu  &  point  de  cornes.  Tels  font ,  l"".  le  chevrotin 
d'Afrique  ;  c'eft  le  bouc  damoifcau.  2^.  Le  chevrotin  de.  Guinée ,  qui  eft 
le  cerf  d'Afrique  à  poil  rouge  de  Séba.  3°.  Le  chevrotin  des  îndts;  c'eft 
la  chèvre  de  Congo,  de  Kolbe.  â^ ,  Le  chevreuil  mufqué  &:  le  xé  des 
Chinois,  y*^.  Le  Chevrotin  de  Surinam  ;  c'efr  la  biche  rougeâtre  ôc  ta- 
chetée de  blanc,  de  Klein, 

CHICAROU.  Voyei  SiEUKEL. 

CHICORÉE  5  Ciçorium,  La  plupart  des  plantes  que  Ton  nomme 
chicorées,  font,  excepté  \a  fauvage  ,  des  endives.  Voyez  Endive. 

CHICORÉE  Blanche  ou  ENDIVE  Commune  ,  Cicorium  latlfo- 
ûum  Cette  plante  ,  ainfi  que  les  deux  fuivantes ,  font  annuelles  ;  au 
lieu  que  la  chicorée  fauvage  eft  vivace.  La  chicorée  blanche  a  des 
racines  fibreufes  &  laiteufes  ,  des  feuilles  longues,  larges,  femblables 
ô  celles.de  la  laitue  ,  crénelées  en  leurs  bords ,  un  peu  ameres,  &cou^ 

S  2 


140  CHE 

chées  fur  terre  avant  qu  elle  monte  en  tige  ;  cette  tige  eft  haute  d*un 
pied  &  demi,  lifle ,  cannellée  ,  rameufe  &  tortue,  empreinte  d'un  fuc 
laiteux.  Ses  fleurs  naiffent  de  l'aifTelle  des  feuilles:  elles  font  bleuâtres  , 
femblables  à  celles  de  la  chicorée  fauvage  ,  aufiî  bien  que  les  grai- 
nes anguleufes  qui  fe  trouvent  renfermées  dans  des  capfules  oblongues» 

CHICORÉE  FRISÉE  ,  cicorium  crifpum.  Ses  feuilles  font  plus  gran- 
des ,  crêpées  tout  autour  &  finueufes.  Sa  tige  eft  plus  grande ,  plus 
grofle  &  plus  tendre.  Sa  graine  eft  noire. 

CHÎCOixÈE  PETITE  Endive  ,  cicorium  augufii-folium.  Ses  feuilles 
font  plus  étroites,  plus  ameres  au  goût,  &  fa  tige  plus  branchue 
qu'aucune  efpece  d'endive.  On  cultive  les  endives  dans  les  jardins  po- 
tagers ,  pour  l'ufage  de  la  cuifine.  Les  Jardiniers  ont  l'art  de  rendre  frifée 
l'endive  commune.  Semée  au  printemps  ,  elle  croît  promptement , 
fleurit  &  porte  des  graines  Tété  ;  elle  meurt  enfuite.  Semée  au  mois 
de  Juillet ,  elle  dure  l'hiver  ,  en  la  couvrant  de  terre  ou  de  fable  au 
mois  de  Septembre  ou  d'Odobre  ,  après  avoir  lié  auparavant  fes 
feuilles;  &  elle  devient  blanche  comme  de  la  neige:  dans  l'hiver  on  la  fert 
à  la  place  d'autres  falades.  Elle  a  de  la  faveur,  &  elle  eft  plus  agréa- 
ble ,  moins  amere  au  goût  qu'étant  verte.  On  en  fait  aafTi  ufage  dans 
les  bouillons  de  viande.  Ces  plantes  font  falutaires  ,  rafraîchifidmtes  ^ 
appaifent  le  bouillonnement  de  fang.  On  en  met  dans  les  apozemes 
apéritifs,  f^oyei  Miller  &  BradUy  fur  la  culture  de  Vendive, 

CHICOREE  SAUVAGE  ,  cicorium  fylvefire.  Sa  racine  eft  longue  d'un 
pied  ,  fibreufe  ,  remplie  d'un  fuc  laiteux.  Sa  tige  eft  ferme  ,  velue  , 
tortueufe.  Ses  feuilles  font  femblables  à  celles  du  piifenlit ,  velues  & 
d'un  vert  foncé.  Ses.  fleurs  nailfent  des  aiffjlles  des  feuilles  qui  font  à 
l'extrémité  des  tiges ,  difpofées  en  bouquet  de  couleur  bleue  :  il  leur 
fuccede  une  capfule  qui  vient  du  calice ,  &  qui  contient  des  femences 
anguleufes  ,  blanchâtres  ,  fans  aigrettes  :  toute  la  plante  eft  empreinte 
de  beaucoup  de  fuc  laiteux ,  amer  ;  elle  croît  avec  ou  fans  culture. 
Ses  racines,  (qs  feuilles  ,  fes  fleurs  &  fes  graines  font  d'ufageen  mé- 
decine &  en  cuifine.  Par  le  foin  des  Jardiniers ,  elle  devient  fort  blanche 
&  moins  amere  :  prife  en  aliment  ou  en  médicament  elle  eft  réputée 
propre  contre  les  obftrudions  du  foie  ,  dans  la  jauniffe  &  dans  les  in- 
flammations 5  foit  de  la  gorge  ,  foit  de  la  poitrine.  Sa  graine  eft  au 
nombre  des  quatre  petites  femences  froides  ,  qui  font  celles  de  chicorée 
fauya^e  ,  d'endive  f  de  laitue  ôi  de  pourpier»  M,  Bourgeois  prétend  cj^ue  laj 


C  H  E  141 

racine  Se  la  feuille  de  chicorée  fauvage  font  un  remède  excellent  contre 
les  douleurs  de  rhumatiime  invétérées.  On  fait  infufer  demi -once  de 
cette  racine  ,  ôc  une  demi-poignée  de  fa  feuille  feche  ,  dans  une  pinte 
d'eau   bouillante  ,  pour  en  boire  à  fa  foif  pendant  plufieurs  femaines. 

Des  perfonnes  ayant  pris  des  racines  de  chicorée  fauvage ,  nettoyées 
&  partagées  en  quatre  dans  leur  longueur,  les  ont  dépofées  fur  des 
feuilles  de  papier  fous  un  poêle  ,  pendant  trois  jours  ,  pour  y  être 
féchées.  Cette  opération  faite  ,  on  a  coupé  ces  racines  en  petits  mor- 
ceaux, de  la  grolTeur  de  la  fève  du  café;  enfuite  on  en  a  moulu  les 
parties,  &  on  en  a  préparé  une  liqueur  comme  celle  du  café;  on  lui  fait 
fubir  deux  ou  trois  bouillons,  &  on  la  tire  au  clair.  Cette  chicorée 
caféi-forme  a  la  même  couleur,  &  ,  dit-on,  la  même  faveur,  tant  en 
poudre  qu'en  liquide  ;  il  faut  y  mettre  un  peu  moins  de  fucre.  Mercure 
de  France  ,    Avril  1771. 

CHICOT  DU  Canada.  Voyez  à  l'article  Pois  de  terre. 

CHIEN,  canis.  Animal  quadrupède,  le  plus  familier  de  tous  les 
animaux  domeftiques  ;  ayant  pour  caraélere ,  dit  M.  Linnœus ,  dix 
mamelles,  dont  quatre  fur  la  poitrine,  &  fix  fur  le  ventre  (le  mâle 
n'en  a  que  fix  en  tout)  ;  quatre  doigts  aux  pieds  de  derrière,  &cinq 
à  ceux  de  devant. 

Le  chien,  dit  M.  de  Biiffon  ,  indépendamment  de  la  beauté  de  fa 
forme,  de  la  vivacité  ,  de  la  force,  de  la  légèreté,  a  par  excellence 
toutes  les  qualités  intérieures  qui  peuvent  lui  attirer  les  regards  de 
rhcmme.  Il  pofTede  un  ientiment  délicat  ,  exquis  ,  que  l'éducation 
perftdionne  encore,  ce  qui  rend  cet  animal  digne  d'entrer  en  fociété 
avecThomme.  Il  H.it  concourir  à  fes  defleins ,  veiller  à  fa  fureté,  l'aider, 
le  défendre  ,  le  flatter  :  il  fait,  par  des  fervices  affidus  ,  par  des  careifes 
réitérées,  par  des  cris  de  douleur,  ou  par  des  jappemens  de  joie,  ou 
par  des  hurlemens  de  defir  ,  fe  concilier fon  maître,  le  captiver,  &  de 
fon  tyran  fe  faire  un  protedeur. 

Onfentira,ditencoreM.  (^e5«^/z ,  de  quelle  importance  cette  efpece 
eftdans  l'ordre  de  la  Nature,  enfuppofant  un  inftant  qu'elle  n'eût  jamais 
exifté.  Comment  l'homme  auroit- il  pu  fanslefecours  du  chien  conquérir, 
domter,  réauire  en  efclavage  les  autres  animaux?  Comment  pourroit-il 
aujourd'hui  découvrir ,  chaiTer,  détruire  les  bêtes  fauvages  &  nuifibles? 
Pour  fe  mettre  en  fureté  &  pour  fe  rendre  maître  de  l'univers  vivant, 
il  a  fallu,    continue  le  même  Auteur  ,  commencer  par  fe  faire  un  parti 


142  C  H  E 

parmi  les  animaux ,  fe  concilier  avec  douceur  &  par  careflfe  ceux  quï 
fe  font  trouvés  capables  de  s'attacher  &  d'obéir,  afin  de  les  oppofer 
aux  autres.  Le  premier  art  de  l'homme  a  donc  été  l'éducation  du 
chien  ;  le  fruit  de  cet  art ,  la  conquête  &  la  poflefiion  paifible  de  la 
terre. 

Quelques  Naturaliftes  ont  compris  dans  le  genre  du  chien,  le  loup, 
le  renarJ ,  \a.  civette  ^  le  blaireau,  la  loutre,  afin  de  donner  une  idée 
des  principaux  caraderes  diftindifs  de  ces  animaux  quadrupèdes  par 
un  objet  de  comparaifon  bien  connu.  Mais  fi  ces  animaux  ont  quelque 
rapport  avec  le  chien  pour  la  forme ,  par  le  nombre  &  l'arrangement 
des  dents ,  par  les  griffes ,  ils  en  différent ,  &  même  les  uns  des  autres  , 
par  les  mœurs  ,  le  naturel  &  plufieurs  autres  caraéleres  qui  les  rangent 
fous  des  efpeces  particulières  &  différentes. 

M.  de  Buffon  confidérant  le  grand  rapport  qu'il  y  a  par  la  conformation 
intérieure  &  par  des  différences  extérieures  très-Iégeres  entre  le  chien 
de  berger ,  le  renard  &  le  loup  ,  a  voulu  effayer  fi  ces  animaux  pourroient 
produire  enfemble.  Il  efpéroit  au  moins  parvenir  à  les  faire  accoupler. 
&  que  s'ils  ne  produifoient  pas  des  individus  féconds ,  au  moins  ils 
cngendreroient  des  efpeces  de  mulets» 

Pour  cet  effet  il  éleva  une  louve  prife  à  l'âge  de  deux  mois  dans  la 
forêt  ;  il  l'enferma  dans  une  cour  avec  un  jeune  chien  de  même  âge  : 
ils  ne  connoifToient  l'un  &  l'autre  aucun  individu  de  leur  efpece.  Pendant 
la  première  année  ces  jeunes  animauxjouoient  perpétuellement  enfemble 
&  paroifToient  s'aimer.  A  la  féconde  année  ils  commencèrent  à  fe  difputer 
pour  la  nourriture  &  à  fe  donner  quelques  coups  de  dents  :  la  querelle 
commençoit  toujours  de  la  part  de  la  louve.  A  la  fin  de  la  troifieme 
année  ces  animaux  commencèrent  à  fentir  les  imprellions  du  rut ,  mais 
fans  amour  ;  car  loin  que  cet  état  les  adoucît  ou  les  rapprochât  l'un 
de  l'autre,  ils  devinrent  plus  féroces,  ils  maigrirent  tous  deux,  &: 
le  chien  tua  enfin  la  louve  qui  étoit  devenue  la  plus  maigre  &  la 
plus  foible. 

Dans  le  même  temps  M.  de  Buffon  fit  enfermer  avec  une  chienne  en 
chaleur  un  renard  que  l'on  avoit  pris  au  piège.  Ces  animaux  n'eurent 
pas  la  moindre  querelle  enfemble  ;  le  renard  s'approchoit  même  affez 
familièrement  :  mais  dès  qu'il  avoit  flairé  de  trop  près  fa  compagne , 
le  figne  du  defir  difparoiffoit ,  &  il  s'en  retournoit  triftement  dans  fa 
hutte.  Lorfque  la  chaleur  de  cette  chienne    fut  palTée  ,   on  lui  en 


CHE  î4^ 

fubftîtua  jufqu*à  trois  autres  fucceflivement  pour  lefqueîles  il  eut  la  même 
douceur ,  mais  la  même  indifférence  :  enfin  on  lui  amena  une  femelle 
de  Ton  efpece  qu'il  couvrit  dès  le  même  jour. 

On  peut  donc  conclure  de  ces  épreuves ,  faites  d*après  nature ,  que 
le  renard  &  le  loup  font  des  efpeces  non  -  feulement  différentes  du 
chien ,  mais  féparées  &  affez  éloignées  pour  ne  pas  pouvoir  les  rap- 
procher, du  moins   dans  ces  climats. 

Les  chiens  préfentent  quelque  chofe  de  remarquable  dans  leur 
ftrudure  :  ils  n'ont  point  de  clavicules  ,  &  ont  un  os  dans  la  verge. 
Leur  mâchoire  eft  armée  d'une  quarantaine  de  dents  ,  dont  quatre 
canines  font  remarquables  par  leur  s  pointes  &  leur  longueur,  &  que  l'on 
obferve  de  même  dans  le  lion  &  plufieurs  autres  animaux  carnalîîers. 
Les  futures  de  la  peau  font  très  -  diftindes.  On  reconnoît  la  jeunelïè 
des  chiens  à  la  blancheur  de  leurs  dents ,  qui  jauniffent  &  s'émouffent 
à  mefure  que  l'animal  vieillit,  &  fur-tout  à  des  poils  blanchâtres  qui 
commencent  à  paroître  fur  le  mufeau.  La  durée  ordinaire  de  la  vie 
des  chiens  eft  environ  de  quatorze  ans  ;  cependant  on  a  vu  un  barbet 
vivre  jufqu'à  l'^ge  de  dix  -  fept  ans  ;  mais  il  étoit  décrépit ,  fourd , 
prefque  muet  &:  aveugle. 

Les  mâles  s'accouplent  en  tout  temps.  La  chaleur  des  femelles 
dure  environ  quatorze  jours  ;  elles  ne  fouffrent  l'approche  du  mâle 
que  vers  la  fin  de  ce  temps,  &  elles  entrent  en  chaleur  deux  fois  par 
an.  Le  mâle  &  la  femelle  font  liés  &  retenus  dans  l'accouplement  par 
un  effet  de  leur  conformation  &  par  le  gonflement  des  parties  ;  ils  fe 
féparent  d'eux-mêmes  après  un  certain  temps ,  mais  on  ne  peut  les 
féparer  de  force  fans  les  bleffer ,  fur-tout  la  femelle.  Celle-ci  porte 
cinq  ou  fix  petits  à  la  fois  ,  quelquefois  davantage.  Le  temps  de  fa 
portée  dure  deux  mois  &  deux  ou  trois  jours.  On  dit  qu'elle  coupe 
avec  (qs  dents  le  cordon  ombilical ,  &  qu'elle  mange  l'arriere-faix.  Le 
nouveau  né  s'appelle  petit-  chien  ,  catdlus.  Les  yeux  de  ces  petits 
animaux  ne  commencent  à  s'ouvrir  qu'au  bout  de  quelques  jours.  La 
mère  lèche  fans  ceffe  fes  petits,  &  avale  leur  urine  &  leurs  excrémens 
pour  qu'il  n'y  ait  aucune  ordure  dans  fon  lit.  Quand  on  lui  enlevé  fes 
petit? ,  elle  va  les  chercher ,  les  prend  à  fa  gueule  &  les  rapporte  dans 
fa  cabane  avec  beaucoup  de  précaution.  C'eft  là  où  fa  tendreffe  éclate; 
elle  pourfuit  d'un  air  inquiet  le  raviffeur  ,  elle  réclame  avec  inftance 
&  même  avec  menaces,  Enfin  on  prétend   qu'en  les  prenant  à  terre  ^ 


Ï44  C  H  I 

elle  commence  toujours  par  le  meilleur  ,   St  qu'elle  détermine  aînfî  l6 
choix  des  chafTeurs  qui  le  gardent   préférablement  aux  autres. 

On  ne  peut  réfléchir  fans  admiration  fur  la  force  digeftive  d^  Teftomac 
des  chiens  :  les  os  y  font  ramollis  &  digérés,  &  le  fuc  nourricier  en 
eil  extrait.  Quoique  l'eftomac  des  chiens  paroifle  allez  s'accommoder 
de  toutes  fortes  d'alimens,  il  efi:  rare  de  leur  voir  manger  des  végétaux 
cruds.  Lorfqu'ils  fe  fentent  malades  ils  broutent  des  feuilles  d'une 
efpece  de  gramcn  qui  les  font  vomir  &  les  guérilfent.  Les  crottes  ou 
excrémens  que  rendent  ces  animaux  font  blanchâtres,  fur-tout  lorfqu'ils 
ont  mangé  des  os  :  ces  excrémens  blancs  font  nommés' par  les  Apo- 
thicaires Magnéjîe  animale  ou  Album  Grœcum  ;  &:  la  Médecine  qui  ne 
fe  pique  pas  de  fatis faire  le  goût  par  fes  préparations  ,  fe  l'eft  appropriée 
comme  médicament  :  cependant  on  eft  revenu ,  à  ce  qu'il  paroît ,  de  l'ufage 
de  cette  fubftance  prife  intérieurement  pour  la  pleuréfie;  on  en  fait  tout 
au  plus  ufage  à  l'extérieur  dans  l'efquinancie,  comme  contenant  unfel 
ammoniacal  nitreux.  On  prétend  que  ces  excrémens  font  (î  acres , 
qu'ils  détruifent  entièrement  les  plantes ,  excepté  la  r&nouu  &  le  thalïclron  ; 
que  leur  caufticité  eft  telle,  qu'aucun  infede  ne  s'y  attache.  Le  chien 
en  buvant  ne  fait  que  lapper  avec  la  langue.  Les  chiens  étant  échauffés, 
tirent  la  langue  ;  &  quand  ils  fe  rencontrent  ,  de  quelque  taille  qu'ils 
foient ,  ils  fe  flairent  au  derrière  les  uns  les  autres.  Eft-ce  par  goût  ? 
eft-ce  par  politefle  ? 

Tout  le  monde  a  remarqué  que  lorfqu'un  chien  veut  fe  repofer ,  il 
fait  un  tour  ou  deux  en  pivotant  fur  le  même  lieu.  Le  chien  a  mille 
autres  petites  allures  d'inftinâ:  qui  frappent  les  yeux  de  tout  le  monde. 
L'attachement  que  quelques  perfonnes  ont  pour  cet  animal ,  ou  va 
jufqu'à  la  folie  ,  ou  efl:  fondé  fur  l'idée  de  la  métempfycofe.  Les 
Mahométans  ont  dans  leurs  principales  Villes  des  hôpitaux  pour  les 
chiens  infirmes  ;  &  Tournefort  alTure  qu'on  leur  laifle  des  penfions  en 
mourant  ,  &  qu'on  paie  des  gens  pour  exécuter  les  intentions  du 
teftateur.  Cette  douce  retraite  efl;,  dit-on,  une  jufle  récompenfe  de 
leurs  fervices.  Il  arrive  quelquefois  aux  chiens  de  rêver  en  dormant  ; 
ils  remuent  alors  les  jambes  &  aboient  fourdement  croyant  être  en 
fentinelle.  Nous  le  répétons  ;  le  chien  eft  l'animal  domeftique  qui  a 
par  excellence  toutes  les  qualités  intérieures  qui  peuvent  fixer  l'attention 
&  la  reconnoiffance  des  hommes.  Sufceptible  d'éducation,  tantôt  c'eft 
yn  chien  fidèle  qui  garde  les  troupeaux,  les  ralfemble  dans  un  pâturage 

limité 


C  H  I  ^  4  ? 

limité,  court,  épie,  va  &:  vient  ;  toujours  prêt  à  exécuter  les  ordres 
du  Berger  ou  du  Bouvier  ,  garantit  le  mouton  timide  de  la  gueule  du 
loup  ravifleur  ,  rappelle  la  brebis  errante  ou  le  bœuf  récalcitrant. 
Tantôt  emporté  par  l'ardeur  de  la  chafle ,  c'eft  un  Um'ur  qui  quête  , 
uwUvner  qui  lance  &  pourfuit  fous  les  yeux  du  Piqueur  le  fanglier  féroce, 
le  -cerf  &:  le  daim  légers.  Plein  d'intelligence  ,  c'eft  un  èpagmul ,  un 
braque  qui,  par  la  finelTe  de  fon  odorat ,  connoît  refpece  de  gibier, 
l'indique  au  ChafTeur  par  différens  fignes  :  c'eft  un  buffet  ,  un  chien 
courant  qui  pourfuit  le  lièvre  &  le  lapin  ,  &  avertit  le  Chaffeur  en 
donnant  de  la  voix.  Tantôt  c'eft  un  fier  &  léger  danois  qui  précède 
l'équipage  d'un  Maître  opulent ,  &:  annonce  le  palîage  d'un  puiflant 
Seigneur.  En  un  mot,  c'eft  un  domeftique  sûr  &  vigilant,  toujours 
prêt  à  défendre ,  au  péril  de  fes  jours  ,  les  intérêts  &  la  vie  de  fon 
Maître.  Il  le  fuit  par-tout ,  lui  fait  compagnie,  l'amufe,  le  flatte,  le 
careffe.  N'étant  point  volontaire ,  il  obéit  fans  réfiftance.  S'il  fait  une 
faute ,  il  vient  avec  docilité  en  recevoir  le  châtiment ,  &  lèche  la  main 
qui  le  frappe.  Fidèle  par  nature  ,  rien  ne  peut  le  corrompre.  Toujours 
il  retourne  à  fon  Maître.  Infenfïble  aux  appas  d'une  condition  meilleure, 
il  refte  conftamment  attaché  au  Maître  leplus  pauvre,  le  plus  indigent, 
le  plus  miférable.  Ses  différentes  manières  d'aboyer,  fon  maintien,  fon 
gefte  modifié,  fes  yeux,  le  mouvement  de  fa  queue,  ce  qu'il  a  reçu 
de  l'éducation  &  de  la  nature ,  tout  eft  le  langage  le  plus  expreflif 
des  fentimens  de  fon  ame.  L'affedion  ,  la  reconnoiflance  ,  les  regrets 
de  l'abfence,  la  joie  du  retour  ,  les  defirs  fe  manifeftent  au  dehors 
d'une  manière  pathétique  ,  ou  avec  un  éclat  qui  tient  del'enthoufîafme. 
Il  n'a  de  colère  que  contre  fes  ennemis  ou  ceux  de  fon  bienfaidieur  ; 
ce  qu'il  exprime  en  hérillant  le  poil  de  fon  dos  ,  en  grondant  &  en 
montrant  les  dents  ;  dans  ce  moment  fes  yeux  font  étincelans  &  toute 
fa  phyfionomie  menaçante.  Tout  le  monde  fait  Thiftoire  du  chien 
délateur  de  TafTaflin  de  fon-  Maître  &  du  lieu  de  raifaflinat...^ 

Quelques  Auteurs  prétendent  que  les  chiens  contraélent  les  maladies 
des  perfonnes  avec  qui  on  les  fait  coucher  ,  &  que  c'eft  même  un 
excellent  moyen  de  guérir  les  goutteux  ;  mais  comme  un  homme  qui 
prend  la  maladie  d'un  autre  ne  le  foulage  pas  pour  cela ,  il  y  a  toute 
apparence  qu'un  malade  ne  peut  recevoir  de  foulagement  d'un  chien 
qu'on  lui  applique  ,  que  dans  le  cas  oii  la  chaleur  de  l'animal  attaqueroit 

Tome  lit  T. 


;i4^  C    H  I 

la  maladie  en  ouvrant  les  pores ,  en  facilitant  la  tranfpiration ,  &  en 
donnant  ifTueà  la  matière  morbifique.  Quoi  qu'il  en  foit,  comme  les 
chiens  en  léchant  les  plaies  qu'ils  ont  reçues  ,  les  détergent  &  en 
hâtent  la  confolidation  ,  on  a  vu  des  perfonnes  guéries  avec  fuccès  de 
plaies  &  d'ulcères  invétérés ,  en  les  faifant  lécher  par  des  chiens.  C'étoit 
la  méthode  de  guérir  d'un  homme  que  l'on  a  vu  long-temps  à  Paris , 
&  que  Ton  nommoit  le  Médecin  de  Chaiidrai ,  du  lieu  où,  il  faifoit  fon 
féjour. 

De  tous  les  animaux  que  nous  connoiflbns ,  les  chiens  font  les  plus 
fujets  à  la  rage  ou  hydrophobie  ;  cette  maladie  fi  trifte  pour  eux  &c 
des  plus  funeftes  à  l'humanité,  eft  produite  chez  ces  animaux  par  la 
difette  de  boire  &  de  manger  pendant  plufîeurs  jours  ,  ou  quelquefois 
par  la  mauvaife  qualité  des  matières  corrompues  dont  ils  fe  nourriflfent 
aflez  fouvent  (fuivant  M.  Mead ,  Médecin  Anglois  ),    ou  encore  par 
le  défaut  d'une  abondante  tranfpiration  après  avoir  long-temps  couru. 
Cette  maladie  terrible  rend   le   chien  furieux    &  meurtrier  :  dans  cet 
état  il  ne  connoît  perfonne ,   il  s'élance  indifféremment  fur  les  hommes 
ôc  fur  les  animaux  qu'il  rencontre  ;  il  les  mord ,    &  fa  morfure  em- 
poifonnée  leur  communique  la  même  maladie  fi  on  n'y  porte  un  prompt 
remède.   Cette  contagion  gagne  d'abord  les  parties  du  corps  les  plus 
humides,  telles  que  la  bouche,  la  gorge,  l'eftomac;  elle  y  caufe  une 
ardeur,  un  delféchement  &  une  irritation  il  grande,  que  le  malade 
tombe  dans  une  aliénation  de  raifon  ,  dans  des  convulfions ,  dans  une 
horreur  &  une  appréhenfion  terrible  de  tout  ce  qui  eft  liquide.   Auflî 
ne  faut-il  pas  s'étonner  fi  les  animaux  ainfi  que  les  hommes,  dans  cet 
état  de  fureur  ,  ont  une  averfion  infoutenable  pour  l'eau.  Cet  effet , 
ainfi  qu'on  l'apprend  des  malades  ,  dépend  de  l'impolTibilité  où  ils  font 
d'avaler  les  liquides  ;  car  toutes   les   fois  qu'ils  font   effort  pour  le 
faire ,  il  leur  monte  aJors ,    à  ce  qu'il   leur  femble  ,    quelque  chofe 
fubitement  dans  la  gorge  qui  s'oppofe  à  la  defcente   du  fluide.   Les 
fymptômes  &  les  accès  de  cette  maladie  font  des   plus  terribles,  & 
malheureufement  les  remèdes  connus  ne  font  pas  toujours  àes  effets 
certains.   On   emploie  le  plus  communément  les  bains   froids    &  les 
immerfions  dans  la  mer,  quelquefois  fans  fuccès.  En  17401e  Chirurgien 
Anglois  Jean  Douglas   imagina  auffi  de    faire  ufage  de  la  pommade 
mercurielle  qui ,  à  ce  qu'il  paroît,  n'eftpas  non  plus  toujours  infaillible, 
i)ien  fouvent  on  a  été  obligé  d'étouffer  le  malade,  Comme  cette  maladie 


C  H  I  147 

paroît  être  vi*aïnient  fpafmodique  ,  on  y  a  employé ,  avec  beaucoup  de 
îuccès,  les  caïmans,  tels  que  V opium  &  les  antifpafmodiques,  ainfî 
qu'on  le  voit  dans  la  DifTertation  du  Dodeur  Nugcnt ,  Médecin  à  Bath. 
Lémery  confeille  en  pareil  cas  l'ufage  fréquent  des  fels  volatils ,  &  le 
Dodeur  Mcad  confeille  un  mélange  de  lichen  cinereus  terre/Iris  avec  du 
poivre  ,  comme  un  préfervatif  aiTuré  contre  la  rage. 

Comme  il  arrive  fouvent  dans  plufieurs  maladies  des  hommes,  que 
la  crainte  &  l'inquiétude  influent  plus  fur  un  malade  que  le  mal  réel , 
"M. Petit,  Chirurgien,  offre  ,  dans  l'Hiftoire  de  l'Académie,  année 
1723  ,  un  expédient  pour  favoir  fi  le  chien  ,  dont  on  a  été  mordu,  & 
que  l'on  fuppofe  tué  depuis  ,  étoit  enragé  ou  non.  Il  faut,  dit -il, 
frotter  la  gueule ,  les  dents  &  les  gencives  du  chien  mort  avec  un 
morceau  de  chair  cuite ,  que  l'on  préfente  enfuite  à  un  chien  vivant; 
s'il  le  refufe  en  criant  &  en  hurlant,  le  mort  étoit  enragé,  pourvu 
cependant  qu'il  n'y  eût  point  de  fang  à  fa  gueule.  Si  la  viande  a  été 
bien  reçue  &  mangée ,  il  n'y  a  rien  à  craindre. 

Les  chiens  font  encore  fujets  à  plufieurs  autres  maladies ,  &  parti- 
culièrement les  bichons ,  qui  font  naturellement  revêtus  d'une  bonne 
quantité  de  poils  épais  ,  ce  qui  peut  les  empêcher  de  tranfpirer 
fuffifamment  ;  ces  mêmes  fortes  de  chiens  attaqués  de  la  grippe  font 
fujets  à  des  vomiffemens  fréquens,  &  d'avoir  ,  ainfî  que  l'homme  ,  dQS. 
pierres  dans  la  veiîie.  Lémery  ,  Diciionnaire  des  Drogues ,  dit  avoir  vu 
tirer,  par  M.  Méry ,  à  l'Académie  ,  de  la  velTie  d'un  petit  chien  bichon, 
une  pierre  groffe  comme  im  œuf  de  poule ,  qui  l'avoit  fait  mourir, 
&  que  cette  pierre  étoit  de  même  fubflance ,  dureté  &  couleur  que 
celles  qu'on  retire  de  la  veflie  de  l'homme.  Les  chiens  font  fouvent 
attaqués  de  coliques,  de  la  gale,  de  la  chute  du  poil  &  de  l'alopécie. 
Cette  dernière  maladie  leur  vient  pour  avoir  trop  joui ,  fur-tout  les 
mâles  qui  deviennent  fourds  auflî  par  la  même  raifon  (  des  individus 
d'un  autre  ordre  n'en  font  pas  quittes  pour  la  perte  d'un  des  fens }, 
Des  recherches  anatomiques  ont  fait  découvrir  qu'il  s'engendre  fouvent 
dans  leurs  inteflins  des  vers  folitaires.  Voye:^  au  mot  Ver  Solitaire 
quels  font  les  moyens  connus  pour  chafTer  ce  ver  polipeux  &  rongeur,  qui 
déchire  auffi  quelquefois  les  entrailles  de  Thomme.  Dans  l'Amérique 
méridionale ,  les  chiens  font  attaqués  d'une  efpece  de  maladie  véné- 
rienne qui  refTemble  à  la  petite  vérole,  Les  habitans  du  pays  l'appellent 
pejîe, 

T  2 


14§  CHI 

Variitis  dans  les  Chiens, 

Comme  de  tous  les  animaux  domeftiques  le  chien  efl  celui  qui  paj? 
inftind:  naturel  s'eft  attaché  de  plus  près  à  1  homme  ,  fa  domefticité 
eft  des  plus  anciennes  ;  &  de  même  que  Ton  naturel  eft  le  plus  fufceptible 
d'impreflion ,  &  fe  modiiîe  le  plus  aifément  par  les  caufes  morales  , 
il  eft  aufii  de  tous  celui  dont  la  nature  eft  la  plus  fujette  aux  variétés 
&  aux  altérations  caufées  par  les  influences  phyfiques.  Le  tempé- 
rament, dit  M.  de  Bufon ,  les  facultés,  les  habitudes  du  corps  varient 
prodigieufement  dans  ces  animaux  :  la  forme  même  n'eft  pas  conftante. 
Dans  un  même  pays  un  chien  eft  très-différent  d'un  autre  chien ,  & 
l'efpece  eft ,  pour  ainfi  dire ,  toute  différente  d'elle  -  même  dans  les 
différens  climats.  De-là  cette  confufion  ,  ce  mélange  &  cette  variété 
de  races  ,  fi  nombreufes ,  qu'on  ne  peut  en  faire  Ténumération  ;  de-là 
cette  différence  fi  marquée  pour  la  grandeur  de  la  taille ,  la  figure  du 
corps ,  l'alongement  du  mufeau ,  la  forme  de  la  tête ,  la  longueur  & 
la  diredion  des  oreilles  &  de  la  queue,  la  qualité,  la  quantité  du  poil; 
en  forte  qu'il  ne  refte  rien  de  commun  à  ces  animaux  que  la  conformité 
de  l'organifation  intérieure ,  &  la  faculté  de  pouvoir  produire  tous 
enfemble  ;  feule  preuve  que  malgré  cette  grande  différence  apparente, 
ils  ne  font  qu'une  feule  &  même  efpece. 

Une  des  caufes  qui  a  encore  le  plus  contribué  à  cette  grande  variété 
&  à  cette  grande  altération  dans  l'efpece  des  chiens ,  c'eft  que  comme 
ces  animaux  vivent  affez  peu  de  temps ,  ils  produifent  fouvent  ;  &  les 
variétés,  les  altérations,  la  dégénération  font  devenues  plus  fenfibles, 
puifque  ces  animaux  font  plus  loin  de  leur  fouche  que  ceux  qui  vivent 
plus  long-temps.  De  plus,  comme  ces  animaux  font  perpétuellement 
fous  les  yeux  de  l'homme,  dès  que  par  un  hazard  affez  ordinaire  à  la 
nature,  il  s'eft  préfenté  quelque  variété  (inguliere,  on  a  tâché  de  la 
perpétuer  5  enuniffant  ces  animaux  femblables;  &  ce  qui  n'étoit  d'abord 
qu'une  variété  ,  eft  devenu  enfuite ,  pour  ainli  dire ,  une  efpece  conftante, 
C'eft  ainfi  que  ceux  qui  font  commerce  de  ces  petits  animaux  pour 
l'amufement  des  Dames,  créent,  en  quelque  forte,  tous  les  ans  des 
efpeces  nouvelles ,  &  détruifent  celles  qui  ne  font  plus  à  la  mode.  Par 
le  mélange  de  ces  animaux,  ils  corrigent  les  formes,  varient  les  cou- 
leurs, &  inventent,  pour  ainfi  dire  ,  des  efpeces  telles  que  ï arlequin  y 
le  mopfe ,  3cc, 


C  H   I  i^p 

Au  milieu  de  cette  variété  prodigieufe  de  chiens ,  comment  reconnoître 
le  modèle  originaire  ,  le  premier  type  ,  ou  du  moins  celui  qui  s'en  écarte 
le  moins?  Comme  la  nature ,  dit  M.  de  Buffon  ,  ne  manque  jamais 
-de  reprendre  fes  droits  lorfqu'on  la  lailTe  agir  en  liberté  ,  &  qu'elle 
tend  toujours  à  détruire  le  produit  d'un  art  qui  la  contraint  pour  fe 
réhabiliter,  on  peut,  d'après  le  rapport  des  Voyageurs,  juger  auquel 
de  nos  chiens  refîemble  le  plus  le  chien  fauvage  ou  le  chien  domeftique, 
qui,  abandonné  dans  l'Amérique  aux  mains  de  la  nature,  s'eftle  plus 
rapproché  de  fa  forme  primitive.  Les  Voyageurs  nous  apprennent 
que  ces  chiens  fauvages  ont  le  mufeau  effilé ,  les  oreilles  droites  ,  le 
poil  rude,  ce  qui  les  fait  reflembîer  le  plus  à  ce  que  nous  nommons 
chien  de  Berger,  Ces  chiens ,  naturellement  fauvages ,  ou  qui  le  font 
devenus ,  font  maigres ,  légers  ;  en  Amérique  ils  fe  raffemblent  par 
troupes  pour  faire  la  guerre  aux  tigres  ,  aux  lions  :  on  ell:  obligé  de 
les  pourfuivre  comme  les  bêtes  féroces  ;  mais  lorfqu'on  les  prend 
jeunes,  on  les  apprivoife  le  plus  aifément  du  monde ,  ils  oublient  leurs 
mœurs  féroces  pour  devenir  amis  de  l'homme. 

M.  de  Buffon ,  dont  les  idées  font  fi  pleines  de  génie  ,  préfumant 
donc,  d'après  ces  obfervations  ,  que  le  chien  de  Berger  efl  celui  de  tous 
qui  approche  le  plu§  de  la  race  primitive ,  remarquant  de  plus  que 
ce  chien  a  un  caradere  décidé  auquel  l'éducation  n'a  pas  de  part| 
qu'il  efr  le  feul  qui  naiffe,  pour  ainfi  dire,  tout  élevé,  &  que  guidé 
par  le  feul  naturel ,  il  s'attache  de  lui-même  à  la  garde  des  troupeaux  , 
s'eft  confirmé  dans  l'opinion  que  ce  chien  eft  le  vrai  chien  de  la  nature, 
celui  qu'elle  nous  a  donné  pour  la  plus  grande  utilité,  celui  qui  a  le 
plus  de  rapport  avec  Tordre  général  des  êtres  vivans  qui  ont  mutuelle- 
ment befoin  les  uns  des  autres,  celui  enfin  qu'on  doit  regarder  comme 
la  fouche  &  le  modèle  de  l'efpece  entière. 

D'après  ces  réflexions  ,  M.  de  Buffon  pour  donner  une  idée  plus 
nette  de  Tordre  des  chiens  ,  de  leur  dégénération  dans  les  différens 
climats  ,  &  du  mélange  de  leurs  races ,  a  drelTé  une  table,  ou  fi  Ton 
veut ,  une  efpece  d'arbre  généalogique  ,  où  Ton  peut  voir  d'un  coup 
d'ceil  toutes  ces  variétés.  Cette  table  eft  orientée  comme  les  cartes 
de  géographie,  èc  il  a  fuivi,  autant  qu'il  a  été  poflibîe  ,  la  pofition 
refpedive  des  climats. 

Le  chien  de  Berger  tR  la  fouche  de  l'arbre.  Ce  chien  ,  tranfporté  dans 
les  climats  rigoureux  du  Nord,  s'eft  enlaidi,  &  rapetiffé  chez  les 


i^o  CHI 

Lapons  ;  11  paroît  s'être  maintenu  &  même  perfedlonné  en  Iflande  ; 
en  Ruflie  ,  en  Sibérie ,  dont  le  climat  eft  moins  rigoureux.  Les  chiens 
de  Tartarie,  d'Albanie,  du  nord  de  la  Grèce,  du  Danemarck,  de 
l'Irlande ,  font  les  plus  grands  ,  les  plus  forts  &  les  plus  puiffans 
de  tous  les  chiens  ;  on  s'en  fert  pour  tirer  des  voitures.  Dans  quelques 
pays  on  fe  fert  de  ces  chiens  pour  tirer  des  fardeaux  fur  un  traîneau 
ou  fur  une  petite  charrette  ,  on  les  attelé  comme  des  chevaux,  il 
en  faut  huit  ou  environ  pour  traîner  ce  que  traîneroit  un  cheval. 
Comme  ces  chiens  font  fort  rares  en  France  ,  je  n'en  ai  jamais  vu 
qu'un,  dit  M,  de  Buffon  ,  qui  me  parut  avoir  tout  aflîs  cinq  pieds  de 
hauteur ,  &  reflembler  pour  la  forme  au  chien  que  nous  appelions 
grand  Danois;  mais  il  en  différoit  beaucoup  par  l'énormité  de  fa  taille  , 
H  étoit  tout  blanc ,  &  d'un  naturel  doux  &  tranquille.  Ces  changemens 
font  arrivés  par  la  feule  influence  des  climats ,  qui  n'a  pas  produit 
une  grande  altération  dans  la  forme  ,  car  tous  ces  chiens  ont  le  poil 
épais  &:  long,  l'air  fauvage,  ils  n'aboient  point  fréquemment;  quoique 
dans  le  même  climat,  il  peut  arriver  quelquefois  des  variétés  fingulieres 
dans  l'organifation.  Leibnit:^  dit  avoir  vu  un  chien  quirépétoitpar  écho 
différens  mots  que  fon  maître  prononçoit. 

Le  même  chun  de  Berger  tranfporté  dans  des  climats  tempérés ,  &: 
chez  des  Peuples  entièrement  policés  ,  comme  en  Angleterre ,  en  France, 
en  Allemagne ,  aura  perdu  fon  air  fauvage  ,  fes  oreilles  droites ,  fon 
poil  rude ,  épais  &  long ,  &  fera  devenu  dogue  ,  chien  courant  &  mâtin» 
Le  chien  courant ,  le  braque  &  le  bajfet  ne  font  qu'une  feule  &  même 
race  de  chiens;  car  on  a  remarqué  que  dans  une  même  portée  il  fe 
trouve  afTez  fouvent  des  chiens  courans ,  des  braques  &  des  bajfeis  ,  quoi- 
que la  lice  n'ait  été  couverte  que  par  l'un  de  ces  trois  chiens.  Le  chien 
courant  tranfporté  en  Efpagne  &  en  Barbarie  s'y  eft  couvert,  ainfi  que 
tous  les  animaux  de  ces  pays  ,  d'un  poil  long,  fin  &  foyeux. 

Le  dogue  tranfporté  d'Angleterre  en  Danemarck  eft  devenu  petit 
Danois;  &  ce  même  petit  Danois ,  tranfporté  dans  des  climats  excef- 
fivement  chauds,  tels  que  la  Guinée,  au  bout  de  trois  ou  quatre  ans, 
y  a  dégénéré  au  point  de  perdre  la  voix ,  de  ne  point  aboyer ,  de  ne 
faire  qu'hurler  triftement ,  de  perdre  tout-à-fait  le  poil ,  &  d'être  auflî 
défagréable  à  la  vue  qu'au  toucher.  C'eft  ce  chien  dont  la  race  a  été 
tranfportée  en  Turquie  ,  où  on  la  multiplie  ;  ce  qui  l'a  fait  nommer 
improprement  chien  Turct 


G  HI  15'î 

Ceft  avec  M.  de  Buffon  qu'il  faut  fuivre  en  détail  toutes  ces  variétés 
occafionnées  par  les  climats  ,  l'abri ,  la  nourriture  ,  l'éducation  j  & 
voir  la  double  origine  des  raus  médjfes  ,  c'eft-à-dire  ,  produites  du 
mélange  de  ces  premières  variétés  occafionnées  par  l'influence  des 
climats.  Avec  quel  plaifir  ne  voit-on  pas  aufli  dans  fon  ouvrage  les 
gravures  des  variétés  des  chiens  les  plus  remarquables! 

Dïvïjion  des  Chiens, 

Ceux  qui  élèvent  des  chiens  pour  en  faire  commerce  ,  les  divifent 
en  trois  clafTes  ;  la  première  contient  les  chiens  à  poils  ras  ;  la  féconde, 
les  chiens  à  poils  longs  ;  &  la  dernière  clafle  ,  les  chiens  qui  nom  pas 
de  poils.  Il  n'y  a  dans  cette  claffe  que  le  chien  Turc  ;  cette  race ,  en 
s'accouplant  avec  les  chiens  à  poil ,  donne  des  chiens  Turcs  métis ,  qui 
ont  quelques  petites  boufFettes  de  poils  en  différentes  parties  du  corps» 

Les  chiens  à  poils  ras  font,  le  dogue  d'Angleterre  ou  le  bouledogue'^ 
c'eft  le  plus  hardi ,  le  plus  nerveux  &  le  plus  vigoureux  de  tous  les 
chiens.  Viennent  enfuite  le  doguin  d'Allemagne ,  forte  de  bouledogue 
de  la  moyenne  efpece  ,  &  le  petit  doguin  n'eft  pas  plus  gros  que  le 
poing. 

Le  grand  Danois ,  efpece  de  chien  très-belle  &  très  -  recherchée , 
qui  fe  plaît  à  fuivre  ou  précéder  les  chevaux  &  les  équipages.  On 
leur  coupe  les  oreilles ,  ainfi  qu'aux  Danois  de  la  petite  efpece  ,  pour 
leur  rendre  la  tête  plus  belle.  En  général  on  ôte  les  oreilles  à  tous 
les  chiens  à  poils  ras,  excepté  les  chien  de  chaJje.Uarlequin ,Iq  roquet ^ 
Vartois  font  des  variétés  du   chien  Danois. 

Le  grand  lévrier  à  poils  ras ,  &  qui,  mêlé  à  Vépagneul,  donne  le  lé- 
yrier  à  poils  longs  :  ces  lévriers  n'ont  point  de  nez  ;  mais  ils  ont  l'œil 
excellent i  ils  lancent  les  lièvres,  &  les  attrapent  à  la  courfe.  Le  lé- 
vrier de  moyenne  efpece  eft  du  même  ufage  ;  mais  celui  de  la  petite 
efpece  eft  très-rare  ,  très-cher  ;  &  on  ne  le  recherche  que  pour  fa 
figure  élégante ,  car  il  n'a  pas  même  i'inftinél  de  s'attacher  à  fon  maître. 
On  dit  que  l'on  voit  en  Efpagne  des  lévriers  qui  ont  un  nez  excel- 
lent ,  foit  que  ce  foit  la  différence  du  climat  qui  leur  donne  cette 
qualité ,  foit  qu'ils  viennent  des  chiens  dont  on  a  mélangé  les  races  ; 
car  il  eft  vrai  que  ces  lévriers  ne  font  pas  d'une  forme  aufli  élégante 
que  les  nôtres. 

La  fupériorité  de  la  fineife  de  l'odorat  dans  les  chiens  dépend  de 


1^2  CHI 

la  grandeur  de  la  "membrane  olfadoire ,  &:  de  l'exercice  continuel  que 
ces  animaux  font  de  cet  organe. 

On  dit  qu'on  fe  fert  dans  certains  pays  de  chiens  pour  découvrir  les 
truffes  ;  on  fouille  avec  certitude  dans  i'endrcit  où  Ton  voit  que  le  chien 
gratte  la  terre  en  aboyant  un  peu. 

Le  braque  ou  chien  courant  a  les  oreilles  longues  ,  pendantes  l 
l'odorat  excellent;  il  quête  devant  le  ChafL^ur  ,  il  voit  le  gibier  de 
l'odorat;  s'il  le  furprend,  il  fe  tient  en  arrêt ,  &  annonce  au  Chafleur 
l'endroit  où  elH'animal ,  &  même  fon  attitude  défigne  l'efpcce  d'animal. 
Les  chiens  courans  font  ordinairement  blancs ,  &  ont  des  taches  noires 
ou  fauves  fur  un  fond  blanc;  de  plus  ils  Ibnt  fufceptibles ,  en  qualité 
de  chiens  de  chalTe,  de  perfeârions  &  de  défauts  dans  la  forme  du 
corps,  qui  font  prefque  en  auffi  grand  nombre  que  ceux  des  chevaux 
de  mianege;  car  l'art  de  la  chafle  ell:  aufll  étendu  que  celui  du  manège. 
On  emploie  diverfes  manières  pour  élever  ces  chiens  pour  la  chafle 
du  cerf,  du  chevreuil  ou  pour  celle  de  la  plaine. 

Le  limier  eft  affez  fort;  c'eft  un  grand  chien  muet,  c'efl- à-dire,  qui 
n'aboie  pas ,  &  qui  fert  à  quêter  &  à  détourner  le  cerf.  Il  fert  auflî 
à  la  chalTe  du  fanglier  &  de  toute  efpece  de  groffe  bête ,  fur-tout  pour 
les  lancer  hors  de  leur  fort,  ou  pour  achever  de  les  tuer,  lorfqu'étant 
forcées ,  elles  fe  défendent  trop  bien  contre  les  chiens  de  meute. 

Les  baffas  font  bas  fur  pattes  ;  ceux  à  jambes  torfes  peuvent  être 
regardés  comme  des  rachitiqucs  ,  dont  l'efpece  s'eft  perpétuée.  Ces 
chiens  viennent  de  Flandres;  ils  font  bons  pour  la  chafle  des  animaux 
qui  s'enterrent,  tels  que  les  blaireaux,  renards  &  autres  ;  ils  donnent 
de  la  voix ,  &  quêtent  bien.  Ces  chiens  ont  les  pattes  concaves  en 
dedans,  ce  qui  leur  donne  beaucoup  d'avantages  pour  fouiller  dans 
la  terre  ;  on  les  nomme  aufli  chiens  de  terre. 

Les  chiens  à  poils  longs  font  les  épagneuls  de  la  grande  &  de  la  petite 
efpece.  Ils  ont  le  poil  lilTe ,  de  m.oyenne  longueur;  ils  font  d'autant 
plus  eftimés,  que  les  poils  des  oreilles  &  de  la  queue  font  longs  & 
foyeux.  Les  épagneuls  noirs  &  blancs  font  ordinairement  marqués  de 
feu  fur  les  yeux.  Les  épagneuls  chafîent  très  -  bien  ,  ils  donnent  de 
la  voix  ,  forcent  les  lapins  dans  les  broulfailles  ,  &  chaflent  le  nez 
bas.  JJépagneul  noir  ou  gredin  eft  tout  noir  :  on  appelle  pyrames  les 
gredins  qui  ont  les  fourcils  marqués  de  feu. 

Le  bichon  eft  une  efpece  de  chien  très-petit ,  qui  étolt  autrefois  à 

la 


h.  mode.  Il  étoit  û  petit ,  que  les  Dames  le  mettoient  dans  leur  manchon  ; 
tout  Ton  corps,  &  fur-tout  fa  tête,  étoit  recouvert  de  grandes  foies 
liffss  &  pendantes.  On  s'en  eft  dégoûté ,  apparemment  parce  que  ces 
animaux  à  poils  extrêmement  longs  font  toujours  mal -propres.  Ils 
font  devenus  Ci  rares,  qu'on  n'en  voit  plus.  Celui  qui  eft  gravé  dans 
THiftoire  Naturelle  de  M.  de  Buffon ,  l'a  été  d'après  les  miniatures  d'HiC^ 
toire  Naturelle  qui  font  à  la  Bibliothèque  du  Koi ,  ainfi  que  le  chim 
lion  ,  qui  ne  diffère  du  premier  que  parce  que  la  partie  poftérieure  du 
corps  eft  garnie  a^  poils  plus  courts ,  ce  qui  donnoit  à  cet  animal  une 
petite  relTembiance  avec  le  lion. 

On  dit  que  le  rnoj^en  de  conferver  dans  leur  état  de  petiteHe  cesj 
animaux  de  races  fi  mignonnes  ,  eft  de  leur  frotter  ,  lorfqu'ils  font 
encore  jeunes ,  l'épine  dn  dos  avec  de  l'efprit  de  vin ,  ou  quelque  huile 
ejOTentielle  acre  ,  &  de  ne  les  nourrir  que  très-fobrement. 

Le  chien  louy  eft- recouvert  d'un  poil  long,  doux,  loyeux;  le  chiew 
de  Sibérie  n'en  diffère  eue  parce  ciue  la  tête  de  ce  dernier  eft  garnie 
4*aulîî  longs  poils  que  le  reue  du  corps. 

Les  barbets  de  la  grande  ^'^ce  font  reconnoiffables  à  leurs  poils  frifés  ; 
ils  vont  très-bien  à  l'eau,  &  font  excellens  pour  la  chaffe  des  oifeaux 
aquatiques.  Les  barbets  de  la  petite  efpece  ne  vont  point  à  i'eau.  On 
dit  qu'en  générai  les  barbets  font  les  plus  attachés  de  tous  les  chiens  î 
on  a  des  exemples  furprenans  de  leur  fidélité  &  de  leur  inftinél. 

Il  y  a  des  chiens  qui  n'ont  'e  poil  ni  ras ,  ni  long;  ce  font  les  chien^ 
qu'on  appelle  Dogues  de  forte  race  ou  nos  chiens  de  Boucher.  Ce  font 
là ,  ainfi  que  les  dogues  d' Angleterre  &  les  bouledogues  ,  les  athlètes  du 
combat  du  taureau.  On  comprend  parmi  les  dogues  ,  ïalan  dont  on 
diftingue  trois  fortes  ;  i",  h' alan  gentil  qui  tire  furie  lévrier  :  2*.  UaLim 
de  boucherie  j  dont  les  Bouchers  fe  fervent  pour  conduire  leurs  bccufsr 
^"".Yxïalan  vautre^  qui  eft  une  race  de  mâtins,  propre  à  la  chaffe  de, 
Tours  &  du  fîinglier. 

On  nomme  chiens  des  rues  ceux  qui  reffemblent  à  tous  les  chiens  en 
général ,  fans  relfembler  à  aucun  en  particulier ,  parce  qu'ils  pro^ 
viennent  du  mélange  des  races  plufieurs  fois  mêlées, 

Lorfqu'on  fit  îa  découverte  du  Pérou  &  du  Mexique  .  on  y  trouva 

une  efpece  de  chien  domeftique ,  nommé  ^/co.  Cet  animal  a  les  mœurs 

douces,  le  fentiment ,  l'affedion ,  la  fidélité  du  chien  d'Europe,  &le 

même  attachement  pou;-  fon  inaitre,   Qn  en  diftingue  même  deux  &. 

Tioms.  Il»  ,  V 


i;4  ^  NI 

trois  e'pcces;  l'une  des  chiens  favoris,  chéris  des  Dames  Péruviennes. 
Ils  font  d'une  difformité  finguliere,  &  cependant  agréable.  Leur  dos 
eft  v.Hîté  &  un  peu  boiïïi.  On  diroit  que  leur  tête  fort  immédiatement 
de  leurs  épaules  ,  tant  leur  cou  eft  court.  Ils  font  de  la  grandeur  des 
petits  chiens  de  Makhe.  Ils  font  tachetés  de  jaune ,  de  blanc  &  de 
noir.  Toujours  bien  nourris,  bien  peignés,  bien  foignés ,  ils  font  gras, 
potelés  :  on  les  nomme  Michuacamns  ,  du  nom  de  leur  pays.  Ceux 
d'une  autre  efpece  ,  dtftinés  à  la  chaffe ,  reffemblent  allez  à  nos  petits 
chiens  ;  mais  ils  font  maigres  ,  ont  un  air  trifte  &  fauvage  :  on  les 
nomme  Techkhi.  Les  Américains  en  mangent  la  chair.  Enfin ,  ceux  de 
la  troifieme  efpece,  &  qu'on  appelle  Xoloï^icuïntli ^  font  les  plus  grands 
de  ces  chiens  Américains.  Souvent  il  a  plus  de  trois  coudées  de  lon- 
gueur; &  ce  qui  lui  eft  particulier,  c'eft  qu'il  eft  tout  nu  &  fans  poil: 
fa  peau  eft  douce ,  unie  &  marquée  de  taches  jaunes  &  bleues.  M.  dû 
Buffon  penfe  que  cette  «fpece  de  chiens  nus  du  Mexique ,  a  été  tranf- 
portée  en  Amérique ,  &  qu'elle  vient  des  pajs  des  Indes  &  des  pays 
les  plus  chauds  de  l'ancien  continent.  Le  nom  ClAIco  étoit  donné  aux 
mlchuacanms  &  aux  ttchichis  ;  &  il  peut  fe  faire  que  ces  animaux,  quoi- 
que de  race  en  apparence  très-  différente  de  celle  de  tous  nos  chiens, 
foient  cependant  ilTus  de  la  mcme  fouche.  Les  chiens  de  Laponie, 
de  Sibérie ,  d'Iflande  ,  &c.  ont  pu  palTer  comme  les  renards ,  les  loups, 
d'un  continent  à  l'autre  ,  &  fe  dénaturer  enfuite  comme  les  autres 
chiens  ,  par  le  climat  &  la  domefticité.  L'alco  à  cou  court  fe  rapproche 
du  chien  d'Iflande  ;  &  le  techichi  eft  peut  -  être  h  ch'un  crabe  de  la 
Guiane ,  ainfi  nommé ,  parce  qu'il  fe  nourrit  principalement  de  crabes 
&  de  cruftacées. 

Des  Voyageurs  ont  encore  parlé  de  quelques  autres  fortes  de  chiens^ 
tels  que  ceux  de  la  côte  d'Or,  du  Royaume  d'Ifligny,  des  chiens  jau' 
nés  de  la  Chine,  du  ch'un  maron  ,  animal  qui ,  félon  le  Père  le  Comte,' 
naît  aux  Indes ,  &  tient  également  du  chien  ,  du  loup  &  du  renard. 
Nous  n'en  citerons  pas  davantage;  ceux  qui  voudront  en  être  inftruits, 
pourront  confulter  la  Kynographie  de  Paulin ,  ouvrage  aftez  étendu. 

Les  Anglois  ont  fu  faire  une  branche  d'exportation  de  leurs  chiens 
de  chafle  ,  doués  d'un  odorat  très  -  fin  ,  &  nommés  par  les  chalTeurs 
chïins  de  race  royale  ;  ils  font  aufîî  commerce  de  leurs  dogues  ,  qu'ils 
font  combattre  les  uns  contre  les  autres,  pour  leur  donner  plus  de  nerf  & 
de  courage. 


C  H  ï  I  ;  f 

Les  clîîens  tranfportés  dans  les  climats  chauds ,  y  perdent  leur  ar- 
deur, leur  courage,  leur  fagacité  &  leurs  autres  talens  naturels;  mais, 
comme  fi  la  nature  ne  vouloit  jamais  rien  faire  d'abfolument  inutile , 
dans  les  mêmes  pays  où  les  chiens  ne  peuvent  plus  fervir  aux  ufages 
auxquels  nous  les  employons  ici,  on  les  recherche  pour  la  table;  or» 
les  conduit  au  marché  par  troupeaux,  comme  les  moutons ,  &  ils  s'y 
vendent  plus  chers  que  ces  animaux,  &  même  que  tout  autre  gibier. 
Le  Nègre  ne  trouve  pas  de  mets  plus  délicieux  qu'un  chien  rôti  . 
Les  Sauvages  du  Canada ,  qui  habitent  un  climat  froid ,  ont  le  même 
goût  que  les  Nègres,  pour  la  chair  du  chien.  Ce  goût  dépend- il  de 
.l'homme,  ou  du  changement  de  qualité  qui  arrive  à  la  chair  de  ces 
animaux  dans  les  climats  très-chauds  ou  très-froids  ?  Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'eft  que  dans  nos  climats  tempérés  la  chair  du  chien  eft  des 
plus  mauvaifes  à  manger.  Le  Père  Sabard ,  dans  fon  voyage  au  pays 
des  Hurons ,  en  mangea  ,  &  n'en  eut  pas  goûté  deux  fois ,  qu'il  en 
trouva  la  chair  bonne  &  d'un  goût  un  peu  approchant  de  celle  du 
porc.  Les  Péruviens  mangent  la  chair  de  ïako  dont  il  eft  fait  mention 
ci-deflus. 

On  emploie  les  peaux  de  chiens  dont  les  poils  font  longs ,  fins  & 
beaux ,  pour  diverfes  fourrures  ,  principalement  pour  des  manchons. 
Pour  donner  plus  de  relief  à  ces  fourrures  ,  on  leur  fait  imiter  ,  au 
moyen  de  différentes  préparations  ,  les  mouches  ou  les  taches  de  peau 
de  figre  &  de  panthère. 

Les  peaux  de  chiens  paflees  en  mégie  fervent  aufli  à  faire  de  gants 
pour  les  femmes.  Depuis  quelques  années  on  en  fait  ufage ,  pour  diffiper 
les  contractions  des  mains  ,  pour  adoucir  la  peau  de  cette  partie ,  & 
pour  en  foulager  les  démangeaifons.  On  fe  fert  encore  de  bas  de  peau 
de  chien  dans  les  mêmes  vues ,  &  dans  celle  de  fortifier  les  jambes  , 
&  d'en  prévenir  l'enflure  ,  l'engorgement  &  les  varices.  On  apprête 
auflî  en  gras  des  peaux  de  chien  dont  on  fait  des  pièces  d'eftomac  ,  que 
ks  Dames  appliquent  fur  leur  poitrine  pendant  la  nuit ,  pour  fe  rendre 
cette  partie  de  la  peau  douce  au  toucher ,  comme  élaftique. 

CHIEN  CRABE.  Dans  la  Guiane  on  donne  ce  nom  à  un  quadru- 
pède que  quelques-uns  regardent  comme  une  efpece  de  chien.  Sa 
figure  reflembie  un  peu  à  celle  du  renard.  Il  a  le  poil  du  chacal  9 
&  il  préfère  les  crabes  &  autres  cruftacées  à  toute  autre  efpece  de 
nourriture, 

V  z 


uS^  €KI 

CHIEN  DE  IVÏER ,  canîs  marinus  aut  gaUus,  On  donne  ce  nom  â 
"beaucoup  d'efpeces  d'animaux  de  la  mer ,  dont  les  plus  grands  font  mis 
au  nombre  des  cétacées  les  plus  forts.  En  général  le  chien  de  mer  eft 
un  cruel  animaî ,  l'ennemi  de  tous  les  vrais  poiflbns ,  qui  cèdent  à  fes 
coups  :  il  leur  fait  la  chaffe  à  force  ouverte  ;  il  foufRe  horriblement 
&  attend  fa  proie  clans  des  lieux  ferrés ,  encre  des  rochers  où  il  I3 
dévore. 

Le  chien  de  mer  eft  moins  de  l'ordre  des  poiiibns  à  nageoires  épi- 
neufes,  que  des  animaux  de  mer  à  nageoires  cartilagineufes.  Leur  genre  ^ 
auquel  Arudi  a  donné  le  nom  de  fqiialus ,  diffère  de  celui  à^s  raies 
par  la  form.e  aiongée  du  corps.  Les  animaux  de  ce  genre  ont  de  chaque 
côté  cinq  ouvertures  traniverfaies  pour  les  ouies.  Il  y  a  l'aguillat ,  la 
cagnot;  l'émifole,  le  lentillac,  le  méiandre ,  le  lequin  ,  la  rouiTette.' 
Le  chien  de  mer,  appelle  Inm'ie  &  carcharias ,  eft  le  même  que  le  re- 
cjuin.  Des  Naturaliites  ajoutent  à  ce  nombre  le  derbio  »  la  bonite  ,  la 
vache  marine ,  le  veau  marin ,  &c.  Le  Ledeur  pourra  juger  du  peu 
de  rapport  de  plufieurs  de  ces  animaux,  en  coniultant  chacun  de  ces 
înots.  Voye2  auili  celui  de  fquaii. 

Le  chien  de  mer  des  Provençaux  &  des  Languedociens ,  eft  raguil-" 
Jat  ;  fon  coips  eft  long  ,  fans  écailles  Z-i  cendré  ;  fa  peau  eft  rude;  fon 
dos  qui  eft  d'une  couleur  brune  cendrée  el;  garni  de  deux  aiguillons 
découverts ,  pointus  &  forts ,  où  tiennent  fix  nageoires  ;  fon  ventre 
eft  bîai>châtr8  7<î  m^oins  rude  que  le  lefte  du  corps  ;  fa  t^^te  fe  termine 
en  pointe  ,  fes  yeux  font  grands  ,  fa  gueule  eft  en-deifous,  faite  e.i 
demi-lune  &  toujours  ouverte  ;  elle  elt  armée  fur  les  côtés  de  deux 
files  de  bonnes  dents  :  il  a  deux  trous  au  lieu  d3  narines  ,  des  ouies 
découvertes  aux  côtés  comme  dans  les  poifTons  longs  &  car^ibghieuXs 
deux  nageoires  près  des  ouies  &  deux  autres  près  de  l'anus  ;  fon  corps 
Unit  p?r  une  queue  fourchue  dont  le  liant  eft  plus  long  que  le  bas.  lî 
a  l'eftomac  grand  &  large ,  le  foie  double ,  comme  tous  iss  chiens  de 
r.ier  ,  jaunâtre ,  t£  dans  lequel  eft  cachée  la  véficuîe  du  fiel.  La 
femelle  contient  des  ^e;irs ,  les  uns  parfaits  ^  d'autres  qui  fe  forment ,' 
§i  font  plus  gros  que  ceux  de  poule  ;  ils  adhérent  à  la  veine  ombili- 
cale. Ces  œufs  éclofent  dans  la  matrice ,  puif-]ue  les  petits  chiens  de 
jner  fortent  du  ventre  de  leur  mère  déjà  garnis  de  leurs  aiguillons,' 
d'abord  mous  «x  enfuite  durs.  La  chair  de  ce  vivipare  de  la  Médi- 
l^rsï^zU  eil  dure  ^  peu  efliœçe,  I^a  peau  de  chien  de  mer  §  ie  grajû 


fort  dur  ,   mais  moins  rond  que  celui  du  chagrin.  On  en  fait  ufage 
pour  polir  les  ouvrages  au  tour ,  en  menuiferie  &  autres.  On  en  couvre  ■ 
auiîi  des  boîtes  :  pour  empêcher  que  ces  peaux  ne  fe  retirent  après 
que  l'animal  en  eft  dépouillé  ,  on  les  tient  étendues  fur  des  planches  , 
quand  elles  font  fraîches. 

CHIEN-RAT.  Nom  donné  par  les  Hollandois  qui  habitent  le  Cap 
^e  Bonne-Efpérance  ,  à  Vichneumon,  Voyez  ce  mot, 

CHIEN  DE  TERRE,  royer  Zemni. 

CHIEN  VOLANT.  On  eft  fort  incertain  fi  cet  animal  n'efl  pa& 
fandiraguachu,  efpece  de  chauve  -  fouris  dune  grofieur  extraordinaire. 
Foyci  ces  mots,  M.  BriiTon  appelle  le  chien  volant  roujfctu  ,  &  en  fait 
un  genre  particulier ,  dont  le  caradere  eft  d'avoir  quatre  dents  inci- 
iîves  à  chaque  mâchoire ,  les  doigts  onguiculés ,  joints  enfemble  par 
une  memibrane  étendue  en  aile  dans  les  pieds  de  devant  ,  &  féparés 
les  uns  des  autres  dans  ceux  de  derrière.  Par  cet  expofé  ,  le  chien 
volant  diffère  de  la  chauve-fouris  par  le  nombre  &  la  figure  de  fes 
dents  ,  &  par  fon  mufsau  qui  eft  plus  alongé.  Il  y  a  le  chien  votant 
de  Ternate  ,  le  chien  volant  à  cou  rou^c  ,  &  le  ciiien  volant  de  la  Nouvellt 
EJpagne, 

La  première  efpece  eft  d'un  roux  jaune,  &  fe  trouve  dans  les  endroits 
les  plus  éloignés  des  deux  Indes  ;  elle  çft  fort  portée,  au  coït  :  la 
femelle  a  des  mamelons  afiez  approchans  de  ceux  des  femmes  qui 
îiourriiTent. 

La  deuxième  efpece  a  le  poil  du  corps  brunâtre  ,  o:  celui  du  cou 
ïougeâtre  ;  elle  fait  moins  de  peine  aux  hommes  q:ie  la  précédente  ; 
on  la  trouve  dans  file  de  Bourbow. 

La  troiiîeme  efpece  eft  très-rare ,  elle  habite  ies  lievix  déferts ,  &  en 
particulier  les  vieux  arbres  ;  on  la  trouve  à  Terre  -  Neuve.  Foye:^ 
TarticJe  Chauve-Souris. 

CHIENDENT  ,  gramcn.  On  diftingue  en  Botanique  x'bus  le  nom 
de  graminées  une  prodigieufe  quantité  de  gramens  ou  chiendents  •■^voyQZ 
l'article  Gp»aminées.  Ct^pendant  on  donne  plus  particulièrement  2^ 
fans  épithete  ce  nom  à  celui  qu  on  emploie  vulgairement  en  Phar- 
macie. Nous  ne  diftinguerons  que  deux  efoeces  de  chiendents  ,  fa  voir. 

Le  Chiendent  ordinaire  ,  gramen  oficin.  Cette  plante  eft  com»- 
mune  dans  les  terres  labourables  &  labourées  ;  fes  racines  font  blanches  ^ 
rampantes ,  nousufes  par  intervalles ,  épaiiTes  d'une  ligne  ou  çnvkon^ 


i  j  8  C   H  I 

d'une  faveui\douceatre  ;  fes  chaumes  ou  tiges  ont  deux  à  trois  pieds 
*  de  long  :  ils  font  droits,  noueux ,  garnis  de  quatre  à  cinq  feuilles  qui 
fortent  d'autant  de  nœuds  ,  &  qui  enveloppent  la  tige ,  larges  de 
trois  lignes,  terminées  en  une  pointe;  fes  tiges  portent  en  leurs  fommités 
des  épis  où  font  attachées  des  fleurs  à  étamines  :  fes  graines  font 
oblongues ,  brunes ,  approchant  de  la  figure   des  grains  de  blé. 

Le  Chien  dent  pied  de  poule  ,  gramen  daclylon.  Ses  racines  font 
vlvaces ,  femblables  aux  précédentes ,  fes  feuilles  plus  larges  ,  plus 
pointues  ,  fes  épis  plus  étroits  &  difpofés  quatre  ou  fix  enfemble  au 
haut  du  chaume,  en  manière  d'étoile  ou  d'un  pied  d'oifeau,  d'où  vient 
fon  nom.  Cette  plante  eft  connue  aux  environs  de  Paris  ;  on  en  trouve 
dans  l'île  Maquerdlc  ou  des  Cignes.  Elle  croît  abondamment  dans  les 
pays  méridionaux  de  la  France.  Sa  graine  eft  connue  fous  le  nom  de 
manne,  de  Pologne,  commue  celle  du  chiendent  flottant  eft  connue  fous 
le  nom  de  manne  de  Pruffe.  Voyez  ces  mots. 

Nous  nous  fervons  fréquemment  des  racines  du  chiendent  ordinaire 
dans  les  tifanes  ,  décodions  &  bouillons  apéritifs.  Les  racines  du  chien- 
dent, celles  du  fenouil,  du  perfil ,  de  la  garance,  &  du  petit  houx, 
font  les  cinq  racines  apéritives.  Nous  difons  que  la  racine  du  chiendent 
eft  le  principal  ingrédient  de  la  tifane  ordinaire  des  malades  ;  de  celles 
qu'ils  fe  prefcrivent  eux-mêmes  fi  généralement,  que  c'eft  prefque  une 
même  chofe  pour  le  peuple  qu'une  tifane  ou  une  légère  décodion  de 
chiendent  rendue  plus  douce  par  l'addition  d'un  petit  morceau  de  réglifle. 
On  fait  auflî  quelque  ufage  du  chiendent  dans  les  Arts  :  les  Vergetiers 
font  avec  celui  de  Provence  des  brofles  ou  vergettes.  Ils  dépouillent 
auparavant  ces  racines  de  leurs  écorces ,  ils  en  font  des  paquets  qu'ils 
foulent  fous  les  pieds  ,  ce  frottement  fépare  les  branches  douces  & 
fines  de  la  mère  racine  :  on  appelle  celle-ci  chiendent  de  France ,  &  les 
rameaux,  barbe  de  chiendent, 

Lorfque  les  chiens  fe  fentent  malades ,  la  nature  les  invite  à  manger 
les  feuilles  du  gramen ,  qui  les  purge  &  les  guérit.  Par  quel  inftinél 
les  animaux  favent-ils  tous  diftinguer  leurs  remèdes  ?  &  par  quelle 
forte  de  fatalité  les  hommes  policés ,  qui  prétendent  que  l'efprit  eft 
fupérieur  à  l'inftinct ,  n'ont-ils  pas  ce  même  avantage  ? 

Il  y  a  une  efpece  de  chiendent  furnommé  brife-os  ;  Anthericum 
ojjïfragum^  Linn.  Thomas  BarthoUn  eft  le  premier  qui  ait  connu  ce 
gramen.  Il  a,  dit-on,  la  propriété  d'amollir  les  os  des  animaux  qui 


C  H  ï  I  y^ 

en  mangent ,  à  un  tel  point  qu'ils  plient  comme  s*lls  étolent  rompus, 
d'où  lui  eft  venue  fon  épithete. 

CHIENDENT  MARIN.  Nom  donne'  à  une  efpece  de  fucus  qui 
reflemble  à  la  barbe  de  la  baleine,  Ceft  Vyachan^a  des  Kamtfr 
chadales. 

CHIENDENT  FOSSILE.  Ceft  Vamlante, 

CHINCAPIN  DES  Anglois.  Ceft  un  châtaignier  de  Virginie  , 

dont  les  feuilles  font  affez  femblables  à  celles  de  nos  châtaigniers.  Il 

porte  des  fruits  qui  reffemblent  à  de  petits  glands  de  chêne  vert ,  &: 

qui  font  renfermés  dans  une  capfule  très-épineufe.  Ces  arbres  ne  font 

que  languir  en  France ,   &  viennent  aufli  fort  mal  en  Angleterre  ;  mais 

ils  grandiflent  promptement  &  portent  de  beaux  fruits  dans  leur  pays 
natal.  Foy&:i  Châtaignier. 

CHINQUEIS.    Foyci  à  Cartkk  Chit-se. 

CHINQUIS.  Nom  tiré  de  la  langue  Chinoife,  &  donné  par  M, 
de  Bu^on  à  un  oifeau  nommé  par  M.  Bri[fon ,  le  Paon  du  Thibet,  Il 
eft  de  la  grofleur  d'une  pintade;  l'iris  de  fes  yeux  eft  jaune,  fon  bec 
cendré,  fes  pieds  gris,  le  fond  de  fon  plumage  eft  cendré  ,  varié  de 
lignes  noires  &  de  points  blancs.  Ce  qui  fait  fon  ornement  principal 
&  diftindif ,  ce  font  de  belles  &  grandes  taches  rondes  ,  d'un  bleu 
éclatant ,  changeant  en  violet  &  en  or  ,  répandues  une  à  une  fur  les 
plumes  du  dos  &  les  couvertures  des  ailes  ;  deux  à  deux  fur  les  pennes 
des  ailes,  &  quatre  à  quatre  fur  les  longues  couvertures  de  la  queue, 
dont  les  deux  du  milieu  font  les  plus  longues  de  toutes  ,  les  latérales 
allant  toujours  en  fe  raccourciflant  de  chaque  côté  :  l'on  ne  fait  rien 
de  fon  hiftoire ,  pas  même  s'il  fait  la  roue  en  relevant  en  éventail  fes 
belles  plumes  chargées  de  miroirs ,  de  même  que  fait  le  paon. 

CHIPEAU  ,  prepcra.  Nom  donné  à  une  efpece  de  canard  dont 
WïLLu2.hhy  a  parié. 

CHIQUES  ou  POU  DE  PHARAON.  Petits  infedes  redoutables 
dans  les  îles  Antilles ,  ils  fe  rencontrent  ordinairement  dans  les  lieux 
fecs,  poudreux  ou  mal -propres;  ils  ne  font  guère  plus  gros  que  les 
cirons ,  &  reffemblent  à  de  petites  puces  ;  ils  ne  fautent  pas  comme 
elles  ,  n'ayant  prs  le  même  reffort  dans  les  pattes ,  &  c'eft  un 
grad  bonheur.  Ils  s'introduifent  à  la  manière  des  cirons  dans 
îa  chair  ,  &  caufent  enfuite  des  démangeaifons  douloureufes  & 
infupportables,  Les  chiques  s'attachent  d'ordinaire ,  &  par  préférence , 


î  1^0  à  H  i 

au-deiTous  &:  au-deffus  des  ongles  des  pieds,  fe  cachent  entîéremenf 
dans  la  chair ,  y  fucent  le  fang,  &  y  acquièrent  en  trois  jours  beaucoup 
d'embonpoint.  Ils  s'y  pratiquent  uneefpece  de  nid  formé  d'une  tunique 
blanche  &  déliée  ,  qui  a  la  figure  d'une  perle  plate  ,  &  de  la  grofleur 
d'un  petit  pois.  Chacun  d'eux  fe  tapit  danses  petit  efpace,  de  façon 
que  fa  tête  &  (gs  pieds  fe  trouvent  tournés  vers  l'extérieur  ;  de  forte  que 
pour  les  tirer  ,  il  faut  cerner  ^  fcariiier  la  chair  tout  autour  ,  ce  qu'on  ne 
peut  faire  fans  douleur.  Ce  n'eft  pas  là  le  feul  inconvénient  ;  lorfqua' 
la  chique  eft  tirée,  il  refte  un  trou  qui  quelquefois  s'apofthume  & 
dégénère  en  un  ulcère  malin  qu'il  ePc  dinicile  de  détruire  &  de  guérir  ,' 
fur-tout  quand  en  arrachant  la  chique ,  il  en  refle  une  partie  dans  le 
trou.  Si  on  ne  fe  hâte  pas  de  fe  débarrafler  de  ce  cruel  animal  ,  il 
remplit  bientôt  le  trou  de  lentes  ou  œufs ,  defquels  viennent  autant 
de  chiques,  qui  toutes  s'établifient  près  du  lieu  de  leur  naifiance,  ce 
qui  fait  qu'il  s'en  amafîe  par  centaines ,  qui  endommagent  tellement 
les  pieds ,  qu'on  efl  contraint  de  garder  le  lit ,  ou  tout  au  moins  de 
marcher  avec  un  bâton.  Ceux  qui  ont  foin  de  fe  laver  fouvent  Se 
de  fe  maintenir  proprement  ^  craignent  peu  cette  fâcheufe  incom- 
modité. 

La  chique  n'efl  pas  feulement  antropophage  ,  elle  attaque  encore  les 
chiens ,  les  chats,  même  les  finges.  L'antidote  le  plus  sûr  pourfe  garandc 
de  ces  fortes  d'infedes ,  eft  de  fe  frotter  les  pieds  avec  des  feuilles  de 
tabac  broyées  &  d'autres  herbes  acres  de  ameres  ;  le  roucou  eft  leur 
poifon;  la  pommade  m.ercurielle  pourroit  être  auffi  de  bon  ufage.' 
Les  tous  des  Brafiiiens  &  les  ningas  des  Indiens  font  aulli  des  chiques; 
'Au  contraire  les  chiques  qui  attaquent  les  enfans  dans  la  Mifnie  font 
de  véritables  clragonricau^,   f^oye^  à  VarticU  Crinons. 

CHIRI.  On  doane  ce  nom  en  Malabar  au  mancvoufte  ou  ichneumoni 
Voyez^  Ichneumon. 

CHIRIMOYA.  Fruit  du  Pérou,  de  l'efpece  qu'on  nomme  dansle^ 
Iles  Françoifes  pomnu  de.  candie.  Voyez  es  mo::.  Mais  celui  du  Pérci< 
eft  beaucoup  plus  agréable  ,  &  on  lui  donne  communément  la  préfé- 
rence fur  l'ananas.  M.  de,  la  Condamine  dit  que  le  goût  en  eft  facré 
S:  vineux  ;  la  grolTeur  &  la  figure  approchent  de  celles  de  nos  pommes 
pointues  d'Europe  :  la  peau  eft  v^erdâtre  &;  comme  brodée  de  com- 
partimens  écailleux.  Sa  chair  eft  blanche ,  mollaflTe,  parfemée  de  filandres," 
§c  contenant  des  femençe§  oblongues  &  applaties,  Ce  fruit  croît  fur  un 

arbre 


C  H  I  i<?i 

arbre  haut  &  touffu  ;  fa  fleur  eft  à  quatre  pétales ,  d'une  odeur  très- 
agréable  &  d'un  vert  brun. 

CHIRITE.  Nom  donné  à  un  ftaladite  qui  imite  une  main,  Foye^ 
Staladite. 

CHIRONS.  Foyei  Ver  des  Olives. 

CHIRURGIEN  (le).  Voyei  à  CankU  Jacana. 

CHIT-SE.  Arbre  des  plus  eftimés  à  la  Chine  pour  la  beauté  &  la 
bonté  de  fon  fruit.  Cet  arbre  eft  auiîî  gros  qu'un  noyer  ,  &  fe  trouve 
abondamment  dans  les  Provinces  de  Chantong  &  de  Kouang.  Les 
fruits  font  comme  étranglés  par  le  milieu  ;  ils  confervent  leur  fraîcheur 
pendant  tout  l'hiver  :  la  grolîeur  de  ceux  qui  font  réputés  bons  & 
mûrs  ,  égale  celle  des  oranges.  La  chair  en  eft  rougeâtre,  d'une  faveur 
douce,  mêlée  d'an  peu  d'âpreté  qui  fait  plaifir ,  &  lui  donne  une  vertu 
aftringente  &  falutaire  :  ces  fruits  qui  contiennent  trois  ou  quatre 
noyaux  pierreux  ,  mûriffent  rarement  fur  l'arbre  :  on  les  "ceuille  en 
Automne,  &  on  les  met  fur  de  la  paille  ou  fur  des  claies  où  ils  achèvent 
de  mûrir.  Ce  détail  ne  convient  qu'au  ch'u-fe  cultivé ,  car  celui  qui 
eft  fauvage  (le  fe-(/e)  a  un  tronc  tortu  ,  les  branches  entrelacées  de 
épineufes  :  le  fruit  n'en  eft  pas  plus  gros  qu'une  pomme  rofe  de  la  petite 
efpece.  Les  Arboriftes  Chinois  font  des  éloges  magnifiques  de  ces 
arbres  :  les  plus  modérés  lui  reconnoiffent  fept  avantages  confidérables; 
1°.  de  vivre  long-temps  &  de  produire  conftamment  des  fruits  ;  2°.  de 
répandre  au  loin  une  belle  ombre;  3°.  de  n'avoir  point  d'oifeaux  qui 
y  faffent  leurs  nids;  4,°,  d'être  exempts d'infeéles  ;  5".  d'avoir  des  feuilles 
agréablement  panachées  à  la  fuite  d'une  gelée  blanche  ;  6°.  d'engraiffer 
la  terre  avec  fes  feuilles ,  comme  feroit  le  meilleur  fumier  ;  7°.  enfin  , 
de  produire  de  beaux  fruits  &  d'un  goût  exquis. 

On  prépare  ces  fruits  en  en  ôtant  les  pépins,  on  les  applatit,  &  oii 
les  fait  fécher  au  foleil ,  afin  qu'ils  fe  candillent  ;  voye^  U  détail  qu'en 
donne  U  P&r&  <^'Entrecolles ,  dans  Us  Lettres  Edifiantes ,  tom.  24.  Le 
chit-fe  feroit-il  le  chi-ku  des  Chinois  &  le  chinqueis  des  Manilles.  Voy^ 
le  Dïcl'ionnaïre  des  Voyages. 

CHIVEF,  en  langue  Syriaque  fignifie  un  figuier  \  on  rencontre 
cet  arbre  aux  Indes  dans  fîle  de  Zipangu;  fes  feuilles  font  rondes  & 
fort  vertes  ;  fon  fruit  gros  comme  un  bon  melon  ,  eft  de  couleur 
jaune  fafrané ,  d'un  goût  exquis ,  fe  fondant  dans  la  bouche  ;  il  contient 
des  femences  femblables  à  celles  du  concombre  :  ce  fruit  eft  peétoral 
Tome  II,  X 


1^2  CHÔ 

&  rafraîchifTant  :  tout  Farbre  a  quelques  rapports  avec  \q  papayer»  Voy. 
ce  mot. 

CHOASPITES.  Voyez  à  l'article  Chryfoberil, 

CHOCOLAT.    Foyei  à  la  fuite  du  mot  Cacao. 

CHON-KUI.   Voyez  Chiingar. 

CHOU.  Efpece  de  coquillage  bivalve  de  la  famille  des  cœurs,  Voy,, 
ce  mot.  Ce  chou  eft  à  côtes  groflTes  &  ftriées  ,  longitudinales  ,  tachetées 
par  intervalles  de  pourpre,  6c  chargées  de  tuiles  peu  Taillantes  :  fes  bords 
font  profondément  dentelés.   Il  y  en  a  de  parfaitement  blancs. 

CHOU  ,  hnijfica.  Plante  réputée  tenir  le  premier  rang  entre  les 
herbes  qu'on  mange,  &  que  les  Anciens  avoient  en  (i  grande  vénération  a 
qu'au  témoignage  de  Finie,  Chryfppc  ,  Pythagore ,  &  fur-tout  C^^ow, 
avoient  écrit  plufieurs  volumes  fur  fes  facultés.  On  diftingue  plufieurs 
efpeces  de  choux  d'ufage  en  cuifine  &  en  Médecine ,  dont  nous  ferons 
mention  ci-après.  Les  choux  en  général  ont  des  fleurs  en  croix,  &  ne  fe 
perpétuent  que  de  graines  qu'il  faut  laifler  fécheraux  montans  que  l'on  a 
coupés,  &c.  qu'il  faut  enfuite  vanner  &  ferrer  pour  l'année  fuivante. 

CHOUAN.  Efpece  de  femence  inconnue ,  aflez  femblable  au  femen 
contra  ,  un  peu  plus  nourrie  ,  d'un  vert-jaunâtre,  d'un  goût  légèrement 
aigrelet  :  on  l'apporte  du  Levant.  Quelques  perfonnes  la  font  entrer 
dans  la  compofition  du  carmin.  On  donne  aufli  le  nom  de  chouan  au 
poifîon  appelle  meunier.  Voyez  ce  mot. 

CHOU  BLANC  ou  CHOU  BLOND ,  hraffica  alha  vulgaris.  Sa 
racine  efl:  fibreufe  ,  &  pouffe  une  tige  garnie  de  feuilles  arrondies  ,  d'un 
vert-rougeâtre,  tendres,  dentelées  en  quelques-uns  de  leurs  bords, 
remplies  de  nervures  qui  s'entrelacent ,  attachées  à  des  queues  longues  : 
fes  fleurs  font  blanches ,  en  croix  ,  compofées  de  quatre  pétales  ;  à 
ces  fleiu's  fuccedent  des  filiques  longues  garnies  dans  leur  intérieur  de 
graines  arrondies  :  toute  la  plante  blanchit  en  croiflant  &  acquiert 
une  certaine  couleur  bleuâtre ,  verdâtre  :  ce  qui  le  fait  auflî  appeller 
§hou  vert ,   chou  commun. 

Le  chou  fupporte  l'hiver  :  au  commencement  du  printemps  les  gens 
délicats  eftiraent  fort  fes  jeunes  poufies  dans  la  falade  ;  les  feuilles  de 
choux  rouges  &  mûrs  font  en  ufage  dans  la  Médecine  ;  celles  des  choux 
blancs  ne  fervent  guère  qu'en  cuiiine.  La  décodion  pure  de  chou  eft 
fort  dégoûtante  &  puante  :  auflî  quand  un  chou  pourrit  dans  la  terre  , 
il  fépand  une  grande  infe<Sion,   De  tous  les  temps  les  Jardiniers  ont 


C  H  (5  ~t  (f  j 

cultivé  les  choux  ]  les  Anciens  les  ont  regardés  comme  une  panacée 
végétale.  On  dit  que  les  Romains  ne  fe  font  fervis  que  de  chou  pendant 
Cx  cents  ans  dans  toutes  leurs  maladies.  Le  chou  fut  le  fpécifique 
de  Caton  pour  garantir  fa  famille  de  la  pefte.  Aujourd'hui  le  riche  ôc 
le  pauvre  ,  &  prefque  tous  les  gens  de  la  campagne  ,  fur -tout  les 
Hollandois  &  les  Allemands,  en  font  un  très-grand  ufage ;  en  Béarn 
il  n'eft  peut-être  pas  un  feul  habitant  qui  n'en  mange  une  fois  par  jour, 
La  garbure  de  ce  pays  eft  un  potage  aux  choux  &  aux  cuiffes  d'oies , 
ou  au  lard ,  qu'on  fert  régulièrement  à  fouper  fur  toutes  les  table?. 
L'on  peut  cependant  conclure  des  rapports  défagréables  que  le  chou 
excite,  que  cette  plante  eft  difficile  à  digérer  &  ne  convient  qu'aux 
eftomacs  des  perfonnes  qui  font  un  grand  travail  de  corps.  Nous  avons 
déjà  dit  que  les  feuilles  tendres  du  chou  blanc  font  plus  exquifes  que 
celles  du  rouge  ;  le  chou  -  fleur  eft  plus  agréable  ,  plus  délicat  :  la 
•qualité  particulière  du  chou  rouge  ,  eft  de  faciliter  l'expectoration. 
Les  Médecins  diftinguent  des  vertus  contraires  dans  les  différentes 
parties  du  chou  ;  fon  fuc  a  la  propriété  de  lâcher  le  ventre ,  &  fa 
fubftance,  qui  eft  aftringente,  de  le  relTerrer  :  c'eft  de-là  qu'eft  venu 
ce  proverbe  de  l'Ecole  de  Salerne  :  jus  caulis  folvit  ,  aijus  fuh^antia. 
jîringk. 

On  lit  dans  la  matière  médicale  ,  après  une  longue  énumération 
des  propriétés  merveilleufes  du  chou  ,  que  quelques  Prédicateurs  & 
quelques  Muficiens  boivent  fouvent  de  la  décoélion  du  chou  rouge 
avec  des  raifins  fecs  ,  pour  fe  guérir  de  l'enrouement  qui  furvient  quand 
on  a  beaucoup  parlé,  &  pour  fe  conferver  la  voix.  Le  choucraut  ou 
favcr-kraut,  efpece  de  mets  fi  ufité  en  Allemagne  ,  n'eft  autre  chofe  que 
du  chou  porté  par  une  fermentation  ,  à  laquelle  on  l'a  difpofé  dans 
cette  vue  ,  à  l'état  acéteux  ou  acide. 

CHOU  CARAÏBE  DES  AMÉRICAINS.  Cette  plante  n'eft  poinc 
un  chou  ;  elle  reffemble  à  )^arum  ou  pied  de  veau  d'Amérique  ,  & 
répond  parfaitement  à  la  colocafu  d'Egypte.  Ses  feuilles  ont  du  rap- 
port avec  celles  de  la  grande  ferpentine  ;  fa  tige  eft  haute  de  trois  à 
quatre  pieds  ;  fes  fleurs  de  couleur  purpurine  :  il  s'élève  de  leur  ca- 
lice un  piftil  qui  devient  un  fruit  femblable  à  celui  de  l'arum  ;  fa 
femence  vient  rarement  à  maturité  \  fa  racine  eft  groffe  ,  rougeâtre 
en  dehors  ,  jaunâtre  en  dedans,  charnue  ,  bonne  à  manger ,  d'un  goût 
de  châtaigne  &  d'une  odeur  douce,  Son  fruit  eft  aftringent ,  propre 

X   2 


1(^4  C  H  O 

pour  la  dyflenterie:  on  mange  fes  feuilles  &  fes  racines  dans  la  foupe. 
Le  chou  caraïbe  croît  aux  Indes  Orientales ,  dans  le  Levant  ,  &  en 
plufieurs  contrées  de  l'Amérique  où  on  le  cultive  pour  fervir  de  nour- 
riture aux  efclaves.  Aux  îles  de  France  &  de  Bourbon  on  l'appelle 
fongo.  Voyei  CoLOCASiE. 

CHOU  DE  CHIEN.  Voyei  nu  mot  Mercuriale. 

CHOU  DU  COCOTIER.  Voye^  à  Vamch  Coco. 

CHOU  COLSA.  Voyti  CoLSA. 

CHOU-FLEUR  ,  braffica  cauli  -fiora.  Ses  feuilles  font  amples,  lon- 
gues 5  étendues  ,  de  quatorze  à  feize  pouces  ,  plus  longues  &  plus 
étroites  que  celles  du  chou  pommé  blanc ,  d'un  vert  clair,  quelquefois 
mêlé  de  bleu  ,  traverfées  de  nervures  blanchâtres  ,  un  peu  dentelées 
à  leur  bord ,  d'efpace  en  efpace.  Les  feuilles  du  centre  fe  ramafTcnt 
&.  forment  une  tcte  ,  mais  plus  molle  &  moins  ferrée  que  dans  les 
autres  choux  pommés.  Du  milieu  de  ces  feuilles  s'élèvent  beaucoup 
de  tiges  chargées  d'un  amas  de  fleurs  naifiantes,  commie  par  bouquets. 
Ces  tiges  font  épaifies ,  blanches ,  molles  ,  agréables  au  goût,  &  fort 
bonnes  à  manger.  Si  on  les  laifîe  pouffer  jufqu'à  une  hauteur  conve- 
nable ,  elles  portent  des  fleurs  &  des  flliques,  comme  dans  les  autres 
choux;  mais  la  graine  ne  réuflit  guère  en  France  ;  il  faut  en  faire  venir 
du  Levant.  Les  Jardiniers  attachent  ordinairement  avec  quelques  liens 
en  rond  ,  les  feuilles  qui  entourent  la  tête  ou  pomme  de  chou-fleur, 
afin  de  les  conferver  long-temps  en  cet  état  &  les  empêcher  de  monter 
en  graine  ;  fi  l'on  coupe  ces  têtes  fans  en  arracher  les  troncs,  il  re- 
poulTe  de  petits  rejetons  que  l'on  fait  paffer  pour  les  brocolis  ,  efpece 
de  choux  exquis  que  l'on  cultive  en  Angleterre  &  en  Italie  ,  & 
dont  on  mange  les  feuilles  avec  la  \iande ,  èc  fur- tout  en  faîade 
chaude. 

•  CHOU  FRISÉ  BLANC  ,  braffica  alba  crifpa.  Ses  feuilles  font 
Tondes  ,  ridées  ,  comme  véficulées  ,  de  couleur  jaune-verdâtre  ;  tra- 
verfées de  côtes  ,  &  attachées  à  des  queues  courtes  ;  elles  fc  ramaf- 
fent  en  haut  &  forment  aulFi  une  tête  ronde  ,  petite  &  blanchâtre. 
■Sa  fleur  efl:  jaune  ,  formée  en  croix  ,  &  porte  auflî  des  filiques 
remplies  de  graines. 

.  CHOU  MARIN  SAUVAGE  D'ANGLETERRE  ,  crambc  maritima. 
Cette  plante  ,  qui  fe  trouve  auflî  aux  lieux  maritimes  en  Angleterre, 
a  des  feuilles  à-peu-près   comme   celles  du  chou  ,  frangées  ,  pliflees 


C  HO  i(?^ 

par  ondes ,  &  d'un  afpeâ:   plus  agréable  ,  d'un  aflez  bon  goût  ;  fes 
•fleurs  font  auflî  en  croix  ;  il  leur  fuccede  des  fruits  ou  coques  fili- 
queufes ,  ovales ,  d'une  matière   fpongieufe ,  contenant  une  femence 
oblongue  ;  cette  plante  cft  vulnéraire  &  vermifuge. 
CHOU  DE  MER.  Efpece  de  liferon.  Voyi^  Soldanelle. 

CHOU  PALMISTE.  Voyi^  Palmiste. 

CHOU  POMMÉ    BLANC  ,   brajjica    caphata  alba.  Sa   racine  eft 
fibreufe ,  pouffant  une  tige  bafle ,  mais  groffe  &  couverte  d'une  écorce 
épaiiTe  ,  remplie  d'une  fubftance  moelleufe  ,  d'une  faveur  acre,  tirant 
fur  le  doux.  Les  premières  feuilles  qui  fortent,  font  d'un  gris-bleuâtre, 
amples,  peu  découpées  &:   ondées  ,   garnies    de  côtes  &  de  nervures 
épaifles  ,  portées  fur  de  longues  &  groffes   queues  ;  en  arrachant  les 
feuilles  du  bas  ,  il  refle  toujours  à  la  tige  l'impreflion  de  leur  adhé- 
rence. Les  feuilles  d'en  haut  s'approchent ,  s'embraflent ,  s'emboîtent 
&  fe  compriment  fî  fortement  en  s'enveloppant ,  qu'elles  forment  une 
grofle  tête  ,  arrondie  ,  malîîve  :  on  en  voit  dans  la  Flandre,  qui  pe- 
fent  jufqu'à  quarante  livres.  Les  feuilles  intérieures  ,  à  mefure  qu'elles 
s'éloignent  de  la  circonférence,  perdent  leur  couleur  verte-bleuâtre, 
&  deviennent  blanches.  Les   Jardiniers  coopèrent  à  faire  pommer  le 
chou  ,  pour   le  rendre  blanc  &  bon  ,  en  liant  toutes  les  feuilles  en- 
femble.  Au  commencement  du  printemps,  on  replante  le  chou  pommé 
afin    d'avoir  de  la  graine;  fa  tête  s'ouvre,  &  il   fort  de  fon  milieu 
une  tige  haute  ,   chargée  de  fleurs  jaunes  en  croix  ,    dont   le  piftil 
■fe  change   en  une  filique   longue  ,  remplie   de  graines   arrondies  ôc 
noirâtres. 

CHOU  POMMlL  ROUGE  ,  bmffica  capltata  rubra.  On  le  nomme 
aulîî  chou  cabus  ronge  ;  il  eft  femblable  au  précédent  ,  à  l'exception 
de  la  couleur  ;  fes  feuilles  font  bigarrées  d'un  pourpre  foncé  ,  mé- 
langé de  vert;  les  côtes  &  les  nervures  font  lougeâtres;  elles  fe  ra- 
maffent  en  pomme  ;  les  fîèurs  en  font  jaunes  :  ce  chou  réfifte  à  la 
gelée  de  1  hiver. 

CHOU  ROUGE  ,  braffica  rubra  .vulgaris.  Ceft  l'efpece  de  chou 
la  plus  haute;  elle  monte  quelquefois  à  la  hauteur  d'un  petit  arbre, 
&  dure  plufieurs  années  ,  fur-tout  lorfqu'on  la  cultive.  Sa  tête  eft  grofle 
&  s'élève  communément  à  la  hauteur  de  cinq  à  fix  pieds  ;  elle  eft  d'un 
pourpre  foncé,  raboteufe  en  fa  bafe  ,  rameufe  ;  fes  feuilles  larges, 
:  longues ,  ceintes  d'un  xouge  obfcur ,  mêlé  de  bleuâtre  &  nerveufes , 


1(^(5'  C  H  (5 

font  placées  fans  ordre  Se  écartées.  Ses  fleurs  font  jaunes  ,  attachée^ 
à  des  branches  droites  ;  il  leur  fuccede  des  filiques  longues  de  cin^ 
doigts,  &  qui  contiennent  des  graines  roufTes,  arrondies. 

CHOUCAS  ou  CHUCAS.  Efpece  de  petite  corneille  grife  ,  qui 
a  à-peu-près  la  même  manière  de  vivre  que  le  ^rolU  ou  freux  , 
autrement  appelle  corneille  des  bois.  Le  choucas  a  le  bec  &  les  pieds 
noirs ,  fait  fes  petits  au  printemps  ,  vole  en  troupe  &  i^'apprivoife 
facilement  ;  niais  lorfqu'il  eft  nourri  en  cage ,  mais  fin  ,  rufé ,  inventif 
&  difficile  à  prendre  quand  il  eft  grand.  Il  ne  vit  point  de  charogneS/j 
il  fe  nourrit  de  graines  ,  de  glands  ,  de  fauterelles  &:  de  vers. 

CHOUCAS  -  CHOUCETTE  ,  monednUu  Ceft  la  plus  petite  de 
toutes  les  efpeces  de  corneilles  :  on  la  nomme  choucas  ,  de  fon  crî. 
Cet  oifeau  a  beaucoup  de  rapport  avec  la  corneille  vulgaire  ;  la  façon 
de  vivre  &  la  voix  font  peut-être  les  feules  diftinâions  de  ces  deux 
fortes  d'animaux.  Le  choucas  a  les  pieds ,  le  bec  &  tout  le  corps  d'un 
noir  un  peu  moins  foncé  que  dans  le  corbeau  &  la  corneille  ;  il  va 
toujours  en  troupe  ;  il  approche  rarement  des  rivières  :  il  fréquente  en 
grand  nombre  les  vieux  châteaux ,  ainfi  que  les  églifes  &  les  bâti- 
mens  ruinés.  Cet  oifeau  fait  fon  nid  dans  le  creux  des  arbres  &  des 
muraille^  ;  il  pond  cinq  à  fix  œufs  plus  petits  ,  plus  pâles  &  plus 
marquetés  que  ceux  de  la  corneille  ;  il  mange  beaucoup  de  grain  ;  & 
quand  il  eft  raflafié  ,  il  cache  le  refte  en  terre  ;  il  aime  également  à 
friponner  &  à  cacher  les  monnoies  d'or  &  d'argent:  aufli ,  dit-on  en 
françois  ,  fripon  comme  une  chouette  (  diminutif  de  choucette  )  ,  ce  qui 
eft  confirmé  par   ces  vers  d'Ovide  ; 

Afutata  ejh  in  avem  ,    ^uts  nunc  quoque  dillgit  aurum  , 
Nigra  pedes  ,  nigris  veluta.  monedulu  pennis. 

Le  choucas  du  Cap  de  Bonne- Efpcrance  eft  d'un  noir  verdâtre  & 
a  fix  grandes  foies  noires  ,  trois  fois  plus  longues  que  fon  bec. 

Le  choucas  à  collier  ,   monedula  torquata  ,  fe   trouve  en  Suifîè  ,  & 

reffemble  d'ailleurs  à  la  .chouette.  Il  y  a  aulfi  le    choucas  entièrement 

,  blanc  ;  le  choucas  noir;  celui  qui  eft  noirâtre  &  qui  habite  les  AlpeîSi 

.celui  des  Philippines  eft  d'un  noir  verdâtre  ,   ainfi  que  celui  du  Cap 

de  Bonne-Efpérance  ;  le  choucas  de  couleur  pourpre  eft  la  pie  de  la. 

Jamaïque, 

pHOUCAS  ROUGE  ou  CORBEAU  ROUGE,  coriacw.  Ce  nom 


'S-.i 


C  H  O  I  (?7 

feul  défigne  fa  différence  d'avec  le  précédent  ;  il  a  effedlvement  le 
bec  ,  les  pieds  &  les  jambes  d'un  rouge  orangé  ,  le  bec  un  peu  cro- 
chu ;  il  eft  plus  grand  &  fort  criard  :  il  paroît  peu  en  rafe  campagne  ; 
on  ne  le  voit  guère  que  fur  le  haut  des  montagnes  des  îles  Cyclades  , 
de  Cornouailles,  d'Auvergne,  quelquefois  en  Bretagne  ;  plus  commu- 
nément fur  le  mont  Jura.  Sa  chair  eft  d'afTez  bon  goût. 

CHOUETTE  ,  aluco  aut  ulula  nocîua.  Oifeau  de  nuit  ,    dont   on 
connoît  deux  efpeces  ,  la  grande  &  la  petite. 

La  grande  chouette  ,  ou  grimaud  ,  ou  machette  ,  ou  le  grand  chat" 
huant  ,  eft  de  la  taille  d'un  pigeon  ramier.  Elle  a  le  plumage  tanné 
&  blanchâtre  ,  la  tête  grofle  &  penchée  en  arrière  ,  les  yeux  grands , 
la  prunelle  noire ,  mêlée  de  jaune  ;  le  bec  un  peu  courbé  &  d'un 
jaune  pâle,  verdâtre,  les  doigts  féparés  comme  aux  oifeaux  de  nuit  ; 
les  ongles  crochus  ,  aigus  &  noirs.  On  la  diftingue  aifément  de  la  hu» 
lotte  &  du  chat-huant  par  la  couleur  de  fes  yeux,  qui  font  d'un  très- 
beau  jaune  ;  au  lieu  que  ceux  de  la  hulotte  font  d'un  brun  prefque 
noir,  &  ceux  du  chat-huant  d'une  couleur  bleuâtre;  on  la  diftingue 
plus  difficilement  de  \! effraie  ^  parce  que  toutes  deux  ont  l'iris  des  yeux 
jaune  ,  environné  de  même  d'un  grand  cercle  de  petites  plumes  blan- 
ches ;  que  toutes  deux  ont  du  jaune  fous  le  ventre  ,  &  qu'elles  font 
à-peu-près  de  la  même  grandeur.  La  chouette  eft  plus  brune,  mar- 
quée de  petites  taches  longues  comme  de  petites  flammes  ;  c'eft  pour- 
quoi on  la  nomme  nociua  jlammeata  ,  &  V effraie  ,  nociua  guttata ,  parce 
qu'elle  eft  couverte  de  petits  points  ou  de  gouttes. 

La  petite  chouette  ou  la  chevêche ,  nocîua  minor  aut  fîrix  Jîammea^ 
a  l'iris  des  yeux  d'un  jaune  pâle ,  le  bec  brun  à  la  bafe  &  jaune  vers 
le  bout  ;  fon  corps  &  fes  ailes  font  couverts  de  taches  blanches ,  fa 
queue  eft  comme  celle  de  la  perdrix.  Selon  M.  Linnceus ,  elle  n'eft. 
guère  plus  groiTe  qu'un  merle>,  Voyez  Linn.  Faun.  Suecic.  t.  2.  n.  22, 
Son  cri  ordinaire  eft  poupou  ,  poupou  ,  qu'elle  pouffe  &  répète  en 
volant;  lorfqu'elle  eft  pofée,  elle  jette  un  autre  cri  fi  net  &  fidiftinâ:, 
qu'on  le  prendroit  pour  une  voix  humaine  qui  crieroit  aime ,  héme , 
éfme,  M.  dèBuffon  dit  qu'un  de  fes  gens  fut  tellement  trompé  par  la 
reffemblance  de  fon  fi  bien  articulé  pendant  la  nuit ,  qu'il  fe  mit  à  la 
fenêtre  &  répondit  à  l'oifeau  ,  croyant  que  c'étoit  une  perfonne  :  qui 
ejl  la-bas}  je  ne  m'' appelle  pas  Edme  ^  je  m^appelle  Pierre.  Le  domicile 
ordinaire  de  cet  oifeau  eft  dans  les  mafures  écartées  des  lieux  peuplés  , 


i6S  CHR 

dans  les  carrières,  dans  les  ruines  des  anciens  édifices  abandonnés; 
elle  ne  s'établit  que  dans  les  arbres  creux ,  &  refTemble  par  toutes  ces 
habitudes  à  la  grande  chouette.  Elle  n'eft  pas  abfolument  oifeau  de 
nuit ,  elle  voit  pendant  le  jour  beaucoup  mieux  que  tous  les  autres 
oifeaux  nodurnes  ,  &  fouvent  elle  s'exerce  à  la  chafTe  des  hirondelles 
ôc  des  autres  petits  oifeaux,  quoique  aflez  infrudueufement ,  car  il  eft 
rare  qu'elle  en  prenne  ;  elle  réuiîît  mieux  avec  les  fouris  &  les  petits 
mulots  qu'elle  ne  peut  avaler  entiers  &  qu'elle  déchire  avec  le  bec  & 
les  ongles.  Elle  plume  auiTi  les  oifeaux  très-proprement  avant  de  les 
manger ,  au  lieu  que  les  hiboux ,  la  hulotte  &  les  autres  chouettes  les 
avalent  avec  la  plume ,  qu'elles  vomiiTent  enfuite  fans  pouvoir  la  digérer. 
Elle  pond  cinq  œufs  qui  font  tachetés  de  blanc  &  de  jaunâtre. 

La  grande  chouette  fait  aufli  fon  nid  dans  le  creux  des  arbres  & 
dans  tous  les  trous  des  murailles  :  lorfque  le  voile  de  la  nuit  commence 
à  fe  répandre,  cet  oifeau  fort  comme  un  brigand  de  fon  habitation. 
En  effet ,  on  ne  voit  la  chouette  qu'à  l'entrée  de  la  nuit  &  à  la  pointe 
du  jour  ;  elle  jette  quelques  cris,  rode  en  fîlence  pour  chercher  fa 
proie.  Elle  eft  l'ennemi  de  tous  les  petits  oifeaux,  elle  faifit  les  jeunes 
lapins  &  levrauts -endormis  ,  &  fe  nourrit  aufli  de  lézards  &  de  gre- 
nouilles ;  elle  dévore  les  fouris  dans  les  granges  &  les  magafins  ;  mange 
aufli  les  œufs.  Dès  que  le  commencement  du  jour  peut  la  trahir^  elle  fe  re- 
tire. Elle  peut  refter  trois  à  quatre  jours  fans  manger  :  des  Chafleurs  en 
dreffent  quelquefois.  Si  la  chouette  a  l'imprudence  de  paroître  dans  le 
jour ,  tous  les  oifeaux  qui  reconnoififent  leur  ennemi,  fonnent  l'alarme  , 
fe  réunifient ,  fondent  fur  elle ,  &  lui  font  la  guerre.  Dès  qu'elle  eft 
environnée  &  preffée  de  tous  côtés ,  bien  affaillie ,  elle  fe  couche  fur 
le  dos,  &  ne  fait  paroître  que  fon  bec  crochu  &  fes  griffes  aiguës  pour 
fe  défendre  vigoureufement.  Si  elle  apperçoit  un  faucon  ou  un  autre 
oifeau  de  proie  attaqué  d'un  nombre  d'autres  oifeaux ,  elle  court 
promptement  à  fon  fecours.  La  race  des  brigands  fe  protège. 

On  ne  trouve  point  de  chouettes  en  Candie  :  fi  l'on  y  en  porte  elles 

meurent  auilî-tôt.   Elles  vivent  bien  au  Cap  de  Bonne  -  Efpérance  :  les 

*        Européens  qui  y  habitent ,   y  apprivoifent  ces  fortes  d'oifeaux  ,  &  les 

accoutument  à  nettoyer  leurs  appartemens  de  fouris  ,  &c.  A  l'égard 

de  la  chouette  noire  ,   voyez  hulotte.  , 

CHRYSALIDE ,  chryfalis  aurclia.  Ce  mot  exprime  communément 

'4'^       <îes  chenilles  enveloppées  d'efpeces   de  coques  dures  &  épaiffes ,   ou 

"  -;'  •  ^  plutôt 


plutôt  l'état  des  chenîUeS  quand  elles  ont  quitté  leur  dernière  peau  de 
chenille  ;  état  dans  lequel  leur  forme  raccourcie  les  fait  reflembler  grof- 
fîérement  à  quelque  efpece  ÛQ/eve ,  nom  qu'on  leur  a  donné  quelquefois. 
Les  chenilles  paroiflent  alors  fans  pieds,  fans  mouvement,  &  elles  ne 
prennent  plus  de  nourriture.  La  chryfaîide  attend  ainfi  fa  plus  brillante, 
mais  fa  dernière  métamorphofe  ,  dont  fouvent  elle  ne  jouit  qu'autant 
de  temps  qu'il  lui  en  faut  pour  pondre  &  mourir  :  ainfi  la  chryfaîide 
eft  cet  état  moyen  entre  celui  de  la  chenille  &  celui  du  papillon  ;  état 
que  la  chaleur  abrège  &  que  le  froid  prolonge.  Une  chryfaîide  a  une 
forte  de  reflembiance  avec  un  enfant  en  maillot.  Quoiqu'elle  n'ait  aucun 
membre  mobile ,  on  y  diftingue  toutes  les  parties  du  papillon  couchées 
fur  le  corps  de  la  chryfaîide.  M.  DeUn^c  obferve  que  les  chryfalides 
qui  viennent  de  chenilles  épineufes  font  angulaires  &  ne  font  point 
renfermées  dans  des  coques.  Quelques-unes  de  ce  genre  font  remar- 
quables par  une  belle  couleur  d'or  qui  brille  fur  tout  leur  corps ,  ou 
qui  y  eft  diftribuée  par  taches,  &  qui  a  fans  doute  donné  lieu  au  nom 
de  chryfalides  &  aaurilies.  On  confond  fouvent  le  mot  chryfaîide  avec 
celui  de  nymphes,  quoique  différent  à  certains  égards.  On  en  peut  voir 
la  différence  au  mot  Nymphe;  yoyci^  aulli  l'article  Chenille  &  celui 
de  Papillon. 

CHRYSITES.  Nom  que  les  anciens  Lithologiftes  ont. donné  à  la 
pierre  de  touche ,  à  caufe  de  la  propriété  qu'elle  a  de  fervir  à  effayer 
l'or.  Voyi^^  PiERBE  DE  TOUCHE.  On  défigne  aufli  par  le  mot  de  chryjites  ^ 
ce  qu'on  appelle  improprement  litharge  d'or ,  à  caufe  qu'elle  eft  d'un 
jaune  qui  rcfiemble  à  ce  métal.  Foye^  à  l'article  Plomb. 

CHRYSOBATE.  Nom  que  l'on  a  donné  à  une  efpece  de  dendrite 
artificielle  formée  par  une  végétation  d'or  renfermée  entre  deux  criftaux 
foudés  au  feu,  que  l'on  taille  enfuite  pour  les  monter  en  bague,  8c 
dont  on  peut  faire  des  dcflus  de  tabatière.  Voyez  le  Mémoire  de  M, 
de  la  Condamine ,  Académie  des  Sciences  ij^i  ^  page  ^^82,  Ce  mot  Grec 
fignifie  buifj'on  d'or. 

CHKYSOBEPvIL ,   chryfoheryllus.  Cette  pierre  précieufe ,  que  nous 
foupçonnons  être  la  même  que  le  choafpites   des  Anciens  ,   eft  d'une 
teinte  formée  de  jaune,   de  vert  &  de  bleu;  elle  chatoie  un  peu,  &       ' 
eft  plus  éclatante  que  le  béril  couleur  de  cire  &  que  le  béril  huileux, 

CHRYSOCOLLE.  Des  Minéralogiftes  modernes  ,  &  entr'autres 
W nllerius ,  défignent  par  le  mot  chryfocolle ,  une  mine  de  cuivre,  dans       ..., 

Tome  //.  Y  N  ji^r 


,170  C  H  ^ 

laquelle  ce  métal,  après  avoir  été  difTous,  a  fubî  une  nouvelle  combî-r 
naifon  &  s'eft  précipité  dans  l'intérieur  de  la  terre.  On  applique  ce 
nom  au  bleu  &  au  vert  de  montagne.  Voyez  ces  deux  articles  &  celui 
de  Cuivre.  Quelques  Auteurs  ont  défigné  le  borax  par  le  nom  de 
chryfocolle.  Foye^  Borax. 

CHRYSOLITE,  chryfolitus.  Pierre  précieufe  tranfparente ,  éclatante  , 
d'un  jaune  verdâtre,  &  plus  dure  que  l'aiguë  marine.  Bien  des  perfonnes 
regardent  cette  pierre  comme  une  topaze  occidentale  ;  mais  elle  eft 
bien  moins  brillante  ,  plus  pâle  ,  tirant  un  peu  fur  la  couleur  orangée. 
Celles  qui  font  d'un  vert  de  poireau  font  réputées  chryfoprafes.  Voyez 
ce  mot.  La  bdle  chryfolite  qui  fe  trouve  en  Bohême  &  dans  les  Indes 
Occidentales  ,  dans  le  Bréfil,  eft  jaune,  mélangée  d'une  teinte  légère 
de  vert  ;  plus  elle  eft  verdâtre ,  moins  elle  eft  précieufe.  On  ne  taille 
guère  cette  pierre  à  facettes  ,  mais  communément  en  cabochon.  La 
chryfolite  n'eft  peut-être  qu'une  efpece  de /J^ri^c?/,  Voyez  ce  mot  à  l'art» 
Émeraude. 

CHRYSOMELE,  chryfomela.  Infede  coleoptere  dont  le  caraétere 
eft  d'avoir  les  antennes  en  forme  de  collier,  à  articles  globuleux,  plus 
grofles  vers  le  bout,  le  corps  ovale,  &  la  poitrine  un  peu  ronde,  le 
corcelet  large ,  uni  &  bordé  fur  fes  côtés.  Plufîeurs  efpeces  font  parées 
des  couleurs  brillantes  de  l'or  &  de  l'airain.  On  admire  fur-tout  la 
chryfomeU  à  galons  &  ï arlequin  doré  :  les  ailes  étendues  offrent  une  couleur' 
d'un  très-beau  rouge.  Les  pattes  ou  plutôt  les  tarfes  font  com.pofés 
de  quatre  articles  qui  tous  ont  en-deftbus  des  efpeces  de  pelottes  bru- 
nâtres très -vifibles, 

M.  Linnœus  cite  trente -trois  efpeces  de  chryfomeles,  qui  différent 
entr'elles  moins  par  les  lieux  qu'elles  habitent ,  que  par  leur  grandeur 
&  par  la  variété  ou  bigarrure  des  élytres  ,  c'eft-à-dire  ,  des  étuis  des  ailes  ' 
différemment  colorés ,  mous  &  pondues  ,  d'autres  ftriés  &  foîides ,  tantôt 
unis  ,  tantôt  convexes,  &c.Il  nous  a  paru  que  plufîeurs  des  chryfomeles- 
de  cet  Auteur  appartenoient  à  d'autres  genres  d'infedes.  M.  Gwffroy  , 
Hijloire  des  Infectes  des  environs  de  Paris  ,  n'en  compte  que  vingt  efpeces 
bien  caradérifées. 

La  chryfomele  marche  affez  lentement  ,   &  fè  trouve  ou  dans  les 

carrières ,  ou  dans  les  prairies ,  ou  fur  les  arbres ,  tels  que  le  bouleau  > 

ou  enfin  fur  les  plantes ,  telles  que  l'afperge  ,  le  nénuphar ,  la  renoncule  , 

_..;-      le  peuplier,  .quelquefois  aufti  dans  le  bois  pourri.  Parmi  ces  animaux 

■  .  • .  '  't'-fi  ' 


C  H  K  17Î 

ïî  y  en  a  qui  n'ont  aucune  odeur,  d'autres  qui  en  les  touchant  jettent 
une  liqueur  huileufe  de  d'une  odeur  défagréable. 

CHRYSOPRASE  ,  chryfoprafius,  Pierre  défignée  dans  les  Anciens 
fous  \qs  noms  de  prajius  ou  chryfopuron»  C'eft  une  efpece  d'émeraude 
qui  tire  Ton  nom  de  fa  couleur  ,  qui  eft  un  vert  de  poireau.  La  chry- 
foprafe  a  beaucoup  de  reflemblance  avec  l'aventurine  d'un  vert  pâle 
mêlé  de  noir  ou  de  jaune  fafrané ,  que  l'on  voit  dans  les  cabinets  des 
curieux,  &  qui  a  par  nuances  intermédiaires,  des  taches  rouges  Scdes 
apparences  de  paillettes  d'or.  On  prétend  qu'il  n'eft  pas  rare  d'en 
trouver  effedivement  dans  la  belle  chryfoprafe  ,  qui  eft  -vraifembla- 
biement  le  péridot  des  Modernes.  Voye:^  les  Mémoires  d&  C Académie  d& 
B&rlin  ,  année  lyy^  ,  pa^e.  202, 

CHULON  ou  GHELASON.  Animal  de  Tartarie  que  fa  forme  8c 
fa  grofleur  rapprochent  du  loup.  On  fait  grand  cas  à  Pékin  de  la  peau 
de  cet  animal  :  le  poil  en  eft  long ,  doux,  épais ,  &  de  couleur  grisâtre. 
Quoique  le  chulon  foit  fort  commun  en  Ruffie  &  dans  les  pays  voifins, 
fa  peau  fe  vend  auiîi  très-bien  à  la  Cour  de  Mofcovie. 

CHUMPl.  Efpece  de  minéral   qui  fe   trouve  fouvent  à  Choyaca  ; 

au  Potofî  dans  les  mines  d'or  &  d'argent.  Il  a  beaucoup  de  rapport 

avec  Xémeril  d'Efpagne  pour  la  couleur,  la  pefanteur  &  les  propriétés. 

Alon:^,  Barba,  Voy,  Émeril.  On  foupçonne  que  le  chumpi  eft  lamine 

"de  Platine,  Voyez  ce  mot. 

CHUNGAR.  Oifeau  qui  tient  du  héron  &  du  butor,  &  qui  habite 
cette  partie  du  pays  des  Mogols  qui  touche  aux  frontières  de  la  Chine; 
c'eft  le  butor  de  la  Sibérie  &  de  la  grande  Tartarie  :  il  eft  tout-à-fait 
blanc,  excepté  par  le  bec,  les  ailes  &  la  queue  qui  font  rougcs.  Sa 
chair  eft  délicate,  6c  approche  beaucoup  pour  le  goût  de  celle  de  la 
gelinotte. 

Les  R-uffes  nomment  cet  oifeau  krati-shot.  Le  mot  chungar  eft  Turc. 
C'eft  le  même  oifeau  dont  il  eft  fait  mention  dans  l'Hiftoire  de  Timur- 
Beck,  p.  35'0,  fous  le  nom  de  chon-kui,  &  que  les  Ambaffadeurs  de 
,Kapjak  préfenterent  à  Jenghi^-Kan,  On  l'a  regardé  de  tout  temps  comme 
un  oifeau  de  proie,  &  l'on  eft  dans  Tufage  de  le  préfenter  aux  Rois 
du  pays,  orné  de  plufîeurs  pierres  précieufes ,  comm.e  une  marque  . 
d'hommage. 

Les  RuHiens,  de  même  que  les  Tartares  de  la  Crimée,  ont  été 
long-temps  obligés  par  un  traité  avec  la  Porte  Ottomane ,  d'en  envoyer 

.    <•*  '  V    ■ 


172  CHU 

un  chaque  année  au  grand  Seigneur,  orné  d'un  certain  nombre  de 
diamans. 

CHUPALULONES.  Nom  d'un  arbufte  dont  le  fruit  fe  mange,  & 
qui  croît  dans  la  Province  d'Efméraldas  &  à  Mindo  à  TOueft  de 
Quito.  La  fleur  de  cet  arbufte  dellinée  &  peinte  à  la  gouache  par 
M.  di  la  Condamine  ^  èc  envoyée  au  Jardin  du  Roi,  relTemble  à  une 
belle  rofe  couleur  de  carmin ,  du  centre  de  laquelle  s'élève  un  tuyau 
cylindrique  blanc,  qui  porte  vers  le  haut  des  mouchetures  flambées, 
couleur  de  carmin  ;  &  du  fommet  fortent  des  étamines  jaunes  avec 
plufieurs  piflils. 

ÇHUKGE.  Cet  oifeau  efl:  une  efpece  d*outarde,  qui  tient  le  milieu 
entre  la  grande  &  la  petite  efpece.  Elle  efl:  originaire  de  Bengale  i 
elle  efl  non-feulement  plus  petite  que  celle  d'Europe ,  d'Afrique  & 
d'Arabie;  mais  elle  efl:  encore  plus  menue  à  proportion,  &  plus  haut 
montée  qu'aucune  autre  outarde.  Elle  a  vingt  pouces  de  haut  depuis 
le  plan  de  pofition  jufqu'au  fommet  de  la  tête:  fon  cou  paroît  plus 
court ,  relativement  à  la  langueur  de  fes  pieds  :  du  refle  elle  a  tous  les 
caraâeres  de  l'outarde;  trois  doigts  feulement  à  chaque  pied  &  ces 
doigts  ifolés;  le  bas  de  la  jambe  fans  plumeSj^  le  bec  un  peu  courbé^ 
mais  plus  alongé. 

CIBOULE.  Foye7  Oignon. 

CICINDELE,  cicindda.  De  tous  les  infeéVes  coléoptères,  la  cicm- 
dele  efl  peut-être  le  plus  beau.  C'eft  un  genre  d'infeéle  très-commun  ^ 
dont  le  cara<5l:ere  cft  d'avoir  les  antennes  menues  comme  un  fil,  ou 
fétacées,  les  m.achoires  élevées  &  dentées,  le  corfelct  d'un  rond  angu- 
laire &  un  peu  applati  &  bordé,  mais  qui  ne  couvre  pas  la  tête  de 
î'infede;  les  étuis  des  ailes  un  peu  flexibles,  fans  cependant  être  mem- 
braneux. Leur  habitation  ordinaire  eft  les  fleurs.  Parmi  ces  infeéèes , 
il  y  en  a  des  efpeces  qui  ont  une  fingularité  remarquable.  Les  cicin- 
deles  ont  de  chaque  côté  deux  véfîcules  rouges,  charnues,  irrégulieres 
&  à  plufieurs  pointes,  qui  partent  des  côtés  du  corfjlet  &  du  ventre, 
un  peu  en-defl'ous ,  &  que  l'infeâe  fait  enfler  &  défenfler  à  volonté» 
Ces  efpeces  d'appendices  rouges  à  plufieurs  pointes,  ont  été  appeliées 
par  quelques  Amateurs  d'Hiftoire  Naturelle,  des  Cocardes  ;  &  les  cjcin- 
deles  qui  en  font  pourvues,  portent  le  nom  de  Cicind&Us  à  cocardes. 
J'en  ai  remarqué ,  dit  M.  Geofroy ,  autour  de  Paris ,  trois  efpeces  > 
^iâYoirj  la  cidndiU  bcdsau^  la  çiçindde  vèru  à  points  rouges  j  &  la  cicinz 

•'A 


C   I  E  175 

dzlc  verte  à  points  jaunes.  Quel  peut  être  Tufage  de  cette  partie  fingu- 
liere ,  qui  n'a  point  certainement  été  donnée  à  ces  infedes  fans  quel- 
ques raifons  ?  Cefl;  ce  qu'il  eft  difficile  de  décider.  J'ai ,  continue  M. 
Geoffroy ,  quelquefois  mutilé  ces  cicindeles  ;  je  les  ai  privées  d'une  ou 
de  toutes  ces  véficules  ,  fans  qu'elles  aient  paru  moins  agiles  &  moins 
vives.  Peut-être  quelque  hafard  heureux,  ou  quelque obfervation fuivie 
donneront-ils  plus  de  lumières  fur  Tufage  de  ces  parties. 

La  cicindele  paroît  être  du  genre  du  ver  luïfant.  Voyez  ce  mot.  M. 
Geoffroy  cite  dix-fept  fortes  de  cicindeles.  M.  Linnccus  n'en  cite  que 
fix  efpeces,  la  première  court  avec  vîteffe  &  vole  de  même  ,  ainfi  que 
les  autres  cicindeles.  Tout  fon  corps  eft  de  couleur  d'oir:  le  defliis.des 
étuis  des  ailes,  de  couleur  verte,  ponduée  de  blanc.  Elle  a  la  tête 
verdâtre,  les  ailes  brunes,  les  yeux  noirs,  le  corps  court,  les  pieds 
longs  &  menus ,  ainfi  que  les  antennes  :  elle  fe  trouve  au  printemps 
dans  les  prairies  ftériles.  La  deuxième  efpece  eft  noirâtre  &  habite  les 
bois.  La  troifieme  eft  verdâtre  &  fréquente  le  bord  des  eaux.  La  qua- 
trième a  les  ailes  d'un  noir  tirant  fur  le  bleu.  La  cinquième  eft  d'un 
vert  bleu  :  fes  antennes  font  compofées  de  dix  articles.  La  fixieme 
enfin  a  la  poitrine  d'un  bleu  luifant,  &  les  élytres  de  couleur  minime. 

CIECEE-ETE.  Petit  cancre  du  Bréfil  fort  connu  des  Portugais. 
Ce  cruftacée  eft  de  forme  carrée,  gros  comme  une  aveline.  Sa  coquille 
eft  d'un  brun  jaunâtre.  Sa  chair  eft  en  ufage  dans  le  Bréfil,  foit  en 
aliment  ou  en  médecine  pour  guérir  d'une  maladie  qu'on  y  nomme 
mia, 

CIEL,  Cœlum,  Suivant  l'idée  populaire,  c'eft  cet  orbe  azuré  & 
diaphane  qui  environne  la  terre.  Cette  voûte  célefte  d'une  belle  cou- 
leur d'azur  fi  douce ,  fi  uniforme  &  fi  fereine,  n'eft  autre  chofe  qu'une 
vapeur  ténue  &  légère ,  qui ,  par  l'éloignement ,  paroît  être  de  cette 
agréable  couleur  ;  fa  ténuité  laille  voir  à  travers,  les  planètes  &  ces 
étoiles  lumineutes ,  que  l'œil  trompé  croit  placées  fur  un  fond  azuré. 

En  Aftronomie  on  entend  par  ciel,  cette  région  immenfe  dans 
laquelle  les  étoiles ,  les  planètes  &  les  comètes  fe  meuvent  avec  cet 
ordre  admirable  &  harmonieux ,  imprimé  par  la  main  Divine.  On 
divife  ce  monde  célefte  en  Ciel  proprement  dit,  qui  contient  le  Firma- 
ment où  font  les  étoiles  ;  &  en  Cieux  des  planètes  qui  font  au-defïbus 
des  étoiles,  -     ' 

Dès  la  naiflance  du  monde,  le  Ciel  fut  l'objet  de  la  contemplation  -.^ 

■>  ■  ■  '  'k^  " 


•i^ 


174  C   I  E 

des  hommes.  Ses  corps  les  plus  fenllblcs  furent  ies  premiers  remarques. 
De-là  vient  que  la  lune  par  fes  fréquentes  révolutions  &  par  la  diver- 
fïté  de  fes  phafes  fut  le  premier  aftre  dont  ils  fe  fervirent  pour  divifer 
le  temps.  A  la  vue  du  changement  fenfible  des  quatre  faifons,  caufé 
par  rapprochement  &  par  l'éloignement  du  foleil,  &  de  fa  révolution 
en  un  même  point  pendant  le  cours  de  douze  lunaifons,  ils  apperçu- 
rent  fans  peine  le  mouvement  de  cet  aftre  fecondaire ,  &  firent  les 
mois  de  douze  lunes  (  une  année  ).  Ces  connoifTances  les  conduifirent 
bientôt  à  examiner  le  mouvement  des  planètes  &  à  déterminer  l'époque 
de  lénrs. révolutions.  Ce  fut  alors  qu'ils  reconnurent  les  étoiles  fixes, 
les  étoiles  errantes  ;,  les  planètes  &  les  comètes. 

Les  Anciens  avoient  regardé  les  cieux  comme  folides  &  incorrup- 
tibles,  c'eft-à-dire,  n'étant  point  fujets  à  la  moindre  altération.  Cepen- 
dant les  obfervations  modernes  faites  par  le  moyen  des  lunettes  d'ap- 
proche, nous  apprennent  que  dans  le  foleil  ou  les  planètes  ilfe  forme 
continuellement  de  nouvelles  taches  ou  amas  de  matières  très-confi- 
dérables,  qui  fe  détruifent  ou  fe  corrompent  enfuite;  ôc  qu'il  y  a  des 
étoiles  qui  changent ,  qui  difparoiflent  tout-à-coup. 

Newton  a  très-bien  démontré  par  les  phénom.enes  de  corps  céleftes 
par  les  mouvemens  continuels  des  planètes  dans  la  vîtefle  defquelles 
on  ne  s'apperçoit  d'aucun  ralentifTement ,  &  par  le  paflage  libre  des 
comètes  vers  toutes  les  parties  des  cieux,  qu'ils  font  un  efpace  immenfe 
abfolument  vide  de  toute  matière ,  fi  l'on  en  excepte  la  malTe  des 
planètes,  des  corne! es  ,   ainfi   que  leurs  atmofpheres.  f^oyei  ces  mois. 

CIERGE  ÉPINEUX,  Cierge  du  Pérou,  Flambeau  du  Pérou, 
cereus  Ptruvianus,  C'eft  une  plante  originaire  du  Pérou,  &  dont  Boer- 
haave  compte   jufqu''a  treize  efpeces.   Elle   eft   remarquable  par  fa 
forme  finguliere  &  par  fa  hauteur  ,    qui  attirent   les  yeux   de  ceux 
qui  vont  voir  les  ferres  du  Jardin  du  Roi.  Cette  plante  qui  a  été 
décrite  fi  exactement  par  M.  de  Jujjieu  en  171  (5.  (  Mlm,  de  CAcad.  des 
des  Se,  p.  i^ô".  )  n'a  point  de  feuilles.  Sa  tige  eft  anguleufe,  cannelée  & 
garnie  de  paquets  de  piquans.  Son  écorce  eft  d'un  vert  gai,  tendre, 
-liiTe,  &  couvre  une  fubftance  charnue,  blanchâtre,  pleine  d'un  fac 
f*  glaireux,  au  milieu  de  laquelle  on  trouve  un  corps  ligneux,  de  quel- 
ques lignes  d'épailTeur,  auffi  dur  que  le  chêne.  Lp.  racine  eft  vivace  , 
V  petite  &  fibreufe.   La  fleur  eft  fans  odeur ,  com.Dofée  d'une  trentaine 
/\.dQ.  pétales  longs  de  deux  pouces,  lavé?  de  pourpre  clair  à  leur  extré- 


i^      -  - 


CIÊ  17; 

mité  :  elle  eft  relevée  par  une  infinité  d'étamines.  A  cette  fleur  fuc- 
CQde  un  fruit  femblable  à  celui  du  poirier  fauvage,  charnu,  couvert 
d'une  membrane  velue  Se  vifqueufe.  Ce  fruit  ne  mûrit  point  dans  ce 
pays-ci  ;  mais  aux  Barbades  les  naturels  en  cultivent  une  efpece 
autour  de  leurs  habitations ,  à  caufe  de  fon  fruit  qui  eft  cannelé , 
de  ia  grofleur  d'une  poire  de  bergamote  ,  d'une  faveur  agréable  & 
d'une  odeur  des  plus  fuaves.  Il  y  a  plufieurs  efpeces  de  cierges  qu^ 
fe  diftinguent  principalement  par  le  nombre  de  leurs  angles  &  par  leur 
port  droit  ou  rampant. 

Le  cierge  épineux  que  l'on  voit  dans  une  des  ferres. du,  Jardiiî- du 
Boi,  y  fut  planté  au  commencement  du  (iecle,  foiis  la  Surihtéïïdànce 
de  M.  Fagon.  Cette  plante  n'avoit  alors  que  trois  ou' quatre  pouces 
de  long,  fur   deux  &  demi  de  diamètre.  On  a  obfervé  que   d'une 
année  à  l'autre  elle  prenoit  un  pied  &  demi  ou  environ  d'accroifife- 
ment.  La  crue  de  chaque  année  fe  diftingue  par  autant  d'étrangle- 
mens  de  fa  tige.  En  17 16  il  étoit  déjà  parvenu  à  vingt-trois  pieds  de 
hauteur.  A  fa  douzième  année  il  a  commencé  à  pouffer  des  fleurs  9 
&  il  en  donne  ordinairement  en  Eté  en  différens  endroits  quelquefois 
au  nombre  de  quinze  ou  feize  :  elles  ont  peu  d'odeur.  Peu  d'efpeces 
donnent  des  fleurs  dans  nos  climats:  on  ne   compte  guère  que  cells 
du  Jardin  Royal  à  Paris  &;  des  Jardins  de   Botanique  de  Leyde  & 
d'Amfterdam ,  qui  aient  paru  en  floraifon  ;  encore  ces  fleurs  pafTent- 
elles  très-vîte ,  &  ne  font  bien  en  état  que  la  nuit  &  vers  le  matin. 
On  a  communiqué  dans  une  féance   de   l'Académie  de  Rouen ,  un 
moyen  pour   hâter  de  huit  années  la  jouiflance  des  fleurs  du  cierge 
épineux.  On  ne  peut  voir  fans  furprife  qu'une  plante  avec  des  racines 
fi  courtes  &  avec  aufli  peu  de  terre,  puiffe  poufl^er  des  jets  d'une  iï 
grande  hauteur.   Cette  plante,  ainfi  que  )l opuntia  ,  fe  multiplie  très- 
facilement  de  bouture.  On  coupe  une  de  ces  tiges  que  Ton  laiûe  dans 
un  lieu  fec  quinze  jours  ou  trois  femaines  pour  confoîider  la  blefFare;. 
&  en  Juin  ou  Juillet  on  la  pique  en  terre  légère  où  elle  prend  très- 
bien  racine  :  mais  il   faut  l'abriter  du  Nord ,  des  pluies ,  de  la  gelé<3^ 
&  de  la  trop  grande  fécherefîe. 

CIERGE   PASCAL.  Les  curieux  appellent   ainfi    une   'coquine-??» 
tinivalve  du  genre  des  cornets.    Elle  eft  blanche  ,  la  pointe .  de  fo» 
ouverture  eft  ordinairement  violette.   Foy,  Cosnets> 


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176-  CIG 

CIGALE  ou  CHANTEUSE,  en  latin  clcada,  La  cigale  eft,  félon 
M.  Linnœiis ,  une  mouche  hémiptere  &  du  genre  de  celles  qui  ont 
quatre  ailes  ,  &  qui  portent  une  fcie.  Elle  eft  la  plus  grande  de  toutes 
les  mouches  que  produit  l'Europe.  On  en  diftingue  de  trois  efpeces 
principales  qui  différent  en  grandeur  &  en  couleur;  mais  qui  du  refte 
fe  reflemblent ,  ainfi  que  les  autres  ,  par  le^  parties  effentielles.  L'efpece 
la  plus  grande  furpafle  en  grofTeur  le  hanneton.  Il  ne  faut  pas  confondre 
cette  mouche  avec  certaines  fauterelles  que  le  peuple  de  quelques 
Provinces  appelle  improprement  cigales.  Il  n'y  a  aucune  reflemblance 
entre,  l'une  &  l'autre. 

La -tête  de  là  cigale  eft  large,  courte  &  comme  applatie.  Ses  yeux 
font  à  facettes  &  placés  en  faillie  aux  deux  côtés  de  la  tête  :  elle  a  ^ 
ainfi  que  les  mouches  ordinaires ,  trois  yeux  lilTes  fur  la  partie  fupérieure 
de  la  tête ,  &  des  antennes  plus  courtes  que  la  tête.  Son  corfelet  qui 
eft  ce  qu'on  appelle  dans  les  grands  animaux  la  poitrhie ,  eft  un  peu 
rond  ,  compofé  de  deux  pièces  qui  fe  meuvent  indépendamment  l'une 
de  l'autre.  Il  eft  d'un  brun  luifant ,  prefque  noir  ,  bordé  d'un  jaune- 
brun  dans  la  plus  grande  efpece.  Elle  a  quatre  ailes,  belles  (les  deux 
inférieures  plus  grandes  &  croifées),  minces,  déliées,  comme  mar- 
quetées ,  tranfparentes  &  pofées  en  toit.  Le  refte  du  corps  eft  formé 
de  huit  anneaux  écailleux  qui  vont  toujours  en  décroiifant  de  grofleur. 
Elle  n'a  pour  bouche  qu'une  trompe  faite  avec  l'art  ordinaire  de  la 
nature  ,  &  qui  eft  en  defTous  ,  c'eft-à-dire,  pliée  fous  la  poitrine  :  elle 
lui  fert  à  pomper  dans  les  vaifTeaux  des  feuilles  &  des  branches ,  le 
fuc  qui  y  eft  contenu  ;  car  elle  en  fait  fa  nourriture  ,  &  non  point  de 
rofée ,  comme  le  difoient  les  Anciens. 

C'eft  vers  le  temps  delamoiffon  que  les  cigales  fe  font  entendre.  On  ne 
les  trouve  en  France  que  dans  les  parties  méridionales  ,  comme  en 
Provence  &  en  Languedoc.  M,  Duhamel  en  a  cependant  trouvé  dans 
le  Gatinois, 

Les  mâles  fe  diftinguent  facilement  des  femelles ,  &  ils  ont  les  uns 
&  les  autres  des  parties  d'une  ftrudure  admirable  ,  digne  de  notre 
curiofité  ,  &  appropriées  par  la  nature  à  l'ufage  auquel  elles  font 
deftinées.  Les  femelles  ont  au  derrière  une  fcie  dont  nous  verrons  la 
fon^ion.  Les  tnâles  font  pourvus  ,  fous  le  ventre ,  de  petites  timbales 
deftinées  à  chanter  leurs  amours  &  à  appeller  leurs  femelles.  Leur 
i"  chant 


CIG  177 

cliant  eft  aîgu,  &  fe  fait  entendre  le  matin  &  dans  la  chaleur  du  jour: 
ceft  ce  qui  a  fait  dire  à  Virgile ,  Egl.  II. 

Sole  fub  ardenù  ,  refonant  arhujla  cictàls, 

La  propagation  des  efpeces  étant  une  des  vues  principales  de  la 
nature,  elle  y  a  pourvu  dans  tous  les  animaux  d'une  manière  atimirable , 
tant  par  la  compofîtion  que  par  la  variété  des  "inftrumens  dont  elle 
les  a  pourvus.  Un  grand  nombre  d'infedes  mènent  une  vie  errante  :  ils 
font  fouvent  très  -  loin  \qs  uns  des  autres ,  &  ne  fe  rencontireroient 
peut-être  jamais  fi  la  nature  n'avoit  marqué  un  certain- temps 'de  leur 
vie  pour  les  forcer  à  fe  joindre.  Les  infeâies  rarnpans"  &  ceux  qui 
vivent  fous  terre,  font  poulfés  l'un  vers  l'autre  par  un  fentiment  qui 
attire  les  deux  fexes.  Les  infedes  dont  la  vie  fe  palTe  en  l'air ,  occupés 
à  chercher  leur  nourriture  fur  les  fleurs  &  fur  les  plantes  ,  favent  fe 
reconncître  de  loin  ,  lorfque  le  befoin  prefîant  de  multiplier  leur  efpece 
les  anime. 

Parmi  les  cigales,  c'eft  le  mâle  qui,  par  fon  chant,  inftruit  de  fes 
defleins  la  femelle ,  quoiqu'elle  foit  quelquefois  fort  éloignée.  Il  eft 
étonnant  qu'en  Languedoc  &  en  Provence  ,  où  ces  mouches  font  fî 
communes,  on  croie  que  c'eft  la  femelle  qui  chante.  Ceftdans  l'Hiftoire 
des  Infedes  de  M.  de  Réaumur ,  qu'il  faut  chercher  le  détail  de  la 
flru(5lure  merveilleufe  de  l'organe  dont  le  bruit  efl  defliné  à  appeller 
la  femelle.  Nous  ne  pouvons  en  donner  ici  qu'une  efquilTe  très- 
imparfaite. 

On  obferve  fous  le  ventre  de  la  cigale  mâle  ,  à  la  fuite  de  fes  fîx 
jambes ,  qui  font  courtes  &  d'égale  longueur  ,  &  qui  ont  trois  articles 
à  chaque  tarfe ,  deux  calottes  écailleufes  ,  que  l'animal  ouvre  &  ferme 
a  volonté.  Ces  calottes  couvrent  des  cavités  que  l'on  peut  nommer 
timbales  ,  à  caufe  de  leur  relTemblance  avec  cet  inflrument  militaire. 
Dans  chacune  de  ces  timbales,  on  obfèrve  plufieurs  cavités  féparées 
par  diverfes  membranes  :  on  y  obferve  un  triangle  écailleux  très-< 
folide.  La  membrane  qui  efl  au-deflous  de  ce  triangle,  efl  fine,  bien 
tendue  ,  &  préfente  les  couleurs  les  plus  vives  de  l'arc- en -ciel.  On 
peut  voir  encore  cette  membrane  dans  toute  fa  beauté  ,  même  darts 
1  animal  defféché.  L'examen  anatomique  a  fait  voir  à  M.  de  Rèaiinjur 
deux  mufcles  vigoureux ,  qui ,  en  fe  contradant  &  fe  relâchant  alter- 
nativement &  avec  célérité  ,  rendent  alternativement  conve^a^._i8ç 
Tome  //,  '.-Z      ■ 


.— -V»  .4:.  >. . 


^  7  g  C  I  G 

concave  une  membrane  réfonnante  ,  pleine  de  rugofités ,  Se  ayant  Ta 
Toideur  d'un  parchemin  fec  :  l'air  agité  par  cette  membrane  ,  eft  mo* 
difié  dans  les  diverfes  cavités  dont  nous  avons  parlé.  Cette  mécani-* 
que  eft  démontrée,  parce  qu'en  tiraillant  ces  mufcles ,  on  fait  chanter 
une  cigale ,  quoique  morte  ,  pourvu  que  les  parties  foient  encore 
fraîches.  Un  papier  roulé  ,  &  frotté  doucement  fur  la  timbale  la  fait 
réfonner. 

La  fcie  dont  la  femelle  eft  armée ,  ne  préfente  pas  moins  de  mer- 
veilles dans  fa  ftrudure.  Le  dernier  anneau  de  la  femelle    eft  fendu 
fous  le  ventre  &  contient  une  tarière ,  qui ,  ainfi  que  celles  qui  ont 
été  accordées  aux  infcdes  ,  pour  couper,  fcier  ,  entailler  &  percer, 
eft  d'écaillé  ou  de  corne  &  très-folide.  Celle  des  grandes  cigales,  a  un 
demi-pouce  de  longueur  &  plus:  elle  fort  du  ventre  de  fanimal,  non 
comme  l'aiguillon  de  la  guêpe  fort  de  fon   étui  ,  par   un  relfort  qui 
î'alonge  &  le  pouffe  en  dehors  ,  mais  comme  la  lame  d'un  couteau 
qui  fe  ferme  &  qui  s'ouvre.  Cette  tarière  n'eft  pas  auffi  fimple  qu'elle 
le  paroît  au  premier  coup  d'ceil  ;  elle  eft  compofée  de  trois  pièces, 
dont  celle    du   milieu  eft  taillée   en  fer   de   flèche  ;  les  deux  pièces 
d'à  côté  jouent  fur  celle-là  par  le  moyen  d'une  rainure  ;  &  chacune 
peut  jouer  féparément  :  elles  font  armées  fur    le  côté  de   dentelures 
très-fines  en  forme  de  fcie.  La  cigale  fe  fert  de  cet  inftrument  fi  bien 
façonné  ,  pour  percer  des  branches ,  &  y  dépofer  des  œufs.  Elle  choifit 
des  branches  mortes  &  feches,  mais  tenant  encore  à  l'arbre  ,  parce  que 
la  fève  &  l'humidité  des  branches  vertes  nuiroient  à  fes  œufs.  D'autres 
mouches  à  fcie  les  dépofent  au  contraire  dans  des  branches  vertes 
êc  pleines  de  fève  :  ces  derniers    ont   apparemment  befoin  d'être  hu- 
meâés  par  la  fève  qui  nuiroit  aux  autres,  La  mère   cigale  le   fait  ^ 
ou  plutôt  fe  conduit  comme  fi  elle  en  étoit   inftruite.  C'eft  à  l'aide 
du  jeu  alternatif  de  fes  fcies  ,  qu'elle  fouleve  les  fibres  de  la  furface 
de  la  branche  qu'elle  veut  percer  :  elle  fait  pénétrer  fa  fcie  jufqu'à  la 
la  moelle  ;  &  elle  dépofe  dans  fon  intérieur  &  à  la  file  ,  huit  ou  dix 
œufs.  Le  paquet  de  fibres  rabattues  bouche  l'entrée.  Elle  recommence 
cnfuite  fa  manœuvre ,  &  perce  une  nouvelle  folfette  un  peu  plus  haut 
ou  un  peu  plus  bas.  On  eftime    qu'elle    pond   environ    quatre  cents 
ceufs.  Les.  branches  oii  font  dépofés  ces  œufs ,  font  remarquables  par 
de  petites    élévations   formées  par  une    portion  du    bois  qui   a   été 
foulevée.  Malgré  ces  travaux  6c  ces  foins  naturels  de  la  mère  cigale  ;,. 


C  î  G  17^ 

|30ur  la  confervation  de  Tes  petits ,  une  mouche  ichneumone  ,  pourvue 
auili  d'un  aiguillon  ,  va  dépofer  fes  œufs  au  milieu  de  ceux  de  -  la 
cigale ,  &  il  en  naît  des  vers  carnafliers  ,  qui  dévorent  les  petits  de 
la  cigale  à  Tinftant  de   leur  naiflance. 

Les  petits  de  la  cigale  ne  font  là  que  dans  leur  berceau.  Auffi-  tôt 
que  les  œufs  font  éclos  ,  ce  qui  arrive  communément  à  la  fin  de  l'au- 
tomne ,  ceux  des  petits  vers  qui  ne  font  pas  devenus  la  proie  des 
enfans  ichneumons ,  en  fortent.  Ils  font  blancs  &  pourvus  de  dix  Ion-* 
gués  jambes  ,  à  l'aide  defquelles  ils  defcendent  au  pied  de  Tarbre,  & 
vont  fe  nourrir  de  la  fève  des  racines  jufqu'au  temps  de  leur  chan- 
gement en  nymphe.  Ces  nymphes  font  de  la  clafle  de  celles  qui  mar- 
chent, qui  prennent  de  la  nourriture ,  &  qui  ont  elles-mêmes  à  croître. 
Leur  tête  ne  diftere  pas  beaucoup  de  celle  qu'elles  auront  par  la  fuite. 
La  trompe  eft  déjà  parfaite,  parce  qu'elles  en  font  ufage  pendant  toute 
leur  vie.  On  n'apperçoit  aux  nymphes  ni  les  inftrumens  du  chant  , 
ni  la  tarière  :  les  deux  premières  jambes  font  Amplement  remarqua- 
bles par  leur  forme  ,  qui  les  rend  propres  à  piocher  &  à  ouvrir  la 
terre  ;  aullî ,  ces  nymphes  fe  creufent-elles  des  trous  de  deux  à  trois 
pieds  de  profondeur  dans  la  terre  ,  pour  pafTer  l'hiver  à  l'abri  du 
froid ,  fans  avoir  befoin  de  faire  de  magaun ,  ni  d'aller  mendier  chez 
la  fourmi  voifine.  Au  retour  du  printemps  ,  ces  nymphes  quittent  Ja 
terre  ,  grimpent  fur  les  arbres  ,  &  s'accrochent  aux  branches  &  aux 
feuilles.  C'eft-là  que  s'accomplit  la  métamorphofe  qui  leur  eft  com- 
mune avec  les  autres  infeétes  :  elles  deviennent  alors  ailées  &  font  de 
véritables  cigales  ,  qui  font  à  leur  tour  réfonner  les  chants  d'allégreffe. 
Bientôt  l'am.our  les  anime  ,  &  l'efpece  fe  multiplie. 

Les  payfans  font  bien  aifes  d'entendre  chanter  ces  infedes  ,  parce 
qu'ils  s'imaginent  que  leur  chant  ,  lorfqu'il  eft  vif  &  continuel',  an- 
nonce un  bel  été  &  une  riche  moifibn.  Ils  prétendent  aufli  avoir 
obfervé  que  dès  que  ces  animaux  chantent  ,  il  n'y  a  plus  de  jours 
froids  à  craindre.  Il  paroit  vraifemblable  que  la  cigale  mâle  ne  chante 
que  pour  encourager  fa  femelle  à  travailler  avec  plus  de  joie  :  fon 
travail  eft  à  la  vérité  pénible.  Mais  nous  venons  de  le  dire;  elle  entend 
la  voix  d'un  jeunj  époux  qu'elle  aime  ;  il  l'invite  à  préparer  des  re- 
traites aux  enfans  dont  elle  va  devenir  mère  ,  &  l'amour  rend  délicieux 
prefque  tout  ce  qu'il  faut  faire. 

Les  guêpiers  ^  les  mardmts  font  très-friands  de  la  chair 'de  la  ci^do* 


i8o  C  I  G 

'Aufïï  les  enfans  de  Tîle  de  Crète  attrp.pent-îls  ces  oîfeaux,  en  laiffant 
voler  des  cigales ,  dans  le  corps  defquelles  ils  ont  mis  un  petit  ha- 
meçon attaché  à  un  fil  qu'ils  tiennent.  L'oifeau  ^  qui  avale  la  mouche 
avec  rapidité ,   eft  pris   à  l'inftant  à  l'hameçon. 

Les  nym.phes  de  cigales  étoient  regardées  autrefois  comme  un  mets 
exquis  3  les  Orientaux  ,  &  particulièrement  les  Grecs  ,  en  faifoient 
le  délice  de  leur  table  :  on  mangeoit  les  cigales  ,  même  après  leur 
changement.  Ariflote  nous  apprend ,  qu'avant  l'accouplement  on  pré- 
féroit  les  mâles  ,  &  qu'après  l'accouplement  on  préféroit  les  femelles , 
â  caufe  des  oeufs  qu'elles  contenoient  ;  on  ne  verroit  aujourd'hui 
qu'avec  dégoût  un  pareil  mets  ;  d'où  a  pu  venir  cette  diverfité  de 
goût  ,  fi  les  organes  ont  fubfifiié  les  mêmes  ?  La  cigale  en  poudre  efl 
eftimée  apéritive  ,  propre  pour  la  colique  ,  &  pour  les  maladies  de 
la  veffie. 

M.  de  Réaumur  a  parlé  d'un  autre  infede ,  qui  ,  par  la  pofition  6d 
la  ftruélure  de  fa  trompe  ,  par  celle  du  fourreau  dans  lequel  elle  ell: 
logée  5  refifemble  aux  cigales  :  il  a  la  même  induftrie  pour  introduire 
fes  CEufs  dans  une  branche  d^arbufte  ;  mais  il  n*a  pas  le  talent  du 
chant  comme  les  cigales:  on  connoît  cet  infede  fous  le  nom  de  pro-clgaU, 
Voyez  ce  mot. 

Les  efpeces  que  renferme  îe  genre  des  cigales ,  font  aflez  nom- 
breufes  aux  environs  de  Paris  ;  plufieurs  d'entr'elles  méritent  d'être 
remarquées ,  les  unes  pour  leur  couleur ,  les  autres  pour  leur  forme» 
La  cigale  à  ailes  tranjpar entes  ,  reiTemble  en  petit  aux  grandes  cigales 
de  Provence.  La  cigaU  à  taches  rouges  ,  eft  un  des  plus  beaux  infedes 
de  ce  pays-ci  ;  &  fi  elle  étoit  plus  grande  ,  elle  pourroit  le  difputer 
aux  infedes  les  plus  brillans  que  nous  fourniflent  les  pays  étrangers» 
La  cigale  flamboyante  ,  quoique  petite,  eft  remarquable  par  cette  belle 
bande  ferpentante  ,  couleur  de  cerife  ,  dont  fes  étuis  font  ornés.  L& 
grand  diable  porte  fur  fon  corfelet  deux  efpeces  d'ailes  ou  larges 
cornes  arrondies  ,  qui  lui  donnent  un  air  hideux.  Le  petit  diable  ,  eft 
«ncore  plus  fingulier  ;  outre  les  deux  cornes  pointues  dont  les  côtés 
de  fon  corfelet  font  armés ,  il  en  a  une  troifieme  au  milieu  qui  va  en 
ferpentant  gagner  l'extrémité  de  fon  corps.  Cette  dernière  corne  fe 
trouve,  mais  toute  droite  ,  dans  le  demi -diable  ,  qui  n'a  point  de 
cornes  latérales  fur  fon  corfelet.  L'infede  qui  s'enveloppe  d  écume  > 
içiont  nous  donnons  l'hiftoire  au  mot  fautèrdle-pucs  ,  eft  mis  par  M» 


C  I  G  i8i 

Geoffroy  ,    au    rang    des    cigales.  Voyez    aufii   écume  prlntannure. 

M.  le  Dodeur  Pallas  donne  dans  fes  Mélanges  zoologiques  la  def- 
cription  de  la  c'igah  globul'ifere.  Cet  infede  eft  d'une  ftrudure  mer- 
veilleufe:  Ton  corps  eft  petit  &  noirâtre;  fes  pieds  font  jaunâtres,  & 
les  ailes  de  couleur  de  verre  blanc  ;  la  tête  qui  eft  petite  &  de  figure 
conique  ,  fe  fait  voir  armée  d'une  épine  très  longue,  hériflée  de  poils, 
&  qui  fe  recourbe  fur  le  dos  de  l'animal.  Cette  cigale  a  quatre  pieds  qui 
ont  chacun  un  globule  fphérique  &  hérilTé  de  poils  blanchâtres.  Deux  de 
fes  pieds  fe  dirigent  vers  les  côtés ,  &  deux  en  dehors.  Les  globules 
attachés  à  ceux  de  derrière  ne  font  point  couverts  de  poils  ;  mais 
ceux  de  devant  ont  une  efpece  d'épine  qui  en  eft    toute  hériflée. 

CIGALE  DE  MER  ,  cicada  marina.  Efpece  de  cruftacée  ou  de  fquille 
cifelée  ,  aflez  femblable  à  la  cigale  de  terre.  Etant  cuite ,  elle  devient 
rouge  comme  le  furmulet  ;  fa  chair  eft  de  bon  goût  :  fes  premiers 
bras  ne  font  point  fendus  au  bout ,  comme  aux  cancres  ;  fon  corps 
eft  orné  d'entaillures  ;  elle  eft  beaucoup  plus  petite  que  la  langoufte, 
à  qui  elle  reffemble  beaucoup. 

CIGALE  DE  BiviEBE ,  cicada  fiuviatiUs,  C'eft  une  petite  mouche 
à  fix  pieds  qu'en  voit  fur  l'eau ,  &  qui  difiere  de  celle  de  terre  par 
fa  tête  qui  eft  plus  avancée. 

CIGNE.   Voyei  CvGNE. 

CIGOGNE  ,  ciconia.  Genre  de  gros  oifeau  de  pafïâge  à  longues 
jambes ,  que  Linnccus  place  dans  le  rang  des  fcolopaces.  Le  bec  eft 
droit  5  long  ,  épais  &  terminé  en  pointe  fine.  On  en  diftingue  de  plu- 
fieurs  efpeces;  favoir,  la  cigogne,  blanche  ,  la  cigogne  noire  &  la  cigogne 
d'Amérique  ,  &c. 

JVÎ.  Perrault  prétend  avec  raifon  qu'il  ne  faut  pas  confondre  l'ibis 
avec  la  cigogne  ,  qui  eft  plus  grande  dans  toutes  fes  parties  ,  &  qui 
n'a  pas  comme  l'ibis  blanc  des  plumes  rouges.  D'ailleurs  fes  grandes 
plumes  font  entre-mélées  à  la  racine  d'un  duvet  ,  dont  la  blancheur 
eft  éblouiflante.  La  ftrudure  en  eft  fort  particulière;  car  chaque  pe- 
tite plume  de  ce  duvet  a  un  tuyau  de  la  grofleur  d'une  petite  épingle, 
qui  fe  divifeen  cinqt-ante  ou  foixante  autres  plus  petits,  &plus  fins  que 
des  cheveux.  Ces  petits  tuyaux  font  auiîi  garnis  des  deux  côtés  de 
petites  fibres  prefqu'imperceptibles.  La  cigogne  blanche  a  encore 
plus  de  plumes  noires  que  l'ibis  blanc,  Uibis  eft  du  genre  du 
courlis. 


I 


iB2  C  I  G 

La  ciffogne  ordinaire  ou  blanchz  ,  ciconia  alha  ,  eft  plus  grande  c[ue 
le  héron  ordinaire  :  elle  a  le  tour  des  yeux  garni  de  plumes  &  la  peau 
fort  noire  en  cet  endroit  ;  le  bec  d'un  rouge  pâle ,  droit  ,  à  angles  de 
pointu  ;  ce  qui  lui  fert  d'arme  pour  tuer  les  ferpens  dont  elle  fa 
nourrit  en  partie.  La  partie  du  pied  depuis  le  talon  eft  grisâtre  ,  le 
refte  rouge;  les  trois  doigts  de  devant  font  joints  enfemble  ,  à  leur 
commencement ,  par  des  peaux  courtes  &  épaifles  ;  le  doigt  de  der-: 
riere  eft  gros  &  court  ;  fes  ongles  font  blancs ,  un  peu  femblables  à 
ceux  de  l'homme.  Le  bruit  que  la  cigogne  fait,  ne  vient,  dit-on,  que 
de  i^on  bec  ,  dont  les  deux  parties  fe  frappent  l'une  contre  l'autre  avec 
beaucoup  de  violence. 

Nous  avons  vu  en  été  cet  oifeau  dans  le  Brabant  Se  la  Hollande  ; 
faire  fon  aire  au  haut  des  tours  &  des  cheminées.  Il  habite  l'Egypte  Se 
l'Afrique  en  hiver.  Ils  volent  en  troupe ,  &  alongent  alors  les  pieds 
en  fendant  l'air.  Quand  ils  dorment ,  ils  ne  font  portés  que  fur  un 
pied  ,  la  tête  entre  les  épaules.  Rien  de  plus  admirable  que  le  foin 
des  cigognes  pour  leurs  pères  &  mères  quand  ils  font  vieux  ;  ils  vont 
aux  champs  pour  eux  ,  les  nourriflent.  Aufli  le  bon  naturel  de  cet 
oifeau  a  échauffé  l'imagination  de  ceux  qui  en  ont  parlé,  &  a  paifé 
en  proverbe  :  (  pïetatis  cuhrïx ,  dit  Pétrone,  )  Il  étoit  anciennement 
défendu  en  Theflalie  de  tuer  des  cigognes  ,  parce  qu'elles  délivroient 
le  pays  des  ferpens,  des  grenouilles  &  des  limaçons  :  on  ne  regarderoit 
pas  encore  de  bon  œil  en  Hollande  ceux  qui  en  tueroient  ;  on  courrojt 
rifque  d'être  lapidé.  Ce  motif  eft ,  dit-on ,  fondé  fur  leur  gratitude  Se 
leur  refpeâ:  pour  la  veillefle  ,  ou  fur  quelques  autres  bonnes  qualités,'  • 
qu'on  a  vantées  dans  la  cigogne  ;  telles  que  la  chafteté  &  la  fidélité 
conjugale,  la  reconnoiflance  envers  fes  hôtes;  peut-être  que  la  raifon 
la  plus  vraifemblable  de  ces  égards  pour  la  cigogne,  eft  fon  utilité: 
elle  détruit  les  ferpens  ,  les  crapauds  &  autres  animaux  dont  on  a 
horreur  dans  le  pays. 

Les  femelles  de  ces  oifeaux  pondent  à  chaque  couvée  deux  ou  quatre 
ceufs,  de  la  groffeur  Se  couleur  de  ceux  des  oies;  le  mâle,  toujours 
fidèle  à  fa  compagne,  ne  l'abandonne  point  quand  elle  a  été  fécondée; 
il  va  chercher  de  la  nourriture ,  &  partage  avec  elle  les  fatigues  du 
ménage  ;  on  prétend  même  que  le  mâle  couve  aufîi  pendant  que  la 
mère  ef^  à  chercher  fa  vie  jou  à  m.archer  pour  fe  délafler  :  la  couvé© 
dure  un  mois.  Quel  foin  n'ont-ils  pas  pour  leur  çigogneaux  ?  Tour-à-i 


CIG  i^i 

tour  Ils  s'emprefTent  à  leur  chercher  de  quoi  vivre  :  ils  foufFrent  les 
infultes  du  vent  &  les  dangers  du  feu ,  plutôt  que  d'abandonner  leurs 
petits ,  qui  ont  auili  pour  leurs  père  &  mère  Taffedion  la  plus  tendre. 
Ces  cigognes  aimônt  les  grenouilles  &  les  limaces. 

Les  ennemis  de  la  cigogne  font  la  corneille  ,  Vaigle  ,  le  plongeon  & 
la  chauve-fouris.  Voyez  ces  mots. 

ïjci  cigogne  noire,  ciconia  nigra,  aut  fufca ,  qui,  félon  M.  Perrault^ 
n'eft  pas  l'ibis  noir ,  eft  de  la  grandeur  de  la  cigogne  précédente.  Son 
plumage  &  fonbec  font  mélangés  d'un  certain  luftre  vert,  quireflemble 
à  celui  du  cormoran  :  la  poitrine  &  les  cuifles  font  blanches;  les  jambes 
longues,  chauves  au-deflus  du  genou. Cette  efpece  de  cicogne  fréquente 
les  marais  &les  côtes  de  la  mer  :  elle  fe  plonge  dans  les  eaux,  lorfqu'elle 
a  deflein  de  faire  quelque  capture  pour  s'en  nourrir  ;  elle  aime  beaucoup 
les  grenouilles;  elle  fait  également  du  bruit  avec  fon  bec.  Leurs  petits, 
quand  ils  ont  faim ,  pouflent  des  cris  femblables  à  ceux  des  hérons. 

La  cigogne  d'Amérique ,  ciconia  Americana  ,  ne  diffère  pas  des  précé- 
dentes pour  la  forme.  Son  plumage  eft  blanc  &  noir  par  intervalles  y 
entre-mélangé  d'une  nuance  verte,  qui  s'obferve  aufli  fur  fon  bec  d'un 
fond  jaune  &  cendré ,  avec  une  tache  rouge  à  l'angle  de  l'œil.  C'eft; 
l'oifeau  maguari  du  Eréfil.  L'oifeau  appelle  jabiruguacu  eft  encore  une 
efpece  de  cicogne  ,  ainfi  que  le  negro  de  la  Guiane. 

On  eftime  la  cigogne  alexipharmaque  ,  &  propre  dans  les  maladies 
du  genre  nerveux  :  fa  chair  eft  peu  agréable  &  de  difficile  digeftion. 
On  lit  dans  les  Éphémérides  d'Allemagne ,  que  les  os  de  cet  oifeau 
font  compofés  de  lames  très-tendres  ;  &  que  quoiqu'ils  foient  creux  en 
dedans  ,  ils  font  cependant  plus  durs  &  plus  compares  que  ceux  des 
quadrupèdes  ,  &  font  tranfparens  ;  on  s'en  fert  pour  faire  des  appeaux. 
Tous  les  os  de  cet  oifeau  font  fi  bien  difpofés,  qu'on  ne  fauroit  trop 
admirer  Tinduftrie  de  la  nature,  d'avoir  ajufté  avec  tant  de  fageiïè  , 
pour  le  vol,  des  corps  folides  &  en  même  temps  fi  légers.  On  remarque 
un  artifice  admirable  à  la  troifieme  articulation  de  l'aile  ;  en  l'étendant 
l'animal  monte  dans  l'air;  en  la  repliant  il  defcend  à  fon  gré.  L'inf- 
peélion  eft  feule  capable  de  faire  .bien  concevoir  cette  mécanique,  Voy^ 
à  l'article  OiSEAU. 

CIGUË ,  cicuta.  Plante  fameufe  par  l'ufage  dont  elle  étoit  à  Athènes  ; 
comme  un  poifon  que  Ton  employoit  pour  faire  périr  ceux  que 
l'Aréopage  avoit  condamnés  à  mort.  Le  nom  de  cette  plante   fe  joint 


i84  C  1  G 

dans  notre  efprit  avec  celui  de  Socrate ,  qui  ,  fans  murmurer  contre 
rinjuflice  de  fes  Juges ,  eut  la  fermeté  philorophique  d'avaler  le  fatal 
breuvage  (  ou  fuc  de  ciguë  )  qui  lui  fut  envoyé  par  TAréopage. 
Lorfqu'on  vint ,  dans  fa  prifon  ,  lui  annoncer  qu'il  avoit  été  condamné 
à  moït- par  les  Athéniens  ,  il  répondit,  &  eux  par  la  Nature..,,, 
Aujourd  hui  nous  cherchons  la  ciguë  dans  nos  climats  ;  nous  voulons 
la  connoître  par  nos  yeux,  fur -tout  depuis  que  l'expérience  a  appris 
qu'on-  en  peut  retirer  plufieurs  avantages ,  en  l'employant  à  propos. 
^>Ofi  di{?HT£iVé  deux  efpeces  de  ciguë  ,  la  grande  &  \^  petite  ciguë.  Nous 
■parlerons 'auliX''de  la  ciguë  aquatique,  qui  n'efl  pas  moins  importante  à 
connoître  dans  la  République  Médicinale. 

La  racine  de  la  grande  ciguë  eft  longue  d'un  pied ,  grofïe  comme  le 
doigt,  rameufe  &  couverte  d'une  écorce  mince,  jaunâtre,  blanchâtre 
intérieurement  ,  d'une  odeur  forte  &  d'une  faveur  douceâtre.  Elle 
pouffe  une  tige  qui  eft  fiftuleufe  ,  cannelée,  haute  de  trois  coudées  , 
d'un  vert  gai  ,  parfeméc  cependant  de  quelques  taches  rougeâtres. 
Ses  feuilles  font  ailées,  partagées  en  plufieurs  lobes,  liffcs,  d'un  vert 
noirâtre ,  d'une  odeur  puante  ,  approchant  cependant  de  celle  du 
perfîl.  Ses  fleurs  font  en  rofes ,  difpoiées  en  parafol ,  auxquelles  fuc- 
cèdent  de  petites  graines  convexes ,  avec  des  filions  &  des  éminences 
crénelées.  Toute  cette  plante  a  une  faveur  d'herbe  falée  ,  une  odeur 
narcotique  &  fétide.  Son  fuc  rougit  le  papier  bleu.  Elle  croît  aux 
environs  de  Paris ,  dans  les  lieux  ombrageux  ,  dans  les  décombres  &: 
dans  les  champs  ;  elle  fleurit  en  été. 

La  ciguë  préfente  des  obfervations  bien  fingulieres;  elles  prouvent 
que  la  nature  du  fol,  la  différence  du  climat,  influent  fur  les  corps 
qui  y  font  foumis.  A  Rome,  la  ciguë  ne  pafToit  pas  pour  un  poifon; 
tandis  qu'à  Athènes  on  ne  doutoit  point  qu'elle  n'en  fut  un  très-violent, 
A  Rome  on  la  regardoit  comme  un  remède  propre  à  modérer  &  à 
tempérer  la  bile.  Il  paroît  que  dans  nos  contrées  la  ciguë  n'a  pas  les 

.  mêmes  degrés  de  malignité  qu'elle  avoit  dans  la  Grèce ,  puifqu'on  a 
vu  des  perfonnes  qui  ont  mangé  une  certaine  quantité  de  fa  racine  & 
de  fes  tiges,  fans  en  mourir.  Gcorge-Scbajlien  Jungius  rapporte  dans  les 
Mélanges  curieux  de  la  Nature,  imprimés  en  langue  latine,  qu'un 
homme  de  Lettres  bu  voit  pendant  huit  jours  tous  les  matins  trois 
onces  de  fuc  de  ciguë ,    pour  appaifer  l'efïervefcence   de  fon  fang  & 

;"pour  faire  paffei:  la   trop  grande  rougeur  de  fon  vifage,  &  il  n'en 

éprouvoit 


Ù  1  G  t  8  ; 

^prouvoît  aucun  accicient  fâcheux  ,  finon  un  peu  de  roiblelTe.  Quoique 
Pline  vante  auflî  la  ciguë  contre  TivrefTe  ,  &  que  Le/cale  dife  qu'en 
voyageant  en  Lombardie  il  vit ,  à  fon  grand  étonnement ,  fervir  de 
la  falade  où  il  y  avoitde  la  ciguë,  &  qu'il  apprit  que  les  gens  eu  pays 
en  mangeoient  &  n'en  étoient  pas  incommode's  ,  toutes  ces  autorités 
ne  peuvent  cependant  contre- balancer  le  poids  de  celles  qu'on  leur 
oppofe,  Se  qui  prouvent  que  toutes  les  efpeces  de  ciguës  font  plus 
ou  moins  venimeufes.  Le  meilleur  antidote  efl;  le  vinaiere  ,  même 
î'acide  de  limon  ,  en  guife  de  vomitif,  avec  de  roximeU  tiède  _,  en 
quantité  fuililante  pour  faciliter  le  vomiiTement.  On  ,^€te)i,d  qù©-,  la 
thériaque  ,  dans  de  Teau-de-vie,  eft  une  efpece  decontrepoitorf.'.^  , 
Les  feuilles  de  ciguë,  employées  extérieurement,  font  adouciffantes  & 
réfolutives  :  les  Apothicaires  en  préparent  un  emplâtre  qui  paffe  pous: 
un  bon  fondante  Les  cataplafmss  de  ciguë  piiée  avec  des  limaçons  , 
&  malaxée  avec  les  quatre  farines  réfolutives  ,  font  vantés  pour  les 
tiouleurs  de  goutte  &  de  fciatique, 

"^La  petite  ciguë  ,   athufa ,    qu'on    fubflitue  à  la  précédente  dans  ks 
boutiques  pour  Tufage  externe,  diffère  de  la  première,  non-feulem-ent 
€n  ce  qu'elle  efl  plus  petite  ,  que   fa   tige    n'eft    point   marbrée   de 
taches  rougeâtres,  &  que  fon  odeur  n'eft  pas  fi  forte  ,   mais   encore 
parce   qu'elle  eft ,  dit  M.  DeUuic ,  d'un  genre  différent.    Elle  porte  à 
ia  bafe  de  chacune  des  petites  ombelles  partiales  une  demi-fraife   de 
trois  feuilles  étroites ,  longues  &  rabattues.  Ses  graines  font  arrondies' 
&  ftriées.    Ses  propriétés  font  un  peu  inférieures  à  celles  de  la  grande 
ciguë.  On  a  nommé  cette  dernière  le  pcrJiL  des  fous  ,    par    la  grande 
areuemblance  de  fes  feuilles  avec  celles  du  perliî  ;  refTembîance  qui  a 
trompé  quelques   perfonnes  ,    &   leur  a  été    funefte.    Voici    ce  que 
rapportent  plufieurs  Auteurs   des  mauvais  effets  de   la  petite  ciguë  : 
elle  trouble  l'efprit,  excite^ des  vertiges,  des  convulfions  ,  des  délires, 
des  accès  de  frénéfie  ou  de  manie  ;   elles   rend  les  extrémités  froides  , 
donne  le  hoquet ,    le  cc'cr.i  rnorhiis  &  la  diarrhée.  On  lit  dans  les  Mé- 
moires  de  la  Société  Royale  de  Montpellier  ,   que  la  ciguë ,    comme 
beaucoup  d'autres  plantes  auili  nuifibles ,  eft  un  poifon  froid ,  narcotique 
4]ui  s'attache  au  genre  nerveux,    &  qui  agit  fur  la  maHe^du  fang  en 
diiTclvant  &  non  en  coagulant.  On  trouve  dans  les  mêmes  Mémoires, 
24.  Mai  1708  ,   une  obfervation,  ou  plutôt  Thifloife  de  pref jue  toute 
ijne  famille  qui  fut   em^oifonnée   pour  avoir  mangé   une  tarce  fr.iîe 
Tome  II,  -•      A  a  ■>  v 


t.* 


ig(^  CIG 

avec  des  ccufs,  delà  mie  de  pain  &  de  la  petite  ciguë  qu*on  avoit 
prife  pour  du  perfil.  On  ouvrit  le  cadavre  du  père  de  famille  ,  & 
on  trouva. une  férofité  noirâtre  dans  l'eftomac  ,  le  foie  dur  &  tirant 
fur  le  l^^në,  &  la  rate  de  couleur  livide;  le  corps  n'étoit  point  enflé, 
la  bctiiéRs'^étoit;  noîfe.       .. 

Qutl.ques  Médecins  avoient  fait  ufage  autrefois  de  la  ciguë  intérieu- 
rement pour  plufieurs  maladies  :  l'ufage  en   étoit  tout- à -fait  tombé 
dans  I^pvîbli,  lorfque  M.  Storck  ,    Médecin   à  Vienne    en  Autriche  , 
rgj3Q,uVén^4lfage  de   ce   remède,    qu'il  a    employé  pour  guérir  des 
ftlttirr^S:,  des'^ulceres  malins  &  des  cancers  invétérés.    C'efl:   dans  foti 
Qu'Orage  qu'il  faut  voir  le  détail  du  fuccès  de  fes  remèdes,   fur-tout 
■,  jdahs  les  maladies  fcrofuleufes.  Il  a  employé  des  pilules ,  faites  avec  le 
'"ïùc  de  la  grande  ciguë,  exprimé,  évaporé  en  confiftance  d'extrait,  & 
_  j,-,  ,mêlé'.a\'ec  de  la  poudre  de  ciguë.  Les  Médecins   doivent  être  d'autant 
.•.'•■  plus  flattés  de  trouver,  dans  l'ufage  lent  &  modéré  des  poifons  végétaux,, 
i^airemede  efficace  aux  maladies  les   plus  rebelles ,    que  le  hafard  ne 
'  fôrable  pas  avoir  autant  de  part  à  ces  fortes  de  découvertes  qu'à  celles 
cfulplus  grand  no^rjbre  d^s  principaux  fecours  de  l'art.  En  un  mot, 
l'exti-ait  de  ciguë  foulage  confidérablement ,  lors  même  qu'il  ne  guérit 
pas.  Voyez  aufli  la  Dijf^nation  fur  la  Ciguë  ,  par  M.  Jofeph  Ehrard.  A 
Siraslourg ,    1 7  6  3 . 

CIGUË  AQUATIQUE,  cicuta  aquatîca.  Cette  efpece  de  ciguë  croît 
dans  les  foffés ,  les  étangs ,  &  .fleurit  au  mois  de  Juin.  Sa  tige  efl: 
épaiHe,  creufe  ,  cannelée,  pleine  de  nœuds  ,  divifée  en  plufieurs 
branches,  d'où  fortent  des  feuilles  ailées,  plus  minces  &  plus  tendres 
que  celles  delà  ciguë.  Cette  plante  pafTe  pour  être  plus  venimeufe  que 
la  ciguë  ordinaire. 

M,  Wepfer  a  donné  un  Traité,    imprimé  à  Leyde  en  1733,  ''^"^^, 

, 'oii  il  rapporte  les  effets  mortels   qu'a  produit  cette    efpece  de  ciguë, 

",/  ,  Ses  Obfervations  fe  trouvent  confirmées  par  celles  de  M.  Jaugcon,  qui 

-    à^rapporté   à    l'Académie    des  Sciences   que  trois  Soldats  Allemands 

îçaUïurent  fiibitement  tous  trois  en  moins  d'une  demi-heure,   pour 

-'     aVoir,,mangé  de  la  cicmaria  palujlr'is  ,   qu'ils  prenoient  pour  le  calamus 

iiromaticas,,  iÇroprQ  à  fortifier  Tefliomac.   Il  y  a  en  effet  une  efpece  de 

.       \^îûlan!MuJj}  (y^'cîguë  aquatiqiis  y    à  feuilles   d'ache   fauvage  ,    qui  efl: 

odorante,  aroipiàtique  ,  &  qui    tromperoit  ^qs  gens  plus  habiles    en 

ce  genre ,   que  ne  le  font  communément  des   Soldats.    M.  HalUr  dit 


C'T  L  îg7 

qu'il  y  a  de  l'apparence  que  cette  ciguë  n'a  pas  été  déterminée  exads- 
ment;  le  phellandrium  ne  pafle  pas,  félon  cet  Auteur  ,  pour  deilrudiiF, 
parce  que  la.  graine  eft  en  ufage  dans  la  baiîe  Saxe  contre  les  fièvres 
intermittentes  &  les  ulcères  invétérés.  Mais  cette  afTertion.iïj'efL  pas 
concluante.  ■  -  '      .... 

On  prétend  que  le  poifon  de  la  ciguë  aquatique  eft  un  ij;;ritaht  ;  car 
on  trouva  à  l'un  de   ces  Soldats  les  membranes  de  reftomac ".percées 
d'outre  en   outre  ,  &  aux  deux  autres  feulement  corrodées.  Lesemede 
le  plus  efficace  contre  ce  poifon^  eft  d'exciter  le  vomiiïem^ijj^^yée.fajîe 
enfuite  fuccéder  les  adouciiTans  gras  &  huileux  pour  ro^querfe6lt{5n 
des  reftes  de  poifon  qui  n'ont  pu  être  chafles  par  le  vômiffemerit.  Les 
Kamtfchadales  donnent  à   cette  plante  le  nom  d'omeg ,  &  l'emploient 
contre  les  douleurs  des  reins  de  la  manière  fuivante.  Ils  enferment  le" 
malade  dans  une  étuve  ,    &  lorfqu'il  comm.ence  à  tranfpirer  j'ilâ'  lui  .-.^ 
frottent  le  dos  avec  cette  ciguë   ,  obfervant   de  ne  point  toucher,  la  '"',:. 
région  des  reins  ;   car  ,  f^lon  eux  ,   le  malade  mourroit  fur  le  chaî^^u  ' , 

CILTI.    royei  Tapiti.  '^-"    _ 

CIPvlOLEE,  cimolca.  Terre  bolaire  ,  blanchâtre  ou  rougeâtre.,:qùî 
ie  tiroit  autrefois  de  Cimolis  ,  l'une  des  Cyclades  ,  aujourd'hui  H'^r- 
gentierc ,  &  dont  les  Anciens  fe  fèrvoient  comme  nous  nous  fervons 
de  la  terre  figiliée.  Voye^  f  article  Bol,  &  celui  .de  Terre 
Sigillée. 

Les  Kabitans  de  l'Archipel  fe  fervent  encore  de  celle  qui  eft  fans 
couleur  ,  pour  blanchir  le  linge  &  les  étoffes.  La  cimolêe.  des  Artifans 
eft  le  moulard.   Voyez  ce  mot. 

CINABRE    N  AT  U  RE  L  ,    ànnabaris  nadva.    Le  cinabre  eft  , 
en  quelque  forte  ,   la  mine  de  mercure  la  plus  connue,   &  qui3  par 
ime  mécanique  accidentelle  &  naturelle  ,    a  été  combinée   dans   des. 
Cavités  fouterraines  avec  un  quart   de    fon   poids  ,    même    plus ,   de  * 
ibufre  plus   ou   moins  pur  ;   enfuite  fublimé  par  des  feux  locaux  aux- 
voûtes  des  mines  oii  cette  fubftançe  fe  trouve.   Du  moins  le  procédé- 
dont  on  fe  fert  en  Chimie  pour  en  faire  d'artiiîciel ,  f^it  préfum^^'i^è 
les  chofes  fe  palfent  ainii.  -tî    ,"'" 

Le  cinabre  natif  eft  compaéle  &  communément  d'un  rougie'tde  briquai --  •• 
rarement  d'un  rou^e  vif,  quelquefois  d'ud  roiige  dhématife^;  Cçtté  .;, 
diverfité  de  couleur  dépend  de  la  proportion  des  parties  terreftres  ou  ; 
jbétérogenes  avec  lefquclles  le  cinabre  eft  mêlé  :  il  eft  ci'un  tifîu  écailleux 

.^'Aa   2 


-  ».> 


■I 8  8  C  I N 

©•u  en  {Irîes ,  d'une  pefanteur  fpécifîque  inégale.  Si  on  le  met  en  poudre, 
il  perd  Ton  éclat  brillant  ;  il  acquiert  une  couleur  de  carmin  y.  &  prend 
alors  le  nom  de  vtrmïLlon^ 

LeS/principales  mines  de  cinabre  font  celles  de  Kremnitz  en  Hon- 
grie, d'Ydria' dans   la  Carniole  ,  d'HoroAj^itz   en  Bohême,   celles  de 
Carlnthitj,  du  Frioûl  &  ""de  Guançavelica  au  Pérou;  la  plus  riche  eft 
celle  d'Àlmaden  en  Efpagne ,   fur  les  frontières  de  l'Eflramadoure.  Orr 
prétend  qu'elle  rapporte  au  Roi ,   tous  les  ans ,  près  de  deux  millions 
de  livre^:^' ;^  çau/e  la   perte  de  bien  des  hommes.   Voyc^^  k  Mémoire- 
îrès-cirtdhj?ancié  quen  a   donné  M,  d&  JuJJïcu   à  t Académie  des  Sciences 
année  1719.  Celle  des  Philippines  en  Afie  eft  la  plus  haute  en  couleur. 
Le  Duché  de.  Deux -Ponts  abonde  aufli  en  mines  d'un  cinabre  qui  a 
pour  matrice  des  mines  de  fer.   La    mine  de  cinabre  folide ,  ftriée  & 
veloutée  de  MacrfTchfel  dans  l'Eledorat  Palatin ,  contient  quantité  de 
mercure  vierge  coulant,   &  du  cinabre  en  petits  criftaux  rouges  &: 
tranfparens  comme  des  rubis.  On  a  exploité   autrefois    une  mine  do 
cinabre    de    couleur  brunâtre    &    pyriteufe  ,    dans  les    environs   de 
SaÎTit  -  Lo  en  Normandie». 

On    rencontre    le  cinabre  communément  dans  des  matrices   ter- 
reufes  ,   calcaires  &  ferrugineufes  ,  entrecoupées  de  filons  de  pyrites 
fulfureufes  ,    de  pierres  quartzeufes  ,    d'argent  gris  ,   &c.  Comme  le 
foufre    minéralife   prefque    toutes    les    fubftances    demi -métalliques- 
&    métalliques  ,    &   qu'il   a    beaucoiip   d'affinité    avee    le   mercure  , 
on  conçoit   aifément  leur  combinaifon.    On   peut  révivifier   le   mer-' 
cure,   c*eft  -  à  -  dire  ,    le    débarraffer   de    fes     entraves,   au   moyen 
d'un   intermède   qui  ait  plus    d'affinité  avec  le  foufre    minéralifateur. 
On  en  trouve   le    procédé    décrit   dans    notre   Minéralogie  ,    dans   lô 
Dicîionnaire  de  Chimie  ,  &c.  &  dans  le  Mémoire  du  favant  Naturalifte 
cité  ci-delTus.   Dans  ce  même  Mémoire  on  trouve  la  manière  de  s'af-^ 
:  furer  fi  un  minéral  contient  du  mercure  ,   ou    eft   un   vrai  cinabre. 
'  -     Il  faut  en  faire  rougir  au  feu  un    petit  morceau  ;  &  lorfqu'il  paroît 
couvert  d'une  petite  lueur  bleuâtre  ,  le  mettre  fous    une   cloche  de 
verre  ,  au  travers  de  laquelle  on  regarde  fi. les  vapeurs  fe  condenfent 
.      :  -^lèîus  la  forme  de  petites  gouttes  de  mercure  ,  en  s'attachant  au  verre  , 
'■^''   ^'-.  ÇkU  .en- découlant  le  long  de  fes  parois.  Ce  même  Auteur  nous  donne 
avffi  un  moyen   de  reeonnoître  fi  le  cinabie  a  été  falfifié  ;  c'eft  par 
ia.  couleur  de  la  flamme ,  loxfqu'on  le  /net  fur  des  tli43:i:Jons  ardegsi 


GIN  i8p 

SI  elle  eil  d'un  bîeu  tirant  fur  le  violet  &  fans  odeur  ,  c'cft  une  mar- 
que que  le  cinabre  eft  pur  j  fi  la  Bamme  tire  fur  le  rGV:L;e  ,  on  aura 
lieu  de  foiipçonner  cu'il  a  été  faliifié  avec  du  minium  ;  li  le  cinabre 
fait  une  efcece  de  bouillonnement  furies  charbons,  'il  ,y  aiiya» lieu  de 
croire  qu'on  y  a   méîé  du  fang  de  dragon.    .       .  • 

Le  cinabre  naturel  eft  le  minium  des  Anciens  ;  le  minium  des  Mo^ 
dernes  eft  une  chaux  rouge  de  plomb  :  Pline  dit  qu'on  s'en  fervoit 
dans  la  peinture  ;  aux  grandes  fêtes  on  en  frottoit  le  vifage  de  la 
ftatue  de  Jupiter ,  &  les  Triomphateurs  s'en  frottoient  tc5u't  le  GQrps , 
apparemment  pour  fe  donner  un  air  plus  fanglant  &  plus  territjlè. 
Par  cinabre,  anificid ,  ils  entendoient  une  fubftance  fableufe  ,  qui , 
félon  Théophrafte ,  étoit  d'un  rouge  très-vif  &  fort  brillant ,  laquelle 
fe  trouvoit  dans  l'Afie  mineure ,  dans  le  voifinage  d'Ephefe.  On  ea  - 
féparoit  par  des  lavages  faits  avec  foin  ,  la  partie  la  plus  déliée.  Au- 
jourd'hui ,  par  cinabre  artificiel  ,  on  entend  un  mélange  de  mercure 
&  de  foufre  fublimés  enfemble  par  la  violence  du  feu.  Cette  fubftance 
doit  être  d'un  beau  rouge  foncé ,  difpofé  en  longues  ftries  luifantes.. 
Ce  cinabre  fadice  eft  plus  pur,   &  doit  être  préféré  au  naturel. 

On  fe  fert  du  cinabre  fadice  en  poudre  ,  fous  le  nom  de  vermil- 
lon ,  pour  l'ufage  de  la  peinture.  Pris  intérieurement ,  c'eft  un  tempé- 
rant :  on  en  fait  des  fumigations  mercurielles  ,  très  -  utiles  pour  la 
guérifon  des  maladies  vénériennes  :  ces  vapeurs  pénètrent  dans  l'inté- 
rieur par  les  pores  cutanés ,  &  produifent  des  effets  femblables  à  ceux 
du  mercure  adminiftré  par  friâion.  Foye:^  les  mots  Mercure  &  Soufre» 
CINANCHINE.  Foyei  Garance  petite. 

CINIPS  ou  CYNIPS.  Nom  d'un  genre  d'infeâes  très  -  intéreffans 
par  leur  forme  &  leur  inftind.  Le  cynips  ,  ce  petit  animal   pourvu 
des  organes  néceffaires  à  fa  fubfiftance ,   à  fes  befoins  ,   à  fes  plaifirs 
&  à  la  multiplication  de  fon"  efpece  ,   emploie  beaucoup  d'adrelfe  &         -  7  ' 
de  précaution  pour  mettre  en  sûreté  fa  progéniture.  On  obferve  que 
fon  rentre  eft  armé  d'un  aiguillon  ,  dont  le  jeu    admirable  s'exécute 
par  une    efpece  de   reffort  caché  dans  l'intérieur  du   ventre.  Tel  eft 
rinfirument  dont  le  cynips  fe  fjrt  pour  percer  l'épiderme  de  la  feuille,  ;.,-,./ 
ou  pour  pénétrer  dans  le  corps  des  chenilles  ,  à  deffein  d'y  dép.ofer  fesi';^  2^-  ;V 
cEufs.  La  nature  qui  agit  toujours  en  mère  ,  veille  à  la.  reprodudion 
des  êtres  ;  aufïi  elle  n'abandonne  pas  cette  poftérité  future  ,  quifem- 
ble  avoir  été  jetée  au  hafard,  L'œuf  dépcic  dans  la  nervure  de  la  feuille  ^ 


ipo  CîN 

occafîonne  une  extravafion  desfucs  végétaux.  De-là  nalfîeiit  ces  faufTes 

petites  pommes  ,  Ces^galles  &  autres  excroiflances  de  dilTérentes  formes , 

dans'lèfqU^léSnl^-'vîét.ëtlos  trouve  la  nourriture  &  le  logement.  Roulé 

en  ;bouie"t!àiiS'f(>ri' appartement  étroit  ,  obfcur  ,  mais  propre  ,  com- 

m6Qe'..^'^l-Val)ViF(fe  riritempéfie  de  Tair  &  de  tous  les  dangers,  il  n'a 

dei^^^^énr^^/ogreriirqu'à  la  faveur  des  mamelons  dont  il  eft  pourvu 

fut^*^^os -j^^:5qU''il:  fait  fortir  ou  rentrer  à  fa  volonté.  Eft-il  parvenu 

à  fQ^jjâêrïyel'apcrpiiTement  ,  il  fe  change  en  chryfalide  ,  s'ouvre   une 

p'or-fe/j'3^i^^^rî ailes  &  prend  fon   eflbr.   C'efl  ainfi   qu'il   devient 

>r  ''Mm^^iit-  d'im^^^Mlelément. 

'^  ^jL  •  A  Lé  cynïps  du  fauta  ,  pai"  un  inftind  particulier,  quitte  fon  logement 

'■fv.  ,,4^  va  va  rit  de  fe  changer  en  chryfalide  ,  fe  cache  dans  la  terre,  &  s'y  file  une 

-     /'CÔ-qn^  ferme,  dans  laquelle  il  fubit  fa  métamorphofe. 

Les^cFlenilles  ,  i-as  pucerons  font  choifis  quelquefois  par  les  cynïps,' 

,^{).pCjj    être  dépofit^^S'' de  fes   oeufs.  Ce  dépôt  leur  efl  fatal.  Lever, 

-    '.  Ai^^  fortant  de  rcEuf^vit ,  comme  la  mouche   ichneumone  à  antennes 

"  ;^--;^:l*^ibra!îi^es  ,  auîf--aépens  de  fon  hôte.  Voyc^^  Ichmumon,  Voici  un  trait 

'V'^^.p^ï'àfite  ,  plus  extraordinaire    encore.  Il  arrive  fouvent  que  le  ver 

"dêM^ichneumon  ,  qui  dévore  la  chenille ,  eft ,  à  fon  tour ,  dévoré  par 

le.  ver  du  cynips. 

De  ces  fortes  de  mouches  ou  cynips,  les    uns  fe   changent  en  in«- 
.  fefîies  ailés  fous  la  peau  de  la  chenille  ou  du  puceron ,  &  n'en  fortent 
que  pour  voler.  D'autres  quittent  leur  logement  cadavéreux  ,  &   fe 
cachent  fous  des  feuilles  pour  fubir  leur  m.étamorphofe.  Il  y  a  dej 
cynips  qui ,  dans  l'état  de  ver  ,  c'eft-à-dire  ,  de  larves,  ne  fe  donnent 
aucun  logement  ;  mais  en  revanche  leurs  chryfalides  cachées  fous  leS 
feuilles  ,  &;  fouvent  en  grand  nombre  ,  les   unes  à   côté  des    autres  <% 
font  couvertes  d'une  cuirafie  qui  les  défend  mieux  de  l'infulte.  Devenus 
habitans  de  l'air  ,  ils  ne  vivent  plus  que  pour  s'accoupler  &   fatisfaire  , 
^-■7  ijtî'yceu  de  la  nature.  La  femelle  fécondée    va  dépofer  fes  œufs  aux 
'%  :.  ên«rôits  que  fon  inflind  m.aternel  lui  indique...  On   obferve  que  dans 

k  ■%'.'  Ï^^ïî3.ture  tout  eft  au  mieux  poilible.  Par  ce  qui  précède  ,    on    voit 

;--*^    •''/ N^-'^'igîfè^i^^iîP^^        cynips  a  été   donné  à  un  genre  de  mouches  dont  les 
**>.^|'    ^'^*^^*^$iiliâlon%;très-nombreufes  ;  &  la  plupart  des  infedes   de  ce  genre 
Ji(^  ^nt'idês  .^(^^^^5  fort  brillantes  ;  quelques  -unes  ont  même  un  éclat 

îrès-VÎfV  ^^^'^^ibleati  le  difputer  pour  la  beauté  avec  l'or^  les  émerau- 
^es  ^ tels  font  l'^Wî'^V'''  dpr-éj ,  le  porte-or  &'  plufieurs  autres.  Quel^^ues 


■V-tl 


-'.i.-^ 


f 


^^ 


C  I  P  ipi 

"efpeces  dont  les  couleurs  font  plus  obfcures ,  fe  font  remarquer  par 
la  propriété  qu'elles  ont  de  fauter  prefque  aulîi  vivement  que  les  puces. 

Le  bedeguar  ,  excroiffance  que  Ton  remarqué,' fo lèvent  fur  les 
rofiers  fauvages  ,  doit  fon  origine  aux  larves  ■dë-^'cympSvÂ'A'oye;^; 
Bedeguar.  *'  ^.«.,..   .       .  -;  -,        :,   ,   . 

Les  mouches  cynips  différent  des  moucliis  afch'^2iï^\^^tx,stzfi.Q^xp', 
par  la  petitefle  ,  par  la -forme  des  antennes,  qui  font;TOi}d-->^A  lyri- 
ques ,  d'égale  grolTeur  dans  toute  leur  longueur  ,'i&Br1tew7Si\^1i^ 
dans  leur  milieu  ,  oi^i  elles  forment  un  angle  plus  Q^i^^^i^a^iS^liiT^^Ious 
avons  dit  qu'elles  font  armées  d'un  aiguillon -cii^îlfi^i^iiîfc'^ 
riere  5  garni  de  pointes  fur    les  côtés  ,    conlmé^  le  ferbit    un  rep  'é^Ti'' 
flèche;  ce  qui  a  fait  donner  par  quelques  Naturaliftes,    à  ces*in<>à-T^ 
ches  ,  le    nom   de  mouches  â  tarière.   Cet   aiguillon    eft  remarquable'' 
par  fa  pofition  ;  il  n'eft  pas  placé  précifément  à. l'extrémité. dû \ven-  " 
tre  ,    comme   dans  plufieurs  autres  infedes  ;  .-fih;^  en  deffous  ,  é-ntj:e.. 
deux  lames   que  forme  le  ventre  de  cet    infe^^,Jia  larve  de  cette;  ■  . 
mouche  relfemble  à  un  ver  blanc  ,  à  tête  brune  &^cailleufe.  ..      '•n'/'  - 

CIPRES.  VoyeT^  Cyprès.  ■'■'"'■  >--<^^*^' 

CIRCÉS.ou  HERBE  DE  SAINT  ETIENNE  ,  c/rc^^ .  Sa §P^'  ' 
eft  longue  5  rampante  &  noueufe  ;  fes  tiges  grêles,  velues,.  moellpUr 
fes  ,  t<.  hautes  d'un  pied  ;  fes  feuilles  dentelées  par  leurs  bords  & 
pyramydales;  fes  fleurs  font  en  épis  longs.  A  ces  fleurs  fuccèdent  des 
fruits  pyriformes ,  hériffés  &  contenant  des  femences  longuettes.  Cette 
plante  croît  dans  les  lieux  ombrageux  &  humides:  elle  eft  réfolutive 
&  vulnéraire.  On  l'a  nommée  Circée  ,  ou  Herbe  des  Magiciennes  ,  de  ce 
qu'elle  s'attache  fortement  aux  habits  ,  au  point  d'arrêter  les  hom- 
mes ,  de  même  que  la  Circée  de  la  fable  les  attiroit  par  fes  enchan- 
temens. 

CIRE  ,  cera.  Matière  tirée  des  végétaux  ,  &  élaborée  dans  le  corps" 
des  abeilles.  Nous  avons  dit  au  mot  Abeilles,  à   l'article  de  la<i^/r 
coite  de  la  P repolis  &  de   la  Cire ,  la  manière  dont  les  abeilles  en\j|)nt 
la  récolte  ftir  la  pouffiere  des   étamines  ;  &  au  même  mot  ,   p.'';'^'^;^     - 
nous  avons  expofé  les  ufaçes  de  la  cire  dans  les  Arts  &  dari*^!^  :Mîé-.  >  r'.  -aç;-"*'^*  ' 
decine.  On  fait  que  la  chaleur  qui  règne  dans  les  rucUeev^keV^ej;-^^^  "  x*^^*^ 
cire,  la  fait  iaunir.  Il  nous  refte  à  dire  que  l'art  de  ra^^l^eVlï^^fcite^v-.'i'CjL  ' 
a  Ion  premier  état   de  blancheur  ,  confifte  à  la  dif]!>oT^{.dp.' manière- 


qu'elle  foit  prefc^ue  toute  en  furface  ,  afin  que;'l%«|^v"côliibince  da- 


m. 


^ 


A. 


r-- 


î^2  C  î  R 

lalr,  &  du  folell ,  diillpe  le  parties  étrangères  qui  la  coloroient.  îî  y 
a  des  cires  qui  font  plus  difficiles  à  blanchir  :  on  ne  peut  fur  -  tout 
parvenir  à  blanchir  celles  des  pays  de  vignoble, 

La  cire  eft  devenue  d'une  fi  grande  néceffité  pour  les  Arts  &  les 
befoins«djg  la  vie  domeftique,  qu'il  s'en  faut  de  beaucoup  que  l'Europô 
même  enîpuifl'e  fournir  affez  pour  notre  confommation.  Nous  en  ti- 
rons d0>  Barbarie  ,  de  Smyrne  ,  de  Conftanîinople  ,  d'Alexandrie ,  des 
Iles  de  l'Archipel ,  &  fur-tout  des  pays  du  Nord ,  où  les  mouches  à 
niieT;font  multipliées.  On  eftime  la  confommation  quife  fait  en  France 
de  cif#^^angere  ;,  à  plus  d'un  million  de  livres  pefant.  Ces  confidé- 
ratioris'  ne  doîvent-elles  pas  engager  à  chercher  les  moyens  de  multi- 
plier les  mouches  à  miel  dans  pluneurs  de  nos  Provinces  ,  où  es 
n'eft  point  la  matière  première  qui  nous  manque ,  mais  feulement  les 
ouvriers  nécefiaires  pour  la  mettre  en  œuvre. 
''  On  peut  voir  au  mot  Arbre  de  Cire],  ce  que  nous  avons  dit  de 

la  cire  de  la  Louijpinc',  &  de  la  cire  de   la   Chine. 

CIRÏ-APO A. 'Cancre  qui  fe  trouve  dans  le  fond  des  eaux  filées 
^*^liu  Bréfil.  C'ell;  le  xirica  de  Cayenne  ;  fy.  chair  efl  d'un  fort  bon  goût. 
''^^^.!>^ojq  Cerique. 

/^'.^''•GIRÎES.  Foyei  Arbre  de  Cire. 

■  ■y^c^^-^^-^'^  5   ^carus.  Genre  d'ijnfeâie  aptère  ,  fans  ailes ,  ordinairement 

jrcTl||)etit  5   qui  a  un   corps  rond  ,  deux    yeux  ,   huit    pieds  ,   &  les 

■y  lamtjjés  compofées  de  huit  articles  ,  la  tête  pointue.  On  compte  vingt- 

^  huir  à  trente  efpeces  de   cirons:  nous  rapporterons  ici  les  plus  coni:- 

jnunes  ,  à  commencer  par  celui  qui  s'iniinue  entre  l'épiderme  &  la 

peau   de  l'homme. 

Le  ciron  efc  à  peine  de  la  grofieur  d'une  lente ,  efpece  de  vermine 

qui  croît  dans  les  cheveux  :  fa  figure  eft  ronde,  diScile  à  difi;inguer, 

tant  elle  eft  petite ,   même  avec  le  fecours  du  microfcope.  Son  corps 

ïV^'l'-  jnfécable  en    apparence  ,  efl  cependant  partagé  en   douze  anneaux  , 

^.'  dorit  le  premier  contient  la  t.éte  ;  il  s'en  fert   pour  ronger  feulement 

^*v"4        ^       les  fùbfcances  animales,  car   les    cirons  qui  vivent  de  fubfiances  vé- 

tjles.,.  font,  différens  ,  ainfi   que   ceux  de  plufieurs  autres  efpeces. 


'^'^''ik  ^'^-^i^-  ■^^Si^''^^  ^^^  s'attachent  à  dsîs  infedles ,  d'autres  à  des  oifeaux  ,  ôc 
'■^iL}^'^  .-"•'  ' -fl*artfe%a^4^.quadrupedes.  Celui  dont  nous  parlons ,  ne  parcît  s'attacher 
^  ■  ■  qiF^^l  AOip_^^^>ç>g  le  trouve  queiqucrois  ûans  les  puitules  de  la  gale  ^ 


dans  cçlîes^ît-fiànt  occan années  par  la  petite  vérole  ,  &   a  la  fuite 


Se  longues  maladies-,  ou  dans  les  dents  carîëes  ;  îl  caufe  des  déman- 
geaifoiis  très-incommodes  ;  c'eft  au  moyen  de  Tes  pieds  de  devant  qu'il 
fait  des  fiHons  fous  la  peau ,  comme  les  taupes  en  font  dans  la  tçrre  ; 
il  naît  non  feulement  aux  pieds,  mais  encore  aux  mains.  Seloti  3"^^^^- 
merdam  ,  il  fort  tout  parfait  de  fon  œuf;  il  fait  naître  des  ^elfies  jdatis 
les  endroits  où  il  fe  trouve,  &  fuit  les  rides  de  la  peau';  tantôt  il 
fe  repofe ,  tantôt  il  ne  femble  travailler  que  pour  caufer  des'déman- 
geaifons  avec  prurit.  On  peut  en  retirer  ces  infedes  avec  une  pointe 
d'aiguille.  Alors  ils  refient  imm.obiles  :  en  les  réchauffant  avec-l'haloine  , 
lis  reprennent  leur  adivité  &  courent  très-vite.  Ils. feJpgçrtfàûlTi  dans 
les  vêtemens  des  galeux,  dont  on  doit  s'interdire  toute  communica- 
tion. Il  n'y  a  que  les  odeurs  fortes  &  pénétrantes  qui  détruifent  cet 
incommode  infeéle  ;  heureufement  qu'il  n'eft  pas  fi  dangereux  que  la 
chique  des  Antilles,  Voyez  ce  mot.  .*--"•  ,' 

Une  autre   efpece   fe  trouve  dans  les  vieux  paniers  d'bfier  &  les 
boulins  des  colombiers  ;  fes   pieds  font  au  nombre -de  huit;  il  marche      «^ 
a  reculons  &  fe  nourrit  de  vermines  qui  fe  rencontrent  dans  les.  vieux- *t^^ 
bois;    mais  cet  infede  n'eft  point  du  genre  du  ciron ,  .dont  irdiifsf^^- 
par  la  forme  finguliere  de  fes  antennes,  qui  font   fort  grandes  r^jati^'  '  " 
vement  au  refte  du  corps,  &  qui,  comme    le   dit  M.  Ddeure^'okt 
la  forme  des  pinces  du  fcorpion.  Les  inieéles  fuivans  font  des  eîg^ès 
de  cirons  :  celui  des  jardins  va  en  troupes  ,   il  eft  beaucoup  pluçâ^gros 
que  celui  des  oifeaux ,  &  notamment   que  celui  du  pinçon  ,  dofnt  m,x- 
Géir  a  parlé  dans  les  Aftes  de  Stockholm  ;  ce  dernier  eft  fi  petit  qu'on 
ne  peut  le  voir   fans  une  loupe  :  le  ciron  des  moutons  varie,  pour  la 
couleur ,  &  gâte  beaucoup  leur  laine.  Celui  des  boeufs  &  des\.chiens 
eft  ovale,  blanchâtre,  &  orné  d'une  tache  noire  :   celui   de  la  vieille 
farine  &  du  fromage  eft  affez  femblable  à  celui  qui  fe  trouve  dans  la 
peau  de  l'homme,  mais  il  eft  un  peu  plus  grand:  celui  des  fcarabées 
èc  des  vers  à  foie ,  réfide  fous  la  poitrine  ou  entre  les  cuilfes  de  :  ces 
infedes  :  il  eft  de  couleur  roulfe  ,  &  m.arche  très- vite.  Celui  d^s  aigres 
eft  très-commun;  il  ne  court  pasmoms  vite.  ■'  - 


CIRQUINÇON  ou  CIRQUINSSON.  Ceft  le  tatou  à,.(Jix-f^, 


^t9^ 


bandes.    Voye^  à  Vartick  Armadille.  ■  ^-  -^  ''^''\iW^^^^^''^t-.:i^^ 

CISITE  ,   cijlus.   Le  cifte  eft  un  joli  arbrifîeau  doht;i1^^i"^fi^3^;  -,  ^'^V.sv4>r ' 
«fpec^squi  diiferent  par  la   forme  de  leurs  feuilles^ jïÇ^|^''ai4i-rifeaLfx     •  ;    ' 
çroiffent  naturellement  en  Provence  j  en  EfpagnéV"'ï%,îtalie' &  dans 
Toma  II,  .    ..„  :     -         ■    B  b 


,j*- 

r 


ijP4  C  T   S 

les  lies  de  l'Archipel.    On  peut  les  élever  ici  dans  les  bofquets  prin- 
taniers  ;   ils  font  un  très-bel  effet  par  leurs   fleurs  y  affez  femblables 
aux  rofes  ,  auxquelles  fuccedent  des  capfules  qui  contiennent  de  petites 
femences  rondes.  La  frudification  eft  eflentiellement  la  même  que  celle 
de  ÏUlianthcme ,  &  on  les  range  ,  dit  M.  DcUu^t ,  fous  un  même  genre 
qui  comprend   plufieurs  autres  efpeces.    Les    ciftes  confervent  leur 
verdure  pendant  l'hiver ,  &  les  moins  délicats  peuvent  être  mis  dans 
les  bofquets  de  cette  faifon.    Ceft  fur  le  cifte  qui  croît  en  Cypre  ,  en 
Candie  ,  en  Grèce  &  en  Italie  que  l'on  recueille  le  ladanum  ,  fubltance 
xéfîneufe  que  Ton. vend   dans  les  boutiques  fous  le  nom  de  labdanum 
&  de  lod&n  des  Arabes  ;  aulli  a  - 1  -  on  donné  à  ce  petit  arbriffeau  le 
nom  de  àjtus  hdon  ou  cifius  ladanïjcra  Crcùca, 

Tournefort  nous  a  appris  dans  fon  voyage  du  Levant  la  manière 
dont  on  fait  préfentement  la  récolte  du  ladanum,  fubftance  qui  étoit 
très-précieufe  du  temps  de  Pline ,  de  Dlofcoridc ,  de  Thcophrafîc  &  de 
Bclon.  Les  Moines  Grecs ,  les  Caloyers  &  même  certains  Payfans ,  fe 
tranfportent  pendant  la  plus  grande  ardeur  de  la  canicule  fur  les 
montagnes  qui  font  auprès  de  la  Canée ,  autrefois  le  fameux  Cydon  ,' 
Capitale  de  l'île  de  Crète  ,  fur  les  montagnes  de  l'île  de  Candie,  entre 
autres  au  pied  du  Mont  Ida,  &  autres  îles  de  l'Archipel.  Pour  faire 
'  c^tte  récolte ,  ils  font  armés  de  fouets  formés  d'un  grand  nombre  de 
lanières  de  cuir  en  forme  de  frange  attachées  au  bout  d'une  perche.  Ils 
les  paflent  &  repaflent  fur  les  ciftes  ;  la  matière  réfineufe  qui  tranfpire 
alors  de  tous  les  pores  de  la  plante  ,  s'attache  à  ces  cuirs  ,  dont  ils  la 
détachent  en  les  grattant.  On  eftime  qu'un  homme  en  peut  recueillir 
deux  livres  par  jour  :  cette  fubftance  réfineufe  eft  le  labdanum  pur  ; 
.alors  elle  eft  en  maffe  ,  molle,  gluante,  inflammable,  d'un  gris  noi- 
râtre ,  d'une  odeur  agréable  &  d'un  goût  acre  ,  balfamique  :  on  nous 
l'envoie  dans  des  peaux  ou  veiîies  :  c'eft  la  meilleure.  Dans  le  commerce, 
il  s'en  trouve  d'une  autre  forte  en  pains  tortillés  ,  durs  ,  fragiles  , 
s'amolliffant  cependant  à  la  chaleur;  d'une  odeur  foible  ,  mélangé  avec 
du  fable  noir  ferrugineux  très-fin  ,  &  avec  des  réfines  odorantes ,  à 
Bon  marché ,  qu'on  a  fait  fondre  enfemble  :  c'eft  celui  -  là  que  Ton 
noimxïQ  labdanum  in  tortis ,  &  qu'on  fubftitue  fi  communément  au  vrai 
•  labdanum^'h^  - 

Autrefois  bn  recueilloit  le  labdanum  en  peignant  la  barbe  &  les  poils 
des  jambe|  des  jjhevres  qui  av oient  brouté  le  cifte ,   Se  auxquels  cettQ 


C    ï  s  i^^ 

matière  graiïe  étoît  adhérente  par  fa  vifcofîté  ;  &  comme  II  y  reftoit 
toujours  quelques  brins  de  poil ,  les  Marchands  nommoient  alors  cette 
réfine  labdanum  en  barbe. 

Le  labdanum ,  appliqué  extérieurement ,  eft  réfolutif  ;  intérieurement ,  il 
eft  aftringent.  Les  Dames  Grecques  &  Circallîennes  portent fouvent  à  la 
main  des  boules  de  labdanum  mêlé  avec  de  l'ambre  &  du  maftic  en  larmes , 
&  s'en  fervent  pour  les  flairer,  c  efl;  un  parfum  agréable.  Ces  boules  de  lab- 
danum font  utiles  contre  l'air  peftilentiel;  en  Turquie  on  fait  entrer  le  lab- 
danum dans  la  compofition  des  talifmans  foporifiques  ufités  dans  les  Ser- 
rails  Mufulmans  &  Tartares,  moins  pour  fe  rendre  propice  le  Dieu  Mor- 
phée,que  pour  caufer  une  forte  de  léthargie  ou  d'engourdiifement  aux 
veftales  à  qui  on  ne  veut  pas  décerner  les  honneurs  du  mouchoir  ;  on  fait 
que  ce  refus  leur  cauferoit  un  grand  chagrin.  Les  Parfumeurs  préparent 
une  huile  odorante  de  labdanum  :  on  le  fait  entrer  dans  la  compofition 
des  paftilles.  EnEfpagne,  où  cet  arbriffeau  croît  ,auffi,  les  Payfans 
en  retirent  par  ébuUition  cette  fubftance  réfineufe  ,  mais  qui  eft  .  la 
moins  eftimée  de  toutes. 

Il  s'attache  aux  racines  des  ciftes  une  plante  parafite  affez  femblable 

à  la  joubarbe  ou  à  Xorobanche ,  auflî   l'a-t-on  nommée  hypoclfle.  Cette 

plante  s'élève  à  trois  ou  quatre  pouces  de  hauteur;  fa  tige  eft  charnue^. 

de  couleur   jaunâtre  ,  d'un  goût    aftringent  ,    couverte  de    peti|^s 

écailles  épailfes.    Les  fleurs   qui  naiffent  à  l'extrémité   des  -brancfies 

reîTemblent  au  calice  de  la  fleur  du  grenadier  ;  de  fon  milieu  s'élève 

un  piftil  terminé  par  un  globule  cannelé  ,  dont  les  globules  en  s'ouvrant 

jettent  une  poufliere  très -fine  ;  ainfi  cette  partie  tient  lieu  de  piftil, 

d'étamines  &  de  fommets.   A  la  fleur  fuccede  un  fruit  mou,  plein  d'un 

fuc  vifqueux,  gluant,  limpide  ,  fade  ,  &  rempli  de  graines  fines  comme 

dé  la  poufliere.   Ce  globule  cannelé   refte  toujours  attaché  à  ce  fruit 

qui  eft  fphérique.  C'eft  le  fuc  de  ce  fruit ,  qui  après  avoir  été  exprimé 

&  féché  au  foleil ,  jufqu'à  confiftance  d'extrait ,   donne  ce  fuc  noir  , 

d'un  goût  auft ère  ,  qu'on  nous  apporte  de  Provence  ,  de  Languedoc, 

des  pays  Orientaux ,  &  qui  eft  counu  fous  le  nom  à^hipocijle.  Ce  fuc 

a  les  vertus  de  ï  acacia  ,  c'eft  un  puifiant  aftringent. 

CÎSTELE,  c'ijlela.  Le  caradere  de  ce  genre  d'infeéles  ,  ainfi  nommé 
par  M.  Geoffroy  ,  confifte  dans  la  forme  de  fes  antennes^  qui  vont 
en  groifilTant  de  la  bafe  à  l'extrémité,  &  dont  les  articles',  birâimeaux , 
an  approchant  de  cette  extrémité ,  deviennent  de  plus  çii  pl-u^s,perfoliés, 

B'b  2 


-:^^t 


if^  C  I  T 

ou  comporès  de  lames  applaties^  tranrverfes  &  percées  ouenGîées  paf 
leur  milieu  :  une  autre  partie  de  fon  caraâere  efl:  tirée  de  la  forme 
de  fon  corfelet  fans  rebord  èc  conique;  on  ne  connoît  rien  fur  l'hiftoire 
de  ce  genre  ;  c'eft  un  fujet  d'obfervations  :  on  fait  feulement  que  ce 
petit  inréi^e.  retire  fa  tête  fous  fon  corfelet  comm.e  la  vAi//^//^.,  Voyez 
ce.  mot. 

CITERNE.  Nom  donné  à  un  réfervoir  fouterrain  prépare  quelque- 
fois par  la  nature  ,  mais  plus  fouvent  conftruit  par  l'art ,  où  l'eau  de 
pluie  deftinée  pour  les  divers  befoins  de  la  vie  va  fe  retirer.  On  ne 
peut  fe  palTer  Mg -citernes  dans  plufieurs  pays  maritimes,  &:  dans 
quantité  d'endroits  de  l'Afie ,  &  d'autres  parties  du  monde.  Comme 
l'eau  de  toute  la  Hollande  efl:  faumache ,  quantité  de  maifons  ont  des 
citernes  conftruites  avec  un  foin  ,  un  goût  &  une  propreté  admirables» 
Mais  la  plus  belle  citerne  connue  ,  fe  trouve  à  Conftantinople.  Les 
voûtes  de  ce  réfervoir  portent  fur  deux  rangs  de  deux  cent  douze 
piliers  chacun  ;  ces  piliers  ,  qui  ont  deux  pieds  de  diamètre ,  font 
plantés  circulairement,  &  en  rayons  qui  tendent  à  celui  qui  efl  au 
centre. 

L'eau  de  citerne  efl  ordinairement  une  des  meilleures  de  celles  dont 
on  peut  ufer ,  foit  pour  boire ,  foit  pour  le  blanchiiTage  ,  foit  pour 
les  teintures ,  parce  qu'elle  n  efl  que  peu  ou  point  empreinte  de 
parties  terreufes  comme  les  autres  eaux.  Voyez  les  m.oyens  que  M.  de 
la  Hir&  donne  pour  pratiquer  en  tout  pays  des  citernes,  &c.  Mém, 
de  r Acad^  des  Scienc.    1705. 

CITLÏ,  eft  le  même  animal  que.  le  taped  on  tapit'u  Koyc:^c«. 
dernier  mot, 

CITRINELLE  ou  TARIN.  Foyei  ce  mot, 

CITRONNELLE.  Foye^au  mot  Mélisse  &  l'article  Aurone,  Ofl 
donne  aufTi  dans  quelques  endroits  ,  le  nom  de  citronnelle  au  fyringa^ 

CITRONNIER,  àtreum  vulgare,  CqH  un  petit  arbre  toujours  vert 3 

/   .  '  &  qui  ne  devient  que  médiocrement  haut  dans  nos  jardins;  fa  racine 

.efl  branchue  ,   &  s'étend  en  tout  fens,  Ugneufe,  couverte  d'une  écorce 

^une  en  dehors,  blanche  en  dedans.   Le  bois  du  tronc  de  cet  arbre 

V^    ^eflblanc  &  dur,  fon  écorce  efl  d'un  vert  pâle  ,  fes branches  ou  rameaux 

"">"*.^K)nt  nomQjceux ,  longs,  fort  pliants  ,    revêtus   d'une   é.corce  unie  & 

verte. -Ses  Feuilles  font  fïmples  ,  fans  talon  ,  longues,   larges,  reffem- 

^lant.es.'àvcèllek.  du  laurier  3  mais  plus  charnues ,  dentelées  eu  leurs:- 


Cil*  1^7 

bords ,  d'une  belle  Couleur  verte ,  luifante  ,  d'une  odeur  forte  & 
contenant  beaucoup  d'huile.  Sa  Heur  naît  au  fommet  des  rameaux ^ 
où  elle  forme  un  bouquet;  elle  eft  en  rofe  à  cinq  feuilles,  difpofées 
en  rond  ,  de  couleur  blanche  purpurine,  d'une  odeur  agréable  ,  dou- 
ceâtre ,  elle  eft  foutenue  par  un  calice  rond  &  dur. 

A  cette  fleur  ,  fuccede  un  fruit  oblong  ou  ovale  ,  quelquefois 
fphérique,  gros  ordinairement  comme  une  poire  de  moyenne  grofleury 
couvert  d'une  écorce  raboteufe  &  inégale  ,  charnue,  épaifïe,  d'abord 
verdâtre,  enfuite  citrine  ,  d'une  odeur  très  -  agréable  &  ,d'-un  goût 
aromatique  piquant.  La  chair  en  eft  épailTe  ,  cartitegineufe ,  d'une 
acidité  agréable  &  légèrement  odorante,  partagée  intérieurement  en 
plufieurs  loges  ,  pleines  d'un  fuc  acide  contenu  dans  des  véficules 
mémbraneufes  :  chaque  fruit  contient  quelquefois  plus  de  cent  cin- 
quante graines  renfermées  dans  la  moelle  véficulaire  ;  elles  font 
oblongues  ,  pointues  de  deux  côtés,  renfermant  une  amande  blanchâtre 
un  peu  amere  ;  quelques-uns  de  ces  fruits  pefent  quatre ,  fix  &  neuf 
livres ,  &  quelquefois   beaucoup  plus. 

On  voit  fouvent  le  printemps  confondu  agréablement  avec  l'automne 
fur  cet  arbre  ,  qui  eft  chargé  de  fleurs  &  de  fruits  ,  dont  les  uns 
tombent  par  maturité  ,  tandis  que  les  autres  commencent  à  mûrir,- 
&  que  d'autres  mém^e  ne  commencent  qu'à  paroître  ,  mais  l'automne  eft 
le  temps  où  l'on  en  recueille  davantage.  On  cultive  cet  arbre  dans 
les  pays  chauds  ,  en  Italie  ,  en  Provence ,  en  Languedoc  &  en; 
Portugal. 

Il  paroît  par  le  Traité  ^Ebembltar  (de  l'an  1187  )-,  traduit  de 
l'Arabe  en  Latin ,  &c.  que  le  citronnier  a  été  apporté  d'abord  de^ 
l'Aflyrie  &  de  la  Médie  en  Grèce ,  &  de  là  dans  les  Provinces  méri- 
dionales de  l'Europe  :  c'eft  pourquoi  fes  fruits  font  appelles  en  latin 
niaLi  medica  ,  mala  ajjyria  :  on  les  appelle  citrons  en  François.  (lî 
eft  bon  d'obfervcr  que  ce  qu'on  appelle  communément  cZ/ro/z  à  Paris, 
eft  le  limon  de  toutes  les  Provinces  de  la  France  ,  de  tous  les  pays 
de  l'Europe  ,  &  des  Botaniftes  ,  tant  anciens  que  modernes)  Les 
Romains  appeîioient  aufli    les  citrons    mnlum   medicum  ,   foit   à  caufe  , 

qu'ils  venoient  delà  Médie,  foit  à  caufe  de   leur  vertu  médieinale  ;    '>^^'-' 
car  ces  fruits  étoient  en  grande  réputation  chez  les  Aneiens-Til  parqit-;'-" 
même  ,  par  le  fécond  livre  des  Géorgiques  ,  qu'on  s'ea^fbfvoit-  çôntre- 
les  prétendus  enchantemens>- 


\:    : 


,Ti?8  CîT 

On  cultive  auflî  le  citronnier  à  la  Chine  ,  aux  Indes  Orientales  & 
Occidentales;  mais  dans  les  pays  du  Nord  il  donne  des  fruits  bien 
inférieurs  à  ceux  des  climats  chauds.  Les  Botaniftes  en  diftinguent  dix 
efpeces  principales ,  quoiqu'ils  n'ignorent  pas  que  les  Jardiniers  de 
Genesv  qui  en  eft  la  grande  pépinière  pour  l'Europe ,  font  il  curieux 
d'étenûre..;çette  variété ,  qu'ils  l'augmentent  tous  les  jours,  L'efpece 
de  citronnier  la  plus  eftimée  eft  celle  de  Florence ,  dont  chaque  citron 
fe  vend  à  Florence  même  cinquante  fous  de  notre  monnoie  :  on.  en 
envoie  en  préfent  dans  les  différentes  Cours  de  l'Europe.  Cette  efpece 
particulière  ne  peut  venir  dans  fa  perfection  que  dans  la  plaine  qui 
eft  entre  Pife  &  Livourne  ;  &  quoiqu'on  ait  tranfporté  ces  fortes  de' 
citronniers  du  lieu  m.ême  en  divers  autres  endroits  choifis  d'Italie,  ils 
perdent  toujours  infiniment  de  cet  aromate ,  de  cette  finefl'e  de  goût 
que  leur  donne  le  terroir  de  cette  plaine. 

On  ne  mangeoit  point  encore  de  citron  du  temps  de  Pline ,  Tufage 
en  commença  du  temps  de  Galien  &  d'Apicius  ;  celui  -  ci  nous  a 
confervé  la  manière  dont  on  l'accommodoit. 

Aujourd'hui  toutes  les  parties  du  citron,  l'écorce,  tant  intérieure 
qu'extérieure ,  la  chair  ,  la  pulpe  ou  le  fuc ,  &  les  graines  font  d'un 
excellent  ufage  dans  nos  aîimens  &  en  médicamens  :  on  fert  les  citrons 
fur  les  tables  pour  aflaifonner  les  viandes  de  leur  fuc  :  coupés  par 
tranches  &  mêlés  avec  du  fucre ,  ils  procurent  bonne  bouche  ,  appaifent 
la  foif  5  réveillent  l'appétit  &  aident  la  digeftion.  Le  citron  eft  alexi- 
pharmaque,  &  fon  fuc  eft  anti-fcorbutique.  Tel  eft  le  témoignage 
des  Hoilandois  ,  qui,  au  retour  des  longs  voyages  qu'ils  font  fur  mer 
dans  les  Contrées  éloignées ,  font  guéris  auffi-tôt  qu'ils  peuvent  aborder 
en  Portugal ,  &  avoir  des  citrons  ou  des  oranges.  On  tire  le  fel  eftentiel 
du  citron  en  faifant  évaporer  fon  fuc  jufqu'à  confiftance  de  firop  clair. 
Ce  fuc  fimplement  exprimé  du  citron  ,  eft  acide  par  excellence  ;  on 
en  fait  de  la  limonade  avec  de  l'eau  &  du  fucre  ;  ce  breuvage  faélice 
eft  devenu  tellement  à  la  mode  ,  qu'il  a  eu  Thonneur  de  donner  fon 
nom  en  1673  à  une  Communauté  de  la  Ville  de  Paris.  La  limonade 
h  l'afigloife ,  celle  dont  onconfomme  une  fi  grande  quantité  dans  les  îles 
,-  de  l'Améi-iqye,  eft  compofée  de  vin  de  Canarie,  de  jus  de  limon ,  de  fucre, 
.de  girofid",  de  cannelle  &  d'un  peu  d'eflence  d'ambre  ;  c'eft  une  boiffbn 
dçliciejjife.  L^ar  limonade  fimple  eft  non  -  feulement  une  boifTon  très- 
agréable  ^prQpre 'à  rafraîchir  &  défaîtérer  dans  l'état  de  ûinté,  m.ais. 


V    '^ 


C  I  T  i5>P 

feîon  M.  Bourgeois,  elle  eft  aufii  très-utlîe  dans  toutes  les  efpeces  de 
fièvres,  fur-tout  dans  les  putrides,  bilieufes  &  malignes  :  elle  calme 
reffervefcence  du  fang,  elle  prévient  &  corrige  fa  trop  grande  dijTolution; 
elle  détruit  les  levains  putrides  &  bilieux  ,  tant  dans  les  premières  que 
les  fécondes  voies  ;  elle  foutient  les  forces  des  malades,  &  éteint  la 
foif  brûlante  qui  les  tourmente.  Le  fuc  de  citron  dans  lequel  on  fait 
difToudre  le  fel  d'abfinthe ,  eft  un  fpécifique  des  plus  affurés  pour  calmei: 
les  vomiflemens,  fur -tout  s'ils  ont  pour  caufe  une  bile  acre  qui  regorge 
dans  le  duodénum  &  dans  l'eftomac  ;  on  en  prend  deux  cueillei;ées,à  café 
toutes  les  demi- heures. 

L'écorce  du  citron  eft  compofée  d'une  infinité  de  véficules  remplies 
d'une  huile  eifentielle;  elle  eft  fort  odorante  &  aromatique,  ce  qui  la 
rend  vermifuge  &  cordiale  :  on  la  confit  avec  le  fucre,  &  on  la  fert  au 
deffert  avec  les  autres  confitures.  Des  perfonnes  font  une  liqueur  de 
citron  ou  eau  de  citronnelle ,  fort  agréable  au  goût  avec  les  zeftes  ou 
l'écorce  jaune  du  citron  frottés  contre  un  morceau  de  fucre,  l'eau-de-vie 
&  le  firop  de  fucre  :  cette  liqueur  ou  efpece  de  ponche  eft  d'un  parfum 
doux  &  gracieux.  On  tire  de  l'écorce  l'huile  effentielle  ,  foit  par  la 
diftillation  ,  ou  en  l'exprimant  entre  les  doigts  fur  une  glace  ou  dans 
un  entonnoir  de  verre  :  l'eau  fans  pareille  ,  ce  fluide  aromatique  fî 
connu,  n'eft  autre  chofe  que  de  l'efprit  de  vin  chargé  d'une  petite 
quantité  d'huile  efientielle  de  citron ,  que  l'on  diffout  goutte  à  goutte 
&  en  tâtonnant  ,  jufqu'à  ce  qu'on  ait  atteint  au  degré  de  parfum  le 
plus  agréable.  On  fait  un  firop  avec  le  fuc  de  citron  &  le  fucre ,  qui 
eft  fort  agréable  &  falutaire  auffi  pour  appaifer  le  bouillonnement  du 
fang.  Avec  la  pulpe  ou  la  moelle  acide  du  citron,  on  fait  une  conferve 
antifcorbutique  :  les  graines  font  vermifuges.  Dans  le  temps  des 
maladies  épidémiques  ,  on  larde  en  tout  fens  un  citron  de  clous  de 
girofle  ,  &  on  le  porte  dans  fa  poche  pour  le  fentir  fouvent,  afin  de 
fe  garantir  de  la  contagion. 

II  y  a,  dit -on  ,   des  citrons  qui  font   en    même  temps  oranges  3 
c'eft-à-dire ,  que  certain  nombre  de  côtes  diflerentes  ,  ou  plutôt  de  coins 
folides  continués  jufqu'à  l'axe  du  fruit ,  font  d'orange  &  les  autres.de 
citron.  Eft-ce  un  effet  de  l'art,  ou  font-ce  des  efpeces  particulière?^    ' 
ou  plutôt  ce  fait  ne  doit-il  pas  être  compté  au  nombre  âiQs  Tables  ? 

Il  eft  parlé  dans  les  Ephémérides  d'Allemagne  de  citrons- mon ft-rueux 
en  forme  de  mains  :  on  lit  aulli  dans  les  Lettres  Édifiantes  ,À,. tome  20, 


y 


2  0  0  fc    î  T 

.pc.^ù  jp/  ,   que  le  Vqvq   f^^EntruolUs  nous  a  envoyé  de   la  Chine  la 

■  i]gure  d*un.  citron"  nomme  main  di  Dïm  par  les  Chinois    &  dont  ils 

:  font  t, grand. cas  "pour  fa  ..beauté  &    pour  fon  odeur.  Ce  fruit  eft  tel 

parafa  forrng  j  qu'on    croit  voir  les  doigts  d'une  main  qui  fe  ferme. 

Cette  f^5^è5.viendroit-elle  des  caufes  particulières  qui  auroient  changé 

■',  fon^efjiÇ^.èf?  Voici  une  autre  fingularité  bien  plus  étrange ,  dont  par- 

»V  lent  (Quelques  Auteurs;  c'eft  d'un  citron  renfermé  dans  un  autre,  citrum 

»  >  i/î'^/Vo'yNousty-avùns  vu  auflî  une  noix  contenue  dans  une  autre,  & 

\un  ^ùf  r^f^r^ié  dans  un  autre  ;  mais  pour  expliquer  la  caufe  de  ce 

.   ^r  dacisi^^itronnier  ,  il    ne  fuflît  pas  de  dire  que  deux  boutons, 

/    ^^Jnàiffafit'' d'une  même  qiieue,  fort    près  l'un   de  l'autre  ,    les  chairs  fe 

\^Y'  'confondent  à  caufe  deleur  trop  grande  proximité  :  ceci  ne  produiroit 

qu'un  fruit  double  ou  jumeau  &  accouplé. 

•  Il  y  a  une  autre  efpece  de  citron  qu'on  appelle  citron  doux  ;    fon 
^oût  eft  allez  fade  ;  on  ne  l'eftime  guère ,  fî  ce  n'eft  par  fa  beauté  : 
..'•"       car  il  eft  ordinairement  plus  gros  que  le  citron  commun. 

L'eiTence  du  cédra    ou   bergamote  ,    fi    odorante  ,    fi    eftimée   dans 
nos  parfums  ,  eft  tirée  d'une  efpece  de  citron    d'Italie  ,   nommé  ber- 
gamote ,  dont  on  dit  que  l'origine  vient  de  ce  qu'un  Italien  de  Ber- 
game  s'avifa   d'enter  une  branche  de  citronnier  far  le  tronc  d'un  poi- 
rier bergamote;  les  citrorîs  adultérins  qui  font  provenus,  tiennent  du 
.citronnier  &  du  poirier.  L'inventeur  fit  un  fecret  de  cette  découverte 
pendant  long-temps ,  &  en  fut  enrichi.  La  bergamote  eft  une  orange 
rouge  en  forme  de  poire  ,  bien  différente  du  cédra.  Cette  origine  du 
citron  bergamote  ne  paroît  pas  encore  vraifemblable  ;  car  les  greffes  en 
général  ne  peuvent  réuilir  que  lorfqu'il  y  a  un  rapport  immédiat  pour 
•    Je  mouvement   de  la  fève  ,   &  entre    les   arbres  que  l'on  greffe    fun 
fur  l'autre  :  il  fe    préfente    ici  des   caractères  efl'entiels  bien   difî'érens 
entre  ces  deux   eipeces  d'arbres ,  l'un  reftant  toujours  vert ,  6»:  l'autre 
_^>;,  _:.  perdant  fes  feuilles  pendant  Thiver. 
■'"*'**-       On  fait  de  ces  fruits  une  confiture  liquide  ,  &  une  confiture  feche  ; 
-ils  font  entiers  dans  la    liquide,  &  par  quartiers  dans  la  feche.  C'eft 
;^eç-  l'écorce  fuave  du   citron-bergamote  qu'on   garnit  l'intérieur   des 
'     bo.î^^âpp^eUées  bonbonnières. 

'  DCs'pl^rfo.nnes  ,  pour  tirer  l'effence  de  cédra,  en  preffent  les  zeftes 
ou ^<sij[)rce5J"i^,î!^s  extérieures  dans  un  vaiiTeau  de  verre  dont  l'orifice 
eft'Jét-reis^^cet.tç  'mst^uvre  eft  longue  ;  l'huile  ^flentielk  en  eft  à  la  vérité 

'■^   '"         r-      ■  plus 


C  ï  T  2  0  1 

plus  éthérée ,  plus  odorante  ;  mais  l'on  procède  Gommuném^ent  par 
voie  de  diftillation ,  pour  tirer  cette  huile,  efj^ntiôlle»  Ueau  _(ie  cédra 
entre  dans  la  compofition  de  celle  des  Barbades.  Il  nous  refte  à  pajler 
du  bois  de  citronnier  des  Anciens  ,  qui  étoit  très-fare  &"  très-eftimé  à 
Rome:  c'étoit  ou  la  grandeur  des  meubles  qu'on  en  faifol^'j>  ou  la 
beauté  des  ondes  &  des  nœuds  qui  le  rendoient  fi  précieux.  Qn^pfétend  ' 
qu'on  y  fubfiituoit  quelquefois  le  bois  de  cèdre.  Aujourd'hui  ce  quel'on  '^ 
entend  par  bois  de  citron  ,   eft   le   bois  de  rofc  de    lu  Qjiianc'^Y'ejQi. 


■V 


ce  mot.  ,  i     „;,•. ..      .i:, 


"? 


"^\A\^^'-  . 


CITRON  DE  TERRE.  Foye^  à  V article  ^iAZAs.  j52^'. -r^- -V- 
CITRONNELLE.  Voye^  à  l'article  Av^ON^'^^^''^'  '  "^'v.  V 
CITROUILLE  ou  PASTEQUE,  citrullus.  Ceft  une  plante  po- 
tagère &  cucurbitacée  quel'on  cultive  dans  les  jardins:  on  la  regarde 
comme  une  efpece  d'anguria.  Ses  racines  font  menues  &  chevelues  ; 
elle  répand  fur  terre  des  farmens  fragiles  ,  rampans.,  velus,  garnis  de 
grandes  feuilles,  découpées  profondément  en  plufieurs  lanières ,  rudes 
&  hérilTées.  Il  fort  des  ailTelles  des  feuilles  ,  des  vrilles  &  des  pédi- 
cules qui  portent  des  fleurs  jaunes  en  cloche,  auxquelles  fuccedent  des 
fruits  ronds  ,  charnus  ,  couverts  d'une  écorce  afiez  dure,  mais  unie  &: 
lille,  d'un  vert  foncé  &  tacheté  de  blanc  ,  enfuite  jaunâtre.  Ce  fruit 
eft  fi  gros ,  que  fouvent  un  homme  ne  peut  l'embrafler.  La  chair  de 
la  citrouille  ordinaire  eft  d'un  blanc  rougeâtre,  ôcd'un  faveur  douce  , 
agréable.  Sa  graine  eft  une  amande  blanche  ,  agréable  au  goût  ,  & 
contenue  dans  une  fubftance  fongueufe  ,  qui  eft  au  milieu  du  fruit  : 
cette  femence  eft  mife  au  nombre  des  quatre  grandes  femences  froi- 
des ,  qui  font  celles  du  concombre  ,  du  melon  ,  de  la  courge  &  de  la  < 
citrouille.  Voyez  chacun  de  ces  mots.  La  citrouille  croît  fans  culture 
dans  les  pays  chauds  de  l'Europe.  On  la  feme  dans  le  Nord  ,  &  elle 
y  porte  du  fruit  ;  mais  il  n'arrive  jamais  à  une  parfaite  maturité.  Les 
jardins  d'Egypte  font  remplis  de  citrouilles  ,  qui  varient  beaucoup  &v'"  '5  ' 
différent  les  unes  des  autres:  mais  il  n'y  a  point  d'endroits  où  la  ci-  --*^"''  ' 
trouille  profite  mieux  qu'au  Brefil,  &  où  fa  pulpe  foit  plus  douce  ".'. 
&  plus  fucculente.  ,  -l::/*'*^^ 

On  appelle  à  Paris  citrouille  ,  le  pepo  ohlongus ,  qui  eft  \n\e,'i?Mt?e      -s'^'- 
plante  cucurbitacée  &  fort  différente  de  celle  qu'on  \\Qni^^é'^(zûre^*  . 
Ses  tiges   également    farmenteufes  ,   s'attachent  aux  pl|i^ç^  ^vpjfiaes    ' 
ou  à  des  bâtons,  Se?  feuilles  font  amples  ,  découpées  coiiijû§^c|lfes 
Tome  IL  •£  c—^  '' 


202  C    I   V 

du  figuier  ,  attachées  à  des  queues  longues  &  un  peu  éplneufes.  Ses 
fleurs  font  en  clocha,  lamigineufes  &  fafranées  ,   un  peu  odorantes. 
Aux  fleurs  qui  ibn,t  nouées v/uccedent  des  fruits  grands  comme  ceux 
du  potiron  5  "tantôt  longs  &  pyr^imidaux  ,   tantôt    ronds,  mais  tou- 
jours, charnus  ,  boflelés  ,  couverts  d'une  écorce  dure  ,  ligneufe  ,  d'un 
.     vertrn<Hra-tr<j>-  tacheté.   La  chair   en  efl:  tendre  :  ils  font  creux  inté- 
\.''irS^ûtiff{Qnt:f/èpmme  partagés  en  trois  quartiers.  On  trouve  les  femen- 
'^T46esvïianîlâî^ij^:fpongieufe  ,  comme   dans  toutes  les  plantes  cucur- 
.    '   '    bitaeéesf,  ;v'w>""'      :•, 

•/      >;.  Les  ;^i!if)^t^&sut]^^.ie.  multiplient   que  de  graine  :  on   la  recueille 

Jorfqu'qh  côti|!>'è4e  i^«it,pour   s'en   fervir  ;  on  la   trempe  dans  l'eau 

.,/ savant  de  la  femer,  pour  faire  avancer  4e  germe.  La  citrouille  fert  à 

:  faire  des  potages,  des  fricalTées  ,   même  du  pain  ,  des    beignets  ,  ôc 

des  remèdes  rafraîchiffans  èc  tempérans.  Les  femences  font  apéritives  i 

^.yf      /  ^é  dn  en  tire  par  expreflîon  une  huile   propre  à  corriger  les  vices  de  la 

-•''*>*  ^»    peau  &   à  l'amollir. 

'  ,~'y-'"^         CIVADE.  Nom  donné  à  une  efpece  de  petite  fquille  qui  n'a  point 
"';•.;»;. ...de  cornes  au  front.   Se  dont  la  chair  efl:  fade. 

'  ■  t'  CIVE  ou  CIVETTE  ,  cepafcclUls.  Plante  potagère ,  dont  les  fleurs 
purpurines  font  ramaflees  en  petits  paquets  :  elle  produit  beaucoup 
'"  de  feuilles  qui  font  comme  de  petites  brindilles  bafles,que  Ton  coupe 
à  fleur  de  terre  ,  &  dont  on  fait  des  fournitures  de  falades.  On  dif- 
îingue  trois  efpeces  de  cive  ;  la  cive  de  Portugal ,  la  grojfe  cive  d"* An- 
gleterre ,  &  la  petite  que  l'on  nomme  civette  ou  ciboulette  :  elles  ne 
différent  que  par  la  grofleur  de  leurs  feuilles.  La  racine  de  la  cive 
eft  un  aflemblage  de  petites  bulbes  ,  comme  l'échalote  :  quelques-uns 
appellent  la  civette  ,  appétit  ,  parce  qu  elle  eft  d'un  goût  plus  fin  que 
l'oignon  commun.  On  fait  avec  la  civette  des  bordures  dans  les  po- 
tagers. L'ufage  efl:  de  la  multiplier  par  les  petits  rejetons  de  fon 
pied.  Une  culture  ordinaire  ,  une  bonne  terre  ,  efl:  tout  ce  qu'il. 
lui  faut. 

CIVETTE  &  ZIBET  ,  anirnal  ^iheihicum,  La  plupart  des   Natu- 

'raliftes  ont  cru  qu'il  n'y  avoit  qu'une  efpece  d'animal   qui  fournît  le 

parlj^m  qu'on  appelle  civette.  Nous  avons  vu  ,  ainli  que  M.  de  Buffon  ,. 

' .  \;.    deux- Q^|:es  animaux  qui  fe  reflemblent  à  la  vérité  ,  par  les  rapports 

^^éÇepti^ls  "de  la  conformation  ,   tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur;,  mais 

qui^spendant  différent  l'un  de   l'autre  par  un  afiez   grand  nombre- 


«ft'  > 


C  î  V  S.OS 

d'autres  caraderes ,  pour  qu'on  puifîe  les  regarder  comme  faifanî  deu:c 
efpeces  réellement  diftérentes. 

L'animal  que  nous  appelions  ici  civette  ^  cïk  originaire  d'Afrique  , 
&  fe  nomme  kajlor  dans  la  Guinée.  Le  ^ibat  efl  vraifémblabîement 
îa  civette  de  l'Afie  ,  des  Indes  Orientales  &  de  rArabiev;il>:difFejL',e 
de  la  civette  en  ce  qu'il  a  le  corps  plusalongé  ,  le  muf^au  iplMs  de- 
lié,  îa  queue  plus  longue  &  mieux  marquée  de  tache? "i^ li'anjrîeaux , 
le  poil  plus  court ,  plus  mollet ,  point  de  crinière  j^x^Mi^-dire  y  :-c 
poil  plus  long  que  les  autres  fur  le  cou  ,  ni  le ^■ton^'^î&jl^'^mç,- du  • 
dos  ;  point  de  noir  au-deflbus  des  yeux ,  ni  far^&jj|&^(^'^aSere^ 
particuliers  &  très-remarquables  dans  la  civettèC^.  W^*^^^*    '■''  ".-.^^ 

Le  zibet  paroit  être  à  M.  de  Buffon   le  même'anim.al  que  celui  qui/-,., 
a  été  décrit  par  M.  de  la  Peyronie,  fous  le  nom  i^ animal  dumufc  ,  dans: 
les  Mémoires  de  l'Académie.  Les  différences  qu'il  y  a  obfervées  ,  étoient 
fî  légères,  qu'elles  pourroient  bien  n'être  que  des  variétés  accidentèjr-.^  v      7^.^ 
les,   auxquelles  les  civettes  doivent  être  plus  fujettes  que  les  autres   j^;^ 
animaux  fauvages  ,  puifqu'on  les    élevé  &  qu'on   les  nourrit  comme 
des  animaux   domefliques  ,  dans  plufieurs  endroits  du  Levant  &  des^^    . 
Indes.  1' 

On  appelle  ces  animaux  chats  miifqués  ou  chats  civettes  ,felis  ^ihethina', 
ils  n'ont  cependant  rien  de  commun  avec  le  chat  ,  que  l'agilité  du 
corps  ;  ils  reflemblent  plutôt  au  renard  ,  fur- tout  par  la  tête.  Ils 
ont  la  robe  marquée  de  bandes  &  de  taches  ;  ce  qui  les  fait  reifembier 
de  loin  à  de  petites  panthères  ,  dont  ils  différent  à  tous  autres  égards. 
Ils  ont  quelque  refîemblance  avec  la  genette ,  qui,  comme  la  civette, 
porte  un  fac  dans  lequel  fe  filtre  une  humeur  odorante  ,  mais  dont  le 
parfum  eft  très-foible  &  de  peu  de  durée  :  au  contraire  ,  celui  des 
civettes  efl  très-fort  ;  celui  du  zibet  efl  encore  plus  violent.  A  la  fin 
de  cet  article  nous  parlerons  de  la  genette ,  afin  de  faire  mieux  con- 
noître  ces  animaux  qui  ont  un  fi  grand  rapport  ,  en  les  préfentant  , 
fuivant  notre  plan  ordinaire,  fous  un  même  tableau. 

La  civette  &  le  ^ibet  font  deux  animaux  propres  aux  climats  chauds 
de  l'ancien  continent.  Ceux  que  l'on  trouve  en  Amérique ,  y  ont  -.ét^  . 
tranfportés  ;  car  ces  animaux,  fenfibles  au  froid,  n'ont  pu  pafl^-d'un 
continent  à  un  autre  ,  par  les  terres  du  Nord.  Comme  les^jcii.ofes  que ,/  ,  ' 
nous  avons  à  dire  de  ces  animaux  leur  font  communes,  ou  'du  mpins  • 
<iu'il  feroit  difficile  de  les  appliquer  à  l'un  plutôt  qu'à  faut rû,,^  nous 

-Gc'-a 


> 


204  "civ 

ne  les  défignerorts  pluf  j^réfentement    que  fous  le  nom  général  dé 
civette, 

A  rextérieur  ,■  la  civette  .niâle  ne  fe  peut  diftinguer  de  la  civette 

femelle.  EHè^ônt  tellement  fëmblables   par  tout  ce  qui  fe  voit  au 

dehors  ,^  qu'il  n'y  a  même  aucune  'apparence  de  diftindion  de  fexe* 

.■  .  Le  mâle  a  leyparties  qui  ,lui  font  propres  ,   cachées   &  renfermées 

fu>,deda1is.  'Lè''^  vafe  ou  le  réceptacle  de   la  liqueur  odorante  ,  dont 
ouV^tu;'£..âvfe>ijrété  prife  par  les  Anciens  pour   la  marque  du  fexe 
■;^de  Ifi^lieUc^ft  tout-à-fait  pareil  dans  les  deux  fexes. 

Qettê^'ii^rèat  qu'on  nomme  civette ,  fe  trouve  dans  une  poche  ou  fac 

4^. ,  placé  au-deÇous  de  l'anus  &  entre  les  parties  propres  au  fexe  de  chacun 

.  ^  de  ces  animaux"., -..Cette  poche  a  une  ouverture  de  deux  pouces  ou 

environ  ;  fa  capacité  eft  aflfez  grande  pour  contenir  un  petit  œuf  de 

poule.  La  liqueur  qu'on   y  trouve  eft  une  humeur  de  la  confiftance 

^    de  pommade  ,  &  dont  le  parfum  ,  quoique  fort,  eft  très-agréable  au 

■  "     .  '>  fortir  même  du  corps  de  l'animaL  II  ne  faut  pas  confondre  cette  ma- 

w'^\       tiere  des  civettes  avec  le  mufc ,  qui   eft  une  humeur  fanguinolente 

que  l'on  retire  d'une  efpece  de  chevreuil  fans  bois ,  ou  de  chèvre  fans 

'■,^^;  Cfernes  ,  qui  n'a  rien  de  commun  avec  les  civettes  ,   que  de  fournir 

^;.>c^mme  elles  un  parfum  violent. 

>.>  Lorfqu'on  vient  à  rechercher  s'il  n'y  a  point  de  conduits  particuliers 
dans  la  civette  qui  apportent  cette  liqueur  odorante  ,  on  ne  découvre 
que  des  rameaux  qui  pafTent  des  veines  &  des  artères  hypogaftriques 
dans  les  deux  facs  qui  font  la  grande  poche.  Ce  phénomène  s'exécute 
donc  par  le  feul  moyen  des  glandes  qui  font  renfermées  dans  les  facs 
du  réceptacle  de  la  civette ,  lefquelles  ont  la  faculté  de  prendre  dans 
les  artères  ce  qui  eft  propre  à  être  converti  en  liqueur  odorante  ;  de 
même  que  les  glandes  des  mamelles  s'imbibent  de  la  matière  qu'elles 
trouvent  dans  le  fang,  propre  à  recevoir  le  caradere  du  lait.  Les 
vaiifeaux  qui  vont  au  fac  du  réceptacle  font  fort  gros  dans  le  mâle,  mais 
à  peine  les  peut  -  on  appercevoir  dans  la  femelle  :  aulîî  la  civette  du 
'  .  ,niâle  a  une  odeur  plus  forte  &  plus  agréable  que  celle  de  la  femelle. 
'  ''^Gmme  la  nature  ne  fait  rien  en  vain  ,  cette  liqueur  odorante  eft 
,-  fan^N'ogatç  pour  ces  animaux  de  quelque  ufage  que  l'on  ignore  encore.  On 
■%^\.v^c^f^fs^i'^l^ent  des  mufcles  ,   dont  la  fondion  paroit  être  de  fermeï 

■  :•t0^■^^,^ë^J■&'',de  leur  procurer  un  mouvement  capable  de  faire  fortir 

■  la  %ti(^ujç^ûi»r.antç'j^  dont  la  rétention  eft  infupportable  à  ces  animaux  j 


%''%:> 


îorfque  par  le  temps  elle  a  acquis  une  acrîmj^ie  piquante  ;  car  on  a 
remarqué  que  les  civettes  paroiffent  avoir  une  ^inq;iiiéty^è- qui  les  agite 
6c  qui  les  tourmente,  quand  il  s'eft  amàifé  quelque '.tcjuanxité  de  cette 
liqueur  quelles  s'efforcent  de  faire  «)^tîr.  . 

Les  civettes,  c'eft-à-dire,  la  tivette  &  le  zibet ,  quolqu^Gr^maM^s, 
&  natifs  des  climats  les  plus  chauds  de  l'Afrique  &  dé-^'Â^^-j. peuvent  :  • 
cependant,  dit  M.  û^e   Buffon  ,  vivre  dans  les  pays  tg^f ré^ "& /niêiil^ 
froids,  pourvu  qu'on  les  défende  avec  foin  des  mySix^'-QÀ' j^^?fï^]^   dc''% 
qu'on  leur  donne    des  alimens   fucculens  &   choifis.    C^>eè  .O^pùrrie^^ 
quelquefois  un  aflez  grand  nombre  en  Hollande,  où  rQn-.^j^|^>nrnie^.ce" 
de  leur  parfum.    La  civette  faite  à  Amfterdam  eft  -préférée"' pa^■, nos  .^j- 
Commerçans  à  celle  qui  vient  du  Levant  ou  des  Indes,  qui  eft  ordi-ï-^'-^    ^ 
nairement  moins  pure.    Celle  qu'on  tire  de  Guinée  feroit  la  meilleure 
de  toutes,  fi  les  Nègres  ,    ainfi  que  les  Indiens  &  les  Levantins,  ne  la 
falfifioient  en  y  mêlant  des  fucs  de  végétaux  ,  comme  du  ladanwn  ,  du    / 
fiorax  &  d'autres  drogues  balfamiques  &  odoriférantes.  '  ;,•     ^  ' 

Pour  recueillir  ce  parfum  ils  mettent  l'animal  dans  une  cage  étroite      '^  % 
où  il  ne  peut  fe  tourner  ;  ils  ouvrent  la  cage  par  le  bout,  tirent  l'animal 
par  la  queue,  le  contraignent   à  demeurer    dans    cette   fituation  étt  ,;^v 
mettant  un  bâton  à  travers  les  barreaux  de  la  cage,  au  moyen  duquel '^•■.; 
ils  lui  gênent  les  jambes  de  derrière j  enfuite  ils  font  entrer  une  pe.tité 
cueillier  dans  le  fac  qui  contient  le  parfum  :  ils  raclent  avec   foin  lés 
parois  intérieures  de  ce  fac ,  &  mettent  la  matière  qu'ils  en  tirent  dans 
un  vafe  qu'ils  couvrent  aufli-tôt.  Cette  opération  fe  répète  deux  ou 
trois  fois  par  femaine.     La  quantité    de   l'humeur    odorante  dépend 
beaucoup  de  la  qualité  de  la  nourriture  &  de  l'appétit  de  l'animal  :  il 
en  rend  d'autant  plus,  qu'il  eft  m.ieux  &  plus  délicatement  nourri  ;  en 
général  on  en  peut  tirer  à  chaque  fois  une  dragme  &  demie  ou  deux 
dragmes.  Delà  chair  crue  &  hachée,    des  œufs  ,   du  riz,    de  petits       \J  ■,,':. 
animaux,  de  la  jeune  volaille,  &  fur-tout  du  poiflbn,    (ont  les  mets       -r.?;  , 
qu'il  faut  lui  offrir  ,  &  varier  de  manière  à  entretenir  fa  fanté  &  exciter        /'     - 
fon  appétit  :  il  lui  faut  très -peu  d'eau;   Se  cependant  il  urij^  fré--' 
quemment.  --^^  ;^^t 

Le  parfum  de  ces  animaux  eft  fi  fort ,  qu'il  fe  communiqu^t'à^olues    ;^;..- 
les  parties  de  leur  corps  ,   &  que  leur  poil  en  eftimbu.  Sv%|^'S'^^|^J^'4*■ 


en  les  irritant ,  l'odeur  s'exalte  encore  davantage  ;  &  fi  b^|^■,^^^ïlteK^e;•. 
jufqu'à  les  faire  fuer  ,  on  recueille  la  fueur  qui  eft-^aûffiittl^i^à^fumée  , 


zo6  ...  CÎV 

Ik  qui  fert  a  falfite' lé*' parfum  ,    ou  du  moins  à  en  augmenter  le 

volume. 

Les.  civette^  V  .C9"ti"ue  M.  de  ^«^o/z,  font  naturellement  farouches, 

&  ménfQ  uji*^ifu  féroces  ;  cependant  on  les  apprivoife  aifément ,   au 

rnotî-rrr  afiTci'^Çkur  les  approcher  &  les  manier  fans  grand  danger.  Elles 

...  _„  ■_•     :t  fbjjtes  &  tranchantes  ;  mais  leurs  ongles  font  foibles  & 

ôJ&filW:  t..-    "^  l-^^nt  agiles  &  même  légères  ,   quoique   leur  corps  foit 


*>ri 


Và©l"-ç';'^''^  :  u.^o  .autent  comme  les   chats  ,    &  peuvent  auffi  courir 

.  o4ij^mvi^*^^,^-iiiiéns  ;  elles  vivent  de  chafîe,  fuprennent  les  petits  animaux 

^^:^;^ferÇ^ï3ç.' "Leurs  yeux  brillent  la  nuit,   &  il  eft  à  croire  qu'elles 

•1  ^^6ient  çatfs  Tobfcurité.  Lorfque  les  animaux  leur  manquent,  elles  fe 

;noiirri(ïènt.dfe  fruits.   Elles  habitent  volontiers  les  fables  brûlans ,  les 

'  montagnes  arïdts.  Elles  produifent  en  aiTez  grand  nombre  dans  leur 

climat,  mais  quoiqu'elles  puiflent  vivre  dans  les  régions  tempérées ,  &; 

qu'elles  y  rendent  comme  dans  leur  pays  natal ,  une  liqueur  parfumée  , 

elles  ne  peuvent  y  multiplier.  Elles  ont  la  langue  moins  rude  que  le 

chat;  leur  cri  relîembie  aflez  à  celui  d'un  chien  en  colère. 

La  civette  ou  cette  liqueur  onélueufe  qui  fe  tire  de  ces  animaux, 
-.Ka,.- lorfqu'elle  eft  nouvelle  ,  la  conOflance  de  miel  &  eft  de  couleur 
■  bknche  :  en  vieillifiant  elle  jaunit  èc  brunit.    Cette  liqueur  fe  nomme 
'  s^ibù  en  Arabie,  aux  Indes,  &  dans  le  Levant  où  l'on  "en  fait  un  plus 
grand  ufage  qu'en  Europe.   On  l'employoit  autrefois  dans  les  maladies 
hyftériques  des  femmxes  ,   mais  on   a  reconnu  que  ce  parfum   &  les 
autres  ,  tels  que  le  mnfc  &  Xamhn  gris  ,  étoient  plus  contraires  qu'utiles 
à  ces  états  ;  &  que    les   odeurs  fétides  ,    telles   que  le   gdlbanum ,  le 
c.:flortum  &  autres  femblables  ,    produifoient  un  meilleur  effet.    Les 
Parfumeurs  &  les  Confîfeurs  emploient  encore  la  civette  dans  le  mélange 
de  leurs  aromates.  L'odeur  de  ce  parfum  quoique  violente  ,   eft  plus 
•  fuave  que  celle  du  mufc.    Toutes  deux  ont  paffé  de  mode  lorfqu'on 
i"ax0finu  l'ambre  gris  ,  ou  plutôt  dès  qu'on  a  fu  le  préparer  ;  &  l'ambre 
"\-    .  mcAie  qui  étoit ,   il  n'y  a  pas  long- temps  ,  l'odeur  par  excellence,  le 
^)  '  parfum  réfineux  (  peut-être  végétal  )  ,  le  plus  exquis  &  le  plus  noble  , 

^  ,.pgîdu_  fa  vogue  &  n'eft  plus  du  goût  de  nos  gens  délicats. 


ttà^gt|é^<è^'^,-v_un  animal  plus  petit  que  les  civettes ,  dont  le  corps 
eft.fïius'àtï>j>gë^îa  tête  plus  effilée  ;,  les  jambes  beaucoup  plus  courtes. 


C    î    V  20^ 

tacheté  de  même,  ayant  aufli (ur  le  dos  une  efpsce  de  crinière j  mais 
fe  dillinguant  des  civettes  par  une  queue  àuïïî  longue,  que  le  corps, 
marquée  alternativement  d'anneaux  noirs  &  blancs.' X^^genette  porte 
comme  la  civette ,  un  fac  dans  lequel  fe  filtre  une  efpedrjde  "parfum  , 
mais  foible  &  dont  fodeur  ne  fe  conferve  pas.    Elle  eft^fl^îï  t>eu  dlus 
grande  que  Id.  fouine  qui  lui  refiemble  beaucoup  par  lafc'rta^^îiuK^df^'?  s 
auffi-bien  que  par  le  naturel  &  les  habitudes  :  feulem^tilp«i;oil;,q^u'o2^\. 
apprivoife  la  genette  plus  facilement.  On  les  a  appell:éfi>e>Ç^^£5  i/ff.-X*^^J^>' 
tantinopU  ,   chats  d'EJpagne  ,  chats  gertetic  ,  quoiqu'ils  n'§iç4fc'4fjféft^aj),t 
rien  de  commun  avec  les  chats  que  l'art  d'épier  &  de  pren^^^^tduii^j 
&  de  s'apprivoifer  comme  eux.    C'efl:  peut  -  être  parce  qu'-on   ne  le^ 
trouve  guère  que  dans  l'Efpagne  &  le  Levant,  qu'on  leur  a  donné ie 
furnom  de  ces  Pays.  On  a  vu  dans  la  ménagerie  de.  S/  A.  S.  M^'.  le  ' 
Comte  de  Clermont ,   à  Paris  ,    deux  genettes  ,  l'une  mâle ,    l'autre  *  • 

femelle ,  &  qui  ont  engendré  deux  petits  qui  fe  voient  aduellement 
dans  le  cabinet  d'Hiftoire  Naturelle  au  château  de  Chantilly  ;  le  père 
&  la  mère  font  maintenant  dans  la  ménagerie  de  Chantilly. 

La  peau  de  cet  animal  fait  une  fourrure  légère  &  très -jolie.    Les 
manchons  de  genette  étoient  àla  mode  il  y  a  quelques  années,  &  fe.j ,/ 
vendoient  fort  cher;  mais  comme  Ton  s'eft  avifé  de  les  contrefaire, en  .. 
peignant  de  taches  noires  des  peaux  de  lapins  gris ,  la  m.cde  en  a  paîTé.^' 
&  le  prix  en  a  baiffé. 

CIVETTE  VOLANTE.   C'eft  le  chat-volant.  Fbyq  ce  mot. 
CLAIRON ,   cUrus,  Genre  d'infeéle   coléoptere  qui   reffemble  au 
hoflriche  par  la  forme  cylindrique  de  fon  corfelet  qui  eft  fans  rebords  , 
&  par  les  pelotes  ou  éponges  dont  fes  tarfes  font  garnis  ;  fcs  antennes 
font  en  malTe  &  compofées  de  trois  articles.    Il  n'a  point  de  trompe. 
Sa  couleur  eft  fort  belle  ;  il  y  en  a  de  plulieurs  fortes  dont  les  larves 
habitent,   les  unes  dans  les  nids  des  abeilles  maçonnes,   d'autres  dans 
les  charognes  ,  &  une  autre  enfin  fur  le  rcfeda  &  autres  plantes.  L^'eibece'-  •■.;\  ■^^■' 
de  clairon  la  plus  remarquable  eft  celle  dont  la  larve  qui  eft  de  couleur  ';■  'yK   '   - 
rouge  s'introduit  dans  le  nid  des  abeilles  maçonnes,  perce  leurs  cellules,  *  «r# 

mange  les  petits  vers  &  les  chryfalides  qui  y  font  renfermées  ,   fgf.mc-         •     ^,: 

5aii    -  •••/''•'•' 


tamorphofe  ,   en  fort  avec  des  étuis  d'une  liçhe  couleur  &  .çl'viiWSa--     v^j, 


deffin.  La  folidité  de  cet  étui    lui  fert  de  bouclier  contref^^g^iilloï*^  -'^^^'''' 
vengeur  des   abeilles.   Il  pafle  le  refte  de  fa  vie  à  voltiger^.|^,:fl^rs^•î^'^^ 
Voyez  à  l'article -^/'t'/Y/t^i  maçonnes,  ■vA-ir?^'''- •■>•'' 


•2o8  C  L  A 

CLANDESTÏÎ^E  ou  HERBE  CACHÉE,  dandefilna  Jîon  fub^ 
cœntho  ^  Tourne/.  Nom.  donné  à  une  plante  qui  fe  plaît  dans  les  lieux 
froids  ^hui»iâes>,.r5è^i'ombre  des  arbres  &  dans  les  bois  ,  laquelle 
croîj;  en  plu^ufâ 'endroits  de  TAniou ,  près  de  la  Rochelle,  &  très- 
communérrilfit  aux  environs  de  Nantes  ,  &:c.  La  clandeftine  paroît 
pendanf  le  printemps  ;  c'ePc  alors  qu'elle  montre  fes  fleurs,  qui  forment 
é&s  bôjLiq*|its:ii'tfn  beau  pourpre  bleuâtre.  Elle  tire  fa  nourriture  des 

'"jiie^l^s  taiiîrlés  des  arbres  ,  telles  que  du  hêtre ,  du  chêne,  du  peuplier, 
dîi-ï^SfeS&c.  voilà  pourquoi  ce  végétal  étant  tranfplanté  ne  fubfifte 
pas  Jong-*{^in"ps. 
^  ^.ît/a  coj;oli^de.la  çifij^deftiiie  eftfoutenue  verticalement  fur  fon  calice 

•■  teîlîé"'en  forfi^^^'ÇÎtfcîite  ]'  elle  eft  monopétale,  &  du  nombre  des 
fleurs  en  m4fqûe  de  Tournefort,  La  lèvre  fupérieure  efl:  large  par  le 
haut  &  concave  ;  la  levre  inférieure  eft  plus  petite ,  repliée  &  découpée 
en  trois  parties ,  creufée  en  manière  de  gouttière.  On  y  remarque 
ime  efpece  de  mciarium  ,  quatre  étamines ,  un  piftil.  -Le  fruit  eft  une 
capfule  à  deux  pas  élaftiques,  qui,  parvenus  à  l'état  de  maturité,  fe 
contournent   rapidement   en   manière   de   cornets  ,  pour  lancer  aux 

,  environs  &  avec  force  le  peu  de  graines  que  chaque  capfule  contient  : 

.  "  ta  graine   eft  un  peu  arrondie  ,    &  oifre  une  petite  tache  noire  qui 

•■  jdoit  fervir  de  paffage  aux  élémens  du  germe.  Comme  ces  graines  font 
ordinairem.ent  cachées  fous  les  feuilles  mortes  des  arbres,  ou  nichées 
dans  les  trous  &  inégalités  du  terrain  ,  elles  fe  trouvent  plus  à  portée 

•  çi'atteindre  les  racines  des  arbres  les  plus  déliées  &  les  plus  fuperficielles  , 
au  moyen  de  deux  ou  trois  radicules  chevelues  ,  jaunes  &  rondes  , 
quelquefois  blanches  qu'elles  pouffent  elles-mêmes  &  qui  fervent  à  les 
.uiir  à  des  individus  étrangers,  dont  elles  tirent  des  fucs  alimentaires, 

;.&'pour  continuer  leur  végétation  &  leur  développement. 

La  tige  de  la  clandeftine  eftfucculente  ,  &  prefqu'entiérement  cachée 
enterre  ainfi  que  fes  feuilles  qui  font  fans  pédicules  ,  &  taillées  en  écailles 
blahchûtres  ,  petites,  charnues,  difpofées  en  croix  &  dont  les  nervures 
font  rayées  de  lignes  purpurines.  Les  racines  donnent  beaucoup  de 
rejets^- çé  qui  multiplie  l'efpece-  confidérablement  ;  elles  fe  divifent  & 
fe  fûb^vifent'jufqu'à  ce  que  les  plus  petites  ramitications  fe  terminent 

•en  petits" gic^ules  ou  efpeces  de  mamelons  de  la  grofleur  d'un  petit 
poisi,^  bla'r^îi|ti'çs  ^  fouvent  on  voit  plufieurs  de  ces  m.ameîons 
fubdi^^ir^:';,  a.îfèz'près  les  unes  des   auttes  :   &   ces   mamelons  qui 


^ 


^■i  .  çommuniquoicnt 


G  L  É  2op 

lîiuniquent  avec  les  racines  des  arbres  font  auta'i?Ii:^é  fuçoirs ,  de 
ventoufes  qui  en  pompent  immédiatement  la  fàye  a  leitr  profit.-^  Des 
Hiçoirs  qui  ne  touchent  d'abord  qu'un  point  de  Fécorçe  ides'  racines 
nourricières ,  s'épanouiflent  bientôt ,  en  embraflent  une;>.]pîus  grande 
partie,  &  finififent  par  les  entourer  quelquefois  en  entier  ril  y  a  p|ùs î 
ces  fuçoirs  fe  pratiquent  une  entrée  dans  l'écorceSc  1©5  ivicines.  Tel  elb.;, 
en  abrégé  le  mécanifme  de  la  plante  parafîte  que  nou$.  vèûQns'd»;^ 
décrire  d'après  M.  Benhdot  du  Paty.  "  ■  .'•'^■^ 

Le  fuc  exprimé  de  cette  plante  efl:  eftimé  apéritif  Sv^ohiqiie  ;  oC 
Ton  prétend  que  la  clandeftine  prife  en  fiibftanGe.^  a  la  Vét^i'  de 'dé- 
truire les  principales  caufes  de  la  ftérilité  daini's.^^,Te|tii^lJioik;pbu^  f  . 
rions  en  citer  quelques  exemples  en  faveur  des  perlbnfïes'du  fexe  qui 
recherchent,  défirent  cette  puifiTance  pour  ,1a  propagation  du  genre 
humain....  mais  quid  tentarc  noccbh}  il  faut  eflayer  de  la  clandeftine. 

CLÉMATITE  ou  HefxEe  aux   gueux  ,   ou  Viorne  ,  clematuis. 
C'eft  un  genre  de  plante  à  fleurs  en  rofe  ,   compofées  ordinairement     ^^ 
de  quatre  pétales  ,  fans  calice,  &  d'un  grand  nombre  d'étamines  &  de 
piftîls  ,  auxquels  fuccedent  des  fruits  dans  lefquels  les  femences  font 
raflemblées  par  bouquets  ,   &  font  terminées  par  un  filament  fembla-    ' 
ble  en  quelque  forte   à  une  petite  plume.  Il  y  a  piufieurs  efpeces  de  / 
cette  plante  ,  dont  les  unes  font  vivaces  ,  &  les  autres  font  des  arbrif- 
feaux  grimpans  ,  dont   quelques  -  uns  font  très  -  agréables  par  leurs 
fleurs. 

La  clématite  commune  ou  V herbe  aux  gueux ,  efl  ainfi  nommée,  parce 
que  les  mendians ,  pour  exciter  la  compaffion ,  fe  fervent  du  fuc  de 
cette  plante,  pour  faire   paroitre   des  rougeurs  ,  des  inflammations.  ,  _.      . 
des  ulcères  à   quelque  partie  du  corps  ,  notamment  aux  jambes.  Ce 
mal  eft  plus  effrayant  à  la  vue  que  dangereux  ;  ils  le  font  facilement ^ 
lorfqu'ils  le  veulent,  en  étuvant  la  partie   avec  de  l'eau  fraîche  ,  qu 
en  y  appliquant  des  feuilles  de  poirée.  Cette  efpece  de  clématite  qu'ils 
emploient ,  eft  fort  commune  dans    les  haies.  Ses  fleurs  blanchâtres 
forment  des  bouquets,  au  mois  de  Juin,  plus  finguliers  que  beaux, 
mais  d'une  odeur  agréable.  Dans  l'automne  ,  &  quelquefois  une'fTonnç 
partie  de  Thiver  ,  on  croiroit  de  loin  voir    des  fleurs  fur  r.le^jirbrif-  ; 
féaux  dépouillés  de   feuilles:   ce    font   les   graines    de^^fte  plante,   -  - 
chargées    d'aigrettes  barbues    &    blanches.    La    partie    îfgrî^u^'    & 
Tome  IL  -        ^fK    '  "'"*  * 


210  C  L  O 

farmenteufe  de  ces  arbrlfTeaux  eft  propre  à  faire  des  liens  &  des  ruches 
de  mouches  à  miel  ;  on  en  fait  auflî  de  jolis  paniers» 

Il  y  ,a  auflî  une  efpece  de  clématite  à  fleur  bleue  double  ,  qui  eft 
un  des  plu§ beaux  arbrifleaux que  l'on  puifle  employer  dans  les  jardins^ 
pour  former'des  paliflades  ou  couvrir  des  portiques  &  des  berceaux. 
Il  (Croît  fort  vîte  &  garni  d'un  beau  feuillage  d'un  vert -brun;  Dès 
là'  fîrt' (ré''-*3'^iiih ,  il  commence  à  fe  charger  de  fleurs  d'un  bleu  foncé  , 
eh  fi^graficîe  abondance,  qu'elles  couvrent  fon  feuillage  :  elles  fe  fuc- 
cedent'Apèndant  l'efpace  de  deux  mois.  Il  fe  multipUe  facilement  de 
bouUii'e^"  qui  donnent  des  fleurs  dès  la  féconde  année:  lorfqu'on  le 
t^iUe-'tardy  ilp.oufl^  de  nouveaux  rejetons  qui  donnent  des  fleurs  pen- 
daîit  toute  l'àutorrine» 

On  cùItive-en  Angleterre  une  autre  efpece  de  clématite  dont  les 
fleurs  font  doubles  &  d'un  beau  rouge  incarnat  :  il  feroit  à  defirer 
qu'il  fut  moins  rare  &  qu'on  le  cultivât  ici  ;  car  il  réunit  tous  les  avan- 
tages de  l'arbrifleau  précédent.  Le  clématite  d'Efpagnc  garde  toujours 
ion  feuillage  tendre  &  brillant  ;  mais  elle  eft  très-délicate.  Il  y  a  en- 
core d'autres  efpeces  de  clématite  à  fleurs  bleues  &  blanches  ,  qui 
\  font  de  petites  plantes  vin^aces  ,  fort  robuftes.  Les  feuilles  de  clé- 
matite peuvent  être  employées  utilement  ,  pour  ronger  les  chairs 
baveufes  qui  empêchent  les  plaies  de  fe  cicatrifer.  Voyez  maintenant 
FLummule, 

CLOCHER  CHINOIS.  Petit  coquillage  univalve  &  operculé , 
de  la  famille  des  vis  :    fa  robe  eft  d'un  brun  fale.  Foye^  le  mot  Vis, 

CLONISSE  ou  COUTOIR.  Coquillage  bivalve,  delà  famille  des 
cames  ,  à  coque  épaille  :  il  eft  arrondi ,  un  peu  renflé ,  orné  quelque- 
fois d'une  trentaine  ou  quarantaine  de  cannelures  tranfverfales  &  ri- 
dées îles  battans  font  marqués  intérieurement  d'une  centaine  de  petites 
dents  ,  entre  lefquelles  deux  dents  plus  grolTes  ,  &  à-peu-près  triangu- 
laires ,  obtufes  &  fort  proches  l'une  de  l'autre ,  forment  la  charnière- 
du  battant  droit ,  elles  font  difpofées  de  manière  à  recevoir  les  trois 
dents  du  battant  gauche.  Ce  coquillage  marin  fe  tient  enfoncé  dans 
.le  fable.  Les  femmes  le  pèchent  avec  une  bêche  recourbée.  Il  s'en 
fait  une  grande  confomm.acion  pendant  le  carême,  à  Bordeaux  & 
dans  les  campagnes  voifines  de  la  baye  :  on  en  envoie  dans  des  facs 
eu  dajas.  des  feariJs  jufqu'à  Touloufe.  Sa  chair  eft  faine  &  délicate  :  eH& 


C  L  O  2  ï  t 

fe  conferve  trois  remaines  pendant  l'hiver.  Les  Nègres  du  Sénégal  la 
mangent  cuite  fous  les  cendres, 

CLOPORTE.  C'efl:  un  petit  infede  aptcrc  ,  fans  ailes  ^auq^uel  on  a 
donné,  tant  en  Latin  qu'en  François  ,  des  noms  finguliers  :  en  Cham-» 
pagne  on  le  nomme  Porcelet  de  Saint  Antoine  ,  parce  qu'oti;  s'eft  ima- 
giné que  fa  figure  avoit  quelque  rapport  avec  celle  d'un  pourceau  :•  on 
le  nomme  en  Latin  Afellus  ou  MUlepes  \  afellus  ou  /^t^i^..)^,  à  cau^Te 
de  fa  couleur  ;  milUpcs  ,  à  caufe  du  nombre  de  fes  jambes ,  qui  diffère 
beaucoup  en  nombre  de  celles  du  véritable  millepied.  ,  >\ 

Le  cloporte  eft  plat  ,  fon  corps  efl  ovale,  de  la  longueûr'.^^  fongie 
du  petit  doigt  ,  recouvert  d'une    peau   comme,  .çcailleufè  &  tuîLég  , 
divifée  en   huit  anneaux  ;  chaque  écaille  paroît  liiîe  &  luflirée,  Sa^'tcte' 
efl:  petite,  arrondie  &  armée  de  deux  cornes  ou  antennes,  qui  lui  fer- 
vent à  tâter  le  terrain  ;  il  a  quatorze  jambes  ,  fept  de  chaque  côté? 
fa  queue  eft  doublement  fourchue,  longuette,   pointue.  Cet  infe(3:e 
efl  d'une  feniibilité  exquife  ;  pour  peu  qu'on  le  touche  ,   il  fe  replie 
tête  contre  queue  ,   &  forme  la  boule  à  la  manière  des  hérifTons.  li    • 
refte  dans  cet  état,  jufqu'à  ce  que  le  danger  foit  paffé.  Parmi  les  Au- 
teurs, les  uns  prétendent  que  cet  infede  eft  ovipare;  d'autres  préten- 
dent qu'il  eft  vivipare,  Bourguet ,  dans  une  lettre  fur  la  génération  des 
plantes  &  des  animaux ,  dit  que   «  les  cloportes  pondent  leurs  cÉufs . 
»  au  nombre  de  foixante  ou   environ  ,   tout   à   la  fois  ;  ils  pendent 
w  à  la  mère    par  un  pédicule   blanc  ,    qui  reffemble  à  un  filet.   Les 
»  mères  fe  les  mettent  fort  induftrieufement  fur  le  dos  par  le  moyen 
»  de  ce    filet.  Une    matière   vifqueufe   attache   les   petits  ,  qui  pen- 
»  dent    à  leur   tour  chacun  à    un  petit  fil  blanc  ,   qui   leur  fert  de 
33  cordon  ombilical.  Des  qu'ils  font  fuffifamment  attachés  en  rang  les 
»  uns  après  les  autres  fur  les  fegmens  du  dos  de  la  mère  ,  le  commun 
»  pédicule  fechc   &  difparoît.    Alors    les  petits  paroilTent   dans  leur 
»  torme  naturelle  ,  ayant  tous  la  tête  tournée  du  même  côté  que  la 
»  mère  ,  qui  feche  peu  à  peu  en  les  portant  quelque  temps....  Les  petits 
a>.  encore  fur  le  dos  de  la  mère  ,  jufqu'à  ce  que  le  petit  filet  foit  fec; 
»  après   quoi    ils   defcendent  ,    &   vont    chercher  eux  -  mêmes  leur 
»  nourriture.  »  .>-^  > 

Voilà  des  obfervations  détaillées  qui  fuppofent  que  l^ci^'n  a  vu  la 
chofe ,  &  qu'on  peut  trancher  le  nœud  de  l'indécifibn,  ^Langius  dit 
avoir  obfervé  que  les  cloportes  femelles  portent  leurs  petits  attachés 

Dd  2    ' 


112  C  L  O 

à  leur  ventre  ,  à-peu-près  comme  les  écrevifles  y  portent  les  œufsr. 
Lcmery  dit  qu'ils  font  vivipares.  Suivant  des  obfervations  inférées  dans 
les  Ephémérides  d'Allemagne, on  a  vu  fe  détacher  d'un  cloporte  mort, 
que  l'on  -examinoit  au  microfcope  ,  un  très -grand  nombre  de  petits 
cloportes  trçs-bien  formés,  qui  fortoient,  à  la  file  les  uns  des  autres^ 
vers.la_pTeinj.ere  paire  des  jambes  de  finfeâie.  Nous  avons  examiné 
ces  anitnaux,en  différentes  faifons  de  l'année  ,  &  ils  nous  ont  paru 
ovipares.  lVf.,de  Cayeu  a  reconnu  qu'ils  changeoient  deux  fois  d'enve- 
loppe par  année  ,  &  que  leurs  œufs  font  fphériques ,  gros  comme  un: 
grain  dè-^^payot  ,  couleur  de  paille  ,  &  rangés  fous  le  ventre  de  la 
mere«,'.C?es  oeufs  ne  réulîîffent  pas  tous;  car  à  mefure  qu'ils  grofllfïent, 
&  que  les  pattes  de  la  mère  deviennent  trop  courtes ,  relativement 
au  volume  qui  le?  entoure  ,  une  grande  partie  efi:  brifée  ou  écrafée 
par  le  frottement  qu'ils  éprouvent  contre  le  corps  que  le  ventre  de  la 
femelle  parcourt.  Il  n'en  réuflît  pas  plus  de  douze  ou  quinze  ,  qui 
contiennent  chacun  un  fœtus ,  lequel  venant  à  fortir  ,  fe  range  entre 
les  pattes  de  la  mère  ,  &:  fe  tapit  dans  l'efpece  de  feuillure  que  ces 
pattes  forment,  en  s'appliquant  fur  le  ventre.  Dès  que  les  œufs  font 
vides ,  le  filet  qui  fait  l'office  de  cordon  ombilical  ,  tombe ,  arraché 
par  le  mouvement  continuel  des  petits ,  qui  ne  s'écartent  guère  qu'ils 
n'aient  acquis  environ  une  demi-ligne  de  longueur.  Ils  ont  même 
fadreffe  de  fe  réunir  &  de  s'accrocher  les  uns  aux  autres  ,  de  ma- 
nière qu'on  les  prendroit  pour  une  proéminence  du  ventre  qui  leur 
fert  de  couvert.  Telle  eft  l'obfervation  de  M»  de  Cayeu.  Mais  la  nature 
cft  fi  variée  &  fi  riche  dans  fes  producflions  ,  qu'il  ne  feroit  peut-être 
pas  impoflîble  que  des  diverfes  efpeces  de  cloportes ,  les  unes  fuffent 
ovipares  ,  les   autres  vivipares. 

Il  y  a ,  en  effet  ,  plufieurs  efpeces  de  cloportes  qui  différent  un 
peu  par  la  couleur  ,  la  grandeur  &  le  lieu  de  leur  habitation.  On  voit 
quelquefois  dans  les  fourmilières  de  jeunes  cloportes  tout  blancs  ,  qui 
paffent  l'hiver  dans  un  état  d'engourdilfement ,  ainfi  que  les  fourmis  : 
on  les  voit  épars  parmi  elles  ,  &  rangés  dans  les  pelotons  de  fourmis 
entaffés.  Le  cloporte  domeftique  eft  plus  grand  ;  il  fe  retire  dans  les 
fentes  des  murs  ,  fous  les  toits  nitreux  ,  &  dans  les  endroits  ombragés, 
pierreux ,  &  fous  les  vieux  bois  pourris  dans  les  caves.  Aufîî  eft-ce 
lui  que  l'on  emploie  de  préférence  ,  foit  en  fubftance  ,  foit  en  infufiofi 
dans  les  maladies  où  il  s'agit  de  réfoudre.  Suivant  M.  Bourgeois  ^  on  peu-t 


C  L  O  213 

dire  que  les  cloportes  font  un  des  plus  excellens  remèdes  que  la  fvla- 
tiere  Médicale  nous  fournifîe  ,  &  d'un  ufage  très-étendii  &  très-fréquent 
dans  la  médecine.  Outre  leur  vertu  de  réfoudre  &  de  fondre  les  hu- 
meurs de  toute  efpece,  &  de  purifier  le  fang,  en  chailant  par  les  urines 
les  fels  acres  &  fcorbutiques  dont  il  eft  infedé  ,  on  doit  Je  régarder 
comme  le  meilleur  fpécifique  qu'on  puillè  employer  côntïe.Tafthme 
de  toute  efpece,  mais  fur-tout  l'humoral,  &  contre touties'Jèlséfpece's 
d'hydropifies  ,  lesaffedions  fcorbutiques  &  fcrophuleufes,  lés'fqpirres,  • 
les  cancers ,  &c.  Ces  cloportes  écrafés  &  appliqués  en  cataplafme'fur  la 
gorge,  font  encore  bons  dans  l'efquinancie.  Celui  qui  eft  noir",Tfe  Jj-o.uve' 
fous  les  pierres  dans  les  lieux  frais  &  humides.  Le  cloporfç^jïôUg^-tîi-uti 
vit  dans  les  mêmes  lieux  que  le  noir.  Le  cloporte  fauvage ,  que  l'on 
trouve  dans  les  blés  &  fous  l'écorce  des  arbres  ,  n'eft  pàs'lfî'èfficace  que  le 
cloporte  gris  ou  domeftique  ,  contenant  ,  dit-on  ,  moins  de  parties 
nitreufes.  Nos  cloportes  domeftiques  ne  font  que  peu  ou  point  in- 
commodes ,  en  comparaifon  de  ceux  qui  ,  fuivant  les  relations  de 
quelques  Voyageurs  ,  naifTent  dans  l'île  de  Madagafcar.  Il  fe  trouve 
encore  une  efpece  de  cloporte  dans  les  eaux  falées  ,  que  les  Pê- 
cheurs difent  faire  mourir  les  perches ,  en  s'infinuant  dans  leurs  mâ- 
choires. On  en  trouve  une  autre  efpece  dans  les  eaux  douces  &  dans 
les  puits.  On  la  nomme  cloporte  aquatique.  Voyez  Aselle.  Il  y  a  aufll 
le  cloporte  de  mer  ,  qui  eft  très-grand ,  &  qui  fe  trouve  fous  les 
plantes  qui  couvrent  les  banches  de  la  mer. 

On  donne  encore  le  nom  de  cloporte  à  une  petite  coquille  grave- 
leufe  ,  du  genre  des  porcelaines.  Foye^  ce  mot.  Enfin  on  le  donne  auftî 
à  une  chenille  velue. 

CLOU  DE  GIROFLE.  Voye^  Girofle.  Il  eft  parlé  du  Clou 
du  Para  à  l'article  Bois  de  Crave,  Voyez  ce  mot. 

CO.    Voyei^  à   l'article  LiERRE, 

COAITA.  Nom  donné  à  une  grande  efpece  de  fapajou  ,  dont  le 
corps  eft  effilé  ,  velu  &  mal  proportionné  dans  fes  membres.  On  en 
voit  de  noirs  &  de  blancs  ;  les  uns  barbus  ,  &  les  autres  fans  barbe. 
Ces  efpeces  de  quadrumanes  font  aflez  communs  dans  la  Guiane ,  au 
Panama  &  au  Pérou.  Ils  vivent  en  fociété  ,  ont  un  certain  degré 
d'intelligence  qui  étonne  toujours ,  &  fur-tout  beaucoup  d'adrefle.  Leur 
nourriture  confifte  en  poiffons ,  vers  ,  infedes,  &  notamment  en  fruits» 
Les  huîtres  font  aufîl  de  leur  goût  ;  car  lorfque  la  marée  s'eft  retirée ^ 


2  14  COA 

ils  viennent  far  le  rivage ,  prennent  ce  cedacée ,  le  pofent  fur  un  ro- 
cher, le  frappent  à  coups  de  pierre  ,  brifent  Técaille  de  en  mangent 
l'animal.  Ces  fapajoux  ne  font  pas  un  accueil  honnête  à  Ihomme 
voyagçùr^  qui  traverfe  les  bois.  Les  uns  font  mille  contorfions,  mille 
poftures':g^Otefques  ;  d'autres  grincent  ridiculement  les  dents ,  fautent 
de  branches"  en  branches.  Il  y  en  a  même  qui   tâchent  de  pilier  fur 

■  ^éJne■Z''d\ï•  Voyageur.    Leur  queue    fufceptible  de    contradion  à  fon 

■  extrémité,  eft  pour  eux  une  cinquième  main   très-adroite.  Ils  s'en  fer- 
vent;, polir  pêcher  ,  attirer  les  corps  qui  font  à  leur    portée  ,  &  pour 

'  fe' •  fufpeadîfe  aux  branches.  Voyez  à  l'article  Cercop'uluque ,  l'induftrie 
,  «Jç'^Êc^.àhimaux,  pour  traverfer  une  rivière. 

.  Be^  femelles  des  coaitas  ne  font  point  fujettes  à  l'écoulement  pério- 
dique': elles,  ne  produisent  ordinairement  qu'un  ou  deux  petits  ,  les 
portent  toujours^  fur  le  dos  ;  &  ce  poids  femble  n'ôter  rien  à  leur 
agilité.  Ces  animaux  deviennent  familiers  ,  carefi'ans  :  ils  font  d'un 
naturel  doux  &  docile.  Le  froid  de  nos  climats  efl:  trop  rigoureux 
pour  cette  forte  d'individus.  On  prétend  que  des  vers  de  f^pt  à  huit 
pouces  de  longueur  habitent  leurs  inteftins.  La  chair  de  ceux  qui  ont 
îTiangé  beaucoup  de  fruits  ,  eft  exquife  au  goût  de  la  plupart  des 
colons. 

COATI.  Animal  quadrupède  qui  ne  fe  trouve  que  dans  les  cli- 
mats méridionaux  de  l'Amérique.  On  a  donné  ce  nom  à  plulieurs 
animaux  bien  différent  j  mais  le  Coaù-mondi  ne  paroît  qu'une  variété 
du   Coati. 

Le  coati  eft  un  animal  aflez  petit  ;  tout  fon  corps  eft  de  couleur 
roufTe  (  l'autre  n'a  que  le  ventre  &  la  gorge  de  cette  couleur,  le  refte 
étant  d'un  brun  prefque  noir);  fes  oreilles  &  fes  jambes  font  courtes, 
fes  yeux  font  petits  :  on  le  diftingue  aifément  de  tous  les  autres  ani- 
maux par  fon  mufeau  alongé  ,  &  par  ion  grouin  mobile  en,  tout  fens» 
Il  a  ,  comme  Xours  ,  une  grande  facilité  à  fe  tenir  debout  fur  les 
pattes  de  derrière,  dont  les  talons  font  larges:  il  a  cinq  doigts  à  cha- 
que patte.  Nous  en  avons  vu  à  Paris  plufieurs  qui  étoient  privés  ; 
l'un,  entr'autres,  étoit  fenfible  au  froid,  &  il  approchoit  du  feu  en 
fe  tenant  debout  fur  les  deux  pattes  poftérieures  ;  alors  il  étendoit  les 
antérieures  &  ouvroit  fes  efpeces  de  mains  ,  puis  fe  frottoit  la  poitrine 
&  le  ventre  à  la  manière  de  l'homme.  Sa  queue  eft  touffue  ,  annelée, 
plu?  longue  que  fon  corps,  lorfqu'elle  n'eft  point  tronquée  ,  car  cet 
^n;mal  e^  fujet  à  ,Ia  ronger^ 


CO  B  .  2IJ 

Ce  goût  {îngulier  ,  &  qui  paroît  contre  nature  ,  n'ell  cependant  pas 
particulier  au  coati ,  dit  M.  de  Buffon.  luQS  Jinges  y  les  makis ,'  te  quel- 
ques autres  animaux  à  queue  longue,  rongent  le  bout  de  leur  queue, 
en  mangent  la  chair  &  les  vertèbres ,  &  la  raccourcififent  peu-à-peu 
d'un  quart  ou  d'un  tiers.  On  peut  tirer  delà  une  indudioH  géne'rale, 
continue  M.  de  Bufon  ;  c'eft  que  dans  des  parties  très  -  al'ongées  ,  & 
dont  les  extrémités  font  par  conféquent  très -éloignées  dy. -centre  du 
fentiment  ,ce  fentiment  eft  foible  ,  &  d'autant  plus  foible  ;  ;^uie  la  dis- 
tance eft  plus  grande  ,  &:  la  partie  plus  menue  ;  car  fi  l'extrôœi^e  de 
la  queue  de  ces  animaux  étoit  une  partie  fort  fenfible  ,\>||5:^nfatÎDii 
de  la  douleur  feroit  plus  forte  que  celle  de  cet  appétit  i"S:''5fe«Skr* 
ferveroient  leur  queue  avec  autant  de  foin  que  les  autres  pàr^tiés  de 
leur  corps.  Au  refte  ,  le  coati  eft  un  animal  de  proie.,;  qui  fe'-nour- 
rit  de  chair  &  de  fang  ,  qui  ,  comme  le  renard  oii  la/oume,  eft 
fort  rufé  &  a  beaucoup  d'adreflfe  :  il  égorge  les  petits  animaux  ,  les 
volailles  ,  &  cherche  les  nids  d'oifeaux  pour  en  manger  les  œufS.  14  eft 
dangereux  pour  les  chiens  qu'on  emploie  à  le  chalTer  ;  &  il  faut  qu'ils 
foient  bien  courageux  ,  car  il  fe  défend  vigoureufement.  On  prétend 
que  fa  dent  eft  venimeufe.  On  ne  peut  l'avoir  qu'en  le  tuant  à  coups 
de  fufil  y  il  faut  même  ne  le  tirer  que  quand  il  fuit  Se  non  quand 
il  eft  arrêté.  Sa  chair  eft  d'un  aftez  bon  goiit  dans  la  Guiane^ 

COBALT  ou  COBOLT ,  cobaltum.  Cette  fubftance  que  bien  des 
Auteurs  ont  regardée  jufqu'ici  comme  une  fimple  mine  arfénicale  ,  eft 
une  matière  métallique  particulière  ,  dont  on  retire  un  régule  qui 
diffère  beaucoup  de  celui  d'arfenic.  Le  cobalt  eft  pefant  ,  dur ,  fria- 
ble ,  d'une  couleur  ou  cendrée  ,  ou  jaune  ,  ou  rofe  ,  ou  noirâtre  ^. 
d'un  tiffu  tantôt  ftrié  ou  grainu  ,  tantôt  écailleux  ou  criftallifé ,  ou 
tricoté  ,  femblable  à  une  fcorie  vitreufe ,  reffemblant  dans  la  fradure 
à  du  métal  fondu  :  il  s'en  rencontre  encore  de  miroité  ou  fpéculaire  ,  de 
terreux ,  couleur  de  fleur  de  pécher  ;  &  prefque  toutes  les  autres  efpeces 
expofées^à  l'air  acquièrent  fuperficiellement  cette  même  couleur  pour- 
pre ou  de  gorge  de  pigeon  ,  qu'on  peut  regarder  comme  une  miné- 
ralifation  ,  &  d'autres  fois  comme  une  efflorefcence,  qui  eft  écailleufe 
ou  ftriée  ,  &c.  Il  y  .  a  auffi  des  cobalts  dont  i'efflorefcence  eft  nuée- 
de  blanc  ,   de  bleu  &    de  vert.  La  mine  eft  noire  &  commune  en 


a 

Thurinp-e. 


Le  cobalt  demeure  allez  fixe   au  feu  j.  fa  fubftance   m^talli^ue- ^, 


;:fi 


zi<^  C  O  B 

calcinée,  fournit  une  terre  fous  le  nom  àq  fafrc  ,  &  qui,  mélange'e 
d'alkali  fixe  ,  de  quartz  ou  de  filex  ,  fe  vitrifie  plus  facilement ,  &: 
donne  alotis  un  beau"  verre  bleu,  très-précieux  ,  &  appelle  dans  le 
commerce  û^wr  ,  y^^/^ ,  bUu  £  email  ^  verre  de  cobalt  ;  fubftance  fi  utile 
dans  lajp^tîture  pour  la  faïance ,  la  porcelaine  ,  dans  la  teinte  des 
émauxv;.(8^'.  ilÉîns  le  bleu  d'empois. 

,    i^,jg9balÉ.; difTous  dans  l'eau  régale,  affoiblie  enfuite  avec  de  l'eau 

pure,  fcTrmè'une  encre  de  fympathie  très-curieufe  :  l'écriture  n'eft  pas 

<'ifibte^.i'^pk>^r  la  lire ,  il  ne  faut  qu'approcher  la  lettre  auprès  du  feu  , 

-^ecrîtui-e^^jfôk  'alors  en  caradere  d'un  beau   vert.  En  refroidiflant , 

.;  le&^^Tattcïfis^fpaj^oînènt.  On  peut  les  faire  reparoître  par  le  même 
procéda  ,^tia,uÉes  les  fois  qu'on  le  defire.  Il  ne  faut  pas  trop  échauffer 
Illettré  j  lj&S'*^àrties  colorantes  fe  dilîiperoient  ou  s'altéreroient  ,  &: 
les  ti;âîts  difparoatroient  pour  toujours.  On  a  fait  des  écrans  dont 
1  efquifle  ;  ne.  prélentoit  que  des  arbres  dépouillés  ,  tableau    du  triife 

V.,   hiver-.;^h  les  mettant  devant  foi ,  pour  fe  garantir  du  feu,  on  voyoit 

^  les  arbres-  s'orner  de  feuilles  ,  &  les  tapis  de  gazon  fe  couvrir  de  la 
verdure  du  printemps.  Combien  de  traits  de  galanterie  ont  été  dé- 
voilés à  des  yeux  chaftes  ,   par  le  moyen  de  cette  encre  ,  dont   de 

/^•/■' Petit-  Maîtres  ou  de  perfonnes  peu  fcrupuleufes  &  indifcrettes  fe  font 

i  ^^'atmifées  ! 
'^%  %Çi  cobalt  ne  s'unit  guère  par  la  fufion  avec  le  mercure  ,  ni  avec  le 
bifmuth  ;  mais  très-facilement  avec  le  cuivre.  Dans  fon  état  de  mine, 
il  contient  fouvent  du  bifmuth  ,  de  l'argent,  du  foufre  &  de  l'arfenic  , 
ce  qui  Taltere  toujours  plus  ou  moins.  La  matrice  pierreufe  eft  fou- 
vent  un  quartz  couleur  d'améthyfte  ou  un  pétrofilex. 

Les  mines  de  ce  demi-métal  font  à  Schneeberg  en  Saxe.  On  vante 
notamment  celle  de  Rappolt  à  Johann-Georgenftadt ,  qu'on  exploite 
jufqu'à  cent  quara;ite  braffes  de  profondeur.  On  en  a  aullî  rencontré 
à  Sainte-Marie  aux  Mines  ,  &  dans  la  mine  de  Gifihain  aux  Pyrénées 
fur  les  frontières  d'Efpagne  ,  dans  la  Province  de  Cornouailles  en 
Angleterre  ,  dans  les  montagnes  d'Ecoflê  ,  &c.  Ilparoît  que  les  Chinois 
&  fur-tout  les  Japonois  ont  aulfi  des  mines  de  cobalt  chez  eux ,  par 
les  porcelaines  bleues  il  efiimées  qui  venoient  autrefois  de  leur  pays: 
mais  il  y  a  lieu  de  croire  ,  ainfi  qu'il  eft  dit  dans  l'Encyclopédie  ,  que 
]eurs  mines  font  épuifées ,  ou  du  moins  que  leur  cobalt  actuel  eft  d'une 

qualité 


-^y^ 


C  O  B  à  î  7 

tïuàlité  Inférieure ,    car  le  bleu  de  leurs  porcelaines  modernes   n'efl 
plus  fi  beau. 

L'exploitation  -des  mines  de  cobalt  eft  aflez  dangereufe  ,  îittendu 
qu'il  y  règne  très-fouvent  des  vapeurs  arfénicales  ,  &c.  qui  font  périr 
ceux  qui  y  travaillent;  ou  du  moins  qui  leur  ulcèrent  les'i;|n^ds  &  lé;s 
mains  ,  ou  les  rendent  fujets  à  la  phthifie  &  à  la  piiiinpiiie.  Cela 
n'empêche  point  ks  enfans  de   courir  les   mêmes    dangerS,;ti^€  leurs. 


pères,  ^'■"^ 


On  trouve  dans  le  deuxième  volume  de  notre  Minérafei^'»  p^  So 


Editde  1774,  un  détail  très-circonftancié  des  opirétiorts  ^t^fâlt.  fu- 
bir  au  cobalt  pour  le  dégager  ou  de  l'arfenic  buSc&lf^'^iuUi;'(a^tOrré 
faélion  en  fafre  ,  (  chaux  métallique  qui,  revivifiée  par  res..fondans  &  le 
phlogiftique  5   donne  le  vrai  régule  de  cobalt  )  ;  en©rfa  vitrification  , 
&  les  exprefles  inhibitions   que  l'Eledeur   fait  d'en  envoyer  de  pur 
hors  de  fes  Etats.  '^'O^^-'^  ■■  - 

D'après  les  nouveaux  éclaircilTemens  que  nous  avons  du  principe -, 'y 
colorant  du  lapis  laïuU  (  voyez  ce  mot  ) ,  &  d'après  quelques  expériences 
particulières  que  nous  avons  tentées  ,    nous  ne  défefpérons  pas  qu'on 
ne  reconnoifle  par  la  fuite  que  le  cobalt  n'eft  qu'une  combinaifon  du    ■ 
fer  5  de  l'arfenic  ,    &c.  .  •  ^\V'*' 

Les  Mineurs  Allemands  donnent  auiîî  le  nom  de  cobaU ,   à  un'.êtrft*'^- 
chimérique  :  c'efl  félon  eux  un  phantôme  ou  démon  fouterrain ,  k  qui^. 
ils  attribuent  la  figure  d'un  petit  nain;    ce  prétendu  gnome,  lorfqu'il 
n'eft  pas  favorable,   étrangle  les  Mineurs;  mais  lorfqu'il  eft  bénévole, 
il  leur  fait  découvrir  les  filons  les  plus  riches. 

COBAYA,  l^om  que  l'on  donne  au  Bréfil  au  cochon  d'Inde^  Voy. 
ce  mot. 

COBBAN.  Petit  arbre  du  pays  de  Sumatra  :  il  eft  femblable  au 
pêcher  :  fa  feuille  eft  petite  ;  -fes  branches  ,  courtes  &  couvertes  d'une 
écorce  jaune ,  rendent  une  gomme  roufsâtre  dans  l'été.  Son  fruit  qui 
eft  de  la  groffeur  &  de  la  figure  d'une  pomme  médiocre ,  contient  une 
noix  grofle  comme  l'aveline ,  où  Ton  trouve  une  amande  amere  dont 
on  tire  par  expreflion  une  huile  médicinale  propre  pour  la .  furdité. 

COBRE  DE  CAPELLO  ,    cobra  capdla,  Efpece  de' pem,  ferpent 

des  Indes ,   long  d'un  pied  &  demi ,   gros  comme  le  petit  doigt ,  dont 

la  peau  eft  noire  fur  le  dos  &  blafarde  fous  le    ventre  :   il  gonfle  (à 

joue  5  U  crie  comme  les    grenouilles,   étant  irrité  :   fa limorfure  eft 

Tom&  IL  jE'è-r     . 


■I., 


2i8  C  O  C 

mortelle.  Il  habite  fouvent  vers  les  pieds  de  l'arbre  papayer  en  Amé- 
rique :  il  vit  d'araignées  &  d'autres  infedes.  Séba  donne  la  defcription 
d'une  autre  efpece ,  qui  eft  une  vipère  de  Ceylan  ;  il  parle  aufli  de 
plufieurs[rfefpens  à  lunettes,  qui  ont  le  nom  de  cobra  :  il  dit  que  ce 
ferpenta  d&Vcouronne  fur  la  tête;  fi  cette  couronne  eftdela  figure 
d'une  ■ 'lunçtt^  5  le  ferpent  eft  de  la  famille  du  ferpent  à  lunettes  :  voyez 
ce  i1i0L.-G]i  trouve  une  vipère  dans  le  Ceylan  qui  a  ce  même  caradere: 
oh  Tàppeile  cobra  dcNcuflrla,  On  en  trouve  aufTi  dans  le  Bréfil ,  dans  l'île 
dfe  Ternàte^lâ  Siam;  enfin,  félon  le  même  Séba  ,  on  en  rencontre 
iie- quatorze  èfpeces  ;  mais  fuivant  la  defcription  de  ce  Naturalifte, 
..  ce -ifon^! des  yi)7iè77/5  à  limâtes  ^  auxquels  les  Portugais  donnent  indif- 
tindem^h.t  lé  nom  de  cobra  ,  qui  doit  être  réfervé  à  Tefpece  précé- 
deihment  décrite,  ainfi  qu'au  bojob'u 

COCA  ou  eue  A  ,  myrto  jîmïlïs  îndica  ,  fruciu  raceniofo,  Arbrifleau 

peu  pranchu    qui   croît  dans  l'Amérique  méridionale.    Sa  feuille   efl" 

moIIè ,'  verte  ,   &  reflemble  à  celle  du  myrte  :  fon  fruit  eft  difpofé  en 

grappes  ,    d'abord  rouges  comme  le  myrtille  ,  enfuite  noires;  c'eft  en 

.  rcet  état  qu'on  le  récolte  ,   &  qu'on  le  fait  fécher  pour  le  conferver.  lî 

io^t  aux  habitans  du  Pérou  de  petite  monnole ,  de  même  que  le  cacaa 

,  en  fert  aux  Mexicains  :  l'on  peut  dire  que    cette   plante  eft  une  des 

richefles  de  ces  Indiens ,  car  Ton  en  fait  un  grand  commerce.  Plufieurs 

.Eipagnols  fe  font  formés  des  fortunes  confidérables  à  ce  trafic  ,  &  les 

revenus  de  l'Evêque,  des  Chanoines  &  de  l'Eglile  Cathédrale  de  Cufco 

proviennent  pour  la  plupart  de  la  dixme  des  feuilles  defféchées  du  coca. 

Les  Occidentaux  s'en  fervent  ,  comme  les  Orientaux  du  bétel ,  & 
les  Européens  du  tabac  ;  fes  feuilles  font  en  grand  ufage  au  Pérou 
pour  fortifier  &:  réparer  les  forces  abattues ,  pour  défaltérer  &  nourrir: 
on  en  mêle  avec  des  écailles  d'huîtres  calcinées ,  &  l'on  en  forme  des 
paftilles  qu'on  tient  long-temps  dans  la  bouche  ,  les  mâchant  avec 
grand  plaifir.  Foye^^  la  Relation  de  D.  Antonio  Ulloa  ,  n°,  82p  & 
830. 

COCAGNE.  C'eft  le  nom  qu'on  donne  aux  petits  pains  de  paftei 
qu'on  emploie  en  teinture.   Foyei  à  VarticU  Pastel-Guede. 

COCCINELLE ,  coccinella.    Petit   fcarabée  fort    commun  &  très- 

;•       connu  du  peuple  fous  le  nom  de  bête  à  Dieu ,  ou  de  vache  à  Dieu.  Sqs 

antennes  font  compofées  de  gros  articles  noueux  qui  vont  en  groffifTant 

vers  le  bout ,  elles   font  auflî  plus  courtes  que  les  antennules  ;  aufTi 


f^  r\  r> 


:  o  c  '         2  19 


faut-il  hs  chercher  pour  les  voir.  Le  corps  de  ces  infedes  efl:  court, 
lifle  ,  he'mifphérique  ,  il  n'a  guère  plus   de  diamètre  qu'une  lentille 
ordinaire  ;  fes  étuis  tantôt  rouges  ou  blancs  avec  des  points  noirs , 
tantôt  noirs  avec  des  points  rouges,  tantôt  bruns,  tantôt  violets  &  de 
différentes  nuances ,  ont  l'éclat  &  le  brillant  de  Técaille.  X'ç.s  femelles 
fécondées  par  les  mâles,  dépofent  des  œufs  oblongs  ,  jaunâtres,,  d'où 
forteht  de  petits  vers;  lents  dans  leur  marche  &  ennemis  dès  pucerons. 
Aufll  trouve-t-on  fréquemment  ces  vers  ou  larves  fur^Ies  feuilles 
d'arbres  chargées  de  pucerons.  Ces  larves  prêtes  à  fe  mét|iri>orphofei;, 
fe  fixent  fur  une  feuille  par  la  partie   poftérieure  de  .leJÙf^.,,cp.rps,"|e 
courbent ,  fe  gonflent,  forment  une  efpece  de  crofle.  Leur  peàuis  ét^d, 
fe  durcit  au  bout  de  quinze  jours  ,   la  chryfalide   ou   nymphe  fe  fend 
fur  le  dos.  L'infede  parfait  reçoit  les  impreffions  de  Tair  ,   qùidqçne 
plus  de  confiftance  à  fes  étuis.  Il   vole  rarement  ,    &  ne  fe  foutient 
pas  long-temps  en  l'air.  Ces  jolis  petits  fcarabées  fe  tiennent  auiriflir  les 
fleurs  ;  confultez  l'article   fcarabée   tortue.    Des  différentes  -larves    de  ' 
coccinelle ,  la  plus  curieufe  efl  le  hlrïfjon   blanc.    Voyez  ce  mot. 
COCHÊNE.  Voyci  Cormier 

COCHENILLE ,   coccimlla.    Ced:  une  fubflance  que  l'on  emploie 
pour  la  teinture  de  l'ccarlate  &  du  cramoifi.  On  nous  l'apporte" de    .  , 
l'Amérique,   en  petits  grains,    convexes  &   cannelés   d'un  côté  ,    &.• 
concaves  de  l'autre.   On  a  ignoré   pendant  long  -  temps  l'origine-de 
cette  matière  :    quelques  -  uns    l'ont    regardée    comme  des  baies  de 
plante;  mais  il  efl  confiant    aujourd'hui  que  c'efl  un   pro§alU-inf:cl^^ 
defféché  ,   fur-tout  depuis  que  l'on  fait  fa  manière   de  vivre.    Voyez 
rvogalh-wfccie  à  la  fuite  du  mot  galU-infecie,    Il   efl    même    aifé  ,    en 
examinant  la  cochenille  que  l'on  nous  envoie   dans   le  commerce ,  de 
s'aifurer  de  l'exiflence  de  cet  infede.  Si  on  la  fait  ramollir  &  gonfler 
dans  de  l'eau  ou  du  vinaigre ,   &  qu'on  l'examine  enfuite  à  la  loupe, 
on  diflingue  les  difterens  anneaux  du   corps  de  l'infeéle  ;   on  voit  les 
antennes,  les  attaches  des  jambes,  &  quelquefois  les  jam.bes  entières. 
On  peut  comparer  la  figure  entière   de  la    cochenille  à   celle  de  nos 
punaifes  domeftiques  ,  qui,  étant  defféchées ,  font  groffes  comme  une 
petite  lentille ,  hémifphériques  ,   annelées  ,  d'un   rouge  noirâtre  ,   ino- 
dores ,  &  teignent  en  rouge.  L'infecte   cochenille   a   une  trompe  quî  ^ 
fort  du  corfelet  entre  la  première  &  la  deuxième  paire  de   pattes  :  les   'r 
mâles  feuls  ont  deux  ailes,  droites,   élevées.    L*èxtrémité   du  ventre 

Le   2" 


!i2a  C  O  C 

eft  garnie  de  filets;  &  la  femelle  conferve  toujours,  étant  defTéchée, 

fa  figure  animale  :  caraâere  qui  la  fait  diftinguer  du  kermès. 

Le  Mexique  eft  le  feul  pays  où  l'on  recueille  la  cochenille.  Cet 
infeéle/^que  Ton  foupçonne  vivipare  ,  s'attache  aux  feuilles  de  diverfes^ 
plantes»„*Lçsi Indiens  l'y  ramaflent  ,  &  la  tranfportent  fur  une  autre- 
plante,  à  laquelle  on  donne  les  noms  de  figuier  d'Inde ,  de  cardajfi ,  de- 
raque^e ,  '^^Viôpal ,  &  (^opuntia.  Voyez  ce  mot.  Cette  plante  efi:  aflez; 
remarquàbre  *dàns  les  ferres  chaudes  par  fes  feuilles ,  ou  plutôt  fes 
branches  épaiflfes ,  oblongues  &  arrondies  qui  tiennent  les  unes  aux 
autres^^S^r-ieurs.- extrémités  :  nous  en  parlerons  au  mot  opuntia,  Les^ 
Indi€rt|?îcultîvèiit'>cett6  plante  avec  foin  autour  de  leurs  habitations  ;• 
&  poiifs'aûurer  une  récolte  sûre,  de  cochenille,  ils  la  fement,  pour 
.  ainfi'dlte,,  fur  cette  plante.  Ils  font  avec  de  la  moufle  ,  ou  du  foin' 
fift  bii  déjà  bourre  de  coco  ,  des  efp.eces  de  petits  nids  appelles- 
pajlhs.^  dans  chacun  defquels  ils  mettent  douze  ou  quatorze  cocher 
nilles  ":  ils  placent  deux  ou,  trois  de  ces  nids  fur  chacune  des  feuilles 
.  : éQ-càrdaJle..,.  appellées  des  Indiens  pencas  ,  auxquelles  ils  reftent 
afllijettis  par  le  moyen  des  épines  qui  naiflent  naturellement  fur  ces 
£euil!es.  Au  bout  de  quelques  jours,  ces  cochenilles  donnent  naiffance 
a:" des  milliers  de  petits,,  qui  ne  font  pas  plus  gros  que  des  mites.  Ces 
.nouveaux  nés  fe  difperfent  bientôt  fur  les  plantes  ,  &  ne  tardent  point 
^6^(0.  £xer  dans  les  endroits  les  plus  fucculens ,  où  ils  reftent  jufqu'à 
".■.T.ieur  dernier  période  d'accroiffement=.  Ces  infe(5i;es  ne  font  que  piques 
i  jvjila  plante  &  en  tirer  le  fuc. 

On  fait  chaque  année  trois  récoltes  de  cochenille.  Dans  la  première 
on  enlevé  les  nids  &  les  cochenilles  que  l'on  avoit  mifes  dedans,  &. 
qui  y  ont  péri  après  avoir  donné  naiflance  à  leurs  petits  :  trois  ou 
quatre  mois   après ,  on  fait  la  récolte  du  produit  de  cette  génération. 

Les  grofles  cocKenilles  que  l'on  laiile  donnent  lieu  à  une  troifieme 
génération  ,  que  l'on  recueille  au  bout  de  trois  ou  quatre  autres 
mois.  On  détache  la  cochenille  de  defTus  les  feuilles  avec  un 
pinceau. 

Aux  approches  de  la  mauvaife  faifon ,    c'eft-à-dire ,  àes  pluies  & 

des  temps  froids ,  les  Indiens  coupent  les  feuilles    de  raquctu  ,   &  les 

tranfportent  dans  leurs   habitations   avec  la  nouvelle   cochenille  qui 

cJ    èft  dcffus.    Ces  feuilles  fe  confervent  vertes  pendant  fort  long-temps  , 

.  ainfi  que.  toutes  les  plantes  gralTes  ;  &,  les  cochenilles  croilTent  aiufi 


COC  22  1 

pendant  fa  mauvaife  faifon.    Lorfqu'elle  eft  pafTée  j  on  en  remet  une 
grande   partie  fur  des  feuilles  dans  des   nids,   ainfi  que  •  nous  l'avons 
déjà  dit.   La  cochenille  de  la  dernière  récolte  n'eft  pas  >âufli^  belle., 
parce  qu'on  eft  obligé  de  racler  les  feuilles  de  la  raquette  pçuf  enlever 
ces    petits  infeéies ,     &    qu'on    mêle    par  eonféquent  lài-i^Çlure  des 
plantes  avec  la  cochenille  ,   qui  eft  d'ailleurs  de  différentes  ^grofleurs  , 
parce   que  les  mères  fe    trouvent   avec   les     nouveaux ,  nés.% -C'eft- 
pourquoi  les  Efpagnols  donnent  à  cette  cochenille  le  nojXiÀQ  graniUa, 
On  n'a  rien  de    plus    prefTé  ,   lorfqu'on    a  recueilliJ^^^'liQelî^niHe, 
que  de  la  faire  mourir  ,  parce  que  ces  infedes.j^^  gjîj\f^^v5'^>>^^ 
pendant  quelque  temps  léparés  de    la   planté,  poiirroient  faire  leurs 
petits    qui    s'échapperoient  ,     &   feroient    perdus  pour    le   pfiSprié-    . 
taire  ;  la  manière  dont  on  la  fait  périr,  influe  beaucoup  fur  fa  couleur, 
&  lui   fait  donner    divers    noms.   On    appelle  rcnegricla   la   coctteriilîe 
qu'on  fait  périr  dans  des  corbeilles  plongées  dans  de  l'eau  chau4e:i-elle 
eft  d'une  teinte  d'un  brun-rouge,  &  privée,  en  partie,  de  cgttè-efpece  '. 
de  poudre  blanche  dont  eft  couvert  le   corps  de  ces    infedes  yivans. 
Celle  quia  été  defféchée  dans  les  témafcales  (  efpeces   de    fours)  eft 
d'un  gris  cendré  ou  jafpé  :  elle  a  du  blanc  fur  un  fond  rougeâtre;  on 
l'appelle  jafp&ada.   Celle  que  l'on   met  fur    des   plaques  ,     appellées  . 
comaUs ,   qui  ont  fervi  à  faire  cuire  le   maïs ,   eft  fujette   à  avoir  été 
trop  chauffée  ,     &  devient  noirâtre  ;    ce  qui  la  fait  nommer  negra,  '". 
Trois    livres   de  cochenilles    vivantes    ne  pefent    qu'une  livre    étant 
defféchées  :   on  donne  à  cette  chenille,  en  quelques  pays  où  elle  eft 
cultivée   de  la  manière   dont    nous   venons  de  parler  ,   le    nom    de 
cochenille  mejleque  ,    parce  qu'on  en  trouve  à  Métèque ,    dans  la  Pr»- 
vince  de  Honduras  :  on    lui  donne   aufîi  le  nom  de  cochenille  fine  & 
domejîique.    Cette   cochenille    ainfi  préparée,   peut  conferver  pendant 
plus  de  trente  ans  fa  partie  colorante  &  fans  aucune  altération,  ainfi  que 
l'a  éprouvé  M.  Hellot  fur  une  cochenille  qui  avoit  cette  date  d'antiquité. 
La  cochenille  recueillie  fur  les  plantations  du  figuier  d'Inde  cultivé  ,  eft 
la  meilleure:  on  en  recueille  auffi   une  autre  efpece  que  l'on  nomme 
cochenille Jihejire  ,  parce  qu'elle  fe  trouve  naturellement  fur  une  efpece 
de  figuier  d^Inde,  qui  croît  fans  culture  ,   &  qu'on  la  ramafle  fur  cett^e 
plante,  de  même  que  nous  récoltons  le  kermès  (\jix  des  arbuftes  qui  fe 
multiplient  auffi  fans  notre  fecours;  voyez  kermès.  Le  figuier  d'Inde  fau- 
vage  a  plus  de  piquans  fur  fes  feuilles  ^  que  celui  qui  eft  cultivé.  Cette. 


2  22  C    O    C 

cochcniile'  fournit  bien  moins  de  teinture  que  l'autre  ;  aufii  ed  -  eib 


moins  "chère. 


On  trouve  auffi  d'autres  fortes  de  cochenilles  ,  foit  dans  nos  ferres , 

&  elles' ^nt.  été  apportées  avec  les  plantes   étrangères  ,  foit  fur   le 

chiendent 'y  âp^cllées  phalari s  ,  ou  enfin  fur  les   branches   de  l'orme  : 

.pell'QK:i■;t'f!^^-/fèrt  femblable  à  la  belle  cochenille  de  l'opuntia,  Ceft  le 

'  coccus  M^H  ■:,  ■  cprpore  fufco  ,  fcrico  albo  de  M.  Geoffroy  ,   412. 

•:  Les  Provinces  du  Mexique  où  on  recueille  la  plus  de  cochenille , 
font  cdies- de  .Tiafcala  ,  de  Guaxaca  ,  de  Guatimala  &  de  Honduras. 
Il  ^iîti^q;u''il  y  ait  bien  des  hommes  occupés  à  ce  travail ,  car  on  a 
calculé,' en  ^73  6,  qu'il  entroit  en  Europe,  chaque  année,  huit 
cent"  quatre-vingt  mille  livres  pefant  de  cochenille  ,  dont  un  tiers' 
fetJÎément  -de  cochenille  filveftre.    On  évalue  ce  commerce  à  plus  de 

.quinze  millions  en  argent  année  commune.  Cet  objet  de  commerce 
i^>%  important ,  que  les  naturels  Mexicains  &  les  Efpagnoîs  qui  n'y 
ont  que  certains  petits  établiflemens  ,  la  cultivent  avec  un  foin 
extrême.    Il   femble  que   la  grande  confommation  qu'on    fait   de   la 

•  cochenille  ,  mériteroit  qu'on  fit  des  tentatives  pour  en  établir  la 
culture  dans  les  îles  de  l'Amérique  ,  ou  en  d'autres  climats ,  où  la 
température  feroit  convenable  à  cet  infeclc ,  &  à  la  plante  dont  il 
fe  nourrit. 

La  cochenille  eft  fudorifique  ;  les  femmes  Italiennes  en  font,  dit-on, 
ufage  pour  empêcher  l'avortement  ;  mais  la  plus  grande  quantité  eft 
employée  dans  la  teinture  en  écarlate  ou  en  cramoifî ,  &  pour  faire 
le  carmin ,  cette  fécule  d'un  rouge  tendre  ,  fi  am.ie  de  focil  ,  fî 
précieufe  en  peinture  ,  fi  propre  à  nuancer,  à  rehaulTer ,  par  une 
heureufe  illulion  ,  les  foibles  couleurs  de  la  pommette  des  joues  de 
quelques  Dames.  Ceft  à  la  toilette  qu'on  admire  cet  art  ;  c'eft-là 
que  le  pinceau  ,    armé  de  carmin  ,  devient  rival  de  la  nature. 

Les  Anglois  tirent  de  la  cochenille  une  teinture  finon  plus  belle  , 
du  moins  auffi  brillante  que  la  nôtre  ,  &  à  moins  de  frais  que  nous. 
Tout  leur  fecret  confifte  à  la  m^éler  avec  de  la  laque  des  Indes. 

Dans  le  commerce  on  vend  fous  le  nom  de  Be^ctta  du  crépon  ou 
du  linon  très-fin  ,  teint  avec  de  la  cochenille  :  les  meilleurs  viennent 
de  Conftantinople  ,  &  font  d'un  rouge  très -vif:  on  les  contrefait 
à  Strasbourg  :  les  Dames  s'en  fervent  quelquefois  auffi  pour  fe  farder, 
après  l'avoir  un  peu,  trempé  dans  l'eau  ;  on  peut  aulii  l'emiployer  pour 


CGC  223 

colorer  les  liqueurs  à  l'efprit  de  vin.  La  laine  nakarat  du  Portugal  , 
qui  n'eft  autre  chofe  que  du  coton  coloré  avec  de  la  cochenille  , 
fert  encore  aux  mêmes  ufages.  Les  Marchands  de  vin  Anglois  font 
un  grand  ufage  de  linons  ou  drapeaux  teints  avec  la  cochenille  , 
pour  donner  de  la  couleur  à  leurs  vins  rouges  lorfquTls  en  ^manquent  > 
&  qu'ils  ne  font  pas  aflez  hauts  en  couleur. 

COCHENILLE  de  Pologne  ,  ou  Kermès  DU.'KqRD  ,  ou 
Kermès  des  racines  ,  en  latin  ,  coccus  Polonîcus'iîhcîorjûs',  but 
coccus  radicum,  C'eft  ,  félon  Fobfervation  CIV  des  Éphçmérides  à^^ 
Curieux  de' la  Nature  ,  par  le  Dodeur  Bcrnhardi  ."di\Bemî^:^  xm 
infedie  hémiptere ,  petit  ,  rond ,  un  peu  moins  gros  'q\i'ùjj%rèin  de 
coriandre,  plein  d'un  fuc  purpurin,  &  qu'on  trouve  adhérent,  vers 
la  fin  de  Juin ,  à  la  racine  d'une  efpece  de  renouée  ou  de  centinode 
(  knawel  )  que  M.  Ray  a  nommée  Polygomim  çoccifemm  Incahum 
flore  majore,  perennï  ^  &:  que  M.  de  Tournefon  a  regardée  comme,  u/ié 
efpece  de  pied-de-lion,  alchimilla  gramineo  folio  y  majore  flprè,l\jQO: 
le  fcleranthus  perennis  ,    Linn.  ^'    "ir.-  ,\- 

Selon  M.  Breyn,  \q  polygonum  efl:  abondant  dans  le  Palatin^f  de 
Kiovie ,  voifin  de  l'Ukraine,  vers  les  Villes  de  Ludnow  ,  Piatka, 
Stobdyfzce,  &  dans  d'autres  lieux  déferts  ou  fablonneuxde  l'Ukraine  , 
de  la  Podolie ,  de  la  Volhinie  ,  du  grand  Duché  de  Lithuanie ,  &: 
même  dans  la  Pruffe  du  côté  de  Thorn.  Les  payfans  ,  &  tous  ceux 
qui  en  font  la  récolte  ,  favent  que  le  polygonum  ne  rapporte  '  pas 
tous  les  ans  ;  la  récolte  manque  fur-tout  lorfque  le  temps  eft  pluvieux  . 
&  froid  :  ils  favent  auffi  que  c'eft  immédiatement  après  le  folftice 
d'été,  que  l'efpece  de  kermès  qui  s'y  trouve  eft  mûr  &  plein  de  (on 
fuc  purpurin.  Il's  ont  à  la  main  une  petite  bêche  creufe  ,  faite  en 
forme  de  houlette  ,  &  qui  a  un  manche  court  ;  d'une  main  ils 
tiennent  la  plante  ;  ils  la  lèvent  de  terre  ,  &  avec  l'autre  main  , 
armée  de  cet  inftrument  ,  ils  détachent  ces  efpeces  de  faufles  baies 
ou  infeéles  ronds  ,  &  remettent  la  plante  dans  le  même  trou  pour 
ne  pas  la  détruire  :  ils  font  cette  manœuvre  avec  une  dextérité  & 
vîteiTe  admirables.  Ayant  féparé  le  coccus  de  fa  terre  ,  par  le  moyen 
d'un  crible  fait  exprès,  ils  prennent  foin  d'éviter  qu'il  ne  fe  convertifle 
en  vermiffeau.  Pour  l'em^pêcher ,  ils  l'arrofent  de  vinaigre  ,  &  quel-  ; 
quefois  auffi  d'eau  la  plus  froide  ;  puis  ils  le  portent  dans  un  lieu 
chaud,  mais  avec  précaution  ;  ou  bien  ils  l'expoferit  au  foicil  pour  la 


'224  CGC 

faire  fccher  &:  pour  le  faire  mourir.  S'ils  étoîent  defTéchés  trop  prc- 
cipitammïjnt ,  ils  perdroient  leur  belle  couleur.  Quelquefois  ils  féparent 
ces  petits  jnfcdies  de  leur  véficules  ,  en  les  prefTant  doucement  avec 
rextrémité^'(âes  doigts  ;  &  enfuite  ils  en  forment  de  petites  maffes  ron- 
des. Il  fâùc.f^.rè  cette  expreffion  avec  beaucoup  d'adreffe  &  d'attention; 
autrement1i^;Juc  colorant  feroit  réfous  par  une  trop  forte  comipref- 
fiôn-,  &  '-"fe:- j^Duleur  pourpre  fe  perdroit.  Les  Teinturiers  achètent 
beauedtîp'^i^^r  cher  cette  teinture  réduite  en  mafle,  que  quand  elle 
.eft  ent;c>rê'.èii^^raines. 

®»^^5^il§'3daft$  la  même  Diflertation  ,  que  quelques  Seigneurs 
Pcîîo»àji^^*^3ni^.fe  terres  dans  l'Ukraine ,  afferment  avantageufement 
l?i  réc^t'ér^dp.  coccus  aux  Juifs  ,  &  le  font  recueillir  par  leurs  ferfs 
Ipu  ■j^ars^vàifaux  ;  que  les  Turcs  &  les  Arméniens ,  qui  achètent  cette 
^.ârdgh4 des- Juif?  3  l'emploient  à  teindre  la  laine  ,  la  foie  ,  le  cuir,  le 
mâfrôl|wà;l&^-$$ij;  qtreûes  de  leurs  clievaux;  que  les  femmes  Turques 
eri'^4J^t  4a- 'teinture  avec  le  jus  de  citron  ou  du  vin  ,  &  s'en  fervent 
journejldrûent  pour  fe  peindre  l'extrémité  des  mains  &  des  pieds ,  d'une 
beltb  couleur  incarnate;  qu'autrefois  les  HoUandois  achetoient  auflî 
le  cSccus  fort  cher  5  &  qu'ils  l'employoient  avec  moitié  de  cochenille, 
pb^r^teindre  les  draps  en  écarlate  ;  que  de  la  teinture  de  cet  infede, 
je.^tfaite  par  le  jus  de  citron  ou  une  leffive  d'alun  ,  or»  peut  ,  avec  la 
cr.aie  5  faire  une  laque  pour  les  Peintres  ;  &  qu'en  y  ajout^mt  un  peu 
de  gomme  Arabique,  elle  eft  auiîi  belle  que  la  laque  de  Florence; 
,  enfin  ,  qu'on  conferve  le  fuc  exprimé  des  coques  du  Polygonurii,  pour 
les  mêmes  ufages  médicinaux  que  le  kermès  ,  &:  qu'on  le  fait  entrer 
,dans  la  confedion  d'alkermès  à  Varfovie. 

Soit  que  toutes  ces  propiiétes  foient  exagérées ,  foitque  ce  kermès 
qu'on  a  envoyé  à  Dantzig  à  M.  HcUot ,  fût  éventé  &  trop  vieux  ,  ce 
favant  Académicien  n'a  jamais  pu  ,  en  le  traitant ,  ou  comme  le  ker- 
mès ,  où.  comme  la  cochenille,  en  tirer  que  des  lilas  ,  des   couleurs 

>,i,^'^.jde -chair,  des  cramoifis  plus  ou  moins  vifs;  &  il  ne  lui  a  pas  étépof- 
ilble  de.parvenir  à  en  faire  des  écarlates.  D'ailleurs,  celui  qu'il  a  em- 
jp\<dyé,  a  coûté  beaucoup  plus  cher  que  la  plus  belle  cochenille,  puis- 
qu'il ne  fournit  pas  la  cinquième  partie  de  la  teinture  que  rend  cet 
infede  du-  Mexique  :  c'efl;  vraifemblablement   pour   cette  raifon ,  que 

v^*"    le  commerce  de  cette  drogue  eft   extrêmement  tombé,  &  que  l'on 
ïfQ  connoît  plus  \q  coccus  ou  çochcnUU  de  graine  que  de  nom  ^  dan^ 

-'.  '  .  la 


C  oc  22; 

la  plupart  des  Villes  d'Europe  qui  ont  quelque  réputation  pour  leurs 
teintures. 

M.  Linnœus  met  cette  forte  de  cochenille  dans  l'ordre '^^aesinfedes 
hémiptères,  &  du  genre  de  ceux  qui  ont  la  bouche  placée  a  la  poitrine, 
le  ventre  fétacé  par  le  bas,  &  deux  ailes  élevées  ;  mais^il  ny-aqùe  léè 
mâles  qui  ont  des  ailes.  Voici  les  différentes  efpeces  d'infeâbes?jiè.*irr^nge  - 
fous  le  nom  de  coccus ,  &  qui  font  autant  de  gallinfedes  oaîdcipr'ogallin- 
fedes  ;  favoir,  i".  la  cochenille  de  Pologne  (  kermès  radicum  )  ;  J2*Hs  coccus 
de  la  pilofelle  ;  3°.  le  coccus  du  phalaris ,  (ce  coccus  ^ùr.yxr^-ê^w^Us^')  ^ 
/^.  le  coccus  du  citron  ;  y*^.  le  coccus  du  bouleau  ;  6°.  Iç  £OC<?a^^^Jtnf^- 
tes;  7°.  enfin  le  coccus  du  chêne  vert  ,    ou  le   kermès  de  Érpye,nce, 
Ce  même  Auteur  parle  d'un  coccus  aquatique  ,  qui  fe  trouvè.da^'i^les  . 
foffés  &  dans  les  marais  fur  les  plantes  aquatiques.  M.  DeUu^àitx^ok'] 
trouve  auflî  les  coccus  fur  l'argentine  ,  le  fraifier  y  là\po^unttUâxrïctâ'î 


'«•X  ^•.•■■>''*.*^- 


mais  plus  rarement.  '  *}^?V^:r'r|È 

On  vient  de  découvrir  en  Mofcovie  ,  près  de  Woramii  :j  une 
nombreufe  famille  de  cochenilles  qui  s'attachent  à  la  racine  ;dii 
fraifier.  -  '  ^     - 

COCHENILLE  DE  PROVENCE.  Ceft  le  Kermès  de  l'ilex^.ou 
chêne  vert.  Voyez  Kermès  de  Provence*  -  v 

COCHEVIS.  Foyei  Alouette. 

COCHLEARIA.  Foyei  Herbe  aux  cuillers. 

COCHLITES.  Les  Lithologiftes  diftinguent  par  ce  nom  des  co- 
quilles univalves  foffiles  ,  dont  la  divifion  eft  la  même  que  celle  des 
coquilles  univalves  vivantes  ôc  uniquement  du  genre  des  limaçons, 
Voyei  au  mot  Limaçon. 

COCHON  CHINOIS.  Cet  animal  eft  parvenu  en  Europe  :  on  le 
connoît  en  France.  On  fait  qu'il  eft   plus   petit  que  notre  cochon  , 
que  fon  dos  eft  concave  ,  &  pour  ainfi  dire  ,  enfellé,  On  l'eagraifTe^         ^ 
&  fa  chair  palTe  pour  excellente  au  goût.  ^^u 

COCHON  D'EAU,  ou   PORC  DE  RIVIERE.  Fojy^^  Cabi  ai.        ^ 

COCHON  DE  GUINÉE.  Foyei  Porc  de  Guinée. 

COCHON  D'INDE  ,  cunlculus  ,  fiu  porcellus  Indicus.  Cet  animal 
^ft  plus  petit  que  le  lapin  :  fes  oreilles  font  tranfparentes  &  arron- 
dies :  il  n'a  prefque  point  de  queue;  fes  dents  font  femblables  à  celles 
du  rat î  fon  poil  peut  être  comparé  à  celui  des  cochons  :  fa  couleur.' 
Tome  //.  .  .  .  F  f 


•»* 


.,i' 


2  2cr  c  o  c 

varie ,  mais  la  plupart  font  ordinairement  mêlés  par  de  grandes  taches 
de  blarc,  de  noir  &  de  roux. 

Suivant  les  obfervations  de  M.  de  Buffbn ,  ce  petit  animaî ,  quoi- 
qu  originaire  des  climats  chauds  du  Bréfil  &  de  la  Guinée  ,  nelaiife  pas 
de,  vivre  v&'<^â  produire  dans  les  climats  tempérés,  &  même  dans  les 
pays.froidSi'^;^n  le  (oignant  &  le  mettant  à  l'abri  de  l'intempérie  des 
fâiforis.  iCeà  animaux  font  d'^un  tempérament  li  précoce,  fi  ardent, 
■  qu'ils  fo.  recherchent  &  s'accouplent  cinq  ou  fix  femaines  après  leur 
naifla^ce  j  quoique  réellement  le  développement  des  parties  Toîides 
&..  des  organes  de  la  génération  ,  ne  fe  fafle  &  n'acquière  toute  Ton 
énergie  ,  que  vers  l'âge  de  cinq  à  fix  mois.  Les  femelles  ne  portent  quô 
troi*»;  femaines  :  on  en  a  vu  mettre  bas  à  deux  mois  d'âge.  Les  fem.elles 
produifent  au  moins  tous  les  deux  mois  ,  jufqu'à  fept  à  huit  petits  d'une 
portée  ,  qu'elles  n'allaitent  qu'environ  quinze  jours  :  les  petits  qui 
visfttient  de  naître  ,  produifant  de  même  ,  l'on  eft  étonné  de  leur 
prompte  &  proJigieufe  multiplication.  Avec  une  feule  couple  ,  on 
pourroit  en  avoir  un  millier  en  un  an  ;  mais  ils  fe  détruifent  auffi  vite 
qu'ils  pullulent  >  le  froid  &  l'humidité  les  font  mourir.  Ainll  leur 
deftrudion  eft  en  proportion  de   leur  multiplication. 

•Ces  petits  animaux  ,  même  les  mâles  ,  fe  laiffent  manger  par  les 
chats  fans  réfiftance  :  ils  n'ont  de  fentiment  bien  diftinâ:if  que  celui 
de  l'amour  :  ils  font  alors  fufceptibles  de  colère  :  ils  fe  battent  cruel- 
lement ,  &  fe  tuent  même  quelquefois  pour  jouir  d'une  femelle.  Ils 
paflent  leur  vie  à  dormir ,  fe  divertir  &  manger.  Ils  mangent  à  toute 
heure  du  jour  &  de  la  nuit,  &  cherchent  à  jouer  aufîî  fouvent  qu'ils 
mangent.  Ils  ne  boivent  jamais  ,  mais  ils  urinent  à  tout  moment  :  le 
jus  des  plantes  ou  des  fruits  leur  tient  lieu  de  boiifon.  Ils  ont  une 
efpece  de  gazouillement ,  qui  marque  leur  plaifir ,  lorfqu'ils  font  au- 
près de  leur  femelle  ,  &  un  cri  fort  aigu ,  lorfqu'ils  refTentent  de  la 
douleur.  Ces  animaux  s'aflTeyent  fur  les  pattes  de  derrière  comme  les 
;  lapins  :  ils  fe  frottent  la  tête  avec  celles  de  devant:  ils  font  très-frileux 
&  périflent  dans  l'hiver ,  à  moins  qu'on  ne  les  tienne  dans  un  endroit 
fec  &  chaud.  Ils  font  naturellement  doux  &  privés;  ils  ne  font  aucun 
mal  y  mais  ils  font  également  incapables  de  bien  :  ils  ne  s'attachent 
point.  Doux  par  tempérament ,  dociles  par  foibleire,prefqu'infenfibles 
à  tout.,  ils  ont,  dit  M.  de  Buffbn  ,,  l'air  d'automates  montés  pour  la 
propagation  y  faits  feulement  pour  figurer  une  efpece,. 


