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Full text of "Essai sur la physionomie des serpens"

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HARVARD    UNIVERSITY. 


IvIBRARY 


OF    THE 


MUSEUM   OF  COMPARATIVE  ZOOLOGY 


GIFT    OF 


c  lUO-UtU/. 


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MAR  30    1923 


ESSAI 

SUR  LA  PHYSIONOMIE  DKS 

SERPENS. 


CET  OUVRAGE  SE  VEND  CHEZ  : 

J.  A.  G.  WEIGEL  à  Leipsic. 

ARNTZ  ET  G.°  à  DûsseldovJ, 

RORET  à  Paris. 
GH.  SGHWARTZ  et  AL.  GAGNOT  à  Paris. 

BLACK  ET  ARMSTRONG  à  Lo?ulres. 

HENRY  HERÏNG  à  Londres. 

BOSSANGE  BARTHE  à  Londres, 


DE   ï/IJ>II»RII»llîRIE   DE  .1.  KIPS,    J.Hz. 

il     f.A    HAYK. 


E  S  S  A  I 


SUR   I.  A    PHYSIONOMIE 


DES  SERPENS, 


^  PAR 


H.   SCHLEGEX., 


DOCTEUR    EN    PHILOSOPHIB,    CONSBEVATEUa    DU     MUSEK    DES    PATS-BàS, 
MEMBRE    DB    PLCSIEURRS    SOCIETES   SAVANTES» 


OUVRAGE 
ACCOMPAGNÉ  D'UN   ATLAS 

CONTENANT 


AMSTEUl>A3f. 

M.  H.  SCIiONEKAT,  LlBRAlUE-ÉDlTElJri^ 


1837 


d^i^fmi     '^/u 


Trans  .to  Mas  »  oî  Oomp  .^^Sool» 


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,  PARTIE   GENERALE, 


1 


LETTRE 


A 


MONSIEUR  C.  J.  TEMMINCK, 

CHEVALIER  DV  LION   NÉERLANDAIS,   DIRECTEUR 
DD  MUS^.E  DES  PAYS-BAS,  MEMBRE  DE  PLUSIEURS  ACADÉMIES  ET 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 


t  QQ^Q^vûT  '■    ■ 


ï/origine  de  l'ouvrage  que  je  mets  au  jour,  remonte 
aux  premiers  temps  de  mes  études;  je  puis  par  conséquent 
le  regarder  comme  mon  premier  travail  dans  l'histoire  natu- 
relle. Vous  m'avez  accordé  la  faveur  de  mettre  votre  nom 
à  la  tête  de  mon  livre:  cette  permission  honorable  m'offi'e 
la  plus  belle  occasion  de  vous  témoigner  publiquement  ma 
reconnaissance  et  de  faire  savoir  au  monde  savant,  combien 
vous  avez  contribué  à  faciliter  mes  recherches,  ou  plutôt , 
que  c'est  à  vous  que  l'on  en  doit  la  publication.  Après  le 
départ  pour  les  Indes  de  notre  infortuné  ami  feu  Boie,  vous 
eûtes  la  bonté  de  confier  à  mes  soins  les  collections  éten- 
dues quiembrassent  les  animaux  vertébrés,  l'anatomie  com- 
parée et  les  fossiles:  collections  qui  forment  la  plus  belle 
partie  du  Musée  des  Pays-Bas.  Excité  par  l'exemple  de  mon 


Il 


savant  prédécesseur,  et  dans  l'espoir  de  pouvoir  être  utile 
à  la  science,  en  cultivant  une  branche  de  la  zoologie  jusqu'à 
présent  négligée,  je  dirigeai  mes  recherches  sur  la  classe 
des  Reptiles.  Je  commençai  par  représenter  au  moyen  de 
figures  exactes,  les  espèces  les  plus  intéressantes  de  cette 
classe  d'êtres  peu  connus  ,  et  c'est  ainsi  que  se  forma  petit 
à  petit,  une  suite  de  dessins  anatomiques  et  zoologiques, 
dont  je  mets  aujourd'hui  une  partie  au  jour,  et  que  je 
ferai  suivre  de  l'autre,  lorsque  les  nombreuses  difficultés 
qui  ont  jusqu'  à  présent  entravé  la  publication  de  mes 
recherches,  seront  totalement  levées. 

J'ai  résumé  dans  mon  livre  toutes  les  observations  que 
j'ai  pu  faire  sur  l'ophiologie.  Cependant,  l'état  dans  lequel 
se  trouve  cette  partie  de  la  science,  we  contraignit  de 
dévier  à  beaucoup  d'égards  de  mon  plan  primitif,  et 
de  différer  la  publication  des  recherches  anatomiques  qui 
devaient  faire  la  base  de  mes  travaux.  Conunent,  par  exemple, 
mes  lecteurs  m'auraient-ils  compris ,  si  je  leur  avais  parlé  des 
nombreuses  espèces  nouvelles,  dont  la  découverte  est  due  à 
nos  voyageurs!  Comment  se  recoimaître  dans  les  méthodes, 
où  sont  consignées  un  si  grand  nombre  d'espèces,  souvent 
purement  nominales  ou  formant  de  doubles  emplois!  Quel 
ouvrage  peut-on  recommander,  pour  servir  de  guide  dans 
ce  labyrinthe!  — Je  n'en  connais  aucun. 

Ces  raisons,  jointes  à  plusieurs  autres,  m'ont  déter- 
miné à  donner  à  mon  livre  la  forme  sous  laquelle  il  paraît. 
Cependant,  en  concevant  ce  nouveau  plan,  il  se  présentait 


ni 


(les  difTicultés  analogues  [a  celles ,  dont  je  viens  de  faire 
menlion.  Quelles  sont  les  figures  que  je  pourrais  citer  pour 
compléter  mes  descriptions ,  et  combien  peu  de  natura- 
listes sont-ils  à  même  de  consulter  les  ouvrages  de  luxe, 
dans  lesquels  elles  sont  contenues?  En  putre,  aucune  étude 
n'offre  autant  d  obstacles  que  la  coniparaison  des  diverses 
espèces  de  serpens,  êtres  qui  se  ressemblent  presque  tous 
par  la  forme  du  corps,  en  sorte  que  l'on  est  souvent  réduit 
à  l'organisation  de  la  lête,  pour  en  tirer  les  caractères 
dislinctifs. 

Ces  motifs  m'ont  engagé  à  réunir  sur  une  même  planche 
les  portraits  de  toutes  les  espèces  d'un  genre  ou  du  moins 
ceux  des  espèces  les  plus  remarquables.  En  comparant  ces 
portraits  ,  on  parviendra  facilement  à  saisir  la  physionomie 
propre  à  chaque  espèce  et  à  la  distinguer,  par  ce  moyen, 
des  espèces  voisines. 

Le  mot  de  physionomie  est  pris  ici  dans  l'acception 
^ordinaire  ;  mais  il  signifie  également  l'impression  totale 
que  fait  sur  nous  l'ensemble  d'un  être  quelconque,  impres- 
sion que  l'on  peut  sentir ,  mais  qu'il  est  impossible  de 
rendre  au  moyen  de  paroles:  elle  est  le  résultat  de  l'har- 
monie de  toutes  les  parties  isolées,  dont  on  embrasse  la  con- 
formation d'un  coup-d'œil,  et  dans  leurs  rapports  mutuels  ; 
on  la  retient  dans  son  ensemble,  sans  cependant  pouvoir 
se  rendre  compte  des  propriétés  de  chacune  d'elles  prise 
isolément.  Tout  ce  qui  existe  dans  la  nature,  soit  animaux  * 
soit  plantes,  soit  même  êtres  inanim.és,  fait  sur  nous  celte 


ÎV 


impression ,  mais  elle  est  d'autant  plus  difficile  à  analyser, 
que  les  êtres  que  nous  examinons  sont  plus  compliqués; 
car  plus  leur  nature  est  élevé  plus  les  divers  traits  se 
confondent  dans  l'harmonie  de  l'ensemble.  Une  des  par- 
ties les  plus  essentielles  de  la  tâche  que  se  propose  Je 
zoologiste ,  me  paraît  être  d'analyser  cette  harmonie  et 
d'indiquer  chaque  trait  caractéristique  dans  ses  rapports 
avec  l'ensemble.  Cependant,  nos  méthodes  modernes  nous 
conduisent  précisément  sur  un  chemin  opposé  à  celui  que 
je  viens  d'indiquer  ;  l'exemple  faussement  interprêté  du 
sublime  auteur  du  système  de  la  nature,  a  même  sanctionné 
Tusage  de  borner  ordinairement  la  connaissance  des  êtres 
à  tels  caractères  qui  se  présentent  au  premier  aspect. 

En  examinant  une  série  d'animaux  vivans  ,  l'observateur 
attentif  remarquera  qu'il  se  peint  dans  leurs  traits ,  dans 
leur  regard  et  jusque  dans  leurs  formes,  l'expression  de 
certains  penchans,  dliabitudes,  de  passions  ,  qui  sont,  d'une 
manière  plus  directe  que  chez  l'homme  ,  le  résultat  de 
l'organisation.  On  parviendra ,  en  réitirant  les  observations , 
à  reconnaître  à  ces  traits  les  diverses  espèces  d'animaux; 
on  saisira  les  relations  qui  lient  ces  espèces  les  unes  aux 
autres;  on  les  rapprochera  et  en  procédant  synthétique- 
ment,  on  atteindra  à  la  méthode  naturelle.  Cette  série 
d'êtres  ainsi  rapprochés,  fera  une  impression  totale,  sem- 
blable à  celle  que  le  faisait  un  être  isolé;  une  impression 
qu'il  faut  peindre  dans  son  ensemble  pour  en  faire  con- 
naître les  traits  principaux. 


V 


Cette  manière  d'envisager  la  nature  est,  à  la  vérité, 
diamétralement  opposée  à  celle  qui  part  de  quelques  carac- 
tères isolés  pour  faire  connaître  les  êtres  ;  mais ,  comme  elle 
est  la  seule  qui  ofTre  les  moyens  de  tracer  un  tableau  fidèle 
de  la  nature  ,  comme  elle  dégage  Tesprit,  enchaîné  dans  les 
bornes  étroites  des  méthodes  artificielles,  on  devrait  fixer 
de  bonne  heure  l'attention  du  jeune  naturaliste  sur  l'uni- 
versalité de  ces  vues  et  Taccoutumer  à  saisir,  à  la  fois 
d'un  coup-d'œil,  tous  les  traits  dont  l'ensemble  forme  le 
caractère  particulier  à  chaque  être. 

Mes  propres  tentatives  et  l'exemple  de  mes  prédécesseurs 
m'ont  démontré  à  l'évidence  que  la  méthode  artificielle  peut 
s'employer  avec  beaucoup  moins  de  succès  chez  les  Reptiles 
que  chez  les  autres  animaux,  et  qu'en  suivant  ces  prin- 
cipes, on  ne  parviendra  jamais  à  donner  à  la  science  cette 
clarté  si  nécessaire  au  commençant.  Je  me  suis  donc  efforcé 
en  publiant  mes  travaux ,  de  tracer  en  peu  de  mots  le 
portrait  fidèle  de  chaque  espèce,  considérée  dans  les  divers 
rapports  avec  les  espèces  voisines  ;  d'indiquer  le  passage 
d'une  coupe  imaginaire  à  l'autre  ,  et  de  réduire  la  science 
aux  élémens  les  plus  simples:  tel  est  le  but  de  ma  classifi- 
cation. Pour  parvenir  à  ce  but  sans  faire  des  innovations, 
je  me  suis  servi,  relativement  à  la  nomenclature,  des 
matériaux  que  j'ai  trouvés  en  abondance  dans  les  ouvrages 
de  mes  devanciers.  J'espère  que  les  savans  me  sauront  gré 
de  cette  mesure  ;  car  quelle  est  la  mémoire  capable  d'embras- 
ser la    nomenclature,    même  d'une  seule  classe  du  règne 


vr 


animal,  et  de  s'en  servir  pour  se  reconnaître  clans  l'élude 
delà  nature?  Dans  quelle  confusion    les   naturalistes  mo- 
dernes n ont-ils  pas  plongé  la  plus  belle  des   sciences,    en 
^érigeant  ces  systèmes  inintelligibles,  dont  le  seul    mérite 
se  réduit  souvent  a  une  vaine  pompe  de  paroles  qui  étour- 
dissent au  lieu   d'éclairer.    Ces  systèmes  ne   me  semblent 
faits  que  pour  leur  auteur,  et  manquent  leur  but,  qui  est 
d'ofi'rir  un  guide  au  commençant  jusqu'à  ce  qu'il  soit  à  portée 
de  juger  lui-même  qu'il  n'existe  point  de  systèmes  dans  la 
nature.  Encore  ces  métbodes  artificielles  modernes  ne  sont- 
ellcs  pas  même  à  l'épreuve  d'un  examen  rigoureux:  on  est 
loin  d'avoir  fixé  ce  que  l'on  entend  par  espèce  ,  par  genre  ; 
de  petites  différences  de  forme  de  quelque  partie  isolée,  due, 
soità  unaccident,soit  à  l'influence  d'un  climat  divers,  suffissent 
souvent  aux  naturalistes  pour  diviser  une  espèce  en  plusieurs 
sous-espèceset  pour  désigner  cliacune  sous  une  épithète  par- 
ticulière; quelques  unes  de  ces  espèces  imaginaires  réunies, 
forment  des  coupes  que  l'on  se  plaît  à  appeler  sous-genres  , 
quoiqu'elles  ne  soient  à  la  vérité  que  les  espèces  elles-mêmes, 
etc.  A  quels  résultats  doivent  conduire  de  pareilles  vues! 
La  critique  des  ouvrages  de  plusieurs  de  mes  devanciers 
m'a  donné  beaucoup  de  peine:  il  fallait  être  sévère;  je  l'ai 
été,  mais  aussi  j'ai  été  impartial.  J'avoue  ne  pas  concevoir, 
comment  plusieurs  de  ces  travaux  si  difficiles  à  consulter, 
peuvent  être  utiles  au  voyageur  qui,  en  sa  qualité  de  poly- 
graphe,  doit  rapidement  se  familiariser  avec  la  nature  des 
êtres,,  afin  de  régler  ses  observations.  Un  livre  est  ordinal- 


VJI 


rement,  pour  le  savant  hahitanl  les  villes  de  province,  le 
seul  moyen  cl  étudier  les  productions  exotiques  de  la  nature  : 
en  un  mot,  les  livres  lui  tiennent  aussi  lieu  des  collections. 
Le  mien  est  seulement  fait  pour  répondre  à  ce  but,  ou  à 
celui  de  communiquer  mts  observations  au  public  où  à 
ceux  qui  ne  sont  pas  a  portée  d'en  faire  eux-mêmes. 

Vous  concevez,  Mor.sieur,  que  j'ai  rencontré  lors  de  mon 
travail  de  grandes  difiicultés:  difficultés,  qui  tiennent  leur 
origine  soit  de  la  nature  de  la  chose,  soit  de  la  manière 
dont  on  a  cultivé  la  science  jusqu'à  présent.  Le  premier 
objet  de  mes  recherches  était  la  détermination  rigoureuse 
des  espèces.  Pour  arriver  à  ce  but,  je  fus  obligé  de  faire 
l'histoire  de  chacune  d'elles, d'en  étudierchronologiquement 
la  synonymie,  de  former  des  commentaires  sur  tous  les 
ouvrages  iconographiques,  pour  prouver  enfin,  au  moyen 
de  comparaisons  des  figures  et  des  descriptions,  l'identité  des 
innombrables  espèces  nominales  avec  quelqu'une  de  celles 
que  je  reconnais  exister.  C'était  principalement  en  m  occu- 
pant de  ce  travail  ingrat  et  fastidieux,  qu'il  fallait  employer 
la  critique  la  plus  sévère.  Je  n'entrerai  pas  dans  plus  de 
détails,  pour  discuter  la  question,  s'il  existe  dans  la  nature, 
des  espèces  ou  non,  s'il  faut  peut-être  adopter  l'existence 
de  races,  etc.;  je  me  bornerai  à  justifier  mes  idées,  lors- 
qu'elles se  rencontreront  avec  celles  de  mes  prédécesseurs. 

Je  me  suis  proposé  de  n'adopter  dans  mon  livre  que  des 
espèces  connues  d'une  manière  précise.  Eiî  soumettant  les 
espèces,  reçues  dans  la  catalogue  méthodique  des  êtres,  à 


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un  examen  rigoureux,  on  en  compte  un  grand  nombre 
(l'origine  incertaine;  d'autres  sont  établies  d'après  de  vieux 
exemplaires  décolorés;  d'autres  encore  y  ont  été  introduites 
d'après  un  examen  superficiel  et  sans  avoir  été  comparées 
aux  espèces  voisines:  quelques  mots  suffisaient  pour  les 
caractériser;  mais  très  souvent  ces  diagnoses  ou  même  les 
descriptions  détaillées,  ne  contiennent  que  l'énumération  de 
traits  propres  à  toutes  les  espèces  du  genre,  en  sorte  qu'après 
les  avoir  analisés  et  rejetés  l'un  et  l'autre,  il  ne  reste  aucune 
marque  distinctive  pour  l'espèce.  On  peut  dire  la  même 
chose  des  genres  établis  souvent  avec  autant  de  négligence. 
Suivant  mon  opinion  ^  une  description  qui  n'est  pas  com- 
parative, ne  peut  offrir  aucune  utilité.  S'il  est  vrai  qu'un 
genre  représente  l'ensemble  de  toutes  les  espèces  qui  y  sont 
rangées,  il  faut  aussi  avouer,  que  l'on  ne  peut  parvenir 
à  la  connaissance  de  ces  dernières,  qu'en  les  comparant 
entre  elles,  et  en  constatant  ce  qui  est  propre  à  chacune 
d'elles  et  commun  à  toutes.  Certes,  il  ne  peut  résulter  que 
peu  de  fruit  pour  la  science  de  l'admission  d'espèces  dont 
on  ignore  toutes  les  propriétés  et  dont  on  ne  connaît  que 
le  nom  qu'on  leur  a  imposé;  des  espèces  dont  le  nombre 
toujours  croissant  embrouille  les  méthodes.  L'étude  de  la 
nature  ne  consiste  pas  dans  cette  connaissance  superficielle 
des  êtres:  mais  elle  les  envisage  sous  le  triple  rapport 
de  la  zoologie,  de  l'anatomie  et  de  la  géographie  phy- 
sique. Mon  but  principal,  ayant  été,  en  publiant  mes 
recherches,  d'exposer  les   relations   qui  existent  entre   les 


IX 


animaux  et  les  lieux  qu'ils  habitent,  j'ai  jugé  nécessaire 
de  n'adopter  des  espèces  dont  on  ignore  la  patrie,  que 
lorsque  quelque  trait  saillant  dans  l'organisation  pouvait 
les  rendre  d'un  véritable  intérêt  pour  la  zooloi^ie  ou  pour  la 
physiologie. 

Il  faut  aussi  user  de  circonspection,  en  considlant  les 
données  sur  la  patrie  des  animaux,  telles  qu'elles  sont 
consignées  dans  la  plupart  des  ouvrages.  Peu  de  naturalistes 
sont  à  même  de  se  procurer  les  objets  de  la  première  main , 
et  on  peut  rarement  se  fier  à  la  véracité  des  marins  qui, 
souvent  trompés  eux-mêmes ,  rapportent  de  leurs  voyages 
des  objets  d'histoire  naturelle  de  contrées  éloignées  de  celles 
qu'ils  ont  visitées.  On  transporte  quelquefois  les  objets  d'une 
colonie  à  l'autre:  ils  passent  par  plusieurs  mains,  on  oublie 
leur  origine;  enfin  on  les  envoie  en  Europe  sous  le  titre  de 
productions  d'un  pays  qu'ils  n'ont  jamais  habités.  J'ai  eu 
souvent  l'occasion  d'être  témoin  oculaire  de  méprises  de 
cette  nature.  Il  y  a  quelques  aminées,  qu'un  de  mes  amis 
reçût  une  petite  collection  de  Reptiles  javanais  d'un  jeune 
planteur  de  Surinam  ,  qui  prétendait  en  avoir  recueilli  quel- 
ques-uns lui-même  dans  les  environs  de  Paramaribo;  j'eus 
beau  démontrer  au  nouveau  possesseur,  que  des  animaux 
javanais,  tels  que  le  Gecko  guttatus,  l'Élaps  furcatus,  le 
Galeotes  gutturosus  et  d'autres,  ne  sauraient  habiter  eu 
même  temps  deux  contrées  aussi  éloignées  :  on  n'attacha 
aucune  croyance  à  mes  démonstrations.  On  nous  a  souvent 
adressé  du  Cap  de  Bonne  F.spérance  des  Reptiles  des  îles  de 


Ceylan  et  de  Java.  M.  Klinkenberg  à  Utrecht  possède  une 
belle  variété  du  Boa  cencliria,  que  des  matelots  lui  ont 
apporté  comme  ayant  été  pris  à  Java;  et  cetteerreur  aengagé 
feu  Boie  d'en  faire  une  nouvelle  espèce  de  Boa,  appartenant 
à  Tancien  monde.  Un  de  mes  amis,  acceptant  l'offre  d'un 
émigrant  pour  les  Etats-Unis ,  de  faire  des  collections  d'his- 
toire naturelle,  lui  fournit  les  moyens  d'expédier  le  premier 
envoi;  cet  envol  arriva:  il  contenait  une  collection  de  reptiles 
du  Cap  de  Bonne  Espérance.  Parmi  les  reptiles,  rapportés 
par  M.  Blomhoff  et  décrits  par  feu  Boie  comme  provenant 
tous  du  Japon,  se  trouvent  évidemment  des  espèces  de  Java 
ou  des  îles  voisines,  comme  cela  a  été  depuis  démontré  par 
les  recherches  de  M.  M.  von  Siebold  et  Burger.  Feu  Spix  a 
fait  figurer  parmi  les  animaux  découverts  au  Brésil,  plusieurs 
espèces  recueillies  lors  de  son  séjour  à  Gibraltar,  et  y  a 
même  ajouté  des  notes  sur  leurs  mœurs,  sur  les  lieux  qu'ils 
habitent,  etc.  Je  me  tais  sur  l'ouvrage  de  Seba,  dont  la 
plupart  des  indications  de  pays  sont  inexactes. 

D'autres  difficultés,  non  moins  grandes,  se  présentaient 
en  faisant  la  critique  des  ouvrages  iconographiques.  Il 
paraît  que  l'on  ne  sVst  pas  toujours  bien  pénétré  du  but 
que  doit  remplir  une  figure.  Suivant  ma  manière  de  voir, 
elle  ne  doit  pas  simplement  servir  à  reconnaître  l'animal 
qu'elle  représente;  mais  elle  doit  remplacer  l'animal  pour 
celui  qui  n'est  pas  à  même  de  se  le  procurer.  Or,  pour 
répondre  à  ce  but,  il  faut  que  la  figure  soit  dans  toutes  ses 
parties  d'une  exactitude  mathématique ,  afin  que  l'on  puisse 


xr 


cUulier  les  proporlions  relatives  des  organes;  il  faut  éviler 
par  cette  même  raison  les  raccourcis  autant  que  possible  el 
ne  point  embrouiller  la  figure  par  des  ombres  projetées. 
Le  elîoix  des  objets  demande  également  de  la  circonspection: 
Tagonie  d'une  mort  violente  laisse  souvent  des  traces  dans 
les  traits  convulsifs  de  la  face;  quelques  parties  éprouvent 
des  lésions  accidentelles,  lors  de  l'emballage  des  objets; 
cliez  d'autres,  les  organes  changent  leur  position  respective; 
ce  qui  est  particulièrement  le  cas  chez  les  ophidiens,  dont 
les  os  de  la  tête  sont  susceptibles  d'un  mouvement  assez 
considérable.  En  traçant  mes  figures,  j'ai  lâché  d'éviter  tous 
ces  obstacles;  je  me  suis  toujours  servi  dindividus  en 
état  parfait  de  conservation  et  je  n'ai  jamais  copié  que  la 
nature;  j'ai  suivi  le  même  principe  pour  mes  descriptions, 
et  lorsque  je  n'ai  pu  le  faire  ,  je  l'ai  expressément  indiqué. 

L'examen  comparatif  des  écrits  de  mes  devanciers  m'of- 
frait de  loin  les  obstacles  les  plus  difficiles  à  surmonter. 
La  cause  principale  dont  j'ai  souvent  fait  mention,  et  qui 
paraît  avoir  engendré  les  erreurs  nombreuses  qui  défigurent 
nos  systèmes,  est  la  multiplication  des  espèces  et  des  gen- 
res, érigés  et  introduits  dans  le  système,  d'après  des  carac- 
tères isolés.  Les  exemples  qui  pourront  justifier  ce  que  je 
viens  de  dire,  sont  innombrables:  que  l'on  consulte  mes 
articles  Eryx ,  Naja  porphyrica ,  Boa  cenchria,  Python 
Peronii  et  bivittatus,  Â.crochordus ,  Tropidonotus  bipunc- 
tatus  et  fasciatus  ,  Grotalus  horridus,  Vipera  berus  et 
maint  aulie,  et  Ton   se  convaincra  que  la   même  espèce 


xri 


porte  souvent  une  douzaine  cl'épithètes;x£UL^lle  a  souvent  été 
répartie  dans  plusieurs  genres  divers,  qu'elle  forme  même 
les  types  de  différentes  familles,  qui  figurent,  tantôt  parmi 
les  serpens  venimeux,  tantôt  parmi  les  non-venimeux! 
Que  l'on  examine  les  élémens  hétérogènes  dont  les  auteurs 
ont  composé  leurs  genres  Boa,  Hurria,  Scytale ,  Elaps, 
Trimeresurus  et  Yipera  !  En  suivant  ces  vues,  il  fallait 
être  fidèle  à  ce  principe  de  classification ,  séparer  les 
Pythons  des  Boas  et  les  placer  dans  une  autre  famille  ;  il 
fallait  éloigner  l'Hydrophis  colubrin  de  ses  congénères, 
ranger  les  Acrochordes  parmi  les  serpens  de  mer  etc. 

Vous  verrez  dans  la  suite  de  mon  travail,  qu'il  est 
absolument  impossible  de  classer  les  Ophidiens  ,  en  établis- 
sant de  ces  caractères  tranchés  et  isolés;  ce  sujet  est  de 
trop  d'importance  cependant ,  pour  que  je  puisse  déjà  le 
quitter  ;~  je  me  contenterai  de  citer  encore  quelques  exem- 
ples ,  propres  à  défendre  mes  idées  contre  celles  de  mes 
adversaires ,  quoique  je  craigne  d'avoir  déjà  épuisé 
votre  patience.  Tout  le  monde  conviendra ,  que  le  genre 
Drviophis  est  un  des  plus  naturels  de  l'ordre  entier:  on 
peut  lui  indiquer  pour  traits  distinctifs,  soit  un  museau 
effilé  en  trompe,  soit  des  dents  maxillaires  moyennes  et 
postérieures  plus  longues,  soit  une  prunelle  transversale- 
ment alongée ,  soit  des  teinfes  vertes,  soit  enfin  les 
écailles  lisses  ;  mais  aucun  de  ces  traits  ne  peut  s'appliquer 
à  toutes  les  espèces  à  la  fois.  On  Cme  pour  caractère  essen- 
tiel des  Najas  un   cou  extensible  ;   mais  chez  les  diverses 


xin 


espèces  qui  composent  ce  genre,  la  faculté  de  dilater  le 
cou  s'observe  dans  tous  les  degrés ,  en  sorte  que  celles  qui 
s'éloignent  le  plus  du  type ,  offrent  à  peine  les  traces  de  ce 
caractère.  Presque  tous  les  serpens  venimeux  proprement  dits 
présentent  des  écailles  carénées  ;  mais  personne  n'éloignera 
de  cette  famille  les  Trigonocépliales  rhodostoma  et  nigro- 
marginatus,  parce  que  leurs  écailles  offrent  une  surface 
unie  ;  personne  ne  rejetera  de  la  famille  des  serpens  veni- 
meux colubriformes,  dont  les  écailles  sont  ordinairement 
lisses,  les  Naja  hœmacliates  et  Vnigrum  ,  où  le  cas  opposé 
à  lieu.  On  observe  dans  la  première  famille  un  assez 
petit  nombre  d'espèces  dont  la  tête  revêtue  de  plaques  les 
rapproche  de  la  seconde  famille,  quoiqu'elles  réunissent 
d'ailleurs  tous  les  caractères  de  la  première.  Peut-on 
méconnaître  l'affinité  qui  existe  entre  les  Boas  et  les  Acro- 
clîordes  ,  bien  que  ces  derniers  aient  une  queue  compri- 
mée et  qu'ils  manquent  de  crochets  à  l'anus?  A  quelle 
confusion  n'ont  pas  donné  lieu  les  innombrables  différences 
individuelles  dans  la  disposition  des  plaques  de  la  tête  chez 
les  Boas  et  les  Pythons  !  Ni  la  position  des  narines  ,  ni  la 
configuration  des  lames  frontales ,  ni  la  présence  ,  ni  le 
défaut  de  dent  cannelée,  ne  sont  des  caractères  constans 
dans  le  genre  Homalopsis.  Feu  Boie  a  assigné  aux  Tropi- 
donotes  trois  plaques  oculaires  postérieures:  cependant 
quelques  espèces  parmi  les  mieux  caractérisées  s'éloignent 
des  autres  par  l'absence  de  cette  marque  distinctive,  tandis 
qu'il   existe  des  Couleuvres  proprement  dites,  qui   offrent 


XIV 

le  caractère  indiqué  par  Boie.  Un  grand  nombre  de  genres 
de  la  division  des  serpens  non- venimeux  comprennent 
plusieurs  espèces  à  dents  sillonnées,  tandis  que  le  sys- 
tème dentaire  des  autres  espèces  est  souvent  très  uni- 
forme, etc. 

L'ordre  dans  lequel  j'ai  rangé  les  espèces  n'est  pas 
arbitraire.  En  comparant  les  espèces  d'une  coupe  géné- 
rique, on  remarquera  ({ue  les  caractères  du  genre  se 
trouvent  particulièrement  prononcés  dans  une  d'entre  elles: 
on  peut  appeler  cette  espèce,  l'espèce  type  de  la  coupe 
générique  ,  mais  toutes  les  autres  ,  quoique  modelées  sur  ce 
type,  présentent  des  modificalions  plus  ou  moins  sensibles; 
quelques  unes  mêmes  s'éloignent  de  ce  type  pour  se  rappro- 
cher d'un  autre  groupe  voisin,  auquel  elles  servent  de  passage, 
•l'ai  traité  dans  la  partie  descriptive  de  mon  travail ,  des 
espèces  suivant  l'ordre  qui  je  viens  d'indiquerc  Une  table 
synoptique  que  j'ai  jointe  à  mon  ouvrage,  facilitera  la  revue 
des  espèces;  elle  indiquera  les  rapports  mutuels  qui  lient 
les  unes  aux  autres,  en  un  mot,  elle  indiquera  leurs  affinités 
naturelles. 

J'ai  également  joint  a  mon  ouvrage  plusieurs  cartes  et  une 
table  destinées  à  indiquer  la  répartition  des  espèces  d'Ophi- 
diens sur  la  surface  du  globe.  L'objet  que  je  me  suis  proposé 
en  les  publiant  est  seulement  de  donner  un  aperçu  universel 
de  la  distribution  géographique  des  Ophidiens;  ceux  qui  vou- 
dront s'instruire  plus  spécialement,  ceux  qui  voudront  savoir 
précisément  si  telle  ou   telle  espèce  vit  dans  un  terrein  de 


XV 


telle  à  telle  nature,  11*0111  qu*à  consulter  la  si  ronde  partie 
de  mon  ouvrage ,  dans  laquelle  ils  trouveront  les  rensei- 
gnemens  nécessaires.  J'ai  d'ailleurs  traité  ce  sujet  dans  une 
dissertation,  intitulée:  Essai  sur  la  distribution  géogra - 
phiquedesserpens,  laquelle  est  imprimée  à  la  suite  de  mon 
livre.  C  est  inutde  de  vous  dire,  Monsieur  ,  que  ce  travail 
m'a  coûté  bien  des  précieux  momens.  Presqu'uuiquement 
borné  à  mes  propres  recherches  par  le  défaut  total  de 
travaux  fournissant  l'énumération  des  espèces  d'oplii- 
diens  d'un  certain  pays,  je  ne  trouvai  tics  renseignemens 
utiles  que  dans  les  ouvrages  du  prince  de  Neuwied,  de 
Spix ,  de  Russel  et  dans  celui  publié  par  la  commission  de 
l'Egypte.  Nous  possédons,  il  esL  vrai,  des  ouvrages,  cités 
précédemment,  lesquels  embrassent  la  description  des  ser- 
pens  d'un  certain  pays  ;  mais,  outre  que  ces  ouvrages  sont 
en  petit  nombre,  ils  sont  faits,  pour  la  plupart,  d'une 
manière  peu  conforme  à  l'état  actuel  de  la  science.  Il  y  en  a 
même  qui  offrent  tout  simplement  une  énumération  des 
espèces  caractérisées  par  une  courte  phrase,  ou  mieux, 
qui  ne  sont  qu'une  compilation  des  ouvrages  existans 
sur  l'Ophiologie.  Pour  faire  connaître  les  productions 
d'un  pays,  il  est  d'abord  nécessaire  d'en  rassembler  une 
ample  collection,  composée  d'individus  de  tout  âge  et  de 
tout  sexe.  En  disposant  ces  nombreux  matériaux,  sans  se 
soucier  de  ce  qui  a  été  fait  antérieurement ,  on  parviendra 
à  connaître  les  espèces  suivant  tous  leurs  r^oports.  Il  faut , 
avant  de  tracer  les  descriptions,  comparer  les  espèces  à  leurs 


xvi 


congénères  originaires  d  autres  pays.  En  consultant  enfin 
les  travaux  déjà  existans,  on  parviendra  facilement  à  dé- 
brouiller la  synonymie  et  à  relever  les  doubles  emplois.  Il 
est  vrai  que  la  composition  d'un  ouvrage  dans  ce  sens 
est  un  travail  au  moins  de  plusieurs  années  ,  particulière- 
ment lorsqu'on  veut  y  joindre  des  notes  sur  les  mœurs, 
sur  les  habitudes  etc. ,  ce  qui  me  paraît  de  première 
nécessité;  mais  un  savant  doit-il  considérer  le  temps  lors- 
qu'il s'agit  d'être  utile  à  la  science? 

Je  juge  nécessaire  de  dire  quelques  mots  sur  le  choix  que 
j'ai  fait  de  la  langue  française  pour  composer  mon  livre.  Les 
motifs  qui  m'ont  porté  à  ce  choix  sont  simples  et  faciles  à  devi- 
ner; aussi  passerais-je  ce  sujet  sous  silence,  si  des  voix  graves 
ne  s'étaient  élevées  contre  quelques-uns  de  nos  compatriotes  , 
qui  avaient  pris  le  même  parti  que  moi.  De  nos  jours,  où 
tout  le  monde  cherche  à  s'instruire,  où  les  sciences  ont  partout 
acquis  de  la  popularité ,  où  tant  d'amateurs  éclairés ,  l'homme 
du  monde,  de  personnes  instruites  sans  être  savantes  etc., 
auxquelles  le  latin  ne  peut  être  familier,  ont  contribué 
aux  progrès  des  sciences:  certes,  dans  ces  temps  heureux, 
il  serait  hors  de  saison  de  se  servir  d'une  langue  morte.  Il 
fallait  donc  choisir  parmi  les  langues  vivantes.  Le  meilleur 
parti  à  prendre  était  certainement  celui  d'écrire  dans  ma 
langue  maternelle,  la  seule  qu'un  homme  puisse  possé- 
der parfaitement;  mais  des  langues  de  l'Europe  combien 
peu  sont  assez  universellement  répandues  pour  être  com- 
prises de  tout  le  monde!    Je  me  crois  donc   sufisamment 


XVII 


justifié,  par  les  raisons  ci  dessus  alléguées,  (.l'avoir  préféré 
la  langue  française  aux  autres  langues  modernes;  les  mêmes 
raisons  me  font  espérer  que  mes  lecteurs  useront  d'indul- 
gence, en  examinant  mon  ouvrage  sous  le  rapport  littéraire. 
Il  ne  me  reste  qu'à  faire  mention  des  moyens  qui  ont 
été  à  ma  disposition  pour  composer  mon  livre.  Il  ne  m'ap- 
partient pas  de  faire  l éloge  de  notre  Gouvernement,  protec- 
teur libéral  des  arts  et  des  sciences;  tout  le  monde  sait 
que  son  Excellence  le  Ministre  de  l'intérieur  ne  laisse 
passer  aucune  occasion  d'être  utile  aux  sciences,  et  que 
M.  van  Rappart  se  montre  toujours  plein  de  zèle  lorsqu'il 
s'agit  de  favoriser  les  études.  L'Europe  entière  sait,  par 
vos  nombreux  écrits,  que  les  sciences  naturelles  ont 
reçu  un  accueil  non  moins  favorable  de  la  part  du  Gou- 
vernement des  Indes:  je  me  tais  par  conséquent;  qu'il 
me  soit  cependant  permis  de  rappeler  le  nom  de  son 
Excellence,  le  Gouverneur  de  la  Province  de  Drenthe, 
M.  van  Ewyck  ;  un  nom  si  cher  aux  sciences ,  à  tous 
ceux  qui  ont  vus  naître  notre  établissement  national 
et  particulièrement  à  moi.  —  Il  est  superflu  de  dire 
que  les  riches  collections  déposées  dans  les  galeries  du 
Musée  des  Pays-Bas  ont  servi  de  base  à  mes  recherches; 
mais  il  importe  de  constater  l'origine  de  ces  collections, 
qui  m'ont  mis  dans  le  cas  d'assigner  avec  certitude  à 
chaque  espèce  sa  véritable  patrie,  et  de  pouvoir  en  consé- 
quence fixer  des  lois  constantes  pour  la  répartition  géogra- 
phique des  Ophidiens.    Lorsqu'en    1820  vous  conçûtes, 

il 


xvrif 


Monsieur,  le'iprojel  d'ériger  un  monument    nalioual  digue 
de  voire   patrie,  la    eolleetiou    des  serpeus  se   composait 
d'une  centaine   d'échantillons,  sans  indication  d'orisine  et 
provenant  pour  la  plupart  de  l'ancien  Cabinet  Académique. 
Les  nombreux  envois,  expédiés  au  Musée  des  Pays-Bas  par 
M. M.  Reinwardî ,    Kuhl  et  van  Hasselt,    envois  qui  conte- 
naient la  plus  grande  partie  des  productions  de  nos  Golo- 
iiies  aux   Indes  oiientales,  offraient  les  moyens  d'échange 
avec    les  Musées   les  plus  célèbres,  et  procuraient  à  notre 
Etablissement   d'autres   objets  de   contrées  que  le  pied  du 
voyageur  néerlandais   n'avait  pas   encore   foulées.  Tel  était 
l'état  de  la  collection  du  Musée,  lorsque   feu   Boie  quitta 
l'Europe  en  iSsS,  après  avoir  terminé  son  grand  ouvrage 
sur  les  Reptiles  de  .lava.  Cette  collection,  confiée  depuis  à  mes 
soins,  s'est  étendue  à  l'égal  des  autres  branches  du  Musée: 
elle  est  aujourd'hui  portée  au  triple  de  ce  qu'elle  était.  Le 
grand  nombre  de  voyageurs,  expédiés  presque  simultanément 
dans  différentes  contrées  de  notre  globe ,  ont  particulièremenÈ 
contribué  à  nous  procurer  une  foule  d'objets ,  parfaitement 
conservés, et  dont  la  patrie  est  constatée  d'une  manier  e  précise. 
Quelques-uns  de  nos  compatriotes,  établis  dans  des  contrées 
exotiques,  se  sont  rendus    utiles   à   la  science,  en  faisant 
parvenir  à  notre  Établissement  depDelles  collections  conte-  • 
nant    les    productions   de   leur  -patrie    adoptive.    D'autres 
voyageurs  modernes  ont  bien  voulu  nous  céder  les  doubles 
du   produit   de  leurs    recherches,    ce   qui^  n'a    pas    moins 
contribué  à  rendre  notre  collection  complète,  que  les  achats 


\IX 


fails  à  Paris,  à  Loiithes  et  dans  plusïcius  aulros  capitales. 
Des  particuliers  enfin  se  sont  empressés  de  nous  couiniu- 
niquer  tous  les  objets,  qui  pouvaient  être  de  quelque  utilité 
à  mon  travad. 

La  petite  série  d'Ophidiens  de  la  Nouvelle  Hollande,  (jui 
fait  partie  du  Musée  des  Pays-Bas,  a  été  acquise  à  Londres. 
Le  voyage  de  découvertes  à  la  Nouvelle  Guinée  ^  entrepris 
dans  les  années  iSi^j  et  1828  par  les  ordres  de  notie 
Gouvernement  colonial,  nous  a  fourni  un  grand  nombre 
d'objets  d'Instoire  naturelle  intéressans  et  la  plupart  incon- 
nus. Timor,  Amboine  et  les  autres  îles  adjacentes  ont  été 
explorées  à  différentes  reprises  par  nos  voyageurs.  Une 
résidence  continuelle  de  ces  infatigables  naturalistes,  à  Java, 
durant  près  de  vingt  années,  a  contribuée  rendre  les  pro- 
ductions de  la  partie  occideritale  de  cette  île  presque  aussi 
connues  que  celles  de  lEurope.  Mon  ami  le  Docteur 
Strauss  m'a  rapporté  une  petite  collection  de  Reptiles, 
formée  pendajtit  son  séjour  à  Manado ,  à  la  pointe  orientale 
de  Célèbes.  M. M.  von  Siebold  et  Bi^irgeront  recueillis,  pen- 
dant leurs  voyages  au  Japon,  une  grande  quantité  d'ophi- 
diens qui,  appartenant  toujouis  aux  mûmes  espèces,  nous 
ont  appris,  combien  cet  empire  a  été  exploré  sous  lerapport 
de  l'histoire  naturelle.  Nous  ne  possédons  que  peu  de  serpens 
de  la  Chine,  de  Sumatra],  de  Malacca  et  en  général  de  la 
partie  orientale  de  l'Asie:  le  Docieur  de  Witt  établi  à  Dedford, 
nous  en  a  présenté  quelques  uns;  d'auties  ont  été  acquis 
par   nos   voyageurs  aux   Indes.   Un  envoi,  fl\it  de  Bengale 


XX 


en  18:27  au  Musée  des  Pays-Bas,  coiUeiiail  les  dépouilles 
d'un  bon  nombre  des  espèces  décrites  par  Russel.  Les 
productions  de  Ceylan  ne  nous  sont  connues  que  d'après 
les  échantillons  originaires  de  plusieurs  musées  de  la  Hol- 
lande, et  par  une  petite  collection  due  aux  soins  obligeans 
de  M.  le  Docteur  Smith,  Directeur  du  Soulli-African- 
Museum.  M.  Lichtenstein ,  enfin,  nous  a  cédé  quelques 
espèces  d'Ophidiens  ,  provenant  du  voyage  de  M.  Eversman 
en   Tartarie. 

Les  serpens  de  l'Europe  nous  ont  été  en  partie  commu- 
niqués par  quelques  uns  de  nos  amis,  en  partie  par  plusieurs 
voyageurs  et  parle  Musée  de  Vienne:  nous  devons  à  ce 
dernier  établissement  les  serpens  de  l'Autriche  et  de  la 
Hongrie  ;  l'infortuné  Michdhelles  nous  a  fait  parvenir 
quelques  échantillons  recueillis  en  Espagne  et  la  plupart  de 
ceux  qui  habitent  la  Dalmatie,  contrée  visitée  depuis  par 
notre  voyageur  M.  François  Cantraine  qui ,  explorant  en- 
suite l'Italie,  la  Sardaigne  et  la  Sicile ,  nous  en  a  envoyé 
les  productions;  M.  Roux  nous  a  adressé  les  Reptiles  du 
Sud  de  la  France,  M.  Lenz  ceux  de  l'Allemagne  centrale^ 
etc.   etc. 

Le  voyage  de  M.  Rûppell  a  fourni  à  notre  Musée  la 
plupart  des  productions  de  l'Egypte.  Le  Colonel  Humbert 
nous  a  rapporté  plusieurs  serpens  pris  dans  les  États 
Barbaresques ,  particulièrement  dans  les  environs  de 
Tunis.  Amateur  éclairé ,  M.  Ghfford ,  consul  Néerlandais 
à   Tripoli,    a  exploré  en    naturaliste  les  environs  de  celte 


XXI 


YÎlle ,    il   est    vrai ,   peu   riche   en    productions  d'histoire 
naturelle.  Le  climat  insalubre  et  destructeur  pour  la  plu- 
part des  Européens  qui   visitent  la  côte  de  Guinée,  est  la 
cause  que  les  objets  d'histoire  naturelle  nous  parviennent 
en  si  petit  nombre  de  notre  colonie,  établie  sur  cette  terre 
promise;    cependant   c'est  à  M.    le   Professeur    Eschricht 
à  Copenhague,   que  nous  sommes  redevables  d'une  tren- 
taine de  serpens,  recueiilis  dans  les  environs  du  fort  Danois, 
sur  cette  même  côte.  La  pointe  australe  de  l'Afrique  a  été 
explorée  par  les  naturalistes  hollandais  pendant  une  longue 
série  d'années.   MM.    Kuhl ,  van  Hasselt,    Boie   et    Mack- 
lot,  abordant  la  ville  du   Cap    lors  de   leur    voyage    aux 
Indes  ,   y  ont   formé   des  collections  ;  M.  le  Docteur  van 
Horstok,  mis  à  même  par  sa  longue  résidence  dans  cette 
ville,  de    se  procurer  les    objets  les  plus  rares,  a  fourni 
successivement   à  notre  Musée  les    matériaux   pour    une 
Faune    presque    complète   de    cette     colonie    florissante; 
M.M.  les  Docteurs   Smuts  et  Smith  enfin,  ont  également 
contribué  à    enrichir   nos   galeries    de   plusieurs  serpens 
africains  peu  connus. 

Il  n'y  a ,  à  proprement  parler,  que  deux  pays  du  vaste 
continent  de  l'Amérique  méridionale,  qui  aient  été  explo- 
rés sous  le  rapport  de  la  Zoologie  :  le  Brésil  et  la  Guiane. 
Une  partie  des  objets,  produit  des  voyages  de  M.  Natterer 
dans  plusieurs  provinces  de  cette  première  contrée  et  qui 
sont  déposés  au  Musée  de  Vienne,  ont  été  communiqués 
au   nôtre.    Le  Prince  de  Neuwied,   qui    a  visité   la   côte 


XXII 


orientale  du  Brésil,  située  entre  le  1 3  et  q 3  degré  de  latitude 
australe,  a  bien  voulu  nous  céder  les  doubles  des  Reptiles 
recueillis  par  lui.  Ces  exemples  ont  été  suivis  par  feu  Spix, 
dont  les  courses  se  sont  étendues  plus  au  Nord,  le  long  des 
bords  du  Maranon  jusqu'à  Baliie.  Une  petite  suite  d'opbi- 
diens  du  Brésil,  recueillis  par  M. M.  Olfers,  Freireiss  et 
Beske  fait  également  partie  du  Musée  des  Pays-i3as.  Plu- 
sieurs envois  de  Reptiles  originaires  de  la  Province  de  St. 
Paul,  nous  ont  été  adressés  de  Paris,  par  M.  Beske  de 
Hambourg  et  par  M.  Boie  de  Kiel.  Les  belles  et  nombreuses 
collections  que  notre  Établissement  doit  aux  soins  dés- 
intéressés de  M.  Dieperink,  résidant  à  Paramaribo,  nous 
ont  fourni  les  moyens  de  faire  l'énumération  de  la  plus 
grande  partie  des  productions  de  notre  colonie  à  Surinam. 
Nous  tenons  du  Prince  de  Musignano  et  du  Professeur 
Troost  àNashville,  les  Reptiles  de  l'Amérique  septentrionale 
qui  font  partie  de  notre  Musée.  Le  premier  nous  a  rapporté 
un  bon  nombre  d'objets,  originaires  des  Provinces  septen- 
trionales des  États-unis;  le  second ,  établi  dans  la  Province 
de  Tennessee ,  a  mis  beaucoup  de  zèle  pour  nous  procurer 
les  productions  de  la  partie  méridionale  de  l'Amérique 
du  Nord. 

J'ai  omis  dans  l'énumération  des  moyens  dont  j'ai  pu 
disposer,  de  faire  mention  des  personnes  qui  ont  bien 
voulu  me  céder  des  objets  rares  et  qu'il  m'aurait  été  diffi- 
cile de  me  procurer,  ou  qui  ont  en  général  contribué  à 
rendre  mon  travail  le  plus  complet  possible.  Je  me  borne 


XXIII 


à  citer  M. M.  les  Professeurs  van  Swinderen  à  Groningue, 
Vrolik  à  Amsterdam,  van  der  Hoeven  et  van  der  Boon-Mescli 
à  Leydeet  le  Docteur  van  Hoorn.  M.  Klinkenberg  à  Utrecht 
a  mis  à  ma  disposition  les  nombreuses  richesses  que  con- 
tient son  Musée.  M.  le  Directeur  du  Cabinet  d'histoire 
naturelle  de  Vienne  m'a  accordé  la  permission  de  publier 
les  espèces  inédites  que  nous,  tenons  de  cet  établissement. 
M.  le  docteur  Thienemann  à  Dresde  m'a  cédé  une  vingtaine 
de  figures  de  serpens  faites  sur  le  vivant  à  Surinam  par  le 
docteur  Hering.  J^dois  surtout  vanter  la  libéralité  de 
M.M.  les  Professeurs  Fremery  et  Litli  de  Jeude  à  Utrecht; 
ces  savans  ont  poussé  l'obligeance  jusqu'à  me  laisser  faire  un 
choix  parmi  la  précieuse  collection  de  Reptiles  confiées  à 
leurs  soins,  et  dont  la  plupart  sont  originaires  deCeylan, 
de  la  côte  de  Guinée ,  de  l'Amérique  du  Nord ,  etc. 

Je  venais  de  terminer  mon  ouvrage  lorsque ,  à  la  suite 
d'une  longue  maladie,  j'eus  l'honneur,  Monsieur,  de  vous 
accompagner  dans  un  voyage  à  Paris  et  à  travers  une  partie  de 
l'Allemagne.  Le  grand  nombre  d'objets  que  j'ai  vus  pendant 
ce  voyage,  m'a  obligé  de  faire  plusieurs  additions  à  mon 
ouvrage,  additions  qui  cependant  n'auraient  pu  être  que  de 
peu  d'importance,  si  je  n'avais  eu  la  faculté  d'examiner  à 
loisir  ces  objets  rares  ou  en  partie  nouveaux.  Je  dois  cette 
prérogative  à  la  complaisance  extrême  de  divers  savans  qui 
se  trouvent  à  la  tête  des  Établissemens  scientifiques;  M.  M. 
Duvernoy  à  Strasbourg  et  Cretzschmar  à  Francfort  se  sont 
empressés  de  me  laisser  un  libre  usage  des  collections  confiées 


XXIV 


à  leurs  soins.  M.  Ruppeîl,  que  j'ai  l'avantage  de  compter 
parmi  mes  amis,  m'a  fourni  des  renseignemens  sur  les 
divers  Reptiles  qu'il  a  été  à  portée  d'examiner  lors  de 
ses  deux  voyages  ;  enfin  les  observations  de  plusieurs  ama- 
teurs de  Paris,  parmi  lesquels  je  cite  particulièrement 
M.  le  docteur  Cocteau  et  M.  Al.  Lefèbre,  m'ont  été  de  la 
plus  grande  utilité.  Il  sera  presqu'inutile  de  dire  que  le 
Musée  de  Paris  m'a  offert  la  plus  ample  récolte.  Cet  éta- 
blissement, depuis  de  longues  années  le  siège  des  sciences 
naturelles,  le  dispute  toujours  encor?  par  le  nombre  des 
objets,  à  la  plupart  des  autres  Musées.  Tout  le  monde 
accourt  pour  s'y  instruire  et  parce  que  les  amis  des  sciences 
y  trouvent  un  libre  accueil.  Je  ne  parlerais  pas  de  cette 
libéralité  vantée  tant  de  fois  et  à  si  juste  titre,  si  des 
obligations  particulières  ne  m'en  faisaient  un  devoir. 
J'avais  le  bonlieur  d'être  lié  depuis  plusieurs  années  avec 
M. M.  les  Professeurs  de  Blainville  et  Valenciennes;  à  mon 
arrivée  à  Paris,  M.  Duméril  m'a  également  honoré  de  sa 
bienvieillance,  et  Ij'ai  trouvé  un  ami  franc  et  sincère  dans 
M.  Bibron,  naturaliste  zélé  et  instruit,  et  l'émule  de  mes 
travaux  dans  l'Erpétologie.  Tous  ces  Messieurs  ont  concouru 
à  rendre  mon  séjour  à  Paris  le  plus  utile  possible  :  les  nom- 
breux matériaux  qu'offre  le  Musée  du  Jardin  des  Plantes  ont 
été  mis  à  ma  disposition,  et  on  a  bien  voulu  me  prêter  et  me 
permettre  d'emporter  en  Hollande  toutes  les  espèces  inédites 
ou  celles  que  je  désirais  soumettre  à  un  nouvel  examen.  J'ai 
revu,  conjointement  avec  M.  Bibron,  au  Jardin  des  Plantes, 


XXV 


toute  celle  belle  collection  de  Reptiles,  et  cette  revue  a  eu 
pour  suite  des  relations  d'échange,  qui  ne  laisseront  d'être 
de  la  plus  grande  utilité  pour  les  deux  Établissemens.  Le 
nôtre  a  été  enrichi  par  cet  échange,  d'objets  de  contrées, 
avecles-juelles  nous  n'avons  pas  de  rapports,  mais  qui  ont  été 
visitées  par  des  voyageurs  français:  telles  sont  la  Pennsylvanie , 
la  Caroline  et  la  Nouvelle-Orléans,  pays  d'où  M. M.  Lesucur  , 
Milbert,  Bosc,  Leconte,  Barabino  et  d'autres  ont  fait  par- 
venir les  productions  au  Musée  de  Paris.  Les  Antilles  ont 
été  explorées  par  M. M.  Plée,  l'Herminier,  Ricord,  Poey, 
etc.  ;   Gayenne  par  Leschenault  ;    le   Brésil  par  Langsdorf, 
Vauthier,  de  Lalande,   Aug.  St.  Hilaire;  le  Paraguay  par 
d'Orbigny;  ce  dernier  voyageur  a  aussi  fait  une  belle  col- 
lection de  Reptiles  au  Chilé,  pays  visité  également  par  M. M, 
Lesson  et  Garnot,  et  par  Gay.  La  Nouvelle  Hollande  a  fourni 
plusieurs  nouvelles  espèces,  découvertes  par  Pérou,  Lesson 
et  particulièrement  par  Quoy  et  Gaimard;  d'autres  ont  été 
recueillies  lors  des  dernières  expéditions  autour  du  monde 
à  la  Nouvelle  Irlande,  à  la  Nouvelle   Guinée,  à  Waigiou, 
aux  Philippines,  aux  Mariannes   et   notamment    dans   les 
environs  de  Manado  à  Célèbes.  Feu  Duvaucel  avait  fait  au 
Musée  de  Paris  des  envois  de  Sumatra,  Leschenault  de  Java , 
Diard   de  la  Cochinchine,   de  Siam    et    de  Bengale.    Les 
grandes  Indes  ont  été  explorées  par  un  grand   nombre   de 
voyageurs  français,    parmi    lesquels   nous   ne   citons   que 
M.M.    Leschenault,  Reynaud,  et  particulièrement  M.  Dus- 
sumier,    qui  a  visité  presque   tous    les    points    des   côtes 


XXV 


â\i  l'Asie  depuis  les  Seyclieiles  et  le  Malabar  jusqu  a  la 
presqu'île  de  Malacca.  M.'\î.  Goudot  et  Sganzin  viennent  de 
découvrir  plusieurs  ophidiens  curieux  à  Madagascar ,  île 
vierge  sous  le  rapport  de  l'histoire  naturelle.  Le  séjour  de 
feu  Laîande  au  Cap  a  fourni  au  Musée  de  Paris  la  plupart 
des  Reptiles  propres  à  celte  colonie.  M.  Perrotetena  recueilli 
au  Sénégal  et  on  ne  cesse  d'en  apporter  des  États  Earba- 
resques,  depuis  rétablissement  d'une  colonie  française  sur 
cette  côte.  Il  en  est  de  même  des  Reptiles  de  l'Egypte,  pays 
qui  tient  le  prcinier  rang  avec  le  F>résil,parmî  ceux  qui  ont  attiré 
le  plus  grand  nombre  de  voyageurs.  Les  Reptiles  recuedlis  par 
Olivier  au  Levant,  sont  encore  les  seuls  connus  de  l'Asie 
occidenlale.  M.  Bory  de  St.  Vincent  a  fait  connaître  tout 
récemment  ceux  de  la  Morée  et  M.  Bibron  ceux  de  la  Sicile. 

Les  moyens  littéraires  dont  j'ai  pu  disposer,  ont 
beaucoup  facilité  mes  recherches.  Votre  riche  et  belle  col- 
lection de  livres,  Monsieur,  a  été  toujours  ouverte  pour 
moi;  aussi  en  ai-je  fait  usage,  comme  si  elle  était  la 
mienne.  M.  le  Professeur  Geel,  Bibliothécaire  de  l'Uni v'cr- 
sité,  a  bien  voulu  mettre  à  ma  disposition  tous  les  ouvrages 
dont  j'avais  besoin  pour  mon  travail. 

Les  bontés  dont  M.  Reinwardl  m'a  comblé,  m'imposent 
le  devoir  de  la  reconnaissance  la  plus  profonde  :  ce  véné- 
rable savant ,  autrefois  mon  Professeur  le  plus  chéri,  m'a 
communiqué  et  ses  manuscrits  et  les  nombreux  dessins  (i) 

(i)  J'ni  commencé  la  publication  de  queltjues-iuis  dans  mes  y/^^//- 
(ht/tfe/?^  dont  la  preniirrc  livraison  vient  de  paraître. 