CGC  227 

On  élevé  ces  animaux  en  France  plutôt  par  curiofïté ,  que  par 
rutiîité  qu'on  en  peut  retirer  :  on  les  y  appelle  porcelet  des  Indes  ou 
lapin  Chinois,  Leur  peau  n'a  prefque  aucune  valeur  :  leur  chair  n'eft 
pas  bien  excellente.  On  dit  qu'ils  guettent  &  attrapent  très -^ien  les 
fouris  ;  mais  il  y  a  lieu  de  penfer  qu'ils  font  bien  inférieurs  aux 
c^x^ts  pour  l'adrefTe.  Au  Eréfil  on  appelle  le  cochon  d'Inde  çavia, 
JJûguti  ou  agouti  du  Bréfil  dont  nous  avons  parlé ,  efl:  du  înéme  ordre  ; 
on  l'appelle  rat  fauvage  de  [''Amérique. 

M.  le  Doâieur  P allas  ait ,  dans  ^qs  Mélanges  Zoodiques^(\u.Q\éç.dyïcL 
que  nous  connoiflbns  fous  le  nom  de  petit  cochon  d'înde  ,/efk'  tïls- 
difFérent  du  lièvre  &  des  rats  :  il  n'a  de  convenance  àveC''' les  lièvres 
que  par^la  grolTeur  &  la  forme  du  tronc;  mais  les  cuifies  poflçrieures 
font  beaucoup  moins  longues  ,  la  tête  &  les  oreilles  n'ont  aucun  rap- 
port ,  &  femblent  tenir  le  milieu  entre  celles  des  porcs-épics  &  des 
rats.  Le  cavia  a  la  gueule  &  les  dents  du  porc-épic;  les  piéda  :aOté- 
rieurs  font  quadrifcules  ;  les  pieds  poftérieurs  font  tridaclyles  St  quel- 
quefois penta-dadyles  :  on  ne  remarque  point  de  clavicules  dans  Ton 
fquelette  ;  &  en  cela  il  diffère  des  loirs.  Sa  tête  eft  petite  &  appîatie. 
Ses  oreilles  font  rondes  &  nues.  Son  poil  eft  roide  ,  long  ,  mais  poli. 
Il  marche  avec  moins  d'agilité  que  le  lièvre.  L'amérique  eft  l'afile 
ordinaire  des  cavias  :  c'eft  dans  ce  Continent  qu'on  trouve  les  diflTé- 
rentes  efpeces  de  ce  genre  d'animaux;  la  plus  commune  &  la  plus  cortr. 
nue  de  toutes  ,  celle  qui  s'eft  reproduite  en  Europe,  eft  le  cavia  co- 
baya  ,   ou  le  cochon  des  Indes  de  M.  de  Biifon, 

COCHON  DOMESTIQUE  ,  fus.  Animal  quadrupde  qu'on  a  mis 
au  rang  des  animaux  à  pieds  fourchus  ,  &  qui  ne  ruminent  pas.  Le 
cochon  eft  le  porc  châtré  :  celui  qui  ne  l'eft  pas  ,  s'appelle  verrat.  Voyez 
Sanglier. 

COCFION  -  MARON.  On  donne  ce  nom  en  Amérique  aux  co- 
chons qu'on  y  a  tranfportés  des  autres  parties  du  monde  ,  qui  y  font 
devenus  fauvages  &  s'y  font  multipliés  ,  en  rentrant  dans  les  forêts»  ^ 
On  y  en  diftingue  de  trois  efpeces ,  fur  lefquelles  la  nature  du  climat 
a  vraifemblablement  influé  plus  ou-  moins  ,  fuivant  la  difi-erence  des 
contrées  d'où  on  les  avoit  tirés. 

Ceux  de  la  première  efpece  font  courts.  Ils  ont  la  tête  groffe ,  le; 
snufeau  peu  alongé  &  les  défenfes  fort  longues  ,  les  jambes  de  devant 
près  d'un  tiers  plus  courtes  que  celles  de  derrière  ;  ce  qui  fait  qu'ils 

*  Ffa 


228  COC 

font  fujets  à  culbuter ,  en  courant.  Ils  font  armés  de  longues  défen- 
fes ,  &  font  très -dangereux  pour  les    ChafTeurs  ,   quand  ils  ont  été 

■  bleflés.  On  dit  que  ce  font  les  Efpagnols  qui  tranfporterent  ces  co- 
chons 'en  Amérique  lors  de  la  découverte  qu'ils  en  firent  ,  &  qu'ils 
les  tirèrent  ^de  Cadix  ,  où  on  en  voit  encore  beaucoup  qui  leur 
refTemblenii:.    ; 

Les  cocbob^-marons  de  la  féconde  efpece  ne  différent  nullement  de 
nos  cochon'è ''domeftiques  ;  &  il  paroît  que  ce  font  des  cochons  qui 
fe  font  échappés  des  parcs  oii  on  les  nourriflbit.  Ce  font  des  enne- 
mis redoutables  pour  le  ferpent  à  fonnettes.  Voy,  à  VartïcU  Boiciningua. 
Les  derniers  font  des  cochons  de  Siam  &  de  la  Chine,  qui  y  ont 
été  trânfport.çs.par  des  vaifleaux  françois. 

/SE^^-'-Voit  auflî  dans  ce  pays -ci,  depuis  quelques  années ,  l'efpece 
■  du-^çochon,  de  Siâm  qui  réuflit  très -bien.  Il  a  quelque  reflemblance 
'âVêc  te;  petit ^fenglier  :  les  femelles  produifent  beaucoup  de  petits 
qui^ïbiît  très  -  délicats  à  manger  en  cochon  de  lait.  Ces  animaux 
ne  (ont;  point  difficiles  ;  ils  s'accommodent  de  toutes  fortes  de 
nourrrtures. 

COCHON  DE  Mer  ou  Marsouin  ,  fus  marinus.  Efpece  de  dauphin  ; 
gros  poiffon  oblong ,  dont  le  nez  relfemble  un  peu  à  celui  du  cochon 
terreftre.  Il  fouit  de  même  dans  la  terre.  Ce  cochon  a  quarante-huit 
dents  très-aiguës  à  chaque  mâchoire ,  trente-fept  côtes  de  chaque  côté. 
Ses  nageoires  font  placées  horizontalement.  Il  monte  fouvent  dans  la 
rivière  de  Seine  avec  les  marées.  Sa  couleur  eft  jaunâtre  :  il  eft  fort 
gros.  Sa  chair  eft  indigefte  &  de  mauvais  goût  ;  mais  on  ne  laiiîe 
pas  d'en  manger.  On  fait  fondre  fa  graiffe  &  on  l'aromatife  ,  dit 
Limery  ,  avec  quelque  plante  odorante  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  huile 
de  marfouin.  Elle  eft  émolliente.  Quand  elle  eft  pure ,  on  s'en  fert 
dans  les  Tanneries  &  les  Savonneries.  Foye^  Dauphin  à  la  fuite 
du  mot  Baleine.  * 

c  .^j^.COCHON  SAUVAGE.  Voye^  Sanglier. 

^v  "^\COCO  ou  COQUO.  C'eft  le  nom  que  l'on  donne  au  fruit  de  certaines 

■;^r  éfp_^ç;es  de  palmiers  :  fruit  des  plus  précieux  par  fa  grande  utilité,  ainfi 

,-v.  •  que, lés  arbres  qui  le  produifent.   Ils  fourniflent  feuls  à  un  petit  ménage 
i  l'aliment^,  .la  boiffon ,    les   meubles  ,   la    toile   &  un    grand    nombre 
.  .4'uftenfiles.   L'Afrique  ,  l'Afie ,    l'Amérique  ,   font  la  patrie   de  ces 
a'rbres  utiles. 


C    O  C  2  2p 

Le  coco  ,   nommé  aufïî  noix  de  l'Inde  ,    croît  dans  les  Indes,    Ce 
fruit  eft  plus  gros  que  la  tête  d'un  homme,  ovale,  quelquefois  rond: 
trois  côtes  qui  fuivent  fa  longueur  ,  lui  donnent  une.  forme  triangu- 
laire.  Ces  côtes  forment  une  efpece  de   gaîne  ou  enveloppe  ,    dont 
la  noix  de  coco ,  de  la  groffeur  pour  l'ordinaire  d'une -poîr^j.de  coing 
ou  d'un  petit  melon  ovale,    fort  en   grolTilfant.     Le  b'ojlt^hpt^î^jequer 
la  noix  eft  attachée  à  la  branche,  a  trois  ouvertures  tiiHdes  de  deux 
à  trois  lignes  de  diamètre,  qui  font  fermées  &  remplies  d'une  jnaatiere 
grisâtre,  fpongieufe  comme   du  liège  ,   par   lefquelles^î''>ftiiYant  îes 
apparences ,  le  fruit  tire   fa  nourriture    de  l'arbre., ^ La,  cbquille  de 
cette  noix   eft  grofle  ,   dure ,  ligneufe ,  ridée  :  on    la   travaille  pour 
différens  ufages.  A  Siam  elle  fert  à  mefurer  des  liquides.'  On  grEdus-. 
fa  capacité  avec  des  cauris  ,  petites  coquilles  de  la  famille   d^  p-ok- 
celaines,   connues  fous  le  nom  de  pucelages,  &  qui  fervent  de7iâhnjr> 
noie.  Les  Dieppois  font   avec   les  coques  de  coco,*    désv-Çvâ'TéSj'CJdes- 
gobelets  ,    des  gondoles,  &  autres  jolis  ouvrages  nuancés  de  dwerfes 
couleurs,   &  d'un  poli  très-luifant.   Il  vient  beaucoup  de  noix  dê^coco 
des  îles  Antilles  en  Amérique.    Lorfque  cette  noix  n'eft  pas  encore 
mûre  ,  on  en  tire  une  bonne  quantité  d'eau  claire ,  odorante ,  aigrelette , 
dont  on  fait  ufage  dans  le    pays  ,    foit   pour   fe  défaltérer    ou  pour 
relever  des  fauces  :  en  général   elle  eft  fort  agréable   au   goût.    Les 
Malabares  appellent  alors  la  noix  clsv'i.;    mais   fi  le  fruit  a  pris  fôti 
accroilTement ,  la  moelle  que  renferme  l'écorce  prend  de  la  confiftance  , 
devient  bonne  à  manger,    &  prend  un   goût  qui  approche   de  celui 
de  l'amande.    On  peut  par  trituration   retirer  un  lait  de  ces  amandes. 
Les  Indiens  tirent  de  cette  moelle   ou    amande  de  cocos   frais ,    une' 
huile  pour    les   lampes  ,  &  d'ufage  pour  faire  cuire  le  riz  ,  &c.    La 
coque  qui  enveloppe  la   noix  de  coco  ,    eft  épailTe  ,    &   couverte  à 
l'extérieur  d'une  peau  mince  &  lifle  ,    de  couleur  grife  à  l'extérieur , 
mais  garnie  en  dedans  d'une  efpece  de  bourre  rougeâtre  &  filandreufe 
dont  les  Indiens  font  de  la  ficelle  ,  des  cables  &  des  cordages  de  toutç- 
efpece.   Les  Malabares  appellent  cette  bourre  cayro  :  elle  eft  préférable- 
à  l'étoupe  pour  calfater  les  vailTeaux  ,   parce    qu'elle  ne  fe  po$imt. 

Vite.  -  ..  .>i  ■ 

.  '    '■       ■   '  ^'v  . 

Le  coco  croît  par  régimes  fur  les  rameaux  particuliers  d'une  efpece^/.   '•• 

de  palniier  de  médiocre  groffeur,   mais  qui  devient'fort  grand,    &|' 

qui  va  peu-à-peu  en  s'étréciifant.    Il  eft  quelquefois  moins '^ros  dans 


yt." 


'230  c  o  c 

fon  milieu  qu'à  fes  extrémités.  Il  poulie  peu  avant  dans  la  terre  fa 
principale  racine  ;  mais  elle  eft  environnée  d'une  très-grande  quantité 
d'autres  plus  petites  entrelacées  les  unes  dans  les  autres ,  qui  aident 
à  fortifier  l'arbre  :  (cette  particularité  eft  commune  à  plufieurs  efpeces 
de  palmièp), 'Cet  arbre  fe  nomme  coconer  ,  palma  Indïca  coccifir^ 
û/i^f//q/^,' ;^ar;«ete  eft  terminée  par  des  feuilles  fort  longues  &  larges 
à  pr6poi:tioa^.Ç:  dont  le  milieu  eft  fort  épais.  Ses  fleurs  font  femblables 
à  celles  deis^'4ù"tres  efpeces  de  palmier.  Voye^  à  VarticL  Palmier.  A  ces 
fleurs  qui  font  en  régime,  fuccede  un  groupe  des  cocos  dont  nous 
avons  parlé  ..ci- -delTus.  Comme  le  cocotier  fleurit  tous  les  mois  ,  il 
paroît  toujours' couvert  de  fleurs  &  de  fruits,  qui  mûriflent  alternati- 
vement.- Lès'habitans  fe  fervent  des  feuilles  fous  le  nom  d'o/a ,  pour 
couvrir  leurs  maifons  &  faire  des  voiles  de  navire  ;  on  dit  même  qu'elles 
ietir  fervoîeiit  autrefois  de  parchemin  pour  écrire  les  faits  mémorables 
-&  lèâ  contrats  publics.  Les  branches  feuillées  fervent  à  faire  des 
parafois-  &  des  nattes  grolîieres.  La  partie  de  l'arbre  d'où  fortent  les 
branches-  feuillées ,  eft  environnée  de  plufieurs  couches  de  fibres  en 
réfeauX  ,  qui  peuvent  tenir  lieu  de  tamis  pour  les  liquides.  Des 
Voyageurs  difent  que  la  fciûre  ou  râpure  des  branches  peut  aufii 
fervir  à  faire  de  l'encre.  Les  Indiens  montent  le  long  des  troncs  du 
palmier  en  fleur  fur  de  petits  échelons  faits  de  jonc.  Ils  coupent  le 
bout  du  rameau  où  dévoient  naître  les  jeunes  cocos,  &  à  leur  place 
on  adapte  un  petit  pot  de  terre,  dans  lequel  tombe  la  fève  deftinée 
à  la  nourriture  &  à  l'accroifl*ement  du  fruit  qu'on  a  retranché.  Voilà 
îe  vin  de  palmier  ,  dont  la  faveur  eft  fi  agréable  &  fi  rafi-aîchiffante. 
Ce  fuc  vineux  tout  frais  fert  de  boiffon  fous  le  nom  de  jura  OMfoury, 
&  expofé  au  foleil  il  devient  aigre  &  donne  du  vinaigre.  Ce  fuc 
donne  par  la  diftillation  de  fort  bonne  eau-de-vie  ,  appellée  arraka 
ou  rack.  Après  avoir  recueilli  ce  premier  fuc  ,  ils  en  retirent  un 
.  fécond  qui  n'eft  pas  fi  fpiritueux  ,  mais  qui  donne  par  évaporation 
\"|"^pn  fucre  noir  qu'ils  appellent  ja^ra.  Le  fommet  de  l'arbre  eft  une 
,  efpece  de  chou  palmifte  très -bon  à  manger.  On  emploie  le  bois  du 
-.■  cocotier  à  la  conftruftion  des  maifons  &  des  navires.  On  en  faitparti- 
•    puliérement  des  chevrons. 

Il  y  a,  au  rapport  de  Llm&ry ^  une  efpece  de  coco  des  Maldives. 
On  en  trouve  de  gros  &  de  petits  jettes  fur  les  bords  de  la  mer  par 
j[e:5  flots.  Ce  fonf,  dit-on,  des  cocos  qui  ont  été  fubmergés  avec  les 


CGC  251 

palmiers  ,  lors  des  inondations  de  la  mer  fur  les  îies  Maldives ,  qu'on 
a  prétendu  avoir  autrefois  fait  partie  du  Continent.  Les  Indiens 
regardent  ces  efpeces  de  cocos  comme  un  remède  univerfel  ;  ce  qui 
les  rend  très-rares.  Ils  les  payent  au  poids  de  Tor.  Parmi  ces  cocog 
des  Maldives  il  y  en  a  qui  font  formés  comme  deux  lob^?  ovoïdes 
qui  fe  réunilFent  parle  milieu,  de  manière  à  repréfenter .  ci'un  côté, 
une  paire  de  feifes ,  &  de  l'autre,  les  parties  naturelles  de^I^ femme.  On 
vient  de  découvrir  aux  îles  des  trois  Frères  ,  près  des  Maldives  yh  lieu 
natal  de  ces  cocos  ,  dont  on  a  apporté  plufieurs  en  France.  Un  de 
ces  cocos  a  germé  dans  la  traverfée  de  l'Inde  en  Europe.- 

Il  croît  au  Pérou  &  au  Bréfil  une  efpece  de  coco  fait  en  forme 
de  cloche,  &  dont  la  tête  efl:  fermée  par  une  matière  qui  reiTemble 
a  un  champignon  ;  il  contient  un  grand  nombre  d'amandes  renfermées 
dans  des  coques  très-dures.  L'arbre  qui  porte  ces  fruits  croît  fur.  les 
montagnes  d' Andos ,  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom. .  ^'dma-^des. 
d'Andos  :  ce  fruit  &  toutes  les  produdions  de  cet  arbre.-'foflt  de  la 
même  utilité  que  celles  du  palmier  à  coco  des  Indes.  Voyez  Jacapucaio» 

COCON.  Nom  donné  au  tiflu  filamenteux  qui  fert  d'enveloppe 
au  ver  à  foie,  &  dont  on  obtient  par  une  opération  qu'on  appelle  le 
tirage,  cette  fubflance  animale  appellée  foie  ,  que  nous  employons 
à  tant  d'ouvrages  précieux,  roye^  à  tanicU  Ver  a  soie.  Le  cocon 
eft  ,  à  proprement  parler  ,  le  tombeau  où  la  chenille  fe  met  en 
chryfalide.  Voyez  ce  mot  à  l'article    Nymphe.    Foyci  auffî  Coque. 

COCOT-ZIN.  C'efl  une  très-petite  efpece  de  tourterelle  qui  fe 
trouve  en  Amérique,  à  Saint-Domingue  ,  à  la  Martinique  ;  c'eft  le 
picuip'mima  de  Pifon  &  de  Marc  Grave,  &  la  petite  tourterelle  d'Jf' 
capulo  :  on  trouve  cet  oifeau  dans  toutes  les  parties  méridionales  du 
nouveau  continent. 

COC-SIGRUE.  Efpece  de  fauterelle  des  Antilles,  dont  parle  le  Pa 
du  Tertre  :  elle  efl  à  peu  près  femblable  au  pulpo.    Voyez  ce  mot. 

COCU.  C'efl  le  Coucou.    Voyez  ce  mot,  .         ,.■■*.' 

.    CODAGA-PALE    ou   CODAGO-PALE  ,.  codagapala.  C'efl  on  ' 
arbriiTcau  C-fpece  à^  mrium)  aflTez  commun  dans  le  Malabar  &  dans.", 
nie  de  Ceylan.  Sa  racine  efl  courte  ,    très-fibreufe  ,   couverte  d'une  '. 
écorce  brunâtre  &  laiteufe  ,  d'un  goût  amer  &  piquant  :  elle  pouffe 
des  tiges  fermes  &:  ligneufes  qui  fe  fubdivifent  en   ram^eaux  „    vétues^ 
d'une  écorce  noirâtre   qui  couvre  un  bois  blanchâtre»  Ses  feuilles  font 


l' 


2  3  2  C  O  S 

grandes,  pointues,  nerveufes ,  verdâtres,  oppofées  ,  &  répandent 
un  fuc  laiteux.  Les  tiges  portent  en  leurs  fommets  des  fleurs  mo- 
nopétâles  à  cinq  quartiers  &  autant  d'étamines  ,  ramaflees  en  un 
.  cône  pointu  ,  d'une  odeur  agréable  ,  &  fort  belles.  A  ces  fleurs  il 
fuccede  dans.,  chacun  des  calices  qui  les  foutiennent  ,  deux  petites 
goufTes  dtb'tt^  très-longues ,  cannelées  ,  de  couleur  de  cendre.  Les 
fi-raines  (ont rattachées  au  duvet  comme  le    cordon  ombilical  l'efl:  au 

placenta,:;,  .i-^v: 

On  marlgeYournellement  en  Afrique  les  fueilles  du  codaga-pale  Se 
de  plufieufs  fofl;ei>d'apocins ,  cuites  dans  du  bouillon,  pour  toutes  les 
fièvres  criti.qiîei^,/&Li  Ton  emploie  le  quinquina.  L'écorce  de  la  racine 
&  du  bois  niondé  de  fa  moufle  ,  reflemble  intérieurement  à  celle  du 
quinquiiia^V  .pilée  &  prife  dans  du  lait  aigri,  elle  efl:  vermifuge  & 
trè^-^OÎîné^pour"'  toutes  fortes  de  flux  ,  foit  lientériques  ,  foit  dyf- 
fem^ÂqiïiejS'jiibithémorrhoïdaux,  particulièrement  pour  les  diarrhées 
réceîitesv' &  qui  proviennent  d'un  dérèglement  dans  le  boire  &  le 
platiger.    ■Voy^'^Us  Mémoires  d'Edimbourg ,  Tome  III.  Page  J2. 

CODDAM-PULLL    Voyez  à  l'article  Carcapidli, 

COENDOU.    Efpece  d'animal  qui  fe  trouve  dans  toute  l'étendue 

de  l'Amérique  ,    depuis  le  Bréfil  &  la  Guiane  jufqu'à   la  Louiiiane  , 

.  &  dans  les  parties  méridionales  du  Canada,    Cet  animal  a  été  regardé 

par    plufieurs    Naturaliftes    comme    une    efpece  de  porc-épic  ;    mais 

fuivant  les  favantes  obfervations  de  M.  de  Buffon  ,  cet  animal  ne  lui 

reflemble  que  parce  qu'il  a,  comme  lui,  des  piquans  :  il  efl:  beaucoup 

plus  petit.    Sa  tête  efl  à  proportion  moins  longue ,  fon  mufeau  plus 

.    court  ;     il  n'a  point  de  panache  fur  la  tête  ,  ni  de  défenfe  à  la  levre 

fupérieure  :    fes  piquans    font   trois    ou  quatre  fois    plus  courts    & 

beaucoup  plus  menus.   Il  a  une  longue  queue  ;   au   lieu  que   celle 

du  porc-épic  efl  très-courte.    Il   eft  carnaflîer    plutôt  que  frugivore. 

Il   cherche  à    furprendre    les    oifeaux  ,     les    petits    animaux  &  les 

. volailles  j  au  lieu   que  le   porc-épic  ne  fe  nourrit  que  de  légumes, 

dép^racines  &  de  fruits.    Il  dort  pendant  le  jour  comme  le  hériflbn  , 

jVi^.êouri:  pendant  la  nuit.    Il  monte  fur  les  arbres  &  fe  retient  aux 

i^  brancîîfes   avec  fa  queue,    ce    que    le    porc-épic    ne   fauroit  faire. 

Ge'ÊTanim'al  eft  fufceptible  de  s'apprivoifer ,  &  fa  chair  eft  très-bonne. 

C(ÊUR-7''Cor.  Eft  un  corps  mufculeux  ,  c'eft-à-dire  ,  une  fubftance 
compofeê  d'une  ^uite  continue  de  fibres  différemment  entrelacées. 


G(EU  23. 

Il  eft  (itué  dans  la  cavité  de  la  poitrine  ,  où  toutes  les  veines 
aboutiflent  ,  &  d'où  toutes  les  artères  fortent  :  par  fa  contradion  & 
£à  dilatation  alternative  ,  il  eft  le  premier  inftrument  de  la  circu- 
lation, du  fang  &  le  principe  de  la  vie.  Dans  tous  les  animaux  le  - 
cœur  a  ,  en  quelque  forte ,  la  figure  d'un  cône  oUi  'd'une  pyramide 
renverfée  ,  dont  ^  la  partie  fupérieure  ,  qui  eft  la^plus'^ge  ,  /eft 
appellée  bafe  ,  &  l'inférieure  pointe  :  elle  eft  un  peu-  tQtlcn^  "vers  le 
côté  gauche.  Sa  grandeur  n'eft  point  déterminée  ,'.S^-'eiIef  varie 
dans  les  difFérens  individus.  Les  animaux  timides  ont^-tbiijdurs  le 
cœur  plus  grand  que  ceux  qui  font  courageux.  :,-C).n",;trotivera  une 
courte  théorie  du  mouvement  du  cœur  &  rimportarîc^,*de  ce  vifcere, 
dans  l'article  de  V économie  animale ,    à  la  fuite  du  mot  HoMiviE. 

C(EU-R  DE  BŒUF  ou  Petit  corosol  ,  guanabanus  friiHuimrlnnato 
minori  luteo.  Ban.  On  donne  ce  nom  au  fruir  cachlmSf^imQ 
efpece  de  corofolier  d'Amérique  ,  que  les  Efpagrt'olsVggpèîîérît 
guanabo-pintado  ,  arbre  guanabane  qui  a  caufé  beaucQup'^''4é"^vû3n- 
troverfes  parmi  les  Auteurs  Botaniftes ,  &  qui  eft  aufômâ'Bui*:'lb^t 
comm*un  à  Cayenne  &  dans  les  Indes  Orientales.  Il  vient  facilement 
dans  les  terrains  défrichés.  Cet  arbre  fleurit  deux  fois  l'an.  Il  eft 
propre  à  former  des  entourages  ,  &  on  le  mêle  avec  le  médicinier 
qu'il  foutient.  f^oye^  ce  mot  à  Vartick  Ricin.  On  prétend  que  fa 
racine  deftechée  eft  employée  par  les  Indiens  contre  l'épilepfîe  ,  &; 
qu'ils  la  font  avaler  pulvérifée  au  malade  dans  l'inftant  qu'il  s'en  trouve  • 
attaqué.  Cette  même  poudre  prife  par  le  nez  comme  du  tabac  , 
produit  le  même  effet.  Le  fruit  du  cœur  de  bœuf  eft  ordinairement 
gros  comme  un  melon  médiocre  :  celui  des  Iles  a  jufqu'à  fix  pouces 
de  diamètre ,  &  pefe  jufqu'à  huit  livres.  Il  a  la  figure  d'un  cœui'. 
So'n  écorce  eft  d'abord  verte,  enfuite  jaunâtre  ,  comme  écailieufe  : 
fa  chair  eft  fort  blanche,  &  d'un  goût  aigrelet  très-délicat,  approchant 
de  celui  de  nos  crèmes  :  on  en  fait  ufage  comme  d'une  marmelade 
ou  pâte  fucrée.  Cette  chair  renferme  un  nombre  de  femences  noirâtres 
dont  les  Malayes  fe  fervent  en  place  de  légumes,  Ce  fruit  eft,ti;ès-- 
rafraîchiflant  &  excite  l'appétit.  ^.-^^^'^î-^y: ^ 

En  général  le  fruit   du  corofolier  eft  fort  fain.    On  a  éprbti^é,  qîie    ' 
plufieurs  perfonnes  incommodées   de    violentes    diarrhées  ,  "^ont'^^té 
guéries  en  ne  mangeant  que    des   corofols    pendant    pJulj.eurs'^ /purs,-.. 
Lorfque  le  fruit  n'eft  pas  encore  en  maturités,  *fi  çn  k  ,:(çàopç  par 

Tome.  lU  .;       G  g 


234  C  (E  U 

tranches  de  l'épaifTeur  du  doigt ,  il  tient  lieu  de  cuîs  d'artichauts  dans 
les  fricafîees  &  les  ragoûts  ;  mais  quand  il  ejR:  trop  mûr  ,  on  l'emploie 
utilement  à  engraifler  les  pourceaux  qui  en  font  extrêmement  friands, 
Foye;^  Cachimentier. 

COEUR  COQUILLE ,  coucha  cordis.  Genre  de  coquillage  bivalve  , 
de  figure  arrondie  ,  cannelé  ou  tuile  ,  quelquefois  épineux  ,  à  char- 
nière-de  nticulçô  >  &  qui  repréfente  par  une  ou  par  deux  faces,  quand 
les  deux  valves  bombées  font  jointes  &  bien  fermées  ,  la  vraie  forme 
d'un  cœur  r  q*eft  de-là  que  ce  coquillage  a  pris  fon  nom.  Suivant 
M,  de  Rome  ,.  on  peut  établir  trois  fous  -  divifions  des  difterentes 
coquilles  qui . -appartiennent  à  ce  genre  &  auxquelles  les  amateurs 
ont  donné  des  rioms  analogues  aux  chofes  qu'elles  repréfententi  i°.  celles 
dont  I es-faces  latérales  repréfentent  toutes  deux  à  la  fois  (  la  coquille 
é tarit  bien  fermée  )  des  cœurs  bien  formés  ,  &  dont  les  fommets  font  fort 
prè^s  l'un  deTautre  :  voilà  les  cœurs  proprement  dits  ;  tels  font  la  conque 
exotique  ,  le  maron  épineux,  2°.  Les  fommets  de  celles-ci  font  fort  écartés 
l'un  de  l'autre  ,  &  laifTent  entr'eux  un  efpace  rhombe  ou  lozange 
nommé' c^re/z/ze.  Elles  comprennent  les  efpeces  Marches;  telles  font  la 
corbeille  ,  Yurchc  de  Noé.  3°.  Celles  dont  une  feule  des  faces  latérales 
repréfente  un  coeur  ,  &  que  l'on  diftingue  par  les  noms  de  cames 
tronquées  ou  de  conques  de  Vénus.  Tels  font  la  came  coupée  ,  la  came  en 
bec  de  fiûte  ,  le  concha  veneris  ,  la  gourgandine ,  la  vieille  ridée  ,  le  chou  , 
la  fa itiere  ou  tuilée  y  le  bénitier  de  Saint-Sulpice ,  le  cœur  de  bœuf ,  le 
cœur  triangulaire ,  ou  en  foufflet  ,  ou  à  réfeau  ,  la  fraife  ,  le  cœur  de 
Vénus  y  le  cœur  en  bateau.  Voyez  les  planches  qu'en  ont  données  les 
Conchyliologlftes. 

CCEUR  DES  INDES.  Voyez  à  l'article  pois  de  merveille, 

CCEUR  DE  S.  THOMAS.  Nom  donné  au  fruit  qui  fe  trouve  dans 
la  goufîe  d'une  des  efpeces  ai  acacia.  Voyez  ce  mot. 

COFFRE.  Voye^  Poisson-coffre. 

COIGNASSIER  ou  COIGNIER  ,  en  Provençal  Coudounier  , 
en  Latin  cydonia.  Il  y  a  plufieurs  efpeces  ou  variétés  de  coignaflîers 
qui^ne  différent  que  par  la  groffcur  &  la  figure  de  leurs  fruits.  Le 
coignaflier  de  Portugal  à  gros  fruits  &  à  grandes  feuilles ,  fe  greffe 
fur  le  coignafTier   ordinaire.  '^ 

Le  coignaflier  eft  un  arbre  du  genre  du  poirier ,  peu  élevé  &  qui 
n'eft  fouvent  pas  plus  haut  qu'un  arbrifTeau  :  on  le  met  au  rang  de» 


C  O  î  âH 

arbres  fruitiers.  Il  poufle  des  racines  grandes ,  étendues  ,  abondantes 
&  de  couleur  obfcure.  Son  tronc  ,  ou  plutôt  fon  bois  ,  eft  tortu  , 
froueux ,  dur  ,  blanchâtre,  couvert  d'une  écorce  médiocrement  épaifife, 
cendrée  en  dehors  ,  Ôc  rougeâtre  en  dedans.  Elle  tombe  avec  le  tempsf 
par  morceaux.  Les  branches  font  chargées  de  beaucoiïp  dà  ra*meaux 
qui  s'inclinent  &  s'étendent  plus  qu'ils  ne  s'élèvent.  Ses  feuilles  font 
alfez  femblables  à  celles  du  pommier ,  point  dentelées',"ër^r§ees  d'un' 
duvet  fin  &  blanchâtre  en  deffous.  Ses  fleurs  font  à  cin"^' feùiîîés  diP- 
pofées  en  rofes  ,  femblables  à  celles  des  rofiers  fauvagesr  A  ces  fieurs 
fuccedent  des  fruits  qui  varient  un  peu  pour  la  forme,  tantôt  ronds, 
tantôt  alongés,  femblables  à  une  poire  ,  d'une  belle '€Ôule*ur  jaune  , 
quelquefois  godronnés  ,  couverts  d'un  duvet  épais  qui  s'emporte  aifé- 
ment.  Leur  chair  eft  très-odorante  &  un  peu  acide.  Ces  fruits  font 
aftringentsj  ils  font  connus  fous  le  nom  de  coings  oxipoiresdsçoings. 
On  les  mange  rarement  cruds  :  cuits,  ils  font  plus  amis  de  l'eftomâc. 
C'eft  avec  la  pulpe  des  coings  que  l'on  fait  les  gelées  appeiîées  co- 
iignac  :  cette  ménie  gelée  eft  encore  appellée  rob  de  coing  (  myva 
cydoniorum).  On  fait  aufîî  à^s  liqueurs  &  un  vin  de  coing.  Le  firop 
de  coing  eft  acide  &  eftimé  aftringent.  C'eft  à  tort  qu'on  en  fait  ufage, 
foit  pour  évacuer ,  foit  pour  corriger  la  pituite.  M.  Bourgeois  dit  qu'il 
doit  plutôt  produire  les  deux  effets  oppofés.  On  peut  faire  ufage  en 
médecine  de  ce  firop  dans  les  hémorrhagies ,  fur-tout  lorfqu'elles  font 
-accompagnées  de  fièvre  &  de  chaleur  ,  dans  les  diarrhées  &  les  vo- 
mifTemens  bilieux  ,  après  avoir  fait  précéder  la  rhubarbe.  On  peut 
multiplier  le  coignier  de  rejetons  qui  fe  trouvent  ordinairement  au 
pied  des  vieux  arbres  ,  de  branche  couchée ,  de  bouture  ,  de  femence ,  & 
par  le  moyen  de  la  grcjfe  :  mais  il  y  a  du  choix  à  faire  fur  ces  dif- 
férentes méthodes.  i°.  Les  rejetons  s'enracinent  mal.  2.°,  La  branche 
couchée,  quoique  faifant  un  bon  plant ,  occafionne  un  double  travail, 
■qui  eft  la  tranfplantation.  3°.  La  bouture  eft  le  meilleur  expédient 
pour  avoir  les  fujets  les  plus  propres  à  être  greffés  ,  &  fe  les  procurer  . 
plus  promptement.  4'*,  La  femence  ,  quoique  produifant  des  plantés 
excellentes  ,  n'eft  point  ufitée  ,  comme  étant  la  voie  la  plus  longue;' 
y^.  La  greffe  pourrolt  fervir  à  perfedionner  les  fruits  du  cdlgnaffiee^ 
fi  l'on  vouloit  s'en  donner  la  peine.  On  peut  aufli  greffer  le  coignaffier 
fur  le  poirier  ,  qui  donne  plus  de  groifeur  aux  coings ,  &c.  L'écuffon  .  " 
^  CEÏI  dormant  eft  la  forte  de  greffe  qui  réuflit  le  mieux  fur  le  coignalîîer» 


2^6  COL 

On  cultive  beaucoup  le  coîgnafïier  ordinaire ,  parce  qu'il  fert  de  fujet 
pour  greflPer  toutes  les  efpeces  de  poiriers.  Comme  cet  arbre  pouffe 
peu  en  bois ,  les  poiriers  greffés  fur  coignaflier ,  ne  s'élèvent  point  fi 
haut,  donnent  du  fruit  plus  promptement  &  ordinairement  plus  beau," 
que  lorfqu'ils'  font  greffés  fur  des  poiriers  fauvageons.  Le  coignaffier 
fe  plaît  dajis.-îes  coteaux ,  dans  les  terres  plutôt  mêlées  de  fable  que 
d'argile  ;.jrr^âis' il  craint  les  terrains  trop  maigres  &  trop  fuperficiels» 
Cet  arbre  foilffre  aifément  la  tranfplantation  ,  &  n'exige  d'autre  taille 
que  le  retranchement  des  branches  chifonnes  &  gourmandes. 

COLCHIQUE  5  colchlcum.  Ce  végétal  digne  de  remarque ,  qu'on 
nomme  aîiifi -;^br/  au  chien  ou  tm-chkn,  eft  une  plante  qui  croît  au 
milieu  jdês,|)rairies  baffes  ,  quelquefois  fur  les  montagnes  ,  &  qui  étoit 
aufrreCô"ijS*fQ^t.-;Commune  dans  la  Colchide  ,  quon  appelle  préfente- 
mêntsia-jflia^relie.  La  racine  du  colchique  eft  compofée  de  deux  tu« 
beçciiîie§<blancs;  un  charnu  &  l'autre  barbu,  remplis  d'un  fuc  laiteux 
&  enveloppes  de  quelques  tuniques  noires  ou  rougeâtres.  La  bulbe 
eft  arrondie,  applatie  d'un  côté  ,  fillonnée  quand  la  plante  fleurit, 
&  fans  filions  dans  un  autre  temps.  Il  s'élève  immédiatement  de  la 
racine,.,  trois  ou  quatre  tuyaux  longs ,  grêles ,  blanchâtres ,  tendres  ^ 
qui  s'épanouiffent  vers  le  haut  en  fix  parties  ,  formant  comme  une 
fleur  de  lys  ,  de  couleur  tantôt  purpurine ,  tantôt  blanchâtre,  tantôt 
gris  de  lin  ;  il  s'en  trouve  auflî  de  panachées.  Ses  fleurs  paroiffent 
.  avant  les  feuilles  au  commencement  de  féquinoxe  d'automne:  ces  fleurs 
font  éphémères}  elles  fe  fanent  après  avoir  duré  deux  ou  trois  jours; 
enfuite  au  commencement  du  printemps  fuivant  ,  il  s'élève  de  la  ra- 
cine trois  ou  quatre  feuilles  femblables  à  celles  du  lys  blanc.  Il  fort 
du  milieu  de  ces  feuilles  deux  ,  trois  ou  quatre  follicules  en  forme 
de  fiiiques  triangulaires  ,  épaiffes  ,  oblongues  ,  noirâtes ,  remplies  de 
femences  arrondies  ,  &  d'un  brun  noirâtre  :  lorfqu'elles  font  mûres  , 
les  feuilles  périffent  avec  les  tiges. 

Toutes  les  parties  de  cette  plante  ont  une  odeur  plus  ou  moins 
forte  &  qui  caufe  quelquefois  des  naufées.  La  racine  excite  la  falive 
dclafait  paroître  un  peu  amere  :  prife  intérieurement  elle  eft  un  poifon; 
car  en e  gonfle  comme  une  éponge  dans  la  gorge  &  dans  l'eftomac, 
'en  forte  qu'elle  fait  fuffoquer  :  on  fent  en  même  temps  une  pefanteur 
&  line  chaleur  co'nfidérables  autour  de  l'eftomac,  un  déchirement  dans 
les  èntraille? ,  des  démangeaifons  par  tout  le  corps  ,  on  rend  du  fang 


C  O  L  257 

par  les  Telles  avec  des  morceaux  de  la  racine  même  :  Indépendamment 
de  l'émétique,  Tufage  du  petit  lait  &  des  lavemens  adouciflans  & 
émoiliens  font  très  -  falutaires  en  pareil  cas. .  Autant  la  racine  du 
colchique  eft  nuifible  à  l'intérieur  ,  autant  ,  dit  Wedclius  ,  elle  eft 
fpécifique  extérieurement  contre  la  pefte  &  contre  toutes^  fortes  de 
maladies  épidémiques  ;  il  fufHt  de  la  portier  en  amukttê;  au-  cou.  Ge 
même  Médecin  la  prefcrivoit  auffi  en  décodion  pour  l^élT-ies  parties 
du  corps  attaquées  des  morpions.  On ^  doit  tirer  de 'teïPe  la.^racine 
de  colchique  vers  Téquinoxe  d'automne  ,  lorfque  les  fl©ujfs  commen- 
cent à  fe  faner  :  on  les  coupe  par  tranches  &  on  les  fait  fécher.à 
Tombre.  Nous  ne  finirions  pas  cet  article  fi  nous  voulions  parier  de 
toutes  les  propriétés  qu'on  donne  à  cette  plante  employée  'extérieu- 
rement. En  général  elle  eft  eftimée  alexipharmaque  contrC'iMrPJ^^  î 
mais  Quirinus  Rivinus  dit  ,  à  l'égard  des  précédentes  aro^ùîé^ê^ ""de 
colchique  ,  qu'elles  n'ont  d'autre  ufage  que  d'encourager <Ij^|5^^i5iîe 
&  d'empêcher  de  craindre  la  contagion  ;  car  tout  le  monde  fait 
l'effet  que  produit  la  terreur  ,  &  combien  elle  eft  propre  à  augmenter 
la  violence  de  la  pefte. 

Le  colchique  pris  intérieurement,  eft,  comme  rtous  venons  de 
le  dire  ci  -  deffus  ,  un  poifon  très-violent  ;  mais  comme  les  plus 
grands  poifons  peuvent  devenir  de  grands  remèdes  ,  quands  ils  font 
maniés  comme  il  convient  ,  celui-ci  paroît  être  à  préfent  dans  ce 
cas.  C'eft  à  M.  Stork ,  Médecin  à  Vienne  en  Autriche  ,  que  nous 
fommes  redevables  d'avoir  découvert  les  vertus  médicinales  du  col- 
chique. Cet  habile  Médecin  ,  digne  de  la  reconnoifi'ance  de  tous 
les  hommes  ,  après  avoir  reconnu  les  eflets  du  colchique  ,  par  desi 
épreuves  faites  fur  lui  -  même ,  a  découvert  que  la  racine  de  cette 
plante  à  la  dofe  d'une  once  ,  dans  une  livre  de  vinaigre  ,  qu'on  réduit 
enfuite  en  oximel  ,  peut  être  prife  intérieurement  fans  danger;  & 
que  cet  oximel  eft  un  des  plus  puiffans  diurétiques  qu'on  puilfe  em- 
ployer. M.  Stork  a  guéri  avec  ce  remède  ,  &  comme  par  miracle^ 
plufîeurs  hydropifies  qui  paroiffoient  défefpérées.  La  dofe  d'oximel 
de  colchique  eft  d'un  gros  ,  une  ou  plufîeurs  fois  par  jour,  fuîvant 
les  cas  ,  dont  le  Médecin  eft  feul  en  état  de  juger.  La  DifTeffàridn 
que  M.  Stork  a  publiée  à  ce  fujet,  a  été  traduite  en  François.  M,; 
Halkr  dit  que  l'onguent  de  colchique  n'a  pasréufîi'en  Angleterre» 

COLCHIQUE    JAUNE.  Foye^  Lys  Narcisse. 


5  3  s  COL 

COLCOTHAR-FOSSÏLE  ou  CALCHÏTES ,  en  latin  cakhuis 
nativa  rubra,  C'cft  une  terre  endurcie  dont  la  couleur  eft  rouge  ; 
d'une  faveur  fliptique  ,  vitriolique  &:  martiale  ,  fujette  à  tomber  en 
efflorefcence  ;  brillante  dans  les  endroits  de  la  fradure  ;  fe  diffolvant 
plus  ou  moins  facilement  dans  Teau  ,  mais  jamais  en  entier.  Il  eft 
dit  dans  notre  Minéralogie  ,  vol.  i  ,  p.  SS^ ,  que  c'eft  aux  diverfes 
alte'rations  .du'calchite  que  nous  devons  la  formation  de  différentes 
fubftances  ,  dont  il  eft  fait  mention  dans  Diofcoride  ,  Mathiole  ,  Pline , 
&c.  fous  leS'.  noms  fpécieux  de  Mijy  ,  Sory  &  Mélanteria»  Voyez 
ces  mots.  On  l'a  appelle  aulîî  Alcabrufy  ,    &  Alcaxadim. 

On  peut  regarder  le  calehite  foffile  ,  comme  une  terre  martiale 
rouge  furcBargée  de  vitriol ,  ou  comme  le  réfultat  de  la  décompo- 
(itioo  ide  pyrites  fulfureufes  ,  qui  avoient  pour  bafe  du  fer.  Ces 
^yiàtés..(dans  leur  décompofition  produite  par  la  fmguliere  propriété 
q'uàirlô  fer  de  décompofer  le  foufre  au  moyen  de  l'eau  ,  &  de 
former  alors  du  vitriol ,  )  auront  opéré  en  certaines  circonftances 
comme  on  l'obferve  fouvent  en  Angleterre  &  en  Suéde ,  des  efpeces 
de  feux  qui  auront  calciné  le  vitriol  martial  jufqu'au  rouge  ,  de  la 
même  manière  qu'on  produit  en  Chimie  cki  colcothar  artificiel ,  en 
calcinant  du  vitriol  vert    ou  vitriol  de  fer. 

Le  colcothar  naturel  fe  trouve  parmi  des  terres  alumineufes  en  Suéde, 
en  Allemagne,  en  Efpagne  &  à  Saint  Lo  en  Normandie.  Il  eft  fort 
rare  &  fort  cher  :  on  l'eftime  aftringent  s  c'eft  un  des  ingrédiens 
de  la  fameufe  thériaque  d'Andromaque. 

COLENICUI.  Cet  oifeau  du  Mexique  eft  de  la  groffeur  de  notre 
caille  5  a  les  ailes  un  peu  longues  ;  eft  brun  fur  le  corps  ,  gris  fale 
&  noir  par-deflous ,  il  a  la  gorge  blanche  ,  &  des  efpeces  de  fourcils 
blancs. 

CULÉOPTERE.    Nom   donné   à  la  clafTe   des    iiifcéles  à  étuis 
e'eft-à-dire  ,    dont  les  ailes  font  couvertes   de  fourreaux.    Tous  font 
ovipares.    Voyci^  ce  que  c'eft  à  l'article    Insecte.    Le  hanneton   eft 
Colioptcre,   Voyez  à  l'article  Scarabée. 

COLIART.  Nom  donné  à  la  raie  ondée  ou  cmdrêe.  Voyez  foa 
article  au  mot  Raie. 

COLIBRI ,  polytmus.  Nom  donné  à  un  genre  de  petits  oifeaux  qui 
peuvent  pafTer  pour  de  petits  chef-  d'oeuvres  de  la  nature  pour  leur 
beauté ,  pour  leur  forme  &  pour  leur  façon  de  vivre ,  &  pour  la  petiteiTe 


COL  2  3p 

&:la  finefle    de   leur  taille.    On  les  trouve  fort  communément  dans 
plufieurs  contrées  de  l'Amérique  ,    &  aux  Indes  Orientales. 

Il  y  en  a  des  efpeces  fort  différentes  ,  pour  la  grofleur  &  pour  les 
couleurs  ;  il  s'en  trouve  de  fi  petits ,  qu'on  leur  a,  donné  le  noni 
à^oifcau  mouche  ;  mais  M.  Brijfon  en  fait  un  genre  particulier  du 
même  ordre  ,  &  dont  il  compte  vingt  efpeces  ;  la  plupart  font 
huppés.  On  remarque  dans  notre  cabinet  deux  de  ces  petits  ani- 
maux dans  un  feul  petit  nid  de  coton  ;  leur  bec  eft  droit  :.  c!eft  ïa 
feule  différence  qu'ils  ont ,  étant  comparés  avec  le  colibri  qui  fa 
arqué. 

Il  y  a  des    efpeces    de    colibris   qui   ont    toutes  les    couleurs    des 

pierres  précieufes.    Edwards^   dans  fon  Hijloire  Naturelle  des  Oifeaux, 

donne  les  figures  &  les  defcriptions  du  colibri  rouge  à  longue  queue; 

du  petit  colibri    brun  de   Surinam  ;    du    colibri  vert  à  longae  .q.ueu^;,^ 

du    colibri  à  tête  noire  &  à  longue  queue  ;  du    colibri  dont  lé  ventre 

eft  blanc;  du  colibri  bleu  &  vert;   du  colibri  vert  du  Mexique,  dont 

le  ventre  efl  noir  ;    du  colibri   huppé  ;    &    du    colibri   à  gorge  rouge , 

c'efl  le    colibri  violet    de   Cayenne,   Il  y  a  aufîî  le  colibri  piqueté  de  la 

Nouvelle  Efpagne  ;  le  colibri  à  queue  blanche  de  Surinam.  Le  colibri 

tout  bleu  ,    c'eft  le  gros   colibri  de  Du  Tertre,  &c.  Mais  il  vaut  mieux 

inviter  le  Leéleur  à  les  voir  dans  le  Cabinet  du    Roi  3^  dans  ceux 

des  amateurs   ,    que    de   vouloir   les   décrire   :  le  tableau  que  l'art 

entreprendroit  de  tracer  feroit  trop  inférieur  à  la  réalité.  Ces  oifeaux  , 

même  defféchés  ,   font  un  ornement  fi  brillant ,    que  les    femmes  du 

pays  les  fufpendent  à  leurs  oreilles  ,    de    la    même   façon   que    nos 

Dames  font  des  diamans.    Leurs   plumes  font    fi  belles  ,    qu'on  les 

emploie  à  faire  des  tapifferies ,   &  mêmes  des  tableaux. 

Parmi  les  oifeaux  -  mouches  ,  on  diftingue  l'efpece  à  gorge  de 
topaze  ;  celui  à  gorge  tachetée  ;  ceux  ou  à  ventre  blanc ,  ou  à 
poitrine  bleue  ;  celui  à  collier  ;  l'efpece  dont  la  hupe  eft  compofée 
de  très4)elles  plumes  difpofées  en  couronne  ;  l'efpece  à  gorge  de  rubis. 
La  longueur  du  bec  varie  dans  les  différentes  efpeces  de  colibris^ 
Le  bec  de  ces  oifeaux  n'efl  guère  plus  gros  qu'une  aiguille  ,  & 
cependant  il  les  rend  très  -  redoutables  à  de  gros  oifeaux ,  que  l'on 
nomme  gros  bu  ,  qui  cherchent  à  furprendre  les  petits  du  colibri 
dans  leur  nid.  Dès  que  le  colibri  &  l'oifeau  mouche  paroiifent ,  le 
gros  bec  fuit  en  criant  de  toutes  fes  forces  ,  parce  qu'il  fent  à  queî 


2^0  COL 

ennemi  i!  a  afll.iire.  Le  colibri  ou  Toifeau  mouche  fe  met  à  fa  pour- 
fuite  ;  &  s'il  peut  l'atteindre ,  il  s'attache  avec  fes  griffes  fous  l'aile 
du  gros  bec  ,  &  le  pique  avec  fon  bec  acéré  jufqu'à  ce  qu'il  l'ait 
mis  hors  de  combat.  Les  yeux  du  colibri  font  petits  &  noirs.  Ces 
jolis  oifeaux  volent  avec  tant  de  rapidité  ,  qu'on  les  entend  plutôt 
qu'on,"  ne  les  voit  ;  en  volant  ils  font  entendre  une  efpece  de  bour- 
donnemerttirf;ce  qui  les  a  fait  nommer  auflî  bourdonneurs  :  ils  fe 
fou  tien  nent  , pendant  long -temps  en  l'air  ,  &  femblent  y  refter 
immobiles^-'*; 

Ils.jie  f^'jiburriflent  que  du  fuc  des  fleurs  :  rarement  s'y  repofent- ils 5 
ils  .voltigent  •  a^utour  de  la  fleur  comme  le  papillon  ,  &  fucent  le  fuc 
du  neâàr  "avec  leur  langue  ,  longue,  fine  &  déliée  :  celle  de  l'oifeau 
irfduehé. eft.fourchue  &  relfemble  à  deux  brins  de  foie  rouées  :  aulTi 
.J^^^do^noêr-t-On  quelquefois  les  noms  Aq  fiice-fieurs  ou  d'oifeau  abeille, 
(rnellifûga.j.aut:  mellivora  avis.  )  Les  Efpagnols  les  appellent  picci 
Jîor,  On  dit  qu'après  la  faifon  des  fleurs  ,  ces  oifeaux  reftent  engourdis, 
&  dans  une  efpece  de  léthargie  ,  ce  qui  leur  a  fait  donner  aux 
Antilles  le  nom  de  Renati  y  mais  à  Surinam  &  à  la  Jamaïque,  où 
ir  y  a  des  fleurs  toute  l'année  ,  on  ne  ceffe  point  de  voir  ces  oifeaux» 
&'eh  très-grande  quantité.  Quand  ils  volent ,  ce  font  comme  autant 
d'arc-cn-ciels   nuancés  des  plus  riches  couleurs. 

M.  de  la  Condamine  aflure  n'avoir  vu  nulle  part  des  colibris  en 
plus  grande  quantité  que  dans  les  jardins  de  Quito  ,  pays  dont  le 
climat  efl:  tempéré.  Les  Habitans  du  Bréfil  donnent  à  l'oifeau  mouche 
les  noms  do  guinambi,  guinanbi  ^  aratica  ^  aratarataquam  \  les  Portugais  le 
nomment  p^-gafrol ,    &  les  Efpagnols  tomincios. 

Ces  oifeaux  font  de  petits  nids  d'une  forme  élégante  ;  ils  les  garniflent 
d'une  efpece  de  coton  ou  de  foie  très-belle ,  très-douce  ,  avec  une 
propreté  &  une  délicatefle  merveilleufe.  Ils  ne  pondent  jamais  que 
deux  œufs  :  ceux  de  l'oifeau  mouche  font  gros  comme  des  pois  ordi- 
naires ,  blancs ,  avec  quelques  petits  points  jaunes.  Le  mâle  &  la 
femelle  les  couvent  fun  après  l'autre.  Les  petits  étant  éclos  ,  ne 
paroiffeot  -pas  plus  gros  que  des  mouches  ,  ils  fe  couvrent  peu  à  peu 
d'un  duvet  très-fin,  auquel  fuccedent  les  plumes.  Le  colibri  aime  de 
préférence  le  voilinage  du  citronnier  &  de  l'oranger  :  c'efl:  fur  leurs 
,  .  branches  qu'il  fait  fon  petit  nid  avec  une  adreife  finguliere.  La  feule 
'  façon  de  prendre  ce  petit  anim<il  efl: ,  dit -on  ,  de  lui  jetter  un  peu 
4.^^=-  do 


COL  2 


.  î 


de  fabîe  pour  Tétourdir  ,  ou  de  lui  préfenter  une  baguette  frottée 
de  glu  ou  de  gomme  diflbute.  Quand  on  veut  le  conferver  après  fa 
mort ,  on  lui  enfonce  dans  le  fondement  un  petit  brin  de  bois ,  on 
le  tourne  pour  y  faire  attacher  les  inteflins ,  &  on  les  tire  dehors; 
après  quoi  on  pend  l'oifeau  par  le  bec  à  la  cheminée,  ou  ce  qui  eil 
mieux  encore,  on  le  fait  fécher  lentement  dans  uhe  étuvç  ,  en- 
veloppé dans  un  petit  fac  de  papier  ,  afin  que  ni  Îa;j53méè  ni  une 
chaleur  trop  vive  ne  puiiTent  gâter  le  brillant  du  colbris.des'iplumes 
de  cet  oifeau.  "  ' 

On  peut  jouir  afiez  facilement  dans  le  pays  ,    du  plaifir  d'élever 
ces  charmans  oifeaux.    Au  rapport  de  Labat  ,    le   Père   Honâidicr  , 
fon  confrère,  ayant   pris  un  de  ces  nids  d'oifeaux ,  le  mit  '  dafts  une 
cage  à  fa  fenêtre  ;  &  l'amour  paternel  furmontant  toutes  les  craintes, 
le  père  &  la  mère  apportoient  à  manger  à  leurs  petits  ^  r:&,.rnêî^iîs 
s'apprivoiferent  au  point  qu'ils  ne  fortoient  plus  de  la'  chambre,  ou 
fans  contrainte  ils  venoient  m.anger  &  dormir  avec  leurs  petits.    Ce 
Religieux  les  nourrifîbit   avec  une  pâte  prefque  claire  ,    qu'il  faifoit 
avec  du  bifcuit ,   du  vin  d'Efpagne   &    du    fucre.   Ces  petits  oifeaux 
paffoient  leur  langue  fur  cette  pâte  ;     &  quand  ils  étoient  raffafîés  , 
ils  voltigeoient  &  chantoient.    Leur  chant  eft  une  efpece  dé  bour- 
donnement   fort  agréable  ;    il  eft  clair   &   foible  ,     proportionné  à 
l'organe  qui  le  produit.    On  ne  pouvoit  voir  rien  de  plus  aimable 
que   ces    quatre    petits    animaux  ,     volans  de  tous  côtés   dedans    & 
dehors  la    maifon  ,    revenant  à    la  voix  de    leur    père  nourricier  , 
voltigeant  autour  de  lui  ,    fe  perchant  fur  fes  doigts.   Il  les  conferva 
de  cette  manière  pendant  cinq  à  fîx  mois  ,  jufqu'à  ce  qu'il  les  perdit 
par  accident  ,    un   rat  les  ayant  mangés, 
COLIMAÇON.  Voyei  Limaçon. 

COLIMBE ,  colymbus.  <ïenre  d'oifeau  aquatique  ,  plongeur  » 
qui  nage  entre  deux  eaux  ;  &  après  un  certain  efpace  ,  il  revient 
fur  l'eau.  Kkïn  diftingue  cet  oifeau  des  plongions.  Voyez  ce  mot. 
Les  colimbes  font  des  efpeces  de  grèbes.  Voyez  ce  mot.  Il  y  en  a 
de  grands  &  de  petits  ,  avec  ou  fans  huppe  fur  la  tête'.^'cet  animal 
femble  être  podicipede  ,  c'eft-à-dire  ,  paroit  boiter  en  marchant, 
parce  qu'il  a  les  pieds  placés  proche  du  bas-ventre  ,  &  qu'ils  s'^lon- 
gent  en  arrière  :  il  nage  maeux  qu'il  ne  marche.  La  plupart  ont  le-^ 
bec  pointu,  &.  les  pieds  com.me  palmés,  relTçniMant  beaucoup  àu:i: 
Tome  II,  ■'       i^lh^ti 


2.^2  COL 

foulques  5  ou  macreufes,  ou  poules  d'eau.  Les  couleurs  des  oifeaux 
de  cette  efpece  varient  ;  il  y  en  a  qui  ont  des  colliers  ,  &  dont  le 
dos  5  le  cou  &:  la  tête  font  de  couleur  noire  avec  de  petites  lignes 
blanches  ;  d'autres  n'ont  point  de  collier.  La  couleur  de  toute  la 
face  fupérieure  du  corps  tire  plus  fur  le  cendré  ,  &  au  lieu  de 
petites  Ijandes  >,,  il  n'y  a  que  des  points  blancs  ;  peut  -  être  que 
ceux-ci  font  les  femelles,  &  les  autres  les  mâles.  Il  y  a  encore  beau- 
coup d'obfcurité  fur  le  caradere  de  ces  oifeaux   aquatiques. 

COLING  Aou  CoTiNGA.  Cet  oifeau  fe  trouve  en  Amérique.  On  y  en 
diftingue  plufieurs  efpeces  qui  font  très-belles, deux  entr'autres  méritent 
la  préférence^  la  première  à  peu  près  de  la  taille  d'une  grive,  a  le  deffus 
du  corps. d'un  bleu  très- éclatant,  les  aîles  noires,  le  delTous  du  corps 
d'un  pourpre  violet  ;  elle  eft  nommée  par  Edwards,  manaquin  bleu  à 
poitrine  pourpre.  Quelques-uns  ont  à  la  poitrine  une  bande  du  même 
bleu  que  celui  du  dos,  &  quelques  taches  de  couleur  de  rofe  à  la  partie 
inférieure  du  cou  &  du  ventre.  Cet  oifeau  fait  un  bruit  femblable  à 
celui  'd'une  clochette ,  que  l'on  entend  de  très-loin.  Le  temps  où  il  fe 
fait  entendre  ainfi ,  eft  dans  les  mois  de  Décembre  &  de  Janvier.  La 
féconde  efpece  pour  la  beauté,  a  fes  plumes  noires  à  leur  origine,  & 
d'un  bleu  d'aigue-marine  à  leur  extrémité;  la  gorge  &  la  partie  infé- 
rieure du  cou  font  d'un  pourpre  violet  très-éclatant.  Cette  efpece  fe 
trouve  à  Cayenne.  Le  cotinga  du  Mexique  a  tout  le  corps  varié  de 
bleu  &  de  noirâtre.  Celui  qu'on  trouve  à  Maynas  eft  plus  petit  que 
leimauvis  :  les  plumes  de  fa  tête  &  de  fon  cou  font  brunes  à  leur 
origine,  &  terminées  par  un  bleu  éclatant.  Sa  queue  eft  variée  dQ% 
mêmes  couleurs  :  fa  gorge  eft  d'un  violet  foncé.  Les  autres  plumes  de 
fon  corps  iont  blanches  à  leur  origine,  &  d'un  violet  pourpre  terminé 
par  un  bleu  éclatant. 

Le  cotinga  de  Surinam  eft  de  la  corpulence  de  notre  gros  bec  :  il 
eft  d'un  rouge  écarlate  au-deftus  de  la  tête,  aux  reins,  au  croupion, 
au  bas  du  ventre ,  aux  jambes  ,  à  la  queue  qui  eft  terminée  de  noir. 
Toutes  les  autres  parties  du  corps  font  d'un  rouge  terne,  de  même 
que  le  bec.  ^ 

COLIN-GRISART.  Voyez  fon  article  à  la  fuite  du  canard  de  mer , 
au  mot  Canard. 

COLIN  NOIR.  Voyei  Foule  d'eau. 

COLINS.  On  dçfigne  fous  ce  nom  des  oifeaux  du  Mexique,  dont 


^ 


X 


f-> 


COL  243 

il  y  a  plufieurs  efpeces  connues  fous  les  noms  à^  grand  colin ,  de  ^onî- 
colin,  de  cacolin^  de  coyokos ,  de  coUnicui,  Voyez  ces  mots.  La  cou- 
leur dominante  du  grand  colin  eft  le  fauve;  fa  tête  eft  variée  de 
blanc  &:  de  noir;  il  a  auffi  du  blanc  fur  le  dos  &  au  bout  des  ailes, ce 
qui  doit  contrafter  agréablement  avec  la  couleur  noire  des  pieds  &  du 
bec. 

COLIOU.  Cet  oifeau  qui  habite  la  partie  la  plus'Jméridionaîe  de 
l'ancien  continent,  fe  trouve  au  Sénégal,  au  Cap  de  Bonne^Efpé- 
rance.  Il  eft  à  peu  près  de  la  grofleur  d'un  pinfon  d'Ardenne:  un  de 
fes  caraéleres  eft  d'avoir  deux  plumes  du  milieu  de  la  ^ueue  plus 
longues  que  les  plumes  latérales;  le  bec  en  cône  raccourci,  convexe 
en  delfus,  aplati  en  delfous.  Le  coliou  du  Cap  a  le  deflfus  du/. corps 
cendré,  mais  mêlé  d'une  légère  teinte  de  couleur  vineufe:âu  cou  & 
à  la  tête.  Les  couvertures  du  defliis  de  la  queue  font  d'un  ^marron 
pourpré.  Celui  du  Sénégal  a  le  fond  du  plumage  gris,..drverfement 
nuancé  ;  les  plumes  de  la  tête  un  peu  plus  longues  que  les  autreis,  lui 
forment  une  efpece  de  huppe.  j 

COLIQUE.    Efpece  de  petit  coquillage   qui  eft  le  même  que  la 
.monnoie  de  Guinée.  Voye^  Porcelaine. 

COLLE  DE  POISSON.  Voyei  au  mot  EsTURGECfN ,  à  farticle 
du  Grand  Esturgeon  ou  Icthyocolle.  On  a  donné  le  nom  de 
colle  à  une  matière  animale  ou  végétale,  d'une  confîftance  tenace, 
&  qui  fert,  quand  elle  eft  molle  ou  liquide ,  à  joindre  plufieurs  chofes, 
de  manière  qu'on  ne  puiife  les  féparer  que  difficilement  ou  point  du 
tout ,  quand  elle  eft  feche.  M.  Mujjchembroek  dit  que  la  raifon  pour 
laquelle  la  colle  unit  deux  corps  entre  lefquels  elle  eft  étendue ,  c'eft 
qu'elle  s'infinue  dans  les  cavités  de  leurs  furfaces  qui  fe  touchent  alors 
par  un  plus  grand  nombre  de  points.  On  diftingue  différentes  fortes 
de  colle  :  1°.  celle  d'Angleterre ,  appellée  colU  foru  par  excellence  , 
taaro-colla.  Voyez  fa  préparation  à  la  fuite  du  mot  Taureau.  1°.  La 
colle,  pour  dorer  qui  fe  fait  avec  la  peau  d'anguille,  la  chaux  &  le  blanc 
d'œufs.  3°.  La  colU  de  farine,  qui  fert  aux  Tifferands ,  aux  Cartonniers 
&  aux  Selliers,  4*^.  La  colle  de  Flandres  qui  n'eft  qu'un  diminutif  de  la 
colle-forte  ;  elle  fert  aux  Peintres ,  &c.  &  eft  la  bafe  de  la  colle  à 
bouche,  j".  La  colle  de  gant  tremblante  ,  fe  fait  avec  des  rognures  de 
gants  &  de  parchemin.  6°.  La  colle  à  miel,  d'ufage  chez  les  Doreurs^ 
fe  fait  en  mêlant  du  miel  avec  de  Veau  de  colle  &  un  peu  de-yinài- 


■■'»;;.S!\' 


2  44*  COL 

gre  :  au  défaut  de  miel  on  y  met  de  la  gomme  Arabique.  7*.  La  coU& 
d'Orléans  eft  de  la  colle  de  poilTon  détrempée  dans  de  Teau  de  chaux. 
8°,  La  colle  de  Mofcovie  qui  eft  celle  de  poiflbn.  On  en  fait  aulTi  avec 
les  parties  cartilagineufes  du  chien  de  mer,  de  lafeche,  &c. 

COLLIER  .  ARGENTÉ.   Voye^  à  t article  Pf.ince. 

COLLINE.  Ceft  une  éminence  de  terre  pour  l'ordinaire  labourable, 

COLOCASXE  5  colocafia.  Plante  étrangère  qui  refTemble  à  Varum  ou 
pkd-de-veau;, \^c  dont  les  anciens  ont  parlé.  On  l'appelle  quelquefois 
culcas  ou  cokas,  X-QS  feuilles  de  la  colocafie  d'Egypte  dont  il  eft  men- 
tion 5  font  âuiOfî  larges  que  celles  du  chou ,  également  nerveufes  & 
remplies  d'.un'fuc  vifquÊux.  Sa  tige  eft  haute  de  trois  pieds  &  grofTe 
comme  le  pouce.  Les  fleurs  font  grandes,  amples  comme  celles  de 
l'arum,  4e  ,CQjileur  purpurine,  monopétales,  de  figure  irréguliere  , 
en^fÏD^ine  'd'oreille  d'âne.  Il  s'élève  de  chaque  calice  un  piftil  qui 
devient  enfuite  un  fruit  prefque  rond ,  qui  contient  quelques  graines» 
M^  Deleu^e  dit  que  fa  frudification  eft  effentiellement  la  même  que 
celle  du  piedde-veau.  Voyez  ce  mot.  La  racine  qui  contient  la  prin- 
cipale vertu,  eft  charnue,  bonne  à  manger  étant  cuite,  &  d'un  goût 
approchant  de  celui  de  la  noifette.  Bontixs  s'eft  donc  trompé  quand 
il  a  diit  qu'elle  étoit  vénéneufe  :  il  eft  certain  que  les  Arabes  font 
encore  commerce  de  cette  racine,  &  qu'en  Egypte,  en  Syrie,  en 
Candie ,  Se  autres  régions  Orientales ,  on  en  mange  fans  aucune  macé- 
ration: elle  a,  étant  crue,  un  peu  d'amertume  &  d'âcreté  vifqueufe, 
mais  tout  cela  s'adoucit  par  la  cuiftbn. 

Les  Antiquaires  reconnoîtront  aujourd'hui  la  fleur  de  .cette  plante 
fur  la  tête  de  quelques  harpocrates,  &  de  quelques  figures  panthées, 
par  fa  forme  d'oreille  d'âne  ou  de  cornet,  dans  laquelle  eft  placé 
le  fruit  :  &  il  y  a  toute  apparence  qu'elle  étoit  chez  les  Egyptiens 
un  fymbole  de  fécondité.  Foyei  les  Mémoires  des  Infcriptions,  Tome  II, 

Les  curieux  de  nos  pays  cultivent  la  colocafie  avec  beaucoup  de 
peine.  On  la  tient  toujours  dans  les  ferres ,  fans  prefque  l'expofer  à 
l'air,  qui  endommage  promptement  fes  feuilles:  rarement  on  la  voit 
jproduire  des  fleurs.  La  colocafie  eft  proprement  une  forte  ^arwn 
yulgan  dont  parle  Profper  Alpin. 

COLOMBE,  columba.  Selon  quelques  Ornithologiftes ,  ce  nom 
défigne  feulement  la  femelle  du  pigeon  ;  félon  d'autres  au  contraire. 


COL  245" 

c*eft  une  efpece  particulière.  On  trouve  en  effet  plufieurs  efpeces 
de  colombes  dont  il  eft  fait  mention  dans  les  Auteurs  ;  telle  eft  celle 
d'Italie  ;  femblable  en  tout  au  pigeon  ;  elle  eft  feulement  plus  petite. 
Cet  oifeau  fait  fon  nid  dans  les  creux  des  rochers  &  dans  les  tours  : 
fa  ponte  eft  de  deux  œufs;  fa  vie  eft  longue;  il  eft  paflager;-  il  vole 
en  troupe,  il  fe  nourrit  de  glands  &  de  toute  forte  de  grains.  .  ' 

La  colombe  de  Groëland  eft,  dit-on,  le  petit  plongéô/zjie  VIÛq  (Iq 
Farne,  ou  la  tourterelle  de  l'Ifle  de  Bafs  près  d*Ediinbourg.  La 
colombe  de  Portugal  eft  un  peu  plus  grofte  que  la  tourteiNsUe  ordi- 
naire; fon  plumage  eft  fort  fombre.  Celle  de  la  Chine  eft  plus  groffe, 
&  un  peu  bleuâtre.  Si  la  colombe  eft  exaâement  un^pigeon,  on  en 
trouvera  des  détails  plus  circonftancics  à  Yanicla  pigeon, 

La  colombe  a  été  de  tout  temps  fort  célèbre  chez  les  Poctes:  c'eft 
l'attribut  de  la  déefle  des  grâces  &  de  la  beauté;  c'eft  auffi  le'TyTÛboJ^ 
de  la  douceur.  On  l'a  appellée  uifeau  de  Cithere,  parce  que  cetahlmal 
eft  fort  porté  à  la  propagation. 

C'eft  de  la  colombe  qu'on  a  formé  le  nom  de  colombier  ,  pour 
défigner  le  lieu  où.  les  pigeons  fe  retirent  pour  la  propagation  de 
l'efpece. 

COLOMBINE.  Nom  donné  à  la  fiente  de  pigeon.  Voyez  ce 
mot. 

COLOPHONE,  COLOPHANE  ou  ARCANSON,  colophonia. 
Nom  donné  à  une  préparation  de  térébenthine ,  d'ufage  en  Médecine , 
&  chez  les  joueurs  d'inftrumens  à  corde  de  boyau,  qui  s'en  fervent 
pour  frotter  leurs  archets  ou  ce  qui  en  fait  la  fonâion.  Foye:^  aux 
mots  Pin   &  Sapin. 

COLOQUINTE ,  aicumis  colocynthis ,  Linn,  Plante  cucuméracée 
qui  naît  abondamment  dans  les  Ifles  de  l'Archipel ,  &  fur  les  côtes 
maritimes  de  l'Orient ,  même  dans  les  deux  Indes ,  où  il  y  en  a 
plufieurs  variétés  :  elle  poulTe  plufieurs  tiges  rampantes  à  terre,  velues 
&  cannelées:  fes  feuilles  naiflent  feules  ,  éloignées  les  unes  des  autres, 
&  attachées  à  de  longues  queues,  blanchâtres,  velues,  larges,  décou- 
pées profondément;  aux  ailTelles  de  ces  feuilles  naiffent  des  vrilles, 
fes  fleurs  font  jaunes,  pâles,  évafées  en  cloches,  découpées  en  cinq 
quartiers  :  celles  qui  font  fécondées  fe  changent  enfuite  eh  un  fruit 
fphérique,  de  la  groiTeur  d'une  orange,  recouvert  d'une  écorcé  durey-,- 
d'abord  verdâtre,  enfuite  jaunâtre.  Les  Indiens  féparent  c^te.^îgrce^ 


2^<r  COL 

de  après  avoir  fait  fccher  la  pulpe  Ibngueufe,  membraneufe  &  blan- 
châtre qui  remplit  ce  fruit ,  ils  nous  Tenvoient  ;  au  moins  nous  la 
recevons  en  cet  état  d'Alep  :  elle  eft  feche ,  fpongieufe ,  compofée  de 
feuilles  membraneufes ,  divifée  en  trois  parties  ,  légère ,  &  d'une 
amertume  i^nfupportable  ,  acre  au  goût,  exCitant  des  naufées.  Se 
bleflant  le  -  goiter.  Elle  contient  de  petites  graines  aplaties ,  dures  , 
unvpeii^^g^ireSj  roufsâtres  ,  de  la  grandeur  de  celles  du  concombre. 
On  prétend'  qu'il  y  a  de  plufieurs  efpeces  de  potirons  &  de  citrouilles 
qui,-  devenanc  ameres,  pourroient  être  placées  parmi  les  coloquintes. 
Ceux  qui  feroient  curieux  de  cultiver  cette  plante  dans  nos  climats, 
doivent  en  femer  les  graines  dans  des  lits  chauds  de  terre  préparée  ^ 
&  en  diriger  îa  culture  comme  celle  des  concombres  dont  on  veut  hâter 
la  maturité. 

La  coloquinte  eft  un  médicament  aufli  ancien  que  la  Médecine;  iî 
purge,  violemment,  de  même  que  le  tabac  &  l'ellébore.  Foye^  ces 
mots.  Ces  remèdes  réfino-gommeux  contiennent,  dit  M.  Geoffroy ,  une 
huile  très-acre,  propre  à  irriter  les  nerfs  &à  les  fecouer  violemment: 
car  il  on  met  dans  la  plaie  d'un  animal  la  plus  petite  goutte  d'huile  de 
i tabac ,  il  tombe  aufÏÏ-tôt  dans  des  convulfions  de  tout  fon  corps,  dans 
iefquelles  il  meurt  bientôt.  La  plupart  des  amers  tirés  des  végétaux 
produifent  une  femblable  fecoufle  fur  les  nerfs  de  certains  animaux  : 
ils  font  fur-tout  très-contraires  aux  oifeaux.  La  coloquinte  peut  purger 
les  humeurs  épaifîes  qui  réfifteroient  à  l'agaric  &  au  turbith;  elle 
convient  fort  dans  l'apoplexie  &  dans  d'autres  cas  où  il  faut  fe  tirer 
d'un  danger  par  un  autre.  M.  Bourgeois  dit  que  c'eft  le  plus  excellent  8c 
le  plus  sûr  de  tous  les  vermifuges,  &  qu'il  eft  fur-tout  fpécifique  contre 
îe  ténia  ou  ver  plat,  &  contre  les  affeélions  foporeufes. 

Quoique  S,  Pauli  condamne  les  Médecins  trop  timides  fur  l'ufage 
de  la  coloquinte ,  nous  croyons  cependant  avec  C.  Hoff'rnann ,  d'après 
ce  que  nous  avons  vu,  qu'elle  eft  deftrudive  &  dangereufe;  qu'elle 
.ébranle,  trouble  &  bleffe  l'eftomac,  les  vifceres  &  les  nerfs,  elle  brife 
les  petites  veines,  en  fait  fortir  le  fang,  corrode  les  inteftins ,  &  leur 
caufe  de  cruelles  douleurs.  Ce  remède,  félon  Hoffmann,  eft  un  grand 
poifon.  On  doit  donc  l'employer  avec  prudence  &  en  petite  dofe;  & 
M.  Bourgeois  avoue  qu'il  convient  même  mieux  de  fe  fervir  des  tro- 
\.,:  chifques  alhandal ,  dans  lefquels  îa  coloquinte  eft  enveloppée  dans  îe 
"    '  fniicjlage"  de  la  gomme  adragante  ,  que  de  la  coloq^ujnte  en  poudre, 


'•* 


.•■T;T 


COL  247 

On  trouve  dans  les  Mém,  de  VAcad»  des  Scienc,  an,  /70/,  une  analyfe 
de  la  coloquinte  par  M.  Buulduc. 

COLS  A  ou  COLZAT5  brajjîca  <7rvé«/?5.  Efpece  de  chou  que  l'on 
cultive  avec  fuccès  dans  le  Pays-Bas,  fur-tout  dans  les  environs  de 
Lille,  où  il  fait  un  objet  confidérable  de  commerce.  On  diftingue 
plufieurs  efpeces  de  colfaa,  favoir,  celui  àjlcurs  blanches  ^^11^ 3.  été 
apporté  de  Hollande  en  Flandres  que  depuis  quelques  années,  &  deux 
autres  efpeces  à  fleurs  jaunes.  De  ces  deux  dernières  efpeces  il  y  en  a 
une  qu'on  nomme  le  colfa  chaud ,  qui  eft  le  plus  commun  en  Flandres, 
&  qui  y  eft  regardé  comme  le  meilleur  ,  parce  qu'il  croît  aifément 
par-tout  &  qu'il  exige  moins  d'engrais.  La  méthode  de  cultiver  le 
colfa  eft  la  même  pour  toutes  les  efpeces  ;  &  chacune  d'elles  acquiert 
plus  ou  moins  parfaitement  les  accroiflemens  qui  lui  font  propres  , 
félon  la  nature  du  terrain  où  l'on  feme  ,  félon  la  bonne  ou  mauvaife 
culture  qu'il  a  reçue ,  la  circonftance  des  temps  &  celle  des  acci- 
dens  auxquels  elle  eft  fu jette.  Cette  efpece  de  chou  diffère  des  autres 
qui  font  cultivées ,  par  fes  feuilles  plus  petites  &  non  pommées  , 
par  fes  tiges  plus  grofles  ,  cependant  hautes  de  quatre  à  cinq  pieds. 

Tout  eft  utile  dans  le  colfa  ;  fa  graine  dont  on  tire  le  principal 
profit,  donne  par  exprellîon  une  huile  graffe  ,  femblable  à  celle  de 
navettes  ,  propre  à  brûler  ,  à  faire  du  favon  noir  ,  à  préparer  les 
cuirs  &  à  fouler  les  étoffes  de  laines  :  la  graine  la  plus  noire,  la  plus 
feche,laplus  pleine  &  qui  paroît  la  plus  huileufe  lorfqu'on  l'écrafe, 
eft  la  meilleure  pour  le  moulin.  Les  pains  ou  tourteaux  de  colfa ,  dont 
on  a  exprimé  l'huile  ,  fervent  à  nourrir  &  engraifTer  les  beftiaux 
de  toute  efpece  ,  bœufs  ,  vaches  &  moutons  :  on  les  leur  donne 
émiettés  &  mêlés  avec  du  fon  ;  les  vaches  qui  en  mangent ,  donnent 
du  lait  en  abondance.  Ces  tourteaux  font  encore  un  des  meilleurs 
engrais  pour  les  terres  dcftiaées  à  recevoir  les  femences  du  colfa. 
Tous  les  beftiaux  mangent  aufli  la  menue  paille  qui  fort  du  van  &: 
les  houppes  des  pieds  de  colfa.  On  fe  fert  encore  de  ces  menues 
pailles  pour  faire  des  breuvages  aux  vaches  ;  la  groffe  paille  &  les 
pieds  de  colfa  que  les  Flamands  appellent  navets  ,  fervent  à  chauffer 
le  four. 

Le  colfa  fe  plaît  dans  les  terres  douces  &  qui  ont  du  fond  ;  il 
demande  beaucoup  d'engrais.  On  le  feme  &  on  le  replante  comme 
les  choux  y  on  le  difpofe  par  rangées  à  un  pied  les  uns  des  autres. 


24^  COL 

&  on  laide  fix  pouces  d'intervalle  environ  entre  les  plantes  de  cha- 
que rangée. 

Le  colfa  fe  récolte  à  la  fin  de  Juin  ou  au  commencement  de  Juil- 
let ;  on  le  fcie  comme  le  blé  ,  lorfqu'il  eft  jaune  ;  on  le  met  en  meule 
(  tas  )/au  niilieu  des  champs  :  il  y  fermente;  ce  qui  lui  fait  rendre 
beaùcoupvpltis,  dliuile  qu'il  n'en  rendroit  fans  cela;  on  le  bat  enfuite 
pour  en  reôueiilïr  la  graine  qui  fe  conferve  très- bien  dans  les  greniers 
avec  lé  limjîle  foin  de  la  remuer. 

Le  coija  Qu  quelquefois  attaqué  de  la  nielle  ,  fur- tout  lorfqu'il 
eft  replanté. dans  des  vallées  trop  fumées  &  expofées  au  brouillard. 
On  ne  lui  connoit  pas. d'autres  maladies. 

GOLyBRÏNE.  Nom  donné  à  une  efpece  de  pierre  ollaire  &  à 
la  ferpèntarri  de  Firginie.  Voyez  ce  mot  &  celui  de  pierre  colubrine. 

CbWUW^EKES,  Voyez   Malvacécs, 

COLUVRiNE  DE  VIRGINIE  ,  piftolochia  Flrginiana,  On  ne 
nous, envoie  dans  le  commerce  que  la  racine  de  cette  plante,  qu'on 
dit  être  une  efpece  d'ariftoloche  ;  elle  eft  fibreufe  ,  compofée  de  fila-» 
mens-  longs  ,  .bruns  ,  jaunâtres  en  dedans  ,  d'une  odeur  forte ,  prefque 
femblable  à  la  ferpentaire  de  Virginie.  Foye:^  ce  mot.  On  l'appelle 
'2inG\  racine  du  fnagro'êl  :  elle  nous  vient  de  la  nouvelle  Angleterre, 
&  elle  eft  eftimée  un  puiflTant  alexipharmaque. 

COMBATTANT.  Nom  qu'on  donne  au  paon  de  mer.  Foye^ 
Ci    mot. 

COMB-BIRD  ou  PEIGNÉ.  Olfeau  qui  habite  les  environs  du 
Sénégal:  il  eft  de  la  grandeur  d'un  coq  d'Inde;  fon  plumage  eft  gris, 
rayé  de  blanc  &  de  noir  ;  il  a  une  grande  envergure ,  vole  peu  ; 
il  marche  gravement ,  &  levé  fièrement  fa  tête  ,  qui  eft  ornée  d'un 
duvet  doux  5  long  ,  pendant  de  deux  côtés  ,  &  frifé  par  la  pointe; 
ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  peigné,  La  partie  la  plus  belle  à 
■^oir  dans  cet  animal ,  eft  fa  queue  ,  qui  reftemble  à  celle  d'un  coq 
d'Inde ,  quand  il  fait  la  roue  ;  la  partie  fupérieure  de  cette  queue  eft 
d'un  beau  noir  brillant ,  ^  le  b^s  eft  ^ufli  blanc  que  l'ivoire  :  on  en 
fait  des  éventails. 

COMETE.  Corps  célefte  ,  de  la  nature  des  planètes  ,  qui  paroît 

fjudainement  parmi  les  aures  fous  différentes  figures  8^  grandeurs  , 

&  difparoit  de  même  ,  &  qui ,  pendant  le  temps  de  fon  apparition  , 

fc  jjieut  dans  uns  orbite'  .4e   même  uati^te  que  celle  des  planètes  î 

Aa>  '••    .  mais 


C  O  }/l  2  4<>" 

mais  très  -  excentrique  ;  (  en  forte  qu'on  ne  i'apperçoit  que  dans  ui 
partie  de  fôn  orbite  la  plus  voifine  de  la  terre  )  Ôc  que  l'on  foup- 
çonne  être  fournis  aux  mêmes  lois  que  les  autres  corps  céleftes. 

Les  comètes  font  diftinguées  principalement  des  autres  aftres,  eîi 
ce  qu'elles  ont  des  ornemens   qui  ne  changent  peut  -  être  que  felont 
les  afpeds  du  foleil;  elles  font  appellées  par  \QVul^h:è;^coUes  Jîam- 
boyantes.  On  leur  donne  le  nom  de    barbe  ,  quand  lesiaydns  de  lu- 
mière précédent  la  tête  de  la  comète  ;  celui  de   queue ,  qiiand  ils  la 
fuivent;  &  celui  de  chavelure  ,  quand  ils  l'entourent  :  à.la  A^érité,  les 
comètes  font  plus  ordinairement  accompagnées  d'aune  queitc'-  ovi  trdtn ce 
de  lumière  ,   toujours    oppofée    au    foleil.   D'après    l'obtfervation  des- 
phénomènes  ,  le  célèbre  Newton  a  penfé  que  les  comètes  étoient  créées 
de  même  que  les  autres  planètes  avec  le  monde,  que  ce?.  queue,s  lu- 
mineufes  étoient  des  vapeurs  fort  fubtiles ,  qui  s'exhaloient  de  la  tête 
au  noyau  de  la  comète  échauffée  par  la  chaleur  du  foleil ,  lorfqu'elle 
eft  dans   fa  plus   grande  proximité  ;  car  comme  elle  parcourt  autour 
de  cet  aftre  une  orbite  elliptique  très  alongée,  elle  devient  invifîble, 
lorfqu'elle  efl:  dans  la  partie  la  plus  éloignée    du   foleil.  M.   Newton 
penfe  que  ces  vapeurs  font  attirées  par  les  planètes  ;  qu'elles  fe  mê- 
lent avec  leurs  atmofpheres ,  &  qu'elles  fourniilent  ainfi  à  l'en rre tien 
v^  du  fluide   qui  s'évapore   continuellement    &  qui  entre  dans  la  com- 
pofition  des  corps  ;   fans  quoi  ,  pendant   que   la  terre  s'accroît  fans 
celTe  ,  l'eau  diminueroit  en  même  proportion ,  fi  la  perte  n'en  étoit 
rétablie  par  des  matières  étrangères.  M.  Dcleu^e  obferve  que  la  queue 
des  comètes   eft  plus  grande  ,  après  qu'elles  ont  pafle  le  périhélie , 
qu'avant  :  ce  qui  joint  à  la  lumière  dont  brille  cette  queue  ,  favorife 
rhypothefe  de  M.  de  Mairan  ,  qui  attribue  la  formation  ,  du  moins 
pour  la  plus  grande  partie  ,  à   une  portion  de  l'atmofphere  folaire, 
dont  la  comète  fe  charge  ,  en  la  traverfant. 

La  grandeur  des  comètes  varie  beaucoup.  Il  y  en  a  qui  paroilTent 
furpaffer  les  étoiles  de  la  première  &  de  la  féconde  grandeur.  On 
en  obferva  une  du  temps  de  Néron  qui  égaloit  le  foleil  en  dia- 
mètre ;  &  en  105*2  ,  il  en  parut  une  de  la  grandeur  de  la  lune:  comme 
elle  paroifToit  enveloppée  de  fumée  ,  ion  afpe(^  étoit  défagréable. 
M.  HalUy  n'a  donné  les  tables  que  de  vingt-urug-^  comètes  ;  mais  on 
en  a  obfervé  beaucoup  d'autres  depuis  ,  q^ui  ont  été  reconnues  très- 
Tome  II,  .        I  i 


^^o  C  OM 

différentes  ;  de  M.  Lubîmitski ,  Polonois ,  fait  monter  à  quatre  cent 
quinze ,  le  nombre  de  celles  qui  ont  paru  depuis  le  déluge. 

Le  mouvement  des  comètes  eft  varié  à  l'infini  ;  les  unes  s'avancent 
d'Occident  en  Orient  ;  d'autres  en  fens  contraire  :  leur  mouvement 
fe  dirige  tantôt  vers  le  Nord ,  tantôt  vers  le  Midi  ;  il  eft  aulîi  tantôt- 
plus  ^rapide  ,  'tantôt  plus  lent.  On  a  obfervé  une  comète  qui  avoit 
une  vîteflerBien  extraordinaire  ,  puifquelle  parcourut  en  un  jour 
quarante  degrés. 

Ce  n'êft-  que  vers  l'an  ijSo ,  qnJppien  a  le  premier  obfervé  aftro- 
logiqueiiient  la  marche  des  comètes  :  mais  c'eft  au  Chevalier  Newton 
que  nous  fom|nes  redevables  d'une  vraie  théorie  de  leur  mouvement: 
nous  diïtons-  encore  ajouter  que  le  Dodeur  HalUy  eft  le  premier 
Cométbgraphe  qui  ait  fait  voir  que  les  comètes  ont  un  cours  réglé,, 
que  Ton'  pÊtrt'déterminer  par  le  calcul.  Son  Théâtre  Cométique  parut 
dès  l'annéç'  1705*  ,  &  a  été  traduit  en  François  en  1742  y  par  M» 
le  Monnisr  ;  il  n'y  a  peut-être  point  d'ouvrage  où  la  méthode  de  cal- 
culer le  mouvement  apparent  des  comètes  foit  expliqué  en  fi  peu  d& 
mots  ■&  avec  tant  de  netteté. 

Quoique  la  queftion  du  retour  des  comètes  foit  du  nombre  de 
celles'"^ue  la  poftérité  feule  pourra  réfoudre,  l'opinion  de  Newton^ 
qui  regarde  leur  retour  comme  périodique  ,  eft  la  plus  vraifemblable, 
Plufieurs  rapports  dans  le  période  ,  certaines  circonftances  dans  la 
route  ,  ont  fait  croire  que  c'ctoit  les  mêmes  comètes  qu'on  voyoit 
reparoître  par  intervalles.  M..  Halky  a  remarqué  qu'il  avoit  paru 
quatre  fois  de  fuite  une  comète  dans  l'intervalle  de  cinq  cent  foixante- 
quinze  ans;  favoir ,  à  la  miort  de  Jules  Céfar  ,  enfuite  l'an  de  Jefus- 
Chrift  y^i  jpuis  au  mois  de  Février  1106:  &  en  dernier  lieu,  fur 
V  la  fin  de  l'année   1680.  Ce  fameux  Aftronorae  conjedure  que  le  pé- 

riode de  cette  fameufe'  comète  pourroit  bien  être  de  cinq  cent 
fûixante-quinze  ans  ;  ce  que  nos  defcendans  feuls  pourront  vérifier. 
Il  y  a  ime  chofe  finguliere  fur  ce  période  ;  c'eft  qu'en  remontant 
de  cinq  cent  foixante- quinze  ans  en  cinq  cent  foixante  -  quinze  ans, 
depuis  l'année  de  la  mort  de  Jules  Céfar  ,  où  on  croit  que  cette 
comète  a  paru  ,  on  tombe  dans  l'année  du  déluge  ;  c'eft  ce  qui  a 
^  fait  penfer  à  Whifton  ,  que  le  déluge  univerfel  pourroit  bien  avoir  été 
oçcafionné  pat  la  rencontre  ou  l'approche  de  cette   comète  qui  fe 


<^ 


C  O  M  2  j  t 

trouva  alors  fort  près  de  la  terre.  Cette  opinion  qui   ne   peut  être 
regardée  que  comme  une  conjedure  ,  n'a  d'ailleurs  rien  de  contraire 
à  la  faine  Philofophie,  qui  nous  apprend  que  l'approche  d'une  telle 
comète  eH  capable  ou  de  bouîeverfer  le  globe  que  nous  habitons,  ou 
de  relever  l'axe  de  la  terre  ;  ce  qui ,  félon  M.  de  Maupenuis  ,  nous 
procureroit  un  printemps  perpétuel.    En  fuppofantjj/:'pqur   un  mo- 
ment ,    que    cette   conjedure  fût  bien  fondée  ,    il  jii<:^-faudroit  pas 
chercher  plus  loin  l'origine  de  la  terreur  que  l'apparition  des  ^comètes 
a  infpirée  aux  peuples  pendant  long-temps.  En  1080 j_'qu*eiques  Fhi- 
lofophes  étoient  encore  vraifemblabîement  dans  l'opinionvulgaire  fur 
ce   fujet  3  puifque  le  fameux  Jacques  Bcrnoulii  difoit ,  que  fi  le  corps 
de  la  comète  n'eft  pas   un  ligne  vifîble  de   la  colère  de  Dieu  ,  la 
queue  en  pourroit  bien  être  un.  (Les  comètes ^  de  m.ême  que  fe'é.clipfes 
font  célébrées  avec  beaucoup  d'appareil  dans  l'Indus  ^  ie  G.ange ,  Ôc 
fur-tout  dans  le  Tanaifer).  Ce  m.eme  Aflronome  prédit  ^  retour  de 
lacomete.de  1680,  pour  le  17  Mai  1715?.  Aucun  Agronome  .   dit 
M.  de  Foliaire  y  ne  fe 'coucha  cette  nuit-là  ;  mais  la  comète  né  parut 
point.  ]\1.  Halley  a  été  plus  exaél    dans  fon  calcul.  La   comète  q^u'il 
avoit  annoncée  pour  l'année    lyyp  ,  eft  arrivée  ;  &  M.  CUiraut ,  en 
calculant  fon  période  &  fa  marche  ,  la  prédit  à  vingt-deux   jolh's  de 
fon  apparition  ;  Mrs.  l'Abbé  Fingré  ,  l'Abbé  C  happe  ,    Ginùl ,  (S*^.  en 
ont  été  témoins  oculaires  ,    l'un    étant  à   Tobolsck  ,   l'autre  à  l'île 
Rodrigue  ,   &c.  Enfin    la  probabilité  du  fyftéme  de  Newton  ,  fur  le 
cours  &  le  retour  des  comètes ,   a  été  portée  au   plus  haut  degré  j 
on  pourroit  dire  ,  prefque  à  la  certitude  ,  par  le  retour  de  la  comète 
de  1682,  arrivé  en  1"]$^  ,  &  par  l'accord   de  ce  même  retour,  avec 
le  calcul  dont  les   réfultats  ont  d'autant  plus  approché  de  l'obferva- 
tion  j  qu'on  y  a  plus   tenu    compte    des   divers   élémens   du  mouve-  >f; 

ment  de  cette  comète  ,  félon  le  fyftême  Newtonieii.  Foycr^  CHifloirc 
de  l Académie.  Royale  des  Sciences  ,  ann.  lyic)  ,  &c, 

COMÉTITES.  Nom  donné  à  des  aftoïtes  folfiles  &  à  étoiles 
chevelues  ;  on  en  trouve  beaucoup  dans  les  environs  de  Bafle  en 
SuifTe  &:  de  Lifieux  en  Normandie. 

CONANA  ,  palma  daciïlïfera  ,  caudlce  &  frucîu  acideatis  ,  Barr» 
Palmifte  du  Pays  de  Cayenne  :  cet  arbre  eft  affez'beau  ;  mais  il  efl: 
fl  rempli  de  piquans  ,  qu'on  ne  peut  en  approcher.  Son  fruit~  naît 
autour   de  quelques  branches  ,  près  de  la  tête  de  l'arbre  :  fa  chair 


*  ^  '  ^- 


2^2  CON 

contient  un  noyau  auflî  dur  que  le  coco  &  de  la  grofleur  d*une  noi- 
fette  :  au  dedans  eft  une  amande  blanche  que  l'on  mange  après  avoir 
fait  chauffer  le  noyau  pour  l'en  tirer  :  le  goût  approche  un  peu  de 
celui  de  nos  amandes.  Maifon  Rujî.  de  Cayenne» 

CONANA  SAUVAGE.  M.  de.  Prèfontainc  dit  que  cet  arbre  n'a 
aucun  rapport  avec  le  conana  palmijle  ;  il  fe  trouve  dans  les  grands 
bois  de  la'  Gmiane  :  fon  fruit  qui  eft  jaune  &  un  peu  femblable  à  celui 
du  coignafïïer', "contient  quatre  graines  entourées  d'une  pellicule  ai- 
grelette. Les  Sauvages  en  font  une  boiffon  qui  approche  beaucoup 
du  vin.  Les'fangliers  vivent  ordinairement  de  ce  fruit  dans  la  faifon; 
c'eft.aù.ffi  dans  ce  même  temps,  que  les  Chaflfeurs  font  sûrs  de  tuer 
quantité -de-;  ces- iSAimaux.  La  graine  du  conana  fauv âge  reffemble  à 
celle  de 'fôw^^/.  Voyez  ce  mot. 

Dans  fefpeoè  qui  croît  aux  environs  du  Para  ,  il  y  a  trois  graines  • 
qu'on  appelleMmproprement  mufcada,  &  qu'on  emploie  dans  les  coli- 
ques :  le  fruit  eft  renflé ,  arrondi ,  avec  deux    éminences  aux   deux 
bouts ,  différentes  en  groffeur  ,  mais  toutes  deux  mouffes. 

CONANI .  FRANC.  Petit  arbriffeau  du  pays  de  Cayenne ,  connu 

fous  le  nom  de  bois  à  enivrer  le  poijfon,  Barrere  n'indique  cette  plante 

fous  le  nom  d'eupatorium  arbore/cens  venenatum ,  fioribus  albis  glomera- 

tis  y  pag.  60 ,   que  comme    un  poifon.  Le   Didionnaire   Caraïbe  dit 

que  c'eft  une  herbe  qui  vient  fi  abondamment  dans  les  jardins,  qu'ils 

en  font  infeélés  :  il  en  parle   fous  le   nom  de  conamy  ,  page  177  ;  & 

il  paroît  que  cette  plante   tire  fon  nom    de   conani  ,  rivière  au  bord 

de  laquelle  il  s'en  trouve  beaucoup.  L'ufage  qu'on  en  fait  aux  îles, 

eft  d'écrafer  fa  feuille  dans  un  trou  fait   en   terre.   On  en   jette  dans 

Teau  dormante ,  ou  bien  on  en  favonne  le  marc  dans  le  trou  qu'on 

veut  enivrer  :  ce  poifon  eft  fi  fubtil ,  qu'auffi  tôt  les  poiffons  viennent 

fur  Teau  &  meurent  :   on  les  mange  fans   qu'on  en  reffente    aucune 

incommodité.  Peut]-  être  le  conani  eft  -  il  ï arbre  à  enivrer  les  poljfons^ 

Voyez  ce  mot. 

L'on  trouve  aufli  dans  le  Para  un  conani  dont  la  vertu  eft  des  trois 
quarts  moins  prompte.  Les  Sauvages  Maillés  qui  habitent  les  pays 
noyés  du  côté  d'Yapok ,  l'ont ,  dit-on  ,  reçu  des  Indiens  fugitifs  du 
Para  ,  &  font  communiqué  aux  Colons  de  Cayenne. 

CQNCHITES,  conchitœ.  Sont  les  coquilles  bivalves  foffiles,  & 
fur-tout  celles  du  genre  de  Miuître,  Voyez    au   mot  Coquille  le 

m. 


CON  255 

fiom  de  leurs  analogues  vivans ,   &  les  mots  huître  ^  fojples^ 

CONCHO-LEPAS.  Nom  donné  à  une  efpece  de  Upas  à  bafe 
ovale  qui  refîemble  beaucoup  à  une  valve  de  bucardite  (  cœur  ) 
deftituée  de  charnière  ,  &  dont  le  fommet  recourbé  fur  l'un  de  fes 
côtés  3  donneroit  une  apparence  de  fpires.  Sa  couleur  ell:  ordinai- 
rement fauve.  Il  eft  orné  de  grolfes  ftries  un  peu  raboteufes-  &  lon- 
gitudinales. Il  y  a  des  concho  -  lépas  où  d'autres  petites  ftries  fe 
croifent  en  réfeau.   Foye:^  Lepas. 

CONCOMBRE  CULTIVÉ,  cucumcr  fativus.  C^^i  m^  '^IzntQ 
dont  les  racines  font  droites,  blanches  &  fibreufes,  qui  potifle  des 
tiges  farmenteufes ,  longues,  velues  &  rampantes  fut^iterrea  aux- 
quelles nailïènt  alternativement  des  feuilles  amples  ,  ariguleufes  & 
découpées  profondément.  Il  fort  de  l'aiflelle  des  feuilles  des  vrilles 
c/u  mains  ,  &  des  fleurs  d'une  feule  pièce,  en  cloche .  évàfées ,  de 
couleur  jaune  pâle;  il  leur fuccede  un  fruit  long  d'environ  demi-pied, 
gros  comme  le  bras,  arrondi  aux  deux  extrémités,  anguleux  ,  droit 
ou  tortu  ,  vert  ou  blanc  ,  quelquefois  jaunâtre ,  charnu  ,  fucculent , 
d'une  faveur  particulière ,  auftere  ;  fon  écorce  eft  mince  ,  &  fouvent 
parfemée  de  verrues  ou  petits  boutons.  Le  fruit  eft  divifé  en  dedans 
par  trois  ou  quatre  quartiers  remplis  d'une  pulpe  qui  contient  beau- 
coup de  graines  oblongues  ,  aplaties  ,  laiteufes  &  douces  :  cette 
amande  eft  une  des  quatre  grandes  femences  froides. 

On  cultive  le  concombre  dans  les  jardins  potagers  ;  car  fon  fruit 
eft  bon  en  cuifine ,  foit  crud ,  foit  cuit  ,  quoiqu'un  peu  indigefte  : 
on  fe  fert  auffi  de  fa  femence  dans  les  émulfions  pour  modérer  le 
trop  grand  mouvement  du  fang  :  on  confit  les  petits  concombres 
verts  au  vinaigre ,  au  fel  &  au  poivre  ,  &  on  les  nomme  cornichons  / 
fouvent  ce  ne  font  que  des  concombres  qui  n'ont  pu  profiter  &  venir 
à  maturité.  On  les  mange  en  falade  &  en  ragoût.  M.  Bourgeois  dit 
qu'on  procure  beaucoup  d'agrément  à  la  falade  de  cornichons  en  y 
ajoutant  quelques  feuilles  d'eftragon  ,  qui  en  relevant  beaucoup  le 
goût.  On  doit  avoir  l'attention  de  faire  évaporer  la  plus  grande  partie 
du  fuc  aqueux  des  cornichons,  en  les  laifl'ant  quatre  ou  cinq  jours 
fur  des  tablettes  à  l'ombre  avant  de  les  mettre  dans  le  vinaigre  ,  &, 
de  faire  ufage  de  vinaigre  violent  &  fpiritueux  ;  fans  ces  deux  pré- 
cautions ils  moififient  &  fe  gâtent  le  plus  fouvent,  fur-tout  s'ils  ont 
crû  par  un  temps  pluvieux,  .-. 


/ 


5^4  C  O  N 

L'efpece  de  concombre  que  les  Portugais  cultivent  au  Para,  s'élevd 
très-facilement  à  Cayenne  ;  mais  le  fruit  efl:  d'un  pourpre  noirâtre 
Cucumer  fruHu   oblongo  obfcure  purpurajccnte,  Barr. 

CONCOMBRE  MARIN  ,  cucuwcr  mar'mus,  Efpece  d'animal  de 
meiè;^"' g'ros  &  long  comme  le  petit  doigt,  privé  de  fang,  orné  de 
tu,b'^rcu][e:§'i;ï6£' ayant  la  couleur  &  l'odeur  du  concombre  ;  comme 
f^l'lfartiel'^iôtô.fnes  ne  fé  diftinguent  pas  aifément,  cet  animal  pourroit 
bien   êt^'^lun/*^op/'/^jy^e  holotur'u.    Voyez  ces  mots. 

.CpNÇÎ)^iBKE"  SAUVAGE,    momordica   elaurium.    LiNN.   Cette 
pîant-e'-_q^:gB  jftokim^  concombre   d'am  ,   cucumer  ajininus  ,    croît 

principalement, ^i^x;  lieux  incultes  ,  en  Languedoc  &  en  Provence; 
GUClqu^fô^S'^aiiffi  p'n-i'a''cultive  dans  les  jardins  :  fa  racine  eft  longue  , 
grofiè  &  branche  ,  un  peu  fibrée  ,  charnue  &  amere  ;  il  en  fort  de 
grofïê^  "tiges;  fucculentes  &  rampantes  à  terre ,  fur  lelquelles  naifll-  y. 
des  feuiîks  à-pcu-près  femblables  à  celles  du  concom.bre,  mais  elles 
font  plus  petites ,  ainfi  que  fes  fleurs.  Ses  fruits  font  longs  d'un  à 
déux' pouces,  cylindriques,  tuberculeux  &  très -velus  ,  partagés  en 
trois  loges  remplies  d'un  fuc  amer.  Si  on  touche  légèrement  ces 
fruits-  lorfqu'ils  font  mûrs,  ils  jettent  avec  force  un  fuc  fétide  &  des 
graines  luifantes  noirâtres. 

Le  fuc  exprimé  de  cette  plante  prcfque  mûre  ,  enfuite  épaifii ,  fe 
nomme  elaterlum  :  il  étoit  autrefois  û'ufage  pour  purger  fortement  la 
bile  par  haut  &  par  bas  :  on  ne  s'en  fert  guère  aujourd'hui ,  parce 
qu'il  eft,  dit-on,  ainfi  que  la  coloquinte,  très  -  contraire  à  l'eftom-ac 
&  aux  inteftins.  On  prétend  que  fon  fuc  ,  appliqué  à  la  vulve  en 
peffaire ,  fait  fortir  le  fœtus  qui  eft  mort  ,  &  que  s'il  eft  vivant,  il 
le  tue.  Il  paroît ,  fuivant  M.  Bourgeois  ,  que  c'eft  par  un  préjugé 
que  la  plupart  des  Médecins  ont  abandonné  l'ufage  de  Xelaurium  ; 
c'eft ,  à  fon  avis ,  le  meilleur  &  le  plus  innocent  de  tous  les  purgatifs 
•'•pour  évacuer  les  eaux  des  hydropiques.  Ce  Médecin  en  fait  tous  les. 
jours-  ufage  dans  cette  fâcheufe  maladie ,  à  la  dofe  de  dix  à  quinze 
grains  avec  les  plus  heureux  fuccès.  La  tige  deflechée  des  concom- 
bres fauvages  fufe  fur  le  charbon  comme  le  nitre. 

CONCRÉTIONS  pierreuses  minérales.  P'oye^^  au  mot  Sta- 
r AGITES.  Quant  aux  concrétions  pierreufes  des  animaux,  voyez 
Bl'^ard  &  Calcul.-     ■' 

CONDOMA,  M.  F  allas  lui  donne  le  nom  ^antilope  firepjiaros ,  &: 


CON  -  'tiss 

le  fange  dans  lesjfin'comes.  Voyez  rarticle  Gaielle,  Cet  animal  paroît 
être  le  même  que  la  chèvre  du  Cap  de  Bonne-Efpérance ,  rem.arqua- 
ble  à  plufieurs  égards.  Sa  taille  eft  celle  d'un  grand  cerf,  fa  tètQ  eft 
fort  belle  &  ornée  de  deux  cornes  unies  ,  recourbées  par  une  double 
flexion  ,  pointues  ,  de  trois  pieds  de  long  ,  &  dont  les  extrémités 
font  diftantes  de  deux  pieds. 

CONDOR   ou  CUNTUR    ou     contour    ou  ,GRYPS,vpU^/i;liESlM^R-. 

GEYER  OU  VAUTOUR    DES   AGNEAUX.   Il   paroît   que  i^l^ôi^u  ;  connû 
fous  ces  divers  noms,  eft  le  même;  on  le  trouve  dans  fùn-.^UWtre 
Continent,    au  Pérou,    en  Afrique,  en  Afie  &  daîis.îesi&iferttàgnes 
delà  Suide. Il  polTede  à  un  degré  plus  haut  que.raigje  ,t0uteàles  ^la- 
lités ,  toutes  les  puiflances  que  la  Nature  a  départies  aux  è^'é<eÇljçs  plus 
parfaites  de  cette  clalfe  d'êtres  ;  c'eft  le  plus  énormç  des''-oifeâux  de 
proie  ;  fa  force  prodigieufe  répond  à  fa  taille  ;  fon  envergure  |?c'eft- 
à-dire ,  fes  ailes  étendues  ont  quatorze  &  quinze  pieds  d'upe  extré- 
mité à  l'autre.  On  en  a  tué  un  au  Pérou  qui  avoit  feize  pieds  d'en- 
vergure ;  la  longueur  de  l'une  des  groffes  plumes  étoit  de  deux  pieds 
quatre  pouces.  (  Ce  font  les  ailes  du  condor  que  les  Sculpteurs  imi- 
tent &  donnent   aux  figures  d'Anges  ).  Le  bec  du  condor  eft,  fî  ro- 
bufte  &   fi  fort  ,  qu'il  peut  éventrer  un  bœuf.  Sa  tcte  eft  ornée  d'yne 
crête  ;  fon  plumage  eft  tacheté  de   blanc   &  de  brun  foncé   prefque 
noir.  Lorfque  cet  oifeau  s'abat,  il  fait  un  fi  grand  bruit,  qu'il  infpire 
reîtroi.  Il  habite  les  montagnes  ,  &  n'en  defcend  que  dans  les  temps 
de  pluie  &  de  froid.  Ce  tyran  de  l'air  ,  qu'on  n'a  encore  pu  parve- 
nir à  détruire  dans  les  hautes  montagnes  de  la  Suifte ,  fait  une  guerre 
cruelle  tant  aux  troupeaux  de  chèvres  &  de  brebis  ,  qu'aux  chamois  , 
aux  lièvres  &  aux  marmotes.    Il   attaque  feul  un  homme  &  tue  aifé- 
ment  un  enfant  de  dix  ou  douze  ans  ;  arrête  un  troupeau  de  moutons , 
choifit  à  fon  aife  celui  qu'il  yeut  enlever  ,    emporte  les   jeunes  che- 
vreuils ,  tue  les  biches  &  les  vaches  ,  prend  aulîî   de  gros  p o liions .-. 
fe  nourrit ,  ainfi  que  l'aigle  ,  de  proie  vivante  &  non  pas  de  cadavres. 
Lorfqu'il  voit  fur  un  roc  efcarpé  quelque  animal  trop  fort  pour  l'en- 
lever ,  il  prend  fon  vol  de  manière  à  renverfer  cet  animal-dans  quel- 
que précipice  ,  pour   jouir  commodément   de   fa  proie.    Quant  aux 
petits  animaux ,  il  les  enlevé  en  volant  &  fans  s'abattre  ,  au  moyen 
de  fes  griffes  ,  qui  font  d'une  grandeur  &  d'une  ■  force  furprenantes. 
Arrivé  près  de  fon  nid  avec  fon  fardeau ,  il  le  laiiOre  tomber  à  terre 


27<5*  C  O  N 

pour  que  fa  proie  fe  tue  j  ce  cruel  ennemi  la  reprend  enCuite  Se  îa 
porte  à  fes  petits.  Il  y  a  peu  d'années  qu'un  laemmer-geyer  de  la  plus 
grande  efpece  failit  ,  près  d'une  maifon  bâtie  fur  le  lac  du  Thun,  un 
enfant  de  trois  ans  ;  il  l'auroit  emporté  ,  lorfque  le  père  armé  d'un 
bâton  ,  accourut  aux  cris  de  fon  enfant  ;  &  comme  cet  oifeau  placé 
dans  un  terrain  plat ,  ne  peut  prendre  fon  vol  que  difficilement ,  il 
attaqua  le  raviffeur  ,  qui  quitta  fa  proie  pour  fe  défendre  ;  &  l'oifeau 
ne  tomba  mort  fur  la  place  ,  qu'après  un  combat  très-opiniâtre.  M. 
Halkr  dit  qu'un  laemmer-geyer  avoit  enlevé  Thomas  PLitcr  ,  père  du 
célèbre  Médecin  ,  &  il  le  portoit  à  fon  aire ,  lorfque  par  des  cris  on 
força  le  tyran  de  l'air  à  laiiTer  tomber  fa  proie.  Le  Gouvernement 
Helvétique  donuQ"  une  récompenfe  confidérable  pour  chaque  tête  de 
ces  oifeaux  redoutables.  Les  Indiens  du  Nouveau  Monde  ,  au  rapport 
de  M,  de  la  Condamine.  (  Voyags  fur  la  rivière  des  Amaiones ,  &  Hijîoir^ 
des  l'n'cas  )  leur  préfentent  pour  appât  une  figure  d'enfant ,  faite  d'une 
argile  très-vifqueufe  ;  le  condor  fond  d'un  vol  rapide  fur  cette  figure 
comme  fur  une-  proie  afTurée  j  mais  il  y  engage  fes  ferres  de  manière 
qu'il  ne  peut  fe  dépêtrer  ,  &  on  le  tue  aifément.  Ces  oifeaux  digèrent 
jufqu'aux  os  des  agneaux  &  des  cabris  ;  ils  ont  les  nerfs  d'une  force 
étonnante  ,  &  fur-tout  les  os  très-forts ,  quoique  beaucoup  plus  lé- 
gers à  proportion  ,  que  ceux  des  quadrupèdes.  On  foupçonne  que 
les  oifeaux  nommés  par  les  Arabes  rou/i  ,  font  les  mêmes  que  les 
condors  ,  qui  fe  trouvent  dans  la  région  de  Sophala  ,  des  Caifres  & 
^  de  Monomotapa  ,  jufqu'au  royaume  d'Angola. 

CONDOUS.  Foyei  Coudous. 

CONDRILLE,  chondrïlla.  Cette  plante  qui  croît  dans  les  champs 
&  fur  les  bords  des  chemins  ,  a  une  racine  longue  ,  empreinte  d'un 
fuc  laiteux  ,  fort  gluant ,  àz%  feuilles  femblables  à  celles  de  la  chicorée 
fauvage,  une  tige  haute  de  quatre  pieds,  des  fleurs  à  demi^flcurons , 
jaunes  &  découpées  ,  fuccédées  par  des  graines  oblongues ,  à  aigrettes 
fimples  ,  portées  par  un  filet ,  &  de  couleur  cendrée  :  le  calice  eft 
cylindrique  ,  ftrié  &  garni  d'une  efpece  de  calice  extérieur.  Cette 
plante  eft  humedante ,  adoucififante ,  apéritive. 

CONDURI  ou  CONDOUMANI.  Voye^  Laga. 

CONE.  Voy^i^  Arbre  conifere. 

CONFERVA.  C'eft  le  nom  que  l'on  donne  à  ces  filets  verts  qui 
forment  par  leur  entrelacement ,  un  tiifu  quelquefois  alTez  ferré  qui 

fur  nacre 


C  O  N  5^7 

fumage  fur  les  eaux  ,  &  dans  lequel  on  obferve  pîufieurs  buîks 
d'air  qui  le  foutiennent.  En  cafTant  une  des  fibres ,  on  le  voit  fe  rac- 
courcir &  Te  contourner  comme  les  mains  ou  vrilles  d'une  plante  lc~ 
gumineufe  ;  c'eft  par  cette  propriété  que  fe  fait  l'entrelacement.  Oj 
a  toujours  regardé  le  conferva  comme  une  plante  aquatique  ;  mais 
M.  De/mars ,  Doéleur  en  Médecine,  le  met  en  queftion  dans  le  Jour- 
nal économique  ,  Avril  ijôi. 

Eft-ce  une  plante ,.  dit-il  ?  on  n'en  connoît  ni  la  fleur,  ï^i  la  graine. 
Efl-ce  un  ^oovkytc}  Une  infinité  d'infedes  habitent  autQUï'Sde  cette 
produdion  ;  m.ais  leur  doit  -  elle  fon  origine  ?  Ijôriqutoiit^'èièt  en 
macération  5  çontinue-t-il  ,  quelque  partie  animajé- ou.  végétale  ,  on 
voit  naître  aux  environs  de  la  fubftance  qui  fe  décompôfé ,  quantité 
de  filets  qui  forment  autour  du  corps  macéré  une  efpece  de  toimn-^ 
tum  ;  fi  l'adion  de  l'air  verdit  ces  filets,  voilà  du  conferva.  L'è. con- 
ferva ,  quoique  defféché ,  reverdit  dans  l'eau.  La  poulîiere  dont  il  fe 
couvre  en  féchant  au  foleil  ,  fe  précipite  au  fond  de  l'eau,  y. reverdit 
pareillement ,  &  reparoît  fous  la  forme  de  nouveau  conferva. 

Le  conferva  rcticulata  lui  paroît  encore  moins  plante  que  le  précé- 
dent :  il  a  examiné  à  la  loupe  les  côtés  &  les  articulations  de  ces 
réfeaux  formés  par  des  hexagones  réguliers.  Il  a  cru  remarquer  que 
ces  côtés  &  ces  articulations  étoient  creux  &  logeoient  des  infedes 
quife  mouvoient  librement  le  lon^  des.  côtés.  Je  ne  vois  ,  dit-il,  que 
les  madrépores  qui  aient  quelque  analogie  avec  cette  produdion  des 
eaux  douces.  Il  a  obfervé  que  dans  des  fioles  de  verre ,  remplies  d'eau  , 
fans  addition  d'autres  fubfl:ances ,  il  fe  formoit  à  la  longue  aux  parois 
du  verre ,  en  dedans  ,  à  différentes  difl:ances ,  au-deffus  du  niveau  de 
l'eau  ,  de  petits  grains  verts  ,  ronds  ,  placés  à  côté  les  uns  des  au- 
tres, defquels  il  fortoit  par  la  fuite  des  fils  plus  ou  moins  longs, 
qui  verdifToient. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  le  conferva  a  toujours  été  regardé  jufqu'à  pré- 
fent  ,  comme  une  efpece  de  plante  aquatique  du  genre  des  bijlns» 
Voyez  ce  mot.  Le  conferva  reffemble  à  tous  ces  corps  organiques  & 
purement  membraneux,  qui  peuvent,  dit-on,  fe  reproduire  en  en- 
tier par  toutes  leurs  parties.  Les  fibres  du  conferva ,  vues  avec  un 
bon  microfcope  ,  paroilTent  être  évidemment  des  tuyaux  capillaires, 
féparés  par  des  cloifons  parallèles  ,  à  diftances- égales.  On  lit  dans 
ies  volumes  de  l'Académie ,  que  l'on  a  attribué  à  la  produdion  plus 
Tom&  //,  •  K  k 


^ 


258  CON 

abondante  qu'à  Tordinaire  de  cette  efpece  de  plante,  que  l'on  nomme 
aulîi  moujfe  d'eau  ,  à  caufe  de  fa  verdeur  &  de  fa  refiemblance  avec 
la  moufle*  :  on  a  ,  dis  -  je ,  attribué  à  la  multiplication  extraordinaire 
de  cette  plante  ,  en  Tannée  173 1  ,  ainfi  qu'à  celle  de  Vhippuris  aqua- 
tîca  (  chara  ') ,  efpece  de  plante  fembîabîe  à  la  petite  prête  de  nos  cam- 
pagnes 5  les  maladies  populaires  qui  ont  régné  à  Paris  pendant  l'été 
&  l'automne  de  cette  année. 

La,  qualité  à^Xhippuris  eft  d'être  d'une  odeur  marécageufe,  decom- 
muniquèi'  /à:  la  piâin  qui 'la  touche  fon  odeur  défagréable  ,  de  rendre 
Feau  fade  &  dégoûtante.  Foye^  à  Variïck  Prèle. 

Le  cojiferva  communique  à  l'eau  un  feu  qui,  en  la  buvant,  laiile' 
dàqs  le.  gjoÏÏet  une  âcreté  ,  &  dans  la  bouche  une  fécherefie  incom- 
mode :  elle  imprime  même  dans  la  main  qui  la  ferre,  une  ardeur  à 
peu  près 'ïèmblable  à  celle  qui  eft  occafionnée  par  l'eau  un  peu  trop 
chaude.  Les  maladies  caufées  par  la  mauvaife  qualité  des  eaux  de  la 
Seine,  en  Tannée  173 1,  furent  des  féchereffes  de  bouche,  quantité 
de  maux  de  gorge ,  dont  quelques-uns  fe  tournèrent  en  efquinancie 
&   eh  difi-erentes  fluxions  à  la  tête. 

Voici  une  obfervation  peut-être  favorable  aux  préfomptions  de  M. 
Dcfmars.  On  obferva  dans  cette  eau  de  rivière  ,  examinée  au  microf- 
cope,  plufieurs  infedes  très-petits,  qui  ne  fe  voient  point  dans  l'eau 
de  fontaine.  Seroient-ils  des  polypes  d'eau  douce  &  les  inftrumens  or- 
ganiques du   conferva  ? 

Le  conferva  a  été  connu  de  Pline.  On  le  nomme  aufli  Un  mari- 
time ou  mouffe  aquatique  ,  compofée  de  filamens  foyeux  &  très -fins. 
Cette  fubftance  eft  moins  commune  fur  les  bords  de  la  mer  que  dans 
les  mares  ,  les  étangs  &  les  baiîins  des  jardins.  M.  Gueitard  foup- 
çonne  que  plufieurs  perfonnes  ont  tenté  de  filer  cette  plante,  Lorf- 
qu'elle  eft  mouillée  ,  elle  a  une  flexibilité  qui  furprend  ;  &  la  grande 
quantité  que  Ton  en  trouve  dans  les  endroits  qui  font  favorables  à 
fa  multiplication ,  &  qui  fait  que  fes  fibres  s'entrelacent  de  façon  qu'iî 
en  réfulîe  une  efpece  d'étoffe  de  gros  bouracan ,  a  dû  engager  plus 
d'une  fois  à  rechercher  le  nwyen  de  rendre  le  conferva  utile  dans 
les  arts. 

CONGÉLATION  Pierreuse.  Voyti  l'article  Stalacitte. 

CONGRE  5  conger.  Excellent  poiflbn  de  mer ,  appelle  quelquefois 
par  les  François ,  an^uilU  d^  mèr.  On  en  çonnoît  de  deux  efpece^  î 


CON  2;^ 

î'un  eu  blanc  &  fe  pèche  en  haute  mer  ;  l'autre  efl  noir  &  fe  pêche 
fur  les  bords  du  rivage.  Il  refTemble  beaucoup  à  l'anguille  d'eau  douce. 
Sa  peau  eft  de  différentes  couleurs  ;  la  tête  verte,  le  corps  brun,  mêlé 
de  bleu  ,  &  le  ventre  jaunâtre.  Ce  poiffon  eft  fort  alongé  ,  &  quelque, 
fois  gros  comme  la  cui(fe  d'un  homme.  Sa  chair  eft  coriace  :  les  Ef- 
pagnols  feuls  en  font  grand  cas.  Ce  poiÛTon  fait  la  chalfe  aux  poules 
d'eau  ;  mais  il  a  pour  ennemi  la  langouflc.  On  en  pêche  beaucoup 
en  Bretagne ,  vers  Quimper ,  pendant  tout  l'été  :  l'on  ep  pêche  aulÏÏ 
aux  Indes  &  dans  le  Bréfil. 

Ceux  qui  achètent  des  congres  pour  les  faire  fécher  ,"4i^, ouvrent 
par  le  ventre  depuis  la  tête  jufqu'au  bout  de  la  queue  ;  on  Jeur  feiffe 
la  tête  :  on  ne  les  fale  point.  On  fait  des  taillades  dans  les  chairs 
qui  font  épaiffes  ,  afin  qu'étant  expofées  à  l'air  ,  elles  fe'deffechent 
plus  facilement  :  on  pafle  un  bâton  d'une  extrémité  du  poifîbn  à 
l'autre  pour  le  tenir  ouvert,  &  on  le  pend  à  l'air.  Quand  le  poiflbn 
eft  bien  delféché  ,  on  en  fait  des  paquets  de  deux  cents  livres  pefant 
qu'on  envoie  à  leur  deftination  :  ils  paifent  ordinairement  à  Bordeaux 
p'our  le  temps  de  la  foire.  Le  produit  de  cette  pêche  ,  quoique  fort 
diminuée,  monte  cependant ,  année  commune,  à  mille  quintaux,  & 
's'y  vend  quelquefois  jufqu'à  dix  écus  le  cent. 

Le  congre  d'eau  douce  eft  le  Mucu. . 

CONGRE  Serpent.  Seba  donne  ce  nom  à  un  Serpent  de  mer 
d'Afrique  &:  à  diftérentes  efpeces  de  murènes.  Voyez  ce  mot.  Le  congre 
fcrpent  eft  bariolé  de  manière  qu'on  prendroit  la  marqueterie  de  fa 
peau,  pour  autant  d'armoiries.  Le  congre  murène  tient  plus  de  l'an- 
guille que  du  ferpent:  ii  participe  de  l'un  &  de  l'autre  fans  être  d'une 
de  ces  deux  claifes  :  d'où  il  paroît  qu'il  eft  une  efpece  d'amphibie.  On 
en  rencontre  dans  les  îles  Moluques ,  dans  le  Bréfil  :  les  grenouilles 
font  leur  nourriture  apparente, 

CONISE  ou  Herbe  aux  Moucherons  ,  cony^a.  Cette  plante 
qui  croît  dans  les  bois ,  fur  les  montagnes ,  le  long  des  chemins  & 
contre  les  murailles  ,  a  des  racines  éparfes  ,  ligneufes  ,  odorantes  , 
ameres  ,  qui  pculfent  plufieurs  tiges  à  la  hauteur  de  trois  ou  quatre 
pieds,  velues  &  rameufes.  Ses  feuilles  reftemblent  à  celles  de  la  mo- 
lene  noire.  Ses  fleurs  font  des  bouquets  à  fleurons ,  jaunes  &  d'une 
.  odeur  forte  :  les  fleurons  du  tour  du  difque  font  fans  étamines  ;  il  leur 
.fuccede  des  graines  longuettes  à  aigrettes,  portées  par  un  plancenta  ras, 

Kk  2 


2So  C  O  N 

Le  calice  eft  écailleux.  Cette  plante  efl:  alexipharmaque  ,  provoqué 
les  mois  aux  femmes  :  elle  efl:  propre  à  guérir  la  gale  &  à  chalTer 
les  puces  &  les  moucherons.  La  conife  des  prés  eft  un  afer.  Voyez 
ce  mot. 

On  vient  d'envoyer  des  îles  de  France  &  de  Bourbon ,  au  Jardin 
Royal  des  Plantes  de  Paris  ,  les  femences  d'une  efpece  de  conife 
vifqueufe.  Le  calice  de  la  fleur  eft  divifé  en  cinq  parties  ,  compofé 
de  dix  folioles  à  peu  près  égales  en  grandeur  ,  &  de  cinq  autres 
plus  petites ,  toutes  difpofées  en  manière  d'écaillés.  Les  feuilles  font 
placées  alternativement  fur  les  tiges  ,  marquées  d'une  forte  nervure 
dans  leur  longueur.  Elles  font  ovales ,  lancéolées ,  dentées  en  ma- 
nière de  fcie  ;  les  dentelures  aiguës  ,  tournées  vers  la  pointe  ;  fes 
racines  font  fibreufes  :  fes  tiges  très-nombreufes  ,  menues  ,  droites, 
s'élèvent  des  racines  à  peu  près  à  la  hauteur  d'un  pied  &  demi  : 
elles  fe  divifent  en  plulieurs  rameaux  ;  chaque  tige  fe  partage  en  fon 
fommet  en  trois  parties  ,  dont  une  eft  feule  &  féparée  ,  &  les  deux 
autres  fur  le  même  fupport.  Ses  fleurs  de  couleur  dorée  naifieat  au 
fommet  de  ces  divifîons  ,  prefque  difpofées  en  corymbe  :  chacune  a 
fon  pédicule  particulier  ;  les  tiges  &  les  feuilles  font  gluantes  & 
vifqueufes. 

CONQUE.  Nom  donné  aux  coquilles  bivalves ,  &  principalement 
à  celles  du  genre  de  l'huître.   Voyez  ce  mot. 

CONQUE  ANATIFERE  ,  concka  anatlfera.  Terme  général  , 
fuivant  M,  d'ArgenvîlU  ,  fous  lequel  on  comprend  les  trois  familles 
de  coquillages  multivalves  ,  qui  font  les  glands  de  mer  ,  les  conques 
anatiferes  &  les  poujfe- pieds.  Ces  coquillages  différent  plus  par  la 
forme  de  la  coquille  que  par  celle  de  l'animal  :  la  plus  grande  différence 
qu'il  y  ait  entr'eux  ,  eft  qu'on  ne  mange  que  la  chair  du  pédicule 
des  pouiTe  -  pieds.  Les  glands  de  mer  compofent  une  famille  à 
part. 

Conque  anaûjere  fignlfie  conque  qui  porte  un  canard.  Plufïeurs 
Auteurs  ont  dit  ,  &  quelques  perfonnes  difent  encore ,  que  la  hernache 
ou  harnache  nommée  par  quelques-uns  cravant  ,  efpece  d'oifeau 
marin  plus  gros  que  la  macreufe  ,  croît  &  fort  de  la  conque  anatifere, 
&  que  cet  oifeau  tire  fon  origine  du  bois  pourri  des  vailTeaux.  Quel- 
que abfurde  que  foit  cette  idée  ,  voici  ce  qui  pourroit  y  avoir  donné 
lieu.  Les  oifeaux  de  la'  mer ,   ainfî  que   l'obferve  M,  d'Argenville  , 


C  O  N  26-1 

font  leurs  nids  dans  des  plaines  marines  Se  parmi  des  amas  de  diffé- 
rentes coquilles  :  prêts  à  pondre  ,  ils  becquettent  l'animal  renfermé 
dans  ces  coquilles  ,  ils  l'obligent  de  fortir ,  &  mettent  leurs  ceufs  à 
fa  place.  Quand  les  petits  font  aOez  forts  ,  ils  rompent  leur  prifoii 
pour  prendre  leur  vol.  Il  y  a  lieu  de  penfer  que  c'eft  ce  qui  a 
donné  lieu  à  la  fable  de  l'oifeau  produit  par  cette  coquille. 

On  donne  à  la  conque  anatifere  divers  noms.  Dans  quelques  ports 
on  l'appelle  fapinette  ;  en  Bretagne  bernachc.  M,  Néedham  ,  dans  fes 
nouvelles  Obfervations  microfcopiques ,  en  a  donné  la  defcription  fous 
le  nom.  de  bemacle.  Ce  coquillage  très-fingulier  a  trois  parties  diffé- 
rentes :  favoir ,  le  pédicule  ,  qui  eft  plus  ou  moins  long  &  large  , 
&  qui  fert  de  fupport  au  coquillage  ;  la  coquille  ,  &  l'anim.al  qui  efl 
renfermé  dans  la  coquille. 

Le  pédicule  eft  une  forte  d'étui  cylindrique  formé  par  plufieurs 
membranes  fufceptibles  d'extenlion  &  de  contraélion.  Il  a  quelquefois 
jufqu'à  fix  pouces  &  plus  de  longueur  :  il  eft.  compacte  &  noirâtre, 
C'eft  par  l'une  des  extrémités  de  ce  pédicule  que  le  bernacle  adliers 
aux  rochers  ,  aux  vaifîeaux  &  aux  autres  corps  étrangers.  A  la  partie 
fupérieure  du  pédicule  eft  la  coquille  compofée  de  cinq  pièces  ou 
valves  à  peu  près  triangulaires ,  mais  qui  différent  affez  confidérable- 
ment  entr'elles  :  deux  font  grandes  &  trois  petites  ;  elles  font  tenues 
dans  une  étroite  union  par  une  pellicule  mince  qui  tapiffe  la  furface 
intérieure.  Le  jeu  que  cette  pellicule  donne  aux  pièces  ,  leur  permet 
de  s'écarter  foiblement  &  de  fe  rapprocher,  La  tête  de  l'animal  qui 
loge  dans  la  coquille ,  paroit  garnie  d'une  efpece  de  houppe  faite  en 
forme  de  plumaceau  ;  c'eft  une  vingtaine  de  petites  cornes  ou  bras 
de  différentes  longueurs  qui ,  vus  au  microfcope  ,  paroiilent  frangés. 
Lorfque  l'animal  les  agite  ,  ils  forment  des  courbes  irrégulieres 
renfermées  les  unes  dans  les  autres.  M.  Néedham  croit  que  lorfque 
l'animal  les  agite  ,  foit  au-dedans  de  fa  coquille ,  foit  au-dehors ,  il 
forme  dans  l'eau  un  courant ,  &  que  par  ce  moyen  il  attire  ,  comme 
dans  un  précipice,  les  animalcules  dont  il  fe  nourrit.  La  tête  hériifée 
de  ces  fortes  de  cornes ,  peut  fortir  au-dehors  de  la  coquille  &  rentrer 
au-dedans.  Le  corps  du  bernacle  eft  affez  refî'emblant  à  une  petits 
huître. 

Outre l'efpece  de  conque  anatifere  à  gros  pédicule  dont  nous  venons 
de  parler ,   il  y  en  a  deux  autres  efpeces  5  dont  l'une  fe  tient  toute 


2(^2  C     O    N 

droite  enfoncée  dans  le  fable  au  fond  de  la  mer  ,  collée  par  fa  glu  fur  une 
branche  de  plante  marine  ;  ce  qui  fait  que  fon  pédicule  a  la  forme 
d'une  queue  d  amande  :  l'autre  eft  nommée  arborefcentc ,  parce  qu  elle 
s'attache  en  parafîte  fur  des  produdions  marines  ,  telles  que  les 
lithophyus  fur  lefquels  elle  prend  fa  croiffance.  Nous  avons  obfervé 
que  ces  deux  dernières  efpeces  fe  trouvent  dans  la  Manche ,  &  les 
premières  font  communes  fur  les  parages  de  la  Bretagne  &  de  la 
Méditerranée. 

M.  Nécdham  foupçonne  que  les  conques  anatiferes  fe  multiplient 
par  une  forte  de  végétation  comme  les  polypes.  Il  en  a  trouvé  fix 
ou  fept  jointes  enfemble  par  leur  extrémité  ,  femblables  à  des  petits 
qui  fortent  du  corps  de  la  mère  ;  mais  c'étoit  peut-être  des  portions 
de  frai  qui  fé' touchoient  &  avoient  pris  leur  accroiffement  fans  fe 
féparer  les  unes  des  autres.  Il  a  obfervé  une  excroiflance  bleue 
placée  au-defîbus  du  groupe  des  cornes  ;  ces  excroiflances  vues  au 
microfcope  ,  ont  paru  être  un  fac  membraneux  rempli  de  petits 
globule?  bleus ,  d'une  figure  ovoïde  ,  &  allez  femblable  au  frai  des 
autres- poiffons.  Le  même  Auteur  fait  mention  d'une  autre  efpece 
de  bernacle  qui  fe  trouve  aufli  attachée  aux  rochers  &  contre  les 
vaififeaux  :  il  eft  renfermé  avec  fa  coquille  &  fon  pédicule ,  dans  une 
autre  coquille  univalve  qui  a  la  forme  d'un  cône  tronqué  :  il  ref- 
femble  affez  aux  glands  de  mer  ,  avec  lefquels  il  eft  aifé  de  les 
confondre. 

CONQUE  EXOTIQUE  ,  cocha  exotka.  Coquille  bivalve  ,  étran- 
gère ,  &  de  la  famille  des  cœurs  ,  de  forme  prefque  fphérique  , 
blanche  tant  au  dedans  qu'au  dehors ,  excepté  quelques  parties  qui 
font  d'un  cannelle  plus  ou  moins  foncé  ;  à  côtes  formées  de  trois  ftries  , 
dont  celle  du  milieu  eft  mince  ,  élevée  en  vive  arête  &  creufe  inté- 
rieurement en  forme  de  tuyau  ;  à  bords  dentelés ,  laiflant  entr'eux 
un  jour  quand  la  coquille  eft  fermée  ;  &  à  charnière  compofée  dans 
l'une  &  l'autre  valve  de  deux  dents  fous  les  fommets  ,  &  d'une 
très-grande  latérale.  Cette  coquille  eft  très- rare  à  trouver  complette. 
S.  A,  S.  M*',  le  Prince  de  Condé  poffede  dans  fon  coquillier  ,  la  plus 
belle   ôc  la  plus  grande  conque  ecçoùque,  C'eft  le  kaman  de  M.  Adanfon. 

CONQUE  SPHÉRIQUE.  Coquillage  univalve  de  la  famille  des 
tonnes.  Voyez  ces  mots. 

CONQUE  DE  VÉNUS ,  concha  Vmms,   On  donne   ce   nom  à 


C  O  N  2^3 

une  coquille  bivalve  de  la  famille  des  cames  tronquées,,  efpeces  de 
cœurs.  Voyez  ces  mots.  La  conque  de  Vénus  eft  fort  recherchée  des 
curieux ,  elle  eft  prefque  ovale  &  voûtée ,  fiilonnée  profondément 
tout  autour  par  des  lignes  parallèles.  Le  devant  de  la  coquille  , 
repréfentant  la  vulve  d'une  femme  ,  dévoile  -fouvent  à  des  yeux 
indifcrets  &  profanes  l'image  d'un  objet  dont  la  polTefïîon  n'eftréfervée 
qu'aux  favoris  de  l'hymen  &  de  l'amour.  Ce  prototype  eft,  dit-on, 
un  larcin  fait  à  la  Déefle  de  la  beauté  ,  lorfque  Mercure  ,  encore 
enfant,  eut  dérobé  fa  ceinture.  Les  lèvres  de  cette  coquille  font 
quelquefois  garnies,  du  côté  de  la  charnière  uniquement,  de  deux 
rangs  de  piquans  plus  ou  moins  forts  &  alongés  ,  c'eft  alors  le  fymbole 
de  la  pudeur  &  de  l'innocence,  Lorfqu'il  eft  fans  épines  ,  on  lui 
donne  le  nom  de  gourgandim.  La  couleur  ordinaire  de  cette  coquille 
eft  le  lilas  nué  de  blanc.  On  a  donné  le  nom  de  créole  au  concha 
Venais  ,  qui  eft  fans  pointes  ,  dont  les  ftries  font  moins 'faillantes  , 
&:  dont  le  renflement  latéral  eft  différemment  coloré.  On  donne  le 
nom  de  levantine  à  la  conque  de  Vénus  Orientale  ,  Vetula,  Ses  ftries 
font  circulaires  aulîî  ,  en  forme  de  feuilles  tranchantes.  L'enfonce- 
ment latéral ,  qui  repréfente  la  vulve  ,  eft  profond  &:  d'un  fauve- 
roux. 

CONSOUDE  (Gï?iV\àQ)  ,  fimphytutn  majus.  Cette  plante,  qu'on 
appelle  auffi  oreille  d'âne  Se  confire ,  croît  aux  lieux  humides  dans 
les  près  ,  elle  eft  de  la  claffe  des  borraginées.  Ses  racines  font  lon- 
gues ,  noires  en  dehors  ,  blanches  en  dedans  ,  remplies  d'un  fuc 
vifqueux.  Ses  tiges  font  creufes  ,  velues  &  hautes  de  deux  à  trois 
pieds  :  fes  feuilles  font  verdâtres  ,  pointues  ,  longues  &  larges.  Ses 
fleurs  naifient  au  fommet  des  rameaux  &  des  tiges  :  elleà  font  blan- 
ches ,  purpurines  &  évafées  en  entonnoir  ,  ou  plutôt  la  partie 
fupérieure  de  leur  tube  a  la  forme  d'un  godet  peu  évafé  ,  &  dont 
le  bord  eft  découpé  en  cinq  pointes  courtes.  L'orifice  du  tube,  dit 
M.  Deleu:(e ,  eft  terme  par  cinq  lames  pointues.  Le  piftil  qui  s'élève 
du  milieu  du  calice  fe  change  en  quatre  graines  noirâtres,  luifantes, 
ayant  la  figure  d'une  tcte  de  vipère. 

Ses  feuilles ,  fes  fieurs ,  &  fur-tout  fa  racine ,  font  d'ufage  parmi 
les  incrafians.  Cette  racine  a  plus  de  mucilage  que  celle  de  guimauve  ; 
on  en  fait  un  firop  qu'on  trouve  dans  les  boutiques. 

La   confoude   eft  vulnéraire  &  arrête  le    crachement    de   fang  ; 


2  ^4  C  O  N 

appliquce  extérieurement  ,  elle  convient  dans  les  luxations  Se 
fradures  des  os.  M.  Bourgeois  dit  que  cette  plante  eft  encore  très- 
utile  pour  guérir  les  hernies  des  enfans  ;  on  pile  en  bouillie  fa  racine 
fraîche ,  qu'on  applique  en  cataplafme  fur  l'anneau  dilaté ,  on  leur 
en  fait  boire  en  tifane  ;  on  fait  même  une  conferve  avec  la  racine 
pilée  &  le  fucre ,  dont  on  leur  fait  prendre  deux  fois  le  jour  une 
cuillerée  à  café.  La  tifane  de  racine  de  confoude  eft  encore  très- 
efficace  dans  les  règles  des  femmes  trop  abondantes  ,  &  dans  les  pertes 
de  fang.  Sçnnert  rapporte  que  cette  plante  étoit  en  ufage  parmi  les 
filles  de  fon  pays  pour  réparer  les  ravages  d'un  amour  entreprenant , 
(  ad  fophifilcàtionem  virginhatis  ;  )  mais  c'eft  une  aflez  mauvaife  ref- 
fource  en  ce.  cas.  La  fleur  de  la  virginité  fe  flétrit  pour  toujours 
fous  la  main  qui  la  cueille.  Il  y  a  beaucoup  d'autres  plantes  que 
plufieurs  Botanifl:es  ont  rangées  avec  la  confoude  à  caufe  de  leurs 
propriétés;  favoir  ,  la  biigk ,  la  grande  marguerite,  îa  brumlle  ^  la 
pâquerette  ou  petite  marguerite  ,  la  tormentille  ,  le  pied  -  d'alouette  ,  la 
verge  d'or,  Voye^^  ces  mots.  La  confoude  dorée  eft  la  jacohée  des  Alpes 
de  Tournefort. 

CONSTELLATION.  C'eft  l'affemblage  de  plufieurs  étoiles  voi- 
fînes  exprim.ées  &  repréfentées  fous  le  nom  &  la  figure  d'un  animal 
ou  de  quelqu'autre  chofe  :  on  l'appelle  aufîi  un  ajlérifme.  Voyez 
Étoile  ,  à  la  fuite  du  mot  Planète. 

Les  Aftronomes ,  qui  aujourd'hui  connoifiTent  peut  -  être  autant 
Je  ciel  étoile  ,  que  les  Naturaliftes  connoiflent  la  terre  ,  comptent 
douze  fignes  ou  conftellations  dans  le  zodiaque  ,  dont  fix  font 
feptentrionaux  ;  favoir  ,  le  hèlier  ,  le  taureau  ,  les  gémeaux  ,  Vécrevi[fe  , 
le  lion  &  la  vierge.  Les  fix  autres  font  méridionaux;  favoir,  la 
balance  ,  le  fcorpion  ,  le  fagittaire  ,  le  capricorne  ,  le  verfeau  &  les 
poij^ons, 

CONTINENT.  Nom  donné  à  une  efpace  qui  contient  plufiiLurs 
grandes  terres  jointes  enfemble,  i°.  L'ancien;  2°,  le  nouveau;  3"*. 
les  terres  auftrales  connues  ou  foupconnées  ;  4°.  les  terres  ardiques 
dont  la  féparation  d'avec  l'Amérique  n  eft  pas  encore  bien  déterminée, 
Jls  onr  encore  ce-la  de  remarquable ,  qu'ils  paroiiTent  comme  partagés 
en  deux  parties ,  qui  feroient  toutes  quatre  environnées  d'eau  ôc 
formeroient  des  Continens  à  part  ,  fans  deux  petits  étrangle- 
piens  de  terre  appelles  i/ikmss.    Les  Continens  forment  des  avances 

confidérables 


C  O  N  26s 

durables  dans  le  baflln  de  la  mer:  ce  font  des  caps  ^  deî  promontoires  ^ 
des  pé-n'infules. 

CONTOUR  ou  CUNTUR.    Foyei  Condor. 

CONTRA -YERB A.  Dans  le"  commerce  on  donne  ce  nom  à 
une  racine    de    figure  pareille  à  celle  de  la  ^édoaire.  Voyez  ce  mot.. 

Cette  racine  eft  apportée  des  Philippines  ,  &  pafle  chez  les  Efpa- 
gnols  pour  un  alexitere  puiflant  &  d'ufage  pour  les  fièvres  malignes  ; 
elle  diffère  beaucoup  de   la  plante  fuivante. 

CONTRA -YERV A,  eft  une  plante  que  lesEfpagnoIs  ont  nommés 
ainfi  parce  qu'elle  eft  un  contre  -  poifon  :  on  l'appelle  auilî  racine  de 
Drak  (  Drakena  radix  )  ,  parce  que  François  Drak  ,  Anglois  ,  fut  \z 
premier  qui  la  rapporta  d'un  voyage  dans  lequel  il  avoit  fait  le 
tour  du  monde.  Il  y  a  des  Botaniftes  qui  ont  donné  le  même  nom 
de  contra  -yerva  à  d'autres  plantes  :  les  uns  ,  comme  C.  Bauhin , 
l'ont  regardée  comme  un  fouchet  long  ,  odorant  ;  &  le  drakena , 
comme  un  fouchet  long  &  fans  odeur.  Hermande:^  croit  que  le  contra- 
yerva  eft  une  elpece  de  grenadille  ,  coanempUli»  Bdnnijlzr  dit  que 
c'eft  une  camèline  ;  Sloane  une  arifloloche.  Guillaume  Houfîon  ,  CJii- 
rurgien  Anglois ,  étant  en  Amérique ,  a  recueilli  dans  les  montagnes 
auprès  de  l'ancienne  Vera  -  Crux ,  la  racine  qu'on  appelle  contra- 
yerva  chez  les  Droguiftes  ;  &  il  a  découvert  que  c'étoit  une  efpece 
de  dorfîenia. 

Voici  l'extrait  de  ce  qu'on  lit  de  la  plante  contra-yerva  dans  les  Ma- 
nufcrits  du  P.  Plumier,  qui  dit  avoir  trouvé  cette  plante  dans  l'île  de 
Saint-Vincent.  Sa  racine  reftemble  à  celle  du  fceau  de  Salomon. 
Elle  s'enfonce  obliquement  dans  la  terre  :  elle  eft  fibreufe,  d'un  goût 
brûlant  à- peu-près  comme  celui  de  la  pyrethre.  Il  en  fort  fix  petites 
feuilles  femblables  à  celles  de  la  berce  ,  attachées  à  des  queues  longues. 
Du  même  fommet  des  racines  fortent  quatre  pédicules  qui  foutien- 
nent  des  fleurs  très-petites  ,    entourées  de  petites  écailles  noirâtres. 

Selon  Linnœus ,  fes  fleurs  n'ont  point  de  pétales,  mais  une  feule 
enveloppe  particulière  à  chaque  fleur  ,  quadrangulaire  &  concave  : 
il  leur  fuccede  plufieurs  graines  arrondies  ,  pointues  &  blanches. 
Dans  le  commerce  nous  ne  voyons  que  la  racine  deflechée  de  cette 
plante  ,  qui  croît  communément  à  Charcés  ,  Province  du  Pérou , 
&  au  Mexique  ,  d'où  les  Efpagnols  nous  l'apportent.  Dans  l'état 
de  ficcité ,  elle  eft  grofle  comme  une  plume  de  cygne  ,  longue  de 
Tome  II,  Ll 


2^(5-  COP 

de  deux  pouces ,  noueufe  ,  très-fibrée  ,  d'un  ronge  tanné  en  dehors  -, 
blanchâtre  en  dedans  ;  d'une  odeur  de  feuilles  de  figuier  ,  & 
d'un  goût  acre  ,  légèrement  aromatique  :  on  ne  fe  fert  que  de 
la  partie  tubéreufe  de  la  racine  ,  qui  pafTe  pour  un  puiflant 
fudorifique  &  alexipharmaque ,  un  fort  antidote  contre  les  poifons 
qui  coagulent  le  fang.  Bien  des  perfonnes  la  préfèrent ,  avec  raifon, 
au  bh^oard  contre  la  pefte  ;  mais  peut-être  à  tort ,  à  la  thériaque , 
comme  contre-poifon.    Voyez  PforaUa^ 

COPAL.   Foyc^  Résine  copal, 

COPALME.    Foyei  Liquidambar. 

COPALXOCOTI.  Petit  arbre  de  la  Nouvelle  Efpagne  très-vanté, 
&  qu'on  croît  être  le  favonnkr.    Foyei   ce  mot» 

COQ ,  gaHus ,  gallinaceus.  Genre  d'oifeau  ,  qui  au  milieu  de  fon 
ferai!  de  pûrul.es  ,  fe  fait  remarquer  par  la  beauté  de  fa  taille ,  par 
fa  démarche  fiere  &  majeftueufe  ;  par  fes  longs  éperons  aux  pattes  ; 
par  fa  crête  charnue  ,  dentelée  ,  d'un  rouge  vif  &  brillant  qu'il 
porte  fur  le  front  ;  par  fes  pendans  fous  le  menton  ;  par  la  richeiTe 
&  la  variété  des  couleurs  de  fon  plumage  &  par  le  contour  agréable 
des  plumes  de  fa  queue  ,    qui  font  pofées  verticalement. 

Le  coq  &  la  poule  ,  étant  des  animaux  domeftiques ,  varient  fingu-* 
liérement  pour   les  couleurs  :  auflî  en  voit-on  de  toutes  les  nuances» 

Le  coq  eft  un  oifeau  qui  annonce  ,  par  fon  chant ,  les  heures  de 
la  nuit  &  la  pointe  du  jour  :  il  eft  l'horloge  vivante  des  gens  de  la 
campagne.  On  a  remarqué  que  de  tous  les  oifeaux  de  jour  ,  le  rofîîgnoi 
&  le  coq  font  les  feuls  qui  chantent  pendant  la  nuit.  (  Aufli  les 
Mythologiftes  ont  regardé  le  coq  comme  le  fymbole  de  la  vigilance 5^ 
c  eft  pour  cette  raifon  qu'on  le  trouve  fouvent  dans  les  antiques  , 
entre  les  attributs  de  Minerve  &  de  Mercure.) 

Au  refte  ,  M.  du  Verney  a  fait  voir  ,  dans  un  coq  vivant  ,  que 
la  voix  ne  fe  forme  pas  vers  le  larynx ,  comme  dans  les  autres  ani-» 
maux  î  mais  au  bas  de  la  trachée  -  artère  vers  la  bifurcation. 

Le  coq  eft  le  plus  lubrique  des  oifeaux.  Il  aime  à  prendre  {qs 
ébats  amoureux  en  plein  air  :  à  peine  ouvre-t-onle  poulailler  qu'on 
le  voit  entrer  au  milieu  de  fon  ferail  &  courir  après  les  poules,  les 
pourfuivre  &  les  fubjuguer  ;  on  dit  que  chaque  jour  il  coche  Îqs 
poules  jufqu'à  cinquante  fois.  L'ufage  immodéré  du  plaifir  épuife 
promptement  le  coq  j  aufli  eft-il  au  bout  de  peu  d'années  hors  d'état 


COQ  '2^7 

cfengendrer.  Cet  olfeau  règne  en  fouveraîn  p?/iml  fes  poules  ;  il 
aime  {inguliérement  fes  fu jettes  :  il  veille  avec  adiduité  à  leur  con- 
fervation  ;  tantôt  amant  doux ,  complaifant  ,  attentif ,  il  eft  aux 
petits  foins,  avertit  les  poules  du  danger:  a-t-il  trouvé  quelques 
grains,  il  les  appelle  pour  partager  avec  lui  fa  bonne  fortune;  il 
pouffe  même  la  galanterie  jufqu  à  s'en  priver  pour  elles.  Tantôt  c'efl: 
un  fouverain  jaloux  qui  ne  fouffre  pas  la  préfence  d'un  rival.  Si 
l'on  contrefait  fon  chant,  il  eft  inquiet,  en  alarmes  ,  raffemble  fes 
poules  ;  fon  cri  alors  eft  pour  elles  le  fîgne  de  la  protedion  ,  de  la 
réprimande  &   de  la  menace. 

Un  bon  coq  doit  être  d'une  taille  plus  grande  que  petite  ,  avoir  le 
plumage  ou  noir  ou  rouge  obfcur  ;  la  patte  grofle  &;  bien  garnie 
d'ongles  &  d'ergots  ;  la  cuiflè  longue ,  grolfe  &  bien  emplumée  ;  la 
poitrine  large  ;  le  cou  élevé  &  bien  fourni  de  plumes  ;  le  bec  court 
&  gros;  les  yeux  noirs  ou  bleus  ;  l'oreille  blanche •&  grande;  les 
barbes  rouges  &  bien  pendantes  ;  le  plumes  de  la  t^tè  &  du  cou 
étendues  jufques  fur  les  épaules  Se  dorées  ;  l'aile  forte  ,  la  queue 
grande  &  repliée  en  faucille.  Il  faut  qu'il  foit  éveillé ,  ardent ,  beau 
chanteur;  de  même  qu'il  faut  accoutumer  fes  femmes  à  l'accueillir, 
de  les  autres  coqs  à  fouffrir  ce  rival ,  dans  les  cas  où  un  feul  n© 
faffiroit  pas  fi  le  nombre  d€s  poules  étoit  trop  confidérabie. 

Les  coqs  font  fiers  Se  courageux  :  ils  fe  battent  avec  opiniâtreté. 
Ce  fpe'ftacîe  fingulier  eft  du  goût  de  plufieurs  Nations  :  c'eft  la 
coutume  en  Angleterre  de  les  nourrir  avec  foin  pour  les  faire  battre 
enfem.ble.  On  annonce  ces  combats  de  coqs  :  qui  fe  font  au  milieu 
d'un  amphithéâtre  oii  Ton  s'aftembîe  en  foule.  Il  s'y  fait  fouvent 
des  gageures  confidérabîes  ,  &  Targent  que  l'on  y  dépofe  appartient 
quelquefois  à  ceux  dont  les  coqs  remportent  la  victoire.  Il  y  a  de 
ces  coqs  belliqueux  qui  aiment  mieux  mourir  que  defelailfer  vaincre 
ou  de  fe  fauver  par  une  fuite  ignotninieufe  ,  ou  de  furvivre  à  une 
honteufe  défaite.  Les  Chinois  &  quelques  Peuples  des  Philippines  & 
des  Indes  Orientales  ,  font  aufli  fort  paflîonnés  pour  ces  fortes  de 
fpectacles.  On  vit  en  Angleterre ,  il  y  a  quelques  années  ,  dans  un 
de  ces  fpedacles  un  exemple  fingulier  de  fympathie  entre  deux  coqs, 
qui  mérite  d'être  rapporté.  Il  y  avoit  à  Chefter  ,  dit  l'Auteur  du 
Journal  Encyclopédique  5  deux  coqs  très  -  beaux,  .&:  qui  s'étoient 
fouvent  figoalés  dans  ce  cirque  ;   mais  on  ne  les  avoit  point  encore 

LI2 


26%  COQ 

préfentés  l'un  contre  Tautre.  On  voulut  enfin  favoir  lequel  des  deux 
étoit  le  plus  fort  ;  chacun  des  fpedateurs  s'intérefTa  pour  l'un  des 
combattans  ;  mais  les  deux  coqs  fe  regardèrent ,  &  ,  contre  Fattente 
du  Public ,  ils  ne  fe  chargèrent  pas.  On  leur  jetta  quelques  grains 
de  blé  pour  les  irriter  ;  ils  mangèrent  enfemble,  &  fe  promenèrent 
enfuite  paifiblement.  On  mit  au  milieu  d'eux  une  poule ,  dans  la 
perfuafîon  que  du  moins  la  jaloufie  romproit  l'intelligence  qui  pa- 
roifToit  régner  entr'eux  :  on  fe  trompa  encore.  Ils  carefferent  la  poule 
tour  à  tour  ,  &  toujours  fans  jaloufie.  Le  Diredeur  des  jeux  les 
fépara  ,  &  leur  teignit  les  plumes ,  afin  que  fous  ce  déguifement  ils 
ne  fe  reconnurent  plus.  Cet  expédient  ne  réuflit  pas  mieux  :  les 
deux  coqs  ne  violèrent  pas  la  paix  qui  les  uniflbit.  On  préfenta 
pour  dernière  reiTource ,  de  nouveaux  coqs  à  chacun  d'eux;  ils  de- 
vinrent furieux  5  combattirent  à  toute  outrance,  &  battirent  leurs 
adverfaires.  Quand  on  les  vit  bien  irrités  ,  on  retira  les  coqs 
étrangers ,  &  on  ne  laifïa  plus  qu'eux  fur  l'arène  ;  mais  ils  demeurèrent 
encore  amis ,  &  parurent  tout  aufli  paifibles  qu'ils  l'avoient  été 
dans  les  premiers  inftans. 

Œufs  réputés  de  Coq. 

On  trouve  quelquefois  dans  le  nid  des  poules  un  petit  œuf  gros 
comme  un  œuf  de  pigeon  ,  qu'on  appelle  ceuf  de  coq ,  parce  qu'on 
croit  vulgairement  que  le  coq  l'a  pondu  ;  &  le  peuple  y  ajoute 
d'autres  idées  fuperftitieufes.  Un  Fermier  ayant  apporté  plufieurs  de 
ces  prétendus  œufs  de  coq  à  M,  de  la  Peyronîe,  ce  Savant  fit  plufieurs 
obfervations  fur  cet  objet,  qu'il  inféra  dans  un  Mémoire,  imprimé 
parmi  ceux  de  l'Académie  des  Sciences  pour  l'année  1710.  Nous 
allons  en  donner  le  précis. 

Beaucoup  de  perfonnes  ,  d'ailleurs  raifonnables ,  croient  avec  le 
peuple,  que  les  coqs  pondent  des  œufs;  &  que  ces  œufs  étant  couvés 
dans  du  fumier  ou  ailleurs  ,  on  en  voit  éclore  des  ferpens  ailés , 
qu'on  appelle  Bafilics.  Les  faits  fuivans  démontrent  la  faufleté  de  cette 
tradition  fabuleufe.  iV/.  de  la  Peyronîe  ouvrit  ces  prétendus  œufs  de 
coq  ;  il  les  trouva  fans  jaune  ;  mais  au  milieu  il  apperçut  un  corps 
qui  refiembloit  affez  bien  à  un  petit  ferpent  entortillé  :  il  le  développa 
fans  peine ,  après  en  avoir  raffermi  la  fubftance  dans  de  l'efprit  de 
vin.  Il  en  ouvrit  plufieurs  ;   mais  la  différence  qui  s'y  trouvoit,  c'e{l 


COQ  2  6^ 

que  le  prétendu  ferpent  n'étoit  pas  dans  tous  également  bien  repréfenté  : 
il  y  en  avoit  dans  lefquels  on  ne  voyoit  qu'une  tache  jaune.  D'après 
l'examen  de  ces  œufs  fans  jaune  ,  M.  de  la  Peyronie  conçut  l'idée 
d'examiner  fi  le  coq  ,  auquel  on  les  attribuoit ,  n'étoit  pas  herma" 
phrodite.  Ses  entrailles  furent  ouvertes  ,  examinées  :  on  lui  trouva 
deux  gros  tefticules  bien  conditionnés  ,  caraderes  du  mâle  ,  &  nulle 
trompe  ni  ovaire  ;  ce  qui  prouvoit  inconteftablement  qu'il  étoît 
incapable  de  ponte  par  défaut  d'organe.  Le  prétendu  pondeur  ayant 
été  égorgé ,  le  Fermier  trouva  des  œufs  femblabies  aux  premiers ,  & 
découvrit  enfin  qu'ils  étoient  pondus  par  une  poule.  Ce  fut  dans  les 
entrailles  de  cette  poule  que  M.  de  la  Peyronie  découvrit  la  fource  de  ce 
phénomène  fingulier,  qui  avoit  tant  induit  en  erreur.  L'infpedion  lui 
apprit  que  l'organifation  altérée  de  cet  animal  étoit  telle  ,  que  les  mem- 
branes très-minces  de  l'œuf  qui  n'avoit  que  très-peu  de  blanc  &  point 
de  coque ,  fe  crevoient  dans  le  palfage  de  Voviductus  ;  le  jaune  s'échap- 
poit  5  &  la  poule  pondoit  ces  petits  œufs  fans  jaunes.  M.  Haller  dit  aufîi 
avoir  vu  un  œuf  de  coq  qu'on  lui  avoit  donné  pour  bien  avéré  , 
&  que  c'étoit  un  très -petit  œuf,  dont  le  fœtus  &  le  jaune  avoient 
difparu ,  &  dans  lequel  il  n'y  avoit  que  du  blanc  avec  beaucoup  de 
bulles  d'air.  On  voit  des  poules  qui  pondent  quelquefois  des  œufs 
femblabies  à  ceux  dont  on  vient  de  parler,  lorfque  dans  des  efforts 
ou  par  quelqu'autre  caufe  extérieure  ,  le  jaune  d'œuf  efl  crevé  dans 
Voviduclus  ;  mais  la  caufe  n'étant  pas  confiante  ,  ces  mêmes  poules 
en  font  aulll  de  bien  conditionnés.  Des  étranglemens  ou  des  com- 
preiTions  à- peu-près  femblabies  ,  qui  anéantiffent  les  petits  des  ovi- 
pares ,  en  leur  ôtant  la  matière  de  leur  nourriture ,  ne  rendroient 
que  monftrueux  ceux  des  vivipares  ,  qui  ne  portent  pas  cette  matière 
avec  eux,  &  qui  vont  la  puifer  dans  la  matrice,  pourvu  que  la 
compreffion  ne  détruisît  aucune  partie  eifentielle  à  la  vie  de  l'animal» 
On  ne  doit  donc  pas  être  furpris  de  ce  que  ceux-ci  nous  fourniffent 
beaucoup  plus   de  monfîres   que  les  autres. 

Des  Coqs  monflrcs. 

On  a  cependant  vu  des  coqs  monfirueux  ,  notamment  un  coq  à 
deux  têtes  fur  un  feul  corps  ,  un  autre  à  uns  feule  tti^  fur  deux, 
corps,  &  d'autres  à  trois  ou  quatre  pattes.  Il  fe  trouve  encore  des^ 
coqs  naturellement   cornus  ,    &  d'autres    qui  le,  Xont  par  artifice,, 


Ô70  COQ 

comme  on  en  voit  quelquefois  dans  les  cabinets  des  curîeiix.  M, 
Duhamel  ,  dans  un  Mémoire  imprimé  parmi  ceux  de  l'Académie 
Royale  des  Sciences ,  année  174-6 ,  nous  apprend  en  quoi  confifte 
cet    artifice. 

On  coupe  la  crête  du  coq  à  un  travers  de  doigt  près  des  os  du 
trâne  ;  il  fe  forme  dans  la  duplicature  de  la  crête  un  vide  ,  dan$ 
lequel  on  place  un  jeune  ergot  de  la  groffjur  d'un  grain  de 
chenevi ,  qu'on  coupe  au  pied  d'un  poulet.  Au  bout  de  quinze 
jours  ou  trois  femaines ,  l'ergot  y  a  contra<3:é  une  union  parfaite, 
fi  on  a  eu  foin  d'empêcher  que  le  coq  ne  Tait  fait  tomber  par  \q 
imouvement  de  fa  tête  ;  &  quatre  à  cinq  mois  après  ,  il  a  acquis 
un  demi  -  pouce  de  longueur.  M.  Duhamel  en  a  vu  qui  ,  au  bout 
de  trois  à  quatre  ans ,  avoient  plus  de  quatre  pouces.  Un  Auteur 
dit  avoir. vu-  fur  la  têt«  d'un  chapon  une  pareille  corne  qui  avoit 
neuf  pouces, de.  longueur.  Nous  avons  vu  en  1765",  à  Paris,  un 
coq  que  l'on  difoit  originaire  d'Afrique.  Du  milieu  de  fa  crête 
fortoient  deux  cornes  jaunâtres  ,  creufes  ,  cannelées ,  longues  de 
trois  po.uces  &  demi ,  évafées  &  arquées  comme  celles  du  chamois. 
Ses  ergots  étoient  gros  &  fort  longs.  Ses  cornes  nous  ont  paru  na- 
turellement implantées  fur  la  tête  de  foifeau.  Quoi  qu'il  en  foit,  on 
ne  peut  s'empêcher  de  convenir  que  l'ergot  détaché  delà  patte  d'un 
poulet  &  placé  fur  la  tête  d'un  coq ,  &  qui  y  conferve  fa  même 
organifation  ,  à  l'exception  qu'il  devient  plus  grand,  eft  une  véritable 
greife  pratiquée  fur  un  animal.  Il  eft  curieux  d'obferver  qu'il  fe 
form.e  une  cfpece  d'articulation  &  plufieurs  ligamens  affez  forts  pour 
foutenir  cette  grande  corne.  Tous  ces  organes  ,  comme  le  dit 
M.  Duhamel  ,  ne  fe  trouvent  point  dans  l'état  naturel  ,  ni  fous 
!a  crête  des  coqs  ,  ni  aux  environs  de  leur  ergot;  du  moins,  dit-iî  ^ 
je  n'ai  pu  les  appercevoir  ;  ainii  la  nature  fait  fubvenir  à  iès  befoins 
par  de  nouveaux  organes.  C'eft  un  fait  bien  fingulier ,  mais  qui  fe 
trouvera  probablement  confirmé  par  beaucoup  d'obfervations  fur 
ies  monftres. 

Des  Chapons, 

Le  chapon  eft  un  poulet  auquel  on  enlevé  les  deux  tcfticules  pour 
qu'il  ne  s'épuife  point  par  les  pkifirs,  qu'il  acquière  plus  d'embonpoint, 
^'  que  fa  chair  en 'devienne  plus  délicate.  Cette  opération  fait  perdre 


COQ  27 1 

la  voix  au  coq;  ce  qui  prouve  d'une  manière  bien  évidente  le  rcipport 
intime,  quoique  caché,  qui  fe  trouve  entre  ces  organes.  Le  poulet 
qui  n'a  été  châtré  qu'à  demi ,  a  un  refte  de  voix  grêle  qui  n'a  point 
la  plénitude  du  fcn  de  celle  du  coq  ;  aufli  l'appelle-t-on  cocâtrc ,  parce 
qu'il  n'eft  réellement  ni  coq,  ni  chapon.  On  pratique  aulTî  la  même 
opération  fur  les  poules  :  on  les  engrailTe  délicatement,  &  elles  Ce  nom- 
ment alors  poulardes:  c'eft  un  des  mets  les  plus  exquis  &  les  plus 
falutaires. 

La  méthode  de  châtrer  les  poulets  eft  très-ancienne  ;  il  en  eft  parlé 
dans  le  Deutéronome:  on  la  pratiquoit  à  Rome,  &  il  y  avoit  des  pou- 
lardes qui  pefoient  quelquefois  jufqu'à  feize  livres.  Il  fut  défendu  de 
châtrer  les'  poules  ;  &  ce  fut  pour  éluder  cette  loi  qu'on  chaponna 
les  jeunes  coqs.  On  chaponne  les  poulets  à  trois  mois ,  en  Juin , 
temps  où  il  ne  fait  ni  trop  chaud  ni  trop  froid.  L'animal  après  cette 
opération  eft  trifte ,  mélancolique  ,  honteux  &  confusj  il  fçmbie 
regretter  pendant  quelques  jours  la  fource  de  fa  vigueur. &  de  fes 
plaifirs;  en  un  mot  il  femble  fentir  l'importance  de  la  perte  qu'il  a 
faite;  aufïî  aifeéle-t-il  de  ne  pas  fe  montrer  aux  yeux  des  poules 
pendant  quelques  femaines  ;  celles-ci  ne  chantent  point  pour  lui. 

On  tire  un  fervice  fîngulier  des  chapons  :  on  drell'e  ces  eunuques 
à  conduire  &  à  élever  les  poufîins  quand  on  ne  veut  pas  laiffer  perdre 
de  temps  aux  poules.  Pour  infpirer  ce  goût  au  chapon ,  on  le  choifit 
vigoureux,  on  lui  plume  le  ventre,  on  lui  fuftige  la  partie  déplumée 
avec  une  poignée  d'orties ,  &  on  fenivre  avec  du  pain  trempé  dans 
du  vin.  Après  avoir  réitéré  cette  cérémonie  deux  ou  trois  jours  de 
fuite,  on  le  met  fous  une  cage  avec  deux  ou  trois  poulets  un  peu 
grands i  ces  poulets  en  lui  pafTant  fous  le  ventre,  adouciffent  la  cuif- 
fon  de  fes  piqûres.  Ce  foulagement  l'habitue  à  les  recevoir:  bientôt 
il  s'y  attache,  il  les  aime,  il  les  conduit;  &  fi  on  lui  en  donne  ui^i 
plus  grand  nombre ,  il  les  reçoit ,  les  couvre  de  fes  ailes ,  les  élevé 
&  les  garde  plus  long-temps  que  la  mère  n'auroit  fait. 

On  eftime  davantage  le  chapon  à  l'âge  de  fept  à  huit  mois,  qu'en 
tout  autre  temps.  Sa  chair  convient  à  toutes  fortes  de  tempéramens 
&  à  toutes  fortes  d'âges. 

Le  poulet  eft  un  aliment  très-léger  &  très-falutaire.  On  en  fait  une 
eau  de  poulet  que  l'on  donne  aux  malades  ,  auxquels  on  veut  faire 
faire  diète:  cette  boiflfon  convient  auili  dans  les- douleurs   d'entrailles 


2.12  '  COQ 

&  le  choUra-morhus  ^  pour  tempérer  îa  bile  qui  regorge  dans  l'eftomac. 
Le  bouillon  de  vieux  coq ,  gallus  annofus ,  eft  fort  recommandé  en 
Médecine  dans  les  maladies  chroniques,  M.  Bourgeois  dit  que  es 
bouillon  eft  fur-tout  très-falutaire  aux  afthmatiques ,  qu'il  foulage 
confîdérablement.  On  emploie  afifez  communément  fa  chair  dans  les' 
confomraés  dont  on  nourrit  les  malades  foibles,  languiilans,  certains 
convalefcens ,  £c  quelques  vieillards  qui  ont  befoin  d'une  nourriture 
abondante  fans  que  leur  eftomac  en  foit  fatigué.  Le  coq  étoit  autre- 
fois la  vidime  du  facrifice  qu'on  faifoit  à  Efculape  lorfqu'on  guériflfoit 
d'une  maladie. 

Des  Poules, 

Les  poules  font  du  nombre  des  animaux  domeftiques  les  plus 
précieux, â*j.a.uie!"du  tribut  qu'elles  nous  donnent  tous  les  jours. 

Le  port"^  de  la  queue  des  poules  eft  particulier  à  ce  feul  genre 
d'oifeau,  &  il  nous  paroîtroit  très-fingulier  fi  nous  le  voyions  pour 
la  première  foiâ.  "Elles  font  les  feules  dont  la  queue  eft  dans  un  plan 
vertical  &  pliée  en  deux  parties  égale?. 

Les  poules  nous  préfentent  une  multitude  de  variétés  :  on  en 
diftingue  entr'autres  plufieurs  efpeces  qui  ont  des  caraéleres  marqués 
différens;  favoir,  les  poules  de  Caux  ou  de  Padoue  :  elles  font  très- 
grofles  ,  &  font ,  ainfi  que  celles  de  Bruges  &  de  Mirebalais ,  haut 
montées.  Les  poules  à  jambes  courtes  appellées  auflî  pieds  courts.  Les 
poules  f rifles  appellées  mal  à  propos  porte-laine,  dont  les  plumes  font 
réfléchies  vers  la  tête.  Les  poules  NégreJJes  qui  nous  viennent  de 
Guinée,  du  Sénégal  &  de  Mozambique:  elles  ont  les  os  noirs,  îa 
crcte  &  la  peau  noire ,  &  la  chair  blanche.  Les  poules  fans  queue  & 
mèvciQ  fans  croupion,  dites  ailleurs  des  culs  nus  ,  ou  poules  de  Perfe, 
Les  poules  qui  ont  cinq  doigts  à  chaque  pied,  trois  antérieurs  &  deux 
poftérieurs.  (  Les  poules  &  les  coqs  à  cinq  doigts  doivent  être  regardés 
comme  monftres).  hes poules  dont  la  tête  eft  ornée  d'une  huppe:  elles 
font  belles,  haut  montées,  &:  on  les  nommQ  poules  huppées.  Les 
poules  pattues  qui  ont  des  plumes  jufqu'à  l'extrémité  des  p^ttQs ,  gallinoi 
vlumipedes. 

On  a  vu  à  Paris  une  grande  variété  de  ces  fortes  d'oifeaux  &  de 
pigeons  dafis  la  ménagerie  de  S.  A.  S.  Monfeigneur  le  Comte  de 
Çiermont,  Voici  li^,^>ft.Ç  ou  état  dçs  coqs  &:  poules  qui  étoient  dans 

les 


COQ  i75 

les  différentes  cages  a  la  fin  de  Mars  ij6S,  Les  charnoifés ,  les  écailks  J^ 
poijfon  ,  les  frifés  ,  les  ardoifés  y  les  blancs  ,  les  noirs  à  huppe  blanche  , 
les  dorés ,  les  argentés ,  les  citronés ,  les  périnées  en  bleu  ou  en  blanc 
ou  en  violet;  Iqs  faïences ,  les  hermines  en  blanpou  en  jaune,  \qs  porte-^ 
Joie,  les  pierrées  en  noir  ou  dorées  &  naines;  les  nains  Anglois  ôc 
blancs ,  les  perlés.  Ces  oifeaux  font  aduellement  dans  la  ménagerie  de 
Chantilly. 

Les  poules  de  moyenne  grandeur  &  noires  de  plumage,  font  eftimées 
les  meilleures  pondeufes.  Comme  les  poules  font  ordinairement  des 
œufs  en  abondance  pendant  la  plus  grande  partie  de  l'année  ,  elles  ne 
fauroient  fuffire  long-temps  à  tant  de  produxflions  ;  aufli  communé- 
ment deviennent-elles  ftériles  au  bout  de  trois  ou  quatre  ans.  Les 
premiers  oeufs  que  pondent  les  poules  font  petits  ;_&.:ep^  général  les 
CEufs  des  féconde,  troifieme  &  quatrième  années  fohf  plus'  gros  que 
ceux  de  la  première.  Il  y  a  des  poules  qui  ne  donnent  qu'un  œuf 
en  trois  jours;  d'autres  pondent  de  deux  jours  l'un 3  d'autres' tous  les 
jours.  M.  de  Réaumur  en  a  eu  une  qui  pondoit  deux  œufs  dans  le 
même  jour.  Les  poules  ceflent  de  pondre  plutôt  les  unes  que  le^ 
autres. 

La  fécondité  des  poules  eft  admirable -;i 'mais  cette-  richefle  de  pro- 
duâion  tarit  vers  la  fin  de  l'automne  &  en  hiver.  Ce  feroit  ces  œufs' 
qui  viennent  dans  le  printemps  &  dans. l'été  en  fi  grande  abondance  ,- 
qu'il  feroit  avantageux  de  conferver  frais.  J^oj^c^-e;^  le  procédé  à  t article 

(EUF. 

Les  poules  ne  laiflent  pas  de  pondre  fans  le  commerce  avec  les 
coqs:  ces  œufs  fe  confervent  encore  mieux  &  plus  furement  que  ceux 
qui  ont  été  fécondés  ;  mais  ils  ne  valent  rien  pour  donner  à  couver, 
parce  qu'il  n'y  a  point  de  germe  &  qu'il  n'en  naîtroit  rien. 
•  L'organifation  de  l'œuf  nous  préfente  un  fpedacle  des  plus  curieux, 
dont  on  voit  la  defcription  aux  articles  Oiseau  &  duF.  On  y  réunit 
fous  le  même  coup  d'œil  l'organifation  des  œufs  d'oifeaux,  d'infeéles 
&  de  poiiïbns ,  &  le  tableau  des  divers  moyens  qu'emploie  la  nature 
pour  la  réprodudion  de  ces  fortes  d'animaux. 

A  l'égard  des  propriétés  de  l'œuf  de  la  poule  ,  on  eftime  que  le 
blanc  feul  eft  très-diététique,  nourriffant;  &  que  le  jaûîje  efi:  très- 
échauffant  &  même  aphrodifiaque.  Tout  le  monde  cônnbît  l'ufage  des 
Î3ouillons  à  la  reine^  dont  h  bafe-eft  le  jaunè.'-<i'œtiiF>dans  la  "toux  , 

Tome  IL  Mm 


274  COQ 

dans  les  coliques  bîlîeufes  &  dans  les  tranchées  violentes  qui  fucce" 
dent  quelquefois  à  l'ufage  des  purgatifs  réfineux.  Le  jaune  d'œuf  eft 
la  bafe  du  lok  pedoral,  du  digeftif  ordinaire ,  il  fert  à  lier  quantité 
de  fauces.  Le  blanc  d'oeuf  eft  rinftrument  chimique  le  plus  ufité  de 
la  clarification  des  liqueurs  &  du  fucre.  Il  entre  dans  la  compofition: 
de  la  pâte  de  guimauve  &  de  celle  de  réglifle.  La  coquille  d'œuf  réduite 
en  poudre  eft  un  abforbant  terreux. 

Manière  dont  les  Poulets  s^y  prennent  pour  fortir  de  Vc&uf, 

La  couvée  dure  vingt-un  jours.  C'eft  une  befogne  très-fatigante 
pour  la  couveufe,  &  qui  l'échaufFe  beaucoup.  Le  degré  de  chaleur 
de  l'incubation  eft  de  trente-deux  degrés  &  demi  au  thermomètre  de 
M.  de  Riaumur  :  c'eft  à  l'aide  de  cette  douce  tranfpiration  que  fe  déve- 
loppent aveo  lenteur  toutes  les  parties  du  poulet.  La  poule  ne  fe 
fert  de  fon  bec"  que  pour  retourner  les  œufs  &  les  faire  changer  de 
place ,  &  quelquefois  pour  jeter  hors  du  nid  les  fragmens  de  la 
coquille  dont  le  poulet  s'eft  débarraffé.  Le  poulet  renfermé  dans  l'œuf, 
eft  feul  chargé  par  la  nature  de  tout  Touvrage  qui  doit  être  fait 
avant  qu'il  fe  puiflfe  mettre  en  liberté;  ouvrage  qu'on  eftimeroit  bien 
au-deflus  de  fes  forces,  fi  des  obfervations  journalières  n'apprenoient 
celles  qu'il  a,  &  comment  il  fait  les  employer  quand  fon  état 
aduel  lui  fait  fentir  le  befoin  qu'il  a  de  naître  &  de  jouir  delà  liberté, 

D'excellens  Obfervateurs .  ont  fuivi  jour  par  jour  le  progrès  de 
l'accroiflement  du  poulet  pendant  toute  la  durée  de  l'incubation.  C'eft" 
dans  leurs  ouvrages  qu'il  faut  chercher  le  détail  de  la  marche  que 
la  nature  fuit  dans  ce  travail.;  nous  nous  contenterons  de  dire  qu'entre 
les  parties  qui  étoient  alongées  &  étendues  dans  les  premiers  jours  s 
les  unes  dans  les  derniers  jours  font  pliées  dans  leurs  articulations , 
les  autres  courbées ,  &  toutes  plus  rapprochées  du  corps.  Les  parties 
du  poulet  prenant  chaque  jour  de  l'accroiiTement,  les  jambes  &  le 
cou  deviennent  fi  longs  que  le  poulet  eft  forcé  de  les  plier  pour  leur 
faire  trouver  place  dans  la  cavité  où  il  eft  logé.  Dans  ces  derniers  jours 
fa  mafl'e  totale  prend  donc  néceflairement  la  forme  d'une  boule ,  &;  fa 
tête  eft  paiTée  fous  l'aile  :  c'eft  ici  qu'on  a  lieu  d'admirer ,  ainfi  que 
dans  toutes  les  opérations  de  la  nature,  que  ce  qui  femble  fait  par 
néceiTité ,  eft  ce  qui  pouvoit  être  fait  de  mieux  par  choix. 

La  tête  du  poulet,  àinfi  que  celle  de  tous  les  animaux  naiftans,  eft 


COQ  27f 

cfune  grofleur  confidérable  par  rapport  au  volume  du  corps  :  c'eft  à 
l'aide  de  la  mafle  de  cette  tête  armée  d'un  petit  bec  pointu  ,  que 
l'oifeau  frappe  à  coups  redoublés  les  parois  de  la  coquille  qu'il  faut 
percer.  Ces  coups  font  fouvent  aflèz  forts  .pour  fe  faire  entendre;  &: 
fi  on  fait  épier  les  momens  ,  on  les  lui  voit  donner  :  la  tête  n'eu 
refte  pas  moins  fous  l'aile. 

L'effet  des  premiers  coups  de  bec  du  poulet  eft  une  petite  fêlure 
qui  eft  ordinairement  entre  le  milieu  de  l'œuf  &:  fon  gros  bout  ,  mais 
plus  près  de  celui-ci ,  parce  que  la  partie  antérieure  du  poulet  eft 
tournée  vers  cette  partie.  Quand  la  fêlure  eft  fenfible  ,  on  dit  que 
l'œuf  eft  héclù*  On  voit  les  éclats  fauter,  fans  que  la  membrane  qui 
tapifle  l'intérieur  de  l'œuf  paroifle  percée  ;  ce  qui  avoit  fait  penfer 
que  les  œufs  étoient  bêchés  par  la  poule.  Mais  on  conçoit  aifément  que 
la  membrane  étant  flexible  &  appuyée  fur  la  coquille  ,  peut  réfifter 
aux  coups  qui  font  fendre  &  éclater  une  matière  plus  roide. 

Tous  les  poulets  n'emploient  pas  un  temps  égal  à  finir  cette  grande- 
opération  :  il  y  en  a  qui  parviennent  à  ie  tirer  de  leur  coquille  dans 
l'heure  même  où  ils  ont  commencé  à  la  bêcher  ;  d'autres   n'éclofent 
qu'au  bout   de  deux  ou-  trois  heures  :  quelques-uns  font  plus  long- 
temps, fuivant  TépaifTeur  de  la  coquille,  &  fuivant  la  force  du  poulet. 
Il  y  en  a  qui,  trop  impatiens   de  voir  le  jour  ,  attaquent  de  trop 
bonne  heure  leur  coquille  à  coups  de  bec  ;  mais  ils  paient  cher   leur 
impatience  ,  car  ils  languiflent   &  meurent  quelques  jours  après  être 
nés.  La  raifon  en  eft,  fuivant  l'obfervation  de  M.  de  Réaumur,  que  les 
poulets,  avant  de  naître,  doivent  avoir  dans  leur  corps  une  proviilon 
de  nourriture  qui  puilfeles  difpenfer  d'en  prendre  d'autre  pendant  plus  de 
vingt-quatre  heures  après  qu'ils  font  éclos.  Cette   provifîon  confifte 
dans  une  portion  confidérable  du  jaune,  qui  n'a  pas  été  confomroée, 
&  qui  entre  dans  le  corps  par  le  nombril.  Le  poulet  qui  fort  de  fa 
prifon  ou  coquille,  avant  que  le  jaune  foit  entré  dans  fon  corps,  périt 
donc  néceffairement.    Lorfque  les  années   font  trop  feches,  les  pou- 
lets ne  peuvent    pas  quelquefois  parvenir  à  ouvrir  leurs  coquilles.  Si 
on  ne  les  aide  pas  un  peu  ,  en  enlevant  une  partie  de  la  coquille  , 
après  qu'ils  l'ont  fêlée  ,  on  rifque  de  les    voir  périr  dans  l'inftant  où 
ils  étoient  près  de  paroître  au  jour.  Dans  ce  cas ,  on  trouve  fouvent 
les  plumes  du  jeune  oifeau   collées  contre   les   parois    iij^érieures  de 
Tœufj  &  cela  doit  arriver  nécelTairement  toute^s.les  fois  que  l'œuf  a. 

--'      Mm  2 


27^  COQ 

éprouvé  une  chaleur  trop  forte.  Pour  remédier  à  cet  inconvénient  p 
on  met  les  œufs  dans  f  eau  pendant  cinq  à  fix  minutes.  L'œuf  pompe  à 
travers  fa  coquille  les  parties  les  plus  ténues  de  l'eau  ;  &  l'effet  de  cette 
humidité  efl:  de  difpofer  les  plumes  qui  font  collées  à  la  coquille ,  à 
s'en  détacher  plus  facilement:  peut-être  aufli  que  cette  efpecedebain 
rafraîchit  le  jeune  oifeau  ,  &  lui  donne  allez  de  force  pour  brifer  fa 
coquille  avec  le  bec.  Il  en  eft  de  même  des  perdrix,  des  pigeons,  & 
probablement  de  plufieurs  oifeaux  utiles  ,  dont  on  pourra  fauver  un 
grand  nombre  par  le  procédé  indiqué  ci-delTus ,  ou  par  quelqu'autre 
procédé  analogue. 

Quand  le  poulet  eft  parvenu  à  ouvrir  fa  coquille  ,  dans  le  premier 
inftant  oii  on  le  voit ,  on  en  augure  mal  ;  on  juge  fes  forces  épuifées 
par  les  efforts  qu'il  a  faits ,  &  on  le  croit  bien  près  d'expirer  ;  mais 
au  bout  dhin  temps  ,  quelquefois  aflez  court ,  il  paroît  tout  autre. 
Toutes  fes  parties  fe  fortifient  ;  il  entreprend  de  fe  traîner  fur  fes 
jambes.';  fes  plumes  qui  ne  font  qu'un  duvet  fin  ,  &  qui  ,'pendant  qu'elles 
étoient  mouillées  ,  faifoient  prefque  paroître  le  poulet  prefque  nu  , 
commencent  à  fe  développer.  Le  duvet  étoit  tenu  dans  des  tuyaux 
de  membranes  qui  fe  brifent  en  fe  delféchant  :  les  barbes  du  duvet 
prennent  leur  reffort ,  elles  s'épanouiffent  j  &  quand  elles  font  toutes 
féchées  &  redreffées  ,  le  poulet  eft  revêtu  très- joliment  &  très-chau- 
dement. Au  bout  de  vingt-quatre  heures  ,  on  voit  ce  petit  peuple 
emplumé ,  courant ,  trottant ,  fautant  ,  accourant  à  la  voix  de  leur 
mère  ,  becquetant  le  grain  fous  fes  yeux  ,  &  préfentant  par  leur  gen- 
tilIelTe  le  plus  agréable  fpedacle ,  tandis  que  d'ua  autre  côté;  la  mère 
préfente  un  tableau  des  plus  frappans  des  foins  &  de  la  tendrelTe  mater- 
nelle. Rien  de  plus  fîngulier  que  le  fpeélacle  d'une  poule  à  qui  l'on 
a  fait  couver  des  œufs  de  canards,  Auflî-tôt  que  ces  nouveaux  nés 
apperçoivent  un  ruilTeau  ,  plus  dociles  au  penchant  de  la  nature  , 
qu'à  la  voix  d'une  mère  défolée  qu'ils  méconnoiffent  ,  ils  fe  jettent 
à  l'eau  &  nagent  :  c'eft  alors  qu'on  voit  la  mère  naturelle  les  fuivre 
de  l'œil  le  long  du  bord  ,  leur  donner  des  avis  ,  leur  reprocher  leur 
témérité ,  demander  à  tout  le  monde  du  fecours  contre  fes  inquié- 
tudes 5  fes  craintes  Ôc  fes  alarmes. 

De  la  manier e  de  faire  éclore  des  poulets, 

,    Les   Egyptiens. ^à^,qui   les   autres  peuples    ont  dû  les   premières 


COQ  277 

connolfiances  de  la  plupart  des  Arts ,  s'en  font  confervé  un  qui  n*eft  en- 
core mis  en  pratique  que  chez  eux  ,  celui  de  faire  éclore  des  poulets  fans 
le  moyen  des  poules.  Ils  favent  conftruire  de  longs  &  fpacieux  fours  , 
d une  forme  particulière  ,  rangés  lun  fur  l'autre  ,  en  différens  étages ^ 
dans  un  double  rang  qui  forme  une  efpece  de  dortoir  ,  &  dans  les- 
quels ils  mettent  une  grande  quantité  d'œufs  :  par  le  moyen  d'un  feu 
doux  3  bien  ménagé  ,  &  dont  l'aliment  eft  de  la  fiente  d'animaux  • 
mêlée  avec  de  la  paille,  ils  leur  procurent  une  chaleur  égale  à  celle 
que  les  poules  donnent  aux  œufs  qu'elles  couvent  ;  &  au.  Jjout  d'un 
certain  nombre  de  jours  (  de  vingt  à  vingt-deux  ) ,  on  vo'if  éclore  un 
fi  grand  nombre  de  pouflins  ,  qu'on  peut  les  mefurer  &  les  vendre 
au  boifleau.  En  effet,  à  mefure  que  les  coques  inanimées  fej*ompent, 
une  armée  de  petits  bipèdes  s'élève  &  fe  dégage  chacun  de  fa  prifon. 
Le  fpedacle  en  efl  agréable  ;  on  croit  voir  en  petit  le  prodige  qu'on 
fit  voir  au  Prophète  ,  un  lieu  couvert  d'offemens  qui  fe  -lèvent  &  ref- 
fufcitent.  C'eft  à  Manfoura  que  l'on  voit  le  plus  grand  nombre  de  ces 
fours  ;  &  il  n'y  a  que  les  feuls  habitans  du  village  de  Bermé  ,  fitué 
dans  le  Delta  ,  qui  ont  l'induflrie  héréditaire  de  diriger  ces  fours. 
Cette  manière  de  faire  éclore ,  a  été  connue  de  Pline.  &  de  Diodore 
de  Sicile. 

C'efl  cette  fcience  économique  ,  précieufe  pour  la  multiplication 
d'oifeaux  domefliques  d'une  utilité  fi  immenfe  ,  que  M.  de  Réaiimur 
a  cherché  à  enlever  aux  Egyptiens.  Il  n'eft  forte  d'expériences  qu'ii 
n'ait  tentées  ;  &  il  eft  enfin  parvenu  à  en  faire  un  art  dont  il  nous 
a  donné  la  defcription  dans  fon  Ouvrage  intitulé  :  Art  de  faire  éclore 
&  ^élever  en  toutes  faifons  des  oifeaux  domefliques  de  toute  efpece  ,  foit 
par  le  moyen  de  la  chaleur  des  couches  de  fumier  ,  foit  par  le  moyen  d& 
celle  du  feu  ordinaire  ;  Ouvrage  excellent  ,  où  brillent  également  la 
fagacité  ,  l'exacfle  vérité  &  le  zèle  pour  le  bien  public  {d).  L'intérêt 
que  tout  le  monde  peut  prendre  naturellement  pour  un  art  fi  utile , 
nous  engage  à'  en  donner  une  légère  efquifTe. 

Cette  matière  vraiment  importante ,  offre   deux  objets  :  celui  de 

faire  éclore  des  poulets  ,  &  celui  de  les  élever.   Les    Egyptiens  ont 

.  été  difpenfés ,  par  la  chaleur  des  contrées  qu'ils  habitent  ,  de   faire 

{à)  M.  Halier  dit  que  cet  art  de  faire  éclore  les  poulets  fans  poule,  Te  trouve 
dans  le  Recueil  d'Ouvrages  d'Agriculture  ,  attribué  ïCorJlantin  ,.^"-.dans  un  Cha- 
pitre attribué  à  Dàmocritc, 


ff-^ 


278  COQ 

des  recherches  par  rapport  à  ce  fécond  objet;  maïs  dans  nos  climats^ 
c'eft  celui  qui  préfente  les   plus  grandes  difficultés. 

M.  de,  Réaumur  donne  dans  fon  Ouvrage  la  conftrudion  des  fours , 
au  moyen  defquels  on  peut  faire  éclore  des  poulets  comme  en  Egypte  , 
&  les  élever  ;  il  y  indique  aulli  l'avantage  qu'on  peut  retirer  des  fours 
èc  des  fourneaux  qui  font  toute  l'année  en  feu  ,  pour  y  entretenir 
dans  des  étuves  qui  contiendroient  un  grand  nombre  d'œufs  ,  une 
chaleur  propre  à  les  couver  ;  tels  font  les  fours  de  verrerie  ,  les 
fourneaux  où  l'on  fond  les  mines  ,  ceux  des  Pâtilliers  ,  &  fur  -  tout 
ceux  des  Boulangers.  On  pourroit  même  ,  dit-il ,  avoir  des  étuves 
dans  toutes  les  campagnes  où  il  y  a  des  fours  banaux  qu'on  chauffa 
tous  les  jours. 

M.  de  Réaumur  convient  qu'il  n'avoit  pas  aflez  penfé  au  parti  qu'on 
peut  tirer  de  la  chaleur  de  ces  fours  ou  fourneaux  ,  lorfqu'il  imagina 
de  faire  fervir  des  couches  de  fumier  à  cet  ufage.  Mais  au  refte ,  ces 
couches  peuvent  devenir  néceflaires  dans  les  campagnes  où  l'on  peut 
manquer,  de  la  première  reffource.  Ces  moyens  font  trop  ingénieux 
pour  que  nous   n'en   donnions  pas  une  légère  idée. 

Un  tonneau  défoncé  par  un  bout  eft  prefque  un  four  tout  fait  ^ 
qu'il  ne  s'agit  que  de  mettre  en  place.  On  établit  une  couche  de 
fumier  fous  un  hangar ,  dans  un  lieu  où  il  puifle  régner  un  peu  d'air. 
On  place  au  milieu  de  cette  couche  le  tonneau  défoncé,  qu'on  enduit 
en  dedans  de  plâtre  ,  afin  d'empêcher  les  vapeurs  du  fumier  ,  qui 
feroient  mortelles  pour  les  poulets  ,  de  pénétrer  dans  l'intérieur  du 
tonneau;  on  recouvre  ce  tonneau  avec  un  couvercle  percé  d'un  grand 
nombre  de  trous  fermés  avec  des  bouchons  :  ces  trous  m^ultiplient 
les  moyens  de  régler  la  chaleur  à  volonté  ,  en  donnant  autant  6c 
aufli  peu  d'air  qu'on  le  defire.  On  fufpend  dans  ce  tonneau  des  pa- 
niers les  uns  au-defifus  des  autres ;&  on  les  remplit  d'œufs:  on  leur 
procure  autant  qu'il  eft  pofllble ,  une  chaleur  de  trente-deux  degrés 
au  thermomètre  de  M.  de  Réaumur  y  c'eft-là  la  vraie  chaleur  de  la  poule 
qui  couve  :  trente-quatre  degrés  font  une  chaleur  forte  ,  mais  qui 
n'eft  point  mortelle  aux  poulets  ;  au  lieu  que  celle  de  trente-fix  de- 
grés eft  abfolument  trop  forte.  Lorfque  les  œufs  ont  eu  à-peu-près  un^ 
chaleur  de  trente-deux  degrés ,  pendant  toute  la  durée  de  la  couvée  , 
il  eft  aftez  ordinaire  d'en  voir  fortir  les  poulets  le  vingtième  jour, 
c'çft-à-dire,  un  jou^',  plutôt  qu'ils  ne  fortsnt  dans  ce    pays   des  oeufs 


COQ  27P 

touvés  par  une  poule  :  la  raifon  en  vient  de  ce  que  ces  oeufs  ne  font 
pas  expofés  au  refroidifTement ,  comme  le  font  de  temps  en  temps 
ceux  de  la  poule.  Entre  les  œufs  d'une  même  couvée ,  les  uns  éclofent 
plutôt ,  les  autres  plus  tard  ,  à  raifon  de  l'épaifTeur  plus  ou  moins 
grande  de  la  coque   qui  fait  varier  la  tranfpiration. 

Comme  il  tranfpire  toujours  du  fumier  de  la  couche  une  efpece 
d'humidité  qui  s'introduit  par  les  trous  qu'on  eft  obligé  d'ouvrir  pour 
entretenir  une  chaleur  égale;  &  que  cette  humidité,  quoiqu'elle  ne  nous 
paroifle  pas  fenfible,  devient  mortelle  aux  poulets  ,  M.  de  Réaumur  a 
éprouvé  que  le  moyen  certain  de  l'éviter ,  eft  de  coucher  le  tonneau 
ou  de  lui  fubftituer  de  longues  caiffes ,  qu'on  difpofe  de  m.aniere  qu'il 
y  ait  une  efpece  de  mur  quifépare  le  corps  de  la  caiflTe  de  l'ouverture; 
on  entoure  donc  les  caifTes  de  fumier  par  derrière  ;  &  de  cette  manière 
l'humidité  ne  peut  nullement  fe  communiquer,  &  les  poulets  éclofent 
à  merveille.  Il  paroîtroit  par  l'examen  qu'on  en  a  fait  ,  qu'à  égale 
quantité  d'œufs  il  naît  un  plus  grand  nombre  de  poulets  des  œufs 
couvés  dans  les  fours  à  fumier  ou  dans  ceux  échauffés  à  l'aide  du 
feu,  que  des  œufs  couvés  par  les  poules,  qui  elles-mêmes  en  brifent 
quelquefois  plufieurs ,  ou  abandonnent  leurs  œufs  avant  qu'ils  foient 
éclos.  On  peut  eftimer  qu'il  vient  des  œufs  couvés  dans  les  fours,  à-peu- 
près  les  deux  tiers  de  poulets. 

Lorfque  les  petits  poulets  font  éclos  ,  il  faut  les  mettre  en  état  de 
jouir  de  la  liberté  néceflaire ,  pour  exercer  leurs  jambes  &  fortifier 
leur  corps.  Pour  cet  effet  on  les  met  dans  une  boîte  longue  de  cinq 
ou  fix  pieds,  &:  recouverte  d'une  claie  d'ofier.  On  peut  donner  à 
cette  boîte  le  nom.  de  pouffîniere  :  on  la  place  au  milieu  d'une  couche 
de  fumier  qui  lui  communique  une  douce  chaleur.  On  met  dans  cette 
pouffînien  de  petits  vafes  qui  contiennent  la  nourriture  propre  aux 
poulets.  Quand  on  veut  opérer  des  effets  pareils  à  ceux  que  la  nature 
nous  fait  voir ,  il  faut  la  copier  dans  fes  procédés  :  ainfi  il  faut  donner 
aux  poulets  quelque  chofe  d'équivalent  à  cette  douce  prelîion  du 
ventre  de  la  mère  contre  le  dos  des  petits  qu'elle  couve  ;  preflion 
qui  leur  eft  très-néceffaire ,  puifque  leur  dos  a  plus  befoin  d'être 
échauffé  que  toutes  les  autres  parties  du  corps.  On  établit  donc  dans 
la  pouffiniere  une  mère  ou  une  couveufe  inanimée  qui  leur  tient  lieu 
d'une  poule  vivante.  Qu'on  fe  repréfente  un  pupitre  tel  que  ceux 
quon  met  fur  une  table  à  écrire,  dont  toutes  les  parois  de  la   cavité 


-280  ■      COQ" 

intérieure  font  revêtues  d'une  bonne  fourrure  d'agneau,  on  jugera 
qu  elle  peut  être  pour  les  poulets  l'équivalent  d'une  mère ,  &  même 
valoir  mieux  pour  eux.  Ceft  un  logement  qui  leur  donne  une  libre 
entrée;  mais  le  toit  étant  un  peu  élevé  &  incliné  ,  ils  ne  fauroient 
avancer  dans  l'intérieur  fans  que  leur  dos  touche  les  poils  de  la  peau 
dont  la  furface  intérieure  de  ce  toit  eft  recouverte  :  à  mefure  qu  ils 
s'enfoncent  plus  avant ,  leur  dos  prefle  davantage  la  fourrure ,  &  ils 
la  prefTent  plus  ou  moins  à  leur  gré.  C'eil:  fous  cette  mère  artificielle 
que  les  pbulets  vont  fe  réchaufter  fuivant  leur  befoin.  Lorfque  les 
poulets  font  plus  forts  &  plus  gros  que  des  merles ,  on  les  fait  pafTer  dans 
une  grande  cage  où  ils  peuvent  fe  percher  &  faire  ufage  de  leurs  ailes. 
Il  eft  avantageux  d'y  pratiquer  une  mère  artificielle  pour  mettre  les 
poule^  à  l'abri  des  vents  froids  &  de  la  pluie.  Lorfqu'après  ces  foins 
&  aveè.iè'^tëmps  les  poulets  font  devenus  aifez  forts ^  on  les  lailfe  courir 
dans  la  baffe-cour. 

Ce  que  nous  avons  dit  de  ia  manière  d'élever  des  poulets,  s'étend 
à  tous  les  oifeaux  qu'on  aura  fait  éclore  dans  les  fours ,  pourvu  qu'ils 
foient  du  nombre  de  ceux  qui,  après  être  nés  fe  nourriffent  d'eux- 
mêmes  dès  qu'ils  ont  à  leur  difpofition  des  alimens  convenables,  8c 
qui  n'exigent  point  que  leur  père  &  mère  leur  donne  la  becquée;  tels 
font  les  dindonneaux  y  \qs  faifundcaux ,  les  perdreaux  ,nes  caïllet&aux  ,  &; 
tant  d'oifeaux  de  différentes  efpeces  qui  appartiennent  à  la  clafTe  des 
poules  ou  gallinacées.  Les  oifeaux  de  la  clafîe  des  canards  &  des  oies  naif- 
fentaufîi  bien  inftruits  ;  mais  ils  ne  font  pas  contents  s'ils  ne  trouvent  de 
i'eau  où  ils  puiflent  s'aller  jeter  de  temps  en  temps,  y  manger  &  y  bar- 
boter :  c'eft  pourquoi  il  faut  pratiquer  dans  les  poufTinieres  préparées 
pour  ces  efpeces  d'oifeaux  ,  une  terrine  pleine  d'eau  qui  fervira  de 
petit  bafîin,  dans  lequel  les  cannetons  &  les  oifons  ne  manqueront  pas  de 
s'aller  baigner.  L'obfervation  d'un  fait  où  fe  reconnoît  la  fagefïe  de  la 
Nature ,  fe  préfente  ici  tout  naturellement.  On  a  remarqué  qu'en  général 
ks  oifeaux  dont  les  petits  font  en  état  de  prendre  eux-mêmes  leur 
nourriture  au  fortir  de  la  coquille,  ont  un  très-grand  nombre  de 
petits;  au  lieu  que  ceux  qui  font  obligés  de  leur  porter  la  becquée, 
en  ont  un  plus  petit  nombre  :  ces  oifeaux  n'auroient  pu  fuffire  à  ce 
travail.  La  méfange  qui  a  jufqu'à  douze  à  quinze  petits,  n'eft  pas  une 
tixception  à  cette  régie;  car  elle  nourrit  (qs  petits  avec  des  vers,  dont 
i'ip  feiil  peut  fervir  à.raffafier  plufieurs, 

t  Outre 


COQ  281 

Outre  le  grand  profit  que  Ton  peut  tirer  de  cette  méthode  ingénieufe, 
pour  multiplier  beaucoup  les  poulets,  on  a  l'avantage  de  mettre  les 
poules  dans  le  cas  de  ne  pas  perdre  à  couver,  le  temps  quelles  emploi- 
roient  à  pondre. 

COQ  DES  BOIS  ou  des  Bruyères  ou  de  Limoges,  Quelques 
Naturaliftes  ne  mettent  point  de  différence  entre  ces  deux  oifeaux, 
&  les  regardent  comme  le  même.  Ils  regardent  néanmoins  celui  des 
bois  comme  un  peu  plus  grand:  on  l'appelle  uro~guUus  tetrao  major; 
&  celui  des  bruyères ,  tetrao  feu  uro-galLus  minor.  M.  IfalÙr'idlt  cepen-» 
dant  que  ces  deux  oifeaux  différent  eflfentiellement  l'un  de  l'autre, 
Uauerhdhn  ou  le  grand  coq  des  bruyères  ne  fe  trouve  pas  dans  les 
Alpes;  c'eft  lui  qui  appelle  les  poules  de  fon  efpece  par  un  cri 
iïngulier  que  les  Allemands  appellent  yi/{e/2  :  la  Nature  fait  obéir  ces 
poules  à  la  voix  de  leur  fultan,  &  les  réunit  au  pied  de  fon  arbre. 
Le  birckhahn  fe  trouve  fur  les  Alpes,  il  y  porte  le  nom  de  faifan;  il 
eft  noir  comme  Vauerhahn ,  avec  les  yeux  entourés  d'une  peau  de 
couleur  d'écarlate  :  fa  taille  eft  fort  inférieure  à  celle  de  Xauerhahn  : 
il  fe  plaît  dans  les  pierrailles  couvertes  de  rhodendros  Se  de  vitis  Idcea 
foUis  exalbidis.  Nous  nous  contenterons  de  décrire  ici  le  coq  des 
bruyères  ;  à  l'égard  du  coq  des  bois  d'' Amérique  ,  voyez  gelinote  dti 
Canada. 

Le  Coq  des  Bruyères  ,  gallus  fi/veftris ,  eft  à-peu  près  de  la  taille 
du  coq  d'Inde.  Cet  oifeau  paroît  noir  de  loin  ;  mais  lorfqu'on  le 
regarde  de  plus  près ,  on  voit  que  fes  plumes  font  entre-mélées  de 
toutes  fortes  de  couleurs.  Au-deflus  des  yeux  &  ^  autour  des  oreilles 
on  remarque  de  petites  plumes  rouges:  les  deux  ailes  aufîî  bien  que 
la  queue,  font  traverfées  d'une  bande  blanche  qui  repréfente  un  beau 
cercle  blanc  quand  l'oifeau  étale  fa  queue ,  comme  font  le  paon  6c 
le  coq  d'Inde.  On  diftingue  fur-tout  l'efpece  qui  a  la  queue  fourchue» 
Sa  femelle  eft  d'un  jaune  verdâtre. 

Le  Coq  de  bruyère ,  né  libre  &  indépendant ,  fe  plaît  beaucoup  dans 
les  bois  écartés  dont  le  terrain  eft  marécageux  &  couvrerc  de  beaucoup 
de  mou/Te.  Il  fe  nourrit  de  fruits:  parmi  Ijs  arbres  il  s  attache  principa- 
lement aux  chênes  &  aux  pins  dont  les  pommes  lui  fervent  de 
nourriture:  cependant  il  fait  choix  entre  les  pins,  &  il  dépouille  quel- 
quefois un  arbre  de  toutes  fes  pommes,  pendant  qu'il  ne  touche  pas 
à  cfclles  d'un  autre.  Le  coq  de  bruyère  n'eft  rien  moins  qu'un  oifeau 
Tome  IL  N  n 


582  COQ 

de  proie  :  c'eft  l'animal  la  plus  paifible  ;  il  n'oflfenfe  pas  le  moindre 
infede,  excepté  les  œufs  de  fourmis  qu'il  mange;  il  ne  fait  aucun 
dommage  ni  aux  champs,  ni  aux  prés. 

Les  amours  de  cet  oifeau  préfentent  un  fpedacle  aflez  curieux  & 
afTez  fîngulier.  II  commence  à  entrer  en  chaleur  vers  les  premiers 
jours  de  Février  :  cette  chaleur  fe  manifefte  dans  toute  fa  force  vers 
la  fin  de  iMars ,  &  elle  continue  jufqua  ce  que  les  feuilles  poufTent 
aux  arbres. 

Pendant  toute  cette  falfon  on  voit  ces  oifeaux  paflionnés  fe  pro- 
mener fur  un  pin  ou  fur  quelqu'autre  arbre,  dès  la  pointe  du  jour 
&  à  l'approche  du  foleil  couchant  ,  ayant  la  queue  étalée  en  rond, 
le  cou  tendu ,  la  tcte  enflée ,  &  fe  mettant  en  toutes  fortes  de 
pofturesr' extraordinaires.  Leur  cri  amoureux  eft  une  forte  explofion  , 
qui  devient  enfuite  un  fon  femblable  à  celui  d'une  faux  qu'on  aiguife  , 
&  finit  par  une  exploiion  femblable  à  la  première.  Ce  cri  cefle  & 
recommence  alternativement.  Tous  les  fens  de  cet  oifeau  font  telle- 
ment émus  dans  ces  inftans  de  pafiion,  qu'il  ne  prend  garde  à  rien; 
les  foudres  du  Chafleur  tonneroient  autour  de  lui  fans  qu'il  s'en 
apperçût  :  au  lieu  que  dans  tout  autre  temps  il  a  Fouie  fi  fubtile  , 
que  le  moindre  bruit  l'effarouche  ;  c'eft  pourquoi  on  choifit  pour  le 
tirer  le  temps  otl  il  crie,  Lorfqu'il  a  fini  ce  fingulier  ramage,  un  Chaf- 
feur  habile  fe  garde  bien  de  faire  aucun  bruit,  parce  qu'alors  il  entend 
très-clair  &  fait  attention  à  tout. 

Chaque  coq  de  bruyère  pendant  fa  chaleur,  fe  tient  dans  un  certain 
canton  d'où  il  ne  fort  point;  &  fouvent  dans  les  forêts  ils  fe  trouvent 
fi  près  les  uns  des  autres ,  que  d'un  même  endroit  on  en  entend  plu- 
fieurs  à  la  fois.  Le  coq  eft  d'abord  feul;mais  auflî-tôt  que  les  poules 
l'entendent,  elles  lui  répondent ,  s'approchent ,  fe  rangent  &  l'attendent 
fous  l'arbre.  Chaque  coq  a  plufieurs  poules  comme  le  coq  domeftique  : 
il  defcend  de  l'arbre ,  les  coche  &  féconde  leurs  œufs. 

La  poule  de  bruyère  eft  plus  petite  que  le  coq,  &  reffemble  par 
fon  plumage  à  la  perdrix.  Elle  pond  jufqu'à  huit  ou  neuf  œufs  blancs 
marquetés  de  jaune  :  elle  les  dépofe  au  milieu  de  la  moufle  dans  un 
lieu  fec.  Lorfqu'elle  eft  obligée  d'aller  chercher  fa  nourriture ,  elle 
les  recouvre  auflî  de  mouffe  &c  les  cache  de  manière  qu'on  a  bien 
de  la  peine  à  les  découvrir.  Dès  que  les  petits  font  éclos  ,  la 
snere  les  promené  dans  les  bois ,   où   ils  fe  nourrifient  d'œufs  de 

A. 


COQ  2g3 

fourmis  jufqu'à  ce  que  devenus  forts,  ils  s'accoutument  à  manger  des 
pommes  de  pin.  Quoique  ces  poules  foient  très-fécondes,  ces  oifeaux 
ne  font  pas  très-nombreux,  parce  que  les  oifeaux  de  proie ,  les  renardS' 
&  autres  animaux  en  détruifent  beaucoup. 

On  voit  quantité  de  ces  oifeaux  dans  le  nord  de  l'Angleterre  de 
de  l'Ecofle  &  dans  Ic-s  Alpes,  Il  y  en  a  de  piquetés  en  Suéde;  il  s'en 
trouve  aufli  à  Albreda  fur  la  rivière  de  Gambie  en  Afrique ,  &  qui 
font  d'une  grofTeur  monflrueufe.  On  prétend  qu'ordinairement  les  mâles 
fe  tiennent  enfemble ,  de  les  femelles  à  part.  M.  Brijfon  fait  un  genre 
particulier  du  coq  de  bruyère  qu'il  range  parmi  les  gelinotes.  Il 
y  a  auflî  le  coq  de  bruyère  à  fraife.  Voyez  Gelinots  de  Canada, 

COQ-D'INDE,  gallo-pavo,  C'eft  un  gros  oifeau  d'un  genre  différent 
de  celui  du  coq ,  &  qui  nous  a  été  apporté  des  Indes  occidentales. 
On  l'a  naturalifé  &  multiplié  dans  ce  pays-ci  au  point  qu'il  eft  devenu 
très-commun.  On  conduit  ces  oifeaux  comme  des  troupeaux  dans  les 
champs  pour  les  faire  paître, 

La  tête  &  le  cou  du  coq  d'Inde  font  recouverts  d'une  peau  qui 
ordinairement  eft  lâche  &  flafque,  &  peu  colorée;  mais  qui  fe  gonfle, 
s'étend  &  devient  d'un  pourpre  vif,  l3rfque  l'oifeau  eft  animé  de 
quelque  paflion  :  le  fommet  de  fa  tête  paroît  alors  de  trois  couleurs  , 
qui  font  le  blanc,  le  bleu  &  le  pourpre.  On  le  voit  auftî  marcher  avec 
la  fierté  du  paon,  &  étaler  pompeufement  fa  queue  en  roue,  d'où 
eft  venu  le  proverbe  trivial  fi&r  comme  un  coq  d'Inde.  A  proprement 
parler,  le  dindon  a  deux  queues;  l'une  fupérieure,  &  l'autre  inférieure, 
la  première  eft  compofée  de  dix-huit  grandes  plumes  implantées 
autour  du  croupion,  &  que  l'animal  relevé  lorfqu'il  piaffe  ;  la  féconde 
ou  l'inférieure  confifte  en  d'autres  plumes  moins  grandes,  &  refte 
toujours  dans  la  lituarion  horizontale. 

Cet  oifeau  a  un  appendice  charnu  &  rouge ,  qui  lui  tombe  de  deflus 
le  bec  &  defcendd'un  pouce  plus  bas:  lorfqu'il  mange,  cet  appendice 
fe  raccourcit  beaucoup.  Le  coq  d'Inde  n'a  pas  d'éperons  aux  jambes. 
Quand  les  mâles  font  un  peu  âgés ,  on  les  diftingue  des  femelles 
par  un  petit  bouquet  de  crins  femblables  à  de  la  foie  de  cochon  & 
qui  fe  trouve  fous  la  gorge.  Les  femelles  que  l'on  nomme  poules 
d'Inde ,  ont  dans  le  même  enJroit  un  petit  morceau  de  chair  fan» 
crin. 

Les  dindons  ontdifférens  tons,  différentes  inflexions  de  voix,feÎQft 

N  0*2 


2^4  COQ 

rage,  le  fexe  &  fuivant  les  pafTions  qu'ils  veulent  exprimer;  îeur 
démarche  eft  lente,  leur  vol  efl:  pefant;  ils  boivent,  mangent,  avalent 
de  petits  caillous  ,  &  digèrent  à-peu-près  comme  les  coqs ,  &  comme 
eux  ils  ont  un  double  eftomac  ,  c'eft-à-dire ,  un  jabot  &  un  géfier  y 
mais  comme  ils  font  plus  gros ,  les  mufcles  de  leur  géfier  ont  aufli 
plus  de  force. 

Les  coqs  d'Inde  varient  pour  la  couleur.  II  y  en  a  dont  les  plumes 
font  noires  ,  avec  urt  peu  de  blanc  à  l'extrémité  j  d'autres  font  gri- 
sâtres -y  d'autres  d'un  gris  un  peu  rougeâtre.  Nous  en  avons  vu  un 
grand  nombre  de  tout  blancs ,  tant  mâles  que  femelles  à  l'ile  Adam, 
chez  S.  A,  S.  M^^  le  Prince  de  Conti.  On  fait  que  ces  oifeaux  ont 
une  antipathie  finguliere  pour  la  couleur  rouge  ,  dont  la  vue  les  fait 
prefque  entrer  en  fureur  t  en  effet ,  ils  s'irritent  à  la  vue  d'un  habrt 
rouge,  deviennent  furieux,  s'élancent  ,  attaquent  à  coups  de  bec, 
&  font  tous  leurs  efforts  pour  éloigner  un  objet  dont  la  préfence 
femble  leur  être  infupportable  ;  &  s'ils  fe  croient  vidorieux  ,  ils  font 
auffi  la  roue.  La  guerre  que  les  coqs  d'Inde  fe  livrent  entr'eux ,  efl 
bien  moins  violente  que  celle  de  nos  coqs  de  bafle-cour  ;  le  vaincu 
ne  cède  pas  toujours  le  champ  de  bataille;  quelquefois  même  il  eft 
préféré  par  les  femelles  :  on  a  remarqué  qu'un  dindon  blanc  ayant  été- 
battu  par  un  dindon  noir  ,  prefque  tous  les  dindonneaux  de  la  couvée 
furent  blancs.  L'accouplement  des  dindons  fe  fait  à-peu-près  de  la 
même  manière  que  celui  des  coqs ,  mais  il  dure  plus  long  -  temps  j 
&  c'efl  peut-être  par  cette  raifon  qu'il  faut  moins  de  femelles  au  mâle,, 
&  qu'il  s'ufe  beaucoup  plus  vite. 

Les  poules  d'Inde  font  deux  pontes  tous  les  ans  ;  Tune  en  Février 
5c  l'autre  au  mois  d'Août  :  chaque  ponte  efl  de  quinze  oeufs  ;  une 
poule  en  peut  couver  à  la  fois  vingt  à  vingt  -  cinq.  Ces  œufs  forit 
blancs ,  parfemés  de  petites  marques  rougeâtres  mêlées  de  jaune» 
Quoique  cet  oifeau  fe  foit  très  -  bien  habitué  à  notre  climat  ,  les 
petits  ou  dindonneaux  font  délicats  à  élever  dans  leur  première 
jeunefTe  ;  mais  lorfque  ce  temps  critique  efl  pafTé ,  ils  deviennent 
fort  vigoureux  ,  fupportent  très  -  bien  le  froid  ;  &  même  c'efl  dans 
le  temps  des  gelées  que  les  dindons  engrailTent  le  plus  :  ils  fuppoxr 
tent  à  merveille  en  plein  air  ,   le  froid  &  les  frimats» 

Une  Fermière  intelligente  nous  a  dit  avoir  obfervé  que  fefpece 
lies  dindons  grisâtres  efl  la  plus  robufle.  Elle  a  employé  avec  fuccès 


COQ  28; 

îa  méthode  de  les  plonger  dans  l'eau  à  l'inftant  de  leur  naiiïance  : 
leur  tempérament  en  eft  devenu  plus  fort ,  plus  en  état  de  fupporter 
les  intempéries  des  faifons  ;  &  elle  les  a  toujours  élevés  avec  la  plus 
grande  facilité.  Dans  les  premiers  jours  on  nourrit  les  dindonneaux 
avec  du  pain  &  du  vin  ou  du  cidre  ,  &  enfuite  avec  une  pâte  de 
farine  &  d'orties  hachées  ;  lorfqu'ils  ont  un  mois  on  peut  les  mener 
paître  aux  champs.  Il  faut  avoir  foin  de  les  mener  boire ,  fur-tout 
dans  le  temps  des  grandes  chaleurs. 

Lorfqu'on  voit  les  dindonneaux  un  peu  languifïàns ,  il  faut  leur 
faire  boire  un  peu  de  vin  ,  &  leur  faire  avaler  aufli  un  grain  de 
poivre  ;  il  ne  faut  pas  manquer  de  les  vifiter  de  temps  en  temps , 
&  de  leur  percer  les  petites  veflies  ,  qui  leur  viennent  fous  la 
langue  &  autour  du  croupion,  &  de  leur  donner  de  l'eau  de  rouille; 
on  confeille  même  de  leur  laver  la  tête  avec  cette  eau  pour  prévenir 
certaines  maladies  auxquelles  ils  font  fujets;  mais  il  faut  avoir  foin 
de  les  bien  elTuyer  &  de  les  fécher  exadement  ;  car  on  fait  combien 
toute  humidité  eft  contraire  aux  dindons  du  premier  âge. 

Il  y  a  des  Provinces  où  on  chaponne  les  coqs  d'Inde ,  &  où  on 
les  engraifle  en  leur  faifant  avaler  de  la  pâtée  faite  d'orties ,  de  fon 
Se  d'œufs.  Il  eft  rare  que  Ton  foumette  les  dindonneaux  à  la 
caftration  ,  comme  les  poulets  ;  ils  engraiffent  fort  bien  fans  cela  , 
&  leur  chair  n'en  eft  pas  moins  bonne  ;  nouvelle  preuve  qu'ils  font 
d'un  tempérament   moins  chaud  que  les  coqs  ordinaires. 

On  connoît  encore  plufieurs  efpeces  de  coqs  d'Inde  ,  celui  qui 
porte  une  hupe  blanche ,  &  celui  du  Eréfil  dont  le  bec  &  les  ongles 
font  noirs  &  les  pieds  d'un  beau  rouge. 

On  voit  à  la  Louifiane  beaucoup  de  coqs  d'Inde  ou  dindons  fau- 
vages  :  ils  ont  la  torme  des  nôtres  ,  mais  ils  font  plus  gros  leur 
plumage  eft  d'un  gris  de  maure ,  bordé  d'un  filet  doré  ,  ce  qui  les 
rend  plus  beaux.  Lorfque  les  naturels  du  pays  veulent  aller  à  la 
chafle  de  ces  oifeaux ,  ils  vont  aux  endroits  où  il  y  a  le  plus  d'orties. 
Ils  font  chafler  leurs  chiens  :  les  dindons  s'échappent  d'abord  en 
courant  fort  vite  ;  mais  loifqulls  font  près  d'être  atteints  &  faifis 
par  la  gueule  des  chiens ,  ils  vont  fe  percher  fur  des  branches  d'ar- 
bres ;  alors  les  chafleurs  peuvent  tourner  tout  autour ,  &  les  tuer 
l'un  après  l'autre  fans  qu'aucun  s'envole.  Les  naturels  du  pays 
^relTent  les  petites  plumes  de  ces  oifeaux  pour   fe   faire  des  mantes 


2^6  C  OQ 

pour  riiiver.   Ils  fe  fervent   de  la  queue  pour  faire  des  éventails  U 
des  parafols. 

COQ  DE  BANTx^M.  Ceft  une  efpece  de  petit  coq  tout-à-fait 
hardi  &  courageux ,  &  qui  ne  craint  point  Tennemi  le  plus  redou- 
table ;  il  combat  même  contre  des  chiens  &  des  chats.  Ses  plumes 
font  d*une  belle  couleur  orangée  :  la  poitrine  ,  le  ventre  &  les  cuiiTcs 
font  noires.  Le  long  des  cuifies  on  remarque  des  plumes  longues 
&  roides,  qui  paflent  les  genoux  de  deux  pouces  ,  &  qu'on  appelle 
hottes»  Ces  oifeaux  font  originaires  de  Bantam  dans  les  Indes.  Voyez 
Buntame, 

COQ  DES  BOIS  &  DES  BRUYERES.  Voyez  à  la  fuite  de 
l'article   Coq, 

COQ  DE  CURASSAU  ou  COQ  INDIEN  ,  gallus  Indiens, 
Cet  oifeau  efl  fort  différent  du  coq  cT Inde  ,  quoique  ces  noms 
paroiflent  fynonimes.  On  auroit  mieux  fait  de  Tappeller  coq  de  Perfe^ 
du  nom  du  lieu  où  il  fe  trouve  :  on  en  voit  aulli  en  Afrique  où  il 
efl:  appelle  ano.  Il  fe  trouve  encore  dans  les  Indes  Occidentales  , 
&:  il  y  porte  le  nom  de  mitu-pouranaa.  Cet  oifeau  n'eft  que  de  la  grandeur 
d*un  médiocre  poulet  d'Inde  :  fon  plumage  efl:  noir  ,  mêlé  de  quel* 
qu'autre  teinte  de  couleur.  On  le  diflingue  aifément  du  coq  d'Inde 
par  fa  tête  furmontée  d'un  panache  ,  qui  s'étend  depuis  le  bec 
jufqu'au  commencement  du  derrière  du  cou  :  ce  panache  eft  com- 
pofé  de  plumes  noires  ,  longues  de  deux  pouces  &  plus.  yoyc:i 
Us  Mémoires  de  l*AcadcmU  dus  Sciences  ,  tome  3  ,  part,  l  ,  pag,  223  , 
&c.  Voyez  auffi  l'article  Hocos, 

Les  Anglois  ont  une  efpece  de  coq  qu'ils  nomment  'coq  de  Wend" 
kover ,  &  qu'ils  dreflent  à  la  chaife  comme  un  oifeau  de  proie ,  c'ert: 
la  crejferelle.    Voyez   Querccrdle, 

Comme  les  Anglois  ont  beaucoup  de  goût  pour  le  combat  à.Qi 
coqs  ,  c'eft  fans  doute  chez  eux  que  l'on  doit  voir  les  plus  belles 
cfpeces  ,  &  que  même  cet  oifeau  peut  fe  perfectionner  par  le  mélange 
des  races.  Auflî  les  Négocians  A^ngh  is  font-ils  venir  de  Hambourg, 
des  coqs  furnommés  du  lieu  coqs  de  Hambourg,  Ils  portent  leur  queue 
en  quelque  façon  comme  les  coqs  d'Inde.  Ces  coqs  ont  un  air  ma- 
jeftueux  ,  un  riche  plumage  :  les  cuiifes  &  le  bas  de  leur  ventre 
font  d'un  noir  velouté  j  ce  qui  leur  a  fait  donner  aufli  le  nom  de 
culoti  di  velours» 


COQ  2S7 

COQ  DES  JARDINS  ou  GRAND  BAUME,  coftus  hortorum. 
Cette  plante  ,  connue  aufii  fous  le  nom  d'herh  du  coq ,  eft  cultivée 
dans  les  jardins.  Tourne/on  la  regarde  comme  une  tanaijie ,  tanacaum 
honenfe  ,  foliis  &  odore  menthœ  ;  d'autres  la  nomment  mmthe,  -  coq  , 
parce  que  Tes  racines  fibreufes  refTemblent  à  celles  de  la  menthe.  Ses 
tiges  font  cannelées  ,  velues  ,  rameufes ,  pâles  ôc  hautes  de  deux 
pieds;  fes feuilles  oblongues,  dentelées  en  leurs  bords.  Ses  fleurs  font 
jaunâtres  :  elles  naiffent  comme  celles  de  la  tanaifie  en  bouquets , 
au  fommet  des  branches  ;  il  leur  fuccede  des  femences  menues  &  fans 
aigrettes.  Cette  plante  a  une  odeur  forte  &  aromatique  :  elle  eft 
alexipharmaque  ,  vermifuge  &  propre  à  exciter  les  mois  aux  femmes; 
elle  eft  la  bafe  d'une  huile  par  infufion  ,  appellée  à  Paris  huile  de 
baume ,  remède  populaire  &:  domeftique  des  plaies  &  des  cbntufions. 
On  en  mettoit   autrefois  dans  les  fauces  pour  en  relever  le  goût, 

COQ  DE  MARAIS.  Voyei  Feancolin. 

COQ   MERDEUX.   Voyez  à  l'article  Huppe, 

COQ  DES  ROCHES.  Très  -  bel  oifeau ,  qui  fe  trouve  dans  la 
Guiane  ,  c'eft  le  rupicola  de  M.  Briflbn.  M.  Linnceus  lui  donne  le 
même  nom  latin  en  le  rangeant  dans  un  genre  d'oifeau  qu'il  appelle 
■  pipra. 

Cet  oifeau  eft  un  peu  plus  petit  que  le  pigeon  commun.  Son  bec 
eft  d'un  jaune  clair  ^  à  peu-près  fait  comme  celui  du  coq  ordinaire. 
Les  narines  un  peu  ovales  ,  grandes  &  cachées  fous  les  plumes 
antérieures  de  la  huppe  dont  ce  magnifique  oifeau  eft  paré.  Tout  le 
plumage  eft  ,  tant  en  deffus  qu'en  delfous  ,  d'une  belle  &  éclatante 
couleur  d'orange ,  feulement  plus  claire  fous  le  bec.  Les  belles 
plumes  de  la  huppe  qui  forment  un  croiflant  ,  font  auiîî  couleur 
"de  feu  :  elles  paroiffent  comme  aplaties  fur  les  côtés,  élevées  d'en- 
viron un  pouce  &  demi  ;  au  haut  des  plumes  de  cette  huppe  fe 
voit  une  bandelette  étroite  qui  court  en  rond  ,  &  d'un  beau 
-pourpre,  ce  qui  donne  à  Toifeau  un  afped  fuperbe.  Aufti  ^^rr^re, 
qui  eft  le  premier  nomenclateur  de  cet  oifeau,  le  défigne-t-il  ptir 
cette  phrafe  :  gallus  férus  ,  faxaiilis  ,  croceus ,  crljiam  e  plumis  conf- 
truclam  gerens.  (  Effai  fur  l'Hiftoire  Naturelle  de  la  France  équinoxiale, 
Paris,  174-9.  ^'°*)  Les  groftes  plumes  inférieures  des  ailes  font  d'un 
noir  pâle ,  tachetées  de  blanc  vers  le  milieu.  Les  plumes  des  côtés 
intérieurs,  au  bout  dé  4a  premtere-^grôfTe  plume,  diminuent  tout- à 


2.^î  COQ 

coup  de  leur  largeur,  de  façon  que  la  penne  y  paroît  au  boue 
comme  nue  &  fans  plumes,  ce  qui  eft  fort  remarquable  dans  cet 
oifeau.  Les  grolfes  plumes  fuivantes  font  auiîi  d'un  noir  pâle  ;  du 
côté  extérieur  ,  de  couleur  d'orange  ,  &  aux  extrémités  d'un  blanc 
reflétant  la  couleur  de  feu.  Près  du  dos  fe  voient  quelques  plumes 
filamenteufes  ,  de  la  même  couleur  &  qui  flottent  fur  les  ailes.  On 
diflingue  peu  de  noir  dans  quelques  plumes  de  la  queue  ,  qui  toutes 
font  de  couleur  aurore,  courtes  &  comme  coupées  au  bout.  Les 
jambes  font  courtes  &  les  cuifles  font  couvertes  jufquau  genou 
par  les  plumes  du  ventre  :  les  pieds  qui  font  jaunes  ainfi  que  les 
doigts  &  les  ferres  ,  ont  trois  doigts  devant  &  un  derrière.  Les  ongles 
font  crochus  &  larges.  M.  Brijfon  dit  que  le  doigt  du  milieu  des 
trois  antérieurs  efl:  adhérent  au  doigt  extérieur  ,  jufqu  à  la  troifiemfr 
articulation  ,  &  au  doigt  intérieur  ,  jufqu  à  la  premierç  jointure.  Le 
coq  des  bois  n'a  point  d'ergots.  Le  coq  de  roche  fe  trouve  dans  le 
pays  de  Surinam  &  de  toute  la    Guiane. 

COQUALLIN.  Animal  quadrupède  qui  ne  fe  trouve  que  dans  les 
parties  méridionales  de  l'Amérique,  Il  a  été  regardé  par  quelques- 
uns  comme  une  efpece  àikureuïl  ;  mais  il  ne  reifemble  à  ce  dernier 
que  par  la  figure  &  le  panache  de  la  queue  ,  &  en  diffère  par 
plufieurs  autres  caraéleres  extérieur^  ,  par  1q  naturel  &  par  les 
inœurs. 

Le  coquallin  ,  dit  M.  de.  Bufon ,  efl:  beaucoup  plus  grand  que 
l'écureuil.  C'eft  un  joli  animal  &  très-remarquable  par  fês  couleurs  ; 
il  a  le  ventre  d'un  be^u  jaune  ,  &  la  tête  aufli-bien  que  le  corps 
variés  de  blanc  ,  de  brun  ,  de  noir  &  d'orangé.  Il  fe  couvre  de  fa 
queue  comme  l'écureuil  ;  mais  il  n'a  pas  comme  lui  des  pinceaux 
de  poils  à  l'extrémité  des  oreilles.  Il  ne  monte  pas  fur  les  arbres  , 
mais  il  habite  dans  des  trous  &  fous  les  racines  des  arbres  ;  il  y 
fait  fa  bauge  &  y  élevé  fes  petits.  Il  remplit  fon  domicile  dç  grains 
&  de  fruits  pour  s'en  nourrir  pendant  l'hiver.  Il  eft  défiant  &  rufé, 
&  même  aflez  farouche  pour  ne  jamais  s'apprivoifer. 

COQUARD  ou  FAISAN  BATARD.  On  connoît  fous  ce  nom 
une  variété  du  faifan  produite  par  le  mélange  du  faifan  avec  la 
poule  ordinaire.  Le  coquard  eft  plus  petit  que  le  faifan,  il  a  ainfi 
que  lui  une  longue  queue ,  un  cercle  rouge  autour  des  yeux ,  &  fe 
rapproche  du  ço(j  ordinaire  par  les  couleurs  communes  ^  obfcures 


COQ  2S^ 

de  fon  plumage  à  qui  a  beaucoup  de  gris  plus  ou  moins  foncé  ;. 
ce  faifan  bâtard  eft  une  efpece  de  mulet  qui  ne  multiplie  point  ; 
mais  on  en  élevé  beaucoup  en  Allemagne  ,  parce  qu'ils  font  un  mets 
très  -  délicat. 

COQUE.  Les  Naturaîiftes  expriment ,  par  ce  mot ,  toute  enveloppe 
ou'  nid  de  différente  texture  &  figure ,  formé  avec  un  art  fingulier 
par  certains  infedes.  Les  matières  qui  fervent  à  la  conftrudion  de 
ces  enveloppes  font,  ou  de  foie ,  ou  de  poils ,  ou  de  poufîiere ,  ou 
d'épiderme  de  plantes  ,  de  glu  ,  &c.  diverfes  chenilles  fe  renferment 
fous  cette  coque  lorfqu'eîles  deviennent  nymphes  ou  chryfalides  ; 
d'autres  infedes  y  dépofent  leurs  œufs,  Foyc^^  h  mot  Nymphe  6* 
cduï  de.  Cocon. 

COQUELICOT.  Voyti  à  tamch  Pavot. 
^  COQUELOURDE.  Pulfanlla  folio  crafflorc  &  majore  folio.  Cette 
plante  ,  qu'on  appelle  pulfatilU  &  paffe-flmr  ,  ou  herbe  du  vent ,  eft 
naturellement  champêtre  ,  &  croît  aux  lieux  pierreux,  incultes, 
fecs  &  montagneux  :  on  en  trouve  aux  environs  de  Paris ,  fur  le 
Mont-Valérien  ;  mais  comme  fa  fleur  eft  belle  ,  on  la  cultive  aufîî 
dans  les  jardins.  Sa  racine  eft  longue ,  groffe  comme  le  petit  doigt, 
noire,  d'un  goût  acre  &  amer,  fîmple  ,  ou  divifée  en  plufieurs 
têtes ,  chevelue  au  collet.  Elle  poufie  des  feuilles  attachées  à  des 
côtes  longues ,  fort  velues.  Les  feuilles  relTemblent ,  par  leur  décou- 
pure &  leurs  poils  à  celles  du  panais  fauvage.  Il  s'élève  d'entr'elles 
une  tige  haute  d'environ  neuf  à  dix  pouces,  ronde,  creufe  &  velue  ^ 
fon  fommet  foutient  une  feule  fleur  à  fix  grandes  feuilles  oblon«- 
gués ,  pointues ,  difpofées  en  rofe  ,  velues  en  dehors ,  glabres  en 
dedans.  Cette  fleur  paroît  communément  à  la  fin  de  Mars  ;  les 
Anglois  l'ont  nommée ,  par  cette  raifon ,  the  Pafque-fiower ,  fleur  de 
Pâques.  Sa  couleur  varie  fuivant  l'expofition  du  lieu  où  tWo,  croît  : 
elle  eft  un  peu  colorée  de  pourpre  clair  lorfqu'elle  vient  à  l'ombre  ; 
mais  quand  la  plante  vient  à  l'expcfition  dufoleil,  la  fleur  eft  d'une 
belle  couleur  de  violette.  Le  piftil  de  la  fleur  fe  change  en  un  fruit 
formé  en  manière  de  tête  arrondie,  chevelue,  compofée  deplufieurs 
femences  ,  qui  finijffent  par  une  queue  barbue  comme  une  plume. 
M.  Haller  dit  qu'il  y  a  plufieurs  belles  efpeces  de  coquelourde 
aux  Alpes  ;  elles  font  blanches ,  jaunes ,  &  pourprées  ,  avec  un  ve- 
louté doré. 

Tome  IL  O  0 


■2S)o  COQ 

La  coquelourde  eft  inficive  &  vulnéraire  ,  propre  contre  les  ma^ 
ladies  foporeufes  :  fes  feuilles  fraîches  ou  deflechées  &  mifes  dans  îe 
nez  ,  font  fternutatoires.  Les  Maréchaux  s'en  fervent  pour  déterger 
&  incarner  les  vieux  ulcères.  Le  peuple  en  applique  les  feuilles  pilées 
aux  poignets  ou  à  la  plante  des  pieds  ,  où  elles  font  l'effet  d'un 
petit  véficatoire  qui  guérit  fouvent  les  fièvres,  La  coquelourde  des 
Jardiniers    efl;  la  couqudourdc.  Voyez  ce  mot. 

COQUERELLE  ou  COQUERET.   Voyc^  Alkekenge. 

COQUES  DU  LEVANT  ,  coccl  Orientales,  Ce  font  de  petits 
fruits  ou  des  baies ,  grofles  comme  de  gros  pois  ,  fphériques ,  d'un 
brun  noirâtre  ,  qu'on  nous  envoie  feches  des  Indes  Orientales  :  elles 
contiennent  chacune  une  femence  jaunâtre  plus  ou  moins  friable  , 
mais  très-fufceptible  de  l'attaque  du  ver  ;  ce  qui  fait  qu'en  vieil- 
liffant ,  elles  font  prefque  toujours  vermoulues  ,  &  qu'elles  de- 
viennent de  plus  en  plus  vides  &  fort  légères.  Dans  le  commerce  y 
on  les^tiroiive  toujours  avec  une  petite  queue  ;  mais  on  ignore 
précifément  à  quelle  efpece  de  plante  ce  fruit  appartient.  Quelques- 
uns  ,  félon  Lémery  ,  prétendent  que  c'eft  à  une  efpece  de  clématite^ 
les  autres  à  un  tithymak  ou  à  un  folanum  d'Egypte;  peut-être 
appartient-il  à  cet  arbre  fingulier  dont  nous  avons  parlé  ,  fous  le 
nom  à! arbre  à  enivrer  les  poijfons.  Quoi  qu'il  en  foit,  on  s'en  fert 
comme  de  la  graine  de  ftaphis- aigre  pour  faire  mourir  les  poux:  l'expé- 
rience a  aufli  appris  que  les  coques  du  Levant ,  réduites  en  pâte  &  mê- 
lées avec  du  pain  ,  étoient  propres  pour  enivrer  &  endormir  tellement 
les  poiflbns  qui  en  avoient  mangé  ,  qu'ils  paroifîent  com.me  morts 
&  faciles  à  prendre.  Moyen  sûr ,  s'il  en  eft  un  ,  de  fe  procurer 
une  pêche  abondante  ,  heureufe  &  facile.  Mais  comme  on  a  reconnu 
que  la  chair  du  poiflbn  ,  péché  par  cette  méthode,  étoit  dangereufe, 
on  décerna  ,  dans  le  (lecle  dernier  ,  des  peines  pécuniaires  ,  &:  même 
afflidives  en  cas  de  récidive  ,  contre  ceux  qui  uferoient  à  l'avenir  de 
cette  méthode. 

COQUILLAGE  ,  conchylium.  Ver  teflacée  ,  dont  le  corps  efl 
mou  ,  fans  articulation  fenfible  ,  &  recouvert  ,  en  tout  ou  en 
partie ,  d'une  enveloppe  de  fubftance  dure  ,  de  nature  crétacée , 
que  l'on  nomme  coquille  ;  fubftance  foluble  avec  effervefcence  dans 
les  acides,  &  à  laquelle  l'animal  eft  attaché  par  plufieurs  mufcles. 
C'eft  elle  qui  le  garantit  du  choc  des  corps  étrangers ,  &  il  s'y  retire 


COQ  2i?i 

au  moindre  danger.  Nous  diibns  que  l'animal  n'eft  attaché ,  dans 
rintérieur  de  fa  coquille  ,  que  par  un  ou  deux  mufcles  ,  ou  au 
plus  quatre  ;  en  quoi  il  diffère  des  cruftacées  &  des  infeâes ,  qui 
en  ont  une  grande  quantité  répandue  fur  toute   la  furface  interne. 

Si  quelque  chofe  peut  nous  donner  lieu  d'admirer  comment  la 
Nature  parvient  à  fes  fins  par  des  moyens  difïerens  ,  c'efl  de  voir 
que  dans  les  animaux  ordinaires  ,  tels  que  les  oifeaux ,  les  quadru- 
pèdes ,  les  poiflbns  ,  les  reptiles  ,  &c.  les  os  font  recouverts  de 
mufcles  &  de  chairs ,  auxquels  ils  fervent  de  point  d'appui  ;  ici  la 
coquille  ,  qu'on  peut  regarder  comme  l'os  de  l'animal ,  puifqu'eile 
en  fait  les  fondions  en  fervant  de  bafe  &  d'appui ,  enveloppe  au 
contraire  les  mufcles  &  la  chair. 

Tous  les  coquillages  ont  une  reffemblance  générale  ;  la  figure  & 
le  nombre  des  parties  ,  qui  compofent  l'animal  &  la  coquille ,  mettent 
entr*eux  de  grandes  différences.  Les  parties  de  l'animal  qui  font 
extérieures,  que  la  vue  &  le  toucher  font  appercevoir  &  recon- 
noître  facilement,  font  au  nombre  de  vingt  :  elles  ne  fe  trouvent 
cependant  pas  toutes  réunies  dans  toutes  ces  fortes  d'animaux.  Les 
parties  de  la  coquille  &  qui  ne  font  pas  toutes  eflentielles  à  chaque 
coquillage ,  font  au  nombre  de  dix.  Nous  rapprocherons  tous  ces 
détails  fous  un  même  point  de  vue. 

i 

Dijllnciion  des  Coquilles, 

M,  Adanfon  ,  qui  s'efl  autant  &  peut-être  plus  attaché  à  donner 
la  defcription  des  animaux  logés  dans  les  coquilles  ,  que  celle  de 
leurs  robes  ou  des  coquilles  elles-mêmes,  diftingue  quatre  ordres 
de  coquilles  ;  i°.  celles  d'une  feule  pièce,  qui  font  les  univalves ; 
2°.  celles  qui  font  compofées  de  deux  pièces  inégales  en  grandeur, 
.&  fouvent  de  nature  différente  ,  dont  l'une  efl  plate  &  fert  d'o- 
percule ;  ce  font  les  coquilles  operculées  :  3°.  celles  dont  les  deux 
pièces  que  Ton  nomme  battans  ,  font  à-peu-peu  égales  ;  elles  font 
nommées  coquilles  bivalves  :  /^.  celles  qui  font  formées  par  Taflem- 
blage  de  plufîeurs  pièces  ordinairement  inégales  ,  qui  font  les  coquilles 
multivalves, 

M.  d' Argenville ,  qui  dit  fonder  fon  fyflême  des  coquilles  fur  des 
obfervations  comparées  &  redifiées  d'après  ce  qu'en  ont  dit  Anfîote , 
Pline  ,  Diofcoride  ,  Aldrovande  ,  Gefner  ,    Jonjîon  ,    Rondelet ,  Belon^ 

O  O  2 


:2jP2  coq 

Lijicr  ,  Rumphius  ,  Bonanni  ,  Langius  ,  &c.  s'eft  attaché  à  confidére? 
le  coquillage  par  Textérieur  ,  &  l'enveloppe  ,  ce  qui  ne  comprend 
que  la  robe  de  l'animal  ou  coquille.  En  conféquence  ,  il  a  divifé 
les  coquilles  en  celles  de  mer  ,  celles  d*eau  douce  &  celles  de  terre. 
Voici  le  fyftême  de  ce  Naturalifte  :  trois  clafTes  contiennent  les  di- 
verfes  coquilles;  il  les  divife,  i°,  en  univalves  ,  2.^,  en  bivalves ^ 
3*^,  en  multivalves. 

La  première  "cîafTe  comprend  quinze  familles  ou  genres  :  favoir  , 
les  Upas  ,  VorcilU  de  mer ,  les  vermijjcaux  ou  coquilles  en  tuyaux  , 
les  nautiles  ,  les  limaçons  à  bouche  ronde;  ceux  c\\n  \ ont  demi- ronde , 
&  ceux  qui  l'ont  aplatie  ;  les  buccins  ou  trompes^  les  vis  ,  les  cornets 
ou  volutes  5  les  cylindres  ou  riiombes  ,  les  murex  ou  rochers  ,  les 
pourpres  ,     les  tonnes  Se  les  porcelaines. 

La  deuxième  claiî'e  fournit  fix  genres  ou  familles  ;  favoir ,  les 
huîtres  ,  les  cames  ,  les  moules  ,  les  cœurs  ou  bucardites  ,  les  peignes 
&  pétoncles  ,  &  l^^s  folen  ou  couteliers,  (Les  couteliers  ne  font  qu'un 
fous-genre  de  la  famille  des  tellines  ,  qui  doit  être  la  fîxieme  des 
bivalves,  ) 

La  troifïeme  claife  ,  dont  il  a  aullî  formé  fix  familles ,  renferme 
les  ourjins ,  les  glands ,  les  poujje  pieds  ,  les  conques  anatifercs ,  les 
pholades  &  ïofcabrion.  Nous  ne  formerions  volontiers  des  pouffe-pieds 
&  conques  anatiferes  que  deux  fous-genres  de  la  même  famille  ,  & 
nous  propoferions  pour  fîxieme  famille  des  tuyaux  de  mer  multi- 
valves, tel  que  le  taret. 

Pour  ce  qui  regarde  les  coquillages  fluviatiles  ,  M.  £Argenville 
les  divife  en  deux  clafles ,  en  univalves  &  en  bivalves.  On  ne  connoît 
dans  les  univalves  fluviatiles  que  fix  familles  ,  favoir ,  les  Upas ,  les 
plan'orbis  ,  les  limaçons  ,  les  buccins  ,  les  tonnes  ôc  les  vis.  Les  bi- 
valves fluviatiles  n'offrent  que  des  cames  ,  des  moules  &  des  tellines» 
Il  diflingue  les  coquillages  terreftres  en  vivans  &  en  morts  ;  les  vivans 
font  toujours  univalves  ,  &  ne  comprennent  que  les  limaçons ,  les 
yis  &  les  buccins  ;  la  robe  de  ces  limaçons  eft  fort  variée  ;  ceux 
qui  font  morts  ,  font  nommés  fofïîles  ;  dans  les  coquilles  fofliles  on  en 
trouve  de  marines ,  de  fluviatiles  &  de  terreftres  ,  &  qui  comprennent 
les  trois  claffes  ,  d'univalves ,  de  bivalves  &  de  multivalves:  Par  cette 
diviiion ,  qui  plaît  à  beaucoup  d'amateurs  ,  on  voit  que  la  mer ,  les 
eaux   douces   &  la  -i^rre   jiourrifTent    des   coquillages    diifçrens  , 


COQ  2^5 

dont  les   organes  font  appropriés    à   la  nature  de  chacun  de   ces 
élémens. 

Il  y  a  des  Naturalifles  qui  diftinguent  feulement  les  coquilles  en 
littorales  &  en  pélagiaims  :  les  premières  fe  trouvent  fur  les  bords  de 
la  mer  ou  à  des  profondeurs  médiocres.  Les  pélagiennes ,  au  contraire, 
fe  produifent  au  plus  profond  de  la  mer  :  de  -  là  vient  que  l'on  ne 
trouve  prefque  jamais  les  analogues  de  ces  efpeces  dans  l'état  de  fof- 
fïles ,  c'eft-à-dire ,  les  coquilles  foffiles  dans  leur  état  naturel. 
'  Comme  la  coquille  eft  ce  qui  frappe  d'abord  la  vue  ,  examinons- 
la  ,  d'après  M.  Adunfon  ,  pour  en  connoître  les  parties. 

Définition  des  parties  externes  &  internes  des  Coquillages, 

On  nomme  /pires  les  tours  &  circonvolutions  que  fait  une  coquille 
en  fe  repliant  fur  elle-même  :  on  compte  les  fpires  ,  en  partant 
de  l'ouverture  de  la  coquille  ,  &  en  remontant  vers  le  fommet.  Les 
fpires  ,  dans  le  plus  grand  nombre  des  coquilles  ,  vont  de  droite  à 
gauche  ,  en  fe  fuppofant  dans  la  coquille  à  la  place  de  l'animal  ; 
les  coquilles  dans  lefquelles  les  fpires  tournent  de  gauche  à  droite  , 
font  rares  ,  &  fe  nomment  uniques. 

Le  nombre  des  fpires  &  leur  figure  varient  dans  la  même  efpece , 
par  l'âge  &  par  le  fexe  :  par  ïigQ  ,  car  l'accroifiement  de  la  coquille 
fe  fait  par  l'ouverture ,  qui  s'étend  de  jour  en  jour  ,  d'où  il  fuit  né- 
cefTairement  que  le  coquillage  a  d'autant  plus  de  fpires ,  qu'il  eft 
plus  âgé  ;  par  le  fexe  ,  car  ,  fuivant  la  curieufe  obfervation  de  M. 
Adanfon  ,  on  trouve  des  coquillages  de  même  efpece  ,  tels  que 
ceux  de  la  pourpre  &  du  buccin ,  dont  les  fpires  font  plus  nombreu- 
fes ,  plus  alongées  &  plus  renflées  ;  caradere  du  mâle  :  la  coquille  de 
la  femelle  eft  plus  petite. 

Le  fommet  eft  la  partie  qui  ^fait  ordinairement  la  pointe  ,  &  tou- 
jours le  fond  même  de  la  coquille  ;  cette  partie  varie  un  peu  dans 
quelques-unes  ,  telles  que  le  lépas  ,  dans  lequel  il  y  a  à  la  place  un 
creux  comme  un  ombilic  ;  le  bouton  eft  la  pointe  du  fommet. 

La  partie  par  où  fort  l'animal ,  eft  appellée  ordinairement  bouche^ 
mais  M.  Adanfon  l'a  défignée  par  celui  Couverture  ,  afin  de  ne  point 
confondre  l'ouverture  de  la  coquille ,  avec  la  bouche  de  l'animal.  La 
figure  de  l'ouverture  varie  dans  diverfes  efpeces  de  coquillages.  L'on 
a  obfervé  que  fi  les  lèvres  ou   bords  d'une  coquille  font  tranchans  , 


■^^4;  COQ 

c(i(ï  que  ranimai  qui  l'habite  n'eft  pas  encore  parvenu  à  fa  grandeii? 
naturelle  :  avec  l'âge  ils  parviennent  prefque  tous  ,  notamment  ceux 
de  mer ,  à  former  un  léger  rebord  autour  de  la  bouche  ,  en  touc 
ou  en  partie. 

JJ opercule  efl:  une  petite  pièce  cartilagineufe  ou  pierreufe,  de  figure 
variable  ,  qui  eft  attachée  au  corps  de  l'animal.  Dans  quelques  ef- 
peces  ,  elle  ferme  exaélement  l'ouverture  :  l'animial  l'ouvre,  lorfqu'il 
veut  fortir  de  la  coquille ,  &  la  referme  au  moindre  danger  ;  mais  il 
y  a  des  coquilles  ,  telles  que  les  rouleaux  &  quelques  efpeces'de 
pourpres  ,  dont  l'opercule  ,  beaucoup  plus  petit  que  l'ouverture ,  ne 
paroît  pas  propre  à  garantir  l'animal  contre  l'attaque  des  corps  étran- 
gers. L'opercule  ,  dans  les  efpeces  de  limaçons  operculés  ,  efl  tou- 
jours fillonné  de  plufieurs  lignes  concentriques  &  parallèles  à  fes 
bords  ;  il  eft  ou  d'une  nature  crétacée  ,  opaque  ,  difl'oluble  dans  les 
acides  ,  ou  d'une  fubftance  cartilagineufe  ,  à  demi-tranfparente ,  inal- 
térable aux  acides  ;  celui  -  ci  mis  fur  le  feu  ,  répand  ordinairement 
une  odeur  forte  ,  infupportable  ,  mais  quelquefois  gracieufe.  Ces 
opercules  qui  fe  trouvent  rarement  dans  les  cabinets  avec  les  coquilles 
auxquelles  ils  appartiennent  ,  font  remarquables  par  leurs  filions 
concentriques  ,  &  différent  effentiellement  des  opercules  des  limaçons 
terreflres  ;  car  ces  premiers  naiffent  avec  l'animal  auquel  ils  font  adhé- 
rens ,  au  lieu  que  ceux  des  limaçons  terreflres  n'adhèrent  point  à 
î'animal ,  mais  font  formés  tous  les  ans  une  ou  plufieurs  fois  ,  par 
une  bave  vifqueufe  ,  fortie  du  corps  du  limaçon.  Cette  bave  fe  dur- 
cit, devient  blanche,  &:  le  garantit  de  la  grande  féchereffe  ,  occafionnée, 
foit  par  la  grande  chaleur  ,  foit  par  le  grand  froid  :  on  n'y  obferve 
point  de  rayons  concentriques  ;  elle  eft  un  peu  dilToluble  dans  les 
acides  ,  excepté  celles  de  quelques  limaçons  dont  l'opercule  refTemble 
aiTez  à  du  vélin. 

Uombilic  eft  un  trou  en  forme  de  nombril ,  dont  eft  percé  le  noyau 
de  la  coquille  univalve  à  fa  partie  fupérieure. 

On  nomme  battans ,  les  deux  pièces  des  coquillages  bivalves,  parce 
qu'elles  font  ordinairement  toutes  deux  d'une  forme  affcz  femblable , 
comme  le  font  les  deux  battans  d'une  porte.  L'endroit  où  les  muf- 
çles  du  corps  de  l'animal  étoient  attachés  ,  fe  fait  toujours  reconnoî- 
tre  dans  la  furface  interne  de  ces  battans  ,  où  l'on  voit  une,  deux 
ou  plufieurs  taches  enfoncées. 


*î^ 


COQ  2sif 

La  charnière  fe  trouve  placée  proche  des  fommets ,  accompagnée  de 
dents  qui  contiennent  les  battans  toujours  dans  la  même  place ,  ainfi 
qu'on  l'obferve  dans  la  nérite. 

Le  ligament  eft  un  corps  fpongieu-x  ,  ou  une  efpece  de  mufcie  placé 
â  la  charnière ,  &  dont  l'ufage  eft  de  fermer  &  d'ouvrir  la  coquille  : 
il  eft  en-dedans  dans  les  coquilles  qui  ne  font  point  dentées  comme 
l'huître  ;  mais  il  fe  trouve  placé  en  dehors  dans  celles  qui  le  font  : 
les  Naturaliftes  nomment  ce  ligament  gingiime. 

Les  coquilles  font  enveloppées  extérieurement  d'une  membrane  plus 
ou  moins  fine  ,  fuivant  les  efpeces  de  coquillage;  on  peut  la  nommer 
le  pcriojle  :  elle  en  fait  réellement  l'office  ,  puifqu'elle  contribue  à 
l'accroifTement  de  la  coquille  &  à  fa  confervation.  M..  Adanfon  ne 
diftingue  la  nacre ,  comme  partie  de  la  coquille ,  que  pour  faire  con- 
noître  par  ce  titre  ,  quelles  font  celles  qui  en  portent ,  celles  qui  n'en 
portent  pas ,  &  enfin  celles  dont  la  fubftance  tient  le  milieu  entre  la 
nacre  &  la  nature  ordinaire  des  coquilles.  Après  cette  légère  defcrip- 
tion  des  parties  de  la  coquille,  paffons  à  celle  de  l'animal. 

Suivant  les  excellentes  obfervations  de  Vi,  Adanfon  ,  «  entre  les  anî- 
»  maux  renfermés  dans  \qs  coquilles ,  les  uns  ont  une  tête ,  une  bou- 
»  che  ,  des  mâchoires ,  des  dents ,  des  cornes  ,  des  yeux  ,  un  cou  , 
»  un  manteau  ,  un  pied  ,  des  trachées  ,  des  ouies  ,  un  anus  &  un 
»  corps  ;  d'autres  ont  toutes  ces  parties ,  excepté  les  yeux ,  les  cornes 
»  &  le  manteau  ;  d'autres  enfin  n'ont  que  le  manteau ,  les  trachées  , 
y>  les  ouies ,  la  bouche  ,  l'anus  &  quelquefois  le  pied.  De-là  ,  deux 
»  divifions  générales  des  coquillages  en  limaçons  &  en  conques  ;  de-là» 
»  la  fubdivifion  des  limaçons  en  univalves  &  en  operculés  ,-&  celle 
»  des  conques  en  bivalves  &  en  multivalves». 

On  obferve  d'abord ,  dans  les  limaçons  ,  à  la  partie  fup.érieure  du 
corps,  une  éminence  ronde  &  charnue  ,  dans  laquelle  Swammcrdani 
a  découvert  un  cerveau  compofé  de  deux  parties  globuleufes  ;  ainfii 
on  donne  à  cette  éminence  ,  le  nom  de  tête  :  dans  les  conques  ,  telles 
que  l'huître  ,  on  ne  peut  Tappercevoir.  Les  cornes  font  des  tuyaux 
mobiles,  qui  ne  fe  trouvent  que  dans  les  limaçons ,  &  même  pas  dans 
tous  :  elles  ne  font  jamais  moins  de  deux ,  ni  jamais  plus  de  quatre  ; 
leur  ftruélure  varie  dans  diverfes  efpeces  de  coquillages,  D^ins  le  genre 
du  limaçon  terrefti-e  ,  c'eft ,  félon  les  obfervations  de  Svjammerdam  , 
le  nerf  optique  lui-même ,  fous  la  forme  d'un  tuyau  creux ,  qui   a  la 


2.^6  COQ 

propriété  de  fe  développer  ,  d'élever  jufqu'à  Ton  extrémité,  wne  efpece 
de  bulbe  qui  eft  l'œ//  de  l'animal.  Il  a  obfervé  que  cet  œil  eft  recou- 
vert imérieurement  d'une  tunique  qu'il  appelle  uvée  ;  dans  l'intérieur, 
il  a  diftingué  trois  humeurs  ;  favoir  ,    Vaqusufe  ,    la    criflallinc  &  la 
vitrée.   Malgré  tant  d'appareil  ,  le  fens   de  la  vue  paroît  très  -  obtus 
dans  ces  animaux  ;  cependant  c'eft  la  partie  de  l'animal  la  plus  fen- 
fîble  :  au  moindre  choc  ,  ce  nerf  eft  attiré  dans  l'intérieur  de  la  tête, 
par  le  moyen   d'un  mufcle.  La  ftrudure  de  cet  organe  eft  différente 
dans  les  autres  limaçons  ;  leurs  cornes  font  compofées  de  fibres  lon- 
gitudinales ,  entrecoupées  de  mufcles  annulaires ,  par  le  jeu  defquels 
l'animal  développe  ,  alonge   &  contradc   à  volonté  fes   cornes  ;  mais 
elles  confervent  toujours  à  l'extérieur  une  partie  de  leur  longueur, 
&  ne  rentrent  jamais  entièrement  dans  la  tête.  Leur  ufage  n'eft  point 
apparent.  Swammerdam  a  contredit  Pline  ,  qui  dit  que  les  cornes    de 
ces  limaçons  leur  fervent  à  fonder  le  terrain  où  ils  veulent  marcher, 
&".'^qiîè*'(ïes  '  ^parties  font   les  organes  les    plus   fenfibles   &    les   plus 
délicats    de    tout   le   corps    de  l'animal.    Les  limaçons   n'ont  jamais 
plus  de  deux  yeux  ;  mais  leur  pofition  varie  :  dans  quelques-uns  ils 
font  fur  le  fommet  de  deux  des  cornes  ;  dans    d'autres ,  à  la  bafe  des 
cornes  ou  au  milieu  :  quelques-uns  même  en  font  privés. 

La  bouche  5  dans  les  limaçons  ,  eft  placée  au-deflous  de  la  tête ,  & 
elle  varie  dans  les  efpeces  par  fa  grandeur  ,  fa  forme  &  fa  pofition. 
Dans  les  conques  ,  telles  que  l'huître  ,  la  bouche  eft  placée  dans 
la  partie  bafTe  de  la  coquille  ,  près  de  la  charnière  :  elle  eft 
compofée  de  quatre  feuillets  minces  &  d'un  tiflu  fibreux,  qui  abou- 
tiflent  à  l'eftomac  par  un  œfophage  fort  court.  Cette  bouche  ,  par 
fon  mouvement  continuel  ,  attire  l'eau  ,  lorfque  l'animal  ouvre  fa 
coquille.  Dans  les  limaçons ,  on  obferve  deux  mâchoires  ;  l'une  fu- 
périeure ,  l'autre  inférieure  ,  qui ,  dans  quelques-uns  ,  font  garnies 
de  petites  dents  ou  ofl'elets  cartilagineux  ,  analogues  à  la  corne  , 
très-durs  ,  quelquefois  rouges ,  &  dont  la  pointe  eft  recourbée  vers 
l'eftomac  ;  ils  ont  aufîî  une  efpece  de  langue  ;  mais  on  n'a  pu  dé- 
couvrir ces  parties  dans  les  conques.  D'après  cet  examen  ,  on  ne 
doit  plus  être  étonné  du  dégât  que  les  limaçons  font  fur  nos  fruits 
&  fur  nos  .légumes. 

Les  limaçons  carnafllers  font  ordinairement  dépourvus  de  mâchoi- 
res ;   mais  ils  ont  à  leurulace  une  efpece  de  trompe  qui  rentre  dans 

leur 


COQ  2P7 

leur  corps  à  volonté  :  elle  cH  plus  ou  moins  longue ,  percée  à  fon 
extrémité  d'un  trou  rond  ,  &  bordée  d'une  membrane  catilagineufe , 
armée  de  dents.  Ces  limaçons  carnafliers  s'attachent  fur  les  coquilla- 
ges ,  les  percent  comme  avec  une  tarriere ,  les  fucent  &  s'en  nour- 
riiTent.  Tous  les  limaçons  ont  une  efpece  de  cou  plus  ou  moins  long, 
qui  fupporte  la  tête  &  l'éloigné  du  refte  du  corps.  Les  conques  n'ont 
rien  de  femblabîe.  Le  corps  des  coquillages  eft  contourné  &  moulé 
dans  leur  coquille  :  auffi,  dans  les  limaçons  ,  eft-il  à  fpires  ,  &  dans 
les  conques  &  patelles  il  eft  plat. 

Lq pied ,  dans  les  coquillages,  eft  cet  aflTemblage  de  gros  mufcles, 
à  l'aide  duquel  &  par  un  mouvement  d'ondulation,. l'animal  fe  traîne 
de  fe  tranfporte  d'un  lieu  à  l'autre,  mais  toujours  en  gliflant;  tel  eil 
le  mouvement  progreflif  des  limaçons.  Cette  partie,  qui  varie  dans 
les  conques  ,  ne  leur  fert  point  toujours  à  ces  mêmes  ufages  :  elle  fert 
de  reflbrt  aux  tellines  pour  fauter  avec  force:  elle  n'exifte  point  dans 
quelques  genres,  tels  que  l'huître.  ï^ri^-'v.-: 

M.  Adanfon  donne  le  nom  de  manteau,  au  lieu  de  celui  ah^ collier , 
à  une  membrane  mufculeufe,  ordinairement  aflTez  mince,  qui  recouvre 
è:  ta  pille  les  parois  intérieures  de  la  coquille.  L'inconftancé  &  l'irré- 
gularité de  fa  forme,  qui  varie  fuivant  les  divers  mouvem.ens  de 
l'animal.  Ta  déterminé  à  lui  donner  ce  nom.  Dans  quelques  coquillages 
cette  membrane  environne  le  cou  de  l'animal  ;  dans  d'autres  éXz 
forme  efFedivement  une  efpece  de  manteau,  qui  enveloppe  &  recouvre 
non-feulement  le  dedans,  mais  même  le  dehors  de  la  coquille.  Dans 
l.es  conques ,  telles  que  l'huître ,  cette  membrane  fe  divife  en  deux  , 
&  recouvre  tout  le  corps  de  l'animal.  Le  principal  ufage  du  manteau 
dans  les  coquillages,  eft  d'empêcher  que  l'eau  n'entre  dans  la  coquille 
contre  la  volonté  de  l'animal,  ou  de  la  retenir  à  fon  gré.  Dans  les 
conques ,  par  exemple  ,  où  il  eft  divifé  en  deux  lobes ,  lorfque  la 
coquille  s'ouvre,  les  deux  lobés  s'appliquent  exaélement  l'un  contre 
l'autre  ;  de  manière  que  l'eau  du  dehors  ne  peut  y  entrer,  ni  celle  du 
dedans  en  fortir ,  fans  la  participation  de  l'animal. 

On  remarque  à  droite  ,  f jr  le  dos  du  limaçon ,  une  ou  deux  ouver- 
tures qui  font  des  trachées  qui  fervent  à  la  refpiration  de  l'animal. 
Un  peu  au-deiTous  de  cette  trachée,  on  voit  une  ouverture  féparés 
par  une  (impie  cloifon;  c'eft  fon  anus.  Dans  les  conques,  le  manteau 
f^it  quelquefois  deux  ouvertures,  qui  font  les  trachées  par  où  l'animal 
Tome  IL  -^  P-p 


2p8  COQ 

afpire  l'air  &  l'eau  chargée  du  limon  qui  fait  fa  nourriture.  L'air  & 
l'eau  ,  que  le  limaçon  afpire  par  fes  trachées ,  font  portés  dans  quatre 
petites  ouies ,  qui  féparent  &  filtrent  l'air  nécelfaire  pour  Fanimal.  Il 
eft  facile  d'obferver  les  ouies  dans  les  conques,  telles  que  Thuître* 
Ce  font  quatre  feuilL'ts  membraneux,  extrêmement  minces,  taillés 
en  demi-lune ,  formés  d'un  tiffu  difpofé  comme  de  petits  tuyaux 
d'orgues  très-ferrés  ;  fur  le  dos  de  chacun  de  ces  feuillets  eft  un  rang 
de  petits  trous  ovales,  par  lefquels  l'eau  entre  dans  les  tuyaux  &  les 
fait  gonfler.  Les  excrémens  des  limaçons  font  vermiculés,  contournés 
comme  de  petits  tourillons  de  corde  ou  de  fil;  au  lieu' que  ceux 
des  conques  font  en  petits  grains.  Dans  les  limaçons  ,  le  cceur  a  un 
mouvement  très-fenfible  ,  &  eft  placé  prefque  fur  la  furface  du  corps; 
au  lieu  que  dans  les  conques,  il  eft  dans  l'intérieur,  IVUlis  afTure 
avoir  apperçu  dans  l'huître  le  mouvement  de  fyftole  &  de  diaftole. 

Les  limaçons  univalves  ne  font  attachés  à  leur  coquille  que  par  un 
feul  xxiuîéi,  en  forme  de  ruban ,  adhérent  à  la  coquille,  &  qui  fe  ramifie 
dans  le  corps  de  l'animal;  les  lim.açons  operculés  font  mouvoir  leur 
opercule  à  l'aide  d'un  autre  mufcle.  Parmi  les  conques  il  y  en  a  qui, 
comme  fhuître,  n'ont  qu'un  mufcle  qui  leur  travcrfe  le  corps  pour 
s'attacher  au  milieu  des  battans  de  la  coquille ,  ou  l'on  en  voit  toujours 
rimpreflîon  ;  dans  d'autres  efpeces  il  y  en  a  plus  ou  moins,  &  placés 
diverfement,  L'ufage  de  ces  mufcles  eft  d'écarter  &  de  rapprocher  les 
battans  ,  au  gré  &  fuivant  le  befoin  de  l'animal. 

L'être  le  plus  négligé  de  la  Nature  en  apparence  a ,  ainfi  que  les 
autres,  une  organifation  merveilleufe  ;  mais  il  n'y  a  peut-être  pas 
d'endroit,  ainfi  que  le  dit  très-bien  M.  Ailanfon^  par  oii  les  coquillages 
foient  plus  bizarres  &  en  même  temps  plus  admirables,  que  par  le 
fexe.  Dans  les  uns  le  fexe  eft  diftingué  ;  on  voit  des  individus  mâles 
&  des  individus  femelles  comme  dans  la  pourpre;  dans  les  autres  le 
fexe  eft  réuni.  Ceux-ci  font  appelles  hermaphrodites. 

On  peut,  fuivant  les  curicufcs  obfcrvations  de  cet  Académicien, 
diftinguer  trois  fortes  d'hermaphrodifme  dans  les  coquillages;  i".  ci;lui 
auquel  on  n'apperçoit  aucune  des  parties  de  la  génération ,  foit  mâles, 
foit  femelles,  &  qui,  fans  aucune  efpece  d'accouplement,  produit  fon 
lemblable  ;  il  eft  particulier  aux  conques  ;  2°.  celui  qui,  réunifiant  en 
lui  les  deux  efpeces  des  parties  fexuellcs,  ne  peut  fe  faSre  à  lui- 
même,  mais  a  befoin  du  concours  de  deux  individus  qui  fe  fécondent 


COQ  5i)i> 

i'ccîproqucment  &:  en  même  temps,  l'un  fei'vant  de  mais  à  1  autre  , 
pendant  qu'il  fait  à  fon  égard  ies  fondions  de  femelle  :  cet  herma- 
phrodifme  (e  voit  dans  les  limaçons  ternfires  ;  5°.  celui  qui,  pofTédant 
les  deux  efpeces  de  parties  génitales ,  a  befoin  de  la  jonélion  de  deux 
individus ,  mais  qui  ne  peuvent  fe  féconder  en  même  temps ,  à  caufe 
de  l'eloignement  de  leurs  organes.  Cette  fituation  défavantageufe  les 
oblige  de  monter  les  uns  fur  les  autres  pendant  l'accouplement.  Si 
un  individu  fait,  à  l'égard  de  l'autre,  la  fonélion  de  mâle,  ce  mâle  ne 
peut  ctre  en  même  temps  fécondé  par  fa  femelle,  quoique  herma- 
phrodite; il  ne  le  peut  être  que  par  un  troilieme  individu  qui  fe  met 
fur  lui  vers  les  côtés  en  qualité  de  mâle.  C'eft  pour  cette  raifon  que 
l'on  voit  fou  vent  un  grand  nombre  de  ces  animaux  accouplés  en  cha- 
pelet les  uns  à  la  queue  des  autres.  Le  feul  avantage  que  cette  efpece 
d'hermaphrodites  ait  fur  les  limaçons ,  dont  le  fexe  efl:  partagé,  c'efl 
de  pouvoir  féconder,  comme  mâle,  un  fécond  individu,  &  être 
fécondé  en  même  temps ,  comme  femelle ,  par  un  troifieme' individu. 
Il  ne  leur  manqueroit  plus,  félon  les  réflexions  de  M.  Aâanfon  , 
pour  réunir  toutes  les  efpeces  d'hermaphrodifmes ,  que  d^  pouvoir  fe 
féconder  eux-mêmes,  &  être  en  même  temps  le  père  &  la  mère  du 
même  animal.  La  chofe ,  ainû  qu'il  l'obferve,  n'eft  pas  impoilible, 
puifque  plufieurs  font  pourvus  des  deux  organes  néceflaires  ;  &  peut- 
être  quelque  Obfervateur  y  découvr.ira-t-il  un  jour  cette  forte  de 
génération ,  qui  ne  doit  pas  nous  paroître  plus  étrange  que  celle  des 
conques,  des  polypes  &  de  tant  d'autres  animaux  fembîables,  qui  fe 
reproduifent  fans  accouplement  fcnfible ,  &  fans  aucun  des  organes 
requis  dans  les  autres  animaux  pour  opérer  la  génération.  Dans  les 
limaçons  dont  le  fexe  eft  partagé,  l'ouverture  de  l'organe  efl:  placée 
fur  la  droite  de  l'animal.  Dans  les  hermaphrodites  de  la  féconde 
efpece,  les  parties  mafculines  &  les  parties  féminines  font  unies 
enfemble  :  elles  ont  une  ouverture  commune  qui  fe  trouve  fur  le 
coté  droit,  à  l'origine  des  cornes.  Dans  les  hermaphrodites  de  la: 
troifiemc  efpece,  chaque  organe  a  fon  ouverture  diftinguée;  l'une  à 
l'origine  des  cornes,  &  l'autre  beaucoup  au-defTous.  Foye^  HERr-îA- 

PHRODITE. 

Les  conques  &  les  limaçons  difterent  encore  par  la  manière  de  faire 
leurs  petits.  Les  conques  font  vivipares  ,  mais  leurs  petits  font  enve- 
loppés dans  une  coquille,  qui  ell  nette  au  dehors  dans  les  efpeces  qui 

"^■--  '  P  p   2 


5  00  COQ 

changent  de  place,  mais  recouverte  d'un  gluten  dans  les  coquillages 
qui ,  comme  les  huîtres,  font  deftinés  à  refter  fixés  fur  les  lieux  où 
ils  font  collés  dès  leur  naiffance.  Quelques  limaçons  font  vivipares, 
d'autres  font  ovipares.  II  y  en  a  dont  les  œufs  font  recouverts  d'une 
croûte,  comme  celle  des  œufs  des  oifeaux  &  des  reptiles;  tels  font 
ceux  des  limaçons  terreftres.  Il  y  en  d'autres  dont  les  œufs  font  par 
paquets,  &  enveloppés  d'une  matière  gélatineufe,  comme  la  glaire 
baveufe  qui  recouvre  les  œufs  des  grenouilles  &  de  certains  poiflbns; 
tels  font  ceux  des  pourpres.  D'autres  ont  des  œufs  qui  font  des  efpeces 
de  facs  membraneux ,  fphériques  5  quelquefois  folitaires,  ordinairement 
réunis  en  maffe ,  ayant  quelque  rellemblance  aux  cellules  d'une  ruche 
à  miel,  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  favago.  Chaque  fac  contient 
plufieurs  petits  ,  qui  éclofent  dans  leur  maturité.  Arijlots  &  Rondelet 
avoient  dit  le  contraire  de  cette  production  des  coquillages,  perfuadés 
rque  tops  "^çes  animaux  dévoient  uniquement  leur  origine  au  limon  &: 
à  ia-.poliïriture.  Les  conques  font  les  coquillages  les  plus  féconds,  le 
nombre  de  leurs  petits  va  à  plufieurs  milliers:  la  fécondité  eft  beaucoup 
moindre  dans  les  limaçons  operculés ,  &  encore  moindre  dans  les 
univalves. 

Les  coquillages  ont  une  partie  dont  on  ignore  encore  fufage  ;  ce  font 
\qs  filets.  On  peut  les  obferver  le  long  du  bord  du  manteau  des 
huîtres.  Ils  paroiflent  être  de  la  même  nature  que  leurs  cornes ,  pour 
la  ftrudure  &  la  fenfibilité;  lorfqu'on  coupe,  par  exemple,  les  filets 
d'une  huître,  quoiqu'ils  n'aient  point  de  mouvement  progreflif,  ils  fe 
meuvent  avec  tant  de  vivacité ,  que  la  vue  en  eft  fatiguée. 

La  dernière  partie  des  coquillages  dont  il  nous  refte  à  parler  font  les 
fils ,  qui  font  d'une  nature  analogue  à  celle  des  cheveux  ou  des  fi-bres 
nerveufes  des  quadrupèdes.  Leur  ufage  eft  de  fixer  &  d'attacher  les 
conques  au  fond  des  eaux,  comme  l'ancre^  fixe  un  vailfeau  fur  les 
mers.  Si  on  coupe  les  fils  de  ces  animaux ,  ils  ne  tardent  pas  à  en 
pofer  d'autres  avec  leur  pied ,  qui  leur  fert  de  condudeur ,  &  par 
le  moyen  duquel  ils  fe  fixent  aux  corps  immobiles  qu'ils  rencontrent. 
Foyei  Bissus. 

Manière  dont  fiont  formées  les  Coquilles. 

D'après  la  connoiflance  organique  du  corps  de  l'animal  qui  habite 
la  coquille,  on  concevra  facilement  la  manière  dont  elle  s'eft  formée  j 


COQ  501 

des  expériences  faites  par  M.  de  Réaumur  fur  des  coquillages  de  terre, 
de  mer  ,  de  rivière  ,  le  prouvent  d'une  manière  inconteftable.  Le 
corps  de  l'animal  eft  couvert  ou  criblé  d'un  grand  nombre  de  tuyaux 
remplis  de  pores,  dans  lefquels  s'élève  la  liqueur  dont  il  fe  nourrit: 
ce  font  des  vaifleaux  qui  charient  la  liqueur  qui  eft  dépofée  dans 
les  véficules  des  membranes  ou  du  corps  fpongieux  ;  tout  s'y  pafie 
comme  dans  l'oflification  de  la  partie  membraneufe  de  nos  os.  La 
liqueur  eft  mêlée  de  parties  vifqueufes  &  calcaires  qui  fe  raflembîent 
fur  la  furface  du  corps  de  l'animal  ,  qui  s'y  étendent  fuccef- 
fivement,  s'y  épaifliffent  &  s'y  figent  en  une  efpece  d'émail  ;  de 
la  réunion  de  ces  parties  vifqueufes  ,  fe  forme  une  petite  croûte  fo- 
lide  ,  qui  eft  la  première  couche  ;  à  celle-là  s'applique  ,  par  une  fem- 
blable  opération ,  une  féconde  ,  une  troifieme  couche  ;  &  ainfi  plu- 
fieurs  autres.  Les  coquilles  croiflent  en  quelque  manière  ,  a  la  façon 
des  pierres:  la  feule  différence  eft  que  dans  les  coquilles. l'ap^plication 
de  la  nouvelle  matière  fe  fait  en  feuillets  ,  &  toujours  en  d'&fixj'us  de 
la  première  couche  ,  c'eft-à-<iire  ,  par  infra-pojîdon.  La  preuve  en  eft, 
que  fi  l'on  expofe  une  coquille  au  feu  ,  fes  couches  fe  détachent 
comme  une  pâtiiïerie  feuilletée  ,  &  l'on  apperçoit  alors  aifément  cette 
organifation.  S'il  exifte  quelque  différence  entre  la  formation  de  la 
coquille  des  conques  &  celle  des  limaçons  ,  c'eft  que  les  conques  naif- 
fent  avec  la  première  couche  de  la  coquille  déjà  toute  formée  ,  au 
lieu  que  les  limaçons  ovipares  naiflent  fous  une  coque  qui  n'eft  point 
leur  coquille ,  laquelle  eft  formée  poftérieurement  de  la  manière  dont 
nous  l'avons  décrit.  C'eft  toujours  par  l'ouverture  que  le  coquillage 
s'agrandit  par  le  même  méchanifme  ,  fans  quoi  fon  collier  refteroit 
à  nud.  L'animal  recommence  cette  opération  jufqu'à  ce  que  fon  corps 
foit  parvenu  à  fon  état  de  perfedion.  On  reconnoît  que  les  coquilles 
àQs  limaçons  font  à  leur  dernier  période  d'accroiffement  ,  lorfqu'ont 
obferve  à  l'ouverture  de  leur  coquille ,  une  efpece  de  rebord  d'une 
ligne  de  largeur  qui  tourne  en  -  dehors  ;  c'eft  ce  qu'on  nomme  lourkt^ 
(  On  trouvera  à  l'article  os  ,  des  détails  intéreffans  fur  l'efpece  d'ofli.. 
fication  des  coquilles  ,  &c.  )  La  coquille  qui  fert  de  maifon  à  ces 
animaux  ,  devient  d'autant  plus  épaifie  ,  plus  folide ,  plus  contour- 
née ou  plus  étendue ,  que  l'animal  vieillit  davantage  ,  fans  quoi  l'ani- 
mal, en  croiflant  ,  feroit  refté  nu.  Toutes  les  fois  qu'un  coquillage^ 
vivant  a  fa  robe  mutilée  ,  aulÏÏ-tôt  l'açimal  répare  la  brcche ,  ou  \s^ 


'5  0  2  COQ 

trou,  ou  la  fradure  avec  une  bave  qui,  en  fe  durclflant ,  devient 
d'un  blanc  fale  &  Couvent  ride'e.  Il  y  a  des  coquilles  qui  font  canne- 
lées perpendiculairement ,  comme  la  famille  des  peignes  ;  d'autres  font 
ftriées  en  deux  fens  ,  comme  la  pholadc  ,  ou  tranfyerfalement  comme 
certains  rouleaux.  Dans  les  tonnes  ,  on  en  trouve  dont  les  unes  font 
cannelées  perpendiculairement,  &  d'autres  un  peu  horizontalement  ou 
obliquement.  On  dit  qu'une  coquille  eft  flr'Uc  ,  quand  elle  porte  de 
petits  filets  ou  filions  tracés  fur  fa  robe  :  fi  ces  filions  font  forts , 
&  qu'ils  failient  beaucoup ,  alors  on  les  nomme  cannelures.  Une  même 
coquille  peut  être  fi:riée  &  cannelée  en  même  temps  :  il  y  en  a  de 
lifles  ;  d'autres  font  chargées  de  parties  faillantes  ,  ou  qui  font  gar- 
nies de  grofles  pointes  comme  les  murex  ou  rochers  ,  ou  d'éminences 
feuillces  comme  les  pourpres.  On  trouvera  des  exemples  de  ces  termes 
à  l'article  général  de  chaque  clafTe  de  coquilles. 

■   ,'     "'  Couleurs  des  Coquilles, 

M.  de  Réaumur  dit   que  la  couleur  des  coquilles  eft  une  fuite  né- 
ceflaire  de  la  manière  dont  croît  la  coquille  du  limaçon  ;  que  tout 
le  .contour  de  cette  maifon  doit   être  formé  par  fon  collier,  comme 
étant  la  partie  la  plus  proche  de  la  tcte  ;  ainfi  il  fuffira  que  ce  collier 
(  qui  eft  rayé  de  taches  noires  ,  brunes.  Sec.  égaies  aux  raies  de  la 
coquille  ,   placées   dans  le   même  fens  )   foit    compofé    de  difi-erens- 
couloirs  ou  cribles  particuliers ,  pour  former  extérieurement  une  co- 
quille de  diverfes  couleurs  ,   &  variée  dans  les  nuances  de  fes  cou- 
leurs mêmes ,  au   moyen    des  liqueurs  de  différentes   nuances  ,   ou 
de   fucs    viciés   qui   auront    pafle   par  les   divers   cribles.   A  l'égard 
des   limaçons  ,   dont    le   corps    vers  le    collier  eft   diapré   de    diffé- 
rentes  couleurs  ,    ces     taches    répondent    à    des   taches    fjmblables 
à.  celles  dont  la  coquille  eft  peinte.   Ce  mécanilme   &  cette  corref- 
pondance  ,   entre    les    raies   ou    les  diaprures    fur    les    colliers  ,    &: 
fur  celles  dont  les  coquilles  font    tracées,  étant  une  fois   admis,  on 
peut  concevoir  la  régularité  des  rubans  ou  lignes  ;  quant  à  l'irrégu- 
larité de  ces  taches ,  fur  quelques  coquilles  ,  le  déplacement  brufque 
de  l'animal  fuffit  pour  cela.  On  a  remarqué   que  la  robe  Àqs  vieu:jç 
coquillages  eft  ornée  de  couleurs  moins  vives  que  celles  dont  l'animal 
eft  d'un  âge  moyen  ;  les  jeunes  coquilles  ont  aufii  les  couleurs  dç  I3 
bcviche»plus  foible^p 


COQ  303 

Crue  des  Coquillages  ,  leur  mouvement  progrejjif  ^  leur  adhéjion ,  &c. 

Entre  les  animaux  à  coquilles  leS  uns  font  carnaffiers  ,  tels  que 
les  pourpres  ,  qui  percent  les  coquillages  &  en  mangent  les  petits 
habitans  ;  d'autres  fe  nourriîTent  des  eaux  qu'ils  pompent ,  &  qui 
contiennent  des  parties  grafles  ,  herbacées,  &  même  de  petits  infectes 
ou  des  vers  ;  car  ces  êtres  inombrables  font  femés  dans  toute  la 
nature  ;  la  moindre  goutte  d'eau  en  contient  quelquefois  un  grand 
nombre.  Parmi  les  coquillages  ,  les  uns  reftent  enfe'velis  dans  le 
limon  ;  d'autres  s'en  élèvent  pour  refpirer  fur  la  furface  de  l'eau: 
les  lépas  ,  qui  font  attachés  aux  rochers ,  fortent  de  leur  place  pour 
aller  chercher  l'aliment.  Les  oreilles  de  mer  vont  paître  pendant  les 
nuits  des  beaux  jours.  On  remarque  que  les  uns  vont  chercher  leur 
nourriture ,  ainfi  que  tous  les  animaux  ;  les  autres  ,  collés  (dans  les 
lieux  de  leur  naiifance  ,  tels  que  les  huîtres  &  les  orgues.  d&, mer , 
extraient,  à  la  manière  des  plantes,  leur  nourriture  du- finldJeau 
de  la  matière  ambiante.  On  peut  croire  que  les  gros  animaux  à 
coquilles  qui  tiennent  le  fond  des  mers  ,  y  font  immobiles  :  leur 
grofleur  &  leur  pefanteur  fpécifique  ,  qui  va  quelquefois  jufqu'à 
deux  cens  livres  &  plus,  font  des  preuves  de  leur  fiabilité,  au 
moins  de  l'extrême  lenteur  de  leur  mouvement  progreflif.  Au  refte, 
les  teftacées  qui  marchent  font  prefque  tous  à  couvert  de  toute 
injure  &  à  l'abri  des  pourfuites  de  leurs  ennemis.  Ils  tranfportent 
fans  peine  leur  demeure  où  ils  veulent  ,  &  ils  fe  trouvent  toujours 
chez  eux  ,  en  quelques  pays  qu'ils  voyagent.  Ils  ne  la  quittent  jamais; 
elle  eft  attachés  à  leur  corps  par  un  ligament ,  qui  dans  les  uni- 
valves  turbines  tient  à  la  première  fpire  intérieure  de  la  coquille  : 
c'eft  comme  un  vaifieau  muni  de  tous  fes  agrès  ,  dont  l'animal  fe 
fert  pour  fe  tranfporter  dans  les  difFérens  endroits  où  il  veut  aller  V 
fa  manœuvre  toute  fimple  eft  des  mieux  concertée.  Voyez  le  buccin 
tant  marin»  que  fluviatile  ;  cet  animal  a  reçu  des  mains  de  la  nature 
une  grande  peau  mufculeufe  qu'il  alonge  &  relferre  à  volonté  ;  veut-il 
quitter  le  .fond  de  l'eau  pour  prendre  l'air  à  la  furface  de  cet 
élément  ,  il  vide  fon  vailleau  de  toute  l'eau  qui  pourroit  s'y 
trouver  en  étendant  fa  peau  mufculeufe  ,  de  façon  qu'elle  en  bouche 
toutes  les  voies  &  en  rempliffe  exadement  toute  la  capacité  fans 
déborder  ,  &  il  tourne  en  haut    la  proue  ou   la  partie  pointue  de 


;^04  C  O  Q 

fa  coquillt;  pour  fendre  Tcau  plus  facilement  :  cette  manœuvre 
finie ,  il  donne  le  mouvement  à  la  machine  ,  &  il  arrive  fans  peine 
i  la  furperficie  ;  alors  il  lui  fuffit  de  faire  déborder  quelque  peu 
fa  peau  mufculeufe  tout  autour  de  fa  coquille  ,  pour  refter  plus 
facilement  fufpendu  dans  l'eau  ,  jufqu'à  ce  qu'ennuyé  ou  prefle  par 
la  faim ,  il  foit  obligé  de  faire  quelque  trajet  pour  trouver  de  quoi 
pâturer  ;  c'efl  en  ce  moment  qu'il  étend  deux  efpeces  de  cornes  larges , 
aplaties  ,  &  cependant  coniques ,  qui  lui  fortent  derrière  la  tête 
&  lui  fervent  tour  à  tour  de  voile  ,  de  gouvernail  &  de  rames  :  s'il 
jeft  raflafié  &  qu'il  lui  prenne  fantaifie  de  regagner  le  fond  de 
l'eau  5  ici  la  manœuvre  change  ;  il  a  befoin  d'eau  dans  fon  vaifiTeau 
pour  le  couler  à  fond  :  pour  cela  il  lui  fuffit  d'étendre  &  d'alonger 
fon  cou. hors  de  fa  coquille  ,  la  peau  mufculeufe  qui  fait  partie  de 
fon  c^  ,  fe  trouvant  rétrecie ,  l'eau  entre  de  toute  part  &  fub- 
mergg  le  vaifleau.  Cette  mécanique  eft  une  induftrie  naturelle  à 
tous  les-' limaçons  :  on  préfunie  bien  qu'il  y  a  quelques  différences 
■  <âan5"  Ij^s  manœuvres  à  caufe  de  la  différente  configuration  de  leurs 
coquilles  qui  exige  une  différente  pofition  ;  piir  exemple,  l'efpece 
appellée  cornet  de  Sf,  Hubert  ou  de  chajfe  ,  tourne  fa  coquille  fur  le 
plat  pour  fe  foutenir  facilement  fur  la  furperficie  de  l'eau.  Confultez 
maintenant  la  marche  du  nautile.  Les  coquillages  ,  ainfi  que  les 
autres  animaux  ,  ont  des  fenfations  proportionnées  à  leurs  befoinr. 
Celles  des  coquillages  ne  paroilTent  pas  bien  exquifes  ;  cependant 
on  dit  qu'ils  fe  retirent  lorfqu'ils  entendent  du  bruit  ,  &  que 
lorfqu'on  va  pour  les  pc.cher  ,  on  garde  un  profond  filence.  La 
nature  ,  qui  veille  fur  tous  les  .êtres  créés  ,  leur  a  donné  à  tous 
les  moyens  néceiîaires  de   confervation. 

Les  coquillages  qui  vivent  dans  le  fable  &  fous  la  boue  ont  un 
ou  deux  tuyaux  ,  plus  ou  moins  longs  ,  félon  que  ces  animaux 
s'enfoncent  plus  ou  moins  dans  le  fable.  C'eft  par  le  moyen  de 
ces  tuyaux  qu'ils  fe  confervent  une  communication  libre  avec  l'eau 
qui   eft  au-deffus  d'eux. 

Certains  coquillages  adhèrent  d'une  manière  involontaire  fur  les 
fables  5  les  rochers  ;  entaffés  les  uns  fur  les  autres  ,  ils  y  font  collés 
par  une  efpece  de  glu ,  qui  eft  le  ciment  univerfel  dont  la  Nature  s'eft 
fervie  toutes  les  fois  qu'elle  a  voulu,  pour  ainfi  dire,  bâtir  dans  la 
mer.  Ces  coquillages  ainfi  fixés  dans  les  mers ,  réfiftent  à  la  violenc.e 

des 


COQ  jof 

des  eaux  ,  dont  les  mouvemens  brufques  &  vloîens  les  emporteroient; 
d'autres  fe  cramponnent ,  pour  ainfi  dire  ,  à  la  manière  des  écrevijfes 
de  mer ,  des  homars  ;  les  moules  de  mer ,  la  pïnnt  marine  ,  &  autres 
s'attachent  fur  différens  corps  ,  &  s'en  détachent  à  volonté  à  l'aide 
de  leurs  fils;  d'autres,  ainfi  que  ['œil  de  bouc  ,  efpece  de  lèpas  , 
s'attachent  par  une  bafe  très  -  plate  à  des  furfaces  très -polies  ;  &: 
i!s  y  adhèrent  avec  tant  de  force  ,  que  mis  dans  une  pofition  ver- 
ticale, il  faut  à^QS  poids  de  vingt  &  trente  livres  pour  leur  faire  lâcher 
prife.  Cette  adhérence  iî  forte  de  l'œil  de  bouc ,  vient  d'une  glu  qui 
fort  de  fon  corps. 

Tout  ce  qui  vient  d'être  dit  de  la  {trudure  organifée.  tant  interne 
qu'externe  des  coquillages  de  mer ,  eft  applicable  aux  coquillages  d'eau 
douce.  Ces  derniers  font  feulement  moins  variés  dans  leurs  genres  & 
dans  leurs  efpeces  :  ils  n'ont  ordinairement  que  deux  cornes,, aii  lieu 
qu'on  en  voit  quatre  dans  les  coquillages  de  mer  &:  dans  ceux  de/terre. 
La  mer  fournit  d'ailleurs  infiniment  plus  de  coquillages  ,  &  plus  "béau^ 
que  tous  les  fleuves,  les  rivières  &  les  lacs  pris  enfemble.  La  couleur 
des  coquillages  d'eau  douce  eft  de  beaucoup  inférieure  à  celle  des 
coquillages  de  mer  ;  effet  que  l'on  attribue  au  défaut  de  particules 
faiines  ;  ce  qui  rend  aufîî  ces  coquillages  mal  -  fains  &  peu  propres 
pour  la  table  ,  fur  -  tout  les  moules ,  dont  la  chair  efl  dure  &  in- 
digefl:e.  La  terre  nourrit  ,  ainfi  que  les  eaux  ,  des  coquillages.  On 
ne  connoît  que  cinq  genres  de  ceux  qui  font  couverts  de  coquilles  ; 
favoir  ,  les  limaçons  ,  les  buccins  ,  les  conques  fphériques  ,  les  vis  & 
les  lépas,  La  clafTe  des  vers  nuds  ,  qui  paroifTent  de  la  même  efpece 
que  les  limaçons  de  terre  ,  fe  réduit  à  la  feule  limace ,  dont  il  y 
a  plufieurs  efpeces.  Les  limaces  pondent  des  œufs  tout  bleus ,  Se 
gros  comme  des  grains  de  poivre  ,  qu'elles  cachent  en  terre  avec 
grand  foin.  Foyc:^  Limace, 

De  ce  qui  vient  d'être  expofé^  concernant  les  coquillages  ,  il  réfulte 
que  l'animal  efl  formé  avant  fa  coquille  ,  &  que  leur  flruélure  inté- 
rieure eft  bien  différente  de  celle  des  poiffons.  Leur  ventre  fuit  la 
bouche ,  &  la  bouche  s'attache  aux  inteftins.  Comme  ces  animaux 
font  privés  de  fang  ,  l'humeur  dont  ils  font  remplis  leur  en  tient 
lieu.  Leur  chair  eft  moins  attachée  à  la  coquille  que  celle  des 
poiflbns  l'eft  à  l'écaillé  :  elle  n'y  tient  que  par  un  point  au  fommet. 
On  doit  encore  remarquer  que  dans  les  coquillages  qui ,    comme  les 

Tome  II»  •        .  Q  ^ 


so^  COQ 

huîtres ,  doivent  refier  fixés  toute  leur  vie ,  la  coquille  efl:  d'abord 
couverte  d'une  matière  mucilagineufe  capable  de  la  coller  aux  dif- 
férens  corps  auxquels  elle  peut  toucher  ;  cette  matière  fait  la  première 
adhéfion ,  qui  fe  fortifie  enfuite  par  les  fucs  qui  fervent  à  l'accroifTe- 
ment  de  la  coquille.  Dans  les  coquillages  deftinés  à  changer  de 
place,  la  coquille  eft  fort  nette  au  dehors  :  toutes  les  coquilles  font 
égales ,  très-polies  en  dedans ,  de  en  dehors  fouvent  raboteufes  ou 
épineufes  ,    cochlca  mucronatx. 

Au  rejQie'  les  caraderes  que  l'on  affigne  vulgairement  aux  coquilles 
te  quife  réduifent  aux  formes  &  aux  couleurs  ,  ne  pourroient  fervir  à 
en  diftinguer  les  différentes  efpeces  ,  s'ils  fe  réuniflbient  tous  dans 
chaque  efpece  particulière;  mais  heureufement  on  y  trouve  toujours 
un  caraâere  fpécifique  qui  donne  moyen  d'employer  un  nom ,  une 
épithete,  même  une  phrafe  pour  défigner  une  coquille  &  la  diftinguer 
parfaitement  des  autres  :  on  a  même  trouvé  le  moyen  en  faveur  de 
ceux^igfui  ne  veulent  prendre  qu'une  légère  teinture  de  l'Kiftoire  Natu- 
relle des  coquilles,  de  fubrdtuer  aux  phrafes  des  Naturaliftes,  des  noms 
u(ités  tels  que  ceux  des  chofes  auxquelles  elles  paroiflent  relFembler  : 
de-là  font  venus  le  chou,  le  coutelier,  le  ruban,  la  lampe,  le  cor  de 
chajfe  ,  V oreille  de  mer ,  le  cœur ,  la  conque  de  Vénus  ,  &Cr  Parmi  ces 
noms  il  y  en  a  qui  caraélérifent  aflez  bien  les  coquilles  auxquelles  on 
les  a  donnés.  Mais  le  langage  des  Naturaliftes  eft  généralement  plus 
connu.  Voyez  l'article  Limaçon  pour  avoir  une  idée  plus  complette  de; 
la  crue  des  coquilles. 

Manière  de  pécher  ^  de  ramafjer  les  Coquilles  &  de  les  encaijfer, 

Lorfqu'on  fe  promené  fur  la  grève  d'une  mer,  il  ne  faut  pas  croirer 
que  toutes  les  coquilles  qu'on  y  trouve  font  originaires  du  lieu.  Il  y  a 
de  ces  animaux  voyageurs,.  &  que  la  mer,  à  l'occafion d'une  tempête, 
charie  ou  dépofe  quelquefois  en  abondance  fur  des  rivages  éloignés  ; 
rarement  alors  leur  coquille  eft  bien  confervée.  Il  y  a  cinq  manières  de 
pêcher  les  coquillages;  favoir,  à  la  main,  au  râteau,  à  la  drague,  au 
filet  &  en  plongeant.   Dans  l'Inde  on  fait  pêcher  les  coquilles  par  des 
Nègres  qui  font  au  fait  de  cette  manœuvre.  Communément  l'un  defcend 
un  panier  rempli  de  pierres,  &  celui  qui  plonge  jette  ces   pierres  & 
les  remplace  par  des  coquilles.  Les  coquilles  que  la   mer  amené  par 
fon  reflux  fur  fes  bords,  font  plus  ou  moins  mutilées,  ou  roulées,  ou 


COQ  307 

altérées  dans  leurs  couleurs.  Souvent  Ton  profite  du  retour  des 
grandes  marées  pour  en  ramalTer  ,  &  particulièrement  dans  les  temps 
des  équinoxes  ;  parce  que  la  mer  montant  plus  qu'en  d'autres  temps, 
&  fe  retirant  plus  qu  elle  n  a  coutume  ,  on  peut  avancer  plus  loin 
fur  la  grève  ,  y  marcher  à  pied  ,  &  prendre  les  coquillages  à  la 
main.  Souvent  auflî  le  coquillage  s'enfable  ,  alors  il  faut  fouler  1© 
fable  avec  le  pied ,  c'eft  un  moyen  de  le  faire  fortir.  Les  Nègres 
plongeurs  pour  pécher  des  coquilles  fixes  ,  font  armés  d'un  fer 
pointu  qui  leur  fert  à  détacher  non- feulement  des  huîtres  ,  mais 
encore  des  madrépores ,  des  lithophites ,  &  en  même  tem.ps  à  fe 
défendre  contre  les  animaux  de  mer  dangereux.  Sur  nos  côtes  on 
drague  les  coquillages  ;  mais  cette  manière  endommage  leur  robe. 
On  retire  facilement  l'animal  de  fa  coquille  en  la  m.ettant  danS"  l'eau 
chaude  ;  on  tâche  cependant  de  conferver  le  ligament  de  la  charnière 
des  bivalves  :  cette  attention  empêche  que  les  valves  ne  foient dépa- 
reillées. Quand  aux  multivalves  ,  on  les  laifTe  fimplement -"fécheif'V. 
d'elles-mêmes  fans  en  faire  fortir  l'animal.  L'odeur  qui  en  réfulte  n'eft 
pas  très-défagréable  ni  de  longue  durée ,  fur-tout  quand  à  la  fortie  de 
la  mer  ,  on  a  eu  foin  de  les  plonger  deux  ou  trois  fois  dans  l'eau  douce. 

La  plupart  des  coquilles  en  fortant  de  la  mer,  font  revêtues  ou 
d'un  drap  ,  ou  d'un  tartre  marin,  qui  cachent  leurs  couleurs  brillantes  : 
heureufement  les  curieux  favent  bien  les  débarrafTer  de  ces  enve- 
loppes pour  jouir  de  tout  ce  qu'elles  peuvent  ofiTir  d'agréable  à  la 
vue  ,  &c.  On  a  encore  l'attention  de  ne  point  féparer  les  coquilles 
qui  fe  trouvent  attachées  plufieurs  enfemble.  On  aime  à  voir  dans 
les  cabinets  ,  des  groupes  d'huîtres  ,  de  glands  de  mer  ,  d'arches 
de  Noé  ,  de  poulfe  -  pieds ,  de  tubulaires  ,  ou  plutôt  de  tuyaux 
marins,   &c. 

Ceux  qui  envoient  des  coquilles  font  dans  l'ufage  de  les  mal 
cncaifler.  On  doit  toujours  avoir  la  précaution  de  féparer  celles 
qui  font  pefantes  ,  ou  grofles  ,  ou  épaifl'es  ,  de  celles  qui  font 
légères  ,  petites  &  minces.  L'on  doit  envelopper  de  papier  celles 
qui,  comme  les  rouleaux  ,  font  unies  &  folides;  remplir  de  coton 
la  bouche  de  celles  qui  ont  peu  de  confiftance  ;  &  lorfqu'elles  font 
très  fragiles  ,  les  mettre  féparément  dans  des  boîtes.  Les  coquilles 
cpineufes  doivent  être  entremêlées  de  varec  dcfl'alé  &  bier^  féché  , 
ou  même  de  coton ,  de  non  pas  de  fon  ni  de  fciûre    de  bois  5  qui 

Q  q  2 


5o8  COQ 

s'aftaifTant  à  la  longue ,    laiflent  un  vide  dans  lequel  les   coquilles  fe 
heurtent  les  unes   contre  les  autres. 

Pourrions -nous  terminer  cet  article  fans  rapporter  l'ufage  que 
plufieurs  peuples  ont  fait  de  font  encore  à  préfent  des  coquilles  , 
corps  qui ,  par  la  variété  &  l'élégance  de  leurs  formes  ,  la  beauté 
&  la  vivacité  de  leurs  couleurs  ,  &  par  mille  autres  fmgularités  , 
font  aujourd'hui  l'objet  de  la  recherche  &  de  l'amufement  de  tant 
de  curieux,  L'efpece  appellée  monnoic  de  Guinée  ^  petite  porcelaine 
qui  eft  nommée  vulgairement  pucelage  ou  colique ,  fert  en  effet  de 
monnoie  en  Guinée  ,  &  même  aux  îles  du  Cap  -  Vert ,  à  Léonda  , 
au  Sénégal ,  à  Bengale  &  dans  quelques  îles  Philippines.  A  Ben- 
gale on  en  fait  encore  des  braflelets ,  des  colliers  &  d'autres  bijoux. 
Quelques  Indiens  ,  fur-tout  à  Zangaguara  ,  en  font  des  ceintures 
de  nudité ,  c'eft-à-dire  ,  pour  couvrir  les  parties  naturelles.  Des 
Canadiens  en  font  auffi  des  ceintures  &  des  colliers  de  paix.  On  y 
diftingue  la  came,  violette  en  dedans  ,  qui  fe  trouve  dans  les  mers 
de  l'Occident  ,  &  des  morceaux  de  lambis  ,  couleur  de  rofe.  Nul 
traité  entr  eux  ni  avec  les  Officiers  du  Roi ,  qu'on  ne  fe  préfente 
de  part  &  d'autre  ces  fortes  de  colliers  ,  pour  affurance  de  fa  parole. 
En  Egypte  &  en  Afrique  les  Dames  pendent  pour  ornement  des 
coquillages  à  leurs  oreilles  &  à  leur  cou.  Les  Grecs  en  compo- 
loient  autrefois  un  fard  avec  du  fuc  de  citron  ou  avec  de  la  pom- 
made dont  ils  fe  frottoient  le  corps.  Les  habitans  de  Tyr  retiroient 
autrefois  du  murex ,  une  belle  couleur  pourpre  dont  ils  faifoient 
ufage  en  teinture.  Les  Turcs  &  les  Levantins  garniffent  les  harnois 
de  leurs  chevaux  avec  des  caiiris  ,  &  en  revêtent  des  vafes  avec 
une  adrefie  fuprenante.  Dans  l'île  de  Sainte -Marthe  elles  font  em- 
ployées à  orner  les  nattes  de  joncs  &  de  palmes  qui  couvrent  les 
murailles.  Des  ouvriers  ont  l'art  de  tirer  du  burgau  une  belle  nacre  , 
nommée  dans  le  commerce  burgaudine ,  qu'on  incrufte  d'or  &  dont 
on  fait  des  navettes.  Combien  d'ouvrages  ,  tels  que  tabatières ,  boîtes 
à  mouches  ,  manches  de  couteaux  ,  cuillers  ,  jettons  ,  &c.  font 
faits  avec  la  nacre  de  l'huître  à  perle.  On  fait  avec  les  cames  ,  des  bagues 
fculptées  5  que  l'on  appelle  camées.  Des  efpeces  d'huîtres  produifent  des 
perles  qui  fervent  d'ornement  ;  &  leur  groffeur ,  ainfi  que  leur 
orient  ^  contrebalancent  quelquefois  la  valeur  &  le  brillant  du 
.diamant.   Des  perfonnes  induftrieufes   font  des    bouquets   de  fleurs 


COQ  5op' 

avec  des  coquilles  ;  &  Tart  avec  lequel  on  choifît  &  on  arrange 
ces  petites  coquilles  diverfement  colorées  &  figurées  ,  trompe  fouvent 
les  yeux.  On  en  fait  auflî  de  jolis  ccmpartimens  de  deffin  fur  les 
criflaux  de  deflert.  On  en  exécute  aujourd'hui  en  France  très- 
parfaitement  &  avec  tant  de  dextérité ,  qu'on  ne  peut  rien  voit- 
de  plus  agréable  en  ce  genre.  Chez  les  Romains  les  coquilles  nom- 
mées buccins,  fervoient  de  trompettes  à  la  guerre  :  ce  font  ces  mêmes 
coquilles  que  les  Hollandois  nomment  trompettes.  Les  Sauvages  , 
peuple  amateur  du  chant  &  de  la  danfe  ,  joignent  enfemble  des 
tonnes  ,  des  buccins  ,  des  porcelaines ,  des  cafques  ,  &  en  forment 
dQS  efpeces  de  lyre  ,  qui  étant  expofées  à  un  courant  d'air ,  rendent 
un  certain  bruit  propre  à  les  animer  dans  leurs  danfes.  On  fait 
dans  quelques  pays  avec  les  nautiles ,  des  coupes  dont  on  fe  fert 
en  place  de  verre  à  boire.  Avant  l'ufage  des  fèves ,  établi  aujour- 
d'hui dans  plufieurs  endroits ,  les  coquilles  fervoient  dai^s  les 
grandes  Aflemblées  pour  donner  fon  fuffrage.  La  Loi  de  l'Oftracifme 
tire  fon  nom  du  mot  orpa-^iv ,  qui  fignifie  huître  ou  coquille.  Cette 
Loi  ,  comme  l'on  fait  ,  fut  établie  chez  les  Athéniens  pour 
exiler  pendant  dix  années  ceux  que  leurs  grandes  richelfes  ou  leur 
grand  crédit  avoient  rendus  fufpeél:s  au  peuple  :  on  fe  fervoit  de 
coquilles  fur  lefquelles  on  écrivoit  le  nom  de  l'exilé,  &  le  nombre 
des  fuffrages   devoit  excéder  celui  de  fix  cents. 

En  Corfe  on  fait  des  étoffes  avec  la  foie  ou  byffus  de  la  pinne 
marine  :  cette  foie  a  beaucoup  de  rapport  avec  le  byffus  des  anciens. 
On  prétend  qu'à  la  Cour  de  l'Empereur  de  la  Chine  l'on  joue  avec 
des  valves  de  cames  peintes  intérieurement  ,  comme  nous  jouons  en 
France  avec  des  cartes  ;  &  que  dans  les  Provinces  de  Kiam-fi  on  pile  les 
coquilles  appellées  cauris ,  qu'on  les  enfouit  dans  terre  ,  &  qu'enfuite 
on  les  fait  entrer  dans  les  pâtes  de  certaines  porcelaines.  Aux  Indes 
orientales ,  fur-tout  à  la  côte  de  Coromandel ,  on  calcine  les  coquilles 
pour  en  faire  de  la  chaux.  En  Angleterre  &  en  d'autres  pays,  les 
coquilles  fervent  à  blanchir  la  cire  ;  les  Anglois  s'en  fervent  aufîî  , 
de  même  que  les  Cultivateurs  de  Sardaigne  &  de  Sicile ,  pour 
fertilifer  les  terres  :  par  ce  moyen  on  produit  une  efpece  de  cron 
ou  de  faluniere  telle  qu'on  en  trouve  en  Touraine  &  en  Vexin.  En 
France  ,  dans  la  Bretagne  ,  à  Landernau  ,  on  calcine,  quelquefois 
•  les  écailles  d'huîtres  pour  faire  de  la  chaux  &  pour  blanchir  les  t©iles» 


310  COQ 

On  fe  fert  aufÏÏ  des  valves  de  petites  moules  de  rivières  ,  dans 
lefquelles  on  fixe  par  le  moyen  d'une  gomme ,  de  l'or  ,  de  l'argent 
ou  autre  métal  moulu  &  réduit  en  poudre ,  à  Tufage  des  Peintres 
&  des  Eventailliftes.  On  fait  avec  toutes  fortes  de  coquilles ,  des 
grottes  ;  on  en  garnit  le  bord  de  quelques  bafïins  ,  on  en  décore 
des  cafcades.  Les  coquilles  fervent  aulli  de  modèle  pour  orner  cer- 
taines fculptures.  Il  y  a  plufieurs  efpeces  de  coquillages  dont  bien 
des  perfonnes  mangent  la  chair  avec  délices ,  tels  iont  les  moules  , 
les  huîtres,  les  lépas  ,  les  limaçons,  les  ourfins  ,  &c.  Les  Romains 
qui  prétendoient  que  l'ufage  de  ces  animaux  portoit  à  la  volupté, 
en  admettoient  toujours  dans  leurs  repas  ;  on  en  abufoit  même 
tellement  qu'on  fut  obligé  de  promulguer  une  loi  pour  les  profcrire. 
Aldrovandc  les  appelle  viduarum  cupediœ.  Pétrone  s'explique  à  peu 
près  dans  les  mêmes  termes  à  cet  égard.  On  lit  même  dans  la 
Maifpn  Ruftique  de  Varron  la  manière  dont  ils  s'y  prenoient  pour 
engxaifler  les  coquillages  ,  afin  de  les  rendre  plus  agréables  au 
goût. 

COQUILLES.  Nom  donné  à  la  partie  dure  qui  recouvre  les 
animaux  teftacées  .  &  dont  la  forme  varie  toujours  ,  fuivant  la  diffé- 
rence de  l'efpece.  Une  belle  colleélion  de  coquilles  ,  diltribuée 
comme  il  eft  dit  à  la  fuite  du  mot  Hifloire  Naturelle  ,  eil  une 
chofe  fort  agréable  à  voir.  Prefque  tout  le  monde  fe  laiflè  d'abord 
éblouir  par  le  brillant  de  ces  belles  enveloppes  ;  mais  bientôt  on 
defire  de  connoître  forganifation  de  tous  les  animaux  qui  s'en  revê- 
tent :  elles  fourniffent  même  au  Naturalifte  un  fujet  de  méditation 
qui  eft ,  pour  ainfi  dire  ,  indépendant  des  animaux  auxquels  elles 
ont  appartenu.  Ainfi  Boiianni  a  eu  raifon  de  dire  que  les  coquillages 
étoient   recreatio  mentis  &   oculi, 

La  plupart  des  coquilles  de  mer  &  des  fluviatiles  qui  ont  exifté 
depuis  le  commencement  du  monde ,  exiftent  encore  aujourd'hui  à 
peu  près  fous  la  même  forme.  Non  feulement  cette  matière  a  la 
propriété  de  fe  maintenir  fous  la  même  apparence  ,  fans  que  les 
générations  des  hommes  puilTent  la  voir  changer  de  nature  ,  mais 
elle  fe  multiplie  chaque  jour  ,  ^  la  quantité  des  coquilles  augmente 
excelîivement  par  le  nombre  prodigieux  des  individus  que  produifent 
la  plupart  des  efpeces  de  coquillages ,  &  par  leur  accroiffement  qui 
fe  fait  en  peu  de  temps  ;  aulTi  toutes  les  mers  en  font-elles  jonchées. 


COR  3n 

f^oyei  au  mot  Coquillage.  A  l'égard  des  coquilles  de  mer  que 
l'on  trouve  dans  tous  les  pays  du  monde  habité  ,  foit  difperfées 
dans  les  plaines  ,  Toit  réunies  en  plufieurs  endroits  en  aflez  grande 
quantité  pour  former  des  terrains  fort  étendus  ,  &c.  rien  ne  prouve 
mieux  le  changement  qui  efi:  arrivé  à  notre  globe.  Souvent  les 
coquilles-fofiîles  font  m.élées  dans  les  graviers  ,  les  craies,  les  mar- 
nes ,  les  argiles  ,  &c. 

Comme  les  coquilles  font  une  des  matières  les  plus  abandantes 
que  nous  appercevions  fur  la  furface  de  la  terre  &  dans  fon  fein , 
jufqu'aux  plus  grandes  profondeurs  oii  il  a  été  ouvert  ;  &  que  de 
toutes  les  parties  des  animaux  ,  fi  on  en  excepte  les  dents ,  les 
coquilles  font  celles  qui  fe  confervent  le  plus  long  -  temps  après  la 
mort  de  l'animal  ;  il  eft  facile  de  concevoir  comment  ces  fortes 
d'enveloppes  fe  trouvent  ainfi  dans  la  terre  ,  féparées  de  leurs 
animaux  ,  &  avoir  cependant  confervé  une  figure  analogue  à  celles 
des  coquilles  vivantes.  On  trouve  aufli  des  coquilles  pétrifiées, 
Foye-^  à  Vart'uk   PÉTRIFICATION   &   celui  de  Fossiles, 

CORACIAS  ,  corada.  Genre  d'oifeau  dont  le  caradere  efl  d'avoir 
quatre  doigts  non  palmés ,  trois  devant  &  un  derrière  ,  ôc  les 
jambes  emplumées  jufqu'à l'éperon  ;  le  bec  conique,  alongc  &  un  peu 
arqué.  Foye:^  Choucas.  Cet  oifeau  ,  un  peu  moins  gros  qu^une 
corneille  ,  eft  d*un  plumage  qui  tire  fur  le  violet.  Il  habite  les  Alpes, 
les  montagnes  de  Candie  ,  de  Cornouaille  en  Angleterre,  le  Mont- 
d'Or  en  Auvergne.  Le  coracias  huppé  que  Ton  voit  fur  les  mon- 
tagnes de  SuiiTe  ,  eft  à-peu-près  de  la  grofleur  d'une  poule.  Le 
noir  de  fon  plumage  brille  d'un  vert  luftré  ;  il  fait  fon  nid  dans 
les  murs  les  plus  élevés  des  anciennes  tours  ,  &  pond  deux  ou  trois 
ceufs  à  chaque  couvée. 

CORAIL  ,  corallutn,  C*eft  une  des  plus  belles ,  des  plus  précieufes 
&  des  plus  fingulieres  fubftances  marines.  Il  n'y  a  point  de  pro- 
dudion  naturelle  fur  laquelle  les  Anciens  &  les  Modernes  aient 
tant  écrit.  On  l'a  pris  autrefois  pour  un  arbrifleau  de  mer;  mais 
les  curieufes  découvertes  de  M.  Piyffond  (  étant  en  1725"  fur  les 
côtes  de  Barbarie  par  ordre  du  Roi  )  ont  prouvé  par  la  fuite  que 
les  coraux  font  de  véritables  produdions  de  vers  ,  des  efpeces  de- 
cellules  formées  par  des  polypes ,  de  même  que  les  madrépores  ^ 
les  lithophytes ,  les  éponges.  Voyez  au  mot  Polype  les  furpre^ 


5  12  COR 

nantes  obfervatîons  qui  ont  été  faites  par  M,  TrembUy ,  &c.  fur 
les  polypes  d^eaii   douce, 

La  ftruâ:ure  &  la  forme  du  corail  qui  reflemble  à  un  arbriflfeau 
dépouillé  de  feuilles  ,  n'avoient  pu  manquer  d'induire  en  erreur  : 
ce  tronc  d'où  partent  des  branches  latérales  ,  cette  efpece  d'écorce 
qui  le  couvre  ,  tout  concouroit  à  en  impofer.  M.  de  MarJigU,  ce 
grand  Obfervateur  des  produdions  naturelles  de  la  mer  ,  avoit 
cru  ,  en  1706  ,  y  découvrir  des  fleurs  ;  mais  c'étoit  les  polypes 
habitans  de  ces  cellules  ,  que  fon  imagination  féduite  transformoit 
en  fleurs ,  &  que  M.  Peyjjonel  appelle  orties  corall'ines.  Quelques-uns 
trompés  par  la  dureté  du  corail  ,  l'avoient  mis  au  nombre  des 
pierres  :  d'autres  avoient  cru  que  c'étoit  le  produit  d'un  précipité 
de  fels,  de  terre  &  d'autres  principes.  On  Tappelloit  arbre  pierreux  ^ 
lithodendros. 

Le  corail  n'a  point  de  racines  ;  on  le  trouve  collé  fortement  fur 
via  jCùr'fate  de  différens  corps.  On  en  a  vu  fur  des  os  de  baleine  ,  fur 
des  crânes  ,  fur  des  bouteilles,  comm.unément  fous  les  avances  des 
rochers  ,  dans  les  antres  de  la  mer  ,  &  toujours  la  tête  en  bas. 
Ces  corps  fervent  Amplement  de  bafe  au  corail.  Sa  tige  efl:  pour 
l'ordinaire  armée  de  branches  :  fa  grofleur  ne  paffe  guère  un  pouce. 
La  plus  grande  hauteur  à  laquelle  il  s'élève  dans  la  mer  Adriatique, 
&  même  très-rarement ,  efl;  d'un  pied  ou  un  peu  plus.  Quoique  la 
tige  &  les  ramifications  foient  communément  rondes  ,  on  en  voit 
quelquefois  de  larges  &  plates.  Le  corail  rouge  ou  rofe  efl  le  plus 
commun  :  on  le  trouve  dans  la  mer  Adriatique.  On  en  voit  auflî 
du  blanc  dans  cette  mer  &  dans  la  Baltique.  Il  n'efl:  pas  rare  de 
trouver  des  branches  de  corail  eh  partie  rouges  &  en  partie  blanches  , 
ou  dont  la  coupe  tranlverfale  prefente  différentes  couches  concentri^ 
ques  couleur  de  rofe  jaunâtre ,  blanches  ,  violettes ,  &  d'un  rouge 
fanguin  de  la  plus  haute  couleur.  Pour  ce  qui  concerne  la  nature 
du  corail  noir  ,  ou  bleu,  ou  vert,  &c,  &  le  corail  articulé,  voye^ 
LiTHOPHYTE,  à  la  fuite  du  mot  Coralline. 

Lorfqu'on  examine  l'organifation  du  corail ,  on  obferve  que  la  tige 
&  les  branches  paroiflent  formées  d'une  fuite  de  petits  tubes ,  dont 
plufieurs  croiflent  enfemble  parallèlement  les  uns  aux  autres ,  & 
pouffent  des  branches  en  difïérens  fens  ;  ce  qui  fait  que  le  corail 
leffemble  à  quelques   «irbriffeaux  de  mer  pétrifiés,  On  remarque  que 


COR  31^ 

ces  petits  tubes  qui  rampent  enfemble  ;  varient  leurs  diredions 
fuivant  les  obftacles  que  leurs  architeâies  trouvent  en  chemin  ;  fi , 
par  exemple  ,  il  s'attache  une  coquille  à  la  tige  ou  aux  branches 
du  corail ,  elle  ne  manque  pas  d'être  recouverte  en  tout  ou  en 
partie  ,  par  la  fubftance  même  de  ce  corail.  Ces  tubes  étant  corn- 
pofés  d'une  matière  crétacée  Se  mêlée  avec  la  fubftance  vifqueufe 
&:  membraneufe  qui  tranfpire  des  polypes  qui  habitent  le  corail , 
ils  fe  contradent ,  &  deviennent  folides  à  mefure  que  leurs  habitans 
les  abandonnent;  c'eft- à-dire,  que  les  différentes  particules  dont  ils 
font  compofés  ,  s'attirent  fortement  les  unes  les  autres  ,  &  acquièrent 
la  dureté  du  marbre  ,  avec  la  propriété  d'en  recevoir  le  poli.  Les 
petits  tubes  qui  forment  l'enveloppe  extérieure  du  corail  ,  font  de 
couleur  jaunâtre  :  ils  ne  font  point  folides  comme  ceux  qui  font  en 
dedans  ;  on  les  trouve  pleins  d'une  matière  laiteufe  qui  eft  le  corps 
tendre  des  polypes.  Nous  difons  que  ia  matière  qui  tranfpire  du 
corps  des  polypes  forme  les  tubes ,  &  qu'à  mefure  que  les^poï^^s^ 
en  forment  de  nouveaux  fur  la  furface  ,  ils  quittent  les  anciens  , 
ceux-ci  s'agglutinent  &  fe  ferrent  les  uns  contre  les  autres.  Le 
corail  fe  durcit  dans  l'intérieur.  C'eft  toujours  dans  la  partie  ex- 
térieure qu'habitent  les  petits  polypes. 

A  l'inftant  où  on  retire  le  corail  des  mers  ,  on  le  voit  couvert 
d'une  fubftance  rouge  &  comme  membraneufe  ,  qui  femble  en  être 
l'écorce  :  cette  efpece  d'écorce  s'enlève  aifément  avant  qu'elle  foit 
deftechée  ;  elle  eft  extérieurement  ornée  de  points  faillans  ,  &  intérieu- 
rement toute  parfemée  de  cavités  en  forme  d'étoiles  :  ces  cavités 
reçoivent  cette  figure  des  griffes  ou  bras  des  polypes.  Si  on  enlevé 
l'enveloppe  ou  écorce  membraneufe  ,  on  apperçoit  que  les  étoiles  ont 
une  communication  avec  les  apparences  de  tubes  qui  font  en 
delfous ,  &  qui  font  formés  par  les  polypes  ,  que  l'on  peut  regarder 
comme  les  architedes  &  les  habitans  de  ces  belles  productions.  Il  y 
a  lieu  de  penfer  que  les  coraux  fe  forment  à  la  manière  des  coquilles 
ou  des  madrépores.  Voye^  au  mot  Coquillage  f article  de  la  forma- 
tion des  coquilles, 

Lorfqu'on  met  un  morceau  de  corail  dans  du  vinaigre  ou  plutôt 

dans  de  l'efprit  de  nitre  fumant ,   affoibli  peu- à-peu  par  fix  parties 

d'eau ,  fa  partie  calcaire  fe  dififout  d'abord  ,     les    cellules    deviennent 

ii'ès-vifibles ,  &  la  partie  membraneufe  refte  dans  fon  entier  ;  ce  qui 

Tom&  Hp  R  r 


3î4  COR 

prouve  bien  que  les  coraux  doivent  leur  formation  à  des  animaux. 

Les  polypes  qui  habitent  les  coraux  paroiflfent  reflembler  beau- 
coup  aux  polypes  d'eau  douce.    Voyez    ce  mot  &  celui  de  Polipe, 

Ces  vers  font  blancs  ,  mous ,  un  peu  tranfparens ,  &  leurs  bras  fe 
préfentent  fous  la  forme  d'une  étoile  à  huit  rayons  ;  ces  petits  bras 
ainfi  étendus  fervent  au  polype  pour  faifir  fa  proie  :  ce  font  ces 
bras  qu'on  avoit  pris  pour  des  pétales  de  fleur?.  Tout  ceci  ne  peut 
s'obferver  que  dans  le  corail  récemment  péché  ,  &  tenu  dans  l'eau 
de  la  mer;  car  au  moindre  mouvement  les  polypes  fe  contradent 
par  un  jeu  femblable  à  celui  des  cornes  des  limaçons  ,  &  fe  replient 
dans  leurs  cellules.  On  voit  au  cabinet  du  Roi  un  petit  morceau 
de  corail  bien  intéreflant  ,  il  eft  couvert  de  polypes  dans  l'état  de 
développement.  Ces  polypes  fe  multiplient  par  des  ctufs  extrême- 
ment petits  qui  fe  détachent  par  les  côtés  de  Tanimal  ;  &:  par  la 
mollelTe  de  leur  conliflance  ils  s'attachent  aux  corps  fur  lefquels  ils 
tombent;  Tant  que  cette  première  cellule  ou  cet  œuf  du  polype  eft 
encore  fermé  ,  tout  y  efl:  dans  un  état  de  mollelTe  ;  mais  lorfqu'il 
s'eft  ouvert ,  on  commence  à  y  remarquer  quelques  petites  lames 
dures  ,  qui  prennent  peu  -  à  -  peu  la  vraie  conhftance  du  corail.  A 
mefure  qu'il  croît,  les  polypes  fe  multiplient  ,  &  il  fe  forme  de 
nouvelles  ramifications  ;  &  à  .mefure  que  les  polypes  abandonnent 
leur  première  habitation ,  le  corail  acquiert  de  la  grofîeur ,  de  la 
dureté ,  de  la  pefanteur.  Ainli  le  corail  eft  un  polypier  d'une  fubf- 
tance  dure  &  compaéle ,  intérieurement  maflive  ,  pleine  &  folide  , 
fans  aucun  trou ,  ni  porofité  ,  comme  dans  les  madrépores  ,  tou- 
jours branchu ,  légèrement  ftrié.  A  l'égard  du  corail  blanc  oculé  des 
boutiques ,  c'eft  une  efpece  de  madrépore.  Pour  achever  de  prendre 
une  légers  idée  de  la  ftrudure  merveilleufe  des  coraux  ,  des  madré- 
pores 5  des  lithophytes  ,   &c.   voye\  à  la  fuite   du  mot  CoBALLiNE. 

Le  corail  peut  être  employé  feul  con- me  abforbantou  alkali  terreux, 
Diflbus  par  l'acide  du  vinaigre,  il  donne  un  fel  neutre  favonncux, 
qui  peut  être  regardé  comme  diurétique  &  tonique.  On  en  fait  aufîî 
une  teinture  &  un  firop  aftringent.  La  préparation  du  corail  pro- 
prement dite  5  celle  dont  le  produit  eft  connu  dans  les  boutiques 
fous  le  nom  de  corail  rouge  préparé ,  confjfte  à  le  recuire  en  poudre 
dans  un  mortier  de  fer  ,  à  le  tamifer  ,  à  le  porphyrifer ,  &  à  le  former 
enfuite  en  petits  trochifques,  Ce   corail  entre   dans   les    confeélions 


'  <. 


d^hyaclnthe  Se  d'alkermès ,  &  dans  les  poudres  dentifrices.  M,  Bour- 
geois dit  que  le  corail  préparé  eft  un  très  bon  aftringent ,  qu'on  peut 
employer  fans  crainte  dans  toutes  les  efpeces  d'hémorragies  ,  &  dont 
il  fait  beaucoup  d'ufage  dans  fa  pratique.  Il  fe  fert  avec  un  grand 
fuccès  dans  les  pertes  des  femmes  les  plus  opiniâtres  d'une  poudre 
compofée  de  parties  égales  de  corail  rouge,  de  quinquina  &  de 
nitre ,    à  la  dofe  de  deux  fcrupules   trois  fois  le  jour. 

Quoique  le  corail  foit  très -dur  ,  lorfque  par  le  temps  ou  par 
queîqu'acddent  il  a  perdu  fon  écorce  ,  il  eft  fujet  à  être  rongé  par 
de  petits  animaux  ,  qui  le  rendent  fi  foible  &  fi  fragile  ,  qu'on  ne 
peut  plus  l'employer  en  bijouterie.  Les  marbres  les  plus  durs  qui  fe 
trouvent  dans  le  fond  des  mers  ne  font  pas  exempts  des  attaques  de 
ces  individus. 

La  pèche  du  corail  fe  fait  depuis  le  commencement  d'Avril  jufqu'à 
la  fin  de  Juillet ,  notamment  dans  les  bouches  de  Bonifacio-.vis-Ȉ-vis 
l'île  de  Sardaigne  ;  on  en  pèche  aulîî  fur  les  côtes  de  Tunis.  ;Les 
Pécheurs  Corailliers  ,  foit  de  Corfe,  foit  de  Catalogne  ,  attachent 
deux  chevrons  en  croix  ,  &  les  appefantiffent  avec  un  boulet  ou 
avec  un  gros  morceau  de  plomb ,  qu'ils  mettent  au  milieu  pour  les 
faire  tomber  à  fond  ;  ils  en  entortillent  négligemment  du  chanvre  de  l'a 
grofleur  du  pouce  ,  &  ils  entourent  les  chevrons,  qui  ont  auffi  à 
chaque  bout  un  filet  en  manière  de  bourfe;  ils  attachent  ce  bois  à 
deux  cordes  ,  dont  l'une  tient  à  la  proue  &  l'autre  à  la  poupe  de  la 
barque  ;  enfuite  ils  le  laiflent  aller  à  tâtons  au  courant  &  au  fond 
de  l'eau  ,  afin  que  la  machine  s'accroche  fous  les  avances  des  ro- 
chers ;  par  ce  moyen  le  chanvre  s'entortille  autour  des  branches  de 
corail.  On  emploie  cinq  ou  fix  perfonnes  pour  tirer  les  chevrons 
&  pour  arracher  le  corail  qui  refte  attaché  à  la  filafle  ,  ou  qui 
tombe  dans  la  bourfe  j  s'il^  tombe  dans  la  mer  ,  les  Plongeurs  le 
vont  chercher. 

On  recherche  beaucoup  les  grandes  branches  du  corail,  pour  les 
vendre  aux  perfonnes  qui  font  des  coUedions  de  curiofités  naturelles, 
ou  pour  les  polir  avec  le  fil  de  chanvre,  le  blanc  d'oeuf  ou  de 
l'éméri  ,  ou  pour  les  fculpter  &  en  faire  des  ornemens  qu'on  envoie 
dans  l'Inde  ,  en  Afie  ,  &  fur-tout  en  Arabie.  On  en  fait  une  infinité, 
de  petits  ouvrages,  comme  des  cuillers,  des  pommes  de  canne,  des 
manches  de  couteau ,  des  poignées  d'épée ,  des  colliers  ,  des  braflelets 

.      •      R  r  2 


V  . 


3i(?  C  OR 

&  des  grains  de  chapelet.  Les  Mahométans  de  TArabie  Heureufe 
comptent  le  nombre  de  leurs  prières  fur  un  chapelet  de  corail;  & 
l'on  n*enterre  prefque  perfonne  parmi  eux  ,  fans  lui  mettre  un  de 
ces  chapelets  au  cou. 

CORAIL  ARTICULÉ.  Sa  fubftance  eft  alternativement  dure  & 
flexible.  Il  y  en  a  de  rouge  ,  de  blanc,  de  jaune.  Ce  polypier, 
dont  Torganifation  eft  très -régulière  ,  paroît  fervir  de  padage  des 
coraux  aux  lithophytes  ;  il  n'a  point  de  pores  ni  d'étoiles  ;  il  eft 
toujours  en  arbriflcau  &  bien  branchu.  Les  efpeces  varient  pour 
la  grandeur  ,  la  couleur  &  la  dureté.  Les  digitations  font  dures  ,. 
ftriées,  inégales  en  hauteur,  demi-tranfparentes,  dures  dans  l'efpece 
blanche ,  &  les  articulations  font  prefque  liflfes ,  petites  ,  étranglées, 
&  d'une  fubftance  de  corne  d'un  brun  noirâtre  dans  cette  même 
efpece.  Auffi  rien  ne  reiTemble-t-il  mieux  ,  pour  la  configuration 
extérieure ,  à  cette  plante  qui  porte  le  nom  de  prêU  ou  de  queue 
de  cheval.  Dans  le  corail  rouge  articulé  les  articulations ,  au  liea 
d'être  enfoncées  ,  font  plus  faillantes  que  le  refte  ,  auiîi  l'appelle- 
t-on  corail  noueux  ou  gérziculé, 

CORAIL  BLANC  DES  BoUTiQUES.  On  l'appelle  auflî  corail  blanc 
oculé,  C'eft  une  efpece  de  madrépore  d'un  blanc  de  lait ,  commun 
dans  la  Méditerranée.  Ses  rameaux  font  arrondis  ,  liftes  ,  tortueux 
&  entrelacés  les  uns  dans  les  autres ,  parfemés  de  grands  trous  ou 
pores  aflez  éloignés  les  uns  des  autres  ,  débordant  un  peu  la  fu- 
perficie ,  étoiles  &  cannelés  en  dedans.  On  en  trouve  dans  les  autres, 
mers  à  étoiles  moins  éparfes ,  &  d'une  couleur  lilas^  Il  n'eft  pas 
rare  d'y  obferver  des  tubes  vermiculaires. 

CORAIL    FAUX    ou    NOIE.    Foyei  Lithophytes   à  la 
fuite  du  mot  CoRALLiNE. 

CORAIL   DE  Jardin.  Voyei  Poivre  de  Guinée.. 

CORAL.  Couleuvre  de  la  rivière  des  Amazones  ,  remarquable 
par  la  variété  &:  la  vivacité  de  fes  couleurs.  Ce  ferpent  eft ,  dit-on , 
amphibie.  On  afllire  en  avoir  vu  de  vingt  -  cinq  à  trente  pieds  de 
longueur  &  d'un  pied  d'épaifleur.  Un  tel  monftre  eft  bien  capable 
d'infpirer  la  terreur  ;  cependant  M.  de  la  Condamine  dit  qu'on  peut 
en  être  mordu  fans  qu'il  en  réfulte  d'autre  accident  que  celui  d'une 
blefTure  ordinaire.  Pluheurs  Auteurs  rapportent  fort  férieufement  des 
faits  extraordinaires  de  ce  ferpent,  II  habite  ordinairement  les  grands 


COR  s  17 

lacs  formés  par  î'épanchement  des  eaux  des  fleuves  au  -  dedans  des 
terres.    Les  Indiens  Maynas  l'appellent  yacumana  ou  mère  if  eau, 

CORALINE.  Coquillage  bivalve  de  la  famille  des  peignes.  Cette 
coquille  eft  rouge  &  ponceau  vers  la  tête,  ftriée,  cannelée,  ornée 
de  bofles  élevées  ,  creufes  &  difpofées  par  zones  :  fes  oreilles  font 
inégales ,  mais  le   chantournement  de  {qs  bords   eft  régulier. 

CORALLIN.  On  donne  ce  nom  à  un  ferpent  de  Siam  ,  qui  eft 
très- rare  &  très-beau.  Il  eft  ceint  de  bandes  autour  du  corps,  qui, 
depuis  la  tête  jufqu  à  la  queue ,  font  rouges  &  blanches  fucceffive- 
nient.  Le  corps  de  ce  ferpent  eft  long  &  grêle  ,  fa  tête  eft  fort  belle. 

CORALLINE  ,  corallïna.  C'eft  le  nom  qu'on  donne  à  des  pro- 
dudions  marines,  qui  ont  la  forme  de  plantes ,  &  qui  font  compofées 
de  plufieurs  branches  minces  ,  &  fubdivifées  en  fines  ramifications; 
elles  reffemblent  à  certaines  moulTes  :  auilî  quelques  Botaniftes ,  avec 
Tournefon  ,  ont-ils  mis  toutes  les  corallines  au  rang  de  ces  mouffes  ;  mais 
les  obfervations  de  M.  Peyjfonel,  fuivies  de  celles  del'illuftre  M.  Z?ér/7ûr</ 
de  JuJJîeu  ,  ont  appris  à  diftinguer  les  corallines  en  deux  clafTes ,  dont 
les  unes  font  de  vraies  plantes,  &  les  autres  font  produites  par  des 
vers  marins ,  ainfî  que  le  corail.  Voyez  ce  mot.  Confultez  auffi  les 
Mémoires  de  l* Académie  Royale  des  Sciences ,  7742  ,  &  la  Préface  du 
VI  volume    des   Mémoires  pour  fervir  à  rHiJloire   des   lnfeB.es, 

Les  découvertes  que  l'on  a  faites  oc  que  Ton  fait  tous  les  jours  j 
prouvent  que  cette  dernière  clafTe  eft  la  plus  nombreufe.  On  re- 
marque que  la  plupart  des  corps  marins  que  leur  figure  avoit  fait  prendre 
jufqu'à  préfent pour  des  arbrilleaux,  des  plantes,  des  mouffes  de  mer,  font 
non-feulement  le  domicile  d'animaux,  mais  qu'ils  font  encore  leur  ouvra- 
ge, &  qu'ils  fervent  à  leur  confervation ,  leur  défenfe ,  leur  propagation. 

Nous  difons  que  parmi  les  corps  auxquels  on  a  donné  le  nom  de 
corallines ^  il  y  en  a  dont  les  junes  font  formées  par  des  vers  marins, 
efpeces  de  faux  infedes  ;  les  autres  font  de  véritables  plantes.  M. 
Bernard  de  Juffîeu ,.  cet  excellent  Obfervateur  ,  n'a  pu  reconnoître 
jufqu'à  préfent  que  fept  efpeces  différentes  de  corallines  plantes  9 
défignées   dans    Toumefort  fous  les  noms  de 

1.  Corallina  ,   /.  B, 

2.  Corallina  rubens   millefolii  divifurce, 

3..  Corallina   capillaceo   midtifido  folio  albido, 
^.  Corallina  capillaceo  multifido  folio  nigro. 