XXVK 


traulmaiix  qu  il  a  fait  l'aire  aux  lutlos;  sans  sa  bibliotlu-que 
choisie,  j(^  n'aurais  jamais  pu  terminer  mon  travail;  il 
m'a  aidé  de  ses  conseils ,  et  j'ai  été  assez  heureux  ,  grâce 
à  l'amitié  dont  il  m'honore ,  pour  profiter  souvent  de  ses 
lumières. 

Je  ne  répéterai  pas  ici ,  ce  que  je  dois  à  feu  II.  Boie;  mes 
faibles  paroles  ne  suffiraient  pour  exprimer  les  sentimens 
que  j'éprouve  en  repassant  dans  ma  mémoire  les  momens 
c[ue  la  présence  de  cet  infortuné  savant  rendait  si  pré- 
cieux. Sa  douceur,  sa  bienveillance  et  toutes  ces  qualités 
d'une  ame  noble  et  élevée,  le  faisaient  aimer  de  chacun  qui  le 
connaissait;  pliilantrope  aussi  zélé  qu'éclairé,  il  n'employait 
sa  vaste  érudition  que  pour  en  faire  profiter  ses  amis  et 
ses  découvertes  étaient  le  secret  de  tout  le  monde.  J'ai  eu 
le  bonheur  de  jouir  du  commerce  journalier  de  cet  excellent 
homme  et  je  regrette  que  ce  commerce  n'ait  été  que  de 
très  courte  durée.  Boie  a  bien  voulu  me  confier,  lors  de 
son  départ,  ce  grand  nombre  d'observations  qui  ont  été 
publiées  plus  tard  par  son  frère  ;  arrivé  aux  Indes ,  il  n'a 
cessé  de  me  communiquer  des  notes  relatives  aux  mœurs, 
à  la  manière  de  vivre  des  Ophidiens  que  je  me  suis  em- 
pressé d'incorporer  dans  mon  livre.  Son  jeune  élève  et 
ami,  M.  Mùller,  digne  successeur  de  ses  travaux,  a  suivi 
un  si  bel  exemple  en  nous  faisant  parvenir  un  grand  nombre 
de  dessins  faits  sur  le  vivant  par  notre  défunt  ami ,  le 
jeune  van  Oort.  Plusieurs  autres  de  mes  amis,  parmi 
lesquels  je  compte  particulièrement  M.M.  St.  Clair  Massiuh, 


XXVllI 


M.  le  professeur  Caiitraiiie  et  M.  Susanna  Aduiinistraleur  du 
Muséum ,  ont  bien  voulu  me  seconder  de  leurs  talens:  je 
leur  en  témoigne  mes  remercimens  sincères.  —  Enfin ,  je 
ne  saurais  terminer  ces  pages,  sans  avoir  rendu  grâce  aux 
précepteurs  de  ma  première  jeunesse ,  M.M.  le  Docteur 
Winkler  et  le  Professeur  Schmidt  à  Altenbourg  en  Saxe  : 
s'il  y  a  quelque  mérite  dans  mes  ouvrages  sous  le  rapport 
de  l'art,  on  doit  l'attribuer  au  second;  le  premier  m'a 
inspiré  ce  goût  profond  pour  l'étude  de  l'histoire  natu- 
relle, qui  m'a  décide  ensuite  à  me  vouer  entièrement  à 
cette  belle  science. 

Je  crois  avoir  dit  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  l'intel- 
ligence de  mon  livre.  Son  but  sera  rempli  s'il  emporte 
votre  approbation.  Monsieur,  et  s'il  est  favorablement 
accueilli  de  cette  partie  du  public  qui  préfère  la  simplicité 
aux  innovations. 

H.  SCHLliGEL. 


Il  1 7  II  p  -';: — 


HES  OPHÏDIEIVS  KN  GEIVERAL. 


On  a  coutume  de  com|>rendre  sous  le  nom  de  seipens  tous 
<:es  reptiles   qui  joignent  au  défaut  total  d'extrémiLes,    une 
forme  de  corps  extrêmement  déliée;  un   examen  plus  rigou- 
reux démontre  cependant  que  plusieurs  animaux  qu'il  faudrait, 
en  suivant  ces  principes,  classer  parmi  les  serpens,  offrent, 
dans   l'ensemble    de   leur    organisation,    des    traits    qui   les 
éloignent,  sous  tous  les  autres  rapports,  des  serpens  ,  auxquels 
ils  ne  ressemblent  que  par  leurs  formes  alongées.  On   est 
parvenu    de    nos   jours,    grâce    aux   recherches  des  anato- 
mistes,  à  distribuer  parmi  les  batraciens  quelques  uns  de  ces 
êtres  anomaux,   dont  cependant  la    plupart  sont  demeurés 
mêlés  confusément  dans  les  méthodes.    En  parcourant  d'un 
coup-d'oeil  rapide  la  grande  série  des  reptiles  à  corps  revêtu 
d'écaillés, on  parvient  à  découvrir  que  ces  animaux,  à  l'excep- 
tion des  Ghéloniens,  sont  modelés  sur  deux  types,  désignés 
en    style  familier  sous   les  dénominations    de  lézards   et  de 
serpens  ,  et  dans  la  science,  sous  celles  de  sauriens  et  d'ophi- 
diens. Mais,  en  comparant  ces  animaux  les  uns  aux  autres, 
on  s'aperçoit  que  la   forme  plus  ou  moins  alongée  du   corps 
existe  dans  toutes  les  nuances  (i);  que  le  développement  des 
extrémités  diminue  à   mesure  que  l'espèce  se  rapproche  du 
second  type  5   que  la  fonction  des  côtes  connne  organes  de 
locomotion  ,  augmente  dans  le  même  degré;  que  des  espèces 

(i)  Les  Scinques,  le  Seps,  le  Pygodactyle ,  le  Monoclactylc,  le  Pygo- 
pus  ,  le  Chalcis,  le  Télradaclylc,  l'Opliisaïuc ,  le  Pseiulopus  etc. 

I 


i  DKS  OPHIDIENS  EN  GÉNÉRAL. 

assez  voisines  offrent  souvent  de  grandes  disparités  dans  la 
disposition  des  extrémités,  ou  bien  qu'elles  ne  se  distinguent 
l'une  de  l'autre  que  par  le  défaut  ou  la  présence  des  extrémi- 
tés (i):  en  un  mot,  que  le  rôle  que  jouent  chez  les  sauriens 
les  formes  générales  et  les  organes  de  locomotion,  est  totale- 
ment subordonné  à  l'ensemble  de  l'organisation  (2).  Il  est 
donc  évident  que  des  caractères  empruntés  de  ces  parties-là  , 
devaient  toujours  conduire  au  système  artificiel  ;  il  résulte 
également  de  ce  que  nous  venons  de  dire,  que  les  deux  types 
sur  lesquelles  saurienset  les  ophidiens  sont  modelés,  selient 
par  de  nombreuses  formes  intermédiaires.  De  là  vient  aussi  que 
plusieurs  naturalistes  ont  refusé  d'adopter  les  deux  divisions 
précitées,  qu'ils  ont  fondues  toutes  deux  en  une  seule.  Cette 
manière  de  voir  est  également  susceptible  de  défense  et  d'op- 
position ;  et  ce  n'est  point  pour  faire  hommage  à  un  système 
quelconque,  que  je  m  avise  de  suivre  telle  ou  telle  vue.  Cepen- 

(i)  Les  Amphisbènes  et  le  Chiiole, 

(1)  Un  examen  comparatif  des  objets  m'a  démontré  que  ces 
sauriens  anomaux  ,  c'est-à-dire,  à  formes  alongées  et  à  extrémités  rudi- 
mentaires,  appartiennent  toujours  par  l'ensemble  de  leur  organisation 
à  quelque  espèce  de  l'une  ou  l'autre  des  familles  de  cet  ordre,  parmi  les- 
quelles ils  doivent  être  distribués.  On  ne  peut  nier  par  exemple  ,  qu'il 
V  a  un  passage  graduel  des  Scinques  à  l'Anguis  et  aux  A.contias ,  par 
l'intermède  des  Scinques  brachypus,  decreensis,  serpens,  seps,  du 
Pygodaclyle  et  du  Bipes:  êtres  moins  différens  entre  eux  par  leur  orga- 
nisation que  par  leurs  formes,  et  qui  ne  composent  qu'une  seule  famille, 
celle  des  Scincoïdes,  delaquelle  on  ne  saurait  exclure  ni  les  Ablephares 
ni  le  Gymnophthalme.  Le  même  passage  graduel  existe  dans  la  famille 
des  Lézards,  des  genres  Lacerta  et  Tachydromus  au  Monodactyle; 
on  y  peut  ajouter  comme  espèce  anomale  le  Pygopus.  On  pourrait  rap- 
procher dans  la  méthode  le  Tetradactyle,  le  Chalcis,  le  Pseudopus  et 
rOphisaure.  Viennent  enfin  la  famille  des  Amphisbènes  :  Chirotes, 
Leposternon,  Amphisbaenaet  celle  des  Typhlops:  Typhlops,  Rhinophis, 
Uropellis. 


J)ES  OPHIUlEiNS  KN  GÉNÉRAL.  3 

(laiit,  ooniiiie  je  me  suis  proposé  de  traiter  dans  mon  livre  des 
serpens  proprement  dits,  il  convient  de  donner  la  définition 
des  êtres  que  je  comprends  sous  cette  catégorie.  11  est  très 
facile  de  se  taire  une  idée  d  un  serpent,  lorsqu  on  prend  pour 
type  une  ties  espèces  où  tous  les  caractères  de  l'ordre  se  trou- 
vent réunis;  mais  il  est  difficile  de  consigner  des  marques  dis- 
tinctives  qui  séparent  d  une  manière  tranchée  les  ophidiens 
des  sauriens. 

Les  conditions  principales  de  Texistence  des  êtres  que 
1  on  désigne  sous  le  nom  de  serpens  ,  me  paraissent  con- 
sister en:  un  corps  très  alongé  pourvu  d'une  queue  et  revêtu 
de  tégumens  cuirassés  d'écaillés  dures;  qui  se  meut,  supporté 
par  les  côtes,  au  moyen  d'ondulations  latérales;  dont  laforme 
est  concentiée,  par  rapport  aux  dimensions  transversales,  sur 
le  volume  le  plus  petit  possible;  mais  dont  les  parties  sont 
susceptibles  d'un  élargissement  extraordinaire,  ce  qui  per- 
mette aux  serpens  d'avaler  les  animaux  volumineux,  que 
la  nature  leur  a  assignés  pour  nourriture.  Or  ,  pour  répondre 
à  ce  but,  la  charpente  osseuse  de  la  tête  des  serpens,  ne  forme 
pas,  comme  dans  la  plupart  des  autres  vertèbres,  une  masse 
immobile;  mais  les  parties  qui  la  composent  sont  réunies  les 
unes  aux  autres,  de  manière  que  toutes,  excepté  celles  qui 
embrassent  le  cerveau,  sont  susceptibles  d'une  mobilité 
plus  ou  moins  grande  et  le  plus  souvent  en  sens  divers.  Ce 
sont  particulièrement  les  os  qui  entrent  dans  la  conformation 
de  la  mâchoire  inférieure ,  qui  déterminent  la  configura- 
tion de  la  tête.  Le  développement  des  caisses,  leur  mode 
d'attache,  la  mobilité  dont  ces  os  jouissent  n'étant  point 
fixés  au  crâne  par  leur  bout  inférieur;  enfin  l'organisation 
des  deux  branches  de  la  mâchoire  inférieure  qui  sont  réunies, 
aulieude  symphyse  par  des  ligamens  élastiques,  et  parcelasusi 
ceptibles  de  s'écarter  considérablement  :  voilà  les  circonstances 
qui  contribuent  principalement  à  cet  élargissement  énorme 
de  ia  gueule   des  serpens.   Le  défaut  total  de  pieds  entraine 


1  DES  OPHlDlEiNS  EN  GÉNÉRAL. 

nécessairement  celui  des  pièces  solides,  telles  que  le  sternum, 
le  bassin  etc. ,  qui  lient  ces  membres  au  corps: les  côtes,  libres 
par  cette  raison,  jouissent  d'une  mobilité  plus  uniforme,  et 
contribuent  par  cela  à  l'élargissement  de  la  cavité  intestinale 
et  à  ce  changement  de  forme  du  corps,  si  sensible  dans  les 
diverses  positions  que  le  serpent  prend  en  rampant,  en  na- 
geant ou  en  grimpant.  Pour  obéir  à  ces  divers  mouvemens  , 
les  tégumens  généraux  se  trouvent  divisés  en  nombreux  com- 
partimens  qui  forment  autant  d'articulations ,  parallèles  aux 
parties  qu'elles  revêtent  ;  les  écailles  qui  forment  les  arti- 
culations au  dessous  de  l'animal ,  sont  ordinairement  plus 
grandes  que  le  reste  et  remplissent  la  fonction  de  pieds  , 
les  côtes  s'attachant  au  bord  latéral  de  la  face  interne  de  ces 
James.  L'espace  de  la  peau  nue  entre  les  écailles  est  plus 
considérable  que  chez  tous  les  autres  reptiles,  et ,  à  la  gorge 
cette  peau  nue,  pour  se  prêter  à  l'écartement  des  mandibules, 
s'offre  sous  la  forme  d'une  fente  longitudinale  appelée  sillon 
gidaire.  C'est  par  cette  organisation  des  tégumens  généraux 
que  ces  tuniques  ,  contractées  à  l'état  de  repos,  se  prêtent  à 
l'élargissement  extraordinaire  des  parties  internes. 

11  résulte  de  ce  que  je  viens  de  dire  sur  la  nature  des  ser- 
pens,  qu'il  faut  exclure  de  cet  ordre  les  Amphisbènes  et  les 
Typhlops  ,  quoique  les  derniers  se  lient  sous  beaucoup  de  rap- 
ports aux  ophidiens  et  qu'ils  font  en  quelque  sorte  le  passage 
à  ces  reptiles.  C'est  ce  rapprochement  qui  rend  difficile  sinon  im- 
possiblelétablissement  de  caractères servantde  distinction  aux 
deux  ordres  voisins  des  sauriens  et  des  ophidiens.  Appuyons 
cette  thèse  de  quelques  exemples.  Le  sillon  gulaire  ,  propre  à 
tous  les  seipens,  à  l'exception  des  Acrochordes,  se  voit  égale- 
ment chez  plusieurs  sauriens  tels  que  les  Lézards  etc.  Quelques 
espèces  d'ophidiens  offrent  des  vestiges  d'extrémités  posté- 
rieures, analogues  à  ceux  que  l'on  observe  aux  sauriens 
apodes,  ([uoique  leur  conformation  porte  à  croire  que  ceux 
des  derniers    êtres   leprésentent  le  bassin,    tandis  que  ceux 


DIlS  ()1>H[|)1R]NS  EJ\   GKNEKAL.  5 

lies  opliiiliens  répondent  aux  extrémités  postérieures.  L'or'^a- 
nîsation  de  la  langue  chez  les  Varans  et  les  Tejus   ne  se  dis- 
tingue presque  en  rien  de  celle  des  ophidiens.    Le  manque  de 
paupières    ne  peut  point  offrir   de  caractère   distinctif     car 
ces  organes  se  rencontrent,   dans  tous  les  degrés  de  dévelop- 
pement, chez  les  diverses  espèces  de  sauriens:  quelques  espè- 
ces, telles  que  l'Abléphare  et   le  Gymnophthalme ,   en    sont 
totalement  dépourvues;    lœil   exigu   des    Aniphisbènes ,    des 
Typhlops.  de  l'Acontias  cœcus,  est  revêtu  destéfjumens  jréné- 
raux  en  sorte  que  ces  animaux   ont  la  vue  si  basse,  qu'ils  en 
sont    presque  aveugles;  l'Acontias  meleagris  au  contraire  ,  a 
les  yeux  garnis   dune  paupière  inférieure;    le  Pygopus  pré- 
sente lin  rudiment  de  paupière  orbiculaire  ,  bordant  l'œil  dans 
toute  sa  circonférence  ,  sans  avoir  la  faculté  de  se  fermer  sur 
cet  organe;  chez  plusieurs  Geckos  enfin  les  paupières  se  pré- 
sentent sous  la  forme  de  prolongemens  de  la  peau  ,  trop  peu 
développés  pour  servir  de  protection  aux  yeux.   Une  des  par- 
ties les  plus  caractéristiques  du  crâne  des  sauriens  est  la  colu- 
melle,   petit   os  pair   et  linéaire  qui  réunit  les  pariétaux  aux 
ptérygoïdiens;  cet  os  manque  cependant  aux  Typhlops  ,  aux 
Aniphisbènes   et  même  aux  Acontias.  Le  développement  de 
l'oreille  externe  s'observe  dans  toutes  les  nuances,  depuis  les 
sauriens   aux    ophidiens;  les  dernières  traces  se  voient  chez 
l'Anguis  et   l'Acontias,  pour  disparaître  totalement  dans  les 
Aniphisbènes  et  les  Typhlops.    Les  os-suspensoirs  simples,  les 
caisses  des  serpens,  remplacés  chez  la  plupart  des  sauriens  par 
deux  pièces,  se  trouventchez  l'Acontias,  quoiqu'ils  manquent 
aux  Aniphisbènes  et  aux  Typhlops. 

L'ensemble  des  os  du  crâne  pourrait  peut-être  offrir  les 
meilleurs  traits  de  distinction  entre  les  deux  ordres  voisins, 
si  quelques  espèces  de  la  famille  des  Typhlops,  les  Uropeltis, 
ne  se  rapprochaient  aussi  de  ce  coté  des  ophidiens.  11  est 
bon  cependant  de  se  faire  une  idée  des  principales  différences, 

*         I  *         * 

qui  distinguent  le  crâne  des  sauriens  de  celui    (U\s  serpens 


i;  DES  OPHlDifiiNS  EN  GENEllAL. 

Les  os  de  la  face  de  ces  derniers  ne  forment  jamais  une  masse 
immobile  perforée  par  les  narines  et  composée  par  des  pièces 
engrenées  les  unes  dans  les  autres,  tel  qu'on  l'observe  chez  les 
sauriens:  chez  les  ophidiens,  l'intermaxiilaire,  de  forme  com- 
primée et  en  trigone,  est  toujours  libre,  mobile  et  jamais 
soudé  aux  maxillaires  au  moYen  de  sutures:  ces  derniers  os, 
lorsqu'ils  sont  réunis  intimement  aux  frontaux  antérieurs, 
n'offrent  qu'une  attache  assez  étroite,  et  jouissent  toujours 
d'un  certain  degré  de  mobilité  ;  les  bords  latéraux  des  nasaux 
enfin  sont  toujours  libres  dans  toute  leur  étendue.  Les  ptéry- 
goïdiens  se  présentent  constamment  sous  la  forme  d'os  effilés, 
déprimés,  peu  larges  et  articulés  avec  la  tête  au  moyen  de 
ligamens ,  qui  cèdent  avec  facilité  aux  mouvemens  plus  ou 
moins  limités  que  ces  pièces  sont  capables  d'exécuter.  Aucun 
ophidien  n'a  la  bouche  armée  de  dents  grosses ,  coniques  et 
perpendiculairement  enchâssées:  ces  organes  chez  les  serpens, 
ressemblent  au  contraire  à  des  crochets,  courbés  en  arrière  et 
ont  leur  pointe  acérée  ;  en  outre ,  les  serpens  ont ,  à  l'exception 
du  seul  Oligodon,  le  palais  muni  de  dents  semblables  à  celles 
des  mâchoires ,  tandis  que  l'on  trouve  chez  les  sauriens  seu- 
lement des  traces  de  dents  palatines  en  forme  d'aspérités 
petites  et  irrégulières. 

On  voit  de  tout  ce  que  nous  avons  dit  sur  l'organisation 
des  ophidiens,  que  ces  reptiles  sont  particulièrement  remar- 
quables sous  le  rapport  de  la  locomotion  et  sous  celui  de  la 
manière  comme  ils  avalent  leur  proie.  Ce  sont  aussi  ces  condi- 
tions qui  modifient  l'ensemble  de  leur  organisation  :  la  pre- 
mière détermine  les  formes  générales  du  corps  ;  la  secoode 
celles  des  parties  internes.  On  observe,  en  examinant  la 
position  générale  des  intestins,  que  les  mêmes  organes  qui, 
chez  la  plupart  des  autres  vertébrés  occupent  une  ou  plusieurs 
cavités  spacieuses,  se  trouvent  resserrés  ,  chez  les  ophidiens,  à 
cause  de  la  forme  effilée  de  leur  tronc,  dans  un  cylindre  étroit 
et  long.    Il  est  évident  que  cette  disposition  ne  pouvait  avoir 


DES  01MIII31E1NS    EN   (iËNKllAL.  7 

lieu  sans  de  grauils  tliaiigeiiiens  clans  ia  coriloiniation  des 
viscères  et  sans  rompre  la  symétrie  bilatérale.  Voilà  pourquoi 
le  cœiir  est  tantôt  éloigné ,  tantôt  rapprocln^  de  la  tête ,  suivant 
quelestoinao  a  plus  ou  moins  détendue;  voilà  pourquoi  on  ne 
voit  le  plus  souvent  qu'un  seul  poumon,  s'étendant  quelque- 
fois en  avant  du  cœur ,  mais  situé  ordinairement  derrière  cet 
organe:  ce  poumon  est  presque  toujours  terminé  par  une 
espèce  de  sac  plus  ou  moins  développé  servant  de  réservoir 
de  Tair.  La  forme  du  foie  se  trouve ,  par  les  mêmes  raisons, 
modifiée  en  un  ruban  étroit ,  s'étendant  du  cœur  au  pylore. 
La  vésicule  du  fiel,  pour  ne  pas  être  gênée  dans  l'exercice 
de  ses  fonctions  ,  lorsque  lestomac  est  rempli,  est  éloignée 
du  foie  ,  et  placée  dans  la  même  courbure  du  duodénum 
qui  reçoit  le  pancréas  et  la  rate.  L'estomac  ressemble  à  un 
cylindre  long  et  peu  spacieux.  Suivent  les  intestins,  dont  les 
nombreuses  inflexions  sont  remplies  de  graisse,  et  qui  abou- 
tissent ,  après  être  descendus  en  ligne  droite  ,  dans  la  cloaque. 
La  partie  inférieure  de  la  cavité  abdominale  n'étant  pas  assez 
spacieuse  pour  recevoir  le  reste  des  organes ,  il  en  résulte  la 
disposition  anomale  des  reins,  des  testicules  ou  des  ovaires  ;  la 
verge  enfin  et  un  organe  sécréteur  sont  logés  dans  la  queue. 

Il  est  évident  d'après  ce  que  nous  venons  de  dire,  que  la 
forme  de  la  plupart  des  organes  internes  des  serpens,  n'a 
aucune  influence  sur  l'exercice  de  leurs  fonctions;  nous  verrons 
même  plus  tard,  que  la  disposition  de  ces  organes  diffère  non 
seulement  dune  espèce  à  l'autre,  mais  qu'elle  varie  même  quel- 
quefois entre  les  individus  de  la  même  espèce. 

La  disposition  des  organes  extérieurs  au  contraire,  présente 
des  formes  plus  constantes;  mais  ces  parties  sont  modifiées 
suivant  que  l'espèce  liabite  les  arbres,  la  terre  ou  les  eaux. 
La  locomotion  s'exerce  cependant  très  uniformément:  ce  sont 
les  mêmes  mouvemens ,  qui  font  glisser  le  serpent  sur  la  terre , 
qui  le  poussent  à  travers  les  profondeurs  de  l'élément  humide, 
ou  qui  l'aident  à  s'entortiller  autour  les  branches  des  arbres. 


8  DES  OS  DU  TRONC. 

Les  ondulations  latérales  du  corps  suffisent  pour  ce  genre  de 
locomotion ,  et  ce'nesont  que  les  serpens  de  mer  qui  se  servent 
de  leur  queue,  expressément  organisée  à  ce  but,  et  comme 
rame  et  comme  gouvernail.  Lorsque  la  locomotion  se  fait 
sur  un  corps  solide,  les  côtes  mettant  en  jeu  les  bandes 
abdominales,  forment  autant  de  leviers  qui  supportent  l'im- 
pulsion ,  produite  par  les  ondulations  du  tronc,  en  se  relevant 
et  se  couchant  alternativement  et  en  touchant  avec  leurs 
extrémités  antérieures  le  plan  de  position.  Le  degré  de  vitesse 
de  la  locomotion  dépend  en  grande  partie  de  la  nature  du  corps 
sur  lequel  le  serpent  rampe:  il  se  traîne  avec  difficulté  sur  une 
glaire ,  sur  une  table  à  surface  unie  et  polie,  mais  il  s'échappe 
avec  célérité  sur  un  terrain  sablonneux ,  ou  revêtu  d'une 
végétation  brûlée,  comme  des  bruyères;  pour  monter  le  long  des 
objets  perpendiculairement  élevés ,  le  serpent  sait  tirer  parti 
de  chaque  petite  protubérance,  qui  lui  offre  un  point  d'appui 
pour  les  articulations  de  l'abdomen. 

Pour  exercer  ces  fonctions,  il  fallait  que  les  os  qui  com- 
posent le  tronc  des  ophidiens  ainsi  que  leurs  muscles,  fussent 
disposés  d'une  manière  propre.  Chacun  sera  frappé  au  premier 
coup-d'œil  de  la  multiplicité  de  ces  parties  et  de  leur  unifor- 
mité. Toutes  les  vertèbres,  toutes  les  côtés  se  ressemblent,  à 
quelques  exceptions  près,  sous  le  rapport  de  leur  conforma- 
tion ,  et  ce  n'est  que  vers  les  extrémités  de  l'animal  que  ces  os 
diminuent  de  volume. 


DES  OS  mi  TROTVC 


Les  vertèbres  du  tronc  portant  toutes  des  côtes, 
la  distinction  usuelle  entre  vertèbres  cervicales ,  dorsa- 
les et  lombaires  ne  peut  avoir  lieu  chez  les  serpens  ; 
)1    s'en    suit    que    le   nombre   des    côtes   doit    toujours    être 


DKS  OS  DU  TRONC.  0 

égal  à  celui  des  vertèbres;  enfin,  comme  les  arliculalions 
écallleuses  de  la  peau  correspondent  toujours  avec  les  cotes, 
qui  en  sont  les  leviers  ,  il  en  résulte  encore  que  le  nondjre  des 
plaques  du  dessous  des  serpens  doit  être  le  même  que  celui 
des  côtes  ou  des  vertèbres.  Chacun  sait  ([ue  ce  nombre 
varie  non  seulement  selon  les  espèces,  mais  aussi  selon  les 
individus,  de  sorte  qu'il  existe  souvent,  dans  divers  individus 
de  la  même  espèce,  une  différence  de  3o  ou  50  vertèbres  de 
plus  ou  de  moins.  Le  nombre  des  vertèbres  du  tronc,  et  par 
conséquent  aussi  le  nombre  des  côtes,  n'excède  que  rarement 
3oo,  et  ne  se  trouve  jamais  au  dessous  de  ioo;les  vertèbres  de 
la  queue  au  contraire  sont  quelquefois  réduites  à  5,  tandis  qu  on 
en  compte  chez  d'autres  serpens  de  i5o  à  200. 

La  conformation  des  vertèbres  varie  également  dans  les 
différentes  espèces  ,  quoique  toutes  soient  modelées  sur  le 
même  type.  On  y  distingue  toujours  une  partie  centrale, 
le  corps  ,  qui  est  armé  d'apophyses  plus  ou  moins  développées 
et  plus  ou  moins  nombreuses  suivant  la  région  du  corps, 
ou  selon  les  espèces.  Le  corps  des  vertèbres  est  le  plus  souvent 
ramassé  ;  mais  chez  la  plupart  des  serpens  d'arbre  le  diamètre 
longitudinal  de  cette  partie  excède  de  beaucoup  son  épaisseur, 
de  sorte  que  les  os  du  tronc  sont,  relativement  à  la  taille  de 
ces  animaux  ,  beaucoup  moins  nombreux  que  chez  le  reste 
des  ophidiens.  Les  vertèbres  jouent  assez  librement  les  unes 
sur  les  autres,  au  moyen  d'articulations  prononcées  et  plus 
nombreuses  que  dans  la  plupart  des  autres  animaux.  La 
jointure  principale ,  celle  qui  se  trouve  presque  perpendi- 
culaire à  l'axe  de  la  vertèbre,  se  compose  d'un  condyle 
parfaitement  spViérique,  séparé  du  corps  de  la  vertèbre  par 
un  étranglement  en  guise  de  col;  ce  condyle  est  reçu 
par  la  fossette  creusée  dans  la  partie  antérieure  <lu  corps 
de  la  vertèbre  suivante:  il  en  résulte  un  mode  d'articulation 
qui  mériterait  le  nom  d'enarthrose  dans  l'acception  la  plus 
étendue,   si    se§   mouvemens    n  étaient   jias    gênés    par     les 


10  DES  OS   DU  TRONC. 

articulations  des  apophyses  des  vertèbres.  Les  épineuses^ 
très  larges  et  volumineuses  à  leur  base  ,  se  confondent  par 
derrière,  avec  les  apophyses  articulaires  ,  qui  remplacent  le 
plus  souvent  aussi  les  transversales;  à  leur  face  antérieure  au 
contraire,  la  base  des  apophyses  épineuses  est  prolongée 
en  une  saillie  large,  qui  se  loge  dans  la  cavité  à  la  base  de 
1  apophyse  précédente  :  les  points  de  réunion  sont  deux 
paires  de  facettes  articulaires  latérales  et  inclinées  vers  l'axe  de 
la  vertèbre;  et  voilà  l'origine  des  plans  articulaires  surnumé- 
raires chez  les  ophidiens.  Les  plans  des  apophyses  articulaires 
enfin  offrent  une  surface  plane  et  leur  direction  est  parfaite- 
ment horizontale.  Il  résulte  de  cette  description  ,  que  les 
mouvemens  du  corps  des  serpens  ne  s'exécutent  librement 
que  dans  le  sens  latéral  et  vertical ,  et  encore  la  mobilité 
dans  ce  dernier  sens  est-elle  modifiée  suivant  la  conformation 
des  apophyses  épineuses.  Il  est  évident  que  cette  mobilité  doit 
diminuer  à  mesure  que  ces  dernières  ont  acquis  du  dévelop- 
pement. Chez  les  Boas ,  les  Tortrix ,  et  chez  plusieurs  Cou- 
leuvres, ophidiens  qui  ont  la  faculté  de  rouler  leur  corps 
fortement  en  dedans,  les  apophyses  épineuses  supérieures 
sont  peu  développées  ^  et  on  n'en  voit  d'inférieures  qu'à  la 
partie  antérieure  du  tronc.  D'autres  ophidiens  au  contraire,  et 
particulièrement  les  serpens  venimeux  proprement  dits,  ont 
toutes  les  vertèbres  hérissées  d'apophyses  épineuses,  tant 
mférieures  que  supérieures,  extrêmement  développées  et  dont 
les  dernières  sont  souvent  assez  larges  et  serrées.  Le  déve- 
loppement de  ces  parties  variant  cependant  dans  les  espèces 
d'un  même  genre,  nous  renvoyons  à  la  partie  spéciale  de 
notre  travail  pour  des  informations  ultérieures;  il  ne  me  reste  à 
constater  ici  que  les  épineuses  inférieures,  lorsqu'elles  existent, 
ne  se  trouvent  le  plus  souvent  que  dans  les  vertèbres  qui  com- 
posent la  partie  antérieure  du  tronc,  à  partir  du  coeur. 

Nous  avons  déjà  dit  plus  haut  que  les  vertèbres  des  ophi- 
diens sont,  à  quelques  exceptions  près  ,  dénuées  d'apophyses 


DES  OS  J)IJ  Tiionsc.  11 

transversales  ,  ilont  on  ne  retrouve  des  parties  analogues  que 
chez  les  Bongares ,  où  elles  consistent  de  chaque  côté  en  deux 
lamelles  très  minces:  l'une  supérieure,  peu  développée  et 
légèrement  oblique,  l'autre  antérieure  assez  considérable  et 
large  au  bout. 

Une  saillie  de  l'os,  placée  de  chaque  côté  à  la  partie  anté- 
rieure du  corps  des  vertèbres  et  dirigée  un  peu  vers  le  dessous, 
porte  la  facette  articulaire  pour  les  côtes.  Ces  os ,  larges 
et  comprimés  à  la  base,  où  ils  offrent  par  derrière  une 
petite  apophyse  émoussée,  sont  presque  cylindriques,  dirigés 
en  arrière,  toujours  arqués,  mais  dans  un  degré  différent 
selon  les  espèces;  leur  longueur  varie  également,  suivant 
la  circonférence  du  tronc  qu'ils  doivent  embrasser.  Leur 
extrémité  sternale  se  termine  en  un  cartilage  ,  qui  se  prolonge 
sur  les  bords  des  bandes  abdominales. 

La  forme  extérieure  des  serpens  indique  que  le  développe- 
ment des  vertèbres,  de  leurs  apophyses  et  des  côtes,  doit 
diminuer  vers  les  deux  bouts  du  tronc  :  aussi  les  côtes 
de  la  première  vertèbre  sont-elles  très  petites  ou  manquent 
même  tout-à-fait.  L'atlas ,  souvent  dépourvu  d'apophyse 
épineuse,  a  son  corps  perforé  par  l'apophyse  odontoïde, 
qui  se  présente  sous  la  forme  d'une  saillie  conique,  entourée 
par  les  trois  plans  articulaires,  qui  forment  la  cavité  glénoïde, 
destinée  pour  la  réception  du  condyle  occipital.  La  petitesse 
des  premières  vertèbres  et  le  peu  de  développement  de  leurs 
apophyses ,  fait  que  leurs  plans  articulaires  sont  assez  obli- 
térés ,  et  même  confondus  les  uns  avec  les  autres.  Les 
vertèbres  de  la  queue  offrent ,  à  la  disposition  des  apophyses 
près  ,  une  conformation  analogue  à  celles  du  tronc ,  mais  leur 
développement  diminue  insensiblement ,  à  mesure  qu  elles  se 
rapprochent  du  bout  de  ce  membre.  Elles  sont  constamment 
pourvues  d'apophyses  transversales  dirigées  en  bas  ,  qui  aug- 
mentent en  longueur  vers  la  base  de  la  queue  où  elles  sont 
souvent,  comme  les  dernières   côtes,   fendues  en  deux,  de 


12  DES  OS  DE  LA  TÈTE. 

sorte  qu'il  en  existe  quatre  ou  six  rangées  ou  plus.  Le  Jévelop- 
pemeîit  des  épineuses  supérieures  de  la  queue  se  rè'de  sur 
celui  des  apophyses  des  vertèbres  du  tronc,  quoique  dans  les 
serpens  de  mer,  elles  soient  d'une  longueur  peu  conmiune  ;  les 
inférieures  au  contraire,  sont  toujours  fendues  longitudinale- 
ment,  ou  plutôt  on  en  compte  une  double  rangée.  Dans 
quelques  ophidiens  à  queue  obtuse  et  grosse  ,  tels  que  l'Eryx, 
le  nombre  des  apophyses  de  la  queue  est  très  grand  et  on  en 
voit  par  les  raisons  ci-dessus  énoncées,  chez  les  Bongares, 
trois  rangées  de  transversales. 


DES  OS  DE  LA  TETE. 

Le  crâne  proprement   dit  des  ophidiens,  ou  l'ensemble 
des  os  qui  renferment  le   cerveau   et  la  plupart  des  organes 
des    sens,     forme    la    plus     petite    partie   de   la    charpente 
osseuse  qui  sert  de  base  à  toute  la  tête.   Les  organes  solides 
de  la  manducation  au  contraire,  avec  leurs  attaches  et  leurs 
leviers  assez   développés,   qui  jouissent  tous  d'une  mobilité 
plus  ou  moins  limitée  ,  composent  une  autre  partie  du  crâne, 
plus  étendue  que  la  première,  et  de  laquelle  dépend  presque 
entièrement  la  forme  extérieure  de  la  tête.   Le  crâne  propre- 
ment dit  est  toujours  alongé,  et  offre  sa  plus  grande  largeur 
immédiatement   derrière  les   yeux  ;   d  ici  ses  bords  latéraux 
vont    le    plus    souvent    en    convergeant    vers   le  bout   du 
museau  ;    la  partie    postérieure   du  crâne  se    rétrécit  brus- 
quement et    forme  un   cylindre   plus  ou  moins   effilé,  évasé 
à  la  base,   boursoidflé  au    milieu,   et   plus  gros  vers  le  bout. 
Les   (ôtés  de  cette   partie  servent  de  point  d'insertion  aux 
nuiscles  temporaux ,  dont   l'action    produit    avec   l'âge    une 
crête  saillante   sur  le  sonmiet  i\u   crâne.  La  fosse  temporale 
ainsi  iormée,  n'est  par  derrière  que  vaguejnenl  terminée  pai  les 


DKS  OS   l)i:   LA    rftTK.  lA 

-caisses;  par  devant  ce  sont  les  frontaux  postérieurs,  loiquils 
existent,  cpil  indiquent  les  limites  entre  cette  cavité  et 
celle  qui  renferme  l'œil.  Il  est  évident  que  cettiî  dernière 
doit  être  plus  ou  moins  complète  suivant  le  degré  de  déve- 
loppenu^nt  de  ces  os;  d'ailleurs  cette  cavité  n'est  jamais 
parfaitement  fermée  qu'à  sa  partie  antérieure.  La  cavité 
nasale  (Mifin  ,  toujours  ouverte  vers  le  devant,  et  dont  les 
ouvertures  internes  sont  très  rapprochées  du  bout  tlu 
museau  ,  occupe  la  partie  antérieure  du  crAne  et  n'est  que 
très  incomplètement  recouverte  par  les  nasaux. 

Les  pièces  osseuses  qui  forment  les  parois  de  la  cavité  du 
crâne  sont  toutes  soudées  entre  elles,  et  se  composent  des 
suivantes  : 

i)  Le  s p  hé n  o ï de,  os  impair  de  forme  effilée,  occupant  la 
base  du  crâne,  est  pourvu  de  chaque  côté,chez  plusieurs  serpens 
non  venimeux  et  notamment  chez  les  Boas,  d'une  saillie  ou 
d'une  petite  protubérance,  qui  sert  d'attache  aux  ptéryooïdiens 
internes;  c'est  au  contraire  chez  les  serpens  venimeux  propre- 
ment dits,  que  sa  partie  postérieure  est  amincie  en  une  crête 
qui  se  prolonge  souvent  en  arrière  pour  former  ,  conjoii-te- 
nient  avec  l'occipital  inférieur  ,  ce  long  crochet  analo^^ue  aux 
apophyses  épineuses  inférieures  des  vertèbres,  et  qui  offre  un 
levier  puissant ,  servant  de  point  d'insertion  aux  muscles 
flécliisseurs  de  la  tète. 

2j  Le  pariétal,  os  également  impair,  qui  détermine 
principaieniiînt  la  forme  de  la  partie  postérieure  de  la  tète  et 
dont  nous  avons  par  conséquent  mentionné  plus  haut  la 
configuration. 

3j  Les  frontaux  proprement  dits,  os  constamment  en 
nombre  pair,  qui  terminent  la  cavité  du  crâne  en  avant;  ils 
sont  le  plus  souvent  à  surface  plane  en  dessus,  et  descendent 
dans  l'orbite  pour  se  réunii-  avec  le  sphénoïde. 

4)  Les  occipitaux,  divisés  en   iid'érieurs  et  supérieui 
engrenés  à  l'extrémité   postérieure   du   crân(!,  et   munis  (\( 


s, 


14  DES  OS  DE  Là  TETE. 

plusieurs  protubérances,  dont  celles  qui  entourent  le  trou 
occipital  sont  les  plus  remarquables.  L'entrée  de  cette  cavité  est 
protégée  au  dessus  par  une  lame  osseuse,  en  guise  d'écaillé, 
assez  saillante  et  voûtée;  au  dessous  se  projeté  le  condyle 
occipital,  porté  sur  un  col  et  composé  de  trois  pièces  qui,  se 
soudant  avec  l'âge,  ne  forment  qu'un  seul  plan  articulaire 
tantôt  en  trèfle  ,  tantôt  en  cœur. 

5)  Viennent  enfin  les  rocliers,  enchâssés  de  chaque  côté 
^ntre  les  occipitaux  et  le  pariétal ,  et  dont  les  cavités  contien- 
nent les  organes  de  l'ouïe  ;  la  postérieure  reçoit  le  rocher. 

L'assemblage  des  os  de  la  face  se  trouve  dans  le  même 
plan  avec  ceux  qui  forment  la  boîte  osseuse  du  crâne  propre- 
ment dit ,  et  que  nous  venons  de  décrire.  On  observe  d'abord 
une  paire  d'os  ,  les  frontaux  antérieurs  ,  qui  sont  le  plus  sou- 
vent en  trigone,  qui  déterminent  les  parties  latérales  de  la  face, 
et  dont  le  plan  postérieur  sert  à  former  la  partie  antérieure  de 
l'orbite;  la  face  inférieure  de  cet  os  touche  au  maxillaire  ,  avec 
lequel  il  est  articulé  chez  les  serpens  venimeux  proprement  dits: 
sa  forme  et  sa  direction  varient  extrêmement,  suivant  les  fonc- 
tions qu'il  doit  remplir,  et  son  volume  est  réduit,  chez  ces  der- 
niers êtres,  à  très  peu  de  chose;  la  face  interne  enfin  compose 
le  fond  de  la  cavité  nasale,  dont  l'étendue  cependant  est  en 
grande  partie  formée  par  plusieurs  os  liés  au  crâne  au  moyen 
de  ligamens  ,  et  permettant  un  mouvement  plus  ou  moins  libre 
et  dans  le  sens  vertical.  Ces  pièces,  qui  servent  en  même  temps 
de  base  au  museau,  et  qui  déterminent  le  degré  de  mobilité 
dont  il  est  susceptible,  reçoivent  à  leur  bout  antérieur  l'in- 
termaxillaire  :  ce  sont  i)  le  vomer,  composé  de  deux  pièces 
symétriques,  se  réunissant  le  long  de  leur  face  interne,  larges 
et  triangulaires  en  avant,  effilées  vers  l'extrémité  qui  les  réunit 
au  sphénoïde;  2)  les  nasaux,  presque  toujours  triangulaires, 
et  dont  une  lamelle  intérieure  descend  pour  former  la  cloison 
qui  sépare  les  narines;  ils  recouvrent  ia  cavité  nasale;  3)  un 
petit  os,  analogue  aux  cornets. 


DKS  OS  DE  LA  TKTK.  15 

• 

On  observe  de  plus  dans  le  crâne  des  ophidiens  plusieurs 
pièces  surnuméraires,  qui  cependaiU  sont  loin  de  se  trouver 
constannnent  chez  toutes  les  espèces.  Les  premières,  les 
frontaux  j)ostérieurs ,  sont  des  os  qui  descendent  du  som- 
met du  front  pour  protéger  le  bord  postérieur  de  l'œil; 
chez  les  Trigonocéphales,  les  Crotales  et  chez  d'autres  serpens 
non  venimeux  on  ne  voit  que  des  vestiges  de  ces  os;  ils 
disparaissent  chez  les  Elaps  et  les  Tortrix,  tandis  qu'ils  sont 
très  développés  chez  les  Boas ,  chez  plusieurs  Vipères  ,  etc.  ; 
chez  l'Acrochordc  enfin,  ils  s'étendent  jusqu  aux  frontanx 
antérieurs,  et  remplacent  ainsi  les  surorhitaux  ,  autre  paire 
de  pièces  osseuses  surnuméraires,  propres  aux  Pythons,  et 
enchâssées  entre  les  trois  frontaux. 

Tous  les  autres  os  de  la  tête  appartiennent  plus  ou  moins 
directement  au  grand  appareil,  destiné  à  la  manducation ,  si 
toutefois  ce  terme  peut  s'employer  chez  les  animaux  dont 
nous  traitons.  Cet  appareil  se  divise  naturellement  en  deux 
parties:  la  première,  qui  se  compose  de  la  mâchoire  supé- 
rieure et  de  son  train;  la  seconde,  qui  est  formée  par  la 
mâchoire  inférieure  et  les  pièces  qui  la  suspendent  au  crâne. 
Il  faut  rapportera  la  première,  l'in  ter  ma  xillaire,  petit 
os  placé  transversalement  au  bout  du  museau,  rarement  armé 
de  dents,  et  dont  la  manche  se  loge  entre  les  nasaux  et  le 
vomer  :  étant  au  reste  libre,  il  suit  les  mouvemens  de  ces 
os.  Les  maxillaires,  également  libres  à  leur  extrémité  anté- 
rieure, sont  réunis  au  crâne  par  l'intermède  des  frontaux 
antérieurs  ;  leur  extrémité  postérieure  se  lie  avec  les  ptéry- 
goïdiens  externes:  mais  il  s'en  faut  bien  que  leur  conforma- 
tion et  leur  mode  d'attache  soient  toujours  les  mêmes,  dans  les 
différens  genres  d'ophidiens.  Chez  les  serpens  non  venimeux 
cet  os  est  assez  alongé,  posé  horizontalement,  armé  d'une 
rangée  de  dents  nombreuses,  et  toujours  lié  au  moyen  d'un 
pont  plus  ou  moins  large  aux  palatins  ou  même  aux  ptérygoï- 
diens  internes;  chez  les  venimeux  au  contraire,  il  est  réduit  à 


k;  des  os  de  la  tète. 

une  pièce  assez  courte  ,  et  frautant  plus  petite  que  le 
serpent  est  plus  venimeux:  c'est  ainsi  que  l'on  voit  chez 
les  serpens  venimeux  proprement  dits ,  cet  os  porter  unique- 
ment les  crochets,  articulé  au  frontal  antérieur  et  libre  dans 
tout  le  reste  de  son  étendue.  Il  est  évident ,  que  le  développe- 
ment des  ptérygoïdiens  externes,  vrais  leviers  de  la  mâ- 
ciioire  supérieure,  doit  se  trouver  en  raison  inverse  de  celui 
des  maxillaires;  cette  pièce  intermédiaire  entre  les  maxillaires 
et  les  ptérygoïdiens  internes  est  toujours  dépourvue  de  dents  ,^ 
et  s'amincit  à  mesure  qu'elle  augmente  en  longueur  :  elle  se 
montre  conséquemment  chez  les  serpens  venimeux,  en  forme 
de  stylet  linéaire  et  très  menu.  Les  ptérygoïdiens  internes,  aux- 
c[ueîs  se  réunissent  en  avant  les  palatins,  forment  avec  ceux- 
ci  deux  branches,  le  plus  souvent  en  S  ,  et  qui  s'étendent  sur 
presque  toute  la  longueur  du  crâne.  Leur  extrémité  antérieure 
est  libre  ou  liée  au  vomer  au  moyen  de  ligamens,  la  posté- 
rieure s'attache  au  bord  interne  de  la  caisse,  près  de  sa  base. 
Ces  branches  sont ,  excepté  chez  le  seul  Oligodon  ,  armées  de 
dents.  Outre  la  réunion  avec  le  ptérygoïdien  externe,  le  ptéry- 
goïdien  interne  se  lie,  chez  plusieurs  serpens  non  venimeux, 
au  sphénoïde.  Il  en  est  de  même  des  palatins  qui,  chez  toute 
cette  tribu  et  chez  les  serpens  venimeux  proprement  dits, 
s'attachent,  au  moyen  d'une  petite  apophyse,  à  la  base  du 
crâne. 

Il  me  reste  à  parler  de  la  mâchoire  inférieure. 
Tout  le  monde  sait,  que  ses  deux  branches  sont  réunies  à 
leur  bout  antérieur  au  moyen  d  un  ligament,  au  lieu  d'être  sou- 
dées. Chaque  branche  se  compose  de  deux  os  principaux:  le 
dentaire  et  l'articulaire  ,pièces  dont  les  sutures  sont  recouvertes 
à  la  face  interne  de  trois  petites  pièces  surnuméraires;  on  a 
comparé  la  supérieure  à  l'apophyse  coronoïde  du  squelette  des 
mammitères,  mais  chez  plusieurs  ophidiens  et  notamment 
chez  les  serpens  venimeux  proprement  dits ,  la  pièce  dont 
«ous  pailons  seti'ouve  presque  réduite  à  rien  et  placée  sous  le 


DES  OS  DE  LA  TÈTE.  17 

(icntahe,  tandis  que  la  vcritahlo  apophyse  coionoidoest  assez 
développée  et  occupe  la  partie  postérieure  de  l'articulaire  près 
de  sa  jonction  avec  les  caisses.  Le  dentaire  portant  à  lui  seul 
les  dents,  en  est  toujours  hérissé  dans  toute  sa  longueur:  il  varie 
assez  dans  les  différentes  espèces, ayant  acquis  le  terme  du  déve- 
loppement chez  les  Boas,tandis  qu'on  observe  l'excès  opposé 
chez  les  serpens  venimeux;  il  est  superllu  d'observer  que  le 
développement  des  deux  pièces  principales  de  la  mandibule 
inférieure  doit  avoir  lieu  en  raison  inverse  l'une  de  l'autre,  et  que 
l'étendue  de  cette  mâchoire  en  son  entier  augmente  naturelle- 
ment, à  mesure  que  ses  os-suspensoirs  ont  acquis  du  déve- 
loppement. Ces  os-suspensoirs  se  trouvent  au  nombre  de  deux 
de  chaque  côté:  i)  le  mastoïdien ,  collé  au  crâne  au  dessus 
du  rocher ,  et  2)  les  caisses  ou  os  lympaniques,  liés  aux 
mastoïdiens  au  moyen  de  ligamens ,  et  portant  à  leur  extrémité 
inférieure  un  plan  articulaire  plus  ou  moins  échancré,  qui 
produit  la  jonction  en  charnière  avec  le  condyle  de  la  mâchoire 
inférieure.  Les  mastoïdiens,  rarement  soudés  au  crâne,  comme 
dans  les  Tortrix,  et  le  plus  souvent  en  forme  d'écaillé,  sont 
toujours  placés  dans  le  même  plan  avec  la  surface  du  crâne,  et 
le  cèdent ,  relativement  à  leur  étendue,  aux  caisses  dont  la 
direction  et  la  forme  varient  assez  dans  les  diverses  espèces: 
ramassées  et  suspendues  presque  dans  le  sens  vertical  chez  les 
Elaps,  les  Boas,  les  Tortrix  et  plusieurs  autres  serpens  non 
venimeux,  ces  dernières  pièces  sont  eifdées,  filiformes,  diii- 
gées  en  dehors  et  dans  une  position  plus  ou  moins  verticale 
chez  beaucoup  d'ophidiens,  notamment  de  la  division  des 
venimeux  proprement  dits. 

Il  résulte  de  la  conformation  de  ces  parties,  que  la  bouche 
des  ophidiens  est  d'autant  plus  susceptible  d'élargissement, 
que  les  os-suspensoirs  de  la  màchou-e inférieure  ont  acquis  plus 
de  développement,  et  que  ceux  qui  composent  l'assemblage  de 
la  mandibule  supérieure  sont  libres  ;  si,  au  contraire,  comme 
chez  beaucoup  d'ophidiens,  ces  derniers  se  lient  entre  eux  et 


18  DES  MUSCLES 

au  Liane,  si  leurs  caisses  sont  petites,  les  os  acquièrent  de  la 
solidité  ou  un  diamètre  plus  considérable,  et  la  bouche  peut 
se  dilater  dans  un  degré  beaucoup  moindre. 


DES  MUSCLES. 

Plusieurs  anatomistes  se  sont  attachés  à  décrire  les  muscles 
des  ophidiens.  Sir  Ever.  Home  (i)  a  fourni  des  observations 
intéressantes  relatives  à  ce  sujet.  On  doit  à  M*.  Hùbner  (2), 
médecin  de  Berlin, une  dissertation  dans  laquelle  l'auteur  décrit 
les  organes  de  locomotion  du  Boa  canina,  mais  cet  opuscule 
académique  se  rencontre  très  rarement  dans  les  bibliothèques. 
M.M.  DuGÈs(3)et  DiivERNOY(4)ont  publié  des  descriptions  et 
de  belles  figures  des  muscles  de  la  tête.  Les  recherches  que 
Meckel  (5)  a  faites  par  rapport  aux  muscles  des  ophidiens, 
sont  de  loin  les  plus  complètes ,  qui  aient  jamais  parues  sur 
cette  partie  difficile  de  la  science.  J'ai  disséqué  les  muscles  de 
plusieurs  serpens  de  différens  genres;  mais  ces  organes  m'ont 
offert  dans  les  diverses  espèces  des  modifications  si  sensibles, 
qu'il  aurait  fallu  faire  des  recherches  très-étendues  et  compa- 
ratives, pour  ramener  toutes  ces  disparités  à  un  type  commun. 
Un  pareil  travail,  plutôt  d'un  intérêt  physiologique,  serait 
étranger  au  but  que  je  me  suis  proposé  dans  mon  ouvrage:  je 
me  contente  par  conséquent,  de  donner  un  aperçu  superficiel 
des  muscles  des  ophidiens  en  général. 

Ces  organes,  particulièrement  ceux  du  tronc,  sont  remar- 
quables par  le  volume  considérable  que  l'on  remarque  dans 

(1)  Phil.  Trans.  vol.  Xel  Lectures  on  comp,  Jnat.  —  (2)  />e  orgnnis 
motoriis  Bo(ie  caninae,  —  (3)  Ann.,  d,  se.  nat,  vol.  XII .  —  (4)  ibid. 
XXVI ,  PI.  10.  —  (5)  Vergl.  A  nat.  vol.  lit  p.  i3o.  suiv. 


DES  MUSCLES.  VJ 

quelques-uns,  et  par  le  développement  extraordinaire  des  ten 
dons,  qui  acquièrent  chez  quelques  espèces,  notamment  dans 
les  serpens  venimeux  proprement  dits,  une  étendue  peu 
commune.  Cette  organisation  était  nécessaire  pour  produire 
la  force  et  l'énergie,  avec  lescjuelles  sont  exécutés  les  mouve- 
mens  ondoyans  du  corps,  les  principaux  dans  la  locomotion 
des  ophidiens.  Les  muscles  qui  produisent  ces  effets  sont 
situés  le  long  des  côtés  du  dos  et  à  la  face  antérieure  des 
vertèbres;  mais  comme  les  côtes  exercent,  en  même  temps 
chez  les  ophidiens,  la  fonction  d'organes  de  locomotion ,  il  est 
évident  que  les  muscles  nombreux  qui  s'attachent  à  ces  os, 
doivent  beaucoup  contribuer  aux  mouvemens  latéraux  du 
tronc.  Les  muscles  des  ophidiens  étant  souvent  enlacés  les 
uns  dans  les  autres,  il  devient  très  difficile  de  donner  une 
description  exacte  de  chacun  d'eux  pris  isolément,  et  il  n'est  pas 
moins  difficile  de  comparer  ces  organes  avec  ceux  des  animaux 
d'un  rang  plus  élevé  et  de  constater  les  modifications  qu'ils  ont 
éprouvés  en  s'éloignant  de  leur  type. 

La  partie  supérieure  de  l'épine  ou  ,  si  l'on  veut,  la  posté- 
rieure, offre  un  grand  nombre  de  muscles,  qui  prennent  leur 
origine  à  la  partie  latérale  des  apophyses  épineuses,  et  qui  se 
réunissent  à  de  longs  tendons,  provenant  des  apophyses  arti- 
culaires: ils  forment  un  muscle  composé,  qui  répond  aux 
muscles  épineux  et  demi-épineux  des  mammifères,  et  qui 
envoyé  dans  toute  sa  longueur  des  tendons  aux  bouts  des 
apophyses  épineuses;  il  se  divise  sur  le  cou  en  deux  parties, 
dont  l'intérieure  s'attache  à  l'atlas  ,  tandis  que  l'extérieure  se 
prolonge  sur  l'occiput,  pour  remplir  les  fonctions  de  releveur 
de  la  tète.  Les  muscles  que  nous  venons  de  décrire  se  lient 
étroitement  avec  les  épineux  transversaires  qu'ils  recouvrent, 
et  dont  la  partie  antérieure  s'attache  également  à  la  face  pos- 
térieure de  l'occiput.  L'extenseur  de  l'épine  est  un  autre  muscle 
très  considérable,  composé  d'un  grand  nombre  de  faisceaux , 
enlaces  les  uns  dans  les  autres  et  se  terminant  eii   tendons: 


20  DES  MUSCLES. 

ces  faisceaux  proviennent  des  apophyses  liansversaires  et 
envoyent  souvent  des  tendons  aux  apophyses  épineuses;  ils  sont 
étroitement  hés  avec  d'autres  faisceaux  musculaires,  qui  réu- 
nissent les  côtes  dix  à  dix,  et  qui  se  prolongent  par  devant  sur 
les  côtés  de  l'occiput.  Les  espaces  entre  les  apophyses  des  vertè- 
bres sont  remplis  par  les  muscles  épineux  et  intertransversaires. 
Les  muscles  des  côtes  sont  nombreux  et  compliqués  ;  quelques 
uns  servent  à  redresser  ces  leviers  en  les  réunissant  quatre  à 
quatre;  d'autres,  dont  la  direction  est  presque  perpendiculaire, 
ont  en  outre  l'usage  de  relever  les  côtes.  On  voit  d'autres 
muscles  provenant  également  des  côtes  qui  descendent  sur  la 
peau  des  flancs  jusqu'à  Tabdomen;  ils  recouvrent  des  faisceaux 
qui  se  dirigent  obliquement  en  arrière,  pour  réunir  les  côtes 
deux  à  deux,  et  qui  forment  par  derrière  le  fléchisseur  de  la 
queue.  On  distingue  en  outre  deux  à  trois  paires  de  muscles 
intercostaux,  dont  les  externes  réunissent  les  côtes  tantôt 
deux  à  deux,  tantôt  quatre  à  quatre.  La  surface  intérieure  des 
côtes  et  l'inférieure  des  vertèbres,  présentent  plusieurs  mus- 
cles assez  développés,  provenant  en  partie  delà  partie  latérale 
des  vertèbres,  en  partie  des  côtes  mêmes,  et  qui  s'attachent 
aux  côteSjSoit  au  milieu, soit  à  l'extrémité  sternale:  ces  muscles 
ont  l'usage  de  rabaisser  les  côtes  et  de  les  tirer  en  arrière  ;  ils 
s'étendent  sous  la  queue  en  formant  le  fléchisseur  de  ce  mem- 
bre; mais  ils  sont  remplacés  sur  le  cou  par  les  abaisseurs  de 
la  tête,  dont  la  configuration  rappelle  celle  d'un  triangle  aign, 
et  qui  sont  accompagnés  des  muscles  qui  contribuent  aux 
mouvemens  latéraux  de  la  tête. 