•5  1 8  COR 

j*.   Corullina  capillaceo  muhifido  folio  viriJ':. 

6,  Corallina  rubens  ,  vaide  ramoja  ,  capïlLaua, 

7.  Corallina   alba ,    valdï  ramofa  ,    capillac&a. 

Il  en  refte  un  très-grand  nombre  dont  la  nature  eft  encore  incer- 
taine,  &  que  Ton  ignore  appartenir  au  genre  des  vers-infedes 
marins  ou  à  celui  des  plantes ,  tant  la  nature  pafTe  ,  par  des  nuances 
infenfibles ,  du  règne  végétal  au  règne  animal. 

On  s'attachera  dans  le  refte  de  cet  article  à  parler  des  corallines 
productions  de  vers  marins  ,  comme  d'objets  nouveaux  &  dignes  d'attirer 
l'attention  5  par  leur  beauté  ,  leur  élégance  ,  leur  diverfîté ,  8c 
plufieurs  autres  traits  curieux.  On  verra  avec  plaifir  les  demeures 
imperceptibles  d'une  multitude  d'animaux ,  ou  plutôt  un  nouveau 
inonde  ,  peuplé  par  des  millions  d'habitans  ,  aufll  remarquables  par 
la  diverfîté  de  leurs  formes  ,  que  par  la  fingularité  des  procédés 
induftrieux  qu'ils  fuivent  pour  leur  confervation  :  mais  ouvrons  le 
Traité^des  corallines  de  M.  Ellis ,  imprimé  à  la  Haie  en  lyyô,  in-^°. 
avec  fig.  Confultons  ce  qu'il  en  dit ,  &  ce  que  nous  avons  vérifié  à 
Londres  dans  le  cabinet  de  ce  favant  Anglois. 

On  diftingue  les  corallines  en  véJicuUufes  ,  en  tubukufes ,  en  cellu- 
l^ujes  &  en  corallines  articulées.  On  regarde  auiîl  comme  produdions 
de  vers-infe'fles  les  kcratopkytes  ,  les  efcarres  ,  les  éponges  ,  les  alcyons. 
Nous  parlerons  fous  ce  même  article  de  ces  diverfes  produirions , 
parce  qu'étant  réunies  fous  un  feul  point  de  vue  ,  on  peut  jouir 
du  plaifir  de  la   comparaifon. 

Voyons  d'abord  la  manière  dont  on  peut  s'y  prendre  pour  étudier 
des  animaux  fi  déliés. 

Ceft  fur  les  rochers  ou  fur  les  bancs  d'huîtres  qui  ont  été  négligés 
pendant  quelque  temps,  que  l'on  trouve  en  petits  buiffons  les  coral- 
lines les  plus  variées.  Aufîi-tôt  que  les  Pécheurs  ont  pris  les  huîtres 
qui  en  font  chargées  ,  il  faut  les  mettre  dans  un  grand  vafe  de  bois , 
&  les  couvrir  d'eau  de  mer.  Au  bout  d'une  heure  on  voit  s'épanouir 
les  polypes ,  qui  s'étoient  contractés  à  l'inftant  où  on  les  avoit  tirés 
de  l'eau.  Pour  lors  on  verfe  doucement  fur  les  bords  du  vafe  autant 
d'eau  bouillante  qu'il  y  a  d'eau  froide  (on  pourroit  aulTi  les  plonger 
dans  le  vinaigre  ).  Cela  fait,  on  ôte  promptement  avec  des  pinces 
les  corallines  de  defTus  les  coquillages  :  on  met  les  efpcces  féparées 
dans  de  petits  vafes  de  criftal  blanc ,  remplis  d'un  efprit  de   vin  bica 


COR  51C) 

clair  5  mais  affoibli  par  de  l'eau  au  point  de  n'être  pas  plus  fort  que 
de  bonne  eau-de-vie  :  à  l'inftant  les  polypes  perdent  la  vie  fans 
avoir  le  temps  de  fe  contrader.  Il  faut  avoir  foin  que  le  diamètre 
des  petits  vafes  de  criftal  n'excède  point  la  longueur  du  foyer  de  la 
loupe  avec  laquelle  on  fe  propofe  de  faire  les  obfervations.  On  ne 
peut  faire  ces  fortes  de  colleâions  que  pendant  l'été  ,  parce  qu'en 
hiver  les  polypes  font  contraâés  par  le  froid. 

Les  polypes ,  conftruâ:eurs  des  cellules  dont  nous  allons  parler  , 
refTemblent  aflez  aux  polyp&s  d'eau  douce.  Nous  avons  dit  à  l'article 
corail ,  que  l'on  voit  aujourd'hui  dans  différens  cabinets  d'HiPioire 
Naturelle ,  de  petits  bocaux  contenant  quelques  branches  de  corail 
rouge  ,  chargées  de  leurs  polypes  des  mieux  confervés  dans  une 
liqueur  appropriée  ,  où  on  obferve  très  -  diftinâement  leurs  bras 
étendus  en  forme  d'étoiles  ,  &  femblables  aux  pétales  d'une  petite 
fleur  blanche  ,    qui  fe  détachent  fi;r  un  fond  rouge. 

On  verra  au  mot  polype  d'eau  douce  la  manière  de  fe  nourrir  pde 
croître ,  de  fe  multiplier  de  ces  vers-infeâies ,  qui  vraifemblablement 
eft  la  même  que  celle  des  polypes  de  mer  ,  fuivant  les  Obferva- 
tions de  M.  ElUs.  La  réunion  de  ces  deux  articles  donnera  l'hiftoire 
de  ces  fingulieres  productions  de  la  nature.  On  va  confidérer  lés* 
diverfes  efpeces  de  corallines. 

Corallims  véjiculeufts.  Ces  corallines  fe  diftinguent  par  leur  fubf- 
tance  ,  qui  approche  de  celle  de  la  corne  ,  &  par  des  branchages  j,. 
qui  font  autant  de  tuyaux ,  difpofés  de  façon  qu'ils  femblent  former 
ime  très- jolie  plante.  La  plupart  de  ces  corallines  ont  leurs  branches 
dentelées  ,  comme  les  feuilles  des  mouifes.  Dans  certains  temps  de 
l'année  on  les  trouve  chargées  de  petits  corps  ,  qui  ,  vus  au  mi- 
crofcope ,  paroilfent  comme  autant  de  viftculcs.  Quelques  Auteurs, 
faute  d'avoir  examiné  ces  corallines  animées  dans  les  eaux  de  la  mer  , 
avoient  pris  ces  véiicules  pour  des  ampoules  flottantes  qui  foutc- 
noient  les  corallines  lur  l'eau  ,  femblables  en  cela  à  celles  de  X'aciniaire 
&  du  chêne  de  mer.  Les  Obfervations  de  M.  Ell'is  lui  ont  appris  que- 
ces  vè'cuLs  font  les  matrices  ou  habitations  de  jeunes  polypes,  quji 
fortent  du  corps  de  leur  mère  ,  comme  ceux  d'eau  douce,  avec  cette 
différence  ,  que  les  corps  des  polypes  marins  font  à  l'abri  fous  cette 
couverture  vèJicuUuft.  Lorfque  le  jeune  polype  a  pris  un  'certain 
accroifîement ,  le  fommet  àQÏ^véJicuU  commence  à  s'ouvrir;  l'animal^; 


-■jf 


3  20  COR 

s'avance  en  dehors  ;  &  déployant  Tes  bras ,  cherche  de  tous  côtes 
fa  nourriture  ;  au  moindre  mouvement  il  fe  contrade  &  fe  retire  au 
fond  de  fa  véficule ,  qui  fe  referme  en  même  temps.  La  forme  des 
véficules  varie  dans  différentes  efpeces  de  corallines.  Il  y  en  a 
quelques-unes  dont  les  véficules  ont  un  petit  couvercle  élaftique  , 
qui  en  ferme  l'entrée  aufli-tôt  que  l'animal  s'efl  retiré  au  fond. 
Lorfque  les  polypes  ont  acquis  un  certain  degré  de  force  ,  les  vé- 
ficules fe  détachent  comme  les  pétales  des  fleurs. 

Parmi  ces  corallines  véficuleufes ,  il  y  en  a  d'une  très-jolie  forme. 
L'une  ,  que  l'on  nomme  la  queue  d'écureuil ,  forme  un  jet  droit  , 
garnie  d'une  touffe  épaiffe  de  branches  placées  en  fpirale  comme 
fur  le  pas  d'une  vis  ,  &  qui  environnent  la  tige  depuis  fon  fommet 
jufqu'à  la  racine.  Les  véficules  d'une  autre  efpece  ,  groflîes  au  microf- 
cope,  ont  la  figure  d'une  fleur  de  lis  ou  d'une  pomme  de  grenade  qui 
commence  à  s'ouvrir  î  ce  qui  lui  en  fait  donner  le  nom.  Une  autre 
efpece  ,  qui  eft  très-rare,  &  qui  croît  à  la  hauteur  de  dix  à  douze 
pouces  5  a  mérité  par  fa  forme  élégante  le  nom  de  queue  de  faifan. 
Les  articulations  de  la  coralline  que  l'on  nomme  fil  de  mer ,  &  qui 
.  fe  trouve  fur  les  côtes  d'Angleterre  ,  font  formées  d'une  matière 
.  élaftjque  ;  ce  qui  les  rend  très-propres  à  réfifter  à  la  violence  des 
vagues.  Ses  véficules  ,  placées  fur  des  pédicules  faits  en  forme  de 
vis  5  cèdent  aifément  à  l'effort  des  ondes  fans  en  être  endommagées. 
Le  tamaris  de  mer  ,  le  fapiri  de  mer ,  l'antenne  d'écrevijfe  ou  tarhe  de 
mer ,  les  corallines  à  lendcs  &  à  coffes  ,  font  aufli  des  corallines 
■yéficuleufes, 

Corallines  tuhuleufes.  La  fubflance  de  ces  corallines  eft  de  corne 
élaflique  ;  ce  font  de  fimples  tubes  qui  croiffent  appliqués  les  uns 
aux  autres  ;  ces  corallines  font  garnies  de  branches  ,  mais  elles  n'ont 
point  de  véficules.  Il  y  a  des  corallines  qui  reffemblent  à  des  tuyaux 
de  paille  d'avoine  longs  de  cinq  à  fix  pouces  ;  c'eft  à  leur  fommet 
que  fe  trouvent  les  polypes  oinés  de  crêtes  garnies  de  plumes.  Il 
y  en  a  dont  les  polypes  font  d'un  rouge  cramoifi  le  plus  éclatant. 
On  peut  regarder  cette  efpece  de  coralline  comme  la  plus  fimple 
de  toutes,  &  en  partant  de  celle-là,  fuivre  toutes  les  autres,  à 
travers  la  variété  infinie  de  leurs  formes  ,  2c  remonter  jufqu'à  la 
plus  parfaite  de  tout^  l'efpece. 

.On  pçut  remarquer  que  les  polyves  de  mer ,  deftinés  par  la  nature 

à 


COR  521 

à  vivre  dans  le  (ein  des  flots  agités ,  &:  au  milieu  d'un  peuple  d'en- 
nemis de  tout  ordre ,  ont  été  pourvus  de  ce  qui  étoit  nécefTaire  à 
leur  confervation.  Ils  font  fixés  par  leur  bafe  fur  des  corps  folides  > 
&  armés  d'une  enveloppe  d'une  matière  dure  ou  femblable  à  de  la 
Corne  ;  précaution  inutile  pour  les  polypes  d'eau  douce  ,  qui  vivent 
dans  les  eaux  tranquilles  des  étangs  &  des  fofles. 

Corallines  cellukufcs.  La  fubftance  de  ces  corallines  eft  cruftacée, 
caflante  &  tranfparente  :  groflies  au  micro fcope ,  elles  paroifTent 
toutes  couvertes  de  petites  cellules  très-minces ,  oii  logent  de  petits 
animaux  joints  enfemble.  M.  Ellis  s'eft  affuré ,  par  plufieurs  ob- 
fervations  ,  que  dans  cette  efpece  il  y  en  a  qui  fe  métamorphofent 
en  corps  teftacées  de  la  forme  des  limaçons  ou  des  nérites  ;  mais 
ils  reftent  attachés  à  leurs  cellules  par  un  ligament  ombilical,  jufqu'à 
ce  qu'ils  puiiïènt  pourvoir  eux-mêmes  à  leur  fubfîftance.  On  peut 
penfer  qu'ils  fe  multiplient  en  répandant  leur  frai  par  toute  la  co- 
ralline.  Il  y  a  aufli  ,  dans  cette  clafiTe  ,  beaucoup  de  variétés  potir 
les  formes.  Il  y  a  la  rampante  ,  la  coralUnc  à  cils  ,  celle  à  touffe 
Côulîur  d'ivoire, 

Corallines  articulées.  Cqs  corallines  font  formées  d'une  matière 
pierreufe  ou  crétacée  &  caffante  ,  dont  la  furface  eft  couvert^de 
cellules  de  polypes.  Les  articulations  de  ces  corallines  font  unies 
l'une  à  l'autre  par  une  membrane  rude  &  pliante  ,  faite  d'une 
infinité  de  petits  tubes  de  la  même  nature  &  joints  étroitement  enfemble. 
Comme  ces  tubes  font  très  -  plians  dans  l'eau  ,  ils  cèdent  fans  fe 
rompre  à  l'agitation  des  flots.  Lorfqu'on  met  ces  corallines  dans  le 
vinaigre  ,  l'acide  diflbut  la  matière  crétacée  ,  &  laiflTe  en  entier 
l'autre  partie  ,  qui  forme  non-feulement  les  ligamens  des  articulations 
pierreufes  ,  mais  qui  fert  encore  de  fondement  aux  cellules  de  ces 
articulations.  Les  corallines^ de  ces  efpeces  font  delà  forme  la  plus 
élégante.  Il  y  en  a  de  blanches  ,  de  rouges  ,  de  vertes  &  de  cendrées  ; 
on  diftingue  la  bugU  coralUne  ,  la  commune  ou  blanche  des  Apo- 
thicaires,  la  coralline  rouge  ,  le  pinceau  marin,  &c.  çlles  ont  toutes 
de  commun  ,  que  lorfqu'on  les  laiffe  expofées  à  l'air  &  au  foleil  , 
«lies  deviennent  blanches. 

Les  corallines  articulées  de  nos  climats  font  fi  denfes  ,    &  leur 
furface  eft  fi  unie  qu'on  peut  à  peine  en  découvrir  les  pores  à  l'aide 
du  microfcope.    Celles  des  climats    plus    chauds   font    généralement 
Tome  //,  S  s 


522  COR 

d'un  tilTu  plus  lâche  :  les  cellules  &  les  tubes ,  qui  unifTent  les  arti- 
culations ,  fe  voient  à  l'œil  fimple.  Lorfque  la  matière  crétacée  eft 
diiToute  ,  on  apperçoit  les  petits  tubes  qui  répondent  à  la  furface 
des  articulations  ,  où  ils  font  terminés  en  petites  coupes  ,  qui , 
jointes  enfemble  par  les  côtés  ,  repréfentent  au  naturel  les  gâteaux 
des  abeilles.  Le  fommet  de  chacune  de  ces  coupes  répond  à  un 
pore  de  la  furface  crétacée. 

Lïthophyus  ou  faux  Coraux, 

Lïthophytes  ou  kératophytes.  Noms  différens  que  Ton  donne  à  l'ou- 
vrage d'efpeces  de  polypes  branchus ,  de  la  nature  de  l'ortie  de  mer^ 
Les  lithophytes,  au  premier  coup  d'œil,  paroiffent  confifter  en  une 
fubftance  qui  ti^nt  en  partie  de  la  nature  du  bois  ou  de  la  corne,  & 
en  partie  de  celle  de  la  pierre  :  ce  qui  les  a  fait  appeîler  par  (\mq\' 
quQS-uns  faajjes  planus  mannes.  On  y  obferve,  comme  dans  les  coraux 
lin  tronc,  des  tiges,  des  ramifications  qui  font  tellement  entrelacées 
dans  certaines  efpeces  ,  qu'elles  ont  la  forme  d'un  filet  :  cette  diverfité 
de  formes  leur  a  fait  donner  aufïl  les  noms  (^éventail  de.  mer ,  de 
plumes  de  mer ,  de  cyprès  marin ,  &  autres  noms  analogues  à  leur  forme. 

Les  rarneaux  principaux  des  lithophytes  paroiflent  tous  compofés 
de  fibres  longitudinales  ,  étroitement  ferrées  les  unes  contre  les 
autres  ;  la  même  organifation  fe  retrouve  jufque  dans  les  plus 
petites  ramifications  qui  font  flexibles.  Lorfqu'on  en  coupe  tranf- 
verfalement  un  tronc  principal ,  on  obferve  que  tous  ces  tubes  font 
placés  en  rond  autour  du  centre  du  tronc,  à  peu  près  de  même  que 
les  anneaux  circulaires  qui  fe  forment  dans  le  bois.  Cette  fubftance, 
qui  n'eft  pas  fi  dure  que  le  corail ,  eft  flexible  &  paroît  tenir  de  la 
nature  de  la  corne  :  elle  en  donne  Todeur  lorfqu^on  la  brûle ,  ce  qu'on 
doit  fans  doute  regarder  comme  une  des  meilleures  preuves  que  c'eft 
une  matière  animale.  Toute  la  furface  du  tronc  &  des  branches  eft 
recouverte  d'une  efpece  d'écorce  celluleufe  &  friable,  qui  varie  beau- 
coup ,  foit  pour  la  forme,  foit  pour  Tépaiffeur.  Ces  cellules  qui  font 
la  demeure  des  polypes,  font  fouvent  ornées  des  plus  belles  couleurs» 
jaune,  violet,  rouge,  gris,  &c.  Les  liihophytes  reffemblent  donc  au 
corail ,  tant  dans  leur  tiffu ,  que  dans  les  principes  animaux  que  la 
chimie  en  retire  ;  la  différence  eft ,  en  ce  que  les  tubes  du  corail  fe 
changent  en  une  matière  pierreufej   &   ceux  de  l'autre  5  en  une 


•T 


COR  325 

matière  cornée,  deîa  nature  de  celle  qui  eft  connue  communément  fous 
îe  nom  de  baleine.  Du  refte ,  c'eft  la  même  organifation  ,  &  on  voit 
que  ces  corps  font  peu  éloignés  l'un  de  l'autre  dans  la  grande  échelle 
de  la  nature.  Voyc:^  Corail, 

•  Il  eft  bon  d'obferver  que  les  tubes  longitudinaux  des  lithophytes  & 
des  coraux,  ne  font  point  unis  par  des  fibres  ou  tuyaux  ,  latéraux  comme 
les  vaifTeaux  longitudinaux  du  bois;  d'où  il  paroît  que  leur  grande 
adhérence  vient  de  la  vifcofîté  que  répandent  les  polypes.  On  remar- 
que que  les  lithophytes  des  climats  les  plus  chauds ,  ceux  des  Indes 
occidentales,  font  même  beaucoup  plus  durs  que  le  bois;  telle  eft: 
l'efpece  appellée  improprem.ent  corail  noir ,  corail  anthipates  ,  &  qui  n'eft 
qu'un  kératophyte  ou  lithophyte  noir,  dont  les  rameaux  font  plus  ou 
moins  nombreux,  ronds  ou  aplatis  ,  droits  ou  tortueux.  Ce  lithophyte 
eft  creux  intérieurement ,  formé  en  couches,  lifle  &  luifant  en  fa  Juper- 
ficie,  nullement  diffoluble  dans  les  acides,  brûlant  très-bien  .fans 
laifler  de  cendres  comme  les  végétaux ,  mais  feulement  une  matière 
charbonneufe  très-friable,  comme  delà  corne  brûlée;  on  en  ren- 
contre beaucoup  près  de  Malthe  &  près  de  l'île  d'Amboine.  11  n'eft 
pas  rare  d'en  pêcher  de  couleur  olivâtre  près  de  Corfou  dans  la 
Méditerranée. 

On  trouve  fur  les  côtes  de  Norwege  les  plus  beaux  lithophytes  , 
on  en  a  vu  qui  avoient  jufqu  à  feize  pieds  de  haut.  Leur  empâtement 
fur  les  corps  pierreux,  eft  femblable  à  celui  du  corail,  c'eft  à-dire, 
que  leur  bafe  n'eft  ni  chevelue  ni  fibreufe  comme  dans  les  végétaux, 
mais  le  plus  fouvent  étendue  en  matière  de  plaque  ou  de  feuillet, 
qui ,  par  fa  furface  aftez  large  ,  comme  garnie  de  fuçoirs  mucilagineux 
&  infinués  foiblement  dans  les  pores  de  leur  foutien ,  embraffe  forte- 
ment les  corps  fur  lefquels  ils  ont  pris  naiifance.  On  diroit  quelque- 
fois que  cette  plaque  eft  un  amas  de  cordons  collés  fur  la  furface 
des  cailloux  ou  des  rochers  qu'ils  embrafTent  ,  ou  qui  leur  fervent  de 
bafe  &  de  point  d'appui. 

Efcarres* 

Escarres  ,  efcharra.  Autres  efpeces  de  polypiers ,  les  uns  font  de 
fubftance  molle,  les  autres  font  durs;  ceux-ci  appartiennent  propre- 
ment à  la  claffe  des  millepores.  Les  autres  polypiers  qui  font  quelque- 
fois d'une  fubftance  cornée  ,  ont  une  très-grande   reifemblance  avec 

.   S  s  2 


3  24  C  O  R 

les  feuilles  de  moufles  de  mer  ou  plantes  nommées  par  les  Botanifîes 
fucus.  Leur  caradere  diftindif  confîfte  en  ce  que  les  petites  cellules  , 
dont  leur  furface  eft  parfemée,  reflemblent  par  leur  arrangement  à  une 
toile  fur  le  métier. 

On  obferve  que  dans  ces  efcarres ,  les  rangs  des  cellules  fortent  de  petits 
tubes  qui  s'uniflent  enfemble  &  forment  une  forte  de  tige ,  qui  en  s'élevant 
fe  partage  en  feuilles  étroites,  dont  les  cellules  font  difpofées  comme 
des  rayons  de  miel.  Ces  efpeces  de  produdions  à  polypiers,  lorfqu'on 
les  retire  de  la  mer ,  font  d'un  tiflu  mou  &  fpongieux  :  elles  répan- 
dent une  forte  odeur  de  poiflbn  ;  mais  lorfqu'elles  font  deflechées  , 
elles  deviennent  femblables  à  de  la  corne  ou  à  de  certaines  feuilles 
fanées. 

Il  y  a  aufïî  de  ces  polypes  qui  environnent  quelques /«cz/i,  &  les 
enveloppent  avec  leurs  cellules,  fucus  telam  lincamve  nfcrens ;  mais  il 
ne  faut  point  les  confondre  entièrement  avec  les  efcarres  pîerreufes  & 
les  kiratophytes, 

Ceft  dans  le  cabinet  du  Jardin  du  Pvoi ,  qu'on  a  occafion  d'admirer 
toute  la  richefle  de  la  nature  dans  la  variété  des  produdions  à  polypiers. 
Quelle  diverfité  n'obferve-t-on  pas  dans  les  formes,  dans  les  organi- 
fations  !  quelle  finefle  dans  le  rétépore  dentelle  !  quelle  forme  fïnguliere 
dans  le  chou  de  mer  !  Ceft  dans  cette  même  colledion  ,  &  dans  une 
infinité  d'autres,  qu'on  voit  ces  domiciles  de  vers  dont  nous  avons 
parlé,  ainfi  que  ceux  que  nous  aurons  occafion  de  citer  en  exemple  , 
&  une  multitude  d'autres  fous  des  noms  appropriés  à  leur  forme  ou 
à  leur  organifation  ,  tels  que  Vafîroke  cerveau  &  autres.  Foyei  ces 
mots. 

Eponges. 

Épo'biGE  , /pongia.  Subffance  légère,  grisâtre  ou  jaunâtre,  molle 
&  cependant  élaftique,  très-poreufe  ,  qui  s'imbibe  d'une  grande  quantité 
d'eau  à  proportion  de  fon  volume.  On  avoit  penfé,  même  avant 
Ariftote ,  qui  avoit  rejeté  cette  idée,  que  ces  corps  étoient  fufcepti- 
bles  de  fentiment.  On  fut  fans  doute  conduit  à  cette  penfée  par  une 
forte  d'expérience.  Les  éponges  étant  le  domicile  de  polypes  ou  d'ani- 
malcules d'un  ordre  particulier ,  on  ne  peut  pas  douter  que  tant  de 
milliers  de  petits  animaux  qui  fe  retirent  fubitement  &  tous  à  la  fois 
dans  leurs  cellules ,  ne  faflent  éprouver  à  la  main  qui  veut  arracher 
toute  la  colonie ,  une  réfiftance  d'une  nature  bien  dififérente  de  l'im-: 
preffion  eue  feroit  fur  elle  un  corps  inanimé, 


COR  32; 

Les  éponges  font  des  polypiers  compofés  de  plufieurs  fibres  qui 
s'entrelaçant  les  unes  dans  les  autres ,  s'unifient  &  forment  une  efpece 
de  réfeau  percé  de  tubes  plus  ou  moins  larges  &  profonds.  Ces  tubes 
qui  paroiflent  remplis  d'une  fubftance  molle  &  blanchâtre,  forment 
par  leurs  différentes  inflexions  des  figures  très-variées.  La  ftru(5ture 
organique  des  éponges  n'a  pas  encore  été  étudiée  autant  qu'elle  pour- 
roit  l'être;  c'eft  aux  Obfervateurs  des  bords  de  la  mer  à  nous  en 
inftruire.  On  trouve  des  éponges  qui  reffemblent  à  des  ruches  à  miel; 
d'autres  à  des  entonnoirs  ,  à  un  éventail,  à  une  crofTe,  à  une  calote,  à 
un  mortier,  à  un  manchon,  à  une  mitre  d'Evêque,  à  un  chapeau, 
à  un  turban,  à  un  bonnet.  Il  y  en  a  une  efpece  qui  eft  ordinairement 
longue  de  quinze  à  dix-huit  pouces,  comprimée,  à  côtés  garnis  de 
petits  trous  :  la  partie  fupérieure  eft  percée  d'une  fuite  de  trous  larges 
&  profonds ,  rangés  fur  une  même  ligne ,  qui  lui  ont  fait  donner  le 
nom  de  fiute  de  Pan»  Une  autre  efpece  d'épongé  très-finguliere  &  que 
l'on  appelle  Iq  priapc  de  Neptune,  eft  en  forme  de  colonne  de  couleur 
rouffe,  à  fibres  rudes,  ferrées  &  affez  folides  ,  parfemée  en  toute  fa 
circonférence  de  grandes  cavités  irrégulieres,  &  creufée  ou  percée 
dans  toute  fa  longueur  d'un  ou  de  deux  grands  trous  cylindriques  , 
qui  ne  font  communément  ouverts  que  par  un  bout.  Quand  plufieurs 
gros  tuyaux  fe  trouvent  placés  l'un  près  de  l'autre ,  on  les  appelle 
tuyaux  d'orgue. 

L'efpece  connue  fous  le  nom  de  cierge,  eft  en  colonne  pyramidale. 
Il  y  a  une  éponge  dont  letiffu  eft  femblable  à  la  mie  de  pain ,  de  forme 
ovale,  comprimée,  avec  une  efpece  d'empâtement  circulaire.  On 
l'appelle  le  gobelet  de  Neptune, 

L'efpece  qui  eft  renflée  par  fa  bafe,  &  digitée  au  fommet,  porte 
le  nom  de  gant  de  Neptune  ;  celle  qui  a  la  forme  d'un  cornet  ,  eft 
appeîlée  trompette  de  mer.  Le  tilTu  en  eft  mince  &  remarquable  par 
quantité  de  petits  trous  cyfindriques.  Enfin  il  y  a  àos  éponges  qui 
portent  le  nom  des  fubftanccs  organifées  qu'elles  imitent.  Il  y  a  V éponge 
opuntia  ;  elle  eft  en  feuilles  très-épaiffes  &  arrondies.  U agaric  de  mer',  fes 
feuilles  font  minces  &  découpées.  U éponge  ourjin  ;  les  pointes  dont 
elle  eft  hériflee  ,  &  qui  la  traverfent  de  part  en  part ,  font  liées  les 
unes  aux  autres  par  des  fils  épars ,  minces  &  très-déliés.  Uépange 
morille  a  une  grande  reffemblance  avec  ce  végétal.  Uéponge  corne  de 
daim  eft  palmée  &  digitée:  fa  couleur  eft  d'un  brun  obfcur. 


s  2^  COR 

La  plupart  des  éponges  fe  trouvent  dans  la  Méditerranée  :  on  en 
pêche  beaucoup  du  côté  des  Mes  de  l'Archipel  &  de  Samos ,  où  il 
y  a  de  bons  plongeurs  pour  cela,  &  où,  félon  M.  de  Toumefon ,  on 
ne  marie  guère  les  garçons  qu'ils  ne  puifTent  plonger  fous  l'eau  au 
moins  à  huit  brades  de  profondeur,  pour  détacher  les  éponges  fixées 
aux  rochers. 

On  retire  des  éponges,  parla  Chimie,  le  même  produit  animal; 
que  des  coraux  8c  des  coraU'ines  ;  ce  qui  prouve  bien  encore  leur  origine 
animale. 

Les  éponges  fines  différent  de  celles  que  l'on  nomme  ^rojfes  éponges 
ou  éponges  desfrotteurs ,  parce  que  leur  tiffu  eft  plus  ferré ,  &  que  leurs 
pores  font  plus  étroits.  Les  meilleures  &  les  plus  fines  ont  une  teinte 
de^gris  cendré.  La  préparation  des  éponges  confifte  à  les  faire  macérer 
dans  l'eau  douce  pour  les  dépouiller  de  leur  odeur  marine:  les 
parfumeurs  les  font  encore  baigner  à  diverfes  reprifes  dans  l'eau  rofe  , 
ou  de  fleurs  d'oranges,  &c.  On  les  fait  fécher  autant  de  fois;  enfin  on 
les  arrofe  d'un  petit  filet  d'effence  d'ambre.  Ces  fortes  d'épongés  ont 
alors  ime  odeur  agréable  quand  on  fe  lave. 

Alcyons, 

Alcyon ,  alcyon'mm.  Ce  font  des  produdons  marines ,  qu'on  n'a 
encore  pu  rapporter  à  aucune  autre  claffe.  Elles  font  principalement 
deftinées  à  fervir  de  nids  &  de  matrices  à  des  animaux  de  mer  ;  telle 
e{k  la  figue  de  mer,  qui,  lorfqu'on  l'ouvre,  fait  voir  une  multitude  de 
petites  particules  jaunâtres ,  &  qui  contient  une  grande  quantité  de 
petits  polypes.  Les  alcyons  varient  beaucoup  dans  leur  forme  &  dans 
leur  fubftance  :  il  y  en  a  de  fpongieux ,  &  d'autres  qui  paroiffent 
charnus.  Ils  ont  aulîi  différentes  fortes  d'enveloppes  ;  les  uns  ont 
une  peau  graveleufe  ,  d'autres  coriace ,  d'autres  calleufe ,  d'autres  friable  ; 
les  uns  reffemblent  à  des  fruits  ou  à  d'autres  corps.  Il  y  a  la  poire 
de  mer ,  le  guêpier  de  mer ,  le  chardon  de  mer  ,    la  vefie  de  loup  de  mer* 

On  met  aulîi  au  rang  des  alcyons  le  raijîn  ou  làfavonnette  de  mer, 
production  marine  ,  ainfî  nommée  de  fa  forme ,  &  parce  que  les 
matelots  en  font  ufage  pour  fe  laver  les  mains  en  guife  de  favon. 
Elleefl  compofée  de  petites  veffiesde  la  groffeur  d'un  pois  ou  d'un  grain 
de  raifm,  jaunes,  rondes ,  appliquées  enfemble  en  forme  de  boules.  Ces 
vefTies  font-elles  le  frai  ou  les  ovaires  du  buccin  commun?  Chacune  d'elle? 


cor:  127 

contient  plufieurs  embryons  de  petits  coquillages  qui ,  lorfqu'ils  gran- 
diflènt  5  forcent  une  porte  en  forme  de  valvule  qui  efl  à  la  veflîe,  &  vont 
vivre  au  milieu  des  eaux.  Le  frai  ou  les  ovaires  du  buccin  de  la 
Virginie ,  ont  la  forme  des  coquillages  nommés  patelles  ,  qui  feroient 
enfilés  comme  un  chapelet  ;  chacune  des  véficules  efl:  pourvue  d'une 
valvule  qui  met  les  jeunes  coquillages  à  l'abri  de  tout  danger,  & 
leur  permet  de  fortir  lorfqu'ils  font   alfez  forts. 

Les  alcyons  faits  en  forme  de  petites  coupes  portées  fur  des  pédi- 
cules ,  renferment  quelquefois  des  œufs  ;  dans  d'autres  ,  on  a  dé- 
couvert de  petits  pétoncUs  très-bien  formés.  Peut-être  pourra-t-on 
y  découvrir  par  la  fuite  de  petits  polypes  comme  dans  lafgue  de  mer. 

Scolopendre  de  mer  ,   qui  confirme   des   Coraux  tuhuleux  ,    ou  plutôt  des 

efpeces  de  Tubulaires.  ^ 

Les  polypes  ne  font  pas  les  feuls  vers  qui  conflruifent  des  efpeces 
de  coraux  &  des  corallïms  tubuleiifcs.  On  trouve  fouvent  fur  les 
bords  de  la  mer  ,  auprès  de  Dieppe  ,  après  la  marée  ,  des  malTes 
de  couleur  de  fable  foncé,  organifées  d'un  tiflli  caflant  &  poreux. 
Nous  en  avons  trouvé  des  quantités  innombrables  fur  la  grevé  de 
Scheveling  près  de  la  Haye  ,  en  Hollande.  La  maflTe  fablonneiife 
repréfente  de  petits  entonnoirs  un  peu  aplatis  ,  placés  obliquement 
les  uns  fur  les  autres  ;  ces  couvertures  fe  terminent  en  dedans  par 
de  petits  tubes  qui  font  le  domicile  de  l'animal.  On  remarque  fur 
la  plupart  des  cellules  un  petit  couvercle  de  fable  que  les  animaux 
forment  vraifemblablement  pour  leur  propre  fureté  &  pour  leur 
défenfe  ,  lorlque  quittant  la  partie  ouverte  de  l'entonnoir  ,  ils  fe 
retirent  dans  leur  tuyau.  Ces  tubes  ont  un  certain  rapport  avec 
une  efpece  de  vermijjeaux  de  mer.  Voyez  ce  mot  &  celui  àlAmatotc, 

L'animal  qui  habite  ces  coraux  tubuleux  ,  eft  une  efpece  de  fco- 
lopendre  ,  qui  relTemble  à  une  fangfue  étendue  &  aplatie  :  fa  tête  efl 
garnie  de  trois  rangs  ovales  de  plumes  plates,  c'efl-à-dire ,  de  filets 
fermes  ,  que  l'animal  agite  à  fon  gré  pour  attirer  la  nourriture  dans 
fa  bouche. 

Pour  fervir  de  récapitulation  à  ce  que  nous  avons  dit  fur  les 
coraux,  les  efcarres  ,  les  Ikhophytes  ou  kératophytes ,  les  alcyons,  les 
corallines  ,  &  autres  produdions  à  polypiers  de  cette  nature  ,  telles 
que  les  madrépores ,  nous  ajouterons  les  remarques  que  nous  avons 


3  2S  COR 

eu  occafion  de  faire  à  ce  fujet  en  vifitant  les  difFérens  parages  des 
mers  de  l'Europe.  Sans  prétendre  rien  ajouter  aux  découvertes  de 
MM.  Trcmblcy  ^  Peyjfond  ,  Ellls  ,  Donatl,  Réaumur  &  Bernard  de 
Juffîeu  ,  nous  attribuons  aux  petits  polypes  marins ,  avec  ces  Phi- 
lofophes  ,  l'origine  des  produdions  dont  il  eft  queftion.  La  répétition 
de  leurs  expériences  ,  qui  nous  a  réuffi  ,  eft  moins  la  preuve  de  notre 
aflertion ,  que  l'autorité  de  ces  favans  Naturaliftes.  Que  penfsr  de 
l'opinion  de  quelques  Modernes  qui,  pour  fe  ranger  du  parti  de 
Tournefon ,  &  faii'e  végéter  ,  avec  ce  Botanifte  ,  tous  les  corps 
pierreux ,  difent  que  les  coraux  font  des  plantes  cryptogames  , 
c'eft-à-dire  ,  de  l'ordre  des  plantes  qui  cachent  leurs  fleurs  dans  leurs 
fçuilles  ou  leurs  fruits  ?  Qui  pourroit  admettre  aujourd'hui  cette  forte 
defyftême,  puifqu'on  ne  trouve  point  de  feuilles  dans  les  efpeces 
de>^eoraux  ,  ni  de  fruits  dans  les  madrépores,  ni  déracines  traçantes 
dans  les  lithophytes. 

Les  polypes  marins  ,  dont  l'extrémité  des  branches  de  corail  fe 
trouve  remplie  dans  la  mer ,  &  qui  ont  été  autrefois  regardés  par 
M.  de  Marjigli  comme  des  fleurs ,  font  donc  des  animaux  qui  laiflent 
iippercevoir  des  mouvemens  &  une  apparence  de  vie ,  de  qui  font 
j:;apables  d'avoir  produit  le  corail.  Ce  qui  avoit  été  pris  pour  des 
graines  ne  font  que  les  oeufs  de  ces  animaux.  La  feule  difficulté 
qui  nous  refte  à  expliquer  ,  c'eft  la  manière  dont  ces  animaux 
ont  formé  un  corps  dur  &  roide  ,  organifé  ,  quelquefois  perforé , 
jquelquefois  fans  apparence  de  pores  ,  &  difpofé  en  branches  ou 
rameaux  à  la  manière  des  végétaux.  Comment  l'animal  a-t-il  pu 
pénétrer  à  volonté  ,  fortir  ,  habiter  dans  l'intérieur  des  branches  ou 
entre  l'écorce  &  la  fubfl:ance  du  corail?  Tels  font  les  problèmes  que 
jious  allons  tâcher  de  réfoudre. 

On  fait  que  ces  polypes  de  mer  font  des  vers  qui  vivent  en  manière  de 
république  :  ils  fe  pratiquent  chacun  une  cellule  qui  s'obftrue  bientôt 
par  une  abondance  de  matière  gélatineufe ,  plus  ou  moins  empreinte 
de  fubftance  calcaire ,  qui  exude  de  leur  corps  ,  de  la  même  manière 
que  le  limaçon  laifle  fortir  de  fon  collier  la  fubfliarxe  nécelTaire  à 
l'augmentation  de  fa  coquille.  La  feule  différence  efl:  que  le  limaçon 
travaille  à  augmenter  la  capacité  de  fa  m.aifon  pour  fe  couvrir; 
au  lieu  que  les  polypes  -  étant  des  animaux  très  -  petits  ,  prefqu  im- 
perceptibles a-  foibles ,;  n'abandonnent  leur  première  demeure,    que 

quand 


quand  elle  eS:  prefque  pleine.  Ils  jettent  les  fondatipns  d'une 
deuxième  fur  la  première  ,  &  bâtiflent  ainfi  de  fuite.  L'ouvrage 
fe  continue  toujours  par  y«A:^^-/7o/?^io/z  ,  &  non  par  intus  fufcspdon  , 
comme  dans  les  végétaux.  L'extrême  multiplication  par  les  côtés  , 
&  l'efpece  de  palingénéfie  dont  ces  petits  animaux  polypiers  font 
fufceptibles ,  obligent  les  derniers  venus  ou  reproduits  ,  qui  ont 
befoin  d'un  efpace  pour  pouvoir  faire  les  mouvemens  néceflaires  à 
leur  vie  &  à  leur  confervation  ,  à  s'éloigner,  à  s'étendre  ,  &  par 
ce  moyen  former  latéralement  de  petites  colonies  :  voilà  ce  qui 
produit  les  branches  dans  les  coraux ,  les  madrépores  ,  &c.  &  leur 
donne  extérieurement  le  port  de  plantes  garnies  de  l'=»urs  rameaux. 
Ceci  explique  aulli  comment  de  fi  petits  animaux  forment  des  m.iifes 
aulîî  grandes ,  aulîl  groiTes  &  aufli  étendues.  Le  trop  grand  nombre 
d'habitans  détermine  les  deux  tiers  d'entr'eux  à  fe  diipjrfer  ailleurs, 
à  form.er  de  nouveaux  travaux  ;  il  en  relie  feulement  quelques-uns 
qui  prolongent  l'édifice  ou  la  tige  primitive.  Ces  polypes  font  diffé- 
rens  d'une  autre  efpece  ,  parafite  ou  iin:ple  locataire  ,  laquelle 
habite  quelquefois  fous  l'efpece  d'écorce  qui  recouvre  le  corail  &: 
tant  d'autres  coi-ps  marins.  Elle  en  fort  quand  elle  veut  :  on  apper- 
çoit  fes  cellules  en  manière  de  proéminences.  Voilà  fans  doute  l'efpece 
d'animaux  qui  aura  induit  en  erreur  quelques  perfonnes ,  &  qui 
leur  aura  fait  foupçonner  que  tous  les  polypes  qu'on  découvre  fur 
les  coraux  &  les  madrépores ,  n'y  font  pas  plus  néceflaires  que  les 
Bernards  ÛHcrmius  ,  qui  vont  fe  nicher  dans  les  coquilles  vides  des 
limaçons  ou  des  buccins. 

Une  des  ôbjedions  les  plus  importantes  qu'on  m'ait  faites  ,  c'eft 
de  demander  fi  le  corail  dont  on  auroit  ôté  l'écorce  &  féparé  le 
pied  ,  ou  détaché  l'empâtement  ,  pouvoit  vivre  ,  parce  que  c'eft 
le  feul  moyen  de  favoir  s'ils  font  néceffaires  à  cette  prétendue  plante  , 
&  jufqu'où  elle  eft  redevable  de  fa  formation  aux  polypes  ?  Voici 
ma  réponfe.  Il  eft  connu  par  les  différentes  pêches  du  corail  roug& 
dans  la  Méditerranée  ,  &  du  corail  blanc  dans  la  mer  Baltique  , 
qu'on  retire  fouvent  ces  corps  fans  écorce  ,  féparés  depuis  long-temps 
de  leur  pied  ou  de  leur  empâtement ,  &  auxquels  on  trouve  des 
polypes  encore  adhérens  ;  ainfi  le  pied  ne  fert  que  de  bafe  &  d'appui 
au  corail  fixé  ,  &  l'écorce  me  paroît  fouvent  étrangère  &  inutile 
aux  divers  coraux  ;  car  il  y  en  a   qui  n'eft  pas  même  l'ouvrage  des 

Tome  II,  .  .  T  t 


^  3  o  COR 


polypes.  Ce  n'eft  quelquefois  qu'une  forte  de  'tartre  marin  Se 
limoneux  ;  il  n* a  pas  les  mêmes  propriétés  du  corail  :  celui  -  ci  eft 
calcaire  ;  Tenveloppe  au  contraire  eft  inattaquable  aux  acides  ;  elle 
ne  fait  que  s'y  amollir  comme  dans  tous  les  fluides  ;  en  un  mot,  elle 
me  paroît  diflFérer  abfolument  des  titano-kératophytes ,  autres  efpeces 
d'écorces  formées  d'un  amas  immenfe  de  petits  polypes  morts  &  def^ 
féchés  à  l'entrée  de  leurs  cellules ,  &  qui  recouvrent  certaines  efpeces 
de  lithophytes ,  ou  ce  ne  font  que  des  peaux ,  des  membranes  ex- 
térieures formées  par  la  réunion  d'efpeces  de  tuyaux  membraneux 
dans  lefquels  les  polypes  font  renfermés ,  &  qui  font  partie  de  leur 
corps.  Les  prétendues  racines  ne  font  ,  comme  nous  l'avons  dit 
ci-defîus,  qu'une  efpece  d'empâtement  fourni  par  la  maffe  de  ces 
animaux  qui  fe  font  trouvés  réunis  dès  la  fortie  de  l'amas  d'ceufs. 
Tolitès  les  mers  ne  contiennerit  pas  également  des  productions  à 
polypier.  Les  coraux  ne  fe  trouvent  guère  que  dans  la  Méditerranée  ; 
celles  qui  bordent  certaines  Contrées  de  l'Amérique  ,  font  fertiles 
en  difiérens  madrépores  ;  quantité  de  baies  des  Indes  Orientales  ne 
font  pas  moins  riches  en  polypiers  des  plus  beaux.  L'Océan  qui 
baigne  les  côtes  de  la  France  ,  &  les  mers  du  Nord  n'offrent  guère 
que -des  corallines  &  des  lithophytes  en  petit  nombre  &  peu  variés. 
Comme  la  mer  a  autrefois  recouvert  la  terre  ,  de-là  vient  que  cer-; 
tains  cantons  de  la  terre  font  remplis  de  madrépores  ,  &c.  tandis 
que  d'autres  n'en  offrent  point  ou  très-peu.  Si  l'on  examine  la  caufe 
qui  fait  rencontrer  plus  de  polypiers  vivans  dans  les  mers  des  deux 
Indes  qu'ailleurs ,  on  verra  que  la  nature  des  rochers  ,  des  plages , 
la  température  qui  convient  à  ces  polypes  &  à  ce  qui  leur  fert  de 
nourriture  ,  tout  les  invite  à  fe  fixer  &  à  bâtir  dans  les  régions 
marines  qui  font  plus  tranquilles. 

Voici  une  autre  objedion  plus  forte  encore  contre  le  fyflême 
qui  établit  les  corallines  ,  les  éponges  ,  les  alcyons ,  les  efcarres  , 
&c.  comme  produdions  à  polypiers  :  c'eft  qu'il  ne  feroit  pas  pollible, 
dit-on  3  que  tantôt  une  même  coralline  fût  l'ouvrage  uniforme  de 
différentes  efpeces  de  polypes ,  &  tantôt  que  la  même  efpece  de 
polypes  conftruisît  des  corallines  de  formes  différentes  ;  car  on  trouve 
en  effet  les  mêmes  fortes  de  polypes  fur  des  efpeces  de  corallines 
qui  fe  refTemblent  très- peu.  Je  dirai,  pour  répondre  à  cette  ob: 
)e<5tion ,  que  dans  le  nombre   é^i  cinquante-trois  fortes  de  corallines 


COR  531 

dont  M.  Ellls  a  parlé  dans  Ton  EiTai  ,   il  y  en  a  qui  font  foavent 
habitées  &  vifitées  par  plufîeurs  polypes  vagabonds  ,  qui  ne  partici- 
pent point  au  travail  qui  fe  fait  dans  ces  corallines  qu'ils  ne  font  que 
vifiter  ;   mais   qui    deviennent,   au  contraire  ,   habiles  ouvriers  dans 
leurs    travaux  propres.    Par   exemple ,  les  polypes    des    corallines  à 
collkr  ,     ceux  de  la  main  de  mer  paroiflent  les  mêmes  ;   ces  premiers 
ont  cependant  un  plus  grand  nombre  de  bras  ou  rayons,  &  un   plus 
grand  nombre  de    griffes   que   les    autres.    Si   leurs    habitations  font 
aflez  voifines  les    unes    des    autres  ,    comme  il  fe    rencontre  très- 
fouvent ,  les  polypes  de  la   coralline  à  collier  ,    d'ailleurs   très-adifs  , 
venant  à  fortir  de  leurs  cellules,  &  à  vifiter  celles  de  leurs  voifins, 
y   demeurent  fans  y  travailler  ;   ceux  de  la  main  de  mer  en  font  de 
même  à  Tégard  de  la  coralline  à   collier  ;   il  en   efl:  fans    doute   de 
même  pour  les    autres  ^corallines  fenulaires  (à  articulations  aplaties). 
Il  n'y  a  donc  rien   d'étrange  d'admettre  ,    pour  la    conflrudion    des  ,,, 
coraux,   des  madrépores,  &c.  que  les  polypes  n'ont  pas  befoin  de 
faire  un  feul  corps  avec  ces  matières.  Si  quelques-uns,  comme  je  le 
viens  d'expofer  ,    font  domiciliés  &  fixés  ,   les  autres  font  vagabonds  , 
&  ne  tiennent  nullement  à  leur  domicile.    Les   polypes  ,    inftrument 
des  produdions  dont  nous  venons  de  faire  mention  ,  bâtiffent  lé. plus 
fouvent  en   contre-bas.   Chacune  de  ces  différentes  produélions  a  eu 
fon  efpece  particulière^  d'ouvriers  :  le  corail  eft  donc  l'ouvrage  d'une 
feule   &  même  famille  ,  &  le  corail  n'eft  en  ce  fens  qu'un  affemblage 
de  cellules  bâties  par  ces  petits  animaux.  L'ouvrage  eft  aux  polypes , 
ce  que  le  guêpier  eft  aux  guêpes  :  tel  bâtit  à  réfeau ,  ou  à  filet,  ou  à 
mailles;  un  autre  à   cellules    rondes  ou   hémifphériques  ,  ou  en  ftel- 
loïdes  ,   ou  en  feuillets  ,   ou  à  petits  trous  fymétriques ,   ou  en  enton- 
noir; pour  cela  chaque  polype   a  une  manière  de  fe  placer  :   celui 
des  champignons  de  mer  s'arrange  horizontalement  :   ceux  du  cerveau 
marin  prennent  des  direélions  finueufes  &  contournées  ,  &c.  De -là 
la  différence  de  configuration  dans   les  travaux   des  divers   polypes. 
Doit-on  être  étonné  de  trouver  dans  la  mer  le  bout  des  coraux  encore 
mous  ,    puifque  ces  bouts    font  le    dernier    période   du   travail   des 
polypes    &  le    prolongement   d'un  corps    qui  s'accroît  fort  vite ,    oc 
qui  ne  prend  de  dureté  &  de  confiftance  qu'à  mefure  que  les  polypes 
vieilliffent  ,    &  font  nécelîités  d'ajouter  à  la  fouche  de  leurs  alvéoles 
ou  habitations   au   moyen  des  générations  fucceiTives.    La  charpente 

.    Tt  2 


s  32  cor: 

organique  en  efl:  d^ibord  mucilagineufe  ,  bientôt  cartUagineufe ,  & 
enfin  étayée  ,  confolidée  par  les  parties  calcaires ,  mais  qu'on  peut 
défunir  par  l'adminiflration  de  l'acide  nitreux  affoibli  :  c'efl:  alors  qu'on 
ne  peut  voir ,  fans  admiration ,  tout  cet  ouvrage  organifé  à  mailles, 
devenir  fufceptible  d'être  plié  &  chiffonné  en  tous  fens  ,  &  conferver 
cependant  toute  fa  régularité.  Ce  qui  vient  d'être  dit ,  peut,  jufqu'à 
certain  point,  s'appliquer  à  la  formation  &  à  la  nature  dei  coquilles, 
des  perles ,  peut-être  à  la  coquille  de  Tœuf,  des  os  ,  &  à  la  bizarre 
conPirudion  du  corail  articulé  noueux  ,  qui  femble  en  quelque  forte 
formé  ,  tantôt  par  le  polype  du  corail ,  &  tantôt  par  celui  du  litho- 
phyte  ,  comme  fi  chacun  de  ces  animaux  devoit  enter  l'un  fur  l'autre 
refpedivement  leur  ouvrage,  &c.  ouvrage  dont  chaque  articulation 
ou  ajineau  n'eft  peut-être  dû  qu'à  chacune  des  générations  fucceQîves. 
Cette  forte  de  corail  eft  ou  blanc,  &  fe  trouve  communément  fur 
les  parages  de  la  Jamaïque,  &:c.  ou  rouge,  &  fe  rencontre  ab on-; 
damm.ent   dans  les  grandes  Indes. 

Il  n'y  a  que  les  lithophytes  ou  kératophytes  ,  les  éponges  ,  quelques 
coraîlines  qui  ne  produifent  pas  fenlîblement  d'effjrvefcence  avec  les 
acides,  comme  ne  contenant  que  peu  ou  point  de  parties  calcaires. 
D'ailleurs  leur  fubftance  convient  avec  la  matière  mollaffe  &  carti- 
lagineufe  des  madrépores  :  elle  brûle  également  comme  de  la  corne, 
en  exhalant  une  odeur  fétide  urineufe  ,  en  un  mot,  une  odeur  de 
plumes  ou   de  baleines  brûlées. 

CORALLÏNITES.  Genre  de  polypites  finement  branchus  & 
ramifiés  ;  ce  font   des  coraîlines   devenues  foffiles.  Elles  font  rares. 

CORALLITES.  Ce  font  les  coraux  devenus  fofliles.  On  en  trouve 
d'articulés  dans  les  environs  de  Meiïine.  Les  coraux  devenus  foffiles 
n'ont  plus  la  même  couleur  qu'ils  avoient  dans  la  mer. 

CORALLOIDES.  On  donne  ce  nom  à  des  produélions  en  forme 
d'arbrifleau  qui  fe  trouvent  dans  la  mer  contre  les  rochers,  &  qui 
font  plus  ou  moins  dures  :  elles  différent  en  grandeur  ,  en  couleur 
&  en  figure  :  elles  font  toujours  étendues  en  branches  &  fans  trous  , 
comme  les  coraux  &  les  madrépores ,  mais  quelquefois  ftriées.  Voy. 
Corail  &  Madrépore.  On  trouve  beaucoup  de  coralloïdes  foffiles', 
elles  différent  peu  des  coralUtes.  Quelques  Botaniftes  ont  donné  le  nom 
de  coralloïdes  à  quelques  efpeces  de  lichens  branchus  &  à  des  plantes 
rameufes  de  la  famille  des  champignons. 


COR  333 

CORBEAU ,  corvus  aut  corax,  Oifeau  de  moyenne  grandeur  , 
gros  comme  un  chapon ,  &  connu  parmi  le  peuple  fous  le  nom  de 
colas.  Il  a  le  bec  robufte  ,  gros ,  pointu  ,  un  peu  voûté  &  très-noir  ; 
les  narines  entourées  de  poil ,  la  langue  large  &  fendue  ;  tout  le 
corps  noir  ,  avec  une  certaine  couleur  bleue  luifante  ,  qui  fe  remarque 
fur  -  tout  à  la  queue  &  aux  ailes  ;  le  ventre  tirant  fur  le  brun  ;  le 
milieu  du  dos  revêtu  feulement  de  duvet  ;  les  ailes  &  la  queue 
longues  ;  les  ongles  crochus  ,  grands  ,  principalement  ceux  de  der- 
rière ;   le  pied  écailieux  &  noirâtre. 

Cet  oifeau  pouffe  un  croalîement  épouvantable  :  il  a  le  gofier  dilaté 
au-deflbus  du  bec  ;  ce  qui  forme  une  poche  ,  dans  laquelle  il  porte 
fa  nourriture.  Il  vit  très -long -temps,  mange  de  tout,  grains,  in- 
fedes,  charognes  de  quadrupèdes,  de  poiffons  ,  d'oiieaux  :  il  prend 
même  des  oifeaux  vivans  dans  les  baffe-cours ,  à  la  manière  des  oi- 
feaux  de  proie.  Le  jeune  corbeau  fe  peut  apprivoifer  &  dreffer  pour 
la  fauconnerie  :  on  lui  apprend  à  parler.  Le  corbeau  fe  rencontre 
par  tout  pays  :  il  eft  hardi  ,  rufé  &  doué  d'un  odorat  exquis  ;  il  ne 
craint  ni  le  froid  ,  ni  le  chaud.  Cet  oifeau  efl  naturellement  voleur; 
&  l'efpece  fe  multiplie  beaucoup.  Il  fait  fon  nid  dans  les  forêts  épaif- 
fes ,  fur  les  arbres  les  plus  élevés  ,  ou  dans  de  vieilles  tours ,  au  com- 
mencement de  Mars;  les  femelles  pondent  quatre,  cinq  &  jufqu'à  fîx 
œufs  ,  qui  font  d'un  vert  pâle  ,  tirant  fur  le  bleu  ,  tachetés  de  raies 
noirâtres  :  les  petits  s'appellent  corbillards.  Le  .mâle  fidèle  marque  un 
grand  amour  pour  la  femelle  :  il  prend  foin  de  la  nourrir  &  de  l'en- 
graifîer  dans  le  temps  de  l'incubation  ;  ils  fe  carefTent  mutuelle- 
ment  bec  à  bec  ,  comme   font  les   pigeons  avant  de  s'accoupler. 

En  Angleterre  il  eft  défendu  de  faire  aucune  violence  au  corbeau, 
parce  qu'il  mange  les  charognes  terrestres  &  des  rivages  ^  qui  pour- 
roient  empuantir  l'air.  On  le  refpecle  auffi  en  Suéde.  Il  eft  très-eflimé 
dans  les  Indes.  Mais  en  revanche  dans  l'île  de  Féroë,  où  il  eft  de 
tous  les  oifeaux  de  proie  le  plus  redoutable  aux  brebis  ,  on  lui 
fait  la  chaffe  ;  fa  tête  eft  à  prix  ;  il  eft  d'ufage  qu'à  certain  jour  de 
l'année  ,  chaque  habitant  apporte  à  la  Chambre  de  Juftice  un  bec  de 
corbeau.  On  fait  un  monceau  de  tous  ces  becs  ;  on  y  en  fait  un  feu 
de  joie  ;  &  il  y  a  amende  pour  ceux  qui  ne  fourniffent  pas  leur 
contingent.  Les  corbeaux  multiplient  efïeâivement  beaucoup  dans  les 
déferts  &  fur  les  rochers  de  flflande  :  on   y  en  voit  quelquefois   de 


j  3  4  COR 

tout  blancs.  Ces  terribles  oifcaux  fe  jettent  impitoyablement  fur  les 
petits  agneaux  ;  à,  après  leur  avoir  crevé  les  yeux  ,  pour  les  empê- 
cher de  fe  fauver  ,  fouvent  ils  les  ont  mangés  avant  que  les  Payfans, 
qui  font  toujours  au  guet ,  foient  arrivés  au  fecours  :  s'ils  arrivent 
allez  tôt  pour  chafTer  le  corbeau ,  l'agneau  n'en  eft  pas  moins  aveuglé» 
&  comme  dans  cet  état  il  ne  fauroit  trouver  fa  nourriture  ,  ils  le 
tuent  &  l'écorchent  fur  le  champ.  C'eft  de  -  là  que  viennent  ces  four- 
rures ou  petites  peaux  douces  qu'on  trafique  eaDannemarck&  dans  le 
pays  de  Holftein  ,  fous  le  nom  de  fma-asken ,  &  qui  font  beaucoup 
en  vogue  parmi  les  gens  du  médiocre  état.  En  France  ,  les  Gardes- 
chafle  ont  grand  foin  de  couper  les  pattes  des  corbeaux  qu'ils  tuent , 
pour  les  préfenter  aux  Seigneurs ,  qui  leur  donnent  une  petite  ré- 
compenfe. 

Le  corbeau  a  pour  ennemi  le  milan  :  fon  vol  eft  pefant.  Par-tout  " 
où  le  corbeau  eft  établi ,  la  corneille  ni  les  oifeaux  de  fon  efpece  n'y 
peuvent  prétendre  aucune  poileffion  ;  cependant  ils  fe  réuniffent  pour 
ia  défenfe  commune.  S'ils  voient  tomber  un  de  leurs  camarades  ,  ils 
volent  autour  de  lui ,  en  croaflant ,  reviennent  vers  le  Chafleur ,  pref- 
que  fur  fon  fufil ,  femblent  le  menacer  ,  &  ne  refpirent  que  ven- 
geance. Les  pennes  du  corbeau  fervent  à  faire  des  touches  pour  frap- 
per les  cordes  des  épinettes  ,  des  clavecins  ,  &  aux  Artilliers  pour 
empenner  les  traits.  Sa  chair  a  un  goût  de  venaifon  qui  n'eft  pas 
agréable  ;  les  feuls  pauvres  gens  en  mangent  :  on  prétend  que  les 
petits  calcinés  au  fortir  du  nid  ,  produifent  un  excellent  fpécifique 
pour  le  mal  caduc. 

Il  y  a  plufieurs  fortes  d'oifeaux  appelles  corbeaux  ,  dont  parlent 
les  Naturaliftes  :  favoir,  le  corbeau  à  collier  ,  qu'on  foupçonne  être 
une  efpece  de  vautour ,  ou  plutôt  une  efpece  de  choucas.  Voyez  ces 
mots.  Le  corbeau  huppé ,  dont  les  griffes  font  très-fortes  ,  &  le  plu- 
mage varié  de  vert ,  de  bleu  doré  ;  le  corbeau  des  Indes  ,  dont  le  plu- 
mage reflemble  à  celui  du  coq  d'Inde  ;  le  corb^eau  rhinocéros  ;  le  cor- 
beau  touge ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  choucas  rouge  ;  le  cor^ 
beau  des  bois  ;  le  corbeau  de  nuit  :  fous  ce  nom  ;,  on  diftingue  deux 
oifeaux  très-différens  ,  l'un  dont  le  cri  eft  fi  défagréable  ,  qu'on  croit 
entendre  un  homme  qui  vomit,  c'eft  le  bihoreau;  l'autre  dont  le  cri 
eft  un  hurlement  ,  c'eft  la  hulotte  :  voyez  ces  mots.  Le  corbeau  aqua^ 
tique ,  qui  eft  le  cormoran  :  wyci  ce  mot.  On  trouve  en  SuiiTe  de  cjans 


COR  33J 

le  Nord  des  corbeaux  blancs;  &  l'on  a  vu,  il  y  a  quelques  années, 
dans  le  Jardin  du  Palais  Royal ,  une  efpece  de  corbeau  noir  ,  à  bec 
èc  pattes  rouges  :  il  y  a  aufli  le  corbeau  tacheté  de  blanc ,  du  Mexique.' 

CORBEAU  DE  MER.  Foyc^  Fou. 

CORBEILLE,  Nom  donné ,  fuivant  M.  d^Argenvîlle  ,  à  un  beau 
coquillage  bivalve,  à  grofles  ftries  longitudinales,  larges,  aplaties, 
quelquefois  chargées  par  zones  de  petits  tubercules ,  à  carène  large, 
à  coque  épaifle  &  pefante ,  à  bords  intérieurs  profondément  découpés 
&  de  la  famille  des  cœurs  :  voyez  ce  mot.  On  donne  aulli  le  nom  de 
corbeille  à  la  tricotée.  Voyez  ce  mot. 

CORCELET.  C'eft  la  partie  du  corps  des  infectes  ,  placée  entre 
la.  tête  &  le  ventre.  Voyez  à  l'article  Infecte^ 

CORCHORE  ou  MAUVE  DES  JUIFS  ,  corchoms  aut  mdochïa. 
Plante  fort  jolie  &  cultivée  avec  foin  dans  les  jardins  en  Egypte  & 
en  Judée.  Sa  tige  eft  haute  d'un  pied  &  demi  :  fes  feuilles  font  al- 
ternes &  femblables  à  celles  de  la  mercuriale  :  fes  fleurs  jaunes  &  pe- 
tites ,  à  cinq  feuilles  ,  &  difpofées  en  rofe  :  elles  ont  un  grand  nom- 
bre d'étamines  &  un  piftil  :  le  calice  eft  auffi  à  cinq  feuilles.  Il  leut^ 
fuccede  des  fruits  ronds  en  forme  de  filique ,  qui  renferment  de  pe- 
tites graines  cendrées ,   &  d'un  goût  vifqueux. 

Les  Indiens  mettent  le  corchore  au  nombre  de  leurs  plantes  pota- 
gères :  en  Médecine  elle  a  les  mêmes  propriétés  que  la  guimauve. 
On  connoît  trois  autres  efpeces  de  corchore  ,  outre  les  variétés  de 
celle-ci.  Au  refte  ,  dit  M,  Deleu^e ,  le  nom  de  melochla ,  qui  lui  a  été 
donné  par  Alpin  ,  eft  employé  par  les  Botaniftes  modernes ,  pouîT 
déligner  un  genre  de  plante  de  l'ordre  des  malvacées. 

CORCOPAL.  Voyez  Meiocorcopaiu 

CORDILE.  Voyci  Thon. 

CORDON  BLEU.  Nom  donné  par  les  amateurs  à  une  coquille 
ombiliquée  de  la  famille  des  limaçons  à  bouche  demi-ronde  :  on  la 
foupçonne  terreftre.  M,  d'Argenville  place  le  cordon  bleu  dans  les  ton- 
nes. Foyei  ce  moi, 

CORDON  ombilicaL  Voyez  à  l'article  Homme, 

CORDYLE ,  cordylus.  Lézard  d'Amérique  ,  qui  devient  très-gros 
&  très-grand.  En  général  cet  animal  tient  du  crocodile  &  de  la  fala- 
mandre  ,  par  la  tête  &  fa  gueule  très-fendue  ;  il  a  la  figure  de  lat 
tortue  ;  fes  yeux   font  grands  &:  brillans  ;  le  trou  des  narines  petit 


1 
0 


s'^  C  O  R 

^  rond  ;  la  langue  fourchue  ;  fes  pattes  de  devant  &  de  derrière  (e 
terminent  en  cinq  doigts  armés  de  griffes  crochues  &  pointues  ,  & 
féparés  comme  ceux  des  lézards  ;  fon  cou  eft  court  &  gros  ;  fon  corps 
eft  large  &  plat,  couvert  d'écailles  dures,  minces  &  jaunes  brunâtres, 
ou  d'un  vert  furdoré  ;  le  deffus  de  fa  grofle  queue  eft  hérifle  jufqu'au 
bout  d'une  crête  dentelée  comme  une  fcie  :  les  autres  écailles  font  of- 
feufes.  On  appelle  le  cordyle  fouette-queue  ,  caudiverbera  ,  parce  qu'il 
frife  &  entortille  fa  queue  ,  en  fouettant  continuellement  de  côté  & 
d'autre.  Cet  animal  irrité  eft  fort  colère.  Quand  on  le  touche ,  fes 
yeux  étincellent;  &  dans  ce  même  temps,  il  enfle  comme  un  fac  la 
peau  de  fa  gorge  :  fes  dents  font  tranchantes  :  fa  vie  eft  fort  dure  - 
èc  l'unique  moyen  de  lui  faire  lâcher  prife  ,  quand  il  mord  ,  c'eft 
de  lui  enfoncer  quelque  chofe  de  pointu  dans  les  narines;  car  auflî-tôt 
qu'il  eft  touché  dans  cet  endroit ,  il  répand  quelques  gouttes  de  fang, 
&  meurt. 

Cet  animal  eft  amphibie  &  ovipare  :  il  fe  fert  de  fes  pieds  &  de 
fa  queue  pour  marcher  ,  grimper  ,  nager  &  frapper  tout  ce  qu'il 
approche. 

On  voit  fur  les  côtes  d'Afrique  un  cordyle  de  couleur  bleue  ,  &  à 
queue  épineufe  ;  il  a  comme  le  précédent  ,  proche  de  la  gueule  , 
une  ouverture  ,  fous  laquelle  font  les  ouies  ;  la  gueule  eft  couverte 
d'écaillés,  rangées  en  forme  de  tuiles.  La  chair  du  cordyle  eft  bonne 
à  manger. 

CORI.  Animal  de  l'Amérique  ,  &  qui  paroît  être  le  même  que 
Vaperea.  Voyez  ce  mot. 

CORIANDRE  ,  coriandrum.  C'eft  une  plante  qu'on  cultive  dans 
les  champs  aux  environs  d'Aubervilliers  ,  près  Paris  ,  &  autres  lieux 
voifins;  fa  racine  eft  petite  ,  fimple  &  blanche  ;  fa  tige  eft  haute 
d'un  pied  &  demi  ,  ronde  ,  grêle  &  rameufe  ;  fes  feuilles  inférieures 
font  comme  conjuguées  ,  arrondies  ,  dentelées  ;  les  fupérieures  plus 
profondément  découpées,  &  divifées'en  lanières  fort  étroites; fes  fleurs 
font  au  fommet  des  rameaux ,  difpofées  en  parafol ,  de  couleur  de 
chair ,  compofées  chacune  de  cinq  feuilles  ,  rangées  en  rofe  :  leur 
calice  fe  change  en  un  fruit  compofé  de  deux  graines  rondes,  vertes 
d'abord  ,  enfuite  jaunâtres. 

L'odeur   de    toute    la   plante  eft  aromatique  ,   forte   ,  défagréa- 
ble  :  quand  on  la  brife  entre   les  doigts ,    elle  rend   une  puanteur 

infuppor  table. 


COR  537 

infupportable  ,  approchant  de  celle  dQ  \sl  punalfe ,  de  portant  à  la  tête  ; 
mais  elle  s'adoucit  avec   le  temps  &  acquiert   une  faveur  fuave  & 
agréable.  Il  n'y  a  que  la  graine   deflechée  qui  foit  aujourd'hui  chez 
nous  d'un  ufage  familier  ;  car   la  plupart  des  Arabes  &   des  Grecs 
lui  attribuent  une  vertu  froide  ,   narcotique,  étourdiffante ,  deftruc- 
tive  ,  notamment  au  f.ic   de  la  feuille  ,  qui  ,  pris  en  breuvage ,  eft  , 
félon  eux  ,  un  auffi  grand  poifon  que  le  fuc  de  la  ciguë.  Tragus  avertit 
auflî  les  Droguiftes  de  ne  jamais  vendre  à  qui  que  ce  foit  cette  graine 
fans  être  préparée  avec  du  fucre  ,  ou  macérée  dans  le  vinaigre  ,  à 
moins,  dit-il  ,  qu'ils  ne  veuillent  vendre  du  poifon  à  la  place  de  re- 
mède :  mais  l'expérience  a  détruit  depuis  long-temps  ce  préjugé.  Les 
Egyptiens  font  mê;ne   un  ufage  fiiigulier  de  cette  plante  verte  :  les 
Efpagnols  en  prennent   fréquemment  ,  fur-tout  de    la   graine  ,  dans 
leurs  cordiaux  :  les  Hollandois  en  mêlent  dans   leurs  alimens.  Toute- 
fois l'on  n'en   doit  ufer  que  modérément  &  deflechée  ;  alors  elle  eft 
un  aromate   gracieux.  C'eft  un  bon   carminatif  &  ftomachique  :  elle 
donne  bonne   haleine.  On  l'emploie  dans  l'eau  clairette  ou  le  roflfolis 
des  fix  graines  ,  dans  la  bière ,  dans  l'eau  des  Carmes ,  &  dans  l'eau 
de  miel  royale.  On  la  couvre  de  fucre  chez  les  Confifeurs ,  pour  en 
faire  de  petites  dragées  qui  font  d'un  bon  goût.  ■. 

CORIGUAYRA.  Voyez  l'article  Didelphe. 
CORIMBE.  Voyez  ce  que  c'eft  à  l'article  Plante, 
CORINE.    Suivant  Monfieur  Pallas  ,  c'eft   une  efpece  ^antilope. 
Voyez  ce  mot  à  l'article  Ga^eUe,  Cet  animal  paroît  être  ou  une  va- 
riété ou  une  efpece   de  gazelle  ;  il  en  a  les  mœurs  ,  les  habitudes 
le  naturel  ,  quelques  petites  différences  extérieures  :  on  le  trouve  au 
Sénégal  :  il  peut  avoir  à-peu-près  deux  pieds  de  hauteur ,  &  deux 
pieds  &  demi  de  longueur  ;  fes  cornes  ont  fix  pouces  de  longueur  , 
&  fix  lignes  feulement  d'épailTeur;  elles  font  diftantes  l'une  de  l'autre 
de  deux  pouces  à  leur  naiflance  ,  &  de  cinq  à  fix  pouces  à  leur  ex- 
trémité ;  elles   portent   au  lieu  d*anneaux  ,  des   rides  tranfverfales , 
annulaires ,  fort  ferrées  les  unes  contre  les  autres  dans  la   partie  in- 
férieure ,  &  beaucoup  plus  diftantes  dans  la  partie  fupérieure  de  la 
corne  :   ces   rides  qui  tiennent  lieu  d'anneaux  ,  font   au  nombre  de 
près  de  foixante.  Son  poil  eft  court  ,  luifant   &  fourni  ,  fauve  fur 
le  dos  &  les  flancs  ,  blanc  fous  le  ventre  &  fous  les  cuifles ,  avec  la 
queue  noire.  Il  y  a  dans  cette  même  efpece  de  la  corine,  des  indi- 
Tomc  II,  .  V  V 


338  COR 

vidus    dont  le  corps    eft  tigré  de  taches  blanchâtres  ,  femées  fans 
ordre. 

CORIS  ou  CAURIS.  Voyez  Cauris  &  l'article  Porcelaine. 

CORISE  5  corixa ,  notonecîx  fpccies.  Cet  infede  a  quelque  reflTem- 
blance  avec  la  punaifc  à  avirons  ;  mais  il  en  diffère  par  des  caraderes 
particuliers ,  qui  doivent  empêcher  de  les  confondre  ;  les  caractères 
font  d'avoir  un  feul  article  dîix  tarfes  ,  d'avoir  quatre  ailes  croifées  , 
des  antennes  très-courtes ,  fituées  au-deffous  des  yeux  ,  une  trompe 
courbée  en-deflbus  ;  les  autres  caraderes  par  lefquels  le  corife  dif- 
fère de  la  punaife  à  avirons  ,  font  de  ne  point  avoir  d'écuflbn  ,  &: 
d'avoir  les  deux  premières  pattes  figurées  en  pinces  d'écrevifle  ,  à-peu- 
près  comme  celles  de  la  naucore ;  les  quatre  dernières  pattes,  comme 
celles  des  punaifes  à  avirons  ,  repréfentent  des  nageoires.  Le  corife , 
dont  M.  Geoffroi  ne  connoît  qu'une  efpece  aux  environs  de  Paris  ,  fe 
trouve  dans  les  ruiffeaux ,  les  mares  :  il  nage  quelquefois  fur  le  ven- 
tre ;  ce  que  ne  fait  jamais  la  punaife  à  avirons.  Du  refte  ,  même 
agilité  dans  l'eau  ,  mêmes  habitudes  ,  même  port,  extérieur  ,  même 
^  manière  de  nager  fur  le  dos ,  mêmes  armes  pour  piquer  ,  &  même 
puanteur.  Voyez  punaife  à  avirons. 

CORLIEU  ou  COURLY  ,  nummius.  Genre  d'oifeau  fcolopace , 
c'eft~à-dire  ,  à  long  bec  arqué  ,  dont  on  diftingue  plufîeurs  efpeces. 
Il  y  a  le  grand  courly ,  le  petit  courly  ,  le  corlicu  blanc  du  Bréfil ,  le 
corlieu  brun  ,  le  corlicu  rouge ,  le  corlieu  vert  ,  le  corlieu  varié  du  Mexi- 
que ,  le  coriieu  noir  èc  \q  corlieu  de  plaine.  Comme  tous  ne  différent  les 
uns  des  autres  que  par  la  grandeur  ou  la  couleur  ,  tant  mâles  que 
femelles  ,  nous  ne  décrirons  que  la  première  efpece.  Cet  oifeau  tient 
fon  nom  de  fon   chant  ,  car  en  volant  il  prononce  corlieu. 

Le  grand  corlieu  d'Europe  ,  eft  de  la  grandeur  de  ïaigrette  ,  Ôc 
à-peu-près  de  la  groffeur  d'un  chapon  ;  fon  bec  eft  long  d'un  demi- 
pied  &  voûté  en  faucille;  fon  cou  eft  longuet,  gros  &  bien  emplumé, 
la  couleur  de  cet  oifeau  eft  grife  ,  marquetée  de  brun  noirâtre  ;  le 
deffous  du  ventre  eft  blanchâtre  ,  moucheté  de  noir  ;  la  gorge 
eft  blanche ,  variée  de  taches  grifes  ;  fa  queue  eft  courte  &  bigarrée  ;, 
les  grandes  plumes  du  bord  des  ailes  font  noires  ;  il  a  quatre  doigts 
à  chaque  pied  ,  dont  celui  de  derrière  eft  fort  court  :  la  moitié  de 
la  cuiffe  au-delfus  du  genou  ,  eft  toute  dénuée  de  plumes ,  comme  à 
tous  les  oifeaux  de  marais  :  il  eft  hîiut  monté  fur  fes  jambes. 


c  o  p:  3-3P 

Cet  animal  vit  en  fociété,  habite  les  marais  ^  le  bord  des  fleuves ,  de 

.la  mer  &  des  étangs  ;  il  court  avec  vîteiïc  ;  il  vole  en  troupe,  &  Te 

nourrit  dans  les    prairies  humides  de    petits  vers   qu'il  tire  de  terre 

avec  fon  bec  long   ,  fort   effilé  &    arqué  ;  il  pond    quatre    œufs  au 

mois  d'Avril  :  fa  chair  eft  d'un  goût   fauvageon  ,  mais  aflez  bonne. 

Le  courly  de  terre  eft  le  grand  pluvier;  voyez  à  l'article  Pluvier, 
JLq  coiaiy  de  Madagafcar  reffemble  à  notre  corlieu  vulgaire.  Le  grand 
courly  d'Amérique  a  le  devant  de  la  tête  nu  ,  &  d'une  couleur  bleue 
foncée. 

CORMIER  ou  SORBIER  ou  COCHESNE,  en  latin  forhus.  Ceft 
un  de  nos  beaux  arbres  de  forêts  ,  qui  fe  plaît  dans  les  climats  tem- 
..pérés  de  TEurope  ;  fes  racines  font  grolfes  &  s'enfoncent  autant  qu  elles 
s'étendent  :  fon  tronc  eft  droit ,  uni  ,  long ,  d'une  grofleur  bien  pro- 
portionnée à  fon  bois  ,  dont  Taccroiflement  eft  fort  lent,  qui  eft  très- 
dur  ,  compade  &  rougeâtre  :  fes  branches  qui  fe  fou  tiennent  &  fe 
raflemblent  ,  forment  une  tête  affez  régulière  :  lorfqu'elîes  ont  un 
pouce  de  diamètre ,  elles  font  marquetées  de  taches  blanchâtres  qui 
^'étendent  &  couvrent  le  bois  ,  lorfqu'il  devient  de  la  grofleur  du. 
bras  :  mais  dès  qu'il  prend  plus  de  volume  ,  fon  écorce  rembrunit 
par  \qz  gerçures  qui  la  déchirent  &  la  font  tomber  par  filandres.  Ses 
feuilles  font  oblongues  ,  crénelées  ,  blanchâtres  en-deflbus  ,  ftipti- 
ques  ,  rangées  par  paires  fur  une  côte  ,  comme  celles  du  frêne,  gar- 
nies de  ftipules  à  leur  infertion  fur  les  branches  :  fes  fleurs  font  pe- 
tites ,  blanchâtres  ,  en  rofe ,  difpofées  plufieurs  enfemble  :  chacune 
eft  compofée  d'un  calice  d'une  feule  pièce  ,  découpée  en  cinq  parties  , 
au  bord  intérieur  duquel  font  attachées  plufieurs  étamines,  de  trois 
piftils  &  d'une  corolle  à  cinq  pétales.  Il  leur  fuccede  des  fruits  fur- 
montés  des  reftes  du  calice  ,  contenant  trois  fem.ences,  qui  diflLrent 
un  peu  de  forme  &  de  couleur  dans  les  diverfes  efpeces. 

Voici  le  détail  de  ces  différentes  efpeces  ou  variétés  du  cormier  les 

plus  connues  jufqu'à  préfent.  lYLe  cormier  franc  ;  c'eft  celui  que  Ton 

trouve  plus  communément  dans  les  enclos.  2°.  Le  cormier  à  fruit,  en 

forme  de  poire  ;  3°.  ou  en  façon  d^œuf  :  les  fruits  de  ces  deux  dernières 

efpeces  font  les  plus  âpres  &  les  plus  auftercs  de  tous.  4.**.  Le  cormier 

À  fruit  rouge  ou  rougeâtre  :  ce  fruit  eft  plus  gros  &  d'un  meilleur  goût 

que  ceux  des  efpeces  précédentes.  Il  y  en  a  une  efpece  dont  le  fruit 

j§ft  rouge  aufli ,  mais  très-petir ,  peu  moelleux ,  tardif  &  d'un  mauvais 

V  V  2 


340  COR 

goût.  5"**.  Le  cormier  du  Levant  à  feuille  de  frêne  :  cette  efpece  eft  fort 
rare  ;  Tourncforc  l'a  trouvée  dans  le  voyage  qu'il  a  fait  au  Levant. 
Quelquefois  le  fruit  en  eft  jaunâtre.  6°.  Le  cormier  fauvage ,  ou  des 
OifeUurs  :  celui-ci  eft  exacflement  une  efpece  ,  car  les  autres  ne  font 
que  des  variétés  occafionnées  par  la  différence  des  climats  ou  des 
terrains.  Ce  cormier  eft  petit  ;  fes  feuilles  font  hâtives  &  vertes  ; 
fes  fleurs  difpofées  en  ombelles  ,  font  plus  blanches  &  plus  belles  : 
fes  fruits  font  des  baies  d'un  rouge  jaunâtre  ,  &  fervent  particulière- 
ment à  piper  les  oi(eaux  ,  qui  en  font  leurs  délices.  Il  réfifte  dans 
des  climats  froids,  &  jufques  dans  la  Laponie.  C'eft-là  le  véritable 
forbier.  On  le  nomme  auOi  branffis  ou  hurlafjîer. 

Les  Eucherons  nomm.ent  cormieres  ceux  dont  les  fruits  font  fembla- 
bles  à  de  'petites  poires  de  couleur  un  peu  rouge,  &  cochênes  ceux 
dont  les  fruits  ou  baies  font  d'un  beau  rouge  orangé  ,  fouvent  écarlate, 
&  raflemblés  par  bouquets  qui  offrent  le  fpedacle  le  plus  agréable 
&  le^  plus  enchanteur  de  loin.  La  pulpe  en  eft  jaune,  &  contient 
quatre  pépins.  Les  cormiers  aiment  une  terre  fubftantielle ,  &  font 
un  très-bel  effet  dans  les  bofquets  du  printemps,  par  la  multitude  de 
leurs  fleurs  d'un  blanc  fale  &  en  bouquets.  On  les  multiplie  à  mer- 
veille de  pépins  de  cormes  dépouillés  de  leur  pulpe,  &  on  les  conduit 
comme  les  plants  de  poirier.  Mais  comme  tout  eft  conféquent  dans  les 
opérations  de  la  Nature,  la  lenteur  de  l'accroiffement  de  cet  arbre 
influe  aufli  fur  le  temps  de  la  produdion  de  fon  premier  fruit,  en 
proportion  à-peu-près  égale:  ce  n'eft  guère  qu'après  trente  ans  de  plan- 
tation qu'il  en  rapporte.  Nul  doute  aufli  que  la  dureté  de  fon  bois  ne 
contribue  à  faire  rélifter  cet  arbre  à  toutes  les  intempéries  des  faifons. 
Le  grand  hiver  de  1709  ne  porta  aucun  préjudice  au  cormier.  Le 
plant  de  cormier  réuflit  merveilleufement  à  la  tranfplantation;  on  en  a 
vu  réuflir  dans  les  plantations  de  M.  de  Bufon  ,  en  Bourgogne,  qui 
avoient  plus  d'un  pied  de  tour,  &  aujnoins  vingt-cinq  de  hauteur  ; 
mais  il  faut  à  ces  arbres  tianfplanté^  une  demie  culture,  telle  qu'ils 
la  peuvent  trouver  dans  les  vignes,  les  enclos,  les  terres  labourables, 
&c.  On  peut  greffer  le  cochéne  fur  le  poirier,  Talizier,  le  pommier 
&:  l'épine  blanche.  Le  cormier  fe  trouve  plus  fréquemment  en  Italie 
que  nulle  autre  part.  Il  eft  très-commun  en  Alface  &  en  Lorraine. 

Les  cormes  ou  fruit  des  cormiers  ,  donnent  une  bonne  nourriture 
aux  bêtes  fauves:  les  fruits  du  cochcne.,  fufpendus  aux  arbres  en 


COR  541 

automne  &  même  en  hiver ,  attirent  les  grives  qui  en  font  friandes  : 
ceft  un  appât  qui  les  attire.  Ce  fruit,  avant  d'être  mûr,  eft  aftringent 
&  convient  dans  les  diarrhées  :  on  cueille  en  automne  celui  des 
cormiers  cultivés  ,  on  le  îaifle  mûrir  fur  la  paille,  &  il  ell:  alors  plus 
agréable  que  les  mjîes.  On  peut  retirer  de  ce  fruit,  par  la  fermenta- 
tion ,  un  cidre  plus  fort  que  celui  des  pommes.  Les  Suédois  en  font  une 
liqueur  dont  ils  ufent  en  guife  de  vin.  Nous  difons  que  le  bois  de 
cormier  eft  le  plus  dur  de  tous  ceux  que  fournifTent  les  arbres  de  nos 
forêts  ;  aufli  eft-il  recherché  par  les  Tourneurs ,  les  Menuifiers ,  les 
Charrons  ,  les  Ebéniftes  ,  les  Graveurs  ,  les  Armuriers  ;  fa  couleur  eft 
d'un  gris  tendre,  il  eft  fufceptible  du  plus  beau  poli;  il  eft  fur-tout 
excellent  pour  les  parties  de  machines  expofées  à  de  grands  frottemens, 
telles  que  des  pièces  de  preflbir,  des  outils  de  menuiferie,  des  che- 
villes de  moulins,  &c.  Il  a  pour  défaut  d'être  fujet  à  fe  tourmenter  un 
peu.  On  fait  avec  fon  écorce  des  féaux  pour  recueillir  la  poix.  Bien 
des  perfonnes  (avent  que  l'on  fe  fert  des  rameaux  de  forbier  dar?s  la 
teinture  noire  commune;  mais  bien  peu  favent  que  ce  bois  feul  fuffit 
pour  teindre  du  plus  beau  noir,  &  très-durable.  Foy,  Mcm,  de  Suéde ^  , 
XV,  vol,  ryS;^. 

CORMORAN,  corvus  aquaùcus  aiit  phalacrocorax.  Genre  d'oifeau 
aquati-jue  ,  excellent  pêcheur,  &  qui  eft  de  la  grofieur  d'une  oie.  On 
en  diftinguedeux  efpeccs  dont  le  caradtere  eft  d'avoir  quatre  doigts  à 
chaque  pied,  les  trois  antérieurs  tiennent  au  pcftérieur  par  des  mem- 
branes ;  tous  les  doigts  font  gros ,  l'ongle  de  celui  du  milieu  antérieur 
eft  dentelé  en  deflbus  comme  une  fcie.  Le  bec  eft  droit,  arrondi  & 
crochu  par  la  pointe. 

Le  grand  cormoran  a  une  efpece  de  huppe  brune,  le  bout  de  la 
queue  eft  arrondi.  Chez  le  cormoran  ordinaire  la  poitrine  &  le  ventre 
font  cendrés,  &  le  corps  noirâtre.  Cetoifeau  eft  remarquable  par  un  bec 
long,  crochu  à  l'extrémité,  ddnt  les  bords  font  tranchans,  &  dont 
il  fe  fert  habilement  pour  attraper  &  retenir  le  poiflon.  On  remarque 
dans  le  pied  du  cormoran,  ainfi  qu'il  eft  dit  ci-deffus,  une  ftruâure 
extraordinaire;  les  quatre  doigts  font  unis  enfemble  par  trois  mem- 
branes ,  ce  qui  donne  à  ces  oifeaux  la  facilité  de  voguer  fous  feau 
avec  une  vîtefTc  incroyable ,  au  lieu  que  ks  autres  palmipèdes  n'ont 
que  deux  membranes  qui  joignent  les  trois  doigts  de  devant.  Un  autre 
avantage  qu'aie  cormoran,  c'eft  que  fes  pattes  font  tournées  en  de- 


5  4-2  COR 

dans,  au  contraire  des  autres  animaux  qui  nagent  &  qui  ont  des 
pattes  de  cette  efpece  ;  mais  ce  que  dit  Gcfmr ,  que  les  cormorans 
prennent  quelquefois  leur  proie  avec  un  pied,  &  l'apportent  au 
rivage  en  nageant  de  l'autre,  rend  raifon  pourquoi  les  pattes  de  ces 
oifeaux  font  tournées  en  dedans;  car  au  moyen  de  cette  difpofition., 
une  feule  frappant  l'eau,  la  poufle  jufrement  &  direiflement  fous  le 
milieu  du  ventre ,  &  fait  aller  le  corps  de  l'oifeau  droit ,  au  lieu  qu'une 
feule  patte,  tournée  en  dehors,  n'eût  donné  à  l'eau  qu'une  impulfion 
oblique  par  rapport  au  corps ,  &  par  conféquent  le  cormoran  eut 
tourné  en  nageant,  comme  fait  un  bateau  où  l'on  ne  rame  que  d'un 
aviron  ;  ainfi  la  feule  patte  qu'il  emploie  pour  nagar ,  fait  l'office 
d'un  gouvernail.  Elle  feule  le  conduit  à  bord.  L'ongle  du  fécond  doigt 
antérieur  de  ces  oifeaux  étant  dentelé  en  deffous  comme  une  fcie,  lui 
donne  encore  la  facilité  de  ferrer  &  de  retenir  plus  facilement  le 
poiflTon  dont  les  écailles  font  gliflantes.  Une  autre  lingularité  qui  ne 
fe» trouve  point  encore  dans  d'autres  oifeaux  ,  &  que  l'on  rencontre 
dans  le  crâne  derrière  la  tête  du  cormoran  ,  c'eft  un  petit  offelet  long 
de  trois  doigts ,  menu ,  en  forme  de  poignard.  Il  eft  planté  dans  les 
mufcles  du  cou. 

Cet  oifeau  qui  habite  les  côtes  maritimes  ,  plonge  &  vogue  fous 
feau  pour  attraper  le  poiffon.  Lorfqu'il  en  faifit  quelqu'un  avec  fon 
bec  crochu  ,  foit  par  le  derrière  ,  foit  par  le  côté  comme  il  ne  peut 
l'avaler  commodément  la  queue  la  première,  à  caufe  des  nageoires, 
des  crêtes,  des  écailles  qui  l'empêchent  d'entrer  dans  fon  gofier,  il  ne 
manque  point  quand  il  en  tient  un  dans  fon  bec ,  de  le  jeter  en  l'air 
en  lui  faifant  faire  un  demi-tour,  afin  que  la  tête  retombe  la  pre- 
mière ,  &  il  le  rattrape  avec  tant  d'adrefle ,  qu'il  ne  manque  jamais 
fon  coup  :  (  raifonnement  bien  jufte  ,  fi  c*eft  le  raifonnement  d'un 
animal  ;  infcinâ;  incroyable ,  fi  c'eft  un  inftind  !  )  Aulli  f  homme 
induftrieux  a-t-il  fu  profiter  des  tatens  du  cormoran.  Le  Père  le  Comte 
dit  qu'à  la  Chine  on  les  drefle  pour  la  pêche,  comme  on  drefl'e  ici  des 
chiens  &  des  oifeaux  pour  la  chafle  :  on  leur  donne  le  nom  de  loiva^ 
Un  Pêcheur  peut  aifément  gouverner  jufqu'à  cent  de  ces  pour- 
voyeurs :  pn  les  place  fur  les  bords  du  bateau  ;  &  lorfqu'on  eft  arrivé 
su  lieu  de  la  pêche ,  au  moindre  fignal  ils  partent  tous ,  &  fe  difper- 
fent  fur  un  étang;  ils  cherchent,  ils  plongent,  ils  reviennent  cent  fois 
fyï  l'eau,  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  trouvé  leur  proie;  alors  ils  lafaififfent 


avec  leur  bec.  Se  la  portent  incontinent  à  leur  maître.  Quand  le  poiflbn 
eft  trop  gros ,  ils  s'entr'aident  mutuellement  ;  l'un  le  prend  par  la 
têt^,  Tautre  par  la  queue,  &  tous  de  concert  l'amènent  ainfi  jufqu'au 
bateau,  où  on  leur  préfente  de  longues  rames,  fur  lefquelles  ils  fe 
perchent  avec  leur  poiflbn,  qu'ils  n'abandonnent  au  condudeur  que 
pour  en  aller  chercher  d'autres.  On  a  la  précaution  de  leur  mettre 
un  anneau  de  fer  au  bas  du  cou,  ou  de  leur  lier  le  gofier  avec  une 
corde,  de  peur  qu'ils  ne  fuccombent  à  la  tentation  d'avaler  le  poiflbn 
de  la  pêche  :  car  s'ils  en  étoient  raffafiés,  ils  n'auroient  plus  ni  ardeur, 
ni  courage,  en  un  mot  ni  envie  de  travailler.  Ils  peuvent  avaler 
d'autant  plus  facilement  un  poiflon  d'une  certaine  grolïeur,  que  leur 
cefophage  eft  fort  membraneux,  &  fufceptible  de  fe  dilater  beaucoup. 
Tout  démontre  que  la  nature  a  organifé  cet  oifeau  pour  être  un 
excellent  pêcheur. 

La  petite  efpece  de  cormoran  eft  commune  en  Prufle  &  en  Hol- 
lande. Ces  oifeaux  font  leurs  nids  non-feulement  fur  les  rochers  du 
bord  de  la  mer  ,  mais  aulîî  fur  des  arbres  élevés  près  des  étangs  & 
des  lacs  :  ce  qui,  fuivant  quelques  Auteurs,  eft  particulier  au  grand 
&  au  petit  cormoran  entre  tous  les  oifeaux  qui  ont  des  membranes 
aux  pieds.  Ils  ne  laiffent  point  manquer  leurs  petits  de  poiiTons  de 
toutes  efpeces;  car  ces  oifeaux  fréquentent  indifféremtnent  les  eaux 
falées.  Quoique  le  cormoran  ne  fe  nourrifle  que  de  poifTon ,  fa  chair 
n'eft  pas  excellente.  Les  Kamtfchadales  donnent  le  nom  de  tchaikï  à 
ces  oifeaux.  On  dit  qu'ils  ont  quatre  narines;  les  cuilTes  font  cou- 
vertes de  plumes  jufqu'aux  genoux.  Ces  Infulaires  fe  fervent  de  la 
veiTie  de  ces  oifeaux  en  guife  de  liège  pour  faire  flotter  leurs  filets  ; 
&  des  es  des  ailes  ils  en  font  des  étuis  à  aiguilles  ,  &c. 

CORNALINE  ou  PIERRE  DE  SARDE,  camcolus.  Ceft  une 
pierre  pefante  ,  d'un  grain  fin  ,  demi-tranfparente  ,  de  la  nature  de 
l'agate,  mais  dont  on  la  difting^e  facilement  par  fon  tilTu,  femblable 
à  de  la  corne,  &  d'un  rouge  vifj  6u  de  couleur  de  chair;  on  ne  peut 
la  confondre  avec  le  jafpe  ,  quelque  rouge  qu'il  fut,  puifqu'il  eft 
opaque  ,  ni  avec  l'agate  rouge,  dont  l'incarnat  eft  lavé  &  comme 
éteint  en  comparaifon  de  celui  de  la  cornaline,  qui  cependant  eft  fuf- 
eeptible  de  toutes  les  teintes  de  rouge  pur. 

Comme  la  netteté  de  la  couleur  fuppofe  toujours  dans  les  pierres 
une  pâte  fine  ou  épurée,  celle  de  la  cornaline  a  en  cela  beaucoup  de 


-5:44  COR 

rapport  avec  celles  de  l'agate  &:  de  la  fardoine.  Ainfî  tdle  pierre  dont 
la  teinte  tient  du  rouge  &  de  l'orangé,  rend  la  dénomination  équi- 
voque ;  mais  on  pourroit  dire  qu'elle  feroit  une  fardagatc ,  ou  moitié 
cornaline  ,  &  moitié  fardoine, 

La  couleur  &  la  dureté  des  cornalines  font  peu  confiantes:  les 
Jouailliers  nomment  cornatines  orientales  &  de  vieille  roche  celles  qui 
font  dures,  également  tranfparentes  ,  &  qui  prennent  un  poli  éclatant  ; 
de  même  qu'ils  nomment  cornalines  occidentales  ou  de  nouvelle  roche 
celles  qui  font  tendres.  Les  plus  parfaites  approchent  en  quelque  forte 
du  grenat  pour  la  couleur,  &  même  pour  la  tranfparence.  Ces  cor- 
nalines font  très-rares  :  on  prétend  qu'dles  ne  fe  trouvoient  qu'en 
Perfe,  &  qu'on  n'en  connoît  plus  aujourd'hui  les  carrières  :  les  cor- 
nalines ordinaires  viennent  de  l'Arabie  &  de  l'Egypte.  Nous  en  avons 
rencontré  aufli  aux  confins  du  Poitou. 

Cornaline  oncyce ,  cornaline  œillée ,  cornaline  herborifée.  Les  caraéleres 
&  le^  différences  de  ces  efpeces  de  cornalines  font  les  mêmes  que  dans 
l'agate ,  en  fuppofant  le  rouge  vif  &  toutes  fes  nuances  fur  un  fond 
blanc  ou  blanchâtre.  Les  cornalines  herborifées  font  plus  eflimées  que 
les  agates  herborifées,  parce  que  le  rouge  vif  fur  un  fond  blanc  a  plus 
d'éclat  que  le  noir;  les  jeux  delà  nature  leur  donnent  plus  ou  moins 
de  prix,  f^oyei  Agate, 

On  fait  avec  la  cornaline  des  bagues,  des  cachets  &  d'autres  bijoux 
femblables,  qui  font  aujourd'hui  très  à  la  mode,  fur-tout  quand  on 
y  remarque  quelqu'accident  fingulier ,  ou  qu'elle  efl  afïèz  dure  pour 
recevoir  la  peinture  à  l'émail, 

CORNE,  cornu.  C'eft  ce  corps  organifé,  dur  &  folide  qui  croît 
fur  la  tête  de  quelques  animaux  à  quatre  pieds,  de  qui  eft  une  de 
leairs  armes  défenfives  &  offenfives.  Les  cornes  varient  pour  la  forme , 
quoique  d'ailleurs  elles  foient  toutes  affez  femblables  pour  l'orga- 
nifation.  .^^ 

Le  tiffu  de  ce  corps  paroît  compofe  de  plufîeurs  filets,  qui  naiffent 
par  étage  de  toute  la  furface  de  la  peau  qui  efl  fous  la  corne;  ce  ne 
font  que  les  produdions  des  mamelons  delà  peau,  ainfï  que  le  prouve 
l'accroiffement  &  le  gonflement  de  la  tige  des  cornes  de  cerf.  Ces 
filets ,  foudés  enfemble  par  une  humeur  vifqueufe,  forment  autant  de 
cornets  de  différentes  hauteurs ,  enchaffés  les  uns  dans  les  autres  ;  ce 
qui  efl  caufe  que  la  pointe ,  compofée  de  toutes  ces  enveloppes ,  efl 

plus 


COR  5d,^ 

plus  folide  que  la  bafe.  On  peut  fatisfaire  fa  curiofîté  fur  rexadituds 
de  tous  ces  détails  ,  en  examinant  une  corne  fciée  longitudinalement, 
&  que  l'on  a  fait  bouillir.  On  verra  que  Tos  cellulaire  qui  foutient  la 
corne,  &  qui  fe  trouve  auflî  fcié  félon  fa  longueur,  eft  revêtu  d'une 
membrane,  parfemée  d'un  grand  nombre  de  vaififeaux  qui  portent 
la  nourriture  à  toutes  les  parties.  Les  filions  qui  paroifTent  fur  les 
cornes  femblent  formés  par  le  gonflement  &  la  tenfion  perpétuelle  des 
veines  &:  des  artères  parfemées  dans  la  peau  dont  elles  font  recou- 
vertes dans  leur  naiflance. 

L'accroiflement  des  cornes  fe  fait  différemment  dans  les  animaux 
à  qui  elles  ne  tombent  point;  l'apophyfe  de  l'os  du  front  qui  fert  de 
première  bafe  à  la  corne,  &  le  péricrâne  qui  la  couvrent,  croifîent 
&  font  croître  la  corne,  par  plusieurs  couches  qui  s'appliquent  les  unes 
aux  autres,  &  qui  forment  une  croûte. 

On  a  vu  fur  le  front  de  quelques  humains ,  s'élever  quelquefois 
une  excroiflance  dure,  longue,  pointue,  ayant  l'apparence  d!*une 
corne.  Le  cas  le  plus  (ingulier  de  cette  difformité ,  eft  celui  d'un 
Payfan  du  pays  du  Maine,  auquel,  à  l'âge  de  fept  ans,  il  avoit  percé 
une  corne  cannelée  du  côté  droit  de  la  tête,  qui  s'étendoit  en  fs 
recourbant  vers  le  côté  gauche  ;  en  forte  que  la  pointe  retoraboit  fur 
le  crâne,  fi  on  ne  l'eût  coupée  de  temps  en  temp5.  Il  reflfentoit  alors 
de  grandes  douleurs,  ainfi  que  lorfqu'on  la  touchoit.  Ce  malheureux, 
pour  cacher  fa  difformité  monftrueufe  ,  s'étoit  retiré  dans  les  bois 
jufqu  à  l'âge  de  trente-cinq  ans  ,  où  le  Maréchal  de  Lavardin  étant 
à  la  chaffe  le  fit  prendre  ,  &  le  préfenta  à  Henri  IV  :  enfuite  il  fut 
donné  en  fpeâ;acle  dans  Paris  à  tout  le  monde.  Cet  homme  ,  défef- 
péré  de  fe  voir  prom.ener  comme  un  ours  ,  en  conçut  tant  de  cha- 
grin ,  qu'il  en  mourut  bientôt  après  :  voyc^  Mc^rai  &  VHiJloirc  .  de, 
M.  de  Thou  ,  Livri  CXXIII,   ^ 

Ces  fortes  d'excroiffances  ne^aroiffent  être  que  des  produ6lions  des 
mamelons  de  la  peau.  Il  y  a  lieu  de  penfer  qu'on  pourroit  prévenir 
ces  difformités  dès  leur  origine  :  il  ne  s'agiroit  que  de  frotter  l'excroif- 
fance  naiffante  avec  de  l'efprit  de  fel  ;  la  racine  s'en  deiïécheroit  &: 
tomberoit  d'elle-même.  Il  paroî^  qu'il  y  a  une  forte  de  différence 
dans  la  nature  des  différentes  cornes  des  quadrupèdes.  La  corne  du 
cerf  &  du  rhenne  paroît  fe  rapprocher  plus  de  la  nature  offeufe  de  la 
délenfe  du  narhwal  &  de  celle  de  la  vache  marine  ,  &c.  La  corne  du 
Tom&  IL  ^  X  X 


3  ^6  COR 

bouc ,  du  taureau ,  du  bélier ,  fe  rapproche  davantage  de  la  nature 
de  VongU  des  animaux  &  de  l'écailIe  de  la  tortue  :  voye^  chacun  de 
ces  mots.  L'ingénieux  &  induftrieux  Malpighi  a  le  premier  découvert, 
avant  Tannée  i^yy,  (  voyc^  fes  Epîtres  ,  p.  ii.  )  l'origine  ,  l'accroifle- 
inent  &  la  ftrudure  de  la  corne  des  animaux  :  enfuite  l'illuftre  du 
Verney  expofa  le  même  mécanifme  dans  une  Lettre  inférée  dans  le 
Journal  des  Savans  ,  du  ^  Mai  i68p.  Il  faut  cependant  convenir 
que  depuis  ce  temps  les  Phyficiens  n'ont  fait  que  jeter  un  coup  d'ceil 
trop  fuperficiel  &  trop  peu  curieux  fur  les  contours  variés  ,  la 
forme,  la  grandeur ,  la  dureté,  les  ufages,  &c.  des  cornes  des  animaux, 

La  nature  a  aulli  donné  des  cornes  dures  &  à  pointe  fine  à  quel- 
ques infeéles  :  voye:^  à  la  fuite  de  C article  général  Insecte.  On  donne 
communément  le  nom  de  corne  à  ces  efpeces  de  petits  télefcopes  qui 
partent  de  la  tilt  du  limaçon  &  autres  animaux  femblables  ,  &  aux 
touffes  déplumes  qui  s'élèvent  fur  celle  des  chats- huans&  autres  oifeaux; 
&:  enfin  à  l'ongle  dur  &  épais  qui  règne  autour  du  fabot  du  cheval. 

On  appelle  cornée ,  la  tunique  la  plus  externe ,  la  plus  épaifle  ,  & 
la  plus  forte  du  globe  de  l'œil  ,  &  qui  renferme  toutes  les  autres 
parties  dont  ce  globe  efl  compofé  :  voye\  (Sil  ,  à  C article  des  Sens , 
û.  la  fuite  du  mot  Homme.  On  donne  le  nom  de  corne  à  certaines  fubf- 
tances  métalliques  unies  à  l'acide  du  fel  marin.  Voye\  le  Dictionnaire 
de  Chimie, 

CORNE  D'AMMON ,  cornu  Ammonis,  Cefl  une  coquille  foffile , 
contournée  en  fpirales  ,  aplatie ,  femblable  à  des  cornes  de  bélier  : 
il  y  en  a  de  différentes  efpeces  ;  les  unes  font  unies  comme  les  gros 
nautiles  ;  d'autres  font  ftriées ,  tuberculées  ,  épineufes  ,  ombiliquées 
ou  à  oreilles  •■,  plufieurs  d'entr'elles  paroiffent  ornées  d'arborifations 
fur  la  face  extérieure.  Ces  arborifations  qui  reffemblent  à  des  feuilles 
de  cerfeuil ,  ne  font  qu'autant  de  futures  ou  d'apophyfes  qui  régnent 
dans  l'intérieur,  &  par  où  s'uniffent  &^^  défuniflent  les  parties  comme 
vertébrées  de  ces  coquilles  qui  font  erî  quelque  forte  concamérées  , 
doifonnées  ou  chambrées  ,  comme  le  font  quelques  nautilites  avec 
lefquelles  elles  ont  de  la  reffemblance  :  les  nautilites  ont  les  articu- 
lations &  les  concamérations  fimples  &  unies  ;  mais  les  cornes  d'Am- 
mon  ont  plus  de  volutes  extérieurement  apparentes ,  &  la  bouche  en 
efl  moins  ouverte.   Voyii;^  Nautile  &  Nautilite. 

On  rencontre  beaucoup  de  cornes  d'ammon  en  Europe  j  c'ell  une 


des  pétrifications  les  plus  abondantes  qui  foîcnt  en  France  ,  notam- 
ment en  Bourgogne  près  d'Agey  ;  dans  les  environs  de  Caen  en 
Normandie,  &  entre  Saint  -  Macaire  &  Marmande  en  Guyenne, 
où  dans  certains  endroits  la  terre  en  eft  jonchée  ;  les  chauflees , 
les  grands  chemins  en  font  en  partie  conftruits.  Les  bancs  des  car- 
rières de  pierre  &  de  marbre  en  renferment  dans  leur  fein.  Les  cornes 
d'ammon  font  aullî  les  plus  nombreufes  des  pierres  figurées.  Il  y 
en  a  de  grandeurs  très-différentes.  Il  s'en  trouve  qui  ont  jufqu'à  près 
d'une  toife  de  diamètre.  On  en  a  découvert  dans  des  fables  ,  qui  font 
il  petites  qu'on  ne  peut  les  appercevoir  qu'à  l'aide  du  microfcope. 
Entre  ces  deux  extrémités  ,  il  y  en  a  une  grande  quantité  de  toutes 
les  grandeurs.  M.  Spada  ,  dans  fon  Catalogue  des  folTiles  des  envi- 
rons de  Vérone  ,  parle  de  quarante-quatre  fortes  de  corne  d'ammon.' 
Ces  fortes  de  foJliles ,  fur-tout  ceux  de  la  grande  efpece  ,  ne  font 
communément  que  le  noyau  des  coquillages  proprement  dits  ,  mais 
dont  on  ne  trouve  plus  les  analogues  vivans  de  l'efpece.  L'on  a 
feulement  des  preuves  inconteftables  qu'elles  font  des  coquilles  du 
genre  des  nautiles.  Voye^  Us  Mémoires  de  L'Académie  ,  1722  ,  pagô 
237.  Lorfque  ces  pétrifications  font  dépouillées  de  leur  enveloppa 
nacrée  ,  il  arrive  fouvent  qu'elles  fe  revêtent  d'une  croûte  ferrugi- 
neufe  ou  pyriteufe  &  qui  a  la  couleur  &  le  brillant  d'un  métal  doré  : 
c'eft  ce  qu'on  appelle  Xarmatun,  Ce  faux  brillant  fe  détruit  bientôt 
par  le  contaél  de  Thumidité.  Il  n'efl:  pas  rare  de  voir  dans  les  ca-- 
binets  des  cornes  d'ammon  fciées  en  deux ,  dont  les  concamérations 
font  remplies  de  fpath. 

Quelques  Auteurs  prétendent  que  \q  falagraman  des  Indiens  qui  (e 
trouve  en  Indoftan  ,  dans  la  rivière  de  Gandica,  au  nord  de  Patna, 
eft  une  forte  de  corne  d'ammon  vivante.  Cette  coquille  eft  fort  chère, 
chez  les  Indiens.  Les  Bramines  qui  leur  font  un  facrifice  tous  les 
jours,  en  font  un  cas  particule  ,  &  les  confervent  dans  des  boîtes 
précieufes.  Ils  prétendent  qu'un  de  leurs  Dieux  y  a  long -temps  refté 
caché.  Loin  de  vouloir  vendre  des  falagramans  aux  Européens  cu- 
rieux ,  ils  ne  veulent  pas  même  les  leur  faire  voir ,  croyant  que  leur 
Dieu  feroit  fouillé  s'il  étoit  touché  par  un  Chrétien.  Voyez  fur  le 
falagraman  la  Lettre  du  Père  Calmeite  au  Père  du  Halde  ,  dans  le 
XXVI  recueil  des  Lettres  Édifiantes ,  page  5"^^  ,  &:c.  &  la  planehe 
<^.ui  eft  à  la  page  37/  du  même  volume. 

X  x  2 


54S  COR 

On  a  nommé  ce  foflile  corm  d'ammon ,  a  caufe  de  fa  forme ,  & 
parce  que  cette  coquille  étoit  autrefois  confacréc  dans  les  dévotions 
qu'on  faifoit  à  Jupiter  Ammon  ,  car  les  anciens  croyoient  qu  elle 
avoit  la  vertu  de  faire  expliquer  les  fonges  myftérieux.  On  voit  que 
la  fuperftition  a  toujours  régné  chez  i'efpece  humaine. 

CORNE  DE  CERF ,  coronopus.  Ceft  une  plante  dont  on  diftln- 
gue  deux  efpeces,  l'une  domeftique  &  l'autre  fauvage.  La  première 
eft  cultivée  dans  les  jardins  potagers  pour  l'ufage  des  falades.  Sa 
xacine  eft  petite  :  elle  pouffe  beaucoup  de  feuilles ,  fi  étroites ,  telle- 
ment découpées  &  comme  nerveufes ,  qu'elles  repréfentent  de  petits 
bois  de  cerfs  ;  &  c'eft  de  là  qu'eil  venu  le  nom  de  corne  de  cerfi 
elles  font  d'un  goût  aftringent ,  mais  agréable.  Il  s'élève  d'entre  ces 
feuilles  des  tiges  velues  ,  hautes  d'un  pied  &  demi ,  portant  des  fleurs 
femblables  à  celles  du  plaintain  ,  &  difpofées  de  même. 

La  corne  de  cerf  fauvage  a  des  feuilles  plus  découpées  ,  très- 
velues  ,  reffemblantes  au  pied  d'une  corneille.  Ses  tiges  portent  un 
épi  également  velu ,  où  il  naît  des  fleurs  &  des  femences  femblables 
aux  précédentes.  Sa  racine  eft  fibrée.  Cette  plante  croît  principale- 
ment aux  lieux  fablonneux  proche  de  la  mer  :  elle  eft  vulnéraire  a 
apéritive  &  propre  à  arrêter  les  hémorragies. 

CORNE  DE  CERF  D'EAU.  Voyc^  Cresson  Sauvage. 

CORNE  DU  NARHWAL.  Foyei  au  mot  Baleine  ,  à  la  def- 
■cription  du  Narhwal. 

CORNE.  (Pierre  de)  Voyc^  Pierre  de  Corne. 

CORNE  DE  RHINOCÉROS.  Voyei  à  tartidc  Rhinocéros. 

CORNÉE.  Voyei  à  la  fuite  des  articles   Insecte   &  Homme. 

CORNEILLE ,  cornix,  Oifeau  du  genre  du  corbeau  ,   mais  plus 

petit,  &  qui  a  le  bec  ,    les  pieds  &  les  jambes  noirs ,  ainfi  que  tout 

le  refte  du  corps.  La  corneille  a  la  langue  fourchue ,  les  yeux  grands  ^ 

le  plumage  noir.    Elle  fréquente  les  b^.,  les  campagnes,   les  bords 

des  eaux ,  &  vit  de  toutes  fortes  de  fubftances  animales  &  végétales. 

Elle  fait  fon  nid  au  haut  des   arbres  ,  &  pond  cinq  à   fix  œufs  d'un 

blanc  bleuâtre.    Les  petits  qui  en  éclofent  font  bons   à  manger.  La 

femelle   feule    couve   les  œufs  ,    &  le  mâle  a  foin  de  lui  apporter  de 

.    la  nourriture  pendant  le  temps  de  l'incubation.    Ces  oifeaux  volent 

en  troupes  :  leur  vol  eft  rapide  &*leur  marche  lente  ;    leur  bec  eft 

fi  fort  qu'il  peut  caffcr  des  noix,    lis  font  un  grand  dégât  dans  les 


..i^ 


COR  5  4P 

terres  nouvellement  enfemencées.  Voici  la  meilleure  manière  de  détruire 
ces  brigands.  On  prend  des  frefTures  de  boeuf,  ou  d'autres  morceaux  de 
bafle  boucherie ,  coupés  par  petits  morceaux,  que  l'on  mêle  avec  la  râpure 
de  noix  vomique  ;  on  laifle  le  tout  s'incorporer  pendant  vingt- quatre 
heures  à  froid  :  on  répand  à  la  pointe  du  jour  ces  morceaux  de  viande 
fur  les  terres  enfemencées  :  dès  que  les  corneilles  en  ont  mangé  & 
que  la  viande  eft  digérée,  elles  tombent  mortes.  Un  des  appâts  que  les 
corneilles  aiment  beaucoup  aulîî ,  font  les  fèves  de  marais.  On  les 
perce  quand  elles  font  vertes ,  avec  une  aiguille  ou  épingle  fans 
tête  ,  qu'on  laifîè  dans  la  fève  ;  &  en  hiver  on  les  répand  fur  la  terre  ; 
les  corneilles  ne  les  ont  pas  plutôt  mangées  &  digérées  ,  qu'elles 
languiflent  &  meurent  ,  l'aiguille  leur  reftant  dans  les  inteftins.  On 
fait  dans  le  temps  des  neiges  une  chafîe  à  la  corneille  très-plaifante  : 
on  met  un  morceau  de  viande  crue  dans  le  fond  d'un  cornet,  &  de 
la  glu  à  l'entrée.  On  diftribue  ces  cornets  dans  la  neige.  «X)ès  que 
ces  oifeaux  apperçoivent  la  viande ,  ils  plongent  la  tête  dans  le 
cornet.  A  l'inftant  ils  font  capuchonnés  ,  fe  mettent  à  voler  ,  ne 
voient  plus  ,  s'élèvent  en  ligne  droite  à  perte  de  vue  ,  &  tombent 
à  terre  excédés  de  fatigue.  Il  en  arrive  autant  au  corbeau ,  &  autres 
oifeaux  carnivores  qui  donnent  dans  le  piège.  Ces  oifeaux  fe  retirent 
l'hiver  dans  les  greniers  ,  d'où  les  hiboux  les  chafient.  Leur  nourriture 
ordinaire  font  les  charognes  ,  les  vers ,  les  limaçons ,  les  chenilles , 
les  grenouilles  ,  le  petit  gibier  ,  &c,  Lorfqu'ils  crient  ou  qu'ils 
croalTent,    ils  font  beaucoup  de  bruit. 

Le  nom  de  corneille  eft  encore  donné  à  d'autres  efpeces  d'oifeaux  , 
tant  du  genre  des  corbeaux  que  de  celui  du  coracias  ;  tels  que  la 
corneille  cendrée  ou  emmantelèe  qui  eft  granivore  &  fujette  à  avoir  des 
poux  (c'eft  le  bomekraye  des  Belges,  la  corneille  noire  ou  fauvage  qui 
eft  le  freux  ou  grole  ,  voyez  Freux  ;  la  corneille  de  la  Jamaïque  qui 
eft  très-noire  &  fort  criarde  jl|B^:*  Cormille  des  Indes  dont  le  plumage 
eft  femblable  à  celui  du  pigeon  Éifet  ;  la  corneille  pourprée  ,  la  corneille 
choucas  de  Cornouailles  ,  &  la  corneille  des  bois ,  ou  le  coracias  huppé 
des  Cantons  SuifTes.  On  élevé  toutes  ces  efpeces  de  corneilles  en 
cage  ,  &  on  les  nourrit  avec  du  blé  de  Turquie  ,  &c.  Au  Cap  il  y 
a  des  corneilles  de  mer  ,  dont  la  chair  eft  délicieufe.  Leurs  plumes 
font  noires  &  douces  :  on  s'en  fert  dans  le  pays  pour  garnir  des  lits 
&  des  oreillers,    Quelques  -  uns  prétendent  que  c'eft   une  forte  de 


^5-0  COR 

cormoran.   La  corneUle  variée  de  blanc  eft  le  corbeau  marbré  de  Féroc» 
Il  y  a  aufîi  la  corneille  blanche. 

CORNEILLE-PLANTE.    Voyei  Chasse-Bosse. 

CORNETS  5  yolut<z.  Coquillages  univalves  &  operculés ,  du 
genre  des  volutes,  Voye^^  ce  mot.  Ces  efpeces  de  coquilles  font  des 
plus  agréables  &  des  plus  précieufes  :  leur  forme  eft  en  cône;  leurs 
fpires  comprimées  &  roulées  les  unes  fur  les  autres  ,  fe  terminent 
d'un  côté  en  une  tête  aplatie  ou  peu  élevée ,  &  forment  de  l'autre 
une  pyramide  plus  ou  moins  conique.  Leur  bouche  eft  étroite  , 
longue  ;  la  lèvre  intérieure  eft  cachée  en  dedans  ,  &  ne  fe  montre  point 
dehors  comme  dans  les  rouleaux.  Leur  robe  eft  toujours  richement 
bigarée  de  jolies  couleurs.  Il  y  a  des  cornets  d'une  feule  couleur  ; 
d'autres  font  cannelés  ,  d'autres  entourés  de  lignes  marquées  par  des 
taches  ,  ou  peints  en  ondes  ou  en  réfeaux ,  ou  entourés  de  bandes. 
Parmi  ces  coquilles  on  diftingue  le  tï^re  jaune  ,  cornet  rare  par  fes 
taches  blanches  fur  un  fond  jaune  ,  Vaile  de  papillon  ,  la  tinne  de 
beurre  ,  Yamadis  ,  Vefplandlan  ,  V amiral  &  le  vice-amiral ,  le  grand 
amiral  ^Xcxtramiral  ^  \?i  jlamboyante  ,  Y aumuce  y  \q  pavillon  d'orange , 
iQfptcirCy  l'hébraïque,  le  clergé  ou  ïonyx  ,  la  couronne  impériale,  le 
damier. 

COPvNICHONS.  ?^oyei  au  mot  Concombre. 
CORNOULLIER  ou  CORNIER  ,  en  latin  cornus.  Arbre  dont 
on  diftingue  plufieurs  efpeces ,  notamment  deux  principales  qui  font 
fort  différentes  entr'elles  par  le  volume  ,  la  difpofition  des  fleurs , 
Ja  forme  des  fruits ,  la  qualité  du  bois  ;  mais  que  les  Méthodiftes  ont 
toujours  fait  aller  enfemble.  Cette  diftindion  principale  fe  fait  en 
cornoullller  mâle  &  en  cornoullller  femelle  ;  cependant  ces  caraéleres  fe 
trouvent  là  fauffement  employés  &  induifent  en  erreur  ,  attendu  que 
chaque  efpece  de  ces  arbres  eft  mâle  &iemelle  tout  enfemble.  Comme 


Ton  doit  donc  fe  difpenfer  de  confet^gt  ces  dénominations  abufives  , 
nous  traiterons  les  prétendus  cornoultliers  mâles  fous  le  fîmple  nom 
de  cornoullller  ;  &  ceux  qu'on  fait  tout  aufll  mal-à-propos  pafler  pour 
femelles  5    fous  celui  de  cornoullller  fanguln. 

Le  cornoi|illiereft  un  arbre  d'une  grandeur  médiocre  ,  aflez  commun 
dans  les  bois  &  dans  les  haies.  Sa  tige  eft  tortue,  courte,  noueufe 
3i  chargée  de  beaucoup  de  rameaux.  Son  écorce  d'un  gris  roufsâtrCa 
fe  détache  lorfque  l'âge  la  fait  gercer.    Les  feuilles  qui  ne  paroiflen^ 


COR  3  )-  î 

que  dans  i'întervalle  des  fleurs  aux  fruits ,  font  d'un  vert  foncé  ^ 
ovales ,  oppofées  ,  relevées  en  deiTous  de  nervures  très  -  faillantes 
qui  partent  de  la  nervure  du  milieu ,  &  vont  circulairement  fe  joindre 
à  la  pointe.  Cet  arbre  fleurit  dès  le  commencement  du  printemps  • 
il  eft  fi  chargé  de  petites  fleurs,  difpofées  en  ombelle  garnie  à  fa  bafe 
d'une  fraife  de  quatre  feuilles  ,  ou  compofées  de  quatre  pétales 
jaunes ,  d'un  pifl:il  &  de  quatre  étamines  jaunâtres  ,  qu'il  en  paroît 
tout  jaune.  A  ces  fleurs  fuccedent  des  fruits  approchans  de  l'olive  , 
mais  d'un  beau  rouge,  mous,  charnus,  contenant  un  noyau  divifé 
en  deux  loges  qui  renferment  chacune  une  amande.  Lorfqu'ils  font 
mûrs ,  on  les  appelle  cornouUles.  On  peut  alors  les  confire  comme 
l'épine-vinette  ,  car  ils  font  fort  aigrelets.  On  prétend,  que  ces  fruits 
yerts  peuvent  être  confits  au  vinaigre  comme  les  olives. 

L'accroiffement  du  cornouiliur  efl:  fi  lent ,  qu'il  lui  faut  quinze 
années  pour  prendre  environ  dix  pieds  de  hauteur  :  aufli  fon  bois 
qui  eft  très-dur,  a-t-il  les  qualités  de  celui  du  cormier.  Les  intem- 
péries des  faifons  ne  font  point  capables  de  retarder  fa  venue  :  il 
s'accommode  de  tous  les  terrains  &  de  toutes  les  expofitions.  Cet 
arbre  n'eft  pas  fans  quelque  agrément.  Sa  fleur  très  -  hâtive  ,  aflez 
apparente  ,  &  de  longue  durée ,  fon  feuillage  d'une  belle  verdure , 
qui  n'eft  jamais  attaqué  des  infedes  ,  &  qui  fouffre  l'ombre  des 
autres  arbres  ;  &  la  figure  régulière  qu'on  peut  donner  par  la  taille 
au  cornouiliur ,  fans  nuire  à  fon  fruit  ,  doivent  engager  à  l'employer 
dans  quelques  cas  pour  l'ornement ,  foit  à  de&rpalifTades  baffes  ,  foit 
en  le  mettant  dans  les  remifes.  On  peut  multiplier  le  cornouiliur  àQ 
rejetons  qui  pouffent  au  pied ,  &  ce  fera  la  voie  la  plus  courte  ; 
ou  s'en  tenir  à  femer  les  noyaux  de  cornouilles.  Quoique  cet  arbre 
n'exige  point  de  culture  ,  il  n'eft  pas  moins  certain  qu'il  profite 
beaucoup  mieux  quand  o*^  ,1e  cultive  ,  &  que  fon  fruit  en  devient 
plus  gros  ,   plus  coloré ,    mojljg^ftringent  &  d'un   meilleur  goût. 

Voici  les  différentes  eipeces  de  cornouilîier  que  l'on  connoît  à 
préfent.  l°.  Le  cornouilîier  fauvage  ;  c'eft  celui  que  nous  venons 
de  décrire.  Le  cornouilîier  franc  ;  c'eft  la  même  efpece  améliorée  par 
la  culture.  ^°.  Celui  d.  fruit  Jaune  i  il  eft  affez  rare.  4.^  Celui  b.  fruit 
hlancy  il  eft  encore  plus  rare,  fon  fruit  plus  précoce  &  plus  doux  , 
mais  plus  petit,  j*"^.  Le  cornouilUeF  du  Levant  ;  fon  fruit  qui  vient 
rarement ,  eft  cylindrique,  (5°.  Celui  à  feuilles   de  citronnier,  7°,  Le 


5  5  2  COR 

cornoulllkr  de  Flrginle  à  feuilles  tachées.  S**.  Idem  à  gros  fruit  rouge, 
p*'.  Idem  à  grande  Jlmr;  il  n'a  que  fept  à  huit  pieds  de  haut,  &  eft 
très-commun  dans  les  pépinières  autour  de  Londres  oii  il  eft  connu 
fous  le  nom  de  dogwood  de  VirginU.  M.  Miller  dit  qu'il  ne  l'a  point 
encore  vu  porter  de  fruits  en  Angleterre.  Ses  fleurs  reftent  fix  femaines 
épanouies  &  à  fe  perfeélionner  ;  après  ce  temps  ,  dit  Catesby  ,  il  leur 
fuccede  des  baies  difpofées  en  grappes ,  qui  font  rouges  ,  ovales  , 
ameres  ,  &  qui  en  reftant  fur  l'arbre ,  font  d'un  aulîi  bel  afped  en 
hiver  ,  que  fes  fleurs  l'ont  été  au  printemps.  Les  fleurs  de  ce  cor- 
nouiilier  font  quelquefois  rougeâtres ,  &  leurs  fruits  tardifs.  Il  y  en 
a  qui  demandent  Torangerie  pour  pafl'er  fhiver. 

Le  cornouïllier  fanguin  ^  virga  fanguinea  ,  eft  un  arbiifl'eau  très-commun 
dans  les  bois  ,  dans  les  haies  ,  &c.  L'écorce  de  fes  jeunes  rameaux  eft 
d'un  rouge  vit  &  foncé.  Sa  fleur  vient  en  ombelle  comme  celle  de 
toutes  les  efpeces  de  ce  genre  ;  mais  l'ombelle  efl:  toute  nue  :  fes  baies 
font  noires  &  huileufes.  Cet  arbriiTeau  fe  multiplie  plus  qu'on  ne  veut. 
Il  y  a  auflî  des  cornouilUers  fanguins  à  feuille  panachée  ,  à  fruit  blanc, 
à  feuilles  blanches ,  &  à  feuilles  de  laurier.  Il  y  a  encore  une  efpece 
de  cornouiUier  nain  de  Canada  ,  qui  n'eft  prefque  qu'une  herbe  ,  qui 
fera  propre  à  faire  des  bordures  fi  elle  peut  s'accommoder  à  notre 
climat. 

CORNUPEDE  5  corniger  aut  cornifer.  On  donne  ce  nom  à  l'animal 
dont  la  tête  efl:  armée  de  cornes. 

COROLLE.  Nom.que  les  Botanifl:es  donnent  à  la  partie  la  plus 
apparente  des  fleurs.  Voyez  le  mot  FUur  &  le  Vocabulaire  de  l'article 
Plante  dans   ce  Didionnaire. 

COKOSSOLIER.  Foye^  à  l'article  Cœur  de  Bœuf  &  celui  de 
Cachimentier. 

CORPS ,  corpus.  Eft  cette  partie  de  l'animal  compofée  d'os ,  de 
mufcles,  de  canaux,  de  liqueurs ,^^^i^^  nerfs  ,  &c.  qui  font  le  fujet 
de  l'Anatomie  comparée.  Il  y  a  tant  3e  diverfités  dans  la  feule  figure 
extérieure  du  corps  des  animaux ,  &  fur-tout  des  infeâes ,  qu'il  feroit 
impofiible  d'épuifer  cette  variété.  Foye^  les  articles  Animal  ,  Qua- 
drupède, Homme,  Poisson,  Oiseau  &  Insecte. 

On  appelle  corps  marins  ,  des  coquilles  ,  des  coraux ,  des  madré- 
pores, des  poiflbns ,  Sec.  que  l'on  trouve  enfouis  &  pétrifiés  dans  le 
fsin  de  la  terre.  Voyez  Fojfile^ 

On 


COR  3^j 

On  appelle  corps  figures  ,  des  pierres  à  qui  des  cîrconftances  fortuites 
ont  fait  prendre  dans  Je  fein  de  la  terre  des  formes  bizarres  ,  qui 
peuvent  quelquefois  avoir  de  la  reflemblance  avec  des  corps  étrangers 
aux  règnes  végétal  &  animal.  Voyez  Jeux  de  la  Nature  :  voyez  aufîi 
Artholite  ,   Lardite  ,    &c. 

L'on  donne  auffi  le  nom  de  corps  inconnus  à  certains  foflîles  qui  ne 
peuvent  fe  rapporter  à  aucun  analogue  vivant ,  ni  à  aucunes  pétri- 
fications ,  telles  font  les  loupes  pierreufes  appellées  oolithes  ,  hammites , 
cenchrites  ,  pifolites  ,  miconkes  ,  orobites  ,  &c.  on  peut  y  placer  les  pierres 
numifmales  y  les  phacites  ,  les  lumbricites.  Les  diiférens  noms  qu'elles  por- 
tent ,  ont  été  tirés  de  la  relfemblance  qu'on  leur  a  trouvée  ou  avec 
des  œufs  de  poiflbns,  ou  avec  des  graines  de  végétaux;  mais  on  ne 
fait  rien  de  pofitif  fur  leur  véritable  origine.  Les  uns  ,  comme  la 
pierre  nommulaire  ,  font -ils  des  tejîacites  ;  les  autres  feroient-ils  ou 
des  ftalagmites,  ou  des  boutons  d'étoile  de  mer.  Voyez  Pierre  nom^ 
mulaire  &  Oolithe.  ^ 

Enfin  l'on  appelle  corps  naturels  toutes  les  fubftancés  matérielles  dont 
raflemblage  compofe  l'univers.  A  Tégard  du  corps  réiiculaire ,  voyez 
à  l'article  Peau.  * 

CORTUSE ,  cortufa.  Plante  aftringente  &  vulnéraire  ,  dont  les 
feuilles  font  larges  &  découpées.  Ses  fleurs  font  femblables  à  celles 
de  l'oreille  d'ours ,  &  purpurines.  Sa  racine  efl:  fibreufe.*  Toute  la 
plante  eft  odorante  :  elle  croît  aux  lieux  ombrageux  dans  les  terres 
argileufes. 

CORU.  Arbre  du  Malabar  femblable  au  coignaffier.  Sa  fleur  efl 
faune  &  inodore  :  fa  feuille  reffemble  à  celle  du  pécher.  Son  écorce 
eu.  mince ,  légère  ,  verte  ,  &  pleine  d'un  fuc  laiteux  &  fort  gluant , 
&  dont  on  fait  ufage  contre  toute  forte  de  flux,  Confultez  Rai  & 
James. 

CORZA.  Nom  fous  lequePiè  ^àim  eft  connu  en  Efpagne,  Voye^^ 
Daim.  » 

COS.  Voyei^  Pierre  a  aiguiser  ou  a  rasoir. 
COSQUAUTH,  Voyii  Aura, 

COSSON.  Efpece  de  charançon  qui  attaque  les  fèves,  les  pois  , 
&:  même  les  blés.   Voye^  Charançon. 

COSTUS,    cojlus   iridem  redolens.  Sa  racine  eft   célèbre  dans  les 
antidotaires  des  Pharmaciens.  La  racine  du  coftus ,  dont  il  eft  mention. 
Tome  //,  >*  Y  y 


efl  différente  du  co/ius  corùcofus ,  qui  eft  la  cannelle  blanche,  Voye^ 
€e  mot.  Le  coftus  des  boutiques  efl:  une  racine  exotique  ,  coupée  en 
morceaux  oblongs  ,  gros  comme  le  pouce ,  légers  ,  poreux  ,  & 
cependant  durs  ,  mais  friables  ,  un  peu  réfineux ,  d'un  goût  acre  de 
gingembre  mêlé  de  quelque  amertume  ,  aromatique  ,  d'une  odeur 
légère  de  violette  ,  d'un  jaune  gris  ou  brun  :  elle  eft  tirée  d'un  arbriflfeau 
qui  refîemble  beaucoup  au  fureau,  &  qui  croît  abondamment  dans 
l'Arabie  heureufe  ,  en  Malabar  ,  au  Bréfil  &  à  Surinam  :  il  porté 
une  fleur  odorante ,  que  M.  Linnczus  dit  être  compofée  de  trois  feuilles 
avec  un  neciarium.  Cette  plante  efl  le  chïan-fou  des  Chinois ,  le  ttjîava.'- 
hua  dont  on  .trcfùve  la  defcription  &  la  figure  dans  XHort.  Malabar,  T, 
XL  pi.  ly.  A/^r^r^^  penfe  que  c'eft:  le  paco-caat'ingua  du  Bréfil.  Sa 
racine  eft  mife  au  nombre  des  céphaliques  :  c'eft  un  des  ingrédient 
de  ,1a  grande  thériaque  d'Andromaque.  M.  Geoffroi  (  Mémoire  de 
r Académie  des  Sciences  ,  1740^  page  ^8.)  penfe  que  l'aunée  eft  un© 
racme  fort  approchante  du  cofius  ;  car  étant  choifie  bien  nourrie  , 
féchée  avec  foin  &  gardée  long-temps  ,  elle  perd  cette  forte  odeur 
qu'on  lui  connoît ,  &  acquiert  celle  du  cojîus  dont  on  mange  dans 
le  pays  les  tiges  fraîches  pour  les  gonorrhées.  On  fe  fert  des  feuilles 
du  coftus  appliquées  extérieurement  pour  guérir  les  coliques ,  &;  fur 
les  yeux  pour  les  fortifier. 

Le  cojîus  qu'on  trouve  dans  les  cabinets  des  curieux,  eft  ou  blanc 
tirant  fur  le  rouge ,  léger  ,  d'une  odeur  très  -  fuave  ,  d'un  goût  acre  , 
brûlant  &  mordant  ,  &  fe  nomme  coJlus  Arabique  ;  ou  il  eft  léger, 
plein  &  noir  ,  très  -  amer  ,  d'une  odeur  forte  d'œillet ,  c'eft  le  cojlus 
Indien  ,  k  pucho  des  Maiabares  dont  on  fait  un  grand  commerce 
dans  la  Perfe,  l'Arabie  ;  ou  enfin  pefant,  d'une  couleur  de  buis, 
dont  l'odeur  porte  à  la  tête ,  c'eft  le  cojîus  Syriaque  ou   Romain. 

Les  cojîus  des  Anciens  étoient  beaucoup  plus  odorans  que  ceux 
de  nos  jours  :  ils  s'en  fervoient  po'ia^jkire  des  aromates  &  des  par- 
,fums  ;  ils  les  brûloient  fur  les  autels  comme  l'encens.  On  voit  par 
cette  defcription  que  le  coftus  des  Grecs  ,  des  Latins  &  des  Arabes , 
eft  un  même  nom  qu'ils  ont  donné  à  difïérentes  racines.  L'omo-. 
nymie  en  Botanique    fait  un  chaos  qu'on  ne  débrouillera  jamais. 

COTE  5  cojîa.  Nom  donné  à  un  long  os  courbé ,  placé  fjr  les 
côtés  du  thorax  dans  une  diredion  oblique,  l^oye^  à  la  fuit^  du  mot 
Os  5  l'article  Sq.uelete  humain,   Qu'il  nous  foit  permis  de  dire  ici 


C  O  T  3sf 

que  la  /elure  des  cotes  n'eft  qu'un  vain  nom  ;  &  leur  enfonçure  prétendue 
fans  fraflure  n'eft  qu'une  pure  illufion  que  les  BaUUuls  ou  Renoueitrs 
ont  répandu  dans  le  public  comme  des  accidens  communs  ,  qu'eux 
feuis  favent  rétablir  par  leur  expérience ,  leur  manuel  particulier ,  ^ 
leurs  appareils  appropriés.  Nous  finirons  par  indiquer  les  bonnes 
fources  où  le  Leéleur  peut  puifer  les  plus  grandes  lumières  fur  cette 
partie  du  corps  humain.  Nous  devons  entièrement  à  Vcfale  l'exade 
connciflance  de  la  ftrudure  &  de  la  connexion  des  côtes.  II  faut 
confulter  fur  la  mécanique  &  fur  l'ufage  de  ces  fegmens  olFeux  , 
Winfioiv  ,  dans  les  Mémoires  de  t  Académie  ,  année  1720  ;  fur  leur 
configuration  ,  leurs  attaches  &  leur  effet  dans  ia  refpiration  ,  M. 
Sénac ,  Mémoire  de  l'Académie  ,  1724  ;  fur  leur  nombre  plus  ou  moins 
grand  ,  M.  Hunaud ,  idein  1740  ;  fur  leur  fradure  interne  ,  MM. 
Petit  &  Gûulard ,  idem  174,0.  Tous  ces  Auteurs  font  admirables 
fur  ce  fujet  ,  &  excellens  fur  les  autres  parties  de  l'Anatomie , 
&c.  A  l'égard  des  côtes  de  la  baleine  ,  cet  animal  de  mer  a  des  côtes 
véritablement  offeufes  ,  &  c'eft  à  tort  qu'on  les  confond  avec  les 
barbes  ou  fanons  de  ce  cétacée.  Voyez  ce  que  c'eft  que  \qs  fanons  à 
l'article  Baleine  de  Groenland. 

COTE.  On  donne  aufH  ce  nom  aux  terres  &  rivages  qui  s'éten- 
dent au  loin  le  long  du  bord  de  la  mer  ou  des  rivières.  Il  y  a  des 
côtes  très -hautes,  très  -  efcarpées ,  comme  coupées  à  pic,  &  très- 
dangereufes  pour  la  navigation  par  les  roches  dures  ,  les  bancs 
de  fable  ,  ou  les  bas  -  fonds  ,  ou  les  roches  à  fleur  d'eau  qui  font 
auprès. 

On  appelle  coteau ,  tout  terrain  élevé  en  plan  incliné  au-defTus  du 
niveau  d'une  plaine ,  fuppofé  que  ce  terrain  n'ait  pas  une  grande 
étendue  ;  ainfi  coteau  eft  le  diminutif  de  côte.  Les  coteaux  doivent  être 
autrement  cultivés  que  les  plaines  :  cette  culture  varie  encore  félon 
la  nature  de  la  terre  &  l'expo^tion.  On  a  obfervé  que  les  côtes  ^ 
les  coteaux  ne  font  ordinainrorent  fertiles  que  d'un  côté  :  on  diroit 
que  le  côté  oppofé  ait  été  dépouillé  de  fa  terre  fertile  par  des  couv-. 
rans.  Foye^  cette  théorie  au  mot  Terre, 

COTINGA.  Oifeau  du  genre  du  merle  :  il  y  en  a  d'un  vert 
bleuâtre  ;  on  le  trouve  chez  les  Maynas.  On  en  rencontre  aufîi  dans 
le  Mexique  qui  ont  le  dos  d'un  bleu  pur,  le  ventre  d'un  beau  violet, 
ie  bout  des  ailes  ^  de  la  queue  font  noirs.  Celui  de  Cayenne  eft  d'un 

.     Y  y  2 


'5  J  6-  C  O  T 

rouge  pourpre  ,  Te  bout  de  fes  ailes  eft  bîanc.  lî  y  en  a  auffî  àventrd 
jaune.  Il  y  a  encore  refpece  appellée  manakin  bUu  ,  à  poitrine 
pourpre  ,  qui  fe  trouve  dans  le  Bréfil ,  aind  que  le  cotinga  tout 
blanc,   le  cendré   &  le  tacheté.  Voye:^   maintenant  Cotinga. 

COTONNIER.  C'eft  une  des  plantes  les  plus  utiles  que  la  nature 
nous  préfente  dans  l'une  &  l'autre  Inde  ,  &  que  l'induftrie  humaine 
travaille  avec  le  plus  d'art.  Il  y  a  pluheurs  efpeces  de  cotonniers  , 
dont  les  unes  s'élèvent  en  arbre ,  &  une  autre  eft  herbacée  ,  connue 
fous  le  nom  de  cotonnier  commun  ,  en  latin  ,  xylon  herhaceum  ,  par 
oppofition  aux  autres  efpeces  nommées  xylon  arborcum  ,  cotonnier 
arbre. 

Le  cotonnier  eh  arbre  s'élève ,  au  rapport  du  P.  Diitertre ,  du  P, 
Labat  &  de  M.  Freiier ,  à  la  hauteur  de  huit  à  dix  pieds.  Son  tronc 
eft  gros  comme  la  jambe ,  branchu  &  fort  rameux»  Ses  feuilles  font 
divifées  en  trois  &  pofées  alternativement.  Il  porte  une  fleur  jaune 
monopétale  en  forme  de  cloche,  &  fendue  jufqu'à  la  bafe  en  cinq 
ou  (ix  quartiers ,  de  la  grandeur  de  celle  de  la  mauve  appellée  rofe 
d'outremer.  A  ces  fleurs  fuccede  un  fruit  de  la  grolTeur  d'une  noix  ^ 
divifé  en  plufieurs  cellules  qui  contiennent  un  duvet  en  flocons  ou 
une  filafle  d'une  grande  blancheur  qu'on  nomme  coton  ,  &  à  laquelle 
font  attachées  plufieurs  graines  noires  de  la  grofleur  d'un  pois.  Il 
paroît  même  que  le  coton  s'eft  formé  en  fuintant  des  graines.  Ce  fruit 
s'ouvre  de  lui-même  lorfqu'il  eft  mûr;  &  fi  l'on  n'en  faifoit  la  récolte 
à  propos  5  le  coton  fe,  difperferoit  &  fe  perdroit. 

On  peut  diftinguer  trois  efpeces  de  ces  cotonniers  ,  qui  différent 
par  la  beauté  &  la  fineffe  du  coton  qu'ils  produifent ,  &  par  l'arran- 
gement des  graines  dans  leurs  gouffes.  Il  en  croît  à  la  Martinique  une 
efpece  dont  les  graines ,  au  lieu  d'être  éparfes  dans  la  goufle ,  font 
ferrées  &  amoncelées  dans  le  milieu  en  un  flocon  très-dur,  ce  qui 
tfi  fait  nommer  coton  de  pierre  :  c'eftÇ^elle  qui  donne  le  plus  beau 
coton.  Des  deux  autres  efpeces  ,  lune  donne  le  coton  le  plus 
commun  dont  on  fait  des  matelas  &  des  toiles  ordinaires ,  &c  l'autre 
un  coton    blanc  &  fin    dont  on  peut  faire  des  ouvrages  très-déliés. 

On  cultive  aufli  aux  Antilles  une  quatrième  efpece  de  cotonnier, 
qui  ne  diffère  prefque  des  précédentes  qu'en  ce  qu'elle  donne  un  coton 
d'une  belle  couleui:  de  chamois  &  très-fin  ,  que  Ton  nomme  cocorz 
de  Siam,  On  en  fait  des  bas  d'un  extrême  finefle,  qui  font  recherchés 


COT  5^7 

â  caufé  de  leur  belle  couleur  naturelle  :  peut-être  cet  arbre  eft-il 
originaire  de  Siam.  Il  y  a  encore  dans  nos  Iles  Françoifes  une  autre 
efpece  de  cotonnier  qui  donne  un  coton  blanc,  &  que  l'on  nomm& 
coton  de  Siam  à  graine  verte. 

M.  de  Préfontaine  ^  Mai/on  Rujiiqiie  deCayenne  ,  obferve  que  îe  coton 
eft  de  toutes  les  denrées  d'Amérique  la  plus  facile  à  cultiver ,  Se  qui 
exige  le  moins  de  Nègres  dans  une  habitation.  Le  cotonnier  vient 
de  graine  :  tout  terrain  convient  à  ce  végétal  lorfqu'une  fois  il  eft 
forti  de  terre.  Quand  l'arbre  eft  parvenu  à  la  hauteur  de  huit  pieds, 
on  lui  callë  le  fommet  &  il  s'arrondit  ;  on  coupe  aulli  la  branche  qui  a 
forte  Ton  fruit  à  maturité ,  afin  qu'il  renaifle  des  principaux  troncs 
de  nouveaux  rejetons  ,  fans  quoi  l'arbriflTeau  périt  en  peu  de  temps: 
c'eft  pour  la  même  raifon  qu'on  coupe  le  tronc  tous  les  trois  ans  rez 
terre  ,  afin  que  les  nouveaux  jets  portent  un  coton  plus  beau  &  plus 
abondant.  L'arbre  donne  du  coton  au  bout  de  fix  mois.  Il  y  a  deux 
récoltes  ,  une  d'été  &  une  d'hiver.  La  première  eft  la  plus  abondante 
&  la  plus  belle;  elle  fe  fait  en  Septembre  &  Odobre  :  l'autre  qui  fe 
fait  communément  en  Mars  ,  eft  encore  moins  avantageufe  par  rapport 
aux  pluies  qui  faliiTent  le  coton ,  &  aux  vents  qui  fatiguent  l'arbre. 
Pour  bien  cueillir  le  coton  ,  un  Nègre  ne  doit  fe  fervir  que  de  trois 
doigts  :  &  pour  ce  travail  le  Nègre  n'a  befoin  que  d'un  panier  dans 
lequel  il  met  le  coton ,  qu'on  expofe  aû'ffi-tôt  au  foleil  pendant  deux 
ou  trois  jours  ,  après  quoi  on  le  met  en  magafin  ,  prenant  garde  que 
les  rats  ne  l'endommagent  ;  car  ils  en  font  fort  friands  :  on  fe  fert 
enfuite  de  moulins  à  une  ,  deux  &  quatre  paffes  pour  l'éplucher  5c 
pour  en  féparer  la  graine  ;  puis  on  le  met  en  balle  dans  un  fac  de 
toile  forte  ,  bien  coufu  &  mouillé  ,  afin  que  le  coton  s'y  attache  & 
qu'on  puifîe  le  fouler  également.  Les  balles  de  coton  pefent  depuis 
deux  cent  foixante  &  dix    livres    jufqu'à    trois   cents    vingt   livres. 

Quelques  Auteurs  parlent  i^line  efpece  de  cotonnier  qui  rampé 
comme  la  vigne:  ils  difent  aulîi  qu'il  croît  au  Bréfil  un  autre  coton- 
nier de  la  hauteur  des  plus  grands  chênes;  &  que  dans  l'Ifle  de  Sainte-' 
Catherine  il  y  en  a  une  efpece  dont  la  feuille  eft  large  &  divifée  en 
cinq  fegmens ,  &  le  fruit  de  la  grolTeur  d'un  petit  œuf  de  poule.  Ce 
font  nos  Iles  Françoifes  de  l'Amérique  qui  fourniflent  les  meilleurs 
cotons,  qui  font  employés  dans  les  fabriques  de  Rouen  &  de  Troyes, 
Les  Etrangers  mêmes  tirent  les  leurs  de  la  Guadeloupe  ,  de  Saint- 


'SS^  C  O  T 

Domingue  &  des  contrées  adjacentes.  On  cultive  auHî  des  cotonniers 
dans  la  Sicile ,  dans  la  Fouille ,  en  Syrie  ,  en  Chypre  &  à  Malthe. 
On  prétend  qu'en  Amérique  les  cotonniers  font  vivaces,  &  que  ceux 
des  Indes  &  de  Malthe  font  annuels.  Dans  plufieurs  endroits  du 
Levant  on  cultive  le  cotonnier  commun  ou  herbacé.  Sa  tige  velue  , 
ligneufe,  ne  s'élève  qu'à  trois  ou  quatre  pieds:  fes  feuilles  font  fem- 
blables  à  celles  du  petit  érable;  &  fon  fruit  eft  de  la  groffeur  d'une 
petite  noix.  C'eft  dans  l'emploi  de  cette  matière ,  reçue  toute  brute 
des  mains  de  la  Nature  ,  que  brille  l'induftrie  humaine  ,  foit  dans 
la  récolte,  le  moulinage,  l'emballage  ,  le  filage;  foit  dans  la  manière 
de  peigner  le  coton,  de  l'étouper,  de  le  luftrer,  d'en  mêler  diverfes 
fortes  pour  différens  ouvrages,  de  former  le  fil,  de  le  dévider,  «de 
l'ourdir  ,  &c.  Sous  combien  de  formes  différentes  &  prefque  con- 
traires ,  ne  voit-on  pas  paroître  cette  même  matière  !  Quelle  diffé- 
rence de  la  mouffeline  à  des  tapifferies  !  des  couvertures  de  toile  de 
coton  à  du  velours  de  coton  !  Cette  diverfité  dépend  du  choix  de  la 
matière  &  de  la  manière  de  l'employer.  Foyei  le  Diction,  des  Ans  & 
Métiers, 

Prefque  tous  les  ouvrages  faits  avec  le  coton,  font  mouffeux, 
parce  que  les  bouts  des  filamens  paroiffent  fur  les  toiles  ou  eftames 
qui  en  font  faites  :  c'eiR:  cette  efpece  de  mouffe  qui  a  fait  donner  le 
nom  de  moujjeline  à  toutes^es  toiles  de  coton  fines  qui  nous  vien- 
nent des  Indes,  &  qui  en  effet  ont  toutes  ce  duvet.  Pour  éviter  ce 
défaut  dans  les  mouflelines  très-fines  ,  on  ctoupe  le  coton ,  c'eft-à-dire 
qu'on  enlevé  tous  les  filamens  courts.  Ces  belles  mouffelines  fines  font  les 
.ouvrages  les  plus  délicats  &  les  plus  beaux  que  l'on  faffe  avec  le  coton 
filé.  Outre  ceux  dont  nous  avons  déjà  parlé  ,  on  en  a  fait  encore 
des  futaines ,  des  bafins  ,  des  bas  dont  la  beauté  &  la  perfedion  efl 
quelquefois  telle ,  qu'une  paire  de  bas  pefant  une  once  &  demie  ou 
deux  onces,  vaut  depuis  trente  jufqu'à  foixante  &  quatre-vingt  livres. 
/.En  Amérique  on  mélange  les  diverfes  fortes  de  cotons  pour  faire  des 
rayures  dans  les  ouvrages  :  pour  cela  (5h  met  fur  la  carde  tant  de  fils 
en  flocons  d'une  telle  qualité  ,  &  tant  d'une  autre ,  fuivant  l'ufage 
qu'on  en  veut  faire  ;  les  Indiens  ne  connoiffent  point  ces  mélanges. 
La  diverfité  des  efpeces  que  la  Nature  leur  fournit,  les  met  en  état 
de  fatisfaire  à  toutes  les  fantaifies  de  l'art  ;  &  les  préparations  qu'ils 
ijonnçnt  à  leurs  cotons^  n'ont  niil  rapport  avec  les  nôtres,  Le  cpîoa 


COt  iS9 

entre  aufîî  dans  une  infinité  d'étoffes  où  il  fe  trouve  tiffu  avec  la 
foie ,  le  fil  &  diverfes  autres  matières.  Enfin  ,  c'eft  la  mèche  ordinaire 
des  matières  propres  à  éclairer. 

Outre  les  cotons  dont  nous  venons  de  parler ,  il  y  a  auffi  en  Amé- 
rique le  coton  du  fromager  &  celui  du  mahot.  Voyc^  Fromager  & 
Mahot. 

A  la  Chine  les  Laboureurs  fement  dans  leurs  champs ,  immédia- 
tement après  la  moiflbn  ordinaire,  une  efpece  de  cotonnier  herbacé, 
&  ils  en  recueillent  le  coton  peu  de  temps  après.  Les  Egyptiens  en 
font  de  même  à  l'égard  de  Xapocïn  pour  en  retirer  la  houate.  Voye-{^ 
Apocin.  On  croit  que  le  cotonnier  de  la  Chine  eft  une  efpece  d'ar- 
moife  très-velue,  appellce  moxa.  On  en  fépare  le  duvet  ou  coton  (qui 
eft  une  forte  de  bourre  )  en  écrafant  les  feuilles  :  les  Chinois,  les 
Japonois ,  &  même  les  Anglois  ,  en  forment  des  mèches  grofîes 
comme  un  tuyau  de  plume  ,  dont  ils  fe  fervent  pour  guérir  la  goutte  : 
ils  mettent  le  feu  à  une  de  ces  mèches ,  &  ils  en  brûlent  la  partie 
affligée ,  d'une  manière  à  produire  peu  de  douleur.  Quoi  qu'il  en 
foit  de  ces  propriétés ,  il  eft  sûr  que  notre  coton  véritable  mis  fur 
les  plaies  en  forme  de  tente ,  y  occafionne  l'inflammation.  Leuwenhoeck 
attribue  cet  effet  à  la  figure  des  fibres  du  coton  [qui ,  vues  au  mi- 
crofcope,  ont  deux  côtés  plats  comme  tranchans ,   fins   &  roides. 

COTYLEDON.  Foye^  Nombril  de  Vénus,  On  donne  auffi  Iç 
nom  de  cotylédon  aux  feuilles  féminales  des  plantes.. 

COUCHE-COUCHE.   Voye^  Cousse-Couche. 

COUCHES  DE  LA  TERRE,  tdluris  (irata  aut fîatumina.VojQZ 
à  l'article  Terre, 

COUCHES   LIGNEUSES.  Foye^  a  Vartick  Bois. 

COUCOU ,  en  latin  cuculus.  Genre  d'oifeau  dont  on  diftingue 
beaucoup  d'efpec'es.  Tous  ont  deux  doigts  devant  &  deux  derrière,. 
Le  bec  eft  un  peu  convexe  &  comprimé  par  les  côtés.  ' 

Le  nom  de  coucou  ou  de  -coqu  a  été  donné  à  cet  oifeau  ,  du  cri  ■ 
qu'il  forme  en  chantant.  Les  efpeces  différent  &  pour  la  grandeur 
&  pour  la  couleur  ,  ou  la  longueur  de  la  queue.  Le  compxi  des  Indes 
Orientales  eft  d'un  noir  verdâtre  ;  celui  de  Coromandel  a  la  tête  6c 
&  une  huppe  vertes,  le  ventre  &  le  cou  blancs,  le  dos  noirâtre,  les 
aiies  comme  dorées ,  &  la  queue  cendrée  ;  celui  de  la  Chine  eft  tout 
bleu,  Le  coucou  de  Mindanao   eft  entièrement  moucheté  de  virgules 


3  <^o  cou 

jaunâtres,  vertes  &:  blanches.  Le  coucou  de  Saint -Domîngue  a  le 
bec  long  ,  cuculus  longirojicr  ;  le  coucou  cornu  du  Bréfîl  a  une  crête 
ou  une  huppe  qui  fe  divife  en  deux  parties.  C'eft  une  efpece  d'oifeau 
Je  plumes.  Voyez  ce  mot.  Le  coucou  vulgaire  eft  de  la  grandeur  de 
l'épervier  ;  il  n'a  point  le  bec  fi  crochu  ni  fi  fort  ;  il  a  des  plumes 
jufques  fur  les  pieds  ;  fon  plumage  eft  cendré  ,  traverfé  de  lignes 
noires  ;  celui  du  ventre  eft  d'un  blanc  fale  &  ftrié  de  brun  ;  les  pieds 
font  fafranés.  Cet  oifeau  eft  carnaflîer  &  vorace  ;  il  fe  nourrit  de 
chair  de  cadavres ,  de  petits  oifeaux  ,  de  chenilles  ,  de  mouches  , 
de  fruits  &  d'ceufs  d'oifeaux.  On  n'apperçoit  dans  ce  climat  le 
coucou  ,  que;  jdepuis  le  commencement  de  Mai  jufqu'à  la  fin  de 
Juillet  :  dans  tout  le  refte  de  l'année  il  difparoît  entièrement ,  foit 
qu'il  fe  -retire  dans  les  pa}'s  éloignés  &  chauds ,  ce  que  fa  pefanteur 
ne  permet  guère  de  croire  j  foit  qu'il  fe  cache  dans  des  endroits  où 
il  n'eft  pas  poflible  de  le  trouver  ;  foit  qu'il  refte  engourdi  dans  des 
arbres  creux,   dans  des  trous   de  roche,  dans  la  terre. 

La  fem.elle  de  cet  oifeau  aune  fingularité  qui  la  diftingue  de  toutes 
les  autres  ;  c'eft  de  ne  point  conftruire   de  nid  &  d'aller  pondre  fon 
ceuf  (car  on  dit  qu'elle  n'en  pond  quun  feul)  dans  celui  de  quelque 
petit  oifeau  ,    comme  fauvette  brune  ,    li/iotte  ,  jjiîfunge  ,    roitelet ,  rousse- 
gorge  ,  &  de  laiffer  ainfi  à  cette  nouvelle  mère  le  foin  de  le  couver. 
Le  coucou  s'empare  auiîî  du  nid  de  ^alouette ,  du  pinçon  ,   de  la  ber- 
geronctte  ,   &c.  &   en  écarte  quelquefois  plufieurs  oeufs  s'il  y  en  trouve 
trop  ,  pour   mettre  le   fien  a  la  place  ;   après  quoi  il   abandonne  le 
fruit  de  fes   amours  :  alors   l'oifeau   auquel  appartient  le  nid ,  couve 
rcEuf  du  coucou ,   adopte  &  foigne  le  petit  lorfqu'il  eft    éclos ,  &  le 
.-''  nourrit    jufqu'à   ce  qu'il   foit  affez  fort  pour   prendre  l'eiTor.    On  eft 
frappé  d'une  telle  indifférence,   comparée  à  cette  tendreflc  générale, 
à  ces  foins  qu'ont  les  autres   oifeaux   pour  leurs   petits.     D'où   peut 
venir  ce  défordre  apparent  dans  un   ouvrage  de  la  Nature   où  tout 
eft  fondé  fur  des  raifons   folides  ?    La    bizarrerie    que    nous  croyons 
quelquefois  y  remarquer  ,    n'eft  que   l'effet    de   notre   ignorance.     ?vT, 
}Ièri^ant ,  tie  l'Académie  Royale  des  Sciences ,   obferve  dans  un  Mé- 
înoire  qu'il  a  .donné  fur  le  coucou,  que  dans  les  autres  oifeaux  l'eftomaç 
'i     eft  prefque  joint  au  dos  &  totalement  recouvert  par  les  inteftins  ;  & 
qu'au  contraire  l'eftomaç  du  coucou  eft  placé    d'une  manière  toute 
.^^fférente ,  il  fe  trouve  dans  la  partie  inférieure  du  ventre  ,  &  recouvre 

gbfolument 


cou  5c<it 

abfûluînent  les  ïntefllns.  De  cette  pofïtioii  de  reflomac ,  il  fuit  qu'il 
eft  aufli  difiicile  au  coucou  de  couver  fes  œufs  &  fes  petits  ,  que 
cette  opération  eil  facile  aux  autres  oifeaux ,  dans  lefquels  les  parties 
qui  doivent  pofer  prefqu'immédiatement  fur  les  œufs  ou  fur  les  petits, 
font  molles  &  capables  de  fe  prêter  fans  danger  à  la  comprellîon 
qu'elles  doivent  éprouver.  Il  n'en  eft  pas  de  même  du  coucou:  les 
membranes  de  fon  eftomac  chargées  du  poids  de  fon  corps  &  com- 
primées entre  les  alimens  qu'il  renferme  &  des  corps  durs  ,  éprou- 
veroient  une  comprellion  douloureufe  &  contraire  à  la  digeftion.  II 
fuit  encore  de  la  ftruélure  particulière  de  cet  animal ,  que  fes  petits 
îî'ont  pas  le  même  befoin  d'être  couvés  que  ceux  des  autres  oifeaux, 
leur  eftomac  étant  plus  à  l'abri  du  froid  fous  la  maffe  des  inteftins  ; 
&  c'eft  peut-être  la  raifon  pour  laquelle  le  coucou  donne  toujours 
(es  petits  à  élever  à  de  très-petits  oifeaux  :  ils  n'y  perdent  rien  quant 
à  l'incubation  qui  leur  ejQ:  moins  néceffaire  ,  &  y  gagnent  par  la 
facilité  qu'ils  ont ,  comme  les  plus  forts  dès  leur  naiflance ,  de  vivre 
aux  dépens  des  petites  familles  qui  viennent  d'éclore  avec  eux.  C'eft 
ainfi  qu'ils  violent  les  droits  de  l'hofpitalité.  Après  avoir  dévoré  leurs 
frères  de  lait ,  leur  ingratitude  cruelle  &  monftrueufe  les  porte  quel- 
quefois jufqu'à  attaquer  les  mères  qui  les  ont  couvés  -&  élevé?. 
Heureufes  les  nourrices  d'un  autre  ordre  d'animaux  quand  elles  ne 
deviennent  pas  les  vidimes  de  leurs  propres  enfans  !  Au  refte  ,  d'après 
l'obfervation  anatomique  ci-delfus  ,  on  peut  dire  que  plus  on  étudie 
la  Nature,  plus  on  voit  que  les  eftets  les  plus  oppofés  fe  rapportent 
précifément  aux  mêmes  plans  &  aux  mêmes  vues;  mais  il  faut  avouer 
au  fil  que  le  Pocte  a  eu  raifon  de  dire  :  Sic  vos  non  volais ,  nidificatis. 
a-res. 

COUDOUNISR.  Fojq  CoiGNAssiER.  ' 

COUDOUS  ou  CONDOUS.  Quadrupède  à  pied  fourchu  ,  &c 
qui  fe  trouve  dans  les  pays  les  plus  chauds  de  l'Afie  ,  &  en  Afrique 
au  Cap  de  Bonne  -  Efpérance  ,  chez  les  Hottentots.  La  tête  de  cet  \ 
animal  eft  garnie  de  cornes  très-groffes  ,  prefque  droites ,  d'une  fubf- 
t3nce  épaiffî  &  noire ,  creufes  ,  remplies  comme  celles^  des  bœufs 
d'un  os  qui  leur  fert  de  noyau  ;  elles  ont  depuis  la  bafe  ,  &  dans  la  plus 
grande  partie  de  leur  longueur ,  une  groffe  arrête  épaifie  &  relevée  ^ 
d'environ  un  pouce  ;  &  quoique  la  corne  foit  droite  ,  cette  arrête 
proéminente  fait  un  tour  &  demi  de  fpirale  dang  la  partie  inférieure. 
Tome  JI,  Z  2 


5^i  COU 

&  s'efface  en  entier  dafls  la  partie  fupërieure  de  la  corne  qui  Iq 
termine  en  pointe  ;  elles  ne  différent  de  celles  des  bufles  que  parce 
qu'elles  font  rondes  &  droites  ,  au  lieu  que  celles  des  bufles  font 
courtes  &  aplaties  ;  on  dit  que  cet  animal  eft  de  la  grandeur  d'un 
cheval,  de  couleur  grisâtre,  &  a ,  comme  le  cheval,  une  efpece  de 
crinière.  M.  de  Buffon  penfe  que  cet  animal  peut  être  une  efpece 
féparée  du  bufle  ,  ou  bien  fimplement  une  variété  du  bufle.  C'eft 
ïamilopc  oryx  de  M.  F  allas  ,  il  le  range  dans  les  contoriï-cornes.  Voyez 
l'article  GaidU.  On  voit  une  très  -  belle  peau  avec  les  fabots ,  & 
tenant  au  mafTacre  du  coudous  ,  dans  l'un  des  cabinets  de  Chantilly, 
On  l'a   reçue  fous  le  nom  de  condoma.    Voyez  ce  mot. 

COUDRIER  ou  NOISETIER  ,  corylus.  Arbriffeau  dont  la  racine 
eft  longue  ,  grofTe  &  robufte ,  enfoncée  profondément  dans  la  terre 
&  étendue  au  large  ,  pouffant  de  groffes  tiges  qui  fe  partagent  en 
plufieurs  branches  fortes  ,  &  en  des  verges  pliantes  ,  fans  nœuds  & 
flexibles ,  dont  le  bois  efl:  blanc  &  tendre.  Ses  feuilles  font  larges  , 
un  peu  ridées  &:  dentelées ,  d'une  couleur  verte  ,  &  pâles  en  deflous. 
Il  a  pour  fleurs,  des  chatons  oblongs  qui  portent  les  fleurs  mâles, 
&  des  houppes  de  filets  rouges,  qui  font  les  piftils  des  fleurs  femelles, 
X-es  chatons  font  d'abord  verdâtres ,  enfuite  jaunâtres,  écailleux,  &: 
ne  laiffent  après  eux  aucun  fruit.  Les  fruits  naiffent  fur  le  même  arbre, 
mais  en  des  endroits  féparés  ,  unis  plufieurs  enfemble  :  ce  font  les 
noifettes  que  tout  le  monde  connoît  :  elles  font  enveloppées  chacune- 
dans  une  coiffe  membraneufe  &  frangée  par  les  bords.  Le  fruit  efl: 
ou  rond  ou  ovale  :  fon  écorce  eft  ligneufe  ,  jaune  -  rougeâtre  ;  elle 
renferme  une  amande  qui  donne  un  fuc  laiteux ,  recouverte  d'une 
pellicule  rougeâtre  dans  les  noifetiers  cultivés  ,  &  roufsâtre  dans  les 
autres.    L'amande  eft  très-bonne  à  manger. 

Le  noifetier  croît  par  la  culture  dans  les  jardins  ,  les  vignes  &  les 
vergers  ;  ceux  qui  font  fauvages  viennent  par-tout ,  dans  les  forêts 
&  le  long  des  chemins;  mais  leur  accroiffement  eft  fort  lent.  M. 
Daubcnton  dit  en  avoir  vu  de  fort  vieux  à  la  vérité  ,  qui  avoient 
quarante  piçds  de  haut ,  &  plus  de  deux  pieds  de  tour  ,  &  qui  ne 
dépériffoient  point  encore.  M.  Halkr  dit  qu'il  y  avoit  en  1727  un 
noifeti-er  de  cette  taille  dans  le  jardin  de  Leyde ,  &  qu'il  y  avoit  été 
mis  par  Charles  de  l'Ecluse  ,  c'étoit  une  variété  venue  du  Levant. 
Parmi  ceux  que  l'on  cultive  &  dont  on  fe  fert  pour  faire  des  haies 


1"  - 


cou  3^^ 

dans  les  jardins  ,  les  uns  portent  des  fruits  longs  cachés  dans  des 
calices  de  même  figure  ,  fermés ,  verts  &  frangés  à  leur  bord  ;  d'au- 
tres en  portent  de  ronds  &  dont  le  calice  eft  court  &  plus  ouvert  :  ' 
telles  iont  les  avelines.  Ce  font  les  meilleures  noifettes  :  on  nous  les 
apporte  du  Lyonnois  &  d'Efpagne.  Les  fruits  des  noifetiers  fauvages 
font  petits  &  moins  agréables  à  manger. 

En  général  les  noifettes  nourriffent  plus  que  les  noix  :  on  les  couvre 
de  fucre  chez  les  Confifeurs  :  on  en  tire  ,  par  expreflion  un  huile 
douce  5  très-utile  pour  la  toux  invétérée.  Le  bois  du  coudrier  ,  tout 
différemment  de  celui  des  autres  arbres ,  a  plus  d'utilité  quand  il  eft 
d'un  petit  volume  ,  que  lorfqu'il  a  plus  de  groffeur  :  on  s'eft  aufîî 
afîuré  par  plufieurs  expériences  ,  qu'il  dure  trois  fois  davantage 
lorfqu'il  a  été  coupé  dans  le  temps  de  la  chute  des  feuilles,  que 
,  celui  qui  a  été  abattu  pendant  l'hiver  ou  au  commencement  du  prin- 
temps. Au  refle  ,  le  bois  du  coudrier  n'eft  propre  qu'à  de  petits 
uf^es.  On  l'emploie  fur-tout  à  faire  des  cerceaux  pour  les  futailles, 
parce  qu'il  eft  droit  ,  fou  pie  &  fans  nœuds  :  on  fait  des  arcs  de 
flèches  avec  les  branches  fouples  de  coudrier.  On  prétend  auffi  fe 
fervir  de  ces  mêmes  branches  pour  découvrir  des  fources ,  des  tréfors 
cachés ,  &  des  mines  ;  mais  ces  vertus  furnaturelles  font  des  pro- 
priétés imaginaires  &  fuperflitieufes ,  dont  des  fourbes  abufent  tous 
les  jours  pour  tromper  la  crédulité  des  gens  infatués  d'anciens  préjuges  : 
heureufement  que  les  dupes  en  ce  genre  font  le  plus  petit  nombre 
des  Citoyens,  f^oyc^  Baguette  divinatoire, 

COUGUAR.  Animal  féroce  de  l'Amérique ,  que  l'on  nomme 
tigi-e  rouge  à  la  Guiane.  Cet  animal  eft  alfez  haut  fur  fes  jambes  , 
€&\é  ,  lévreté  ;  il  a  la  tête  petite ,  la  queue  longue  ,  le  poil  court 
&  afkz  généralement  d'un  roux  vif  ;  il  n'eft  marqué  ni  de  bandes 
longues,  comme  le  tigre;  ni  de  taches  rondes  &  pleines,  comme 
le  léopard  ;  ni  de  taches  en  anneaux  ou  en  rofes ,  comme  l'once. 
&  la  panthère.  Cet  animal  vorace  grimpe  fur  un  arbre  touffu ,  s'y 
cache  &  s'élance  de-là  fur  fa  proie.  Sa  légèreté  &  la  longueur  de 
fes  jambes  le  rendent  très-propre  à  grimper  aifément  fur  les  arbres. 
Cet  animal  eft  pareifeux  &  poltron  lorfqu'il  eft  rafTafié. 

Le  couguar  eft  allez  commun  à  la  Guiane  ;  autrefois  on  a  vu  ces 
brigands  arriver  à  la  nage  &  en  nomibre  dans  l'île  de  Cayenne ,  pour 
dévafter  les  campagnes    &  égorger  les   troupeaux  ;    c'étoit  dans  les 

Zz    2 


'3  (Té  COU 

commencemens  uh  fléau  pour  la  Colonie  ;    maïs  peu-à-peu   on  Tes 

a  chaires ,    détruits  ou  relégués  loin  des  habitans. 

Lorfqu'on  étoit  obligé  de  paflfer  la  nuit  dans  les  bois ,  il  fuffifoit 

d'allumer  du  feu  pour  lui  infpirer  de  la  terreur  &  le  faire  fuir. 
On  fait  de  la  peau  de  ces  animaux  des  bouffes   de   cheval  ;  leur 

chair  eft  maigre  ,  &  a  un  fumet  défagréabîe. 

COUI.  Nom  que  Ton  donne  dans   nos  Colonies   Françoifes    au 

CalebaiTier  d'Amérique  :  on  appelle  coins  les  vaifleaux  qui   font  faits 

de  la  moitié  de  fon  fruit ,   &  dont  les  Nègres  fe  fervent  en  guife 

de  fébilîes   de    bois  ,    &:c.  Les  Caraïbes  ont  l'art  d'en  faire  d^  jolie 

vaiifeile.  Foje^  a  Vartïch  Calebassier  d'Amérique. 

COULEUVRE  5    coluber.    Efpece   de   ferpent  ,    dont  la  tête   eft 

plate  &  la  queue  pointue.  Le  Didrionnaire  des  Animaux  cite  plus 
de  vingt  efpeces  de  couleuvres ,    d'après  MM.  Linnœus  ,  Scba  ,    les. 

■Acies  êiUpfal  &  les  Voyageurs  ;  mais  la  plupart  font  des  vipères  ou. 
des  ferpens  diiférens  de  la  couleuvre.  Nous  ne  parlerons  que  des 
couleuvres  les  plus  connues. 

La  couleuvre  ordinaire  eft  un  reptile  ovipare  que  Ton  regarde 
comme  la  plus  grande  efpece  de  nos  ferpens;  c'ef!:  ,  pour  ainfi  dire, 
notre  ferpent  domeftique  :  il  eft  long  ordinairement  de  quatre  à  cinq^ 
pieds  ,  rond  &  gros  de  deux  pouces  ;  fa  tête  eft  plate  ;  fa  bouche 
garnie  de  dents  aiguës  ;  fa  langue  eft  noire  &  fourchue  à  l'extrémité  j 
étant  en  colère ,  die  la  lance  dehors.  La  morfure  de  nos  grofïes 
couleuvres  peut  occafionner,  lorfqu'elles  font  irritées,  des  inflam'! 
mations  ,  mais  qui  n'ont  point  le  danger  de  celles  de  la  vipère.  (  /^oy^ 
à  Varùcle  ViPERE  la  différence  des  dents  de  ce  ferpent  ,  avec  les 
dents  &  les  mâchoires  de  la  couleuvre.  ^  Cet  animal  habite  les  buis ,, 
les  lieux  déferts  &  pierreux  :  il  change  de  peau  tous  les  ans  dans 
l'été.  Sa  chair  ,  fon  cœur  &  fon  foie  palTent  pour  être  fudorifiques; 
fa  graiffe  eft  émolliente. 

La  couleuvre  des  Antilles  fe  nomme  courejfe  ,  elle  eft  longue  de 
trois  à  quatre  pieds  ,  menue ,  mouchetée ,  vive ,  &  ne  fait  point  de 
mal.  Les  Nègres  prétendent  quelle  détruit  les  rats  &:  les  infedes-, 
aufli  la  laiffent-ils  venir  dans  leurs  cafés. 

La  couleuvre  d'eau ,  appellée  auffi  fetpcnt  cTeau  ,  couleuvre  fcrpen» 
îlne  ,  anguille  de  haie  &  ferpent  à  collier  ^  eft  décrite  à  l'article  Chat" 
honnier.  Voyez  ce  moto. 


Cou  5^; 

La  couleuvre  cendrée  de  Suéde ,  celle  qui  eft  noire  dans  l'Angleterre, 
font  des  vipères  :  celle  qui  efl:  de  deux  couleurs  dans  le  Malabar , 
n'eft  point  venimeufe  :  les  Indiens  ,  chez  qui  elle  efl:  commune  & 
familière  ,  la  voient  avec  plaifir  :  ils  en  mettent  dans  leur  fein 
pour  fe  rafraîchir  dans  les  grandes  chaleurs  de  l'été.  Voyez  ferpcnt 
de  Malabar,  Les  couleuvres  de  Surinam  ,  dont  la  couleur  eft  bleue 
ou  aurore  ,  font  des  ferpens  afïez  dangereux.  La  couleuvre  efculape 
a  des  dents  dont  la  morfure  n'efl:  pas  plus  à  craindre  que  celle  du 
ferpent  efcfulape.  La  couleuvre  cornue  des  Arabes  &  des  Egyptiens, 
quoique  privée  de  dents ,  pafle  pour  être  très-venim.eufe  :  celles  des  . 
îles  Françoifes  ne  font  aucun  mal  ;  les  habitans  du  pays  marchent 
delTus  impunément  pieds  nuds ,  &  les  prennent  à  la  main  fans  aucun 
danger  :  on  y  en  voit  dont  le  regard  eft  (i  affreux ,  que  ,  quoique 
non  venimeufes  ,  elles  font  quelquefois  rebrouffer  chemin  aux  plus 
hardis  ;  la  peau  de  celles-ci  fert  dans  le  pays  à  faire  des  baudriers. 

Parmi  les  différentes  efpeces  de  couleuvres  ,  il  s'en  trouve  qui, 
bien  loin  de  fuir  ,  pourfuivent  opiniâtrement  ceux  qui  ofent  les 
frapper.  On  en  voit  dans  Tile  de  Saint-Dominique  une  efpece  grofîe 
comme  le  bras  ,  ayant  douze  pieds  de  longueur  j  &  qui  ,  fans 
mordre  les  poules  ,  les  entortille  &  les  ferre  comme  le  ferpent 
étouffeur  avec  tant  de  force  ,  qu'elle  les  fait  bientôt  mourir.  La 
couleuvre  des  Moluques  a  jufqu'à  trente  -  deux  pieds  de  longueur  : 
elle  en  veut  particulièrement  aux  hommes  ;  mais  au  défaut  de  chair 
humaine  ,  elle  a ,  dit  -  on  ,  recours  à  une  autre  nourriture  :  elle  va 
mâcher  des  herbes  fur  le  bord  de  la  mer  ,  après  quoi  elle  monte  fur 
les  arbres  qui  avancent  dans  l'eau  ,  &  elle  y  dégorge  ce  qu'elle  a 
mangé.  Auili-tôt  divers  poiflbns  viennent  pour  avaler  cet  appât ,  & 
à  l'inflant  la  couleuvre  ,  qui  fe  tient  fufpendue  au  moyen  de  fa  , 
queue  ,  fe  jette  fur  fa  proie.  Si  elle  la  manque  ,  elle  la  retrouve 
bientôt  ;  car  le  poilTon  qui  a  avalé  de  i'herbe  dégorgée  ,  tombe 
dans  une  forte  d'ivrelfe  qui  le  rend  comme  immobile  fur  la^  furface 
des  bords  de  l'eau.  Ces  rufes  fuppofent  une  inftinâ:  trop  réfléchi 
pour  paroître  croyable  dans  un  animal  fembiable.  Mais  q^ue  n'a  pas 
prévu  l'Auteur  de  la  nature  ! 

Toutes  les  couleuvres  dont  la  peau  diverfement  colorée  repréfente 
un  tiffu  travaillé  au  métier  ,  &  qui  ont  la  tête  comme  cifelée  &  ornées 
de  perles  3  font  des  ferpens  très  -  lafcifs ,   qui  fe  meuvent  moins  om 


^66  COU 

rampant  que  par  fauts  avec  une  vîtefle  aflez  confidérable.  Toutes 
ces  fortes  de  reptiles  exhalent  une  odeur  défagréable  :  ils  fe  nour- 
riflent  de  grenouilles ,  de  petits  lézards  ,  de  ravets ,  de  petits  oi- 
feaux  ,  de  rats  &  fouris,  La  couleuvre  de  notre  pays ,  aime  paf- 
lîonnément  le  lait  :  on  en  a  vu  entortillées  aux  jambes  des  vaches  ^ 
leur  fuccer  le  pis  aux  heures  oii  on  devoit  traire  ces  animaux.  Il 
n'eft  pas  rare  d'en  voir  entrer  dans  les  mafures  ,  &  même  dans  les 
maifons,  &  y  habiter  en  parafites.  Quelques-unes  ont  témoigné  de 
rafifedion  pour  ceux  qui  prenoient  foin  de  les  nourrir.  Foye^  Serpent 
FAMILIER.  Le  remède  contre  la  morfure  des  couleuvres  venimeufes 
font  les  mêmes  que».pour  la  vipère,  l'eau  de  luce  &  tous  les  alkalis 
volatilf. 

COULEUVRÉE  ou  VIGNE  BLANCHE.  Voyer^  Brionne. 

COULILAY/AN.  C'eft  l'écorce  gommo-réfineufe  d'un  arbre  aro- 
înatique  ,  que  l'on  dit  être  différent  de  celui  qui  porte  l'écorce  de 
cannelle  giroflée.  Voyez  ce  mot. 

Le  coulilawan  croît  naturellement  aux  îles  Moluques  :  fon  odeur 
tient  de  celle  du  girofle  &  de  la  cannelle  :  c'eft  une  nouvelle  efpece 
d'épicerie  dont  on  fait  ufage  aâ:uellement  en  Hollande  :  cette  écorce 
eft  épaifle  &  compacfle ,  brune  en  dehors  &  d'une  couleur  claire  en 
dedans  _,  facile  à  réduire  en  poudre  ;  &  alors  elle  exhale  une  odeur 
fuave  &  forte.  L'arbre  qui  porte  cette  écorce,  efl:  grand  ,  &  fouvent 
fi  gros  par  en  bas  ,  qu'un  homme  ne  peut  l'embraller.  Sa  cime  efl 
ferrée  &  peu  épaifle.  Ses  feuilles  font  larges  vers  les  pédicules  & 
Dointues  à  l'extrémité  oppofée  ;  elles  ont  trois  côtes  ou  nervures 
qui  parcourent  la  longueur  de  la  feuille  ,  ainfi  que  dans  les  feuilles 
du  m.aîabathrum  &  de  la  cannelle.  L'arbre  coulilawan  fem.ble  n'être 
pas  du  genre  de  ces  arbres  ,  par  la  différence  de  fes  fleurs  Se  de 
fcs  fruits.  M.  Canheufer  ,  dans  une  differtation  inaugurale  de  Mé- 
decine fur  l'écorce  à  odeur  de  girofle  d'Amboine  ,  l'appelle  Laurum 
canellîferam  Amboinenfcm  proceriorem ,  foliis  longiorihus  atque  trinervis , 
haçcis  calyculatïs  oblongo-rotundis,  La  racine  de  cet  arbre  a  le  goût 
du  faffafras ,  &  lui  reffemble  quant  à  la  dureté  &  à  la  couleur.  Les 
Chirurgiens  de  la  Compagnie  des  Indes  Hollandoifes  s'en  fervent 
depuis  1676,  tant  à  Batavia  que  fur  les  vaiffeaux ,  à  la  place  du 
faffafras  ;  &  peut-être  fait-on  de  même  en  Hollande  ,  puifqu'on  n'y 
trouve  aucune  différence* 


cou  5  6n 

Au  moyen  de  la  diftillation  on  retire  de  l'écorce  du  coulilawan 
une  huile  efïèntielle,  qui  pafTe  dans  toute  la  Hollande  pour  l'huile 
de  girofle.  Les  Indiens  en  font  entrer  l'écorce  dans  leur  bobori ,  qui 
eft  une  efpece  d'onguent ,  fouvent  compofé  de  feuls  aromates.  Ils 
s'en  oignent  le  corps  ,  tant  pour  fe  parfumer  que  pour  prévenir  ou 
pour  difiiper  les  douleurs  qu'ils  contradent  par  l'air  froid  des  nuits , 
auquel  iis  s'expofent  en  couchant  à  la  belle  étoile.  Une  demi -livre 
de  cette  écorce  ne  fournit  pas  un  demi-gros  dliuile.  Cette  huile  eft 
regardée  comme  un  fpécifique  contre  les  fluxions  :  on  en  frotte  les 
parties  affedées.  L'eau  qu'elle  diftille  eft  laiteufe ,  &  répand  une 
odeur  très-aromatique  :  fon  goût  eft  amer.  L'huile;  en  eft  claire  ,  trans- 
parente ,  &  fumage  :  on  la  diftingue  par  une  couleur  jaunâtre.  Une 
demi-once  d'écorce  pulvérifée  &  extraite  avec  l'efprit-de-vin ,  adonné 
cinquante  grains  de  réfine  ;  l'eau  n'en  a  tiré  que  quarante-huit  grains 
de  gomme.  L'eau-de-vie  de  France  n'a  procuré  que  trente  -  quatre 
grains  d'extrait ,  qui  étoit  moins  aromatique  que  les  précédens.  On 
peut  préfumer  que  cette  écorce,  prife  intérieuremnt,  échauffe  le 
fang  ,  augmente  fon  mouvement  progrefiif  &  inteftin ,  diflbut  la 
pituite  dans  l'eftomac  &  dans  les  inteftins  ,  favorife  la  digeftion  ,. 
arrête  les  yomilfemens  ,  chaffe  les  vents  ,  diflipe  les  douleurs  qui 
dérivent  de  la  pituite  ,  guérit  les  dévoiemens,  défopile  le  roéfentere 
&  les  autres  vifceres  ,  amené  les  évacuations  périodiques  des  fem- 
mes, augmente  les  fécrétions  de  la  falive  &  de  toutes  les  autres 
humeurs. 

COULOIR.  Voyi:{^  Clonisse. 

COULON-CHAUD  ,  armarla.  Genre  d'oifeau  dont  on  diftingue 
deux  efpeces ,  &  dont  le  caraélere  eft  d'avoir  quatre  doigts ,  trois 
devant  &  un  derrière;  fon  bec  eft  noir,  droit  ,  mais  incliné  &:  un 
peu  comprimé.  Il  vit  fur  les ^ bords  de  la  mer,  &  fait  fon  nid  dans 
le  fable ,  d'où  lui  vient  le  nom  ^arcnaria.  Edwards  le  nomme 
Tourne-pierre  de  la  baye  d^Hudfon,  Linnœus  lui  donne  le  nom  ^intreprete  ; 
il  eft  à  peu  près  de  la  groffeur  d'un  merle  :  des  plumes  noires  bordées 
de  blanc  forment  fa  coiffure  ;  le  finciput ,  les  ternpes ,  le  menton  , 
les  reins  ,  le  croupion  &  la  plus  grande  partie  du  deffous  du  corps  font 
blancs,  le  refte  du  corps  en  deffus  eft  noir,  brun  &  ferrugineux  f 
une  partie  des  jambes  eft  dénuée  de  plumes»  Il  à  les  pieds  orangés 
&  les  ongles  noirs. 


s  6^  COU 

Le  couion-chaud  cendré  qui  eft  l'alouette  de  mer  de  Caushy  ,  a 
îa  gorge  ,  le  ventre ,  le  bas  du  dos  blancs  ,  avec  des  bords  de  cette 
couleur  aux  ailes  &  à  la  queue, 

COUPAYA.  Grand  arbre  du  pays  de  Cayenne  :  c'eft  un  faux 
fjnarouba  qu'on  a  tort  d'employer  au  lieu  du  véritable  :  il  n'en  a  pas 
Jes  mêmes  qualités.  Il  efl  aifé  de  les  diftinguer  par  leurs  racines  ;  celle 
du  coupaya  eft  d'un  fombre  &  fiilandreufe  ;  celle  à\xJiinarouba  eft  jaune 
&   compacte.    Voye^  Sîmarouba. 

COUPE-BOURGEON.  Voyc^  Lisette. 
COUPEPvOSE  NATURELLE.  Voye^  au  mot  Vitriol. 
COUPEUR  D'EAU  ,  Urus  roftro  incequali.  Oifeau  aquatique  dont 
î^  bec  fort  tranchant  eft  tout-à-fait  irrégulier ,  la  mâchoire  inférieure 
étant  de  près  de  deux  pouces  plus  longue  que  la  fupérieure.  Le  cou- 
peur ^d'eau  eft,  fuivant  quelques^-uns  ,  une  efpece  de  mouette^  noire 
depuis  le  mùiieu  de  la  tête ,  par  le  cou  &  devant  le  bec ,  au  dos , 
aux  ailes  jufqu'à  la  queue;  il  a  les  pieds  &  la  moitié  du  bec  rouges. 
On  doit  regarder  le  coupeur  d'eau  comme  un  hc  en  clfeaux»  Voyez 
ce  mot. 

COUP  y,  conpy  arhor  hirfuio  folio  ,  Barr,  Grand  arbre  du  pays 
de  Cayenne  qui  vient  gros,  fort  droit  ,  &  fe  travaille  facilement; 
fes  racines  &:  fes  branches  font  tortueufes ,  on  y  trouve  des  courbes 
toîjtes  faites  pour  la  conftruâion.  Son  fruit  eft  un  peu  plus  gros 
q.ue  celui  du  faouary.  Voyez  ce  mot.  Il  tombe  en  Mars  :  on  le 
mange  auffi  comme  le  cerneau;  il  a  prefque  le  même  goût  &  eft  tout 
-auili  agréable.  Son  bois  dure  plus  &  eft  plus  folide  que  le  chêne  , 
mais  on  ne  l'emploie  guère  pour  bâtir  ,  à  caufe  de  fa  pefanteur, 
qui  lui  a  fait  donrter  par  les  Sauvages  le  nom  de  coupy  ,  c'eft-à- 
dire  ,  pefant.  Il  efi;  d'ailleurs  d'une  grande  utilté.  On  en  tire  des  dalles 
qui  ont  jufqu'à  cinquante  pieds  de  longueur  ,  &  qye  les  SucrierS 
peuverit  employer.  Les  Indigotiers  3c  les  Roucouyers  fe  fervent  des 
cclats  de  fon  bois  par  préférence  à  toute  autre  matière  ,  pour  faire 
précipiter  la  fécule  de  ces  plantes.  C'eft  une  de  fes  vertus  particu- 
lières.  ^oy£:{  Indigo  &  Roucou, 

COUQUELOUr\DE ,  COQUELOURDE  DES  JARDINIERS , 
lychnls  coronarïa  Diofcoridls  ,  faùva.  H  y  a  plufieurs  efpeces  de  cette 
pUnte  appeilée  autl'ement /'^^^-/^ettrou  o^Hkt  de  Dieu.  Nous  ne  par- 
lerons que  de  celle  qui  eft  cultivée   &  de  la  fauvage,   La  première 

pouflè 


cou  ^Sp 

poufTe  beaucoup  de  tiges  lanugineufes  ,  hautes  de  deux  pieds  & 
rameufes.  Ses  feuilles  font  cotonneufes ,  mores ,  un  peu  femblables 
à  celles  de  la  fauge.  Ses  fleurs  naiflent  aux  fomniités  des  tiges  , 
compofées  de  cinq  feuilles  difpofées  en  œillet ,  d'un  rouge  fouvent 
marbré ,  belles  à  la  vue  ,  garnies  intérieurement  d'une  efpece  de 
couronne.  A  cette  fleur  fuccede  un  fruit  de  figure  conique,  qui 
s'ouvre  par  la  pointe ,  &  laifle  appercevoir  des  femences  prefque 
rondes  :  fa  i-acine  eft  fibreufe. 

La  couquelourde  fauvage  en  diffère  par  fes^tiges  rougeâtres  vers 
la  bafe.  Ses  feuilles  font  nerveufes  &  oppofées.  ^es  fleurs  fortent  de 
l'aiilelle  des  feuilles  ;  elles  font  d'ailleurs ,  ainfi  q^e^le  fruit ,  fem- 
blables aux  précédens.  Sa  racine  efl:  grolfe  ,  longue  &  plongée  pro- 
fondément en  terre.  Cette  plante  croît  dans  les  champs  contre  les 
haies  :  fon  fuc  efl:  une  puiflante  errhine  :  fes  femences  font  purgatives 
&  alexipharmaques. 

COURANS.  Les  Navigateurs  donnent  ce  nom  à  un  mouvement 
progreflif  que  l'eau  de  la  mer  a  en  différens  endroits ,  &  qui  peut 
accélérer  ou  retarder  la  vîtefl"e  du  vaifleau  ,  félon  que  fa  direétion 
efl:  la  même  que  celle  du  vaifleau  ,  ou  lui  efl:  contraire.  Les  courans 
font-ils  différens  de  ce  qu'on  appelle  j?//x  &  reflux  :  tiennent-ils  au 
même  fyftéme,  &  à  celui  des  vents  ?  On  pourroit  le  foupçonner.  F'oy, 
les  anicles  Vent  ,  Mer  &  Gouffre.  Il  y  a  aufli  les  fouffles  ou 
courans  d'air  qui  fortent  des  glacières.  Ces  vents  font  après  &  péné- 
trans,  ces  fouffles  annoncent  la  pluie  ou  l'orage. 

COURATARY.  Efpece   de   liane  qui   croît  à  Cayenne  ,    &   plus 
groffe  que  le  bois-puant  de  la  Guiane  :  elle  fe  fend  par  quartiers  :  on 
l'emploie  pour  faire  des  cercles  de  barriques.  Les  feuilles  de  cet  arbre   < 
qui  reflemblent  à  celles  du  noyer  ,  font  alfez  rudes  pour  fervir  aux     . 
Indiens  à  polir    leurs   différens    ouvrages.    Son    écorce ,    dit   M.  iie  ' 
Préfontaine ,  pourroit  être  bonne  à  tanner  les  cuirs  ;  le  couratary  efl;  ,: 
le  malpighia    afperrima    &  amplonuâs'plglahdis  fcîîo  :  Barïi,  Foyet^ 
LlÀNE. 
■    COURBARIL,   Voyei  à  Vartide  RÉSINE  ANIMÉ. 

COURESSE.    On  nomme  ainfi  la  couleuvre    des  Antilles.  Voye:^ 
à  l'article  CoULEUVRE. 

ir 

COUREUR ,  corrira.  Nom  donné   à  un  genre   d'oifeau  aquatique 
plus  petit  &  du  même  genre  que  ïavocaie  ,  mais  fon  bec  eft  plus  court 
Tome  II.  A  a  a 


3  70  COU 

&  plus  droit.  Cet  oifeau  qui  fe  trouve  en  Italie  court  très -rapide- 
ment. Son  plumage  eft  couleur  de  rouille  fur  le  dos ,  &  blanc  au 
ventre.  Son  bec  eft  jaune,  excepté  par  le  bout  où  il  eft  noir. 

COURGE  ou  CALEBASSE  ,  cucurbïta,  C'eft  une  plante  qui 
pouffe  plufieurs  tiges  farmenteufes  ,  grofles  comme  le  doigt  ,  très- 
longues  5  rampantes  à  terre  ou  grimpant  à  des  perches  ,  à  l'aide  de 
fes  vrilles  ou  mains.  On  diftingue  trois  efpeces  de  courges  :  la  courge 
longue  ,  la  greffe  &  la  caUhaJfe,  Elles  font  annuelles  :  elles  portent 
des  fleurs  en  cloche  de  deux  efpeces,  toutes  fendues  aflez  profondé- 
ment en  cinq  parties ,  &  portées  par  un  calice  à  cinq  dentelures.  Les 
unes  font  ftériles  pu.  mâles  ,  &  portent  trois  étamines  réunies  en  un 
feul  corps  ;  aux  autres  qui  ont  à  leur  centre  un  piftil  refendu  en 
trois  5  fans  étamines,  fuccede  le  fruit  qui,  dans  la  première  efpece, 
a  quelquefois  quatre  pieds  de  longueur  &  plus  ,  Técorce  en  féchant 
jaunit  &  durcit  comme  du  bois.  La  chair  de  cette  efpece  eft  fon-: 
gueufe  &  rafraîchiflante.  On  en  fait  aujourd'hui  une  confiture  affez 
eftimée.  La  féconde  efpece  a  la  figure  d'un  flacon  rond,  ventru  :  on  s'en 
fert  au  même  ufage.  La  troifieme  efpece  eft  nommée  ca/ebaffe  ou 
façon ,  à  caufe  de  la  figure  de  fon  fruit  ,  qui  eft  fait  en  bouteille. 
C'eft  la  calebafle  d'herbe  des  Américains  :  cucurbïta  lagenarïa.  Lorfque 
ce  fruit  eft  bien  fec ,  on  le  vide ,  &  il  forme  d'excellentes  bouteilles 
à  pèlerin.  Voyez  CaUbaJfc  d'herbe. 

Les 'graines  de  ces  fruits  font  mifes  au  nombre  des  quatre  femences 
froides  majeures.  On  dit  que  les  feuilles  vertes  de  courge  ,  appliquées 
fur  les  mamelles ,  font  perdre  le  lait.  La  chair  ou  pulpe  de  la  courge 
calebafTe  eft  très-aqueufe ,  un  peu  nourriffante  ,  fort  rafraîchiflante, 
&  par  conféquent  propre  dans  les  ardeurs  d'entrailles  &  dans  les 
conftipations  qui  dépendent  de  cette  caufe  :  elle  relâche  les  premières 
voies  &  eft  bientôt  évacuée  par  les  felles.  On  ne  la  mange  point  crue, 
à  caufe  de  fon  goût  fade  &  infipide  j  mais  on  l'emploie  dans  les 
potages ,  fur-tout  dans  les  pays  chauds  où  on  l'apprête  comme  tant 
d'autres  légumes.  Les  Médecins  de  Montpellier  ordonnent  la  décodion 
ou  eau  de  courge  dans  les  mêmes  cas  où  l'on  emploie  à  Paris  l'eau 
de  poulet ,  l'eau  de  veau  &  le  petit   lait. 

COURLEROLES,  Nom  qu'on  donne  en  Dauphiné  à  la  counillkre^ 
Voyez  Grillon  taupe* 

CQURLY  ou  COURLIS.  Foye^  Corlieu. 


cou  37  î 

COURONNE  DE  COULEURS.  Ce  font  ces  couronnes  ou 
anneaux  lumineux ,  tantôt  blanchâtres ,  tantôt  d'une  foible  couleur 
d'arc-en-ciel,  qu'on  obferve  quelquefois  autour  du  foleil,  des  étoiles, 
des  planettes  :  on  les  appelle  autrement  &c  plus  communément  hahs. 
Ces  anneaux  font  formés  par  des  nuages  minces,  ou  un  brouillard 
peu  épais.  Que  l'on  place  entre  fon  œil  &  une  lumière  un  vafe  plein 
d'oau  chaude,  les  vapeurs  qui  s'élèvent  feront  appercevoir  de  fem- 
blables  couronnes  ;  aufli  Icrfque  le  temps  eft  bien  ferein  ,  on  ne  voit 
point  de  ces  anneaux  lumineux.  Lorfque  l'atmofphere  eft  chargée  de 
V3peurs,  on  voit  fouvent  la  lune  entourée  d'iin  petit  cercle  lum.ineux 
<jui  tire  un  peu  fur  le  jaune.  On  dit  aufîi  couronna  boréale  de  couronne 
mêridionaU  :  la  première  eft  une  conftellation  de.  1  îiemifphere  fepten- 
trional  ,  où  il  y  a  huit  étoiles  félon  les  Catalogues  de  FtolomU  &  de 
Tycho-brahé:  la  féconde  eft  une  conftellation  de  l'hémifphere  méridional, 
elle  eft  compofée  de  treize  étoiles. 

COURONNE  D'ETHIOPIE.  Coquillage  univalve  du  genre  des 
iorîqucs  fphiriques  on  tonnes.  Voyez  ce  dernier  mot. 

COURONNE  IMPÉRIALE  ,  corona  Imperlalis.  Plante  originaire 
des  Pays  Orientaux,  qui  tire  fon  nom  de  la  difpofition  de  fes  fleurs, 
du  genre  de  la  fritillairc ,  &  qu'on  cultive  dans  les  jardins.  Sa  racine 
eft  une  bulbe  non  écailleufe  ou  lamineufe,  comme  cellé?*tics  lys  j  mais 
folide  comme  celle  de  l'oignon  ,  compofée  de  tuniques  qui  s'emboîtent 
les  unes  dans  les  autres  ,  fibreufe  en  deflbus,  &  d'une  odeur  .d'ail.  Cet 
oignon  coupé  par  rouelles ,  ces  rouelles  jettent  en  leur  circonférence 
plufieurs  petits  oignons  femblables  à  celui  qu'on  a  ainfi  coupé.  Sa  tige 
&  fes  feuilles  font  femblables  à  celles  du  lys  fauvage  ;  fes  fleurs  qui 
font  l'ornement  de  nos  jardins  printaniers ,  font  difpofées  comme  en* 
couronne,  farmontées  d'un  bouquet  de  feuilles.  Chacune  de  ces  fleurs  ; 
a  lix  feuilles  difpofées  en  cloche,  de  couleur  purpurine,  tirant  fur  le  \ 
jaune  ;  à  cette  fleur  fuccede  un  fruit  oblong  ,  cannelé,  divifé  intérieu- 
rement en  trois  loges  remplies  de  femences  plates  :  cette   plante  eft. 
émolliente  &  fa  racine  digeftive  ;   mais  on  ne  la  cultive  que  pour  fon 
agrément,  car  on  prétend  qu'elle  eft  venimeufe  en  toutes  fes  parties, 
fur-tout  fa  racine  qui,  félon   IP'epfir,  prife  intérieurement,  produit 
les  mêmes  effets  que  la  clguc. 

COURONNE  IMPÉRIALE.  Coquille  univalve  dont  la  couronne 
eft  dentée  en  manière  d'épines  :  elle  eft  du  genre  des  volutes.  Voyez 
ce  mot,  ^      A  a  a  2 


.^ 


x-«. 


3  72  COU 

COUROUCA.  Arbre  des  îles  de  l'Amérique  :  il  eft  gros ,  haut  & 
droit  :  il  a  l'écorce  noirâtre;  l'aubier  rouge  &  le  bois  proprement  dit 
d'un  violet  (i  brun ,  qu'il  tire  fur  le  noir  de  l'e'bene.  Son  fruit  eft  en 
grappes  :  ce  (ont  des  goufles  arrondies  qui  contiennent  un  fruit  fphé- 
rique,  moitié  rouge  &  moitié  noir,  de  la  grofleur  d'une  aveline.  Les 
perroquets  en  font  fort  friands  quand  il  eft  vert  ;  lorfqu'il  eft  fec ,  il 
eft  trop  dur. 

COUPvOUCOU,  trogon.  Nom  donné  à  un  genre  d'oifeaux  dont 
M.  Biijjon  compte  fept  efpeces.  Ces  oifeaux  ont  deux  doigts  antérieurs 
&  deux  poftérieurs ,  'Ic'b  jc  court ,  un  peu  crochu ,  &  plus  large  qu'épais. 
Le  couroucou  du  Jpréfil  eft  nommé  curucu'i  ;  pour  la  corpulence  il 
approche  beaucoup  de  notre  pie  ordinaire ,  fa  tête  &  le  deflus  de  fon 
corps  ,  font  a  un  vert  doré ,  changeant  en  bleu  ,  &  en  couleur  de  cuivre 
de  rofette.  On  en  voit  à  Cayenne  de  cendrés,  de  verts,  &  d'autres 
à  ventre  blanc ,  qui  font  de  la  grofleur  d'un  merle.  Le  Mexique  en  a 
qui  font  variés  de  blanc,  de  noir  &  de  fauve,  de  la  grofleur  de  notre 
étourneau,  &  d'autres  qui  font  variés  de  bleu,  de  jaune,  de  vert,  de 
noir,  à-peu-près  gros  comme  un  pigeon. 

COURY.  Nom  donné  par  Ed  lards  au  gros  bec  tacheté  de  Java. 

COURTÎLLE  ou  COURTILLIERE.  F.  Grillon  taupe. 

COUSLN^  cidcx.  Petit  infede,  connu  de  tout  le  monde  par  fon 
bruit  incommode  qui  trouble  quelquefois  le  repos  de  la  nuit,  &  encore 
plus  paji  fes  piqûres  cruelles.  Les  nôtres  font  pacifiques  ,  fi  on  les 
compare  à  ceux  de  l'Afie,  de  l'Afrique  &  de  l'Amérique,  au  rapport 
de  tous  les  Voyageurs  ,  qui  en  ont  été  cruellement  tourmentés  :  on 
les  nomme  dans  ces  pays  maringouins.  Leur  piqûre  met  le  corps  tout 
■en  feu  :  leurs  aiguillons  pénètrent  à  travers  les  étoffes  les  plus  ferrées. 
Les  habitans  font  fouvent  obligés,  pour  s'en  garantir,  de  s'envelopper 
dans  des  nuages  de  fumée  ,  dont  ils  rempliffent  leurs  cafés  ;  d'autres 
fe  renferment  dans  des  tentes  ,  faites  de  lin  &  d'écorce  d'arbre.  Les 
Lapons  mcmes  font  incommodés  cruellement  de  ces  infedes  ,  qui  ne 
font  pas  plus  gros  que  des  puces ,  mais  d'une  opiniâtreté  fans  égale. 
Comme  il  paroît  que  la  métamorphofe  de  ces  infectes  eft  femblaole  à 
celle  des  cvujins  ,  fhiftoire  de  ces  derniers  pourra  fervir  à  faire  con- 
noître  les  autres. 

Le  coufin  eft  monté  fur  de  hautes  jambes,  &  habite  de  préférence 
le  long  des  eaux  Ôc  des  marais,  On  peut  quelquefois  le  confondre  avec 


'*'i 


cou  375 

la  tîpuk  de  la  petite  efpece  appellée  culiciforme ,  infede  affez  fe'mblable  ; 
mais  celui-ci  en  diffère  parce  qu'il  eft  beaucoup  plus  grand,  monté  fur 
des  jambes  très-hautes  &  proportionnées  à  la  longueur  effilée  de  fon 
corps.  La  différence  la  plus  eflentielle  pour  notre  repos  ,  ell;  que  la 
t'ipuU  n'a  point ,  comme  le  coufin  ,  la  tcte  armée  d'un  aiguillon.  Ce 
caradere  diftingue  très-bien,  même  les  petites  efpeces  de  tipules  d'avec 
les  coufîns. 

On  diftingue  aux  environs  de  Paris  trois  efoeces  différentes  de 
coufins  ;  mais  nous  ne  nous  arrêterons  qu'à  ce  qu'il  y  a  de  commun 
à  tous  les  coufins  en  général  ,  6c  qui  peut  intérelTer  notre  curiofité. 

Le  corps  léger  des  coufins  eft  foutenu  par  fix  longues  jambes  :  leur 
tête  eft  armée  d'un  aiguillon  dont  la  ftrudure  eft'des  plus  curieufes , 
&  elle  efl:  ornée  de  belles  antennes  à  panaches,  qui,  ainfi  que  dans 
tous  les  infed-js,  font  plus  belles  &  plus  touffues  chez  les  mâles  que 
chez  les  femelles  :  ces  infeâies  font  les  mieux  empennachés  de  tous  les 
animaux  connus.  Ils  ont  ùe^  yeux  à  réfcau  &  quatre  fligrna tes  ,  organes 
de  la  refpiration.  f^.au  mot  Insecte  la  defcription  intèrejjante  de  ces  parties. 

Cet  infede  n'a  que  deux  ailes,  &  derrière  ces  ailes  deux  petits  ba- 
lanciers,  qui  lui  font  communs  avec  toutes  les  mouches  à  deux  ailes  , 
mais  que  n'ont  peint  les  mouches  à  quatre  ailes  ;  ce  qui  dcy^neroit  lieu 
de  penfer  que  ces  balanciers  dans  celle-ci  ont  un  ufage  qui  fupplée  à 
la  paire  d'ailes  qui  lui  manquent.  Les  ailes  de  cet  infede,  vues  au  mi- 
crcfcope ,  parciiknt  tranfparentes  comme  le  talc  ,  &  recouvertes  de 
petites  écailles,  dans  un  ordre  agréable  &  régulier. 

La  trom.pe  ou  raiguillon  du  coufin  efi:  compofée  d'un  nombre  pro- 
digieux de  parties  d'une  délicatefle  infinie,  &  jouant  toutes  enfemble 
pour  concourir  à  l'ufage  dont  elles  font  à  Tintede.  Ce  que  1  on  apper- 
çoit  à  l'œil ,  n'eft  que  le  tuyau  qui  contient  le  ciard  ;  ce  tuyau  eft  fendu  ; 
•cette  fente  eft  ménagée,  pour  que  le  tuyau,  qui  eft  d'une  matière 
ferme  ti  non  flexible ,  puifle  s'écarter  du  dard  ,  &  fe  plier  plus  ou 
moins  ,  à  proportion  que  le  dard  fe  plonge  dans  la  plaie.  De  ce  tuyau , 
qui  eft  percé ,  fort  un  aiguillon ,  qui  a  le  jeu  d'une  pompe  d'une  ftruc- 
ture  bien  fimpîe,  &:  par-!à  même  û'autant  plus  admirable.  Cet  aiguillon 
eft  com.pofé  de  cinq  à  lix  petites  lames  ,  fembk-bles  à  des  lancettes 
apphquées  les  unes  fur  les  autres;  les  unes  font  dentelées  à  leur  extré- 
mité en  forme  de  fer  de  flèche,  les  autres  font  fim.plemcnt  tranchantes. 
Lorfque  le  faifceau  de  ccà  lames  eft  introduit  dans  la  veine ,   le  fang 


5  74  ^^'^ 

s'élève  dans  ia  longueur  de  ces  lames,  comme  dans  des  tuyaux  capil- 
laires ;  &  il  s'élève  d'autant  plus  haut ,  que  ces  diamètres  font  plus 
petits.  Cette  mécanique  de  conftrudion  &  d'afcenfion  des  liqueurs 
s'obferve  mieux  dans  l'aiguillon  du  taon ,  qui  eft  plus  gros ,  mais  conftruit 
fur  le  même  modèle.  Voye:^  Taon. 

Dans  l'inftant  que  le  coufin  lance  fon  dard  dans  la  veine ,  il  lalfle 
écouler  quelques  gouttes  d'une  liqueur  qui  nous  occalionne  enfuite 
des  démangeaifons  infupportables.  On  penfe  que  cette  liqueur,  que  le 
coufin  darde  ainfi  dans'  la  plaie,  fert  à  rendre  le  fang  plus  fluide,  afin 
qu'il  le  pompe  alors  plus  aifément  ;  fi  cela  eft ,  nous  payons  cîier 
l'avantage  que  l'infede  en  retire. 

Il  y  a  des  perlbnnes  que  ces  piqûres  réduifent  dans  un  état  cruel. 
La  peau  de  certaines  perfonnes  paroît  être  plus  de  leur  goût.  Il  n'y  a 
pas  lieu  de  croire  que  ce  foit  à  raifon  de  fa  finelîe,  puifqu'on  voit  des 
Pâmes  dont  la  peau  ,  quoique  très-fine  &  très-délicate  ,  n'en  eft  point 
attaquée.  M.  de  Réaumur  croit  qu'on  pourroit  trouver  quelque  moyen 
de  rendre  notre  peau  défagréable  aux  coufins,  en  la  frottant,  par 
exemple,  de  l'infufion  de  quelques  plantes  qui  leur  fuffent  défagréables. 
Si  on  pouvoit  en  remarquer  quelqu'une  fur  laquelle  les  coufins  n'ai- 
maflent  pas  à  fe  repofer ,  ce  feroit  un  moyen  d'abréger  les  effais.  Un 
remède  contre  la  piqûre  de  ces  infedes  eft,  dit-on,  de  l'alkali  volatil; 
à  ce  défaut,  de  gratter  un  peu  ferme  la  partie  qui  vient  d'être  blelfée; 

6  d^  la  laver  avec  de  l'eau  fraîche  ;  mais  il  eft  eflentiel  de  le  faire 
auftî-tôt  après  que  l'on  a  été  piqué;  fi  on  ne  s'en  eft  point  apperçu, 
ce  qui  arrive  très-fouvent ,  &  qu'on  ait  laifle  au  poifon  le  temps  de 
fermenter,  on  ne  fait  le  plus  communément  en  grattant  qu'augmenter 
l'enflure  &  les  cuiflbns.  Le  remède  alors  eft  d'humefter  la  plaie  avec 
la  falive ,  &  de  réfifter  ,  s'il  eft  polFible ,  à  la  démangeaifon  de  gratter. 
M.  Bourgeois  prétend  que  les  meilleurs  remèdes  contre  la  piqûre  des 
coufins,  des  guêpes,  des  abeilles  &  de  toute  forte  d'infeâes,  ce  font 
les  huiles.  Si  l'on  applique  de  l'huile  d'amandes  ou  d'olives ,  ou  même 
de  l'huile  de  lin  ou  de  noix  fur  la  piqûre  de  quelque  infeâe  àls  qu'on 
s'en  apperçoit,  il  ne  furvient  ni  inflammation,  ni  ampoules,  ni  dér 
mangeaifpn, 

Métamorphofe  du  Coujirî, 
Le  ,coufin  eft  un  de  ces  infedes  qui  jouilTentfucceilivçmônt  dedçux 


cou  575" 

genres  de  vie  qui  paroifTent  bien  oppofés  :  ils  naiffent  fous  la  figure 
de  petits  poiflbns ,  &  finifient  par  être  habitans  de  Tdir.  Depuis  le  mois 
àe  Mai  jufqu'au  commencement  de  l'hiver,  les  eaux  dormantes  des 
marais  &  celles  qu'on  laifle  croupir  dans  des  baquets  fourmillent  de 
petits  vers  5  qui,  comme  la  plupart  des  infefles ,  ont  trois  métamor- 
phofes  à  fubir.  Ces  vers  font  très-aifés  à  reconnoître  dans  l'eau  ,  parce 
qu'on  les  voit  prefque  toujours  fufpendus,  la  partie  poftérieure  à  la 
furface  de  feau,  &  la  tête  en  bas.  De  la  partie  poftérieure  de  ces  vers, 
il  part  d'un  côté  une  efpece  de  petit  tuyau  où  farbacane,  s'évafant  à 
fon  extrémité  comme  un  entonnoir;  c'eft-là.l'organe  de  leur  refpira- 
tion  ;  de  l'autre  côté  de  cette  même  partie  poftérieure  font  quatre 
petites  nageoires.  Dès  qu'on  agite  l'eau ,  on  voit  ces  vers  fe  précipiter 
au  fond  avec  la  plus  grande  promptitude,  à  l'aide  de  ces  nageoires; 
mais  l'inftant  d'après  on  les  voit  revenir  à  la  furface,  parce  que  l*brgane 
de  leur  refpiration  n'étant  point  propre  comme  les  ouies  des  poiflbns 
à  extraire  l'air  de  l'eau ,  ils  font  obligés  de  venir  à  fa  furface  pour 
refpirer.  Ces  vers  font  longuets  :  leur  tête  eft  armée  de  crochets  qui 
font  dans  un  mouvement  continuel ,  &  qui  leur  fervent  à  attrapper 
les  infedes  imperceptibles,  les  petits  brins  de  |)lantes  dont  ils  fe  nour- 
riffent.  Ces  infedes  reftent  ainfi  dans  l'état  de  ver  environ  quinze  Jours 
ou  trois  femaines,  fuivant  que  la  faifon  eft  plus  ou  moins  chaude;  de 
pendant  ce  temps  ils  changent  trois  fois  de  peau. 

Au  bout  de  ce  temps,  ces  vers  fe  transforment  en  une  nympî^,  qui 
eft  le  coufin  même  ,  mais  enveloppé  d'une  membrane  très-fine,  deftinée 
à  tenir  en  braffiere  tous  les  membres  de  l'infede ,  qui  fe  forment  &  fe 
fortifient  fous  cette  enveloppe ,  où  il  refte  huit  à  dix  jours.  Pendant 
ce  temps  la  nymphe  ne  prend  &  n'a  befoin  d'aucune  nourriture,  les 
organes  de  la  refpiration  ont  changé  de  lieu  &  de  forme  ;  elle  refpire 
par  deux  efpeces  de  cornets  qui  font  proche  de  la  tête,  mais  qui, 
lorfqu'elle  fera  pafiee  à  l'état  d'infede  ailé ,  deviendront  des  Jîigmates^ 
JElle  fe  tient,  ainfi  que  le  ver,  à  la  furface  de  l'eau  pour  refpirer, 
mais  roulée  fur  elle-même.  Au  moindre  mouvement,  elle  defcend  dans 
l'eau  en  fe  déroulant ,  à  l'aide  des  rames  dont  elle  eft  munie  à  la  partie- 
poftérieure.  L'agilité  &  la  manière  de  fe  mouvoir  de  ces  nymphes  q^ 
un  Ipedacle  fingulier. 

Dans  les  jours  chauds  de  Tété  il  eft  très-facile  de  voir  paflêr  les". 
nymphes  à  l'état  de  coufin  dans  un  baquet  d'eau.  La  nymphe  fè  déroulej 


(*«.< 


37<^  cou 

elle  élevé  une  partie  de  fon  corps  hors  de  l'eau  ;  elle  fe  gonfle  &  fait 
crever  fon  enveloppe  dans  cet  endroit.  On  voit  paroître  la  tête  du 
coufin  hors  de  l'eau;  l'infede  continue  à  fortir  de  fon  enveloppe;  èc 
ce  qui  lui  fervoit  il  n'y  a  qu'un  moment  de  robe,  change  d'ufage ,  ôc 
lui  tient  prcfentement  lieu  de  bateau  :  il  vogue  au  gré  des  vents  :  il  eft 
lui-même  la  voile  &  le  mât  du  navire.  L'infede  eft  alors  en  danger  : 
pour  peu  qu'il  faiTe  le  moindre  vent,  l'eau  entre  dans  le  bateau,  le 
fait  couler  à  fond,  &  l'infede  fe  noie.  Dans  les  jours  où  le  vent  fouffle 
avec  violence  ,  on  voit  parmi  les  coufms  une  image  terrible  des  effets 
de  la  tempête;  car  ces  infedes  qui  finflant  auparavant  feroient  péris 
il  on  les  avoit  tenus  pendant  un  temps  aflez  court  hors  de  l'eau,  n'ont 
rien  alors  autant  à  craindre  que  l'eau. 

Le  coufin  n'eft  pas  plutôt  devenu  aile ,  qu'il  cherche  fa  nourriture 
dans  leTang  des  animaux,  &  auiîi,  à  ce  que  l'on  penfe ,  dans  le  fuc 
des  feuilles  fur  lefqueîles  il  fe  tient  pendant  la  chaleur  du  jour.  L'ac- 
couplement de  ces  infedies,  dont  il  n'y  avoit  cependant  point  lieu  de 
douter ,  avoit  échappé  à  M.  de  Réaumur  &  aux  plus  induftrieux  Ob- 
fervateurs.  Il  ne  faut  pas  en  être  étonné,  puifque,  fuivant  les  obfer- 
vations  de  M.  Godhcu  ^qu'on  lit  dans  le  tome  troifieme  de  la  partie 
étrangère  des  Mémoires  de  l'Académie,  cette  fcene  fe  paffe  au  milieu 
des  airs  &  en  volant;  on  ne  s'étoit  point  avi(é  de  la  chercher  là.  Peut- 
être  ces  infeétes  ne  font-ils  pas  les  feuls  qui  s'accouplent  en  l'air  ;  mais 
il  eft  ^en  certràn  qu'ils  s'y  accouplent,  &  que  cet  élément  fait,  comme 
la  terre  &  les  eaux ,  partie  de  l'empire  de  l'amour. 

On  diftingue  facilement  le  coufin  d'avec  fa  femelle  :  le  coufin  eft 
plus  alongé  qu'elle  ,  &  il  a  à  la  partie  poftérieure  deux  crochets ,  qui 
lui  fervent,  ainfi  que  dans  plufieurs  infectes,  à  retenir  la  femelle  : 
celle-ci  n'en  a  point  ;  mais  à  leur  place  font  deux  palettes  qui  lui 
fervent  pour  arranger  fes  œufs  dans  le  temps  de  la  ponte.  Le  mâle  fe 
diftingue  de  plus  par  la  beauté  de  fes  panaches. 

Ponte  de  la  femelle  du  Coujîn, 

Lorfque  la  femelle  a  été  fécondée,  elle  va  dépofer  fes  œufs  fur  la 
furface  de  l'eau,  afin  que  le  ver  naiflant  fe  trouve  dans  l'élément  qui 
lui  fera  alors  nécelfaire.  Pour  cet  effet,  elle  s'attache  fur  une  feuille 
ou  à  quelqu'autre  corps  fur  la  furface  de  l'eau  ;  elle  croife  fes  jambes 
de  derrière,  &  place  dans  fangle  qu'elles  forment  fon  premier  œuf, 

avec 


cou  5  77 

avec  le  bout  de  fon  anus,  qui  dans  ces  infedes  a  une  flexibilité  mer- 
veilleufe  ;  elle  dépofe  fuccelîîvement  Tes  autres  œufs  ,  qui  fe  collent  les 
uns  aux  autres  ;   en  écartant  fes  pattes ,  elle  donne  à  cet  aflemblage 
d'œufs  une  forme  de  bateau  qui  a  fa  proue  &  fa  pouppe.  Cette  efpece 
de  petit  bâtiment  vogue  fur  les  eaux,  à  raifon  de  fa  légèreté  ;  mais  il 
y  eft  quelquefois  englouti  par  les  tempêtes.  La  ponte  du  coufin  eft 
depuis  deux  cents  jufqu'à  trois  cent  cinquante  œufs,   de  chacun  defquels 
fort  un  ver  au  bout  de  deux  ou  trois  jours  :  £omme  il  ne  faut  qu'en- 
viron un  mois  d'une  génération  à  l'autre,  on  en  peut  compter  fix  à 
fept  par  an  ;  en  forte  que  nous  ferions  certainement  enfevelis  dans 
des  nuages  de  coufins,  s'ils  ne  devenoient  la  proie  des  oifeaux ,   & 
fur-tout  de  l'hirondelle,  8c  d'une  multitude  d'infedes  carnaffiers.  Nous 
difons  que  les  cou  fins  dépofent  leurs   œufs  dans  une  eau  ftagnante  & 
corrompue  ;    mais  les  petits  infeftes  après  leur  développement ,   fe 
nourriflent  de  cette  corruption  ;  on  peut  s'en  aifurer  par  l'expérience 
fuivante.  Que  l'on  remplifle  deux  vafes  d'eau  corrompue,  &  que  l'on 
laifle   dans  l'un  tous  les  petits   des  coufins  qui  s'y  trouvent ,    tandis 
qu'on  tirera  exaétement  de  l'autre  ceux  qui  y  font,  il  arrivera  que  l'eau 
pleine  d'infedes  fe  purifiera  en  peu  de  temps  &  que  l'autre  répandra 
une  mauvaife  odeur. 

COUSSECOUCHE ,   ou  COUCHE  -  COUCHE.  Nom  donné  à 
une  racine  potagère  des  îles   Antilles,  qui  croît  ordinairement.de  la 
grolfeur  &  à-peu-près  de  la  forme  d'un  gros  navet  :  Técorce  en  e*  d'un 
brun  grisâtre ,  rude  au  toucher  &  garnie  de  fibres.  La  chair  de  la 
couiïecouche  a  la  confiftance  de  celle  d'une  châtaigne  bouillie,  mais 
plus  cafiante  :  la  couleur  en  eft  blanche,  quelquefois  d'un  violet  foncé. 
Cette  racine  cuite  dans  de  l'eau  avec  un  peu  de  fel ,  fe  mange  avec 
des  viandes  falées  ou  du  poifTon.  C'eft  un  mets  fort  eftimé  des  Dames 
Créoles,  quoiqu'il  foit  un  peu  , venteux, 
COUSSINET  DES  MARAIS.  Foyei  Canneberge. 
COUTELIER  ou  MANCHE  DE  COUTEAU ,  folcn.  Genre  de 
coquillage  bivalve  de  la  famille  des  tdlims ^  nommé  ainfi  de  fa  forme, 
&  qui  fe  trouve  abondamment  fur  le  bord  de  prefque  toutes  les  mers. 
C'eft  le  cannolichio  des  Italiens ,  &  le  pivot  des  Anglois.  On  nomme 
auili  ces  coquilles  canaux  ,  goutiieres  èc  feringues  :  il  y  en  a  de  droits  : 
d'autres  courbés  en  fabre  ou  en  goufies  de  fèves ,  colorés  en  rofe  ou 
en  violet  ou  en  gris,  &c,  Les  deux  valves  du  coutelier  font  convexes 
Tome  II»  B  b  b 


^78  C  O  X 

extérieurement  &  concaves  intérieurement;  lorfqu'elles  font  réunies 
elles  forment  un  rouleau  ouvert  aux  deux  extrémités,  tranchant  par 
un  bout  &  à  bourrelet  par  l'autre  ;  elles  font  attachées  près  de  l'extré- 
mité inférieure  par  un  ligament  à  relTort.  Depuis  ce  ligament  jufqu'à 
l'autre  bout  de  la  coquille,  il  y  a  fur  le  joint  qui  fe  trouve  entre  les 
deux  pièces ,  deux  membranes  coriaces  &  élaftiques  qui  forcent  la 
coquille  vivante  à  n'être  jamais  béante  que  par  les  deux  bouts. 

Ce  coquillage  vit  dans  le  fable,  où  il  s'enfonce  quelquefois  jufqu'à 
deux  pieds  de  profondeur ,  &  dans  une  pofîtion  verticale  :  toute  fa 
manœuvre ,  tout  fon  mouvement  progreffit  confifte  alors  à  remonter 
du 'fond  de  fon  trou  juiqu'au  deflus  du  fable  ,  &  à  rentrer  enfuitefous 
le  fable.  Lorfque  la  mer  eft  retirée ,  on  reconnoît  leur  domicile  par 
ces  troug.'  Pour  attirer  l'animal  fur  la  furtace  du  fol ,  le  Pécheur  jette 
une  pincée  de  fel  dans  chaque  trou  ;  aulli-tôt  on  apperçoit  du  mouve- 
ment dans  le  fable,  l'animal  fort,  &  le  Pêcheur  le  failit  promptement; 
car  s'il  rentre  dans  fon  trou  ,  il  ne  fe  laide  plus  attraper  à  ce  piège  : 
on  a  recours  alors  à  de  longs  fers  pointus  que  l'on  appelle  dardlllons , 
pour  les  amener  fur  le  fol.  Lorfqu'on  a  retiré  ce  coquillage  de  fon 
trou  &  qu'on  l'étend  fur  le  fable ,  on  lui  voit  faire  des  mouvemens 
qui  font  connoître  la  manière  dont  il  defcend  dans  le  fable  &  dont  il 
remonte.  Voyez  Mcm,  de  VAcad.  diS  Sc'unc,  ann,  lyii, 

COUTOIRS.  Voye?^  Clonisse. 

C(>UTURIERES.  Voye^  à  tanïcU  Tipule. 

COWALAM.  Eft, un  grand  arbre  de  file  de  Ceylan  &  de  Malabar: 
fa  fleur  a  ,  félon  M.  Linnœus ,  douze  étamines  &  un  piftil  ;  la  corolle 
eft  de  quatre  feuilles,  &  le  calice  divifé  en  quatre  quartiers;  fon  fruit 
reflemble  à  une  orange  dont  l'écorce  feroit  vercatre  :  fous  cette  écorce 
s'en  trouve  une  autre  dure,  ligneufe ,  qui  enveloppe  une  pulpe  vif- 
queufe  ,  humide,  jaunâtre,  acide,  laquelle  contient  nombre  de  graines 
plates ,  oblongues ,  blanches  &  pleines  d'un  fuc  tranfparent  &  gom- 
jneux.  On  trouve  dans  Ray  &  James  un  éloge  pompeux  du  goût  & 
des  propriétés  médicinales  de  ce  fruit. 

COUVERCLE  DE  COQUILLE.  On  donne  ce  nom  à  Xopercule, 
Voyez  ce  mot.  Les  Apothicaires  fe  fervoient  autrefois  de  celui  qui 
étoit  cartilagineux ,  fous  le  nom  de  blaua  Byiantia,  Voyez  Blatu  de 
ConjïantïnopU.  ,. 

COXOLISSL  Voyez  à  l'article  Hocos. 


C  R  A  3  7P 

COYOLCOS.  La  couleur  dominante  de  deffus  le  corps  de  cet  oifeau 
du  Mexique ,  eft  le  fauve  mêlé  de  blanc  ;  le  defTous  de  Ton  corps  & 
fes  pieds  font  de  couleur  fauve;  le  fommet  de  fa  tête  eft  noir  5c  blanc; 
deux  bandes  de  même  couleur  defcendent  des  yeux  fur  le  cou  :  il  a 
tous  les  caraéleres  des  colins  ,  même  grolTeur ,  même  chant,  mêmes 
moeurs ,  même  manière  de  vivre. 

CRABE ,  cancer  oblongus.  Animal  du  genre  des  cruflachs  ,  efpece 
d'amphibie,  d'une  forme  oblongue ,  ou  à  corps  large  &:  évafé,  &  dont 
on  diftingue  plufieurs  efpeces.  Il  y  a  les  crabes  de  mer,  ceux  d'eau 
douce ,  ceux  de  terre.  En  général  ,  les  crabes  ont  la  queue  compofée 
de  tables ,  rabattue  en  deflbus ,  &  appliquée  fur  le  ventre  :  la  tête  n'eft 
pas  féparée  du  corps.  Ils  ont  dix  jambes  ,  cinq  de  chaque  côté ,  y 
compris  les  bras.  Le  crabe  fait  ufage  des  ferres  noires  qui  font  au  bout 
de  fes  bras ,  avec  la  même  dextérité  que  le  quadrupède  fe  fert  de  fes 
pieds  de  devant.  On  nomme  fes  ferres  forets ,  pinces ,  tnordans  ou  U^ 
nailles.  Les  Pêcheurs  font  obligés  ,  avant  de  porter  ces  animaux  au 
marché,  de  leur  lier  étroitement  les  bras  dans  un  fac  :  fans  cette  pré- 
caution ils  s'entre -tueroient  &  fe  couperoient  les  jam.bes.  Ceft  une 
chofe  affez  curieufe  que  de  les  voir  marcher  avec  tout  leur  attirail  de 
pieds.  Le  crabe  a  beaucoup  de  conformité  avec  \%  cancre,  Foye^  ce 
mot.  Son  corps  eft  recouvert  d'une  croûte  dure  ,  fort  évafée ,  fouvent 
noirâtre  &  plom.bée,  &  quelquefois  chargée  de  proéminences  ou  d'in- 
cruftations,  ou  de  corps  parafites.  Si  on  ouv.e  la  bouche  d'uivcrabe, 
on  y  remarque  plufieurs  dents ,  des  appendices ,  des  pellicules ,  & 
tant  de  petits  détails,  qu'on  ne  peut  s'empêcher  d'y  admirer  l'artifice 
de  la  Nature.  Ses  yeux  font  noirs,  un  peu  éloignés  l'un  de  l'autre: 
tantôt  l'animal  les  fait  fortir  en  dehors,  tantôt  il  les  fait  rentrer  dans 
leur  orbite.  Ceft  à  la  partie  inférieure  de  la  table  &  proche  de  l'anus 
que  fe  trouve  la  queue  articulée  ,  &  velue  par  Textrémité  :  c'eft  en 
cet  endroit  chez  la  femelle  que  s'attachent  les  œufs  par  des  appendices, 
en  forme  de  grappe  de  raifin.  La  femelle  a  cette  partie  plus  large  que 
le  mâle  :  chez  celui-ci  elle  finit  en  pointe;  chez  la  femelle  au  contraire 
cette  queue  eft  également  large  dans  toute  fa  longueur,  &  fe  termine 
en  arc  de  cercle.  La  femelle  a  deux  ovaires  &  deux  ouvertures ,  le 
mâle  a  pareillement  deux  parties  qui  font  fituées  vers  l'origine  de  fes 
dernières  pattes  ;  ainfi  l'accouplement  peut  être  double. 

Le  crabe  eft  un  animal  aftez  hideux  à  voir  :  il  n'habite  guère  que 


^80  CRA 

les  bords  des  rochers  :  fi  le  flot  s'en  retourne  &  qu*il  le  laiffe  à  fec,  il 
retire  fes  jambes  à  lui  &  demeure  immobile.  On  trouve  toujours  les 
crabes  par  bandes  :  ils  marchent  tantôt  en  avant  ou  à  reculons,  tantôt 
de  travers  ou  de  côté.  Quelques  perfonnes  prétendent  en  avoir  con- 
fervé  un  à  deux  mois  dans  une  cave  fans  eau.   Les  combats  de   ces 
animaux  font  cruels,  fur-tout  dans  le  temps  de  l'amour  oii  ils  font 
furieux;  ils  s'entre  -  battent ,   frappent  leurs  pinces  meurtrières  l'une 
contre  l'autre  ,  fe  heurtent  de  front  à  diverfes  reprifes  à  la  manière 
des  béliers  :  c'efi:  ainfi  qu'ils  fe  difputent  la  poflelîion  d'une  femelle;  &c 
lorfqu'il  s'agit  de  l'accouplement  ,   le  mâle  vainqueur  renverfe  fur  le 
dos  fa  femelle  ;    le  plaifir  les  emboîte  ,   les  lie  étroitement  enfemble 
ventre  à  ventre  Se  queue  contre  queue,  enfuite  le  mâle  aide  la  femelle 
à  fe  remettre  fur  fes  pattes.  Les  crabes,  ainfi  que  tous  les  cruftacées 
&  les  ferpens,  ont  la  propriété  finguliere  de  fe  dépouiller  au  printemps 
de  leur  vieille  robe  :  dans  cet  état  on  les  appelle  crabes  bourjî&rs.  Ils  fe 
tiennent  cachés  dans  le  fable  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  recouvré  un  habit 
qui,  en  les  préfervant  des  injures  de  l'air,  leur  permette  de  reprendre 
des  forces  &  leur  caradere   courageux.  Ils  fe  défendent  très  -  bien 
contre  les  feches  ^  les  calmars  &  les  polypes  :  ils  aiment  les  vers ,   les- 
mouches  ,  les  fangfues  &  les  grenouilles.  La  chair  du  crabe  eft  un  peu 
difficile  à  digérer.  Ses  œufs  font  meilleurs,  ainfi  que  le  laumalin ,  fubf" 
tance  verdâtre  &  grenue  qui  fe  trouve  fous  l'écaillé  du  dos ,   &  dont 
on  fait  la  fauce  pour  les  manger.   On  le  fait  cuire  comme  l'écrevilTe» 
Ses  pattes  ou  bouts  noirs  appellées  apices  ckelarum  cancrorum  nigricantes  y 
fervent  en  Pharmacie  dans  la  poudre  alexipharmaque  de  la  ComtefTe 
de  Kent. 

On  voit  des  crabes  d'une  grandeur  démefurée  dans  l'iîe  des  Ca^icres 
en  Amérique  :  ce  fut  dans  cet  endroit  &  par  ces  mêmes  animaux 
qu'en  idoj"  le  fameux  navigateur  Anglois,  François  Drack  fut  afiailli 
&  périt  miférablement;  quoique  bien  armé ,  il  lui  fallut  fuccomber  &: 
devenir  la  proie  de  ces  crabes  monftrueux  :  fouvent  les  Pécheurs  de 
nos  côtes  font  cruellement  pinces  par  les  crabes  de  mer. 

Les  crabes  de  terre  ou  de  montagne  font  peu  gros.  On  les  nomme  en 
Amérique  tourlouroux.  Leur  écaille  eft  unie  &  mince,  fouvent  tachetée^ 
Ils  marchent  affez  vite  ,  par  bandes ,  &  égratignant  la  terre.  Ils  fuivent 
toujours  leur  route  par  la  ligne  la  plus  droite  ;  ils  s'efforcent  même 
d'efcalader  les  murailles  &  tout  ce  qui  s'oppofe  à  leur  paflage  :  e'eft 


C  R  A  581 

alors  qu'ils  s'eflropientj  &  qu'ils  deviennent  la  proie  de  leurs  ennemis. 
Quand  ils  rencontrent  quelque  chofe  qui  leur  fait  peur,  ils  frappent 
leur  mordant  comme  s'ils  vouloient  épouvanter  à  leur  tour  les  objets 
qui  les  ont  épouvantés.  Ils  font  affez  délicats  ;  mais  quand  ils  ont 
mangé  des  pommes  de  mancdinicr  ou  des  feuilles  de  fenjîûvc,  ils  s'em- 
poifonnent  &  empoifonnent  ceux  qui  les  mangent  :  il  faut  cependant 
convenir  que  ce  poifon  ne  fe  manifefte  pas  ainfi  dans  tous  les  pays  & 
dans  tous  les  temps  ;  car  dans  l'île  de  la  Grenade ,  où  l'on  prend  com- 
munément les  crabes  fous  le  mancelinier  ,  on  ne  s'eft  jamais  apperçu 
qu'ils  aient  incommodé  perfonne  :  au  refte ,  on  prétend  que  le  fecret 
pour  connoître  s'ils  font  fains  ou  non ,  eft  de  regarder  le  taumalin  ; 
s'il  eft  noir,  c'eft  une  marque  qu'ils  font  empoifonnés.  Si  on  prend  les 
petits  crabes  par  une  jambe  ou  par  un  mordant,  ils  la  laiiTent  à  la 
main  &  s'enfuient  ;  (  la  Nature  a  accordé  aux  crabes  &  à  tous  les 
cruftacées  la  propriété  de  reproduire  leurs  pattes  &  quelquefois  leurs 
antennes  quand  elles  ont  été  caiTées.  )  On  les  trouve  communément 
'dans  les  montagnes  &  les  cannes  un  peu  éloignées  de  la  mer,  excepté 
dans  le  mois  de  Juin  ,  temps  oii  ils  fe  baignent.  Voye^  Tourlourou". 

Les  crabes  blancs  habitent  les  lieux  marécageux  &  le  bord  de  la 
mer.  Leur  couleur  n'eft  pas  précifément  blanche;  ellereft  jaunâtre: ils 
font  plus  gros  que  les  crabes  violets. 

Les  crabes  violets  font  très- rares  à  la  Martinique  depuis  qu'on, les  y 
a  détruits.  Ce  font  les  Caraïbes  qui  en  apportent  des  îles  voifines.  Ces 
cruftacées,  dont  le  nom  indique  la  couleur  de  leur  écaille ,  font  gros 
comme  le  poing  &  plus.  Sloane  en  donne  une  bonne  figure,  vol, 
/,  tab.  II ,  (ous  le  nom  de  Lind-crab, 

Les  crabes  honteux  fe  trouvent  au  Bréfil  &:  aux  Antilles  :  ils  font 
ainfi  nommés  à  caufe  de  la  façon  dont  ils  appliquent  leurs  mordans 
contre  leur  corps,  comme  s'ils , vouloient  les  cacher. 

En  général  les  crabes  font  une  vraie  manne  dans  bien  des  pays  mari- 
times. Les  Caraïbes  ne  vivent  prefque  d'autre  chofe.  Les  Nègres 
établis  aux  îles  s'en  nourriffent  au  lieu  de  viande  falée.  Les  Blancs 
favent  aufli  les  accommoder  de  manière  qu'on  en  fert  fur  toutes  les 
tables. 

Le  crabe  de  vafe  ou  de  palétuviers ,  eft  une  efpece  de  cruftacée  très- 
commun  à  Cayenne,  dont  les  efclaves  &  les  petites  gens  font  leur  nour- 
riture la  plus  ordinaire.  Ces  crabes  font  plus  ou.  moins  bons ,  félon  les 


382  C  R  A 

faifons;  délicieux  en  Mars;  difficiles  à  fouille^r  dans  les  temps  de  pluies: 
le  gonflement  des  rivières  remplit  alors  d'eau  les  trous  où  ils  fe  réfu- 
gient dès  qu'ils  apperçoivent  les  Nègres.  Il  faut  de  l'adrefTe  &  une 
forte  de  précaution  pour  les  prendre  dans  leur  cellule.  Ils  n'y  entrent 
que  de  côté  ;  c'efi:  leur  façon  de  marcher.  Dans  cette  fituation  ils  pré- 
fentent  leurs  ferres  pour  leur  défenfe.  Le  mal  qu'ils  font  eft  quel- 
fois  confidérable.  Les  Nègres,  pour  n'en  être  point  pinces,  fe  fervent 
d'un  bâton  crochu  pour  les  attraper.  D:ins  de  certains  temps 
ces  crabes  couvrent  la  vafe;  on  les  prend  alors  aifément;  mais  ils 
font  moins  bons  à  manger.  On  voit  aux  Antiîles  de  petits  crabes 
fem.blables  à»ceux  de  nos  côtes.  Ils  font  toujours  en  vedette  pour 
butiner,  &  l'on  prétend  qu'ils  tiennent  la  plupart  dans  une  de  leurs  ferres 
un  petit'caillou:  comme  ils  ont,  dit-on,  l'induftrie  d'épier  les  huîtres, 
les  rlîoules,  &  ceux  des  coquillages  bivalves  que  la  marée  amené,  ils 
attendent  qu'ils  ouvrent  leurs  deux  battans  ,  &  y  gliifent  un  petit 
caillou  qui  les  empêche  de  fe  refermer;  par  ce  moyen  nos  chafleurs 
les  attrapent  facilement  &  en  font  une  bonne  curée. 

De  toutes  les  différentes  efpeces  de  crabes  qu'on  trouve  dans  les 
Antilles,,  la  plupart  font  des  cancres.  Foye^^  et  mot.  Celles  dont  on 
fait  le  plus  d'ufage  font  les  crabes  blancs ,  les  crabes  rouges ,  &  les 
crabes  manicoux  ainfi  nommés  à  la  Grenade,  &  connus  à  la  Martinique 
fous  le  nom  de  Jériqucs  de  rivière.  Les  crabes  &  les  fériques  de  mer 
fentetit  un  peu  le  marécage  ,  &  n'ont  pas  tant  de  fubftance  que  les 
autres. 

L'on  voit  dans  les  Cabinets  des  carapaces  de  crabes  de  la  côte  de 
Coromandel,  ayant  fur  le  dos  une  croix  très-bien  faite,  avec  des  ap- 
parences de  perfonnages  de  chaque  côté.  Ces  crabes  font  rares,  même 
dans  le  pays  :  on  peut  voir  dans  le  P.  Kirker ,  China  illujlrata ,  p.  ^'y, 
l'origine  merveilleufe  qu'il  attribue  à  la  croix  dont  ces  crabes  font 
décorés. 

On  trouve  dans  la  terre  prefque  tous  les  analogues  des  crabes 
devenus   foHiles.    On  les  appelle  crabius.  Voyez  Gammarolitcs. 

CRABIER  ,  cancrophagus.  Nom  donné  à  plufieurs  efpeces  d'oifeaux 
du  genre  de  la  grue  ,  &  que  l'on  regarde  comme  des  hérons.  On  les^ 
trouve  en  Siléfie,  &  en  Italie  près  de  Bologne  ;  ils  font  d'un  roux 
brun  ou  tachetés;  quelquefois  ils  font  jaunes.  Celui  du  Bréfil  eft 
de  couleur  d'acier  varié  de  jaune.  Celui  de  Bahama  eft  huppé.  On 


C  R  A  385 

en  trouve  dans  la  Jamaïque  &  dans  la  Caroline  qui  font  bleus.  Il  y 
a  auiïi  le  carbier  vert  des  Iles  Antilles,  On  a  donné  à  ces  oifeaux  le 
nom  de  crabur,  parce  qu'ils  fe  nourrilTent  de  crabes.  Ils  mangent 
aufli  des  grenouilles  &  de  petits  poifîbns.  Koye?^  à  là  fuite,  de  CarticU 
Hékon. 

CRAIE  ,  creta,  C'eft  une  terre  calcaire  ,  friable,  farineufe  ,  privée 
de  faveur  &  d'odeur  ,  communément  blanchâtre  &  peu  compaâ:e  : 
calcinable  ,  attaquable  par  les  acides  ,  tant  végétaux ,  que  minéraux  , 
s'étendant  confîdérablement  dans  l'eau  ;  attirant  ou  abfordant  beaucoup 
l'humidité  de  l'atmofphere ,  &  s'attachant  à  la  langue.  On  trouve  la  craie 
primitive  dans  des  montagnes  fecondaires,  en  mafl'es  très-confidérables, 
remplies  de  cailloux  jllcx  ^  (pierres  à  fuhl  noires)  -qui  *y  forment  un 
bancfouvent  continu  &  toujours  horizontal ,  &  de  coquilles  ou  de  ma- 
drépores difperlés  çà  &  là,  m.ais  communément  dans  un  état  de  fpath  , 
&  plus  ou  moins  bien  ccnfervés.  La  craie  qu'on  trouve  autrement ,  & 
privée  de  ces  corps  organifés  ,   eft  une  terre  calcaire  de  tranfport. 

Les  divers  fentimens  fur  l'origine  de  la  craie  font  peu  décififs  , 
eft-ce  une  terre  primitive  &  de  toute  antiquité  ?  eft-elle  le  réfultat 
de  la  décompolition  de  la  pierre  à  fufil  ?  ou  ne  feroit-elle  pas  plutôt 
une  terrification  des  produdions  d'animaux  m.arins ,  telles  que  les 
madrépores  &  les  coquilles  ?  Ce  qui  nous  feroit  adopter  cette  dernière 
opinion  ,  c'eft  qu'on  ne  trouve  pas  de  carrière  de  craie  primitive  qui 
ne  contienne ,  ou  des  coquilles  ,  ou  ^^^  madrépores  ,  qui  venant  à 
fe  détruire,  à  fe  comminuer ,  forment  la  craie.  Ne  pourroit-on  pas 
expliquer  aufii  la  préfence  des  pierres  à  fufil  qui  y  forment  des  bancs 
horizontaux  ,  en  difant  que  toutes  les  montagnes  où  l'on  trouve  la  ^ 
craie  ainfi  mêlée  de  cailloux  ,  font  un  angle  avancé  :  or  fur  le  bord  \ 
de  la  mer,  les  montagne^  qui  y  font  fcmbîablement  un  angle  iliillant , 
font  des  rochers  qui  contiennent  beaucoup  des  mafles  de  pétrofilex 
&  de  pierres  à  fuhl,  lefquellès  s'en  détâchent  au  flux  &  reflux  des 
deux  principales  marées  de  l'année,  &  tombent  fur  le  fol  horizontal 
de  la  plage  ,  qui  alors  eft  formée  de  coquilles  &  d'autres  produdions 
fem.blabîes  ,  que  la  mer  y  a  délaiflees  :  par  ce  moyen  une  couche  de 
cailloux  aura  recouvert  le  fol  coqu illier  ;  celui-ci ,  à  une  marée  fui- 
vante  ,  aura  couvert  à  fon  tour  le  banc  de  cailloux  ,  qui  font  aflez 
durs  pour  fe  conferver  ,  étant  privés  d'air  ;  mais  les  coquilles  plus 
tendres  fe  feront  en  partie  terrifiées,  La  retraite  des  eaux   de  la  mer 


3'84  C  R  A 

^aura  facilité  la  formation  d'une  maiTe  de  craie ,  qui ,  par  le  Iat)S  du 
temps  ,  aura  été  couverte  de  Vhumus  ou  terre  végétale.  Cela  pofé  , 
la  craie  doit  fon  origine  à  la  terre  des  parties  folides  des  animaux  , 
ainfi  que  les  pierres  calcaires  ;  voyez  ce  mot.  En  effet ,  cette  terre 
a  beaucoup  de  rapport  avec  \e  fulcrum  ,  ou  le  foutien  des  os  ,  avec 
la  terre  des  coquilles  d'oeufs  &  avec  celle  des  coquilles  tant  fluviatiles 
que  marines ,  même  des  coraux ,  des  perles  &  des  madrépores  ,  &c. 
Audi  la  craie  blanche  eft-elle  un  abforbant  terreux  qu'on  peut  em- 
ployer en  Médecine  pour  la  fubftituer  au  corail ,  aux  yeux  ou  pierres 
d'écrevifle  ,  à  la  corne  de  cerf  calcinée  ,  ôcc,  on  en  donne  trente  à 
quarante  grains  pour  abforber  &  détruire  les  levains  acides  de  l'efto- 
mac,  fur-tou't  dans  la  maladie  appellée/od'<2  ,  qui  eau fe  un  fentlment 
de  brûlure  au  gofier.  M.  Bourgeois  dit  s'en  être  fervi  utilement  dans 
un  peu  de  lait  ,  matin  &  foir ,  pour  chaffer  les  vers  des  enfans.  Ce 
remède  ,  dit-il.  eft  d'autant  plus  eftimable  ,  que  les  enfans  le  prennent 
fans,'  le  favoir ,  en  y  mêlant  un  peu  de  fucre  en  poudre  ou  du  miel. 
Des  JMarchands  de  Vin  fe  fervent  aufli  de  la  craie  en  poudre  pour 
détruire  l'aigreur  du  vin  ,  mais  c'eft  un  aflez  mauvais  remède ,  puis- 
qu'elle le  rend  fade  &  foible ,   d'ailleurs   il  faut  le  boire  aufii-tôt. 

Nous  avons  dit  plus  haiit  que  la  craie  ,  qui  ne  contenoit  point 
de  corps  organifés ,  étoit  communément  une  craie  de  tranfport  ;  en 
effet  elle  eft  très-friable,  très-douce  au  toucher,  d'un  grain  égal, 
ce  font  des  eaux  fomerraines  qui  l'ont  entraînée ,  chariée ,  dépofée 
dans  les  lieux  où  on  la  trouve.  Celle-ci  eft  fouvent  par  zones  colorées. 

En  réfléchiflant  fur  cet  expofé  ,  on  ne  doit  pas  être  étonné  de  la 
différence  dans  les  couleurs  ,  la  denlité  &  le  degré  de  pureté  qu'on 
obferve  dans  divers  morceaux  de  craie  ;  étant  fufceptible  de  s'étendre 
dans  l'eau ,  la  craie  a  pu  être  accidentellement  mélangée  avec  des 
terres  ou  des  débris  de  pierre  d'une  nature  différente  ,  &  former  en 
fç  dépofant  ce  qu'on  nomme  agaric  minéral  y  ofléocollc  ,  guhr  de  craie, 
craie  coulante  ,  craie  rouge ,  craie  en  poujjïere  ,  Ôéc.  Voye-{^  notre  MiNÉ- 
HALOGIE  ,    tome  I.    édition  de  1774. 

On  trouve  de  la  craie  en  Champagne  ,  en  Bourgogne ,  à  Meudoii 
près  de  Paris,  &  dans  plufieurs  endroits  du  Royaume.  Quoique  cette 
fubilance  n'ait  pas  beaucoup  de  folidité  ,  on  ne  laiffe  point  que  de 
s't^n  fervir  avec  fuccès  pour  bâtir ,  &  tout  le  monde  fait  que  prefque 
toiite  la  ville  de  B.heims  çn   Champagne  eft  bâtie  de  craie  un  peu 

folidô 


CRÂ  3  8> 

follde  à  la  vérité,  A  l'égard  de  celle  qui  efl  très-tendre,  très- friable, 
on  s'en  fert  pour  fertilifer  les  terres  trop  argileufes  ou  trop  friables  ; 
on  s'en  fert  pour  tracer  au  cordeau  ;  on  en  fait  aufll  des  crayons 
pour  le  deflln.  Le  blanc  de  Troie  il  utile  pour  blanchir  les  pla- 
fonds ,  les  couvertures  de  laine  ,  &  certains  gros  draps  ,  n'eft  que  de 
la  craie, 

CRAIE  DE  BRIANÇON  ,  n'eft  point  une  craie ,  mais  une 
pierre  talqueufe  ,  friable  &  réfradaire  :  voye^  au  mot  Talg. 

CRAM.    Foyei  Raifort. 

CRAMPE  ou  TREMBLE,  roye^  Torpille. 

CRAN  ou  CRON.  Foye^  Falun. 

CRANE ,  cranlum.  On  exprime  par  ce  mot  la  boîte  ofieufe  qui 
renferme  le  cerveau  des  animaux ,  le  cervelet  &  la  moelle  alongée  : 
c*ef]:  notamment  cette  partie  fupérieure  qui  leur  fert  de  heaume,  f^oy» 
les  mots  Homme  ,  Cerveau  ,  &  r article  Squelette  à  la  fuits  du 
mot  Os. 

CRAPAUD ,  bufo,  Efpece  particulière  d'animal  à  quatre  pattes , 
du  genre  &  de  la  famille  des  grenouilles  ;  cependant  différent  en  ce 
qu'il  fe  traîne  par  terre ,  &  que  la  grenouille  faute.  Voye^  au  mot 
Grenouille  les  autres  caractères  par  lefquels  il  en  dtffcre  encore. 

Le  crapaud  efl:  gros  environ  comme  le  poing  ,  laid ,  hideux  :  il  a 
la  tête  un  peu  groffe  ;  les  yeux  faillans  &  pleinf  de  feu  j  la  gueule 
grande  ;  les  gencives  fortes  ,  non  dentées  ,  mais  raboteufes ,  &  qui 
ne  lâchent  pas  prife  aifément  ;  les  pieds  de  devant  courts  ,  terminés 
chacun  par  une  main  fendue  à  quatre  doigts  à-peu-près  égaux ,  & 
ceux  de  derrière  garnis  de  fix  doigts  liés  enfemble  par  une  membrane; 
le  dos  large  &  plat  ;  le  ventre  enflé  &  tacheté  ;  la  gorge  pâle-jau- 
nâtre ,  &  plus  ou  moins  changeante  ;  la  peau  épaifife ,  difficile  à 
percer  ,  grife-brunâtre ,  hérilïee  de  verrues  ou  de  taches  noirâtres  8c 
livides ,  qui  femblent  autant  de  puftules.  Le  crapaud  s'accouple  comme 
les  grenouilles  ,  c'eft-à-dire  que  le  mâle  monté  fur  le  dos  de  la  femelle  , 
Tembraffe  avec  fes  pattes  de  devant. 

Parmi  les  crapauds  il  y  en  a  d'aquatiques  ,  rana  palujlris  venenata  ; 
&  de  terreftres  ,  bufo  rubeta.  Ceux-ci  font  plus  grands.  On  divife 
encore  ces  derniers  en  grande  &  petite  efpece  ;  &  quoique  nés  dans 
l'eau  ,  ils  n'y  paffent  que  les  premiers  jours  de  leur  vie.  C'eft  dans 
les  crapauds  terreftres  de  la  petite  efpece  ,  que  le  hafard  ^  auteut 
Tome  11^  C  c  c 


3"8(5-  C  R  À 

de  prefque  toutes  les  découvertes,  a  fourni  à  M.  Demours  roccafîon 
d'examiner  l'accouplement  de  ces  animaux  ,  &  d'obferver  deux  faits 
finguliers  qui  regardent  l'accouchement  de  la  femelle.  Le  premier  efV 
la  difficulté  extrême ,  pour  ne  pas  dire  l'impoffibilité  ,  qu'éprouve  la 
femelle  à  faire  fortir  fes  œufs  de  fon  corps  fans  un  fecours  étranger. 
Le  fécond  eft  que  le  mâle  travaille  de  toute  fa  force  &  avec  les  pattes 
de  derrière  ,  à  lui  arracher  fes  œufs.  Voici  la  mécanique  de  cet 
accouchement ,  où  M.  Demours  préfida.  C'eft  avec  les  doigts  de  fes 
pieds  que  le  mâle ,  qui  forme  une  efpece  d'équitation  ,  tire  les  œufs 
du  fondement  de  fa  femelle,  parce  que  le  réceptacle  en  eft  près  la 
partie  inférieure  du  reclum.  Ces  œufs  forment  une  efpece  de  chapelet, 
&  font  ren^rmés  chacun  dans  une  coque  membraneufe  qui  contient 
l'embryon*  La  tâche  de  la  femelle  eft  de  faire  fortir  le  premier  œuf; 
alors  J£^mâle  commence  à  exercer  fa  fondion  d'Accoucheur  ou  de  Ma- 
trone^, &  il  s'en  acquitte  avec  une  adreffe  qu'on  ne  foupçonneroit 
pas  d'un  animal  qui  paroît  fi  engourdi.  Ce  mâle  paffe  entre  deux 
doigts ,  tantôt  du  pied  gauche  de  derrière ,  tantôt  du  pied  droit ,  le 
cordon  du  chapelet i  &  en  alongeant  fa  patte  vis-à-vis  le  fondement 
de  fa  femelle  ,  qui  demeure  alors  immobile  ,  il  continue  fon  ouvrage 
avec  vigueur  ,  &  toujours  avec  de  nouveaux  fuccès  ,  puifqu'à  chaque 
effort  ou  reprife  il  fait  fortir  autant  d'œufs.  Il  ne  quitte  point  l'ou- 
vrage que  l'accouchelnent  ne  foit  entièrement  fini.  Nous  le  répétons, 
fans  ce  bon  office  ,  la  femelle  périroit  en  travail. 

Le  crapaud  paroît  entrer  en  colère  pour  peu  qu'on  le  touche  :  alors 
il  femble  gonfler  fa  peau  comme  un  ballon ,    &    réfifter   aux  coups- 
qu'on  lui  porte  ,  tant  il  a  la  vie  dure.  Il  lâche  difficilement  ce  qu'il 
a  une  fois  faifi   entre  fes  mâchoires  ,  à  moins  qu'on  ne  l'expofe  aux 
rayons  du  foleil   qu'il  ne  peut  fouffrir.  Cet  animal  marche  lentement  ^ 
parce  qu'il  a  le  ventre  gros  ,  le  corps  lourd  &    les    pattes  courtes 
Quand  il  fe  fent  preffé ,    il  lance  par  derrière  au  vifage  de  celui  qui 
le  pourfuit ,  une  liqueur  limpide   qui  pafle  pour  être   plus  ou  moins 
venimeufe  ,    &   qu'on    prend  improprement  pour   fon    urine.    Cette 
liqueur  virulente  &  fluide  eft  contenue  dans  une  bourfe  particulière  ^ 
analogue   à  la  veftie.    Leur   bave  eft  également  plus  ou   moins  veri- 
meufe  :  il  eft  arrivé  fouvent  que  des  champignons  ,  des  falades  èc  des 
fruits  ont  caufé   des   indigeftions  nauféabondes  ,   qui  n'avoient  point 
d'autre  caufe  que  la  virulence  de  ces  animaux,  Ces  exemples  fuffifent 


CRA  387 

pour  blâmer  rindlfcrétion  de  ceux  qui  mangent  des  herbes  ou  des 
fruits  nouvellement  cueillis  à  terre ,  fans  les  laver  auparavant.  M. 
HalUr  dit  qu'il  y  a  des  efpeces  de  crapauds  qui  rendent  une  liqueur 
laiteufe  par  les  verrues  de  leur  dos  ,  &  qu'il  n'y  a  pas  de  poifon  dans 
ce  lait.  l^'S,  crapauds  des  pays  chauds  font  les  plus  dangereux  :  on 
en  trouve  en  Italie  près  d'Aquapendente  qui  font  gros  comme  la 
tête  d^un  homme,  &  qui,  dit-on,  portent  quelquefois  leurs  petits 
fur  leur  dos.  On  lit  dans  les  Secrets  &  Remèdes  ,  par  M.  l'Abbé 
Roiiffeau  ,  ci-devant  Capucin  ,  &  foi-difant  Médecin  de  Louis  XIV  , 
une  expérience  fur  le  crapaud  ,  d'après  Vanhtlmont.  Si  l'on  met  , 
dit-il ,  un  crapaud  dans  un  vafe  aflez  profond  pour  qu'il  n'en  puifle 
fortir  ,  &  qu'on  le  regarde  fixement  pendant  qu'il  vous  regarde  aufli , 
en  peu  de  temps  l'animal  tombe  mort.  Vanhelmont  attribue  cet  effet 
à  une  idée  de  peur  que  cet  animal  conçoit  à  la  vue  de  l'homme* 
M.  l'Abbé  Roiijfeau  dit  avoir  répété  quatre  fois  en  Egypte  "cette  ex- 
périence ,  &  avoir  reconnu  que  Vanhelmont  avoit  xiit  la  vérité.  Il 
«iflure  avoir  paffé  pour  un  Saint  devant  un  Turc ,  puifqu'il  avoit 
tué  de  fa  vue  un  animal  auilî  horrible  :  mais  qu'ayant  voulu  faire 
cette  même  expérience  en  fon  paffage  à  Lyon ,  en  revenant  des 
Pays  Orientaux  5  le  crapaud  n'en  mourut  point  ,_^&  il  aîfure  avoir 
manqué  d'en  mourir  lui-même.  L'animal  ne  pouvant  fortir  de  fon 
vale  ,  s'agita  ,  s'enfla  extraordinairement  ,  sxleva  fur  fes  quatre 
pattes  5  fouffla  fans  remuer  de  place  ,  regarda  fixement  M.  l'Abbé 
Roufjeau  ;  les  yeux  de  l'anim.al  parurent  rouges  ,  très-enfiammés  ,  5c 
à  l'inftant  il  prit  une  foibleffe  univerfelle  à  notre  Obfervateur  , 
qui  alla  jufqu'à  l'évanouiffement  accompagné  de  fueurs  froides  & 
d'un  relâchement  par  les  felles  &  les  urines  :  pour  fe  guérir  il  fit 
long -temps  ufage  de  la  thériaque  &  de  la  poudre  de  vipères.  Ne 
pourroit-on  pas  dire  ici  qu'un  tel  effet  étoit  produit  par  une  idée 
de  peur  &  de  préjugé  que  notre  Obfervateur  avoit  conçue  à  la  vue 
du  crapaud  ? 

Le  crapaud  habite  pour  l'ordinaire  dans  des  fofles,  des  cavernes  , 
des  fumiers  ,  des  décombres  ,  dans  des  haies  ,  fous  des  tas  de  pierres, 
aux  lieux  ombrageux  ,  humides  ,  folitaires  &  puants.  On  a  trouvé 
de  ces  animaux  renfermés  dans  des  troncs  d'arbres  ,  &  même  dans 
des  blocs  de  pierre  ,  où  ils  dévoient  avoir  pafle  nombre  d'années 
iaiiS  autre    aliipent  que  l'eau  qui  pouvoit  fuinter  à  travers  le  bois  ou 

C  c  c  2 


3  88  C   R   A 

la  pierre.  Il  fe  cache  pendant  le  jour ,  à  moins  que  la  pluie  ne  Tinvîte 
à  fortir.  Il  eft  vorace  &  fe  nourrit,  comme  les  grenouilles,  d'infedes, 
de  mouches,  de  vers,  de  fcarabées,  de  petits  limaçons,  de  fauge, 
de  ciguë  &  de  camomille  puante. 

Le  crapaud  eft  du  nombre  des  animaux  qui  n'ont  qu'un  ventricule 
au  cœur. 

On  aflTure  que  les  fymptômes  que  caufe  le  venin  de  cet  animal  , 
font  la  couleur  jaune  ce  la  peau  ,  l'enflure ,  la  difficulté  de  refpirer  , 
rengourdifTem.ent ,  le  vertige  ,  les  convuliions,  la  défaillance,  les 
fueurs  froides  &  là»  mort.  Les  émétiques  ,  les  lavemens  &  la  théria- 
que  en  font  les  antidotes. 

Outre  le  crapaud  terreftre  ou  commun  dont  nous  avons  parlé , 
il  y  a  le  crapaud  a  eau  qui  n'eft  pas  moins  horrible  que  le  précédent, 
&  qui  habite  dans  les  lieux  rempHs  d'eaux  croupies  :  on  le  dit  moins 
venimeux.  Avant  fon  état  de  perfedion  il  paffe  à  celui  de  têtard^ 
comme  la  greneuille.  Son  cri  eft  femblable  au  chant  du  coucou  :  s'ils 
croaflent  plufieurs  enfemble  ,  l'on  croiroit  entendre  une  meute  de 
chiens  courans  qui  font  à  la  chalïè.  On  regarde  le  crapaud  réduit 
en  poudre  ,   comme  un  grand  fudorifique  &  diurétique. 

On  prépare  avec  les  crapauds  vivans ,  une  huile  par  infufion  & 
décoélion.  Cette  huile  eft  anodine  &  déterfive.  Les  crapauds  entrent 
aufli  dans  le  baume  tranquille.  M.  Adanfon  dit  que  quand  les  Nè- 
gres d'Afrique  font  incommodés  des  migraines  ,  ou  que  l'ardeur  du 
foleil  leur  fait  mal  à  la  tête,  ils  fe  frottent  le  front  avec  à^s  crapauds 
vivans  ;  ce  qui  les  foulage  merveilleufement. 

On  trouve  dans  le  Bréfil  un  crapaud  nommé  aquaqua  ,  dont  la 
peau  eft  d'un  rouge  clair-grenelé,  qui  la  fait  paroître  comme  toute  cou- 
verte de  perles.  Sa  tête  eft  prefque  triangulaire  comme  un  bonnet 
de  Prêtre ,  ornée  de  franges  pointues  ,  2i.  à-peu-près  femblable  à 
la  mitre  d'un  Evêque.  Ses  yeux  font  pleins  de  feu  ;  fa  peau  eft  a'un 
brun  rouge;  (es  pieds  font  perlés  &  [es  ongles  crénelés.  Le  crapaud 
de  Virginie  n'eft  pas  moins  remarquable;  il  eft  monftrueux,  cornu 
&  épineux ,  &  il  a  les  pieds  frangés.  On  y  trouve  aufli  le  crapaud 
acéphale  qui  eft  dangereux.  Sa  tète  eft  prefque  confondue  avec  fon 
corps. 

Ceux  de  la  Côte  d'Or  &  de  Surinam  font  d'une  grcfleur  monf- 
liueiife  ;  celui  qui  eft  appelle  par  les  Américains,  pipai   ou  curwu^ 


.A-_ 


C  R  A  s^P 

eft  Fort  célèbre  chez  quelques  Naturaliftes  ",  en  ce  que  fa  femelle 
procrée  fes  petits  dans  fa  propre  peau  &  fur  le  dos;  exemple  qui, 
s'il  exifte,  eft  prefque  contraire  au  cours  de  la  nature.  Elle  porte 
fur  le  dos  des  efpeces  d'yeux  qui  font  autant  d'oeufs  couverts  de  leur 
coque  ;  ces  œufs  font  enfoncés  profondément  dans  la  peau  ,  &  recou- 
verts d'une  croûte  membraneufe  d'un  roux  jaunâtre  &  luifant;  l'in- 
tervalle de  chaque  œuf  eft  rempli  de  petites  puftulcs  qui  reifemblent 
à  des  perles.  La  difficulté  eft  de  concevoir  comment  l'incubation  fe 
fciit  en  cet  endroit ,  &  comment  l'humeur  prolifique  du  mâle  peut 
percer  les  dos  offeux  de  fa  femelle  pour  la  féconder  ;  ce  fait  eft  digne 
d'admiration  ,  &  tout-à-fait  extraordinaire.  Les  Nègres  de  l'Amérique 
font  leurs  délices  des  cuifles  du  pipai  mâle.  Sa  bd^ve  &  fon  efpece 
d'urine  caufent  des  inflammations  fuivies  de  fâcheux  accidens  ,  ainfi 
que  fon  fang  ,  fa  graillé  &  fon  fiel  ,  pris  intérieurement.  Des  malheu- 
reux empoifonnent  dans  le  pays  avec  la  poudre  de  cette  efpece  de 
crapaud  qui  eft  une  fois  auffi  gros  que  les  crapauds  de  ce  pays -cl. 
Cet  animal  a  aux  deux  côtés  de  la  tête  des  excroiflances  femblables 
à  de  groupes  verrues. 

Le  crapaud  des  Antilles  n'eft  proprem.ent  qu*une  très-groftè  gre- 
nouille grife  ,  mouchetée ,  ayant  la  peau  fine  :  elle  fe  tient  ordinai- 
rement dans  les  coftieres  fur  le  penchant  des  montagnes,  &  quelquefois 
au  bord  des  petits  ruilfeaux.  Sa  chair  eft  blanche  &  délicate.  On 
la  prépare  en  fricaftee  de  poulet,  &  deux  de  ces  grenouilles  fuffifent 
pour  former  un  bon  plat. 

Tous  les  crapauds  différent  entr'eux  par  leur  grandeur  &  par  la 
diuérence  de  leurs  couleurs ,  qui  varie  encore  fuivans  les  différens 
jours  Les  crapauds  différent  aufii  par  la  forme  de  leurs  pieds  ,  par 
la  grolfeur  de  leurs  yeux  &  la  durée  de  leur  vie  ,  par  la  vîtefie  de 
leur  marche,  par  la  difi^érence  des  lieux  où  ils  repairent ,  &  par 
l'abonclance  &c  la  torce  virulente  de  leur  liqueur.  Le  plus  dangereux 
eft  le  crapaud  radier  ;  au  rcfte  ils  font  tous  nuiiibles  aux  fondemens 
des  a:iciens  mûrs  :  ils  y  font  des  trous  à  la  manière  des  taupes  , 
notamment  dans  les  étables,  dans  les  caves  &  les  celliers  :  ils  ravagent 
aufli  les  frriiiicrs  dans  les  jardins.  Les  Jardiniers  les  chafl'ent  de  leurs 
jar.  ins ,  en  y  brûlant  du  vieux  cuir.  Ces  animaux  ont  la  vie  fort 
dure.   Voyez  à  l'article  Animal» 

CRAPAUD.  Nom  donné  à  un  arbre  qui  croît  dans  les  Antilles  ^ 


5po  C  R  A 

principalement  à  la  Grenade.  Son  bois  efl:  rouge,  dur,  très-pefant, 
d'un  fil  mêlé  &  difficile  à  travailler.  M.  U  Romain  dit  qu'on  en  fait 
des  planches  de  douze  à  quatorze  pouces  de  large  ,  qui  ne  font  bonnes 
qu'employées  à  couvert  ;  elles  font  fujettes  à  fe  fendre  inégalement , 
fur-tout  lorfqu'on  les  veut  percer  à  la  vrille  ,  ou  qu'on  y  enfonce 
des  clous  ou  des  chevilles. 

CRAPAUD  DE  MER.  Nom  donné  par  quelques-uns  à  une  efpecc 
de  petit  poijjon  armé.  Voyez  ce  mot, 

CRAPAUD  VOLANT.  Foye^  Tette-cpievre. 

CRz\PAUDINE  ,  hïifonïus.  Ceft  une  dent  de  poiflon  pétrifiée  : 
on  l'a  nom.mée  crapaudine  ,  parce  qu'on  croyoit  qu'elle  tiroit  fon 
origine  du  crapaud.  Une  étude  plus  exacte  de  la  Nature  a  appris 
que  c'eft  une  vraie  dent  molaire  de  dorade  ,  ou  d'un  poifTon  du 
Bréfil  ,  nommé  k  grondeur  :  on  en  tire  la  preuve  de  l'analogie  de  la 
forna©*''  Toute  la  furface  intérieure  des  deux  mâchoires  du  grondeur, 
eu,  comme  parée  de  tubercules  inégaux  pofés  les  uns  à  côté  des  au- 
tres ,  &  qui  font  autant  de  dents  ;  les  plus  groffes  font  placées  dans 
le  milieu  d'un  bout  à  l'autre,  &  les  plus  petites  fur  les  côtés;  elles 
font  convexes  en  defTus ,  concaves  en  deffous  ,  &  minces.  Lorfqu'elles 
font  pétrifiées,  ou  fofiiles  ,  on  donne  aux  plus  groffes  le  nom  de 
crapaudincs  ,  &:  aux  plus  petites  celui  à'yeux  de  fcrpcns,  Vo)'ez  Us 
Mémoires   dç.  V Académie   des  Sciences ,,    année  1723. 

Les  crapaudines  font  lifTes  en  dehors  ;  on  en  voit  d'arrondies  ,  la 
plupart  font  hémifphériques  ;  il  y  en  a  aufîî  d'oblongues.  Les  deux 
premières  refTemblent  à  de  petites  calotes  ,  qui  ont  environ  cinq  à 
fix  lignes  de  diamètre  ;  les  autres  font  alongées  comme  une  petite 
auge  en  deffous  ^  voûtées  en  deffus  ;  elles  ont  quelquefois  un  pouce 
de  longueur  fur  quatre  lignes  de  largeur.  Au  refle  leur  grandeur 
varie  de  même  que  leurs  couleurs.  Il  y  en  a  de  giifes ,  de  rouffes  , 
de  brunes,  de  blanches,  de  noires,  de  verdâtres  ;  quelques-unes  ont 
des  taches  centrales  ,  &  fotit  cerclées  de  plufieurs  zones  de  différentes 
couleurs  comme  l'onix  :  c'efl  la  refî'emblance  de  ces  pierres  avec  la 
prunelle  d'un  œil  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  ^yeux  de  Jerpens. 
On  trouve  beaucoup  de  ces  foffiles  dans  l'île  de  Minorque  &  ailleurs. 
La  crapaudine  étoit  autrefois  portée  en  am^ulette  ;  mais  depuis  long-r 
temps  on  n'ajoute  plus  de  foi  à  ces  prétendues  vertus. 

(CRAPAUDINE  ,  Jldcrlds,  Plantç  qui  a'oît  fréquemment  aux  lieux 


C  R  A  5P  ï 

arides ,  montagneux ,  fablonneux  ,  &  dans  les  champs  incultes.  Sa 
racine  eft  ligneufe  &  vivace  ;  elle  poulTe  plufieurs  tiges  longues  d'un 
à  deux  pieds ,  carrées  ,  velues  ,  jaunâtres ,  &  communément  cou- 
chées par  terre  ;  fes  feuilles  font  oppofées  le  long  des  branches  ,  Se 
refTemblent  à  celles  de  la  fauge  ;  fes  fleurs  font  en  gueule  ,  verti- 
cillées  ,  &  maculées  comme  la  peau  du  crapaud  ,  d'où  vient  fon 
nom.  Ces  fleurs  éclofent  depuis  Juin  jufqu'en  automne  :  il  leur 
fuccede  quatre  femences  oblongues  ,  noirâtres  ,  renfermées  dans  une 
capfule  qui  a  fervi  de  calice  à  la  fleur.  Cette  plante  a  une  odeur 
puante  approchant  de  celle  de  Vortie   morte.   Voyez  ce  mot. 

Cette  plante  eft  vulnéraire  ,  propre  pour  les  hernies  appliquée 
en  cataplafme  ,  &  pour  arrêter  les  fleurs  blanches  ,  étant  prife  en 
décodion.  Les  Allemands  s'en  fervent  communément  dans  les  bains 
deftinés  à  ouvrir  les  pores  de  la  peau  :  on  remarque  même  que 
l'eau  du  bain  faite  avec  fa  décodion ,  devient  toute  trouble  &  géla- 
tineufe  après  qu'on  en  eft  forti  ,  tant  elle  eft  chargée  de  crafles 
qui  fermoient  Tifllie  a  la  tranfpiration.  On  prétend  que  les  Juifs 
ont  été  les  premiers  qui  ont  mis  cette  plante  en  ufage  dans  la  Me-: 
decine.  .  , 

CRAVAN  ou  Crabran,  Oifeau  aquatique  ,  autrement  nommé 
Oie   nonette.    Voyer^  u  mot. 

CRAUPÊCHEROT  ou  CORBEAU  PÊCHEUR.  Nom  fous  lequel 
on  connoît  en  Bourgogne   le  balbuzard.  Voyez  ce  mot, 

CRAYE.  Voyei  Craie. 

CRAYON.  Nom  générique  ,  par  lequel  on  défîgne  plufieurs 
fubftances  terreufes  ,  pierreufes ,  minérales,  colorées,  &  dont  on 
fe  fert  pour  tracer  des  lignes  ,  defliiner ,  peindre  au  paftel.  Telles 
font  la  craie,  Icifanguine,  la  molybdène,  la  pierre  noire,  \qs  ochres  : 
voyez  ces  mots.  On  taille  &  on  donne  une  forme  à  ces  matières 
propres  à  les  mettre  dans  un  porte  -  crayon» 

CRAYON  NOIR  ou  Min£  de  Plomb  des  Peintres.  Foyc^^  à 
la  fuite  des  mots  Talc  &  Molybdène. 

CRAYON  NOIR  ou  Pierre  noire,  ampelltls  aut pnigius.  C'eft 
une  pierre  comme  fchifteufe  ,  noire  ,  tendre  ,  friable  ,  dont  les 
Charpentiers  &  les  Deflînateurs  fe  fervent  pour  tracer  des  lignes; 
Du  temps  de  Diofcoride  on  ne  rencontrok  cette  pierre  qu^aux  envi- 
virons  de  Seleuche    en    Sourie  ;    mais    aujourd'hui  on.   en   tro-uve 


^5>2  C  R  A 

abondamment  à  la  Ferrlere-Bechet,entreSéez  Se  Alençon  en  Normandie, 
où  nous  avons  obrervé  qu'elle  eft  entremêlée  de  pyrites  qui  la  vitrio- 
lifent.  La  pierre  noire  a  une  faveur  acre,  ftyptique,  &  une  odeur 
bitumineufe  ;  elle  fe  décompofe  facilement  à  l'air ,  à  la  manière  des 
pyrites  fulfureufes  ;  alors  elle  produit  du  vitriol  martial ,  &  peut 
noircir  la  teinture  de  galle  :  expofée  au  feu  ,  elle  brûle  un  peu  ,  & 
l'on  voit  fa  couleur  noire  fe  changer  en  rouge  ;  quelquefois  cette 
pierre  contient  de  l'alun  ,  ou  a  la  propriété  de  faire  effervefcence 
avec  les  acides  ;  cette  dernière  ,  par  la  vertu  de  fa  bafe  _,  convient 
Singulièrement  aux  engrais  des  terres  à  vignobles.  Il  y  a  même  un  pays 
en  Allemagne  (Eaccarach)  oii  les  habitans  amaffent  de  la  pierre  noire 
atramentaire ,  la  mettent  en  tas  ,  &  la  laiffent  décompofer  jufqu'à 
ce  qu'elle  foit  réduite  en  une  efpece  d'argile  ;  ils  la  difperfent  enfuite 
en  manière  de  fumier  fur  la  terre  à  vigne  qu'ils  veulent  fertilifer  ;  & 
par  cette  opération  ils  font  périr  les  vers  qui  montent  aux  farmens  , 
améliorent  le  fol  ;  &  le  fruit  de  la  vigne  prend  alors  un  goût  d'ardoife, 
tel  qu'on  le  remarque  dans  le  vin  de  la  Mofelle.  On  trouve  encore 
deux  carrierres  de  cette  pierre  noire  en  Veftphalie  ,  dans  l'Évéché 
d'Ofnabruck  près  d'Effen.  On  en  tranfporte  une  grande  quantité  en 
Hollande,  (feroit-ce  pour  y  contre-faire  l'encre  de  la  Chine?)  Il 
palTe  près  de  ces  carrières  une  rivière  dont  quelquefois  les  eaux  font 
entièrement  noires.  Voyez  Bruckmann  ,  Epijlol.  itiner.  centur.  III, 
epïjl.  ïj.  On  fe  fert  encore  en  quelques  pays  de  cette  pierre  pour 
teindre  les  cheveux  en  noir  &  les  fourcils.  On  en  fait  aufli  des 
"*N  dépilatoires.   On  nomme  encore  cette  pierre  urrc  à  vigne   &  ampéliu. 

Elle  fe  diflbut  dans  Fhuile  après  avoir  été  broyée. 

CRAYON  ROUGE  ou  SANGUINE  DES  PEINTRES,  rubrica. 
C'eft  une  terre  endurcie  ,  ou  une  pierre  friable ,  d'un  rou^e  plus  ou 
moins  foncé ,  facile  à  tailler  en  crayons  pour  l'ufage  des  Defllna- 
teurs  ;  on  nous  l'envoie  de  Cappadoce  ,  d'Angleterre  &  de  Saxe. 

L'on  n'eft  pas  encore  certain  de  l'origine  de  cette  pierre  :  on  croit 
que  c'eft  une  efpece  ^ochrc  de,  fer  précipitée  dans  une  terre  argileufe^ 
ou  une  ftéatite  tendre  ,  mêlée  à  une  hématite  décompofée.  Le  crayon 
rouge  pulvérifé  avec  l'eau ,  forme  une  mafle  qu'on  peut  pétrir  ;  fî 
on  l'expofe  en  cet  état  à  un  degré  de  feu  affez  fort  &  gradué,  il  fe 
durcira  au  point  de  recevoir  le  pÔli ,   &  de   dçnner   des   étincelles 

avec  le  briquet. 

CRÈME. 


C  R  Ê  3  9  i 

CRÈME.  Dans  l'économie  ruflique  '  on  donne  ce  nom  à  la  parti» 
la  plus    délicate  &  la  plus  grafle  du  lait.  Foye^  à  tanick  Lait. 
.     CRÈME  DE  TARTRE.  Foyei  à  Vankk  Tartre. 

CRÉOLE,    On  donne  ce  nom  à  toute  perfonne  nie  à  TAmériquei 
Voyc^^  à  Vanïck  Homme, 

CRÉPUSCULE.  C'eft  cette  lumière  qui  diminue   par  degrés  in- 
fenfibles ,  depuis  la  pointe  du  jour  jufqu'au  lever  du  foleil,  &  depuis 
le  coucher  du  foleil  jufqu'à  la  nuit  fermée.     Cependant  on   donne 
vulgairement  le  nom  ^aurore  à  la  lumière  qui    précède  le    lever  du 
(bleil ,   &  celui  de  crépufcuU  à  celle  qui  fuit  fon  coucher.  On  fuppofe 
ordinairement  que  le  crépufcule  commence  &  finit  quand  le  foleil  eft 
à  dix-huit  degrés  au-deffous  de  l'horizon.   Il   dure   plus  long -temps 
dans  les  folftices  que  dans  les  équinoxes ,  &  dans  la  fphere   oblique 
que  dans  la  fphere  droite.  Peut-on  réfléchir  fans  admiration  à  cet  effet 
merveilleux  produit  par   l'atmofphere  ,   dans  lequel  fe  réfradent    les 
rayons  de  lumière  ,  &  par  le  moyen  duquel  nous  paffons  de  la  nuit 
au  jour ,    &  du  jour  à  la  nuit  par  degrés    infenfibles  ?  Que  d'avan- 
tages n'en  réfulte-t-il  pas  ?    Le  commencement    du  crépufcule    arrive 
lorfque    les  étoiles    de    la   fixieme   grandeur  difparoiffent  le   matin  ; 
mais  il  finit  quand   elles  commencent  à paroître  furie  foir,  la  lumière 
du  foleil  dont  l'air  eft  pénétré,  étant  le  feul  obftacle  qui  les  empêchoit 
de  paroître.   Les  crépufcules  d'hiver  font  moins  longs  que  ceux  d'été, 
parce  qu'en  hiver   l'air  ,   étant  plus  condenfé ,   doit   avoir  moins  de 
hauteur  ,   &  par  conféquent  les  crépufcules  finiffent   plutôt  ;    c'eft  le 
contraire  en  été.   Ajoutons  à  cette  caufe  ,  qu'en  hiver  le  foleil  arrive 
plutôt  à  dix-huit  degrés  fous  l'horizon  qu'en    été.    De  plus ,    les  cré- 
pufcules du  matin   font  plus  courts  que  ceux  du  foir  :  car    l'air  eft 
plus  denfe  &  plus  bas  le  matin  que    le  foir  ,   parce  que  la  chaleur 
du  jour  le  dilate  &    le  raréfie  ,    &    par   conféquent   augmente    fon 
volume   &   fa  hauteur.     Cet   effet   fuit  néceffairement  ,    puifque  la 
réfraâion  de  la  lumière  eft  proportionnelle  au  volume  &  à  la  hauteur 
du  milieu  dans  lequel  elle  fe  fait. 

CRESSERELLE.    Voye^  Quercerelle. 
CRESSON   ALENOIS.    Voyez  Cnpn  des  jardins. 
=  CRESSON  DORÉ  ou   de  ROCHE.   Voyez  Saxifrage  dorée. 
CRESSON  DE  FONTAINE.,  naflunium  aquaticum.  Plante  aqua^ 
tique,  crucifère  &  qu'on  nomme  au flî  crc£on  de   ruijfeau  ou  d\au  ^ 
Tomu  lU  D  d  d 


55)4  C  R  E 

parce  qu'elle  croit  dans  les  marais  &  les  niifTeaux.  EHe  a  une  racine 
blanche ,  filamenteufe  ;    (es  tiges   font  longues   d'environ  un  pied  , 
grofles  5  courbées ,  creufes ,  cannelées  ,   d'un  vert  tirant  fur  le  rou- 
geâtre;  Tes  feuilles  font  fucculentes  ,  prefque  rondes  ,  toujours  vertes 
obfcures  ,  rangées  plufieurs  fur  un  côté  ,  comme  empennées ,    odo- 
rantes ,  &  d'un  goût  piquant  &  agréable  î    fes   fleurs   font   petites  ,, 
blanches ,  compofées  chacune  de  quatre    feuilles  difpofces  en  croix  ^ 
avec  plufieurs  étamines  à  fommets  jaunes  ;  elles  naiiTent  aux  fommités 
des  tiges  &  des  branches  :  leurs  épis  font  fort  courts  quand  îa  planta 
eft  jeune ,  ils  s'étendent  dans  la  fuite  :  il  leur  fuccede  des  filiques  un. 
peu  courbées,   qui  fe  divifent  en    deux  loges  ,   remplies  de  petites 
femences  arrondies ,  &  acres  au  goût. 

Cette  plante  fleurit  en  Juillet  &  en  Août  ;  elle  efl:  toujours  ver- 
dâtre  ,  aulîi  peut-on  en  ufer  dans  les  falades  pendant  toute  l'année. 
Celle  qu'on  nomme  cail/i  à  Rouen,  eft  un  creffon  cultivé,  fort  tendre, 
d'un  goût  exquis ,  &  préférable  à  tout  autre  ;  le  creiïbn  préfère  les 
ruiffeaux  dont  l'eau  eft  claire.  On  en  fait  avec  les  écrevilTes  d'excel- 
lens  bouillons  propres  à  purifier  la  mafte  du  fang  des  fcorbutiques. 
On  doit  cependant  obferver  de  ne  pas  employer  le  crefîbn  en  toutes 
circonftances  dans  le  fcorbut ,  mais  feulement  lorfque  (on  caradera 
eft  acide  ,  &  non  pas  lorfqu'il  y  a  apparence  de  gangrené  ou  de, 
diftblution  des  vaifTeaux  ,  &  de  putréfaâion.  Plufieurs  Praticiens 
lecomm^andent  l'ufage  du  lait  au  creffon  dans  les  maladies  de  îa  peau  , 
dans  les  embarras  des  reins  &  de  la  vefîie  :  il  eft  encore  recommandé 
dans  la  pthifie  &  les  maladies  chroniques  du  poumon.  Le  creflbn  ^ 
ainfi  que  la  femence  de  moutarde ,  le  cochléaria  ,  le  beccabunga  , 
&  toutes  les  plantes  crucifères,  contiennent  beaucoup  de  fel  volatil» 
Nous  le  répétons  ,  le  creflbn  d'eau  eft  une  des  plantes  antifcorbuti- 
ques  des  plus  adives  ,  elle  contient  un  efprit  alkali  volatil  afiez 
fenfible ,  qui  s'élève  dans  la  diftillation  à  un  très-léger  degré  de  feu  i 
c'eft  pourquoi  les  Médecins  inftruits  ne  doivent  point  le  prcfcrire 
en  forme  de  décoétion  ;  auflî  en  ordonne -t  on  le  fuc  à  la  dofe  de 
trois  à  c^uatre  onces.  On  peut  exprimer  ce  fuc  commodément  de  la 
plante  fraîche  dans  tous  les  temps  de  l'année  ;  &  quand  on  veut  faire 
entrer  cette  plante  dans  les  bouillons  ,  il  faut  néc*.fiairement  ou  fe 
contenter  de  l'mfufion  de  la  planta  au  bain-marie  ,  &  dans  des 
vaifTeaux  3  foit  de  terre ,  foit  d'étain^  foit  de  verre ,  exadement  fermés  j^ 


CRE  5P; 

eu  en  introduire  le  fuc  dans  le  bouillon  à  demi-refroidi.  On  fait  avec 
lefucdu  creflbn  ^le  miel  crud ,  ou  encore  mieux  avec  le  miel  rofat, 
un  gargarifme  très-fpécifîque  pour  toutes  les  efpeces  d'efquinancies , 
Se  pour  les  ulcères  de  la  gorge  ,  du  palais  &  la  langue.  M.  Bour- 
geois aflure  s'en  être  fervi  av,ec  le  plus  grand  fuccès  dans  les  efquinancies 
ibit  pituiteufes  ,  foit  accompagnées  d'ulcères  gangreneux.  On  prépare 
dans  les  boutiques  une  eau  diftillée  ,  un  firop  &  un  extrait  de  creflbn; 
un  vin  pour  les  gencives  :  on  préparoit  aulîî  un  fel  lixiviel ,  lorfqu'on 
n'avoit  pas  encore  découvert  que  ces  fortes  de  fels  ne  retenoient  rien 
des  vertus  particulières  des  plantes  dont  ils  avoient  été  tirés.  Il  faut 
cependant  convenir  que  le  fel  alkali  que  l'on  tire  du  creflbn  par  la 
combufl:ion   efl:  foulé  d'acide. 

Le  creflbn  d'eau  mangé  crud  avec  les  volailles  &  fous  quelqu'autres 
viandes  rôties ,  en  efl:  un  aflaifonnement  très-falutaire ,  il  excite  l'appétit  : 
il  produit  les  mêmes  bons  efl^ets  mangé  en  falade  ,  foit  feul  ,  foit 
avec  quelques  autres  herbes  ,  dont  il  corrige  la  crudité.  Son  ufage 
diététique  efl:  fort  analogue  à  celui  de  la  moutarde.  C'eft:  un  fuccédané 
du  cochléaria. 

CRESSON  DES  JARDINS  ou  Cresson  Alenois  ,  ou  Nasitor, 
najlurt'ium  hortenfe.  On  cultive  ce  creflbn  dans  les  jardins  ,  pour  l'em- 
ployer, au  défaut  du  précédent,  dans  les  falades.  Sa  tige  rameufè 
eflr  couverte  d'une  efpece  de  poufliere  bleuâtre  j  fes  feuilles  font 
oblongues  ,  très  -  découpées  &  acres  ;  fes  fleurs  font  en  croix,  de 
couleur  blanche  purpurine ,  auxquelles  fuccedent  de  petits  fruits  , 
lefquels  fe  partagent  en  deux  loges ,  qui  contiennent  chacune  une 
femence  acre  &  rougeâtre.  On  feme  ce  creflbn  au  printemps;  il 
fleurit  en  Mai  &  Juin  ;  &  refte  également  vert  dans  l'hiver  ;  fon 
ufage  efl:  familier  dans  nos  alimens;  mais  il  efl;  très-peu  employé  en 
Médecine. 

CRESSON  DES  PRÉS  ou  Cardamine  ou  Passerage  sauvage, 
najîunium  pratcnfe  fylvefire»  Les  feuilles  de  cette  plante  qui  croît  dans 
les  prés  &  autres  lieux  humides,  font  attachées  à  de  longues  qpeues, 
&  empennées  :  les  inférieures  font  arrondies  ;  celles  de  la  tige  font 
étroites.  Il  s'élève  de  leur  milieu  une  tige  haute  de  dix  pouces;  fea 
fleurs,  compofées  de  quatre  feuilles  en  croix,  font  blanches,  un  peu 
purpurines;  à  ces  fleurs  fuccedent  de  petites  filiques  divifées  en  deux 
log'ii ,  contenant  de  petites  femences  arrondies.  Sa  racine  eft  menue 

Ddd2 


5^^  CRE 

&  fibreufe  :  toutes  les  parties  de  cette  plante  (ont  apérltîves  &  antî- 
fcorbutiques. 

CRESSON  SAUVAGE  ou  Corne  de  Cerf  d'eau,  nafîunîum 
ycrrucarium.  Cette  efpece  de  crefTon  appellée  quelquefois  ambroifie  fuu' 
vagc  rampante  on  pied  de  corneille  de  Ruel ,  vient  le  long  des  chemins 
&  dans  les  endroits  humides  ;  fa  racine  eft  grofle,  &  poufTe  des  tiges 
rampantes  ;  Tes  feuilles  font  découpées,  reflemblantes  à  la  corne  de 
cerf  &  au  crefibn  ;  fes  fleurs  petites ,  également  difpofées  en  croix  ; 
fes  fruits  font  autant  de  verrues  ,  grofles  comme  un  petit  pois,  ren- 
fermant entre  deux  panneaux  des  femences  noirâtres ,  pareilles  à  peu 
près  à  un  pépin  de  raifin.  Ce  creffon  eft  en  vigueur  dans  tout  l'été  : 
on  le  confit  comme  le  pourpier  au  fel  ou  au  vinaigre,  pour  Tufagô 
de  la  falade  :  on  frotte  les  poireaux  des  mains  avec  la  feuille  de  cette 
plante  pour. les  faire  pafler. 

M.  Ualler  rapporte  que  Mademoifelle  Stephens  a  donné  de  la  répu- 
tation à  cette  plante,  en  la  faifant  entrer  dans  fon  remède  contre  la 
pierre. 

On  donne  le  nom  de  creflbn  d'Inde  à  la  capucine,  Voyei  ce  mot.  Il 
y  a  aufli  le  creflbn  à  feuilles  de  raifort  ^  le  creflbn  à  feuilles  laciniées, 
&  le  faux  creflbn  à  fleur  jaune.   ' 

CRÉTACÉ.  Se  dit  d'un  corps  qui  participe  de  la  craie.  Voye-^ 
ce  mot. 

A 

CRETE  DE  COQ,  crifla  galli.  C*ef!  une  efpece  de  plante  pédi- 
culaire  qu'on  diftingue  en  mâle  &  femelle;  mais  cette  diftindion,  dit 
M.  Deleuie,  porte  fur  des  dénominations  vulgaires,  &  ne  défigne  qus 
des  variétés.  Ce  genre  de  plante  que  M.  Linnceus  appelle  rhinanthus  , 
refîemble  beaucoup  à  celui  des  pédiculaires.  La  principale  difterenca 
tonfifte  en  ce  que  le  calice  n^a  que  quatre  pointes,  &  que  la  capfuk 
des  graines  efî:  obtufe.  La  première  efpece  de  crête  de  coq  poufle  des 
tiges  carrées ,  vides  &  hautes  d'un  pied  &  demi  ;  {t^  feuilles  naiflent 
fans  queue,  crénelées  de  manière  à  imiter  la  crête  du  coq;  fes  fleurs 
font  des  efpeces  de  tuyaux  jaunes  qui  fortent  de  l'aiflelle  des  feuilles; 
il  leur  fuccede  un  petit  fruit  membraneux ,  rempli  de  femences  oblon- 
gués  de  couleur  obfcure.  La  deuxième  efpece  n'en  diffère  que  par  la 
petitefle  de  toutes  fes  parties  :  l'une  &  l'autre  croiflent  dans  les  champs 
&  dans  les  prés«  On  prétend  que  les  animaux  qui  mangent  de  cette 
plante,  font  auflî-tôt  attaqués  d'une  grande  quantité  de  poux,  Oa 


GRE  5^7 

place  cependant  la  crête  de  coq  au  nombre  des  plantes  vulnéraires , 
&  on  la  dit  excellente  pour  guérir  les  fiftules. 

CRÊTE  DE  COQ.  On  donne  ce  nom  à  des  coquilles  bivalves,  dti 
genre  des  huîtres  ;  la  robe  efi:  ou  marron  clair  ou  violette  ,  granuleufe 
&  comme  chagrinée ,  de  forme  arrondie  ,  à  larges  plis  ,  difpofés  de 
manière  que  les  angles  faillans  d'une  valve  s'enclavent  dans  les  angles 
rentrans  de  l'autre.  La  charnière  efl  un  ligament.  On  donne  aufll  à 
ces  fortes  de  coquilles  le  nom  ^oràlU  de.  cochon» 

CREVETTE.  Voye^^  Chevrette. 

CRIARD.  Nom  que  les  Brafiliens  donnent  à  une  efpece  de  cor- 
neille ou  de  corbeau  du  pays,  &  dont  tout  le  plumage  eft  d'un  beau 
bleu  tendre. 

CRIN.  Foyti  Poil.  \      . 

CRIN  DE  MER.  Voye^  Gordiu?. 

CRINONS  ou  DRAGONNEAUX ,  comedoms  aut  crînones.  C'eft 
un  de  ces  animaux  gloutons  qui  affligent  l'humanité  :  ils  mangent  les 
allmens  que  les  enfans  ont  pris ,  &  ne  font  pas  plus  gros  que  des  che- 
veux ou  poils  courts  :  ce  font  de  petits  vers  capillaires  ou  filiformes 
qui  naiilent  de  préférence  fous  la  peau  des  enfans  maigres  &  délicats, 
&  leur  caufent  une  maladie  nommée  par  plufieurs  Auteurs  impropre- 
ment, morbiis  pïlaris ,  qui  efl  un  autre  genre  de  maladie.  Il  ne  faut 
pas  confondre  les  crinons  avec  les  cirons,  Foye:(^  ce  mot.  A  Taide  du 
microfcope  on  diflingue  ces  animaux  de  couleur  cendrée,  ayant  deux 
cornes,  les  yeux  ronds,  la  queue  longue,  fourchue  &  velue  par  les 
bouts  qui  font  relevés.  Ces  vers  font  horribles  à  voir.  Ils  occupent 
ordinairement  les  parties  mufculeufes  du  dos  ,  des  épaules ,  du  gras 
des  cuiffes,  de  la  jambe  &  du  bras,  fous  l'épiderme ,  &  caufent  une 
démangeaifon  continuelle  &  fâcheufe  qui  efl  très-fenfible ,  ainfi  que 
des  inquiétudes ,  des  cris  ,  des  infomnies  qui  maigriffent  les  enfans  & 
les  forrt  tomber  en  langueur,  quoiqu'ils  tettent  bien ,  qu'ils  mangent 
avec  appétit.  Cette  maladie  eft  fort  connue  dans  les  pays  chauds. 

Horftius,  lih.4,  obf.  3j  ,  foupçonne  avec  fondement  que  la  caufe 
ides  crinons  eft  le  défaut  de  tranfpiration  infennble;la  matière  retenue 
dans  les  pores  cutanés  s'altère,  s'échauffe  &  fait  éclore  les  œufs  de  ces 
petits  animaux.  Dans  ces  cas  on  met  renfant  dans  un  bain  où  on  îe 
frotte  avec  du  miel;  les  crinons  fortent  avec  la  fueur,  &  il  eft  facile 
de  les  racler  avec  une  croûte  de  pain  tranchante ,  îorfqu'iîs  montrent 


3p8  C  RT 

la  tête.  D'autres  mettent  l*enfant  jufquau  cou  datas  une  leffive  où  ilj 
ont  fait  bouillir  dans  un  fachet  de  la  fiente  de  poule ,  l'y  laiifent  fuer, 
&  excitent  les  crinons  à  fortir  avec  leurs  mains  enduites  de  miel  ;  ils 
les  raclent  enfuite  comme  nous  venons  de  le  dire  :  il  faut  continuer 
cette  opération  jufqu'à  ce  qu'on  ne  voie  plus  fortir  de  ces  infedes. 
Malgré  ces  remèdes ,  fi  les  dracuncules  ou  crinons  lont  trop  abon- 
jdans ,  ou  qu'ils  fe  régénèrent  trop  aifément ,  alors  il  faut  employer  la 
méthode  de  Timxus ,  qui  confifte  à  donner  intérieurement  de  la  tein- 
ture d'antimoine  ,  ou  de  la  poudre  de  vipère;  à  baigner  les  malades 
comme  il  eft  dit  ci-deflus,  &  les  laver  enfuite  avec  une  pinte  d'eau 
fi'abfinthe,  dans  laquelle  on  a  fait  diffoudre  deux  onces  d'aloès  hépa- 
tique. Le  remède^ que  les  femmes  Portugaifes  emploient  en  pareil  cas 
lî'eft  pas  moins  fpécifique  :  c'efi:  un  compote  de  miel ,  de  lait  &  de  fuie 
Àq  cheminée  ;  on  peut  auffi  fe  fervir  avec  fuccès  de  la  pommade  mer- 
curielle  dont  on  fait  ufage  contre  la  gale ,  pourvu  que  le  mercure  y 
entre  à  moindre  dofe. 

On  donne  improprement  le  nom  de  chiques  aux  dracuncules  qui 
attaquent  les  cnfans  de  la  Mifnie.  Foye'^  Chiques.  Amatus  Lufitanusy 
çur,  64,  unt.  7,  dit  avoir  vu  une  fubflance  en  forme  de  ver  de  trois 
coudées  de  longueur ,  tirée  peu  à  peu  pendant  plufieurs  jours  du  talon 
jd'un  jeune  Ethyopien,  qui  lui  caufoit  de  grandes  douleurs.  Le  fait 
^'étant  pa0e  à  ThefTaîonique  ,  il  vit  à  cette  occafion  un  Médecin 
Arabe  ,  qui  lui  dit  que  cette  maladie  étoit  fort  commune  &  très- 
.dangereufe  dans  l'Egypte,  dans  Tlnde  &  dans  tous  les  pays  voifins  : 
fille  eft  appellée  par  Avicmnc ,  vma  Médina  ;  &  par  Gaiun ,  dracnn^ 
culus.  Mais  il  n'y  a  pas  apparence  que  ce  foit  la  même  maladie  qui  efl 
défignée  fous  ces  noms  différens,  parce  que  la  veine  de  Médine,  telle 
que  l'obfervation  (^Amatus  en  donne  l'idée,  eft  autre  chofe  que  les 
dracuncules,  tels  ciuEimulier  les  décrit:  ceux-ci  font  très-courts  ref- 
pedivement,  ils  peuvent  être  tirés  par  morceaux  fans  conféquence; 
ceux-là  font  très-longs,  plus  folides;  &  fi  on  vient  à  les  rompre  en 
jes  tirant ,  il  s'enfuit  dc^  douleurs  beaucoup  plus  violentes  qu'aupa- 
ravant. 

Comme  le  ténia  n'eft  autre  chofe  qu'un  polype,  &  qu'il  fe  reproduit 
par  végétation ,  n'y  auroit-il  pas  lieu  de  croire  que  les  dragonneaux 
font  auffi  de  vrais  vers  polypeux  ,  puifque  les  portions  qui  reftent  fous 
les  tégumens  après  la  rupture  de  celles  (^ui  en  ont  été  tirées,  ne  font 


CRI  3^5 

pas  privées  de  mouvement,  &  font  auflî  nulfîbles  que  lorfque  les  vers 
font  encore  entiers.  Dans  les  Obfcrvations  de  Médecine  de  la  Société 
d'Edimb,  vol.  6,  art,  y6  ^  on  lit  que  les  dragonneaux  de  Guinée  caufent 
quelquefois  des  ulcères  dans  les  parties  qu'ils  afFedent ,  qui  peuvent 
avoir  des  fuites  très-fâcheufes ,  &  que  l'on  a  tiré  de  plufieurs  endroits 
de  la  jambe  d'un  jeune  homme  ,  dans  Tîle  Bermade ,  des  portions  de 
ces  vers  jufqu'à  la  longueur  de  quatre-vingt-dix  pieds.  Voilà  un  fait 
qui  femble  bien  propre  à  confirmer  l'analogie  des  dracuncules  avec  le 
ténia»  Ruifch  fait  mention,  Thefaur,  anat,  lib.  3,  /z**.  74,  d'un  ver  de 
Guinée,  de  ceux  qui  affedent  les  pieds  des  habitans  de  ce  pays  avec 
de  très-grandes  douleurs.  Voy&i^  Ver  de  Guinée. 

CRIOCERE  ou  PORTE-CROIX ,  trioceris.  Genre  d'infede  co- 
léoptere,  dont  les  antennes  compofées  d'articles  globuleux,  refTem- 
blent  à  une  efpece  de  cordonnet.  Son  corfelet  eft  cylindrique  î  fa  larve 
eft  grofle  &  courte  ;  elle  fe  trouve  fur  différentes  fleurs  &  autres  par- 
ties de  plantes  ;  mais  c'eft  en  terre ,  au  pied  des  végétaux  qu'elle  a 
dévorés ,  qu'elle  fe  métamorphofe.  Elle  y  forme  une  coque  dont  l'in- 
térieur eft  tapiiTé  d'une  efpece  de  bave  luftrée  :  le  dehors  refïknble  à 
une  petite  motte  de  terre ,  &  ce  nouvel  habit  eft  en  général  plus  propre 
&  plus  folide  que  le  premier;  par  exemple,  la  larve  du  criocere  qui 
fe  trouve  fur  les  lis ,  a  à  la  queue  deux  mamelons  membraneux  qui 
Faident  à  marcher;  fes  ftigmates  font  noirs,  &  fa  peau  qui  eft  très- 
fine  &  délicate,  fe  trouve  toujours  couverte  par  fes  excrémens  mêmeS' 
qui  fortent  de  fon  anus ,  placé  fur  fon  dos»  Ce  toit  les  met  à  Tabrt 
de  la  pluie  &  du  foleil.  La  larve  du  criocere  a  au  contraire  tout  le 
corps  hérifle  de  pointes  fouvent  fourchues.  On  l'appelle  la  châtaigne, 
noire.  Voyez  Te'gne  des  lis  &  f^er  Hottentot^ 

CRIQUET.  Voye'^  Grillon. 

CRISTAL  ,  cryjîallus.  En  Hiftoire  Naturelle  on"  donne  ce  nom  i^i 
toutes  les  fubftances  minérales  qui  prennent  d'elles-mêmes  une  figure- 
conftante  &  déterminée.  Il  y  a  donc  autant  de  différentes  efpeces  de' 
criftaux,  qu'il  y  a  de  fubftances  qui  affeârent  une  figure  régulière  :  un: 
grand  nombre  de  pierres  calcaires,  gypfeufes ,  vitrifiables,  réfiradaires,. 
de  métaux,  de  demi-métaux,  les  pyrites,  le  foufre,  font  dans  ce  cas,. 
&  prennent  une  forme  diftindive  à  laquelle  il  eft  aifé  de  les  connoître^ 
Mais  cette  figure  déterminée  ne  change  rien  aux  qualités  ou  propriétés» 
efi[êntielles^ 


400  CRI 

La  criftallifatlon  dans  ces  corps  naturels  paroît  fe  faire  fuîvant  les 
mêmes  lois  que  la  criftallifation  des  Tels  dans  le  laboratoire  du  Chi- 
mifte.  L'aggrégation  lente  des  parties  homogènes  &  conflituantes  des 
corps,  accompagnée  de  certaines  circonftances,  les  fait  paflfer  de  l'état 
de  fluides  à  celui  de  folides.  La  preuve  inconteftable  que  les  criftaux, 
même  ceux  de  roche,  ont  d'abord  été  dans  un  état  de  fluidité,  fe  tire 
des  corps  étrangers  ,    tels,  que  des  gouttes  d'eau,   des  infeâies,  des 
plantes,  des  métaux,   d'autres  corps  étrangers,  &c.  qui  s'y  trouvent 
fouvent  renfermés.    Ce   font    particulièrement  ces  morceaux  dûs  au 
hafard  ,   dont  les  Curieux  ornent  leurs  cabinets.    Mais  combien   de 
criftaux  paroiffent  renfermer  des  corps  étrangers ,  fans  en  contenir  ef- 
fedivement?  L'on  croit  voir  dans  les  uns  de  l'amiante,  dans  d'autres 
de  l'argent  qui  végète,  ou  des  moufles,  des  iris  &  quantité  d'accidens 
que  des  Amateurs  du  merveilleux  fe  plaifent  à  y  trouver,  &  qui  ne 
font  dûs  qu'à  des  points  glaceux ,  &c.  produits  par  le  choc  d'une  autre 
pierre,  ou  par  l'arrangement  des  molécules  crifliallines  ;  en  un  mot  qui 
ne  font  communément  que  l'effet  de  la  réfradion  des  rayons  lumineux 
différemment  modifiés.  Quelques-uns  donnent  le  nom  de  Jluores  à  tous 
les  crijlaux  colorés  ,    de  quelque  nature  qu'ils  foient  ;  mais  on  appelle 
plus  particulièrement  les  crijîaux  defpath  fufibles  avec  ou  fans  couleur, 
Jluores  fpathïci,  Voye^  Fluors.   Il  efl:  démontré  que  les  criftaux  font 
colorés  par  des  fubftaiîces  métalliques,  qui  ont  été  mifes  en  diffolution 
dans  le  fein  de  la  terre,  &  entraînées  par  les  eaux,  ou  élevées  fous  la 
forme  de  vapeurs,   qui  font  venu  fe  joindre  à  la  matière  encore  li- 
quide ,  dont   les  criftaux   dévoient  être  formés,    La  couleur  indique 
fouvent  la  nature  des  métaux  colorans  ;  le  cuïvrt  donne  du  vert  &  du 
bleu;  \q  plomb  donne  du  jaune,  &  \q  fer  donne  du  rouge  &  quelque- 
fois aufli  du  bleu  :  on  reconnoît  encore  autrement  les  criftaux  lapi- 
difiques,  &  les  criftallifations  formées  par  des  influences  métalliques; 
c  eft  à  la  forme.  Ceux  du  plomb  font  cubiques  comme  le  fpath  vitreux, 
la  marcaffite  vulgaire  &  le  fel  marin  ;  ceux  de  l'étain  font  pyramidaux 
comme  le  criftal  de  roche  &  de  quartz.  Ces  derniers  font  aufîî  prif- 
matiques  hexagones,  ainfi  que  la  plupart  des  fpaths  calcaires,  la  mine 
de  plom,b  verte  ,  la  mine  d'argent  rouge.  La  forme  rhomboïdale  eft 
particulièrement  affedée  à  la  félénite,  au  criftal  d'Iflande  ;  l'odaëdre, 
aux  pyrites ,  au  fer  ,  à  l'alun  ,  au  rubis ,  &c. 
La  Nature  qui  travaille  avec  lenteur ,  mais  qui  travaille  incefTam-; 

ment , 


CRI  40  î 

ment ,  forme  tous  les  Jours  dans  le  fein  de  la  terre ,  à  l'aide  des  vei- 
nules d'eau  qui  y  font  répandues,  ces  criftaux,  ces  minéraux  :  elle 
altère  &  change  la  forme  des  fofliles  répandus  dans  fon  fein  ;  c'eft  ainfi 
qu'elle  nous  fait  voir  des  cornes  d'Ammon ,  &  les  creux  de  quelques 
pierres  tapifles  de  criftaux,  ou  recouverts  en  tout  ou  en  partie  d'un 
éclat  métallique  ou  pyriteux. 

CRISTAL  D'ISLANDE ,  cryftalljis^  fffandîca  fpathîca.  Ce  criftal 
tire  fon  nom  de  l'île  où  il  fe  trouve  :  on  le  rencontre  fur-tout  au  pied 
d'une  montagne  de  Rcer-Floerde.  Erafme  Banholïii  eft  le  premier  qui 
a  fait  connoître  cette  forte  de  criftal,  en  en.  donnant  un  Traité  par- 
ticulier. C'eft  à  tort  que  M.  de  La  Hire  l'a  confondu  avec  le  talc.  C'eft 
une  efpece  de  fpath  calcaire,  de  figure  rhomboïdale  jufques  dans  fes 
plus  petites  parties,  tranfparent  comme  du  cri/îal  de  roche,  dilToluble 
dans  les  acides.  Quand  on  le  calcine  dans  un  creufet  ,  il  y  devient 
d'abord  feuilleté,  puis  il  pétille,  fe  divife  en  rhomboïdes ,  répand  une 
odeur  urineufe  ou  de  foie  defoufre,  &  acquiert  pour  lors  la  propriété 
de  luire  dans  l'obfcurité.  Mais  la  propriété  la  plus  difiindive  &  1? 
plus  remarquable  de  ce  crîjlal.  d^Ifiande,  eft  celle  de  faire  paroître 
doubles  les  objets  qu'on  voit  à  travers.  Meilleurs  Huyghens  èc  Newton 
ont  expliqué  la  réfradion  extraordinaire  de  ce  criftal  fpathique  ;  cet 
effet  (ingulier  vient,  difent-ils,  de  ce  que  le  rayon  de  lumière  qui 
traverfe  cette  pierre ,  y  fouffre  une  double  réfradion  tout-à-fait  par- 
ticulière. Dans  les  autres  corps  tranfparens  il  ne  fe  fait  qu'une  réfrac- 
tion ,  parce  que  les  rayons  qui  tombent  perpendiculairement  fur  leur 
furface ,  paflent  tout  droit  fans  fouffrir  de  réfraâion  :  les  rayons  obli- 
ques fe  rompent  toujours.  Au  lieu  que  dans  le  criftal  d'Iflande  les 
rayons  perpendiculaires  foufïrent  réfradion,  parce  qu'il  eft  compofé 
tranfverfalement  &  horizontalement  de  diverfes  furfaces  qui  fe  touchent 
différemment;  ainfi  on  voit  néceffairement  doubles  les  objets  qu'on 
regarde  au  travers  de  ce  fpath  diaphane.  On  peut  obferver  ce  phé- 
nomène en  lifant  l'étiquette  du  crijlaL  d'IJlande,  qui  fe  trouve  dans 
l'armoire  des  pierres  précieufes  du  Cabinet  du  Roi. 

CRISTAL  DE  MADAGASCAR.  Voyeifon  article  à  la  fuite  du 
viol  Quartz. 

CRISTAL  DE  MINE.  Nous  donnons  ce  nom  à  des  criftallifations 
plus  ou  moins  tranfparentes,  très-dures,  &  fouvent  colorées ,  qui  fe 
trouvent  dans  des  cavités  ou  fentes  de  mines,  Ces  criftaux  forment 
Tomi  IL  E  e  e 


'402  CRI 

rarement  des  quilles  ifolées  dès  leur  bafe,  maïs  toujours  confondues 
enfemble  ,  excepté  parla  pointe  qui  communément  eft  hexaèdre;  il  y 
en  a  auflî  fous  d'autres  formes.  On  peut  les  regarder  comme  des 
criftallifations  quartzeufes  :  voyc^  Quartz.  Quantité  de  ces  criftaux 
font  fouvent  recouverts  de  fpath  fufible  en  petites  écailles  &  de  mar- 
caflites.  Ces  matières  groupées  enfemble  fur  des  bafes  ou  blanches  ou 
colorées,  &  de  différentes'^ures,  font  autant  de  drufens  fort  com- 
muns dans  les  mines  de  Saxe ,  &:c. 

CRISTAL  DE^  MONTAGNE.  La  plupart  des  Naturaliftes  don- 
nent ce  nom,  tantôt  au  criftal  de  roche,  tantôt  à  une  criftallifation 
affez  tranfparente  fort 'duré,  femblable  à  une  mafle  de  verre  fondu, 
&  non  en'  quilles.  Tels  font  les  crifiaux  des  mines  &  celui  de  Md~ 
dagafcar. 

CRISTAL  DE  ROCHE  ,  crljlallus  rupea.  On  donne  ce  nom ,  ou 
celui  ^de  crifial  par  excellence  ,  à  une  pierre  tranfparente ,  avec  ou  fans 
couleur  ;  qui  fait  feu-  avec  l'acier ,  qui  a  la  forme  d'un  prifme  à  fix 
cotés ,  plus  ou  moins  long ,  terminé  à  fes  deux  extrémités  par  une 
pyramide  hexagone,  quand  fa  conformation  eft  parfaite  ;  alors  les 
quilles  ou  canons  font  la  plupart  couchés  tranfverfalement  &  fe  croi- 
fent  les  uns  les  autres.  Cependant  cette  règle  fouffre  des  exceptions  , 
car  on  voit  des  quilles  de  criftal  de  roche  n'offrir  que  la  pyramide  fu- 
périeure,  plus  ou  moins  régulière,  l'inférieure  étant  fouvent  cachée 
ou  confondue  dans  la  pierre  qui  lui  fert  de  matrice  ou  de  bafe  , 
les  quilles  ou  canons  font  debout  &  à-peu-près  parallèles  les  uns  aux 
autres.  Quand  on  remarque  dans  le  criftal  de  roche  une  autre  figure 
que  celle  d'un  canon  en  prifme  hexagone,  il  y  a  lieu  de  croire  que 
cela  vient  de  ce  que  deux  ou  plufteurs  quilles  de  criftaux  font  venues 
%L  fe  joindre  de  différentes  manières ,  &  fe  font  confondues  en  quelque 
^rte  dans  leur  formation.  Tout  eft  dû  à  l'équilibre  ou  au  dérange- 
jment  que  les  parties  ont  éprouvé  à  l'inftant  de  la  criftalliiation,  &c,. 
Voye-{  ci-dejfus  à  l'article  Ckistal.  On  peut  remarquer  dans  certains 
criftaux  de  roche  ,  qu'ils  ne  font  compofés  que  de  lames  extrêmement 
fines ,  appliquées  les  unes  fur  les  autres.  On  a  obfervé  que  c'eft  tou- 
jours le  quartz  quiTert  de  bafe  ou  de  matrice  au  criftal  de  roche,  &: 
c'eft  dans  cette  pierre  qu'il  fe  forme  conftamment  :  d'oii  l'on  pourroit 
conjedurer  avec  beaucoup  de  vraifemblance  que  lé  criftal  de  roche, 
pur  &  parfait  n'eft  autre  chofe  qu'un  quartz  plus  épuré  ^  dont  les 


CRI  40^ 

parties  font  homogènes,  fimilaires,  petites,  ténues,  d'abord  fufpen- 
dues  dans  un  fluide ,  &  enfuite  rapprochées  lentement  par  Tévapora- 
tion  du  même  fluide.  Les  Anciens  faifoient  difFérens  vafes  de  criflial 
de  roche,  dont  le  prix  étoit  très-confidérable  :  on  admire  encore  au- 
jourd'hui les  beaux  lufl:res  de  criftaL  de  roche,  les  girandoles,  &c.  mais 
ordinairement  on  les  imite  en  verre  de  Bohême. 

On  trouve  le  criftal  de  roche  dans  toutes  les  parties  du  monde ,  où 
il  y  a  des  montagnes  en  chaîne ,  &  ordinairement  dans  des  grottes  ou 
des  cavernes,  communément  abreuvées  d'eau.  Ils  Rendent  aux  voûtes 
fupérieures  ;  ils  tapiflent  aufli  les  parois  des  cavefnes  ;  il  en  vient  des 
Indes,  du  Bréfil.  En  Europe,  c'efl:  le  Mont  Saint-Gothard  qui  en 
fournit  la  plus  grande  quantité.  En  1719  on  découvrit  dans  le  Tfin- 
kégletcher,  faifant  partie  du  Grimfelberg ,  en  Suifle  ,  des  pièces  de 
criftal  de  roche  pures  &  fans  défauts ,  les  unes  pefoient  cinq  cents 
livres,  &  d'autres  huit  cents  livres,  elles  furent  eftimées  à  plus  de 
trente  mille  écus  ;  on  en  a  même  tiré  dans  l'île  de  Madagafcar  des 
morceaux  de  (îx  pieds  de  long,  &  de  quatre  de  large,  fur  autant 
d'épaiffeur.  La  mine  de  Fischbach  au  Wallais  fournit  aujourd'hui  les 
malles  les  plus  groffes  &  les  plus  parfaites  de  criflial  de  roche.  On 
vient  d'y  en  découvrir  une  magnifique  pièce  :  c'efl:  une  quille  ou  canon 
xju'on  dit  être  du  poids  de  douze  quintaux  ;  il  a  fept  pieds  de  contour, 
&  deux  pieds  &  demi  de  hauteur. 

Sduuch-^er  obferve  que  plus  le  lieu  d'où  on  le  tire  efl:  élevé,  plus 
le  criftal  eft  parfait.  M.  Bertrand  dit  que  ceux  qui  cherchent  des  crif- 
taux  ont  quelques  indices ,  auxquels  ils  prennent  garde  avant  de  tra- 
vailler à  percer  les   rochers   pour   entrer  dans  les  cavernes.   1°.  Les 
■couches  de   quartz  blanc  qu'ils  appellent  criJlaL  bande  ;  jamais  ils  ne 
s'attachent  à  la  pierre  calcaire,  mais  à  des  rochers  blancs  très-durs; 
ils  cherchent  quelques  fiflures  qui  conduifent  à  une  grotte ,  &  ils  ou- 
vrent le  rocher.  2°.  Ils  s'attachent  fur-tout  aux  lieux  où  les  lits  du 
rocher  font  relevés ,  &  ofiVent  une  apparence  de  convexité.  3°.  Les 
ouvriers  frappent   çà  &  là  avec  des  inftrumens  de  fer  ;  lorfqu'ils  en- 
tendent un  fon  comme  celui  d'une  caverne  prochaine ,  ils  travaillent. 
S'ils  entendent  le  fon  d'une  mafle  de  rocher  folide  &  fans  cavités,  ils 
vont  ailleurs.  4°.  Une  eau  limpide  qui  fort  de  quelque  fiffure  du  roi* 
cher;  une  terre  fine  &  jaunâtre,  qui  apercé  quelque  part;  des  crif- 
îailifations  imparfaites ,  adhérentes  aux  environs  dans  quelque  cavitéj 

Eee  2 


^"^^ 


'40  4-  CRI 

tout  cela  font  autant  d'indices  d'une  grotte  ou  caverne  ,  &  d'une  mîner 
de  criftai  qui  n'eft  pas  éloignée.  5"°.  Quand  on  eft  arrivé  &  defcendu 
dans  la  mine;  alors  un  ouvrier  fufpendu  à  une  corde  fonde  &  choifit 
à  la  forme  &  à  l'œil ,  les  morceaux  les  plus  durs  &  les  plus  purs , 
qu'il  détache  aifément.  Les  degrés  de  perfedion  dans  les  criftaux  de 
roche  coniiftent  en  ce  qu'ils  foient  d'une  blancheur  parfaite,  clairs, 
tranfparens  comme  de  l'eaity^rès-nets  &  fans  taches ,  très-durs  &  fuf- 
ceptibles  du  poli  le  plus  vif;  en  un  mot  que  dans  leur  couleur  ils 
foient  de  la  plus  grande  tranfparence ,  &  qu'ils  imitent  le  diamant. 

Nous  avons  une  fuite  de  criftaux  de  roche,  dont  les  canons  des 
uns  font  comme  opaques,  d'autres  font  laiteux  par  la  bafe  ;  il  y  en 
a  d'enfumés  &  de  toutes  les  couleurs;  il  y  en  a  aufîi  qui  ne  font  co- 
lorés qu'extérieurement  par  une  vapeur  métallique,  &  la  bafe  eft 
ordinairement  plus  large  ,  la  pyramide  hexagone  eft  quelquefois 
tronquée  ;  enfin  il  y  en  a  qui  font  recouverts  de  fpath  perlé. 

On  trouve  quelquefois  en  pleine  campagne,  &  dans  des  rivières, 
des  morceaux  de  criftal  qui  ont  été  tranfportés  8c  arrondis  par  le 
roulement  des  eaux  ;  les  cailloux  appelés  diamans  de  Médoc  ,  du  Rhin, 
.  de  Dauphiné  ,  de  Brouage ,  de  Royan  ,  de  Canada  paroiflent  être 
dans  ce  cas.  Ceux  d'Alençon  qu'on  rencontre  dans  le  granit ,  font  des 
criftaux  à  pans  &  d'une  couleur  enfumée.  Les  diamans  de  Cornouailles 
ne  font  aulîi  que  dçs  criftaux  de  roche  très-durs  &  fans  couleur. 

On  foupçonne  avec  afifez  de  vraifemb lance,  que  le  m/?^/  de.  roche 
eft  la  bafe  des  pierres  prècieufes  (  voyez  ce  mot  )  ;  car  réellement  il  n'en 
diffère  que  par  la  dureté.  AufTi  lorfqu'il  eft  coloré ,  on  l'appelle  du 
nom  de  la  pierre  précieufe  à  laquelle  il  refTemble  par  la  couleur ,  en 
y  ajoutant  l'épithete  de  faux.  C'eft  ainfi  qu'on  nomme  faux  rubis  le 
criftal  de  roche  rouge  ;  faux  faphir,  celui  qui  eft  bleu  \fauffe  émeraudz^ 
celui  qui  eft  v^rt;  faujfe  topaze,  celui  qui  eft  jaune,  &c.  L'art  fait 
ufage  du  criftal  de  roche  pour  imiter  les  pierres  prècieufes.  On  le  fait 
fondre  à  l'aide  d'un  alkali  fixe  &  du  plomb  ,  &  on  y  mêle  les  matières 
colorantes  propres  à  chaque  pierre  précieufe  que  l'on  veut  imiter, 
C'eft  dans  ïart  de  la  Verrerie  de  Néri,  commenté  par  Kunckcly  qu'oa 
peut  apprendre  la  méthode  de  faire  en  ce  genre  marcher  l'art  prefque 
de  pair  avec  la  nature  ;  ces  fortes  de  pierreries  artificielles  fe  nom- 
ment criflallins  ,  ou  émaux  clairs  :  on  colore  aufti  les  criftaux  à  froid 
ou  à  chaud  par  les  fucs  des  végétaux  étendus  dans  des  liqueurs  éthé- 
fées  ;  ces  criftaux  fe  nomment  rubaffes ,  &c, 


CRÛ  'Aof 

On  trouvera  plufîeurs  détails  intéreflans  fur  l'article  Cristal  dans 
notre  Minéralogie,  tome  J, 

On  a  attribué  dans  la  Médecine  de  grandes  vertus  aux  criftaux  de 
roche ,  foit  fufpendus  au  cou  pour  éloigner  les  fonges  inquiets ,  foit 
pris  intérieurement  en  poudre  pour  guérir  la  dyflenterie,  les  fleurs 
blanches ,  augmenter  le  lait  aux  Nourrices  ,  &c.  brifer  la  pierre. 
Cette  prétention  eft  fi  abfurde  que  nous  ne  nous  arrêterons  point  à 
la  réfuter.  Mais  on  devroit  bannir  abfolument  de  tels  remèdes  qui 
n'ont  que  des  propriétés  imaginaires,  pour  ne  pas  .dire  dangereufes  ; 
en  un-  mot ,  qui  ne  peuvent  pas  faire  plus  de^bien  eri  Médecine  que 
du  caillou  ou  du  verre  pilés.  Il  n'y  a  que  la  calcination  de  ces  corps 
ignefcens  qui  en  peut  altérer  la  nature  &  les  rendre  moins  mal-fai- 
fans  :  M.  le  Do6leur  Bourgeois,  l'un  des  Commentateurs  de  notre 
Didionnaire  imprimé  à  Yverdon  ,  prétend  même  que  le  criflal ,  calciné 
&  porphyrifé,  efl:  un  très-bon  aftringent  contre  les  diarrhées  les  plus 
opiniâtres  ;  il  feroit  curieux  de  connoître  la  nature  de  l'acide  dans  le 
criftal  de  roche  &  fon  état  de  combinaifon. 

CRISTE-MARINE.  roye^  Passepierre. 

CROCODILE  ,  crocodilus.  Animal  ovipare ,  efpece  d'amphibie , 
l'un  des  plus  gros  d'entre  les  lézards,  très-commun  en  Egypte,  dans 
une  partie  de  l'Inde  &  dans  plufieurs  contrées  chaudes  de  l'Amérique, 
On  croit  que  c'eft  lui  dont  il  eft  fait  mention  dans  l'Ecriture  Sainte, 
fous  le  nom  de  Uvïaihan.  Voyez  ce  mot. 

Le  crocodile  eft  un  monftre  d'une  voracité  dangereufe ,  qui  diffère 
des  autres  lézards  par  fes  dents  nombreufes  ,  qui  font  longues ,  très- 
pointues  ,  rangées  comme  celles  d'un  peigne  :  celles  de  la  mâchoire 
fupérieure  s'emboîtent  dans  l'intervalle  de  celles  d'en  bas  ,  &  celles-ci 
dans  l'intervalle  des  fupérieures.  Sa  langue  eft  fi  courte,  à  proportion 
de  celle  des  lézards  ,  qu'on  a  dit  du  crocodile  qu'il  n'avoit  point  de 
langue.  Il  y  a  une  autre  différence  eflentielle  entre  le  crocodile  &  le 
cayman  dont  nous  avons  parlé  :  celui-ci  aie  corps  plus  ramalîe,  la 
tête  élevée,  le  mufeau  abaiffé  &  court,  formant  un  angle  à  fa  racine; 
&  au  contraire  le  crocodile,  fur-tout  celui  du  Nil ,  a  le  corps  étroit, 
le  mufeau  en  ligne  égale  &  très-aJongé,  l'ouverture  de  la  gueule  beau- 
coup plus  ample  :  il  diffère  encore  du  cayman  par  les  écailles,  les 
anneaux  de  la  queue  ,  la  dureté  des  os ,  la  couleur  du  corps ,  &  par 
plufieurs  autres  particularités  qu'on  reconnoîtra  dans  la- defcription 
que  nous  en  allons  donner. 


40^  C  R  O 

Le  crocodile  efi:,  ainfi  que  le  cayman,  îe  plus  fort  Se  le  plus  grand 
de  tous  les  lézards  :  lorfque  fa  crue  eft  faite ,  il  a  au-delà  de  vingt 
pieds  de  longueur  ;  il  eft  couvert  d'une  peau  fort  dure,  écailleufe, 
jcouleur  de  bronze  ou  d'un  brun  jaunâtre,  marquetée  de  blanc  &  de 
vert  :  fa  tête  eft  large  ;  il  a  un  mufeau  de  cochon  :  fa  gueule  s'ouvre 
jufqu'aux  oreilles;  fon  gofier  eft  fort  ample;  fes  mâchoires  font  gar- 
iiies  d'un  nombre  de  dentVcsnines ,  longues  &  rondes,  blanches  & 
pointues ,  qui  paflènt  les  unes  entre  les  autres  exactement  :  les  racines 
de  fes  dents  font  creufes  &  plus  longues  que  les  dents  même.  On 
prétend  que  chez  cet 'animal  la  m/âchoire  fupérieure  eft  la  feule  mo- 
bile ;  elle  s'articule  à"  îa  nuque  du  cou  :  il  a  deux  petits  trous  en 
forme  de  croiflant  ,  qui  font  fes  narines;  les  ouvertures  des  oreilles 
font  au-deffus  des  yeux.  La  mâchoire  inférieure  eft  immobile,  atta- 
chée à  l'os  du  jlirnum  pour  augmenter  fa  force  ;  fon  immobilité  fait 
que  le  crocodile  va  toujours  en  regardant  en  avant ,  portant  la  tête 
.droite  &  diredement  alongée.  (  Nous  avons  cependant  obfervé  deux 
crocodiles  vivans  ;  l'un  à  Londres  ,  &  l'autre  à  Paris  ;  &  il  nous  a  paru , 
y  Jorfqu'il  mangeoit  le  poiflfon  que  nous  lui  donnions,  que  fa  mâchoire 
''  inférieure  étoit  infiniment  plus  mobile  que  la  fupérieure.  )  Ses  yeux 
font  femblables  à  ceux  du  cochon,  quelquefois  étincelans  ,  fortans 
hors  de  la  tête ,  placés  en  fureté  dans  leur  orbite  ofTeux,  mais  immo- 
biles :  fes  cuifiTes  fe  plient  de  côté;  fes  pieds  de  devant  font  armés  de 
cinq  griffes  fort  crochues  &  aiguës  ;  ceux  de  derrière  de  quatre  :  fa 
queue  eft  ronde  &  aulîî  longue  que  le  refte  du  corps. 

Les  écailles  du  crocodile  font  de  trois  fortes  ;  celles  qui  couvrent 
les  flancs ,  les  bras ,  les  jambes  &  une  partie  du  cou  font  à-peu-près 
rondes;  celles  du  dos  ,  du  milieu  du  cou.&  de  defTus  la  queue  font 
\  par  bandes,  gravées,  &  non  tuilées  comme  celles  du  ventre  :  fur  le 
dos,  au  milieu  de  chaque  écaille,  il  y  a  une  crête  dont  félévation  di- 
minue infenfiblement  vers  les  fiancs  :  la  queue  qui  commence  au-delà 
des  pieds  de  derrière,  a  aulîi  deux  de  ces  rangs  de  crêtes  fort  élevés, 
'qui  s'unifient  pour  ne  former  qu'un  feul  rang  à  un  pied  du  bout  de 
'  \z  queue  :  cette  difpofition  de  queue  aide  beaucoup  à  Tanimal  pour 
nager;  les  écailles  qui  garniflent  le  ventre,  le  deflbus  delà  queue, 
du  cou  &  de  la  mâchoire ,  même  des  pattes  &  le  dedans  des  jambes, 
font  minces  ,  flexibles  ,  fans  crêtes  ,  non  tuilées ,  prefque  carrées , 
inoins  dures  que  celles  du  dos  ;:  fous  le  ventre,   un  peu  au-delà  des 


C  R  O  '407 

pieds  de  derrière,   eft  tine  ouverture  large,  qui  probablement  efl: 
l'anus. 

Nous  avons  déjà  dit  qu'on  trouve  des  crocodiles  dans  le  Gange, 
dans  le  Nil  &  le  Niger  ,  en  Afie,  en  An-ique  &  dans  plufieurs  grands 
fieuves  en  Amérique  ;  la  plupart  de  ceux  que  nous  voyons  en  France 
viennent  du  Nil  en  Egypte ,  où  il  y  en  a  une  grande  quantité  :  ils  ha- 
bitent dans  les  rivières  &  dans  la  vafe  d^s^  rivages  chauds  ;  ils  y  font 
comme  immobiles  :  c'eft  ainfî  qu'ils  fe  tiennent  à  Taffôt  pour  furprendre 
leur  proie.  Ils  mangent  beaucoup  de  poiflbns ,..  des  limaçons,  &  font 
fort  friands  de  chair  humaine  :  ceux  du  Nil  dévorent  le  menu  bétail 
qui  vient  boire,  ils  comm.encent  par  l'affommer  de  leur  queue;  ils 
mangent  aulTi  des  enfans  ;  ceux  de  l'Amérique  dévorent  les  hommes 
qu'ils  peuvent  attraper.  De  même  que  les  tortues,  ils  pondent  depuis 
vingt  jufqu'à  cinquante  &  foixante  œufs  dans  le  fable  fur  les  rivages, 
&  ils  éclofent  aufli  fans  incubation  par  la  chaleur  du  foleil.  Ces  œufs 
font  gros  comme  ceux  des  oies  :  leur  goût  n'eft  point  défagréable;  le 
peuple  en  Amérique  &  les  Nègres  en  mangent ,  ainfi  que  de  la  chair^ 
du  crocodile.  L'ichneumon  eft  aulîi  très- friand  des  œufs  &  delà  chair 
des  jeunes  crocodiles  ;  c'eft  même  l'ennemi  déclaré  de  cette  race  de 
lézards.  Dans  l'ile  de  Boutan  on  apprivoife  quelques-uns  de  ces  ani-- 
maux  ;  on  les  engraifle  &  on  les  tue  pour  en  faire  un  mets  très-eftimér- 
En  Amérique  on  les  mange  comme  viande  de  Carême, 

On  ne  peut  prendre  les  crocodiles  qu'avec  des  hameçons  de  fer  j 
car  leur  peau  ,  excepté  le  ventre  ,  eft  une  cuirafle  fi  dure  qu'elle  eft 
impénétrable  aux  traits ,  aux  flèches  &  à  toute  efpece  d'arquebufade» 
A  Siam,  pour  prendre  ces  animaux,  on  tend  au  travers  des  rivières 
trois  ou  quatre  rangs  de  filets  deftinés  à  cet  ufage;  on  les  place  de 
diftance   en   diflance:  le  crocodile  épuife  fes  forces  au  premier  Se  au 
fécond  filet  ;  puis  des  Mercenaires  accourent  dans  leurs  balons ,  achèvent 
de  fépuifer  par  plufieurs  coups  donnés  à  propos,  &  de  l'affoiblir  en- 
tièrement par  la  perte  de  fon  fang,  évitant  avec  grand  foin  fes  coups 
de  dents  &  fa  queue  :  enfuite  ils  lui  ferrent  fortement  la  gueule.   Se' 
avec  la  même  corde  ils  attachent  la  tête  à  la  queue ,  &  lient  les  pattes  ' 
enfemble  fur  le  dos;   toutes  ces  précautions  ne  font  pas  inutiles,  car" 
cet  animal  reprenant  bientôt  fes  forces  ,  feroit  d'étranges  ravages. 

On  prétend  que  cet  animal  craint  la  vue  &  l'odeur  du  fafran  ,  &  que 
fes  entrailles  ont  une  odeur  mufquée  :  il  a  cela  de  commun  avec  touties.' 


4o8  C?vO 

ks  autres  efpeces  de  crocodiles  dont  nous  ferons  mention  ci-après.  La 
plus  grande  force  du  crocodile  confifte  dans  fa  gueule,  fon  dos,  fes 
griffes  &  fa  queue  :  c'ell;  avec  ces  terribles  armes  qu'il  faifit,  renverfe 
&  déchire  fa  proie  ;  il  eft  plus  dangereux  dans  l'eau  que  fur  terre  , 
parce  qu'il  fe  meut  facilement  dans  ce  fluide  ;  fur  terre  il  fe  retourne 
difficilement;  mais  quoiqu'il  foit  d'une  lourde  mafîe  ,  il  ne  laifle  pas 
de  marcher  fort  vite  fur  ufr  terrain  uni.  Malgré  tant  de  dangers  d'ap- 
procher cet  anthropophage,  les  Nègres  n'en  ont  pas  peur;  ils  font 
fouvent  luter  leur  adi^éffe  contre  la  force  du  crocodile  :  pour  cela  ils 
tâchent  de  furprendre  cet  animal  dans  un  endroit  oi^i  il  ne  peut  pas 
fe  foutenir  fans  nager  ,  &  ils  vont  à  lui  hardiment  avec  un  cuir  de 
bœuf  entortillé  au  bras  gauche,  &  une  baïonnette  dans  la  main  droite; 
ils  lui  mettent  le  bras  garni  de  cuir  dans  la  gueule,  la  lui  tiennent 
ouverte;  &  comme  il  n'a  qu'une  très-petite  langue,  il  s'emplit  d'eau. 
&  fe  noie  :  pour  le  faire  moyrir  plutôt,  ils  lui  donnent  des  coups  de 
baïonnette  dans  la  gorge  &  lui  crèvent  les  yeux. 