La  tête  elle-même  reçoit  en  outre  plusieurs  muscles,  qui 
prennent  leur  origine  sur  les  apophyses  épineuses  postérieures 
des  vertèbres  collaires:  l'un  d'entre  eux  s'étend  le  long  de  la 
mâchoire  inférieure;  un  autre, plus  court,va  des  vertèbres  cer- 
vicales à  l'articulation  de  cette  mâchoire.  Le  muscle  costo-man- 
dibulaire  s'étend  des  côtes  antérieuressouslagorge,  pour  s'atta- 
cher aux  braiichesde  la  mâchoire  inférieure,  dont  les  bouts  sont 


DES  EXTREMITES.  21 

liés  par  un  petit  muscle  transversal.  Les  muscles  de  la  man- 
ducation  sont  le  plus  souvent  assez  développés:   le  temporal 
est  constamment  divisé   en  deux   parties,  dont  l'antérieure 
passe  au-dessous   des   glandes   salivaires ,  pour  s'attacher  en 
large    ruban    sur  la  mâchoire  inférieure;   les  fibres   qui   se 
prolongent  sur  la  glande  venimeuse,  et  qui  servent  à  la  com- 
primer lors  de  la  moi-sure,  proviennent  également  de  ce  muscle. 
On  a  comparé  au  digastrique  le  muscle  qui  s'étend  à  la  face 
supérieure  des  caisses.  Le  muscle  qui  va  de  l'articulation  delà 
mâchoire  inférieure  au  ptérygoïdien  externe,  a  reçu  le  nom  de  ce 
dernier  os:  dans  les  serpensvenimeux  il  envoie  deux  tendons, 
l'un  destiné  pour  le  maxillaire,  l'autre  pour  la  capsule  des  cro- 
chets. Outre  les  muscles  déjà  décrits,  il  en  existe  deux  autres, 
qui  prennent  leur  origine  près  de  l'articulation  de  la  mâchoire 
inférieure:  i)  le  ptérygoïdien  interne,  et  2)  le  muscle  qui  se 
fixe  à  la  base  de  l'occiput.  Un  troisième  muscle  assez  long,  réunit 
l'os  ptérygoïdien  interne  au  sphénoïde,  où  il  s'attache  souvent 
par  deux  têtes;  il  existe  enfin  un  petit  muscle  entre  le  sphé- 
noïde et  le  palatin. 


DES  VESTIGES  D'EXTREMITES 
POSTÉRIEURES. 

Plusieurs  serpens  présentent  de  chaque  côté  de  l'anus  un 
petit  crochet  j  à  moitié  caché  par  les  écailles,  et  dont  on  a 
reconnu  l'existence  depuis  longtemps;  mais  c'est  au  professeur 
Mayer  à  Bonn,  qu'on  en  doit  la  première  connaissance 
exacte:  ce  savant  a  démontré,  que  ces  organes  doivent  être 
regardés  comme  vestiges  d'extrémités  postérieures.  Dans 
l'ordre  des  ophidiens  on  n'a  observé  jusqu'à  présent  ces 
os  que  chez  les  Tortrix  proprement  dits,  chez  les  Python  5 
et  les    Boas;   tous  les  autres  serpens,  d'après  mes  propn  35 


22  DES  EXTRÉMITÉS. 

recherches  en  sont   absolument  dépourvus.  Ces  organes  se 
trouvant  développés   à  un   degré    supérieur  chez  les  Boas , 
et  la  taille  de  ces  animaux  étant  favorable  à  l'examen  de  par- 
ties aussi  délicates ,  on  a  choisi  le  type  des  descriptions  de  ces 
organes  parmi  les  espèces  de  ce  genre.  Ces  vestiges  d'extrémités 
postérieures  consistent  de   chaque  coté  en   nn  assemblage  de 
trois  pièces  osseuses  principales,  et  de^deux  petites  pièces 
accessoires,  attachées   au  point  d'articulation  du  tibia  et  du 
tarse.  L'os  terminal,  le  seul  qui  paraît  en  dehors,  est  en  forme 
d'ongle  crochu  et   revêtu  d'une  peau  dure  et  écailleuse.    On 
découvre,  au  moyen  d'une  incision  longitudinale  faite  dans 
les  chairs  au  côté  de  l'anus,   que  la  pièce  intérieure,  la  plus 
développée  de  toutes,  plus  ou  moins  en  S  et  comparable  au 
tibia,se  prolonge  avec  son  bout  libre  jusque  dans  la  cavité  abdo- 
minale.   La  pièce  moyenne  au  contraire,    qui   représente  le 
tarse,   est   grosse,  courte,  un  peu  arquée  et  complètement 
cachée  dans  les  chairs.  Les  muscles  qui  meuvent  l'appareil  que 
nous  venons  de  décrire,  sont  d'une  construction  très  simple  ; 
les  principaux  sont  un  extenseur,   avec  son   antagoniste,  le 
fléchisseur:  tous  deux  sont  insérés  près  du  bout  supérieur  du 
tibia  et  s'attachent  à  l'os  du  tarse:  l'extenseur  à  la  face  anté- 
rieure près  de  l'ongle  ,  le  fléchisseur  à  une  apophyse  située  au 
milieu  de  la  face  postérieure  de  cet  os.  Deux  autres  muscles 
moins  développés,  suspendus  aux  chairs  et  attachés  aux  deux 
petites  pièces  accessoires  du  tarse,  produisent  le  mouvement 
latéral:  l'adducteur,  qui  se  dirige  vers  l'abdomen,  est  beaucoup 
plus  petit  que  l'abducteur,  dont  les  fibres  se  prolongent  sur  les 
côtés  du  dos.  On  voit  chez  les  Boas,outre  ces  muscles,un  second 
fléchisseur  très  petit,  situé  à  la  face  interne  du  tibia  et  du  tarse, 
et  contribuant  à  la  mobilité  de  l'articulation  dont  jouissent  ces 
deux  pièces.  L'appareil,représentant  les  extrémités  postérieures 
chezles  autres  serpens  qui  en  sont  pourvus  est,quelques  légères 
modifications  exceptées,    absolument   modelé  sur  celui    des 
Boas. 


DES  MOUVEMENS.  23 

On  ignore  justju  à  présent  l'usage  de  ces  vestiges  d'extrénii- 
lés.  Lenr  pou  de  développement  défend  de  supposer  qu'ils 
puissent  contribuer  à  la  locomotion.  On  a  avancé  (ju'ils 
seraient  d'utilité  lors  de  la  co[)ulation  :  opinion  à  lacjuelle 
on  ne  peut  guère  opposer  le  fait  que  les  deux  sexes  en  sont 
également  pourvus.  D'autres  savans  ont  soutenu  qu'ils 
servent  pour  s'accrocher  plus  fortement  aux  objets , 
qu'embrassent  les  circonvolutions  de  la  queue  ou  du  tronc; 
ce  qui  est  peut-être  de  toutes  les  bypollièses  la  plus  pro- 
bable. 


DES  MOUVi:31EI\S. 

Après  avoir  décrit  les  organes  de  locomotion,  nous  parle- 
rons des  divers  mouvemens  que  les  serpens  sont  à  même 
d'exécuter.  En  repos  parfait ,  ces  reptiles  aiment  à  rouler  leur 
corps  en  spirale,  en  sorte  que  la  tête  seule,  qui  se  Irouve  au 
centre,  s'élève  un  peu  au-dessus  des  autres  parties:  ayant 
cependant  la  faculté  de  ployer  leur  corps  flexible  en  mille  sens 
divers, on  en  rencontre  souvent  de  simplement  étendus  à  terre 
ou  à  corps  recourbé  en  contours  sinueux.  Pour  produire  le 
mouvement  progressif,  le  serpent  n'a  qu'à  dérouler  son  corps; 
en  s'appuyant  ensuite  sur  la  queue,  en  repliant  son  corps  en 
des  sinuosités  latérales  successives,  et  en  portant  à  terre  les 
nombreux  points  de  contact  qu'offrent  les  extrémités  anté- 
rieures des  côtes,  le  reptile  est  poussé  en  avant  et  transporté 
avec  une  promptitude,  égale  aux  efforts  ou  à  la  puissance  des 
agens  de  la  locomotion.  Nous  avons  déjà  observé  ci-dessus, 
que  tous  les  mouvemensprogressifs  des  ophidiens  sont  à-peu 
près  exécutés  de  la  même  manière,  et  que  ce  n'est  que  la 
queue  qui  seconde  la  locomotion  plus  ou  moins  diversement, 
selon  les  modifications  que  sa  conformation  éprouve  dans  les 


24  DES  MOUVEMENS. 

différentes  races.  Très  souvent ,  pour  examiner  ce  qui  se  passe 
autour  d'eux,  les  serpens  s'érigent  perpendiculairement,  en 
s'appuyant  seulement  sur  la  queue  ou  sur  une  partie  de  l'abdo- 
men; leur  tronc  est  alors  raide  et  parfaitement  droit,  et  ce 
n'est  le  plus  souvent  que  la  tête  qui  est  courbée  et  dirigée  en 
avant  ;  d'autres  plient  leur  corps  en  S,  gonflant  souvent  leur 
cou  dans  cette  position.  Suspendus  perpendiculairement  à 
une  brandie  d'arbre  les  Boas  ressemblent  à  un  corps  raide 
et  sans  vie.  Pour  descendre  d'un  arbre  ou  d'un  objet  élevé 
quelconque,!es  serpens  se  laissent  tout  simplement  tomber  de 
baut  en  bas,  leurs  formes  et  la  grande  élasticité  de  leurs  par- 
ties empêchant  que  cette  chute  n'ait  des  suites  dangereuses  ; 
ayant  atteint  la  terre,  le  choc  qu'ils  ont  éprouvé  en  tombant, 
au  lieu  de  leur  nuire  et  de  les  retenir,  les  pousse  en  avant  , 
et  sert  d'impulsion  aux  mouvemens  suivans. 

On  a  beaucoup  parlé  de  serpens  qui  peuvent  également 
bien  exécuter  la  marche  rétrograde;  cette  particularité  s'at- 
tribue par  excellence  à  ces  serpens  fouisseurs ,  dont  le  corps 
cylindrique  est  terminé  par  une  queue  très  grosse  et  obtuse  au 
bout;  mais  comme  ce  fait  n'a  jamais  été  constaté  ni  par  des 
voyageurs  instruits  ni  par  des  naturalistes  de  profession,  on  a 
lieu  d'en  douter  :  peut-être  doit -il  son  origine  aux  préjugés 
des  anciens  (i) ,  qui  décrivent  sous  le  nom  d'Amphisbène 
(double-marcheur)  un  serpent  pourvu  à  chaque  bout  d'une 
tête  et  ayant  la  faculté  de  marcher  dans  les  deux  sens;  ce  nom, 
servant  à  désigner  un  ophidien  de  l'ancien  monde,probablement 
l'Eryx,  s'est  conservé  chez  les  naturalistes  modernes  qui  l'ont 
appliqué  à  des  serpens  de  l'Amérique,  en  suivant  l'exemple 
des  Portugais. 

La  plupart  des  serpens  non  venimeux  et  les  venimeux  colu- 
briformes  se  défendent  contre  les  attaques  de  leurs  ennemis , 
en  se  précipitant   sur  eux,  la  tctc  élevée,   afin  de   pouvoir 

(0  Pmn,  8.  ^5  et  Afliancj  23. 


DES  DEINTS.  25 

mordreavec  plus  cl  énergie;  quelques-uns,  tels  que  les  Najas  , 
redressent  le  devant  de  leur  corps,  et  prennent  unt^  pf)sillon 
toute  particulière. La  plupart  font  entendre  dessifflemens  aigus, 
qui  préludent  au  combat;  quelquefois  on  entend  aussi  un 
soufflement  produit  par  l'air,  qu'ils  chassent  avec  violence  par 
les  narines.  Plusieurs  espèces  se  jetent ,  en  faisant  de  grands 
bonds,  sur  leur  proie,  qu'ils  saisissent  le  plus  souvent  avec  la 
gueule;d'autres  la  retiennent  en  l'entortillant  avec  la  queue,et  les 
Boas  l'entourent  même  par  des  circonvolutions  de  leur  tronc. 
Les  serpens  venimeux  proprement  dits  employent  le 
même  moyen  pour  s'emparer  des  animaux  dont  ils  font  leur 
nourriture,  et  pour  se  débarrasser  de  leurs  ennemis.  Indolem  • 
ment  étendus  à  terre  ,  ils  attaquent  indifféremment  tout  être 
vivant,  qui  vient  les  inquiéter  de  trop  près;  mais  connaissant 
la  force  de  leurs  armes,  ils  se  contentent  d'infliger  le  coup 
meurtrier  qni  manque  rarement  son  but.  Pour  exécuter  ce 
coup,  ils  redressent  le  plus  souvent  la  tête,  ils  portent  la 
partie  antérieure  du  tronc  en  arrière,  et  déroulent  d'un  seul 
trait  les  replis  de  leur  corps  ,  en  s'appuyant  sur  la  queue  ;  le 
saut  que  produit  ce  mouvement  est  comparable  à  un  ressort 
qui  se  débande,  et  il  dirige  le  coup  qu'infligent  les  crochets, 
par  un  mouvement  subit  et  extrêmement  vite  de  la  tête  en  bas. 


DES  DENTS. 


Les  ophidiens  avalant  en  entier  les  animaux  dont  ils  se 
nourrissent,  leurs  dents  ne  servent  ni  à  mâcher  ni  à  broyer 
les  alimens:  ce  sont  de  simples  crochets,  destinés  à  frapper 
des  plaies,  a  retenir  la  proie,  et  à  agir  lors  de  la  déglutition. 
Indépendamment  de  ces  fonctions,  ces  dénis  servent  souvent 


26  DES  DENTS. 

à  conduire  dans  les  plaies  qu'elles  ont  laites,  la  liqueur  pio- 
duite  par  les  glaudes  dont  la  tête  est  le  siège.  Ces  glandes 
sont  de  double  nature:  les  unes,  composées  à  l'instar  des 
glandes  salivaires  des  mammifères  et  des  oiseaux,  d'un  grand 
nombre  de  petits  grains,  sécrètent  un  fluide  analogue  à  la 
salive ,  et  dont  l'usage  est  de  préparer  les  substances  nutritives 
pour  la  digestion  j  les  autres  au  contraire,  sont  d'une  structure 
toute  différente:  elles  forment  un  sac  épais,  dont  l'inté- 
rieur est  divisé  en  de  nombreux  compartimens  ;  ces  glandes 
distillent  une  liqueur  qui,  par  les  effets  fatals  qu'elle  produit 
dans  le  corps  animal,  devient  larme  funeste  au  moyen  de  la- 
quelle lesserpens  détruisent  les  animaux  qui  leur  servent  de 
nourriture.  Les  glandes  salivaires  sont  propres  à  tous  les 
ophidiens,  mais  à  peine  le  quart  des  espèces  connues  sont- 
elles  pourvuesen  outre  de  glandes  venimeuses.  Les  dents,  qui 
conduisent  le  venin  dans  la  plaie,  toujours  caves  et  percées 
aux  deux  bouts,  s'apellent  crochets:  elles  ont  constam- 
ment leur  place  à  l'extrémité  antérieuredu  maxillaire,  où  elles 
sont  fixées  et  qu'elles  occupent  quelquefois  à  elles-seules  : 
cachées  par  les  gencives,  qui  forment  à  cet  endroit  une  es- 
pèce de  gaine  ,  elles  sont  couchées  à  l'état  de  repos  du  serpent 
et  ne  s'érigent  que  lorsqu'il  veut  mordre.  Le  reste  des  dents, 
et  toutes  celles  dont  la  bouche  des  non-venimeux  est  garnie, 
sont  solides,  à  l'exception  du  creux  qui  contient  les  organes 
nutritifs  de  la  dent.  On  a  cependant  observé  un  bon  nombre 
de  serpens  non-venimeux,  de  genres  très  divers,  qui  oflrenl 
des  mâchoires  pourvues  d'une  ou  de  deux  dents  plus  volumi- 
neuses que  le  reste,et  le  plus  souvent  sillonnées  par  une  fente, 
qui  s'étend  tout  le  long  de  leur  face  antérieure.  Ces  dents  can- 
nelées se  trouvent  toujours  au  bout  postérieur  du  maxillaire, 
et  ce  n'est  que  rarement  qu'on  en  voit  une  seconde  au  milieu 
des  mâchoires:  elles  n'ont  d'autres  fonctions  quede  verser  dans 
les  morsures  qu'elles  ont  faites,  une  salive  plus  abondante, 
sécrétée  par  la  partie  postérieure  des  glandes  salivaiies,   qui 


DES   DEINTS.  27 

sont  plus  volumineuses  dans  laréj^ion  qu'occupent  ces  dents 
cannelées,  (i) 

(i)  C'est  à  tort,  que  l'on  a  classé  dans  la  tribu  des  venimeux  ces  serpens 
qui  offrent  des  dents  postérieures  plus  longues  et  cannelées.  Les  données 
vagues  et  contradictoires  sur  les  qualités  des  ophidiens,  données  four- 
nies par  les  indigènes  de  Java,  ont  probablement  causé  ces  erreurs.  Aux 
Indes  comme  au  Brésil,  en  Afrique  comme  en  Europe,  le  peuple  répute 
indifféremment  venimeux  le  plus  grand  nombre  des  serpens, et  notam- 
ment ceux  dont  l'aspect  offre  quelque  chose  de  hideux.  M.  Reinw^ardt, 
lors  de  sa  résidence  à  Java,  fit  la  découverte  de  l'existence  de  dents  can- 
nelées chez  plusieurs  espèces  de  l'ancien  genre  Couleuvre:  communiquée 
ensuite  par  feu  Leschenault  et  par  d'autres  voyageurs,  et  accompagnée 
de  récils  sur  la  nature  des  serpens  en  vogue  dans  cette  île,cette  découverte 
vint  fixer  l'attention  des  naturalistes  en  Europe.  Boie  constata  les  ob- 
servations du  professeur  Reinwakdt  sur  plusieurs  autres  ophidiens. 
J'ai  publié  en  1827,  dans  un  mémoire  inséré  parmi  ceux  des  Curieux  de 
lanaturedeBonn  ,  mes  propres  recherches  relatives  à  cefail.  Depuis  celte 
question  a  été  souvent  agitée,et  on  est  même  arrivé,au  moyen  d'investiga- 
tions anatomiques,à  la  conclusion,de  considérer  comme  dangereuses  toutes 
les  espèces  à  dents  postérieures  plus  longues  ou  cannelées.  J'ai  obtenu 
par  des  recherches  analogues ,  et  au  moyen  d'un  examen  rigoureux  des 
récits  que  l'on  débite  sur  le  caractère  suspect  de  certains  serpens  ,  un 
résultat  tout-à-fait  opposé.  L'organisation  de  la  soi-disant  glande  veni- 
meuse postérieure,  absolument  semblable  aux  autres  glandes  salivaires, 
ne  permet  guère  de  douter  qu'elle  ne  sécrète  un  fluide  de  la  même 
nature  que  la  salive  ordinaire:  aussi  les  observations  récentes  de  nos 
voyageurs  servent-elles  à  constater,  que,  ni  la  morsure  des  Dryiophis 
ni  celle  des  Dipsas,  serpens  à  dents  sillonées  ,  n'ont  des  conséquences 
fatales  pour  l'homme  (ij. 

(  1  )  Les  glandes  de  la  tète  des  serpens  ont  fourni  matière  à  un  grand  nombre 
de  dissertations  publiées  par  Ranby  Phil.  Tians.  ^'^.  4o[  p.  877  suiv.  ,par 
RussEL,  par  Seifpert,  par  Tiedemajvk  Mém.de  l'ac.  de  Munich  i8i3  p.  a5, 
parCLOQUET  Ne'm.  du  Muséum  VII  p.  62  ,  par  Desmoulins  ap.  Macendie 
Journ.  de  Physiol.  IV p.  274  suiv.,  par  Meckel  Jrc/iiv  1.  i  et  par  Duverhoy 
Ann.  d.  se.  nat.  XXVl  et  XXX,  On  trouve  en  outre  des  renseignemens 
relatifs  a  ce  sujet  dans  les  ouvrages  deRiDi ,  Mead,  FonrAifA  ,  et  Chabas. 


28  DES  DENTS. 

Cependant ,  en  étudiant  le  développement  des  dents 
des  Ophidiens  y  on  s'aperçoit  cpi'il  y  a  un  passage  insensible 
des  dents  solides  aux  crochets.  Chaque  dent  consiste,  dans  les 
premiers  degrés  du  développement,  d'une  lamelle  à  bords  ren- 
trans,  de  sorte  qu'elle  est  ouverte  à  sa  face  antérieure.  Dans 
les  dents  solides,  celte  fente  se  soude  dès  la  première  jeunesse 
de  l'animal;  elledemeur<^  ouverte  un  peu  plus  longtemps  dans 
les  crochets  des  serpens  venimeux  proprement  dits,maisà  l'état 
parfait,  ces  crochets  n'offrent  que  les  deux  orifices  destinées  à 
l'entréeetà  la  sortie  du  venin, etdontl'inférieur  conserve  toujours 
la  forme  d'une  fente  longitudinale;le  reste  des  serpens  venimeux 
présente  des  crochets  analogues,  mais  on  découvre  toujours 
les  traces  de  la  fente ,  qui  réunit  les  deux  orifices  pour  le  venin; 
la  cannelure  enfin  des  dents  postérieures  plus  longues  de  cer- 
tains ophidiens  innocens,  n'est  que  cette  fente,  qui  reste  ou- 
verte pendant  toute  l'existence  de  l'animal  (i).  Chaque  dent 
avant  de  se  développer,  est  recouverte  d'une  espèce  de  rnem- 
brane,qui  contient  en  même  temps  les  matières  nutritives:  en 
s'ossifiant,  la  dent  se  colle  par  sa  base  sur  les  creux  qui  repré- 
sentent  les  alvéoles,   et   se  fixe  à  mesure   que  l'ossification 
avance;  très    souvent   et  principalement  dans  les  crochets, 
il    reste  par  derrière    à    leur*  base    un    petit    orifice    pour 
l'entrée  des  vaisseaux  et  des  nerfs:  aussi  les  crochets  se  réu- 
nissent-ils plus  intimement  avec  les  os  que  les  autres  dents. 
On  observe  souvent  les  germes  de  nouvelles  dents,  cachés  à 
côté  des  anciennes,  dans  les  gencives,  et  servant  à  remplacer 
les   dents   lorsqu'elles   sont    détruites  par  quelque  accident: 
aussitôt  la  nouvelle  dent   se  déplace  pour   occuper  l'alvéole 
dégarnie,  où  elle  se  fixe  en  se  développant  de  la  manière  dé- 
crite (2).  Les  crochets  étant  plus  exposés  que  les  autres  dentt» 

(1)  Voyez,  fig,  i,  2,  3  et  4  PL  16  de  mon  mémoire  cité. 
(a)  Voir  le  mémoiic  sur  la  leproduclion  des  crochets  publié  par 
RosA  ,  méiuoiic  (jue  je  ne  connais  que  par  l'extrait  donné  par  Mlcrel 
trad.  alL  de  l'aitat.  comp.   de  Cuvieb  to/.  III. /?.  126  suiv. 


DES  DENTS.  21; 

la  nature  a  veille  à  Jour  lepicxluetion,  en  piaeant  denièie  eux 
plusieurs  germes  de  nouveaux  crochets,  dont  le  nombre  s'élève 
quelquefois  jusqu'à  six,  et  qui  se  succèdent  dans  tous  les 
degrés  de  développement;  on  ignore  si  les  anciens  crochets 
tombent  spontanément  à  certaines  époques,  et  si  ce  remplace- 
ment des  crochets  a  lieu  oraduellement.  La  structure  interne 
de  ces  organes  offre  cela  de  remarquable,  que  le  canal  conduc- 
teur du  venin  est  séparé  par  une  cloison,  du  creux  contenant 
les  matières  nutritives  de  la  dent(i). 

Des  dents  solides  se  trouvent  indifféremment  chez  tous 
les  ophidiens  ;  mais  leur  nombre,  leur  forme  et  leur  disposi- 
tion présentent  des  différences  considérables  dans  les  diverses 
espèces.  A  l'exception  de  l'Oligodon,  qui  est  dépourvu  de 
dents  palatines,  on  compte  toujours  quatre  rangées  de  dents 
à  la  mâchoire  supérieure  et  deux  à  finférieure.  On  n'observe 
de  dents  intermaxillaires  que  chez  les  pythons  et  quelque- 
fois chez  le  Tortrix  scytale  :  leur  nombre  s'élève  rarement  au 
dessus  de  quatre.  Les  dents  solides  des  ophidiens  sont  le 
plus  souvent  toutes  de  la  même  longueur:  chez  les  Boas 
cependant  elles  augmentent  en  étendue  vers  le  bout  du  museau, 
ce  qui  a  lieu  dans  un  sens  inverse  chez  plusieurs  espèces  des 
genres Coluber,Tropidonotus  etc.;les  Lycodons  offrent  à  l'extré- 
mité antérieure  du  maxillaire,  plusieursdentsplus  développées 
que  les  autres;  les  dents  des  Dryophis  et  des  Psannnophissont 
assez  inégales,  et  on  en  voit  plusieurs  de  très  longues  au  milieu 
des  mâchoires  et  au  bout  postérieur  des  maxillaires:  ces  dents, 
ainsi  que  les  dents  postérieures  de  certaines  espèces  des  genres 
Dipsas,  Homalopsis  etc.,  sont  souvent  cannelées;  tandis  que 
d'autres  ophidiens,  tels  que  les  Xénodons,  les  Coronelles, 
plusieurs  Homalopsis  etc.  ont  le  bout  postérieur  du  maxillaire 
garni  d'une  dent  très  développée  mais  solide.  Il  est  évident 
que  le  nombre  des  dents  varie  suivant  le  développement  du 

(i)  Voir  les  figures  des  crochet»  dans  l'ouvrage  de  Fontana, 


30  DES  GLANDES. 

maxillaire  et  de  l'os  dentaire  de  la  mâchoire  inférieure:  chez  la 
plupart  des  Couleuvres ,  chacune  de  ces  branches  contient 
jusqu'à  20  ou  25  dents;  ces  dents  sont  moins  nombreuses  chez 
lesHomalopsis,  les  Tortrix,  les  Calamars,  et  réduites  à  un  très 
petit  nombre  chez  les  serpens  venimeux.  Nous  avons  déjà  dit 
plus  haut,  que  le  maxillaire  des  serpens  venimeux  proprement 
dits  n'est  armé  que  de  crochets  :  mais  cet  os,  ayant  acquis 
plus  de  développement  chez  les  venimeux  colubriformes ,  il 
porte  le  plus  souvent  derrière  les  crochets,  une  ou  plusieurs 
dents  solides  (l). 


DES  GLANDES. 

Les  glandes  saliv  aires  de  la  tête  des  serpens  pré- 
sentent des  modifications  sensibles,  sous  le  rapport  du  déve- 
loppement, de  la  situation  et  de  la  forme,  non  seulement 
selon  les  divers  genres  de  cet  ordre,  mais  aussi  selon  les  es- 
pèces. Leur  volume  est  toujours  beaucoup  plus  considérable 
dans  les  espèces  innocentes  que  dans  celles  qui  sont  munies 
en  outre  d'une  glande  venimeuse.  On  a  désigné  ces  glandes 
suivant  le  lieu  qu'elles  occupent,  en  sorte  qu'on  en  distingue 
d^  nasales ,  de  lacrymales  etc.  j  on  peut  subdiviser  celles 
qui  garnissent  les  mâchoires  en  maxillah^es  et  mandibulaires. 
Toutes    ces    glandes   salivaires,  quoique  d'une  organisation 

(1)  Le  Tropidonote  rude  offre  une  anomalie  fort  curieuse  par  la 
présence  de  pointes  émaiilées  en  guise  de  dents,  qui  surmontent  lesex- 
trémités  des  apophyses  épineuses  inférieures  des  sept  ou  huit  dernières 
vertèbres  collaires  :  ces  dents  sont  dirigées  en  arrière  et  rappelenl  celles 
des  cyprins  et  de  certains  crustacés  ,  quoique  leur  usage ,  à  en  juger 
par  leur  direction  ,  est  peut-être  analogue  à  celui  des  appendices  coni- 
ques de  l'œsophage  des  tortues  marines.  Elles  percent  les  tuniques  de 
l'œsophage  ,'  et  s'aperçoivent  facilement  à  l'intérieur  du  canal  alimen- 
taire, même  dans  les  très  jeunes  sujets. 


DES  GLANDES.  31 

seiiil)l:il)le,  présentent  cependant  entre  elles  qu(;lqnes  diffé- 
lences  par  rapport  à  l'aspect  et  à  la  configuration:  la 
nasale,  par  exemple,  est  toujours  plus  dure  au  toucher  que 
celle  des  mâchoires;  la  lacrymale  offre  le  plus  souvent  une 
surface  unie  et  une  couleur  plus  pâle,  aussi  est-elle  d'une 
consistance  plus  molle  que  le  reste;  les  maxillaires  enfin, 
lorsqu'elles  présentent  un  lobe  postérieur  très  développé, 
ont  quelquefois  cette  portion  de  la  glande  divisée  en  d'autres 
lol)es  plus  petits  mais  cohérents  entre  eux. 

La  lacrymale  envoie,  d'après  les  observations  de  M.  J. 
Cl'jquet  (i),  une  partie  du  fluide  qu'elle  sécrète,  dans  la 
cavité  en  avant  du  globe  de  l'œil  :  elle  est  sous  ce  rapport 
une  véritable  glande  lacrymale  ;  mais  son  grand  développe- 
ment dans  plusieurs  serpens  dont  l'œil  est  très  petit,  et  la 
circonstance  que  l'humeur  superflue  est  versée  par  plusieurs 
petits  canaux  excréteurs,  dans  la  bouche,  font  supposer  avec 
raison  qu'elle  remplit  les  doubles  fonctions  de  glande  lacry- 
male et  de  glande  salivaire,  et  qu'elle  mérite  peut-être,  chez 
beaucoup  d'ophidiens  ,  ce  dernier  nom  par  excellence.  Elle  se 
trouve  constamment  dans  tous  les  ophidiens:  située  derrière  le 
globe  de  l'œil  et  protégée  ,  lorsqu'ils  existent,  parles  frontaux 
postérieurs ,  elle  est  souvent  recouverte  par  le  muscle  tem- 
poral; tandis  qu'elle  rentre  chez  d'autres  serpens  plus  ou 
moins  complètement  dans  l'orbite,  en  entourant  le  bord 
postérieur  de  l'œil. 

On  observe  une  glande  nasale  (2)  chez  la  plupart  des 
ophidiens.  Elle  occupe,  lorsqu'elle  existe,  la  région  frê- 
naie et  borde  les  narines  par  derrière.  M.  Mùller  a  trouvé 
qu'elle  verse  sa  liqueur  dans  la  bouche,  au  moyen  d  un  canal 
excréteur  réuni  à  celui  de  la  lacrymale.  Cette  glande  est  très 

(i)   Mérn.  du  Mus.  vol  Fil  p.  62.  suiv.  — 

(2)  Le  savant  professeur  Muller  en  a  le  premier  constaté  l'existence 
chez  les  ophidiens  ;  voyez  Meckf.l  Jrc/tiv  on n.  1829    />.  70. 


:]2  DES  GLANDES. 

(Icveloppée  chez  le  Xenopeltis,  cliez  quelques  Couleuvres , 
chez  le  Tiigonocépliale  à  bouche  rose  etc. 

Les  glandes  sali  v  aires  ,  qui  garnissent  les  mâchoi- 
res ,  sont  beaucoup  moins  développées  chez  les  serpens  veni- 
meux que  chez  les  non  venimeux.  11  n'y  a  que  peu  d'espèces 
de  la  dernière  tribu  qui  offrent  des  glandes  petites  et  l'Eryx 
est  même  totalement  dépourvu  de  glandes  maxillaires.  Les 
espi'ces  au  contraire,  à  dents  maxillaires  postérieures  sillon- 
nées ou  plus  longues,  présentent  toujours  une  glande  assez 
développée  dans  cette  région  ,  et  qui  est  quelquefois  plus  ou 
moins  parfaitement  séparée  du  reste  de  la  glande  maxillaire. 
Chez  les  serpens  où  on  voit,  outre  les  dents  postérieures, 
une  dent  plus  longue  au  milieu  des  mâchoires  ,  la  glande 
acquiert  également  à  cet  endroit  un  volume  plus  considéra- 
ble, afin  de  fournir  à  cette  grosse  dent  une  liqueur  plus 
abondante.  Chez  plusieurs  autres  serpens  les  glandes  maxil- 
laires s'étendent  sous  la  plaque  rostrale,  se  réunissant  ainsi 
des  deux  côtés  ;  mais  très  souvent  la  rostrale  est  séparée  des 
maxillaires.  Régnant  tout  le  long  des  mâchoires,  les  glandes 
maxillaires  et  mandibulaires  envoient  dans  la  bouche,  l'hu- 
meur qu'elles  sécrètent,  au  moyen  de  petits  canaux  excréteurs, 
dont  l'embouchure  donne  dans  les  gencives,  à  la  base  des 
dents.  Le  canal  de  la  grosse  glande  chez  les  serpens  à  dents 
postérieures  cannelées,  est  assez  sensible,  et  correspond  exac- 
tement avec  le  sillon,  qui  conduit  la  salive  dans  la  plaie.  Très 
souvent  la  glande  maxillaire  est  suspendue,  au  moyen  d'un 
ruban  tendineux  à  l'articulation  de  la  mâchoire  inférieure. 

Outre  cet  appareil  salivaire  compliqué  et  commun  à  tous 
les  serpens,  on  observe  chez  plusieurs  espèces  une  glande 
toute  particulière,  destinée  à  sécréter  un  fluide  qui, 
porté  dans  le  corps  animal,  y  produit  des  effets  plus  ou  moins 
fatals.  Cette  glande,  appelée  venimeuse,  parce  qu'elle 
forme  le  caractère  principal  des  serpens  venimeux,  est  ren- 
fermée  dans   une  enveloppe  tendineuse  assez  épaisse  ,  tenace 


DU  vi:nin.  3:^ 

et  dure  au  toucher,  dont  une  portion  s  amincit  par  derrière  en 
forme  de  ruban  étroit,   qui  attache  la  glande  à  Tarticulation 
de   la   mâchoire  inférieure.    En   avant ,   cette  enveloppe  se 
rétrécit  pour  former  un  canal  assez  spacieux  ,  qui  s'étend  le 
long  du  maxillaire,  et  ne  descend  que  pour  donner  dans  1  ori- 
fice situé  à  la  face  antérieure  de  la  base  du  crochet.  Chez  les 
serpens  venimeux  proprement  dits,  ce  canal  est  plié  lorsque 
les    lonofs  crochets   sont   couchés ,  afin  d'avoir  la  faculté  de 
s'étendre   et  d'obéir   avec  facilité  aux  mouvemens  du  maxil- 
laire. L'intérieur  de  la  glande  venimeuse  est  divisé  en    un 
grand    nombre  de  compartimens  exigus  ou  de  cellules  ,  pro- 
duites par  des  parois  très  minces  et  se  croisant  sous  un  angle 
plus  ou  moins  aigu  (i):  c'est  à  cette  structure  seule,  toute  dif- 
férente de  celle  des  glandes  salivaires,  qu'est  due  la  sécrétion 
An    fluide   appelé  venin,  à  cause   des    effets   délétères    qu'il 
produit  dans  l'œconomie  animale.   Il  est  vrai  que  la  morsure 
des  animaux  les  plus  innocens  peut  avoir  des  suites  funestes 
par  le  concours  de  certaines  circonstances,  telles  que  la  tem- 
pérature du   climat,   l'état  psychologique  et  pathologique  de 
l'être  mordu ,  la  fureur  dont  l'animal  qui  mord  est  animé,  etc.  ; 
et  c'est  par  cette  même  raison,  que  la  piqûre  des  serpens  non 
venimeux  peut  devenir  dangereuse,  même  pour  l'homme, 
lorsque    la  nature  de  leur  salive  a  été  altérée  par  des  circon- 
stances analogues.    Mais  le  venin    des  serpens  venimeux  tient 
ses  qualités  délétères  de  sa  propre  nature,  quoique  les  circon- 
stances que  nous  venons  de  mentionner  peuvent  contribuer 
à  lui  rendre  plus  d'activité. 

Ce  venin  est,  à  l'état  frais,  un  fluide  transparent,  lim- 
pide, d'une  teinte  jaunâtre  tirant  sur  le  verdâtre ,  un  peu 
gluant  quoique  moins  que  la  salive  à  laquelle  il  ressemble 
sous  plusieurs  rapports:  desséché,  il  devient  visqueux  et 
s'attache    fortement   à    d'autres    objets;    exposé   au    feu  ,   il 


(i)  Voy<»/.  Mûii.iR,  De penitiori glandularurn  structura. 


?> 


34  1)13   VENIN. 

s'évapore  sans  brûler  ;  il  s'enfonce  dans  1  eau  ,  la  trouble  et  la 
blanchit  légèrement ,  lorsqu'on  la  secoue  en  l'y  mêlant.  Sa 
nature  tient  beaucoup  de  celle  du  mucus;  en  le  mettant  en 
contact  avec  des  substances  réactives  ,  on  découvre  qu'il  n'est 
ni  acide  ni  alcalin;  son  odeur  n'offre  rien  de  particulier; 
appliqué  sur  la  langue,  il  produit  des  sensations  semblables  à 
celles  produites  par  la  graisse;  on  peut  même  ,  suivant  Fon- 
TANA  (i)  ,  le  prendre  à  l'intérieur,  sans  que  se  déclarent  les 
moindres  conséquences  fâcheuses:  cette  observation  cepen- 
dant a  été  récemment  contredite  par  les  expériences  que  le 
Docteur  Hering  (2)  a  faites  à  Surinam  sur  la  nature  du  venin 
d  un  Crotale  muet.  Ce  voyageur,  prenant  à  différentes  reprises 
des  doses  diverses  de  ce  poison  mêlé  avec  de  l'eau ,  en  res- 
sentait les  effets  pendant  huit  jours  et  plus:  ils  se  mani- 
festaient par  des  douleurs  dans  le  larynx  et  dans  d'autres 
parties  du  corps  ,  par  une  sécrétion  multipliée  de  mucus  dans 
les  membranes  du  nez  et  de  l'œsophage ,  par  une  diarrhée  fré- 
quente, accompagnée  de  douleurs  dans  le  rectum  etc.  :  à  ces 
symptômes  s'en  joignaient  plusieurs  autres  assez  curieux, 
dûs  à  l'influence  que  ce  poison  aurait,  selon  M.  Hering  , 
sur  les  facultés  morales. 

Il  conste  de  ce  que  nous  venons  de  rapporter,  que  le  venin 
des  serpens  ne  produit  des  effets  délétères  que  lorsque  ,  en 
1  introduisant  dans  une  plaie,  il  se  mêle  au  sang:  dès  lors 
se  manifestent  des  symptômes  morbides  d'autant  plus  af- 
freux et  avec  d'autant  plus  de  rapidité  que  la  quantité 
du  venin  a  été  considérable  et  qu'il  a  été  inoculé  dans 
une  région  du  corps,  riche  en  vaisseaux  sanguifères.  Voilà 
pourquoi  la  morsure  des  grandes  espèces  est  plus  dangereuse 
que  celle  des  petites ,  pourquoi  une  piqûre  faite  à  la  langue 
ou  dans  une  veine   est    presque    toujours  mortelle  ,    tandis 

f  1)   Ce  fait  était  déjà  connu  d.ins  ranU(|nil('. 

(2)  A|).  Stapf.  Archh'  X  calu  1  ;  voir  1.kn/./>»,  Ifîo  sui\. 


DU  VENIN.  35 

qu'elle  esl  souvent  sans  les  moindres  conséquences  fâcheuses 
lorsqu'elle  n'a  atteint  que  les  parties  dures  et  calleuses  du 
corps  (i).  Cependant  il  faut  encore  attribuer  la  plus  ou  moins 
grande  activité  du  venin  à  beaucoup  d'autres  causes,  outre 
celles  déjà  alléguées:  tantôt  ce  n'est  qu'une  seule  dent  qui  entre 
dans  la  chair,  tantôt  toutes  deux  y  distillent  leur  venin;  les 
crochets  pénètrent  avec  plus  de  facilité  dans  une  partie  du 
corps  peu  volumineuse,  telle  que  les  doigts,  que  dans  la  cuis- 
se, le  tronc  etc.;  les  serpens  enfin,  en  mordant  à  plusieurs 
reprises  ,  épuisent  leur  venin ,  de  sorte  que  les  piqûres  subsé- 
quentes entraînent  des  conséquences  moins  fàcheiises  que 
les  premières.  Il  faut  également  considérer  la  taille  de  l'ani- 
mal mordu  par  rapport  à  celle  du  serpent  :  en  Europe,  l'homme 
meurt  rarement  des  suites  de  la  piqûre  de  notre  vipère; 
il  faut  même  jusqu'à  trois  ou  quatre  vipères  pour  faire  périr 
un  cheval  ou  un  bœuf,  tandis  qu'une  seule  morsure  suffit 
pour  tuer  en  peu  de  temps  de  petits  mammifères.  11  n'en  est 
pas  ainsi  dans  les  contrées  tropiques,  où  la  morsure  des 
grands  serpens  venimeux  a  le  plus  souvent  des  suites  égale- 
ment fatales  pour  l'homme  et  pour  les  animaux.  Ainsi  ,  on 
peut  établir  comme  loi  que  l'activité  du  venin  aug- 
mente    avec     une    température     du     climat     plus    élevée, 

(i)  Le  venin  a  beaucoup  moins  d'effel  sur  les  animaux  à  sang  froid 
que  sur  les  mammifères  et  les  oiseaux;  sur  la  plupart  des  invertébrés,  il 
ne  produit  pas  les  moindres  effets  fâcheux:  ces  faits  nous  montrent  que 
le  mot  venin  n'est  pas  toujours  employé  dans  l'acception  pi  imitive  , 
mais  plutôt  dans  un  sens  relatif  et  plus  particulièrement  par  rapport 
aux  effets  que  produit  ce  (luidc  sur  Tliomme  ou  sur  les  animaux  a 
sang  rouge. 

(2)  Cette  circonstance  paraît  avoir  donné  lieu  à  l'opinion  émise 
par  plusieurs  naturalistes,  que  la  Vipère  elle-même  et  d'autres  animaux 
tels  que  l'Orvet ,  les  Buses  ,  étaient  à  l'épreuve  de  la  morsure  des  ser- 
pens venimeux;  ces  prétendus  faits  n'ont  du  moins  été  prouvés  d'au- 
cune manière  certaine. 


36  DU  VENIN. 

que  la  {)iqiire  est  d'autant  plus  dangereuse  ,  que  ce  poison  a  été 
dislillé  plus  abondamment  dans  la  plaie,  et  que  l'animal  qui  fit 
la  plaie  et  l'être  qui  en  est  la  victime,  ont  été  agités  par  des 
émotions   plus   vives.    D'innombrables    expériences   ont  été 
laites  pour  connaître    le    degré    d'activité   du    venin 
des  différentes  espèces  de  serpens  ,  et  les  moyens   les  plus 
sûrs  pour  en  arrêter  les  effets.  Laurentius  s'est  acquis  de  la 
célébrité  par  des  essais  de  cette  sorte;  tout  le  monde  a  entendu 
parler  des  six  mille  expériences  faites  par  Fontana  ;  les  obser- 
vations de  RussET.  à  ce    sujet  sont  passées  dans  presque  tous 
les  traités  d'Erpétologie  ;   M.  Davy  y  en  a  joint  récemment 
plusieurs   nouvelles,   résultats  d'expériences   faites  a  l'île  de 
Ceylan  ;  M.  Lenz  en  a  fait  un  grand   nombre  avec  la  vipère 
commune;  enfin  une  foule  d'autres  naturalistes,  des  méde- 
cins ,   des  chimistes  ont  rapporté  des  faits  détachés  ,  servant 
à  éclaircir  cette  partie  obscure  du  savoir  humain.  Mais  malgré 
ce  grand  nombre  d'observations  ,  les  résultats  ,  que  l'on  peut 
en   tirer  sont  peu  satisfaisans.  Toutes  aboutissent  à  démon- 
trer ce  que  nous  avons  dit  plus  haut ,   savoir  que  les  symptô- 
mes ,  dont  la  morsure  des  serpens  venimeux  est  suivie  ,  sont 
modifiés  à  l'infini  d'après  les  circonstances  prévalentes.  Pour 
obtenir  des  résultats  sûrs,  il  faudrait  faire  un  très  grand  nom- 
bre  d'expériences  avec  des   serpens  de  même  taille,  dans  les 
mêmes  lieux,  dans  la  même  température,  et  leur  faire  mordre  des 
animaux  de  la  même   race,  et  de  la  même  constitution  :  répé- 
tant ensuite  ces   mêmes  expériences  avec  d'autres  espèces  de 
serpens,    on    pourrait  parvenir    à    découvrir,    en   prenant 
comme  résultat  le  terme  moyen  des  observations,  si  la  nature 
du  venin  diffère  suivant  les  diverses  espèces  de  serpens.  Sans 
révoquer  en  doute  cette  hypothèse,  émise  par  plusieurs  au- 
lenis,  j'ai  lieu  de  croire  que  la  morsure  des  serpens  venimeux 
pro[)rement  dits  est  plus  dangereuse  que  celle  des  venimeux 
colubriformes    et  des   serpens  de  mer,   à  cause  de   la  puis- 
sance des  armes  dont  les  premiers  sont  numls. 


DU   VENIN.  37 

Le  venin  des  ophidiens  allecle  beaucoup  moins  les  animaux 
à  sang  blanc  que  les  vertébrés.  Chez  la  plupart  de  ces  derniers 
les  e  f  f  e  t  s  de  la  morsure  se  manifestent  le  plus  souvent 
incontinent  après  qu'ils  ont  été  mordus.  Lhomme  en  ressent 
aussitôt  une  douleur  aiguë  dans  le  membre  atteint  par  les  cro- 
chets, qui  ne  font  qu'une  ou  deux  petites  piqûres  à  peine  per- 
ceptibles, et  d'où  s'écoulent  quelques  gouttes  de  sang:  l'endioit 
blessé  se  gonfle  ensuite  et  l'inflammation  se  déclare  avec  plus 
ou  moins  de  promptitude;  les  progrès  des  effets  du  venin 
dans  les  autres  parties  du  corps  s'annoncent  par  une  faiblesse 
générale;  la  marche  devient  pénible,  la  respiration  gênée 
et  difficile;  le  malade  éprouve  une  soif  ardenle;  des  nau- 
sées, des  vomissemens  succèdent  bientôt  ,  et  sont  souvent 
suivis  d'angoisses,  d'éblouissemens  qui ,  conjointement  avec 
les  douleurs  les  plus  vives,  ôtent  au  souffrant  l'usage  de  ses 
facultés  intellectuelles.  Des  taches  livides  entourant  la  plaie 
sont  les  précurseurs  de  la  gangrène  qui,  se  propageant  dans 
les  autres  parties  du  corps,  entraîne  la  mort,  après  un  terme 
plus  ou  moins  long.  Il  est  heureux  que  la  piqûre  des  ser- 
pens,  dans  les  contrées  tropiques  même  ne  soit  pas  toujours 
mortelle:  cependant,  les  individus  qui  ont  été  mordus  ressen- 
tent après  guérison ,  et  cela  souvent  toute  leur  vie,  des  souf- 
frances périodiques,  ou  sont  frappés  d'une  paralysie  partielle 
ou  complète  des  parties  affectées,  ou  bien  éprouvent  une 
perturbation  continuelle  des  facultés  intellectuelles. 

Nous  aurons  soin  d'énumérer,  en  parlant  des  erreurs  dont 
Ihistoire  des  serpens  est  enveloppée  ,  plusieurs  des  prétendus 
antidotes  contre  la  morsure  des  serpens;  on  a  essayé  une 
foule  d'autres  remèdes,  dont  l'efficacité  a  été  vantée  par  les  uns, 
révoquée  en  doute  par  d'autres,  et  enfin  démontrée  nulle  par 
des  expériences  ultérieures.  Chaque  pays  offre  des  pei sonnes, 
qui  prétendent  posséder  l'art  de  guérir  les  morsures  des  ser- 
pens; mais  on  ne  peut  guère  se  lier  à  des  gens  superstitieux, 
le  plus  souvent   inq>osleurs   et   dont    toutes    les  connaissances 


38  DU  VENIN. 

reposent  sur  l'empirisme.  Souvent  chaque  tribu  des  nom- 
breuses peuplades  des  deux  Amériques  a  une  manière  diverse 
de  traiter  les  malades  de  cette  sorte:  mais  les  plantes,  dont  les 
uns  vantent  les  vertus,  sont  inconnus  à  d'autres  ou  rejettéespar 
eux.  Dans  les  villages  de  l'Europe  centrale,  ce  sont  particu- 
lièrement des  pâtres,  des  bergers  qui,  exerçant  la  médecine, 
ne  jugent  nullement  au  dessus  de  leurs  capacités,  de  guérir 
les  morsures  des  vipères.  Aux  Indes  et  en  Egypte,  cet  art 
fait  l'occupation  d'une  caste  à  part,  aussi  ignorante  au- 
jourd'hui que  l'étaient  leurs  ancêtres  des  temps  classiques. 
Au  lieu  de  rapporter  ici  ce  que  l'on  a  écrit  sur  ce  sujet , 
je  me  borne  à  signaler  les  remèdes,  que  l'on  a  employés 
avec  le  plus  de  succès  et  dont  l'usage  a  été  généralement 
reconnu. 

La  première  précaution  à  prendre,  lorsqu'on  a 
été  piqué  par  une  serpent  venimeux,  est  de  nettoyer  l'endroit 
mordu  pour  empêcher  que  le  venin  qui  pourrait  adhérer  à  la 
peau,  ne  puisse  entrer  dans  la  plaie  lors  de  la  scarification 
qu'il  est  bon  de  faire  sur-le-champ;  on  peut  également  se 
servir  de  la  pierre  à  cautère  ou  du  fer  rouge,  pour  corroder  les 
chairs  de  cette  partie.  Après  avoir  ensuite  lavé  la  blessure  de 
nouveau ,  on  la  presse ,  et  cherche  à  arrêter  les  progrès  du  venin 
en  la  suçant  ou ,  ce  qui  vaut  mieux  en  y  appliquant  la  ven- 
touse. Une  ligature  sur  la  plaie  même,  et  une  autre  établie 
au  dessus  du  lieu  blessé  si  sa  conformation  le  permet ,  pour 
empêcher  la  communication  du  venin  dans  les  autres  parties 
du  corps,  ont  été  reconnus  être  d'un  grand  service,  pourvu 
qu'elles  ne  soient  point  trop  serrées.  Nous  ne  citons  des  nom- 
breux remèdes  proposés  pour  être  pris  à  l'intérieur  que  les 
sudorifiques  ,  que  l'on  censé  être  de  bon  effet.  M.  Lenz  (i)  a 
employé  avec  un  succès  déterminé  l'acide  muriatique  oxigéné 
et  recommande  son  application  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur: 

[i)  p.  1/^6  suiv. 


I)K  LA  LANGUE.  39 

on  peut  preiulre  par  jour  sans  inconvt'nieni  une  once  et  davan- 
tage de  cette  préparation  chimique,  plus  connue  sous  le  nom  de 
Chlore.  Des  onctions  faites  avec  de  bonne  huile  d'olive  ont  été 
également  reconnues  efficaces  dans  plusieurs  occasions.  Quel- 
ques naturalistes  attribuent  à  l'ammoniaque  des  qualités  que 
d'autres  lui  refusent  :  il  en  est  de  même  de  l'arsenic  et  de  plusieurs 
autres  remèdes,  que  l  on  ne  doit  employer  qu'avec  précaution 
et  après  avoir  inutilement  administré  ceux  dont  nous  venons 
de  faire  mention  (  i). 


DE  LA   LANGUE. 

La  langue  des  ophidiens  se  fait  particulièrement  remar- 
quer par  sa  grande  extensibilité.  Revêtue  de  tuniques  assez 
dures;  faible,  mince  et  divisée  au  bout  antérieur  en  deux 
fdets  plus  ou  moins  grêles,  elle  peut  se  retirer  dans  un  fourreau  , 
dont  l'issue  s'ouvre  à  une  petite  distance  en  avant  de  la  glotte  ; 
la  position  de  ces  organes  varie  dans  les  diverses  espèces  :  chez 
les  Hydrophis  par  exemple,  ils  se  trouvent  très  près  du  bout  du 
museau  ,  tandis  qu  ils  sont  placés  plus  en  arrière  chez  les  serpens 
terrestres  et  d'arbre.  La  langue  des  ophidiens,  quoique  parfai- 
tement semblable  à  celle  de  certains  sauriens ,  tels  que  les 
Moniteurs,  les  Téjus  etc.,  s'en  distingue  cependant  par  la 
grande  simplicité  des  pièces  dures  qui  la  supportent  ;  en  effet 
il  se  trouve ,  au  lieu  d'un  os  hyoïde  composé  de  plusieurs 
pièces  ,  un  simple  fil  cartilagineux  attaché  à  la  face  interne  des 
tégumens  généraux  de  la  région  gulaire,  et  dont  les  deux 
bouts  se  prolongent  très  en  arrière.   Ce  cartilage  est  quelque- 

(i)    Consultez,    outre     l(?s    dissertations    déjà    citées,    la    'l'oxicolopc 
iI'Orfila. 


40  DES  IINTRSTINS. 

lois ,  comme  dans  les  Boas  ,  intimement  réuni  aux  muscles  de 
la  gorge,  dont  il  entrecoupe  les  fibres,  son  extrémité  postérieure 
s*attachant  alors  à  la  peau  sur  les  cotés  du  cou  ;  mais  dans  la 
plupart  des  autres  ophidiens  les  cornes  de  l'hyoïde  sont  libres, 
très  rapprochées  et  se  prolongent  dans  la  cavité  de  la  poitrine  , 
quelquefois  jusqu'au  cœur.  Chacune  de  ces  cornes  est  accom- 
pagnée d'un  muscle  cylindrique  de  la  même  étendue,  avec  lequel 
elles  se  réunissent  au  bout  postérieur  :  ces  muscles  ,  antago- 
nistes des  génio-hyoïdes ,  retirent  la  langue  dans  le  fourreau. 
La  langue,  par  sa  construction,  est  un  véritable  organe  du 
toucher ,  et  ne  peut  ni  servir  comme  organe  du  goût,  ni  parti- 
ciper dans  la  déglutition,  attendu  qu'elle  demeure  retirée  dans  le 
fourreau  pendant  cet  acte.  Une  petite  échancrure  au  bout  du 
museau,  dont  la  plupart  des  serpens,  à  l'exception  des  aquati- 
ques, sont  pourvus,  offre  l'ouverture  par  laquelle  ces  animaux 
font  jaillir  la  langue,  sans  ouvrir  la  bouche:  ce  mouvement 
se  fait  ordinairement  avec  de  la  lenteur ,  et  ce  n'est  que  lors- 
qu'ils sont  émus  par  des  passions,  qu'ils  dardent  la  langue 
avec  vitesse  (i). 


DES  INTESTINS. 

Le  canal  alimentaire  des  ophidiens  (2)  se  fait  remarquer 
par  sa  grande  simplicité.  L'œsophage  et  l'estomac  ne  formant 
qu'un  canal  continu,  il  est  impossible  d'assigner  à  chacune  de 
ces  parties  des  limites  précises.  Ce  canal  descend  tout  droit 
derrière  le  cœur  et ,  s'élargissant  insensiblement,  il  se  termine 
souvent  en  une  poche  plus  ou  moins  spacieuse;   se  tournant 

(i)  Voyez  Hellmann  Uber  den  Tastsinn  der  Schlangeiu  —  (51)  Voir 
pour  la  description  des  organes  de  la  digestion  les  inémoir<7s  de  Duvkrnoy  , 
Ann.  (I.  \c.  nat.  ;  et  de  Meckel  ,   A^V/)?/.  J/tat. 


DKS  INTESTINS.  41 

ensuite  à  droite  il  s'amincit  brusquement ,  pour  former  en 
se  rétrécissant,  un  petit  boyau,  au  bout  duquel  se  trouve 
la  valve  du  pylore,  plus  ou  moins  prononcée  suivant  les 
espèces.  Le  canal  intestinal  occupe  ordinairement 
Vautre  moitié  de  la  longueur  du  tronc  :  plissé  dans  presque 
toute  son  étendue,  le  plus  souvent  d'égale  grosseur,  et  peu 
spacieux,  le  canal  intestinal  mérite  en  grande  partie  le  nom  de 
grêle  ;  ce  n'est  que  vers  les  régions  postérieures  du  tronc 
qu'il  s'élargit  en  un  cylindre  spacieux,  plus  ou  moins  long, 
qui  représente  le  rectum:  la  séparation  de  ces  deux  parties  de 
1  intestin  est  indiquée  soit  par  un  rétrécissement  soit  par  un 
pli  transversal ,  ou  une  valvule  plus  ou  moins  prononcée , 
suivie  à  une  distance  considérable  d'une  ou  de  plusieurs  autres 
cloisons  semblables.  Quelques  espèces  des  genres  Tortrix  , 
Homalopsis  et  d'autres  offrent  un  petit  cœcum  près  de  l'inser- 
tion de  l'intestin  grêle  au  rectum.  Une  autre  valvule,  extrême- 
ment développée,  se  trouve  à  une  petite  distance  de  lanus  , 
et  sépare  le  rectum  du  cloaque:  cette  dernière  cavité  est 
ordinairement  assez  spacieuse ,  et  se  prolonge  souvent  en 
poche  au  dessous  de  la  valvule  ;  c'est  constamment  dans  elle, 
que  se  trouvent  les  issues  des  organes  uropoétiques  et  de  la 
génération.  Animaux  carnassiers ,  les  ophidiens  ont  leur  canal 
intestinal  peu  long,  relativement  aux  dimensions  de  leur 
corps;  cependant  on  observe  chez  les  diverses  races  des 
modifications  assez  sensibles  sous  ce  rapport  :  les  B  o  a  s  par 
exemple,  présentent  des  intestins  grêles  assez  spacieux,  extrême- 
ment courts  et  par  conséquent  peu  plissés;  ce  canal  est  plus  déve- 
loppé sous  le  rapport  des  dimensions  longitudinales  chez  les 
E  1  a  p  s  ,  chez  plusieurs  Couleuvres  etc.  ;  chez  la  plu- 
part des  autres  ophidiens  ,  particulièrement  chez  les  H  o  m  a- 
1  o  p  s  i  s  ,   les  replis  sont  très  serrés. 

La  tunique  musculaire  des  parois  du  canal  abnientaire 
est  en  général  peu  prononcée:  à  partir  de  l'œsophage,  elle 
devient    plus    sensible    à    mesure  (|ue    l'on    ,-.  appioche  du  sac 


42  DU  PANC[\ÉAS. 

soacieux  représentant  lestomac  ;  il  en  est  de  njènie  des 
intestins  proprement  dits ,  dont  la  tunique  musculaire  est 
plus  développée  vers  le  rectum  ,  que  dans  lintestin  grêle.  Les 
tuniques  intérieures  du  canal  alimentaire  sont  pliées 
longitudinalement  ;  ces  plis  deviemient  plus  abondans  dans 
l'estomac,  où  ils  sont  moins  réguliers,  se  croisant  parfois 
en  divers  sens,  et  offrant  l'aspect  de  rides  très  prononcées: 
ils  s'évanouissent,  lorsque  ces  parties  sont  distendues  par  les 
alimens.  On  observe  des  plis  ou  de  rides  semblables  dans  le 
rectum.  La  muqueuse  de  l'intestin  grêle  offre  une  construction 
diverse  :  elle  paraît  toujours  comme  veloutée  par  le  nombre 
infini  des  petites  franges,  dont  sa  face  interne  est  garnie;  quel- 
quefois comme  dans  le  Python  bivittatus  ,  ces  villosités  sont 
tellement  prononcées,  qu'elles  pendent  en  guise  de  petits 
bouquets;  chez  I'Eryx  enfin  elles  forment  des  papilles  plates, 
très  serrées  et  en  forme  de  feuilles.  Toutes  ces  appendices 
disparaissent  cependant  vers  la  fin  de  l'intestin  grêle ,  où  se 
voient  des  plis  longitudinaux  assez  considérables;  les  Pythons  , 
seulement  ont  cette  partie  de  l'intestin  munie  de  nombreux 
plis  transversaux,  analogues  aux  valvules  qui  séparent  l'intestin 
grêle  du  rectum. 


DU  PANCREAS. 

Constanmient  placé  dans  la  première  courbure  que  fait 
l'intestin  à  partir  du  pylore ,  le  pancréas  est  de  forme  et 
de  volume  assez  variable  chez  les  diverses  espèces  d'ophidiens,  et 
présente  même  sous  ce  rapport  des  différences  accidentelles* 
Cet  organe  est  divisé  en  un  nombre  plus  ou  moins  consi- 
dérable de  lofjules  ,  dont  chacun  offre  quelquefois  un  canal 
excréteur  distinct  :  ces   conduits ,  le   plus  souvent  réunis  l'un 


DE  LA  HATE,   UV  FOIE.  4 


o 


à  l'autie  et  accompagnant  le  canal  cholédoque,  versent  le 
suc  pancréatique  dans  l'Intestin ,  à  une  petite  distance  du 
pylore. 


DE   LA    RATE. 

Tous  les  ophidiens  possèdent  une  rate  de  forme  glohu- 
leuse  ou  ovale,  d'une  consistence  assez  ferme  et  le  plus 
souvent  cachée  pnrmi  les  lobes  du  pancréas ,  avec  lesquels  elle 
est  quelquefois  intimement  réunie ,  ce  qui  a  fait  que  Ion  a 
méconnu  cet  organe  au  point  de  nier  son  existence  :  sa  position 
varie  cependant  chez  plusieurs  espèces,  vu  qu'elle  se  trouve 
parfois  éloignée  du  pancréas  et  isolée  à  la  face  postérieure  de 
l'estomac;  ayant  même  observé  des  différences  individuelles 
sous  ce  rapport,  je  suis  porté  à  croire  ,  que  la  place  qu'occupe 
cet  organe,  entre  pour  peu  de  chose  dans  l'exercice  de  ses 
fonctions. 


DU    FOIE. 

Chez  tous  les  ophidiens,  le  foie  se  présenlesous  la  forme  d'un 
long  ruban  aminci  vers  les  bouts,  quelquefois  imparfaitement 
divisé  en  deux  lobes,  et  qui  s'étend  le  long  de  l'œsophage  et  de 
l'estomac ,  depuis  le  cœur  jusque  vers  le  pylore.  La  configura- 
tion de  cet  organe  dépendant  en  grande  partie  de  l'ensemble 
des  formes  du  serpent,  il  sera  superflu  de  décrire  les  innom- 
brables modifications  qu'il  subit  dans  les  diverses  espèces  ;  il 
suffit  de  constater  relativement  à  sa  longueur,  que  l'extrémité 
postérieure  du  foie  touche  quelquefois  au  pancréas  ,  tandis 
(]ue   dans    d'autres    serpens ,   elle    en    reste    considérablement 


44  DKS  WUNS. 

éloignée.  Sortant  de  la  face  intérieure  du  foie,  le  canal  hej)a- 
tique  descend  vers  le  pancréas,  pour  conduire  la  hile  dans 
l'intestin  grêle:  ce  n'est  que  dans  celte  région  et  le  plus  souvent 
enveloppé  du  pancréas  qu  est  situé  le  réservoir  destiné  à  la 
réception  de  la  bile,  qui  ne  peut  y  arriver,  comme  l'a  fort 
bien  remarqué  M.  Duvernoy  (i),  que  par  une  sorte  de  reflux. 
Constamment  remplie  d'un  fluide  abondant,  la  vésicule 
du  fiel  le  décharge  lors  de  la  digestion,  par  un  conduit 
court  et  qui  se  réunit  sous  un  angle  plus  ou  moins  aigu  au 
canal  hépatique;  le  canal  cholédoque  ainsi  formé,  se  loge 
entre  les  lobules  du  pancréas,  pour  percer  l'intestin  grêle;  on 
reconnaît  son  orifice  à  un  petit  bourrelet,  assez  vaguement 
prononcé. 


DES  REINS. 

Les  reins  des  opliidiens ,  remarquables  par  leur  position 
peu  symétrique  ,  et  par  leur  fornie  alongée  ,  sont  divisés  en  un 
assez  grand  nombre  de  petits  lobes,  adhérens  les  uns  aux 
autres  au  moyen  du  tissu  cellulaire  :  ils  sont  ordinairement 
précédés  par  des  corps  extrêmement  minces,  qui  représentent 
probablement  les  reins  succenturiaux  :  placés  le  plus  souvent 
à  une  petite  distance  de  lanus ,  les  reins  s'étendent  assez  en 
avant  dans  la  cavité  abdominale.  Les  uréthères  ,  conduits  plus 
ou  moins  longs,  suivant  l'éloignement  des  reins  de  l'anus,  sont 
assez  spacieux,  longitudinalement  plissés  à  la  face  interne, 
(j^uelquefois  élargis  à  leur  bout  inférieur  en  un  (anal  plus 
ou  moins  gros,  naissant  au  bout  supérieur  des  reins,  et  séten- 
danttout  le  long  du  bord  externe  de  ces  organes;  ils  déchargent 
lurine  dans  le  (^loaque;  leur  embouchure  est  indiquée  par  un 


DES  orgam:s  de  \A  (AiNEiWnoy.  45 

ou  deux  hoinrt'U'ts ,  qiu'lcjueiois  assez  proiiDiicôs  ,  saillaiis  et 
prolongés  en  une  protul)éian("e  cylindrique:  ces  mêmes  bour- 
relets tiennent  lieu  de  la  verge,  car  c'est  par  eux  que  se 
décliarge  le  sperme,  les  vaisseaux  déférens  donnant  dans 
les  uréthères.  Cela  prouvé,  il  faut  considérer  les  deux  corps 
que  le  mâle  introduit  dans  l'intestin  de  la  femelle  lors  de  la 
copulation  et  qui  se  retirent  ensuite  dans  la  queue ,  comme  de 
simples  crochets  au  moyen  descjuels  ces  animaux  se  retiennent 
ou  se  stinmlent  durant  cet  acte. 


DKS  ORGANES  DK   LA  GENERATION. 

Les  dimensions  que  présentent  les  corps  dont  nous  venons 
<le  parler  chez  plusieurs  espèces,  les  piquans  dont  ils  sont 
le  plus  souvent  hérissés  dans  toute  leur  longueur  ,  et  avant 
tout  la  circonstance  qu'ils  ne  conduisent  aucune  liqueur,  sont 
autant  de  preuves  pour  rendre  certaine  l'assertion  énoncée  plus 
haut,  et  pour  constater  l'analogie  dans  l'arrangement  des  organes 
de  la  génération  proprement  dits  chez  les  oiseaux  et  les  ophi- 
diens. Cette  fausse  verge,  qui  se  trouve  aussi  chez  les  sauriens, 
est  toujours  composée  de  deux  corps  symétriques,  parfaitement 
semblables  l'un  à  l'autre,  et  qui  occupent  de  chaque  côté  de  la 
queue  l'espace  laissé  par  les  apophyses  transversaires  et  épineuses 
inférieures.  Chacun  de  ces  corps  est  formé  par  un  prolongement 
de  la  j)eau  de  l'anus  qui,  descendant  sous  la  queue,  forme  un 
cylindre  plus  ou  moins  long  et  fermé  de  tous  côtés.  Enveloppé 
extérieurement  d'une  menibrane  tendineuse  et  d  un  muscle 
assez  prononcé  ,  ce  cylindre  est  garni  à  la  face  interne  de  nom- 
breuses appendices,  tantôt  molles  tantôt  dures,  tantôt  serrées 
et  peu  développées,  tantôt  volumineuses,  éparses  et  sous  forme 
de  piquans  :  ce  cylindre  ,  se  rétrécissant  ensuite ,  les  piquans  pren- 
nent la  forme  de  rugosités,  ses  parois  augmentent  en  épaisseur, 


46  DES  ORGANES  DE  LA  GÉNÉllATION. 

et  sa  structure  offre  de  lanalogie  avec  le  corps  caverneux  du 
pénis  des  classes  supérieures  du  règne  animal  ;  enfin  à  une  dis- 
tance d'un  ou  de  deux  pouces  de  l'anus,  ce  corps  se  termine  en 
un  muscle  conique  et  tellement  alongé,  qu'il  s'étend  quelquefois 
jusque  vers  le  bout  de  la  queue.  L'appareil  que  nous  venons  de 
décrire,  en  sortant  lors  de  la  copulation,  se  retourne  comme  le 
doigt  d'un  gant ,  et  ce  n'est  que  dans  cet  état,  que  l'on  observe 
sa  face  interne  hérissée  de  piquans  et  devenue  alors  externe.  La 
forme  de  ces  organes  varie  dans  les  diverses  espèces  d'ophidiens, 
tant  par  leur  volume  que  par  leur  longueur  ;  mais  aucune  espèce 
ne  les  présente  dune  configuration  aussi  singulière  que  le 
Coluber  canus  du  Cap,  dont  les  fausses  verges  sont  extrê- 
mement alongées,  garnies  de  très  petits  piquans  serrés,  et 
chacune  parfaitement  divisée,  en  sorte  qu'il  y  a  deux  fausses 
verges  de  chaque  côté  ou  quatre  en  tout. 

On  observe  à  la  même  place  chez  les  femelles  des  ophidiens, 
une  poche  ,  appelée  poche  anale;  elle  est  formée  par  une 
membrane  blanche,  élastique  et  très  tenace,  dont  la  face 
interne  sécrète  un  fluide  fétide,  sentant  fortement  l'ail  :  attaqués 
les  serpens  font  jaillir  ce  fluide  par  les  issues  de  ces  bourses  à 
côté  de  l'anus.  J'ai  trouvé  des  organes  absolument  semblables 
chez  les  mâles  de  plusieurs  espèces  ;  ils  sont  alors  moins  déve- 
loppés et  situés  au  dessous  de  la  fausse  verge  ;  mais  dans  im 
grand  nombre  d'ophidiens  ce  sexe  en  est  privé  ou  ces  bourses 
sont  remplacées  par  une  petite  poche,  creusée  de  chaque  côté 
de  la  base  de  la  queue ,  dans  la  cavité  anale  même. 

Les  organes  de  la  génération  proprement  dits  des  ophidiens  se 
trouvent  toujours  dans  la  cavité  abdominale:  occupant  la 
région  des  hypocondres  en  avant  des  reins ,  les  testicules 
et  les  ovaires  se  font  également  remarquer  par  leur  forme 
effilée  et  comprimée  et  par  leur  position,  qui  n'est  pas 
symétrique  comme  dans  les  autres  animaux.  Ils  sont  renfermés, 
ainsi  que  les  reins  et  les  parties  inférieures  de  l'intestin ,  dans 
des  enveloppes  du  péritoine,  membrane  qui  est  souvent  teinte, 


DE  LA  DK(;LUTIT[(>N.  47 

dans  la  région  lombaire,  d'une  couleur  noire,  (  omnie  cela  a 
lieu  chez  beaucoup  d'autres  reptiles  et  cliez  plusieurs  poissons. 

Les  ovaires  contiennent  un  assez  grand  nombre  d  œufs , 
dont  la  grandeur  varie,  et  que  l'on  trouve  disposés  sur 
deux  rangées.  L'oviducte,  pour  recevoir  les  oeufs,  a  son  bout 
antérieur  élargi  et  terminé  par  un  bord  frangé;  ce  canal 
descend  tout  droit  vers  l'anus  et  donne ,  par  une  issue  assez 
spacieuse,  dans  le  fond  du  cloaque,  au  dessous  de  la  valvule 
qui  sépare  cette  cavité  du  rectum. 

Les  testicules,  de  forme  variable  chez  les  diverses 
espèces  d'ophidiens,  présentent  une  teinte  moins  foncée  que 
les  reins.  Les  vaisseaux  déférens  sortent  de  la  face  interne  du 
testicule;  en  faisant  de  nombreux  petits  replis,  ils  descendent 
le  long  du  bord  externe  des  reins,  et  se  collent  dans  toute 
leur  étendue  aux  uréthères:  se  rapprochant  sur  le  dos  du 
cloaque,  ils  pénètrent  les  parois  communes  de  cette  cavité  et 
des  uréthères  ,  et  s'ouvrent  dans  l'embouchure  de  ces  derniers, 
qui  est  indiquée  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  par  une  éléva- 
tion conique.  Ces  issues  des  vaisseaux  déférens  sont  tellement 
délicates,  qu'elles  ne  deviennent  perceptibles  que  dans  les 
serpens  de  très  grande  taille,  ce  qui  rend  les  recherches  ana- 
tomiques  assez  difficiles,  parce  que  l'on  ne  peut  ni  enfler  ces 
organes,  ni  passer  la  sonde,  vu  leur  disposition  ondulée. 


DE  LA  DEGLUÏITIOIV. 


\ 


La  manière  dont  les  serpens  avalent  leur  nourriture  est  assez 
simple.  Ils  commencent  toujours  par  la  tête  de  leur  proie  qu'ils 
font  entrer  dans  la  gueule:  pendant  que  les  dents  s'accrochent 
d'un  côté  dans  la  proie  pour  la  retenir,  la  mâchoire  opposée 
s'avance,  et  les  dents  s  engageant  dans  la  victime,  la  retirent 
dedans:  au  moyen  de  ce  jeu  alternatif  des  mandibules,  pendant 


48  DE  L\  DKiESTlON. 

lequel  liiiférieure  joue  plus  particulièrement  le  dernier  rôle  ^  la 
déglutition  est  effectuée  après  des  efforts  plus  ou  moins 
grands  suivant  le  volume  de  la  proie  ;  c'est  aussi  dans  cette 
même  raison  que  sécartent  les  mâchoires,  pour  rendre  la 
gueule  plus  spacieuse:  durant  cet  acte,  le  serpent  dégorge  une 
salive  abondante  sur  sa  proie,  qu'il  rend  par  cela  glutineuse,  et 
plus  facile  à  avaler.  Quelquefois  l'animal  qu'ils  veulent  dévorer 
étant  trop  volumineux  ,  ils  ne  viennent  à  bout  de  le  faire  entrer 
totalement  dans  leur  gosier  qu'au  bout  d'un  temps  considé- 
rable; les  serpens  trouvés  dans  cet  état,  offrent  un  aspect 
hideux:  le  dégoût  qu'ils  inspirent  alors,  augmenté  par  les 
odeurs  méphitiques  qu'exhale  le  cadavre  de  la  proie  déjà 
attaqué  par  la  putréfaction ,  a  donné  lieu  à  de  nombreuses 
fables,  que  les  poètes  n'ont  pas  laissé  d'embellir.  La  déglu- 
tition se  fait  de  la  même  manière  chez  tous  les  serpens  que 
l'on  a  observés  sans  en  excepter  les  venimeux  qui  lors  de  cet 
acte,  redressent  leurs  crochets  et  les  cachent  dans  la  gaine 
des  gencives,  pour  ne  point  les  exposer  à  des  injures  (i). 


DE  LA  DIGESTION. 

La  digestion  se  fait  assez  lentement ,  nonobstant  Tactivité 
du  suc  gastrique  des  serpens  :  il  paraît  cependant  que  ce 
fluide  n'est  sécrété  en  abondance  que  dans  les  régions  de 
festomac  situées  près  du  pylore;  car  les  animaux  que  l'on 
retire  du  ventre  d'un  serpent  sont  toujours  décomposés  à  leur 
bout  inférieur,  tandis  que  les  parties  qui  se  trouvent  plus  vers 
l'œsophage,   n'offrent   pas  la    moindre  trace  de   putréfaction: 

(i)   Voir   pour  la  déglutition  des  serpens  les  recherches  de   M.  DncKs  , 
insérées  dans  les   Jn/i.  (L  se.   iiat.    1827   XII  p.   362,   suiv. 


DES  OlUi.   l)K   LA   CinCl  LATlOiN.  49 

j'ai  vérifié  ce  tail,  observé  p;ir  M.  Lenz  ;i),  sur  un  oraiid 
nombre  cl  espèces  exotiques.  Dans  la  captivité,  les  serpens 
rejelent  par  la  bouche  les  matières  indigestes,  telles  (nie 
les  plumes,  les  poils  etc.:  cette  propriété  leur  est  commune 
avec  la  plupart  des  oiseaux. 

Lorsqu'on  pt)ursuit  un  serpent  qui  vient  d  avaler  sa  nour- 
riture, il  la  dégorge  souvent  pour  se  rendre  plus  alerte  à 
fuir  (2):  ce  fait  a  été  également  observé  chez  plusieurs 
oiseaux  (3). 


DES  ORGANES  DE  LA  CIRCLLATIOIV. 

Le  cœur  des  ophidiens,  le  plus  souvent  de  forme  alongée, 
se  fait  remarquer  par  sa  position  écartée  de  la  tête:  il  se 
trouve  quelquefois  à  la  fin  du  premier  quart  de  la  longueur 
totale  du  tronc.  On  lui  reconnaît  deux  oreillettes  spacieuses 
^t  séparées  Tune  de  lautre  par  une  cloison  membraneuse;  le 
ventricule  au  contraire  est  imparfaitement  divisé  en  deux 
cavités  assez  étioites,  par  une  cloison  naissant  de  la  base 
du  cœur  et  s^e  confondant  dans  les  fibres  charnues  de  cet 
organe:  les  ^raiois  des  oreillettes,  quoique  charnues,  sont 
minces;  celles  du  ventricule  ont  une  épaisseur  considérable, 
notamment  sur  le  côté  gauche  de  cette  partie,  qui  s'étend  en 
forme  d'appendice  conique  sous  l'oreillette  gauche.  Chaque 
oreillette  communique  avec  le  ventricule  par  une  ouverture 
assez  large,  mais  susceptible  rl'être  fermée  au  moyen  d'une 
valvule.  L'oreillette  droite  reçoit  toutes  les  veines  du  corps 
qui  forment,  à  lexception  de  la  jugulaire  gauche,  avant  de 

(i)  p.  48.  —  (2)  Note  comiminiquée  par  M.  Dieperink  à  Para- 
maribo; voyez  aussi  Lenz.  /.  c.  —  (3)  Les  slercoraii"€s,  les  mouettes , 
les  liiioridelles  de  nver,  etc. 


50  DES  ORGANES 

peiForer  les  parois  de  rorelilette,  une  espèce  de  sac  plus  ou 
moins  long  et  qui  offre,  outre  les  tuniques  ordinaires  ,  une 
tunique  musculaire  bien  prononcée:  deux  grandes  valvules 
servent  à  fermer  l'entrée  commune  des  veines  dans  cette 
oreillette.  Le  sang  parvenu  dans  la  chambre  droite  du  ven- 
tricule, est  chassé  dans  l'artère  pulmonaire,  dont  l'embou- 
chure offre  deux  valvules  ;  comprise  à  sa  hase  dans  le  tronc 
commun  des  aortes ,  cette  artère  se  courbe  au  dessous  de 
l'aorte  gauche  et  se  rapproche,  en  s'éloignant  de  celle-ci,  du 
poumon,  dont  elleborde  la  face  postérieure  avant  de  pénétrer 
rians  l'intérieur  de  cet  organe.  TJne  seule  veine  pulmonaire, 
perçant  le  poumon  en  arrière  de  l'artère  du  même  nom ,  rap- 
porte le  sang  oxydé  dans  l'oreillette  gauche  ,  qui  est  de  forme 
conoïde  et  moins  spacieuse  que  celle  du  côté  droit.  Le  sang 
oxydé  ,  après  avoir  passé  dans  la  cavité  gauche,  est  poussé 
vers  le  côté  droit,  où  se  trouvent  les  embouchures  des  deux 
aortes,  d(^nt  chacune  offre  deux  valvules  semicirculaires  , 
même  lorsque  ces  embouchures  sont  réunies  en  une  seule, 
comme  je  l'ai  observé  plusieurs  fois.  Nous  avons  déjà  dit 
(pie  toutes  les  artères  naissent  dun  même  tronc,  dont  elles 
creusent  poiir  ainsi  dire  l'intérieur;  les  artèrescependant  sont 
ie  phis  souveiît  séparées  l'une  de  l'autre  par  des  cloisons  qui, 
quoique  chacune  serve  à  la  fois  de  parois  à  deux  vaisseaux 
voisins,  empêchent  que  le  sang  qu'elfes  conduisent,  puisse  se 
mêler  avant  d  entrer  dans  le  cœur.  L'aorte  droite,  beaucoup 
îîiolns  grosse  que  la  gauche,  se  divise,  à  peu  de  distance  de  sa 
sortie  du  îronc  commun  des  artères,  en  plusieurs  branches  , 
(pii  seules  pourvoient  de  sang  le  cou  et  la  tête  ;  se  cour- 
bant ensuite  en  arrière,  elle  descend  derrière  le  cœur  pour 
se  réunir  avec  l  aorte  gauche,  qui  a  suivi  de  l'autre  côté  un 
chemin  send)lable.  Cette  grande  arîèie  descend  ensuite  tout 
le  long  du  corps,  et  ne  se  perd  qu'à  l'extrémité  de  la  queue; 
elle  pourvoit  dans  son  cours  les  organes  environnans  :  après 
avoir  donné  naissance  aux  artères  intercostales,  elle  envoie  des 


DE  L\  CIRCCLATION.  51 

î)ranches  à  resfoniac  et  an  i'oie,  aux  organes  de  la  «vénération 
et  aux  reins;  l'artère  mésentère  naît  à-peu-près  vis-à-vis  du 
pylore,  et  il  y  a  plusieurs  autres  branches  qui  se  distribuent 
sur  le  canal  intestinal.  I/aorte  droite  envoie  vers  la  tète, 
avant  de  desceiulre derrière  le  cœur ,  une  branche  considérable, 
iippelée  par  Guvier  artère  collaire  (ij:  cette  branche  après 
avoir  fournie  les  artères  intercostales  du  cou  ,  pénètre  les 
nuiscles  fléchisseurs  de  la  tête,  où  elle  se  perd.  Les  carotides 
naissent  du  tronc  de  l'aorte  droite  près  de  sa  base:  s'éten- 
dant  le  long  de  l'œsophagcT^  elles  se  dirigent  vers  la  tête,  dans 
laquelle  elle  pénètrent  après  s'être  divisées  en  de  nombreuses 
branches,  qui  pourvoient  de  saîig  les  organes  situés  à  l'exté- 
rieur de  la  tête.  Cette  disposition  des  carotides,  décrite  d'après 
le  Boa  constrictor,  est  loin  de  se  trouver  la  même  dans  les 
autres  serpens,  qui  n'offrent  ordinairement  qu'une  artère 
carotide  unique  (2) ,  celle  du  côté  gauche;  cette  artère  fournit 
à  elle  seule  tout  le  sang  de  la  tête  de  sang.  Les  carotides 
envoient  une  petite  branche  à  la  glande  thyroïde,  et  d'autres 
branches  aux  organes  renfermés  dans  la  cavité  du  cou.  Deux 
veines  jugulaires,  accollées  aux  carotides  ou  descendant  le 
long  de  l'œsophage,  rapportent  le  sang  de  la  tête  au  cœur. 
J'ai  observé  chez  un  Boa  constricteur  trois  veines  impaires 
sortant  de  la  coh)nne  vertébrale:  la  première  près  de  la  tête, 
la  deuxième  vers  le  milieu  du  cou,  lu  troisième  dans  la  région 
abdominale  ;  il  est  évident  que  ,  pour  se  rendre  au  cœur,  la 
dernière  veine  monte,  tandis  que  les  deux  autres  descendent. 
La  veine  qui  transporte  le  sang  des  parties  postérieures  de 
l'animal,  se  divise  pour  former  les  deux  rénales  qui  bordent 
dans  toute  leur  longueur  la  face  interne  des  reins,  dont  elles 
reçoivent  un  grand  nombre  de  petites  branches  ;  après  avoir 
donné  naissance  à  la  veine  cave,  la  branche  du  côté  droit  se 

(i)  Arleria    verlebralis,  Schlemm.    I.   1.    —    (2)   L'artère    carotide 
commune  de  CuviER  ;   arteria  cephalica  de  Schlemm. 


52  DE  LA  RESPIRATION. 

réunit  à  celle  du  côté  gauche  pour  former  une  grosse  veine; 
c'est  la  veine  cave  inférieure ,  qui  pénètre  dans  le  parenchyme 
du  foie  ,  pour  recevoir  le  sang  apporté  par  la  veine  porte  ;  en 
sortant  de  l'extrémité  supérieure  du  foie,  qui  s'avance  en 
pointe,  cette  veine  cave  parcourt  une  petite  distance  et  entre 
comme  partie  principale  dans  la  formation  de  ce  sac  veineux 
décrit  plus  haut,  qui  communique  avec  l'oreillette  droite, 
et  dans  lequel  plusieurs  autres  veines  donnent:  on  observe 
de  fortes  valvules  à  l'embouchure  de  chacune  de  ses 
veines  (i). 

Le  cœur  des  ophidiens  porte  constamment  à  sa  face  supé- 
rieure une  glande  conglomérée,  plus  ou  moins  développée  et 
entourée  de  plusieurs  autres  glandes  de  forme  et  de  nombre 
très  divers  selon  les  espèces  :  cette  première  glande  a  été 
regardée  par  plusieurs  anatomistes  comme  l'analogue  du 
thymus;  d'autres  ,  et  je  suis  de  ce  nombre ,  font  comparée 
à  ia  thyroïde  (2). 


DE   LA  RESPIRATION. 

Pour  se  faire  une  idée  juste  de  la  respiration  des 
ophidiens,  il  faut  examiner  avec  attention  un  serpent  dans 
l'état  de  repos.  On  observe  alors  que  le  tronc  se  contracte 
et  se  dilate  alternativement  par  le  jeu   des  côtes ,  et  que  ce 


(i)  La  description  des  organes  de  lacirculation  a  été  en  majeure  partie 
dressée  d'après  le  Boa  constricteur  :  consultez  pour  des  détails  ulté- 
rieurs, les  travaux  de  Cuvier  Leçons  (Variât,  comparée,  vol.  11;  Schlemm 
dans  TiKDEMANN  Zeitschrift  «0/.  Il  P.  1  PL  7  ,  Retzius  Schwed. 
Verhandl.  i83o  et  his  iS'ii»  p,  5a4suiv;  Meckkl  System,  vol.  F p^ 
218  suiv.  . —  (2)  Consultez  l'excellent  mémoire  de  M.  Haugstedt, 
intitulé  Thytni  ilescriptio  ^  p.  \bi  suiv. 


DE  LA  UKSPIIIATION.  53 

inouvcinent  se  léncle  avec  Icntcui"  ci  à  iulei vulles  réguliers; 
maison  observe  égiileiiieut ,  que  les  naiines  restent  fermées 
durant  cet  acte,  et  ne  s'ouvrent  qu'à  des  intervalles  beaucoup 
plus  éloignés,  entre  lesquels  le  corps  se  contracte  souvent 
jusqu'à  une  trentaine  de  fois:  il  résulte  de  ces  observations, 
que    les    poumons   des  ophidiens    ont,   outre  leur  fonction 
ordinaire,  ce'.le  de  servir  de  réservoir  à  l'air  atmosphérique; 
ce  réservoir  rempli  par   une  seule  inspiration,  contient   une 
quantité  suffisante  d'air  pour  que  loxyciation  du  sang  puisse 
se  faire  par  les  contractions    des  poumons,  sans   nécessiter 
une  nouvelle  inspiration,  qui  ne  suit  (jue  lors  de  l'expiration 
de   l'air  contenu  dans  le  pcnimon,    et  dont   l'oxygène  a  été 
totalement  absorbé. 

La  structure  des  poumons  des  ophidiens  prouve  à  1  évi- 
dence   ce   que   nous  venons  d'avancer  :    elle  est   notamment 
remarquable  sous  deux  rapports,  d'abord  parce  que  le  poumon 
se  termine  ordinairement  en  une  vessie  ou  un  sac  sans  cellules, 
fornié    simplement    par    une    production    de    la   membrane 
séreuse,   enveloppant  le  poumon;  et  en  second   lieu,  parce 
que  les  rameaux  les  plus  considérables  des  conduits  aériens 
s'ouvrent  dans  l'intérieur  de  la  cavité  du  poumon  même:  par 
celte  première  disposition  le  poumon  des  ophidiens  devient 
un    réservoir   assez  spacieux  pour  contenir  un  volume  d'air 
suffisant  à  un  grand  nombre  d'inspirations;   par  la  seconde, 
l'air  contenu    dans  ce   réservoir   peut   être   chassé  dans    les 
cellules,  par  des  contractions   du   thorax,  sans  qu'une  nou- 
velle inspiration  soit  nécessaire. 

La  configuration  du  poumon  subit  de  nombreuses  modifi- 
cations dans  les  différentes  races  d'ophidiens.  La  forme  de  cet 
organe  est  ordinairement  celle  d'un  sac  simple,  conique  et 
s  étendant  depuis  le  cœm^  vers  les  régions  inférieuies  de  les- 
tomac,  où  il  se  termine  en  une  poche  membraneuse.  La 
trachée,  composée  d'un  grand  nombre  de  demi-anneaux 
qui  sont  réunis  antérieurement  par  une  membrane,  aboutit 


54  DE  LA  RESPIRATION. 

dans  la  naissance  du  poumon  par  une  ouverture  coupée 
obliquement  ;  cet  organe  se  divise  cependant  plus  ou 
moins  parfaitement  en  deux  bronchies  chez  les  boas,  chez 
la  plupart  des  t  o  k  t  r  i  x ,  des  d  i  ps  a  s  et  chez  plusieurs  autres 
ophidiens,  où  l'on  aperçoit  le  vestige  d'un  second  lobule  du 
poumon,  quelquefois  de  moitié  aussi  grand  que  celui  de  l'autre 
côté.  Les  cellules  aériennes  de  la  cavité  pulmonaire  s'étendent 
chez  plusieurs  ophidiens,  sur  la  membrane  qui  réunit  les 
anneaux  de  la  trachée  artère,  de  sorte  qu'elles  occupent  quel- 
quefois cette  membrane  dans  toute  sa  longueur;  il  y  a  d'autres 
espèces,  où  cette  membrane  assez  dilatéerenferme  un  nombre 
de  cellules  aussi  considérable  que  le  poumon  même;  chez 
le  Xénodon  sévère,  chez  les  serpens  venimeux  proprement 
dits  et  chez  d'autres  ophidiens ,  cette  membiane  élargie  en 
sac  assez  spacieux,  contient  à  elle  seule  toutes  les  cellules 
aériennes,  de  sorte  qu'il  résulte  de  la  disposition  particulière 
du  poumon  un  déplacement  complet  de  cet  organe  qui,  con- 
trairement à  ce  que  l'on  observe  chez  les  autres  ophidiens,  est 
situé  en  avant  du  cou  entre  la  glotte  et  le  cœur.  La  disposition 
des  organes  de  la  respiration  chez  les  serpens  de  mer  est 
encore  plus  extraordinaire:  dans  I'hy  dro  phis  colubrin 
la  trachée  artère  se  prolonge  jusqu'aux  hypocondres ,  où 
elle  se  termine  en  un  sac  membraneux  qui  s'étend  jusqu'à 
une  distance  de  deux  pouces  de  l'anus  ;  mais  au  lieu  d'une 
membrane  qui  réunit  les  anneaux  de  la  trachée,  c'est  le  pou- 
mon qui  enveloppe  ce  tube  dans  toute  sa  longueur.  Chez 
I'hydropkis  pELAi^îis  la  trachée  artère  s'enfle  dès  son 
origine  pour  se  rétrécir  vers  le  cœur ,  forme  un  canal  très 
étroit,  et  descend  derrière  l'estomac  pour  s'élargir  de  nou- 
veau en  un  sac  très  spacieux  ,  dont  le  bout  s'étend  jusqu'à 
l'anus,  en  se  logeant  entre  les  apophyses  épineuses  inférieu- 
res de  la  queue;  les  cellules  aériennes  chez  cette  espèce  sont 
beaucoup  moins  nombreuses  que  chez  la  précédente,  quoi- 
qu  elles  boident  la  trachée  depuis  son  origine  jusqu'au  point 


nu  cnwKAi'  v:\:  des  m:ius.  :)»^ 

ou  elle  ioriue  cet  ;jppeiuli(!e  spacieux  ,  qui  lieui  [irobal )!(.'- 
nient  aussi  lieu  rie  vessie  natatoire. 

Cette  disposition  diverse  des  organes  de  la  respiration 
variant  même  chez  les  diiïérentes  espèces  des  ophidiens , 
prouve  à  l'évidence,  (jue  la  forme  de  ces  organes  est  de  ])eu 
d'importance  pour  l'exercice  de  ses  fonctions ,  et  que  l'on 
a  eu  tort  de  tirer  de  ces  anomalies  de  forme,  des  caractères 
pour  la  classification  des  serpeiis,  ou  de  regarder  les  espèces 
dont  le  poumon  est  divisé  en  deux  lobes,  connue  consumant 
un  volume  plus  considérable  d'oxygène,  et  comme  étant  [)ar 
conséquent  d  une  organisation  plus  parfaite. 

Les  cellules  aériennes  principales  sont  quelquefois  sup- 
portées pardes  rubans  cartilagineux  et  étroits ,  qui  se  per<lent 
dans  les  petits  tuyaux  formant  cette  partie  du  réseau  pulmo- 
naire, où  a  lieu  l'oxydation.  Le  bout  supérieur  dn  larvnx 
est  surmonté  par  les  deux  cartilages  aryténoïdes,  qui  lais- 
sent entre  eux  une  simple  fente  longitudinale,  la  glotte:  cet 
appareil  simple,  mu  par  deux  paires  de  muscles,  représente 
chez  les  ophidiens ,  l'organe  de  la  voix  qui  ne  consiste  qu'en 
un  sifflement  plus  ou  moins  aigu  ,  produit  par  lair  chassé 
des  poumons.  Cette  ouverture  correspondant  avec  l'ouverture 
intérieure  des  narines,  est  plus  ou  moins  rapprochée  de  lex- 
trémité  du  museau,  suivant  que  l'espèce  fréquente  les  eaux 
ou   la   terre. 


DU  CERVEAU  ET  DES  NERI  S. 

La  petitesse  du  cerveau  des  ophidiens  devient  particu- 
lièrement sensible  lorsque,  en  choisissant  des  espèces  où  les  or- 
ganes de  la  manducation  ont  acquis  un  grand  développement, 
on  compare  le  volume  de  cet  organe  à  celui  de  la  tête.  En  avant, 
les  deux  hémisphères  se  prolongent  en  se  rétrécissant,  dans  le 


56  DE   L'ODORAT. 

lobule  olfactif,  de  soileqiie  cette  partie  est  portée  sur  un  assez 
long  pédicule  ;  on  observe  à  leur  face  postérieure  les  lobes 
optiques,  assez  grands  et  passant  au  dessous  des  hémisphères 
pour  se  diriger  vers  l'œil  et  former  le  nerf  qui  porte  le 
même  nom.  Le  cervelet,  petit  organe  situé  derrière  les 
lobules  optiques,  est  presque  d'une  venue  avec  la  moelle 
épinière  ,  et  n'offre  qu'un  renflement  peu  considérable  (i). 
L'extrême  délicatesse  des  nerfs  de  la  tête  rend  l'examen  de 
ces  parties  assez  difficile.  Outre  les  nerfs  olfactif,  optique  et 
auditif,  on  distingue  particulièrement  le  nerf  de  la  cin- 
quième paire  qui  envoie  ses  branches ,  de  même  que  chez, 
l'homme,  à  l'œil,  à  la  mâchoire  supérieure  et  à  l'inférieure. 
Le  grand  nerf  sympathique  s'entrelace  sur  tant  de  points  avec 
les  nerfs  vagues,  qu'il  est  impossible  de  tracer  avec  certitude 
son  origine. 

Quant  aux  facultés  intellectuelles,  les  ophidiens  se  trou- 
vent évidemment  au  même  degré  que  les  animaux  des  deux 
premiers  ordres  de  la  classe  des  reptiles.  On  a  souvent 
exagéré  la  force  de  régénération  dont  les  organes  des  ophi- 
diens sont  doués  ;  mais  il  est  peu  probable  qu'elle  soit  plus 
grande  que  chez  les  Sauriens  ou  les  Chéloniens  ;  ce  qui  est 
certain,  c'est  que,  lorsqu'un  membre  tel  que  la  queue  a  été 
mutilé,  il  ne  se  reproduit  jamais. 


DE  L'Oî>ORAT. 

Les  serpens  n'ont  pas  l'od  orat  fin;  aussi  l'étendue  de  la 
membrane  muqueuse  du  nez  est-elle  peu  considérable,  vu  la 


i)  Voir:  Sv.v.^'es,  Jnat.  comp.ducerveau^  Allas  PI  ^fig.  l'iôet  127; 
i32  et  i33.  fig,  du  cerveau  du  Naja  haje,  de  l'aspic  et  de  la  vipère  fà 
raies  parallèles  ?} 


DE  LW:iL.  57 

conformation  simple  des  conques.  La  cavité  du  ne/  est  plus 
ou  moins  spacieuse  ,  suivant  les  diverses  races.  Les  narines 
varient  extrêmement  d'un  genre  à  l'autre,  soit  par  leur  posi- 
tion, soit  par  leur  forme  ou  leur  grandeur.  On  peut  établir 
connue  règle  constante  que  les  espèces  purement  aquatiques 
offrent  des  narines  petites  ,  dirigées  vers  le  ciel  et  le  plus 
souvent  susceptibles  d'être  fermées  au  moyen  d'une  valve; 
tandis  que  les  narines  des  espèces  terrestres  ou  de  celles 
qui  habitent  les  arbres,  sont  ordinairement  latérales  et  assez 
ouvertes.  Chez  les  serpens  fouisseurs,  ces  orifices  se  présen- 
tent presque  toujours  sous  la  forme  orbiculaire  et  se  distin- 
guent par  leur  petitesse;  elles  sont  de  forme  semblable, 
quoique  plus  ouvertes,  chez  les  serpens  pélagiques,  mais  les 
Homalopsis  en  ont  qui  offrent  une  fente  transversale  en 
forme  de  croissant. 

On  observe  chez  les  Trigonocéphales  et  les  Crotales  ,  sur  les 
côtés  du  museau,  derrière  les  naiines,  une  large  cavité  dont 
l'usage  n'a  pas  encore  été  reconnu  ,  mais  que  1  on  peut,  selon 
toutes  les  apparences,  considérer  comme  une  cavité  accessoire 
du  nez.  Cette  cavité,  creusée  dans  la  surface  supérieure  du 
maxillaire,  est  revêtue  d'une  espèce  de  membrane  muqueuse: 
elle  offre  de  petits  trous  pour  le  passage  des  nerfs,  et  reçoit 
probablement  une  portion  du  fluide  sécrété  par  les  glandes 
voisines.  M.  Home(i),  qui  a  traité  ce  sujet,  dans  un  mémoire 
spécial,  suppose  que  ces  cavités  sont  analogues  aux  larmiers 
de  certains  ruminans. 


DE  r/ŒIl.. 

Nous  avons  déjà  fait  mention  plus  haut  de  la  diversité  de 

(l)    A  p.    RlISSEL   app. 


58      .  DK  r;()ElL. 

la  position  (u*  l 're  i  !  (liez  les  dilTërentes  races  crojjhidieiis ,  du 
volume  (le  cet  organe,  de  la  ibiine  de  la  prunelle  etc.  ;  nous 
avons  épalenient  constaté  que  les  tégumens extérieurs  revêtent 
lœil  tout  entier,  mais  que  ces  tuniques  sont  sur  cet  endroit 
extrêmement  minces,  diaphanes,  et  se  présentant  sous  la 
l'orme  d'une  lamelle  hémisphérique  ,  adhérante  aux  plaques 
qui  composent  le  tour  de  l'orbite:  il  est  évident  que  eallc 
lamelle  comme  partie  intégrante  de  ia  peau,  se  renouvelle 
lors  de  la  mue,  et  que  l'ancienne  lamelle  est  rejetée  avec 
l'épiderme.  Le  globe  de  l'œil  ,  le  plus  souvent  de  forme 
orbicuiaire,  est  revêtu  à  sa  face  antérieure  de  la  conjonctive 
(|ui,  se  repliant  sur  elle  même,  forme  une  cavité  dans  laquelle- 
sont  versées  les  larmes,  selon  les  observations  de  M.  J.  Clo- 
quet  (  i).  La  cornée  est  assez  épaisse  et  offre  un  segment  à- peu- 
près  de  la  même  péripliérie  que  la  sclérotique;  cette  dernière 
tunique,  également  épaisse  et  très  tenace,  n'est  supportée  ni 
par  des  os  ni  par  des  cartilages:  ses  deux  faces  sont  teintes 
d'un  brun  assez  foncé  ;  on  ohserve  au  fond  du  globe  de  l'œil 
un  tiou  orbicuiaire  pour  l'entrée  du  nerf  optique,  (psi 
perfore  obliquement  la  substance  de  la  sclérotique.  A  sa 
surface  externe  s'attachent  les  muscles  du  globe  de  l'œil , 
dont  le  nombre  est  comme  à  l'ordinaire  de  six.  La  choroïde, 
d'un  tissu  peu  serré,  a  ses  deux  faces  couvertes  d'une  pig- 
ment foncé.  La  ruischienne  est  assez  développée.  L'uis  a  une 
étendue  considérable:  la  couleur  qu'elle  présente,  varie 
d'une  espèce  à  l'autre.  La  rétine,  passablement  épaisse,  n'offic 
rien  de  particulier.  L'existence  des  lames  de  la  tunique  vi- 
trée ciiez  les  serpens  n'a  été  démontrée  que  très  récem- 
ment (2).  La  lentille  crystalline  ,  de  forme  sphérique,  s'enfonce 


(i  )  i^Je'tn.  (la  Mus.  t'  11  p.  62  saw  :  voir  aussi  Mùller  dans  Tieuf- 
MANN  Zeit.schr.  IV.  I  PL  \i;)fig  14.  —  ['i)  Voyez  l'excellente  analomie 
(lu  Python  à  deux  raies ,  publiée  par  M,  Rf.tzius  :  Isis  i832/^  ^12 
siàv. 


DK  i;Ol\EILLE.  51) 

(Je  plus  de  la  moitic  dans  rimiueiu-  viliee ,  qui  tst  peu  volu- 
mineuse. 


La  structure  rie  l'oreille  démontre  que  les  ophi- 
diens ont  l'o  u  ï  e  plus  dure  que  la  plupart  des  autres  animaux 
de  la  classe  des  Amphibies.  L'osselet  de  l'oreille  étant  enfoncé 
dans  les  chairs,  vu  le  manque  total  de  tympan,  il  s'en  suit 
que  les  sons  ne  peuvent  pénétrer  dans  l'oreille  même  qu'après 
avoir  fait  vibrer  cette  cuirasse  épaisse  que  forment  chez  les 
ophidiens  les  tégumens  généraux:  cet  osselet,  appelé  par 
CuviER  l'étrier  de  l'oreille,  quoiqu'il  représente  les  trois  osse- 
lets de  l'oreille  des  animaux  d'un  rang  supérieur,  est  en 
forme  de  fil  qui  se  prolonge  ordinairement  d'un  côté  jusqu  a 
l'arliculation  de  la  mâchoire  inférieure;  tandis  que  l'autre  bout 
est  élargi  en  disque  pour  fermer  la  fenêtre  ovale.  Immédiate- 
ment derrière  cette  entrée  de  l'oreille  intérieure  se  trouve 
une  autre  ouverture  représentant ,  comme  il  a  été  constaté 
par  M.  WiNDiscHMANN  ,  la  fenêtre  orbiculaire.  Le  même 
savant  a  observé  que  la  structure  de  l'oreille  interne  des 
ophidiens  se  rapproche  de  celle  de  tous  les  sauriens  qu  il  a 
examinés  ;  c'est  à  dire  qu'on  leur  reconnaît  un  organe  de 
forme  ovale,  appelé  anneau  cartilagineux  et  destiné  à  recevoir 
le  nerf  de  l'ouïe  ,  qui  se  distribue  à  sa  surface:  ce  nerf  forme 
d  un  côté  un  renflement  assez  considérable,  appelé  lagena 
à  cause  de  la  configuration  de  cette  partie  qui  ressemble  à 
celle  d'une  bouteille:  voir  Windischmann  ,  /V.  a  fig.  12: 
organes  de  loreille  interne  d  un  Dipsas. 


(;()  uïîs  TÉ(;LMr^NS. 

DKS  TEC;  UM  EX  S. 

Les  t  é  g  II  ni  e  n  s  g  é  n  ë  r  a  u  x  des  ophidiens  ,  pour  résister  à 
l'influence  des  élémens  et  aux  causes  mécaniques  extérieures  , 
forment  une  cuirasse  très  épaisse  qui  revêt  tout  le  corps  de 
l'animal  et  qui  est  munie  d'un  épidémie  souvent  assez  dur  et 
corné.  Pour  obéir  aux  mouvemens  de  l'animal  et  à  l'extensioTi 
des  parties  par  laquelle  estproduit  l'agrandissementdu  volume 
du  corps,  il  fallait  que  cette  peau  lût  divisée  en  un  grand 
nombre  de  compartimens ,  séparés  par  des  intervalles,  de 
sorte  qu'il  résulte  de  cette  construction  autant  d  articidations 
susceptibles  d'être  rapprochées  et  éloignées  les  unes  des 
autres.  Ces  compartimens  saillans,  qu'on  appelé  écailles 
lors([u'ils  sont  petits,  lames  ou  plaques  dans  le  cas 
opposé,  sont  formés  par  des  couches  de  tégumens  beaucoup 
plus  épaisses  que  celles  des  intervalles,  qui  offrent  au  contraire 
une  peau  d'une  organisation  plus  délicate,  fortement  contractée 
dans  l'état  de  repos  de  l'animal  et  revêtue  d'un  épidémie  très 
mince,  peu  transparent  et  mou.  Il  est  évident  que  ces  der- 
ineres  parties  ne  paraissent  à  l'œil  que  lors  de  la  dilatation 
du  corps  de  l'animal:  cachées  presqut*  conlinuellemenl  par  les 
bords  des  écailles  ,  et  privées  de  lumière,  elles  sont  constam- 
ment d'une  couleur  blanchâtre  ,  et  ce  n'est  que  chez  (|uelques 
Tropidonotes  ,  que  le  tissu  muqueux  de  ces  parties  est  teint  , 
sui*  la  région  du  cou,  d'un  beau  rouge  vermillon,  l!  n  en  est 
pas  aiîisi  de  <;ette  portion  du  tissu  muqueux  qui  entre  dans 
la  formation  des  écailles  ,  el  qui  brille  le  plus  souvent  de  tout 
léclat  de  larc-en-ciel ,  éclat  plus  ou  moins  vif  suivant  la 
nature  de  l'épiderme  corné  et  transparent  dont  toutes  les 
écailles  sont  revêtues:  vodà  ,  pourquoi  plusieuis  serpens  et 
notamment  ceux  du  genre  Dendrophis  présentent  un  système 
de  coloration  assez  uniforme,  quoicjue  leur  lissu  muqueux 
soit  orné  des  plus  jolies  teintes;  il  est  également  clair  que 
les    teintes  des    serpens  doivent  changer  vers  le  temps   de  la 


I)|<S    rKGlIMEXS.  (il 

m\ic  ,  où  l'(''j)l(ierin('  se  ternit  en  se  détacliant  insenslMeinent 
(les  couches  inféi  ieures  de  la  peau  :  ne  laissant  passer  alors 
qu'imparfaitement  les  rayons  de  la  lumière,  elle  les  rellécliit 
dans  un  sens  divers  du  sens  ordinaire  et  fait  paraître  les 
couleurs  des  ophirliens  sous  un  jour  beaucoup  moins  agiéable 
qu  aussitôt  après  la  mue. 

11  résulte  des  lois  établies  ci-dessus,  que  la  forme  des 
écailles  doit  être  déterminée  par  la  direction  des  mouve- 
mens,  exécutés  par  les  organes  qu'elles  protègent.  Les  écailles 
du  tronc  sont  par  conséquent  disposées  sur  des  lignes  paral- 
lèles au  contour  des  côtes;  ces  lignes  sont  entrecoupées  sous 
un  angle  plus  ou  moins  aigu  par  d'autres  lignes ,  et  c'est  aifisi 
que  se  forment  les  bords  des  écailles.  De  la  direction  respec- 
tive de  ces  lignes  dépend  la  forme  plus  ou  moins  régulière 
des  écailles:  si  ces  lignes  se  croisent  sous  un  angle  droit,  les 
écailles  sont  de  forme  carrée  ;  si  au  contraire  une  de  ces  liones 
est  plus  inclinée  vers  Taxe  du  tronc  que  l'autre,  les  écailles 
tiennent  du  rbombe,  et  s  approchent  d'autant  plus  du  lancéolé 
ou  même  on  linéaire,  que  ces  lignes  sont  divergentes  l'une 
de  l'autre.  11  a?  rive  presque  toujours  que  ces  lignes  dévient 
/le  leur  direction  primitive  en  se  courbant  pour  se  réunir  à  la 
rangée  médiane  des  écailles,  du  dessous  de  l'animal:  de  là 
que  la  forme  des  écailles  à  partir  du  dos  ,  devient  de  plus  en 
plus  irrégulière ,  quoique  ces  organes  gagnent  à  mesure  en 
étendue.  C'est  constamment  sur  les  parties  antérieures  du 
tronc  que  ces  lignes,  particulièrement  celles  qui  se  dirigent 
en  arrière ,  sont  inclinées  vers  l'axe  du  corps  ;  et  voila 
pourquoi  la  forme  des  écailles  qui  revêtent  cette  région, 
doit  servir  de  type  à  la  description  :  vers  la  queue  et  sur 
ce  membre  même,  les  lignes  se  croisent  sous  un  angle 
presque  droit,  et  les  écailles  deviennent  nécessairement 
moins  irré<£ulières.  Cette  différence  de  forme  des  écailles 
sur  les  diverses  parties  d'un  même  individu  est  très  sensible 
dans  les  Najas  et   les  Xénodons,   où  les  côtes  du  cou  ,  moins 


62  BES  TÉGUMENS, 

iucuiées  que  les  autres  ,  et  susceptibles  <1  une  mobilité  eoiisi- 
(lérabie  d'arrière  en  avant,  produisent  un  agrandissement  du 
volume  du  corps  dans  le  sens  latéral:  dans  l'état  de  repos  , 
les  écailles  de  cette  région  se  recouvrent  par  leurs  bords 
latéraux;  elles  sont  de  forme  effilée  ou  linéaire,  tandis  que 
(  eiîes  de  la  queue,  imbriquées  comme  d'ordinaire,  sont  de 
forme  carrée.  -^ 

Le  nombre  des  rangées  longitudinales  sur  lesquelles 
sont  disposées  les  écailles  ,  ne  varie  pas  seulement  suivant 
les  espèces;  ces  anomalies  s  observent  même  fréquemment 
chez,  divers  individus  de  la  même  espèce;  encore  ce  nombre 
<'St-il  loin  de  se  trouver  le  même  dans  les  différentes  régions 
du  corps.  C'est  sur  le  cou  ,  à  une  petite  distance  de  la  tête, 
que  les  rangées  des  écailles  sont  les  plus  nombreuses;  vers 
le  milieu  du  tronc,  elles  connnencent  à  diminuer,  les  deux 
écailles  voisines  de  l'abdomen  n'étant  suivies  que  par  une 
seule  :  ces  rangées  disparaissant  petit  à  petit  l'une  après 
lîiutre,  elles  se  réduisent  au  bout  de  la  queue  à  une 
seule  lame  écailleuse.  Le  nombre  des  rangées  longitudinales 
est  ordinairement  impair  ,  tous  les  ophidiens  ayant  la 
ligne  médiane  du  dos  garnie  d'une  seule  rangée  d'écaillés, 
quelquefois  plus  grande  et  d'une  forme  différente  des 
autres  :  l'exception  que  fait  à  cet  égard  l'Erpétodryas 
caréné,  qui  a  le  dos  muni  de  deux  rangées  d'écaillés  et 
où  le  nombre  total  des  rangées  est  par  conséquent  pair, 
est  d'autant  plus  remarquable  qu'elle  est  unique  dans  tout 
Tordre, 

On  est  tenté  de  croire  que  les  rangées  transversales  se 
I  rouvent  toujours  en  nombre  égal  à  celui  des  vertèbres  ou 
des  lames,  qui  garnissent  le  dessous  du  tronc;  mais  il  n'en  est 
pas  ainsi  chez  les  ophidiens  dont  le  corps  est  revêtu  d'un 
grand  nombre  de  petites  écailles  de  forme  carrée  ,  tels  que  les 
Boasj  l'Eryx  ,  plusieurs  serpens  de  mer  etc.  En  examinant 
les  écailles  de  ces  serpens  ,  on  voit ,  en  partant  de  l'abdomen  , 


])RS  TKOîMENS.  Vùl 

que  les  Tanoo<\s  d'écallIes,  d'abord  larges,  deviennent  étroites 
et  se  perdent  entre  d'autres  rangées  de  très  petites  écailles 
qui  descendent  du  dos. 

Les  modilications  de  forme  que  présentent  les  lames  é( -ail- 
leuses  chez  les  diverses  espèces  de  serpens,  sont  variées  à 
l'infini.  Leurs  bords  sont  tantôt  arrondis,  tantôt  tronqués  au 
bout ,  tantôt  alongés  en  pointe  plus  ou  moins  aiguë.  Leur  épi- 
démie est  le  plus  souvent  assez  dur,  et  les  bords  des  écailles 
sontsniilans,  en  sorte  qu'elles  se  recouvrentles  unes  les  autres, 
<'()nin)e  les  tuiles  d'un  toit:  on  désigne  ces  écailles  propies 
à  lu  plupart  des  serpens  par  l'épithète  d'indjriquées;  d'autres 
ophidiens  au  contraire  et  particulièrement  les  serpens  de  mer 
ont,  à  l'exception  d'une  seule  espèce,  leurs  écailles  revêtues 
d  un  épiderme  très  mince,  et  ces  organes,  parfois  très  petits, 
se  montrent  sous  la  forme  d'un  hexagone.  La  peau  qui  occupe 
les  intervalles  entre  les  écailles  est,  chez  ces  ophidiens, 
l)eaucoup  moins  dilatable  que  chez  les  autres  serpens,  et 
cette  particularité  se  trouve  au  plus  haut  degré  chez  les 
Acrochordes  où  les  innombrables  petits  compartimens  de 
la  peau  ne  sont  guère  susceptibles  d'être  écartés  les  uns  des 
autres. 

Les  écail'es  des  ophidiens  offrent  le  plus  souvent  une  sur- 
face unie  et  lisse  ;  niais  dans  un  j^rand  iionihre  d'espèces  elles 
présentenl  une  saillie  longitudinale  pinson  moins  tranchante, 
tantôt  mucronée,  tantôt  émoussée  et  quelquefois  réduite  à 
une  simple  protubérance  sphérique,  comme  dans  plusieurs 
serpens  de  mer:  c'est  ce  qu'on  appelé  des  écailles  carénées. 
Ces  csrènes,  quelquefois  assez  oblitérées,  comme  dans 
plusieurs  Couleuvres ,  n'occupent  alors  que  les  rangées 
supérieures  des  écailles  dorsales;  d'autres  espè(^es  en  ont 
toutes  les  rangées  hérissées;  mais  leur  développement 
diminue  toujours  vers  le  dessous,  en  sorte  que  les  deux 
rangées  voisines  de  l'abdomen  en  sont  le  plus  souvent  dépour- 
vues.  Plusieurs  autres  espèces  de  serpens  du  genre  Dipsas  et 


(;4  DES  TEGUMENS. 

îiotainment  le  Psaniniophis  laceitina  ,  présentent  au  contraire 
des  écailles  creusées  d'un  sillon  longitudinal  plus  ou  moins 
profond  ,  mais  les  espèces  qui  offrent  ce  caractère  se  trouvent 
en  très  petit  nombre.  On  ignore  l'usage  de  ces  ditféren- 
ces  dans  la  conformation  de  la  surface  des  écailles;  on  a 
supposé  que  les  carènes  étaient  particulièrement  propres 
aux  serpens  aquatiques,  mais  il  n'en  est  pas  ainsi,  et  nous 
verrons  dans  la  suite  que  des  espèces  d'un  même  genre  et 
très  voisines  entre  elles,  ne  diffèrent  souvent  que  par  la 
présence  ou  l'absence  de  ces  saillies:  peut-être  ne  servent- 
elles  qu'à  prêter  une  plus  grande  solidité  aux  tégumens. 