Le  crocodile  eft  plus  gros  &  plus  grand  dans  certaines  contrées  que 

'  dans  d'autres;  celui  qu'aux  Antilles  Ton  appelle  cayman ,  eft,  dit-on, 
le  plus  grand  :  voyc^  ce  mot.  Cependant  on  voit  des  crocodiles  dans 
la  Guinée ,  dans  le  Sénégal  &  la  Gambra ,  même  dans  le  fleuve  des 
Amazones,  qui  ont  depuis  vingt  jufqu'à  trente  &  trente-trois  pieds 
de  longueur  :  M.  de  la  Condaminc  (  Voyage  delà  rivière  des  Amazones) 
en  a  vu  un  grand  nombre  fur  la  rivière  de  Guayaquil  ;  ils  reftent 
pendant  des  journées  entières  fur  la  vafe  étendus  au  foleil.  Il  n'y  a  pas 
d'animal  qui,  après  ctre  né  fi  petit,  devienne  fi  grand  :  l'efpece  de 
crocodile,  nommée  alligator,  a  depuis  huit  jufqu'à  douze  &  quinze 
pieds  de  longueur.  Près  le  palais  royal  à  Saba  fur  la  côte  des  efclaves, 
le  Roi  de  cette  contrée  tient  à  honneur,    comme  une  magnificence 

\  extraordinaire ,  d'avoir  deux  étangs  remplis  d'alligators  :  (  le  Roi  de 
Siam  met  fa  magnificence  à  pofiéder  beaucoup  d'éléphans.  )  Les  cro- 
codiles des  Moluques,  au  contraire  de  ceux  des  autres  pays,  font 
voraces  &  dangereux  fur  terre  ;  &  dans  la  mer  ils  font  fi  lâches  &  fï 
engourdis,  qu'ils  fe  laifTent  prendre  aifément,  parce  que  leurs  doigts 
des  pieds  de  derrière  n'étant  attachés  par  aucune  membrane,  ils  ne 
peuvent  nager  avec  facilité.  Quand  le  mâle  veut  féconder  fa  femelle, 
il  la  renverfe  fur  le  do?  (  csr  on  prétend  que  leur  accouplement  fe 
(ait  ventre  à  ventre  )  i  eriiuite  ii  lui  aide  à   reprendre   fa   première 

pfiure, 


G  R  O  409 

poflure.  Le  crocodile  de  Ceyian  ell:  nommé  kimhuU^^r  les  habitans  du 
pays  ;  il  eft  marqué  de  taches  noirâtres.  Celui  du  Gange  a  le  mufeaa 
fort  long  &  fort  effilé. 

Par  tout  on  rencontre  le  tableau  de  la  fuperftition  humaine  :1e  cro- 
codile a  été  autrefois  adoré ,  apprivoifé  &  nourri  par  crainte  dans  la 
ville  d'Arfinoë,  autrement  vilU  des  crocodiles  ,  voifine  du  lac  Mceris  , 
où  il  y  en  avoit  une  grande  quantité.  On  l'attachoit  par  les  pattes  de 
devant;  on  lui  raettoit  aux  oreilles  des  pierres  précieufes  &  on  lui  donnoit 
des  viandes  confacrées  à  manger  jufqu'à  ce  qu'il  mourût.  Alors  on 
1  embaumoit ,  enfuite  on  le  brûloit ,  &  on  Venfermoit  fa  cendre  dans 
des  urnes ,  &  on  la  portoit  dans  le  caveau  ,  lieu  de  la  fépulture 
des  Rois. 

Ce  qui  fait  honte  à  l'humanité  ,  tout  a  été  déifié,  fans  en  excepter  les 
chofes  les  plus  viles.  L'homme  s'efî:  dégradé  jufqu'à  drefler  des  autels 
a  un  Dieu  Sterculus ,  à  une  Déeffe  Caca  ,  au  Dieu  Crcpitus ,  (  Dieu 
Pet  ).  C'eft  chez  les  Anciens  que  les  Dieux  fe  font  multipliés  à  l'infini 
par  le  caprice  de  leurs  adorateurs.  Ils  avoient  des  Dieux  criminels  &: 
débauchés ,  àç,s  Dieux  injuftes  &  violens  ,  des  Dieux  avares  &  vo- 
leurs, des  Dieux  ivrognes  ,  des  Dieux  impudiques,  des  Dieux  cruels \ 
&  fanguinaires ,  &c.  Le  Dieu  Vagitanus  préfidoit  aux  cris  des  enfans, 
Alais  il  y  a  un  temps  où  les  Egyptiens  ,  dont  l'imagination  ingénieufe 
favoit ,  en  amufant  les  yeux,  enfeigner  la  Morale  &  la  Philofophie, 
mettoient  des  figures  idéales  aux  portes  des  temples  pour  défigner 
quon  devoit  aimer  &  craindre  les  Dieux.  Par  exemple  ,  le  fphinx  , 
ce  monftre ,  partie  femme  &  partie  lion  ou  oifeau  ,  n'a  jamais  exifté 
dans  la  nature  :  ils  favoient  formé  pour  indiquer  les  mois  où  le  Nil 
fe  déborde  ,  c'eft-à-dire  ,  lorfque  le  foleil  entre  dans  les  fignes  du 
lion  &  de  la  vierge.  Ils  donnoient  encore  une  autre  explication  à 
cette  figure  fymbolique  :  félon  eux,  c'étoit  l'emblème  de  notre  ame; 
la  figure  humaine  fignifie  la  rellemblance  de  l'homme  avec  Dieu ,  les 
ailes  lui  fervent  pour  fe  porter  vers  le  ciel ,  &  la  fiamme  qu'on  voit 
fur  la  tète  du,  fphinx ,  fignifie  que  l'ame  eft  toujours  agilfante  comme 
le  feu.  On  voit  à  Sainte-Geneviève  de  Paris  un  fphinx  ,  la  dorure  y 
eft  appliquée  fur  des  couches  de  plâtre  ;  ce  qui  fuppofe  que  l'art 
<]'appliquer  ainfi  l'or  eft  connu  depuis  long-temps.  Voyez  maintenant 
Amidttte.  A  l'égard  des  Féùckcs ,  ce  font  des  Dieux  tutéîaires  d'un 
autre  ordre.  En  voici  des  exemples  :  le  ferpent  appelle  Empereur ,  a 

Tome  IL  F  f  f 


^>:fe. 


'410  C  R  O 

été  &  efl  encore  regardé  comme  un  Devin  ou  Prophète  chez  les 
Mexicains  :  le  fcarabée  ondueux  &  le  crocodile  ont  été  adorés  chez 
les  Egyptiens  :  les  Nègres  n'ont  cefle  de  mettre  au  rang  de  leurs 
Fétiches  (  Dieux  )  ,  la  dcfenfe  de  l'efpadon  ,  le  poiflbn  appelle  féiiche, 
&  notamment  le  dabou'é  ou  f&rpent  fétiche.  Voyez  ces  mots. 

CROCUTA.  Les  Anciens  ont  défigné  fous  ce  nom  l'hyenc  Voyez 
ce  mot.  ""-^-..^ 

CROISETTE  ,    cruciata.  Cette  plante  vient   abondamment    dans 
les  haies ,  dans  les  buifïbns  ,   aux  bords  des  folFés  &  des  ruilTeaux.  Sa 
racine   eft  noueufe ,   fibreufe ,  jaunâtre  &  rampante  ;   fes  tiges  font 
hautes  d'environ  un  pied  ,  grêles ,  carrées ,   velues  &  fort  noueufes  ; 
il  fort  de  chaque  nœud  quatre  feuilles ,   difpofées  en  croix  ,  velues  , 
moufles  &  fans  queue.  Ses  fleurs  font  verticillées,  de  couleur  jaune; 
leur  calice  fe  change  en  un  fruit  fec ,  compofé  de  deux  graines  arron- 
dies.  Cette  plante  eft  un  bon  vulnéraire  aftringent,  tant  à  l'intérieur 
qu'à  Textérieur;  on  la  recommande  fur-tout  dans  les  cas  où  lefcrotum 
eft  gonflé  par  la  defcente  de  l'inteftin.    La  croifate  de.  Portugal  a  des 
racines  qu'on  pourroit  fubftituer ,    fuivant  l'expérience  de  M.  Dam- 
,   bournay ,  à  celles  de   la  garence  pour   teindre  en  rouge.   Cette  croi- 
fette  a  l'avantage  de    réuflir  parfaitement  fans  prefqu'aucuns  foins  de 
culture ,   même  dans  les  terres   les  plus  mauvaifes. 

CROISETTE  ou  CROISADE.  Eft  le  nom  qu'on  a  donné  à  une 
conftellation  de  l'hémifphere  auftral ,  compofée  de  quatre  étoiles  en 
forme  de  croix.  C'eft  par  le  fecours  de  ces  quatre  étoiles  que  les 
Navigateurs  peuvent  trouver  le  pôle  antardique. 

CROIX  DE  CHEVALIER.  Voye^  Trieule  terrestre. 
CROIX  DE  Jérusalem  ou  de  Malte  ,  ou  fleur  de  Cons- 
TANTiNOPLE,  lychnïs  Chalccdonica,  Cette  plante  ,  nommée  ainfi  de  la 
.Ville  d'où  elle  a  été  apportée  ,  &  de  la  reiTemblance  de  fa  fleur  avec 
la  Croix  de  l'Ordre  de  Malte  ,  eft  une  efpece  de  lychnis  qu'on  ne 
cultive  dans  les  jardins  que  pour  l'agrément  :  fa  racine  poufle  plufieurs 
tiges,  hautes  de  trois  pieds,  velues  ,  menues  &  vides  :  Ïqs  feuilles 
font  oblongues,  vertes,  velues,  &  embraifent  leur  tige  par  la  bafe: 
fes  fleurs  font  difpofées  en  ombelles  ,  d'un  bel  afpeél ,  quelquefois 
blanches,  variées  d'incarnat,  d'une  odeur  agréable;  chacune  de  ces 
fleurs  eft  compofée  ordinairement  de  cinq  feuilles,  rangées  en  œillet, 
fendues  en  deux  parties  égales ,  &  garnies  le  plus  fouvent  au-delà  de 


C  R  O  411 

leur  moitié  de  deux  ou  trois  pointes ,  qui  jointes  à  celles  des  autres 
feuilles,  forment  une  couronne.  On  en  voit  dont  la  fleur  eft  double, 
&  dans  lefquel!es  la  petite  croix  de  Malte  efl:  environ  de  la  moitié 
plus  bafle.  Il  fuccede  à  cette  fieur  un  petit  fruit  velu  ,  de  figure 
conique,  qui  rt^nferme  un  tas  de   femences   roufles  he'mifphériques. 

CF\CiMPYRE   yoy'S^  Pomme  de  terre. 

CKON  ou  CRAiN".  Foyc?  Falun. -^ 

CkONE.  On  appelle  ainfi  des  endroits  au  fond  de  l'eau ,  remplis 
de  racires  d'arbres ,  de  grands  herbages  ,  Ôcc.  Ceft  ordinairement  où 
fe  retire  le  poiflbn.  ^  !^ 

CROPAL.  Nom  donné  par  quelques-uns  à  la  codaga-pale.  Voyez 
ce  mot.  \ 

CROPIOT.  Petit  fruit  ridé  de  l'Amérique,  qui  contient  une 
femence  femblable  au  poivre  noir  d'Ethiopie  ,  d'un  goût  très-acre  : 
les  Indiens  en  mêlent  dans  leur  tabac  quand  ils  veulent  fumer  ;  ils 
prétendent  que  c'eft  un  remède  propre  à  foulager  le  mal  de  tête. 

GROS-DE-CHIEN.  A  la  Martinique  &  à  l'Ile  de  Sainte -Lucie 
on  donne  ce  nom  à  une  efpece  de  ferpent  qui  n'eft  pas  venimeux. 
Sa  longueur  eft  d'environ  fix  pieds ,  &  fa  grofleur  eft  comme  celle 
du  poignet  d'un  homme  robufte.    Voye^   VarticU   Serpent  a  tête 

DE  CHIEN. 

CROTALAIRE  ,  crotalària  AJîatïca  ,  folio  Jingulari  vermcofo  , 
floribus  cœruUis.  Plante  étrangère  dont  le  genre  eft  fort  nombreux. 
On  la  cultive  en  Europe  dans  quelques  jardins  ;  fa  racine  eft  ligneufe 
&  fibreufe  ;  fa  tige  haute  de  deux  pieds  ,  noueufe  ,  &  jettant  beaucoup 
de  rameaux  difpofés  en  rond  j  fes  feuilles  fontobtufes,  vertes  en  deflus, 
blanchâtres  en  deflbus,  parfemées  de  verrues  ,  &  ondées  en  leurs 
bords  :  fes  fieurs  font  difpofées  en  épis ,  légumineufes  &  de  couleur 
bleue  ;  les  étamines  font  toutes  réunies  en  gaine  ,  &  le  calice  divifé 
en  trois  pointes  ;  il  leur  fuccede  des  gouftes  enflées ,  noirâtres ,  velues , 
contenant  de  petites  femences  jaunâtres  ,  acres  au  goût,  &  qui  ont 
îa  figure  d'un  petit  rein. 

CROTIN.  Dans  l'économie  ruftique  on  donne  ce  nom  à  la  fiente 
fraîche  du  cheval  &  au  fumier  de  mouton.  Ce  font  d'excellens  engrais. 
Foyci   Us  mots  ExCRÈMENT  &  FuMiER.    On  appelle  crottes  la  fiente 
de  lapin  ,   de  chèvre ,   de  lièvre ,   de  brebis ,    &c, 
CROUPION,   uropy^ius.    Foy&i  à  CartlcU  OiSEAU. 

Fff2 


412  C  R  0  CRU 

CROWN-VOGEL,  Uoifeau  nommé  de  ce  nom  par  les  Holîan- 
dois,  ell:  celui  que  M.  BriJJon  nomme  f-iifan  couronné  des  Indes,  Quoi- 
que cet  oifeau  foit  aufli  gros  qu'un  dindon  ,  il  paroît  certain  qu'il 
appartient  au  genre  du  pigeon  ;  il  en  a  le  bec  ,  la  tête  ,  le  cou,  toute 
la  forme  du  corps,  les  jambes  ,  les  pieds,  les  ongles,  la  voix,  le  roucou- 
lement, les  mœurs.  Les  mâles  &  les  femelles  fereflemb  lent  parfaitement: 
ils  ne  pondent  point  ici ,  non^~^lus  qu'en  Hollande  ;  c'eft  dans  les  Indes 
un  oifeau  debafle-cour.  On  voit  cet  oifeau  dans  le  cabinet  de  Chantilly. 

CRUCIFERES  ,  cruàfcrcz.  On  a  donné  ce  nom  à   une  famille  de 
plantes  dont  les  quatre  pétales  des  fleurs  font  ordinairement  difpofées 
en   croix.    Telles  font  la  rave ,  le  navet  ,  le  crefïbn  ,    le  thaliclron  , 
le  chou  ,   la  roquette  ,  la  moutarde  ,  le  thlafpi,  le  velar,  le  giroflier, 
la  dentaire,  &c.  Ces  plantes  font  prefque  toutes  herbacées,  quoique 
la  plupart  foient  bifannueiles    ou  vivaces  ,    par  leurs  racines  ;    leur 
forme  eft  communément  ramalTée  &   plus  ou  moins  régulière.   Les 
racines  font  ou  rameufes,  tortueufes  &  fibreufes  ,   ou    charnues   en 
navet.  Les  tiges  &  les  jeunes  branches  font  cylindriques ,  les  feuilles 
de  la  tige  alternes.  Le  feuillage  eft  difpofé  circulairement ,  far -tout 
dans  le  bas  des  tiges  oii  les  feuilles   s'étendent  circulairement  comme 
autant  de  rayons  fur  la  terre.    Les  fleurs  font  hermaphrodites  ,  dif- 
pofées la  plupart  en  épi  au  bout  des  branches  :  elles  ont  fix  étamines 
dont  les  deux  latérales  font  plus  courtes  que   les    quatre   du  milieu. 
Les  fleurs  doublent  facilement  par  la  culture.    Leur   couleur   entre 
pour  beaucoup  dans  le  caraélere  des  feâtions  qu'on  en  fait  quelquefois. 
Le  fruit  eft  fîliqueux ,   les  graines  font  aflez  petites  &  attachées  pen- 
dantes au  placenta.    Les  plantes  crucifères   ont  un  goût  acre  &  font 
chargées  de  fel  alkali  fixe  qu'on  en  retire  par  la  combuftion  :  ces  fels 
donnent  au  contraire  par  la  diftillation  de  Talkali   volatil.   La  plupart 
ont  une  odeur  fétide  &  des  graines  huileufes.    Ces  plantes  nouvelle- 
ment cueillies  ,  font  antifcorbutiques ,    &   feches  elles  n'ont  plus  de 
vertu.   Il  faut  éviter  l'ufage  des  crucifères  dans  les  maladies  aiguës , 
car  il  mené  à  la  putréfadion.  Voyez -en  des    exemples  aux    articles 
cre£on  &  velar,   L'alkali  volatil   des  crucifères  guérit  du    venin ,  des 
morfures  venimeufes ,    de  la  rage ,  de  la  gale  &  de  la  lèpre  ;   pour 
cela  il  faut  en  ufer  intérieurement  &  en  appliquer  fur  les   plaies. 

CRUSTACÉES,   cmjlacca  anïmalïa.    On   entend    par  ce    mot 
àtï,  animaux  couverts  d'une  croûte  dure  par  elle-même ,  mais  molle 


CRU  413 

en  comparaifon  des  écailles  ou  coquilles  pierreufes  des  tcjlacics  :  voyez 
ce  mot.  On  met  au  nombre  des  cruftacées ,  le  cancre  ,  ïtcrcvljje ,  le 
homar  ^  les  crevettes  ou  fquilles  &  toutes  les  fortes  de  crabes  dont  les 
enveloppes  tiennent  le  milieu  entre  celles  des  te/lacées  Se  des  animaux 
mous.  Des  Méthodiftes  modernes  rangent  les  cruftacées  dans  la  clafîe 
des  infecftes.  Ils  en  ont  en  efïet  quelques  caraderes  eflentiels  ,  même 
\tî,  principaux ,  fi  au  lieu  de  Tidée  peut-être  trop  vague  ,  attachée 
auparavant  au  mot  àHnfecie  ,  on  la  détermine  comme  a  fait  M.  Linnxus, 
On  divife  les  crujîacus  en  trois  genres ,  dont  le  premier  comprend 
ceux  qui  ont  le  corps  alongé  ,  tels  que  les  écrevîjfes  ,\les  langoujîes  , 
les  homars ,  les  fquilUs ,  &c.  Le  fécond  renferme  ceux  dont  le  corps 
eft  large  &  évafé  ,  tels  que  les  crabes  ;  &  le  troifieme  ceux  dont  le 
corps  eft  arrondi  ou  en  forme  de  cœur ,    tels  que  les  cancres. 

Les  cruftacées  n'ont  point  de  fang  ni  d'os  ;  on  leur  diftingue  une 
tête ,  un  eftomac  ,  un  ventre  &  des  inteftins.  La  tcte  &  le  ventre  de 
ces  animaux  font  immobiles  &  tiennent  avec  tout  le  corps  :  les  deux 
premières  dents  qu'ils  ont  font  extérieures ,  &  doivent  être  regardées 
comme  des  molaires  deftinées  à  broyer  la  nourriture  qu'ils  prennent  j 
entre  ces  deux  dents  ,  ils  ont  une  efpece  de  langue.  Leurs  yeux 
font  fitués  au-deflus  de  la  bouche  :  ils  n'ont  point  de  paupières ,  leur 
tête  eft  armée  de  deux  petites  cornes  ,  qui  leur  fervent  peut-être 
moins  à  fe  défendre  contre  leurs  ennemis ,  qu'à  fonder  leur  route  : 
ils  ont  huit  pieds  &  deux  efpeces  de  bras  :  leur  chair  eft  rougeâtre. 

Les  cruftacées  habitent  les  étangs  marins ,  l'embouchure  des  rivières , 
les  lieux  limoneux  &  les  fentes  des  rochers  :  ils  vivent  de  bourbe  , 
d'ordure  &  de  chair:  le  mâle  eft  plus  gros  &  plus  grand  que  la  femelle: 
(c'eft  l'oppoféde  ce  qu'on  remarque  dans  lesinfeélcs  ).  Ils  s'accouplent 
dans  le  printemps  &  reftent  très-long-temps  dans  cet  état  :  la  femelle 
produit  de  petits  œufs  rouges ,  couverts  d'une  légère  membrane ,  & 
qui  font  attachés  au  ventre  :  les  œufs  qui  font  en  dehors  font  impar- 
faits ,  &:  prennent  avec  le  temps  leur  accroiftement.  Leur  chair  eft 
plus  ou  moins  agréable  au  goût  ,  mais  difficile  à  digérer.  Tous  les 
cruftacées  changent  tous  les  ans  de  peau,  Voye^^  le  détail  de  cette 
méchanique  à  la  Jiiite  de  P article  ÉCREVISSE, 

Lorfque  ces  animaux  perdent  quelques  membres  ,  il  en  revient 
d'autres  ,  &  les  parties  tronquées  fe  reproduifent  quelquefois  doubles , 
ainfi  qu'aux  étoiles  marines.   Quand  les  curieux  veulent  conferver  en 


414  CRU  C  U  B 

entier  des  crufiacées  avec  leurs  couleurs  naturelles,  on  fait  tremper 
dans  Teau  douce  ceux  qui  ont  été'  pris  dans  la  mer  ,  enfuite  on  fait 
fécher  à  l'ombre  ceux  qui  font  petits  :  il  s'introduit  dans  la  chair 
de  ces  animaux  morts,  des  vers  qui  la  mangent  à  mefure  qu'elle  fe 
corrompt  ,  ce  qui  ne  les  rend  pas  fujets  à  fentir  mauvais  par  la  fuite 
des  temps.  Si  le  volume  de  ces  arimâux  eft  trop  confidérabîe  ,  il  faut 
faire  en  forte  d'en  vider  lés-^airs  fans  endommager  leur  croûte  ni 
défunir  leurs  articulations.  ^''-^- 

CRUSTACITES.  Nom  donné  aux  différentes  efpeces  de  crufcacées 
foffiles  ,  pétrifiés  ou  empreints  fur  la  pierre,  tels  font  les  aJlacoUus  , 
les  gammarolkes  &  les  cancrites.  Voyez  ces  mots. 

CUBEBES  ou  QUABEBES,  cubebœ,  Plufieurs  prétendent  que 
les  cubebes  font  des  fruits  très- anciennement  connus  ,  ce  qu'on  en 
dit  eft  fort  incertain. 

Les  cubebes  des  boutiques  font  de  petits  fruits  fecs,  fphériques,  à 
peu  près  de  la  grofleur  du  poivre  ,  grisâtres  ,  ridés  ,  garnis  d'une 
petite  queue,  &  d'une  odeur  aromatique  :  fes  grains  font  fragiles,  d'un 
goût  fort  acre  ,  qui  attire  beaucoup    de  falive. 

On  nous  apporte  les  cubebes  des  Indes  ;  elles  croifient  abondam- 
ment aux  îles  de  Java  à  un  arbrifleau  rampant,  &  qui  s'attache  aux 
arbres  voifins ,  comme  le  lierre.  Cet  arbrifleau  approche  du  fm'ilax 
afpera.  P.  Herman  l'appelle  curanc  :  fes  feuilles  font  petites  ,  fes  fleurs 
odorantes.  U  leur  fuccede  .|jjgs  grappes  chargées  de  baies  rondes  ,  qui 
font  les  cubebes  :  on  les  met  fécher  au  foleil  pour  les  jtranfporter  : 
Jes  habitans  du   pays  font  fort  jaloux  de  leur  culture. 

Les  habitans  de  Mafcaraigne  (île  de  Bourbon)  appellent  cubebes^ 
poivre  à  queue ,  un  poivre  aromatique  qui  n'eft  guère  plus  gros  qu'un 
grain  de  millet.  Il  vient  en  bouquet  à  l'extrémité  des  branches  d'une 
plante  farmenteufe  qui  croît  dans  les  bois  :  ces  petits  fruits  s'appellent 
cubebes  de  Bourbon, 

Les  cubebes  corrigent  la  mauvaife  odeur  de  la  bouche  &  le  dégoût, 
conviennent  dans  l'apoplexie  ,  fortifient  l'eftomac  :  étant  mâchées 
Idng-tem.ps  avec  du  maftic  en  larmes,  elles  excitent  aux  plaifirs  de 
l'amour  ;  aufli  les  Indiens  font-ils  un  grand  ufage  des  cubebes  ma- 
cérées dans  le  vin  pour  s'exciter  à  Tade  vénérien.  Les  peuples  de 
nie  Java  s'en  fervent  pour  échauffer  l'eftomac  &  procurer  de  Tappétitt 
On  prétend  que  les  Indiens   font  bouillir  les  cubebes  avant  que  de 


eue  41  ^ 

les  vendre ,  afin  qu'on  ne  puifTe  les  femer  :  nous  n'en  croyons  rien, 
CUCI.  Fruit  délicieux  ,  d'un  goût  doux  t-c  agréable ,  rond  & 
oblong,  gros  &  de  la  couleur  d'une  petite  orange  ,  renfermant  un 
gros  noyau  très-dur ,  quadrangulaire ,  &  revêtu  d'une  coque  de 
couleur  roufsâtre.  Ce  fruit  cordial  &  reftaurant  croît  dans  les 
Indes  Orientales  &  en  Ethiopie  fur  une  efpece  de  palmier  appelle 
ciiciofera  palma  facie.  Cet  arbre  paroît  être  le  même  que  le  cuciophoron 
de  Thêophrafîe  :  on  doute  même  fi  cet  arbre  eft  un  vrai  palmier  ;  car 
à  peine  s'eft-il  élevé  de  terre,  qu'il  fe  partage  en  plulleurs  corps  ou 
troncs ,  &  chaque  corps  a  plufieurs  branches.  De  plus*,  le  fruit  cuci 
n  eft  point  en  grappes  ;  &  peut-être  que  le  nux  Indica  de  Cordus  eft 
notre  cuci ,  ou  du  moins  le  coco.  Quoi  qu'il  en  foit ,  la  tunique 
du  bezoard  de  F  omet,  que  cet  Auteur  foutenoit  être  une  des  plus 
grandes  curiolités  qu'on  eût  vues  ,  cette  enveloppe  fi  finguliere  dont 
il  prétendoit  avoir  fait  la  découverte  ,  qu'il  a  décrite  &  repréfentée 
dans  fon  Traite  des  Drogues  ,  page  105"  &  106  ,  fig.  35*  ,  voliime  2  , 
édition  de  173  y  ,  comme  faifant  partie  de  l'animal  d'Orient  qui  porte 
le  bezoard ,  n'étoit  autre  chofe  que  notre  fruit  exotique  cuci ,  dans 
lequel ,  ou  Pomet  lui-même  ,  ou  quelque  Charlatan  par  qui  il  s'étoit 
laiile  tromper,  avoit  enchafle  un  bezoard  fort  adroitement  :  on  en 
voit  la  preuve  dans  un  Mémoire  de  M.  Geofroi ,  le  jeune ,  fur  les 
bezoards.    Mémoire  de   l* Académie  des  Sciences  ,    17 12. 

CUCUJU  ou  COCOJUS.   Infede    dîleoptere    d'un   vert    doré  : 
il  eft  défigné  fous  le  nom  de    buprejîe.    C'eft  le   richard  de    YHiJîoire 
abrégée  des  Infccîes  de  M.   Geoffroi,    On    diftingue   plufieurs   fortes  de 
cucujus,   dont  les  antennes  font  courtes  &  en  fcie.  Les  pays  étran- 
gers fournifient  beaucoup  de  ces  infedes.  Foye^^  Acudia.  , 
CUCULLE,   notoxus,    M.  Geoffroi  {Hijloire    des  Infccies  des   envi- 
rons  de  Paris)  donne  ce  nom  à  un  infeéle  qui  porte  à  la  partie  anté- 
rieure  de  fon  corfelet  une    appendice  en    forme   de   cuculle  ou  de 
.  coqueluchon  ;  fes  antennes  font  fimples ,  filiformes  &  de  la  longueur 
de   la  moitié  de  fon  corps.    La  couleur  de   ce  rare  infed:e  eft  jau- 
r.âtre  ;   fes    yeux    font   noirs   &  fort    gros  ;    les  étuis  font  ornés  de 
quatre  taches  noires  ;  outre  cela  la  future  des  étuis  eft  noire  &  s'unit 
aux  taches  inférieures  ,   en   formant    une   large   bande    tranfverfale 
fur  les  étuis  mêmes.    La  cuculle  fe  rencontre  fur   les  plantes  ombel- 
liferes. 


415-  eue  GUI 

CUCURUCU.  Serpent  du  Bréfil  ,  plus  gros  que  le  ferpent  à 
fonnettes  ,  quelquefois  long  de  douze  pieds ,  couvert  d'écaillés  jau^ 
nâtres  tachetées  de  noir.  Sa  tête  eft  très-venimeufe  :  les  Sauvages  la 
coupent  &  la  jettent  pour  pouvoir  manger  la  chair  de  ce  ferpent. 
Ceux  qui  en  font  mordus  font  pris  d'un  vertige  &  attaqués  d'une 
fièvre  tremblante  ;  une  fueur  froide  s'empare  de  tout  leur  corps ,  & 
ils  meurent  en  moins  d'un  J^ur.  Le  venin  de  ce  ferpent  produit  le 
même  effet  que  le  poifon  de  Xaimorrhous  :  il  ronge  les  veines  ,  &: 
caufe  une  fi  grande  inffommation  ,  que  le  fang  fort  par  les  narines, 
par  les  oreUles ,  &-  par  le  defTus  des  ongles ,  tant  des  mains  que 
des  pieds.   / 

CUGEI.IER.  Voyei  Alouette. 

CUGtJACU- APAKA.  Cet  animal  du  Eréfil  ne  paroît  être  qu'une 
variété  du  chevreuil  d'Europe,    f^oye^   ce  mot, 

CUICET,    Voyei  à  L'article  MARMOTTE. 

CUIETÉ.   Foye?^  à  Ûarîiçh  Calebassier  d'Amérique. 

CUILLER  ,  (  la  )  cochlcarïus.  Genre  d'oifeau  ainfî  nommé  de  la 
forme  de  fon  bec.  La  mâchoire  fupérieure  efl  onguiculée  par  le  bout 
?>L  reflemble  en  total  à  une  cuiller,  ce  qui  a  fait  dire  bec  à  cuiller.  La 
cuiller  a  quatre  doigts,  favoir,  trois  devant  ^  un  derrière,  le  bec  eft 
épais  ,  gros  &;  court.  Le  plumage  du  dos  eft  d'un  blanc  cendré  en 
defîus  ,  &  d'un  roux  brun  en  delTous;  le  defTus  de  la  tête  eft  noir;  le 
cou  eft  blanc.  Cet  oifjeau.tfui  eft  de  la  grofTeur  du  courly  ,  fe  trouve 
dans  la  Guiane  &  au  Eréfil  :  on  diftingue  la  cuiller  tachetée  ;  l'efpeçe 
brune  qui  eft  le  tamatia  de  Marc^rave, 

CUIR,  royei  Peau, 

^        CUIR  FOSSILE  ou  de   montagne  ,  aluta  montana  ,    aut  coriuin 

fojjîle.  C'eft  une  efpece  d'amiante  à  filets  afTez  fiexibles ,  &  entrelacée 

de  manière  qu'ils  forment  des  efpeces  de  feuillets.   La  couleur  en  eft 

grisâtre.   On  trouve  cette  fubftance   dans  la  vallée  de  Campan  aux 

'  Pyrénées,   &  dans  la  mine  de  Sahlberg  en  Weftmanie.  Il  y  a  encore 

.  une  efpece  qui  refTemble  à  du  papier  gris,  ce  qui  l'a  fait  nommer  aufîî 

papier  fojjïle.  Voyez  Amiante. 

CUISSE  ou  Equerre.  Les  amateurs  ont  donné  ce  nom  à  une  co- 
quille bivalve ,  du  genre  des  huîtres  ,  violette  en  deflus ,  nacrée  en 
dedans.  Les  deux  valves  font  à -peu -près  d'équerre  l'une  fur  l'autre; 
l'une  eft  courte ,  étroite  &:  finit  en  pointe,  l'autre  eft  large  ,  longue 


^ 


'« 


C  U  I  417 

Se  arrondie  à  Ton  extrémité  ^  arquée  dans  fon  milieu.  La  charnière  a 
une  rangée  de  quantité  de  dents  ou  entailles  qui  régnent  dans  toute 
la  largeur  du  fommet  de  chaque  valve. 

CUIVRE,  cupruriu  C'eft  de  tous  les  métaux  imparfaits  celui  qui 
approche  le  plus  de  l'or  &  de  l'argent  pour  les  qualité?.  Il  eft  d'une 
couleur  rougeâtre,  éclatante;  il  eft  très-fonore,  très-dur,  dudile  & 
malléable,  &  fi  facile  à  rouiller  ,  que  tous  les  diffolvans  ,  tels  que 
Teau,  les  huiles,  les  acides  agifienf^fur  lui,&  le  colorent  en  vert. 
C'eft  à  cette  couleur  verte  nommée  cerugo ,  qu'il  eft:  facile  de  reconnoître 
la  préfence  du  cuivre.  Les  alkalis  volatils  changent  cette  couleur 
verte  en  bleu.  Rien  n'eft  plus  propre  que  cet  alkali  pour  découvrir 
fi  une  liqueur  contient  des  parties  cuivreufes.  Quelque  petite  que 
.foit  la  portion  de  ce  métal  contenue  dans  une  liqueur,  dès  qu'on  y 
verfe  de  l'alkali  volatil  ,  il  la  fait  voir  à  l'inftant  en  développant  la 
couleur  bleue. 

Le  cuivre  fe  trouve  dans  la  terre  fous  diverfes  formes  &  fous  un 
nombre  infini  de  couleurs  ,  &  mêlé  ou  combiné  avec  différentes  ma- 
tières; &  l'on  peut  dire  que  le  cuivre  eft  de  tous  les  métaux,  celui 
dont  les  mines  font  \qs  plus  variées.  On  le  rencontre  rarement  fous 
fa  véritable  forme  métallique;  mais  cependant  plus  fréquemment  que 
le  fer.  Les  mines  de  cuivre  font  communément  chargées  de  foufre  , 
d'arfenic ,  de  parties  ferrugineufes  &  d'une  portion  d'argent ,  fans 
compter  les  terres  &  les  pierres  qui  lui^grvent  de  matrice  ou  de 
minière,  &  qui  font  ou  Xchifteufes  ou  quartzaufes ,  &c.  Le  cuivre  a 
été  le  premier  métal  connu  des  Anciens.  Les  Romains  ont  eu  l'art 
de  le  durcir  &  de  l'amener  prefque  à  l'état  de  l'acier ,  à  l'aide  de  la 
trempe  &  du  marteau.  Ils  faifoient  avec  ce  métal  les  inftruments  de 
première  néceflité,  tels  que  des  charrues,  des  couteaux,  des  haches, 
des  épées ,  des  fers  de  lances ,  &c. 

Il  y  a  des  mines  de  cuivre  dans  toutes  les  parties  du  monde  connu: 
elles  font  difpofées  par  filons  qui  pénètrent  la  terre  à  des  profondeurs 
extrêmes.  La  Suéde,  le  Danemarck  &  l'Allemagne  font  aujourd'hui 
les  pays  qui  en  fourniflent  le  plus.  Le  cuivre  du  Japon  eft  fort  eftimé 
a  caufe  de  fa  dureté;  il  eft  en  petits  lingots  aflez  minces.  Son  mérite 
confifte  à  être  extrêmemiCnt  pur.  Celui  de  Coquimbo  dans  le  Chili  eft 
peu  recherché.  Celui  de  Caftamboul  dans  la  Natolie  eft  au(L  l  on  que 
celui  du  Japon. 

Tom&  IL  ^  Z  Z 


4i8  C   U  I 

Le  cuivre  natif  8^  malléable,  quoiqu'il  ne  (oit  pas  aufTi  pur  que  îe 
cuivre  de  rojhte  ,  ne  fe  trouve  point  ordinairement  en  grofTes  mafîes, 
mais  par  petits  grains,  par  petits  feuillets  minces,  ou  par  paillettes, 
ou  par  petits  rameaux  dans  les  fentes  des  rochers  en  Sibérie,  en  Hon- 
grie ,  en  Saxe,  en  Suéde  &  en  France. 

Le  cuivre  précipité  pur  offre  une  efpece  de  réfeau  :  c'eft  une  mine  de 
féconde  formation.  On  la  tr-eiive  à  S.  Bel ,  en  Suéde  ,  &c. 

La  mine  de  cuivre  criflaUtfée  eft'tommunément  odacdre  &  jaunâtre, 
&  fe  trouve  en  Suéde  &  .en  Saxe.  - 

Le  vert  de  iîiontagne  ou  chryfocole  verte  eft  une  mine  de  cuivre  qui 
a  été  mife  en  diiiblution  dans  le  fein  de  la  terre ,  peut-être  par  i'acide 
marin,  &  jqui  en  fe  précipitant  s'eft  unie  à  diverfes  efpeces  de  terres 
ou  de  pierres  :  on  la  trouve  ou  en  globules,  ou  en  crifrallifations , 
en  bouquets,  ou  en  houppes  foyeufes.  La  mine  de  cuivre  verte  de 
la  Chine  qui  eft  fi  recherchée  des  curieux,  eft  de  cette  nature.  On 
l'appelle  mine  de  cuivre  foyeuj'e ,  ou  fatinée ,  ou  mine  d'atlas.  Elle  eft 
chatoyante ,  ftriée  eu  en  aiguilles  difpofées  par  faifceaux  comme  l'a- 
miante, communément  friable  &  poreufe;  il  y  en  a  de  folide  &  qui 
^  peut  recevoir  le  poli  ;  alors  c'eft  une  efpece  de  malachite  chatoyante 
ou  veloutée,  dont  on  trouve  de  beaux  morceaux  en  Sibérie. 

La  chryfocole  bleue  ou  bleu  de  montagne ,  fi  commun  dans  le  Duché 
de  Wirtemberg,  eft  la  mine  difToute  par  l'alkali  volatil  :  l'acide  vi- 
triolique  en  forme  une  oc^'e  bleue  ;  elle  eft  aufîî  commune  en  Saxe, 

Lamine  de  cuivre  a^urJe  eft  d'un  tifTu  qui  la  fait  reflembler  à  du  verre 
dans  l'endroit  où  elle  a  été  rompue.  Elle  eft  d'une  belle  couleur  bleue: 
elle  ne  pefe  pas  beaucoup ,  &  elle  a  une  conliftance  peu  folide.  On 
prétend  qu'elle  eft  de  toutes  les  mines  de  cuivre  celle  qui  contient  le 
\  moins  de  4er,  d'arfenic  &  de  foufre,  &  qu'on  en  tire  une  grande 
quantité  d'excellent  cuivre ,  qui  entre  en  fufion  très-aifément  ;  on  en 
trouve  en  Saxe. 

La  mine  de  cuivre  vitreufe  proprement  dite,  eft  grife  ,  ou  purpurine, 
ou  violette ,  ou  noirâtre  &  eft  fort  riche ,  fur-tout  celles  de  Smolande 
&  de  Freyberg.  Elle  eft  très-pefante  ,  médiocrement  dure  ;  elle  rend 
depuis  cinquante  jufqu'à  foixante-dix  livres  de  cuivre  par  quintal. 
Elle  contient  un  peu  de  fer,  mais  plus  de  foufre  &  d'arfenic. 

hcL  mine  de  cuivre  hépatique  eft  un  peu  ferrugineufe,  fin--tout  à  la 
fuperficie ,    ^  eft  communément  chargée  d'efilorefcences  bleues  ou 


C   U    I  4  ï  9 

Vertes,  ou  traverfée  d'un  cuivre  jaune.  Le  Tillot  en  Lorraine,  Frey- 
berg  en  Saxe,  Ste.  Catherine  en  Bohême,  offrent  de  cette  forte  de 
mine,  couleur  de  foie,  &  qui  prend  le  nom  de  mine,  de  cuivre  ti^nèe, 
lorfqu'elle  eft  parfemée  de  taches  jaunes  &  entre-coupée  de  veines 
fpatheufes  ;  s'il  n'y  avoit  que  du  jaune  ,  on  la  nommeroit  rrunc  de 
briauc, 

j. 

Il  y  a  d'autres  mines  de  cuivre ,  grifes ,  blanches ,  noirâtres  ,  & 
fouvent  alliées  à  l'argent  gris  &  àrla  blende.  Elles  font  dures ,  pe- 
fantes  &  unies  dans  leur  fra(5lure-.  La  mine  de -cuivre  la  plus  com- 
mune &  peut-être  la  moins  riche,  eft  ou  d'un  jaune  d'âr  très- éclatant, 
entremêlé  de  différentes  couleurs  très-brillantes  ,  nuéesMe  rouge ,  de 
bleu  &  de  violet ,  qui  jouent  l'iris  :  on  l'appelle  mine  3^  cuivre  gorge 
de  pigeon  ;  elle  eft  commune  au  Tillot  en  Lorraine.  Enfin\il  y  en  a 
qui  font  ou  d'un  jaune  verdâtre  ,  ou  d'un  jaune  pâle  :  telle  eft  la  pyrite 
cuivreufe  ou  mine  jaune  de  cuivre  :  elle  contient  outre  le  cuivre ,  du 
fer  ,  du  foufre,  de  l'arfenic,  &c.  Les  couleurs  vertes  &  bleues  donnent 
lieu  de  foupçonner  la  préfence  du  cuivre;  cependant  le  fer  en  raifon 
de  la  différence  des  menftrues  ou  diffolvans,  donne  aufli  quelquefois 
les  mêmes  couleurs,  Foye:^  les  articles  Malachite,  Bleu  de  mon- 
tagne ,  Lapis  lazuli  ,  &c. 

A  l'égard  des  mines  de  cuivre  figurées ,  ce  ne  font  que  des  ardoifes  1 
avec  empreintes  de  poiflbns  minéralifées  par  le  cuivre ,  &  qu'on  trouve 
fréquemment  à  Ilmenau  ,  à  Eifleben  &  à,.JVlansfeld. 

Que  de  travaux,  que  d'induftrie  n'emploie-t-on  point  pour  féparer 
le  cuivre  des  diverfes  fubftances  avec  lefquelles  il  eft  combiné  !  il  n'y 
a  que  le  fer  minéralifé  qui  foit  plus  dilEcile  à  fondre.  Le  cuivre  rou- 
git long-temps  au  feu  avant  que  d'entrer  en  fufion  :  il  donne  à  la  flamme 
une  couleur  qui  tient  du  bleu  &  du  vert.  Il  eft  aufti  un  des  métaux 
les  plus  diiîiciles  à  féparer  de  la  mine  :  &  les  opérations  qu'on  lui  fait 
fubir  ne  font  pas  abfolument  les  mêmes  par-tout  :  elles  varient  fuivant 
la  qualité  des  mines.  Au  refte  il  faut  prefque  toujours  celle  du  triage, 
du  bocard,  du  criblage,  du  lavage,  du  grillage,  de  la  fonte,  du 
raffinage.  En  un  mot ,  le  travail  des  mines  de  cuivre  eft  le  chef- 
d'oeuvre  de  la  métallurgie.  Le  cuivre  bien  dégagé  de  toutes  matières 
étrangères  &  bien  pur,  fe  nomme  cuivre  de  rofette ^  ^  a  pour  lors 
toutes  les  qualités  qui  conftituent  le  cuivre. 

Le  cuivre  par  fon  mélange  avec  diverfes  autres  fubftances,  donne 

Gg§2 

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42  0  C  U  I 

îiaifTance  en  quelque  forte  à  de  nouveaux  métaux  qui  acquièrent  de 
nouvelles  propriétés ,  &  dont  quelques-uns  font  d'une  grande  beauté. 
Si  on  le  fond  avec  le  ^incy  il  donne  le  tombac^  Iq pinchebeck ,  \q  Jim'Uor 
de  le  métal  de  prince  ;  avec  la  calamine  ,  il  forme  le  cuivre  jaune  ou 
laiton ,  ou  airain.  Par  ce  dernier  alliage  ,  le  cuivre  perd  fa  grande 
dudlilité ,  mais  il  devient  capable  de  fe  bien  mouler  :  étant  fondu  ,  il 
coule  aifément  dans  les  moules  qu'on  lui  préfente ,  &  prend  plus  fi- 
dèlement tous  les  traits  qu'on  veut  lui  imprimer.  Le  laiton  étant  poli 
prend  l'éclat  de  l'or  :'on  en  garnit  des  armoires,  des  commodes,  des 
pendules  fous  mille  formes  gracieufes.  On  en  fait  des  lampes ,  des 
luftres,  des  flambeaux,  des  candélabres  de  toute  efpece,  &  diverfes 
pièces  d'une  ferrurerie  délicate  ,  plus  connue  chez  nos  voifins  que 
parmi  nous,  telles  que  des  pentures  de  tableaux,  des  targettes  ,  des 
charnières ,  des  compas  ,  des  alhidades  de  Géométrie  ,  les  inftrumens 
des  Aftronomes,  &  tout  le  rouage  de  l'Horlogerie,  &c.  On  préfère 
pour  ces  ouvrages  l'airain  ou  cuivre  jaune ,  au  cuivre  rouge  qui  eft 
plus  fujet  à  verdir  :  l'airain  eft  en  revanche  plus  dur  j  &  on  s'en  eft 
même  fervi  pour  exprimer  la  dureté.  On  dit  unfieck  d'airain  ,  un  front 
d^ airain.  Si  on  mêle  le  cuivre  avec  de  l'orpiment  &  de  l'étain,  on  aura 
une  compofition  propre  à  faire  des  miroirs  métalliques  :  uni  avec  de 
farfenic  ,  il  devient  blanc ,  fragile  &  caflant  ;  on  le  nomme  alors  cuivre 
blanc.  Le  cuivre  allié  avec  de  l'étain  fait  une  compofition  très-fon- 
nante ,  connue  fous  1©  nom  de  bronze.  Cette  compofition  fe  jette  en 
fonte  pour  faire  des  cloches,  &  fur-tout  pour  faire  ces  ftatues  colof- 
fales  deftinées  à  immortalifer  les  grands  hommes ,  &  à  conferver  les 
époques  des  événemens  mémorables.  On  en  fait  des  monnoies,  des 
■..médailles ,  &  tout  l'attirail  meurtrier  de  la  guerre.  Une  petite  quan- 
tité de  cuivre  que  l'on  allie  à  l'or  &  à  l'argent,  donne  à  ces  métaux 
une  dureté  qu'ils  n'auroient  point  fans  cela  :  elle  les  rend  plus  faciles 
à  travailler ,  leur  conferve  leur  dudiiité ,  &  les  perfedionne  en  quel- 
que forte.  Le  cuivre  privé  de  fon  phlogiftique  &  réduit  en  chaux  mé- 
tallique ,  fe  nomme  fafran  de  Vénus  ,  écailles  de  cuivre  ou  (Es  uflum 
(  cuivre  brûlé  )  :  alors  il  eft  propre  à  colorer  en  vert  les  verres ,  les 
émaux,  &  à  peindre  la  faïence  &  la  porcelaine. 

Le  cuivre  diffous  par  l'acide  vitriolique  donne  des  criftaux  bleux, 
Lorfqu'il  eft  diflbus  par  l'acide  marin,  il  produit  des  criftaux  foyeux 
&  par  bouquets,  .qui  font  d'un  beau  vert.  Ce  fel  neutre  eft  propre  à 


C  U  I  421 

donner  cette  couleur  aux  feux  d'artifice  :  pour  peu  qu'on  en  mette 
dans  un  brader ,  la  flamme  conferve  long  -  temps  une  couleur  d'arc- 
en-ciel  très-vive.  Une  diflbiution  de  cuivre  dans  laquelle  on  fait  trem- 
per une  lame  de  fer ,  peut  en  impofer  à  des  yeux  ignorans ,  &  pré- 
fenter  l'image  de  la  tranfmutatlon  du  fer  en  cuivre.  Lorfqu'on  plonge 
la  lame ,  l'acide  difTout  le  fer ,  &  le  cuivre  fe  dépofe  fur  la  lame  de 
fer  5  dont  la  fuperficie  recouverte  des^-parties  cuivreufes,  prend  un 
coup  d'oeil  de  cuivre,  La  nature  opère  quelquefois  cette  tranfmutatlon 
dans  les  lieux  fouterrains;  &  le  cuivre  précipité  ainfî  fe  nomme  cuivre 
de  cémentation  ou  cuivre  précipité.  On  en  prépare  ainfi  -à  Neufol  en 
Hongrie,  &c.  \ 

Le  cuivre ,  comme  il  efl  dit  ci-delTus ,  eft  un  des  métaux  les  plus 
employés  dans  les  arts  &  métiers,  parce  qu'il  a  beaucoup  de  malléa- 
bilité 5  de  flexibilité ,  de  dudilité ,  de  dureté  &  d'élafticité.  Le  cuivre 
du  Japon  &  celui  du  Tyrol  font  les  meilleurs  de  tous ,  &  les  moins 
fujets  à  la  rouille  &  à  noircir  à  l'air.  On  en  fait  mille  uflienfîles;  des 
cordes  de  clavecin ,  des  feuilles  pour  les  faux  galons  d'or  ;  c'efl:  ce  que 
l'on  appelle  criptau  ou  clinquant.  Les  feuilles  plus  battues  s'appellent 
or  cC Allemagne  :  réduites  en  poudre,  elles  produifent  ce  qu'on  appelle 
or  en  coquilles ,  &c.  Le  cuivre  entre  dans  les  caraderes  d'Imprimerie. 
Par  fa  propriété  de  fe  diifoudre  dans  les  acides ,  tant  végétaux  que 
minéraux ,  on  en  forme  du  vert-de-gris  avec  les  rafles  du  raifin  &  de 
la  vinafTe  (gros  vin),  préparées  exprès;  matierd  d'un  fi  grand  ufage 
en  peinture,  en  teinture  &:  dans  la  pelleterie.  Voy&{^  la  Théorie  quen 
a  donnée  M.  Montet  dans  les  Mémoires  de  l'' Académie  Royale  des  Sciences, 
M.  Bourgeois  dit  que  le  vert-de-gris  diffous  dans  le  vinaigre  &  palTé 
par  le  tamis  de  crin  pour  le  féparer  des  rafles  du  raifin  &  autres  im- 
puretés, enfuite  broyé  fur  un  marbre  avec  un  tiers  de  tartre  blanc, 
fait  un  vert  de  couleur  de  rofe  très-éclatant ,  &  qui  a  prefque  le  bril- 
lant &  la  folidité  de  la  peinture  à  l'huile ,  fi  on  fe  fert  de  bon  vinaigre 
pour  l'employer  au  lieu  d'eau.  Le  vert- de-gris  fert  auflî  en  Médecine 
pour  confumer  les  chairs,  on  ne  l'emploie  qu'extérieurement. 

Si  on  fe  contente  de  diflbudre  le  verdet  dans  du  vinaigre  diflillé,  & 
de  faire  évaporer  cette  diflbiution  filtrée,  on  en  obtiendra  par  la  voie 
de  la  criftallifation  le  verdet  diflillé  dont  on  fe  fert  en  miniature  pour 
peindre  en  vert.  Si  l'on  veut  un  détail  plus  circonftancié  fur  les  mines 
de  cuivre  &  les  travaux  ou  opérations  qu'on  leur  fait  fubir ,  &c,  on 


•422  C    U    I 

peut  confulter  ce  qui  en  eft  dit  dans  le  fécond  volume  ^e  notre  Mi- 
néralogie ,  &  dans  le  Didionnaire  des  Arts  &  Métiers. 

Quoique  tout  le  monde  foit  inftruit  des  dangereux  &  terribles  effets 
du  cuivre  pris  intérieurement ,  6c  qu'on  ait  établi  par-tout  des  fa- 
briques de  porcelaine,  de  faïence  &  des  vafes  de  fer  battu,  l'ufage  du 
cuivre  ne  tombe  point  :  il  eft  la  matière  ordinaire  des  fontaines  ,  des 
cuvettes  &  de  tout^  la^batt^rie  de  nos  cuifines,  dont  il  réfulte  jour- 
nellement tant  d'inconvéniens  fâcheux.  Il  eft  étonnant  de  voir  avec 
quelle  fécurité  ou  quel  aveuglement  impardonnable  on  prépare  encore 
un  grand  nemibre  de  nos  alimens  ,  ôc  fouvent  avec  combien  peu  de 
précautiory*  on  met  la  boifîbn  dans  des  vafes  qui  portent  dans  leur 
fein  un  uoifon  dont  nous  ne  fom,mes  garantis  que  par  une  légère  lame 
d'étaity,  d'ailleurs  fi  facile  à  fe  fondre  ou  à  être  pénétrée  aulli  par 
des.  acides.  La  Suéde  nous  préfente  un  exemple  de  générofité  &  de 
iageiïe  à  fuivre  ;  quoique  le  cuivre  foit  un  préfent  que  la  nature  a 
fait  à  cette  contrée ,  &  qu'il  foit  un  des  objets  les  plus  conlidérables 
de  fon  commerce,  le  Gouvernement  en  a  défendu  l'ufage  dans  tous 
les  Hôpitaux  &  dans  tous  les  autres  établiffemens  qui  font  de  fon 
Teftbrt.  On  a  mcme  obfervé  que  les  ouvriers  qui  travaillent  ce  métal , 
font .  fouvent  attaqués  de  diarrhées ,  &  éprouvent  quelquefois  les 
fymptômes  les  plus  violens  ;  ce  qui  eft  vraifemblablement  occafionné 
par  les  particules  corrofives  de  ce  miétal  qui  agifl'ent  fur  les  poumons 
&  l'eftomac.  Dans  les  atteliers  en  grand  on  y  refpire  une  forte  odeur 
de  cuivre;  les  travailleurs  ont  leurs  cheveux,  la  peau  du  vifage ,  des 
mains  &  les  ongles  colorés  en  vert.  Si  l'on  avale  par  malheur  du  vert- 
de-gris  ,  on  reflent  à  Tinftant  de  terribles  douleurs  dans  l'eftomac,  dans 
les  inteftins  ,  des  naufées,  des  vomiflemens  horribles,  des  envies  fré- 
quentes ,  &  fouvent  inutiles,  d'aller  à  la  felle  ;  une  grande  difficulté 
de  refpirer,  un  dcfféchement  dans  la  bouche,  des  infomnies ,  des  con- 
traétions  fpafmodiques  des  membres ,  c'eft-à-dire  fur  les  nerfs ,  des 
vertiges  :  voilà  les  fuites  de  ce  poifon  ;  fouvent  la  mort  fuccede,  &  Ci 
on  fait  l'ouverture  du  cadavre ,  on  trouve  l'eftom.ac  &  les  inteftins 
corrodés  &  délabrés.  Le^  faftes  de  la  Médecine  font  remplis  d'exem- 
ples funeftes  des  malheurs  caufés  par  ce  poifon  métallique  :  il  y  a  peu 
de  famille  particulière ,  qui  n'ait  quelque  récit  à  faire  fur  les  dange- 
reux effets  de  ce  métal ,  contre  lefquels  on  peut  ufer  avec  fuccès  du 
^ait ,  de  rhuile#5c  des  corps  gras  ;,  pris  en  boiflbn  Ôi  en  lavement ,  & 


C  U  I  CUL  423 

en  abondance.  Il  faut  avoir  recours  encore  aux  émétiques, 

Nous  avons  cru  devoir  nous  étendre  fur  les  redoutables  effets  du 
vert-de-gris.  Le  favant  M.  Bourgeois  ,  l'un  des  Commentateurs  de  notre 
Dictionnaire  imprimé  à  Yverdon  ,  difant  que  ce  poifon  n'eft  pas  fi 
dangereux  &  fi  violent  que  nous  le  croyons ,  &  que  tous  les  accidens 
qu'il  caufe  fe  diflipent  fans  remède  au  bout  de  quelques  jours;  je  vou- 
drois  que  tout  le  monde  n'eût  pas  plusjieu  cje  s'en  plaindre,  /^qy^^  la 
Thefe  fur  le  danger  des  vaijfcaux  de  cuivre  dans  la  préparation  des  alimens  , 
foutenuc  dans  les  Ecoles  de  Médecine  de  Paris. 

CUIVRE  DE  CORINTHE,  œs  Corimhiacum.  C'efKcette  fameufe 
&  précieufe  compofition  métallique  fi  vantée  pour  fa  beauté,  fa  fo- 
lidité,  fa  rareté,  &  qu'on  préféroit  à  l'or  même,  mais  dc^it  le  fecret 
efl:  perdu  depuis  plufieurs  fiecles.  Ce  cuivre  étoit  compofé  a^un  mé- 
lange de  cuivre,  d'or  &  d'argent,  fait  par  art,  &  non  pas  un  rriliage 
fortuitement  arrivé  lors  de  l'embrafement  de  Corinthe,  comme  le  dit 
Florus,  JJ orichalque  faélice  des  Anciens  ,  auri-chalcum  ,  étoit  vraifem- 
blablement  une  efpece  de  cuivre  de  Corinthe.  L'Interprète  Syriaque 
de  la  Bible  prétend  que  les  vafss  que  Hiram  donna  à  Salomon  pouï 
le  temple,  étoient  de  cuivre  Corinthien.  Sa  rareté  femble  avoir  été 
la  principale  caufe  de  ce  que  fon  prix  devint  exorbitant.  On  en  faifoit 
un  fi  grand  cas,  qu'il  pafiTa  en  proverbe  que  ceux  qui  vouîoient  pa- 
roître  plus  habiles  que  les  autres  fur  les  Arts,  flairoient  la  pureté  du 
cuivre  de  Corinthe.  C'eft  le  fujet  d'une  des  jolies  épigrammes  de  Maniai: 

Confuluk  nares   an   oîerent  a:ra  Corinthum, 
Culpavic  ftatuas ,   &  Polyclece  ,    tuas. 

a>  Mon  cher  Polyclete ,  il  a  condamjaé  vos  (tatues ,  parce  qu'elles  n'ont 
»  point  à  fon  nez  l'odeur  du  cuivre  de  Corinthe  m. 

CUL-BLANC  ou  VITREC,  vitifiora.  Petit  oifeau  du  genre  du 
bec-figue ,  &  dont  il  y  a  plufieurs  efpeces  qui  différent  par  la  groffeur, 
la  couleur  &  le  lieu  qu'ils  habitent.  Le  cul-blanc  efi:  ordinairement 
gris  par-deffus ,  mais  il  a  le  ventre  blanc ,  ainfi  que  les  plumes  du 
croupion;  ce  qui  l'a  fait  appeler  cul-l^Ianc f  à'autvQS  font  cendrés,  & 
ont  le  croupion  également  blanc,  &c. 

Le  cul-hlanc  eft  grand  comme  le  moineau,  &  gros  comme  la  mé- 
fange  :  fon  bec  noir  reffemble  à  celui  du  pluvier  :  fes  jambes  &  l'extré- 
mité de  fa  queue  font  noires  :  fon  vol  n'eft  pas  long»;  il  fait  un  petit 


424  CUL  eu  M 

cri  en  partant  &  vole  à  fleur  d'eau  :  il  n'a  aucun  chant  fuivi.  Cet  olfeau 
ne  vit  ni  en  cage  ni  en  volière  ;  fa  chair  eft  peu  délicate.  Il  fait  fon 
nid  dans  les  trous  des  amas  de  pierres  ou  des  vieilles  mafures.  Il  pond 
cinq  ou  fix  œufs.  On  le  voit  fuivre  les  Laboureurs  pour  manger  les 
vers  &  tous  les  infedes  que  la  charrue  découvre. 

Celui  d'Angleterre  fait  Tes  petits  dans  de  vieux  terriers  de  lapins: 
on  l'appelle  mouux,  O^  prend  beaucoup  de  ces  oifeaux  aux  gluaux, 
à  l'aide  d'un  appeau  qui  les  attire.S3n  mange  le  cul-blanc,  mais  il  n'eft 
pas  abfolument  délicat.  Le  cul-blanc  roux  s'appelle  rouleau  :  on  le 
trouve  à  Gibraltar  &  en  Italie.  On  donne  aufli  le  nom  de  cul- blanc  au 
bécafleau  commun,  l^  oyc^  Bécafleau. 

CUL-D'ANE.  On  donne  ce  nom  ,  ou  celui  de  cul-de- chevaux ,  à 
J'efpece  de  zoophyte  appelé  ortie  de  mer.  Voyez  ce  mot, 

CUL- JAUNE,  eft  le  pic-verd  de  Guyenne. 

CUL-ROUGE  5  eft  le  nom  qu'on  donne  à  ^êpeiche ,  efpece  de  pic. 
Voye^  Pic, 

CUMIN,  cuminum.  Cette  plante  que  l'on  cultive  à  Malthe  fous  le 
nom  ^anis  acre,  eft  ombellifere,  annuelle,  haute  d'un  pied,  &  divifée 
en  plufieurs  branches  :  fa  racine  eft  petite ,  blanche  &  fibrée  ;  elle  périt 
quand  la  femence  eft  mûre  :  fes  feuilles  font  peu  nombreufes  &  capil- 
laires :  fes  fleurs  naiflent  aux  fommets  des  rameaux  ,  &  font  difpofées 
en  parafol  arrondi.  Il  leur  fuccede  de  graines  oblongues  ,  d'un  gris- 
brun  ,  jointes  deux  à  deux ,  cannelées  comme  celles  du  fenouil , 
pointues  par  les  deux  bouts  ,  convexes  d'un  coté  ,  applatiesde  l'autre, 
d'une  faveur  unpeuamere,  aromatique  ,  acre  jdéfagréable,  d'une  odeur 
forte  ,  que  les  pigeons   aiment  beaucoup. 

Ses  graines  font  d'ufage  chez  les  Hollandois  ,  qui  en  mettent  dans 
îeurs  fromages  :  &  chez  les  Allemands,  qui  en  mêlent  avec  du  gros 
fel  dans  la  pâte  du  pain  pour  s'exciter  à  boire.  Quoique  moins  car- 
minative  que  la  graine  du  carvi ,  elle  convient  fort  dans  la  colique 
venteufe;  c'eft  une  des  quatre  grandes  femences  chaudes.  Il  y  a  des 
Provinces  où  ,  pour  attirer  beaucoup  de  pigeons  dans  les  colombiers, 
on  y  met  une  pâte  faite  bmqc  de  la  terre  imbibée  d'huile  d'afpic  ,  ÔC 
lardée  de  graine  de  cumin. 

CUMIN  CORNU  ,  hypecoon.  Plante  qui  croît  aux  pays  chauds. 
Sa  racine  eft  longue  &  rougeâtre.  Ses  tiges  font  longues  d'un  pied 
&  ram.çufes,  Ses  feuilles  font  fgmblables  ^  celles  de  la  rue  fauvage.  Sa 


C   U  M  C  U  K  42; 

ûem  eft jaunâtre,  petite,  à  quatre  étamines,  compofées  de  quatre 
feuilles  difpofées  en  croix ,  à  trois  dentelures ,  &  dont  les  deux  ex- 
te'rieures  font  plus  grandes  que  les  autres.  Le  calice  eft  de  deux  pièces, 
A  la  fleur  fuccede  une  gouflè  plate ,  formée  en  manière  de  faux  & 
compofée  de  plufieurs  pièces  jointes  enfemble  bout  à  bout,  renfer- 
mant des  graines  noirâtres  &  en  forme  de  rein.  Cette  plante  eft  nar- 
cotique. ^-'-        ,;, 

CUMIN  DES  PRÈS.  Des  Hèr5oriftes  donnent  ce  nom  au  carvi't 
Voyez  ce  mot.  ' 

CUMRAH.  Skaiv  rapporte  qu'il  fe  trouve  dans  la  Barbarie,  dans 
les  environs  d'Alger  ,  un  animal  connu  fous  le  nom  de  cumrak  ,  & 
dont  on  fe  fert  dans  ces  pays  avec  un  grand  avantage.  \Cette  race 
d'animaux  provient  de  l'union  d'un  âne  avec  une  vache.  J^oy^ei  Varu 
Jumart.  .  ^ 

CUNOLITE.  C'eft  une  folîîle  à  bafe  elliptique  ,  applatl  d'un  côté, 
arrondi  de  l'autre,  orné  d'une  fente  longitudinale  qui  repréfente  les 
parties  génitales  de  la  femme  ;  ce  qui  l'a  fait  appeller  par  Barrere, 
cunnolïtcs  ^  (à  JîmUitudïm  cum  vulva  muUebri  Jive  cunno  ^.  La  partie 
inférieure  eft  chargée  de  cercles  concentriques  &  finement  ftriée  du 
centre  à  la  circonférence  ,  ainfi  qu'en  la  fuperfacie.  Par  l'examen  de 
ceux  de  ces  folliles  que  nous  avons  eu  occafion  de  voir,  nous  croyons 
que  la  cunolite  eft  une  forte  de  madrépore  fongite  ,  analogue  à 
l'efpece  appellée  champignon  de  mer.  En  effet ,  fi  on  met  tremper  ce 
folfile  pendant  quelque  temps  dans  de  l'eau  forte  affoiblie ,  on  y 
découvrira  à  la  partie  fupérieure  les  feuillets  cellulaires ,  qui  s'éten- 
dent d'un  centre  commun  à  la  circonférence  ,  comme  dans  les  cham- 
pignons de  mer.  M.  Gueuard  place  la  cunolite  parmi  les  porphes^ 
Voyez  ce  mot. 

CUNTUR  ou  CONTOUR.  Voye^  Condor. 

CURAGE.  Voye^^  Persicaire  acre. 

CURBMA,  eft  le  taon-curcas  ,  ou  plutôt  une  efpece  d'oeftte  qtlî 
s'attache  au  rhenne.  Voye^^  à  V article  Taon, 

CURCUMA.  Voy&i^  Terre  mérite.       «^ 

CURUCU.  Voye-{  CURURU. 

CURUCUCU.   Serpent  du  pays  des  Incas ,  long  de  dix  à  douze 
pieds  ,  grisâtre  &  tacheté  de  noir  fur  le  dos  ,  &  de  jaune  fous  la  ventre» 
Sa  tête  eft  plus  étroite  &  fe^  dents  plus  longues  que  dans  les  autres 
Tome  lU  Hhh  ' 


42^  eus 

ferpens.  Il  eft  très-venimeiix  &:  redoutable.  Cependant  les  Indiens  en 
mangent  la  chair.  Il  ne  fait  aucun  mal  ,  fi  on  ne  l'irrite  ;  mais  quand 
il  eft  attaqué  il  arrondit  tout  Ton  corps  ,  &  s'élance  fur  fon  ennemi  : 
le  venin  de  fa  morfure  eft  fi  violent ,  qu'il  caufe  en  vingt  heures  des 
vertiges ,  des  tremblemens ,  des  tranchées ,  h  fièvre  ardente ,  la 
fueur  froide .  &  enfin  la  mort.  Mais  ce  qui  eft  fingulier ,  fon  venin 
ne  coagule  point  le  fang:^  il  le-jpet  tellement  en  eftbrvefccnce ,  qu'il 
l'oblige  à  fortir  par  le  nez  ,  par  le^yeux  ,  par  les  oreilles ,  &  mém& 
fous  les  ongles. 

Le  ferpei^t  appelle  cumcu-nnga  ,  eft  une  fois  plus  long  &  plus  gros 
que  le  curucucu.  Ses  écailles  font  tiquetées  de  noir  &  de  blanc ,  &  le 
bout  de  fi/  queue  eft  pointu  comme  une  alêne.  Sa  gueule  qui  eft: 
garnie  .'Qe  deux  rangs  de  dents  recourbées  à  chaque  mâchoire  ,  rend 
ce  reptile  fort  redoutable. 

CUFvUPA.  C'eft  le  nom  que  les  Omaguas ,  nation  de  l'Amérique,, 
donnent  à  une  plante ,  au  moyen  de  laquelle  ils  fe  procurent  une- 
ivreiTe  qui  dure  vingt-quatre  heures  ,  pendant  laquelle  ils  ont  des 
vifions  les  plus  agréables.  Ils  prennent  aufli  cette  plante  réduite  ea 
poudre ,  comme  nous  prenons  le  tabac  ,  mais  avec  plus  d'appareil. 
Ils  fe  fervent  pour  cela  d'un  tuyau  de  rofeau  terminé  en  fourche  ; 
ils  font  entrer  chaque  branche  dans  une  narine  :  cette  opération  ,. 
fuivie  d'une  afpiration  violente  ,  leur  fait  faire  une  grimace  fort 
ridicule  aux  yeux  d'un  Européen  ;  mais  qui  pafle  pour  agrément 
dans  leur  pays.  Voyez  le  Voyage  de  M.  de  la  Condamine, 

CURURU   ou  CURUCU  ,  eft  le  crapaud  pipai  de  Surinam  &  du 
Bréfil  5   dont  la  bave ,  l'urine  &  le  fiel  fervent  à  quelques  malheureux 
endurcis  aux  crim.es ,  pour  faire  un  poifon  lent  qu'il  eft  difficile  de^ 
détruire.     Voye^  à  la  fuite,  du  mot  Crapaud,  v 

CUSCUTE  5  cufcuta.  Plante  parafite  d'une  efpece  bien  finguliere, 
puifqu'elle  ne  le  devient  qu'après  avoir  tiré  fa  première  nourriture 
de  la  terre  par  un  filet  qui  lui  fert  de  racine  ,  &  qui  fe  deffeche  bientôt. 
Cette  plante  n'a  point  de  feuilles  &  ne  poufle  que  des  filets  ou  che- 
veux rougeâtres.  Ces  cheveux ,  au  moyen  de  certains  tubercules  qui 
font  l'office  de  racines  ,  s'infèrent  dans  î'éccrce  des  autres  plantes ,. 
auxquelles  ils  peuvent  atteindre ,  de  telle  forte  qu'ils  rompent  les 
vaifieaux  qui  y  diftribuent  le  fiic  nourricier,  &  deviennent  autant  de 
fuçoirs  qui  portent  la  nourriture  à  la  plante  parafite  ,    aux  dépens 

.4 


eus  427 

de  celle  à  laquelle  elle  s'attache.  La  cufcute  s'accommode  de  toutes 
les  plantes  qui  font  pour  elle  ce  que  la  terre  eftpour  celles  qui  y  jettent 
leurs  racines.  Le  fuc  doux  &  mucilagineux  des  plantes  papilionacées 
&  labiées,  lui  convient  aulli  bien  que  le  fuc  acre  &  cauftique  des 
plantes  crucifères.  Elle  poufle  avec  la  derniere-rvigueur  fur  l'ortie,  & 
particulièrement  fur  la  vigne ,  où  elle  croît  en  fi  grande  abondance  , 
qu'elle  forme  ce  qu'on   appelle  le  raijiti-iarbuy  Voyi\^  à  Vartïck  Vigne. 

Les  fieurs  de  cette  plante  naifïent  en  petites  têtes  diftribuées  de 
côté  &  d'autre  fur  les  filamens  capillaires  ;  elles- font  en  cloches,  blan- 
châtres ou  rougeâtres  ;  il  leur  fuccede  un  fruit  arrondi  y,  qui  contient 
de  petites  graines.  On  obferve  que  la  graine  de  la  cufcute  n'a  qu'une 
enveloppe  membraneufe  ,  &  relîemble  fort  à  celle  des  liliacées ,  en 
ce  qu'elle  confifte  en  un  corps  farineux  ou  charnu  qui  colitient  un 
embryon  aflez  petit .  cylindrique  ,  à  un  feul  cotilédon  ,  &  qui  le  perce 
horizontalement  par  un  feul  côté  pour  végéter;  à  fa  fortie  il  paroit 
comme  un  long  filet ,  qui  fe  courbe  comme  un  crochet  ;  dès  qu'il  a 
acquis  deux  pouces  de  longueur,  on  apperçoit  vers  fon  extrémité  un 
petit  tubercule  ,  c'eft  la  première  de  fes  feuilles  qui  reffemblent  à  de 
petites  écailles.  La  cufcute  fe  renouvelle  tous  les  ans  par  le  moyen 
de  fa  graine.  Si  l'on  fume  cette  graine  dans  des  ports  de  terre,  elle 
levé  très-bien,  mais  elle  périt  bientôt  entièrement  ,  quand  elle  ne 
trouve  pas  près  d'elle  des  plantes  fur  iefquelles  elle  puifle  grimper 
pour  en  tirer  le  fuc  nourricier. 

Les  différentes  plantes  auxquelles  s'attache  la  cufcute ,  &  dont  elle 
doit  prendre  en  partie  les  propriétés ,  par  le  fuc  qu'elle  ...en  pompe  , 
lui  fait  donner  les  noms  âiépithyme  ..  d'épuhymbrc ,  à^angoure  de  lin  , 
d'ty;/  marrube  ,  d'éfi  lavande.  Au  refte  ,  la  cufcute  ne  vient  pas  feu- 
lement fur  les  plantes  dont  elle  a  emprunté  le  nom  j  ces  noms  marquent 
feulement  qu'elle  fe  rencontre  plus  communément  fur  ces  plan.es  ; 
mais  on  la  trouve  fur  un  fi^grand  nombre  d'autres  ,  qu'on  pourroit 
peut-être  croire  qu'elle  peut  s'attacher  iudiftindement  fur  toutes  fortes 
de  plantes.  En  un  mot,  la  cufcute  pouffe  également  fes  tiges  en  tous 
fens  ;  toute  diredion  lui  eft  bonne  ,  cependant  la  plante  eft  contournée 
dans  le  fens  de  la  courbure  de  la  graine  ,  &  la  plantule  eft  tournée 
en  fpirale  dans  la  femence. 

La  cufcute  croît  dans  tous  les  pays  chauds ,  froids ,  tempérés.  Elle  vient 

en  Suéde,  dans  les  Alpes,  en    SuiiTe ,   en  Angleterre,  par  toute  la 

Hhh2 
4L 


-42Ï  C  Y  G 

France  ,  en  Italie  Se  en  Egypte;  &  nous  devons  à  M.  de  Tourmfortl 
dans  fes  Voyages  du  Levant ,  une  belle  defcription  de  celle  d'Ar- 
ménie :  mais  en  quelque  pays  qu'elle  végète  ,  on  ne  la  rencontre 
ordinairement  que  dans  les  lieux  frais  &  à  l'abri  du  foleil.  On  en  trouve 
dans  les  boutiques  de  deux  fortes,  celle  de  Candie  &  de  Venife.  L'une 
eft  rougeâtre  &  l'autre  eft  jaunâtre  :  mais  ces  couleurs  ne  peuvent 
former  des  efpeces.  Si  l'on  'met  J^es  branches  de  l'une  &  l'autre  cou- 
leur fur  une  plante  qui  foit  à  l'ombre  ,  alors  elles  perdent  cette 
couleur  &  deviennent  blanchâtres.  Cette  plante  eft  plus  curieufe 
qu'utile:  car  elle  ne  poflede  qu'à  un  degré  très-foible ,  les  propriétés 
ùqs  plantes, fur  lefquelles  elle  croît.    Voye:^  Plantes  parasites, 

CYGNJS ,  cygnus.  Oifeau  le  plus  grand  de  tous  les  palmipèdes  du 
genre  de  Toie ,  &  l'un  des  plus  beaux  des  oifeaux  aquatiques  ;  il  pefe 
jufqu'à  vingt  livres ,  quand  il  eft  avancé  en  âge.  Il  nage  avec  une 
noblelfe  ,  une  aifance  &  une  grâce  fingulieres.  Son  plumage  eft  cendré 
avec  quelques  nuances  de  jaune  dans  fa  première  année  ;  mais  au 
bout  d'un  an  il  devient  d'une  blancheur  qui  a  pafle  en  proverbe.  Le 
cygne  a  quatre  pieds  &  plus  de  longueur ,  &  plus  de  fept  pieds  d'en- 
vergure :  tout  fon  corps  eft  recouvert  d'un  plumage  mollet  &  délicat,' 
fur  lequel  les  riches  cherchent  quelquefois  en  vain  le  fommeil  ;  on  en 
fait  aufli  des  houpes  à  poudrer.  Le  bec  du  cygne  eft  terminé  par  un 
appendice  en  forme  d'ongle  ,  rond  à  la  pointe  ;  il  y  a  une  raie  noire 
de  chaque  côté  depuis  les  narines  jufqu'à  la  tête;  il  eft  d'abord  de 
couleur  livide  ou  plombée ,  &  devient  rougeâtre  lorfque  l'oifeau  n'eft 
plus  dans  la?-premiere  jeunefle.  Ce  bec  eft  large ,  pour  que  le  cygne 
puilTe  prendre  à  la  fois  une  plus  grande  quantité  de  limon  ,  &  y 
faifir  ce  qui  s'y  trouve  de  vermifTeaux  ,  en  éparpillant  le  refte.  Le 
deflus  eft  percé,  ainfi  que  dans  l'oie  &  le  canard,  pour  que  Tanimaî 
puifle  rejetter  l'eau  par  cette  ouverture,  &  avaler  feulement  les  herbes 
aquatiques  ,  les  graines  ,  ou  les  œufs  de  poifTon  qu'il  a  pris.  L'ongle 
du  bout  refte  toujours  noirâtre ,  tandis  qu'à  la  bafe  du  bec  il  s'élève 
une  tubérofité  charnue  ,  un  peu  grande,  noire,  remarquable,  réfléchie 
en  bas  ou  en  devant.  La  nature  a  pourvu  ces  oifeaux  d'un  long  cou  , 
compofé  de  vingt-huit  vertèbres ,  parce  que  ne  pouvant  s'enfoncer  , 
ils  atteignent  par  fon  moyen  profondément  dans  l'eau  ,  en  nageant 
de  côté  &  d'autre,  pour  chercher  leur  nourriture.  Ajoutons  que  leur 
langue  eft  comme  hérilTée  de  petites   dents» 


<  C  Y  G  42i? 

L'Attatomîe  à  obfervé  que  l'âpre- artère  de  cet  oifeau  efl  réfiéchie 
en  manière  de  trompe ,  ce  qui  contribue  à  donner  de  la  force  à  fa 
voix  ;  mais  on  n'en  doit  pas  moins  regarder  comme  fabuleux  ,  ce 
que  les  Anciens  ont  dit  de  la  mélodie  du  cygne  mourant.  La  trachée 
de  la  grue  eft  dans  le  même  cas ,  &  cependant  cet  oifeau  n'eft  guère 
vanté  pour  fon  chant  &  pour  fa  mélodie.  On  peut  foupçonner  avec 
Aldrovande ,  que  quand  le  cygne  fauvage  tient  pendant  près  d'une 
demi-heure  toute  la  tête  &  le  cou  plongés  au  fond  de  l'eau ,  pour  y 
chercher  fa  nourriture ,  ayant  les  pieds  élevés  vers  le  ciel  ;  cette 
partie  de  la  trachée-artere  ,  qui  eft  renfermée  dans  la  capfule  du  fter- 
num  5  lui  peut  fervir  de  réfervoir  ,  d'où  il  tire  affez  d'air  pqur  refpirer. 
Confultez  le  détail  anatomique  de  cette  merveille  ,  inféré^ dans  la 
Théologie  Phyfique  de  Z^er/z^w ,  in-S'*.  page  47p.  Ce  détail  eft  d'après 
Bartholïn.  Il  paroît  que  tous  les  animaux  aquatiques  en  général  qui 
fe  plongent  long-temps  dans  l'eau ,  ont  la  trachée-artere  formée  dans 
le  même  plan  à-peu-près. 

On  a  dit  que  le  cygne  avoit  fervi  de  modèle  pour  perfedionner 
la  fabrique  des  navires  ;  les  premiers  fabricateurs  ayant  formé  fur  le 
cou  &  la  poitrine  la  proue  &  la  quille  ;  fur  le  ventre  &  la  queue  , 
la  poupe  &  le  gouvernail  ;  fur  les  ailes,  les  voiles,  &  fur  les  pieds, 
les  rames.  On  ne  fauroit  voir,  il  eft  vrai,  de  fpedacle  plus  agréable 
&  plus  élégant ,  que  celui  d'une  troupe  de  cygnes  au  milieu  des 
eaux ,  lorfqu'ayant  foulevé  leurs  ailes  avec  grâce  ,  en  forme  de  voiles, 
le  vent  les  enfle  &  fait  voguer  avec  rapidité  cette  flotte  emplumée  , 
fans  rifque  d'être  fubmergée.  * 

On  prétend  que  le  cygne  vit  très-long-temps.  La  femelle  pond  cinq 
à  fix  œufs ,  &  elle  les  couve  pendant  près  de  deux  mois.  On  peut 
croire  en  effet  que  la  vie  de  ces  animaux  eft  longue ,  fi ,  fuivant  la 
remarque  de  Pline ,  les  animaux  qui  font  portés  plus  long  -  temps 
dans  le  ventre  de  la  mère  ,  ont  une  vie  de  plus  longue  durée  ;  car  l'in- 
cubation répond  en  général  au  féjour  du  fœtus  dans  la  matrice. 
'  La  femelle  aime  éperdument  fes  petits ,  &  les  défend  vigoureufe- 
ment.  Après  l'accouplement ,  le  m.âle  &  la  femelle  fe  plongent  dans 
l'eau  à  diverfes  reprifes ,  &  courent  l'un  après  l'autre  en  fe  jouant , 
comme  font  les  oies ,  les  canards^  &  les  autres  animaux  aquatiques» 

Le  Cygne  sauvage,  cygnus  férus ,  eft  moins  grand  &  moins^pelant 
que  le  cygne  domeftique  j  la  bafe  du  bec  de  cet  oifeau  eft  recouverte 


430  CYG 

par  une  peau  jaune,  &  toutes  fes  plumes  ne  font  pas  blanches  comme 
celles  du  cygne  domeftique.  On  prétend  que  le  féjour  ordinaire  de 
ces  cygnes  eft  la  Scanie. 

Le  cygne  étoit  autrefois  plus  à  la  mode  en  France  qu'il  ne  l'eft  au- 
jourd'hui :  on  en  voyoit  par-tout  fur  la  rivière  de  Seine  ;  on  en  éievoit 
autrefois  beaucoup  dans  l'île  des  Cygnes  ,  appeilée  aujourd'hui  Mu' 
querelle.  Quelques  perfonnes  riches  fe  font  encore  un  plaifir  d'en 
avoir  dans  leurs  baflins .  Ceux  que  l'on  voit  fur  la  Tamife  font  très- 
beaux ,  ainfi  que  ceux  qui  voguent  fur  les  magnifiques  canaux  de 
Chantilly.  jQuand  ces  animaux  volent ,  c'efl:  ordinairement  par  trou- 
pes :  ils  ont,',  dit-on ,  chacun  le  bec  appuyé  fur  le  cygne  qui  précède, 
&  Il  celui/qui  va  à  la  tête  ,  fe  trouve  fatigué  ,  il  va  fe  placer  à  la 
queue  -de  la  troupe. 

La  chair  du  cygne  eft  de  difficile  digeftion  ;  les  jeunes  cygne-s  , 
tendres  &  délicats  ,  font  cependant  afîez  bons  à  manger.  La  graifle 
de  cet  oifeau  ,  mêlée  avec  du  vin  ,  dilîipe  ,  dit-on  ,  les  taches  de 
rouflfeur.  La  peau  du  cygne,  étant  recouverte  d'une  grande  quantité 
de  duvet ,  eft  d'ufage  contre  les  rhumatifmes  ,  parce  qu'elle  occa- 
fionne  une  douce  tranfpiration  ,  propre  à  difliper  les  humeurs  arrêtées 
dans  les  parties  fur  lefquclles  on  l'applique.  Son  duvet  fert  à  remplir 
des  coulilns^  ^  des  oreillers.  On  fait  ufage  des  plumes  de  cygne  pour 
écrire ,  &  l'on  a  obfervé  que  les  tuyaux  des  grandes  plumes  des 
tiiles  font  plus  gros  dans  le  cygne  privé  que  dans  le  fauvage.  Cet 
oifeau  eft  la  nourriture  commune  des  Kamtfchadales  :  dans  le  temps 
de  la  mua*.pn  le  chafiTe  avec  des  chiens ,  &  on  i'aflbmme  avec  des 
xnaflues  ;    en  hiver  on.  le  prend  dans  les  rivières  qui  ne  gèlent  pas.    ■ 

On  dit  qu'il  y  a  en  Amérique-  une  efpece  de  cygne  dont  le  pied 
droit  eft  comme  les  ferres  d'un  oifeau  de  proie  ,  &  le  pied  gauche 
comme  celui  des  autres  cygnes  ;  il  fe  fert  du  premier  pour  faifir  fa 
proie  en  plongeant  &c  il  emploie  l'autre  pour  nager  ;  mais  ceci  mérite 
d'être  confirmé.  A  l'égard  de  l'oie  à  duvet  ,  voyez  canard  à  duvet  à 
l'article  Canard, 

^  CYGNE  CAPUCHONNÉ  ,  cy^nus  cucullatus.  On  voit  aux  Indes 
Orientales,  dans  Tile  Maurice  une  efpece  de  cygne  qui  tient  du  coq 
d'Inde  &  de  Wiutruche ,  &  dont  la  bafe  du  bec  eft  couverte  d'une  peau 
ernplumée  faite  en  forme  de  coqueluchon.  On  dit  qu'il  eft  très-ftupide, 
oc  qu'il  le  hùfTe  prendre  aiférp.ent.    C'eft-  le  dronu  :  voyez  ce  mot, 


C,  Y  i;  C  Y  N  •    4^1- 

CYLINDRES  ou  ROULEAUX  ,  rhombi.  Genre  de  coquillages 
univalves  ,  arrondis ,  nommés  ainfi  de  leur  figure  ,  &  dont  la  bouche 
eft  toujours  alongée  &  operculée.  Les  Conchyliophiles  recherchent 
dans  cette  famille  de  coquilles  ,  celles  que  l'on  appelle  le  drap  d'or^ 
le  drap  d^argent ,  la  brunttte  ,  le  brocard  de  foie  ,  la  moire  ,  le  cylindre 
porphyre  ,  Volive  de  Panama  ,  lécorchée,  La  robe  de  ces  coquilles  cft 
une  des  plus  fujettes  à  être  altérée  nffl?-^eux  qui  les  vendent  aux 
curieux.  Les  fpires  de  ce  coquillage  font  plates,  &  comme  roulées 
les  unes  fur  les  autres. 

CYLINDRITES  ,  font  les  coquilles  précédentes  dévoues  foffiles, 

CYMBALAIRE  ,  cymhalarïa  vidgaris.  Plante  qui  croît  contre  les 
murailles  humides  dans  les  pays  chauds.  Ses  tiges  font  Im't  déliées 
&  pendantes  :  fes  feuilles  font  anguîeufes  comme  celles  duV|ierre  , 
vertes-brun  en  defiTus,  purpurines  en  deflbus,  fucculentes  &  d'un  goût 
amer.  Du  pied  de  ces  feuilles  s'élèvent  des  pédicules  qui  portent  chacun 
une  fleur  purpurine,  reifemblante  à  celle  du  muiïîe  de  veau,;  mais 
terminée  en  bas  par  un  éperon.  Aux  fleurs  fuccedent  des  coques 
partagées  en  deux  loges  remplies  de  petites  femences  plates  &  ailées, 
La  cymbalaire  convient  pour  arrêter  les  pertes  de  fang. 

CYNIPS.    Voyei  CiNiPS. 

CYNOCEPHALE,  cynocephalus,  Efpece  de  finge,  plus  grand  & 
plus  farouche  que  les  finges  ordinaires ,  qui  a  la  tête  d'un  chien ,  & 
qui  n'a  point  de  queue.    Foye^  Singe; 

CYNOGLOSSE  ou  LANGUE  DE  CHIEN,  cynoglojjum.  Cette 
plante  croît  aux  lieux  arides,  Sa  racine  efl:  droite,  noirât^^  ^n dehors, 
blanche  en  dedans  ,  femblable  à  une  rave  ,  d'une  odeur  forte  ,  &  d'un 
goût  fade ,  mucilagineux.  Ses  tiges  font  rameufes  ,  lanugineufes , 
hautes  de  deux  pieds:  fes  feuilles,  longues,  étroites,  pointues  ,, 
lanugineufes  &  d'une  odeur  forte.  Ses  fleurs  naifTent  le  long  des  bran- 
ches ,  &  font  à  peu  près  fem.blables  à  celles  de  la  bugloffe ,  d'une 
couleur  rouge  fale.  A  ces  fleurs  fuccede  un  fruit  à  quatre  capfules 
hériffées  de  poils  piquans  qui  s'attachent  aux  habits.  Chaque  capfule 
contient  une  femence  applatie.  Sa  racine  &  fes  feuilles  font  d'ufige 
pour  arrêter  les  flux  de  toute  efpece  :  on  les  eftime  encore  narcoti- 
ques &  anodines. 

On  donne  aufîi  le  nom  de  cynoglojfe  à  une  efpece  de  petite  fo/e 
qui  fe  tïouve  dans  la  Méditerranée  &  dans  l'Océan. 


45  2  C  Y  P 

CYPPvES  ,  ciiprcjfus,  Ceft  un  grand  arbre  toiijous  vert  ,   dont  îl 
y  a  plulleurs  efpeces  :  Tune  s'élève  en  pyramide  &  efk  nommée  impro- 
prement cyprès  f&mdk  ;  l'autre  efpece  qui  étend  fes  branches  de  tous 
côtés,  eft  nommée  aulîi  improprement  cyprïs  mâU\  car  les  fleurs  mâles 
&  les  fleurs  femelles  des  cyprès  croilTent  fur  le  même  individu ,  mais 
fur  différentes  parties  du  même  arbre.  Les  fleurs  mâles  font  de  petits 
chatons  ovales  d'où  fortent  des  étamines  qui  répandent  en  certains 
jours  de  printemps  ,   une  fi  grande  quantité  de  pouflîere  fécondante  , 
que  l'on  croît  voir  de  la  fumée  s'élever  des  gros  cyprès.   Cette  pouf- 
iiere  féconde  les  fleurs  femelles  qui  fortent  d'un  petit  cône  écailleux. 
Les  feuilles  du  cyprès  font   toujours  vertes  &  d'un   vert  obfcur  , 
d'une  od^r  pénétrante  &  aflez  agréable  loïfqu'on  les  écrafe,   comme 
articulées  les  unes  dans  les  autres ,  &  difpofées  en  rameaux  qui  fem- 
blent  tout  couverts  d'écaillés  très-fines.  Aux  fleurs  femelles  fuccedent 
des  fruits  ronds,  raboteux,  d'une  faveur   acerbe,  que  l'on  nomme 
noix  '^e  cyprès  ,    nuces  cupre£î.  On    s'en   fert   comme  afl:ringens.    Ces 
fruits  le  deflechcnt  ,  fe  crevaflent  ,    &  laiffent  échapper  des  graines 
aplaties  &:  anguleufes  dont  les  fourmis  font   fort  friandes.    Lorfqu'on 
veut  faire  gjermer  ces  graines  avec  fuccès ,  il  faut  cueillir  aux  mois 
de  Mars  &  d'Avril ,   les  fruits  qui  commencent  à  fe  fendre,  les  mettre 
au  grenier  dans  une  boîte  expofée  au  (bleil ,  &  ne  femer  que  la  graine 
qui  tombe  au  fond  de  la  boîte.    Cette  graine   ne  demande  qu'à  être 
légèrement  recouverte  de  terre.    Comme  cet  arbre  efl:  originaire  des 
Pays  Orientaux,  il  vaut  mieux  en  tirer  la  graine  de  nos  Provinces 
Aléiidional^ ,  de  la  Provence  &   du  Languedoc.  Le  bois  de  cyprès 
dont  le  tronc  devient  droit  &  gros ,  efl:  dur  ,    pâle  ,  ou   d'un  jaune 
rougeâtre ,  parfemé  de  veines  foncées ,    d'une  odeur  agréable  :  il  fe 
eorrom.pt  difficilement.  Théophrafle  dit  que  les  portes  du  Temple  d'E- 
phefe  étoient  faites  de  ce  bois  incorruptible.  L'Hiftoire  rapporte  auflî 
que  les  portes  de  S.  Pierre  à  Rome,  qui  en  étoient,  ont  duré  depuis 
Conjîantin  le  Grand ,  jufqu'au  temps  du  Pape  Eugène  IF,  ceft-à-dire, 
pendant  l'efpace  iioo  ans;  &  ces  portes  étoient  encore  très -bonnes 
îorfque  ce  Pontife  les  fit  remplacer  par  des  portes  d'airain.  Les  caifles 
eu  l'on  enferme  les  momies  en  Egypte ,  font  auflî  de  bois  de  cyprès. 
Ce  bois  peut  ctre  fubftitué  au  cèdre  :  il  réfifl:e  mieux  aux  injures  de 
i^'air  que  \q  chêne.   On  pourroit  l'employer  ayantageufemcnt  pour  faire 

4e3 


CYP  45Î 

des  palifTades,  des  échalats  &  des  treillages.  Il  feroit  à  defîrer,  die 
M.  Duhamel,  qu'on  en  multipliât  les  plantations.  On  fait  en  Orient, 
ufage  de  fon  bois  pour  la  charpente.  On  appelloit  autrefois  dans  Tîle 
de  Candie  ,  dos  jiliœ  ,  les  plantations  de  cyprès ,  parce  que  les  Can- 
diots  les  donnoient  pour  dot  à  leurs  filles.  Les  jeunes  cyprès  font  un 
peu  délicats  ;  mais  lorfqu'ils  ont  bien  pris  racine ,  ils  réfiftent  très- 
bien  aux  hivers  ordinaires.  Ces  arbres  fburnifïènt  de  la  réfine  par 
incifion  ,  dans  les  pays  chauds;  mais  nullement  dans  ce  pays-ci  :  on 
voit  feulement  tranfpirer  de  l'écorce  des  jeunes  cyprès,  une  fubftance 
blanche  qui  reflembîe  à  Ja  gomme  adragante.  M.  Duhamd  a  vu  des 
abeilles  fe  donner  bien  de  la  peine  pour  la  détacher  ;  apparemment 
qu'elles  emploient  cette  matière  dans  leur  propoLis,  Les  fruits^appellés 
galbuUs  ou  noix  de  cyprès  ,  font  eftimés  aftringens  .&  fébrifuges  à  la 
dofe  d'une  dragme  en  poudre. 

Le  cyprès  pyramidal  fe  garnit  de  branches  prefque  depuis  le  pied: 

&  comme  les  plus  baffes,   contre  l'ordinaire  ,  font  celles  qui  prennent 

le  moins  d'accroiffement ,  &  que  les  unes  &  les  autres  s'approchent 

naturellement  de  la  principale  tige  en  s'élevant  perpendiculairement; 

cet  arbre  prend  de  lui-même  une  forme ,  d'autant  plus  régulière  que 

l'art  n'y  a  point  de  part;  &  il  eft  très-propre  à  border  des  terrafles, 

à  former  des  allées  ,    à  terminer  des  points  de  vue  dans  de   grands 

jardins ,   où  fur-tout  il  fait  une  belle  décoration  lorfqu'on  l'emploie 

dans  des  places  difpofées  en  demi-cercle.  Cependant  cet  arbre  a  déplu 

&  on  l'a  exclu  des    jardins  ,    parce  qu'on  a  prétendu  qu'il  portoit 

l'ennui  par-tout  où  il  étoit,  &  qu'il  armonçoit  la  trifteflîiK  mais  c'efl: 

une  idée  bizarre  qu'on  ne  s'efi:  faite  qu'à  force  d'avoir  vu  dans  les  Poctes  , 

que  les   Romains  ,    qui   ont    confacré  le  cyprès    à  Platon  ,  faifoient 

planter   ces  arbres  comme  le  fymbole  de  la  triftelTe  ,  autour  de  leurs 

tombeaux  ,    fans  faire  attention  qu'on  ne  le  préféroit  pour  cet  ufage 

que  parce  qu'il  fait  naturellement  décoration.    Les  maifons  de   cam^ 

pagne  des  Italiens  doivent  une  partie  de  leurs  agrémens  à  ces  arbres» 

Le  cyprès  de  Portugal  eft  plus  petit,  moins  robufle  &  plus  lent  à  croître 

que  ceux  de  ;ios  Contrées.  Ses  fruits  font  d'une  couleur  bleuâtre  & 

tout  au  plus  de  la  grofîeur  d'une   cerife    ordinaire.     Les  Portugais 

donnent  à  cet  arbre  le  nom  de  Cèdre  de  Bujfaco  ,   parce  qu'on  a  corn- 

încncé  à  le  cultiver  à  Buflaco ,   qui  eft  un  grand  Couvent  désarmes 

Toms  il,  I  i  i 


454  C   Y   T 

à  quatre  lieues  de  Coîmbre  en  Portugal.  Le  cyprh  de  Virginie  a  les 
feuilles  de  l'acacia.  Ce  cyprès  d'Amérique  porte  le  nom  de  cedrc 
blanc  5  cuprejjus  foliis  acaciœ  deciduis.  Cet  arbre  croît  dans  les  lieux 
gras  &  aquatiques  de  cet  hémifphere  ,  où  il  parvient  à  une  hauteur 
&  grofîeur  confidérables.    Cette  efpece  quitte  fes  feuilles. 

CYTISE,  cytifus.  Il  y  en  a  de  plufieurs  efpeces  :  les  uns  font  de 
très-jolis  arbuiles  cultivés  dan.s  les  jardins  par  les  Fleuriftes;  &  les 
autres  de  grands  arbres  qui  croiflent  naturellement  fur  les  Alpes.  Les 
cytifes  portent  des  fleurs  légumineufes,  dont  le  calice  eft  divifé  en 
deux  lèvres  *  la  fupérieure  a  deux  pointes ,  l'inférieure  en  a  trois.  A 
ces  fleurs  fuccedent  des  fruits  compofés  de  deux  coffes  liffes ,  aplaties, 
étroites  j^ar  le  bas,  longues  de  deux  pouces  au  moins  ,  fur  trois 
lignes  /de  largeur  ,  &  qui  renferment  des  femences  dures ,  taillées  en 
cœur.  Les  feuilles  de  tous  les  cytifes  font  difpofées  en  treffle ,  ou 
compofées  de  trois  folioles,  foutenues  fur  une  même  queue,  &  placées 
alternativement  fur  les  branches  :  la  grandeur  &  la  figure  font  très- 
différentes  ,  fuivant  les  efpeces.  Les  petits  cytifes  font  un  effet  char- 
mant dans  les  bofquets  printanniers  par  la  multitude  de  leurs  feuilles 
&  de  leurs  fleurs  jaunes.    On  les  taille  en  boule. 

Le  trifolium  des  jardiniers  efl  un  petit  cytife  à  feuilles  liffes  &  ar- 
rondies. 

I".  Les  grands  cytifes  des  Alpes  font  également  un  très -bel  effet  par 
leurs  belles  grappes  de  fleurs  jaunes  pendantes.  Le  bois  de  ces  arbres 
eft  très-dur  ,  &  d'une  couleur  d'ébene  verte  ou  jaunâtre  avec  des 
veines  brmies  ,.  ce  qui  le  fait  reffembler  au  bois  des  îles ,  c'eft  pour- 
quoi on  le  nomme  Yébenier  des  Alpes  ou  faiijfe  ébene.  On  le  nomme 
auflî  aiibours.  On  fait  avec  fon  bois ,  qui  fe  noircit  dans  le  coeur  en 
vieilliffant ,  des  manches  de  couteaux.  On  dit  qu'il  eft  alTez  liant  pour 
en  faire  des  brancards  de  chaife.  Sa  dureté  le  rend  encore  très-utile  : 
on  en  fait  des  flûtes ,  des  clous  de  bois  &  d'autres  petits  ouvrages. 
Les  fleurs  &  la  femence  de  cytife  font  eftimées  apéritives  :  on  en 
confit  les  boutons  au  vinaigre.  Les  feuilles  de  cytife  font  réfolutives. 
Tous  les  cytifes  craignent  le  trop  grand  froid  ;  auilî  n'en  voit-  on  prefque 
"point  dans  les  pays  du  Nord.  Tous ,  excepté  celui  des  Alpes ,  ne 
font  cultivés  que  pour  l'agrément  :  ils  croiffent  affez  promptement  cha- 
cun dans  leur  efpece.  Voici  en  peu  de  nKrts  la  lifte  d^s  cytifes  connus. 


C  Y   T  43; 

1°.  Le  q^tife-genet ,  cytîfo-genijla, 

2°.  Le  cytifc  des  jardins,   que  l'on  taille  en  boule  &  en  paliflade. 
3**.  Le  cytifc  vert  foncé.  Ses  fleurs  font  jaunes  &  droites. 
4°.  Le  cytifc  velu.  Ses  feuilles  font  couvertes  d'une  efpece  de  duvet 
roufsâtre.  Ce  petit  arbrifl'eau  a  pris  faveur   en  Angleterre,  Quelque-' 
fois  fes  fleurs  font  jaunes  &    pourprées. 

5"°.  Le  cytifc  rampant.  On  le  trouve  cQJiimunément  en  Bourgogne,; 
fur  les  montagnes  au  couchant  de  la  ville  de  Dijon.  Ses  branches  s'inr 
clinent  naturellement  &  rampent. 

6°.  Le  cytifc  des  Canaries  eft  toujours  vert  ;  cependant  '^  feuille  efl: 
blanchâtre.  Il  ne  peut  paffer  l'hiver  chez  nous  que  dansH'orangerie 
dont  il  fait  l'ornement  en  Mars  &  en  Avril ,  qui  eft  le  te^s  de  fes 
fleurs.  \ 

7°.  Le  cytifc  épineux  n'eft  délicat  que   dans  fon  enfance. 
8**.  Le   cytifc  de  Montpellier  fleurit  en  Mai  :  il  s'élève  à  huit  pieds.' 
9**.  Le  cytifc  de  Portugal.   Ses  feuilles  reffemblent  à  celles  de  la  lu-» 
2erne  :  fes  fleurs  naiffent   aux  aifl'elles  des  feuilles. .  Il   y   en   a  dont 
les  fleurs  font  blanches  ou  argentées ,    ainfi  que  les  feuilles ,  &  plus 
ou  moins  grandes. 

10.  Le  cytifc  du  Levant  à  grandes  feuilles  blanchâtres  en  deffous^ 
On  n'en  fait  pas  grand  cas. 

11°.  Le  cytifc  d'Afrique.  Sa  feuille   efl:  étroite  &   un  peu  velue. 
12''.  Le  cytifc  d^Amérique.    Son  écorce  efl:   garnie  d'une  efpece  de 
duvet  qui  la  fait  paroître  foyeufe     Cet  arbrifl'eau   efl:  fort  délicat. 

13°.  Le  cytifc  à  fruit  blanc.  On  le  cultive  dans  les  jbdes  Occi- 
dentales à  caufe  de  l'abondance  du  fruit  qu'il  rapporte  ,  &  dont  on 
fait  ufage  dans  les  alimens  du  pays  ;  mais  on  s'en  fert  plus  commu- 
nément pour  nourrir  les  pigeons,  ce  qui  l'a  fait  nommer  le  pois 
des  pigeons,  ^ 

14°.  Le  cytifc- indigo.  Ses. feuilles  n'ont  prefque  point  de  pédicule. 
On  fe  fert  de  cette  plante  dans  la  Louifîane  pour  faire  une  fubf- 
tance  bleue  qui  imite  l'indigo.  On  pourroit  la  cultiver  dans  nos 
Provinces  Méridionales. 

15"°.  Le  cytife  à  feuilles  ovales.  Il  ne  s'élève  qu'à  trois  pieds.  Il  efl 
très-robufte  ,  mais  fort  rare. 

16°.  Le  cytifc  de  Sibérie.  Sa  feuille  efl  blanchâtre  &  droite,  &  fes 
fleurs  viennent  en  bouquets  au  bout  des  branches.  « 

I  i  i  2 


'i^ . 


^^ 


43  ^  C  Z  ï 

CZÎGITHAÎS  ôu  Mulets  de  Dauric,  Ces  animaux  ,  alnfî 
nommés  par  les  Tartares  Mongoux  ,  font  probablement  le  même 
animal  que  l'onagre  des  autres  Provinces  de  TAfie  :  ils  n'en  différent 
que  par  la  longueur  &  la  couleur  du  poil  ,  qui  ,  félon  M»  Bdl , 
paroit  onde  de  brun  &  de  blanc.  Ces  onagres  czigithais  fe  trouvent 
dans  les  forêts  de  la  Tartarie  ,  jufqu'au  cinquante-unième  &  cinquante- 
deuxième  degré.  Il  ne  fai^  pas  les  confondre  avec  les  zèbres,  dont 
les  couleurs  font  plus  vive^,  &~i>ien  autrement  tranchées ,  &  qui 
d'ailleurs  forment  une  efpece  particulière  prefque  aulîî  différente 
de  celle  de  l'âne  que  de  celle  du  çhevaK  Voyez  l'article  Onagn  à  la 
fin  du  mot;  Ane ,  &  lé  mot  Zsbre» 


^i> 


ÎD    A  B  t)  A  I  43  7 


D 

ABOUÉ.  Foyei  Serpent  Fétiche. 

DABUH  ou  DABACH.  rojez  Hyène. 

Dactyle  ,  daUylus  Idœus.  -Elirfîeiu's  Natu^liftes  expriment  par 
ce  nom ,    une  bèUmniu.    Voyez  ce  mot. 

Quelques  Auteurs  ont  donné  encore  ce  nom  de  daUyk  à  Tantale  , 
à  la  dentale  foflile ,  &  à  tous  les  tuyaux  cloifonnés  on  Inon  conca- 
mérés ,  &c.  On  appelle  daclylïus  des  moules  de  mer  cylindriques  , 
connues  fous  le  nom  de  daites  de.  mer  &  devenues  folîil^  Voye^^ 
.dattes  de  mer, 

DACTYLOBE.  Voye^  à  i article  Oiseau. 

DAGUET.  Voyei  Cerf. 

DAILS.    Voye^à  la  fuite  du  mot,   PholâDE. 

DAIM  5  darna  recentïorum  ;  feu  cervus  palmatns.  L'animal  auquel 
nous  donnons  le  nom  de  daim  ,  reflemble  beaucoup  au  cerf;  mais  il 
eft  plus  petit ,  &  il  en  diffère  fur  -  tout  en  ce  que  fes  cornes  font 
larges  &  plates  par  le  bout  :  on  a  comparé  cette  partie  à  la  paume 
de  la  main ,  parce  qu'elle  eft  entourée  de  petits  andouillers  en  forme 
de  doigts.  La  tête  de  la  femelle  du  daim  n'eft  point  ornée  de   bois. 

Quoiqu'aucune  efpece  ne  foit  plus  voifine  d'une  autre  que  l'efpece 
du  daim  feft  de  celle  du  cerf,  ces  animaux  qui  fe  relfemblent  à  tant 
d'égards,  dit  M.  de  Buffon  ,  ne  vont  point  enfemble,  fc>fuient,  ne 
fe  mêlent  jamais  ,  &  ne  forment  par  conféquent  aucune  race  intermé- 
diaire. La  nature  a  établi  entre  ces  deux  efpeces  une  antipathie  mu- 
tuelle qui  s'oppofe  à  leur  alliance. 

Les  daims  paroifl'ent  être  d'une  nature  moins  robufte  &  moins 
agrefte  que  celle  du  cerf  ;  ils  font  auflî  beaucoup  moins  communs 
dans  les  forêts.  On  en  élevé  dans  des  parcs  où  ils  font,  pour  ainfî 
dire  ,  à  demi-domeftiques.  L'Angleterre  eft  l'endroit  de  l'Europe  où 
il  y  en  a  le  plus  dan?  les  parcs ,  &  où  l'on  fait  le  plus  de  cas  de  cette 
iVenaifon.  Il  y  a  des  daims  aux  environs  de  Paris  &  dans  quelques 
Provinces  de  France  :  il  y  en  a  en  Efpagne  &  en  Allemagne  ;  il  y 
en  a  auffi  en  Amérique  qui  peut-être  y  ont  été  tranfportés  d'Europe, 
Il  femble  que  ce  foit  un  animal  des  climats  tempérés  j    car  on  n'en 


43  8  DAT 

trouve  point  ,  ou  que  très-rarement ,  dans  les  forêts  du  Nord.  Comme 
le  daim  eft  moins  fauvage  ,  plus  délicat,  &  pour  ainfidire,  plusdomel^ 
tique  que  le  cerf  ,  il  ell  aufll  fujet  à  un  plus  grand  nombre  de  variétés. 

La  tcte  de  tous  les  daims  mue  comme  celle  des  cerfs  ;  mais  elle 
tombe  plus  tard  :  ils  font  à-peu-près  le  même  temps  à  la  refaire.  Les 
daims  raient  comme  le  cerf,  dans  le  temps  du  rut ,  mais  d'une  voix 
balle  &  entre-coupée.  Ils  ne  s'éxcedent  pas  autant  que  le  cerf,  &  ne 
s'épuifent  point  par  le  rut.  Ils  ne  s'écartent  pas  de  leur  pays  pour 
aller  chercher*  des  femelles  ;  cependant  ils  fe  les  difputent  &  fe  battent 
à  toute  outrance;  ainfi  ils  jouifTent  par  droit  de  conquête  &  prennent 
leurs  plajfirs  avec  ménagement.  Plus  fociables  que  les  cerfs ,  ils  font 
portes  àMemeurer  enfemble  :ils  fe  mettent  en  hardes  ,  &  reftent  prefque 
toujotfrs  les  uns  avec  les  autres.  Dans  les  parcs,  dit  M.  de  Buffon, 
lorfqu'ils  fe  trouvent  en  grand  nombre ,  ils  forment  ordinairement 
deux  troupes  qui  font  bien  diftindes  ,  bien  féparées ,  &  qui  bientôt 
deviennent  ennemies,  parce  qu'ils  veulent  également  occuper  le  même 
'endroit  du  parc.  Chacune  de  ces  troupes  ou  hardes  a  fon  chef  qui 
marche  le  premier,  &  c'eft  le  plus  fort  &  le  plus  âgé  ;  les  autres  fuivent, 
&  tous  fe  difpofent  à  combattre  pour  chafler  l'autre  troupe.  Ces 
combats  font  fmguliersl^ar  la  difpo(ition  qui  paroît  y  régner  :  ils 
s'attaquent  avec  ordre,  fe  battent  avec  courage,  fe  foutiennent  les 
uns  les  autres,  &  ne  fe  croient  pas  vaincus  par  un  feul  échec;  car  ils 
reviennent  à  la  charge  le  lendemain  ,  le  combat  fe  renouvelle  même 
tous  les  jours,  jufqu'à  ce  que  les  plus  forts  chafïent  les  plus  foibles  & 
les  relèguent  dans  le  mauvais  pays.  Le  terrain  difputé  refte  à  la 
poflefflon  du  vainqueur.  Ils  aiment  les  terrains  élevés  &  les  collines, 
La  chafle  du  daim  &  celle  du  cerf  n'ont  entr'elles  aucune  différence 
effentielle. 

Le  daim  fe  nourrit,  de  même  que  le  cerf,  de  grains  &  de  bois: 
comme  il  broute  de  plus  près  que  le  cerf,  le  bois  coupé  par  la  dent 
du  daim  repouffe  plus  difficilement  que  celui  qui  l'a  été  par  la  dent 
du  cerf,  Les  daims  ruminent  :  ils  recherchent  les  femelles  dès  la  féconde 
année  de  leur  vie.  Inconftans  dans  leurs  amours,  ils  ne  s'attachent 
pas  à  la  même  femelle,  comme  le  chevreuil ,  mais  ils  en  changent 
comme  1  e  cerf.  Ces  animaux  s'apprivoifent  aifément. 

La  daine  porte  huit  mois  &  quelques  jours,  comme  la  biche  ;  elle 
•produit  de  méme^crdinairemçnt  un  faon ,  quelquefois  deux,  &  très- 


BAI  D  A  R  4^p 

rarement  trois.  Ils  font  en  état  d'engendrer  &  de  produire  des  l'âge 
de  deux  ans,  jufqu'à  quinze  ou  feize  ans  :  enfin  ils  reflemblent  au  cerf 
par  prefque  toutes  les  habitudes  naturelles;  &  la  plus  grande  différence 
qu'il  Y  ait  entre  ces  animaux ,  eft  dans  la  durée  de  la  vie.  Foye^^  Cerf. 

Les  cerfs  vivent  vingt -cinq  à  trente  ans,  &  les  daims  ne  vivent 
qu'environ  vingt  ans.  Comme  ils  font  plus  petits ,  il  y  a  apparence , 
dit  M.  de  Bufon,  que  leur  accroilfemènt  eil:  encore  plus  prompt  que 
celui  du  cerf;  car  dans  tous  les  animaux ,  la  durée  de  la  vie  eft  pro- 
portionnée à  celle  de  l'accroifTement ,  &  non  pas  au  ten^ps  de  la  gefta- 
tion ,  comme  on  pourroit  le  croire  ,  puifqu'ici  le  temps  de  la  geftation 
eft  le  même  ;  &  que  dans  d'autres  efpeces  ,  comme  celle  SsL^œuf^  on 
trouve  que,  quoique  le  temps  de  la  geftation  foit  fort  long\  la  vie 
n'en  eft  pas  moins  courte.  \ 

Le  daim  fournit  dans  le  commerce  les  mêmes  marchandifes  que  le 
cerf.  Sa  peau  eft  eftimée ,  après  qu'elle  a  été  paffée  en  huile  chez  les 
Çhamoifeurs ,  ou  en  mégie.   On  en  fait  des  gants,  des  culottes,  Sec. 

DAIM  DE  BENGALE.  C'eft  l'axis  de  Pline.  Voyez  Jxis, 

DAINTIERS.  En  Vénerie  l'on  donne  ce  nom  aux  tefticules  du 
cerf.  Fbyei  à  rartîck  Cerf. 

DALE.  On  appelle  ainfi  une  pierre  qyfe  comme  celle  de  liais, 
débitée  par  tranches  de  peu  d'épailfeur,  &  dont  on  couvre  les  terralTes, 
les  balcons  :  on  en  fait  aufll  du  carreau. 

DAMAN  ISRAËL,  Eft  une  grande  efpece  de  gerboife.  Voyez 
Gerboîfe, 

DAME  D'ONZE  HEURES.  Voyez  OrnhhogaU, 

DAME  DES  SERPENS.  Efpece  de  boic'mingua  ou  de  ferpent  à 
fonnettes ,  dont  les  couleurs  imitent  les  taffetas  flambés,  Foye:^  Boi- 

CININGUA, 

DAMIER.  Coquille  univalve  ,  du  genre  des  cornets,  à  fommet 
aplati,  ornée  de  taches  noires,  quelquefois  jaunes,  fur  un  fond  blanc, 
ou  de  taches  blanches  triangulaires  fur  un  fond  noir.  Voyez  Cornets. 

DAMIER.  Voyez  à  l'article  PetrcL 

DANTALE.  Voyez  Dentale, 

DANTE  &  DANTA.  On  a  donné  ces  noms  à  deux  animaux 
très-différens  ;  l'un  d'Afrique  connu  fous  le  nom  de  ^ebre  ;  &  l'autre 
fe  trouve  en  Amérique  fous  le  nom  de  tapir.  Voyez  ^^ebre  &  manlpouris, 

DARD ,  jaculatrix.  Efpece  de  ferpent  acontias  qui  fe  trouve  aux 


440  D  A  R  DAT 

îles  de  Barlovento  dans  la  nouvelle  Efpagne.  Ses  écailles  font  jaunes- 
roufsâtres  ,  lofangées  &  coupées  par  un  cordon  qui  règne  depuis  la 
tête  jufqu'au  bout  de  la  queue.  Toutes  les  jointures  des  écailles  font 
orangées.  F'oyei  Acontias. 

DARD  ou  VANDOISE  ,  jaculus.  Petit  poîflbn  de  rivière  de  la 
longueur  d'un  hareng,  qui'va^rt  vite  dans  Teau  :  il  femble  qu'il  s'y 
élance  comme  un  dard,  d'où  luieTT'venu  fon  nom.  Ce  poilTon  eft  de 
l'efpece  des  poiiTons  blancs  &'de  la  famille  des  muges.  Il  eft  long  de 
neuf  doigtô  ; -il  a  le  'coVps  large  &  le  mufeau  pointu  :  il  eft  couvert 


d'écailles  fnoyennesV^5Ç^'<ié  petites  lignes.  La  nageoire  de  l'anus  eft 
compoféè  de  dix  a.tetes  :  fa  couleur  eft  entre  le  brun ,  le  vert  &  le 
jauney"*!!  a  l'eftomac  petit  &  le  foie  blanc  ,  où  eft  attachée  la  bourfe 
du  fiel  II  devient  fort  gras.  Sa  chair  eft  molle,  mais  bonne,  agréable 
au  goût,  &  meilleure  que  celle  de  tous  les  autres  muges.  Cette  chair 
eft  très-eftimée  ,',&  fi  faine,  qu'on  dit  en  proverbe  '.  fa\n  comme  dard, 

DARRY  ou  DERRY.  Nom  qu'on  donne  en  Hollande  &  en  Zélande 
à  un  bois  3i  à  toutes  fortes  de  parties  de  végétaux,  ufés,  comme 
dénaturés  &  prefque  réduits  à  l'état  3c  à  la  confiftançe  d'une  tourbe 
char.bonneufe.   .  ^^ 

DATTES ,  daciylï,  "^^  font  des  fruits  oblongs ,  gros  comme  le 
pouce  ,  longs  d'un  pouce  &  demi,  compofés  d'une  pellicule  mince, 
rouisâtre ,  dont  la  pulpe  ou  la  chair  eft  jaunâtre ,  grafle ,  ferme , 
bonne  à  manger,  douce,  d'un  goût  vineux  &  fucré,  Cette  chair  en- 
vironne un  gros  noyau  alongé ,  grisâtre,  cylindrique,  dur  &  creufé 
«d'un  fillpn  .dans  fa  longueur.  Ces  fruits  naiftent  en  Barbarie,  dans  l'île 
de  Gorée ,  près  de  celle  du  Sénégal  &  en  Efpagne  ;  il  en  croît  aufïî 
en  Provence ,  mais  qui  font  maigres  &  fe  corrompent  très-facilement. 
.Nous  donnerons  la  rnaniere  d'en  faire  la  récolte  &  leur  ufage,  aprèg 
Savoir  décrit  l'efpece  de  palmier  qui  les  produit» 

Hijloir^  du  Palin'ur  Dattier, 

■''■'^,J^Q  palmier  dattier  eft,  un  arbre  de  la  grande  efpece  à^s  palmiers.  Il  y 
en  a  de  fauvages  &  de  cultivés.  Il  pouffe  une  racine  qui  fouvent  eft 

,Iîmplè,   &  toujours  épaiffe  &  ligneufe  :  elle  elî  environnée  vers  fon 

collet  de  menues  branches,  un  peu  tortueufes,   nues  &  ferpentantes. 

Le  bois  &  l'écorce  de  ces  premières  branches  font  fibres,  ftexibles, 

rouffcâtïes  &  d'un  goût  acerbe,  Le  tronc  de  l'arbre  n'eft  pas  trop  gros 

■   '•        ■  il 


DAT  44  ï 

îl  eft  droit ,  cylindrique  &  fans  branches  ;  avec  le  temps  fa  hauteur 
furpafle  huit  brafles.  Il  a  pour  écorce  les  queues  ou  chicots  {polkx} 
des   branches  feuillées  qui  reftent  après  qu'on  les  a  coupées,    &  qui 
font  placées  fymétriquement,  y  en  ayant  toujours  fix  autour  du  tronc; 
de  forte  que  les  fix  qui  font  au-defTus  ,  répondent  à  l'endroit  des  in- 
terfaces  qui  fe  trouvent  entre  les  queues   des  branches  inférieures. 
Cette  efpece  d'écorce  eft  d'ailleurs épaiffe  &  chargée  d'écaillés,  ce  qui 
facilite  pour  monter  à  l'arbre.  Quand, la  fuperficie  du  tronc  eft  nue,' 
elle  eft  de  couleur  fauve.  La  fubftance  intérieure  du  t^ronc  eft  com- 
pofée  de  fibres  longitudinales,  épaifles ,  lign«à^^^cepend^t  légères; 
étant  unies  par  une  matière  fongueufe.  Le  peù^dÊ^folidité  é^  ce  bois 
le  rend  très-difficile  à  travailler.  Le  jeune  palmier  dattier  a^ans  le 
milieu  de  fon  tronc,  une  efpece  de  nerf  ligneux  :  au  bout  d'un  "an  il 
contient  une  moelle  bonne  à  manger;  avancé  en  âge,  le  tronc  ç'en- 
durcit,  il  n'y  a  que  le  fommet  de  bon  à  manger;  plus  vieux  encore," 
îl  n'y  a  que  les  boutons  du  fommet  où  fe  trouve  cette  moelle  molle  , 
blanche ,  tendre ,   charnue  ,    caffante  ,  douceâti'e  &  favoureufe.  )Les 
Perfans  &  les  Arabes  en  font  fort  friands  :  mais  comme  cette  moelle 
eft  le  germe  produdif  des  branches  qui  doivent  naître ,  l'arbre  meurt 
lorfqu'on  la  coupe.  '**%*' 

Le  palmier  dattier  eft  communément   terminé  par  une  feule^-jéte 
conique ,  qui  eft  compofée  au  moins  de  quarante  branches  feuillées , 
&c  de  quatre-vingts  au  plu5  ,  placées  en  rond  i  les  plus  anciennes  fe 
courbent  bientôt  en  arc  vers  l'horizon,  &  enfin  fe  fanent.  Des  aiflelles 
des  branches  feuillées  fortent  des  grappes  branchues  {fpadix)  qui  ont 
chacune  leur  enveloppe,  {fpatha  )  &  qui  portent  des  fleurs  dans  le 
palmier  mâle  ,    &  des  fruits  dans  le  palmier  femelle.  La  côte  de  la 
branche  feuillée  eft  très-grande,  longue  d'environ  trois  brafles,  yer- 
<lâtre,  lifle;  étant  jeune,  luifante  &  jaunâtre;  étant  vieille,  courbée 
&  creufée  en  gouttière  ;  d'une  fubftance  fibreufe  &  analogue  à  celle 
du  tronc-  Cette  côte  eft  compofée   vers  fon  extrémité ,  de  feuilles 
femblables  à  celles  du  rofeau  :  elles  durent  toujours  ;  elles  font  ailées. 
&  en  très-grand  nombre,  foutenues  fur  des  efpeces  de  queues  ligneufes, 
fi  fortement  attachées  à  la  côte ,  qu'on  ne  peut  les  en  arracher  qu'avec 
peine.  Ces  feuilles  font  fituées  obliquement  &  alternativement ,  larges  ' 
de  deux  pouces ,    &  longues  d'une  coudée ,  fort  pointues  ,  d'un  vert 
aie  &  plices  p.ar  le  milieu,  fort  dures,  feches  &  pleines  de  nervures. 


'j^^2  ï)  A  T 

Au  fommet  du  palmier  datt'ur  &  à  la  bafe  des  côtes ,  fe  trouvent 
trois  ou  quatre  fortes  d'enveloppes  à  réfeau,  femblables  à  de  l'étoupe 
ou  au  gros  chanvre,  repréfentant  par  leur  figure  une  nafle  dont  les 
fils  feroient  collés  &  appliqués  en  croix,  &  non  pas  entrelacés.   Ces 
enveloppes  plus  ou  moins  larges,  &  colorées  en  jaune  félon  la  vétufté 
de  l'arbre,   fervent  à  affermir  un  nombre  de  branches  ,  &  mettre  à 
couvert  des  injures  extérieures'lïtjn-feulement  les  branches  feuillées, 
mais  encore  principalement  celles  des  jeunes  grappes.  Nous  confervons 
dans  notre  cabinet  une  de  ces  enveloppes  à  réfeau  :  nous  la  devons, 
ainfi  que  plufieurs  autres  fubftances  curieufes ,  à  la  générofîté  de  M, 
de  Bourges,  digne  citoyen  &  négociant  de  Paris. 

Les  ^eurs  du  palmier  dattier  naiffent  enclofes  dans  une  autre  grolïe 
enveloppe,  qu'on  appelle  élaté.  Cette  enveloppe  s'ouvre  quand  elle  a 
atteint  une  certaine  groffeur,  &  elle  lailfe  paroître  des  fleurs -blanches, 
difpofées  en  grappes.  A  ces  fleurs  placées  au  haut  du  tronc  &  aux 
aiflelles  des  branches  feuillées  ,  fuccedent  fur  le  même  rameau  en 
graj)pe,  appelé  régime,  cent  quatre-vingt  à  deux  cents  dattes,  dont 
nous  avons  déjà  parlé,  &  qui  étant  mûres,  fervent  de  nourriture  à  un 
grand  nombre  de  perfonnes  dans  les  Indes,  en  Perfe,  en  Syrie,  en 
Afrique,  en  Egypte  &?|R5 Judée.  Celles  qu'on  nous  envoie  ne  font 
gueres  employées  que  pourla  Médecine.  Foye^  la  manière  de  les  conferver^ 
a  la  fin  de  cet  article. 

Culture  du  Palmier  Dattier, 

Le  palmier  qui  naît  de  lui-même  des  racines  d'un  autre  ,  commence 
à  donner  des  fruits  après  quatre  années  de  tranfplantation  dans  un 
terroir  fertile  j  dans  un  terrain  ftérile  il  ne  rapporteroit  qu'au  bout  de 
fix  i  fept  ans  :  mais  celui  qui  vient  d'un  noyau  efl:  bien  plus  long- 
temps à  donner  du  fruit. 

Voici  l'ordre  dans  lequel  les  palmiers ,  foit  mâles ,  foit  femelles , 
produifent  lei;rs  différentes  fleurs.  Vers  le  mois  de  Février  ces  arbres 
pouffent  leurs  boutons  dans  les  aiiTelles  des  branches  feuillées;  il  en 
réfulte  des  fpathes  chargées  de  duvet ,  qui  croiffent  peu-à-peu  ,  & 
grofTiffent  au  point  que  le  mois  fuivant  elles  s'entr'ouvrent  dans  leur 
longueur  ,  &  laiffent  paroître  un  corps  femblable  à  une  truffe.  Ce 
corps  ainfi  dégagé,  prend  bientôt  la  figure  d'une  grappe  compofée 
d'un  grand  nombre  de  pédicules  qui  foutiennent  de  petites  fleurs  dans 


DAT  445 

les  mâles ,  Se  des  efpeces  de  petites  prunes  dans  le  palmier  femelle  : 
les  fleurs  fécondent  ces  fruits  nailTans,  qui  mûriflent  dans  l'efpace  de 
cinq  mois.  Les  palmiers  les  plus  vigoureux  portent  huit  ou  dix  grappes, 
La  grappe  mâle  eft  parfemée  d'un  grand  nombre  de  petites  fleurs 
oblongues ,  à  trois  pétales  &  à  étamines  velues.  Elle  porte  deux  cents 
pédicules  3  dont  les  plus  courts  fupportent  quarante  petites  fleurs ,  les 
moyens  foixante,  &  les  plus  loiigs-^uatre-vingts.  Au  commencement 
de  Mars  les  fpathes  fe  rompent;  les  grappes  femelles  paroiflent  d'abord, 
&  peu  de  jours  après  elles  font  nues ,  &  portent  un  trèsrgrand  nombre 
d'embryons,  gros  &  ronds  comme  un  grain  de  poivre,  lui(ans  &  d'un 
goût  acerbe.  Dans  le  mois  de  Mai  ces  fruits  font  déjà  gros  ccmime  nos 
cerifes  :  leur  couleur  efl;  verte.  En  Juin  leur  offelet  ou  noyau^groflît, 
leur  chair  devient  plus  folide,  &  ils  mûriflent  dans  le  mois  d'Août, 
fans  que  la  chair  pulpeufe  continue  d'être  aahérente  à  fon  noyau. 

Le  palmier  fe  plaît  dans  les  terrains  fablonneux-^des  pays  chauds. 
On  le  cultive  dans  la  Grèce ,  dans  l'Italie  &  un  peu  en  France.  Lors- 
qu'on feme  des  noyaux  il  en  naît  des  palmiers  m.âles  &  femelles); mais 
lorfqu'on  plante  des  racines,  les  palmiers  qui  naiflent  fuivent  le^fexe 
de  leur  mère  racine.  Quand  on  a  planté  dans  la  terre  les  jeunes  poufles 
de  deux  ou  trois  ans ,  on  a  foin  de  l^wcrofer  pendant  l'été  :  on 
extirpe  celles  qui  pullulent  autour  du  palmilr ,  ainfi  que  tous  les  infeéles 
qui  pourroient  nuire  à  l'arbre.  Lorfque  les  palmiers  font  en  état  de 
porter  des  fleurs  &  des  fruits,  on  prend  foin  d'en  multiplier  &  accé- 
lérer la  fécondité.  Pour  y  réuffir,  on  cueille  fur  la  fin  de  Février,  au 
fomrhet  de  l'arbre,  les  fpathes  mâles  remplies  de  fleurs  fécondantes; 
on  retire  les  grappes  dont  les  fleurs  ne  font  pas  encore  épanouies:  on^. 
partage  ces  grappes  en  petites  baguettes  fourchues ,  &  on  les  fixe 
tranfverfalement  fur  le  milieu  des  grappes  femelles  ,  jufqu'à  ce  que  les 
jeunes  embryons  ayent  acquis  de  la  vigueur ,  étant  couverts  de  la 
matière  féminale  des  petites  ^fleurs  mâles.  Ceft  ainfi  que  la  pouflîere 
des  étamines  s'infinue  dans  le  fruit  à  l'inflant  du  développement.  Mais 
dans  les  pays  déferts  la  nature  fupplée  à  l'induftrie  humaine  ;  les 
2éphyrs  légers  s'emparent  des  pouflieres  fécondantes  du  palmier  mâle, 
ies  tranfportent  &  en  favorifent  les  palmiers  femelles  qui  n'en  font  pas 
éloignés ,  &  qui  fe  trouvent  fur  la  diredion  de  la  courfe  du  zéphyr. 
Nous  apprenons  que  dans  le  Jardin  de  l'Académie  de  Berlin  il  y  a 
^n  dattier  femelle  d'environ  fsize  pieds  de  haut,  fur  neuf  pouces  de 

Kkk2 


^44  ï)  A  T 

diamètre  :  îl  fleurit  depuis  plus  de  quarante  ans  ;  en  1749  on  y  fufpendk 
une  fleur  mâle  de  dattier,  &  dans  le  mois  d'Avril  1750  on  y  cueillit 
de  très-belles  &  excellentes  dattes,  dont  les  noyaux  plantés  dans  le 
mois  de  Janvier  fuivant  ,  ont  produit  une  pépinière  de  palmiers' 
dattiers. 

Lorfqu'on  obierve  la  confiance  &  l'uniformité  de  la  nature  dans  Tes 
productions ,  &  qu'on  remarqua  qu^dle  a  donné  les  germes  propres  à 
chaque  individu,  on  ne^pèut  fe  réfoudre  à  croire  ce  qu'on  lit  dans 
un  Mémoire  lu  à  l'Académie  de  Gottingue,  que  fi  l'on  plante  le  noyau 
du  palmier -Jattler,  de  manière  que  le  côté  oii  il  y  a  une  incifion  pro- 
fonde, foit  tourné  vers  le  ciel,  il  en  vient  un  palmier  femelle ,  mais 
que  quajhd  on  a  placé  en  haut  la  furface  unie,  &  qui  n'a  qu'une  légère 
incifioh ,  il  en  vient  un  palmier  maie.  On  y  lit  auffi  que  le  moyen 
d'avoir  des  palmiers  qui  donnent  des  dattes  de  très-bonne  heure  (  lors 
même  qu'ils  n*ont  que  fîx  ou  fept  pieds  )  ,  c'eft  d'arrofer  les  noyaux 
qu'on  a  femés  avec  de  l'eau  falée,  ainfi  qu'on  le  pratique  au  village 
d'Elc-he ,  tandis  qa'au  village  de  Murcie  oii  on  ne  les  arrofe  qu'avec 
de  l'eau  commune,  les  dattiers  n'y  portent  du  fruit  que  très-tard. 

Manière  de  récolter^   de  conferver  les  Dattes,   &  Cufage  qii'on  en  fait. 


^-■*- 


Lorfque  les  dattes  forït-Tniires ,  on  en  diftingue  trois  fortes,  félon 
les  trois  degrés  de  maturité  :  la  première  ,  eft  de  celles  qui  ne  font 
mûres  qu'à  l'extrémité;  la  deuxième,  de  celles  qui  font  mûres  jufqu'à 
environ  la  moitié,  &  la  troifieme  eft  de  celles  qui  font  entièrement 
mûres.  On  les  récolte  fouvent  en  même  temps,  parce  que  trois  jours 
d'intervalle  achèvent  le  degré  de  maturité  dans  celles  qui  ne  le  font 
pas  ;  &  comme  elles  tombent  d'elles-mêmes  étant  mûres,  on  eft  obligé, 
de  peur  qu'elles  ne  fe  meurtriftent  en  tombant,  de  les  cueillir  à  la 
main'  fur  les  grands  palmiers ,  ou  de  fecouer  les  grappes  des  petits 
palmiers  dans  un  filet.  Cette  récolte  de  dattes  fe  fait  en  automne ,  en 
deux  ou  trois  fois ,  jufqu'à  ce  qu'on  les  ait  toutes  recueillies  dans 
l'efpace  de  trois  mois. 

Pour  achever  de  mûrir  &  fécher  ces  trois  clalTes  de  fruits ,  on  les 
expofe  au  foleil  fur  des  nattes.  Elles  deviennent  d'abord  molles,  &  fe 
changent  en  pulpe  ;  enfin  elles  s'épaifliffent  &  fe  bonifient  au  point  de 
n'être  que  peu  ou  point  fujettes  à  fe  pourrir.  Les  dattes  étant  defféchécs , 
on  les  met  au  prelfoir  pour  en  tirer  le  fuc  mielleux ,  &  on  les  renferme 


DAT  44^ 

(dans  des  peaux  de  clievres ,  de  veaux ,  de  moutons ,  ou  dans  de  longs 
paniers  faits  de  feuilles  de  palmiers  fauvages,  en  forme  de  facs  ;  ces 
fortes  de  dattes  font  la  nourriture  la  plus  ordinaire  du  peuple  du  pays: 
ou  bien  après  en  avoir  tiré  le  fuc,  on  les  arrofe  de  nouveau  avec  le 
même  fuc  avant  que  de  les  renfermer  :  ou  enfin  on  ne  les  exprime 
point,  &  on  les  renferme  dans  des  cruches  avec  une  grande  quantité 
de  firop  ;  celles-ci  ne  font  deftin^es-'tfue  pour  les  riches  :  on  appelle  ces 
dattes  5  ainfi  préparées ,  caryous  ,  caryotce.    ... 

Celles  qu'on  nous  envoie  dans  le  commerce,  de  Syrie  &  d'Egypte 
en  Europe  ,  font  en  partie  féchées  fur  l'arbre  rnéme  ;  ou  plus  comm^u- 
néraent,  lorfqu'elles  étoient  prêtes  à  mûrir,  on  les  a  cueillies^  enfuite 
percées,  enfilées  &  fufpendues,  pour  les  faire  fécher.   .  l 

On  tire  par  expreflîon,  de  ces  dattes  récoltées  &  defféchéeren  la 
dernière  manière,  une  forte  de  firop,  qui  tient  lieu  de  beurre,  étant 
gras  &  doux ,  &  qui  fert  de  fauce  &  d'aflaifonnement  dans  les  alimens. 
Le  peuple  du  pays  fe  fert  effeâivement  de  ce  firop  en  guife  de  beurre, 
pour  la  pâtifferie,  pour  afifaifonner  le  riz  &  la  fine  farine,  lorfq^u'on 
veut  fe  régaler  dans  les  feftins  &  les  jours  de  fêtes.  Pour  retirer  ce  fuc, 
les  uns  mettent  une  claie  d'ofier  fur  une  table  de  pierre  ou  de  bois 
inclinée,  en  plein  air,  &  font  un  creux ^^^lancher ,  pour  y  placer 
un  vafe  de  terre,  propre  à  recevoir  le  firof^Enfuite  ils  chargent  ces 
claies  d'autant  de  dattes  feches  qu'elles  en  peuvent  contenir.  Les  dattes 
venant  à  fermenter  &  étant  prefiees  par  leur  propre  poids,  laiffent 
échapper  leur  liqueur,  qui  coule  dans  le  vafe  de  terre  :  quelquefois 
on  ferre  les  claies  avec  des  cordes  ,  &  on  les  charge  de  groffes  pierres  : 
on  réitère  cette  opération  jufqu'à  ce  qu'on  ait  exprimé  à-peu-près 
tout  le  fuc  des  dattes  ,  lefquelles  étant  confervées  fervent  comme  nous 
l'avons  dit  à  la  nourriture  du  peuple. 

Kccmpfir,  Amxnit,  exot.  fafcicuL  v.  dit  que  les  Bafréens  &  les  Arabes, 
qui  ont  une  grande  quantité  de  palmiers ,  emploient  en  place  de 
prefToir ,  une  chambre  à  double  plancher,  &  dont  les  murailles  font 
tapiflees  de  rameaux.  Le  plancher  fupérieur  efi:  mobile  :  ils  jettent  fur 
rinféiieur  une  certaine  quantité  de  dattes ,  qui  font  devenues  afiez 
molles  en  fe  féchant;  quelquefois  aufii  ils  jettent  de  l'eau  bouillante; 
enfuite  ils  laiffent  tomber  le  plancher  mobile ,  qu'ils  chargent  à  volonté. 
Le  firop ,  extrait  de  cette  manière,  eft  plus  Hquide  que  le  précédent;, 
niais  moins  fluide  que  celui  à^i  payfans  qui  habitent  les  montagnes 


44^  ^  DAT 

voulues  5  où  il  n'y  a  que  peu  ou  point  de  palmiers  dattiers  :  ces  payfans 
achètent  le  marc  des  dattes  paflees  au  prefToir  ,  &  les  font  bouillir 
jufqu'à  ce  qu'elles  foient  réduites  en  une  bouillie  très-claire ,  mais  qui 
eft  peu  agréable  ^z  peu  nourrifTante, 

Le  bois  du  tronc  de  palmier  dattier  fert  en  Afrique  en  place  de  bois 
de  charpente;  on  en  fait  des  pieux  qui  refirent  long-temps  dans  l'eau. 
Ses  feuilles ,  ou  les  branches  feui44é^es  fervent  à  couvrir  les  cabanes 
des  payfans  :  ils  en  font  àulli  des  fagots  ;  ils  font  des  balais  avec  les 
grappes ,  des  vafes  &  des  plats  avec  les  fpathes  ou  enveloppes , 
auxquelles  ils  donnent  la  figure  qu'ils  veulent;  ils  emploient  les  ham- 
pes des^' grappes  à  faire  des  chauflures  ^  d'excellentes  cordes  pour 
leur  nwine.    ■ 

Nousavons  déjà  dit  que  la  moelle  du  fommet  de  ce  palmier  &fes  tendres 
branches  feuillées  ,  qui  font  en  forme  de  cône  ,  fourniffent  aulli  une 
nourriture  délicate.  On  prétend  que  les  jeunes  grappes  mâles  &  fe- 
melles (pnt  aufli  très -bonnes;  on  peut  manger  toutes  ces  parties  crues, 
ou  cuites  avec  la  viande  de  mouton.  Les  dattes  elles-mêmes  fourniiîent 
naturellement  &  par  les  préparations  de  fart,  une  diverfité  de  mets 
fort  agréables.  Les  dattes,  comme  nous  avons  dit  ci-delfus,  étant 
récentes  ,  font  un  alimaMfrfelutaire  aux  Egyptiens  ,  aux  Africains  , 
ëc  fur-tout  pour  ceux  "qui  ne  boivent  que  de  l'eau  :  delTéchées,  elles 
font  plus  diliiciies  à  digérer.  On  fait  bouillir  les  noyaux  pour  les 
amollir ,  &  ils  fervent  de  nourriture  aux  boeufs  que  Ton  fait  repofer, 
A  la  Chine  on  fait  brûler  ces  ofTelets ,  &  on  les  fait  fouvent  entrer 
dans  la  compofition  de  Vencre  de  la  Chine,  En  Efpagne  on  les  brûle 
pour  faire  une  poudre  propre  à  nettoyer  les  dents  :  on  en  fait  auOî  le 
faux  ivoire  brûlé.  En  Natolie  on  eft  dans  l'ufage  de  jeter  de  l'eau 
fur  les  dattes  pour  les  faire  fermenter ,  &  en  tirer  du  vin  qui  peut 
fe  changer  en  vinaigre.  Souvent  on  tire  de  ce  vin  par  la  diftillation 
un  efprit ,  &  comme  l'ufage  des  liqueurs  fpiritueufes  eft  févérement 
défendu  par  Ja  Religion  de  Mahomet ,  on  le  fait  palier  fous  le  nom 
de  remède ,  pour  foulager  les  crudités  &  les  coliques  d'eftomac  :  afin 
de  mieux  guérir  ces  maux  ,  les  gens  riches  ajoutent,  avant  la  diftil- 
lation ,  de  la  fquinc ,  de  ïambre  &  des  aromates  ;  mais  le  commun 
du  peuple  y  met  de  la  racine  de  rcglijfe  &  de  Vahjimhe  de  Pcrfe ,  ou 
tie  la  petite  racine  de  vrai- jonc  odorant ,  ou  de  \à  ftmencine  de  Turquie 
ou.  de  Perfe.  hQ  ne&ar  de  datte  que  boivent  les  Souverains  à^  Congo, 
eft  la  liqueur  fpiritueufe  pure  des  dattes  ferragntées,. 


DAT  "447 

Le  palmier  renferme  fes  vertus  alimentaires  dans  la  moelle  de  fon 
tronc  $c  dans  fes  fruits  ;  on  trouve  encore  dans  ces  derniers  une  vertu 
médicinale.  L'expérience  a  appris  que  les  fruits  du  dattier  font  légé-  ' 
rement  aftringens ,  &  modèrent  les  cours  de  ventre;  qu'ils  fortifient 
l'eftomac,  adouciffent  la  poitrine  &  tous  les  organes  du  poumon, 
même  les  douleurs  des  reins  &  de  la  veffie  ;  mais  il  faut  en  ufer  mo- 
dérément :  autrement  elles  caulèhrie  mal  de  tête  &  rafFoiblilTemenf 
de  la  vue  ,    produifent  des  obftruélions  &  la  mélancolie. 

DATTES  DE  MER.  On  donne  ce  nom  quelquefois  à  des  corps 
mous ,  que  M.  Ccfîoni  ,  habile  Pharm.acien  de  Livourne ,  dit  être 
les  véritables  fruits  de  ïalgue  à  feuilles  étroites  des  Verriers.  On  en  trouve 
la  figure  dans  un   Livre  intitulé  ,  la  Gallerie  de  Minerve,        V 

On  donne  aufli  le  nom  de  datte  de  mer  à  une  coquille  bivalve  , 
cylindrique ,  épaiife  &  du  genre  des  moules.  Ses  valves  font  revêtues 
d'un  périofte  brun  ou  de  couleur  roulTe  ou  marron  ,  &  fe  joignent 
exaélement.  On  y  diftingue  quelques  ftries  très-fines  ;  l'int^ieur  eft 
nacré.  Ce  coquillage  qui  fe  trouve  à  Toulon  &  fur  les  côtes  d'Italie, 
d'Afrique,  même  en  Amérique,  eft  enfermé  vivant  dans  une  pierre 
qu'il  a  creufée  ,  quoique  très-dure  ,  difljple  à  cafler ,  même  à  coups 
de  mafTue ,  &  formant  une  partie  des  roclilif  de  marbre  ,  &c.  qui 
avancent  dans  la  mer  &  en  font   baignés. 

Voici  un  fait  qui  prouve  inconteftablement  que  ce  coquillage  bi- 
valve perce  la  pierre ,   &  qu'il  n'y  eft  point  renfermé  par  la  pétrifi- 
cation du  terrain  ,   comme  l'ont  penfé  quelques  Naturaliftes  à  l'égard 
des  dails  du  Poitou  :  voyez   l'article    Fhotade.    On    trouve  des  dattes 
dans  les  moellons  qui  ont   été    employés  aux  anciennes  fortifications 
maritimes  &  quais  de  Toulon  ;  ces  moellons  ont  été  apportés  de  lieux 
élevés  &  éloignés  de  la  mer  ;   néanmoins  en  caflant  de  ces  pierres  ou 
blocs  nouvellement   tirés  de  la  mer,   on  trouve  dans  leur  intérieur 
beaucoup  de  dattes  fraîches^  bonnes  à  manger,  car  la  chair  de  ce 
coquillage  a  un  goût  fort  agréable    &  eft  regardée  comme  un  mets 
délicat.  Les  Anciens  connoiflbient  déjà  fa  bonté  ainfi  que  la  fingularité 
qu'il  offre  à  ceux  qui  le  mangent  dans  l'obfcurité  ;    la  lumière  phof- 
phorique  que  donne  ce  teftacée  eft  li  vive ,   qu'elle  fait  paroître  leur 
bouche  enflammée.  Voici  ce  qu'en  dit  Milvus  Marinus  : 

Da&ylus  illujîrat  radiant!  lumine  petram  ,• 
^pojîius    mtnfce  y  luir.ine  nienfa  nncu 


44^  t)ÀT 

Cette   lumière  fe  trouve   auflî  dans  la  pholade  du    Poitou.    En 
examinant  l'extérieur  des  pierres  qui  renferment  des  dattee  de  mer , 
on  n'y  découvre  que  quelques  trous  de  figure   irréguliere  ;    les  uns 
aflez  petits   pour  qu'on  n'y  puifTe  introduire  qu'une  paille  ;  d'autres 
gros  comme  le  bout  du  doigt,    mais  toujours  beaucoup  trop  petits, 
pour  qu'on  en  puifTe  tirer   la  coquille  fans    la  brifer  :  ce    n'eft  donc 
qu'en  caflant  les  pierres  qu'on  fe  peut  mettre  en  état  de  bie  n  examiner 
les  dattes  &  leurs  loges.    Ces'  coquilles  n'ont    point   d'articulation  à 
charnières  co^rne   quelques  huîtres ,    mais   les  deux  panneaux  font 
joints  par  un  ligament  qui  s'étend  depuis  le  bout  le   plus   menu  de  la 
coquille  jufqu'à  fon  milieu.   Il  y  a  de  ces  coquilles   qui   ont  plus  de 
trois  'pouces  de  longueur,  &  un  pouce  de  diamètre.  Ces  efpeces  de 
moules  font  pourvues  de  quelques  fils   :  elles   font   étant   jeunes   des 
trous  dans  la  pierre  dure  &  augmentent  la  capacité  de  ces  loges  fui- 
vant  leur  crue  :  elles  n'ont  qu'un  très-petit  jeu  dans  ces  prifons ,  qui 
repréfeitent   exaélement  en  creux  la  forme  extérieure  de  la  coquille  : 
l'ouverture  depuis  la  furface  de  la  pierre,  forme  un  entonnoir  jufqu'à 
la  demeure  du    coquillage ,    qui   étant  proportionnée  à  fa  grandeur 
&  à  fa  configuration ,    ne  Jui  permet  pas  de  s'y  retourner  :   la  tête 
de  l'animal  étant  toujo4^jpppofée  à  cette  ouverture  ,  il  efl  à  préfumer 
qu'il  l'introduit  la  première  ,  &  que  par  conféquent  elle  a  dû  fervir 
dans  fon  travail.  Au  refte ,  ces  dattes  de  mer  n'affedent  point  dans 
les  pierres  une  polîtion  uniforme;  il  y  en  a  de  plus   parallèlement  à 
l'horizon  ,   d'autres  font  en  pofition  verticale  ,  &  la  plus  grande  partie 
font  inclinées  fous  différens  angles  ;   ce  qui  fait  que  Xouvent  la  loge 
d'un  ancien  fe  trouve  dans  le  chemin  d'un  fécond ,  &  dans  ce  cas  il 
en  coûte  la  vie  au  voifin  :  ce  nouvel  ouvrier  forme  fa  loge  aux  dé- 
pens de  la  fienne,   il  la  traverfe  &  détruit  la  coquille  jufqu'au  niveau 
de  l'augmentation  qu'il  défire  faire   à  fon    habitation.     Ceci   prouve 
encore  que  les  dattes  de  mer  creufent  &  augmentent  leurs  loges  peu 
fL  peu, 

Ces  animaux  ,  quoique  renfermés  dans  une  pierre  dure  ,  puifque 
c  eft  une  forte  de  marbre ,  ne  font  pas  à  l'abri  de  quelques  ennemis  qui 
leur  font  la  guerre  :  il  y  a  des  efpeces  de  fcolopendres  ,  longues 
depuis  un  pouce  jufqu'à  cinq,  fort  menues,  qui  parviennent  à  leurs 
loges  par  leurs  communications  ,  &  qui  dévorent  les  dattes.  M.  de 
fçiigeroux ,  qui  a  donné  un  JVJémojire    fur   ces  coquillages  ,    inféré 

mm 


D  A  IT  44^ 

dans  le  cinquième  volume  des  Savans  étrangers ,  dit  avoir  encore 
trouvé  dans  ces  trous  des  efpeces  de  cloportes  de  mer  &  une  puce  de 
mer.  Mais  comment  ces  dattes  dans  l'état  de  leur  enfance  fe  creu- 
fent-elles  leur  domicile  ?  Il  faut  croire  qu'elles  s'attachent  avec  leurs  fils 
à  la  pierre  qu'elles  veulent  tarauder ,  Se  que  les  dents  ou  afpérités  qui 
font  fur  leur  coquille  creufent  peu  à  peu  une  demeure  proportionnée 
à  leur  volume  :  l'on  fait  que  Tunique  occupation  de  ce  teftacée  fe 
réduit  à  prendre  la  nourriture  que  la  mer  lui  apporte ,  à  multiplier 
ion  efpece  (il  eft  hermaphrodite),  &  à  creufer  fa  demeure. 

DATURA.  f^oye^  à  l'ariicle  Pomme  Épineuse. 

DAUCUS  DE  CANDIE  ,  daucus  Crencus.  Cette  plaïke ,  qui 
vient  communément  fur  les  endroits  pierreux  &  montagneux!,  dans 
l'île  de  Crète,  aujourd'hui  de  Candie,  &  dans  les  Alpes  ,  a  une  racine 
longue,  groffe  comme  le  doigt ,  fîbrée  &  d'un  goût  de  panais.  Sa  tige 
eft  haute  d'un  pied  ,  cannelée  &  velue.  Ses  feuilles  font  cotonneufes, 
cendrées  &  découpées  comme  celles  du  fenouil.  Les  fomimets  de 
fes  branches  foutiennent  des  ombelles  lanugineufes  ,  blanchâtres, 
d'une  odeur  agréable  &  d'un  goût  piquant  :  elles  font  compofées  de 
petites  fteurs  en  rofe ,  à  cinq  pétales  blancs,  dont  le  calice  fe  change 
en  un  fruit  formé  de  deux  femences  oblb^ues  ,  cannelées  ,  velues  , 
convexes  d'un  côté  &  applaties  de  l'autre. 

On  donne  àufîî  le  nom  de  daucus  à  la  carotte  fauvage  ;  autrement 
appellée  chirouis  ou  faux  chcrvi.  Voyez  aux  mots  Carotte  ,   &c. 

La  femence  du  daucus  de  Candie  eft  eftimée  lithontriptique,  hif- 
térique  &  carminative  :  elle  eft  la  première  des  quatre  femences  chau- 
des mineures ,  qui  font  celles  à^ammi  ,  âiache  ,  de  perjil  &  de  daucus. 
On  fubfticue  fouvent  la  femence"  du  chirouis  à  celle  du  daucus  de 
Candie  ,  qui  eft  l'un  des  ingrédiens  de  la  grande  thériaque.  Les  daucus 
font  des  efpeces  de  panais  fauvages.  Dans  le  Levant ,  on  fait  un  vin 
de  daucus  pour  réfifter   au  venin  &  pour  provoquer  les  règles. 

DAUPHIN.  Foyei  à  la  fuite,  du  mot  BaleiNE. 

DAUPHIN.  On  donne  encore  ce  nom  à  une  coquille  univalve; 
qui  eft  du  genre  des  limaçons  à  bouche  ronde.  Voyc^^  Limaçon  de 
MER.  Les  contours  de  cette  coquille  font  armés  de  pointesdéchiquetées.  \ 
Les  Aftronomes  ont  aulli  donné  le  nom  de  dauphin  à  une  constella- 
tion de  l'hémifphere  boréal  :  elle  eft  compofée  de  dix  étoiles ,  félon 
^tolomée  &  Tyçho, 

Tomi  IL  LU 


4^0  D  AU  DEL 

DAUP^ADE.   Voyti  Ceterach. 

DEEB.  Nom  que  l'on  donne  en  Barbarie  au  chacal.  Voyez  ce  mot.' 

DÉGEL.  On  entend  par  ce  mot  le  relâchement  du  grand  froid  , 
cet  adouciflement  de  l'air  qui  réfout  les  neiges  dans  tout  un  pays  ;  en  un 
mot  la  fonte  de  la  glace  qui  pour  lors  reprend  fon  premier  état  de 
fluidité.  La  glace  fe  fond  beaucoup  plus  lentement  qu'elle  ne  s*eft 
formée  ;  elle  commence  à  fe  farïdre  par  la  furface  ;  mais  au  lieu  que 
Teau  fe  gelé  du  centre  à  la  circonférence ,  elle  fe  dégelé  de  la  cir- 
conférence au  centre.  Voyz\^  Glace. 

DÉGRAS.   Dans  le  commerce  on  donne  ce  nom  à  l'huile  de  poifTon- 
qui  a  fe^i  à  paffer  des  peaux  en  chamois.  Cette  même  huile  fert  enfuite 
aux  cojfroyeurs  pour  pafler  principalement  les  cuirs  blancs,  Voyc\  U 
Dictionnaire  des  Arts  &  Métiers. 

DÉLIVRE.  Foyei  Arriere-faix. 

DELTA.  Foyei  Double  C. 

DÉLUGE ,  diluvium.  Ce  mot  exprime  la  plus  grande  alluvion  qui 
ait;  laifîSfs  couvert  la  terre  ;  celle  qui  a  dérangé  l'harmonie  première  , 
ou  plutôï'  la  ftrudure  de  l'ancien  monde  ;  celle  qui ,  par  une  caufe 
extraordinaire  des  plus  violentes ,  a  produit  les  effets  les  plus  terri- 
bles ,  en  bouleverfant  la  terre ,  foulevant  ou  applaniflant  des  mon- 
tagnes j  difperfant  les  hâ^Htans  des  mers  ,  couche  par  couche  fur  la 
terre  ;  celle  enfin  qui  a  femé  jufques  dans  les  entrailles  du  globe 
terreftre  ,  les  monumens  étrangers  que  nous  y  trouvons ,  &  qui  doit 
être  la  plus  grande ,  la  plus  ancienne  &  la  plus  générale  cataftrophe 
dont  il  foit  fait  mention  dans  l'hiftoire  ;  en  un  mot ,  la  plus  grande 
époque  de  la  Chronologie. 

M.  IValch ,  dans  fa  Thefe  fur  le  déluge  des  Anciens ,  dit  que  la 
mémoire  du  déluge  univerfel  s'eft  confervée  chez  toutes  les  Nations  ; 
les  Grecs  ,  &  fur-tout  les  Egyptiens  &  les  Aflyriens  en  ont  eu  des 
opinions  différentes.  Le  même  Auteur  dit  encore  qu'il  règne  une  con- 
tradiction entre  ceux  des  Grecs  qui  en  ont  écrit.  Les  uns  foutiennent 
qu'il  y  a  eu  deux  déluges ,  d'autres  font  mention  de  trois ,  quelques- 
uns  de  quatre ,  &  d'autres  en  ajoutent  encore  un  cinquième ,  M, 
Walch  rapporte  tous  ces  déluges  différens  des  Payens  à  celui  de  Noë, 
d'où  ils  prennent  leur  fource ,  puifque  tous  les  Écrivains  profanes 
en  racontent  les  mêmes  circonflances.  Enfin  il  s'étonne  que  tandis  que 
les  paroles  de  Moyfe  font  fi  claires  ,    on  puifle  difputer  du  déluge , 


î)  É  L  4^1 

de  l'année  ,    du  temps  &  des   autres   circonftances.    Telle  fut  cette 
inondation  générale  ,    qu'elle  détruifit  tout    ce  qui   avoit  vie   fur  la 
furface  de  la  terre,   excepté  Noë  ,  fa  famille  ,    les  poiflbns  &  tout 
ce  qui  fut   renfermé  dans  l'arche  avec    Noc.   Moyfc  nous   en  donne 
l'Hiftoire  dans  la  Genefe,  Chap.  VI  &  VII.  Les    meilleurs  Clirono- 
logiftes  la  fixent  à  l'an  de  la  créatioa^  i-<5y6  ,  2^293  ans  avant  J.  C. 
Le  déluge  a  fait  &  fait  encore  le  plus  grand  fujet  des  recherches  & 
des  réflexions  des  Naturaliftes ,    &c.   Les  points  principalement  con- 
teftés  peuvent  être  réduits  à  trois  ;  1°.  fon  étendue  ,  o'eft-à-dire ,  s'il 
a  été   abfolument  général  ou  feulement  pour  certains   pays-;   2°.  fa 
caufe  ;  3".  &  fes  effets.    Il  nous  fuffira  de  dire  qu'on  a  regardé  àDmme 
une  preuve  phyfique  de  l^univerfalité  du  déluge  &  des  grands  chan- 
gemens  qu'il  a  opérés  fur  toute  la  furface  du  monde  ,  cette  multitude 
étonnante   de  corps  marins  qui  fe  trouvent    répandus  \^^ant  fur  la 
furface  de  la  terre  que  dans  l'intérieur  même  de  tous  les  continens: 
mais  la  difficulté  eft  d'expliquer  cette  difperfîon   d'une  manijif5è  .con- 
forme à  la  difpofition ,  à  la  fîtuation  des  bancs  ,  des  couches  &:  des 
contrées  où  on  les  trouve.    M.  Pluchc,  {SpcBach  de  la  Nature-^  làrne 
VIII  ,  pag.  93.)  en  parlant  du  déluge  ,  dit  que  \q:-.  régions  du  Tigre  & 
de  l'Euphrate  n'ont  point  été  toujours  con^rifes   dans   cette  terrible 
fubmerfion  ,  &  qu'elles  feules,  parmi  toutes  celles"'de  l'ancien  monde, 
furent  les  premières  découvertes  ,  &  habitées  par    les   defcendans  de 
Noë  :  auffi  les  appelle-t-il   le  berceau  du  genre  humain.   M.  de  Kéralio 
prétend  qu'il  y  a  eu  des  Savans  très -pieux  &   très -orthodoxes,   qui 
ont  penfé  que  Moyfe  ,   fe  conformant  au  ftyle  oriental,  avoit  dé/]gné 
par  le  mot  terre  ,    la  feule  portion  du  globe  (  la  Paleftine  &  quelques 
cantons  voifins)  qui  avoit  été  habitée  par  les  Ifraëlites  &  leurs  an- 
cêtres, M.  Grouner  penfe  que  Dieu  ayant  réfolu  de  toute  éternité  de 
noyer  les  hommes  ,    &c.  de  cet  âge ,  avoit  difpofé  pour  cet  effet  les 
lois  de  la  Nature.   M.  l'Abbé/e  Brun,  Précepteur  des  Pages  de  la 
Reine,  a  voulu  ,   il  y  a  quelques  années,  retracer  fous  nos  yeux  ce 
tableau  du  défaftre  de  nos  pères  &  du   deuil  général  de  la  Nature. 
M.  l'Abbé  Le  Brun  penfant  que  l'élévation  des  eaux  qui  ont  couvert 
autrefois  la  terre  ,  n'étoit  peut  -  être   qu'un  fîmple   effet  de   la  force 
centrifuge  portée  à  un  certain  degré,  &  que  ce  feul  mouvement  de 
turbination ,   imprimé    au   globe ,     l'ayant  fait    pirouetter  avec  une 
vîtefTe  accélérée ,  les  eaux  ont  du  fortir  des  réfervoirs  du  grand  abîme, 

LII2 


4^2  ï)   E  C 

&  monter  contre  leur  propre  pefanteur.  C'a  été  d'après  ce  fyflême  que 
notre  ingénieux  Phyficien  a  voulu  nous  donner  au  Louvre  une  image 
du  déluge  ;   &  pour  démontrer  les  caufes  de  ce   phénomène  ,    voici 
l'expérience  qui  a  été  faite  &  que  nous  avons  vue.  On  a  pris  un  globe 
terreftre  armé  de  foupapes  ,    &   enfermé  concentriquement  dans  un 
globe  de  verre.    On  a  commencé  par  remplir  d'eau  le  globe  terreftre; 
on  en  a  fermé  l'ouverture  pratiquée  dans  le  globe  de  verre  j  enfuite, 
par  le  moyen  d'une  manivelle,    on  a  donné    au  globe  intérieur  un 
léger  mouvement  de  rotation;  l'eau  n'a  point  franchi  fes  barrières; 
mais  l'a-t-on  fait  mouvoir  avec  une  vîtefTe  accélérée,  bientôt  la  mafle 
d'eau  a;'forcé  les  foupapes  attachées  à  la furface  extérieure  de  ce  globe 
terreftre ,   &  a  rempli  toute  la  capacité  du  globe  de  verre  en  s'échap- 
pant  avec  force  ;  ainfi  le  globe  terreftre  a  été  entièrement  couvert  de 
fes   propres  eaux.  On  a  ceffé  d'agiter  le  globe ,  l'eau  eft  rentrée  dans 
les  réfervoirs  à  peu  près  jufqu'à  l'horizon  du  globe  ,  &  s'eft  mife  en 
équilibrft^vec  elle-même.  Voilà  donc ,    fuivant    M.  l'Abbé  k  Brun  , 
une  efquijDTe  de  la  caufe  du  déluge  \  voilà  une    démonftration  de  la 
conformité  du  fyftême  de  Moyfe  avec  les   lois  de  la  Nature ,  &  une 
réfutation  des  erreurs  évidentes  de  Burnet  ^  de  Whifton  ,  de  Woodward, 
de  l'illuftre  Bo^uet  &  de  M.  Pluche.  Cette  expérience  fait  honneur  au 
"génie  de  M.  l'Abbé  #  Brun.  Elle  annonce  une  grande  connoifiance  de 
la  théorie  des  forces  centrales.   On  trouve  dans  le  Recueil  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  ,  plufîeurs  belles  machines  de  cette  efpece  ,  &  l'on 
a  fu  mettre  à  profit  la  force    centrifuge  pour  i^élévation  des  eaux  ; 
mais  celle-ci  nous  démontre-t-elle  le  déluge  univerfel  d'une  manière 
bien  conforme  au  récit  de  l'Hiftorien  facré  ?    D'ailleurs ,   fi  par  un 
mouvement  de  turbination  ,  imprimé  à  notre  globe,  &  mû  enfuite  avec 
une  vîtefle  accélérée  ,  les  eaux  ont  monté  contre  leur  propre  pefanteur, 
il  faudra  admettre  que  les  animaux,  &c.  auront  été  projedés,  en  raifon 
de  leur  propre  mafle  &  pefanteur,  à  des  élévations  &  des  diftances 
beaucoup  plus  confidérables —  C'eft  aux  Phyficiens  qu'il  appartient 
de  s'expliquer  là-deflus.....  Nos  Lecteurs  n'exigeront  pas  de  nous  de 
plus  grandes  réflexions  ;  mais  avant  de  terminer  cet  article  ,  il  convient 
de  dire  encore  que  M.  Pluche  prétend   que  les  dépouilles  de  l'Océan 
parlent  à  tous  les  yeux  ;  que  le  langage  àQS  pétrifications  eft  entendu 
du  peuple  le  plus  groffier  ;   que  ce  font  des  monumens  dûs  au  plus 
mémorable  de  tous  les  événemens  ,   &  que  ces  reliques   du  monde 


ancien  font  à  côté  de  rHiftoire  de  Moyfe  ,  ce  que  font  les  médailles 
à  côté  de  l'Hiftoire  Romaine.  Nous  aurons  occafion  de  dire  en  partie 
notre  fentiment  fur  l'origine  des  folliles  ,  à  l'article  Fossiles  &  au  mot 
Terre  dans  cet  Ouvrage. 

DEMI -MÉTAUX  ,  fimi  -  mctalla.  On  donne  ce  nom  à  à^s  fubfrances 
pefantes ,  plus  ou  moins  folides  &  opaques ,  qui  ont  un  grand  rapport 
avec  les  métaux  par  leur  afpeéè- , 'j^aes  mctallica  ,  par  leur  éclat 
&  par  la  fufibilité  dont  ils  font  fufceptibles ,  qui  fe  purifient  au  feu 
prefque  tous  par  fublimation ,  &  qui  prennent  en  fe  refroidiiTant  une 
furface  convexe  ;  en  un  mot,  qui  pofTedent  les  propriétés  métalli- 
ques ,  à  l'exception  de  la  fixité  ,  de  la  malléabilité  &  de  la  duétilité. 
Ainfi  toute  fubftance  qui  a  la  pefanteur ,  l'éclat  métallique ,  qui  ne 
peut  fe  purifier  fans  fe  fublimer ,  ou  qui  fe  détruit  au  feu  ,  ou  qui  s'y 
réduit  en  vapeurs  ou  en  flammes,  (excepté  le  cobalt)  &  qui  fe  brife 
fous  le  marteau  ,  eft  un  demi-métal.  Il  faut  auffi  en  excepter  les  pyrites 
proprement  dites  ;  elles  ont  bien  l'éclat  &  la  pefanteur  métalliques  , 
mais  elles  fe  vitriolifent. 

Ceci  étant ,  les  demi-métaux  différent  eflentielîement  des  minéraux 
proprement  dits ,  qui  ne  font  qu'un  aflemblage  de  matières  terreufes 
ou  pierreufes  ,  entremêlées  de  fels ,  de  bitumes  &  de  portions  mé- 
talliques ochracées  ,  le  tout  fufceptible  d'être  r^uit  en  pierre,  en 
fcories,  en  verre,  &  de  ne  contracter  que  peu  ou  point  d'union  avec 
les  demi- métaux. 

Toutes  ces  propriçj;és  fi  efTentielles  pour  la  diflribution  des  ctres 
qui  compofent  le  règne  minéral,  nous  font  reconnoître  fix  demi-mé- 
taux ,    dont  cinq  font  folides  ,  &  le  fixieme  eft  fluide. 

Les  demi-métaux  folides,  purifiés  par  la  Nature  ou  par  l'Art  (ce 
qui  s'entend  de  leur  état  de  régule)  font  ïarfcnic  à  face  métallique  ,  le 
cobalt  y  le  bifmutk,   ï antimoine  &  le  :(inc. 

Le  demi-métal  fluide,  (qu'il  foit  vierge  ou  révivifié  du  cinabre) 
eft  le  mercure. 

Les  demi-métaux  ,  tels  que  la  Nature  les  préfente ,  font,  ainfi  que 
les  métaux  ,  rarement  dans  leur  état  de  pureté  ou  de  régule;  ils  font 
toujours  alliés  à  d'autres  fubftances  métalliques ,  ou  adultérés ,  c'eft- 
à-dire  ,  déguifés  par  des  matières  minéralifantes ,  qui  font  le  foufro 
&:  l'arfenic.    Voyc^  ces  mots   &  les  articles  Minéraux  &  Métaux. 

A  l'égard  du  mercure  ,  les  Chymiftes  font  auffi  embarralfés  que  les 


'^)  4  DE  M 

Naturalises ,  fur  le  rang  qu'il  doit  tenir  parmi  les  minéraux  ;  il  n*a 
pas  la  malléabilité  naturelle,  ni  la  fixité,  ni  la  folidité  des  métaux  :1e 
défaut  de  ces  propriétés  le  rapproche  des  demi-métaux  :  il  efl:  ,  comme 
eux ,  fufceptible  de  laplus  grande  volatilité  ;d'un  autre  côté,  il  n'eft  point 
combuftible  ,  il  eft  fluide  habituellement  :  ce  n'eft  que  par  le  mélange 
qu'on  le  rend  folide,  ou  par  ua. froid  excellif -&  artificiel  qu'il  devient 
malléable  :  d'où  Ton  peut  déduire  que  le  mercure  efl;  unique  de  fon 
efpece. 

On  cite  tous  les  jours  la   defcription  d*un  nouveau  demi -métal 
trouvé  dans  la  mine  de  cobalt  de    Fcerila  en  Heiflnfie  ,    &   dont   M. 
Cronjîé^t  a  fait  mention  fous  le  nom  de  Nickel  dans  les  Mémoires  des 
Savans  de  Suéde  en  175" i  ,    tome   XIII  ;  &   en  I75'4,   tome  XVI" 
Voye^  Nickel.  Depuis  ce  temps  on  a  encore  fait  mention  d'un  autre 
nouveau  minéral ,    qui  fe  trouve   aux    environs  de  Géra  ,    dans  le 
Voigtland  ,   Province  de  la  Saxe  ;  on  l'y  voit  en  forme  d'une  veine 
paflableasent  forte  &  couchée  contre  une  montagne.  Perfonne  ne  l'^ 
encore  ^déflni  ,  ni  nommé,  parce  que  fes  propriétés   font  des  plus 
étranges  :  c'efl:  une  matière  fort  poudreufe ,  extrêmement  blanche  & 
prefque  femblable  à  de  la  craie  de  Briançon  ,    on    diroit  d'un  guhr 
d'argent  des  plus  onélueux  au  toucher.  Voici  les  principales  propriétés 
qu'on  a  déjà  reconnues  à  ce  minéral  ;  1°.   il  efl:  très-propre  à  polir 
&  luftrer  l'or  &  l'argent  ;  2°.  il  ne  change  pas  au  feu ,  &  Ton  n'a  pu 
le  mettre  en  fufion  ;  3°.  il  efl;  très -bon  pour  nettoyer  &  adoucir  la 
peau  des  mains  &  du  vifage;    4°.    étant  mis  dans  l'eau  il  fe  divife  au 
point  qu'on  peut  en  vernifler  des  figures  de   plâtre  ,    qui  paroiflent 
enfuite  argentées  ;  j^.  on  peut  en  faire  des  crayons  pour  defliner  fur 
le  papier  en  guife  de  molybdœm  :  fes  traits  font  doux  ,    moelleux  & 
luifans ,   &  fur-tout  très-propres  à  defliner  des   fleurs  que  l'on  veut 
enfuite   enluminer   ou    peindre  ;    ô"*.  on  en  tire  un /;wo'//?^r  infiniment 
fupérieur  à  celui  qu  on  tire  du  bifmuth  ;  7°,  il  peut  fervir  aux  Fac- 
teurs d'orgues  pour  enduire  la  futaine  de  leurs  moules  ,  qui  fe  conferve 
par-là  dans  les  fontes  ,  &  ne  brûle  pas  fi-tôt  qu'à  l'ordinaire  :  ajoutez 
qu'il  donne  aux   tuyaux  d'orgues   le  poli  de   l'argent  :  ce  nouveau 
minéral  ne  feroit-il  point  une  molybdsne  blanche?  Voye^  Molyb- 
dène. 

DEMI-RENARD.  Nom  que  les  François  de  l'Amérique  donnent: 
su  didelphe  ou  philandre.  Voye^  Dipelph^, 


DEM  4j^ 

DEMOISELLES  {mouches.)  Sous  ce  nom  vulgaire  on  comprend, 
^^  les  demoifelles  qui  ont  été  des  formica- Uo  :  2*".  ces  jolies  petites 
mouches ,  qui  dans  leur  premier  âge  ont  été  des  vers  à  fix  pieds, 
nommés  petits  lions  ou  lions  de  pucerons  ,  parce  qu'ils  fe  nourrifTent 
principalement  de  ces  infedes ,  fl  tranquilles  &  fi  peu  capables  de  fe 
défendre  contr'eux  :  3°.  les  demoifelles  plus  généralement  connues  de 
ceux  qui  n*ont  pas  fait  une  étude  particulière  de  ces  petits  animaux. 
Comme  ces  mouches  naiflent  &  croiflent  dans  des  lieux  très-différens , 
qu'elles  font  aufîî  de  genres  différens ,  malgré  quelques  rapports  ex- 
térieurs 5  &  que  leur  hiftoire  peut  intérelFer  la  curiofité  &  l'inftrudion 
du  Ledeur  ,  nous  ferons  des  articles  féparés  de  chaque  efpece  de  ces 
animaux  ,  &  nous  les  ferons  paffer  en  revue ,  chacun  dans  leurs  trois 
états  différens  ,  celui  de  ver ,  celui  de  nymphe  &  celui  de  mouche. 

DEMOISELLES  AQUATIQUES,  lihell(e ,  auc  perlœ,  aut  mor- 
déliez.  C'eft  l'efpece  de  mouches  connue  dans  prefque  toute  la  France , 
même  par  les  enfans  ,  fous  le  feul  nom  de  demoifelles  :  on  prétenc^qu'elles 
doivent  ce  nom  à  la  longueur  de  leur  corps  &  à  leur  taille  fine  : 
car  l'on  ne  connoît  point  de  mouches  qui  aient  le  corps  plus  long  & 
plus  délié  que  celui  de  plufieurs  efpeces  de  ces  demoifelles  aquatiques  : 
on  y  compte  ordinairement  onze  anneaux.  M.  de  Réaumur  en  diftingue 
trois  genres  :  fa  voir ,  demoifelles  à  corps  court  &  aplati ,  demoifelles  à 
tête  greffe  &  fphérique  ,  demoifelles  à  tête  petite  &:  large.  M.  Linnœus 
les  divife  en  moyennes  ,  petites  &  grandes  demoifelles  :  ce  qui  revient 
à  la  diftindion  de  M.  de  Reaumur.  Le  Naturalifte  du  Nord  en  compte^^ 
quatre  efpeces  dans  les  moyennes,  autant  dans  les  petites  ,  &  huit 
dans  les  grandes  :  toutes  ont  les  antennes  courtes ,  la  queue  fourchue 
ou  garnie  de  pinces  ,  mais  feulement  dans  les  mâles ,  &  la  bouche 
garnie  de  mâchoires  ;  elles  ont  de  plus  ,  trois  petits  yeux  lifîes 
entre  les  grands  yeux  à  réfeau  au  devant ,  &  trois  articulations  aux 
tarfes. 

Origine  des  Demoifelles  aquatiques  ,  leur  état  de  nymphes  ,  leur  mitamorphofi 

&  leur  accouplement. 

Cette  mouche  naît  dans  l'eau ,  &  y  prend  un  accroiffement  complet. 
Elle  commence  par  être  un  ver  hexapode  ou  à  fix  pieds  :  ce  ver  eft 
encore  jeune  &  très-petit  quand  il  devient  nymphe  :  il  a  déjà  la  même 
proportion  dans  toutes  fes  parties ,  qu'il  aura  étant  transformé  :  ainfi 


^4  {s  T)  E  M 

les   demoifelles  à  corps  court  viennent  des  nymphes  les  plus  cour- 
tes, &c. 

Les  nymphes  des  trois  genres  de  demoifelles  aquatiques ,  font  pour 
la  plupart  d'un  vert-brun  ,  fouvent  falies  par  la  boue  qui  s'eft  attachée 
à  leur  corps  :  celles  de  quelques  autres  efpeces  qui  fe  tiennent  dans 
l'eau  claire  ,  montrent  des  taches  blanchâtres  ou  verdâtres  très -joli- 
ment diftribuées.  M.  de  Réaumur  leur  a  trouvé  à  toutes,  une  tête, 
un  cou  ,  un  corfelet,.yn  corps  compofé  de  dix  à  onze  anneaux,  & 
lîx  jambes  attachées  au  conelet  ;  ces  nymphes  vivent  dans  l'eau,  y 
nagent  avec  kurs  jambes  ,  &  la  refpirent.  M.  Poupart  croit  avoir' 
remarqué ,  qu'en  cet  état  elles  tiennent  beaucoup  de  la  nature  des 
vrais  poiflbns  ,  &  qu'elles  font  pourvues  d'ouies. 

Chaque  efpece  de  nymphe  porte  un  mafque  dont  la  form.e  eft  diffé- 
rente :  l'une  porte  un  cafque;  l'autre  un  mafque  aplati,  &  la  troifieme 
un  mafque  plat  &  effilé  :  cet  organe  lingulier,  placé  au  devant  d'une 
bouché^garnie  .de  bonnes  dents,  eft,  dit  M.  DeUu:(e,  mobile  au  gré 
dé  l'infeéïe  fur  l'extrémité  d'une  efpece  de  manche  par  lequel  il  eft 
attaché  à  fon  cou ,  &  lui  fert  à  faifir  les  petits  infedes  aquatiques  dont 
il  fe  nourrit  &  qu'il  furprend  en  relevant  fon  mafque  qu'il  tenoit  aupa- 
ravant baiflé.  Toutes  ces  nymphes  vivent  dix  à  onze  mois  fous  l'eau , 
avant  que  d'être  eh  état  de  fe  transformer  en  demoifelles.  Les  temips 
les  plus  favorables  à  leur  métamorphofe  &  à  leur  accroilfement ,  font 
depuis  le  mois  d'Avril,  jufques  &  compris  celui  d'Oélobre  ^  c'eft  hors 
de  l'eau  que  doit  s'accomplij^la  grande  opération  ,  qui  fait  palier  l'in- 
fecle  de  l'état  de  poiffon ,  "^celui  d  habitant  de  l'air.  Après  être  refté 
,^u  bord  de  l'eau  d'où  il  eft  forti,  pendant  le  temps  néceffaire  pour  fe 
bien  fécher ,  il  fe  met  en  marche,  &  cherche  un  lieu  oii  fa  transfor- 
mation puifle  fe  faire  commodément  ;  fouvent  la  nymphe  fe  détermine 
pour  une  plante  fur  laquelle  elle  grimpe.  Après  l'avoir  parcourue , 
elle  fe  fixe ,  la  tcte  en  haut ,  foit  contre  la  tige ,  foit  contre  une 
t?ranche,  ou  contre  une  feuille  ;  quelquefois  elle  s'attache  contre  un 
brin  dé  bois  fec.  La  métamorphofe  de  cette  nymphe  en  demoifelle, 
çft  la  même  que  celle  des  autres  nymphes  en  mouches ,  foit  à  deux 
Qu  à  quatre  ailes  :  c'eft  aullî  la  même  que  celle  des  chryfalides  en 
papillons. 

Les  demoifelles  aquatiques  ont  quatre  ailes  trcs-tranfparentes ,  fem- 
blables  à  la  gaze  la  plus  fine  2i  la  plys  éclatante  j  ou  à  du  talc  ouvragé. 

Çettç 


DEM  ^4^7 

Cette  éfpece  de  petite  étoffe  eft  argentée  ou  dorée  dans  les  unes , 
ornée  de  taches  colorées  dans  d'autres  :  ces  ailes  font  moins  grandes 
que  celles  des  demoifelles  terreftres  ;  cependant  les  demoifelles  aqua- 
tiques volent  beaucoup  plus  ,  &  avec  plus  de  grâce  :  on  diroit  qu'elles 
planent  comme  un  oifeau,  en  un  mot  elles  ne  font  pas  obligées  de 
lever  leurs  ailes  auflî  haut ,  ni  de  les  faire^defcendre  aulfi  bas  que  les 
demoifelles  terreftres  ,  dont  le  vol  eft  lourd ,  de  femble  n'avancer  qu'au 
moyen  de  grands  battemens  d'ailes. 

L'accouplement  de  ces  infedes  eft  fort  fingulier ,  leurs  amours  fe 
décident  par  un  enlèvement. 

Depuis  le  printemps  jufques  vers  le  milieu  de  l'automne ,  on  les 
voit  dans  les  prairies  bordées  par  une  rivière  ou  par  un  ruiffeau ,  les 
unes  pofées  fur  des  plantes,  les  autres  volant  en  l'air  :  &  parmi  ces 
dernières,  on  en  remarque  qui  volent  par  paires  finguliérement  difpo- 
CéQS.  Le  bout  du  corps  de  celle  qui  eft  antérieure,  eft  poféfur  le  cou 
de  la  poftérieure  :  toutes  deux  également  amoureufes  &  animées  jdes 
mêmes  défirs,  volent  de  concert,  &  elles  ont  alors  le  corps  étendu 
en  ligne  droite.  L'antérieure  eft  le  mâle ,  qui ,  avec  les  crochets  qu'il 
a  au  bout  du  derrière,  tient  fa  femelle  faifie  par  le  cou,  &  la  conduit 
en  ravifîeur  où  il  lui  plaît  d'aller.  Celle-ci  paroît  fe  laiflfer  conduire 
volontiers,  puifqu'elle  agite  fes  ailes  pour  aller. en  avant,  comme 
elle  feroit  fi  elle  étoit  entièrement  libre. 

Telle  eft  la  manière  dont  ces  infedes  commencent  à  fe  faire  l'amour. 
Lorfque  le  mâle  qui  plane  tient  ainfi  fa  femelle ,  il  la  ferre  '&  ne  la 
laiffe  plus  échapper  :  ce  raviffeur  n'eft  pa^^pendant  encore  fort  avancé. 
Il  lui  eft  impoflible  de  porter  fa  partie  vers  celle  de  fa  femelle  qu'il 
tient  par  l'extrémité  de  fon  corps.  Tant  que  la  femelle  ne  fe  prête  point 
à  fes  défirs  ,  l'accouplement  ne  peut  fe  faire  :  auffi  le  mâle  tient-il 
quelquefois  fort  long-temps  fa  femelle;  il  l'emporte  en  traverfant  les 
airs,  fufpendue  à  fa  queue,  ^jufqu'à  ce  qu'enfin  celle-ci  ou  fatiguée, 
ou  mife  en  adion ,  fe  rende  à  fes  importunités  ;  pour  lors  la  femelle 
qui  cède  à  la  force  ou  au  penchant,  fait  de  fon  corps  un  cercle.  Son 
ventre  ainfi  replié  paife  entre  fes  jambes  &  par  devant  fa  tête;  &  elle 
porte  elle-même  l'extrémité  de  fon  ventre  contre  la  partie  du  mâle  qui 
s'accouple  avec  elle  fans  lâcher  la  tête  de  fa  femelle.  Pendant  cet 
accouplement,  ces  infeéles  font  dans  une  attitude  finguliere  :  ils  forment 
une  efpece  d'anneau.  La  tête  de  la  feciçlle  eft  accrochée  par  la  queuç 
Toms  IL  '  .  ^^  '^  ra. 


4;8  DEM 

du  maîc,  tandis  que  l'extrémité  de  Ton  ventre  qui  fait  le  cercle,  eft 
accouplée  avec  la  partie  fupérieure  du  ventre  de  ce  même  mâle.  Ces 
infeéles  volent  dans  cette  attitude  forcée,  &  ne  Te  féparentque  lorfqua 
l'accouplement  eft  tout-à-fait  fini.  Si  ces  fortes  d'enlévemens  font  fort 
communs,  il  n'en  eft  pas  moins  vrai  que  ces  bizarres  accouplemens 
nous  font  voir  combien  la  Nature  eft  féconde  &  inépuifable  en  in-« 
ventions  pour  parvenir  à  fes  fins^ . 

Les  parties  propres  aux  mâles  font  tout  autrement  placées  dans  le 
corps  des  demoifelles  ,  que  dans  celui  des  autres  mouches.  M.  d& 
Réaumur  a  reconnu  cette  partie  mafculine  fous  le  corps,  près  de  fa 
jondion  avec  le  corfelet ,   c'eft-à-dire  aux  premiers  anneaux. 

Les  demoifelles  font  des  infedes  fort  vifs  :  les  couleurs  dont  elles 
font  ornées  ,  fervent  à  diftinguer  le  caradere  dominant  du  fexe.  Les 
plus  petites  font  ordinairement  les  mâles  :  celles  qui  habitent  les  prairies 
&  qui  s'y  font  remarquer  par  leur  belle  couleur  bleue ,  s'accouplent 
avcG  ^drgs  demoifelles  d'un  verdâtre  doré ,  &  avec  d'autres  purement 
grisâtres. .Les  femelles  pondent  leurs  œufs  réunis  en  grappes;  quelquefois 
elles  les  dépofent  un  à  un.  Foye:^  les  Mémoires  fur  les  Infectes ,  de  A/, 
de  Réaumur ,   Tom.  VI. 

DEMOISELLE  du  Formica-leo,  libella  gracilis.  Mouche  qui  a 
été  formica-leo ,  &  qui  eft  d'un  genre  différent  de  celui  des  demoifelles 
qui  aiment  à  voler  le  long  des  rivières.  Quoiqu'elle  ait  des  ailes  plus 
longues  &  plus  larges  que  fon  corps ,  fon  vol  a  quelque  chofe  de 
pefant,  &  le  cède  beaucoup  en  agilité  au  vol  des  demoifelles  les  plus 
communes.  Mais  avant  d^ra^er  de  cette  jolie  mouche  ,  confidérons- 
la  au  berceau  &  avec  fon  mafque ,  c'eft-à-dire ,  dans  l'état  de  yôr- 
mica-leo. 

Defcriptioa  du  Fourmi- Lion  ou  Formica- Léo, 

Il  n'y  a  guère  plus  de  foixante  ans  qu'on  a  obfervé  cet  infede,  & 
les  particularités  qui  l'ont  rendu  célèbre.  L'on  croyoit  du  temps  à' Albert 
le  Grand  que  le  fourmi-lion avoit  été  réellement  une  fourmi,  qui  après 
avoir  changé  de  nature  &  d'inclination,  devenoit  formidable  à  ceux 
qui  lui  avoient  donné  l'être  &  les  dévoroit.  On  connoît  à  préfent  le 
ridicule  de  cette  opinion.  Le  nom  ûq  formica-leo  (  lion  des  fourmis  ) 
qui  lui  a  été  donné  d'abord  par  les  François ,  a  été  généralement 
adopté,  &  ce  nom  lui  convient  d'autant  mieux,  que  malgré  la  rufe 
dont  cet  animal  fe  fert  pour  détruire  les  infedes,  il  paroît  fe  plaii'e 


DEM  4JP 

davantage  à  attraper  des  fourmis  :  il  en  eft  le  lion  &  l'ennemi  le  plus 
redoutable. 

Le  fourmi-lion  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  \q  formica -vulpes, 

voyez  ce  mot,  eft  un  ver  ou  larve  hexapode,  &  de  ceux  qui  doivent 

fe  transformer  en  une  mouche  à  quatre  ailes.  Il  eft  de  la  longueur  d'un 

cloporte  commun ,  mais  plus  large  ;  fa  tête  eft  aflez  longue ,    &  fon 

corps  arrondi  en  s'alongeant  vers  la-qùeue;  fa  couleur  eft  d'une  efpece 

de  gris  fale  marqueté  de  points  noirs  ;  les  fix  jambes  qui  foutiennent 

le  corps  ,   relèvent  peu  :  on  remarque  trois  parties  diftindes  dans  la 

longueur  de  cet  animal ,  le  corps ,  le  corfcUt ,  te  la  tête.  Le  corps  eft 

la  partie   la   plus    confidérable  ;  on  y  compte  onze  petits  anneaux 

membraneux  :  avec  la  loupe  ,  on  y  apperçoit  un  nombre  de  poils  noirs. 

&  courts,  &  des  houpes  difpofées  en  nls  qui  font  les  organes  de  la 

refpiration  de   l'infede.  Son  corfelet  eft  court  &  étroit  :  la  première 

paire  de  jambes  y  eft  attachée ,  les  deux  autres  paires  le  font  aux 

deux  premiers  anneaux  du  corps  :  au-deflus  de  fa  tête  eft  un©;efpece 

de  cou ,  dont  la  position  la  lui  fait  remuer  en  tous  fens.  Sa  tête  diffère 

<lu  commun  des  infedes  ;  elle  eft  plate  &  plus  large  à  fon  bout  extérieur, 

que  par- tout  ailleurs.  M.  de  Réaumur  y  a  remarqué  deux  boûch's$  .bu 

trompes  placées  aux  deux  extrémités  en  manière  de  cornes  :  elles  font 

deftinées  à  pomper  le  fuc  du  corps  des  infeâes  dont  le  formica-leo  fe 

nourrit.  Ces  trompes  liftes  en  apparence,   font  écailleufes,  mobiles, 

xlures  ,  longues  de  deux  lignes  &  peuvent  aller  à  la  rencontre  l'une  de 

l'autre,  comme  font  les  dents  des  chenUles  &  de  plufieurs  autres  in-- 

fecles.    Le  formica-leo  a  vers  la  bafe  c^^§  cornes  deux  petits  yeux 

noirs,  très-vifs,  qui  lui  font  appercevoif  le  moindre  objet.  Les  autres 

animaux  ont  reçu  des  ailes  ou  du  moins  des  pieds  pour  s'avancer  fur 

leur  proie  ;  celui-ci  ne  fait  que  fuir  ou  marcher  à  reculons  par  petites 

fecouftes;  il  ne  court  point  après  fa  proie,  il  m.ourroit  plutôt  de  faim 

que  de  faire  un  pas  vers  elle;  il  faut  que  fa  proie  vienne  le  trouver: 

il  a  le  fecret  de  la  faire  tomber  dans  une  embufcade  qu'il  lui  drefle  ; 

c'eft  l'unique  moyen  qui  lui  ait  été  donné  pour  vivre  :  c'eft  toute  fk 

fcience ,  mais  elle  lui  fuffit. 

Difcripùon  de  lafoffc  du  Formica- Léo,  &  riifcs  de  cet  infecte  pour  fe  nourrir, 

Lorfque  le  formica-leo  veut  attraper  les  infedes,  il  fe  place  ordi- 
îiairement  fous  le  pied  d'une  vieille  muraille ,  pour  être  à  couvert  de 

J\ï  m  m  2 


la  pluie  ,  dans  des  terrains  fecs  &  compofés  de  grains  fins.  Quelquefois 
il  fait  fes  trous  fous  un  arbre  planté  dans  un  fol  aride  &  grenelé  ; 
alors  le  pied  de  f arbre  lui  fert  de  mur,  &  la  pluie  ne  peut  renverfer 
fon  ouvrage  :  il  eft  eflentiel  que  le  terrain  foit  un  fable  fec  &  nîobile 
pour  obéir  à  fes  efforts.  Quand  il  veut  creufer  la  foffe  oii  il  prend  fon 
gibier,  il  commence  par  coiirber  fon  derrière  qui  eft  en  pointe,  &  il 
l'enfonce  comme  un  foc  de  charhîe-en  labourant  le  fable  à  reculons: 
ceftainfi  qu'il  trace  à  plufieurs  reprifes  &  à  petites  fecouffes  un  lillon 
circulaire,  dont  le  diamètre  fe  trouve  toujours  égal  à  la  profondeur 
qu'il  veut  donner  à  fa  foffe.  Sur  le  bord  de  ce  dernier  lillon ,  il  en 
creufe  un  fécond,  puis  un  troiGeme,  &  enfin  d'autres  toujours  plus 
petits  que  les  précédents  :  il  s'enfonce  de  plus  en  plus  dans  le  fable 
qu'il  jette  avec  fes  cornes  fur  les  bords ,  &  même  beaucoup  plus  loin,' 
en  marchant  toujours  en  arrière  fur  une  ligne  fpirale  :  à  mefure  qu'il 
s'enfonce  ,  fes  coups  de  tête  réitérés  jettent  le  fable  hors  du  cercle ,  & 
en  Vident  peu- à-peu  le  dedans.  Sûr  dans  fes  opérations,  il  décrit  un 
cercle  parfait ,  &  trace  une  volute  fans  compas.  Il  donne  à  la  pente  du 
terrain  qu'il  creufe  la  plus  grande  roideur  qu'il  eft  poillble,  fans  en 
.attirer  l'éboulement.  Sa  foffe  reffemble  affez  bien  à  un  cône  renverfé, 
ou  plutôt  au  dedans  d'un  entonnoir. 

Quand  le  fourmi-lion  eft  nouvellement  éclos ,  la  foffe  qu'il  fait  eft 
fort  petite  ;  mais  il  l'agrandit  en  proportion  de  fon  accroiffement , 
jufqu'à  lui  donner  plus  de  deux  pouces  de  diamètre  à  fon  ouverture, 
fur  autant  de  profondeur.  Lorfque  fon  ouvrage  eft  fini,  il  fe  met  en 
embufcade  «n  fe  cachant  toVù^bn  bas  fous  le  fable,  de  manière  que  fes 
deux  cornes  embraffent  juftement  le  point  qui  termine  le  fond  de 
l'entonnoir.  Le  voilà  jour  &  nuit  en  vedette  ;  &  pour  lors  malheur 
au  cloporte ,  au  puceron  ,  à  la  fourmi ,  &  à  tout  infecle  mal-avifé , 
qui  vient  roder  fur  les  bords  de  ce  précipice  ,  que  le  fourmi-lion  n'a 
fait  en  pente  &  dans  le  fable  que  pour  faire  rouler  en  bas  tous  ceux 
■qui  s'y  préfenteroient. 

C'eft  principalement  fur  la  fourmi ,  que  le  formica-leo  fonde  fa 
cuifine  :  elle  n'a  point  d'ailes  pour  fe  tirer  de  ce  trou  ;  des  infedes 
ailés  y  périffent  auffi  par  l'adreffe  du  chaffeur.  Dès  qu'il  eft  averti  par 
la  chute  de  quelques  grains  de  fable  dans  la  trémie ,  qu'il  y  a  une 
capture  à  faire ,  il  fe  retire  quelque  peu  &  ébranle,  par  fon  mouvement , 
le  pied  de  l'architedure  en  fable ,  qui  s'éboule  aulli-tôt  &;  roule  jufqu'au 


DEM  ^^i 

fond,  en  entraînant  fa  proie  dans  les  décombres.  Sî  cette  proie  eft 
agile ,  Cl  elle  remonte  vite ,  &  fur-tout  fi  elle  a  des  ailes ,  le  fourmi- 
lion fait  partir,  à  diverfes  reprifes ,  quantité  de  fable  qu'il  lance  plus 
haut  qu'elle  ;  c'eft  une  grêle  de  pierres  pour  un  animal  tel  qu'un  mou- 
cheron ou  qu'une  fourmi.  Aveuglé  &  accablé  de  la  forte  par  un  déluge 
des  pierres  qui  pleuvent  de  toutes  parts ,  Se  entraîné  par  la  mobilité 
du  fable  qui  s'écroule  fous  fes  pieds^ttmprudent  &  malheureux  infeéèe, 
quel  qu'il  foit,  eft  enfeveli  dans  les  ruines  &  tombe  entre  les  deux  ferres 
de  fon  ennemi ,  qui  les  lui  plonge  dans  le  corps ,  l'attire  violemment 
fous  le  fable  &  en  fait  fon  repas  en  le  fuçant.  Il  n'y  a  que  les  infedes 
trop  gros,  &  ceux  dont  la  peau  eft  trop  dure. pour  être  percée  avec 
fes  cornes  qu'il  laifle  en  liberté.  Quand  il  ne  refte  plus  que  le  cadavre, 
il  fe  garde  bien  de  le  laifler  chez  lui  :  un  tel  afpeft  cauferoit  la  terreur, 
&  pourroit  empêcher  de  nouvelles  vifites.  Pour  s'en  débarralTer,  il 
l'étend  fur  fes  cornes,  &  d'un  mouvement  brufque  il  le  jette  adroite- 
ment à  plus  d'un  demi-pied  du  bord  de  fon  embufcade.  Si  f^  fofle  eft 
un  peu  dérangée  par  cette  expédition;  fi  elle  s'eft  reniplie,  &  que 
l'ouverture  de  l'édifice  étant  devenue  trop  grande  pour  la  profondeur, 
il  n'y  ait  pas  affez  de  pente,  il  faut  le  réparer  ;  nouveaux  travaux;  il 
arrondit ,  il  creufe,  il  évacue ,  Ôc  enfin  fe  remet  tranquillement  à  l'aiFût 
pour  une  féconde  capture. 

Le  fourmi-lion  fait  voir  combien  la  patience  &  la  rufe  font  néceflaires 
dans  le  métier  de  Chaffeur.  Cet  animal  pafTe  quelquefois  les  femaines  8c 
les  mois  entiers  fans  remuer;  &  ce  qui  eft  plus  étonnant ,  fans  m.anger. 

Sa  fobriété  eft  telle  qu'on  en  a  vu  <*fi^-e  plus  de  fix  mois  dans  une 
boîte  exadement  fermée,  où  il  n'y  avoit  que  du  fable  :  néanmoins, 
pour  ne  pas  être  expofés  à  un  jeûne  trop  rigoureux,  ils  favent  placer 
leur  trou  dans  des  lieux  fréquentés  par  les  infedes. 

Métamorphofc  du  Formica-  Lco  en  nymphe. 

Les  formïca-Uo  naiffent  en  été  ou  en  automne ,  &  fe  transforment 
une  ou  deux  années  après  ;  quelquefois  plutôt ,  d'autrefois  plus  tard. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  quand  le  fourmi-lion  eft  parvenu  à  un  certain 
âge ,  &  que  la  nature  veut  le  renouveller  pour  paroître  fous  fa  der-  • 
niere  forme ,  alors  il  ne  fait  plus  de  folfe  ;  mais  il  fe  met  à  labourer  le 
fable ,  &  à  y  tracer  une  multitude  de  routes  irrégulieres  :  ce  qu'il  fait 
apparemment  pour  fe  mettre  en  fueur  ;  après  quoi  il  fe  cache  fous  le 


4^2  DEM 

fable ,  comme  dans  fon  tombeau.  La  fueur  qui  îul  fort  de  tout  le 
corps  5  réunit  peut-être  tous  les  grains  cju  elle  touche.  Peut-être  aulll 
le  fourrai-lion. attache-t-il  tous  ces  grains  avec  un  fil  gluant,  &  qu'il 
s'en  forme  ainfi  une  croûte  qui  le  couvre  de  toutes  parts.  Qu'on  fe 
figure  une  petite  boule  de  cinq  ou  fix  lignes  de  diamètre,  fous  laquelle 
l'animal  conferve  encore  la  liberté  de  fe  mouvoir.  Mais  il  nefe  contente 
pas  d'une  muraille  toute  nue  ,  qi5r4e  morfondroit ,  il  fait  un  autre 
ufage  de  fon  fil^  qui  eft  beaucoup  plus  délié  que  celui  du  ver  à  foie, 
J&:  qu'il  file  à  peu-près  comme  fait  faraignée.  Il  attache  ce  fil  à  un 
endroit;  puis  le  mené  à  un  autre,  &  cela  en  tous  fens  :  fes  fils  font 
croifés  &  recroifés  ,  j&méme  collés  les  uns  fur  les  autres  :  il  tapilTe 
&  drape  tout  l'intérieur  de  fa  retraite  d'une  très-belle  étoffe  de  foie  , 
qui  eft  comme  fatinée  &  de  couleur  perlée.  Dans  cet  ouvrage  toute 
îa  propreté  &  la  commodité  font  pour  le  dedans  ;  il  ne  paroît  au- 
dehors  qu'un  peu  de.  fable.  On  confond  le  logis  du  fourmi-lion  avec 
la  terrje^yoifine  ;  par-là  il  fe  met  à  couvert  de  la  recherche  des  oifeaux 
mal-intentionnés  :  il  gagne  à  être  oublié  ;  il  vit  en  repos;  au  lieu  qu'il 
feroit  perdu  fi  des  dehors  plus  écîatans  attiroient  les  yeux  fur  lui. 

Il  démeure  enfermé  de  la  forte  fix  femaines  ou  deux  mois,  quel- 
quefois plus  :  dans  ce  temps  de  repos,  fa  tête  eft  entre  fes  jambes. 
Quand  il  eft  temps  de  changer  de  figure  ,  il  fc  dé.:'ait  de  fes  yeux,  de 
fes  poils,  de  fes  pattes,  de  fes  cornes,  &  de  fa  première  peau.  Toute 
fa  dépouille  fe  retire  au  fond  de  la  boule  comme  un  chiftbn.  Il  refte 
de  lui  une  nymphe  ou  une  forme  de  vermiffeau,  qui  a  d'autres  yeux, 
d'autres  pattes,  d'autres  entrailles,  &  quatre  ailes  membraneufes;  le 
tout  empaqueté  fous  une  pellicule  qui  paroît  n'être  autre  chofe  qu'une 
liqueur  defféchée ,  comme  il  arrive  à  tous  les  papillons  ,  lorfqu'ils  fe 
défont  de  la  dépouille  de  chenille  pour  devenir  chryfalide. 

Métamorphofe  du  Formica- Léo  nymphe ,    en  Mouche  ou  Demoifelk. 

"Dans  fétat  de  nymphe  ou  de  vermiflTeau,  fanimal  n'a  pas  plus  de 
trois  lignes  de  long.  Il  paroît  alors  avoir ,  comme  nous  venons  de  le 
dire,  quatre  ailes  membraneufes,  fix  pieds,  deux  grofles  cornes  ou 
antennes  molles  &  creufes,  deux  yeux  noirs  &  deux  tenailles  en  forme 
de  fcie,  qui  lui  fervent  de  dents.  Ce  vermifleau  refte  encore  quelque 
temps  dans  fa  petite  retraite  avant  que  de  paroître  fous  une  nouvelle 
&  dernière  forme;^  Le  temps  de  J'eijt.iere  métamorphofe  étant  arrivé  5 


#» 


DEM  46-^ 

le?  membres  du  nouvel  animal  ont  acquis  la  confîfiance  &  la  vigueur 
néceflaires  :  il  veut  fortir  de  fa  loge  ;  il  déchire  la  tapiflerie  de  fa 
chambre,  &  perce  en  rond  la  muraille  de  fa  maifon  avec  Tes  dents 
qui  font  toutes  femblables  à  celles  des  fauterelles  :  il  fait  effort  ;  il 
élargit  l'ouverture  ;  il  paffe  la  moitié  du  corps  ;  il  fort  enfin  ;  c'efl:  ainfî 
que  fe  termine  la  féconde  mue  de  cet  infede.  Son  long  corps  qui  eft 
replié  circulairement  comme  uner-volute  ,  &  qui  n'occupe  pas  plus  d« 
trois  lignes  d'efpace,  fe  développe ,  s'étend,  &  acquiert  en  un  inftant 
quinze  à  feize  lignes  de  long.  Ses  quatre  ailes  qui  étoient  ferrées  à 
petits  plis  ,  &  qui  n'occupoient  dans  l'étui  ou  elles  étoient  emboîtées, 
que  l'efpace  de  deux  lignes,  fe  défroncent,' & 'en  deux  minutes  de- 
viennent plus  longues  que  le  corps.  Enfin  le  chétif  fourmi-lion  devient 
une  grande  &  belle  mouche  appelée  demoifelU ,  qui,  après  avoir  été 
quelque  temps  immobile  &  comme  étonnée  du  fpedacle  de  la  Nature, 
fecoue  fes  ailes  &  va  jouir  dans  les  airs  d'une  liberté  qu'elle  n'avoit  pas 
connue  dans  Tobfcurité  de  fa  vie  précédente.  Avec  les  lambeauîi  de  fa 
première  nature,  elle  a  quitté  en  même  temps  fa  pefanteur,  fa  férocité 
&  fes  inclinations  fanguinaires.  Tout  eft  nouveau  en  elle  :  on  n'y  ap- 
perçoit  plus  que  gaieté,  qu'agilité,  que  grâce,  noblelfe  &  dignité. 

Si  Ton  confidere  le  fourreau  membraneux  qui  n'eft  plus  ni  vermifTeau 
vivant,  ni  deftiné  à  devenir  mouche,  on  reconnoîtra  que  cet  étui  eft 
tranfparent,  qu'il  y  a  des  cornes  ou  antennes,  des  yeux,  des  dents, 
des  ailes ,  des  pieds ,  &c.  qui  étoient  les  fourreaux  de  femblables  parties 
de  la  demoifelle;  on  reconnoîtra  auilî  qu'elle  en  eft  fortie  par  une 
crevaife  qui  s'eft  formée  far  fon  dos  proehe  de  la  tête, 

La  demoifelle  commence  à  fortir  de  fa  coque  dans  les  premiers  jours 
de  Juillet.  Lorfqu'elle  marche,  elle  porte  fes  ailes  en  forme  de  toît 
au-defius  du  corps,  lequel  eft  alors  entièrement  caché.  Son  corps  eft 
grisâtre  :  chaque  anneau  eft  bordé  d'un  peu  de  jaune.  Les  ailes  font 
une  efpece  de  gaze  prefque  blanche  :  on  remarque  fix  ou  fept  petites 
taches  brunes  fur  chacune  des  fupérieures ,  &  trois  ou  quatre  fur 
chacune  des  inférieures. 

A  en  juger  par  la  force  de  leurs  dents  &  les  différens  accompagne^ 
mens  de  leur  bouche ,  ces  mouches  font  autant  graminivores ,  qu'elles- 
étoient  carnivores  dans  leur  premier  âge  fous  la  forme  de  formica- Uo^ 
Les  femelles  ont  befoin  d'être  fécondées  peu  de  temps  après  leur 
transformation,  M.  de  Riaumur  croit  que  le  nombre  de  leurs  œufs  eil 


4(5^4  DEM 

petit;  mais  la  grofleur  en  eft  aflez  confidérable  :  Ils  font  cylindriques^ 
un  peu  courbés  ;  la  coque  en  eft  dure  &  un  peu  rougeâtre.  Les  mères 
pondent  ces  œufs  un  à  un  dans  un  terrain  fablonneux ,  où  ,  dès  que 
le  petit  formica-ko  eft  éclos  ,  il  fe  fait  une  folfe  proportionnée  à  fon 
corps,  &  en  peu  de  temps  il  devient  chaffeur. 

Les  mâles  font  plus  petits  que4es  femelles.  Ces  demoifdUs  n'ont  pas 
les  petits  yeux  lilTes ,  difpofés  en  triangle  fur  la  tête ,  comme  plufîeurs 
mouches  &  les  dem.oifelles  les  plus  communes. 

DEMOISELLE  du  lion  des  pucerons,  hemerobius.  Ceftunetrcs- 
jolie  mouche,    dont  le  corps  eft  fort  long  &  femblable  à  celui  des  .-.^ 
loiigues  mouches,  nommées  aulH  demoifdks ,  mais  d'un  genre  très- 
différent  ;    &  M.  Ddmie.  a  raifon  de  dire  que  ce  n  eft  pas  plus  une 
demoifelle  que  ïéphéiner&  ,  la  phryganie ,  &c. 

Comme  ces  mouches  viennent  de  vers  métamorphofés  &  nommés 
lions,  de  pucerons ,  nous  croyons  devoir  commencer  par  donner  l'hiftoire 
4e  ces  Vers. 

Defcrlptlon  du  Lion  des  Pucerons, 

.  Le  lion-puceron  eft  un  ver-larve  à  fîx  jambes,  qui  eft  l'ennemi  des 
pucerons  ,  d'où  on  l'a  appelé  petit-lion  ou  lion  des  pucerons.  Ce  petit 
animal  a  des  cornes  femblables  à  celles  du  formica  ko ,  avec  lefquelles 
il  fuce  les  pucerons.  Comme  il  peut  marcher  en  avant  avec  aftez  de 
vîtelfe  ,  il  va  à  la  chaffe  :  ces  caraderes  le  diftinguent  effentiellement 
du  forwica-ko  qui  ne  marche  qu'à  reculons  ,  &  qui  eft  un  chafteur 
permanent.  Le  corps  du  lion-puceron  eft  alongé  &  aplati.  L'endroit 
où  il  a  plus  de  largeur  eft  auprès  du  corfelet;  de-là  jufqu'au  corfele*^ 
il  fe  rétrécit  infenfiblement ,  de  façon  que  le  bout  du  derrière  eft  pointu,' 
Le  corfelet  eft  court  &  porte  la  première  paire  de  jambes  ;  les  deux  autres 
paires  partent  des  deux  premiers  anneaux  du  corps.  Quand  le  lion^ 
puceron  marche  fur  les  feuilles  peuplées  de  pucerons,  il  recourbe  le 
bout  de  fon  derrière  ou  queue,  &  s'en  fert  de  manière  qu'il  lui  tient 
lieu  d'une  feptieme  jambe  :  le  delïbus  de  fon  corps  eft  tout  ridé  &  fillonné. 
Cette  defcription  convient  à  trois  genres  de  lions-pucerons  qui  dif- 
férent entr'eux  ou  par  des  mamelons ,  ou  par  des  aigrettes  compofées 
de  dix  à  douze  poils,  ou  par  les  couleurs  différentes  ,  foit  rouges,  foit 
çitrincs ,  ou  enfin  par  les  diverfcs  grandeurs.  Nous  en  pourrons  dire 
i^r.core  nucîque  chofe  à  larticle  de.s  ôiv^ejrfes  m.ouchee, 

Quand 


^ÉL.. 


D  E  M'  46:; 

Quand  un  de  ces  vers  a  faifi  un  puceron ,  il  le  fuce  en  un  infiant. 
Le  lïon-puuron  eft  ,  en  naiffant ,  extrêmement  petit  ;  cependant  en 
moins  de  quinze  jours  il  acquiert  à-peu-près  toute  la  grandeur  à  laquelle 
il  peut  parvenir.  Lorfqu'un  de  ces  vers  peut  attraper  entre  Tes  cornes 
un  autre  ver  de  fon  efpece ,  il  le  fuce  aufli  impitoyablement  que  ^\ 
x;'étoit  un  puceron. 

Métamorphofc  du  Lion-Puceron  en  nymphe. 

Au  bout  de  quinze  à  feize  jours  de  vie ,.  cet  animal  a  acquis  fa 
grofleur,  &  fe  prépare  à  la  métamorphofe.  Il  (è  retire  de  defTus  les 
feuilles  peuplées  de  pucerons ,  &  va  fe  mettre  dansées  plis  de  quelques 
-autres  feuilles  ;  ou  bien  il  fe  fixe  dans  quelqu'autre  place  qui  lui  a 
paru  commode.  Là,  avec  la  filière  placée  à  fa  queue,  il  fe  forme  une 
petite  coque  ronde  d'une  foie  très -blanche  ,  &  dans  laquelle  il  fe 
renferme  à  la  manière  des  clienilles  daps  leurs  chryfalides.  Les  toôrsdu 
fil  qui  compofe  cette  coque,  font  très-ferrés  les  uns  contre  \qs  autres; 
&  ce  fil  étant  fort  par  lui-même,  le  tiflu  fe  trouve  très-folide.  Les 
coques  des  plus  grands  de  ces  infedes,  ne  font  pas  plus  grofïès  qu'un 
pois.  Peu  de  temps  après  que  cette  coque  eft  finie,  ce  petit  lion  sV 
transforme  en  nymphe.  Dans  l'été ,  c'eft  au  bout  de  trois  femaines  ; 
mais  lo-rfque  la  coque  n'a  été  faite  qu'en  automne ,  la  nymphe  y  pafle 
tout  rhivei ,  &  ne  fubit  qu'au  printemps  fa  dernière  métamorphofe, 

Mltamorphofe.  du  Lion-Puceron  nymphe ,  -en  DcmoifeUe, 

C'eft  dans  cette  petite  retraite  ou  coque  &  fous  le  voile  du  myftere 

•que  fe  fait  le  grand  travail  de  la  nature  :  à  la  dépouille  du  ver  fuccede 

\ine  petite  nymphe   retenue  dans   fon   berceau  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  aie 

'acquis  affez  de  confiftance  &  de  vigueur  :  ainli  la  transformation  en 

nymphe  du  lion-puceron  étant  arrivée,  cet  animal  devient,  après  fa 

■dernière  métamorphofe  ,  une  fort  jolie  mouche  appelée  hémérole  ou 

demoifdk  du  lion  des  pucerons.   Cette  mouche  du  lion  àçs>  pucerons  a 

des   ailes  plus  amples  que  celles  des  demoifelles  du  fourmi-lion;  elle 

les   porte  aufïi  tout  autrement.    Quand   elle  eft  en   repos,  ces  ailes 

forment  alors  un  toit ,    au-deflous  duquel  le  corps  eft  logé.  Ces  ailes 

font  plus  délicates,  plus  déliées  que  la  gaze  même,  &  l'on  peut  lire 

facilement  au  travers.  Ce  tifiu  eft  d'un  Vert  tendre  &  éclatant;  quel- 

f^uefois  il  paroît  avoir  une  teinte  d'or,  Le  vol  des  hémérobes  eft  lourd; 

Toim  IL  N  n  n 


4(^?  DEM 

le  corfeîet  de  ces  mouches  eft  auflî  de  ce  même  vert  ;  maïs  ce  qu'elles 
ont  de  plus  brillant,  ce  font  deux  yeux  gros  &  faillans ,  placés  chacun 
fur  un  côté  de  la  tête.  Ils  font  de  la  couleur  du  plus  beau  bronze 
rouge,  M.  Ddmiç  obferve  qu'elles  ont  des  antennes  en  filets ,  cirrq 
articles  aux  tarfes,  &  n'ont  point  de  petits  yeux  lifïes.  Au  refte,  les 
belles  couleurs  de  l'efpece  qu'on  vient  de  décrire,  font,  dit-il,  con- 
trebalancées par  une  fort  mauvaifè  odeur.  Les  hémérobes  confervent, 
après  leur  métamorphofe-,  leur  inclination  carnafliere  :  ces  infeâies 
parfaits  non  contens  de  faire  la  guerre  aux  pucerons  qui  fe  laiffent 
dévorer  tranquillement ,  ne  s'épargnent  pas  entr'eux. 

Ces  mouches  font  leurs  œufs  fur  les  feuilles  du  fureau  :  elles  les 
attachent  au  moyen  d'une  matière  vifqueufe ,  foyeufe  que  fhémérobe 
file  en  relevant  la  partie  poftérieure  de  fon  ventre.  On  prendroit  alors 
ces  feuilles  pour  être  chargées  de  petits  boutons  de  fleurs,  ou  pour 
des  plantes  parafites.  C'eft  da^  ces  œufs^  foutenus  en  fair ,  que  fe 
fof&ie  le  ver  petit-lion  :  il  perce*  par  la  fuite  fa  coque,  &  defcend  fur 
les  feuilles  où  il  trouve  des  pucerons  qui  deviennent  bientôt  fa  proie* 
Un  Savant  avcit  fait  graver  dans  les  Ephémérides  d'Allemagne ,  des 
feuilles  At  fureau  chargées  de  ces  ccufs ,  qu'il  avoir  pris  pour  de  petites 
fleurs  très-fingulieres ,  &  dont  l'origine  lui  paroiflbit  très -difficile  à 
expliquer.  Feu  M,  d&  Rèaumur ,  dont  la  fagacité  ne  laiffoit  rien  échapper , 
dévoila  la  véritable  nature  de  ces  fleurs  prétendues. 

Remarque  fur  les  Mouches  Demoifelles* 

En  général  les  demoifelles  ont  une  groffe  tête  en  comparaifon  de 
leurs  corps ,  &  elle  ne  tient  à  la  poitrine  que  par  un  filet  fort  menu  ; 
elles  ont  comme  les  autres  mouches  &  les  papillons  des  ailes  fupérieures 
&  des  ailes  inférieures.  Il  y  a  des  demoifelles  qui ,  dans  leurs  momens 
de  tranquillité,  les  tiennent  toutes  quatre  appliquées  les  unes  contre 
les  autres  ;  d'autres  laiflent  voir  leurs  quatre  ailes ,  en  les  tenant  un 
peu  écartées  les  unes  des  autres ,  un  peu  élevées  au-deflus  du  corps. 

Les  demoifelles  de  quelque  genre  &  de  quelque  efpece  que  ce  foit, 
n'ont  pas  plutôt  leurs  ailes  fuffifamment  affermies ,  qu*elles  prennent 
l'eflbr  comme  les  oifeaux  de  proie,  &  pour  la  même  fin.  Elles  doivent 
paffer  une  partie  de  leur  vie  au  milieu  des  airs  :  elles  y  font  cent  tours 
&  retours  pour  y  découvrir  des  infeâes  ailés  plus  foibles  qu'elles,  &: 
dont  elles  s'emparent.  Les  mâles  ont  encore  un  autre  objet  dans  leurs 


DEM  457 

•Courfes  ;  c'eft  de  trouver  des  femelles  auxquelles  ils  pulfTent  s'unir  : 
leurs  amours,  &  la  manière  dont  ils  s'y  prennent  pour  perpétuer  leur 
efpece  conjointement  avec  leurs  femelles  ,  méritent  d'être  obfervées. 

DE?vlOISELLE.  Nom  donné  au  carouge,  oifeau  de  Saint-Do- 
mingue. Voyez  Carouge. 

DEMOISELLE  de  Numidie,  ou  grue  de  Numidie,  Grus  Nu- 
mldlca  j  aut  virgo  Numidica  vulgb  diBâ»  Oifeau  ainfi  nommé  des  anciens 
Naturaliftes ,  de  ce  qu'il  vient  de  cette  Province  de  l'Afrique ,  &  parce 
qu'il  a  certaines  allures  qui  femblent  imiter  les  geftes  &  la  coquetterie 
d'une  femme  qui  afFeâ:e  de  la  gri'ce  dans  fon  port  &:  dans  fa  manière 
de  marcher. 

La  demoifelle  de  Niimid'u  eft  rare.  C'eft  un  oifeau  du  genre  de  la 
cigogne.  Son  plumage  eft  gris  &  plombé,  &  comme  bleuâtre  :  elle  a 
fur  la  tête  des  plumes  élevées  en  forme  de  crête,  longues  d'un  pouce 
èc  demi  ;  les  côtés  de  cette  crête  fontjioirâtres.  On  remarque  a^  coin 
de  chaque  œil  un  trait  de  plumes  iMlnches  &  déliées,  qui  pafTè  fous 
l'appendice ,  &  qui  lui  forme  des  éminences  ou  des  efpeces  de  grandes 
•oreilles.  Le  devant  de  fon  cou  a  des  plumes  noires  plus  déliées  encore 
qui  pendent  fur  l'eftomac  avec  grâce;  fes  jambes  font  couvertes  d'é- 
cailles  ;  fes  ongles  font  noirs  &  médiocrement  crochus  :  la  plante  de  fes 
l'ieds  eft  picotée  comme  du  chagrin.   On  a  vu  fix  de  ces  oifeaux  à  la 
Ménagerie  de  Verfailles  (  Ton  y  en  voit  encore  )  ;  ils  furent  difféqués 
après  leur  mort  par  M.  Perrault,  Tous  ceux  qui  les  y  avoient  vus 
vivans,  difoient  que  leurs  geftes  &  leurs  fauts  avoient  quelque  rapport 
à  la  danfe  .des  Bohémiennes ,  &  qu'ils  fautoient  en  fuivant  les  gens 
qu'ils  rencontroient  ;  de  façon  qu'ils  fembloient  plutôt  fe  faire  regarder  ,- 
que  fe  faire  donner  à  manger.   On  leur  donnoit  les  noms  de  bateleur , 
danfetir  ^  bouffon,  parajite  ^  baladin,  antropomime  &  comédien,  à  caufe 
de   leurs  attitudes  fingulieres ,   &  pour  ainfi  dire ,  affedées.  Comme 
cet  oifeau  imite  les  geftes  qu'il  voit  faire  aux  hommes ,  on  prétend 
que  les  chafleurs  qui  en  veulent  prendre  ufent  d'un  fîngulier  ftratagême; 
ils  fe  frottent  les  yeux  en  leur  préfence  avec  de  l'eau  qu'ils  tirent  d'un 
vafe  ;   &  enfuite  ils  s'éloignent  en  emportant  ce  vafe  ,    auquel  ils  en 
fubftituent  un  autre  pareil  qui  eft  plein  de  glu  :  alors  la  demoifelle  de 
Numidie  vient  auprès  du  nouveau  vafe  &  fe  colle  les  yeux  &  les  pieds 
avec  la  glu  ,  en  imitant  les  geftes  qu'elle  a  vu  faire  aux  hommeSé 
Foyei  les  Mém,  dji  CAcad,  des  Sciences  de  Paris  ,  lom.  j  ,  part,  2» 

N  n  n  2 


4^^8  DEM  D  E  N 

DEMOISELLE.  Petit  poiflTon  épineux  ou  armé  d'aiguillons ,  qui 
fe  trouve  aux  Indes  Orientales.  On  lui  a  donné  le  nom  de  demoifelle^ 
à  caufe  des  bandes  tranfverfales  de  différentes  couleurs ,  les  plus  belles 
&  les  plus  vives,  qui  ornent  fa  robe.  Dans  les  uns  le  ventre  eft  jaune, 
le  dos  eft  orné  débandes  rouges,  &  les  côtés  le  font  de  lignes  bleues; 
dans  d'autres  de  la  même  efpece,  la  tête  eft  rouge  &  la  bouche  bleue, 
le  corps  chargé  de  taches  violetïês,  quelquefois  blanchâtres,  mêlées'- 
de  noir  :  les  aiguillons  de  ce  poiffon  fortent  de  la  queue  &  des  na- 
geoires» 

On  donne  auflî  le  nom  de  demoijW^ç-  monjlrueufe  au  poiffon  appelé 
marteau.  Voyez  ce  mot. 

DEMOISELLE.  Petit  poiffon  de  la  Côte  de  Gènes  &  d'Antibes^ 
appelé  GiRELLA  des  Italiens.  Voye^  Donzelle. 

DENDKAGATE.  Les  Auteurs  Naturaliftes  ont  donné  ce  nom  aux 
agates^kerborifces.  Voyez  Dcndrites. 

■pENDRITES  ,  dcnderkes.  On  donne  ce  nom  à  des  pierres  qui  portent 
rimage  des  végétaux.  Ces  pierres ,  la  plupart  opaques ,  font  communes 
à  Pappenheim&  àEifleben  en  Saxe.  On  en  trouve  au ffi  en  Auvergne, 
à  G^yereaU  près  d'Orléans,  à  Sague  dans  le  Comté  de  Neufchatel,  à 
Angerbourg  en  Pruffe  &  dans  file  d'Elbe  ;  les  unes  font  calcaires 
comaie  le  marbre  de  Florence ,  les  autres  font  ignefcentes  ,  comme- 
ÏQ  grès  des  environs  de  Fontainebleau. 

Tout  le  monde  connoit  cette  efpece  de  peinture  naturelle ,  ces  jeux 
de  la  nature  dont  toutes  les  variétés  ont  beaucoup  de  convenances" 
entr'elles  par  les  ramifications  ,  &c.  Elles  font  couchées  à  plat  dans 
l'intérieur  d'une  fente  de  pierre ,  ou  formées  fur  des  plans  réguliers 
dans  l'endroit  de  la  fraâiure  de  la  pierre  :  fouvent  ces  peintures  font 
auffi  corre<5tes  que  fi  c'étoit  le  pinceau  du  plus  habile  Artifte  qui  les 
eût -tracées.  Ce  font  autant  de  miniatures  naturelles,  que  M.  Pluchc 
a  nommées  dcndrophorcs  y  mais  que  M.  Linnœus  a  m.ifes  au  rang  des  pé- 
trifications qui  imitent  la  Peinture.  On  préfume  qu'elles  ont  été  for- 
vmées  par  des  fluides  chargés ,  foit  de  bitumes ,  foit  de  minéraux, 
diftéremment  colorés  &  comprimés  entre  deux  furfaces,  de  la  même 
manière  que  le  broyeur  de  couleur  en  produit ,  lorfqu'il  enlevé  moins 
à  plomb  fa  molette  qu'en  plan  incliné  de  deffus  la  matière  broyée.  La 
feule  difficulté ,  eft  que  dans  la  nature  l'écartement  ne  peut  fe  faire 
d'une  manière  uniforme  dans  lesplônsimmobiles  des  dendrites  ;  cependant 


BEN  -       ^69 

toutes  ces  arborifations  partent  des  fentes  dont  la  diredion  eft  fouvent 
parallèle  entr'elles  :  fouvent  ces  mêmes  fentes ,  en  gardant  ce  parallé- 
îifme,  coupent  le  plan,  tantôt  obliquement,  tantôt  à  angles  droits, 
ce  qui  eft  caufe  que  le  moindre  coup  de  marteau  fait  communément 
découvrir  dans  le  fein  d'une  pierre  des  dendrites  difpofées  en  tous  fens. 

On  appelle  pkrrcs  herborifécs  les  dendrites  qui  repréfentent  des  vé- 
gétaux, &  ipomorphius  celles  qui  portent  l'image  des  animaux:  on  en 
fait  des  tableaux,  avec  ou  fans  pièces  de  rapport,  &  qui  font  à^^ 
plus  agréables,  quand  les  pierres,  qui  leur  fervent  de  toile,  peuvent 
fouffrir  le  poli,  ^  ^ 

Aux  yeux  d'un  Phyficien,  il  ne  doit  pas  pa'roître  étonnant  qu'un 
fluide  comprimé  ait  formé ,  en  s'extravafant  &:  en  fe  delTéchant ,  des 
figures  qui  ont  un  certain  rapport  foit  avec  des  corps  naturels ,  foit 
avec  des  produits  de  l'art  :  ce  fluide  peut  repréfenter  des  efpeces  de 
figures  humaines  fur  des  pierres  acci4entellement  taillées ,  fculpté^s  & 
gravées  par  la  nature.  Le  hafard  &'  les  circonftances  locales  peuvent 
cccafionner  des  bizarreries  dans  la  conformation  des  corps  pierreux  , 
de  même  que  dans  la  crifl:allifation  desfels,  qui  offrent  quelquefois  aufli 
des  ramifications  ou  des  efpeces  de  dendrites  contre  les  parfois  "infé- 
rieures du  vaiffeau  &  au-deffus  de  la  liqueur  qui  leur  fert  de  menftrue, 
6c  que  l'on  fait  évaporer, 

Quant  aux  noms  qu'on  donne  aux  pierres  figurées,  tout  dépend 
de  la  fidion  &  d'une  imagination  vive  qui  fe  plaît  dans  le  merveilleux. 
Les  Amateurs  voient  fur  les  belles  agates  herborifées  qui  viennent  de 
Moka,  des  portraits ,  des  payfages ,  des  buiflbns,  des  terraffes  ,  des 
coteaux  ,  des  vergers,  des  bocages  ,  des  forêts  de  plantes  épaiffes,  des 
vaiiTeaux,  un  port  de  mer  avec  un  phare  :  voyez  A^au  herborifie^  On 
voit  auffi  fur  quelques  morceaux  de  marbre  de  Florence,  des  buftes, 
des  ruines  d'architeélure ,  des  lointains,  des  nuages,  un  ciel,  un  cré- 
pufcule ,  ou  une  aurore  ,  un  foleil  couchant ,  un  incendie ,  des  pyra- 
mides ,  des  obélifques  ,  &c.  On  préfume  bien  que  la  plupart  de  ces 
figures  ne  font  pas  toutes  tellement  caradérifées  qu'il  ne  foit  befoin 
d'un  peu  d'imagination  pour  fuppléer  à  ce  qui  leur  manque  du  côté  de 
la  régularité  du  deflin  ,  nous  conviendrons  qu'il  fe  trouve  aifez  de 
perfonnes  qui  ont  autant  de  fiction  à  cet  égard  qu'en  a  le  Poëte  dans  le 
facré  Vallon.  Les  cailloux  de  Bohême ,  notamment  ceux  d'Egypte 
offrent  aufli  difierentes  figures.  On  voit  dans  ceux-ci  des  femm.es  au 
bain,  des  grotefques  de  Callot,  6cc.     . 


470  I>  E  M 

Comme  ces  fortes  de  pierres  figurées  ,  ou  jeux  de  la  Nature  ,  ont  de 
tout  temps  été  recherchées  par  les  Curieux ,  Ton  doit  ctre  moins 
furpris ,  fi  tant  d'Auteurs  Phyficiens  ont  écrit  fur  les  dcndrius,  Pline , 
Aldrovandc ,  Kircker ,  Bocconc,  Agricola,  Ferranuimpirad ,  ont  prefque 
tous  prétendu  que  la  formation  des  arbuftes  figurés  fur  la  pierre ,  efl 
due  à  certaines  exhalaifons  d'une  matière  minérale  colorée ,  qui  s'eft 
infiltrée  dans  le  fein  de  la  terre  ,^^ufques  dans  les  moindres  interftices 
des  pierres.  Tel  eft  le  fentiment  des  Anciens  &  de  bien  des  Modernes. 
Il  feroit  ridicule  de  remonter  à  l'époque  du  déluge  univerfel ,  pour 
amener  des  plantes  étrangères,  doiti  le  dépôt  fur, les  pierres  auroit 
formé  ces  miniatures ,  il  auroit  au  contraire  formé  de  vraies  empreintes. 
Les  dendrites,  quoique  régulières  en  apparence,  diiferent  cependant 
des  véritables  impreffions  de  plantes ,  en  ce  qu'elles  paroiffent  toujours 
fans  racines,  fans  feuillages  reconnoiflables  ,  fans  fruits,  ni  graines 
appajr^ntes  :  elles  repréfentent  prefque  toutes  des  parties  de  peupliers  , 
de^  ifs,  des  picea,  ou  des  mélèzes,  ou  des  moufles  fines.  Mais  l'illufion 
céfle  lorfqu'on  les  compare  avec  les  corps  naturels  ;  elles  ne  font  au 
fond  que_^  des  figures ,  des  images  ,  des  apparences  ,  des  ombres  de 
yjégéidiwx^Çonfultii^  les  favantes  Diflertations  fur  les  dendrites  des 
Dodeurs  Scheuchicr  &  Salerm  ,  &  de  M.  l'Abbé  de  Sauvages.  Voyez 
Jeux  delà  Nature  ^    Empreintes  Gt'  pierres  figurées  (a). 

DENDROITES  ,  dendroites.  On  donne  ce  nom  à  toute  efpece  de 
foflile  qui  eft  ramifié ,  ou  qui  a  des  branches  comme  les  arbres  ;  telle 
£ft  la  7nlne  d'argent  ramifiée ,   &c,  on  les  appelle  aufll  dendromorphes^ 


(  j.  )  M.  Ddcuic  dit  qu'il  efl:  à  remarquer  ,  d'après  ce  qui  eft  obfervé  ci-deiïus  , 
que  les  ramifications  des  deflins  qu'on  voie  fur  les  dendrites ,  ont  ordinairement 
pour  bafe  un  trait  brun  ou  noir  ,  qui  eft  une  fente  de  la  pierre  j  que  fi  cette  fente 
traverfe  l'épaifleur  d'une  plaque  ,  on  voit  fur  les  deux  furfaces  de  cette  plaque  des 
traits  ramifiés  qui  aboutiffent  à  cette  fente  ,  &  que  les  parois  de  la  fente  ,  même 
dans  l'épaifTeur  de  la  plaque ,  font  couvertes  d'une  teinte  pleine  de  la  matière  colo- 
rante qui  forme  les  deffms.  Ne  pourroit-on  pas  conjetflurer  ,  dit  IM.  Dcleu^e ,  que 
cette  matière  colorante ,  quelle  qu'elle  foit  ,  ctoit  renfermée  primitivem.ent  entre  les 
couches  de  la  pierre  lors  de  la  formation  ;  que  s'y  étant  fait  enfuite  de  nouvelles 
crevaiTes  dans  TépaifTeur  des  feuillets ,  la  matière  colorante  s'y  eft  portée ,  &  s'eft 
arrangée  en  lignes  ramifiées  par  un  mécanifme  pareil  à  celui  des  végétations  métal* 
iiques^  dont  le  procédé  eft  décrit  dans  les  Jl/cmoires  du  CAcidànic  des  Sciçnces, 
.^g,  173  ï.    Vojei  Cbryfobate, 


DEN  471 

BENDROLITES.  Nom  donné  à  des  parties  de  végétaux  en  arbres 
&  pétrifiés,  Ceft  ce  qu'on  appelle  hois  pétrifié.  Voyez  à  l'article 
Pétrifications, 

DENDROPHORE.  Foye^  Dendrites. 

DENTAIRE ,  d&ntaria.  Plante  qui  croît  aux  lieux  montagneux 
&  ombrageux ,   &  dont  on  oonnoît  quatre  efpeces. 

La  première  poufTe,  de  fa  racine  écailleufe  ou  dentée  &  blanchâtre , 
une  tige  haute  d'un  pied  ,  qui  porte  fur  une  côte  fept  feuilles  oblon^ 
gueSj  pointues,  verdâtres  &  dentelées  tout  autour,  rudes  au  tou- 
cher :  fes  fleurs  nailTent  attachées  à  des  pédicules  femblables  à  celles 
du  giroflier  ,  blanchâtres  &  difpofées  en  croix  :  à  chaque  fleur  fuccede 
une  filique  remplie  dje  femences  rondes. 

La  féconde  efpece  diffère  de  la  précédente  par  fa  petiteflfe  &  par  fes 
fleurs  purpurines  :  elle  porte  cinq  feuilles.  M.  Linnœus  prétend  que 
cette  efpece  n'eft  qu'une  variété  de  la  précédente,  .     ,   "'  •-'',^. 

La  troifîeme ,  outre  les  filiques ,  poufle  entre  les  aiflelles  desfeuilres 
certains  tubercules  écailleux ,  noirâtres  èc  de  mauvais  goût  ;  ces 
tubercules  font  de  petites  racines  ,  qui  en  fe  détachant  de  ideflus  la 
plante  ,  tombent  dans  la  terre ,  &  produifent  chacune  une^  nouvelle 
plante  dentaire  :  elle  porte  fept  feuilles. 

La  quatrième  efpece  a  des  fleurs  de  couleur  herbeufe  &  d'un  goût 
fort  mordicant  :  elle  porte  neuf  feuilles. 

Ce  qui  fait  paroître  les  racines  de  la  dentaire  articulées  ,  ce  font 
les  premières  feuilles  qui  font  oblitérées ,  &  dont  il  ne  refte  que  l'o- 
rigine des  pédicules  fous  la  forme  d'écaillés  orbiculaires,  charnues  & 
imbriquées. 

Toutes  les  dentaires  font  carminatives  &  vulnéraires  i  on  emploie 
les  deux  premières  intérieurement,  &  les  deux  autres  extérieurement, 

DENTAIRE  OROB ANCHE  ,  dcntaria  orobranche.  Plante  qui 
croît  fous  les  arbres  &  aux  lieux  ombrageux  :  on  en  diftingue  trois 
efpeces, 

La  première  pouffe  de  fa  racine  tuberculeufe  &:  dentée  une  tige 
haute  d'un  pied,  groffe  comme  le  petit  doigt,  ronde,  fragile  &  pul- 
peufe';  elle  n'a  point  de  feuilles,  mais  il  naît  à  leur  place  certaines 
oreillettes  membraneufes.  Ses  fleurs  font  en  tuyau,  évafées  ,  &  d'un- 
pourpre  mêlé  de  blanc;  elles  contiennent  quatre  étamines ,  dont  deux 
font  plus  longues  que  les  autres,   A  ces  fleurs  fuccedent  des  fruits 


•472  D  E  N 

gros  comme  de  moyennes  cerifes,  renfermés  à  moitié'  dans  un  calice  velu 
ou  feuillu  :  chaque  fruit  contient  un  nombre  de  petites  femences  rondes 
&  noirâtres:  toute  la  plante  a  un  goût  aqueu"x  :  un  peu  amer  &  acerbe, 

La  féconde  efpece  eft  plus  petite  ,  &  fes  fleurs  font  moins  nom- 
breufes  :  fa  tige   eft  tranfparente. 

La  troifieme  efpece  eft  unfi^..^lante  bafte  ,  pleine  de  fuc;  fes  fleurs 
font  petites ,  un  peu  femblables  à  celles  de  Torchis  :  fa  racine  eft  ra- 
meufe  .di  blanche. 

On  a  vu  de  grands  fuccès  de  ces  plantes  pour  les  ulcereî  du  pou- 
mon ,  pour  les  hernies  &  la  colique. 

DENTALE,  <jV/2w/////;?.  Petit  coquillage  univalve,  non  contourné,' 
de  Tordre  ou  famille  des  tuyaux  de  mer.  Voyez  ce  mot.  Sa  figure  eft 
conique;  il  eft  étroit,  long,  cannelé  longitudinalement  ,  &  courbé 
un  peu  en  iirc ,  blanc  par  la  pointe ,  ordinairement  verdâtre  par  la 
p^lie  la  plus  renflée.  On  le  trouve  fur  les  côtes  d'Angleterre,  & 
«irielquefois  fur  celles  de  Normandie.  L'animal  qui  habite  cette  co- 
quille ,  n'a  point  de  pattes  en  panache  comme  celui  de  Tantale ,  ou 
même  il<  n  en  a  point  ;  il  manque  aufli  d'opercule.  Il  a  à  fa  partie 
inférieure' un  pied  ou  empâtement.  Des  Charlatans  Italiens  prétendent 
qùè  les"  dentales  portées  en  amulette  &  pendues  au  cou  ,  guériflent 
de  Tefquinancie  :  que  de  malades  font  les  vidimes  de  cette  erreur  ! 
On  nomme  les  dentales  foildes  dentalites. 

Quelques  Auteurs  rangent  avec  ces  corps  les  Vitiàtcs  ou  tuyaux 
cloifonnés  ;  Voyc^  Okthocératites  :  ils  y  rapportent  aulTi  les  a/Wo/^jr 
pu  noyaux  de  ces  foffiles ,  lefquels  font  faits  comme  des  paquets  de 
verres  de  montres  empilés  ,  &  formant  un  cône  tronqué,  &  qui 
appartiennent  à  des  vermiifeaux  teftacées  &  cloifonnés. 
•  DENTALE ,  DANTÂLE  ,  Dente  ou  Maemot  ,  dtnux.  On 
donne  ce  nom  à' un  poiftbn  du  genre  des  fpares ,  qui  forti  de  l'eau, 
s'agite  ^  palpite  toujours  ;  il  vit  proche  des  rivages  autour  des  rochers 
dans  la  Méditerranée  :  il  reflemble  un  peu  à  la  dorade  par  la  figure, 
les  nageoires ,  les  aiguillons  ,  les  écailles  &  la  couleur  qui  tire  entre 
le  rouge  &  le  blanc.  Ses  écailles  font  légèrement  tachetées  :  il  a  quatre 
dents  à  chaque  mâchoire  qui  fe  diftinguent  parmi  les  petites.  Le  den- 
tale de  la  mer  Baltique  devient  plus  grand  que  celui  de  la  Méditer- 
ranée. Ce  poi0bn  étant  petit  eft  le  fynagns  de  bien  des  Auteurs  , 
.&  (juand  il  eft  devenu  très  -  grand  ^  c'eft  le  fynodçn^ 

PENT. 


D  E  N.  '47  3 

DENT  DE  CHIEN ,  dens  canis.  Plante  que  l'on  cultive  quel- 
quefois dans  les  jardins  ,  &  qui  croît  aux  lieux  montagneux  :  on  en 
connoît  de  deux  efpeces. 

La  première  poufTe  de  fa  racine  oblongue ,  charnue  ,  fibreufe  ,  &? 
faite  en  dent  de  chien  ,  deux  autres  feuilles  marbrées  &  rampantes  à 
terre  ,  femblables  à  celles  du  lys  des  volées.  Il  s'élève  d'entr'elles  un 
gros  pédicule  rouge  ,  portant  une  belle  fleur  à  fix  feuilles  ,  reco- 
quillée  vers  le  haut  &  marbrées  ,  ayant  en  leur  milieu  fîx  étamines 
purpurines  :  à  ces  fleurs  fuccede  un  fruit  marbré  ,  arrondi  &  relevé 
par  trois  petits  angles  ,  renfermant  dans  trois  loges  des  femences 
oblongues  &  jaunâtres. 

^    La  deuxième  efpece  a  des  feuilles  plus  longues  &  plus  étroites  ,  la 
fleur  plus  grande  ,  &  la  racine  plus  grofle. 

On  ne  fe  fert  que  des  racines  de  ces  plantes  pour  amollir  &  réfoudre 
les  tumeurs.  - 

DENT  DE  LION  ou  PISSENLIT ,  dens  ieoms.  Ceft  une  planté 
haiTe  très-commune  dans  tous  les  environs  de  Paris  ,  &  que  l'on 
cultive  aulîi  dans  les  jardins;  elle  a  une  racine  laiteufe,  delà  grofleui* 
du  petit  doigt  ;  fes  feuilles  font  oblongues  ,  médiocrement  larges  , 
découpées  comime  celles  de  la  chicorée  fauvage,  &  couchées  fur  terre: 
il  s'élève  d'enîr'elles  des  pédicules  longs  d'une  palme,  ronds,  nuds, 
lîftuleux ,  tendres  ,  un  peu  velus  ,  rougeâtres  ,  quoiqu'empreints  d'un 
fuc  laiteux  ,  foutenant  en  leur  fommet  une  belle  fleur  compofée  de 
demi-fleurons  jaunâtres  ,  d'une  odeur  afl'ez  agréable  ;  à  cette  fleur 
fuccedent  des  graines  rougeâtres ,  garnies  d'aigrettes  ,  &  dont  l'ar- 
rangement offre  un  afped:  agréable  ,  elles  font  difpofées  en  rond  ; 
CCS  femences  tombent  dans  leur  m.aturité ,  &  elles  font  emportées  par 
le  vent  :  les  enfans  en  font  autant  par  le  fouffle  ,  c'efl:  un  amufement 
pour  eux.  On  appelle  léig  de  Moine  la  couche  chauve  qui  refl:e  après 
la   chute  de  la  fleur. 

Toutes  les  parties  de  cette  plante  font  ameres ,  un  peu  aflringentes 
&  remplies  d'un  fuc  laiteux  :  on  ne  fait  ufage  que  de  la  racine  &  des 
feuilles  :  elles  font  efliimées  ,  comme  les  autres  chicoracées  ,  vulnéraires, 
fébrifuges  &  apéritives  ,  propres  dans  les  obfl:ru<5lions  du  foie  &  du 
méfentere ,  &  dans  toutes  les  efpeces  de  jaunifle.  Au  printemps  on 
mange  aufli  les  feuilles  tendres  du  pilTenlit  en  falade ,  &  cuites  à  l'eau 
Tome  IL  O  0  o  • 


474  D  E  N 

.  avec  le  beurre  frais  ou  au  bouillon  de  viande,  M.  Bourgeois  dit  qu'on 
,en  fert  Tur  les  meilleures  tables ,  &  beaucoup  de  perfonnes  les  pré- 
fèrent aux  épinards  :  c'eft  un  aliment  fort  fain. 

DENTS  5    dénies.    Ce  meuble  eft  précieux  à  prefque  toutes  les 
cfpeces  du  règne   animal  :  c'eft  un  inftrument  qui   par  la  trituration 
prépare  à  l'eftomac  des   aliq^ens  folides ,   dont  la  digeftion    difficile 
pourroit  fatiguer  ,    &  même  altérer  ce  vifcere.  Ce  font  les  os  les  plus 
durs  &  les  plus  compaéles  de   ceux  du  corps  humain  èc  même  des 
brutes.  Toutes  les  efpeces  dé  dents  de  l'une  &  de   l'autre  mâchoire 
-font  l'ornement  de  la  bouche ,    notamment   chez  les  humains  :  leur 
email  d'une  blancheur  éclatante  eft    relevé    ou  par    des  lèvres  d'un 
beau  rouge  de  corail,  ou  d'un  beau  noir  d'ébene.  C'eft  de  toutes  les 
parties  du  corps  celles  qui  lui  coûtent  le  plus  à  acquérir  &  à  conferver. 
Les  dents  ont  une  figure  ,    une   dirpofition  &  un  arrangement   des 
plusadipirables  :  elles   font  d'autant  plus  fortes    qu'elles   approchent 
-^lus   du  centre  de  mouvement;  elles  font  placées  dans  des  loges  par- 
ticulières' qu'on  nomme  alvéoles  ;  elles  y  font  affermies  par  une  articu- 
lation en:fftrme  de   cheville ,    appellée  gomphofe.   Il  y  a  trois  fortes 
.::.4é  dents' JÎàns  la  plupart  des  animaux   &   notamment   chez  l'homme, 
-'Cëlies  qui  font  dans   la    partie    antérieure  de  chaque  mâchoire  ,  fe 
nomm-ent  incijives  ;    elles  font  larges  ,  minces  &  plates ,  quelques-uns 
les  appellent  dents  de  primeur ,  primons ,   parce  qu'elles  paroifïent  les 
premières    :   d'autres  les  nomment   dents    de   lait ,    laclei  ;    &:  d'autres 
rieufes ,    ridentes ,  parce  qu'elles  fe  montrent  les  premières  quand  on 
rit.    Les   dents  canines  qui  fe  trouvent  entre  les  incijïves  &  les  molaires  ^ 
font  (à  la  mâchoire  fupérieure)  celles  que  le   peuple  nomme  œillens 
ou  dents  de  l'œil ,   parce  qu'une  partie   du  nerf  qui  fait  mouvoir  les 
yeux  s'y  diftribue ,   &  de-là  le  danger  de  les  tirer  :  enfin  les  molaires 
font  celles  qui  fervent  à  la  maftication.    Les   premières   n'ont  qu'une 
racine,  les  canines  en  ont  quelquefois  deux;    &  les   molaires  en  ont 
fouvent  trois  &  quatre.   A   mefure  que   les  dents  veulent  fortir,    la 
■gencive  devient  molle  &  vermeille.    Jufqu'à  ce  temps  la  matière  de 
la  dent  eft  vifqueufe  5;  molle.    Foye\  à  la  fuite  du  mot  Homme. 

Les  dents,  félon  Peyer^  font  formées  depdlicuîes  repliées,  durcies 
&  jointes  enfemble  par  une  mucofité  vifqueufe.  Si  l'on  examine  les 
dents  du  cerf,  du  cheval ,  du  mouton  ,  &c.  on  trouvera  que  le  fen- 
timent  de  cet  Auteur   eft  bien   fondé,  M,   de,  la  Hirc ,    le  jeune  ^  a 


-'iK   . 


D  E  N     ^  47^ 

obfervé  que  le  corps  de  la  dent  eft  couvert  d'une  fubftance  particulière 
&  blanche  ,  appellée  émail j  entièrement  différente  de  celle  du  refte  de 
la  dent  qui  eft  jaune.  Cet  émail,  appelle  jomo/?^,  <^oïff&  ou  croûte,  par 
quelques  Auteurs ,  eft  compofé  d'une  infinité  de  petites  fibres  qui 
s'oîlifient  par  leurs  racines  ,  à  peu  près  comme  font  les  ongles  on 
les  cornes.  Tout  cela  fe  difcerne  facUenrent  dans  une  dent  caflee.  Si 
par  quelqu'accident  un  petit  morceau  de  cet  émail  fe  trouve  décapé , 
enlevé  ,  Tos  de  la  dent  reftera  niid  ;  mais  ne  pouvant  fouffrir  le  contad 
de  l'air  ou  d'une  liqueur  froide,  il  fe  cariera  :  de-là  l'imprudence  d'ufer 
trop  l'émail  des  dents  à  force  de  dentifrices.  Les  dents  ne  font  point 
fenlibles  par  elles-mêmes  ;•  il  n'y  a  que  les  nerfs  qui  s'y  diftribuent  : 
de  plus  l'émail  eft  la  feule  partie  des  dents  qui  croît.  Les  cauftiques 
&  les  liqueurs  fjDiritueufes  appaifent  les  maux  de  dents  ,  mais  il  eft 
dangereux  d'en  faire  ufage. 

Plus  on  examine  la  figure  des  dents  dans  les  différens  anini&ux  qui 
en  font  jK)urvus  ,  &  plus  on  les  trouve  exadement  proportionnées  !à 
la  nourriture  particulière  &  aux  befoins  de  chaque  individu  :  ain(î 
dans  les  animaux  carnafiiers  elles  font  propres  à  faifir/,-  à  tenir,  à 
<iéchirer  la  proie.  Dans  les  animaux  qui  vivent  d'herbia'gès-,  ^lies,. 
font  propres  à  ramalTer  &  à  brifer  lès  végétaux.  Il  y  a  des  poifTons 
qui  ont  leurs  dents  à  la  langue  comme  la  truite,  ou  au  fond  du  gofier 
comme  le  merlus  :  d'autres  ont  trois,  quatre  ou  cinq  rangs  de  dents  à 
la  même  mâchoire,  comme  les  chiens  de  m.er.  Les  écreviifes  de  mer 
ont  trois  dents  placées  au  fond  de  leur  efcomac  ,  accompagnées  de 
mufcles  qui  fervent  à  les  m.ouvoir.  On  trouve  un  tableau  frappant  de 
la  différence  des  à^Vit^  ,  de  leur  difpofition  ,  &c.  en  examinant  les 
mâchoires  de  Thomme^  du  requin,  du  crocodile,  delà  vipère,  du 
tigre,  de  l'ours,  du  loup,  du  lion,  du  bœuf,  (  le  genre  à^^  qua- 
drupèdes ruminans  n'ont  point  de  dents  incifives  à  la  mâchoire  fiapé- 
rieure  )  du  chameau  ,  du  cerf,  du  cheval ,  du  caftor ,  du  lapin ,  du 
cochon,  du  finge,  de  l'éléphant,  delà  dorade,  &c.  Les  dents  de  la 
baleine  de  Groenland  font  d'une  nature  analogue  à  celles  des  cornes 
ongulées  des  animaux  quadrupèdes.  Terminons  par  dire  que  les  dents 
artificielles  fe  font  ordinairement  ou  avec  l'ivoirô  ,  ou  avec  i'os  de  la 
jambe  d'un  bœuf,  ou  avec  les  dents  de  cheval  de  rivière ,  qui  eft 
l'hippopotame.   Voyc^^  Os,   Ces  dents  fa<flices  imitent  allez  les  dents 

O  O  O  2 


\n<^  D  E  N  D   E  P 

naturelles,  mais  elles  n'en  ont  ni  l'utilité  ni  la  beauté,  elles  jaunififerït 
&  s'amolliflent. 

DENTS  FOSSILES  ou  PÉTRIFIÉES ,    dmus  fojjlks.  On  donne 

ce  nom  à  toutes  fortes  de  dents   d'animaux  ,    tant  quadrupèdes  que 

poifTons ,  &  qui  font  improprement  connues  fous  les  noms  de  dent  de 

ferpent  ou  glojjopetrc ,  hufomtt  Q^^crapaudine  ,  &   Yvoin  fo[p.U.  Voyez 

ces  mots. 

DENTELAIRE  ou  HERBE    AU   CANCER  ,    dmidlarla ,   aut 

■  plumbago.  Plante  qui  croît  aux  pays   chauds  de   l'Europe  ;   fa   racine 

eft  fort  fibreufe,   &  pouffe  plufieurs  tiges  cannelées  à  la  hauteur  de 

deux  pieds  ou  environ  ;  fes  feuilles  font  dentelées  &  femblables  à  celles 

de  la  conife  :  fes  fleurs,  de  couleur  .purpurine  ,   font  monopétales  en 

tube  évafé ,  dont  le  limbe  eft  divifé  en  cinq  quartiers.  Elles  ont  cinq 

étamines  attachées  à  autant  d'écaillés  qui  ferment  le  bas  de  la  corolle» 

Il  n'y  a  qu'un  piftil  dont  le  ftigmate  eft  fendu  en  cinq.   Ces  fleurs  fe 

changent  chacune  en  une  capfule  qui   contient  une  femence  pointue 

comme  uh  grain  de  feigle  &  farineufe.  Cette  plante  eft  eftimée  propre 

à  ^uérir^tes  cors  des  pieds,   &  les  durillons  qui  fe  forment  proche  le 

fond9l6:eî1t  en  allant  à  cheval.   Rondeht  prétend  que  c'eft  un   puiffant 

cauftique  ;  &  perfonne  n'ignore  l'hiftoire  de  cette  fille  ,  qui  fe  trouva 

écorchée  vive  pour  s'en  être  frottée  dans  le  deffein  de  guérir  de  la  gale. 

On  tire  avantage  de  la  vertu  cauftique  de  la  dentelaire   pour  guérir 

les  cancers  invétérés  &   cenfés  incurables   par    leur  adhérence  à  des 

parties  offeufes.    On  en  fait  infufer  les  feuilles  dans  de  l'huile  d'olive  ^ 

dont  on  oint  trois  fois  par  jour  les  ulcères  chancreux ,  jufqu'à  ce  que 

l'efcare  noire  foit  encroûtée  ,  pour  que  le  malade  ne  fouffre  plus    de 

vives  douleurs  par  cette  application;  ce  qui  va  à  quinze  jours  environ, 

La  racine  au  plumbago  ou  dentelaire   d'Afrique,  d'Amérique  &  d'Ane 

eft  acre ,    cependant  un  peu  fucrée  &  aromatique  ;  les  Nègres  &  les 

Indiens  en  boivent  la  décoélion ,    pour  exciter  le  vomiflement  &  les 

urines  ,  lorfqu'ils  ont  été  bleffes  par  quelques  bêtes  venimeufes.  Cette 

même  racine   eft  falivaire  ,    &  imprime  une  couleur   plombée  aux 

dents. 

DENTELLE  I}E    MER.   Nom  donné  à  Vcf carre,   Foye^  c&  mot  à 
la  fuite   de  r article  CoRALLiNES. 

DEPONE.  Nom  d'un  grand  &   rare  ferpent  du  Mexique  ,   orné 
de  taches  diiFéremment  colorées.  Sa  tête  eft  extrêmement  grande  ôc 


D   E    P  .477 

garnie  de  mâchoires  armées ,  tant  en  haut  qu'en  bas ,  de  dents  lon- 
gues ,  tranchantes  ,  &  affermies  dans  leurs  alvéoles  ,  comme  dans  le 
brochet.  Parmi  ces  dents  on  en  diftingue  dans  la  mâchoire  fupérieure 
deux  principales  ,  qu'on  peut  nommer  défenfes  ,  &  que  n'ont  point 
Jes  ferpens  ,  même  plus  grands.  Ces  défenfes  ne  font  point  cachées 
dans  un  fourreau  fitué  le  long  de  la  inâchoire  ,  mais  dans  le  râtelier 
inférieur.  Ses  yeux  font  fi  gros  5c  fi  grands  ,  qu'ils  lui  donnent  un 
afped  horrible.  Quoique  les  écailles  de  fon  front  foient  arrangées 
avec  beaucoup  d'art,  on  remarque ,  avec  plus  .de  plaifir  encore,  la 
grande  &  double  chaîne  des  écailles  qui  tapiflent  fon  dos ,  &  dont  les 
bouts  font  joints  enfembîe  en  manière  de  bouclier.  Les  côtés  font 
ornés  &  armés  tout  à  la  fois  d'écaillés  quadranguiaires  ou  rhomboï- 
dales,  marbrées  de  vaftes  taches  fphériques  ;/ celles  du  ventre  font 
tranfverfales ,  amples ,  paillées  &  relevées  d'une  moucheture  roufi'â- 
itre  :  fes  taches  ornent  également  fa  queue  qui  efî;  grêle  ,  Jongue  & 
pointue.  On  prétend  que  ces  fortes  de  ferpens  font  faifis  de  frayeur 
à  la  vue  d'un  homme  ;  ils  font  attaqués  d'une  efpece  fingùliere"  de 
poux  qui  fe  fourrent  entre  leurs  écailles ,  les  mordent ,  ,&,  les  dé- 
fblent.  ^  "''v^^^""  ' 

Ces  poux ,  qui  en  général  font  le  fléau  des  ferpens ,  ont  Cix  pieds 
en  devant,  cachés  fous  la  tête,  &  leur  derrière  eft  cafqué  comme 
une  tortue. 

DEPOT.  En  Hiftoire  Naturelle  on  donne  ce  nom  à  des  fubftances 
terreufes  ou  minérales  chariées  par  l'eau  &  précipitées  fous  différentes 
formes.  Il  y  a  les  dépôts  pierreux  ;  roje^  à  rarticlc  Staladlites  ;  les 
dépôts  métalliques  ;  voye:^  à  Vartick  Cuivre.  Les  atterriifemens  font 
aullî  des  efpeces  de  dépôts.    Voyi\^  ÂtterriiTement. 

DEPOUILLE  DE  SERPENT  ,  fmccla  anguium.  On  donne  ce 
nom  à  la  peau  que  le  ferpent  quitte  quand  il  mue  :  on  la  trouve  tantôt 
entre  les  pierres  ,  tantôt  dans  des  trous  en  terre ,  quelquefois  fous 
des  racines  d'arbres  :  on  fe  fervoit  beaucoup  autrefois  de  cette  vieille 
peau  de  ferpent  pour  les  douleurs  des  oreilles ,  des  dents  &  des  yeux  : 
on  la  faifoit  infufer ,  &  on  fe  gargarifoit  ou  on  étuvoit  la  partie  ma- 
lade :  on  étoit  aulîi  dans  l'ufage  de  brûler  &  de  réduire  en  cendre 
ces  peaux,  &  de  cette  poudre  on  s'en  frottoit  pour  guérir  la  gale. 
Quelquefois  encore  les  fem.mes  enceintes  en  portent  fur  les  reins  pour 
empêcher  l'avortement ,  &  aux  cuifTes  pour  faciliter  l'accouchement: 


478  D  E  R  DES 

tant  ed  grand  le  préjugé  !  M.  le  Doâeur  Sanchci  nous  a  affuré  que 
la  dépouille  de  ferpent ,  mêlée  avec  un  peu  d'huile  &  de  l'avoine , 
guériflbit  la  morve  d'un  cheval  qui  en  faifoit  ufage  pendant  un 
mois. 

DERBIO.    Voyci  Glaucus. 

DERMESTES.  On  donne-^e  nom  à  un  genre  d'infedes  coléop- 
tères ,  qui  font  des  Jcatabées  dijpqucurs  ,  &  dont  le  caradere  eft  d'avoir 
les  antennes  en  forme  de  mafiue ,  &  à  feuillets  pofés  tranfverfalement 
&  enfilés  à  une  tige..  Dans-  leur  premier  état  ils  ont  la  forme  de  vers 
à  fix- jambes,  àiïons  lavés' hexapodes ,  à  tête  écaille ufe,  &  la  plupart 
afîez  velus.  Les  Naturalises  connoiflent  vingt-deux  efpeces  ou  varié- 
tés de  cet  infede ,  dont  une  partie  s'attache  volontiers  pendant 
robfcurité  aux  charognes  ,  aux  cadavres,  à  la  viande  &  au  lard,  fur 
les  habits  ,  dans  les  tapifleries  ,  furies  végétaux,  autour  des  fenêtres, 
&  dans  la  fiente  du  cheval  ,  même  dans  le  fumier  à  moitié  pourri. 
Prefque  toutes  ,  principalement  leurs  larves  ,  font  le  fiéau  des  peaux 
delTéchées  des  animaux,  foit  à  poil  ou  à  plume,  ainfi  qu'on  l'obferve 
dans  les  .Cabinets  des  Curieux  ,  où  l'on  garde  des  animaux  empaillés, 
ou  conlervés  autrement  que  dans  les  liqueurs.  La  plupart  des  fcara- 
bées  difTéqueùrs./ quand  on  les  touche,  replient  leurs  pieds  &  leurs 
antennes ,  les  cachent  &  reftent  comme  immobiles  jufqu'à  ce  qu'ils  fd 
croient  hors  de  danger.  On  ne  peut  les  forcer  à  fortir  de  cet  état 
d'insdion  en  les  piquant  &  les  déchirant.  Il  n'y  a  que  la  chaleur  un 
peu  forte  qui  les  oblige  de  reprendre  leur  mouvement  pour  s'enfuir. 
Le  dermejles  à  points  de  Hongrie  ,  qui  fe  trouve  dans  les  bois  ,  eft  un 
des  plus  grands  de  ce  genre ,  exhale  une  odeur  infede  ,  rend  une 
liqueur  fétide,-  fe  jette  avec  voracité  fur  les  limaçons  &  les  infedes 
qu'il  peut  attraper;  il  fait  entendre  un  cri  plaintif  qui  imite  le  bruit 
d'un  fer  chaud  trempé  dans  l'eau  &  retiré  fur  le  champ.  Ses  pinces 
font  redoutables.  Foye^^  V article  Scarabée, 

DERRY.  Voyti  Darry. 

DÉSERT  ,  eft  une  contrée  non  habitée  &  fouvent  ftérile  relati- 
vement à  fon  fonds ,   qui  eft  ou  pierreux  ou  fablonneux. 

DESMAN.  Efpece  de  rat  mufqué  ,  particulier  à  la  Laponie  &  à  la 
IV^ofcovie ,  diffèrent  du  rat  mufqué  des  Antilles  &  du  Canada,  Voye:^ 
fi,  r  article   Rat  MUSQUÉ, 

DESTRUCTEUR  DES    CHENILLES.    Çoèdart   donne ,    ^vçc 


DES  D  E  T  47P 

raifon  ,  ce  nom  à  un  ver  ou  larve  qui  a  au-devant  de  la  tcte  deux 
pinces,  qui  étant  ferrées,  forment  un  anneau,  &  dont  il  fe  fert 
pour  attraper  adroitement  les  chenilles  par  le  ventre  ,  en  fort* 
qu'elles  y  demeurent  attachées. 

Ce  ver  eft  d'un  beau  jaune  luifant ,  &  eft  fi  bien  armé ,  qu'il  peut 
aifément  nuire  à  toutes  fortes  de^Jienilles.  Quand  il  a  blefTé  avec  fes 
cornes  une  chenille ,  celle  -  ci  fe  tourmente  fort  &  s'élance  de  tous 
côtés  ,  pendant  que  le  ver  demeure  tout  étendu  ,  comme  s'il  étoit 
mort  :  on  remarque,  qu'après  que  le  ver  l'a  quittée  ,  Tendroit  où  il  l'a 
pincée ,  s'enfle  aufli-tôt ,  ce  qui  paroît  être  l'effet  d'une  forte  de  venin 
qu'il  jette. 

Cet  infedle  qui  coopère  à  détruire  les  chenilles ,  fouffre  aifément 
le  froid  ;  il  fe  retire  dans  la  terre  :  fi  on  le  jette  au  feu  ,  il  produit 
une  flamme  femblable  à  celle  que  produit  l'huile  qui  brûle.  Ce  ver 
ne  vit  guère  plus  de  deux  jours  dans  l'état  de  larve  >  après  fk" 'm éta- 
morphofe  ,  il /devient  un  animal  ailé  ,  armé  de  deux  crochets,  dont  il 
fe  fert  pour  percer  les  œufs  des  fourmis  &  des  taupes-grillons ,  dont 
il  eft  avide.  On  fappelle  alors  mange,  »  œufs  de  grillons  ;  mms  ce  petit 
animal ,  ennemi  de  prefque  tous  les  infedes  ,  tombQ'à  fon  tour  dang 
les  pièges  du  taupe-grillon  qui  le  dévore.  • 

DESTRUCTEUR  DES  CROCODILES,  (krokodillen-doodcr,) 
Les  Hollandois  donnent  ce  nom  à  ïichneumon,, 

DETROIT ,  fretum.  Nom  que  les  Géographes  donnent  à  une  mer 
étroite  ou  refferrée  des  deux  côtés  par  les  terres ,  &  qui  ne  laifle 
qu'un  petit  paflage  pour  aller  d'une  mer  à  une  autre ,  tels  font  le 
Détroit  du  Sund ,  celui  du  Eelt,  les  Dardanelles,  le  Détroit  de 
Veïgatz  entre  la  Mofcovie  &  la  Nouvelle  Zembie.  Les  Détroits  de 
,  Davis  ,  d'Hudfon  ,  de  Bahama,  de  Magellan,  ou  de  Magalhacns 
en  Amérique.  Le  Détroit  le  plus  fréquenté  eft  celui  de  Gibraltar  , 
qui  fépare  l'Europe  de  l'Afrique  >  &;  joint  la  Méditerranée  avec  l'Océan 
Atlantique.  Le  Détroit  qui  fépare  la  France  d'avec  l'Angleterre  s'ap- 
pe.le  le  Pas  de  Calais.  Fannius  croit  que  les  Détroits  &  les  Golfes 
ont  été  formés  pour  la  plupart  par  l'irruption  de  la  mer  dans  les 
terres.  Une  des  preuves  qu'il  en  apporte ,  c'eft  qu'on  ne  trouve 
prefque  point  d'Iles  dans  le  milieu  des  grandes  mers  ,  &  jam^lis 
beaucoup  d'Iles  voifînes  les  unes  des  autres.  M.  de  Buffon  ,  Hijlolre 
NaturdU  ,  /ow.  /,  obferve  que  la  dire'^ion  de  la  plupart  des  Détroits 


'4?!o  DE  V  D  î  A 

efi:  d'Orient  eîi  Occident  ;  ce  qu'on  attribue  à  un  mouvement  ou 
effort  général  des  eaux  de  la  mer  dans  ce  fens.  Il  y  a  encore  dans 
la  Méditerranée,  entre  la  Sicile  &  la  Calabre  ultérieure,  un  Détroit 
connu  fous  le  nom  de  Fare  de  Messine  ,  Fretum  Siculum,  Ce  canal 
éft  aflez  connu  par  fon  flux  &  reflux  qui  s*y  fait  de  fix  heures  en  fix 
heures  avec  une  extrême  rapidité  k.  comme  aufll  par  fes  courans  ,  qui 
allant  tantôt  dans  la  mer  de  Tofcane ,  &  tantôt  dans  la  mer  de  Sicile ,  ont 
donné  lieu  à  tout  ce  que  les  Anciens  ont  dit  de  Scylla  &  de  Carybde. 
Ce  dernier  eft  un  cfourant  d'eau  ,  que  les  Matelots  craignoient  beau- 
coup autrefois ,  &:  qu'on  affronte  aujourd'hui  fans  péril  par  le  moyen 
des  barques  plates,    Voye^^  Mer. 

DEVIDOIR.  Nom  donné  par  les  Hollandois  à  une  coquille  bi- 
valve de  la  famille  des  huîtres  ;  les  François  l'appellent  la  bijlournce, 
en  Latin  ojlreum  tortuofum.  Cette  rare  coquille  efl:  blanche  ,  nuée  de 
fauve  3  a  deux  faces  ;  l'une  triangulaire,  l'autre  en  demi-cœur  alongé, 
pxefque  planes  &  a  équerre  dans  la  valve  fupérieure  ,  convexe  dans 
l'inférieure  ;  contournée  l'une  fur  l'autre ,  de  manière  à  fe  joindre 
plys  ou  .m©itîs  exaélement  :  fa  robe  eft  charfiée  de  ftries  longitudinales 
qui  partent  du  fommet  :  la  charnière  eft  formée  d'un  grand  nombre  de 
petites  eiitailles  qui  régnent  dans  prefque  toute  l'étendue  du  fommet 
de  chaque  valve. 

DÉVORANTE.  Voyc^^  JvIouche  dévorante. 

DEZ    FOSSILES  ,   tejjcriz    Badcnfis  vd  foffîlcs.    On  les  trouve  à 
quelques  pieds  de  profondeur  dans  la  terre  près  deZurzach  &  de  Bade 
en  Suiffe.    Ces  dez  font  en  tout  femblables  à   ceux  dont  nous   nous 
fervons  aujourd'hui  ;  ils  font  feulement  plus  petits;  il  y  en  a  qui  fem- 
blent  être  d'os ,  d'autres  de  bois  ,  &  d'autres  de   terre  cuite.  Scheu- 
dqer  &  Jltmann   ont  démontré  que  ces  dez  font  l'ouvrage   de   fart , 
qu'ils  fervoient  autrefois  pour  jouer  ,  &  qu'ils  font  marqués  pour  cela. 
Le  lieu  où  on  les  trouve,  fait  foupçonner   qu'il  peut  y  en    avoir  eu 
autrefois  une  fabrique ,  ou  qu'ils  y  ont  fervi  à  l'amufement  des  Lé- 
gions Romaines  qui  ont  féjourné  dans  ces  Contrées  ,  &  qui  ne  jouoient 
alors  qu'ayecdes  poignées  de  dez  ;  ces   prétendus  dez  foffiles  ont  été 
-tellement  recherchés,  &  deviennent  aduellement  fi  rares  ,   que  quel- 
ques Ouvriers  de  ces  lieux-îà  les  ont  contrefaits  pour  attraper  l'argent 
des  Voyageurs  curieux. 

DIABLE.  Foyei  à  Cartkk  PrOjCigale, 

PÏAELE. 


D  I  A  481 

DIABLE. .  Les  habîtans  des  Antilles  appellent  aînfî  un  oifeau  de 
nuit  fort  laid  à  voir.  Il  a  la  figure  d'un  canard ,  le  regard  effrayant , 
le  plumage  tiqueté  de  noir  &  de  blanc  ;  il  fait,  comme  les  lapins ,  des 
trous  en  terre  qui  lui  fervent  de  nids.  Cet  oifeau  habite  les  plus 
hautes  montagnes ,  &  n  en  defcend  que  pendant  la  nuit  :  fon  cri  eft 
lugubre;  mais  fa  chair  eft  très-bopne  à  manger,  Hijloin  NaturdU  des 
Antilles,  tome  IL 

DIABLE  DE  JAVA  ET  DE  TAVOYEN  ou  TAYVEN.  Foyê^ 
à  VanicU  Lfzaed  fcailleux. 

DIABLE  DE  MER.  Ceft  notre  macreufe  ,  dont  le  plumage  efl 
îout-à-  fait  noir  ,  à  l'exception  d'une  tache  blanche  fur  la  tête  :  voytT^ 
Macreuse.  On  donne  aulîi  le  nom  de  diahU  d&-  mer  on  pêcheur  marin  , 
ranâ  pifcatrix  ,  au  poifl'on  cartilagineux  que /^o/z^e/ef  a  nommé  ^^/^z/z^ct. 
Voyez  ce  mot  &  l'article  qui  fuit. 

DIABLE  DE  MER.  Les  Pécheurs  des  côtes  d'Afrique  donnent 
ce  nom  à  un  monftre  qu'ils  prennent  quelquefois  ,  &  dont  on  voit,  la 
dépouille  dans  les  cabinets  des  Naturaliftes.  Cet  animal,  :quî  a  en 
grand  la  figure  qu'un  têtard  a  en  petit ,  a  environ  quatre--^ieds  de 
îong  &  un  pied  d'épaifleur  ;  fon  dos  eft  chargé  d'une  bolîe  armée- dfe 
quelques  aiguillons  femblables  à  ceux  des  hériffons  ;  fa  tête ,  qui 
eft  plus  groife  que  le  refte  du  corps  ,  eft  plate,  circulaire,  garnie 
de  petites  boffes,  entre  lefquelles  on  voit  deux  yeux  plus  ou  moins 
noirs  &  gros  ;  fa  gueule,  qui  eft  extraordinairement  fendue,  eft 
armée  de  plufieurs  rangs  de  dents  fort  aiguës  ,  dont  il  y  en  a  deux 
de  crochues  ,  comme  celles  du  fanglier.  La  mâchoire  fupérieure  eft 
plus  courte  que  l'inférieure;  ce  qui  eft  caufe  que  fa  bouche  eft  toujours 
ouverte.  Sa  langue  eft  large ,  comme  cartilagineufe  ,  &  n'eft  point 
détachée  du  palais.  La  quantité  de  dents  qui  fe  voient  aux  mâchoires» 
dans  l'arriére  -  bouche ,  fur  la  langue,  &  au  fond  de  la  gorge,  ne 
contribue  pas  peu  à  rendre  cette  gueule  effroyable.  Les  petites  dents 
qui  font  vacillantes  ,  font  courbées  du  côté  de  l'intérieur  de  la  bouche. 
Ses  nageoires  qui  font  très-fortes  ,  très-étendues  ,  &  dont  les  rayons 
font  cartilagineux  ,  ont  leurs  extrémités  dentelées  ou  feftçpnées.  Les 
nageoires  pedorales  font  en  forme  de  mains  ou  de  pieds  jW&  la  peau  . 
en  eft  fort  dure  &  rude.  Cet  animal  a  en  tout  cinq  nageoires  &  une 
xjueue  affez  large  ;  aucune  apparence  de  narines  au  dehors.  Les  ouies 
ou  braachies  font ,  dit  Jrudi ,  au  nombre  de  trois  de  chaque  côté. 
Tome  Jlt  P  P  P 


^tî  t)  î  A 

6a  peau  eft  épaifîej  onâmeufe,  fans  écailles,  brune  Se  marquetée  fur 
le  dos ,  blanche  fur  le  ventre.  Le  contour  de  fa  mâchoire  intérieure 
eft  garni  d'appendices  cutanées ,  en  forme  de  barbes ,  qui  fe  trouvent 
auffi  à  toute  la  circonférence  du  corps.  On  prétend  que  ce  qui  lui 
a  fait  donner  le  nom  de  diable  de  mer ,  font  deux  cornes  noires  affez 
pointues,  longues  de  neuf  pouces ,  qu'il  a  au-deffas  des  yeux  ou 
du  mufle ,  &  qui  fe  recourbent  fur  fon  dos ,  comme  celles  du  bélier. 
Sa  figure  hidcufe  ,  fon  regard  de  côté ,  fa  gueule  énorm^e  ,  tout 
répond  afiez  à  Tidée  fantaflique  que  l'on  s'eft  formée  de  l'être  mal- 
faifant ,  fur-tout  quand  on  lui  a  retiré  les  entrailles  ,  &  qu'on  lui  pailè 
une  bougie  allumée  dans  le  corps  ;  car  il  paroît  alors  un  monftre 
des  plus  efFrayans.  Sa  chair  eft  un  poifon  qui  provoque  des  vomifle- 
mens  &  àcs  défaillances  qui  cauferoient  bientôt  la  mort  ,  fi  on  n'y 
remiédjoit  par  quelque  antidote. 

On  trouve  encore  une  autre  forte  de  diable  de  mer  ^  dont  la  chair 
n'eft  pas  fi  venimeufe  ,  mais  qui  n'eft  pas  moins  hideux  à  voir, 
quoique'  la  figure  en  foit  différente.  Les  plus  grands  n'ont  guère  qu'un 
pied  de.  longueur  &  autant  de  largeur.  Quand  ils  veulent ,  ils  s'enflent 
tellement-',  qu'ils  paroiflent  aufli  ronds  qu'une  boule  :  ils  ont  en  petit 
les  mêmes  yeux  &  les  mêmes  dents  que  l'efpece  précédente,  avec  une 
feule  corne  ;  leur  queue  eft  faite  comme  une  rame  ;  ils  ont  une  forte 
nageoire  fur  le  dos ,  &  une  autre  fous  le  ventre.  On  leur  remarque 
aufli  deux  faufles  pattes  ou  nageoires  fur  les  côtés  ;  chacune  d'elle  a 
huit  doigts,  munis  d'ongles  aflez  piquans.  Leur  peau  eft  hériflee 
comme  celle  du  requin ,  excepté  fous  le  ventre ,,  où  elle  eft  tachetée 
&  comme  ondulée  de  noir. 

Sur  la  côte  d'Or  &  fur  la  côte  d'Yvoire  ,  en  Afrique,  on  trouve 
une  efpece  de  raie,  que  les  habitans  appellent  aufli  diable  de  mer.  Ce 
poiifon  eft  long  de  vingt-  cinq  pieds  ,  &  large  de  dix-huit,  fur  trois 
d'épaifleur  :  fes  côtés  font  garnis  d'angles  faillans  ,  auflî  durs  que  la 
corne ,  &  dont  les  coups  font  très  -  dangereux.  Sa  queue  eft  longue 
comme  un  fouet ,  &  armée  d'une  pointe  aflèz  redoutable.  Le  dos  eft 
armé  de  pointes  longues  de  deux  pouces  ,  &  aiguës  comme  des  clous  :• 
fa  téi?€,  qui  eft  jointe  immédiatement  au  corps,  eft  garnie  de  dents 
plates  &  tranchantes.  Pour  rendre  cet  animal  plus  inévitable  ,  \a. 
Nature  lui  a,  dit-on,  donné  quatre  yeux;  il  en  a  deux  près  du  gofier, 
qui  font  ronds  &  fort  grands  3  deux  autres  fur  la  tête  vers  les  côtés  y 


D  î  A  4Bs 

maïs  plus  petits.  A  chaque  côté  du  gofier  ,  il  y  a  trois  cornes  de 
longueur  &  d'e'paifleur  différentes  :  celle  du  milieu  ,  au  côté  droit , 
eft  longue  de  trois  pieds  ,  fur  un  pouce  &  demi  de  large  :  celle  du 
milieu  ,  du  côté  gauche  ,  efl  plus  petite  :  heureufement  que  ces  cornes 
font  flexibles ,  &  peuvent  nuire  difficilement.  La  peau  de  cet  animal 
eft  rude  &  feche  comme  celle  du  requin.  Sa  chair  eft  coriace  &  de 
mauvais  goût  ;  fon  foie  donne  de  fort  bonne  huile. 

Le  diable  de  la  mer  Méditerranée ,  fe  nomme  Baudroie  :  il  refifemblc 
■beaucoup  à  la  première  efpece  dont  nous  avons  parlé.  Sa  gueule  énorme 
eft  garnie  de  dents  mobiles  comme  celles  du  requin.  Son  gofier  ou 
l'oelophage  en  eft  auffi  garni  de  plus  petites  :il  femble  fortir  du  fond 
une  efpece  de  bourelet  épineux. 

Les  Pécheurs  des  Iles  de  l'Amérique  donnent  encore  le  nom  de 
diabk  à  un  grand  poiflbn  plat  en  forme  de  grande  raie  ,  plus  large 
que  long  3  ayant  quelquefois  plus  de  dix  pieds  d\m  aileron  àTautre, 
&  plus-  de  deux  pieds  d'épaifleur  vers  le  milieu  du  corps  Ses  antennes 
ou  cornes  fe  recourbent  en  fe  tortillant  commue  de^grofles^cornes  de 
bélier.  La  gueule  de  ce  poiffon  eft  démefurément  ouye^rte ,  ayant 
plus  de  deux  pieds  de  large;  elle  n'eft  point  armée  de  dchts,-  mais 
on  remarque  des  membranes  très-épaiffes  qui  recouvrent  les  gencives 
de  ce  monftre  îorfqu'il  veut  engloutir  quelque  gros  poifîbn.  Il  a  une 
efpece  de  gouvernail  fur  le  dos  à  la  partie  poftérieure  ,  de  laquelle  fort 
une  queue  très-agile,  longue  de  quatre  à  cinq  pieds,  &  en  forme  de 
fouet.  Tout  l'animal  eft  couvert  d'une  peau  très- forte,  rude,  grife 
fur  le  dos  ,  &  blanche  fous  le  ventre  :  fa  chair  eft  indigefte  comme 
celle  des  groffes  raies  dont  ce  poiffon  paroît  être  une  efpece  :  par 
cette  defcription  on  voit  que  le  diable  des  Iles  a  une  reflemblance  en 
partie  avec  ceux  d'Afrique ,  &  en  partie  avec  celui  de  la  Méditer- 
ranée :  cependant  il  paroit  en  différer  par  quelques  parties.  Foye^faru 
■Galai^ga, 

On  trouve  dans  le  Journal  de  Médecine,  (Janvier  Ijô^)  la  def- 
cription &  la  figure  de  deux  diables  de  mer  échoués  fur  le  fable  dans 
la  rade  de  Breft  en  1764  :  l'un  d'eux  avoit  dans  fon  eftomac  un  chien 
de  mer  de  la  longueur  du  bras  ,  &  une  anguille  de  mer.  C^  détail 
lait  voir  qu'il  y  a  plufieurs  efpeces  de  diables  de  mer,  &  que  la  gran- 
deur n'y  met  pas  la  feule  différence ,  comme  plufieurs  le  préfument. 
•On  vait  que  le  nom  de  diaMe  donné  â  l'ctre  malfaifant ,   prince  des 

Ppp  2 


484  D  î  A 

ténèbres,   a  été  appliqué  par  un  préjugé  populaire,   à  tous  les  êtres 
dont  la  forme  hideufe  infpiroit  de  la  terreur. 

DIABLE  DES  BOIS.  Efpece  de  fmge  à  queue  prenante  ,  &  fort 
longue,   yojei  Belzebut  à  l'article  Singe. 

DIABLE  DES  PALETUVIERS.  Dans  l'île  de  Cayenne  on  donne 
ce  nom  à  une  efpece  de  corbeau  aquatique ,  dont  le  plumage  eft  d'un 
bleu  noirâtre.  ^"'>-' 

DIABLOTINS.  Oifeaux  de  la  Dominique,  de  la  Guadeloupe  & 
de  l'Amérique  Septentrionale ,  où  ils  viennent,  depuis  le  mois  de 
Septembre  jufqu'en  Novembre,  s'accoupler,  pondre  &  élever  leurs 
petits  :  ils  font  de  la  grofTeur  d'une  poule  &  de  la  forme  d'un  canard 
ordinaire.  Ce  font  des  efpeces  de  mouettes  brunes.  Voyez  Mouette. 
Leur  plumage  eft  noir  ,  mêlé  de  blanc  ;  leurs  jambes  font  courtes  ; 
leurs  pieds  font  palmés ,  &  cependant  armés  d^ongles  longs  &  cro- 
chus ;  leur  bec  eft  femblable  à  celui  des  oifeaux  du  genre  des  cor- 
beaux :  ils  ont  des  yeux  à  fleur  de  tête  ,  &  voient  admirablement 
bien  la  nuit  ;  mais  ils  voient  fi  peu  dans  le  jour ,  que  quand  ils  font 
furpris  par  la  lumière  ,  hors  leur  retraite  ,  ils  heurtent  contre  tout 
ce  qu'ils  rencontrent  i  &  enfin  tombent  à  terre.  Ces  animaux  font 
d'excellens pêcheurs  de  nuit  ,  &  repairent  toujours  deux  à  deux, 
vers  les  montagnes  :  ils  s'y  tiennent  dans  des  trous  comme  les  lapins  ; 
c'eft  là  qu'ils  pondent  ,   couvent  &  élèvent  leurs  petits. 

Dans  le  mois  de  Mars  on  trouve  dans  les  trous  la  mère  avec  fes  deux 
petits  qui  font  couverts  d'un  duvet  épais  &  jaune ,  tel  que  celui  des 
oifeaux.   Ces  petits  font  en  état  de  s'envoler  vers  la  fin  de  Mai  :  tous 
reviennent  régulièrement  en  Septembre.  Leur  chair  eft  noirâtre  &  un. 
peu  huileufe  -y  d'ailleurs  elle  eft  fort  nourriffante» 

DIAGREDE.  f'oyei  Scammonée.. 

DIAMANT,  adamas.  C'eft  la  pierre  précieufe  la  plus  pure  ,  la 
plus  dure,  la  plus  pefante  &  la  plus  diaphane;  étant  polie,  c'eft  la- 
p!-us  brillante  de  toutes  les  pierreries  &  de  toutes  les  criftalli&tions  t 
en  un  mot^  c'eft  la  plus  précieufe  de  toutes  les  matières  dont  les. 
hommes  font  convenus  de  faire  la  repréfentation  du  luxe-  Se  de  l'o- 
pulence. 

La  couleur  du.  diamant  varie  à  nnfini  :  il  eft  ordinairement  fans 
couleur  ;  mais  on  en  trouve  de  toutes  les  couleurs  &  de  toutes  lesi 
nuances   de  couleur,.   On  doute ,  quoi  qu'en  difent  les  Jouailliers  ^ 


t)  I  A  4S> 

^u*on  ait  jamais  vu  de  diamans  d'un  auHî  beau  rouge  que  le 
rubis ,  d'un  aufli  beau  pourpre  que  le  grenat  ,  d'un  aufïi  bel  orangé 
que  l'hyacinthe  ,  d'un  aufîî  beau  vert  que  l'émeraude  ,.  &  d'un  auflî 
beau  bleu  que  le  faphir ,  &c.  Le  diamant  vert  ,  lorfque  fa  couleur 
eft  d'une  bonne  teinte  ,  eft  le  plus  rare  ;  il  eft  auiïi  le  plus  cher.  Le 
diamant  couleur  de  rofe  &  le  bleu  font  txès-eftimés,  &ménîe  le  jaune. 
Les  diamans  roux  ou  noirâtres  ne  font  que  trop  communs  :  ces 
couleurs  en  diminuent  beaucoup  le  prix. 

Le  diamant  a  naturellement  dans  fa  minière  primitive,  qui  eft  une 
matrice  fablonneufe  &  rougeâtre,  quelquefois  argileufe &  noire,  un© 
criftallifation  tantôt  odaédre  ,  en  pointe,  &  tantôt  cubique.  Prefque  tous 
les  diamans  du  commerce  font  bruts ,  arrondis  &  couverts  d'une  croûte 
grisâtre  qu'ils  ont  acquife  par  les  frottemens  réitérés  en  roulant  & 
tombant  en  cafcades  avec  les  torrens.  Cette  croûte  obfcure  &  fouvent 
groffiere  ,  laifle  à  peine  appercevoir  quelque  tranfparence  dans  l'in- 
térieur de  la  pierre  ;  de  forte  que  les  meilleurs  connoifleurs  ne  peuvent 
juger  de  fa  valeur.  Lorfqu'ileft  ainfi  encroûté,  onVappdlQ  diamant  bruu 

On  prétend  que  le  diamant  peut  fe  divifer  par  tablettes,  à  l'aide 
d'un  inftrument  pointu.  Il  eft  vitreux  dans  fes  fra<5lures  ;  &  d'une 
dureté  fî  confîdérable  ,  qu'on  ne  le  peut  ufer  qu'avec  'la*  poudre 
^égriféc  qui  provient  de  l'écorce  des  autres  diamans  noirs  entiers. 
Cette  pierre  précieufe  réfifte  à  la  lime ,  &  acquiert  la  propriété  de 
reluire  dans  l'obfcurité  ,  foit  en  la  frottant  contre  un  verre  dans  les 
ténèbres  ,  foit  en  l'expofant  quelque  temps  aux  rayons  du  foleil, 
foit  en  la  faifant  chauffer  fortement  dans  un  creufet ,  ou  en  la  plon- 
geant dans  de  l'eau  chauffée  au  degré  moyen  de  l'ébullition.  Le 
diamant  ,  comme  la  plupart  des  pierres  tranfparentes  ,  .  a  la  pro- 
priété d'attirer  ,  immédiatement  après  avoir  été  frotté,  la  paille,  les 
plumes,  les  feuilles  d'or,  le  papier,  la  foie  &  les  poils;  mais  il  n'a 
pas  la  propriété  de  réfîfter  à  la  violence  de  toutes  les  efpeces  de  feu  , 
{ans  en  être  altéré.  Des  expériences  faites  à  Florence  ,  &  dont  oi> 
trouve  le  détail  dans  la  nouvelle  édition  françoife  des  (Euvreî  de  Hen- 
ckd ,  in-4.  démontrent  que  le  diamant  eft  altérable  au  feu  folaire  ,  au 
point  d'y  difparoître  ,  tandis  que  le  rubis  y  réfifte  &  ne  fait^que  s'y 
amollir.  De  nouvelles  expériences  faites  à  Berlin  prouvent  aufli  que 
les  diamans  perdent  un  peu  de  leur  poids  abfolu  étant  ou-  long- 
temps 5    ou  fouvent  expcfés  près  du  feu.  D'autres  expériences  faites^ 


4^6      ^  D  î  A 

récemment  a~"Psris  confirment  la  même  deftrudtion  du  diama'nt  mis 
dans  un  creufet  au  feu  de  réverbère.  Ces  expériences  ont  été  répétées 
publiquement  en  177 1  &  1772  par  MM.  Roux,  Darcet  ,  Rouelle, 
M^^ccjuer ,  Mitouart ,  Cadet ,  &c.  mais  plufieurs  d'entre  ces  habiles 
Chymiftes  ont  opéré  féparément ,  &  ont  employé  diftérens  procédés, 
aufli  en  ont -ils  obtenu  des  réiyltats  fouvent  très-différens.  Ces  divers 
ïéfultats  ont  été  coniignés  dans  les  papiers  publics. 

Le  diam.ant  bien  examiné  n'eft  peut-être  qu'un  criftal  trcs-pur  , 
qui,  pendant  fa  criftaiîifation  qui  s'efl:  opérée  avec  lenteur  ,  a  acquis 
une  figure  régulière  ,  une  grande  dureté,  une  pefanteur  fpécifique 
confîdérable  ;  en  un  mot ,  une  belle  eau  ou  tranfparence  ;  mais  il  faut 
îa  réunion  d'un  trop  grand  nombre  de  circonftancss  pour  que  la 
nature  nous  offre  beaucoup  de  beaux  diamans  ;  c'eft  pourquoi  nous 
voyons  plus  de  criftaux  de  roches  ou  de  diamans  pleins  de  défauts , 
que  de  diamans  parfaits.  Les  défauts  les  plus  ordinaires  du  diamant, 
font  les  points  èc  les  gendarmes.  On  appelle  points  de  petits  grains 
blancs  ^  noirs  ou  rouges  ;  &  gendarmes ,  des  points  ou  des  grains  plus 
grands,  ^en  façon  de  glaces.  Ces  défauts  font  ou  naturels  ou  artifi- 
ciels :  naturels  ,  quand  l'éclat  interrompu  provient  de  l'arrangement 
.des  parties  conftituantes  qui  ont  été  brufquces  dans  leur  coagulation; 
■artificiels ,  iorfque  les  diamans  reflètent  mal  ,  à  caufe  du  vide  des 
gerçures  ou  étonnemens  produits  par  des  contre -chocs  ou  par  des 
couleurs  fales.  On  a  encore  exprimé  ces  défauts  par  différens  noms , 
comme  tables  ,  dragoneaux  ,  jardinages.  Les  corps  étrangers  y  prC'' 
4uifent  quelquefois  des  filandres  ou  des  veines  ,   Ôcc. 

Les  Lapidaires ,  dont  le  talent  eu  de  tailler  &  de  polir  ces  pier- 
res ,  retranchent  au  befoin  les  endroits  défeâueux ,  &  en  font  des 
tablettes. ou  àas  pendeloques.  La  première  opération  de  la  taille  du 
diamant  ,  cft  celle  par  laquelle  on  le  décroûte  ;  pour  cela  il  faut 
pppojer  le  diamant  au  diamant ,  &  les  frotter  les  uns  contre  les  autres 
<"  c'eft  ce  qu'on  appelle  cgrifirj  i  on  les  maftique  chacun  au  bout'd'un 
petit  bâton  en  forme  de  manche ,  pour  les  tenir  &  frotter  avec  plus 
4e  facilité  ;  par  ce  moyen  les  diamans  mordent  l'un  fur  l'autre  ,  & 
il  s'en^^étache  une  pouffiere  que  l'on  reçoit  dans  une  petite  boîte 
iTommée  ègrifoir  ;,  cette  pouiTiere  fertenfuiteà  les  tailler  &  à  les  polir. 
Four  leur  donner  le  poli,  il  faut  fuivre  le  fil  de  la  pierre  ;  fans  cette 
|)reç.aution  on  n*y  rçu0iroit  pas,;  au  contraire  le  diamant  s'échaufferoit 


DîA  487 

fans  prendre  aucun  poîi ,  comme  il  arrive  dans  ceux  qui  n'ont  pas 
le  fil  dirigé  uniformément  :  on  les  appelle  diamans  de  jiatun..  Les 
Lapidaires  les  comparent  à  des  nœuds  de  bois  dont  les  fibres  font 
pelotonnées  de  façon  qu'elles  fe  croifent  en  différens  fens.  Ils  appellent 
diamant  rofe ,  le  diamant  taillé  à  facettes  par-defRis  ,  &  platpar-deffous* 
Ils  nomment  diamant  brillant  celui^.4iii-t^  taillé  à  facettes  par-delTous 
comme  par-defTus.  Pour  exécuter  cette  taille  qui  produit  le  plus  grand 
effet ,  on  forme  trente-trois  faces  de  différentes  figures  ,  &  inclinées  fous 
différens  angles  fur  le  deffus  delà  pierre,  c'eft-â-dire,  fur  la  partie  qui  eft 
hors  de  l'œuvre  :  on  fait  vingt  -  cinq  autres  faces  fur  la  partie  qui  efîi 
dans  l'œuvre,  aufii  de  différentes  figures  &  inclinées  différemment,  de 
forte  que  les  faces  de  deffus  correfpondent  à  celles  du  delfous  dans  des 
proportions  affez  juftes ,  pour  multiplier  les  réRexions  &  pour  donner 
en  même  temps  quelque  apparence  de  réfraction  à  certains  afpeéis  : 
c'efl  par  cette  mécanique  que  Ton  donne  des  reflets  au  diamant,  & 
des  rayons  de  feu  qui  font  une  apparence  de  réfraélicn ,  dans  laquelle 
on  voit  en  petit  les  couleurs  du  fpectre  folaire,  c'eft -à-dire,  du  rouge, 
du  jaune ,  du  bleu  ,  du  pourpre  ,  &C.  î'^oysT^  U  Dicliônnairp  ^es  Arts 
&  Métiers,   au  mot  LAPIDAIRE,  '         -,  .    .,\  • 

Un  beau  diamant  eR  d'autant  plus  efliraé,  qu'il  a  moins  de  défauts, 
qu'il  a  plus  de  hauteur  &  de  fond  ,  &  que  fes  reflets  écîatans  &  vifs 
frappent  plus  vivement  les  yeux.  Le  prix  en  efl  fouvent  arbitraire  ; 
tout  dépend  de  la  fantaifie,  de  la  mode  &:  des  moyens  :  cependant  on 
effime  leur  valeur  dans'Ie  Commerce  par  A^r^w.  Chaque  A;<^r<î/ équivaut 
à  quatre  grains  un  peu  moins  forts  que  ceux  du  poids  de  marc ,  & 
chacun  de  ces  grains  fe  divife  en  demis  ,  en  quarts  ,  en  huitièmes  , 
en  feiziemes,  6:c.  En  voici  des  exemples  dans  les  cinq  plus  beaux 
diamans  que  l'on  connoiffe.  1°.  Celui  qui  ornoit  le  trône  du  Grand 
Mogol ,  pefe  deux  cent  foixante  &  dix-neuf  karats ,  neuf  feiziemes 
de  karat.  On  affure  que  Tamas-Kouli-Kan  s'efl  emparé  de  ce  diamant 
taillé  en  rofe,  que  le  Voyageur  Tavernier  a  eftimé  11,723,278  livres, 
2°.  Le  diamant  du  Grand  Duc  de  Tofcane  ,  qui  pefe  cent  trente- 
neuf  karats  &  demi  ;  fa  valeur  eft  ,  félon  le  même  Tavernier  ,  de 
2,<5o8,335'  livres.  3^  Les  deux  diamans  du  Roi  de  France-*^  dont 
l'un  appelle  le  grand  Sancy  par  corruption  de  la  prononciation  du 
nombre  de  cent  Jîx  karats  qu'il  pefe ,  ou  parce  qu'il  a  appartenu 
autrefois  à  quelqu'un  de  la  Maifon  de  Harlay  de'Sancy.  Ce  diamant 


488  D  î  A 

a  coûté  600,000  livres.  4^  L'autre  diamant,  qui  fait  auiïî  partie  des 
diamans  de  la  Couronne,  eft  \q  pitre  ou  ;le  régent,  que  M.  le  Duc 
d'Orle'ans  acquit  pour  k  Roi  pendant  fa  régence  ;  il  pefe  cinq  cent 
quarante-fept  grains  parfaits  ;  il  coûta  deux  millions  &  demi  ;  mais  il 
vaut  davantage.  On  l'a  appelle  pitre  par  corruption  de  Pits  ,  qui  étoit 
le  nom  d'un  Gentilhomme  Aiiglois  de  qui  on.acheta  cette  belle  pierre. 
5"**.  Le  diamant  qui  fe  voit  aujourd'hui  parmi  les  pierreries  de  la 
Czarine,  pefe  fept  cent  foixante-dix-neuf  karats  {a),  6°,  Enfin  on 
affure  que  le  diamant,  que  poffede  aujourd'hui  le  Roi  de  Portugal , 
pefe  douze  onces  ;  mais -il  eft  très-défeâueux. 

Quand   un    diamant  pefe  plufieurs    grains  ou  karats ,  le  tarif  du 
karat  ceffe  ,    &  la  différence  en  eft   très  -  grande ,    puifque  le  karat 


— ' — .jil'à,*-'-"  ' 


(a)  On  lit  dans  l'une  des  Gazettes  de  France,  en  1771  ,  qu'en  lyié  arriva  à'IC- 
pahan  à  ^mfterdam  Grégoire  Suffras  ,  Seigneur  Grec  ,  ayant  à  vendre  un  diamant 
d'unç  grolTeur  extraordinaire,  beau,  pur,  &  du  poids  de  fept  cent  ioixante  &  dix- 
neuf  Içàr^s.  En  1772  ,  l'Impératrice  de  toutes  les  Ruflîes  ,  en  fit  l'acquificion  pour 
la  fomme  de  douze  tonnes  d'or ,  &  a  afllgné  au  vendeur  quatre  mille  roubles  de 
penlîon  annuelie.'  Mais  voici  l'anecdote  hiftorique  de  ce  gros  diamant  :  C'eft  M. 
JFloyde  f  Miiioi  d'Infanterie  Françoife  dans  l'Inde  ,  qui  nous  a  communiqué  les 
détails  fuiyans  ,-  &  qu'il  nous  a  sfTuré  avoir  appris  en  partie  ,  étant  à  Scheringam , 
d'un  Ecame  &.  d'un  F,crivain  Malabare ,  &  en  Hollande  à  Ton  retour  en  Europe,  Un 
Soldat  François  ,  Grenadier  au  Bataillon  de  l'Inde  ,  déferta ,  s'aiïubla  de  la  pagne 
JVlalabare  ,  apprit  les  élémens  de  la  Théogonie  Indienne ,  fe  fit  inftruirc  tant  qu'il 
en  trouva  les  moyens ,  devint  Pandarons  en  fous-ordre  ,  &  eut  à  fon  tour  foa 
entrée  &  fon  pofie  dans  l'enceinte  du  Temple  de  Brama.  On  ignore  fi  ce  Soldat 
avoit  vu  la  fameufe  ftatue  de  Scheringam ,  ftatue  ^  huit  bras  ,  à  quatre  têtes  ,  & 
fur- tout  cgè  fe  voyoient  deux  yeux  que  formoient  deux  diamans  de  la  grofleur  la  plus 
étonnante  &  de  la  plus  belle  eau  :  toujours  ell-il  vrai  qu'un  Grenadier  François ,  qui 
changCi^fon  état  contre  celui  d'un  Malabare  ,  qui  a  en  horreur  toute  eftiifîon  de 
fang  ,  n'cft  point  en  fa  place  :  ce  Grenadier  n'écoit  point  fait  à  réfifter  à  l'empire 
de  deux  beaux  yeux  ,  il  effaya  de  s'approprier  ceux  de  la  Divinité  don:  il  étoit  le 
Prêtre  &  le  Gardien.  Ses  efforts  ne  furent  pas  couronnés  par  un  fuccès  complet , 
niais  au  moins  il  eut  un  œil.  Il  abandonna  ainfi  le  Dieu  Brama  devenu  borc^ne 
$c  chercha  fon  falut  dans  la  fuite.  Il  fc  rtfugia  chez  les  Anglois  ,  à  Trichynapeiity 
qui  l'envoyèrent  à  Gondelour ,  &  de-là  il  fut  à  Madrafs  :  embarqué  pour  l'Europe  , 
jî  vencf^Ta-il  de  Brama  ioooo  roupies  ,  qui  font  près  de  50C00  livres  de  notre 
laonnoie.  Le  Capitaine  de  vaiffeau  qui  l'acheta  ,  le  revendit  à  fon  arrivée  à  Londres 
17  op  18000  livres  flcrling  à  up  Juif  ,  qui  plufieurs  années  après  s'en  défi:  plus 
^vsntageufement  auprès  d'un  Négociant  foi-diianc  Prince, 

peiîè 


D  I  A  48^ 

peut  être  eftimé  pour  trente -deux  grains.  Se  même  pour  foixante- 
quatre,  &c.  Tel  eft  le  mérite  du  diamant ,  que  dans  tous  les  fiecles 
ôc  chez  toutes  les  Nations  policées  il  a  été  regardé  comme  la  plus 
belle  des  productions  de  la  nature  dans  le  règne  minéral  ;  mais  il  a 
toujours  été  le  figne  le  plus  en  valeur  dans  le  Commerce ,  &  l'orne- 
ment le  plus  riche  dans  la  fociété. 

Il  femble  que  la  Nature  foit  avare-é*une  matière  fi  parfaite  &  fi 
belle.  Jufqua  ce  fiecle  on  ne  connoiiToit  de  mines  de  Mamans  que  dans 
les  Indes  Orientales;  mais  on  en  a  trouvé  depuis  dans  le  Bréfil  en 
Amérique  ;  &  Ion  dit  que  la  grofle  mafle  dé  diamant  du  Roi  de 
Portugal  a  été  trouvée  dans  cette  Contrée  du  Nouveau  Monde. 

Les  meilleures  mines  de  diamans  &  les  plus  riches  font  dans  les 
Royaumes  de  GolcondeL,  de  Vifapour  &  de  Bengale,  fur  les  bords  du 
Gange ,  dans  l'ile  de  Bornéo, 

Lamine  de  Raolconda  eft  dans  la  Province  de  Carnatica,  à  cinq 
journées  de  Golconde  ,  &  à  huit  ou  neuf  de  Vifapour.  Dans»  ce  lieu 
la  terre  eft  fablonneufe  ,  pleine  de  rochers  ,  &  couverte  de  "taiHij). 
Les  roches  font  féparées  par  des  veines  de  terre  d'un  demifd-oigt, 
&  quelquefois  d'un  doigt  de  largeur  ;  &  c'eft  dans  cette  "t-erre^qùe  Ton 
trouve  les  diamans.  Les  mineurs  tirent  cette  terre  avecdes  fers  crochus, 
enfuite  on  la  lave  dans  des  fébilles  pour  en  féparer  les  diamans':  on 
répète  cette  opération  deux  ou  trois  fois  ,  jufqu'à  ce  qu'on  foit  affuré 
qu'il  n'en  refte  plus.  L'autre  mine,  appellée  gani  en  langue  du  pays, 
&  coulour  en  langue  perfienne,  eft  à  fept  journées  de  Golconde;  du 
côté  du  Levant.  Il  y  a  fouvent  jufqu'à  foixante  mille  ouvriers ,  ho^n- 
mes ,  femmes  &  enfans  qui  exploitent  cette  mine.  Quand  on  eil  convenu 
de  l'endroit  que  l'on  veut  fouiller  ,  on  en  applanit  un  autre  aux 
environs  ,  &  on  l'entoure  de  murs  de  deux  pieds  de  haut ,  &  û'eipace 
en  efpace  on  lailTe  des  ouvertures  pour  écouler  les  eaux  ;  enfuite  on 
fouille  le  premier  endroit.  Les  hommes  ouvrent  la  terre  ;  les  enfans 
&  les  femmes  la  tranfportent  dans  l'endroit  entouré  de  murs.  On  con- 
tinue la  fouille  jufqu'à  ce  qu'on  trouve  l'eau  :  cette  eau  n'eftpas  inutile; 
on  s'en  fert  pour  laver  la  terre  qui  a  été  tranfportée  :  on  la  verfe  par- 
deflus  ,  &  elle  s'écoule  par  les  ouvertures  qui  font  aux  pieds  des  murs. 
La  terre  ayant  été  lavée  deux  ou  trois  fois  ,  on  la  laifl'e  fétSEt ,  & 
enfuite  on  la  vanne  dans  des  paniers  faits  exprès  :  cette  opération 
finie  ,  on  bat  la  terre  grolTiere  qui  refte  pour  la  vanner  de  nouveau 
Tome  II,  Qqq 


4pô  D  î  A 

deux  ou  trois  fols  ;  alors  les  ouvriers  cherchent  les  diamansà  la  maîn. 
Aujourd'hui  les  veines  de  cette  mine  font  prefque  épuifécs.  Les  dia- 
mans  qu'on  y  trouve  font  pour  l'ordinaire  bien  formés  ,  gros ,  pointus , 
&  d'une  belle  eau  :  il  y  en  a  auflî  de  jaunes  &  d'autres  couleurs.  Quel- 
ques-uns ont  une  écorce  luifante  ,  tranfparente  &  un  peu  verdâtre , 
quoique  le  centre  de  la  pierre  foit  d'un  beau  blanc.  Ceux  qui  font 
jaunâtres  brillent  fans  être  mittés-j-- étant  expofés  dans  les  ténèbres; 
pour  cela  il  fuffit  de  les  avoir  fait  rougir  au  feu. 

Les  mines  de  Ramiah ,  de  Garem  &:  de  Muttampellée  ,  ont  une 
terre  jaunâtre;  &  plufieurs  de  leurs  diamans  lont  d'une  eau  bleuâtre. 
La  terre  &  les  diamans  des  mines  de  Whootoor  ,  Canjecconda  & 
Lattawar  reffemblent  à  celles  de  Coulour  ou  Curruve  ;  cependant  il 
y  a  d'affez  beaux  diamans  dans  la  mine  de  Lattawar  qui  ont  la  forme 
du  gros  bout  d'une  lame  de  rafoir.  Ceux  de  la  mine  de  Ramulconeta 
font  très-petits  ,  verds  ,  &  d'une  belle  eau.  Ceux  de  la  mine  de  Car- 
natica  font  jaunes- noirâtres  ,  défeélueux ,  &  fe  mettent  en  morceaux 
qiian(3»*on  les  égrife.  Les  mines  de  diamans  de  Wafergerrée  &  de 
Mahnemurg  ont  jufqu'à  cinquante  brafles  de  profondeur  dans  des 
rochéi-s.^a  première  couche  eft  d'une  pierre  dure  &  blanche,  dans 
laquelle  on  creufe  un  puits  de  fix  pieds  de  profondeur  pour  arriver 
à  une  forte  de  minerai  de  fer  :  on  remplit  le  trou  avec  du  bois,  on 
y  met  le  feu  ,  &  on  l'entretient  dans  toute  fa  force  pendant  deux  ou 
trois  jours  ;  enfuite  on  l'éteint  avec  de  l'eau  :  la  pierre  étant  ainfi 
attendrie  jon  creufe  &  on  enlevé  le  minerai  qui  a  quatre  pieds  d'épaiffeur. 
On  rencontre  une  veine  de  terre  rouge  qui  s'étend  fous  lé  rocher  à 
deux  ou  trois  braifes  :  on  enlevé  cette  terre,  &  fi  on  y  trouve  des 
diamans  ,  on  creufe  jufqu'à  l'eau  :  c'eft-là  le  dernier  terme  du  travail. 
Ces  mines  exigent  beaucoup  de  dépenfe.  On  trouve  aulîi  des  diamans 
dans  le  minerai  ;  ils  font  gros  ,  la  plupart  d'une  belle  eau,  mais  inégaux 
&  de  mauvaife  forme. 

La  mine  de  Muddenxurg  fi  facile  à  exploiter  ,  furpafle  les  autres 
pour  la  beauté  des  diamans,  qui  la  plupart  pefent  vingt  -  quatre  , 
vingt  huit  &  quarante  grains.  La  mine  de  Melwillée  qui  fut  décou- 
verte en  1670,  contient  beaucoup  de  diamans  d'une  belle  figure,  & 
qui  ^tht  depuis  foixante  jufqu'à  quatre- vingt -dix  &  cent  grains; 
mais  leur  eau  eft  jaunâtre  ;  &  autant  ils  ont  d'éclat  au  fortir  de  la 
mine ,  autant  ils  s'obfçurcifTent  fur  la  meule  :  d'ailleurs  ils  ont  peu 


D  I  A  ^P  f 

de  dureté.  Auflî  ne  font-  ils  pas  recherchés.  Dans  la  mine,  ces  diamans 
font  encroûtés  de  fable ,  &  on  ne  peut  les  diftinguer  des  graviers 
qu'après  les  avoir  frottés  contre  une  pierre.  On  en  fait  la  recherche, 
dans  le  gravier  à  la  plus  grande  lumière  du  foleil. 

On  ne  doute  pas  que  les  mines  du  Royaume  de  Vifapour ,  fur-tout 
celle  de  Gazerpellée ,  ne  renferment  des  ^iamans  auffi  gros  &  auflt 
beaux  que  ceux  du  Royaume  de  Gotcofiae;  mais  la  politique  du  Roi 
de  Vifapour  efl:  de  ne  permettre  l'exploitation  que  des  mines  où  il  ne 
fe  trouve  que  de  petits  diamans  :  à  la  vérité  il  y  a  moins  à  gagner  ; 
mais  ces  mines  font  moins  difpendieufes  &  moins  rifquables  que  celles 
de  Golconde.  De  plus ,  ces  Rois  ne  font  travailler  que  certaines 
mines  particulières  pour  ne  pas  rendre  les  diamans  -trop  communs  ; 
^  encore  fe  réfervent-ils  les  plus  gros  :  c'eft  pourquoi  il  y  a  en  Europe 
très-peu  de  diamans  d'un  grand  volume.  Il  y  a  beaucoup  d'autres 
petites  mines  de  diamans  voidnes  de  celles  dont  il  vient  d'être  fait 
mention ,  même  à  Bifnagar ,  à  Malacca  &  en  Arabie  :  mais  dans 
toutes  ces  mines  de  l'Inde  Orientale  ,  les  diamans  font  cachés^:^ans  la 
terre,  de  façon  qu'on  en  apperçoit  rarement  en  la  creufant  V  il  faut 
la  tenir  à  la  main.  ■'      '^"^    •. 

Il  y  a  dans  le  Royaume  de  Bengale  ,  une  rivière  appeliée  Goud  ^ 
où  l'on  trouve  des  diamans.  Cette  mine  qui  a  été  découverte  avant 
toutes  les  autres ,  porte  le  nom  de  mine  de  Soumelpour,  On  n'y  peut 
travailler  que  vers  la  fin  de  Janvier  &  le  commencement  de  Février, 
temps  où  les  grandes  pluies*  font  tombées  &  les  eaux  de  la  rivière 
éclaircies  :  alors  les  ouvriers  ou  habitans  voifins  remontent  la  riv^ere 
jufqu'aux  montagnes  d'où  elle  fort,  au  nombre  d'environ  huit  malle, 
de  tout  fexe  &  de  tout  âge.  Les  eaux  font  alors  allez  baffes  pour 
qu'on  puiffe  difiinguer  &  reconnoître  la  qualité  du  fable  au  fond  de 
la  rivière.  Les  ouvriers  les  plus  expérimentés  prétendent  que  les 
endroits  les  plus  abondans  eh  diamans ,  font  ceux  où  l'on  voit  de  ces 
•pierres  de  foudre  appellées  f;<jr<2«/2W5  (c'eft  v^<^  pyrite,  f^oye:^  ce  mot). 
Enfin,  quand  on  a  choifi  l'endroit  où  l'on  veut  travailler,  on  dé- 
tourne le  cours  de  l'eau  ,  enfuite  on  tire  le  fable  jufqu'à  deux  pieds 
de  profondeur  ,  &  on  le  porte  fur  le  bord  de  la  rivière  dans  nn  lieu 
entouré  de  murs.  On  arrofe  ce  fable  pour  le  laver,  onle^anne, 
^c.  comme  on  le  fait  dans  la  mine  de  Coulour.  On  trouve  aufli  des 
diamans  dans  la.  rivière  de  Succadan ,  dans  l'île  de  Bornéo.  Quoique 

Q  q  q  2 


4P2  BIC 

les  Souverains  du  pays  ne  veulent  pas  en  lalfTer  fortir  de  chez  eux,  5c 
que  la  plupart  de  ces  habitans  foient  féroces  &  cruels,  il  y  a  cependant 
des  Portugais  qui  en  achètent  ,  en  fraude ,  des  gens  qui  vont  les 
voler  dans  la  mine,  malgré  toute  la  vigilance  des  fuivaillans. 

Vers  le  commencement  de  ce  fieclc  on  a  trouvé  au  Bréfil  des  dia- 
mans  &  d'autres  pierres  précieufes  ,  comme  des  rubis  ,  des  topafes, 
des  péridots  ,  &c.  Ces  piarreSThr-Bréfil  font  belles  ;  &  quoiqu'on  les 
vende  afTez  cher,  on  craint  qu'elles  ne  bailfent  de  prix  ,  tant  la  mine 
eft  cbondante.  Les  diamans  qu'on  appelle  JLimans  de  Portugal ,  wien" 
nent  de  la  rivière  de  Melhoverde  dans  le  Bréfil.  Ceux  du  Canada 
ne  font  que  des  criftaux  de  roche  ,  ainfi  que  ceux  d'Alençon ,  de 
Briftol.    Foyei  les  articles  Cristal    &  Cailloux-Cristaux. 

DIAPERE.  Cet  infede  eft  remarquable  par  la  forme  fmguliere  de 
fes  antennes,  elles  font  compofées  c'anneaux  lenticulaires,  aplatis  & 
enfilés  les  uns  avec  les  autres  par  leur  centre;  cet  infede  reflfemble 
beaucoup  à  une  chi-yfomele  ,  mais  il  en  ditfere  par  le  nombre  des 
pieces'de  fes  tarfes  &  par  la  forme  de  fes  antennes.  Il  eft  lifle ,  bril- 
lant, noir  à  l'exception  des  étuis,  qui  ont  chacun  huit  ftries  longi- 
tudinales^^formées  par  des  points,  &  trois  bandes  tranfverfales  jaunes. 
La  prerriiere  de  ces  bandes  placées  au  haut  de  l'étui  eft  large  & 
terminée  par  un  bord  onde.  La  féconde  qui  eft  au  milieu  de  l'étui , 
eft  plus  étroite  ,  &  fes  bords  ,  tant  en  haut  qu'en  bas  ,  font  pareil- 
lement ondulés.  Enfin  la  troifieme  eft  à  l'extrémité  de  l'étui  ,  &  nô 
forme  guère  qu'une  large  tache  à  l'exti^émité  de  chaque  étui.  Cet 
infede,  dit  M.  Ge^ffivi ,  eft  très-rare  ;  on  l'a  trouvé  à  Fontainebleau 
dans  le  cœur  d'un  chêne  pourri. 

DICTAME  BLANC  ou  FRAXTNELLE ,  fraxlndla.  Cette  plante 
vîvace  vient  d'elle-même  dans  les  bois  du  Languedoc,  de  la  Provence  , 
de  l'Italie  &  de  l'Allemagne  :  elle  n'eft  pas  de  la  famille  du  dilame 
de  Crète ,  dont  nous  parlerons  ci-après.  Elle  fe  perpétue  également 
par  fa  racine  ou  par  fa  graine. 

Le  didame  blanc  ou  fraxinelle,  a  des  racines  branchues,  fibreufes, 
de  la  grolfeur  du  doigt ,  d'où  fortent  des  tiges  rougeâtres  qui  croiflent 
à  la  ha^ur  d'un  pied  &  demi,  rondes,  velues  &  remplies  de  moelle, 
garnieyrfe  feuilles  luifantes  ,  d'un  vert  clair,  fermes  ,  crénelées  & 
de  la  forme  des  feuilles  de  frêne  ;  ce  qui  a  fait  donner  le  nom  de 
fraxinelle  à  cette  plante.   Ses  fleurs  naifTent  aux  fommités  des  tiges  ; 


D I C  4^3 

elles  font  belles ,  grandes,  difpofées  irrégulièrement,  ou  en  manière 
d'épi,  compofées  chacune  de  cinq  feuilles,  de  couleur  purpurine  , 
d'une  odeur  approchante  de  celle  du  bouc  ,  &  durables  :  elles  ont  dix 
étamines  courbes  chargées  de  points  glanduleux  ,  &  un  feul  piftil.  A 
cette  fleur  fuccede  un  fruit  compofé  de  graines  réunies  ,  ordinaire- 
nient  au  nombre  de  cinq  ,  qui  contiennent  de  petites  femences  poin- 
tues,   noirâtres  de  luifantes. 

Les  extrémités  des  tiges  &  les  pétales  des  fleurs  ,  font  couverts 
d'une  infinité  de  véficules  pleines  d'huile  efiTentielle  ,  comme  on  peut 
Tobferver  facilement  à  l'aide  d'un  microfcope  :  elles  répandent ,  dans 
les  jours  d'été ,  le  foir  &  le  matin  ,  des  vapeurs  éthérées  ,  inflammables, 
&  en  telle  abondance  ,  que  fi  l'on  place  au  pied  de  cette  plante  une 
bougie  allumée,  il  s'élève  tout-à-coup  une  grande  flamme  qui  fe 
répand  fur  toute  la  plante  ;  elle  forme  alors  un  buiffon  ardent  très- 
curieux.  Lorfqu'on  diftilîe  cette  plante  dans  un  état  de  maturité 
convenable,  elle  fournit  beaucoup  d'efprit  redeur  (c'efl:  le  principe 
odorant  des  végétaux),  mais  qui  n'efl:  plus  inflammable  ,  à  caufe  de  la 
partie  aqueufe  de  la  plante  qui  diflile  avec  lui.  ...^ 

En  Médecine  on  ne  fe  fert  que  de  la  racine  mondée  de  fraxînelle  : 
elle  efl:  employée  dans  les  médicamens  cordiaux  ,  fudorifiques  &  hys- 
tériques :  on  prétend  qu'elle  efl:  très  -  utile  contre  les  poifons  &  les 
bleflures  faites  avec  des  armes  empoifonnées ,  même  pour  répilepfie.  Q  uel- 
quefois  cette  racine  agit  comme  purgative  &  même  émétique:  l'ufage 
doit  en  être  interdit  dans  les  fièvres  continues.  M.  Sto^ck  vient  de 
donner  des  obfervations  fur  cette  racine;  elles  tendentà prouver  qu'elle 
a  beaucoup  de  vertus  pour  guérir  les  maladies  chroniques.  Il  en  fait 
une  effence  avec  l'efprit  de  vin  ,  &  un  vin  médicamenteux.  Cefl:  fur- 
tout  Te  fi'en  ce  ou  teinture  fpiritueufe  qu'il  emploie  contre  l'épilepfie, 
les  vers,  la  fièvre  mtermittente  ,  la  mélancolie,  la  fuppreflion  menf- 
truelle  &  les  fleurs  blanches.  Dans  les  pays  chauds  de  l'Europe  on 
tire  des  fleurs  de  la  fraxinelle  ,  une  eau  dîîlillée  très-odoriierante  , 
dont  les  Dames  Italiennes  le  fervcntcomme  d'un  cofmétique également 
agréable  &  innocent. 
"dTCTAME  ou  DICTAMNE  de  CRETE  ,  diciamnus  Qm^-  Ce 
didame  fi  célébré  p;.r  Ij  Poëte  VirolU^  efl  une  espèce  d'origan  fo.  i  <?|réable 
â  l'odorat  &  à  la  vue  ,  &  qui  croît  en  Candie  fur  le  Mont  Ida,  d'où  on 
nous  rapporte  fec.  Cette  plante  croît  aufli  d'elle-même  dans  les  tentes  des 


;4.P4  ■   D  î  G  D  î  D 

rochers  de  la  Grèce,  Elle  a  des  racines  brunes  &  fibreufes ,  des  tiges 
dures  &  lanugineufes  ,  hautes  de  neuf  pouces  ,  un  peu  purpurines  & 
rameufes.  Les  feuilles  naifTent  deux  à  deux  aux  nœuds  des  tiges  :  elles 
font  arrondies  ,  longues  d'un  pouce  ,  verdâtres  &  couvertes  d'un  duvet 
épais  &  blanchâtre.  Leur  odeur  eft  agréable  &  pénétrante,  mais  leur 
faveur  eft  très-acre.  Ses  fleurs  naiflent  en  été  au  fommet  des  bran- 
ches, dans  des  épis  grêles  &  ecaîîîéux,  de  couleur  violette  ou  pur- 
purine en  dehors.  Chaque  fleur  eft  en  gueule,  portée  fur  un  calice 
,en  cornet  ,  cannelé  &  contenant  quatre  graines  arrondies  très- 
jnenues. 

De  tout  temps  les  Médecins  ont  recommandé  l'ufage  des  feuilles 
odorantes  du  didame  pour  provoquer  les  règles ,  &  pour  la  fortie 
du  fœtus  &  de  l'arriére -faix.  Elles  entrent  dans  la  grande  thériaque 
^ Andrbmaqiu  ,  dans  le  mithridate  &  la  confedion  d'hyacinthe.  Ce 
didame  fe  trouve  quelquefois  en  Provence ,  en  Italie.  Il  fe  multiplie 
de  bouture   dans  un  terrain  fec  &  fablonneux. 

f^Nous  'connoiflbns  encore  une  féconde  efpece  de  didame,  dlcîanmus 
montis  Sipylï ,  o'rigani  foUis,  Ce  fut  le  Chevalier  Whecler  qui  l'envoya 
à  Oxford  après  l'avoir  trouvé  fur  le  mont  Sipyle  dans  l'Afîe  mineure, 
près  du  Méandre.  Cette  nouvelle  efpece  de  didame  eft  une  très-jolie 
plante  qui  porte  de  grands  épis  de  fleurs  d'une  beauté  durable  ,  ce 
qui  fait  qu'elle  mérite  une  place  dans  les  jardins  des  curieux.  Elle 
fe  multiplie  &:  fe  cultive  à  tous  égards  comme  la  précédente. 

DICTAME  FAUX,  pfeudo  -  diciammis ,  eft  une  plante  que  Ton 
cultive  dans  nos  jardins ,  &  qui  a  un  certain  rapport  avec  le  vrai 
didame  de  Crète  ;  mais  ,  félon  M.  Tlalkr ,  c'eft  un  marrube.  Sa: 
racine  eft  menue,  ligneufe  &  fibrée  :  fes  tiges  font  grêles,  nouées,' 
velues  ,  blanchâtres.  Ses  feuilles  lanugineufes  ont  quelque  reflcmblance 
■avec  celles  du  didame  vrai.  Ses  fleurs  font  en  gueule  ,  verticillées  , 
de  couleur  purpurine,  &  découpées  par  le  haut  en  deux  lèvres  :  il 
leur  fuccede  des  femences  oblongues.  Toutes  les  propriétés  de  cette 
plante  font  les  mêmes  que  celles  du  vrai  didame  ,  mais  beaucoup 
inférieures. 

DKg^ME  DE  VIRGINIE.   Nom  donné  par  quelques  -  uns  au 
poiiliot  Ravage.  Voyez  ce  mot. 

DIDELPHE  ,   diddphis.  Petit  animal  quadrupède ,   grand  comme 
iin  lapin,  naturel  au  feul  Continent  du  Nouveau  Monde,  &  fur- tout 


D  I  D  '4^5- 

aux  parties  méridionales  de  ce  pays  ;  il  eft  même  difficile  d'en  élever 
en  Europe.  M.  Vofmacr  prétend,  contre  le  fentiment  de  M.  de  Buffon, 
que  le  philander  ou  didelphe  exifte  auffi  bien  en  Afie  qu'en  Amé- 
rique ,  &  M.  Pallas  affirme  aufii  qu'il  s'en  trouve  aux  Moluques  & 
au  Cap  de  Bonne-Efpérance. 

On  connoît  plufîeurs  efpeces  de  dlâdpjus  qui  ont  été  décrites  par 
divers  Auteurs  fous  les  noms  àQ  rai~-dti-^réfil ,  opajfum  ,  manicou^fh'u 
landre  ,  rat  des  bois  de  la  Louiiiane  &  de  Surinam  ,  loir  fauvage  d'A- 
mérique ,  corigitayra  marïtacaca ,  &  fatigue.  Leur  caraélere ,  félon  M, 
Brijfon  ,  eft  d'avoir  la  gueule  bien  fendue  ,  dix  dents  incifives  à  la 
mâchoire  fupérieure  ,  huit  à  l'inférieure  ,  &  des-^dents  canines  &  mo- 
laires ,  très-blanches  ,  &  dont  le  nombre  varie.  A  chaque  pied ,  qui 
eft  femblable  à  celui  des  finges,  ils  ont  cinq  doigts  onguiculés,  très- 
forts  ;  le  pouce  eft  très-diftind ,  mais  fans  ongle.  Ils  s'appuient  fur  le 
talon  en  marchant.  Ils  ont  les  oreilles  minces  comme  celles  de  la  chauve- 
fouris,  la  tête  comme  celle  du  renard,  &  un  mufeau  pointu,  garni 
de  deux  larges  narines.  Les  yeux  font  ronds  &  paroiffent.fortir  <^q 
la  tête. 

Toutes  les  efpeces  de  didclphes  ont  les  pattes  de  dérrier^e-rîïôins  bien 
organifées,  ou  plus  mal  faites  que  les  antérieures.  Ils  s'àfleient  aifé- 
ment  &  même  par  habitude,  fur  leur  eu,  &  peuvent  faire  mille  lin- 
geries avec  leurs  pattes.  Ils  grimpent  à  merveille  fur  les  arbres,  &  ne 
fe  nourriftent  fouvent  que  de  feuilles,  de  fruits  &  d'écorces  de  certains 
arbres  ;  ils  font  aufti  très-friands  d'oifeaux  auxquels  ils  font  la  guerre. 

Les  véritables  didelphes  nous  font  voir  une  organifation  finguliere, 
&  différente  de  celle  de  tous  les  autres  animaux.  On  voit  dans  leurs 
organes  de  la  génération  plufieurs  parties  doubles  qui  font  (impies  dans 
les  autres  animaux.  Le  gland  de  la  verge  du  mâle  &  celui  du  clitoris 
de  la  femelle,  font  fourchus  &  pàroiifent  doubles.  Le  vagin  qui  eft 
fîmple  à  l'entrée ,  fe  partage  enfuite  en  deux  canaux.  Les  femelles  ont 
à  la  partie  inférieure  du  ventre ,  un  petit  fae  ou  manchon  fourré  tant 
.en  dehors  qu'en  dedans ,  dont  l'ouverture  relTemble  en  longueur  au 
jabot  d'une  chemife  ,  &  a  environ  trois  pouces  &  demi,  dans  lequel 
font  renfermées  leurs  mamelles ,  &  où  fe  retirent  leurs  petits  nouvelle- 
ment  nés.  Cette  poche  naturelle  a  du  mouvement  &  du  jeu  ^^5Pf  mé- 
canique de  ce  mouvement  s'exécute  par  le  moyen  de  plufieurs  mufcles 
&  de  deux  os  qui  n'appartiennent  qu'à  cette  eipece  d'animal.'Ces  mufcles 


4P<^  DI  D 

ferrent  la  poche  fi  exadement,  qu'on  n'en  peut  voir  Touverture  qu'en 
la  dilatant  de  force  avec  les  doigts.  Les  petits  font  conçus  dans  la 
matrice  intérieure  de  l'animal ,  mais  ils  en  fortent  étant  encore  d'une 
petitefle  extrême ,  pour  entrer  dans  la  poche  &  s'attacher  aux  ma- 
melles, où  ils  reftent  collés  pendant  le  premier  âge,  &  juf^u'à  ce  qu'ils 
aient  pris  aflez  de  force  &  d'accrollTement  pour  fe  mouvoir  aifément. 
Cet  organe,  &  toute  lanatomte-dexet  animal,  ont  été  très-bien  décrits 
par  G,  Cowper.  On  peut  préfumer  avec  beaucoup  de  vralfeinblance, 
dit  M.  de  Buffon ,  que  dans  ces  animaux  la  matrice  n^9:  pour  ainfi 
dire  que  le  lieu  de  la  conception ,  de  la  formation  &  du  premier  dé- 
veloppement du  fœtus ,  dont  l'expulfion  étant  plus  précoce  que  dans 
les  autres  quadrupèdes,  l'accroiflement  s'achève  dans  la  bourfe  où  ils 
entrent  au  moment  de  leur  naiflance  prématurée.  Perfonne ,  continue 
M.  dQ -Buffon  ,  n'a  obfervé  la  durée  de  la  geftation  de  ces  animaux, 
que  nous  préfumons  être  beaucoup  plus  courte  que  dans  les  autres  ; 
&  comme  c'efl:  un  exemple  fingulier  de  la  nature  que  cette  expulfion 
précoce  du  fœtus  ,  nous  exhortons  ceux  qui  font  à  portée  de  voir  des 
didelphes  vivans  dans  leur  pays  natal ,  de  tâcher  de  favoir  combien  les 
femellé^^ portent  de  temps,  &  combien  de  temps  encore  après  la  naif- 
fance  j,-  les  petits  reftent  attachés  à  la  mamelle  avant  que  de  s'en  féparer: 
cette  obfervation  curieufe  par  elle-même ,  pourroit  devenir  utile  en  nous 
indiquant  peut-être  quelque  moyen  de  conferver  la  vie  aux  enfans 
venus  avant  le  terme, 

La  conformation  de  la  queue  du  didelphe  eft  aufii  très-finguliere  & 
fort  utile  à  l'animal.  Elle  n'eft  couverte  de  poil  qu'à  fon  origine, 
jufqu'à  deux  ou  trois  pouces  de  longueur  :  l'extrémité  n'offre  qu'une 
peau  liffe  &  écailleufe  ;  les  vertèbres  du  milieu  de  la  queue  fontépineufes 
ou  à  crochets  par  la  partie  inférieure  :  (  confultez  Xt^sTran  factions  philofo» 
ph'iqms,  année  I5'98,  n**.  239  )  '&  lorfqu'on  faifit  l'animal  par  cet 
endroit ,  elle  s'entortille  auflî-tôt  autour  du  doigt  ;  auffi  l'animal  fe 
fufpend-il  aifez  fouvent  aux  branches  par  la  queue  ,  la  tête  vers  la 
terre  ,  &  guette-t-il  dans  cette  attitude  fa  proie  fur  laquelle  il  s'élance 
lorfqu'elle  vient  à  pafifer.  Il  eft  fi  friand  d'oifeaux,  &  particulièrement 
de  v'â^i^Q  ,  qu'il  entre  hardiment  dans  les  baffes- cours  &  dans  les  pou- 
Iaill5î5p^  défaut  de  gibier,  il  vit  de  feuilles,  de  fruits  &  d'écorce 
d'arbres.  Quelquefois  il  fe  balance  fufpendu  aux  branches  par  la  queue 
comme  \QS,*Jin§es  à  qutuc  prenante.  Le  didelphe  s'apprivoife  très- 
facilement; 


D  I  D  4r97 

facilement  ;  mais  Ton  odeur  défagréable  le  r^nd"  auflî  dégoûtant  que  le 
putois  :  cette  mauvaife  odeur  réfide  dans  fa  peau.  Sa  chair  eft  une  d^ 
que  celles  recherchent  les  Sauvages  nègres.  Les  fentàies  des  naturels 
du  pays  filent  le  poii  de  cet  anima!,  qui  eflf  fin",  fans  cependant  être 
lifle  ni  doux  au  toucher;  la  couleur  en  eft  grife- roufTâtre.  Elles  ert 
font  des  jarretières  qu'elles   teignent  enf^'ite  en  rouge. 

La  femelle  de  cet  animal  eft  avantagée  d'un  fac  par  la  nature,  pour 
fatisfaire,  dit  M.  Gaut'ur,  à  l'amour  extraordinaire  qu'elle  a  pour  Tes 
petits,  qui  naifTent  nus  &  pelés  ,  les  yeux  clos,  &  par  conféquent  dans 
le  befoin  d'être  fecourus.  La  mère  les  foigne  elle-même,  ne  les  quitte 
pas,  les  careffe  fans  celle,  fes  nourrit,  les  met  dans  fa  poche  ou  dans 
fon  manchon  pour  les  récîiauftcr;  elle  les  porte  par-tout  avec  elle, 
fans  Xq.^  expofer  à  l'air  &'au  froid.  Elfe  Tes  allaite  à  l'entrée  de  ce  berceau 
portatif,  avec  fes  mamelons  ranges  exprès  pour  la  commodité  de  ces 
petits  marmots  ,  à  l'endroit  qu'il  faut  &  à  leur  portée.  Lorfque  les 
petits  font  affez  fjrts ,  la  mère  les  fait  fortir  de  temps  en  temps,  fur- 
tout  quand  il  pleut,  pour  les  laver;  elle  les  effuie  enfuitô  avec  fès 
pattes,  les  kche  &  les  remet  promptement  dans  fa  poche  :  qi^jquefois 
elle  les  expofe  au  folerl  quand  il  fait  beau  ;  &  lorfqu'ils  ont,,fes  yeux 
ouverts ,  fa  tendrefie  &  fa  joie  fe  déploient;  elle  lesamufe  en  folâtrant, 
elle  danie  avec  eux,  les  agace  ,  leur  apprend  à  marcher  &  à  faire 
mille  petites  fingeries  ;  mais  aulfi-tôt  qu'ils  font  afTez  forts  pour  cher- 
cher leur  nourriture  i  elle  les  fevre,  tc  feint  de  les  chaffcr  pour  les 
e'xciter  à  fe  paffer  des  foins  maternels.;  cependant  elle  les  fuit  de  l'œil 
ôc  veille  à  leur  conduite  :  &  fi  par  hafard  le  moindre  bruit  l'avertit  de 
quelque  danger,  elle  court  aux  uns  &  aux  autres,  les  met  tous  dans 
fa  poche,  &  les  em^porte  dans  un  endroit  plus  fiir  &  plus  tranquille. 
Pendant  tout  lé  temps  de  rédùcatiOn  les  defirs  de  l'amour  ne  troublent 
pas  les  devoirs  de  cette  tendre  mère.  Elle  n'ê  voit  aucun  mâle  jufqu'à 
ce  que  là  petite  famille  fbif  en  état  de"  s'approvifionner ,  de  pourvoir 
à  tout,  en  un  mot  de  fe  palTer  entièrement  de  fon  fecours;  elle  ne  la 
quitte  qu'après  mille  carelîes  &  mille  gambades. 

Les  mâles  font  des  infidèles,  des  inconft'ans ,  &  d'es  libert{^<;,  qui 
courent  les  champis,.&:  cherchent  pendant  ce  teîrfps-Ià  de  bâBfj  for- 
tunes :  cependant  comme  à  femelles  égales  ils  préfèrent  celles  qu'ils  ont 
époufées  les  premières ,  ils  délaiffent  leur  conquête  p^ffagere ,  & 
Tome  II,  Rrr  "^ 


4;>ï  î)  I  E  t)  I  G 

reviennent  à  leurs  premières  femelles,  dès  qu'elles  font  débarraffees  de 
toutes  les  attentions  qu'elles  donnent  à  leur  petit  ménage. 

Qui  croiroit  que  cet  animal  fi  rufé  en  apparence,  eft  flupide,  au 
point  qu'étant  furpris,  il  n'ofe  s'enfuir  &  fe  laide  tuer  à  coups  de 
bâton  ,  fur-tout  ceux  des  îles  qui  avoifînent  l'Amérique. 

DIERVILLE  ,  dienilla,.  Petit  arbriffeau  originaire  de  l'Acadie  ea 
'Amérique,  &  qui  ne  s'élève  dâfiï^notre  climat  qu'à  trois  pieds  de  hau- 
teur. Il  a  beaucoup  de  reffemblance  avec  le  fynnga  par  fon  bois  & 
par  fa  feuille ,  dont  les  dentelures  font  cependant  plus  régulières  & 
bien  moins  profondes.  Il  donne  au  commencement  de  Juin  de  petites 
fleurs  jaunâtres  ,■  irrégulieres ,  ou  en  forme  d'entonnoir  à  pavillon 
découpé  en  cinq  parties ,  &  terminé  par  un  tuyau  qui  eft  articulé  avec 
le  piflil  ;  on  y  compte  cinq  étamiqes.  Ces  fleurs  font  très-difperfées  fur 
les  branches  ;  elles  durent  environ  quinze  jours.  Il  en  paroit  quelques- 
unes  fur  la  fin  d'Août ,  de  même  durée  que  les  premières.  A  ces  fleurs 
fuccede  un  fruit  pyramidal  partagé  en  quatre  loges  remplies  de  graines 
aflez  menues. 

La  multiplication  de  cette  plante  difpenfe  de  tous  foins  :  elle  fe  fait 
plus  qu'on  ne  veut  par  le  moyen  de  fes  racines  traçantes  qui  produifenê 
à  leur  extrémité  quantité  de  rejetons  ;  ce  qui  fait  qu'on  ne  peut  l'aflTujétir 
à  aucune  forme  régulière.  Quoique  la  diervilU  fe  plaife  à  l'ombre  & 
dans  les  terres  limonneufes  &  humides,  cependant  elle  donne  beaucoup 
plus  de  fleurs  dans  les  terrains  fecs.  Le  meilleur  parti  qu'on  puifTe  tirer 
de  cet  arbrifleau ,  c'eft  de  l'employer  à  garnir  des  bofquets  où  il  ne 
craindra  point  l'ombrage  des  grands  arbres ,  &  où  fon  principal  agrément 
fera  de  faire  une  jolie  verdure  de  bonne  heure,  dès  le  commencement 
de  Février  :  les  rigueurs  de  nos  hivers  ne  l'altèrent  point. 

DIGITALE  ,  digitalis.  Cette  plante  qu'on  nomme  aufïî  gants  de 
Notre-Dame,  croft  fans  culture  aux  lieux  pierreux  &  fablonneux ,  fur 
]es  montagnes ,  ou  avec  culture  dans  les  jardins  aux  eavirons  de  Paris  , 
&c.  Sa  racine  eft  fibreufe  &  amere  :  fa  tige  eft  haute  de  deux  à  trois 
pîeds,  grofle  comme  le  pouce,  velue,  rougeâtre  &  creufe  :fes  feuilles 
ibnt  en  quelque  façon  femblables  à  celles  du  bouillon  blanc,  d'un  goût 
amer  ^Étf  fleurs  font  en  grand  nombre  ,  de  couleur  purpurine  &  diver- 
£fiée*^it  agréables  à  voir ,  percées  dans  le  fond  &  évafées  par  l'autre 
bout ,  pref^e  femblables  à  un  dé  à  coudre,,  A  ces  fleurs  fuccedent  des 
fruits  oblongs,  velus,  qui  font  à^^  coques  divifées  chacune  en  deux 


D  r  N  D  I  P  4p^ 

îoges,  remplies  de  femences  menues,  un  peu  anguleufes  &  roufsâtres. 