La  ligne  médiane  des  parties  inférieures  des  ophidiens  est 
le  plus  souvent  garnie  de  lames  écailleuses  plus  larges  que 
les  autres,  mais  celles  de  la  queue  sont  presque  toujours 
différenmient  organisées  de  celles  de  l'abdomen.  Ces  der- 
nières sont  disposées  sur  une  seule  rangée  qui  se  prolonge 
uniformément  depuis  l'anus  jusque  sous  la  gorge,  où  elle 
se  perd.  Ces  lames,  dont  les  terminales  sont  toujours  divisées 
en  deux,  sont  quelquefois  très  étroites,  comme  dans  les 
Tortrix  ,  les  Boas  etc.,  et  ressemblent  alors  aux  écailles  du 
tronc;  elles  ont  plus  détendue  chez,  d  autres  serpens ,  et  le 
plus  grand  nombre  de  ces  animaux  en  offre  de  très  larges  , 
qui  montent  sur  les  flancs  ,  en  entourant  une  bonne  partie  de 
la  périphérie  du  tronc:  c'est  alors  que  leur  forme,  dépendant 
en  entier  de  celle  du  tronc,  varie  suivant  le  genre  de  loco- 
motion que  l'animal  exerce,  et  qu'elles  sont  tantôt  convexes  , 
tantôt  anguleuses  aux  côtés  et  planes  en  dessous ,  tantôt 
îiiême  à  angles  latéraux  échancrés.  Leur  surface,  unie  chez 
la  plupart  des  ophidiens,  l'st  munie  de  deux  protubérances 
chez  les  Hydrophis  proprement  dits ,  ce  qui  provient  proba- 
blement de  ce  que  chacune  d'elles  consiste  en  deux  lames, 
soudées  ensemble:  plusieurs  autres  espèces  du  même  genre 
offrent  ce  caractère  très  remarquable  que  la  ligne  médiane 
de  l'abdomen  est  indiquée  par  la  suture  produite  par  la  rangée 


d'écaillés  dont  l'iiacuiu'  de  ses  coK's  est:  garnie;  les  Acro- 
chordes  enfin  ont  un»?  crête  saillante  qui  règne  le  lon^  de 
l'abdomen  hérissée  de  très  petites  écailles  miicronées  •  vt 
des  écailles  semblables  recouvrent  toutes  les  parties  de  leur 
corps. 

Les  lames  écailleuses  du  dessous  de  la  queue  ne  forment 
une  seule  rangée  mitoyenne  que  ohez  les  Boas,  l'Eryx  et 
plusieurs  autres  ophidiens;  la  plupart  des  autres  animaux  de 
cet  ordre  ont  cette  partie  garnie  d'une  double  rangée  de 
plaques  et  c'est  de  cette  diliérence  que  dérive  l'expression 
de  plaques  divisées ,  en  opposition  de  plaques  ou  de  bandes 
simples. 

La  tête  des  ophidiens  est  très  rarement  revêtue  d'écaillés 
semblables  à  celles  du  corps;  on  y  distingue  toujours  plusieurs 
lames  plus  grandes  que  les  autres,  garnissant  les  divers  organes 
placés  dans  le  crâne.  La  plupart  des  serpens  ont  même  la 
tête  munie  de  plaques  de  forme  plus  ou  moins  déterminée  et 
symétrique  ,  toujours  à  surface  unie,  mais  dont  l'arrangement 
et  la  configuration  sont  sujettes  à  d'innombrables  modifica- 
tions. Comme  la  conformation  de  ces  lames  écailleuses  offre  des 
caractères  faciles  à  saisir ,  on  s'en  est  servi  pour  en  tirer  des 
traits  distinctif,  ce  qui  a  donné  lieu  à  une  nomenclature, 
inventée  tout  exprès  pour  désigner  ces  organes  suivant  les 
régions  qu'ils  occupent.  Les  plaques  des  Couleuvres  propre- 
ment dites  étant  celles  qui  offrent  le  plus  de  svmétrie  dans 
leur  disposition,  on  peut  les  regarder  comme  forme  normale; 
toutes  les  autres  paraissant  modelées  sur  ce  type  ,  il  est 
facile  d'y  rapporter  les  nombreuses  modifications  qu'elles 
éprouvent  soit  par  excès  soit  par  défaut.  Les  plaques  qui 
revêtent  les  parties  immobiles  flu  crâne,  comme  celles  du 
sommet  de  la  tête,  jouissent  d'un  mouvement  très  limité  ou 
nul.  La  peau  qui  entre  dans  leur  formation  est  très  mince 
et  le  plus  souvent  collée  au  crâne.  On  observe  très  générale- 
ment   sur    le    sommet    de    la    tête   une    plaque    impaire,  la 

:") 


(;(;  DES  TÉGUMENS. 

verticale,  qui  offre  pour  ainsi  dire  un  centre  immobile, 
autour  duquel  se  rangent  les  autres  lames  écailleuses:  ordinai- 
rement en  pentagone  dont  la  hase  regarde  le  museau ,  cette 
plaque  est  tantôt  très  effilée,  tantôt  extrêmement  ramassée  selon 
la  forme  générale  de  la  tête,  et  elle  affecte  la  forme  trigone 
ou  hexagone  ou  même  lancéolée  suivant  la  nature  des  lames 
qui  Fenvironnent;  elle  est  de  configuration  irrégulière  chez 
plusieurs  Boas ,  ou  même  divisée  en  deux  par  une  suture 
longitudinale;  chez  d'autres  ophidiens  son  volume  se 
réduit  tellement  qvi'elle  cesse  de  se  distinguer  du  reste  des 
écailles. 

Cette  plaque  est  le  plus  souvent  suivie  d'une  paire  d'autres 
lames,  appelées  occipitales,  d'une  configuration  se  rap- 
prochant de  celle  du  trapèze ,  mais  très  diverse  selon  les 
genres  et  même  selon  les  espèces  :  ces  lames  se  touchent 
toujours  par  leur  bord  interne,  et  ce  n'est  que  chez  le 
Tortrix  scytale  et  le  Xénopeltis  que  ,  placées  vers  les  côtés  de 
la  tête,  elles  reçoivent  une  plaque  mitoyenne  surnuméraire, 
et  se  confondent  parmi  les  écailles  du  tronc.  Les  occipitales 
n'existent  jamais  que  conjointement  avec  la  verticale:  elles 
sont  très  petites  chez  plusieurs  espèces  des  genres  Dipsas, 
Xénodon,  Homalopsis ,  Hydrophis,  Tortrix,  Boa  etc.;  on 
n'en  voit  que  des  vestiges  dans  le  Trigonocéphale  cenchris, 
et  elles  sont  remplacées  par  de  petites  plaques  de  forme 
très  irrégulière  chez  plusieurs  Boas. 

Les  surciliaires  sont  une  paire  de  plaques  placées  à 
côté  de  la  verticale  ,  et  protégeant  le  dessus  de  l'œil;  elles 
débordent  presque  toujours  l'orbite  ,  formant  une  voûte  tant 
soit  peu  mobile,  au  dessous  de  la  quelle  le  globe  de  l'œil 
peut  librement  exercer  les  mouvemens  limités  dont  il  jouit. 
Leur  forme  et  leur  étendue  varient  à  l'infini:  tantôt  convexe 
tantôt  échancrées  à  leur  bord  externe  ,  le  plus  souvent  voû- 
tées et  quelquefois  planes,  elles  sont  relevées  dans  l'Acan- 
thophis,    tandis   que   leur  surface  se  trouve  chez  les  autres 


DES  TEGUMENS.  (17 

opludioîis  dans  le  inenic  plan  avec  le  sonimet  de  la  tête. 
Elles  sont  placées  très  en  arrière  chez  plusieurs  Tortrix ,  et 
fondues  dans  la  masse  de  la  plaque  oculaire  unique  chez  le 
Tortrix  scytale.  Existant  même  dans  heaucoup  de  serpens 
dont  la  tète  est  dépourvue  de  plaques,  elles  sont  remplacées 
chez  d'autres  par  un  tour  de  petites  écailles. 

Deux  paires  de  plaques,  les  frontales  antérieures  et  pos- 
térieures ,  revêtent,  chez  la  plupart  des  ophidiens,  le  sommet 
du  museau.  Leur  forme  est  en  grande  partie  déterminée  par 
les  bords  latéraux  de  cette  partie ,  de  sorte  qu'elles  sont 
elfilées  chez  les  Dryiophis,  trapues  chez  les  Dipsas  etc.  Les 
antérieures  le  cèdent  en  étendue  aux  postérieures:  celles-là 
sont  quelquefois  très  petites  ,  comme  chez  plusieurs  espèces 
des  genres  Lycodon,  Dipsas,  Elaps,  Homalopsis  etc.  ;  chez 
d'autres  Homalopsis  elles  sont  réduites  à  ime  seule  paire, 
enchâssée  entre  ou  derrière  les  nasales,  qui  viennent  occuper 
leur  place;  chez  les  Hydrophis,  les  Tortrix  et  les  Calamars 
proprement  dits,  elles  disparaissent  totalement,  et  on  ne 
voit  alors  qu'une  seule  paire  de  frontales.  Leur  nombre  est  au 
contraire  plus  élevé  chez  d'autres  ophidiens  ,  comme  chez 
plusieurs  Boas,  le  Trigonocéphale  hypnale,  l'Hétérodon , 
l'Hvdrophis  colubrin  ;  chez  d'autres  Boas,  elles  sont  rempla- 
cées par  de  petites  plaques  de  forme  irrégulière  ,  qui  se 
confondent  parmi  les  écailles.  Les  modifications  qu'éprou- 
vent les  formes  de  ces  plaques  dans  les  diverses  races 
d'ophidiens  sont  nombreuses,  comme  on  peut  le  voir,-  en 
examinant  les  figures  de  nos  planches. 

Le  museau  des  serpens  est  toujours  terminé  par  une  plaque 
plus  ou  moins  développée,  et  constamment  échancrée  en 
dessous ,  pour  recevoir  le  bout  de  la  mâchoire  inférieure. 
La  conformation  de  cette  plaque  rostr  al  e  varie  suivant  son 
usage.  Le  plus  souvent  en  pentagone,  dont  la  forme  est 
déterminée  par  celle  du  nmseau,  elle  est  large  et  très  bombée 
chez    la   plupart    des   ophidiens;   ciiez  d'autres,   tels  que  les 


(Î8  DES  TÉCUTMENS. 

fî(''t(;ro(U)ns ,  le  Naja  lisemacliate,  TEi-vx  ,  plMslonrs  Trigoiio* 
rcphales  etc.,  elle  est  obliquement  Tronquée  en  dessous; 
chez  les  Dryiophis  enfin ,  elle  erstrc  dans  la  formation  de 
l'appendice  mobile  dont  le  museau  de  ces  animaux  est 
pourvu. 

On  nomme  labiales  les  plaques  qui  garnissent  le  bord 
des  lèvres  ;  elles  sont  le  plus  souvent  disposées  sur  une  seule, 
quelquefois  sur  deux  ou  plusieurs  rangées,  ou  plutôt  on  voit 
plusieurs  plaques  surnuméraires,  enchâssées  entre  ces  plaques 
labiales:  ce  cas  a  lieu  chez  les  Hydrophis  ,  chez  plusieurs 
Homalopsis  etc.  Le  nombre  ,  la  configuration  et  la  disposi- 
tion de  ces  plaques  sont  très  variables  et  l'énumération  de 
ces  disparités  rentre  par  conséquent  dans  la  partie  spéciale 
de  mon  travail  j  on  peut  cependant  observer  que  celles  de 
la  lèvre  supérieure  vont  en  diminuant  vers  le  bout  du 
museau  ,  chez  la  plupart  des  serpens  ,  ce  qui  a  en  quelque 
sorte  lieu  dans  un  sens  inverse  à  la  mâchoire  inférieure.  Il 
arrive  le  plus  souvent  que  les  labiales  supérieures  forment 
le  dessous  du  bord  de  l'œi!. 

Cet  organe  a  alors  ses  bords  latéraux  gainis  de  plusieurs 
petites  plaques,  qu'on  désigne  sous  le  nom  d'oculaires. 
Beaucoup  d'ophidiens  n'en  offrent  qu'une  antérieure  unique, 
tandis  que  le  nombre  des  postérieures  varie  de  deux  à  quatre, 
selon  les  espèces:  quelquefois  elles  se  prolongent  au  dessous 
de  l'œil,  et  chez  beaucoup  de  serpens  à  tête  revêtue  d'é- 
cailles,  elles  sont  petites  et  forment  une  rangée  entourant  Tœil 
darjs  toute  sa  périphérie.  Chez  le  Tortrix  scytale,  toutes  les 
plaques  marginales  de  l'œil  sont  fondues  en  une  seule,  au 
i'entre  de  laquelle  est  placé  cet  organe. 

Il  arrive  rarement  que  les  narines  percent  la  plaque 
nasale  sans  la  diviser  verticalement  en  deux  ;  ce  cas  a  cepen- 
dant lieu  chez  plusieurs  espèces  des  genres  Tortrix,  Boa, 
Elaps  et  chez  la  plupart  des  serpens  venimeux  proprement 
dits;    quelquefois    même,    comme   dans   d'autres  Elaps,    les 


DES  TÉGUMEISS.  G9 

narines  s'ouvrenl  précii=i^iiient  t^ntre  deux  [«laquos  de  forme 
diverse,  dont  on  peut  regarder  la  postérieure  comme  plaque 
frênaie.  La  confit^uration  des  nasales  et  leur  disposition  subit 
des  modificalions  considérables  dans  les  diverses  espèces 
d'ophidiens:  chez  les  serpens  aquatiques,  ces  lames  sont  ordi- 
nairement rapprochées  au  sommet  du  museau  ,  et  tiennent 
quelquefois  lieu  des  frontales  antérieures,  comme  dans  les 
Hydrophis:  mais  ordinairement  elles  occupent  les  côtés  du 
museau,  touchant  à  la  rostrale  par  leur  bord  antérieur. 

Elles  sont  le  plus  souvent  suivies  d'une  autre  plaque,  la 
frênaie,  qui  s'étend  jusqu'aux  oculaires  antérieures;  cette 
plaque  manque  cependant  dans  un  grand  nombre  d'ophi- 
diens, tandis  que  sa  place  est  occupée  dans  d'autres  par 
deux,  trois  ou  plusieurs  lanies  d'étendue  et  de  configuration 
très  diverses. 

Les  lames  temporales  n  existent  que  conjointenjent 
avec  les  occipitales  et  les  labiales  supérieures,  entre  lesquelles 
elles  sont  placées,  et  dont  dépend  leur  nombre  et  leur 
configuration. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  le  bord  de  la  mandibule 
inférieure  est  presque  constamment  garni  de  lames,  dont  on 
distingue  la  mitoyenne  placée  au  bout  et  répondant  à  la 
rostrale.  La  seconde  paire  se  prolonge  le  plus  souvent  sous 
le  menton  ,  pour  se  réunir  à  une  ou  deux  paires  de  plaques 
enchâssées  entre  les  labiales,  et  qu'on  désigne  sous  le  nom 
de  mentales.  Quoique  de  forme  assez  variable  ,  elles  man- 
quent rarement,  et  leur  bord  intérieur  forme  toujours  ce 
sillon  profond  qui  contribue  tant  à  l'élargissement  de  cette 
partie  de  la  peau,  et  que  l'on  connaît  sous  le  nom  de  fente 
g  u  1  a  i  r  e. 

Une  terminologie  plus  étendue  pour  désigner  ces  lames 
écallleuses  nous  ayant  paru  superflue,  nous  concluons  ici 
cette  partie  de  notre  travail ,  rappelant  toutefois  qu'il  est 
facile  de  s'y  reconnaître,  si  l'on  fait  attention  que  ces  termes 


70  FORMES. 

sont  toujours  dérivés  de  Ja  région  qu'occupent  les  organes: 
c'est  ainsi  que  l'on  nomme  écailles  gulaires  celles  qui  se 
prolongent  entre  les  labiales  et  les  premièi  es  bandes  abdomi- 
nales qui,  le  plus  souvent  divisées,  portent  à  leur  tour  le 
nom  de  plaques  gulaires;  la  dernière  plaque  abdominale, 
également  divisée  et  recouvrant  l'orifice  de  l'anus,  s'appele 
anale  etc.   etc. 


FORMES. 

Les  ophidiens  diffèrent  infiniment  entre  eux  relativement 
a  leur  port  et  à  l'ensemble  de  leurs  formes.  Ces  dernières 
dépendent  en  grande  partie  de  leur  manière  de  vivre,  de  la 
nature  des  lieux  ou  de  l'élément  qu'ils  habitent  et  en  consé- 
quence aussi  du  genre  de  locomotion  qui  leur  est  propre. 
Les  espèces  qui  fréquentent  les  arbres  se  distinguent  parti- 
culièrement par  leurs  formes  effilées ,  tandis  que  celles  qui 
préfèrent  les  plaines  ou  qui  se  retirent  dans  des  terriers ,  sont 
reconnaissables  à  leur  corps  ramassé  et  terminé  par  une 
queue  très  courte;  intermédiaires  entre  ces  deux  tribus, 
quant  au  développement  des  parties,  un  grand  nombre 
de  serpens  préfèrent  le  séjour  à  terre,  mais  grimpent  et 
nagent  cependant  avec  plus  où  moins  de  facilité;  d'autres 
enfin  ,  qui  se  plaisent  plus  particulièrement  dans  les  lieux 
humides  ou  qui  ne  quittent  jamais  les  eaux,  offrent  des 
formes  très  variées  et  plus  ou  moins  propres  à  ce  genre  de 
locomotion. 

Un  tronc  latéralement  comprimé  s'observe  dans  la  plupart 
des  ophidiens,  mais  aucune  famille  offre  ce  caractère  à 
\in  degré  aussi  saillant  que  ces  serpens  d'arbre  que  nous 
avons  compris  dans  le  genre  Dipsas ,  et  les  serpens  de  mer 
qui  ont  le  ventre   plus  ou  moins   complètement  en  carène 


FOHMKS.  71 

afin  de  mieux  fendre  les  eaux.  Les  serpens  au  coiiiraiie  qui 
méritent   plus   particulièrement  le  nom    de    terrestres ,   tels 
que  les  Tortrix,  les  Calamars,  les  Elaps  etc.,  se  distinguent 
par  leurs    corps    plus  ou  moins    cylindrique.   D'autres,   tels 
que  les  Tropidonotes,    également    terrestres    quoique  bons 
nageurs,    ofirent    un   ventre   très   large   et   arrondi  vers  les 
flancs.  Plusieurs  Boas  ont  la  faculté  de  rendre  à  leur  tronc, 
lorsqu'ils  marchent  ou  pendant  la  natation  ,  les  mêmes  formes 
qu'on   observe     chez    les     Tropidonotes  ;    mais    leur    tronc 
devient  latéralement  comprimé  par  un    mouvement  opposé 
des  côtes  lorsqu'ils   se  préparent  à   grimper  ou  à  se  rouler 
en  dedans.  Ces  changemens  de  volume  du  tronc,  qui  s'opè- 
rent  lors  de  l'exécution  des  mouvemens ,   à  un   degré   plus 
ou    moins   considérable    chez   tous    les   ophidiens,   rentl   la 
détermination    exacte  de   leurs   formes  assez   difficile  :  pour 
indiquer  celles  du  corps,  nous  nous  sommes  bornés  à  décrire 
la  figure  qu'offrent   les  coupes  transversales  faites  ,  l'une  au 
milieu  du  tronc,  l'autre  à  la   queue  près  de  sa  base,  d'où  il 
résulte  que   les   serpens  à   tronc   comprimé   présentent  une 
coupe   en  ovale  plus   ou  moins  alongé ,  qui  s'approche  chez 
les  Hydrophis  de  la  forme  lancéolée  ;  dans  les  serpens  com- 
plètement  terrestres   ou  à   corps   cylindrique ,    la   coupe  est 
plus    ou  moins   orbiculaire;   les   nageurs,   ou   ceux   dont  le 
ventre  est  large,  convexe  et  le  dos  allant  un  peu  en  carène, 
ont   la  figure  de  cette  coupe ,  triangulaire  ou  en  pentagone 
à  angles  très  émoussés.   Cette  dernière  figure  s'observe  dans 
un   degré  plus  parfait  chez  les  serpens  où  le  dessous,  plus 
ou  moins  applati,  est  séparé  des  flancs  par  un  angle  obtus: 
c'est    ce   qu'on    appelé    abdomen    anguleux.    Cette    circon- 
stance   a    particulièrement   lieu    dans  beaucoup    de    serpens 
grimpeurs  ;    plusieurs     Dendrophis    orit     même    les     bords 
latéraux  du  ventre   garnis  d'un   angle  saillant  en   forme  de 
carène. 

La  forme  de  la  queue  est  encore  plus  variée  que  celle 


72  FORMES. 

du  tronc:   aussi  cet  organe  remplit-il  des  fonctions   très  di^- 
verses.  Excessivement  ramassée  et  courte  ,  d'égale  grosseur  efi 
conique  au  bout ,  la  queue  des  serpens  fouisseurs  sert  à  secon- 
der, à  diriger  les  mouvemens  du  tronc  y  ou  peut-être  aussi  i* 
touiller  dans  la   terre.   Un   peu  plus  longue  mais  très  vigou- 
reuse et  conique  chez  la  plupart  des  serpens  terrestres,  elle 
offre  un  point  d'appui  solide  pour  le  corps,  dont  elle  supporte 
tout   le  poids,    lorsque  l'animal  s'érige  et  se  raidit  en  bâton. 
Pour  remplir  les  fonctions  de  rame  et  de  gouvernail,  elle  est 
aplatie  dans  le  sens  vertical  ,  courte  et  de  forme  lancéolée, 
chez  les  serpens  de  mer,*  mais  cette  configuration  n'est   pas 
absolument  nécessaire  pour  la  locomotion    dans   les  eaux  ,* 
car  beaucoup    d  autres    ophidiens    aquatiques  ont  la  queue 
conformée  comme  d'ordinaire.  Quand  ce  membre  est  long  et 
grêle ,  comme   chez  les   serpens  d'arbre  ,  il  acquiert ,   outre 
ses    fonctions    ordinaires ,    celles   de    se   rouler   autour   des 
branches,   et  de   capturer   ou  entortiller   dans  ses  replis  les 
animaux  dont  ces  serpens  font  leur  nourriture.   Cependant, 
une  queue  prenante  proprement  dite,  c'est  à  dire  celle  qui  a 
la    faculté    de    se    rouler    complètement   en    dedans ,    ne    se 
trouve  que  chez  les  Boas;  plus  elle  devient  courte,  plus  elle 
est   propre   à   s'accrocher   à    un   objet  quelconque ,   pourvu 
qu'elle  puisse  l'embrasser:    elle    est   alors   assez   vigoureuse 
pour  soutenir  l'animal  tout  entier  suspendu  à  un  seul  point. 
Les  Boas  nageurs  n'ont  pas  la  queue  différemment  organisée, 
et  ce  n'est  que  chez  les  Acrochordes  qu'elle  devient  un  peu 
comprimée.   Le  bout  de  la  queue  est  le   plus  souvent  muni 
d'une    siniple   écaille  soit  conique,  soit  plus  ou  moins  poin- 
tue ou   crochue;  cette  pointe   est  convertie   en   épine   dure 
chez  le  Crotale  muet  ;  mais  les  autres   Crotales  l'ont  pour- 
vue   d'un     instrument     bruyant    tout    particulier,     souvent 
assez   volinnineux  ,    quoique  ce  soil    un    simple  produit   de 
l 'épidémie. 

La   tète   n'ollre  pas  toujours  des  rapports  de  formes  avec 


J'OUIMKS.  73 

]es  autres  parties  du  corps.  Elle  est ,  par  exemple,  très  grosse 
et  ramassée  dans  les  Dipsas  qui  cependant  ont  de  même  que 
Jes  Dendrophis,  les  formes  du  corps  efHlées  ,  quoique  la  tète 
<le  ces  derniers  soit  très  alongée  et  grêle.  On  f  oit  par  cela 
que  la  forme  de  la  tête  se  règle  plutôt  daprès  le  genre  de 
nourriture  des  espèces.  Celles  qui  avalent  des  animaux  de 
grande  taille  relativement  à  la  leur,  ont  par  conséquent  une 
tête  grosse  dont  les  parties  peuvent  se  dilater,  et  c'est 
l'opposé  chez  celles  qui  vivent  de  vers,  d'insectes  ou 
d'animaux  de  petite  taille  et  à  formes  élancées.  Chez  ces  der- 
nières espèces  la  tête  esta  peine  distincte  du  tronc,  le  plus 
souvent  courte ,  arrondie  au  bout ,  et  orosse  :  tels  sont  les 
Tortrix ,  les  Calamars  ,  les  Elaps  etc.  Chez  les  premières  au 
contraire ,  elle  est  très  large  à  la  base  ,  assez  distincte  du  tronc 
et  conséquen)ment  susceptible  de  se  dilater  au  plus  haut  degré; 
ce  qui  a  particulièrement  lieu  chez  les  serpens  venimeux 
proprement  dits  et  chez  quelques  espèces  des  genres  Dipsas, 
Xénodon  ,  Boa  ,  Coluber  etc.  Le  museau  achève  de  déter- 
miner la  configuration  générale  de  la  tête  ;  il  est  tantôt  court 
et  gros,  tantôt  arrondi  ou  tronqué  ,  tantôt  effilé  et  pointu. 
Chez  les  uns,  il  se  termine  en  écaille  dure  et  retroussée; 
chez  d'autres  il  s'alonge  en  une  appendice  charnue  et  mobile. 
Quelquefois,  comme  dans  l'Erpéton,  on  voit  de  ces  appendices 
de  chaque  côté  du  museau  ;  mais  celles  que  portent  plusieurs 
Vipères  sur  la  région  surciliaire,  ne  sont  que  des  écailles  pro- 
longées en  pointe  plus  ou  moins  développée.  Le  bout  du 
museau  déborde  toujours  la  mâchoire  inférieure,  dont  les 
bords  se  logent  dans  ceux  de  la  supérieure  ,  cependant , 
l'échancrure  de  la  plaque  rostrale  laissée  pour  en  faire  jaillir 
la  langue  ,  empêche  que  la  bouche  puisse  se  fermer  hermétique- 
ment, et  ce  n'est  que  chez  les  serpens  aquatiques  proprement 
dits  que  les  bouts  des  mâchoires  s'emboîtent  si  exactement 
que  l'entrée  de  l'eau  devient  impossible. 

La    position    des   yeux    et    des  narines   dépend    du 


74  FORMES. 

genre  de  vie  des  es[)èces.  Les  aquatiques  oui  ces  (jrg.iîies  sou- 
vent assez  peu  développés,  dirigés  vers  le  ciel  et  par  consé- 
quent placés  au  sommet  de  la  tête  ;  il  en  est  de  même  chez  les 
Toi  Irix  et  plusieurs  serpens  terrestres  :  chez  d'autres  et  particu- 
lièrement chez  plusieurs  serpens  d  arbre  ils  sont  larges  et  plus 
ou  moins  latéraux.  Les  serpens  venimeux  terrestres  offrent  très 
souvent  des  narines  extrêmement  ouvertes,  et  il  y  a  une  famille 
entière  de  venimeux  proprement  dits,  où  ces  organes  sont 
suivis  d'une  seconde  fosse  creusée  dans  le  maxillaire,  et  qui 
parait  remplir  les  fonctions  d'un  organe  d'odorat  accessoire. 
11  est  bon  d'observer  que  les  fossettes  creusées  dans  le  bord 
des  lèvres  chez  plusieurs  Boas,  ne  communiquent  nullement 
avec  l'intérieur  de  la  tête,  et  n'offrent  en  conséquence  aucune 
anologie  avec  celles  des  Trigonocéphales  et  des  Crotales. 

La  bouche  des  ophidiens,  plus  ou  moins  fendue  suivant 
le  degré  de  dilatation  dont  les  parties  de  la  tête  sont  suscep- 
tibles et  suivant  la  forme  de  cet  organe,  offre  tantôt  des  bords 
flroits,  tantôt  des  bords  en  S,  et  quelquefois  montant  en  angle 
|)ius  ou  moins  obtus  vers  la  connnissure  des  lèvres.  Les  diver- 
sités de  forme  et  de  disposition  des  parties  de  la  tête  des  ophi- 
dient»  que  nous  venons  de  mentionner,  donne  à  chacune  des 
espèces  une  physionomie  particulière  d'autant  plus  caractéris- 
tique que  les  traits  en  sont  saillans;  imprimée  dans  la  mémoire, 
elle  sert  à  faire  reconnaître  les  nombreuses  races  de  ces  êtres 
intéressans.  Les  circonstances  qui  contribuent  le  plus  à  ren- 
dre caractéristique  la  physionomie  des  ophidiens,  sont  une 
tête  large,  haute,  anguleuse,  cordiforme  et  revêtue  de  petites 
écailles  à  surface  inégale,  une  bouche  fendue  et  à  bords  cour- 
bés, de  grosses  lèvres,  de  larges  fossettes  aux  côtés  rl'un  museau 
tronqué  ou  retroussé  au  bout,  enfin  de  petits  yeux  à  pupille 
alongée,  et  ombrag'és  par  des  lames  surciliaires  saillantes:  ca- 
ractères qui  sont  le  plus  souvent  réunis  chez  des  espèces  à 
formes  lourdes,  tels  que  les  serpens  venimeux  proprement  dits 
et   d'autres.    Cependant  ces  traits  prononcés  ne  constituent 


TElNTitS.  75 

pas  toujours  le  caractère  distinctif  des  opliidieus  dangereux; 
car  plusieurs  espèces  innocentes ,  tels  que  i'Hétérodon  ,  les 
Homalopsis^  les  Boas  et  d  autres  joignent  à  leur  physionomie 
l'arouclieun  naturel  doux;  tandis  que  les  Elaps,  les  Najasetles 
Bongares,  qui  ne  se  distinguent  guère  des  Couleuvres  par  des 
signes  extérieurs,  sont  pourvus  des  mêmes  armes  redoutables 
que  les  Vipères,  les  Crotales  etc. 

Le  cou  des  ophidiens  offre  le  plus  souvent  les  mêmes 
formes  que  leur  tronc,  et  ce  n'est  que  dans  les  Najas  ou  dans 
plusieurs  Xénodons  que  les  côtes,  plus  droites  que  d'ordi- 
naire et  susceptil)les  d'un  mouvement  considérable  dans  le 
sens  horizontal ,  produi-sent  la  forme  plus  ou  moins  aplatie 
du  cou  ;  il  faut  cependant  remarquer  que  la  plupart  des 
serpens  ont  la  faculté  d'aplatir  et  d'élargir  le  cou,  ce  qui 
s'observe  lorsque,  émus  de  colère ,  ils  font  entendre  ces  siflle- 
mens  qui  préludent  ordinairement  à  1  attaque. 


TEINTES. 

Il  est  impossible  de  fixer  des  lois  constantes  du  système 
de  coloration  chez  les  ophidiens.  Tantôt  uniformes  et 
ternes,  tantôt  brillantes  et  d'un  éclat  égal  à  celui  des  pierres 
précieuses,  leurs  teintes  sont  variées  à  l'infini  et  très  diverse- 
ment disposées,  non  seulement  chez  les  différentes  races, 
mais  souvent  aussi  chez  les  espèces  d'un  même  genre.  Chez 
d'autres  genres  au  contraire,  on  observe,  dans  les  espèces  voi- 
sines, unecerlaineconformité  dans  la  distribution  descouleurs, 
qui  sontsouventanalogues  aux  objets  qui  environnent  les  lieux 
habités  par  ces  animaux.  Beaucoup  de  serpens  grimpeurs  par 
exemple,  présentent  une  livrée  d'un  vert  uniforme, absolument 
semblable  à  celui  des  feuilles;  tandis  que  d'autres  ,  tels  que  plu- 
sieurs espèces  des  genres  Dendrophis  elDryiophis,  ressemblent 


76  TEINTES. 

sous  ce  rapport  à  de  petites  branches  nues;  enfin  il  en  est,  les- 
Dipsas,  dont  le  système  de  coloration  rappelé  les  vieux  troncs 
d'arbre  revêtus  d'une  mousse  fine  et  abondante.  Les  serpens 
qui  habitent  les  eaux  douces  se  font  souvent  remarquer  par 
des  teintes  sombres  et  uniformes;  le  vert,  le  jaune  et  le 
bleu,  couleurs  qui  ornent  le  corps  des  serpens  pélagiques, 
les  confondent  avec  les  vagues  au  vaste  océan.  Les  habitans 
du  désert,  tels  que  l'Eryx,  la  Vipère  de  l'Egypte  eî;c.,  se  dis- 
dinguent  à  peine  du  sable,  si  uniformément  ix^pandu  dans  cet^ 
tristes  lieux  ;  d  autres  serpens  fouisseurs  se  reconnaissent  à 
leurs  belles  couleurs  polies,  fortement  irisées,  et  dont  le  rouge 
domine  sur  les  parties  inférieures.  Une  multitude  d'autres 
ophidiens  offrent  des  couleurs  qui  imitent  tan  lot  le  brun  terne 
d'un  sol  tourbeux,  marécageux  ou  ombragé  par  d'épaisses 
forets ,  tantôt  le  vert  des  herbes ,  tantôt  les  teintes  bigarées  des 
lieux  revêtus  de  mousses  et  de  hchens;  enfin  il  y  en  a  dont  la 
livrée,  ornée  descouleurs  les  plus  éclatantes,  paraît  rivaliser  avec 
la  pompe  qu'étalent  les  fleurs  des  végétaux  tropiques.  On  re- 
marque particulièrement  les  espèces  de  cette  dernière  catégorie 
parmi  les  serpens  terrestres  et  parmi  les  giimpeurs,  de  sorte  que 
l'on  peut  citer  comme  les  plus  beaux  des  ophidiens  les  espèces 
<lont  le  corps  est  entouré  de  bandes  alternes  de  rouge  ver- 
millon, de  noir,  de  blanc  ou  de  jaune:  tels  sont  lesCoronellii^ 
venustissima  et  coccinea ,  le  Lycodon  formosus,  plusieurs 
espèces  des  genres  Tortrix  et  Hétérodon  ,  la  plupart  des  Elàps , 
le  Naja  lubrica  ,  le  Dendrophis  ornata  et  le  Dipsas  macrorhina. 
D'autres  Dendrophis,  plusieurs  Dryiophis,  certains  Dipsas 
etc.  sont  également  remarquables  par  la  splendeur  et  par 
Id  diversité  des  teintes  qui  ornent  leur  livrée. 

La  distribution  des  couleurs  est  variée  à  l'inlini  chez  les 
serpens:  les  uns  ont  le  corps  rayé  longitudinalement,  chez 
d'autres  il  est  entouré  de  bandes  transversales;  il  est  souvent 
tacheté,  quelquefois  parsemé  de  points  ou  de  marbrures;  tantôt 
c'est  un  fond   clair    qui  est  relevé    par    des   traits  de  toute 


TEINTFS. 


/  / 


■ç^pècc  ,  tantôt  (test  la  couleur  foMC'éc  cpii  (louiiuc,  et  la  lolnJc 
primitive  ne  s'entrevoit  qu'indistinctement:  de  là  la  orande 
difficulté  de  rendre  par  des  descriptions  les  nuances  infinies 
de  la  livrée  des  serpens.  Cette  difficulté  est  souvent  at^ravée 
par  les  changeniens  qu'éprouvent  les  teintes  avec  l'âge,  dans 
les  différentes  périodes  de  la  vie  etc.  ;  encore  sont-elles  le  plus 
souvent  diverses  dans  les  deux  sexes,  et  les  variétés  acciden- 
telles que  l'on  observe  à  cet  égard  sont  très  nombreuses;  la 
vivacité  des  teintes  subit  enfin  des  métamorphoses  conti- 
nuelles, produites  par  le  changement  de  la  peau.  On  peut 
établir  la  loi,  que  plus  l'individu  est  jeune,  plus  vives  sont  les 
teintes,  plus  distincte  en  est  la  distribution  ;  car  souvent  les 
teintes  qui  ornent  les  jeunes  s'effacent  totalement  avec  l'âge 
ou  deviennent  absolument  uniformes  :  témoins  les  Coluber 
<.'anus,  melanurus,  l'Homalopsis  buccata,  le  Xénodon  severus 
et  d'autres. 

La  faculté  de  changer  spontanément  de  teinte,  faculté  que 
possèdent  plusieurs  batraciens,  un  grand  nombre  de  sauriens  , 
et  particulièrement  les  caméléons,  ne  s'observe  qu'à  un 
degré  inférieur  chez  les  ophidiens  et  notamment  chez  les 
serpens  grimpeurs  distingués  par  leur  couleur  verte. 

On  n'a  que  peu  étudié  les  différences  qui  existent  relati- 
vement aux  couleurs  entre  le  mâle  et  la  femelle  et  les 
changemens  que  chacun  des  deux  sexes  peut  éprouver 
dans  les  principales  périodes  de  la  vie  ;  quelquefois,  comme 
chez  notre  ïropidonote  à  collier ,  les  deux  sexes  se  ressemblent 
parfaitement,  ce  qui  n'a  point  lieu  chez  la  Vipère  com- 
mune, où  la  livrée  de  la  femelle  subit  d'assez  considérables 
modifications  avant  que  l'individu  ait  atteint  le  terme  de  sa 
croissance,  tandis  que  les  mâles  offrent  au  sortir  de  l'œuf  des 
teintes  analoijues  en  tout  aux  adultes  du  même  sexe. 

Nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  de  la  grande  influence 
(|u  exerce  la  mue  sur  la  beauté  primitive  des  teintes:  les 
<  hangemens  qii'elle    produit    sont    dautant   plus  dignes    de 


78  TEINTES. 

l'attention   des    naturalistes,   que  la  unie  s'opère  insensible- 
ment et  qu'elle  se  répète  plusieurs  fois  chaque  année. 

Il  arrive  presque  toujours  que  les  teintes  des  ophidiens 
s'effacent  en  grande  partie  après  la  mort  ou  que,  exposées  à 
l'influence  des  liqueurs  fortes,  elles  éprouvent  des  change- 
mensplus  ou  moins  marqués.  Le  noir,  le  brun,  le  jaune  d'ocre 
et  plusieurs  autres  couleurs  ternes  ne  perdent  cependant  pas 
toujours  même  le  lustre  que  réfléchit  la  surface  unie  des 
écailles;  au  nombre  de  ces  espèces  qui  conservent  leurs 
teintes  après  la  mort,  appartiennent  les  Calamaria  arcti- 
ventris  et  Brachyorrhos,  le  Tortrix  maculata,  le  Xénopeltis, 
le  Coronella  rufula,  les  Lycodons  hebe  et  subcinctus  ,  les 
Coluber  constrictor,  Aesculapii  et  melanurus,  plusieurs 
espèces  des  genres  Naja,  Homalopsis,  Yipera  et  beaucoup 
d'autres.  La  couleur  verte  se  ternit  après  la  mort,  perd  de  sa 
vivacité,  ou  passe  au  bleuâtre:  elle  se  communique  faci- 
lement à  l'esprit  de  vin,  qui  en  est  alors  coloré.  Le  blanc 
perd  presque  constamment  sa  pureté  et  devient  sale  ou  jau- 
nâtre, tandis  que  le  jaune  clair  passe  au  blanchâtre.  Il 
en  est  de  même  des  belles  teintes  rouges  dont  le  corps  de 
plusieurs  serperis  est  orné;  cette  couleur  disparaît  presque 
totalement  après  la  mort ,  passe  au  jaune  blanchâtre  ou 
au  brunâtre.  Le  bleu,  si  rare  dans  l'ordre  des  ophidiens, 
s'efface  chez  la  plupart;  il  en  est  de  même  des  taches 
d'un  vert  très  clair.  Presque  toutes  les  autres  teintes  inter- 
médiaires se  ternissent  ou  perdent,  du  moins  en  partie, 
leur  éclat,  après  avoir  été  exposées  à  l'influence  des  liqueurs 
fortes. 


VAHIKTKS.  7i) 


VARIETES. 

Parmi  les  variétés,  que  l'on  observe  si  souvent  chez 
les  reptiles  dont  nous  traitons ,  il  faut  regarder  plusieurs 
comme  dues  à  l'influence  du  climat  ;  d'autres,  le  plus  sou- 
vent assez  constantes,  ne  s'éloignent  que  par  des  disparités 
assez  légères,  telles  que  les  différences  de  teinte  etc.,  de  leurs 
espèces  types,  avec  lesquelles  elles  habitent  les  mêmes  lieux  ; 
mais  la  plupart  des  variétés  sont  piirement  accidentelles  et 
offrent  des  modifications  aussi  innombrables  que  diverses. 
Toutes  les  parties  de  l'animal  sont  sujettes  à  des  variétés 
accidentelles:  elles  consistent  principalement  dans  les  nuan- 
ces et  la  distribution  des  teintes,  dans  la  configuration  des 
plaques  de  la  tête,  dans  la  longueur  de  la  queue,  dans  le 
nombre  des  lames  du  dessous;  quelquefois  mêmes  ce  sont 
les  formes  qui  subissent  des  modifications:  nous  avons 
fait  mention  des  principales  variétés  à  l'article  de  cha- 
que espèce  ,  mais  il  est  impossible  de  les  indiquer  toutes. 
De  l'expérience  et  le  but  constant  de  ramener  autant  que 
possible  des  individus  analogues  à  l'architype,  sont  le  seul 
moyen  d'applanir  les  difficultés  qui  ne  cessent  de  se  pré- 
senter au  zoologiste  lors  de  la  détermination  des  espèces. 
Partant  de  ces  vues,  il  ne  saurait  regarder  comnje  espèces 
les  variétés  de  climat,  quels  que  puissent  être  leurs  carac- 
tères, même  pas  lorsqu'elles  s'offrent  constamment  les  mêmes 
dans  un  certain  lieu.  L étude  de  ces  différences  locales, 
négligée  jusqu'à  nos  jours,  est  de  la  dernière  importance 
pour  la  connaissance  exacte  des  êtres  qui  habitent  notre 
globe.  Nous  avons,  en  conséquence,  eu  soin  de  consigner 
dans  la  partie  spéciale  de  notre  travail,  un  grand  nombre 
d'observations  détachées  relatives  à  ce  sujet. 


80  SRBPE^S  MONSTRUEtlX. 


SERPENS  MONSTRUEUX. 

On  a  quelquefois ,  mais  très  rarement,  observé  des  ser- 
pens  monstrueux:  à  ce  nombre  appartient  la  Cou- 
leuvre à  deux  têtes  prise  aux  bords  de  l'Arno,  que  Redi 
conserva  vivante  pendant  plusieurs  semaines ,  et  dont  il  a 
fourni  la  description  dans  un  de  ses  ouvrages  (i).  Lacépède  (2) 
a  rassemblé  plusieurs  autres  faits  relatifs  à  des  serpens  à 
deux  têtes,  et  donne  lui  même  la  figure  d'un  individu  sem- 
blable, conservé  dans  les  galeries  du  Musée  de  Paris.  Le 
portrait  d'un  troisième  serpent  à  deux  têtes  se  trouve  che/ 
Edwards  (3).  M.  de  Froriep  en  possède  également  nn  indi- 
vidu, dont  cependant  les  têtes  et  les  queues  sont  parf\ùtement 
séparées.  M.  Mitchill  (4)  lait  mention  de  plusieurs  monstres 
de  ce  genre,  observés  dans  l'Amérique  Septentrionale;  les 
têtes  de  ces  sujets  étaient  plus  ou  moins  réunies  ensemble, 
de  sorte  que  quelques  uns  ne  présentaient  que  trois  yeux 
et  une  seule  mâchoire  inférieure.  On  a  trouvé  dans  le  même 
pays  un  serpent,  probablement  de  l'espèce  appelée  Coluber 
constrictor,  dont  toutes  les  parties  étaient  tellement  défigu- 
rées par  une  maladie,  que  l'on  a  cru  reconnaître  dans  cette 
espèce  de  monstre,  le  fameux  serpent  de  la  Mer  du  Nord,  si 
célèbre  par  sa  taille  énorme.  On  voit  l'extrait  de  la  disser- 
tation ,  publiée  exprès  à  ce  sujet  à  Boston ,  dans  le  Journal 
de  Physique^  tome  86,  p.  397. 

(1)    Observât,    lll    p.    1    siiiv,   —  (2)    Qurtr/r.    ovip.   Il    PL    20, 
fig,    1  p.    475.  ■ —  (3)    Oiseaux,    PL   207.   —   (4)  Silliman  Jouhk 
X  p.  48;  voir  Isis    18^2  p.   10/^6. 


ENNEMIS  DES  SERPENS.  h\ 


enns:mis  Di:s  sb:upens. 

Les  scrpcns  ont  de  nombreux  ennemis  parmi  les  animaux. 
CJniversellement  détestés,  l'homme  en  tue,  indifférenmient 
que  leur  nature  soit  venimeuse  ou  innoffensive,  partout  où 
il  s'en  présente  à  sa  vue.  Toutes  les  contrées  du  globe  offrent 
certains  manmiifères  qui  poursuivent  les  serpens  avec  une 
ardeur acliarnée;  chez  nous,  ce  sont  principalement:  le  blai- 
reau ,  le  hérisson,  les  belettes,  les  martes  et  le  putois  qui 
contribuent  à  la  destruction  des  serpens  ;  dans  les  contrées 
tropiques  de  l'Ancien  Continent,  ils  rencontrent  des  ennemis 
terribles  dans  les  civettes,  les  mangoustes  et  d'autres  carni- 
vores. Plusieurs  oiseaux  leur  font  une  guerre  continuelle: 
tel  est  particulièrement  le  messager  du  Cap,  monté  à  ce  qu'iî 
paraît  expressément  sur  de  longs  pieds  enéchasses  pour  rendre 
ia  morsure  des  serpens  infructueuse,  dans  l'Amérique  Méri- 
dionale, ce  sont  le  faucon  rieur  et  d'autres  oiseaux  deproio  qui 
les  poursuivent  avec  acharnement;  les  grandes  cicognes  des 
Indes,  telles  que  le  marabou,  détruisent  un  grand  nombre 
de  serpens  ,•  en  Europe  il  faut  compter  parmi  leurs  ennemis, 
outre  les  cicognes,  les  corbeaux  ,  les  milans  et  plusieurs  buses. 
Dans  les  mers  tropiques  ce  sont  les  requins  qui  dévorent  avi- 
dement les  serpens  pélagiques;  enfin ,  beaucoup  d'ophidiens 
se  font  même  entre  eux  une  guerre  mutuelle ,  n'épargnant 
quelquefois  pas  même  leur  propre  race. 

En  transplantant  les  animaux  ennemis  des  serpens  ,  dans 
des  contrées  que  ceux-ci  infestent ,  on  pourrait  peut-être  em- 
pêcher lu  trop  grande  multiplication  de  ces  dangereux 
reptiles.  On  a  fait  cet  essai,  en  transportant  le  messager  du 
<^ap  dans  les  colonies  à  sucre  françaises  des  Indes  Occiden- 
tales (i);  peut-être  les  mammifères  que  nous  venons  de  citer 


82  ENNEMIS  DES  SERPENS. 

o\i  les  cicognes,  rendraient-ils  d'aussi  bons  ou  de  meilleurs 
services. 

On  parvient  facilement  à  faire  périr  les  serpens  à  coups 
de  bâton ,  en  leur  cassant  la  colonne  vertébrale  ;  mais 
outre  que  cette  manière  ne  peut  s'employer  que  pour  les 
espèces  de  petite  taille,  elle  a  cela  d'inconvénient  que  les 
individus  ainsi  tués  sont  de  peu  d'utilité  pour  les  Cabinets. 
Pour  éviter  que  cela  n  arrive,  il  vaut  mieux  de  les  retenir 
au  sol  au  moyen  d'un  bâton  au  bout  duquel  on  peut  atta- 
clier  une  espèce  de  pince  qu'on  leur  applique  sur  le  corps 
près  de  la  tête.  Pour  les  grandes  espèces  et  pour  celles  qui 
habitent  les  arbres,  il  n'y  a  souvent  d'autre  moyen  que  de  les 
abattre  à  coups  de  fusil.  Les  serpens  aquatiques  s'engagent 
quelquefois  dans  les  filets  que  l'on  tend  aux  poissons,  et 
voilà  peut-être  le  seul  moyen  de  s'en  rendre  maître,  vu  qu'en 
nageant  ils  n'exposent  presque  jamais  aucune  partie  de  leur 
corps  hors  de  l'èau.  Mais  le  plus  grand  nombre  de  serpens 
innocens  se  prend  facilement  avec  la  main,  soit  en  les  saisis- 
sant par  le  cou,  soit  par  la  queue:  plusieurs  cependant  ont  la 
faculté  de  se  redresser  et  de  mordre,  tandis  que  d'autres 
souillent  leur  agresseur  d'un  fluide  fétide  qu'ils  font  jaillir  à 
une  distance  assez  considérable.  Il  n'entre  pas  dans  le  plan  de 
notre  ouvrage  d'exposer  ici  toutes  les  diverses  manières  que 
Ton  peut  employer  pour  faire  la  chasse  aux  serpens:  pour 
avoir  des  informations  exactes,  que  l'on  consulte  l'Ouvrage  de 
M.  Lenz,  qui  en  traite  amplement,  et  à  qui  une  longue  expé- 
rience a  appris  les  moyens  de  s  emparer  facilement  de  ces 
êtres  dangereux,  et  d'éviter  en  même  temps  les  nombreux 
dangers  que  l'on  court  lorsqu'on  s'en  occupe.  On  trouve  dans 
ce  même  ouvrage  des  lenseignemens  relatifs  à  la  meilleure 
manière  de  détruire  ces  reptiles  malfaisans  ou  du  moins 
d'en  empêcher  la  trop  grande  multiplication;  les  remèdes 
(|ue  ce  savant  énumère,  consistent  dans  les  points  princi- 
paux   suivans  :  d'abord,    de    détruire    antant    que    possible 


ENINRMÏS  DKS  Sr.UrFNS.  8,3 

los  nnimaiix  ((iii  servent  de  nouiTituro  aux  serpoiis,  tels  que 
les  souris,  les  rats,  les  grenouilles  et  antres;  de  favoriser  les 
oîinenùs  des  serpcns  que  nous  avons  cités  plus  haut,  et 
parmi  lesquels  occupe  le  premier  rang  la  cicogne,  qui  se  rend 
doublement  utile  par  les  ravages  qu'elles  fait  parmi  les  gre- 
nouilles; ensuite,  de  brûler  la  végétation  des  lieux  infestés 
par  un  trop  grand  nombre  de  serpens  ou,  lorsque  ce  sont  des 
plaines,  de  les  labourer;  enfin,  de  décerner  une  prime  à  ceux 
qui  peuvent  produire  certaines  parties  des  serpens  qu'ils  ont 
tués ,  abolissant  en  même  temps  l'usage  d'accorder  des  primes 
pour  la  destruction  de  ces  oiseaux  rapaces  qui  font  la  guerre 
aux  serpens,  tels  que  les  buses,  les  milans,  les  corbeaux,  etc. 

Des  vers  intestinaux  de  diverses  espèces  infestent 
les  viscères  des  serpens.  J'en  ai  souvent  trouvé  l'estomac,  près 
du  pylore,  tellement  rempli,  que  leur  présence  a  dû  causer 
des  obstructions  continuelles,  si  non  la  mort:  accrochés  aux 
parois  intérieures  de  cet  intestin,  ces  vers  y  étaient  par 
peloton.  D'autres  se  tiennent  dans  le  canal  intestinal , 
d'autres  dans  le  mésentère ,  d'autres  encore  dans  les  membra- 
nes séreuses,  principalement  dans  celles  qui  enveloppent  le 
cœur  et  le  poumon.  Les  vers  intestinaux  observés  par  M. 
RuDOLPHi(i)dans  diverses  espèces  d'Ophidiens,  appartiennent 
aux  genres  suivans:  Ascaris,  Distoma,  Filaria,  Echinorhynchus , 
Taenia,  Strongylus,  Trichosoma,  Pentastoma  et  Cucullanus. 

Les  parasites  qui,  attachés  extérieurement  à  la  peau 
des  serpens,  sucent  leurs  sucs,  sont  en  nombre  beaucoup 
moins  considérable  que  ceux  dont  nous  venons  de  parler.  On 
n'en  a  trouvé  que  d'un  seul  genre,  de  celui  d'Ixodes  ,  et  par- 
ticulièrement de  l'espèce  à  thorax  doré  ,  que  j'ai  également 
observée  sur  des  Tupinambis,  des  cochons,  des  Pangolins  et 
plusieurs  autres  animaux  des  Indes-Orientales:  M.  MiiLLER(2) 

(i)  Entozoorum  synopsis,  p, '-j^i.  —  (2)  ixodes  orniopHiLUs 
Ao«rt  Jeta   XV J   Pars  II  p    a32  et  suiv.  PI.  67, 


84  PROPAGATION. 

a  fîecTit  cet  insecte»  Metaxa  (i)  a  observé,  sur  plusieurs 
ophidiens  de  i'Itaile,  des  parasites  qu'il  a  reconiui  loimei 
deux  espèces  du  genre  Acare.  Daudin  (2)  parle  d'autres, 
trouvés  sur  le  Boa  cenchria.  J'en  ai  détaché  de  Pythons,  du 
Dipsas  dendrophila  et  de  beaucoup  d'autres  serpens  javanais. 

Les  serpens  se  rendent  utiles  par  la  destruction  d'ani- 
maux nuisibles,  tels  que  de  petits  rongeurs,  de  vers,  d'insectes, 
de  mollusques,  etc.,  auxquels  ils  font  la  chasse.  Autrefois 
on  employait  les  serpens  dans  la  médecine,  et  cet  usage  s'est. 
conservé  chez  beaucoup  de  peuples,  quoiqu'il  ait  été  rejeté 
par  les  nations  les  plus  civilisées.  Très  récemment  cependant 
le  docteur  Marikrosrv  (3),  de  Rosenau  en  Hongrie,  dit  avoir 
employé  avec  succès  le  fiel  des  serpens  contre  l'épilepsie. 

Le  préjudice  que  les  serpens  causent  dans  plusieurs 
contrées,  surpasse  de  beaucoup  leur  utiUté.  Les  espèces  veni- 
meuses se  multiplient  tellement  dans  certains  pays  entretro- 
piques et  particulièrement  dans  l'île  de  la  Martinique,  qu'elles 
deviennent  un  véritable  fléau  et  qu'elles  font  périr  annuelle- 
ment un  grand  nombre  d'hommes  et  d'animaux  domestiques. 
Les  serpens  aquatiques  font  souvent  assez  de  tort  aux  lacs  et 
aux  rivières  poissonneuses  ;  les  espèces  terrestres  mangent  des 
mammifères,  des  oiseaux  utiles  à  l'homme ,  et  en  détruisent 
Très  souvent  les  nids  pour  dévorer  les  œufs  ou  les  petits. 


PROPAGATION, 

Chez  nous,  les  serpens  ne  font  des  petits  qu'une  seule  fois 
par  an;  la  copulation  a  le  plus  souvent  lieu  dans  les 
premières  belles  journées  des  mois  d'Avril  ou  de  Mai.  Pour 

(1)  Monogr,/,  7  ^^  9-  — "  (2)  jRept.  vol.  F,  p.  20a.  —  (3)  Hufelani* 
Jonrn.  année  i85i  c((h.  10. 


PROPACzATION.  85 

s'accoupler,  les  deux  sexes  s'entortillent  avec  leurs  corps,  en 
sorte  qu'ils  ne  paraissent  former  qu'un  seul  individu  à  deux 
têtes  qui  se  regardent  lacecontie  l'acej  le  mâle  introduit  alors 
dans  la  cloaque  de  la  femelle  les  deux  corps  cylindriques  et 
hérisses  d'épines  qui,  en  se  retournant  sur  eux-mêmes,  ont 
été  retirés  du  dessous  de  la  queue:  les  deux  sexes  restent  ainsi 
réunis  pendant  plusieurs  heures  (i);  mais  on  ne  saurait  au 
juste  fixer  la   durée  de   l'accouplement.  Il  faut,    du  moins 
chez  nos  espèces  indigènes ,  un  espace  de  trois  à  quatre  mois, 
avant   que    les    œufs    soient  prêts   à  être   pondus:  durant 
cet    intervalle,    ils  subissent   déjà   une  espèce    d'incubation 
dans  le  ventre  de  la  mère;    car  en  ouvrant   les  œufs  après 
qu'ils  ont  été  pondus,  on  y  aperçoit  presque  toujours  un  fœtus 
plus   ou  moins  développé  et  quelquefois  même  entièrement 
formé.    Dans  ce  dernier  cas,   les  petits    ne  sont  renfermés 
que  dans  une  membrane  mince,  qu'ils  déchirent  au  moment 
même  de  naître,  pour  commencer  leur  existence  indépendante. 
Dans  un  grand  nombre  de  serpens,  au  contraire,  les  œufs 
sont   enveloppés  d  une  tunique  tenace  et  de  nature  coriace 
ou  plutôt  tenant  de  celle  du  parchemin:  les  petits,  n'étant 
qu'imparfaitement   développés  lors  de  la  ponte  de  ces  œufs, 
il  leur  faut  quelquefois    l'espace    d'un  mois    et    davantage 
avant  d'éclore.  Voilà  sur  quoi  repose  la  distinction  que  l'on 
fait  entre  serpens  vivipares  et  ovipares:  distinction  qui,  à  la 
vérité,  n'est  fondée  que  sur  le  plus  ou  moins  de  développe- 
ment du  fœtus  dans  l'œuf,  lors  de  la  naissance,   ou   sur  la 
nature  de  l'enveloppe  extérieure  de  l'œuf.  Les  ophidiens  sont 
donc   toujours    ovipares  et  c'est  à  tort  que  l'on  a  comparé 
cette  espèce  de  génération  vivipare  à  celle  des  manmiifères , 
où   le  petit  reçoit  sa  nourriture  de  la  mère  au  moyen  d'un 
placenta. 

Les  conditions    nécessaires     pour    le    développement   de 

(i)   LtNZ.  p.    St   et   suiv. 


86  PROPAG.rriON. 

rembiyon  dans  l'œuf  sont,  selon  Mr.  Heuholdt  (i):  i  lia- 
midi  té  produite  par  une  faible  fermentation  végétale,  con- 
jointement avec  une  température  proportionée  (entre  +  2û 
et  -^  6"  R)]  enfin,  des  circonstances  propres  à  favoriser  l'absorp- 
tion et  l'évaporation  à  travers  l 'enveloppe  extérieure  de  l'œuf, 
C'estdelàquelesserpens  recherchent,  pour  déposer  leurs  œufs , 
des  lieux  où  ces  conditions  se  trouvent  combinées,  tels  que 
des  tas  de  fumier  ou  de  feuilles,  amassés  dans  les  endroits 
exposés  au  soleil  ;  c'est  pour  le  même  motif  que  plusieurs 
espèces  ovipares  aiment  à  s'établir  dans  le  voisinage  des 
maisons,  dans  des  serres,  etc. 

On  a  erronément  avancé  que  les  serpens  venimeux  mettent 
toujours  des  petits  vivans  au  monde  ,  et  que  les  serpens  non 
venimeux  seuls  pondent  des  œufs;  il  n'en  est  pas  ainsi, 
car  il  y  a  plusieurs  de  ces  derniers  qui  sont  vivipares ,  tandis  que 
certaines  espèces  de  la  première  tribu  pondent  des  œufs  comme 
la  plupart  des  couleuvres,  il  paraît  même  que  cette  diver- 
sité dans  la  génération  n'a  aucun  rapport  avec  l'organisa- 
tion de  l'animal  même,  vu  que  ces  deux  modes  de  génération 
se  trouvent  quelquefois  chez  des  espèces  très  voisines  d'un 
même  genre  :  la  Coronelle  lisse  par  exemple,  produit  de  petits 
vivans  comme  notre  Vipèie  conmiune,  mais  plusieurs  autres 
Coronelles  pondent  des  œufs  renfermés  dans  une  enveloppe 
coriace;  il  en  est  de  même  avec  le  Python  à  deux  raies, 
tandis  que  le  Boa  rativore  est  complètement  vivipare;  parmi 
les  venimeux,  il  y  a  les  Najas  et  plusieurs  autres  qui  sont 
ovipares. 

Durant  la  ponte,  les  serpens  se  tiennent  étendus  à  terre  et 
lèvent  seulement  la  queue  pour  faire  sortir  les  œufs;  cette 
opération  n'est  ni  longue  ni  pénible.  (2)  Les  œufs  des  Ophi- 
diens contiennent,  avant  le  développement  de  l'endnyon  , 
un   fluide  homogène  d'une  couleur  jaune  foncé,  et  analogue 

(j)    Ch'C/iii;t  iiVSo  p.    /j   cl  suiv.    ~~~   (v.)   Lenz  p     /jfjB, 


PROPAGATION.  87 

au  juuiie  (le  1  œut  d'oiseaux.  Il  paraît  (juc  ic  fluide  blanc 
manque  totalement  dans  l'œuf  des  serpens  :  aussi  se  distin- 
guent-ils de  celui  des  oiseaux  par  le  défaut  total  de  chambre 
aérienne.  Le  jaune  est  enveloppé  d'une  tunique  propre  qui 
est  pourvue  d'un  grand  nombre  de  vaisseaux  sanguifères  , 
dont  les  troncs  principaux  se  rendent,  conjointement  avec  le 
conduit  du  vitellus,  à  Tombilic  de  Tembryon:  cette  tunique, 
appelée  allantoïde  par  plusieurs  physiologistes,  a  été  regardée 
par  d'autres  comme  l'analogue  du  chorion.  (i)  Probablement 
cette  tunique  est-elle  composée,  comme  dans  l'œuf  des  tor- 
tues, de  deux  lamelles  dont  l'extérieure  contenant  les  vais- 
seaux sanguifères,  peut  être  comparée  au  chorion  de  l'embryon 
des  mammifères,  tandis  que  l'intérieure  est  la  véritable  allan- 
toïde. (2)  L'embryon  même  est  renfermé  dans  une  membrane 
séreuse,  l'amnios.  Le  conduit  du  vitellus  donne  dans  l'in- 
testin grêle  près  du  pylore  ;  mais  l'ouverture  ombilicale  ne 
se  trouve  pas  toujours  en  face  de  cette  région  :  chez  le  Trigo- 
nocephalus  Atrox  où  elle  est  près  de  l'anus,  le  conduit  du 
vitellus  est  obligé,  pour  se  rendre  au  duodénum,  démonter 
dans  1  intérieur  de  la  cavité  abdominale^  tout  le  long  des 
intestins. 

Le  nombre  de  petits  que  font  les  Ophidiens  en  une  seule 
ponte,  diffère  considérablement  d'une  espèce  à  l'autre.  Je 
n'en  ai  observé  dans  plusiein\s  Calamars  qu'une  dixaine; 
quelques  Couleuvres  en  font  jusqu'à  20  ou  25;  j'en  ai  trouvé 
3o  et  davantage  chez  le  Trigonocéphale  Atrox,  et  l'on  dit  que 
notre  Couleuvre  à  collier  en  pond  jusqu'à  Ao.  En  ouvrant  le 
ventre  d'un  serpent   plein ,    on  voit   les  œufs  serrés  les  uns 

(1)  C'est  pour  cette  raison  que  les  uns  nient  l'existence  de  l'aliantoide 
dans  l'œuf  des  Ophidiens,  tandis  que  d'autres  opinent  pour  le  con- 
traire; comparez:  Desmollins  AIcm.  ci.  la  Soc.  mcd.  ;  Rathkb  ap. 
BuRUACH  Phys,  11.  p,  /,oy  et  563  ;  IIelholdt  Oiersigt,  etc.  — 

(a)  TiEDEWANW  Jubelfeicr  p.  a5. 


hj\  DÉVELOPPEMENT. 

contre  les  autres  et  rang*3s  en  pelotons,  occuper  Jans  toute  leui 
étendue  les  oviductes  qui  ressemblent  alors  à  un  chapelet. 
L'embryon  a  tous  ses  tégumens  sans  teintes,  et  les  yeux  extrê- 
mement développés  et  saillans  j  la  tête  est  bombée,  le  museau 
court ,  en  pente  et  ressemblant  à  celui  d'un  marsouin  ou  an 
bec  d'une  poule.  A  mesure  que  le  fœtus  se  développe,  ses 
ibrmes  se  rapprochent  de  celles  de  l'animal  parfait.  Pour 
se  défaire  de  sa  prison,  le  serpenteau,  probablement  à 
force  de  se  remuer ,  parvient  à  déchirer  les  tuniques  qui  le 
tiennent  enfermé.  Cette  opération  se  fait  aisément  lorsque 
ces  tuniques  sont  membraneuses  ,  comme  dans  les  espèces 
vivipares;  mais  il  faut  de  grands  efforts  pour  lompre 
l'enveloppe  coriace  des  œufs  proprement  dits:  trois  ou 
jjuatre  fentes  longitudinales,  rapprochées  du  bout  de  l'œuf, 
indiquent  le  lieu  par  où  le  serpenteau  s'est  échappé,  (i). 


^^  a  jMjr  K'  a-  s^L'^a.^'N  T 


Les  petits  au  sortir  de  l'œuf,  diffèrent  ordinairement  de 
leurs  parens ,  outre  leur  taille  ,  par  un  système  de  coloration 
plus  vif  et  plus  tranché,  par  une  tête  plus  émousée  et  plus 
arrondie,  par  la  grandeur  des  yeux,  et  parle  moindre  déve 
loppement  de  l'épiderme  et  de  ses  appendices.  Au  reste,  ils 
sont  pourvus  de  dents  parfaitement  semblables  à  celles  des 
adultes,  aussi  en  font  ils  tout  de  suite  usage,  et  les  venimeux  , 
instruits  par  l'instinct  du  pouvoir  de  leurs  armes,  élèvent  et 
baissent  alternativement  leurs  crochets,  et  se  défendent  contre 
les  attaques  avec  cette  fureur ,  innée  à  toute  leur  race.  On  a 

(ï)  Voir,  pour  ce  qui  a  rapport  au  développement  de  l'œuf  des 
serpens,  l'excellent  Mémoire  du  professeur  HERUOLnT,  accompagné  de 
belles  platicjïes:  Oversigt  1819  •• —  3o^;.  /»  cl  suiv.  avec  Jig.  a. 


DÉVFXOPPEMEINT.  8î) 

longtciiips  cru  que  la  queue  est,  en  projxullon  du  tronc,  plus 
courte  chez  les  jeunes  que  cliez  les  acliiUes,  et  que  ce  mem- 
bre offre  en  conséquence  chez  ceux-là  un  nombre  moindre 
de  plaques  souscaudales.  S'il  en  était  ainsi,  il  faudrait  sup- 
poser qu'il  se  développe  avec  1  âge  de  nouvelles  plaques, 
connue  on  l'observe  chez  les  Juins;  mais  comme  le  nombre  des 
plaques  correspond  à  celui  des  vertèbres ,  il  faudrait  égale- 
ment supposer  la  production  de  nouvelles  pièces  osseuses , 
ce  qui  est  peu  probable  chez  des  êtres  d'un  ordre  aussi  élevé 
que  celui  dont  nous  traitons.  D'ailleurs,  les  recherches  que 
j'ai  faites  à  cet  égard,  m'ont  prouvé  le  contraire,  vu  que 
parmi  une  grande  quantité  d'individus,  les  jeunes  n'offraient, 
quant  au  nombre  des  plaques ,  d'autres  différences  avec  les 
adultes  que  celles  qui  ne  sont  dues  qu'au  hazard:  pour  être  sûr 
du  fait,  j'ai  répété  ces  expériences  sur  un  grand  nombre  d'es- 
pèces les  plus  diverses,  et  j'ai  toujours  obtenu  le  même  résultat. 
Peu  de  temps  après  leur  naissance,  lespetitsophidiens  subis- 
sent la  première  m  u  e.  Cette  opération  se  répète ,  chez  nous , 
suivant  les  observations  de  M.  Lenz  ,  cinq  fois  par  an,  savoir: 
tous  les  mois  depuis  la  fin  d'Avril  jusqu'au  commencement 
de  Septembre  ;  d'où  il  résulte  qu'il  n'y  a  point  de  change- 
ment de  peau  pendant  le  sommeil  d'hiver.  Il  serait  d'un  grand 
intérêt  de  savoir,  combien  de  mues  subissent  les  serpens 
dans  les  climats  tropiques  où  l'engourdissement  n'a  pas  lieu. 
Dans  la  domesticité,  une  manière  de  vivre  peu  propre  à  la 
nature  des  êtres,  influe  notamment  sur  les  fonctions  de  la 
peau  dont  l'épiderme  ne  se  renouvelle  plus  dans  des  pério- 
des déterminées  et  fixes;  très  souvent  alors,  cette  opéra- 
tion est  assez  longue  et  si  pénible,  que  l'animal  souffre  beau- 
coup ,  ou  qu'elle  est  quelquefois  suivie  de  la  mort.  Pour  rejeter 
l'ancien  épiderme,  qui  conmience  à  se  détacher  par  la  tête, 
et  notamment  le  long  des  bords  des  lèvres  ,  le  serpent  s'engage 
dans  les  mousses,  dans  les  herbes  ou  dans  les  bruyères,  et 
parvient,au  moyeu  d  un  mouvement  progressif  lent  et  continu^ 


90  DÉVELOPPEMtNT. 

ou  d'un  fi  oltciiHiit ,  à  se  (îobarasser  petit  à  petit  de  la  tunique 
extérieure  de  sa  peau,  qui  est  déjà  remplacée  en  dessous  par 
un  épidémie  nouveau.  La  dépouille  ainsi  enlevée  se  trouve 
tournée  à  l'envers  d'un  bout  à  l'autre,  et  présente  un  sac  à 
surface  réticulée  plus  ou  moins  diaphane,  plus  large  que 
le  corps  du  serpent  à  cause  du  dilatement  des  intervalles 
membraneux,  et  qui  n'offre,  à  l'exception  de  celles  de  la 
gueule  et  des  narines ,  d'autre  ouverture  que  l'orifice 
postérieur  du  tronc  ;  car  tout  le  monde  sait ,  que  la  liiem- 
brane  hémisphérique  protégeant  extérieurement  le  globe  de 
l'œil,  fait  partie  des  tégumens  extérieurs  et  tient  par  consé- 
quent à  la  dépouille  rejetée.  Cette  dépouille,  d'abord  molle, 
se  dessèche  bientôt ,  et  se  conserve  facilement  dans  les  Cabi- 
nets ;  mais  il  arrive  rarement  de  les  rencontrer  entières  ,  vu 
qu'elles  se  déchirent  souvent  pendant  l'opération  que  nous 
venons  de  décrire.  Nous  en  possédons  quelques-unes  qui  sont 
fojt  belles  de  plusieurs  espèces  exotiques,  qui  prouvent  que  le 
dépouillement  se  fait  de  la  même  manièrecheztouslesserpens. 
Les  changemens  qu'éprouvent  les  Ophidiens  avant  d'avoir 
acquis  le  terme  de  leur  développement  sont  encore  peu  étudiés. 
Aussi  quelquefois,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  la 
livrée  des  deux  sexes  offre-t-elle  dans  les  diverses  périodes 
de  la  vie  des  différences  considérables.  Les  mâles  ont  souvent 
la  queue  plus  grosse  et  plus  longue  que  les  femelles,  probable- 
ment parce. que  ceux-là  ont  les  organes  de  génération  logé  dans 
une  cavité  à  la  base  de  ce  membre;  les  femelles  au  contraire  « 
acquièrent  une  taille  plus  forte  que  les  mâles  ,  et  leur  tronc 
est  alors  d'un  volume  plus  considérable.  On  ignore 
absolument  l'âge,  auquel  parviennent  les  diverses  races  de 
serpens,  quoiqu'on  puisse  leur  supposer  une  vie  très  longue, 
comme  à  tous  les  autres  reptiles;  on  ignore  également  si  ces 
êtres  ont  un  terme  iixe  de  croissance  ni  de  quelle  durée  il  est. 
îl  est  probable  qu'ils  grossissent  durasit  tout  le  temps  de  leur 
vie;   mais   mes  observations  me  porteni    à  croire,   que  celte 


DÉVELOPPEMENT.  Di 

jii!j^iiieiilaLi()!j  lie  voliiiiH*  a  lieu  diverscmeiil  dans  les  dilTe- 
lenles  périodes  de  la  vie,  et  (jnelle  est  assujettie  aux  mêmes 
luis  qui  rèj^Kîut  le  développement  de  la  plupart  des  autres 
animaux  veitébrés.  Les  formes  lamassées  et  arrondies  qui 
ilistinguent  le  serpenteau,  disparaissent  dans  les  premiers 
mois  de  son  existence  et  deviennent  plus  alongées  à  mesure 
<{uil  approche  de  répocjue  de  pouvoir  procréer:  ce  terme 
est  fixé  chez  nous  ,  selon  M.  Lenz,  à  la  quatrième  année. 
Il  paraît  qu'après  cette  époque  les  serpens  croissent  moins 
rapidement  que  dans  leur  première  jeunesse,  et  que  le 
développement  de  leurs  parties  a  plutôt  lieu  par  rapport 
au  volume  qu'à  la  longueur:  cet  âge  se  caractérise  par  des 
traits  prononcés  et  la  plénitude  des  formes.  Cependant, 
avant  d'arriver  au  terme  de  leur  existence,  les  dimensions 
ordinaires  serpens  augmentent  quelquefois  du  double  :  la 
grosseur  des  parties,  une  tête  obtuse  et  ramassée,  et  des  for- 
mes vigoureuses  distinguent  ces  très  vieux  individus,  qu'il  est 
cependant  assez  rare  de  rencontrer. 

Beaucoup  de  voyageurs,  et  notanmient  ceux  d'une  époque 
plus  reculée,  parlent  de  serpens  détaille  monstrueuse,  qu'ils 
disent  avoir  rencontrés  dans  leurs  courses  dans  l'intérieur 
des  terres  inter-tropiques ,  et  dont  ils  font  souvent  aller  la 
longueur  jusqu'à  4»  pieds  et  davantage  (i).  Quelque  soit 
le  pays  où  ces  grands  reptiles  se  trouvent,  on  leur  applique 
souvent  la  dénomination  de  Boa  Constrictor,  familière  à 
tout  le  monde,  quoique  le  véritable  Boa  Constrictor  des 
Méthodes  ,  le  cède  pour  les  dimensions  de  beaucoup  à  d'au- 
tres espèces  des  genres  Boa  et  Python.  Les  recherches 
nombreuses  des  Naturalistes  voyageurs  modernes  et  instruits 
ontdémenti  la  plupart  des  fables  qu'on  a  débitées  sur  la  nature 
de  ces  Ophidiens;  on  sait  aujourd'hui  que  les  plus  gigan- 
tesques ne  surpassent    guère   vingt    à    vingt cinff    pieds   de 

(i)    Voir  noue  article  B  o  \. 


1)2  HABITUDES. 

longueur  totale,  que  leur  grosseur  n'a  tout-au-plus  que  sepi 
pouces  de  diamètre  ,  et  que  les  notions  que  l'on  a  sur  de.-- 
espèces  d'une  taille  plus  forte  ne  reposent  que  sur  les  don- 
nées vagues  des  indigènes.  Il  faut  placer  au  premier  rang  de 
tous  les  serpens  connus,  par  rapport  aux  dimensions,  le  Boa 
murina  originaire  des  régions  équatoriales  de  l'Amérique.  Le 
Python  à  deux  raies,  répandu  dans  toute  l'Afrique  et  l'Asie 
intertropiques,  est  dans  l'ancien  continent  le  représentant  de 
ce  Boa  ,  et  atteint  à-peu-près  la  même  taille.  Viennent  ensuite 
le  Python  de  Schneider,  habitant  des  Indes,  à  formes  effilées 
et  surpassant  rarement  i5  pieds  de  longueur  totale;  le  Boa 
constrictor  du  Nouveau  Monde,  qui  joint  à  des  dimensions 
longitudinales  iiûerieures,  une  grosseur  considérable;  enfin  , 
plusieurs  autres  Boas,  des  Couleuvres,  etc.  Chez  nous,  les 
serpens  vont  rarement  au-delà  de  cinq  pieds  de  longueur, 
mais  dans  le  midi  de  l'Europe,  il  y  a  une  espèce  de  Couleu- 
vre (ij  qui  parvient  jusqu'à  la  taille  de  8  pieds. 


HABITUDES. 

Les  ophidiens  sont  répandus  dans  tous  les  pays  où  se  trou- 
vent les  conditions  nécessaires  à  l'existence  des  reptiles  en 
général.   Tout  le  monde  sait  que  ces  animaux   à  sang   froid 
aiment  la  chaleur  ;  que  leur  nombre  diminue  par  cette  raison 
à  mesure   que  l'on  s'approche  des  régions  tempérées  ou  froi- 
les,  et  qu'ils  préfèrent  par  cette  même  raison  les  terrains  bas 
t  exposés   aux   i-ayons  du    soleil,  aux  lieux    élevés  et  cou- 
erts  d'une  végétation  abondante  et  épaisse.  Cependant ,  il  y  a 
nême  chez  nous  des  espèces,   communes  dans  les  plaines, 
jui  fréquentent  en   même  temps  les  pentes  des  montagnes 

(i)   ror. UBER   QU  ATiï  ui\  A  Dî  A  fUs,   Ic    Boa  (\{S  aocicns  Uouiains. 


flARlTUDKS.  93 

jusqu'à  uno  clovation  c\v  [)liisi(Hjrs  niilliors  de,  piods  au-tlessus 
<lii  niveau  tie  la  mer.  Plusieurs  Tmpldonoles  peuplent,  à  lava  , 
les  sommets  solitaires  des  nombreux  vohîans  éteints  dont  celle 
île  est  hérissée.  Mais  de  loin  le  plus  grand  nombre  d'ophidiens 
habitent  les  terrains  bas ,  découverts  ou  ondjragés  ,  secs  ou 
humides  et  marécageux.  Les  uns  ne  se  rencontrent  que  dans 
les  vastes  plaines  sablonneuses  de  l'Ancien  Monde;  les  déserts 
analogues  des  deux  Amériques,  connus  sous  les  noms  de 
Pampas,  de  Lanos  ou  des  Savannes  sont  peuplés  par  d'autres 
espèces,  souvent  répandues  sur  unegrande  étendue  de  terres 
de  ce  continent.  TJn  grand  nombre  de  serpens  fréquentent 
les  lieux  ombragés  et  se  trouvent  souvent  même  jusque 
dans  les  forêts  les  plus  sombres,  tantôt  cachés  sous  les 
herbes  ou  le  feuillage  épais,  tantôt  confondus  parmi  les  mous- 
ses ,  les  lichen  ou  autres  plantes  parasites.  Plusieurs  espèces 
se  plaisent  dans  les  lieux  marécageux,  parce  que  c'est  là 
qu'elles  trouvent  une  nourriture  abondante  et  conforme  à  leurs 
goûts.  D'autres  recherchent  le  voisinage  des  eaux  douces  qui 
leur  procurent  et  les  moyens  d'existence  et  un  asyle  protec- 
teur contre  les  poursuites  de  leurs  ennemis;  mais  ces  mêmes 
espèces  se  trouvent  quelquefois  loin  de  tout  lieu  humide, 
tantôt  étendues  sur  un  sol  sec  et  revêtu  d'une  végétation  brû- 
lée, tantôt  suspendues  aux  branches  des  arbres.  Le  nombre 
des  serpens  qui  passent  toute  leur  vie  dans  les  eaux,  est  très 
petit,  et  cette  manière  de  vivre  est  plus  particulièrement  pro- 
pre aux  serpens  de  mer  qui  peuplent,  quelquefois  en  bandes 
nombreuses ,  les  parages  les  plus  reculés  de  notre  Globe. 
Plusieurs  espèces  d'ophidiens  se  creusent  des  boyaux  qu'elles 
ne  quittent  que  pour  aller  pourvoir  à  leurs  besoins;  d'autres 
s  établissent  dans  les  terriers  de  petits  mammifères  quilseri 
chassent  quelquefois;  d'autres  encore  cherchent  un  asyle  dans 
des  trous  d'arbres  ,  sous  leurs  racines  ,  près  des  habitations  et 
même  jusque  dans  les  maisons  ,  ou  c'est  tantôt  un  tas  de 
fumier  ou  de  feuilles  desséchées  qui  leur  servent  de  refuge^ 


94  ÎÎABITUDES. 

enfin ,  ii  on  esl  qui  recherchent  les  champs  ou  ]es  hcux  cui- 
tives,pour  faire  lâchasse  aux  insectes  et  aux  petits  inolhisqucs 
qui  abondent  dans  ces  endroits. 

Ces  données  démontrent  que  beaucoup  de  serpens  ne 
préfèrent  tel  ou  tel  lieu  ,  que  parce  qu'il  leur  offre  de  quoi 
subsister,  ou  parce  qu'il  réunit  toutes  les  conditions  nécessai- 
res à  leur  existence:  aussi,  voit-on  souvent  les  serpens 
déserter  le  lieu  ordinaire  de  leur  liabitation,  dès  qu'il  cesse 
de  leur  fournir  les  moyens  de  subsistance.  Il  est  vrai  que  ce 
fait  peut  être  appliqué,  avec  plus  ou  moins  de  modifications, 
à  tous  les  animaux;  mais  avec  cette  différence,  que  les  reptiles, 
attachés  au  lieu  qui  les  a  vu  naître ,  ne  savent  pas  entrepren- 
dre ces  migrations  lointaines  qui  excitent  notre  admiration 
chez  les  oiseaux etchezplusieurs  mammifères.  Le  plus  souvent, 
les  serpens  terrestres  ne  s'éloignent  qu'à  de  très  petites  dis- 
tances de  l'endroit  où  ils  se  sont  établis  ,  et  on  les  trouve 
i^resque  toujours  si  proches  de  leur  habitation,  qu'ils  peuvent 
la  gagner  à  l'approche  du  moindre  danger. 

Beaucoup  de  serpens  vivent  en  société,  et  il  paraît  qu'ils 
ne  se  font  mutuellement  aucun  mal:  tels  sont  la  plupart  des 
espèces  aquatiques,  plusieurs  Couleuvres  et  notamment  les 
serpens  pélagiens,  qui  se  montrent  quelquefois  en  bancs 
immenses  à  la  surface  de  l'Océan.  Les  venimeux  terrestres  ,  au 
contraire,  dont  le  nondjre  des  individus  est  infiniment  plus 
restreint,  recherchent  moins  fréquemment  la  société  de 
leurs  semblables,  et  se  tiennent  souvent  isolés  au  milieu  des 
lieux  solitaires  qu'ils  habitent. 

Les  serpens  ont  entre  eux  plusieurs  rapports  dans  les 
mœurs  et  dans  les  habitudes.  Presque  tous  ont  un  naturel 
stupide,  timide  et  farouche;  mais  réduits  à  la  domesticité,  ils 
contractent  bientôt  des  mœurs  assez  douces,  excepté  toute- 
fois les  espèces  venimeuses,  dont  le  naturel  farouche 
empêche  de  changer  leur  caractère  féroce.  Cependant,  il  existe 
des  serpens  tant  venimeux  qu'inoffensils,  qui  ne  font  presque 


lïAniTODES.  95 

jnmais  usage  de  leurs  armes  pour  se  défendre  contre  leur 
agresseur  :  tels  sont  parmi  les  premiers  ,  les  llydropliis  et  les 
Elaps,  parmi  les  deiniers  plusieurs  (Couleuvres ,  des  Tropidono- 
tes  et  d'autres.  Cette  facilité  de  s'apprivoiser  est  particulièrement 
propre  aux  plus  grandes  espèces  de  la  famille  des  15oas  qui , 
après  avoir  été  pris,  ne  font  jamais  mal  à  qui  qjic  ce 
soit  (i).  D  autres  espèces  refusent  de  prendre  aucune  nourri- 
ture, et  deviennent  les  victimes  de  leur  obstination  ;  mais  il 
paraît  qu'au  moyen  d'un  traitement  conforme  à  leurs  besoins, 
on  peut  parvenir  à  rendre  la  captivité  supportable  à  la  plupart 
de  ces  reptiles. 

Les  serpens  venimeux  proprement  dits,  les  serpens 
fouisseurs  et  plusieurs  espèces  d'autres  genres,  ont  un  natiue! 
liés  engourdi  et  tranquille:  aussi ,  leurs  mouvemens  progres- 
sifs sont-ils  exécutés  avec  lenteur  j  mais  la  plupart  des  Ophi- 
diens sont  alertes  et  tous  leurs  mouvemens  annoncent  une 
force  et  ur>e  agilité  extrêmes  :  on  a  cependant  beaucoup 
exagéré  leur  vitesse,  qui  n'est  jamais  assez  considérable,  pour 
qu'un  homme  ne  puisse  facilement  leur  échapper. 

Les  serpens  qui  mènent  une  vie  n  octu  r  ne  sont  moins 
nombreux  que  ceux  qui  préfèrent  le  grand  jour  aux 
ténèbres  :  à  la  première  catégorie  appartiennent  les  Dipsas 
proprement  dits  ,  plusieurs  Ophidiens  venimeux  et  d'autres; 
mais    beaucoup    de    serpens     combinent    les    deux    genres 


(i)  M.  DiEPERiNK  à  Paramaribo  inc  mande,  qu'il  tient  conlinucUe- 
ment  chez  lui  phisieurs  Boas  de  diverses  espèces,  qui  vivent  en 
parfaite  harmonie  enlre-eux  et  avec  d'autres  animaux  domestiques.  I-e 
professeur  Reinwardt,  cependant,  a  été  témoin,  à.Tava  ,  d'un  speclaclc 
qui  prouve  qu'il  ne  fant  pas  toujoiu'S  se  fier  à  ces  animiuv:.  Un 
Javanais  ayant  apporté  chez  M'  le  baron  van  der  capelle  un  grand 
Python,  et  voulant  le  faire  sortir  du  panier  dans  lequel  il  se  trouvait, 
le  serpent,  par  un  seul  coup,  lui  fit  une  blessure  assez  considérable, en 
lui  enviant  l'avant-bras  dans  tonte  sa  longueur. 


96  HABIWDES 

(lo  vie,  ci  (liassent  tantôt  ou  plein  jnnr,  tantôt  pen- 
dant la  nuit,  suivant  leurs  besoins;  il  faut  ranger  dans  eelte 
dernière  eatèi^orie  les  espèees  tjui  offrent  une  pupille  alon- 
gée,  soit  vertiealenient ,  soit  transversalement  et  cpii  paraît 
plus  particulièienient  propre  à  se  dilater  ou  à  se  eontracter , 
suivant  la  niasse  des  rayons  lumineux  qu'il  est  besoin  de  faire 
entrer  dans  la  cavité  de  Tœil:  dans  Tobseurité,  cette  prunelle 
ainsi  configurée,  se  dilate  de  manière  à  ce  qn'elle  devient 
tout-à-fait  orbiculaire  (i).  La  loi,  établie  par  la  plupart  des 
naturalistes,  que  les  animaux  à  pupille  alongée  soient  plus 
spécialement  nocturnes,  est  contredite  par  ces  observa- 
tions; il  paraît  plutôt  que  des  yeux  volumineux  indiquent  un 
genre  de  vie  nocturne,  quoique  plusieurs  Klaps  etdesNajas, 
dont  les  yeux  sont  assez  petits,  vont  chercher  leur  proie  pen- 
dant la  nuit.  Peut-être  a-t-on  tort ,  de  vouloir  appliquer  ri- 
goureusement cette  règle  à  la  manière  de  vivre  des  serpens,  dont 
un  bon  nombre  passe  une  grande  partie  de  son  existence  dans 
une  langueur  ou  un  engourdissement  comparable  au  som- 
meil ,  et  qui  ne  se  dérangent  que  quand  il  s'approche  d'eux 
quelque  être  vivant  dont  ils  s'emparent  lorsqu  il  convient  à 
leur  goût;  tombant  ensuite  dans  une  léthargie  plus  profonde, 
qui  les  rend  quelquefois,  pour  un  temps  assez  long,  incapables 
de  se  livrer  à  la  chasse. 

La  plupart  des  ophidiens  choisissent  leur  nourriture  indif- 
féremment parmi  les  trois  premières  classes  des  animaux  ver- 
tébrés ;  les  espèces  aquatiques  se  nourrissent  plus  ou  moins 
exclusivement  de  poissons,  selon  que  leur  genre  de  vie  les 
lie  à  lélément  humide;  les  espèces  de  petite  taille  enfin  ,  et 
notamment  les  terrestres  et  fouisseurs ,  font  la  chasse  aux 
insectes,  aux  mollusques, aux  vers  ou  à  d autres  animaux  des 
classes  inférieures;  les  serpens  d  arbre,  enfin,  paraissent 
préférer   les  oiseaux,    non    pas   parcecjue    cette   espèce   de 

(i)  Voyez  Hari.ak  ,  >>;/.  p.    369. 


HAIUTCDKS  Îi7 

nourriture  convienne  mieux  à  l(;ur  ^oût,mais  parce  qu'elle  est 
plus  à  leur  portée. 

Tout  le  monde  sait  que  les  serpens  peuvent,  comme  les 
autres  reptiles,  jeûner  fort  longtemps:  un  Boa  constrictor, 
envoyé  de  Surinam  en  Hollande,  était  plus  de  six  mois  sans 
prendre  la  moindre  nourriture;  quelquefois  ils  sont  plus 
longtemps  encore  avant  de  mourir  de  faim. 

On  ignore  si  les  serpens  boivent  et  s'il  est  juste  d'opiner 
pour  la  négative:  toutefois  on  n'a  jamais  aperçu  de  fluides  dans 
ceux  dont  on  a  examiné  l'estomac. 

Les  changemens   continuels  qui  s'opèrent  dans  notre  at- 
mosphère, influent  plus  ou  moins  puissamment  sur  les  ophi- 
diens. Amis  de  la  chaleur  ,  ils  recherchent  avidement  les  lieux 
exposés  aux  rayons  du   soleil,    tandis    qu'ils  restent    cachés 
dans  les  temps  pluvieux,  ou  lorsqu'il  fait  du  vent;  a  fapprr/che 
dun  orage,  quand  fatmosphere  est  surchargée  d'électricit«, 
on  les  voit  souvent  sortir  de  leur  retraite,  dans  une  agitation 
qui  n'est  pas  naturelle  à  leur  race,   et  traverser  les  endroits 
découverts.  Ne   pouvant   supporter  les   effets    du    froid    qui 
leur    ôte   en    même  temps  les   moyens    de  subsistance,    les 
serpens  se  retirent,  a  l'approche  de  l'hiver,  dans  des  asyles  le 
plus  souvent  souterrains  et  toujours  garantis  des  intempéries 
de    la    saison  ;    ce   sont   tantôt  des  terriers  ou   des  amas  de 
pierres,  tantôt  des  tas  de  fumier  ou  des  creux  d'arbre;  c'est 
là   qu'on  en   voit  souvent  plusieurs   dans    un    même  lieu  de 
retraite,  dans  un   engourdissement  profond,  jusqu'à  ce 
que  les  rayons  vivifîans  du  soleil  du  printemps  les  raniment. 
Tl  est  manifeste  que  la  durée  de  ce  sommeil  périodique  doit 
être  plus  ou  moins  longue,  suivant  le  climat  que  les  serpens 
habitent,  et  que  ,  dans  les  régions  ou  règne  un  éternel  prin- 
temps, ces  reptiles   ne   sont  pas  du  tout  sujets  à  passer   un 
certain  temps    de    leur  existence    dans   cette   torpeur.    Les 
recherches  des  voyageurs  ont  démontré  qu'il  en  est  ainsi,  et 
néanmoins  il  y  a  des  excepHions  a  cette  règle,  ce  qui  fait  sup- 


98  FABLES  ET    PREJUGES. 

po^îer  que  c est  le  défaut  de  nourrituie  qui  cause  cet  engour- 
dissement. M.  von  Humboldt  (i)  mande,  d'après  les  rapports 
des  indigènes,  que  le  Boa  rativore ,  durant  les  longues  pluies 
qui  inondent  les  immenses  déserts  de  l'Amérique  Méridionale, 
demeure  enseveli  dans  le  sol  argileux,  jusqu'à  ce  que  ce  terrain, 
desséché  par  les  chaleurs  auxquelles  succède  inmédiatement 
le  temps  des  pluies  ,  se  fend  pour  faire  sortir  le  monstrueux 
reptile,  du  tombeau  qui  le  tenait  enfermé.  A  Surinam,  au 
Brésil ,  et  dans  d'autres  pays  de  l'Amérique  Méridionale  que  ce 
Boa  habite  également,  il  passe  au  contraire,  de  même  que  les 
autres  serpens,  toute  l'année  dans  une  activité  continuelle(2). 

Chez  nous  et  dans  l'Amérique  du  Nord  (3),  les  serpens  se 
retirent  dans  leur  retraite  hivernale  vers  le  mois  d'Octobre 
environ,  et  reparaissent  à  la  fin  du  mois  de  Mars  ou  en  Avril; 
pkis  tôt  ou  plus  tard  selon  le  plus  ou  moins  de  durée  de 
l'hiver.  Les  épaisses  couches  de  graisse  dont  leurs  intestins 
sont  enveloppés  en  automne,  s'absorbent  en  grande  partie 
lors  de  l'engourdissement,  et  il  leur  faut  au  printemps  quel- 
ques jours  avant  d'avoir  acquis  leurs  forces.  Un  froid  excessif 
les  fait  périr,  tandis  que  plusieurs  belles  journées  consécutif 
\'es  suffisent  souvent  pour  les  faire  sortir  de  leur  retraite  au 
milieu  de  l'hiver. 

C'est  encore  à  l'ouvrage  de  M.  Lenz  (4)  que  nous  ren- 
voyons pour  le  récit  détaillé  des  observations,  que  ce  natura- 
liste a  fait  pour  connaître  les  effets  qu'exerce  fe  froid  sur 
les  reptiles. 

FABLES  ET  PREJUGES. 

Le  serpent  a  joué  un  grand  rôle  dans  l'an  tiquité,  et  itîe 
joue    encore   actuellement  parmi  la  plupart  des  peuples  bai'- 

(i)  AnsiclUtni  I  p.  36.' —  ('^)  Neuwied.  Bcitr.  p.  ii. — (3)  Pali- 
sot-11eatîvais   ap.  Latr.    JIH  p.  70.  --  (/4)  p.   ^r. 


FABLES  ET  PRÉJUGÉS.  99 

bares  ou  à  demi- civilises.  Des  causes  nombreuses  ont  donné 
lieu  à  ce  phénomène.  L'homme ,  intimidé  par  l'aversion  qu'il 
a  pour  ces  êtres  et  qui  lui  est  en  quelque  sorte  innée,  n'est 
parvenu  que  par  l'expérience  à  savoir  que  seulement  un 
petit  nombre  de  ces  reptiles  se  font  redouter  par  leurs  quali- 
tés malfaisantes,  tandis  que  d'autres  décèlent  sous  les  mêmes 
apparences  trompeuses  un  caractère  doux  et  innoffensif. 
Mille  propriétés  diverses  que  successivement  on  a  découvert 
chez  les  serpens ,  ont  ouvert  à  l'homme  un  vaste  champ  à 
la  méditation  ;  tout  en  fournissant  ample  matière  à  orner  ses 
idées  religieuses  ,  elles  lui  offraient  le  sujet  d'un  nombre  infini 
de  mythes;  il  en  emprunta  des  symboles ,  et  finit  par  rendre 
à  ces  êtres  redoutés  un  culte ,  établi  pour  les  motifs  les  plus 
divers  et  les  plus  opposés.  Il  semble  que  c'est  dans  la  nature 
humaine  de  se  servir  précisément  des  mêmes  animaux  qui  lui 
sont  nuisibles,  pour  se  procurer  les  moyens  de  se  préserver 
du  mal  qu'ils  peuvent  lui  causer  :  de  là  l'usage  établi  dès  les 
temps  les  plus  reculés  ,  de  tirer  des  serpens  les  remèdes  pour 
se  garantir  contre  leur  morsure ,  tandis  que  de  Vautre  côté 
on  croyait  apaiser  leur  fureur,  en  les  révérant  comme 
des  divinités.  Les  anciens ,  employant  souvent  les  traits  les 
plus  saillans  des  animaux  pour  leurs  allégories  ,  trouvaient 
dans  les  habitudes  des  serpens,  dans  leurs  qualités  ou  même 
dans  leur  forme ,  un  fond  inépuisable  pour  faire  travailler  leur 
imagination  féconde,  qui  s'exalta  sans  cesse  en  embelissant  ce 
que  l'observation  de  la  nature  leur  avait  appris.  C'est  à  ces 
tlifférentes  causes  et  à  des  circonstances  peut-être  inconnues 
aujourd'hui,  qu'il  faut  attribuer,  que  le  serpent  inspirait  à 
l'homme  à  la  fois  la  crainte ,  de  la  haine  et  de  la  vénéra- 
tion. 

On  trouve  dans  les  mythes  de  la  plupart  des  anciens 
peuples,  des  traces  qui  attestent  que  l'idée  du  serpent,  comme 
mauvais  principe,  fut  établie  dès  l'origine  des  nations.  C'est 
ainsi    (jue    le  serpent  fut    cause  du  premier  péché  et  de  la 


100  FABLES  ET  PRÉJU(.ÉS. 

chute  de  l'homme;  mais  Arimane  ,  empriinlant  la  forme  clan 
serpent ,  cherche  en  vain  de  vaincre  son  antagoniste  Oros- 
made ,  qui  représente  le  bon  principe  dans  le  dualisme  des 
anciens  Perses. 

On  croit  que  les  anciens  Grecs  choisissaient  l'allégorie 
d'un  grand  serpent,  tué  par  les  flèches  d'Apollon  pour  repré- 
senter les  vapeurs  pestiférées  développées  dans  les  fanges  ma- 
récageuses qui  couvraient  la  terre  après  le  déluge  ou  les  inon- 
dations annuelles,  vapeurs  que  le  soleil  seul  pouvait  dissiper: 
dès-lors  ce  serpent  Python  est  devenu  l'attribut  d'Apollon  et 
de  ses  prêtresses  à  Delphes,  et  Ton  s'en  servit  dans  la  suite 
comme  emblème  à  la  Prévoyance  et  à  la  Devination.  Des  cir- 
constances analogues  ont  peut-être  donné  lieu  à  la  fable  de 
l'Hydre  de  Lerne,  exterminée  par  les  efforts  d'Hercule  et  de  son 
compagnon  Jolas.  Chez  les  anciens  Egyptiens,  le  serpent  fut  le 
symbole  de  la  Fertihté:  ils  représentaient  sous  la  forme  d'un 
serpent,  entouré  d'un  cercle  ou  entortillé  autour  d'un  Globe, 
le  Cneph  de  leur  Cosmogénie  qui  est  le  même  que  l'Amon 
ou  i'Agathodémon,  l'esprit  ou  l'âme  de  la  création ,  le  prin- 
cipe de  tout  qui  anime,  qui  gouverne  et  qui  éclaire  le 
Monde  (i):  Les  prêtres  de  ce  peuple  gardaient,  dans  les 
temples ,  des  serpens  vivans  et ,  à  leur  mort  on  les  enter- 
rait dans  ces  sanctuaires  de  la  superstition  (2). 

Emblème  de  la  Prudence  et  de  la  Circonspection,  le  serpent 
fut  l'attribut  constant  d'Esculape  ,  et  l'on  avait  même  pour  ces 
reptiles  la  vénération  due  au  père  ou  dieu  de  la  Médecine 
(3):  c'est  de  là  que  le  serpent  devint  le  symbole  de  la  Méde- 
cine et  de  la  Magie.  Les  Ophites,  sectaires  chrétiens,  établi- 
rent vers  le  deuxième  siècle  de  notre  ère,  un  culte  qui  se 
distinguait  particulièrement  de  cehii  des  autres  Gnostiques , 

(i)  EusÈBE  Prcd.  E^'ang.  33;  Horapollo  cap.  1  ,  1  Creutze» 
Symh.l\.  So']  et  S2li.  —  (2)  Elten  17,  5;  Hérodote  i\  7/(.  — 
(3)  Pausan.  1  ,  0.6  —  '*8. 


FABLES   ET  PREJUGES.  101 

cil  ce  qu'ils  ailoraieiit  un  serpent  vivant  ;  se  conformant  ainsi 
aux  anciennes  traditions  de  leur  croyance;,  ils  regardaient  cet 
animal  comme  riniage  delà  Sagesse  et  des  émotions  sensuelles 
qu'elle  éveille  (i).  Les  monumens  des  Mexicains,  des  Japonais 
et  de  plusieurs  autres  peuples  qui  doivent  la  base  de  leur  civi- 
lisation aux  anciens  habitans  de  l'Asie,  attestent  que  le  ser- 
pent joue  également  dans  leurs  mystères  religieux  un  rôle 
plus  ou  moins  important;  mais  le  temps  et  les  relations  qui 
existent  entre  ces  peuples  et  les  Européens ,  ont  en  partie 
aboli  ces  usages,  et  ce  n'est  aujourd'hui  que  chez  quelques 
tribus  nègres  et  la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  que  le  ser- 
pent figure  parmi  les  divinités  du  premier  rang  (2). 

Il  n'entre  point  dans  le  pkn  de  mon  ouvrage  d'expliquer 
ou  même  de  rapporter  les  allégories  nombreuses  que 
représentait  chez  les  anciens  le  serpent:  tout  le  monde 
sait  qu'on  en  armait  les  mains  de  la  Discorde,  ainsi  que  le 
fouet  des  Furies^  et  que  la  tête  des  Euménides  en  était  hérisséej 
l'image  de  deux  serpens  qui  s'entortillent  autour  du  Caducée 
deMercure  est  d'une  éloquence  insinuante;  le  cercle  que  forme 
un  serpent  qui  se  mord  la  queue,  n'ayant  ni  commencement  ni 
fin,  fut  choisi  pour  le  symbole  de  l'Eternité;  la  promptitude 
des  mouvemens  uniformément  répétés  pour  exécuter  la  mar- 
che progressive  devint  celui  de  la  vitesse  du  temps  et  de  la 
succession  infinie  des  siècles  ;  les  fables,  enfin,  d'Achéiaus,  de 
Jupiter  métamorphosé  en  serpent  pour  captiver  l'objet  de 
ses  amours  et  maintes  autres  attestent  que  les  anciens  attri- 
buaient au  serpent  les  quaUtés  les  plus  opposées,  et  que 
le  même  être  réunissait  suivant  eux  ,  à  la  fois,  la  force  et  la 
timidité,  la  beauté  et  des  formes  qui  inspirent  delhorreuv  ,  la 
douceur,  la  ruse  ou  la  fraude. 

On  doit  attribuer  à  de  causes  send)lables  à  celles  que   nous 

(1)  MosnKiM  Cc.sch  d.  Sch/tinf(cnhr.  p.  i.  (i)  Voii^  noUe  aiiide 
du  Pvlhon  à  deux  laies. 


102  FABT.ES  ET  PREJUGES. 

venons  de  ciler,  à  cette  superstition,  apannge  de  la  nature 
humaine,  ces  innombrables  erreurs  qui  défigurent  jusqu'à 
nos  jours  l'histoire  des  serpens.  Un  grand  nombre  de  ces 
fables,  inventées  dans  Tenfance  du  genre  humain  et  transmises 
à  la  postérité  par  les  auteurs  classiques,  se  sont  répandues  au 
point  de  devenir  populaires,  vu  l'autorité  que  l'on  ne  cesse 
d'accorder  à  ces  écrivains.  Pour  prouver  cette  assertion ,  il 
suffit  de  rappeler  que  plusieurs  écrivains  modernes  ont  répété 
dans  leurs  ouvrages,  que  les  cochons  tuent  les  serpens  pour 
les  manger,  et  que  les  serpens  font  du  lait  un  grand  délice: 
erreurs  qui  datent  des  temps  d'ARisTOTE  (i)et  dePLiNE(2)  , 
mais  propagées  de  l'Europe  en  Amérique  et  dans  les  autres 
parties  du  monde.  On  lit  dans  les  mêmes  auteurs  (3)  que  la 
Mangouste, pour  se  mettre  à  l'abri  des  morsures  des  serpens, 
se  cuirasse  de  limon,  et  qu'elle  mange  d'une  certaine  herbe 
que  ces  reptiles  ont  en  aversion  :  ce  préjugé ,  qui  repose  sur 
le  simple  fait  que  les  petits  mammifères  dont  nous  venons  de 
parler,  ainsi  que  beaucoup  d'autres,  sont  les  ennemis  naturels 
des  serpens ,  s'est  conservé  dans  beaucoup  de  contrées  des 
Indes  Orientales.  La  plante ,  qui  doit  posséder  la  vertu  de 
repousser  les  serpens  ,  ou  de  servir  comme  antidote  contre 
leur  morsure,  est  suivant  Kaempfer  (4)  l'Ophiorhiza  mungoz; 
selon  d'autres  l'Aristolochia  indica  ,  dont  les  jongleurs  de  ces 
contrées  prétendent  se  servir  avec  succès  :  cependant  les  ex- 
périences de  RussEL  (5)  ont  démontré ,  que  toutes  ces  don- 
nées reposent  sur  des  préjugés  populaires.  11  en  est  de 
même  des  prétendues  effets  de  l'emploi  du  Polygala  se- 
neca  (6),  plante  célèbre  chez  plusieurs  peuples  de  l'Amérique 
Septentrionale ,  tandis  que  d'autres  nations  sauvages  la 
rejettent ,   pour  se   servir  de  plantes  des  genres  Prenantes , 

(ij  HLst.  an.  9.  1.  —  (2)  Hist.  nat.  8.  14.  —  (3)  Arist.  g.  7;  Plin, 
8,  3G.  —  (4)  -^tnœii,  exot.  [p.  3o5  etsuîv.  —  (^)  Serp.  I  p  86.  — 
(6)  Palisot  Rauv.  ap.  Latr.  III  p,  90.  et  suiv. 


lAliLliS  ET  PREJUGES.  KM 

Ijiu  luca  ,  Meliaiitlius  ,  Spiraea  ,  etc.  ,  dont  l'eflicacité  ,  coiimii' 
remède  contre  le  venin, est  aussi  peu  constatée  que  celle  des 
précédentes.  Des  voyageurs  njodernes  et  de  grande  autoritéont 
fourni  des  faits  curieux  relatifs  à  une  plante  (i),   à  hupielle 
les  hahitans  de  la   Colombie  attribuent   les   mêmes  qualités 
'  que  ceux  des  Indes  à  lAristoloche  ;  mais  il  serait  à  désirer  , 
que  ces  expériences  fussent  répétées  par  des  personnes,  aux- 
quelles la  nature  des  serpens  est  familière.  Il  sera  superflu  de 
rapporter  tout  ce  que  les  Anciens  ont  inventé  à  l'égard  des 
antidotes    innombrables    dont   ils  vantent  le   plus  ou  moins 
d'efficacité  :  en   consultant  les  passages  de  Pline  ,  que  nous 
allons   citer  (2) ,    on   verra   que   les   anciens   recommandent 
indifférement,  à  cet  effet,  les  productions  les  plus  hétérogènes; 
mais  que  les   essais  qu'ils  ont  faits  ne  sont  que  le  résultat 
d'un  empirisine  grossier.  Des  charlataneries  de  cette  nature 
s'exercent  encore  aux  Grandes   Indes  et  à  Geylan  ,   où  l'on 
vend  des  pastilles  et  des  pillules  de  diverses  espèces,  compo- 
sées arbitrairement  de  substances  des  règnes  animal ,  véofétal 
et    minéral ,    et    qui    n'agissent     que    sur    l'imagination    du 
malade  (3). 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  l'usage  de  tirer  des  ser- 
pens même  les  remèdes  contre  leur  morsure ,  date  des 
plus  anciens  temps:  Antonius ,  médecin  d'Auguste  em- 
ployait les  vipères  dans  plusieurs  maladies  (4);  mais  ce  n'est 
que  sous  l'empereur  Néron  ,  lorsque  le  médecin  Andromaque 
de  Crête  (5)  inventa  la  Thériaque,  que  cette  pratique? 
devint  générale.  Cette  thériaque  est  une  composition  arbitraire 
d'un  grand  nombre  de  médicamens  hétérogènes  ,  que  l'on 
employa  dans  la  suite  dans  les  maladies  les  plus  diverses;  on 

(  i)  PUintes  èqainox.  1.  PL  lof).  —  (a)  ///.'A  na/.  -28,  i'Z  ;  •nj  ,  i5, 
17.  9,0  ,  -J.^  ,  22  ,  25  ,  'iG;  32,  17  el  ii)  etc.  —  (')}  R.11SSKI,  /  j).  7/1  et 
suiv.  ;  Da\y.  Ceylon.  p.  100.  -  ^ 4)  Pr.JN.  »o,  3y.  -  (5)  (ijk  (iAi.E-\. 
I^e  nntidolis  lif>.  i  ,  cnp-  (>. 


1 04  FABLES  ET  PRÉ J  CJGÉS. 

en  confectionna   au    moyen    âge    dans    presque    toutes  le.§ 
villes  de  l'Europe,  particulièrement  de  l'Europe  Méridionale:^ 
aujourd'hui  la  pratique  de  faire  entrer  le    serpent  dans    la 
composition   de   ce   médicament    ne    s'est    conservée    qu'en 
Italie,   où   la  Thériaque   se  fait  dans. plusieurs  endroits.  En 
Sicile,    on   n'en  prépare  qu'à  Palerme.    Celle  de  Venise  est 
très  célèbre  :   on   y   emploie  des  milliers  de  Vipère  aspic, 
assez  commune  dans    les   environs    de   cette   ville   (i).    La 
grande  fabrique  de  Thériaque  qui  existe  dans  Naples ,   sous 
la   protection    du    Gouvernement,   est    l'entreprise   de  par- 
ticuliers, à   la   tête  desquels  se  trouve  le  savant  professeur 
Délie  Chiaje  ;  on  y  emploie  indifférement  toutes  les  espèces 
de  serpens,  quoiqu'on  préfère  les  vipères  que  des  paysans 
appelés    Vipériers ,    apportent    vivantes    dans    des    paniers. 
M.  von  Siebold    m'assure   que    l'on   emploie    fréquemment 
une  espèce  de  Thériaque  en  Chine  et  au  Japon  ;  les  habitans 
des    îles  Lioukiou,  tirent   des   médicamens    de    l'Hydrophis 
eolubrin  ;  et  à  l'île  de  Banka  ,  les  Chinois  (2)  estiment  la  bile 
des  grands  Pythons  comme  un  remède  précieux  contre  plu- 
sieurs maladies.  Je  passe  sous  silence  l'usage  que  l'on  faisait 
dans  le  moyen  âge  des  diverses  parties  du  serpent ,  dont  on 
attribuait  à  chacune  des  qualités  salutaires  ;  de  nos   jours,  on 
y  a  entièrement  renoncé. 

Ce  n'est  que  dans  les  temps  récens  que  Ton  a  fait  des  expé- 
riences sur  les  effets  de  la  morsure  des  serpens,  expériences 
que  nous  avons  rapportées  dans  un  autre  lieu  ;  les  anciens, 
comme  le  font  encore  beaucoup  de  personnes,  réputaient 
venimeux  indifféremment  toutes  les  espèces  de  serpens;  ils 
plaçaient  le  siège  de  l'arme  dangereuse  dans  la  langue  ou 
dans  la  pointe  de  la  queue,  et  attribuaient  à  la  morsure  de 
chacune  des  espèces,  selon  leur  fantaisie,  des  suites  diverse- 

(i)  Noie  manuscrite  communiquée  par  feu  le  docl.  Mïchahelles. 
(2)  Olivier  Lund en  Zet'togten  II  p,  /»47. 


FABLES  ET  PREJUGES.  105 

ment  fâcheuses  (i).  La  civilisation  n'a  pu  déiruire  ces 
erreurs  ,et  l'on  est  étonné  He  les  entendre  répéicr  par  des  per 
sonnes  instruites;  de  voir  reproduit,  dans  plusieurs  ouvrages, 
le  conte  des  trois  fds  d'un  colonisle,  niorls  successivement  et 
à  de  longs  intervalles  d'une  blessure  que  leur  aurait  cau- 
sée la  dent  d'un  Crotale  resté  dans  uîie  des  bottes  de  leur 
père,  qui  avait  péri  de  la  première  morsure  :  conte  que  les 
habitans  de  Surinam,  aussi  bien  que  ceux  des  Etats-Unis,  se 
plaisent  à  répéter  aux  étrangers  comme  s'étant  passé  dans 
leur  pays;  on  est  étonné  d'entendre  parler  d'un  serpent  de 
mer  de  forme  et  de  taille  monstrueuses  (2) ,  de  Boas  de  4^  à 
5o  pieds  de  longueur  qui  attaquent  les  hommes,  les  boeufs,  les 
tigres  ,  les  avalant  en  entier  après  les  avoir  enduits  d'une 
bave  écumante  (3):  absurdités  qui  rappelent  ces  fables  de 
monstres  ailés,  de  dragons  dont  la  Mythol'jgie  des  anciens 
habitans  de  l'Asie  nous  a  conservé  la  mémoire,  et  dont 
l'imagination  bizarre  des  Chinois  a  multiplié  les  formes.  Que 
dire  lorsqu'on  lit,  dans  des  ouvrages  ujodernes  et  de  grande 
réputation,  la  description  des  effets  merveilleux,  produits 
sur  les  serpens  par  la  musique;  lorsque  des  voyageurs,  hom- 
mes de  talens ,  nous  racontent  avoir  vu  des  serpenteaux  se 
retirer  dans  la  gueule  de  leur  mère  chaque  fois  qu'il  se  pré- 
sentait quelque  danger.  Malheureusement  les  naturalistes  ,  en 
rangeant  ces  fables  au  nombre  des  faits,  en  ont  souvent 
embelli  le  récit,  ce  qui  a  contribué  à  les  accréditer  univer- 
sellement. Qui,  par  exemple,  ne  serait  pas  frappé  de  la 
description  que  La  treille  et  Lacépède  ont  faite  des  habitudes 
du  Boa  et  des  autres  serpens  de  grande  taille!  combien  de 
qualités  ces  savans  n'attribuent-ils  pas  à  ces  êtres  ,  qui  n'ont 
jamais  existé  que  dans  leur  imagination  ? 

Il  n'est  guère  personne  qui    n'ait  entendu   parler  du  pré- 

(i)   Voir:  Lucan,   PAars.  c).  c^'^'j  su'w.  ell^icx-^Dv.R  fie  T/ieriacis.  — 
{2)  Voir   noire  aiiide  nydrophis.    --   (^)    Voir  iiolro  arlicle  Boa. 


106  FABLES  ET  PRÉJUGÉS. 

tendu  pouvoir  magique   que  doivent  exercer  les  serpeiis  sur 
les  petits  animaux,  lorsqu'ils  veulent  s'en  rendre  maîtres;  il 
y  a  peu  d'ouvrages  d'histoire  naturelle,  où  l'on  n'ait  pas  traité 
de  ce  phénomène,  contredit  par  plusieurs,  défendu  par  d'au- 
tres, sans  que  l'on  ait  pu  arriver  à  un  résultat  satisfaisant.  Je 
ne  répéterai   poir7t  ici    les  absurdités  que  les  voyageurs  ont 
écrites  à  cet  égard  ,  et  qui  sont  quelquefois  extrêmement  cu- 
rieuses (i);  il  suffit  de  dire  que  ces  contes,  dont  on  trouve  des 
traces  chez  plusieurs  auteurs  classiques  (2),  sont  particulière- 
ment en  vogue  dans  l'Amérique  du  Nord,  tandis  qu'on  les  ignore 
dans  Jes  Indes  Orientales  et  en   Europe ,  contrées  riches  en 
serpens  de  toute  espèce.  Cette  observation  est  trop  curieuse, 
pour  ne  pas  mériter  quelque  attention,  vu  qu'elle  prouve  com- 
bien un   fiiit  vrai   ou    supposé   peut  se  répandre  au  point  de 
devenir  populaire.  Plusieurs  causes  peuvent  avoir  donné  lieu 
à  l'origine  de  ce  prétendu  pouvoir    de  fascination  des 
serpens.  Il  est  vrai    que  la  plupart  des  animaux   paraissent 
absolument  ignorer  le  danger  qui  les  menace,   lorsqu'ils  se 
trouvent  en  société  d'ennemis   aussi  cruels  que  les  serpens  ; 
on  les  voit  souvent  marcher  sur  le  corps  de  ces  reptiles ,  les 
piquer  à  la  tête,   les  ronger,  où  se  coucher  familièrement  à 
leur  côt^;  mais  aussi  ne  saurait-on  nier  qu'un  animal  ,  surpris 
à   l'improviste,   attaqué    d'un    adversaire    aussi   redoutable, 
voyant   son   attitude   menaçante,    ces   mouvemens  exécutés 
avec  tant  de  promptitude ,  ne  soit  saisi  d'une  frayeur  qui  le 
prive  pour  le  premier  moment   de  ses  facultés  ,  et  le  rend 
incapable  d'éviter  le  coup  fatal ,  exécuté  à  l'instant  même  où 
il  se  voyait  assailli.  M.  Barton-Stnith ,    dans  un    Mémoire, 
composé  expressément  pour  réfuter  tout  ce  que  l'on  a  avancé 
sur  la  faculté  de  fascination  des  serpens  à  sonnettes,  rapporte 
plusieurs  faits  qui  prouvent  que  les  oiseaux  ne  se  montrent 

(1)  Voir  Lf.vaili.   ■>.    /'or. /'/\  ^H;  Barrow, /j    1/6; — ^  r^)  A.f,lia> 
2,  i\  ;  PoMP.  Mkla  1,  19. 