La  digitale  eft  émétique.  Le  peuple  de  Sommerfet  en  Angleterre  fe 
fait  vomir  &  fe  caufe  quelquefois  des  fuperpurgations  avec  la  décodion 
de  cette  plante ,  qui  eft  d'ailleurs  déterfive  &  laxative.  Les  fleurs  de  cette 
plante  bouillie  dans  le  faindoux  ,  font  une  pommade  excellente  pour  les 
maladies  fcrophuleufes.  Il  y  a  un  ancien  proverbe  en  Italie  qui  dit  que 
la  digitale  guérit  toutes  les  plaies  '.  JLialda  chc  tutu  piaghc  faida.  Mais 
cet  éloge ,  dit  M.  HalUr ,  ne  convient  qu'à  la  digitale  à  fleur  pourprée» 
car  il  y  en  a  plufieurs  autres  efpeces  en  Allemagne  &  dans  les  Alpes. 
Au  refte,  elles  font  toutes  acres,  &  d'un  ufage  fufped:. 

DINDE  &  DINDON.  Foyei  Coq-d'Inde  à  la  fuite  de  f  article  Coq; 

DINOTE  ,  dinotus»  M.  Guettard  appelle  ainfî  un  genre  de  vermi- 
culaire  dont  l'animal  eft  inconnu.  Le  tuyau  eft  conique,  contourne 
fur  lui-même  &  fans  cloifons,  de  rnéme  que  le  plan-orbis  vulgaire. 

DIPLOLEPE  ,  dïplolepiss  Nom  donné  à  un  genre  d'infede  à  caufê 
des  deux  lames  de  fon  ventre,  dans  lefquelles  fon  aiguillon  fe  trouve 
caché,  de  même  que  dans  le  cinips,  dont  il  diftere  par  fes  antennes 
qui  font  droites ,  longues ,  filiformes ,  toutes  unies ,  au  lieu  que  dans 
le  cinips  elles  font  coudées,  brifées  &  cylindriques.  Sa  larve  eft  préci- 
fément  femblable  à  celle  du  cinips,  &  habite  de  même  dans  les  galles 
des  arbres  &  arbuftes ,  dans  lefquels  elle  croît  &  fe  métamorphofe ,  & 
■dont  elle  fort  fous  la  forme  d'infede  parfait.  Ainfî  le  diplolepe  aux  an- 
tennes près,  a  les  mêmes  organes,  mêmes  habitudes,  même  caradere 
&  le  même  logement  que  le  cinips.  Voyez  ce  mot.  *^ 

DIPSADE,  dipfas.  Serpent  de  la  Lybie  &  de  la  Syrie,  des  plus 
dangereux ,  &  qui ,  félon  Kolbe  ,  a  environ  trois  quarts  d'aune  de 
longueur.  Il  eft  fort  gros  au  bas  de  la  tête ,  &  cette  grofleur  va  toujours 
en  diminuant  jufqu'à  la  queue.  Son  cou  eft  aflfez  long  :  le  corps  eft  blanc, 
moucheté  de  taches  roulTes  &  noiîes.  La  queue  eft  très-mince. 

Les  dipfadcs  naiflent  plus  abondamment  en  Afrique  &  dans  l'Arabie 
que  par  tout  ailleurs  :  elles  habitent  les  lieux  maritimes,  &  fe  retirent 
toujours  dans  les  terres  falées.  Ce  ferpent  eft  très-agile  quand  il  s'agit 
d'attaquer  £a  proie  ;  fa  morfure  eft  fi  venimeufe ,  qu'elle  enflamme  tout- 
à-coup  le  fang,  &  qu'elle  caufe  une  foif  dévorante  à  ceux  oui  en  font 
attaqués.  Lucain ,  dans  fa  Pharfale ,  rapporte  qu'Aulus  >-4|Rv2  y  ^'^^ 
-des  foldats  de  Caton ,  fut  mordu  d'une  dipfade ,  &  qu'il  ne  put*éteindre 
fo  foif  brûlante  ui  avec  l'eau  ,  ni  avec  fon  propre  fangl^  Tels  font  les 

Rrr2 


^00  D  I  P  D  O  M 

effets  de  la  morfure  de  la  dipfade  :  d'abord  on  paroît  comme  immobile 
ou  paraly tiqu-e ,  le  ventre  devient  enflé ,  fouvent  on  perd  connoifTance; 
on  ne  peut  rendre  l'eau  ni  par  la  bouche,  ni  par  les  urines,  ni  parles 
fueurs;  en  un  mot,  point  d'évacuation,  ni  de  tranfpiration  :1e  poil 
tombe  erifuite.  A  cet  état  fiiccedtnt  des  démangeaifons  violentes,  le 
ventre  fe  lâche ,  &  le  malade  termine  fes  douleurs  par  la  mort  qui  lui 
arrive.  Il  n'y  a  point  d'autre^^Sl^*^^  ^-"^  d'appliquer  fur  le  champ  le 
feu  à  la  partie  blefîee  &  la  fcaritier  ,  puis  employer  de  puillans  vomitifs 
&  fudorifiques,  &  faire  manger  abondamment  de  la  viande  falée.  Si 
l'on  a  été  mordu  au  .bras  ou  à  la  jambe,  il  faut  promptement  faire 
une  forte  ligature  au-deffus  de  la  plaie,  pour  empêcher  le  poilon  de 
faire  des  progrès;  enfuite  on  doit  ufer  des  moyens  prclcrits, 
DIPTERE.  Fqyc'  ce  mot  a  l article  EnsecTE. 

DIS3EQUEUR  ou  SCARABÉE  DISSEQUEUR.  Voycr^ 
Pekmesteî;, 

DODO.  Eft  le  cygne  capuchonné.  Voye:^  au  mot  Cygne. 

DOGEIinGE.  Efl  une  efpece  de  baleine  qui  ne  fe  rencontre  que 
dans  la  baie  de^Qualhc'C.,  ciép^ndante  des  îles  de  Fer»  ë,  oii  l'on  fait 
J.a  pèche -d-v .  plus  bylies  bal  chines.  Foy^i  rai  //or  Baleine. 

De  D-oglingc  a  cela  de  Imgulicrj,  que  non-feulement  fa  chair  eft  de 
mauvais  goût ,  mais  encore  fonjard;  &  que  fi  quelqu'un  en  mangeoit, 
ce  lard  pénétreroit  à  travers  les  pjres  de  la  peau  avec  Thumeur  de  la 
tranipiration,  &  communiqueroit.à  la  chemife  une  couleur  jaune  & 
une  odeur  fétide.  Cette  graiffe  eft  fi  pénétrante,  quelle  tranfude  à 
travers  les  tonneaux  où  on  la  met:  aulVi  les  Pécheurs  font  peu  de  cas 
de  cette  baleine. 

DOGUE.  Eft  un  chien.de  la  grande  efpece  qu'on  apprivoife  facile- 
înent,  &  dont  on  fe  fert  pour  garder  les  maifons,  ou  pour  combattre 
contre  les  taureaux  &  autres  bêtes.  On  nomme  doguins  ,  les  dogues  de 
petite  efpece.  l^'oye^  ces  mots  à  V article  Chien. 

DOIGT  MARIN  ou  MANCHE   Y^^   COUTEAU.     Voyei 

COUTELIEK, 

DOMPTE  -  VENIN ,  ofckplas.  Cette  plante,  que  les  Efpagnoîs 
nommait  auffi  vince-toxiciim  ,  a  une  racine  très-fibrée.  De  la  racine  il 
fort  i9p^'^'^  ^^S^^  ^^^  hauteur  de  deux  pieds,  rondes,  pliantes, 
aiouée^erpentantes,  &  qui  s'attachent  quelquefois  aux  plantes  voifmes. 
Ses  feuilles nsiffent  oppofées  deuxàdeu^^i  dles  font  ovales,  pointues. 


DON  ^01 

uon-anguleufes ,  &  garnies  de  quelques  poils  à  Tinfertion  du  pédicule. 
De  laiflelle  des  feuilles  fortent  des  pédicules  divifés  enplulîeurs  autres, 
qui  portent  des  fleuri  blanchâtres;  la  corolle  efl  monopétale  en  forme 
de  godet  ou  de  foucoupe  partagée  en  cinq  lobes,  &  porte  autour  de 
fon  centre  cinq  neélaires  concaves,  de  chacun  defquels  fort  un  filet. 
On  y  compte  auffi  cinq  étamines  &  deux  piflils,  A  chaque  fleur  fuccede 
un  fruit  à  deux  graines  membraneufgs_^eblongues  ,  contenant  des  fe- 
mences  roufsâtres  &  garnies  d'une  aigrette ,  couchées  par  écailles ,  de 
attachées  à  un  placenta.  Cette  plante  croît  abondamment  dans  le  Le- 
vant ,  le  Canada  &  aux  environs  de  Paris. 

Il  y  a  plufieurs  autrec  efpeces  à'afdcpias ,  &  M.  DiUuieoh^QvVQ  que 
quelques-unes  des  plantes  auxquelles  on  avok  donné  le  nom  ^apôcyn^ 
apparùennent  à  ce  genre. 

Les  racines  du  dompte-venin  font  feules  d'ufage  en  Médecine  :  elles 
font  d'une  faveur  amere,  un  peu  acres,  aromatiques,  d'une  odeur  à- 
peu-près  femblable  à  celle  du  fenouil.  Le  fuc  de  cette  racine  efl  limpide. 
Ses  propriétés  font  fudorifiques  &  alexipharmaques  :  elle  excite  à  quel- 
■ques-uns  à^z  naufées  &  un  léger  vomiflement.  Paracdfi  afluré  que  le 
vin  de  dompte- venin  chaiTe  par  la  plante  des  pieds  les""  eaux  qui  font 
-entre  cuir  &  chair. 

On  fe  fert  quelquefois  extérieurement  des  feuilles  &  graines  pllées 
-de  cette  plante  pour  réfoudre  &  mondifier  les  ulcères  fordides  des 
•îiiamelles.  L'on  dit  que  Afckpias  fut  le  premier  Médecin  qui  mit  cette 
plante  en  ufage  ;  &  c'efl:  de-là  que  lui  efl  venu  un  de  fes  nom.s,  {af- 
cUpias  ou  efciilape).  M-  Halkr  prétend  que  cette  plante  efl:  fufpecle, 
acre,  a*un  goût  &  d'une  odeur  défagréables,  tiès-voifine  d'ailleurs  des 
«apocyns  &:  des  nerium  qui  font,  dit-il,  de  véritables  poifons, 

DONZELLE,  don^dla.  Petit  poiilon  de  rocher  ,  l'un  des  plus  beaux 
tle  la  Méditerranée.  Il  a  le  des  d'un  verd  noirâtre;  &:  fur  les  côtés, 
toutes  les  couleurs  variées  de  Tare  en  ciel.  Son  corps  eft  oblong  ,  menu, 
>&  gros  com.me  le  pouce  :  fes  écailles  font  fort  fines,  fes  nageoires  épi- 
'neufes,  tes  ytux  petits,  la  prunelle  noire,  l'iris  rouge,  les  dents  fort 
cblanches  ,  sigucs  ^  crochues  :  fanus  eft  au  milieu  du  ventre  :  Il  a 
'deux  nageoires  au  dos  &  au  ventre.  On  en  voit  beaucoup  Cj^^  côte 
de  Geiics  Se  u  Antibes ,  où  ils  nagent  en  troupes  &  viennen3|fcit-on> 
anort-re  ceux  oui  fe  baignent.  On  ne  les  pêche  guère  ^-'i  K  ligne: 
la  chair  en  eft  tendre  &  courte.  Ceux  que  l'on  pèche  eh  pleine  mejc 


^02  DOR 

font  meilleurs  que  ceux  qui  fe  trouvent  fur  les  côtes.  Ce  poifTon  efl: 
ie  JuUs  &  le  gircUa  de  Rondelet. 

DORADE,  aurata  vulgarls,  Efpece  de  poifTon  de  mer,  nommé  ainfî 
d'une  ligne  de  couleur  d'or  qui  s'étend  depuis  la  tête  jufqu'à  la  queue. 

La  dorade  efl;  très-commune  dans  les  Indes  Orientales  &  Occiden- 
tales ,  en  Afrique,  le  long  de  la  Côte  d*Or ,  à  Madagafcar  ,  à  la  Chine, 
au  Bréfil  ;  il  s'en  trouve  aiîfft-^aucoup  dans  la  Méditerranée.  C'efi: 
un  poiiTon  fort  craintif,  &  à  qui  le  froid  efl:  fort  contraire.  Il  devient 
plus  grand  qu'une  très-groflfe  alofe  (  on  nomme  les  petites  fauquenes): 
fon  corps  n'a  guère  plus  d'épaiffeur  que  celui  du  faumon;  fa  queue 
efl:  longue  ,  fourchue  &  large  :  il  efl:  couvert  d'écaillés  moyennes  de 
différentes  couleune.  Sorti  de  l'eau ,  il  a  le  ventre  couleur  de  lait ,  les 
..côtés  comme  argentés  ,  le  dos  efl:  d'un  bleu  noirâtre  ;  mais  dans  l'eau 
il  efl:  fans  contredit  le  plus  beau  poifTon  de  la  mer  :  il  paroît  couvert 
d'or  fur  un  fond  vert  azuré.  Ses  yeux  font  gros ,  rouges  &  pleins  de 
feu.  Son  mufeau  efl:  camus  &  arrondi.  Ses  deux  mâchoires  fe  divifent 
en  quatre  parties ,  &  font  garnies  chacune  ,  indépendamment  des  dents 
incifives,  canines  &  petites  molaires,  d'une  groffe  molaire,  ronde  ou 
oblongue  ,  que  Ton  enchâffe  fouvent  dans  de  l'or.  On  leur  donne  le 
«om  de  crapaudlm  :  voyez  ce  mot.  Ces  tubercules  oflèux  fervent  au 
poiffon  à  écrafer  certains  coquillages,  tels  que  la  tdl'mc  ,  le  peigne ,  &c. 
Le  dos  de  la  dorade  efl:  tranchant ,  &  porte  une  nageoire  qui  s'étend 
fur  prefque  toute  fa  longueur  ,  &  qui  a  vingt-quatre  aiguillons,  dont 
les  onze  premiers  font  fermes  &  ofl^eux,  &  les  autres  flexibles  &  car* 
tilagineux.  Ce  poiifon  efl  bien  meilleur  en  été  qu'en  hiver  ;  aufïl  n'en; 
voit-on  guère  que  dans  cette  première  faifon  aux  marchés  de  Rome  ,' 
de  Venife  ,  de  Gènes  ,  &c,  l'on  s'en  nourrit  communément  en  Langue- 
doc pendant  le  carême.  La  chair  de  ce  poiffon  efl;  blanche,  ferme,' 
un  peu  feche,  mais  d'un  bon  goût.  La  dorade  de  l'Océan  efl:  différente 
de  celle  de  la  Méditerranée, 

La  dorade  efl  le  plus  léger  de  tous  les  animaux  qui  nagent.  Elle  efl: 
fort  vive  &  gourmande;  elle  mange  ceux  de  fon  efpece.  Elle  efl;  l'ennemi 
mortel  des  poiffons  volans  :  elle  les  chaffe  en  pleine  mer  avec  un  tel 
scha^^nient,  qu'elle  fe  laiffe  prendre  fouvent  à  leur  apparence;  car  il 
fuffi^'^.^lier  en  croix  deux  plumes  de  poule  ou  de  pigeon  à  l'hameçon 
qu'on  laille  traîner  à  l'arriére  du  navire.  Lorfqu'elle  voit  ces  plumes 
quelle  prend  pour  wn  poiffoji  valant ,  elle  engloutit  l'hameçon  qui  efl 


t)OR  yo5 

recouvert  d'un  peu  de  toile  blanche,  &  fe  prend ainfi  en  croyant  faire 
elle-même  une  excellente  capture.  Dans  l'Océan  on  harponne  les  do- 
rades, ainfi  que  les  bonites  &  les  marfouins,  avec  un  trident,  emmanché 
au  bout  d'un  bâton  &  attaché  au  bout  d'une  corde  pour  le  retirer,  c'eft 
ce  que  les  Marins  appellent  yô«i/ze. 

Quelquefois  les  dorades,  que  l'on  nomme  aufli  brane  ou  brame  de  mer ^ 
pafTent  dans  les  lacs  qui  s'abouchent .a«x mers  :  elles  y  vivent;  mais  leur 
chair  y  acquiert  un  goût  bourbeux.  Leur  foie  defîeché ,  pulvérifé  ôc 
mis  dans  du  vin ,  eft  employé  pour  guérir  de  la  dyffenterie. 

On  prétend  que  le  petit  poijfon  d'or  appelle  des  Chinois  Kin  -yu  , 
eft  une  efpece  de  dorade  d'eau  douce  qu'on  nourrit  en  cette  contrée 
dans  de  petits  étangs  très-profonds  faits  pour  cet  uj^ge ,  &  qui  fervent 
d'ornement  aux  maifons  de  campagnes.  Mais  ce  petit  poifTon  eft  du 
genre  des  carpes ,  comme  on  le  verra  par  les  caraderes  indiqués  ci- 
defïbus,  C'eft  le  cyprinus  pinna  ani  duplici,  cauda  trifurca,  Linn.  AS, 
Stock.  1^40,  Faun.  Suce.  JJ'. 

Les  plus  jolies  dorades  Chinoifes  font  d'un  beau  rouge,  comme 
tacheté  de  poudre  d'or  ou  d'eiTence  rouge  d'Orient:  on  en  voit  auflî 
d'argentées.  On  prétend  que  les  premières  font  les  mâles,  &  les  dernières 
font  les  femelles  :  on  obferve  à  celles-ci  des  taches  blanches  autour  des 
ouies ,  &  de  petites  nageoires;  l'une  &  l'autre  font  très-vives  &  adives, 
elles  fe  plaifent  à  jouer  fur  la  furface  de  l'eau  ;  mais  elles  ont  à  craindre 
la  moindre  impreffion  de  l'air  qui  les  fait  bientôt  périr.  A  Pékin  où 
l'on  en  élevé  chez  les  Grands,  on  ne  leur  donne  rien  à  manger  pendant 
l'hiver  :  elles  avalent  la  matière  gélatineufe  des  parois  du  baflîn  ;  elles 
fe  nourriffent  aufli  de  petits  vers  rougeâtres  qu'elles  trouvent  dans  les 
racines  des  herbes  qui  croiflent  au  fond  des  étangs.  Souvent  on  les  prend 
pendant  cette  faifon  pour  les  conferver  dans  des  vafes  de  porcelaine  plus 
profonds  que  larges,  mais  fans  aucune  nourriture.  En  Europe,  &  fur- 
tout  en  France,  où  l'on  a  trarîfporté  de  ces  poiflbns,  on  leur  donne  un 
peu  de  pâte  de  froment  détrempé,  de«  jaunes  d'ceufs  &  des  limaçons; 
au  printemps ,  on  les  remet  dans  leurs  balîins.  Les  Grands  Afiatiques 
fe  plaifent  à  les  élever,  à  les  appeler;  au  coup  de  fifflet,  on  voit  la 
troupe  brillante  ou  dorée,  fe  jouer  à  la  furface  de  l'eau,  (ê  xBfputer 
la  nourriture  qu'on  leur  jette.  Enfin  on  peut  obfèrver  à  loifir  mwmou- 
vemens  agiles  de  ces  petits  poiflbns  ,  dont  la  propagation  eft  aflèz 
abondante 5  même  exceflive,   dans  la  Province  de  Fokien  en  Chine, 


504  DOR 

&  dans  toutes  les  régions  chaudes  de  cet  Empire.  On  a  foin  de  cEangëP 
deux  fois  par  femaines  Teau  des  bailîns  où  Ton  tient  ce  petit  poiffon  ,  & 
d'y  mettre  au  fond  "^in  pot  de  terre  renverfé  &  percé  de  trous ,  afin 
qu'ils  puififent  s'y  mettre  à  couvert  de  la  chaleur  du  foleil  :  on  a  foiri 
aufli  de  jeter  des  herbes  vertes  fur  la  f.irface  du  baffin  pour  en  entreteniir 
la  fraîcheur  &  l'ombre  qu'ils  -recherchent  volontiers  :  on  ne  doit  toucher 
ce  poiflon  qu'avec  le  filet ,  ou  une^ruble  faite  exprès.  Si  on  le  touche 
avec  la  main,  il  meurt  ou  tombe  en  langueur;  le  bruit  d*uti  orage,  du 
tonnerre  ou  du  canon  ,&  l'odeur  de  la  poix  lui  fonc  trcs-préjudiciablés". 
Dans  le  mois  de  Mai,.i6rf.juecepoiirjn  a  dépofé  fon  frai ,  on  eft  attentif 
à  enlever  auffi-tôt  celui  qui  nage  fur  l'eau,  fans  quoi,  les  dorades  lè 
dévorcroient.  On  fe  met  dans  un  vafe  expofé  au  foleil ,  jafiu'à  ce  que 
la  chaleur  ait  animé  les  embryons  dorades ,  qui  paroiflent  d'abord 
noires,  &  qui  par  degrés  deviennent  rouges  ou  blanches,  c'eft- à-dire, 
de  couleur  d'or  ou  d'argent  :  ces  belles  couleurs  commencent  toujours 
à  paroître  par  l'extrémité  de  la  queue.  Les  Chinois  font  un  commerce 
cônfidér^le  de.x'es  petits  poifTons  qui  font  alors  gros  comme  le  petit 
doigt  ,.?mais  qui  deviennent  avec  le  temps  gros  comme  un  hareng.  Il  y 
a  des  Provinces  en  Chine  où  l'on  ne  retire  pas  le  frai  de  l'étang,  mais 
on  y  jette  des  herbes,  afin  qu'il  puiffe  s'y  attacher.  Après  ce  temps, 
&  lorfqu'on  s'apperçoit  que  les  mâles  celïent  de  fuivre  les  femelles ,  on 
tranfporte  le  poilfon  dans  un  autre  lieu,  &  le  frai  doit  refter  expofé  au 
foleil  trois  ou  quatre  jours;  enfuite  on  en  laifle  pafTer  quarante  ou 
cinquante ,  au  bout  defquels  feau  doit  être  changée ,  parce  que  le  frai 
commence  à  prendre  diilindement  la  forme  du  poiflon. 

La  dorade  Chinoife  reflemble  affez  à  une  petite  brème  ;  fa  tête  eft 
groife  &  alTcz  plate  par  en  haut ,  toute  unie  &  fans  piquans  aux 
ouies;  fa  bouche  eft  obtufe,  garnie  à  l'entrée  du  gofier,  &  non  dans  la 
bouche ,  de  trois  fortes  dents.  Les  narines  font  remarquables ,  car  elles 
font  doubles;  fes  yeux  font  grands,  ronds  &  élevés;  le  dos  eft  un  peu 
élevé ,  le  ventre  renflé ,  les  écailles  grandes  ,  tuilées  &  difpofées  par 
bandes  ou  lignes  droites.  Ce  poiffon  a  huit  nageoires  :  favoir ,  une  ail 
dos,  deux  à  la  poitrine,  autant  à  la  partie  antérieure  du  ventre ,  autant 
àla  ]||jt^irieure;  la  dernière  enfin  eft  la  queue,  &  elle  eft  la  plus  grande 
de  to^Ui-es;  elle  eft  en  forme  de  trident,  repliée  des  deux  côtés  comme 
la  queue  d'une  poule,  &  le  poiiTon  peut  la  lever  de  la  même  manière 
que  le  coq  d'Inde  levé  la  queue,  lorfqu'il  eft  irrité  :  la  veflie  eft  double 

comme 


D  O    R  yo; 

comme  dans  les  ables,  les  brèmes,  &  dans  tous  les  poiflons  du  genre 
des  carpes,  dont  il  eft  une  efpece.  Le  boyau  eft  de  la  longueur  du 
poiflbn  plié  en  trois ,  &  couvert  de  graiffe.  Les  trois  dents  font  placées 
précifément  à  l'endroit  de  la  tête  où  le  boyau  commence  :  favoir,  deux 
aux  côtés,  &  une  troifieme  plus  pointue  que  les  autres  contre  le  dos« 
Les  principaux  caraâeres  ,  tant  intérieurs  qu'extérieurs  de  ce  poiflbn  , 
font  i^  trois  arêtes  renfermées  dansJa-iTrembrane  qui  couvre  les  ouies; 
2°.  les  dents  qui  fe  trouvent  dans  le  goder ,  &  non  dans  la  bouche  ;  3*'.  la 
veffie  divifée  en  deux  parties  inégales;  4°.  los  nafal,  qui  dans  tout  ce 
genre  de  poiflons ,  reflemble  à  un  pied  de  vache  j  5*°.  une  double  na- 
geoire pofliérieure  à  côté  du  ventre;  6°.  la  nageoire  delà  queue,  fendue 
en  trois ,  ou  en  forme  de  trident  ;  7°.  enfin ,  une  quQue  dont  la  nageoire 
n'eft  ni  horizontale,  comme  dans  les  cétacées,  ni  pecpendicuiaire , 
comme  dans  les  poiflons  ,  mais  repliée  des  deux  côtés. 

La  dorade  Chinoile  ou /'oi/Zô/s  d'or,  perd  fa  belle  couleur  dans  Tefprit- 
de-vin  :  elle  la  conferve  un  peu  mieux,  fi  on  veut  deflecher  pe-u^à  peu 
ce  poiflon.  On  peut  reconnoître  très-aifément  la  figure  de 'te  poifiQn 
avec  fes  couleurs  naturelles  fur  la  plupart  des  vaifleaùx  de  pofceîains 
de  la  Chine.  M.  Bafier  a  donné  un  très-bon  Mémoire  fur  les  pfaiiTons 
dorés,  leurs  variétés,  &  la  manière  de  les  élever 

DORADILLE.  Voyei  Ceterach. 

DORCAS.  Il  paroît  que  la  chèvre  que  les  Arabes  appellent 
a!gaicl  (gazelle)  eft  la^dorcas  ou  la  chèvre  de  Lybie.  Voye:^  Ga- 
zelle. 

DORÉE  ou  POISSON  DE  SAINT-PIERRE, /z^^r,  fwe  gallus  , 
marinus.  Ce  poiflbn  a  depuis  un  pied  jufqu'à  feize  pouces  de  longueur; 
fa  forme  efl:  plate,  &  prefque d'égale  épaifleur  dans  toute  fon  étendue; 
fa  tcte  &  le  dos  font  de  couleur  brune ,  fes  nageoires  noires  ,  &  fes  côtés 
dorés.  AiU  milieu  du  corps  il  a  une  tache  ronde ,  large  d'un  demi- 
pouce,  fes  écailles  font  prefque  imperceptibles  :  on  y  diftingue  une 
ligne  tortueufe  de  la  tête  à  la  queue:  fes  yeux  font  grands,  &c  au- 
defliis  il  porte  deux  aiguillons ,  dont  la  pointe  eft  tournée  vers  la 
queue  ;  il  a  fur  le  dos  dix  autres  aiguillons  de  grandeur  inégale. 
D'entre  deux  aiguillons  fortent  des  poils  femblabîes  à  des^ies  de 
cochon  ,  à  la  racine  defquels  il  y  a  de  petits  os  ,  qui  reflernwent  à 
des  clous  à  deux  têtes,  &  l'autre  vers  la  queue.  Il  a,  au  bas  du  ven- 
tre ,  une  nageoire  fournie  de  cinq  aiguillons  :  le  refte  du  ventre  eft 

Tome  II,  S  s  s 


'50  6-  D  O  R 

garni  d'os  tranchans  comme  des  couteaux  :  il  a  quatre  nageoires  en- 
defllis  6c  en-delTous  des  ouies  ;  fa  queue  fait  fa  dernière  nageoire.  On 
y'compte  quinze  piquans  branchus  ,  &  lorfque  le  poiffon  fétend,  fon 
extrémité  efl  circulaire.  Sa  bouche  eft  fort  fendue  &  ouverte,  avec 
quatre  ouies  de  chaque  côté;  fes  boyaux  font  menus  &  entortillés  les 
uns  dans  les  autres  ;  fes  œufs  font  rouges;  fon  foie  eft  blanc,  fa  rate 
rouge  &  petite;  la  partie  bafife-il^(on  cœur  eft  rouge;  mais  le  haut 
&  le  milieu  tirent  fur  le  blanc ,  ce  qui  eft  rare  dans  les  poilTons  ;  fa 
chair  eft  moins  dure  que  celle  du  turbot ,  d'un  bon  fuc  ,  facile  à 
cuire  ôc  à  digérer  :  elle  étoit  fort  eftimée  des  Anciens. 

La  dorée  vit  de  cadavres  &  de  tout  ce  qu'elle  trouve  dans  la  mer  ;. 
elle  eft  peu  timide,  &  habite  volontiers  les  rochers,  ou  de  l'Océan  ou 
de  la  Méditerranée  :  on  la  nomme  dorée  à  caufe  de  la  couleur  jaune 
qu'elle  a  fur  les  côtés  ;  le  peuple  lui  a  donné  le  nom  de  poiffon  de  S. 
Pierre  ,  parce  qu'il  a  cru  que  cet  Apôtre  avoit  pris  ,  lors  de  la  pêche 
miraculeufe ,  un  tel  poiffon  dans  ces  filets;  &  par  commandement  du 
Sauveur  ^,  il  avoit  tiré  de  la  bouche  de  ce  poiffon  un  cicU  ,  pièce  de 
monncie. ,'  pouf  payer  le  tribut ,  &  que  l'empreinte  de  fes  doigts  avoit 
formé  fur  les  côtés  de  la  dorée  la  tache  que  l'on  y  remarque. 

DORMEUR ,  cephalus  feu  afdlus  palujlris,  Efpece  de  poiffon  de 
couleur  grife ,  qui  a  la  tête  large  ,  &  dont  M.  Gautier  a  donné  un 
deffin  coloré  dans  les  planches  de  fon  Journal.  Ce  poilTbn  a  une  par- 
ticularité fînguliere;  il  s'affoupit  entre  deux  eaux  _,  à  un  pouce  de 
profondeur  ,  &  flotte  dans  cet  état  paiflblement  au  gré  des  vagues  ; 
on  le  prendroit  à  la  main  s'il  n'avoit  la  peau  extrêmement  gluante , 
ce  qui  fait  qu'on  ne  le  peut  faifir  aifément  :  la  chair  de  ce  poiffon  n'eft 
pas  fort  délicate. 

DORMILLEOUSE.  Nom  donné  à  la  torpille.  Voyez  ce  mot. 
DORONIC,  doronicum.   Plante  fameufe  chez  les  Arabes,  chez  les 
Grecs  &  les  Botaniftes  Européens  du  dernier  fiecle. 

Cette  plante  ,  qui  croît  fur  les  montagnes  en  Suiffe  ,  proche  de 
Genève  ,  en  Autriche,  en  Styrie,  en  Provence  &  en  Languedoc,  a 
de  petites  racines  tuberculées  ou  comme  articulées  par  des  nœuds  , 
repréfentant  en  quelque  façon  la  figure  du  fcorpion ,  ferpentant  obli- 
quement ,  &  légèrement  fibrées.  De  ces  racines  fortent  plufieurs 
feuilles  larges  ,  verdâtres  ,  molles  &  lanugineufes ,  comme  celles  du 
concombre.  Sa  tige  eft  haute  d'environ  un  pied,  cannelée,    chargée 


DOR      ■      ■  ;o7 

de  duvet  ,  &  partagée  en  un  petit  nombre  de  rameaux ,  qui  portent 
à  leur  fommet  des  fleurs  radiées,  dont  le  difque  eft.  formé  de  plufieurs 
fleurons  jaunes  ,  &  la  couronne  de  demi- fleurons  ,  appuyés  fur  des 
embryons  &  renfermés  dans  un  calice  échancré  jufqu'à  la.  bafe  en 
plulieurs  parties.  A  ces  fleurs  fuccedent  des  femences  noirâtres ,  me- 
nues &  garnies  chacune  d'une  aigrette. 

On  trouve  chez  les  Droguifl:es  la-ratme  féchée  &  mondée  du  doronîc» 
Plufieurs  Collèges  de  Médecine  refl:iment  un  poifon  ;  d'autres  un 
contre-poifon.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'efl:  que  les  animaux  à  quatre 
pattes,  particulièrement  les  chiens,  meurent  fept  à  huit  heures  après 
en  avoir  mangé.  L'iîluflire  Gefncr  ,  pour  fatisfaire  le  célèbre  Mathiok 
qui  lui  difoit  ,  à  l'égard  des  propriétés  du  doronic  ,  qiùd  iencare  nocebit} 
prit  intérieurement  deux  gros  de  cette  racine  :  il  n'en  iiit  pas  incom- 
modé dans  le  même  efpace  de  temps  que  les  animaux  dont  nous 
avons  parlé;  mais  après  ce  temps  il  enfla  par  tout  le  corps,  &  tomba 
en  foiblefl'e  pendant  deux  jours  :  il  ne  put  faire  cefler  ces  fymptômes  , 
qu'en  prenant  un  bain  d'eau  chaude.  M.  Balkr  prétend  que  Gefncr  fe 
fentit  feulem.ent  afiadi  ,  &  que  ce  fut  un  accident  pàfTager;;!!  ajoute 
que  les  Chafleurs ,  par  fuperftition ,  en  prennent  tous' les  .j,Qurs  fans 
en  fentir  de  mauvais  eOets.  On  pourroit  croire  ,  continue  M.  H  aller  y 
qu'elle  approche  de  Xarnïca  ,  mais  qu'elle  paroît  plus  douce.  Quoi 
qu'on  en  dife,  cette  racine  eft  afiez  dangereufe ,  &  doit  être  exclue 
des  cordiaux  en  Pharmxacie.  Celle  du  doruniciiw  radice  dulci  eft  la  moins 
fufpede;  &,  de  l'aveu  de  M.  HalUr ,  on  en  ufe  beaucoup  dans  la  Phar- 
macie des  Alpes. 

Les  Allemands   refufcront  de    comprendre    dans    cette   cenfure   le 

doronic  de  leur  pays  ,  ou  Varnica  de  Schroder  ,   puifqu'ils  en  font  un 

grand   ufage,  &  qu'ils  s'en  trouvent  bien.  Mais  ce  doronic  efl  différent 

du  précédent  :  il  refîbmble  par  fes  feuilles  au  plantain  velu  :  fa  racine 

&  fes  feuilles  font  aromatiques  ,    ainfi    que  fes   fleurs   qui  font  d'un 

jaune  doré.   C'eft  ce  doronic  dont  les  fleurs  fe  voient ,  dit  M.  Haller, 

en  grands  bouquets  fur  toutes  les  maifons   &   les  prés  du  Hartz,  On 

ne  ie  (ert  guère  en  Médecine  que  des  fleurs   de   Varnica.   On  les  fait 

bouillir  ou  infufer  dans  de  la  bière  ou  dans  du  vin  ,  &  on  i^adminiflre 

aux  perfonnes  qui  ont  fait  des  chûtes.  Dès  qu'on  en  a  fait'ufage,  on 

relient    de    cruelles    douleurs  ;    fouvent    elle    intercepte    un   peu  la 

ycfpiration  &  caufe  des   anxiétés  ,   mais   ces   fymptômes  s'appaifent 

S  s  s  2 


yo8  D  o  e:  dot 

promptement ,  ou  par  un  flux  d  urine  ,  ou  par  le  vomiffement ,  ou 
par  la  faignée  ,  &  par  ces  caufes  mêmes  elle  diffipe  le  fang  extravafé 
par  les  chûtes.  En  un  mot ,  la  manière  brufque  d'opérer  de  cette 
efpece  de  doronic ,  quoique  falutaire  aux  Allemands ,  fait  foupçonner 
que  ce  remède  pourroit  être  fâcheux  au  plu«  grand  nombre  d'hommes 
d'un  autre  pays ,  fur-tout  dans  les  Contrées  méridionales.  Dans  les 
Vofges  ,  &  même  à  Paris ,  dn-en-^fait  ufage  en  infufion  théiforme  à 
l'eau  pour  les  crachemens  de  fang  ou  Thémopthyfie  :  cette  boifion 
convient  auiîî  dans  l'afthme  &  le  catharre ,  dit  le  Doâeur  Fchr  :  on 
Teftime  encore  trcs-fudorifique.  On  appelle  tabac  des  Vofges  une  pou- 
dre fternutatoire  faite  avec  les  feuilles  &  la  racine  de  Yarnica,  JJarnlca 
croît  abondamment  aulîi  aux  environs  de  Plombières,  &  principalement 
dans  les  plus  hautes  montagnes  des  Vofges  ,  des  Alpes  :  on  la  ren- 
contre encore  dans  les  terrains  incultes  de  la  Sologne  ,  où  on  l'appelle 
grande  bétolne  -  tabac» 

DORQUE.  C'eft  ïépaulard.  Voyez  ce  mot. 

DORSTENIA.    yoyei  à  l'article  CoNTKA- YERVA. 

DOS  CROCHU.  Nom  donné  au  poiOTon  que  les  Kamtfchadales 
appellent  ,^ar/»^5/zé  ;  il  eft  très-commun  ^  fon  corps  eft  plat  &  long 
d'environ  dix-huit  pouces  ;  il  a  la  tête  petite  ,  le  mufeau  pointu  ,  les 
dents  menues  &  aiguës,  le  dos  bleuâtre  &  tacheté  de  points  ronds, 
la  queue  fourchue.  Sa  chair  efl  blanche  &  bonne  à  manger.  Cepen- 
dant les  Nationnaux  n'en  font  point  de  cas. 

DOTRALE  ou  DOTERELLE  DES  ANGLOIS  ,  mormellus 
Ànglorunu  Oifeau  que  plufieurs  Ornithologiftes  croient  être  de  la 
même  efpece  que  le  guignard ,  qui  eft  une  forte  Aq  petit  pluvier,  Vojqz 
ces  mots.  Parmi  les  dotrales  ,  les  mâles  ,  dit  WiUughby ,  font  plus 
petits  que  les  femelles  ;  mais  ils  fe  reflemblent  fi  exaftement  par  les 
couleurs  &  par  le  port  extérieur ,  qu'il  n'eft  prefque  pas  poflible  de 
les  diftinguer.  Cet  oifeau  eft  fort  parefleux  :  lorfqu'on  a  tendu  des 
filets  pour  le  prendre  ,  il  faut  l'y  conduire  en  choquant  deux  pierres 
l'une  contre  l'autre  :  au  premier  bruit  il  femble  s'éveiller,  il  étend  une 
aile  &  une  patte.  Les  Chafleurs ,  par  un  préjugé  aflez  ridicule , 
font  dans  l'ufage  d'imiter  alors,  par  leurs  geftes  ,  les  mouvemens  de 
cet  oifeau,  en  étendant  un  bras  oii  une  jambe,  afin,  difent  -  ils  y 
d'aider  à  la  capture  ;  mais  il  n'y  a  pas  lieu  de  croire  que  ce  jeu  rende 
la  chaffe  plus  facile  ou  plus  abondante. 


DOU  yo^ 

DOUBLE  C  ou  GAMMA.  C'ell  un  papillon  de  nuît  fort  connu 
des  Naturaliftes  ,  ou  fous  ces.noms,  ou  fous  celui  de  Ropert  le  diaùie, 
ou  fous  celui  de  deàa.  Ce  papillon  a  quatre  pieds ,  les  jambes  blan-» 
ches;  les  premières  ailes  font  en  angles,  fauves  &  tachetées  de  noir; 
les  fécondes  ailes  font  marquées  d'un  V  blanc  :  on  le  trouve  fur  l'ortie 
&  autres  plantes  fur  lefquelles  la  chenille  de  l'ortie  fe  nourrit,  Le 
douhU  C  eft  le  papillon  de  la  bcdaude^  -Voyez  ce  mot. 

On  donne  aufli  le  nom  de  double.  JV  h.  un  phalène  ,  ou  papillon 
nodurne  ,  dont  les  antennes  font  blanches  &  dentelées  dans  les  mâles, 
&  fétacées  dans  les  femelles:  fes  élytres  font  applaties.  La  chenille  de 
ce  papillon  eft  d'un  vert  jaunâtre ,  &  fe  trouve  communément  dans 
les  jardins. 

DOUBLE-FEUILLE ,  ophris  hifolia.  Plante  qui  croît  le  long  des 
vallées  humides.  Sa  tige  eft  haute  de  quatre  à  fix  pouces,  ronde, 
portant  en  fon  milieu  feulement  deux  feuilles  oppofées  l'une  à  l'autre, 
&  femblables  à  celles  du  plantain.  Les  fleurs  qui  naiflent  au  fommet 
de  la  tige  font,  fuivant  M.  ^e  Tourmfort ,  d'un  vert  blanchâtre  ,  com- 
pofées  chacune  de  fix  feuilles  ,  cinq  difpofées  en  coiffé  dan's.Ja  partie 
fupérieure,  &  une  flxieme  qui  occupe  le  bas  de  la  fleur  .,  S^  qui  a 
deux  petits  bras  &  deux  petites  jambes;  en  un  mot,  qui  rep réfente 
en  quelque  forte  un  corps  humain.  Le  calice  de  la  fleur  fe  change  en 
•un  fruit  relevé  de  trois  côtes ,  &  qui  contient  des  graines  femblables 
à  de  la  fciûre  de  bois.  Cette  plante  eft  vulnéraire  ,  déterfive.  On 
diftingue  une  deuxième  efpece  ^ophrîs  qui  porte  trois  feuilles ,  mais 
qui  n'eft  qu'une  variété  de  la  précédente.  ' 

DOUBLE-MARCHEUR ,  amphisbxna.  On  donne  ce  nom  à  fix 
cfpeces  principales  de  ferpens ,  qui  ont  été  nommées  ferpcns  à  deux 
têtes  ,  quoiqu'ils  n'en  aient  qu'une ,  mais  à  caufe  de  l'égale  grofleur 
de  leurs  extrémités.  En  effet ,  leur  queue  eft  obtufe  ;  tellement  ar- 
rondie par  le  bout  ,  &  extérieurement  fi  conforme  avec  la  tête  , 
qu'on  ne  peut ,  à  la  fimple  vue  ,  difcerner ,  d'une  manière  diftinéle , 
quelle  partie  eft  la  tête  ou  la  queue  ;  c'eft  la  même  difficulté  qu'on 
rencontre  dans  les  vers  de  terre. 

JJamphisbene  marche  en  avant  &  en  arrière  comme  une  écreviiTe  ou 
le  ver  de  terre.  Il  eft  comme  imbécille  :  il  a  les  ouies  fi  larges,  qu'elles 
lui  couvrent  en  quelque  forte  les  yeux,  &  le  rendent  prefque  aveu- 
gle :  c'eft  par  fa  manière  de  ramper  ,   tantôt  par  un  bout  &  tantôt 


5-10  D  O  U 

par  l'autre  ,  qu'on  Ta  nommé  double,  marcheur.  Les  fegmens  des  anneaux 
de  cet  animal  font  femblables  à  ceivx  des  vers.  Sa  queue  eft  très- 
forte  ;  il  fe  nourrit  de  fourmis,  de  limaçons  ,  &  principalement  de  vers. 
Quoique  M.  Lmnœus  dife  que  cette  forte  de  ferpent  mianquant  de 
dents  canines  ou  molaires,  fa  morfure  ne  doit  point  être  dangereufe, 
cependant  les  Portugais  difent  qu'il  mord  d'une  manière  affez  veni- 
meufe  ,  pour  caufer  d'abord-  joiie  douleur  femblable  à  la  piqûre 
d'une  abeille;  enfuite  une  inflammation  femblable  à  celle  que  caufe 
la  fatale  morfure  de  la  vipère  ,  &  enfin  qu'il  en  réfulte  la  mort.  Les 
fix  efpeces  ^aniphïshme.  font  : 

i**.  Celui  de  Ceyian ,  qui  eft  couvert  de  petites  écailles  rouffes , 
oblongues  ,  jafpées  de  noir.  Les  écailles  de  fa  tête  font  grandes  ,  faites 
en  forme  de  cœur  &  d'un  jaune  clair.  Ce  ferpent  a  un  odorat  très- 
fin  ;  ce  qui  lui  eft  fort  utile  pour  chercher  fa  nourriture. 

,2*.  Celui  d'Amboine,  à  peau  émaillée ,  d'un  rouge  clair-cendré, 
orné/^e  petites  raies  blanches  &  irrégulieres.  Ses  yeux  font  très  • 
petits  &  couverts  d'une  membrane.  On  remarque  cet  anneau  blanc 
autour  4fe  la  itête. 

3°.  0n  autre  double-marcheur  d'Amboine,  à  écailles  rouges.  On  ne 
découvre  dans  fa  tête  ni  yeux  ni  narines;  m.ais  elle  eft  ornée  d'une 
crête  brunâtre ,  tachetée  de  blanc, 

4.°.  Uumphisbene,  qu'on  rencontre  par  toute  la  terre  &  particulié- 
rem.ent  dans  la  Lybie ,  dont  le  corps  eft  en  partie  jaune,  en  parti© 
rouge  y  marqueté  de  blanc  ;  fcs  marbrures  &  fa  groffeur  varient  fui* 
vant  les  divers  pays. 

j°.  Le  double-marcheur  d'Amérique ,    qui  eft   grêle  de  corps  ,   long 

de  taille ,  couvert  d'écaillés  blanchâtres  par  tout  le  corps ,    &  qui  eft 

orné,   par  intervalles  réguliers,   de  bandes  d'un   beau    bleu  turquin, 

6°.  Le  double- niarcheur   du  Bréfil ,  qui  eft  d'un  rouge  de  corail  :  on 

le  ViommQ  puold.  Ce  ferpent  eft  magnifique  :    il  a  le  corps  couvert 

d'écaillés  rhomboïdales,  qui  font  d'un  rouge  incarnat;   les  angles  inr 

■férieurs  des  écailles  font  vergetés  de   taches  ponceau  :  le  ventre  eft 

■  d'un  jaune  fafrané  :  toutes  ces  écailles  jettent  un  admirable  éclat. 

On  donne  encore  le  nom.  ^amphisbene  à  plufieurs  autres  ferpens  , 

qui  font  efFedivement  des  doubles- marcheurs   &   des  ferpens  aveugles  , 

çœcUia ,  &  qui  ne  difterent  des  précédens  que  par   les  couleurs.     Les 

^nneaujfs  qui  font  autour  du  corps  &  de  la  c^ueue ,  font  conformés 


D  O  U  S'il 

de  même.  Nous  b£nnlflbns  tout  ce  que  renthcuiîafme  a  fait  dire  de 
merveilleux  aux  Voyageurs  au  fujet  des  amphisbenes  :  il  fuffit  d'ou- 
vrir les  ouvrages  de  Ridfch  ,  de  Scba  ,  &c.  pour  y  reconnoître  la 
fable. 

DOUC.  C'eft  le  même  animal  que  le  grand  finge  de  la  Gochin- 
chine,  maison  le  trouve  aufli  à  Madagafcar  ;  il  tient  des  ^«^/7o/z5 ,  par 
fa  longue  queue,  des  babouins,  parjà-grande taille  ,  ^  des  Jinges  ip^n 
fa  face  plate.  Il  a  de  plus ,  dit  M.  de  Buffon  ,  un  cara(5lere  particulier 
par  lequel  il  paroît  faire  la  nuance  entre  les  guenons  &  les  fapajous  : 
ces  deux  familles  d'animaux  différent  entr'elles ,.  en  ce  que  les  guenons 
ont  les  fefles  pelées ,  &  que  tous  les  fapajous  les  ont  couvertes  de 
poils  ;  le  doue  eft  la  feule  des  guenons  qui  ait  du  poil  fur  les  felTes 
comme  les  fapajous.  Il  leur  refl'emble  aufli  par  TaplatilTement  du  mufeau, 
mais  en  tout  il  approche  infiniment  plus  des  guenons  que  des  fapa- 
jous,  defquels  il  diffère,  en  ce  qu'il  n'a  pas  la  queue  prenante",  & 
aufli  par  plufieurs  autres  caractères  effentiels.  Son  caradere.^e*  plus 
ordinaire  eft  d'être  alîis.  Il  eft  friand  de  fèves  &  de  bourgeons  d'ar- 
bres. "       \, 

Le  doue  &  toutes  les  guenons  font  de  l'ancien  Contihentji  tandis 
que  tous  les  fapajous  ne  fe  trouvent  que  dans  le  nouveau  :  fa  robe 
variée  de  toutes  couleurs  femble  indiquer  l'ambiguïté  de  fa  nature;  il 
y  a  lieu  de  penfer  que  c'efl  cette  efpece  de  linge,  ainfi  que  Xouanderou  , 
tous  les  deux  habitans  de  l'Afie  &  des  Indes  ^Méridionales  ,  qui  nous 
fourniffent  ces  bézoards  fi  eftimés  ;  en  effet ,  les  bézoards  qui  fe  for- 
ment dans  l'eftom.ac  &  les  inteftins  du  doue ,  font  plus  recherchés  & 
plusprécieux  ,  &  produifent,  dit-on  ,  plus  d'efîet  que  ceux  des  chèvres 
&  des  gazelles  :  on  prétend  que  la  peur  les  leur  fait  rejeter  avec  les 
excrémens  ;  auiîi  les  Indiens  vont-ils  à  la  quête  du  bézoard  ,  en  pour- 
fuivant  ces  animaux  le  bâton  à  la  main.  Voyez  l'article  Bézoard ,  & 
le  mot  Jinge, 

DOUCE  AMERE  ou  VIGNE  SAUVAGE  ,  dulcamara.  Cette 
plante  qui  croît  aux  lieux  aquatiques  dans  prefque  toute  l'Europe  , 
le  long  des  ruifîeaux  &  des  foiîes  ,  eft  encore  connue  fous  les  noms  de 
Vigne  de  Judée  ou  de  mof.elle  -  grimpante  ,  ou  de  loque<% 
folanum  fcandens.  Sa  racine  eft  petite  &  fibreufe  :  fes  branches  font 
grêles,  farmenteufes ,  longues  de  cinq  à  fix  pieds,  &  rampantes  fur 
la  terre  ou  grimpantes   fur  les  haies   ou  fur  les  buiffons  &  fur  bs 


^12  D  O  U 

arbrifieaux  qu'elles  rencontrent,  &  où  elles  s'accrochent.  Dans  les 
jeunes  branches  l'écorce  eft  verte;  dans  les  vieilles ,  elle  eft  gercée  &: 
■cendrée  ,  &  d'un  goût  doux  &c  amer  ,  d'où  lui  vient  fon  nom  de 
didcaniara.  Son  bois  renferme  une  moelle  fongueufe  &  caflante.  Ses 
feuilles  font  oblongues,  lififes  ,  pointues  &  rangées  alternativement 
le  long  des  branches  ;  allez  femblables  à  celles  de  la  morelle  ordinaire, 
de  couleur  verte-brune,  d'-uûe^(aveur  fade ,  &  d'une  odeur  narcotique. 
Au  refte  ces  feuilles  varient  fuivant  les  différentes  parties  de  la  plante  ; 
celles  d'en  bas  ont  à  leur  bafe  deux  appendices  femblables  à  de  petites 
feuilles  ;  au  contraire  ,  celles  d'en  haut  font  (impies.  Ses  fleurs  font 
petites  &  naiflent  en'^bbuquet  ou  en  grappes,  comme  dans  le  fola- 
num  commun ,  d'une  odeur  défagréable.  Leur  couleur  eft  d'un  bleu 
tirant  fur  le*  violet  avec  cinq  taches  d'un  vert  tendre  au  centre.  Cha- 
cune de  ces  fleurs  eft  une  rofette  découpée  en  cinq  parties.  A  ces 
fleui-s  fuccedent  des  baies  ovales,  molles,  fuccubntes,  rougeâtres  , 
vifqiieufes  ,  d'une  faveur  vineufe,  &  contenant  plufieurs  femences 
aplaties  &  blanchâtres.  Le  calice  refte  avec  ces  baies  &  conferve  fa 
couleur  rîaturelle. 

La  dippcë  amere  fe  multiplie  aifément  de  drageons  enracinés  qui  fe 
trouvent  au  bas  des  gros  pieds  :  on  en  fait  encore  des  marcottes  &  des 
boutures  ;  on  les  fevre  au  printemps  pour  les  planter  dans  un  terrain 
humide;  elles  s'y  enracinent  fort  vite,  après  quoi  on  les  tranfporta 
aux  endroits  où  on  les  deftino^  On  connoît  différentes  variétés  de 
cette  ^nte;  les  unes  ont  des  fleurs  panachées,  &  d'autres  ont  des 
fleurs  doubles,  &  quelquefois  les  fruits  en  font  jaunes.  Les  Jardiniers 
plantent  fouvent  la  douce  amere  pour  garnir  le  bas  des  tonnelles  & 
des  petits  murs  de  terraffe  ;  comme  elle  eft  farmenteufe ,  ils  la  palif- 
fent.  Cette^ plante  par  fes  fleurs  &  fes  fruits,  produit  un  effet  très- 
agréable  à  la  vue  dans  les  remifes,  tant  en  été  qu'en  automne. 

Cette  plante  eft  diurétique,  anodine,  difTout  le  fang  extravafé  & 
grumelé  dans  les  vifceres ,  &  purge  quelquefois  violemment  par  les 
fclles  &  par  les  urines  qu'elle  rend  noires.  M.  HalUr  rapporte  que 
Boeihaave  faifoit  beaucoup  de  cas  de  ce  folanum  ,  il  en  donnoit  l'in- 
fufion  dans  la  pîeuréfie.  Les  Dames  de  Tofcane  employoient  autrefois 
le  fuc  des  grains  de  cette  plante  pour  fe  farder  &  enlever  les  taches 
du  vifage.  Foyzi  Mobelle. 

DOUCETTE» 


D  O  U  D  R  A  y  1 3 

DOUCETTE.  Nom  que  l'on  donne  ,  ainfi  que  celui  de  bourfcttc, 
a  la  ïîidchc  que  Ton  mange  en  falade.  Foye^  Mâche, 

DOUROU.  Foyei  VoADOUROu. 

DOUVE.  Eft  une  efpcce  de  renoncule  de  prés,  qui  eft  mortelle  à. 
tous  les  beftiaux  ,  particulièrement  aux  moutor.s  qui  en  mangent, 
Foye^  à  Ûartïck  Renoncule. 

DRACONCULE  ,  dracunculus.  Poifioo  épineux  de  la  Méditerranée , 
que  les  Languedociens  nomment  poison  lézard ,  à  caufe  de  fa  refîem- 
blance  avec  le  lézard  de  terre.  C'eft  le  coltus  finna  fecunda  dor/i  alba 
d'Artedi.  Sa  tête  eft  aplatie  ,  plus  large  que  le  corps ,  &  armée  de 
deux  pointes  fur  le  derrière  :  il  rejette  l'eâu'-par  des  trous  qui  lui 
fervent  peut-être  de  narines.  Ses  nageoires  font  longues  &  de  couleur 
d'or  mêlée  d'argent.  Sa  peau  eft  fine  &  marquetée  de  différentes  cou- 
leurs :  fon  ventre  eft  large,  plat  &  blanc  :  fa  chair  eft  femblahje  pour 
le  goût  à  celle  des  petits  goujons.  La  dernière  nageoire  du  dos  a*  cinq 
pointes  faites  comme  cinq  épis  d'orge  ;  mais  la  piqûre  n'en  e^^as  fî 
dangereufe  que  celle  de  l'araignée  de  mer  appellée  riyg.  Voyez  ce 
mot.  .  ■'      \ 

DRACONCULE.   Voyi^  Dragonneau  &  CRiNONs.-x;.r'Vi 

DRACONITES.    Voy^i  Pierre  de  Dragon. 

DRAGEES  DE  TIVOLI,  confatï  di  Tivolï.  En  Hiftoire  Na- 
turelle, on  donne  ce  nom  à  des  concrétions  poreufes  ,  de  la  nature 
des  ftalagmhes.  Voyez  ce  mot.  Les  dragées  de  Tivoli  font  de  petits 
grains  arrondis ,  qu'on  trouve  dans  les  antres  fouterrains  ijj^r  tous 
pays  ,  &  notammicnt  aux  environs  de  Tivoli  :  ils  font  blancs ,  6c 
paroifTent  fouvent  comme  vernifles. 

DRAGON  ,  draco.  Il  n'eft  pas  encore  bien  décidé  fi  cet  animal , 
dont  il  eft  fait  mention  dans  toutes  les  langues  Orientales ,  êcc.  exift-e 
ou  non.  Les  defcriptions  ridicules  ,  d'ailleurs  fi  peu  confiantes  ,  qu'en 
ont  fait  la  plupart  des  Auteurs ,  donnent  tout  lieu  de  croire  que 
£'eft  un  être  imaginaire.  Si  nous  en  croyons  certains  Ecrivains  ,  le 
dragon  habite  par  toute  la  terre,  &  la  manière  pompeufe  avec  laquelle 
ilfe  préfente  fur  le  théâtre  des  animaux,  eft  digne  de  curiofité;  il 
eft  décrit  ,  tantôt  comme  un  animal  à  figure  humaine  avec  un  beau 
vifage,  &  qui  ne  fe  nourrit  que  de  plantes  venîmeufes  :  (tel  étoit  .j 
dit  l'Auteur  de  natiira  rcrum  ,  cité  par  Ruifch  ,  l'animal  qui  féduifit 
Adam  &  Eve)  j  tantôt  on  le  repréfente  ayant  la  figure  d'un  cochon, 

Toms  II,  T  1 1 


^î4  B  R  A 

le  corps  menu  ,  le  bec  fort,  les  dents  de  fanglier,  5^  les  yeux  auflî 
trillans  qu'une  pierre  précieufe  ;  tantôt  comme  un  volatile  ornito- 
phage  j  moitié  aigle  &  moitié  louve  ,  &  qui  efl:  engendré  par  Tac- 
couplemént  de  ces  deux  animaux  ;  tantôt  comme  un  ferpent  ennemi 
de  réiéphart ,  &  capable  d'infeder  par  fon  haleine  un  très -grand  ■ 
atmofphere  ;  tantôt  enfin  comme  un  animal  crété  &  bigarré ,  de  cent 
quarante  coudées  de  long^ijui^ne  fe  couche  que  fur  l'or,  &  qui  tue 
par  fa  vue  perçante.  Voilà  une  ébauche  du  merveilleux  qu'on  lit 
dans  les  Auteurs.  Il  p^'.roît  qu'il  faut  ranger  le  dragon  fur  la  ligne  de 
ïargus  à  cent  yeux ,  de  Vkydre  à  cent  têtes  ,  &  du  ccrbcrc ,  portier 
de  l'Enfer,  à  cent  gueules.  Difons- cependant  qu'on  a  peut-être  donné 
indiftindemient  le  nom  pompeux  de  dragon  aux  animaux  monftrueux 
du  genre  des  ferpens  ,  des  lézards  ,  des  crocodiles ,  que  l'on  a  trouvé 
en  différeris  temps  ,  &  qui  ont  paru  extraordinaires  par  leur  grandeur 
ou  par  leur  fit^ure.  On  ne  fait  pas  à  quel  degré  d'accroifiemcnt  un 
reprîlê*;peut  parvenir  ;  s'il  refte  ignoré  dans  fa  caverne  pendant  un 
très-long-temps,  fa  figure  doit  changer  avec  l'âge,  &  dans  la  fuite 
des  vénérations  il  fe  trouve  aflez  de  difformités  &  de  monftruofités 
pour  f^rpV'ùn  dragon  d'un  animal  appartenant  à  une  efpece  ordinaire. 
Par  conféquent  les  dragons  font  fabuleux ,  fi  on  les  donne  comme 
une  efpece  d'animaux  confiante  dans  la  nature;  mais  il  pourroit  avoir 
exifté  des  dragons  fi  on  les  regarde  comme  des  monftres ,  ou  comme 
des  animaux  parvenus  à  une  grandeur  extraordinaire  pour  leur 
efpecéiH^ 

Laiffons  de  côté  toutes  ces  fuppofitions  &  expofons,  d'après  quel- 
ques Hiftoriens  ou  Voyageurs  dignes  de  foi ,  ce  qu'on  entend  par 
dragons  ailés  &  dragons  de  mer ,  &c. 

DRAGON.  En  Aftronomie  on  donne  ce  nom  à  une  conftellatiort 
de  l'hémifphere  feptentrional  ,  compofé,  félon  Ptolomée,  de  trente- 
une  étoiles.    /^oye{  ^article  Etoiles  à.  La  fuite  du  mot  Planète, 

DRAGON  AILÉ  ,  draco  volans.  On  donne  ce  nom  à  une  forte 
de  lézard  ailé  comme  une  chauve-fouris ,  qui  a  quatre  pieds ,  &  qui 
fe  cache  dans  des  antres.  Nicolas  Grimmius  en  a  deffiné  un  dans  les 
Indes  ,  &  il  paroît  par  la  defcription  qu'en  donne  Ray ,  que  c'eft  un 
lézard  volant  ;  que  cet  animal  fe  perche  fur  les  branches  des  arbres 
fruitiers  ,  &  fe  nourrit  de  fourmis ,  de  mouches,  de  papillons  &  d'au- 
tres petits  infedes4   mais   qu'il  ne  fait  aucun   mal  ,  ni  aux   autres 


D  p.  A  51; 

efpeces  d'animaux  ,  ni  aux  hommes.  Il  refte  à  favoir  fi  ce  lézard 
volant  eft  le  même  que  le  ferpent  prétendu  volant  de  quelques  Auteurs. 
M.  Linnœus  QYo'it  que  le  dragon  volant  à^Sêba,  eft  le  lézard  volant 
dAfrique» 

Selon  ce  Naturalifte  ,  le  dragon  volant  a  fous  le  gofier  deux  efpeces 
de  vefîies  jaunâtres  ,  &  qui  s'enflent  quand  il  vole  ;  fes  ailes  font  com- 
pofées  de  fix  rayons  ,  fort  fembîables-'^ux  nageoires  d'une  grolTe 
perche ,  &  éloignés  de  fes  bras  ;  elles  font  attachées  à  fes  cuiflfes  ôc 
occupent  le  côté  du  bas-ventre  :  il  a  les  pieds  garnis  de  cinq  doigts 
inégaux  ,  &  dont  les  ongles  font  aigus  &  crochus  ;  la  queue  de  cet 
animal  paroît  comme  articulée ,  &  moins  longue  que  fon  corps  ;  elle 
eft  couverte  d'écailles  carinées  ,  imbricées  &  en  forme  d'angle  :  celles 
du  corps  font  obtufes  ;  fa  couleur  tire  fur  le  bleu  avec  des  raies  noires: 
fon  cou  eft  chargé  de  rugofités  ,  &  d'une  efpece  de  capuchon  carti — 
lagineux,  qui  fait  l'office  a'une  velîie  aérienne*  En  effet ,  l'animal  peut 
l'emplir  d'air  à  volonté ,  foit  pour  s'aider  à  voler ,  ou  poiy:  '*s%mpê- 
cher  de  trop  enfoncer  dans  l'eau  ;  il  peut  pareillement  en  retirer  l'air  , 
&:  fe  plonger  s'il  veut  au  fond  de  l'eau.  Excepté  le  cap.U:fhon  ,  la 
tête  de  ce  dragon  refîemble  à  celle  des  lézards  ;  les  trous"" ^ë^  oreilles 
font  ronds  &  concaves  ,  ceux  des  narines  font  convexes  ;  on  remarque 
proche  des  yeux  une  verrue  calleufe,  &  à  côté  de  la  gueule,  une 
crête  partagée  en  quatre  :  quelques  Auteurs  prétendent  que  c'eft-là 
le  vrai  bajîlic» 

Quoi  qu'il  en  foit ,  Slba  dit  que  cet  animal  vit  également  cPhs  l'eau 
&  fur  la  terre,  qu'il  peut  nager  &  voler,  qu'il  arrange  ,  ramafle  ou 
déploie  fes  ailes  ,  félon  les  divers  befoins  :  on  voit  très-peu  de  dra- 
gons volans  en  Europe.  Nous  n'en  avons  vu  qu'un  dans  tous  nos 
voyages  :  c'éîoit  dans  un  cabinet  de  curiofités  naturalles  en  Hollande., 
L'on  en  voit  aâuellement  deux  dans  les  cabinets  de  Chantilly.  Siba, 
donne  la  defcription  de  trois  efpeces  différentes  ,  qui  fe  trouvent , 
dit-il ,    en  Amérique  &  en  Afrique.   Voyc^^  Lézard  ailé. 

DRAGON  DE   MER,  aramus  pifcis-    Cet   anim.al  qui   eft  la  vive 
Ms  François  ,  eft  un  poiffon  de  mer  à  nageoires  épineufes  ,  que  l'orvr 
pêche  dans  la  Méditerranée  <k.  dans  l'Océan.  Celui  de   la  Méditerra- 
née n'eft  pas  plus  grand  que  la' paume  de  la  main;    celui  de  l'Océan 
,a  jufqu'à  la  longueur  d'une  coudée. 

Ce  poiffon  eft  long  3   &  ferré  depuis  la  tête  jufqu'à  la  queue  :  le 

T  1 1  2 


■^xè  t)  R  A 

fomniet  de  fa  tête  va  de  niveau  avec  fon  dos  :  fa  bouche  eft  fort 
grande;  étant  fermée,  elle  paroît  pointue  :  la  mâchoire  inférieure  eft 
beaucoup  plus  longue  que  la  fupérieure;  il  a  une  infinité,  de  petites 
dents,  tant  aux  deux  mâchoires,  qu'au  palais  &  à  la  langue  :  fes  deux 
narines 'font  placées  fur  le  fommet  de  la  tête,  &  munies  d'un  petit 
aiguillon  ;-  fes  yeux  font  d'un  beau  vert ,  fitués  aufli  fur  le  haut  de 
la  t3te  ,  affez  voifins  l'un  dè^^l-autte ,  &  couverts  d'une  membrane  :  ils 
parciflent  fortir  de  la  tête  ;  l'iris  efl:  de  couleur  d'or ,  les  orbites  font 
grands  &  munis  de  deux  aiguillons  :  la  membrane  des  ouies  efl: 
compofée  de  fiK  arêtes  larges  :  la  couleur  du  dos  eft  plus  obfcure  que 
celle  du  ventre  qui  eft  blanche  :  les  nageoires  du  dos  font  fillonnées- 
dans  toute  leur  longueur  ,  &  tout  le  corps  eft  marqué  de  lignes- 
obliques  :  l'animal  a  les  flancs  ferrés ,  le  ventre  un  peu  en  forme  de 
faux;  fa  queue  eft  fourchue ,  mais  étant  étendue,  elle  paroît  égale. 
Ce  poifTon  a  en  tout  huit  nageoires ,  dont  deux  au  dos,  autant  à  la 
poitrine  ■&  au  ventre,   une  à  l'anus  &  une  à  la  queue. 

Toutes  ces  nageoires,  quoique  cartilagineufes,  font  très -fortes, 
pointues  cgjnrne  une  alêne ,  cependant  rudes  &  rameufes  depuis  le 
milieu  jiifq«'*au  bout.  Indépendamment  des  petits  aiguillons  que  ce 
poiflbn  porte  aux  orbites  des  yeux,  il  a  fur  la  tête  un  autre  aiguillon 
fort  &  pointu. 

Ce  poiflbn  a  communément  huit  à  dix  pouces  de  long ,  ou  la  gran- 
deur d'un  maquereau;  fa  chair  eft  tendre,  blanche,  ferme,  courte, 
d'un  trS^-bon  goût,  &  facile  à  digérer;  fa  peau  eft  dure  &  feche. 
On  en  pêche  beaucoup  dans  les  mois  de  Juin  &  de  Juillet  :  lorfqu'it 
fe  fen^  pris  ,  il  devient  fort  agile ,  &  tâche  de  fe  cacher  dans  la 
bourbe. 

Les  Pêcheurs  Hollandois  portent  au  marché  une  grande  quantité 
de  ce  poiflbn  ;  le  peuple  de  ce  pays  en  fait  en  partie  fa  nourriture , 
&  lui  donne  le  nom  de  pieurman  ,  qui  fîgnifie  homme  de  pierre  :  ils 
donnent  auflTi  ce  nom  à  tous  les  poiflbns  armés  d'aiguillons.  I^qs  mêmes 
Pêcheurs  difent  qu'une  certaine  humeur  qui  fort  des  arêtes  tranchantes 
de  la  première  nageoire  du  dos  de  la  vive,  eft  un  poifon.  Cet  animal, 
pour  la  façon  de  vivre  ,  &  la  pointe  venimeufe ,  reflemble  aflez  au 
fcorpion. 

On  prétend  que  les  Anciens  n'ont  nommé  ce  poiflbn  dragon  ,  qu'à 
caufe  de  fes  grands  &  beaux  yeux  ,  &  de  la  piqûre  de  fes  aiguillons , 


D  Pv  À  5-17 

qui  efl:  très-dangereufe ,  fur-tout  de  ceux  qui  font  au  Iiaut  du  dos  ; 
c'efl  pourquoi  les  Pécheurs  &  les  Poifîbnniers  ne  manient  le  dragon  de 
mer  qu'avec  précaution ,  ainfi  que  les  Cuiflniers  ;  &  on  le  fert  fouvent 
fur  les  tables  la  tête  coupée  :  ces  aiguillons  font  la  feule  défenfe  de  la 
vive  contre  les  Pêcheurs  ;  s'ils  en  font  piqués  ,  la  partie  s'enfle,  &  la 
tumeur  eft  accompagnée  ordinairement  d'inflammation  ,  de  douleur 
&  de  fièvre.  Ces  aiguillons  n'ont ,  pâs- même  perdu  tout  leur  venin 
quand  l'animal  eft  mort  ;  &  quand  par  hafard  les  Cuifiniers  en  font 
piqués,  il  leur  arrive  prefque  les  mêmes  accidens  ,  que  fi  l'animal 
eue  été  vivant.  C'eft  encore  d'après  cette  finguliere  propriété ,  qu'il 
eft  ordonné  par  les  Réglemens  de  Police  aux  Pêcheurs  &  aux  Mar- 
chands de  poiflbn  de  les  couper.  Le  venin  de  cet  animal  n'exifte  que 
dans  la  mécanique  ou  manière  dont  les  piquans  agiflent. 

Selon  Lemery  ,  le  remède  à  ce  mal  confifte  à  fe  fervir  de  rîiatieres 
acres  &  volatiles,  &c.  comme  d'efprit-de-vin  ,  d'un  mélange  d',o]^pns 
&  de  fel ,  ou  bien  de  la  chair  même  de  la  vive  ;  félon  M."  Ahdry , 
il  faut  appliquer  fur  la  blefliire  le  foie  écrafé  de  l'animal  même. 

DRAGON  DE  MURAILLE.  Les  Chinois  donnent  ^e  nom.  à 
une  efpece  de  lézard  qui  court  fur  les  murailles.;  ils  luh'tjîit  donné 
aufli  le  nom  de  Garde  du  Palais  ,  ou  de  Dame  de  la  Cour ,  parce  que 
l'ufage  des  Empereurs  Chinois  eft  ,  dit-on  ,  de  faire  oindre  le  poignet 
de  leurs  concubines  d'un  onguent  compofé  de  la  partie  huileufe  de  cet 
animal  &  d'autres  ingrédiens.  Cette  teinture  magique  ,  difent  -  ils  , 
dure  tant  que  leurs  concubines  ne  reçoivent  pas  les  carelfes  d'^.  autre 
homme  ;  mais  aufli-tôt  qu'elles  oublient  leur  devoir  ,  le  figne  de 
fidélité  difparoît ,  &  leur  incontinence  eft  découverte.  Dans  la  partie 
méridionale  de  l'Europe  ,  &:  fur-tout  dans  les  climats  brûlans  de  toutes 
les  Contrées  où  le  tempérament  eft  plus  précoce  ,  plus  vif,  en  un 
mot ,  le  cri  de  la  nature ,  une  telle  épreuve  troubleroit  fouvent  la 
tranquillité  des  ménages. 

DKAGOJN  VEGETAL.  Arbre  des  Indes  qui  porte  iey^w^f/^^r^go;?," 
Voyez  ce   mot, 

DRAGON  VOLANT.  Voye^  â  ranicie  -Etoile  tombante. 

DRAGONNE  AU  ou  DRACONCULE  ,  gordms  itudincnfis,  Linnl 
Les  Médecins  donnent   ce  nom  à  un  petit  animal    qui  a  la  figure  & 
la  tortuofité  d'un  petit  ferpent  ou  d'un  petit  ver  capillaire ,  cependant       ^ 
long  &:  large ,  qui  fe  met  entre  cuir  &  chair ,  particulièrement   auT^ 


5  T  3  D  R  A  D  R   ï 

jambes  &  aux  mufcles  du  bras.  Ceux  qui  habitent  les  pays  chauds 
font  fort  fujets  à  être  incommodés  de  cet  animal ,  qui  leur  paroît 
fur-tout  fous  la  peau  des  côtes.  On  prétend  que  l'Empereur  Henri  V 
eft  mort  de  la  maladie  des  draconcuUs  :  nous  avons  parlé  du  dra- 
gonneau  à  Tarticle  Crinons.  Voyez  ce  mot. 

DRAP  D'OR  &  DRAP  ORANGÉ.  On  donne  chacun  de  ces 
îioms  à  deux  fortes  de  coquillages  uni  valves  ,  dont  le  compartiment 
€n  2ig-2ag  efl  ou  doré,  ou  formé  de  grandes  taches  &  de  lignes  au-, 
rores  fur  un  fond  blatK:.  On  apperçoit  dans  les  fafcies  du  drap  d'or 
une  nuance  bleuâtre. -Gelon  les  obfervations  de  M.  ^t/^/?/^;? ,  il  paroît 
que  ce  coquiUage  eft  opercuU ,  &  du  genre  des  rouleaux.  Voyez  ce 
jmot.  Le  drap  cTafgent  eft  d'un  fond  blanc  marbré  de  bleu  ,   &c, 

DRAP  MORTUAIRE.  Infede  du  genre  des  fcarabées ,  &  quia 
£n  petit  la  même  forme  que  celle  du  hanneton.  Il  eft  en  deflbus  & 
.erfllskfl^  d'une  couleur  noire,  un  peu  bleuâtre,  &  varié  de  marques 
S>c  de  tadîes  blanches  ;  il  a  fur  fon  corfeîet  des  points  blancs  ,  difpofés 
en  deux  bander  longitudinales  de  trois  points  chacune,  outre  quelques 
autres  phMp^itits  :  il  a  auili  fous  le  ventre  une  raie  longitudinale ,  formée 
pareillerSnt  de  points  blancs,  & '^lacé  chacun  au  milieu  d'un  des 
anneaux  de  cette  partie.  Cet  infede  fe  trouve  fur  la  fleur  de  l'angélique 
de  même  que  fur  la  plupart  des  plantes  ombelliferes.  M.  Geoff,  7p. 

DRAP  MORTUAIRE.  Les  Holîandois  appellent  ainfi  une  coquille 

..du  g^iLe  des  olives.  Sa  robe  eft  d'un  vert  céladon  ,  ornée  de  chevrons 

coucSjSp    violet -noir,    imitant   le  point  d'Hongrie,  à  petite  tête, 

dont  les  premières  révolutions  ou  fpirales  rentrent  l'une  dans  l'autre, 

DRAPIER.  Voysi  Martin  Pêcheur. 

DFvAVE ,  draba.  Plante  fort  conimune  fur  les  bords  des  chemins 
au  Languedoc  &  des  autres  pays  chauds.  On  la  regarde  comme  une 
forte  de  pajferagc  ;  elle  eft  haute  d'un  pied  ;  fa  tige  eft  ferme  ,  cannelée 
&  rameufe  j  fes  feuilles  font  cblongues  ,  grisâtres  &  dentées  ;  fes  fleurs 
font  petites  ,  attachées  à  des  ombelles  ,  &  difpofées  en  croix.  Il  leur 
fuccede  un  fruit  formé  en  petit  cœur ,  rempli  de  femences  menues  , 
jroufles  &  acres,  La  racine  de  cette  plante  eft  petite  ,  îigneufe  & 
^blanchâtre. 

La  Drave  eft  incifîve  &  carminative. 

PRENNE,   Nom  donné  à  la  grande  grive  du  Gui.  Voyez  ce  mot. 

PKIFF,  La  plupart  des  AJchimiftes  ont  donné  ce  nom  à  la  fameuf^ 


D  R  î  D  R  O  5^Tp 

pierre  de  Butikr ,  fî  vantée  par  Van  Hdmcjity  on  la  nommoit  aiifii 
periapton  faluâs  magneticuîn ,  &  on  îa  regardoit  comme  propre  à  attirer 
le  venin;  on  a  poufle  le  mervei!leux  jufqu'à  prétendre  qu'il  {uMoit 
de  goûter  cette  pierre  du  bout  de  la  langue  pour  être  guéri  des  ma- 
ladies les  plus  terribles  :  cette  pierre  étoit ,  dit-on  ,  compofée  d'ufnée 
humaine,  de  fel  marin  &  de  vitriol  cuivreux  empâté  avec  de  la  colle 
de  poifîbn.    Woit  ga^phylatmm  phyjîco-nudkum, 

DRILL.  Voyci  Okang-outang. 

DROGUIER.  Eft  une  colîedion  de  difTérentes  fubRances  de  îa 
Nature  ,  dans  les  trois  règnes  ,  Minéraux  ,  Végétaux  &  Animaux, 
Le  Naturalifte ,  dans  fes  courfes  philofophiques  ^  ramalTe  toutes  les 
oifFérentes  produâions  naturelles;  il  les  étudie  pour  les  diftribuer  par 
clafies  5  ordres ,  genres  &  efpeces  ;  il  préfente  tous  ces  .tréfors  exoti- 
ques ou  indigènes  à  la  Pharmacie  ,  à  la  Chimie  ,  à  la  Teinture  ^  à  la 
Peinture  ,  à  l'Orfèvrerie  ,  à  tous  les  Arts  &  à  toutes  les  Sciences» 
C'ell:  dans  le  cabinet  du  Naturalifte ,  qu'on  voit  les  échaatillons  de 
ce  que  les  hommes  peuvent  recueillir  ,  échanger ,  fabriquer  &  m.ettre 
en  oeuvre,  comme  aulîi  de  toutes  les  falhncations  qu'oi^ypeut  faire; 
en  un  mot ,  on  y  trouve  la  matière  du  commerce  &  de^%nduftrie. 
Un  Droguier  bien  compofé  fatisfait  aux  befoins  &  à  l'agrément  de  la 
vie,  en  inftruifant  des  particularités  de  chaque  pays.  Tel  eft  le 
motif  quiengage  maintenant  les  Grands  à  avoir  des  droguiers.  M.  l'Abbé 
Pluche  dit  à  ce  fujet ,  que  plus  les  Princes  polTedent  les  détails  de  ces 
fortes  de  colledions ,  plus  ils  fe  montrent  au  fait  des  intérêfjpfe:  des 
travaux  de  la  fociété  qu'ils  gouvernent.  On  appelle  drogue  toutes  les 
épices  &  autres  matières  qui  fervent  à  la  Médecine  &  aux  Arts.  Voy^ 
Epiceries  &  Vanick  Histoire  Naturelle. 

DROMADAIRE.   Voyz^  au  mot  Chameau. 

DRONTE ,  raphui.  Genre  particulier  d'un  oifeau  étranger  ,  feuî- 
de  fon  efpece  ,  &  que  quelques-uns  ont  regardé  improprement  comme 
une  efpece  d'autruche  des  Indes  Orientales.  Le  dronte  habite  ordi- 
nairement dans  l'île  Maurice ,  fi  renommée  par  le  beau  bois  d'ébene 
qui  en  vient.  Cet  animal  eft  fort  ftupide  :  fa  grandeur  &  fa  figure- 
tiennent  du  coq  d'Inde  &  de  l'autruche  ;  fa  taille  furpafïe  celle  dit^ 
cygne  ;  fa  tête  eft  longue  ,  grofle  &  difforme  :  des  plumes  fuivent  le 
contour  de  la  bafe  de  fon  bec  ,  s'avancent  en  pointe  fur  le  front  ^ 
puis  s'arrondiiTent  autour  de  la  face  en  manière  de  capuchon,  d'où- 


^50  D  R  O  DRU 

lui  eft  venu  le  nom  de  cygne  encapuchonné  :  Tes  yeux  font  noirs  ^ 
grands  :  Ton  bec  eft  très  -  long  ,  gros  ,  robufte  ,  pointu  &  crochu  , 
de  couleur  d'un  bleu  pâle  :  fon  cou  eft  grand  ,  gras  &  courbé  :  le 
corps  gros  &:  rond,  couvert  de  plumes  grifes  &  molles,  comme  celui 
de  l'autruclie  :  fes  ailes  font  courtes  :  fes  jambes  font  grofles ,  courtes 
^  jaunâtres  :  il  a  quatre  doigts ,  trois  devant  &  un  derrière  ;  il  ne 
vole  point  &  marche  lentejnent  :  fa  chair  efl:  grafle  &  fi  nourrilTante, 
aue  trois  ou  quatre  drontes  fuïïifbnt  pour  raflafier  cent  perfonnes.  On 
trouve  commune'ment  des  pierres  dans  l'eftomac  de  cet  animal. 

On  regarde  comm.unément ,  dit  M.  de  Bujfon  ,  la  légèreté  comme 
un  attribut  propre  aux  oifeaux  ;  mais  fi  on  vouloit  en  faire  le  carac- 
tère effentiel ,  le  dronts  n'auroit  aucun  titre  pour  y  être  admis  ; 
car  foin  d^nnoncer  la  légèreté  par  fes  proportions  ou  par  fes  m.ou- 
vemenSp^.  il  paroît  fait  exprès  pour  nous  donner  l'idée  du  plus  lourd 
des  étf;è§  organifés.  La  grofleur  ,  qui  dans  les  animaux  fuppofe  la 
force,  ne.. produit  ici  que  la  pefanteur  ;  l'autruche,  le  touyou  ,  le 
c.afoar  oe  font  pas  plus  en  état  de  voîçr  ^ue  le  dronte;  mais  du  moins 
ils  font  très-rv^ts  à  la  courfe,  au  lieu  que  le  dronte  paroît  accablé 
de  fon  pc^pfe  poids ,  &  avoir  à  peine  la  force  de  fe  traîner  :  il  efl: 
dans  les  oifeaux,  dit  encore  M.  ^jï  Buffon  ,  ce  que  lepareffeux.eftdans  les 
quadrupèdes  :  on  diroit  qu'il  eu:  compofé  d'une  matière  brute ,  inac- 
tive ,  où  les  molécules  vivantes  ont  été  épargnées.  Il  a  des  ailes  , 
mais  ces  ailes  font  trop  foibles  &  trop  courtes  pour  l'élever  dans  les 
cùrs  :  ]^f^  i:ne  queue  ,  mais  cette  queue  eft  difproportionnée  &  hors 
de  fa  p^ce  ;  on  le  prendroit  pour  une  tortue  qui  feroit  affublée  de  la 
dépoup!e  d'un  oifeau  j  &  la  Nature ,  en  lui  accordant  ces  ornemens 
inutiles  ,  f^mble  avoir  voulu  ajouter  l'embarras  à  la  pefanreur  ,  la 
gauckerie  des  mouvemens  à  l'inertie  de  la  mafle  ,  &  rendre  fa  lourde 
épaiffeur  encore  plus  choquante  ,  en  faifant  fouvenir  qu'il  eft  oifeau. 

DROUE.    FoyiT^YtTU. 

DRUSE ,  ■'dnif'in.  Nom  Allemand  qui  fignifie  glande ,  &  que  les 
I^aturaliftes  François  commencent  à  adopter  pour  défigner  des  groupes 
ou  amas  de  criftaliifations  ,  foit  minérales,  foit  fpathiques,  &c.  qui 
t^piflent  fi  fouvent   les  cavités  Aqz  filons. 

Les  Mineurs  entendent  aufîi  par  ce  mot  ,  des  filons  poreux  & 
fpongieux  &  dépourvus  de  la  matière  métallique  qu'ils  ont  perdue, 
foit  par  fadicn  d'un  feu  fouterrain,  foit  par  des   diifolvans,  &c.  L^ 

rencontra 


DRY  DUC  fil 

rencontre  de  ces  drufes  déplaît  infiniment  aux  Mineurs  ;  ils  préten- 
dent qu'elle  leur  annonce  que  le  filon  va  devenir  moins  riche ,  joint 
à  ce  qu'ils  s'attendent  à  trouver  peu  après  un  roc  vif  très  -  difficile  à 
percer.    Foyei^  VartïcU  Filons. 

DRYIN ,  dryinus.  Eft  un  ferpent  d'Amérique ,  &  qui  fe  trouve 
aulli  aux  environs  de  Conftantinople.  Il  eft  ainfi  appelle  du  mot  Grec 
A^ûjvof,  qui  fignifie  c^é^/zé  ,  parce  qu'jl.-a^ Ta  couleur  de  cet  arbre,  & 
qu'il  fe  cache  dans  le  creux  du  chêne.  Ce  ferpent  efi:  de  la  longueur 
&  groifeur  d'une  médiocre  anguille  :  il  a  un  regard  affreux  ;  fa  tête 
eft  fort  joliment  marquetée  :  fa  gueule  éft  armée  de  dents  pointues  \ 
le  defllis  de  fon  corps  eft  couvert  de  grandes  écailles  qui  vont  en 
rond,  dont  chacune  eft  barrée  de  raies  rouges.' Dès  que  quelque 
animal  ou  quelque  homme  le  touche  ,  il  jette  une  certaine  liqueuc 
extrêmement  puante  ,  d'une  odeur  pareille  à  celles  des  tanneries. 
Quand  le  dryin  a  fait  cette  évacuation,  il  eft  moins  dangerfecrx.  II 
mord  ordinairement  au  talen  &  au  pied  :  ceux  qui  en  font  mordus 
deviennent  tout  défigurés,  &  meurent  en  langueur,  exhalant  de  tout 
leur  corps  une  puanteur  infupportable.  Le  remède  à  fe-^orfure  eft 
le  même  que  pour  celle  de  la  vipère,  c'eft-à-dire  ,  l'u^cge  de  ïalkali 
volatil.  Le  dryin  fe  retire  auiîi  dans  kfrprés  humides,  où  il  fe  nourrit, 
d'efpeces  de  fauterelles  &  de  petites  grenouilles, 
.  DSHEREN.  Foyci  Ahu. 

DUB.  Sorte  de  lézard  non-venimeux  ,  qui  fe  trouve  dans  le^éferts 
de  la  Lybie  en  Afrique  :  il  a  un  pied  &  demi  de  longucur/'êc  trois 
pouces  de  largeur.  L'eau  le  fait  mourir.  Il  fait  des  œufs  femblables 
à  ceux  du  crapaud.  Les  Arabes  le  mangent  rôti  :  fa  chair  a  re  goût 
de  la  grenouille.  Ce  lézard  eft  fort  difpos  ,  &  fi  fort,  qu£  lorfqu'il 
a  -la  tête  *;  la  moitié  du  corps  dans  un  trou ,  quoique  fa  queue  de- 
meure dehors  ,  il  eft  impofljble  de  fen  arracher,  quelque  effort  que 
l'on  faife  ;  les  Chaffeurs ,  pour  l'en  retirer,  font  obligés, d'agrandir  ce 
trou  avec  un  inftrument.  Au  bout  de  trois  jours  qu'on  l'a  tué,  fi  on 
le  met  auprès  du  feu  ,  les  parties  de  fon  corps  fe  meuvent  ou  pal- 
pitent encore,  mais  comme  fi  l'animal  expiroit. 

DUC  ,  buho.  Oifeaudenuit ,  c^^Vi.Linnocus  met  à  la  tête  àQ%  oifeaux 
de  proie  :  M.  Bnjjon  le  place  dans  le  genre  du  hibou.  On  difiingue 
pîufieurs  efpeces  de  ducs  ,  dont  le  caradere  eft  d'avoir  trois  doigts  en 

Tomai,  Vvv 


y  ^  2  DUC 

devant  &  un  par  derr'ere  ;  le  dernier  eft  tourné  en  arrière  :  la  fuperficie 
du  bec,  depuis  la  bafe  jufqu'à  la  pointe,  eft  crochue,  les  narines  font 
couvertes  de  plumes  qui  ont  la  rudefle  du  poil  :  il  n'a  point  autour  du 
bec  le  ccra  de  la  plupart  des  oifeaux  de  proie. 

La  premi'ire  efpece  eft  le  grand  duc ,  bubo  maximus  ;  c'eft  l'efpece  de 
hibou  la  plus  forte,  le  plus  grand  des  oiL-aux  nodùrnes;  ceft  en 
quelque  forte  l'aigle  de  la  nuit  &  le  roi  de  cette  tribu  d'oifeaux  qui 
craignent  la  lumière  du  jour ,  &  ne  volent  que  quand  elle  s'éteint.  Son 
cri  eft  effrayant  &  femble  exprimer  les  fons  û'un  animal  fouffrant , 
Jud  hou ,  hou-hou,  bouh  û,  pou^  hou  :  cek  d'après  cette  forte  de  cri  lu- 
gubre ,  que  quelques  François  l'ont  appelé  chat-huant  plaintif:  il  fait 
retentir  ce  cri  dans  le  filence  de  la  nuit ,  lorfque  les  autres  animaux  fe 
taifent ,  &  c'eft  alors  qu'il  les  éveille,  les  inquiète,  les  pourfuit  &:  les 
enlevé,  ou  les  met  à  mort  pour  les  dépecer  &  les  emporter  dans  fa 
retraite.  Il  defcend  rarement  dans  les  plaines ,  &  ne  fe  perche  pas  vo- 
lontiers fur  les  arbres.  Sa  chafle  la  plus  ordinaire  eft  les  jeunes  lièvres, 
les  lapins ,  les  taupes ,  les  mulots  ,  les  fouris  ;  il  avale  ces  dernières 
toutes  entieri^^^'  &  en  digère  la  fubftance  charnue  &  vomit  le  poil,  les 
os  &  la  peau  en  pelotes  arrondies;  il  mange  aufti  les  chauve-fouris,  les 
ferpens,  les  lézards,  les  crapaj^ds ,  les  grenouilles,  &  en  nourrit  fes 
petits;  il  chafTe  alors  avec  tant  d'adivité  &  d'adrefle,  quefon  nid  regorge 
de  provifions  ;  il  en  rafîemble  plus  qu'aucun  autre  oifeau  de  proie. 
(5ette  efpece  n'eft  pas  auflî  nombreufe  en  France  que  celle  des  autres 
hiboux  ,'"§[  il  n'eft  pas  sûr  qu'ils  reftent  au  pays  toute  Tannée.  Leur 
nid  a  près  de  trois  pieds  de  diamètre ,  &  eft  compofé  de  petites  branches 
de  bois  ^c  entrelacées  de  racines  fouples  ,  &  garni  de  feuilles  en  dedans. 
On  ne  trouve  ■  fouvent  qu'un  œuf  ou  deux  dans  ce  nid ,  un  peu  plus 
gros  que  les  œufs  de  poule.  Ces  oifeaux  chafTent  dans  le  fiknce,  & 
avec  plus  de  légèreté  que  leur  grofte  corpulence  ne  paroît  le  permettre. 
On  les  voit  fouvent  fe  battre  avec  les  bufes  ;  ils  font  ordinairement  les 
plus  forts  &  les  maîtres  de  la  proie  qu'ils  leur  enlèvent.  Le  grand  duc 
eft  un  puiffant  oifeau  :  M.  HalUr  ^flure  qu'on  l'a  vu  combattre  &  vaincre 
un  aigle.  Ce  même  Obfervateur  ajoute  que  cet  oifeau  a  les  yeux  fin- 
guliérement  conformés;  la  cornée  en  eft  fi  convexe  ,  qu'il  paroît  avoir 
un  tube  appliqué  fur  la  fclérotique  :  cette  grande  furface  de  la  cornée 
ramafle  un  nombre  fupérieur  de  rayons  de  lumière ,  &  contribue  à 


DUC  521 

rendre  l'animal  fenfïble  au  peu  de  lumière  qui  refte  dans  l'air  en 
rabfence  du  foleii.  Ils  fupportent  même  plus  aifément  la  lumière  da 
jour  que  les  autres  oifeaux  de  nuit  ;  car  ils  fortent  de  meilleure  heure 
le  foir,  &  rentrent  plus  tard  le  matin.  On  voit  quelquefois  le  duc  aflailli 
par  des  troupes  de  corneilles  qui  le  fuivent  au  vol  &  ren\^jonnent  par 
milliers.  Il  loutient  leur  choc ,  poufle  des  cris  plus  forts  qu'elles ,  & 
finit  par  les  difperfer,  &  fouvent  par  enprendre  quelques-unes  lorfque 
la  lumière  du  jour  baifle.  On  fe  fert  du  duc  dans  la  Fauconnerie  pour 
attirer  le  milan  j  on  attache  au  duc  une  queue  de  renard,  pour  rendre 
fa  figure  encore  plus  extraordinaire;  il'^vole  à  fleur  de  terre,  &  fe  pofe 
dans  la  campagne ,  fans  fe  percher  fur  aucun  arbre  :  le  milan  qui 
l'apperçoit  de  loin ,  arrive  &  s'approche  du  duc ,  non  pas  pour  le 
combattre  ou  l'attaquer,  mais  comme  pour  l'admirer,  &  il  fe  tient 
auprès  de  lui  allez  long-temps  pour  fe  laifTer  tirer  par  le  Chafleur,  ou 
prendre  par  les  oifeaux  de  proie  qu'on  lâche  à  fa  pourfuite.-Le  duc  blanc 
de  la  Lapponie  paroît  de  la  même  efpece  que  le  nôtre,  &  ne  doit  fa 
couleur  qu'au  froid  du  climat.  Comme  cet  oifeaû 'craint  peu  le  chaud 
&  ne  redoute  pas  le  froid,  on  le  trouve  également  daiï&Jes  deux  Con- 
tincns,  au  Nord  &  au  Midi;  &  non-feulement  on  y  trouve  l'efpeca 
même,  mais  encore  les  variétés  de  Tirfpece.  I^q  jacurutu  du  Bréfîl  ell: 
le  même  oifeau  que  notre  grand  duc  commun  :  on  connoît  auiîî  le  grand 
duc  de  Firginic  :  en  un  mot  on  diftingue  trois  fortes  de  grands  ducs  , 
moins  par  la  tailie,  qui  eft  aflez  égale,  que  par  le  plumage',  dont  les 
couleurs  font  allez  différentes.  Le  premier  a  àQ&  plumes  noirâtres,  qui 
s'élèvent  de  trois  doigts  au-delTus  des  oreilles  ,  &  en  manierei^de  cornes. 
Le  deuxième  eft  le  grand  duc  d'Italie  ;  il  diffère  du  précédent  par  fes 
jambes,  qui  font  couvertes  de  plumes  duvetées  jufqu'a  l'extrémité  des 
doigts ,  qui  font  aufli  plus  petits  :  tout  le  champ  de.  fon  pennage  eft 
fauve.  Le  troifieme  a  les  jambes  peu  ou  point  velues,  Sl  les  ferres  plus 
foibles  :  on  l'appelle  grand  duc  déchaujffé,  bubo  pedlbus  nudis.  Le  grand 
duc  ne  fait  pas  feulement  fa  retraite  dans  les  fombres  cavernes  des- 
montagnes  &  des  rochers  ,  mais  aufii  dans  les  arbres  creux ,  dans  les 
édifices  ruinés  &  dans  les  mafures  abandonnées ,  fous  les  toits  des  grandes 
maifons,  des  greniers,  dans  des  trous  de  tours  &  de  murailles,  enfin 
dans  des  lieux  peu  fréquentés  par  les  hommes  :  c'eft-là  où  cet  animal 
dépofe  fes  œufs  ,  les  couve  &  élevé  fes  petits.  ^| 

V  V  V  2 


5  24  DUC 

La  deuxième  efpece  eft  le  moyen  duc  ,  qui  eft  encore  un  chat-huan 
cornu  ou  hibou  cornu ,  ajïo.  On  en  diftingue  aufli  de  deux  fortes  ;  la 
première  a  le  champ  du  pennage  plus  cendré  &:  plus  blanchâtre  ;  l'autre 
eft  plus  fauve,  &  d'une  couleur  de  rouille  plus  lavée  :  leur  tête  eft 
chamarrée  ^^  ronde,  de  même  que  dans  tous  les  oifeaux  qui  ne  butinent 
que  la  nuit  :  les  oreilles  font  compofées  de  deux  cornes  de  plumes  : 
toute  la  face,  depuis  les  fourclls  jufqu'aux  nafeaux,  &  tout  ce  qui  eft 
autour  des  yeux  &  du  bec,  efToiTTé-  &:  environné  de  petites  plumes, 
déliées  comme  des  poils  :  cette  forte  de  collet  ou  de  couronne  de  plumes 
eft  ou  fauve  ou  d'un  cendré  blajjchâtre  :  les  yeux  font  grands,  la  prunelle 
noire ,  le  tour  jaune  :  le  bec  ,  d'un  brun  noirâtre ,  mais  moins  courbé 
que  celui  du  hibou  vulgaire  :  les  plumes  du  vol  font  grandes  &  jafpées; 
celles  de  la.  queue  ne  s'étendent  pas  beaucoup  au-delà  du  vol  :  les  ferres 
font  longiies  &  robuftes,  garnies  de  beaux  ongles  noirs,  aigus  & 
courbés;  les  jambes  fortes  :  ceux  qui  font  jaunes  ou  fauves  les  ont,  ainfi 
que  les  griiFes,  couvertes  de  plumes  velues  jufqu'au-defius  des  ferres» 

Le  moyen  duc  eft  évidemment  une  efpece  différente  de  celle  du  grand 
duc,  qui  eft -^ôs  comme  une  oie,  &  de  celle  àufcops,  ou  petit  duc  , 
qui  n'eft  pas  plus  gros  qu'un  merle  ;refpece  en  eft  beaucoup  plus  com- 
mune dans  nos  climats ,  que  cel^e  du  grand  duc  ,  que  l'on  n'y  rencontre 
que  rarement  en  hiver,  au  lieu  que  le  moyen  duc  y  rcfte  toute  l'année, 
&  fe  trouve  même  plus  aifément  en  été  qu'en  hiver.  Cet  oifeau  ne  fe 
donne  gu^re  la  peine  de  conftruire  de  nid  ,  il  pond  dans  des  nids 
étrangers  qu'il  trouve  tout  faits  ,  comme  à^s  nids  de  pie,  de  bufe;  on 
fe  fert  du  hibou  &  du  chat-huant  pour  attirer  les  oifeaux  à  la  pipée  ;  & 
l'on  remarque  que  les  gros  oifeaux  viennent  plus  volontiers  à  la  voix 
du  hibou ,  qui^eft  une  efpece  de  cri  plaintif  ou  de  gémiffement  grave 
&  alongé,  cloi^  ,  cioud ,  qu'il  ne  ceffe  de  répéter  pendant  la  nuit,  & 
que  les  petits ooifeaux  viennent  en  plus  grand  nombre  à  celle  du  chat- 
huant^  qui  eft  une  voix  haute,  une  efpece  d'appel  hoho,  hoho  :  tous 
deux  font  pendant  le  jour  des  geftes  ridicules  &  bouffons  en  préfence 
des  hommes  &  des  autres  oifeaux  ;  mais  ,  dit  M.  de  Buffon ,  ces  mou- 
vemens  bouffons  ou  fatiriques  ,  attribués  aw  hibou  par  les  Anciens  , 
appartiennent  auffi  à  prefque  tous  les  oifeaux  de  nuit ,  &  dans  le  fait 
ils  fe  réduifent  à  une  contenance  étonnée,  à  de  fréquens  tournemcns 
de  tête  en  haut  3  en  bas ,  &  de  tous  côtés ,  à  des  craquemens  de  bec^. 


D  U  G  D   U   N  3'2s' 

à  des  trépidations  de  jambes  &  des  mouvemens  de  pieds ,  dont  ils 
portent  un  doigt,  tantôt  en  arrière,  tantôt  en  avant. 

he  petit  duc,  fcops ,  eft  remarquable  par  fon  plumage  plus  élégam- 
ment bigarré  &  plus  diftindement  tacheté  que  celui  des  autres  ;  car 
tout  Ton  corps  eft  très-joliment  varié  de  gris  ,  de  roux,  de 'brun  &  d§ 
noirj  Tes  jambes  font  couvertes  jufqu'à  leur  origine  de  plumes  d'un 
gris  roufsâtre  mêlé  de  taches  brunes^_JZ)ette  efpcce  diffère  des  deux 
autres  par  fon  naturel,  elle  fe  réCinit  en  troupe  en  automne  &  au 
printemps  pour  voyager  ;  ces  oifeaux  partent  après  les  hirondelles  ,  & 
arrivent  à -peu -près  en  même  temps  ,•11  n'en  refte  que  très-peu  ou 
point  du  tout  dans  nos  Provinces  pendant  l'hiver;  il  y  a  lieu  de  croire 
qu'elles  font  des  voyages  de  long  cours ,  &  qu'elles  paffent  d'un  continent 
à  l'autre.  L'oifeau  de  la  Nouvelle  Efpagne ,  connu  fou-s  le  nom  de 
talchicuatli ,  paroît  être  la  même  efpece,  ou  une  efpece  bien  voifîne. 
Les  petits  ducs  recherchent  les  endroits  qu'habitent  les  mulots,  & 
rendent  quelquefois  par  leur  arrivée  les  plus  grands  fervices,  en  détrui- 
fant  ces  animaux  qui  dans  de  certaines  années  pullulent  à -un  tel  point, 
qu'ils  dévorent  toutes  les  graines  &  toutes  les  racines  des  pfentes  leé  plus 
néceffaires  à  la  nourriture  &  à  l'ufage  de  l'homme;  le  petit  duc,  ou 
fcops,  eft  fouvent  confondu  avec  la  chèvythc,  parce  que  ces  deux  oifeaux 
font  à-peu-près  de  la  même  groffeur,  &  que  les  petites  plumes  émi- 
nentes  qui  diftinguent  le  petit  duc  font  très-courtes  &  trop  peu  appa- 
rentes pour  faire  un  caradere  qu'on  puiffe  reconnoître  de  loin,  La 
couleur  de  ces  oifeaux  varie  beaucoup  fuivant  l'âge  &  le  climat,  & 
peut-être  le  fexe  ;  ils  font  tous  gris  dans  le  premier  âge  ;  il  y  en  a  de 
plus  bruns  les  uns  que  les  autres,  quand  ils  font  adultes;  la  co\|Jeur  des 
yeux  paroît  fuivre  celle  du  plumage.  ^* 

DUGON.  Fauffe  efpece  de  morfe.  ou  de  vacht  marine  ^YoyQZ  ce  qui 
en  eft  dit  à  la  fin  de  ce  dernier  mot. 

DUNES.  Ceft  ainfi  qu'on  nomme  des  hauteurs  détachées  les  unes 
des  autres  ,  ou  monticules  de  fable,  qui  fe  trouvent  accumulées  le  long 
d'une  côte  fur  le  bord  de  la  mer  ou^e  la  plage.  Les  dunes  font  au 
nombre  des  atterriffemens  ;  entre  Dunkerque  &  Calais  les  dunes  peuvent 
avoir  environ  un  quart  de  lieue  de  largeur  ;  on  trouve  fur  le*fable  des 
dunes  des  environs  de  Calais  &  de  Boulogne  des  fiagmens  de  quelques 
efpeces  de  coquilles  qui  fe  déiruifcnt  peu-à-peu  par  les  flots  de  la  mer 


X 


^26  DU  R  D  U  Y 

dans  le  flux  ôc  reflux.  Les  côtes  maritimes  de  la  haute  Normandie  font 
garnies  de  pareilles  dunes  ,  ou  de  bancs  de  fable, 

DURE  MERE.  Voyez  à  l'article  Homme, 

DURION,  durio.  Grand  arbre  des  Indes  en  Malaca,  dont  le  bois 
efl:  fort  &  folide  ,  couvert  d'une  écorce  grisâtre,  trcs-rameux  &  garni 
de  feuilles  larges  de  deux  pouces  &  longues  de  iïx  doigts  ,  fort  den- 
telées &  de  couleur  roufle  :  fa-  ^Qe^ur  efl:  d'un  blanc  jaunâtre  :  les  habitans 
l'appellent  luaa.  A  cette  fleur  fuccedent  des  fruits  gros  comme  un 
melon  ,  couverts  d'une  écorce  ferme,  fïllonnée  comme  celle  du  melon, 
mais  hérifîee  de  forts  piquaffts.  Ce  fruit  eft  intérieurement  divifé  en 
quatre  cellules  ,  qui  contiennent  chacune  ,  dans  trois  ou  quatre  autres 
réceptacles ,  des  amandes  ou  fruits  fort  blancs ,  de  la  grofleur  d'un 
ceuf  de  poule,  Ces  fruits  paroiflent  d'abord  défagréables  au  goût  à  ceux 
qui  n'en  on-t  pas  encore  mangé,  &  d'une  odeur  d'oignons  pourris; 
mais  après  s'y  être  accoutumé,  on  trouve  que  le  goût  "en  eft  exquis. 
Les  Indiens  appellent  cet  arbre  batan,  &  (on  ïruxt  duryaotn.  Ils  eftimcnt 
ce  fruit  apéritif,  carminatif  &  fudorifique.  Quand  ils  craignent  d'en 
avoir  trop  mangé,   ils  mâchent  du  bccd ,  pour  prévenir  l'indigeflion, 

DUCHAL,  Efpece  de  liqueur  vineufe  dont  on  ufe  en  Perfe  :  elle 
reflembîe  à  du  firop  &  elle  en*a  la  confiftance  :  on  la  fait  avec  du  moût 
de  vin  :  quelquefois  on  l'évaporé  jufqu'à  ficcité,  afin  d'en  rendre  le 
tranfport  plus  facile  ;  &  quand  on  veut  en  faire  ufage  ,  il  fuffit  d'en 
diflbudrè  un  peu  dans  de  l'eau  mclée  avec  un  peu  de  vinaigre ,  alors 
on  a  une  boiflbn  qui  eft,  dit-on,  très-propre  à  appaifer  la  foif ,  & 
fur-tout  très -commode  dans  un  pays  où  l'ufage  du  vin  eft  défendu, 
JDlciionn.  dcllubner,  Foyci^L^articU  ViN  <z  la  fuite  du  mot  ViGNE. 

DUTROÂ  ou  DATUPvA.  Plante  des  Indes  dont  la  graine  prife 
intérieurement  caufe  une  joie  infenfée,  qui  fait  perdre  la  raifon  &  la 
mémoire.  Il  y  a  un  pays  où  les  femmes  en  font  fouvent  prendre  à  leurs 
maris.  P^oye^  à  la  fuite  de  l'article  Pomme  épineuse. 

DUVET,  On  appelle  ainfi  la  plume  menue  &  chaude  qui  couvre 
tout  le  corps  de  l'oifeau  &  qui  le  garantit  du  froid.  Le  duvet  du  gerfault 
&  celui  du  canard  d'Iflande  (  canard  à  duvet  )  portent  le  nom  ^êdredon^ 
Le  duvet  d'autruche  eft  de  deux  efpeces  ;  l'un  ,  qui  eft  fin,  &  fe  nomme 
foil  d'autruche  ;  l'autre,  qui  eft  gros,  n'eft  que  les  petites  plumes  de 
cet  oifeau  que  les  Plumaiîiers  frifentavec  le  couteau  :  roj^e^  Autkuche, 
Qîi  dit  aufli  le  duvet  c^'i^ne  plante,  Voye^^  à  t article  Planth» 


D  Y  T  '^27 

DYTIQUE,,  dytlfcus»  Ce  mot  qui  fignifie  plongeur  défigne  un  genre 
d'infeâes  aquatiques  nommés  en  François  fcarahées  if  eau,  dont  le  carac- 
tère eft  d'avoir  le  plus  fouvent  des  antennes  fétacées  &  des  pieds  propres 
à  nager  &  fans  poils.  Voyez  Tourniquet  de  Scarabée  aquatique.  Les  dy- 
tiques font  communs  dans  les  balTins,  les  étangs ,  les  eaux  dormantes, 
le£  ruifleaux  &  les  mares.  Leur  larve,  femblableà  celle  du  ver  ajfajjîn , 
s'enfonce  dans  la  terre,  fous  Teau,  pour  y  faire  fa  coque. 


^Mi^à 


52S  EAU 

E 

J^AU,  aqua.  Eft  un  corps  fans  couleur,  tranfparent,  volatil,  ra- 
refcible ,  infipide  ,  inodore ,  qui  a  la  propriété  de  mouiller  tout  ce 
qu'il  touche,  &  qui  eft  ordinairement  fluide. 

Du  moins  telles  font  les  propriétés  de  l'eau  pure;  car  nous  verrons 
plus  bas ,  ^ue  la  nature  nous  préfente  quelquefois  de  l'eau  chargée  de 
matières  étrangères  qui  lui  donnent  de  l'odeur,  de  la  couleur,  de  la 
faveur;  &  que  l'eau  eft  auflî  quelquefois  dans  un  état  de  folidité. 

Différences  des  Eaux, 

Leurs  différences  font  d'être  froides  ou  chaudes ,  fimples  ou  com- 
pofées,  concrètes  ou  fluides. 

L'état  naturel  de  l'eau  dans  les  climats  tempérés  eft  d'être  fraîche  & 
fluide  i  dans  M^zone  glacée ,  l'état  naturel  de  l'eau  eft  d'être  froide  & 
iolide,  &  ce  n'eft  que  par  accident  qu'elle  devient  chaude,  ou  compofée. 

Dans  le  premier  cas  ,  on  l'appelle  eau  proprement  dite  ;  dans  le  fécond, 
elle  prend  le  nom  ,  ou  de  glace,  ou  de  neige,  ou  de  grêle  ;  &  dans  le 
dernier  cas  on  la  défigne  fous  le  nom  d\au  thermale  :  difons  maintenant 
que  des  Phyfîciens  du  premier  rang  difent  que  l'état  le  plus  naturel 
xle  l'eau  eft  celui  de  folidité,  &  qu'elle  n'eft  en  forme  fl.uide  que  par 
l'effet  de  la  fufion  occafionnée  par  des  parties  du  feu  qui  y  circulent 
&  y  fon|:  interpofées.  On  compte  prefque  autant  d'efpeces  d'eaux 
fluides,  qu'i!||r  (l'de  matières  que  l'eau  peut  tenir  en  diflblution ,  foit 
par  elle-même,  foit  au  moyen  de  quelque  corps  quiferve  d'intermède. 
Sous  ce  rapport ,  les  eaux  font,  ou  favonneufes ,  ou  fulfureufes  ,  ou 
bitumineufes,  ou  alumineufes,  ou  vitrioliques,  ou  muriatiques,  ou 
minérales  m.étalliques  ,  c'eft-à-dire,  pyriteufes,  ainfi  qu^on  le  verra 
par  les  détails  fui  vans.. 

Nous  fuivroçs  ici  la  divinon 'générale  des  eaux  qu'on  lit  dans  notre 
^Améïalogifù'.t.I.  Edit.de  \yy^.  nous  les  cQnfidérerons  comme  fimples, 
^5i  comme  compofées» 

Eaux  JimpliS» 

9 

Q>mîne  eaux  Jimplcs  ,   cîîes  font  réputcas   ne  contenir   aucunes 

fubftances 


EAU  5*  2  p 

fiibflances  étrangères  à  celles  qui  confâtuent  réiément  aqueux  :  mais  les 
Chimiftes,  en  les  analyfant,  ont  toujours  trouvé  quelque  réfîdu  falin 
ou  terreux,  &c.  qui  fait  conclure  que  la  fimplicitc  qu'on  leur  attribue, 
eft  une  (implicite  purement  relative.  MM.  Bocrhaave  8c  Marcgraf  ont 
aulîî  prouvé  que  l'eau  la  plus  pure  en  apparence,  à  l'odeur  &  à  la 
faveur,  donnoit  encore,  après  la  diftillation  la  plus  fcrupuleufement 
redifiée  des  parties  hétérogènes.  M,  Lavoijzer  ,  de  l'Académie  des 
Sciences,  a  lu  à  la  rentrée  publique,  le  14  Novembre  1770,  une  excel- 
lente Diflertation ,  dans  laquelle  il  traite  &  difcute  avec  clarté  cette 
queiHon  :  Peau  la  plus  pure  coniient-elle  de  la  terre,  &  cette  eau  peut-elU 
être  changée  en  terre?  M.  Lavoijier  conclud  que  l'eau  dillillée  feulement 
une  fois  ou  deux  à  une  chaleur  douce  &:  lente ,  eft  prefque  abfolument 
pure  :  qu'elle  ne  change  point  de  nature  par  îa  diftillation,  &  n'acquiert 
aucune  nouvelle  propriété  par  des  diftillations  réitérées,  &  que  la 
terre  que  les  Chimiftes  ont  imaginé  retirer  de  l'eau,  n'étoit"  que  des 
débris  de  l'alambic  dont  on  s'étoit  fervi ,  &  rapprochés  par  févapora- 
tion.  M.  Hartfoëcker  a  obfervé  qu'une  eau  de  fontaine^ (non  préparée) 
très-limpide,  expofée  à  l'air  libre  eft  remplie  d'une  infinité  d'animaux, 
avec  lefquels  ceux  de  l'air  s'accouplent,  &  multiplient  prodigieufement 
en  très-peu  de  temps ,  &  deviennent  enfuite  de  petits  infeâies  volans. 
Ces  infedes  proviennent  d'œufs  ou  de  vers  qui  y  exiftoient,  ou  qui 
y  font  furvenus  par  diflérens  moyens.  Fanhdinont  rapporte,  &  c'eft 
un  fait  très -connu  à  préfent,  que  l'eau  (non  diftillée  J  la  plus  pure 
dont  on  approvifionne  nos  navires,  éprouve  fous  la  ligne  une  véritable 
putréfadion  ;  qu'elle  devient  roufsâtre ,  enfuite  verdâtre ,  &  enfin 
rouge  :  que  dans  ce  dernier  degré  d'altération  elle  répand  une  puanteur 
infupportable,  &  qu'elle  fe  rétablit  enfuite  d'elle-même  OTpeu  de  jours: 
cette  altération  eft  due  à  des  corps   étrangers  à  l'eau.  , 

Les  eaux  JimpUs  font  les  plus  communes,  &  ne  pefent  environ  que 
foixante-dix  livres  par  pied  cube  :  elles  font  ou  aériennes  ou  terreftres. 

Les  eaux  de  Caïr  font,  ou  fluides,  comme  la  pluie,  ou  congelées, 
comme  la  neige  &  la  grêle;  elles  défalterent  peu  les  animaux;  mais 
elles  conviennent  merveilleufement  à  la  végétation.  La  pluie  tombe 
en  gouttes  plus  ou  moins  groîTes  ,  &  avècplus  où  moins  de  fréquence; 
elle  forme  &  entretient  les  eaux  des  mares  ,  des  citernes  &  plufieurs 
lacs  :  voye^^  Pluie.  Celle  de  tempête  eft  fort  grolTe  :  la  pluie  fine  donne 
îa  bruine.  Ces  eaux  après  être  tombées  fur  la  terre ,  coulent  dans  les 
Tome,  //,  X  x  x 


^30    '  ■  EAU 

ruifTeaux,  dans  les  rivières  &  dans  la  mer,  d'où  elles  font  enlevées  dé 
nouveau  dans  ratmofphere  ,  &  donnent  en  retombant  les  météores 
connus  fous  les  noms  de  brouillard  &  de  rofée.  Voyez  ces  mots. 

Les  eaux  du  ciel  congelées  font  les  moins  altérables;  mais  quoiqu'on 
les  emploie,  fans  inconvénient,  dans  les  BrafiTeries ,  on  obferve  qu'en 
général  elles  font  mal  faines  étant  fondues  ;  quantité  d'habitans  du  Tirol 
&  de  la  Suifle  en  font  une  funefte  expérience  :  ils  prétendent  que  c'eft 
l'ufage  d'une  telle  eau  qui  leur  donne  les  goitres  auxquels  ils  font  fujets; 
&  Ton  fait  que  toutes  les  eaux  de  la  Suiffe  ne  proviennent ,  pour  la 
plupart ,  que  des  neiges  fondues.  Parmi  les  eaux  congelées,  on  compte 
la  grêle,  la  neige,  &  les  météores  connus  fous  le  nom  de  frimas,  de 
verglas ,  de  givre  ,  &c.  Voyc:^  chacun  de  ces  mots. 

Les  eaux  terre/Ires  lont  celles  que  l'on  rencontre ,  tant  à  la  furflice 
qu'à  l'intérieur  de  notre  globe  :  elles  font  ou  ftagnantes,  ou  coulantes, 
ou  glacées. 

Ueau  coulante  ell:  d'un  ufage  indifpenfable  aux  divers  befoins  & 
agrémens  de  la  vie  :  c'eft  la  plus  faine  ,  la  plus  favoureufe  aux  organes 
du  goût ,  &  la  plus  propre  à  appaifer  la  foif  de  tous  les  animaux  ;  elle 
eft  plus  pefante,  plus  long-temps  à  s'échauffer,  à  fe  refroidir  &  à 
bouillir  que  l'eau  célefte  :  parmi  ces  eaux ,  l'eau  de  fource  eft  la  plus 
claire  &  la  plus  légère  ;  on  la  nomme  aufli  eau  de  roche  :  on  ne  lui 
reconnoît  de  faveur  que  celle  du  fol  qu'elle  arrofe  dans  fon  trajet  fou- 
terrain.  C'eft  elle  qui  forme  les  fontaines  ,  les  puits ,  &c.  Ce  font  de 
femblables  eaux  qu'on  diftribue,  comme  à  commandement,  (d'un 
feul  coup  de  clef)  au  buffet,  à  la  cuifîne,  au  bafim  du  parterre,  & 
aux  cuvettes  ^du  potager. 

Il  y  a^  des  eaux  de  fource  qui  coulent  continuellement ,  &  d'autres 
périodiquement  ,"  c'eft-à-dire  à  certains  temps  de  l'année  ou  de  la 
journée  ,  &c.  Il  eft  vraifemblable  que  la  fource  primitive  de  ces  der- 
nières eaux  eft  généralement  due  à  des  fontes  de  neige  opérées  immé- 
diatement après, que  le  foleil  a  paru  fur  l'horizon  du  lieu  :  d'autres 
font  périodiques,  irrégulieres ,  &  fuivent  dans  Ijur  écoulement  les 
variations  du  temps,  yoyei  ce  que  nous  en  difons  à  l  article  Fontaine, 

Ueau  de  puits  eft  également  une  eau  fouterraine  ,  dont  l'origine  & 
les  propriétés  paroifîent  peu  différentes  de  la  précédente  :  il  eft  certain 
cependant,  qu'elle  eft  plus  indigefte,  &  plus  propre  adonner,  par 
une  forte  d'aftridion,  ou  une  autre  propriété  équivalente,  de  l'inten- 


EAU  5-31 

iîté  aux  couleurs  rouges  qu'on  imprègne  fur  la  toile,- le  coton,  la 
futaine  &  autres  étoffes.  Les  Jardiniers  fe  gardent  bien  d'en  employer 
l'eau  fans  l'avoir  expofée  à  l'air ,  à  moins  que  le  puits  ne  foit  peu  pro- 
fond :  autrement  ils  feroient  périr  les  racines  des  plantes.  On  verra  aux 
articles  Fontaine  &  Mines  ,  que  les  eaux  fouterraines ,  dont  l'exiftence 
eft  généralement  connue  ,  fe  trouvent  à  toutes  les  profondeurs  de  la 
terre,  où  il  y  a  des  crevafîes  &  de  l'air  à  refpirer;  &  que  les  odeurs 
plus  ou  moins  fuaves ,  qu'exhalent  plufîeurs  d'entre  ces  eaux ,  ne  pro- 
viennent vifîblementj  que  de  ce  qu'elles  ont  lavé  les  montagnes,  8c 
baigné  les  prairies  dans  le  temps  des  fleurs  ,  ou  dilfous  des  fubftances 
ou  folîîles ,  ou  minérales ,  avant  ou  pendant  leur  infiltration  fouter- 
raine.  M.  Leutman  dit  que  fi  on  filtre  de  l'eau  de  puits  au  travers'd'un 
papier  gris ,  qu'on  laiffe  enfuite  fermenter  ou  pourrir  cette  eau ,  & 
qu'on  la  filtre  de  nouveau,  elle  fera  plus  pure  que  fi  on  la  diftilloit. 

L'eau  de  rivière,  qui  tire  fon  origine  en  grande  partie  ,  des  fontaines, 
fources  &  ruiffeaux  ,  eft  fouvent  impure ,  fur-tout  près  des  grandes 
Villes  qu'elle  a  arrofées ,  ou  immédiatement  aptes  des  orages  :  elle 
s'épure  enfuite ,  &  devient  propre  à  appaifer  la  foif,  à  préparer  nos 
alimens,  à  blanchir  le  linge;  elle  diflbut  mieux  le  favon,  nettoie  plus 
à  fond  le  linge  ;  elle  efl:  plus  ondueufe;  enfin  elle  efi:  préférable  à 
toutes  fortes  d'eaux  pour  faire  prefque  toutes  les  couleurs  de  la 
teinture. 

Les  eaux  Jîagnantes  font  fans  écoulement,  elles  font  troubles  & 
grisâtres ,  d'une  odeur  vappide  &  d'un  goût  bourbeux  ;  elles  dépofent 
beaucoup  de  limon  ,  &  elles  fe  corrompent  d'autant  plus  facilement 
qu'elles  ont  déjà  un  commencement  de  putréfadion  :  telles  font  les 
eaux  de  vivier,  de  mare  ou  de  marais  &  d'étang.  Q^s  eaux  fe  delle- 
chent  aiféroent  en  été  ,  &  fe  réduifent  en  une  matière  bourbeufe  , 
-excepté  celle  d'abyme  :  le  fond  des  eaux  bourbeufes  &  marécageufes 
eft  toujours  orné  de  buifl'ons  &  de  moufTes  :  il  eft  en  outre  la  retraite 
d'une  infinité  d'infedes  &  de  vers,  &  fe  change  peu  à. peu  en  une 
excellente  terre  combuftible.  Foyc?^  Tourbe.    - 

Les  eaux  de  citerne  ne  font  qu'une  eau  de  pluie,-  ou  de  ravine  ra'- 
maffée  dans  d^s  trous  ombragés  ,  SCaufii  larges  que  profonds.  Souvent 
une  large  citerne  reçoit  en  un  inftant  toute  l'eau  qu'un  orage  paflager 
répand  fur  les  batimens  &  dans  les  cours  :  la  citerne  eft  une  reflburce 
quand  une  féchereife  de  longue  durée  tarit  les  fources  des  puits  & 

Xxx2 


EAU 


5-32 

les  ruifTeaux  :  cette  eau  eft  fort  légère  &  admirable  pour  les  arrofc- 
mens  :  toutes  les  parties  limoneufes  que  Teau  a  balayées  dans  les 
cours  forment,  au  fond  de  la  citerne,  un  fédiment  que  le  Jardinier 
préfère  à  toutes  les  efpeces  de  terreaux  :  la  citerne  eft  en  cela  une 
efpece  de  mare.  Voyc^  Citerne. 

Les  eaux  des  lacs  font  ou  ftagnantes  ,  ou  en  partie  coulantes  & 
en  partie  ftagnantes  ;  leur  pefanteur  ,  &  leurs  propriétés  générales 
tiennent  le  milieu  entre  ces  deux  efpeces  d'eaux.  On  remarque  fou- 
vent  àQS  couleurs  &  des  phénomènes  extraordinaires  dans  ces  eaux, 
Voye::^  l'article  Lac. 

La  glace  eft  une  eau  folide  &  très-poreufe  ,  qui  contient  beaucoup 
d'air ,  &  qui  a  la  propriété  de  réfraéler  &  de  réfléchir  les  rayons 
de  la  lumière  comme  fait  un  morceau  de  criftal.  Les  expériences  faites 
en  1740,  fur  la  glace,  par  M.  de  Mairan  ,  fixent  l'augmentation  du 
volume  que  l'eau  prend  en  fe  glaçant  ,  à  la  quatorzième  partie  de 
celui  qu'elle  avoit  étant  fluide.    Foye^  k  mot  Glace. 

■ -^^  Eaux  ccmpofcés» 

On  appelle  les  eaux  compofées  ,  eaux  minérales.  Elles  font  chargées 
ou  imprégnées  de  principes  minéraux  ,  en  affez  grande  quantité  pour 
produire  fur  le  corps  humain  des  effets  fenfibles  &  différens  de  l'eaii 
commune.  Les  eaux  minérales  font  ces  fources  facrées  des  anciens  , 
qui  font  autant  de  précieux  préfens  de  la  nature.  Elles  font  ou  froides 
ou  chaudes  :  ces  propriétés  ,  qui  leur  font  étrangères  ,  les  rendent 
d'un  ufage  particulier.  On  ne  les  rencontre  pas  par-tout  indifférem- 
ment :  on  peut  les  féparer  de  leur  alliage  ,  foit  par  l'évaporation  , 
ou  par  la  diftil|ation ,  foit  par  la  filtration  ou  par  la  précipitation. 

Les  eaux  minérales  froides  tn  été,  font  un  peu  chaudes  en  hiver, 
&  contiennent  alors  plus  de  cet  efprit  éthéré ,  élaftique  ,  que  quel- 
ques Hydrologiftes  nomment  Vame  de  l'eau  minérale.  Il  y  a  de  ces 
eaux  qu'on  nom^me  acidulés ,  à  caufe  d'un  certain  goût  piquant  qu'elles 
impriment  fur  la  langue,  à  peu  près  égal  à  celui  du  vin  mouffeux, 
comme  le  vin  de  Champagne  &  la  bierre  :  telles  font  les  eaux  de 
Spa  ,  de  Pyrmont ,  de  Vais ,  &c.  L'air  élaftique  fe  manifefte  dans  la 
plupart  de  ces  eaux ,  par  les  bulles  qui  s'élèvent  continuellement  à 
leur  furface  ,   &  par  leur  goût  piquant. 

Ueau  minérale  terreufe  eft  la  plus  pefante  de  toutes  les  eaux,   & 


* 


EAU  5"  3  5 

très-propre  à  former  des  dépôts ,  des  incruftatîons  &  des  ftalacSites  ', 
on  rappelle  eau  pltrifiaiiu  :  telles  font  celles  d'Arcueil ,  près  Paris  j 
d'Albert ,  en  Picardie  ;  de  Carlsbad  ,  en  Bohême.  L'ufage  de  ces 
eaux  eft  fort  fufpe*^  pour  les  perfonnes  fujettes  à  la  gravelle,  &  il 
doit  paroître  étonnant  que  le  célèbre  Hoffmann  ait  regardé  celles  de 
Carlsbad  comme  un  lithontriptique  :  c'eft  aux  Médecins  à  prononcer. 
A  l'égard  des  eaux  coulantes  qui  contiennent  des  parties  fableufes  , 
elles  font  pernicieufes  pour  la  fabrique  du  papier  ;  elles  le  font  couper 
dans  les  replis, 

\J&au  minérale  ammoniacale  contient  un  fèl  urineux  &  fétide  ;  elle 
donne  une  teinture  bleue  au  cuivre  diflbus  dans  l'acide  nitreux  :  elle 
purge  violemment  :  il  y  en  a  une  fontaine  près  de  Francfort  fur  Iç 
Mein. 

Les  eaux  minérales  ^AEîon  font  les  plus  énergiques  entre  les  eaux 
purgatives  des  environs  de  Londres  :  elles  caufent  à  ceux  qui  les 
prennent  des  douleurs  au  fondement  &  dans  les  inteftins  :  elles  font 
fort  chargées  de  fels.  '^ 

Ueau  vitrioUque  a  un  goût  aftringent  :  elle  s'approprie  quelquefois 
dans  la  terre  une  fubftance  comme  argileufe  ;  alors  elle  forme  l'eau  alu- 
mineufe  :  fi  elle  a  rencontré  une  terre  ou  pyrite  martiale  ,  elle  fs 
convertit  en  une  eau  ferrugineufe ,  dont  la  propriété  eft  de  noircir 
l'infufion  de  noix  de  galle  &  d'autres  végétaux  aftringens,  comme  aufli 
de  dépofer  un  ochre  jaunâtre  :  telles  font  celles  de  Niderbronn ,  à 
quatre  lieues  de  Haguenau  ,  &c.  Quand  Veau  vitriolique  trouve  le 
moyen  d'attaquer  du  cuivre ,  elle  devient  eau  cuivreufe ,  &  fi  en  cet 
état  on  y  trempe  un  morceau  de  fer  ,  elle  abandonne  fon  cuivre,  qui 
fe  précipite  fur  le  fer  avec  la  couleur  rouge  qui  lui  efl  ^bpre  -,  cette 
couleur,  qui  eft  l'effet  d'un  cuivre  de  cémentation  ,  a  fait  croire  à 
plufieurs  que  la  tranfmutation  de  ces  métaux  l'un  en  l'autre,  étoit 
conftante.  On  travaille  à  cette  opération  pour  d'autres  vues ,  dans 
le  Lyonnois ,  dans  l'Irlande ,  à  Neufol  en  Hongrie  ,  f-&  même  dans 
la  Penfilvaninie ,  où  l'on  a  découvert  depuis  peu  des  eaux  riches  eîi 
cuivre  :  la  proportion  du  vitriol  bleu  ,  qu'elles  tiennent  en  difTolu- 
tion  ,  eft  d'une  once  fix  gros  par  pinte,  &  la  four  ce  donne  fept  à  huit 
cents  muids  de  cette  eau  cémentatoire  dans  les  vingt-quatre  heures. 
Enfin  fi  Veau  vitriolique  vient  à  attaquer  du  zinc  ,  elle  acquiert  en  même 
temps  la  propriété  de  colorer  en  jaune  le  cuivre  rouge  :  on  appelle 


Î54       .  EAU 

CCS  fortes  d'eaux ,  fur  -  tout  celles  qui  font  cuivr eufes  ,  eau  ùmm* 
iatoires.  Voyez  l'article  Cuivre. 

Ucaii  muriatiqiu  ou  eau  marine  chargée  de  fel  commun ,  eft  la  plus 
abondamment  répandue  dans  la  nature  :  elle  varie  en  degré  de  falùre, 
en  couleur  &  en  pefanteur  dans  les  différentes  Contrées  de  l'Océan, 
Voye^au  mot  Mer.  Elle  pefe  ordinairement  trois  livres  par  pied  cube 
plus  que  l'eau  commune  ou  (impie  ordinaire.  On  trouve  en  Franche-- 
Comté  ,  à  Salies  dans  le  Béarn  ,  &  dans  le  Palatinat  du  Rhin  , 
même  en  difFérens  autres  endroits  de  l'Europe,  des  fontaines  ou  puits, 
dont  l'eau  faumache  eft  également  chargée  de  fel  marin  :  le  fel  qu'on 
en  tire  eft  beaucoup  plus  clair ,  mais  il  a  moins  de  faveur  ,  moins 
d'acide  &  plus  de  terre  alkalefcente.  Ce  défaut  ,  dit  M.  Haller ,  le 
rend  moins  propre  à  conferver  le  poiflbn.  L'efpece  de  bitume  ,  ou 
ide  fubilance  ondueufe  que  contient  l'eau  de  la  mer ,  la  rend  amere 
&  impotable.    Voye^  Mer. 

IJcau  alkaiim  naturelle  fait  efrervefcence  avec  tous  les  acides ,  & 
verdit  le  firop 'de   violettes  :  telle  eft  celle  de  Freyenwald. 

JJeau  qui  contient  du  fel  neutre,  telles  que  font  celles  d'Ebshom  en 
■Angleterre  ,  d'Egra  en  Bohême ,  &  de  Seidiitz ,  ne  fait  aucune  ef- 
fervefcence ,;"  foit  avec  le^^cides  ,   foit  avec  les  alkalis. 

IjQS'^et^x  favonneufes  ou  eaux  fmecîites ,  ont  un  œil  laiteux  ,  &  font 
grafTes  au  toucher  ,  comme  l'eau  lixivielle  du  favon  :  on  s'en  fert  en 
-divers  lieux  d'Angleterre ,  &  même  à  Acqs  dans  le  Comté  de  Foix  , 
.pour  dégraiffer"  &  blanchir  les  étoffes.  Celles  de  Contrexeville  en 
Lorraine  ,  .font'légérement  favonneufes  &  eftimées  propres  à  brifer  la 
pierre  du  rein  :  celles  de  Plombières  font  rangées  parmi  les  plus 
puiffans  dé"puratifs.  M.  Bourgeois  cbferve  ,  avec  raifon ,  que  les  eaux 
favonneufes  acquièrent  cette  propriété  en  coulant,  foit  fur  des  lits  d'ar- 
gile à  foulons ,  foit  fur  des  couches  de  marne  de  différente  nature. 
Comme  ces  terres  font  afTez-diffolubles  dans  l'eau  ,  il  n'eft  pas  éton- 
nant qu'elles  s^n  chargent ,  Se  qu'elles  prennent  un  œil  blanchâtre  & 
Jaiteux  :  cohfé'quemment  elles  font  excellentes  pour  arrofer  les  prés 
qu'elles  fertilifent  autant  que  les  eaux  des  égoûts,  des  fumiers  &  des 
écuries. 

Les  eaux  bituminetifes  font^graffes  ,  volatiles  ,  en  partie  inflamma- 
bles ,  parce  qu'elles  font  chargées  de  pétroles  :  on  appelle  les  fources 
qui  les  contiennent  5  Fontaines  brûlantes  :  il  y  en  a  de  cette  efpece  près 


EAU  ^3^ 

de  Cracovie  en  Pologne  :  on  en  trouve  auffi  en  SuifTe ,  à  Tremolac 
&  près  de  Clermont  en  France,  &  près  d'Edimbourg  en  Ecoffe;  leur 
couleur  eft  fort  variée ,  leur  faveur  eft  acide  &  pénétrante  ;  elles 
font  mourir  tous  les  animaux  qui  fe  trouvent  dans  les  petites  rivières 
où  elles  fe  déchargent. 

Les  eaux  minérales  chaudes  font  ou  fimples  ou  compofées,  plus  ou 
moins  colorées,  pefantes  &  limpides  :  elles  ont  un  degré  de  chaleur  3 
&  contiennent  une  quantité  de  matière  éthérée  ,  plus  ou  moins  con- 
fidérable  :  il  s'en  trouve  cependant  dans  lefquelles  on  ne  peut  recon- 
noître  aucune  mixtion  ,  ce  qui  fait  diftinguer  ces  fortes  ôicaux  chaudes 
en  eaux  thermales  Jimples  &  en  eaux  thermales  compofées.  Nous  difons 
qu'il  y  a  des  eaux  minérales  plus  ou  moins  chaudes  :  celles  que  l'on 
appelle  bridantes  ont  cela  de  fîngulier  ,  qu'elles  n'oflPenfent ,  difent 
quelques-uns ,  ni  la  bouche  ni  la  langue  ;  tandis  que  fi  on  buyoit  de 
î'eau  ordinaire  échauffée  au  même  degré  ,  on  occafionneroft  beaucoup 
de  douleurs  dans  les  deux  parties  ci-defTus  citées  ,  ainfi  qu'à  l'eftomac. 
Un  autre  phénomène  digne  de  remarque  dans  ces  mêmes  eaux  chau- 
des &  naturellement  minérales  ,  c'eft  que  mifes  far  le  feu"t;;lîes  ne 
prennent  pas  le  mouvement  d'ébullition  plutôt  que  l'eau  commune 
la  plus  froide  ,  &  l'eau  minérale  fe  refroidit  moins  vite  aufiî  ;  mais 
cela  paroît  incroyable.  '^ 

Les  eaux  thermales  Jimples  paroiflent  pures ,  à  l'exception  d'une 
fubftance  éthérée  :  elles  font  infipides  ,  très-légères  ,  &  affez  fpiritueufes 
pour  caufer  une  efpece  d'ivrefle  à  ceux  qui  en  boivent  quelques 
verrées  :  telle  eft  celle  de  PfeflPer  en  Suilfe,  therma  faharia  aut  piperina  : 
leur  chaleur  proviendroit  -  elle  de  ce  qu'elles  coulent  fur  un  lit  pier- 
reux ,  échauffé  au  deffous  par  un  lit  de  matières  pyrirlufes  en  dé- 
compofition  ?  Si  la  pierre  qui  fert  de  fol  aux  eaux  thermales  Jimples  ^ 
eft  un  peu  poreufe  ,  il  n'en  faut  pas  davantage  pour  que  les  vapeurs 
des  pyrites  y  pénètrent ,  &  fe  mêlant  à  ces  eaux  ,  les  rendent  un  peu 
vitrioliques  ;  ce  feront  alors  des  eaux  compofées  ,  Pqui.  agiront  fur 
i'infufion  de  noix  de  galle  :  telles  font  les  eaux  de  Pife'  éc  de  quantité 
d'autres  lieux  en  Italie.  Etant  à  Balaruc  ,  &;  faifant  quelques  ob- 
fervations  fur  les  bains  fudatoires  qui  y  font  établis  ,  je  me  reffou- 
viens  qu'à  la  fource  de  cette  eau  ,  la  chaleur  eft  au  quarante-deuxicme 
degré  du  thermomètre  de  M.  de  Réaumur,  Je  trouvai  aux  environs 
des  pyrites  &  des  poncesl   Ces  eaux  ne  font  pas  fimples. 


■$^(^  ^        E  A  U 

Les  eaux  thermales  compopes  font  plus  pefantes  &  en  bien  plus 
grand  nombre  que  les  eaux  thermales  Cmples  ,  fi  elles  font  vitriolico- 
martiales  ,  elles  décèlent  dès  leurs  fources  les  fubftances  minérales 
pchracées ,  qui  entrent  dans  leur  compofition  ;  ces  eaux  noirciflbnt 
beaucoup  la  teinture  de  la  noix  de  galle;  telles  font  celles  de  Forges, 
Si  les  eaux  thermales  font  fulfureufes  ,  elles  auront  une  odeur  nido- 
reufe  ,  à  peu  près  femblable  à  celle  d'une  dLTolution  de  foie  de 
foufre  5  plus  ou  mois  forte  en  certains  temps  de  l'année  ,  comme  celle* 
d'Aix  ,  de  Barrege ,  d'Arles  ,  de  Cauterets  &  de  Saint-Amand.  Leur 
fédiment  ,  qui  eft  inflammable ,  forme  effedivement ,  avec  le  fel  de 
tartre  ,  un  hepar  fulphuns  (  foie  de  foufre  ).  Ces  eaux  noirciifent  l'ar- 
gent ,  &  ont  une  couleur  de  girafol.  Le  fol ,  qui  fert  de  lit  à  de 
fcmblables  eaux,  eft  toujours  plein  d'excavations,  remplies  de  belles 
fleurs  de  foufre  ,  jaunâtres  &  inflammables  ;  d'autres  fois  le  foufre  eft: 
/"ubiimé'en-'forme  de  fleurs ,  comme  on  l'obferve  dans  les  eaux  d'Aix- 
la-Chapelle  :  elles  exhalent  en  quantité  d'endroits  des  vapeurs  nuifibles 
3larefpiration,,§(:onlesfentdefortloin;telles  font  les  eaux  d'Aquazolfa 
fituées  entre  Rome  &  Tivoli,  On  trouve  aulTi  des  eaux  minérales  &  f-il- 
fureufes  à  Caftle-loed  &  à  Fairburn ,  dans  le  Comté  fie  Vofs  &  à  Pitkea- 
thly ,  dans  le  Comté  de  Perth  en  Ecofîe  ;  quoique  très-fulfureufcs  ,  elles 
font  tranfparentes ,  fans  couleur  ;   mais  elles  fe  troublent  bientôt. 

Les  principales  eaux  thermales  &  falées  du  Royaume  font  les  eaux 
de  Balaruc,  du  Mont-d'Or  ,  de  Bourbon,  de  Vichy ,  de  Bagneres, 
de  Bourbonnes,  Les  froides  font  celles  de  Fougues,  de  Mier  ,  de 
Valo  ,  d'Yeuzet.  Les  eaux  de  Seltz  font  fpiritueufes  ,  ainfi  que  celles 
de  Spa  &  de  Pyrmont  qui  font  martiales.  M.  f^enel  a  donné  un  Mé- 
moire à  rAjIldémie  Royale  des  Sciences  ,  dans  lequel  il  décrit  l'art  de 
contrefaire  ces  eaux  falées  Se  fpiritueufes.  Parmi  les  différentes  eaux 
minérales  froides  ,  &  que  la  nature  nous  offre  toutes  préparées , 
pour  le  foulagement  de  nos  maux  ,  on  diftingue  aufTi  celles  de  Forges 
en  Normandie^  de  Pafly  près  Paris  ,  de  CranfTàc  dans  le  Rouergue, 
/de  Vais,  dans  le  bas  Vivarais  ,  de  Sainte-Reine  en  Bourgogne ,  de 
Seiûlitz  en  Bohême ,  de  Bufiang  en  Lorraine  ,   &c. 

Une  obfervatîon  importante  ,  &  qui  eft  due  à  M.  Monnet ,  nous 
apprend  que  prefque  toutes  nos  eaux  minérales  ferrugineufes  froides, 
contiennent  du  fer  le  plus  pur  dans  un  état  de  véritable  diflblution 
par  lui-même  ,   ôç  fans  l'addition  d  aucun  autre  intermède  que  l'eau 

znême  g 


EAU  y^^ 

même  ;  que  cette  diflblutîon  faite  à  froid  fe  colore  peu  à  peu  en  un 
pourpre  plus  ou  moins  foncé  ,  fuivant  la  quantité  de  métal  qui  s'y 
trouve  alors.  Si  ces  eaux  minérales  viennent  à  éprouver  quelque  degré 
de  chaleur  ,  foit  par  Tart ,  foit  par  la  nature  ,  elles  fe  troublent 
aufîi-tôt,  &  leur  fer  (qui  y  étoit  tenu  en  difTolution  par  le  feul  in- 
termède de  l'air  fixe)  fe  précipite  très-promptement.  Les  eauxchaudes, 
c  eft-à-dire  thermales  ,  ne  diflblvent  &  ne  peuvent  contenir  du  fer  que 
par  l'intervention  du  vitriol. 

La  curiofité  nous  a  conduit  dans  divers  lieux  où  ces  fortes  d'eaux 
fourdent.  Nous  en  avons  examiné  les  environs  ,  &  nous  y  avons 
toujours  reconnu  ,  ou  des  amas  de  pyrites  faciles  à  fe  décompofer  ,  ou 
des  terres  alumineufes ,  ou  des  couches  de  charbons  très-fulfureux  : 
nous  les  avons  trouvées  communément  dans  des  terrains  glaifeux 
d'une  part,  poreux  &  calcaires  de  l'autre,  enfin  voifins  des  monta- 
gnes. D'après  cette  infpedion ,  nous  croyons  devoir  plutôt  attribuée 
les  différens  degrés  de  chaleur  de  ces  eaux  ,  à  des  mélanges  de  pyrite? 
qui  s'échauffent  en  fe  décompofant,  qu'à  des  feux  fouterrains.  L'odeur, 
le  goût  &  les  propriétés  qui  en  réfultent,  lorfqu'on  boit  ces  eaux 
minérales ,  ou  quand  on  s'y  baigne  ,  la  nature  des  lieux  d'où  elle? 
fortent ,  tout  indique  la  caufe  de  ce  phénomène.  Les  eaux  minérales 
ordinaires  peuvent  paroître  froides  à  leur  iffue ,  &  avoir  cependant 
été  chaudes  dans  les  fouterrains  ;  tout  dépend  de  la  diftance  qui  fe 
trouve  entre  l'endroit  où  l'eau  a  fa  fortie ,  &  celui  où  réfide  la  caufe 
de  la  chaleur. 

Enfin  il  y  a  des  eaux  colorées  de  différentes  nuances  ,  par  diverfe^ 
matières  qui  s'y  trouvent  accidentellement  interpofées  au  moment 
d'une  alluvion  un  peu  confidérable ,  ou  d'une  éruptron  fouterraine 
qui  s'eft  faite  dans  le  lieu  où  elles  coulent.  Ces  eaux  imprégnées 
de  corps  étrangers  qu'elles  entraînent ,  effraient  beaucoup  le  peuple, 
qui  croit  voir  couler  du  fang  ,  du  lait  ,  de  l'encre  ,  &c.  On  fent  bien 
que  dans  cet  état  de  commotion  qui  fe  communique  de  la  terre  aux 
efprits ,  rien  ne  doit  paroître  que  fous  les  idées  acceffoires  les  plus 
terribles ,  &  un  rien  aide  l'imagination  à  réaliler  les  chimères  les  plus 
extravagantes. 

Telle  eftl'hifloire  abrégée  &  particulière  des  différentes  efpeces  d'eaux 
les  plus  remarquables.  D'après  ces  notions  préliminaires ,  il  nous  refle 
à  confidérer  l'eau  dans  fes  propriétés  générales,  dans  ce  qu'elle  peut 

Tome  IL  J  y  X 


j!8  EAU 

offrir  de  plus  intérefTant ,  relativement  à  l'I-Iiftolre  Naturelle  ,  à  la 
Phyfique ,  &  aux  befoins  les  plus  importans  de  la  vie. 

Propriétés  générales  des  eaux» 

On  reconnoît toutes  les  eaux,  par  leur  goût,  par  leur  couleur  & 
leur  limpidité ,  &  plus  encore  par  d'autres  épreuves  inventées  à  cet 
effet  ;  les  moyens  en  font  afTez  différens  ;  i*.  ou  par  les  fens  exté- 
rieurs ,  c'efl-à-dire  ,  par  la  vue ,  par  la  faveur  &  par  l'odorat  ;  2°. 
par  la  balance  hydroftatique  ;  3*^.  par  les  épreuves  chymiques  ,  dont 
on  voit  l'explication  dans  les  Ouvrages  des  Hydrologiftes ,  dans  le 
Didionnaire  de  Chymie  ,  &  même  dans  la  Table  raifonnée  qui  fe 
trouve  à  la  fin  de  la  claffe  des  Eaux  ,  dans  notre  Traité  particulier  de 
Minéralogie.  Cette  dernière  manière  de  diftinguer  les  eaux  efl:  la  moins 
équivoqui^.;  mais  il  n'en  efl:  pas  moins  vrai  que  les  mélanges  qui  fe 
trouvent  dari&,  cet  élément,  font  fouvent  très-compliqués  &  très-diffi- 
ciles à  reconnoître.  M.  Bourgeois  propofe  l'ufage  d'un  quatrième  moyen 
pour  faire  la  comparaifon  de  différentes  eaux  ,  &  en  connoître  le 
degré  de  légèreté  ,  &  de  bonté  ou  pureté.  Pour  cet  effet  il  faut 
mettre  plulieurs  verres  remplis  de  différentes  eaux  fous  le  récipient 
d'une  pompe  pneumatique^  &  l'ébullition  fera  plus  ou  moins  forte 
dans  chaque  verre  ,    en  proportion  de  leur  légèreté  &  pureté. 

Une  des  propriétés  phyfîques  de  l'eau  eft  de  pouvoir  augmenter  de 
volume  fur  le  feu  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  en  ébullition  :  elle  peut  même 
être  dilatée  à  un  point  qui'paffe  l'imagination;  puifqu'une  goutte 
d'eau,  expofée  à  un  degré  de  chaleur  un  peu  plus  grande  que  celle 
de  l'ébullition.  occupe ,  en  fe  convertiffant  en  vapeurs  ,  un  efpace 
quatorze  mille  fois  plus  grand  que  celui  qu'elle  occupoit  fous  fa  forme 
de  liqueur.  Quoi  qu'on  en  ait  dit  dans  les  papiers  publics,  nous  difons 
d'après  nos  propres  expériences  ,  que  l'eau  n'ef}  point  compreffible 
dans  fon  état  ordinaire  ;  m.ais  dans  l'état  de  vapeur,  elle  devient 
élaffique  &  compreff-ble.  On  a  fait  ufage  de  ce  principe  dans  les 
pompes  à  feu  ,  pour  épuifer  l'eau  des  mines  les  plus  profondes,  & 
dans  plufîeurs  autres  '  machines  ingénieufes.  Une  partie  de  la  Ville 
de  Londres  n'eft  fournie  d'eau  que  par  ^e  moyen.  La  plus  grande 
partie  de  ce  qui  compofe  les  ballons  de  fumée  ,  n'eft  encore  que  de 
l'eau  en  vapeur  ,  c'eft  fur  ce  principe  que  quelques-uns  l'ont  appliquée 
ï  une  mécanique  fort  ingénieufe  &  curieufe  ,  dont  voici  l'utilité.  On 


EAU  j:59 

conflruît ,  dans  la  cliemlnée  de  la  cuifîne ,  une  roue  ,  dont  les  pâlies 
font  de  tôle  ;  la  roue  eft  pofée  verticalement  fur  un  pivot  ;  à  Taxe 
horizontal  de  la  roue  eft  un  pignon  à  dents  ,  qui  ,  à  mefure  que  les 
vapeurs  du  bois  en  combuftion  s'élèvent  dans  la  cheminée,  fait  mou- 
voir la  broche  qui  y  eft  aflujettie  par  une  corde, 

La  dilatabilité  de  l'eau  produit  encore  quelquefois  des  effet?  plus 
violens  que  ceux  de  la  poudre  à  canon  ,  puifqu'étant  enfermée  & 
pouffée  à  une  certaine  violence  de  feu  ,  elle  brife  avec  çxplofion  les 
vaifleaux  qui  la  contiennent.  L'eau  produit  encore  ce  dernier  phéno- 
mène ,  lorfqu'elle  contient  une  trop  petite  quantité  de  feu  ,  qu'elle 
perd  fa  fluidité ,  &  qu'elle  fe  change  en  glace.  Des  Phyficiens  difenf 
que  la  dilatation  de  l'air  qui  eft  dans  f  eau  ,  eft  la  caufe  du  premier 
phénomène ,  &  fon  expanfion  eft  la  caufe  du  fécond. 

Toutes  les  efpeces  d'eaux  mifes  dans  un  vafe  ouvert  à  l'air  libre 
&  expofé  fur  le  feu  ,  s'échauffent  jufqu'au  degré  d'ébullitiprr':  elles  ne 
peuvent  outre-paffer  ce  degré ,  quelque  violence  de  feu  qu'on  leur 
faffe  éprouver,  parce  qu'alors  elles  fe  diffîpent  en  vapeurs;  cependant 
elles  peuvent  bien  dans  leur  expanfion ,  acquérir  un  degré  de  chaleur 
beaucoup  plus  grand.  On  fait  auiîi  que  dans  la  machine  de  Papîn  , 
lorfque  cet  inftrument  eft  fermé  hermétiquement ,  &  expofé  fur  le 
feu  ,  l'eau  s'échauffe  au  point  de  ramoIli'^  &  de  diffoudre  les  os  qu'on 
y  a  mis.  L'eau,  par  fa  fluidité,  s'accommode  ,  de  même  que  tous  les 
fluides ,  à  toutes  fortes  de  figures  :  elle  remonte  facilement  à  fon 
niveau  dans  les  fiphons  qui  ne  font  pas.capillaires.  On  la  voit  courir, 
s'arrêter,  s'étendre,  fe  refferrer,  s'élancer,  &  m-ém.e  s'élever  à  telle 
hauteur  qu'il  nous  plaît ,  &  permettre  qu'un  vaiffeau  la  traverfe  fans 
obftacle  :  c'eft  cette  même  fluidité  ou  fouplefie  de  %^u  qui  la  fait 
entrer  dans  les  canaux  qu'on  lui  préfente  ,  &  fe  répandre  dans  les 
jardins,  dans  les  appartemens,  dans  les  ballirs  &  les  m.agafins  hy- 
drauliques des  Teintureries,  des  Brafleries ,  des  Tanneries,-  &c. 

On  dit  qu'elle  eft  poreufe ,  en  ce  que  d'une  part  elle  tranfmet  la 
lumière ,  &  que  de  l'autre  elle  contient  une  quantité  d'air  confidéra- 
ble  ,  qui  y  eft  encore  fous  fa  forme  d'air  élaftique  :  l'eau  mife  fous  le 
récipient  de  la  machine  pneumatique  prouve  cette  vérité  :  elle  eft 
quatorze  fois  moins  pefante  que  le  mercure  ;  mais  elle  pefe  huit  cent 
quarante  &  même  huit  cent  cinquante  fois  plus  que  l'air  :  elle  eft  plus 
coulante  que  l'huile  :  elle  eft  le  diffolvant  des   fels ,   &c.  Ses  parties 

Yyy  2 


•514  <^  EAU 

font  fi  déliées ,  fi  ténues ,  qu'elles  peuvent  pénétrer  au  travers  du  bois 
tendre  ,  du  cuir  &  d'autres  corps  où  Tair  ne  peut  pafTer.  Cette  même 
ténuité  des  parties  de  l'eau ,  la  rend  fufceptible  d'être  enlevée  & 
ientraînée  par  le  feu  &  l'air  ,  &  de  nager  dans l'efpace.  Tous  ks  bois, 
durs  ou  tendres  j  de  quelque  nature  qu'ils  foient  ,  augmentent  de 
Volume  &  de  pefanteur  lorfqu'ils  font  dans  l'eau  ,  propriété  dont  on 
applique  l'ufage  pour  divifer  des  pierres  d'une  grofl'eur  confidérable. 
On  a  vu  des  cables  mouillés  fe  gonfler  au  dépens  de  leur  longueur, 
Zc  faire  rapprocher  du  point  fixe  où  ils  étoient  attachés ,  des  mafles 
prodigieufts.  On  a  au(fi  obfervé  que  l'eau  froide  s'introduit  dans  un 
corps  impénétrable  à  l'eau  chaude ,  à  raifon  de  la  diminution  de 
denfité  ,  du  plus  grand  volume  ,  &  de  la  dilatation  de  l'eau  échauffée. 
C'eft  encore  en  vertu  de  la  fluidité  de  l'eau  ,  &  de  la  propriété  qu'ont 
toutes  ks^  parties  de  fa  furface  ,  de  fe  tenir  à  une  égale  diftance  du 
tentre  de  la*  terre,  qu'elle  nous  offre  un  moyen  facile  pour  niveler 
les  terrains. 

Nous  le  répétons ,  c'efl  par  fa  volatilité  &  rarefcibilité ,  qu'elle 
s'élève  avec  les  particules  aériennes  &  ignées  dans  l'atmofphere ,  pour 
y  former  les  nuées  ,  les  brouillards ,  la  rofée  ,  la  pluie  ,  le  givre ,  le 
verglas  ,  &  tant  d'autres  météores  de  même  nature. 

Enfin  c'eft  par  une  circulation  continuelle  ,  que  cet  élément  hu- 
mefte  l'air  &  la  terre  ,  &  met  celle-ci  en  état  de  contribuera  la 
produdion  des  minéraux,  à  la  formation  &  à  l'entretien  des  fon- 
taines ,  des  lacs  ,  des  rivières ,  &  particulièrement  à  la  confervation 
de  la  vie  des  animaux  &  à  la  végétation.  En  effet ,  quantité  de  plan- 
tes, telles  que  des  citrouilles,  des  oignons  ,  des  plantes  légumineufes 
&  plufieurs  iBÊtvQS ,  reçoivent  de  l'accroiffement  &  mûriffent  dans 
l'eau  ,  tandis  qu'elles  périroient  en  terre  dans  les  temps  de  féchereîïè. 
Voyc^^V  Expérience  de  f^anhelmont ,  celle  de  Boy  le  ,    &c. 

C'eft  encore  à  l'eau  que  nous  fommes  redevables  de  l'extrême  clarté 
&  falubrité  de  l'air  ,  en  ce  que  tombant  de  la  moyenne  région,  elle 
le  purge  à^s  corps  hétérogènes  qui  y  étoient  fufpendus  ,  &  qu'elle 
entraîne  avec  elle.  Q\\^  de  phénomènes  dignes  de  nos  réflexions ,  fi 
l'habitude  ne  les  avoit  en  quelque  façon  avilis  à  nos  yeux  !  c'eft  elle 
qui  fait  jouer  les  machines  propres  à  moudre ,  à  fouler ,  à  fendre  ,  à 
forger  ,  à  fcier  ,  à  réduire  en  bouillie  le  chiffon  dont  on  fait  le  papier, 
à  exprimer  Thuile  des  fruits  ,  le  fucre  de  la  caone ,  &  à  dévider  la 


EAU  y4t 

foie  ;  c*eft  fon  écoulement  qui  nous  amené  à  peu  de  frais  des  quantités 
innombrables  de  trains  de  bois  propres  à  la  conftrudion  ou  à  nos 
foyers ,  &c.  L'eau  eft  un  inftrument  chymique  de  l'analyfe  menjflruelle  , 
dont  l'application  eft  très-étendue  ;  elle  a  mille  ufages  économiques  & 
diététiques  j  elle  nous  fert  à  blanchir  notre  linge,  à  dégraifler  nos 
étoffes,  à  nous  préparer  des  bouillons ,  des  gelées,  des  firops,  des 
bcifibns  agréables  j  elle  nous  fcurnit  plufieurs  remèdes  fous  une  forme 
commode  &  falutaire  ;  étant  échauffée  à  vingt-trois  ou  vingt-quatre 
degrés ,  elle  eft  très-utile  pour  Tu-age  du  bain  ,  dont  "les  effets  font 
de  laver  &  nettoyer  les  craffes  qui  bouchent  les  pores  de  la  peau  , 
arrêtent  la  tranfpiration ,  &c.  Les  eaux  minérales  froides  ou  chaudes 
font  aufîi  de  la  plus  grande  utilité,  pour  notre  fanté  ;  on  en  fait 
iifage  en  boifîbn  ;  celles  qui  font  chaudes  fervent  extérieurement  auiïx 
en  bainà',  en  douches,  en  étuves ,  en  lotion,  en  injeélion. 

Ceux  qui  n'ont  pas  appris  fart   de  nager  ,   fe  ploagént  fouvent 
dans  l'eau  de  manière  à  ne  pouvoir  s'en  retirer  facilement  ;  &  quelque- 
fois ils  y  font  fuffoqués  ;  moins  à  raifon   de  la  trop    petite  quantité 
d'air  qui  fe  trouve  dans  Teau ,  infuffifante  pour  maintenir  !e  jeu  des 
poumons  ,  qu'à  caufe  de  l'eau  même,  qui,  félon  M,  Bourgeois ,  s'infinue 
<lans  les  poumons  par  la  trachee-artere,  par  des  mouvemens  néceffaires 
&  involontaires   que  l'on  fait  fous  l'eau  |)our  refpirer  ,   ce  qui  arrête 
dfubitement  la  circulation  du  fang,  produit  une  fuffocation  mortelle, 
&  une  extravailon  du  fang  dans  le  cerveau  ,  ou  une  véritable  apoplexie, 
le  fang  ne  pouvant  revenir  de  la  tête  dans  les  vaiffeaux  du  tronc  & 
des  extrémités.    Ainfi  ce   n'eft    pas  encore  la  quantité  d'eau  que  les 
noyés  ont  avalée  qui  les  fait  périr  ,    puifqu'à  peine  leur  en  trouve- 
t-on  une  pinte  dans  Tcftcmac  ;  mais  c'eft  la  denfité  ,  %  pefanteur  de 
Teau,   fupérieures  à  celles  de  l'air.  S'il  y  a  quelque  efpoir  de  rendre 
la  vie  à  un  hom.me  qu'on  a  retiré    de    l'eau  ,   on    doit  l'envelopper 
promptem.eni  dans  é^s  draps  ou  dans  à^s  couvertures  (on .ne  doit 
pas  m.êm^e   craindre  les  ravages  que   l'air  pourroit  caiifer  dans    les 
poumons  ,    en  y  pénétrant  trop  fubitement);  enfuite  il  faut  le  porter 
dans  un  lit  très -chaud,  &  l'y  tourmenter  ou  agiter  de  cent  façons 
différentes  :  ce  n'tft  pas  fans  fuccès  qu'on- y  joint  l'ufage  des  fridions 
fpiritueufes  ,  com.me  ,    par  exemple  ,    celle  d'efprit   de   vin  camphré. 
Les  potions  cordiales  anti-apopieéliques  &  tous  les  médicamens  qui 
peuvent  remuer   fortement  Ja  machine  &  le  genre  nerveux  ,  ^«tapt 


^42  EAU 

adminiftrés,  foit  par  le  haut,  foitparle  bas,  font   encore  fort  utiles 
dans  cette  occafîon.  Détharàïngius  confeille  en  pareil  cas  l'opération 
de  la  trachéotomie  &  de  fouffler  promptement    &  fortement  avec  la 
bouche  ou  au   moyen  de   quelque  tuyau  que  ce   foit  ,   une  grande 
quantité  d'air  dans  le  poumon.    On  lit  dans  l'Encyclopédie  que  l'a- 
mour de  l'humanité  devroit  infpirer   aux  Académies  l'idée  de  choifir 
de  ces  fortes  d'objets  utiles  pour  être  le  fujet  de  leurs  prix ,  &  que 
les  expériences  heureufes  en  ce   genre  mériteroient  les  récompenfes 
du  Souveram.    Aufli  la  Société  établie  à  Amfterdam  a-t-elle  difcuté 
&  indiqué  les  moyens  qui  fe   pratiquent  pour   fauver  les  noyés ,  & 
qui  ont  eu    les    plus    heureux   fuccès.    Premièrement  il  faut  fouffler 
dans  le  fondement  du  noyé  au  moyen  d'une  pipe  ,  ou  d'un  fourreau, 
ou  d'une  gaine,  ou  d'un  tuyau,    ou  d'un  foufflet  ;   plus   cette  opé- 
ration fera. prompte ,   forte  &  continue  ,    &   plus   elle  fera    avanta- 
geufe,    llrt  -JFumigateur  introduifant  dans  le  corps  du  noyé  la  fumée 
chaude  &  pénétrante  du   tabac ,    fera   encore  plus  efficace  que  l'air 
fîmple ,  &  cette  ^opération  doit  être  faite  à  l'inftant  où.  le  corps  eft 
tiré  de  l'eau.    Secondement  il  faut ,  le  plutôt  poiïible ,   fécher  &  ré- 
chauffer le  corps  du  noyé  ,  quoiqu'il  paroifle  abfolument  froid ,  &  même 
roide  :  il  faut  luipafTer  une  chemife  chaude,  l'envelopper  de  couvertures 
de  laine  feches  &  échauffées  ,  ou  de  peaux  de  moutons  ;  le  lit  doit  être 
fortement  bafîiné,  enfuite  les  draps  couverts  de  cendres  très -chaudes  , 
l'y  rouler  &  l'agiter  en  letenantfurlecôté.Troifiémement,  tandis  qu'on 
emploiera    ces   rrfDyens  indiqués  avec  circonfpedion  &   perfévéran- 
ce  ,    il  fera  encore  très  -  utile  de  faire ,  fur-tout  le  long  de  l'épine  du 
dos ,   des  friélions  avec  des  étoffes  de  laine  échauffées  ,  ou  des  linges 
imbibés  d'ea^ie-vie ,  ou  faupoudrés  de  fel  en  poudre  ;  mettre  fous 
les  narines  de  l'efprit  de  fel  ammoniac  dont  on  lui  frottera  auffi  les 
tempes;  chatouiller  la  gorge  &  le  nez   avec  une  plume  ,   &  fouffler 
dans  ce  ^dernier  organe  d'une  poudre  fternutatoire  ,  éviter  de  verfer 
dans  la  gorge  aucune  liqueur  qu'après  avoir  apperçu  quelques  fîgnes 
de  vie.  Le  pouls  &  la  chaleur  naturelle  venant  un  peu   à  fe  rétablir, 
l'on  fera  une  faignéé-fjour  dégager  le  cerveau,  le    cœur   &  \qs  pou- 
mons du  fa  ng  dont  ils  font  furchargés ,    &:  faciliter  la  circulation.   Si 
les  extrémités  reftent  froides,    &  que  le   pouls  refte  éteint,  on  doit 
s'abitenir  de  ce  dernier  fecours.   Quatrièmement  ,    on  peut   foulager 
promptement  un  noyé  par  un  moyen  qui  a  réuûi  plufieurs  fois,  Une 


EAU  É  B  E  ^43 

perfonne  vivante  aura  le  courage  de  sMtendre  fur  le  noyé  ,  mettra 
fa  bouche  fur  la  fienne ,  lui  ferrant  les  narines  d'une  main  ,  &  s'ap- 
puyant  de  l'autre  fur  fon  fein  gauche  ,  il  foufflera  avec  force  &  con- 
tinuité pendant  plus  d'un  quart  d'heure  ,  s'il  le  faut ,  pour  enfler 
immédiatement  les  poumons  du  noyé  avec  fon  haleine ,  l'air  chaud 
étant  préférable  en  cette  occafion.  Cette  opération  peut  fuppléer  à 
celle  de  fouffler  dans  le  fondement  avec  une  pipe  ,  &c.  C'eft  à  tort 
qu'on  roule  les  noyés  dans  un  tonneau ,  qu'on  les  fufpend  avec  des 
cordes  attachées  fous  les  bras  ou  aux  jambes ,  ou  qu'on  les  tient  la 
tête  baffe  &  renverfée  {a), 

La  recherche  des  eaux  fe  fait  ordinairement  en  Août  ,  en  Sep- 
tembre &  Odobre  ,  parce  que  la  terre  eft  alors  plus  feche ,  &  que 
l'eau  qui  s'y  trouve  peut  s'appeller  fourcs.  Une  perfonne,  pour  décou- 
vrir des  eaux  ,  doit  examiner  l'afped  du  terrain  ,  la  fituation  du  lieu , 
&  la  nature  des  terres;  quand  il  trouve  une  terre  couverte  de  rofeaux, 
de  creffons  ,  de  menthes  ,  de  lierre  terreftre  ,  de  joncs  &  d'autres 
plantes  aquatiques  ,  il  connoît  aifément  qu'il  y  a  de  l'eau  fous  ïhumus^ 
&  dont  la  profondeur  s'étend  jufqu'au  lit  de  glaife  qui  la  retient. 

EAU  DE  PIERRERIES.  Les  Jouailliers  fe  fervent  de  ce  mot 
pour  exprimer  la  couleur ,  la  tranfparence ,  la  pureté  &  l'éclat  des 
pierres  précieufes  :  ainli  l'on  dit,  cstte  perle  eft  d'une  belle  eau  ;  voyez 
Perle  :  l'eau  de  ce  diamant  eft  trouble  ;  voye:^  Diamant  ,  6*  VanicU 
Pierres  précieuses.  • 

EAU    DE  RAZE.    Voye^  à  l'article  PïN. 

ÉBENE.  On  donne  ce  nom  à  une  efpece  de  bois  qui  vient  des 
Indes  :  il  eft  très -dur  &  très-pefant,  &  par  conféqu^^t  fufceptible 
de  recevoir  un  très-beau  poli;  aufli  l'emploie-t-on  dans  les  ouvrages 
de  marqueterie  &  de  mofaïque. 

On  diftingue  trois  fortes  d^éàenes  des  Indes  :  favoir ,  la  noire  ,  la 
rou^e  &  la  vene.  La  noire  eft  la  plus  eftimée,  &  on  en  fait  d'autant 
plus  de  cas ,  qu'elle  eft  noire  comme  du  Jayet  ,  fans  aubier  &  très- 
mafiive.  L'arbre  qui  donne  l'ébene  noire  croît  à  I  .  iagafcar.  Il  devient, 
au  rapport  de  M.  Flacoun  qui  y  a  réfidé  en  qualité  de  Gouverneur , 
très- grand  &  très- gros  :  fon  écorce  eft  noire,    &  fes  feuilles  font  affez 

(^)  M.  Pia,  Echevin  de  la  ville  de  Paris  ,  a  fait  conftruire  une  boîte  fumigatoire 
qnj  contient  tout  ce  qui  eft  ncceiTaire  pour  fecourir  les  noyés  .  les  fuccès  journaliers  opérés 
par  cette  machine,  rendent  fon  Auteur  digne  de  la  reconnojiïance  de  tous  les  hommes. 


^44  E  B  E 

femblables  à  celles  de  notte  myrte.  Quelques  Voyageurs  prétendent  que 
les  habitans  des  îles  ont  foin  d'enterrer  ces  efpeces  d'arbres  auflî  -tôt 
qu'ils  font  abattus,  pour  augmenter  leur  belle  couleur  noire.  L'écorce 
de  ce  bois  ,  infufée  dans  de  l'eau  ,  eft  bonne ,  dit-on ,  contre  la  pituite 
&  les  maut  vénériens  :  jfi  on  en  jette  fur  des  charbons  allumés ,  elle 
exhale  une  odeur  agréable.  Cette  forte  d't;'^2«g  eft  peut-être  le /^u/Zizcoco 
des  Antilles,  f^oyei  ce  mot.  Le  Père  Plumier  parle  d'un  autre  arbre 
d'éhne  noire  qu'il  a  découvert  à  Saint-Domingue ,  &  qu'il  appelle  ^^r- 
tium  portulacx  fol'ùs  ,   acultatum ,    ehenï  materiœ. 

L'arbre  qui  donne  ïéhene  veru  eft  très-touffu  :  c'eft  le  bignonîa  arboT 
hexaphylla  ,  fion  maximo  lutco  de  Barrere,  Ses  fleurs  font  grandes  & 
jaunes.  Ses  feuilles  font  unies ,  d'un  beau  vert  ;  fous  la  première  écorce 
de  l'arbre  on  en  trouve  une  féconde,,  blanche,  de  répaiffeur  de  deux 
pouces,  &-qui  eft  l'aubier;  le  refte  jufqu'au  cœur  ,  eft  d'un  vert  foncé 
tirant  fur  le  noir  ,  mêlé  quelquefois  de  veines  jaunes.  On  fait  ufage 
de  ce  bois ,  nonrfeulement  dans  la  mofaïque,  mais  auflî  en  teinture; 
parce  qu'il  donne  un  très-beau  vert  naiflant.  Comme  Vébene  verte  eft: 
un  bois  tiès-gras,  il  prend  aifément  feu.  On  peut  donner  à  une  pierre 
une  couleur  brune  en  la  frottant  avec  ce  bois.  C'eft  de  ce  bois  que 
les  Indiens  font  les  ftatues  de  leurs  Dieux  &  les  fceptres  de  leurs 
Rois.  On  a  remarqué  que  Vébene  verte  mife  en  terre  ne  fe  conferve 
pas  long-temps.  Dans  la  Guiane  l'on  fait  bouillir  fa  fleur  au  défaut 
de  féné ,  &  elle  purge  avec  fuccès.  Ce  purgatif  donné  à  temps ,  réuftit 
en  175'j'  ,  pendant  l'épidémie  qui  régnoit  à  Cayenne  :  c'étoient  des 
attaques  de  coqueluche  violente ,  accompagnées  de  fièvres  &  de  maux 
de  tête. 

Uébene  jaune  n*eft  qu'une  variété  de  Vébene  verte. 

Ces  bois  d'ébenes  noires  &  vertes  fe  trouvent  non-feulement  à  Mada- 
gafcar-,  mais  aufïî  à  Saint-Maurice  dans  les  Antilles ,  &  fur-tout  dans 
l'ile  de  Tabago.  Les  Indiens  nomment  indifféremment  haion-maintki , 
toutes  les  efpeces  d'ébene.  M.  l'Abbé  Demanet  dit  que  près  du  lac  du 
Pannier-Foule  ,  ea^/c  Gorée  &  le  Sénégal ,  il  y  a  une  forêt  de  bois 
d'ébene  du  plus  beau  hoir ,  que  les  Nègres  appellent  jalam-banno. 

Quand  à  Vébene  rouge  appeîiée  aufîî  grenadille  ,  elle  eft  très-connue 
aujourd'hui  des  Tabletiers  :  c'eft  même  un  des  plus  beaux  bois  que 
nous  ayons.  Quelques  ouvriers  prétendent  qu'il  prend  mieux  le  poli 
ique  l'ébei^  noire. 

Les 


Ê  B  E  É  C  X  ^4y 

Les  Ebénifles  &  les  Tabletiers  ont  trouvé  l'art  d'imiter  le  hls  d'ébem 
avec  le  bois  de  poirier  &  d'autres  bois  durs  ,  qu'ils  colorent  en  jioir 
d'ébene ,  tantôt  avec  une  décodion  chaude  d'encre  à  écrire ,  tantôt 
&  plus  communément  ils  font  infufer  &  bouillir  de  la  limaille  de  fer 
avec  du  fort  vinaigre  ;  ils  pafTent  avec  le  pinceau  cette  décoâion  fur 
l'ouvrage  en  bois  qu'ils  veulent  teindre  en  noir  ,  &  lorfqu'elle  eft  feche, 
ils  y  pafîènt  une  féconde  fois  une  forte  décoârion  de  noix  de  galle  faite 
à  l'eau.  On  applique  cette  couleur  fur  les  bois  avec  une  broffe  rude, 
&  on  fe  fert  d'un  peu  de  cire  chaude  pour  donner  le  poli  ou  plutôt 
le  luilre.  M.  Bourgeois  a  obfervé  que  fi  on  fe  fert  d'encre  pour  teindre 
le  bois ,  il  ne  prend  pas  un  beau  noir ,  &:  cette  teinte  n'eft  point 
durable  ,  parce  qu'elle  n'entre  point  aiïèz  dans  le  bois.  Le  véritable 
bois  d'ébene  noire  eft  le  plus  propre  à  recevoir  le  poli ,  &  cependant 
celui  qu'on  emploie  le  moins  en  marqueterie.  On  a  avec  caifon  donné 
la  préférence  aux  bois  de  couleur  ,  qui ,  par  la  variété  de  leurs 
veines ,  femblent  préfenter  des  defîins  différens ,  tels  que  le  bois  violet  y 
le  bois  de  rofe  ,   &c» 

ÉBENE  DE  CRETE.  On  donne  ce  nom  à  l'arbrifleau  nommé 
auiîî  Barbe  de  Jupiter.  Voyez  ce  mot. 

ÉBENE   FOSSILE.  Ce  n'eft  que  du  jayet.  Voye^  Jais. 

ÉBENIER  DES  ALPES  ou  EBENE  FAUSSE.  Nom  donné  à 
ïaubours,    Koye\   à  la  fuite  du  mot  Cytise. 

ÉBRUN.  En  Bourgogne  on  donne  ce  nom  au  blé  ergoté.  Foye:^  à 
VarticU  Seigle. 

ÉCAILLE.  C'eft  en  général  cette  fubftance  réfiftante  ,  &  quelquefois 
fort  dure  ,  qui  couvre  extérieurement  un  grand  nombre  de  poiffons 
&  d'autres  animaux,  &  qui  peut  s'en  détacher  par  piecfws.  Elle  diffère 
beaucoup  pour  la  forme,  la  confiftance  &  les  autres  qualités,  fuivant 
lesdiftérentes  efpeces  d'animaux ,  comme  on  le  voit ,  par  exemple ,  dans  la 
carpe ,  dans  \ huître ,  dans  la  tortue ,  le  tatou ,  \q pangolin  furnommé  le  U{ard 
écailleux  ,  &c.  En  général  ces  couvertures  extérieures  font  d'une  beauté 
&  d'une  régularité  furprenante  dans  les  poiffons  ;  elles  préfente  nt  une 
variété  infinie  de  figures  &  d'arrangemens  :  li  y  en  a  d'armées  de 
pointes  acérées,  comme  celles  de  la  perche,  de  la  foie,  &c.  d'autres 
ont  le  tranchant  uni ,  comme  celles  du  merlus  ,  de  la  carpe ,  de  la 
tanche ,  &c.  Elles  varient  même  dans  un  feul  poifTon  :  car  lés  écailles 
tirées  du  ventre ,  du  dos ,   des  côtés  &  des  autres  parties  du  corps 

Torna  II,  Zz|p 


^4<?  É  C  K  É  C  H 

font  fort  différentes  ;  &  certainement  quant  à  îa  varie'té  ,  beauté , 
régularité  &  ordre  de  leur  arrangement ,  les  écailles  des  poiffons  ont 
beaucoup  de  refîemblance  avec  les  plumes  qui  font  fur  le  corps  & 
fur  les  ailes  des  teignes  &  des  papillons,  f^ojei  au  mot  Able  ce  que 
l'on  peut  penferau  fujet  de  la  formation  des  écailles  de  poiiTon.  Foye:^ 
aujji  à  VanïcU  Poisson, 

ÉCAILLE  ou  GRANDE  ECAILLE.  On  donne  ce  nom  à  un 
poiffon  de  l'Amérique  ,  long  de  deux  pieds ,  dont  le  dos  eft  affez 
rond  5  le  ventre  gros  &  la  queue  fort  large  ,  il  eft  couvert  d'écailles 
argentées ,  larges  de  plus  d'un  pouce.  La  chair  de  Vécaille  eft  fort 
blanche  ,  ferme ,  graffe,  délicate  Ôc  d'un  bon  goût.  On  pêche  ce  poiffon 
au  fond  des  ports  &  dans  les  étangs  qui  communiquent  à  la  mer. 

ECARLATE  DE  GRAINE.  Foye^  au  mot    Kermès. 

ÉCHALOTTE  ,  ccpa  Jfcahnica.  Plante  fort  cultivée  dans  les 
jardins  potagers.  Sa  racine  eft  un  aifemblage  de  plufieurs  bulbes  unies 
enfemble.  Cette  racine  eft  groffe  comme  une  aveline  ,  oblongue ,  & 
reffemble  affez  à^l'ail  pour  l'odeur  &  pour  la  faveur  :  elle  eft  portée 
fur  un  paquet  d'autres  racines  fibreufes.  Ces  bulbes  pouflent  àQS  tiges 
creufes  ou  des  efpeces  de  feuilles  longues  ,  fîftuieufes  ,  droites  & 
liffes  5  ayant  la  même  faveur  que  la  bulbe.  Ses  fleurs  naiffent  en 
bouquets  ou  paquets  fphériques  :  chacune  d'elle  eft  compofée  de 
fix  feuilles  rangées  en  fleurs  de  lys  :  il  leur  fuccede  des  fruits  fphé- 
riques, remplis  de  femences  arrondies. 

La  racine  bulbeufe  eft  d'un  grand  ufage  pour  affaifonner  les  fauces; 
elle  produit  d'ailleurs  le  même  effet  que  les  autres  genres  d'oignons» 
Voyez  ce  mot.  Elle  excite  l'appétit  &  la  foif.  C'eft  un  bon  vermifuge 
&  un  alexipharmaque. 

IjQS  Jchalotî:s  d'Effagne  ou  rocamloles  font  des  tubercules  qui  vien- 
nent fur  les  têtes  d'une  efpece  da'd  qu'on  cultive  en  Efpagne  &  dans 
nos  jatdins.  Voye?^  Ail.  On  plante  l'échalotte  autour  des  planches 
d'oignons  :  fa  culture  eft  très-facile  ,  ainfi  que  celle  de  l'ail,  pour  peu 
que  le  terrain  foit  convenable.  Sur  la  fin  de  l'été  on  arrache  de  terre 
les  échalottes  ,    &  elles  fe  confervent  tout  l'hiver. 

ÉCHARA  ou  ESCARE.  Voy.fon  article  à  la  fuite  du  wo^CoPxALLiNE. 
ECHARBON.  Nom  qu'on  donne  à  la  châtaigne  d'eau,  qui  croît  près  des 
rivières  ,  dont  la  graine  eft  fort  dure  :  elle  eft  épineufe  :  fes  feuilles 
font  larges.  Il  y  a  encore  un  écharbon,  terrestre  qui  eft  également  épi- 
neux ^  &  cjli  croit  dans  les  mafures. 


É  C  H  5*47 

ECHASSE  ou  HYMANTOPE,  hymantopus.  Genre  d'oifeau  don 
on  dillingue  deux  efpeces  ,  &  dont  le  caradere  eft  d'avoir  uniquement 
trois  doigts  ante'rieurs  ,  rouges;  le  bec  droit ,  fort  long,  cylindrique 
&  renflé  vers  la  pointe.  IScchaffc  a  les  jambes  rouges  &  fort  longues, 
&  fon  corps  n'eft  pas  fî  gros  que  celui  du  pigeon  ;  le  plumage  eft 
d'un  gris -blanc,  nué  de  vert  ;  les  ailes  &  le  deflus  de  la  tête  font 
noirs.  Uéchajfe  habite  les  rivages  maritimes  d'Europe  &  du  Mexique  : 
il  vit  d'infeéles. 

ÉCHELLE  ou  PORT.  Il  y  a  les  échelles  du  Levant  ;  ce  font  des 
ports  dans  la  Méditerrane'e  fous  la  domination  des  Turcs  ,  où  les 
Marchands  Européens  vont  commercer  ,  &  où  ils  entretiennent  des 
Condils ,  des  Fadeurs  &  des  Commifîionnaires,  Les  principaux  font 
Tripoli,  Alger,  Tunis,  Candie,  le  Caire,  Alep  ,  Alexandrette, 
Chypre  ,  Smyrne  ,  Conftantinople.  "^ 

ÉCFIELETTE.   Nom  donné  au  pic  de  muraille.  Voyez  ce  mot, 

ÉCHINÎTES.  On  donne  ce  nom  à  des  ourfins  fojïîles  ou  pétrifiés. 
Il  y  a  autant  de  variétés  dans  la  figure  des  échinites ,  qu'il  y  en  a 
dans  les  ourfins  vivans.  Voye^^  Oursin.  Nous  avons  des  ourfins  fof- 
fîles  ,  qui  font  prefque  dans  leur  état  primitif;  d'autres  font  convertis 
en  fpath  ,  d'autres  font  filicés  ou  agatifés  ;  il  y  en  a  audî  de  ferru- 
gineux. On  en  trouve  dans  les  montagnes  à  craie  àtz  environs  de 
Paris,  de  Rouen,  fur  le  mont  Randen  ,  notamment  en  Angleterre,  &c. 

ÉCHINOPE.  Voye'{_  Chardon  Échinope. 

ECHINOPHORE  ,  ech'mophora.  Coquillage  univalve  du  genre  des 
conques  fphériques.  Voyez  Tonnes. 

Il  y  a  des  Auteurs  qui  l'appellent  buccinite.   Voyez  Buccin. 

ÉCHO.  Lieu  naturel,  &  quelquefois  artificiel,  où  le  fon  eft  réfléchi 
ou  renvoyé  par  un  corps  foîide  ,  &  qui  par-là  fe  répète  &  fe  renou- 
velle à  l'oreille.  Les  lieux  les  plus  propres  aux  échos  font  voûtés  ; 
c'eft-îà  que  le  fon  fe  grofîit  &  fe  réfléchit  :  s'il  y  a  plufieurs  voûtes, 
l'écho  eft  multiple  ou  tautologique ,  c'eft-à-dire,  répète  plufieurs 
fois.  I!  y  a  des  lieux  où  ce  phénomène  préfente  des  fingularités  fans 
nombre  :  tantôt  l'écho  ne  répète  que  des  fyllabes ,  tantôt  des  mots 
entiers.  Au  refte  ,  tout  ce  qui  réfléchit  le  fon  ,  peut  être  la  caufe 
d'un  écho  :  c'eft  pour  cela  que  les  murailles  ou  remparts  de  ville  , 
les  forêts ,  les  montagnes ,  les  cavernes ,  les  rochers  ou  lieux  élevés 
iie  1  autre  côté  d'une  rivière  ,  peuvent  produire  des  échos.  Les  coups 

Z2Z*J 


^^48  É  C  L  ECO 

terribles  du  tonnerre  qui  gronde ,  ne  font  que  des  échos  répétés  qui 
retentiflfent  dans  l'air. 

ÉCLAIR.  Foyei  à  VarticU  Tonnerre, 

ÉCLAIRE  ou  FELOUGNE.  Voyti  tanïcU  Chélidoine. 

ÉCLIPSE.  Privation  pafTagere  ,  foit  réelle  ,  foit  apparente  ,  de- 
lumière  dans  quelqu'un  des  corps  céleftes  ,  par  l'interpcfition  d'un 
corps  opaque  entre  le  corps  célefte  &  Tceil ,  ou  entre  ce  même  corps 
&  le  foleil.  Les  éclipfes  de  foleil  font  dans  le  premier  cas  :  les  éclipfes 
de  lune  &  des  fatellites  font  dans  le  fécond  ;  car  le  foleil  eft  lumineux 
par  lui-même,  &  les  autres  planètes  ne  le  font  que  par  la  lumière 
qu'elles  en  reçoivent.  Les  éclipfes  des  étoiles  par  la  lune  ou  par  d'au- 
tres planètes,  s'appellent  proprement  occultations.  Lorfqu'une  planète, 
comme  Vénus  &  Mercure ,  pafTe  fur  le  foleil,  comme  elle  n'en  couvre 
qu'une  petit^partie  ,   cela  s'appelle  P'^Jfage, 

L'on  regardoit  autrefois  les  éclipfes  &  les  comètes  commic  la  fource 
de  grands  malheurs  j  mais  aujourd'hui  le  peuple  même  eft  inftruit  de 
la  caufe  de  ces  phénomènes  naturels.  On  fait  que  les  éclipfes  de  lune 
viennent  de  ce  que  cette  planète  entre  dans  l'ombre  de  la  terre  ,  & 
ne  peut  être  éclairée  par  le  foleil  durant  qu'elle  la  traverfe.  Les 
éclipfes  de  lune  font  univerfelles  ,  vifibles  pour  tous  ceux  fur 
l'horizon  defquels  la  lune  fe  trouve  ,  qui  les  voient  tous  en  même 
temps  de  la  même  grandeur  &  de  la  même  durée  ;  elles  n'arrivent 
que  dans  le  temps  de  la  pleine  lune ,  parce  qu'il  n'y  a  que  ce  temps 
où  la  terre  foit  entre  le  foleil  &  la  lune.  Les  éclipfes  de  foleil  n'ar- 
rivent que  dans 'les  nouvelles  lunes  ,  &  viennent  de  l'interpolitioa 
diamétrale  de  la  lune,  qui  cache  aux  habitans  de  la  terre  une  partie 
du  foleil ,  ou  même  le  foleil  tout  entier  :  on  pourroit  dire  auffi  que 
c'eft  la  terre  qui  eft  éclipfée.  La  durée  d'une  éclipfe  eft  le  temps  entre 
l'immerfion  &.rémerfion.  Uimmerjîon  dans  une  éclipfe  eft  îe  moment 
auquel  le  difque  du  foleil  ou  de  la  lune  commence  à  fe  cacher  :  Vimtr- 
Jion  eft  le  moment  où  le  corps  lumineux  éclipfe  commence  à  reparoître, 
La  théorie  des  éclipfes  &  la  juftefte  avec  laquelle  on  eft  parvenu  depuis 
long-temps  à  les  calculer  &  à  les  prédire ,  tout  fert  à  nous  convaincre 
de  la  certitude  des  calculs  aftronomiques ,  &  des  efforts  dont  l'efprit 
humain  eft  capable. 

ÉCORCE  ,   cortex,  L'écorce  des  arbres  eft  la  partie  du  végétal  qui 
leçoit  extérieurement  la  première  les  influences  de  l'atmofphere ,  Cx 
% 


ECO  jr4^ 

falutaires  ou  fi  pernicieufes  à  la  végétation  :  elle  eft  en  même  temps 
celle  qui  reçoit  la  dernière  les  effets  des  produâions  médullaires  qui 
fe  font  au  centre. 

Nous  avons  dit,  au  mot  arbre,  que  l'écorce  eft  compofée  de  trois 

parties  différentes  entr'elles  ,  &  faciles  à  diftinguer  ;  favoir  ,  i"^.  de 
Vêpiderme  ,   2°.  de  Vccorce  moyenne  ,    3°.    &  du  liber, 

JJépidenm  eft  la  peau  extérieure  qui  enveloppe  les  couches  corti- 
cales :  c'eft  une  membrane  très -fine  ,  toujours  tranfparente ,  com- 
munément fans  couleur  ,   élaftique  &  un  peu  poreufe. 

Uécorce  moyenne  qui  fe  trouve  entre  Vêpiderme  Se  le  liher  ,  eft  coni-' 
pofée  de  fibres  ligneufes  longitudinales  ,  de  vailfeaux  propres  &  du 
tifl'u  cellulaire.  Ce  que  l'on  appelle  ici  fibres  ligneufes  longitudinales  , 
font  de  très-  petits  vaifî'eaux  creux  ,  dans  lefquels  coule  la  fève.  Ils 
font  fimples ,  fe  collant  les  uns  aux  autres  fans  anaftomofe ,  de  ma- 
nière qu'ils  forment  un  tiffu  de  petits  faifceaux  en  reiGrau  ,  dont  les 
mailles  font  plus  longues  que  larges.  Ces  petits  faifceaux  font  les 
mufcles  des  végétaux.  Les  vaijfcaux  propres  ,  qu'on  pourroit  appeller 
aufîî  vaifieaux  fanguins  à  caufe  de  leur  ufage ,  font  des  tubes  longi- 
tudinaux, droits  ,  collés  contre  les  fibres  féveufes  ,  &  remplis  du 
fuc  propre  que  l'on  peut  regarder  comme  le  fang  de  la  plante  ,  tel  que 
le  lait  dans  le  figuier  &  le  tithymale  ,  la  réfine  dans  les  pins  &  les 
piftachiers  ,  la  gomme  dans  les  jujubiers,  le  mucilage  dans  les  mauves, 
&c.  Le  tijfu  cellulaire  eft  un  affemblage  de  véficules  jointes  bout  à 
bout,  en  chapelet  &  côte  à  côte,  fans  communication  fenfible, 
placées  entre  les  mailles  des  fibres  féveufes.  Foye:^  le  détail  de  cetu 
organijadon    à   la  fuite  du  mot  ApxBRE. 

Le  liber  eft  compcfé  de  pellicules  qui  repréfentent  les  feuillets  d'un 
livre  :  elles  touchent  immédiatement  au  bois.  Le  liber  fe  détache  tous 
les  ans  des  deux  autres  parties  de  l'écorce  ;  &  en  s'uniffant  avec 
Vaubier  ,  il  produit  fur  toute  la  circonférence  de  farbre  une  nouvelle 
couche  qui  en  augmente  le  diamètre.  -  • 

On  peut  connoître  fi  un  arbre  que  Ton  deftine  à  fendre ,  fe  di« 
vifera  droit  ou  non  ,  foit  que  cet  arbre  foit  debout  ou  à  terre  ;  pour 
cela  il  fuffit  de  donner  un  coup  de  ferpe  par  la  bafe ,  &  tirer  l'écorce 
de  bas  en  haut  :  fi  elle  fe  détache  en  ligne  droite  ,  farbre  fe  fendra 
de  même  ;  fi ,  au  contraire ,  l'écorce  fe  levé  de  biais  ,  le  bois  fe 
divifera  de  manière  inégale. 


jfo  É  CO 

îi  kmblc  que  l'écorce  des  arbres  efl  la  partie  où  la  fève  &  les 
principes  végétaux  abondent  davantage.  En  eflet ,  le  fel ,  l'huile  , 
&c.  s'y  manifeftent  par  la  bonté  des  cendres  de  l'écorce  ,  toujours 
préférables  à  celles  du  bois  pélard  ou  écorcé.  Ne  pourroit-on  pas 
déduire  de  cette  même  caufe  l'effet  du  tan  ou  écorce  du  chêne  ,  qui 
étant  pulvérifé,  eft  fi  utile  pour  façonner  le  cuir,  le  pénétrer,  l'af- 
fermir, le  rendre  fouple,  Tempécher  de  fe  corrompre,  le  rendre  im- 
pénétrable à  l'eau  ,  le  difpofer  à  fe  prêter  à  différentes  formes ,  en  un 
mot,  le  rendre  propre  à  notre  ufage  ?  Voye\^  f article  Tan  au  mot 
Chêne. 

Il  y  a  d'autres  écorces  d'arbres  dont  on  fait  un  commerce  confidé- 
rable.  Il  y  en  a  d'aromatiques  ,  comme  eft  l'écorce  du  canndur  de 
Ceyian  &  celle  de  cafcarilU  ;  de  médicinales,  comme  le  quinquina;  de 
propres  à  file&te^  telle  qu'eft  celle  du  lin  ,  du  chanvre  ,  de  X ortie  ,  du 
^mét  de  de  celrt^ins  arbres  des  Indes,  fur  lefquels  on  levé  de  longs 
tilamens  dont  on  fait  des  étoffes  mêlées  de  foie  ou  de  coton.  L'écorce 
intérieure  &  blanche  du  lagettc  eft  compofée  de  douze  ou  quatorze 
couches ,  qui  peuvent  être  féparées  en  autant  de  pièces  d'étoffes  ou 
de  toile.  Le  liège  qui  fert  à  conferver  quantité  de  liqueurs  précieufes, 
n'eft  que  l'écorce  d'un  grand  chêne  -  vert  des  pays  méridionaux  de 
l'Europe  :  en  Suéde  fécorce  du  bouleau  fert  à  couvrir  des  maifons  ; 
en  Canada  on  détache  la  fine  écorce  du  bouleau  qui  fait  une  efpece  de 
papier  à  écrire  naturel.  C'eft  en  coupant  circulairement,  ou,  pour  l'ordi- 
naire, en  incifant  quelque  peu  l'écorce  de  certains  arbres,  qu'on  en 
retire  dus  liqueurs ,  des  gommes  &  des  réfïnes  d'un  ufage  fort  varié. 
Le  pin  incifé  de  cette  manière ,  nous  donne  la  poix ,  le  goudron ,  le 
brai  liquide  pour  poilfer  les  vaiffeaux  &  les  cordages.  Le  fapin ,  le 
WcleieylQ  ccdre ,  le  cyprès,  le  térébinthe ,  le  leniifque  y  &c.  nous  don- 
nent 1^  térébenthine ,  le  maftic  en  larmes  ,  l'encens ,  le  fandarac  ; 
d'autres  nous  donnent  le  benjoin ,  le  ftorax  ,  le  baume  de  Judée , 
celui  de  copahu ,  .&  toutes  les  différentes  refînes  dont  on  compofe 
jdes  vernis  ,  des  parfums  &  des  remèdes.  On  trouve  tous  ces  détails 
répandus  dans  le  corps  de  cet  Ouvrage ,  fous  les  noms  qui  leur  font 
propres.  En  certains  pays  feptentrionaux  les  écorces  de  pin  &  fijr- 
tout  de  peuplier  ,  étant  moulues ,  fervent  de  nourriture  en  temps  de 
ilifette, 

ÉCORCE  DE  l'arbre  qui  porte  l*Encens  ,  ou  NARCAPHTE 
Tli'i'MJA.MJt,  Foyei  à  t article  Ox-IBAN, 


Eco  É  C  R  5»  ;  î 

ÉCORCE  CaryocostiNE  ou  de  WiNTER  ,  cortex  Jim  pari,  aut  cortex 
Winuranus,  Cette  écorce  appartient  à  uneefpece  de  laurier  qui  croît  dans 
les  contrées  fituées  vers  le  milieu  du  détroit  de  Magellan.  Clujius,  Gafpard 
Bauhin  &  Sebald  de  IVecrt  ont  parlé  de  cet  arbre.  Georges  Handyfidi 
eil  celui  qui  en  a  donné  la  meilleure  defcription  :  il  a  rapporté ,  au 
commencement  de  ce  fîecle ,  de  fa  graine  en  Angleterre ,  avec  urï 
échantillon  de  Tes  feuilles  &  de  fes  fleurs  fur  une  petite  branche.  C'eft 
d'après  l'infpeélion  de  toutes  ces  parties  de  l'arbre ,  &c.  que  le  Che- 
valier Hans-Sloane  a  placé  cet  arbre  dans  la  clafl'e  ^o.'S,  pereclymenum  ^ 
&  l'a  appelle  cannelkr  de  Wïnter,  Voyez  à  l'article  Cannelle  blan- 
che. 

ÊCORCE  DE  GIROFLE.  Voye^  Cannelle  Giroelée. 

ÉCORCE    SANS   PAREILLE.    Voyei  à  r  article   Cannelle 

BLANCHE.  ,^v^ 

ÉCORCHÉE.  Nom  que  l'on  donne  à  un  coquillage  univalve  & 
operculé,  du  genre  des  rouleaux.    Voyez  ce  mot.' 

ÉCORCHEUR.  Oifeau  du  genre  de  la  pie-grieche.  Cet  oifeau  de 
proie  efl:  plus  petit  que  la  pie-grieche  touffe  ,  &  a  les  mêmes  habitudes  5 
il  eft  ainfi  qu'elle  un  oifeau  de  paflage  :  la  reflemblance  eft  fi  grande  , 
qu'il  y  a  îîeu  de  penfer  que  ces  oifeaux  ne  font  que  des  variétés ,  ainfi 
que  Vccorcheur  varié,  L'écorcheur  arrive  au  printemps ,  fait  fon  nid 
fur  des  arbres,  ou  même  dans  des  buiflbns  en  pleine  campagne,  & 
non  dans  les  bois;  part  avec  fa  famille  vers  le  mois  de  Septembre j 
fe  nourrit  communément  d'infedes ,  &  fait  auffi  la  guerre  aux  petits 
oifeaux. 

ÉCOUFLE.  Belon  donne  ce  nom  au  milan  royal ,  oifeau  de  proie  ^ 
d'autant  plus  dangereux ,  qu'il  ne  fait  aucun  bruit  en  volant,  Foye^ 
Milan    royal. 

ÉCOURGEON.   Fpyei  Escourgeon. 

ÉCREVISSE  ,  aflacus.  Animal  cruftacée  ,  d'un  genre  différent 
des  cancres  &  des  crabes.  On  en  diflingue  deùjc''  efpeces  principales  : 
favoir,  les  écrevijfes  de  mer,  qui  font  le  homard^  la  langoujle  ,  &c.  èc 
les  écrevijjes  de  rivière  :  toutes  ont  le  corps  6c  la  queue  alongés. 

Le  Homard  ou  Hommard  ,  ajlacus  garhmarus'marinus ,  efl  une 
très-groffe  écreviffe  de  mer ,  dont  il  y  a  de  deux  fortes.  L'une  a  deux 
gros  mordans  plus  longs  &  plus  larges  que  la  main  ,  &  beaucoup 
plus  forts  que  ceux   des  crabes  ;  l'autre  a   feulement  deux  grands 


5^2  ÉCR 

barbillons ,  longs  comme  le  bras  &  hérifîes  de  la  même  forte  que  les 
pieds  des  crabes.  L'un  &  l'autre  croifTent  à  une  grandeur  extraor- 
dinaire :  on  en  trouve  quantité  dans  les  Antilles,  oii  les  Infulaires  les 
prennent  la  nuit  à  la  clarté  de  la  lune  ou  d'un  flambeau ,  dans  des 
lieux  pierreux  où  la  mer ,  après  s'être  retirée ,  laifle  de  petites  fofles 
pleines  d'eau  :  ils  les  enfilent  avec  une  fourche  de  fer  ou  les  coupent 
en  deux. 

Les  gros  homards  font  aufTî  fort  communs  dans  nos  mers ,  fur  nos 
côtes  :  leur  cuirafle  cruftacée  eft  femée  de  taches  bleues  plus  ou 
moins  grandes  fur  un  fond  rougeâtre  ,  qui  couvre  le  tiffu  blanc.  Lorf- 
que  ces  animaux  font  cuits ,  leur  cuirafTe  devient  toute  rouge.  Ils  ont 
devant  les  yeux  deux  cornes  longues  &  plus  menues  que  celles  de  la 
langonjlc  ,  &  deux  autres  plus  petites  :  il  fort  aufll  du  milieu  du  front 
une  autre  petite  corne  platte  ,  large  &  découpée  en  fcie  des  deux  côtés. 
Le  homard  a  dîx  pattes,  y  compris  fes  deux  bras  faits  en  tenailles, 
dont  l'animal  fe  ferf  comme  d'une  main.  Ses  bras  font  fans  jointure 
abfolue,&  ne  font  point  velus;  mais  il  en  a  deux  autres  plus  petits  qui  le 
Cont  :  les  bouts  font  faits  comme  des  becs  d'oifeaux;  la  partie  de  defTus  eft 
ipobile  &  ferrée  contre  celle  de  deflbus  qui  eft  immobile  :  fes  ferres  font 
dentées  en  dedans.  On  remarque  qu'un  des  deux  bras  eft  toujours  plus 
gros  que  l'autre  :  il  n'y  a  que  le  premier  de  chaque  côté  (  les  plus 
proches  des  grands  bras  )  qui  foient  fendus  par  le  bout.  La  queue 
eft  couverte  de  cinq  anneaux  cruftacés  ;  le  bout  en  eft  large,  &  comme 
g.a}:ni  d'ailes  pour  nager.  Les  yeux  des  homards  font  courts,  petits, 
ce  qui  eft  au  contraire  dans  la  langoufte  ;  mais  leur  bouche  eft  égale- 
ment fendue  en  long.  Les  dents  &  la  langue,  ainfi  que  l'eftomac,  le 
conduit  par  où  defcend  la  nourriture  ,  &  les  autres  parties  intérieures, 
font  comme  dans  la  langoufte. 

La  petite  efpece  des  homardsa  la  tête  &  la  poitrine  plus  découpées, 
njieux  arrondies,  la  corne  dentée  delà  tête  fort  longue,  &  mobile  à 
la  volonté  de  l'animal  ;  les  cornes  font  flexibles  &  articulées.  Le  corps 
e(v  couvert  de  tablettes  rougeâtres  chargées  de  traits  bleus  en  travers, 
^ette  efpece  de  homards  eft  aflez  rare. 

A  l'égard  de  la  Langouste  ^  locufta ,  on  en  connoît  de  plufieurs 
efpeces,  Ce  cruftacée  n'a  point  de  fang,  non  plus  que  les  précédens: 
ï^  croûte  n'eft  pa^  fort  dure  ;  fes  deu:?(:  cornes  font  longues  &  garnies 

d'aiguillons 


É  c  r:  *        ;n 

d'aiguillons  devant  les  yeux  ,  avec  deux  autres  cornes  au-defTus,  pius 
déliées  &  plus  courbes.  Son  dos  eft  rude  &  plein  d'aiguillons  :  Ta 
queue  eft  comme  celle  de  TécreviiTe,  &  elle  fe  dépouille  de  fa  croûte 
de  même  que  le  font  tous  les  cruftacées.  La  langoufte  diffère  des 
écreviffes  en  ce  qu'elle  a  deux  pieds  de  chaque  côté  fans  pinces  plates, 
ou  qu'elle  a  au  plus  une  pince  à  crochet.  Elle  a  cinq  nageoires  à  la 
queue  j  le  refte  eft  couvert  de  tablettes  minces.  Les  langouftes  vivent 
dans  les  lieux  pierreux  ;  elles  repairent  pendant  l'hiver  fur  le  bord 
des  rivières ,  &  dans  l'été  elles  fe  retirent  dans  les  lieux  profonds.  Elles 
fe  battent  entr'elles  avec  leurs  cornes.  Elles  fe  nourrififent  de  petits 
poiflbins  qu'elles  trouvent  autour  d'elles.  On  appelle  aulîi  la  langoufte 
fauurdU  de  mer  6c  hyppocampe  ;  cependant  Xhyppocampe  eft  tout  diffé- 
rent. Voye^  ce  mot, 

L'EcREVissE  DE  RiviERE ,  ajlacus  jluviatïlis  ,  eft  d'une  groffeur 
bien  inférieure  au  homard.  Elle  naît  dans  les  rivieres^^^u  dans  les  ruif- 
feaux  d'eau  bien  courante.  Le  tronc  de  fon  corps  e{^ 'rond  ;  &  fa  tête 
finit  par  une  corne  aifez  large ,  courte  &  pointue ,  fous  laquelle  font 
fes  yeux.  Elle  a  devant  la  tête  quatre  autres  cornes ,  dont  deux  font 
longues  &  deux  courtes ,  articulées  flexibles  &  qui  fe  terminent  par 
une  pointe  velue  ou  de  poil.  Ses  bras  font  fourchus,  dentelés,  & 
articulés  en  cinq  parties ,  plus  minces  près  du  corps  qu'à  l'extrémité  ; 
c'eft  peut-être  ce  qui  les  fait  cafter  même  lorfque  l'animal  ne  fe  donne 
que  des  mouvemens  ordinaires.  C'eft  avec  ces  bras  qu'elle  eft  en  état 
de  pincer  &  de  blefler.  Les  deux  premières  jambes  quifuivent  les  deux 
bras  5  font  également  fendues  au  bout ,  &  quelquefois  velus.  Les  deux  fui- 
vantes  font  munies  d'un  ergot.  La  bouche  eft  garnie  de  dents ,  comme  celle 
des  langoujies  &des  cancres,  La  queue  lui  fert  à  nager  &  même  à  marcher 
fur  terre  ,  mais  feulement  à  reculons.  On  a  obfervé  que  les  crabes  ,  les  ho- 
mards ,  les  fquilles ,  &c.  qui  fe  portent  aufli  en  arrière  au  lieu  de  fe  porter 
en  avant  comme  les  autres  animaux,  font  aufti  conformés  différemment 
de  ceux-ci ,  en  ce  que  les  écailles  qui  leur  tiennent  lieu  d'os  ,  •  font 
en  dehors  au  lieu  d'être  en  dedans,  &  que  le  foie  ,  l'eftomac  ,  &Cr  font 
placés  au-delTus  du  cœur,  &c. L'écrevifTe  d'eau  douce  femelle  a,  comme 
les  écreviffes  de  mer  demêmefexe,  des  excroiffançes de  chair  où  font  logés 
fes  œufs.  Sa  croûte  rougit  extérieurement  par  là  cuifïbn.  De  l'eau  forte 
ou  feulement  de  Teau-de-vie  répandue  fur  cette  même  écaille ,  la 
Tome  //.  . .  A  a  a  a 


5'5-4  ECR 

rend  prefque  auflî  rouge  que  Ci  elle  étoit  cuite.  La  chair  de  ce  cruflacée 
efl  molle  &  humide. 

Les  écrevifTes  font  très-voraces  :  elles  fe  nourriflent  de  charognes 
aquatiques  &  d'ordures.  Une  écrevifle  de  fix  à  fept  ans  n'eft  encore, 
félon  les  Pêcheurs ,  qu'une  écrevifle  de  grandeur  médiocre.  En  vieil- 
liflant  il  fe  forme  dans  la  région  de  leur  eftomac  ,  deux  efpeces  de 
petites  pierres,  qu'on  appelle  improprement  jygwr  cTccnv'iJjes,  Vo^  ez 
ci-deffous  Pierres  d'Ecrevisses. 

Dans  toutes  les  bonnes  tables  on  fait  cas  des  écrevifTes  ,  tant  de 
mer  que  de  rivière  ,  fur-tout  des  dernières.  Leur  chair  eft  fort  nour- 
riflante ,  de  bon  goût ,  fortifiante ,  un  peu  difficile  à  digérer ,  notam- 
ment celle  des  écrevifTes  de  mer.  L'écrevifTe  de  rivière  entre  dans  des 
bifques  ,  des  coulis  ,  &:c.  &  augmente  la  qualité  alimenteufe  de  ces 
mets  :  aufîî  cette  écrevifTe  fîuviatile  efl  elle  regardée  comme  un  mé- 
dicament alimetî'teux ,  qui  purifie  le  fang  ,'  qui  le  fouette  ,  qui  le 
divife,  qui  difpofe  les  humeurs  aux  excrétions,  qui  ranime  Tofcil- 
lation  des  vaifTeaux  &  le  ton  des  folides  :  en  général  ,  elle  convient 
dans  les  chaleurs  de  poitrine  ,  &  dans  les  indifpoCtions  qui  pro- 
viennent d'une  trop  grande  âcreté  dnumeurs,  pourvu  qu'on  en  ufe 
modérément.  En  un  mot ,  c'eft  un  remède  incifif  &  tonique  ;  &  on 
l'ordonne  à  ce  titre  dans  les  maladies  de  la  peau  ,  dont  le  caraélere 
n'eft  point  inflammatoire  ni  éréfypélateux  ,  ab  humorum  kntâ  mucagine  , 
dit  Boêrhaave  :  on  l'emploie  encore  dans  les  obftruétions  ,  dans  les 
bouffifTures.  On  prépare  dans  tous  ces  cas ,  des  bouillons  atténuans 
dans  lefquels  on  fait  entrer  cinq  ou  fix  écrevifTes  écrafces  dans  un 
mortier  de  marbre  ,   même  davantage ,    félon   l'habitude. 

Lorfque  les  écrevifTes  ,  ainfi  que  les  homards  &  les  crabes  ,  ont 
perdu -une  de  leurs  grofTes  jambes,  il  leur  en  renaît  une  autre  en  la 
\  même,  place,  mais- plus  petite  :  c'eft  un  fait  avancé  d'après  l'expérience 

par  M.  de  Rèaumur,  Il  eft  bon  d'obferver  que  ces  jambes  ne  croifTent 
que  lorfqu'elles  n'ont  été  rompues  que  jufqu'à  la  troifiemeou  dernière 
articulation.  Quel  phénomène  admirable  dans  cette  reprodudion  ! 

Autres  efpeus  cfÉcrcviJJes, 

On  trouve  beaucoup  d'écrevifTes  dans  les  rivières  de  l'Amérique, 
dont  les  mordans  font  plus  forts  que  ceux  des  nôtres.  On  y  fait  éga- 
lement avec  ces  écrevifl'es  d'excellentes  foupes  :  celles  du  Sénégal  font 


É  C  Pv  .  5  ^  j 

]es  plus  exqiiifes.  Il  n'en  efl  pas  de  même  de  celles  des  Moîuques  qui 
caufent  la  mort,  dans  l'efpace  de  vingt-quatre  heures,  à  ceux  qui  en 
mangent.  Ces  écrevifles  font  terreftres  :  elles  reflemblent  un  peu  aux  lan- 
gouftes  ;  elles  repairent  fous  certains  arbres  (les  manceniUîcrs),  dont 
l'ombre  ne  fou fTre  aucune  herbe ,  Se  qui  caufent  même  des  maladies 
à  ceux  qui  s'y  endorment. 

V  Les  écrevifles  de  la  Côte  d'Or  font  de  couleur  pourpre  :  elles  fon* 
des  trous  en  terre  à  la  manière  des  taupes.  Leur  chair  eft  fort  délicate. 
Celles  de  l'île  de  Tabago  font  verdâtres  &  de  bon  goût. 

Génération  des  Écnvijfes. 

Selon  L.  A,  Ponius ,  l'écrevifle  de  rivière  a  des  œufs  plus  gros ,  à 
proportion,  que  l'écrevifle  de  mer.  Celle-ci  a  deux  ouvertures  pac 
où  fortent  fes  œufs  ,  &  qui  font  fituées  l'une  à  droite  &  l'autre  à 
gauche  ,  à  côté  de  l'endroit  ou  fe  réunifllent  les  o.S  qui  couvrent  le 
ventre ,  ou  plutôt  la  partie  antérieure  de  l'animal.  Cette  couverture 
cifiere  dans  l'écrevifle  d'eau  douce,  en  ce  qu'elle  eft  compofée  de 
plufîeurs  os   qui  ont  tous  enfembîc  la  figure  d'un  bouclier  alongé. 

Pour  indiquer  les  caractères  par  lefquels  on  peutdiftinguer  une  écreviîïe 
mâle  d'avec  une  écrévifle  femelle ,  il  fautdiftinguer  le  corps  de  l'animal  en 
trois  parties  ;  favoir,  le  ventre,  la  queue  &  les  membres.  Le  ventie 
contient  tous  les  vifceres  &  les  ovaires  dans  les  femelles;  &  dans  les 
mules,  les  tefticules,  les  vaiflfeaux  fpermatiques  ,  &c.  Nous  avons 
déjà  dit  que  la  queue  eft  compofée  de  beaucoup  de  lames  tranfver- 
fales,  dures  &  ofieufes,  qui  s'articulent  enfemble  ,  &  de  beaucoup 
de  mufcles.  Les  membres  de  TécreviATe  font  de  deux  efpeces;  favoir, 
les  gros  &  les  petits.  Les  gros  ont  des  pinces  ,  &  s'appellent  bras  ; 
les  autres  fe  nomment  jambes  ou  pattes.  Tous  les  membres  font  plus 
gros  dans  les  mâles  que  dans  les  femelles.  C'eft  par  les  petits  mem- 
bres, ainfî  que  par  les  barbes  de  la  queue  qu'on  diftingue  les  mâles 
d'avec  les  femelles  :  on  prétend  que  celles  -  ci  n'ep  ont  que  quatre 
paires  ,  &  que  les  mâles  en  ont  cinq  ;  ce  qui  ne  nous  a  pas  paru  tou- 
jours vrai.  On  reconnoît  une  écrévifle  femelle  aux  lames  tranfverfales 
de  fa  queue  ,  qui  font  toujours  beaucoup  plus  larges  que  chez  les 
écreviflfes  miâles.  De  plus  ,  les  femelles  ont  vers  l'extrémité  des  barbes, 

fous  la  queue ,  de  petits  filets ,  auxquels  les  œufs  font  attachés  en 
Janvier ,  Février  &  Mars,   Ponius  dit  que  dans  chacun  des  bras  de 

Aa  aa  2 


57^  É  C  R 

la  troifîeme  paire  ,  chez  toutes  les  écrevilTes  ,  11  y  a  un  petit  orifice 
ovale.  Les  canaux  membraneux  qui  tirent  leur  origine  des  ovaires  , 
aboutififent  à  ces  orifices ,  par  lefquels  fortent  les  œufs ,  après  avoir 
dit-il ,  parcouru  toute  la  longueur  des  canaux  membraneux.  On  peut 
remarquer  fous  le  ventre  de  la  femelle  les  deux  petites  ouvertures 
par  lefquelles  fortent  les  œufs.  Les  organes  de  la  génération  dos 
écrevifles,  qui  font  doubles  tant  chez  les  mâles  que  chez  les  femelles, 
font  formés  de  manière  qu'il  eft  difficile  de  concevoir  un  accouplement 
dans  ces  animaux.  Peut-être  le  mâle  féconde-t-il  les  œufs  pondus  par 
fa  femelle  ,  en  les  arrofant  de  fa  femence  ;  ce  qui  feroit  rentrer  les 
écrevifTes  dans  la  clalTe  des  poiffons  proprement  dits.  La  ponte  fe  fait 
en  Novembre  &  Décembre.  Voyez  Willis ,  Tra:l.  de  anim,  brut,  cap.  8» 

Allie  des  ÈcreviJJes  &  autres   Crujîacies» 

La  mue  àes  cruftacées  n'eft  pas  moins  digne  de  l'attention  des  Na- 
turaliftes  5  que  la  réproduâion  de  leurs  membres.  Par  cette  mue  ces 
animaux  fe  dépouillent  chaque  année  ,  non  -  feulement  de  leur  robe 
écaillcufe ,  mais  aulîi  de  toutes  leurs  parties  cartilagineufes  &  ofïeufes  ;• 
ils  fortent  de  leur  écaille,  &  la  laiffent  entièrement  vide.  La  mue  ne 
fe  fait  jamais  avant  le  mois  de  Mai  ni  après  celui  de  Septembre , 
fur-tout  dans  les  écrevifTes ,  qui  celfent  de  prendre  de  la  nourriture 
folide  quelques  jours  avant  leur  dépouillement  :  alors  fi  on  appuie 
le  doigt  fur  Técaille ,  elle  plie  ;  ce  qui  prouve  qu'elle  n'eft  plus  fou- 
tenue  par  les  chairs.  Quelques  momens  avant  cette  mue,  l'écrevilTe 
s'agite  très-vivement,  elle  frotte  fes  jambes  les  unes  contre  les  autres, 
fe  renverfe  fur  le  dos  ,  replie  &  étend  fa  queue  à  différentes  fois , 
agite  fes  cornes  ,  &  fait  encore  d'autres  mouvemens  pour  fe  détacher 
de  l'écaillé  qu'elle  va  quitter.  Pour  en  fortir  ,  elle  gonfle  fon  corps, 
&  il  fe  fait  entre  la  première  des  tables  de  la  queue  &  la  grande  écaille 
du  corp-s^  une'  Ouverture  qui  met  le  corps  de  1  écrevifTe  à  découvert.*" 
il  eft  d'un  brun  fjncé.^  tandis  que  la  vieille  écaille  eft  d'un  brun  ver- 
dâtre.  Après  cette"  rupture,  l'animal  refle  quelque  temps  en  repos; 
enfuite.iî  fait  difïèVens  mouvemens  &  gonfle  les  parties  qui  font  fous 
la  grande  écaille  ,  dont  la  partie  poftérieure  eft  bientôt  fouîevée  ;  pour 
l'antérieure  ,  elle  ne  refte  attachée  qu'à  l'endroit  de  la  bouche  :  alors 
il  ne  faut. plus  qu'un  quart-d'heure  pour  que  l'écrevifTe  foit  entièrement 
dépouillée.   Elle  tire  fa  tête  en  arrière,  dégage  fes  yeux,  fes  cornes. 


ÉCR  yj7 

fes  bras ,  &  fucceflîvement  toutes  fes  jambes ,  dont  les  deux  premières 
r^M-oiflent  les  plus  difficiles  à  dégainer,  parce  que  Textrémité  eft  beau- 
^up  plus  grolïe  que  les  autres  parties  j  mais  on  conçoit  aifément  cette 
opération  ,  quand  on  fait  que  chacun  des  tuyaux  écailleux  qui  for- 
ment chaque  partie,  eft  de  deux  pièces  longitudinales  qui  s'écartent 
l'une  de  -l'autre  dans  le  temps  de  la  mue.  Enfin  l'écreviffe  fe  retire  de 
ceflbus  la  grande  écaille ,  &  auiîî-tôt  elle  fe  donne  brufquement  un 
mouvement  en  avant ,  étend  la  queue  &  la  dépouille  de  fes  écailles. 
Cette  opération  eft  violente ,  c'eft  un  moment  critique  qui  fait  périr 
beaucoup  d'écre-vifles  :  celles  qui  y  réfiftent,  reftent  très-foibles  pen- 
dant quelques  jours.  Après  ce  grand  travail  de  la  mue  ,  leurs  jambes 
font  molles,  &  Tanimal  n'eft  recouvert  que  d'une  membrane  ,  qui 
en  vingt-quatre  heures  devient  une  nouvelle  écaille  folide  &  prefque 
aulTi  dur€  que  l'ancienne  ;  au  moins  elle  eft  capable  de  mettre  l'animal 
à  l'abri  de  tout  choc.  Quelques  obfervations  ont  donné  lieu  de  croire 
que  la  matière  qui  eft  nécefiaire  pour  confoîider  la  nouvelle  écaille, 
vient  des  pierres  d'écreviftes ,  qui  ne  difparoiflent  chez  l'animal  que 
quand  fa  mue  eft  paflee.  Foyci  ci-dcjfous  Pierres  d'Ecrevisses, 

Pierres  d'ÉcreviJfes, 

Ce  qu'on  appelle  en  Médecine  yeux  cTécreviJfes ,  ne  font  point  les 
yeux  de  cet  animal ,  &  n'y  reflemblent  nullement.  Ce  font  de  petites 
pierres  blanches ,  à  figure  de  boutons ,  rondes  en  dêftiis ,  ordinaire- 
ment applaties  par  la  bafe  ,  &  qui  fe  trouvent  dans  la  région  de  leur 
eftomac.  Nous  avons  dit  ci-defiiis  que  les  écrevifles  muent  à  la  fin 
du  printemps  :  non-feulement  elles  fe  dépouillent  alors  de  leur  enve- 
loppe ,  mais  encore  de  leur  eftomac  :  c'eft  dans  ce  temps  qu'on  trouve 
les  pierres  appellées  improprement  ^"^«j;  cT écrevifles.  Ces  pierres  com- 
mencent à  fe  former  quand  l'ancien  eftomac  fe  détruit ,  &  font^enfuite 
enveloppées  dans  le  nouveau  ,  où  elles  diminuent  toujours  de  gran- 
deur jufqu'à  ce  qu'enfin  elles  difparoiffent.  M.  .Ce.fJ^o/ "croit  qu'elles 
contribuent  aufli  à  nourrir  l'animal  pendant  fa  mue.  MM.  de  Rcaurnur 
bi  Moiinfey  ,  Médecin  des  Armées  de  l'Impératrice  de  Rufiie ,  ont  auflî 
parlé  de  cette  efpece  de  calcul.  Voici  comment-  s'exprime  ce  dernier 
Auteur.  ^ 

Les  pierres  faufiement  appellées  yeux  d'écrevijfes ,  fe  trouvent  dans 
le  corps  des  animaux  de  ce  nom,   Chaque  écreviiie  en    produit  deux 


jj3  Ë  C  R 

tous  les  ans  ;  favoir ,  une  de  chaque  côté  de  la  partie  antérieure  Ce 
inférieure  de  l'eftomac.  Ces  deux  pierres  prennent  leur  origine  entre 
les  deux  membranes  de  cet  organe.  Le  côté  plat  ou  concave  touche 
la  membrane  interne  qui  eft  mince  &  tranfparente  ,  quoique  forte 
&  d'une  fubftance  cornée.  Le  côté  convexe  efl:  conftamm.ent  vers  le 
dehors  :  il  eft  couvert  des  membranes  charnues  &  molles  de  l'eftomac, 
&  leurs  Hbres  laiflènt  des  traces  fur  la  furface  de  la  pierre.  Elle  croît 
peu  à  peu  par  juxta  -  pofition  ,  &  en  lames  ,  entre  ces  deux  mem- 
branes  extérieures. 

L'intérieure  qui  n'eft  que  de  la  corne ,  ne  fert  qu'à  réfifter  ;  c'eft 
ce  qui  fait  que  toutes  les  pierres  font  convexes  de  ce  côté.  La  pre- 
mière écaille  qu'on  peut  obferver  ,  &  fur  laquelle  toutes  les  autres 
s'appliquent  ,  eft  placée  vers  le  centre  ;  &  l'on  reconnoît  très-bien 
les  couches  qui  s'appliquent  fucceffivement.  Avant  que  l'on  puifie 
trouver  ces  pierres  dans  l'animal ,  on  apperçoit  de  petites  taches 
circulaires  ,  un  peu  opaques  ,  &  plus  blanches  que  le  refte  de  l'efto- 
mac.  Ces  taches  font  à  la  place  que  doivent  occuper  les  pierres  , 
vis-à-vis  des  fubftances  tenaces  ëc  mucilagineufes ,  appellées  glandes 
par  quelques-uns  :  c'eft  à  tort  qu'on  croit  que  ces  glandes  s'endur- 
ciiïen:  peu-à-peu  ,  au  point  de  devenir  ce  qu'on  appelle  yeux  d'icrc' 
vijfes.  M.  Mounfey  prétend  que  c'eft  encore  une  erreur  de  croire  que 
les  écrevifles  fe  défont  de  ces  pierres  lorfqu'elles  fe  dépouillent  de 
leur  écaille;  car  dans  ce  temps,  dit-il,  les  pierres  percent  la  tunique 
interne  &  cornée  de  leur  eftomac.  Les  trois  dents  de  ce  vifcere  bri- 
fent  les  pierres  ;  ?^  en  peu  de  jours  les  liqueurs  qui  y  abondent,  les 
diflolvent  :  voilà  la  raifon  |(fourquoi  l'on  trouve  tant  d'yeux  d'écrevifles 
à  moitié  confommés.  Cet  Auteur  prétend  qu'on  trouve  peu  de  pierres 
dans  les  rivières  que  les  écreviftes  habitent.  La  plupart  des  Natura- 
liftes  Çî^ient  aujourd'hui  que  ces  pierres  ont  été  le  réfervoir  de  la 
matière  que  les  écrevifles  emploient  pour  réparer  la  perte  de  leurs 
fcaiile^,'- 

Les  pierres ^ont  la  teinte  eft  brune  ,  font  celles  qui  fe  font  trou- 
vées dans  l'eftomac  de  l'écrevifTe  au  moment  qu'elle  a  été  prife.  C'eft 
dans  les  grands  fleu  /es  du  côté  d'Âftracan  qu'on  trouve  les  écrevifies 
qui  ont  les  pierres  les  plus  grandes.  Les  Pécheurs  n'y  prennent ,  en 
quelque  façon ,'  ces  animaux  qu'à  caufe  de  leurs  pierres.  Pour  les 
tirer  de  leur  eftomac,  les  uns  les  écrafent  avec  un  pilon  de  bois;  ils 


Ê  C  K  ^^p 

mettent  enfuîte  îe  tout  dans  l'eau  ,  &  l'on  trouve  les  pierres  au  fond 
des  baquets  :  d'autres  mettent  des  écrevifies  en  tas  &  les  y  laifTent 
pourrir  ;  enfuite  ,  au  moyen  de  l'eau  ,  ils  en  féparent  les  pierres , 
qu'ils  vendent  quatre  ou  cinq  fous  la  livre.  On  auroit  peine  à  croire 
la  quantité  prodigieufe  qu'on  en  exporte  dans  les  divers  pays ,  où  ^ 
malgré  la  modicité  de  ce  prix ,  on  les  contrefait  avec  des  fubftances 
argillo-calcaires  ,  blanches  &  fans  odeur  :  on  a  l'art  d'en  former  des 
paftilles  ;  greffes  comme  des  pois  ou  de  petits  boutons ,  aplaties  , 
orbiculaires  ,  caves  d'un  côté,  convexes  de  l'autre,  faciles  à  rompre, 
&  qui  imitent  les  pierres  d'écrevifles  naturelles. 

Les  pierres  d'écrevifTes  n'ont  ni  faveur ,  ni  odeur  apparentes  :  ce 
font  des  abforbans  terreux  qu'on  fait  prendre  pour  adoucir  les  acides 
de  l'tftomac.  M.  Bourgeois  dit  que  ces  mêmes  pierres  contiennent 
des  principes  volatils  ,  qui  les  rendent  apéritives  ,  diurétiques  & 
même  ftomachiques. 

Pèche  des  Ècrevijfes, 

On  pêche  Vicnvijfe  de  plufieurs  manières.  Une    des  plus  (impies  , 

c'efi:  d'avoir  des  baguettes  fendues  ,  de  mettre  dans  la  fente  de  l'appât, 

comme  delà  tripaille,  des  grenouilles  ,  &c.  de  les  difperfer   le   long 

du  ruifleau  où  l'on  fait  qu'il  y  a  des  écreviffes  cafernées  ;  de  les  y  laiff^r 

repofer  afTez  long- temps  pour  que  les  anim^aux  s'attachent  à  l'appât  ; 

d'avoir  un  panier  ou  une   petite   truble  ;  d'aller   lever  les    baguettes 

légèrement ,  de  gliffer  fous  l'extrémité  oppofée  le  panier  ,  &  d'enlever 

le  tout  enfemble  hors  de  l'eau  :  à  peine  l'écreviffe  fe  verra-t-elie  hors 

de  l'eau ,  qu'elle  fe  détachera  de  l'appât  ;  ilfeis  elle  fera  reçue  dans  le 

panier.   D'autres  les  prennent  à  la  main  :  ils  entrent  dans  l'eau  ,  ils  s'y 

couchent  &  étendent  leurs  bras  en  tous  fens  vers  les  trous^où  ils  fup- 

pofent  les  écrevifies  cachées  :  il  y  en  a  qui  mettent  le  ruiffeati  à  fec  : 

les  écrevifies  qui  manquent  d  eau  ,   font- forcées  de  fortir    dé   leurs 

trous  &  de  fe  laifier  prendre.    Un  piège  qui  n'efjt  pas  moins  sûf,  c'eft 

celui  qu'on  tend  à  leur  voracité:  on  laifie  pourrir  uiii^hat  mort,  un 

chien  ,  un  vieux  lièvre  ;  ou  bien  l'on  prend  un  morceau  de  cheval  mort, 

on  le  jette  dans  l'eau ,  on  l'entoure  de  petits  fagots  d'épines ,    on  fy 

laifie  long-temps  ;   il  attire  toutes  les-  écrevifies,   que  l'on   prend  en 

traînant  à  foi  toute  la  charogne  &  les  fagots  d'épines  avec  un  crochet. 

Comme  elles  aiment  beaucoup  le   fel ,   des  facs  qui  en  auroient  été 

remplis  feroient  le  même  eft'et  que  la  charogne. 


5  é-o  É  C  R       •  ECU 

ÉCRITURE  ARABIQUE  ou  CHINOISE.  On  donne  ce  nom 
à  une  coquille  bivalve  ,  de  la  famille  des  cames,  à  bafes  ovales  irré- 
gulieres  ,  à  ftries  tranfveiTales  ,  fines  &  aplaties  ,  &  qui  a  fur  les  deux 
valves  plulieurs  lignes  d'un  violet  noir  ,  dont  la  di£pofkion  bizarre 
paroît  former  des  carad:eres  finguliers.  C'eft  un  deffin  de  traits  en  zig- 
zag qui  fe  croifent  diverferaent  l'un  fur  l'autre ,  &  forment  plufieurs 
lofanges  fur  un  fond  blanc.  Les  HoUandois  l'appellent  natu  de  jonc* 
Voyez  Came. 

ÉCROUELLES.    Voyc^  Agrouelles. 

ECU  DE  BRATTENSBOURG  ,  nummus  Bratunshurglcus.  On 
trouve  dans  la  Laponie  Suédoife  ,  près  du  fort  de  Brattensbourg  , 
dans  une  Ville  appelîée  Yvoë  ,  de  petites  pierres  en  forme  de  mon- 
noie.  Ces  pierres  nûmifmales  montrent  en  leur  furface  une  figure 
aflez  femblable  à  une'  tête  de  mort.  M.  Stolbœus  les  appelle  oflracites 
numifmatici.  Il  a  publié  à  leur  fujet  une  diflertation  ou  il  démontre 
que  c'efi;  une  coquille  d'huître  parafîte  très- petite ,  qui  tire  fa  nour- 
riture par  trois  ouvertures  qui  lui  donnent  cette  reffemblance  impar- 
faite qu'on  y  voit  avec  la  figure  d'une  tête  de  mort.  Voyez  Acia  Littcr^ 
&  Scient.  Succic,  ann,  //j/. 

ECUELLE  D'EAU ,  hydrocotïk  vulgarïs.  Cette  plante  qui  croît 
abondamment  dans  les  marais  ,  a  une  racine  fibreufe  ,  qui  pouffe  plu- 
fieurs petites  tiges  grêles,  farmenteufes  ,  rampantes  :  fes  feuilles  font 
rondes  ,  creufées  &  attachées  à  de  petites  queues  qui  s'infèrent  dans 
le  difque  de  la  feuille  ;  fes  fleurs  font  petites ,  blanchâtres ,  à  cinq 
feuilles  ,  &  rangées  en  ombelles  ;  elles  ont  cinq  étamines  &  deux 
piflilfi,.  A  ces  fleurs  fuccedent  des  fruits  compofés  de  deux  graines 
fort  aplaties  ^  très-convexes.  Cette  plante  efl:  acre  au  goût:  elle  eft 
déterfive ,  .J^rûlnérairè.&  apéritive. 

ÉCUME  DE  MER  ou  MERDE  DE  CORMARIN.  On  donne 
ce  nom  à  ïalcyonium  Voyez  ce  mot  &  celui  de  Polypier. 

ÉCUME  PRIiNTANxNIEPvE.  C'eft  une  fubftance  affez  femblable 
à  de  la  falive.  Cette  écume  doit  fon  origine  à  une  efpece  de  petit 
infed:e  connu  tiras  le  nom  de  fauurdU  -  puce  ,  ou  de  cigaU  bédaude. 
Cet  infeéle  fingulier  eft  une  procigale  :  on  la  trouve  aux  environs  de 
Paris.  C'eft  fa  larve  qui  fe  couvre  au  printemps  d'une  efpece  d'écume 
qui  tranfpire  de  fon  anus  &  de  fon  corps.  Cette  larve  fe  loge  ordi- 
nairement dans  l'angle  des  feuilles,  dans  la  bifurcation  des  tiges  àp 

plufieurs 


ECU  ^si 

pîufleurs  efpeces  de  plantes.  Les  peiTonnes  qui  ne  connoiiTent  point 
Tinflinâ:  de  ces  infedes  ,  croient  effedivement  appercevoir  fur  les 
plantes  une  falive  moufleufe  ;  mais  le  Naturalifte  détruit  le  logement 
humide,  &  découvre  l'infede  dont  il  obferve  l'induftrie  &  la  promp- 
titude à  fe  faire  une  nouvelle  retraite.  L'infede  métamorphofé  s'appelle 
cigale  hédaude.  Voye^    Procigale  &  CiGALE. 

ÉCUREUIL  BARBARESQUE.  Foyei  tanîck  Rat  VkUàisTz, 
où  il  en  eft  parlé. 

ÉCUREUIL  DE  CANADA  ,  Ecureuil  gris  ,  ou  Ecureuil 
DE  Virginie.  Petit  animal  dont  la  fourrure  eft  d'ufage  fous  le  nom 
de  Petit-gris.  Voyci  ce  mot. 

ÉCUREUIL  ÉPILEPTIQUE.  On  lui  a  donné  ce  nom ,  parce 
qu'il  dort  continuellement ,  &  que  lorfqu'on  le  réveille  il  femble  tom- 
ber en  épilepfie  :  on  le  trouve  en  Pruffe.  On  prétend  que  c'eft  une 
efpece  de  Loir.  Voye^^  ce  mot, 

ÉCUREUIL-PALMISTE.  Foye^  Rat-Palmiste. 

ÉCUREUIL  VOLANT  ,  fc'mrus  voLans.  Eft  un  animal  dont  les 
oreilles  font  petites  ,  arrondies  ,  les  yeux  grands  &  noirs ,  quelque- 
fois furmontés  de  deux  longs  poils  d'un  brun  fauve  :  il  porte  une 
mouftache  compofée  de  poils  noirs  longs  d'un  pouce  &  demi.  Sa 
queue  eft  fort  longue ,  fa  tête  paroît  plus  pointue  que  celle  de  l'écu- 
reuil. Il  a  deux  dents  incifives ,  tant  en  delTus  qu'en  deffous ,  d'un 
jaune  foncé  :  les  inférieures  font  plus  longues.  Les  dents  molaires  fe 
trouvent  aulîi  au  fond  de  la  bouche.  Les  pieds  de  devant  &  de  der- 
rière ,  fur- tout  ceux-ci,  font  conime  cachés  fous  la  peau  à  voler ,  qui 
les  recouvre  prefque  jufqu'aux  pattes.  Lesspieds  antérieurs  font  divifés 
en  quatre  doigts  de  couleur  noire ,  ceux  du  milieu  plus  longs  que 
les  autres ,  tous  armés  d'un  ongle  pointu  &  arqué.  Les  pattes  pofté- 
rieures  font  noires  aulTi ,  &  ont  cinq  doigts  ,  mais  le  cinquième  , 
qui  eft  l'intérieur,  eft  beaucoup  plus  court,  &  ne  paroît  que  comme 
un  fimple  appendice.  Les  articulations  de  ces  doigts- font  fernblables 
à  celles  des  écureuils.  Les  poils  de  l'écureuil  volant  font  fort  drus . 
très-doux  au  toucher ,  &:  varient ,  fuivant  les  clima'fè?!;  pour  la  cou  • 
leur ,  qui  eft  communément  d'un  gris  obfcur. 

Ce  quadrupède  habite  fur  les  arbres  comme  l'écureuil  ,   il  va  de 
branche  en  branche;   &  îorfqu'il   faute   pour  pafler  d'un  arbre  à  un 
autre  ,   ou  pour  traverfer  un   efpace  confidérable  ,    fa  peau  qui  eft 
Tome  IL  B  b  b  b 


S62  ECU 

lâche  &  plifiee  fur  les  côtés  du  corps ,  fe  tire  au  dehors ,  fe  bande  & 
s'éJargit  par  la  diredion  contraire  des  pattes  antérieures  qui  s^étendent 
en  avant  ,  &  de  celles  de  derrière  qui  s'étendent  en  arrière  dans 
le  mouvement  du  faut,  La  peau  ainfi  tendue  &  tirée  en  dehors  de 
plus  d*un  pouce  ,  ce  qui  la  rend  fort  mince  vers  les  bords  du  milieu, 
augmente  d'autant  la  furface  du  corps  fans  en  accroître  la  maffe ,  & 
retarde  par  conféquent  l'accélération  de  la  chute  ,  en  forte  que  d'un 
feul  faut  l'animal  arrive  à  une  alTez  grande  diftance.  Ainfi ,  comme 
l'obferve  M.  de  Buffon ,  ce  mouvement  n'eft  point  un  vol ,  comme 
celui  des  oifcaux,  ni  un  voltigement  comme  celui  des  chauve-fouris  , 
qui  fe  font  tous  deux  en  frappant  l'air  par  des  vibrations  réitérées, 
C'eft  un  fimple  faut ,  un  élancement  dans  lequel  tout  dépend  de  la 
première  impulfion  ,  dont  le  mouvement  eft  feulement  prolongé  &: 
fubfifte  plus  long-temps  ,  parce  que  le  corps  de  l'animal  préfentant 
une  plus  grande  furface  à  l'air  ,  éprouve  une  plus  grande  réfiftance  , 
&  tombe  plus  lentement  ;  mais  il  ne  tomberoit  pas  certainement  de 
bien  haut  fans  fe  tuer,  parce  que  le  volume  qu'il  oppofe  à  l'air  ne 
feroit  pas  capable  de  le  foutenir  contre  l'accélération  de  fa  chute.  Ci 
elle  duroit  trop  long-temps.  Il  nage  comme  les  autres  animaux,  fans 
étendre  les  prolongemens  de  fa  peau  ;  &  quoique  fon  poil  foit  mouillé, 
l'animal  fe  foutient  en  l'air ,  comme  s'il  étoit  fec  ,  &  il  peut  voler  à 
fa  manière  en  fortant  de  l'eau. 'On  obferve  dans  l'efpece  de  faut  que 
fait  ce  quadrupède  pour  pafler  d'un  arbre  à  un  autre ,  qu'il  agite  fa 
longue  queue  en  lui  faifant  faire  des  ondulations  de  côté  3  &  d'un 
bout  à  l'autre. 

On  voit  de  ces  animaux  en  Pologne,  en  Laponie,  dans  la  Finlande,  en 
Virginie  ,  dans  la  Nouvelle  Efpagne  &  en  Canada  :  ilyenaauffi,  dit  M, 
Fo/^tfé>,  dans  les  îles  Moluques  ou  Philippines;  ilsfontdelagrofîèur  d'un 
chat:  l'on  en  voit  un  dans  le  Cabinet  de  Chantilly  ;  ceux  d'Europe  égalent 
le  volume  d'un  rat ,  notamment  ceux  qu'en  Ruflie  on  ^l^^qWq  polatouches. 
Ceux  qu'on  voit  à  laLouifiane  font  de  la  groifeur  d'une  fouris,&  s'élancent, 
comme  il  eft  dkci-deffus,  d'un  arbre  à  un  autre  jufqu'à  ving-cinq  ou 
trente  pieds  dè'iâîftance  :  ces  animaux  font  fortjolis;  on  peut  les  apprivoi- 
fer:il  eft  cependant  bon  de  leur  mettre  une  petite  chaîne  ,  car'aimantla 
liberté ,  ils  regagneroient  promptement  les  bois.  On  les  nourrit  de 
pain ,  de  fruits ,  de  graines  ;  ils  aiment  fur-tout  les  boutons  &  les 
|eun.es  pouflfes  du  fin  &  du  bouleau  i  ils  ne  cherchent   point  les  noix 


ECU  5-^3 

êcîes amandes  comme  les  écureuils,  mais  ils  tiennent  pareillement  leur 
Kourriture  avec  leurs  pattes  antérieures  &  reftent  affis  fur  leur  derrière! 
C'eft  fur  les  arbres  qu'ils  fe  font  un  lit  de  feuilles,  dans  lequel  ils  s'en- 
feveliflent ,  &  où  ils  demeurent  tout  le  jour ,  pour  y  dormir  pendant 
l'ardeur  du  foleil  ;  ils  n'en  fortent  que  la  nuit ,  &  quand  la  faim  les 
prefTe.  Comme  ils  ont  peu  de  vivacité  ,  &  qu'ils  font  peureux,  ils 
deviennent  aifément  la  proie  des  martes  &  des  autres  animaux  qui 
grimpent  fur  les  arbres  ;  auflî  l'efpece  fubfiftante  eft-elle  en  très-petit 
nombre ,  quoique  ces  animaux  produifent  ordinairement  trois  ou  quatre 
petits.  Cependant  l'efpece  en  eft  bien  plus  commune  en  Amérique 
qu'en  Europe  &  aux  Indes  Orientales. 

M.  P^//a5  parle  aufli  d'une  nouvelle  efpece  d'écureuil  volant  qui  ne 
fe  trouve  que  dans  l'Océan  Indien.  Il  eft  gros  comme  un  petit  lapin. 
Sa  tête  eft  plus  ronde  &  plus  groffe  que  celle  de  l'écureuil  ordinaire, 
fa  mouftache  eft  roide  &  noire  ;  fa  queue  eft  ronde  &  beaucoup  plus 
longue  que  fon  corps,  &  très-velue  ,  comme  laineufe.  Le  poil  du 
corps  eft  roide  &  de  couleur  roufTe-brune  avec  des  taches  noirâtres 
dans  les  femelles  ,  au  contraire  des  mâles  dont  la  queue  &:  le  corps 
font  noirs  ,   quelquefois  tachetés  de  blanc. 

Il  eft  digne  de  remarque  que  l'écureuil  volant  &  les  chauves-fouris,* 
font  les  feuls  animaux  volans  connus  ,  auxquels  la  nature  ait  donné 
des  mamelles  &  du  lait  pour  la  nourriture  de  leurs  petits. 

ÉCUREUIL  VULGAIRE  ,fciurus.  Vent  animal  quadrupède, connu 
de  tout  le  monde ,  dont  la  tête  &  le  dos  font  de  couleur  fauve ,  Ôc 
le  ventre  blanc.  Ces  animaux  ont  deux  dents  incifives  à  chaque  mâ- 
choire, ils  n'ont  point  de  dents  canines;  leurs  doigts  font  onguiculés; 
aulîi  grimpent-i's ,  avec  la  dernière  agilité  ,  fur  les  arbjres  ,  même  fur 
ceux  dont  l'écorce  eft  la  plus  lifle.  11  y  a  dans  divers  pays,  des  écu- 
reuils de  plufieurs  autres  couleurs,  noirs,  gris,  cendrés  j  mais  il  eft 
inutile  de  les  décrire ,  un  feul  coup  d'œil  jeté  dans  les  Cabinets  des 
Naturaliftes  en  donnera  une  connoifTance  bien  plus'exade.  Au  lieu 
de  détailler  ces  diverfes  fortes  d'écureuils  ,  nous  croj^ps  faire  plus  de 
plaifir  à  nos  Ledeurs  ,  en  peignant  l'écureuil,  ^én  décrivant  fes 
moeurs ,  d'après  l'illuftre  M.  de  Buffon, 

L'écureuil  eft-  un  joli  petit  animal ,  qui  n'eft  qu'à  demi-fauvage, 
&  qui,  par  fa  gentillefle ,  par  fa  docilité,  par  l'innocence  même  de 
fes  mceurs ,  mériteroit  d'être  épargné  ;  il  n'eft  ni  carna'ilier,  ni  nuifibie, 

Ebbb  2 


j6^  ECU 

quoiqu'il  faififTe  quelquefois  des  oifeaux  :  fa  nourriture  ordinaire ,  font 
des  fruits  ,  des  amandes,  des  noifettes,  du  gland  ,  &c.  Il  efl  propre, 
lefte  ,  vif,  très-alerte,  très-éveillé,  très-induftrieux  ;  il  a  les  yeux 
pleins  de  feu ,  la  phyfionomie  fine  ,  le  corps  nerveux ,  les  membres 
très-difpos;  fa  jolie  figure  efl  rehauflee  &  parée  par  une  belle  queue, 
en  forme  de  panache,  qu'il  relevé  jufques  deflus  fa  tête  ,  &  qu'il 
maintient  étendue ,  c'eft  un  parafol  fous  lequel  il  fe  met  à  l'ombre. 
Le  deflbus  de  fon  corps  eft  garni  d'un  appareil  tout  aulîi  remarquable, 
&  qui  annonce  de  grandes  facultés  pour  l'exercice  de  fa  génération. 

Il  eu,  pour  ainfi  dire  ,  moins  quadrupède  que  les  autres;  il  fe 
tient  ordinairement  aiîîs  ,  prefque  debout  lorfqu'il  veut  manger,  & 
fe  fert  de  fes  pieds  de  devant ,  qui  font  libres  ,  comme  d'une  main  , 
pour  porter  à  fa  bouche  :  dans  cette  attitude  le  corps  eft  dans  une 
pofition  verticale.  Au  lieu  de  fe  cacher  fous  terre,  il  eft  toujours  en 
l'air  :  il  approche  des  oifeaux  par  fa  légèreté  ;  il  demeure  ,  comme 
eux  ,  fur  la  cime  des  arbres  ,  parcourt  les  forêts  ,  en  fautant  de  l'un 
à  l'autre,  y  fait  fon  nid  ,  cueille  les  graines,  boit  la  rofée ,  &  ne 
defcend  à  terre  que  quand  les  arbres  font  agités  par  la  violence  des 
vents.  On  ne  le  voit  jamais  que  fur  les  grands  arbres  de  haute  futaie» 
Il  craint  l'eau  plus  que  la  terre ,  &  l'on  aflure  que  lorfqu'il  faut  la 
paffer ,  il  fe  fert  d'une  écorce  pour  vaifleau  ,  &  de  fa  queue  pour 
voiles  &  pour  gouvernail.  Il  ne  s'engourdit  pas,  comme  le  loir, 
pendant  l'hiver,  il  eft  en  tout  temps  très-éveillé,  toujours  très  alerte: 
pour  peu  que  l'on  touche  au  pied  de  l'arbre  fur  lequel  ilrepofe,  il 
fort  de  fa  petite  bauge ,  &  fuit  fur  un  autre  arbre. 

Ce  petit  quadrupède  eft  très-prévoyant  ;  il  ramafle  des  noifettes  pen. 
dant  l'été,  en  remplit  le  tronc  &  les  fentes  d'un  vieux  arbre  qu'il  a 
choifi  :  voilà  le  grenier  auquel  il  a  recours  en  hiver  ;  il  cherche  auflî 
fes  provifions  fous  la  neige,  qu'il  détourne  en  grattant.  Il  a  la  voix 
éclatante  ,  &  plus  perçante  encore  que  celle  de  la  fouine  :  il  a  de  plus 
un  petit  grognement  de  mécontentement ,  qu'il  fait  entendre  toutes 
les  fois  qu'on  l'irjrite  :  il  eft  trop  léger  pour  marcher,  il  va  ordinai- 
rement par  petJ«fauts,    &  quelquefois  par  bonds. 

On  entend  les  écureuils  ,  pendant  les  belles  nuits  d'été ,  crier  ,  en. 
courant  fur  les  arbres  les  uns  après  les  autres  :  ils  femblent  craindre 
l'ardeur  du  foleil  ;  ils  demeurent  pendant  le  jour  ,  à  l'abri ,  dans  leur 
domicile,  dont  ils  fortent  le  foirpour  s'exercer  5  jouer,  faire  l'amour 


ECU  s<^9 

te  macger  :  ce  domicile  eft  chaud  ,  propre  &  impénétrable  à  la 
pluie.  Ceft  ordinairement  fur  l'enfourchure  d'une  branche  qu'ils 
s'établiflent  :  ils  commencent  par  tranfporter  des  bûchettes  qu'ils  mê- 
lent,  qu'ils  entrelacent  avec  de  la  moufTe;  ils  la  ferrent  enfuite,  ils 
la  foulent ,  &  donnent  aflez  de  capacité  &  de  folidité  à  leur  ouvrage  , 
pour  y  être  à  l'aife  &  en  fureté  avec  leurs  petits  :  il  n'y  a  qu'une 
ouverture  par  le  haut ,  jufte  ,  étroite  ,  &  qui  fuffit  à  peine  pour 
paffer.  Au  deflus  de  l'ouverture ,  eft  une  efpece  de  couvert  ou  de 
dôme  en  cône ,  qui  met  le  tout  à  l'abri ,  &  fait  que  la  pluie  découle 
par  les  côtés  du  toit ,  &  ne  pénètre  pas  le  petit  domicile.  Quel  art 
dans  la  conftruftion  de  ce  nid  ! 

Ces  animaux  entrent  en  amour  au  printemps  ,  &  mettent  bas  au 
mois  de  Mai  ou  au  commencement  de  Juin  ;  ils  produifent  ordinaire- 
ment trois  ou  quatre  petits  qu'ils  élèvent  avec  tout  le  foin  poifible: 
ils  muent  au  fortir  de  l'hiver  :  ils  font  propres ,  fe  peignent  &  fc  poliflent 
le  poil  avec  leurs  mains  &:  leurs  dents  :  ils  n'ont  aucune  raauvaife 
odeur  j  leur  chair  eft  aflez  bonne  à  manger  :  le  poil  de  leur  queue 
fert  à  faire  des  pinceaux  ;  mais  leur  peau  n'eft  pas  une  fort  bonne 
fourrure. 

On  lit ,  dans  l'Encyclopédie  ,  que  les  Auteurs  font  mention  d'au- 
tres écureuils  étrangers  ;  mais  il  refte  à  favoir  ,  s'ils  font  de  la  même 
efpece  que  l'écureuil  ordinaire,  ou  fi  c'eft  improprement  qu'on  leur 
a  donné  le  nom  ^écureuil.  Pour  s'en  affurer ,  il  faudroit  avoir  des 
defcriptions  exaâes  de  ces  animaux.  L'abus  des  noms  n'eft  que  trop 
fréquent  dans  l'Hiftoire  Naturelle  ;  on  en  a  un  exemple  frappant  moins 
dans  l'écureuil  gris  de  Virginie ,  que  l'on  dit  être  aufli  gros  qu'un 
lapin  ,  que  dans  le  coquallin  :  voyez  ce  mot  ;  &  dans  ïicureuil  volant  ^ 
qui  nous  a  paru  être  fi  reflemblant  à  de  certains  rats ,  qu'on  feroit 
tenté  de  croire  que  ceux  qui  l'ont  nommé  écureuil,  n'avoient  jamais 
vu  ni  écureuils ,  ni  loirs  ,   ni  lérots, 

ÉCUSSON  ou  FRAGMENS  D'ÉCHINITE  ,  "cchmodtmiatum 
fragmenta^  On  donne  ce  nom  à  des  pièces  quarrées  ^^^orbiculaires  ^ 
dont  l'alîemblage  ,  en  très -grand  nombre  ,  compofe  là  coquille  de 
ïourjin.  Voyez  ce  mot. 

Communément  les  écuflbns  font  des  parties  pétrifiées  du  ventre  de 
l'échinite  fpatagoïde  ;  on  en  trouve  aufli  de  crénelés  ou  dentelés  ,  & 
qui  appartiennent  à  l'ourfin ,  appelle  khïnomciriu  par  quelques  Auteurs? . 


^66  É  D  E  t  G  K 

cfautres  échancrés  au  bord ,  comme  les  futures  du  crâne ,  &  qui  pro- 
viennent de  Tourfin  difcoïde.  On  ne  peut  guère  avoir  une  idée  nette 
de  tout  ceci ,    qu'en  lifant  le  mot  Oursin. 

ÉDERDON  ou  ÉDREDON.  Voyei  au  mot  Canard  a  duvet. 

ÉDOLÏO.  Oifeau  qu'on  voit  au  Cap  de  Bonne-Efpérance ,  &  qui 
refTemble  parfaitement  au  coucou.  On  le  rencontre  toujours  dans  des 
buiflbns  épais,  ou  fur  de  hauts  arbres.  Dès  qu'il  fait  beau,  il  cris 
d'un  ton  lamentable  cdolio ,  êdolio  t^'û  articule  cette  petite  chanfon 
aufli  diflinclement  qu'un  homme  peut  le  faire  ;  c'eft  de-là  que  lui  efi: 
v^nu  fon  nom, 

EELPOUT.  Voyei  Lotte. 

EFFLORESCENCE.  Nous  défignons  par  ce  nom  la  matière  en 
flocons  qui  fe  forme  à  la  fuperficiede  certains  corps  minéraux  quifedé- 
compofentpar  lecontaâide  l'air  ,  &c.  comme  on  l'obferve  fur  le  cobalt, 
fur  les  pyrites  fulfureufes  ,  martiales  &  cuivreufes  :  quelquefois  la  ma- 
tière efi:  poudreufe  ,  ainfi  qu'il  arrive  aux  fels  qui  perdent  leur  eau 
de  criftallifation  ;  tels  font  les  aluns  ,  les  vitriols,  &c.  L'arfenic, 
expofé  à  l'air ,  devient  également  farineux.  Voyei  les  anicUs  Pyri- 
tes ,  Vitriol  ,  Cobalt  ,   Arsenic  &  Alun. 

EFFRAYE.  Efpece  d'oifeau  de  nuit  ,  autrement  appelle  Fréfale^ 
V-Oyez  ce  mot. 

EGAGROPILE  ,  ûcgagro-pUeus.  On  donne  ce  nom  à  des  pelotes 
ou  boules  fphériques  de  poil,  qu'on  trouve  dans  les  inteftins,  &  plus 
fouvent  dans  la  panfe ,  qui  eft  le  premier  des  quatre  eftomacs  de  plu- 
fi^urs  quadrupèdes  ruminans ,  tels  que  le  boeuf,  le  veau  ,  la  vache  , 
le  mouton,  la  chèvre,  le  chamois,  le  bouc,  &c.  Ces  boules  font 
formées  de  l'aiTemblage  des  poils  que  ces  animaux  détachent  &  avalent 
en  fe  léchant,  ce  qu'ils  font  très -communément  ,  fur-tout  dans  le 
temps  qu'ils  font  en  repos  :  leur  falive  colle  ces  poils  les  uns  fur  les 
autres  ;  le  mouvem.ent  inutile  que  leur  eftomac  fait  pour  digérer  ces 
poils,  leur- fait" prendre ,  avec  le  temps  ,  la  forme  fphérique  qu'on 
remarque  dan^.:j^gagropile.  Ces  boules  font  quelquefois  velues  en 
dehors  comme  $fl  dedans,  &  d'autres  fois  unies,  comme  enduites 
ou  enveloppées  d'une  croûte  brunâtre  ,  dure ,  luifante  &  femblable 
à  xlu  cuir;  mais  celles-ci  font  formées  depuis  long-temps  ,  &  l'on  en 
voit  qui  ont  jufqu'à  quatre  &  cinq  pouces  de  diamètre.  L'on  en  voit 
u^îç  dans  k  Cabinet  de  Chantilly,  qui  efl  grofle  comme  la  tcte  d'un 


EGA  É  I  S  ;  57 

homme;  &  elle  a  été  trouvée  dans  l'appendice  du  cœcum  d'un  bœuf. 

On  trouve  fouvent  dans  le  ventricule  de  l'yfard  ou  chamois ,  une 
pelote  grofle  comme  un  œuf  de  poule  ,  ovale,  un  peu  aplatie,  très- 
légère  &  revêtue  d'une  écorce  dure ,  noirâtre  &  luifante  ;  l'intérieur 
eft  compofé  d'herbes  mâchées  en  pelotons ,  faifant  partie  de  celles 
que  l'animal  avoit  avalées  pour  fa  nourriture.  On  l'appelle  bc^oard 
d'Allemagne  ;  mais  on  ne  lui  reconnoît  aucune  des  vertus  fi  vantées, 
foit  pour  les  hémorragies,  foit  pour  les  vertiges.  En  effet,  ordonner 
des  mafles  de  poil  non  digérables ,  c'eft  tomber  dans  le  ridicule  de 
Velfchius  ,  qui  a  compofé  un  livre  des  propriétés  de  Vé^agropilc- 
Voyez  l'article  Ruminans.  On  voit  dans  le  Cabinet  de  Chantilly  une 
belle  colleâion  à'égagropiles  &   de  bé^oards  de  pierre. 

ÉGAGROPILE  DE  MER.  Voy.  l'article  Pelote  de  mer. 

ÉGIPAN.    Voye:^  à  t article  Homme    des  bois. 

ÉGLANTIER  &  ÉGLANTINE.  Foyei  Rosier  sauvage  à  l'an. 
Rosier. 

ÉGLEDUN  ou  ÉGLEDON ,  eft  le  canard  à  duvet  ou  à  plumes 
molles  ,  dont  il  eft  parlé  dans  la  fuite  de  l'article  Canard.  Voye^ 
ce  moi, 

ÉGLEFIN  ou  ÉGREFIN ,  egkfinus.  On  donne  ce  nom  à  une 
efpece  de  morue  ou  merlu.   Voyez  ces  mots. 

ÉGRISEE.  Les  Lapidaires  donnent  ce  nom  à  la  poudre  de  dia- 
mans  ordinairement  noirs  ,  dont  on  fe  fert  pour  ufer  les  bords  des 
autres  diamans  ,  &  pour  en  adoucir  les  inégalités  des  facettes,  Voyxi 
à  C article  Diamant. 

EGUILLE  ou  ÉGUILLETTE.  Nom  qu'on  donne  en  Bretagne  à 
Torphie,   Voyez  ce  mot.    Goëdard  le  donne   aulTi  à  la  chenille  de  ronce, 

EIDER.  Foyei  Canard  a  duvet. 

EISENMAN  ou  EISENRAM  ou  EYSENGLANTZ  ,  eft  un 
minéral  ferrugineux  qui  accompagne  quelquefois  les  mines  d'étain  , 
qui  leur  fert  d'enveloppe  ,  de  cadre  ,  ou  en  décelé  des  filoîTS  affez 
riches.  L'eifenram  eft  regardé  par  tous  les  Minéralogiftes  du  Nord, 
comme  une  mine  de  fer  réfraâ;aire ,  arfénicaîe  ,  vora,ce  &  ftérile  en 
métal  :  elle  eft  remplie  de  mica,  ou  écaiJleufe  ,  grisâtre  ou  bleuâtre, 
&  devient  rouge  à  mefure  qu'on  en  détache  des  parties  avecJa  lime, 
Voye:^  l'article  Fer.  On  donne  encore  le  nom  d'eifenram  à  de  Tor  d& 
lavage  y  qui,  dans  la  féparation  qu'on  fait ,  par  la  febile,  des  parties 


5'(5'8  '       '  É   L  A       ^ 

fablonneufcs  ^  limonaufes  avec  lefquelles  on  le  trouve  mèlôg,  s'efl 
attaché  à  de  petits  grains  bruns  ou  noirâtres  de  fer  ,  attirable  à  l'ai- 
jnant.    Foyc^  aujjî  l'ariide  WoLFKAM. 

£LAN  Qu  ELLEND ,  en  latin  aUe.  Animal   du  genre  des  cerfs , 
ôi  que  Ton   regarde  comme  i'alcée  des   Anciens. 

L'élan  eft  un  animal  quadrupède  ruminant  èc  cornu ,  (auvage , 
grand  comme  un  cheval ,  &  habitant  les  pays  feptentrionaux.  On 
en  trouve  en  Mofcovie ,  en  Lithuanie  ,  en  Pologne,  en  Suéde,  en 
Laponie  &  en  Canada;  plus  rarement  dans  ces  quatre  derniers  pays  ; 
mais  fur-tout  en  PruiTe.  Il  a  plus  de  cinq  pieds  &  demi  depuis  le 
bout  du  mufeau  jufqu'au  commencement  de  la  queue  ,  qui  n'a  que 
deux  pouces  de  longueur  ;  fa  tête  eft  fort  grofle  _,  fes  yeux  font  étin- 
celans ,  fes  lèvres  font  grandes  ,  grofles  &  détachées  des  gencives , 
fes  dents  font  médiocres  ,  fes  oreilles  relTemblent  alTez  à  celles  de 
l'âne  poiir  la  largeur  &:  pour  la  longueur;  fon  ventre  eft  ample  comme 
celui  de  la  vache  ,  fa  queue  eft  fort  petite  ,  fes  jambes  font  longues 
j&  menues  ,  fes  pieds  noirâtres,  &  fes  ongles  fendus  comme  ceux  du 
bœuf  ;  fon  poil ,  d'un  jaune  obfcur ,  mêlé  d'un  gris  cendré  ,  appro- 
che alfez  ,  pour  la  couleur  ,  de  celui  du  chameau  ;  cependant,  on  dit 
que  la  couleur  varie  fuivant  les  faifons  de  l'année  ,  qu'il  eft  plus  pâle 
en  été  qu'en  hiver ,  au  contraire  de  ce  que  nous  voyons  arriver  aux 
daims  &  aux  autres  animaux.  Ce  poil  a  jufqu'à  trois  pouces  de  Ion- 
.  gueur  ;  lorfqu'on  le  coupe  &  qu'on  l'examine  au  microfcope  ,  il  paroît 
fpongieux  en  dedans  comme  le  jonc.  Comme  ce  poil  eft  élaftique, 
il  eft  propre  à  faire  des  matelas  &  à  garnir  des  felles. 

Il  faut  que  les  jambes  de  ce  quadrupède  foient  extrêmement  fortes 
&  roides  ,  puifque  d'un  coup  de  pied  il  terrafle  l'animal  ou  le  Chaf- 
feur  qui  ofe  l'approcher.  Il  a  les  jambes  fî  fermes  qu'il  court  fur  la 
glace  ,&  fur  les  rochers  avec  une  extrême  vîtefTe  fans  tomber ,  ce  qui 
lui  donne  auflî  le  moyen  de  fe  fauver  des  loups  &  des  autres  ani- 
maux, carnafilers  qui  ne  peuvent  l'y  fuivre.  Si  l'on  peut  croire  que 
^ej  animal  ^^kifi^jet  à  l'épilephe,  on  ne  croira  cependant  pas  que 
îbrfqu'il  efl:  ^itaqué  de  l'^^ccès  de  ce  mal ,  il  s'en  guérit  en  portant  fon 
pied  gauche  julque  dans  Ion  oreille  ,  &  que  la  corne  de  ce  pied  , 
nommée  ungjila  alccs  ,  eft  un  remède  infaillible  pour  i'épilepfie  ,  fi^r- 
tout  iorfqu'o'n  dit  que  le  (impie  attouchement  de  cet  ongle,  porté  en 
l;)ague  ou  en  anîijlette ,  guérit  de  cette  funefte  maladie  :  s'il  pouvoit 


Ê  L"  A  I  >r^ 

être  de  quelque  utilité,  ce  feroit  râpé  Se  mîs  dans  quelque  infufîon , 
à  caufe  du  Tel  volatil  qu'il  contient.  Les  Médecins  du  fiecle  précédent 
faifoient  beaucoup  de  cas  de  cet  ongle  pour  la  maladie  ci-defius  indi- 
quée :  il  entre  encore  dans  la  compofition  de  la  poudre  de  Gututte* 
Ce  remède  paroît  avoir  perdu  Ton  crédit  ,  &  nous  croyons  que  c'efi: 
avec  raifon. 

Il  n'y  a  que  l'élan  mâle  qui  porte  des  cornes  :  elles  font  très-gran» 
des ,  fort  pefantes  ,  cylindriques  à  leur  origine  ;  enfuite  elles  s^élar- 
gifTent  beaucoup  &  forment  une  table  plate  qui  a  fur  fes  bords 
plufieurs  prolongemens  en  forme  de  doigts  ;  elles  excédent  aflez 
communément  la  largeur  de  deux  palmes ,  tandis  qu'elles  égalent  à 
peine  la  longueur  de  deux  pieds.  On  a  vu  des  cornes  d'élan  munies 
de  dix -huit  à  vingt  cornichons  fi  amples  &  fi  efpacés  ,  que  deux 
hommes  pouvoient  s'y  afleoir  à  la  fois.  L'élan  met  bas  fes  cornes 
tous  les  ans  aux  mois  de  Février  &  de  Mars ,  la  démangeaifon  qu'il 
y  fent  l'engage  à  fe  frotter  la  tête  contre  les  arbres  pour  s'en  débar- 
rafTer.  Il  lui  en  croît  de  nouvelles  ,  qui  ,  lorfqu'ellcs  font  encore 
tendres  &  cartilagineufes  ,  font  revêtues  d'une  peau  molle  &  lanugi- 
neufe  qui  les  garantit  du  froid  jufqu'à  ce  qu'elles  aient  acquis  une 
dureté  convenable  ;  au  mois  d'Acût  fa  tête  fe  trouve  ornée  ou 
chargée  d'un  nouveau  bois. 

Dans  la  direction  anatomique  de  cet  animal ,  on  a  obfcrvé  que  la 
glande  pinéale  ef!:  d'une  grandeur  extraordinaire  ,  puifqu'elle  a  plus 
de  trois  lignes  de  long,  ainfi  que  celle  du  dromadaire.  Cette  obfer- 
vation  eft  favorable  à  ceux  qui  attribuent  à  la  diflérente  conformation 
Aqs  organes  du  cerveau  les  diverfes  opérations  des  fens  intérieurs;  car 
en  remarque  que  les  lions  ,  les  ours  ,  le  loup  ,  &  les  autres  bétes 
courageufes  &  cruelles  ,  ont  cette  partie  fi  petite,  qu'elle  efc  prefque 
imperceptible  ,  au  lieu  qu'elle  QÏ'i  fort  grande<lans  ceux  qui  font  timides  , 
comme  efi:  l'élan.  On  a  remarqué  auili  que  l'organe  de  l'odorat  eft  très- 
gros  &  fort  étendu  dans  cet  animal ,  ce  qui  rend  raifon  de  la  fi  nef  fe 
de  fon  odorat.  .  K^*' 

L'élan  aime  les  lieux  omi)rageux  &  humides  ;  il  fe  no)arfit  de  feuilles, 
d'écorces  d'arbres,  de  m.oulfes.  Ces  animaux  pour  l'ordinaire  vont  en 
troupes  ,  ils  font  auffi  habiles  à  nager  que  le  cerf.  Le  mâle  ne  fe  bât 
point  pour  la  femelle  au  temps  du  rut ,  qui  arrive  vers  la  fin  d  Août; 
dans  ce  temps  il  pouïTe  un  cri  femblable  à  celui  du  cerf,  &  bat 
Tome  IL  C  c  c  c 


^yo  E  L  A 

fréquemment  la  terre  avec  les  pieds  de  devant  :  Ton  bois  &  fes  pieds 
font  fes  armes  défenfives.  La  femelle  met  bat  vers  la  mi-Mai ,  èc  ne 
fait  qu'un  faon  ou  deux  :  ces  faons  fuivent  leurs  mères  peadant  deux 
eu  trois  ans  ,  &  elles  leur  font  fi  attachées  ,  qu'elles  fe  feroient  plutôt 
tner  que  de  les  abandonner.  En  prenant  ces  faons  tous  jeunes  ,  01  peut 
les  cDnrivoifcr  :  on  les  fait  teter  des  vaches  qui  les   fcuffrcnt  volontiers» 

Uélan ,  comme  animal  peureux  &  timide  ,  fe  retire  dans  les  pro- 
fondes folitudes  des  bois  les  plus  épais.  On  les  prend  de  diverfes 
manières ,  foit  au  lacet ,  c'eft-à-dire,  avec  des  balivaux  affujettis  avce 
des  cordes ,  qui ,  en  faifant  l'effet  de  reflbrt  lorfque  l'animal  vient  à 
pafler ,  ferrent  une  corde  qui  le  faiiit  à  la  gorge  &  l'étrangle  ;  foie 
en  le  chalfant  avec  des  chiens  dans  des  Blets ,  ou  en  le  faifant  tomber 
dans  des  fofles  :  lorfque  cet  animal  fauvage  a  été  blefîe,  (î  le  Chaf- 
feur  ne  fe  fauve  au  plus  vite,  l'élan  en  fureur  revient  fur  lui,  & 
comme  il  a  beaucoup  de  force ,  le  foule  fous  fes  pieds  ou  féleve  fur 
fes  cornes  ,  &  vient  fouvent  à  bout  de  le  tuer. 

Cet  animal  fe  plaît  dans  les  fapinieres;  on  le  prend  facilement  dans 
les  neiges  oii  il  s'enfonce.  On  en  envoie  en  France  la  peau  palTée  à 
Fhuile  :  on  la  vend  improprement  fous  le  nom  de  bujfle.  Voyez  ce  mot. 
Les  plus  grandes  peaux  s'appellent  chapons.  On  en  fait  des  baudriers , 
des  ceinturons,  des  gants,  &c.  On  dit  que  la  peau  d'élan  eft  propre 
à  faire  des  cuiraffes ,  parce  qu'elle  eft  très-épaifle  &  très-dure ,  &c. 
prefque  impénétrable  aux  coups  de  feu.  On  en  fah  encore  ufage 
dans  plufisurs  arts  8c  .métiers. 

Il  paroït  que  l'animal  connu  dans  l'Amérique  feptentrionale  fous  le 
Hom  d'orignac,  eft  une  efpece  d'élan.  Tout  ce  que  Denys ,  dans  fon 
Hiftoire  Naturelle ,  en  rapporte ,  s'accorde  avec  ce  que  nous  avons 
dit  de  l'élan  :  il  prétend,  que  la  chair  de  cet  animal  fent  un  peu  la 
venaifon,  &  eftaulîi  a^éable  à  manger  que  celle  du  cerf.  J'ai  vu 
dans  le  cabinet  de 'M,  le  Prince  de  Croy  un  bois  d'orignac  du  Ca- 
nada ,  dont  l'envergiffe  eft  de  cinquante  -  fept  pouces  &  demi  :  chaque 
cctene  eft  pal^^j^  &•  large  de  trente-fîx  pouces  8c  demi  ,  fur  trente 
pèitces  &  dijïii'  de  hauteur.  L'orignac  a  pour  ennemi,  dans  ce. 
.^-^^jiâjrs'-,  le  r^ard  &  le  quincajou.  Voyez  ces  mots. 
"^  '^îH^oique  l'élan  foit  un  animal  des  pays  feptentrionaux  ,  on  en  trouve- 
cependant  aufii'  en  Afrique  ,  mais  qui  font  plus  gros  que  ceux  d'Eu- 
jope;...^^en..voit  dans  certains  cantons  de  la  Cordiliere,  &  dans  le. 


ê 


É  L  É  ^71 

vcinrage  de  Quito  :  on  en  rencontre  aufil  quelques  -  uns  a  la  Chine. 
ELLCTRUM.  On  donne  ce  nom  au  fuccin.  Voyiez  ce  mot. 
ÉLEMEMS  ,  elewenu.  Les  Anciens,  comme  tout  le  monde  fait, 
admctîoient  quatre  lléruens  ou  corps  :priraitift  ,  prima  naturalia ,  dont 
ils  ruppoCcient  les  autres  formés:  ïalr^  \q  feu ,  Veau,  la  arn  ;  voyez 
ces  mot?.  La  Chymie  moderne  fe  rapproche  beaucoup  de  ce  fenti- 
menr.  Les  élémens  ,  coniidérés  comme  ifolés ,  font  purs  &  fîmples  5 
ils  font  les  principes  de  tous  les  autres  corps  que  nous  connoiflbns 
fous  le  nom  à.Q  fcondalrcs  :  en  efîet  les  clémens  combinés  entr  eux, 
forment  alors,  parleurs  différentes  proportions,  ces  mixtes,  ces 
com-pofés  variés  que  nous  préfente  la  Nature  à  l'infini. 

La  phiole  élémentaire  des  Phyficiens  eft  un  vafe  cylindrique  ou  uti 
tube,  qui  contient  les  matière?  propres  à  repréfenter  les  quatre  élé- 
mens :  ces  matières  font,  l'émail  obfcur  concafle  ,  qui  va  au  fond  de 
la  phiole  ;  voilà  la  urre  :  l'huile  de  tartre  par  défaillance  repréfentera 
Veau  :  feau- de-vie  chargée  d'une  très-petite  teinte  de  tournefol  ,  re- 
préfentera Vair  :  l'huile  de  lin  ,  ou  mieux  encore  de  térébenthine, 
colorée  par  le  fafran ,  repréfentera  le  feu.  Toutes  ces  matières  font 
tellement  différentes  en  poids  &  en  figure ,  que  quand  on  les  brouille 
par  quelque  violente  agitation  ,  on  voit  à  la  vérité  ,  pour  un  peu 
de  temps  ,  un  vrai  chac?  ;  mais  à;peine  a-t-on  c.effi  d'agiter  ces  fubf» 
tances ,  qu'on  voit  chacune  retourner  en  fon  lieu  naturel. 
ULERIL   /''t>jé{  Résine  EL EMi. 

ÉLÉOMELL  Cefl  un  baume  fort  huileux  ,  -plus  épais  que  le  miel 
ti  doux  au  goût ,  qui  coule  du  tronc  d'un  arbre  à  Palmyre ,  contrée 
de  la  Syrie  :  on  le  tire  auffi  des  bourgeons  oléagineux  de  cet  arbre; 
voilà  tout  ce  qu'on  fait  de  l'origine  de  Véléorheil  :  cette  drogue  prife 
dans  l'eau  évacue  parles  felles  ks  humeurs  crires  &  hilieufes  ;  les 
malades  qui  s'en  fervent  font  attaqués  û'en^ourdifi'epient  ik  perdent 
leurs  foTces  ,  mais  ces  fymptômes  ne  font  point^ craindre.  Confulteis 
Diofcoridc  èc  Charnbers.  ..-/"y-^^ 

ELEPHANT ,  elcpkas.  Le  plus   grand  des  quacr-tipÊdes ,  cornac 
la /'<î/e//7c  eft  le  plus   grand  des  animaux  à-:|ï2geoires,   êc.r'2//^/'«ir.^4lle 
plus  grand  des  oifeaux.  L'éléphant  efî:    un  des  .pjlus  finguliers  deptr^'v 
les  quadrupèdes,  pour  la  conformation  de  piufieurs  paj^^es  du  côr*^:^.' 
En  confidérant  cet    animal ,  relativement  à  l'idée  què^'iious  avons  de 
ia  juftelfe  à^%  proportions  ,  il  fem^ble   m.al  proportionné  ;>  ."à-'i^^ufe  de 


'5  7  2  É  L  É 

fon  corps  gros  &  court ,  de  fes  jambes  roides  &  mal  -  formées ,  de 
{es  pieds  ronds  &  tortus ,  de  fa  grofïe  tête  ,  de  fes  petits  yeux  &  de 
fes  grandes  oreilles  :  on  pourroit  dire  aufîi  que  l'habit  dont  il  eft  cou- 
vert ,  eft  encore  plus  mal  taillé  &  plus  mal  fait.  Sa  trompe  ,  fes 
défenfes ,  fes  pieds  le  rendent  auflî  extraordinaire  que  la  grandeur  de 
fa  taille.  La  defcription  de  ces  parties  &  l'hiftoire  de  leurs  ufages 
ne  donneront  pas  moins  d'admiration  ,  que  leur  afped  caufe  de 
furprife. 

Rien  de  plus  vrai  &  en  même  temps  de  plus  vif  que  le  tableau 
que  rilluftre  M.  de  Bufon  fait  de  cet  animal.  Chaque  être  dans  la  na- 
ture a,  dit -il,  fon  prix  réel  &  fa  valeur  relative;  fi  l'on  veut  juger 
au  jufte  de  l'un  &  de  l'autre  dans  l'éléphant ,  il  faut  lui  accorder  au 
moins  l'intelligence  du  caflor  ^  l'adreffe  àujinge,  le  fentiment  du  chien, 
&  y  ajouter  enfuite  les  avantages  particuliers,  uniques,  de  la  force, 
de  la  grandeur ,  &  de  la  longue  durée  de  la  vie.  Il  faut  fe  repréfenter 
que  fous  fes  pas  il  ébranle  la  terre;  que  de  fa  main  (c'efl:  le  nom  que 
donne  à  fa  trompe  notre  éloquent  Ecrivain  )  il  arrache  les  arbres  ;  que 
d'un  coup  de  fon  corps  il  fait  brèche  dans  un  mur  ;  que  terrible  par 
la  force ,  il  eft  encore  invincible  par  la  feule  réfiftance  de  fa  mafie , 
par  î'épaifleur  du  cuir  qui  la  couvre  ;  qu'il  peut  porter  fur  fon  dos 
une  tour  armée  en  guerre,  &  chargée  de  plufieurs  hommes;  que  feul 
il  fait  mouvoir  des  machines  &  tranfporte  des  fardeaux  que  fîx  che- 
veaux  ne  pourroient  remuer;  qu'à  cette  force  prodigieufe  il  joint  encore 
le  courage,  la  prudence,  le  fang  froid , TobéilTance  cxaéte;  qu'iléon- 
ferve  de  la  modération  dans  {qs  pallions  les  plus  vives  ;  qu'il  eft  plus 
confiant  qu'impétueux  en  amour  (  car  Pline  nous  apprend  que  le 
ra-dlarefte  conftamment  attaché  à  fa  femelle,  &  qu'on  ne  les  voit 
point  fe  battre  entr'eUx  pour  pofieder  une  femelle  ,  comme  on  le  voit 
chez  certains  animaux);  que  dans  fa  colère  il  ne  méconnoît  pas  fes 
amis  ;  qu'il  n'attaque  jamais  que  ceux  qui  l'ont  ofFenfé  ;  qu'il  fe  fou- 
, vient  des  bienfaits  auffi  long  temps  que  des  injures  :  que  n'ayant  nul 
goût  pour  la;|:ijair  &  ne  fe  nourriflànt  que  de  végétaux ,  il  n'eft  pas 
né  renneiïii  -des' autres  a^iraaux;  qu'enfin  il  eft  aimé  de  tous  ,  puifque 
tpi.îjs  le  refpeâent  &  n^ont  nulle  raifon  de  le  craindre. 

Les  pays  chauds  de  l'Afrique  &  de  TAfie  font  lés  lieux  où  naiflent 
les  éléphans  ;•  ceux  des  Indes  font  beaucoup  plus  grands  ,  &  par 
conféquent  plus  forts  que  ceux  de  l'Afrique.    C'eû  fous  ces   climats 


É  L  Ë  ^75 

brûlans  que  (c  trouvent  toujours  les  plus  grands  animaux ,  ainfi  qu'on 
l'a  obfervé.  Les  éléphans  de  Ceyian  ,  fans  être  les  plus  grands ,  font 
eftimés  les  meilleurs  ,  parce  qu'ils  font  les  plus  courageux  &  les  plus 
dociles. 

On  ne  trouve  point  préfentement  d'élephans  fauvages  dans  toute  la 
partie  de  l'Afrique ,  qui  eft  en-deçà  du  Mont  Atlas  ;  il  y  en  a  même 
peu  au -delà  de  ces  montagnes  jufqu'au  fleuve  du  Sénégal  ;  mais  il 
s'en  trouve  beaucoup  au  Sénégal  m-cme  ,  en  Guinée  ,  au  Congo,  à 
la  Côte  des  Dents  ,  au  pays  d'Ante  ,  d'Acra  ,  de  Bénin ,  &  dans 
toutes  les  autres  terres  du  Sud  de  l'Afrique,  jufqu'à  celles  qui  font 
terminées  par  le  Cap  de  Bonne-Efpérance  ,  à  l'exception  de  quelques 
Provinces  très-peuplées;  car  les  éléphans  ont  abandonné  les  endroits  trop 
fréquentés  par  les  hommes.  On  trouve  aufïi  ces  animaux  en  Abyffinie, 
en  Ethiopie ,  en  Nigritie  ,  fur  les  Côtes  Orientales  de  l'Afrique ,  & 
dans  l'intérieur  des  terres  de  toute  cette  partie  du  monde.  Il  y  en  a 
aufli  dans  les  grandes  îles  de  l'Inde  &  de  l'Afrique ,  comme  à  Ma- 
dagafcar,  à  Java,  &  jufqu'aux  Philippines.  Il  paroit  miême  par  le  té- 
moignage de  tous  les  Voyageurs ,  qu'il  fe  trouve  beaucoup  plus  d'é- 
lephans en  Afrique  qu'en  Afie  ,  quoique  cependant  ce  dernier  cîim.at 
paroiiTe  être  naturellement  leur  patrie.  La  raifon  à  laquelle  on-  peut 
attribuer  cette  différence  de  nombre  dans  l'efpece  ,  félon  M.  de  Buffon , 
c'eft  que  les  Nègres  qui  n'ont  pas  eu  l'art  de  foumettre  les  éléphans 
comme  le  font  les  Afiatiques  ,  n'ont  pas  l'avantage  de  ces  peuples 
pour  les  attaquer  à  force  ouverte,  avec  des  éléphans  privés,  comme 
on  le  peut  voir  à  l'article  de  la  chafîe  de  l'éléphant  ;  les  Nègres  ne 
peuvent  les  prendre  que  par  des  embûches  dans  des  folTes  qu'ils  re- 
couvrent de  broulfailles.  ■  ■     , 

Quoique  les  climats  tempérés  foîent  peu  propres  à  l'éléphant,  on 
en  a  cependant  vu  un  vivre,  dans  la  Ménagerie  dix  Roi  de  France, 
pendant  treize  ans.  Cet  éléphant  étoit  du  ;^yaume  de  Congo ,  il 
fut  envoyé  au  Roi  en  i66S^  par  le  Roi  de.  Portugal.  Cet  animal 
qui  n'étoit  alors  âgé  que  de  quatre  ans,  avoit  déjà-fi^^pieds  &  demi 
de  hauteur,  à  prendre  depuis  là  terre  jufqti''au  deflus  dti  dos.  Pendant 
les  treize  années  qu'il  vécut,  il  ne  crut  que  d'un  pied  :  on  peutpré- 
fumer  que  ce  fut  le  changement  de  pays  &  de  la  nourriture  qui  re- 
tarda fon  accroiiïement  à  ce  point.  Lorfque  MM.  de  V Académie  Royale 
dis  Scknces  en  firent  la  defcription ,  il  n'avoit  qu«  fept  pieds  &  deird' 


V 


<']  £^  K  L  E 

<ie  baiîteur  ;  Ton  corps  avoit  douze  pieds  tk  demi  ce  tour  ;  fa  longueur 
£toit  prefque  égale  à  fa  hauteur.  Cet  animai  étoit  petit ,  en  compa- 
raifon  de  ceux  que  Ion  voit  en  Afie ,  &  qui  ont,  dit-on,  jufqu'à 
treize,  quatorze  ou  quinze  pieds  ,  &  mcme  plus  ,  de  hauteur. 

Celui  qu'on  voit  acftuelîement  à  Paris  C  1770)  ^^  encore  fort  jeune 
&  fort  petit.  II  paroît  aufîî  qu'il  ne  parviendra  pas  à  îa  hauteur  de 
ceux  qui  ne  quittent  point  leur  pays  natal.  Sa  hauteur  acîuelle  n'eft 
pas  tout-à  fait  de  fix  picdr.-  Il  eft  zg€  d'environ  cinq  ans.  Sa  trompe 
a  à-peu-près  trois  pieds ,  &  Tes  déicnfes  un  piedv.  Nous  avons  vu 
deux  cléphans  dans  le  Parc  de  Saint-James  à  Londres ,  &  qui  appar- 
tenoient  à  la  Reine  ;  ils  avoient  la  taille  &  1  âge  de  celai  de  la  Mé- 
nagerie de  Veriuilles. 

Lorfque  l'éléphant  eft  revctu  de  fa  chair  &  de  fa  peau ,  les  jambes 
de  derrière  paroiiTent  plus  courtes  que  celles  de  devant ,  parce  qu'elles 
font  moins  dégagées  de  la  mafTe  du  corps;  ces  jambes  reiTcmblent  plus 
à  celles  de  l'homme  qu'à  celles  de  la  plupart  des  quadrupèdes ,  en  ce 
que  le  talon  pofe  à  terre  ,  &  que  le  pied  efl:  fort  court  :  la  plante 
de  leurs  pieds  eft  garnie  d'une  corne  en  form.e  de  femelle ,  qui  eft 
<lure  ,  folide  &  épaifîe  d'un  pouce  :  il  y  a  lieu  de  croire  que  cette 
partie  varie  de  forme  dans  les  divers  individus.  La  force  des  jambes 
de  féléphant  eft  proportionnée  à  fa  lourde  mafle  ;  aufii  on  dit  qu'il  va 
fort  vite,  &  que  de  fon  pas  il  atteint  aifem.ent  un  homm.e  qui  court. 
Il  nage  très-bien  ,  tant  à  caufe  du  grand  volume  d'eau  ,  que  fa  mafle 
^déplace  ,  que  parce  qu'il  eft  fujet  à  avoir  le  ventre  enfié  par  des  veines 
qui  le  lui  rendent  fort  gros.  Quelques  Auteurs  ont  dit,  que  le  peu 
de  fouplefie  des  jambes  empéchoit  Téléphant  de  fe  relever  lorfc|u'il 
étoit  couché  :  on  a -appris  de  ceux  qui  ont  gouverné  celui  de  la  Mé- 
nagerie ,  que  lesliuit  premières  années  qu'il  y  a  vécu,  il  fe  couchoit 
Sijfe  relevoit  a.ve€,.beaucoup  de  facilité  (  celui  de  Paris  en  fait  autant), 
&  que  les  cinq  .derni^|p  années  il  ne  fe  couchoit  plus  pour  dormir; 
mais  qu'il  s'appuyoit  contre  le  mm-  de  fa  loge  :  en  forte  que  s'il  arri- 
voit  qu'il  fe^p^hât ,  lorr^u'il  étoit  malade ,  il  falloit  percer  le  plan- 
cher d'au-de^^'^  pour  lè^'-l'clever  avec  des  engins.  Mais  vraifembla- 
blement  cet  animal ,  dans  fon  climat  &  dans  fon  état  naturel ,  n'au- 
jroit  pas  perdu  -fi  promptement  la  fouplelFe  de  fes  jambes  ;  &  l'on 
peut  regarder  comme  incertain ,  ce  que  pîufieurs  Auteurs  ont  avancé, 
•<jue  pour  fe  rendre  maître   d'un   éléphant  ,    on   obferve  l'arbre  fur 


É  L  É  5'75' 

lequel  il  s'appuie  pour  dormir  pendant  la  nuit  ;  qu'on  le  fcie  prefque 
tout-à-fait  pendant  fon  abfence ,  &  que  lorfque  ce  pefant  animal  vient 
à  s'appuyer  contre  Tarbre  pour  prendre  fon  repos  ,  il  tombe  fans 
pouvoir  fe  relever;  du  moins  pourroit-on  penfer  que  cette  méthode 
ViQ  peut  fervir  au  plus  que  pour  prendre  les  vieux  clép'nans. 

L'organe  le  plus  admirable  de  le  plus  particulier  à  féléphant ,  elï 
fa  trompe  dans  laquelle  on  remarque  des  mouvemens  &  des  ufages 
qui  ne  fe  trouvent  point  dans  les  autres  animaux;  fa  ftrudure  efttout- 
à-fait  linguliere. 

Cette  trompe  eft  très-longue ,  &  l'animal  l'alonge  &  la  raccourcit 
à  volonté.  Cette  partie  ,  qui  ,  à  proprement  parler ,  n'eft  que  fon 
nez  ,  eiï  charnue  ,  nerveufe  ,  creufe  comme  un  tuyau  ,  extrêmement 
flexible  dans  tous  les  fens  ;  l'extrémité  de  cette  trompe  s'élargit  comme 
le  haut  d'un  vafe  ,  &  fait  un  rebord  dont  la  partie  de  deflbus  cft  plus 
épaiffe  que  les  côtés  ;  ce  rebord  s'alonge  par  le  defTus ,  2c  forme  alors 
comme  le  bout  d'un  doigt.  Au  fond  de  cette  efpece  de  petite  taffe  , 
on  apperçoit  deux  trous  ,  qui  font  les  narines  ;  *c'efl:  par  le  moyen 
de  ce  rebord  qui  eft  à  l'extrémité  de  la  trompe ,  ou  de  cette  ef- 
pece de  doigt ,  que  l'éléphant  fait  tout  ce  qu'on  peut  faire  avec  la 
main,  jufqu'au  point  que  celui  de  la  Ménagerie  dénouoit  les  cordes 
qui  l'attachoient  j  qu'il  prenoit  avec  adrelTe  les  chofes  les  plus  petites  ^ 
•  &  qu'il  les  rom.poit. 

Lorfque  cet  animal  applique  les  bords  de  l'extrémité  de  fa  trompe- 
fur  quelque  corps ,  &  qu'il  retire  en  miême  temps  fon  lialeine ,  ce  corps 
refte  collé  contre  la  trompe,  &  en  fuit  les  divers   mouvemens;  c'eft 
ainfi  que  l'éléphant  enlevé  des  chofes  fort  pefantes ,  ,&  même  jufqua 
un  poids  de  deux  cents  livres.    Je  me  fouviens  ^^u'éh  préfentant  la 
paume  de  ma  main  à  nud  à  l'un  des  éléphcins  de  Londres ,  la  trompe- 
produifit  fur  la  peau  un   effet   de  fuccion  fi  confidérable  ,  que  j'en- 
fentis  mon  bras  &  mon    corps  attirés  vêts  l'^^knal  ;    &  faifant  une 
fecouffedu  bras  pour  retirer  ma  maia,  je  crus  que  la  peau,  qui  faifoit 
la  cloche  ,    en  étoit  arrachée.   C'efl  encore  dans  cette  ^trompe  que 
réfîde  ,  pour  ainfi  dire ,  tous  le  fens  du  toucli'er  de  cet  animal  :  ce  fens"^- 
efl  aufH  délicat ,  aufîî  diflind  dans  cette  efpece  de  main  que  dans  celle; 
de   l'homme. 

L'éléphant  a  le  cou  trop  court  pour  pouvoir  baifTer  fa  tête  jufqu'à- 
terre  ,  Ôc  brouter  l'herbe  avec  la  bouche  ,   ou  boire  facilement  ;  lorf-" 


'^^6  É  L  É 

qu'il  a  foif ,  iî  trempe  !e  bout  de  fa  trompe  clans  î'eau  ,  &  en  afpîraîit 
il  en  remplit  toute  la  cavité ,  enfuite  il  la  recourbe  en  deflbus  pour  la 
porter  dans  fa  bouche,  &  l'enfonce  jufques  dans  le  gofier ,  au-delà 
de  Tépiglotte.  L'eau  pouflee  par  la  fîmple  expiration  ,  defcend  dans 
l'cEfophage  ,  &  par  cette  admirable  prévoyance  de  la  nature  ,  il  n'entre 
point  d'eau  dans  le"  larinx ,  ce  qui  feroit  arrivé  néceflairement  fans 
cela.  Quand  l'éléphant  veut  manger  ,  il  arrache  l'herbe  avec  (à 
trompe ,  &  en  fait  des  paquets  qu'il  porte  dans  fa  bouche.  Tout 
cela  peut  faire  penfer  que  ,1e  petit  éléphant  tête  avec  fa  trompe,  & 
qu'il  la  recourbe  enfuite  dans  fa  bouche  pour  avaler  le  lait.  Cette 
trompe  lui  fert  non-feulement  de  main ,  mais  encore  d'un  bras  très- 
nerveux  ;  car  on  dit  qu'il  s'en  fert  pour  arracher  les  arbres  médio- 
cres, &  brifer  les  branches  d'arbres  lorfqu'il  veut  fe  faire  un  paflTage 
dans  les  forêts,.  Il  fait  jaillir  au  loin,  &  dirige  à  fon  gré  l'eau  dont 
il  a  rempli  fa  trompe:  on  dit  qu'elle  (  fon  réfervoir  )  peut  en  con- 
tenir  plus  de  deux  féaux. 

La  tête  de  féléphant  a  quelque  chofe  de  monftrueux ,  elle  fupporte 
•deux  oreilles  très-longues  ,  très-larges  &  très-épaiifes  ,  difpofées  à 
peu  près  comm.e  celles  de  l'homme  ;  elle  efl  recouverte  d'une  peau 
fort  épailTe.  Le  crâne  efl:  auffi  très-fort ,  fur-tout  à  l'endroit  du  front, 
où  il  a  jufqu'à  fept  pouces  d'épaifleur ,  ce  qui  fupplée  aux  futures  qui 
lui  deviennent  inutiles  pour  l'ufage  établi  par  la  fage  nature,  d'em- 
pêcher que  les  fradures  ne  s'étendent  trop  loin.  Il  eft  certain  que 
cette  épciffeur  extraordinaire  des  05  du  crâne  de  cet  animal,  les  em- 
pêche d'être  fujets  à  des  fradures  qui  lui  feroient  auffi  dangereufes 
qu'elles  le  font  aux  autres  animaux,  à  qui  la  moindre  fêlure  des  os 
.du  crâne  peut  être  mortelle.  Cefl:  apparemment  cette  épaiffeur  qui 
fait  que  les  flecheâ  peuven:  percer  la  tête  de  l'éléphant  aÏÏez  avant  fans 
Ip  blcffer  dangereuferf>ept,  Ô^, même  fans  eu  faire  fortir  du  fang.  Mais 
au  milieu  du  derrie/e  |i©  la-tête  ,  le  crâne  n'a  pas  l'épaiffeur  d'une 
demi-ligne;  cependant  cet  endroit  du  cerveau  ,  eft  celui  dont  la  bief- 
fure  eft  la  ]>Î05- .mortelle  j"^:  ne  pouvant  être  fi  légèrement  blefle,  que 
i'animaî  rie  meure  dans  le- même  ioftant.  Aufll  lorfqu'il  arrive  que  l'é- 
îéphant  entre  en  fureur^  le;  condudetir  ,  pour  fauver  fa  vie,  n'a 
d'autre  relTource  que  celle  de  le  tuer.  Pour  cet  effet  il  lui  enfonce 
un  clou  à  fendroit  du  crâne  dont  nous  venons  de  parler,  dans  la 
feife  (^ui  çft  fituée  entre  dv-jx  petites  éixiinences.  Vraifemblablement 

il 


É  L   É  HT 

lî  efl  rare  que  l'élépliant  entre  dans  de  femblables  fureurs,  cet  animal 
étant  d'un  naturel  doux  &  docile.  Il  eft  digne  de  remarque  que  le 
cerveau  de  ce  monftrueux   animal,    eft  extraordinairement  petit. 

La  bouche  de  l'éléphant  eft  la  partie  la  plus  balTe  de  fa  tête ,  & 
femble  plutôt  être  jointe  à  fa  poitrine  qu'à  fa  tête  ;  elle  n'eft  armée 
qu€  de  huit  dents,  quatre  à  la  mâchoire  fupérieure  ,  &  quatre  à 
Tinférieure,  Comme  fa  trompe  &  fes  huit  dents  feroient  une  trop 
foible  défenfe,  la  nature  lui  en  a  encore  donné  deux  autres,  qui 
fortent  de  la  mâchoire  fupérieure,  &  qui  font  très-fortes.  Elles  font 
longues  de  quelques  pieds  &  un  peu  recourbées  en  haut  ;  l'animal 
s^en  fert  pour  attaquer  &  fe  défendre  vivement  contre  fes  ennemis. 
La  femelle  eft  armée  de  défenfes  de  même-que  le  mâle ,  ainfi  qu'on 
l'a  vu  dans  l'éléphant  femelle  de  Verfailles,  Ces  défenfes  n'ont  pas 
tombé  pendant  treize  années  que  cet  animal  a  vécu  à  la  Ménagerie; 
ce  qui  doit  faire  croire  qu'elles  ne  font  pas  fujettes  à  tomber  comme 
le  bois  du  cerf.  Elles  font  creufes  dans  leur- naiftance  ,  &  environ 
jufqu'à  la  moitié  de  leur  longueur,  &  mêm^e  plus;  le  refte  jufqu'à  la 
pointe  eft  folide  ;  leur  fubftance  eft  ce  qu'on  nomme  l'ivoire  ,  & 
approche  plus  de  la  nature  de  la  corne,  que  de  celle  des  dents;  car 
elle  s'amollit  au  feu ,  ce  qui  n'arrive  pas  à  celle  des  dents.  Ces  dé- 
fenfes font  fi  fortes  que  l'éléphant  de  la  Ménagerie  les  avoit  employées 
£  faire  deux  trous  dans  les  deux  faces  d'un  pilier  de  pierre  qui  fortoit 
du  mur  de  fa  loge.  Lorfqu'il  vouloir  dormir  ,  il  faifoit  entrer  fes 
défenfes  dans  ces  trous  ,   &  cela  lui  fervoit  de  point  d'appui. 

L'éléphant  a  des  yeux  très -petits;  fes  paupières  font  garnies  de 
poils,  ce  qui  lui  eft  particulier  avec  l'homme,  Icjinge  ,  ï autruche  &  le 
grand  vautour.  Son  corps  eft  couvert  d'une  peau  toute  compofée  de 
rides,  ce  qui  la  fait  paroitre  fort  vilaine,  d'autant  plus  qu'elle  eft 
garnie  en  quelques  endroits  feulement  de  foie  femblable  à  celle  du 
fangller.  On  en  obferve  fur-tout  à  la  partie^^coavexe  de  la  trompe  , 
aux  paupières  &  a  la  queue  ,  qui  en  eft  garnie  en  toute  fa  longueur, 
&  terminée  par  une  houpe  ,  dont  les  poils  font  aflez  longs  ,  fem- 
blables en  quelque  forte  à  de  la  corne  ,.  .^j  de  la  gïdflèiir  d'un  gros 
fil  de  fer.  Les  Indiens  attribuent  à  ces  poils  de  grandes  vertus  qui 
ne  lont  qu'imaginaires  ;  les  Africains,  tant  hommes  que  femmes,  s'en 
fervent  dans  leurs  parures.  Les  queues  d'éléphant  font  fi  recherchées 
q.u'elles  fe  vendent  quelquefois  deux  ou  trois  Efclaves  ;  les  Nègres 
Tomill,  Dddd 


^^9  É  L  É 

expofent  même  fouvent  leur  vie  pour  tâcher  de  la  couper  à  ranima! 
vivant,  car  alors  la  fuperftition  lui  attribue  de  bien  plus  grandes 
vertus. 

Nourrltun  de  t Eléphant  ^  &  fis  ennemis. 

Ces  animaux ,  qui  font  très-utiles  pour  les  fervices  qu'ils  rendent, 
&  dont  nous  parlerons  plus  bas  ,  font  coûteux  à  nourrir  ;  auffi  la  lar- 
geur de  leurs  inteftins  furpaiïe-t-elle  de  beaucoup  la  proportion  ^qu'ils 
ont  coutume  d'avoir  avec  le  refte  du  corps  dans  les  animaux  qui  ne 
ruminent  pas  comme  celui-ci,  Un  éléphant  confomme  plus  en  huit 
jours,  que  ne  confommeroient  trente  Nègres.  Fr.  Pierre  de  Laval 
rapporte  dans  fes  Voyages  qu'un  éléphant  mange  jufqu  à  cent  livres 
de  ritz  par  jour.  La  nourriture  du  petit  éléphant  de  la  Ménagerie, 
fans  y  comprendre  ce  qui  lui  étoit  donné  par  ceux  qui  le  vifitoient, 
confîftoit  tous  les  jours  en  quatre-vingts  livres  de  pain ,  douze  pintes 
de  vin ,  &  deux  féaux  de  potage  où.  il  entroit  quatre  ou  cinq  livres 
de  pain  ;  au  lieu  de  pptage ,  on  lui  donnoit  de  deux  jours  l'un,  deux 
féaux  de  riz  cuit  dans  l'eau.  Il  ayoit  auffi  tous  les  jours  une  gerbe 
de  blé  pour  s'amufer  ;  car  après  avoir  mangé  les  grains  des  épis  , 
il  faifoit  des  poignées  de  paille ,  dont  il  chalToit  les  mouches  ,  &  pre-- 
noit  plaifîr  à  la  rompre  par  petits  morceaux  ,  ce  qu'il  faifoit  fort 
adroitement  avec  le  bout  de  fa  trompe;  il  mangeoit  auffi  de  fherbe 
dans  les  promenades  qu'on  lui  faifoit  faire  tous  les  jours. 

Plus  ces  animaux  s'éloignent  de  leur  climat  naturel ,  plus  il  eft 
néceflaire  ,  pour  les  conferver  ,  de  leur  donner  une  nourriture 
chaude ,  qui  puilfe  entretenir  leur  chaleur  naturelle.  Thevenot ,  dans 
fes  Voyages  ,  dit  même  qu'à  Delhy  non  feulement  on  leur  fait  manger 
de  la  viande ,  mais  qu'on  leur  fait  boire  de  l'eau-de-vie  ,  &  qu'on 
leur  donne  une  pâte  de  farine ,  de  fucre  &  de  beurre. 

Les  éléphans  fauvagelP^vivent  d'herbes,  de  fruits,  &  même  de  bran- 
ches d'arbres,  dont  ils  mangent  du  bois  aflez  gros.  Dans  les  mois 
d'Août  ôc  de  Septembre  5^  ils  viennent  dans  les  champs  de  blé  ou  de 
mil,  où  ils  font  encore -pius  de  dégât  par  les  grains  qu'ils  foulent 
aux  pieds,  que  par  ceux  qu'ils  confomment.  Les  Africains  pour  gar- 
der leurs  champs ,  allument  de  côté  &  d'autre  des  feux  dont  l'éclat 
les  épouvante.  Ces  terribles  mangeurs  peuvent  cependant  très-bien 
relier  jufqu'à  fept  à  huit  jours  fans  boiie  ni  manger.  Leur  boiffon  efl 


Ê  L  É  •j'y^' 

de  l'eau,  qu'ils  ont  foin  de  troubler  avant  que  de  la  boire,  ainfi  que 
le  fait  le  chameau  :  on  remarque  la  même  chofe  dans  les  oies,  les  ducs 
&  autres  oifeaux,  qui  avalent  de  petites  pierres,  &  mêlent  fort  fou- 
vent  du  fable  &  du  gravier  avec  l'eau  qu'ils  boivent. 

Il  convient  d'obferver  auflî  que  les  éléphans  fauvages  vivent  ordi- 
nairement en  fociété  dans  les  forêts  &  les  vaftes  folitudes  :  ils  ne 
s'écartent  guère  des  autres,  afin  de  fe  porter  du  fecours  dans  l'occa- 
fîon  ;  aufîi  les  chaffeurs  n'ofent-ils  attaquer  que  ceux  qui  s'égarent 
ou  qui  traînent  après  les  autres,  car  pour  alîallir  la  troupe  entière 
il  faudroit  une  petite  armée,  encore  pe^droit-on  beaucoup  de  monde 
avant  de  parvenir  à  les  vaincre.  Lorfque  les  éléphans  font  des  mar- 
ches périlleufes,  c'eft  à-dire,  lorfqu'iîs  vont  paître  fur  des  terres  cul- 
tivées ,  ils  vont  tous  de  compagnie  ;  le  plus  fort  &  le  plus  âgé  mar- 
che en  tête ,  conduit  la  troupe  ;  le  fécond  en  âge  &  en  force  fait 
l'arriére- garde;  les  plus  foibles  font  dans  le  milieu  delà  troupe, 
&  les  mères  portent  leurs  petits  qu'elles  embralfent  avec  leurs 
trompes.  "*■ 

Ces  colofïes  fauvages  entrent  quelquefois  dans  des  champs  de 
tabac ,  qu'ils  ravagent.  Si  la  plante  eft  encore  jeune  &  beaucoup 
aqueufe ,  elle  ne  leur  fait  point  de  mal;  mais  fi  elle  eft  mûre  ou  pro- 
che de  fa  maturité ,  elle  \qs  enivre  ,  &  leur  fait  faire  des  poftures 
très-plaifantes.  Qaand  par  malheur  pour  eux  la  dofe  en  eft  un  peu 
trop  forte,  ils  s'endorment,  &  alors  les  Nègres  fe  vengent  aifément 
du  dommage  qu'ils  ont  reçu  de  leurs  pieds  &  de  leur  trompe.  La 
fiente  de  ces  animaux  ne  vaut  rien  pour  engraifier  les  terres ,  parce 
qu'elle  produit  quantité  de  racines,  d'herbes,  &  quelquefois  de  tabac, 
La  raifon  en  eft,  que  comme  la  digeftion  ne  fe  fait  jamais  parfaite- 
ment bien  dans  leur  vafte  eftomac  ;  les  graines  font  rendues  quelque^ 
fois  aulfi  peu  altérées  qu'elles  l'étoient  avant  .d'avoir  été  avalées. 

Les  éléphans  font  très-fréquens  fur  la  Céte  d'or ,  où  ils  font  beau- 
coup de  tort  aux  arbres  fruitiers  &  aux  bananiers. 

Quoique  l'éléphant  foit  fupérieur  à  tous  les-'autr^s  quadrupèdes 
par  la  maffe,  qu'il  ait  dans  fa  trompe  &,dans  {qs  longues  &  vigou- 
reufes  défenfes  des  armes  terribles,  il  eft'cependant  attaqué  &  vaincu 
par  d'autres  animaux  féroces,  dont  quelques-uns  ont  la  force  jointe 
à  la  légèreté  àes  mouvemens.  Ses  ennemijs  font  le  tigre  ,  le  lion ,  les 
ferpens  ,  le  rhinocéros,  fur-tout  l'homme   qui  emploie   divers   moyens 

Dddd2 


■^^o  È  L  É 

pour  l'attraper,  le  réduire  en  efclavage ,  ou  le  faire  mourir  pour  lui 
enlever  Tes  défenfes  d'ivoire. 

Le  rhinocéros  fe  fert  de  la  corne  qu'il  porte  au-defTus  du  nez  pour 
tâcher  de  percer  le  ventre  de  l'éléphant.  Quoique  le  lion  foit  pour 
l'éléphant  un  ennemi  des  plus  dangereux ,  étant  armé  de  gritFes  ter- 
ribles, &  de  dents  acérées  &  vigoureufes  ,  on  dit  qu'il  eft  encore 
moins  redoutable  pour  lui  que  le  tigre ,  parce  que  celui-ci  à  la 
faveur  de  fon  agilité  prodigieufe ,  l'attaque,  pour  ainii  dire,  de 
tous  les  côtés  en  même  temps.  Lorfque  le  tigre  peut  parvenir  à  faifîr 
la  trompe  ,  il  la  déchire  ,  ou  -Ja  prefie  fi  fort,  qu'il  étouffe  quelquefois 
l'éléphant  ;  les  bleffures  qu'il  y  fait  font  telles,  que  la  trompe  devient 
inutile  à  l'animal ,  &  qu'il  périt  de  faim. 

L'éléphant  eft  encore  fort  expofé  aux  infultes  des  plus  vils  infeéte?: 
les  mouches  l'incommodent  &  le  piquent  dans  les  endroits  où  fa 
peau  eft  gercée  ;  c'eft  pourquoi  il  fronce  fa  peau  &  écrafe  tous  les 
infeéles  qui  fe  trouvent  dans  les  gerçures.  Il  a  foin  de  jeter  avec  fa 
trompe  de  la  pouiliere  fur  fon  corps ,  ^  ^q  {q  rouler  fur  la  terre  en 
fortant  du  bain  :  car  il  ne  manque  pas  de  fe  baigner  fouvent  ,  foit 
pour  faire  tomber  la  croûte  que  la  pouffiere  a  formée  fur  fa  peau , 
foit  pour  ramollir  fon  épiderme  qui  eft  fujet  à  fe  deflecher.  AufiEl 
pour  prévenir  ce  defîechemnnt  frotte-t-on  d'huile  la  peau  de  ceux 
qu'on  tient  en  efclavage. 

Mœurs  &  inJîinB  de  t Eléphant, 

?  Nous  avons  dit  que. les  yeux  de  l'éléphant,  quoique  petits  relative-- 
ment  au  volume  de  fon  corps ,  font ,  dit  M.  d&  Buffon ,  brillans  &  fpiri- 
tuels,  &  ce  qui  les  diftingue  de  ceux  de  tous  les  autres  animaux,  c'eft 
Texpreiïion  pathétique  du  fentiment  &  la  conduite  prefque  réfléchie  de 
tous  leurs  mouvemens;il  les  tourne  lentement  &  avec  douceur  vers  fon 
maître  ;  il  a  pour  lui  le  regard  de  l'amitié,  celui  de  l'attention  lorfqu'iî 
lui  parle,  Iç coup  d'œilde  l'intelligence  quand  il  l'a  écouté,  celui  de  la 
pénétration 'iorfqu'il  veut  I^  prévenir;  il  femble  réfléchir,  délibérer, 
penfer  &  nefe  déterminer  qu^après  avoir  examiné  &  regardé  à  plufieurs 
fois,  &  fans  précipitation ,  fans  pafiion,les  fîgnes  auxquels  il  doit  obéir: 
sinfî  Téléphant  a  beaucoup  d'inftind  &  de  docilité  :  il  eft  fufceptible 
d'attachement ,  d'affedion  &  de  reconnoifiance ,  jufqu'à  fccher  de  dou- 
leur, lorfqu'iî  a  perdu  fon  gouverneur.  On  l'apprivoife  fi  aifément,  & 


É  L  É  ^8ï 

oh  ïe  foumet  à  tant  d'exercices  différens ,  que  Ton  eft  furprîs  qu'une 
béte  aufîî  lourde ,  prenne  fi  facilement  les  habitudes  qu'on  lui  donne. 

On  lit  dans  l'Hiftoire  naturelle  de  M.  de  Bufon  ,  que  Ton  fe  fert  de 

féléphant  pour  le  tranfport  de  l'artillerie  fur  les.  montagnes,  &:  c'ePc-Ià 

que  l'intelligence  de  cet  annimal  fe  fait  mieux  fcntir.  Voici  comme  il 

s'y  prend:  pendant  que  les  bœufs  attelés  à  la  pièce  de  canon  font  eiforî 

pour  la  traîner  en  haut ,  l'éléphant  poufle  la  culafle  avec  fon  front ,  & 

à  chaque  efibrt  qu'il  fait,  il  foutient  l'affût  avec  fon  genou  qu'il  place 

à  la  roue;  ilfem.ble  qu'il  comprenne  ce  qu'on  lui  dit.  Veut- on  lui  fair& 

faire  quelque  corvée  pénible,  s'il  y  répugne,  le  Cornac  (c'eft  ainfi  qu'on 

appelle  fon  conducteur)  promet  de  lui  donner  de  ïarackl ,  '  (Voyez  ce 

mot),  ou  quelque  choie  qu'il  aime,  alors  l'animal  fe  prête  à  tout  ;  maia 

il  efl  dangereux  de  lui  manquer  de  parole,  plus  d'un  Cornac  en  a  été 

la  vidime.  Il  s'eft  paffé  à  ce  fujet  dans  le  Bécan  un  trait  qui  mérite 

d'être  rapporté,  &  qui,   tout  incroyable  qu'il  paroît,  eft  exacicmenî 

vrai.  Un  éléphant  venoit  de  fe  venger  de  fon  Cornac  en  le  tuant.  Sa 

femme,  témoin  de  ce  fpeâ:acle,  prit  fes  deux  enfans  &  les  J€ta  aux 

pieds  de  l'animal ,  encore  tout  furieux,  en  lui  difanî,  puifque  m  as  tul 

mon  mari ^  ôta-moi  aujjï  la  vie  ainji  quà  mes  e/z/^/z^.  L'éléphant  s'arrêta 

tout  court;  revenu  de  fa  fureur,  &  comme  s'il  eût  été  touché  de  regret, 

il  prit  avec  fa  trompe  le  plus  grand  de  ces  deux  enfans,  le  mit  fur  fon 

cou,  l'adopta  pour  fon  Cornac     &  n'en  voulut  point  fouffrir  d'autres". 

L'éléphant  qu'on  voit  aduellem.entàParis  (  1770)  aime  à  être  flatté, 

il  paroît  doux  &  docile  :  il  préfente  même  fouvent  fa  trompe  à  fon  maître 

pour  en  être  carelTé.  Il  eft  très-adroit;  il  prend  du. riz  avec  fa  trompe 

dans  la  main  des  Dames  ;  il  débouche  une   bouteille  de  vin  pour  la 

boire.  Rien  n'eft  plus  fingulier  que  de  lui  voir  faire  cette  opération.  On 

met  à  cet  effet  devant  lui  une  bouteille  dont  le  bouchon  îaifî'e  un  peu 

de  prife.  L'animal  prend  la  bauteille  avec  fa  trompe;  il  la  renverfe  & 

en  met  le  bas  dans  fa  mâchoire  ;  il  ramené  "enfuite  le  bout  de  fa  trompe 

au-deffus  du  cou  delà  bouteille,  pince  le  bouchon  &  i'ôte.-.le  bouchon 

tombe  pour  lors;  la  liqueur  coule  dans  fa  t^rompe.  Lor(<p0  la  bouteille 

eft  vuide,il  la  laiffe  échapper  (  quelquefois  illa  pofe  à  terre  avec  fa 

trompe);  il  porte  enfuite  fa  trompe,  qui  luifert  d'entonnoir,  à  fon  goder 

&  y  verfe  le  vin.  Tout  prouve  que  cette  trompe  eft  extrêmement  fouplet 

elle  femble  réunir  tous  les  fens  de  l'animal:  ce  n'eft  pas  feulement  pou? 

Lui  une  main ,  un  bras  ;  on  la  peut  encore  regarder  comme  le  fîege  de 


5-  s  2  Ê  L  Ë 

f  Gclorat ,  du  tuât  Se  du  goût.  La  facilité  qu'il  a  de  s'en  fervir  ne  con- 
tribue pas  peu  à  rendre  cet  organe  aufli  fin ,  auflî  prompt  &  auffi  délicat 
qu'il  Teft* 

Ces  animaux  ne  s'irritent  que  lorfqu'on  les  ofFenfe ,  alors  ils  dreflent 
les  oreilles  &  fur-tout  la  trompe  dont  ils  fe  fervent  pour  renverfer  les 
hommes  ou  les  jeter.au  loin,  arracher  les  arbres  &  foulever  tout  ce 
qui  leur  fait  obftacle.  Lorfqu'iîs  ont  terraffé  un  homme ,  &  que  leur 
fureur  eft  grande  ,  ils  l'entraînent  à  l'aide  de  leur  trompe  contre  leurs 
pieds  de  devant  &  marchent  deflus,  ou  le  mafîacrent  en  le  frappant  &  le 
perçant  avec  leurs  défenfes.  L'éléphant  obéit  exaétement  aux  volontés 
de  fon  Cornac^  s'il  lui  commande  de  faire  peur  à  quelqu'un,  il  s'avance 
fur  lui  comme  s'il  vouloit  le  mettre  en  pièces;  mais  lorfqu'il  eft  tout 
prêt ,  il  s'arrête  tout  court  fans  lui  faire  le  moindre  mal.  Ceft  ainfi  qu'à 
la  voix  de  fon  maître  il  modère  fa  fureur.  Le  Prince  du  Mogol  en  a 
qui  fervent  de  bourreaux  pour  exécuter  les  criminels;  (i  leur  conduâeur 
îeur  commande  de  dépêcher  promptement  ces  miférables ,  ils  les  mettent 
en  pièces  en  un  moment  avec  leurs  pieds;  au  contraire  s'il  leur  com- 
mande de  les  faire  languir,  ils  leur  rompent  les  os  les  uns  après  les 
(Butres,  bc  leur  font  fouffrir  un  fupplice  auili  cruel  que  celui  de  la  roue. 
Suivant  le  rapport  de  ceux  qui  gouvernoient  l'éléphant  de  la  ménagerie 
de  Verfaiîles,  il  fembloit  connoître  quand  on  fe  moquoit  de  lui,  de 
s'en  fou  venir  aufli  pour  s'en  venger,  quand  il  en  trouvoit  l'occafion. 
Un  homme  l'ayant  trompé  en  faifant  fembîant  de  lui  jeter  quelque  chofe 
dans  la  bouche,  il  lui  donna  un  coup  de  fa  trompe  qui  lui  rompit  deux 
côtes,  il  le  foula  aux  pieds,  lui  caiïa  une  jambe,  &  voulut  lui  enfoncer 
fes  défenfes  dans  le  yentre  ;  mais  heureufement  elles  entrèrent  dans  la 
terre  aux  deux  côtés  de  la  cuifle  qui  ne  fut  point  blefiee.  Un  Peintre 
voulant  le  defliner  en  une  attitude  extraordinaire ,  qui  étoit  de  tenir  fa 
trompe  levée  &  fa  bauche  ouverte ,  le  valet  du  Peintre,  pour  le  faire 
demeurer  en  cet  ém,  lui  jetoit  des  fruits  dans  la  bouche,  &  le  plus  fou- 
vent  n'en  faifoit  qiie  le  gefte.  A  la  fin  l'éléphant  en  fut  indigné;  & 
comme  s'il  eût  connu  que  j'envie  que  le  Peintre  avoit  de  le  delîîner, 
étoit  la  caufe  de  cette  importunité,  au  lieu  de  s'en  prendre  au  valet, 
il  s'adreffa  au  maître,  .&  lui  jeta  par  fa  trompe  une  quantité  d'eau, 
dont  il  gâta  le  papier  fur  lequel  il  delTmoit.La  fureur  de  ces  animaux 
efl  très-dangereufe;  mais  comme  ils  craignent  beaucoup  le  feu,  on  arrête 
cette  fureur  en  leur  jetant  des  pièces  d'artifices  enflammées. 


É  L  Ê  ^B| 

Tous  les  éléphans  privés  ont  d'abord  été  fauvages ,  car  I  éléphant  ne 
s'accouple  point  &  n'engendre  point  dans  l'état  de  do mefticité,  quoiqu'il 
reflentede  temps  en  temps  les  plus  vives  atteintes  de  refFervefcence  amou- 
reufe,  qui  le  font  entrer  en  fureur  ;  mais  ne  pouvant  fe  fatisfaire  fans 
témoin,  il  devient  infenfé,  violent,  &  on  a  befoin  des  chaînes  fes  plus 
fortes  &  d'entraves  de  toutes  efpeces  pour  arrêter  fes  mouvemens  Se 
maîtrifer  fa  colère.  On  fépare  alors  les  éléphans  mâles  d'avec  les  femelles, 
pour  éviter  de  donner  fujet  à  ces  accès  de  fureur.  L'éléphant  diffère  donc 
de  tous  les  animaux  domeftiques  que  l'homme  traite  ou  manie  comme 
des  êtres  fans  volonté ,  dit  M.  de  Buffon  ;  il  n'eft  pas  du  nombre  de  ces 
efclavesnés  que  nous  propageons,  mutilons,  ou  multiplions  pour  notre 
utilité; ici  l'individu  feul  eft  efclave,  l'efpece  demeure  indépendante  & 
refufe  conftamment  d'accroître  au  profit  du  tyran  qui  lui  ôte  fa  liberté. 
Il  y  a  beaucoup  d'incertitude  fur  le  temps  de  la  portée  de  la  femelle 
de  l'éléphant,  &  fur  la  durée  du  temps  qu'elle  allaite  fon  petit;  on  foup- 
çonne  qu'elle  n'en  produit  qu'un  feul  tous  les  deux  ou  trois  ans.  Il  y  a 
auffi  beaucoup   de  diverfité   de  fentimens  fur  la  manière  dont  fe  fait 
leur  accouplement.  On  prétend  que  la  femelle  amafîe  des  feuilles  avec 
fa  trompe ,  en  fait  une  forte  de  lit ,  s'y  couche  fur  le  dos  quand  elle 
veut  recevoir  le  mâle,  &  l'appelle  par  fes  cris;  que  leur  accouplement 
ne  fe  fait  que  dans  les  lieux  écartés  &  les  plus  folitaires.  La  durée  de 
la  vie  de  ces  animaux,  n'eft  guère  mieux  connue:  quelques-uns  difent 
qu'ils  vivent  jufqu'à  cent  vingt  &  même  deux  cents  ans.  Si  l'on  con- 
noifToit  bien  la  durée  de  leur  accroiflement,  on  pourroit  juger  de  la 
durée  de  leur  âge;  puifque,  fuivant  Tobfervation  de  M.  de  Buffon,  la 
longueur  de  la  vie  eft  proportionnelle  à  la  durée  dé  raccroilTement. 

Une  obfervation  remarquable  &  affurée  par  liexamen,  c'eft  que  l'ori- 
fice extérieur  de  la  matrice  n'eft  point  dans  la  femelle  de  l'éléphant  au 
même  endroit  où  elle  fe  voit  aux  autres  animaux.  Dans  l'éléphant,  elle 
eft  fituée  au  milieu  du  vertre  près  du  nombril;  ell,e  étoit  placée  dans 
l'éléphant  de  la  Ménagerie  que  l'on  a  diflequé ,  à  l'extrémité  d'un  conduit 
qui  formoit  une  éminence  depuis  l'anus  j.ufqtî  à  l'ouverture  placée  près 
du  nombril;  ce  conduit  qui  avoit  deux  pieds  &  demi  dèJong,  enfer- 
moit  un  clitoris  de  la  même  longueur;  enlorte  qu'il  paroiffoit  remplir 
entièrement  ce  conduit,  ainfi  que  le  fait  la  verge  des  mâles  de  la  plupart 
des  brutes  ;  cette  ftrudure  avoit  même  toujours  fait  croire  avant  la 
diQedion,  que  cet  éléphant  étoit  un  mâle.  Les  mamelles  dans  la  femelk- 


"5' 's  4  Ë  L  E  ■ 

de  réiéphant  font  au  nombre  de  deux,  &  placées  à  la  poitrine  comme 

jiu.x  femmes. 

On  feroit  une  longue  hifloire  de  l'éléphant,  fi  on  rapportoit  tout 
ce  qu'on  a  dit  de  fon  inftind ,  &  tous  les  détails  du  cérémonial  établi 
chez  leS  difFérens  peuples  qui  ont  beaucoup  de  vénération  pour  cet 
animal.  On  verroit  que  l'amour  du  merveilleux  a  fait  croire  que  Télé- 
phant  a  des  vertus  &  des  vices,  qu'il  eft  chafte  8c  modefte,  orgueil- 
leux, &c.  Des  Nations  entières  ont  fait  des  guerres  longues  &  cruelles, 
^  des  milliers  d'hommes  fe  font  égorgés  pour  la  conquête  de  XcUphant 
h/anc,  qui  n'eft  qu'une  variçté  acceflbire  de  la  nature.  Cent  Officiers 
feignent  un  éléphant  de  cette  couleur  à  Siam;  il  eft  fervi  en  vaifellc 
d'or,  promené  fous  un  dais,  logé  dans  un  pavillon  magnifique,  dont 
les  lambris  font  dorés.  Plufieurs  Rois  de  l'Orient  préfèrent  à  tout  autre 
titre,  celui  de  Pojfeffeur  de  VéUphant  blanc.  Le  cas  que  les  Indiens  font 
de  l'éléphant  blanc  efl  fondé  fur  l'idée  qu'ils  ont  de  la  métempfycofe  ; 
ils  penfent  que  ces  forte?  d'éléphans  font  les  mânes  vivantes  des  Empe- 
reurs de  l'Inde;  ils  fo;it  perfuadés  qu'un  corps  au/ÏÏ  majeflueux  que 
celui  de  cet  animal  ne  peut  être  animé  que  par  l'ame  d'un  grand  homme , 
ou  d'un  Roi.  Plufieurs  voyageurs  difent  qu'en  Orient  on  dreffe  des 
éléphans  à  avoir  pour  le  Prince  la  vénération  due  à  la  Majefté  royale; 
.aufli-tôt  qu'ils  l'apperçoivent,  ils  fléchi0ônt  les  genoux  pour  l'adorer 
^  la  manière  des  Orientaux,  &  fe  relèvent  un  moment  après.  Enfin,  il 
n'y  a  point  de  fujet  aîTez  témxéraire  pour  ofer  manquer  de  refpecl:  aux 
éléphans  du  Roi  de  Siam  ,  dont  plufieurs,  à  la  honte  de  Tefprit  humain, 
font  chargés  de  titres  &  décorés  des  premières  dignités  du  royaume. 

On  a  obfervé  que  les  éléphans  qui  vivent  dans  les  plaines,  dans  les 
pays  gras,  &  fur  le  bord  du  Niger,  qui  eft  fort  fréquenté  par  les 
hommes  ,  font  plus  doux,  plus  aifés  à  apprivoifer,  que  ceux  qui  vivent 
dans  les  montagnes  &  dans  \q.%  déferts  de  l'Afrique  :  parce  que  ceux-ci 
vivant  toujours  a\j,-  ^milieu  des  bêtes  féroces  qui  cherchent  à  les  fur- 
prendre  pour  les' 4évor'er,  en  deviennent  eux-nrjêmes  plus  fauvages  & 
plus  féroces, 

Ufa^&  qui  ton  fait  des  ÈUphans, 

Les  Princes  Indiens  font  confifter  en  partie  leur  grandeur  à  nourrir 
beaucoup  d'éléphans  ,  c*eft  une  fomptuofité  très-couteufe  ;  on  dit  que 
^'Empereur  du  Mogol  en  a  plufieurs  milliers,  Le  Roi  de  Madari ,  le 

Seigneur 


■É  L't  -y 8; 

'Seigneur  de  Narging\ie  &  de  Eimagar,  le  Roi  des  Naires  &  celui  de 
-Nanful  en  ont  plufieurs  centaines-,  qu'ils  diftinguent  en  trois  clalTes: 
l^  les  plus  grands  font  pour  le  fer  vice  immédiat  du  Prince  ;  leurs  harnois 
font  d'une  magnificence  qui  étonne ,  on  les  couvre  de  draps  travaillés 
en  or  &  couverts  de  perles,  leurs  dents  ou  défer.fes  font  ornées  d'or  très- 
Bn  &  d'argent,  &  quelquefois  on  le$  couvre  de  diamans  :  2°.  ceux 
d'une  taille  moyenne  font  pour  la  guerre:  3°.  les  petits  font  pour  l'ufage 
&  le  fervice  ordinaire. 

Ces  animaux  rendent  des  fervicçs  proportionnés  à  leur  force.  Ils 
^/ortent  toutes  fortes  de  fardeaux  d'un  poids  énorme,  jufqu'à  de  petites 
.pièces  de  canon  fur  leur  affût.  En  Perfe  &  aux  Indes ,  les  femmes  de 
qualité  &  les  grands  Seigneurs  voyagent  fur  ces  animaux;  on  difpofe 
fur  leur  dos  de  larges  pavillons  richement  ornés,  dans  lefquels  plufieurs 
perfonnes  peuvent  fe  coucher  ou  s'affeoir,. 

On  leur  fait  aufîî  porter  des  tours  dans  lefquelles  on  place  plufieurs 

-hommes  armés  pour  la  guerre.   Ces  tours,   au  moins  dans  certains 

endroits ,  font  longues  &  larges  comme  un  grand  lit ,  &  placées  en  travers 

furie  dos  de  l'éléphant;  elles  peuvent  contenir  fix  ou  fept  perfonnes 

aflifes  à  la  manière  des  Levantins.  Tout  le  monde  fait  que  les  Orientaux 

iurent  les  premiers  à  mener  ces  animaux  en  troupe  aux  combats.  Ils 

•rompoient  les  rangs,  épouvantoientles  chevaux,  écrafoient  les  hommes 

ibus  leurs  pieds ,  &  il  étoit  difficile  de  les  blefier.  On  les  avoir  même 

.drefle  à  faifir  les  hommes  avec  leur  trompe ,  &  à  les  jeter  dans  la  tour 

qu'ils  portoient  ;  cette  tour  contenoit  des  foldats  qui  faifoient  pleuvoir 

xies  javelots  de  toutes  parts.  Lorfqu'on  menoit  l'éléphant  au  combat, 

on  attachoit  à  l'extrémité  de  fa  trompe  une  chaîne  ou  un  fabré  nud, 

dont  il  fe  fervoit  fort  adroitement  contre  les  ennemis.  (  Dans  les  pays  où. 

notre  canon  &:  nos  arts  meurtriers  ne  font  qu'imparfaitement  connus,  on 

combat  encore  avec  des  éléphans.) 

On  trouva  à  la  fin  le  moyen  de  leur  réfiflery  (x^  à.  l'aide  du  feu  qui 
les  épouvante,  ou  avec  des  armes  en  forme  de  faux,  dont  on  leur 
coupoit  la  trompe,  &  de  longues  piques  qti'on  leur,  enfonçoit  fous  la 
queue  à  l'endroit  où  la  peau  eft  moins  éipaifl'e;  enfin  c^  leur  oppofa 
<i'autres  éléphans.  On  vit  alors  les  animaux  les  plus  terribles  pr^^ndre 
part  dans  les  querelles  des  hommes,  &  s'entre-détruire  pour  les  défendre 
ou  pour  les  venger. 

Les  Romain?  en  ayant  pris  fur  leurs  ennemis  en  décorèrent  leur* 

Jcme  II,  Eeee 


•5'8^  ÉLÉ 

triomphes,  S:  en  attelèrent  à  leurs  chars.  Céfar  fe  fît  éclairer  par  quarante? 
éléphans  qui  portoient  devant  lui  des  flambeaux  à  la  guerre.  On  en 
expofa  quelquefois  dans  le  cirque,  où  l'on  vit  des  éléphans  vaincus  quel- 
quefois par  un  feul  homme  :  exemple  frappant  de  la  fupériorité  de 
ladrelTe  fur  la  force  !  * 

La  charge  du  plus  fort  éléphant  eft  de  trois  mille  livres  j  lorfqu'on 
le  prefle,  il  peut  faire  en  un  jour  le  chemin  de  fix  journées;  il  peut 
courir  au  galop.  Lorfqu'on  eft  pourfuivi  par  cet  animal,  on  ne  peuc 
l'éviter  qu'en  faifant  des  détours ,  parce  qu'il  n'eft  pas  auffi  prompt  à  fe 
retourner  de  côté,  qu'à  marcher  en  avant. 

Pour  conduire  l'éléphant,  on  fe  met  fur  fon  cou,  on  tient  à  la  main 
une  grofle  verge  de  fer  très-pointue  par  un  bout,  &  terminée  à  l'autre 
par  un  crochet  pointu.  On  fe  fert  de  la  pointe  au  lieu  d'éperon,  &  le 
crochet  fupplée  à  la  bride:  car  le  condudeur  ainfi  placé,  pique  l'animal 
aux  oreilles  &  au  mufeau ,  pour  diriger  fa  marche.  Communément  il 
le  pique  au  front,  &  cette  piqûre  lui  entretient  une  plaie  toujours 
ouverte.  Ces  animaux  ont  le  pied  très-sûr,  &  ne  bronchent  prefque 
jamais  :  on  dit  que  les  Romains  en  avoient  drefle  à  marcher  fur  la  corde. 
Comme  le  volume  des  poumons  &  des  inteftins  de  l'éléphant  eft  énorme, 
cet  animal  fe  foutient  très-bien  fur  l'eau,  comme  nous  l'avons  dit,& 
y  nage  à  merveille  ;  aufti  s'en  fert-on  utilement  pour  le  paffage  des 
rivières  ;  outre  deux  pièces  de  canon  de  trois  ou  quatre  livres  de  balle 
dont  on  le  charge  dans  ces  occafions,  on  lui  met  encore  fur  le  corps  une 
infinité  d'équipages,  indépendamment  de  quantité  de  perfonnes  qui 
s'attachent  à  fes  oreilles  &  à  fa  queue  pour  pafTer  l'eau  ;  lorfqu'il  eft  ainfi 
chargé,  il  nage  entre  deux  eaux,  &  on  ne  lui  voit  que  la  trompe  qu'il 
tient  élevé  pour  refpirer. 

Ckajfc  de  rÉUphanu 

La  chaffe  de  l'éléphant  fe  fait  différemment  dans  les  divers  pays,  & 
fuivant  la  puifTance  &  les  facultés  de  ceux  qui  leur  font  la  guerre  ;  car 
au  lieu  de  conftruire,  comme  les  Rois  de  l'Afie,  des  murailles,  des  terrai 
fes ,  ou  de  faire  des  paliffades,  des  parcs  ou  de  vaftes  enceintes,  les 
pauvres  Nègres  en  Afrique  fe  contentent  de  creufer  fur  leur  paffage  des 
folles  affez  profondes  pour  qu'ils  ne  puiffent  en  fortir  lorfqu'ils  y  font  une 
fois  tombés.  L'ouverture  de  ces  fofTes  eft  couverte  avec  des  branches 
d'arbres^  fur  kfquelles  on  répand  légèrement  de  la  terre:  les  Nègres 


ÉLÈ  ^87 

préparent  auiïl  les  chemins  qui  conduifent  à  ce  précipice ,  en  y  femant 
du  riz  ,  du  mil,  ou  des  fruits,  &  embarraflant  les  environs  de  ces  che^ 
mins  trompeurs  avec  des  arbres  abattus  &  entre-mêlés  ,  alin  d'engager 
l'éléphant  à  prendre  la  route  de  la  fofle.  Lorfqu'il  y  eft  tombé ,  il  eft 
aufîî-tôt  environné  de  Chafleurs,  qui  le  tuent  à  coups  de  flèches  &  de 
fagaies,  &  quelquefois  avec  des  armes  à  feu. 

Les  Princes  Orientaux  font  ordinairement  leurs  chafTes  avec  pompe; 
ils  y  emploient  tant  de  monde ,  qu'on  diroit  que  le  Prince  part  à  la  tête 
de  fes  troupes  pour  aller  livrer  bataille.  Voici  le  tableau  d'une  des  chafTes 
aux  éléphans  du  Roi  de  Siam.  On  commence  par  attirer  le  plus  grand 
nombre  deléphans  fauvages  qu'il  eft  poflible  dans  un  parc  fpacieux, 
«nvironné  par  de  gros  pieux ,  qui  laiflènt  de  grandes  ouvertures  de 
diftances  en  diftances  :  on  les  y  fait  venir  par  le  moyen  d'une  femelle 
que  l'on  fait  crier; les  mâles  répondent  à  ces  cris  amoureux  par  des 
hurlemens  effroyables,  &  s'approchent  auffi-tôt  des  femelles  qu'ils 
fuivent:  d'autres  fois  on  les  épouvante  par  le  fon  des  trompettes,  des 
tambours,  &  fur-tout  par  des  feux  que  l'on  diftribue  en  divers  endroits 
de  la  forêt ,  pour  les  faire  fuir  dans  le  parc. 

Lorfqu'ils  y  font  arrivés ,  on  fait  autour  une  enceinte  d'éléphans  de 

guerre,  pour  empêcher  que  les  éléphans  fauvages  ne  franchiffent  les 

paliflfades  ;  enfuite  on  mené  dans  le  parc  à-peu-près  autant  d'éléphans 

privés  des  plus  forts,  qu'il  y  a  d'éléphans  fauvages:  les  premiers  font 

montés  chacun  par  deux  chaffeurs  qui  portent  de  groffes  cordes  à  nœuds 

coulans,  dont  les  bouts  font  attachés  à  l'éléphant.   Les  cornacs   ou 

conducteurs    de  chacun  de  ces  éléphans,  les   font  courir  contre  un 

éléphant  fauvage ,  qui  fuit  aufli-tôt ,  &  fe  préfente  aux  ouvertures  du 

parc  pour  en  fortir,  mais  il  eft  repoufle  par  les  éléphans  de  guerre 

qui  forment  l'enceinte  du  dehors.  Pendant  qu'ils  marchent  ainfi  dans  le 

parc,  les  chaffeurs  jettent  leurs  nœuds  fï  à  propos  dans  les  endroits  où 

l'éléphant  doit  mettre  le  pied ,  qu'en  peu  de  temps  tous  les  éléphans 

fauvages  font  attachés.  A  l'inftant  on  met  aux/:ôtés  de  chacun  d'eux  deux 

éléphans  domeftiques,  un  de  chaque  côté  j  &  on  les  attache  avec  eux; 

un  troifieme  marche  devant  &  tire  l'éléphant  fauvage  par  une  corde; 

un  quatrième  le  fuit ,  &  le  fait  marcher  à  grands  coups  de  tête  qu'il  lui 

donne  par  derrière.  On  conduit  ainfi  les  éléphans  fauvages  chacun  à 

une  efpece  de  remife  oii  on  les  attache  à  un  gros  pilier  qui  tourne 

comme  un  cabeftan  de  navire;  on  les  laifle  là  pour  leur  donner  le  temps 

E  ee  e  2 


^88  É  L  É 

d'appaifer  leur  fureur  :  là  Ils  jettent  des  crii  terribles,  &  font  encore  des 
efforts  étonnans  pour  fe  dégager,  mais  c'eft  en  vain:  alors  on  tâche 
de  les  calmer  &  de  les  adoucir,  en  leur  jetant  des  féaux  d'eau  fur  le 
corps,  &  en  leur  verfant  de  l'huile  fur  les  oreilles,  &  au  bout  de  peu  de 
jours ,  ils  deviennent  doux  &  font  bien  apprivoifés. 