FABLES  ET  PREJUGES.  107 

effrayés,  que  lorsque  les  serpens  s'appiochent  de  leurs  nuls, 
pour  s'emparer  de  leur  progéniture;  c'est  alors  qu'on  voit  les 
parens  effrayés  voler  autour  (1(^  leur  ennemi,  en  poussant  des 
cris  plaintifs  ,  absolument  connue  font  nos  fauvettes,  quand 
quelqu'un  s'arrête  dans  le  voisinage  de  leur  nid.  Il  se  peut 
également  que  les'  animaux  qu'on  prétend  avoir  vu  sauter 
autour  du  serpent  et  enfin  tomber  dans  sa  gueule,  aient 
déjà  auparavant  été  atteint  de  la  dent  meurtrière  ,  ce  qui 
coïncide  parfaitement  avec  îa  manière  dont  les  serpens 
venimeux  proprement  dits  s'emparent  de  leur  proie.  Plu- 
sieurs serpens  d'arbre  saisissent  leur  proie ,  en  entortillant 
leur  queue  déliée  autour  du  cou  de  leur  victime  :  Dampier  (i) 
a  été  plusieurs  fois  témoin  de  ce  spectacle:  voyant  un  oiseau, 
battant  des  ailes  et  faisant  entendre  des  cris,  sans  qu'il 
s'envolât ,  ce  voyageur  ne  s'aperçut  que  le  pauvre  animal 
était  étreint  dans  les  replis  d'un  serpent ,  que  lorsqu'il  voulut 
le  prendre  de  la  main.  Russel  (2),  présentant  un  jour  une 
poule  à  un  Dipsas ,  cet  oiseau  donnait  au  bout  de  peu  de  temps 
les  signes  de  mort;  ne  concevant  pas  comment  la  morsure 
d'un  serpent  non  venimeux  et  de  si  petite  taille  pût  produire 
de  pareils  effets,  il  examina  soigneusement  la  poule,  et 
trouva  que  c'étaient  les  étreintes  de  la  queue  du  serpent 
autour  du  cou  de  la  poule,  qui  l'eussent  fait  périr  , 
s'il  n'avait  pas  eu  le  soin  de  la  dégager.  Plusieurs  oiseaux 
de  petite  taille  ont  la  coutume  de  poursuivre  les  oiseaux  de 
proie  et  d'autres  ennemis  de  leur  race  ,  ou  de  voler  autour 
du  lieu,  où  l'objet  de  leur  haine  se  tient  caché:  on  a  lieu  de 
croire  que  ce  phénomène ,  connu  en  Europe  de  tout  le 
monde,  ait  aussi  lieu  dans  les  contrées  exotiques,  et  peut- 
être  est-ce  encore  un  de  ceux  qui  ont  contribué  a  l'invention 
des  contes  que  l'on  a  débités  sur  le  pouvoir  de  fascination 
des  serpens. 

(1)   f'oyage  fil  p.  i-j'-i.  —  ^j)   llussiiL  T  p.  20. 


108  FABLES  ET  PREJUGES. 

Mais  j'ai  déjà  trop  longtemps  entrave  la  marche  de  mon 
ouvrage,  en  exposant  les  nombreuses  erreurs  dont  on  a 
défiguré  une  des  plus  belles  parties  des  sciences  naturelles,  et 
je  crois  devoir  ornmettre  les  fables  du  Basilic,  de  serpens 
bâtards  produits  par  la  copulation  d'anguilles  et  de  serpens, 
et  maintes  autres  aussi  étranges  qu'absurdes,  mais  qui  sont 
encore  accréditées  chez  beaucoup  de  monde.  Cependant, 
avant  de  terminer  cette  partie  de  mon  travail ,  je  parlerai  du 
pouvoir  magique  que  certaines  personnes  prétendent  savoir 
exercer  sur  les  serpens.  Ce  prétendu  art,  qui  a  fait  de  tout 
temps  et  chez  plusieurs  peuples  ,  l'occupation  d  une  caste 
particulière,  consiste  en  certains  jeux  que  les  serpens  exécu- 
tent au  gré  des  bateleurs,  qui  les  dressent  expressément 
à  cette  fm  :  comme  l'on  emploie  plus  spécialement  le  Naja  à 
lunettes  et  le  INaja  haje  ,  nous  avons  déjà  rapporté,  dans  ces 
deux  articles ,  la  manière  dont  on  se  sert  des  serpens  dans 
ces  jeux. 

Ces  bateleurs  existent  aujourd'hui  aux  Grandes  Indes  et  en 
l'Egypte  (i);  ceux  du  dernier  pays  se  vantent  être  les  descen- 
dans  des  Psylles  (2),  tribu  habitant  l'ancienne  Libye  et  les 
Indes,  et  célèbres  par  leurs  connaissances  dans  l'art  de  guérir 
les  morsures  des  serpens ,  et  de  s'en  garantir  eux-mêmes.  Un 
autre  peuple  ,  moins  connu  et  habitant  l'Italie  ,  étaient  les 
Marses  (3)  ;  on  sait  encore  moins  relativement  aux  Ophigènes  , 
dont  la  patrie  était  la  Grèce  (4). 

Parmi  les  peuples  les  plus  civilisés  de  l'Europe,  les  person- 
nes qui  prétendent  posséder  l'art  de  fasciner  les  serpens  se 
rencontrent    assez   rarement  :   ce    sont   le  plus  souvent  des 

(i)  Geoffr.  De.scr.  de  l'Éî^ypte  XXlV  p.  88.  —  (2)  Plin.  7  2; 
Aelian.  16,  37;  17  ,  27  ;  LucAN.  9,  891  ;  consultez  aussi  la  disser- 
tation de  M.  Spalding,  intitulée  «  IJber  die  Zauberei  durch  Schlangen  , 
et  insérée  dans  les  Mémoires  de  ï Académie  de  Berlin  i8o/j  —  1  i  ;  clasae 
historico-philolo^iiquc  p.  y  et  suiv.  —  (3)  Yirg.  Jeu.  7  ,  750;  Sil. 
ÏTAT,   8,  /,y5.  —  (4)  Plin.  7  ,  2j   Aeman.  12,  39. 


HISTOIRE  DE  L'OPHIOLOGIE.  109 

charlatans  igiiorans,  qui  en  imposent  au  bas  peuple,  cherchant 
à  l'effrayer  en  jouant  familièrement  avec  les  serpens  ,  dorit  ils 
ne  connaissent  souvent  que  les  espèces  non -venimeuses. 
M.  Lenz  a  consigné  dans  son  ouvrage  (i)  l'histoire  et  la  fin 
tragique  d'un  de  ces  prétendus  sorciers,  qui  paya  de  sa 
vie  une  témérité  fondée  sur  l'ignorance  absolue  de  la  nature 
des  vipères. 


HISTOIRE  DE  L'OPHIOLOGIE. 

En  traçant  dans  les  pages  suivantes  un  tableau  succinct  de 
l'histoire  de  l'ophiologie,  nous  nous  bornerons  à  faire  con- 
naître seulement  les  principaux  auteurs  qui  ont  plus  particu- 
lièrement contribués  aux  progrès  de  cette  partie  de  l'histoire 
naturelle,  considérée  comme  science. 

Les  premiers  renseignemens  de  cette  nature  se  trouvent 
dans  le  précieux  ouvrage  que  nous  a  laissé  Aristote  :  il 
résulte  de  ses  observations,  que  ce  grand  homme  a  fait  des 
recherches  assez  exactes  sur  la  nature  des  serpens  et  sur  leur 
anatomie(2);  mais  malheureusement  son  livre  est  défiguré 
par  plusieurs  préjugés  ,  en  vogue  de  son  temps  et  qu'il  rap- 
porte de  bonne  foi:  cet  auieur  ne  s'occupe  point  à  énumé- 
rer  les  espèces,  et  ne  parle  que  vaguement  de  l'Aspic  ,  de  la 
Vipère  et  des  serpens  en  général. 

La  grande  compilation  de  Pline  est  beaucoup  plus  riche  en 
faits  curieux,  maiserronnés,  que  le  travail  du  philosophe  grec 
dont  nous  venons  de  parler  ;  il  omet  la  plupart  des  détails 
anatomiques  fournis  par  Aristote,  mais  il  fait  mention  des 
principales  espèces  ,  connues  à  cette  époque,  et  prouve  par  sa 

(i)  Pa^.  192  suiv.  —  (2)  2,  12;  4,  iï;  5,  3;  5,  a8  ;  87 
37   et   19 ,   etc. 


ÏÎO  HISTOIRE  DE  L'OPHIOI.OGIE. 

ciesoription  des  crochets    de   la  Vipère  (i)  que  le  véritable 
siéfife  de  l'orsane  venimeux  n'était  pas  ig^noré  des  anciens. 

Do  1  O 

Élien  surpasse  encore  son  prédécesseur  par  le  grand  nom- 
bre d'erreurs  qu'il  rapporte  à  l'égard  des  moeurs  des  serpens, 
dont  il  décriv  plusieurs  espèces  ,  le  plus  souvent  d'après  ses 
devanciers. 

D'autres  écrivains  classiques,  tels  que  Nicandre,  Virgile, 
LucAiN,  etc.,  parlent  dans  leurs  ouvrages  plus  ou  moins  direc- 
tement des  serpens,  de  leurs  qualités,  des  effets  de  leur 
morsure  ;  mais  ces  productions  poétiques  ont  peu  contribué 
à  avancer  la  connaissance  d'animaux,  dont  les  anciens  ont 
ignoré  les  véritables  propriétés. 

Les  Grecs  comprenaient  indifféremment  tous  les  serpens 
sous  les  dénominations  universelles  de  dganoor  et  ôocptGj 
dérivées  des  verbes,  i^iQueiv  et  onreiv  ^  qui  signifient  toutes 
deux:  voir.  La  première  de  ces  dénominations  a  été  adoptée 
par  les  Latins,  mais  ce  peuple  se  servait  en  outre  des  noms 
généraux,  (Ccmgids  et  de  serpens^  pour  désigner  les  ophi- 
diens. Le  mot  allemand  Schiange  de  schlingen  a  une  étymologie 
analogue  au  latin  serpens  ,  de  serpere  ,  dont  les  Français 
ont  fait  leurs  mots  serpent  et  serpenter.  Plusieurs  autres 
noms,  en  usage  chez  les  anciens,  paraissent  avoir  été 
appliqués  assez  "vaguement  ,  quoique  dans  un  sens  très 
étendu  :  Élien  [p.)  par  exemple  énumère  seize  espèces  d'as- 
pics ,  tandis  qu'il  résulte  de  passages  d'autres  écrivains  (3) , 
que  l'Aspic  par  excellence  était  le  Naja  haje.  Il  n'est  guère 
possible  de  déterminer  au  juste  les  espèces  d'ophidiens 
connus  des  anciens,  vu  les  descriptions  incomplètes  qu'ils 
en  ont  fourni  :  aussi  n'est-ce  qu'en  hésitant  que  je  hasaide 
des    conjectures    à  cet    égard.    Les  voici  :   les  moeurs    que 

(i)   /.  c,    II,     6?..     —    (2)   /.  c.    10,    3i.     —    (3)   NiCâNDET.    in 
Thcriac.^  Luî^an.  9,  695;  Pmn.  8,  35. 


HISTOIRE  DE  L'OPHIOI.OGIE.  111 

Pline  i^i)  <-'t  Élieii  (2)  aLlribii<^iiLaii  J  ac  u  1  u  s,  coïncident  par- 
faitement avec  ceux  du  Cokiber  llavolineatus  ;  l'A  m  phi  s- 
baena  (3)  de  ces  auteurs  est  probablement  identique  avec 
notre  Éryx  j  letymologie  du  mot  Céraste  (1)  prouve  que 
c'est  encore  le  même  serpent ,  que  nous  connaissons  sous  ce 
nom  ;  Cuvier  a  supposé  avec  raison  ,  que  le  Bo  a  de  Pline  (5) 
n'est  qu'une  grande  Couleuvre  d'Italie ,  probablement  le 
Col.  quaterradiatus;  j'ai  lieu  de  croire  que  notre  Vipera 
Ecliis,  dont  la  tête  est  souvent  ornée  d'une  tache  blanche  ,  a 
servi  de  type  au  Basilic  de  la  Cyrenaique,  décrit  par 
Pline  (6);  il  se  peut  que  l'  Hy  d  re  (7)  du  naturaliste  romain 
repose  sur  notre  Tropidonote  à  collier,  mais  Elien  (8)  décrit 
incontestablement  sous  ce  même  nom  des  serpens  de  mer; 
les  Dipsas;  enfin,  les  Paria  et  d'autres  serpens,  dont 
les  auteurs  classiques  font  mention ,  sont  trop  vaguement 
indiqués  ,  pour  être  rapportés  à  leur  type. 

Ceux,  qui  cherchent  à  s'instruire  plus  en  détail  sur  les 
connaissances  que  les  anciens  ont  eues  des  serpens,  n'ont 
quà  consulter  l'ouvrage  du  savant  Gessner,  qui  a  en  outre 
réuni  dans  son  travail  toutes  les  fables  que  l'on  a  écrites  à  l'égard 
de  ces  êtres  dans  le  moyen  âge.  Nous  omettons  ces  renseigne- 
mens,  de  très  peu  d'intérêt  réel  pour  la  science,  qui  ne 
pouvait  non  plus  acquérir  de  la  solidité  par  des  travaux  tels 
que  ceux  d'Ai^DROvANDE  et  de  Jonston,  compilations  faites 
sans  goût  et  sans  génie,  et  dans  lesquelles  on  voit  répétés  soit 
les  innombrables  erreurs  de  leurs  devanciers,  soit  les  pré- 
jugés qui  ont  défiguré  l'histoire  de  l'ophiologie,  soit  même 
la  description  de  ces  êtres  chimériques ,  appelés  D  r  a  c  o  n  s , 
que  ces  érudits  n'ont  pas  laissé  d'illustrer  par  des  figures. 
Ray  fut  le  premier,  qui   essaya  de  donner  une  espèce  de 

(ij  /,  /.  8,  35.  —  (2)  /.c.  6,  18  et  8,  i3  —  (3)  Plin.  8,  35; 
Elien  9  ,  23.  —  (4)  Plin.  8 ,  35.  —  (5)8,  i4.  -  (6)8,23.— 
(7)   /.  r.   29,  22.   —   (8)  /.  c.    16,   8. 


112  HISTOIRE  DE  LOPHIOLOGIE. 

classification  des  serpens;  mais  son  système,  fdnclé  sur  une 
base  peu  solide,  est  abandonné  depuis  longtemps.  Ce  n'était 
que  dans  le  siècle  suivant,  que  parut  l'histoire  naturelle  des 
serpens  de  son  compatriote  Owen,  livre  écrit  sans  critique 
et   qui  fourmille    de   récits  erronnés   et   fabuleux. 

Plusieurs  iconographes  se  sont  signalés  dans  cette  période 
par  la  publication  de  recueils,  contenant  des  figures  d'histoire 
naturelle  plus  exactes  que  n'en  avaient  fournies  jusqu'alors 
leurs  prédécesseurs.    Il  convient   de   citer    en   premier  lieu 
ScHEucHZER,  qui  a  donné  dans  un  ouvrage  volumineux  et 
d'une  nature   hétérogène  un    bon   nombre   de  portraits  de 
serpens  en  noir,  dont  la  plupart,  quoique  médiocres,   sont 
assez  reconnaissables.  Sera,  qui  a   surpassé  tous  les  icono- 
graphes par  le  grand  nombre   de  figures  que  l'on   doit  à  ses 
soins,  a  représenté  dans  les  deux   premiers  volumes  de  son 
ouvrage,  les  serpens  qui  faisaient  partie  de  son  Musée,  un 
des  plus  riches  de  ce  temps;  plusieurs  de  ces  portraits  sont 
très  fidèlement  rendus,  d'autres  sont  passables,  quelques-uns 
assez  mauvais;  mais  la  plupart  sont  si  bizarrement  coloriés, 
qu'il  est  très  difficile  de  reconnaître  l'animal  qui  a  servi  de 
modèle.  Cet  auteur  ne  paraît  avoir  eu   en  vue  que  d'étaler 
dans  son  ouvrage  toute  cette  innombrable  série  d'objets  qui 
ornaient    son  cabinet:   les  figures  s'y   trouvent   accumulées 
sans  choix  et  sans  jugement;  le  même  serpent  y  est  souvent 
représenté  jusqu'à   dix  fois   et  davantage,   et   ces  différens 
portraits  d'un    même    animal   offrent    quelquefois    très-peu 
de  ressemblance^   vu   que   l'artiste  a    su   défigurer    chacun 
d'eux.    Le   te3>te    qui   accompagne    ces  planches ,  fourmille 
d'erreurs    et   de    fausses   données  par   rapport    à   la  patrie 
des   animaux  et  aux  noms   de  pays:    on  voit  à  l'évidence 
que  Seba  n'a  fait  que  rapporter  les  récits  des  marins,  dont 
l'avidité  inventait   des  mensonges,    pour  profiter  de  sa  cré- 
dulité. Au  lieu  do  tracer  en  peu  de  mots  les  caractères  essen- 
tiels des  animaux   figurés,   cet  ifonographe  s'arrête  souvent 


lïISTOlUK  DE  L'OPHIOLOGIE.  113 

à  la  description  cVuri  petit  point,  d'une  tache  ou  de  quelque 
autre  trait  insij^nifiant,  ce  qui  rend  son  texte  explicatif 
absolument  inutile.  Cependant,  ce  recueil  immense  a  fourni 
matière  à  beaucoup  de  naturalistes;  il  a  été  jusqu'à  nos  jours 
une  riche  mine  que  l'on  ne  cesse  de  fouiller  et  dont  plu- 
sieurs savans  ont  puisé  ces  connaissances  qu'ils  ont  ensuite 
mises  à  profit ,  pour  composer  des  ouvrages. 

L'histoire  naturelle  de  la  Floride,  publiée  par  Catesby,  à 
peu  près  dans  la  même  période,  est  encore  très  utile  pour 
connaître  les  productions  de  cette  contrée,  qui  depuis  n'a 
été  explorée,  sous  ce  rapport,  par  aucun  voyageur: les  figures 
qu'elle  contient  sont  pour  la  plupart  passables,  mais  plu- 
sieurs d'entre  elles  sont  rendues  avec  fort  peu  d'exactitude. 

Un  bon  nombre  de  figures  de  serpens,  assez  reconnaissables, 
se  trouvent  dans  le  Muséum  du  prince  Adolphe-Frédéric, 
ouvrage  publié  par  Linné,  et  qui  a  paru  avant  les  der- 
nières éditions  du  Systenia  naturae;  l'auteur  cite  lui-même 
un  second  volume  de  ce  travail,  et  a  été  suivi  à  cet  égard 
par  ses  successeurs,  quoique  ce  volume  ne  soit  jamais  par- 
venu à  la  connaissance  du  public.  C'est  à  ce  grand  homme, 
inventeur  de  la  méthode  dichotomique,  que  l'on  doit  la 
première  ébauche  d'une  véritable  classification  des  ophi- 
diens (i);  chez  lui,  ces  êtres  forment  la  seconde  tribu  de  la 
classe  des  Reptiles,  qu'il  caractérise  ainsi:  serpentes  apodes  ^ 
spirantes  ore.  Les  six  genres,  établis  par  lui,  reposent  sur 
des  caractères  empruntés  de  l'organisation  des  tégumens 
généraux.  Abstraction  faite  des  Amphisbènes  et  des  Céciles, 
qui  font  partie  chez  Linné  de  la  famille  des  ophidiens,  il  ne 
reste  que  les  genres  Crotale,  Boa,  Coluber  et  Anguis, 
distribués  d'après  la  forme  des  plaques  du  dessous  du  corps; 
le  premier  genre  comprend  tous  ces  serpens,  qui  ont  la 
queue  munie  d'un  appareil  bruyant,  connus  sous  le  nom  de 

(i)  Syst.   nat.  XTI  p.  347. 

8 


1  I  \  HISTOIRE  DE  L'OPHIOLOGIE. 

soîiîictles;  les  Boas  ne  se  disLingiient  des  Couleuvres  que  pur 
les  plaqeuîs  souscautlales  entières;  les  Anguis  enfin  offrent, 
en  dessous,  des  plaques  semblables  aux  écailles  des  autres 
parties.  Il  est  évident  qu'une  méthode,  basée  sur  des  carac- 
tères aussi  fugitifs  que  ceux  dont  se  servait  Linné  pour  la 
sienne,  devait  être  en  o])position  avec  la  nature;  aussi, toutes 
les  affinités  naturelles  qui  lient  les  diverses  espèces  d'ophi- 
diens ,  sont-elles  rompues  dans  son  Species;  on  y  voit  des 
Trigonocéphales  à  côté  des  Boas;  son  genre  Anguis  comprend 
a  la  fois  des  Scinques,  des  Tortrix,  des  Typhlops,  des  Hydro- 
phis  et  rOphisaurus  ;  le  reste  des  serpens  est  réparti  dans 
son  genre  Goluber,  où  figurent  pele-mele  des  Vipères,  des 
!^ythons,  des  Calamars,  des  Najas,  des  Flomalapsis,des  Dipsas, 
des  Dryiophis ,  etc. 

Tous  les  successeurs  de  Linnoeus,  ayant  en  quelque  sorte 
suivi  sa  méthode  que,  pour  ainsi  dire  ils  n'ont  qu'étendue, 
et,  se  laissant  guider  par  les  mêmes  principes,  il  s'ensuivit 
que  l'on  ne  pouvait  parvenir  à  établir  un  système  naturel.  Nous 
verrons  dans  la  suite  à  combien  d'erreurs  cette  manière  de 
voir  a  donné  lieu  ,   et  sur  quelle  fausse  route  elle  a  conduit. 

Klein  (i),  le  plus  souvent  guidé  dans  ses  travaux  par  un 
esprit  d'opposition,  a  rangé  parmi  les  serpens  plusieurs  anné- 
lides  et  même  des  vers  intestinaux;  les  vrais  serpens  se  trou- 
vent divisés  chez  lui  en  deux  classes  caractérisées  d'après  la 
forme  de  la  tête  et  de  la  queue:  ceux  où  la  tête  est  d'une 
venue  avec  le  tronc  et  qui  ont  la  queue  courte  et  arrondie, 
forment  les  genres  Amphisbène  et  Scytale;  l'autre  classe  com- 
prend les  Kynodons  ou  serpens  venimeux,  dont  il  distingue 
les  Vipères,  les  Najas  et  les  Crotales;  les  serpens  non-veni- 
meux ,  enfin ,  sont  distribués  dans  les  genres  Ichthyodon , 
Lytaidon  et  Anodon,  genres  établis  d'après  la  nature  des 
dents. 

(t)    Tentamen  Herpetologiœ.  Kônigsb.   J755. 


HISTOIRE  DE  L'OPHIOLOGIE.  1 1  5 

On  voit  que  cet  auteur  est  le  premier  qui  ait  proposé  de 
séparer  les  serpens  venimeux  des  non-venimeux  ;  ce  n'est  que 
dans  la  suite  que  Gra^v  (i)  s'est  expressément  attaché  à  décou- 
vrir des  traits ,  pour  caractériser  ces  deux,  divisions  :  le  résul- 
tat de  ses  recherches  est ,  qu'il  n'y  a  d'autre  moyen  de  recon- 
naître les  venimeux,  que  de  s'assurer  de  la  présence  des 
crochets:  ce  mémoire  contient  plusieurs  bonnes  observations 
sur  le  système  dentaire  des  serpens. 

La  grande  réputation  que  s'est  acquise  Làurentius  (2)  en 
publiant  son  Synopsis,  n'est  rien  moins  que  méritée  en  sa 
qualité  de  méthodiste.  Son  troisième  ordre  des  Reptiles  com- 
prend les  serpens  qui  se  trouvent  distribués  dans  les  genres 
Chalcides  ,  Caecilia  ,  Amphisbsena,  Anguis,  Natrix  ,  Cérastes, 
Coronella  ,  Boa,  Dipsas,  Naja,  Caudisona,  Goluber ,  Vipera  , 
Cobra,  Aspis,  Constrictor  et  Laticauda.  Les  nombreuses 
espèces  dont  il  a  enrichi  son  tableau,  ayant  été  en  grande 
partie  établies  et  caractérisées  d'après  des  figures  de  Seba,sont 
pour  la  plupart  purement  nominales,  comme  on  peut  le  voir 
en  analysant  sf!S  genres  Naja,  Boa  et  Constrictor  j  d'un  autre 
côté  il  suffit  d'analyser  ses  genres  Natrix  ,  Cérastes  et  autres  , 
pour  se  convaincre  du  peu  de  certitude  qui  règne  dans  ses 
vues  ,  relativement  aux  caractères  qu'il  établit  pour  désigner 
ces  coupes  artificielles. 

L'ordre  des  serpens,  tel  qu'il  existe  dans^Védition  du  système 
de  la  nature,  publiée  par  Gmelin  (3) ,  ne  diffère  de  celui  de 
son  véritable  auteur  que  par  l'addition  des  espèces ,  décrites 
jusqu'à  cette  époque  par  divers  savans  et  voyageurs. 

C'est  à-peu-près  à  la  même  époque  qu'a  paru  le  travail  (4) 
de  Datjbenton  sur  les   reptiles ,  en   forme  de  dictionnaire  : 

(i)  PhiL  Trans.  w/.  79  P.  1  p.  21  suiv.  —  (2)  Syn.  Rept,  Vienne 
1768.  —  (3)  LiNN.  Syst.  nat.  ed,  13  cura  Gmel.  Lips,  1788.  —  (4)  IJ 
fait  partie  de  VEncyclopédie  méthodique  dont  le  premier  volume  a 
paru  en  1782.  — 


IIG  HISTOflU:  DE  L'OPHIOLOGIK. 

travail  rarement  consulté,  quoiqu'il  ait  servi  de  base  à  ceux 
de  Lacépède  et  de  Bonnaterre  (i). 

Dans  le  grand  ouvrage  du  comte  de  Lacépède  ,  les  serpens 
composent  un  quatrième  ordre  de  la  classe  des  reptiles,  opposé 
aux  trois  premiers  qui  forment  ceux  des  quadrupèdes  ovipares  à 
queue,  sans  queue,  et  des  bipèdes  ovipares.  En  adoptant  les  six 
genres  de  serpens  inventés  par  Linné  ,  le  continuateur  de  But- 
fou  y  a  joint  les  Langahas  et  l'Acrocliorde,  d'après  les  indica- 
tions deBruguières  et  deHornstedt;  car  ce  n'est  qu'une  quinzaine 
d'années  plus  tard  qu'ont  été  établis  les  genres  Erpéton  , 
Leioselasme,  Disteire  et  Trimeresure.  Ce  travail  se  recom- 
mande i»ar  la  beauté  du  style,  poétique  en  beaucoup  d'endroits, 
(juoique  les  faits  qui  font  la.  base  de  ses  raisonnemens , 
ne  soient  pas  toujours  conformes  à  la  vérité;  les  descrip- 
tions, plus  étendues  que  celles  de  ses  devanciers,  pèchent 
rarement  contre  l'exactitude,  mais  elles  sont  loin  de  suffire 
à  une  détermination  rigoureuse  des  espèces.  Les  figures  qui 
servent  à  illustrer  cet  ouvrage,  sont  médiocres  et  quelques- 
unes  même  assez  mauvaises. 

Ce  n'était  qu'une  dixaine  d  années  après  la  publication  de 
l'histoire  naturelle  des  reptiles  de  L'^cépède,  qu'il  en  parut 
une  traduction  allemande,  de  la  plume  du  célèbre  Bechstein; 
ce  savant  dépourvu  de  connaissances  dans  cette  paitie  de  la 
science,  a  réuni  dans  cette  traduction  tout  ce  qui  était  connu 
de  son  temps  sur  les  reptiles,  et  a  fait  copier  un  grand  nombre 
de  figures  de  Seba ,  de  Russel ,  de  Merrem  et  d'autres;  j'ai 
quelquefois  cité  celte  compilation,  dans  laquelle  Bechstein  a 
consiofné  de  très  bonnes  observations  orio^inales  sur  les 
ophidiens  indigènes. 

La  classification  des  reptiles  proposée  en  1799  par  M.  Al. 
Brongniart  ('2)  ,  est  basée  sur  l'ensemble  de  forganisation  et 

^1)  Encycl.  mélhod,  Paris  1802.  —  (2)  Bidlelin  de  la  .soc,  philom, 
3^  Année  n.^  35  et  36- 


HISTOIRE  DE  L'OFHIOLOGIi:.  M? 

re])ose  sur  des  principes  trop  solides  poiu'  ne  pas  èlie  adoptée 
parles  naturalistes.  (Vest  à  ce  savant  qu'on  doit  l'invention  des 
quatre  ordres  ,  tels  qu'ils  existent  encore  aujourd'hui;  mais 
comme  il  donne  pour  marques  distinctives  des  ophidiens  ; 
point  de  pattes ,  corps  alongé  et  cylindrique  ,  il  est  évident 
que  ni  les  Anguis,  ni  les  Céciles  devaient  être  exclues  de  cet 
ordre;  Brongniart  y  a  rangé,  pour  le  reste ,  les  genres  adoptés 
par  Lacépède,  toutefois  en  y  joignant  celui  des  Vipères  qui 
comprend  plusieurs  serpens  venimeux. 

Schneider,  traitant  les  sciences  natuielles  en  homme  de 
lettres,  a  créé  les  genres  Hydrus,  Pseudo-13oa  et  Elaps , 
pour  y  classer  des  serpens  de  nature  assez  hétérogène:  on 
voit  figurer  dans  le  premier,  à  côté  des  vrais  Hydropliis  , 
TAcrochorde  et  des  Tropidonotes,  tandis  que  les  deux  der- 
niers genres  offrent  un  mélange  confus  de  serpens  assez 
distincts  les  uns  des  autres. 

Il  est  difficile  de  comprendre  pourquoi  Latî\eille  a  pré- 
féré à  la  classification  de  Brongniart ,  une  méthode  analooue 
à  celle  de  Lacépède.  En  parcourant  le  travail  qu'il  a  puhlié, 
et  qui  est  orné  de  jolies  figures  en  miniature,  mais  d'aucun 
intérêt  pour  la  science,  on  remarque  que  ce  savant  entomo- 
logiste s'est  presque  uniquement  servi ,  pour  composer  son 
ouvrage,  des  matériaux  fournis  par  Seba  et  par  Lacéjjède  ,  ainsi 
que  de  quelques  observations  de  voyageurs.  11  a  cependant 
étendu  le  cadre  des  genres,  en  créant  ceux  de  Scytale,  llété- 
rodon  ,  Plature  ,  Hydrophis,  Enhydrus  ,  et  en  établissant  des 
subdivisions  dans  ceux  de  Couleuvre  et  de  Vipère. 

La  seconde  partie  du  troisième  volume  de  la  General 
Zoologie  de  Shaw  ,  publiée  en  1802,  contient  la  description 
des  serpens:  ce  travail  n'offre  de  toute  part  qu'une  compila-' 
tion  indigeste  et  stérile  ;  les  espèces  nouvelles  que  l'auteur  fait 
connaître  sont  en  très  petit  nombre;  il  paraît  que  Shaw  s'est 
servi,  pour  les  serpens  de  mer,  des  objets  rapportés  par 
Russel. 


.[18  HISTOIRE  DE  L'OPHIOLOGIE. 

Le  travail  le  plus  complet  qui  ait  paru  sur  les  ophidiens 
est  celui  de  Daudin  ;  il  fait  partie  de  son  histoire  natu- 
relle des  reptiles,  puhliée  en  1802  et  années  suivantes. 
L'auteur  a  suivi  la  méthode  de  Brongniart ,  mais  on  lui 
doit  rinvention  de  plusieurs  genres:  à  l'exemple  de  Russel, 
il  a  séparé  les  Pythons  des  Boas  ;  son  genre  Bongare  n'a 
subi  jusqu'à  ce  jour  aucun  changement  ;  celui  de  Vipère 
comprend  chez  lui  la  plupart  des  serpens  venimeux  propre- 
ment dits;  ses  genres  Lachesis  ,  Hurriah  ,  Eryx,  etc.,  n'ont 
été  rejetés  que  par  moi,  tandis  que  d'autres,  tels  que  ceux  de 
Coralle  et  Glothonie,  n'ont  jamais  été  adoptés  par  les  natura- 
listes. Les  descriptions  de  Daudin  sont  le  plus  souvent  assez 
détaillées;  mais  comme  il  manque  de  connaissances  solides 
et  élémentaires,  et  dominé  par  l'esprit  de  contradiction, 
cet  auteur,  peu  exercé  à  la  critique,  commet  souvent  des 
erreurs  assez  graves.  Les  figures  dont  son  ouvrage  est  orné  , 
valent  mieux  que  celles  de  Lacépède  ;  mais  réduites  dans  de 
trop  petites  proportions  ,  la  pliipart  pèchent  contre  l'exacti- 
tude. Daudin  a  mis  à  profit  les  nombreux  matériaux  ,  fournis 
par  les  iconographies  de  P/Ierrem  et  de  Russel ,  et  publiées 
en  partie  avant  l'époque  à  laquelle  il  écrivit. 

Le  premier  des  ouvrages  que  nous  venons  de  citer ,  les 
Beltrâge  de  Merrem,  contient  des  figures  très  reconnaissables 
de  serpens,  accompagnées  de  bonnes  descriptions.  Le  second 
est  le  recueil  le  plus  vaste  et  le  plus  riche ,  qui  ait  jamais 
paru  pour  illustrer  cette  partie  d'une  faune  qui  traite  des 
ophidiens.  Les  portraits  qu'il  contient  ,  principalement  ceux 
du  second  volume  ,  sont  pour  la  plupart  très  exacts  ,  quoi- 
qu'on puisse  reprocher  aux  artistes  ,  d'avoir  souvent  négligé 
de  faire  usage  des  nombreux  moyens  que  l'art  moderne 
offre ,  et  dont  les  peintres  français  ont  su  si  adroitement 
tirer  parti.  On  est  redevable  à  Russel  de  plusieurs  bonnes 
observations  sur  les  habitudes  des  serpens  :  les  expériences  , 
qu'il    a  faites    sur  les    effets  de   la   morsure   de  ces  êtres  , 


HISTOIKK  OK  J.  OPaiOLOGlE.  IID 

mentent  d'être  citées:  aussi  ses  successeurs  oiii-ils  eu  suiii 
d'en  faire  passer  l'extrait  dans  leurs  ouvrages. 

De  toutes  les  ligures  qui  ont  paru  jusqu'à  ce  jour  sur 
l'histoire  naturelle  des  animaux ,  celles  qui  se  trouvent  dans 
\e  grand  ouvrage  sur  V Egypte,  sont  sans  contredit  les  plus 
parfaites  sous  le  rapport  de  la  fidélité  avec  laquelle  elles 
représentent  les  objets.  Le  texte  explicatif  de  ces  planches 
n'a  été  publié  que  très  récemment ,  et  encore  n'embrasse-t-il 
que  la  première  partie;  les  o])jets,  représentés  par  Savigny 
dans  le  supplément,  ayant  été  perdus. 

Une  nouvelle  classification  des  reptiles ,  insérée  d'abord 
dans  les  Annales  des  sciences  naturelles  a  été  publiée  sépa- 
rément en  1811  à  Munich.  L'auteur,  feu  Oppel  ,  s'écarte 
sous  beaucoup  de  rapports,  de  ses  prédécesseurs.  En  adoptant 
les  quatre  ordres  établis  par  Brongniart ,  il  y  a  apporté  de 
nombreuses  modifications,  en  réunissant  les  Sauriens  et  les 
Ophidiens  comme  subdivisions  de  son  ordre  Squamata,  en 
rangeant  les  Orvets  parmi  les  Sauriens,  et  en  plaçant,  d'après 
les  indications  de  M.  Duméril,les  Géciles  dans  l'ordre  des  Batra- 
ciens. Ce  système,  plus  naturel  qu'aucun  autre  publié  par  la 
suite ,  n'a  été  goûté  que  de  nos  temps.  On  doit  à  feu  Oppel 
l'établissement  de  plusieurs  genres  assez  naturels,  tels  que 
Tortrix,  Trigonocéphalus,  Vipera,  etc.;  mais  il  a  porté  la 
confusion  dans  le  système  en  réunissant  les  Bongares  sous  la 
dénomination  générique  de  Pseudo-Boa,  tandis  qu'il  applique 
ce  premier  nom  aux  Dipsas.  Les  sept  familles  qu  il  a  créées 
pour  subdiviser  les  ophidiens  sont  fondées  sur  un  trop 
petit  nombre  d'observations ,  pour  être  utiles  de  nos 
temps:  quelques-unes  même  sont  très  peu  naturelles;  par 
exemple  celle  des  Pseudo- vipères  qui  comprend  les  genres 
Acrochorde  et  Erpéton;  puis  les  Vipérins,  où  se  trouvent 
réunis  les  Vipères ,  les  Bongares  et  les  Najas,  etc. 

J'arrive  maintenant  aux  travaux  que  Cuvier  a  faits  sur  les 
serpens.  i'ondés  sur  des  observations  cpi'il  a  d'abord  insérées 


120  HISTOIRE  DE  L'OPHIOLOGIE. 

dans  son  Anatomie  comparée,  cet  illustre  savant  a  publié  en 
1817  une  classification  des  ophidiens  (i)  ,  dont  nous  donne- 
rons l'aperçu  ;  reproduite  depuis  dans  la  seconde  édition  du 
livre  qui  la  contient,  on  n'y  a  rien  changé  d'essentiel ,  sinon 
qu'elle  embrasse  quelques  genres  de  plus;  c'est  pourquoi 
nous  nous  servirons  ,  pour  notre  extrait ,  de  ce  dernier  tra- 
vail. Cuvier,  ayant  classé  dans  l'ordre  des  ophidiens  tous  les 
reptiles  apodes,  il  s'ensuit  que  des  êtres  d'une  organisation 
différente  de  celle  des  serpens,  tels  que  les  Anguis,  les  Pseu- 
dopus  ,  les  Céciles  en  devaient  faire  partie.  La  première 
famille,  celle  des  Anguis,  comprend  les  genres  Anguis, 
Pseudopus,  Ophisaurus  et  Acontias.  La  seconde  famille, 
celle  des  vrais  scupens,  se  trouve  subdivisée  en  deux  tribus: 
celle  des  Doubles-marcheurs  ,  qui  contient  les  genres  Amphis- 
bène  et  Typhlops  ,  et  celle  des  serpens  proprement  dits  qui  , 
embrassant  tout  le  reste  des  ophidiens  ,  se  divise  de  nouveau 
ne  coupes.  Viennent  d'abord  les  non-venimeux,  distribués 
dans  les  genres  Tortrix,  Boa  ,  Coluber  et  Acrochordus,  genres 
que  l'on  pourrait  très  bien  appeler  familles,  et  dont  la 
plupart  sont  composés  de  plusieurs  sous-genres  peu  naturels: 
à  côté  des  Boas  figure  le  Scytale  coronata,  l'Eryx  et  l'Er- 
péton  ;  parmi  les  Couleuvres  sont  confondus  les  Pythons  , 
les  Homalopsis(i) ,  le  Xénopeitis,  l'Hétérodon  ,  les  serpens 
d'arbre  et  l'Oligodon.  Les  serpens  venimeux  sont  'divisés 
en  venimeux  proprement  dits  ,  ou  à  crochets  isolés  et 
en  venimeux  dont  les  armes  dangereuses  sont  suivies  de 
plusieurs  autres  dents  solides.  La  première  de  ces  deux  familles 
est  établie  en  faveur  de  celle  des  Crotales,  des  Trigonocé- 
phales,  des  Vipères,  des  Najas,  des  Élaps ,  du  Plature,  du 
Langaha,  et  de  plusieurs  autres  sous-genres  nouveaux,  mais 
de  trop  peu  d'importance  pour  être  nommés  ici  ;  la  deuxième 
famille  comprend  les  Bongares,  les  serpens  de  mer  et  J'Acro- 

fi)  Le  lir^f/r  animal,  vol.  JI.^  (2^  Ccmr  Ccrbcrus,  de  M,  Cuvier. 


fllSlOUΠ  DE  L'OPHIOLOGIE.  121 

cliordoïdc  sous  le  nom  de  (Jhersydriis.  LesCéciles,  comme 
troisième  tribu ,  terminent  l'ordre  des  ophidiens.  En  passant 
de  revue  cette  classification,  nous  nous  bornons  à  observer 
que  Cuvier  ,  attachant  trop  d'importance  au  système  dentaire 
des  serpens  et  à  la  forme  des  plaques  du  dessous,  s'est  écarté 
à  beaucoup  d  égards  du  système  naturel.  Du  moins  ,  il  me 
semble  qu'une  réunion  telle  que  des  Hydrophis  ,  des  Bon- 
gares  et  de  l'Acrochordoïde  ne  peut  convenir  dans  aucune 
méthode,  soit  artificielle,  soit  naturelle.  Comment  se  fait-il 
que  les  Elaps  et  les  Najas,  ophidiens  dont  le  maxillaire  est 
garni,  outre  les  crochets  ,  de  dents  solides,  aient  été  rangés 
parmi  les  serpens  venimeux  à  crochets  isolés  !  Le  Langaha 
s'y  trouve  également,  quoique  ni  ses  formes  ,  ni  son  organi- 
sation n'offrent  les  moindres  rapports  avec  les  serpens  veni- 
meux. On  voit  dans  ce  système,  les  Boas,  les  Pythons  et  les 
Acrochordes  figurer  dans  quatre  familles  diverses.  Le  Scytale 
couronné  et  l'Eryx  font  partie  du  genre  Boa;  les  Uropeltis  , 
(de  véritables  Typhlops) ,  se  trouvent  à  la  suite  des  Tortrix  , 
tandis  que  le  Xenopeltis  en  a  été  exclu ,  pour  prendre  place 
parmi  les  Couleuvres.  Ces  observations  suffiront  pour  faire 
voir  à  combien  d  erreurs  a  donné  lieu  le  principe  de  classer 
les  serpens  d'après  la  conformation  des  plaques  sous-caudales. 
Outre  les  ouvrages  de  Lacépède  ,  deLatreille  et  de  Daudin , 
on  ne  possède  d'énumération  complète  des  espèces  connues 
de  serpens  que  celle  publiée  en  1820  par  Merrem(i).  L'au- 
teur, en  adoptant  les  grandes  divisions  des  ophidiens  en 
venimeux  et  innocens,  a  rangé  la  plupart  des  derniers  dans 
le  genre  Coluber,  dénomination  qu'il  a  changée  très  mal-à- 
propos ,  en  celle  de  Natrix;  il  termine  la  longue  série  de  ces 
êtres  par  le  genre  Dryinus.  A  la  tête  des  serpens  non-veni- 
meux se  trouvent  rangés,  dans  l'ordre  suivant,  les  autres 
genres  de  cette  famille:    i ,)  l'Acrochorde;  a,)  le  Rhinopirus^ 

^i)    Tentamen   systernatis  amphihionim. 


122  HISTOIRE  DE  L'OPHIOLOGIE. 

nom  remplaçant  celui  d'Erpéton;  3)  les  Tortrix,  mélange 
clés  genres  Tortrix ,  Eryx ,  Typhlops ,  Acontias ,  etc.  ;  4)  l'Eryx; 
5  et  6)  les  Boas  et  les  Pythons,  genres  qui  comprennent  un 
grand  nombre  d'espèces  hétérogènes;  y)  les  Scytale,  mélange 
confus,  auxquels  suivent  les  Hurriahs,  réunion  d'espèces 
aussi  insensée  que  le  nom  qui  a  servi  pour  les  désigner. 
Merrem  a  eu  soin  d'adopter,  pour  distribuer  les  serpens 
venimeux  ^  presque  toutes  les  dénominations  génériques  , 
inventées  par  ses  devanciers;  il  a  multiplié  leur  nombre  en 
y  ajoutant  plusieurs  nouvelles:  son  Sépédon  est  établi  en  fa- 
veur de  THémachate;  ses  Pélias  embrassent  une  Vipère  et  un 
Trigonocéphale;  ses  Echis  reposent  sur  des  Vipères,  etc.;  mais 
ce  savant  a,  sans  la  moindre  nécessité  ,  fait  plusieurs  chan- 
gemens  dans  la  nomenclature  :  telles  sont  l'introduction  des 
noms  génériques  d' Acanthophis ,  d'Echidna,  deCophiaset  de 
Natrix  remplaçant  ceux  anciennement /eçus  d'Ophryas,  de 
Vipera,  de  Trigonocephaîus  et  de  Coluber. 

C'est  à-peu-près  de  cette  même  époque  que  datent  les  tra- 
vaux étendus  que  feu  H.  Boie  a  faits  sur  les  reptiles.  Ce  natu- 
raliste zélé  et  infatigable,  en  disposant  des  matériaux  que  lui 
offraient  la  collection  de  serpens  du  musée  des  Pays-Bas,  a 
imaginé  un  grand  nombre  de  coupes  génériques,  établies  en 
majeure  partie  aux  dépens  de  celles  déjà  connues  antérieu- 
rement. La  publication  du  grand  ouvrage,  dans  lequel  Boie  a 
déposé  ses  recherches,  ayant  été  entravée  jusqu'à  ce  jour,  il 
est  arrivé  que  des  extraits  ont  été  communiqués  à  plusieurs 
erpétologistes ,  qui  se  sont  empressés  d'adopter  les  vues  de 
feu  Boie,  avant  que  les  travaux  originaux  aient  pu  parvenir  à 
la  connaissance  du  pubhc.  Ce  n'était  qu'en  1827  que  M.  Fr. 
Boie  de  Kiel  a  communiqué  l'aperçu  des  recherches  de  son 
frère,  enrichi  de  ses  propres  observations;  voici  les  noms  des 
genres  nouveaux  d'ophidiens,  consignés  dans  l'ouvrage  de 
feu  Boie:  Xenopeltis  (Reinwardt)  ;  Brachyorrhos  (Kuhl); 
Lycoflon    fBoie)  ;  Oligodon   (Boie);   Amblycephalus  (Kuhl); 


HISTOIUK  DE  L'OPHIOLOGIE.  123 

Elapodis  (Boie)  ;  Homalopsis  (Kuhl)  ;  Xenodon  (Boie)  ;  Tro- 
pklonotus  (Kuhl);  Erpetodryas  (Boie);   Dendrophis  (Boie); 
Psammopliis  (Boie)  ;  et  Chrysopelea  (Boie).  La  partie  spéciale 
de  mon  livre  étant  en  quelque  sorte  basée  sur  les  travaux  de 
Boie,  on  peut ,  en  consultant  le  mémoire  que  je  viens  de  citer, 
voir  en  quoi  mes  vues  diffèrent  de  celles  de  mon  prédécesseur. 
On  vit    paraître   à    la    même   époque  plusieurs   ouvrages 
iconographiques,  et  des  observations  relatives  à  l'illustration 
de  la  faune  du  Brésil ,  qui  ont  beaucoup  contribué  à  l'éclaircis- 
sement  d'une  des  partie  les  plus  embrouillées  de  la  science. 
Les  travaux  du  Phiînce  de  Neuwied  méritent  d'être  cités  en 
premier  lieu;  cet  auguste  voyageur  étant  presque  le  seul  qui 
ait  fait  des   observations  sur  les  habitudes  des  serpens  exo- 
tiques, son  livre  appartient  au  nombre  des  plus  précieux  qui 
aient  jamais  paru  sur  l'Erpétologie:  ses  descriptions  exactes, 
quoique  minutieuses,  ne  laissent  pas   d'être  très  utiles;   les 
planches    qui   servent   à   les  illustrer ,    sont   exécutées   avec 
soin ,  et  représentent  les  objets  avec  exectitude.  On  regrette 
de  ne  pouvoir  attribuer  les  mêmes  qualités  à  celles  publiées 
•   par  Waglepi    d'après    les    sujets  recueillis   lors  des  voyages 
de  M.  Spix:  on  voit  introduit  dans  son  livre,  sous  de  nou- 
veaux noms,  les  espèces  les  plus  communes;  la  même  espèce 
se  trouve  quelquefois  figurée  sous  plusieurs  dénominations 
diverses    et    même    disposée    en    des  genres  différens;   des 
espèces  recueillies  en  Espagne  y  sont  décrites  comme  habi- 
tant le  Brésil;   le  nombre  des  genres  a  été   augmenté  sans 
les  moindres   apparences  de   nécessité;  on    à  arbitrairement 
substitué  de  nouvelles  dénominations   génériques    aux    an- 
ciennes; l'auteur,  en  surchargeant  ses  descriptions  de  détails 
oiseux,  les  a  rendues  diffuses:  en  un  mot,  les  défauts  dont 
fourmille  cet  ouvrage,  ne  sont  guère  compatibles   avec  l'os- 
tentation  déployée  dans  cette  publication  et  dans  des  pb  li- 
cations  analogues. 

(i)    Isis  vol.   XX   p.   5o8  suiv.  N 


124  HISTOIRE  DE  L'OPHIOLOGIE. 

La  tendance  de  l'ouvrage  de  M.  Fitzinger,  étant  de 
distribuer  les  reptiles  d'après  leurs  affinités  naturelles,  cet 
erpétologiste  a  réuni  aux  sauriens  les  ophidiens,  qui  se  trou- 
vent divisés  en  plusieurs  familles;  les  dénominations  dont 
il  s'est  servi  pour  désigner  les  nombreuses  coupes  génériques 
qu'il  a  crées,  sont  en  grande  partie  empruntées  de  la  no- 
menclature barbare  de  Seba  ;  une  énumération  des  espèces 
d'ophidiens  faisant  partie  du  Musée  de  Vienne  et  annexée  à 
son  opuscule,  peut  servir  à  illustrer  sa  manière  de  voir.  La 
mienne  s'en  éloignant  sous  beaucoup  d'égards,  je  rapporte 
ici  quelques  faits  épars  de  son  livre,  afin  que  l'on  puisse  s'en 
servir  comme  point  de  comparaison  :  le  genre  Duberria  de 
M.  Fitzinger,  embrasse  des  espèces  qui  font  partie  chez  nous 
des  genres  Calamar,  Goluber,  Xenodon  ,  Coronella,  Naja  et 
Lycodon;  on  voit  rangé' parmi  ses  Couleuvres,  des  Coronelles, 
des  Psammophis,  des  Lycodons,  des  Xénodons,  des  Herpé- 
todryas,  des  Dipsas,  des  Tropidonotes  et  des  Couleuvres 
proprement  dites;  dans  sa  famille  des  Colubroïdes  sont 
réunis  l'Acrochorde,  des  Hydrophis,  l'Elrpéton,  le  Xéno- 
peltis  ,  enfin,  tout  le  reste  des  serpens  non-venimeux,  a  l'ex- 
ception des  Tortrix  et  des  Boas;  mais  les  deux  familles  subsé- 
quentes contiennent  chacune  des  serpens  de  mer,  qui  figurent 
à  côté  des  Vipères  ,  ou  Elaps  et  des  Najas,  genres  éloignés  l'un 
de  l'autre  pour  prendre  place  dans  deux  familles  distinctes. 

La  nature  du  système,  publié  récemment  par  feu  Wagler,  s'op- 
pose à  toute  analyse:  toujours  entraîné  parla  fougue  d'une  ima- 
gination ardente,  guidé  souvent  par  des  principes  qui  devaient 
à  jamais  demeurer  étrangers  à  la  science,  anticipant  l'esprit 
de  son  temps,  ce  laborieux  zoologiste  a  créé  un  système 
où  sont  accumulés  pêle-mêle,  les  serpens  venimeux  avec  les 
innocens,  les  serpens  de  mer  avec  ceux  de  terre,  les  serpens 
d'eau  douce  avec  ceux  qui  habitent  les  arbres:  un  système  ap- 
puyé par  d'amples  mais  ingér)ieux  raisonnemens  souvent  forcés 

et  plus  j)ji\isans  que  justes;  système  dans  lequel  il  établit  une 


HISTOIKE   DE  L'OPHIOLOGIE.  125 

foulede  coupes  nouvelleiiient  inventées,  dont  le  nombre  seul 
t'ait  trembler  la  mémoire  la  plus  heureuse.  —  Ce  même  écrivain 
s'est  rendu  utile  par  la  publication  de  planches  erpétologiques. 

11  me  reste  à  parler  de  M.  Lenz,  qui  a  étudié,  jusque  dans 
les  moindres  détails,  les  moeurs  et  les  habitudes  des  serpens 
indigènes.  J'ai  eu  souvent  recours  aux  observations  classiques 
de  ce  naturaliste,  qui  se  trouvent  consignées  dans  une  espèce 
d'histoire  naturelle  générale  des  serpens,  écrite  dans  un  style 
populaire  souvent  diffus,  mais  qui  décèle  que  l'auteur  est  plus 
familier  avec  la  littérature  de  cette  partie  de  la  science  qu'avec 
les  objets  mêmes. 

J  omets  plusieurs  autres  tentatives  faites  par  des  anato- 
mistes  ou  par  des  philosophes,  pour  établir  des  systèmes 
naturels  des  serpens  :  il  suffit  de  citer  comme  exemple  des 
essais  d'un  tel  genre  celui  de  M.  Rietgen  ,  inséré  dans  le  £4'"^ 
-volume^  o}^^  partie  pcig.  245  et sawantes  des  Transactions  de 
V Académie  Léopoldine,  Beaucoup  d'autres  savans,  enfin,  ont 
contribué  aux  progrès  de  l'ophiologie  en  publiant  des  obser- 
vations  isolées.  Des  voyageurs  ont  enrichi  leurs  journaux 
de  nombreux  faits  épars,  relatifs  aux  mœurs  des  serpens,  dans 
lesquels  ils  ont  décrit  des  espèces  inédites:  à  ce  nombre  appar- 
tiennent Pallas,  Hasselquist,  Forskâl,  Bruce,  Bartram,  Bosc, 
Palisot  de  Bauvais  ,  Paterson ,  Russel ,  M  .  Mérian ,  Marcgrav, 
Mikan,  Raddi, le  prince  deNeuwied,Spix,  Say  ,  Davy,  White, 
Lesson,  Wiegmnnn  et  beaucoup  d'autres  que  nous  auronssoin 
de  citer  en  parlant  de  leurs  ouvrages.  D'autres  naturalistes  se 
sont  attachés  à  décrire  ou  àénumerer  les  ophidiens  d'un  certain 
pays,  ou  de  rassembler  du  moins  des  matériaux  pour  les 
faunes  des  diverses  contrées  du  globe.  Outre  les  grands  ouvra- 
ges déjà  mentionnés  sur  les  Indes  orientales,  le  Brésil ,  l'Améri- 
que du  Nord  et  sur  l'Egypte,  se  distinguent  particulièrement 
sous  ce  rapport  la  monographie  des  serpens  des  environs  de 
Rome  par  Metaxa;  de  la  Hongrie,  publiée  par  Frivaldszky;  de  la 
Suisse  par  Wyder;  delaLithuanieparDiùmpelmann;  de  l'Italie 


I2(>  REVUE  SYi% OPTIQUE. 

par  le  Prince  de  Miisignanoj  de  l'Allemagne  par  Sturni;  de  lu 
Hollande  par  van  Lier ,  et  de  l'Amérique  septentrionale  par 
Harlan.  Plusieurs  savans  tels  que  Wolf,  Meissner,  Wagner  y 
Boie,  Vosmaer,  Fleischman,  Boddaert ,  Gronovius,  Bell,  Grav, 
Lichtenstein ,  Brandt  et  Batzeburg ,  et  maints  autres,  ont 
publié  des  observations  détachées  sur  la  nature  des  serpens, 
ou  ont  étendu  le  cadre  de  nos  connaissances,  par  les  descrip- 
tions qu'ils  ont  données  de  nouvelles  espèces. 

Il  importe  ,  enfin  ,  de  faire  mention  des  travaux  dont  les 
anat  omis  tes  et  les  physiologistes  ont,  notamment  dans 
les  temps  récens ,  éclairé  l'ophiologie.  Les  belles  et  nom- 
breuses expériences ,  faites  sur  le  venin  de  la  Vipère ,  par 
Redi ,  Charas  et  principalement  par  Fontana  ,  et  la  descrip- 
tion que  ces  savans  ont  donné  des  organes  venimeux,  sont 
dignes  de  l'attention  des  naturalistes  de  tous  les  temps.  De 
célèbres  anatomistes ,  tels  que  Guvier  et  Meckel  ont  exposé 
dans  leurs  manuels  zootomiques  l'organisation  des  serpens  ; 
d'autres  tels  que  Cloquet ,  Duvernoy,  Mayer,  Tiedemann  , 
Schlemm,  Windischmann ,  J.  Mùller,  etc.,  ont  fourni  des 
dissertations  intéressantes  sur  divers  organes  de  ces  êtres  ,* 
M.  Herholdt  a  fait  des  recherches  sur  la  physiologie  de  nos 
espèces  indigènes:  une  foule  d'autres  observateurs,  enfin,  dont 
je  rapporterai  les  noms  à  leurvplace,  ont  contribué  à  étendre 
nos  connaissances  dans  l'histoire  naturelle  des  serpens. 


REVUE  SYNOPTîaUE. 