Au  Pégu  on  emploie  pour  cette  chafTe  plus  d'art,  mais  moins  de 
monde.  On  attire  de  même  les  éîéphans  fauvages  par  le  moyen  de 
femelles  drelTées  au  manège,  &  dont  les  parties  de  la  génération  font 
frottées  d'une  huile  fort  odoriférante ,  que  les  mâles  fentent  de  loin:- 
«lles  attirent  ceux-ci  dans  un  parc  environné  de  gros  &  forts  pieux 
plantés  à  telle  diftance  l'un  de  l'autre,  qu'un  homme  peut  pafler  entre 
deux,  mais  non  pas  un  éléphant,  excepté  à  l'entrée  du  parc.  Lorfque 
les  éîéphans  fauvages  y  font  entrés  ,  on  ferme  la  grande  ouver- 
ture par  une  herfe  ;  les  éîéphans  femelles  que  fuivent  les  éîéphans  fau- 
vages, entrent  dans  les  écuries  qu'on  leur  a  ménagées,  &  à  l'indant 
on  baifle  la  couliffe  des  portes.  Les  éîéphans  fauvages  fe  voyant  feuls 
enfermés  dans  ce  parc ,  entrent  en  fureur ,  pourfuivent  les  hommes  qui 
s'y  trouvent  pour  faire  les  manoeuvres  néceflaires;  mais  ceux-ci  échap- 
pent entre  les  pieux.  Ces  animaux  en  fureur  jetent  des  cris,  gémiflent, 
font  des  efforts  contre  les  pieux  pendant  deux  ou  trois  heures;  enfin  les 
forces  leur  manquent,  la  fueur  tombe  de  toutes  les  parties  de  leur  corps; 
ils  laiffent  pendre  leur  trompe  à  terre.  Lorfqu'ils  font  dans  cet  état,  on 
fait  rentrer  les  femelles  dans  le  parc  ;  aufîî-tôt  les  élephans  fauvages  com- 
mencent à  les  fuivre  :  celles-ci  entrent  dans  d'autres  écuries ,  les  éîéphans  les 
y  fuivent,  y  entrent,  &  ils  s'y  trouvent  pris  tous  feuls,  parce  que  les 
femelles  fortent  par  une  autre  porte.  Ils  font  quatre  ou  cinq  jours  fans 
boire  ni  manger;  mais  au  bout  de  ce  temps  ils  s'accoutument  à  leur 
efclavage. 

A  un  quart  de  lieue  de  Louvo,  il  y  a  une  efpece  d'amphitéâtre  dont 
la  figure  efl  un  grand  carré-long,  entouré  de  hautes  murailles  terraf- 
fées,fur  lefquelles  fe  placent  les  fpedateurs  ;  le  long  de  ces  murailles 
en  dedans,  règne  une  paliffade  de  gros  piliers  fichés  en  terre  à  deux  pieds 
l'un  de  l'autre;  il  y  a  une  grande  ouverture  du  côté  de  la  campagne; 
on  procède  à  cette  chaffe  de  la  même  manière  qu'on  le  fait  dans  les 
vafles  parcs  dont  nous  avons  parié. 

A  Patane,  Royaume  dépendant  de  celui  de  Siam,  on  mené  feule- 
înent  un  fort  éléphant  privé  dans  le  bois:  dès  que  l'éléphant  fauvage 


EL  É  y 

Tapperçoit,  il  vient  l*attaqoef.  Ces  deux  éléphans  croifent  leurs  trom- 
pes, s'efForçant  de  fe  renverfer  l'un  l'autre:  pendant  que  la  trompe  da» 
Téléphant  fauvage  eft  embarrajOfée ,  on  hii  lie  les  jambes  de  devant  de 
on  s'en  empare ,  parce  qu'il  n'ofe  plus  remuer  ayant  peur  de  tomber. 

Le  P.  Labat  dit  plaifamment,  qu'il  ne  fait  fi  les  éléphans  d'Afrique 
font  plus  bêtes  que  ceux  des  autres  pays,  ou  fi  les  Nègres  ont  moin» 
d'efprit  &  d'adrefle  que  les  Indiens;  toujours  efl41  certain  que  les  Nègres 
ne  fe  font  pas  encore  avifés  d'apprivoifer  ces  animaux  &  d'en  faire  aucun 
ufage.  Ils  les  attrapent  dans  des  fofTes  profondes  recouvertes  feulement 
de  branches  avec  un  peu  de  terre  ,  &  là  ils  les  tuent  à  coups  de  flèches. 
D'autres  vont  vingt-cinq  ou  trente  enfemble,  &  ofent  les  attaquer  :  1&' 
plus  hardi  d'entr'eux  fe  gliffe  auprès  de  l'éléphant,  lui  donne  un  coup 
de  fagaie  &  fe  fauve  vers  l'endroit  où  fes  camarades  font  cachés;  ceux- 
ci  lui  portent  de  nouveaux  coups  dans  ks  endroits  les  plus  foibles  : 
tandis  qu'il  en  veut  pourfuivre  un,  les  autres  le  frappent  de  nouveau  j 
il  périt  enfin  fous  leurs  coups.  Ceci  fuppofe  une  grande  adrefîe  qui  eft 
affez  naturelle  à  Thomme  fauvage.  Les  Nègres  font  commerce  avec  les 
Européens  de  défenfes  d'éléphans  :  ils  font  des  boucliers  avec  fa  peau  ;' 
ils  aiment  fa  chair  &  la  trouvent  excellente,  fur- tout  lorfqu'elle  a 
acquis  beaucoup  de  fumet. 

Les  grandes  défenfes  dont  nous  avons  avons  parlé,  font  ce  qu'on 
nomme  l'ivoire,  dont  on  fait  ufage  en  Médecine , mais  fur-tout  dans  les 
Arts.  C'eft  particulièrement  à  Dieppe  qu'on  en  fait  les  ouvrages  les 
plus  jolis  en  fculpture  &  en  marqueterie.  L'ivoire  pour  Tufage  inté- 
rieur ,  a  à  peu  près  les  mêmes  propriétés  que  la  corne  de  cerf.  M.  Bour-- 
geois  obferve  cependant  que  la  poudre  &  la  gelée  d'ivoire  ne  contien- 
nent pas  de  principes  volatils  comme  la  corne  de  cerf.  La  gelée  eft- 
d'ailleurs  beaucoup  plus  aftringente  &  incrafante;  on  l'emploie  avec 
fuccès  dans  les  hémorragies  &,  les  pertes  immodérées  des  femmes  :  elle 
eft  plus  efficace  dans  ces  cas,  que  celles  des  cornes  de  cerf.  La  majeure- 
partie  de  l'ivoire  qui  fe  voit  dans  le  commerce ,  fe  tire  des  côtes  d'Afri- 
que. L*ivoire  de  Ceyian  eft  le  plus  eftimé ,  parce  qu'il  eft  moins  fujet 
à  jaunir.  La  facilité  que  l'ivoire  a  à  fe  fendre  ,  le  rend  très-difficile  ^ 
travailler;  c'eft  pourquoi  plufieurs  perfonnes  ont  cherché  le  moyen  de- 
remédiera  cet  inconvénient,  en  donnant  à  cette  fubftance  des  prépa- 
rations qui  l'amolliftent.  Plufieurs  de  ces  préparations  ont  afîez  bienp- 
léuffi  pour  faire  efpérer  un  fuccès  plus  heureux.  FoyciC article.  Yvoihe»» 


^po  ÉLI  EPvlB 

On  tire  de  l'ivoire,  ainll  que  de  la  corne  de  cerf,  en  ies  faifant  brûîer 
dans  des  vaifleaux  clos ,  une  poudre  d'un  très-beau  noir  ,  qui  eft  d'ufage 
dans  la  peinture,  &  qu'on  nomme  noir  d'ivoire  :  c'eft  V ivoire  bràLl  des 
boutiques.  Il  eft  à  remarquer  que  plus  les  matières  dont  on  fait  les  noirs 
font  blanches ,  plus  les  noirs  qui  en  proviennent  font  beaux  &  hauts 
en  couleur.  Le  noir  liquide  d'Angleterre  fi  renommé  pour  les  bottes, 
n  eft  autre  chofe  qu'une  efpece  d'encre  faite  avec  une  pinte  de  bière,  un 
once  de  noir  d'ivoire  en  poudre,  deux  onces  de  fucre  candi  en  poudre, 
&  une  demi-once  de  gomme  arabique  concaflee  :  il  faut  faire  bouillir 
le  tout  jufqu'à  réduâion  de  moitié.  Lorfque  la  liqueur  eft  refroidie,  il 
faut  la  remuer,  puis  la  palier  dans  une  toile  très-claire.  On  la  met 
enfuite  dans  une  bouteille  de  grès  bien  bouchée.  On  a  foin  d  attacher 
le  bouchon  à  l'anfe  de  la  bouteille ,  fans  quoi  l'adion  de  la  liqueur 
qui  quelquefois  fermente,  le  feroit  fauter.  Pour  s'en  fervir,  on  prend 
une  plume  qu'on  trempe  dans  la  bouteille  ,  on  en  frotte  le  foulier ,  & 
on  l'étend  avec  une  brofle  à  longs  poils,  &  on  en  a  une  féconde  pour 
polir  jufqu'à  ce  que  le  cuir  devienne  luifant  comme  s'il  étoit  enduit 
a  un  beau  vernis  noir. 

On  doit  à  M.  Dauhmton  plufieurs  obfervations  très-importantes  & 
îErès-curieufes  fur  l'organifation  de  Xivoir&,  Voyez  Yvoire. 

ÉLITRE.  Voyi^^  ce  mot  à  t article  Insecte» 

ELKE  ou  ÉLEND.  Voye^  Élan. 

ELLEBORE  noir  &  blanc.  Vayt^^  Hellébore. 

ELLEBORINE,  hdUhorine  latifolia  morztana.'PhntQ  dont  les  feuilles 
femblent  ne  différer  d'avec  celles  de  l'ellébore  blanc ,  qu'en  ce  qu'elles 
font  plus  petites.  Ses  tiges  croiftent  à  la  hauteur  d'un  pied  &  demi, 
fondes  &  farineufes.  Ses  fieurs  font  compofées  chacune  de  fix  feuilles 
inégales,  blanches  &  purpurines,  dont  la  fixieme  qui  eft  \q  ncclarium y 
eft  creufe  &  a  une  lèvre  ovale.  Le  calice  devient  un  fruit  triangulaire 
&  rempli  de  femences  femblables  à  de  la  fciûre  de  bois.  L'elleborinç 
croît  aux  lieux  montagneux  &  ombrageux.  Elle  eft  apéritive.  M. 
Haller  obferve  qu'il  y  a  quatre  efpeces  d'elleborine  bien  différentes» 
piais  l'ufage  en  eft  inconnu  dans  la  médecine. 

EMBAUMEMENT.  Compofition  balfamique  qui  fert  à  con- 
ferver  les  cadavres.  Il  y  en  a  de  différentes  efpeces.  Foyc^  à  t  article 
Momie. 

EMBERIZA.  Nom  que  l'on  donne  à  Kortolan  jaune  &  au  traquei 

Jplcinc»  -  . 


Ê  M  B  Ê  M  Ë  5-^  î 

EMBRASEMENS  SOUTERRAINS.  Phénomène  dont  il  eft 
çarlé  à  l'article  Feu  foutcrrain ,  &c.  de  cet  Ouvrage.  L'on  préfume 
que  les  embrafemens  fouterrains  ne  fe  manifeftent  point  toujours  par 
des  effets  fenfibles  &  éclatans  ;  mais  qu'ils  agifTent  fouvent  paifible- 
ment  &  fans  produire  d'éruptions  dans  le  fein  de  la  terre.  Alors  les 
fubftances  bitumineufes  folides,  dit  M.  Rouelle,  peuvent  être  liqué- 
fiées j  diftiller  &  fuinter  à  travers  des  couches  de  la  terre  &  des 
pierres   mêmes.  De-là  les  naphtes ,  les  pétroles,  &c.  Voye^  Bitume. 

EMBRYON.  Ceft  le  nom  que  l'on  donne  au  fœtus  ou  plutôt  à 
l'animalcule  dont  l'accroiffement  commence  dans  la  matrice.  Quelques 
Auteurs  n'emploient  le  terme  ^embryon  que  pour  exprimer  les  rudi- 
mens  du  corps  d'un  animal,  renfermés  dans  un  œuf,  dont  la.  pla- 
centa n'a  pas  encore  jeté  des  racines ,  pour  l'implanter  dans  la 
matrice  :  voye^^  à  ^article  Homme.  Des  Auteurs  BotaniHes  donnent 
aufîi  le  nom  d'embryon  au  haut  du  piftil  où  eft  le  fruit.  Foye^^  à  Car" 
ticle  Plante  ,  le  mot  Etamine  ,  &c. 

ÉMÉ  ou  EMEU.  Voyei  Casoab.  «  ' 

'EME'KAXJ'DE ,  Jmaragdus^  Eft  une  pierre  précieufe,  diaphane  g 
refplendiiîante ,  d'une  couleur  verte,  plus  ou  moins  foncée,  &  plus 
ou  moins  amie  de  fœil  pendant  le  jour;  car  aux  lumières  elle  paroît 
noirâtre.  Sa  criftallifation  naturelle  eft  d'une  figure  indéterminée  ^ 
cylindrique  ou  cubique,  tantôt  prifmatique  triangulaire  ou  quadran- 
gulaire  :  elle  eft  plus  communément  en  canons  tronqués ,  dont  les 
côtés  font  inégaux  &  les  angles  obtus.  Elle  a  pour  matrice ,  ou  îe 
quartz,  ou  le  criftal ,  quelquefois  le  fpath  fufîble ,  coloré  en  vert.  On 
donne  à  ces  matrices  pierreufes  &  verdâtres ,  le  nom  de  prafe  ou  de 
men  d'émeraude  :  elles  font  trop  tendres ,  trop  gercées  &  trop  inéga-= 
lement  colorées  pour  qu'on  en  faffe  cas. 

L'émeraude  tient  le  cinquième  rang  dans  les  pierres  précieufes,  eu 
égard  à  la  dureté,  la  lime  a  un  peu  de  prlfe  fur  elle;  cependant  elle 
reçoit  un  poli  vif  &  des  plus  éclatans. L'émeraude  réfifte  long- temps  au 
feu  ordinaire,  fans  que  fa  couleur,  que  l'on  foupçonne  être  due  au 
fer  &  au  cuivre ,  s'altère  :  néanmoins  un  feu  violent  &  continu  en 
dégage  la  couleur  fous  la  forme  o'une  vapeur  verdâtre  &  bleuâtre, 
alors  la  pierre  refte  fans  couleur,  &  fe  détn:it  fouvent  dans  l'adion 
du  feu.  Si  en  fe  contente  de  chauffer  l'émeraude  fortement  dans  le' 
feu  5  jufqu'à  rougir  ^  elle  y  deviendra  bleue ,  enfuite  phofphorique 


^■pz  ■  ï!  M  E 

(dans  l'obrcurlté  ;  mais  elle  ne  garde  cette  couleur  &  fa  propriété 
^occikique  qu'autant  qu'elle  eft  pénétrée  par  le  feu  ,  puifqu  en  le 
j-efroidiflant  elle  reprend  fa  première  couleur  naturelle. 

L'émeraude  d'un  vert  avivé ,  d'une  belle  eau ,  bien  rayonnante  &: 
la  plus  dure ,  eft  regardée  par  les  Joailliers  comme  orientale  &  de 
vieille  roche.  Les  Arabes  appellent  cette  émeraude  lamarut  ;  les  Per- 
jfans,  les  Indiens,  pachée.  On  en  trouve  de  grolTes  comme  le  pouce 
dans  les  Indes  Orientales ,  ^  près  de  la  ville  d'Afuan  en  Egypte  ; 
ornais  elles  font  très-rares. 

On  donne  le  nom  à'émeraude  Occidentale  à  celle  dant  la  couleur  efl: 
|)Ius  délayée,  c eft- à-dire  ,  d'un  vert  clair  &  agréable  à  la  vue.  Elles 
rayqnnent  moins  que  les  Orientales  :  elles  viennent  du  Pérou  &  de 
.Carthagene,  dans  la  vallée  de  Manta  ,  dépendante  de  Porto -Viéjo  , 
d'oii  on  en  apporta  une  quantité  prodigieufe  lors  de  la  conquête  de 
.ces  pays  par  les  Efpagnols,  &  parmi  lefquelles  on  en  trouva  beau- 
coup qui  étoient  Orientales.  Depuis  que  la  mine  de  Manta  eft  épuiféo 
mi  perdue ,  on  ^  trouvé  d'autres  mines  d'émeraudes  en  Amérique  ; 
elles  font  fituées  dans  la  vallée  de  Tunca  ou  Tomana ,  allez  près  de 
la  nouvelle  Carthage ,  ,&  entre  les  montagnes  de  Grenade  &  de 
Popayan ;  c'eft  de-là  qu'on  en  tranfporte  à  Carthagene  une  fi  grande 
quantité  tous  les  ans.  Il  y  a  aufli  des  émeraudes  dans  le  Bréfil,  qui 
font  d'un  vert  foncé  &  d'une  très-belle  eau.  Leur  criftallifation  eft 
.en  canons  ou  prifmes  à  fîx  ou  huit  pans ,  dont  quelques-uns  rentrent 
Couvent  en  façon  de  gouttière,  &  fe  terminent,  lorfqu'ils  font  entiers, 
par  une  pyramide  triangulaire  afTez  obtufe.  Ces  émeraudes  ont  pour 
^^atrlce  un  quartz  blanc,  plus  ou  moins  tranfparent,  dans  lequel 
£lles  font  comme  encaftrées. 

Les  émeraudes  bâtardes  font  très-tendres ,  nullement  rayonnantes  , 
^  très-peu  eftimées.  On  en  trouve  dont  la  couleur  verte  eft  mêlée 
de  jaune  légèrement  bruni;  alors  on  nomme  cette  pmeraude  péridot; 
ipolie  à  facettes,  elle  produit  affez  fouvent  les  mêmes  phénomènes 
que  la  tourmaline.  Voyez  ce  mot.  A  l'égard  des  émeraudes  de  Car- 
thagene, connues  fous  le  nom  de  negres-cartes  ou  morillons,  ce  font, 
pour  le  plus  fouvent,  des  criftaux  décaèdres,  formés  de  deux  pyra- 
mides quadrilatères:,  jointes  bafe  à  bafe,  dont  les  fommets  oppofés 
font  tronqués  &  terminés  par  un  plan  redangle  ou  carré  long. 

La  plupart  des  émeraudes  que  l'on  trouve  chez  les  Droguiftes, 

comm^ 


É  M  E  s 93 

comme  faifant  partie  des  cinq  fragmens  pre'cieux  pour  Tufage  médi- 
cinal, ne  font  que  des  fluors,-  des  fpaths  fufibles,  verdâtres ,  que  l'on 
rencontre  dans  le  Bourbonnois  &  dans  l'Auvergne.  Ces  faufies  éme- 
raudes'ne  font  ni  plus  ni  moins  falutaires  au  corps  humain  que  les 
émeraudes  fines:  l'une  &  l'autre  ne  font  que  des  vers  naturels  qui  ne 
font  pas  rares,  &  même  en  très-gros  morceaux.  Cétoit  vraifembla- 
blement  un  fpath  fufible  émeraudé,  qu'un  Roi  de  Babylone  préfenta 
au  Roi  d'Egypte  fous  le  nom  ^émeraudé.  :  elle  étoit  longue  de  quatre 
coudées  &  large  de  trois.  Tel  pouvoit  être  encore  ce  fameux  obélif- 
que  d'Egypte ,  compofé  de  quatre  émeraudes  ,  qui  avoient  quarante 
coudées  de  haut,  quatre  de  large  en  quelques  endroits,  &  deux  dans 
d'autres.  Il  efi:  impoiîïîble  qu'il  y  ait  jamais  eu  des  émeraudes  de  cette 
grandeur.  On  conferve  dans  le  tréfor  de  la  cathédrale  de  Gènes  , 
depuis  plus  de  fix  cents  ans ,  une  jatte  hexagone  d'émeraude  d'un 
beau  vert;  fon  grand  diamètre  a  quatorze  pouces  &  demi  :  fa  hau- 
teur efl:  de  cinq  pouces  neuf  lignes,  &  fon  épaifieur  de  trois  lignes. 
Ce  monument  eft  gardé  fous  pluOeurs  clefs  ,  dépofées  en  diverfes 
mains.  On  ne  le  montre  au  Public  que  rarement  &  qu'en  vertu  d'un 
décret  du  Sénat  :  le  vafe  foutenu  par  un  cordon  pailé  dans  les  deux 
anfes  &  fufpendu  au  cou  du  Prêtre  prépofé  pour  l'expofition,  ne 
fort  point  de  fes  mains.  Il  eft  défendu  par  un  ancien  décret,  du  24. 
Mai  1476  ,  fous  de  grieves  peines  ,  de  toucher  ni  d'approcher  de 
trop  près  du  facré  plat,  (  il  facro  catino  di  fmsraldo  orkntak  ^  pag, 
5'2.  )  L'hifioire  nous  apprend  que  ce  vafe  fut  engagé  par  un  Siège 
de  Gènes,  l'an  1319,  au  Cardinal  Luc  de  Fiefque  pour  une  fomme 
de  douze  cents  marcs  d'or  ,  &  que  cette  fomme  fut  acquittée  ic  le 
gage  retiré  douze  ans  après.  M.  d&  la  Condàmine  qui  a  eu  occasion 
de  voir  cette  émeraudé,  dit  qu'elle  eft  exe^îTi|:ièè:.de  glaces,  de  nuages, 
mais  qu'il  s'y  trouve  plufieurs  petits  vides  ^fe.mblables  à  des  bulles 
d'air.  En  1726  il  parut  à  Gènes  un  QuPiîrage-  tjui  tend  à  prouver 
que  ce  vafe  précieux  fut  préfenté.^  Salomon  'pa'r- $aba  j  &  que  ce 
fut  le  plat  dans  lequel  on  fervit  rÂgpéa'u  Pafcal  à  Taû^ufte  Cène  de 
Jefus-Chrift,  la  veille  de  fa  paftîon:,  \ 

Les  émeraudes  fines  ont  une  valeur  péfu  conftante  dans  le  com- 
merce des  Lapidaires;  tout  dépend  de  la  grandeur  &  épaifTeur  de  Ja 
pierre,  de  fon  beau  vert  de  prairie,  exempt  de  taches,  ou  onglets. 
Les  Anciens  diftingu oient  douze  fortes  d'émeraudes  par  les  intenfîtés 

Tome  II.  Ffff 


55)4  É  M  E 

des  couleurs  ;  &  ils  avoient  tant  d'eftime  pour  cette  pierre ,  qu'il 
étoit  expreiïement  défendu  de  rien  graver  deflus.  Les  trois  plus  belles 
efpeces  étoient  la  Scythhnne  ,  la  Baclrknne  &  VEgyptienne.  On  Ta 
appellée  par  la  fuite  pierre  de  Domitien  &  de  Néron.  Celles  d'entre  les 
émeraudes  qui  étoient  entièrement  opaques  &  d'une  grofleur  énorme, 
n'étoient  que  des  jafpes  verts,  &  rarement  à^s  criftaux;  en  un  mot 
des  émeraudes  bâtardes  ou  faufTes ,  comme  il  eft  dit  ci-deiTus, 

Plufieurs  Hifloriens,  entr'autres  ïlnca  GarciLijjb  de  la  Fega,  font 
mention  de  la  déejfe  êmeraude»  Cet  Auteur  dit  que  les  peuples  de  la 
vallée  de  Manta  au  Pérou  adorolent  une  émeraude  groflfe  comme  un 
ceuf  d'autruche  :  on  la  montroit  les  jours  de  grandes  fêtes  ;  &  les 
Indiens  accouroient  de  toutes  parts  pour  voir  leur  déefTe ,  &  pour 
lui  offrir  des  émeraudes.  Les  Prêtres  &  les  Caciques  donnoient  à 
entendre  que  la  déefle  émeraude  étoient  bien  aife  qu'on  lui  préfentàt 
&  confacrât  fes  filles  à  fon  culte;  &  par  ce  moyen  ils  en  amaiTerent 
une  grande  quantité.  Les  Efpagnols ,  dans  le  temps  de  la  conquête 
du  Pérou,  trouvèrent  toutes  les  filles  de  la  déefie ,  mais  les  Prêtres 
cachèrent  fi  bien  la  mère  qu'on  n'a  jamais  pu  favoir  où  elle  étoit. 
D.  Alvarado  &  fes  compagnons  briferent  la  plus  grande  partie  des 
émeraudes  fur  des  enclumes ,  parce  qu'ils  croyoient  que  fi  elles 
étoient  fines ,  elles  ne  dévoient  pas  fe  cafler.  La  mine  d'où  l'on  tiroit 
ces  émeraudes ,  &  qui  a  donné  le  nom  à  la  Province  d'Zfmeraldas 
au  N.  N.  O.  de  Quito,  eft  perdue  aulTi  ;  on  ne  fait  pas  à  Puerto 
Viejo,  à  quelques  lieues  de  la  côte  du  Pérou,  à  un  degré  de  lati- 
tude Sud ,  d'où  étoit  îtirée  l'émeraude  que  l'on  adoroit. 

ÉMERAUDINE.  Al«-  DcUuie  décrit  cet  infede  coléoptere ,  qui 
eft  du  genre  des  fcarabées,  &  que  fa  couleur  a  fait  regarder  comme 
une  efpece  de  cantharide,  Il.eft  affez  large  pour  fa  longueur  ,  d'un  vert 
doré,  luifant  par-defTus^  &  d'une  couleur  de  cuivre  rouge  poli  par- 
defifous.  On  le,  troi^ve  vfuf  les  fleurs.  Sa  larve  eft  un  ver  hexapode 
(  à  fix  pieds.},;;  4û.i.  rongé'  l^s.  racines  des  arbres  èc  des  plantes, 
L'émerauûine  eft,agréabl4';à',f^>i.r,  à  caufe  de  {qs  belles  couleurs. 

ÉM^IL;  fmyris  q{Ï  la 'pkis'':dur«;j  la  plus  ingrate,  la  plus  ftérile 
miire  de"  f^f^'-Si  l'une  des  plus  réfradaires  &  des  plus  voraces.  Foyc^fa 
defcripùon  à  l^ article  F.Efi, 

ÉMERILLON  ,  ASALÔN  ,  accipiter  ,  cefalon.  On  donne  ce  nom 
au  plus  petit  des  oifeauxde  proie;  il  eft  paflager,  le  plus  léger  &  le 


É  M  E  S9^ 

plus  vite  de  tous  les  oifeaux  de  chafTs.  Il  eft  de  la  groflfeur  d'un 
merle.  Sa  tête  &  le  deflbus  de  fon  corps  font  bigarrés ,  &  de  même 
couleur  que  le  faucon  :  le  bec  &  les  ferres  font  noirs.  Il  a  le  tour  du 
bec,  celui  des  yeux,  les  jambes  &  les  pattes  fort  jaunes.  Cet  oifeau. 
eft  vif,  hardi  :  c'eft  un  plaifir  de  voir  fon  courage  à  la  pourfuite  des 
oifeaux  qu'il  attaque  pour  en  faire  fa  proie.  Il  tue  les  perdrix  en  les 
frappant  de  fon  bec  fur  la  tête,  &  fon  coup  eft  fait  en  un  inftant. 
Cet  oifeau  eft  toujours  en  adion  :  c'eft  le  feul  des  oifeaux  de  proie 
dont  on  ait  peine  à  diftinguer  le  mâle  d'avec  la  femelle  ,  étant  de 
même  groffeur.  L'émerillon  eft  un  des  animaux  qu'il  étoit  défendu 
aux  Juifs  de  manger. 

Les  Habitans  des  îles  Antilles  ont  un  émerillon  qu'ils  nomment 
ë'''^'ë^y  r>  2L  caufe  du  cri  qu'il  fait  &  qui  exprime  ces  deux  fyllabes. 
Il  eft  plus  petit  que  le  nôtre,  &  ne  fait  la  chaffe  qu'aux  petits  lézards 
&  aux  fauterelles  qui  font  fur  les  arbres,  quelquefois  aux  petits  pou- 
lets nouvellement  éclos. 

M.  de  Bufon  diftingue  deux  efpeces  d'émerillon  ;  l'un  Vémcnllon 
des- Naturaliftes,  qui  eft  celui  que  nous  avons  décrit,  &  qui  lui 
paroît  fe  rapprocher  beaucoup  plus  de  l'efpece  de  la  cnffercHe  ;  l'autre 
efpece  d'émerillon  eft  Vémerillon  des  Fauconniers ,  qui  ,  quoique 
très-voifine  du  faucon  par  le  courage  &  le  naturel ,  reifemble  néan- 
moins plus  au  hobereau  par  la  figure ,  &  encore  plus  au  rochur.  Le 
caradere  qui  le  diftingue  du  hobereau,  eft  d'avoir  les  aîles  beaucoup 
plus  courtes  ;  elles  ne  s'étendent  point  à  beaucoup  près  jufqu'à  l'extré- 
mité de  la  queue;  au  lieu  que  celles  du  hobereau^  s étQndQUt  un  peu  au- 
delà  de  cette  extrémité.  L'émerillon  s'éloignet;ide  l'efpece  du  faucon 
&:  de  celle  de  tous  les  autres  oifeaux  de  proî^-,  par  un  attribut  qui 
le  rapproche  de  la  clafTe  commune  des  autres^,  oifeaux  ,  c'eft  que  le 
mâle  &  la  femelle  font  dans  l'émerillon ,,. de  jk-- même  grandeur;  au 
lieu  que  dans  tous  les  autres  oifeaux  de^pfâieN-Ié-.mâlè.  eft  bien  plus 
petit  que  la  femelle.  D'où  peut  venir  cette 'dffféi'^oceconftarite  de 
groiîeur  entre  le  mâle  &  la  femelle  ?J'^i-tfb.uyé/ dit '.^^  Bnfon  , 
eu  comparant  les  paflages  de  œux  'qîii^'oftt' diflequé  .:Ge^  ;  oiie'aj.ix  ,de 
proie,  qu'il  y  a  dans  la  plupart  .des. fejfn elles  û^-.dmJiblo\içkcum  ?tffQZ 
gros  &  affez  étendu  ;  tandis  que  dàn^' lés  mâles  il  n'y. a  qu'un  cœcww, 
&  quelquefois  point  du  tout.  Cette  différence  de  conformation. .inté- 
rieure, qui  fe  trouve  toujours  en  plus  dans  les  femelles,  eft-.Beut-être 


5p<r  E  M  E  Ë  M  P 

la  vraie  caufe  phyfique  de  leur  excès  en  grandeur. 

Les  oifeaux  connus  fons  le  nom  ^émerUlon  d'Europe  ,  ^cmerillon  de 
la  Caroline  ou  de  Caycnne^  &  ^cmerïLlon  de  Saint-Domingue  ou  dts 
Antillis  ,  ne  paroifîent  à  notre  Auteur  qu'une  variété  dans  l'efpece  de 
la  crejfe relie. 

EiMERUS    ou    SECURIDACA.   Foye^  à  Li  fin   de   Vanide  SÉNÉ. 

ÉMEU  ou  EME.  Ce  nom  a  été  donné  à  deux  oifeaux  différens, 
au  touyoîi  &  au  cafoar.  Voyez  ces  mots. 

EMGALO.  Efpece  de  cochon  fauvage  &  extraordinaire  de  la  Baflfe- 
Ethiopie,  qui  a  deux  terribles  défenfes  dans  la  gueule.  Les  Portu- 
gais font  un  cas  lingulier  de  la  râpure  de  fes  dents:  ils  en  mettent 
dans  leurs  bouillons  pour  les  rendre  alexipharmaques  ou  fébrifuges. 
Dapper  dit  que  quand  cet  animal  fe  fent  malade,  il  lime  fes  dents 
contre  une  pierre ,  &  qu'il  lèche  auffi-tôt  cette  râpure  pour  fe 
guérir  L'emgaloneferoit-il  pas  le  bwbi-roiijja  ?  Voyez  Barbi-Roussa.. 

EMÎSOLE,  gaUus  lavis.  Elpece  de  chien  de  mer  dont  les  mâchoires 
■ne  font  point  garnies  de  dents ,  mais  feulement  âpres  &  rudes.  Pour 
les  ouies,  la  figure  &  les  nageoires,  &c.  il  reJlemble  aflez  au  chicTt 
de  mer  appelle  aguillat.  L'éraifole  n'a  cependant  point  d'aiguillons.  Son 
mufeau  eft  plus  long,  plus  large;  mais  l'ouverture  de  la  bouche  plus 
étroite  que  chez  laguillat.  lia  des  trous  au-devant  ce  la  bouche,  à 
la  place  des  narineç:i,;&  d'autres  plus  petits  derrière  les  yeux.  Sa. 
queue  eft  compofée  de  trois  nageoires.  On  en  trouve  une  def- 
cription  anatomique  dans  les  Ades  de  Coppenhague  ,  tome  IF  ^ 
page  282,  .^,|^_ 

ÉMÎTES.  Pierre  tl^dre  &  blanche  dont  les  Anciens  ont  parlé. 
C'eft  une  aUbaflrite,  ^,o"yez  ce  mot. 

EMOUCHÊT  o.ii.'JîOUCHET.  Oifeau  de  proie  qui  eft  le  tiercelet 
ou  mâle  de  reWrv/V  ,,q';i,n^  vaut  rien  pour  la  chaffb  du  vol:  il 
n'y  a  que  ■  là.feiïléll^  i^ij^:  r.çin  emploie  à  cet  ufiige.  Foyei  au  mot 
Êperviee. 

EMPAKASiSÊ.kr  IMPÀNCSUE^ZE.  Ceft  le  nom  qu'on  donne 

dans  ^•pa^'s  4^  Cong(*-i)Bi' ..'d'Angola  à  des  efpcces  de  vaches    fau- 

^yagés,  Idoft^ila' cpiU-euf/ 4ti  J^ii  èft ',<S:a  rouge  ou  noire,    ou  cendrée, 

^On  préten4-^ue\cet  anirïtôl  ru       comme,  le  lion,   &  qu'il  reiïemble 

un  peu  au  bufHe  pour  la  fig*uré  3^  les  mœurs.  Il   eft  d'une  légèreté 

extrêxriè,  à  la  eourfe,  La  chaflTe  en  eft  trcs-dangereufe,  car  s'il  fe  fent 


E  M  P    '  ^91 

bîeffé,  il  fait  face  au  ChafTeur,  l'attaque  furieufement ,  &  le  tue  s'il 
ne  trouve  un  arbre  pour  afïle.  Cet  animal  a  toujours  de  l'inimitié 
pour  les  Chafleurs  ;  car  s'il  en  furprend  quelqu'un ,  il  le  frappe  de 
fon  mufeau ,  parce  qu'il  ne  peut  fe  fervir  de  fes  cornes  ;  il  Is  foule 
aux  pieds,  &  ne  le  quitte  que  mort  ou  mourant.  Lorfque  cet  animal 
n"eft  point  attaqué,  il  regarde  les  paflans  non  armés  d'un  œil  fixe, 
mais  fans  leur  nuire.  L'empakafîe  a  les  cornes  &  les  oreilles  d'une 
longueur  exceffive,  les  cornes  un  peu  femblables  à  celles  du  bouc, 
unies  ,  luifantes  &  tirant  fur  ie  noir.  Les  Nègres  en  font  quantité  de  petits 
uftenfîles  &  de  parures,  miêmes  des  inflrumens  de  mufique.  On  tranf- 
porte  en  Portugal  la  peau  de  ces  animaux,  &  Aq-M  dans  les  Pays- 
Bas  cù  l'on  en  fait  des  corfelets  &  des  plafoons;  les  habitans  s'en 
fervent  pour  leurs  excellentes  targettes  ,  mais  ils  n'ont  point  l'art  de 
le:  préparer. 

Des  Voyageurs  atteftent  qu'une  vache  ordinaire  meurt  à  Tinflant, 
fi  elle  paît  dans  I3  même  pâturage  qu'un  empakafie,  ou  même  qu'un 
buffle;  d'oii  l'on  pourroit  conclure  que  l'haleine  de  ces  animaux  eft 
un  poifon  pour  les  autres  befliaux  La  femelle  de  l'empakaife  eft  l'im- 
panguezze  des  iNaturaliftes  :  l'un  &  l'autre  fe  tiennent  compagnie 
fidelJement.  Leur  chair,  quoique  grofliere  &  glaireufe,  eft  cependant 
nourriffante,  les  efcîaves  en  mangent  volontiers  &  la  trouvent  de  bon 
goût  :  après  l'avoir  coupée  en  pièces ,  ils  la  font  fécher  au  foleil.  La 
moelle  qui  fe  tire  de  leurs  os  eft,  dit-on  ,  un  remède  infaillible  pour  les 
humeurs  froides  &  les  tranchées. 

LMFALANGA.  Animal  quadrupède  &:  cornu  du  Pays  du  Ben  • 
guela,  dont  le  corps  tient  de  la  mule,  &  la  ^te  du  bœuf  fauvage  : 
ies  cornes  font  larges  &  tortueufes.  On  jug^-;:de  fâge  de  cet  animal 
au  nombre  des  entrelaçures  des  cornes._  L'enipalanga  n'habite  que  les 
forêts  ;  mais  on  l'a  retiré  des  mains  de  Va  ça^e .  pour,  le  civilifer  & 
l'aflervir  au  joug  du  labourage  &  d'autres Jti'yàcéY.eg^î^ftient  impor- 
tans.  On  man^re  fa  chair.  La  peau  tfe^'^fôn' côu" 'efl-i  d'un  fort  bon 
ufage  pour  les  femelles  de  fouliers.  Ne^^|fè^irroit-6n  ^^s- foupçonner 
que  VdTî^palunga ,  VempukajJ&^Vimparî^i^p'ivint.àii^s  vari^és'^ dà>l> i/o n ? 
.Voyez  ce  mot.  .'',..       .-  ■•     ; 

EMPEREUR,  gladius.  Eft  un  grand  pc^iSbn'  fans  d,enb,  dont  lé^ 
mufeau  eft  fait  en  épée  ou  en  couteau.  Il  a  huit  ouies  fi,i:  chaque 
côté  j  le  corps  eft  rond,  Il  eft  connu  dans  TArchipel  &  dans.;^Ia  mer 


^p8  E  M  P 

d'Afrique.  Les  uns  l'appellent  épée  de  mer,  d'autres  efpadon.  Voyez  ces 
mots  à  la  fuite  de  l'article  Baleine. 

EMPEREUR,  imperator.  Quelques  Infedologiftes  donnent  ce  nom 
à  une  efpece  de  papillon  des  jardins ,  dont  la  couleur  des  ailes  eft 
admirable.  Il  a  quatre  pieds  :  des  ailes  rondes  &  dentelées  ,  de  cou- 
leur tirant  fur  le  roux,  tacheté  de  noir,  &  defTus  des  lignes  argentées 
avec  des  lignes  noirâtres  qui  traverfent. 

EMPEREUR.  Efl:  un  ferpent  de  Guadalafare  dans  le  Mexique  , 
très-connu  des  Naturaliftes.  L'habillement  de  cet  animal  eft  éclatant 
&  magnifique.  Ses  écailles  blanchâtres  font  délicatement  taillées  & 
relevées  d'une  belle  marbrure  de  taches  noires  qui  repréfentent  comme 
des  armoiries  ;  toutes  fes  autres  écailles  font  ornées  de  points  noirâ- 
tres ou  d'efpeces  de  nuages  de  différentes  couleurs.  Sa  tête  ne  le 
cède  point  en  coloris  &  en  magnificence  aux  autres  parties  du  corps. 
Sa  gueule  eft  toute  garnie  de  dents  pointues.  Les  écailles  du  ventre 
font  légèrement  tiquetées  de  taches  &  de  points  noirs.  Sa  queue  finit 
en  une  pointe  très-fine  &  dure.  Ses  tefticules  font  très-remarquables 
dans  la  planche  oli  Séba  le  repréfente. 

L'Auteur  du  Dicllonnairc  des  animaux  dit  que  les  Mexicains  appel- 
lent auflî  ce  reptile,  devin  o\.\  ferpent  qui  prifage  les  chofes  à  venir.  Ils 
prétendent  que  lorfqu'ils  font  menacées  de  tempêtes ,  de  grandes  ma- 
ladies, de  peftes  &  .d'autres  pareils  malheurs,  ce  ferpent  les  annonce 
par  des  fifflemens  fïnguliers  qui  font  aflembler  plufieurs  autres  efpeces 
de  ferpens.  Quand  les  Payfans  entendent  les  cris  aigus  &  diflbnans 
de  ces  reptiles,  ils  en  font  extrêmement  alarmés,  s'attendant  à  toutes 
fortes  de  malheurs;  Bè'^rendent  par  crainte  un  culte  &  des  honneurs 
a  ces  ferpens,  comméV^ip.'ués  d'un  génie  prophétique  par  lequel  ils 
peuvent  avertir  à  tegi"^s4esJiommes  des  maux  futurs. 

EMPREINTE%i^^/i/^i.-  Les  Lithologiftes  donnent  ce  nom  à  des 
pierres  qui\pt)rÇen^;'^e^ïlfl%{ltedifi;inâ:e  de  végétaux  ou  d'animaux, 
foit  en  totit,-}loîr-9i;i;'partïë,.^^^^  compte  de  plufieurs  efpeces  dans 

l'uft -^  rautr««d^  -tes.  deu^'-regnÊs. 

;;; -Cieif^^ôô  i^OXmal  préfeiitQ-.dçi;feçippintes  de  madrépores,  d'infcâ:es, 
-  tie  coquilles' de' •tÔiJt<qi~efpéG£s7  (je.  crufiâcées ,  de  poifTons ,  d'amphi- 
bies, d'oifeaux^  de  quadrupèdes ,   même  d'homm^es  &  d'efpeces  de 
zoophites,  . 

Gn  reconnoît  dans  les   empreintes  végétales,  des  capillaires,  des 


E  M  P  ^pp 

moufles ,  des  chiendents,  des  bruyères,  des  tuyaux  de  plantes,  des 
feuilles  d'arbres,  des  graines,  des  filiques  &  épis,  &  autres  fruits.  Les 
Lithographes  inftruits  décident,  au  premier  coup  dœil,  la  différence 
qu'il  y  a  entre  l'origine  des  dendrites  &  celle'des  empreintes;  ils 
fuivent  dans  la  diftribution  des  variétés  qui  fe^  trouvent  dans  les 
empreintes  dont  nous  venons  de  parler ,  le  même  ordre  que  les  Bota- 
niftes  ont  établi  dans  les  clafles  des  plantes  vivantes. 

Que  le  déluge  univerfel ,  ou  quelqu'éboulement  particulier  des 
terres  foient  la  caufe  primordiale  de  ce  phénomène,  il  n'en  eft  pas 
moins  permis  de  croire,  que  des  parties  végétales  ou  animales  ont 
été  imprimées  fur  de  la  pierre  encore  molle  ,  ou  enfermées  acciden- 
tellement dans  des  terres  argileufes  d'abord  diffoutes,  mais  qui  fe  font 
enfuite  endurcies  par  le  laps  du  temps,  à  la  manière  des  ardoifes. 
Ces  pierres  encore  molles ,  ont  reçu  facilement  lempreinte  parfaite  , 
&  en  creux,  de  la  plante  ou  de  quelqu'une  de  fes  parties,  &  qui 
ordinairem.ent  s'eft  détruite  enfuite;  comme  elles  ont  laiflé  vide  l'efpace 
qu'elles  occupoient ,  on  en  peut  encore  difcerner  l'efpece  fur  ces 
pierres,  aux  traits  évidens  &  relatifs,  tant  de  la  ftrudure  que  de  la 
grandeur  naturelle  de  la  plante. 

Toutes  les  empreintes  végétales,  &  prefque  toutes  les  animales  fe 
trouvent  dans  des  pierres  feuilletées ,  dans  des  fchiftes ,  dans  de  l'ar- 
doile  voiline  des  charbonnières.  Celles  que  nous.lrouvons  en  Europe 
font  à  des  profondeurs  aflez  confidérables ,  &  font,  pour  l'ordinaire  , 
exotiques,  c'eft-à-dire  ,  qu'elles  ont  leur  analogue  en  Afie  ou  en  Amé- 
rique. C'eft  ainli  que  M.  de  Ju£îeu  a  trouvé:  dans  la  carrière  fcbif* 
teufe  le  loner  de  la  petite  rivière  de  Giez  à  la-IÉ^te  de  S.  Chaumont 
en  Lyonnois ,  l'empreinte  du  truit  de  X arbt&,:^^^}  Tout  autre  Bota- 
nifte  que  lui  auroit  cru  herborifer  dans  ua  aou veau  monde.  Voyez 
Arbre,  t rifle.  *.-:  " 

Dans  notre  Litholifation  publique  de'-j^^jJÎÇ^ao^s  ,"avQns  trouvé, 
dans  un  des  lits  glaifeux  de  la  carrière  '^^.^pnt'àr^bre;  près' de  Faris , 
une  Innchiu  étrangère  qui  étoit  en  nature.'&^très-b'rjen^jconferveè^à  la 
couleur  près.  Nous  avons  encore tratrv^-iclàï^Siiriedêk^iCÎia^^^ 
de  Bretagne,  à  plus  de  trois  cents  &,  fèptvîc'éhts ^ieds  de  profondeur, 
pkifieurs  empreintes  de  la  fougère  ab.rpffèau  qui  végète  en  Chine  & 
en  Amérique.  Nous  confervons  cès  morceaux  rares  dans  notre 
Cabinet» 


<?oo  -     •■       E  N  C 

La  régularité  de  prefque  toutes  les  empreintes  comparées  avec 
leurs  analogues  vivans-,  fait  prcfumer  que  ces  plantes  ont  dû  nager 
dans  une  eau  limoneufe  5  fort  épaifle,  dont  la  terre  s'eft  précipitée 
deflus  &  a  pris  l'empreinte.  Une  autre  fingularité  ,  c'efl  que  les  em- 
preintes qui  fe  trouvent  à  peu  de  profondeur,  portent  communément 
des  marques  du  pays  où  elles  fe  trouvent.  Au  refte  ces  empreintes 
plus  ou  moins  parfaites  &  trouvées  à  des  profondeurs  plus  ou  moins 
confidérablcs  font  toutes  des  monumens  des  révolutions  arrivées  à  la 
furface  de  notre  globe.  Foyc^  Dendkites,  Jeux-de  j.a  Nature  & 
Pierres  figurées. 

EMPYREE.  Nom  que  /on  donne  quelquefois  à  la  partie  la  plus 
élevée  des  Cieux.  M.  Dcrham  a  cru  que  les  taches  qu'on  apperçoit 
dans  certaines  confteilations,  font  des  trous  du  firmament  à  travers 
defqusis  on  voit  l'empyrée:  mais  cette  idée  eft  aufli  extraordinaire  que 
bizarre.  Voyei  Etoiles  à  la  fuiu  du  mot  Planète,  Foy^^  aujjî  Us 
mots  Ciel,  Constellation  &  Firmament. 

ENCARDITES  ,  encardia.  Des  Naturalises  donnent  ce  nom  à 
des  coquilles  folTîles  ,  bivalves ,  &  qui  congénerent  ou  aux  cœurs 
appelles  boucarditis  ,  ou  à  des  noyaux  de  midùvalvcs  foJJiUs  &  congé- 
nères aux  ourfîns. 

ENCENS.  Voyci  Oliban. 

ENCENS  BLAîîiC  &  MARBRÉ".  Foyei  aux  artlcUs  Pin  &  Sapin. 

ENCENS  D'EAtJ.   Voye?^  Persil  de  marais. 

ENCENS  DES  ;'lNDES  ou  DE  MOKA.  Ceft  l'encens  en  mafTe 
&  mal-propre.         '    »-^' 

ENCENS  DE.T^'RÎNGE.  Nom  donné  à  la  réflne  que  four- 
nlfient  les  pins  de  Xk&^fnge,  &  fur-tout  du  territoire  de  Saxe  qui 
abonde  en  forêts  d,^:6<^fjprtes  d'arbres.  Les  fourmis  fauvages  en  reti- 
rent de  petitajg'rç^m^u*  -nu'elles  enfouififent  dans  la  terre  quelquefois 
jufqu'à  quatik^pîô^Sfd.  ^:^p:fiiç^^x '.  là  cette  poix  fe  réduit  en  maffs; 
on  la  tirç  ^fïiiiit&,dj  t^rê- par  gros  morceaux,  &  c'eft  ce  qu'on 
appelle  ehcen's'.:-d&'''-3^himn^^,'    ' -■'' 

ENCliElÏALOID'K,:iV4^//.^///:c5»  On  donne  ce  nom  à  des  adroïtes 
ou  à  des :<rofU//ûâ^^y^/'cîT.  forrie  dç  champignon  ondulé,  approchant 
du  cerveau  di'l^ipîune:  'V'ôy^ei'MEAJSIDRÏTES, 

ENCHOiX.  >by^î  lÀNdHbis: 

ENCpUBERT.  Ceft  le  tatou  à  fix  bandes.  Voye^  à  tartîde  k^mp.- 
dille.  ENCRÎNITES. 


E  N  C  E  N  H  <5'o  ï 

ENCRINITES.  royei  à  rartîcU  Palmier  marin. 

ENCRINUS.    Foyci  LiLiUM   lapideum  ,    &    fartlcU    Palmier 

MARIN. 

ENDIVE.  Foyei  au  mot  Chicorée. 

ENDORMIE.  Nom  donné  au  datura  [îramonîum*  Ceft  la  pomme 
épineuse.  Foyei  ce  mot, 

ENFANT.  Foye:(^  à  la  fuite  de  ^article  Homme. 

ENFANT  EN  MAILLOT.  Des  Conchyliologiftes  donnent  ce 
nom  à  une  efpece  de  coquillage  de  la  clafTe  des  univalves  &  de  la 
famille  des  vis.  Voyez  Vis. 

ENFLE-BCEUF.  Eft  un  nom  donné  par  les  Bergers  à  un  faux 
profcarabée  carnafîier,  c'eft  un  buprefte,  dont  les  ailes  font  renfer- 
mées dans  des  étuis  de  couleur  d'or.  Cet  infeâe  eft  plus  long  que  la 
cantharide  :  fes  jambes  font  auflî  plus  longues  &  plus  groiTes.  Ses 
yeux  font  fort  enfoncés.  Il  fort  de  fon  front  deux  longues  cornes.  Sa 
tête  eft  petite  &  armée  de  dents  en  forme  de  tenailles ,  avec  lefquelles 
il  fait  des  morfures  cruelles.  Voyez  à  l'article  Buprefie, 

ENGRI.  Animal  de  la  baffe  Etiopie  ,  &  qu'on  croit  être  une  forte  de 
//g'/'^.  Voyez  ce  mot. 

Le  quadrupède  dont  il  s'agit  eft  d'autant  plus  particulier,  qu'il  n'atta- 
que jamais  les  hommes  blancs  ;  &  l'on  remarque  que  dans  l'inftant  où 
il  rencontre  un  Nègre  avec  un  Européen  ,  il  fe  jette  feulement  fur 
l'Ethiopien  :  c'eft  pourquoi  le  Roi  de  Congo ,  pour  dépeupler  fon  pays 
de  cette  forte  d'animaux  féroces  ,  met  leur  vie  à  prix,  &  fait  récompen* 
fer  celui  de  fes  fujets  qui ,  en  apportant  la  peau  d'un  engri,  donne  par- 
là  une  preuve  qu'il  l'a  tué .  Les  Ethiopiens  croient^*^  la  ch ^ ir  de  ce  qua- 
drupède eft  un  poifon  fi  fubtil ,  que  l'on  tombe-eti  phrénéfie  dès  qu'on, 
en  a  mangé.  -y^^  '.,.r.. 

ENHYDRE  ,  enhydrus.  On  donne  ce  nom  àtitiÉfcg^odîs-  remplie  d'eau. 
On  voit  dans  les  cabinets  de  quelques  Gurlçtihcrde^'eri^aux  de  roches  , 
ou  des  boules  d'agate  contenant  des  bùîle^d;*éa^  ,  dont  le  rnouvement 
eft  très -fenfible  à  la  vue  fimple,  lorfqu'ôn'jhcljtne- &  reîevè^trèsrdouce- 
ment  la  pierre.  On  voit  parmi  les  pi^rres-predeufes  dif  jCMïxnet  de 
Chantilly  un  criftal  d'améthyfte  quirjc'pçttient  unètrè^s'^j^ètite  buUe  d'eau. 
Foyei  GÉODE.  "'"-      '      '    '  '  '    ' 

Si  fa  forme  a  quelque  reflemblance  avec  les'  tefticules,  on  l'appelle 
inorchyte.  Son  nom  change  fuivant  le  nombre  d'attributs  de  ces  pierres 

Tome  II,  G  g  g  g 


€01  E  N  K  Ê  P    A 

figurées  :  font-elles  grouppées  deux  enfemble ,  c'eft  un  dïorchytt  :  lorf- 
qu'il  y  en  a  trois  ,  on  dit  triorchyte,  &c.  On  en  trouve  beaucoup  en  An- 
gleterre. On  en  rencontre  auili  près  de  Dax  en  France. 

ENKAFATRAHE.  Selon  Hubmr ,  Diciionn.  Unïv,  ceft  le  nom  d'un 
arbre  qui  fe  trouve  dans  l'île  de  Madagafcar  ,  dont  le  bois  eft  verdâtre 
&  rempli  de  veines.  On  dit  qu'il  répand  une  odeur  fort  agréable  ,  fem- 
blable  à  celle  de  la  rofe  ;  &  qu'en  Técrafant  fur  une  pierre  avec  de  l'eau  , 
&  appliquant  extérieurement  ce  mélange  f.ir  la  région  du  cœur  ou  fur 
la  poitrine  ,  c'eft  un  remède  fouverain  contre  les  foiblefî'es  &  palpita- 
tions. 

ENSADE.  C'eft  une  efpece  de  figuier  de  la  baffe  Ethiopie,  &  de  plu- 
fieurs  parties  des  Indes  Orientales  :  de  fes  branches  ou  rameaux  fortent 
des  paquets  ce  filamens  qui,  en  fe  courbant  julqu'à  terre,  y  prennent 
racine ,  &  poufîbnt  d'autres  troncs  dent  il  fe  forme  ainG  des  forets  en- 
tières. On  fait  des  étoiles  de  fon  écorce.  Foye:^  raniclc  Palétuvier. 

ENTGPilOLiTHES  ,  entomoi'uhi.  Sous  ce  nom  on  montre  dans  les 
Cabinets  des  Curieux ,  des  pierres  fciffiles  ou  fchifteufes  ,  dans  lefquelles 
on  remarque  les  empreintes  de  divers  infedes  ;  tels  que  dQsfcarabées^  des 
mouches. 

ENTRAILLES.  Nom  donné  aux  inteflins  ou  boyaux.  Quelquefois 
ce  mot  fe  prend  dans  un  fens  plus  général  ,  pour  tous  les  vifceres  y 
toutes  les  parties' çènfermées  dans  le  corps  de  l'homme  ou  d'une  béte. 

.    ENT?<OQ'UÉf,-y(r-:ei  à  raniclc  ?AL¥iIER  MARIN. 

ENVERGURE.  Met  qui  exprime  l'étendue  des  ailes  d'un  oifeau  qui 
vole.  Voyez  l'articïs'^.//'^;?//. 

ÉNULE  CAMPEE.  T^oyei  Aunée. 

ÊOUSE  ou  Y'^B  ou  CFiÊNE  VERT.  Foyei  ces  deux  dcrnurs 
mots.  .[■'-''  ftr'^^ 

ÉPAÇNEÙt;  "Éî^ti^'nètit  chien  de  chaffe  &  de  chambre  ,  dont  le 
poil  eft  long^'et^ij^  ciiïçvJiftes couleurs  ,  qui  a  la  queue  épaiffe  &  touf- 
fue. Oh  j§^e%ibft.'}5o.uj  Jii  .c^^  de^ja  caille  &  de  la  perdrix.  Il  force  le 
lapi.T  daHs  IeS'%oufpim^sf;fqut]qiLefo's  il  ride  &  fuit  la  bête  fans  crier. 
Il  cHaÔelè  fféz  bas.  Çf com*rwe^l(^  viennent  d'Efpagne,  il  paroît 

que  leur; "nbifi  eft'unoçpff^ptipti  (fii-riom  du  lieu  de  leur  ongmQ,Voy6^ 

ÉPAVES  DE  MER  ou  HERPES  MARINES.  On  donne  ce  nom  à 
toutes  produdions  que  la  mer  tire  de  fon  fein ,  &  qu'elle  jette  naturel- 


É  P  A  É  P  E  (?o  5 

rellement  fur  fes  bords ,  telles  que  l'ambre  ,  le  corai! ,  les  pelotes  de 
mer,  &c. 

ÉPAULARD  ou  D ORQUE ,  orca,  Ceft  une  efpece  de  dauphin, 
mais  vingt  fois  plus  gros  ,  &  qui  fert  utilement  le  pêcheur  de  la  baleine, 
en  ce  qu'il  la  mord ,  la  fait  mugir  horriblement ,  &  la  fait  fuir  fur  les 
côtes.  L'épaulard  a  quatre  dents  très-tranchantes  &:  grandes.  Voyc:^^  Car-' 
ticU  Baleine. 

ÉPAULÉE.  Nom  donné  à  une  teUine  cambrée.  Foye^  Telline. 

ÉPEAUTRE.  Voye^  Froment  locar. 

ÉPÉE  DE  MER.  Foyei  au  mot  Baleine  ,  l'article  Épéc  de  mer  dç. 
Groenland, 

ÉPEÎCHE  ou  CUL-ROUGE.  Voye^  à  Vartkk  Pic-vert. 

ÉPERLAN,  epelanus.  Ce  petit  poifTon  eil  ainfi  nommé  par  fa  blan- 
cheur ,  qui  refl'embîe  à  celle  des  perles.  Il  a  beaucoup  de  rapport  avec 
les  petits  merlans  ;  mais  il  eft  aflez  femblable  à  Vable ,  excepté  par  les 
nageoires  dont  les  racines  font  rouges  comme  celles  du  gardon.  L'éper- 
lan  eft,  dit  M.  DzUu^e  ^  de  l'ordre  des  poiflbns  à  nageoires  molles  ,  & 
de  ceux  qui ,  outre  les  nageoires  ordinaires ,  ont  à  l'extrémité  du  dos 
une  apparence  de  nageoire  charnueou  adipeufe  :  il  a  des  dents  aux  mâ- 
choires ,  au  palais  ôc  à  la  langue.  L'éperlan  prend  naiflance  dans  la  mer, 
&  remonte  enfuite  dans  les  rivières  ,  particulièrement  dans  la  Seine.  H 
a  une  ligne  au  milieu  &  le  long  des  côtés  ,  qui  va  jufqu'à  la  queue, 
faite  en  efpece  d'arc  :  il  eft  long  de  quatre  pouces ,  fur  un  de  groffeur 
ou  environ.  Sa  chair  eft  molle  ,  tendre,  exquife  au  goût ,  &  fentantun 
peu  la  violette.  Elle  fe  digère  bien  ,  mais  nourrit  peu  :  elle  convient  a 
tout  âge  &  à  toutes  fortes  de  tempéramens.'î^^erlan  multiplie  beau- 
coup :  étant  dépouillé  de  fes  écailles  perléa^on  lui  voit  fur  le  corps 
cJifFérentes  couleurs  ,  femblables  à  celles  de  15èfê^ën-ciel.  Les  plus  efti- 
mes  fe  prennent  depuis  la  fin  de  l'été  jufqu,'l"F|qti'es  ,  dans  la  rivière  de 
Seine  ,  vers  Caudebec.  On  ^le  pêche  .aTa;çMe  ,qu  'aûx.^rands  filets  : 
quelquefois  on  pratique  des  bâtardeaûjc  pouF..d^{>ur^;éi*l  de  petits  ruif- 
feaux  qu'il  fuit  volontiers,  &  ou  bn'tè^|5i'^dr^fa[çlleffient. -On  envoies 
Paris  ces  poiftbns  arrangés  &  liés  fij^^-^ieHp^îtîTts  p^ 

Il  y  a  auili  un  éperlan  de  //ze/^*,  dtinV"iV.|^i*pS;^ft^  plus  épais  &  plus 
court.  Il  n'eft  bon  qu'au  for  tir.  tie  la  m^i  fans  quoi  il  eft  nuiiible  à  la 
fanté. 

•    ÉPERON.  Nom  qu'on  donne  à  un  coquillage  univalve  de  la  famille 

Gggg  2 


6-04  É  P  E 

des  Limaçons  a  bouche  ronde.  Il  eft  régulièrement  chargé  de  pointes 
aiguës. 

ÉPERONNIER.  M.  de.  Buffon  a  donné  ce  nom  à  un  oifeau  quo 
quelques  Naturaliftes  ont  nommé  faïfan  paon  ;  en  l'examinant  avec 
attention  ,  il  a  trouvé  qu'il  différoit  de  Tun  &  de  l'autre  de  ces  oifeaux 
par  trop  de  caraéteres  pour  mériter  ce  nom  ;  mais  il  eft  remarquable 
par  un  double  éperon  qu'il  a  à  chaque  pied  ,  caradere  prefque  unique 
qui  l'a  déterminé  à  lui  donner  le  nom  âicperonnur.  Cet  oifeau  a  l'iris  des 
yeux  jaune,  ainfi  que  l'efpace  entre  la  bafe  du  bec,  l'oeil  &  le  bec  fupér 
rieur  rouges  ,  l'inférieur  brun  foncé  ,  &  les  pieds  d'un  brun  fale  ;  fon 
plumage  eft  d'une  beauté  admirable  ,  fa  queue  eft  fcmée  de  miroirs  ou 
de  taches  brillantes  de  forme  ovale  ^  &  d'une  belle  couleur  de  pourpre, 
avec  des  reflets  bleus  ,  verts  &.  or  ;  ces  miroirs  font  d'autant  plus  d'ef- 
fet qu'ils  font  terminés  &  détachés  du  fond  par  un  double  cercle,  fun 
noir  &  l'autre  orangé  obfcur  ;  chaque  penne  de  la  queue  a  deux  de  ces 
miroirs  accolés  l'un  à  l'autre ,  la  tige  entre  deux,  &  malgré  cela  ,  com- 
me cette  queue  a  infiniment  moins  de  plumes  que  celle  du  paon,  elle 
eft  beaucoup  moins  chargée  de  miroirs  ;  mais  en  récompenfe  féperon- 
nier  en  a  une  trè:-grande  quantité  fur  le  dos  &  (ur  les  ailes  où  le  paon 
n'en-  a  pas  du  tout;  ces  miroirs  des  ailes  font  ronds  ,  &  comme  le  fond 
du  plumage  eft  brun,  on  croiroit  voir  une  belle  peau  de  martre  zibe- 
line enrichie  de  faphirs  ,  d'opales,  d'émeraudes  &  de  topafes.  Les  plus 
grandes  pennes  de  f  a^ije  n'ont  point  de  miroirs  ,  toutes  les  autres  en  ont 
chacun  un  ,  &  quel"  qu'en  foit  l'éclat  ,  leurs  couleurs  foit  dans  les  ailes, 
foit  dans  la  queue,  ne  pénètrent  point  jufqu'à  l'autre  furface  de  la  penne, 
dont  le  delTous  eft  d'un  Tombre  uniforme.  Le  mâle  furpaffe  en  grofleur 
le  faifan  ordinaire ,  la  ferrielle  eft  d'un  tiers  plus  petite  que  le  mâle  ,  & 
paroît  plus  lefte  &  plus  éveillée  ;  elle  a  ,  comme  lui,  l'iris  jaune  ,  mais 
point  de  rouge  dans  le  bct;-^^  la  queue  beaucoup  plus  petite  :  quoique 
fes  couleurs,  apfTrochentpij^S  de  celles  du  mâle  que  dans  l'efpece  des 
paons  &  des  félfans^  éep,0'n'daht  elles  font  plus  mattes,  plus  éteintes, 
&  n'ont  point  ce  lufti^e  ,  -ce-jeu;  ces  ondulations  de  lumière  qui  font  un 
fi  bel  eflvt  danis  ks  miroiçisr^du  mâle.  Cet  oifeau  diffère  du  ffenre  des 
faifans  ,  i^  parce  que  les  longues  plumes  de  fa  queue  font  arrondies 
&  non  pointues  par  le  bou^  ;"ii*r  parce -qu'elles  font  droites  dans  toute 
leur  longueur,  &  non  recourbées  en  en  bas:  3^  parce  qu'elles  ne  font 
pas  la  gouttière  renverfée  par  le  renverfement  de  leurs  barbes ,  comme 


É  P  E  60^ 

dans  le  faifan  :  4*.  enfin  parce  qu'en  marchant  il  ne  recourbe  point  fa 
queue  en  haut.  Il  appartient  encore  moins  à  refpece  du  paon  ,  dont  il 
diifere  non-feulement  par  le  rapport  de  la  queue ,  par  la  configuration 
&  le  nombre  des  pennes  dont  elle  eft  compofée  ;  mais  encore  par  les  pro- 
portions de  fa  forme  extérieure ,  par  la  groffeur  de  la  tête  &  du  cou ,  & 
en  ce  qu'il  ne  redrtfle  &  n'épanouit  pas  fa  queue  comme  le  paon  ,  qu'il 
n'a  au  lieu  d'aigrette  qu'une  efpece  de  huppe  plate  ,  formée  par  les 
plumes  du  fommet  delà  tête  qui  fe  relèvent,  &dont  la  pointe  revient 
un  peu  en  avant.  M.  Edwards  a  eu  cet  oifeau  vivant  à  Londres. 

É?£R V1£R  ou  ËPREVIER ,  /parvenus  aut  accip'uer,  C'eft  un  oifeau 
Carnivore  ,  de  la  longueur  d'un  pied  :  celle  des  ailes  éterhdues  eft  de 
deux  pieds.  Il  a  la  tête  arrondie  ,  le  bec  court  &  gros  ,  crochu ,  d'ua 
bleu  noirâtre.  Le  bec  fupérieur  a  un  appendice  angulaire  des  deux 
côtés  des  narines.  Sa  langue  eft  noire,  les  yeux  caves  &  d'une  grandeur 
médiocre  ,  l'iris  jaune  ,  le  cou  longuet  ,  le  plumage  fupérieur  d'un 
brun  fombre  marqueté  de  taches  tirant  plus  fur  le  noir.  La  poitrine  & 
les  flancs  un  peu  jaunâtres,  tiquetés  de  brun.  Les  ailes  s'étendent  jus- 
qu'au milieu  de  la  quei.e.  Les  cuifles  font  fortes  &:  charnues  comme 
celles  des  autres  oifeaux  de  proie.  Les  jambes  menues  ,  longues  ,  jau- 
nâtres &  de  niveau  avec  la  queue  :  les  doigts  en  font  longs ,  armés  de 
grifles  courbées  &  noires. 

L'éper\itr  vit  c'cifcaux,  &  marque  peu  de  goût  pour  les  cerfs-volans 
&  autres  inf  âe^  ;  mais  il  eft  friand  de  lapins  ,  de  rats  &  de  grenouilles. 
Il  eft  hardi,  intrépide,  vole  bien  les  faifans,  les  perdrix  ,  les  cailles; 
&  dans  quelques  endroits,  le  merle  ,  l'étourneau,  la  grive  ,  la  pie  &  le 
geai.  Les  Oilcleurs  les  attrapent  quelquefois  dans  leurs  filets  en  prenant 
d'autres  oifeaux  à  la  glu.  Les  meilleurs  épervieb  nous  viennent  d'EfcIa- 
vonie.  Ceux  d'entre  ces  oifeaux  qui  font  niais  ,,^u.  ont  été  pris  dans  le 
nid,  ou  n'ont  pas  encore  mué,  ou  n'ont  point-élevé  dp  petits;  mais 
ceux  qui  ont  toujours  été  à  eux ,  font  très-ruf^s  ^  comme,  nous  le  dirons 
dans  un  moment. 

Le  mâle  de  l'épervier  fe  nomme  mouchci  "oujmpuchet ,  il  eft  à-peu- 
près  de  la  grandeur  du  pigeon.  Ha  le  bèc  -,..  Vs  narines  ,  .le  croc  angu- 
laire ,  la  langue  &  l'iris  comme  la  femelle.Xe  plumage  eft  un  peu  plus 
fombre  ,  traverfé  de  taches  rougeâtres  &  qnâées.  Ses  cuifles,  fes  jambes 
&  fes  ferres  font  de  même  que  dans  répervier*ïl  y  a  ?i\xffiVcpervier  tacheté 
de  blanc  ^  Véjjeryier  de  la  Caroline  ou  à  pigeons  y  l'épervier  des  alouettes  ; 


^o6  É   P  E 

le  petit  ipervler  de  la  Caroline  eu:  une  efpece  d'émerlllon  ;  Vépervkr 
de  la  Baye  d^Hudfon  pu  à  queue  anneléc  ;  Vzpcrvicr  cendré  de  Caymne  , 
il  eft  un  peu  plus  grand  que  celui  d'Eurape,  fes  pieds  font  rouges. 

L'épervier  fait  fon  nid  fur  les  rochers  &  les  arbres  les  plus  élevés.  Il 
pond  cinq  œufs  blancs,  mouchetés  vers  la  pointe  qui  eft  obtufe,  d'un 
cercle  de  taches  purpurines. 

La  mue  de  cette  efpece' d'oifeaux  eft  au  commencement  du  printems. 
On  les  mot  dans  une-  thambrc  en  liberté  &  en  leur  particulier  ;  pour 
cela  il  faut  qu'il  y  ait  deux  cages ,  l'une  au  levant,  l'autre  au  couchant: 
dans  le  milieu  de  la  chambre  font  plufieurs  perches  ,  au  haut  defquelles 
on  attache  de  la  viande  de  mouton,  de  poule  ,  ou  de  vieux  pigeons  : 
on  leur  en  donne  deux  fois  par  jour  ;  mais  une  fois  feulement  lorf-iu'on 
veut  les  faire  voler  le  lendemain  ,  afin  de  les  affamer  un  peu  ,  &  qu'ils 
pourfuivent  plus  ardemment  leur  proie.  L'épervier  quitte  facilement 
fon  maître,  pour  peu  qu'on  le  contredife;  &  quelquefois  lorfqu'il  n'a 
pu  prendre  l'oifeau,  il  s'envole  ,  va  fe  percher  fuj  un  arbre,  &  ne  veut 
plus  revenir. 

L'épervier  étant  jeune  ,  eft  d'une  chair  tendre  &:  aflez  bonne  à  man- 
ger. Quelques  Médecins, en  recommandent  l'ufage  contre  fépilepfie  :fes 
ferres  râpées  &  réduites,  en  poudre  font,  dit  on , anti-dyflentériques.  On 
prétend  que  fes  excr^rnens  hâtent  &  facilitent  l'accouchement,  &  que 
fa  graiiïe  a  la  verçup^fî.  remédier  aux  vices  de  la  peau. 

Il  n'y  a  point  d'oifeaux  plus  communs  en  Egypte  que  l'épervier  :  les 
Anciens  de  cette  contrée  lui  rendoient  des  honneurs  divins. 
EPERVIER  MARI^.  Foyc^  Fou. 

EPERVIERS.  Orr..<linne  ce  nom  à  des  papillons  bourdonneurs  qui  fe 
tiennent  au-defTu^-âës^êurs,  c'eft-à-dire,  dans  l'air,  &  fans  prefque 
changer  de  plac€y:.peij)âar|çt  .que  leur  trompe  alongée  en  face  la  liqueur 
miellée.  ^^oysj./'^^e/gS.PîlïNK. 

ÉPKTlI/^.î^rn  "donfi^  àlunç  efpece  de  hallier  qui  croît  dans  les 
favanes  naturelles 'du' pây^'d<^^ffyenne.  Les  Indiens  l'emploient  à  frotter 
jufqu'au  fang  }e^neVdç:i.i]^uaes-Ghiens  qu'ils  deftinent  à  la  chafle,pour 
leur  infinuer  dans  ïes  pl9J:e$'^^Vett\*jqu'ils  fuppofent  à  cette  plante.  Ils 
lui  attribuçnt'eficorèiinè-jmtfe  qiîàliçé  dont  la  plupart  des  Créoles  ne 
doutent  pas;  c'eft  celle' âe^fë.- faire  aimer  quand  on  en  porte  fur  foi; 
c'eft  ce  qui  a  donné  lieu  au^^overbe  yon  lui  a  donné  de  l'épctit ,  quand 
on  parle  de  quelqu'un  bien  amoureux.  Cette  dernière  vertu  eft,  dit-on. 


É  P  H  Con 

,    commune  à  quelques  lïams  :  voyez  ce  mot.  Maïf^  Rujl.  de  Cay» 

EPHEMERE,  mufca  epkemera.  hcs  Natuvalilles  ont  donné  ce  nom 
à  plufîeurs  efpeces  de  mouches  dont  îa  vie  q0.  d'une  très-courte  durée; 
&  peut-être  que  le  mot  d'éphémère  n'exprime  pas  afiez  la  courte  durée 
qui  a  été  preicrite  à  la  vie  de  quelques-unes.  îl  y  en  a  qui  ne  doivent 
pas  voir  luire  le  foleil,  qui  ne  naiflent  en  été  qu'après  qu'il  eft  couché, 
&  qui  périfltnt  avant  le  lever  de  cet  afti-e.  On  pourroit  même  dire 
que  celles-ci  jouifTent  d'une  vie  très-longue  eft  comparaifon  d'autres 
éphémères,  puifqu'il  y  en  a  qui  vivent  à  peine  une  heure  ou  une  demi- 
heure;  mais  aufll  il  y  en  a  quelques  efpeces  qui  vivent  plufieurs  jours. 
Au  rtfte,  que  leur  imiporte  ?  elles  fournifîent  leur  carrière. 

On  diftingue  un  grand  nombre  d'erpeces  de  mouches  éphémères, 
qui  différent  entr'elles  ,  fuivant  les  pays  où  elles  naiflent ,  par  la  gran- 
deur ,  la  couleur  de  leurs  ailes ,  &c.  mais  elles  ont  des  reflemblances 
générales  par  le  peu  de  durée  de  leur  vie,  &  par  leurs  ailes  qui  ont  la 
forme  de  celles  des  papillons  :  ces  ailes  ne  différent  de  celles  des 
papillons  ,  que  parce  qu'elles  font  minces  ,  tranfparentes ,  &  qu'elles  ne 
font  point  couvertes  d'écaillés. 

Les  éphémieres  ont  la  tête  afTez  grofïe,  &  les  antennes  fort  courtes: 

les  petits  yeux  lifies  font  placés  au-devant  de  îa  tête,  &  fort  gros  dans 

quelques  efpeces.  Elles  ont  quatre  ailes  très-jcSiraent  tilFues ,  dont  deux 

font  placées  en-deffus  ,  deux  en-deiTous.  Les^*4^*  fupérieures  font  de 

beaucoup  plus  grandes  que  les  inférieures:  ces, -i^ernieres  font  même  fî 

petites  dans  quelques  efpeces,  qu'à  peine  peut-.oq  les  appercevoir.  Lorf- 

que  ces  mouches  font  en  repos  ,  elles  porteRC  liurs  quatre  ailes  fur  le 

dos,  appliquées  les  unes  contre  les  autresp^  perpendiculairement  au 

plan  de  leur  poiition,  comme  les  portent  la  ptupâTÇ^des  papillons  diurnes. 

Le  corps  de  ces  mouches  eft  alongé,  cof^pfi^^jié >dix  anneaux:  il  fort 

du  dernier  une  queue  beaucoup   plustîîi*iS.Ùè^-qu.e  f^nimal,  &  formée 

par  deux  ou  trois  filets  extrêmement  t^^ifgjfKS,  Ces  njÔj^cnes  fe  tiennent 

à  volonté  fur  les  eaux ,  à  faide  des  trdi^&brranches  deçette  queue ,  qu'elles 

favent  étendre  (i  adroitement,  que-l'cs  autres"  parties  du  corps  paroif- 

fent  hors  et  l'^au  fans  fe  nioGit^»'  ;  ,  v  -v   ,«^  ^ .     . 

Ces  infedes,  avant  d^^paît>iffe"aipG/fQ'us  î^^ 
dans  Tcau  pendant  une,  ôeilx  ou  trois  "jitî'tjées;  fous  la  forme  de  ver;  & 
enfuite  de  nymphe.  Foye^  U  mot  jN.Yiûj-iiE.  Si  on  les  conlidere  dans  ces 
différens  états,  leur  vie  eft  longue  relativement  à  la  vie  ordinaire  des 


erû8  É  P  H 

infedes.  II  n'y  a  de  différence  entre  le  ver  &  la  nymphe ,  qu'en  ce  que 
celle-ci  a  de  plus  que  le  ver,  des  fourreaux  d'ailes  fur  le  corfelet.  L'un 
&  l'autre  ont  fix  jambes  écailleufes  attachées  au  corfelet.  Leur  tête  eft 
un  peu  triangulaire  &  applatie;leur  bouche  eft  garnie  de  dents;  leuc 
partie  poftérieure  eft  garnie,  ainfi  que  dans  leur  état  de  mouche,  de 
trois  filets  qui  font  bordés  chacun  des  deux  côtés  de  franges  de  poil  , 
&  qui  vraifemblablement  font  d'ufage  à  cet  infede  lorfqu'il  nage.  Lorf- 
qu  on  examine  ces  infedes  avec  attention ,  on  obferve  le  long  de  leur 
corps  de  chaque  côté,  des  fortes  de  petites  houpes  qui  ont  un  mou- 
vement fort  rapide:  elles  varient  de  forme  dans  les  différentes  efpeces: 
il  y  en  a  qui  reffemblent  à  des  rames  de  galère.  Ces  parties  font,  fuivant 
l'exaél  examen  qu'en  a  fait  M.  de  Réaumur,  les  ouies  qui  fervent  à  la 
refpiration  de  cet  infede,  qui  eft  par-là  en  quelque  forte  une  efpece  de 
poiffon. 

Ces  infedes  qui  doivent  fe  transformer  en  mouches ,  ne  nagent  que 
très-rarement  dans  l'eau;  mais  comme  cet  élément  leur  eft  abfolument 
néceflaire ,  ils  fe  creufent  de  petits  trous  dans  les  terres  de  confifl:ance 
glaifeufe,jqui  fe  trouvent  fur  les  bords  des  rivières.  Lorfqueles  eaux  de 
la  Marne  &  de  la  Seine  viennent  à  baiffer ,  on  voit  fur  le  bord  de  ces 
rivières,  jufqu'à  deux  o.u  trois  pieds  au-delfus  du  niveau  de  l'eau,  la 
terre  toute  criblée  de  petits  trous  dont  l'ouverture  peut  avoir  deux  ou 
tL'ois  lignes  de  diamètre.  Ces  trous  font  vides;  les  infedes  les  ont  aban- 
donnés lorfqu'ils  fe  font  vus  à  fec,  &  ont  été  creufer  plus  bas  dans  la 
terre  baignée  par  l'eau.  Ces  trous  qui  fervent  d'habitation  à  ces  infedes, 
font  diriges  horizontalement:  ils  ont  deux  ouvertures  placées  l'une  à 
côté  de  l'autre,  de  forte  .que  la  cavité  du  trou  eft  femb'able  à  celle  d'un 
tuyau  coudé;  l'infede  entre  .par  une  ouverture,  &  fort  par  l'autre  ;  il 
proportionne  la  capacitéMie  ce  tuyau  à  fes  différens  états  d'accroiffe- 
ment.  La  transformation  de  ces  nymphes  en  mouches  fe  fait  avec  la  plus 
grande  facil ité;.. quelquefois  î^lks  emportent  encore  leurs  dépouilles  de 
nymphes  qui  leïi'jf.tfenneut  à1a  queue. 

Dans  chaque  i^ays-.leâ^  mouches  éphémères  paroifTent  tous  les  ans 
avec  une  forte  dfe  régularité  \  ^ie'  n'.6ft"  aufîi  que  pendant  un  certain 
nombre  de  jours,  confécutifs, -.qu'elles  ïemplifîent  l'air  aux  environs  des 
rivières  :  enfin  ce  n'eft  qu'à  une'  certaine  heure  de  chaque  jour,  que  les 
premières  commencent  à  fortir  de  1  eau  pour  devenir,  habitantes  de  l'air. 
Cette  heure  n'eft  pas  la  même  pour  les  éphémères  de  différentes  efpeces  ; 

celles 


\ 


É  P  H  60^ 

celles  du  RKln,  de  laMeufe,  &c,  commencent  à  volè'r  xieux  heures  environ 
avant  le  coucher  du  foleil.  Les  plus  diligentes  de  celles  de  la  Seine  &  de 
la  Marne,  ne  s'élèvent  en  l'air  que  lorfque  le  foleil  oft  prêt  à  fe  coucher  : 
ce  n'eft  qu'après  qu'il  Teft  que  le  gros  de  ces  mouches  forme  des  nuées. 
Elles  fe  répandent  par-tout  en  uninftant;  elles  folâtrent  fur  la  furfacedes 
eaux;  fi  Ton  tient  une  lumière,  elles  s'y  portent  de  toutes  parts;  elles 
décrivent  des  cercles  tout  autour  &  entoutfens;  mais  toujours  avec 
une  régularité  finguliere.  Ne  plaignons  donc  pas  i'éphémere  :  con- 
tente du  deftin  que  lui  a  fait  la  Nature,  elle  joue  fur  le  bord  de  fon 
tombeau. 

Ce  n'eft  guère  que  vers  la  Saint  Jean  que  paroifTent  des  nuées  d'éphé- 
mères dans  des  pays  plus  froids  que  le  nôtre  :  &  c'eft  vers  la  mi-Août 
<{UQ  ces  nuées  fe  montrent  aux  environs  de  Paris.  Les  Pêcheurs  favent 
par  expérience  le  temps  où  les  éphémères  doivent  paroître  fur  une 
rivière.  Plus  de  chaud  ou  plus  de  froid ,  des  eaux  plus  hautes  ou  plus 
balles,  &  d'autres  circonftances  peuvent  rendre  une  année  plus  avancée 
ou  plus  tardive  en  mouches  éphémères. 

Ces  mouches  qui  éclofent  toutes  à  peu  près  dans  le  même  moment, 
n'ont  prefque  qu'un  inftant  à  vivre  ;  mais  cet  inftant  fuffit  pour  rem- 
plir la  fin  à  laquelle  elles  font  deftinées,  c'eft-à-dire ,  pour  perpétuer 
leur  efpece.  A.  peine  les  femelles  font-elles  nées ,  qu'elles  font  prêtes  à 
pondre,  &  qu'elles  pondent  en  effet.  Quelques  Naturaliftes  psnfent  que 
'  le  mâle  féconde  les  ceufs ,  comme  le  poifTon ,  àl'inftant  de  la  ponte;  mais 
M.  de  Réaumur  croît  que  les  mâles  s'accouplent  avec  les  femelles. 

Ces  accouplemens ,  il  eft  vrai,  peuvent  difficilement  être  apperçus 
par  rObfervateur  :  car,  comme  la  vie  de  ces  mouches  eft  la  plus  courte 
de  celle  des  animaux  connus,  leur  accouplemeïit-eft.Vraiferablablement 
le  plus  court  de  tous,  &  beaucoup  plus  cou^-iju^  celui  des  oifeaux 
qui  dure  fi  peu.  C'eft  à  l'eau  des  rivières  ;jjipe^l|.  plupart  des  mouches 
éphémères  confient  leurs  œufs  ;  d'autres  le^îaiiïenjt-âttardTLés  aux  corps 
furlefquels  il  leur  arrive  de  fe  pofer  ou  de^ôîtibér ,  îànt  elles  paroilTent 
preflees  du  befoin  de  s'en  débarrafler. 

Il  n'y  a  point  de  femelle  d'infèâe  qui  Jïi,ettiP  au- jour  un  aufli  grand 
nombre  d'oeufs,  que  celui  qu'y  met  une  niou^he  ép'hémere.  En  un  inftant 
on  voit  fortir  de  fa  partie  poftérieurejine-^ultitude  d'ceufs  difpofés 
€n  manière  de  grappe,  dont  les  , gramsvfe  touchent.  Chaque  grappe 
contient  plus  de  trois  centcinquante  œufs;  ainfi  en  un  inftant  la  mouche 
Tom^lL  Hhhh 


'(^10  ÉPI 

éphémère  pond  fept  à  huit  cents  ceiifs.  Ces  grappes  d^œufs  ne  font  pas 
plutôt  forties  du  corps  de  la  femelle  ,  qu'elles  tombent  au  fond  de  l'eau. 
Les  ceufs  qui  échappent  à  la  voracité  des  poiffons ,  donnent  nailTance  à 
de  petits  vers  qui  vont  fe  mettre  en  fureté  fur  les  bords  de  la  rivière,  dans 
ks  trous  qu'ils  fe  pratiquent. 

Les  mouches  éphémères  font  en  fi  grande  abondance  dans  de  certaines 
années,  que  dès  que  leur  inftant  de  vie  eft  pafle,  on  les  voit  tomber 
comme  les  flocons  de  la  neige  la  plus  abondante  :  la  furface  de  l'eau  en 
eft  couverte  ;  la  terre  en  eft  toute  jonchée  fur  le  bord  des  rivières  où 
elles  s'ammoncelent ,  &  forment  une  couche  d'une  épailTeur  confidé- 
Table.  Les  Pécheurs  regardent  les  éphémères  comme  une  manne  quifert 
de  nourriture  aux  poiOfons,  efca  voladUs  &  r//'^rw;&  ils  prétendent  que 
cette  manne  ne  tombe  que  pendant  trois  jours.  En  effet,  ces  infedes 
lie  paroiflent  que  pendant  trois  jours  de  fuite  en  grande  abondance  ;&  ce 
fpeélacle  fingulier  ne  dure  chaque  jour  que  l'efpace  d'une  demi-heure. 

Les  mouches  éphémères  qui  ont  une  vie  de  plufieurs  jours ,  préfen- 
tent  une  particularité  qui  ne  s'obferve  dans  aucune  mouche  des  autres 
efpeces,ni  même  dans  aucune  efpece  d'infede  ailé;  c'eft  qu'étant  dans 
leur  état  de  mouche,  elles  ont  encore  à  fe  défaire  d'une  dépouille.  C'eft 
pourquoi  on  voit  ces  mouches  cramponnées  contre  une  muraille  ou 
contre  un  arbre:  elI^'S  reftent  quelquefois  plus  de  vingt-quatre  heures 
dans  cette  pofiticm.y  en  attendant  qu'elles  puiflent  quitter  leur  vête- 
ment. 

On  a  auflî  donné  le  nom  d'éphémère  à  une  plante  que  Tourne/on  a 
défignée  ainfi  dans  fes  Ijiftitutions  de  Botanique  :  Ephemcrum  Fir^inianum 
jlore  ceruko  majorï^ ^<^^i 

ÉPICÉA  ou  ÉPICIA.  Nom  du  fapin  le  plus  commun  en  Europe. 
Plusrobufte  quele  vïSfi^J&pin,  il  s'accommode  plus  facilement  de  toutes 
fortes  de  terrains;^ Cet  arBre.-eft  le  principal  fonds  des  forêts  du  Nord, 
oii  il  s'éleVefi-ùiîe  très^-grand^  hauteur.  Il  neft  pas  rare  de  le  voir 
couvert  de  nieige.pendant-(Hfe,mois  de  l'année.  Dans  la  difette  des  four- 
rages, les  Suédois' d^iïfteiit  à  leurs  chevaux  les  jeunes  branches  d'épicia 
hachées  &  mêlées  ayèc^^^tî  peu  d'avoine.  Au  mois  d'Avril,  on  enlevé 
des  lanières  d'écorces  à  ces  arWes  à.\\  côté  du  Midi.  Il  découle  entre 
récorce&  le  bois  une  réfine.  On'Ia  recueille  tous  les  quinze  jours.  On 
renouvelle  les  entrailles  de  l'écorce'dans  les  années  chaudes;  cette  récolte; 
eft  plus  abondante  &:  de  meilleure  qiialité  :  voyez  les  diverfes  prépa- 


Ê  P  I  6ii 

rations  de  cette  réfine  aux  articles  Pin  Se  Sapin.  Le  bois  d'épicia  fert 
à  faire  des  mâts  de  navires,  &  de  bonnes  planches.  Quoiqu'un  peu 
inférieur  au  vrai  fapin ,  comme  il  eft  moins  noueux  ,  il  fe  travaille  plus 
facilement. 

ÉPICES  ou  ÉPICERIES.  On  entend  par  ce  mot  les  fubftances 
végétales  &  orientales,  ou  d'un  autre  pays  étranger ,  plus  ou  moins 
douées  d'odeur  de  défaveur,  &  dont  tous  les  peuples  aujourd'hui  font 
ufage  dans  les  divers  alimens  :  il  convient  d'en  citer  en  exemple  quel- 
ques-unes. Les  racines  nous  donnent  le  gingembre.  Les  écorces,  la 
canelle  &  la  cafcarille.  Les  bois ,  celui  d'anis,  de  rofe  &  d'afpalat.  Les 
tiges,  l'orcanette  ,  le  fchgenante  &  le  calamus  aromatique.  Les  feuilUs y 
le  thé,  le  didame  &  le  laurier,  hesjieurs,  le  fafran  du  Levant,  les 
balauftes  &  la  fleur  d'orange.  Les  fruiis ,  le  citron,  la  bergamotte,  les 
dattes ,  les  poivres ,  le  cacao ,  les  piftaches ,  la  mufcade  ,  le  girofle  &  le 
café.  Les  graines  ou  femences ,  les  différentes  efpeces  d'anis,  le  fenouil, 
îe  cumin,  la  graine  d'Avignon,  le  daucus,  le  carvi,  l'ambrette,  &c. 
F'oye:^  chacun  de  ces  mots. 

De  tout  temps  l'épicerie  a  été  la  plus  belle  branche  du  commerce  : 
&  en  fe  conciliant  le  trafic  de  la  droguerie,  elle  efl:  devenue  la  plus 
immenfe  &  la  plus  importante  partie  du  négoce,  A  peine  eut-on  renou- 
velle la  navigation  par  l'invention  de  la  bouflble,  ^ue  l'étude  de  l'Hif- 
toire  Naturelle,  &  celle  de  la  véritable  Phyfiquè, réveillèrent  l'induit 
trie  du  commerce.  Dès  le  quatorzième  fiecle,  le^  Négocians  de  tout 
le  Midi  de  l'Europe,  envoyèrent  en  Afrique  &  dans  toutes  les  échelles 
du  Levant;  on  en  rapporta  le  coton,  l'opium,  le  riz  &  les  noix  de 
galle.  Les  Vénitiens  jaloux  des  entreprifes  dea  Marchands  de  toute  la 
grande  hanfe  ou  afTociation  qui  s'étoit  formée "^pur  le  coiTimerce  de  la 
mer  Baltique  &  de  tout  le  Nord  ;  les  VéntSéns"V„.d.^s-je  ,  trafiquèrent 
fort  heureuferaent  à  Alexandrie  &  au  Cjake-_^:Ies.  marchandifes  que 
les  Arabes  &  les  Egyptiens  alloient  chèrch^'rmix'Indrs  &' dans  tout 
l'Orient  par  la  mer  rouge.  On  fe  reiToa.vïè.ht-'tt5'iTJoiirs=*'d'u  profit  qu'ils 
firent  alors  fur  le  coton ,  fur  la  foie,  fur  fOr^Tur^ les  poivrés,  fur  les 
perles,  fur  les  pierreries  ,  &  fur  toutes  îp^^^fo^uesi  cle-i'Afie.  Ils  étoient 
les  feuls  ûifl:ributeurs  des  épiceries;  &^dg;ns  .toutes- Jes. tables  on  ne  con- 
iioilïoit  rien  de  plus  exquis  que  ces  produâtibhs, de  l'Inde  &  àes  Molu- 
€^ues.Le  fucre  n'étoit  point  encore  connu  en-'Europe;  les  feules  épiceries 
faifoient  le  principal  ornement  des  grandes  fêtes  :  on  ne  connoiflbit  rien 

Hhhh2 


■6x2  ÉPI 

de  plus  propre  à  être  préfenté  avec  bienféance  aux  Juges ,  après  îâ 
dccifion  d'un  procès:  de-là  eft  venu  le  nom  d'é^ices  du  Palais^ S portula 
mu  [paies. 

Dans  les  feftins  de  noces,  l'époufe  en  diftribuoit  à  toute  raflemblée  ; 
&  les  Univeifités,  dans  leurs  réjouiflances  ,  s'étoient  conformées  à  cet 
tifage.  Les  Hcilandois  favent  très-bien  que  le  débit  de  cette  marchan- 
dife  n'a  jamais  baifle;  mais  les  François  favent  mieux  qu'aucune  Nation, 
jufqu'où  l'art  des  Cuifiniers  en  a  porté  Tufage, 

On  appelle  quatrc-ipices ,v,x\  mélange  aromatique  &  réduit  en  poudre, 
lequel  eft  compofé  eflentiellement  de  girofle ,  de  mufcade ,  de  poivre 
noir  &  de  canelle  ou  de  gingembre  :  aujourd'hui  on  y  ajoute  de  l'anis, 
de  la  coriandre ,  du  macis ,  du  piment  de  la  Jamaïque ,  quelquefois  aufîî 
des  herbes  aromatiques,  comme  thym,  marjolaine  &  laurier.  Lorf- 
qu*on  y  joint  des  morilles, des  moulTerons  &  des  culs  d'artichauds,  alors 
ce  compofé  prend  le  nom  déplus  royales ,  &  ne  fert  que  pour  alTai- 
fonner  les  mets  les  plus  exquis.  Tels  font  les  moyens  les  plus  fimples 
d'ajouter  aux  faveurs  naturelles  &  innocentes  d'autres  faveurs  agréables 
&  perfides, 

EPICIA.  Voyez  les  articles  Sapin  &  Epicéa, 

ÉPIDERME.  Voy«z  à  l'article  Peau. 

ÉPI  "D'E  AU  y  "ppfamogeton.  Plante  qui  croît  dans  les  marais  ,  les 
étangs  ,  proche  deitibntaines  ,  des  rivières  &  de  tous  les  lieux  humides. 
Cette  plante  aquatiqUta  des  racines  grofles ,  rondes,  nouées,  blanches, 
rampantes  ,  garnies  de  iibres  déliées  qui  s'étendent  beaucoup  fous  les 
eaux  :  elle  pouffe  pl^^fieiirs  tiges  longues ,  grêles ,  également  nouées  & 
rameufes.  Ses  feuilkf  qiii  naifîent  dans  l'eau  ,  font  longues  &  étroites; 
mais  quand  la  plante -a-'j^û  fuffifamment  pour  furpafler  l'eau  ,  elles  de- 
viennent larges  comme  Celles  du  plantain  :  elles  font  prefque  ovales  , 
nerveufes ,  luifentes  v->&'d'uj5vert  pâle  ,  attachées  à  de  longues  queues» 
Il  s'élève  dWre  fes  feuSÊes  des  pédicules  qui  foutiennent  des  épis  de 
fleurs  purpurines 'i- quatre  fètailles,  fans  calice  &  difpofées  en  croix.  A 
ces  fleurs  fuccedent"  dés,  capfules  ramaflees  quatre  à  quatre,  en  manière 
de  tête, Ces  capfules  font  ^ôlxlongues ,  aflez  grandes ,  dures,  rougeâtres, 
&  remplies  d*une- graine  blanche.. 

•  Cette  plante  prife.en  déçoîftion  ,  eft  afliringente  &  rafraîchiflante. 
Elle  convient  extérieuremeç't^our  les  dartres  &  les  autres  démangeai- 
sons de  la  peau»,  ■  »"  *'' 


ÉPI  6î^ 

11  faut  obferver  que  les  fleurs  de  ce  genre  de  plante ,  ont  quatre  éta- 
mines  &  quatre  embrions  terminée  immédiatement  par  les  ftigmates.  Le 
potamogcton  que  nous  décrivons  ici  eft  le  plus  commun  ,  celui  de  Fuchs  ^ 
page  6^1,  &  nous  convenons  avec  M,  Halhr  qu'il  y  en  a  plufieurs 
efpeces  auxquelles  cette  defcription  ne  convient  pas  ,  du  moins  en- 
tièrement. . 

ÉPI-FLEURI.  Voyei  Stachys. 

EPINARDS  5  ^i/z^îci^.  Plante  potagère  très  en  ufage  dans  nos  cui- 
fines.  Sa  racine  eft  fimple ,  menue  ,  blanche  &  fibreufe.  Ses  tiges  croif- 
fent  à  la  hauteur  d'environ  un  pied  :  elles  font  rondes ,  fiftuleufes  & 
rameufes.  Ses  feuilles  font  larges ,  pointues ,  découpées ,  anguleufes  , 
tendres  ,  d'un  vert  obfcur ,  fucculentes  ,  &  attachées  à  de  longues 
queues.  Les  tiges  font  revêtues  depuis  leur  milieu  jufqu'en  haut ,  de 
fleurs  à  étamines ,  de  couleur  herbeufe  ou  purpurine  :  il  ne  leur  fuccede 
aucun  fruit  ni  femences.  Les  fruits  naiflent  en  des  endroits  féparés ,  & 
ils  deviennent  des  capfules  ovales,  épineufes,  qui  renferment  chacune 
une  femence  prefque  arrondie. 

Les  épinards  cuits  à  l'eau  font  un  alimem  peu  nourriflfant  &  de  facile 
digeftion  :  ils  peuvent  procurer  ou  entretenir  la  liberté  du  ventre.  Ils 
font  très-utiles  dans  les  cas  où-l'on  interdit  l'ufage  d€;s  viandes ,  notamment 
quand  on  comimence  à  manger  après  des  indigeftions  de  viandes  ou 
de  poifïbn ,  dans  les  diarrhées  qui  les  fuivent ,  e^en  général  dans  les 
dévoiemens  accompagnés  de  rapports  nidoreux^- dans  cette  difpofîtioiî 
des  premières  voies ,  qui  donne  aux  fucs  digeftifs  la  difpofition  alka^ 
lefcente  dont  parle  Bocrhaave,  On  peut  dire  plus  généralement  encore  ^ 
que  l'épinard  eft  un  aliment  aflez  fain  ,  &  à-pèii*près  indifférent  pour 
le  plus  grand  nombre  des  fujets. 

Les  épinards  fe  multiplient  de  graines  que^i^OK  feme  à  la  mi«Aoiic 
fur  une  planche  bien  labourée  ,  &  dans  des  rigoles  ou  rayons  profonds 
de  deux  doigts,  tirés  au  cordeau,  éloig.nésCd''unpied  l'un  de  l'autre , 
&  couverts  de  terre  ;  on  a  foin  de  les  fer0êr  &t  de-les  arrofer.  On  en 
récolte  à  la  mi-Odobre ,  en  Carême  &:  au  commencement  de  Mai,  fé- 
lon le  temps  de  la  femaifon.  .- 

L'épinard  fauvage  eft  le  bonhenri,  Pans  le -pays  de  .  Cayenne  ,  le? 
Créoles  donnent  le  nom.  ^ épinards  a.\X  pfiytçlaçca  Amçricatta  mn.onfruciu 
de  Banere,  parce  qu'ils  mangent  les  feuilles  de  cette  plante  dans  le  po- 
tage &  en  guife  ^'épinards  après  en  avoir  ôté  le  jpfemier  bouillon  qui  ea 


efl:  noirci.  Cette  plante ,  ou  plutôt  cet  arbuflc  ,  eft  naturel  au  pays  , 
&  croît  fans  culture  après  les  premières  pluies.  Il  eft  d'une  grande  ref- 
fource  aux  Nègres  :  les  Blancs  en  mangent  auflî  les  feuilles  avec 
plaifir. 

ÉPINE  :  voyei  fon  article  dans  le  tableau  alphabétique ,  &c .  à  la 
fuite  du  mot  Plante.  On  trouvera  la  defcription  de  l'éjjine  du  dos  à 
farticle  Squelette  ,  inféré  à  la  fuite  du  mot  Os. 

ÉPINE  BLANCHE,  foyc^  au  mot,  NÉFLIER. 

ÉPINE  BLANCHE  SAUVAGE.  Voyc^  Chardon  commun. 

ÉPINE  DE  BOUC.  Eft  Tarbriffeau  d'où  découle  la  gomme  adrai 
ganthe.  Voyzi^  Barbe  de  renard. 

ÉPINE  JAUNE ,  fcolymus.  Plante  qui  a  beaucoup  de  rapport  avec 
k  chardon  à  fleur  dorée.  L'épine  jaune  qui  croît  communément  dans 
ks  pays  chauds ,  en  Italie  &  en  Languedoc  ,  a  une  racine  longue  & 
giofle comme  le  pouce,  tendre  ,  jaunâtre,  empreinte  d'un  fuc  laiteux, 
ivfifez  agréable  au  goût  ,  &  dont  les  cochons  font  fort  friands.  La  tige 
.eft  haute  d'un  pied  &  demi  ,  velue  &  rameufe.  Ses  feuilles  qui  fortent 
les  premières  de  fa  racine,  font  longues,  larges,  finueufes  ,  éparfes  à 
terre  ,  épineufes ,  &  d'uH  vert  marbré  de  blanc.  Les  feuilles  des  tiges 
^  des  rameaux  font  plus  courtes ,  plus  découpées  ,  &  les  épines  en 
font  plus  roides.  Sa  ^è\xï  eïk.  un  bouquet  à  demi-fleurons  jaunes-dorés 
&  féparés.  A  cette  fleur  fuccede  une  tête  compofée  de  plufîeurs  femen- 
ces  larges  ,  plates  "S:  pailleufes ,  enveloppées  par  le  calice.  La  racine 
de  "l'épine  jaune  &  apéritive  ,  &  convient  ,  dit  Lémery ,  pour  arrêter 
^3  femence. 

ÉPINE  NOIRE.  Foyei  Prunellier. 

ÉPINETTE  ou:  Sàjpinette  i^u  Canada.  Eft  l'efpece  de  fapin  d'où 
idécoule  le  baume  du  Cana^a,V  oyQZ  ce  mot  &  celui  de  Sapin. 

ÉPINEA^INETXË<4(gVXNETIER  ,  herbcris.  Arbrifl^au  épineux 
liiui  vient  communérnent  «ISnl'-les  jardins  aux  environs  de  Paris  ,  où  il 
l^rt  de  haiç:  on  ^-tr^ve  aulîi  dans  les  lieux  incultes  ,  au  bord  des 
feois  &  dans  'les  builToDS.  Cet  arbrifleau  eft  affez  haut.  Ses  racines  font 
jaunâtres,  branchues,  fibréufes  &  rampantes.  Ses  jets  ou  furgeons  font 
longs  de  trois  coudées,:  bfanchus^  épineux  ,  jaunes  &  gluans  en  de- 
dans :  l'écor  ce  éri^éft  blanche  ,  talnce  èi  iifle.  Ses  feuilles  font  petites  > 
j&blongues,  crénelées  toUt'ài^|our  ,^  &  entourées  d'aiguillons  mous 
^'yo  yerjt.igai  ^  lifle.s  ^>:  .d*ii^  g/JÛt  acide.  Les  fleurs  ont  une  odeur  forte; 


É?  ï  <5*ij 

elles  font  difpofées  en  petites  grappes,  &  compofées  chacune  de  plu- 
lîeurs  petites  feuilles  jaunes  ,  rangées  en  rofe  dans  un  calice  aufîi  à  fix 
feuilles.  La  fleur  de  l'épine-vinette  a  une  fingularité  remarquable,  & 
qui  mérite  d'être  mife  au  nombre  des  phénomènes  végétaux.  Lorfqu'oti 
touche  légèrement  avec^  un  ftilet  ou  une  épingle  le  pédicule  de  fês 
étamines ,  elles  fe  replient  du  côté  du  piftil  :  il  n'eft  pas  rare  qu'elles 
entraînent  avec  elles  les  pétales ,  ëc  que  la  fleur  fe  referme.  Lorfque 
ces  fleurs  fenfitives  font  pafTées ,  le  pifliil  fe  change  en  un  fruit  cyîindrir- 
que ,  mou ,  long  de  quatre  lignes  ,  qui  devient  rouge  en  mûrillant ,  &: 
qui  efl:  rempli  d'une  forte  de  pulpe  acide ,  affez  agréable  ,  &  d'un  ou  de 
deux  noyaux  oblongs. 

La  racine,  les  fruits  Se  les  graines  du  vinétier  font  d'ufage  en  Méde-^ 
cine  :  le  fuc  des  fruits  colore  en  rouge  le  papier  bleu.  La  racine  eft 
amere  j  les  fruits  font  rafraîchiflans  &  afl:ringens  :  ils  tempèrent  le  bouil- 
lonnement des  humeurs,  appaifent  le  flux  de  ventre  bilieux,  arrêtent 
les  dyflenteries  ,  fortifient  fefliomac  &  excitent  l'appétit.  On  les  mange 
feuls  lorfqu'ils  font  mûrs  ,  ou  confits  avec  le  fucre.  On  en  fait  en  Phar- 
macie un  firop  ,  une  gelée  ,  un  rob  ou  raifiné ,  qui  font  comptés  par- 
mi les  cordiaux.  On  fait  une  confiture  très-agréable  avec  l'efpece  qui  eil 
fans  pépins. 

Les  Médecins  Egyptiens  font  ufer  de  ces  fruits^  en  décodion  dans  les 
fièvres  malignes  ,  putrides  &  pefl:ilentielles  ,  &  pàyrticùliérement  contre 
les  diarrhées  ;  ils  y  mêlent  un  peu  de  graine  de  fenouil ,  pour  empê- 
cher qu'ils  ne  nuifent  à  l'eflomac.  En  Europe  on  fait  boire  en  place  du 
jus  de  limon  le  fuc  acide  des  baies  du  berberis,  étendu  dans  feau  pour 
appaifer  l'acrimonie  alkaline  des  fièvres  chaudes  &  putrides.  Les  pé- 
pins ou  les  graines  font  des  aftringens  convenables  pour  les  fleurs  blan-- 
ches.  La  décodion  à  l'eau  ,  ou  Tinfufion  auy^-in;.4e  Técorce  des  racines 
efl:  bonne  contre  la  jaunifle  ,  &  un  fpéçifiqué^é<>îïtre  i^  fièvre  quarte: 
on  en  boit  un  grand  verre  une  heure  avpït*pâccès,.troi^-  fois  de  fuite. 
Cet^e  boiffon  produit  quelquefois  des.  Xomiffç.nieîîsi  ûlr-tQyt  celle  au 
vin  ;  mais  la  guérifon  n'en  efl  que  plus  ^affurée^Bes' Teinturiers  em-- 
ploient  auflî  cette  même  écorce  ,  macérée  'dans  la  leiïive,  ou  bouillie- 
dans  l'eau  de  fontaine,  pour  teindre  eertaines  étoffes  en' jaune  ,   fil^. 
laine,  coton  ;  o"»   en  colore  auffi  les  «leubles  dé  menuiferie  ,  le  bois, 
blanc,  &c.  On  s'en  fert  encore  pour  donner  iîii'luilre  aux  cuirs  corroyés.- 
Eniin  les  piqûres  des  épines  du,  vinétier  prit  tpujours  paflé  pour  dango^- 


'6\^  Ê  P   T 

j-eufes  &  dlfTicUes  à  guérir.  Auflî  les  haies  que  l'on  fait  avec  cet  arbilfTeau , 
font-elles  redoutables  par  leurs  piquans. 

On  cultive  aujourd'hui  dans  les  jardins  un  vinétier  qui  a  été  apporté 
xiu  Canada,  &  qui  diffère  du  précédent  par  la  grandeur  de  Tes  feuilles , 
,&  la  grolfeur  de  fes  fruits. 

Les  fruits  de  ces  deux  vinétiers  fort  avancés  en  âge,  fe  trouvent 
quelquefois  manquer  de  pépins  apparens.  Le  mot  bcrberis  eft  Arabe.  Le 
vinétier  de  Candie  a  l'écorce  raboteufe  &  grisâtre.  Son  bois  eft  jaune  ainfi 
que  fa  racine ,  dont  on  peut  faire  la  plus  belle  teinture  :  les  curieux  cul- 
tivent encore  un  vinéùer àfruit  blanc  ,  mais  ce  n'eft  qu'une  variété,  qui 
à  la  vérité  eft  fort  rare  :  le  vinétier  du  Levant  produit  un  fruit  noir. 

Le  plant  de  notre  vinétier  eft  fort  utile  à  la  campagne ,  parce  qu'il 
fert  de  fujet  pour  greffer  les  arbres  fruitiers.  Il  fe  plaît  dans  les  lieux 
frais. 

EPINOCHE  ou  ÉPINOCLE  ,  pifcis  aculeatus.  Petit  poiflbn  fans 
lÉcailles ,  qui  fe  pêche  dans  les  lacs  &  dans  les  rivières ,  &  dont  on  dif- 
tingue  de  deux  fortes  ;  la  grande  &  la  petite  efpece  :  la  grande  eft  armée 
de  trois  aiguillons  fur  le  dos  ,  &  de  trois  au  ventre  qui  fe  tiennent,  & 
qui  reffemblent  à  la  feuille  d'épinard ,  ce  qui  l'a  fait  appeller  aufti  poif- 
fon  épinarde.  Ces  aiguillons  font  pointus  &  forts  :  l'animal  les  drefle 
quand  il  a  peur ,  .ou'  quand  il  s'agit  de  fe  défendre  contre  les  autres 
poififonsi  Ce  poiflbn  n'a  qu'une  feule  nageoire  fur  le  dos,  &  deux  lances 
ofleufes  de  figura  triangulaire  ,  à  la  place  des  nageoires  du  ventre. 
L'épinoche  eft  un  poiflbn  fi  abondant  en  certaines  contrées ,  que  quand 
pn  pêche  les  étangs,  on  enlailfe  une  grande  quantité  aux  pauvres  gens, 
qui  s'en  nourriffent,^ 

La  féconde  efpecè^-^pinoche  a  dix  aiguillons  fur  le  dos ,  dirigés 
alternativement  à  ■clEQit^"'^:;à- gauche  ;  on  en  voit  defcendre  la  rivière  du 
Nar ,  en  Ombrie ,  pour  e.j^çr^4ans  le  Tibre. 

On  obferve  c^e  l'épinoche  jeft  un  poiflbn  lefte  &  agile  ,  &  très  fré- 
quent dansjle^  petites  rivière^. 'Son  naturel  eft  fi  peu  farouche,  qu'il 
vient  jufques:ftir%l^,pi^s  de  ceux  qui  fe  baignent;  communément  il 
établit  fon  (Jomiçile  fous  je$-algues  &  autres  plantes  aquatiques,  mange 
des  vers  de  terre ,  -qui  fervent  nàêrpe  d'amorce  pour  le  prendre.  Il  paroît 
fjue  le  foleiî  làiTfait  plaifir.  Mais  un  procédé  fingulier  &  qui  mérite 
d'être  étudié ,  c'eft  que  ce  petit  poiflbn  va  chercher  au  loin  des  brins 
d'herbes  bu  débris  de..  végétauJ^^,'  les  apporte  dans  fa  bouche  ,    les 

Gepole 


É    P   O        ■   .      '  (?!7 

«îépofe  fur  la  vafe ,  les  y  fixe  à  coups  de  tête ,  veille  avec  la  plus  grande 
attention  à  fes  travaux.  Eft-ce  un  nid  ?  eft-ce  un  magafîn  de  vivres  ?  Si 
d'autres  épinoches  approchent  de  cet  endroit ,  bientôt  il  leur  donne  la 
chafle  5  &  les  pourfuit  au  loin  avec  une  vivacité  étonnante. 

ÉPI-THYM  ,  ÈPi-  Lavande  ,  Épi-Marrube.  Sont  des  plantes  pa^ 
rajius.  Voyez  ce  mot  &  celui  de  Cuscute.   . 

ÉPONGE  D'ÉGLANTIER   ou  BEDEGUAR.   Foyei  à  l'article 
Rosier  sauvage. 
ÉPONGE  DE  MER.  Foye^  à  l'article  Coralline. 

ÉPONGE  PYROTECHNIQUE.  On  donne  ce  nom  à  Vamadou. 
fait  avec  certains  grands  champignons  qui  croifTent  autour  des  vieux 
arbres. 

ÉPONGE  DE  RIVIERE  ou  PLANTE-ÉPONGE  ,  fpon^ia  fia^ 
vlatilis.  L'éponge  de  rivière  ,  dont  M.  de  Réaumur  nous  a  donné  la 
defcription  dans  les  Mémoires  de  l'Académie ,  nous  avoit  paru  être 
formée  par  des  polypes  d'eau  douce  j  mais  M.  de  JuJJîcu  ,  cet  excellent 
Obfervateur  de  la  Nature,  nous  a  aflliré  que,  quelque  examéa  qu'il 
ait  fait  pour  y  en  découvrir,  il  n'en  a  jamais"  apperçu.  ■ 

Cette  plante,  dit  M.  de  Réaumur  ,  qui  ne  paroît  pas  avoir  de  racine," 
a  pour  bafe  une  efpece  de  plaque  très-large  ,  dont  elle  tapiiTe  les  corps 
fur  lefquels  elle  croît,  à-peu-près  de  même  que  certaines  efpeccs  de* 
moufles.  Cette  plaque  tient  fortement  à  ces  corps.ielle  y  eft  collée  par 
le  moyen  d'un  mucilage,  dont  toute  cette  plante  éft  remplie  ;  iî  s'élève 
de  cette  plaque  des  branches  difpofées  à-peu-près  de  même  que  celles 
du  corail  ;  ces  branches  ont  la  longueur  de  deux  ,  trois  ou  quatre 
pouces ,  &  deux  ou  trois  lignes  de  diamètre  ;'?^le>  font  com.me  inégales 
&  raboteufes. 

M.  de  Réaumur  a  trouvé  cette  plante  iiariS  -la- Se]n^: attachée  à  une 

j^'ï^-  ",      '"'    •"     '■-'I 

des  pierres  des  piles  du  pont-neuf, >àçlâjîô'i;rs  pouc^  4e' profondeur 
fous  l'eau.  Pour  l'ordinaire  elle  pouJfTejl^s  branches  rtiivant.  la  ligne 
horizontale ,  c'eft-à-dire ,  en  fuivant  la-. furfâce'dçj^aù*,^ mais  quelque- 
fois on  la  voit  placée  perpeîidiculaireme»t';âu ''plan:, des. pierres  aux- 
quelles elle  eft  attachée.  .    ..  .    . 

La  couleur  de  l'éponge  derîviere  quàrid.on  Ja  tire  d^l'eau  ,  eft  d'un 
vert  pâle  tirant  fur  le  jaune  fale.  M.  d'^  ^^/s^/;2«r4  néanmoins  remarqué 
au  commencement  de  Juillet,  que  ÎVxti-éïnité'  de  toutes  les  branches 
Tome  JI,  I  i  i  i     .. 


(^i8  ET  O  É  RÀ 

étcit  d'un  blanc  jaunâtre  plus  pâle  que  le  citron  ,  parce  que  cette  plante 
étoit  apparemment  en  fève  &  croifToit  pour  lors. 

Lorfque  cette  éponge  eft  feche,  elle  eft  très-fragile  :  examinée  à  la 
vue  fimple ,  elle  paroît  comme  chagrinée,  &  montre  quelques  trous 
ou  pores  aflez  grands ,  difpofés  fans  arrangement  &  parfaitement  ref- 
fembîans  aux  trous  des  éponges  de  mer  ;  mais  lorfqu'on  la  regarde  avec 
une  loupe ,  on  la  trouve  percée  d'une  infinité  de  petits  trous  remplis 
de  mucilage  ,  &  dont  les  bords  font  ornés  d'une  multitude  de  petits 
poils  prefque  imperceptibles.  Lorfqu'on  fe  frotte  la  peau  avec  cette 
plante ,  il  s'y  fait  une  rougeur  aiTez  remarquable  fans  élévation  fenfi- 
ble  5  accompagnée  d'une  cuilîbn  à-peu-près  femblable  à  l'ardeur  qu'on 
reffent  au  bout  d'une  heure  lorfqu'on  a  touché  à  des  feuilles  d'ortie ,  Se 
que  l'on  a  été  aflez  patient  pour  ne  fe  point  gratter.  Cette  démangeai- 
fon  cuifante  a  duré  près  de  dix-huit  heures  à  l'Obfervateur  curieux , 
d'après  lequel  nous  parlons.  Il  penfe  que  cet  effet  peut  venir  de  ce  que 
les  petits  poils  ,  qui  bordent  extérieurement  les  pores  de  cette  plante, 
entrent  dans  la  peau. 

Si  l'on  remet  cette  éponge  feche  dans  l'eau  ,  elle  reprend  à  peu  de 
chofe  près  fon  premier  volume  &  fa  première  mollefle.  On  peut  enfuite 
exprimer  l'eau  dont  !  elle  eft  remplie,  comme  des  autres  éponges;  mais 
fi  on  la.pre0e_^tr^p,^ie  fe  brife.  Enfin  ,  lorfqu'après  avoir  été  pluneurs 
:  fois  rerfiife  dàns'.Të'^U  &  féchée ,  on  la  laifle  fécher  en  dernier  lieu  , 
elle  prend  une-'cài^^ur  cendrée,  &  perd  fodeur  de  poiflbn  qu'elle 
avoit  d'abord ,  &  qurkii  eft  naturelle. 

ÉPOUVANTAIL^  Nom  donné  à  Vhironddlc  d&  mer  noire*  Voyez  c& 


mot.  f:-^-^  ^ 


.     ÉPURGE  ou  ÇA-tÂPUCE.  Foyei  Tithimale. 

ÉRABLE  ,.  ai'eryi3^^n  genre  d'arbre  ,  dont  il  y  a  un  grand  nom^ 
bre  d'efpeces,..:^uj^ofirrSfft  beaucoup  de  variété  pour  rembelliffement 
des  jardins  ,;1ariïm(e^-yerdure  de  leurs  feuillages  faifant  autant  de  dif- 
férentes.JiUarjceeî^i'ilijir:,^^^  d'érables.   II  eft  peu  d'arbres  qui 

ra(rerrffe>lônt  aiiktpt'd^ex^^  d'utilité  que  ceux-ci  ;  qui 

eroiflènt  avèç'p'lu's  de  yîtè'fTe.ôc  d'uniformité  ;  qui  s'accommodent  mieux 
des  plus  mauvaifés  expofitiôns'l  cjyi  exigent  moins  de  foins  &  de  cul- 
ture ;  qui  réfiftent-mieux  à  toutes  les  intempéries  des  faifons ,  &  que 
l'on  puiife  multiplier  avâcpilt?  de  facilité.  ,Plufieurs  de  ces  efpeces  d'éra- 
bles cro.iflentjnaturellefhent  IhEiirppe  ,  quelques-unes  dans  le  Levant, 
&  le  plus  grahid  ^ombre  dans  T Amérique^ 


É  R  A  î  6"!^ 

Ces  arbres  fleurifTent  en  Avril ,  &  portent  des  fleurs  en  rofe  de  peu 
d'éclat ,  à  cinq  pétales  &  huit  étamines  ;  il  leur  fuccede  des  fruits  cein- 
pofés  de  deux  ou  trois  capfules  ,  qui  font  terminées  par  un  feuillet 
membraneux  :  on  trouve  dans  chacune  de  ces  capfules  une  femence 
ovale.  Les  érables  ont  la  plupart  les  feuilles  découpées  plus  ou  moins 
profondément  &  plus  ou  moins  grandes  ,  mais  qui  font  toutes  pofées 
deux  à  deux  fur  les  branches.  Il  y  a  auffi  des  érables  à  feuilles  ovales. 

Toutes  les  efpeces  d'érables  que  l'on  connoit,  femblent  faites  pour 
la  température  de  notre  climat:  elles  y  réufliffent  à  fouhait  ;  elles  s'y 
foutiennent  contre  quantité  d'obftacles  qui  arrêtent  beaucoup  d'autres 
arbres,  &  rempliflent  tout  ce  qu'on  peut  en  attendre.  On  peut  diftin- 
guer  les  différentes  efpeces  d'érables  en  grands  &  petits  :  les  grands  éra- 
bles forment  de  belles  tiges  bien  droites  ,  ils  ont  l'écorce  unie ,  la  feuille 
fort  grande  :  les  petits  érables  ont  le  bois  plus  menu ,  la  feuille  plus 
petite  5  &  font  d'autant  plus  propres  à  former  ou  à  regarnir  des  palifla- 
des ,  qu'ils  ont  le  mérite  fîngulier  de  croître  à  l'ombre  &  fous  les  autres 
arbres. 

Nous  allons  préfenter  dans  cet  article  un  tableau  des  diverfes  efpeces 
d'érables  les  plus  connus  ,  èc  dont  on  retire  le  plus  d'avantage.     ' 

Erable  blanc  de  Montagne  ou  Sycomore ',  aurmontanum  can-  _ 
àïdum.  Le  fycomore  devient  en  peu  de  temps  un  grand  &  gros  arbre  ; 
il  fe  garnit  d'un  feuillage  épais,  qui  donne  beaUtotîp  'd'ombre  &  de 
fraîcheur  ;  fa  tige  s'élève  droite  ,  fon  écorce  efl:,.Jutfie  ,  roufsâtre  ;  fa 
feuille  large  ,  liiTe  ,  découpée  en  cinq  parties  principales,  dentelées, 
d'un  vert  brun  en  deflus  &  blanchâtre  en  deflpus-;  fes  fleurs  ,  qui  font 
d'une  couleur  herbacée ,  viennent  en  grappes  ioô^ues  &  pendantes. 

Cet  arbre  a  été  autrefois  fort  à  la  mode  pouf^lfêjre  des  avenues  &  des 
faîles  dans  les  parcs  ;  mais  on  l'a  prefque  abandonné ^, parce  qu'il  fe  dé- 
pouille de  très-bonne  heure,  &  que  fes  fôui^|eâ- font,  fui  êtes  à  être  dé- 
vorées  par  les  infedes  :  un  de  fes  défauts  eftd'a^if-.'^Ies. feuilles  d'une 
verdure  trifl:e  ,  trop  foncée,  &  fur-toutt  JQnqiJ'^  m^^^^  à 

pouffer,  ce  qui  eft  entiérem.ent  .0{5pd^;ai|y^t^t  de 

prefque  tous  les  arbres  ;  mais  il  y  auroit  peut-etrerde  l'art  à  profiter  même 
de  ce  contrafte  de  verdure.  /;  ;  ' 

Cet  arbre  a  des  qualités  qui  rachetentàmplenient  ces  petits  défauts; 
il  fe  multiplie  de  toute  manière  avec  la  pluj. grande'  facilité ,  même  par 
îe  moyen  de  la  greffe  fur  les  autres  érabks  i  il  eff  d'un  tempérament  fî 

riii^î',.  ■ 


620  E  R  A 

robufte ,  qu'il  s'accommode  à  toutes  fortes  de  terrains  ;  il  fe  foutîent 
contre  les  grandes  chaleurs  &  les  longues  fe'cherefTes ,  même  dans  les 
Provinces  méridionales  de  ce  Royaume ,  où  l'on  n'a  pas  eu  de  meilleure 
refTource  que  de  recourir  au  fycomore  ,  pour  remplacer  avec  fuccès 
différentes  autres  efpeces  d'arbres  qui  avoient  péri  fucceflivement  dans 
une  partie  du  cours  de  la  ville  d'Aix  en  Provence.  Un  avantage  très- 
grand  &  particulier  à  cet  arbre  ,  c'eft  qu'il  réfifte  parfaitement  à  la 
violence  &  à  la  continuité  des  vents  ;  enforte  qu'on  doit  l'employer 
par  préférence  lorfqu'on  veut  garantir  quelques  bâtimens  ou  quelques 
plantations  de  rimpétuofité  des  vents. 

Le  fycomore  eft ,  au  rapport  de  M.  Miller  ,  celui  de  tous  les  arbres 
qui  eft  le  moins  affeâé  par  les  vapeurs  de  la  mer  :  il  réfifte  aux  hivers 
les  plus  rigoureux  ,  même  dans  fa  première  jeu  nèfle  ,  &  il  foutient  le 
froid  exceflîf  du  Canada ,  où  cet  arbre  eft  fort  commun  ,  de  dont  on  tire 
par  incifion  une  fève  dont  on  fait  de  bon  fuc ,  que  l'on  nomme  fucre 
d'érable  ,  comme  on  en  xetire  aufli  d'une  autre  efpece  d'érable,  que 
Ton  nomme  lepetit  érable  plane  ou  VérabU  à  fucre.  Nous  expliquerons  à 
l'article  de  cette  efpece  d'érable  ,  les  circonftances  qu'il  faut  choifir 
&  la  manière  dont  on .  doit  s'y  prendre  pour  retirer  le  fucre  de  ces 

.  arbres. 

;,  ?-:Ceft  ,ic!?rdinairement  dans  les  pays  de  Montagnes  que  croît  natureî- 
ieraent^'fycDmprdîvpn  le  trouve  dans  quelques  forêts  de  l'Europe 
&  de  i'Amérique  Septentrionale  ;  comme  cet  arbre  croît  au  mieux 
dans  les  terrains  lesf'plus  fecs  &  les  plus  arides ,  fon  bois  eft  fec , 
léger  ,  fonore,  brill^nl:  auflî  les  Luthiers  s'en  fervent-iîs  avantageufe- 
ment  pour  faire  leiri^'^lfiftrumens.  C'eft  le  meilleur  de  tous  les  bois 
blancs,  il  n'eft  poiat,,fujet  à  fe  tourmenter,  à  fe  déjeter,  ni  à  fe  fen- 
dre ;  qualités  que  l^"Jlj^^|iiftes  ,  les  Armuriers,  les  Sculpteurs,  les 
Tourneurs,  les. Menùifter-èi;^  autres,  recherchent  pour  la  fabrique  de 
plufieurs  petità^ôuvrages, 

;Ly/-<î^/^j^ç.w/zc>r</^^)2ftV  n;eft  qu'une  variété  de  l'efpece  dont  nous 
venoïlà  de,  paflër.^'^elîé  il^en  "diffère  que  par  fes  feuilles  bigarrées  de 
jaune  &  dô  vert,  qmf.foiît.'aiîLagfiment  fingulier:    cette  variété  de 

'^ipouleur,  qui  n'efl  qu'un  accidelK-^^Ccafion né  par  la  foibleffe  ou  la 
ipaladie  de  l'arbre^  ou 'par  la  maiivaife  qualité  du  terrain,  ne  fe  fou- 
tient.dans  la  plupart 4bs;autj;es  arbres  panachés,  qu'en  les  multipliant 
par  îa.^i;çffê.ou  eh" çoucliant leurs  branches,  &  en  leur  faifant  pren-- 


•"^-■^Ô 


ÊRA  '621 

dre  racine  5  &  nullement  en  femant  leurs  graines,  attendu  que  les 
plantes  qui  en  naiflent ,  rentrent  dans  leur  état  naturel  ;  mais  dans 
refpece  des  fycomores  panachés,  on  peut  multiplier  cette  variété, 
même  par  la  graine ,  qui ,  lorfqu'on  la  feme ,  produit  des  plans  qui 
font  prefque  tous  panachés. 

Érable  plane  ou  a  feuilles  de  platane.  Cet  arbre  poufîe 
une  belle  tige  droite ,  &  peut  fe  diftinguer  du  fycomore  par  fon 
écorce,  qui  efl:  blanchâtre  fur  le  vieux  bois;  par  fes  boutons  rou- 
geâtres  pendant  l'hiver;  par  fes  feuilles  plates,  minces,  amplement 
découpées,  à  grandes  dents  fort  aiguës,  dont  les  intervalles  fon 
confidérables ,  liffes  d'ailleurs  &  fines,  d'un  vert  un  peu  moins  tendre 
que  celles  du  platane,  &  qui  ne  font  point  blanches  en  deflbus;  par 
fes  fleurs  jaunes  difpofées  en  bouquet.  Le  fycomore  au  contraire  ,  a 
l'écorce  roufsâtre;  les  boutons  jaunes  en  hiver;  la  feuille  plus  épaifle, 
plus  brune;  les  fleurs  d'un  petit  jaune  verdâtre  moins  apparent.  L'érable 
blanc  a  les  feuilles  dentelées ,  mais  les  dents  eu  font  plus  courtes  &  plus 
nombreufes. 

L'érable  plane  efl:,  après  le  platane,  un  des  plus  beaux  arbres  que 
l'on  puifTe  employer  pour  l'ornement  des  jardins  :  il  n'a  point  les  petits 
défauts  du  fycomore  ;  car  fa  verdure  tendre  &J:^agréable  Te  foutient 
avec  égalité  pendant  toutes  les  faifons,  &  fes  feuilles  ne  for^t  jamais 
attaquées  par  les  infeftes:  il  a  de  plus  toutes  les 'bQnhi?  qualités-  du 
fycom.ore  ,  avec  lequel  il  a  tant  d'analogie,  qu'on  peut  lui  appliquer 
tout  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  du  fycorhdre  :  cet  érable  plane 
donne  un  ombrage  plus  épais,  &  il  croît  mêmi^l^us  vite  que  le  fyco- 
more. On  a  vu  des  plants  de  cet  arbre,  v^ii^^de  femence  dans  un 
terrain  fec ,  s'élever  jufqu'à  douze  pieds  en  ..ttgis  ans.  Les  Anglois 
donnent  à  cet  arbre  le  nom  à'éraMe  de.  A^i^?^»"- parce  que  vraifem- 
blablement  il  leur  efl  venu  de  ce  pays-ià»liSo»"4.l  .e,ft  très-commun. 

U érable  plane  panaché  n'eft  qu'une  yârieté-' de  l^.foéce  dont  nous 
venons  de  parler:  il  n'eft  pas  encore  Certain  .*^^ë:l£î,\:gr^ine  de  cette 
efpece,  étant  femée,  donne  des  plants  qTarcbnferyeiit.  la;  variété  des 
couleurs  de  la  plante,  comme  le.faitf la  graiffe  du, fycomore  panaché. 

Petit  Érable   plane  pu  JÈfij(lLE  a  WcBE,,Yr<zcer."^/>o'/>7/W7zz/;7îr;: 
Cet  arbre  eft  de  moyenne  grandeùr^^ilvcroît  natureHemept  eii- *•¥«-. 
ginie  ,  où  il  eft  fort  commun  jon-l'y  viQ^m^J^raMe  à  fucre:  là  feuille 
de  cet  arbre  a  alTez  de  refleniblaacè'$v!^celjl«.'de  i*érable.  ■pian^..6rdi- 


■?  ••  .'-Â 


6-22  ■      Ê  R  A 

iiaire,  mais  eîie  eft  plus  grande,  plus  mince,  &  d'un  vert  pluspule, 
tenant  du  jaunâtre  en  deïTuSg  &  un  peu  bleuâtre  en  deflbus,il  a  auflî 
un  accroifiement  bien  plus  lent.  Cet  arbre,  ainfi  qu'on  le  lit  dans  l'En- 
cyclopédie,  eft  encore  fort  rare  en  France;  cependant  nous  en  avons 
vu  en  1762  plufieurs  plants  dans  les  jardins  de  M.  de  Bujfon  à  Mont- 
bard  en  Bourgogne-,  qui ,  quoiqu  âgés  de  dix  ans,  n'avoient  encore 
donné  ni  fleurs  ni  graines.  Cet  arbre  eft  tiès-robufte ,  il  foutient  très- 
bien  les  grandes  chaleurs  &  les  grandes  fécherelî'es  ;  il  prend  plus  d'ac- 
croiflement  dans  les  terrains  fecs  &  élevés,  que  dans  les  bonnes  terres 
de  vallée. 

On  retire  par  incifion ,  dans  la  Virginie  &  au  Canada,  du  petit 
érable  plane  dont  nous  parlerons,  &  du  fycomore,  une  liqueur  fluide 
S^  limpide  comme  Feau  la  mieux  filtrée,  qui  laifle  dans  la  bouche  un 
petit  goût  fucré  fort  agréable;  la  première  le  nommQ  fucrc  de  plaine  , 
&  \a.(Qcon&Q  fucre  d'érable.  L'eau  d'érable  efl;  plus  fucrée  que  celle  de 
plaine,  mais  le  fucre  que  l'on  retire  de  l'eau  de  plaine  en  la  concentrant 
par'  évaporation  ,  efl:  plus  agréable  que  celui  d'érable.  L'une  &  l'autre 
efpece  d'eau  efl:  fort  fucrée  ;  on  n'a  jamais  remarqué  qu'elle  ait 
incom.modé  ceux  qui  en  ont  bu ,  même  étant  en  fueur  :  elle  paflè 
trcs-prjDmptement  p'^i--  les  urines. 
*iQ@t,  retire  la  li^ew  fucrée  de  ces  deux  efpeces  d'érables  ,  enfaifant 

.  une  in^cfîT  ôvslè  vers  le  bas  de  l'arbre:  il  faut  que  cette  incifion 
pénétré  dans  lè-'bxHs^jufqu'à  la  profondeur  de  deux  ou  trois  pouces, 
parce  que  ce  font -î^- fibres  ligneufes,  &  non  les  fibres  cortixales , 
qui  JournifTent  cette.^Uqueur  fucrée.  Dès  que  les  arbres  entrent  en 
fève,  que  leur  écorce  commence  à  fe  détacher  du  bois,  c'efl-à-dire , 
vers  le  mois  de  Mai^,. I^  (eve  ne  co-ule  prefque  plus,  ou  celle  qui 
découle  a  un  gpig^'^tfhérbe  défagréable ,   &  on  ne  peut  parvenir  à 

.l'amener  à  l'état-d-e,  fùere^^es  habitans  en  font  alors  une  efpece  de 
^rop;CapinaiÊe,;^€«efl:  depûi^ia  mi-Mars  jufqu'à  la  mi-Mai  que  ces 
prbrès  dor?nent;'.c^te/^  plus  grande   abondance:  on 

fiche  iaii-dçHo^là  de  la  plaie  un"tu.yàU.de  bois  mince  qui  reçoit  la  fève, 
Zi  la 'conduit  xlahs.  vin 'vafe  que  Fon  met  au  pied  de  l'arbre,  Lorfque 

:i,es  circonftapcé?  font  fk\^orabîes!,  c'efl:-â-d.ire,  après  le  dégel,  la  liqueur 
coulé  fi  abondajffimeni  "qu'elle  forme  un  filet  de  la  groiTeur  d'un 
tuyau  de  plume ,  .jp<:  v9^i*,eUe  femplit  une  mefure  de  pinte  de  Paris 
dans  u.nnfluart-d'hèur;e,''iy,es  .vieux  arbres  donnent  moins  de  liqueur  que 
S  jc-pnes^.  rttlis  elle'ôfl:'  pî^^^'^fucrçe, 


ÉKÂ  ^62^ 

Il  eft  elTentiel ,  lorfqu  on  veut  conferver  les  arbres ,  dé  ne  leur 
faire  qu'une  feule  entaille  ;  car  fî  on  en  fait  quatre  ou  cinq ,  dans  la 
vue  d'en  tirer  une  plus  grande  quantité  de  liqueur,  alors  les  arbres 
dépérilTent,  &  les  années  fuivantes  on  en  tire  bien  moins  de  liqueur. 
Pour  amener  cette  liqueur  à  l'état  de  fucre ,  on  la  fait  évaporer  par 
l'adrion  du  feu,  jufqu'à  ce  qu'elle  ait  acquis  la  confiftance  d'un  firop 
très-épais ,  &  on  la  verfe  enfuite  dans  des  moules  de  terre  ou  d'écorce 
de  bouleau  :  en  fe  refroidiflant  le  firop  fe  durcit ,  &  l'on  obtient  des 
pains  ou  des  tablettes  d'un  fucre  roux  &  prefque  tranfparent,  qui  cft 
affez  agréable,  fi  l'on  a  fu  faifir  le  degré  de  cuifTon  convenable;  car 
le  fucre  d'érable  trop  cuit  a  un  goût  de  mclalfe  ou  de  gros  firop  de 
fucre ,  qui  eft  peu  gracieux.  Deux  cents  livres  de  cette  liqueur 
fucrée,  produifent  ordinairement  dix  livres  de  fucre.  Quelques  habi- 
tans  de  ces  pays  fophiftiquent  le  fucre  d'érable  avec  un  peu  de  farine 
de  froment,  qui  lui  communique  plus  de  blancheur;  mais  ce  fucre 
alors  a  une  odeur  moins  agréable  &  une  faveur  moins  douce. 

Le  fucre  d'érable  ,  pour  être  bon  ,  doit  être  dur,  d'une  couleur 
roufie,  un  peu  tranfparent,  d'un  odeur  fuave,  &  fort  doux  fur  la 
langue  ;  on  l'emploie  au  Canada  pour  le  même  .ufage  que  celui  des 
cannes  à  fucre.  On  eftime  que  l'on  fait  tous  les  aîis  au  Canada  douze 
à  quinze  milliers  pefant  de  ce  fucre. 

Jufqu'à  préfent  on  n'a  point  encore  retiré   en-"Krance  de 'liqueur-  ' 
fucrée  de  l'érable:  on  peut  remarquer  feulement  fut  les  feuilles   du 
fycomore ,  &  fur  celles  du  petit  érable ,  une  humidité  vifqueufe  très- 
fucrée,  qui  n'eft  que  le  fuc  extravaféde  ces  arUe.s,  quife  condenfefur 
les  feuilles. 

Il  croît  en  Virginie  une  efpece  d'érable,  dont  Jes  feuilles  font  d'un 
vert  brillant  en  deflus  ,  &  argentin  en  defiR)us;'à«iîî  Ta-t-on  nommé 
érable  blanc.  Dès  le  mois  de  Janvier,  dan£^>ÎTEs  hivers  peu  .rigoureux ^ 
il  commence  à  donner  des  fleurs  rouges  qui^font  un  afpeâ;  très-agréable- 
dans  une  femblable  faifon:  on  leur  voit-fuccédeir  les  fruits  quij^  ayant 
la  même  couleur ,  font  durer  le  même  ngrémèit:  'il  >'&  (é  plaît  que  dans 
une  bonne  terre.  .    ■ 

Il  croît   aulli  à  la  Virginie   une  ;autrq-. efpece  'd'arable ,  dont  les,; 
feuilles  différent,  pour  la  forme,  de' celles  des  autres  érables ,  &  ont, 
quelque  rapport  avec  les   feuilles    du  frènéV'ce-Aquî  l'a"  fait  nommer 
irabU  à  feuilles  de  frine  :  cet  arbre  afAtinëès-béau  feuillage  .(fùn^ert 


>  II- 


62^  E   R  B  ESC 

tendre,  il  réuflit  &  croît  très-vite  dans  toutes  fortes  de  terrains:  on 
devroit  s'attachera  le  multiplier,  à  caufe  de  l'utilité  que  l'on  pourroit 
retirer  de  fon  bois. 

On  voit  en  Italie,  le  long  des  chemins,  une  efpece  d'érable  à  Feuilles 
rondes,  que  l'on  nomme  0pale  ,  dont  le  feuillage  eft  très-beau,  &  qui 
mériteroit  d'être  multiplié. 

L'Érable  COMMUN  ou  le  petit  Érable,  eft  d'une  refTource 
infinie  pour  fuppléer  à  la  charmille,  par  tout  oii  elle  refufe  devenir, 
&  pour  remplacer  les  vides  où  tout  autre  plant  périt.  Les  feuilles  de 
cette  efpece  font  beaucoup  plus  petites  que  celles  des  précédentes, 
&  découpées  en  trois  ou  cinq  pièces  principales,  échancrées  de  chaque 
côté  :  fon  écorce  ell  cannelée.  De  toutes  les  efpeces  d'érable ,  celui 
de  Candie  eft  le  plus  petit. 

Lorfqu'on  veut  femer  des  graines  d'érable,  comme  les  mulots  en 
font  fort  friands  &  en  détruifent  beaucoup ,  le  mieux  eft  de  les  ftra- 
tifier-  (  c'eft-à  dire  les  mettre  alternativement  couches  par  couches  ) , 
avec  de  la  terre  légéregment  humide ,  ou  avec  du  fable,  pour  ne  les 
femer  qu'au  printemps'pêie-mêle  avec  ce  fable;  elles  lever  ont  alors  trcs- 
promptement ,  fur-tgut  fi  on  ne  les  a  pas  mifes  trop  avant  dans  la 
terre.  ,    ,  ..  ^^ 

On  XiSn.ne  le  fl^âftl'^de  brouflin  acrabU  (  moLlufcum)  à  une  excroif- 
fance.^^dée"&^.2|^K^ée  fort  agréablement ,  qui  vient  pour  l'ordinaire 
fur  férable.  Cettç.jtoftance  étoit  d'un  grand  prix  chez    les  Romains. 


On  s'en  fert  encoç^.a^jourd'hui  pour  faire  des  calTettes,  des  tablettes, 
<3c  quelques  autres,  bu  "-rages. 

ERGOT  ou  BÏ^^^QRNU.  Voyei  à  l'art.  Seigle. 
ERGOT.   Nom ^ueJ,*on. donne  vulgairement  à  une  forte  de  corne 
mp-lle,  ou -aux  turneutsipm  poil  que  portent  entre  les  jambes.  Sec. 
léâ  chevau?^  &.:^aelques^^  à  pied  fourchu.  On  appelle  encore 

-^/•^?>  les  épdf0ft^3U.^co.q. 
-  ^.|klSYMÛM, ^^j/^l  Yélak. 
;/,-';ER.MINE.  ^'bvéf HERmNE.. 
#  :  EflS.'^Ko^'t'^  a  VdTÛch  Oeobe,. 
,"  ESCALIER. .vNom  donné  par" quelques-uns  à   un  coquillage  uni- 
valve  que  l'on  "place" dans  la  famille  des  vis,   &  qui  pourroit    être 
regardé'  co.n\me  une   efpece  à'Si  xuyau  de   mer  ,  puifqu'il  n'a  point 


ESC  6-2^ 

d'axe  intérieur  ou  noyau  qui  s'obferve  dans  toutes  les  coquilles  tur- 
binées,  L'efcalier,  lorfqu'il  eil:  d'une  certaine  grandeur,  eft  très-recher- 
ché &  très-précieux  :  on  l'appelle  a.ufCi  fcalata  :  voyez  ces  mots.  On 
prétend  que  l'amour  de  la  parure  fait  mettre  aux  oreilles  des  femmes 
Chinoifes,  la.  fcalata,  comme  un  ornement  qui  peut  compenfer  les 
diamans.  Le  Golfe  adriatique  en  produit  beaucoup  de  petits  qui  appar-j 
tiennent   aux  vis.  Ce  font  les  £a\i{ihsfcalata.  F'oyei  ScALATA. 

ESC AKBOT  ,  /carabe us.  Infeéte  volant  &  coléopterCj,  c'eft-à-dîre, 
dont  les  ailes  font  renfermées  dans  des  étuis.  Quelques  Naturaliftes 
donnent  le  nom  d'efcarbot  à  tous  les  fcarabées  ;  mais  ce  nom  paroit 
plus  communément  affedlé  à  rinfe<^e  que  nous  nommons  fouille-merdc 
ou  fcarabéc  pilulairc,  fcarahcus  pilularis ,  ainfi  qu'à  celui  qu*on  nomme 
fcarabée  onciueiix  ou  profcarabê&  ^  profcarabeus ,  deux  efpeces  d'infeétes 
qui  font  de  quelqu'ufage  dans  la  Médecine.  M.  Lïnnœus  a  étendu 
beaucoup  la  claiTe  des  efcaibots  qu'il  diftingue  de  celle  des  fcarabées. 
Voyti^  Scarabée. 

L'Esc ARBOT  COMMUN  OU  GRAND  PiLULAiRE  ,  connu  Vulgaire  - 
ment  fous  le  nom  de  fou'dU-merde ,  fodi-merda,,.^  a  le  corps  large  , 
épais,  de  couleur  noire,  luifante,  mêlée  d'une  teinte  de  bleu.  Son 
corfslet  eft  arrondi  &  fort  convexe.  Sa  tête  qui  eft  bombée  en-defius, 
&  de  forme  rhomboïdale  ,  foutient  deux  antenn^es^jdont  les  eî^rémités 
font  divifées  par  plufieurs  filets.  La  bouche  de  rin^fiè-eft  g-a^nie  de 
deux  mâchoires  rabattues  &  parfemées  d'un  duvB:  tariaé.  Les  jambes 
font  antérieurement  dentelées  en  manière  de  fcf^-^'ftrudure  appro- 
priée à  l'ufage  dont  elles  font  à  l'infeéle  ;  car  if^s^  fert  pour  former 
des  pilules  ou  boules  de  fiente  ,  dans  lefquelle,§^.n,  dépofe  fes  œufs, 
qui  y  éclofent  à  faide  de  cette  douce  chaleur. ;2tt|iiimier  dont  ils  font 
enveloppés.  Il  paroit  que  cet  infecte  prend  uif'ioîfii'iiarticulier  de  cette 
boule,  le  berceau  de  fa  famille,  &  qui  k>|raajfporte  par-tout  avec 
lui.  Si  on  la  lui  enlevé,  &  qu'on  la  dépofe  à  u^é  petite  diftanc,e.,<;jil 
vient  la  reprendre 

Le  fouille-merde,  ainfi  que  la  plupart  des  eTcarbots,-  eft  vraiement 
nyélalope  ,  t'eft- à-dire ,   qu'il  voit  plus    clair  de  nuit  que  de  jour: 
l'éclat  du  foleil  l'éblouit  ;  il  ne  vole,  que  Ta  nûiç.  Ceft  toujours  dans 
les  fientes  de  vache  ou  de  cheval  que  l'on  trouve  ces  infeétes  ;  cepen-" 
dant  on  croira  avec  peine  ce   que  difent  quelques  Auteurs ,  que  cef- 
Infede  détefteles  rofes,  &  que  la  feule  odei^r  de  ces  fleurs  le  fait  mourir. 

Tome  IL  ,   •   .  Mkk'  '   ' 


626  ESC 

On  dlftingue  pîufieurs autres  efpeces  de  fouille-merde,  qui  dîfFérent 
de  celui  dont  nous  venons  de  parler,  par  leur  petitefle,  &  quelques 
autres  accidens.  Comme  ces  infeéles  contiennent  beaucoup  d'huile  & 
de  fel  volatil,  on  les  met  dans  de  l'huile  de  lin,  &  on  les  lailTe  infu- 
fer  au  foleil.  Cette  huile  acquiert  une  vertu  réfolutive,  adouciflTante' 
&  fortifiante  :  on  l'emploie  avec  fuccès  en  liniment,  en  y  trempant 
du  coton  pour  réfoudre  les  hémorroïdes,  &  pour  en  appaifer  les 
douleurs. 

L'ËscAPvBOT  ou  Scarabée  onctueux  ou  Proscaràbée.  Cet 
infede  eft  différent  du  genre  des  efcarbots;  il  eft  gros  comme  le 
doi^t ,  &  a  quelquefois  un  pouce  &  demi  de  longueur.  Ses  antennes 
font  compofées  d'anneaux  ronds,  plus  gros  au  milieu  de  l'antenna 
qu'aux  deux  extrémités.  Il  n*a  point  d'ailes,  mais  feulement  deux  étuis, 
qui  ne  couvrent  que  la  moitié  du  corps.  En  général  cet  infede  eft: 
tout  noir  &  mollaiTej  fa  tête  &  fon  cou  font  d'un  pourpre  foncé  ou 
violet.  On  apperçoît  autour  du  corps  pîufieurs  cercles  nuancés  de  bleu  y 
de  vert  &  de  jaune. 

On  nomme  cet  in{Q&:e  JcaraBée  onctueux ,  parce  qu'il  fuinte  de  toutes 
les  jointures  defes  jambes,  une  liqueur  grafie ,  ondueufe,  de  couleur 
jaune ,  qui  teint  les  mains ,  &  qui  efl:  d'une  aflez  bonne  odeur.  C'eft- 
ordinairement  vers  le  mois  de  Mai,  rarement  plus  tard,  que  l'ontrouve-- 
ces  infe:p:es  dansJe^-^ois ,  le  long  des  chemins,  ou  dans  les  prés  humides  r 
ils  fe  nourriffentd^e  vers,  mais  principalement  de  feuilles  de  violettes  ôc 
d'herbes  tendres. 

Cet  infede  fut  adore  autrefois  par  les  Egyptiens.  Ils  l'îionoroient 
comme  une  vive  image  du  foleil.  On  le  voit  repréfenté  tantôt  fous  fa 
forme,  tantôt  au  lieu  fb  tête  il  porte  l'image  du  foleil  ou  une  tête 
à'IJis.  Tel  étoit'Xe'^u^^-fcarabce, 

La  liqueur  qui  fuinte  de  cet  efcarbot,  eft  pleine  d'huile  &  de  feî 
volatil.  On  dit  que  cette  liqiieur  ondueufe  eft  un  bon  topique  pour 
le^,  plaies  i^OQ' la  .fait,  entrer  dans  les  emplâtres  contre  les  bubons 
&  les.  charbons  peflilefitiéis.  L'huilé  par  infufion,  faite  avec  ces  infedes, 
eft  éftim.ée  bonne  contre':la, piqûre  des  fcorpions, 
-  Entre  les  infedes  que  M.  Lianccus  place  dans  la  claiTe  dQS  efcarbots , 
les  plus  curieux  à  connoître  font  le  najicorne  ou  efcarbot- Licorne ,  qui 
■  a  une  corne  qui  fe  courbe  en  arc  fur  les  épaules  ;  ïejcar bot-mouche  qui 
bat  des  ailes  avec  une  viteffe  incroyable  i  les  ejcarbots  verts  &  dorés  qui 


ESC  6'27 

ne  reffemblent  aux  cantharîdes  que  par  la  couleur  ;  Fayei  Emerau- 
DiNE  :  les  efcarbots-fauterelles  qui ,  après  avoir  ramafie  cnfemble  leur 
tête  &  leur  poitrine,  font  un  faut  en  alongeant  le  corps;  voye^  Tau- 
pin  :  &  ïefcarbot  joueur  de  lyre ,  ainfi  nommé ,  parce  qu'il  rend  ua 
ion  femblable  à  celui  de  la  lyre,  par  le  mouvement  de  fa  tête  qu'il 
frotte  contre  fon  ventre.  Ces  efcarbots  ,  ainfi  que  tous  les  autres , 
avant  que  de  paroître  dans  cet  état,  ont  été  dans  celui  de  ver,  &  ont 
fubi  d'autres  métamorphofes  ,  ainfi  qu'on  peut  le  voir  au  mot 
Scarabée. 

Parmi  les  efcarbots  étrangers ,  un  des  plus  finguliers ,  eft  Vefcarbot'i 
éléphant ,  fcarabeus-elephas.  Efpece  de  grand  fcarabée  que  l'on  rencontre 
à  Moka,  à  Surinam,  fur  la  rivière  de  Ronoch,  &  dans  la  Province 
de  la  Guiane  dans  l'Amérique  méridionale.  Cet  infede  eft  large  de 
deux  pouces  un  quart,  long  de  trois  pouces;  indépendamment  de  fa 
trompe  qui  a  plus  d'un  pouce  de  longueur.  Son  corps  eft  noir  ,  fes 
antennes,  ou  plutôt  les  cornes,  font  immobiles;  mais  fa  trompe  eft 
fort  mobile.  On  diftingue  encore  une  éminence  au-deflus  de  la  tête 
de  l'animal. 

En  général  on  ne  doit  placer  parmi  les  efcarbots  que  les  infeéles 
qui  ont  la  propriété  de  renfoncer  leur  tête  fous  leur  corfelet ,  ils  vivent 
dans  les  charognes  &  les  fiçntes  d'animaux.  '  . 

ESCARBOUCLE  ou  Pierre  de  charbon  àïvdent  ,  carboncw 
lus.  Les  anciens  ont  donné  ce  nom  à  prefque  toutes  les  pierres  pré- 
cieufes  tranfparentes  &:  rouges  :  aujourd'hui  on  entend  par  efcarbouclc 
le  vrai  rubis.  Voyez  ce  mot, 

ESCARRE.  Foyei  jon  arùcU  au  mot  C0RALÏ.1NE.  On  appelle 
efcharitcs  les  efcarres  ou  rétépores  devenus  foflilés  j^  à  pores  grands 
&  petits,  &  arrondis  ou  à  maires  ovales.  Ainfi  ies*  feuilles  ou  lames 
des  efcarites  qui  font  dures,  quelquefois  finiples  &  d'autres  fois 
groupées,  fe  trouvent  ou  percées  à  jour,  ou  feulement  parfeméesi 
de  trous  fur  les  deux  furfaces.  On  trouve  beaucoup  de  ces  fofliles  en 
Touraine. 

ESCARGOT.  Nom  que  l'on  donne,  au. limaçon  terreftre.  Voye^, 
Limaçon. 

ESCLAVE.  Nom  que  l'on  donne  au  tangara  de  Saint  Domingue. 

Son  plumage  eft  brun  deflus  le  dos,  &  tacheté  de  blanc  fous  le  Ventres 

il  a  la  queue  un  peu  fourchue,  Foye^  TangarA. 

..     Kkkk  a 


■^2  8  ESC  ESP 

ESCOURGEON.  Eft  Vorge  cPaueomne  dont  l'épi  a  quatre  côté^, 
aujieu  que  l'orge  ordinaire  n'en  a  que  deux  :  on  l'appelle  orge  quarré  , 
wgi  dt  primct 

On  recueille  ce  grain  dès  le  mois  de  Juin,  c'eft  un  fecours  pour  les 
pauvres  gens;  &  ils  en  vivent  en  attendant  que  la  moififon  leur  fournilTe 
leur  provifion  pour  l'hiver.  L'efcourgeon  fe  peut  couper  en  vert,  & 
jepoulTer  deux  ou  trois  fois:  les  chevaux  en  aiment  également  le 
vert   &  le   grain.    Voyei  C article  Orge. 

ESCULAPE.  Ees  Zoologiftes  donnent  par  excellence  ce  nom  a 
un  ferpent  jouflu  &  à  grolTes  babines,  qui  ne  caufe  point  la  mort, 
&  qui  ne  fait  même  aucun  mal,  à  moins  qu'il  ne  foit  irrité;  car  alors 
il  mord  un  peu.  Ce  ferpent  naît  dans  l'ile  de  Caprée ,  &  dans  pref- 
que  toutes  les  parties  du  monde  habité.  En  Italie  il  eft  fi  doux  ,  fi 
familier,  qu'on  ne  trouve  dans  les  lits,  &  qu'il  vit  volontiers  avec  les 
hommes, 

M.  Linnœus  en  ci^e  un  qui  eft  long  d'environ  un  pied  &  demi ,  & 
'     de  la  groffeur  d'un  doigt.  Sa  queue  n'a  de  longueur  que  la  fixieme 
partie  de  fon  corps.  On  lui  compte  quarante-deux  écailles  qui  font 
égales  en  grandeur. 

Scba  fait  mention  de  fept  efpeces  d'efculapes  de  diverfes  couleurs 
magnifiques ,-&  qui  fe  trouvent  ou  au  Bréfil ,  ou  à  Panama,  &  en 
d'autre$  pays  de'f^Amérique,  Leur  gueule  eft  armée  de  dents  pointues 
&  un  peu  crochues  :  au  fil  dès  que  ce  ferpent  a  une  fois  un  morceau 
dans  la  gueule,  il  le  poufle  aifément  dans  fon  gofier;  mais  il  ne  fauroit 
enfuite  le  rejetter_à<caufe  de  fes  dents  en  crochets  :  ce  qui  fait  qu'avant 
de  prendre  fon  repas  qui  confifte  ordinairement  en  rats  champêtres, 
•  en  loirs  &  en  oifeauxy  il  ne  manque  pas  de  les  flairer,  fe  donnant 
garde  de  porter  à  fa'  gueule  ce  qu'il  ne  juge  pas  pouvoir  avaler  com- 
modément, 

.    ESPADON -ou.  ipÉE   DE  mer   dentelée  ou  poisson   a  scie» 
'    Voye:^au  mot  'Qm.wœj.  S  article  Espadon, 
ESPARCETTE.royeç  Sain-foin. 
-V.   -ESPARGOUTE  ou :ESPARG0ULE.  Voyei  Sperjule, 
ESPATULE.  Fojye^  Glayeul  puant, 

ESPATULE,  M.  Bamre  dit  qu'on  a  donné  ce  mot  à  une  efpece 
de  héron  blanc  qui  fe  trouve  dans  l'ile  de  Cayenne,  &  dont  le  bec 
eft-femblable  en  quelque  forte  à  l'efpatule  dont  les  Apothicaires  fe 


ESP  EST  62g 

fervent  pour  remuer  leurs  drogues.  Les  plumes  de  cet  oifeau  changent 
de  couleur  en  vieilliflant  :  elles  deviennent  -tantôt  jaunes  &  tantôt 
rouges  ;  changement  qui  s'obferve  dans  le  plumage  de  plusieurs  autres 
oifeaux  de  l'Amérique.  Voyez  Paktu, 

ESPAZE.  Voyc':^  Flambeau. 

ESPLANDIAN.  Coquille  univalve  de  la  famille  des  cornets.  Sa  robe 
eft  bariolée  de  petites  lignes  fauves  fur  un  fond  blanc ,  &  ces  lignes 
fe  joignent  de  différentes  manières  en  forme  de  fils  de  toile  d'araignée; 
ce  qui  a  fait  appeller  cette  coquille  toiU  d'araignée  chez  les  Hollandois, 
Sa  tête  peu  élevée  eft  chargée  de  petits  tubercules.  Il  y  a  des 
efplandians  dont  le  réfeau  eft  plus  ou  moins  ferré  &  qui  offrent  à^^ 
zones. 

ESQUAQUE  ou  ESCAYE.  Foye^  U  mot  Ange. 

ESQUINE.  Voyei  Squine. 

ESSAIM.    Voyei  au   mot  AbeiLLE. 

ESSENCE  D'ORIENT.  Voyei  à  fan'ich  Able, 

ESTOMAC.  Voyez  à  l'article   Homme. 

ESTRAGON ,    dracunculus   efcukntus.    Plante  qu'on   cultive   dans 
tous  les  jardins  potagers.  Sa  racine  eft  longue,  branchue  &  vivace  : 
elle  pouffe  tous  les  ans  de  nouvelles  branches  on  tiges,  de  la  hauteur 
de   deux  ou  trois  pieds,  dures,  grêles  ,  un  peu  apguleufes,  rameufes. 
Ses  premières  feuilles  font  découpées  ;  celles  q^Jeùf'  fucçedent  font 
longues,  étroites  &  femblables  à  celles  du  lin*. -bu-rde  "fhyfope,  d'un, 
vert  obfcur,  luifantes ,  d'une  faveur  acre,  aromatique,  mêlée  d'une 
douceur    agréable  ,   approchante   de  celle   de  l'anis.  Ses    fleurs   font 
rangées  à  l'extrémité  des  rameaux,  comme  dans'  l'aurone  ordinaire j 
mais  elles  font  fi  petites ,  qu'à  peine  peut-on  les  voir  :  elles  font  jaunes  ^ 
eompofées  de  plufieurs  fleurons  tubulés ,  partagés  en  étoile ,  formant 
enfemble  de  petits  bouquets»  A  ces  fleurs  x^icèecient  de  petits  fruits 
arrondis  &  écailleux  qui  contiennent  des  feiiie.aces  nues  &fans  aigrettes,- 
On  multiplie  l'eftragon  de  graines  &  de  plants  enracinés  :  on  le  plante- 
au  mois  de  Mars,  &  on  l'efpace  de  quelques  pouces.-.        .  ,    ,  /  "  '    " 

Toute  cette  plante  a  une  grande  acrimonie*  Elle  eft  emplb^^ée  dans 
les  falades,  pendant  qu'elle  eft  encore  j-éuhe  &  tendre  ;  car  non  félf^- 
lement  cet  afî'aifonnement  relevé  le  gbûtd^  la  falade,  mais.il'  peut 
encore  devenir  fort  utile  pour  l'eftomac,  &  concourir  efficacement- 
avec  le  fel^le  poivre  &  le  vinaigre,  à  corriger  U  fadeur  &•  Tinertie-; 


6-5  0  EST 

des  plantes  aqueufes  &  infipides ,  telles  que  la  laitue  &  plufieurs 
autres  plantes  qui  fe  mangent  en  falade.  Elle  efl  puiflamment  incifive, 
ape'ritive  &  digeftive;  elle  donne  de  l'appétit,  diiTipe  les  vents,  excite 
les  règles  &  la  falive.  En  France  on  fait  un  vinaigre  d'eftragon  d'une 
odeur  &  d'un  goût  agréables,  il  eft  fort  en  ufage  en  Cuifine  &  en 
Pharmacie.  En  Angleterre ,  fon  eau  diflillée  eft  la  plus  eftimée  de 
toutes  pour  empêcher  la  contagion  de  la  pefte. 

M.  Ilalhr  dit  qu'on  a  tiré  de  la  Sibérie  un  eftragon  femblable  à 
celui  des  jardins;  mais  fans  âcreté  &  fans  goût. 

ESTURGEON  on  ÉTURGEON,en  latin  acclp enfer  feu  fturio , 
Poifl'on  de  la  clafle  des  cartilagineux,  c'eft-à-dire,  de  ceux  dont  les 
nageoires  font  foutenues  par  des  cartilages  &  qui,  au  lieu  d'os  ont 
des  cartilages  dans  leur  intérieur. 

Dans  le  genre  des  efturgeons,  il  y  a  fur-tout  deux  efpeces  intérêt- 
fantes  à  connoître ,  par  l'utilité  qu'on  en  retire.  La  première  eft  l'eftur- 
geon  ordinaire  ou  cominun ,  fi  eftimé  pour  fon  bon  goût  ;  &  l'autre 
efpece  eft  le  grand  eftîirgeon,  dont  la  chair  n'eft  pas  bien  bonne  à 
manger,  mais  dont  on  retire  la  colle  de  poiflbn  qui  eft  d'un  fi  grand 
ufage  dans  les  arts  :  àuffi  ce  poiftbn  eft-il  nommé  par  quelques  Auteurs 
pifcis  ichtyocoLla ,  Vichlyocolle. 

"'  -Les.marques^  caradériftiques  du  genre  des  efturgeons,  font  d'avoir 
un  trou  de  chaque  côté  de  la  tête  ,  que  quelques  Auteurs  regardent 
comrne  lék- ouies,  d,*autres  comme  les  narines;  une  bouche  fituée 
au-deflbus  en  forme  dé  tuyau  &  fans  dents  ;  un  corps  oblong  muni 
ordinairement  de  lèpt  nageoires. 

L'efturgeon  ordirtairéj,  &  dont  on  fait  tant  de  cas,  a  le  corps  long  ; 
mais  en  même  temps. d'une  forme  pentagone  ou  à  cinq  angles,  qui 
font  formés  par  autant\~âe  rangs  d'écaillés.  Les  écailles  de  chaque 
rangs  ont  toutes  en  général  ^  leur  fommet,  une  épine  courte,  forte  , 
recourbée  en  arrière.  Sa  tête  eft  de  médiocre  grofleur,  hériflee  auflî 
de  petites  pointes  ou  de  petits  tubercules.  Ses  yeux  font  petits  fon 
iris  argentée:  le  mufeau  eft  long ,  large,  finiffant  en  pointe;  la  bou- 
che eft  dépourvue  d"è  dtfi)ts,  faite  comme  une  forte  de  tuyau  qui 
peut  s'avancer  jufqu'à  un  certain  point,  puis  fe  retirer.  Comme  cet 
anima)  n'a  point  de  mâchoires ,  il  paroît  clairement  qu'il  ne  fe  nourrit 
qu'en  fuçant,  &  qu'il  fait  fa  plus  grande  nourriture  d'infedes  de  mer, 
ainfi  ^u  on  l'a  pbfervé  par  l'examen  qu'on  a  fait  de  ce  qui  fe  trouvoic 


<^. 


EST  63  i 

(dans  fon  eftomac.  La  queue  de  ce  poiflbn  efl  femblable  à  celle  des 
chiens  de  mer ,  fourchue  de  manière  que  la  partie  fupérieure  avec 
le  corps,  même  aminci,  s'avance  loin  au-delà  de  l'inférieure. 

On  dit  que  tant  que  l'efturgeon  refte  dans  la  mer  ,  il  n'y  devient 
pas  bien  gros,  &  que  fa  chair,  alors  n'eft  pas  bien  bonne;  mais  que 
lorfqu'il  remonte  dans  les  fleuves  d'eau  douce ,  il  y  devient  beaucoup 
plus  grand  &  d'un  goût  exquis.  Ce  poifiTon  fé  rencontre  fréquemment 
dans  les  grands  fleuves,  tels  que  le  Nil,  le  Don,  le  Danube  & 
le  Pô  ;  on  le  pêche  aufli  dans  les  grandes  rivières.  Ceux  qu'on  pêche 
dans  la  Loire,  ont  quelquefois  jufqu'à  trois  aunes  de  longueur.  On  en 
préfenta  un  à  François  I,  qui  étoit  long  de  dix-huit  pieds.  On  ea 
pêche  quelquefois  dans  l'Elbe  qui  pefent  jufqu'à  deux  cents  livres. 

Les  efl:urgeons  font  d'un  très-grand  revenu  par-tout,  mais  fingu- 
liérement  furlePont-Euxinjcar  enfortantdela  mer,  ilsentrent  en  très- 
grande  quantité  dans  le  Palus  Méotide,  où  l'on  en  pêche  beaucoup  à  l'em- 
bouchure du  Don.  Les  efrurgeons  ne  peuvent  fè pêcher  à  l'hameçon;  on 
ne  les  prend  qu'au  filet,  parce  que  ces  poiffons  fe  nourrifîent  plutôt 
en  fuçant  qu'en  dévorant.  On  ne  leur  trouve  jamais  dans  l'eftomac  de 
nourriture  grofliere  :  ce  qui  a  fait  dire  proverbialement  en  Allemand  , 
fobre  ou  frugal  comme  un  ejîurgcon.  On  prétend  que  ce  p-oifTon  cherche 
fa  vie  fous  l'eau  en  fouillant  la  terre  avec  fon  mufeau. 

L'efturgeon  efl:  d'une  force  confidérable  dans  l'eau,  &  nc^  fur  la 
terre.  Quand  il  a  le  ventre  appuyé ,  il  renverle  dun  coup  de  queue 
l'homme  le  plus  robufl:e,  pour  peu  qu'il  le  touche,  &  même  il  peut 
calfer  de  très-fortes  perches.  Si  les  Pêcheurs  ne  prexioient  point  leurs 
précautions,  ils  rifqueroient quelquefois  d'avoir-leyjambes cafféss ;  aufli , 
pour  l'empêcher  de  donner  des  coups  de  queue: 4ïs  tâchent  de  lui  atta- 
cher de  court  la  queue  avec  la  tête  en  fornré' de  demi- cercle 

La  pêche  de  ce  poiflbn  commence  en  Février  dans  la  rivière  de  la 
Garonne  du  côté  de  Bordeaux,  &  dure  jufqù'en  Juillet  ou  Août^  ôc 
même  un  peu  plus  tard,  fuivant  la  Xaifortl  Quand  le,s  Pêcheurs  s'ap- 
perçoivent  qu'il  y  a  des  efl:urgeons  de  pris,  ils.les  tetifent  &  les  atta- 
chent à  à^is  bateaux,  en  leur--paflant  des-^ôrdes  qui  traverfent  leî 
ouies  &  la  gueule  du  poiflbn.  Ils  peuvent  les  conferver  ainfi  vivans 
pendant  plufleurs  jours,  jufqu'à  ce  qu'ils  en  aiept  affez  pour  les  mener 
à  Bordeaux  ,  où  ce  poiflx)n  efl  fl  commun",  que  tout  le  inonda  en 
jnange,  La  chair  de  fon  dos  a,  dit-on,  le  gout  du  veau>~&  celle  de 


6^2  EST?' 

{on  ventre ,  celui  du  cochon.  Aufli  fa  chaîr  eft-elîe  regardée  par 
quelques  Médecins,  comme  de  très -difficile  digeftion ,  &  comme 
n'étant  propre  qu'aux  eftomacs  robuftes.  Les  laitances  de  ce  poilTon 
font  de  la  plus  grande  délicatefle.  Comme  il  fe  rencontre  dans  les 
mêmes  endroits  que  le  faumôn,  les  Pécheurs  le  nomment  le  conduclcur 
des  faunwns. 

Les  Pécheurs  qui  vont  à  la  pêche  de  Tellurgeon  fur  le  Palus 
Méotide,  à  l'embouchure  du  Don,  en  tirent  un  double  profit.  Auffi- 
tôt  qu'ils  ont  péché  des  efturgeons ,  ils  les  falent ,  les  fufpendent  à 
des  perches  pour  les  faire  fécher  au  foleil,  &  vont  vendre  cette 
marchandife  en  Grèce  ,  où  on  nomme  ces  poiflbns  ainfi  falés 
juoronna,  &  lorfqu'ils  font  frais,  xirichi.  On  tranfporte  auffi  de  cette 
chair  falée  en  Italie,  oii  elle  prend  le  nom  de  fpinalia.  Cette  faline 
çft  auflî  commune  en  Grèce  que  chez  nous  le  hareng ,  &  en  Italie  la 


tiionine,  .^^ 


On  donne  le  r\ohv'^Q' caviar  on  kaviac  aux  œufs  de  Teflurgcon,  que 
l'on  prépare  auffi-tôt  après  la  pêche ,  en  les  lavant  bien  dans  du  vin 
blanc ,  &  en  ôtant  certains  ligamens  dans  lefquels  ils  font  entremêlés, 
&  la  pellicule  qi^l.les:' enveloppe;  on  les  fait  un  peu  fécher  au  foleil, 
on  les  mefenfaitè-^vec  du  fei  dans  un  vailfeau  percé  de  petits  trous: 
on  les  Y  écràfe  avec  la  main;  iorfque  toute  Thumidité  fuperflue  eft 
bien  diitipéep^oe -t^iar  doit  être  d'un  brun  rougeâtre  j  on  le  met  en 
galettes  épailTes  d*'un' doigt ,  &  larges  comme  la  paume  de  la  main; 
puis  on  farrangç  dans  des  bariques,  &  on  l'envoie  en  divers  lieux 
éloignés  de  la  mçr/|;iE)u  on  trouve  cette  denrée  excellente.  Le  caviar 
forme  un  branch^:  .©onfiderabie  du  commerce  des  Hollandois,  On  en 
porte  fur-tout  beaiiéoép.  aux  Mofcovites,  qui  en  font  un  grand  ufage 
dans  leurs  trois  earéme?^^u'ils  obfervent  très-fcrupuleufement.  Il  n'y 
a  qu'une  feule  efpece ,  d^efturgeon  dont  on  puiffe  faire  le  caviar.  Les 
Kufles  nomment  cette  e(pece  de'  {romcigQ  kaviarîfckari  ;  ils  y  mêlent  fou- 
yent  du  poivre  &  de^_  l'oignon  avec  de  fhuile  &  du  citron.  Le  caviar 
eft  le  fécond  mets  "favori  des  Kamtfchadaies.  Les  Italiens  font  venir 
une  grande  quantité  djér'  ce  mets";  ils  le  regardent  aufli  comme  un 
manger  fort  délicat;  mais,on  prétend  qu'il  eft  très-mal fajn  &  fiévreux. 

En  Hollande  on  coupe  les  efturgeons  par  morceaux ,  qu'on  garde 

jda.ns  des  barils,  après  les  avoir  confits  dans  le  fel  &  la  faumure.  On  fait 

^rand  ois  en  Angleterrede  la  chair  d'efturgeon  confite  de  cette  manière. 

^  -        '*     ,       :^     «,:.'■  Oa 


EST  (?35 

On  fait  encore  avec  les  vefïîes  blanches  qui  s'étendent  le  long  du  dos 
de  ce  poiflbn,  une  efpece  d'ichtyocolle  ou  décolle  de  poifTon  grife, 
jaunâtre  ,  que  les  Droguifles  vendent  en  feuilles  ,  fans  être  roulas. 
Elle  eft  plus  difficile  à  diflToudre  que  celle  dont  nous  allons  parler  ;  mais 
quand  elle  eft  diflbute  ,  elle  a  les  mêmes  propriétés. 

Le  GRAND  Esturgeon  ou  I'IchtyocClle  ,  ichtyocolla  pifcis ,  a  la 
peau  douce ,  blanche,  fans  épines  ni  écailles  ;  &  pour  épine  du  dos, 
un  cartilage  percé  comme  avec  une  tarière,  d'un  grand  trou  vide  depuis^ 
la  tête  jufqu'à  la  queue  :  on  en  voit  qui  pefent  depuis  deux  centsjufqu'à 
quatre  cents  livres  ,  &  qui  ont  jufqu'à  vingt -quatre  pieds  de  longueur. 

Ce  poifTon  palTe  tous  les  ans  de  la  Mer  dans  le  Danube  ,  où  l'on  en 
prend  une  grande  quantité  ;  mais  principalement  en  Valachie  vers  les 
embouchures  de  ce  fleuve.  Cette  émigration  fe  fait  depuis  l'automne 
jufqu'au  mois  de  Janvier  ;  le  plus  fort  de  la  pcche  eft  en  Novembre  & 
Odobre.  Il  s'en  débite  communément  tous  les  vendredis  à  Vienne  en 
Autriche,  jufqu'à  foixante  ,  &  même  cent.  Ce^^^HTons  nagent  tou- 
jours en  bande ,  &  accourent  au  fon  des  tronïpettes ,  ce  qui  donne 
aux  Pêcheurs  la  facilité  de  les  envelopper  dans  leurs  filets ,  &  de  les 
amener  à  bord.  Le  grand  efturgeon  eft  fi  timide'que  le  plus  pstit  poif- 
fon  le  fait  fuir.  Ce  poifTon  fe  trouve  encore  comcaunément  dans  les ,. 
mers  de  Mofcovie.  On  l'appelle  bdluge  ou  botlucti»*^'  (^  trouve  aufîî 
dans  le  fleuve  Volga.  M.  Collïnfon  a  donné  un  Mémoire  ftjfte.iézoard 
qui  fe  trouve  quelquefois  dans  ce  poifTon.  V oyié^tfanfaBt'^hUofoph^ 
vol,  XLIV  ,  «°.  45*j  ,  page.  45 1,  .'/^^'"'-  <-.^' 

ColU   de  Poifon,     .-M^' 

■  Mm . 

La  chair  du  grand  efturgeon  eft  douceâtv.^y^gj^igii.te.,  &  ne  devient 
fupportable  à  manger  que   loifqu'elle  a  étë^^Jté$v  Ce  qu'il  fournit  de 
plus  utile  foit  pour  la  Médecine,  foit  po^rîéj.^m^Vi.  c'eft  VichtyocalU ^ 
autrement  nommée  colle  de  poiJJ'on  ,   quî-rLeft,;.'à' proprement  parler  ', 
qu'une  gelée  de  poifTon  extraite  par  lé  moyen ;=* de  feau  chaude,  (^n.., 
prend  la  peau  ,  les  entrailles ,  Teftomac  ,  les^nageoires  ,  la  queue;  les 
parties  nerveufes,  &  la  veflie  d'air  de  ce  poifTon  ;  on  les  réduit  enbouil*  -,  ; 
lie  dans  de  l'eau  bouillante  ;  on  étend  cette-  bouillie  mucilagineufe  en 
petits  feuillets  ,   afin  qu'en  féchant  elle  fe  réduîfe  en  forme  de  parche-  -^ 
iiîin  ;  quand  elle  eft  prefque  feche  ,    on 'la  roule    ordinairement  en 
Tome  11.  .  "'        ^.L'iU'''-     ' 


^3  4  E  S  T^ 

cordons  ;  c'eft  alors  ce  qu'on  nomme  colle  depoiffon,  La  meilleure  eft  en 
petits  cordons ,  blanchâtre ,  claire ,  tranfparente  ,  fans  odeur  &  fans 
faveur.  Celle  qui  eft  en  gros  cordons ,  eft  fujette  à  être  remplie  d'une 
colle  jaune  de  mauvaife  odeur.  Il  faut  conferver  cette  fubftance  dans 
un  lieu  fec ,  car  elle  s'humed:e  à  l'air.  Toute  la  colle  de  poifiTon  que 
nous  voyons  en.  France,  nous  eft  fournie  par  les  Hollandois ,  qui  la 
vont  chercher  au  Port  d'Archangel  ,  oii  Ton  en  prépare  beaucoup. 

Comme  la  colle  d'epoifîbn  poflede  une  qualité  deflicative  ,  incarna- 
tive  ,  anodine  &  un  peu  émoUiente  ,  on  l'emploie  avec  fuccès  dans  les 
ulcérations  de  la  gorge  &  des  poumons,  &  dans  la  dyflenterie  ;  on 
l'emploie  aufli  dans  les  emplâtres  agglutinatifs.  C'eft  Xalcana  de  quel- 
ques Arabes, 

La  colle  de  poiflTon  eft  d'ufage  pour  donner  du  luftre  &  de  la  confîf^ 
tance  aux  rubans  de  foie,  aux  gazes,  pour  gommer  le  tafetas  d'Angle- 
terre ,  que  l'on  recoyyre  enfuite  de  baume  du  Pérou  dilfous  par  l'efprit 
de  vin  j  pour  contrefaire  lés  perles  fines  ,  &  pour  plufieurs  autres  pra- 
tiques des  Arts.  Oii. la  fait  fondre  avec  du  fucre  ,  &  on  la  recuit  en 
une  efpece  de  colle,  jaune  &:  tranfparente  qu'on  laifle  humeder  dans  la 
bouche  pour  coller  Je- papier.  Les  Delîinateurs  fe  fervent  de  la  colle  de 
poifl'on  ainfi  préparée-,  fous  le  nom  de  colle  à  bouche  ;  les  Limonadiers 

^'  *  iè  fervetu  de:CoIl,e:idê  poiiTon  pour  éclaircir  le  café  ;  les  Marchands  de 
-    vin  la  fontdiûbudr^  dans  du  vin  ,  &  s'en  fervent  pour  éclaircir  le  vin  ; 

■.'^•^' on  jette'ète  mélanger'<Jans  le  tonneau  ,  il  fe  forme  fur  la  furface  de  la 
liqueur  une  eau  quï^,^en  fe  précipitant  peu-à-peu  jufqu'au  fond,  en- 
traîne avec  elle  toutè^^les  parties  groflieres  j  en  forte  que  l'on  peut  dire 
que  c'eft  le  filtre  q'aiJpaiTe  à  travers  la  liqueur  ,  &  non  la  liqueur  à 
travers  le  filtre.  ILy.:à.  encore  une  autre  colle  de  poijfon  qu'on  tire  de 
Hollande  &  d'Angle\erre  e»  petits  livres  ;  mais  on  prétend  que  ce  n'eft 
que  le  rebut  &  la:^çariiejJ^^oins  pure  de  la  colle  de  poifTon  de  Mof- 
çovié.  D'autres' fois  c^tè^eile  eft  tirée  de  divers  autres  animaux  ma- 

.  -.^rios,  tels  que  marfouins  ,. loups  marins ,  vaches  marines,  baleines, 
^ri'tîujins  ,  fcches  &  toiHe  forte  d^''poiirons  cutanés  ou  fans  écailles  :  on 
>Tcn  p'itnd  toutes  les.parties >  excepté  la graifle  ou  l'huile  ;  &  les  os  quand 
ils  font  durs  ,  on  les  fait  cuire  dans  de  l'eau  ,  on  pafle  la  liqueur  par 
,     un  tamis  ou  par  un  linge  a  enfuite  on  la  tire  au  clair  &  on  la  fait  éva- 
porer jufqu'â  ce  que  les  gouttes  qu'on  laiffe  tomber,  fe  figent  en  fe  re- 
froidiflànt  j  aîoxs  la  €olle.eft  faites  on  la  jette  fur  une  table  de  pierre  & 


É  s  U  É  T  A  ^3  j 

à  rebords,  &  lorfqu'elle  fait  corps,  on  la  tortille  Se  on  fenfile  pour 
€n  faire  des  cordées  qu'on  laifle  fécher  à  l'ombre.  M.  MulUr,  Secrétaire 
de  l'Académie  de  Péterfbourg  ,  a  donné  dans  le  cinquième  volume  des 
Savans  étrangers  ,  un  Mémoire  fur  la  colU  de  poijfon.  Il  fait  obferver  que 
celle  d'efturgeon  eft  préférable  à  tous  égards.  Pour  rendre  la  colîc  de 
poi£on  très-forte ,  on  l'amincit  à  coups  de  marteau ,  on  la  coupe  en 
petits  morceaux,  &  on  la  met  digérer  dans  de  l'eau-de-vie  furie  feu. 
Souvent  on  l'emploie  avec  fuccès  en  guife  de  colle-forte  ordinaire.  Rien 
n*eft  meilleur  pour  recoller  la  porcelaine  &  le  verre. 

ESULE  GRANDE  ET  PETITE.  Voye^  TiTHYMALE. 

ET  AIN  ou  ÉTAIM  ,  flannum  ,  eft  l'un  des  métaux  imparfaits  &  le 
plus  mou  après  le  plomb.  Sa  couleur  eft  blanche  &  brillante  ,  il  eft 
facile  à  ternir ,  mais  i!  ne  fe  rouille  pas  :  il  eft  peu  dudile  ,  &  quand  on 
le  courbe  en  diflerens  fens  ,  il  produit  une  efpece  de  cri  :  il  eft  plus  te-* 
nace  &  plus  élaftique  que  le  plomb  ,  &  peu  fonote  par  lui-même.  Plus 
ce  métal  eft  pur,  &  moins  il  pefe;  c'eft  le  plus,lé^er  de  tous  les  métaux, 
mais  étant  dans  l'état  de  minéral  &  minéralifé  j^fà,  pefanteur  fpécifique 
l'emporte  fur  prgfque  celle  de  tous  les  métaux  minéiralifés  auffi,  L'étain 
d'Angleterre  eft  le  plus  pefant ,  &  celui  qui. 'confient  la  plus  grande 
quantité  d'arfenic  &  peut-être  de  zinc.  v  ? -^t^v^^.  .^  -  ,^ 

L'étain  poflede  beaucoup  de  propriétés  qui  le-ra^roc1ientdu  plomS'î     ' 
il  fe  fond  promptement,  &  à  une   chaleur  modérée.;  njais;^  un  cer-  ; 
tain  degré  de  feu,  il  fe  calcine  &  finit  par  fô.4h^ftger5--à'  mde  d'un    ' 
fondant,  en  un  verre  laiteux,  opalin,  comme-îe  font  aufli  les  os 
calcinés ,  fi  on  les  jette  dans  du   verre  tenu  i^iufion.  On   prétend 
qu'un  atome  de  ce  métal  en  vapeur ,  rend  aig^^"  caffant  une  grande 
quantité  d'or,   de  la   même  manière  que  |é  rer^devient   aigre    dans 
la  forge  des  Serruriers,  pour  peu  qu'oi\^^' approche  du  cuivre  de 
trop  près.  L'étain  s'amalgame  très-bieii-jç^^e^i^èl^yLies  fubftances  mé- 
talliques, excepté  le  plomb  J  il  leur-enlê^iHEoutes  la  dudilité  &  ta 
malléabilité,  fi  on  met  du  fer  dans  de-rétain  fondu  i   ils  contraftent 
une  forte  d'alliage  :   mais  fi  on .  â-''rîmpruderice  de  mettre  de  1  étain 
dans  du  fer  fondu,  ils  fe   convertiffèat  auflî  tôt  l'un   &;  l'autre  eii 
petits  globules  qui  crèvent  >  &  font  explol^on  comme  des  g^enades^  " 
On  lit  dans  notre  Traité  particulier  de  Minéralogie  plulieurs  détails 
circonftanciés  fur  ce  métal,  qui  feroient  déplacés  ici,  nous  y  ren- 
voyons nos  Le<aeurs:  nous  «dirons  feulement  que  Tétain  à;  fes  jhines 

LUI  2'     ; 


6s(^         '  ■     ÉTA 

particulières  ;  qu'il  naît  ordinairement  dans  les  endroits  fablonneuîi 
*  ou  fchifteux  dés  montagnes  à  filons,  (rarement  dans  celles  en  cou- 
ches )  &  en  mafles  plus  ou  moins  confidérables ,  ainfi  qu'on  robferve 
en  Allemagne,  en  Bohême,  en  Suéde  &  en  Pologne,  en  Angleterre 
&  aux  Indes.  *  '*-' 

Ces  filons  ne  font  quelquefois  que  légèrement  couverts  de  terre, 
&  viennent  même  fouvent  aboutir  &  fe  montrer  à  nud  à  la  furface. 
Dans  les  mines  de,  Devonshire  &  de  Cornouailles,  la  diredion  des 
filons  d'e'tain  eft  ordinairement  de  l'Occident  à  l'Orient,  quoique  dans 
d'autres  parties  de  l'Angleterre  les  filons  aillent  ordinairement  du 
Nord  au  Sud  ;  pour  lors  conftamment  ces  filons  s'enfoncent  vers  le 
Nord  perpendiculairement  de  trois  pieds  fur  huit  de  cours.  Les 
Mineurs  ont  remarqué  que  les  parties  latérales  des  filons  de  la  mine 
de  Devonshire  ne  font  jamais  perpendiculaires,  mais  toujours  un  peu 
inclinées.  Il  y  a  en.jSax.e,  dans  le  diflrid:  d'Altemberg,  une  mine 
d'étain  en  maiTe  quipeu5''^tre  regardée  comm.e  un  prodige  dans  la  miné- 
ralogie. Cette  mine. a 'environ  vingt  toifes  de  circonférence,  &  fourr.it 
de  la  mine  d'étain  depuis  la  furface  de  la  terre  jufqu'à  cent  cinquante 
toifes  de  profondeur  perpendiculaire. 

L'étain   efh  mmj^allfé  ou  par  le  foufre  ,  ou  par  la  pyrite  blan- 
-     çhe  arfenkal^.-ûu  ,aliiç .  au    fer:  on    n'en  voit   que   peu    ou  point 

e  pur.  ^^  ,.X;:r  Vf.  C.Ç^ 

Là  niraè'd^'ëtaînja.^us  ordinaire  eft  celle  de  Cornouailles  &  celles 

de  Devonshire',  "de,  Bohême  &  de  Saxe ,    qui  font  criftallifées  ,  en 

polyèdres  irrégulijprsv^âç  dont  la  couleur    eft  noirâtre.    Ces  minerais 

font    ftriés    à   la   fûriece,    intérieurement  ils   font    ou    grenus,    ou 

Les  crlftaux  d'étaîi^.  proprement  dits ,  font  une  mine  d'étain ,  dont 

la  figure  extérieure  eft  à  pans  indéterminés ,  ou  à  neuf  pans  irrégu-,. 

^y}ier$,  terminés,  par,  \ine  pyramide  triangulaire,  obtufe;  le  tiffu  inté- 

.^ïeuf  eft  feuilleté,  de  couleurs  '&  tranfparences  différentes:  ils  devien- 

jî^t^rQuges  à  la  cpmminution ,  &  donnent  à  la  fonte  foixante-dix 

,.<iivres  ou  environ  par  quintal.  Il  y  a  aufli  des  criftaux  d'étain  blancs 

en  Carinthie,  à  Altemberg  &  à  Topliz.  Il  n'eft  pas  rare  de  voir  des 

criftaux  d'étain  jaunâtres  &  tranfparens,  ou  violets.  Enfin  il  y  en  a 

de  gris ,  de  rougeâtres ,  de  bruns ,  &c.  en  Saxe. 

Les.  grenats  d'étain  font  quelquefois  d'un  beau  rouge ,  aflèz  durs  pour 


É  T  A-     ^  6-37 

couper  le  verre,  &  refftmblent  entièrement  à  ceux  dont  on  fait' des 
bijoux.  Ces  grenats  qui  ont  pour  matrice  ordinaire  une  pierre  talqueufe 
ou  fchifteufe ,  font  dodécaèdres  &  communs  en  Bohême  &  dans  les 
Alpes  Laponnes.  * 

Ce  que  l'on  nomme  fabU  d'étain ,  «ft  une  mine  de  tranfport  , 
formée  des  débris  des  précédentes  mines,  &  que  des  courans  d'eau 
ont  détachés  de  ces  minières ,  &  dépofés  enfuite  dans  l'endroit  où 
des  Pailloteurs  la  retirent  par  le  lavage  avec  la-fébille,  ou  avec  des 
râteaux  à  dents  de  fer.  On  en  trouve  à  Eybenftock  en  Saxe,  &c.  On 
"appelle  mundick  une  mine  d'étain  trop  pauvre  ou  trop  adultérée  pour 
valoir  la  peine  de  l'exploitation.  Voyc^  Mundick.  Les  Mineurs  don- 
nent le  nom  de  fchort  à  une  mine  d'étain  furchargée  de  fer  arfénical, 

Voye^  SCHORL  &    SCHIRL. 

En  général,  les  mines  d'étain  font  enveloppées  ou  dans  de  la  roche 
de  corne  criftallifée ,  ou  englobées  dans  des  j?«orJf,de.fpath  fufible  verts , 
ou  bleus,  ou  blancs,  ou  interpofées  dans  de  I^-nîine^de  fer  arfénicale, 
réfraâaire&rapace,  difficile  à  entrer  en  fufion,^itteft  le  w^o^^z/tz  ;  voyez 
ce  mot,  rarement  dans  la  molybdène.  La  fur-^çnvelop'pe  ou  matrice  de 
cettb  mine  eft  communément  fchifteufe,  miiâcé.e. ,  ferrueineufe  & 
fableufe.  Il  tfî:  bon  o'obferver  que  les  mines -d^ë^iti  font  toujours  , 
difficiles  à  exploiter  &  à  traiter,  à  caufe  des  fubftahces  auxquelles" elles  . 
font  alliées.  Quand  on  a  trouvé  une  mine  d'éçain  ,  on  y  pratique 
d'abord  des  puits,  des  galeries,  des  percemens  :  IcyLfqUvil  |'agit'<3PébranIei! 
&  de  détacher  le  métal  de  fa  minière  ,  il  faut  foiivent  mettre  le  feu  à 
des  bûchers  dans  le  fouterrain  ,  afin  d'y  prodiïirç£--d€S^  gerçures,  par 
lefquelles  la  fonde,  les  leviers  ,  les  pics  puifl'entr^ybirprife;  c'eft  encore 
un  moyen  de  calciner  la  pierre ,  d'amollir  \Q.vCiéi^&c  d'en  retirer  le 
minerai  avec  des  pinces,  comme  fi  l'on  démblrinbit.une  vieille  muraille, 
(  Cette  opération  fe  fait  quelquefois  aùfîî  dans  .ItiJ  mine  de  plomb  , 
argent  &  cuivre  de  Ramelsb^rg  près-'d^  :Goiîar--âu  Hartz,  dani'-lQ 
pays  d'Hanovre,  dont  la  mine  eft  exceflivement  dure;)  Enfuite  "on 
extrait  le  métal  de  fa  mine  par  le  triage,  là  'torréfaction,  pUÎs  le 
pliage,  le  lavage  &  la  fonte  dans  un  fourneau  de  réverbère. 

La  mine  étant  purifiée  &"  féchée,  (  mais  avant  la  fufion)  fe  nomme 
pierre  d'étain.  La  partie  fupérieure  de  la  malïè  d'étain  fondu  eft  Ci 
molle ,  fi  peu  dudile,  que  pour  la  travailler  (^àitM.Geoffroî ,  Mat.  Mcâ^ 
vol.  I»  p,  z8z')  on  eft  obligé  d'y  allier  trois  livres  de  cuivré  par 


<y3Ï  3ÉTA 

quintal  d'étain  de  fonte.  On  met  deux  livres  de  cuivre  ou  cinq  livres 
de  plomb  dans  la  partie  du  milieu;  &  dans  la  couche  inférieure,  on 
met  dix-huit  livres  de  plomb.  Il  y  a  cependant  des  mines  d'étain  dont 
la  nature  eft  telle,  qull  ne  faut  que  peu  d'alliage  pour  le  rendre  fonore 
&  malléable. 

On  diftingue  dans  le  commerce  trois  différentes  fortes  d'étain;  favoir, 
l".  l'itain  plané  ou  de  marais  :  il  eft  aflèz  pur ,  mais  point  fonore,  & 
trop  liant  ;  on  lui  donne  encore  les  noms  d'étain  d' Angleterre ,  étain  crijlal/ia 
di  à  la  rofe.  On  le  travaille  au  marteau  fur  une  platine  de  cuivre  placée 
fur  une  enclume  avec  un  ou  deux  cuirs  de  caftor  entre  l'enclume  &  la 
platine, 

2°.  Hétain  commun ,  qui  fe  trouve  chez  tous  les  Potiers  d'étain  :  c*eft 
un  alliage  d'étain  plané,  de  plomb,  &  quelquefois  de  cuivre  jaune. 

^".  Uétain  fonnant,  ou  étain  fin  ,  qui  eft  un  mélange  d'étain  plané, 
de  bifmuth,  de  cuivre  rouge  &  de  zinc;  il  eft  le  plus  éclatant ,  le  plus 
fonore,  le  plus  fecife  à  ouvrager:  on  y  ajoute,  au  befoin,du  régule 
d'antimoine,  pourri  eh  augmenter  la  dureté.  Pour  rendre  cet  alliage 
encore  plus  fonore",,oii;le  bat  fortement  à  coups  de  marteau  ;  c'eft  ce 
qu'on  appelle  .^ro/^z/  -f étain. 

Le  mélange  ■*,d;e-;4*étain  doit  être  annoncé  par  la  marque  qu'on  eft 
obligé  d'y  appofer^  l'étain  mélangé  avec  un  tiers  de  plomb ,  doit  porter 
deux  marques- OTXj^trôles  ;  s'il  eftcompofé  de  cinq  parties  contre  une 
de  plomb ,  il'^doit'atoir  trois  marques;  enfin  s'il  contient  trois  livres 
d'alliage  de  plo^j^^par  quintal ,  il  faut  qu'il  ait  quatre  contrôles. 

L'étain  de  Siàtrr^-ceîui  de  la  Chine,  du  Japon,  &  d'autres  pays  de 

l'Inde  Orientale /vi^r^nfent  en  lingots ,  formés  en  manière  de  pyramides 

tronquées,  ay/ç^lin  rebord  :  c'eft  ce  que  les  Marchands  appellent  étain 

en  chapeau,  cm. ùaînik  Maiac,  On  les  défigne  encore  différemment  dans 

le  commerce:  on  a]5pelle  étain  d  l'agneau ,  celui  qui  eft  contre  marqué 

.  des  armes  de  la  Ville  de^:^ueô;  &  étain  de  brique,  celui  qui  provient 

':^i/f4;0^1emagne,,&.  Vqui  jcuj  a^^'^^  marque  à  Hambourg.  Ainfi 

'"t^rcfâin  purifié  fe  trouve  dans, lé'^limmerce  ou  en  lingots,  ou  en  fau- 

y^  Jïtiàii^ ,  ou  en  lames  qu'ôîTiiômme  verges,  &  en  cubes  appelles  chapeaux  : 

•*bn  fait  l'effai  d$  l'étain  pour  en  connoître  la  qualité  &  le  titre,  le  jetant 

tout  fondu  dans  une  lingotiere  de  craie:  plus  le  lingot  eft  léger,  & 

meilleur  oiî  plus  fin  l'étain  doit  être ,  &c. 


é; 


^#^    "^ 


(>      .  •  "'*    '  '^'::  .  y 


É  T  A  6^^ 

Ce  métal  a  été  un  des  plus  anciens  objets  du  commerce  maritime 
des  Gaulois  &  des  Carthaginois.  Ils  alloient  le  chercher  en  Angleterre 
avec  les  mêmes  précautions  que  nos  Navigateurs  emploient  pour  cacher 
leui^  découvertes,  L'Hiftoire  rapporte  k  trait  d'un  Capitaine  qui  aima 
mieux  fe  faire  échouer,  que  de  laiffer  reconnoître  fa  route  à  d autres 
vaifTeaux  qui  le  fuivoient.  '  '  ■      ..^ 

L'étain  entre  dans  la  compofition  des  miroirs  métalliques,  du  bronze 
êc  des  cloches.  L'expérience  a  appris  àj'altérer  différemment,  pour  en 
former  toutes  fortes  de  vaifTeiles  &  d'uftenfiles  de  ménage  (^).  On  s'en 
fertpour  étamerle  cuivre,  &  pour  la  fabrique  des  tuyaux  d'orgues. On 
en  fait,  par  une  légère  calcination  ,  une  chaux  grife,  qui  eft  la  potic 
d'étain,  fi  propre  aux  Diamantaires,  &  à  d'autres  Ouvriers  pour  polir 
ïeurs  ouvrages:  il  entre  dans  la  compofition  des  émaux,  dans  celle  de  la 
foudure  pour  les  métaux  mous,  &  dans  la  couverte  de  la  fayance.  On 
peut  battre  l'étain  en  feuilles  minces,  &  les,  charger  de  mercure;  par 
ce  moyen  elles  acquerront  la  propriété  (  étantappliquées  derrière  une 
glace)  de  peindre  ou  de  réfléchir  les  objets','  alnfî  qu'on  en  connoît 
l'effet  dans  les  miroirs.  Ces  feuilles  non  amalgamées:,  mais  peintes  ou 
vernies  d'un  côté,  font  connues  fous  le  nom  (^2^>£àu -yjon  .Qn  mQt  aux 
torches  de  cire,  pour  faire  des  armoiries  de  deuir^orisenfèrt  aufîîpour 

{a)  M,  de  Jufii  rapporte  un  fait  dont  il  a  été  témoin ,  S^^^«i^r?TUT^4>ïe)-i  le  dail|!;eE 
•^e  fe  fervir  de  vaifTeaux  d'étain  allié  de  plomb  :  il  dit  qu'enfSâ^fe-îçnJte  une  farr.ille  fut 
attaquée  d'une  maladie  très -longue  &  très  -  particulière,  ^^à'.lgiaueUô.  les  Médecins  ne 
comprirent  rien  pendant  fort  long-temps  ,  jufqu'à  ce  <^'^  .^^n  on  découvrit  que 
«cette  maladie  venoit  d'avoir  mangé  du  beurre  qui  avoit^^ér^oû^vé  dans  un  vaiffcau 
^'étain  allié  avec  du  plomb.  /♦'  '''*''^"^ 

L'alliage  de  l'étain  avec  le  zinc  n'eft  pas  nonplaijÇ^nipt  dç^ê^aiger  :  M.  de  JujU 
^it  qu^il  renferme  une  fubftance  arféràcale,  que  £èi»f!iL"j?ér*èçé€S--4»îi  ont  fait  découvrir. 
K^uelques  grains  de  fleurs  de  zinc  pourroient  faiÊe;  tifi  gran<î'*ravage  dans  le  corps  hu-  . 
main,-  d'ailleurs  le  zinc  fe  dilTout  avec  une  très-^^Pa^è;  faeiltçr'par  tous  les    acidêsl 

Les  fubflances  que  l'on  pourroit  fans  daiiger^airé'  eiitre/^nH'alliacre  de  l'étain  . 
font,  1°.  le  fer,  qui,  comme  on  fait,    ^|!^^hn- lîïïê*  qualité  hùifible  à   l'îio^Aie^- 
quoique  ce  métal  foit  attaquable  par  les"  fils  ,  îKii^  ^eut  produire  aucun  mal  ;  z*.  le 
légule  d'antimbine  ;  on  peut  en  fureté  l'allier  .avec  l'itâin ,  va  que  les  fels  qui  entreji^,! 
•dans  les  alimens  ne  le  diffolvent  pasi'  3°.^-3e  bifmutlr;  quoique  Tufage  incerne  de  ce 
idemi-métal  ne  foit  pas  exempt  de  danger ,  on  n'a  pourtant  point  à  redoutei  fes  effets 
i^ans  l'alliage  de  l'étain ,  parce  qu'il  ne  fe  oiiTouc  que  diiEcilenient  dans  les  acides  les 
f<lus  forts,  s;j^    -'_. 

•      ■-     '.  ^-     -'4^     ■ 


/s 


<5'40  E   T  À 

faux-argenter  les  décorations  d'artifice  &  de  théâtre ,  pour  orner  les 
cartouches  ,  &c.  dans  les  fêtes  publiques  8c  dans  les  pompes  funèbres  , 
ou  pour,  faire  lavanturine  blanche,  ou  pour  blanchir  le  fer.  La  diflb- 
lution  de  raclures  d'étain,  par  J'eau  régale,  a  la  propriété  de  donner 
beaucoup  d'éclat  aux  couleurs  rouges,  aufli  les  Teinturiers  s'en  fervent- 
ils  pour  faire  la  belle  couleur  écarlate  des  étoffes  en  laine,  &  de  cramoifî 
fur  celles  en  foie,  &c,  ïf  t^onne  une  couleur  pourpre  à  la'difTolution 
de  l'or.  Les  Potiers  d'etain  vendent  à  différens  Artifans  une  forte  de  bas 
étain  qu'ils  appellent  claire  foumire  ou  claire  étoffe  :  cet  étain  participe 
de  moitié  fon  poicîs  de  plomb.  Il  n'eft  pas  permis  aux  Potieis  d'étain 
de  remployer ,  finon  à  faire  des  moules  pour  la  fabrique  des  chan- 
delles. On  en  fait  aufli  quantité  de  petits  ouvrages,  que  les  Merciers 
appellent  du  bimblot.  Voyez  l'article  Bimblotier  dans  le  Diâionnain 
des  Ans  &  Métiers. 

ÉTAIN-DE-GLACE.  Foye^  Bismuth.    " 

ÉTALON.  Efi  un  cheval  entier ,  choifi-  &  deftiné  à  l'accouplement, 
&  dont  on  veut  faire  race.  Foye^  Haras  au  mot  Cheval. 
ET  AMINES.. -Voyez  les  articles  F  Leur  &  Plante, 
ETANG,  jla^nkîftJ^om  donné  à  un  amas  d'eaux  dormantes:  c'eft 
une  |^pece..iié?*réfèrvoi^  dans  un  pré,  dans  un  verger,  &c.  formé  par  la 
-' .  nature  îou  par' l^rt,"  ordinairement  plus  petit  qu'un  lac,  qui  reçoit  de 
'*■  V*    l'eau  fans  en  dégôrg.ef ,  finon  à  l'inftant  de  grandes  alluvions ,  ou  lorfqu'il 
^-^     efï  maintenu  par  uQeHfehaufTée&creufé  pour  l'ufage  d'un  moulin;  il  efi:  plus 
grand,plusprofoïia'^^iT30insfujetàfe  delTécher  queles/7?<2r«.  On  y  nourrit 
du  poifion:  aufii  ï^  aïî,<àens  Latins  ont-ils  nommé  l'étanç  pifcina.  On 
empoiflonne   les  éeàigrdans  le  mois  de  Mai,  &  on  les  pêche  ordinai- 
rement en  Mars>.;WiYtp^Ut  conferver  de  bons  poifTons  pour  l'ufage  de 
la  table,  dans  les^'ét^àai^s-,  cfént  l'eau  entre   &  fort  continuellement;  car 
dans  les  éta_n^gs-".d\eaui  d'ormante  &  bourbeufe,qui  ne  fe  dégorgent  pas, 
oç.ne  peut  y  confer^r'i^u.e'des  carpes,  qui  font  même  allez   fades  & 
dé^i^auvais  gbût.  .Uh' des-iflu^-çonfidérables  étangs  de  ce  Royaume  efi: 
■;ce^  de  Villers  daris  i^s^Berry  ,  qui-a  cinq  ou  fix  lieues  de  circuit.  On 
.   ;>*'vo-ii.^^ii^  la  Chine  ^quantité",  d'étangs ifaits  &  ménagés  avec  induftrie, 
,    pour  fournir  4e  l'eau  dé  pluie  pendant- la  féchercffe  de  l'été  aux  Ha- 
bitans    qui  {ont  trop   loin  des  rivières ,  ou  dont  le  terroir  n'efi:  pas 
propre  à  creufer  des  puits.  Foyq  Citerne.  Il  y  a  aufii  des  étangs  falés, 
tel  efi:  celui  de  l'Ifle  Maguelphe  en  Languedoc,  où  l'on  travaille  à  la 
.  .*-'i-  ..;   ■  crifiallifation 


ÉTÉ  É  T  I  S^i 

crlftallifation  du  fel  marin ,  &  celui  de  Martigue  entre  Marfeille  &  le  ^ 

Khône, 

ÉTERNELLE  ou  BOUTON  BLANC.  Nom  donné  à  l'immortelle 
blanche.  Foye^  à  Cardclc  Immortelle. 

ÉTITES,  (ztitœ,CQ  font  des  pierres  pour  l'ordinaire  ferrugineufes, 
au-dedans  defquelles  il  y  a  une  cavité  qui  eft  tantôt  vide  &  tantôt 
pleine.  La  figure  extérieure  de  ces  pierres  eft  peu  confiante  ;  elle  eft 
ou  ronde,  ou  ovale,  ou  triangulaire^  ou  quarrée,  ou  comprimée,  ÔiC, 
quelquefois  leur  fuperficie  eft  liffe,  d'autrefois  gravdeufe. 

On  a  prétendu ,  mal-à-propos ,  que  ces  pierres  fe  trouvoient  dans 
les  nids  des  aigles,  d'où,  leur  eft  venu  le  nom  de  pierres  d'aigles  ou  étites^ 
parce  que  les  Grecs  appelloient  l'aigle  aitos.  C'eft  avec  aufïî  peu  de 
fondement,  que  le  peuple  attribue  encore  à  ces  fortes  de  pierres,  les 
vertus  admirables  que  les  anciens  &  trop  crédules  Naturaliftes  préten- 
doient  y  avoir  reconnues  :  celle  de  faire  pondte  la  femelle  de  l'aigle,  de 
faire  accoucher  les  femmes ,  &  d'empêcher  l^ayortement.  (  Hijl,  Nat,  de 
Pline ,  Liv»  IlL  chap,  at.  )  /  •il 

Les  étites  font  compofées  de  plufîeurs  cpvfç^es ,  d'un  rouge-brun, 
olivâtre,  &  qu'on  peut  féparer  aifément.  Il  ellevideift.  qu'elles  ont  été 
formées  d'une  matière  d'abord  molle,  qui  s'eft^  aggrutirt^e  peu- à-peu  , 
&  a  laiifé,  ou  formé  par  le  retrait,  une  cavité  èia,. dedans.  Cels  couches  "^ 
enveloppent  un  noyau  limoneux  ou  ochreux  qu'|ile's  ^^ort-ent  dans^leur 
centre,  &  qui  s'y  eft  confervé  depuis  la  formation  de  l'étite.  Ce  noyau 
eft  ou  fixe  ou  mobile  :  on  l'appelle  callimus,  • 

On  trouve  l'étite  dans  bien  des  mines  de  fes-^e^r Allemagne,  de  la 
France ,  notamment  dans  la  chaîne  des  montagnes  d^AJaîs  enLanguedoc.  - 
On  en  trouve  aufïi  un  banc  entier  présidé  Tr^çu^  en  Dombes.  La 
plus  grande  quantité  fe  rencontre  prèsyîe^ei'fàAe^:  village  fitué  fur 
îe  bord  du  Nil ,  &  dans  la  grande  mer  d»  Déferç^ue  les  Arabes  appel- 
lent Baharlabaama ,  c*eft-à-dire,  lac  dè^éc^ê^i>ufiierfans^  eau  :  e\\^s-(orit 
bigarrées,  graveleufes,  de  couleut-cendr^^iôU  j-^riâtre  &  bry raflent 
avec  le  temps.  Il  y  en  a  dcpuis;îâ-grôlïèuT  d'Hti  oeuf  d'autrviel^ufqu'à 
celle  d'un  pois.  Il  n'eft  pas  râre  de  lès  .trouver  groupées  en*grai?de-. 


quantité. 


i>     ?.!w/ 


Le  noyau  ou  callimus  des  étites,  étant  communément  argilleux& 
venant  à  fe  deffécher,  cefle  d'occupgr /tpute  la  cavité  ,.Ô^  produit  un 
certain  bruit  quand  on  vient  à  agiter  brufquemeht  la  pierre  d'aigle»  Les 

Tome  II,  '       ''       "^  Mmmaij\ 


6^.2  Ê  T  O 

Arabes  ont  nommé  l'étite /w^5;^e,  c'eft-à-dîre,  pierre  Tonnante.  La 
cavité  efl:  un  caradere  plus  eflentiel  à  la  géode  qu'à  la  pierre  d'aigle, 
f^oyei  GÉODE. 

On  rencontre  quelquefois  dans  les  environs  d'Alençon  ,  près  des 
mines  de  fer,  des  étites  brillantes,  noirâtres  &  très-péfantes ,  fufcep- 
tibles  d'efflorefcence  :  on.  les  doit  regarder  comme  une  forte  de  pyrite 
vitriolique,  ferrugineufe  &'  caverneufe;  leur  figure  eil  indéterminée: 
voyei  l'article  Vybite.  KunJmanrtèc  Lejjcr  parlent  d'un  setito-colite  qui 
reflemble  parfaitement  au  membre  viril  dans  fon  état  d'éredion  ,  avec 
les  teflicules.  C'efI:  un  priapolite.  Voyez  ce  mot. 

ÉTOILE,y?^/i<z  avis,  Oifeau  de  la  côte  d'or ,  en  Afrique  :  il  a  la  gro(-- 
feur  d'un  merle  :  fon  plumage  eft  très-agréablement  diverfifîé  par  trois 
couleurs  ;  favoir,  le  blanc ,  le  jaune  &  le  noir  :  fes  pieds  font  jaunâtres,  on 
y  compte  trois  doigts;  les  ongles  font  noirs  &  très-courts  :  fon  bec  eft 
aflez  long,  courbé  &  noifâtre  par  le  bout ,  le  deflbus  en  eft  blanchâtre; 
fa  voix  eft  très-forte  ,  &  reffemble  au  rugifTement.  Si  les  Nègres  l'en- 
tendent crier  du  côté  gauche  dans  leurs  voyages,  il  retournent  aufli- 
tôt  fur  leurs  pas,  tant  ils  regardent  comme  finiftre  le  cri  de  cet 
oifeaju.  ''  ly' 

ÉTOILE  MiAMBL'OYANTE,  Nom  que  l'on  a  donné  quelque- 
fois  aux-  comètes  ;  à 'Caufe  de  la  queue  ou  chevelure  lumineufe  dont 
elles  font prefque  toujours  accompagnées.  Foye^Coisi'ETE, 

ÉTOILE  MAKIN|:  PÉTRIFIÉE.  Les  Lithologiftes  donnent  ce 
nom.  à  quantité  de  tfCirre's  en  forme  d'étoiles ,  ou  marquées  d'étoiles  en 
relief  ou  en  graviiféjT-cTtt- parfemées  d'étoiles.  De-là  vient  que  toutes  les 
efpeces  de  madréporesTotlîles  peuvent  réclamer  ce  nom.  M.  Barrand  dit 
avec  raifcn  qu'on  aurolt  dû  réferver  cette  dénomination  aux  parties  de 
Vétoilc  marine  propreftiertt  dlfe,  &  dont  on  trouve  les  articulations  verté- 
brales ou  bourrelets '.ofTéux'endifFérens  endroits ,  particulièrement  en 
SuSÛTe  &  en  Toura'me/Les  tîtlidgraphes  peuvent  auffi  impofer  ce  nom 
auit;^rticles  deS"^  diff'^re^es  JtoïUi  d&mcr  ou  a ftrophites  ,conn\xes  fous- le 
nom^iç  tête  de  M e|^^,^by-eE> ce  mot  &  l'article  Étoile  de  Mer. 

.Les  pédjcules  ou  bràrCçhes  dés  encrinites  ,  des  entroques ,  peuvent 
auftî'  être  comprifes  fous  ce  nom,  "AVye^  l'article  Palmier  Marin, 

ÉTOILE  DE  MER.  Eft  le  limaçon  épineux  du  Cap. 

ÉTOILE  DE  MEK ,  Jlclla^marina,  Efpece  de  ver  ou  de  zoophyte, 
auquel  les  Naturaliftes  ont  docné  çanom ,  à  caufe  de  fa  figure  en  forma 


'V* 


T  O  ^(;^_f  '  '"■■ 

-d'étoile,  &  "dont  tous  les  curieux  parent  leurs  cabinets.  On  en  connoîtplu-  -^y 

Ceurserpeces,  qui  varient  parla  couleur,  par  le  nombre  de  rayons  & 
par  le  mécanifme  particulier  qu'ils  nous  font  voir  dans  leur  marche.  Nous 
en  avons  ramafle  fur  les  parages  du  Texel  &  de  Scheeveling  en  Hol- 
lande, dont  les  unes  avpient  une,  deux,  trois,  quatre  &  cinq  branches 
ou  pans  ;  nous  en  avons  recueilli  au  confluent  du  Sund ,  près  les  bancs  de 
Jutland,  qui  avoient  treize  rayons:  on  en  apporte  des  Indes  qui  en  ont 
jufqu'à  trente-huit,  &  qu'on  nomme J^leil  de,  mer ,  à  caufe^de  leur  figure 
&  de  la  quantité  de  leurs  rayons  ;  d'autres  ont  les  branches  rameufes. 
Prefque  toutes  celles  que  nous  avons  ramaflees  fur  les  divers  rivages 
de  la  Méditerranée  font  garnies  de  longues  épines.-  &  on  ne  les  prend 
pas  toujours  auffi  impunément  dans  les  rnains  que  celles  des  environs 
de  riflande,  qui  en  font  entièrement  dépourvues.  Ainfi  l'on  peut  diftin- 
guer  bien  des  fortes  d'étoiles  de  m.er  :  les  unes  font  liiTes,  les  autres  font 
épineufes,  il  y  en  a  d'arborefcentes  ou  braochues. 

Parmi  les  étoiles  de  mer,  il  y  en  a  dont  les  rayons  font  renflés  dans 
le  milieu  ,  d'autres  font  aplatis;  il  y  en  a  d'obtus.^^&  d'autres  ont  une 
forme  pyramidale.  L'efpece  la  plus  ordinaire  ;e{|divifëe  en  cinq  rayons, 
toutes  ont  au  milieu  ou  centre  du  corps  une  oiïv©j:.tujre  fpjj^xique,  que 
les  Naturaliftes  regardent  comme  le  grand  fuç€Wr--Qji^ys^c«é  de  l'ani- 
mal,  &  autour  de  laquelle  font  cinq  dents  cKt /durchettes  ,  iîures- & 
comme  olTeufes,  dont  les  étoiles  fe  fervent  pour"  t.epijf, les  co^iîlages 
.qui  font  leur  nourriture:  peut-être  que  c'eil  a^cces-memes  pointes 
qu'elles  ouvrent  les  coquilles  à  deux  piece^.  ^^^''^façe  fupérieure  de 
VcLo'Ue  de  mer  Se  de  chacun  des  rayons,  efl:  recoui^égte^cn  cuir  calleux,  < 
callum  f///r«w  5  diverfement  coloré,  granuleuii^QU  fouvent  hérifTé  de 
petites  éminences  offeufes  qui  le  traverfent^J/S:  on  dedans  d'un  nombre  • 
prodigieux  de  vertèbres  &  autres  o]lele,ts  ôrticulés.uniformément,  foit 
enfemble,  foit  avec  les  éminences  ofTeu^esde  la  péau^  Chaque  rayon  de 
ïétoilc  de  mer  efl;  garni  à  fa  furface  inférieure  d'un-gJ-'ançl  nombre  de  faïJ^es 
jambes.  -  . 

Les  fauflès  Jambes  de  ïétoîUyêer.mer  à^ciiKï;  ^ans,  font  en  fi'grand 
nombre,  qu'elles  garniflent  prçfque  toute  la- fûrface  des  rayons  du  côté 
oii  elles  font  attachées.  Elles  y  font  poféés  dans  quatre  rangs  différensj 
chacun  defquels  contient  environ  foixante-feize  faufles  jambes,  &  par 
conféquent  l'étoile  entière  efl:  pourvue  de  quinze  cent  vingt  fauflès 
jambes»  Vétoile  de  mer  ne  marche  cependant  qu'avec  beaucoup  de 

Mmmm  2 


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%.-•>■♦--, 


'•'"ï/'^44  ÉTO 

lenteur. Ces  prétendues  jambes,  il  eft  vrai,  font  fi  molles,  qu'elfes  ne  fem- 
blent  guère  mériter  le  nom  de  jambes.  Ce  ne  font ,  à  proprement  parler, 
que  des  efpeces  de  fuçoirs  ou  de  cornes ,  afTez  femblables  à  celles  du 
limaçon  :  elles  en  ont  la  couleur ,  la  confiftance  &  la  forme  ;  elles  font 
affez  fouvent  retirées  comme  les  cornes  du  limaçon, ce  n'efl  que  lorfque 
l'animal  veut  marcher  qu'il  les  développe. 

On  peut  en  remarquer  très-aifément  la  mécanique  admirable  ;  il  ne 
6*agit  que  de  mettre  à  découvert  les  parties  intérieures  d'un  des  rayons 
de  l'étoile ,  en  coupant  la  peau  du  côté  de  la  furface  fupérieure  de  ce 
rayon.  Lorfque  cette  opération  eft  faite,  on  obferve  que  chaque  rayon 
eft  compofé  d'un  grand  nombre  de  vertèbres ,  formant  une  ou  deux  ran- 
gées &  percées  dans  le  milieu  d'un  petit  trou  qui  communique  des  unes 
aux  autres.  Les  vertèbres  à  double  fuite  laiflTent  entr'elles  un  canal  plus 
ou  moins  large.  A  chaque  côté  de  cette  coulilîe  au  canal ,  on  obferve 
deux  rangs  d'efpeces  de  petites  boules  ou  perles ,  claires ,  tranfparen- 
tes,  rangées  les  unes  auprès  des  autres.  Ces  petites  boules  font  formées 
d'une  membrane  mince,  dont  l'intérieur  eft  rempli  d'eau.  Aufli-tôt  qu'on 
vient  à  preflTer  ces  boujeis  avec  le  doigt ,  on  en  découvre  toute  l'ingé- 
rieufe  mécànnjue.  Cej^boules  fe  vident,  &  l'eau  qui  en  fort  fait  étendre 
&  gonfler  lés^lSis  jambes  qui  y  correfpondent  ;  lorfqu'on  cefle  de 
preffer  ^"^  les  fauffes  jambes  fe  contradent  par  leur  reflbrt  naturel ,  & 
font  remonter  l'eau  dans  les  boules.  On  conçoit  aifément  que  tout  ce 
que  yétoiU  ffà  faire  pçur  enfler  fes  faufles  jambes ,  c'eft  de  prefTer  les 
boules" par  contradion,  C'eft  de  ces  faufles  jambes  ainfi  alongées  que 
les  étoiles  fe  fervent  riioms  pour  marcher  que  pour  fe  fixer  fur  les  pier- 
res &  le  fable ,  foit  qu  elles  foient  à  fec ,  foit  que  l'eau  de  mer  les 
couvre. 

Il  y  a  quelques,  annéçs  qu«  parcourant  les  rivages  de  la  mer  d'Fcofle ,. 
je  trouvai  l'occafiôû  d^y  ramaflèr  quantité  d'étoiles  de  mer ,  &  de  fatis- 
faire  ma  curiofité  futîeQy  mouvement  &  fur  la  manière  dont  elles  fe 
nourriflent.  J'étoisvplacérfort^avantageufement  pour  ces  obfervations  j 
il  y;;^oit  plufieurs  ^t?te5  mares  d'eau  fur  la  grève,  j'y  portai  toutes 
les  étôliqs  que  j'àvois  ramaflees^  &en  les  voyant  cheminer,  j'obfervai 
que  ces  animaux  qui  font  mous  ,  préfentoient  une  convexité  d'un  côté, 
^&  une  concavité  de  l'autre  :  celle-ci  étoit  le  côté  de  la  bouche.  Cette 
orme  eft  celle  qui  m'a  paru  être  naturelle  à  toutes  les  efpeces  d'étoiles 
marines  lorfqu'elles  nagent  ;  elles   fe  fufpendoient  obliquement  dans 


É  T  O  (?4  j 

feau,  &  formoîent  avec  leurs  rayons  de  légères  ondulation*  ,  ce  qui 
fans  doute  provenoit  moins  du  frottement  de  l'eau  ,  que  du  mouvement 
de  contraction  &  raïongement  qu*elles  exercent  à  l'inftant  où  elles  che- 
minent. L'animal  veut-il  defcendre  furie  fol,  il  cefiTe Tes  mouvemens 
&  éprouve  une  efpece  d'inertie,  èc  fa  pefanteur  fpécifique  le  fait  tomber 
perpendiculairement  (  dans  Teau  tranquille  )  fur  -deux 'de  fes  pans  ;  (  les 
pans  ou  bras  doivent  être  regardés  comme  les  véritables  jambes  )  mais 
fi  l'eau  eft  agitée,  il  fuit  en  tombant  .une  diredion  oblique.  Eft-il  def- 
cendu  fur  le  fol ,  il  s'attache  à  la  vafe ,  èc  fait  fortir  &  avancer  à  volonté 
les  centaines  de  faux  pieds  dont  nous  avons  parlé  ci-deffus ,  &  qui  pa- 
roiflènt  être  autant  de  fuçoirs  mobiles  ,  tendineux,  fufceptibles  d'alon- 
gement  &  de  contradion ,  mais  très-propres  à  fixer  ces  animaux  au 
befoin  dans  le  lieu  qui  leur  eft  le  plus  convenable.  En  un  mot,  l'ani- 
mal peut  reculer ,  aller  de  côté  ,  en  avant ,  en  tous  fens ,  fans  changer 
de  pofition  abfolue.  Les  dents  ou  fourchettes  .des  étoiles  de  mer  fervent 
à  ccmminuer  leurs  alimens  :  il  fe  trouve  ,  dans  rintervalle  ,  des  vafcu- 
les  très-convenables  pour  la  déglutition.  Chacun  de  ces  inftrumens  eft 
adapté  à  autant  d'efpeces  de  trachées,  lefquellef  s'unifient  à  des  efpeces 
de  petites  poches  grêles  :  celles-ci  font  recouveri^  ^i'HPA.  gf^^de  quan- 
tité d'une  fubftance  qui  eft  comme  laiteufe,  g^latideulte,'  grUmeleufe^ 
femblable  à  la  chair  de  l'ourfin,  ^'? - 

Les  étoiles  de  mer  font  la  déjedion  de  leurs  "excrémens  par  autant 
de  petits  anus  intérieurs  qu'elles  ont  de  fourchettes.  *Cha^ue  efpece  de 
hoyau  rectum  a  fon  rendez-vous  à-peu-près  au  centre  de  l'animal ,  où 
l'on  voit  une  verrue  ou  une  efpece  ^opercule  :  oe^fe  ve|fue  eft  blanchâ- 
tre &  offeufe  ;  elle  eft  fituée  dans  la  partie  cïu-ftacée  &  à  l'oppcfîte  de 
l'ouverture  que  l'on  dit  être  la  bouche.  Il  eft  étbniTiànt  que  Llnckius  ,  qui 
a  donné  en  1733  un  Traité  in-folio  &  avec  %uijes  de  ees  animaux,  n'ait 
pas  été  inftruit  de  la  mécanique  &  desL  moyeQSiçJue'les  étoiles  m.arines 
emploient ,  foit  pour  manger  ,  foirpoux.  dejêâ:^r.  M.  Je  RéaumufAts. 
avoit  prefque  tous  connus  ,  ainfi  qu  pii;|)eutr'1é_  VG%  dans  un  Mémoire 
qu'il  a  donné  à  cefujet  à  l'Acad.Ves  ScHncà^^arfriée  tyio  ,  p.  61^4,- 

Les  étoiles  marines  font  fujettes  à  perdrè^t!ïn%/deux  ou  plufieurs  de 
leurs  rayons ,  &  à  les  réparer ,  le  tout  de  la  même  manière  qu'on  î'ob- 
ferve  dans  les  écreviflès.  On  en  voit  dont  un  des  rayons  offre  une  bi- 
furcation par  l'extrémité ,  produite  par  un  déchirement  accidentel.  Les 
excrémens  des  étoiles  marines  font  noirâtres ,  précédés  &  fuccédés  d'une 


^#^' 


É  T   0 

oùtto  de  liqueur  fraîche ,  acre ,  derai-tranrparente  ,  blanchâtre  ,  ferrr^" 
blable  au  No(loch-ufnée  &  gélatineux  qui  fe  trouve  dans  les  champs  im-r 
rnédiatement  après  les  orages  ,  &  dont  MM.  Geoffroi  &  de  Réaumur  ont 
parlé  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences.  L'odeur  de  la  chair 
des  étoiles  de  mer  efl  analogue  à  celle  de  l'ourfin  ^  &  le  goût  à  celui 
des  cruftacées.    •         , 

Les  étoiles  épineufes  ont  communément  cinq  branches,  chacune 
defquelles  eft  pointue  ,  étroite  à  l'endroit  de  fon  infertion  ,  large  vers 
le  milieu  ou  p^r-apiidale  &  plus  ou  moins  longue  félon  la  grandeur  de 
l'animal.  Le  corps,  &  notamment  le  tranchant  du  pourtour,  ainfi  quç 
les  branches  de  cette  étoile  font  garnis  de  piquans  mobiles,  coniques, 
&  en  quelque  forte  femblables  à  ceux  du  hériflbn  ,  &  il  faut  s'en  mé- 
fier ;  différemment  en  cela  des  rayons  de  l'étoile  liffe ,  qui  font  feule- 
ment couverts  de  petits  tubercules ,  à-peu-près  comme  il  s'en  trouve 
fur  les  pattes  du  poîjpe. 

Il  y  a  de  certaines  efpeces  d'étoiles  de  mer  dont  les  rayons  ne  font 
point  garnis  de  bras-l  fuçoirs  3  ces  rayons  qui  relTemblentà  des  queues 
4e  lézar^t,.  leur  fervent:,  elix-memes  de  jambes.  L'animal  en  accroche 
rleux  à  i'ehdiait' vêts  lequel  il  veut  s'avancer ,  &  fe  traîne  fur  ces  deux? 
là ,  •taiTid^^qU'e  le  ràyon^.q'-^^  ^^^^  ^^  oppofé  fe  recourbe  en  un  fens  con« 
traire  ^vls'appiiue  fur  le-fable  &  pouffe  l'étoile  vers  le  même  endroit, 
v'^j^ly-àtiiié  autre. sfpece  ds petite  étoile,  qui  avance  &  fe  remue  par 
.îi'flnbyeà  de'{ès  bt'ânches ,  qu'elle  plie  &  replie  comme  font  les  fer-r 
pens  ;  ces'branches"  détachées  du  centre,  ont  encore  du  mouvement, 
comme  cela  ànlwlo^iaj^  vers  ou  aux  couleuvres  qu'on  a  coupés  en  plu-^ 
fieurs  morceaus:.        ■";•. 

La  petite  étoile  de-i<îier  que  l'on  nomme  étoile  à  rayons  à  queue  dç. 
lézard ^  a  effediverheni:  ^es-rayons  aufîî  fragiles  que  la  queue  des  lézaçds.: 
ces  rayons  font^rr^>îf^,«^çampofés  de  vertèbres  articulées  enfemble 
cqmme  par  oceûq^^  5?' •fertêçit.  d'un  corps  lenticulaire,  aplati,  quel- 
^quçfois  pentagooe,;  les  cinq  fentes  de  la  bouche  font  plus  ou  moin-s 
gràftd.es.  On  nomtnQ.f (^h^indrolJes  celles  dont  les  rayons  en  queue  de 
lézard  4ont  ou  écailleua^pii  chargés  de  plufieurs  rangées  longitudinales 
de  pointes  longues  &  plus. ou  moins  fines;  ces  dernières  étoiles  font 
noirâtres ,.  violettes. 

jLes  moindres  chocs  que  leur  font  effuyer  les  flots  contre  des  pierres, 
jeiir  font  perdre  de?  rayons>  Mais  la  Nature  a  psurvu  à  ces  pertes  frç- 


E  T  O  ,     .  5^7 

quentes  auxquelles  font  expofées  les  diverfes  étoiles  deriier  ;  à  peine  '    # 

ont-elles  perdu  quelque  rayon  ,  qu'il  leur  en  croît  un  nouveau.  Pour 
éviter  ce  danger ,  les  petites  étoiles  dont  nous  venor^s  de  parler ,  fe 
tiennent  fur  des  côtes  unies  qui  ne  font  couvertes  que  de  fable  :  on  les 
trouve  fouvent  enfoncées  fous  ce  fable,  où  elles  marchent  fort  lente- 
ment. 

Parmi  les  diverfes  efpeces  d'étoiles  ,  il  y  en  a  une  entr  autres  d'une 
ftrudure  très-fînguliere  :  fes  rayons,, fe  fubdivifent  en  quelque  forte 
comme  des  rameaux  d'arbres,  j^ufll  là  nonime-t-on-^i/e  arborcfcenu  : 
on  foupçonne  que  c'eft  un  véritable  polypier ,  mais  d'une  efpece  aufîi 
fînguliere  que  celle  du  palmier  marin  ;  voyez  ce  mot.  On  remarque 
d'abord  cinq  groffes  branches  arrondies ,  partant  du  corps  de  cet  ani- 
mal ,  qui  eft  ainfî  que  fa  bouche  d'une  figure  pentagone  ;  ainfi  la  bouche 
a  auflî  cinq  angles  qui  naiflent  de  la  rencontre  de  cinq  lèvres  ,  qui  ré- 
pondent aux  cinq  côtés  du  corps  ;  entre  refpac^»ides  branches  il  y  a 
un  trou  ;  chaque  branche  fe  partage  en  deux  rârïieaux  ^  fes  rameaux  en 
deux  autres  &  ainfi  fuccelîivement  en  une  infinité 'de  petites  ramifica- 
tions,  dont  les  dernières  font  auflî  fines  que  de|  cheveux.  (Tout  eft 
compofé  d'articles  marqués  de  points  en  deflbus  du  lafcérâîèmejtrt.  )  Oa 
en  a  trouvé  81920  dans  une  étoile  de  mer  qu^  l'on  coîil^ve-dans  le 
cabinet  de  la  Société  Royale  de  Londres.  Toutes  cgs  t?rançhel  $£  les 
rameaux  qui  en  fortent  font  recourbés  en  dedans ,  £e  plient  comrhe'tii\ 
épervier,  &  font  faits  pour  prendre  la  proie  &  là'poftéf  .à.la  B'ouchel' 
Telle  eft  la  tête  de  Mèdufe  ,  qu'on  voit  dans  tous  les  cabinets  des  Na- 
turaliftes,  &  qui  eft  plus  ou  moins  eftimée,  à  r'ait^^'rr'àe  fa  grofl'eur  ,  de 
fa  couleur ,  du  nombre  &  de  la  confervation  de*^^s  rayons  ou  branches. 

On  nomme  étoiles  chevelues  ^  celles  à  dix  rayon|^^  naiflans  deux  à  deux 
de  cinq  tiges  courtes,  compofésen  defllis  de  pièce^i' en  forme  d'anneaux, 
articulées  ,  alternativement  larges  d'un  'cÔte.^feiV^oites  de  l'autre  , 
creufes  en  deffous  en  forme  de  gouttiéî'è"Br  bord'eâs.^de  cloaque  côtéj^e 
filets  verticillés  ou  petites  pattes  altèriies-^àuilî' articulées.  Le  corp_s  efi 
demi-fphérique  en  defllis,  plat  en  àé\£o.u$.\Li^di^d:nQTCiméQ'dccim^^ 
de  Cornouaïlle  ;  c'eft  la  rofacéc  de  Linckius,        /--; 

On  voit  beaucoup  d'étoiles  marines  aux  Antilles  :  ces  animaux  fe 
promènent  pendant  le  calme  ;  mais,  aufli-tôt  qu'ils  prévoient  l'orage  , 
ils  s'attachent ,  à  l'aide  de  tous  les  filets  ou  fuçoirs  de  leurs  pattes  , 
contre  les  rochers  :  ces  fils  en  entonnoir  deviennent  pour  eux  autant 


fjS  ,  Ê   T   O 

.  d'arfcres ,  quî  les  tiennent  fi  fortement  appliquées ,  que  toute  la  vio- 
lence des  eaux  les  plus  agitées  ne  peut  les  en  détacher. 

D'après  les  caraderes  généraux  que  nous  avons  donné  des  différentes 
étoiles  de  mer,  on  peut  les  divifer  en  deux  fedions, 

I**.  Celles  à  rayons  ou  lobes  fendus  en  deffous  fuivant  leur  longueur, 
&  dont  les  unes  ont  cinq  rayons ,  les  autres  moins ,  d'autres  plus  de 
cinq.  Telles  font  les  étoiles  à  quatre  rayons ,  on  les  appelle  cruciformes. 
On  denne  le  nom  dQ  falciforme  à.  celle  dont  le  rayon  eft  large  dans 
l'origine  &  s'étréciflant  vers  le  bout.  Celle  qui  eft  couverte  en  delTus 
d'éminences  à  mamelons ,  en  puftules  granuleufes  ,  eft  appelée  étoile  à 
grains  de  petite  vérole.  Celle  dont  les  rayons  effilés  font  recouverts  de 
tubercules  granuleux  comme  des  perles  ,  fe  nomme  étoile  à  grains  de 
millet.  Celle  dont  le  tranchant  du  pourtour  eft  totalement  hériffé  de 
pointes  longues  couchées  dans  fon  plan  ,  &  à  diftances  égales  les  unes 
des  autres,  fe  nomme  la  peclinée.  Lorfqu'un  grand  nombre  de  rayons 
partant  d'un  difque  font  revêtus  chacun  de  deux  ou  trois  côtés  longi- 
tudinales épineufes^  Se  de  ftries  tranfverfales ,  on  lui  donne  le  nom  de 
foleil  CL  iidllis  Ipineiix  ^  ou  celui  de  tournefol  quand  fes  rayons  font  aplatis. 
On  ^1p^ç^^yQmetè ,  celle  dont  un  feul  rayon  eft  fort  long  &  les  autres 
■^  trèsrcourts,  C^îe  appelée  pdté  réticulé ,  eft  bombée  en  deffus  ,  concave 
.en  defifous-j  ori!CŒ^ft  réfeau  à  mailles  triangulaires  dont  chaque  join- 
^ftijré^  àihïtki}Uê:^§tâa^  du  pourtour,  eft  armée  d'un  denticule 

conique  ^S^^^^^^^Ê^^^^  pyramidaux.  L'efpece  nommée  le  fort  penta^ 
gone ,  eft  à  roî^ŒŒ|Èpntagone ,  &  chaque  angle  eft  terminé  par  un 
gros  t\xhQïQ\i\â^JEF.çt^m^:tn  patte  d^oie  eft  fort  plate ,  mince  comme  le 
carton  fin  ;  fes  rayons  gïéles  font  comme  engagés  dans  une  membrane 
granuleufe.  L'efpece  ?^f^é\é&  la  mojaique  de  Cik  de  France ,  n'eft  qu'une 
variété  au  pdté  ré-ticxj^u.  . 

..,g!'.ljQséioiles.denHf'^^^yons  ou  lobes  entiers ,  les  étoiles  vermiformes , 
ou:à  queue  deié^tùs^^^^^evelues^  les  médufes ,  que  l'on  nomme  auffi 
étùiUs^  arborefcehtes  o\î>  afir^ophytes:  Ee  palmier  marin  paroît  apppartenir 
à  cettç  fedion  d'étoilds.  marines.  Voyc^  Palmier  marin, 

;^tGÏLE-PLANXE  ou-  G_AZON.  Nom  que  l'on  donne  à  Cayenne 
à  mie  plante  grimpante ,"  connue  fous  le  nom  de  jafmin  rouge  ;  c  eft 
un.  liferon,  &  le  quamodit  folUs  tenùiter  jncijis  &  pinnatis  de  Barrere.  La 
Heur  en -eft  petite  '&  couleur  de  feu  :  on  en  forme  des  berceaux  très' 
^%véé)lz^f^oyci.'^''rarticlejA.smm,  ■ 

;.     '  '  ;  -!>;      '-fr^-"/  .  ÉTOILE 


É  T  O  6^^ 

ETOILE  TOMBANTE,  fiella  cadens,  Ceft  un  pKénomenè  q^ue 
f  on  peut  obferver  aflez  fouvent  dans  les  foirées  du  pi-interas  &  de  l'au- 
tomne. Il  fembie  voir  une  étoile  fe  détacher  du  ciel ,  &  tendre  par  fa 
chute  au  bas  de  Thorifon ,  ou  quelquefois  fe  perdre  dans  le  vague  des 
airs.  Cette  étoile  apparente  eft  un  petit  globe  de  feu,  qui  répand  une    ' 
lumière  vive,  femblable  à  celle  de  l'étoile  :  fouvent  il  fe  diifipe  dans 
les  airs ,  quelquefois  il  parvient  jufques  fur  la  terre  :  alors  on  trouve 
au  lieu  de  fa  chute  une  matière  de  couleur  jaunâtre  &  vifqueufe  comme 
de  la  colle ,  la  matière  combuftible  ayant  été  entiérô^raent  confumée. 
Lorfque  les  vapeurs  enflammées  ,  dans  le  temps  des  éclairs .  repréfen- 
tent  une  colonne  de  feu  qui  tombe  du  ciel  en  droite  ligne,  on  l'appelle 
feu  pyramidal  ;  fi  cette  lumière   flotte  dans  l'air ,   &  qu'elle  foit  plus 
épaifle  par  le  milieu  que  par  les  extrémités,  on  l'appelle  dragon  volant. 
Les  Phyficiens  parviennent  à  imiter  ces  météores  :  pour  cet  effet  on 
forme  une  boule  avec  du  nitre  ,  du  camphre  &  du  limon  ;  on  l'hii- 
mede  avec  de  l'eau  de  vie  forte,  on  y  met  le  feu,  on  la  lance  dans  les 
airs  ;  fa  lumière  &  les  circonftances  de  fa  chute^nt  aflez  femblables  à 
celles  de  ces  météores.  t^ . ,  --f^-^' 

ÉTOILÉES.  Nom  botanique  donné  à  uhjwà'ré  de  pîint^  /^(?y«^ 

UBI  AGEES.  : 

ETOILES.  Voyei  à  la  fuite  de  l'article  Plan:éT£, 

ÉTOUFFEUR. /^c)y^{  GiEOYA,  ^^^^  H^-     -^ 

ÉTOU.RNEAU  ou  SANSONNET, /?^r;2«5:^^^^'atrez  connu'j?^^^ 
la  beauté  de  fon  plumage.  On  en  diftingue  pI^fiç^BN^îpaqes  :  favoir , 
Vétourneau  vui^uire  ,  les  ètourmaux  blancs  ,  ^ ctoia^^^Êi^  Indes  ,  Vétour» 
neau  marin  ,  Vétourneau  à  rouges  ailes  ,  l'étou'rfifait^J^tyHn  du  Cap  de 
Bonne-Efpérance  ,  Vétourneau  jaune  &  ^rtt/z3|^^'>jtôuifiane  ,  Vétour- 
neau à  tête  blanche  ,  Vétourneau  à  tête  J^^*^^^^^  Nouvelle  Efpa- 
gne,  &c.  "   ' 

JJétourneau  commun  efl:  un  oifeau  qui  vit,^5t^t ,  &,fe  trouve  pétr- 
tout ,  il  efl:  de  la  grofleur  d'un  merle  :  for^iiflfiltnagé'eft  noirâtre,  ta- 
cheté de  gris ,  de  blanc,  quelquefois  de  bleu  ,  de  jaune  &  dejouge 
pourpre  qui  change  à  différens  afpeâs  Vfon  bec  eft  aflez  femblable  à 
celui  de  la  pie,  mais  plus  délié,  droit  &  arigialeux  :  fa  langue  eft -dure  y 
delà  nature  de  la  corne  ,  &  fendue  :  le  mâle  a  un  filet  noir  en  deflous  : 
il  a  l'œil  noir  ,  le  dos  plus  charge  de  couleur  pourpre  &  le  croupion 
plus  Ycrdâîre  :  la  femelle  a  une  petite  maille  dans  le  blanc  de" l'œil:  fon 
Tome  IL  .;^, .      .         ,        NnfîO^-''^    " 


/^o  :  É  T  O  EVE 

plum'age  eft  aufli  moins  tacheté  que  celui  du  mâle  :  la  queue  de  retour^ 
.'ne.aTi^ft  courte  Sa  noire  :  il  a  les  pieds  jaunes  &  les  ongles  prefque  noirs. 
Le  jeune  étourneau  n^'a  qu'une  tache  fur  tout  fon  plumage  ,  c'eft  pour- 
quoi bien  des  perfonnes  ont  de  la  peine  à  le  diftinguer  alors  d'avec  le 
merle  ordinaire.  L'é.ourneau  a  les  cuiflTes  garnies  de  plumes  jufqu'aux 
genoux  :  il  habite  en  été  les  endroits  aqueux,  vers  les  prés  ;  &  en  hiver 
fur  les  tours  &  les  toits  des  maifons  :  il  vit  de  vers ,  de  petits  fcarabées, 
de  chairs  de  cadavres ,  de  baies ,  de  raifins  &  de  femences  :  on  le  nour- 
rit aufli  en  cdge-sL.il  pond  quatre  ou  cinq  œufs ,  qui  font  légèrement 
^.teints  d'un  bleu  verdâtre  :  il  fait  fon  nid  dans  des  trous  de  maifons  ou 
d'arbres. 

Les  étourneaux  font  des  oifeaux  de  fociété,  qui  volent  en  troupe 
&  demeurent  enfemble  ;  leur  vol  eft  en  quelque  forte  circulaire , 
parce  qu'ils  tâchent  de  gagner  toujours  le  milieu  de  la  bande.  Cet 
oifeau  vit  vingt  ans  &  plus  ;  il  efl:  fort  docile  ;  on  i'apprivoife  facile- 
ment ;  il  eft  fufcept.iBle  d'éducation  &  de  talens,  on  lui  apprend  aifé- 
ment  à  rép^;^  quelqiïes  mots:  la  goutte  &  l'épilepHe  font  des  mala- 
dies au'tSlQe.Ufï's  il .  eft  ..f^jet  étant  détenu  en  cage.  On  lui  fait  la 
chafic  vers •ie,temps'd'e&  vendanges,  parce  qu'alors  il  eft  gras  &  allez 
bûn  i  mang'er.   .   ']  ...^i. 

X^çs  ancieïi<!nu(jîâj^i*grand  cas  de  la  chair  des  étourneaux,  ils  en 
^rvoient  fQiB^QrtLfitn  leurs  tables.  La  tête  fent  un  peu  Todeur  de  la 
.  fourmi,  '^'^tfîlil^JiJ^l.jO"  !^  retire  avant  que  d'apprêter  l'oifeau  -,  on  en 
ôte  aulTi  là -peaiç.,?!^^  qu'elle  eft  amere. 

ETTALCHs^-Ci^ft  un  arbre  étranger,  afiez  grand ,  épineux,  dont 
le  branchage '"&'  les  feuilles  ont  beaucoup  de  rapport  avec  le  cèdre 
ou  avec  le  genévrier;  fon  bois  en  Numidie  eft  blanc,  en  Lybie  violet 
&  noir  ,  &  en  Ethiopie  très-noir.  Les  Italiens  l'appellent  fingu.  D  en 
découle  une  refîne  fort  analogue  à  celle  du  maftic  de  Crète.  Son  bois 
eft  fudorifique ,  &  fert  aufli^  taiî'e  des  inftrumens  de  mufique. 

feVENTAli^-  D£   U%%,  Foyii^au  mot   CORALLINE. 

■  .|y£NTAIL  ou  POISSON  E&  ÉVENTAIL.  Ceft  le  w^yco- 
vïjca'^à^s  Hollandoïs.  'Cq  {5oîfFôn  a  des  nageoires  fort  longues  fur  le 
do^,  qui  fe  recourbent  vers  la  tête ,  &  forment  en  quelque  forte  la 
figure  d'un  éventail ,  d'oii-Iui  eft  Arenu  fon  nom.  On  remarque  fur 
fa  tête  deux  proéminences  en  maniere-.de  cornes  :  il  eft  armé  fur  le 
dos.&  au  bas  du  ventre  d'un  grand  nombre  d'aiguillons ,  qui  fe  joignent 


EVE  E  U  F  ;^;..|. 

par  une  membrane:  il  a  fur  h  dos  trois  fâches  roug^es  &  quarrees; 
la  reRe  de  fon  corps  eft  d'un  bleu  alTez  clair.  Les  Indiens  le  font  àQ([é- 
cher  &  fumer  pour  le  manger.  Ce  poiflbn  eft  rare  ep  Europe. 

EVENTAIL  TESTACÉE.  Nom  donné  à-  l'efpece  de  coquille 
bivalve  du  genre  des  peignes;  elle  eft  plus  connue  fous  le  nom  de 
So/e.  Voyez  ce  mot. 

EVEQUE,  epifcopus  avis.  Nom  donné  à  un  petit  oifeau  du  genre 
du  tangara,  commun  dans  la  Louifiane  &  dans  le  Bréfil  ;  fon  plu- 
mage eft  bleu ,  ies  ailes ,  qui  forment  une  efpece  tfécharpe  ,  tirent 
fur  le  violet  :  il  eft  moins  grand  que  le  ferin  ;  par  la  mélodie  de  fon 
ramage  il  furpaffe  le  chant  de  nos  rolîignols  ;  il  chante  pendant  l'efpace 
d'un  quart  de  minute,  fans  qu'on  s'apperçoive  qu'il  reprenne  fa  refpi- 
ration.  Après  s'être  repofé  deux  fois  autant  de  temps  qu'il  a  chanté, 
il  recommence  &  continue  toujours  de  même  pendant  deux  heures. 

ËVERTZEN.  C'eft  un  poiflbn  des  Indes,  qui.femble  être  de  la 
famille  des  brimes  de  mer»  Voyez  ce  mot.  Les  Navigat-^yrs  l'appellent 
maître;  les  Portugais  meris ;  &  les  Brafiiiens  gu^apu-gut^Cu^. 3^  cou- 
leur eft  noirâtre  :  il  a  fur  le  dos  fix  aiguillons,  qui  'frènrié^nt '"à  fes 
nageoires,  &  des  taches  blanches;  on  en  voit  âtifTi  a^fa 'quelle'  &  aux 
nageoires;  tout  le  corps  eft  tiqueté  de  marqaes^, de  différentes; cou- 
leurs. 11  y  a  une  faifon  où  ce  poiflbn  eft  exçeHétit^5^%nger;.âî<)xs 
fa  chair  eft  graflfe  :  mais  dans  un  autre  temps -'^îp;è^ât''dure  3c-, S' 
coriace,  que  les  mâchoires  les  mieux  dentées  t^^^^àsçœfer  la  déchirer. 
On  en  mange  dans  l'ile  d'Amboine  &  dans  toi^fea'amrès  lieux  mari- 
times des  Indes.  "  "^^ 

-  --r 

EUFRAISE  5  eupkrafia.  Plante  très-commune  fur  les  montagnes  , 
dans  les  forêts  &  dans  les  prés  :  elle  a  uneV.racine  (impie ,  menue , 
ligneufe,  tortueufe ,  &  garnie  de  fibres ,  "ÎZTpouflTe  une.  ou  plufieurs 
tiges,  hautes  de  fix  pouces  ou  envirojj,  grêles ,  velues,  noirâtres, 
tantôt  branchues,  tantôt  nue^  :  fes  feuille?  font  petites  ,  veinées,  lijî- 
fantes  &  incifées  autour,  d'un  verf  foncée,,  d'une  faveur  vifqueufë'&-. 
un  peu  amere:  fes  fleurs  fortent  des  aiiTellesi. des  feuilles,  repréie.piànt 
un  mufle  béant  à  deux  lèvres ,  de  -couleur  blanche,  tachet^es^de 
points  purpurins  &  jaunes  :  il  fuccede  à  cette  fleur  un  petit  fruit  ;ou 
capfule  j  partagée  en  deux  loges  qui  renferment  des  femences  menues  ôc 
blanches. 

Cette  plante  eft  d'ufage  étant  fleurie ,  elle  rend  les  humeurs  plus 

,     ,  Nnnn  3  ^''^■, 


6^2.-:  E  U  L  E  U  P 

propres  a  la  circulation ,  ^  afFermit  le  ♦orr  des  fibres  relâchées  dans 
les  glandes  du  cerveau.  Ceft  pourquoi  on  dit  que  Veufraifc  eft 
"ophthalmique  &  céphalique,  qu'elle  fortifie  merveilleufement  la  vue, 
&  la  rétablit  fouveiit  lorfqu'elle  eft  foible  &  prête  à  fe  perdre.  Tous 
!es  jours  des  vieillards  feptuagénaires  qui  ont  perdu  prerqu'enticre- 
ment  la  vue  par  des  veilles  3c  de  longues  études ,  la  recouvrent  par 
Tufage  du  fuc  exprimé  de  cette  plante,  infiltré  dans  les  coins  de  l'œil, 
ou  pris  intérieurement  avec  de  la  poudre  de  cloporte  à  l'entrée  du 
fommèll.  Quelqnes-uns  fiament  l'eufcaife  deflechée  en  guife  de  tabacs 
on  en  fait  auflî  une  forte  de  vin,  en  la  cuifant  avec  du  moût  dans 
le  temps  de  la  vendange.  Cependant  on  ne  doit  pas  faire  un  ufage 
intérieur  trop  immodéré  de  l'eufraife  ;  car  Ton  a  quelques  exemples^ 
du  dérangement  &  des  défordres  qu'elle  caufeà  la  longue  à  Teftomac». 
Son  fucre  eft  acre  &  defagréable  au  goût. 

EULOPHE,  eulopkusi  Ce  genre  d'irifç^ces  eft  voifin  de  ceux  des 
cinips  &  des  diplolepesj  mais  il  en  diffère  par  la  forme  de  fes  antennes,, 
q^ui  font  br^|jp:hucs  èc  forment  une  efpece  de  joli  panache  ,  ce  qui 
lui  a  faî^  i^ômîer  le  nom;  qu'il  porte.  Les  branches  des  antennes  naif- 
fent  dU'fi.fet  principal'^  elles  font  au  nombre  de  trois  qui  partent  du 
,fecoiid,  dii  troifieme*'(§c  du  quatrième  anneau  de  l'antenne:  les  chry- 
falides  relTemblent  à  crelles  des  cinips,  &  il  en  fort  des  infeâies  dorés ^ 
^•^serdâtres  &  brillans» 

EUNUQUE ,  xajiratus  aut  cunuchus.  Nom  donné  à  un  homme 
auquel  on  â^oté  la  faculté  d'engendrer,  pour  lui  procurer  une  voix 
nette  &  aiguë  ,  &c.  Voyez  ce  qui  eft  dit  de  ces  hommes  mutilés  àt 
la  fuite  du  mot  Homme» 

ÉVONIMOIDE  ,  cdafrus  fcandens  ,  LiNN.  Arbrifîèau  très-com*- 
mun  aux  environs  de  Québec,  &  qu'on  peut  mettre  au  rang  des 
fufains  :  voyez  ce  mot.  X'évonimoïde  eft  très-flexible  ;  il  s'élève  con-^ 
fidérablement  par  le  fecours  des  arbres  voifins,  autour  defquels  il 
s'^tortille  en  tous  fens.  "Quoiqu'il  foit  dépourvu  de  vrilles,  il  embrafie; 
Cependant  les  autres  arbres  fi  fortement,  qu'à  mefure  qu'ils  gro/îîf~ 
fertti,'  3*paroît  s'enfoncer=  &  s'enfevelîr  dans  leur  écorce  &  leur  fubf- 
taàfce,  &  les  fait  enfin  périr*  Si  dans  fon  voifinage  il  ne  fe  rencontre 
point  d'arbre  pour  s'élever ,  il  fe  tortille  fur  lui-même.  Voyez  les  Mé- 
moires^ dz  L'Académie  des  Sciences  ^' ann,   iyi6^ 

EUPATOIRE  y  eupatorium,.  Cette  plants ,  ainC  appeUée  du  nona- 


E  U   P  V  '6^j 

<îu  Roi  Mithrldate  Eupator  ^  qui  la  mit  le  premier  en  ufagô  pour  lés 
maladies  du  foie ,  croît  naturellement  aux  lieux  humides  dans  Us 
environs  de  Paris  :  fa  racine  eft  obliqué  y  f  breufe ,  blanchâtre'  ^ 
amere  :  fa  tige  eft  rameufe,  haute  de  quatre  pieds,  droite,  cylindri- 
que, velue  &  d'un  vert  purpurin,  remplie  d'-une  moelle  blanche,, 
jetant  une  odeur  aromatique  quand  on  la  coupe  :  fes  feuilles  font  nom- 
breufes,  attachées  trois  enfemble  fur  une  même  queue,  un  peu  fem- 
blables  à  celles  du  chanvre,  oblongues,  d'un  goût  amer;  fes  fleurs 
font  des  bouquets  à  fleurons  &  évafés  :  fes  femence»-  font  obîôngues 
&  garnies  d'une  aigrette. 

L'eupatoire  eft  toute  d'ufage.  M.  Geoffroi  dit  que  les  feuilles  de  cette 
plante  contiennent  un  fel  femblable  au  natron  des  anciens.  Elles  font 
vulnéraires,  &  bonnes  pour  les  maladies  du  foie.  On  en  fait  fur-tout 
ufage  dans  la  cachexie  &  pour  les  perfonnes  qui  deviennent  bouffies 
&  menacées  d'hydropifie  :  elle  convient  pour  toutes  les  maladies  de 
la  peau.  Gefner ,  qui  éprouvoit  fur  lui-même  lâ^  v^rtu  de  chaque 
remède,  avec  autant  d'attention  que  Sanciorius  i?^^  Îqs  expé- 
riences fur  la  tranfpiration  infenfible,  ditavoi^bu  la  l3ol^ui#. fes  fibres 
delà  racine  d'eupatoire  bouillies  dans  du  vin;  qu'il  lui  en-furyint  des 
évacuations  abondantes  par  les  felles  &  paroles 'urines  ;  ^u'il  vomit 
douze  fois,  &  rejeta  plus  de  pituite  &  plus  facilement  qu'en  ne  le 
fait  par  VdUbore,  On  ne  fe  fert  prefque  plus  de  cette  plante  ieb. 
Médecine.  -  ■«'  '". 

On  donne  aufîi  le  nom  à^eupatoîre  femelle  bâtarde ,  ou  -chanvre  aqua- 
tique^ au  bidens  foliis  tripartico   divijis  feu  achmellà  ,    qui  a  prefque  le 
même  port,  &  dont  on  vante  les  qualités  pour  les  difficultés  d'uriner,. 
&  pour  réfifl:er  au  venin  que  produit  la  morfure  de  certains  ferpens^ 
M.  Haller  dit  que  cette  plante  a  le  goût  1^  'l'odeur  d'une  pénétration 
extraordinaire,  &  qui   promet  beaucoup;  mais  l'ufage  n'en   eft  pas 
reçu  en  Médecine.  M.  Deleu^e   obferre  ici  que  le  bïdens  forme  un^ 
genre  à  part  &  bien  différent  de  rèupatoirel"  Ses  fleurs,  font  à  fleu- 
rons ou  radiées  dans  quelques  efpe'ces..  Les' jemences  font  couronnées 
de  deux  ou  trois  pointes  barbelées  en  forme  de,- cornes.   Le  placenta 
eft  chargé  de  balles;  &  on  compte  plufieurs  efpeces  de  ce  genre.  L'^//- 
patoïre  de  Mefué  eft  le  ptarmica  luiea  fuave  olens  de  Tournefort. 

EUPHORBE,  ^K/7/zor/'i////7.  Plante  de  l'Afrique ,  appeilée  ainfi  dunorrE 
^Eu'^horbius  y  Médecin  de  Juba  Roi  de  Lybie,  qui  compofa  un  livrer 


»  iii. 


<SJ4:'.  .  E  U  F 

,  fui^  cette- plante ,  &  fit  l'honneur  à  fon  Médecin  de  lui  donner  fon 
nom.  Nous  parierons  de  cette  fubftance  après  avoir  décrit  Veuphor- 

•  'i^i'er ,  que  plufieurs  Botanîftes'  ont.  mis  dans  le  genre  des  thhymaUs , 
à  caufe  de  fes  fleurs.  II  y  a  fept  à  huit  efpeces  différentes  d'euphor- 
bier,  qui 'ont  là  plupart  beaucoup  de  rapport  avec  le  cierge  épineux, 
dont  elles  différent  cependant  non-feulement  par  la  fleur  &  par  le 
fruit,  mais  encore  par  le  fuc  laiteux  &:  acre  dont  elles  font  empreintes 
en  abondance.  Foyc;^  CHiJloire  des  Plantes  rares  du  Jardin  d'Amfîerr 
dam  •;'yar  ComnnUln. 

JJ euphcrbier  efl:  un  arbrifleau  qui  dans  les  terres  fablonneufes  eft 
haut  de  plus  de  dix  pieds  :  fa  racine  efl:  grofle ,  pivotante  3c  fibreufe  , 
blanche  intérieurement,  &  recouverte  en  dehors  d'une  écorce  brune: 
fa  tige,  qui  efl:  Ample,  a  trois  ou  quatre  angles;  elle  eft  comme 
articulée  &  entrecoupée  de  différens  nœuds  :  les  bords  anguleux  font 
échancrés  entre  le,§,J5|euds,  &  garnis  d'épines  roides,  brunes  &  placées 
deux  à  deux  .-jsettej  tige  efl:  couverte  d'une  écorce  épailTe ,  verte- 
brune,  &  replie  .<i'urie  efpece  de  pulpe  blanchâtre,  très-laiteufe  , 
elle  Ce^^è'âMge.  en  plufieurs  branches,  dénuées  de  feuilles,  mais  garnies 
de  qùerq^|s;petits  tî^endices,  ronds,  épais,  laiteux,  &  placés  feuls 
à  feuis  mV  lcs"Soî-(jf ^es  fleurs  naiflent  principalement  du  fond  des 

•  fînuofitçs    qui  fe    ti^iivent  fur  les   bords    anguleux;  elles    font    au 
.  nombre  de  trois  enfemble;  leur  pédicule  eft  laiteux;  leur  calice  eft 

renflé,  ôrdivifé  en  cinq  quartiers:  il  fuccede  à  ces  fleurs  des  fruits 
gros  comme  des  pois.;  ce  font  des  capfules  à  trois  loges ,  aplaties^ 
laiteufes,  vertes  d'àbÔ^^,  qui rougiffent  un  peu  dans  la  fuite:  ces  cap- 
fules contiennent  trois  ^^ines  arrondies  &  blanchâtres. 

Toute  cette  plante  ^È^^^bondamment  remplie  d'un  fuc  laiteux  & 
acre  qui  en  découle,  en-'q'^lqu'endroit  qu'on  y  falfe  l'incifion.  L'eu- 
phorbier  croît  dans  la  Lyt)i|6&ir  le  Mont  Atlas,  en  Afrique,  aux  îles 
-  'Xanaçies,  en  Malabar  &  aux-Incfes  Orientales. 

>^^^JË;*é"uphorbier  eft  de  toutes  les  pjantes  étrangères  celle  qui  donne  le 
-i'J.'^-^Mkm  -niauvais  goût .  au:  îai\'  Si  -à.-fe^^ftde. 


,és\iges  de  l'euphorbief'^î'Arfrique contiennent  un  lait  brûlant  dont 
;.»4une  petite  quantité  devienjdroît  funefte  aux  beftiaux  qui  en  mange- 
raient: l'efpece  d*euphorbiér  .trànfplantée  eiî" Europe  &  cultivée  ,  eft 
infiniment  moins  mordicante ,  quoiqu'elle  le  foit  encore  beaucoup.  Elle 
donne  ordinairement  la  diarrhée  aux  moutons;  cependant  ces  animaux. 


EUP  '     ;:^;^> 

les  vaches  &  les  chèvres  mangent  volontiers  de  cette^Iante,-  malgré, 
fon  amertume  &  fon  âcreté.  Mais  fi  l'on  nç  s'efi:  pas  encore  apperçu. 
de  ks   mauvais  effets  fur  les  chèvres  ,  ils  ne  font  que  trop  évidens 
fur  les  moutons  &  fur  les  vaches  ;  elle  altère  la  farîté  des  premiers  , 
elle  gâte  la  chair  &  le  lait  des  autres. 

Quand  on- veut  faire  des  incifîons  à  l'euphorbier' d'Afrique  ,  on  fe 
couvre  le  vifage  autant  qu'on  peut ,  ou  bien  on  les  fait  de  loin  avec 
une  lance ,  afin  d'éviter  rincom.modité  que  produifent  les  pr^ipieres 
exhalaifons  du  fuc  laiteux,  qui  font  très-fuhtil.es^''"très-âcres ,  très  • 
pénétrantes  &  très-violentes.  Lémery  dit  qu'on  reçoit  ce  flic  dans  des 
peaux  de  mouton,  qu'on  place  autour  de  la  plante,  où  il  fe  con-' 
denfe  &  fe  durcit  dans  l'état  où  nous  le  recevons;  on  nomme  ce  fuc 
euphorbu.  C'eft  une  gomme  réfine,  que  les  Anglois  tirent  des  îles  Ca- 
naries, les  Hoîlandois  du  Malabar;  les  Efpagnols ,  les  Italiens  &  les 
François  de  Salé  au  Royaume  de  Fez,  où  elle-W^apportée  des  pays 
de  l'Afrique  les  plus  éloignés  de  la  mer.  ^^, 

L'euphorbe  eft  en  larmes,  d'un  jaune  plus  ou  moins' tl^f^^  ^^^^n- 
ehues,  caverneufes,  friables,  fans  odeur;  maîs<jd'un  g^ût^l^çs-àcre , 
cuifant,  qui  caufe  des  naufées:  il  fufïït  d'en  touchêj^|égej;emertt^a ^gue 
pour  avoir  la  bouche  enflammée. 

Toutes  les  parties  de  l'euphorbier  font  fi  fu^k'r,  qu'il.' fuHit  aufît  . 
de  les  flairer  pour  éternuer:  fi  on  fe  frotte  les  narîn'es  Hè'fôij.  fiuilsi-il 
en  découle  beaucoup  o'humeurs  aqueufes;  lorf^'oh'èn  preild  la  pou- 
dre en  guife  de  tabac,  il  en  réfulte  une  très-fof te.  irritation," fouvent 
une  hémorragie  ,  &  elle  enfiamime  quelqii^is  "lês^.jnembranes  du 
cerveau.  Son  acrimonie  fi  violente  fait  qu'o^ji^e'putvérife  l'euphorbe 
qu'avec  beaucoup  de  peine:  auffi  les  DrômiK^s  &'';les  Apothicaires 
ont  foin  de  n'employer  à  cet  effet  que  d^-perfonnes  rgbuftes;  on  \qs 
avertit  de  détourner  le  vifage  de  deflu|S^ mortier ,  qui  d'ailleurs  efti\  • 


'M- 

Les  Anciens  ne  nous  4^^t  jiè.r\^;\<|és^^^tùs  médicinales  de  Veur 
.  phorbe.  Les  nouveaux  Grecs,  ièsj\r^eg,  &  avec  eux  les  Médecins 
modernes  de  l'EuroDe,  lui  attribuent  une   puifî'ante  vertu  de  tirer  iâ' 
férofité  de  tout  le  corps.  Il  eft  étonnant  que  ce  remède,  qui  eft^sle 


-  ^^6:  /■      *      E   U  P  E  X  C 

pks  â<:r^/ le  pl^us  ardent  de  tous  les  hydragogues ,  foit  employé 
intérieurement.'  En  effet,  l'euphorbe  ne  purge  pas  fans  caufer  la 
xléfaillance,  une  fueur  froide,- &  fouvent  des  ulcères  dans  l'eflomac 
Se  les  inteflias  :  le$i|çides  &  les  adoucilTans  émouûTent  fa  vertu  érofive  ; 
mais  malgré  ces  précautions ,  combien  eft  peu  sûr  ce  remède  !  Il 
convient  tout  au  'plus  pour  'ébranler  les  membranes  des  vifceres  atta- 
qués de  paralyfie;  comme  irritant,  il  convient  encore  dans  les  affec- 
tions iaporeufes  &  l'apoplexie.  L'euphorbe  appliquée  extérieurement, 
incife  \qs  humeur^'^paiû^s^  caufe  de  la  rougeur ,  de  l'inflammation  , 
&  quelquefois  des  ulcères.  Elle  eft  utile  dans  le  tremblement ,  dans 
ia  léthargie,  &  pour  ceux  qui  perdent  la  mémoire. 

Les  Maréchaux  fe  fervent  de  l'euphorbe  en  poudre  pour  le  farcîn 
&  la  gale  des  chevaux.  IJes  perfonnes  trop  inconfidérées  croient 
s'amufer  fort  innocemmeni-^h  femant  de  cette  poudre  fur  le  parquet 
d'une  chambre  ou  Ion  tient  afiemblée  de  danfe:  à  peine  les  Dames 
ont-elles  fait^  quelques  |?as^'  que  leur  robe  volante  ou  le  mouvement 
de  leur^^M^r^si^ke'l'aif ,  fouleve  la  poudre  &  la  fait  monter  au 
vifagèv^e^'^^^f^teurs^'^qui  tous  éprouvent  aulîi-tôt ,  chacun  de  fon 
côte ,-•  1^3(  oe^tites  îîl^jijulfîons  d'un  éternument  violent,  &  une  fonte 
-  '  ^'I^Q^iCurs^s-'j^^^'fîdef  able. 
:^iX]Vm^sè/^yei  EuFRAîSE. 

-£UROES.  C^ft  la  j^ierre  de  Judée.  Voyez  ce  mot, 

EXCRÉMEJ)ï3^.,,^>%/«e;zrttOT.  Ce  terme  eft  employé  dans  un  fens 
pliis.ou'-iaqîns  éfeildjj^il  fignifie  en  général  toute  matière,  foit  fluide, 
foit  folide,  qùi^^.îÊ^wéc  du  corps  des  animaux,  parce  qu'elle  eft 
furabondantè^  inu?ï^f*i%uifible, 

Ainfi  le  fàn'g^flfir^!^^^*|^efL  une  matière  excrémentielle  rejetée  des 
vaiffeaux  de  la,  fEiàtrice  y  uù  il  étoit  ramalXe  en  trop  grande  quan- 
tité. Vàytai^   ce  qui   en  "e?!* dit  à  l'article  Puberté^  à  la  fuite  du  mot 

HoMMEi-. 

.'  Jucs  rnatieres:f^ale5.ifc>«^^0^^s  hors  du  corps  où  elles  ne  peu* 
.}  Y^rit  ^-e  d^âucQij(ifc^.ù^]iw *^^  animale,    étant  dépouil- 

^î'T^çs  de  toutes  les  partils  qui  p)uvaiiint  contribuer  à  la  formation  du 
chyle.  i.    "  ;/!  ,. .  ,  . .  -    .,  •  ,   .  -     ... 

Iv'urine  ,  la  matière  de  là- 'tr^fj^i^attbft,^' fueur,  fontaudi  féparées 
jdê  la  malle  des  humeurs,  où  elles  ne  pourroient  que  porter  la  cor- 
jstiptioîî  q'i'elks  .Gommpncjent  à  contrafter  eUes-mêmes, 

-  '  Prefque 


E  X  C  •       •     Ç^n    ^ 

Prefque  toutes  îes  humeurs  excrémentielles  font  formées  dès  ,ré7  - 
crémens  qui  ont  dégénéré  à  force  de  fervir  aux,  dif^rens  ufages  du 
corps. 

Cependant  on  entend  plus  particulièrement  par  lefeuj  mot  excrément , 
la  partie  groiîiere,  le  marc  des  alimens  &  des  fiics.Çigeftifs  dont  l'éva-* 
cuation  fe  fait  par  le  fondement. 

Les  excrémens  varient  dans  les  animaux  à  raifon  de  leurs  efpeces  & 
de  la  diverfité  de  leurs  alimens.  Les ''excrémens  des  animaux  font  pour 
îa  plupart  d'excellens  engrais  ,  dont  la  nature  vari^^&  eft  par'confé- 
quent  plus  ou  moins  propre  à  différentes  terres  ;  car  on  obferve  de  la 
différence  pour  les  effets,  entre  le  fumier  de  cheval,  celui  de  vache, 
les  crotins  de  moutons ,  l'émeu  du  faucon  ,  &  la  fiente  du  pigeon  ou 
colombine.  Foyc^  Cartick  Fumier. 

Les  excrémens  font  auflî  d'ufage  en  Médecine  ou  pour  les  Arts,  La 
merde  du  chien ,  connue  fous  le  nom  ^album  grcecam,  eft  employée  pour 
teindre  en  noir  certains  cuirs  ,  avec  de  la  vieille  ferraiHe.  L'excrément 

;  ;.       .  -fi.- 

du  paon  eft  d'ufage  pour  l'épilepiie  ;  celui  ^e  la  cdr«éi//^p.pur  la  dyf- 
fenterie  ;  celui  de  l'hirondelle ,  pour  l'efquinancie  &  la  ee^l^^-'É^hréti- 
que  ;  celui  du  mulet ,  pour  exciter  la  fueur  ;  celui  de  poiftês,  pour  les 
tranchées  rouges  des  chevaux;  les  crottes  du  rat,  ppi^tlaiÊe croître. les  , 
cheveux  ;  le  crotin  du  cheval ,  pour  la  pleuréfiçuvî  \â  fiéntï-^tU^pigeb^n^Sf 
dQS  martres,  pour  contrefaire  le  mufc  ;  celle  ducmaodiUl  dont  les, -Mcî^'^' 
rafles  fe  fervoient  autrefois  comme  d'un  cofméti^le^o'pre  à  rendre*  le 
teint  brillant.  Les  excrémens  de  la  baleine  n'o&t»Sa^*^e- fétide ,  leur 
couleur  eft  rouge  ,  on  les  a  employés  en  teinti^^^^  ;  l'èxcrément 
de  Xhomme  eft  quelquefois  employé  pour  fak.^^"^*rxl?s::bubons  pefti- 
lentiels  àfuppuration,  &  pour  défacérer  l'açi^^J^Jardimers  s'en  fer- 
vent aufli  fous  le  terme  honnête  de  poudretiçix  ^  ^ 

A  l'égard  de  la  forme  maronnée  ,  &ç.^§ii3dftt  la  plupart  des  fientes  . 
d'animaux,  elle  eft  due  à  la  figure  rri(^m^<?pes"efpfeces  de  loges  efpacées 
ou  cellules  dans  lefquelles  la  ^ent^^^^  f  ar  le  Jéjour  qu'elle  y  fajt. 
11  en  eft  de  même  pour  la  forme  de:ï'â1it|«§&jésKd'éxcrçp^ 
a  obfervé  d'après  l'analyfe  de  di^er^e^6|ëni^jiï^^  d^'oif^V^" 

rendoient  beaucoup  plus  de  fel  yôlatljul  ^^iéduit  avec  raifon  la  p^b* 
priété  de  ce  que  chez  ces  animaux  jurlne'-^e  confond  avec  les  gros 
excrémens,  &  fort  par  la  même  iflue;  ce  qui  neft  pas  chez  les  autre» 
animaux.  On  fait  effeâivement  qu'il  n'eft  uoiat  de  fubftance  aninlale 

Tome  II»  '  0 . 0  o  o       -  ' 


M 


^jS.';  E  X  H 

<lan5  laquelle  le  fel  ammoniacal ,  dont  îa  putréfacTtion  produit  un  feî 
'volatil,  foit  aufll  développé  que  dans  l'urine.  ' 

EXHALAISON.  Ceft  la  fumée  ou  vapeur  qui  fort  d'une  fiibftance, 
&  qui  fe  répand  dans  l'air.  On  doit  donner  proprement  le  nom  de 
vapeur  aux  fumées  -humides,  qui  s'élèvent  de  Teau  &  des  autres  corps 
liquides  j  &  celui  à\xhalaifon  aux  fumées  fcches  qui  s'exhalent  des  corps 
folides,  tels  que  la  terre  ,  le  feu  ,  les  minéraux,  les  foufres ,  les  fels  : 
ces  corpufcules  s'élèvent  des  corps  durs  &  terreftres ,  foit  par  la  chaleur 
de  l'air"^  foit  paï^quelqu'autre  caufe,  &  font,  conjointement  avec  les- 
vapeurs ,  les  fources  des  météores  aériens. 

On  ne  fauroit  éviter  avec  trop  d'attention  de  s'expofer  aux  exhalai- 
fons  qui  s'élèvent  quelquefois  de  certains  corps  &  dans  certaines  cir- 
confiances,  telles  que  les  vapeurs  des  volcans,  les  émanations  cadavé-^ 
reufes  &  phofphoriques  de  ces  corps  tués  qu'on  a  enterrés  par  tas  &:  à 
peu  de  profondeur  après  une  bataille  fanglante  ;  car  ces  exhalaifons 
font  fouvent  mortelles^,,  on  en  a  des  exemples  de  toute  efpece  :  il  arrive 
même  quelquefois  qu'ah  êft  fuffoqué  par  ces  vapeurs ,  avant  d'avoir  pu 
en  recoÉRTOîtire  les  mauvais  effets.  Nous  nous  contenterons  d'en  citer  un, 
exemple»  Çh  Ut  çisn?  là  Gazette  de  France,  14  Juin  1773,  qu'à  SvTj- 
lieu  eh  Bourgogne,. 46rs  de  l'ouverture  d'une  folle  creufée  dans  TEglife- 
de  cette  ville  ,  où  les  enfans  delà  Paroiffe  étoient  affemblés  au  nombre» 
de  foixante  pour  recevoir  la  première  Communion,  il  s'éleva  des  exha- 
laifons fî  funeftes  ,-.qirele  Curé  ,   le  Vicaire  ,  quarante  Communians  & 
deux  cents  particuliers -en  font  morts  dans  l'efpace  de  quinze  jours  ,  & 
l'on  ajoute  que  plufieurs -autres  perfonnes  en  ont  été  dangereufement 
malades.  On  peut  juger  delà  combien  eft  pernicieufe  notre  méthode 
d'enterrer  dans  les  Eglifes ,  &  même  dans  des  Cimetières  ,   au  milieu 
des  grandes  Villes.  Nos  -Magiftrats  attentifs  à  tout  ce  qui  concerne  la 
vie  &  le  bien-être  du  citoyen,  ont  voulu  pourvoir  à  ces  inconvéniens  ; 
mais  malheureufement  le  préjugé  populaire  &  d'autres  confidérations 
fe  font  oppofées  à  des  vues  aufll  fages.  Il  eft  rapporté  dans  les  Mémoires 
de^i' Académie  ,  année  1701 ,  qu'un  Maçon  qui  travailloit  auprès  d'un 
puits  ,  dans  la  ville  de  Rennes  ,  ayant  laiffé  tomber  fon  marteau  dans 
ce  puits  ,  un  Manœuvre  qui  fut  envoyé  pOur  le  chercher  ,  fut  fuffoqué 
avant  d'être  arrivé  à  la  furface  de  l'eau  jdeux  autres  hommes  qu'on  y; 
dcfjçendit  après,  furent  fuffoqués  de  même  \  on  y  defcendit  un  qua- 
îricrîic,  à  qui  on  recommanda  de  crier  dès  qu'il  fentircit  quelque  chofe 


E  X  H  ■  .  6^9 

lii  cria  bien  vîte ,  dès  qu'il  fut  près  de  la  furface  de  l'eau  ;  &  onTetetirà 
auflî-tôt  ;  mais  il  mourut  trois  jours  après.  Il  dit  qu'il  avoit  fenti  uhe 
chaleur  qui  lui  dévoroit  les  entrailles.  On  defcendit  enfuite  un  chien  , 
qui  cria  dès  qu'il  fut  arrivé  au  même  endroit ,  &  qui  s'évanouit  dès 
qu'il  fut  en  plein  air  :  on  le  fit  revenir  en  lui  Jetant  de  l'eau ,  comme 
il  arrive  à  ceux  qui  ont  été  jetés  dans  la  fameufe  Grotte  du  Chien  , 
près  de  Pouzzol  dans  le  Royaume  de  Naples.  foyc^  Gbotte  du 
Chien. 

Après  avoir  retiré  les  trois  cadavres  avec  des  crocs",  on  les  ouvrit , 
&  on  ne  remarqua  aucune  caufe  apparente  de  mort.  Ce  qu'il  y  a  de 
plus  fingulier ,  c'ell:  qu'on  buvoit  de  l'eau  de  ce  puits  fans  qu'elle  fît 
aucun  mal.  Les  exhalaifons,,  en  détruifant  feulement  l'élafticité  de  l'air , 
le  privent  de  cette  puiflance  qui  le  rend  la  fource  de  la  vie. 

Voici  un  autre  accident  occafionné  par  des  exhalaifons  d'wi  autre 
genre  ,  mais  non  moins  funeftes.  Un  Boulanger  de  Chartres  avoit  mis 
dans  fa  cave  la  braife  de  fon  four  :  fon  fils  y  étant  defcendu  avec  de 
nouvelle  braife ,  la  lumière  qu'il  portoit  s'éteignit- au  milieit:4?^  i'efcaiier  ; 
il  remonta,  la  ralluma  &  redefcendit  :  dès  qu'il  fut  dans  la  t^v^Jfril  cria 
qu'il  n'en  pouvoit  plus,  &  celfa  bientôt  de  crier  ;  fon  frère  voulut  courir 
â  fon  fecours  ;  mais  il  n'en  revint  point  :  trois  autres  perfbnnë's  qui 
eurent  la  même  hardieffe  y  périrent. 

Le  lendemain  un  Boulanger  trop  hardi  vouîan6>-retirer  ces  corps  avec 
un  croc,  fe  fit  defcendre  dans  la  cave  avec  une  ccfKie ,  &  recommanda 
qu'on  le  retirât  dès  qu'il  crieroit  :  il  cria  bien  vite  ;  mais  la  corde,  s'étant 
rompue  ,  il  retomba  ,  &  quelque  diligence  que  l'on  fît  pour  renouer 
la  corde  ,  on  ne  put  que  le  retirer  mort  :  on  l'ouvrit,  &  on  trouva 
toute  l'organifation  du  corps  très-altérée  ,  les  lobés  du  poumon  tachetés 
démarques  noirâtres,  les  inteftins  gros  comme  le  bras,  rouges,  en- 
flammes ;  &  ce  qu'il  y  de  plus  fingulier,  tous  les  mufcles  des  bras  ,  des 
cuifics  &  des  jambes  étoient  comme  féparés  de  ces  parties.  Le  Magif- 
trat  prit  connoifTance  de  ce  fait ,  &  on  confuîta  des  Médecins.  Il  fut 
conclu  que  la  braife  ,  qui  avoit..été  mife  dans  la  cave  ,  étolt  fans  douf e 
mal  éteinte ,  &  avoit  fait  élever  une  vapeur  maligne  &  mortelle  ;' qu'il 
falloit  par  conféquent  jeter  dans  la  ôaye  une  grande  quantité  d'eau  pour 
éteindre  le  feu  &  arrêter  le  mal ,  ce  qui  fut  exécuté  :  enfuite  on  defcen- 
dit dans  la  cave  un  chien  &  une  chandelle  allumée  ;le  chien  ne  mourut 

Oooo  2  ^' 


C6s  E  X  H 

poiût  ',  &  la  chandelle  ne  s'éteignit  point  preuve  certaine  que  Te  pérîl 
etoit  paiïe  (a),    ' 

En  Weftphalie  ,  dans  une  carrière  voifine  des  eaux  minérales  aërées 
de  Pyrmont ,  s'éleveenviron  à  deux  pieds  du  fol ,  &  à  cinq  ou  fix 
dans  les  temps  d'orage ,  une  vapeur  qui  n'occafionne  aucune  variation 
ni  aa  tb^irmometre ,  ni  au  baromètre,  mais  qui  produit  d'abord  une 
fenfation  de  chaleur  aux  pieds  ,  qui  gagne  infenfiblement  le  refte  du 
corps  5_j&:  provoque  une  tranfpiratioii  très -abondante.  Lorfqu'on  fe 
baiffe,  on  éproave  que  cettç  vapeur  eft  très- pénétrante ,  fort  acre, 
qu'elle  picote  les  yeux  èi  en  tire  des  larmes  ;  elle  laifle  dans  la  bouche 
un  goût  defoufrei  elle  occafionne  des  étourdiflemens  ,  8c  feroit  périr, 
ii  l'on  y  reftoit  long-temps.  Les  infedes  &  les  oifeaux  meurent  aulÏÏ'tôt 
qu'ils  font  atteints  par  ces  vapeurs.  L'habile  Tradudeur  de  Lehmann , 
qui  rapporte  ces  faits ,  tom,  I ,  pag.  25)4  ,  penfe  que  ces  vapeurs  font 
fulfureufes ,  &  qu'elles  font  aufli  de  la  même  nature  que  celles  de  la 
Grotte  du  Chien. 

Ces  exhalâifons  malignes  agiflent  diverfement  félon  leur  nature  ,  ainft 
que  lé^jrolive  le  fait  fuivant  :  Quelques  perfonnes  creufoient  la  terre 
dansTiffé  cave  à  Paris  ,  croyant  y  trouver  un  tréfor  caché  :  après  qu'el- 
les eurent  travaillé  quelque  temps  ,  la  fervante  étant  defcendue  pour 
appeler  fon  maître,  les  trouva  morts  tous  dans  la  pofture  de  gens  qur 
travaillpient ,  a^^antles  yeux  ouverts ,  la  bouche  béante,  de  manière 
qu'ils  fembloieriî*  ehs^O^i^e  refpirer  ;  mais  ils  étoient  roides  comme  des 
ftatues,  &  froids  eoïïîiïie  marbre.  On  fait  que  toutes  les  matières  ani- 
males &  naturellement  'JDhofphoriques  ,  renfermées  dans  l'intérieur  de 
la  terre  ou  dans  des  lieux  humides ,  &  qui  n'ont  pas  une  ouverture  affez 


(^)  Suivant  M.  Bourgeois  .  les  vapeurs  qui  s'i^levent  des  charbons  arJens  font  de 
jr.ême  nature  de  celles  du  foufré  en  flamme  ,  quoique  cependant  plus  fubtiles.  Elles 
Vfteflt.de   iT!-êmc  •to,us"lcs.  a5îin;i3.ux  ,   tant  par   la   crifpation  &  l'étranglement  qu'elle? 
-  ■.ttay.fè»!  par  leur  irritation  dans  les  bronches  du  poumon  ,  que  parce  qu'elles  détruifen» 
■  •'  éjajMjfrnéijl  TcUfticité  de  l'air-,  &  ces  deux  caufes  font  plus  que  fiiftlfantes  pour  dé- 
■,  1m^^*t03^^3-conp  la  refpiration  &  caufer  une  mort  fubite.  On  doit ,  continue  le  même 
:I*ii^/lcien,  mettre  le  plutôt  po/l'ible  au  grand  air  les  perfonnes  attaquées  de  cet  acci- 
dent, leur  ouvrir  ia  veine  du.  cou  -,'  leur  fbuffler  de  Tair  chaud  &  de  la  turaée  de  tabac 
i^ans  fers  pou  nions.  ie'p.,un  mot  on  doit  mettre  en  ufage  les  mêmes  lêcours  qu'on  donne 
aux  Noyés, /^py^i^  à  l'àrtUlc  ^à\\. 

h.  . 


E  X  H     .^  .,541 

grande  pour  communiquer  &  être  rafraîchies  par  Taîr  extérieur ,  peu-  ' 
vent  être  enflammées  par  la  moindre  caufe ,  &  exciter  des  fermenta- 
tions ,  même  des  incendies  &:  des  explofions  ,  quand  elles  font  arrivées 
8  un  certain  degré  de  fermentation.  Depuis  quelques  années  Ton  en  a 
vu  des  exemples  :  Un  homme  étant  aux  latrines ,  y  jeta  un  morceau 
de  papier  allumé  ;  il  s'en  éleva  auflî-tôt  avec  bruit  une  flamme  vive  & 
d'un  tel  volume  ,  qu*il  en  fut  renverfé  ,  après  avoir  eu  le  vifage  &  les 
mains  brûlés  en  partie  î  le  mouvement  &  le  bruit  au:gmentererrt  dans 
la  fofle  d'aifance  ;  des  jets  de  flamme  en  fortoient  par  intervalles ,  &  on 
fut  obligé  d'y  jeter  une  très -grande  quantité  d'eau  pour  éteindre  un 
feu  dangereux  ,  qu'une  caufe  fi  légère  en  apparence  avoit  allumé. 
Nous  fumes  appelés  en  1766  dans  une  maifon  près  du  marché  St, 
Jean  à  Paris  ,  à  l'inftant  où  un  Vidangeur ,  en  ôtant  la  pierre  ou  la 
clef  de  la  foife  d'aifance  ,  manqua  d'être  fufFoqué ,  briilé  &  renverfé  par 
ks  vapeurs  qui  en  étoient  forties  &  s'étoient  enflammées  à  la  lumière 
d'une  chandelle  qu'un  des  affiflans  tenoit  à  fa  main.  On  renjit  la  pierre, 
on  me  raccnta  le  bruit  qui  s'étoit  fait  entendre  ;  je  fus  curleîjX-de  voir 
le  phénomène  ,  je  fis  retirer  la  clef,  je  plongeai  la  lumière  au.Jiîilieu 
des  vapeurs,  &  il  fe  fit  encore  une  petite  inflammation  tonnante  comme 
un  coup  de  piftolet ,  &  tout  ceflTa.  ,,■. 

Près  de  Wight  en  Angleterre,  dans  le  pays  dé  Ê^miaflTe  ,   ed  ua 
puits  qui ,  lorfqu'il  fe  trouve  vide  ,  répand  une  .vapeur  fulfureufe  fî 
chaude  ,  qu'elle  donne  à  l'eau  le  même  mouvement  &  la  même  chaleur 
que  quand  elle  efl:  bouillante  ;  fi  l'on  approchç  alors  à  fa  furfaceune 
chandelle  allun  ée  ,    la   vapeur  s'enflamme   trè^-promptement.  Cette 
flam.me  par  un  terrps  calme  dure  plufieurs  heurtis  y-  &  fa  chaleur  fufHt 
pour   cuire  ces  œufs;  quoiqu'en  tout  autretèmp'S  l'eau  foit  froide,. 
Cette  vapeur  tient  à  celle  des  exhalaifons  minérales  dont  il  fera   fait 
mention  ci-après.  On  peut  citer  ici  cet  autre  phénomène  arrivé  à  Bref-  . 
law  au  mois  de  Septembre  177 1  :  Un  partioilier  qui  demeure  danà/ 
une  des  tours  de  l'ancien  mur  ce  cette  ville ,,  étant  defcendu  dan^^ife^  • 
cave  avec  fa  fille,  n'eut  pas  plutôt  fermé  la  porte  derrière- lui, ''qùéi^^** 
lumière  s'éteignit.  Il  apperçut  à  l'inflant  une  petite  flamme  envifonoée  . 
de  fumée  qui  ^erpentoit  en  torme  c'éelait. Comme  elle  approchoit  de  I.Ui  ,■ 
il  le  couvrit  les  yeux  de  fes  mains  pour  les  garantir  ;  mais  il  eut.  feS'    - 
mains  &  les  cheveux  brûlés  ;  il  eut  beaucoup  de  peine  â  regagner  l'efc£- 
iier  >  ^  quana  la  pot  te  s'ouvrit  j  ilfe  fit  dans  la  cave  une  tprte  explora* 


.  T,:t'nair.me  qui  en  fortit,  fit  à  fa  iille  une  brûlure  aux  pieds.  La  cave 
navoit  d'autre  ouverture  que  la  porte.  Cet  homme ,  qui  a  été  vifité  par 
les  Médecins ,  s'eft  trouvé  dans  un  état  dangereux. 

Voici  encore  lin  autre  accident  du  même  genre ,  qui  eft  à  la  con- 
noiflance  d'un  grand  nombre  de  perfonnes.  Vers  le  milieu  de  l'année 
17/6  ,  il  furvint  aux  environs  de  Paris  un  orage  confidérable  ;  un 
payfan  de  Saint-Ouen  avoit  rempli  de  fumier  un  trou  qu'il  avoit  fait 
au  milieu  de  fa  cour  ;  la  pluie  fut  fi  abondante  qu'elle  s'échappa  de  ce 
trou  ,  &i  pénétra  dans  la  cave  :  ce  payfan ,  pour  tâcher  de  conferver  fjn 
vin  5  y  defcendit  &  tomba  mort: fa  femme  ne  le  voyant  point  revenir, 
fut  le  chercher  ;  elle  éprouva  le  même  fort.  Leurs  enfans  s'étant  apper- 
çus  de  ce  malheur  appelèrent  du  fecours  ;  fix  perfonnes  entrèrent  dans 
la  cave ,  de  tombèrent  avec  les  mêmes  accidens  que  ceux  que  produi- 
roit  le  poifon  le  plus  violent.  A  force  de  friétions  aux  jambes ,  aux  bras 
èc  fur  toutes  les  parties  du  corps  ,  on  ranima  la  circulation  à  cinq  d'en- 
tr'eux ,  car  le  fixieme  mourut.  On  eut  recours  aux  efprits  volatils ,  à 
la  fum4©  :dîl  tabac  infinuée  par  le  nez  pour  faire  revivre  le  jeu  de  la 
circufiatiôh* 5  &  on  leur  donna  des  cordiaux.  Nous  connoiflons  une 
cave  qui  appartient  à  des  Pveligieufes ,  &  ou  Ton  cultive  fur  une  couche 
de  fumier  des  champignons  :1a  vapeur  infede  qui  s'élève  de  ce  fouter- 
rain  ,  a  plus  uïfrîQ'^Q.ïs  fait  perdre  fubitement  connoilTance ,  &  même 
la  vie  aux  pe.rïbe|?£s,qui  avoient  été  pour  cueillir  les  champignons. 

M.  'l'Abbé^^T/o^  5  Chanoine  de  Luzarche  ,  à  fept  lieues  de  Paris , 
a  mandé  à  M.-  ^^^^ç<^|ue  le  6  Août  1767  ,  vers  les  neuf  heures  du 
foir,  il  obferva-îë  fait: fil ivant.  Je  defcendois ,  dit-il,  au  nord  du  vil- 
lage d'Epinay-Ie-fec',.  qiii  eft  à  une  demi -lieue  de  Luzarche  :  le  temps 
étoit  chargé  Se  fedifpdfoit  à  l'orage  :  à  quarante  ou  cinquante  pas  de 
mon  chemin,  dahis' une  voirie  çi'arbres  ,  regardant  au  couchant  j'ai  vu 
venir  à  moi  un  nuage  obfcur   qui  rouloit  fur  un  terrain  couvert  de 
feigle.  Ce  nuag.erpouvoit  avoir  fix  à  huit  toifes  de  largeur;  il  paroif- 
,  /ôif'  obfcur  dans  fa.  bafe  8ç  blanc  dans  fa  partie  fupérieure.  Continuant 
:^(>h^  chemin  &  défcenda'nt  toujours-au  nord,  le  nuage  qui  alloit  du 
cbuchaàt  à  l'orient,   s'eft   tellement   approché  de  moi,    que  je  n'en 
efois  qu'à'fiX'ipas-;  alors  il  m'a  paru  infiniment  plus  noir,  &  j'ai  fenîi 
airiSt-tô't  une  od^tit^de  Toufrè  fi  fuffoquante,  qu'il   ne  m'a   pas  été 
pofîible' ^'avancer Tjjifus  loin  :  l'air  échauffé  fe  dilatoit  très-fort  :  j'avois 
4e*'4a  peiîîe  à  •refpiFer:"a1ies"  livres  s'épailîifToient ,  &  je  ne  pouvoir 


E  X  H 

prefque  pas  parler  :  j'ai  eu  recours  à  mes  jambes  qui  trembloient  Cotis 
moi:  j'ai  fait  quelques  pas  du  côté  de  l'orient,  &  je  me  fuis  fenti* 
poufle  par  ce  nuage  :  j'ai  changé  de  route ,  &  j'ai  trouvé  une  provi- 
fîon  d'air  fuffifante  pour  refpirer.  Mon  compagnon  de  voyage  a  fenti 
les  mêmes  imprefîions  que  moi.  Nous  nous  étions  fans  doute  approchés 
trop  près  du  rendez-vous  des  vapeurs  de  la  terre ,  qui  s'en  élevoient 
peut-être  pour  former  le  tonnerre ,  dont  on  étoit  menacé  dans  ce 
moment.  "  ..,      - 

Exhalaisons  minérales  ,  halitus  minérales.  Il  foft  des  lieux  pro- 
fonds de  la  terre,  des  grottes  &  fur-tout  des  filons  ou  veines  métalli- 
ques minéralifées ,  qui  font  proche  de  la  furface  de  la  terre,  notam- 
ment des  galeries,  des  fouterrains  d'oii  on  retire  le  charbon  de  terre 
&  autres  fubftances  minérales,  fu jettes  à  fe  décompofer  par  le  conta(ft 
de  l'air ,  &c.  il  fort ,  dis-je ,  des  exhalaifons  de  différentes  efpeces , 
&  qui  produifent  des  effets  tout  différens:  nous  allons  les  réunir  ici 
fous  un  feul  point  de  vue.  Ces  exhalaifons  font  appellées  différemment 
par  les  Mineurs,  fuivant  leur  nature:  les  unes  font  nommées  pro- 
prement exhalaifons  y  les  autres  y^w  brijfou,  d'autres  moufcttcou  0uJJe , 
&  d'autres  gas. 

Les  Mineurs  nomment  proprement  exhalaifons ,  ceilesqui  font  très;^..^ 
fenfîbies  &  très-confidérables,  qui  ne  fe  condenfëîîta^înntt' en  liqueur  ,^ 
&  qui  fe  font  voir,  fur-tout  le   matin  ,  dans  ler:|emps    que  là   rofée 
tombe  à  la  furfate  de  la  terre  &  dans  Ton  inteheu^  "Aj.^Ja  "fuite  de 
ces  exhalaifons,  les  Mineurs  trouvent  les  filons^-d^^^lii&^s   qui  font 
dans  le  voifînage  ,  ftériles  ,  dépourvus  du   minéral"  qu'ils- contenoicnt  ^ 
&    femblables  à  des  os  cariés,  ou  à  des  rayoris^:d~4;  miel.   Quelquefois 
l'effet  en  eft  plus  rapide;  les  vapeurs  paroiffent  enflammées,  elles  for- 
tent  de  la  terre  accompagnées  d'épaiffes  fumées,  ôt -produifent  des 
éruptions,  à  la  fuite  defquelles  les   veines' métalliques  fe  trouvent 
détruites:  ces  phénomènes  tiennent  aux  mêmes  caufeS  tj^ue  les  inflam- 
mations des  volcans.  Foye^  Volcan.     .  ,     . 

Enfin,  il  règne  dans  les  miines  (^uiont^été  long-telîîps  abandonn'ees,, 
des  vapeurs  fouterraines ,  que  Vovi  nommQ  inhalations  ou  inhalùifons 
qui  contribuent  infiniment   à  là    compofition  ^  rdécomp.ofition  *  des,; 
minéraux  métalliques,  puifque  par  leur  moyen*  il  fe'^faît  c;optiriu€^l]j&^   . 
ment  des  diffolutions ,  qui   font   ènfuite  fuiyieS  dq-p-ouveîles  ^cbmbif: ''' 
naifons  ;  ce  font  ces  exhalaifons  minçrâlcs  ^qtjt  jouent  le  plwi  'gr^rp 


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rèl$*ciâns  la  criflallifation ,  la  coloration  des  pierres  &  la  minéralifation 
'f^ûvei  les  articles  Cristal  &  Minéraux. 

*    ■    '        Feu  Brijfou  ou   Terou»  '  ' 

On  donne  ces  noms  &  celui  de  feu  fauvaoe  à  des  exlialaifons  qui 
s'élèvent  quelquefois  dans  certaines  mines  de  charbons,  de  métaux  & 
de  Tel  gemme ,  &  dont  les  effets  font  auflî  terribles  que  finguliers. 
Cette  vapeur  fort  avec  un  efpece  de  fifflement  par  les  fentes  des  fou- 
terrains  où  l'on  travaille:  elle  fe  rend  même  fenfible  aux  yeux,  & 
paroît  fous  la  forme  de  ces  fortes  de  toiles  d'araignées  ou  ôls  blancs 
que  Ton  voit  voltiger  dans  l'air  à  la  fin  de  l'été.  Lorfque  l'air  circule 
librement  dans  les  fouterrains  &  qu'il  a  aiTez  de  jeu,  on  n'y  fait  pas 
beaucoup  d'attention;  mais  lorfque  cette  vapeur  ou  matière  n'eft  point 
afifez  divifée  par  l'air,  elle  s'allume  aux  lampes  des  ouvriers,  &  pro- 
duit des  effets  femblables  à  ceux  du  tonnerre  &  de  la  poudre  à 
canon. 

Pour  prévenir  ces  effets  dangereux,  voici  comment  s*y  prennent 
les  OT^vriers.  Ils  ont  l'œil  à  ces  fils  blancs  qu'ils  entendent  &  qu'ils 
voient  fortir  des  fentes:  ils  les  faififFent  avant  qu'il  puifTent  s'allumer 
à  leurs  lampes  ,.3«:  les  écrafent  entre  leurs  mains.  Lorfqu'ils  font  en 
trop^gra,nde  quantité,  ils  éteignent  la  lumière  qui  les  éclaire,  fe 
jettent  ventre  à^térre,  &  par  leurs  cris  avertifTent  leurs  camarades 
d'en  faire  a^ût^iTt.-:  Alors  la  matière  qui  s'eft  enflammée  avant  qu'ils 
ayent  pu  étjeiivdre- leur  lumière,  pafïe  par  defTus  leur  dos,  &  ne  fait  de 
mal  qu'à . ceux ^£ui,j^jûnt  pas  eu  la  même  précaution,  ceux  là  font 
expofés  à  être  ttîes  tîtt""i)lefrés.  On  entend  cette  matière  fortir  avec 
bruit  &  mugir  dan|;  les"  monceaux  de  charbon ,  même  à  l'air  libre  & 
après  qu'ils  ont  été  tirés  liors  de  la  mine  ;  mais  alors  on  n'en  doit  plus 
rien  craindre. 

Quand  les^miAes  de  charbon  font  fujettes  à  des  vapeurs  de  cette 
efpece,  il  èfL^trjes-idangereux  pour  les  ouvriers  d'y  entrer,  fur-tout 
le  lendemain  d'un  joiir  pendant  lequel  on  n'y  a  point  travaillé ,  parce 
que  la  matière  s'eft  amalfée  dans  le  temps  qu'il  n'y  avoit  aucune  com- 
motion. 4ans  l'air  fouterrain,  Aufîî  en  Angleterre  &  en  Ecoffe  a-t-on 
recours  à  un  fi:çj)^£djent  avant  d'entrer  dans  la  mine.  On  y  fait  def- 
cendre  un  hommeyêtu  (Xun  paltot  de  toile  cirée  ou  de  linges  mouillés; 
f  ^  n'y  a  dans  c^  vêtement   qui  couvre  auffi  la  tête ,  que  deux 

\S    A'-  .'        "/  troug 


E   X   H  ^  :r:S6r''\      r 

trous  Titrés  qui  répondent  aux  yeux  )  il  tient  une  longue  perche  , 
au  bout  de  laquelle  eft  une  lumière:  lorfqu'il  efl  defcendu,  il  fe  met." 
ventre  à  terre;  &  dans  cette  pofture ,  il  s'avance,  àc  approche  fa 
lumière  de  l'endroit  d'où  part  la  vapeur  :  elle  s'enflanume  fur  le  champ 
avec  un  bruit  effroyable ,  qui  reffemble  à  celui  d'un  violent  coup  de 
tonnerre,  &  va  fortir  par  un  des  puits.  Cette  opération  purifie  l'air, 
&  l'on  peut  enfuite  defcendre  fans  rien  craindre  dans  la  mine:  il  eft 
très-rare  qu'il  arrive  malheur  à  l'ouvrier  qui  a  allumé  la  vapeur  , 
pourvu  qu'il  fe  tienne  étroitement  couché  contre  terré,  parce  que 
toute  la  violence  de  l'adion  de  ce  tonnerre  fouterrain  fe  déploie  contre 
le  toit  fupérieur  de  la  mine. 

Les  vapeurs  des  mines  qui  font  autant  de  gas ;  voye^  ce  mot,  peu- 
vent être  de  natures  différentes;  les  unes  font  fimpîement  inflammables, 
telles   étoient  celles   que  l'on  vit  fortir  à  travers  de   l'eau  dans  une 
mine  de  charbon.  M.  Mead  ^  de  la  Société  Royale  de  Londres  ,^^^ro- 
duifit  par  art  une  vapeur  qui  préfentoit  les  mêmes  phénomènes;  pour 
cet  effet,  il  recueillit  dans  une  veflie  les  vapeurs  qui  s'élevèrent  d'un 
mélange  d'acide   vitriolique ,    d'eau    commune  &  de  limaille; dé  fer. 
L'inflammation  d'autres  vapeurs  eft  accompagnée  d'explofions  terri- 
bles; on  lit  dans  les  Tranfadions  Philofophiques,  qu'unhomme  s'étant 
approché  imprudemment  avec  fa  lumière  de  l'ouverture  d'un  des  puits 
d'une  mine,  pendant  que  la  vapeur  en  fortoit,  elle  ^enflamma  fur  le 
champ;  il  fe  fit  par  trois  ouvertures  différentes  une  éruption  de  feu, 
accompagnée  d'un  bruit  effroyable:  il  périt  foixante  Bc'neuf  perfonnes 
dans  cette  occafion.   Deux  hommes  &  une   femme^;qui  étoient  au 
fond  du  puits  de  cinquante-fept  braffes  de  profondeur ,  furent  pouffes 
dehors,  ôc  jettes  à  une  diftance  confidérable...La   fecouffe  de  la  terre 
fut  il  violente,  que  l'on  trouva  un  grand  nombre  de  poiffons  morts, 
flottans  à  la  furface  de  l'eau  d'un  petit  ruiffeau  qui  étoit  à  quelque 
diftance  de  l'ouverture  de  la^  mine.  II.  eft  arrivé  lé  .premier  d'Avril 
ïy^y  un  accident  aufli  terrible  dans  une  mine  de' charbon  à  une  lieue 
&  demie  de  Newcaftle ,  par  quelque  imprudence  dè^- ouvriers  qui  la  ■ 
fouilloient  à  cent  braffes  de  profondeur^;  l'air  s'y  eft'embrafé  tout 
d'un  coup,  &  la  vapeur   enflammée  a   produit  une    explofion  qui  a 
rendu  à  l'ouverture  un  bruit  femblable  à  un  grand  coup' de  tonnerre»  , 
On  a  retiré  le  plutôt   poffible   les  malhsureu'x.'. cpV' -étoient' ref^^^ 
fond  de  cet  abyme  :  aucun   n'étoit  iQ.ort  »\înais  le'ieU''  ïés,^y^^î^it 


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'C6^  ;  E  X  H 

.  j-é3aits  dans  l'état  le  plus  déplorable.  Le  lendemain  plufieurs  per^ 
fonnes ,  &  entr'autres  quelques  Infpedeiirs  s'étant  rendus  à  l'ou- 
▼erture  de  la  jnine  pour  examiner  les  effets  de  ce  défaflre,  la 
vapeur  mofétiqu©  s'eft  enflammée  de  nouveau,  &  éclatant  avec  plus 
de  violence  que  la  première  fois,  elle  a  tué  huit  perfonnes  &  dix- 
fept  chevaux. 

On  a  mandé  de  "Workington,  au  Comté  deCumberland',  que  la  fofle 
d'une  mine  de  charbon,  aux  environs  de  cette  ville,  exhalant  une  odeur 
infupportable  ,  il  avoit  été  défendu  aux  ouvriers  d'y  travailler  ;  mais 

^  qu'elle  s'enflamma  au  moment  où  l'on  y  defcendoit  une  chandelle  en- 
fermée dans  une  lanterne  pour  examiner  d'où  provenoit  cette  vapeur» 
L'explofion  fut  fi  forte ,  qu'elle  fe  fit  entendre  à  fix  lieues.  Cet  acci- 
dent a  coûté  la  vie  à  fix  perfonnes;  d'autres  y  ont  perdu  la  vue,  8c 
plufieurs  fpedateurs  que  la  curiofité  avoit  attiré  dans  cet  endroit ,  ont 
été  bleffés.  Galette  de  France,  Août   lyyo. 

Le  phénomène  le  plus  fingulier  que  les  exhalaifons  minérales  nous 
préfentent ,  efl:  celui  que  les  Mineurs  nomment  ballon  :  il  paroît  à  la 
partie Supérieure  des  galeries  des  mines,  fous  la  forme  d'une  efpece  de 
poche  arrondie,  dont  la  peau  reflemble  à  la  toile  d'araignée.  Si  ce  fac 

;■  vient  à  crever ,  la  matière  qui  y  étoit  renfermée  fe  répand  dans  les  fou- 
terrains,  &  fait  périr  tous  ceux  qui  la  refpirent. 

Moufette  ou  Mofette  ou  Poujjey  Mephitis> 

C*efl:  une  vapeur  dangereufe  qui  s'élève  alTez  communément,  fur— 
tout  dans  les  çhaleyçs  de  l'été,  dans  quantité  de  mines  de  charbon  que 
l'on  exploite,  &  (Ja^quefois  dans  les  mines  métalliques.  Les  moufettes 
font  fréquentes  auiîî  en  Italie,  &  fur-tout  dans  le  Royaume  de  Naples,. 
Une  quantité  de  puits ,  de  caves  &:  de  cavernes  naturelles  en  font  infec- 
tés. C'eiî  une  vapeur  qui  n'a  prefque  aucune  qualité  fenfible  ;  mais  qui 
tue  tout  animal  qui  la  refpire.  On  a  remarqué  pendant  les  incendies  du 
Mont  Vefuve,  dit  M.  Haller ,  qiiQ  toutes  les  caves  voifines,  excavées 
dans  d'anciennes  caves ,  étoient  remplies  de  moufettes  homicides. 

Dans  les  mines  dé  çh'ârbon  cette  vapeur  mofettique  reffemble  quelque- 
fois à  un  brouillard  épais  :  elle  a  la  propriété  d'éteindre  peu  à  peu  les  lampes 
&  les  charbons  ardens  :  elle  donne  une  toux  convulfive,  la  phthifie,, 
■'•'^mème  fuÊfoque-^es  ouvriers,  lorfqu'ils  s'en  laifiTent  furprendre.  Aufli; 
ed-ii^  une  maxim'ç.parrai  eux,  qu'il  faut  avoir  l'œil  autant  à  la  kimier.ù:. 


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E  X  H  -:  6âri^'    r 

qu'à  Ton  ouvrage.  Lorfqu'ils  apperçoivent  que  la  lumière  de  leurs  lampes  „ 
s'affoiblit,  le  plus  sûr  pour  eux  eft  de  fe  faire  retirer  promptement  d(:î' 
Ja  mine.  L'effet  de  cette  vapeur  eft  d'appefantir  &  d'endormir  ;  mais  elle 
agit  quelquefois  fi  promptement,  que  les  ouvriers  tombent  de  l'échelle 
en  defcendant  dans  la  mine.  Alors  elle  faifit  la  gorge,  &  fait  éprouver 
une  fenfation  femblable  à  celle  d'une  corde  qui  ferreroit  étroitement  le 
cou. 

Lorfqu'on  les  fecourt  à  temps,  on  peut  les  fkuver  :  on  les  porte  au 
grand  air,  où  ils  reftent  quelque  temps  fans  donner  aucun  figne  de  vie. 
Le  remède  le  plus  efficace,  eft  de  couper  un  gazon,  de  coucher  le  ma- 
lade fur  le  ventre,  de  façon  que  fa  bouche  pofe  fur  le  trou  fait  dans  la 
terre,  d'appliquer  enfuite  ce  gazon  fur  fa  tête.  Sil  n'a  pas  été  trop  long- 
temps expofé  à  la  vapeur,  il  revient  peu  à  peu ,  comme  d'un  profond 
fommeil. D'autres  leur  font  avaler  de  l'eau  tiède  avec  de  l'efprit  de  vin; 
ce  mélange  leur  procure  un  vomiflement  très-abondant  de  matières 
noires;  mais  fouvent  il  refte  au  malade  une  toux  convulfive  pour  le 
refte  de  fes  jours. 

Ces  terribles  effets  font  produits  par  un  air  ftagnant ,  qui  ài.p.erdu 
fon  élafticité ,  étant  chargé  de  particules  fulfurcufes  d'une  odeur  ^hepar 
fulphuris.V own  ne  point  s'expofer  à  ces  dangers  ,  avant  de  fe. remettre  .,•. :  .,- 
à  l'ouvrage  ,  on  defcend  par  le  puits  une  chandelle  allumée  pour  recori-     -  • 
noitre  l'état  de  l'air. 

Lehmann  rapporte,  Tom.  I.  p.  26b,  qu'on  obferve  fouvent  dans  les 
mines  abandonnées,  où  les  eaux  fe  font  ramaffées , une  vapeur  bleuâtre 
à  leur  furface,  très-fenfible  à  la  vue.  Cette  vapett,r vç'éleve  pour  peu 
qu'on  agite  l'eau  ,  &  caufe  des  accidens  furîeftestt^ux  ouvriers. 

On  rencontre  encore  quelquefois  de  femblablès  petits  dépôts  d'eau 
dans  la  mafle  des  mines.  Lorfque  l'ouvrier  perce  avec  un  outil  un  pareil 
endroit ,  la  vapeur  qui  s'en  échappe  le  fait  périr ,  s'il  ne  fe  retire 
promptement.  On  peut  confùîter  le  troifieme  volume  ^e  Ici.  Chimie  de 
M.  Baume ,  à  l'article  Réflexions  fur  Us,  Exhalaïfgrjs  m'inlraUs ,  Z'.  3  68^ 

Heureufement  ces  exhalaifons  rie  regnenjt,  pas  continuellement  dans 
les  mines ,  ni  dans  toutes  les  mines  ;  &  d'aiileurs  ^n  a  grand  foin  d'em- 
ployer tous  les  moyens  que  l'art  peut  fuggérer  pour  faciliter  la  circu- 
lation de  l'air  dans  les  fouterrains.  Pour  cet  eîtet",  on  ouvre  une  galerie;^ 
liorifontale  au  pied  de  la  montagne  ;'&  cette  galerie  fait i^vec  les  buré*''" 
ou  puits  perpendiculaires  de  la  mine^  une  efoçce  de  fyphori  qui  fev^ife 


■^.' 


'  'eC'B'  E  X  O  E  YS 

.  le  renouvellement  de  l'air.  Mais  de  toutes  les  méthodes  que  l'on  peut 
employer,  il  n'y  en  a  pas  de  plus  fure  que  le  ventilateur ,  ou  la  machine 
de  Sutton.  Au  refte^l'Hiftoire  des  exhalaifons  minérales  eft  très-propre 
à  éclaicir  la  théorie  des  tnmblcmms  de  terre  ^Aqs  volcans  Se  autres  embra- 
fem.ens  fouterrains.  Foyei  ces  mots  &  les  articles  Charbon  minékal  & 
Pyrites. 

EXOCET,  ou  ADONIS,  ou  FAUCON  DE  MER.  Efpece  de 
poijfon  volant.  Voyez  ce  mot  &  celui  de  Gabot. 

EXQUIMA.  Quadrupède  qui  paroît  être  une  variété  du  Coaita» 
Voyez  ce  mot. 

EYSENRAN  ou  EYSEN-GLANTZ.  Voye^  Eisenman 


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FAB  FAI  ''66h 


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Jr  ABAGO5  ^ygophîllum,  LiNN.  Planté  amere  qui  eft  une  efpece 
àQ  peplus ,  ou  de  peuplier,  qu'on  trouve  dans  la  Romanie,  &  qu'on 
cultive  au  Jardin  du  Roi ,  &  ailleurs  dans  les  ferres  chaudes.  Sa  racine 
eft  menue  &  ferpentante  :  Tes  tiges  font  rameufes ,  fes  feuilles  oblongues, 
un  peu  fembiables  à  celles  du  pourpier,  nerveufes  &  ameres  au  goût.' 
Il  fort  de  leurs  aiflelles  des  pédicules  qui  foutiennenc  chacun  une  fleur 
rouge,  difpofée  en  rofe  ;  elle  efl:  à  dix  étamines,  &  cinq  pétales  :  l'ovaire 
efl:  entouré  d'une  enveloppe  de  cinq  feuilles.  A.  cette  fleur  fuccede  un 
fruit  membraneux 5  long,  cannelé ,  qui  contient  plui^eurs  femences  apla- 
ties. Le  fabago  efl:  eftimé  un  excellent  vermifuge. 

FABRECOUILLER.  Voyei  Micacoulier. 

FACE  ,y^cia.  Voyez  Fifage,\es  articles  Homme  &  S qud(itLe'^'<4t^., 

T AGIKKY.  ,  fagar a.  Fruit  des  Indes  dont  on  diflingue  deuxefpeces; 
Tune  qui  reffemble  en   tout  à  la  cubebe;  l'autre,  qui  eft  plus  groilè , 
reffemble  à  la  coque  du  Levant,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur.  Ils    '   .^.' 
font  l'un  &  l'autre  aromatiques,  &  ont  les  mêmes  vertus  que  la  cubebe. 
Voyez  ce  mot. 

FAISNE  ou  FOUESNE.  Voye^  au  mot  HÊTRE. 

F AAS AN ,  pha^anus.  Genre  d'oifeau  des  bois,  dont  on  difl:ingue 
plufieurs  efpeces.  Le  coq-faifan  d'Europe  eft  admirable  par  la  variété 
&  par  l'éclat  de  fon  plumage  :  il  reflemble  un  peà'au  coq  ordinaire. 
Quand  le  faifan  eft  en  amour ,  fa  tête  eft  extrêmement  rouge ,  &  fes 
yeux  font  étincelans  comme  du  feu.  Le  plumage  de  cet  oifeau  eft  de 
trois  couleurs ,  brun ,  de  couleur  d'or  &  vert  :  le  defTus  de  fa  tête 
eft  d'un  cendré  luifant.  Sa  queue  eft  fort  longue,  A  l'endroit  des  oreilles 
du  mâle  uniquement,  il  s'élève  de  petites  touffes  de  plumes  plus  longues 
que  les  autres.  La  poule-faifande  n'a  point  de  cgfulerirs  aufli  brillantes 
que  le  maie  ;  elle  eft  à-peu  près  dé  la  couleur  de  la  caille;  Les  plumes 
des  faifans  fervent  quelquefois  pour  mettre  aux -chapeaux,  au-lieu  de 
plumes  d'autruches. 

Les  faifans  font  de  la  groffeur  d'un  chapon ,  ils  ne  font  pas  natu- 
rellement fort  communs 'dans  ce  pays-ci  ;  mai»'  pai  Xés;fpipslt[u'en  font 


t^^p"'*  FAI 

.'^rendre  les  Princes  &  les  Seigneurs,  ils  les  multiplient  beaucoup 
dans  leurs  parcs.  Le  goût  de  ce  gibier  eft  des  plus  exquis,  lorfqu'il 
eft  fuffifamment  attendu  :  fa  chair  eft  délicate  ,  d'un  bon  fuc  &  très- 
nourriflante.  Pourv  faciliter  la  multiplication  de  ces  oifeaux ,  qui  ne 
vivent  que  fept  à  huit  ans,  on  en  élevé  dans  des  enceintes  murées  que 
Ton  nomme  faifanderies  ;  telle  eft  celle  d'auprès  de  Verfailles. 

Cette  éducation  domeftique  que  l'on  fait  des  faifans  &  des  perdrix 
rouges  ou  grifes ,  eft  le  meilleur  moyen  d'en  peupler  une  terre,  &  de 
réparer  la  deftrudion  que  la  chaffe  en  fait.  Par  ces  foins,  on  met  les 
•œufs ,  ik  ces  jeunes  oifeaux  à  l'abri  d'une  multitude  d'ennemis  ,  tels  que 
les  fouines,  les  renards,  les  oifeaux  de  proie,  qui  mangent  les  œufs  ou 
les  petits  encore  foibles.  La  manière  d'élever  les  faifans,  eft  prefque 
îa  même  que  pour  les  perdrix  rouges  ou  grifes. 

Manière  d^êlever  des  Faifans, 

Le  lieu  où  l'on  établit  la  faifanderie ,  doit  être  difpofé  de  manière 
que  l'herbe croiffe  dans  la  plus  grande  partie,  &  qu'il  y  ait  un  affez  bon 
nombj-eitie  petits  buiffons  épais  &  fourrés,  pour  que  chaque  bande  de 
faifandeaùx  puiffe  s'y  retirer  à  part,  à  l'ombre  &  à  l'abri  pendant  la 
gra.nde  chaleur-,  ou  pendant  les  mauvais  temps. 

Pour  fe  procurer  beaucoup  d'oeufs  de  faifans,  il  faut  nourrir  pendant 
toute  l'année  un  certain  nombre  de  poules-faifandes.  On  les  tient  enfer- 
mées au  nombre  de  cinq  à  lix  avec  un  coq,  dans  de  petits  enclos  fépa- 
rés ,  où  ell^s-  font  à  l'abri  de  tous  les  animaux  malfaifans.  Il  faut  que 
chaque  enceinte  foit. bien  féparée,  &  que  les  coqs  ne  puifTent  ni  fe  voir 
ni  s*entendre  \  car  le^  mouvem.ens  d'inquiétude  ou  de  jaioufie  que  s'infpi- 
reroient  les  uns  les  autres,  ces  mâles  moins  lafcifs  que  nos  coqs  domcf- 
tiques,fi  peu  ardens  pour  leurs  femelles,  èi  cependant  fi  ombrageux  pour 
leurs  rivaux  ,  ne  manqueroient  pas  d'étouffer  ou  d'affoiblir  des  mou- 
veîïîens  plus  doux,  &  fans  lefquels  il  n'eft  point  de  génération.  Ainfi 
dans^plufie'urs  animaux,  comme  dans  l'homme,  le  degré  de  la  jaloufie 
n'eft  pas^  toujours  proportionné  au  befoin  de  jouir.  Le  phyfique  àes 
facultés  fe  troubîè  ■<^-  nuit  à  la  propagation.  Au  commencement  de 
Mars,  il  eftifbpn  de  leur  donner  un  peu  de  farralin  pour  les  échauffer 
.&  hâter  le  temps  de  l'amour.  Il  feroit  dangereux  que  les  poules  RilTent 
trop  graffes,  elles,^  en  pondroient  moins  ;  &  la  coquille  de  leurs  œufs 
^QïQit  fipioJle,  qu'ils  CQUrroient  rifquc  d'être  écrafés  dans  l'incubaiion. 


FAI  \'  cyi 

Les  poules- faifandes  qu'on  confçrve  pour  faire  race  doivent  être 
jeunes,  elles  pondent  davantage  ,  plus  tôt ,  &  les  couvées  qui  fe  font 
de  bonne  heure  font  les  plus  favorables. 

C'eft  vers  la  fin  d'Avril  que  commence  îa  ponte  des  poules-faî-' 
fandes.  On  a  foin  d'aller  ramalTer  le  foir  tous  les  œufs  :  car  li  on  ne 
prenoit  point  ce  foin,  ils  fe  trouveroient  fou  vent  cafTés  &  mangés  par 
les  poules  mêmes.  On  fait  enfuite  couver  ces  oeufs  par  une  poule  de 
baffe-cour  qui  doit  être  bonne  couveufe,  c'efl-à-dire ,  qui  doit  refier 
avec  attache  fur  les  œufs.  Au  bout  de  vingt-quatre  à  vingt-cinq  jours 
les  faifandeaux  éclofent.  On  les  enferme  avec  la  poule  fous  une  caifîe 
aérée  ,  &  dont  on  augmente  la  longueur  à  mefure  qu'ils  grandifîent.  Les 
faifandeaux  demandent  beaucoup  de  foin  pour  leur  nourriture  :  il  efl 
néceffaire  dans  le  premier  mois  de  les  nourrir  principalement  avec  des 
vers  &  nymphes  de  fourmis  noires  qu'on  ramaffe  dans  les  bois,  &  que 
l'on  nomme  improprement  œufs  de  fourmis ,  ainfî  qu'on  peut  le  voir  aa 
mot  Fourmi. 

Si  on  ne  peut  en  trouver ,  on  y  fupplée  en  leur  donnant  des  œufs 
durs  hachés  &  mêlés  avec  de  la  mie  de  pain  &  un  peu  de  laïque  :  à 
mefure  qu'ils  deviennent  plus  forts  ,  on  leur  donne  du  grain.  Ces  jeunes 
oifeaux  font  fujets  à  être  attaqués  par  une  efpece  de,  poux,  qui-  leur  efl 
commune  avec  la  volaille;  ils  maigriffent  alors  &  meurent  quelquefois.  Le  '  ^'  " 
meilleur  remède  pour  les  en  garantir ,  eft  de  les  tenir  proprement»Lorfque 
les  faifandeaux  ont  un  peu  plus  de  deux  mois,  les  plumes  de  leur  queus 
tombent ,  &  il  leur  en  pouffe  de  nouvelles.  Ce  moment  efl  aiîèz  criti- 
que à  paffer  ;  fufage  des  vers  de  fourmis  le  rend  moins  dangereux.  Un 
des  foins  les  plus  importans,  c'efl  de  leur  donnei^^toujours  de  L'eau- 
nouvelle;  ce  défaut  d'attention  leur  caufe  une  maladie  commune  aux 
poulets,  qu'on  nomme  la /^t-jp/V,  qui  fe  manifefteparune  pellicule  blanche 
qui  recouvre  leur  langue:  cette  maladie  efl  prefque  toujours  mortelle 
aux  faifandeaux. 

La  méthode  efl  la  même  pour  élever  les  perdrix;  il  faut  obferver 
feulement  que  les  perdreaux  rouges  font  plus  délicats  que  'les.  faifan- 
deaux, &  que  les  vers  de  fourmis  leur  font  plus  néceifaires.  J)ès  que  les 
perdreaux  rouges  ont  atteint  fix  femaines ,  il  feroit  dangereux  de  les 
vouloir  tenir  renfermés;  ils  deviennent  alors  in  jets  à  une  maladie  conta- 
gleufe,  qu'on  ne  prévient  qu'en  les  laifTiint  libres  à  la  campagne.  Cette- 
maladie  s'annonce  par  une  enflure  conildef abte' à  la  tête  &■  aux  pieds ,. 


■\^ 


6i^  F  A  î 

"loi'  elle  efi  accompagnée  d'une  foif  qui  hâte  la  mort  quand  on  la  fatls- 
fait.  On  ne  doit  donner  la  liberté  aux  faifans  que  lorfqu'ils  ont  deux 
mois  &  demi.  La  perdrix  grife  ne  demande  pas  tant  de  foin ,  &  s'élève 
beaucoup  plus  aiiîement  que  la  perdrix  rouge.  Confultez  le  Guide  du 
Fermier,  ouvrage  Anglois ,  traduit  tout  récemment  en  François,  chez 
Coftard  à  Paris. 

Les  faifans  fe  perchent  la  nuit  dans  les  hautes  futaies;  le  jour  ils  fré- 
quentent les  bois  taillis,  les  buiflbns  &  les  lieux  remplis  de  brouffailles  i 
car  ces  cifeaux  font  d'un  caradere  fauvage:  quoiqu'accoutumés  à  la 
fociété  des  hommes,  quoique  comblés  de  leurs  bienfaits  les  faifans  s'éloi- 
gnent le  plus  qu'il  efl  pofiible  de  toute  habitation  humaine,  &  il  efl: 
très-difficile  d'en  apprivoifer.  On  prétend  néanmoins  qu'on  les  accou- 
tume à  revenir  au  coup  de  fifflet ,  c'eft-à-dire ,  qu'ils  s'accoutument  à 
venir  prendre  la  nourriture  que  ce  coup  de  fifflet  leur  annonce  toujours  ; 
jnais  des  que  leur  befoin  eft  fatisfait ,  ils  reviennent  à  leur  naturel ,  & 
ne  Gonnoiffent  plus  la  main  qui  les  a  nourris  ;  ce  font  donc  ,  dit  M.  de 
JBujffhn  ,Aqs  e(d.avQS  indomptables  qui  ne  peuvent  fe  plier  à  la  fervitu- 
de,  ^tii-ne  connoifTent  aucun  bien  qui  puifle  entrer  en  comparaifon 
iivec  la  liberté  ,  qui  cherchent  continuellement  à  la  recouvrer  ,  &  qui 
n'en  manquent  jamais  l'occafion.  Les  fauvages  qui  viennent  de  la  per- 
dre font  fiirieux.j  ils  fondent  à  grands  coups  de  bec  fur  les  compagnons 
ÀQ  leur  captivité  j  &  n'épargnent  pas  même  le  paon.  Leur  naturel  efl:  IT 
farouche  étant  rendus  aux  mains  delà  nature,  que  non -feulement  ils 
évitent  l'homme  ^  mais  qu'ils  s'évitent  les  uns  les  autres  ,  fi  ce  n'efl:  au 
mois  d'Avril ,  qui  efl:  le  temps  où  le  mâle  recherche  fa  femelle  ;  il  eft 
facile  alors  de  les'trouver  dans  les  bois,  parce  qu'ils  fe  trah illent  eux- 
mêmes  par  un  battement  d'ailes  qui  fe  fait  entendre  de  fort  loin.  On 
idit  que  le  faifan  efl:  fort  ftupide  ;  qu'il  fe  croit  bien  en  fureté  lorfque  fa 
léte  eii  cachée  ,  comme  an  l'a  dit  de  tant  d'autres  oifeaux  ôc  qu'il  fe 
îaifle  prendre  à  tous  les  pièges  ;  lorfqu'on  le  chafle  au  chien  courant , 
£c  qu'il  a  été  rencontré,- il  ^regarde  fixement  le  chien  tant  qu'il  efl:  en 
arrêt ,  &  donne  tout  le  temps  au  ChafTeur  de  le  tirer  à  fon  aife  :  il  fuffit 
de  lui  préfenter  fa  propre  imiage ,  ou  feulement  un  morceau  d'étolïe 
jTOuge  fur  «ne  toile  blanche ,  pour  l'attirer  dans  le  piège  :  on  le  prend 
'^nçpve  en  tendant  des  lacets  ou  des  filets  fur  les  chemins  ou  il  pafle  le 
foir  &  le  matin  ,  pour  aller  boire  ;  enfin  on  le  chafle  à  Toifeau  de  proie  ; 
^v  l'on  pr.éte:id  que  ceux  qui  font  pris  de  cette  manière ,  font  plus  tendres 


FAI  ^73: 

^  de  meilleur  goût.  La  femelle  fait  fon  nid  à  terre  dans  les  buîflbhs  les 
plus  épais  :  elle  pond  pour  le  moins  autant  d'œufs  que  la  perdrix. 

On  dit  que  la  poule  domeftique  donne  avec  le  coq-faifan,  des  œufs 
marquetés  de  noir,  beaucoup  plus  gros  que  les  oeufs  de  la  poule  com- 
mune ;  &  que  les  petits  qui  en  proviennent  font  fi  femblables  à  de  vrais 
faifandeaux,  qu'on  pourroit  s'y  tromper.  On  prétend  même  que  les 
femelles  qui  proviennent  de  ces  œufs ,  produiroient  des  faifans  parfaits 
à  la  première  ou  à  la  féconde  couvée,  fi  on  les  accouploit  avec  leur 
père.  Il  y  a  plufieurs  efpeces  &  beaucoup  de  variétés  parmi  les  faifans,' 
félon  la  diverfité  des  pays  oii  ils  naiffent. 

Le  plus  beau  de  tous  les  faifans  ,  eft  fans  contredit  le  faîfan  rouge  de 
la  Chine  ,  Phajianus  aureus  Sinenjis,  Cet  oifeau  parvenu  à  l'âge  de  deux 
ans  porte  fur  fa  tête  &  fon  cou  une  huppe  ou  panache  qui  eft  d'un  beau 
jaune  de  topaze,  &  fe  redreffe  à  la  volonté  de  l'animal,  notamment 
dans  la  faifon  des  amours.  Il  a  le  plumage  doré ,  citron ,  couleur  d'écar- 
late  ,  d'émeraude  ,  bleu  célefte,  brun,  jaune  :  toutes  ces  fuperbes 
couleurs  qui  tranchent  les  unes  fur  les  autres,  font  un  très -agréable 
mélange.  Il  porte  une  belle  &  longue  queue.  Cet  oifeau  de  TAfje  con- 
fervé  avec  tout  l'art  podible ,  fe  fait  remarquer  par  la  richeife  de  fes 
couleurs,  parmi  ceux  du  Cabinet  du  Jardin  du  Roi,  &  dans  celui  de 
Chantilly  :  on  y  voit  auflî  \q  faifan  blanc  de  la  Chine. ^  \q  faifan  panaché 
dt  la  Tartane.  La  huppe  &  le  ventre  de  celui-ci  font  noirs  ,  tout  le  refte 
du  plumage  eft  panaché  de  noir  fur  un  fond  blanc. î  on  npurrit  dans  la 
Ménagerie  de  Chantilly ,  un  bon  nombre  de  ces  charmans- oifeaux. 

On  trouve  encore  beaucoup  d'oifeaux  appelles  faifans,  dans  plu-< 
fieurs  autres  contrées,  &  qui  varient,  foit  par, i|. plumage ,  ou  par 
quelqu*autre  particularité,  he  faifan  de  C Amérique-  vl  le  plumage  noir 
&  une  crête  rouge ,  pendante  comme  celle  d'une  petite  poule  d'Inde  t 
fes  pieds  font  rouges.  Le  faifan  du  Bréjil  a  fur  la  tête  une*crête 
huppée  :  le  deifous  de  fa  gorge  eft  fans  plumes ,  &  la  peau  en  eft 
rouge,  "Lq  faifan  des  Antilles  a  le  cou  très-long ,  la  tête  &  le  bec 
d'un  corbeau:  fon  plumage  eft  d'un  gris  mêlé  de  roux,  excepté  fur 
la  poitrine  où  il  eft  d'un  beau  bleu  :  fa  queue  eft  noire  &  n'eft  pas 
fort  longue.  Cet  oifeau  eft  le  caracara.  Voyez  ce  mot.  Dans  une 
balTe-cour  il  fait  une  guerre  cruelle  à  tous  les  oifeaux  domeftiques. 
Dans  une  maifon ,  il  fait  le  maître  ;  il  chafte  les  chiens  qu'il  becqueté 
en  traître,  fouvent  il  fe  jette  aux  jambes  des   étrangers.  Il   n'en   eft 

Tomô  II,  Q  q  q  q 


■/7i  ■  FAI 

pas  de  même  du  faïfan  de.  Carajow  ou  des  Indes  Occidentales  :  Ton 
caraâere  eft  doux,  fociable;  il  vit  fort  bien  avec  les  autres  oifeaux: 
il  a  fur  la  mâchoire  fupérieure  une  excrefcence  ronde,  jaune  &  dure,& 
de  la  groflfeur  d'une  aveline  :  fa  tête  eft  huppée ,  frifée  d'un  noir  velouté  & 
panaché  ;  voyez  l'article  Hocos  hefaifan  de  la  Guianc  n'eft  point  l'oifeaiï 
mot-mot  du  Bréfil ,  ni  la  poule  fauvage  que  Feu'dUc  appelle  katrakas-katra- 
kas ,  mais  le  merail  ou  Vyacou  :  voyez  ces  mots.  Le  faifan-paon  eft  ainfî 
nommé  des  efpeces  de  plumes  qu'il  a  fur  la  tête,  parce  qu'il  eft  prefque- 
aufli  gros  que  le  paon  :  il  diffère  du  faïfan  couronne  des  Indes ,  qui  fe 
trouve  à  Banda.  Mais  ce  ne  font  point  des  faifans ,  ce  dernier  eft  de- 
la  famille  des  pigeons  ;  fa  femelle  eft  brune  :  voyez  Crown  -  vo^el  & 
Eperonn'w\  On  diftingue  aufTi  le  faifan  huppé  de  Cayenne.  Voyez  Hoa^in, 

Le  faifan  de  Penfilvanie  &  du  Maryland  eft  lagelinotedu  Canada  t 
voyez  ce  mot.  Le  faifan  des  Caf'res  a  le  plumage  blanc  moucheté 
de  gris  ;  ceux  de  Congo  font  noirs  &  bleus  :  celui  de  Juîda  à  la  Côte 
d'Or ,  eft  tout  blanc  mêlé  de  bleu ,  &  a  la  tête  couronnée  d'une 
touffe  noire.  Le  faifan  de  Madagafcar  eft  violet  :  on  le  rencontre  aufll 
dans  le  pays  des  Amazones.  Sa  tête  eft  furmontée  d'une  huppe  étagée 
de  plumes  noires  &  blanches,  &  qui  baiffent  «ou  fe  dreflènt  à  la 
volonté  dç  l'oifeau  :  fa  démarche  eft  noble  &  liere.  La  chair  de  toutes 
ces  fortes  d'oifeaux,  eft  d'un  goût  exquis  &  convient  à  tous  les  tem- 
péramens.  he  faifan  bâtard ,  phajianus  ubridus  ,  eft  tacheté  de  brun  &: 
de  blanc.  Voyez  Coquard, 

FAISAN  BRUAN;  ou  FAISAN  DE  MONTAGNE ,  urogal^ 
lus.  Eft  le  coq  des  hois  on  coq  de  bruyère^  Voyez  ce  mot  à  la  fuite  de 
l'article  Coq,  &  1  article  Gelinote  du  Canada. 

FAISAN  CORNU  DES  INDES.  C'eft  le  NapauL  Voyez  ce^ 
mot. 

FAISAN   D'EAU.   Nom  qu'on  a   donné  au    Turbot,    Voyez  ce 

ÏROt. 

FAISAN  DE  MER.  'rbyc^  au  mot  Canard  a  duvet:  on  l'ap- 
pelle aufTl  PiNTAlL. 

FAITIERE  ou  TUILÉE,  imbricata»  Nom  donné  à  une  efpece  de 
coquillage  bivalve  du  genre  des  cames  tronquées,  &  de  la  famille  des 
Caurs,  Voyez  ce  mot. 

La  faitiere  préfente  par  une  face  un  cœur  ouvert;  mais  le  faitage 
de  deifus  eft  fon  caractère  fpéçifique,  On  remarque  fur  fa  coquille  fix 


V  À   t  '^7f. 

a  fept  principales  Se  grandes  ftries  longitudinales;  aVec  de  grandes 
cavités  entre  deux ,  traverfées  de  différentes  lignes  qui  forment  des 
étages  &  des  couches  en  manière  de  tuiles  minces,  de  plus  en  plus 
grandes  à  mefure  qu'elles  s'approchent  des  bords.  Il  y  a  des  faitieres 
blanches,  d'autres  de  couleur  citron,  quelquefois  verdâtres,  nuées  de 
rofe  plus  ou  moins  bombées ,  d'un  beau  blanc  en  dedans.  Les  deux 
valves  qui  fervent  de  Bénitier  dans  l'Eglife  de  S.  Sulpice  à  Paris,  Se 
dont  la  République  de  Venife  avoit  autrefois  faitpréfentà  François  I, 
appartiennent  à  la  euilée.  On  en  conferve  aufîi  deux  dans  le  cabinet  de 
Sainte  Geneviève  à  Paris,  elles  font  deftinées  au  même  ufage  pour  la 
nouvelle  Eglife. 

FALABRIQUIER,  ^oyq  Mi^acoulier, 

FALAISE.  Nom  qu'on  donne  aux  côtes  de  la  mer  qui  font  élevées  ^ 
efcarpées,  &  garnies  de  landes  à  leur  bafe, 

FALANGES.  On  donne  ce  nom  à  de  groflès  mouches  des  îles 
Antilles ,  qui  ont  la  tête  &  le  mufeau  comme  un  finge.  Il  y  en  a  de 
plufieurs  efpeces  ;  les  unes  qui  ont  des  trompes,  d'autres  qui  ont 
des  cornes.  Les  phalanges  ne  font  point  des  mouches ,  mais  des  çfpeces 
d'araignées,  roye^  Phalange. 

FALLTRANCHS.  Dans  le  commerce  on  donne  ce  nom  à  un 
mélange  affez  arbitraire  des  principales  herbes  plus  pu  moins  vulnér* 
raires  qu'on  a  récoltées  fleuries  &  dans  leur  plus  grande  vigueur,  fur 
les  montagnes  jde  la  Suiffe  &  de  l'Auvergne.  Les  payfans  Genevois 
&  Suifles,  fur-tout  les  Glaronnois  ou  habitans  de  Glarnes,  dès  qu'ils 
les  ont  ramaffées,  les  coupent  par  petits  morceaux  pour  les  déguifer  , 
puis  les  font  fécher  pour  s'en  fervir  en  infufion  théiforme ,  que  l'on 
coupe  quelquefois  avec  du  lait  &  un  peu  de  fucre.  Ces  herbes 
vulnéraires  font  ordinairement  les  feuillies  &  fleurs  defanick ,  de  hugle, 
de  pervenche  ,  ,de  verge  d'or,  de  véronique^  de  pyrole ,  de  pied  de  chat  j 
de  pied  de  lion  ,  de  langue  de  cerf  ^  àiarmoife^  de  pulmonaire ,  de  hrii" 
nelle ,  de  bkoine ,  de  verveine  ,  de  fcrophalaire ,  à!aigremoine  ,  de  petite 
centaurée  ,  de  menthe  ,  de  pilofdle  ,  rarement  de  capillaire ,  qui ,  félon 
M,  Haller ,  efl;  très-rare  en  Suiffe  j  &  plufieurs  autres  plantes,  Foye^ 
ces  mots. 

Les  SuifTes  vendent  ordinairement  aux  Drogulfles  leurs  falltranchs 
,«n  paquets  de  deux  onces,  foigneufement  cachetés  &  munis  de  certi-s 
ficats  pour  faire  foi  du  foin  avec  lequel  ils  ont  été  récoltés  dans  le 

Qqqq2 


'if:;^  FÀt 

'pays.  Lorfque  l'odeur,  la  couleur  &  la  faveur  font  de  la  qualité 
requife,  les  propriétés  en  font  plus  efficaces.  On  s'en  fert  comme  de 
bons  diurétiques:  ils  font  propres  pour  la  jaunifle  ,  pour  les  rhumes 
invétérés ,  &  pour  diflfoudre  le  fang  coagulé  :  mais  plus  ces  herbes 
ont  de  vertu ,  plus  il  faut  en  faire  ufage  avec  prudence.  M.  Struve  , 
Chimifte  de  Laufanne ,  vend  un  falltrank  compofé  uniquement  de 
plantes  aromatiques  des  Alpes  ,  dont  M.  HalUr  lui  a  indiqué  le  choix. 
Ce  font  des  abfinthes  peu  connues ,  des  milles  feuilles  ,  &  d'autres 
plantes  odorantes  &  ameres.  Falltrank  eft  un  nom  Allemand  ,  com- 
pofé de  Fallen,  tomber,  &  de  Trank,  boiflbn  ;  ce  qui  fignifie  liqueur 
propre  pour  ceux  qui  font  tombés. 

FALUN  ou  CRON  ou  CRAN.  Noms  donnés  vulgairement  à 
des  bancs  de  terre,  compofés  d'un  amas  confidérable  de  tritus  de 
coquilles  foffiles ,  &  de  madréporites  qui  ont  perdu  leur  émail.  Ces 
bancs  appelles  falunieres^  fe  trouvent  particulièrement  en  Touraine  & 
au  Vexin.  On  fefert  de  falun  dans  quelques  pays,  au  lieu  de  marne, 
pour  améliorer  certaines  terres. 

La  longueur,  la  largeur  &  la  profondeur  de  ces  couches,  qui  fe 
trouvent  fous  terre  où  elles  ont  été  formées  par  des  dépôts  fucceflifs  , 
varient  beaucoup.  Les  falunieres  de  Touraine  ont  trois  grandes  lieues 
&  demie  de  longueur ,  fur  une  de  largeur  moins  confidérable ,  & 
plus  de  vingt  pieds  de  profondeur.  D'où  vient  ce  prodigieux  amas 
dans  un  pays  éloigné  de  la  mer  de  plus  trente-fix  lieues  ?  Comment 
s'eft-il  formé?  Quelquefois  on  y  trouve  encore  des  corps  marins  peu 
calcinés  ou  non  réduits  en  poudre:  alors  l'on  peut  les  reconnoître,  à 
la  couleur  près,  par  les  carafteres  qui  leur  font  communs  avec  les 
analogues  vivans.  On  y  diftingue  fur-tout  différentes  efpeces  de  madré- 
pores ,  de  coraux ,  de  dents  ,  des  vertèbres  Ci  étoiles  marines  des  en  troques , 
des  os  de  poiffons ,  des  fragmens  de  coquilles  de  tous  genres  :  tout  ici 
annonce  les  traces  des  révolutions  arrivées  à  notre  globe.  Ce  cron 
cft  cominunément  dans  l'état  d'un  fable  plus  ou  moins  atténué.  Com- 
bien de  couches  de  terre  calcaire  femblent  n'être  que  le  réfultat  de 
falunieres  très-comminuées  !  telles  font  peut-être  les  couches  de  craie  de 
tranfport. 

Les  Payfans,  dont  les  terres  font  en  ce  pays  naturellement  ftériles, 
exploitent  en  Odobre  les  falunieres,  enlèvent  le  cron,  &  le  répandent 
delféché  &  d'une  manière  uniforme  fur  leurs  champs  pour  les  fertiiifer. 


F  À  M  FAN  V77 

Cet  engrais  les  rend  fertiles,  comme  ailleurs  la  marne  &  le  fumier  ;&  ;' 
une  terre  une  fois  falunée  ,  l'efl  pour  trente  ans.  Quand  on  veut  ex- 
ploiter une  faluniere  avec  profit ,  on  choifit  celle  qui  eft  recouverte 
d'une  couche  de  terre  de  peu  d'épaifleur ,  de  quatre  pieds  au  plus  :  les 
endroits  bas  &  aquatiques  doivent  être  préférés  en  cette  occafion  ;  mais 
le  travail  demande  de  la  célérité ,  Teau  fe  préfentant  de  tout  côté  pour 
remplir  le  trou  à  mefure  qu'on  le  rend  profond  :  auili  eft-il  rare  qu'on 
emploie  moins  de  quatre-vingts  ouvriers  à  la  fois.  On  en  afTemble  fou-  . 
vent  plus  de  cent  cinquante  :  une  partie  des  travailleurs  creufe  ;  l'autre 
épuife  l'eau.  On  commence   le  travail  de  grand  matin  :  on  eft  forcé 
communément  de  l'abandonner  fur  les  trois  heures  après  midi.  On  a 
obfervé  que  le  lit  de  bon  falun  n'eft  mêlé  d'aucune  matière  étrangère  : 
on  n'y  trouve  ni  fable ,   ni  pierre,  ni  terre  ;  &  l'eau  qui  s'y  filtre ,  eft 
claire  &  n'a  point  de  mauvais  goût.  Le  falun  tiré  après  les  premières 
couches ,  eft  extrêmement  blanc.  Les  coquilles   qu'on  y  remarque , 
font  toutes  placées  horizontalement  &  fur  le  plat.  Les  bancs  des  falu-; 
nieres  ont  des  couches  diftinéles.  Tout  ceci  tend  à  prouver  que  la  falu- 
niere eft  le  réfultat  de  plufieurs  dépôts  fucceffifs,  &  qu'elle  efk  l'ou- 
vrage du  féjour  conftant  &  durable  d'une  mer  aflife  &  tranquille ,.  ou 
du  moins  fe  balançant  d'un  mouvement  très-lent.  Voyez  cet  article  dans 
les  Mémoires  de  VAcad,  des  Sciences^ann.  lyzo  ;  Voyez  aufli  l'article  ÏEKRE 
de  ce  Didionnaire. 

FAMOCANTRATON.  Efpece  d'animal  de  l'ile  de  Madagafcar ,  de 
la  forme  d'un  lézard ,  qui  vit  d'infedes ,  &  qui  fe  tient  attaché  à  l'écorce 
des  arbres  où  l'on  a  peine  à  l'appercevoir.  Au-deftus  du  dos  ,  de  la  queue  ^ 
des  jambes,  du  cou,  &  à  l'extrémité  du  mufeau  ,  fe  trouvent  des  efpe- 
ces  de  crêtes  &  de  griffes  qui  lui  fervent  à  s'attacher  contre  les  arbres. 
Il  tient  toujours  fon  gofier  ouvert  pour  y  recevoir  des  araignées  &  des 
mouches  dont  il  fait  fa  principale  nourriture.  Cet  anim.al  s'élance  très- 
rapidement  fur  la  poitrine  des  Nègres  lorfqu'ils  ont  l'imprudence  de 
s'approcher  d'un  arbre  où  il  fe  trouve  :  ils  le  craignent  beaucoup,  parce 
qu'il  fe  colle  fi  fortement  fur  la  peau  ,  qu'ils  ne  peuvent  s'en  défaire 
qu'avec  le  fecoursd'un  rafoir.  Dapper,  Defcripiion  de  r Afrique,  page 
4S8 ,  dit  que  le  mot/amocantraton  fignifie  en  langue  du  pays  ,  fauteur  à 
la  poitrine, 

FANNASHIBA.  Hubner  {Diciionn.  Univerf  )  dit  que  c'eft  un  grand 
arbre  du  Japon  ,  dont  les  feuilles  font  d'un  vert  foncé  &  forment  une 


:g-7..-e  'FAN  PAR 

*  .i^rpece  de  couronne  ;  Tes  fleurs  font  en  bouquets,  étant  attachées  les  unes 
:aux  autres  ;  elles  répandent  une  odeur  très-agréable  &  fi  forte  qu'on  la 
;peut  fentir  à  une  lieue  quand  le  vent  donne.  Les  Dames  les  font  fécher  , 
&  c'en  fervent  à  parfumer  leurs  appartemens.  On  plante  cet  arbre  dans 
le  voifinage  des  Temples  &  des  Pagodes  j  &c  quand  il  eil  vieux ,  on  le 
brûle  dans  les  funérailles  des  morts, 

FANONS  ou  Barbes  de  Baleine.  Ce  font  ces  grandes  lames  de 
fept  à  huit  pieds  de  longueur  ,  qu'on  nomme  improprement  cous  de 
Baleine  ;  elles  font  d'une  nature  analogue  à  celle  des  cornes  ongulées 
d'animaux.  Voyez  l'article  Baleine  de  Groenland, 

FAON.  Eft  le  petit  de  la  biche  ;on  donne  aufll  ce  nom  au  petit  du 
ciievreuil  &  du  daim, 

FAR AFES.  Sont  des  animaux  fauvages  de  l'île  de  Madagafcar  ,  fort 
femblables  aux  loups,  mais  encore  plus  voraces.  Les  habitans  font 
-obligés  d'entretenir  continuellement  du  feu  dans  leurs  cafés  pour  en 
éloigner  ces  dangereux  ennemis.  On  foupçonne  que  c'ell;  ïadil  ou  le 
.chacal.  Voyez  ces  mots. 

FARD.  Foyei  Pierre  a  Fard. 

FARINE.  Eft  du  grain  moulu  -&  réduit -en  poudre,  dont  on  a  fé- 
■paré  le  fon  avec  des  bluteaux.  Les  farines  propres  à  faire  du  pain ,  font 
.celles  de  froment,  de  feigle,  de  farrafin  ,  de  maïs,  d'orge,  de  riz, 
d'avoine ,  du  panis ,  &  toutes  celles  qui  étant  mêlées  avec  de  l'eau  , 
lont  alimenteufes  &  fuiceptibles  de  la  fermentation  panaire  &  vineufe  , 
■ou  de  former  par.4a^  coétion  une  efpece  de  gelée  connue  fous  le  nom 
À'empois,  Il  paroît  ihême  d'après  des  expériences  ,  qu'il  y  a  dans  la  fa- 
rine une  partie  acefcente  ,  &  une  autre  qui  naturellement  penche  à 
l'alkalefcence  :  on  a  démontré  ces  deux  parties  à  Boulogne  &  à  Stras- 
*bourg. 

La  fubftance  farineufe  eft  abondamment  répandue  dans  le  règne 
végétal.  La  Nature  nous  la  préfente  dans  un  grand  nombre  de  plantes, 
.dans  les  femences  de  toutes  les  graminées  &  de  toutes  les  légumineufes  ; 
dans  les  fruits  du  chêne-,  duhptre  ,  dy  châtaignier  ,  dans  la  moelle  du 
fagoutier,  dans  Técorce  d'une  efpece  de  .pin ,  dans  la  fécule  du  manio- 
que  ,  dans  les  racines  de  plufieurs  plantes  potagères  &  dans  celles  d'af- 
phodele  ,  dans  la  truffe  blanche,  appelée /'oz/zwe  de  terre. 

Avec  quelle  fatisfaétion  ne  voit-on  pas  ies  diverfes  Académies  propo- 
ser des  fujets  de  prix  plus  iritérelTans  les  :uns  que  les  .autres  ;  d'après  k 


PAR  C-rg, 

^ûeftion  propofée  par  rAcadémie  des  Sciences ,  Belles-Lettres  &  Art» 
de  Befançon  ,  d'Indiquer  Us  végétaux  qui  pourroient  fuppiécr ,  en  temps  de 
difette ,  à  ceux  que  Con  emploie  communément  à  la  nourriture  de  C homme  , 
&  à  leur  préparation.  M.  Parmentier ,  Apothicaire- Major  de  l'Hôtel 
royal  des  Invalides ,  qui  a  remporté  le  prix ,  prouve  dans  fon  Mé-* 
moire  ,  d'après  des  recherches  chimiques  ,  que  la  partie  amidonée  efl 
celle  qui  eft  vraiment  nutritive  dans  les  végétaux  ,  &  que  Ton  peut 
retirer  cette  partie  nutritive  amidonée  par  trituration  ,  par  lotion , 
du  marron  d^lnde  ,  du  gland ,  des  racines  de  bryone ,  de  fiambe  ou  iris  ,. 
de  glayeul,  de  colchique ,  de  pied  de  veau ,  defcrpentaire  ,  de  petite  chéli- 
doiney  dQ  filipendule ,  des  femcnces  de  la  nielle  des  blés  ^  des  racines  d^eU 
lébore  à  feuilles  d'aconit ,  delà  fumeterre  bulbeufej  des  mandragores  ,  des 
chiendents.  La  méthode  de  M.  Parmentier  pour  obtenir  l'amidon  de  ces. 
diverfes  efpeces  de  végétaux  eft  très-fimple  ;  il  fuffit  de  nettoyer  & 
éplucher  les  racines  ,  de  les  râper  ,  &  de  les  foumettre  à  la  prefie  ;  de 
prendre  enfuite  le  marc  &de  le  délayer  dans  beaucoup  d'eau ,  il  dépofe 
un  fédiment  blanc  5  qui  lavé  &  féché  eft  un  véritable  amidon.  G'eftpar 
cette  méthode  que  les  Infulaires  enlèvent  au  maniaque ,  à  une  efpece 
^yuca,  des  fucs  très-vénéneux,  &  en  obtiennent  la  fubftance  farineufe, 
dont  ils  fe  nourriflent.  M.  Parmentier  a  pris  les  amidons  extraits  des  di- 
vers végétaux  5  dont  nous  avons  parlé  ,  il  les  a  convertis  en.  pain  ,.  en 
les  mêlant  avec  parties  égales  de  pommes  de  terre  réduites  en  pulpe  ,- 
&  la  dofe  ordinaire  de  levain  de  froment;  le  pain  s'eft  trouvé  fans  aucun 
mauvais  goût ,  &  de  très-bonne  qualité.  Voyez  les  mots.  Pommes  di 
terre  ^  Pied  de  veau^  Maniaque,  .t<*^ 

On  retire  des  blés  gâtés ,  ou  des  griots  ou  recoupetteis,,  un  fédiment 
avec  lequel  on  fait  une  pâte  blanche  &  friable,  connue  fous  le  nom 
^amidon.  On  l'emploie  à  faire  de  la  colle,  de  l'emplois  blanc  ou  bleui 
le  meilleur  eft  blanc,  doux ,  tendre  &  friable.  Les  ConEfeurs,  Chande-- 
liers ,  Teinturiers  du  grand  teint,  BlanchiiTeurs  de  gaze,  font  aulîi  ufage 
de  l'amidon  :  on  en  peut  faire  aufli  avec  la  racine  d'arum  ou  pied  de  veau 
&  la  pomme  de  terre  ;  l'amidon  eft  peâoral ,  propre  à  a.dôûcir  les  âcretéa 
de  la  poitrine; on  l'emploie  cuit  avec  le  lait  pour  la  diarrhée. 

Plufieurs  Médecins  ont  obfervé  que  les  farineux  font  plus  propres 
à  produire  des  acides  dans  les  premières  voies  que  la  plupart  des  alImensL 
tirés  des  animaux:  d'un  autre  côté  l'expérience  prouve  que  les  peuples:^ 
qui  font  ufage  des  alimens  farineux  non  fermentes,  ont  un  air  de  fanté,,. 


6.ÎO  FAR 

Ib  teint  fiais  &  fleuri  &  de  rembonpoint  ;  mais  ils  font  lourds  ,  paref- 
feux,  peu  propres  aux  exercices  &  aux  travaux  pénibles  ,  fans  vivacité, 
fans  efprit,  fans  defirs  &  fans  inquiétude.  La  bouillie  de  nos  enfans  fe 
fait  avec  de  la  farine  de  froment  non  fermenté.  Cependant  on  préfère 
le  pain  fermenté  au  pain  non  levé.  On  emploie  fouvent  les  farines  en 
cataplafmes  pour  réfoudre  ou  amollir. 

FARINE  EMPOISONNÉE.  Les  Mineurs  donnent  ce  nom  à  l'ar- 
fenlc  en  fleurs  que  l'on  trouve  quelquefois  attaché  aux  voûtes  de  la 
minière  de  cette  fubftance,  P^oye^  Arsenic. 

On  appelle  aufli  farine  empoifonnée  le  dépôt  blanchâtre  que  produit 
une  fumée  condenfée  dans  des  vaifleaux  faits  exprès,  lorfqu'on  travaille 
à  retirer  le  bleu  d'émail  du  codait ,  ordinairement  allié  à  Varfenic.  Voyez 
Cobalt.  Cette  farine  efl:  également  arfénicale  ou  empoifonnée. 

FARINE  FOSSILE  ou  MINÈKALE ,  farina  fojpiis.  Nom  qu'on  a 
donné  par  une  fuite  d'erreurs  populaires  à  une  fubfl:ance  crétacée,  ou 
efpece  do guhr  calcaire,  blanchâtre,  reflemblant  à  de  la  groffe  farine,  èc 
dont  ..Brukmann,  Epijl.  iùn.  de  farin»  foJjîL  rapporte  que  les  gens  du 
commun  en  Saxe  firent  autrefois  ufage  ,  dans  un  temps  de  famine  &  de 
difette,  comme  d'une  farine  célefte.  Il  ajoute  férieufement ,  qu'ils  en  recon- 
nurent bientôt  la  mauvalfe  qualité;  ce  qui  n'efl:  pas  difficile  à  croire. 

Il  n'y  d  pas  une  grande  différence  entre  la  farine  foffiU,  V agaric  mini-^ 
ral,\Q  lait  de  lune.  fo(JiU ,  &  les  guhrs  de  çraie.^oyQï  ces  difFérens  mots. 

La  foliditéjla  ténuité,  la  couleur  &  la  configuration  y  mettent  peut- 
être  la  plus  grande,  différence.  Voyez  Ludivig,  Pou  &  Scheuch^er,  Si  la 
farine  foflile  eft  marbrée ,  on  l'appelle  terre  miraculeufe. 

Comme  l'on  trouve  toujours  la  farine  fofîile  dans  des  endroits  caver- 
neux où  l'air  pénètre  ,  il  y  a  lieu  de  croire  qu'elle  eft,  ou  le  réfultat 
ji'une  fl:alaâ:ite  décompofée,  ou  d'un  guhr  de  craie  defféché,  &  qui  y 
^  été  apporté  par  le  courant  des  eaux  fouterraines,  Voye^  Guhr. 

FARLOUSE.  C'eft  l'alouette  de  pré  ;  oifeau  qui  fe  trouve  en  Italie 
(&  en  Lorraine,  &  qui  vole  en  petites  troupes.  Il  niche  dans  les  bois 
taillis  ;  il  cache  fon  nid  en  terre  entre  les  racines  des  arbriffeaux  cour 
verts  de  mouffes  par  le  pied.  Il  paroît  au  printemps  &  difparoît  en 
Odobre.  Son  ramage  tient  de  celui  de  l'alouette  ordinaire  &  il  vole  de 
ynême.  Voyez  à  l'article  Alouette. 

FASCIOLA ,  ou  Sang-sue  limace.  Efpece  de  ver  du  genre  des 
fcMa^  (  voyez  ce  mot  )  ,  &:  dont  M,  Llnno^us  donne  la  figure  dans  fon 


% 


F  À  S  PAU  6Zi 

■  ^ 

Sj/I,  Nat,  pag,  yo  ,  tah*  7  ,  «.  /.  Les  poiiTons  &  les  chiens  font  plus 
fujets  que  Thomme  à  être  attaqués  par  ce  ver  aquatique  qui  fe  trouve 
dans  les  torrens  &  fous  les  pierres  ;  fon  corps  eft  d'une  figure  ovale  , 
&  à  peine  de  la  grandeur  d'une  femence  de  melon ,  un  peu  plus  gros 
que  le  vrai  tccnïa  ou  ver  folitaire  ;  Ton  en  trouve  de  la  longueur  d'une 
aune ,  mais  fans  articulations  fenfibles  :  ce  qui  fait  qu'on  ne  peut  pas 
déterminer  fi  c'eft  un  feul  ver  ou  plufieurs  enfemble  ,  comme  on  le  pré- 
fume à  l'égard  du  txnia ,  dont  la  vraie  longueur  eft  indéterminée  ,  & 
qui  eft  divifé  en  travers  ,  c'eft-à-dire  ,  par  anneaux. 

Le  fafciola  eft  aplati ,  fes  deux  extrémités  font  rondes ,  fes  furfaces 
plates  font  chargées  de  trois  lignes  longitudinales ,  &  fes  côtés  font 
crénelés* 

FASEOLE.  Efpece  de/êve  qui  fe  mange  verte ,  &  qui  eft  plus  com- 
mune en  Italie  qu'en  France,  Il  y  en  a  de  blanches ,  de  jaunes ,  de  rouges 
&  de  bigarrées.  Voyc^  Haricot. 

Les  Antilles  produifent  une  forte  de  faféoUs  brunes ,  qui  rampent 
ordinairement  au  bord  de  la  mer  dans  le  fable ,  mais  qui  paflèqt  pour 
dangereufes  ,  ainfi  que  les  ricins.  Voyez  ce  mot,  '' • '^ 

FAU.  VoyCl  HÊTRE, 

FAV AGITE  ou  FAVONITE.  Nom  donné  à  un  aftroïte  foiîîle  dont 
les  étoiles  font  grandes  ,  ou  ovales ,  ou  angulaires ,  à-peu-près  fembla- 
bles  aux  cellules  d'un  rayon  de  miel:  ces  cellules  font  fouvent  remplies 
de  criftallifations  ou  fpatheufes ,  ou  filicées.  On  trouve  beaucoup  de 
favagius  aux  environs  de  Dax  ,  &  dans  la  Birfe  près  de  Bafle  :  quantité 
de  marbres  de  première  formation  font  remplis  de  favonites. 

FAUCHEUX  ou  ARAIGNÉE  DES  CHAMPS.  Foyei^on  article 
à  la  fuite  du  mot  Araignée. 

FAUCON ,  falco.  Genre  d'oifeau  de  proie ,  dont  il  y  a  plufieurs 
efpeces.  Ils  ont  été  nommés  ainfi  ,  parce  que  leurs  griffes  font  faites 
en  forme  de  faux.  C'eft  de  cet  oifeau  que  la  Fauconnerie  tire  fon  nom# 
C'eft  l'oifeau  de  proie  le  plus  noble  de  fon  efpece.  C'eft  parmi  ces  oi-. 
féaux  de  proie  qu'on  a  choifi  les  efpeces  les  plus  courageufes  &  les 
moins  rebelles  pour  les  dreffer  à  la  chaffe  du  vol.  Ces  oifeaux  bien  dref^ 
fés  pourfuivent  le  licvrc ,  &  même  les  bêtes  fauves ,  telles  que  le  loup ,' 
IcfangUer,  &c. 

On  divife  les  faucons  en  huit  efpeces  ,  dont  quatre  volent  haut ,  6C 
les  quatre  autres  volent  bas.  Les  quatre  premiers  font  Vautour ,  Vépef 
Terne  //«  R  r  r  r 


6^2  F  A  U 

vier  5  le  gerfauh  j  &  Vémerlllon  ;  les  quatre  autres  font ,  le  faucon  ,  îe^ 
/anier,  \q  /acre  ,  &  le  hobereau.  De  tous  ces  oifeaux,  le  faucon  &  l'au- 
tour font  d'un  fervice  plus  sûr  &  plus  ordinaire  que  ks  autres. 

Le  Faucon-gerfault,  gyrfalco,  approche  beaucoup  de  V aigle  i^out 
Ici  grandeur;  c'efl,  après  lui,  l'oifeau  le  plus  fier,  le  plus  hardi  &le  plus 
fort  ;  fes  plumes  font  toutes  blanches,  excepté  celles  du  dos  ôi  des  ailes, 
qui  ont  des  taches  noires  en  forme  de  cœur  ;  fa  queue  eft  courte  &  a 
des  bandes  tranfverfales  noires.  Sa  tête  efl  aplatie  ;  fon  bec  &:  fes  jambes 
font  de  couleur  bleue  jaunâtre. 

Cette  efpece  de  faucon  aire  en  Prufle  &  en  Ruflîe  i  c'eft  de  Norwege, 
du  Danemarck  ,  &  principalement  de  riflande  que  viennent  les  meil- 
leurs: on  lui  fait  voler  le  milan,  le  héron,  l'outarde,  la  grue  &  tout 
le  gros  gibier.  Son  tiercelet  eft  plus  délicat  &  plus  difficile  à  gouverner.. 
yoye:^  le  mot  Tiercelet. 

Le  Faucon-sacre, yîz/co  facer,  eft  plus  petit  que  \egerfaul(,  mais  il 
le  furpaffe  en  courage  &  en  agilité  :  on  en  diftingue  plufieurs  efpeces.  Le 
nieilkur  facre,  (êlon  les  habiles  Fauconniers,  fe  connoît  par  fa  couleur 
tannée',  rouge  &  grife  :  il  doit  avoir  les  jambes  &  le  bec  courts;  les  doigta 
des  pieds  bleus,  de  même  que  le  bec;  le  corps  alongé;  les  ailes  &  la 
queue  longues. 

On  diftiiigue  plufieurs  efpeces  Aq  faucon s-lanier ;  elles  ne  différent  que 
par  le  plumage,  qui  en  général,  tire  fur  le  grisâtre:  ces  oifeaux  ont 
le  bec  d'une  médiocre  grandeur,  &  un  peu  crochu  par  le  bout.  Foye:(^ 
Lanier. 

Le  Faucon  émerillon  a  le  plumage  brun  ;  la  partie  inférieure  de 
fon  corps  eft  couleur  de  paille.  Foyeç  Émkrtllon. 

U  autour ,  Vépervier,  ont  été  décrits  fous  ces  noms.  Fbyei  ces  mots.  W 
y  a  auffi  le  faucon  fors  ^  falco  hornotinus  ;  le  faucon  hagard  ou  boffu,falco 
gibbofus;  \q  faucon  à  tête  blanche  ,  falco  leucocephalus  ;  \q  faucon  blanc ^  le 
faucon  noir,  \q  faucon  tacheté,  le  faucon  brun  ,  \q  faucon  rouge, \q  faucon 
d'Italie,  le  faucon  d' IJlande ,  \q  faucon  gentil ,  \q  faucon  pèlerin ,  le  faucon 
de  Barbarie  ;  \q  faucon  à  collier  ,falco  torquatus ;  \q  faucon  de  Tartarie,le 
faucon  de  roche ,  le  faucon  de  montagne  ou  montagner  ;  U  faucon  de  la 
baye  de  Hudjon  ;  le  faucon  étoile  ,  falco  fiellaris  ;  le  faucon  huppé  des 
Indes,  \q  faucon  des  Antilles,  \q  faucon  pécheur  des  îles  du  Vent,  il  ne  vit 
que  de  poiiTon;  la  crefferelle,  le  faucon  de  Bengale^  il  eft  petit  &  d'un 
noir  orangé  ;  le  faucon  pattu^ 


F  A  U  6$i_ 

X.e  faucon  proprement  dit  j  eft  de  couleur  grlfe,  armé  d'un  bec  fort 
crochu  &:  de  ferres  vigoureufes.  Les  faucons  blancs  font  les  plus  rares, 
mais  peut-être  auffi  les  plus  braves:  on  en  trouve  en  Iflande,  en  Mof- 
covie.  Le  Roi  de  Danemarck  envoie  tous  les  ans  quelques-uns  de  fes 
Fauconniers  en  Iflande,  pour  prendre  &  tranfporter  à  Copenhague 
autant  de  faucons  &  de  gerfaults  capables  de  fervir,  qu'on  en  peut 
avoir ,  foit  pour  fa  propre  fauconnerie  ,  foit  pour  en  faire  des  préfens 
dans  les  Cours  étrangères.  Le  Grand-Maître  de  Maîthe  fait  aullî  préfent 
au  Roi  de  France,  tous  les  ans,  de  douze  de  ces  oifeaux,  ordinai- 
rement blancs ,  par  un  Chevalier  de  l'Ordre  à  qui  le  Roi  fait  préfent 
de  mille  écus.  Ces  faucons  blancs  viennent  aullî  d'Iflande.  Les  Mar- 
chands Fauconniers  font  obligés,  à  peine  de  confifcation  de  leurs 
oifeaux,  avant  de  pouvoir  les  expofer  en  vente,  de  les  venir  pré- 
fenter  au  grand  Fauconnier,  qui  retient  ceux  qu'il  eftime  néceflaires 
aux  plaKîrs  du  R.oi, 

En  Iflande  on  prend  les  faucons,  les  gerfaults  &  autres  oifeaux  de 
proie  par  le  moyen  d'oifeaux  dreffés  exprès  à  cet  effet,  &  pofés  à  terre 
dans  des  cages.  Ces  animaux  volent  en  l'air  le  faucon  à  des  diftances 
incroyables,  ils  en  avertiflent  par  certains  cris,  leurs  Maîtres,  qui  Te 
tiennent  cachés  dans  une  petite  tente  couverte  de  verdure,,  d'où  ils 
lâchent  auiTi-tôt  un  pigeon  attaché  à  une  ficelle  :  le  faucon  qui  l'apper- 
çoit  fe  plonge  delfus  ,  &  il  eft  pris  vivant  dans  un  filet  qu'on  jette  fur 
lui.  On  les  embarque  dans  des  vaifleaux,  on  les  nourrit  de  viande  de 
bœuf  &  de  mouton,  &  on  en  prend  tous  les  foins  imaginables:  on  les 
fait  repofer  fur  des  chaffis  de  lattes  minces,  couverts  de  gazon  &:  de 
gros  drap ,  afin  qu'ils  foient  mollement,  &  en  même  temps  fraîchement, 
ians  quoi  leurs  jambes  s'échauffent  &  deviennent  fujettes  à  une  efpece 
de  goutte. 

Il  y  a  aux  Indes  Orientales  une  efpece  de  faucon  huppé  très-beau  : 
fa  grandeur  approche  de  celle  de  Tautour  j  il  a  une  double  huppe  fur 
la  tête;  fon  cou  eft  rouge  ,  fon  plumage  eft  traverfé  de  lignes  blanches 
&  noires  ;  l'iris  de  fes  yeux  eft  jaune;  fon  bec  eft  d'un  bleu  foncé,  fes 
'jambes  font  garnies  de  plumes  qui  lui  tombent  jiifque  fur  fes  pieds.  Il 
y  a  plufieurs  autres  efpeces  de  faucons ,  dont  il  feroit  trop  long  de 
-donner  les  defcriptioiîs.  Leurs  petits  fe  nommant  fauconneaux, 

Rrrr  2 


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/R4  F  A  U 

-   Manière  dont  on  drejjc  les  Faucons  à  la  chajje  du  vol» 

L'homme  5  dit  M.  de  Buffon,  n'a  point  influé  fur  la  nature  de  ces 
animaux,  Quelqu'utiles  aux  plaifirs ,  quelqu  agréables  qu'ils  foient  pour 
le  fafte  des  Princes  chafTeurs,  jamais  on  n^a  pu  en  élever,  en  multi- 
plier l'efpece.  On  dompte  à  la  vérité  le  naturel  féroce  de  ces  oifeaux  , 
par  la  force  de  l'art  &  des  privations  :  on  leur  fait  acheter  leur  vie  par 
àQS  mouvemens  qu'on  leur  commande;  chaque  morceau  de  leur  fubfif- 
tance  ne  leur  eft  accordé  que  pour  un  fervice  rendu.  On  les  atta- 
che, on  les  garotte,  on  les  affuble,  on  les  prive  même  de  la  lumière, 
&  de  toute  nourriture  pour  les  rendre  plus  dépendans  ,plus  dociles ,  & 
ajouter  à  leur  vivacité  naturelle  l'impétuofîté  du  befoin  ;  mais  ils  fervent 
par  nécefîîté ,  par  habitude  &  fans  attachement  ;  ils  demeurent  captifs 
fans  devenir  domefliques  ;  l'individu  feul  eft  efclave ,  l'efpece  eft  toujours 
libre ,  toujours  également  éloignée  de  fempire  de  l'homm.e;  ce  n'eft 
même  qu'avec  des  peines  infinies  qu'on  en  fait  quelques  prifonniers, 
&  rien  n'eft  plus  difficile  que  d'étudier  leurs  mœurs  dans  l'état  de 
nature,"  Comme  ils  habitent  les  rochers  les  plus  efcarpés  des  plus  hautes 
montagnes,  qu'ils  s'approchent  très-rarement  de  terre,  qu'ils  volent 
d'une  hauteur  &  d'une  rapidité  fans  égale,  on  ne  peut  avoir  que  peu 
de  faits  fur  leurs  habitudes  naturelles.  Parlons  maintenant  de  la  chafTe 
au  moyen  de  cet  oifeau,  &expofons  plus  en  détail  les  caraderes  propres 
&  particuliers  à  ce  bipède,  fes  maladies,  &c. 

On  fait  que  la  chafïè  du  faucon  n'appartient  qu'aux  Rois  &  aux 
Princes  ;  on  fe  propofe  dans  ces  chalfes  la  magnificence  &  le  plaifir;  elle 
eft  plus  exercée  en  Allemagne  qu'en  France.  Il  y  a  dans  la  fauconnerie 
plufieurs  fortes  de  vols.  Il  y  a  le  vol  pour  le  milan  auquel  on  emploie 
le  gerfault,  &  quelquefois  lefacre,  ainfi  que  pour  le  vol  du  héron; le 
.vol  pour  la  corneille  &  la  pic,  celui  de  la  perdrix,  celui  des  oifeaux  de 
rivière,  &  le  vol  pour  le  poil.  Les  Fauconniers  diftinguent  les  oifeaux 
de  chaffe  en  deux  clafles  ;  favoir  ,  ceux  de  la  fauconnerie  proprement- 
dite,  &  ceux  qu'ils  appellent  de  ïautourrerie ,  &  dans  cette  féconde  claffe 
ils  comprennent  non -feulement  Vautour,  mais  qiïqoiq  ïépcrvier  ^  les 
hapayes ,  les  bufes  ,  &c. 

Les  oifeaux  de  proie  que  l'on  drefTe  à  la  chafTe  du  vol ,  font  ou  des 
oifeaux  niais  ou  des  oifeaux  hagards.  On  appelle  oifeaux  niais  ou 
bij aunes  ^  ceux  qui  ont  été  pris  dsns  les  nid?^  çeux-çi  font  les  plus  aifés 


F  AU  ^'^^s: 

â  drefTer,  Les  oifeaux  hagards  font  ceux  qui  ont  joui  de  la  liberté  avant- 
d'être  pris:  ces  derniers  font  plus  farouches,  plus  difficiles  à  appri- 
voifer.  Les  befoins  étant  le  principe  de  la  dépendance  de  l'oifeau  ;  s'il 
efl:  trop  farouche  on  l'affame,  on  cherche  même  à  lui  augmenter  le 
befoin  de  manger  en  nettoyant  fon  eftomac  par  des  cures ,  qui  font  de 
petits  pelotons  de  filalTe  qu'on  lui  fait  avaler ,  &  qui  augmentent  fon 
appétit  :  on  l'empêche  de  dormir  pendant  plufieurs  jours  &  pendant 
plufieurs  nuits  :  s'il  eft  méchant,  on  lui  plonge  la  tête  dans  l'eau,  6c 
enfin  on  fatisfait  fon  appétit.  Se  voyant  bien  traité ,  l'oifeau  fe  fami- 
liarife,  &  le  Fauconnier  en  fait  enfuite  tout  ce  qu'il  veut.  Il  y  a  plufieurs 
fignes  de  force  &  de  courage  dans  un  oifeau  de  proie,  tels  font  le 
bec  court,  la  poitrine  nerveufe,  les  jambes  courtes,  les  ongles  fermes 
&  recourbés.  Une  marque  des  moins  équivoques  de  bonté  dans  ces 
oifeaux,  c'eft  de  chevaucher  le  vent,  c'eft-à-dire  ,  de  fe  roidir  contre , 
&  de  tenir  ferme  fur  le  poing  quand  on  les  y  expofe. 

Le  principal  foin  du  Fauconnier,  eu  d'accoutumer  l'oifeau  de  proie 
à  fe  tenir  fur  le  poing,  à  partir  quand  il  le  jette,  à  connoître  fa  voix 
ou  tel  autre  fignal  qu'il  lui  donne ,  &  à  revenir  à  fon  ordre.  Pour  amener 
l'oifeau  à  ce  point ,  il  faut  fe  fervir  de  leurre. 

Le  leurre  eft  une  repréfentation  de  proie;  c'eft  un  morceau  d'étoffe 
ou  de  bois  garni  d'un  bec,  de  pieds  &  d'ailes.  On  y  attache  de  quoi 
paître  l'oifeau.  On  lui  jette  le  leurre  quand  on  veut  le  réclamer,  ou 
le  rappeler.  La  vue  d'une  nourriture  qu'il  aime,  jointe  au  cri  que  fait 
le  Fauconnier,  le  ramené  bien  vite.  Dans  la  fuite  la  voix  feule  fuffit.  On 
donne  le  nom  de  tiroir  auxdifférens  plumages  dont  on'équipe  le  leurre. 
On  change  le  plumage  fuivant  l'efpece  d'oifeau  à  la  cfiafTe  duquel  on 
veut  le  drelfer  ;  onfubftitue.à  celui  du  perdreau,  celui  du  héron  ou 
du  milan.  Pour  affriander  l'oifeau  à  fon  objet,  on  attache  fur  le  leurre 
de  la  chair  de  poulet  ou  autre,  mais  toujours  cachée  fous  les  plumes 
du  gibier  :  on  y  ajoute  du  fucre,  de  la  cannelle,  de  la  moelle  &  autres" 
ingrédiens  propres  à  échauffer  le  faucon  plutôt  à  une  chaffe  qu'à  une 
autre  :  de  forte  que  par  la  fuite,  quand  il  s'agit  de  chaffer  réellement^ 
il  tombe  fur  fa  proie  avec  une  ardeur  merveiileufe.  Quand  on  exerce 
ainfi  l'oifeau  ,  on  le  tient  attaché  à  une  ficelle  qui  a  plufieurs  toifes  de 
longueur. 

Après  plufieurs  femaines  d'exercice  on  elTaie  l'oifeau  en  pleine  cam-- 
^agne,  Onlui  attache  des  grelots  aux  pieds  pour  être  plutôt  inftruiî' 


■'s.> 


.5-8^  "^  F  A   U 

de  Tes  mouvemens.  On  le  tient  toujours  chaperonné,  c'efl-à-dlre,  îa 
tête  couverte  d'un  cuir  qui  lui  defcend  fur  les  yeux  ,  afin  qu'il  ne  voie 
que  ce  qu'on  lui  veut  montrer,  &  fi-tôt  que  les  chiens  arrêtent  ou  font 
lever  le  gibier  que  Ton  cherche,  le  Fauconnier  déchaperonne  l'oifeau 
&  le  jette  en  l'air  après  fa  proie,  Ceft  alors  une  chofe  divertiflante,  que 
de  le  voir  ramer ,  planer,  voler  en  pointe,  monter  &  s'élever  par  degrés 
&  à  reprifes,  jufqu'à  fe  perdre  de  vue  dans  la  moyenne  région  de  l'air, 
ïl  domine  ainfi  fur  la  plaine:  il  étudie  les  mouvemens  de  fa  proie  que 
î'éloignement  de  l'ennemi  a  rafluréei  puis  tout  à  coup  il  fond  deflus 
comme  un  trait ,  &:  la  rapporte  à  fon  maître  qui  le  réclame.  On  ne 
manque  pas,  fur-tout  dans  les  commencemens  ,  à  lui  donner,  quand  il 
eft  retourné  fur  le  poing,  le  géiîer  &  les  entrailles  de  la  proie  qu'il  a 
apportée.Ces  récompenfes  &  les  carefTes  du  Fauconnier  animent  l'oifeau 
à  bien  faire,  &  à  n'être  pas  libertin  ou  dépiteux,  c'efl:- à-dire  ,  à  ne  pas 
s'enfuir  pour  ne  plus  revenir  ,  ce  qui  lui  arrive  quelquefois. 

On  drefle  cies  oifeaux  au  poil ,  c'eft-à-dire,  à  pourfuivre  le  lièvre;  & 
ïl  y  en  a  qui  font  au  poil  &  à  la  plume.  On  peut  même  dreller  de 
jeunes  faucons  forts  &  vigoureux  à  la  chaiTe  du  chevreuil,  du  fanglicr 
^du  loup.  Four  y  parvenir,  on  bourre  la  peau  d'un  de  ces  animaux: 
on  met  dans  le  creux  de  fes  yeux  la  nourriture  que  l'on  a  préparée  pour 
le  faucon ,  &  on  a  foin  de  ne  point  lui  en  donner  d'autre  :  on  traîne  rani- 
ma:! mort  pour  le  faire  paroître  en  mouvement,  comme  s'il  avoit  vie, 
le  faucon  fe  jette  aulTi-tôt  deflus  ;  le  befoin  de  manger  le  rend  indus- 
trieux &  attentif  à  fe  bien  coller  fur  le  crâne  pour  fourrer  (on  bec  dans 
i'œii,  malgré  le  mouvement.  Quand  on  mené  l'oifeau  à  la  chafle,  il  ne 
manque  pas  de  fondre  fur  la  première  bête  qu'il  apperçoit ,  &  de  fe 
planter  d'abord  fur  fa  tête  pour  lui  becqueter  les  yeux  :  il  l'arrête  par 
ce  moyen  ,  &  donne  ainfi  au  Chaffeur  le  temps  de  venir  &  delà  tuer 
fans  rifque^  pendant  qu'elle  eft  plus  occupée  de  l'oifeau  que  du  Chaf- 
feur. 

Le  faucon  efl:  fujet  à  une  maladie  qu'on  appelle  crac.  Pour  y  remé- 
dier ,  il  faut  purger  les  oifeaux  avec  une  cure  de  filafle  ou  de  coton  , 
Sç  enfuite  les  paître  avec  des  viandes  macérées  dans  l'huile  d'amandes- 
douces  &  dans  l'eau  de  rhubarbe  alternativement  ;  puis  leur  donner 
,:encore  une  cure  de  filaiTe  comme  auparavant.  On  peut  lier  la  cure  avec 
jde  la  rue  ou  de  i'abfinriie  :  &  fi  l'on  remarque  que  le  mal  foit  aux 
fçins  ^  en-dehors,  il  faudra  f^ir^  tiédir  du  vin  gc  en  çtuver  ces  ^ac^ 


F  A   U  _  ^     ^  -est, 

tïes.  On  ne  dit  point  en  quoi  confifte  le  crac;  maïs  ce  qui  qÛ.  certain,, 
c'eft  que  la  plupart  des  oifeaux  de  proie  font  fujets  à  cette  maladie , 
ainfï  qu'à  la  craie ,  autre  infirmité  qui  furvient  auffi  aux  faucons ,.  & 
qui  eft  une  dureté  des  émeus ,{i  extraordinaire,  qu'il  s'y  forme  de  petites 
pierres  blanches, de  la  grolTeur  d'un  pois,lefquelIes  venant  à  boucher  le 
boyau,  caufent  fouvent  la  mort  aux  oifeaux,  fi  l'on  n'y  remédie  promp- 
tement.  Comme  ce  mal  eft  caufé  par  une  humeur  feche  &:  épaiffe ,  il 
faut  l'humeder  &  l'atténuer  en  trempant  la  pâture  dans  du  blanc  d'oeuf 
&  du  fucre  candi  battus  &  mêlés  enfemble.  On  peut  aufli  fe  fervir  de 
miel.  La  momie  eft  le  meilleur  vulnéraire  intérieur  pour  tous  les  efforts 
de  l'oifeau  de  proie.  Les  faucons  font  aufli  attaqués  d'une  efpece  de 
vers  qu'on  nomme  Filandres,  Voyez  ce  mot. 

L'intrépidité  des  faucons  eft  quelquefois  nuifible  à  leur  pennage. 
Quelques-unes  de  leurs  plumes  font  ou  faulfées  ou  brifées  par  la  vio- 
lence du  vent,  ou  dans  la  chaleur  du  combat,  &  l'on  croiroit  qu'il  n'y 
a  point  de  remède  :  on  rajufte  cependant  le  pennage  cafTé  en  entant  un 
bout  de  plume  fur  celui  qui  refte ,  au  moyen  d'une  aiguille  que  l'on 
introduit  dans  les  deux  bouts  pour  les  rejoindre ,  &  le  vôLn'en  eft 
point  retardé.  La  penne  caffée,  même  dans  le  tuyau,  fe  rejoint  à 
une  autre  en  la  chevillant  des  deux  côtés  avec  des  tuyaux  de  plumes 
de  perdrix.  Lorfque  le  pennage  n'eft  quefaufle,on  le  redreffe  en  le 
mouillant  avec  de  l'eau  chaude.  La  chaleur  &  la  preiTion  remettent  les 
plumes  dans  leur  état  naturel. 

^  Vers  le  mois  de  Mars,  qui  eft  le  temps  de  l'amour  de  ces  oifeaux, 
on  leur  fait  avaler  de  petits  cailloux  pour  détruire  leurs  œufs 
naiffans. 

FAUCON  MARIN.  Foyei  Milan  marin. 

FAUFEL.  Nom  donné  à  la  noix  d'Areque.  Foye^  à  Cartick 
Cachou. 

FAULX  ou  FLAMBEAU,  Efpece  de  tœnia  de  mer.  Voye^ 
Flambeau. 

FAUNE.  Les  Zoologiftes  donnent  ce  rrom  à  un  papillon  qui  fe 
trouve  dans  les  forêts.  Le  deffus  de  fes-  ailes  eft  brun  i,  &  a  des 
taches  jaunes  irrégulieres  :  les  premières  ailes  font  jaunes  par-delfus, 
&  ont  les  bords  nébuleux;  fur  chacune  il  y  a  un  point  blanc  qui  a 
la  figure  d'un  œil:  les  fécondes  ailes  font  d'une  couleur  fombre,  mêlée 
de  blanc  &  de  noir,  On  voit  avec  pjaifir  ce  papillon  dans  les  Cabinets 
àQ^  Curieux, 


.^  F  A    U 

FAUNE  DES  BOIS.  Voyez  à  l'article  Homme  fauvagel 

FAU-PERDRIEU.  Ceft  un  oifeau  de  rapine  du  genre  du  bufard, 
qui  prend  les  cailles  &  les  perdrix  :  il  leurre  aufli  le  lapin ,  court  fur 
le  duc  5  &:  s'enfuit  quand  il  apperçoit  le  facre.  Il  vole  au  loin^  proche 
de  terre,  &  en-haut  comme  le  milan.  Il  vole  moins  bien  que  le  fau- 
con 5  le  tiercelet  &  le  facre. 

Le  fau-perdrieu  eft  beaucoup  plus  fort  que  le  milan.  Ses  jambes 
font  plus  grandes,  plus  déliées,  jaunes  &  couvertes  de  tablettes:  fon 
bec  &  fes  ongles  font  de  couleur  plombée  &  moins  crochus  que  chez 
tous  les  autres  oifeaux  carnivores.  Il  a  la  queue  &  le  bout  des  ailes 
noires ,  le  plumage  fauve.  Le  deflus  de  la  tête  &  le  deffous  de  la 
gorge  font  blanchâtres  &  rougeâtres,  de  même  que  le  pli  de  fes  ailes, 
aux  deux  côtés  de  l'eilomac  ;  les  plumes  qui  lui^couvrent  l'oreille  font 
noires. 

On  alTure  que  le  fau-perdrieu  fait  fon  nid  fur  les  buiflbns,  fur  les 
..arbres  de  moyenne  élévation  très-ifolés  dans  les  plaines  de  TAuver- 
gne ,  le  long  des  garennes ,  oii  il  fait  beaucoup  de  dégât.  Voyez 
Bufard» 

FAUSSE-AMÉTHYSTE.  Nom  donné  à  des  fpaths  fufibles  ou 
£uors,  communément  cubiques  &  de  couleur  violette:  on  en  trouve 
aujourd'hui  en  grande  quantité  en  Angleterre. 

FAUSSE  BRANC-URSINE.  Foye^  Berce. 

FAUSSE  CHELIDOINE.  Koyei  Piekre  d'hirondelle. 

FAUSSE  CHENILLES,  Foyci  ce  mot  à  Cartide  Mouches  K 
SCIE.         '.^  .V:"" 

FAUSSE-ÈBENE.  Ceft  Vibénier  des  Alpes. 

FAUSSE-GALENE.  Les  Minéralogiftes  défignent  fous  ce  nom 
pne  fubftance  minérale  qui  a  quelque  relTemblance  pour  ie  coup- 
4'oEil  à  la  galène  de  plomb,  mais  dont  on  ne  tire  point  de  métal.  Foye^ 
,Galene. 

FAUSSES-GALLES.  Foyc^  Galles  de  Chenb. 

FAUSSE-GUIMAUVE  ou  MAUVE  DES  INDES,  ahiaîlon; 
Cette  plante,  qui  croît  dans  les  jardins,  a  une  racine  branchue,  des 
tiges  rameufes  &  hautes  de  quatre  pieds  ou  environ  ,  revêtues  dç 
feuilles  un  peu  velues  &  femblables  à  celles  des  courges.  Ses  fleurs 
naiiTent  dans  l'aiiTelle  des  feuilles  :  elles  font  jaunâtres,  &  reffemblent  à 
içelles  des  mauves  3  le  calice  eft  fimple^  anguleux  &  plifle,  Son  frui€ 


F  À  u  y^^p' 

cîl  arrondi,  cannelé  &  compofé  de  plufieurs  gaines  membraneufes  ; 
qui  s'ouvrent  en  deux  parties,  &  renferment  quelques  femences  noi- 
râtres, qui  ont  la  figure  d'un  petit  rein.  Cette  plante  eft  diurétique, 
pedorale,  agglutinante  &  confolidante. 

FAUSSE-MALACHITE.  Ceft  le  jafpe  vert-clair  de  Sibérie  :  il 
s'en  trouve  auffi  en  Saxe. 

FAUSSES-PLANTES  MARINES.    Fojei    à   Vartïck  Plantes 

Marines. 
FAUSSES-PLANTES    PARASITES.    Voy^i  au    mot  Plantes 

Parasites. 

FAUSSE-RHUBARBE.  Voyc^  Rue  des  Prés. 

FAUSSES-TEIGNES.  Voye^  à  la  fuite  de  CartlcU  Teignes. 

FAUVE,  BETE  FAUVE.  Les  Veneurs  comprennent  fous  ce  nom 
le  cerf,  le  daim  &  le  chevreuil.  Voyez  ces  mots. 

FAUVE.  Ceft  un  oifeau  des  îles  Antilles ,  ainfi  appelle  de  la 
couleur  de  fon  plumage.  Sa  groflfeur  égale  celle  d'une  poule  d'eau.  Son 
ventre  eft  blanc. 

Les  fauves  font  très  -  maigres ,  &  n'ont  guère  de  valeur  que 
par  leurs  plumes,  dont  on  fait  un  bon  débit.  Ces  oifeaux  ont  les 
pieds  palmés  comme  les  cannes,  &  le  bec  pointu  comme  la  bécafïe. 
Nul  oifeau  n'eft  aufli  ftupide  que  le  fauve;  car  foit  qu'il  fe  lafTe  de 
voler,  foit  parce  qu'il  prend  des  barques  pour  des  rochers  flottans, 
ou  des  vaifteaux  pour  des  arbres,  dès  qu'il  en  apperçoit  quelqu'un 
à  l'approche  de  la  nuit,  il  vient  aufli-tôt  fe  repofer  deflus  ,  &  avec 
une  telle  confiance  ou  étourderie  ,  qu'il  fe  laiflfe  prendre  fans  aucune 
difficulté.  Le  fauve  paroît  être  le  Fou ,  voyez  ce  mot. 

FAUVETTE,  curruca.  Ceft  un  petit  oifeau  du  genre  du  hec- 
figue,  voyez  ce  mot;  il  eft  très-connu  par  le  fon  mélodieux  de  fon 
chant:  on  en  diftingue  plufieurs  efpeces  ;  favoir,  la  fauvette  brune  ^ 
\^  fauvette  roujfe  ,  la.  fauvette  fauve,  h  fauvette  à  tête  noire  &  la  fauvette 
de  couleur  diverffile ,  &c. 

1j?l  fauvette  brune,  curruca  fufca ^  eft  prefque  femblable  au  roftîgnol,' 
mais  plus  petite.  On  l'élevé  en  cage ,  ou  elle  chante.  Elle  fe  retire 
dans  les  creux  des  murailles,  &  elle  diffère  de  fon  mâle  par  le  fom- 
met  de  la  tête ,  qui  eft  de  couleur  tannée.  Elle  fréquente  le  bord  des 
ruifleaux,  où  on  l'entend  chanter.  Elle  fait  fon  nid  fur  le  bord  des 
grands  chemins;  &  ce  nid  eft  très-artificieufement  tiflu  de  crins  de 
Tome  11^  Ssss 


^S>o  F  A  U 

cheval.  Les  oeufs  qu'elle  pond  ont  communément  une  couleur  cen* 
drée,  avec  des  taches  de  couleur  de  fer,  Ceft  le  pmit-chaps  des 
Anglois. 

l^a  fauvette,  à  tête  roujfc  ,  cmruca  riifa,  fe  retire  dans  les  chenevieres  , 
où  elle  chante  continuellement  :  elle  fe  nourrit  de  vers  qu'elle  va 
chercher  autour  des  buifTons  &  des  arbrifleaux.  Sa  gorge,  fa  poitrine 
&  fon  ventre  font  d'un  blanc  tirant  fur  le  jaune;  le  refte  eft  brunâtre. 
Elle  a  le  bec  jaunâtre  &  longuet,  la  tête  plate,  la  queue  courte  & 
jaunâtre  par-deffous ,  le  defTus  eft  de  couleur  de  rouille;  les  environs 
des  cuifles  font  noirâtres;  fes  pieds  font  longs,  déliés  &  d'un  jaune 
pâle  ;  fes  ongles  font  noirs.  Le  pennage  du  mâle  eft  plus  rougeâtre, 
La  femelle  pond  quantité  d'œufs  :  elle  conftruit  fon  nid  dans  des 
mafures,  des  buiiTons,  &  derrière  des  murailles. 

hafauvene  fauve  eft  de  couleur  de  châtaigne  ,  excepté  par  le 
devant,  qui  eft  entièrement  blanchâtre  dans  la  femelle,  &  cendré 
dans  le  mâle.  Les  grandes  plumes  des  ailes  font  noires  &  tachetées  de 
blanc. 

La  fauvette  à  tête  noire  ;  curruca  atri  capîlla  ,  porte  fur  la  tête  une 
grande  tache  noire.  Son  cou  eft  cendré  ;  le  dos  d'un  vert  obfcur  ;  la 
poitrine  &:  le  ventre  font  d'un  gris  blanchâtre;  le  bec  eft  noir,  &  les 
pieds  font  plombés.  La  fauvette  noire  &  blanche  n'eft  qu'une  variété 
de  la  fauvette  à  tête  noire. 

Toutes  les  fauvettes   fe  nourriflent  de   mouches   &    de  vers  :  elles 
ahnent  les  lieux  aquatiques.  Leur  chair  eft  apéritive,  &  fort  bonne  à 
manger.  On  élevé  de  préférence   les   fauvettes  à  tête  noire ,  à  caufe 
de  leur  chant.  On  nourrit  les  petits  fîx  jours  après  qu'ils  font  éclos  , 
avec  une  pâtée  faite  de  chenevi  écrafé,  de  perfil  haché  &  de  mie  de 
pain  bien  arrofée.  On  les  tient  dans  une  cage  ,  où  il  n'entre  de  l'air 
que  par  la  porte ,  &  on  a  foin  de  les  tenir  chaudement  dans  l'hiver.  Il 
y  a  aufîî  la  petite  fauvette ,  la  fauvette   grife  ou  la  grifette  ;  Xa  fauvette 
des  rofeaux  ,  c'eft  ïoifeau  âefauge  ^'Albin;  la  fauvette  babillarde ,  c'eft 
le  moineau  de  jonc  ,  curruca  garrula\  la  fauvette  tachetée  de  brun^  de  cendré, 
de  blanc  &  de  jaune,  curruca  nœvia ;  elle  fuit  le  bétail  dans  les  pâtu- 
rages: on  la  trouve  auflî  au  Cap  de  Bonije-Efpérance  :  la  fauvette  des 
bois  eft  la  rouffette,  voyez  ce  mot;  h  fauvette  de  haie  eft  la  paffe-bufe  , 
curruca  fepiaria  ,  ou  fauvette  de  buiffon, 
FAUX ,  facindlus^  Ojtfeau  imantopede  ou  de  la  taille  du  héron ,  & 


F  A  U  .e^i 

qui  a  toutes  les  mêmes  habitudes  :  il  approche  beaucoup  de  Tlbis.  Ses 
cuifles,  le  ventre,  le  dos,  le  cou  &  la  poitrine  font  d'un  beau  rjuge 
tirant  fur  le  brun.  Ces  deux  dernières  parties  font  particulièrement 
couvertes  de  longues  taches  brunes  ;  &  le  milieu  du  dos  eft  rempli 
de  taches  d'un  vert  obfcur.  Cette  même  couleur  fe  voit  encore  en 
quelques  endroits  des  ailes  &  de  la  queue.  Son  bec  eil  noir,  fort  long, 
&  conformé  par-devant  en  manière  de  faux ,  d'où  lui  eft  venu  loa 
nom.  Ses  jambes  de  Ces  pieds  font  de  la  même  couleur,  &  d'une éteadue 
aflez  confidérable. 

FAUX-ACACIA.  Foyei  Acacia  commun. 

FAUX-ACOKU3.  Foy^i  à  la  fulu  du  mot  AcoRUs. 

FAUX-ALBATRE.  Foye^  Alabastrite. 

FAUX-ALUN  DE  PLUME,  l^oyc^  Faux-Asbeste. 

FAUX-ASBESTE  ,  pfeudo  asbefius.  Cette  fubftance ,  qu'on  appelle 
auCCi  faux-alun  de  plume ,  eft  quelquefois  une  amiante  à  fibres  roides, 
mais  plus  commutiément  une  efpece  de  gypfe  fibreux ,  qui  fe  réduit 
facilement  en  poudre.  Sa  couleur  eft  blanche  ou  d'un  gris  cendré  nué 
de  vert.  Il  n'eft  point  réfradaire  au  feu  comme  l'asbefte ,  5c  ne  fe 
diflbut  pas  fi  facilement  que  l'alun  :  il  n'en  a  pas  la  faveur,  c'eft  pour- 
quoi on  lui  donne  Tépithete  dQ  faux-asbefîi.  On  en  vend  quelquefois  & 
par  défaut  de  connoiflance,  dans  les  boutiques  des  morceaux  fous  le 
nom  d'alun  de  plume  :  il  nous  vient  de  plufieurs  lieux  de  la  France  ; 
nous  en  avons  rencontré  une  grande  quantité  dans  la  m.ontagne  de 
Sombernon  ,  près  de  Dijon  en  Bourgogne.  Lorfqu'on  brife  cette 
matière  entre  les  doigts,  &  qu'on  en  met  la  poudr.e  fur  la  peau, 
elle  y  excite,  mais  moins  que  l'asbefte  roide,  un  picotement  fem- 
blable  à  celui  que  cauferoient  de  petites  pointes  de  plumes.  Foje:^ 
AsBESTE,  Alun   de  plume  &  Gypse. 

FAUX-EAUME  DU  PÉROU.  Voyc^  Lotier  odorant. 

FAUX-BOURDONS.  On  donne  ce  nom  aux  mâljs  des  abeilles. 
foyei  Abeille. 

FAUX-CAFÉ   Foyei  à  Farùcle  Palme  de  Christ. 

FAl^X-'^HERVI.  Foyei  Carotte  sauvage. 

FA-UX-CORAIL.  On  donne  ce  nom  ^ux  madripons  &  di\xx  éponges 
vèjiadaires,  f^oye:^  C article  Corail  y  celui  de  CoKALLiNE, 

FAUX-CUMÎN  ou  CUMIN  NOIrl.  Foye'^,  Nielle  Romainç. 

FAUX-DICTAME,  pfiudo  diclamnus,  C*cft  une  efpece  de  marrube 

Ssss  2 


^3)2'  F  A  ly 

qu'on  cultive  quelquefois  dans  les  jardins.  Sa  racine  efl  menue ,  îigneufc 
fibrée  :  elle  poufle  beaucoup  de  petites  tiges  menues ,  nouées ,  velues 
&  blanchâtres.  Ses  feuilles  font  arrondies,  reflfemblent  un  peu  à  celles 
du  didame  de  Crète,  &  font  triangulaires  comme  elles.  Ses  fleurs 
font  en  gueule ,  verticillées  ,  de  couleur  purpurine  :  il  leur  fuccede 
des  femences  oblongues.  Cette  plante  efl  defîicative  ,  &  poiïede 
d'ailleurs  les  vertus  du  véritable  didame,  mais  dans  un  degré  beau- 
coup inférieur;  elle  n'eft  pas  fi  aromatique,  ni  fi  odorante. 
FAUX-FROMENT.  Foyei  Fromental. 

FAUX-GERME.  Conception    d'un  fœtus  informe ,  imparfait ,  & 
entièrement  défectueux.  Foyei  au  vïot  Homme. 

FAUX-GRENATS.  Ce  font  les  grenats  d'or.  Foyei  ce  mot  à  tanïcU 
Or,  &  CL  celui  de  Grenat. 

FAUX-LAPIS.  C'efi:  l'émail  bleu  qu'on  retire  du  cobalt.  Voyez 
ce  mot. 

Pour  la  manière  de  retirer  cette  chaux  colorante  du  cobalt,  voye^ 
notre  Miniîralogie  &  le  dicîionnaire  de  Chimie, 

FAUX-PISTACHIER  ou  NEZ  COUPÉ,  jîaphllodendron.  Les 
fieurs  de  cet  aibrifleau  viennent  par  grappes  pendantes  :  elles  font 
longuettes,  à  cinq  étamines:  la  corolle  efi;  de  cinq  feuilles,  difpofées 
en  rofe  de  couleur  jaune,  ou  plutôt  blanc  fale.  Aux  fleurs  fuccedent 
des  fruits  membraneux,  ou  plutôt  des  veflies  remplies  d'air,  divifées 
deux  à  deux  ou  trois  à  trois ,  par  des  cloifons  membraneufes.  On  trouve 
dans  l'intérieur  de  leurs  fruits  deux  ou  trois  noyaux  ronds ,  applatis 
d'un  côté,  dont  on  fait  des  chapelets  qui  reffemblent  à  ceux  du  bois 
de  coco.  Les  fruits  du  faux-piftachier  croifTent  fi  mal  dans  ce  pays- 
jci,  &  les  amandes  en  font  fi  petites  qu'on  ne  peut  en  retirer  de  l'huile, 
comme  on  le  fait  dans  les  climats  chauds.  Les  feuilles  de  cet  arbrifleau 
font  compofées  de  trois  ou  cinq  folioles  ovales,  attachées  à  une 
nervure  commune,  terminée  par  une  feuille  impaire  j  elles  font  oppofées 
furies  branches. 

Le  faux-pifl:achier  étant  taillé,  peut  former  de  fort  jolis  builTons, 
qui  font  un  effet  très-agréable  dans  les  bofquets  du  printems,  lorfqu'on 
fait  contraftcr  leurs  grappes  jaunes  avec  les  grappes  blanches  des 
cytifes,  en  entremêlant  alternativement  ces  deux  efpeces  d'arbriffeaux, 
C'efl  improprement  qu'on  appelle  le  faux-piftachier ,  pijîache  fauyage^ 
Voyez  ce  mot. 


FAU  F  É  N  6^3 

FAUX-PRASE,  FoyeiVsEVDO-V RASES  â  ParticU  AgATE. 

FAUX-REMORA.  ;^cy.^^  Anguille. 

FAUX-SANTAL  DE  CANDIE ,  abdicea.  On  donne  ce  nom  à 
un  grand  &  bel  arbre,  droit  &  rameux,  qui  croît  fur  le  haut  des 
montagnes  de  l'île  de  Candie  ;  fes  feuilles  reflemblent  à  celles  de  l'ala- 
terne;  mais  elles  font  plus  arrondies  &  dentelées  profondément.  Son 
fruit  eft  une  baie  de  la  groffeur  &  de  la  figure  du  poivre,  de  couleur 
verte-noirâtre  ;  fon  bois  eft  dur  ,  rouge,  peu  odorant,  imitant  afîez  le 
fantal  rouge  quand  il  eft  en  poudre. 

FAUX^SCORDIUM  ou  SAUGE  SAUVAGE,  Foye^  la  fuïu  de, 
tarùde  Germandrée    d'Eau. 

FAUX-SEIGE.  Foyei  Ray-grass. 

FAUX-SÉNÉ.  C'eft  le  baguenaudkr.  Voyez  ce  mot, 

FAUX-SIMAROUBA.  Voyei  Coupaya. 

FAUX-SOLEIL.  Voyei  Parhélie. 

FAUX-SYCOMORE  ou   LILAS    DES    INDES.    Foye^    Aze- 

PARACH. 

FAUX-TURBITH.  Foye^  tankk  TUREITH  &  celui  de  Tapsie. 

FÉFÉ,  A  la  Chine  on  donne  ce  nom  à  un  finge  qui  paroît  être 
le  même  que  le  gibbon.  Voyez  ce  mot. 

FELD-SPATH  ou  SPATH  DES  CHAMPS.  Selon  les  Minéra- 
îogiftes  Allemands  ,  ce  n'eft  qu'un  quartz  irrégulier,  lamelleux  ou  feuil- 
leté ,  luifant  &  ignefcent  ;  il  donne  des  étincelles  étant  frappé  par  le 
briquet.  Le  feld-fpaht  vert  eft  le  hafalu  fpatheux  de  Cronftedt.  Foye^ 
tartïde  Quartz. 

FELOUGNE.  Foyei^  Chélidoine. 

FEMME.  Foye^  au  mot  Homme. 

FEMME  MARINE  &  POISSON  FEMME.  Foye^  h  mot  Homme 
Marin. 

FENOUIL ,  fœniculum.  On  en  diftingue  deux  efpeces  principales  j 
fâvoir,  \q  fenouil  commun  ècÏQ  fenouil  doux. 

Le  fenouil  commun  ou  fenouil  des  vignes  ,  fœniculum  vul- 
gare,  eft  celui  qu'on  vend  quelquefois  à  Paris  fous  le  faux  nom  d'anis, 
3c  ^ancih  :  voyez  ces  mots  :  &  qui ,  dans  les  pays  chauds  vient  fans 
culture  parmi  les  cailloux.  La  racine  de  ce  fenouil  eft  vivace ,  & 
dure  plufieurs  années;  elle  eft  de  la  groffeur  du  doigt,  droite,  blan- 
chcj  odorante,  d'un  goût  un  peu  doux  &  aromatique:  elle  poulTe 


6^4:  F  E  N 

une  tige  haute  de  cinq  pieds  ou  environ,  droite,  cannele'e,  noueufe  ; 
lifle,  couverte  d'une  écorce  mince,  &  de  couleur  verte  brune.  Cette 
tige  eft  remplie  intérieurement  d'une  moelle  fongueufe  &  blanche; 
elle  eft  rameufe  vers  fa  fommité,  fes  feuilles  lont  laciniées  tn  filamens 
longs,  d'un  vert  foncé,  û'un  goût  aromatique.  Ses  fonimités  foutien- 
nent  des  ombelles  ou  bouquets  larges  ,  jaunâtres,  odorans,  appuyés 
fur  un  calice  qui  fe  change  en  un  fruit  compolé  de  deux  grauies 
oblongues,  arrondies,  convexes  &  cannelées  fur  le  dos,  aplatie^-  de 
l'autre  côté,  non-acres  ,  d'un  goût  acre  un  peu  fort.  Cetie  graine  eft 
adoucie  par  la  culture,  &  la  plante  devient  un  peu  difiérente;  de  là 
naiflent  les  variétés  de  cette  efpece  de  fenouil  ;  on  la  cultive  dans 
nos  jardins.  On  fe  (ert ,  &:\  cuifine  6c  en  médecine,  des  fes  graines,  de 
fes  feuilles  &  de  fes  racines. 

Le  fenouil  doux  ,  fanicutum  dulce ,  ne  diffère  du  précédent  que 
par  fa  tige,  qui  eft  moins  haute,  plus  gréb  par  fes  feuilles,  qui  font 
plus  petites:  en  revanche ,  fes  graines,  qui  jauniflent  avec  le  temps, 
font  beaucoup  plus  grandes,  plus  douces,  &  moins  acres;  en  un  mot, 
plus  agréables  au  goTit  &  à  l'odorat. 

Nous  venons  de  dire  ci  deffus  que  le  fenouil  commun  ou  fauvage, 
devient  doux  par  la  culture;  de  même  le  fenouil  doux  ou  cultivé, 
dégénère  à  mefure  qu'on  le  refeme,  &  redevient  fenouil  commun.  On 
prétend  que  le  fenouil  eft  originaire  de  Syrie  &  des  îles  Açores  La 
racine  de  cette  plante  tient  le  premier  rang  parmi  les  cinq  grandes 
racines  apéritives:  fon  fuc  pris  à  jeun  guérit  les  fièvres  intermittentes: 
c'eft  un  ludorifique  &:  un  carminatif,  qui  fouvent  excite  des  rots 
fétides.  Toutes  les  parties  du  fenouil  corroborent  l'eftomac  ;  fes  feuilles 
en  décodion  fortifient  la  vue ,  &  excitent  le  lait  aux  nourrices. 

La  graine  du  fenouil  deflechée,eft  une  des  quatre  grandes  femences 
chaudes;  elle  facilite  la  Gigcftion,&  donne  bonne  bouche  étant  mâi.hée: 
c'cft  un  fpécifique  dans  les  fièvres  putrides  acompagnées  de  malignité. 
Son  ufage  eft  excellent  dans  les  coliques  venteufes  par  haut  &  par  bas; 
d*où  eft  venu  cet  adage  de  l'école  de  Salerne, 

Semen  fœniculi  référât  fpiracula  culi. 

On  en  fait,  avec  Teau-de-vie  &  le  fucre,  une  eau  de  fenouil  qui 
eft  fort  eftimée.  On  tire  de  cette  graine  une  huile  par  la  diftillation  , 
qui,  mêlée  avec  du  fucre,  n'eft  pas    moins   bonne  pour    guérir  l^ 


F  E  N  ^5>  j 

colique  venteufe,  aider  la  digeflion ,  &  qui  eft  utile  aux  afthmatiques. 
On  dit  que  toute  la  plante  cuite  dans  du  bouillon  ou  de  la  bouillie, 
eft  employée  utilement  pour  faire  maigrir  ceux  qui  ont  trop  d'em- 
bonpoint. En  Italie  &  en  Languedoc,  on  préfente  au  deflert  les  jeunes 
poufTes  de  fenouil  avec  le  tête  de  la  racine,  aflaiflbnnées  avec  le 
poivre,  l'huile,  6cc.  comme  on  fait  pour  la  falade.  Quelques  Apicius 
de  nos  jours  recommandent  d'envelopper  lepoifibn  dans  les  feuilles  de 
fenouil  pour  le  rendre  plus  ferme,  &c.  foit  qu'on  vueille  l'apprêter 
frais ,  foit  qu'on  le  garde  dans  la  faumure.  On  met  auffi  les  fommités 
du  fenouil  dans  les  falades,  dans  les  ragoûts  &  dans  les  court-bouillons 
de  poifibn,  pour  les  rendre  plus  favoureux. 

On  ne  cultlvoit  autrefois  le  fenouil  qu'à  Florence  ;  mais  on  en 
cultive  aujourd'hui  dans  le  Languedoc  &  dans  d'autres  lieux  fecs  & 
chauds.  On  en  feme  la  graine  en  planches.  On  cueille  la  plante  au  mois 
d'Août ,  &  elle  repoufïè  après  qu'on  l'a  coupée.  Le  fenouil  que  les 
Italiens  appellent  finocchio  ,  ne  diffère  an  fenouil  doux  que  par  l'extrême 
agrément  de  fon  goût  &  de  fon  odeur  ;  aufîi  n'eft-il  cultivé  que  pour 
être  fervi  fur  les  tables  comme  le  céleri,  en  guife  dç  falade.  Les 
Italiens  &  les  Anglois  en  font  un  grand  ufage  :  voye^  Miller  pour  la 
culture  du  finocchio, 

FENOUIL  ANNUEL  ou  HERBE   AUX  GENCIVES.    Foyei 

ViSNAGE. 

FENOUIL  MARIN.  Foye^  Passe-pierre. 

FENOUIL  DE  PORC.  Foyei  Queue  de  pourceau. 

FENOUIL  TORTU.   Foyc^  Séseli  de  Marseille. 

FENTES  MINÉRALES  &  FENTES  PERPENDICULAIRES. 
Nous  parlerons  de  cette  première  efpece  de  fentes  à  l'article  Filons: 
il  nous  fuffira  de  dire  ici  qu'on  trouve  des  fentes  dans  toutes  les 
couches  de  la  terre ,  &:  même  dans  les  pierres  difpofées  par  couches. 
Ces  fentes  font  fenfibles  &  aifées  àreconnoître,  fur-tout  dans  les  terres 
qui  n'ont  pas  été  remuées:  on  les  peut  obferver  dans  les  cavernes  & 
les  excavations  ,  &  dans  toutes  les  coupes  un  peu  profondes  des  mon- 
tagnes fecondaires:  ces  fortes  de  fentes  font  to\x\o\JiX s  perpendiculaires  ; 
ce  n'eft  que  par  accident ,  dit  M.  de  Buffon  ,  qu'elles  font  obliques  , 
comme  Tes  couches  horizontales  ne  font  inclinées  que  par  accident.  Il 
eft  vilible  que  ces  fentes  ont  été  produites  par  le  deflecheraent  & 
écartement  des  matières  qui  compofent  les  couches  horizontales,  h^s 


;^^6  F  E  N 

fentes  perpendiculaires  des  carrières  qui  font  încruflées  de  concrétions 
plus  ou  moins  régulières  &  à  demi-tranfparentes,  font  autant  de  canaux 
fouterrains  par  où  l'eau  coule  dans  les  grottes  &  les  cavernes  qui  ea 
font  les  baflins  &  les  égouts  :  vojei  Stalactites,  les  mots  Terre  , 
Filons  ,  Glaciers,  C'eft  dans  les  fentes  de  grès  ou  de  fchifte  ou 
de  roc,  que  fe  trouvent  les  métaux ,  les  minéraux,  les  criflaux ,  les 
foufres,  les  bitumes.  Dans  les  carrières  de  marbre  ou  de  pierre  à 
chaux,  les  fentes  font  remplies  de  fpath,de  gypfe,  de  fable  terreux: 
dans  les  argiles,  dans  les  craies,  dans  les  marnes ,  on  trouve  ces  fentes 
ou  vides  ou  remplies  de  matière  dépofée  par  les  eaux  de  pluie. 

FENU-GREC ,  fœnum-grœcum.  On  en  diflingue  deux  erpsces; 
l'une  cultivée ,  &  l'autre  fauvage.  Comme  cette  dernière  ne  diffère 
de  l'autre  que  par  le  défaut  de  culture,  nous  ne  parlerons  que  de  la 
première  efpece. 

Le  fénu-grec  que  l'on  cultive  dans  les  champs  a  une  racine  menue  ; 
blanche,  fimple  &  ligneufe.  Sa  tige  eft  feule,  haute  de  fix  pouces  ou 
environ,  grêle,  verte,  creufe  en  dedans,  &  rameufe.  Ses  feuilles  font 
rangées  trois  à  trois  fur  une  queue  :  elles  font  femblables  à  celles  du 
trèfle  des  prés,  mais  plus  petites  ,  un  peu  dentelées  tout  autour, 
vertes  en-delTus ,  cendrées  en-deffous.  Ses  fleurs  fortent  des  ailTelles 
de  fes  feuilles:  elles  font  légumineufes ,  blanchâtres.  Il  leur  fuccede  des 
goufles  longues  plates,  pointues,  courbées ,  étroites,  remplies  de  graines 
à-peu-près  rhomboïdales  avec  une  échancrure,  de  fubfl:ance  mucilagi- 
neufe ,   d'une  odeur  &  d'un  goût  défagréables,  qui  portent  à  la  tête. 

On  cultive  cette  plante  principalement  à  Aubervilliers  ,  d'où  on  nous 
apporte  la  femence  feche  à  Paris ,  &c.  Cette  graine  efl:  d'ufage  en  Mé- 
decine :  elle  efl  émoliiente  &  propre  à  appaifer  les  douleurs  :  on  en  fait 
du  mucilage  en  la  mettant  tremper  dans  de  l'eau  chaude  :  on  l'emploie 
dans  prefque  toutes  les  fomentations  :  c'eft  un  excellent  anodin  en  lave- 
ment pour  le  flux  de  ventre  &  les  inflammations  des  inteftins  ,  excepté 
pour  les  femmes  fujettes  à  la  paflion  hyftérique  :  fon  mucilage  convient 
aufli  dans  les  ophthalmies,  La  graine  du  fénu-grec  entre  dans  les  farines 
réfolutives.  Les  Indiens  ont  l'art  d'en  tirer  un  vin  doux  qu'ils  favent  ap- 
proprier au  befoin. 

FER , y^rrw//?.  Le  fer  eft  un  métal  peu  malléable,  mais  très- com- 
pare, folide,  très-dur,  fonore  ,  dudile,  &  le  plus  élaftlque  des  mé- 
taux ;  après  l'or  c'eft  le  plus  tenace  j  les  relforts  ou  arcs  d'acier ,  Us 

outils 


FER  <?P7 

outils  propres  à  îlmer ,  le  fon  &  l'extenfion  des  cordes  de  clavecin  , 
font  preuve  de  ces  propriétés.  La  couleur  du  fer  eft  d'un  gris  obfcur  , 
brillant  dans  l'endroit  de  lafradure  ,  où  l'on  remarque  dos  grains  rhom- 
boïdaux  :  il  eft^  après  l'étain,  le  plus  léger  des  métaux.  La  violence  des 
coups  de  marteau  redoublés ,  un  frottement  violent  &  rapide  ,  fu^ifent 
pour  le  faire  rougir  au  point  d'enflammer  des  corps  combuftibles  : 
échauffé  dans  le  feu  ,  il  pétille  ,  jette  de  longues  étincelles,  &  rougit 
long-temps  avant  que  de  fe  fondre  ;  alors  il  exhale  beaucoup  de  va- 
peurs fulfureufes  :  expofé  au  miroir  ardent ,  il  fe  vitrifie  à  demi  en 
une  matière  noirâtre  ,  fpongieufe  ,  ou  fe  dilUpe  en  écailles  étincelantes. 
Il  fe  rouille  à  l'air  &  dans  feau,  fe  dlflbut  avec  effervefcence  dans  l'eau- 
forte  &  produit  une  ochre  plus  ou  moins  foncée  ,  fuivant  la  différence 
des  menflrues  qui  font  attaqué  :  il  devient  vert  dans  l'acide  vitriolique 
on  fulfureux  ;  jaune  dans  l'acide  du  fel  marin  ,  &  rouge  dans  l'acide  ni- 
treux.  Autant  il  marque  d'antipathie  pour  le  mercure  ,  autant  il  a  de 
fÀmpathie  avec  Vaimant  (  quand  il  ne  s'y  rencontre  point  d'antimoine' 
interpofé  qui  puifTe  en  empêcher  le  jeu  )  ,  puifqu'ils  s'attirent  récipro- 
quement ;  ceci  eft  un  moyen  fuffifant  pour  reconnoître  le  fer  par -tout 
où  il  eft  fous  fa  forme  métallique  ;  telles  font  les  principales  propriétés 
du  fer. 

La  fage  Nature  toujours  attentive  à  pourvoir  au  befoin  de  l'efpece 
humaine ,  a  fu  multiplier  les  produdions  de  première  néceGlté.  Les 
plus  utiles  du  règne  végétal  &  du  règne  animal ,  font  auffi  les  pluj 
communes.  Dans  le  règne  minéral ,  le  fer  tient  un  des  premiers  rangs 
parmi  les  métaux  deftinés  à  l'ufage  de  l'homme.  La  Nature  a  donné  à 
ce  métal  des  propriétés  fans  nombre  &  très-utiles  ;  elle  l'a  répandu  auffi 
plus  abondamment  dans  les  entrailles  de  la  terre ,  qu'aucun  autre 
métal. 

Dès  les  premiers  âges  du  monde  ,  les  hom.mes  ont  connu  le  fer.  Oa 
prétend  qu'il  avoit  été  trouvé  &  travaillé  par  Tuhalcain ,  (  fils  de  La- 
mech  &  de  Scilla  )  ou  le  fixieme  defcendant  de  Caïn.  On  s'en  fervoic 
beaucoup  du  temps  d'Abraham.  On  lit  auflî  dans  les  annales  de  Leangt^ 
chou  5  que  ce  métal  a  été  rais  en  ufage  ,  mêmxe  avant  les  premiers  con- 
dudeurs  des  Chinois  ,  &  que  les  anciens  habitans  de  Pékin  connurent 
la  caftine  du  fer  ;  &  l'on  préfume  avec  aftez  de  vraiierablance  ,  que  le 
grand  Y-a  (  ou  Y-u  )  s'eft  fervi  d'inftrumens  de  fer  pour  couper  les 
montagnes ,  &:  creufer  ces  grands  canaux  qu'il  fit  pour  donner  un  libre 

Tome  IL  Tttt 


é^p8  FER 

cours  aux  eaux  qui  inondoient  alors  les  terres.  Le  fer  n'avoit  d'abord 
d'autre  ufage  que  la  culture  de  la  terre .  Le  luxe ,  Tavarice  le  font  fervir 
à  fouiller  dans  fes  entrailles  ;  l'ambition  &  la  tyrannie  en  ont  fait  des 
armes  pour  la  deftruftion  des  êtres.  Le  befoin  &  l'induftrie  l'emploient 
à  la  perfedion  des  arts.  Il  y  a  plus  ,  il  en  eft  l'ame  ,  &  l'ufage  de  ce 
métal  s'étend  par-tout. 

Le  fer  a  fes  mines  propres  &  particulières.  Il  y  a  peu  de  pays  qui 
n'ait  dans  fes  environs  des  mines  &  des  fonderies  de  fer.  Il  y  en  a  des 
mines  très-riches  en  France,  en  Angleterre  ,  en  Allemagne  ,  en  Nor- 
>"wege  5  &  même  en  Amérique  ;  mais  il  n'y  a  point  de  pays  en  Europe 
qui  en  fournifîeune  aufîî  grande  quantité  ,  de  la  meilleure  efpece,  que 
la  Suéde ,  foit  par  la  bonté  de  la  nature  de  fes  mines ,  foit  par  les  foins 
que  l'on  fe  donne  pour  le  travail  de  ce  métal.  Tous  les  Naturaliftes  qui 
ont  voyagé ,  connoifTent  la  montagne  de  fer  de  Taberg  en  Suéde.  Cette 
terre  métallique  fituée  à  quarante  lieues  de  la  mer,  &  qui  a  plus  de 
quatre  cents  pieds  de  hauteur  perpendiculaire  ,  &  une  lieue  de  circuit, 
n'eft ,  à  proprement  parler ,  qu'une  mafle  ou  filon  de  fer  très-riche  ;  ce 
qu'il  y  a  de  particulier  ,  eft  que  dans  les  environs  il  n'y  a  aucune  mine 
de  ce  métal.  Cette  montagne  qui  eft  un  des  plus  finguliers  échantillons 
du  Cabinet  de  la  Nature ,  eft  pofée  fur  un  lit  de  fable  fin  dont  elle 
paroît  avoir  été  autrefois  entièrement  couverte ,  &  femble  avoir 
été  tranfportée  -«dans  cet  endroit.  Quoique  depuis  plus  de  deux 
fiecles  on  en  ait  fait  fauter  des  maffes  énormes  ,  elle  ne  paroît  pas 
confidérablement  diminuée.  On  apperçoit  fur  la  furface  de  cette  mon- 
tagne plufieurs  crevafles  ou  fentes  remplies  de  fable  de  mer  très-fin  & 
très-pur  ;  on  y  trouve  auflî  des  os  de  cerf&  d'autres  animaux  ,  rangés 
horizontalement  dans  les  lits  de  fable.  On  trouve  auflî  aux  frontières 
de  la  Sibérie  &  de  la  Ruflie  une  montagne  abondante  en  fer  de  la  meil- 
leure qualité,  onYappdlQ  fer  de  Sibérie. 

La  minière  de  fer  eft  la  moins  profonde  :  il  y  en  a  même  beaucoup 
qui  fe  trouvent  à  la  fuperficie  de  la  terre,  ou  à  huit,  à  douze  pieds  ;  ra- 
rement les  trouve-t-on  à  cinquante  ou  foixante  pieds  de  profondeur. 
Les  bords  des  mines  de  fer  font  âpres,  raboteux,  noirâtres  ou  jaunâ- 
tres ,  &  fort  fecs  :1e  minerai  y  eft  toujours  difpofé  par  lits  ou  couches 
horizontales  ,  comme  celles  des  carrières  d'oii  l'on  tire  la  pierre  calcaire 
à  bâtir ,  ou  pierre  de  taille  ;  cependant  on  en  trouve  dans  l'ancienne 
terre  en  filons  inclinés  vers  l'hôrifon.  Le  minerai  de  la  nouvelle  terre  eft 
communément  répandu  dans  Les  premières  couches  de  la  terre ,  &  en 


FEU  6'p9 

mcfrceauxde  différentes  formes,  grofTeurs  &  couleurs.  Voici  les  divcr- 
fcs  efpeces  de  fer  dont  font  mention  les  Métallurgiftes. 

Le  fer  e(ï  rarement  pur  dans  la  terre  :  les  ouvrages  des  Mlnéralogifles 
■&  les  Cabinets  de  quelques  Curieux  en  offrent  divers  morceaux ,  qui 
communément  ne  doivent  leur  exiflence  qu'à  des  feux  fouterralns.  Ce 
fer  naturel  peut  être  traité  plus  facilement  fous  le  marteau  ,  que  la  fonte 
de  fer  :  il  eil  en  grains  ou  en  mafles  irrégulieres.  Il  s'en  trouve  des  maf- 
îes  &  des  roches  très-confidérabies  au  Sénégal,  Cependant  nous  avons 
reçu  divers  échantillons  de  fer  natif  de  Suéde  ,  englobé  dans  une  ma- 
trice quartzeufe,  comme  graniteufe  ;  il  eft  très-attirable  à  l'aimant ,  & 
s  applatit  fous  le  marteau.  Ce  fer  eft  en  criftaux  odaëdres  ,  féparés  les 
uns  des  autres  ,  plus  ou  moins  lifFe  ;  il  s'en  trouve  aufîî  en  Corfe.  Quoi- 
que plufieurs  Minéralogiftes  ,  parmi  lefquels  fe  trouve  le  célèbre  Henc 
kel,  ayent  douté  de  l'exiftence  du  fer  natif  ou  vierge  ,  {^ferrum  natïvuniy 
gediegen  Eijen  )  on  pourroit  indépendamment  de  ce  que  nous  avons 
dit  ci-deffus,  leur  en  citer  d'autres  preuves.  On  prétend  que  le  cabinet 
Minéralogique  de  Freyberg  en  Saxe  poffede  un  morceau  de  fer  vierge 
taxé  par  les  Curieux  à  2000  florins  pour  fa  rareté  (  environ  ypoo  liv.  de 
notre  monnoie  ).  On  en  a  découvert  dans  la  baffe  Allemagne  ;  M.  le 
Baron  M  Hupfch  à  Cologne  a  trouvé  dans  TElfel  fur  le  territoire  du 
Duché  de  Juliers,  un  morceau  de  ce  fer  vierge  en  maffe  irréguliere 
<qui  avoit  été  tiré  d'une  mine  avec  plufieurs  autres  mines  de  fer.  Ces 
exemples,  quoique  rares,  fuflRfent  pour  juftifier  le  fentiment  de  MM. 
WalUrius  ,   Lïnnmis  ^  Marggraf^  Stahl ,  &c.  fur  l'exiftence  du  fer  natif. 

La  Mine  de  fer  cristallisée  eft  aufîi  très- rare  :  elle  eft  ou  odaë- 
dre,  ou  cubique  ;  quelquefois  fon  tiffu  imite  celui  de  la  mine  de  plomb 
«n  boutons  ou  à  gros  grains.  Il  y  en  a  aufîi  de  lamelleufes ,  en  crête 
de  coq  ,  à  facettes.  Il  s'en  trouve  encore  en  bafTe  Navarre.  Sa  couleur 
varie  ;  il  y  en  a  de  brillantes ,  d'autres  tirent  fur  la  rouille  ou  font  exté- 
rieurement d'un  brun  obfcur.  En  général  cette  forte  de  mine  eft  trop 
minéralifée  pour  que  l'aimant  l'attire.  La  fameufe  mine  de  fer  de  l'ile 
d'Elbe  5  fur  la  côte  de  Tofcane  ,  connue  du  temps  des  Romains ,  eft  en 
beaux  criftaux  chatoyans  la  gorge  de  pigeon.  Cette  même  efpece  de 
mine  eft  retrouvée  ,  &  les  morceaux  qu'on  nous  a  envoyés  de  cet  en-» 
droit ,  font  de  la  plus  grande  beauté. 

Ce  qui  fuit  va  faire  connoître  que  le  fer  ,  ainfï  que  le  cuivre ,  eft 
fufceptible  d'avoir,  dans  l'état  de  mine  ,  toutes  les  formes  &  couleurs 
;poiïIbles«  T  ttt  2 


70  0  F  E  R 

La  Mine  de  ter  blanche  efl  rameufe  &  comme  en  ftaladlteî 
elle  contient  pour  l'ordinaire  très-peu  de  fer  ;  telle  eft  celle  des  Pyré- 
nées. On  prétend  qu'on  en  trouve  qui  produit  à  la  fonte  depuis  vingt, 
cinq  jufqu'à  quatre-vingts  livres  de  fer  par  quintal  ;  mais  elle  n'eft  pas 
attirabie  à  l'aimant  :  on  nomme  cette  mine  de  (qï  fios  ferri ;  telle  eft  celle 
de  Stirie.  La  mine  de  fer  blanche  en  criftaux  ou  poreufe,  eft  grisâtre: 
celle  qui  refTemble  à  du  fpath  fullble  chatoyante  &  lamelleufe ,  eft 
d'une  couleur  fauve,  ou  blanche,  ou  noire;  elle  eft  très- bonne  à  la 
fonte,  mais  nos  Fondeurs  n'ont  pas  toujours  l'art  d'en  tirer  tout  le 
fer,  ni  d'en  féparer  l'alliage  :  telle  eft  la  mine  d'Alvare  en  Dauphiné 
qui  eft  en  filon  &  remplie  de  plomb  blanc ,  de  galène  &  de  pyrite  de 
cuivre.  La  mine  de  Champelite  en  Franche- Comté  a  une  grande 
lefTemblance  à  de  lacaftine  grife  ou  à  de  la  marne  blanche.  Quand  on 
fait  rougir  dans  le  feu  ces  fortes  de  mines ,  elles  noirciffent  aufli-tôt  ; 
mais  expofées  à  l'air  libre ,  elle  y  acquièrent  une  couleur  rougeâtre. 
Il  y  a  aulïi  la  mine  àefcr  en  grenats  noirâtres. 

La  Mine  de  fer  a  superficie  spéculaire  eft  d'un  brun  fauve, 
quelquefois  noire:  elle  eft  ou  lamelleufe,  ou  ftriée  ou  contournée,  ou 
jhomboïdale  &  luifante,  comme  du  fpath  vitreux  ou  de  la  galène  ; 
c'eft  pourquoi  on  l'appelle  mine  de  fa  à  facettes  ou  miroitée:  elle  con- 
tient beaucoup  de  bon  fer:  on  en  trouve  à  Valdajo  en  Lorraine,  & 
dans  la  mine  d'Alvare  j  mais  particulièrement  en  Suéde,  celle-ci  reflfem- 
ble  à  du  fer  poli. 

La  Mine  de  fer  d'un  gris  de  cendre  eft  très-riche  en  métal; 
elle  blanchit  à  la  comminution  :  elle  eft  fouvent  mêlée  d'arfenic ,  de 
pyrite  &  d'antimoine  :  c'eft  peut-être  une  des  caufes  pourquoi  l'aimant 
ne  i'âttire  pas.  Son  tiffu  eft  communément  granuleux,  ou  en  points  bril- 
lans.  Les  Fondeurs  mettent  cette  forte  de  mine  au  nombre  des 
mines  feches  :  on  en  trouve  beaucoup  en  Suéde ,  en  Bohême  &  en 
Saxe. 

.  La  Mine  de  fer  bleuâtre  eft  quelquefois  rougeâtre  &  granu- 
leufe,  fouvent  brillante  dans  l'endroit  de  fa  fradure,  &  par  veines  ou 
par  couches  alternatives  :  quoique  riche  en  fer ,  elle  n'eft  que  peu  ou 
point  attirée  par  l'aimant  :  elle  eft  plus  ou  moins  facile  à  fondre ,  félon 
la  quantité  de  fpath  vitreux  &  de  pyrites  qui  s'y  rencontrent.  On  en 
trouve  confidérablement  en  Suéde  :  oa  croit  que  fa  couleur  bleue  eft 
l'effet  d'une  inhalation  minéralifatriçe, 


FER  70 1 

La  Mine  de  f  er  noiratee  eft  très-pefante ,  compade ,  d'une 
couleur  plus  foncée  que  n'eft  le  fer  purifié  :  cette  mine  contient  tant 
de  métal,  qu'il  n'eft  pas  rare  de  la  voir  fortement  attirée  par  l'aimant, 
&  rendre  à  la  fonte  depuis  cinquante  jufqu'à  foixante  &  même  quatre- 
vingts  livres  par  quintal.  Cependant;  les  Fondeurs  de  mines  la  regardent 
comme  une  des  principales  mines  feches;  on  en  trouve  quelquefois  de 
beaux  morceaux  à  Geromagny.  Elle  eft  très-commune  en  Suéde,  & 
fouv^nt  environnée  ou  englobée  de  mica  ôc  d'asbefte,  &  alliée  à  la 
blende. 

Rien  n'eft  plus  varié  que  la  figure  des  parties  de  cette  efpece  de 
mine  :  étant  caiTée  elle  préfente  ordinairement  des  grains  ou  points 
briilans  ou  paillettes  luifantes  ,  qui  différent  par  la  fineffe  des 
parties. 

La  Mine  de  fer  arsenicale  eft  minéralifée  par  l'arfénic  ,  le 
foufre,  &c.  Elle  eft  très-dure  ,  de  la  plus  difficile  fufion,  même  vorace 
&  réfradaire.  Sa  couleur  eft  ou  argentine  ,  brillante  ,  ou  noirâtre  :  elle 
eft  ou  ftriée  ou  lamelleufe ,  &  comme  cubique,  reffemblant  un  peu 
ou  à  de  la  mine  d'antimoine  ou  aux  criftaux  d'étain  minéralifés  :  cette 
mine  compade  eft  fouvent  auflî  formée  de  TaiTemblage  de  plufieurs 
petits  grains  briilans ,  ou  en  criftaux  polyèdres ,  étroitement  unis  les 
uns  aux  autres.  Elle  donne  quelquefois  des  étincelles  avec  l'acier:  elle 
devient  rouge  à  mefure  qu'on  l'écrafe.  Il  n'eft  pas  rare  d'y  rencontrer 
de  la  pyrite  ou  de  la  galène  de  plomb;  c'eft  pourquoi  on  la  nomme 
gaUne  de  fer.  On  en  trouve  en  Suéde,  en  Bohême,  en  Canada,  en 
Saxe,  &  quelque  peu  en  Lorraine.  C'eft  une  efpece  de  wolfram.  Voyez 
ce  mot  ;  voyez  aulfi  le  Traité  des  Mines  par  Lchmann. 

La  Mine  de  fer  appellée  Pierre  hématite  ou  Ferret  d'Es- 
pagne ou  Sanguine  a  brunir  ,  hématites  fchijlus  ,  eft  en  quelque 
forte  la  mine  de  fer  la  plus  riche.  Sa  forme  eft  extérieurement,  ou 
mamelonnée,  ou  protubérancée  comme  des  rognons  ou  ftriée;  tou- 
jours convexe  en  fa  fuperficie  ,  fes  aiguilles  forment  intérieurement 
une  pyramide  irréguliere.  On  en  trouve  des  morceaux  qui  s'éclatent, 
&  qui  ont  la  configuration  de  bois  un  peu  pourri;  c'eft  pourquoi  on 
i'appelle  fer  fciffile.  Cette  mine  eft  brillante  en  dehors  &  dans  l'inté- 
rieur, fouvent  luifante,  toujours  dure,  compade,  nullement  attirable 
par  l'aimant.  Le  fer  qu'elle  fournit  eft  aigre ,  caftant ,  au  point  qu'on 
ne  peut  le  rendre  malléable ,  qu'en  le  mêlant  avec  une  mine  de  fer 


vdoux  Se  pitiS  pauvre:  cîlo  produit  fou  vent  dans  la  fonte  depuis  qua- 
rante jufquà  foixante  &  même  quatre-vingts  livres  de  fer  par  quintal. 
Ce  fer  devient  alors  très-attirable  à  l'aimant.  Les  principales  mines 
de  pierre  hématite  font  en  Efpagne  dans  la  Galice.  Les  habitans  de 
Compoftelle  en  font  un  aflfez  bon  commerce,  parce  que  cette  mine 
de  fer  eft  très-recherchée  par  fa  dureté  &  par  la  propriété  qu'elle  a 
de  polir  les  glaces,  J'or  en  feuilles ,  l'acier  &  les  autres  métaux.  Les 
Doreurs  &  les  Orfèvres  s'en  fervent  pour  brunir,  &  les  Arquebufiers 
pour  bronzer  les  canons  da  fufils  &  de  piftolets.  Uhé/natite  d'E/pagne 
eft  rouge  pourpre  ;  celle  du  pays  de  Heiîe  eft  rouge  brun  ;  celle  de 
nie  d'Eibe  fur  la  côte  de  Tofcane  eft  brune  noirâtre  luifante;  celle  de  la 
Lombardie&  de  la  Forêt  noire  en  Allemagne  eft  globuleufe  &  noire, 
difpofée  par  couches  alternatives  &  hémàfphériques.  Il  y  a  beaucoup 
de  pierre  hématite  aux  environs  de  Framont .,  fameufe  montagne 
fituée  dans  la  Principauté  de  Salm.,  lieu  où  nos  ancêtres  faifoient  des 
Sacrifices  aux  Divinités  païennes.  Il  y  a  aulli  de  l'hématite  noire  en 
colonnes  pyramidales  ou  en  aiguilles  cylindriques  ifolées  ;  c'eft  une 
jsfpece  de  ftaladite  de  fer  commune  en  Lorraine  &  à  Eybenftock.  On 
en  trouve  aufti  de  la  même  qualité  fous  une  forme  de  végétation;  celle 
du  Duché  de  Foix  eft  tubuleufe. 

La  mine  de  fer  appellée  Aimant  (  magnes)  eft  grenelée,  de  diffé- 
rentes couleurs  &  figures,  aifez  femblable  en  poids  &  en  couleur  à 
i'efpece  de  mine  de  fer  qu'on  appelle  fer  en  roche.  On  ne  réduit  point 
l'aimant  dans  les  fonderies  de  fer,  parce  que  ce  minerai  entre  très- 
difficilement  en  fufion ,  &  qu'il  ne  donne  qu'une  très-petite  quantité 
d'un  aflez  mauvais  fer.  On  reconnoît  cette  mine  à  la  propriété  qu'elle 
a  d*attirer  la  limaille  &  de  petits  morceaux  de  fer,  &  d'indiquer  les  Pôles, 
J^oye:^  le  mot  Aimant  pour  fes  propriétés  phyfiques. 

Tous  les  pays  qui  ont  des  mines  de  fer ,  ont  auftl  du  minerai 
/d'aimant.  L'Afrique  en  a  dans  l'Ethiopie  :  l'Efpagne  dans  la  Bifcaye; 
îa  France  dans  l'Auvergne,  le  Hainaut,  la  Lorraine  &  le  Sau- 
murois  ;  le  Nord  dans  les  pays  de  Gothland  &  de  Vermland  en 
Suéde,  &c. 

La  mine  de  fer  appellée  Emeril,  (/^ym)  eft  vorace,  réfra^iaire, 
&  fi  pauvre,  qu'on  n'en  tire  prefque  rien.  Sa  couleur  eft  tantôt  cendrée 
,ou  grisâtre,  tantôt  brune  ou  rougeâtre  ,  &  reflembîe  à  une  pierre: 
^I}e  eft  très  pefante,  &  d'une  dureté  fi  extraordinaire,  que  pour  la 


FER  703 

mettre  en  poudre ,  l'on  eft  obligé  de  fe  fervlr  de  moulins  ou  de  machines 
d'acier ,  inventées  à  cet  effet.  Le  peu  de  métal  que  contient  l'émeriî 
n'eft  point  attirable  à  l'aimant,  &  ne  fait  point  effervefcence  avec 
l'eau  forte  :  il  durcit  au  feu ,  &  ne  peut  fe  fondre  fans  un  flux  très- 
puiflTant;  mais  ce  n'eft  point  pour  le  réduire  en  métal,  qu'on  exploite 
l'émeril;  car  on  n'en  tireroit  que  difficile,ment  très-peu  de  mauvais  fer  ; 
c'eft  à  caufe  de  fes  propriétés  pour  les  Arts  ;  divers  Ouvriers  s'en 
fervent  à  fec,  à  feau,  à  l'huile,  ou  pour  dégrolfir  ou  pour  polir  les- 
ouvrages  de  verreries  &  les  métaux  ,  tels  que  les  armes  de  fer  & 
d'acier,  &  les  glaces;  pour  tailler,  nettoyer  &  adoucir  quantité  de 
matières  pierreufes.  On  appelle  potée  ou  bouc  d'imcril  la  fubftance  qui 
fe  trouve  au  fond  de  l'auge  des  Lapidaires  qui  emploient  fémeril. 

Les  mines  d'émeril  qui  fe  trouvent  à  Gerfey  &  à  Gernefey  ,  îles  An- 
gloifes  proche  des  cates  de  Normandie ,  donnent  un  minerai  grisâtre 
&  folide  ;  celui  d'Efpagne  eft  également  grisâtre  ,  mais  lamelleux;  celui 
du  Pérou  eft  rougeâtre,  brunâtre  ,  tendre ,  graveleux,  plein  de  paillet- 
tes de  mica  ,  &  parfemé  de  petits  points  d'or  &  d'argent  effedifs  ;  ce- 
qui  le  fait  nommer  émcril  d'or ,  émeril  cTarg&nt  ;il  y  a  aulîl  Vémerll  de  cui- 
vre. On  en  fépare  l'or  par  l'amalgame  avec  le  mercure.  On  fait  que  l'ex- 
portation en  eft  prohibée.  (  Quelques-uns  foupçonnent  que  cet  émerit 
eft  le  chumpi^  décrit  par  Alon^o  Barba,  &  la  mine  de  platine  des  mo- 
dernes.) On  ne  voit  cette  forte  d'émeril ,  ainfi  que  celui  de  Naxie  en 
Grèce  ,  que  dans  les  plus  riches  cabinets  où  il  y  a  des  droguiers  com- 
plets. On  trouve  dans  les  Mhn,  de  VAcad,  des  Sciences  de  ly^y ,  un  pro- 
cédé pour  féparer  l'or  d'avec  fémeri].  L'émeril  noirâtre  eft  aufii  fort 
rare  :  il  eft  orné  de  points  pyriteux  ;  on  le  trouve  en  Pologne  &  en  An- 
gleterre. 

La  mine  de  fer,  appelée  Manganaise  ou  Magnésie  (^magaka  )  par 
les  Verriers  ,  eft  encore  une  mine  réfradaire,  pauvre  &  aigre  :  elle  efir 
grenelée  ou  ftriée  ,  d'un  bleu  noirâtre ,  &  falit  les  mains.  La  mahga- 
naife  ne  contient  guère  que  dix  livres  de  métal  par  cent  ;  encore  M.  Pote 
prétend -il  que  le  fer  eft  étranger  à  la  vraie  condition  de  la  manganaife» 
Quelle  eft  donc  la  nature  de  cette  matière  métallique  ,  feroit-ce  une 
hlende,  efpece  de  zinc  ?  Le  tiflii  de  cette  mine  n'eft  pas  toujours  grenelé; 
fouvent  il. eft  compofé  de  ftries  ou  d'écaillés  plus  ou  moins  fines,  qui 
fe  croifent.  Cette  mine  eft  fouvent  traverfée  de  filons  quartzeux  ou  py- 
riteux: elle  produit  au  feu  un  verre  jaune  ou  violet,  On  la  trouve  dans 


704  FER 

le  Piémont ,  dans  la  Tofcane  ,  dans  la  Bohême ,  en  Norwege  &  en 
Angleterre ,  proche  les  collines  de  Mendippo ,  dans  le  Comté  de  Som- 
merfet. 

La  manganaife  fert  aux  Potiers  de  terre  pour  noircir  les  couvertes 
de  leurs  ouvrages  ;  les  Verriers  en  mettent  auflî  dans  le  verre  fondu  , 
pour  lui  enlever  fa  couleur  bleuâtre  ou  vjrdâtre ,  &  lui  donner  une 
tranfparence  fans  couleur  ;  c'eft  de-îà  qu'on  l'a  appelée  \<zfdvon  du  verre* 
Les  Emailleurs  ont  remarqué  que  ,  quand  on  en  met  trop  dans  le  verre 
fondu,  loin  de  le  puritier  &  de  le  blanchir,  eîle  augmente  la  couleur 
bleuâtre  ,  &  le  rend  un  peu  opaque  ou  d'une  couleur  pourpre  ;  tel  eft 
le  défaut  trop  comm.un  du  verre  de  Saxe  &  de  Bohême. 

La  mine  de  fer,  appelée  Pierre  du  Périgord  (  Lipis  paracor'ms  ), 
eft  une  fubftance  mé.tallique ,  que  Ton  peut  mettre  au  nombre  des  mi- 
nes de  fer  de  la  moindre  efpece  ou  pauvres.  La  pierre  de  Périgord  a 
été  nommée  aiofi  ,  parce  que  la  première  a  été  trouvée  en  terre  perdue , 
à  deux  lieues  aux  environs  de  Peroufe  dans  le  Périgord.  Ce  que  les 
Droguiftes  vendent  fous  le  nom  de  pierre  de  Périgueux  ,  a  des  formes  & 
des  propriétés  peu  confiantes  ;  nous  en  avons  vu  qui  étoit  à  tous  égards 
«ne  efpece  de  manganaife  ;  d'autre  qui  n'étoit  qu'une  efpece  de  fcorie 
de  fer  ou  de  mâchefer.  Cette  dernière,  qui  eft  la  plus  ordinaire,  eft 
poreufe  ,  d'un  noir  jaunâtre  ,  facile  à  cafter  ,  mais  difficile  à  réduire  en 
poudre,  femblable  à  cette  forte  de  faux  fer  que  l'on  trouve  répandu 
fur  la  furface  des  terres  ,  dans  les  vallées ,  dans  les  bois ,  &  par-tout 
oii  il  y  a  eu  autrefois  de  petites  fonderies  ou  forges  portatives  :  on  en 
trouve  auili  dans  les  environs  des  volcans. 

La  Mine  de  Fer  micacée  {mlcaferrea)  ,  eft  fouvent  arfénicale  , 
compofée  d'écaiiles  très-minces ,  brillantes  &  peu  compares ,  facile  à 
écrafer  &  tachant  les  doigts.  Sa  couleur  eft  tannée  ,  obfcure  ;  elle  de- 
vient rouge  par  le  frottement  :  elle  donne  à  la  fufion  un  fer  aigre  &  cal- 
fan  t.  C'eft  une  efpece  à^eifenran  :  voyez  Eifcn-man, 

La  Mine  de  Fer  limoneuse  eft  compofée  de  particules  de  fer  très- 
atténuées.  Leur  couleur  eft  ou  bleuâtre  ,  ou  rougeâtre ,  ou  jaunâtre 
comme  du  fer  rouillé.  Dans  le  premier  cas  ,  c'eft  une  bonne  mine  de  fer 
noirâtre  ,  comminuée  &  charriée  par  des  courans  d'eau  qui  fe  rendent 
dans  des  lacs  ou  des  étangs ,  ou  au  bord  des  rivières  ;  c'eft -ià  que  les 
portions  métalliques  fe  feront  dépofées  en  forme  de  fédiment  ou  de  mine 
égarée.  Dans  le  fécond  &  troifieme  cas ,  c'eft  une  eauacido-minérale, 

qui 


FER  70  y 

qui  arrofe  des  mines  de  fer,  en  charrie,  décompofe  &  précipite  une 
partie  fous  la  forme  ^ochrc  martiaU  j aune ,  ou  de  fanguinc  à  crayon  ; 
c'eft  communément  dans  des  endroits  creux  &  ferrés  qu'on  trouve  cette 
efpece  de  mine  de  fer.  Souvent  ces  ochres  ne  font  que  des  décompofi- 
tions  de  pyrites  fulfureufes  &  martiales  ,  dépofées  &  unies  peut-être  à 
de  la  terre  argileufe. 

Les  mines  limoneufes  font  toujours  graveleufes  ,  fablonneufes  & 
caverneufes  :  on  les  trouve  par  couches  &  par  lits  fous  l'eau ,  &  fous  la 
forme  d'une  matière  terreufe  peu  compade ,  dans  les  endroits  humides 
ou  marécageux  :  elles  femblent  s'y  être  formées  comme  le  tuf.  Il  n'eft 
pas  rare  d'y  rencontrer  des  corps  étrangers.  Le  fer  qu'on  en  retire  par 
la  réduction  ,  n'eft  que  peu  ou  point  attirable  à  l'aimant  ;  tantôt  il  eft 
caflant  à  froid,  tantôt  il  cafîe  à  chaud  :  c'eft,  à  proprement  parler, 
une  mine  ochracée  de  fer,  mais  qui  diffère  un  peu  de  l'ochre.  yoyei 
OcHRE.  On  trouve  de  ces  mines  en  plufîeurs  endroits  de  l'Europe,  & 
particulièrement  en  France. 

Il  eft  rare  qu'on  travaille  à  réduire  les  mines  d'ochre ,  tandis  que  les 
Mineurs  exploitent  &  fondent  volontiers  les  mines  limoneufes.  La  figure 
bizarre  qu'on  remarque  dans  les  diverfes  glèbes  ou  morceaux  de  cette 
efpece  de  mine ,  eft  aflez  difficile  à  expliquer.  L'une  eft  tantôt  rougeâ- 
tre  &  à  petit  grain  ;  une  autre  eft  verdâtre  ,  happe  à  la  langue  ,  &  eft 
ou  fableufe  ou  en  grains  gros  comme  des  avelines  ;  une  autre  eft  noire 
comme  du  fer  brûlé,  ou  poreufe  comme  l'oftéocolle,  ou  en  bâtons 
comme  des  ftaladites ,  ce  qui  la  fait  appeler  mine  de  fir  à  tuyau-,  ou. 
en  globules  ,  détachés  &:  arrondis  comme  des  pois  ,  ou  ovoïdes  aplatis 
comme  des  fèves  ,  ce  qui  la  fait  appeler  mine  de  pois  ou  mine  de  fevz.s  :  fi 
ces  globules  font  réunis  ou  grouppés  en  maffe,  alors  on  dit,  mine  de 
fer  en  poudingue.  Les  mines  de  fer  limoneufes ,  en  godets,  en  géodes 
ou  pierres  d'aigles ,  ou  lenticulaires ,  ou  en  rognons ,  &c.  appartien- 
nent encore  à  cette  efpece. 

La  Mine  de  Fer  en  sable  ou  arénacée,  n'eft  communément 
qu'un  amas  de  grains  de  fer  qui  ont  été  entraînés  de  leur  minière  par 
où  l'eau  a  pafle ,  dégroffis  par  le  frottement  &  la  longueur  du  roulis, 
enfin  dépofésfur  les  havres,  dans  les  endroits  où  l'eau fe  perd  dans  la  mar. 
Ce  fer,  dont  on  vient  de  découvrir  dans  la  Virginie  une  très-belle  mi- 
ne ,  eft  fouvent  très- riche,  attirable  à  l'aimant,  un  peu  malléable,  &:  par 
conféquent  une  efpece  à^fer  viergcSd.  couleur  eft  d'un  noir  plus  ou  moins 

Tome  IL  V  v  v  v 


70^  FER 

foncé  ;  il  fend  à  la  fufion  jufqu'à  quatre-vingts  livres  de  fer  par  quintal. 
Lamine  de  fer  en  fable  n*eft  donc  qu'une  mine  de  tranfport.  Cette  mine 
de  fer  en  fable  ne  doit  pas  être  confondue  avec  la  mine  fabloneufe  qui 
ne  contient  ordinairement  que  peu  de  fer,  beaucoup  de  fable  quart- 
zeux  ou  fpatheux ,  &  dont  la  couleur  eft  ochracée  &  la  forme  ondu- 
leufe.  C'eft  ordinairement  dans  un  fable  de  cette  efpece  que  fe  trouve 
For  en  paillettes ,  ou  l'or  de  lavage.  Foyc\  Ok, 

Obfervations  générales  fur  le  Fer  &  fcs  ufages. 

On  voit,  par  ce  qui  vient  d'être  expofé,  que  le  fer  fe  rencontre 
dans  les  eaux,  dans  les  différentes  terres  &  dans  les  pierres  :  il  eft  allié 
à  quantité  de  minéraux,  de  pyrites  ,  de  demi-métaux  &  de  métaux, 
&  fur-tout  avec  les  mines  d*or.  Suivant  la  nature  des  menftrues  qui 
l'ont  attaqué,  ces  menftrues  fe  colorent  différemment,  &  fe  filtrant 
ainfî  à  travers  les  matières  fofîiles,  ils  impriment  leur  teinte  à  quantité 
de  marbres,  d'argiles  à  Potiers,  de  jafpes,  d'agathes,  de  criftaux,  de 
pierres  précieufes,  de  pétrifications,  &c.  il  fe  trouve  dans  les  végétaux 
&  dans  les  animaux;  en  un  mot,  tout  notre  globe  &  tout  ce  qui  y  efl 
contenu  eft  mêlé  de  parties  de  fer  :  mais  fi  le  fer  eft  le  métal  le  plus 
abondant  dans  les  mines ,  il  eft  aufîi  celui  qui  eft  le  plus  facile  d'en 
tirer.  Ainfi  rien  de  fi  commun  que  les  mines  de  fer  ,  &  de  fi  varié  : 
figure, couleur, mélange,  profondeur,  inégalité  prefque  par-tout  diflé- 
rentes. 

C'eft  en  confultant  les  Ouvrages  des  Métallurgiftes ,  Emanuel  Swe- 
denborg de  Ferro  ,  le  Diélionnaire  de  Chimie,  celui  des  Arts  &  Métiers', 
&  notre  Minéralogie,  qu'on  y  apprendra  les  moyens  d'approprier  ce 
métal  à  nos  bc*bins.  Nous  devons  encore  dire  ici  qu'en  lyyy  l'Académie 
de  Befançon  avoit  propofé  pour  fujet  du  Prix  qu'elle  devoit  diftribuer 
en  l'f^C'.Dcdéurminer  la  meilleure  manière  de  conflruire  &  de  gouverner 
un  fourneau,  de  fondre  les  mines  de  fer  relativement  à  leurs  di^êrentes  efpeces-; 
de  diminuer  la  confomrnadon  des  charbons ,  d'accélérer  le  temps  de  chaque 
coulée ,  6'  de  donner  une  meilleure  qualité  au  fer  &  à  la  fonte  :  cet  objet 
a  été  rempli  par  M.  Robert,  Maître  de  Forges,  ôtc.  fous  le  titre  Ôq 
Méthode  pour  laver  &  fondre  avec  économie  les  mines  de  fer  relativement  a 
leurs  différmtes  efpcces.  Mais  comme  les  détails  que  préfente  ce  Mémoire 
ne  fauroicnt  être  compris  fans  le  fecours  des  figures,  nous  renvoyon-s 
I103  Le(?ciurs  à  l'Ouvrage  même,  qui  eft  imprimé  in-iz,  à. Paris.. 


F  E  K  707 

'Communément  II  faut  écrafer  &  laver  la  mîne  de  Ter  dans  une  foiTe 
a'ppelée  lavoir  ou  patouillard ,  avec  une  eau  courante  qui  emporte  les 
parties  terreufes  inutiles.  On  le  fond  enfuite  à  l'aide  d'un  fondant  &  d'un 
feu  violent  &  entretenu  à  force  de  charbon.  (La  plupart  des  mines  de 
fer  blanches,  &  celles  qui  font  mêlées  d'arfenic ,  demandent  à  être  gril- 
lées &  enfuite  expofées  à  l'air,  préalablement  avant  que  de  les  laver.) 
On  tient  le  fer  fondu  pendant  douze  heures;  puis  on  le  coule  en  lingots, 
dans  des  moules  ou  ruiffeaux  triangulaires  de  fable.  Ce  fer  de  première 
fonte  s'appelle  yèr  en  gueufe  ou.  fer  de  fonte.  Chaque  lingot  pefe  dix-huit 
cents  livres  ou  environ:  c'eft  avec  ce  fer  qu'on  fait  des  pots,  des  vafes^ 
des  tuyaux,  des  boulets  de  canon,  des  bombes,  des  mortiers,  des 
marmites ,  des  poids  à  pefer,  des  contre-cœurs  de  cheminée.  Si  l'on 
vouloitdes  uftenfiles  plus  fins, il  faudroit  tenir  le  fer  en  fufion  pendant 
feize  heures  au  moins.  On  prétend  que  le  fer  ayant  la  propriété  d'aug- 
menter de  volume  en  cefTant  d'être  fluide,  donne  aux  vafes  jetés  en 
inouïe  la  régularité  &  la  précifion  qu'on  leur  reconnoît. 

On  peut,  dans  finftant  de  la  fonte,  connoître  fi  le  fer  efl:  cafTant 
.à  froid  ou  à  chaud.  Le  premier  eft  le  fer  doux  :  il  eft  dudile,  très-mal->. 
léable  étant  rouge;  mais  il  eft  fragile  &  cafle  fous  le  marteau  étant 
refroidi.  Le  fer  caflant  à  chaud  eft  le  fer  ferme  ;  étant  rougi ,  il  fe  cafle 
fous  le  marteau ,  &  fe  fépare  par  éclats  en  beaucoup  de  morceaux  ; 
-mais  étant  refroidi ,  il  prend  du  corps ,  réfifte  au  marteau,  &  s'y  laifle 
«n  quelque  forte  étendre  plutôt  que  d'y  cafler.  Quand  le  fer  eft  doux  &. 
dudile,  fes  parties  font  dans  l'endroit  de  la  fradure  petites  comme  du. 
fable  fin;  mais  lorfqu'il  eft  aigre  &  fragile,  elles  font  grofles,  angu- 
leufes  oc  offrent  à  l'œil  des  parties  comme  rhomboïdales.  Pour  purifier 
davantage  le  fer,  on  le  fait  pafler  par  la  forge  de  l'affinerie,  ou  on 
le  fond  de  nouveau,  en  le  remuant  fortement  avec  des  barres  de  fer. 
Lorfqu'il  eft  à  demi  refroidi,  on  le  porte  fur  des  enclumes,  où,  à  l'aide 
d'un  marteau  de  plus  de  fix  cents  livres  pefant,  on  le  bat  &l  rebat  en 
tous  fens;  alors  le  fer  eft  malléable.  On  le  porte  de-là  à  la  chaufferie, 
où  après  avoir  fupporté  la  violence  du  feu  jufqu'à  l'incandefcence,  on 
le  travaille  de  nouveau  fur  l'enclume  ,  &  à  l'aide  des  bras  nerveux  des 
Forgerons,  on  le  travaille  &  on  l'étend  de  la  manière  que  l'on  veut,  en 
lîarres  rondes  ,  ou  carrées,  ou  plates,  en  carillons,  en  bottes ,  en  cour- 
ions ,  en  cornettes,  en  plaques,  en  tôle:  c'eft  ainfi  que  fe  fabrique  le 
fer  forgé,  &  que  par  le  moyen  du  martelage,  on  peut  le  réduire  en 

Vvvv  2 


7oS  F  E  K 

feuilles ,  qu'on  enduit  d'étain  pour  le  préferver  de  la  rouille  :  oh  le 
homme  s.\ors  fer- blanc.  Le  fil  d'archal ,  les  cordes  de  clavecin,  de  pfal- 
térion,  &c.  fe  tirent  du  fer  en  barre,  qu'on  fend  en  deux  avec  des  roues 
d'acier,  pour  en  former  des  verges  de  fer:  on  paQe  celles-ci  par  une 
filière  ou  planche  de  fer  percée  d'un  nombre  de  trous  de  différens 
diamètres:  on  les  amené  par  ce  moyen  à  la  finefle  d'un  cheveu. 

L'acier  n'efl:  qu'un  fer  purifié  &  raffiné  par  la  cémentation,  furchargé 
de  phlogiftique,  &  enfuite  trempé. -En  cet  état  il  peut  couper  &  limer 
le  fer:  il  a  une  flexibilité  élaftique.  On  en  fait  des  râpes,  des  cifeaux, 
àes  lancettes,  des  rafoirs,  des  aiguilles,  des  filières  pour  les  Tireurs 
d'or,  &  des  burins  pour  les  Graveurs.  On  lui  retire  cette  abondance  de 
phlogiftique  en  le  cémentant  avec  des  fubftances  maigres,  &  il  reprend 
alors  fa  première  condition  de  fer.  , 

Le  fer  de  fonte,  celui  de  forge  &  l'acier,  font  d'un  ufage  continuel 
&  indifpenfable.  Nous  avons  dit  que  le  fer  feul  fournit  à  la  navigation, 
au  charroi ,  à  la  culture  de  la  terre ,  &  à  tous  les  Arts  les  uftenfiles  dont 
ils  ont  befoin  pour  abattre,  pour  affermir , pour  crcufer,  pour  tailler, 
pour  embellir,  pour  produire  en  un  mot  toutes  les  commodités  de 
la  vie.  Les  Sauvages  en  fentent  aufli  bien  le  prix  que  les  Nations  les 
plus  policées,  puifqu'ils  donnent  à  nos  Voyageurs  commerçans  une  alTez 
grande  quantité  d'or  &  d'argent  ou  d'épiceries  pour  une  ferpe,  une 
bêche,  un  hoyau,  ou  quelqu'autre  inftrument  de  fer.  Les  fers  différent 
beaucoup  entr'eux  ;  mais  ce  feroit  un  grand  malheur  qu'ils  fulTent  tous 
égaux;  nos  befoins  ne  le  font  pas. 

Le  fer  eft  aufîi  d'un  grand  ufage  en  Médecine,  &  félon  M.  Bourgeois, 
un  des  meilleurs  remèdes  que  la  matière  médicale  nous  fourniffe  :  félon 
lui,  il  détruit  les  levains  acides  &  glaireux  des  premières  voies;  il 
enlevé  les  obftruélions  des  vifceres  du  bas-ventre  ;  il  donne  du  ton  au 
genre  nerveux.  Conféquemment,  dit-il,  c'eft  un  excellent  remède  dans 
les  maladies  hyftériques  &  hypocondriaques,  dans  les  pâles  couleurs, 
ou  opilations  des  jzunes  filles,  dans  la  fuppreflion ,  la  diminution ,  déco- 
loration &  dérangement  des  règles  des  femmes ,  de  même  que  dans  les 
pertes  &  règles  trop  fréquentes  &  trop  abondantes,  qu'il  rétablit  dans 
l'état  naturel.  Les  Maréchaux  fe  fervent  avec  fuccès,  pourfuit  M.5o«r- 
geols ,  de  la  limaille  de  fer  pour  détruire  des  vers  afcarides  auxquels  les 
chevaux  font  fujets,&:  qui  leur  caufent  des  démangeaifons  infupporta- 
blés  au  fondement  &  la  fièvre,  On  fait  grand  cas  de  la  limaille  de  fex 


FER  7oj> 

i^ui  a  été  expofée  à  la  rofée  de  Mai  pour  en  faire  un  fafran  de  Mars 
apéritif.  M.  Gzoffrol  a  beaucoup  célébré  la  vertu  balfamique  &  vulné- 
raire du  fer.  Il  y  a  long-temps  que  l'en  a  dit  de  ce  mêtcà, pungit  & 
ungit ,  fauciat  ^ fanât,  r 

Le  fer  &  le  foufre  combinés,  produifent  quelquefois  dans  l'intérieur 
de  la  terre  ào-s  ravages  redoutables  :  voyer^C article  Pyrites  ,  celui  d&  Vol- 
cans 5  &  celui  de  Tremblemens  de  TePxRE.  C'eft  aufli  par  le  moyen  du 
fer  &  des  mélanges  convenables  qu'on  imite  ces  phénomènes  défaftreux 
&  les  météores  ignés  ;  tels  que  le  tonnerre  &  les  éclairs.  Voyez  ces  mots. 

FER  A  CHEVAL.  Efpece  de  grande  Chauve- four is.  Voyez  ce 
mot. 

FER  DE  CHEVAL  ,  ferrum  equinum.  Plante  qui  croît  aux  lieux  in- 
cultes dans  les  pays  chauds.  On  en  diftingue  plus  communément  deux 
efpeces  ;  Tune  vivace ,  &  l'autre  annuelle.  Sa  racine  eft  ligneufe  &  un 
peu  fibrée;  elle  poulTe  plufieurs  tiges  hautes  comme  la  main  ,  menues, 
«mguleufes  &  garnies  de  feuilles  oblongues ,  un  peu  femblables  à  celles 
de  la  lentille.  Sa  fleur  eft  légumineufe  &  jaune  :  il  lui  fuccede  une 
goufle  plate,  courbée,  gaudronnée  ou  échancrée  fur  les  deux  bords, 
i  dans  d'autres  efpeces  la  goufle  n'a  des  échancrures  qu'au  bord  intérieur) 
de  manière  qu'elle  femble  compofée  de  plufieurs  pièces  courbes  comme 
en  fer  à  cheval,  &  mifes  bout  à  bout.  Chaque  lobe  renferme  une  fe- 
mence  figurée  en  croifTant.  On  eftime  cette  plante  vulnéraire ,  ftoma- 
chique  &  alexipharmaque. 

FER  SCISSILE,  Voyez  l'article  Pierre  hématite  au  mot  Fer. 

FEROCOSSE.  Dans  l'île  de  Madagafcar  on  donne  ce  nom  à  un  ar- 
brifleau  qui  porte  une  efpece  de  petit  chou  rond,  dont  les  Infulaires 
fe  nourriffent. 

FERRET  D'ESPAGNE.  Voyez  l'article  Pierre  hématite  au  mot 
Fer. 

FERPvUGINEUX.  Eft  ce  qui  participe  de  la  nature  du  fer,  ou  qui 
contient  des  particules  de  ce  métal.  La  plupart  des  eaux  minérales  font 
ferrugineufes  :  il  y  a  aufli  l'ochre  de  fer,  &c.  Voye:^  Fer,  Ochre,  & 
f article  Eau. 

FERRUGO.  On  donne  ce  nom  à  la  rouille  de  fer  qui  fe  produit 
naturellement  fur  les  barres  de  ce  métal ,  expofées  à  l'impreflion  des 
fluides, 

FÉRULE ,  ferula.  Plante  des  pays  chauds  de  l'Europe ,  de  l'Afrique 


fj  i^'  FER 

te  de  î'Afic.  Sa  racine  eft  grande  ,  branchue  ,  droite ,  no'ir?.trc  ,  & 
-pleine  d'un  fuc  laiteux.  Sa  tige  eft  haute  de  fept  à  huit  pieds ,  groffc  , 
fongueufe  ,  moelleufe ,  rameufe  ;  devenant  dure  vers  l'automne,  & 
enfuite  ligneufe.  Ses  feuilles  reflemblent  à  celles  du  fenouil  î  mais  elles 
font  plus  amples  :  il  naît  aux  fommités  des  fleurs  en  ombelles  ,  jaunâtres 
&  difpofées  en  rofe;  une  fraife  de  feuilles  accompagne  tant  les  ombel- 
les partielles,  que  l'ombelle  totale.  Lorfque  la  fleur  efl:pa(rée,il  paroît 
des  femences  jointes  deux  à  deux,  grandes,  ovales,  minces  &  enve- 
loppées d'une  membrane  ;  on  en  cultive  en  Languedoc  dans  les 
jardins. 

La,  moelle  de  la  férule  prife  en  décodion  ,  efl:  aftringente  &  fudorifî- 
que.  Sa  femence  «ft  carminative  :  on  fe  fert  de  fes  tiges  encore  molles , 
pour  lier  &  fupporter  les  plantes  qui  s'inclinent  trop.  Les  Régens  des 
Collèges  fe  fervoient  autrefois  de  ce  farment  fongueux  &  verdâtrc , 
pour  châtier  leurs  Difciples  :  l'ufage  en  étoit  le  même  de  cet  inftrument 
il  connu  aétuellement  des  jeunes  Ecoliers  ;  d'où  vient  que  Maniai  a 
appelé  la  férule ,  Sceptrum  Pœdagogorum. 

Invifum  nimiùm  pueris ,  gratumque  magifttis. 

En  Grèce  le  creux  de  la  tige  de  la  férule  (  narthex  )  eft:  abondamment 
rempli  d'une  moelle  blanche  ,  qui  étant  bien  feche  prend  feu  comme  la 
mèche  ordinaire  (  l'amadou  ).  Ce  feu  s'y  conferve  parfaitement  bien , 
&  ne  confume  que  peu-à-peu  la  moelle  ,  fans  endommager  l'écorce  ;  ce 
qui  fait  qu'en  certains  pays  on  fe  fert  de  cette  plante  pour  tranfporter 
du  feu  d'un  lieu  à  un  autre^  Cet  ufage  eft  de  la  première  antiquité  ,  & 
nous  explique  le  paflage  de  Martial ,  où  il  fait  dire  aux  férules  :  Nous 
hlairons  par  Us  bienfaits  de  Promethée.  Ces  mêmes  tiges  font  quelquefois 
afTez  fortes  pour  fervir  d'appui-main ,  mais  trop  légères  pour  blefTer  ceux 
que  l'on  frappe.  Cette  tige  étoit  autrefois  le  Sceptre  des  Empereurs  du 
Bas-Empire  :  elle  étoit  aufîî  le  fymbole  de  l'autorité  royale  :  on  l'em- 
ployoit  alors  avec  art  en  particulier  pour  faire  des  ouvrages  d'Ebénif- 
terie  les  plus  précieux  ;  aujourd'hui  on  la  brûle  dans  la  Fouille  en  guife 
d'autre  bois  ,  &  elle  ne  fert  plus  en  Grèce  même  qu'à  faire  des  tabou- 
rets,: pour  cela  on  applique  alternativement  en  long  &  en  large  les  tiges 
feches  de  cette  plante ,  pour  en  former  les  cubes  arrêtés  aux  quatre  coiçs 
avec  des  chevilles. 

Jfjes  arbres  ou  arbriCTeaux ,  d'où  dçcoulent  les  gommes  réfines ,  teîtg^ 


F  Ë  T  FEU  lu 

que  la  gomme  ammoniac  ,  le  galbanum  ,  Vajfa-fœtida  ,  &c.  font  du  genre 
des  férulacées.  Voyez  ces  mots. 

FÉTICHE.  PoifTon  qui  fe  pêche  en  Afrique  à  l'embouchure  du  Ni- 
ger ,  &  qui  tient  fon  nom  du  refped  ou  de  refpcce  de  culte  que  les  Nè- 
gres d'Afrique  lui  rendent ,  comme  à  l'interprète  de  leur  Divinité.  Il  eft 
d'une  rare  beauté.  Sa  peau,  qui  eft  brune  fur  le  dos ,  devient  plus  claire 
&  plus  brillante  près  de  l'eftomac  &  du  ventre.  Son  mufeau  eft  droit , 
&  terminé  par  une  efpece  de  corne  dure  &  pointue ,  de  trois  pouces  de 
longueur.  Ses  yeux  font  grands  &  vifs  :  aux  deux  côtés  du  corps  ,  pro- 
che des  ouies,  on  découvre  quatre  ouvertures  longues  ,  dont  on  ignore 
l'ufage  :  on  en  voit  de  fept  pieds  de  longueur  &r  plus.  Hifî.  Gen.  des 
Voyag,  tom.IV,  pag.  zG2 ,  édit.  in-^^.hes  Nègres,  fur-tout  ceux  du 
Royaume  de  Bénin  ,  ont  aufli  d'autres  Dieux  tutélaires  ;  il  s'en  trouve 
dans  leurs  maifons  un  fi  grand  nombre  ,  qu'à  peine  s'y  trouve-t-il  quel- 
qu'endroit  libre.  Ces  idoles  ont  aulÏÏ  des  hutes  particulières ,  où  les  habi- 
tans  vont  quelquefois  leur  oftrir  des  facrifices.  Leurs  Prêtres  s'attribuent 
une  correfpondance  avec  le  diable  ,  &  l'art  de  pénétrer  dans  l'avenir 
par  le  moyen  d'un  pot  percé  de  trois  trous  ,  dont  ils  tirent  un  certain 
fon.  Foyei  maintenant  Serpent  Fétiche. 

FETU  ou  FÉTUQUE,  ou  DROUE  ,  fijlnca ,  au£  fe/Iua  avenacea 
flerilis  elatior.  Efpece  de  gramen ,  qui  fembîe  être  un  feigle  bâtard  ou 
une  avoine  fauvage ,  &  qu'on  trouve  en  quantité  entre  les  blés, 
parmi  l'orge  &  le  plus  fouvent  entre  les  feigles,  quand  l'hiver  a  été 
humide.  Le  fétu  poufl'e  des  tiges  ou  tuyaux  bas,  menus,  faciles  à  kr 
fendre  ,  &  garnis  de  feuilles  femblables  à  celles  du  froment  :  (zs  fom- 
mités  foutiennent  des  épis  pareils  à  ceux  de  l'avoine;  ils  renferment 
des  grains  grêles,  oblongs,  rougeâtres  &  barbus:  ces  épis  font  quel- 
quefois ramaftes  comme  un  petit  paquet,  d'autres  fois  ils  font  difperféù. 
Cette  plante  eft  bonne  pour  conduire  les  tumeurs  à  la  fupuration.  Les 
pauvres  du  Nord  mêlent  fouvent  la  farine  de  la  droue  avec  celle  d'è 
quelque  bon  grain  pour  en  faire  un  affez  mauvais  pain. 

FÉTU-EN-CUL  ou  OISEAU  DU  TROPIQUE.  ^oye^P ail let- 
i:n-cul. 

FEU,  ignis.  On  doit  confidérer  le  feu  fous  deux  états  différens  , 
ou  entrant  comme  principe  dans  la  compofition  des  corps ,  ou  bien 
feul  dans  fon  état  naturel.  L'examen  du  feu  confidéré  comme  entrant 
dans  la  Gompofition  des  corps  j  ^  qu'on  nom.me  slors  phlogiftiqu&j. 


7t2  FEU 

eft  abfolument  du  refTort  de  la  Chimie ,  Ôc  pour  le  connoître  fous  ce 
point  de  vue,  nous  renvoyons  au  Dïclïonnain  de  Chimie ,  ainli  qu'aux 
Ouvrages  des  Pyrologiftes ,  &  fur-tout  au  Traité  du  Feu ,  par 
Bocrhaave, 

Le  feu  que  les  Scholafliques  regardent  comme  un  des  quatre  élémens 
&  comme  le  premier  agent  de  la  nature;  Iq/cu,  dis-je,  confidéré  dans 
fon  état  naturel,  mérite  proprement  le  nom  de  feu,  de  matière  du 
foleil ,  de  la  lumière,  de  la  chaleur.  Cet  élément  naît  avec  nous, 
pénètre  notre  propre  fubftance;  fes  effets  nous  fuivent  par-tout;  riea 
ne  nous  eft  plus  familier,  &  c'eft  peut-être  une  des  raifons  qui  nous 
empêchent  d'en  connoître  plus  particulièrement  la  nature.  Le  foleil 
(  dans  rhypothefe  que  cet  aftre  eft  une  mafle  de  feu  )  paroît  être 
comme  le  réfervoir  général  de  cette  fubftance  qui  femble  s'en  émaner 
perpétuellement.  Le  feu  fe  répand  dans  tous  les  corps  que  nous  con- 
noiffons;  il  paroît  plus  abondant  dans  les  corps  animés  que  dans  les 
autres.  On  prétend  qu'il  n'entre  pas  comme  principe  eftentiel  à  leur 
mixtion ,  puifqu'on  peut  les  en  priver ,  du  moins  en  grande  partie , 
fans  qu'ils  fouffrent  pour  cela  la  moindre  décomposition.  Il  n'en  eft 
pas  moins  vrai  qu'il  eft  néceflaire  à  toutes  les  compofîtions  &  décom- 
pofîtions  des  corps.  Le  plus  grand  changement  que  fa  préfence  ou  fon 
abfence  leur  caufe,  eft  de  les  rendre  ou  fiuides  ou  folides,  en  forte 
qu'on  peut  regarder  la  plupart  des  autres  corps  comme  folides  de 
leur  nature;  &  le  feu,  comme  fluide  par  effence,  &  principe  de  la 
fluidité  des  autres. 

Une  des  principales  propriétés  de  ce  feu  pur,  eft  de  pénétrer  faci- 
lement tous  les  corps,  de  fediftribuer  entr'euxavec  une  forte  d'égalité. 
Une  autre  propriété  du  feu,  eft  de  dilater  tous  les  corps  qu'il  pénètre 
par  la  ténuité  &  la  divifion  infinie  de  fes  parties.  Les  Phyficiens  ont 
profité  de  cet  effet  pour  conftruire  des  thermomètres,  qui  leur  font 
connoître  les  variations  de  la  température  de  l'atmofphere. 

Nous  avons  dit  que  le  feu  eft  regardé  généralement  comme  principe 
de  la  lumière  &  de  la  chaleur.  Il  peut  donner  l'un  &  l'autre  en  même 
temps,  &  produire  l'un  des  deux  effets  fans  être  la  caufe  du  fécond; 
c'eft-à-dire,  que  le  feu  peut  donner  de  la  lumière  fans  chaleur,  &  de  la 
chaleur  fans  lumière.  La  lumière  n'eft  donc  pas  un  figne  certain  de  la 
préfence  de  la  chaleur;  les  écailles  de  poiffons  qui  féntent  mauvais, 
le  bois  pourri,  les  vers  luifans,  le  phofphore  donnent  de  la  lumière 

fans 


FEU  713 

fans  une  chaleur  fenfible.  Les  rayons  de  la  lùne  rafTemble's  dans  le 
foyer  d'un  miroir  ardent ,  donnent  une  mcfie  lumineufe  qui  n'a 
aucune  adion  fur  la  boule  d'un  thermomètre.  La  chaleur  peut  exifter 
de  même  fans  lumière.  Un  fer  chaud  peut  contenir  aflTez  de  parties 
de  feu  pour  brûler,  enflammer  des  corps  combuftibles  ,  quoique  dans 
robfcurité  la  plus  profonde  ,  il  ne  répande  aucune  lumière.  Donc  la 
lumière  n'annonce  pas  toujours  la  préfence  du  feu'  d'une  façon  aulH 
confiante  que  la  chaleur. 

Quoique  le  feu  foit  par-tout,  il  a  fîiîlu  que  les  hommes,  pour 
l'approprier  à  leurs  befoins,  inventafîent  des  moyens  de  le  faire  pa- 
roître  :  le  frottement  ou  le  choc  des  corps  durs ,  le  mélange  de  certaines 
liqueurs  ,  la  plupart  des  phofphores  ,  les  miroirs  concaves  ,  5c  les 
verres  convexes  ,  font  les  principaux  moyens  que  l'induftrie  des  hom- 
mes a  imaginés  pour  commander  en  quelque  manière  à  cet  élément. 

Les  expériences  de  l'éledricité ,  qui  paroilfent  avoir  un  rapport  fi 
intime  avec  le  phénomeme  du  tonnerre ,  prouvent  d'une  manière  bien 
fenfible,  avec  quelle  profufion  le  feu  eft  répandu  dans  toute  la  nature. 
^oyei  Tonnerre. 

Lorfque  le  feu  efl:  caché  dans  les  corps,  il  y  eflpaifîble  ,  &  dans  une 
forte  d'inertie  :  mais  s'il  agit  vifiblement ,  il  les  confume.  D'après  cette 
dernière  propriété,  nous  dirons  que  le  feu  efl:  cet  être  adif  que  nous 
reconnoiiTons  à  fon  éclat,  qui  nous  donne  de  la  chaleur,  &  qui  nous 
caufe  de  la  douleur  lorfque  nous  en  approchons  de  trop  près  ;  mais  qui , 
à  une  certaine  diftance,  nous  fait  éprouver  une  fenfation  à-peu-près 
égale  à  celle  que  nous  reffentons  dans  une  faifon  moyenne  &  tempérée; 
toutes  fes  parties  fe  mettent  en  équilibre  avec  elles  mêmes ,  agiffent 
&  fe  répandent  avec  égalité  dans  les  corps  ;  mais  fans  tendre  vers 
aucun  point  de  la  terre  :  fes  principales  propriétés  (ont  d'exciter  la 
chaleur  dans  les  corps  animés  &  inanimés  ,  de  caufer  l'évaporation  des 
fiuides  .  la  vitrification  des  terres  &  pierres,  la  détonnation,  la  caîci- 
nation ,  la  fufion  &  réduétion  des  métaux,  la  combuflion  èc  l'incinéra- 
tion des  végétaux  &:  des  animaux,  la  liquation  des  rennes ,  d'être  le 
principe  de  la  fluidité  des  autres  corps,  ôtc.  M.  de  Volialrc ,  dans  fa 
Differtation  fur  le  feu,  jugée  digne  de  l'impreifiorv  par  l'Académie  des 
Sciences  ,  rappelle  en  deux  vers  toutes  les  propriétés  du  feu.  Voici  la 
belle  devife  qu'il  a  mife  à  la  tête  de  fa  pièce: 

Ignis  ubique  latet ,  n?.taram  aiPipIeftitur  omnem  ; 
Cuncla  parie,   rénovât ,  diviàit ,  ùrit,  alit. 
Tome  //,  X  X  X  X 


7'4  PEU 

Pour  produire  tous  ces  effets,  le  feu  a  befoln  d'aliment.  Se  les 
matières  les  plus  propres  à  lui  en  fervir,  font  les  huiles,  les  tourbes, 
les  difî'érentes  efpeces  de  charbon?,  le  bois,  &:c.  ajoutez  à  cela  l'accès 
libre  de  Vair.  Voyez  ce  mot. 

FEU  S.  ANTOINE.  Voyez  à  l'article  Seigle,  mal  S.  Antoine. 

FEU    ERÏSSOU.    Foyci  fon    article,    à    la  fuite    du    mot  Exha- 
laisons. 
'  FEU  DU  CIEL.  Ceft  le  tonnerre.  Voyez  ce  mot. 

FEU  S.  ELME.  Ceft  le  nom  que  l'on  donne  à  de  petites  flammes 
que  Ton  voit  fur  mer  dans  les  temps  d'orage  aux  mâts  ,  aux  pavillons, 
à  toutes  les  parties  faillantes  &  fupérieures  des  vaiffeaux.  Ce  phénomène 
eft  très  fréquent  fur  les  vaiffeaux  furpris  par  la  tempête  dans  la  mer 
des  Indes  :  ces  m.étéores  ignés  tombent  en  forme  de  boule  çà  &  là 
fur  le  vaiffeau  fans  faire  aucun  mal,  &  par  conféquent  fans  le  brûler 
ni  le  couler  à  fond,  quoi  qu'en  difent  Pline  &  Cardan.  Ce  feu, 
qu'on  a  nommé  aufîi  Cajlor  &  Pollux ,  n'efl  autre  chofe  que  le  feu 
éledirique. 

FEUX  FOLETS  ,  ambulones  aut  ignés  fatui.  Ce  font  de  petites 
flammes  foibles,  qui  volent  dans  l'air  à  peu  de  diftance  de  la  terre, 
&  qui  paroiflent  aller  çà  &  là  à  l'aventure  ,  ou  au  gré  des  mouve- 
mens  de  l'air.  Ils  reiTemblent  à  îa  lueur  d'une  chandelle  dans  une 
lanterne.  Ces  feux  fe  voient  fréquemment  dans  les  lieux  d'où  s'élevcùt 
des  parties  volatiles  inflammables,  tels  que  \q.%  cimetières,  les  gibets, 
les  lieux  miarécageux  &  où  l'on  tire  de  la  tourbe.  Ceft  en  été  &  au 
commencement  de  l'automne  qu'ils  fe  font  voir,  fur- tout  dans  les 
pays  chauds.  Les  feux  folets  font  la  terreur  des  gens  de  campagne, 
parce  qu'ils  fuient  ceux  qui  les  pourfuivent  &  pourfuivent  ceux  qui 
les  fuient;  effet  tout  naturel  produit  par  l'air  comprimé,  qui  chaffe 
cette  flamme  légère  devant  celui  qui  la  pourfuit,  tandis  qu'elle  paroît 
pourfuivre  celui  qui  la  fuit,  parce  qu'elle  fe  précipite  dans  le  vide  qu'ail 
laifîe  en  fuyant.  Lorfqu'on  les  faiilt,  on  trouve  que  ce  n'efl  autre 
chofe  qu'une  matière  lumineufe,  glaireufe  comme  le  frai  de  grenouille  g, 
&  qui  n'eft  ni  brûlarite ,  ni  chaude.  Voici  ce  que  dit  le  Chevalier 
Ifaac  Ncivîon  :  «  Le  feu  folet  efl  une  vapeur  qui  brille  fans  chaleur  . 
»  n'y  a-t-il  pas  la  même  différence  entre  cette  vapeur  &  la  flamme. 


FEU  F  E  V  71; 

»  qu'entre  le  bois  pourri  qui  n'a  point  de  chaleur,  &  les  charbons 
3j  enflammés  qui  brûlent  ?  Optiq,  quejî.  10. 

Il  y  a  une  aiïtre  efpece  de  feu  folet  nommé  ignls  lambens ,  c*efl: 
une  petite  flamme  ou  lumière  que  l'on  apperçoit  quelquefois  fur  la 
tête  des  enfans,  des  hommes  &  fur  la  crinière  des  chevaux  lorfqu'on 
les  peigne.  Cet  effet  qui  n'efl;  point  un  météore  aérien  efl:  produit 
par  des  exhalaifons  onâ:ueufes ,  qui  s'attachent  aux  cheveux  &  aux 
crins,  &  s'enflamment  par  le  frottement  fans  donner  de  chaleur.  Les 
étincelles  qui  fortent  dans  Tobfcurité  du  dos  des  chats,  en  le  frottant  à 
contre  poil,  tiennent,  ainii  que  Vignislambcns ,  &  même  les  feux  follets, 
aux  phénomènes  éleélriques. 

FEU   PYRAMIDAL.  V oyQ%  ï  ï^ivûdQ  ÈtoiU  tombante. 

FEU  SOUTERRAIN.  L'exiflience  en  efl:incontefl:able  ;  ilfe  faitfentir 
dans  les  bains  chauds,  &  dans  les  fontaines,  furies  eauxdefquelles  on 
voit  quelquefois  des  flammes  ;  il  fe  manifefi:e  par  une  foule  de  vapeurs 
chaudes  qui  s'élèvent  de  la  terre  ou  des  montagnes  brûlantes  qui  font 
répandues  dans  toutes  les  parties  du  monde;  le  feu  fouterrain  eft 
quelquefois  produit  par  l'effervefcence  fortuite  de  quelques  mélanges 
propres  à  exciter  le  feu:  d'autres  fois  il  efl:  entretenu  par  des  matières 
fulfureufes,  bitumineufes,  &:  par  l'air  qui  s'y  communique  de  caverne 
en  caverne  ,  &c.  Les  Mineurs  ,  qui  travaillent  aux  mines,  métalliques, 
aflurent  que  plus  on  creufe  avant  en  terre,  plus  on  éprouve  une 
chaleur  incommode,  qui  s'augmente  toujours  à  mefure  qu'on  defcend, 
fur-tout  au-deffous  de  480  pieds  de  profondeur.  Foyci  à  t article 
Chaleur.  Souvent  ces  fortes  de  feux  renfermés  trop  à  l'étroit  ouvrent 
le  haut  des  montagnes ,  &  déchirent  les  entrailles  de  la  terre ,  qui  en 
fouffrent  une  grande  agitation.  Quelquefois  quand  le  foyer  efl:  fous 
la  mer ,  il  en  agite  les  eaux  avec  une  violence  qui  fait  remonter  les 
fleuves,  &  qui  caufe  des  inondations  fur  terre  &  des  typhons  dans 
la  mer:  c'eît  probablement  à  cette  caufe  qu'on  doit  attribuer  les  trem- 
blemens  de  terre  &  une  partie  des  funeftes  inondations  qu'on  a  effliyés 
dans  plufieurs  endroits  de  l'Europe  en  lyyy  :  année  qui  fera  trifle- 
ment    fameufe  dans  l'hifloire.  Voyt^  les  articles   Terre  ,  Treiviele- 

JVIENT   DE    TERRE,   VoLCANS ,    FeU    &    BlTUMES. 

FEVE ,  faba.  Ce  nom  fe  donne  quelquefois  aux  chryfalides  des 
chenilles  qui  fe  métamorphofent  en  papillons  :  voyez  Chryfalide  & 
Nymphe  ;  mais  il  convient  mieux  à  plulieurs  efpcces  de  graines  légu- 

Xxxx  a 


-ji'g  PEV 

iTîineufes  :  nous  les  reftrelndrons  ici  à  la  fève  de  marais ,  &  à  la  fève 
petite  ou  féverolle. 

La  Fève  de  marais  ou  de  jardin, //^<2  major  vulgaris ,  eft 
une  plante  légumineufe ,  fort  connue  ,  &  qu'on  cultive  dans  les 
jardins  &  les  marais,  &:c.  fa  racine  eft  en  partie  droite,  &  en  partie 
rampante  y  garnie  de  tubercules  &  de  fibres  ;  fes  tiges  font  hautes  d'en- 
viron trois  pieds,  carrées,  creufes  en  dedans,  couvertes  de  pkifieurs 
côtes  qui  naiffent  par  intervalles,  auxquelles  font  attachées  àts  paires  de 
feuilles  oblongues,  arrondies,  un  peu  épaiffes,  bleuâtres,  veinées,  & 
hï^QS'y  fes  fleurs  font  légumineufes  ,  oblongues,  de  couleur  tantôt 
blanche,  marquée  de  taches  noires,  tantôt  purpurine  &  noirâtre;  il 
leur  fuccede  des  gouiTes ,  longues,  grofles,  relevées,  charnues,  corn- 
pofées,  chacune  de  deux  cofies,  qui  renferment  quatre  ou  cinq  grofTes 
fèves  aplaties,  oblongues,  ordinairement  blanches,  mais  quelquefois 
rouges,  purpurines,  ayant  une  marque  longue  &  noire  à  l'endroit  où 
elles  font  attachées  à  leur  gouffe  j  lecorce  ce  cette  fève  eft  épaiffe  &i 
comme  coriace;  fa  fubftance  intérieure  étant  deflechée, eft  dure  &  le 
partage  aifément  en  deux  parties;  on  y  obferve  alors,  à  une  des  extré- 
mités, la  plantule   apparente. 

La  Feverolle , /i/*^  wînor ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre,  comme 
quelques-uns,  avec  le  haricot  (voyez  ce  mot  )  ne  diffère  de  la  pré- 
cédente, que  par  fa  petiteOe  ,  &  parce  qu'elle  eft  plus  garnie  de 
feuilles,  &  détruits  :  fes  fèves  font  de  couleur,  ou  blanchâtre,  ou  jau- 
nâtre ou  noire;  on  la  cultive  dans  les  champs. 

La  tige ,  les  feuilles ,  les  fleurs ,  les  goufles  &  les  graines  des  fèves 
de  marais  font  d'ufage  en  Médecine.  Les  fèves  fe  miangent  vertes  ou 
mûres,  après  les  avoir  fait  cuire  avec  des  herbes  aromatiques  &  les 
aflaifonneniens  ordinaires.  Ifidore  prétend,  liv,  /y,  orh^in,  ch.  4,  qus 
les  fèves  ont  été  le  premier  légume  dont  les  hommes  ont  fait  ufage^ 
Pline  dit  que  l'on  a  elfayé  d'en  faire  du  pain.  Les  fèves  font  ventcufes, 
indigeftes  étant  vertes,  Se  fourniilent  une  nourriture  trop  groiîiere  pour 
les  perfonnes  délicates ,  &  fur-tout  aux  gens  de  cabinet;,  ceux  qui 
font  accoutumés  à  de  gros  travaux  peuvent  s'en  accommoder.  Les 
perfonnes  qui  font  fujettes  à  la  colique,  au  mal  de  tète  3c  au  refler- 
rement  de  ventre,  doivent  s'en  abftenir.  On  fert  tous  les  jours  fur  le& 
meilleures  tables  des  fèves  vertes;  on  les  prépare  de  diverfes  manières, 
après  en  avoir  ôté  i'écorce,  pour  les  rendre  plus  tendres.  Lorfqu'elles 


F  E  V  717 

font  feches  on  en  fait  delà  purée:  en  général  on  en  mange  peu  de 
féchées  à  Paris;  mais  il  y  a  des  provinces,  où  elles  font  une  nourriture 
fort  ordinaire  :  fur  mer  les  Matelots  en  font  un  ufage  fort  journalier. 
La  farine  de  fèves  pelées,  lommtum,  faite  pa'r  trituration,  eft  au 
nombre  des  quatre  farines  réfoîutives  ,  qui  font ,  les  farines  d'orge , 
d'orobe,  de  lupin  &  de  fcves  :  on  met  aufll  la  farine  de  fèves  parmi 
les  cofmétiques  pour  les  taches  du  vifage.  Dans  les  boutiques  on 
trouve  une  eau  diftillée  des  fleurs  de  fèves,  propres  à  décrailèr  &  à 
adoucir  la  peau.  Les  Egyptiens  ont  regardé  les  fèves  comme  impures  & 
comme  le  fy mbole  de  la  mort,  &  leurs  Prêtres  s'en  abftenoient.  Les 
fèves  ont  fervi  autrefois  pour  donner  les  fuffrages  dans  l'éledion  des 
Magiftrats.  Aujourd'hui  les  Anglois  les  font  cuire  avec  du  miel  pour 
fervir  d  appât  au  poifTon. 

FEVE  DE  BENGALE  ,  faba  Bengalenfa,  Fruit  étranger  qu'on 
trouve  fouvent  avec  le  mirobolan  citrin  que  l'on  nous  envoie  des 
Indes  Orientales.  C'eft  comme  une  excroiffance  compade ,  ridée , 
ronde,  applatie  ,  crcufée  en  manière  de  nombrii,  large  d'environ  un 
pouce,  brune  en  dehors,  noirtâtre  en  dedans,  d'un  goiit  ftiptique  & 
aftringent,  fans  odeur;  on  s'en  fert  aux  Indes  pour  teindre  en  jaune. 
On  ioupçonne  que  lafcve  de,  Bengale  qÏïIq  mirobolan  citrin  lui-même, 
qui  a  été  blefîé  par  la  piqûre  d'un  infede  ,  ce  qui  lui  a  donné  une 
forme  monftrueule.  f-'^oyci  Mikobolans. 

FEVE  D'EGYPTE.  Plante  exotique,  alTez  curieufe  par  la  beauté 
de  fa  fleur.  C'eic  le  ndumbo  du  Ceylan.  La  plupart  des  Auteurs  Bota- 
nifles  connoiOènt  la  Jcvc  d''Egypte  pour  une  efpece  de  nymphée  à 
fleurs  blanches  ,  pourpres  &  incarnates  :  il  femble  c^^Hcrodote  ait 
voulu  parler  de  cette  plante,  en  faifant  mention  d  un  lys  d'eau  cou'» 
leur  dçt  rofe,  &  a'un  lys  blanc,  qui  naiflent  dans  .le  Nil.  Sa  fleur 
feroit-clîe  la  même  qu'un  certain  Poëîe  prélenta  commue  une  mer- 
veille à  Hadrien,  ious  le  nom  de  lotus  antinoien.  Plutarque  l'appelle 
le  cûpujaik  par  rapport  à  la  couleur  de  ce  beau  moment  du  jour. 
Son  fiuit  qui  a  la  forme  d'une  coupe  de  ciboire,  en  portoit  le  nom 
chez  Its  Grecs;  il  y  a  des  bas  reliefs,  des  médailles  &  des  pierres 
gravée?,  ou  ce  fruit  eft  fouvent  repréienté,  fervant  de  fîege  à  un 
enfant.  La  tige  de  la  fève  d'Egypte  a  un  pied  &:  demi  de  haut. 
Ses  feuiîlts  font  fort  larges,  creuiées  en  forme  de  nombril,  &  attachées 
à  des  pédicules  hérifl£s  d'épines.  On  trouve  la  figure  de  cette  plante 
entière  dans  CommeLïn ,  Breynïus  ôc  Plukenett 


7i8  F  E  V  FEU 

Quelques  Auteurs  ont  aufîî  donné  le  nom  de  fevc  â'E§yptc  à  la 
colocajie.  Voyez  ce  mot. 

FEVE   ÉPAISSE.   Voyei  Orpin. 

FEVE  DE  S.  IGNACE.  Petit  fruit  des  Indes  Orientales  ,  qui  eft 
un  puifTant  purgatif,  Voyc^^  ce  qui  m  cfi  dit  à  Cartick  Noix  Vomique. 

FEVE  MARINE  ou  PIERRE  DE  Ste.  MARGUERITE, /^^^ 
marina ,  eft  l'opercule  rouge  d'un  petit  limaçon  à  bouche  ronde.  Voyez 
à  l'article  Limaçon  de  Mer. 

FEVE  DE  MALAC  ou  BALADOR,  faha  de  Malacca.  C'eft 
\ anacarde.  Voyez  ce  mot. 

FEVE  DU  MÉDICINIER.  Voye^  au  wot  Ricin. 

FEVE  PURGATIVE  Occidentale.  Foyq  Ricin. 

FEVE  DE  TREFLE.  On  donne  ce  nom  à  l'anasyris  puant.  Voyez 
ce  mot. 

FEVEROLLE.  P^oye^  Feve  de  marais  &  Haricot. 

FEUILLE  5  ojlraco-folium.  Nom  donné  à  une  coquille  bivalve  du 
genre  des  huîtres.  Elle  eft  de  couleur  marron  &  de  forme  oblongue  ;fa 
valve  fupérieure  eft  chargée  dans  fcn  milieu  d'une  forte  côte  longitudi- 
nale i  fa  valve  inférieure  offre  communément  un  fillon  qui  correfpond  à 
la  côte  oppofée  ,  &  par  où  la  coquille  adhéroità  quelque  corps ,  à  une 
branche  ,  &c.  On  voit  de  larges  plis  &  cannelures  obliques  qui  naifient 
de  la  côte  &  du  fillon.  Les  deux  valves  s'adaptent  exa<5lement  Tune  dans 
l'autre.    Leur  charnière  eft  un  ligament  comme  dans  la  crête  de  coq. 

FEUILLE  &  FEUILLAGE , /o/i/^/w  &  frondes.  On  donne  le  nom 
àQ  feuillage  à  l'alTemblage  de  branches  &  de  feuilles  que  l*on  voit  fur  les 
arbres  &  fur  les  plantes.  Le  feuillage  eft  auiTi  un  terme  qui  fert  aux  Bo- 
taniftes  pour  exprimer  la  figure  que  les  feuilles  prennent  ;  c'eft  ainli 
qu'on  peut  dire  que  dans  l'orme  ,  le  tilleul ,  &c.  le  feuillage  eft  aplati  , 
parce  que  leurs  feuilles  s'étendent  horizontalement  les  unes  d'un  côté  , 
les  autres  d'un  autre  côté  fur  un  même  plan.  hQ  feuillage  eft  croifé  dans 
la  plupart  des  plantes  qui  ont  les  feuilles  oppofées ,  ainfi  qu'on  le  voit 
dans  le  myrte  &  le  jafmùn.  Le  feuillage  eft  rond  dans  le  pin  ,  parce  que 
fes  feuilles  s'étendent  circulairement  autour  des  branches.  Le  feuillage 
eft  verîicillé  ,  lorfque  plus  de  deux  feuilles  oppofées  rayonnent  autour 
de  la  tige  ,  où  elles  forment  comme  autant  d'étages  ;  la  famille  à^s  apa- 
rines ,  en  fournit  beaucoup  d'exemples.  On  fait  que  c'eft  la  diverfe 
pofition  des   feuilles  qui  fait  le  plus  au  port    des  plantes  herbacées 
comme  la  difpofition  des  branches  fait  le  port  des  arbres. 


FEU  '  71^ 

On  nomme  fiiàllaïfon  ,  foliado  ,   les  feuilles  proprement  dites  que 
produifent  annuellement  toutes  les  plantes  ;  mais  toutes  ne  les  renou- 
vellent pas  dans  le  même  temps  :  la  plupart  des  moufies ,  par  exem- 
ple ,  &  des  pins  fe  couvrent  de  feuilles  pendant  l'hiver  ;  celles  de  la  fa- 
mille des  gramens  &  des  liliacées  au  printems  ;  nombre  d'arbres  ,  fur- 
tout  étrangers  ,  en  été  :  d'autres  plantes,   telles  que  quelques  champi- 
gnons &  moulfes  ,  la  plupart  des  fougères  ,  &c.  ne  font  bien  en  vigueur 
qu'en  automne.  La  feuillaifon  efl:  encore  avancée  ou  retardée  félon  que 
le  foleil  amené  plutôt  ou  plus  tard  le  degré  de  chaleur  convenable  à  cha- 
que efpece.  M.  Lïnnaiis  a  été  le  premier  qui  ait  écrit  fur  le  temps  com- 
paré de  la  feuillaifon  des  plantes  dans  chaque  climat.  Confultez  Amcz- 
nit.  Acad,  vol.  j  pag^  3  6^3  ,  vernatio  arborum.  Mais  M.  Adanfon  prétend 
que  ce  Naturalifte  a  négligé  de  tirer  des  réfultats  moyens  entre  toutes 
les  obfervations  qu'il  a  publiées  comme  abfolues  ,  &  il  a  donné  dans 
quatre  tables  ce  qui  convient  pour  déduire  des  règles  certaines ,  &  pour 
conclure  plus  pofitivement  du  fait  dont  il  eft  queftion.  Confultez  le pre^ 
mïcr  volume  des  fanùlles  des  Plantes  ,  depuis  la  page  85  jufquà  c/C).  La 
plupart  des  plantes  quittent  leurs   feuilles  tous  les  ans  :  c'eft  ce  qu'on 
appelle  effeuillai fon  ,  defoUatio  ,  ou  chute  de  s  feuilles  ,  qui  a  fes  limites 
comme  la  feuillaifon.  On  remarque  une  grande  variété  dans  la  manière 
dont  la  plupart  des  plantes  quittent  leurs  feuilles  ;  car  1°.  il  y  en  a  qui 
les  laifTent  tomber  toutes  à  la  fois  tous  les  ans  ;  2°.  d'autres  fois  elles 
relient  fur  l'arbre  ôc  y  meurent  parle  froid  de  l'hiver  ,  mais  la  force 
de  la  fève  du  printems  les  fait  tomber   pour  faire  place  à  de   nouvel- 
les feuilles  ,  alnfi  qu'on  le  remarque  dans  le  chêne  ,  le  charme  ,  &c, 
3°,  d'autres  confervent  vertes  leurs  feuilles  jufqu'au   printems ,  faifon 
011  il  en  repoufle  de  nouvelles  ,   comme  on  le  voit  fur  le  jafmin  jaune 
des  bois ,   le  troène ,  le  lilas  ,  l'érable  de  Crète  ;  4.°.  d'autres  les  con- 
fervent constamment  vertes  toute  l'année  ,  &  ne  laiffent  tomber  les 
anciennes  feuilles  que  long-temps  après  la  production  des  nouvelles.  Le 
noyer  eft  un  des  arbres  qui  prennent  le  plus  tard  leurs  feuilles  &:  qui 
les  quittent  le  plus  tôt.  Enfin  il  paroît  que  la  température  de  l'air  a 
beaucoup   de  part  à  l'effeuillaifon  ,  &  qu'un  foleil  ardent  contribue 
auffi  beaucoup  à  la  hâter.  Le  froid  ou  l'humidité  de  l'automne  accé- 
lèrent encore  plus  la  chute"  des  feuilles,  comme  la  féchereffe  tend  à  la 
retarder.  Nous  ne  parlerons  ici  que  des  feuilles  des  plantes  mêmes  ;  car 
il  ne  faut  pas  confondre  avec  elles  \qs  feuilles  JloraUs  ou  braUées  ^  qui 


720  FEU 

font  immédiatement  au-deiîous  des  fleurs  ;  celles-ci  ont  une  (Irudurc 
ordinairement  différente  de  celle  des  autres  feuilles  de  la  même  plante  : 
telles  font,  par  exemple  ,  celles  qui  foutiennentles  fleurs  de  tilleul.  Ily 
a  des  perfonnes  qui  donnent  auflî  le  nom  de  feuilles  aux  pétales  qui  font 
parties  intégrantes  de  la  fleur.  Ceft  ainfi  qu'on  dit  vulgairement  une 
Jîeur  à  cinq  feuilles.  U^niQmble  de  ces  feuilles  s'appelle  coro//j  ;  &  chaque 
feuille  confîdérée  en  particulier  porte  le  nom  de  pétale.  Voyez  ces  mots 
à  l'article  Plante.  Foye^  au£i  Vanide  Fleur. 

M.  Adanfoîi  confidere  les  feuilles  comme  à^s  tiges  ou  branches  qui 
feroient  aplaties:  elles  ont,  dit-il,  les  mém.es  parties,  un  épidémie, 
une  écorce  des  deux  côtés,  &  un  corps  ligneux  au  centre:  elles  en  dif- 
férent feulement  en  ce  que  leur  épiderme  a  des  mamelons  ou  glandes 
corticales  fur  toute  leur  furfacedans  les  herbes,  &  àla  furface  inférieure 
feulement  dans  les  arbres.  i^.  Le  tiflfa  cellulaire  ou  parenchyme  y  efl: 
plus  confidérable  que  dans  les  tiges,  &  toujours  dans  fon  état  de  ver  • 
deur,  &  fucculent  fans  pafler  à  celui  de  moelle»  De  l'organifation  des 
feuilles  paflbns  à  leur  divifion. 

On  divife  les  feuilles  en  trois  genres  ;  favoir  en  Jimples ,  en  compofées 
de  en  indéterminées.  IjQS  feuilles  Jimples  font  celles  dont  le  pétiole  ou  pé- 
dicule n'en  porte  qu'une  :  on  en  fait  fept  ordres,  ou  on  les  confidere 
fuivant  la  circonférence,  les  angles,  les  finus,  la  bordure,  la  furface, 
le  fom.met  &  les  côtés  :  ainfi  l'une  efl:  orbiculaire  ou  ronde,  l'autre  eft 
en  forme  de  coin,  ou  en  fer  de  lance,  ou  en  forme  d'alêne;  une  autre 
efl:  en  forme  de  m_ain  ,  ou  dentelée  ou  membraneufe  ,  ou  piquante  ou 
véficuleufe,  ou  lifle ,  ou  ondée  &  nerveufe ,  ou  charnue  ou  fifl:uleufe. 
l^es  feuilles  compofées  fe  forment  de  plufieurs  feuilles  réunies  enfemble 
fur  un  mém.e  pétiole.  Ces  feuilles  font  quelquefois  recompofées  ;  telles- 
font  celles  dont  le  pétiole  commun  fe  partage  deux  fois  avant  de  fe 
charger  de  folioles  ;  elles  font  fur- compofées ,  quand  le  pétiole  fe  fubdi- 
vife  plus  de  deux  fois.  Les  feuilles  indéterminées  font  celles  qui  fe  font 
diftinguer  fans  avoir  égard  à  leur  ftruâure  ni  à  leur  forme,  mais  à  la 
direélion,  au  lieu,  à  l'infertion  &  à  la  fituation. 

On  nomme  feuilles  pavoijées  ^  folia  peltata,  celles  qui  fofet  attachées 
au  pédicule  par  leur  centre,  ou  à-peu-près  ,  &  non  par  les  bords; 
telles  font  celles  de  la  capucine,  du  ricin,  &c.  l^es  fetàlàs  palmées  y  ou 
en  éventail  ou  en  parafol  ,yô/iiz  palmata  ,  flabeUifcrmia ,  font  celles  qui 
ont  des  divifions  profondes ,  mais  réunies  à  leur  bafe  ,  telles  que  celles 

du 


FEU  721 

"du  latanler,  du  manîoque  ,  du  ricin.  Les  feuilles  Jighèes ,  folla  digitata^ 
font  celles  qui  font  raflemblées  en  rayons  au  fommet  du  même  pédi- 
cule, dont  elles  Te  féparent  d'elles-mêmes,  comme  dans  le  marronier, 
le  lupin,  le  ceiba,  le  baobab,  &c.  Les  feuilles  ailées  ,  folia  alata  ,  font 
celles  dont  les  découpures  en  ailerons  font  partie  de  la  côte  ou  de  leur 
pédicule,  comme  celles  de  la  roquette,  de  la  benoîte,  &de  la  plupart 
<ies  ombeliiferes. 

On  appQlÏQ  fuilles  pinées  ^  on  empennées ,  foVia  pinndta  ,  celles  dont 
les  divifions  forment  autant  de  petites  feuilles  diftinâes  &  attachées  à 
une  côte  commune  avec  laquelle  elles  ne  font  pas  corps;  telles  font 
1 1  plupart  des  legumineufes.  Enfin  les  feuilles  conjuguées ,  folia  conjugata, 
font  encore  des  efpeces  de  feuilles  pinnées,  mais  au  nombre  de  deux 
feulement ,  fur  le  même  pédicule  commun ,  comme  dans  le  courbaril. 

Il  y  a  des  plantes  qui  n'ont  point  de  feuilles,  telles  que  les  bifTus  , 
les  champignons,  &  un  nombre  de  fucus ,  &c.  Malpighi  ,  dans  fon 
Anatom,  PLintar,  a  obfervé  le  premier  la  manière  dont  les  feuilles  des 
plantes  font  pliées  ou  roulées  dans  les  bourgeons  avant  leur  dévelop- 
pement, M,  Linn(£us  a  étendu  ces  mêmes  recherches  en  17JI  dans  fon 
Vkil.  Botan.  p.  106, 

Nous  avons  eu  foin,  en  décrivant  chaque  plante,  de  confidérer  les 
feuilles  par  rapport  à  leur  ftruâure  ,  à  leur  fuperficie ,  à  leur  figure  , 
à  leur  confillance,  à  leur  découpure,  à  leur  fituation  ou  difpofition, 
&  à  leur  grandeur  ;  au  moins  dans  celles  qui  exigeoient  ces  fortes  de 
détails  botaniques.  Des  Obfervateurs  ont  remarqué  des  variations  dans 
les  feuilles  de  quelques  plantes  :  par  exemple  ,  la  grande  bétoine  de 
Danemarck  a  quelquefois  des  feuilles  qui  font  comme  anaftomofées  ; 
'les  feuilles  des  tulipes  ordinaires  fe  trouvent  fouvent  unies  à  leur  bafe, 
&  font  par  conféquent  fourchues  à  leur  extrémité  fupérieure  ;  les 
feuilles  du  lilas  à  feuilles  découpées ,  du  moins  celles  des  tiges  qui 
partent  du  tronc  ou  de  la  fouche,  ne  font  point  découpées  l'année  que 
ces  tiges  ont  poulTc;  les  feuilles  de  la  grande  joubarbe  ordinaire  font 
fujettes  à  s  alonger  &  à  paroître  plus  aiguës  à  leur  pointe  ;  alors  leur 
couleur  eft  d'un  vert  très  -  pâle ,  tirant  fur  le  jaune ,  &c.  Confuliei  Us 
Obfervaùons  de  M,  Gu&uard» 

Utilité  des  feuilles  ,  leur  infpeUion  au  microfcope ,  &c,  &c. 

Les  feuilles  font  utiles  fur  l'arbre,  (  elles  font  aux  branches  ce  que 
Toim  //.  Y  y  y  y 


^la  FEU 

le  chevelu  eft  aux  racines,)  &  le  font  encore  après  leur  chute:  fur 
l'arbre,  elles  font  une  des  plus  grandes  beautés  de  la  Nature:  nos 
arbres  fruitiers  n'ont  rien  qui  approche  de  !a  verdure  des  forets  :  elles 
procurent  pendant  l'été  une  ombre  communément  falutaire  à  toutes  les 
efpeces  d'animaux  ,  &  peut-être  qu'elles  fourniffent  la  vie  aux  arbres 
mêmes.  L'air  influe  beaucoup  fur  les  végétaux,  &  les  feuilles  femblent 
être  les  premières  parties  de  l'arbre  deftinées  à  en  recevoir  les  impref- 
fions  :  il  y  a  lieu  de  croire  qu'elles  font  aufll  les  principaux  organes  de 
la  fève  &  de  là  tranfpiration  :  en  effet ,  le  fruit  périt  fur  les  branches 
dégarnies  de  feuilles:  il  a  moins  de  goût  fi  on  en  ôte  une  partie;  enfin 
le  fruit  eft  dans  toute  fa  bonté,  fi  on  y  laifle  toutes  les  feuilles.  Pendant 
le  jour  la  chaleur  fait  monter  la  fève  dans  les  feuilles,  directement  & 
latéralement  :  cette  fève  tranfpire  même  quelquefois  par  les  pores  des 
feuilles.  Au  retour  de  la  nuit  &  de  la  fraîcheur ,  il  fe  fait  ua  mouve- 
ment de  la  fève  tout  contraire  au  précédent;  les  feuilles  qui  ont  ex- 
halé tout  le  jour,  pompent  de  nuit  la  rofée ,  &  elles  en  humedent  les 
branches ,  les  fleurs ,  les  fruits ,  &  l'arbre  entier  :  c'eft  ce  qui  a  déterminé 
plufieurs  perfonnes  à  faire  arrofer  dans  les  chaleurs,  non-feulement  le 
pied  de  leurs  efpaîiers  &  de  leurs  arbres  de  tige  ,  mais  même  le  feuil- 
lage entier,  fur-tout  quand  il  fe  fane;  pratique  qui  leur  a  réufli. 

La  fève ,  qui  circule  avec  moins  d'adivité  en  hiver  qu'en  été ,  fait 
que  le  fuc  des  feuilles  s'épaiflit  à  l'arrivée  des  froids  ;  elles  tombent  par 
leur  propre  poids,  ou  bien  elles  jaunilTent,  s'éventent  &  fe  diflîpent  à 
la  moindre  fecouffe  de  vent;  la  terre  en  efl:  bientôt  couverte  :  elles  fe 
pourriflent  au  pied  des  arbres,  &  forment  un  terreau  qui  les  fertilife. 
Cette  jonchée"  de  feuilles  préferve  fous  fon  épaifleur  les  racines  des 
plantes  encore  jeunes ,  &  les  met  à  l'abri  du  grand  haie  &  des  vents 
froids  :  elle  couvre  les  glands  &  toutes  les  graines ,  &  entretient  autour 
d'elle  une  humidité  qui  les  aide  à  germer  comme  fi  elles  étoient  dans 
la  terre.  Les  pauvres  gens  de  la  campagne  en  font  fouvent  de  grands 
amas  :  ils  brûlent  ces  feuilles  pendant  l'hiver  pour  fe  chauffer ,  &  fe 
fervent  enfuite  des  cendres  pour  fe  rtilifer  les  terres  fortes  ou  ftériles. 
Les  feuilles  d'orme  &  de  vigne  cueillies  vertes  ,  fe  donnent  en  nour- 
riture aux  bêtes  à  cornes  dans  les  pays  oii  les  pâturages  manquent  i 
les  feuilles  de  mûrier  fervent  à  nourrir  les  vers  à  foie,  &c. 

Plufieurs  liliacées  à  feuilles  charnues  &  folides  fe  reproduifent  pat 
leurs  feuilles  j  mais  ce  font  xlie  vrais  bourgeons  qui  fortent,  ou  de  leus 


FEU  72f 

aîflelleou  bare,ou  pédicule,  comme  dans  l'aloës  &  la  fcille  maritime, 
ou  de  leur  extrémité  comme  dans  quelques  arums.  Ces  bourgeons  s'éle  - 
vent  de  la  partie  fupérieure  de  la  feuille,  tandis  qu'il  fort  des  racines 
de  la  partie  inférieure  ou  oppofée  au  bourgeon.  Cette  dernière  obferva- 
tion ,  dit  M.  Adanfon ,  revient  à  celle  de  M.  Bonnet ,  qui  a  vu  fortir 
des  racines  des  nervures  &  des  pédicules  de  certaines  feuilles  de  mé- 
liflTe,  de  belie-de-nuit,  d'haricot  &  de  chou, plongées  pendant  quelques 
temps  dans  l'eau;  mais  qui  ne  produifirent  jamais  de  branches,  ni  du. 
côté  des  racines ,  ni  du  côté  oppofé.  Confulu^  le  bel  ouvrage  fur  les 
feuilles,  par  M.  Bonnet,  publié  à  Leyde  en  1774,  //z-4°.  avec  figures. 
On  ne  peut  voir  les  divers  ordres  de  diftributions  de  feuilles  fans  (e 
livrer  au  fentiment  de  l'admiration  pour  les  lois  éternelles ,  qui  ont 
merveilleufement  approprié  \qs  moyens  à  la  (in.  On  eft  pénétré  des 
mêmes  fentimens,  quand  on  confîdere  la  régularité  avec  laquelle  les 
feuilles  font  couchées  &  pliées  avant  que  de  fortir  du  bouton,  &  la 
prévoyance  de  la  Nature  pour  les  mettre  à  l'abri  de  tout  accident  : 
confultez  ÏAnatomie  des  plantes  du  Dodeur  Grew ,  //v.  / ,  tab.  4/  &  42  ; 
confultez  auflî  Malpighi  de  Gemmis  ,  &  la  Statique  des  végétaux  de  Mo 
Mates.  L'infpeélion  des  feuilles  au  microfcope  nous  offre  encore  le  fpec- 
tacle  de  mille  beautés  frappantes  que  l'œil  nu  ne  peut  appercevoir  ;  on 
en  eft  convaincu  par  la   ledure  des  obfervations  micrpfcopiques  de 
Bakker.  La  feuille  de  certaines  rofes,  par  exemple,  eft  toute  diaprée 
d'argent  fur  fa  furface  externe.  Celle  defauge  offre  une  étoffe  raboteufe, 
mais  entièrement  formée  de  touffes  &  de  nœuds  aulli  briîians  que  le 
criftal.  La  furface  fupérieure  de  la  mercurielle  eft  un  vrai  parquetage 
argentin,  &  îes  côtés  un  tiffu  de  perles  rondes  &  tranfparentes ,  atta- 
chées en  manière  de  grappes ,  par  des  queues  très-fines  &  très-déliées. 
Les  feuilles  de  rue  font  criblées  de  trous  femblables  à  ceux  d'un  rayon 
de  miel ,  d'autres  feuilles  préfentent  comme  autant  d'étoffes  ou  de  ve- 
lours raz  de  diverfes  couleurs.  Mais  que  dirons-nous  de  la  quantité 
prefque  innombrable  de  pores  de  certaines  feuilles?  Leuwenhoek  en  a 
compté  plus  de  162000  fur  un  feul  côté  d'une  feuille  de  buis.  Quant 
aux  fingularités  de  la  feuille  d'ortie  piquante ,  dont  nous  devons  la  con- 
noiffance  au  microfcope  de  Hoock  ,   voyez  Oktie.  Confultez  aulH  les 
Obfervations  &  expériences  de  Tkummingius  ,  fur  ranatomïe  des  feuilles  , 
dans  le  Journal  de  Leipiig,  ann.  1722  ,  pag.  2-^ ,  &  CObfervation  fur  té- 
(orcc  des  feuilles,  ècc»  ]paiM.  de  Saujfuret  .y^ 


724  FEU 

C'efl:  par  le  moyen  des  infedes  qu'on  a  pu  parvenir  à  avoir  le  fque- 
lette  d'une  feuille  dans  fa  dernière  perfedion.  Ces  animaux  rongent  avec 
un  art  infini  tout  ce  qui  s'y  trouve  de  charnu ,  &  n'y  laifTent  que  les 
fibres  ou  les  nervures  par  oii  coule  le  fuc  qui  les  nourrit  ;  ce  travail 
eft  fi  bien  exécuté ,  que  les  hommes  n'ont  pu  parvenir  à  l'imiter  qu'a^ 
vec  beaucoup  d'adreffe  &  à  force  d'art.  Malpighi  eft  le  premier  qui  a 
fait l'anatomie  des  plantes;  Jurùius  Scverinus,  à  l'imitation  des  infec- 
tes, a  fait  le  fquelette  d'une  feuille  de  figuier  des  Indes;  Albert  Seba  , 
Mufchenbroeck ^  KundmanriyHoUmann  ,  &  plufieurs  autres,  ont  très»* 
bien  réuffi  à  faire  le  fquelette  de  différentes  fortes  de  feuilks,  en  pres- 
nant  pour  modèle  le  fquelette  de  feuilles  fait  par  les  infedes^ 

FEUILLE  AMBULANTE.  On  donne  ce  nom  à  une  efpece  d'in- 
fede  de  Surinam,  dont  les  ailes  ont  les  nervures  &  la  figure  de  feuilles. 
Cet  infede  tient  un  peu  de  la  fauterelle,  &  provient,  dit-on, d'un  ceuf 
gros  comme  un  grain  de  coriandre,  &  verdâtre.  Lorfque  les  œufs  vien- 
nent à  éclore,  il  en  fort  de  petits  infedes  noirs,  femblables  à  des  four- 
mis. Quand  cet  infede  a  acquis  une  certaine  grandeur  dans  fon  nid  , 
qui  eft  pendu  à  un  arbre ,  il  y  file  une  toile  dont  il  s'enveloppe  en 
quelque  manière:  après  cette  métamorphofe ,  il  s'agite  violemment,, 
jufqu'à  ce  que  fes  ailes ,  étant  libres,  puiflent  s'étendre;  alors  plus  vi- 
goureux, il  brife  cette  toile  &  tombe  de  l'arbre  ou  s'envole.  Ain  fi  dès 
que  ces  infedes  ont  acquis  leur  grandeur  &  grofTeur  naturelles ,  ils  fe 
trouvent  munis  d'ailes  proportionnées  à  leur  force  progreftive  :  leurs 
ailes  relTemblent  à  une  feuille  morte  :  il  y  en  a  d'un  vert  clair  ou  brun  ; 
d'autres  marbrées  &  grifes  ,  quelquefois  femblables  à  une  feuille  de 
citronnier  defféchée  :  il  n'eft  donc  pas  étonnant  que  de  fimples  Ama- 
teurs aient  été  perfuadés,  (d'après  la  couleur,  la  configuration  &  le 
îieu  oij  l'on  obfèrve  ces  animaux ,  )  que  Tinfede  appelé  feuille  ambulante, 
provenoit  de  la  feuille  des  arbres  mêmes  d'où  elle  tombe.  On  voit  de 
ces  infeétes  ailés  dans  divers  cabinets  d'Hiftoire  naturelle  en  Hollande, 
dans  celui  de  Chantilly,  &c. 

FEUILLE  INDIENNE  ou  MALABATRE, /o/m/n  îndum,  aut 
Malabathrum^  Cet  ingrédient ,  qui  entre  dans  la  grande  thériaque  & 
dans  d'autres  femblables  antidotes,  eft  une  feuille  femblable  à  celle  du 
cannelier  ou  du  citronnier  ,^  dont  elle  ne  diffère  que  par  l'odeur  &  îe 
goût  :  elle  eft  afTez  longue,  poir.tue,  compade,  îuifante,  diftinguée  par 
tiois  fortes  nervures ,  ^ui  vont  de  la  q^ueue  à  la  poimej  d'un  vert  pâle 3, 


FEU  F  I  C  '^1^ 

d'une  légère  odeur  &  faveur  aromatique  ,  qui  approche  un  peu  du  gi- 
rofle. Cette  feuille  naît  fur  un  arbre  qui  croît  en  Cambaya ,  dans  les 
Indes  ,  d'où  l'on  nous  l'apporte  feche. 

L'arbre  qui  porte  cette  feuille  s'appelle  chez  les  \ïièÀQWî,'kaîaa-karîia ^ 
en  Latin  candla  filveflris  Malabarica  :  il  croît  dans  les  montagnes  du 
Malabar.  Cet  arbre  reflerable  au  cannelier  de  Ceylan  ,  mais  il  eft  plus 
grand  &  plus  haut  :  les  fleurs  font  petites ,  difpofées  en  ombelle,  fans 
odeur ,  d'un  vert  blanchâtre  &  à  cinq  pétales  :  il  leur  fuccede  de  peti- 
tes baies  qui  reflemblent  à  nos  grofeilîes  rouges  :  les  fleurs  paroiflent  en 
Juillet  &  Août,  &  les  fruits  font  mûrs  en  Décembre  ou  en  Janvier  :  on 
ne  fe  fert  que  des  feuilles  comme  d'un  alexipbarmaque. 

FEUILLE  MORTE.  Foyei  Papillon  Feuille  morte. 

FEUILLES  PETRIFIEES ,  Ihhobiblia.  L'exemple  des  feuilles  pétri- 
fiées ou  incruflées  de  fucs  lapidifiques  n'efl:  pas  rare.  On  trouve  com- 
munément dans  des  carrières  de  tuf  en  divers  endroits  de  la  France  & 
particulièrement  près  de  Montpellier  ,  des  feuilles  de  rofeau ,  de  vigne 
&  de  plufieurs  autres  efpeces  de  végétaux  ;  ces  feuilles  ont  confervé 
leur  forme  dans  leur  nouvel  état ,  au  point  d'être  parfaitement  recon- 
nues. Il  ne  faut  pas  confondre  cette  pétrification  &  incruftation  avec  les 
Empreintes  de  feuilles  ,  lithophylla  ,  qui  font  très- communes  dans  le 
voifinage  à^s  mines  de  charbon  de  terre. 

Scheuchier ,  Herbar.  Diluvian,  en  cite  une  afTez  grande  quantité  j^ 
qu'on  trouve  aufïi  rapportées  dans  le  UiUionnain  OryBologiquc  de  M* 
Bertrand, 

FEUILLE  POISSON.  Voyci  Folio,  cytharus, 

FEURRE.  Nom  donné  à  la  paille  de  toute  forte  de  Z'//,  Voyez  ce 
mot  &  celui  de  Paille. 

FIATOLE ,  fidtola.  PoifTon  excellent ,  très-connu  à  Rome ,  &  qui 
fe  trouve  dans  la  Mer  Rouge  &  dans  la  Méditerranée.  Il  a  des  traits 
tortus  &  dorés  fur  tout  le  corps  :  on  en  voit  qui  ont  le  dos  &  les  côtés 
bleus ,  le  ventre  blanc  ,  argenté  ,  &  les  lèvres  rouges.  Ce  poifibn  eft 
prefque  rond  &  plat  ;  fa  langue  approche  en  figure  de  celle  de  l'homme? 
fe  chair  eft  molle,  mais  très -bonne  à  manger.  Les  Vénitiens  nomment 
le  fiatole  lifette, 

FICOÏDE ,  ou  FIGUE  DE  MER ,  ou  POIRE  MARINE.  Corps 
marin  ,  ainfi  nommé  à  caufe  de  fa  reflèmblance  extérieure  avec  la  figue 
ou  la  poire.  On  trouve  dans  la  mer  ces  corps  que  quelques-uns  placent 


'J2S  Fie 

dans  le  genre  des  coralloïdes  &  de  l'efpece  des  fongipores.  On  nomms 
fîcoïtes  ces  mêmes  corps  devenus  foflîles.  Foy&i  Fongite  &  Figue  ou 
Poire  de  mer  fossile. 

FICOÏDES.  Genre  de  plante  exotique  ,  qui  n'efl:  connue  que  des 
Botaniftes  &  des  curieux ,  &  beaucoup  plus  en  Hollande  &  en  Angle- 
terre ;  toute  cette  plante  eft  fucculente  ;fes  feuilles  font  conjuguées  & 
croifTent  deux  à  deux  :  fa  fleur  eft  en  cloche  évafée ,  découpée  ordinai- 
rement fort  menu ,  &  percée  dans  le  fond  par  où  elle  s'articule  avec  le 
piftil.  Lorfque  la  fleur  eft  paflee ,  le  piftil  &  le  calice  deviennent  tous  les 
deux  enfemble  un  fruit  divifé  en  plufieurs  loges  ,  remplies  de  femences 
très-menues.  Le  fruit  du  ficoïdes  fe  mange ,  &  il  fait  la  plus  grande  partie 
de  la  nourriture  des  Hottentots. 

■  Boerhaavc  diftingue  cinquante-trois  efpeces  de  ficoïdes  ;  &  Miller  en 
nomme  quarante-une  qui  font  aujourd'hui  cultivées  dans  les  jardins 
d'Angleterre.  Ceft  mal-à-propos  que  quelques  Botaniftes  ont  confondu 
ÏQ  ficoïdes  avec  le  bananier,  &  d'autres  avec  ]^  opuntia,  figuier  d'Inde*  Le 
ficoïdes  a  pourtant  cette  relTemblance  avec  cette  dernière  plante  ,  que 
fon  fruit  eft  toujours  formé  avant  que  la  fleur  s'épanouifle ,  &  qu'il  a 
à-peu-près  la  figure  d'une  figue  ;  ce  qui  a  engagé  BradUy  à  le  nommer 
foucy-figue. 

Prefque  tous  les  ficoïdes  font  originaires  des  environs,  du  Cap  de 
Bonne-Efpérance  ;  ils  croifTent  communément  dans  les  pierres  &  les 
rocailles  aux  endroits  où  il  n'y  a  pas  trop  d'humidité  ;  on  les  multiplie 
de  graine  ou  de  bouture.  Cette  plante  fe  plaît  à  découvert,  &  les  pe- 
tites gelées  ont  de  la  peine  à  mordre  deflfus  :  elle  périt  fouvent  au  bout 
de  trois  ans  ;  ou  fi  elle  vit  ,  elle  eft  ordinairement  mal -faite  &  dé- 
labrée. 

Il  y  a  quelques  efpeces  ât  ficoïdes  qui  font  annuelles  ,  &  qu'on  doit 
multiplier  de  graine  tous  les  ans  :  leurs  feuilles,  &  leurs  branches  font 
couvertes  de  véficules  tranfparentes ,  qui  les  font  paroître  comme  au- 
tant de  criftaux  lorfque  le  foleil  donne  defTus.  Il  y  a  une  autre  forte  de 
ficoïdes  qui  eft  nain ,  &  qui  a  la  même  forme  que  l'aioës  :  il  croît  tou- 
jours fort  près  de  terre ,  fans  poufler  de  branches  :  il  dure  cinq  à  fix  ans« 
Le  ficoïdes  en  buifTon  dont  la  tige  eft  ligneufe ,  doit  être  plus  arrofé 
que  les  efpeces  précédentes  :  il  demande  la  chaleur  ,  &  à  être  expofé  au 
foleil ,  fans  quoi  fes  fleurs  ne  s'épanouiront  jamais ,  à  l'exception  àQt 
efpeces  qui  ne  fleurifTent  que  la  nuit. 


F  T  E  FI  G  727 

Les  ficoïdes  font  très-diverfifiés  par  la  cQuleur  de  leurs  fleurs  blan- 
ches, jaunes,  dorées,  orangées,  bleues,  pourpres,  écarlatesj  &  même 
quelques  efpeces  font  continuellement  en  fleurs.  Un  des  plus  remar- 
quables/coïd'ei,  eft  celui  que  les  Anglols  nommment  diamond  plant  ou 
ict  plant,  &  les  Botaniftes ,  ficoïdes  a^ Afrique  à  fleurs  de  plantain  ondées, 
argentées  &  brillantes  comme  des  facettes  de  miroir.  MilUr  a  trouvé 
le  moyen  d'en  perfedionner  la  culture,  &  de  faire  venir  en  Angleterre 
la  tige,  les  branches,  &  les  feuilles  de  cette  efpece  plus  belles  qu'en 
Afrique.  Ccnfidtéi  ce  qu'il  a  dit  à  ce  fujet  dans  fon  Dicîionnaire  des 
Plantes  de  jardin  :  confultez  auffi  rHiJlor.  Plantar.  fucculcnt.  cum  figur. 
de  Bradley  ,  &  dont  les  diverfes  décades  ont  paru  fucceflîvement  à 
Londres  de  1716  jufqu'en  1727  ,  i/z-^,".  Encyclop, 

FIEL  ,  feL  Voyez  à  l'article  Homme. 

FIEL  DE  TERRE.  Foyei  FumeteePxE.  En  Suifle  on  donne  le  nom 
de  fiel  de  terre  à  la  petite  centaurée. 

FIENTE.  Voyei  Excrément. 

FIGUE.  Les  Conchyliologues  donnent  ce  nom  à  une  efpece  de  coquil- 
lage de  la  clafle  des  univalves  &  du  genre  des  tonnes  ou  conques  fphé- 
Tiques.  La  coquille  en  eft  alongée  &  recourbée ,  &  fa  forme  imite  alTez 
la  figure  d'une  7%a^. 

FIGUE  BACOVE.  Voye^  à  tartïclt  Bananier, 

FIGUE  ou  POIRE  DE  MER  FOSSILE  ,ficoites.  Ce  font  des  corps 
que  l'on  trouve  dans  l'intérieur  de  la  terre ,  dont  la  relTemblance  exté- 
rieure avec  ces  fruits,  peut  fervir  d'excufe  à  ceux  qui,  d'après  un  examen 
fuperficiel ,  les  ont  regardés  comme  des  fruits  pétrifiés.  Ils  ont  effedi- 
vement  une  ouverture  ronde ,  qui  pénètre  dans  l'intérieur  ;  mais  leur 
organifation  intérieure  bien  examinée,  prouve  qu'ils  en  différent  eflèn- 
tiellement.On  trouve  rarement,  parmi  les  foflîles,  des  corps  végétaux  qui 
aient  été  originairement  mous  &  flexibles.  M.  Guettard  qui  a  examiné 
de  nouveau  ces  efpeces  de  foflîles ,  y  trouve  des  caractères  qui  lui  font 
regarder  ces  fruits  apparens ,  comme  des  polypites ,  &  il  les  défigne  fous 
le  nom  de  caricoïdes.  Peut-être  que  le  corps  qui  refîemble  aux  lobes  des 
poumons ,  n'eft  qu'une  efpece  ^alcyonium  devenu  foflile.  L'alcyon  de 
mer  eft  de  couleur  d'olive  foncée  &  d'une  fubftance  tubéreufe  :  il  répand 
une  odeur  très- défagréable,  lorfqu'oji  l'ouvre,  &  contient  quantité  de 
particules  jaunâtres  &  de  petits  facs  remplis  (l'une  liqueur  limpide  & 
vifqueufe.  Sa  furface  eft  ornée  de  petits  trous  réguliers  :  yoye\  Alcyon. 


72?  F  I  G 

h^Jïgue  ou  poire  Je  mer  a  la  forme  de  ces  fruits.  L'écorce  cfl  d'une  fubf- 
tance  lifle  ou  épineufe ,  plus  ou  moins  friable,  d'une  couleur  grife, 
quelquefois  rougeâtre ,  fon  extrémité  eft  percée  d'un  trou  ou  cavité 
profonde  &  conique ,  qui  laide  appercevoir  les  cellules  intérieures. 

FIGUEIRA.  Foye^  Bananier. 

FIGUIER ,  Jîius»  Arbre  qui  donne  abondamment  des  fruits  déli- 
cieux, fur-tout  dans  les  pays  chauds ,  tels  que  l'Italie  &  la  Provence. 
On  diftingue  jufqu'à  trente-cinq  &  même  quarante  efpeccs  de  figuiers; 
mais  plufîeurs  ne  peuvent  être  vraiment  regardes  que  comme  des  varié- 
tés: nous  ne  parlerons  ici  que  du  figuier  domeftique,  èc  du  figuier  fau- 
vage  ordinaire. 

Le  Figuier  domestique  ,Jîcu5  fativa,  eft  un  arbre  d'une  hauteur 
médiocre ,  branchu  ,  toufFu ,  &  qui  ne  devient  jamais  bien  gros , 
parce  qu'il  poufTe  du  pied  une  multitude  de  rejetons.  Le  bois  de  cet 
arbre  eft  blanchâtre,  mou,  moelleux,  il  n'eft  prefque  pas  d'ufage  ; 
cependant  les  Serruriers  &  les  Armuriers  s'en  fervent,  parce  qu'étant 
Ipongieux,  il  fe  charge  facilement  de  beaucoup  d'huile  &  de  poudre 
d'émeril ,  qu'ils  emploient  pour  polir  leurs  ouvrages.  Ses  feuilles  font 
jes  plus  grandes  de  celles  des  arbres  à  fruits,  rudes,  d'un  vert  foncé;  fes 
fruits  naiflent  le  long  des  branches  auprès  de  l'origine  des  feuilles  fans 
avoir  été  précédé  par  aucune  fleur  apparente.  Ces  fruits  font  plus  ou 
moins  gros, plus  ou  mojns  ronds,  de  couleur  différente  fuivant  les  efpe- 
ces,  mais  ils  approchent  toujours  de  la  figure  d'une  poire  ;  lorfqu'ils 
font  en  parfaite  maturité,  ils  doivent  être  fort  mous  &  fucculens;  on 
compte  trente  variétés  de  cette  première  efpece.  Les  efpeces  de  figuiers 
qui  réuflifTent  le  mieux,  font  les  figues  connues  de  tout  le  monde  ,  la 
ronde  &  la  longue  ;  celle-ci  eft  plus  abondante,  l'autre  eft  plus  précoce; 
toutes  deux  foni  excellentes. 

On  a  cru  que  le  figuier  ne  portoit  point  de  fleurs ,  mais  les  Bota- 
îiiftes  les  ont  enfin  découvertes.  Il  n'eft  pas  étonnant  qu'elles  aient 
Échappé  à  la  vue;  car  elles  font  cachées  dans  le  fruit  même.  En  ouvrant 
une  figue  ,  dans  les  circonftances  favorables ,  on  peut  obferver  à  l'inté- 
rieur autour  de  la  couronne  du  fruit ,  les  fleurs  mâles  qui  font  des 
étamines  fupportés  par  de  petits  ftilets ,  &  les  fleurs  femelles  qui  font 
placées  près  du  pédicule  :  il  leur  fuccede  de  petites  graines  dures.  Q/2- 
fdtc;^  Us  Miim,  deÛAcad.  des  Sciences ^  année  iyi2» 

-Quoique  |e  figuier  puifTe  venir  dans  prefque  tous  les  terrains,  &  à 

^QUtes 


F  I  G  75^ 

toutes  les  exportions,  il  vient  infiniment  mieux  dans  les  terres  légères  ; 
&  dans  une  bonne  exposition  ,1e  fruit  y  a  un  goût  plus  fucré,  plus  fin  ;' 
&  dans  nos  pays  méridionaux  la  récolte  revient  deux  fois  par  an.  Cet 
arbre  réuflit  à  merveille  entre  des  rochers. 

La  Qiàntinie,  BradeUy  &  Miller ,  ont  déployé  tout  leur  art  pour  la 
perfeétion  de  cette  culture,  &  pour  celle  des  figueries.  Les  figuiers 
font  d'un  tempérament  très-délicat,  &  réfiflent  avec  peine  aux  hivers 
de  notre  climat  :  pour  les  conferver,  on  les  couvre  de  paille  pendant 
rhiver;  mais  malgré  ce  foin,  il  en  périt  toujours  des  branches,  &  les 
nouvelles  qui  repouflent,  ne  peuvent  donner  du  fruit  qu'à  la  troifîeme 
année  ;  on  a  grand  foin  de  les  planter  contre  les  murailles  :  c'eft  la 
plus  avantageufe  de  toutes  les  expofitions.  Il  y  a  des  perfonnes  qui  les 
mettent  en  caiiTc,  &  qui  prétendent  que  c'eft  un  moyen  d'avoir  des 
figues  plus  précoces,  en  plus  grande  abondance  &  de  meilleur  goût: 
de  plus  on  a  l'avantage  de  pouvoir  les  mettre  dans  la  ferre  pendant 
l'hiver.  On  a  éprouvé  avec  fuccès ,  qu'un  des  moyens  de  hâter  la  matu- 
rité des  figues,  fans  leur  rien  ôter  de  leur  bonté,  c'eft  de  mettre  avec 
un  pinceau  un  peu  d'huile  d'olive  à  l'œil  des  figues,  c'eft-à-dire,  à 
cette  ouverture  que  l'on  apperçoit  à  l'extrémité  du  fruit  ;  d'autres  per-: 
fonnes  confeillent  de  piquer  l'ceil  de  la  figue  avec  une  plume  ou  paille 
graiffée  d'huile.  Si  on  choilit  pour  objet  de  comparaifon  deux  figues 
de  même  groffeur  fur  une  même  branche ,  Se  qui  foient  parvenues  aux 
deux  tiers  de  leur  grofleur,  on  obferve  bien  fenfiblement  ce  phéno- 
mène, &  de  plus,  celle  qui  a  été  piquée  devient  plus  grofle  que  l'autre. 
M.  Duhamel  a  penfé  que  dans  cette  occafion,  l'huile  tait  à  peu-près 
le  même  eifet  que  les  infeéles  de  la  caprification,  dont  nous  parlerons 
ci-après. 

Le  figuier,  ainfi  que  les  autres  arbres,  a  befoin  d'être  taillé,  pour  • 
être  d'un  meilleur  rapport  &  d'une  plus  longue  durée.  Cet  arbre  diffère 
d^s  autres  arbres  fruitiers,  on  ce  que  le  fruit  vient  lur  les  grofles  bran- 
ches. Il  eft  effentiel  de  tailler  ces  arbres  avant  que  la  fève  foit  en  mou- 
vement, parce  que  lorfqu'on  les  taille,  il  découle  un  fuc  laiteux  dont 
cet  arbre  abonde,  &  il  en  réfulte  une  perte  du  fuc  nourricier  qui  nécef- 
fairement  affoiblit  l'arbre.  Ce  fuc  laiteux  eft  amer,  fi  acre,  fi  brûlant 
&  fi  corrofif,  qu'il  fait  prendre  le  lait  comme  la  préfure,  qu'il  difiout 
celui  qui  eft  caillé,  comme  fait  le  vinaigre,  &  qu'il  enlevé  la  peau  ou 
y  fait  des  taches  ineifaçables  lorfqu'on  l'applique  deffus.  Cependant 

Toms  IL  Z  z  z  2 


730  F  I  G 

cette  fève  avec  de  fi  étranges  qualités , produit  les  fruits  les  plus  doux, 
les  plus  fains  &  les  plus  agréables  au  goût.  Tels  font  les  procédés  ou 
plutôt  les  miracles  de  la  Nature. 

Quelques  perfonnes  ont  fait  ufage  avec  fuccès  du  fuc  laiteux  du  figuier 
pour  détruire  les  verrues  ou  poreaux  qui  viennent  fur  la  peau.  Ce 
fuc  laiteux  entre  dans  la  clalle  de  ces  écritures  fympathiques  ,  qui 
ne  font  vifibles  qu'en  les  chauffant; fi  l'on  trace  des  lettres  fur  le  papier 
avec  le  lait  ou  le  fuc  des  jeunes  branches  de  figuier,  elles  difparoifîent 
bientôt;  lorfqu'on  veut  les  lire,  il  faut  approcher  le  papier  du  feu,& 
dès  qu'il  eft  échauffé,  les  caraderes  deviennent  vifibles.  Le' fuc  du  figuier 
partage  cette  propriété ,  non-feulement  avec  le  fuc  de  limon ,  le  vinaigre 
&  les  autres  acides,  mais  elle  lui  efi:  même  commune  avec  toutes  les 
infufions  &  toutes  les  diffoIutions,dontla  matière  diffoute  peut  fe brûler 
à  très-petit  feu,&  fe  réduire  en  une  efpece  de  charbon. 

Le  figuier  fe  multiplie  facilement  de  rejetons,  de  boutures,  par  la 
greffe  en  fiute,  &:  parla  graine  :  cette  dernière  méthode,  qui  eft  très- 
longue,  donne  des  variétés. 

Le  figuier  sauvage  nommé  par  les  Botanifies  caprîficus  ou  caprin 
figuier ,  eft  femblable  en  toutes  fes  parties  au  figuier  ordinaire,  dont  ii 
ne  paroît  être,  en  quelque  forte,  qu'une  variété;  mais  il  porte  des 
figues  qui  ne  fervent  qu'à  la  caprification,  dont  ont  tant  parlé  les  An- 
ciens. Les  obfervations  de  M.  de  Toiirnejort,  &  de  M.  de  Godhai ,  Com- 
mandeur à  Malthe,  nous  ont  donné  toutes  les  lumières  que  l'on  peut 
défirer  fur  cette  pratique  finguliere. 

Les  habitans  de  l'île  de  l'Archipel  font  leur  principale  nourriture  de 
figues  féchees  au  four,  qu'ils  mangent  avec  un  peu  de  pain  d'orge. 
Cette  raifon  les  engage  à  donner  toute  leur  attention  à  ce  qui  peut 
augmenter  la  frudification  des  figuiers. 

On  cultive  dans  les  îles  de  l'Archipel  &  à  Malihe  deux  fortes  de 
figuiers.  La  première  efpece  eft  le  figuier  domeftique,qui  porte  beau- 
coup de  fruits ,  mais  qui  ne  viendroient  pas  à  maturiié,  fi  on  n'avoit 
recours  à  l'art.  La  féconde  efpece,  eft  le  figuier  fimvage  dont  nous 
venons  de  parler.  Ce  figuier  fauvage  porte  pendant  l'année  trois  fortes 
de  fruits,  qui  font  nommés  des  Grecs /omîtes  cratirites  &  orni  :  ces  fruits 
ne  font  pas  bons  à  manger,  mais  ils  font  néceffaires  pour  faire  mûrir 
les  fruits  des  figuiers  domeftii;ues,  par  l'opération  que  l'on  nomme  capri- 
ficanorit 


FIG  ,         731 

Les  Fornites  ou  tokar-leouel  des  Malthois,  que  l'on  peut 
nommer  f gués  d'auiomne ,  paroiiïent  dans  le  mois  d'Août,  &  durent 
jufqu'en  Novembre  fans  mûrir.  Il  s'y  engendre  de  petits"  vers  produits 
d'cEufs  dépofés  par  certains  moucherons  (efpece  de  très-petits  ichneu- 
mons  d'un  noir  luifant  )  qui  voltigent  toujours  autour  du  caprifi- 
guier.  Dans  les  mois  d'Odobre  &  de  Novembre  ces  vers  devenus 
moucherons,  piquent  d'eux-mêmes  les  féconds  fruits  appelés  crati- 
rites  par  les  Grecs,  ou  tokar-lanos  par  les  Malthois,  qui  ne  paroiflent 
qu'à  la  hn  de  Septembre,  &  que  l'on  peut  nommer  figues  d'hiver  ^Iqs 
£gues  d'automne  tombent  peu  après  la  fortie  de  leurs  moucherons.  Les 
figues  d'hiver  au  contraire  reftent  fur  l'arbre  jufqu'au  mois  de  Mai  fui- 
vant,  &  renferment  les  œufs  qui  y  ont  été  dépofés  par  les  mouche- 
rons des  figues  d'automne.  Dans  le  mois  de  Mai,  la  troifieme  efpece  de 
figues  que  l'on  nomme  orni  dans  le  Levant, &  tokar-taiept  àMalthe, 
&  que  nous  pouvons  ^-^^^qWqï  figues  printanieres ,  commencent  à  paroître. 
Lorfqu'elles  font  parvenues  à  une  certaine  grofieur,  &  que  leur  œil 
commence  à  s'ouvrir  ,  elles  font  piquées  dans  cet  endroit  par  les  mou- 
cherons qui  fe  font  élevés  dans  les  figues  d'hiver. 

Dans  les  mois  de  Juin  ou  de  Juillet ,  quand  les  vers  qui  fe  font  méta- 
morphofés  dans  ces  figues ,  font  prêts  à  fortir  fous  la  forme  de  mouche- 
rons, les  payfans  les  cueillent  &  les  portent  enfilés  à  des  brochettes  fur  les 
figuiers  domeftiques ,  qui  font  alors  en  fleuraifon.  C'eft  en  cela  que  con- 
iîfle  le  grand  travail  de  la  caprificatioh:  car  fi  l'on  attend  trop  tard,  les 
figues  printanieres  tombent,  6v  la  plus  grande  partie  du  fruit  des  figuiers 
donieftiques  ne  fait  que  languir.  Les  payfans  Grecs  vont  tous  les  matins 
examiner  leurs  figuiers  fauvages  &  domeftiques,  ils  obfervent  avec  foin 
l'œil  de  la  figue  :  car  cette  partie  ne  marque  pas  feulement  le  temps 
où  les  piqueurs  doivent  fortir,  mais  aufii  celui  où  la  figue  peut  être 
piquée  avec  fuccès.  Ils  tranfportent  alors  ces  figues  printanieres,  fur 
ties  figuiers  domeftiques  qui  font  en  état  de  les  recevoir;  les  mouche- 
rons métamorphofés  qui  fortent  de  ces  figues,  s'accouplent  &  entrent 
par  l'ombilic  dans  les  figues  domeftiques,  qui  font  alors  grofles  comme 
des  noix,  &  en  fleurs  ;  ils  y  dépofent  non-feulement  la  poufTiere  fécon- 
dante des  étamines  d'autres  figues  d'où  ils  fortent,  &  dont  ils  font  cou. 
verts,  mais  encore  leurs  œufs;  &  les  infeéles  qui  y  éclofent ,  donnent 
lieu  aux  figues  domeftiques  de  mûrir  &  de  groflir  ainfi  fucceffive- 
inent. 

Zzzz  2 


73  2  F  I  G 

Les  payfans  connoiflent  fî  bien  ces  précieux  momens  de  la  caprifi-r 
cation ,  qu'ils  ne  les  laiflent  guère  échapper.  Il  leur  refte  cependant 
encore  une  légère  refTource,  c'eft  de  répandre  fur  les  figuiers  domefti- 
ques  les  fleurs  d'une  plante  qu'ils  nomment  djcolïmbos  ou  skclimos  ;  il  fe 
trouve  quelquefois  dans  les  têtes  de  ces  fleurs  des  moucherons  propres 
à  piquer  ces  figues  ;  ou  peut-être  que  les  moucherons  de  ces  figues  fau- 
vages,  vont  chercher  leur  nourriture  fiar  ces  fleurs.  Cette  caprification 
fait  un  effet  fi  fingulier,  qu'un  de  ces  figuiers  domefl:iques  qui  donneroit 
à  peine  vingt-cinq  livres  de  figues  mûres  &  propres  à  fécher,  en  donne 
plus  de  deux  cent  quatre-vingts  livres.  Il  faut  cependant  avouer  que  ia 
caprincatic^n  fatigue  les  arbres,  &  que  les  figuiers,  qui  par  ce  moyen 
ont  donné  beaucoup  de  fruit  dans  une  année ,  en  donnent  peu  l'année 
fuivante.  Voilà  tout  le  myfl:ere  de  cette  fécondation  appelée  caprifi- 
cation. 

L'effet  de  la  caprification  efl:  bien  propre  à  piquer  la  curiofité. 
Si  l'on  ouvre  en  différens  temps  ces  figues  domeftiques  ,  on  voit 
d'abord  les  moucherons  qui  fe  promènent  çà  &  là  dans  l'intérieur  de 
la  figue: quelque  temps  après,  on  apperçoit  que  les  pépins  font  extrê- 
mement gros,  &  en  les  ouvrant,  on  trouve  qu'ils  contiennent,  (  fui' 
vaut  l'expreffion  de  M.  Godhen)  des  amandes  vivantes^  c'efl:- à-dire, 
qu'il  y  a  intérieurement  des  vers  qui  fe  nourrirent  des  amandes  des 
figues,  ce  qui  prouve  encore  une  nouvelle  génération  de  ces  infeéles. 

En  ouvrant  les  figues,  lorfqu'elles  approchent  de  leur  maturité,  on 
voit  les  moucherons  fortir  des  pépins,  ôc  aufli-tôt  qu'ils  ont  féché  leurs 
ailes,  ils  s'envolent. 

Quand  les  poires  nouent,  il  y  a  quelquefois  des  moucherons  qui 
dépofent  leurs  œufs  dans  l'œil  de  ces  jeunes  fruits  ;  les  vers  qui  en 
naiil'ent  entrent  dans  le  fruit  parle  canal  du  pifliil,  &  fe  nourriflent  de 
ce  qu'ils  rencontrent.  Ces  poires  grofliifent  beaucoup  plus  promptement 
que  les  autres,  &  elles  tombent.  Cette  augmentation  de  groifeur  vient- 
elle,  dit  ^\.\Duhamd ,  de  ce  que  le  ver  ayant  détruit  les  organes  qui 
vont  au  pépin ,  les  fucs  nourriciers  fe  portent  plus  abondamment  dans 
la  chair  du  fruit?  Ou  cette  groifeur  dépend-elle  d'une  extravafîon  de 
fucs ,  comme  il  paroît  par  les  galles  qui  naiffent  à  l'occafion  de  la  piqûre 
des  infeâ:es?  C'eft  ce  qui  n'efl;  pas  encore  bien  décidé;  mais  il  lemble 
qu'il  y  a  quelque  rapport  entre  ce  qui  arrive  aux  fruits  verreux,  & 
ce  qui  réfulte  de  la  caprificatoin  ,  d'autant  que  les  figues  caprifiées  ne 


F  IG  75J 

font  jamais  fi  bonnes  que  les  autres.  La  chaleur  du  folell  ne  fuffit  pas 
pour  deflecher  les  figues  caprifiées,  il  faut  les  mettre  au  four  qui,  à  la 
vérité  ,  leur  donne  un  goût  défagréable  ,  mais  cette  opération  eft 
néceflaire  pour  faire  périr  la  femence  vermineufe. 

On  eft  étonné  de  ne  pas  voir  les  Grecs  multiplier  davantage  les  fi- 
guiers que  Ton  élevé  en  France  &  en  Italie ,  &  avoir  conftamment  pen- 
dant deux  mois  la  patience  de  porter  les  piqueurs  d'un  figuier  à  l'autre , 
pour  recueillir  de  mauvaifes  figues.  La  raifon  en  eft,  que  comme  c'efl; 
une  de  leurs  principales  nourritures,  ils  ne  fauroient  trop  en  avoir.  Leurs 
arbres  produifent jufqu'à  deux  cent  quatre-vingts  livres  de  figues,  au 
lieu  qu'ils  en  pourroient  tirer  à  peine  vingt-cinq  livres  des  nôtres. 

La  caprïficatïon  nous  indique  afiez  que  les  graines  du  figuier  en  géné- 
ral 5  de  telle  efpece  qu'il  foit,  ne  mûrifient  pas  fans  la  fécondation ,  quoi- 
que leurs  figues,  ou  les  enveloppes  de  leurs  fieurs  mûriflent  fouvent 
fans  ce  fecours.  La  m.aniere  dent  fe  fait  cette  fécondation  eft  fi  fingu- 
liere  que  quelques  Auteurs  la  révoquent  en  doute;  néanmoins  elle  ren- 
tre, ainfi  qu'on  le  vient  de  voir,  dans  les  lois  ordinaires  &  communes 
aux  végétaux.  L'on  voit  par  ce  détail,  i°.  que  la  caprïjication  des  an- 
ciens Grecs  &  Romains ,  décrites  par  Théophrajle ,  Plntarque ,  Pline  & 
autres  Auteurs  de  l'antiquité  ,  fe  rapporte  parfaitement  à  ce  qui  fe 
pratique  encore  aujourd'hui  dans  l'Archipel  &  en  Italie;  ils  s'accordent 
tous  à  dire  que  les  fruits  du  figuier  fauvage,  caprïfuus  ^  ne  miiriffoient 
jam.ais ,  mais  qu'on  les  fufpendoit  aux  branches  des  figuiers  domeftiques 
pour  m.ûrir  les  leur  ;  2^.  qu'il  eft  naturel  de  conclure  que  le  principal 
objet  de  la  caprification'  opérée  naturellement  par  les  ichneumôns, 
eft  de  féconder  des  graines  qui  n'auroient  pas  mûri  fans  ce  fecours  , 
&  par  conféquent  qui  n'auroient  point  produit  d'amandes  propres  à 
nourrir  les  petits  de  ces  infedies ,  &  à  perpétuer  leur  race. 

Dans  les  Provinces  méridionales  de  ce  Royaume  q\x  les  figues  font 
un  aliment  très-commun  &  très-ordinaire  pendant  cinq  mois  confécu- 
tif?,  il  eft  de  fait  que  ces  fruits  bien  choifis  dans  leur  rriaturité  ,  font 
un  des  meilleurs  que  l'on  puiffe  manger,  &  même  des  plus  fains,  lorf- 
qu'on  n'en  mange  point  avec  excès.  L'eau  que  l'on  peut  boire  enfuite, 
eft  la  liqueur  la  plus  propre  à  en  délayer  la  pulpe  dans  l'eftomac,  &  à 
remédier  à  une  certaine  vifcofité  incommode  de  la  falive.  Mais  on  y 
a  aufli  obfervé  que  les  figues  qui  n'avoient  pas  acquis  une  maturité 
parfaite,  qui  contenoient  encore  un  fuc  laiteux  dans  leur  pédicule  & 


754  .  F  I  G 

dans  leur  peau  ,  caufoîent  très-communément  des  dyffenteries  &  des 
fièvres  ;c'eft  ce  que  j'ai  éprouvé  par  moi-même  en  1762. 

Les  figues  feches  font  eftimées  peftorales  &:  adouciflantes ,  à  caufe 
de  l'efpece  de  miel  qu'elles  ccnticnnent.  L'Italie  ,  rEfpagne,  le  Lan- 
guedoc, la  Provence  &  le  Levant,  font  un  co.îimerce  confidcrable  de 
figues  defféchées  au  (bleil. 

FIGUIER  D'ADAM.  Cette  grande  &  belle  plante  ,  que  l'on 
nomme  plane  en  quelques  contrées  ,  ne  porte  point  ce  nom  aux  Antilles; 
on  l'appelle  fimplementj^'/^icr  bananier  ;  elle  eft  i\  femblahle  au  bananier 
f]mple,qu'à  moins  d'une  grande  habi'ude,  on  ne  peut  les  difcinguer 
que  par  le  fruit,  qui  dans  le  premier  eH:  plus  petit,  &  plus  gros  à 
proportion  de  fa  longueur ,  la  chair  en  étant  d'ailleurs  beaucoup  plus 
délicate.  Les  Efpagnols  les  nomment  plantains.  Cette  plante  a  été 
nommée  figuier  et  Adam  ,  parce  qu'on  prétend  que  le  premier  homme , 
après  fon  péché ,  pour  fe  dérober  aux  yeux  de  Dieu ,  fe  couvrit  des 
larges  feuilles  de  cet  arbre.  Voyc'^  Bananier. 

FIGUIER  D'AMÉRIQUE,  grand  figuier,  ou  figuier  admi- 
BAELE.  Cet  arbre  que  Ton  a  confondu  avec  le  palétuvier ,  n'a  rien  de 
commun  avec  lui,  que  la  façon  dont  il  fe  reproduit  &  s'étend  à  la 
ronde  ,  au  moyen  des  filets  qui  partent  de  fes  branches,  &  qui  en  fe 
recourbant  à  terre  prennent  racine,  &  forment  de  nouveaux  troncs. 

Le  fruit  de  ce  figuier  eft  à-peu-près  de  la  grofTeur  d'une  noifette; 
du  refte  il  reflemble  exadiement  à  !a  figue  d'Europe,  tant  exte'rieure- 
ment  qu'intérieurement  ;  mais  il  a  le  goût  un  peu  plus  fade. 

FIGUIER  D'INDE  ou  NOPAL.  Voyci  Opuntia. 

FIGUIER  DES  INDES  ou  paretukier  ou  palétuvier  ,  f.cus 
Indica.  C'efl  un  grand  &  gros  arbre  qui  croît  vers  Goa  aux  Indes  :  il 
répand  fes  rameaux  au  large,  d'où  fortent  des  paquets  de  filamens  fem- 
blables  à  ceux  de  la  cufcute  ,  &  qui  font  de  couleur  dorée.  Lorfqu'ils 
font  parvenus  à  terre,  ils  y  prennent  racine  &  forment  peu-à-peu  ^- 
tant  de  nouveaux  arbres,  qui  produifent  à  leur  tour  de  nouveaux  fi- 
lamens ,&  ainfî  à  l'infini;  de  forte  qu'un  de  ces  figuiers  multiplie  telle- 
ment, qu'il  remplit  un  grand  pays  d'arbres  de  fon  efpece,  auffigros&aufllî 
hauts  que  lui,  formant  une  ample  &  épaifle  forêt  ,  qui  produit  beau- 
coup d'ombre.  Cet  arbre  eft  Yarhor  d&  rai^  des  Portugais  (  arbre  aux 
racines).  Les  feuilles  des  jeunes  rameaux  font  femblables  à  celles  du 
coin  ,  vertes  en- defTuS;,  blanchâtres  &  lanugineufes  en-defTous  ;  elles 


F  I  G  Fit  75  j 

fervent  de  nourriture  aux  éléphans.  Ses  fruits  font  de  petites  figues 
faites  comme  les  nôtres ,  mais  rouges ,  tant  en  dehors  qu'en  dedans  , 
douces  &  un  peu  moins  bonnes  à  manger  que  celles  d'Europe  :  l'écorce 
de  cet  arbre  fert  dans  le  pays  à  faire  des  habillemens. 

On  donne  le  nom  de  figuier  d'Inde  au  chivef  qui  croît  dans  Hle  de 
Zipangu  ,  mais  qu'on  croit  être  une  efpece  de  papayer.  Voyez  ces 
mots. 

FIGUIER  SAUVAGE  DE  CAYENNE.  C'efi:  le  figukr  cité  par 
Burrcre  fous  le  titre  de  FIGUIER  venimeux  ,  pous^ouli.  Cet  arbre  qui  fe 
trouve  dans  le  pays  de  Cayenne ,  eft  rempli  d'un  fuc  laiteux  ,  fi  caufti. 
que,  qu'il  caufe  des  ulcères  &  des  inflammations.  Auffi  les  Sauvages 
prennent-ils  la  précaution  de  fe  couvrir  le  corps  de  feuilles ,  quand  ils 
coupent  cet  arbre  qui  ef!:  très-haut  &  hériflé  de  piquans.  Ses  racines 
font  raboteufes,  rampantes,  &  fortent  de  terre  de  manière  que  l'on 
croiroit  que  le  tronc  eft  monté  fur  des  efpeces  d'arcs-boutans.  Le  bois 
en  eft  mou  &  n'eft  d'aucun  ufage.  C'eft  le  comacaï  des  Portugais  du 
Para:  confultez-en  la  defcription  fous  le  nom  à^ figu'ur fuuvage  ,  dans  les 
Mémoires  de  t Académie  des  Sciences,  ann.  ijSi ,  pag.  J24,  &  la  fig.  de 
la  feuille  &  de  Jon  fruit  i  p»  2>3^  s  P^'  ^^' 

FIGUIER.  On  donne  aufli  ce  nom  à  des  efpeces  de  petits  oifeaux 
étrangers,  &  du  genre  du  bec-figue.  Il  y  a  le  hcc  figue  de  Madagafcar ^ 
il  eft  d'un  vert  mélangé  de  jaune;  celui  de  Bengale  eft  d'une  couleur 
plus  foncée  ,  c'eft  la  moucherolle  verte  des  Indes  d'Edwards.  Le  figuier  d& 
la  Caroline  tû  de  couleur  de  foufre  rembruni.  II  y  a  aufli  le  fi-^uier  à 
tête  rouge  à.Q  Per>{ilvanic ,  fon  corps  eft  jaune.  M.  Brifion  cite  les  di£ 
férens  figuiers  de  l'Âméri  jue  ,  parmi  lefquels  on  trouve  le  grimpereau  de 
fapin ,  la  moucherolle  bleue  ^  &  celle  aux  ailes  dorées  ,  celles//  croupion 
jaune;  la  grive  couronnée  d\r  ;  la  gorge  jaune  du  Maryland  ,  d'Edv^ards; 
le  petit fimon  de  l'ifle  Bourbon;  la  rnéj'unge- pinçon  de  CatelLi;  le  pipit 
vert  de  Cayenne  &  de  Surinam  ,  &c. 

FIL  DE  LA  VIERGE.  Nom  que  le  Peuple  donne  improprement  à 
certaine  filamens  blancs  ,  quelquefois  réunis  en  grand  nombre ,  &  qu'on 
voit  voltiger  en  l'air  dans  les  jours  d'été  &  d'automne  pendant  les  gran- 
des chaleurs  :  on  croit  que  ce  font  des  toiles  d'araignées  emportées  & 
difperfées  par  le  vent ,  ou  mém.e  de  fimples  filamens  très-fins  de  l'ef- 
pece  d'araignée  appelée  faucheux.  On  foupçonne  cependant  que  ces  fils 
font  dus  plutôt  à  une  efpece  de  tique  appelée  tifjerand  d'automne,  Lorf- 


n^6  .  FIL 

qu'on  y  Tait  attention,  on  peut  appercevoîr  une  multitude  prodigieufs 
de  ces  tiques  prefque  imperceptibles.  Ne  pourroit-on  pas  encore  foup- 
çonner  que  parmi  ces  filamens  aériens ,  il  y  en  a  beaucoup  qui  doivent 
leur  origine  au  duvet  de  certaines  plantes ,  dont  les  feuilles  &  la  tige 
font  cotonneufes,  Foyei  les  arùclcs  Araignée,  Faucheux,  Tique, 
furnommée  le  t'ijjcrand  (^automne  ,  &  Saule. 

FIL  DE  MER.  Voyc^^  ce.  que  cefî  à  C article  CoRALLiNE. 

FILANDRES.  On  appelle  ainfî  des  vers  petits  &  fort  déliés  qui  in- 
commodent fort  les  faucons ,  &  quelques  autres  oifeaux ,  foit  à  la  gorge , 
autour  du  cœur  ,  foit  au  foie,  aux  reins,  aux  poumons,  &  qui  quel- 
quefois leur  font  du  bien  ,  en  ce  qu'ils  fe  nourriffent  de  ce  qu'il  y  a  de 
fuperflu  dans  ces  parties.  Les  fymptômes  qui  font  reconnoitre  que  les 
oifeaux  ont  cette  maladie,  c'efl:  lorfqu'ils  bâillent  fréquemment,  qu'ils 
crient  extraordinairement  pendant  la  nuit ,  &  qu'ils  fe  frottent  par -tout. 
On  apperçoit  facilement  ces  vermicules  en  ouvrant  le  bec  de  l'oifeau: 
ils  montent  au  larinx ,  &:  redefcendent.  On  prétend  avec  raifon  que 
CCS  vers  fe  font  introduits  chez  le  faucon  avec  la  mauvaife  nourriture. 
On  les  en  délivre  en  leur  faifant  avaler  une  goufîe  d'ail. 

FILARIA  ou  FHYLARIA,/?A///yA«û/o/io  %///?r/.  Eft  un  arbrifTeau 
de  moyenne  grandeur,  toujours  vert  &  fort  branchu  ,  recouvert  d'une 
écorce  blanchâtre  ou  cendrée.  On  en  connoît  de  beaucoup  d'efpeces , 
entr'autres  une  qu'on  cultive  dans  les  jardins  ,  remarquable  par  fes. 
feuilles  panachées,  dentelées  en  leurs  bords  ,  qui  font  d'un  beau  vert, 
un  peu  femblables  à  celle  du  troène  ou  du  lentifque,  &:  fe  confervent 
tout  l'hiver.  Elles  font  oppofées  les  unes  aux  autres  ;  caraélere  fuffifant 
pour  diftinguer  de  cet  arbrifleau  l'alaterne,  pour  lequel  les  Herborif- 
tes  le  donnent  fouvent.  Ses  fleurs  qui  naiflent  vers  les  extrémités  des 
feuilles  ,  font,  fuivant  M.  Tournefort,  en  entonnoir  ou  en  godet  divifé 
en  quatre  parties  ,  de  couleur  blanche ,  verdâtre  ou  herbeufe,  refTem- 
blant  un  peu  à  celle  de* l'olivier;  elles  contiennent  deux  étamines  &un 
piftil.  A  ces  fleurs  luccedent  des  baies  rondes,  grofTes  comme  celle  du 
myrte  ,  noires  quand  elles  font  mures  ,  d'un  goût  doux  ,  accompagné  de 
quelque  amertume,  &  difpofées  en  petites  grappes  :  on  trouve  dans 
chacune  de  ces  baies  un  petit  noyau  rond  &  dur.  Le  bois  du  fiîaria  eft 
médiocrement  dur ,  &  a  une  couleur  jaune ,  approchante  un  peu  de 
celle  du  buis,  mais  qui  fe  paiTe  allez  promptement:  il  ne  devient  point 
aflez  gros  pour  être  un  bois  de  fervice.  Ses  feuilles  &  fes  baies  font 

aftringentes 


F  I  Ïj  7  3  Y 

aftrîngentes  &  rafraîcliiflantes.  Ses  fleurs  pille'es-  dans  du  vinaigre ,  &  ap- 
pliquées fur  le  front ,  font  céphaiiques. 

Le  filaria  croît  abondamment  dans  les  haies  &  les  bois  aux  envirois 
de  Montpellier.  II  fleurit  en  Mai  &  Juin  ,  &  fon  fruit  efl:  mûr  en  Sep- 
tembre. Comme  fon  feuillage  efl:  toujours  vert ,  &  qu'il  garnit  beau- 
coup ,  on  en  fait  aifément  des  berceaux  ,  ou  cabinets  de  verdure,  Scdes 
paliifades  qui  font  fort  agréables.  Il  s'élève  facilement  de  graine  ou  de 
bouture.  On  le  tond  comme  l'on  veut,  en  buiffon  ou  en  boule,  eu 
liaie  ,  en  efpalier  ,  quelquefois  m.ême  on  le  met  en  caifïe. 

FILASSE  DE  MONTAGNE,  Ceft  VAsbeftc  mur.  Voyez  ce  mot. 

FILICITE  5  filïcïtis.  On  donne  ce  nom  aux  pierres  qui  portent 
l'empreinte  d'une  fougère ,  même  celles  des   capillaires  &  du  polypodc,  • 

FILICULE.  Plante  qu'on  met  au  rang  des  capillaires,  &  dont  on 
diflingue  plufieurs  efpeces.  Elle  croît  dans  les  terres  humides ,  entre 
les  buiflbns  &  fur  la  bafe  du  tronc  de  quelques  chênes.  Elle  efl:  efl:imée 
apéritive  &  pedorale.  Voyci  l'article  Fougère. 

FILIPENDULE  ,  fiUpendula,  Plante  fort  commune  dans  les  bons 
terroirs ,  même  dans  les  bois  &  les  endroits  pierreux  de  la  France  ; 
elle  aime  l'humidité,  &  les  fols  imbibés  d'eau.  Sa  racine  efl:  charnue* 
elle  s'étend  en  beaucoup  de  fibres  déliées,  auxquelles  font  pendus  plu- 
fleurs  tubercules  ou  petits  glands  qui  ont  la  figure  d'une  olive  alon- 
gée ,  de  couleur  noirâtre  en  dehors  ,  blanchâtre  en  dedans  ;  d'un  goût 
acre  ,  aftringent ,  mêlé  de  douceur .  avec  un  peu  d'amertume.  Ses 
feuilles  reflemblent  à  celles  du  boucage ,  mais  elles  font  un  peu  plus  dé- 
coupées: leur  faveur  efl:  ftyptique,  un  peu  falée;  elles  font  odorantes' 
&  gluantes.  Sa  tige  efl:  quelquefois  unique  ,  haute  d'environ  un  pied, 
dure  5  cannelée ,  ronde  ,  rougeâtre  &  branchue.  Elle  porte  en  fon  (om- 
met  des  fleurs  comme  difpofées  en  parafol ,  en  rofe ,  blanches  en  de- 
dans, rougeâtres  en  dehors,  odorantes,  portées  fur  un  calice  dentelé 
ou  frangé ,  &  renfermant  pUifieurs  étamines.  li  leur  fuccede  un  fruit 
prefque  fphérique,  compofé  d'environ  douze  graines,  qui  font  rudes, 
applaties,  ramaflees  en  manière  de  tête,  &  rangées  comme  les  douves 
d'un  petit  tonneau.  Cette  tête  s'attache  aifément  aux  habits. 

Les  racines  &  les  feuilles  de  filipendule  font  d'ufage  en  Médecine: 
elles  font  incifives  &  diurétiques.  La  poudre  des  racines  efl  très-ufitée 
pour  les  hémorroïdes,  les  fleurs  blanches  §c  les  maladies  fcrophuleufes. 
Tome  II,  Aaaaa 


758  F  1 1; 

Il  eft  parlé  de  la  fillpendule  aquatique  fous  le  nom  à^œnanthc.  Voyez 
ce  mot. 
.  FILLE.  Foy^i  à  la  fuite  de  Varîïch  Homme. 

FILLES  D'ARTICHAUTS.  On  rappelle  ainfi  les  œilletons  que  l'on 
prend  au  pied  des  crtïchauts.  Voyez  ce  mot. 

FILONS  ou  VEINES  MÉTALLIQUES  ,  vmce  maallk<z.  On 
donne  ce  nom  à  de  gros  rameaux  qui  courent  fous  terre,  &  font  rem- 
plis de  fubftances  mine'rales  ou  métalli  jues ,  quelquefois  de  criftallifa- 
tions  :  quelquefois  aufiî  les  filons  font  vides.  Le  filon  eft,  dans  le  lan- 
gage du  mineur,  la  principale  veine  de  la  rr.ine:  il  ne  faut  pas  le  con- 
fondre avec  les  fibres  ou  vénules  qui  forment  de  très-petites  ramifica- 
tions; ainfi  l'interruption  d'une  roche  dans  fon  lit  qui  fe  trouve  rem- 
plie de  matières  mine'rales  ,  formée  une  veine  folide  qui  s'appelle  filon.' 
Souvent  les  nions  font  profondément  enfevelis  en  terre, (il  y  en  a  dont 
on  ne  peut  jamais  reconnoître  la  terminaifon  en  profondeur ,  )  &  il 
en  part  des  branches  qui  fe  fubdivifent  en  vénules  ou  veines ,  félon  la 
quantité  &  le  diamètre  des  crevafles  ou  fibres  fouterraines. 

On  peut  confidércrles  filons,  eu  égard  à  leur  diredion  ,  à  leur  vo-. 
lume  ou  à  leur  matière.  Les  Mineurs  confiderent  la  dlrccilon  des  filons 
ou  leur  fituEtion ,  par  rapport  aux  quatre  points  cardinaux  ;  la  bouf 
foie  la  détermine:  mais  quand  le  filon  eft  encore  inconnu,  on  devine 
cette  diredion  par  celles  des  couches  ou  des  lits  des  rochers  qui  fervent 
d'enveloppe  aux  filons. 

La  fituation  des  filons,  quant  à  l'horizon,  varie  aufti.  C'eft  une  au- 
tre attention  des  Mineurs;  &  c'eft  ce  que  l'on  peut  appeller  ^inclinai'- 
fon ,  ou  chute  des  filons.  On  la  détermine  par  le  quart  de  cercle  :  plus 
les  filons  approchent  de  la  perpendiculaire,  plus  ils  font  gros  &  riches. 
Les  filons  qui  marchent  horizontalement,  font  pour  l'ordinaire  pau- 
vres. Il  y  a  différentes  mines  où  ils  ont  la  même  inclinaifon  que  les 
couches  de  la  mafiere  pterreufe  qui  les  recouvre  ,  à  moins  que  quelque 
obftacle  ne  vienne  à  interrompre  leur  direélion  &  leur  parallélifrae* 
Ces  obftacles  font ,  dans  les  mines  de  charbon  ,  'àic.  des  roches  formées 
tout-à-coup,  qui  viennent  couper  à  angle  droit  ou  obliquement,  ou 
en  tout  fens ,  non-feulement  le  filon  ,  m.ais  encore  les  lits  de  terre  & 
de  pierre  qui  font  en  deffus  ou  en  deifous.  Les  morceaux  de  mine  ont 
dans  ces  endroits  une  couleur  de  gorge  de  pigeon  ,  ou  font  ornés 
«des  diiférentes  couleurs  de  l'arc-en-ciel.  La  couche  de  roche ,  ou  terre 


fil;  75> 

fupérieure ,  s'appelle  toît  de  la  mine  ^  celle  qui  eft  en  deffbus  le/o/  (on 
donne  plus  particulièrement  le  nom  à'appui  à  la  partie  de  roche  qui 
fuit  en  deflbus  l'inclinaifon  du  filon ,  &  fur  laquelle  il  eft  appuyé  )  ; 
de  même  la  partie  du  filon  qui  s'approche  de  la  furface  de  la  terre, 
s'appelle  la  têt&;  celle  qui  s'en  éloigne  fe  nomme  la  queue  ;  celle  ci  eft 
plus  riche. 

Le  voJume  ou  la  force  Am filon  fe  détermine  par  fa  mafle  &  par  forî 
étendue.  La  nature  n'a  point  produit  de  règles  confiantes  à  cet  égard. 
Il  y  a  des  lieux  où  le  filon  finit  tout-à-coup  ;  d'autres  fois  il  eft  inter- 
rompu par  une  vallée  ou  par  une  rivière  ;  mais  il  paroît  au  côté  op- 
pofé,  &  fouvent  il  eft  fuivi  pendant  plufieurs  lieues.  Il  y  a  des  endroits 
où  le  filon  n'a  que  quelques  pouces  de  largeur,  &  ailleurs  il  offre  un 
ventre  de  plufieurs  pieds,  &  mêm.e  de  plufieurs  toifes.Ici  c'eft  un  filon 
dilaté  :  là  c'eft  une  malle  énorme  qui  s'enfonce  comme  un  abîme  & 
qui  remonte  plus  loin,  ou  fe  trouve  difperfée  dans  toute  la  partie  de 
la  montagne. 

La  richefle  du  filon  dépend  de  la  quantité  du  minéral  qu'il  contient. 
En  certains  lieux,  le  minéral  remplit  toute  la  fente  ;  d'autres  fois  il  y 
eft  par  rognons,  ou  en  marrons,  ou  par  malfes.  Dans  quelques  en- 
droits on  trouve  des  pierres  ftériles  &  poreufes;  ailleurs  des  fluors, 
des  drufers  de  diftérens  criftaux,  des  mines  diverfement  décompofées 
ou  détruites  par  de5  eaux  ou  par  les  exhalaifons  fouterraines  Ôc  miné- 
raies.  C'eft  en  raifon  de  leur  volurrie  que  les  filons  font  avantageux  : 
plus  il  en  part  de  vénules  qui  s'y  rendent  ou  y  aboutilfent,  plus  le  filon 
eft  riche,  &  plus  on  doit  le  fuivre. 

La  m.atiere&le  produit  du  minéral  eft  la  nature  &  la  quantité  du 
métal  même  qu'on  tire  des  glèbes  par  les  opérations  métallurgiques. 
Les  matières  hétérogènes  ,  &  les  fiabftances  fulfureufes  ^u  arfénicales 
qui  fe  trouvent  dans  les  minerais ,  font  varier  ce  produit.  Auffi  les 
filons  font-ils  réputés  précieux  &  nobles,  ou  communs,  ignobles  &  fté- 
riles, félon  qu'ils  contiennent  plus  ou  moin?  de  blende,  de  pyrites  ,  de 
criftallifations,  &c.  Voye^^  tarikle  Mine.  On  peut  confulter  fur  toutes 
ces  matières  les  Ouvrages  de  M.  Schlutur ,  Lelunann  ,  Cramer^  A^ricola^ 
Monnet,  &c. 

Obferv allons  fur  les  Filons  &  Fentes  minérales, 

1°,  Les  mines  en  filons  font  ordinairement  plus  riches  que  celles  qui 

Aaaaa  2 


740  FIL 

font  par  couches.  (Celles-ci  font  ordinairement  de  tranfport ,  &  on  ne 
les  rencontre  que  dans  les  plaines  ou  dans  les  montagnes  fecondaires; 
ce  n'eft  qu'accidentellement  que  les  filons  font  horizontaux  dans  les 
montagnes  primitives,  &  cette  fituation  ne  s'étend  pas  loin.)  2*^.  On  peut 
diftinguer  les  filons,  enfilons  continus,  enfilons foibUs  ,  en  filons  perdus ,  en 
filons  retrouvés.  3^.  La  roche  eit  entière  ,  lorfque  le  lit  qu'elle  forme  o'n. 
fournit  au  filon  n'eft  point  féparé,  interrompu  par  des  fentes  ou  des 
coupures,  ni  par  des  ouvertures.  4".  On  appelle  les  efpaces  vides, 
fentes  ;  &  les  coupures  tapiffées  de  criftallifations  ,  de  quartz  ou  de 
ipath  ,  nids  de  drufen.  ^^.  S'il  y  a  dans  ces  fentes  des  matières  de  mines 
métalliques  avec  des  vides  ,  ce  font  des  fentes  nobles  qui  indiquent  la 
proximité  d'une  bonne  mine.  6°.  S'il  coule  de  l'eau  par  ces  fentes ,  de 
des  eaux  depuis  la  furface  de  la  terre  en  dedans ,  ce  font  des  fentes  fié- 
■  riles  où  il  ne  faut  jamais  chercher  de  métal,  y''.  Si  la  filtration  des  eaux  efl: 
intérieure,  leur  goût  &  leur  couleur ,  même  le  guhr  qu'elles  produifent, 
foit  par  inhalation  ou  par  dépôt,  annoncent  fouvent  la  nature  du  mi- 
néral ,  &  on  nomme  alors  ces  fiflures  des  fentes  aqucufes,  8°.  Si  les  fen- 
tes font  remplies  de  terre  glaife  ou  marneufe,  le  minéral  eft  encore 
bien  éloigné;  &  ces  fentes  font  appelées /ê/zr;;^  terrcufes.  9°.  La  fente  eft 
régulière  lorfqu'elle  conferve  fa  direélion;  &  onla.  nomme  irrégidiere  lorf- 
qu'elle  en  change:  10°.  Quand  plufieurs  fentes  aboutiffent  à  une  feule, 
ou  s'y  dirigent,  celle-ci  eft  capitale;  &  c'eft  vers  elle  qu'il  faut  chercher 
le  minéral.  Voye\  maintenant  C article  Fentes  minérales. 

On  donne  encore  aux  filons  d'autres  dénominations  .  qui  font  com- 
munément ufitées  aujourd'hui  dans  la  plupart  des  mines  ,  c'eft-à-dire, 
dans  Je  kngage  du  Mineur:   favoir  ,  _;?/o/î5  pleins,   lorfqu'iîs  occupent 
tout  l'efpace  de  la  fente  fans  interruption;  filons  en  grenaille,  quand  î'e 
minerai  eft  «n  grains  comme  du  fable  :  on  appelle  filon  plat  ou  horizon- 
tal ou.  dilaté ,  celui  qui  eft  parallèle   à  l'horizon  :  filon  profond  ,  celu{ 
qui  eft  vertical  *"&  qui  s'enfonce  dans  la  montagne  ;  filon  élevé ,  celui 
dont  la  direction  va  du  bas  en  haut  de  la  montagne;  &  s'il  eft  oblique,, 
il  tire  fon  nom  de  celui  dont  il  approche  le  plus  :  filons  de  vrais  cours ,,' 
ceux  qui  confervent  leur  diredion  ,  leur  capacité,  même  ceux  qui  fe 
réunifient  au  filon  c^'^'ildX'.  filons^  rebelles,  ceux  qui  changent  fouven^ 
de  direction.  On  dit   enfin  que  le  filon  eft  dévoyé    &  du  nombre  de 
degrés  que  fon  angle  fait  avec  le  plan  horizontal  ou  avec  le  vertical 
Tous  les  fiJoasfont  ordinairement  inclinés  a  &  rarement  perpendicu- 


FIL  741 

laîres  :  ils  font  accompagnés  d'une  écorce  ou  llfiere  de  la  roche ,  qu  on 
^PPqWq  falband.  Voyez  ce  mot.  Lorfque  dans  cette  liliere  on  apperçoit 
du  fpath,  c'eft  une  preuve  que  le  filon,  fi  on  le  fuit ,  deviendra  plu5 
riche.  Si  on  y  apperçoit  des  gerçures  ou  des  fentes  remplies  de  quartz 
ou  de  criftallifations  en  trop  grand  nombre  ,  les  efpérances  di- 
minuent. 

Nous  avons  dit  que  c'eft  par  le  quart  de  cercle  qu'on  détermine  la 
lituation  des  filons,  eu  égard  à  la  ligne  verticale  ou  perpendiculaire? 
on  les  appelle  donc  perpendiculaires  ou  droits ,  s'ils  s'enfoncent  vers  le 
centre  de  la  terre  :  on  les  regarde  comme  hoif^ontaux  ou  couchés  ,  fi 
l'angle  qu'ils  font  avec  la  ligne  horizontale  ,  eft  au-deïTus  de  vingt 
degrés  :  on  les  nomme  plats ,  entre  le  vingtième  &  le  foixantiemc 
degrés  ;  &  obliques  ou  inclinés ,  entre  le  foixantieme  &  le  quatre- 
vingtième. 

La  direélion  ou  fîtuation  des  filons ,  par  rapport  aux  quatre  points 
cardinaux  du  monde,  eft  divifée  en  vingt-quatre  parties  égales  ou 
degrés,  qu'on  nomme  heures.  Pour  les  reconnoître ,  on  fait  ufage  de 
la  boulTole  manuelle  ou  minéralogique ,  que  les  Allemands  appellent 
herg-compajf.  Quoique  garnie  d'une  aiguille  aimantée ,  elle  diitere  de 
la  bouffole  vulgaire ,  &  elle  ne  fert  qu'à  montrer  l'efpace  des  filons  & 
leurs  degrés  d'inclinaifons  ou  de  diredions  :  elle  eft  figurée  dans 
Lehmann.  On  appelle  1°.  filon  debout,  celui  qui  court  depuis  douze 
jufqu'à  trois;  ce  filon  efi:  le  fiehend  des  Allemands  ;  il  fe  dirige  du 
Nord  au  Sud:  2°.  ceux  dont  le  cours  eft  dirigé  depuis  trois  juiquà 
fix,  prennent  le  nom  de  filon  du  Levant  ou  du  Matin  {morgen  >;  ils  fc 
dirigent  du  Nord-Eft  au  Sud-Ouefl:  3°.  ceux  qui  vont  de  fix  à  neuf^ 
font  appelles  72/0^5  du  Soir  ou  du  Couchant  (fpaat);  ils  fe  dirigent  de 
l'Eftà  rOueft:4".  enfin  ,  ceux  qui  vont  depuis  neuf  jufqu'à  douze  forht 
les  filons  inclinés  {fiach  )  ;  ils  fe  dirigent  du  Nord-Oueft  au  Sud-Efl. 
On  voit  que  la  marche  ou  l'inclinaifon  des  filons  elFpar  quart ,  c'efl- 
à-dire ,  qu'ils  fe  tiennent  éloignés  de  ces  points  d'un  quart  environ  j 
&  comme  il  y  a  quantité  de  circonflances  qui  viennent  dégrader  î« 
filon  principal  ou  lui  font  changer  de  direétion  ,  il  efl  très-eflentiel  de 
connoitre  tous  ces  chofes  par  la  pratique,  pour  ne  pas  fe  tromper  âc 
entreprendre  les  travaux  d'une  exploitation  infruélueufe.  Confultez  les 
Ouvrages  qui  ont  été  publiés  à  cet  effet,  &  particulièrement  les  Traitée 
de  Phyfique  ^  d'Hijloire  NaturuU  &  d&  Minéralogie  de  l\\,-  Lehmann,. 


742  F  I  M  F  L  A 

La  meilleure  dirpofition  d'un  filon ,  par  rapport  aux  Mineurs  &  à 
l'Entrepreneur,  eft  quand  un  filon  eft  profond  ^ yuï^ant,  c'efl-à-dire, 
large  &  épais,  parce  qu'on  y  trouve  de  la  matière  de  tous  les  côtés, 
&  qu'on  l'exploite  par  puits  &  par  galeries. 

FIMPI ,  eft  un  arbre  de  l'A-rique  ,  de  la  grandeur  de  l'olivier, 
dont  l'écorce  féchée  au  foleil  eft  légèrement  aromatique,  mufquée, 
mais  d'une  faveur  plus  mordicante  que  le  poivre.  Les  Portugais  l'appel- 
lent bols  iPaguilla, 

FINGAH.  Cet  oifeau  connu  fous  ce  nom  à  Bengale,  eft  le  même 
que  \a  p'u-grieche  des  Indes  à  queue  fourchue,  &  la  pie-grieche  noire 
de  la  Caroline ,  &  diftere  des  ples-gritches  ordinaires  par  certains 
carad:eres;  fon  bec  eft  épais  Ôc  fort,  voûté  en  arc,  à-peu-près  comme 
celui  de  l'épervier,  plus  long  à  proportion  de  fa  groflfeur  &  moins 
crochu,  avec  des  narines  afTcz  grandes;  la  bafe  de  la  mandibule  ou 
mâchoire  fupérieure  eft  environnée  de  poils  roides  ;  la  tête  entière,  le 
cou .  le  dos  &  les  couvertures  des  ailjs  font  d'un  noir  brillant ,  avec 
un 'reflet  de  bleu,  de  pourpre  &  de  vert,  &  qui  fe  décide  ou  varie 
fuivâ«t  l'incidence  de  la  lumière;  fa  queue  eft  faite  tout  autrement 
que  celle  des  pies-grieches  dont  les  plumes  du  milieu  font  plus  longues, 
au  lieu  que  dans  celle-ci  elles  font  beaucoup  plus  courtes  que  les  plu- 
mes extérieures,  en  forte  que  la  queue  paroît  fourchue,  c'eft-à-dire, 
vide  au  mileu  vers  fon  extrémité. 

FIONOUTS,  eft  une  plante -particulière  à  l'île  de  Madagafcar  : 
elle  a  l'odeur  du  méliîot,  &  la  vertu  de  faire  tomber  le  poil  des  parties 
où  elle  eft  appliquée.  On  brûle  le  fionouts  ,  &  on  fe  fert  de  fes  cendres 
pour  déterger  les  plaies  amenées  à  fuppuration. 

FIRMAMENT.  On  appelle  ainfi  le  huitième  ciel,  cette  huitième 
fphere  de  couleur  bleue  ,  où  les  étoiles  fixes  paroiflent  attachées.  On  dit 
huitième  ciel ,  par  rapport  aux  fept  cieux  des  planètes  qu'il  environne. 
Les  étoiles  ne  l^nt  attachées  à  aucune  furface  fphérique  :  c'eft  notre 
imagination  &  nos  fens  qui  fe  trompent  là-defTus.  Foye^  h  mot 
Ciel  &  Canide  Etoile  à  ia  fuite  du  mot  Planète. 

FLAMAND  ou  FLAMBANT,  ou  PHCSNICOPTERE.  F^yei 
Bechaeu. 

.FLAMBEAU  ou  FLAMBO.  Nom  d'un  animal  de  mer  qui  eft 
le  tœnia  d'Ariftote ,  \Q\:vitta  des  Latins,  &  que  l'on  a  nommé  aufiî 
ruban  ,  parce  qu'il  eft  effedivement  long  <Sc  étroit  comme  une  bande 


F   L    A  "74  3 

de  ruban.  On  lui  a  donné  en  Languedoc  le  nom  Scfpai^e,  c'efl-à  dire, 
épéc,  à  caufe  de  fa  figure;  &  celui  Aq fiamho ^  parce  qu'il  eft  de  cou- 
leur de  feu.  Sa  tête  eft  plate^  cornpofée  de  plufleurs  os:  fes  yeux  font 
grands  &  ronds ,  &  fa  prunelle  eft  petite.  Près  des  oui;.:;  il  a  une 
nageoire  de  chaque  côté;  &  fur  le  dos  il  a,  depuis  la  tête  jufqu  à  la 
queue,  des  filets  qui  font  comme  des  poils.  Ce  poiflon  eft  fi  mince 
qu'en  le  regardant  au  jour,  on  voit  fes  arêtes  le  long  'du  dos.  Il  y  en 
a  une  efpece  dont  la  chair  eft  blanche  &  a  le  goût  de  la  foie. 

FLAMBEAU   DU  PÉROU.  Voyc^  Cierge  épineux. 

FLAMBE  BLANCHE.  Voyci  Iris.  La  flambe  fétide  eft  le  z^layml 
puant. 

FLAMEERGENT  ou  PIE  DE  MER.  Voyci  Bécasse  de  mer 
&  Fie  de  mer. 

FLAMBOYANTE ,  eft  une  coquille  de  la  clafle  des  univalves  & 
du  genre  des  volutes.  Voyez  ces  mots.  Sa  clavicule  eft  fort  élevée  & 
aiguë.  Sa  robe  eft  fafciée  de  trois  zones  blanches  &  de  deux  plus 
larges  intermédiaires ,  de   couleur   cannelle ,   quelquefois    aurore  Vou 

fou  ci.  *:5V  ', 

FLAMTvIE.  On  appelle  ainfi  ce  corps  fubtil  ,  léger,  lumineux  & 
ardent  qu'on  voit  s'élever  au-deffus  de  la  furface  des  corps  qui  brû- 
lent. La  flamme  qui  eft  la  partie  du  feu  la  plus  brillante  &  la  plus 
fubtile,  eft  formée  par  les  parties  volatiles  du  corps  brûlant.  Foye:^ 
Feu. 

FLAMMETTE  ou  POIVRÉE.  Nom  donné  fur  le  bord  des 
mers  de  France  à  une  efpece  de  came  ,  dont  l'animal  enflamme 
la  bouche  quand  on  le  mange.  C'cft  une  forte  de  lavignon.  Voyez 
ces  incts. 

FLAMMULE ,  ckmatitîs  erecia ,  LiNN.  Nom  donflé  à  une  efpece 
de  clématite  qui  croît  aux  environs  de  Montpelier ,  &  abondamment 
dans  les  bois  de  la  baffe- Autriche  ;  fa  tige  eft  droite,  ferme ,- rameufe 
par  le  bas,  haute  de  trois  ou  quatre  pieds ,  &  d'une  couleur  fouvent 
rougeâire  :  fes  feuilles,  de  même  que  fes  rameaux  font  oppofés.  Ses 
fleurs  qui  parciflent  au  haut  de  la  tige,  font  nombreufes,  odorantes, 
&  ont  les  mêmes  caraéleres  de  celles  de  la  clématite  vulgaire.  Les 
feuilles  récentes  de  la  flSmmAile  font  d'une  faveur  acre  &  corrofive  : 
les  fleurs  font  également  cauftiques.  L'ufage  des  feuilles  &:  des  fleurs 
a  paffé  anciennement  pour  très-dangereu^t  5  malgré  leurs  qualités  cauf- 


7.^4  "^^    ^^  -^ 

tï^ucs ,  I^.î.  Siorck  en  a  tiré  d'excellens  remèdes,   prlfes   en  infufion  , 

en  extrait,  en  poudre,  contre  les  ulcères  vénériens.  Foyeila.  Dil/erta' 

tion  de  M.  Storck  fur  la  FlammuU. 

FLECHE  D'EAU,  fa.gitta  aquatlca  major,  Ceft  une  efpece  de 
renoncule,  de  marais.  Voyez  ce  mot.  Ses  feuilles  font  pyramidales 
comme  une  flèche. 

FLECHE  DE.  MER.  Voyti  Dauphin  à  r article  Baleine. 

FLECHES.  Voyei  à  V article  Armes. 

FLECHES  DE  PIERRE ,  fa^itta- formes.  Les  Lithologiftes  don- 
nent ce  nom  ou  aux  bélemnites  ou  aux  pyrites  pyramidales ,  &  quel- 
quefois à  des  pierres  très-dures  qu'on  trouve  taillées  fous  cette  forme, 
&  dont  les  Anciens  fe  fervoient  en  guife  de  traits.  Ils  avoient  aufÏÏ  l'art 
de  tailler  ces  pierres  fous  d'autres  formes. 

FLET.  Voyei  Flez. 

FLETAN  ou  FAITAA'  ;,  Mppogloffus.  Ceft  un  poifTon  plat  &  large 
qu'on  trouve  fur  les  côtes  de  l'Océan.  On  peut,  dit-on ,  le  regarder 
comme  imQ  plie  ou  une  limande,  ou  une  foie.  En  effet,  Iq  flétan  eft 
compris  avec  ces  poilfons  dans  un   genre  quArtedi  a  nommé  pUuro^ 
mctes  ,  dont  les  principaux  caraderes  font  d'avoir  fept  côtes  à  la  mem- 
brane des  ouies ,  &  les  yeux  placés  tous  les  deux   d'un  même  côté. 
On  en  prend  dans  la  mer  d'Allemagne  qui  pefent   cent  vingt  livres  i 
Ton  en  pcche  aux  environs  de  Tlflande  qui  pefent  jufqu'à  quatre  cents 
livres.  Son  afpeâ;  a  quelque  chofe  d'eifrayant  :  fa  bouche  eft   armée 
tant  en  haut  qu'en  bas ,  d'un  double  rang  de  dents  un  peu  courbées 
en  dedans  &  fort  pointues.  Sa  langue  eft  très-forte ,  roide ,  &  hériffée 
jSru  fond  du  palais  de  quantité  de  petites  dents  également  pointues  :fes 
ouies  ont   de  pareils  piquants  ,    &   par-deflfus ,    trois   couvercles   ou 
oreilles.  Ses  yeux  font  placés  du  côté  droit.  Ce  poiffon  eft  fans  écailles  , 
&  nagea  plat:  il  eft   trop  mince  pour   fe   mouvoir  en   arrière,   de 
côté,  en  avant,  aulTi  facilement  que  d'autres  poiflbns  de  la  mcme  lon- 
gueur. On  trouve  dans  l'eftomac  de  cette  plie  énorme  des  harengs  & 
des  poiffons  non  totalement  digérés,  mais  tout  déchirés  par  le  nombre 
de  pointes  meurtrières  dont  nous  avons  parlé  ci-deflus.  Son  corps  eft 
tout   environné   de   nageoires  :  fa  figure  extérieure ,  fes  rames ,  fes 
entrailles ,  tout  lui  eft  commun  avec  les  plies  ;  il  manque  également 
de  la  vefiîe  propre  à  contenir  l'air  :  ce  défaut  rend  cette  efpece  dg 
poifion  iHcap.?.bîe  de  s'çlever  beaucoup  dans  i'ijau  &  de  nager  loin,  On 

Remarque 


F  L  E  74?', 

remarque  encore  dans  \q  flétan  cette  peau  que  la  Nature  a  donnée  à 
tous  les  poifTons  mauvais  nageurs  de  cette  efpece ,  &  qu'ils  mettent 
devant  leurs  yeux  comme  un  voile,  pour  les  garantir  contre  les  afpé- 
rités  du  fable  lorfqu'ils  s'y  enterrent  pendant  la  tempête ,  pour  ne  pas 
être  balotés  par  les  flots. 

Ce  poiflTon  eft  aflez  commun  à  Anvers  :  fa  chair  eft  de  fort  bon 
goût ,  mais  trop  gralTe  pour  qu'on  la  puiffe  digérer  facilement.  Dans 
la  BaflTe-Saxe  on  prépare  avec  les  nageoires  du  flétan ,  qu'on  coupe 
bien  avant  dans  le  dos  avec  la  graiflîe  &  qu'on  fale  un  peu,  une  efpece 
de  manger  qu'on  nomme  raf  ou  rekd  ,  mais  qui  n'efl:  guère  en 
ufage  que  pour  les  gens  du  peuple  ,  dont  refl;omac  efl:  robufte.  Cet 
aliment  incommoderoit  les  riches,  dont  la  délicatefle  affoiblit  le  tem- 
pérament. Pour  conferver  long-temps  le  raf,  on  le  laiffe  fécher  au 
vent.  Les  Norvégiens  préparent  le  meilleur  raf.  Ils  pèchent  le  flétan 
pendant  la  nuit ,  &  immédiatement  après  la  pêche  du  cabeliau.  Ce  tra- 
vail dure  jufqu'à  la  fin  de  Juin.  Les  François  qui  font  des  expéditions 
pour  la  pêche  de  la  morue,  préparent  aufli  du  raf  avec  les  nageoires  ou 
des  bandes  longues  de  graiffe  &  de  peau  qu'ils  coupent  aux  flétans  qu'ils 
pèchent  fur  les  bancs  de  Terre-Neuve  :  ceux-ci  font  plus  petits  que 
ceux  du  Groenland.  Le  flétan  ne  feroit-il  pas  une  efpece  de  raie? 

FLETELET.  Voyc^YL^z. 

FLEUR  ,  flos.  Les  fleurs  font  des  produdions  des 77/^/2^25  qulfe  chan- 
gent en  fruits  après  avoir  fatisfait  notre  vue  par  la  vivacité  &  la  diyer- 
fité  de  leurs  couleurs,  &  avoir  flatté  notre  odorat  par  les  parfums  qu'elles 
exhalent  dans  l'atmofphere. 

L'idée  que  Cefalpin  avoit  fur  la  nature  des  fleurs ,.  eft  afTez  fingu- 
îiere  pour  mériter  qu'on  en  faffe  mention  ici.  Ce  Botànifte  regardoit  le 
calice  des  plantes  parfaites  ,  comme  une  expanfion  de  l'écorce  exté- 
rieure &grolîîere  des  branches;  la  corolle  ,  comme  fexpanfion  de  l'écorce 
intérieure  ;  les  étamines  ,  comme  un  prolongement  des  fibres  du  bois  ; 
Je  pifl:il,  comme  une  expanfion  de  la  moelle  de  la  plante;  mais  à  ne 
confulter  que  ce  qui  fera  dit  ci-après  de  l'organifation  de  ces  parties,' 
on  verra  que  cette  idée  n'eft  pas  tout-à-fait  exade. 

lu^ fleur  complette  eft  compofée  de  trois  parties.  La  première  eft  fen- 
veîoppe  appelée  calice  par  les  Botaniftes  :  c'eft  elle  qui  foutient  les 
fleurs  &  les  conferve  dans  cet  arrangement  qui  eft  propre  à  chacune.  La 
Seconde   eft  le  feuillage  appelé  corolk  ;  il  eft  compofé  d'une  ou  d© 

Tom&  ÎU  B  b  b  b  b 


^^6  F  L  E 

plufieurs  feuilles  de  toutes  couleurs ,  qu'on  nomme /'fcWc;5.Cefl:  à  cette 
partie  que  le  langage  vulgaire  donne  exclufivement  le  nom  dejieur,  (  Du 
refte ,  dit  M.  Delei/{e ,  comme  dans  quelques  fleurs  le  calice  eft  coloré  , 
&  qu'il  y  en  a  dont  la  corolle  n'a  qu'une  couleur  herbeufe  ,  il  peut  arri- 
ver que  dans  les  fleurs  incomplettes  on  prenne  le  calice  pour  une  corolle 
&  vice,  versa.  )  La  Nature  a  defliiné  ces  feuilles  à  couvrir  le  cœur  de  la 
fleur  ,  &  à  le  mettre  à  l'abri  des  injures  de  l'air  ;  mais  àl'afped  du  foleil 
elles  s'épanouifTent  ordinairement.  M.  Linnœus  diftingue  encore  dans  les 
fleurs  ,  comme  parties  de  la  corolle,  ce  qu'il  nomme  Iqs necîaires  ,  (  nec- 
taria  )  ou  les  organes  de  la  fecrétion  du  miel.  Ils  ont  différentes  formes 
&  font  ordinairement  attachés  à  l'ongle  des  pétales  :  quelquefois  ce  font 
des  pièces  féparées,  que  leur  grandeur  peut  aifément  faire  prendre  pour 
des  pétales  ,  &  qu'on  en  dilïingue  parce  que  par  leur  figure  ou  parleur 
pofition  ,  elles  ne  paroilTent  pas  deftinées  comme  ceux-ci  à  envelopper 
les  organes  de   la  génération.  La  troifieme  partie  eft  le  cœur  :  c'efl:  la 
partie  la  plus  précieufe  de  la  fleur  ;  il  efl:  compofé  des  It.imïnes  ,  àupljîil 
Se  d^sfommets. 

Les  fleurs  peuvent  être  divifées  qw  Jleurs  en  feuilles  &  en  jleurs  à  éta- 
mïnes.  Les  premières  font  celles  qui ,  outre  les  étamines  ou  filets  char- 
gés de  fommets ,  font  encore  compofées  de  ces  parties  qu'il  faut  appe- 
ler/t'/z/V/é^  de  la  jieur  ;  telles  font  les  fleurs  delà  renoncule  ,  du  chou  ,  de 
la  pâquerette.  Les  fécondes  font  celles  qui  n'ont  point  de  teuilles ,  mais 
feulement  des  étamines  ou  filets  chargés  de  fommets  ;  telles  font  le& 
fleurs  de  la  prêle  ,  de  Yavoine  ,  de  ïarroche  ,  &c.  Prefque  toutes  les  fleurs 
à  étamines  ont  un  calice  ,  fi  -on  en  excepte  le  ruban  cTeau  &  la  queue 
de  cheval.  On  peut  encore  divifer ,  avec  M.  Deleu-;e  ,  les  fleurs  en  com- 
plettes  &:  en  incomplettes.  Les  premières  ont ,  outre  les  organes  eflentiels 
de  la  génération  ,  une  corolle  &  un  calice.  Les  fécondes  font  celles  aux- 
quelles manque  la  corolle  ou  le  calice ,  ou  l'un  &  l'autre  en  même 
temps.  Des  Méthodiflies  divifent  auiîî  les  fleurs  en  mdles  ,  Qn  femelles  & 
en  hermaphrodites. 

On  peut  donc  confidérer  les  fleurs  ou  comme  fimples ,  ou  comme 
compofées.  \jQS  Jimples  font  celles  qui  ne  renferment  qu'une  feule  fleur 
dans  le  calice  ;  telles  que  font  les  fleurs  de  lajufquiame ,  de  lafauge  >  du 
icrifier,  &c.  Les  fleurs  compofées  font  celles  qui  font  effedivement  com- 
pofées d'autres  fleurs  :  on  les  a^pdlo  fleurs  à  fleurons  &  à  demi-fleurons  ; 
telle  efl:  ïaubifoin,  CouiuliQlVexpofu,  caracïérifl,  des  Jleurs  compofées  ,  par 


F  L  E  74  7 

JTf.  îe  Francq  de  Berkey  ,   imprimée  à  Leyde  ,    in-^.   avec  figures. 

hQs  Botaniftes  diflinguent  encore  les  fleurs  en  foUtaires  ,  enfieurs  en 
tête  ,  Qnjlcurs  en  ombelles  ,  en  fiairs  en  corimbe  ,  en  verticillces ,  en  fieurs 
en  épis  ,  ou  en  pannicule  ,   ou  en  grappe  ,  ou  enfisurs  écailleufes  ,  &c. 

li  y  a  dans  la  dirpofition  des  fleurs  quelques  difficultés  qui  ne  font 
pas  bien  éclaircies  ,  fur-tout  à  l'égard  des  épis  ,  pannicules  ,  grappes  , 
ombelles  &  corimbe,  (  Voyez  ces  mots  dans  le  tableau  alphabétique  de 
l'article  Plantes.  )  Quant  à  la  fituation  des  fleurs  ,  les  unes  fe  trou- 
vent répandues  fans  ordre  fur  la  plante  ,  le  long  des  branches  ou  du 
tronc  ,  comme  dans  plufieurs  fougères  ;  les  autres  font  aux  aifTelles  des 
feuilles  ou  des  branches ,  ou  oppofées  aux  feuilles  ;  d'autres  terminent 
îe  bout  des  tiges  ou  branches. 

M.  Adanfon  obferve  judicieufement  qu'on  induit  trop  fouvent  en 
erreur  les  Etudians  en  Botanique ,  lorfqu'on  leur  dit  que  nombre  de 
plantes,  telles  que  le  mnfa ,  la  plupart  des  genres  de  la  famille  des  ju- 
jubiers 5  &c.  ont  des  fleurs  mâles  mêlées  avec  des  femelles  {a).  Toutes 
leurs  fleurs  font  hermaphrodites  ;  mais  uns  partie  avorte  étiolée  par  les 
autres  qui  en  abforbent  les  fucs  ;  &  ces  plantes  n'ont  pas  plus  de  fleurs 
mâles  que  les  abricotiers,  les  pêchers,  &  tant  d'autres  arbres  qui  laif- 
fent  tomber  toutes  celles  qu'ils  ne  peuvent  nourrir.  On  doit  regarder 
comme  Jleurs  maies  ,  celles  qui  ont  quelques  parties  du  fexe  mafculin  , 
telles  que  les  anteres  ou  les  filets  des  étamines  ;  comme  femelles ,  celles 
qui  ont  quelques  parties  du  fexe  féminin  ,  telles  que  l'ovaire ,  le  ftile 
ou  ftigmate  ;  comme  hermaphrodites ,  celles  qui  ont  quelques  portions 
de  ces  deux  parties  ;  comme  neutres  ,  celles  qui  n'ont  abfolument  que  la 
corolle  ou  le  calice  ,  fans  aucune  apparence  d'organes  fexuels ,  telles 
que  quelques  biifus  ou  champignons.  .    '  "  ' 

Les  fleurs  hermaphrodites,  ainfi  que  les  fleurs  mMes  Scies  femelles; 
peuvent  être  flériles  ;  &  il  ne  faut  pas  confondre  les  fleurs  fl:ériles  avec 
les  neutres.  Une  fleur  fl:é~rile  ,  continue  M.  Adanfon  ,  doit  avoir  au 
moins  une  des  deux  parties  fexuelles ,  &  peut  les  pofleder  toutes  deux 


(j)  M.  Haller  dit  que  cette  obfervation  eil  très-jufte  ;  elle  revient,  dit-il,  dans  les 
gramens  ,  où  les  fleurs  mâles  de  M.  Linnœus  ou  fes  fleurs  ftériles  ,  ne  font  guère  que 
des  fleurs  avortées  \  &  généralement  il  eft  très-ordinaire  que  dans  les  plantes  à  (èxes 
réparés  ,  il  y  ait  des  fruits  avortés  dans  les  fleurs  mâles  ,•  il  n'eft  pas  rare  même  de 
trouver  des  traces  d'étaraines  dans  les  fleurs  femelles ,  comme  dans  les  valérianes, 

Bbbbb  2 


74^5  F  L  E 

enfemble  ;  au  lieu  que  la  fleur  neutre  ne  peut  &:  ne  doit  en  avoir  aucune  ; 
ainfi  la  fleur  hermaphrodite  peut  ètxQ  fertile  ;&  fi  elle  avorte  ,  elle  de- 
vient fleriU,  Voyez  l'article  Sexe  dans  le  tableau  alphabe'tique  du  mot 
Plante  ;  voyez  aufli  l'article  Hermaphrodite  de  ce  Didionnaire  ,  & 
le  DïfcGins  fur  Us  amours  des  plantes  ,  par  M.  Pinard,  Profefieur  de  Bo- 
tanique &  Membre  de  l'Académie  Royale  des  Sciences  de  Rouen. 

De  cette  difl:indion  il  réfulte  que  parmi  les  fleurs  il  s'en  trouve  qui, 
n'étant  pas  des  herm.aphrodites  fertiles  ,  c'efl:-à-dire ,  ne  renfermant  pas 
dans  une  même  enveloppe  les  deux  kxes  parfaits  pour  fe  féconder  réci- 
proquement, alors  elles  ne  peuvent  pas  produire  du  fruit.  Quelquefois 
les  fleurs  d'une  plante  entière  ou  d'un  arbre  font  unifexes,  c'eft- à-dire  , 
ou  toutes  mâles  ou  toutes  femelles  :  celles-ci  ne  peuvent  être  fécondées, 
ceft-à-dire,  produire  du  fruit  ou  de  la  graine  ,  qu'en  recevant  aupa- 
-ravant  dans  leur  ftigmate  la  pouflîere  prolifique  qui  fe  trouve  fur  les 
étamines  des  fleurs  mâles  de  la  même  efpece.  Ces  fleurs  mâles  ne  Drodui- 
fent  point  de  fruit  après  leur  chute  :  elles  font  à  cet  égard  ce  que  les 
animaux  font  à  l'égard  de  leurs  femelles  :  celles-ci  n'engendrent  point 
qu'elles  n'aient  été  fécondées  par  les  mâles.  Nous  avons  trop  d'exem- 
ples fous  Içs  yeux  de  cette  merveille  dans  les  plantes  ,  pour  infifter  plus 
long-temps  ;  il  fuffira  de  lire  les  articles  du  dattier ,  du  chanvre ,  du  pif' 
tachier,  du  châtaignier  ^  du  houblon  ,  du  peuplier ,  &c.  pour  être  inftruits 
comment  certaines  plantes  font  ftériles ,  &  des  moyens  de  les  faire  fruc- 
tifier. 

Combien  de  plantes  ont  les  fleurs  bifex^es  ou  hermaphrodites ,  c'efl:- 
â-dire  ^  des  fleurs  de  deux  fexes ,  favoir  le  pifl:il  &  l'étamine  dans  le 
même  calice.  Telles  font  les  lys ,  la  giroflée  ,  la  tulipe  ,  le  figuier  ,  & 
la  plus  grande  partie  des  efpeces  végétales  ,  dans  lefquelles  le  piflil 
eft  environné  d'étamines  ^  ou  à  côté  des  étamines  ,  &c.  Il  y  a  aufli  des 
plantes  qui  ont  les  fleurs  des  deux  fexes,  mais  dont  les  mâles  font  fur 
des  pieds  différehs  de  ceux  des  femelles  ,  ou  feulement  féparées  fur  le 
même  pied ,  comme  le  .cyprès ,  le  coudrier  ,  le  hêtre ,  le  faule ,  le 
chêne ,  le  cèdre ,  le  genièvre  ,  le  pin  ,  le  mûrier ,  le  melon  ,  le  con- 
combre ,  le  pommier,  le  prunier,  le  grofeiller ,  le  plantain,  &c.  Qui 
ignore  que  les  fleurs  &  les  végétaux  mêmes  peuvent  varier  à  l'infini, 
lorfque  la  poufliere  qui  tombe  des  étamines  d'une  plante,  vient  à  être 
portée  par  le  vent  fur  le  piflil  d'une  fleur  d'une  autre  efpece  ou  de  dif- 
férente couleur  ï  Çeft  ^nfi  (ju'eii  17;  i  M,  Linnaus^  (  DiffmUe  Plamis 


P  L  Ê  74^ 

hybnd'is  )  a  cru  reconnoître  que  la  pimpindla  agrimonoidcs  efl  une 
nouvelle  efpece  de  plante  née  de  la  pimprenelle  commune  ,  fécondée 
par  la  poulîîere  de  l'aigremoine  :  il  ajoute  que  le  nymphoïdes  paroît 
reconnoître  pour  père  le  menyante ,  &  pour  mère  le  nénuphar  :  le 
dadfca  ou  chanvre  jaune  de  Crète,  a  eu  de  même  pour  père  le  chanvre, 
&  pour  mère  le  refeda  :  l'a.  pdore  paroît  avoir  pour  mère  la  linaire  ,  & 
pour  père  la  jufquiame  ou  le  tabac.  Il  efl:  probable  ,  dit  M.  Linnœus,  que 
plufîeurs  autres  plantes  ont  été  pareillement  formées  :  félon  cet  Auteur, 
la  prodigieufe  quantité  d'efpeces  connues  de  géran^iums  ,  de  cierges  , 
d  aloës  ,  qui  ornent  nos  jardins  ,  font  des  dégénérations  de  la  première 
efpece.  M.  Kodretiteur  a  donné  d'excellentes  obfervations  fur  les  plantes 
hybrides  :  il  avoue  qu'on  en  peut  faire  par  le  mélange  d'une  pouflîere 
étrangère  ;  mais  la  chofe  arrive  ,  dit-il ,  difficilement  fans  le  concours 
de  l'art  :  &  ce  même  Obfervateur  affure ,  après  une  infinité  d'expérien- 
ces ,  que  ces  efpeces  bâtardes  font  prefque  toujours  ftériles.  La  vé- 
ronique bâtarde,  la  barbouquine  bâtarde  ,  le  pied  d'alouette  ou  delphi- 
nette  bâtarde ,  &  l'éperviere  aufli  bâtarde  ,  &  quantité  d'efpeces  qui , 
comme  les  géraniums  ,  appartiennent  au  même  genre  ,  ont  été  pro- 
duites par  le  mélange ,  par  la  fécondation  d'autant  d'autres  èfpeces  de 
genres  différens ,  &  réciproquement  que  les  genres  eux-mêmes  ne  font 
autre  chofe  qu'un  afiemblage  de  plantes  nées  d'une  feule  &  même  riiere, 
fécondées  par  autant  de  pères  différens.  Ceci  étant,  les  plantes  dévoient 
être  peu  nombreufes  en  efpeces  ,  &  mêrhe  en  genres  ,  lorfqu'il  plut  au 
Créateur  de  donner  une  exiftence  au  néant. 

Ces  exemples  de  changemens  caufés  par  des  fécondations  étrangères  5. 
fe  multiplieront  certainement  à  mefure  qu'on  fera  plus  attentif  aies  obfer- 
ver,  ou  qu'on  voudra  fe  les  procurer  en  fécondant  une  plante  femelle  par 
une  efpece  différente,  comme  il  eft  dit  ci-defFus.  M.  Adanfon  a  dit  à 
cet  égard ,  qu'on  pourroit  eiTayer  de  féconder  le  ricin  par  le  tithy- 
male,  le  chanvre  par  le  houblon  ,  l'ortie  par  le  mûrier,  lé  faule  par 
le  peuplier  ,  &c.  Tout  le  monde  fait  qu'en  coupant  toutes  les  étamines 
d'une  tulipe  rouge  avant  l'émifTion  de  leur  poufîiere .  &  qu'en  poudrant 
k  fligmate  de  cette  même  plante  avec  les  étamines  d'une  autre  tulipe 
blanche,  les  graines  de  cette  tulipe  rouge  produifent  des  variétés  de 
tulipes  dont  les  unes  font  rouges,  les  autres  blanches;  d'autres  blan- 
ches, rouges  &  marbrées:  de  même  que  deux  animaux  de  même  efpece 
îranfmettent  leurs  couleurs  aiix  animaux  qu'ils  engendrent,  Ce  que 


7  >-  o  F  î^  E 

nous  venons  de  dire  des  tulipes,  peut  auflî  s'appliquer  aux  anémones, 
aux  jacintes ,  aux  renoncules,  &c.  En  général,  cette  théorie  de  la 
génération  des  plantes  peut  nous  faire  entrevoir  comment  on  altère 
&  on  change  audî  le  goût ,  la  forme  &  la  qualité  d'un  fruit.  Il  fuffit 
de  croifer,  comme  dans  certains  animaux,  la  race  des  végétaux: 
combien  de  fleurs  des  plus  variées  naiflent  de  ces  mélanges ,  je  dirois 
volontiers  de  ces  accouplemens ,  accidentels  à  la  vérité.  Ces  tranfmu- 
tations  des  plantes  ne  fe  perpétuent  pas  long-temps  ,  elles  reprennent 
bientôt  la  forme  des  plantes  paternelles  dont  elles  ont  tiré  leur  origine. 
Ainfi  les  efpeces  vraies  font  confiantes  :  elles  ne  changent  qu'acciden- 
tellement &  pour  un  temps.  Il  faut  donc  renouveller  la  communica- 
tion des  fexes  des  efpeces  différentes  du  même  genre,  pour  produire 
ces  tranfmutations  en  plantes  mulâtres ,  ou  bien  châtrer  celles  qui 
font  pourvues  des  deux  fexes,  &  répandre  la  poufliere  génitale  des 
fleurs  mâles  fur  les  organes  des  fleurs  femelles.  Aujourd'hui  M,  Adan- 
fon  paroît  fort  oppofé  â  la  polîibilité  de  ces  tranfmutations  des  efpeces 
dans  le  règne  végétal,  yoyc:^  les  Mém,  di  VAcad.  ann.  i/Cc)»  Cet 
Auteur  convient  cependant  que  les  changemens  fur  les  efpeces  qui  fe 
perpétuent  dans  leur  pofl:érité  ,  doivent  prendre  le  nom  de  races.  Le 
blé  de  Smyrne  efl:  au  nom.bre  des  plantes  nouvelles.  La  tranfmutat'.on 
confiante,  immuable  des  efpeces  ,  n'a  donc  pas  plus  lieu  dans  les 
plantes  que  dans  les  animaux:  tous  les  corps  ovganifés  font  comms 
afifujettis  au  prototype  de  la  création  primitive.  A  voir  l'harmonie  qui 
règne  dans  toutes  les  parties  de  l'Univers,  tout  Philofophe  raifon- 
pâble  eft  d'abord  porté  à  croire  que  les  écarts  ont  aufli  leurs  lois  & 
leurs  bornes.  En  effet,  plus  on  obfervera,  plus  on  fera  convaincu  que 
les  monftruofltés  en  tout  genrç  ^  les  variations  ont  une  certaine 
latitude,  ncceliaire  fans  doute,  &  établie  pour  l'équilibre  deschofes; 
après  quoi  elles  rentrent  dans  fordre  préétabli  par  la  fageffe  du 
Créateur. -Si  la  tranfmutation  des  efpeces  ,  tant  végétales  qu'animales, 
avoit  eu  lieu  depuis  le  moment  de  la  création  ,  tout  fe  trouveront 
aujourd'hui  dans  la  plus  grande  confufion,  &  il  feroit  impolîible  de 
reconnoitre  les  efpeces  primordiales ,  le  type  de  Tefpece  &  de  fes 
variétés. 

On  obferve  que  les  fruits  ou  la  graine  qui  fuçcédent  aux  fleurs 
purement  femelles  ,  naiflent  pour  l'ordinaire  en  un  autre  endroit  que 
îa  fleur,  différemment  en  cela  des  fleurs  hermaphrodites  fertiles,  dont 


F  L  E  7^1 

le  fruit  naît  communément  dans  le  calice  de  la  fleur  qui  Ta  précédé» 
Il  y  a  une  infinité  de  détails  répandus  à  ce  fujet  dans  le  corps  de 
cet  Ouvrage ,  aux  articles  qui  nous  préfentent  ces  fortes  de  phéno- 
mènes. ^ 

Nous  répétons,  car  on  ne  peut  trop  le  dire,  qu'il  fùiiit  pour  que 
la  fécondation  s'opère  ,  que  la  moindre  parcelle  de  la  matière  contenue 
dans  la  poufliere  des  étamines,  foit  répandue  fur  le  ftigmate  du  piftil. 
On  fait  que  l'ovaire  ou  fon  ftyle  &  fon  ftigmate  font  percés  d'un  bout 
à  l'autre ,    même   très-fenfiblement  dans  plufieurs    liliacées  ,  dans   le 
baobab j  l'herbe  maure,  &  quelques   autres  plantes;   mais  il  y  en   a 
beaucoup  plus  où  ils  font  fermés  &  pleins.  Cela  feul   fufFiroit   pour 
prouver  que  ce  n'eft:  par  l'intromiffion  de  la  poufliere  des  étamines , 
qui  opère  la  fécondation  ,  ni  qui  porte  le  germe  dans  les  ovaires,  s'il 
n'étoit  pas  connu  pas  des  obfervations  microfcopiques,  que  l'embryon 
fe  trouve  tout  formé  dans    les  graines   des  plantes  qui  n'ont  pas  été 
fécondées ,  &  dont  le  parenchyme  ne  fait  qu'un   corps  continu  avec 
lui;  de  la  même  manière  que  le  fœtus  fe  trouve  tout  formé  dans  les 
oeufs  de  la  grenouille  &  dans  ceux  de  la  poule  avant  la  fécondation  , 
félon  les  obfervations  de  Malpîghi ,  de  M.  HalUr ,  &  plufieurs  autres 
Anatomiftes  modernes  aufli  célèbres.  La  fécondation,  dit  l'Auteur  des 
familles  des  plantes ,  s'opère  donc  dans  les  végétaux  &  les  animaux  par 
une  vapeur  comme  fpiritueufe  volatile,  à  laquelle  la  matière  prolifique 
fert  fimplement  de  véhicule  :  cette   vapeur  aufli  ténue  fans  doute  & 
aufli  animée  ,  aufli  prompte  que  celle  qui  enveloppe  les  corps  éledri- 
ques ,  s'infinue,  félon  le  même  Auteur,  dans  les  trachées  qui  fe  termi- 
nent à  la  furface  des  ft:igmates ,  defcend  au  placenta  lorfqd^il  y  en  a^ 
pafle  de -là  aux  cordons  ombilicaux  jufques  dans   chaque  graine  où 
elle  donne  la  première  impulfion ,  le  premier   mouvement  ou  la  vie 
végétale  à  l'embryon    qui  ^eft  d'abord  comme   invifible,  &   qui  peu 
après  fa  vivification  paroît  comme  un  point  verdâtre  dans  les  uns , 
&  blanc  dans  d'autres.  Dans  ce  fyftême  on  fuppofe  que  la  graine  con- 
tient la  plante  en  petit,  comme  fuivant  quelques  Auteurs,  l'animal  efl 
renfermé  dans  l'œuf  de   la  femelle,  &    n'a  befoin  de  la  femence  du 
mâle  que  pour    exciter  une   fermentation  ,  un  développement.  Une 
autre  opinion  fur  la  manière  dont  la  poufliere  rend  les  arbres  féconds, 
c'efl:,  félon  M.  Geoffroi ,  que  la   poufliere  de  la  fleur   eft  le  premier 
germe  ou  le  premier  bourgeon  de  la  nouvelle  plante,  &  qu'elle  n'a 


hdoin  poLii"  étra  développée  Qc  pour  croître  que  du  fuc  nourricier 
qu'elle  trouve  préparé  dans  les  embryons  de  la  graine ,  de  même  que 
le  petit  animal  eft  dans  la  femence  du  mâle ,  &  n'a  befoin  que  de  la 
fubftance  de  l'ovaire,  ou  des  liqueurs  contenues  dans  la  matrice,  pour 
fe  développer-*  Bi  pour  croître.  Le  Ledeur  peut  remarquer  que  ces 
deux  théories  de  la  génération  des  végétaux  ont  une  analogie  très- 
exadle  avec  les  deux  théories  delà  génération  des  animaux.  Foyei 

GÉNÉRATION. 

L'on  voit  par  tout  cet  expofé,  i**.  que  les  moyens  dont  la  nature 
fe  fert  pour  procurer  la  fécondation  dans  les  plantes,  varient  comme 
leurs  mœurs  &  comme  la  ftrufture  de  leurs  parties  ;  2°.  que  deux 
plantes  unifexes ,  l'une  mâle  &  l'autre  femelle ,  naiflent  de  graines 
recueillies  fur  le  même  pied  :  3°.  que  les  fleurs  mâles  fleurilTent  en  même 
temps  que  les  femelles ,  ou  avant  ;  &  que  les  étamines  des  herma- 
phrodites fertiles  ou  bien  conditionnées ,  s'ouvrent  lorfque  les  piftils 
font  en  état  de  recevoir  leur  poufiiere.  Les  fleurs  ne  s'ouvrent  commu- 
nément que  dans  les  beaux  temps,  ôc  fi  dans  cet  état  le  temps  menace 
de  pluie  avant  que  la  fécondation  foit  achevée,  alors  elles  fe  ferment 
pour  en  garantiras  étamines  &:  le  jftigmate,  ou  même  pour  les  préferver 
de  l'hufnidité  de  la  nuit.  Il  n'y  a  que  celles  dont  les  étamines  font 
.couvertes,  qui  ne  fe  ferment  pas  la  nuit;  enfin,  toutes  fe  ferment  dès 
que  le  piftil  a  reçu  la  poufliere  des  étamines:  4.°.  que  les  étamines  des 
fleurs  hermaphrodites  font  courbées  fur  le  ftigmate  du  piftil.  Dans  les 
plantes  bifexes ,  androgyiw». ,  les  fleurs  mâjes  font  communément 
placées  au-deffus  des  femelles,  comme  dans  le  maïs,  le  typha  ,  le 
fnancenilier,  le  figuier,  &c.  cependant  il  y  en  a  beaucoup  qui  ont  les 
rnâles  placées  au-deffous ,  comme  dans  le  ricin  ,  le  buis ,  le  manihot  , 
îe  pin  ,  &c.  &  c'efl:  le  vent  qui  fert  de  véhicule  en  portant  leur 
poufliere  f^r  les  femmelles  qui  font  au-deflus;  j^.  qu'en  général  les 
/étamines  &  les  fl:igmates  obfervent  jrefpedivement  le  degré  de 
hauteur  &  de  fituation  nécellaire  pour  fe  féconder  dans  le  temps 
de  lafieuraifon,  &c.  6".  dans  les  fleurs  qui  fe  tournent  vers  la  terre,- 
comme  l'acanthe,  le  cyclamen,  &  la  couronne  impériale,  le  piflil 
eft  beaucoup  plus  long  que  les  étamines,  afin  que  la  poufliere  dQS 
étamines  puifle  y  tomber  en  quantité  fuffifante. 

Nous  confidérerons  maintenant  les  fleurs  dans   leur  origine ,  leur 
0i!f,urei  leur  muhi^Ucatien  ^  leur  çonftrvfition^  leur  dcfiinadon  ^  &c.  mais 

noyj 


FLE  7n 

nous  avertîflbns  notre  Ledeur  qu'il  n'efl:  plus  queftion  dans  ce  qui 
fuit  des  fleurs  confidérées  dans  le  fens  philofophique ,  nous  traiterons 
en  géne'ral  de  celles  qui  par  la  beauté  de  leur  corolle  ont  attiré  i'atteur 
tion  des  curieux. 

Origine  des  Fleurs,  "    * 

Tout  le  monde  fait  que  les  fleurs  proviennent  ou  de  plantes  i  ou 
d'oignons,  &  que  tous  les  oignons,  &  la  plupart  des  plantes  tirent 
leur  origine  des  graines;  mais  dans  les  paragraphes  ruiv3ns  nous  indi- 
querons des  moyens  par  lefquels  on  fait  venir  différentes  fortes  de 
fleurs  plus  promptement  que  de  leurs  graines.  Les  Jardiniers-Fleuriflies 
n'appellent  fleurs  que  celles  qui  fervent  d'ornement  &  de  décoration 
aux  jardins,  tels  font  les  œillets,  les  tulipes,  les  renoncules,  les 
anémones,  les  tubéreufes,  &c.  Ce  qu'il  y  a  de  fingulier,  c*eft  que 
nous  n'avons  point  de  belles  fleurs,  excepté  les  œillets,  qui  origi- 
nairement ne  viennent  du  Levant;  mais  aujourd'hui  il  ne  faut  plus 
aller  à  Confl:antinople  pour  admirer  les  fleurs  ;  c'eft  dans  les  jardins 
de  nos  Curieux  qu'il  faut  voir  leur  étalage  fucceifif,  &c  en  apprendre 
la  culture.  P^o^yei  aujji  l'article  Plante. 

Culture  des  Fleurs, 

Cefi:  fur  des  couches ,  fur  des  planches ,  dans  des  pots ,  &  dans  le* 
plates- bandes  des  parterres,  qu'on  feme  &  qu'on  élevé  des  fleurs  pro- 
venues de  graines  hdtives ,  &  dont  la  bonté  fe  reconnoît  à  leur  pefan- 
teur  qui  les  fait  aller  communément  au  fond  de  l'eau.   La  meilleur© 
faifon  de  femer,  efl:  depuis  Mars  jufqu'en  Septembre.  On  feme  à  quatre 
doigts  d'intervalle.  Si  c'efl:  une  terre  meuble  &  facile  à  percer ,  on 
recouvre  la  graine  d'un  doigt  de  la  même  terre  ;  fi  on  feme  fur  couche 
(  lorfque  le  fumier  a  perdu  fa  grande  chaleur),  on  la  recouvre  de 
deux  doigts  de  terreau.  On  feme  fur  la   fin  d'Août  ce  qu'on  veut 
replanter  avant  l'hiver.  On  a  foin  d'arrofer  tous  les  jours  avec  de  l'eau 
échauffée  au  foleil ,  &  de  couvrir  les  graines  d'un  doigt  de  paille 
longue  j  mais  quand  elles  font  levées,  il  faut  les  découvrir,  &  toute- 
fois les  garantir  des  gelées  par  des  paillaffons   en  dos-d'âne.  Si  on 
plante  des  oignons  de  fieurs,  il  faut  creufer  la  terre  à  un  pied  de  pro- 
fondeur ,  enfuite  cribler  de  la  terre  maigre  &  légère  fur  la  couche  en 
quantité  fuflifante  pou£  remplii;  les  filions  ou  rigoles,  puis  unir  le, 
Tome  II,  Ccççc 


7f4  FLE 

tout  avec  un  râteau  &  y  placer  les  oignons  dans  une  diftancc  propor- 
tionne'e ,  &  à  quatre  doigts  fous  terre.  Autour  des  bordures  on  peut 
mettre  des  anémones  ou  des  tulipes;  mais  point  de  renoncules,  car 
elles  demandent  à  être  feules ,  tant  en  pleine  terre  que  dans  les 
pots. 

Il  faut  être  exad  à  farder  dans  le  temps  où  la  rofée  tombe ,  parce 
qu'on  arrache  mieux- alors  les  racines  des  plantes  inutiles;  il  fautaufii 
avoir  grand  foin  de  faire  la  guerre  aux  limaçons,  aux  perce-oreilles 
&  autres  infedes  qui  rongent  les  plantes. 

On  tranfplante  les  fleurs  dans  le  printemps  &  dans  Tautomne  en 
pleine  terre  ou  dans  des  pots  :  mais  on  ne  tranfplante  qu'après  la 
féconde  année  les  oignons  qui  viennent  de  graine  :  on  les  met  alors 
en  bonne  terre  neuve  &  légère,  &  on  a  des  fleurs  à  la  troifieme 
année» 

.    Pendant  l'hiver ,   pour  garantir  les  fleurs  du  froid ,  on  les  met  dans 
une  ferre  aérée:  on  les  doit  arrofer  légèrement  api  es  le  lever  du  foleil. 
Dans  l'été,  il  faut  les  défendre  du  trop  grand  foleil,  &  ne  les  arrofer 
qu'après  le  foleil  couché:  il  faut  que  les  plater-bandes  foient  toujours 
élevées  vers  le  milieu,  &  que  les  pots  foient  percés  par  le  fond,  afin 
que  l'eau  s'écoule,  &  ne  pourrifle  pas,   par  fon  féjour,  les  pieds  des 
plantes.  Au  défaut  des  pots ,  on  peut  fe  fervir  de  caiffes  plates  &  por-^ 
tatives ,  dont  le  fond  ait  été  percé  de  plufîeurs  trous  de  tarière ,    & 
couvert  de   deux  pouces  de  charbon  de   terre  ou   d'autres  matières 
poreufes;  les  petites  caifTes  font  très-commodes,  elles  font  un  berceau 
pour  l'enfance  des  fleurs.  Il  efl:  digne  de  remarque  que  la  plupart  des 
fleurs  doublent  facilement  par  la  culture ,  fur-tout  dans  le  rofier.  On 
peut  même  faire  éclore  en  hiver  &  le  jour  que  l'on  veut  la  fleur  d'une 
plante  :  pour  cela  on  choiiît  fur  la  tige  ,  dans  le  temps  que  les  dernières 
fleurs  paroiffent,  les  boutons  les  mieux  formés  &  prêts  à  s'ouvrir  i 
Oii  les  coupe  avec  des  cifeaux  ,  obfervant  de  leur  laifler  une  queue 
fort  longue.  On  bouche  l'endroit  coupé  avec  de  la  cire ,  on  laifîe  faner 
les  boutons,  puis  on' les  enveloppe  chacun  à  part  dans  un  papier  fec 
&  on  les  ferre  ainfi  dans  une  boîte.  Enfin  lorfqu'on  veut  jouir  de  la 
fleur,  il  fuffit  de  couper  dès  la  veille  le  bout  garni  de  cire,  &  de  le 
mettre  dans    un   vafe   qui   contiendra  de  l'eau  chargée  d'un  peu  de 
nitre,  le  lendemain  on  verra  les  boutons  s'ouvrir,  s'épanouir,  briller 
de  leurs  vives  couleurs  ù  reprendre  leur  odeur  naturelle»  i^ 


F  L  E  77^1 

On  ne  manque  pas  d'ouvrages  fur  la  culture  des  fleurs;  entr'autres 
l^'errarius  de  Jlorum  cultura ,  Jmjlerdam ,  1 6^48 ,  in-^,  Morin ,  Traité  de  la, 
cultun  des  fleurs ,  Paris,  16'j  8,  in- 11.  Liger,  le  Jardinier  Fleurific^  Paris  ^ 
lyoS^  le  Jardin  de  la  Hollande  ,  Leyde,  1^24 ,  in-l2.  Miller,  Diclionnaire  du. 
Jardinage;  indépendamment  de  quantité  de  traités  généraux.  On  ne 
manque  pas  encore  d'inftrudions  fur  la  culture  de  quelques  fleurs  parti- 
culières ,  comme  des  œillets,  des  tulipes,  des  oreilles  d'ours,  des  rofes, 
des  tubéreufes,  &c.  Enfin  perfonne  n'ignore  que  la  paffion  des  fleurs  , 
&  leur  culture  a  été  pouiTée  fiioin  en  Hollande  dans  le  dernier  (îecle, 
qu'il  a  fallu  des  lois  de  l'Etat  pour  borner  le  prix  des  tulipes,  Voye^ 
ce  mot. 

Multiplication  des  Fleurs, 

On  multiplie  les  fleurs  par  différens  moyens;  1°.  parles  rejetons  on  fur' 
geons  qui  fortent  du  pied  d'une  plante,  mais  avec  des  racines  :  ils  repren- 
nent aifément ,  &  ce  font  autant  de  nouvelles  plantes  ;  2°.  par  \qs provins  , 
qui  font  les  branches  qu'on  couche  en  terre ,  fans  les  féparer  de  leuc 
mere-branche:  3°.  par  marcottes,  qui  font  de  jeunes  branches,  belles 
&:  fortes  qu'on  fait  tenir  fur  la  plante  qu'on  veut  marcotter ,  en  y  faifant 
une  incifion  par  le  milieu  près  du  nœud  (^),on  tient  l'incifion  ouverte 
par  quelque  brin  de  paille  ,  puis  on  la  couvre  de  quelque  peu  de  terre, 
&  on  l'y  arrête  ,  de  peur  qu'elle  ne  fe  relevé.  Dès  que  la  marcotte  a 
pris  racine ,  on  la  coupe  pour  la  féparer  de  la  mere-plante,  4°.  Par  les 
houtures,  quKont  des  branches  à  boutons  qu'on  prend  fur  quelque  plante 
ou  arbufl:e,&  qu'on  fiche  en  terre  fans  autre  apprêt:  on  doit  chercher 
les  plus  vives;  les  tailler  parle  bout  en  pied  de  biche,  les  laifler  tremper 
quelques  Jours  dans  l'eau  ,  &  les  planter  toutes  fraîches;  c'eft  un  moyen 
pour  qu'elles  produifent  promptement  des  racines,  y".  Par  les  taies  ^ 
- 

(a)  M.  Bourgeois  dit  que  c'eft  fur  le  nœud  même  de  la  branche  de  la  plupait  des 
plantes  qu'on  doit  faire  l'incifion,  &  qu'il  faut  la  prolonger  jufqu'au  nœud  prochain} 
fans  cet  e  précaution  les  marcottes  de  la  plupart  des  fleurs  ne  pouffent  point  de  racines  , 
car  c'eft  des  nœuds  que  fortent  les  racines.  Ce  même  Phyfîcien.  a  obfervé  que  les 
marcottes  d'œillet  ne  réuffiffent  jamais ,  fi  on  né  fait  pas  l'incifion  exaftement  fur  le 
nœud  :  il  y  a  cependant  plufieurs  fleurs  en  arbriffeaux  qui  n'ont  point  befoin  d'inci- 
(ion ,  comme  les  différentes  efpeces  de  rofiers ,  les  jaCmins  ,  les  genêts  ,  &c.  'il  fufHt 
de  coucher  au  priutems  ou  au  inois  d'Août  une  branche  ert  terre  ,  &  de  l'y  recenij 
avec  un  crochet. 

Ccccc  2. 


7;(^  F  L  E 

c'eft  une  manière  de  multiplier  propre  feulement  aux  fleurs,  &qui  fe 
pratique  en  éclatant  leurs  plantes  en  racines.  6°.  Par  les  caytux  &  œilU- 
tons  5  qui  font  certains  bourgeons  que  quelques  plantes  poufTent  de  leurs 
pieds  pour  fe  régénérer.  Voy&\  us  différens  mots  dans  C Alphabet  dts 
termes,  &i..  de  t.artïck  général  Plante. 

Moyen  de  çonfcrver  les  Fleurs  pendant  long-temps  dans  leur  forme  &  avec  uns 
partie  de  leurs  odeurs  ,  leurs  couleurs  naturelles  ,  ou  en  les  changeant. 

Pour  faire  la  récolte  des  plantes  en  fleur  qui  font  utiles  en  Méde- 
cine, on  doit  s'attacher  aux  endroits  où  elles  fe  plaifent  le  plus,  &  où 
elles  profitent  davantage.  On  fait  que  toutes  les  plantes  qu'on  cultive 
dans  les  jardins  font  plus  grafles  ;  celles  qui  viennent  naturellement  dans 
les  campagnes  font  plus  vigoureufes;  celles  qu'on  rencontre  fur  les 
montagnes  font  plus  odorantes  ;  celles  qui  croiilent  dans  les  lieux  aqua- 
tiques font  plus  acres;  celles  qu'on  fe  procure  par  artifice  pendant  l'hiver, 
ont  peu  de  vertu ,  &  fe  fentent  du  fumier  qui  leur  a  été  prodigué.  Le 
moment  convenable  à  la  récolte  des  fleurs ,  eft  celui  où  elles  commencent 
à  s'épanouir:  paflé  ce  temps,  elles  perdent  chaque  jour  de  leurs  par» 
lies  volatiles ,  par  conféquent  de  leurs  vertus.  On  doit  encore  choifip 
un  beau  jour,  &  ne  les  cueillir  que  vers  les  dix  heures  du  matin,  après 
que  la  rofée  eft  enlevée.  Quand  elles  feront  bien  defféchéeSjil  faut  les 
enfermer  dans  un  vafe  ;  les  unes,  telles  que  les  violettes,  les  œillets 
&  les  rofes  demanden^t  à  être  confervées  dans  des  bouteilles  de  verre  bien 
bouchées.  A  d'autres  fleurs  il  fuffit  une  boîte  de  bois  garnie  de  papier 
&  expofée  dans  un  lieu  fec,afin  qu'elles  ne  fe  ramollifTent  pas.  D'au- 
tres, telles  que  les  rofes  pâles  &  mufcates,  perdent  leur  odeur  en  féchant 
à  l'air  libre  :  les  rofes  de  provins  qui  n'ont  que  peu  ou  point  d'odeur 
étant  fraîches,  en  acquièrent  beaucoup  par  cette  denication.  Les  fleurs 
de  bourrache  &  de  buglofe  pâlifTent  &  fe  décolorent  entièrement:  on 
en  peut  dire  autant  de  la  germarKÎrée,  de  la  violette,  &  de  la  petite  cen- 
taurée. Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  il  fuffit  d'en  faire  de  très- 
petits  paquets  avec  du  papier,  &  de  les  expofer  à  une  chaleur  modérée^^ 
foit  au  foleil ,  foit  à  Tétuve.  Les  feules  plantes  crucifçres  defféchées ,  ne 
confervent  point  leur  vertu. 

L'intérêt  &  la  curioCté  ont  fait  trouver  les  moyens  de  panacher  &  de 
chamarrer  de  diverfes  couleurs  les  fleurs  vivantes  des  jardins  ;  comme 
de  faire  des  rofes  vertes ,  jaunes ,  bleues,  &  de  donner  en  très-peu  de 


F  L  E  7^7 

temps  deux  ou  trois  couleurs  différentes  à  un  œillet,  outre  fon  teint 
naturel.  On  pulvérife,  par  exemple  ,  pour  cela  de  la  terre  grafle  deffé- 
chée  au  foleiljon  l'arrofe  enfuite  l'efpace  de  vingt  jours  d'une  eau  rouge, 
jaune  ,  ou  d'un  autre  teinture,  après  y  avoir  femé  la  graine  de  la  fleur 
d'une  couleur  contraire  à  cet  arrofement  artificiel.  On  lit  dans  l'Ency- 
clopédie que  quelques  perfonnes  ont  femé  &  greffé  des  œillets  dans  le 
cœur  d'une  ancienne  racine  de  chicorée  fauvage ,  qu'elles  l'ont  relié 
étroitement,  l'ont  environné  d'un  fumier  bien  pourri;  &  par  les  grands 
foins  du  Fleurifte  on  a  vu  fortir  un  œillet  bleu,  auffi  beau  qu'il  étoit 
rare.  D'autres  ont  enfermé. dans  une  petite  canne  trois  ou  quatre  graines 
de  fleurs  différentes ,  &  l'ont  recouverte  de  terre  &  de  bon  fumier  :  ces 
femences  de  diverfes  tiges  ne  faifant  qu'une  feule  racine ,  ont  enfuite 
produit  des  branches  admirables  pour  la  diverfité  des  fleurs.  Enfin 
quelques  Fleurifl:es  ont  appliqué  fur  une  tige  divers  écuffons  d'œillets 
différens ,  qui  ont  pouffé  des  fleurs  de  leur  couleur  naturelle  &  qui  ont 
charmé  par  la  variété  de  leurs  couleurs.  Les  fleurs  en  théâtre  ou  en 
parterre  varient  aufli  par  leur  voifinage:  fi  les  pouflîeres  qui  tombent 
des  étamines  font  portées  par  l'air  fur  le  pifl:il  d'une  autre  fleur  voifine 
de  même  efpece,  mais  de  différente  couleur,  les  graines  qui  en  pro- 
viendront produiront  une  nouveauté  dans  le  coloris  de  la  fleur  future» 
Les  plantes  qu'on  deffeche  fans  les  aplatir,  fans  les  comprimer,  Ôs. 
dans  leur  fituation  naturelle  ,  font  communément  celles  dont  les  fleurs 
fervent  d'ornement,  ou  fur  la  tête  des  Dames,  ou  fur  les  tables  dans 
les  defferts,ou  dans  les  Eglifes  ;  auffi  avant  que  de  les  fécher,  l'art  change 
fouvent  en  des  couleurs  plus  belles  ou  variées  celles  qui  en  font  fufcep- 
tibles,  avec  les  acides  :  c'eft  ainfi  que  l'efprit  de  nitre  change  en  un  beau 
jaune-citron  les  fleurs  blanches  du  xcranthemum  (  efpece  d'immortelle); 
en  un  bel  incarnat  les  fleurs  violettes  d'un  autre  xèrandumum ,  &  en  un- 
beau  rouge-cramoifi  les  fleurs  bleues  de  l'aconit,  du  pied  d'alouette 
annuel,  &  diverfes  gentianes.  L'eau  forte  ne  kur  cauferoit  aucun  chan- 
gement fi  elles  étoient  defféchées  ;  on  les  panache  fimplement  en  paf^ 
iànt  deffus  un  pinceau  trempé  dans  l'eau  forte,  ou  bien  on  les  change 
totalement  en  les  plongeant  en  entier  &  reuverfées  dans  cet  acide  ^ 
fans  y  enfoncer  leurs  tiges  qu'il  amolliroit  &.  brûleroit:  on  les  retire  de 
inéme  pour  les  fufpendre  &  laiffer  égoutter  pendant  quelques  inftans 
jufqu'à  ce  qu'elles  aient  pris  affez  de  couleur  ;  alors  on  les  plonge  dans 
de  l'eau  claire  poui  leur  enlever  toute  l'eau  forte  ,&  on  les  fufpead 


7^8'  F  i:    Ë 

pour  la  dernière  fols,  afin  qu'elles  fe  fechent  entièrement. Il  faut  obferver 
que  toutes  les  fleurs  ne  fe  colorent  pas  de  même  ;  il  y  en  a  qui  perdent 
à  être  ainfi  trempées  dans  l'acide  nitreux ,  &  qui  s'y  terniffent.  Telles 
font  celles  de  l'immortelle  citron,  du  foucien  Odobre,  en  Novembre, 
car  celles  d'été  fe  fechent  difficilement;  celles  du  bleuet,  de  foeillet 
d'Inde ,  d€  la  bruyère,  de  l'amarante ,  des  renoncules ,  de  la  ravenelle ,  &c. 
La  plupart  de  ces  plantes,  ainfi  préparées,  fe  defifechent  naturellement 
&  confervent  par-là  leur  fouplefTe,  il  y  en  a  mé.ne  que  l'humidité  de 
l'air  ou  de  la  tête  qui  les  porte  dans  les  chevejx,fait  épanouir,  &  qu8 
la  fécherefle  fait  refermer,  comme  il  arrive  à  la  rofe  de  Jerico,  &  par- 
ticulièrement au  xtranthemum  ,  à  l'immortelle  jaune  ,  dont  la  fubftance 
eft  feche  &  comme  cartilagineufe.  Mais  toutes  celles  qui  font  tant  foit 
peu  charnues,  comme  l'amarante  ,  ou  dont  les  fleurs  font  fujettcs  à  (e 
frifer  &  à  fe  chiffonner,  comme  le  bleuet,  Tceillet,  l'oeillet  d'Inde,  la 
ravenelle,  les  renoncules ,  ont  befoin  de  pafl'er  au  four,  ce  qui  les  rend 
fouvent  caifantes,  lorfqu'on  ne  leur  ménage  pas  la  chaleur  par  degrés 
&  qu'on  les  y  expofe  à  nu  ;  voici  comment  cela  fe  pratique ,  foit  pour  des 
fleurs,  foit  pour  la  plante  entière.  Ce  procédé  efl;  dans  fon  origine  dû  à 
M.  Jofeph  de  Monàyde  l'Académie  de  Bologne. 

Il  faut  avoir  un  fable  pur  de  rivière  ou  du  fablon  fin ,  le  faire  fécher 
ou  au  foleil ,  ou  dans  un  poêle  à  l'étuve,  puis  le  tamifer,  afin  qu'il  foit 
d'un  grain  égal  &  fin: d'une  autre  part, l'on  a  un  bocal  affez  grand,  ou 
une  caifle  de  bois  ou  de  fer-blanc  étamé,  d'une  largeur  médiocre:  on 
couvre  le  fond  de  cette  caifle  de  trois  ou  quatre  doigts  de  fable,  &  on 
y  enfonce  le  bout  de  la  queue  de  ces  fleurs,  de  manière  qu'elles  fe 
tiennent  droites  les  unes  à  côté  des  autres  ;  mais  fans  fe  toucher  aucu- 
nement :  enfuite  on  remplit  tout  le  vide  autour  des  queues  avec  ce 
fable  :  quand  elles  font  bien  enterrées ,  on  en  répand  autour  des  flcnirs 
&  des  feuilles  ,  en-dedans  &  par-defllis ,  prenant  garde  de  déranger  leur 
fituation  naturelle ,  &  on  couvre  le  tout  d'une  couche  de  deux  ou  trois 
doigts  de  ce  même  fable,  puis  on  porte  cette  cailfe  dans  un  endroit 
expofé  au  foleil ,  ou ,  ce  qui  vaut  mieux ,  dans  un  lieu  échauffé  par  un 
poêle  ou  dans  un  four  chaud  d'environ  trente  à  trente-fix  degrés  ,  &  on 
l'y  laifTe  trois  ou  fix  heures  ,  jufqu'à  ce  que  les  fleurs  foient  bien  féchées  , 
ce  que  l'on  reconnoît  par  un  échantillon  que  Ton  met  au  haut  du  vafe. 
A  l'égard  des  tulipes ,  il  faut  en  couper  adroitement  le  pifl:il  qui  s'élève 
au  milieu  &  renferme  la  graine,  &  remplir  le  vide  de  fable.  On  deife- 


F  LE  7j^ 

elle  aiiflî  au  four ,  à  nu  &  fans  fablon  l'amarante  qu'on  y  met  aufîî-tôt 
qu'on  en  a  tiré  le  pain:  cette  exficcation  vive  ternit  fa  couleur;  mais  on 
la  fait  revenir  en  la  plongeant  dans  l'eau  chaude,  &  en  la  faifant  fécher 
à  Tair.  Le  fruit  de  l'églantier  &  pluffeurs  autres  fe  deflechent  par  cette 
méthode. 

Parmi  les  fleurs  defTéchées  naturellement  ou  par  l'art  &  qu'on  veut 
chamarrer ,  il  y  en  a  quelques-unes ,  fur-tout  l'immortelle  blanche, 
appelée  tternelU  ou  bouton  blanc,  qu'on  trempe  dans  une  eau  de  gomnje 
épaifle  pour  les  poudrer  enfuite  de  diverfes  couleurs,  telles  que  le 
carmin  ,  le  vermillon,  la  lacque  colombine  pour  le  rouge;  pour  le  bleu  , 
l'azur,  la  cendre  bleue  &  le  tournefol  qui  s'y  applique  liquide  ;  pour 
le  jaune,  la  gomme  gutte  liquide  ou  la  poudre  d'or.  On  feche  au  foleil 
les  fieurs  ainfi  faupoudrées,  enfuite  on  les  retrempe  dans  l'eau  de  gomme 
arabique ,  ou  dans  le  vernis  de  blanc  d'œuf  édulcoré  avec  quelques 
gouttes  de  lait  de  figuier  ou  de  tithymale. 

Les  Napolitains,  pour  donner  à  leurs  fleurs  artificielles  les  mêmes 
odeurs  qu'ont  les  fleurs  naturelles,  cachent  un  peu  à'oUo-faccharum  dans 
le  calice  de  la  fleur  arâficielle  :  cet  oUo-faccharum  efl:  une  huile  eflen- 
tielle,  combinée  avec  du  fucre;  car  le  fucre  fe  charge  de  fhuile  aroma- 
tique, &  lui  donne  des  entraves  qui  l'empêchent  de  fe  dillîper  auflî 
promptement  qu'elle  feroit  fans  cela  ;  c'efl:  encore  un  moyen  pour 
rendre  ces  huiles  mifcibles  avec  l'eau. 

On  peut  aulîi  déterminer  l'odeur  des  fleurs  naturelles  &  vives  ;  il 
fuffit  d'arrofer  un  terreau  de  vinaigre  ambré  &  mufqué,  &c.  avant 
d'y  femer  les  graines  ou  oignons  également  macérés  dans  cette  même 
liqueur. 

FUurs  des  quatrt  Saifons  ,    &c. 

Le  retour  du  printems  efl:  le  retour  des  fleurs  :  celles  de  cette  faifon 
font  les  tulipes  hâtives ,  les  anémones  fimples  &  doubles  à  peluche  , 
-les  renoncules  de  Tripoli,  les  jonquilles  Amples  &  doubles,  les  jacin- 
thes, le  muguet,  les  lilas,les  narcifles,  la  couronne  Impériale,  l'oreille 
•d'ours,  la  giroflée,  les  violettes  de  Mars,  la  penfée  ,  les  pâquerettes  & 
les  prime-veres. 

Celles  qui  ornent  les  jardins  en  été,  c'eft-à-dire,  en  Juin,  Juillet, 
'&  Août,  font  les  tulipes  tardives,  les  lys,  les  tubéreufes,  les  pavots, 
les  hémérocales  ou  fleurs  d'un  jour,  les  martagons,  qui rcffembleut  aux 


7<^o  F  L  É 

lys;  les  celllets  de  diverfes  efpeces,  les  giroflées  jaunes,  rimmortelle» 
les  bafilics ,  les  pivoines  ,  la  croix  de  Jérufalem  ,  la  julienne  ,  les 
rofes. 

Les  fleurs  d'automne  font  la  tubéreufe  ,  les  balfamines ,  les  reines- 
marguerites,  les  foucis  doubles,  les  amarantes,  les  pafle-vdours  ou 
queues  de  renard,  les  œillets  d'Inde,  les  rofes  d'Inde,  celles  de  tous 
les  mois,  les  rofes  mufquées ,  le  fafran  automnal,  le  gcranium  couronné, 
les  ombrettes,  les  carentins  fîmples  &  doubles  de  toute  couleur,  les 
immortelles,  les  chignacs ,  les  belles  de  nuit,  les  thlafpis. 

Celles  d'hiver  font  les  anémones  fimples ,  les  jacinthes  d'hiver ,  le 
cyclamen  d'hiver,  le  laurier-thym,  le  perce-neige,  les  immortelles,  les 
narciffes  fimples,  le  crocus  printanier,  les  hépatiques,  &c. 

Toutes  les  fleurs  doivent  être  cueillies  au  moment  où  efles  s*épa- 
nouiflent. 

De  même  que  toutes  les  plantes  ne  fleuriflfent  pas  dans  la  même 
faifon  &  le  même  mois ,  de  même  aufll  toutes  celles  qui  fleuriffent  le 
même  jour  dans  un  même  lieu ,  ne  s'épanouiffent  &  ne  fe  ferment  pas 
à  la  même  heure.  Les  unes  s'ouvrent  le  matin,  telles  que  les  laitues  5c 
les  labiées:  d'autres  à  midi,  telles  que  les  mauves  ;  les  autres  le  foir 
ou  la  nuit  après  le  foleil  couché  ;  tels  font  quelques  cierges ,  quelques 
efpeces  d'herbes  à  Robert,  &c.  &  parmi  celles  qui  s'ouvrent  le  matin, 
il  y  en  a  qui  fe  ferment  aufîî  le  matin ,  tandis  que  d'autres  ne  fe  fer- 
ment que  le  foir.  Il  y  a  à  cet  égard  une  grande  variété,  dontlacaufe 
principale  dépend  de  la  chaleur,  de  la  lumière  &  de  beaucoup  d'autres 
circonftances  de  Fatmofphere  qu'on  ne  peut  guère  déterminer  ou  foumet- 
tre  à  un  calcul  général.  Ainfî  toutes  les  remarques  qu'on  pourroit  faire  fur 
l'heure  de  l'épanouilTement  de  certaines  fleurs  pour  le  climat  où  elles 
ont  été  faites,  &  le  tableau  que  M.  Linnceus  en  a  publié  fous  le  nom 
ôihorloge  botaniqut ,  n'eft  exad  que  pour  le  climat  d'Upfal.  M.  HalUr 
rapporte  que  M.  MulUr  vient  de  perfedionner  cette  horloge  fur  le 
phalangium  ramofum  y  &  que  cela  dépend  du  foleil  dont  les  rayons  épa- 
nouilTent  la  fleur. 

Les  Jardiniers-Fleuriflies  fement  toutes  les  graines  en  quatre  temps; 
favoir ,  en  Février ,  en  Mars ,  en  Avril  &  en  Mai  ;  mais  on  en  peut 
femer  toute  l'année.  On  plante  les  oignons  des  fleurs  en  automne  & 
au  printems.  Le  coup  d'oeil  des  fleurs  eft  des  plus  raviffans,  quand 
elles  font  expofées  en  amphithéâtre.  Il  faut  cependant  les  difpofer  de 

manière 


F  L  E  j6i 

.manière  que  Tair  piiifle  circuler  librement,  &  avoir  foin  de  mettre 
les  pieds  des  tréteaux  du  théâtre  dans  des  vafes  de  plomb  remplis 
d'eau.  Cette  précaution  empêche  que  les  infeéles  malfaifans  aillent  bu- 
tiner fur  les  fleurs. 

Réflexions  fur  les  Jleurs  ,    &  leur  utilité.      • 

Il  eft  bon  d'obferver  que  les  fleurs  fubiflent  des  changemens  pref- 
que  à  chaque  génération ,  foit  par  la  culture,  le  terrain ,  le  climat,  la 
fécherefle ,  l'humidité,  l'ombre  ,  le  foleil  :  tous  ces  changemens  font 
plus  ou  moins  prompts  félon  le  nombre,  la  force,  la  durée  des  caufes 
qui  fe  réuniront  pour  les  former ,  &  félon  la  nature,  la  difpofition  Ôc 
les  moeurs,  pour  ainfi  dire,  de  chaque  plante. 

La  fleuraifon  ,  fioratio ,  &  la  défleuraifon  ,  dcjloratio ,  peuvent  être 
conlidérées  fous  deux  points  de  vue  dilierens;  favoir,  i°.  relativem.ent 
au  temps  ou  à  la  faifon  de  l'année  où  elles  fe  font  ;  ce  qui  s'appelle 
fimplement J?i;«r^//c;/2  annuelle;  2°.  par  rapport  à  l'heure  du  jour  où 
les  fleurs  s'ouvrent,  cet  épanouiHement  s'appQlle  Jleuraifon  /ournalicre. 
On  doit  obferver  qu'en  général  les  plantes  des  climats  les  plus  froids 
&  celles  des  montagnes  ,  fleurifîent  au  printems  de  l'Europe  :  celles 
de  nos  climats  tem.pérés  fleurilTent  pendant  notre  été  :  celles  du  Ca- 
nada, de  la  Virginie  ,  du  MillilTipi ,  fur-tout  les  plantes  vivaces  &  les 
annuelles  non  cultivées  ne  fleurirent  qu'en  automne;  celles  du  Cap 
de  Bonne  -  Efpérance  fleuriffent  pendant  notre  Iiiver  qui  efl:  leur 
été.  Ce  n'efl  qu'en  fuivant  ces  diverfes  confidérations,  que  nous  pou- 
vons entretenir  nos  jardins  toujours  fleuris  de  plantes  vivaces ,  dont-Ia 
fleuraifon  ne  dépend  pas  de  nous ,  comme  celles  des  plantes  annuelles 
que  nous  pouvons  avancer  ou  retarder  en  les  femant  plus  tôt  ou  plus 
tard.  Au  refle ,  les  fleurs  fuivent  dans  leur  épanouiffement  à-peu-près  les 
mêmes  lois  que  les  feuilles  dans  leur  développement.  Fbj«;.^  Feuilles, 

Les  fleurs  font  un  des  ^plus  agréables  ouvrages  delà  nature;  elles 
femblent  prodiguer  tous  les  charmes  du  coloris  :  en  effet,  l'arrange- 
ment fymétrique  de  toutes  leurs  parties ,  leurs  couleurs  vives  &  fraî- 
ches, variées  &  brillantes,  leurs  parfums  exquis  attirent  &  touchent 
l'homme  le  plus  infenflbîe.  Un  parterre  peut  donc  être  regardé  comme 
la  palette  &  la  cailblette  de  la  nature  :  en  un  mot  les  fleurs  femblent 
n'être  faites  que  pour  plaire  à  Thomme  &  pour  décorer  fon  féjour.  Mais 
il  iaut  convenir  qu'on  ne  peut  jouir  entièrement  de  l'agrément  des 

Tome  II,  Ddddd 


7^2  F  L  E 

fleurs ,  fi  l'on  ^e  contente  de  les  confidérer  dans  les  bornes  étroites 
d'un  parterre.  L'homme  en  aiiroit-il  fournis  tant  d'efpeces  à  fon  do» 
maine,  s'il  n'avoit  été  attentif  à  remarquer  dans  fes  promenades  , 
qu'elles  en-ibeIlI0ent  les  vallées  &  les  montagnes  ,  que  les  prairies  en 
font  émaillées ,  &" qu'on  les  trouve  répandues  avec  une  efpece  de  pro- 
fufion  dans  les  bois ,  dans  les  déferts  ,  fur  la  cime  des  arbres  ,  &.  fur 
l'herbe  qui  rampe.Le  charme  en  eft  fi  fur,  que  la  plupart  des  Arts 
qui  veulent  plaire,  ne  croient  jamais  mieux  réuffir  qu'en  empruntant 
leur  fecours  :  la  Sculpture  les  imite  dans  fes  ornemens  les  plus  légers: 
l'Architeârure  embellit  fouvent  de  feuillages  &  de  feftons  les  colonnes 
&  les  faces  trop  nues  de  fes  édifices  :  les  plus  riches  broderies  ne  pré- 
fentent  guère  que  des  feuillages  &  des  fleurs  :  les  plus  magnifiques  étoffes 
en  font  parfemées,  &  on  les  trouve  d'autant  plus  belles  ,  qu'elles  ap- 
prochent davantage  de  la  vivacité  des  fleurs  naturelles.  Jamais  Salo- 
mon  dans  fa  plus  grande  magnificence  ,  dit  le  Texte  facré  ,  n'a  été  re- 
vêtu fi  artifliement  &  avec  tant  de  majeflié  que  la  fleur  du  lys.  Quand 
la  Sagefïe  divine  veut  nous  donner  une  idée  de  fon  éclat  &  de  fa  beauté, 
c'efl:  toujours  des  fleurs  qu'elle  emprunte  l'allégorie.  L'Hiflioire  rapporte 
que  l'ufage  des  fleurs  de  rofe,  &  même  de  myrte,  qui  fembloient  dans 
les  premiers  tem_ps  defl:inées  aux  feuls  rites  facrés,  eut  lieu  dans  les 
adions  ordinaires  de  la  vie  :  on  commença  à  les  employer  dans  les 
funérailles  &  les  jeux  qui  en  étoient  la  fuite.  Les  fêtes  des  Saturnales 
n'auroient  point  été  complettes,  fi  on  n'y  eût  prodigué  des  rofes.Les 
fleurs  n'ont  donc  pas  été  de  tout  temps  incompatibles  avec  le  deuil  ; 
aujourd'hui  on  les  écarte  de  tous  les  lieux  où  régnent  la  douleur  & 
les  larm.es  :  on  les  regarde  comme  le  fymbole  de  la  joie  &  la  parure 
inféparable  des  fefl:ins ,  particulièrement  fur  la  fin  des  repas  ,  où  elles 
viennent  avec  les  fruits  ranimer  la  fête  qui  commiCnce  à  languir. 

Les  fleurs  nous  donnent  des  pâtes  qui  enrichiilent  nos  defferts;  des 
poudres  qui  parfument  nos  demeures ,  &  même  des  remèdes  qui  nous 
foulagent  de  quantité  de  maladies.  Les  violettes,  les  jonquilles,  les 
fleurs  de  pêcher  ,  les  rofes,  les  jafminSj  les  œillets  ,  &  fur  tout  les  fleurs 
d'orange ,  nous  fourniffent  des  firops  ,  des  conferves ,  des  confitures  , 
des  elTences  ,  des  eaux  difl:illées,  qui  nous  font  jouir  des  odeurs  les 
plus  exquifes ,  &  des  autres  qualités  des  fleurs  long-temps  après  qu'elles 
font  paffées.  Combien  d'autres  fleurs  peuvent  fervir  pour  les  parfums, 
les  odeurs ,  &  même  pour  les  fards ,  en  un  mot  pour  les  différentes 
préparations  des  toilettes  ! 


F  L  E  7^3 

Chaque  fleur  a  reçu  de  la  nature  la  commifTicn  de  renouveller  & 
de  perpétuer  d'année  en  année  la  plante  qui  luiadonné  naiflancejc'eft 
elle  qui  fait  naître  la  graine  qui  lui  fuccede.  La  fleur  porte  dans  foa 
fein  un  germe  reprodudif,  qui  procure  l'immortalité  à  fon  cfpece  ;  & 
fouvent  elle  nous  prépare  un  fruit  délicieux,  un  grain  nourriiïant ,  une 
farine  dont  le  goût ,  quoique  (impie  ,  eft  toujours  attirant,  &  qu'on 
préféreroit ,  dans  la  néceffité  du  choix,  aux  alimens  les  plus  piquans, 
les  plus  délicieux  ,  &  les  plus  recherchés.  Aulîi  Pline  a-t-il  eu  raifon 
de  dire,  in  jlonhus  natura  c(l  niaxima. 

FLEUK.  D'ARGENT.  Nom  que  plufleurs  Auteurs  donnent  au  lait 
de  lune.  Voyez  ce  mot. 

FLEUR  D'ASIE,  Différens  Voyageurs  ont  donné  ce  nom  à  un  fel 
qui  fe  trouve  à  la  furface  de  la  terre  dans  plufîeurs  endroits  de  l'Afie  : 
on  l'appelle  auiîi  terre  favonmufe  de  Smyrne,  C'eft  le  natron.  Voyez  ce 
mot. 

FLEURS  DE  BISMUTH  &  DE  COBALT.  Voyei  aux  articles 
Bismuth  &  Cobalt. 

FLEUR  DE  CHAUX  NATURELLE,  calx  nativa.  On  donne  ce 
nom  à  un  guhr  de  craie  ,  qu'on  rencontre  quelquefois  nageant  à  la  fu- 
perficie  des  eaux  thermales.  Ce  guhr  a  la  propriété  de  reluire  dans 
Tobfcurité,  propriété  qu'il  tient  probablement  des  parties  animales  qui 
fe  rencontrent  toujours  dans  la  terre  marine  ou  calcaire. 

FLEUR  DU  CIEL  ou  NOSTOCH.  Voye^    Mousse   membka- 

NEUSE. 

FLEUR  DE  CONSTANTINOPLE.  Foye^  Croix  de  Jéru- 
salem. 

FLEUR  DE  CUIVRE,  j?.95  cupri.  Des  Minéralogiflies  donnent  ce 
nom  aux  petits  grains  rouges  de  cuivre  vierge  :  ils  l'appellent  aufïi 
verre  de  cuivre. 

FLEUR  DORÉE.  Nom  donné  à  la  marguerite  jaune.  Voyei  Mar- 
guerite. 

FLEUR  D'EPONGE.  Communément  on  donne  ce  nom  aux  bran- 
ches de  l'éponge  rameufe.  Foye^  Eponge  à  la  fuite  de  ^article  Co- 

RALLINE. 

FLEUR  DE  FER ,  fios  martis.  Les  Naturaîifl:es  donnent  ce  nom  à 
une  fubftance  pierreufe  qu'ils  regardent  comme  une  mine  de  fer  blan- 
che ;  voye'j^  au  mot  Fer  \  mais  fouvent  ce  n  eft  qu'une  concrétion  pier- 

Ddddda 


7<5'4  '         F  L  E 

reufe  accidentelle ,  une  forte  de  ftaladite  rpatheufe ,  formée  dans  les 
cavernes  des  mines  ou  dans  des  fiffures  de  rochers.  Lorfque  ces  concré- 
tions contiennent  effedivement  du  fer,  ce  qui  eft très-rare,  étant  ex- 
pofées  au  feu  ,  elles  y  deviennent  noires.  On  trouve  beaucoup  de  ces 
belles  ftaîadites ,  appellées  Jlos  ferri  dans  la  Hongrie ,  dans  les  Pyré- 
nées ;  celles  de  Stirie  font  d'un  blanc  de  neige  ,  mais  elles  brillent 
moins  que  celles  des  Pyrénées  dont  le  tifiu  extérieur  eft  raboteux  & 
femble  n'être  qu'un  amas  d'aiguilles  fpatheufes.  Il  faut  ufer  de  précau- 
tion quand  on  détache  ces  criflallifations  dans  les  fouterrains  ,  afin  de 
les  obtenir  bien  conf  rvées  :  l'on  doit  avoir  quelqu'un  qui  foit  prêt  à 
les  recevoir  tandis  qu'on  introduit  des  coins  de  fer  à  coups  de  marteau 
parla  bafe  de  la  congélation.  Confultez  les  Mém,  de.  tAcad.  des  Scienc, 
ann.  lyS^,  p.  iSo. 

FLEUR  DU  GRAND  SEIGNEUR.  Voyei  à  la  fuite  du  mot  Am- 

BEETTE. 

FLEURS  DE  GRENADE.  Voye^  Balaustes. 

FLEURS  DE  GYPSE.  Voye^  à  Canïch  Gypse. 

FLEUR  DE  JALOUSIE.  Voy^i  Amarante. 

FLEUR  D'UN  JOUR.  Voye^  Hemerocale. 

FLEUR  DE  LA  PASSION.  Voyti  Grenadille. 

FLEUR  DE  MUSCADE.  On  donne  improprement  ce  nom  au 
macis ,  qui  eft  une  féconde  écorce  de  la  mufcade.  Voyez  ce  mot. 

FLEUR  DE  PAON.  Foyc^  à  VarùcU  PoiNCiLLADE. 

FLEUR  DU  PARNASSE  ,  ^mmen  Parnajjî.  Plante  annuelle  qui 
vient  ordinairement  dans  les  prés  &  dans  les  lieux  humides.  Sa  tige  eft 
d'un  demi  pied  de  haut,  menue,  chargée  de  feuilles  arrondies  &  atta- 
chées à  de  longues  queues  rougeâtres  ,  femblables  à  celles  de  la  violette 
ou  du  lierre  ,  &  embraflees  vers  le  bas  d'une  feuille  fans  queue.  La 
fleur  eft  rofacée  ou  blanche  ,  compolée  de  dix  feuilles ,  cinq  grandes 
&  cinq  petites ,  qui  font  frangées  :  à  ces  fleurs  fuccedent  des  fruits  ovales 
remplis  de  femences ,  qu'on  peut  femer  fur  couche  ou  en  pots ,  quand 
on  veut  placer  cette  plante  dans  les  jardins. 

FLEUR  DE  SAINT- JACQUES.  Voyc^  Jacobée. 

FLEUR  DE  SEL  MARIN  ,  adarcc.  On  donne  ce  nom  à  une  écume 
falée  ,  qui  s'attache  aux  rofeaux  &  à  plufieurs  autres  plantes  fur  les 
bords  des  mers ,  &  qui  s'y  endurcit  :  on  l'eftime  propre  à  détruire  les 
dartres  &  autres  maladies  de  la  peau, 


F  LE  F  L  U  7(^^ 

FLEUR  DU  SOLEIL.  On  donne  ce  nom  à  Vhyfope  des  gangues  : 
voyez  Héliantheme,  &  à  l'article  Herbe  au  foleiL 

FLEURS  DE  SOUFRE  NATURELLES.  Foye^  à  Vartïde  Sou-, 

FRE. 

FLEUVE.  Voyei^  au  mot  Fontaine. 

FLEZ  ou  FLETELET  ou  FLET  ,  fietUta,  Efpece  de  poiifons  plats 
fort  communs  fur  la  côte  du  Boulonnois  &  en  Angleterre  :  ils  font  très- 
bons  ,  agréables  au  goût ,  &  à-peu-près  de  la  même  qualité  que  la 
limande, 

hejiei  eft  couvert  de  petites  écailles  noires  ,  marbrées  de  rouge  ;  il 
refTemble  beaucoup  au  carrelet.  Ce  poiflbn  de  mer  ne  fe  trouve  point 
dans  la  Méditerranée ,  mais  il  entre  dans  les  rivières  qui  confluent  à 
l'Océan.  Quoique  le  flez  ne  foit  pas  ordinairement  plus  gros  que  la 
limande  ,  on  dit  en  avoir  vu  qui  pefoient  jufqu'à  quatre-vingts  livres. 

FLIONS ,  tcllinx.  Ce  font  des  coquillages  bivalves ,  du  genre  des 
Cames,  Voyez  ce  mot ,  &  celui  de  Telline. 

FLORÉE  D'INDE  ou  COCAGNE.  Foyei  Vartïde  Pastel. 

FLORÎPONDIO  5  Jiramonioïdes  arborcum  ,  oblongo  &  integro  folio  ^ 
fruclu  levi.  Arbre  de  plein  vent  &  commun  dans  le  Chili ,  dit  le  Père 
FeuilUe  ,  à  qui  feul  nous  en  devons  une  exaâe  defcription.  Cet  arbre 
s'élève  à  la  hauteur  de  douze  pieds  :  la  grolfeur  de  fon  tronc ,  qui  eft 
fort  moelleux  ,  eft  à-peu-près  de  fix  pouces  :  fes  branches  forment  tou- 
tes enfemble  une  belle  tête  fphérique  ;  elles  font  chargées  de  feuilles 
cotonneufes  qui  naiflent  comme  par  bouquets  ;  les  moyennes  ont  envi- 
ron fept  à  huit  pouces  de  longueur  fur  trois  à  quatre  pouces  de  largeur; 
leurs  nervures  forment  un  réfeau  très -agréable.  Les  fleurs  font  en  tuyau, 
blanches  ,  d'une  grande  beauté  &  d'une  odeur  admirable  :  il  leur  fuc- 
cede  des  fruits  arrondis  ,  gros  comme  une  orange  ,  couverts  d'une 
écorce  d'un  vert  grisâtre  ,  &  contenant  plufieurs  amandes.  Les  Chiliens 
fe  fervent  des  fleurs  àt  fioripondio  pour  amollir,  réfoudre  &  pouravan^ 
cer  la  fuppuration  des  tumeurs. 

FLOS-FERRL  Foye^  Fleur  de  Fer. 

FLOTS  ou  VAGUES.  Foyci  à  Fartide  Mer. 

FLUKEN.  Nom  que  les  Mineurs  du  pays  de  Cornouaiîles  donnent  à 
une  efpece  de  terre  grisâtre,  qui  contient  des  fragmens  de  quartz  roulés, 
Voye^  Quartz. 

FLUORS  MINÉRAUX  ou  FLUEURS ,  fiuorcs.  On  donne  ce 


7^(?  F  L  U 

nom  à  des  criftallifations  peu  dures,  prirmatiques  ou  cubiques,  ou 
pyramidales,  blanches  ou  colorées,  plus  oU  moins  ti^.iirparentes.  On 
dit  qu'on  en  trouve  beaucoup  à  l'embouchure  dcc  volcans ,  mais  on 
en  rencontre  plus  communément  dans  la  furface  intéiieure  des  falban- 
des  qui  tapiflent  les  filons  des  mines ,  &  quelquefois  contre  les  parois 
ou  à  la  voûte  des  grottes  dans  les  montagnes  primitives.  On  regarde 
les  primes  d'émeraude  &  d'améchyfte,  les  faiiifes  topafes  ,  &c,  qui 
font  tendres,  plus  ou  moins  tranfparentes,  mais  pefantes  &  fembiables 
au  fpath  fufible,  comme  de  véritables  fluors  minéraux.  Encdius  ,  de 
Rc  MetdUicci  ^  pag.  lâC,  èd'it.  de  Francfort,  '"J^y  ,  donne  le  nom  de 
Jluors  à  des  criftaux  qui  fe  fondent  fi  f.icilement  au  feu,  qu'ils  fem- 
blenty  couler  &  fluer,  comme  fait  la  glace  au  foleil.  Les  Mineurs 
Allemands  donnent  le  nom  de  JIu[fe  aux  fluors,  parce  qu'ils  ont  fou- 
vent  la  propriété  de  fervir  de  fondans  ou  de  flux  aux  mines  que  l'on 
exploite  dans  leur  voifinage.  Ces  fortes  de  fondans ,  indépendamment 
de  leur  propriété  qui  facilite  la  fufion  des  métaux,  les  dégage  au iïï 
des  matières  étrangères  qui  leur  fervent  de  gangue.  Quand  on  expofe 
un  fragment  de  fluor  fur  un  charbon  ardent  ifoîé,  il  jette  une  lueur 
pâle,  s'il  étoit  blancj  émeraude,  s'il  étoit  vert;  bleuâtre  ou  violet,  s'il 
étoit  pourpre  nué  de  noir  ou  couleur  d'améthyfle.  On  voit  diftinfle- 
ment  paffer  fuccelfivement  cet  éclat  entre  chaque  petite  lame  qui 
compofe  le  morceau,  avec  diiférens  accidens  dans  ces  couleurs;  & 
comme  la  chaleur  du  charbon  n'augmente  point ,  1  effet  de  cette  pierre 
phofphorique  fe  foutient  affez  long-temps,  jufqu'à  ce  quelle  vienne  à 
décrépiter  comme  du  f^l  marin;  alors  les  lames  s'éparpillent  fans  cou- 
leur ,  fans  tranfparence.  Ainfi  c'eft  par  l'ignition  que  les  fluors  miné- 
raux acquièrent  &  perdent  leur  éclat  phofphorique. 

Les  Fluors  spathiques  fontlesfpaths  vitreux.llyQU  a  de  différentes 
figures  &  couleurs.  Foyei  r article  Spath  fusible. 

FLUTE.  Efpece  de  poiffon  des  Indes ,  ainfi  nommé  à  caufe  de  fa 
longueur  comparée  à  la  petiteffe;  en  effet,  il  eft  aufîl  menu  que  le 
petit  doigt.  Il  fait,  dit-on,  tant  de  bruit  par  fon  fifflement,  que  la  nuit 
on  l'entend  d'affez  loin.  Les  habitans  d'Amboine  s'en  nourriffent.  Les 
Hollandois  l'appellent  j?/«//er.  Des  Voyageurs  donnent  le  nom  de  fiae 
à  la  murène.  Voyez  ce  mot. 

FLUX  &  REFLUX  DE  LA  MER.  Les  Marins  donnent  ce  nom, 
ou  celui  à^  flot,  à  l'élévation  périodique  des   eaux  de  la  mer;  &  ils 


FOC  FOI  16-1 

appellent  rejlux  ou  jufant ,  labaiflement  de  ces  mêmes  eaux.  Le 
moment  où  finit  le  flux  lorfque  les  eaux  font  ftationnaires ,  s'appelle 
la  haute  mer;  la  fin  du  refiux  s'appelle  la  bajji  mer.  Voyez  ce 
qui  eft  dit  de  cette  merveille  continuelle  de  la  Nature  à  l'article 
Mee. 

FOCA  ou  FOCAS.  Fruit  en  forme  de  poire  &  d'une  belle  cou- 
leur  de  pourpre,  qui  rampe  à  terre  comme  le  melon,  &  dont  on  vante 
le  goût.  Ce  fruit  croît  dans  l'île  de  Formofe,  près  de  la  Chine.  Hubner  , 
Dicl.  Univerf. 

FCETUS.  C'eft  l'animal  formé  dans  la  matrice  de  fa  mère.  Quels 
font  les  premiers  principes  de  ce  corps?  comment  commence-t-il  ?  eft- 
11  d'abord  tout  formé  ?  C'eft  un  point  que  toutes  les  recherches  & 
les  obfervations  faites  fur  la  génération  tendent  à  éclaicir.  Ainfi ,  fans 
nous  arrêter  aux  différentes  hypothefes  imaginées  pour  expliquer  les 
principes  du  développement  des  corps  animés,  nous  renvoyons  nos 
Ledeurs  au  mot  Homme  ,  où  l'on  remonte  à  la  forme  du  corps 
humain  la  plus  petite  que  les  yeux  les  mieux  habitués  à  obferver 
aient  pu  appercevoir.  ^<3y^{  a«^  Génération,  Embryon,  &  ce  qui 
eft  à\t  du  fœtus  à  la  fuite  du  mot  Homme.  A  l'égard  des  fœtus  informes, 
foit  d'humains  ou  de  brutes  ,  ce  font  des  variétés  monftrueufes  qui 
caufent  le  regret  &  l'étonnement.  C'eft  la  Nature  qui  a  été  troublée  dans 
fon  opération.  Foyi?^  Monstre  &  Hermaphrodite. 

FOIE.  Foyei  à  L'article  Homme. 

FOIN ,  fœnum.  On  donne  ce  nom  à  l'herbe  des  prés  quand  elle 
eft  mûre.  Le  gramen  y  domine,  ainfi  que  le  trèfle  ,  le  plantain.  Il  n'eft 
pas  rare  de  diftinguer  dans  un  foin  bienfaifant ,  appétiflant  &  fuccu- 
lent,  la  jacée  noire  ,  la  graffette  des  prés ,  la  pimprenelle  des  près  ,  les 
pâquerettes,  le  tuiîilage,  tous  les  chiendents,  le  fainfoin,  la  petite 
chélidoine  ,  le  trèfle  des  prés,  les  marguerites,  la  dent-de-iion,  la  pri- 
mevère, foliet  ou  le  trefleTauvage  jaune,  &c. 

On  fauche  les  foins  en  Juin ,  quand  l'herbe  commence  à  jaunir  & 
qu'elle  eft  en  graine  :  enfuite  on  laiffe  fécher  &  faner  l'herbe  fur  le  pré, 
&  on  la  remue  de  temps  en  temps  avec  des  fourches;  trois  jours  après 
on  met  le  foin  en  filions  ou  en  petits  tas;  enfuite  on  en  fait  dQS 
meules  hautes  &  rondes,  &  on  le  laiife  fuer  en  cet  état,  puis  on  le 
met  en  bottes  fur  le  pré,  &  enfin  on  le  ferre  dans  le  fenil.  Il  y  a 
même  bien  des  pays  où  l'on  ferre  le  foin  fans  le  botteler.  Lorfque 


7^8  FOI  F  O  t 

toutes  ces  opérations  font  faites  par  un  beau  temps ,  le  foin  peut  fe 
garder  en  meule  ou  dans  le  fenil  au  moins  deux  ans;  s'il  avoit  été 
mouillé  5  il  pourriroit  en  tas ,  s'échaufFeroit ,  &  l'on  prétend  qu'il 
pourroit  même  mettre  le  feu  au  grenier.  Le  Laboureur  peut  prévenir 
cet  accident  en  logeant  au  cœur  du  tas  deux  ou  trois  fagots  d'épines, 
ou  feulement  en  faifant  piuileurs  trous  ou  cheminées  dans  le  tas  avec 
une  perche  pointue;  par  ce  moyen  il  ménage  une  iil'ue  où  les  exha- 
laifons  chaudes  viennent  fe  rendre  de  toutes  parts,  &  perdent  leur 
adivité.  M.  Byjurgcois  obferve  que  le  premier  foin  qu'on  fauche  fur 
la  lîn  de  Juin ,  s'échauife  dans  le  tas  rarement  afiez  au  point  de  s'en- 
flammer ;  mais  le  regain  ou  fécond  foin  qu'on  fauche  ilir  la  fin  d'Août 
ou  au  com.mencement  de  Septembre,  eft  beaucoup  plus  fujet  à  cet 
accident.  Le  même  Auteur  ajoute  que  ni  le  foin  ni  le  regain  ne 
s'échaufl^ent  au  point  de  s'enflammer ,  quoique  mouillés  par  la  pluie 
ou  les  brouillards  lorfqu'on  les  ramaffe,  s'ils  ont  été  auparavant  iufii- 
famment  fanés  &  fcchés  fur  le  pré,  il  n'en  réfaîte  que  la  pourriture  du 
tas  de  foin. 

Le  foin  defl"éché  efl:  l'aliment  ordinaire  du  cheval  &  de  la  plupart 
des  beftiaux  :  la  quantité  en  efl:  nuihble  aux  vieux  chevaux  qu'elle 
conduit  à  la  poufle.  On  doit  faire  attention  à  la  qualité  du  foin ,  qui 
varie  félon  la  fituation  &  la  nature  du  terrain  &  des  prés,  où  on  Ta 
cueilli.  Le  foin  va(é ,  le  foin  nouveau,  celui  qui  eft  trop  gros,  ou  qui 
eft  pourri,  &c.  ne  peut  être  que  très-nuifible  au  cheval,  &  fur- tout 
celui     dans    lequel    il    fe    trouve    des    plantes    pernicieufes,     Foye^ 

FOUERAGE. 

FOIN  DE  MER.  C'eft  le  fucus  :  voyez  ce  mot.  On  donne  le 
nom  de  gros  foin  au  fain-foin  :  voyez  ce  mot. 

FOLE.  C'eft  un  animal  qui  fe  trouve  en  Chine,  &  que  les  habi- 
tans  du  Royaume  de  Gama  ont  nommé  ainfi  :  il  a  prefque  la  forme 
humaine ,  les  bras  fort  longs  ,  le  corps  noir  &  velu  ;  il  marche  avec 
tant  de  légèreté  ôc  de  vîtefîe ,  qu'on  ne  peut  le  furpafler  à  la  courfe. 
Cet  animal  qui  eft,  dit-on,  anthropophage,  ne  feroit-il  point  une 
efpece  de  grand  finge  ? 

FOLÎO  ,  cytharus.  Nom  qu'on  donne  à  Rome  à  un  poifibn  de  merplat, 
&  femblabîe  à  la  foie  :  il  a  la  langue ,  dit-  on,  déliée ,  &  les  dents  ferrées 
les  unes  entre  les  autres  :  fes  écailles  font  âpres ,  grandes  ,  &  en  figura 
de  lofange  :  il  a  depuis  l"a  tête  jufqu'à  la  queue  ,  par  le  milieu  du  corps  * 

une 


• 


FOL  F  O  N  7(5'p 

une  ligne  menue  comme  une  corde  de  luth  ;  quelquefois  ce  trait  eft 
afïèz  large  :  fes  parties  intérieures  font  en  tout  femblables  à  celles  du 
turbot  &  de  la  foie.  Comme  ce  poifibn  fe  nourrit  d'algue,  fa  chair  n'eft 
pas  de  bon  goût.  Lq  folio  eft  différent  du  babillard.  Voyez  ce  mot, 

FOLLETTE.  Voyc^  Arroche. 

FOLLICULE  DE  SÉNÉ.  Foye^  Séné. 

FONDRIERE.  On  donne  ce  nom  en  général  à  toutes  les  profon- 
deurs répandues  fur  la  furface  de  la  terre  qui  fe  font  faites  par  des  affaif- 
femens  ou  éboulemens  de  terrains  que  le  feu  ,  l'eau  ou  d'autres  caufes 
naturelles  ont  mmés, Foye-^  Us  articles  CAVEfiNE,  Grotte,  Terre  & 
Argile. 

FONGîPORE  ,  fimglpora.  On  donne  ce  nom  à  quantité  de  produc- 
tions marines  à  polypier,  d'une  ftrudurelamelleufe  ou  feuilletée  ,  dont 
les  figures  font  différentes  entr'elles  ;  plufieurs  reffemblent  aux  cham- 
pignons terreftres  ,  dont  la  partie  inférieure  feroit  en  deffus.  Il  y  en  a 
dont  les  lames  font  dentelées,  d'autres  où  elles  font  unies,  d'autres  les 
ont  très- faillantes,  pointues  ,  plifTées  ou  finueufes  ;  mais  toujours  fous 
des  formes  très-variées.  Les  clallifications  que  les  Auteurs  en  ont  faites 
jufqu'aujourd'hui  font  très-nombreufes  &  très-embrouillées.  I-a  plupart 
étant  formées  fur  des  différences  individuelles  ,  ou  des  variétés  dans 
l'efpece  ;  il  eft  plus  naturel  de  les  diftinguer  par  la  totalité  de  la  figure 
que  par  quelques  accidens.  Alors  on  auroit  le  bouquet  de  mer  ou  œillet 
de  mer  ,  dont  on  diftingue  beaucoup  de  variétés  fous  le  nom  de  caryo- 
philloides  de  mer  :  les  alcyons  fojjîles  ;  voyez  AlcyoNIUM  :  les  caricoïdes  èc 
ficoïtes  ;  voyez  Figues  fossiles  ;.  Us  champignons  de  mer  fojjîles  ,  ainfî 
nommés  de  leur  reffemblance  avec  les  champignons  terreftres. 

On  trouve  beaucoup  d'autres  fortes  de  fongipores  fous  d'autres 
figures ,  qui  relfemblent  un  peu  au  lépas ,  ceux-ci  font  des  fongites  , 
ou  qui  font  orbiculaires  ,  ou  repréfentent  des  agarics  ou  champignons 
qui  croiffent  au  pied  des  arbres  ;  il  y  en  a  qui  reffemblent  à  des  huras  , 
à  une  morille ,  à  une  petite  tête  de  chou ,  aux  feffes  ,  à  un  chapeau 
détrouffé;  ce  font  des  caricoïdes  ou  pores  :  la  plupart  des  fongipores 
font  cannelés  &  étoiles ,  quelquefois  liffes.  On  en  trouve  beaucoup  en 
Lorraine  &  en  Touraine.  Quantité  de  pierres  calcaires  à  bâtir  àt^  envi- 
rons de  Paris,  fur-tout  celles  de  Verberie  ,  font  remplies  &  formées 
pour  la  plus  grande  partie  de  ces  dépouilles  de  la  mer,  dont  on  attribue 

Tom&  II,  E  e  e  e  e 


770  F  O  N 

la   fabrique   à  des  polypes.  Voyez   ce  mot  ,    ainfi  que  les  articles 

CokAIL,    CORALLINE,    FoNGiTE  &   CaRICOIDE. 

FONGITES  5  fungitei.  Ce  font  des  corps  marins  &  polypiers  deve- 
nus foflUes ,  &  qui  fe  diftinguent  par  leur  figure  en  entonnoir  plus  ou 
moins  évafé ,  &  plu«  ou  moins  conique.  Les  petits  trous  dont  la  par- 
tie évafe'e  eft  intérieurement  percée  font  ,  ainfi  que  le  préfume  M. 
Gucttard ,  les  extrémités  fupérieures  d'autant  de  tuyaux,  qui  par  leur 
réunion  &  l'arrangement  qu'ils  prennent ,  forment  les  corps  infundibu- 
liformes  que  nous  trouvons  maintenant  dans  la  terre.  Souvent  ces  trous 
ont  été  remplis  par  une  matière  pierreufe  ,  qui  a  rendu  la  fubftance  de 
ces  foifiles,  un  corps  liffe  &  continu.  Ainfi  le  caradere  générique  de 
ces  fortes  de  polypites  ou  polypiers  foOiles  eft  d'être  d'une  figure  in- 
fundibuliforme  ou  en  entonnoir ,  dont  le  pavillon  eft  parfemé  intérieu- 
rement ou  extérieurement  de  petits  trous  fimples  ou  non  radiés ,  & 
avec  ou  fans  un  pédicule.  Le  bonnu  de.  Neptune  ou  mïtre  Polonoifc ,  font 
dtsfongitcs, 

FONTAINE  ou  SOURCE  ,  fons.  On  a  donné  proprement  le  nom 
de  fontaine  aux  eaux  qui  fourdent  de  certaines  couches  de  la  terre  en- 
tr'ouvertes  ,  s'amaiTent  dans  de  grands  baflins ,  &  verfent  enfuite  au 
dehors  ce  qu'elles  ont  reçu.  Il  femble  qu'on  ne  défigne  par  le  nom  de 
fource  ,  que  les  canaux  naturels  qui  fervent  de  conduits  fouterrains  aux 
eaux  ,  à  quelque  profondeur  qu'ils  foijnt  placés. 

Comme  prefque  toutes  les  rivières  tirent  leur  origine  des  fources 
&  des  fontaines, '&  que  les  fleuves  font  formés  de  la  réunion  des  ri- 
vières, nous  allons  en  donner  l'hiftoire  dans  ce  même  article  ;  leurs 
phénomènes  font  liés  trop  intimement  par  la  nature  pour  en  faire  des 
articles  féparés.  D'un  côté,  il  n'y  a  point  d'effets  plus  vifibîss,  ni  peut- 
être  de  plus  grand  ornement  dans  notre  globe,  que  cet  inépuifable  Piux 
des  fontaines,  &  ce  cours  des  rivières  &  des  fleuves,  qui  roulent  ma- 
jeftueufement  leurs  eaux  à  plein  canal,  dans  la  longue  durée  des  fiecles. 
D'un  autre  côté ,  il  n'y  a  point  d'effet  dont  la  nature  femble  avoir 
plus  afftd:é  de  nous  cacher  les  caufes.  Où  peuvent  être  placés  les  ré- 
fervoirs,  pour  ai-. fi  dire,  éternels,  immenfes  ,  invifibles,  qui  de  leur 
plénitude  fourniffent  d'une  manière  aifée  des  eaux  toujours  nouvelles, 
&  qui  rempH-ffent  par  des  canaux  inconnus  les  vaftes  lits  des  fleuves, 
avec  une  profufion  alTez  grande  pour  pourvoir  à  tous  nos  befoins,  & 


F  O  N  771 

ordinairement  afTez  mefurée  pour  ne  pas  toujours  inonder  la  terre  au 
lieu  de  la  fertilifer?  Par  quel  mécanifme  enfin  ces  rélervoirs  réparent- 
ils  abondamment  leurs  pertes  journalières  ? 

Les  hommes  ont  fait  ufage  de  tout  leur  génie  pour  chercher  l'ori- 
gine de  ces  phénomènes.  Il  y  a  diverfité  de  fentimensjmais  dans  celui 
que  nous  allons  préfenter  au  Ledeur  ,  on  reconnoît  la  marche  de  la 
nature,  &  il  paroît  porté  jufqu'à  l'évidence,  par  les  démonftrations 
des  Mariotus  &  des  Halley, 

Il  s'élève  continuellement,  fur-tout  à  l'aide  de  la  chaleur,  des  ri- 
vières ,  des  fleuves,  des  lacs,  de  toute  la  furface  de  la  mer,  une  vapeur 
qui  efl  emportée  dans  l'étendue  de  l'air,  en  forme  de  nuées  ou  brouil- 
lards. Cette  vapeur  fuit  l'imprellion  des  vent? ,  &  ielon  qu'elle  rencon- 
tre un  air  froid  ou  qu'elle  fe  trouve  arrêtée  par  les  montagnes ,  elle 
fe  condenfe  &  fe  réfoud  en  rofée,  en  neige  ,  en  pluie.  Les  eaux  qui 
en  proviennent,  trouvent  enfuite  diverfes  ouvertures  pour  s'infinuer 
dans  le  corps  des  montagnes  &  des  collines ,  où  elles  s'arrêtent  dans 
des  cavités  &  fur  des  lits ,  tantôt  de  pierre ,  tantôt  de  glaife ,  &  for- 
ment, en  s'échappant  de  côté,  par  la  première  ouverture  qui  fe  pré- 
fente ,  une  fontaine  paflagere  ou  perpétuelle  ,  fuivant  les  circonf- 
tances. 

On  fait  par  différentes  expériences  qu'il  s'évapore  par  an,  environ 
29  pouces  d'eau  douce,  &  environ  180  lignes  d'eau  de  la  mer;  or 
cette  évaporation  efl  plus  que  fuffifante  pour  produire  la  quantité 
d'eau  que  les  fleuves  portent  à  la  mer.  Jean  Keil  prouve  par  un  cal- 
cul aflfez  plaufible,  que  dans  l'efpace  de  812  ans  toutes  les  rivières  en- 
femble  rempliroient  l'Océan;  d'où  il  conclut  que  la  quantité  d'eau  qui 
s'évapore  de  la  mer ,  &  que  les  vents  tranfportent  fur  la  terre  &  fur 
les  hautes  montagnes  ,  pour  produire  les  ruiffeaux  &  les  fleuves,  eiî: 
d'environ  les  deux  tiers  d'une  ligne  par  jour,  ou  21  pouces  par  an  ; 
ce  qui  confirme  ce  que  l'on  vient  d'avancer,  que  les  vapeurs  de  la  mer 
font  fuffifantes  pour  produire  les  fleuves  s  le  furplus  de  ces  eaux  cfl; 
abforbé  &  employa  pour  la  nourriture  des  végétaux  &  des  ani- 
maux. 

Ce  fentiment  paroît  beaucoup  plus  vraifemblable  que  celui  de  Dif- 
cartes ,  qui  fuppofoit  que  les  eaux  s'élevoient  dans  les  montagnes  en 
vapeurs,  comme  dans  un  alambic.  D'un  autre  côté, l'expérience  ayant 
démontré  l'impoflibilité  de  deflaler  l'eau  de  la  mer ,  &  de  lui  enlever 

Eeeee  2 


772  F  O  N 

fon  efpece  de  goût  bitumineux  &  fa  vifcofité  par  la  feule  innltrationj 
cela  prouve  la  faufleté  dufentiment  de  ceux  qui  difoient  que  les  eaux. 
de  la  mer  fe  filtroient  à  travers  les  terres  dans  les  cavités  des  monta- 
gnes. Les  percolations  du  centre  du  globe  à  la  circonférence  ne  font 
pas  plus  certaines.  Bernard  PaliJJi  y  dans  un  fiecle  encore  peu  éclairé 
fur  ces  objets,  étoit  fi  bien  convaincu  que  les  pluies  forment  les  fon- 
taines, &  que  l'organifation  des  premières  couches  de  la  terre  eft  très- 
favorable  à  l'amas  des  eaux,  à  leur  circulation  &  à  leur  émanation, 
qu'il  publioit  hautement  être  en  état  d'imiter  ces  opérations  de  la  na- 
ture. Pour  cet  effet  il  auroit  formé  un  monticule ,  dans  lequel  il  au- 
roit  obfervé  la  même  diftribution  de  couches  qu'il  avoit  remarquée  à  la 
furface  de  la  terre  dans  les  lieux  qui  lui  avoient  offert  des  fources.  Cette 
prom.elTe,  difent  les  Auteurs  de  l'Encyclopédie,  n'étoit  point  l'efl-et 
de  ce  charlatanifme,  dont  les  Savans  ne  font  pas  exempts,  &  que  les 
ignorans,  qui  s'en  plaignent,  &  qui  en  font  les  dupes,  rendent  fouvent 
néceifaires. 

Les  fontaines  préfêntent  des  fîngularîtés  bien  propres  à  piquer  la 
curiofité ,  foit  par  rapport  à  leur  écoulement ,  foit  par  rapport  aux 
propriétés  &  aux  qualités  particulières  du  fluide  qu'elles  produifent. 

Il  y  a  des  fontaines  uniformes  ,  c'eft-à-dire ,  qui  ont  un  cours  foute- 
nu  ,  égal  &:  continuel ,  &  qui  produifent  dans  certaines  faifons  la  même 
quantité  d'eau  ;  d'autres  {ont périodiques  ;  &  de  celles-là ,  les  unes  font  in- 
termittentes ,  les  autres  font  intercalaires.  Les  intermittentes  font  celles 
dont  fécoulement  celle  entièrement  &  reparoît  à  différentes  reprifes 
en  un  certain  temps.  Telles  font  la  fontaine  du  Lac  de  Bourguet  en 
Savoie  :  la  fource  bruyante  nommée  Bullerborn  ,  en  Weftphalie ,  qui 
fourd  en  bouillonnant  ;  elle  efl  à  fec  deux  fois  le  jour  :  la  fontaine  de 
Colmar  en  Provence  ,  dont  l'eau  coule  de  la  grofleur  du  bras,  &  s'ar- 
rête alternativement  de  fept  minutes  en  fept  minutes  jfes  périodes  font 
extrêmement  réglés.  Le  jour  du  tremblement  de  terre  de  Lifbonne, 
(  premier  Novembre  lyjy  )  elle  devint  continue  :  elle  n'a  repris  fon 
intermittence  qu'en  1763.  Les  fontaines  intercalaires  font  celles  dont 
l'écoulement,  fans  ceffer  entièrement,  éprouve  des  retours  d'augmen?- 
tation  &  de  diminution  qui  fe  fuccedent  après  un  temps  plus  ou  moins 
confidérable.  On  a  donné  encore  le  nom  àQ  fontaines  temporaires ,  à  celles 
qui  ne  coulent  que  pendant  une  faifon  de  l'année.  On  ci^^ûlo.  fontaines 
maïaksy  celles  dont  l'écoulement  commence  vers  le  mois  de  Mai^  à  la 


5 


F  O  N  77 

fonte  des  neiges  ,  &  finit  en  automne.  II  en  efl  à  peu  près  ainfi  des  fon- 
taines Journalières ,  elles  coulent  lorfque  les  eaux  contenues  dans  leurs 
réfervoirs  font  à  la  hauteur  des  canaux  qui  les  conduifent  au  dehors. 
Le  froid  de  la  nuit  fufpendant  ou  diminuant  la  fonte  des  neiges  ,  doit 
fufpendrele  cours  de  ces  eaux.  Enfin  plufieurs  fontaines  préfentent  dans 
leurs  cours  des  modifications  qui  les  font  pafler  fuccefîîvement  de  l'uni- 
formité à  l'intermittence  &  de  l'intermittence  à  l'intercalaifon  ,  &  reve- 
nir enfuite  à  l'uniformité  par  des  nuances  aufli  marquées. 

Les  fontaines  vraiment  intermittentes ,  celles  qui  ont  attiré  l'atten- 
tion du  peuple  &  des  Philofophes ,  font  celles  dont  l'intermiffion  ne  dure 
que  quelques  heures  ou  quelques  jours.  On  explique  d'une  manière  fort 
ingénieufe  ,  &  qui  paroît  très  -  naturelle ,  le  mécanifme  des  fontaines, 
périodiques  ,  foit  intermittentes ,  foit  intercalaires.  On  fuppofe  dans 
les  collines  des  cavités  où  fe  réunifient  les  eaux  ;  &  comme  il  y  a  dans 
les  couches  de  la  terre  des  courbures  très-propres  à  donner  aux  couches , 
qui  contiennent  les  eaux  pluviales  ,  la  forme  d'un  fyphon,  il  réfulte  que 
les  écoulemens  périodiques  dépendent  du  degré  de  hauteur  de  l'eau 
dans  l'une  des  branches  du  fyphon.  On  peut  voir  dans  ï Encyclopédie  un 
détail  très-curieux  &  très-bien  expliqué  de  ce  mécanifme  des  fontaines. 
Ce  détail  efl;  de  M.  Defmarets ,  fi  avantageufement  connu  des  Phyfi- 
ciens.  A  l'égard  des  fontaines  que  l'on  remarque  fur  le  fommet  de  cer- 
taines montagnes ,  elles  ont  leurs  réfervoirs  dans  des  montagnes  plus 
élevées  ;  quand  ces  dernières  font  voifi nés  des  montagnes  inférieures, 
l'eau  y  tombe  par  fon  propre  poids  ;  mais  quand  elles  en  font  éloignées  , 
l'eau  n'y  parvient  que  par  des  canaux  fouterrains  qui  forment  une  efpece 
de  fyphon  ;  par  le  moyen  de  ce  fyphon  ,  l'eau  monte  dans  les  mon- 
tagnes inférieures  afiTez  haut  pour  pouvoir  être  en  équilibre  avec  le  ré- 
fervoir  qu'elle  a  dans  les  montagnes  les  plus  élevées  ;  &  comme  fouvent 
elle  ne  peut  être  en  équilibre  ,  qu'elle  ne  parvienne  jufqu'au  fommet 
même  de  la  montagne,  c'eft  par  cette  raifon  que  Ton  voit  quelquefois 
des  fontaines  fur  les  fommets  de  certaines  montagnes. 

Le  peuple  dans  les  pays  qui  avoifinent  certaines  fontaines  périodi- 
ques, a  toujours  été  effrayé,  ou  livré,  à  la  vue  de  ces  vicifiitudes  &  dis 
dénouemens  de  ces  bizarreries  apparentes  dont  il  ignoroit  la  cauCe,  à 
des  croyances  fiiperfliitieufes ,  qui  dans  les  matières  de  phyfique  font 
toujours  fon  partage. 

Fline^  Ub^  j/,  cap^  2,  nous  apprend  que  lesCantabres  tiroient  des 


774  F  O   N 

augures  de  l'état  où  ils  trouvoient  les  fources  du  Tamaricus,  (  aujour- 
d'hui la  Tarmara ,  dans  la  Gai, ce.  )  Ils  regardoient  comme  un  augure 
finiftre ,  lorfque  la  fontaine  venoit  à  ceffer  de  couler  dans  l'inftant  qu'on 
la  regardoit.  Les  Prêtres  des  Dieux  qui  tenoient  regifùre  des  temps  où 
ces  fontaines  couloient,  pouvoient, moyennant  des  falau'es  honnêtes, 
procurer  la  fatisfadion  &  raiTurance  de  voir  couler  les  fources. 

Dans  des  temps  moins  reculés  on  voit  eîîcore  le  même  efprit  de 
fuperfiition  :  le  peuple  croit  en  Savoie  ,  que  la  fontMne  des  Msrvci/Us, 
près  de  Hautecom.be,  ne  coule  point  en  préfence  ce  certaines  perfjnnes. 
On  retrouve  les  mêmes  idées  dans  les  habitans  deBrifcam  en  Devons- 
hyre,  au  fujet  de  la  fource  périodique  de  Lawyel,dont  les  flux  &  les 
repos  intercalaires  fe  répètent  jufqu'à  feize  fois  pendant  une  demi- 
heure  :  on  fent  bien  qu'elle  doit  céder  de  couler  devant  celui  qui  arrive 
à  l'inflant  de  l'intermittence  naturelle  de  la  fontaine. 

On  a  attribué  plusconftamment  aux  fontaines  la  propriété  d'annoncer 
l'abondance  ou  la  difctte  ;  cette  idée  ne  paroit  point  fi  erronée  que  la 
précédente;  ces préfages  peuvent  avoir  une  caufe  phyfique  aifée  à  faifir. 
On  fait  que  certaines  années  pluvi&ufes  ou  feches,  font  ftériles  ou  abon- 
dantes. Une  fontaine  qui  éprouvera,  dans  fon  cours, des  variations  qui 
feront  dépendantes  de  la  fécherefle  ou  des  pluies,  fera  une  efpece  de 
météorometre,  qui ,  la  plupart  du  temps ,  rendra  des  réponfes  aflez  jufles. 
Jean  Fabn ,  Médecin  de  Caflelnaudary,  prétend  que  les  habitans  de 
Beleftat,  en  Languedoc,  peuvent  juger  des  années  par  le  cours  de  Fon- 
teftorbe ,  qui  fignifie  la  fontaine  intermittenie  :  elle  eft  fituée  dans  le 
Diocèfe  deMirepoix.On  nomme  fo  niai  ne  defamim  celles  qui  ne  coulent 
que  quand  il  pleut  trop,  ou  qui  celTe  de  couler  quand  il  ne  pleut  pas 
aflez. 

Les  fontaines  périodiques  varient  beaucoup  pour  la  durée  de  leur 
intermittence.  Les  unes  ont  des  intermittences  très-longues,  &  d'autres 
très-courtes  :  celle  de  Colmar,  dans  le  Diocèfe  de  Senez  en  Provence  , 
coule  huit  fois  dans  une  heure  ,  &  s'arrête  autant  de  fois.  Tous  ces  effets 
doivent  dépendre  en  partie  de  la  cavité  plus  ou  moins  grande  qui  corref- 
pond  à  une  des  branches  du  fyphon. 

Dans  le  Royaume  de  Cachemire ,  on  voit  une  fontaine  maïale  qui 
coule  &  s'arrête  régulièrement  trois  fois  en  vingt-quatre  heures ,  au 
commencement  du  jour,  fur  le  midi,  &  à  l'entrée  de  la  nuit:  elle  ne 
coule  que  pendant  le  mois  de  Mai,  temps  où  les  neiges  fondent;  elle 


F  O  N  77; 

tarit  enfin  &  demeure  à  (ec  pendant  le  reftede  Tannée.  Cependant  après 
de  longues  pluies,  elle  coule  fans  intermittence  &  fans  ordre,  comme 
les  autres  fontaines  ;  ainfi  elle  efl:  maïale,  intermittente  &  uniforme. 

Il  y  a  des  fontaines  qui  ont  des  fiux  &:  reflux  :  il  efl:  très-poflible  que 
celles  qui  font  fituées  à  une  très-petite  diftance  delà  mer,  aient  avec 
ces  eaux  une  communication  fouterraine  ;  l'intumefcence  produira  un 
refoulement  jufques  dans  le  bafiin  de  ces  fources,  allez  femblable  à  celui 
que  les  fleuves  éprouvent  à  leui  embouchure  lors  du  flux. 

Il  y  a  des  fontaines  dont  l'eau,  quoique  très-froide  ,  ne  laiiTe  pas  de 
bouillir,  &  d'imiter  le  mouvement  qu'elle  auroit  fur  le  feu  ;  telle  efl 
la  fontaine  nom.mée  la  Ronde,  à  deux  lieux  dePontarlier  ,  en  Franche- 
Comté  :  la  caufe  de  ce  phénomène  pourroit  bien  n'être  qu'un  air 
comprimé  renfermé  fous  terre,  &  pouffé  continuellement  à  la  furface 
de  l'eau,  ce  qui  lui  donne  fenfîblement  aufîi  la  propriété  du  reflux.  Le 
flux  n'a  pas  plutôt  commencé,  qu'on  entend  au-dedans  de  la  fontaine 
une  efpece  de  bouillonnement ,  &  qu'on  en  voit  fortir  l'eau  de  tous  cotét:: 
elle  produit  alors  plufieurs  bulles ,  &  s'élève  toujours  peu-à-peu  jufqu'à 
la  hauteur  d'un  pied  ou  environ.  Elle  fe  répand  enfuite  dans  un  balfm 
qu'elle  s'efl  pratiqué  près  d'elle.  Quand  le  reflux  fe  fait,  l'eau  defcend 
peu-à-peu  &  à  peu  près  dans  un  même  efpace  de  temps  aufli  court 
qu'il  lui  en  a  fallu  pour  monter.  Le  période  du  flux.  &  reflux  dure 
environ  fîx  à  fept  minutes  ,  &  l'intervalle  de  temps  qui  règne  entre  les 
deux  n'eft  tout  au  plus  que  d'environ  deux  m.inutes.  La  defcente  de 
l'eau  efl  fi  apparente  que  la  fontaine  en  tarit  pref-ju'entiérement  : 
cependant  l'un  des  reflux  eft  régulièrement  toujours  différent  de  l'autre, 
en  ce  que  la  fontaine  tarit  prefque  entièrement  une  fois, &  qu'une  autre 
fois  il  refle  un  peu  d'eau  dans  le  baflin,  ce  qui  fe  continue  toujours 
alternativement  &  en  même  proportion  ,  fans  augmenter  ni  diminuer. 
Vers  la  fin  du  reflux,  &  lorfqu'ilne  refte  prefque  plus  d'eau  à  rentrer, 
on  entend  un  petit  bruit,  comme  une  efpece  à^  gazouillement  frémijjant 
qu'on  pourroit  très- bien  rendre  en  Italien  par  le  nom  de  gargogliofamofo„ 
On  voit  aulTi  une  pareille  fource  près  de  Velleia  en  Italie. 

Vann'm  place  au  Japon  une  fontaine  thermale  &  périodique.  Ses 
écoulem.ens  fe  répètent  deux  fois  par  jour  &  durent  une  heure  :  feau  en 
fort  avec  impétuofité,  &  forme  près  de  là  un  lac  brûlant.  Son  eau  efl, 
dit-il,  plus  chaude  que  l'eau  bouillante. 

La  iource  de  la  Reinette ,  à  Forges ,  offre  fur  les  fix  à  fept  heures 


775  F  O  N 

du  foii-  C<:  du  matin  un  phénomène  digne  de  remarque;  l'eau  de  cette 
fource  fe  trouble,,  devient  rougeâtre,  &  fe  charge  de  flocons  roux, 
fans  être  plus  abondante  dans  ces  changemens. 

Il  y  a  des  fontaines  ,  telles  que  celles  d'Arcueil  près  de  Paris,  &  celles 
que  l'on  voit  à  Clermont  en  Auvergne,  dont  les  eaux  font  chargées  de 
particules  pierreufes  infen(ibles  qui  s'incruftent  fur  les  corps  que  ion 
jette  dans  ces  fontaines:  d'autres,  chargées  de  particules  cuivreufes, 
recouvrent  d'une  couche  cuivreufe  la  furface  des  morceaux  de  fer 
qu'on  y  jette.  Il  y  a  de  ces  fontaines  en  Pologne  &  dans  ies  monts 
Crapaks  en  Hongrie,  Fojei  Eaux  cémentatoires  &   Cuivre    de 

CÉMENTATION. 

Les  eaux  d'une  fontaine  de  Paphlagonie  ont  la  propriété  d'enivrer 
comme  le  vin  ;  &  celles  d'une  fontaine  de  SenlilTe ,  village  proche  de 
Chevreufe ,  font  tomber  les  dents  fans  fluxion  &  fans  douleur.  Il  y  a  de 
ces  fontaines  dont  ies  eaux  font  chaudes;  on  les  nomme  eaux  thermales, 
y  oyez  à  l'article  Eau, 

Il  y  a  des  fontaines  &  des  ruifleaux  dont  les  eaux  ont  des  faveurs 
falées  ;  conimunément  elles  doivent  leur  origine  à  des  eaux  qui  ont 
diflous  telle  ou  telle  efpece  de  fel  dans  leur  trajet  fouterrain.  La  fon- 
taine qui  eft  au  milieu  de  la  ville  de  Salies  dans  le  Béarn,  fournit  un 
exemple  de  ces  eaux  falées  ;  on  y  obferve  que  l'eau  s'élève  fortement 
à  dilïerens  bouillons  par  une  ouverture  ronde ,  de  trois  à  quatre  pieds 
de  circonférence  ;  cette  ouverture  forme  le  haut  d'un  puits  dont  la 
profondeur  eft  de  trois  pieds.  Voici  un  fait  bien  (ingulier;  c'eft  que  plus 
on  tire  d'eau  de  cette  fontaine  &  plus  elle  en  fournit.  On  prétend  que 
la  caufe  de  ce  phénomène  dépend  du  poids  de  l'eau  fupérieure,&  du 
puits  à  jour  qui  retarde  la  fortie  de  celle  qui  vient  de  la  fource.  Cette 
fource  n'eft  pas  toujours  également  abondante,  elle  l'eft  plus  en  Février 
&  Mars  que  dans  les  autres  mois  de  l'année,  &  elle  l'eft  beaucoup  moins 
dans  les  mois  d'Oétobre  ,  Novembre  &  Décembre:  foixante-huit 
livres  d'eau  fournillent  ordinairement  douze  livres  de  fel.  On  préfurae 
bien  que  cette  eau  qui,  fuivant  l'expérience  de  M.d'OrbeJ/anyeû  falée 
un  peu  plus  de  cinq  fois  que  l'eau  delà  mer;  que  cette  eau,  dis-je,eft 
d'une  grande  reîlburce  pour  les  habitans  de  Salies. 

On  voit  d^autres  fontaines  ou  ruifleaux  dont  il  s'élève  des  vapeurs 
infenfjbks  qui  font  inflammables;  fi  on  y  approche  du  feu,  une  flamme 
Jégere  fe  aépand  aufli-tôt  (ai  l'sau  comme  fur  l'çfprit  de  vin.  Ce  phé- 

nonîçne 


F   O    N  ■■    ^-       777 

nomene  dépend  vraifemblablement  de  ce  que  ces  eaux,  pafiant  par 
des  mines  de  foufre  &  de  bitume,  fe  chargent  de  particules  éthérées, 
qui  s'enflamment  aufîi-tôt  qu'on  y  approche  un  flambeau  allumé.  On 
voit  près  de  Bofeiey,  dans  la  Province  de  Shiop,]a  faraeufe  fontaine 
brûlante.  L'eau  qu'eile  contient  efr  froide  ,mais  éile  e;{hale'des  vapeurs 
que  l'on  enflamme  avec  une  chandelle  allumée,  ^ufli-tôt  il  en  part 
des  flammes  tellement  chaudes  &  brûlantes  ,  qu'elles  réduiient  en  un 
moment  de  gros  morceaux  de  bois  vert  en  cendres,  J^oyz:^  à  rartlck 
Volcan. 

On  peut  aulîi  rapporter  ici  les  flngularités  de  quelques  étangs.  Les 
uns  fitués  au  milieu  des  continens,  font  pleins  pendant  la  fécherefle,  ôc 
prefque  à  fec  pendant  la  pluie.  D'autres  aflez  près  de  la  mer  ou  d^s 
rivières  qui  ont  le  flux  &  reflux  ,  baifient  quand  la  marée  efl:  haute , 
&  montent  quand  la  m.arée  eft  baflfe.  Tel  efl:  l'étang  de  Greenhive,  entre 
Londres  &  Gravefand.  Voyez  à  l'article  Puits. 

On  peut  expliquer  par  le  mécanifme  des  fontaines  périodiques  un 
phénomène  fingulier  que  préfentent  certaines  cavernes.  Près  de  Salfé- 
dan,  dans  les  montagnes  des  environs  de  Turin,  efl:  un  rocher  qui  a 
une  fente  perpendiculaire ,  d'où  il  fort  pendant  un  certain  temps  un 
courant  d'air  aflîez  rapide  pour  repoufler  au-dehors  les  corps  légers 
qu'on  expofe  à  fon  action;  enfuite  l'air  y  efl;  attiré,  &  il  abforbe  les 
pailles  &  ce  qu'il  peut  entraîner.  Un  femblable  rocher  afpire  l'air  Se 
1  expire  aufli  fenflblement.  Tout  ceci  paroît  avoir  pour  principe  le 
mouvement  d'un  fyphon.  Tandis  que  l'eau  fouterrainc  qui  fe  décharge 
dans  la  caverne,  n'eft  pas  parvenue  au  niveau  de  l'oriflce  inférieur 
du  fyphon,  l'air  s'échappe  de  la  caverne  par  le  fyphon  ,•  à 'mefure 
que  la  caverne  fe  remplit;  mais  il  fort  enfuite  par  la  fente  du  rocher, 
lorfqu'il  n'a  plus  Tiffue  du  fyphon,  &  que  l'eau  d'ailleiu-s  verfie  par  le 
canal  d'entretien  le  comprime.  Il  y  rentre  lorfque  l'eau  coule  abondam- 
^Énent  par  le  fyphon  &  que  la  cavité  fe  vide,  rojc^  Caverne.  Tout 
prouve  que  les  eaux  des  fources ,  même  celles  que  l'on  remarque  dans 
les  lieux  fouterrains,  proviennent  des  vapeurs  aériennes  &  des  pluies. 
On  lit  dans  les  Trunjaci.  Philojoph.  que  des  ouvriers  Anglois,  fort  verfés 
dans  l'exploitation  d^s  mines,  ont  obfervé  que  par  tout  où  l'on  trouvoit 
de  l'eau  fous  terre,  ony  avoitauflî  trouvé  de  l'air;  qu'au  contraire  quand 
Teau  manquoiton  ne  trouvoit  plus  d'air  à  refpirer,&  que  leurs  lampes 
s'éteignoient.  Or  cela  ne  peut  provenir  que  de  ce  que  les  mêmes  ouver- 

Toms  //.   ^  Fffff 


77S  F  O   N 

tures  qui  ont  fervi  à  introduire  l'eau  fous  terre ,  ont  auflî  fervi  à  y  intro- 
duire l'air  avec  une  égale  liberté.  On  en  doit  donc  néceflairement  con- 
clure que  cette  eau  vient  des  dehors  de  la  terre ,  &  non  de  la  mer,  par  des 
canaux  fouterrains.  D'ailleurs  l'eau  de  puits  ou  de  fource  qui  auroit 
communication  avec  l'eau  de  la  mer  feroit  fufceptible  de  flux  &  de  reflux» 

Fleuves  ù  Rivières, 

Les  rivières  &  les  fleuves  font  des  amas  d'eaux  qui  coulent  toujours,' 
&  dont  on  connoît  la  fource  &  l'embouchure.  Le  nom  de  rivière,  quoi- 
que générique  ou  commun  au  fleuve  &  à  la  rivière,  fe  difl:ingue  de 
la  manière  fuivante  :  le  fleuve  efl:  une  grande  rivière  qui  porte  fon 
nom  jufqu'à  la  mer,  au  lieu  que  la  rivière  le  perd  communément  en 
fe  jetant  ou  dans  un  fleuve  ou  dans  une  autre  rivière. 

Les  rivières  &  les  fleuves  prennent  toujours  leur  origine  du  milieu 

ou  du  bas  des  montagnes.  Il  y  a  fur  la  furface  de  la  terre  des  contrées' 

élevées  qui  paroifïent  être  des  points  de  partage  marqués  par  la  nature  , 

pour  la  difl:ribution  des  eaux.  Les  environs  du  mont  Saint-Gotard  font 

im  de  ces  points  en  Europe.  Là  fe  trouvent  les  fources  du  Rhône,  du 

Rhin  ,  du  Danube  &  du  Pô  ;  de  même  la  montagne  de  Framont  dans 

les  Vofges  oïlre  les  fources  de  trois  rivières;  i*'.  la  Plaine  qui  fe  joint 

à  la  Meurthe  ;  2°.  la  Saux  qui  fe  décharge  dans  la  Mofelle  ;  3".  &  la 

Prufche  qui  fe  décharge  dans  1  île  à  Strafbourg.  Le  mont  Pilât,  près  de 

Samt-Etienne  en  Forez,  donne  naiflance   à  cinq  petites   rivières    qui 

rendent  leurs  eaux  à  deux  mers,  à  la  Méditerranée  &  à  l'Océan ,  par 

le  m-oyen  du  Rhône  &  de  la  Loire.  Un  autre  point  efl:,  en  Amérique, 

la  Province  de  Quitto  ,  qui  fournit  des  eaux  à  la  mer  du  Sud,  à  la 

mer   du  Nord  &  au  golie  du  Mexique  ;  en  Ane,  le  pays  des  Tartares 

Mogob ,  û'où  il  coule  des  fleuves  ,  dont  les  uns  vont  fe  rendre  dans  la 

mer  Tranquile  ou  nouvelle  Zemble,  d'autres  à  la  mer  de  Curée,  & 

d'autres  à  celle  de  la  Chine. 

C'efl:  un  fpeélacle  vraiment  intéreflant,  que  de  confîdérsr  une  rivière 
dans  fes  divers  accroiiTcmens.  Ce  n'efl:  d'abord  qu'un  filet  d'eau  qui  dé- 
coule de  quelque  colline  fur  un  fond  de  faîrle  ou  de  giaife.  Les  moin* 
dres  cailloux  ,  épars  à  l'aventure,  fufîifent  pour  l'embarrafll-r  dans  fa 
route;  elle  fe  détourne  &  fe  dégage  en  murmurant:  elle  s'échappe  ennn, 
fe  précipite  &r  gap;ne la  plaine,  emplit  les  lieux  bas  où  elle  tombe;  & 
grolfie  par  la  jondion  de  quelques  raifleaux  ,  elle  s'élève  en  écartant 


F   O   N  77_9 

parle  choc  de  Tes  eaux,  le  limon  qu'elle  a  détaché:  elle  le  dépofe  de 
côté  &  d'autre;  elle  mine  infenfiblement  ce  qui  lui  réfifte,  &  fe  ren- 
ferme dans  le  fillon  qu'elle  s'cfl;  elle-même  tracé.  La  décharge  des 
étangs,  la  fonte  des  glaciers,  des  neiges,  la  chute  des  ravines  &  des 
courans  de  toute  efpece  Tenrichident  &  la  fortifient  :  elle  prend  un  nom 
&  un  cours  réglé;  de  vaftes  prairies  &  une  verdure  riante  l'accompa- 
gnent par-tout;  elle  tourne  autour  des  collines,  &  ferpente  dans  les 
plaines  pour  embellir  plus  de  lieux ,  &  y  porter  des  avantages  fans 
nombre.  Les  hommes  ont  joint  leurs  travaux  à  ceux  de  la  nature,  pour 
former  des  lits  aux  fleuves,  afin  d'empêcher  que  leurs  terres  ne  fullent 
inondées. 

On  a  obfervé  que  le  plus  grand  nombre  des  fleuves  coulent  d'O- 
rient en  Occident ,  ou  d'Occident  en  Orient ,  du  moins  dans  une  partie 
de  leur  longueur;  &  on  ne  connoît  qu'un  petit  nombre  de  rivières  un 
peu  conndérables,  qui  aillent  du  Nord  au  Sud,  tel  eft  le  Rhône, ou  du 
Sud  au  Nord.  L'Obi,  le  Jenifca  ,  le  Lena  ,  vont  en  effet  pendant  plu- 
lieurs  centaines  de  lieues  du  midi  au  Nord.  Le  Nil  fait  la  même  chofe, 
M.  Halkr  rapporte  que  le  Gange  8c  les  grands  fleuves  d'Aia,  de  Pégou, 
&  de  Siam-,  leMiffiilipi,  l'Indus  &  TEuphrate  vont  du  Nord  au  Midi, 
Cela  dépend  des  chaînes  àts  montagnes  :  quand  elles  s'étendent  d'un 
pôle  à  l'autre,  comme  dans  TAm.érique  méridionale,  ^  peut-être  dans 
l'intérieur  de  l'Afrique,  les  rivières  vont  à  l'Eft  ou  à  l'Ouefl:.  Quand 
les  montagnes  s'étendent  de  l'Efl  à  l'Oueft ,  les  rivières  coulent  au 
Nord  &  au  Midi. 

Les  fleuves'font  fujets  à  de  grands  changemens  dans  une  anriée^,  fui- 
vant  les  différentes  faifons,  &  quelquefois  dans  un  même  jour.  Ces  chan- 
gemens font  occafionnéspar  les  pluies  &  les  neiges  fondues.  Au  Pérou 
&  au  Chili ,  il  y  a  des  fleuves  qui  ne  font  prefque  rien  pendant  la 
nuit,  mais  qui  roulent  leurs  eaux  avec  abondance  pendant  le  jour, 
parce  que  leurs  canaux  en  font  fournis  par  les  neiges  que  le  foleil  fait 
fondre  fur  les  montagnes.  En  Europe  il  y  a  des  rivières  abondantes  en 
été  ,  parce  qu'elles  tirent  leur  fource  des  glaciers,  &  d'autres  diminuent 
infeniiblement  au  milieu  de  l'été.  Celles-ci  ne  font  entretenues  que  par 
les  pluies. 

On  voit  àos  fleuves  s'enfoncer  brufquement  fous  terre  ,  &  qui  repa- 
roiilent  dans  d'autres  lieux ,  comme  de  nouveaux  fleuves  ;  tels  font  , 
dit-on  j  le  Niger  &  le  Tigre.  D'autres  changent  de  lit ,  comme  on  l'a 

Fffff2^ 


78d  F   O   N 

obfervé  la  nuit  du  8  Février  175-6  fur  la  rivière  de  Frooyd  dans  le 
Comté  de  Monmouth  en  Angleterre.  On  affure  que  dans  la  partie  occi- 
dentale de  rîleSaintDomingue,iiy  a  une  montagne,  au  pied  de  laquelle 
font  pîufîeurs  cavernes,  où  les  rivières  &  les  ruifleaux  fe  précipitent 
avec  tant  de  bruit ,  qu'on  les  entend  quelquefois  de  fept  ou  huit  lieues. 

Au  refte,  le  nombre  de  ces  fleuves  qui  fe  perdent  dans  le  fein  de  la 
terre  eft  fort  petit,  &  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  ces  eaux  defcendent 
bien  bas  dans  l'intérieur  du  globe  :  il  eft  plus  vraifembîable  qu'elles  fe 
perdent  com.rae  celles  du  Rhin,  en  fe  divifant  dans  les  fables,  ou  fe 
jetant  dans  un  grand  fleuve  ;  ce  quiefl:  fort  ordinaire  aux  petites  riviè- 
res qui  arrofent  les  terrains  fecs  &  fablonneux. 

M.  Guettard  ,àcim  un  Mémoire  inféré  parmi  ceux  de  l'Académie  des 
Sciences  pour  l'année  lyyS  ,  a  décrit  ce  qu'il  a  obfervé  dans  plufieurs 
rivières  de  la  Norm.andie ,  qui  fe  perdent  &  reparoiflent  enfuite  :  ces 
rivières  font  au  nombre  de  cinq  ,  la  Rille  ,  l'Ithon  ,  l'Aure  ,  la  rivière 
du  Sap- André,  &  la  Drome.  Les  trois  premières  fe  perdent  peu-à peu 
&  reparoiflent  enfuite  ;  la  quatrième  fe  perd  peu  à-peu  auflî ,  &  enfin 
totalement,  mais  elle  reparoît  après  ;  la  cinquième  perd  un  peu  de  fes 
eaux  dans  fon  cours  ,  &  finit  par  fe  précipiter  dans  un  gouffre  d'où  on 
ne  la  voit  plus  reparoître  (<:7). 

Ce  qui  femble  donner  lieu  à  la  perte  de  la  Rille,  de  l'Ithon  &  de 
l'Aure,  c'efl  la  nature  du  terrain  des  lieux  par  où  elles  pafTent  ;  M. 
Gutttard  a  obfervé  qu'il  efl:  en  général  poreux,  &  compofé  d'un  gros 
fable  dont  les  grains  font  peu  liés  entr'eux  ;  ces  rivières  fe  perdent  tou- 
tes les  trois  à  peu-près  de  la  même  façon ,  c'eft-  à-dire  par  des  ouver-« 
turcs  .que  les  gens  du  pays  appellent  bêtoircs ,  (  voyez  ce  mot  )  &  qui 
abforbent  plus  ou  moins  d'eau  félon  qu'elles  font  plus  ou  moins  gran- 
des. M.  Gutttard  qui  les  a  foigneufement  obfervée?,  remarque  que  ces 
bétoires  font  des  trous  formés  en  entonnoir  ,  dont  le  diamètre  de  l'ou- 


(•2)  M.  î'IaLler  croit  que  ces  abymes  font  fort  communs.  Il  dit  en  avoir  vu  où  l''e3ii 
s'engoiiffroic  par  un  tourbillon,  &  murmuroit  encore  fous  fes  pieds  dans  le  lit  de 
l'eau  froide.  Le  lac  de  Joux  fe  perd  par  des  fentes  prefqu'imperceptibles  d'un  roc  3  & 
en  général  il  prétend  avoir  obfervé  que  les  rivières  n'augmentent  pas  à  beaucoup  près 
dans  la  proportion  Ats  nouveaux  renforts  qu'elles  reoivent  de  toutes  parts  ,  &  qu'il  y 
en  a  qui  diminuent.  C'eft ,  continue-t-il ,  en  partie  l'effet  de  l'exhalation  j  mais  appa- 
remment que  Its  eaux  qui  fe  perdent  dans  le  fond  du  lit  de  la  rivière ,  y  contribueat 
auin. 


F  O  N  781 

verture  efl  au  moins  de  deux  pieds ,  &  va  quelquefois  jufqu'à  dix  Se 
quinze  pieds ,  &  dont  la  profondeur  varie  également  depuis  un  &  deux 
pieds  ,  jufqu'à  cinq  ,  fîx  ,  &  même  quinze  &  vingt.  La  preuve  que 
l'eau  fe  filtre  à  travers  le  fable  ,  c'eft  que  fouvent  dans  une  bétoire  qui 
a  deux  ou  trois  pieds  de  profondeur,  &"  par  laquelle  fe  perd  beau- 
coup d'eau  ,  on  ne  peut  enfoncer  nulle  part  un  bâton  plus  loin  que  la 
furface  de  fon  fond.  M.  Guettard  eft  fort  porté  à  croire  qu'il  fe  trouve 
dans  ces  cantons  des  cavités  fouterraines  ,  par  lefquelles  les  eaux  peu- 
vent couler.  Vdici  un  fait  que  l'on  obferve  dans  les  bétoires  des  rivières 
dont  nous  avons  parlé  ,  &  particulièrement  dans  ceux  de  la  Rïîle , 
qui  femble  prouver  qu'il  y  a  dans  les  montagnes  qui  bordent  fon  cours, 
àiQs  étangs  d'eau  confidcrables  :  ce  fait  eft  que  ces  bétoires  deviennent 
en  hiver,  pour  la  plupart,  des  fontaines,  qui  refournifTent  autant 
d'eau  dans  le  lit  de  la  rivière ,  qu'ils  en  avoient  abforbé  pendant  l'été; 
or  d'oij  cette  eau  peut-elle  venir,  fi  ce  n'eft  des  réfervoirs  où  étangs 
qui  font  renfermés  dans  les  montagnes,  lefquels  étant  plus  bas  en  été 
que  la  rivière,  en  reçoivent  l'eau,  &  étant  plus  hauts  en  hiver  par 
les  eaux  de  pluies  qu'ils  ont  reçues  ,  la  lui  rendent  à  leur  tour. 

La  rivière  du  Sap-Andii  fe  perd  en  partie  de  même  que  celle  de 
Xlthon  &  de  la  Pdlk  ;  mais  elle  a  cette  particularité  de  plus ,  qu'à  l'ex- 
trémité de  fon  cours ,  &  fans  qu'on  remarque  de  cavité  iQx\{\\AQ  dans 
cet  endroit ,  elle  s'engouffre  pour  ainfi  dire ,  &  fans  chute  ,  l'eau  paiTe 
entre  les  cailloux.  Ce  qui  fait  prendre  à  cette  rivière  cette  diredion 
fouterraine  ,  eft  un  obftacle  que  fon  cours  rencontre  en  cet  endroit  ; 
elle  y  trouve  une  éminence  de  fix  à  fcpt  pieds  de  haut ,  dont  elle  a  ap- 
paremment miné  le  defious  pour  y  palier,  n'ayant  pu  la  franchir.  A 
quelque  diftance  de  cet  endroit  elle  reparoît  ;  m.ais  en  hiver ,  comme 
l'eau  eft  plus  abondante ,  elle  pafle  par  defllis  cette  élévation  ,  &  foa 
cours  devient  continu.  Mais  la  Drome  après  avoir  perdu  une  partie  de 
de  fon  eau  dans  fon  cours  ,  fe  perd  entièrement  dans  une  efpece  de 
gouffre. 

Il  n'eft  pas  abfolument  rare  de  voir  de  ces  rivières  qui  fe  perdent 
ainfi  fous  terre  ;  la  rivière  d'Ierre  ou  Hyere  a  cette  fingularité ,  qui 
eft  prefque  inconnue  à  tout  le  monde  ,  quoique  cette  rivière  foit  très- 
près  de  Paris. 

Une  rivière  aufïî  bien  fournie  d'eau  que  celle-là ,  qui  ne  tarit  &  ne 
gelé  jamais  lorfque  l'eau  a  reparu  fur  terre  j  une  rivière,  dit  M.  Gua^ 


782  FON 

tard ,  qui  pourroit  être  aufii  utile  à  Paris  par  fa  communication  avec  la 
Seine,  mériteroit  fans  doute  qu'on  fît  quelques  efforts  pour  augmen- 
ter fes  eaux ,  ou  du  moins  pour  empêcher  qu'elles  ne  fe  perdiflent  ;  il 
ne  s'agiroit  peut-être  que  de  faire  de  bonne  maçonnerie  dans  les  en- 
droits où  elle  fe  perd  ,  ou  de  détourner  un  peu  fon  cours  dans  ces  en- 
droits,  &;  lui  creufer  un  nouveau  lit  :  on  ne  rencontreroit  pas  par-tout, 
comme  en  Normandie ,  des  cailloux  fans  liaifon  ,  ou  liés  fimplement 
par  une  terre  qui  fe  délaie. 

Les  eaux  de  l'Fîyere  pourroient  encore  êcre  beaucoup  augmentées  , 
fi  on  fiiifoit  de  pareils  ouvrages  pour  les  petits  ruiffeaux  qui  s'y  ren- 
dent en  hiver  &  qui  perdent  même  en  ce  temps  une  partie  de  leurs 
eaux. 

Voici  le  détail  d'une  rivière  de  l'Orléanois,  (c'eîî:  le  Loiret)  qui 
mérite  l'attention  du  Naturalifte.  Le  Loiret  tire  fon  origine  de  deux 
fources  qui  en  fortant  de  la  terre  fourniiTcnt  feize  à  dix-huit  pieds 
cubiques  d'eau:  voilà  donc  un  ruifleau  affez  confidérable.  La  grande 
fource  du  Loiret  prend  de  fi  loin  fon  effort  de  deflous  terre ,  que  l'antre 
d'oii  elle  s'élève  efl  un  abyms  dont  il  n'a  pas  été  pofTible  jufqu'à  préfent 
de  trouver  le  fond.  En  lySS,  M.  d'Entragues,  Gouverneur  d'Orléans  , 
en  fit  fonder  inutilement  la  profondeur  avec  trois  cents  braffes  d'une  corde 
attachée  à  un  boulet  de  canon.  Mylord  BoUnghroke  a  répété  l'expérienca 
en  1732  avec  aufTi  peu  de  fuccès.  La  petite  fource  du  Loiret  ne  fe  peut 
pas  mieux  fonder.  L'on  peut  déduire  que  s'il  n'y  a  pas  un  torrent  rapide 
&  fouterrain  qui  auroit  la  propriété  d'entraîner  obliquement  la  fonde , 
il  faut  que  ces  fources  foient  des  abymes  ou  réfervoirs  immenfes. 

Quelques  fleuves  fe  déchargent  dans  la  mer  par  une  feule  embou- 
chure, quelques  autres  par  plufieurs  à  la  fois.  Le  Danube  fe  jette 
dans  la  mer  Noire  par  fept  embouchures  ;  &  le  Volga  par  foixante-dix 
au  moins.  On  prétend  qiie  le  Nil  n'en  avoit  originairement  qu'une  pour 
fe  joindre  à  la  Méditerranée,  les  fables  qu'il  a  chariés  lui  ont  formé 
jufqu'à  fept  erobouchujes  ;  à  force  d'en  apporter,  il  s'efi:  obfirué  le  pafiage 
à  lui-même  ,  &  il  n'en  refte  aujourd'hui  que  deux  qui  foient  navigables. 
La  pente  de  prefque  tous  les  fleuves  va  toujours  en  diminuant  jufqu'à 
leur  embouchure  ;  mais  il  y  a  des  fleuves  dont  la  pente  efl:  très-bruf - 
que  ,  &  forme  des  Cataractes,  Voyez  ce  mot. 

Une  fingularité  digne  de  rem.arque,  c'efl:  que  les  finuofités  des  fleuves 
augmentent  lorfqu'ils  approchent  de  la  mer.  On  prétend  qu'en  Amérique 


F  O  N  783 

les  Sauvages  jugent ,  par  ce  moyen ,  à  quelle  diflance  ils  font  de  la  mer. 
Il  y  a  dans  Tancien  Continent  environ  quatre  cents  trente  fleuves 
grands  comme  l'efl:  la  Somme  en  Picardie,  &  qui  tombent  immédiate- 
ment dans  l'Océan  ou  dans  la  Méditerranée ,  ou  dans  la  Mer  Noire. 
Dans  le  nouveau  Continent  on  ne  connoît  guère  que  cent  quatre-vingts 
fleuves  qui  aillent  fe  décharger  dans  la  mer. 

Plufieurs  rivières  &  fleuves  roulent  des  paillettes  d*or  &  d'autres 
métaux.  On  n'en  trouve  une  quantité  un  peu  confidérable  que  dans  les 
faifonspluvieufes,  parce  que  les  eaux  en  détachent  davantage  des  mi- 
nières: c'eft  aufli  dans  les  (inuofités  des  rivières,  que  s'amaflent  ces 
paillettes,  &  qu'on  les  y  cherche. 

On  voit  quelquefois  des  rivières  diminuer  tout-à-coup.  C'efl  ainfi 
que  dans  la  nuit  du  28  au  2p  Décembre  1762,  les  qaux  de  la  rivière 
d'Eden ,  dans  le  Comté  de  Cumberland  ,  baiiTerent  au  moins  de  deux 
pieds  perpendiculairement  ;  &  cet  abaifiement  fut  fi  fubit  que  plufieurs 
poifloiis  n'eurent  pas  le  temps  de  fuivre  le  courant ,  &  furent  trouvés 
morts  le  lendemain  fur  les  bords  qui  éioiert  reftés  à  fcc.  Les  eaux  ref- 
tcrent  en  cet  état  jufqu'à  onze  heures  du  matin  ,  ^  remontèrent  en- 
fuite  par  gradation  à  leur  premier  niveau.  On  n'a  remarqué  aucune 
circonflancc  qui  ait  pu  occallonner  ce  phénomène. 

Certains  fleuves  iont  fujets  à  des  débordemens  périodiques  ,  qui 
inonderît  toutes  les  terres  adjacentes,  en  y  portant  en  même  temps  la 
fertilité  &  Tabonciance. 

Parmii  ces  fleuves,  le  plus   célèbre  efl:  le  Nil,   qui  s'enfle  fi   confî- 
dérablemcnt  ,   qu'il  inonde    toute   l'Egypte ,  excepté   les  montagnes. 
L'inondation  commence  vers  le  17  de  Juin  ,  augmente  pendant  qua- 
rante jours ,  &  diminue  pendant  le  même  efpace  de  temps.  Hérodou 
nous  apprend  qu'il  étoit  autrefois  cent  jours  à  croître  &  autant  à  dé- 
croître. Cette  diitérence  dans  la  durée  des  périodes  ,   ne  peut  être  attri- 
buée qu'à  ce  que  les  pluies  &  les  torrens  ont  détaché  dans  les  montagnes 
de  la  terre  qu'ils  ont  dépofée  ,  &  le  terrain  du  Nil  s'efl:  élevé  à  pro- 
portion. La  caufe  du  débordement  du  Nil  vient  des  pluies  qui  tombent 
en  Ethiopie  ,  depuis  le  commencement  d'Avril  jufqu'à  la  fin  de  Septem- 
bre ,  &  du  vent  du  Nord  qui  chafTe  les  nuages  qui  portent  cette  pluie 
du  côté  de  i'Abiflinie,  &.  fait  rouler  les  eaux  du  Nil  à  leur  embouchure. 
Auffi-tôt  que  le  vent  tourne  au  Sud  ,  le  Nil  perd  dans  un  jour  ce  qu'il 
avoit  acquis  dans  quatre. 


7^^  F  O  N 

Les  plus  grands  fleuves  de  l'Europe  font  le  Volga  ,  le  Danube,  le 
Don.  le  Nieper,  la  Buine,  puis  le  Rhône,  le  Rhin  ,  la  Loire  ,  la 
Seine  ^  la  Garonne  ,  la  Tvleufe ,  l'Efcaut ,  le  Tage  ,  le  Guadalquivir  & 
le  Tibre  :  les  plus  grands  fleuves  de  i'Aiîe  font  le  Hoanhg  ,  le  Jenifca, 
rChy  ,  le  fleuve  Amour,  le  Menamcon ,  le  Kiang  ,  le  Gange,  l'Eu- 
phrate  ,  l'Indus ,  &  le  Tigre  :  les  plus  grands  fleuves  de  l'Afrique  font 
le  Sénégal  qui  comprend  le  Niger ,  enfuite  le  Nil ,  le  Zaire  ,  le  Coanza , 
la  Gambia  ,  le  Zambeze  ,  ôcc.  Enfin  les  plus  grands  fleuves  de  l'Amé- 
rique, qui  font  aufli  les  plus  larges  du  monde  ,  font  la  rivière  des  Ama- 
zones ,  le  fleuve  Saint  Laurent,  celui  du  Miffilupi  qui  reçoit  le  MilTouri, 
celui  de  la  Pîafa ,  l'Orenoque  &  le  Brava.  Mais  les  fleuves  les  plus  rapi 
des  de  tous  font  le  Tigre  ,  ITndus  ,  le  Danube  ,  TYrtis  en  Sibérie  Ôc  le 
Malmiflra  en  Cilicie, 

Les  eaux  des  fleuves  &  des  rivières  ,  en  defcendant  des  montao-nes , 
acquièrent  une  vîtelTe  ou  accélération  qui  fert  à  entretenir  leur  courant; 
à  mefure  qu'elles  font  plus  de  chemin  ,  leur  vîîefle  diminue ,  tant  à  cau(e 
du  frottement  continuel  de  Teau  contre  le  fond  &  les  côtés  du  lit  où 
elles  coulent ,  que  parce  qu'elles  arrivent  après  un  certain  temps  dans 
les  plaines,  où  elles  coulent  prefque  horizontalement. 

Pour  favÔîr  fi  l'eau  d'une  rivière  ,  qui  n'a  prefque  point  de  pente  » 
coule  par  le  moyen  de  la  vîtefle  qu'elle  a  acquile  dans  fa  defcente,  ou 
par  la  preflion  perpendiculaire  de  (es  parties  ,  il  faut  oppofer  au  courant 
un  cbftacle,  un  morceau  de  bois,  par  exemple  ,  qui  lui  foit  perpen- 
diculaire. Si  l'eau  s'élève  &  s'enfle  tout  de  fuite  au-defifus  de  l'obflacle, 
fa  vîtefle  vient  de  fa  chute  ;  fi  elle  ne  fait  que  s'arrêter  ,  fa  vîtefTe  ne 
vient  que  de  la  preflion  de  [qs  parties. 

La  pente  naturelle  du  lit  des  rivières  n'efl  pas  le  feul  moyen  qu'em- 
ploie la  nature  pour  en  modérer  le  cours.  Le  choc  des  eaux  contre  les 
rivages  en  rompt  d'autant  plus  la  violence,  qu'elles  y  touchent  plus  de 
furface  ;  &  plus  le  cours  en  eCt  finueux ,  plus  ce  choc  eft  répété.  Les 
grands  lacs  rompent  aufli  l'impétuofité  des  rivières  qui  s'y  abouchent. 
Le  Rhin  ,  le  Rhône  ,  le  Teflîn  ,  le  Rews ,  l'Ada ,  le  Meira ,  l'Aar  , 
le  Linth  ,  qui  defcendent  du  haut  des  miontagnes  de  la  Suifle ,  tra- 
verfent  des  lacs  &:  y  dépofent  des  parties  terreufes.  On  peut  dire  aufli 
que  les  eaux  des  fleuves  grands  &  rapides  fe  font  remarquer  jufqu'à 
plus  de  douze  lieues  au  large  dans  la  mer  ,  à  l'endroit  où  elles  fe  dé- 
chargent. 

Les 


F  o  N  for:  7?,^' 

Les  eaux  des  fleuves  rongent  continuellement  les  bords  de  leur  lit; 
mais  en  même  temps  ,  leur  courant  devient  moins  tortueux,  &  leur  lit 
s'élargit,  c'eft-à-dire ,  que  le  fleuve  perd  de  fa  profondeur ,  &  par 
conféquent  de  la  force  de  fa  preflion  ;  ce  qui  continue  jufqu'à  ce  qu'il 
y  ait  équilibre  entre  la  force  de  l'eau  &  la  réfifliance  des  bords  :  pour 
lors  le  fleuve  ni  les  bords  ne  changent  plus.  L'expérience  le  prouve, 
puifque  la  profondeur  &  la  largeur  des  rivières  ne  palTe  jamais  certai- 
nes bornes.  Les  rivières  font  que  quantité  de  mers  abandonnent  les 
côtes;  elles  concourent  à  dépofer  fur  le  rivage  affez  de  matière  &  de 
fédiment  pour  augmenter  la  hauteur  de  la  côte ,  de  manière  que  la  mer 
n'efl;  plus  en  état  de  la  couvrir  de  fes  eaux  ;  c'efl:  ain/i  que  la  Hollande  , 
ia  Zélande  &  la  Gueldreg  ont  été  formées. 

FONTAINES  DE  MER.  Kolbe ,  dans  fa  defcription  du  Cap  de 
Bonne-Efpérance ,  T,  2,  ■>  P-  '3<^,  c.  14,  donne  ce  nom  à  des  animaux 
teftacées  ,  dont  les  coquilles  qui  font  d'un  vert  d'eau  ,  reflemblent  à  une 
éponge  ou  à  un  morceau  de  moufTe,  &  fe  tiennent  fi  fortement  atta- 
chées aux  rochers  ,  que  ni  les  vents,  ni  les  vagues  ne  peuvent  les  en 
féparer.  En  ouvrant  une  de  ces  coquilles ,  on  apperçoit  une  fubfl:ance 
charnue ,  nullement  fufceptible  de  vie  apparente  ;  mais  lorfqu'on  la 
touche,  on  voit  fortir  de  trois  ou  quatre  trous,  de  petits  filets  d'eau, 
qui  s'arrêtent  dès  qu'on  ceffe  de  la  toucher,  &  qui  recommencent  tou- 
tes les  fois  qu'on  y  met  le  doigt,  jufqu'à  ce  que  la  liqueur  en  foit 
épuifée:  cette  prétendue  coquille  efl:-eiie  un  looj^hytey  ou  un  frai  de 
buccins  ?  Voyez  l'article  Jet  d'eau  marin. 

FONTAINE  DE  POIX.  Voyei  à  fanich  AsPHALTE. 

FORBICINE  ,  forbicina,  Infede  très-commun ,  fort  connu  ,  maïs 
dont  prefqu'aucun  Naturalifte  n'a  parlé.  M.  Gcoffroi  (Hiflioire  abrégée 
dQS  Iniecftes)  dit  que  fon  port,  fa  couleur  argentée  ,  &  fa  légèreté  à 
courir  le  font  remarquer  ;  on  diroit  de  petits  poiffons.  On  trouve  cet 
infecte  fous  les  châflis,  auvents,  caifles  &  dans  les  vieux  bois  oii  règne 
un  peu  d'humidité.  On  leur  difl:ingue  fix  pattes,  dont  l'origine  eft  écail- 
leufe  &  large;  deux  yeux,  une  bouche  avec  deux  barbillons  mobiles 
&  longs  ;  des  antennes  filiformes  ;  trois  filets  efpacés  au  bout  de  ùi 
queue ,  &  le  corps  couvert  de  petites  écailles.  Il  y  a  deux  efpeces  de 
forbicincs  ;  l'une  qui  efl:  platte ,  &  l'autre  cylindrique.  Celle-ci ,  outre 
ks  fix  pattes ,  a  huit  paires  d'épines  ou  de  faufles  pattes  courtes ,  mo- 
biles ;  favoir  deux  à  chaque  anneau,  dont  elle  fe  fert  pour  fauter,  Lorf- 
Tome  II,  G^ZZZ 


785  FOR 

qu'on  touche  les  forbicines ,  ils  perdent  une  partie  de  leurs  écailles. 

Ils  font  fî  mous  qu'on  les  écrafe  par  une  preffion  même  légère. 

FOKET ,  fylva,  efl  une  vafte  &  naturelle  plantation  d'arbres  de 
toute  efpece,  de  tout  âge,  &  d'une  grandeur  plus  ou  moins  coniidé- 
rable.  Il  paroît  que  de  tout  temps  on  a  fenti  l'importance  delà confer- 
vation  des  forêts;  elles  ont  prefque  toujours  été  regardées  comme  le 
bien  propre  de  l'Etat ,  &  adminiPcrées  en  fon  nom  :  auffi  le  bois  ,  cette 
matière  (i  précieufe  &  fi  nécefiaire  à  tous  les  ufages  de  la  vie,  a  tou- 
jours été  très-abondant  en  France  &  dans  toute  l'Europe;  mais  depuis 
quelques  (iecles  que  la  France  s'eft  prodigieufement  peuplée  ,  le  nom- 
bre &  l'étendue  des  forêts  ont  extrêmement  diminué. 

Dans  le  douzième  (lecle  les  forêts  étoient  d'une  étendue  beaucoup 
plus  con(idérable  qu'aujourd'hui:  on  en  tiroit  auffi  moins  d'utilité.  Juf- 
ques-îà  les  chênes  n'avoient  rendu  que  des  oracles  ,  &  reçu  tous  les 
honneurs  du  myftere  fabuleux,  &  on  ne  leur  demandoit  que  le  Gui 
Sacré;  mais  d'autres  motifs  de  vénération,  de  religion,  en  firent  aban- 
donner d'abord  de  très-grandes  portions  aux  premiers  Religieux  qui  y 
firent  leur  retraite.  Ces  Solitaires  convertirent  peu-à-peu  en  des  terres 
d'un  excellent  revenu  les  endroits  les  moins  apparens ,  mais  très-pro- 
pres à  leurs  vues:  on  peut  dire  à  leur  honneur  qu'ils  furent  eux-mê- 
mes les  ouvriers  de  ces  grandes  fortunes  qu'on  envie  à  préfent  à  leurs 
fuccelTeurs. 

Nous  venons  de  dire  qu'à  mefure  que  le  nombre  des  habitans  s'eft 
accru  chez  nous ,  la  quantité  de  terres  labourables  a  augmenté  ;  car 
c'efl  une  règle  d'expérience,  que  plus  la  terre  eft  cultivée  ,  plus  elle 
nourrit  d'habitans  ;  &  que  réciproquement,  plus  elle  a  d'habitans,  ôc 
plus  elle  eft  cultivée.  L'Etat  s'eft  donc  bien  trouvé  de  la  méthode  des 
délrichemens ,  &  il  feroit  à  défirer  que  tout  ce  qui  eft  en  landes  fût  dé- 
friché ;  mais  qu'on  cefsât  d'abattre  tant  de  bois,  pour  ne  pas  éprouver 
le  fort  de  l'Angleterre  ,  qui  a  laiffé  totalement  dépérir -fes  forêts,  & 
qui  eft  obligée  de  brûler  autant  de  charbon  de  terre  ,  que  les  Hoîlandois 
brûlent  de  tourbe.  Voyez  ces  mots.  Ce  n'eft  pas  fans  raifon  qu'on  doit 
craindre  que  nos  forêts  ne  foient  généralemicnt  dégradées  ;  le  bois  à 
brûler  eft  très-cher  ;  le  bois  de  charpente  &  celui  de  conftruétion  de- 
viennent rares  à  l'excès.  M,de  Réaumur  en  1721,  &  M.  de  Buffon  en 
1739  >  °"^  configné  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences  des 
re'clamations  contre  ce  dépériflement  qui  étoit  déjà  marqué.  En  fait  de 


F  O  ?v  *  787 

bois  &:  fur-tout  de  grands  bois ,  lorfqii'on  s'apperçoit  de  la  difette  ,  elle 
efl: bientôt  extrême  ,  les  réparations  font  très-longues,  il  faut  cent  cin- 
quante ans  pour  former  une  poutre:  les  connoiffances.  quelquefois  le 
courage,  plus  fouvent  les  moyens  manquent  au  plus  grand  nombre  des 
Cultivateurs.  Ajoutons  que  dans  cette  partie  de  l'économie  ruftique, 
on  n'y  voit  point  de  ces  prompts  changemens  de  fcene  qui  excitent 
la  curiofité  ,  &  animent  l'intérêt  dans  ces  temps  oii  Ton  eft  emprefle  de 
jouir, 

Heureufement  que  la  Maîtrife  des  Eaux  &  Forêts  empêche  aujour- 
d'hui les  dégradations  &  abattis  arbitraires:  on  n'abandonne  plus  le 
bois  de  haute  futaie  au  caprice  des  particuliers  ;  le  temps  de  la  coupe 
en  eft  prefcrit;  on  a  mis  auffi  des  réferves  à  la  coupe  des  taillis,  c'eft- 
à-dire,  des  menus  bois  dont  on  fait  des  fagots  ,  des  chevrons ,  des  cer- 
ceaux :  on  lailfe  toujours  dix  arbres  par  arpens  lorfqu'on  abat  les  hautes 
futaies.  Voyez  ce  mot. 

Le  bois  de  corde  ,  celui  de  charpente  pour  la  fabrique  des  maifons 
&  des  vaiiTeaux ,  ont  aufïi  paru  trop  importans  pour  n'être  pas  com.pris 
dans  la  même  Ordonnance.    Louis  XÎV  ordonna  de  plus  le  quart  en 
réferve-dans  toutes  les  forêts  des  Gens  d'Eglife  &  des  Communautés 
Eccléfiaftiques  ,  ou  ,  comme  on  dit ,  des  Gens  de  maïn-moru.  Peu  con- 
tent de  ces  fages  précautions  fur  l'entretien  des  forêts ,  le  Gouverne- 
ment convaincu  que  la  vigilance  publique  eft  dépofttaire  des  droits  de 
la  poftérité,  a  fait  border  nos  grands  chemins  de  longues  files  d'ormies 
ou  d'autres  bois  voyers,  pour  être  au  befoin  une  reilource  confidérable, 
foit  pour  le  préfcnt ,  foit  pour  les  générations  fuivantes.  Le  Voyageur, 
en  traverfam  des  Provinces  entières,  jouit  à  la  fois  &  de  la  verdure 
qui  le  couvre ,  &  de  la  beauté  du  Payfage  qu'elle  ne   lui  dérobe  pas. 
Dans  toute  la  France  aujourd'hui  on  ne  voit  qu'avenues  formées  ou 
nailïantes,  &  qui  annoncent  de  tous  côtés  des  jardins  de  plaifance  ^  de« 
Châteaux ,  des  Villes. 

Dans  tous  les  pays ,  une  foret  affure  le  chauffage  à  {q's,  habitans 
voifins:  c'eft  un  tréfor  indifpenfabîe  pour  une  grande  viîîe;  on  y  amené 
d'ordinaire  le  bois  flottant  au  fil  de  l'eau ,  ou  lié  par  trains. 

Il  y  a  des  forêts  très-renomm.ées  &  d'une  grande  antiquité;  telles 
font  la  forêt  d'Hercynie  ,  la  forêt  Noire,  la  forêt  d'Ardenne,  &  d'autres 
formées  depuis  peu  ;  mais  il  faut  un  certain  laps  de  temps  pour  profiter 
de  celle-ci.  Il  y  a  en  France  des  forêts  qui  font  aufli  belles  que  les 

^  O  T  T  cr  cr     o 


7S8  FOR 

grands  jardins  d'Angleterre;  l'art  ne  s'y  laîfle  qu'entrevoir;  il  n'y  dé- 
robe  aucun  des  charmes  de  la  nature  ;  il  ne  fait  que  les  mettre  dans  un 
plus  beau  jour,  &  en  augmenter  Téclat.  Foy cil" article  Futaie,  Us  mots 
Bois  &  Arbre  ,  oii  l'on  trouvera  des  de'tails  fur  la  coupe  du  bois  & 
fur  différentes  autres  parties  de  l'économie  forefliere. 

FORGEPvON  ,  faber.  On  donne  ce  nom  à  un  poiflbn  ,  dans  la  tête 
duquel  on  trouve  les  figures  des  inftrumens  d'un  Forgeron.  C'eft  un 
gros  &  large  poiflbn  de  mer  qu'on  découvre  près  des  rochers.  Sa  tête 
efl:  applatie  ,  ofleufe,  anguleufe  ,  de  couleur  obfcure,  parfemée  de 
quelques  taches  purpurines.  Sa  gueule  eft  fort  large  &  béante  ,  mais 
fans  dents  ;  fes  yeux  font  grands,  d'un  jaune  doré;  fon  dos  eft  brun,  & 
marqué  au  milieu  d'une  tache  noire  &  de  trois  petites  figures  de  cou- 
leur dorée:  fes  écailles  font  fi  petites  ,  qu'on  a  de  la  peine  à  les  apper- 
cevoir.  Le  forgeron  eft  armé,  des  deux  côtés,  d'os  aufli  aigus  &  auili 
tranchans  que  des  couteaux.  Il  fe  nourrit  de  poiflbn.  Sa  chair  eft  ten- 
dre ,  bonne  à  manger;  elle  eft  facile  à  digérer, 

FORMICA-LEO.  Voye^  Fourmi-lion. 

FORMICA-VULPES.  On  a  donné  ce  nom  à  une  efpece  d'infefte, 
pour  le  diftinguer  du  formica-Uo  &  marquer  fa  finefle.  Un  ami  de  IVL 
Carré  cherchant  à  la  campagne  àts  formka-leo  ^  trouva  dans  le  fable  de 
ces  trous  qu'ils  favent  faire  avec  tant  d'adrefle;  mais  la  plupart  étoiî 
fans  formica-leo  ,  ce  qui  lui  fit  croire  que  ces  infedes  avoient  été  la  proie 
de  quelques  animaux  plus  /io/z5  qu'eux-mêmes.  Il  fut  bien  étonné,  en 
remarquant  au  fond  de  ces  trous  de  petits  vers  longs  d'environ  fix  lignes  ^^ 
fur  une  demi-ligne  de  large:  il  en  prit  quelques-uns  qu'il  mit  dans  du 
fable,- où  il. leur  vit  faire  leur  trou  à  la  manière  do^s  formica-leo.  Il  jeta 
a  QQS  formica-vulpcs  des  fourmis  que  les  formica-leo  aiment  tant;  &  ils 
s'en  faifirent  avec  ardeur,  en  les  enveloppant  avec  la  moitié  de  leur 
corps,  car  l'autre  demeure  enfoncée  dans  le  fable.  Comme  ils  n'ont 
pas  autant  de  force  que  \qs  formica-leo ,  leur  proie  leur  échappe  fouvent; 
&  pour  la  ratraper  ,  ils  fe  fervent  de  la  même  rufe:  ils  conftruifent  leurs 
fofles  en  talus  ;  le  fable  s'éboule  fous  l'infede  qui  fuit ,  &  l'animal  retombe; 
Les  formica-vulpes  s'en  accommodent  fort  bien  ;  mais  il  ne  faut  pas  s'en 
étonner  ,  puifqu'ils  s'accommodent  bien  de  leur  propre  efpece.  Ces 
vers  fe  métamorphofent  en  un  infede  fort  femblable  au  coufin ,  finon 
qu'il  eft  plus  long  &  plus  gros.  o 

FORAUCO-ICHNEUMONS.  Foye^  à  tarticU  Pou  de  Boi§. 


F  O  s  78p 

FOSSANE  ou  BERBE.  Efpece  d'animal  qui  fe  trouve  en  Afrique 
&  en  Afie,  &  que  quelques  Voyageurs  avoient  défigné  fous  le  nom 
de  genette  de  Madagafcar  •:>  mais  cet  animal  en  diffère  abfolument ,  car 
il  n'a  point  la  poche  odoriférante;  caradere  bien  diftindif  de  lagenette 
de  Madagafcar.  Il  a  les  mœurs  de  notre  fouine,  fe  nourrit  de  viande 
&  de  fruits  ;  mais  il  préfère  les  derniers,  &  aime  avec  paflion  le  vin  de 
Palmier:  ce  qui  l'a  fait  appeler  par  quelques-uns  buveur  de  vin.  Lesfof- 
fanes  ,  quoique  fufceptibles  de  s'apprivoifer ,  confervent  toujours  un 
peu  de  férocité. 

FOSSILES  ,  Fo[jilia.  Ce  font  des  fubftances  qui  fe  tirent  du  fein  delà 
terre,  &  qui  appartiennent  au  règne  minéraLVojQZ  ce  mot.  Cependant 
le  nom  de  folîiles  fe  donne  principalement  aux  terres  &  aux  pierres,  & 
plus  particulièrement  encore  aux  coquilles,  aux  divers  ofTemens  d'autres 
animaux,  tant  marins  que  terreftres ,  &  à  toutes  les  produécions  à  po- 
lypier de  mer  qui  fe  trouvent  dans  les  entrailles  de  la  terre.  Sous  ces 
deux  points  de  vue  ,  les  Naturaliftes  regardent  les  folliles  comme  foili- 
les  propres  à  la  terre,  ou  comme  foflîies  étrangers  à  la  terre. 

Les  premiers  font  appelés  en  latin  fojjîlia  natïva  ^  &  comprennent  les 
terreSyles pierres, iQsfels^  les/oufres ,  &  bitumes,  Iqs demi-métaux ,  &  métaux, 
même  ÏQspierres  fomées  dans  Teau  ou  dans  le  feu.  Foye^  chacun  de  ces  mets. 

Les  foUïles  étrangers  à  la  terre  ,fo(p.lia  hiteromorpha,  contiennent  des 
productions  qui  ont  appartenu  aux  règnes  végétal  &  animal ,  &  même 
des  ouvrages  de  l'art.  Les  corps  organifés  ont  été  enfevelis'  dans  la 
terre,  à  différentes  profondeurs  ,  par  une  efpece  de  révolution  locale  ^ 
&  félon  les  circonftances ,  ces  fofîiles  ont  été  plus  ou  moins  altérés.  On 
en  trouve  encore  dans  leur  état  primitif,  &  qui  ont  confervé  en  terre 
(fur-tout  les  coquilles)  leur  émail  brillant,  quelques  couleurs,  &  les 
mémies  emplacemens  qu'elles  avoient  du  temps  que  la  mer  les  conte- 
noit;  d'autres  qui  font  terrifiés  ou  endurcis  comme  une  pierre,  ou  con- 
vertis en  fpath  ;  d'autres  font  minéralifés  par  des  fels  ,  ou  embaumes 
dans  le  bitume,  ou  détruifs' fous  la  forme  d'un  noyau  ou  d'une  em- 
■preinte.  Voyez  ces  mots.  Il  y  a  des  endroits  où  l'on  trouve  de  ces  fof- 
files  en  fi  grande  quantité,  qu'on  peut  les  ramafl'er  à  pleines  mains. 
Ceux  qui  fe  trouvent  dans  les  glaifes  font  fouvent  chargés  d'un  en- 
duit piriteux  ,  ou  convertis  en  ochre  de  fer,  &c.  Foyc:^  l'article  Pétri- 
PiCATiON  ,  &  encore  les  mots  Aflroïtes  ou  Aftérites  ,  Hyftérolithes, 
Yvoire  fofîiie  ,  Ofléolithes ,  Belemnites,  Gloiîbpctres ,  Entroques  j  Co~ 


7po  F  O  S 

quilles  foflîles ,  Fongites  ,  Echinites,  Bois  pétrifié  ,  &c.  &  quantité  J*au- 
tres  ardclcs  de  ce  genre  répandus  dans  notre  Diclionnaire  ;  on  peut  aujfî  con" 
fulicr  la  on^ierm  ctajje  de  notre  Minéralogie  .  II  édit.  1774. 

L'on  peut  dire  que  de  tous  les  phénomènes  que  préfente  THirtoire 
Naturelle,  il  n'en  eft  point  qui  ait  plus  attiré  l'attention  des  Natura- 
liflîs,  que  la  quanticé  prodigieufe  de  corps  étrangers  à  la  terre  ,  orga- 
nifés  &  devenus  fodlles.  Que  d'hypochefes ,  que  de  conjedures ,  qye 
de  fyftémes  pour  expliquer  comment  ces  fubilances  ont  été,  pour 
ainfi  dire  j  dépayfées  &  tranfporîées  d'un  règne  dans  un  autre.  Ce  qu'il 
ya,fur-tout  de  frappant,  c'eft  l'énorme  quantité  de  coquilles  &  ds- 
corps  marins  dont  on  rencontre  des  couches  &  des  amas  immenG^s  de 
toutes  les  parties  du  monde  habitées,  &  Touvent  à  une  diftance  très- 
grande  de  la  mer.  Sans  fortir  de  l'Europe  nous  en  avons  des  exemples 
frappans  :  les  environs  de  Paris  même  nous  préfentent  des  carrières  iné- 
puifables  de  pierres  calcaires  propres  à  bàdr ,  qui  paroifient  unique- 
ment compcfées  de  coquilles  foniles  ,  lefquelles  forment  des  couches  im- 
menfes  &  toujours  parallèles  à  l'horizon.  Les  bancs  de  plâtre  contien- 
nent aulli  des  ofiemens  qui  paroifTent  avoir  appartenu  à  des  animaux 
marins.  Quelquefois  il  y  a  plufieurs  couches  féparées  les  unes  des  au- 
tres par  des  îiîs  intermédiaires  de  terre  ou  de  (able.  Il  fembîe  que  les 
animaux  qui  ont  habité  ces  coquilles,  aient  vécu  en  famille,  &  formé 
une  efpece  de  fociété;  efi^edivem.ent  on  trouve  toujours  les  miémes  fof 
files  enfëmble  couchées  fur  le  plat ,  &  formant  des  amas  conlivié- 
rabies.  *■ 

On  a  remarqué  que  les  fofliîes  marins  qui  fe  trouvent  dans  nos  pays, 
n'ont  leurs  analogues  vivans  que  dans  les  mers  des  Indes  &:  des  pays 
chauds.  Quelques  individus  qui  font  de  tous  les  pays  &  que  l'on 
trouve  avec  ces  folîlles,  ne  détruifent  point  cette  obfervation  générale. 
On  rencontre  très-peu  d'oiTemens  d'animaux  terreflres  qui  auroientpu 
avoir  été  enfeveiis  fous  les  atterriffemens  de  la  mer.  Que  peut-on 
penfer  de  tant  de  corps  marins  renfermés  en  certains  endroits  dans  la 
terre?  il  faut  abfolument  convenir  qu'autrefois  ces  lieux  ont  fervi  de 
lit  à  la  m.er.  Ce  fentiment  efî:  celui  de  tous  les  Philofophcs  tant  anciers 
que  modernes.  Nous  exceptons  de  ce  nombre  certains  Savans  qui 
fuccéderent  aux  fiecles  d'ignorance,  &  à  qui  la  Philof:)phie  Péripa- 
téticienne &  les  fubtilités  de  l'école  avoient  fait  adopter  une  façon  de 
raifonner  fort  bizarre,   prétendant  que   les   coquilles  &:  autres  foililes 


F  O  s  F  O  T  7^1 

étrangers  à  la  terre,  avoient  été  formés  par  une  force  plartiquejOu  par 
une  femence  univerfellement  re'pandue  ;  en  un  mot ,  comme  des  jeux  de  la 
Nature  ;  tandis  que  l'analogie  de  la  forme ,  de  la  ftrudure  organique ,  &c. 
eût  feule  fuffi  pour  les  détromper.  Comment  des  explications  aufiî 
abfurdes  peuvent-elles  trouver  encore  aujourd'hui  des  parrifans  ?  D'ail- 
ïeurs  l'expérience  prouve  que  les  amas  de  corps  marins.que  Ton  trouve 
dans  l'intérieur  de  la  terre,  n'y  ont  point  été  jetés  au  hafard;  outre 
cela  ces  corps  ne  fe  trouvent  point  difpofés  comme  étant  tombés  en 
raifon  de  leur  pefanteur  fpécifique,  puifque  fouvcnt  on  rencontre  dans 
les  couches  fupérieures  d'un  endroit  de  la  terre,  des  corps  mxarins  d'une 
pefanteur  beaucoup  plus  grande  que  ceux  qui  font  au-defibus.  Ennn 
des  corps  fort  pefans  fe  trouvent  quelquefois  mêlés  avec  d'autres  qui  font 
beaucoup  plus  légers:  tout  femble  annoncer  un  féjour  des  eaux  de  la 
mer  très-long  &  de  plufieurs  fiecIeS ,  &  non  pas  une  inondation  pafla- 
gere  &  de  quelques  mois,  comme  quelques-uns  le  prétendent.  Nous  le 
répétons ,  fi  les  folfiles  marins  euifent  été  apportés  uniquement  par 
une  inondation  (ubite  &  violente ,  tous  ces  corps  auroient  été  jetés 
confufément  fur  la  furface  de  la'terre;ce  qui  eft  contraire  aux  obfer- 
vations.  Ceux  qui  prétendent  que  ces  corps  ont  été  apportés  par  des 
courans  d'eaux ,  ne  font  pas  mieux  appuyés ,  parce  qu'on  devroit 
plutôt  trouver  les  foffiles  dans  le  fond  des  vallées  que  dans  les  monta- 
gnes à  couches:  cependant  on  trouve  prefque  toujours  le  contraire. 
Témoins  encore  ces  oflemens  de  baleine  qui  fe  voient  dans  lé  cabinet 
de  Chantilly  ,  &  qui  ont  été  trouvés  au  milieu  des  terres  en  Nor- 
wege.  Parmi  ces  offemens  folliles  de  baleine ,  il  y  a  une  véritable  côte 
de  treize  pieds  de  longueur,  &de  trois  pieds  de  circonférence;  elle  eft 
pétrifiée  en  quelques  parties;  d'ailleurs  bien  configurée.  On  voit  par 
tout  ce  qai  vient  d'être  dit,  que  le  fentim.ent  le  p!us  probable  eft  celui 
des  Anciens  ,  qui  ont  cru  que  la  mer  avoit  autrefois  occupé  le  conti- 
nent que  nous  habitons.  Tout  autre  fyftême  eft  fujet  à  des  difficultés 
invincibles  ,  &  dont  il  eft  impoflible  de  fe  tirer.  Au  refte  la  vue  des 
produdions  de  la  nature  nous  faifit  d'admiration  ,  &  lorfqu'on  réfléchit 
fur  les  caufes&  fur  les  moyens,  l'imagination  eft  enchaînée  par  lafur- 
prife  &  le  refped.  P^oyei  maintenant  les  articles  FaLUN  ,  DÉLUGE  , 
Tekre,  Pétrification,  Ostéolithes  ,  6"  Canudotc  vers  la  fin  du 
mot   Bois-FossiLE. 

FOTOK.    Voyci    Pou   DE    MER. 


y  ç  2  FOU 

FOU  ou  CANARD  A  BEC  ETROIT,  JIu/sus  aut  Juta.  Genre 
d'oifeau  aquatique,  ainfi  nommé  de  la  forme  de  fon  bec,  &  parce 
qu'il  fe  laiffe  prendre  à  la  main  lorfqu'il  vient  fe  pcfer  fur  les  vergues 
des  vaifleaux  qu'il  trouve  en  mer.  Jl,e  fou  a  la  grofleur ,  le  gefte  &  le 
bec  femblabies  à  nos  corbeaux  :  fon  bec  eft  crénelé  par  les  côtés,  ainli 
que  Tongle  du  ^rand  doigt  :  l'ouverture  de  fon  bec,  près  la  bouche 
tft  fort  évafée.  On  n'y  diftingue  point  de  narines  ^  mais  feuiemenu 
deux  éminences  qui  parcourent  l'étendue  des  deux  côtés  de  la 
jnâchoire  fupérieure.  La  langue  efb  fort  courte.  Il  a  les  ailes  &  le  dos 
couverts  de  plumes  grifes^  &  tout  le  ventre  garni  de  plumes  blan- 
ches :  les  quatre  doigts  de  fes  pieds  font  palmés  &  tiennent  enfemble 
par  une  membrane  continue.  Il  nage  facilement;  il  bat  de  l'aile  en 
yolant,  &c  fe  foutient  très-bien  en  l'air:  il  fe  nourrit  de  poiflTons  qu'il 
prend  en  rafant  la  furface  de  l'eau.  H  s'apprivoife  aufli  aifément  en 
deux  ou  trois  jours,  que  fi  on  l'^voit  élevé  à.cs  l'inftant  de  fa  nailTancea 
Sa  chair  a  un  goiit  de  marécage. 

Le  fou  fe  trouve  dans  l'île  de  Cayenne  :  on  en  voit  beaucoup  fur 
le  roc  appelle  le  grand  connétable  aux  îles  de  Ramires.  On  en  diftingue 
plufieurs  fortes  qui  différent  par  la  grandeur  &:  la  variété  des  couleurs^ 
il  y  en  a  de  tout  -blancs  ;  mais  la  plus  grande  quantité  fe  rapporte 
aux  caractères  que  nous  venons  de  décrire.  Le  fou  s'appelle  aux  An- 
tilles cpcrvïer  marin  :  on  le  nomme  auflî  pirate  de  mer  ^  parce  qu'il  fe 
ilourrit  de  poiffon ,  &  qu'on  lui  apprend ,  comrae  au  cormoran ,  3. 
pêcher  &  à  dégorger  le  poiflbn  qu'il  a  pris. 

^Quelques  Auteurs  ont  donné  le  nom  de  corbeau  de  mer  au  fou. 

On  trouve  chez  les  Kamtfchadales  un  corbeau  marin  que  M,  Steller 
défigne  ainfi  ,  corvus  aqnaticus  maximus  crijîatus ,  periopthalmeis  cinna- 
^arinis  ,  pojkà  candidis.  Il  eft  â-peu-près  de  la  groffeur  d'une  oie  ordi- 
naire ;  il  a  la  tête  petite,  le  cou  long,  les  plumes  d'un  noir  bleuâtre, 
s  l'exception  des  cuifTes  dont  les  plumes  font  blanches  &  rangées  par 
touffes;  on  remarque  auiîi  fur  fon  cou  quelques  plumes  blanches  qui 
refîemblent  afiez  à  de  la  foie  de  fanglier.  Ses  yeux  font  entourés  d'une 
membrane  rouge  ;  la  mâchoire  fupérieure  eft  noire,  l'inférieure  eft  rou- 
geâtre.  Ses  pieds  font  noirs  &  membraneux  ;  quand  ce  corbeau  nage, 
il  tient  la  tête  droite ,  mais  en  volant  il  l'alonge  comme  la  grue  ^  il 
s'élève  de  terre  difficilement;  il  vole  fort  vite;  il  crie  le  matin  .&  le 
fon.  Son  chant  reffemble  au  fon  d'une  tronipeue,  Il  >iYal,e  j.j?s  poiffons 

tout; 


FOU  j^f 

tout  entiers,  couche  la  nuit  fur  les  bords  des  rochers  d'où  il  tombe 
fouvent  dans  l'eau  &  devient  la  pâture  des  renards.  Ses  oeufs  font  ver- 
dâtres  5c  de  la  grofîeur  de  ceux  d'une  canne  ;  fa  chair  efl:  filamenteufe 
&  de  difficile  dlgeflion.  Voici  comment  les  Kamtfchadales  font  cuire 
cet  oifeau;  ils  le  font  rôtir  tout  emplumé  dans  des  trous,  &  fans  être 
vidé;  ils  en  ôtent  la  peau  après  qu'il  eftcuit,  &  ils  le- mangent  ainfi, 
fes  excrémensy  donnent  un  fumet  dont  ces  peuples  font  friands.  , 

FOUDRE ,  fulnun.  Eft  la  matière  enflammée  qui  fort  d'un  nuage 
avec  bruit  &  violence,  &  qui  tombe  avec  une  vitelTe  incroyable  fur  la 
terre  en  y  produifant  les  phénomènes  les  plus  remarquables.  La  ma- 
tière de  la  foudre  paroît  être  la  même  que  celle  de  l'éleélricité,  & 
fur-tout  du  tonnerre:  celui-ci  n'en  diffère  que  parce  que  cette  même 
matière  enflammée  roule  avec  bruit  au-dedans  des  nuages.  Plus  un 
pays  exhale  de  vapeurs  fulfureufes ,  plus  il  eft  fujet  aux  éclairs,  aa 
tonnerre,  aux  tremblemens  de  terre,  &  à  la  foudre.  L'Italie  qui  efl 
remplie  de  foufre ,  en  efl  un  exemple:  c'eft  auflî  pour  cela  qu'il  tonne 
toute  Tannée  à  la  Jamaïque.  Voyf^^  Tonnerre,  Tremblement  de 
TERRE ,  Volcans  &  Bitumes.  Les  effets  furprenans  que  produit 
ia  foudre  ,  ont  fourni  de  tout  temps  une  ample  matière  à  la  fpéculation 
des  Phyficiens,  &  à  la  fuperflition  des  peuples.  On  fait  que  les  Romains 
portèrent  au  plus  haut  comble  d'extravagance  ces  folies:  file  tonnerre 
grondoit  du  côté  droit,  c'étoit  un  bon  augure;  fi  au  contraire  on 
l'entendoit  du  côté  gauche  ,  c'étoit  un  figne  fatal.  Ciceron  rapporte  qu'il 
n'étoit  pas  permis  de  tenir  les  affemblées  publiques  lorfqu'il  tonnoit; 
Jovc  tonanu  f  fulgurante ,  comïtïa  populi  habere  nefas.  #' 

FOUENES.  Foyei  au  mot  HÊTRE. 

FOUGERE ,  filix.  Il  fuffit  de  lire  les  catalogues  des  nouveaux 
genres  de  cette  plante  par  le  Père  Plumier,  le  Chevalier  Huns-Sloane 
&  Paiver,  pour  être  inftruit  que  l'un  &  l'autre  monde  contiennent 
beaucoup  de  fortes  de  fougères  ,  &:  qu'il  n'y  a  point  de  plante  à  qui  l'on 
ait  fait  tant  d'honneur.  M,  Ddcu\e  obferve  que  les  Botanifles  donnent 
dans  un  fens  étendu  le  nom  de  fougères  à  une  famille  de  plantes ,  qu'on 
appelle  aufîi  plantes  capHlains  &  dorjiferes.  Les  plantes  de  cet  ordre 
font  d'une  fubflance  plus  feche  &  d'une  contexture  différente  de  celle 
des  autres  plantes:  mais  ce  qui  les  caradérife,  c'eft  la  frudiification  , 
dont  l'appareil  différent  de  celui  qu'on  remarque  dans  les  autres 
plantes,  n'efl  point  auffi  clairement  connu.  Ces  fructifications  font 
Tome  lU  Hhhhh 


l<)^  ■  FOU 

placées  ordinairement  dans  de  petites  excavations  fous  le  revers  des 
feuilles  &  recouvertes  d*une  membrane  qui,  en  s'ouvrant,  laifle  voir 
un  amas  de  petites  capfules  arrondies,  portées  chacune  par  un  pédi- 
cule, &  qui  s'ouvrant  par  l'adion  d'un  anneau  élaftique,  jettent  beau- 
coup de  menues  femences  qui  ne  peuvent,  dit  toujours  M.  Ddmiç^ 
être  vues  diftindement  qu'au  microfcope.  La  diverfe  manière  dont  ces 
fruélifîcations  font  rangées  a  fourai  aux  Méthodiftes  modernes  les  prin- 
cipaux caraderes  pour  rétablifiement  des  genres  de  cette  famille  de 
plantes.  Nous  ne  rapporterons  ici  que  les  trois  efpeces  principales  de 
fougère  :  favoir,  i".  la  foulera  mâh ,  2°.  Xdi  fout^cn  fitndk  ,  3^  la  fougera 
aquatique, 

La  FOUGERE  MALE  ,  fifix  non  ramofa,  dentata.  Sa  racine  efl  inodore,, 
épaiiTey  &  femble  formée  d'un  afTemblage  de  grofifes  fibres ,  charnues , 
jointes  les  unes  aux  autres ,  de  couleur  noire  en  dehors ,  pâle  en  de- 
dans 5  d'une  faveur  d'abord  douceâtre  ,  enfuite  un  peu  amere  &  aflrln- 
gente  :  elle  jette  au  printems  plufieurs  jeunes  pouffes  ,  lefquelles  fe. 
changent  par  la  fuite  en  autant  de  feuilles  larges ,  hautes  d'environ  un 
pied  &:  demi ,  droites ,  caiïantes  ,  vertes ,  étendues  en  aîles  &  compo- 
fées  de  plufieurs  autres  petites  feuilles  placées  alternativement  fur  une 
côte  garnie  de  duvet  brun  :  chaque  petite  feuille  eft  découpée  en  plu- 
fieurs crêtes ,  larges  à  leur  bafe  &  dentelées  tout  autour.  Il  règne  une 
ligne  noire  dans  le  milieu  des  feuilles,  &  chaque  lobe  eft  marqué  en 
deffus  de  petites  veines ,  &  en  delTous  de  deux  rangs  de  petits  points  de 
couleur  de  rouille  de  fer  i  ces  points  font  les  fruits  de  cette  plante  r 
(  car  on  n'y  voit  point  de  fleurs  apparentes  :  &  l'on  doute  encore  que 
ces  graines  découvertes  en  Angleterre  dès  166^  par  M.  Wdliamcole ,  & 
en  Hollande  en  1673  par  Sivammerdam ,  ne  foient  les  étamines.  On 
fait  cependant  que  quelques  graines  de  fougères  furent  découvertes  ert 
1739  par  M.  de  JuJJicu  ,  &  que  plufieurs  autres  l'ont  été  en  1760  par  M. 
Maratd  ;  M.  Hallcr  dit  pofitivement  que  la  poulTîere  contenue  dans  les 
petites  excavations  des  feuilles  de  fougère  ,  femée  fur  le  plâtre  humide 
d'une  muraille,  fournit  de  nouvelles  plantes  de  la  même  efpece.  )  Ainfi 
les  fiuits  font  compofés  d'un  tas  de  coques  prefqu'ovales ,  très-petites, 
entourées  d'un  cordon  à  grains  de  chapelet ,  par  le  raccourcilTement 
duquel  chaque  coque  s'ouvre  en  travers ,  comme  par  une  forte  de  ref- 
fort,  &  jette  beaucoup  de  femences  menues.  Cette  fougère  aime  les 
lieux  découverts ,  m.ontagneux  &  pierreux.  M,  de  Ramon  a  obfervé  que 


FOU  ^  7-<>j 

les  feuilles  des  jeunes  pieds  de  la  fougère  maie  fubfiftent  vertes  tout 
i'Jiiver ,  au  lieu  que  les  pieds  étant  devenus  vieux,  les  feuilles périiïènt 
toutes  les  années. 

Fougère  Femelle  ou  fougère  commune  et  ordinaire  ,  ^^//at 
ramofa ,  non  dentata,  C'eft  le  pteris  nquilina*  LiNN,  elle  eft  d'un  autre 
genre  que  la  précédente  (  le  terme  générique  des  pteris  fe  tire  de  la 
fîtuation  des  frudifications  fous  le  bord  des  feuilles.  )  Sa  racine  eft 
oblongue,  grofle  environ  comme  le  doigt,  noirâtre  comme  la  précé- 
dente, ferpentante  &  empreinte  d'un  fuc  gluant,  d'un  goût  amer: 
étant  coupée  à  fa  partie  fupérieure,  elle  repréfente  une  efpece  d'aigle 
à  deux  têtes  j  c'eft  pourquoi  quelques-uns  nomment  la  fougère  femelle, 
fougère  wipcriale ,  à  caufe  de  cette  figure  d'aigle  qui  repréfente  les 
armes  de  l'Empire  d'Allemagne.  Sa  tige  ou  plutôt  fon  pédicule  eft  haut 
de  cinq  pieds  ou  environ ,  droit ,  ferme ,  branchu ,  un  peu  anguleux  & 
rempli  de  moelle.  Ses  feuilles  font  difpofées  en  ailes  comme  celles  de  la 
fougère  mâle  ,  mais  plus  petites  &  non  dentées.  Ses  fruits  véficulaires 
font  placés  fur  les  bords  des  petites  feuilles  qui  fe  plongent  &  fe  réflé- 
chifTent  tout  autour  en  automne  ,  en  formant  des  finuOtîtés.  Quelques- 
unes  de  ces  petites  veflîes  contiennent  dans  certaines  fougères,  environ 
cent  graines  fi  petites,  qu'elles  font  abfolument  invifibles  à  l'œil,  &  l'on 
ne  peut  les  diftinguer  qu'à  l'aide  d'une  excellente  lentille.  Quelle  difpro- 
portion  entre  la  grains  &  la  plante  !  On  trouve  dans  les  Tranfaci. 
Philofoph.  n,  iGi ,  pag,  yy^  &  fuiv.  la  manière  d'obferver  le  jet  de  ces 
graines  &  l'opération  de  la  nature  fous  le  microfcope,  en  faifant  l'expé- 
rience avec  la  fougère  fraîchement  cueillie  au  commenceqient  de  Sep- 
tembre. On  peut  donc  dire  que  la  fougère  eft  une  plante  cpiphyUofperme^ 
c'eft-à-dire  portant  fes  graines  fur  le  dos  des  feuilles.  Cette  plante 
croît  par  tout  dans  les  forets  ombrageufcs  &  aux  lieux  ftériles  &  déferts. 

La  Fougère  aquatique, autrement  dite  ofmoiideoM  fougère  fieurie, 
ofmonda,  eft  ainfi  nommée,  de  ce  qu'elle  croît  aux  lieux  marécageux  , 
dans  les  foffés,  &  de  ce  qu'elle  ne  porte  point  de  fleurs.  La  racine  de 
cette  plante  eft  un  amas  de  fibres  longues  &  noirâtres  ,  entortillées  les 
unes  dans  les  autres.  Ses  tiges  font  nombreufes  &  hautes  d'environ 
trois  pieds  ,  vertes ,  cannelées  ,  rameufes  &  s'étendant  en  large.  Ses 
feuilles  font  longues ,  aflez  étroites,  terminées  par  une  pointe  moufle, 
rangées  par  paires,  plufieurs  fur  une  côte  terminée  par  une  feuille. 
Le  haut  de  la  tige  eft  partagé  en  quelques  pédicules  qui  foutiennent 

Hhhhh  2 


'^^iS  FOU 

chacun  de  petites  grappes  d'un  pouce,  chargées  de  graines;  ce  quf 
conftitue  le  caradere  générique  de  rofmonde.  Les  Herborifles  nomment 
fliurs  d'ofmondc ,  les  feuilles  non  développées  qui  cachent  les  graines 
naiflantes.  Les  fruits  font  ramafles  comme  en  grappes,  &  font  des  cap- 
fuies  fphériques  femblables  à  celles  des  autres  fougères  :  ils  fe  rompent 
par  la  contraction  de  leurs  fibres,  &  jettent  une  poulîiere  d'une  extrême 

fineÛTe. 

La  fougère  femelle  eft  pour  les  Laboureurs  une  mauvaife  herbe  qui 
leur  nuit  beaucoup,  &  qui  eft  très-difficile  à  détruire  quand  elle  a 
trouvé  un  terrain  favorable  pour  s'y  enraciner;  car  fouvent  elle  pénetne 
par  fes  racines  jufqua  huit  pieds  de  profondeur;  &  traçant  au  long 
&  au  large ,  elle  s'élève  enfuite  fur  la  furface  delà  terre,  &  envoie  de 
nouvelles  fougères  à  une  grande  diftance.  Quand  cette  plante  pullule 
dans  les  pacages,  il  faut  pour  la  détruire,  faucher  l'herbe  où  elle  fê 
trouve ,  trois  ou  quatre  fois  par  an.  Heureufement  que  les  moutons 
la  détRiifent  aufîi  très-promptement  en  partie  par  leur  fumier  &  leur 
urine,  &  en  partie  en  marchant  deflus.  La  fougère  qu'on  coupe  quand 
elle  eft  en  fève,  &  qu'on  laifTe  enfuite  pounrir  fur  la  terre,  eft  un 
excellent  engrais. 

La  racine  de  fougère  mâle,  donne  par  l'analyfe  chimique  les  mêmes 
produits  que  celle  de  la  fougère  femelle.  Le  pauvre  peuple  du  Nord  ds 
l'Angleterre  fait  des  boules  avec  les  cendres  à?s  fougères  pétries  dans 
de  l'eau  ;  on  les  fait  fécher  au  foleil  &  même  rougir  au  feu,  &  on  s'en 
fert  au  lieu  de  favon  &  de  foude  pour  nettoyer  le  linge.  Les  gens  de 
la  campagne  du  Comté  de  Saxe,  fe  fervent  auflî  des  fougères  deffé"- 
chées  pour  cuire  la  chaux  &  pour  chauffer  le  four,  en  la  place  de  bois 
&  de  paille.  Quelquefois  on  jette  des  cendres  de  fougère  fur  des  terres , 
afin  de  les  améliorer;  d'autre  fois  on  en  tire  un  fel  dont  on  fait,  avec 
du  fable,   le  verre  vert  qu'on   appelle  verre  de  fougère,  &  qui  eft  fi 
commun  en  Europe.  Il  y  a  des  endroits  où.  l'on  fe  contente  de  mêler 
les  cendres  de  fougère  avec  les  cailloux;  le  verre  n'en  eft  pas  moins 
beau:  tel  eft  celui  de  Florence.  On  lit  dans  les  Tranfaci, philofoph.  n°, 
toS ,  que  les  cendres   de  fougère  femelle  préfentent  un  autre  phéno- 
mène bien  fingulier.  Si  on  expofe  une  quantité  de  fon  id  fixe  lixiviel 
à  l'humidité,  pour  qu'il  tombe  en  huile  par  défaillance  (per  deliquium)^ 
on  décante  cette  huile,  &  le  refte  du  Uxiviuni  qui  eft  rougeâtre,  très- 
pefant,  étant  rais  à  part  dans  un  vaj-ffeau  de  verre  qu'on  tient  débouché 


FOU  -i<)-j 

pendant  cinq  ou  lîx  mois ,  laifle  tomber  au  fond  de  îa  liqueur  une  allez 
grande  quantité  de  fel  précipité  fur  lequel  nage  une  liqueur  claire.  Sut 
la  furface  de  cette  liqueur,  fe  forment  des  criftallifations  de  fel  d'une 
•figure  régulière,  femblables  à  plufieurs  plantes  de  fougère  commune  qui 
jeteroient  un  grand  nombre  de  feuilles  de  chaque  côté  de  la  tige  :  cette 
efpece  de  palingénefîe  paroît  fort  curieufe.  Ces  ramifications  falines 
fubfiftent  plufieurs  femaines  dans  leur  état ,  fi  l'on  ne  remue  point  le 
vaiiTeau;  mais  le  moindre  choc  les  détruit, &  alors  elles  ne  fe  reforment 
jamais.  Les  Chinois  font  entrer  dans  la  compofition  du  vernis  de  leur 
porcelaine  le  fel  de  fougère  avec  la  chaux  &  le  borax,  &c.  il  feroit 
peut-être  à  défirer  qu'on  en  tentât  le  procédé  dans  nos  Manufaélures 
de  porcelaine  :  celle  du  Briftol  n'a  de  la  réputation  que  parce  qu'elle  efl: , 
dit-on,  parvenue  à  découvrir  le  fecret  des  Chinois. 

Quant  aux  vertus  médicinales ,  on  préfère  la  fougère  femelle.  Sa 
racine  étoit  d'un  ufage  très-fréquent  chez  les  Anciens  pour  les  mala-^ 
dies  chroniques  :  elle  efl:  apéritive  &  antifplénique.  Il  faut  éviter  d'en 
donner  aux  femmes  groffes,  dans  la  crainte  de  leur  procurer  l'avorte- 
ment.  C'efl  un  excellent  vermifuge  &  le  plus  grand  fecret  des  Empr^ 
riques ,  qui  la  mêlent  adroitement  avec  quelque  préparation  mercu- 
rielle,  pour  chafler  du  corps  les  lombrics^  les  vers  plats  &  lefoiàaire. 
Dans  la  difette  de  166^  ,  les  Auvergnats  en  faifoient  du  pain  qui  étoit 
fort  mauvais,  femblabîe  à  des  mottes  à  brûler:  &  cependant  ils  s'en 
nourriflbient,  tant  la  néceflité  fait  trouver  de  reflburces. 

La  principale  vertu  de  l'ofmonde  confifte  dans  fes  grappes  chargées 
de  fruits  ,  ou  dans  la  moelle  blanchâtre  de  fa  racine.  Cette  plante  prife 
en  infufion  théiforme  ,  eft  très-utile  pour  les  hernies  des  enfans ,  pour 
les  ruptures  &  les  chutes.  Bien  des  perfonnes  la  regardent  comme  une 
panacée  végétale. 

FOUGERE  ARBRE.  Eft  cette  belle  &  grande  fougère  que  le  Père 
Plumier  a  mife  à  la  tête  des  autres  dans  la  première  planche  de  fon  Ou- 
vrage. Ce  végétal  de  l'Amérique  croît  en  effet  à  la  hauteur  des  arbres 
fruitiers  d'Europe.  Ses  tiges  font  de  très-bons  pieux  pour  les  paliffades 
du  pays. 

FOUGERE  MUSQUÉE,  ^oyq  à  la  fuite  de  t article  CekfeuiL. 
FOUGERE  PÉTRIFIÉE.  Foyex  Filicite. 

FOUILLE-MERDE.  Eft  le  pro-fcarabée  de  fumier  ,  ou  le  fcarabée 
pillulaire,  Foye^  Us  mots  Scarabéç  &  l\irtiçU  EscAI^^BOTr 


7i)8  FOU 

FOUINE  ,  foyria  j  fai  maries  domeflica.  La  fouine  que  quelques  Na- 
turalises ont  confondue  avec  la  marte ,  en  diffère  cependant  par  le 
naturel  5  parle  tempérament,  &  même  un  peu  par  les  couleurs  exté- 
tieures.  La  fouine  &  la  marte  peuvent  être  regardées  comme  deux 
efpeces  diftindes  i  car  il  y  a  lieu  de  penfer  qu'elles  ne  fe  mêlent  point 
enfemblc. 

La  fouine  ,  martes  fagorum  ,  diffère  de  la  marte ,  martes  ah'ietum  , 
pour  la  couleur  ,  en  ce  qu'elle  eft  plus  brune  ,  &  qu'elle  a  la  queue 
plus  grande  &  plus  noire  :  fa  gorge  eft  blanche  ,  &  celle  de  la  marte  eft 
jaune.  Elle  en  diffère  parle  naturel  &  le  tempérament ,  puifque  la  marte 
fuit  les  lieux  découverts  ,  habke  au  fond  des  bois ,  demeure  fur  les 
arbres,  &  ne  fe  trouve  en  grand  nombre  que  dans  les  climats  froids  ; 
au  lieu  que  la  fouine  s'approche  des  habitations ,  s'établit  même  dans 
les  vieux  bâtimens  ,  dans  les  greniers  à  foin  ,  dans  des  trous  de  murail- 
les. Enfin  l'efpece  en  eft  généralement  répandue  en  grand  nombre  dans 
tous  les  pays  tempérés ,  &  même  dans  les  climats  chauds ,  comme  à 
Madagafcar  ,  aux  Maldives  j  &  elle  ne  fe  trouve  pas  ,  comme  la  marte, 
dans  les  pays  du  Nord. 

La  fouine  eft  de  la  grandeur  du  chat:  elle  a  la  tête  petite,  le  corps 
alongé,  les  jambes  très-courtes,  une  queue  prefque  de  la  longueur  de 
fon  corps,  bien  touffue,  &:  dont  le  poil  a  deux  pouces  de  longueur. 
Cet  animal,  dit  M.  de  Bufon  ,  a  la  phyfionomie  très-fine,  l'œil  vif,  le 
faut  léger ,  les  membres  fouples ,  le  corps  flexible ,  tous  les  mouve- 
mens  très-preftes:  il  faute  &  bondit  plutôt  qu'il  ne  marche  ;  il  grimpe 
aifément  le  long  des  murailles  crépies ,  entre  dans  les  colombiers  ;  il 
fe  glifl'e  aulfi  dans  les  poulaillers  ,  mange  les  oeufs,  les  pigeons,  les  pou- 
lets ,  en  tue  quelquefois  un  grand  nombre,  &  les  porte  à  fes  petits. 
La  fouine  prend  aufîi  les  fouris,  les  rats,  les  taupes  &  les  oifeaux  dans 
leurs  nids. 

La  fouine  s'apprivoife  à  un  certain  point;  mais  elle  demeure  toujours 
affez  fauvage,  pour  qu'on  foit  obligé  de  la  tenir  enchaînée.  M.  deBuffon 
en  a  élevé  une  qui  s'eft  échappée  pluiieurs  fois  de  fa  chaîne:  les  pre- 
mières fois  elle  ne  s'éloignoit  guère  &  revenoit  au  bout  de  quelques 
heures,  mais  fans  marquer  de  la  joie,  fans  attachement  pour  perfonne 
elle  demandoit  cependant  à  manger  comme  le  chat  &  le  chien.  Peu  à 
peu  elle  fit  des  abfences  plus  longues  ,  &  enfin  ne  revint  plus  :  elle 
avoit  alors  un  an  &  demi ,  âge  apparemment  auquel  la  Nature  avoit 


F    O    U  yrjp 

pris  le  defTus,  dit  M.  de  Buffon.  Elle  mangeoit  de  tout  ce  qu'on  lui 
donnoit,  à  l'exception  de  la  falade  &  des  herbes.  On  a  remarqué  qu'elle 
buvoit  fréquennment ;  qu'elle  dormoit  quelquefois  deux  jours  de  fuite: 
qu'elle  étoit  auflî  quelquefois  deux  ou  trois  jours  fans  dormir,  &  que 
pour  lors  elle  étoit  toujours  dans  un  mouvement  continuel.  Tout 
ceci  fuppofe  un  animal  agile,  éveillé,  jaloux  de  fa  liberté. 

Les  fouines  s'établiiTcnt,  pour  mettre  bas  leurs  petits,  dans  un  trou 
de  muraille,  dans  un  grenier  à  foin,  dans  un  trou  d'arbre.  Elles  por- 
tent autant  que  les  chattes.  On  trouve  des  petits  depuis  le  printems 
JLifqu'en  automne.  Ces  animaux  ne  vivent  guère  que  huit  ou  dix  ans  : 
au  bout  d'un  an  ils  ont  acquis  prefque  toute  leur  grandeur  naturelle. 

J-QS  fouines, ainli  que  les  martes ,  rendent  des  excrémens  d'une  odeur 
de  mufc.  Ces  animaux  ont  des  véhcules  intérieures  qui  contiennent  une 
matière  odorante,  femblable  à  celle  que  contient  la  civette.  La  chair 
de  ces  animaux  en  centrale  un  peu  l'odeur;  cependant  celle  de  marte 
n'eft  pas  mauvaife  à  manger,  au  lieu  que  celle  de  la  fouine  eft  très- 
défagréable.  Comme  ces  animaux  font  de  terribles  deflirufteurs  de  vo- 
lailles, on  tâche  de  les  prendre  au  piège,  en  y  mettant  pour  appât 
un  poulet  ou  un  œuf. 

La  fourrure  de  la  fouine  efl  moins  eftimée  que  celle  de  la  marte  : 
on  la  met  au  rang  des  pelleteries  communes,  appelées y^wr^r/^es.  Les 
fouines  font  très-communes  en  France.  Il  y  a  en  Natolie  une  efpece 
de  fouine,  dont  le  poil  eft  très-fin  &  très-noir,  &  dont  les  fourrures 
font  très-elHmées.  C'eft  au  Levant  6<:  à  Conftantinople  que  s'en  fait  la 
plus  grande  confommation. 

FOULIMENE  ou  OISEAU  DE  FEU.  On  le  trouve  dans  l'ile 
de  Madagafcar,  Ses  plumes  font  de  couleur  écarlate:  fa  beauté  fait 
regretter  les  difficultés  qu'on  a  d'en  élever.  Il  meurt  en  hiver. 

FOULON, /i///o.  Eft  un  infede  volant,  du  nombre  des  coléoptè- 
res, &  qui  ronge  les  racines  des  arbres.  C'eft  un  fcarabée,  dit  M, 
Geoffrol  y  qui  eft  un  des  plus  gros  &  des  plus  beaux  de  ce  genre.  Il  a 
la  tête  &  le  corfelet  noir,  les  étuis  ou  élitres  un  peu  moins  foncés  & 
bruns  ;  mais  ce  qui  le  rend  plus  agréable  à  la  vue  ,  c'eft  la  couleur 
blanche  qui  tranche  fur  ce  fond  ,  &  forme  des  taches  irrégulieres.  Ces 
taches  blanches,  confédérées  à  la  loupe,  offrent  un  fpedacle  fort  jolif 
elles  fon»  compofées  &  formées  par  quantité  de  petites  écailles  blan- 
ches qui  s'implantent  dans  les  cavités  des  étuis  &  du  corfelet ,  &  qui 


€oo  F  O  U 

i-cïiemMont  :i  ces  pouilîeres  écaiîlcuies  qui  fe  trouvent  fur  les  ailes  d'2S 
papillons.  Une  autre  particularité  du  foulon  ,  ce  font  les  feuillets  de 
fes  antennes ,  qui  font  très-longs  &  qui  égalent  la  longueur  de  la  têts 
&  du  corfelet  réunis  enfemble,  du  moins  dans  les  mâles,  car  ils  font 
plus  courts  dans  les  femelles;  le  refte  de  fantenne  efl:  fort  court,  & 
compofé  feulement  de  trois  articles,  (dans  Tune  &  l'autre  les  antennes 
font  à  fept  feuillets)  le  defTous  de  l'animal  eft  velu.  Cet  infeâe  volant 
ne  fe  trouve  guère  aux  environs  de  Paris  ,  mais  très- communément 
dans  les  Provinces  voifines  ,  fur-tout  dans  le  Languedoc.  Ce  fcarabée 
<maculé  provient  d'un  ver  blanc,  qui  acquiert  en  grandiflant  des  taches 
brunes  fur  le  dos,  &  qui  enfuite  fe  métamorpliofe  Qn  foulon.  Quelques- 
uns  donnent  improprement  le  nom  de  fréion  au  foulon ,  &  celui  de 
foulon  à  la  guêpe.  Voyez  ces  mots. 

FOULQUE,  gùUina  aquatica.  Genre  d'oifeau  aquatique,  &  de  l'ordre 
des  oifeaux  plongeurs.  On  en  diftingue  plulieurs  efpeces  principales 
favoir,  \3.  foulque  proprement  dite;  le  diabU  de  mer  ou  macrelle  j  la  ma" 
creufe  de  la  baie  d'Hudfon  ;  la  foulque  du  Mexique  :  mais  nous  ne  par- 
lerons dans  cet  article  que  de  la  foulque. 

La  Foulque  ou  Morelle  ou  Jodelle  ,  fulica  vulgaris ,  efl  ainfî 
nommée  de  fa  couleur  de  fuie.  Cet  oifeau  efl:  gros  comme  une  poule 
ordinaire,  a  la  poitrine  cendrée,  le  dos  noir-brunâtre  ,  le  devant  delà 
tête  efl:  de  figure  ovale,  fans  plumes,  mais  couvert  d'une  pellicule 
blanche  incarnate ,  repréfentant  en  quelque  forte  la  crête  d'une  poule,. 
Sa  langue  eft  plus  molle  que  celle  de  la  poule  :  il  a  le  bec  court ,  coni- 
que, pointu,  fort,  comprimé  latéralement,  &  de  couleur  blanche;  le 
gofier  rempli  de  petites  dents  molles.  Il  a  aux  doigts  des  membranes 
noires  fort  larges ,  disjointes  ;  il  n'a  que  le  doigt  de  derrière  frangé  : 
il  marche  gravement ,  fe  tenant  droit  fur  fes  longs  pieds  ,  dont  les  on- 
gles font  un  peu  courbes  &  pointus  ;  mais  il  court  légèrement.  II  fe 
plaît  dans  les  marais,  dans  les  foffés  des  places  de  guerre,  dans  les 
étangs  :  il  fe  perche  rarement  fur  des  arbres.  Il  fe  nourrit  d'herbes  , 
de  femences,  &  même  de  petits  poilTons.  On  eftime  affez  fa  chair  , 
quoiqu'un  peu  marécageufe  :  on  en  peut  manger  en  carême.  Robcg  a 
remarqué  à  cet  oifeau  une  fingularité  ;  c'eft  que  fes  côtes  font  doubles 
^  olfeufes ,  ti.  qu'elles  fe  croifent. 

Cet  oifeau  fait  fon  nid  d'herbes ,  de  joncs  brifés ,  &e.  de  manière 
qu'il  flotte  fur  la  furfvice  de  l'cviu  ,  &  qu'il  efi  fufceptible  de  hauffer  & 

"    d^ 


FOU  Soi 

de  baifler,  félon  la  crue  ou  la  diminution  de  l'eau.  Sa  conftruâiion  eft 
tplle  dans  les  joncs,  qu'il  n'eft  point  entraîné  par  le  courant  de  l'eau. 
La  foulque  du  Mexique  a  le  bec  rouge  ,  un  peu  jaune  par  la  pointe  : 
fon  plumage  eft  verdâtre  &  varié  de  bleu,  de  jaune  &  de  pourpre. 

FOUNINGO  ou  Pigeon  Ramier  vert  de  Madagascar.  Cet  oî- 
feau  paroît  être  d'une  efpece  particulière  ;  &  quoique  voifine  de  celle 
du  ramier,  elle  en  diffère  trop  par  la  grandeur,  pour  qu^on  puifTe  la 
regarder  comme  une  fimple  variété. 

FOURAA.  Foyei  à  l'article  Baume  VERT. 

FOURMI  j/omi/ciî.  Cet  infede  a  été  beaucoup  vanté  pourfon  travail, 
fa  diligence  &  fon  économie,  fans  qu'on  ait  bien  connu  en  quoi  con- 
fifte  ce  travail,  cette  diligence,  cette  économie,  en  un  mot,  l'induftrie, 
la  fcience  &  la  politique  de  ces  petits  animaux.  Ce  qu'on  a  dit  des  pré- 
tendues provifions  que  les  fourmis  font  l'été  pour  l'hiver,  fe  trouve 
détruit  par  des  obfervations  modernes.  Ce  feul  fait  prouve  combien  les 
faits  d'Hiftoire  Naturelle  les  plus  reçus  ,  ont  encore  befoin  d'être  exa- 
minés de  nouveau. 

La  fourmi  eft  un  infeéte  qui ,  vu  au  microfcope,  paroît  fort  curieux 
par  laftrudurede  fa  tête,  de  fon  corps,  de  fa  queue,  de  fes  yeux,  de 
fes  cornes  ,  de  fes  mâchoires,  de  fes  jambes  &  par  fon  armure  hériffée 
de  foies  blanches  &  brillantes.  ConfuUe:^  les  Obfervations  microfcopiques 
de  Hoock,  de  Powers,  de  Bakers  6»  (a'e  Lewenhoëk. 

On  diftingue  plufieurs  fortes  de  fourmis  ,  dont  la  plus  grande  diffé- 
rence fe  trouve  dans  la  grandeur  &  la  couleur;  mais  dont  l'hiftorique 
eft  à-peu-près  le  même.  Il  y  en  a  deux  elpeces  qui  frappent  communé- 
ment notre  vue;  favoir ,  la  petite  efpece  de  fourmi  rouge,  que  nous 
voyons  dans  nos  jardins  fur  nos  arbres,  &  la  groffe  fourmi  des  bois. 

On  nomme  fourmilière  le  lieu  que  les  fourmis  ont  choifi  &  qu'elles 
ont  arrangé  pour  y  établir  leur  domicile.  On  trouve  dans  une  fourmi- 
lière des  fourmis  mâles,  des  femelles  &  des  ouvrières  fans  fexe,  comme 
parmi  les  abeilles.  Ces  trois  efpeces  de  fourmis  ont  des  différences  f^n.' 
fibles  entr'elles,  &  il  y  a  des  caraderes  propres  qui  diftinguent  ce 
genre  d'infeâe  de  tout  autre. 

Un  de  ces  caraéleres  principaux ,  tiré  de  l'infpeclion  feule  de  l'infede, 
confifte  en  une  petite  écaille  relevée  qui  fe  trouve  placée  dans  la 
fourmi  précifément  entre  le  corfelet  &  le  ventre ,  à  l'endroit  où  ces 
deux  parties   fe   tiennent    par   un  pédicule  mince    &   court.   Cette 

Tor;ie  Jl,  ,      I  i  i  i  i 


802  F  O  U 

écaille  fe  trouve  dans  toutes  les  efpeces  de  fourmis  &  dans  tous  les 
individus,  foit  mâles  ,  foit  femelles,  folt  dépourvus  de  fexe  ou  mulets  : 
ce  caradere  eft  très- propre  à  faire  diftinguer  les  fourmis  ailées  que 
l'on  pourroit  quelquefois  méconnoître,  de  toutes  les  autres  efpeces  d'in- 
fedes. 

Les  mâles  &  les  femelles  de  ces  infeétes  font  ailés,  fulvant  les  ob- 
fervations  de  l'Auteur  delà  nouvdU  Hiftoire  abrégée  des  i/2/^f?e5, quoique 
quelques  Naturaliftes  euflent  avancé  qu'il  n'y  avcit  que  les  mâles  qui 
euffent  des  aîles.  Les  fourmis  ouvrières  n'acquièrent  jamais  d'ailes,  fui- 
vant  ces  obfervations.  Les  mâles  font  de  toutes  les  fourmis  les  plus  pe- 
tites. Je  les  ai  trouvés,  dit  l'Auteur  dont  nous  venons  de  parler,  moins 
gros  que  les  fourmis  ouvrières.  Ces  mâles  ,  outre  leur  petitefle ,  font 
reconnoiffables  par  la  grofieur  de  leurs  yeux  ,  qui  eft  confidérable 
par  rapport  à  leur  corps.  Les  femelles  font  très-grandes,  très-groffes , 
ailées  comme  les  mâles ,  &  furpafient  de  beaucoup  pour  la  grofieur 
toutes  les  autres  fourmis;  mais  leurs  yeux  font  plus  petits  à  proportion 
que  ceux  des  mâles.  Enfin  les  ouvrières  tiennent  le  milieu  pour  la  grof- 
feur  entre  les  mâles  &  les  femelles:  elles  font  dépourvues  d'ailes,  mais 
elles  ont  les  mâchoires  plus  grandes  que  les  unes  &  les  autres  :  on  ob- 
lèrve  que  leur  mâchoire  inférieure  eft  divifée  en  deux  parties  qui  font 
courbes,  qui  avancent  au  dehors,  &  qui  font  terminées  chacune  par 
fept  petites  pointes;  ces  deux  portions  de  mâchoires  font  mobiles,  & 
fervent  comme  de  bras  pour  tranfporter  les  jeunes  fourmis,  &c.  aufli 
les  ouvrières  font  -  elles  chargées  de  tous  les  travaux  de  la  fourmi- 
lière. 

On  ne  rencontre  guère  dans  les  fourmilières  que  les  ouvrières  &  les 
femelles.  Ces  dernières  s'y  rendent  pour  dépofer  leurs  œufs.  Les  mâles 
volent  aux  environs  ,  &  vont  s'accoupler  avec  les  femelles  qui  voltigent 
aufli;  mais  iJs  s'approchent  peu  de  l'habitation  générale.  On  les  voit 
fouvent  le  foir  en  été  voltigeans  tout  accouplés  avec  leurs  femelles.  Ces 
dernières  en  volant  les  emportent  en  Tair  avec  elles,  &  on  eft  tout 
furpris  en  les  attrapant  au  vol,  de  voir  qu'au  lieu  d'un  feul  infeéle ,  on 
en  a  faifi  deux ,  dont  l'un  eft  cinq  ou  fix  fois  plus  gros  que  l'autre. 

Ces  petits  infeétes  établifient  ordinairement  leur  fourmilière  dans  un 
terrein  fec  &  ferme,  au  pied  d'un  arbre  ou  d'un  mur;  ils  la  placent  tou- 
jours du  côté  qui  eft  échauiie  par  le  foleil.  L'entrée  de  cette  habitation 
eft  un  peu  ceintrée  en  voûte,  foutenue  par  des  racines  d'arbrcs  ou  de 


FOU  805 

plantes,  ou  de  paillettes  alongées,  qui  empêchent  en  même  temps  l'eau 
dy  pénétrer.  Les  fourmis  s'établilTent ,  autant  qu'il  leur  ell  pofîible , 
dans  un  lieu  déclive;  il  paroit  que  la  terre  qui  eft  humeélée  leur  con- 
vient mieux  que  celle  qui  eft  trop  feche  ou  trop  humide:  quelquefois 
il  y  a  deux  ou  trois  entrées  pour  une  feule  demeure.  Ces  entrées  con- 
duifent  à  une  cavité  fouterraine  enfoncée  fouvent  d'un  pied  &  plus  en 
terre,  aifez  large,  irréguliere  en  dedans,  mais  fans  aucune  féparation 
ni  galerie,  ainfi  que  quelques  Naturalises  l'avoient  avancé.  On  fent 
qu'une  pareille  cavité  qui  les  met  à  l'abri  des  orages  de  l'été,  &  des 
glaces  de  l'hiver,  doit  avoir  coûté  beaucoup  de  peines  &  de  travaux  à 
des  infedes  aufli  petits.  Ils  ne  peuvent  détacher  à  la  fois  qu'une  très-pe- 
tite molécule  de  terre,  &  l'emporter  enfuite  dehors  à  l'aide  de  leurs 
mâchoires;  mais  le  nombre  des  ouvrières  fuppiée  à  leur  force  &  à  leur 
grandeur.  Ce  nombre  prodigieux  de  fourmis  travaille  à  la  fois  fans  s'in- 
commoder &  s'embarrafler  :  elles  ont  foin  de  fe  partager  en  deux  ban- 
des, dont  l'une  eii  compofée  de  fourmis  qui  em.portent  la  terre  dehors, 
l'autre  de  celles  qui  rentrent  pour  travailler  ;  par  ce  moyen  l'ouvrage 
va  continuellement  de  fans  interruption.  Qui  ne  pourroit  accorder  une 
forte  d'intelligence  à  tous  ces  petits  animaux,  &  avouer  que  l'Auteur 
de  la  nature  les  a  rendus  tels,  en  renfermant  dans  leur  corps  une  ame 
d'une  efpece   convenable  à  leur  condition  ? 

Lorfque  la  fourmilière  eft  creiifée,  les  fourmis  s'y  retirent  les  foirs, 
&  ce  n'eft  qu'après  ce  travail  fait  qu'elles  penfent  à  manger  ;  jufques-là 
on  les  voit  uniquement  occupées  à  leurs  travaux.  Pas  une  ne  porte  en- 
core de  la  nourriture  à  l'habitation,  mais  lorfque  leur  ouvrage  eft  fini, 
elles  vont  à  la  picorée.Tout  leur  eft  bon  ,  fruits  ,  graines,  infedes  morts 
charogne,  pain  ,  fucre,  confitures  ,  tantfeches  que  liquides.  Desquelles 
ont  trouvé  quelque  butin,  elles  s'en  chargent  pour  le  porter  à  la  four- 
milière, &  en  faire  part  à  leurs  compagnes.  Ainfi  c'eft  à  la  fourmilière 
que  Ton  porte  les  vivres  pour  la  confommation  journalière  :  c'eft-là  le 
réfedoire,  la  falledes  feftins  &  le  lieu  d'aflemblée  :  il  n'y  a  point  de  ta- 
ble particulière  chez  cette  république,  tout  y  eft  en  commnn,  différens 
rameaux  conduifent  au  même  centre.  On  voit  ces  infedes  porter  ou 
tirer  des  fardeaux  beaucoup  plus  pefans  qu'eux.  Si  le  morceau  eft  trop 
lourd,  les  fourmis  fe  mettent  quelquefois  trois  ou  quatre  après,  ou 
bien  elles  le  déchirent  avec  leurs  mâchoires  &  l'emportent  pièce  à  pièce. 
Il  fembleque  celles  qui  ont  fait  quelque  bonne  découverte,  en  faflent 

liiii  2 


8o4  FOU 

part  à  leurs  compagnes.  On  ignore  par  quel  figne  cet  avis  fe  communi- 
que; mais  Ton  peut  conjeâiurer  que  c'eft  par  un  coup  de  tête,  ou  un 
coup  de  patte  appliqué  d'une  certaine  façon ,  que  celle-ci  donne  à  la  pre- 
mière qu'elle  rencontre  en  revenant  fur  fes  pas;  celle-là  fe  conduit  de 
même  envers  fa  plus  proche  voifine,  &  ainfi  de  l'une  à  l'autre  ;  de  forte 
qu'en  un  inftant,  toute  la  république  eft  inflruite  de  l'heureufe  nou- 
velle: c'eft  ainfi  qu'elles  peuvent  battre  refirade.  En  efiet,  audî-tôt 
qu'elles  font  retournées  au  ^domicile  commun,  on  voit  toute  la  four- 
milière fe  mettre  en  marche  réglée,  &  former  une  efpece  de  procellion. 
Toutes  vont  l'une  après  l'autre  prendre  part  au  butin ,  en  fuivant  les 
traces  de  celle  qui  a  découvert  la  capture,  &  qui  fert  de  guide,  &  elles 
le  rapportent  avec  le  m.éme  ordre  dans  la  fourmilière  ,  en  formant  une 
autre  bande  qui  n'interrompt  point  la  file  de  celles  qui  viennent.  Si 
dans  la  marche  quelqu'une  vient  à  périr  par  accident  ou  autrement, 
d'autres  emportent  auiii-tôt  fon  corps  afiez  loin.  On  peut  faire  fortir 
des  légions  de  la  fourmilière ,  &  les  mettre  en  quête  ,  en  répandant  à  un , 
à^ux  &  trois  pieds  de  diftance,  du  pain  en  miettes,  ou  de  menues 
graines.  Il  nous  eft  arrivé  de  fâ'ire  cette  épreuve  entre  deux  fourmiliè- 
res, &  nous  avons  obfervé  que  toutes  les  fourmis  d'une  même  répu- 
blique fe  connoiflênt;  amies  entr'elles,  elles  ne  fouffrirent  point  la  vifite 
d'étrangères  ;  &  quand  elles  arrivèrent  pour  picorer  fur  le  champ  oi^i  il 
y  avoit  du  butin ,  chaque  fourmi  de  la  même  cité  rebrouffoit  chemin  ; 
il  y  en  avoit  cependant  qui  fe  battoient ,  &  le  parti  le  plus  fort  s'em.- 
paroit  des  viéruailles.  De  nouvelles  tentatives  m'ont  appris  qu'il  n'y 
a  point  de  com.bat  général  entre  les  habitans  de  deux  fourmilières  voi- 
fines  l'une  de  l'autre,  quelquefois  feulement  de  petites  efcarmouches 
{ingulieres  ,  &  toujours  décidées  en  peu  de  temps  par  la  raifon  du 
plus  fort. 

Les  fourmis  font  carnafiîeres  :  elles  ne  s'attachent  pas  feulement  aux 
carcafles  des  hannetons  &  des  autres  fcarabées;  mais  (i  l'on  jette  dans 
une  fourmilière  une  grenouille,  un  lézard,  un  vipère  ou  un  oifeau  ,  on 
les  trouvera  au  bout  de  quelques  jours  diflequés  dans  la  dernière  per- 
feétion.  C'eft  le  moyen  d'avoir  les  fquelettes  de  ces  animaux  plus  déli- 
catement préparés  qu'ils  ne  pourroient  l'être  par  les  mains  des  plus 
fubtils  Anatomiftes.  Il  y  a  du  rifque  à  irriter  les  fourmis  ;  elles  dar- 
dent dans  la  peau  un  petit  aiguillon  qu'elles  ont  au  derrière  ,  &  infinuent 
dans  la  peau  une  liqueur  acre  &  mordicante  qui  occalionne  de  petites 


FOU  80; 

enfiufes  accompagnées  de  de'mangeaifons ,  mais  dont  on  {ê  guérit  en  ap- 
pliquant fur  la  peau  des  comprefles  trempées  dans  l'huile  d'olive.  La 
nourriture  que  les  fourmis  rapportent  à  leur  habitation  ,  n'efl:  point 
mi(è  en  réfcrve ,  elle  efl  confommée  entr'elles  fur  le  champ  ,  &  fur-tout 
elle  eu  partagée  à  leurs  petits.  On  trouve  tout  au  plus  dans  le  fouterrain 
quelques  refces  qui  n'ont  pu  être  mangés  tout  de  fuite,  encore  les 
fourmis  les  emportent-elles  promptement  dehor? ,  dès  qu'ils  com- 
mencent à  fermenter  ou  à  le  gâter.  ^ 

La  confervation  de  refpece  efl,  dans  tous  lès  ètves  animés  delà  na- 
ture, le  foin  le  plus  important;  auflî  le  principal  foin  des  fourmis  re- 
garde leurs  petits.  Ces  infeétes  refiemblent  en  cela  aux  abeilles:  ils 
ne  travaillent  avec  tant  d'ardeur  Se  d'adivité  que  pour  la  propagation 
de  leur  efpece,  c'efl  pour  elles  une  affaire  d'état.  Ce  font  les  femelles 
ailées  qui  dépoient  leurs  œufs.  C'eft  pour  cette  raifon  qu'on  trouve  ces 
femelles  dans  les  fourmilières,  mêlées  avec  les  ouvrières,  mais  en  beau- 
coup plus  petit  nomibre.-  On  les  y  voit  fur  tout  dans  le  fort  de  l'été 
qui  efile  temps  delà  ponte:  dans  les  temps  froids  il  n'y  en  a  aucune  ; 
toute  la  fourmilière  n'efl:  compofée  que  des  ouvrières,  qui  n'ont  point 
d'aîîer.  Pendant  cette  faifon,  les  femelles  périflènt,  mais  elles  font  rem- 
placées au  printemps  par  celles  qui  éclofent  des  nymphes  qui  ont  pafîe 
rJiiver.  Le  feul  travail  des  femelles  eft  de  dépofer  leurs  œufs;  les  ou- 
vrières ont  foin  du  refle.  Les  œufs  font  blancs ,  petits  &  prefqu'imper- 
ceptibles.  Au  bout  de  quelques  jours  il  en  fort  des  vers  qui  grodiiTent 
bien  vite  ,  &  au  point  d'être  même  plus  gros  que  les  fourmis  :  ce  font 
ces  vers  blancs  ,  que  l'on  nomme  improprement  œufs  de  fourmis ,  & 
que  l'on  vend  dans  les  marchés  pour  nourrir  les  rolîignoîs  ,  les  perdrix, 
les  faifandeaux.  Les  ouvrières  ont  le  plus  grand  foin  de  ces  jeunes  vers. 
Comme  ils  font  tendres  &  délicats ,  elles  ont  attention  vers  le  milieu  du 
jour  pendant  la  chaleur  ,  de  les  apporter  à  l'entrée  de  leurs  fouterrains 
pour  leur  faire  fentir  1  influence  de  l'air  doux  :  elles  les  expofent  aufll 
aux  premiers  rayons  du  foleil  bienfaifant.  A  l'approche  de  la  nuit  elles 
les  reportent  au  tond  de  la  fourmilière  pou'-  les  garantir  du  froid.  On 
voit  les  fourmis  porter  avec  leurs  mâchoires  ces  vers  beaucoup  plus 
gros  qu'elles  ,  fans  cependant  les  blefler.  Elles  les  nourrlflent  avec  le 
même  foin  :  fi  les  vivres  font  rares  ,  elles  font  diète  &  donnent  tout  à 
leurs  petits.  Comme  ces  vers  n'ont  point  de  pattes ,  lorfqu'ils  font  gros 
ils  relTemblent  aflez  à  une  efpece  d'ceuf  alongé,  Si  on  les  examine  au 


8o(^  FOU 

inicrofcope  ,  on  voit  que  leur  tête  eft  recourbée  vers  leur  poitrine, 
&    que   leur  corps  efl:  compofé  de  douze  anneaux.  Le  ver    parvenu 
à  fa  grofTeur  ,  pafie  à  l'état  de  nymphe.  Foyei  au  mot  Insecte  les  dé-, 
tails  curieux  de  ces  transformations. 

Les  nymphes  font  dans  \qs  commencemens  fort  molles  &  prefque 
fluides  ,  elles  font  enveloppées  d'une  peau  blanche  &  tranfparente  , 
qui  a  l'air  d'une  pellicule.  A  mefure  que  la  nymphe  fe  fortifie  &  prend 
de  la  confiflance,  cette  peau  ,  qui  paroifiToit  remplie  de  fluide  ,  fe  colle 
&  s'applique  fur  les  différentes  parties  delà  nymphe,  &  l'on  diftingue 
alors  très -bien  toutes  les  parties  de  la  fourmi ,  qui  doit  fortir  de  cette 
enveloppe. 

Les  fourmis  ont  pour  ces  nymphes  &  pour  les  enfans  les  mêmes 
foins  que  pour  les  vers,  excepté  qu'elles  ne  font  pas  obligées  de  leur 
donner  de  la  nourriture.  Ces  foins  font  fi  indifpenfables,  que  jamais 
Swammerdam  ne  put  parvenir  à  faire  éclore  à  l'aide  d'une  chaleur  srti' 
ficielle  les  nymphes  de  fourmis.  Lorfque  la  nymphe  eft  parvenue  à  fa 
perfedion,  elle  quitte  fon  enveloppe,  &  devient  un  infede  complet, 
une  véritable  fourmi ,  ailée  fi  elle  efl:  mâle  ou  femelle ,  &  fans  ailes 
lorfqu'elle  efl;  du  nombre  des  ouvrières.  C'efl:  toujours  en  l'air  que  fe 
fait  l'accouplement  à^is  fourmis.  Les  femelles  fécondées  vont  enfuite  à 
la  fourmilière  pour  y  dépofer  leurs  œufs.  Cela  fait ,  tous  les  mâles 
périflfent,  ainfi  qu'une  grande  partie  des  femelles  &  on  ne  trouve  guère 
que  des  ouvrières  dans  le  com.mencement  de  Ihivcr.  (Peut-être  les  four- 
mis mâles  ont-ils  le  fort  des  abeilles  mâles  que  les  ouvrières  tuent  après 
que  les  femelles  font  fécondées.  )  Pendant  cette  mauvaife  faifon  elles 
reftent  dans  leur  fouterrain,  où  elles  font  engourdies  fans  aucun  mou- 
vement ,  comme  beaucoup  d'autres  infeéles ,  &  entaffées  les  unes  fur 
les  autres.  On  voit  par-là  combien  il  ièroit  inutile  à  ces  infedes  de 
faire  les  provifions  qu'on  leur  a  attribuées.  Aulli  ne  font-ils  aucun 
amas.  Mais  dès  que  les  premières  chaleurs  du  printems  fe  font  fentir, 
les  fourmis  commencent  à  fe  réveiller  de  leur  état  léthargique  :  qWqs 
débouchent  les  ouvertures  &  toutes  les  iifues  intérieures  des  rameaux 
qui  aboutiflent  au  lieu  où  elles  fe  retirent;  elles  fortent  enfin  de  leur" 
demeure  pour  aller  à  la  campagne  jouir  de  l'air  &  chercher  des  alimcns. 
Le  Roi  Salomon  a  raifbn  d'envoyer  les  parefleux  à  l'école  de  ces 
infectes,  ils  y  apprendront  à  devenir  finon  très-prévoyans ,  au  moins 
très-laborieux. 


FOU  'S07 

Mais  que  fignlfie  cette  cérémonie  que  nous  voyons  tous  les  jours  fe 
pratiquer  dans  les  allées  de  nos  jardins  ?  Une  fourmi  en  embrafle  une 
autre,  qui  fe  replie  entre  fes  ferres  &  fes  jambes  de  devant,  fans  que 
cela  empêche  la  porteufe  de  marcher  librement  par- tout  où  elle  a 
affaire.  Se  rencent-elles  ce  fervice-là  mutuellement?  Lorfqu'on  les 
prend  dans  cet  état  d'accolade,  celle  qui  étoit  portée  par  fautre ,  & 
dont  le  dos  recourbé  fembloit  toucher  la  terre,  fe  déprend,  &  en  les 
remettant  à  bas,  chacune  enfile  le  chemin  qui  lui  convient.  On  ne 
remarque  pas  que  l'une-  foit  plus  petite  que  l'autre  ,  &  que  ce  folt 
unepolitefîe  du  mâle  pour  la  femelle:  Réplique  de  M,  de  la  Sorriniere, 
à  M.  Carvé  fur  la  police  des  fcurmis  ,  que  cet.  Auteur  a  inférée  dans  U 
Mercure  du  mois  de  Mai  1^4^' 

Les  fourmis  ont  beaucoup  d'ennemis  ,  le  pivert ,  ainfi  que  toutes 
les  pies,  en  détruifent  beaucoup,  &  plufieurs  autres  oifeaux  en  font 
fort  avides.  On  peut  voir  au  mot  Fourmi-lion,  la  jolie  chaffe  que 
cet  infede  en  fait.  On  a  cru  ,  pendant  long-temps  que  les  fourmis  por- 
tcient  une  grande  amitié  aux  pucerons ,  autour  defquels  elles  s'amaf- 
fent,  &  qu'elles  femblent  lécher  &  carelfer.  L'obfervation  a  appris  que 
cette  fraternité  n'eft  fondée  que  fur  ce  que  les  fourmis  font  fort  friandes 
d'une  efpece  de  liqueur  fucrée  &  mielleufe  que  rendent  les  pucerons, 
&  dont  ils  font  fort  fouvent  enduits.  On  fait  une  guerre  cruelle  aux 
fourmiis  dans  la  crainte  qu'elles  ne  gâtent  les  arbres  j  mais  ce  ne  font 
point  elles  qui  leur  font  du  tort;  ce  font  les  pucerons  qui  s'attachent 
aux  fleurs  ,  &  qui  reccquillent  les  feuilles  des  pêchers  &  des  poiriers 
en  les  fuçant.  Cependant,  comme  les  fourmis  attaquent  nos  fruits,  il  , 
eft  important  de  s'en  défaire.  On  les  attire  dans  des  bouteilles  à  moitié 
pleines  d'eau  miellée  où  elles  fe  noient.  Voici  les  moyens  les  plus 
efiicaces  pour  les  détruire,  c'eft  de  bculeverfer  la  fourmilière  3c  d'y 
jeter  une  chaudronnée  d'eau  bouillante  après  le  foleil couché,  moment 
où  la  fourmilière  eft  peuplée  de  fes  pillards  Se  des  œuù.  Si  Ton  y 
jette,  au  lieu  d'eau  bouillante  de  l'urine  dans  laquelle  on  a  fsit  trem- 
per de  la  fuie  de  cheminée  &  une  poignée  de  gros  tabac  à  fumer, 
on  les  fera  périr  aufli-tôt.  Un  autre  moyen  auiîi  efficace  ,  &  avec 
lequel  on  ne  craint  point  de  brûler  les  plantes  comme  avec  l'urine  ^ 
fur-tout  dans  les  terrains  chauds  &  fecs ,  confifte,  dit  M.  Bourgeois^ 
à  faire  une  forte  décodicn  de  feuilles  de  noyer  hachées  dans  un  grand 
chaudron  i  lorfque  la  dccodion  eft  firoide  ,    on   arrofe  la  fourmilière 


8o8  FOU 

comme  avec  l'urine  après  l'avoir  renverfée.  Se  on  réitère  de  même 
cette  manœuvre  deux  ou  trois  fois  s'il  efl:  néceflaire  :  on  auroit 
beau  détruire  &  renverfer  feulement  la  Fourmilière,  même  en  temps 
de  pluie,  dans  peu  de  jours  on  la  trouveroit  rétablie.  Il  eft  d'autant 
plus  efientiel  de  détruire  les  foifrmilieres,  qu'elles  caufent  un  grand 
dommage  aux  prairies  feches  ,  fur-tout  dans  les  pays  chauds,  non- 
feulement  en  diminuant  d'autant  le  fourage  qui  eft  précieux,  mais 
encore  en  altérant  la  fève  de  l'herbe,  &  ne  laiflant  qu'une  nourriture 
pernicieufe  au  bétail  affamé  j  en  un  mot  elles  brûlent  toutes  les  voies 
qu'elles  fe  frayent;  cela  fe  reconnoît  bientôt  fur  le  gazon,  où  leur 
chemin  devient  bientôt  marqué  ,  fans  herbe  &  tout  brûlé. 

Quelques  Obfervateurs  prétendent  que  les  grofles  fourmis  font  du 
tort  au  bois,  parce  qu'elles  s'attachent  fur  les  jeunes  tiges  du  chêne, 
&  les  font  périr  ou  languir;  elles  s'y  tranfportent  pour  les  mêmes  fins 
que  les  fourmis  de  jardin  :  elles  recherchent  aufli  les  pucerons,  &  il 
règne  une  fi  grande  antipathie  entre  les  grofles  fourmis  des  bois  & 
les  petites  fourmis  des  jardins,  que  lorfque  ces  animaux  habitent  les 
mêmes  lieux,  ceux  de  la  grofl^e  efpece  fe  ralTemblent  en  corps,  vont 
attaquer  leurs  ennemies  &  ne  cefTent  de  les  combattre  que  lorfqu'elles 
font  entièrement  détruites. 

On  lit  dans  les  'Mémoires  de  l'Académie  de  Berlin  un  Mémoire 
très-détaillé  par  M.  GUditscli ,  qui  obferva  dans  la  contrée  du  Havely 
un  eflaim  prodigieux  de  fourmis,  qui,  vu  de  loin,  faifoit  un  effet 
affez  fem^blable  à  celui  d'une  aurore  boréale,  quand  du  bord  de  fa 
nue  il  s'élance  par  jets  plufieurs  colonnes  de  flamme  &  de  vapeurs  , 
plufieurs  rayons  en  forme  d'éclairs  qui  tendent  à  fe  réunir,  mais  fans 
en  avoit  l'éclat.  Des  colonnes  de  fourmis,  un  peu  obfcures ,  alloient 
&  venoient  çà  &  là  avec  une  vîteffe  inexprimable  ,  mais  toujours  en 
s'élevant ,  &  leur  élévation  devint  telle ,  qu'elles  parurent  s'étendre 
au-deffus  des  nues.  Arrivées  à  ce  point,  elles  ne  dil'paroiffoient  ni  en 
tout,  ni  dans  la  moindre  de  leurs  parties;  mais  au  contraire  elles 
fembloient  s'épaiflir  peu  à  peu  ,  &  s'obfcurcir  de  plus  en  plus;  d'autres 
plus  tardives  fuivoient  les  premières  &  s'élevoient  pareillement ,  ou 
en  s'élançant  plufieurs  fois  avec  une  vîteffe  égale,  ou  en  montant 
l'une  après  l'autre;  cette  multitude  de  colonnes  qui  s'élevèrent  dura 
l'efpace  d'une  demi-heure.  Chaque  colonne  qui  flottoit  dans  l'air  étoit 
un  peu  obfcure,  reflembloit  à  un  réfeau  fort  délié,  &  avoit  un  mou- 
vement 


F  O  IT  §oi>' 

vement  înteflin,  comme  de  trémulation  ou  d'ondulation  ;  mais  en  la 
confidérantde  plus  près,  on  reconnoiflbit  une  troupe  innombrable  d'in- 
fedes  volans  dont  elle  étoit  compofée  toute  entière  ;  ces  infedes  fort 
petits,  tout  à-fait  noirs  &  ailés,  confervoient  régalité  &  la  forme  de 
la  colonne  eotiere,  en  montant  &  en^defcçndant  continuellement  avec 
régularité. 

Si  ces  colonnes  renfermoient  des  fourmis  des  deux  fexes ,  ce  donc 
je  n'ai  pu  m'aflurer,  dit  notre  Auteur,  je  nhéfiterois  point  à  les 
regarder  comme  de  vrais  &  nouveaux  efl'aims  de  jeunes  fourmis,  que 
les  bornes  trop  étroites  de  leur  domicile  obligent  à  partir  pour  d'autres 
lieux  pendant  que  la  faifon  les  favorife,  &  qui  vont  fe  conftruire  de 
nouvelles  demeures.  De-là  viendroit  fans  doute  ce  terrible  combat  de 
grandes  &  de  petites  fourmis ,  qui  fe  livrèrent  bataille  autrefois  au- 
deffus  d'un  poirier,  dans  le  territoire  de  Bologne,  en  préfence 
de  l'armée  d'Eugms  IF,  &  qu  yEneas  Sylvius  rapporte,  comme  en  ayant 
été  témoin. 

Or  fuivant  les  obfcrvations  des  Auteurs,  les  fourmis  d'une  colonie 
n'en  fouffrent  &  n'en  reçoivent  jamais  d'étrangères;  mais  au  contraire 
elles  les  chaflent&  les  tuent.  Cela  pourroit  donner  lieu  à  un  nouveau 
doute.  Chaque  colonne  en  s'élevant  de  terre  dans  les  nues,  &  grofllf- 
/ant  extraordinairement,  ne  peut  fe  faire  que  par  la  réunion  de  plu- 
fieurs  eflaims  de  fourmis,  fortis  d'autant  de  fourmilières  différentes, 
dont  la  concorde  dure  autant  que  la  fituation,  la  figure  &  la  gran- 
deur de  la  colonne.  Si  donc  les  colonnes  en  queftion  font  de  vrais 
eiïaims  de  jeunes  fourmis ,  il  faudra  les  regarder  comme  venant  de 
différens  endroits;  &  leur  concorde  de  courte  durée,  qui  les  fait 
partir  enfemble  pour  chercher  de  nouvelles  demeures,  n'aura  lieu 
qu'autant  qu'ils  feront  hor^  de  leurs  fourmilières,  &  ceffera  d'elle-, 
même,  dès  qu'ils  viendront  à  fe  féparer,  pour  prendre  polftAion  de 
leur  domicile  :  ce  phénomène  eft  allez  rare,  il  ne  fe  voit  que  dans  les 
Provinces  des  climats  chauds,  &  dans  les  années  qui  ont  été  favorables 
à  la  multiplication  des  fourmis. 

♦  -  Fourmis  étrangères» 

Il  y  a  aux  Antilles  une  efpece  de  fourmis  nolns,  que  Ton  appelle 
chiens  ,  à  caufe  de  leur  piqûre  qui  eft  plus  douloureufe  que  celle  des 
fcorpions;  mais  cette  douleur  dure  au  plus  une  heure,  &  n'cft  point 

Toms  IL  ~  ^kkkk 


s  10  FOU 

fuivie  de  danger.  Les  fourmis  font  en  fï  grand  nombre  dans  ce  pays-là, 
qu'elles  caufent  fouvent  de  grands  dommages,  en  enlevant  les  graines 
de  tabac  &  autres  plantes  aufii-tôt  qu'elles  font  femées.  Elles  infedent 
aufii  les  provifions  débouche,  telles  que  les  confitures,  les  viandes, 
îes  graifles,  les  huiles  ,  les  fruits,  &c.  Quelquefois  elles  couvrent  les 
tables  ,  de  façon  qu'on  eft  obligé  de  les  ,  abandonner  fans  pouvoir 
manger  de  ce  qui  a  été  fervi;  on  eft  aufli  contraint  de  fortir  de  fon 
lit  lorfqu'clles  y  arrivent.  La  nature  à  cet  égard  traite  fort  md  les 
Mexicains  ,  il  s  font  obligés  de  porter  leurs  lits  dans  des  efpeces  d'iles, 
ou  de  les  fufpendre  entre  des  arbres ,  ou  de  les  jucher  fur  de  grands 
bafîins  d'eau  ,  fur  des  étangs.  C'eft  ainfi   qu'ils  achètent  le   fommeil. 

Quelquefois  on  trouve  à  peu  de  profondeur  une  furface  fort  étendue 
en  tous  fens,  compofée  d'œufs  &  de  nymphes  de  ces  fourmis  venimeu- 
fes  :  dès  que  ces  fourmis  ont  mangé  les  racines  d'un  arbre  ,  aulîî-tôt 
l'arbre  perd  toutes  fes  feuilles  &  devient  noir  comme  s'il  étoit  brûlé. 
Les  Caftillans  qui  habitent  ce  pays,  n'ayant  pas  le  courage  de  cher- 
cher quelques  moyens  humains  defe  délivrer  de  ce  Pxéau  ,  ont  jugé  plus 
à  propos  &:  fur-tout  plus  facile  d'employer  un  moyen  furnaturel ,  qui 
ne  leur  réuffit  pas  mieux.  Pour  fe  faire  un  Protedeur  contre  les  four- 
mis &  ne  rendre  jaloux  aucun  des  Saints  qu'ils  connoiffent ,  ils  ont  jeté 
le  fort  ;  il  eft  tombé  fur  Saint  Saturnin. 

Au  Sénégal  on  voit  des  fourmis  blanches ,  dont  les  fourmilières  font 
élevées  en  forme  de  pyramide  ,  unies  &  cimentées  au-dehors  :  elles  n'ont 
qu'une  feule  ouverture  qui  fe  trouve  vers  le  tiers  de  leur  hauteur , 
d'où  les  fourmis  defcendent  fous  terre  par  une  rampe  circulaire. 

Sur  la  Côte  d'Or,  en  Guinée,  &  à  Maduré  dans  les  Indes  Orientales, 
on  trouve  des  fourmilières  au  milieu  des  champs  _,  qui  font  de  la  hau- 
teur d'un  homme,  &  qui  font  enduites  en  deffus  d'un  mortier  impéné- 
trable :  elles  en  conftruifent  encore  de  grandes  fur  des  arbres  fort  éle- 
vés. Ces  fourmis  que  les  Indiens  nomment  carrcyan  ou  carias ,  &  les 
Péruviens  comegen,  viennent  quelquefois  en  troupe,  en  ordre  de  ba- 
taille comme  une  armée  ,  dans  les  habitations.  On  diftingue ,  dit-on  , 
à  la  tête  de  leurs  bataillons  trente  ou  quarante  généraux  d'armée,  ce 
font  autant  de  guides  qui  iurpaffent  les  autres  en  groffeur ,  qui  dirigent 
leur  marche.  Si  on  a  oublié  d'enfermer  quelques  provifions  de  bouche, 
elles  s'en  emparent ,  &  l'armée  des  fourmis  fe  retire  avec  beaucoup 
d'ordre ,  en  emportant  avec  elle  fon  butin. 


FOU  811 

Pendant  le  féjcur  que  l'Auteur  qui  cite  ces  faits  fit  au  Cap  de  Corfe, 
lin  grand  corps  de  cette  milice  vint  rendre  vifite  au  château.  Il  étoit 
prefque  jour ,  lorfque  lavant-garde  entra  dans  la  chapelle  ,  où  quelques 
domeftiques  Nègres  étoient  endormis  fur  le  plancher  :  ils, furent  éveillés 
par  l'arrivée  de  cette  petite  armée,  dont  l'arriere-garde  étoit  encore  à 
la  diftance  d'un  quart  de  mille.  Après  avoir  tenu  confeil  fur  cet  inci- 
dent ,  on  prit  le  parti  de  mettre  une  longue  traînée  de  poudre  fur  le 
fentier  que  les  fourmis  avoient  tracé  &  dans  tous  les  endroits  où  elles 
commençoient  à  fe  difperfer  :  on  en  fit  fauter  ainfi  plufieurs  milliers  qui 
étoient  déjà  dans  la  chapelle.  L'arriere-garde  avertie  du  danger  ,  tourna 
tout  d'un  coup ,  &  regagna  diredement  fon  camp.  Le  rat  &  plufieurs 
autres  animaux  ne  peuvent  éviter  ces  fourmis  :  elles  fe  jettent  fur  leurs 
corps  ,  les  accablent  par  le  nombre  &  par  les  blefllires ,  les  dépècent  &:  les 
entraînent  où  elles  veulent.  En  une  feule  nuit,  ces  infedes  deftrudeurs 
dévorent  des  moutons  &  des  chèvres  ,  &  il  n'en  refte  que  les  os.  Mais 
rien  n'eft  plus  fingulier  que  les  morceaux  de  bois  où  ces  fourmis  ont 
travaillé  :  on  y  remarque  un  trou  par  où  elles  fe  font  introduites  ;  l'in- 
térieur eft  évidé  prefque  en  enti.r,  &  ne  montre  plus  que  des  cloifons 
délicates,  parallèles  les  uns  aux  autres,  ftriées  fuivant  leur  longueur, 
&  qui  ne  tiennent  enfemble  que  par  des  jambages  latéraux  &  parallè- 
les à  la  bafe  que  ces  infedes  y  ont  laiile  de  diftance  en  diftance. 

A  Batavia  les  fourmis  font  leurs  fourmilières  fur  des  cannes,  pour 
éviter  les  innondations  :  elles  les  conftruifent  avec  une  terre  graflfe,  &.  y 
forment  des  cellules. 

Les  habitans  de  Paramaribo  (  Colonie  Hollandoife  dans  le  pays  de 
Surinam  )  voient  arriver ,  dans  de  certains  temps ,  des  fourmis  que  les  Por- 
tugais appellent  fourmis  de  vïjiu  ou  vijîtatriccs.  Ces  fourmis  marchent  en 
grande  troupe  ,  &  exterminent  les  rats,  les  fouris  &  autres  animaux 
nuifibles. 

Lor(qu'on  voit  paroître  ces  fourmis  ,  on  s'emprefle  d'ouvrir  les  coffres 
&  les  armoires,  afin  qu'elles  puiffent  trouver  les  rats  &  les  infedes  : 
elles  ne  viennent  pas  auffi  fouvent  qu'on  le  défireroit  ;  car  il  fe  pafîe 
quelquefois  trois  ans  fans  qu'il  en  arrive,  Lorfque  les  hommes  les 
irritent ,  elles  fe  jettent  fur  leurs  fouliers  &  leurs  bas  qu'elles  mettent 
en  pièces.  Ces  fourmis  de  vifite  font  aulîi  défirées,  que  les  armées 
de  celles  de  la  Guinée  font  redoutées. 

Il  faut  convenir  que  les  fourmis  d'Europe  ne  rendent  pas  au  genre 

Kkkkk:j 


s  12  FOU 

humain  des  fervices  de  cette  importance,  mais  aufll  font-elles  moins 
cruelles  envers  les  animaux.  Cependant  en  Suifle,  en  Luface,  &c.  on 
les  fait  fervir  à  peu  près  aux  mêmes  ufages.  On  en  tire,  par  exemple  ,. 
un  parti  merveilleux  pour  exterminer  les  chenilles  :  voici  la  manière 
dont  on  s'y  prend.  Si  un  arbre  efl:  infcélé  de  chenilles,  on  enduit  le 
bas  du  tronc  de  poix  molle  ,*  ou  de  gîaife  délayée ,  5c  l'on  accroche 
au  haut  de  l'arbre  un  fachet  rempli  de  fourmis,  auquel  on  laiffe  une 
ouverture  par  où  elles  puiflent  paffer.  Les  fourmis  parcourent  Tarbre 
&  ne  peuvent  l'abandonner,  arrêtées  par  la  glaife;  mais  prefTées  par  la 
faim,  elles  fe  jettent  fur  les  chenilles,  qu'elles  dévorent  univerfellement^ 
Journ.  étrang.  Avril  iy6'2» 

Mademoifelle  Mérian  parle  de  fourmis  extrêmement  grandes  qui  fe 
trouvent  en  Amérique,  &  qui,  en  une  feule  nuit,  coupent  toutes  les 
feuilles  de  plufieurs  arbres,  ôc  les  emportent  dans  leurs  nids  pour  la 
nourriture  de  leurs  petits  :  elles  habitent  dans  la  terre ,  quelquefois  à  huit 
pieds  de  profondeur.  Quand  elles  veulent  aller  quelque  part  où  elles  ne 
trouvent  point  de  paflage  ,  arrêtées  par  un  courant  d'eau,  ou  par  quel- 
qu'autre  obftacle,  elles  fe  font  un  pont  fingulier.  La  première  s'attache  à 
un  morceau  de  bois  élevé,  qu'elle  tient  ferré  avec  fes  dents,  voilà  labafe 
inébranlable  :  une  féconde  fe  place  après  la  première;  une  troifieme  s'atta- 
che de  même  à  la  féconde  r  une  quatrième  à  la  troifieme  ,  &  ainfi  de  fuite 
les  unes  à  la  file  des  autres.  Dans  cette  fituation  le  cordon  s'abandonne  au 
<vent ,  efl:  porté  bientôt  de  l'autre  côté,  où  la  dernière  qui  devient  la  pre- 
miere  &  fe  trouve  à  la  tête ,  fe  fixe  fortement  à  quelque  corps  :  c'efl  ainfi. 
que  fe  forme  ce  pont  fur  lequel  pafTe  une  armée  nombreufe  de  fourmis. 
Ces  fourmis  font-elîcs  les  mêmes  que  celles  que  l'on  nomme  fourmis  de 
yijîte,  qui  fe  trouvent  aufli  en  Amérique? 

Il  y  a  une  efpece  de  fourmis  en  Amérique  &  dans  les  Indes  Orien- 
tales qui  ne  marchent  jamais  à  découvert,  mais  qui  fe  font  toujours 
des  chemins  en  galerie,  pour  parvenir  où  elles  veulent  être.  On  les  a 
vues  fe  former  ainfi  des  routes  fur  un  tas  de  clous  de  girofie  qui  alloiî 
Jufqu'au  plancher ,  dans  un  magafin  de  la  Compagnie  des  Indes  Orien- 
tales. Arrivées  là,  elles  percèrent  le  plancher,  &  gâtèrent  en  peu 
d'heures  pour  une  fomme  confidérable  d'étoffes  des  Indes,  au  travers 
defqu  elles  elles  s'étoient  fait  jour. 

Des  chemins  d'une  confliruélion  fi  pénible,  femblent  devoir  coûter 
un  temps  exceifif  aux  fourmis  q^ui  les  font  :  il  leur  en  coûte  cependant 


FOU  S15 

beaucoup  moins  qu'onnelecroiroit.  L'ordre  avec  lequel  la  multitude  y 
travaille  avance  la  befogne  :  on  voit  à  côté  l'une  de  Tautre  deux  files  de  ces 
fourmis  mineufes ,  dont  Tune  porte  de  la  terre  ,  &  l'autre  une  matière 
vifqueufe.  L'une  des  deux  premières  de  la  file  applique  fa  terre  au 
bord  du  tuyau  ou  de  la  voûte  commencée  ;  l'autre  dégorge  la  liqueur 
vifqueufe  i  elles  pétrifient  toutes  les  dQU\  cette  terre,  &  lui  donnent  la 
forme  qu'elle  doit  avoir:  elles  rentrent  enfuitele  long  de  la  galerie  pour 
fe  pourvoir  de  nouveaux  matériaux,  &  prennent  leur  place  à  l'extré- 
mité pofi:érieure  des  deux  files.  Les  fourmis  qui  après  celles-ci  étoient 
les  premières  en  rang,  &  toutes  celles  qui  fuivent,  font  de  mcme;ôw 
par  le  moyen  de  cet  ordre  dirigé  par  un  chef  de  chaque  file  qui  marque 
la  route,  plufieurs  centaines  de  fourmis  travaillent  dans  un  efpace  fort 
étroit,  fans  s'embarraflfer  &  avancent  leur  ouvrage  avec  une  vîtefle 
furprenante. 

On  dit  que  la  raifon  pour  laquelle  ces  infeftes  font  de  fi  grands  tra- 
vaux, efi:  pour  fe  mettre  à  l'abri  du  foleil  &  de  la  lumière  qui  leur 
font  très-dangereux  ;  car  elles  meurent  fi  elles  y  refient  expofées  trop 
long-temps;  la  nuit,  au  contraire,  leur  rend  toutes  leurs  forces.  Peut- 
être  auflU  n'eft-ce  que  pour  fe  cacher  des  fourmis  noires  &  de  quan- 
tité d'oifeaux  qui  en  font  ennemis.  Dans  les  pays  qu'habitent  ces  fourmis 
mineufes,  on  eft  obligé,  pour  conferver  les  meubles,  de  les  élever  fur 
àes  piedefiaux  enduits  de  goudron.  On  voit  aufii  de  ces  efpeces  de 
fourmis  dans  la  Guinée  j  on  les  appelle  vag-vague  au  Sénégal.  Fcyei  Pou 

DE  BOIS. 

Barrere,  dans  fon  Hiftoire  Naturelle  de  la  France  équinoxiale,  parle 
de  plufieurs  efpeces  de  fourmis  qui  fe  trouvent  à  Cayenne  &  dans  d'autres 
parties  de  l'Amérique.  Il  y  a  entr'autres  une  efpece  de  fourmi  volante  y 
dont  les  Nègres  &  les  Créoles  mangent  le  derrière,  qui  a  la  forme 
d'un  petit  fac,  de  la  grofieur  à  peu-près  d'un  pois  chiche,  Ôc  qui  efi: 
rempli  d'une  liqueur  blanchâtre,  qui  paroit  n'être  autre  chofe  que  les 
CEufs  même  de  cet  infed:e.  On  fe  fert  à  Cayenne  du  nid  comme  fongueux 
d'une  efpece  de  fourmis ,  pour  étancher  le  fang. 

Par-tout  on  remarque  que  chaque  efpece  de  fourmi  fait  confiamment 
bande  à  part,  &  qu'on  ne  les  voit  jamais  mêlées  enfemble;  fi  quelqu'uner 
par  inadvertance  fe  rend  dans  un  nid  de  fourmi  qui  ne  foit  pas  de  fon 
efpece,  elle  perd  néceflairement  la  vie ,  à  moins  qu'elle  n'ait  le  bonheur 
de  fe  fauver  promptement* 


8 14  FOU 

Fourmis  qui  donnent  de  la  Rcjine  laque. 

On  a  ignoré  pendant  loag-temps  quelle  étoit  la  véritable  origine  de 
la  réiine  laque;  mais  il  paroît  prefque  démontré  préfentement,  qu'elle 
eft  due  à  des  fourmis  vulantea,  qui  fe  trouvent  dans  plulîeurs  provinces 
des  Indes  Orientales;  telles  que  Pegu,  Siam,  Bengale  &  Malabar, 
Ces  fourmis  dépofent  la  laque  fur  des  branches  d'arbres,  (  que 
M.  de  Jujfîeu  foupçonne  être  des  jujubiers  )  ou  fur  des  branchages  que 
les  habitans  ont  foin  de  pÉjuer  en  grande  quantité ,  pour  fervir  de  fou- 
tiens  à  l'ouvrage  de  ces  petits  infeétes. 

M.  Geoffroi,  Mém.  d&ÛAcad.  iyi4,  ayant  examiné  avec  foin  la  laque 
en  bâton,  c'eft-à-dire,  la  laque  attachée  aux  branches,  l'a  reconnue 
pour  être  une  forte  de  ruche,  approchant,  en  quelque  façon,  de  celle 
que  les  abeilles  ou  autres  i.  feâes  ont  coutume  de  travailler.  En  effet, 
quand  on  la  caffe,  on  la  trouve  partagée  en  plufieurs  cellules  ou  alvéo^ 
les  ,  d'une  figure  aflez  uniforme  ,  &  qui  marque  que  ce  n'a  jamais  pu 
être  une  gomme  ou  une  réfine  qui  ait  découlé  des  branchages  fur 
lefquels  on  les  trouve ,  comme  quelques  Naturaliftes  Tavoient  penfë. 
Les  cloifons  de  ces  alvéoles  font  extrêmement  fines ,  &  toutes  pareilles 
à  celles  des  ruches  de  mouches  à  miel.  Comme  elles  n'ont  rien  qui  les 
défende  Ôlqs  injures  de  fair,  elles  font  recouvertes  d'une  couche  de  cette 
même  matière,  affez  épaifle  pour  leur  fervir  d'abri;  d'où  l'on  peut 
conclure  que  ces  infedes  ne  travaillent  pas  avec  moins  d'induftrie  que 
les  abeilles,  quoiqu'ils  aient  beaucoup  moins  de  commodités. 

Ces  alvéoles  contiennent  de  petits  corps  plus  ou  moins  renflés,  & 
qui  font  moulés.  Ces  petits  corps  font  d'un  beau  rouge  ;  les  uns  plus 
foncés  &  les  autres  moins.  Quand  on  les  écrafe,  ils  fe  réduifent  en  une 
poudre  aulTi  belle  que  celle  de  la  cochenille.  En  mettant  ces  petits 
corps  dans  l'eau,  ils  s'y  renflent  comme  la  cochenille,  la  teignent  d'une 
aufli  belle  couleur,  &  en  prennent  à-peu-près  la  figure,  enforte 
que  la  feule  infpedion  fait  connoître  que  ce  font  de  petits  corps 
d'infedes  ,  en  quelque  état  qu'ils  foient  ;  &  ce  font  vraifemblable- 
ment  les  embryons  de  ces  fourmis.  Ce  font  de  petits  corps  qui 
donnent  à  la  laque  la  teinture  rouge  qu'elle  paroît  avoir;  car  quand 
elle  en  efl:  abfolument  dépouillée  ou  peu  fournie,  elle  ne  donne  qu'une 
teinte  très-légère.  Il  paroît  donc  que  la  laque  n'eft  qu'une  forte  de  cire 
que  recueillent  ces  fourmis ,  comme  les  abeilles  recueillent  notre  cire 


FOU  8i^ 

ordinaire  ;  folt  qu'elles  la  trouvent  dans  l'état  où  elle  eft  fur  les  fleurs 
ôc  furies  arbres. 

Il  y  a  des  fourmis  à  Madagafcar  qui  conftruifent  aufîî  des  alvéoles 
fur  des  branches  avec  une  efpece  de  laque,  mais  qui  a  abfolument  l'o- 
deur &  la  couleur  de  la  cire.  Cette  laque 'ne  donne  point  de  couleur  , 
&  ne  peut  être  employée  en  teinture  ,  ni  à  faire  de  la  cire  à  cacheter  ; 
cependant  les  habitans  du  pays  s'en  fervent  comme  de  colle  &  de 
maftic.  Cette  laque  n'étant  point  d'ufage  dans  le  commerce,  eft  moins 
connue. 

Les  fourmis  de  Pégu  préparent  &  travaillent  la  laque  pendant  huit 
mois  de  Tannée,  pour  la  production  &  la  confervation  de  leurs  petits. 
C'eft  cette  laque  que  les  hommes  ont  fu  mettre  à  profit,  en  l'employant 
pour  la  belle  teinture  d'écarlate  qui  fe  fait  au  Levant ,  &  dont  l'on  fe 
fert  principalement  pour  colorer  les  peaux  de  chèvres  que  Ton  nomme 
cuirs  marroquins.  Les  Indiens  en  teignent  ces  toiles  peintes  fi  recher- 
chées en  Europe ,  qui  ne  perdent  point  leur  couleur  à  l'eau.  Cette  re- 
fîne eft  aufli  d'ufage  pour  la  cire  à  cacheter  &  pour  le  vernis:  elle  brûle 
en  exhalant  une  odeur  agréable. 

On  fépare  la  laque  des  bâtons  en  la  faifant  fondre:  on  la  lave;  on 
îa  jette  enfuite  fur  un  marbre,  oii  elle  fe  refroidit  en  lames:  on  la 
nomme  alors  lacjue  place, 

La  laque  en  grains  eft  ce  qui  refte  de  plus  groilier  après  qu'on  en 
a  tiré  la  teinture  :  c'eft  cette  laque  que  l'on  emploie  dans  certains  ver- 
nis, &  pour  la  cire  à  cacheter.  On  colore  cette  cire  avec  du  vermillon; 
la  cire  noire  eft  colorée  avec  du  noir  de  fumée  ',  &  celle  qui  eft  de  cou- 
leur d'aventurine  ,  avec  de  l'orpiment. 

Les  Indiens  font  avec  leur  laque  colorée ,  une  pâte  très-dure ,  d'un 
très -beau  rouge  ,  dont  ils  forment  dts  bracelets  appelles  manilles.  Le 
nom  de  lac  ou  loc  que  l'on  donne  à  la  réfine  ou  cire  laque  lui  vient 
des  Arabes ,  de  qui  les  Indiens  l'ont  appris.  On  la  nomme  aufîî  trec  dans 
le  Royaume  de  Pégu  &  de  Martaban. 

On  lit  dans  le  cinquième  volume  de  l'Académie  Royale  des  Sciences 
&  Belles-Lettres  de  Berlin ,  une  obfervation  de  M.  Margraf ,  fur  l'a- 
bondance d'huile  qu'on  peut  retirer  des  fourmis.  Cet  Auteur  dit  que, 
il  on  excepte  le  jaune  d'ceuf ,  on  n'a  rien  connu  jufqu'à  préfent  dans 
le  règne  animal,  d'où  l'on  puilTe  obtenir  une  huile  tout- à-fait  fem- 
blable  à  celle  des  végétaux ,  finon  les  fourmis  i  car  les  huiles  préten- 


?T^  FOU 

dues  qu'on  exprime  de  certains  poiifons,  ne  font  proprement  que  da 
vraies  graifles.  M.  Margraff"  3.  obtenu  de  l'huile  eflentielle  de  fourmis  , 
en  les  diftillant  à  Teau  dans  une  retorte  mife  dans  un  bain  de  fable.  La 
couleur  de  cette  Luile  eft  rougeâtre:  expofée  entre  l'œil  &  la  lumière, 
elle  paroît  tranfparente  ;  une  médiocre  gelée  l'épaiHît ,  &  par  confé- 
quent  diminue  fa  limpidité  ;  elle  im.prime  au  papier  une  tache  huileu- 
fe,  elle  nage  au-delTus  de  l'eau  ,  &  ne  s'y  mêle  point.  En  la  diftiilanç 
avec  l'eau  ,  elle  ne  s'élevç.  ni  ne  pafTe  par  l'alambic  ordinaire;  elle  brûle 
comme  toute  autre  huile  par  le  moyen  de  la  mèche. 

Les  fourmis  contiennent  un  acide  aflez  développé  ;  la  preuve  en  efl 
que  fi  l'on  jette  dans  une  fourmilière  une  fleur  bleue  ,  elle  deviendra 
rouge.  L'analyfe  qu'on  a  faite  de  ces  infedes ,  démontre  cet  acide:  on 
les  diftilîe  avec  de  l'efprit-de-vin  ,  &  on  en  retire  ce  qu'on  appelle 
eau  de  mûgnanimitè ,  à  caufe  des  grandes  vertus  qu'on  lui  attribue  pour 
fortifier  le  corps,  &  réparer  les  forces  abattues.  En  effet,  les  fourmis 
font  regardée?  comme  portant  finguliérement  aux  voies  urinaires  èc 
aux  organes  de  la  génération,  &  comme  réveillanc  puilfamment  l'ac- 
tion des  organes  ;  c'eft  pourquoi  elles  palTent  pour  un  remède  excel- 
lent dans  la  foibkfle  des  vieillards,  dans  la  paralyfie,  la  dilpofition  à 
l'apoplexie,  la  foiblefle  de  la  mémoire,  l'impuiflance;  &  cela,  foit  em- 
ployées intérieurement  en  fubftance,  foit  extérieurement  fous  forme 
de  bain  ou  de  fomentation  :  on  fe  fert  auifi  de  cette  huile  contre  le 
bourdonnement  &  autres  maux  des  oreilles,  on  en  imbibe  du  coton 
qu'on  renouvelle  foir  &  matin.  Confultez  le  Traité  des  fourmis  de  M, 
Gould,  Lond.  iy'4y,ôc  les  Tranf..ci.  Philofoph.  n°.  /^Si.fccl.  4. 

FOURMILIER  ou  Tamanoir  ou  TamanduaouMyrmécophage, 
autrement  Gros  Mangeur  de  Fourmis  ou  Renard  Américain  , 
urfus  formicurius.  Animal  naturel  au  climat  de  l'Amérique  Méridionale, 
dont  le  caradere  eft  d'avoir  le  mufeau  long,  la  gueule  étroite  ,  comme 
pointue  &  fans  aucunes  dents,  la  langue  ronde  &  longue,  qu'il  infi- 
nue  dans  les  fourmilières  &  qu'il  retire  pour  avaler  les  fourmis  dont 
il  fait  fa  principale  nourriture.  On  en  diftingue  trois  efpeces. 

La  première  eft  le  fourmilier  tamanoir.  Cet  animal  a ,  depuis  l'extré- 
mité de  la  queue  jufqu'à  l'extrémité  de  la  bouche  ,  environ  fix  pieds 
^  demi  de  longueur;  fon  mufeau  eft  extraordinairement  alongé,  l'ou- 
verture de  fa  bouche  très-petite,  fa  langue  menue  &  longue  de  plus 
éIç  deux  pieds ,  il  la  roule  dans  fa  gueule  lorfqu'il  la  retire  toute  entière  ; 

fes 


FOU  817 

fes  oreilles  font  courtes  &  rondes,  les  yeux  petits;  Tes  jambes  de  der- 
rière font  longues  d'un  pied  ,  &  terminées  comme  celles  de  l'ours  ; 
celles  de  devant  font  un  peu  plus  longues  :  il  a  quatre  doigts  aux  pieds 
de  devant ,  &  cinq  à  ceux  de  derrière  ,  qui  font  tous  armés  d'ongles 
forts;  les  deux  du  milieu  des  pieds  de  devant  font  les  plus  longs,  les 
plus  forts  &  les  plus  crochus  ;  fa  queue  eft  longue  de  deux  pieds  Se 
demi ,  couverte  de  poils  rudes  &  longs  d'un  pied  ;  ceux  du  cou  &  de 
la  tête  paroifTent  tournés  en  devant  ;  ils  font  tout  variés  de  blanc  , 
plus  noirs  cependant  vers  la  partie  poftérieure  du  corps.  On  remarque 
une  grande  bande  noire  qui  couvre  la  poitrine  tranfverfalement ,  pafle 
fur  les  côtes ,  va  fe  terminer  fur  le  dos  vers  la  moitié  de  fa  longueur  ; 
les  jambes  de  derrière  font  noires ,  celles  de  devant  font  blanches  avec 
une  tache  noire  vers  le  pied  :  c'eft  la  plus  grande  efpece  de  fourmilier; 
elle  fe  trouve  dans  la  Guiane  &  dans  le  Bréfil ,  où  il  eft  appelé  tama/i' 
dua-guacii  ou  tamandua-ouajfou. 

Cet  animal  relevé  fa  queue  fur  fon  dos ,  s'en  couvre  tout  le  corps 
lorfqu'il  veut  dormir  ou  fe  mettre  à  l'abri  de  la  pluie  &  de  l'ardeur  du 
foleil;  les  longs  poils  de  la  queue  &  du  corps  ne  font  pas  ronds  dans 
toute  leur  étendue ,  ils  font  plats  à  l'extrémité  &  fecs  au  toucher  com- 
me de  l'herbe  deflechée  ;  l'animal  agite  brufquement  &  fréquemment 
fa  queue  lorfqu'il  eft  irrité  ,  mais  il  la  laifle  traîner  en  marchant  lorf- 
qu'il eft  tranquiie,  &  il  en  balaie  le  chemin  où  il  paîTe.  Ses  pieds  pa- 
roifTent moins  faits  pour  marcher  ,  que  pour  grimper  &  pour  faifir  ài^'& 
corps  arrondis  :  auili  ferre-t-il  avec  une  fi  grande  force  une  branche 
ou  un  bâton ,  qu'il  n'eft  pas  poflible  de  les  lui  arracher.  On  voit  cette 
efpece  de  grand  fourmilier  dans  le  cabinet  de  Chantilly. 

Le  fécond  de  ces  animaux  eft  celui  que  les  Américains  appellent 
feulement  tamandua  :  il  eft  beaucoup  plus  petit  que  le  tamanoir,  il  n'a 
qu'environ  dix-huit  pouces  ,  depuis  l'extrémité  du  mufeau  jufqu'à 
l'origine  de  la  queue;  fa  tête  eft  longue  de  cinq  pouces  ,  fon  mufeau 
eft  aiongé  &  courbé  en  defifous;  il  a  la  queue  longue  de  dix  pouces 
&  dénuée  de  poils  à  l'extrémité ,  les  oreilles  droites  ,  longues  d'un 
pouce;  la  langue  ronde,  longue  de  huit  pouces,  placée  dans  une  ef- 
pece de  gouttière  ou  de  canal  creux ,  au  dedans  de  la  mâchoire  infé- 
rieure; fes  jambes  n'ont  guère  que  quatre  pouces  de  hauteur,  il  a 
également  quatre  ongles  aux  pieds  de  devant  &  cinq  aux  pieds  de  der- 

Tome  IL  LllU 


8i8  FOU 

riere;  il  grimpe  &  ferre  aiifîî  bien  que  le  tamanoir  ^  &  ne  marche  pas 
mieux  ;  il  ne  fe  couvre  point  de  fa  queue  qui  ne  pourroit  lui  fervir 
d*abri ,  étant  en  partie  de'nuée  de  poils,  qui  d'ailleurs  font  beaucoup 
plus  courts  que  ceux  de  la  queue  du  tamanoir;  lorfqu'il  dort  il  cache 
fa  tête  fous  fon  cou  &  fous  ^^s  jambes  de  devant. 

La  troifîeme  efpece  eft  le  petit  fourmilier ,  autrement  dit  le  petit  man^ 
geur  de  fourmis»  Les  Guianois  l'appellent  ouatiriouaou  :  c'eft  effeâivement 
le  plas  petit  des  fourmiliers  :  il  a  environ  quinze  pouces  de  long  y  com- 
pris fa  queue,  qui  eft  plds  longue  que  le  refte  du  corps;  fon  cou  eft 
très-court;  il  a  deux  doigts  aux  pieds  de  devant,  &  quatre  à  ceux  de 
derrière;  fon  mufeau  eft  court;  l'ouverture  de  fa  bouche  alfez  grande; 
i&s  oreilles  font  petites,  fes  yeux  grands;  il  eft  tout  couvert  de  poils 
jaunâtres,  mêlés  de  gris,  doux  au  toucher  comme  de  la  loie,  C'eft  le 
tamandua-miri  du  Brélil. 

Au  refte  ces  trois  animaux,  qui  différent  fi  fort  par  la  grandeur  & 
\qi  proportions  du  corps,  ont  néanmoins  beaucoup  de  chofes  commu- 
nes ,  tant  pour  la  conformation  que  pour  les  inclinations  &  habitudes 
naturelles.  Tous  trois  fe  nourriflent  de  fourmis ,  &  plongent  leur  lan- 
gue dans  le  miel  &   dans  les  autres  fubftances  li:]uldes  &  vifqueufes. 
Ils  ramafTent  aflez  promptement  les  miettes  de  pain,  &  les  petits  mor- 
ceaux de  viande  hachée.  On  k?  apprivoife  &  on  les  élevé  aifément  ; 
ils  foutlennent  long  temps  la  privation  de  toute   nourriture  ;  ils  dor- 
ment ordinaiiement  pendant  le  jour  ,  &  marchent  pendant  la  nuit.  La 
langue  de  ces  animaux  eft  longue  bi  ronde,  un  peu  femblable  à  celle 
du  pic,  de  façon  qu'ils  peuvent  la  faire  fortir  U  la  retirer  aifément  5 
niais  ils  lalaiflent  traîner  pour  prendre  des  fourmis  quand  ils  ont  faim: 
pour  cela  iîsvont  près  d'une  fourmilière,  ils  couchent  leur  mufeau  à  terre 
fur  le  bord  du  fentier  le  plus  battu ,  c'eft  l'endroit  où  les  fourmis  paffent, 
ils  pouffent  leur  langue  au  travers  du  fentier  ;  c'eft  une  barrière  pour  les 
fourmis  :  arrêtées  dans  leur  partage,  elles  fe  donnent  mutuellement  avis  de 
Tobftacle;  on  vient  en  troupe  pour  examiner  les  lieux  ,  on  mon*^  fur 
la  digue,  on  en  parcourt  toutes  les  dimenfions,  &  les  frayeurs  font 
déjà  calmées,  lorfque  le  fourmilier  fentant  que  fa  langue  eft  fuffi(am- 
ment  chargée  de  fourmis,  la  retire  &  les  engloutit,  fans  qu'il  en  échappe 
une  feule;  en1;ite  il  recommence  le  même  exercice  auffi  long-temps 
qu'il  eft  preflTé  Je  la  faim.  Avec  les  ongles  ou  griffes  des  pieds  de  devant 
ils  déterrent  &  culbutent  aulii  iss  fourmilières ,  jettent  l'alarme  dans 


FOU  8i^ 

la  petite  république,  &  fe  nourriflent  de  fes  habitans  qu'ils  peuvent 
faifir  à  force  ouverte  ou  par  rufe.  Le  fourmilier  marche  fi  lentement 
qu'on  peut  le  prendre  aifément.  Si  on  le  touche  avec  un  bâton,  il  s'ac- 
croupit fur  fes  pieds  comme  un  ours.  Comme  il  ne  peut  mordre,  il  fe 
défend  avec  fes  griffes.  Il  dort  tout  le  jour,  la  tête  pofée  entre  fes  deux 
jambes  de  devant:  quand  il  bpit,  il  fort  de  l'eau  par  fes  narines;  il 
eft  d'une  vie  fort  dure;  il  ne  marche  que  la  nuit  ;  fa  chair  fent  mau- 
vais, cependant  les  Sauvages  en  mangent:  pour  l'animal,  il  exhale  une 
forte  odeur  de  fourmi.  Les  mâles  ont  cel^de  particulier,  que  leurs 
tefticules  font  cachés  en  dedans  fous  la  peau.  Les  fem.elles  mettent  bas 
autant  de  petits  qu'elles  ont  de  tettes  :  ce  qui  leur  eft  commun  avec 
les  truies.  On  prétend  que  ces  animaux  recourbent,  ainfî  que  les  finges, 
l'extrémité  de  leur  queue  en  deffous,  &  s'en  fervent  comme  d'une 
main  pour  fe  fufpendre  aux  branches  des  arbres;  dans  cette  fituation , 
ils  balancent  leurs  corps  ,  approchent  leur  mufeau  des  trous  &  des  creux 
des  arbres;  ils  y  infinuent  leur  langue,  de  la  retirent  enfuite  brufque- 
ment  pour  avaler  les  infedes  qu'elle  a  ramiailés.  M.  Vofmacr  prétend 
avoir  une  efpece  de  myrmccophagc  Africain ,  dont  le  groin  eft  un  peu 
gros,  rond  &  comme  écrafé  en  deflus. 

FOURMILIERE.  Nom  donné  à  ces  petits  monceaux  de  terre  que 
les  fourmis  forment  en  cône  pour  leur  demeure  commune,  &  pour  la 
nourriture  de  leurs  petits,  yoye:^^  à  VanïcU  Fourmi. 

FOURMI  -  LION  ou  FOURMILLON  ou  FORMICA  -  LEO. 
Voyf{_  au  mot  Demoiselle  du  Formica-leo. 

M.  ai  Réaumur  croit  qu'il  y  a  du  côté  d'Avignon  une  efpece  de  for- 
mica-leo différente  du  nôtre  par  la  grandeur.  On  en  trouve  à  Saint- 
Domingue  encore  une  efpece  plus  grande  que  celle  des  environs  d'A- 
vignon. Le  formica-leo  du  pays  de  Genève  marche  quelquefois  en 
avant,  il  eft  plus  gros  &  plus  diftind.  Toutes  les  efpeces  de  formica- 
leo  fe  métamorphofent,  &  font  de  l'ordre  des  infedes  névropteres, 
Voyei  à  rartïcU  Insecte. 

FOURRAGE.  Nom  donné  à  tous  les  herbages  qui  fervent  de  pâ- 
ture aux  animaux  qui  vivent  de  végétaux.  Le  fourrage  du  cheval 
comprend  le  foin,  V avoine,  la  luzerne  ,  \q  fainfoin,  Iq  fon  ,  &  la  pailU 
du  froment.  Voyez  ces  mots.  Ces  fortes  de  fourrages  font  une  partie  de 
commerce  &  d'économie  ruftique,  très-précieufe:  mais  il  y  a  beaucoup 
de  choix  :  car  un  fourrage  peut  être  corrompu  ou  altéré  par  le  mé- 

Lllll  2. 


S20  FOU 

lange.  Un  animal  libre  &  abandonné  à  lui-même   pour  chercher  fa 
pâture  dans  les  prairies  &  dans  les  bois,  n'a  garde   de   brouter  parmi 
les  plantes  celles  qui  de  leur  nature  peuvent  être  nuifibles  à  fa  fanté  ; 
fon  inftinâ:  feul  le  guide  de  dirige  fon  appétit  vers  les  plantes  propres 
à  fon  entretien.  Mais  il   en  eft  tout  autrement  pour  un  animal  dans 
l'état  d'efclavage  ;  il  eft  obligé  de  fe  nourrir  de  ce  que  l'aveugle  in- 
duftrie  de  l'homme  lui  prépare  &  lui  préfente.   La  nécellité  lui  fait 
prendre  fouvent  des   alimens   qui  lui  font  contraires  ;  &  fon  appétit 
naturel  irrité  par  la  faim  ,  n'a  pas  la   Lberté  du  choix  :  combien  n'a- 
t-on  pas  vu  de  fourrages  altérés  dans  le  pré  pendant  la  fenaifon ,  ou 
falilfiées  par  la  cupidité  des  Marchands  dans  un  temps  de  difette.  Se 
produire  au  plus  fecourable  des  animaux  (le  cheval  )  le  farcin ,  la 
gale,  la  maladie  du  feu,  &  fouvent  même  la  morve ?c'eft  de  la  plu- 
part des  mauvais  fourrages  que  viennent  ces  maladies  épidémiques  qui 
s'étendent  fur  le  bétail ,  fe  multiplient  &  font  les  plus  grands  ravages 
dans  les  armiées ,  dans  les  villes  &  dans  les  campagnes:  ainfi  la  nour- 
riture la  plus  commune  du  cheval  eft  aufÏÏ  la  plus  fufpede.  Nous  avons 
donné,  au  mot  foin,  une  lifte  des  plantes  qui  doivent  compofer  un 
foin  falutaire  :  nous  le  répétons,  l'on  ne  peut  trop  fe  mettre  en  garde 
contre  Tufage  d'un  foin  mêlé  de  mauvais  herbages  ,  c'eft  ce  qui  nous 
engage  à  indiquer  ici  les  plantes  maltaifantes  qui  peuvent  fe  trouver 
confondues  avec  les  bonnes,  briiées,  deiTéchées  &  bottelées  enfemble. 
Les  principales  font  laconit,  toutes  les  efpeces  de  tithymales,  la  gra- 
tiole ,  les  perlicaires ,  le  thlafpi ,  l'efpece  de  renoncule  t^a)  appelée  douve  : 
ces  végétaux,  fur-tout  encore  verts  &  vivans,  &  parmi  lefquels  on  y 


[a)  M.  Halle r ,  dans  les  vues  de  confoler  le  Cultivateur  ,  j'jftement  effrayé  par 
le  peu  d'efpérance  de  pouvoir  détruire  les  renoncules  ,  ou  les  autres  plantes  acres  , 
dit  qu^il  faut  fe  fouvenir  que  ces  plantes  perdent  leur  âcreté  par  le  deffichement ,  & 
deviennent  innocentes.  Elles  feroient  dangereufes  pendant  qu'elles  font  fur  pied  ,  (i  les 
animaux  ne  favoient  pas  les  éviter  par  une  fagacité  naturelle ,  qi.i  eft ,  dit-il ,  aidée 
par  une  efpece  de  tradition.  Il  y  a  près  d'Upfal  une  rocaille  où  il  croît  du  napel  ;  les 
chèvres  du  pays  y  touchent  andi  peu  que  les  chèvres  des  Alpes  ;  m.iis  les  chèvres 
étrangères  ,  dit  encore  M.  Huiler,  n'eii  connoiffent  pas  l'effet  pernicieux  }  eiles  en 
mangent  &  périffent.  Ici  la  figacité  naturelle  eft  en  défaut  ;  &  comme  le  fuc  &  la 
partie  charnue  des  plantes  mal-faifantes  iie  fe  defTechent  pas  toujours  auffi  promptement 
que  les  herbes  falutaires ,  il  faut  donc  redouter  l'ufage  d'ua  foin  mêlé  de  mauvais  her- 
bages. 


FOU  F  R  A  821 

en  a  mêlé  d'autres  où  fe  trouvent  quelquefois  le  thora  &c  la  catapuce, 
font  pour  le  cheval  autant  de  poifons  qui  lui  donnent  des  tranchées 
de  différens  genres,  &  le  font  périr  enflé,  conftipé.  DefTéchés  ils  font 
moins  redoutables. 

La  paille  que  l'on  donne  à  manger  aux  animaux,  ou  qui  leur  fert 
de  litière ,  eft  communément  de  froment.  La  plus  nourriflante  &  la 
plus  appétiflante  doit  ctre  blanche,  menue  &  fourrageufe ,  c'eft-à-dire 
mélangée  de  bonnes  plantes  ,  telles  que  font  la  gefîe,  le  fétu,  le  gra- 
teron  ,  le  laitron ,  le  liferon  ,  le  mélilot,  la  perce-feuille,  le  pied-de- 
lievre  ,  la  vefce,la  bourfe  àpafteur,  la  velvote,  le  coquelicot  &  plu- 
sieurs autres  dont  les  graines  nuifent  beaucoup  à  la  bonté  du  blé  &  de 
l'avoine.  Mais  cette  nourriture  n'efl:  propre  que  pour  les  chevaux  qui 
font  peu  d'ouvrage ,  Se  qui  font  d'ailleurs  grands  mangeurs.  La  paille 
d'avoine,  celle  des  mars,  font  encore  une  très-bonne  nourriture  pour 
les  chevaux  &  les  bètes  à  cornes  pendant  l'hiver  ;  on  peut  les  mêler 
avec  le  foin  ou  le  regain. 

L'avoine  eft  fans  contredit  le  principal  fourrage  des  chevaux  :  ils  en 
font  rarement  dégoûtés,  à  moins  qu'il  ne  fe  rencontre  des  graines  de 
fenevéjde  colfa,  de  coquelicot,  &c.  voyti  Avoine,  Le  fon  eft  un 
acceflbire  du  fourrage.  Quand  il  eft  nouveau  ,  les  chevaux  en  font 
friands;  lorfqu'il  eft  vieux  il  acquiert  une  rancidité  qui  empêche  le 
cheval  d'avaler  l'avoine ,  ou  de  boire  l'eau  dans  laquelle  on  en  auroit 
mis.  f^oyei  Praikies. 

FOURRURE.  Foje:^  Pelleterie. 

FOUTEAU,  FAU  ou  FAYARD,  Arbre  de  haute-futaie,  qui  fe 
nomme  auffî  hctre.  Voyez  ce  mot. 

FRAGMENS  PKÈCIEUX,  fragmenta prétiofa.  1)^1)8  les  boutiques 
des  Apothicaires  &  des  Droguiftes,  on  donne  le  nom  de  cinq  fra-^mens 
préc'uux  y  à  des  particules  de  rubis,  defaphir,  à^émeraude,  de  topaze  & 
àH hyacinthe,  qui réfultent  de  ces  diverfes  pierreries  ,  à  l'inftant  où  le 
lapidaire  les  dégroflit  pour  en  former  aes  pierres  régulièrement  taillées  : 
fouvent  ces  fragmens  ne  font  que  des  primes  de  pierreries  ou  quart^tufes ,  ou 
defpathfufibli  :  voyez  ces  mots.  Autant  les  anciens  employoient  de  frag- 
mens dan:>  les  compofitionb  pharmaceutiques,  autant  les  Modernes  inf- 
truits  les  profcrivent  &  les  regardent  tout  au  plus  comme  capables  de 
faire  illufion  à  ceux  que  le  brillant  féduit.  En  eftet ,  le  plus  grand  bien 
qu'on    puiffe  attendre  desyr^^we/zi  pris  intérieurement,  c'eft  qu'ils  ne 


g  2  2  F    îl   A 

produifent  aucun  mauvais  effet:  la  pratique  de  la  Médecine  court  aiTez 
d'autres  hafards  fans  celui-là  ;  &  nous  voyons  aducllement  en  France 
ces  pierreries  rendues  aux  mains  du  luxe.  Il  feroit  à  défirer  que  les 
Pharmacologiftes  bannifTent  de  la  lifte  des  remèdes  tous  les  médicamens 
infolubles ,  terreux  &  pierreux.  Quelle  vertu  efpérer  des  émanations  3c 
des  attrapions?  Faut-il  être  autant  efclave  de  la  mode  &  des  préjugés, 
pour  appliquer  i°.  fur  (on  nombril  une  piei-redejade  à  delTein  de  brifer 
la  pierre  de  la  vefTie;  2".  à  la  cuiflfe  une  pierre  d'aigle  pour  faciliter 
l'accouchement  5  3°.  fur  la  déni  ou  fur  le  poignet  une  pierre  d'aimant 
pour  extraire  la  douleur  &  la  fièvre;  4°.  une  amulette  ou  une  plaque 
de  criftal  de  roche  fufpendue  au  cou ,  pour  éloigner  les  fonges  qui  in- 
quiètent; y"",  dans  l'eftomac  une  mafle  glaifeufe  de  bol,  de  taîc,d'ar- 
doife ,  d'ochre  pour  abforber  les  acides  de  ce  vifcere ,  ou  une  mafle 
dangereufe  de  pierres  d'azur  &  d'Arménie  pour  purger  joyeufement , 
ou  un  enduit  très-abforbant  &  graveleux  ,  telles  que  Yo/Iéocollc ,  \d.glof' 
fopetrey  les  béUmnites  ,  \qs  pierres  Judaïques  &  Cl  éponge,  \qs  coquilles  d' huî- 
tres &c  d'œufs  ,  &  toutes  les  terres  calcaires  ,  tout  ceci  pour  brifer  la  pierre 
&  pour  faire  uriner.  Mais  c'eft  citer  aflez  de  chimères;  en  doit-on  dire 
autant  de  ces  pierres  tendres  &  défedueufes,  que  les  rayons  de  la  lune 
mangent ,  au  dire  des  ouvriers  ?  Ici  il  y  a  moins  de  bonne  foi  que 
d'ignorance. 

FRAGON  ou  PETIT  HOUX.  Voye-i  Houx  frelon. 

FRAI.  Voyei  Fray. 

FRAISE.  Ce  nom  fe  donne  au  fruit  dufraijîer:  voyez  ce  mot;  &  à 
une  coquille  bivalve  flriée ,  piquetée  ,  &  de  la  famille  des  cœurs.  Fraife 
eft  encore  dans  les  anim.aux  deftinés  à  notre  nourriture,  les  entrailles 
avec  leur  enveloppe. 

FRAISE  ou  CAILLE  DE  LA  CHINE.  La  fraife  a  été  alnfi  nom- 
mée par  M.  de  Bufon  ,  à  caufe  de  l'efpece  de  fraife  blanche  qu'elle  a 
fous  la  gorge,  &  qui  tranche  d'autant  plus,  que  fon  plumage  eft  d'ua 
brun  noirâtre;  elle  eft  plus  petite  que  notre  caille:  on  la  retrouve  aux 
Philippines.  Les  fraifes  ou  cailles  de  la  Chine  ont  cela  de  commun  avec 
celles  de  nos  climats ,  qu'elles  fe  battent  à  outrance  les  unes  contre 
les  autres,  fur-tout  les  mâles;  &  que  les  Chinois  font  à  cette  occafion 
des  gageures  confidérables,  chacun  pariant  pour  fon  oifeau,  comme 
on  fait  en  Angleterre  pour  les  coqs.     ' 

¥ hlSlE^ ,  fragaria.  Plante  bafte  &  touffue ,  qui  vient  naturellement 


F  R  A  823 

dans  les  forêts  &  à  l'ombre,  &  qu'on  cultive  auffi  dans  les  jardins  où  elle 
profite  davantage  :  fa  racine  eft  vivace  ,  fibreufe,  de  couleur  brune  fon- 
cée ,  d'un  goût  aftringent  ;  elle  pouiTe  plufieurs  pédicules  ou  queues 
menues,  longues,  velues,  grêles,  branchues  à  leurs  fommets,  &  qui 
portent  des  fleurs:  elle  jette  aulTi  des  queues  de  même  longueur  &  fi- 
gure, qui  foutiennent  des  feuilles.  De  plus  ,  elle  poufîe  certains  filamens 
noueux,  qui  ferpentent  fur  terre,  y  prennent  racine,  &  donnent ,  de 
chaque  nœud  ,  des  feuilles  Se  des  racines  par  lefquelles  cette  plante  fe 
multiplie.  Ses  feuilles  font  au  nombre  de  trois  fur  une  queue,  oblon- 
gues,peu  la'-ges  ,  dentelées  tout  autour  ,  veinées,  velues,  vertes  en 
delTus,  &  blanchâtres  en  deflbus.  Ses  fleurs  font  attachées  quatre  ou 
cinq  à  un  même  pédicule  ;  elles  font  en  rofe  ,  à  cinq  pétales  blancs, 
placés  en  rond;  leur  piftil  fe  change  dans  le  printemps,  en  un  fruit 
ovoïde,  plein  de  fuc,  charnu,  mou  ,  d'abord  blanc,  puis  rouge  ex- 
térieurement ,  rempli  de  graines  menues ,  d'une  odeur  agréable  ,  d'un 
goût  doux,  vineux,  fort  exquis.  Ce  fruit  s'appelle //tiz/t!  ,  il  mûrit 
queÎ4ueK;ii  blanc. 

Le  goût  des  fraifes  cultivées  efliplus  délicieux  :  cependant  la  fraifedes 
bois  efl:  plus  falutnirc  &  plus  odorante;  leur  fuc  mis  à  fermenter  donne 
du  vin  ,  dont  on  peut  re  irer  un  efprit  ardent;  mais  fi  on  le  lailTe  fer- 
menter trop  long-temps  ,  il  s'aigrit  &  fe  corrompt:  le  fuc  des  feuilles 
du  fraifier  rougit  légéiementle  papier  bleu;  &  celui  des  racines  le  rou- 
git confi>.!érablemenr.  Ces  racines  lont  mifes  au  nombre  des  remèdes 
diuréti  ]ues  ,  apéritifs  &  vulnéraires  ;  leur  faveur  efl:  ftyptique  &  amere. 
M.  Geofroi  a  remarqué  ,  que  fi  l'on  boit  fouvent  de  la  décoélion  de 
racines  de  frailier  &  ci'ofeille,  les  excrémens  fe  colorent  en  rouge,  de 
forte  qu'on  croiroit  d'abord  que  le  malade  efl:  attaqué  d'un  flux  hépa- 
tique :  ceci  a  jeté  plus  û'une  fois  l'alarme  dans  l'efprit  des  gens  peu  inf- 
truits ,  mais  il  fufnc  de  changer  cette  boiflTon  pour  que  les  excrémens 
reprennent  leur  couleur  naturelle.  En  général ,  les  fraifes  font  rafraî- 
chifiantes,  répriment  la  chaleur  de  l'eflomac,  &  excitent  les  urines  :  on 
les  préfente  principalement  au  deflcrt,  avec  du  fucre&  arrofées  d'eau: 
mêlées  avec  du  vin,  ou  du  lait,  ou  de  la  crème,  elles  font  plus  diffi- 
ciles à  digérer  dans  l'eflomac,  elles  s'y  aigriffent  plus  facilement,  & 
alors  elles  caufent  des  crudités  nuifibles  au  genre  nerveux.  Si  on  mange 
trop  de  fraifes ,  elles  portent  à  la  tête  &  enivrent  un  peu.  On  remarque 
aufli  que  les  urines  contradent  affez  fouvent  l'odeur  des  fraifes.  On  ne 


824  F  R  A 

peut  trop  recommander  le  foin  de  laver  les  fraifes  avant  d'en  manger,' 
parce  que  les  crapauds  &  les  ferpens ,  qui  en  aiment  Todeur ,  repairent 
fouvent  fous  les  fraifiers ,  &  jettent  leur  haleine  ou  leur  bave  fur  leurs 
fruits.  (M.  HalUr  dit  cependant  qu'il  n'y  a  aucun  animal  en  Europe 
dont  la  falive  puifTe  nuire,  à  moins  d'être  introduite  immédiatement 
dans  le  fang.  )  Dans^I-çs-pays  chauds  ,  &  même  dans  nos  Cafés,  on  fait 
une  boiflbn  avec  lejii'ÎJ^es  fraifes ,  le  (uc  de  limon  &  de  l'eau,  en  quan- 
tité égale,  mêlés  enfSmble  avec  un  peu  de  fucre.  Cette  boiflbn  qu'on 
appelle  bavaroijc  '^J^'grecque  j  efl:  fort  agréable.  En  Italie  on  broie  la 
pulpe  des  fraifes  a^'ècde^'eau  rofe,  &  on  en  fait  enfuite  avec  le  fuc  de 
citron  une  conferve  délicieufe.  Dans  les  boutiques  à.23  Apothicaires  & 
des  Parfumeurs  ,  on  trouve  une  eau  diftillée  de  fraifes ,  qui  efl:  un  ex- 
cellent cofmctique,  &  utile  en  gargarifme  pour  les  ulcères  de  la  gorge. 
Les  Dames  s'en  fervent  volontiers  à  leur  toilette,  pour  effacer  les  rouf- 
feurs  &  les  lentilles  du  vifage.  On  prétend  que  le  fraifier  bouilli  dans 
du  vin  rouge,  &  appliqué  fur  Vos  pubis ,  arrête  les  fleurs  blanches  ,  les 
trop  fréquentes  pollutions  qui  arrivent  la  nuit,  &  les  gonorrhées  qui 
ne  font  pas  virulentes. 

Les  fraifiers ,  tant  ceux  qui  portent  des  fraifes  rouges  que  ceux  qui 
produifent  à^s  fraifes  blanches ,  fe  multiplient  de  plant  enraciné.  Quand 
on  veut  tranfplanter  ,  on  préfère  le  plant  tiré  des  bois  à  celui  des 
jardins  :  on  prend  au  printemps  les  traînafles  qui  fe  forment  en  fortant 
du  corps  du  fraifler,  &  qui  rampent  fur  terre,  ou  bien  on  les  enlevé 
en  motte:  elles  prennent  aifcment  racine,  &  au  bout  de  deux  ou  trois 
mois  ,  en  Ofîobre ,  on  les  tranfplante.  On  a  foin  d'en  placer  trois  ou 
quatre  dans  chaque  trou  qu'on  fait  avec  le  plantoir  fur  les  bordures, 
ou  en  planches,  ou  fur  des  à-dos  contre  un  mur  expofé  au  midi,  dans 
une  tere  neuve  &  légère ,  qu'on  a  attention  d'arrofer  &  de  farder  de 
temps  à  autre.  Il  efl;  utile  de  ne  laifler  à  chaque  pied  que  quatre  mon. 
tans  des  plus  forts,  &  trois  ou  quatre  fleurs  de  celles  qui  font  le  plus 
près  du  pied ,  &  on  pince  les  autres.  Il  faut ,  quand  il  n'y  a  plus  de 
fruit,  couper  rez  pied,  rez  terre  les  vieux  montans ,  fi  on  veut  avoir 
beaucoup  de  belles  &  bonnes  fraifes.  On  doit  renouveller  le  plant,  tous 
les  trois  ou  quatre  ans,  &  ne  conferver  que  les  traînafl^es  qui  font  nécef- 
faires  au  plant.  On  obtient  des  fraifes  hutives ,  ou  dans  des  terres  chau- 
des, ou  félon  l'expofition  du  fol  &  l'abri  qu'on  donne  au  plant. 

Les  ennemis  du  plant  du  fraifier  font  les  vers  des  hannetons  &  du 

fcarabée 


F  R  A  82  j 

fcarabée  rhinocéros,  qui,  pendant  les  mois  de  Mai  &  de  Juin,  mangent 
le  cou  de  la  racine  entre  deux  terres,  &  font  ainfi  périr  la  plante;  il 
faut  alors  parcourir  les  fraifiers ,  &  fouiller  au  p.igd  de  ceux  qui  com- 
mencent à  fe  faner;  d'ordinaire  on  y  trouve  le  gros  ver  blanc,  qui  après 
avoir  caufé  ce  premier  mal ,  paflTe ,  fi  on  n'a  foin  dé  îe  détruire ,  à  d'au* 
très  fraifiers,  &  les  fait  pareillement  mourir.  I;ç?'Anglois  qui  font  ja- 
loux de  la  culture  du  fraifier,  ne  ceflent  de  fà'^felf-^  d'arrofer  &  de  dé- 
truire  la  vermine  de  cette  plante.  ^ 

M.  Premier ,  en  revenant  de  fon  voyage  de  larnexilu  Sud,  a  le  pre- 
mier fait  connoître  en  Europe  le  fraifier  dif*CHiîi  ^  fragaria  Chilienjîs 
fruclu  maxïmo  ,foiùs  carnojis  ^  hïr^uts.  Il  diffère  de  toutes  les  efpeces  Eu- 
ropéennes par  la  largeur,  l'épaiiTeur  &  le  velu  de  fes  feuilles.  Son  fruit 
de  couleur  rouge  blanchâtre ,  eft  communément  de  la  grofleur  d'une 
noix,  &  quelquefois  auffi  gros  qu'un  œuf  de  poule;  mais  fa  faveur  n'a 
pas  l'agrément  &  le  parfum  de  nos  fraifes  de  bois.  Cette  plante  a  donné 
du  fruit  au  Jardin  Pvoyal  de  Paris,  &  en  porte  depuis  quelques  années 
da'ns  le  Jardin  de  Chelfea  près  de  Londres.  On  a  obfervé  qu'elle  réullit 
le  mieux  àl'expofition  du  foleil  du  matin,  &  demande  de  fréquens ar- 
rofemens  dans  les  temps  deféchereflè. 

FRAISIEPv  EN  ARBRE.  Voyc^  Arbousier. 

FRAMBOISIER.  Voyti  Vanicic  Ronce. 

FRANCOLIN,/r^/2co//«if5,  eft  un  cifeau  qui  ne  fréquente  que  les 
montagnes:  on  le  voit  rarement  en  plaine,  mais  communément  dans 
les  Alpes,  en  Italie,  dans  la  chaîne  des  Pyrénées  ,  en  Egypte  &  dans 
les  Ifles  de  Chypre  &  de  Samos.  Bdon  dit  que  le  francolin  eft  fembla- 
ble  à  la  canne-pétiere ,  mais  plus  petit  :  fes  pieds  &  fes  jambes  font 
couverts  de  plumes  com.me  ceux  du  coq  des  bois  ;  fa  tête  refiemble  à 
celle  de  la  perdrix  grife;  fon  bec  eft  de  même  ,  court  &  fort.  Son  plu- 
mage eft  de  différentes  couleurs.  On  a  donné  le  nom  àQ/rincolin  à  un 
oifeau  affez  femblable  au  précédent,  &  qui  porte  fur  la  tête  une  hupe 
jaune  avec  des  taches  blanches  ,  &  des  taches  noires.  Il  a  au  defTous 
du  bec  une  forte  de  barbe ,  com.pofée  de  plumas  très-déliées.  Le  fran- 
colin eft  du  genre  de  la  perdrix  ,  il  fe  nourrit  de  graines  &  de  vers:  on 
en  voit  de  tout  blancs  dans  les  montagnes  de  la  Savoie.  Les  francolins 
font  leurs  nids  en  terre,  &  pondent  autant  d'oeufs  que  la  perdrix. 

On  peut  élever  ces  oifeaux  dans  des  voheres;  mais  il  faut  avoir 
attention  de  leur  donner  à  chacun  une  petite  loge  où  il'î  puiffent  fe 
Tome  lu  _  M  m  m  m  m 


%2^  F  R  A 

tapir  &  Te  cacher  ,  &  de  répandre  dans  la  volière  du  fable  &  quel» 
ques  pierres  de  tuf:  fon  cri  eft  moins  un  chant ,  qu'un  fifHement  très- 
fort,  qui  fe  fait  entendre  de  fort  loin. 

On  faifoit  autrefois  beaucoup  de  cas  de  la  chair  du  francolin.  Martial 
en  fait  l'éloge  comme  du  mets  le  plus  exquis  de  l'Ionie:  elle  convient 
aux  eftomacs  foibles.  Les  Italiens  n'ont  nommé  cet  oifeau  francolin  , 
que  parce  qu'il  eft  franc  dans  ce  pays ,  c'eft-à-dire,  qu'il  eft  défendu 
au  peuple  d'en  tuer  :  il  n'y  a  que  les  Princes  qui  ayent  cette  préro- 
gative. 

Quelques-uns  ont  donné  aufll  au  francolin  le  nom  de  coq  de  marais; 
mais  ce  dernier  oifeau  eft  différent  de  notre  francolin  ,  par  les  lieux 
qu'il  habite.  Le  coq  de  marais  eft  un  attagcn  ou  une  gclinote  huppée, 
Albin  en  a  parlé  fous  le  nom  à^cegocephale.  Il  fe  tient  communément 
fur  les  parages  fablonneux  des  mers,  y  cherche  fa  nourriture,  &  neft 
pas  plus  effrayé  à  la  vue  du  monde  que  ne  l'eft  la  mouette. 

Le  francolin  d'Olina ,  qui  eft  un  oifeau  différent  du  francolin  de 
Bdon  ou  tattagas,  a  le  cou  plus  court  que  ce  dernier,  le  corps  plus 
xamaffé,  les  pieds  rougeâtres  garnis  d'éperons  &:fans  plumes,  les  doigts 
fans  dentelure.  Il  habite  les  plaines,  les  lieux  basj  on  i'élevoit  aufll 
dans  les  volières. 

FRANGIPANIER,  plunuria  ,  eft  un  arbre  de  l'Amérique  qui 
s'élève  d'environ  dix  à  douze  pieds  hors  de  terre  :  iî  pouffe  de  longues 
branches  d'un  pouce  de  diamètre,  &  à-peu-près  d'égale  grofleur  par- 
tout d'une  extrémité  à  l'autre,  &  dénuées  de  feuilles  dans  toute  leur 
longueur.  Les  feuilles ,  ainfi  que  les  fleurs ,  viennent  par  gros  bou- 
quets aux  extrémités  des  branches  ;  en  forte  que  le  refte  de  farbre 
paroît  extrêmement  nu.  Les  feuilles  font  trois  fois  plus  grandes  que 
celles  du  laurier  rofe ,  &  ont  la  figure  d'un  glaive.  Quant  aux  fleurs 
elles  relfemblent  beaucoup  à  celles  du  jafmin ,  mais  elles  font  plus 
grandes.  On  diftingue  trois  fortes  de  frangipaniers  par  rapport  aux 
couleurs  de  leurs  fleurs;  i°.  celles  d\x  frangipanier  blanc  font  blanches; 
mais  bordées  d'un  filet  rofe  fur  un  des  bords  feulement  ;  2°.  celles  du 
frangipanicr  mufqué  font  rouges,  &  la  couleur  en  eft  plus  foncée  vers 
les  bords;  3°.  enfin  celles  du  frangipanicr  ordinaire  font  d'une  belle 
couleur  de  jaune  orangé,  qui  paffant  par  différentes  nuances,  fe 
termine  par  un  beau  rouge  de  carmin  :  comme  l'odeur  de  ces  fleurs 
eft  très-fuave ,  on  les  fait  entrer  dans  la  compofition  des  tourtes  de 


F  R  A  F  R  É  S27 

francîilpanes  du  pays.  Pour  peu  qu'on  écorche  ou  qu'on  cafTe  une 
branche ,  ou  qu'on  arrache  foit  une  feuille ,  foit  une  fleur  du  frangi- 
pan'ier ,  il  en  découle  auflî-tôt  un  lait  abondant  épais ,  dont  quelques 
habitans  fe  fervent  pour  guérir  les  vieux  ulcères.  Nous  oublions  de 
dire  que  le  piftil  de  la  fleur  devient  dans  la  fuite  un  fruit  ou  une 
fîlique  qui  efl:  double  pour  l'ordinaire ,  qui  s'ouvre  d'un  bout  à  l'autre  , 
&  qui  renferme  des  femences  oblongu'es ,  garnies  de  feuilles ,  placées 
comme  des  écailles ,  &  attachées  à  un  placenta.  On  cultive  cet  arbre 
dans  nos  ferres  chaudes. 

FRAXINELLE.  Foyei  Dictame  Blanc. 

FRAY  ou  FRAI.  Se  dit  des  œufs  du  poiflbn ,  &  du  temps  ou 
cet  animal  les  dépofe  dans  l'eau  ;  mais  ce  temps  varie  félon  les  poif- 
fons.  On  dit  en  terme  de  Vénerie  qu'un  cerf  fraye,  quand  il  frotte  fa 
tête  contre  un  arbre  pour  faire  tomber  la  peau  velue  de  fes  nouvelles 
cornes.  On  dit  encore  frai  de  grenouille  &  frai  de  falamandre.  Voyez 
auffi  l'article  Poisson. 

FRAYE.    Voye:^  au  mot  GrivE. 

FREGATE,  hirundo  marina  major,  apus  roflro  adauco  ,  Bark.  nut 
fregata.  C'efi:  de  tous  les  oifeaux  celui  qui  vole  le  plus  haut ,  le  plus 
long-temps,  le  plus  aifément ,  &:  qui  s'éloigne  le  plus  de  terre  :  on 
l'appelle  olfeau  frégate ,  par  allufion  à  légèreté  &  la  rapidité  de  fon 
vol ,  qui  femble  imiter  la  vîtefle  des  vaifTeaux  qui  portent  ce  nom  , 
&  qui  communément  font  les  meilleurs  voiliers  de  la  mer.  Il  n'efl:  pas 
rare  de  rencontrer  cet  oifeau  à  trois  cents  lieues  de  terre  :  il  ne  peut 
fe  repofer  fur  l'eau  fans  périr;  fes  jambes  font  courtes,  groffes  , 
ramalïées  ;  fes  pieds  font  un  peu  palmés,  mais  très-armés  de  griffes 
crochues ,  fortes  &  aiguës  ;  fes  ailes  font  fi  grandes  qu'elles  ont  neuf 
pieds  d'envergure;  elles  fe  meuvent  peu  fenfiblement  dans  le  vol,  &  ne 
le  fatiguent  point:  on  le  perd  quelquefois  de  vue.  C'efl;  à  la  grandeur 
de  fes  ailes  qu'il  doit  la  facilité  Aq^q  foutenir  li  long-temps  dans  fair: 
auflî  ne  defcend-il  guère  à  terre  ;  il  auroit  trop  de  peine  à  battre  des 
ailes  pour  s'en  élever  ;  il  perche  toujours  fur  des  arbres  ou  fur  des 
lieux  élevés  ;  fa  groifeur  égale  celle  d'une  poule  ;  fon  cou  &  fa  tête 
font  proportionnés  à  fa  grofleur.  Il  a  le  regard  afTuré,  le  bec  long, 
fort  &  alfez  gros,  la  partie  fupérieure  en  eft  arquée;  les  plumes  du 
dos  &  des  ailes  font  brunes,  noires,  celles  du  ventre  font  grifes  chez 
les  femelles.  Les  mâles  ont  une  membrane  rouge  &  boutonnée,  à  peu- 
Aï  m  m  m  m  a 


S28  t  R  É  F  R  Ê 

près  comme  les  coqs  d'Inde,  &  qui  leur  pend  jufqu*au  milieu  du  cou; 
la  queue  eft  fourchue. 

L'oifeau  frégate  met  en  ufage  fon  bec  &  fes  griffes  crochus ,  pour 
prendre  les  poifTons  volans  &  autres  poiflbns  qui  font  pourfuivis  par 
les  dorades.  Il  fond  comme  un  éclair,  &  enlevé  fa  proie  ,  en  rafantla 
fuperficie  de  la  mer,  avec  une^adreffe  admirable,  fans  prefque  jamais 
manquer  fon  coup.  Il  pourfuit  auflî  les  goélands  ou  m>auves ,  & 
plufleurs  autres  oifeaux  aquatiques,  pour  leur  faire  dégorger  le  poilfon 
qu'ils  ont  pris  de  s'en  faifir  lui-même.  Le  P.  Labi2t  dit  que  la  chair  de 
ces  oifeaux  fent  un  peu  le  poiffon:  elle  eft  fort  nourrilfante ,  &  à-peu- 
près  de  la  même  faveur  que  celles  des  poules  d'eau  :  fa  graifie  eft 
fort  eftimée ,  en  fridtion ,  pour  les  douleurs  de  la  goutte  fciatique. 
On  lit  dans  ^Hijîoire  Naturelle  de  la  France  E  qu'inox,  pag.  /j4  ,  que 
comme  la  frégate  fuit  ordinairement  les  vailfeaux,  quand  on  voit  un 
de  ces  oifeaux  s'approcher  de  terre  ,  on  compte  fur  l'arrivée  ou  le 
palTage  d'un  navire.  On  a  donné  le  nom  ailette  des  frégates ,  à  une 
Ile  dans  le  petit  cul-de-fac  de  la  Guadeloupe,  parce  qu'on  y  trouvoit 
beaucoup  de  ces  oifeaux,  qui  venoient  y  pafler  la  nuit  &  pour  y  faire 
leur  nid  :  mais  on  les  a  prefque  obligés  de  déierter  en  leur  donnant  la 
chaffe  pour  avoir  de  leur  graifie.  On  les  frappe  avec  de  longs  bâtons 
qui  atteignent  au  nid  ;  le  coup  qu'elles  reçoivent  les  fait  tomber  à 
demi-étourdies.  On  a  vu  dans  une  de  ces  chafîes,  que  les  frégates  qui 
prenoient  leur  effor  étant  épouvantées,  rejetoient  chacune  deux  ou 
trois  poiflbns,  grands  comme  des  harengs  ,  à  moitié  digérés. 

Quelques  Auteurs  donnent  aufîi  le  nom.  àQ  frégate,  h  un  animal  de 
mer,  de  la  groffeur  d'un  œuf  de  poule,  &  de  la  forme  d'une  barque.  Cet 
animal  eft  toujours  fur  l'eau ,  &  s'y  foutient  par  une  efpece  de  petite 
voile  couleur  de  pourpre.  On  prétend  que  cette  frégate,  qui  caufe  à  la 
main  des  irritations  douloureufes  quand  on  y  touche,  eft  un  ^oophyte. 
Voyez  ce  mot  à  l'article  Galère. 

FRELON.  Nom  donné  à  une  groffe  mouche  piquante .  qui  refTemble 
à  la  guêpe,  mais  qui  eft  beaucoup  plus  groffe  &  plus  venimeufe.  Foye^ 
jon  article  à  la  fuite  du  mot  GuÊP£. 

FRENE,  yrûA-zVzwi.  Grand  arbre  de  futaie  qui  fe  plaît  dans  les  lieux. 
frais  &  humides,  au  bord  des  rivières  &  vers  les  prés  :  fes  racines  font 
grandes  &  s'étendent  de  tous  côtés  fur  la  fuperficie  de  la  terre;  fon 
tronc  eft  fort  élevé,  &  forme  une  tige  droite  affez  groffe,  uniforme  3, 


F  RÉ  825> 

couverte  d'une  écorce  unie  &  cendrée  ;  le  bois  en  eft  blanc,  lifTe,  dur 
&  onde;  fes  branches  font  oppofées;  les  plus  jeunes  d'entr'elles  font 
tendres ,  un  peu  noueufes .  de  contiennent  une  moelle  blanche  &  fon  ■ 
gueufe;  celles  qui  font  vieilles,  font  géne'ralement  ligneufes:  (es  feuilles 
font  oblongues,  rangées  par  paires  le  long  d'une  côte,  qui  eft  terminée 
par  une  leule  feuille  dentelée,  d'uta  goût  amer  &  acre,  d'un  vert  gai; 
fes  fleurs  qui  paroifîent  en  Mai,  font  des  étamines  difpofées  en  grappes, 
qui  nailfent  avant  les  feuilles,  &  qui  fe  diffipent  en  peu  de  temps  :  il 
leur  fuccede  une  follicule  membraneufe,  oblongue,  formée  en  langue 
d'oifeau  ornuhoglojjum,  plate,  fort  déliée  en  fa  pointe,  renfermant  dans 
fa  bafe  une  femence  prefqu'ovale ,  blanche,  moelleufe,  d'un  goût  amer, 
&  d'une  odeur  de  drogue. 

La  racine,  l'écorce,  le  bois  &  les  fruits  du  frêne  font  d'ufage.  Le  petit 
peuple  d'Angleterre  confit  la  graine,  ou  plutôt  le  fruit  de  cet  arbre, 
avant  fa  maturité,  dans  la  fauraure  de  fel  &:  de  vinaigre,  &  il  en  ufe 
dans  les  fauces.  La  décod:ion  ou  infufion  de  fon  écorce  noircit  la  folu- 
tion  du  vitriol,  comme  le  fait  la  noix  de  galle  :  elle  eft  un  peu  fébri- 
fuge ,  &  fa  feuille  vun  peu  vulnéraire.  Son  feuillage  eft  excellent  pour 
la  nourriture  des  bœufs  ,  des  chèvres  &  des  betes  à  laine.  Tous  ces  ani- 
maux en  font  très-friands  pendant  l'hiver.  Il  faut  pour  cela  couper  les 
rameaux  de  cet  arbre  entre  les  mois  d'Août  6c  Septembre ,  &  les  laifler 
fécher  à  l'ombre.  On  prétend  que  le  fuc  de  fes  feuilles  ou  la  décoéHon 
de  l'écorce  de  l'arbre  bue  à  la  dofe  de  quatre  onces,  eft  un  contre- 
poifon  contre  la  morfure  des  ferpens.  Cette  idée  vient  fans  doute  de 
Pline ,  qui  a  dit  gratuitement  que  les  ferpens  fe  jettent  plutôt  dans  le 
feu  ,  que  de  refter  à  l'om^bre  du  frêne,  ou  de  fe  cacher  fous  (qs  feuilles. 
Camerarius  &  Charus  ont  éprouvé  plus  d'une  fois  la  faulî'eté  de  cette 
antipathie  fi  furprenante.  Il  faut  feulement  convenir  que  le  dégoute- 
ment  du  frêne  endommage  tous  les  végétaux  qui  en  font  atteints. 

Le  fel  tiré  des  cendres  de  l'écorce  du  frêne,  eft  appéritif  &  fudori- 
fique.  Cette  cendre  renfermée  dans  un  nouet,  eft  pyrotique  &  tient 
lieu  de  cautère  potentiel.  Les  fruits  font  appéritifs.  On  vante  ce  fruit 
defféché  &  pris  dans  du  vin  pour  faire  maigrir ,  ou  pour  exciter  à 
Taâe  de  Vénus.  La  manne  découle  d'une  efpece  de  frêne  de  l'Italie 
appelé  orne  ou  frêne  à  fleurs  ^  parce  que  fes  fleurs  font  complettes,  au 
lieu  que  celles  des  autres  efpeces  n'ont  point  de  corolle.  Voyc-^  Manne. 

On  élevé  le  frêne  de  plant,  qu'on  prend  dans  les  bois  :  il  ne  demande 


^30-  FUS 

pas  beaucoup  de  culture  pour  former  une  belle  &  haute  tige,  &  une 
tête  régulière.  On  en  fait  des  haies; on  pourroit  l'employer  pour  l'orne- 
ment des  jardins:  fon  feuillage  léger,  qui  eft  d'un  vert  brun  &  luifant, 
contrafteroit  agréablement  avec  la  verdure  des  autres  arbres  ;  mais  il  eft 
fujet  à  un  fi  grand  inconvénient,  qu'on  eft  obligé  de  l'écarter  de  tous  les 
lieux  d'agrément.  Les  mouches  cantsride.s  qui  naiflent  particulièrement 
fur  cet  arbre ,  le  dépouillent  prefque  tous  les  ans  de  fa  verdure  dans 
la  plus  belle  faifon,  &  caufent  une  puanteur  infupportable.  Le  frêne, 
foit  nain  ou  de  la  grande  efpece  ,  foit  celui  à  feuilles  de  noyer  ou 
celui  de  la  nouvelle  Angleterre ,  ou  même  le  frêne  blanc  d'Améri- 
que, &c.  ne  réuliilTent  point  dans  les  terres  dures,  argileufes  ,  crayon- 
neufes  ;  mais  ils  viennent  vite  ,  &  s'élèvent  prodigieufement  en  plaine, 
dans  une  terre  légère  &  peu  profonde.  Ray  rapporte  dans  fon  Hiftoire 
générale  des  plantes,  qu'on  vendoit  de  fon  temps  en  Angleterre  des 
frênes  de  cent  trente-deux  pieds  de  hauteur.  Le  bois  du  frêne  eft  facile 
à  travailler  j  il  eft  blanc,  d'abord  tendre  &  flexible,  mais  avec  le  temps 
il  devient  compare  &  très-dur:  on  l'emploie  pour  les  ouvrages  d'artil- 
Jerie  &  pour  les  pièces  de  charronage  qui  doivent  avoir  du  reffort  & 
de  la  courbure  :  on  en  fait  des  timons  de  carroftes,  des  charrues,  des 
eflieux  ,  des  perches  &  des  échalas  ,  &  on  s'en  fert  pour  emmancher  des 
outils.  On  le  débite  en  grume  de  plufieurs  grofieurs ,  &  depuis  dix 
jufqu'à  dix-huit  pieds  de  long.  Les  Tourneurs  &  les  Armuriers  en 
font  également  ufage.  Mais  une  autre  grande  partie  de  fervice  que 
Von  en  tire ,  c'.eft  qu'il  eft  excellent  à  faire  des  cerceaux  pour  les 
cuves,  les  tonneaux  Vautres  vaifTeaux  de  cette  efpece,  Les  Ebéniftes 
r-echerchent  les  morceaux  qui  font  pleins  de  nœuds  :  il  feroit  feulement 
à  défirer  que  ce  bois  fût  moins  fujet  à  être  piqué  de  vers  quand  il  a 
perdu  toute  fa  fève.  On  obferve  que  le  bois  de  frêne,  lorfqu'il  eft  vert, 
férule  mieux  qu'aucun  autre  bois  nouvellement  coupé, 

FRESAIE  ou  Effraie  ,  ou  Hibou  d'Eglise  ou  de  Clocher  ; 
noclua  ttmplorum  alba-)  aiit  aluco  minor,  C'eft  cet  oifeau  de  nuit ,  dont 
le  cri  épouvantable  (  chouan  )  qu'il  pouffe  en  volant ,  effraie  ceux  qui 
font  fujets  à  avoir  peur.  Bien  des  perfonnes  l'appellent  oifeau  farder , 
ou  oifeau  de  mauvais  augure  :  il  eft  très-commun  en  France.  Il  ne  faut 
pas  confondre  \3.frefais  avec  X orfraie  ;  le  premier  de  ces  bipèdes  eft  un 
oifeau  as.  nuit ,  d'un  volume  médiocre  j  l'autre  eft  du  genre  des  gro? 
^ifçaux  de  proie»  Voy^\^  Orfjeiaji:? 


F  R  E  g^t 

La  frefale  efl  à-peu-près  de  la  grandeur  du  pigeon  :  elle  a  quatorze 
pouces  de  long  ,  &  trois  pieds  d'envergure  ;  le  bec  long  d'un  pouce  ,  & 
crochu  par  le  bout  ;  la  langue  un  peu  fourchue  ;  les  yeux  &  le  menton 
entourés  d'un  cercle  ou  collier  de  petites  plumes  mollettes  ,  blanches , 
ceintes  de  plumes  jaunes  plus  roides.  Ce  collier  ou  fraife  de  plumes 
commence  aux  narines  de  chaque  côté ,  &  refTemble  au  voile  que 
portent  quelques  femmes  ;  en  forte  que  les  yeux  font  comme  enfoncés 
dans  une  cavité  profonde  ,  formée  par  de  petites  plumes  redreflees  tout 
à  i'entour.  La  poitrine ,  le  ventre  8>c  le  deflbus  des  ailes  font  blancs , 
marqués  de  taches  obfcures  ,  carrées  &  efpacées.  Le  plumage  de  la 
tête  ,  du  cou  ,  du  dos  ,  &  jufqu  aux  grandes  plumes ,  tout  eft  orné& 
bariolé  de  belles  couleurs ,  tacheté  ou  en  lignes  fauves.  Ses  jambes  font 
couvertes  jufqu'aux  pieds  d'un  duvet  épais;  les  doigts  revêtus  feulement 
de  poils  clair-femés  ;  l'ongle  du  doigt  du  milieu  eft  un  peu  moins  den- 
telé que  dans  les  hérons. 

Dans  cet  oifeau  &  dans  tous  les  autres  de  ce  genre ,  l'œil  eft  d'une 
ftrudure  rare  &  finguliere  ;  car  la  partie  faillante  &  qui  paroit  au- 
dehors  ,  n'eft  rien  autre  chofe  que  l'Iris  feule ,  de  manière  que  le  globe 
de  l'œil  étant  ôté  en  entier  de  fon  orbite ,  repréfente  un  cafque,  l'iris  ou 
la  partie  apparente  répondant  au  couvre-chef,  &  la  partie  cachée ,  qui 
s'étend  au-delà  en  tout  fens ,  répondant  aux  bords.  Les  yeux  de  cet 
oifeau  font  tout-à-fait  fixes  &  immobiles  :l€S  bords  intérieurs  des  pau- 
pières font  jaunes  tout  à  I'entour, 

La  frefaie  habite  ordinairement  dans  les  trous  profonds  &  inacceÛi- 
oles  des  tours  &  des  clochers,  dans  les  pertuis  des  rochers  efcarpés  8c 
dans  les  creux  des  arbres.  Son  chant  fe  fait  entendre  fur  les  onze  heures 
du  foir  :  fa  femelle  ne  fait  point  de  nid  ;elle  pond  feulement  fur  la  pierre 
nue,  ou  tout  au  plus  couverte  accidentellement  de  quelques  ordures. 
Sa  ponte  eft  de  quatre  à  cinq  œufs  oblongs.  Pendant  le  jour  la  frefoie 
refte  dans  fon  trou  ,  dormant  droite  fur  fcs  pieds  ,  la  tcte  panchée  eq 
devant ,  le  bec  caché  dans  la  plume ,  &  ronflant  comme  un  homme  : 
elle  attend  ainfi  que  la  nuit  foit  arrivée  pour  s'éveiller  &  butiner;  alors 
elle  fort  &  s'envole  de  travers  ou  en  culbutant ,  à  la  manière  des  hi- 
boux :  fon  vol  femble  obéir  au  gré  du  vent  ;  il  eft  fi  doux  qu'on  ne 
l'entend  point;  c'eft  ainfi  qu'elle  flotte  dans  les  airs.  Elle  va  dans  les 
greniers  y  faire  la  fondion  du  meilleur  chat  du  monde  :  elle  y  prend 
des  fouris ,  dont  elle  fait  fa  nourriture  :  fon  eftomac  vorace  l'invite 


8^2  F  R    E 

.y 

àufli  à  prendre  fur  !es  branches  des  arbres  de  petits  olfeaiix  endormis.  Il 
n'eft  pas  rare  d'en  trouver  le  matin  dans  un  appartement  où  il  y  a  beau- 
coup de  fouris ,  ou  encore  quand  il  y  a  un  malade  tout  gangrené  ou 
ir.cme  mort  ;  de  telles  émanations  at:  irent  volontiers  cet  animal ,  qui 
ne  fe  fait  point  de  peine  de  defcendre  par  une  cheminée.  Ce  font  de 
pareilles  aventures  &  les  lieux  oii  repaire  communément  la  frefaie  , 
qui  l'auront  fait  regarder  comme  un  oifeiiu  de  mauvais  augure, 

Lorfque  le  froid  eft  rigoureux,  on  trouve  quelquefois  cinq  ou  fix 
de  CCS  oifeaux  dans  Te  même  trou  ,  ou  cachés  dans  les  fourrages,  ils 
y  cherchent  l'abri ,  l'air  tempéré  &  la  nourriture.  Pendant  l'automne 
ils  vont  viiiter  quelquefois  pendant  la  nuit  les  lieux  od  l'on  a  tendu 
d^s  lacets  pour  prendre  des  bécafies  &  des  grives;  ils  tuent  les  bécafll^s 
qu'ils  trouvent  fufpendues,  les  mangent  fur  le  lieu,  emportent  quel- 
quefois les  grives  &  les  autres  petits  oifeaux  qui  font  pris  aux  lacets, 
les  avalent  fouvent  entiers  avec  la  plume,  &  ne  déplument  avant  de 
les  manger  que  ceux  qui  font  trop  gros. 

On  trouve  dans  le  trou  de  la  frefaie  des  efpeces  de  pelotes ,  de  la 
forme  &  groifeur  d'un  œuf  de  poule.  Ces  pelotes,  efpeces  d'égagro- 
piles ,  ne  font  autre  chofe  que  le  réfîdu  de  fes  alimens,  qui  confîfte 
en  peaux,  poils,  plumes,  os  &  autres  matières  grollieres  ;  le  tout 
artiflement  enveloppé  comme  dans  une  bourfe ,  que  l'oifeau  a  la 
facilité  de  vomir  enfuite ,  c'eft-à-dire  après  la  digefiion  Aqs  chairs  ;  car 
en  général  les  hiboux  ayant  le  gofier  très-large,  peuvent  avaler  de 
gros  miorceaux  de  chair  tout  entiers  ,  comme  un  rat ,  une  fouris  & 
un  oifeau:  c'efl;  ain(i  que  l'alcyon,  le  martinet  pêcheur  &  tous  les 
oifeaux  qui  avalent  des  poiflons  entiers,  rejettent  par  en -haut 
les  arêtes  &  les  vertèbres  de  ces  poiflTons ,  dont  la  chair  eft  digérée. 

La  frefaie  n'eft  pas  d'ufage  en  aliment  :  mais  quelques  perfonnes 
eftiment  fa  chair  bonne  pour  la  paralyHe,  fa  graiife  propre  pour 
alToupir  les  nerfs ,  &  fon  fiel  defféché ,  excellent  dans  les  ophtalmies. 
Les  petits  de  la  frefaie  font  tout  blancs  dans  le  premier  âge,  &  ne 
font  pas  mauvais  à  manger  au  bout  de  trois  femaines;  car  ils  font  gras 
&  bien  nourris.  Les  pères  &  mères  purgent  les  Eglises  de  fouris,  ils 
boivent  aflez  fouvent  ,  ou  plutôt  mangent  l'huile  des  lampes,  lorf- 
qu'elle  vient  à  fe  figer. 

FREUX  ou  GROLLE  ou  GRAIE ,  comix  fruglUga.  C'eft  une 
efpece  de  corneille  des  bois  ou  fauvage,  qui  fe  répand  communément  dans 

les 


F  R  E  F  R  I  835 

les  campagnes,  mais  qui  repaire  dans  les  bois  &  les  forêts,  où  elle 
fait  fon  aire.  Cet  oifeau  a  une  aflez  greffe  corpulence:  il  eft  tiès- 
charnu ,  &  tient  le  milieu  entre  le  corbeau  &  la  corneille:  il  eft  fort 
criard,  vole  en  troupes  &  en  grand  nombre.  Son  bec  eft  très  dr-oit , 
long  &  pointu  :  il  s'en  fert  pour  tirer  les  graines  &  les  vers  de  la  terre; 
iî  fe  nourrit  auili  de  fruits.  On  ne  voit  point  cet  oifeau  en  Italie;  il  - 
y  en  a  une  bonne  quantité  en  Angleterre.  Beaucoup  de  perfonnes 
le  prennent  pour  une  véritable  corneille,  mais  les  Laboureurs  le  dif- 
tinguent  facilement  par  la  peau  blanchâtre  &  farineufe  qui  recouvre 
la  bafe  du  bec.  Ils  le  chafflnt  en  faifant  beaucoup  de  bruit  avec  des 
chauderons,  ou  autres  inftrumens  bruyans,  en  jetant  des  pierres  dans 
fon  nid,  en  attachant  à  des  arbres  des  machines  qui  ont  des  ailes 
comme  des  moulins  à  vent,  ou  en  plaçant  dans  leurs  terres  labourées 
des  épouvantails  habillés.  On  l'appelle  vulgairement  corneilU  moif- 
fonneiifc, 

FRIGANE.  Foyei  Charrée  Gr  tanïch  Phrygane. 

FRIGAKD.  Voyci  à  la  fin  de,  Cartick  Hareng. 

FRIMAT ,  eft  la  même  chofe  que  \q givre.  Voyez  ce  mot. 

FRIPIERE.  Nom  donné  à  une  coquille  du  genre  des  limaçons  à 
bouche aplatie.S^  robe  fe  trouve  ordinairement  chargée  d'autres  coquilles 
plus  ou  moins  mutilées  ,  &  de  cailloux. 

FRIQUET,  Pajjer  ûr/^oz-ew^.  Petit  oifeau ,  dont  le  bec  eft  court, 
noirâtre,  un  peu  gros.  lia  les  pieds,  les  jambes,  les  ailes  &  la  tête 
comm.e  le  moineau  de  muraille  :  on  Tappelle  aufti  moineau  de  noyer  ; 
&  quelques-uns  croient  que  c'eft  le  même  que  le  moineau  d'arbre.  Voyez 
ces  mots.  Le  friquet  ne  fait  que  s'agiter  àc  frétiller  fur  les  arbres.  Son 
plumage  eft  comme  jafpé. 

FRITILLAIRE,yr/>/7/ûr/^.  Cette  plante  liliacée  eft  fort  recherchée 
des  Fleuriftes.  Sa  racine  eft  bulbeufe  ,  folide  ,  blanche,  fans  tuniques  , 
compofée  de  deux  tubercules  charnus,  demi-fphériques,  ayant  en 
deffous  plufieurs  fibres.  Sa  tige  eft  haute  d'un  pied,  grêle,  ronde, 
purpurine,  fongueufe  en  dedans;  portant  (îx  ou  fept  feuilles  creufes, 
étroites,  rangées  fans  ordre  ,  un  peu  femblables  à  celles  de  la  barbe  du 
bouc,  &  d'un  goût  acide.  Son  fommet  porte  ordinairement  deux  fleurs 
à  (ix  feuilles,  fans  calice  ,  difpofées  en  cloche,  tachetées  en  tablettes 
d'échiquier,  ou  en  fiçon  de  damier,  émaillées  de  diverfes  couleurs 
incarnates,   &  très-agréables  à  la  vue:  (  M.  Delai^e   obferve    que 

Toma  //,  N  n  n  n  n 


«$54  F  R  O 

chaque  feuille  de  la  corolle  aune  petite  fofTette  au-defTus  de  l'ongle, 
ce  qui  fert  à  caradérifer  ce  genre  )  il  leur  fuccede  un  fruit  oblong, 
triangulaire,  &  rempli  de  femences  aplaties. 

La  fritillaire  croît  dans  les  prés:  on  la  cultive  dans  les  jardins  à 
caufe  de  la  beauté  de  fes  fleurs.  Elle  fleurit  en  Mars  :  fa  racine  eft 
réfolutive.  Si  Ton  confulte  Miller ,  on  apprendra  l'art  de  perfedionner 
la  culture  des  différentes  fortes  de  frîtillaires. 

FROLE  ou  CHAMCECERASUS.   Voyei  à  la  fin  des  articles  Czi^i- 

SIER   &    ChEVRE-FEUILLE. 

FROID.  Cette  fenfation,  oppofée  au  chaud,  doit  fa  naiflfance  à 
des  caufes  purement  naturelles,  à  des  agens  que  l'art  des  hommes 
n'a  point  excités ,  mais  qui  obéifTent  Amplement  aux  lois  générales 
de  l'Univers.  Tel  eft  le  froid  qui  fe  fait  fentir  en  hiver  dans  nos 
climats.  Tel  eft  celui  qu'éprouvent  les  habitans  des  Zones  glaciales 
pendant  la  plus  grande  partie  de  l'anncee  La  plupart  des  hommes 
favent  que  quantité  de  pays  font ,  par  leur  fituation  &  la  nature  de 
leur  terrain,  beaucoup  plus  froids  que  leur  latitude  ne  femble  com- 
porter. En  général  ,  plus  le  terrain  d'un  pays  eft  élevé,  &  fitué  vers 
le  milieu  des  grands  continens ,  plus  le  froid  qu'on  y  éprouve  eft  con- 
fidérable.  Mofcou  par  cette  raifon  eft  beaucoup  plus  froid  qu'Edim- 
bourg. C'eft  une  chofe  conftante  dans  tous  les  pays  du  monde,  que  le 
froid  augmente  à  mefure  qu'on  s'éloigne  de  la  furface  de  la  terre  :delà 
vient  qu'au  Pérou,  dans  le  centre  même  delà  Zone  torride  ,  les  fom- 
mets  de  certaines  montagnes  font  couverts  de  neiges  &  de  glaces  que 
l'ardeur  du  folêil  ne  fond  jamais.  îl  paroit  que  la  Sibérie  ,  fi  on  s'en  rap- 
porte aux  rivières  qui  y  prennent  leur  fource  ,  eft  peut-être  le  pays 
du  monde  le  plu3  élevé.  Je  demande  quel  froid  n'y  éprouve-t-on  pas. 

Les  vents  ont  une  influence  très-marquée  fur  les  vicilîitudes  des  fai- 
fons ,  ils  apportent  fouvent  avec  eux  l'air  de  certaines  régions  plus 
froides  que  la  nôtre  ,  ce  qui  rafraîchit  notre  atmofphere.  Ainfi  le  froid 
eft  plus  général  ou  plus  particulier,  félon  que  le  vent  du  Nord  qui 
l'amené  rcgne  fur  une  plus  grande  ou  fur  une  moindre  étendue  de  pays  ; 
il  eft  d'autant  plus  confidérable ,  que  les  régions  d'où  vient  ce  vent  de 
Nord  ,  font  plus  vcifines  du  Pôle  ,  ou  plus  froides  d'ailleurs  par  quelques 
caufes  locales.  Lèvent  de  Nord  nous  apporte  en  aflez  peu  de  temps  l'air 
ou  le  froid  des  pays  feptentrionaux.  On  trouve  par  un  calcul  fort  aifé 
qu'un  tel  vent  alTez  modéré  qui  parcourroit  quatre  lieues  par  heure , 


F  R  O  8  5  jr 

■  apporteroit  Tair  du  Pôle  à  Paris  en  moins  de  onze  jours.  Ce  même  air 
arriveroit  en  cette  Capitale  en  fept  jours  par  un  vent  violent ,  quiferoit 
par  heure  jufqu'à  fîx  lieues.  Un  vent  de  Nord  ,  Nord-Eft  ,  viendroit 
de  la  Norwege  ou  de  la  Laponie  en  moins  de  temps.  Quoi  qu'il  en 
foit,  en  efl:  alFuré  qu'un  vent  n'eft  froid  ,  que  parce  qu'il  prend  fa  di- 
redion  de  haut  en  bas  :  les  vents  qui  ont  pafle  fur  les  fommets  des  mon- 
tagnes refroidiffent  beaucoup  les  plaines  voifines  ,  dans  lefquelles  ils  fe 
font  fentir  ,  principalement  lorfque  ces  montagnes  font  couvertes  de 
neiges  ,  ainfi  qu'on  l'obferve  en  Suifîe. 

Depuis  qu'on  a  redifîé  la  conftrudion  des  thermomètres  ,  on  a  ob- 
fervé  avec  beaucoup  d'exaditude  certains  froids  exceflifs  en  diflPérens 
lieux  de  la  terre.  La  table  fuivante  fera  connoître  quelques-uns  des 
principaux  réfultats  de  ces  diverfes  obfervations  ;  elle  eft  tirée  d'une  au-» 
tre  table  un  peu  plus  étendue  ,  donnée  par  M.  de  Lijle ,  à  la  fuite  d'un 
Mémoire  très- curieux  du  même  Académicien,  furies  grands  froids  de 
la  Sibérie.  Ce  Mémoire  eft  imprimé  dans  le  Recueil  de  f  Académie  des 
Sciences ,  ann.  lyà^^» 

Ta  BLE  des  plus  grands  degrés  de  froid  obfervés  jufquici  en  diférens  lieux 

de  la  Terre» 

Degrés  au-defTous  de  la  congélation,  fuivant  la  divifion 

de  Réaumur  C^). 

A  Aftracan ,  en  1746  -     -     ~-     -     ----.---24-, 

A  Péterfbourg ,  en  1749    -----------  30, 

A  Québec,  en  1743     ------------  53. 

A  Tornéao  en  Laponie ,  en  1737     --------  37. 

A  Tomsck  en  Sibérie,  en   1735*  --------     -  S^ 

A  Kirenpa  en  Sibérie,  en  1738  ---------  63  ^ 

A  Yenifeilk  ou  Yenifcéa  en  Sibérie ,  en  1735*     -----  70. 

Pour  peu  qu'on  confulte  cette  table,  on  fera  bientôt  pleinement 
convaincu  qu'un  froid  égal  à  celui  qui  fe  lit  fentir  à  Paris  en  1709 
(  notre  grand  hiver)  exprimé  par  quinze  degrés  &  demi  au-deflfous  de 

[a)  On  eft  parvenu  à  un  degré  de  froid  beaucoup  plus  confidérable  à  Péterlbourg  , 
puifque  le  mercure  s'y  eft  figé  ;  mais  il  eft  vrai  que  l'arc  aidoit  beaucoup  la  nature. 
Ce  degré  de  froid  étoic  de  186  degrés  au-delTous  de  o  de  la  divifion  de  Rcuumur, 

Nnnnn  2 


^^i  F  R  O 

la  congélation ,  eft  un  froid  très-médiocre  à  beaucoup  d'égards.  Le 
froid  qu'on  a  marqué  le  quatrième  eft  celui  qu'éprouvèrent  en  1737, 
Meifieurs  les  Académiciens  qui  allèrent  en  Laponie  pour  mefurer  un 
degré  du  méridien  vers  le  cercle  polaire  ;  les  thermomètres  d'efprit-de- 
vin  fe  gelèrent  par  un  tel  froid,  &  quand  on  ouvroit  une  chambre  chaude, 
l'air  de  dehors  convertifloit  fur  le  champ  en  neige  la  vapeur  qui  s'y  trou- 
voit,&  en  formoit  de  grands  tourbillons  blancs  ;  lorfqu'on  fortoit,  l'air 
fem.bloit  déchirer  la  poitrine.  Pendant  une  opération  qui  fut  faite  fur 
la  gîace  le  21  Décembre, le  froid  gela  les  doigts  deplufieurs  ouvriers; 
la  langue  &  les  lèvres  fe  colloient  &  fe  geloient  contre  la  talTe  lorfqu'on 
vouluit  boire  de  l'eau- de-vie,  qui  étoit  la  feule  liqueur  qu'on  pût  con- 
ferver  aflez  liquide  pour  la  boire  ,  &  ne  s'en  arrachoient  que  fanglantes. 
Qu'on  juge  de  ce  qu'a  dû  produire  le  froid  qu'on  a  reflenti  au  Spitzberg, 
à  Yenileik.  On  aflure  qu'à  Yakutsky  en  Sibérie  ,  la  terre  ne  dégelé 
jan;ais,  même  dans  l'été,  à  plus  de  deux  pieds  de  furiace,  &  que  lorfque 
les  habitans  enterrent  leurs  morts  à  trois  pieds  de  profondeur ,  ils  font 
sûrs  de  trouver  de  la  glace,  de  forte  que  les  corps  fe  confervent  fans 
fe  corrompre,  &  reftent  conftam.ment  dans  l'état  où  on  les  met  en 
terre. 

On  n'a  point  d'obfervations  du  thermomètre  faites  à  la  Baye  d'Hud- 
fon ,  mais  on  fait  que  dans  ces  contrées ,  lorfque  le  vent  fouffle  des 
régions  Polaires,  l'air  efi:  chargé  d'une  infinité  de  petits  glaçons  que  la 
la  fimple  vue  fait  appercevoir.  Ces  glaçons  piquent  la  peau  de  manière 
à  y  exciter- des  ampoules,  qui  d'abord  font  blanches  &  tendres,  &  qui 
deviennent  «nfuite  dures  comme  la  corne.  Chacun  fe  renferme  bien 
vite  par  des  temps  fi  affreux,  &  quelque  précaution  qu'on  prenne, on 
ne  fauroit  s'empêcher  de  fentir  vivem.ent  le  froid.  Dans  les  plus  petites 
chambres  &:  les  mieux  échauffées,  toutes  les  liqueurs  fe  gèlent ,  fans 
en  excepter  l'eau-de-vie  ;  &  ce  qui  paroîtraplus  étonnant  5  c'eft  que  tout 
rintérieur  des  chambres  &  les  lits  fe  couvrent  d'une  croûte  de  glace 
épiîiife  de  plufieurs  pouces,  qu'on  eft  obligé  d'enlever  tous  les  jours. 

Nous  avons  parlé  aux  articles  arbres  èi plantes ,  des  funeftes  effets  que 
les  fortes  gelées  qui  accompagnent  les  grands  froids,  produifent  furies 
végétaux  :  nous  dirons  ici  quelque  chofe  des  effets  du  froid  fur  le 
corps  des  animaux.  Les  Auteurs  difent  qu'un  air  froid  relferre,  raccour- 
cit les  fibres  animales ,  qu'il  condenfe  les  fluides ,  les  coagule  &  les 
gele  quelquefois  j  qu'il  agit  particulièrement  en  defféchant ,  en  épaif-. 


FRO  837 

fiflant  confîdérablement  le  fang  qui  y  coule ,  Sec.  delà  les  différentes 
maladies  cauféespar  le  froid  ,  les  engelures  des  membres  ,  les  catharres, 
le  fcorbut ,  le  fphacele  ,    la  gangrené  ,  l'apoplexie,  la  para'yfie ,  & 
même  les  fluxions  de  poitrine.  Le  froid  fupprime  quelquefois  les  règles 
des  femmes ,  tue  fubitement  les  hommes  ,  &  plus  fouvent  les  autres 
animaux  qui  ne  peuvent  pas  comme  l'homme  fe  mettre  à  l'abri  des  in- 
jures de  l'air.  Ceci  doit  paroître  étonnant  à  ceux  qui  apprendront  que 
la  chaleur  animale  répond  dans  Thomme  au  trente-deuxième  degré  au- 
deflus  de  la  congélation  du  thermomètre  de  M.  de  Réaumur  :  on  feroit 
encore  plus  furpris  fi  Ton  voyoit  les  grands  défordres  &  même  les  effets 
poflhumes  qui  arrivent  dans  l'économie  animale  préalablement  attaquée 
d'un  extrême  froid.  Quand  on  parcourt  les  glaciers  de  la  Suifle  ,  on  efl 
quelquefois  furpris  &  tranfi  par  le  froid  ,  fur-tout  quand  on  voyage  à 
cheval.  Le  danger  fe  manifefte  par  une  forte  envie  de  dormir  ;  fi  l'on  ne 
fe  donne  pas  aufli-tôt  beaucoup  de  mouvement ,  la  mort  efl:  inévitable  , 
mais  elle  efl:  fort  douce  :  la  furface  de  tout  le  corps  meurt  la  première. 
Lorfqu'il  arrive  à   quelque  voyageur  dans  le  Canada  de   mourir  de 
froid  ,  on  l'enterre  dans  la  neige  ,  où  on  le  laiiTe  jufqu'au  lendemain 
&  il  efl  pour  l'ordinaire  en  état  de  fe  remettre  en  chemin.  S'il  ne  revient 
pas  aflez  vite  à  la  vie  ,  on  jette  un  peu  de  fumier  fur  la  neige  qui  le 
recouvre ,  &  cela  fuffit.  Au  refle ,  ceux  qui  meure  fous  la  neige ,  s'y 
confervent  très-long-temps  ;  mais  dès  qu'ils  font  expofés  à  l'air ,  ils  fe 
corrompent  promptement. 

Les  Phyfiologiftes ,  les  Pathologlfî:es ,  &c-  ne  ceflVnt  de  s'occuper 
de  la  caufe  phyfique  &  morbifique  du  froid.  Mais  que  l'on  eft  éloigné 
des  mioyens  de  fe  garantir  intérieurement  des  ravages  qu'il  caufe  trop 
communément ,  fur-tout  dans  les  pays  Septentrionaux.  Quant  à  l'exté- 
rieur ,  le  premier  moyen  que  les  hommies ,  nés  nuds,  &  laifles  à-peu- 
près  fans  défenfe  à  l'égard  du  froid,  ont  trouvé  pour  fe  mettre  un  peu 
à  l'abri  de  cette  impreflion  défagréable,  a  été  vraifemblablement  de  fe 
mettre  derrière  un  arbre,  dans  quelque  creux  dérocher,  quelque  ca- 
verne :  le  beloin  de  le  nourrir  ne  pouvant  attendre  la  durée  des  injures 
de  l'air ,  il  fallut  paiTer  d'un  lieu  dans  un  autre ,  ce  fat  alors  qu'on 
s'apperçut  que  la  nature  avoit  donné  aux  bêtes  différens  moyens  atta- 
chés à  leur  individu  ,  tels  que  les  poils  ,  les  plumes  ,  &:c.  dont  le  prin- 
cipal ufage  paroiffoit  être  de  couvrir  la  furface  de  leur  corps,  &  delà 
défendre  des  imprefllons  fâcheufes  que  pouvoient  leur  caufer  les  corps 


858  F  R  O 

ambians  :  envier  cet  avantage  &  fentir  que  l'on  pouvoit  fe  Tapproprier, 
ne  furent  prefque  qu'une  même  réflexion.  En  effet,  l'homme  qui  eut  en 
partage  l'intelligence  nécefTaire,  ne  tarda  pas  à  fe  procurer  par  art  les 
fecours  propres  à  braver  les  intempéries  des  faifons  :  il  fe  détermina 
donc  bientôt  à  facrifîer  à  fes  befoins  les  bêtes ,  auxquelles  il  crut  voir 
les  couvertures  les  plus  convenables  qu'il  pût  convertir  à  fon  ufage.  Il 
n'eut  pas  à  balancer  pour  le  choix  ;  les  animaux  dont  les  fourrures  font 
les  plus  fournies  ,  durent  avoir  tout  de  fuite  la  préférence  :  c'eft  là  vrai- 
femblablement  le  premier  motif  qui  a  porté  les  hommes  à  égorger  les 
animaux  :  on  avoit  donc  des  fourrures  ,  mais  on  n'avoit  pas  l'art  de  les 
appliquer  bien  intimement  fur  toutes  les  parties  du  corps  :  le  temps  & 
rinduftrie  ont  perfedionné  ces  moyens  :  quelle  différence  du  vêtement 
&  du  domicile  d'un  ancien  Lapon  avec  nos  habillemens  &  nos  palais  :  le 
premier  vivoit  content  dans  une  grotte  glacée  ;  &  nous  nous  plaignons 
dans  une  région  tempérée  ,  dans  un  air  échauffé  par  des  poêles  ou  par 
des  feux  domeftiques  j  ajoutons  à  cela  les  paravents ,  les  rideaux  ,  les 
alcôves ,  &c. 

Il  convient  de  dire  ici  que  dans  le  cas  oii  l'on  reffentira  des  douleurs 
vives  caufées  par  le  froid  ,  on  fera  des  fridions  fur  les  parties  affligées, 
avec  des  linges  chauds.  Les  vieillards  qui  ont  une  difpofition  fi  contraire 
à  la  génération  de  la  chaleur ,  doivent  en  pareille  occafion  ,  faire  ufage 
de  liqueurs  fpiritueufes  ,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur  ,  afin  de  four- 
nir aux  organes  vitaux  des  aiguillons  pour  exciter  leurs  mouvemens. 
Nous  venons  de  dire  que  les  hommes  ont  des  moyens  de  fe  garantir 
du  froid  ;  mais  comment  cette  induftrie  eft-elle  fuppîéée  dans  les  bru- 
tes ?  Une  Providence  admirable,  dit  un  Auteur  moderne,  fait  que  les 
quadrupèdes  des  terres  aréiques,  les  rhennes,  les  ours ,  les  renards,  les 
oifeaux  m.ême  ,  &  certains  animaux  de  l'ordre  des  baleines ,  ont  toute 
leur  graiflè  entre  la  chair  &  la  peau  :  la  chair  eu.  extrêmement  brune  , 
maigre  &  remplie  de  fang  en  plus  grande  quantité  que  celle  des  animaux 
des  zones  torrides.  Cette  abondance  de  fang  doit  caufer  une  chaleur 
capable  de  réfifler  au  froid  extrême  du  climat ,  &  la  grailfe  qui ,  dit- 
il  ,  enveloppe  la  chair  au  dehors ,  doit  empêcher  la  chaleur  de  s'exha- 
ler ;  mais  la  graiffe  n'enveloppe  pas  la  chair  de  tous  les  animaux.  Au 
refte  le  froid  ne  peut  être  abfolu  :  il  exifte  toujours  quelques  particu- 
les ignées.  Cet  article  exige  qu'on  life  les  mots  Montagnes  ,  Air  , 
Feu ,  Vents ,  Glace ,  Gelée,  Chaud. 


F  R  O  "2  s  9 

FROMAGE  DE  HOLLANDE.  Nom  donné  au  hoh  épineux  des 
Antilles.  Voyej  ce  mot. 

FROMAGER  ou  SAAMOUNA.    Arbre   d'une  figure  extraordi- 
naire, qui  croît  dans  les  Indes  &  dans  les  Antilles,  à  la  hauteur  du 
pin;  c'eftie  gojfampînus  àcs  Botanifles  ,  qui  le  défignent  encore  fous 
ce  cara<5i:ere  ccyba  vit'icis  folio  acuUata^  Tourne/,  Le  haut  &  le  tronc  de 
cet  arbre   font  de  la  grofleur  ordinaire  aux  autres  arbres,  mais  fon 
milieu  eft  relevé  de  plus  du  double  tout  autour  ;  les  racines  qui  font 
très -greffes,  fortent  hors  deterredefept  à  huit  pieds,  &  forment '^comme 
des  appuis  ou  arcs-boutans   autour  de  la  tige;  le  bout  de  fes  racines 
s'étena  beaucoup  à  la  ronde.  Le  bois  du  fromager  eft  fort  difficile  à  couper 
quand  il  ed  vieux,  il  eft  pliant  &fouple  5  moelleux,  poreux,  comme  du 
îiege  très-tendre,  gris  en  dehors,  blanc  en  dedans,  &  recouvert  d'une 
écorce  grife  remplie  de  rugofités  épineufes.   On  a  appelle  cet  arbre 
fromager,  parce    que  fon  bois  reifemble  à   du  fromage  un  peu  mou; 
fa  tige  eft    toujours   verdâtre  ,  fes  rameaux   font  étendus  en  large, 
droits,  rangés  par  ordre,  oppofés  les  uns  aux  autres;  fes  feuilles  font 
vertes  ,  oblongues,  veineufes  &  incifées  très-profondément,  attachées 
cinq  à  cinq  à  des  queues  longues,  comme  celles  de  la  quinte-feuille j, 
{qs  fleurs  font  rouges,  quelquefois  blanches,  fuivies  de  fruits  faits  en 
tuyaux  ou  gouifes,  larges  de  deux  pouces,  fur  fix  à  fept  de  longueur. 
Ces  fruits  étant  mûrs  contiennent  des  iemences  d'un  rouge  noirâtre, 
groffes  comme  un  petit  pois ,  &  garnies  d'une  efpece  de  coton  gris 
de  perle  ou  de  laine  blanchâtre,  d'une  extrême  finefle,  luifante ,  mol- 
lette &  foyeufe  au  toucher,  mais   dont   les   filamens   font  fi  courts, 
qu'elle  ne  peut  être  ni  cardée  ni  filée ,  ou   que  très-difficilement  ;  ce 
fruit  n'eft  pas  plutôt  mûr,  que.  fa  coque  crevé  avec  quelque  bruit,  & 
le    coton   feroit  auiii  -  tôt  emporté  parle  vent,   s'il  n'étoit  recueilli 
avec  beaucoup  de  foin.  Les  Indiens  en  font  l'ufage  que  nous  fiuons 
du  duvet   pour  garnir  les  oreillers,  les  couflins  &   les  couvre-pieds: 
on  en  garnit  aujourû'hui  des  lits  de  plume;  elle  y  eft  d'autant  plus  pro- 
pre, qu'elle  eft  bien  mollette,  d'une  grande  légèreté,  &  qu'elle  pro- 
cure   une    chaleur    douce  :    on    doit   fur -tout  prendre   garde    que 
quelque  étincelle  de  feu  ne  tombe  deffiis  :  car  cette  forte  de  coton  ou 
ouatte  s'allume  très  facilement ,  &:  feroit  confumée  avant  que  l'on  eût 
pu  l'éteindre.  Auifi  les  Nègres  &  les  Chafleurs  du  pays    l'emploient- 
ils  au  me  me  ufage  que  l'amadou  ;  pour  cet  effet  ils  le  portent  dans 


840  F  R  O 

de  petites  calebafTes.  On  en  garnit  des  pièces  d'eftomac  pour  exciter 
la  chaleur  dans  les  parties  fur  lefqaeiL^s  on  les  applique:  on  prétend 
qu'on  en  pjurroit  fabriquer  de  beaux  chapeaux.  Il  découle  de  l'arbre 
une  gomme,  qu'on  néglige  :  peut-être  en  pourroit-on  tirer  parti. 
Le  bois  du  fromager  eft  de  peu  de  durée ,  on  ne  s'en  fert  dans  le  pays 
qu'à  faire  des  canots  qu'il  f^ut  renouveller  fouvent ,  fon  écorce  eft 
employée  avec  furcès  dans  les  tifanes  contre  la  petite  vérole. 

Le  fromager  vient  très-bien  de  bouture,  on  le  plante  ordinairement 
devant  les  maifons  pour  jouir  de  la  fraîcheur  de  fon  ombre,  &  on  le 
choifit  de  préférence  à  un  autre ,  parce  qu'il  devient  gros  en  peu  de 
temps,  très-feuiîlu,  ôc  qu'on  fait  prendre  à  fes  branches  la  forme  & 
la  Htuation  que  l'on  défire.  Ses  épines  mettent  fa  délicatefle  à  l'abri  des 
infultes  de  l'étourderie.  On  prétend  même  que  les  habitans  font  quel- 
quefois fervir  ces  épines  au  même  ufage  que  les  clous. 

FROMiiNT,  triticurn,  C'eft  un  nom  que  l'on  donne  en  général  aux 
grains  qui  naiflunt  dans  un  épi;  mais  on  le  donne  par  excellence  au  blé, 
cette  plante  prefque  univerfelle.  Voye^  Blé.  Il  y  a  des  endroits  oii 
l'on  ne  met  point  l'orge  &  l'avoine  au  nombre  des  fromens  :  on  les 
appelle  ordinairement  les  Mars ,  parce  que  ce  mois  eft  la  faifon  où  l'on 
commence  à  les  femer.  Voye:^^  l\irtLcU  Blf,  pour  la  culture  de  ce  grain , 
fes  maladies  &  la  manière  de  les  préferver  de  la  deftruélion  occafionnée 
par  la  fermentation  ,  ou  par  l'atta  ;ue  des  infedes. 

S-^lon  M.  Adanfon,  on  peut  diftinguer  les  fromens  au  premier  abord 
en  confîdérant  la  gaine  de  leurs  feuilles  qui  eft  cylindrique,  couronnée 
d'une  membrane  courte,  &  accompagnée  de  deux  oreillettes  latérales  , 
qui  fe  recourbent  en  demi-cercle  pour  embrafler  la  tige.  Ces  plantes 
ont  depuis  deux  jufqu'aux  fix  fleurs  hermaphrodites ,  raflemblées 
enfemble  dans  le  même  calice.  La  plupart  des  fleurs  fupérieures  des  fro- 
mens avortent. 

FROMENTAL  ou  FAUX  FROMENT,  nommé  improprement 
faux  jtigU  ,  connu  aujourd'hui  le  plus  communément  fous  le  nom  de 
ray-gmjj.  Voyez  ce  mot.  M.  HalUr  dit  que  le  fromental  eft  le  gramen 
avenaceurn  elutius  ;  &  que  l'herbe  appellée  ray-grajf  eïï  \q  loL'ium  pcrennc 
qui  vient  le  long  des  chemins. 

FROMENT  LOCAR ,  Froment  rouge  ou  épeautre  ou  blé 
LOCULAR ,  lea.  Efpece  de  froment  affez  connu  dans  les  endroits  rudes 
&   montagneux   de  l'Egypte,   de  la  Grèce,  de  la  Sicile,  &  qu'on 

cultive 


PRO  F  R  U  §4t 

cultive  cependant  comme  les  autres  efpeces  de  froment ,  même  en 
SuiflTe  &  en  Franconie.  Cette  plante  a  une  racine  fibreufe  :  elle  poulie  , 
ainfi  que  le  blé  ordinaire,  un  nombre  de  tuyaux  menus,  à  la  hauteur 
d'environ  deux  pieds  :  fes  feuilles  font  étroites ,  fes  épis  font  difpofés 
comme  ceux  de  l'orge,  &  la  femence  en  eft  menue,  de  couleur  rou- 
geâtre.  La  graine  de  cette  efpece  de  froment  fert  à  faire  de  la  bière, 
&  même  du  pain;  car  fa  farine  eft  fouvent  très-belle,  fans  aucun  mau- 
vais goût;  il  eft  vrai  que  le  grain  eft  fec  &  diffère  de  celui  du  fro- 
dnent  par  fa  petitelfe  &  par  l'attachement  des  balles  au  grain  ;  elles,  ne 
s'en  féparent ,  dit  M.  HalUr ,  qu'avec  une  machine  qui  donne  au  blé 
un  mouvement  circulaire. 

M.  Bourgeois  obferve  que  la  balle  de  l'épeautre  que  l'on  cultive  en 
Suifle,  eft  très-utile  pour  nourrir  les  chevaux;  on  s'en  fert  en  place  de 
paille  hachée,  elle  eft  même  plus  nourriflanté,  &  les  chevaux  en  font 
friands;  on  y  mêle  un  peu  d'avoine.  Elle  eft  fort  recherchée  dans  les 
années  de  difette  de  paille  &  de  foin.  On  s'en  fert  aulfi  en  Suifle  pour 
les  paillafles  des  enfans  au  berceau  ou  qui  urinent  dans  le  lit  ;  elle 
abforbe  beaucoup  mieux  que  la  paille  fhumidité  de  l'urine.  Les 
Anciens  faifoient  avec  le  grain  de  l'épeautre  leur  fromentln.  Voyez 
Millet. 

FRONDIPORE.  Eft  le  millepore  dont  les  rameaux  font  difpofés 
en  feuilles  épaiffes  ou  en  manière  d'écorce.  On  diroit  d'une  croûte 
piquée  de  petits  points  comme  de  trous  d'aiguilles.  L'efpece  de  poly- 
pier appellée  corn&  de.  daim  eft  un  frondipore.  Voye^  Millepore  & 
Retépore. 

YVJJYÏ ,  frucîus.  Eft  le  nom  qu'on  donne  à  la  fubftance  repro- 
ducflive  de  l'arbre  ou  de  la  plante;  ainG  le  gland  eft  le  fruit  du  chêne; 
le  fruit  du  poirier,  eft  la  poire;  celui  du  frailier  eft~la  fraife,  &c.  Le 
nom  de  fruit  s'étend  également  de  toutes  fortes  de  graines,  foit  nues, 
foit  renfermées  dans  une  enveîo[)pe  ligneufe  ou  charnue  ,  ou  mem-<, 
braneufe,  ou  épineufe ,  &c. 

On  remarque  dans  les  fruits  les  mêmes  parties  eflentielles  que  dans 
les  plantes;  favoir,  les  peaux  &  membranes,  les  pulpes  ou  chairs, 
&  les  fibres  ou  corps  ligneux.  Si  l'on  confidere  le  fruit  par  fa  fubf- 
tance,  on  trouvera  qu'il  n'y  a  prefque  pas  de  limites,  dit  M.  Adan- 
fon  ,  entre  la  baie  du  pêcher,  la  pomme,  le  grain  de  raifin  ou  de 
grofeille  :  fouvent  le  même  fruit  eft  d'abord •<;harnu  en  baie  ,  &  enfuite 
Tome  //,  O  o  o  o  o 


842  F  R  U 

devient  une  écorce  ou  une  capfule,  comme  dans  quelques  brîonnes 
Se  dans  certaines  verveines.  La  figure  du  fruit  varie  beaucoup  ,  il 
eft  communément  fphériquc  ou  ovoïde:  mais  il  y  en  a  d'ailes,  d'an- 
guleux, d'enflés,  d'articulés.  Le  mcme  Auteur  ne  regarde  pas  comme 
fruit  les  écailles  ou  feuilles  du  calice  ou  le  difque ,  ni  aucune  autre 
partie  de  la  fleur ,  (  &  avec  raifon  ,  dit  M.  Ddmr^c ,  puifqu'elles  fe 
rencontrent  dans  des  fleurs  ftériles ,  )  mais  feulement  celles  de  l'ovaire 
{a).  Selon  ce  fyfl:éme  il  y  a  des  plantes  fans  fruit,  c'efl:-à-dire  à 
graines  nues;  d'autres  à  fruit  fec,  membraneux  ou  coriace,  telle  efl: 
la  capfule  ou  filique  ;  le  fruit  d'abord  charnu,  enfuite  fec  comme  une 
ccorce  ,appellée  hrou  ;  le  fruit  charnu  en  entier,  en  baie  ou  pomme; 
le  fruit  charnu  en  dedans  &  recouvert  au  dehors  d'une  écorce  ou  croûte  , 
ou  ofielet  5  ou  fubfl:ance  ligneufe  ;  enfin  le  fruit  en  offelet  fans  chair. 

On  doit  encore  faire  attention  au  nombre  des  loges  d'unfruit,  &  que 
la  plupart  des  fruits  charnus,  en  baie,  en  pomme,  ou  en  écorce,  ne 
s'ouvrent  pas ,  à  moins  qu'ils  ne  foient  un  peu  fecs  ;  &  l'ouverture  fe 
fait  'chez  les  uns  par  le  fommet ,  chez  d'autres  par  la  bafe,  ou  tranf- 
verfalement ,  ou  par  des  trous  ou  panneaux,  ou  par  des  valves  com- 
me articulées.  Les  cloifons  des  fruits  font  placées  afl'ez  différemment 
dans  les  différens  fruits.  Voyf{^  l'article  Graine. 

Entre  les  fruits  on  diflingue,  i°.  les  fruits  à  noyaux,  ^///?^;  comme 
font  les  prunes,  cerifes ,  pèches ,  abricots  :  2°.  les  fruits  à  pépin,  comme 
les  fraifes,  framboifes,  grofeilles,  pommes,  poires:  3°.  on  dit  aufli  les 
fruits  d'été,  les  fruits  d'automne,  les  fruits  d'hiver  ,  à  caufe  des  diffé- 
rentes faifons  o\\  on  les  mange.  Les  fruits  à  noyaux  font  de  la  première 
faifon  ,  &  ne  font  aucunement  de  garde  ;  quelques-uns  des  fruits  à 
pépin,  comme  les  poires,  les  pommes,  font  communément  de  la  der- 
nière faifon.  On  appelle  fruits  rouges,  ceux  qui  ont  cette  couleur ,  & 
qui  viennent  abondamment  dans  les  mois  de  Juin  ,  de  Juillet  :  tels  font 
les  fraifes,  les  framboifes,  les  grofeilles ,  les  cerifes,  les  bigarreaux. 
D'autres  fruits  confervent  long-temps  leur  couleur  rouge  fans  fécher 


(>z)  M.  Ddcu:^e  dit  ici  que  les  réeeptacles  communs  des  fleurs  aggrégées  ,  fufrcnt-ils 
pulpeux  ,  ne  font  pas  des  fruits  :  la  iî^^ue  ,  dit  il ,  n'en  eil  pas  un  ,  quoiqu'elle  en  ait 
l'apparence.  C'eft  un  réceptacle  comnii'n  ,  concave  &  prefque  ferme  ,  dont  la  figure 
&  la  confiftance  charnue  en  impofent  &  le  font  prendre  au  premier  coup  d'oeil  pour 
un  fiuic 


F  R  U  843 

ni  fe  gâter ,  ce  qui  fait  qu'on  les  mêle  parmi  les  bouquets  de  deflerts. 
La  marque  de  la  mdturité  &  du  point  auquel  on  doit  manger  ces  fruits , 
eft  lorfque  leur  queue  ne  tient  pas  beaucoup. 

On  appelle  fruits  de  terre  ceux  qui  viennent  à  plate  terre  ;  tels  font 
les  melons,  \qs  potirons ,  les  concombres ,  de  autres  courges;  il  y  en  a  plu- 
lieurs  autres  qui  appartiennent  aux  légumes  :  voyez  ce  mot.  L'on  donne 
le  nom  de  fruit  ligneux  à  la  noix,  à  l'amande,  à  Tav^line  ;  &  celui  de 
fruit  à  robe  au  marron  ;  tous  contiennent  la  matière  reproductible  de 
leur  efpece.  On  appelle  fruit  véreux  ,  celui  q\ii  a  éré  attaqué  &  rongé 
par  des  vers,  chenilles ,  faufles  chenilles  ou  autres  infectes.  Moins  l'an- 
née eft  abondante  en  fruits,  plus  le  fruit  eft  fujct  à  être  véreux,  èc 
on  ne  manque  pas  de  s'en  plaindre. 

Pour  avoir  de  beaux  iruits,  il  faut  qu'ils  foient  greffés  chacun  félon 
fon  efpece  :  voye^  la  culture  de  chacun  dQS  fruits  en  particulier  à  l'ar- 
ticle de  i\- rbre  ou  de  la  plante  qui  le  produit.  A  l'égard  de  la  matu- 
ration des  fruits  ,  on  obferve  qu'en  général  les  plantes  qui  fleuriff^nt 
au  printems  fruétifient  en  été;  celles  qui  fleuriiTent  en  été  frudifient 
en  automne;  celles  qui  donnent  leurs  Beurs  en  automne,  fructifient  en 
hiver  lorfque  les  gelées  ne  les  font  pas  périr,  ou  qu'on  les  tient  dans 
les  ferres.  Les  plantes  qui  fleurillent  pendant  notre  hiver,  frudifient 
au  printems  dans  nos  ferres.  Le  terme  de  la  m.aturation  d&s  fruits ,  & 
celui  de  la  feuillaifon  ou  de  la  germination  des  plantes ,  donnent  l'ef- 
pace  ou  la  durée  de  leur  vie,  qui  eft  d'autant  plus  courte  pour  la  même 
efpece,  que  le  climat  ou  on  l'élevé  eft  plus  chaud  :  &  il  paroît.'en  gé- 
néral, dit  M.  Adanfon  ,  que  plus  la  chaleur  eft  égale  &  continue,  plus 
le  temps  que  les  plantes  annuelles  mettent  entre  le  moment  où  elles 
com.mencent  à  germer  &  celui  où  elles  fleuriilent,  eft  égal  à  celui  qui 
eft  entre  leur  fleuraifon  &:  leur  maturation  oufruclification,  ou  même 
leur  entier  dépêriflement.  Dans  les  arbres  qui  laiilent  un  intervalle 
beaucoup  plus  grand  que  le  commun  des  plantes ,  entre  la  fleuraifon 
&  la  maturation  des  fruits ,  on  peut  hâter  la  maturité  quand  on  veut; 
pour  cela  il  fuffit  d'ôter  une  partie  des  feuilles  de  l'arbre  qui  diminuent 
le  mouvement  de  la  fève;  lorfqu'on  ôte  trop  de  ces  feuilles  avant  que 
les  fruits  foient  parvenus  à  leur  groffeur ,  alors  ils  fe  fanent  &  le  fo- 
leil  les  defleche  trop. 

On  ne  doit  faire  la  cueillette  des  fruits  qu'au  point  de  leur  ma^ 
^urité.  Les  fruits  pulpeux  font  mûrs  lorfquen  les  tâtant  avec  la  main, 

Ooooo  ^ 


s 44  F  R  U 

ils  obéiflent  fous  le  pouce  ;  tels  font  îa  pêche,  l'abricot,  &  la  plupart  des 
prunes  ;  d'autres  doivent  fc  détacher  d'eux-mêmes  ou  à  très-peu  de 
chofe  près  ;  tels  font  le  brugnon  ,  la  pavie  ,  la  pêche  violette.  Plus  les 
faijons  font  pluvieufes,  plus  tard  les  fruits  mûriflent;  mais  en  quelque 
temps  que  les  fruits  m.ûrifTent ,  il  n'en  faut  faire  la  récolte  que  dans 
,de  beaux  jours,  &  faire  enforte  que  toutes  les  poires ayent  leur  queue  : 
lorfqu'iîs  font  cueillis,  on  les  porte  à  la  fruiterie,  oii  ils  acquièrent  une 
parfaite  maturité  a  l'abri  de  l'air  extérieur  qui  aigrit  &  aHàdit  toujours 
le  fruit.  Une  fruiterie,  pour  être  bonne,  doit  être  conftruite  de  murs 
épais,  un  peu  exhauifée ,  voûtée  delTus  &  deffous,  dans  un  lieu  fec  , 
dont  les  fenêtres  foient  tournées  au  midi.  Il  faut  aulîi  que  la  fruiterie 
foit  boifée  &  garnie  tout  autour  de  tablettes  de  bois  difpofées  en  pen- 
tes ,  &  couvertes  de  moufle  bien  féchée  au  foleil.  Confultez  U  Q^uin- 
tinie,  MilUr  prétend  que  les  fruits  fe  confervent  beaucoup  mieux  dans 
de  grandes  corbeilles  garnies  &  couvertes  de  paille  liée  avec  des  cordes , 
que  fur  des  tablettes ,  afin  de  les  garantir  de  l'accès  de  fair  de  la  frui- 
terie ;  mais  il  faut  avoir  foin  de  mettre  chaque  efpece  de  fruit  dans  des 
corbeilles  féparées,&  on  ne  doit  les  ouvrir  que  lorfque  le  fruit  eft  dans 
fon  temps  de  maturité  &  qu'on  veut  le  manger. 

Les  Cultivateurs  expérimentés  font  dans  l'ufage  de  retirer  la  terre 
d'auteur  des  beaux  arbres  à  fruit,  jufqu'à  huit  à  dix  pouces  de  pro- 
fondeur ,  &  jufqu'à  la  diftance  de  dix  pieds  de  l'arbre  de  tous  côtés, 
enfuite  de  fubftituer  d'autre  terre  de  bonne  qualité,  cependant  un  peu 
pierreufe  ;  l'on  fait  cette  opération  tous  les  ans  au  mois  d'Odobre,  ou 
au  moins  tous  les  tro's  ans:  il  faut  avoir  foin  de  ne  laifler  croître  au- 
cune plante  étrangère,  qui  ne  fert  qu'à  appauvrir  le  terrain.  Il  faut 
élever  les  arbres  fruitiers  en  buiflbn  ,  ou  en  forme  de  vafe  :  c'eft  la 
meilleure  de  toutes  les  méthodes  pour  donner  également  de  l'air  aux 
fruits.  Le  terrain  un  peu  pierreux  convient  par  bien  des  raifons  aux 
arbres;  i°.  les  infeéles  y  peuvent  moins  fouiller;  2°.  l'eau  de  la  pluie 
ou  de  farrofoir  y  pénètre  de  façon  à  prendre  différentes  routes;  3°. 
l'air  &  les  influences  y  ont  un  peu  plus  d'accès. 

Bien  desperfonnes  accélèrent  la  maturité  des  fruits  ,  ou  par  la  chaleur 
du  fumier,  oii  par  la  chaleur  du  poêle.  Ce  moyen  depréfenter  au  deffert 
des  efpeces  de  fruits  dans  une  faifon  où  on  ne  s'y  attend  pas ,  eft  le 
triomphe  de  l'art  du  Jardinier  ;  mais  ce  goitvernement  des  fruits  hâtifs 
içui  enjolivent  nos  tables ,  demande  des  précautions  &  des  dépenfes 
au-defîus  des  facultés  des  particuliers.  Confultez  \EcoU  du  pota^çr» 


F  R  U  ^4; 

Pour  conferver  long-temps  les  fruits  à  queue,  il  faut  les  cueillir  fur 
les  deux  heures  après  midi.  Pour  cet  effet  on  paiTe  entre  le  &uit  & 
i'ceil  où  tient  la  queue,  un  fil  que  l'on  noue  à  double-  nœud,  &  avec 
des  cifeaux  on  coupe  la  queue  au-defius  du  nœud  :  le  fruit  étant  dé- 
taché &  pofé  dans  un  cornet  de  papier  la  queue  en  haut ,  on  doit 
faire  tomber  une  goutte  de  cire  à  cacheter  fur  le  bout  coupé  de  la 
queue ,  &  faire  pafler  le  iil  par  l'ouverture  de  la  pointe  du  papier , 
enforte  que  le  fruit  demeure  fufpendu  dans  le  cornet.  On  ferme  la 
pointe  du  cornet  avec  de  !a  cire  molle  :  on  doit  en  faire  autant  à  la 
grande  ouverture  du  papier;  on  fufpend  enfuite  le  fil  à  une  folive  & 
dans  un  lieu  fec  &  tempéré.  Le  fruit  ainfi  fufpendu  &  ne  touchant  à 
rien,  fe  conferve  fain  &  entier  jufqu'à  deux  ou  trois  ans.  P^oye^  Raisin 
à  l'article  Vigne. 

Les  Indiens  font  préfent  aux  Européens  curieux ,  de  très-beaux  & 
gros  fruits  dans  des  bouteilles,  dont  l'orifice  eft  affez  étroit,  &  dans 
iefquelles  ils  les  ont  fait  paiTer  lorfque  ces  fruits  étoient  encore  jeunes 
&  tendres  ;  par  ce  moyen  les  fruits  groilifTent  Ôc  mûrilTent  dans  ces 
bouteilles ,  après  quoi  on  les  détache  &  on  les  y  conferve  avec  de  l'eau- 
de-vie  aromatifée.  (  En  général,  les  fruits  des  Indes  ont  la  peau  fort 
épaifTe,  ceux  d'Europe  font  au  contraire  aiTez  mince.)  On  conferve 
encore  les  fruits  de  plufieurs  autres  m.anieres ,  dont  nous  parlerons 
à  leur  article;  il  fufîit  de  dire  ici  en  général ,  que  pour  les  fruits  con- 
fits, quand  le  poids  du  fucre  égale  celui  du  fruit,  la  confiture  eft  plus 
de  garde  :  fi  l'on  met  moins  de  fucre  ,  le  fruit  conlervera  mieux  fon 
goût  naturel,  mais  il  durera  moins. 

A  l'égard  des  fruits  que  l'on  veut  garder  fecs  ou  demi -confits  ,  on 
choifit  les  plus  beaux  ,  on  les  range  à  côté  l'un  de  l'autre  fur  les  claies, 
&  on  les  met  dans  un  four  d'oii  l'on  vient  de  tirer'  le  pain  :  le  four 
„  étant  refroidi ,  on  lès  retire  &  on  répète  l'opération  une  féconde  fois. 
On  fait  cette  opération  avec  fuccès  pour  les  cerif2s,.les  prunes,  les 
abricots  &  les  pèches  dont  on  a  ôté  adroitement  le  noyau,  même  pour 
les  raifîns  &  les  figues.  Quant  aux  poires  &  aux  pommes,  il  faut  , 
avant  de  les  mettre  au  four  ,  les  peler  &  les  faire  amollir  dans  l'eau 
bouillante,  avec  un  peu  de  mélalTe  ou  de  fucre:  par  cette  demi-cuiiTon 
on  donne  à  ces  fruits  une  confill:ance  qui  les  rend  propres  à  être  tranf- 
portés  d'une  Province  à  l'autre ,  &:  même  à  travers  les  m.ers.  Le  com- 
merce des  fruits  fecs  efl  confidérabls  dans  les  pays  chauds. 


84(^  F  R  U  F  U  C 

Dans  les  grandes  Maifons  &  chez  les  Confifeurs,  on  glace  les  fruits, 
mais  fur  cette  matière  nous  devons  renvoyer  nos  Ledeurs  aux  Traités 
de  l'art  du  Confifeur  mous  dirons  feulement  qu'on  glace  les  fruits  rouges 
cruds,  en  les  trempant  dans  des  blancs  d'œufs  battus  avec  un  peu  d'eau 
de  fleurs  d'orange  ou  autres  aromates  liquides,  puis  on  les  fait  pafler 
dans  dufucre  en  poudre  fine,  qu'on  a  tait  chauffer  dans  un  plat  d'argent. 
Il  y  a  des  fruits  qui  ne  fe  confervent  que  dans  la  faumure;  tels  font 
les  câpres  &  les   olives. 

FRUIT  A  PAIN.   Vnye?^  Arbre  du  Pain. 

FPvUIT  DU  BAUME,  f^oy^i  Ca^fcbalsame  &  le  mot  Baume 
DE  Judée. 

FRUIT  ÉLASTIQUE.  Nom  donné  au  Hura.  Voyez  ce  mot. 

FRUITS  PETRIFIES,  carpoUtlie-,  D^z  Lithologides  font  mention 
de  noix,  de  glands,  de  châtaignes,  de  pommesje  pin, de  liliques&  d'autres 
fruits  véritablement  pétrifiés.  Foye:^  Carpolites  &  Noix  pétri- 
fiées. 

P'UCUS  ou  VAREC.  Genre  de  plante  qui  naît  au  fond  des  eaux 
de  la  mer,  ou  fur  les  bords  du  rivage.  Il  y  en  a  beaucoup  de  fortes 
dont  Impcrati  parle  :  en  général,  c'eft  une  plante  du  genre  de  f algue  : 
J^oye^ce  mot,  ha.  plupart  des  fucus  font  ramifiés  en  arbriffeau  élevé, 
&  quelques-uns  rampent  ou  font  couchés  fous  la  forme  d'une  lame 
ou  û'une  veille.  Ils  tiennent  un  jufte  milieu,  dit  M.  Adanfon,  entre 
les  champignons  &  les  hépatiques.  Les  fucus  font  d'une  fubfiance  ou 
membraneufe,  ou  gélatineufe,  ou  charnue,  ou  coriace,  ou  cartilagi- 
neufs  ;  ils  pouffent  d'abord  plufieurs  petites  tiges  plates,  étroites  ,  mais 
qui  s'élargiifent  par  la  fuite  &  fe  divifent  en  petits  rameaux,  portant  des 
efpeccs  de  feuilles  larges,  oblongues,  ordinairement  lifîes,  attachées 
avec  leurs  tiges  par  une  matière  également  tenace  ,  pliante,  membra- 
neufe :  en  un  mot,  empâtées  fur  à.QS  cailloux  &  autres  corps  durs ,  comme 
l'efl  le  gui  fur  l'arbre.  Cependant  il  y  a  des  plantes  marines  qui  ont  des 
racines  chevelues,  &  d'autres  un  pied  femblable  à  nos  mouffes.  En 
général  \qs  fucus  qui  rampent  ou  qui  forment  une  veffie ,  n'ont  point 
de  racines  :  les  autres  ont  à  leur  place  un  large  empâtement.  Sur  les 
feuilles  de  quantité  àe  fucus,  s'élèvent  des  tubercules  en  forme  de  veflies 
fermées  ,  plus  ou  moins  grandes  &  plus  ou  moins  arrondies.  On  foup- 
çonne  que  ces  véficules  font  toujours  remplies  d'air ,  ce  qui  maintient 
droit  la  plante  debout  dans  l'eau  ou  l'y  fait  flotter.  Le  fucus  eft  fouvent 


F  U  G  F  U  M  8'47 

petit  ;  mais  dans  certaines  mers ,  il  croît  quelquefois  à  la  hauteur  d'un  pied 
&  davantage.  Lorfque  cette  plante  eft  nouvellement  ramaflee ,  ou  fraîche- 
ment jetée  par  les  vagues  fur  les  côtes ,  fa  couleur  eft  olivâtre  ;  &  en 
féchant  elle  devient  noire.  On  s'en  fert  pour  faire  de  la  foude,  &  on 
en  mange  plufieurs  efpeces. 

On  rencontre  auffi  des  fucus  ou  fucoïdes  dont  les  couleurs  variées  de 
rofe,  de  vert,  de  citrin,  8cc.  flattent  infiniment  la  vue.  Les  Curieux 
qui  font  des  herbiers  marins,  ramaflent  ces  fortes  de  plantes,  &  les  font 
deflaler  dans  l'eau  douce  en  fortant  de  la  mer,  enfuite  les  arrangent 
fort  artiftemcnt  pour  les  faire  fécher  entre  deux  papiers,  ou  fur  ua  .»,.<■ 
carton  qu'on  couvre  enfuite  d'un  verre;  ce  qui  produit  des  tableaux 
d'un  afped  fort  agréable.  Si  on  garde  les  fucus  marins  fans  avoir  eu 
foin  de  les  laifler  tremper  long-temps  dans  l'eau  douce ,  le  fel  paroît 
bientôt  fur  leurs  furfaces,  &  les  fait  paroître  farineufes  ou  blanchâtres. 

On  donne  aux  fucus  des  noms  latins  tirés  des  efpeces  de  plantes 
auxquels  ils  reifemblent  :  par  exemiple,  fucus  quercina ,  fucus  Uciuca,  &c, 
par-là  on  détermine  l'efpece  de  fucus  varec ,  dont  les  feuilles  ont  de  la 
reffemblance  ou  à  celles  du  chêne,  ou  à  celles  de  la  laitue.  La  plupart  de 
ces  plantes  font  de  l'ordre  des  cryptogames,  qui  cachent  leurs  fruits 
fous  l'aifelle  ou  dans  la  continuité  de  leurs  feuilles.  iVI.  de  Kéaumur  fit  la 
découverte  en  17 1 1  des  étamines  &  des  graines  Aqs  fucus.  (  Confultez  les 
Mémoires  de  f  Académie.)  Dans  la  plupart  de  ces  fortes  de  plantes  les 
étamines  font  des  filets  fans  anteres  ;  &  M.  Adanfon  dit  que  les  tuber- 
cules qu'on  a  prétendu- être  \e^  fleurs  mâles  du  fucus,  font  les  fleurs 
femelles.  Confultez  auffi  les  Ouvrages  de  KLeïn  &:de  Donan,{\ix  \qs  fucus  ; 
&  les  deux  Mémoires  de  M,  de  Kéaumur,  lus  à  l'Académie  Royale  des 
Sciences  en  171 1  &  1712, 

On  trouve  fur  les  parois  &  au  fond  des  badins  de  différentes  eaux 
minérales,  même  ^dans  celles  qui  font  chaudes,  une  plante,  laquelle 
M.  Secondât  a  indiquée  fous  cette  phrafe  :  Fucus  thcrmalis  fubfîandâ  . 
yeficulari ,  fuperfiàe  reùculari.  M.  Springsfcld  en  a  fait  la  matière  d'une 
Diflertation,  (Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin ,  ann.  I7y2)  dans  laquelle 
il  donne  le  nom  de  Trcmella  thermalis  gelannofa ,  reticulata ,  fubfîantia 
vejîculofa.  Voye-^  CarticU  TpxEMELLE. 

FUCUS.  Nom  qu  on    donne  encore   aux  faux-bourdons.  Voyez  ce 
mot  à  la  fuite  ce  1  article  Abeille. 

FUM££,  Eft  cette  vapeur  non  enflammée,  plus  ou  moins  fenfibl« 


84S  -       F  U  M 

&  plus  ou  moins  épaiiïe,qui  s'élève  de  la  furface  des  corp?  quibrûîeftt. 
Elle  eft  compofée  des  parties  les  plus  groflieres  qui  fervent  à  l'aliment 
du  feu  dans  le  corps  combuftible.  On  donne  auflî  le  nom  de  fumées  aux 
fientes  des  bétes  fauves.  On  appelle  fumet ,  cette  vapeur  particulière 
qui  s'exhale  de  l'animal  cru  ou  cuit ,  &  qui  défigne  fa  bonté  à  l'odorat 
du  connoifleur  en  gibier.  On  appelle  fumeux  le  vin  mal-faifant  qui  porte 
à  la  tête,  quelque  peu  qu'on  en  boive. 

FUMETERPvE  ou  FIEL  DE  TERRE ,  fumana.  Plante  qui  croît 
naturellement  dans  les  champs  &  dans  les  endroits  cultivés.  Sa  racine 
eftpeu  groffe,  légèrement  fibreufe,  blanche  &  très-pivotante:  elle  poufle 
des  tiges  hautes  d'un  pied  ou  environ,  anguleufes,  creufes,  en  partie 
de  couleur  pourpre,  &  en  partie  d'un  blanc  verdâtre.  Ses  feuilles  font 
découpées  menu  ,  attahées  à  de  longues  queues  anguleufes,  de  couleur 
de  vert  de  mer.  Ses  fleurs  qui  paroiflent  en  Mai,  font  petites,  ramaffées 
en  épi ,  oblongues,  de  plusieurs  pièces  irrégulieres ,  femblables  aux  fleurs 
légumineufes  ,  compofées  chacune  de  deux  feuilles  ,  communément 
purpurines,  &  quelquefois  blanches  &  éperonnées.  A  chaque  fleur  fuc- 
cède  une  capfule  membraneufe  ,  arrondie ,  qui  renferme  une  petite 
graine  fphérique ,  d'un  vert  foncé,  &  d'une  faveur  amere  ,  défagréable. 

Toutes  les  parties  de  la  fumeterre  font  tort  ameres  &  favonneufes  : 
leur  fuc  acide  rougit  le  papier  bleu ,  &  dépofe  des  crifliaux  oftaëdres 
qui  pétillent  au  feu.  On  emploie  cette  plante  pour  purger  la  bile, 
donner  de  la  fluidité  au  fang ,  exciter  les  règles  &  les  urines  :  elle  con- 
vient très-fort  pour-  la  fièvre ,  la  jauniffe  ,  le  fcorbut  &  les  maladies  de 
la  peau. 

FUMIER.  Cette  fubftance  ,  quoique  commune  ,  efi:  précieufe  Se  re- 
cherchée pour  fertilifer  les  terres  fliériles  ,  ou  rendues  maigres  par 
l'épuifement  des  récoltes  qu'elles  ont  produites.  Les  fumiers  font  en 
général  le  principal  reflbrt  d'e  l'agriculture  ;  &  ce  mot  par  lequel  on  dé- 
figne métaphoriquement  ce  qu'on  juge  méprifable  ,  exprime  réelle- 
ment la  vraie  fource  de  la  fécondité  des  terres  &  des  richeiTes  fans  lef- 
quelles  les  autres  ne  font  rien.  Tout  fyflême  d'agriculture  dans  lequel 
les  fumiers  ne  feront  pas  mis  au  premier  degré  d'importance  ,  peut  être 
regardé  comme  fufped  :  or  l'état  de  l'agriculture  dépend  de  la  quantité 
du  bétail ,  les  terres  ne  pouvant  emprunter  que  des  fumiers  cette  fécon- 
dité non  interrompue  qui  enrichit  les  Propriétaires  &  les  Cultivateurs. 
Aufli  les  Laboureurs  n'ignorent  pas  que  l'emploi  continuel  des  fumiers 

eft 


F  U  M  84P 

efi:  d'une  néceflîté  abfolue  pour  le  fuccès  de  leurs  travaux.  Leur  degré  de 
bonté  confifle  en  leur  degré  de  fermentation  ;  alors  ils  exhalent  une 
odeur  allez  forte  d'alkali  volatil.  Voilà  ce  qu'on  appelle  à\i  fumier  fait, 
'  Le  fumier  eft  compofé  principalement  des  excrémens  du  bétail  avec 
la  paille  qui  lui  a  fervi  de  litière.  Ces  matières  étant  foulées  par  les  ani- 
maux &  macérées  dans  leur  urine  ,  font  dans  un  état  de  fermentation 
dont  la  chaleur  fe  communique  aux  terres  fur  lefquelles  on  lesrépwind: 
ainfi  le  fumier  fe  tire  des  écuries  ,  des  étables ,  des  bergeries ,  &  de 
la  retraite  de  tous  les  animaux  domeftiques. 

On  diftingue  différentes  fortes  de  fumiers ,  comme  produits  par  di- 
vers animaux.  Les  uns  conviennent  à  une  certaine  terre ,  de  les  autres 
à  une  autre. 

luQ  fumier  de  vache  convient  aux  terres  feches,  maigres  &  fablon- 
neufes.  On  doit  l'enterrer  dans  ces  fortes  de  terre,  avant  l'hiver  &  par 
un  temps  couvert,  aiin  qu'il  agifle  davantage. 

he  fumier  de  mouton  eft  fort  chaud,  contient  plus  de  fsîs.  Il  eft  bon 
pour  les  terres  froides  &  maigres,  &  peut  fe  conferver  jufqu'à  trois  ans 
de  temps. 

Le  fumier  de  cheval,  de  mulet  &  d'âne,  quoique  moins  gras  que  les 
précédens ,  n'a  pas  de  moindres  qualités.  Il  convient  beaucoup  dans 
les  terres  labourables,  notamment  à  celles  qui  font  fortes  &  humides, 
&  pour  les  potagers,  mais  non  pour  les  arbres  , 'parce  qu'il  eft  fort  fec 
&fort  chaud  :  on  doit  l'employer  de  bonne  heure. 

Celui  de  porc  eft,  difent  quelques  Economes,  froid  &  le  m.oins 
eftimé  de  tous  ;  mais  mêlé  avec  d'autres  ,  il  devient  propre  aux  terres 
brûlantes  &  aux  arbres  qui  ont  jauni  par  trop  de  fécherefte.  M.  Bour- 
geois rapporte  que  les  cultivateurs  de  la  Suifle  penfent  bien  différem- 
ment. Ils  le  regardent,  dit-il,  &  avec  raifon,  comme  le  meilleur  & 
le  plus  gras  de  tous  les  fumiers  des  animaux.  Il  eft  fur-tout  admirable 
pour  les  potagers,  pour  les  plate-bandes  &  pour  les  parterres  des 
Fleuriftes  ;  il  maintient  les  potagers  dans  une  fraîcheur  qui  exempte 
des  fréquens  arrofemens  qui  amaigriffent  les  terres.  D'ailleurs  il 
détruit  &  éloigne  la  plupart  des  infeéles ,  fur-tout  les  fourmis  &  les 
jardinières  qui  en  craignent  l'odeur. 

Les  boues  des  rues  &  des  grands  chemins  ,  les  baîayeures  des  cuifi- 
nes ,  &  quantité  d'autres  fanges  meurtrières  ,  après  qu'on  les  a  fait 
fécher  par  tas ,  font  un  grand  bien  au  pied  des  arbres  ,  ainfi  qu'au 

Tome  II»  -P  P  P  P  P 


gro  F  U  M 

fond  des  terres  ufees,  Il  en  eft  de  même  des  cendres,  fur-tout  pour 
les  figuiers,  &  des  pailles  ou  chaumes  brûlés  avec  toutes  fortes  de 
mauvaifes  herbes  de  jardin,  des  feuilles  inutiles,  des  cofles  &  fur-tout 
des  écorces ,  tie  la  fuie  de  cheminée,  des  chiffons  d'étoffe,  des  poils 
des  animaux,  de  la  raclure  des  cornes,  des  bouts  de  cuir,  &  de  toutes 
fortes  de  peaux  de  betes,  du  marc  de  vin,  des  reftes  des  huileries, 
des  brafferies,  des  tanneries,  des  teintures,  &  même  des  laineries, 
des  favonneries.  La  columbinc  ou  fiente  de  pigeon  &  celle  des  autres 
volailles,  font  aufii  d'excellcns  fumiers.  Foyei  à  L'artlcU  Pigeon. 

Les  habirans  des  Ardennes  n'ont  d'autres  reffources  pour  fertilifer 
les  terres ,  que  dans  les  cendres  de  leurs  broffailles  ,  mouffes,  fougères  , 
bruyères,  ronces,  épines,  menues  branches,  en  un  mot,  de  tout  ce 
qui  contribueroit  à  rendre  naturellement  un  pays  ftérile.  Ils  enlèvent 
le  gazon  &  tout  ce  qui  y  tient,  pour  le  brûler  par  petits  tas;  ils 
fement  enfuite  la  cendre  qui  en  réfulte  fur  leur  terre  pelée,  &  font 
de  leurs  terrains  incultes  &  incommodes ,  des  campagnes  labourables 
&  utiles. 

Dans  plufieurs  cantons  de  la  Normandie   on   creufe    dans  chaque 
métairie  des  foffes  dans  lefquelles  on  entaffe  tout   le   fumier  de  diffé- 
rentes   écuries,  &  lorfqu'il  y  a   été  un   temps  fuffifant ,  on  le  retire 
pour  l'étendre  fur  les  terres  j  il  eft  alors  prefque  femblable  à  de  la  tourbe.  . 
Koye:^  ToUfiBE. 

Les  terres  neuves,  &  particulièrement  celles  qui  touchent  à  la  fur- 
face,  font  excellentes  pour  amender  celles  qui  font  ufées.  Leur  engrais 
eft  plus  ftable  que  les  précédens,  qui,  en  quelque  forte,  font  paflagers. 
Un  engrais  très-durable ,  eft  la  marne  qu'on  trouve  par  lits  à  diffé- 
rens  degrés  de  profondeur,  &  qui,  répandue  fur  nos  champs,  s'incor- 
pore peu-à-peu  avec  l'autre  fol.  Foyc^  Marne.  Il  y  a  des  argiles  ou 
glaifes  blanches  qui  n'engraiffent  pas  moins.  Le  fable  de  la  mer,  l'algue 
de  mer ,  les  étoiles  marines ,  &  quantité  d'autres  matières ,  peuvent 
aulîi  fervir  à  féconder  les  terres  :  l'induftrie  humaine  fait  les  mettre 
en  ufage  félon  les  différentes  circonftances.  Les  Chinois  fe  fervent  des 
urines  qui  font  ménagées  avec  foin  dans  toutes  les  maifons  dont  elles 
font  un  revenu. 

Ohfcrvadons  fur  l'ufage   des  fumiers. 

On  doit  faire  pourrir  le  fumier  qu'on  tire  de  deffous  les  beftiaux ,  à 


F  U  M  aji 

côté  des  écuries  2^  des  étables  ,  dans  un  trou  creufé  fur  une  terre  ferme 
qui  ne  boive  point  d'humidité  :  il  ne  faut  pas  que  l'endroit  creufé 
f oit  proche  des  puits  ou  des  mares ,  ni  qu'il  ait  de  la  pente  ,  de  peur 
que  Teau  qui  y  tombe ,  n'emporte  tout  le  fel  du  fumier  &  le  meilleur 
de  la  fubftance  ;  il  ne  faut  pas  non  plus  que  la  foffe  (oit  trop  profonde, 
à  moins  qu'on  y  puifle  pratiquer  quelques  faignees  pour  écouler  les 
eaux  amaflées  par  les  pluies ,  parce  que  les  eaux  venant  à  croupir 
formeroient  un  fumier  aigre  où  l'on  verroit  bientôt  croître  de  mau- 
vaifes  herbes  capables  d'étoufîer  le  grain  :  cependant  cette  eau  n'efl: 
pas  tout-à-fait  à  rejeter  ;  fur-tout  lorfqu'elle  eft  colorée  &  qu'elle  a  une 
faveur  urineufe  ;  elle  convient  beaucoup  pour  arrofer  des  terres  qu'on 
laiiTj  repofer. 

En  général ,  les  fumiers  d'étahk ,  les  plus  pourris,  comme  de  la  troi- 
fiemxe  année,  font  les  meilleurs;  autrement  ils  empêchent  la  végétation 
plutôt  que  de  la  faciliter.  On  doit  cependant  obierver  que  s'il  s'agit 
d'amender  une  terre  épuifée,  il  ne  faut  pas  y  jeter  des  fumiers  trop 
confommés,  il  faut  qu'ils  foient  encore  en  fermentation  pour  pouvoir 
y  porter  de  la  chaleur. Les  excrémens  doivent  être  entièrement  confon- 
dus avec  la  paille  &  l'urine  des  beftiaux.  Il  n'y  a  point  d'inconvénient 
à  jeter  defius  l'eau  de  favon  dont  on  s'efi:  fervi  pour  nettoyer  le  linge, 
de  même  que  toutes  les  urines  de  la  m.aifon  :  c'efL  un  moyen  de  faire 
changer  le  fumier  de  nature ,  &  de  le  rendre  plus  gras.  Le  mélange  des 
fumiers  convient  encore  en  quantité  de  circonftances  ,  foit  dans  les  terres 
humides,  foit  dans  les  terres  feches.  Cette  théorie  eft  déduite  de  l'ufage 
qu'ont  la  plupart  des  Laboureurs  de  changer  d'année  en  année  ces 
diverfes  efpeces  d'engrais. 

Toutes  les  terres  n'ont  pas  également  befoin  de  fumier:  celles  qui 
font  froides  &  humides  en  demandent  davantage  que  les  chaudes  ;  mais 
l'excès  y  eft  toujours  pernicieux ,  fînon  dans  celles  qui  doivent  rapporter 
des  légumes.  Le  meilleur  temps  peur  fumer  eft  le  printem^  &  l'automne: 
encore  faut-il  enterrer  le  fumier  peu  profondément. 

Lorfqu'on  veut  fumer  amplement  pour  corriger  le  défaut  d'un  fonds, 
on  ne  doit  pas  mettre  le  fumier  au  fond  des  tranchées,  mais  il  faut  le 
répandre  au  haut  du  talus  qui  fe  fait  par  les  terres  que  l'on  jette  à 
mefure  que  l'on  fait  les  tranchées,  &  par-là  le  fumier  fe  trouve  mêlé 
dans  la  terre.  C'eft  ainfi  qu'on  doit  fumer  tant  les  quarrés  pour  les 
potagers,  qus  les  tranchées  pour  les  efpaliers. 

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8^2  FUR 

L'expérience  a  appris  aux  Cultivateurs  que  les  engrais  qui  ne  valent 
rien  pour  les  jardins ,  font  les  curures  de  colombier  &  de  poulailler  • 
V  elles  conviennent  fur  les  lins  dans  les  champs; les  excrémens  deporc, 
ceux  des  animaux  aquatiques,  même  ceux  de  lapins  &  ceux  de  l'homme. 
Ces  matières  font  trop  chaudes,  &  ne  conviennent  qu'aux  terres  humides 
&  aux  vieux  arbres.  On  peut  cependant  les  expofer  fur  terre  à  l'air , 
ou  les  mêler  avec  toutes  les  efpeces  de  fumiers,  pour  les  laifler  jeter 
leur  feu  ;  autrement  elles  brûleroient  les  feniDnces. 

FURET, //v/o  aiu  vivivra.  Joli  petit  quadrupède  du  genre  des  belet- 
tes, que  quelques  Auteurs  ont  confondu  avec  le  putois  ^  parce  qu'il  a 
quelque  reffemblance  avec  lui  pour  la  couleur  ;  cependant  le  putois, 
naturel  aux  pays  tempérés ,  eft  un  animal  fauvage  comme  la  fouine  ; 
&  le  furet,  originaire  des  climats  chauds,  ne  peut  fubiifter  en  France 
que  comtme  animal  domefdque:  d'ailleurs ,  une  preuve  certaine  qu'ils 
font  d'efpeces  diiférentes,  c'efi:  qu'ils  ne  fe  mêlent  point  enfemblsr- 

Le  fureta  le  corps  plus  alongé  &  plus  mince,  la  tête  plus  étroite, 
y  le  mufeau  plus  pointu  que  le  putois;  la  longueur  de  fon  corps  jufqu'à 

Torigine  de  fa  queue  ell  d'environ  quatorze  pouces.  Quoique  facile  à 
apprivoifer,  &  même  afiez  docile,  il  ne  laifTe  pas  d'être  fort  colère  ; 
il  a  une  mauvaife  odeur  en  tout  temps ,  qui  devient  plus  forte  lorf- 
qu'il  s'échaufi-e  ou  qu'on  l'irrite  :  il  a  les  yeux  vifs  &  rouges  ,  le  regard 
enflammé  ,  tous  les  mouvemens  très-fouples  ;  il  eft  l'ennemi  juré  des 
lapins ,  &  il  eft  en  même  temps  fi  vigoureux  ,  qu'il  vient  aifément  à 
bout  d'un  lapin ,  qui  eft  quatre  fois  plus  gros  que  lui. 

On  croit  le  furet  originaire  d'Afrique  ,  d'où  il  fut  tranfportéen  Efpa- 
gne.  On  s'en  eft  fervi  pour  y  détruire  les  lapins  ,  qui  s'étoient  fîngu- 
liérement  multipliés  dans  ce  pays,  qui  paroît  être  leur  vrai  climiat  na- 
turel. On  ne  peut  point  fe  fervir  du  putois  comme  du  furet ,  pour  la 
chafie  aux  lapins  ,  parce  qu'il  ne  s'apprivoife  pas  auffi  aifém.ent, 

La  femelle  eft  dans  cette  efpece  fenfibîement  plus  petite  que  le  m.âle  ; 
lorfqu'elle  eft  en  chaleur,  elle  le  recherche  ardem.ment;  d<.  l'on  afiure 
qu'elle  meurt,  fi  elle  ne  trouve  pas  à  fe  fatisfaire  :  auiTi  a-t-on  foin 
de  ne  les  pas  féparer.  On  les  élevé  dans  des  tonneaux  ,  ou  on  leur 
fait  des  nids  d'étoupes;  ils  dorment  prefque  continuellement:  ce  fom- 
meil  fi  fréquent  ne  leur  tient  lieu  de  rien  ;  car  dès  qu'ils  s'éveillent  , 
ils  cherchent  à  manger:  on  les  nourrit  de  fon,  de  pain  &  de  lait.  Ils 
produifent  deux   fois  par  an;  les  fem-^Ues  portent  fix  iemaines;  quel- 


FUR  FUT  8n 

ques-unes  dévorent  leurs  petits  aufiî-tôt  qu'elles  ont  mis  bas  ;  alors 
elles  deviennent  de  nouveau  en  chaleur ,  &  font  trois  portées ,  qui 
font  ordinairement  de  cinq  ou  fix. 

Lorfqu'on  préfente  un  lapin,  même  mort,  à  un  jeune  furet  qui 
n'en  a  jamais  vu  ,  il  fe  jette  deffus  &  le  mord  av(  c  fureur;  s'il  eft  vi- 
vant ,  il  le  prend  par  lé  cou  &  lui  fuce  le  fang.  L'homme  toujours  in- 
duftrieux  pour  faire  tourner  à  fon  profit  rinftind  &  l'induftrie  des  ani- 
maux ,  tire  avantage  du  naturel  carnalTier  du  furet.  On  le  mené  à  la 
chafle  ;  mais  lorfqu'on  le  lâche  dans  les  trous  des  lapins,  on  le  mufele, 
afin  qu'il  ne  les  tue  pas  dans  le  fond  du  terrier ,  &  qu'il  oblige  feule- 
ment ceux  qu'il  a  harcelés ,  à  fortir  &  à  fe  jeter  dans  le  filet  dont  on 
couvre  l'entrée.  Si  on  lailfe  aller  le  furet  fans  mufeliere  ,  on  court  rifque 
de  le  perdre,  parce  qu'après  avoir  fucé  le  fang  du  lapin,  jufqu'à  le 
faire  mourir,  il  s'endort  dans  le  terrier;  en  forte  que  le  furet  &  le 
lapin  feroient  perdus  pour  lechaflfeur.'La  fouille  &  la  fumée  que  l'on  fait 
dans  le  terrier,  ne  font  pas  toujours  un  sûr  moyen  de  ramener  le  furet, 
parce  qu'il  peut  fortir ,  fans  qu'on  le  voie  ,  par  la  bouche  d'un  autre 
terrier,  qui  communique  avec  celui  dans  lequel  on  l'a  fait  entrer. 

FURIE  INFERNALE, /«ri^  infunalls.  Nom  donné  par  Solunder 
à  un  animal  qui,  félon  M.  Linriczus  ^  forme  un  genre  nouveau.  Ce  cé- 
lèbre Naturalifle  dit  que  c'eft  un  ver  filiforme,  hériifé  de  poils  de  toutes 
parts;  il  a  des  aiguillons  repliés  fous  fon  corps,  &  il  eft  de  la  longueur 
de  deux  lignes  :  il  paroît  tous  les  ans  fur  les  frontières  de  la  Laponie  , 
bc  fait  périr  beaucoup  d'hommes  &  d'animaux.  Il  fe  jette  d'en-haut 
fur  les  parties  du  corps  qui  font  à  nu,  pénètre  les  chairs  en  un  inftant, 
&  fait  fouvent  mourir  dans  Tefpace  d'un  quart  d'heure  au  milieu  des 
douleurs  les  plus  vives.  On  prétend  que  cet  animal  fe  trouve  aullî  en 
Flandre  &  en  Suiil'e.  L'antidote  de  ce  ver  eft  le  fromage:  fi  on  en  ap- 
plique fur  la  partie  affeâée ,  il  attire  auiîi-tôt  le  ver,  qui  fe  dégage 
pour  en  venir  manger. 

FUSAIN.  Foye^  Bonnet  de  Pf.êtee. 

FUSEAU.  On  donne  ce  nom  à  i'efpece  de  buccin  qui  a  les  deux 
extrémités   en  pointe:  \tfi/feau  à  dents  eft  fort  rare. 

FUSTET.  ^oyq  Bois  ue  Fustet. 

FUTAIE.  Nom  qu'on  donne  à  un  bois  qu'on  a  laiffé  croître  au-delà 
de  quarante  ans  ,  &  qu'il  n'eft  pas  permis  aux  ufufruitiers  de  faire 
abattre,  parce  qu'il  fait  partie  du  fonds.  Un   bois  de  quarante  ans  fe 


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$^4  FUT 

nomme  futaie  fur  tal/Ils  ;  entre  quarante  Ôcfoixante,  c'efl:  demi -futaie  ; 
entre  foixante  &  cent  vingt,  c  eu:  jeune  &  demi-futaie  ;  au-deflus  de  deux 
cents  ans  ,  c'efl:  haute  futaie  fur  le  retour  :  ce  dernier  terme  efl:  celui 
par  lequel  on  défigne  tous  les  vieux  bois;  on  l'appelle  aulîî  vieille 
futaie.  On  peut  avec  fuccès  laifler  croître  plufieurs  efpeces  de  bois, 
fur- tout  ceux  dont  on  tire  le  plus  d'ufage,  tels  font  le  chêne,  le  châtai- 
gner ,  le  hêtre  ,  le  fapin ,  &c.  Pour  avancer  ou  hâter  l'accroilTernsnt 
des  principaux  arbres  d'une  futaie,  il  faut  retrancher  peu-à-peu  les 
brins  foibîes  des  fepées  qui  ne  manqueroient  pas  d'être  étouffées.  Pour 
ne  point  s'y  méprendre,  l'on  ne  doit  couper  que  ceux  qui  languif- 
fent  d'une  manière  marquée.  Par  ce  moyen, les  brins  que  leur  vigueur 
naturelle  aura  diftingués,  auront  plus  de  nourriture  &  plus  dair;  ils 
s'élèveront  &  groffiront  plus  promptement.  L'économie  n'indique  pas 
d'autres  moyens  d'avancer  les  futaies.  La  Nature  fait  le  refte.  Mais  il 
faut  avoir  attention  que  les  arbres  des  futaies  ne  folent  point  trop  éla- 
gués ,  &  l'on  ne  devroit  jamais  faire  une  fuppreflion  totale  des  bran- 
ches, le  tronc  étant  alors  dans  le  cas  de  fouffrir  beaucoup.  C'efl:  le  genre 
de  déprédation  le  plus  ordinaire  &  le  plus  dangereux. 

Les  futaies  font  l'ornement  des  forêts  :  la  hauteur  des  arbres  qui  les 
compofent ,  leur  vieilleffe  ,  le  filence  &  une  fombre  fraîcheur  y  pénè- 
trent l'ame  d'une  émotion  fecrete ,  qui  a  porté  plufieurs  peuples  à  y 
célébrer  les  cérémonies  religieufes  ;  mais  leur  utilité  doit  encore  les 
rendre  infiniment  plus  recommandables.  Les  futaies  feules  peuvent  four- 
nir la  charpente  aux  grands  édifices  ,  &  les  bois  fi  précieux  à  la  navi- 
gation. Foyei  Us  articles  Akbre  ,  Bois ,  Fokèt  ,  Taillis  ,  &c. 

Fin  du  Tome  fécond. 


DE  L'IMPRIMERIE  DE    DEMONVILLE  ,    177;» 


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