Je  viens  maintenant  à  mon  propre  travail.  J'ai  déjà  exposé, 
dans  ma  préface,  les  motifs  qui  m'ont  guidé,  en  donnant  à 
mon  livre  la  forme  sous  laquelle  il  paraît.  La  partie  générale 
de  mon  ouvrage  n'aura  pas  besoin  de  commentaire  ;  il  ne  me 
reste  par  conséquent  que  de  fournir  dans  les  pages  suivantes 
le  Synopsis  de  la  partie  spéciale. 


UEVUE  S\NOPTlQCi:.  127 

J'ai  conservé  l'ancieiiiie  division  des  serpens  en  noTi- 
voninieux  et  en  venimeux.  Le  caractère  constant  de 
ces  derniers  est  d'être  pourvus  d'une  glande  à  structure  cellu- 
laire, sécrétant  un  fluide  qui ,  apporté  dans  le  corps  animal, y 
produit  des  effets  délétères.  Des  dents  maxillaires  ,  beaucoup 
plus  lon<Tues  que  les  autres  ,  intérieurement  creuses  ,  munies 
aux  deux  bouts  d'ouvertures  pour  l'entrée  et  pour  la  sortie  du 
venin,  et  que  l'on  appelé  crochets,  sont  les  armes,  au 
moyen  desquelles  ces  serpens  infligent  les  blessures,  et  dans 
lesquelles  s'introduit  en  même  temps  le  fluide  destructeur.  Il 
^st  très-difficile  sinon  impossible  d'assigner  aux  serpens 
venimeux  des  traits  distinctifs  extérieurs:  plusieurs  d'entre  eux, 
comme  les  serpens  de  mer  se  signalent  par  leur  queue  appla- 
tie  ;  les  serpens  venimeux  proprement  dits  ont  quelque  chose 
de  si  particulier  dans  l'ensemble  de  leurs  formes  et  dans  leur 
physionomie  qu'il  ne  faut  que  peu  d'expérience  pour  les 
reconnaître  au  premier  coup  d'oeil  :  mais  il  n'en  est  pas  ainsi 
de  cette  famille  de  serpens  venimeux,  à  laquelle  j'ai  donné 
l'épithète  de  colubriformes  :  le  plus  grand  nombre  de  ces 
reptiles  ressemblent  tellement  aux  serpens  innocens,  que  des 
naturalistes  même  en  ont  confondu  les  deux  races.  Un  museau 
le  plus  souvent  gros  et  arrondi,  et  une  queue  courte,  grosse 
et  conique:  voilà  les  seuls  caractères  extérieurs,  peu  tran- 
chansà  la  vérité ,  que  l'on  peut  assigner  aux  serpens  venimeux 
colubriformes.  Les  mœurs  des  serpens  venimeux  offrent  plu- 
sieurs autres  traits  pour  les  distinguer  des  non-venimeux,  et 
il  convient  avant  tout  de  constater  que  ces  premiers  habitent 
exclusivement  ou  la  terre  ou  la  mer  ,  qu'ils  ne  grimpent  pas 
sur  les  arbres  (i) ,  et  qu'ils  ne  fréquentent  jamais  ,  peut-être  à 
l'exception  de  quelques  espèces  du  genre  Naja ,  les  eaux. 

(i)  Les  Trigonocéphales  à  teintes  vertes  font  exception  à  cette  règle, 
en  ce  qu'ils  ont  l'habitude  de  s'accrocher  avec  leur  queue  prenante ,  aux 
branches  des  arbustes  ,  pour  guetter  leur  proie. 


V2H  .  REVUE  SYNOPTIQUE. 

En  distribuant  les  serpens  non -venimeux  en  familles 
j'ai  particulièrement  eu  en  vue  leur  manière  de  vivre.  Ces 
coupes,  auxquelles  il  ne  faut  attacher  aucune  importance, 
sous  le  rapport  de  l'organisation,  ont  seulement  été  créées 
dans  le  but  de  faciliter  la  revue  des  espèces.  J'ai  établi  six 
familles  dans  la  grande  division  des  serpens   non  venimeux. 

La  première  famille  comprend  les  Serpens  fouis- 
seurs ou  le  genre  unique  des  Rouleaux:  T  ORTRIX.  On 
peut  leur  assigner  comme  marques  distinctives:  un  corps 
cylindrique,  offrant  presque  sur  toutes  les  parties  du  tronc 
les  mêmes  dimensions;  une  queue  courte  et  conique;  une 
tête  petite,  obtuse,  d'une  venue  avec  le  tronc  et  revêtue  de 
plaques  imparfaitement  développées;  de  petits  yeux;  des 
narines  étroites;  une  gueule  peu  fendue;  des  caisses  très- 
ramassés;  des  dents  courtes  et  coniques;  enfin,  une  certaine 
ressemblance  dans  l'ensemble  des  formes  avec  les  Ampliis- 
bènes,  les  Typhlops  ,  etc.  Les  Rouleaux  offrent  souvent  des 
crochets  à  l'anus;  ils  habitent  les  contrées  chaudes  des  deux 
Mondes  et  se  tiennent  toujours  à  terre  ,  où  ils  se  creusent  des 
boyaux.  On  n'en  connaît  que  cinq  espèces. —  J'ai  placé  à  la  têle 
du  genre  jIctortrix  scYTALEde  Surinam  ,  remarquable 
par  son  tronc  effilé,  filiforme  et  annelé  de  noir  et  de  rouge; 
ses  yeux  sont  placés  au  centre  de  la  plaque  oculaire;  le  tronçon 
de  la  queue  est  assez  obtus;  il  atteint  quelquefois  jusqu'à 
3  pieds;  plaques  225 -j-  12.  —  La  deuxième  espèce ,  le  tor- 
TRix  RUFA  vient  de  Java  et  de  Gélèbes  où  il  forme  une 
variété  de  climat  reconnaissable  à  ses  teintes  foncées;  plus 
ramassée  que  la  précédente,  elle  offre  un  tronc  d'un  brun 
noirâtre  irisé,  orné  de  bandes  transversales  blanches  qui 
deviennent  d'un  beau  rouge  sur  la  tête  et  sur  la  queue;  elle  a 
la  queue  très-courte  et  pointue;  dimensions  2  pieds  et  demi, 
plaques  195-}- 6. — L'île  de  Ceylan  nourrit  un  Rouleau,  le 
TORTRix  MACULAT  A,  Semblable  sous  beaucoup  de  rajjports 
au   précédent,   mais   qui    s'en   distingue,    outre    de    petites 


REVUE  SYNOPTIQUE.  129 

différences  de  forme,  à  sa  couleur  d'un  brun  jaunâtre,  relevée 
par  un   dessin  réticulaire  noir;  il    ne  dépasse  guère  un  pied 
en   longueur    totale   et   offre  environ    190  _|_  6    plaques.   — 
l'er  Y X,  quatrième  espèce  du  genre Tortrix,  habite  les  terrains 
sablonneux   qui  s'étendent  depuis  l'Egypte  jusque  dans  l'In- 
douslan  :    elle  a   le   tronçon   de   la   queue  ramassé  et  obtus; 
toutes  les   parties   sont   revêtues  d'écaillés   assez   petites;    le 
museau    est    coupé    obliquement    au    bout;    l'œil    offre    une 
prunelle   perpendiculairement    alongée;    elle   atteint   jusqu'à 
2  pieds  et  demi,  et  présente   195  -i- lio  plaques.    Aux  Indes, 
cette    espèce    forme    probablement    plusieurs    variétés    con- 
stantes, mais  dont  on  n'a  pas  encore    bien  étudié  les  traits 
distinctifs.   -    Très   voisin  de  lEryx   est  le  psr.  udo -er  y  x, 
originaire  de  la  Nouvelle  Hollande:  il  se  distingue  de  celui-là 
par    une  queue  plus  longue  et  prenante,   par  un  corps  plus 
gros  et  plus  comprimé,    par  des  lames  abdominales  et  frontales 
plus    développées,    enfin    par   le    nombre   des    plaques     qui 
est   de   aoo  -h  60.  —  La   sixième  espèce,   le  xénopeltis, 
offre  un  tronc  moins  cylindrique  que  les  précédentes,  sa  queue 
est  plus  développée  et  conique,  il  est  dépourvu  de  crochets  à 
l'anus,  et  les  plaques  de  la  tête  se  rapprochent  de  la  forme  nor- 
male; un  beau  bleu  noir  fortement  irisé  réfléchit  de  toute  la 
surface  de  l'épiderme  polie;  la  tête  est  blanche  dans  les  jeunes  ; 
taille    2  pieds;  plaques    175.4-28.  Patrie:    les  îles  de   Java, 
Sumatra  et  Célèbes.  —  \ient  enfin  le  tortrix   boa,  espèce 
rare,  découverte  à  la  Nouvelle  Irlande;  elle  a  à-peu-près  les 
formes  générales  du  Xénopeltis,  mais  ses  lèvres  sont  creusées 
de  fossettes  comme  dans  les  Boas,  et  le  corps  est  entouré 
d'anneaux    alternes    de    noir    et    de    blanc;    on    lui    compte 
25o  -f-  44  plaques. 

La  deuxième  famille  des  ophidiens  non-venimeux  est 
celle  des  Serpens  lombrics:  elle  est  composée  du  genre 
unique  G  AL  AM  ARIA.  Ce  sont  de  petits  serpens  terrestres, 
dont  le  corps,  presque  constamment  cylindrique  en  forme  de 

9 


130  M:VUE  SYNOPllQUE. 

ficelle,  est  terminé  par  une  queue  le  plus  souvent  courte   et 
conique.  La  tête  est,  dans  la  plupart,  d'une  venue   avec  le 
tronc ,  et  revêtue  de  plaques  dont  celles  du  museau  sont  ordi- 
nairement moins  nombreuses  que  dans  les  serpens  des  genres 
suivans.   Les  Calamars  offrent  très  fréquenmient  des  teintes 
irisées,   et  le  rouge   domine  quelquefois  sur  les  parties  infé- 
rieures. Les  plaques  du  dessous  sont  rarement  nombreuses. 
Ils  habitent  les  climats  chauds  ou  voisins  des   tropiques,  et  se 
trouvent  dans  l'un  et  l'autre  monde.  --  Une  des  espèces  les 
plus  remarquables  est  le  c  al.  l  u  m  b  r  i  c  o  i  d  e  a  5  très  rare  dans 
les  îles  de  Java  et  de  Célèbes.  Son  corps,  long    de  plusieurs 
pieds ,  est  partout  de  la  grosseur  d'une  tuyau  de  plume   de 
cygne;   la  queue  est  courte,  conique  et  offre  16  à  23  lames 
divisées.  11  n'existe  qu'une  paire  de  frontales,  qui  tiennent  en 
même  temps  lieu  des  frênaies;  et  on  lui  voit  seulement  deux 
oculaires.  Dessus  d'un  bleu  noirâtre ,   dessous  bleuâtre  avec 
des  taches  noirâtres   et   une   raie  jaune  le  long   des  flancs. 
Ecailles  lisses,  carrées  et  disposées  sur   i3  rangées.  PI.  abd. 
190  à  217.  —  Une  autre  espèce   de  1  île  de  Java,    le  cal. 
LiNNAEi,   ressemble  à  la  précédente  par   les  formes  et   la 
disposition  des  plaques  de  la  tête  et  des  écailles  du  tronc; 
mais  son  corps  beaucoup  moins   effilé    ne  dépasse  guère   un 
pied   en   longueur.    Les  teintes  ne  sont  pas  moins  sujette >  à 
varier  que  la  longueur   de  la  queue.   Le  dessous  est  le  plus 
souvent  d'un  rouge  vermillon  ,  orné  de  larges  taches  carrées 
noires.  Plaques  180  +  90  à   160  -h  20.  —  Le  C4l.  orbig- 
NYi  du  Chile  paraît   représenter  dans  le  nouveau  monde  le 
Cal.  lombric,  dont  il  offre  les  formes  et  le  port;  mais  son 
cou  est  entouré  de  i5  rangées  d'écaillés  et  toutes  ses  parties 
sont  plus  minces.  Sur  le  dessus  d'un  rouge  de  brique  ardent, 
les  parties  inférieures  sont  couleur  de  nacre.   Le  sommet  de 
la  tête,  une  tache  sur  la  nuque,  et  une  bande  sur  la  queue, 
d'un    noir  foncé  264  -4-  3o.  —  L'Amérique  du  Nord  produit 
le  CAL.   AMOENA  qui   répond   par   sa  touille,   et  sa    stucture 


UFA'UE  SYNOPTIQUE.  131 

au  Cal.  Linnaei  des  Indes  orientales;  ses  formes  sont 
cependant  plus  menues  ,  et  les  bandes  abdominales  ainsi  que 
les  plaques  nasales  un  peu  plus  larges.  Dessus  brun  luisant, 
dessous  rouge.  Nombre  moyen  des  plaques  i2o-f-3o.  — 
Les  espèces  suivantes  s'éloignent  plus  ou  moins  des  quatre 
précéderites  qui  tbrment  les  types  du  genre.  Le  c  a.l.  d  i  a- 
DEMA,  le  seul  connu  de  la  Nouvelle  Hollande,  offre  cependant 
tout-à-fait  le  port  et  les  formes  des  espèces  types  5  mais  on  lui 
voit  deux  paires  de  plaques  frontales.  Il  est  d'un  brun  pâle 
jaunâtre,  plus  clair  en  dessous  ,  avec  une  taclie  tranversale  et 
blanche  sur  l'occiput.  1^0  -|-  45.  i3  Rangées  décailles.  —  Les 
îles  de  Java  et  d'Amboine  nourrissent  un  Calamar,  cal. 
BRACiiYORBiios,  qui  présente  le  même  nombre  des  plaques 
tle  la  tête  que  le  précédent,  mais  qui  joint  à  une  taille  plus  forte 
que  les  espèces  types,  un  corpsplus  gros  etaminci  vers  les  bouts, 
et  une  tête  assez  conique.  D'un  brun  terne  uniforme,  passant 
au  jaunâtre  sur  le  dessous ,  cette  espèce  a  le  corps  entouré 
de  17  rangées  d'écaillés.  i38  -l-  i3  à  180  +  38  plaques.  — 
Le  CAL.  B  ADi a  de  Cayenne,  tout  en  présentant  des  formes 
moins  vigoureuses  et  une  taille  moindre,  a  le  port  du  précé- 
dent 5  cependant  sa  queue  est  plus  effilée,  la  tête  plus  obtuse, 
les  yeux  sont  plus  volumineux  ,  et  il  existe  de  chaque  côté  une 
petite  plaque  frênaie.  Nuancée  de  brun  et  de  jaune  d'ocre , 
cette  espèce  offre  une  disposition  des  teintes  assez  variable 
d'un  individu  à  l'autre.  17  R.  d'écaillés;  plaques  i5o  -+-  20  à 
1 84  -h  44'  —  Le  CALA  M.  ARCTivENTRis  vicnt  du  Cap  ,  et 
ressemble  par  ses  formes  à  une  petite  Couleuvre;  la  tête  et  les 
plaques  dont  elle  est  revêtue  sont  plus  développées  que  d'ordi- 
naire ;  le  corps  est  assez  gros  pour  la  taille  de  l'animai,  et  la 
queue  pointue.  Son  ventre  fortement  anguleux  et  ses  teintes 
servent  à  distinguer  cette  espèce  des  autres.  Dessus  brunchàtain, 
dessous  jaune;  flancs  bleu-grisâtre  ,  moucheté  de  points  noirs 
serrés.  i3o  -h  3o  ;  i5  rang,  d'écaillés.  —  Les  deux  Amériques 
produisent    un    Calamar,    c.   m  e  l  anocepha  la,   dont    les 


\m  REVUE  SYNOPTIQUE. 

formes  rappelent  celles  des  Elaps:  il  a  le  corps  d'égale  grosseur  ; 
la  queue  est  plus  efillée  que  dans  les  précédens,  la  tête  tron- 
quée au  bout  et  à  peine  distincte  du  cou.  Le  système  de  colora- 
tion offre  de  bons  traits  distinctifs  :  dessous  jaunâtre;  dessus 
brun  pâle  avec  trois  raies  longitudinales  noires;  tête  ornée  de 
taches  noires.  1 55  -h  60,  i5  rangées  d'écaillés. — Ressemblant 
au  précédent ,  le  cal  a  m.  punctata,  originaire  des  parties 
méridionales  de  l'Amérique  du  Nord,  s'en  éloigne  par  un  corps 
moins  cylindrique,  une  tête  plus  distincte  du  cou,  des  écailles 
plus  petites  et  un  système  de  coloration  divers.  Le  dessus  est 
brun  gris  foncé  avec  un  collier  blanc;  desous  blanc-jaunâtre. 
Une  suite  de  points  noirs  s'étend  sur  la  ligne  médiane  de 
l'abdomen.  i5  Rangées  d'écaillés.  Plaques:  170  4-  5o. —  La 
onzième  espèce  du  genre  est  très  remarquable  parce  qu'elle  offre 
dans  l'ordre  entier  le  seul  exemple  d'un  serpent  dépourvu  de 
dents  palatines;  c'est  le  cal.  oligodon,  analogue  d  ailleurs, 
par  les  formes  et  le  port,  aux  autres  Calamars.  Sa  tête 
est  cependant  un  peu  grosse,  obtuse  et  enflée  aux  joues. 
L'espèce  est  aussi  très  reconnaissable  à  ses  teintes:  les  par- 
ties inférieures  sont,  comme  dans  le  Calam.  de  Linné,  d'un 
rouge  vermillon  orné  de  taches  carrées  ;  le  dessus  est  d  un 
brun  foncé  avec  de  larges  taches  blanchâtres  distribuées  à  de 
distances  régulières  sur  le  dos;  on  voit,  sur  la  tête,  plusieurs 
bandes  noires.  Ce  Calamar  est  rare  à  l'île  de  Java  et  forme,  à 
Sumatra ,  à  Ceylan  et  aux  îles  Philippines  ,  de  jolies  variétés 
de  climat  distinguées  par  la  distribution  des  teintes;  les  taches 
abdominales  sont  réduites  dans  les  deux  dernières  variétés  à 
des  points  disposés  sur  trois  rangs  ;  la  variété  de  Sumatra  a 
des  taches  dorsales,  ovales,  larges  et  serrées.  i45  +  35j 
17  Rangées  d'écaillés.  — Le  cal.  scytale,  des  îles  Philip- 
pines et  de  Ceylan  ,  caractérisé  par  la  présence  d'une  plaque 
frontale  antérieure  impaire,  ainsi  que  par  sa  queue  munie  en 
dessous  de  plaques  simples ,  se  rapproche ,  par  ses  formes  , 
du   Calamar  brun.     Dessus  brunâtre,  passant  sur  le  dessous  , 


REVUE  SYNOPTIQUE.  133 

au  jaune  d'ocre  sale;  trois  taches  foncées  sur  l'occiput;  autant 
de  raies  composées  de  points  foncées  sur  le  dos  et  les  lianes. 
i4o  -h  3o;  17  rang,  d'écaillés.  — Les  parties  méridionales  des 
jjltats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord  nourrissent  un  petit  (Cala- 
mar, CAL.  STRiATULA,  qui  liabitc  également  l'île  de  ]\Iarti- 
nique.  11  se  reconnaît  à  sa  tête  conique  revêtue  de  lames 
semblables  à  celles  des  Couleuvres,  à  l'exception  des  frênaies 
qui  manquent;  puisa  ses  yeux  volumineux,  à  une  queue  assez 
pointue,  et  aux  écailles  lancéolées  qui  sont  toutes  surmon- 
tées par  une  forte  carène.  Dessus  brun-pâle  ou  grisâtre,  des- 
sous jaunâtre.  Plaques:  120  -f-35;  i5  à  17 rangées  d'écaillés. — 
Le  c  A  L.  E  L  A p  o  I  D  E  s ,  de  Java,  offre  des  écailles  lancéolées  et 
carénées  comme  le  précédent;  mais  il  parvient  à  des  dimensions 
plus  fortes ,  ses  yeux  sont  plus  petits ,  tandis  que  les  narines 
sont  assez  ouvertes;  la  tête  présente  une  forme  diverse  et  la 
queue  est  plus  effilée;  les  teintes  enfin,  qui  sont  des  plus  bril- 
lantes ,  le  distinguent  de  toutes  les  autres  espèces.  Dessus 
rouge  carmin  ;  dessous  bleu  d'azur  pâle;  i5o  +70;  i5  rangées 
d'écaillés.  —  Le  c  a  l  a  m.  b  l  u  m  1  i  ,  espèce  anomale  de  l'Amé- 
rique méridionale  se  rapproche  à  la  fois  des  Tortrix  et  de  cer- 
tains Homalopsis.  D'une  taille  plus  forte  qu'aucune  autre 
espèce ,  elle  offre  cependant  un  tronc  cylindrique  et  une  queue 
conique  et  vigoureuse.  Sa  tête  est  déprimée,  obtuse;  les  yeux 
sont  très  petits,  et  on  voit  une  dent  très  longue  à  l'extrémité 
postérieure  du  maxillaire;  6  plaques  labiales,  2  oculaires  et 
2  frontales;  occipitales  alongées.  Dessus  brun  ,  marbré  de 
points  foncés,  et  relevé  par  trois  raies  effacées.  Dessous  et 
demi-collier  jaunâtres.  180  +  35;  1 5  rangées  d'écaillés.  —  On 
vient  de  découvrir  ,  à  la  côte  de  Guinée,  un  Calamar  dont  les 
formes  et  les  plaques  de  la  tête  rappelent  celles  desCoronelles , 
mais  qui  offre  le  port  et  la  petite  taille  des  Calamars;  sa  queue 
est  plus  grêle  que  d'ordinaire,  le  tronc  un  peu  comprimé  et  en- 
touré de  19  rangées  d'écaillés:  c'est  le  cal.  coronata, 
distingué  par   les    quatres    bandes   transversales  noires  qui 


Î34  REVlJË  SYNOPTIQUE. 

ornent  la  tête.  D'un  gris  jaunâtre  sur  le  dessous,  cette  espèce 
tire  sur  le  dessus  au  brun.  Plaques:  ï85  +  yo.  —  Nous  avons 
ranoé  dans  ce  genre  une  espèce  anomale  originaire  duCliile, 
et  qui  se  rapproche,  par  ses  formes  ,  de  certains  Lycodons  , 
mais  dont  la  distribution  des  teintes  rappelé  celle  du  Goronella 
venustissima,  de  l'Élaps  corail  etc.  Elle  a  l'abdomen  anguleux 
et  le  corps  annelé  de  rouge  et  de  noir;  i5  rangées  d'écaillés; 
196  +  57  plaques:  c'est  le  CAL.  atrocincta. — Yient  enfin 
le  CAL.  c  o  R  ON  E  L  L  A ,  que  l'on  prendrait ,  nu  premier  abord, 
pour  une  petite  Coronelle  lisse;  mais  sa  tête  est  assez  grosse ^ 
les  plaques  frênaies  manquent,  les  occipitales  sont  larges, 
ses  formes  sont  assez  ramassées,  on  ne  lui  compte  que  i5 
rangées  d'écailies ,  etc.  D'un  gris  jaunâtre  tirant  sur  le  brun  , 
cette  espèce  a  les  parties  supérieures  ornées  de  nombreuses 
bandes  transversales  foncées  mais  très  peu  distinctes. 

Nous  avons  réuni  dans  la  troisième  famille  des  ophidiens 
non-venimeux  tous  ces  Serpens  terrestres,  qui  n'ont 
pas  été  compris  dans  les  deux  familles  précédentes.  Ils 
offrent,  à  l'exception  des  Hétérodons  ,  peu  d  anomalies  dans 
leur  organisation  5  et  sont  modelés,  pour  ainsi  dire  ,  sur  le 
type  des  Couleuvres  proprement  dites  :  la  plupart  ont  le  som- 
met de  la  tête  orné  de  9  plaques  et  des  écailles  de  moyenne 
grandeur  et  lisses.  * 

Le  premier  genre  ,  celui  de  C  O  R  O  N  E  L  L  A ,  renferme  des 
espèces  qui  rappel  en  î,  par  leur  organisation  les  (Couleuvres 
proprement  dites;  mais  qui  offrent  une  taille  moindre;  un 
tronc  moins  comprimé  ,  ordinairement  en  pentagone  et  revêtu 
d'écaillés  le  plus  souvent  lisses  et  distribuées  sur  17  à  19 
rangées  ;  enfin  une  queue  conique  et  peu  longue.  Les 
Coronelles  se  trouvent  dans  les  climats  chauds  et  tempérés 
des  deux  mondes;  on  n'en  a  pas  encore  observées  dans  la 
Nouvelle  Hollande.  Elles  habitent  les  plaines,  et  de  préférence 
les  lieux  humides.  —  L'Amérique  méridionale  nourrit  une 
très  belle  espèce,  reconnaissable  à  ses  formes  effilées  et  à  ses 


REVUE  SYNOPTIQUE.  135 

teintes:  d  un  beau  rouge  vormillon,  elle  a  toutes  ses  parties 
entourées  environ  de  i5  paires  d'anneaux  noirs  bordés  de 
blanc.  Les  écailles  distribuées  sur  i5  rangées  ont  la  pointe 
noire.  C'est  la  co  u  o  n.  vii  is  usti  ssi  m  a.  On  lui  compte  200 
placpies  abdom.;  celles  de  la  queue  variant  de  4^  ^  ioo« 
A  Surinam  cette  espèce  est  remplacée  par  un  serpent  tout-à  fait 
analogue;  mais  qui  offre  un  tronc  moins  effilé,  et  par  consé- 
quent un  nombre  moindre  de  plaques  abdominales,  qui  n'est  que 
d'environ  180:  on  pourrait  conférer  à  ce  serpent,  lorsqu'on 
veut  en  faire  une  espèce  à  part,  le  nom  de  CORON,  venu  s  ta; 
il  est  très  commun,  et  connu  sous  celui  de  Goluber  agilis.  — 
Une  autre  espèce  semblable  pour  les  teintes  à  la  précédente, 
habite  l'Amérique  du  Nord;  c'est  la  coron,  coccinea;  mais 
elle  présente  une  taille  moindre  que  celle-là,  ses  yeux  sont 
moins  volumineux,  la  plaque  verticale  est  ramassée  et  les 
surciliaires  petites.  Plaques  170  4-35.  17  Rangées  d  écailles. — 
LacoRON.  MER  RE  M  Mil,  coumiunc  au  Brésil,  est  remar- 
quable par  le  grand  nombre  de  variétés  accidentelles  et  d'âge 
qu'elle  forme.  Sa  têie  est  très  large,  et  revêtue  au  sommet  de 
lames  petites  et  de  forme  alongée.  Les  écailles,  disposées  sur 
17  à  19  rangées,  sont  grandes  et  en  rbombe.  Le  dessous  est 
ordinairement  jaunâtre;  dans  les  adultes,  le  dessus  est  d'un 
vert  brunâtre,  encadré  en  guise  de  tache  ronde  au  centre  de 
chaque  écaille.  Les  jeunes  ont  un  système  de  coloration 
semblable  à  celui  de  l'espèce  précédente  ,  mais  les  anneaux 
noirs  s'effacent  avec  l'âge  et  la  teinte  rouge  rembrunit.  i3g 
-1-  5o  ou  i83+68.  —  On  a  observé  à  Surinam,  dans  le  Brésil, 
et  même  à  la  Guadeloupe,  une  Goronelle,  c.  reginae,  qui 
ressemble,  quant  aux  formes,  à  la  précédente,  mais  dont  les 
teintes  sont  diverses:  dessus  bleu-grisâtre,  dessous  jaune  avec 
des  taches  noires  carrées  ;  de  petites  taches  noires  ornent  les 
Hancs  ,  et  on  en  voit  de  blanches  près  de  l'angle  de  la  bouche 
etaucou.  i4o-+- 70;  ly  rangées  d'écaillés.  —  5'"'^Esp:  coron. 
coiiELLA.    Commune  à  Surinam,  elle  paraît  également  se 


136  KEVOE  SYNOPTIQUE. 

trouver  dans  l'Amérique  du  Nord.  Formes  plus  lourdes  que  dans 
les  deux  précédentes.  Dessus  varié  de  brun  de  deux  nuances;  des- 
sous jaune  foncé,  orné  de  taches  noires  carrées.  Écailles  bordées 
de  noir  ou  de  blanc.  1 60  H-  5o:  i '7  rangées  d'écaillés. —  On  ne 
connaît  qu'une  seule  espèce  du  genre  Coronelle  des  îles  de  la 
Malaisie:  c'est  lacoRON.  balîodeira,  découverte  à  Java  et 
à  Sumatra.  D'une  taille  moins  forte  que  la  plupart  des  autres 
espèces,  elle  se  rapproche  par  son  port  des  Calamars,  mais 
ses  yeux  sont  très  grands  et  sa  tète  haute.  Dessus  d'un  brun 
vif,  relevé  par  des  taches  blaîiches  en  œil;  dessous  jaunâtre. 
128  +  68;  i3  r.  d'éc.  —  L'Europe  ne  produit  également 
qu'une  seule  Corone!le,  la  coron,  laevis,  qui  préfère  les 
lieux  secs  aux  terrains  bas  et  humides;  elle  est  d'un  brun  bai 
très  luisant,  et  orné  de  taches  noires  déchiquetées  et  irrésju- 
lières  qui  forment,  sur  la  tête,  un  dessin  très  caractéristique. 
Le  dessous  est  jaunâtre,  marqué  de  taches  carrées  noires. 
1^5  4-  55;  21  rangées  d'écaillés.  Les  jeunes  de  cette  espèce 
éclosent  dans  le  ventre  de  leur  mère.  Les  contrées  méridionales 
de  l'Europe  nourrissent  une  variété  de  climat,  distincte  par  des 
teintes  plus  claires.  —  La  huitième  espèce  est  du  Chilé,  c'est  la 
CORONELLA  CHiLENsis.  (Tacliymcnes  de  Wiegmann).  Elle 
ressemble  à  l'espèce  d'Europe,  mais  sa  tète  est  plusconique  et 
revêtue  de  lames  moins  grandes.  Sa  queue  est  plus  courte ,  et  les 
parties  supérieures  offrent  4  raies  foncées  qui  s'étendent  sur  l'oc- 
ciput, tandis  qu'on  observe  sur  le  dessous  plusieurs  rangées  de 
taches  noirâtres  souvent  peu  distinctes.  i58h-46;  i9rangéesd'é- 
caîlles. — Les  quatre  espèces  suivantes  sont  duCap,  et  s'éloignent 
sous  plusieurs  rapports  des  précédentes.  La  coron,  rhom- 
BEATA  rappelle  par  l'ensemble  de  son  organisation  l'espèce 
d  Europe,  quoiqu'elle  se  rapproche,  par  ses  formes  effilées, 
des  Psammophis.  Sa  tête  est  menue,  conique  et  terminée  par 
une  plaque  rostrale  étroite  qui  se  prolonge  sur  le  sommet  du 
museau;  les  autres  plaques  de  ces  ])arties  sont  étroites  et  les 
occipitales  courtes.   On  voit   une  dent  sillonnée  postérieure 


REVUE  SYNOPTIQUE.  137 

aux  mâchoires.  Le  brun  jaunâtre  du  dessus  est  orné  de  3  ou 
4  rangées  de  taches  œillées  en  lozange.  i55  "+"72;  17  rangées 
d'écaillés.  —  Une  autre  espèce  du  Cap,  très  diverse  de  la  précé- 
dente, est  la  CORON,  rufescens,  qui  se  reconnaît  à  ses 
teintes  unifjrmes  d  un  brun  pourpre  pale  et  à  une  large 
tache  foncée  sur  la  nuque.  Le  dessous  est  jaune.  Elle  a  la 
prunelle  de  l'œil  alongée  dans  le  sens  vertical,  et  offre  une 
dent  postérieure  sillonnée  aux  mâchoires.  160+4^5^9  rangées 
d'écaillés. —  La  coronella  rufula  se  rapproche  des 
Lycodons  par  ses  formes  et  ses  dents  antérieures  un  peu  phis 
longues  que  les  autres  ;  mais  la  prunelle  de  l'œil  est  orbicu- 
laire,  et  les  plaques  de  la  tête  un  peu  alongées.  D'un  brun 
uniforme  tirant  sur  le  rougeâtre,  elle  offre  une  queue  assez 
grosse  et  beaucoup  plus  longue  que  d'ordinaire  ;  iSy  H-  iio; 
19  rangées  d'écaillés.  —  Une  des  espèces  les  plus  belles  et 
lespl  us  rares  estla  COR  ON  ELLA  aurorv.  Elle  est  très  recon- 
naissable  à  ses  teintes:  jaune  sur  le  dessous,  brun  jaunâtre 
sur  le  dessus;  le  dos  est  orné  d'une  large  raie  jaune  orange 
qui  occupe  l'animal  dans  toute  sa  longueur.  Elle  a  des  formes 
plus  lourdes  que  d'ordinaire;  sa  queue  très  grosse  ne  va 
guère  en  diminuant  que  vers  le  bout.  Le  museau  est  obtus;  les 
plaques  temporales  ont  la  forme  d'écaillés  et  les  abdominales 
sont  assez  serrées.  180  -h  /lôj^ig  rang.  d'éc.  —  Viennent 
enfin  deux  espèces  un  peu  anomales  de  l'Asie,  dont  la 
première  ,  la  coronella  octolineata  offre  un  corps 
mince,  à  abdomen  étroit  et  un  peu  anguleux  aux  côtés. 
Il  n'existe  que  6  plaques  labiales  et  une  frênaie  de  chaque 
côté;  la  rostrale  est  large  et  s'étend  entre  les  frontales.  On 
voit  sur  un  fond  d'un  jaune  brunâtre  4  lî^ies  dorsales  longi- 
tudinales et  foncées ,  dont  les  latérales  sont  quelquefois 
doubles:  ces  raies  se  prolongent  sur  la  tête  où  elles  forment 
un  angle  aigu.  178  +  52;  17  rangées  d'écaillés.  —  11  existe 
au  Bengale  une  Coronelle  très  jolie,  la  cor.  russelii.  Elle 
se  rapproche  de   certains  Xénodons,  dont  elle  a  le  système 


138  REVUE  SYNOPTIQUE. 

tîeiitaire,  et  nolaiiiiiient  du  Xén.  pourpre,  auquel  elle  ressemble 
aussi  par  la  distribution  des  teintes.  Le  museau  est  o])lique- 
ment  coupé  en  dessous.  ly  Rangées  d'écaillés  de  forme 
sublancéolée.  Dessus  brun  de  terre ,  relevé  par  une  rangée 
de  taches  larges,  décliiquetées  et  de  forme  peu  constante.  On 
voit  sur  la  tête  plusieurs  traits  anguleux.  i55  -+•  54-  — 

Le    deuxième  genre    des   serpens   terrestres  est  celui    de 
XENODON;  ce    sont   des  Coronelles   le   plus   souvent  de 
grande  taille,  qui  offrent  des  formes  lourdes,  une  tête  large,  un 
museau  court  ou  tronqué,  dont  le  tronc  est  gros  et  le  ventre 
aplati.   On  leur  voit  à  la  mâchoire  supérieure  une  dent  solide 
postérieure  assez  longue  et  comprimée.    Leurs  écailles  sont 
iisses  et  disposées  sur  des  rangées  assez  obliques,  notamment 
sur  le  cou  qui  est  assez  expansible  et  dont  les  côtes  sont  moins 
courbées  que  d'ordinaire  ,  ce  qui  rapproche  ces  animaux  des 
Najas.  Les  plaques  de  la  tête  sont  trapues  et  larges.  Ce  genre 
n'est  pas  riche  en  espèces,  et  les  Xénodons  appartiennent  au 
nombre  des  serpens  rares  ,  qui  habitent  en  petit  nombre  les 
contrées  chaudes  et  tempérées  des  deux  mondes;  on  ne  connaît 
aucune  espèce  ni  de  l'Afrique  ni  de  la  Nouvelle  Hollande.  Les 
uns  préfèrent  les  lieux  humides  ,  mais  d'autres  qui  se  plaisent 
dans  des  terreins  secs,  s'éloignent   des  espèces  types  pour  se 
rapprocher  du  genre  suivant,  celui  des  Hétérodons.  — Le 
XENODON  sEVEïius  dc  Surinam  et  du  Brésil  réunit  par  excel- 
lence les  caractères  que  nous  avons  assignés  à  ces  animaux  en 
général.  Il  a  toutes  les  parties  assez  lourdes  et  trapues ,  et  les 
plaques  de  la  tête  petites  et  larges.  Le  poumon,  enveloppant  la 
trachée  ,  occupe  l'espace  entre  le  cœur  et  la  gorge.  D'un  jaune 
brunâtre  pâle,  les  parties  supérieures  sont  ornées  d'une  dou- 
zaine de    taches   foncées   en   œil   et  extrêmement  larges.  On 
observe  sur  la  tête  plusieurs  bandes  transversales  et  des  traits 
en  angle  sur  l'occiput.  Les  teintes  chez  les  adultes  sont  telle- 
ment effacées  qu'on  en  reconnaît  avec^  peine    la  distribution 
primitive.    J'ai  vu   des    individus   d'un   rougeAtre    \iniforme , 


REVUE  SYNOIMIQUE.  I3î> 

taiulîsqued'autresétaientd  iinhiun verdàtre.  i/io-\-^6y2ï  rang, 
dëc.  Cent  un  serpent  de  grande  taille  qui  paraît  se  nourrir 
exclusivement  du  grand  crapaud  de  l'Amérique  méridionale, 
et  qui  nage  avec  beaucoup  de  dextérité.  —  Le  x  e  n  o  o  o  n 
R  UABDOCEPHALUS  (lu  Brésil  est  tellement  voisin  du  précé- 
dent qu'il  ne  paraît  en  former  qu'une  race,  distinguée  par  des 
formes  un  peu  plus  alongées,  comme  il  résulte  du  nombre 
des  lames  qui  varie  de  i4o  à  180,  et  de  44  ^  ^^'  ^9  I^^ngées 
d'écaillés.  Le  poumon  s'étend  derrière  le  cœur  dans  la  cavité 
abdominale.  Les  couleurs  de  ce  Xénodon  sont  très  sujettes  à 
varier,'  on  en  trouvede bruns,  de  rouges,  et  quelquefois  même 
d'un  gris  olivâtre  uniforme.  —  Lcxenodon  inornatus 
habite  l'île  de  Java,  où  il  est  assez  rare;  il  esl  d'un  brun 
olivâtre  uniforme,  et  offre  à-peu-près  les  formes  du  Xen. 
severus ,  quoiqu'il  lui  reste  assez  inférieur  par  rapport  à  sa 
taille.  120+ 38;  ig  rangées  d'écaiPes.  Le  jeune  a  les  parties 
supérieures  relevées  par  des  bandes  transversales  assez  indis- 
tinctes,  et  on  voit  sur  l'occiput  plusieurs  bandes  qui  se  réu- 
nissent en  angle.  —  L'île  de  Java  nourrit  une  autre  espèce  de 
Xénodon  ,  le  xen.  purpurascens.  Aussi  rare  que  la  précé- 
dente,  elle  s'en  distingue  ainsi  que  de  toutes  les  autres,  par 
un  système  de  coloration  extrêmement  agréable.  Les  formes 
rappelent  celles  de  la  Coronelle  lisse;  mais  notre  Xénodon  est 
plus  robuste  et  d'une  taille  un  peu  plus  forte.  Il  a  la  plaque 
rostrale  assez  développée,  voûtée  et  saillante;  le  museau  est 
un  peu  tronqué  au  bout,  et  l'abdomen  légèrement  anguleux. 
D'un  rouge  de  brique  ou  pourpre  couvert  de  marbrures  fon- 
cées, le  dessus  est  orné  de  18  bandes  larges  ou  taches  d'un 
blanc  rougeâtre  pointillé  de  noir.  lyS  +4^;  19  r.  d'éc.  — 
Il  existe  au  Brésil  une  troisième  espèce  de  Xénodon,  le 
xen.  schottii,  qui  offre  des  formes  plus  élancées  que  les 
précédens,  et  dont  la  tête  étroite  est  terminée  par  une  plaque 
rostrale  un  peu  saillante.  Dessus  d'un  brun  olivâtre,  dessous 
jaunâtre.  178 -H  46;  19  rangées  décailles.  Le  seul  Xénodon 


140  REVUE  SYNOPTIQUE. 

d'Europe  connu,  xen.  michahellis,  habite  l'Espagne  et  la 
France  méridionale.  11  se  reconnaît  à  sa  tête  courte  et  conique  , 
terminée  par  une  plaque  rostrale  proéminente,  à  ses  écailles 
disposées  sur  27  rangées,  au  nombre  élevé  des  plaques, 
(216  +  60),  à  sa  queue  courte  et  conique,  enfin  à  ses  teintes 
qui  sont  d'un  brun  olivâtre  relevé  par  deux  raies  dorsales 
foncées,-  plusieurs  autres  raies  descendent  sur  les  côtés  de  la 
tête.  Le  système  de  coloration  des  jeunes  diffère  entièrement 
de  celui  des  vieux,  en  ce  que  ceux-là  ont  les  teintes  très- 
claires  et  relevées  par  de  larges  taches.  —  Le  xenoûon 
TYPHLOS  des  Guyanes  réunit  à  la  taille  des  Goronelles ,  les 
formes  du  Xén.  sévère,  toutefois  en  exceptant  qu'il  a  la  tête 
et  les  plaques  qui  la  revêtent  moins  larges,  et  que  son  abdomen 
est  un  peu  anguleux.  Dessous  jaune,  parties  supérieures 
couleur  de  plomb  enfumé,  tirant  tantôt  sur  le  verdâtre  , 
tantôt  sur  le  bleuâtre.  i4o  H-  5o;  19  rangées  d'écaillés.  —  J'ai 
placé  à  la  suite  du  genre  Xénodon  un  ophidien  d'origine 
incertaine,  mais  qui  vient  probablement  du  Brésil:  c'est  notre 
xen.  bicinctus.  Use  rapproche  des  Goronelles,  et  offre  des 
formes  assez  robustes.  L'œil  est  bordé  d'un  tour  de  6  plaques, 
et  la  rostrale  est  assez  déprimée.  Le  corps  est  entouré  de 
larges  bandes  ou  anneaux  géminés  et  bruns,  disposés  sur  un 
fond  jaunâtre,  et  qui  forment,  sur  le  dessous,  des  taches 
carrées.  192  +  89. 

Les  HÉTÉRODONS  sont  des  Goronelles  ou  plutôt  des 
Xénodons,  dont  la  tête  se  prolonge  en  un  museau  conique 
terminé  ,  le  plus  souvent ,  par  une  lame  saillante  tronquée  au 
bout ,  et  dure.  Ils  n'ont  été  observés  que  dans  le  Nouveau 
Monde  où  ils  habitent  les  terreins  sablonneux.  Les  autres 
plaques  de  la  tête  sont  moins  développées  que  d'ordinaire. 
La  couleur  dominante  est  le  rouge,  relevé  par  des  taches  ou 
anneaux  foncés.  Ces  animaux  ne  parviennent  pas  à  une  forte 
taille  et  sont  du  nombre  des  ophidiens  rares.  —  L'espèce  la 
plus  connue  est  l'h  eterod.  pî.atyrhinus,  reconnaissabie 


REVOE  SYNOPTIQUE.  141 

à  ses  formes  trapues  et  vigoureuses,  et  particulièrement  à  sa 
plaque  rostrale  retroussée  et  saillante  en  forme  de  croissant; 
on  lui  voit  plusieurs  écailles  frontales,  l'œil  est  bordé  d'un 
tour  de  petites  écailles,  et  les  plaques  labiales  sont  très  hautes. 
Écailles  lancéolées,  carénées  et  disposées  sur  21  rangées. 
124  +  38.  Corps  couvert  de  larges  taches  foncées  sur  un 
fond  d'un  gris  rougeâtre.  Patrie:  l'Amérique  du  Nord;  le 
Brésil  produit  une  variété  de  climat  de  la  même  espèce.  — 
Originane  du  Brésil,  Theterodon  r  h  in  os  to  ma  ressemble 
au  précédent  par  la  forme  de  sa  plaque  rostrale  ;  mais  cette 
partie  est  plus  petite  dans  noire  espèce  ,  les  plaques  de  la  tête 
affectent  une  forme  plus  régulière;  ses  écailles  sont  lisses  et 
disposées  sur  i5rangées,etsoncorpsoffredes  formes  beaucoup 
plus  élancées.  190  4- 64-  Extrêmement  rare.  —  La  troisième 
et  dernière  espèce  de  ce  genre,  le  xenodoncoccineus 
est  de  petite  taille,  a  la  tête  pointue,  le  museau  saillant  mais 
non  retroussé ,  et  le  corps  d'un  jaune  ardent  marqué  de 
larges  taches  ovales  de  rouge  pourpre.  19  Rangées  d'écaillés  ; 
plaques  170  +  5o.  L'espèce  vient  du  Mexique  et  des  provinces 
méridionales  des  Etats  Unis, 

Les  LYGODONS  composent  le  quatrième  genre  des  ser- 
pens  non-venimeux  terrestres.  Ce  sont  des  ophidiens  de  taille 
moyenne ,  dont  le  corps  est  ordinairement  mince  ,  et  quelque- 
fois même  effilé.  Ils  offrent  le  caractère  particulier  d'avoir  des 
dents  maxillaires  antérieures  plus  longues  que  les  autres.  Les 
yeux  sont  petits  et  à  prunelle  verticalement  alongée.  La  plaque 
verticale  et  les  frontales  antérieures  sont  petites  et  ramassées, 
mais  les  occipitales  sont  assez  alongées  ;  il  n'existe  qu'une  seule 
frênaie.  Les  écailles  sont  en  lozange  et  ordinairement  lisses, 
l'abdomen  est  anguleux  dans  la  plupart  des  espèces,  et  la  queue 
souvent  munie  de  lames  simples.  La  teinte  dominante  est  un 
brun  couleur  de  terre;  les  écailles  sont  quelquefois  bordées  de 
blanc,  et  le  cou  orné  d'un  collier  clair;  d'autres  espèces  ont  le 
corps  annelé  de  noii-  et  de  blanc  ou  de  rouge.  Les  Lycodons 


142  RF.VÎJE  SYNOPTIQUE. 

habitent  les  pays  équatoriaux  des  deux  mondes,  mais  on  u  en 
connaît  point   de  la  Nouvelle  Hollande.  —   i^^  Esp.  lyco- 
DON  HEBE,  à  tète  déprimée  et  à  museau  obtus.  Les  plaques 
frontales  postérieures  et   les    occipitales   sont  très  alongées. 
1964-68;  17  rangées  d'écaillés.   D\in  brun-gris  plus  ou  moins 
foncé,  le  dessus  est  orné   de  taches   claires  et   déchiquetées. 
Cette  dernière  teinte  borde   les  écailles  et    forme,    derrière 
l'occiput,   un   large  collier.    La    distribution   des   teintes   est 
sujette  à  des    variétés   accidentelles;    d'autres    sont   ducs   au 
climat:  les  individus  du  Bengale  sont  très  clairs;  ceux  de  Java 
et  de  Timor  plus  foncés  et  d'une  taille  moins  forte.  —  2™® 
Esp.  T.YcoDON  CARiwATUs.    Vit  à  Gcylau ,  où  il  est  assez 
rare.  Il  a   des  bandes  simples   sous  la  queue,   et  des  écailles 
carénées  disposées  sur    i^  rangées.  Couleur:  brun  de  café, 
plus  clair  sur  le  dessous  qui  est  marqué  de  taches  blanchâtres. 
1 88  -f-  60.  —  3"^^^  Esp.  L  Y  c  o  D  o  N  j  A  R  A.  Des  grandes  Indes. 
Peiite   espèce   noire  à    col'ier  blanc   trè;s  large;    les  écailles 
sont     marquées   de    deux    raies    fines.     Dessous   blanchâtre. 
1^5  -f-  56. — '4'"^  Esp.  LYcoDON  GEOMETRicus.  Grande 
et  belle  espèce  à  formes  ramassées,  dont  on  ignore  la  patrie. 
Dessus  brun  rougeâtre;  le  dessous,  deux  raies  sur  les  flancs,  et 
une  autre  qui  borde  le  sommet  delà  tête  ,  jaunâtres.   21  Ran- 
gées  d'écaillés    lisses.    220 -[- 5i.  —  5*"^    Esp.    lycodon 
HORSTOKii.  Observé  au  Cap  et  à  la  Côte  d'or.    De  petite 
raille,  d'un  brun  olivâtre  foncé   assez  luisant,  avec  le   bout 
des  écailles  marqué  d'une  tache  couleur   de  nacre,   couleur 
qui  forme  quelquefois   des   bandes  étroites   et  transversales. 
Dessous  jaunâtre.    190  -j-  4^  ;  17  rangées  d'écaillés. — 6'^**  Esp. 
LYCODON  UNicoLOR.  Formc    avcc   la   précédente  les  deux 
seules  espèces  du  genre  connues  de  l'Afrique.   Elle  habite  la 
côte  de  Guinée,  et  se  reconnaît  à  ses  teintes    uniformes  d'un 
brun  fuligineux,   plus  clair  sur  le  dessous;  elle  se  distingue 
de  la  précédente  par  Je  nombre  des  pla(jues  et  des  écailles  qui 
€st  de  220  4-60  et  de  27. —  7™*^  Esp.  lycodon  for  mosus: 


REVUE  SYNOPTIQUE  ^  143 

très  belle  espèce  a  formes  minces,  à  tête  étroite,  à  plaque 
iVeiiale  assez  aiongée  qui  s'étend  jusqu'à  l'œil,  et  dont  le 
coips  est  marqué  d'anneaux  alternes  très  larges  d'un  beau 
rouae  vermillon  et  d'un  noir  luisant.  Les  écailles  offrent  des 
bfirdures  noires.  66  Paires  de  lames  sous-caudales,  yj  à  ly 
Rangées  d'écaillés;  les  lames  abdominales  variant  de  168  à 
220.  Habite  le  Brésil.  —  8'"*^  Esp.  t. ycodon  cleha.  Très 
remarquable  par  les  variétés  qu'il  forme,  la  configuration 
de  la  tête  vai'iant  d'un  individu  à  l'autre  ,  et  la  queue  offrant 
des  lames  tantôt  simples,  tantôt  disposées  par  paires.  Couleur: 
brun  de  terre,  quelquefois  clair,  souvent  foncé,  nuque  ornée 
d'un  collier  blanc,  pointes  des  écailles  brunes.  Dents  anté- 
rieures à  peine  plus  longues  que  les  autres.  i5  à  19  Rangées 
d'écaillés.  Plaques  variant  de  148  4- 65  à  2  i  8  -+-  loi.  Patrie: 
Le  Brésil  et  Surinam.  —  9™^  Esp.  lycodon  subcinctus. 
Museau  extrêmement  large  et  obtus.  Plaque  frênaie  touchant 
à  l'œil,  vu  le  manque  d'oculaire  antérieure.  Narines  très 
ouvertes.  D'un  brun  noirâtre  luisant,  le  corps  de  cette  espèce 
est  entouré  d'une  vingtaine  de  larges  bandes  blanches. 
208 -I- 76;  17  rangées  d'écaillés.  Du  Bengale  et  de  Java.  — 
10™*  Esp.  LYCODON  MODESïus.  Voisiu ,  pour  l'organisa- 
tion, du  Lycodon  Clelia.  Tête  plus  conique  que  d'ordinaire. 
Ecailles  à  surface  unie,  presque  carrées,  et  disposées  sur  17 
rangées.  2004-84.  Dessus  brun  foncé;  dessous  et  collier 
jaunâtres.  Habite  l'île  d'Amboine,  et  aussi  la  Nouvelle  Guinée 
où  il  acquiert  une  très  forte  taille,  offrant  alors  des  teintes 
assez  claires.  —  11"^^  Esp.  lycodon  nympha.  Formes 
effilées,  tète  ramassée  à  museau  obtus,  yeux  assez  volumi- 
neux, i3  rangées  d'écaillés  lisses,  abdomen  étroit  et  anguleux, 
aao -4- 85.  Corps  brun,  orné  de  bandes  ou  de  taches  claires. 
Habite  au  Bengale.  —  i:*"'*  Esp.  lycodon  atjdax.  Du 
Paraguay,  se  rapproche,  pour  les  fornjes,  des  Dipsas.  Tronc 
comprimé  et  alongé,  queue  très  mince  et  effilée,  tête  grosse 
par  derrière.    Varié  de  brun  et  de  jaune,  qui  forme  de  larges 


144  REVUE  SYNOPTIQUE. 

taches  déchiquetées  et  irréguhères.  Plaques  de  la  tête  foncées 
au  centre.  200-+-110.  19  Rangées  d'écaillés.  —  iS*"*  Esp. 
LYCODON  PETOLARius.  A  formcs  effilées  commc  le  précé- 
dent j  mais  sa  tête  est  heaucoup  moins  large  et  le  corps  plus 
mince.  Dents  d'égale  grosseur.  210+  100.  Corps  brun  foncé, 
marqué  de  nombreuses  bandes  ou  anneaux  clairs,  dont  fa 
disposition  varie  selon  les  individus.  Habile  les  Guyanes  et  se 
trouve  aussi  au  Brésil. 

Cinquième  genre  de  la  famille  des  serpens  terrestres  :  C  O  L  U- 
}5ER.  Comprend  tous  les  serpens  terrestres  de  grande  taille 
qui,  tenant  le  milieu  entre  tous  les  ophidiens,  ne  présentent 
guère  de  faits  extraordinaires  dans  l'organisation.  Ils  habitent 
ordinairement  les  lieux  secs;  mais  quelques  uns  préfèrent 
le  voisinage  des  eaux.  Ils  se  plaisent  également  sous  les 
climats  chauds  et  tempérés  des  deux  mondes,  mais  on  ne 
connaît  qu'une  espèce  dans  l'Afrique  australe,  et  ils  paraissent 
manquer  absolument  à  la  Nouvelle  Hollande.  Les  plaques 
abdominales  sont  ordinairement  assez  nombreuses.  Leurs 
écailles  dorsales  offrent  le  plus  souvent  des  carènes  assez  fai- 
bles. La  plupart  ont  2  plaques  oculaires  postérieures.  Ce  genre 
est  très  riche  en  espèces.  —  1)  coluber  aesculapii.  De 
l'Europe  centrale  et  méridionale  ;  21  rangées  d'écaillés,  brun 
olivâtre,  avec  un  collier  clair  ,  dessous  jaunâtre.  22^8 -f- 79. — 
2)coLUBER  coNSTRicTOR.  Voisin  du  précèdent  pour  les 
formes;  mais  il  a  17  rangées  d'écaillés  et  est  couleur  de 
plomb  foncée  uniforme.  i83-t-94.  Habite  les  Etats-Unis  de 
l'Amérique  du  Nord.  —  3)  coluber  radiatus.  A  formes 
plus  sveltes  que  d'ordinaire.  Dessus  d'un  brun  clair,  relevé 
par  quatre  raies  longitudinales  foncées.  Occiput  marqué  d'une 
bande  transversale.  23o  +  88  ;  19  rangées  d'écaillés.  Patrie:  la 
Cochinchine  ,  les  îles  de  Sumatra  et  de  Java.  —  4)  coluber 
suBRADiATUS.  Remplace  le  précédent  à  l'île  de  Timor.  Il 
lui  ressemble  assez;  mais  ses  teintes  sont  plus  foncées ,  la 
bande    sur   locciput   manque,    les    raies   sont   interrompues 


REVUE  SYNOPTIQUE.  HT) 

et  Tes  plaques  plus  petites  disposées   sur  23  rangées.  235  -f- 

gO,     5)     COLUBÊR     ftLUMENBAClIII,     OfflC     dcS     foi  mCS 

élancées  et  une  queue  eflilée.  La  tête  est  plus  distincte  du 
cou  que  dans  les  précédentes  ;  l'œil  est  plus  volumineux  ;  l'ab- 
domen anguleux  et  garni  de  lames  assez  larges;  le  dos  est  un 
peu  en  carène  et  les  écailles  sont  disposées  sur  i^  rangées 
plus  obliques  que  dans  les  autres  espèces.  200  +  i25.  Brun- 
olivâtre  tirant  sur  le  jaune  sur  le  dessus,  (jui  est  orné  de 
bandes  transversales  étroites  foncées,  souvent  assez  eifacées, 
irrégulières  ou  entrelacées.  Ecailles  bordées  de  noir-  L'espèce 
a  élé  observée  au  Malabar,  au  Bengale  et  à  Java.  —  6)  c  o  l  u- 
BER  KORROS.  Très  analogue  à  la  précédente,  dont  elle  diffère 
par  des  plaques  labiales  plus  étroites  et  un  museau  plus  court, 
par  une  tète  moins  liante ,  enfin  un  tronc  moins  comprimé  et 
moins  alongé.  170 -f-  120;  i5  rang,  d'écaillés;  des  îles  de  Java 
et  de  Sumatra.  —  7)coluber  corais.  La  plus  grande  des 
Couleuvres  connues  ,  atteint  jusqu'à  8  pieds  de  longueur  et 
la  sfrosseur  d'un  bras  d'enfant.  Vient  de  Surinam.  Ses  formes 
sont  très  robustes ,  sa  tête  vigoureuse  et  le  museau  gros. 
Sa  pbysionomie  ressemble  à  celle  des  Najas.  17  Rangées  de 
grandes  écailles.  D'un  brun  rougeâtre  tirant  sur  le  gris-pour- 
pre ;  les  jeunes  à  bandes  transversales  foncées  sur  les  flancs. 
Dessous  blanc  jaunâtre.  202  4-  70.  —  8)  coll'ber  mela- 
NURTJS.  A  tête  ramassée  et  déprimée  et  à  museau  obtus  ; 
19  rangées  d'écallles  fortement  carénées.  Les  plaques  labiales 
sont  étroites.  Le  tronc  est  comprimé  et  l  abdomen  assez  angu- 
leux. 218-1-  9^-  Remarquable  par  les  changemens  qu'éprouve 
le  système  de  coloration  avec  l'âge,  Les  jeunes  sont  d'un  beau 
noir  luisant  avec  une  raie  dorsale  jaune  de  citron  ;  flancs 
ornés  d  une  suite  de  tacbes  en  œil  à  centre  blanc  ;  joues  d'un 
blanc  pur.  Chez  les  adultes,  la  teinte  du  fond  change  au  brun, 
passant  souvent  au  jaune  d'ocre  sur  le  dessus,  couleur  qui 
représente  la  raie  dorsale  ;  les  taches  des  flancs  deviennent 
indistinctes  et  ne  sont  visibles  que  sur   le  cou.  Les  parties 

10 


14G  REYUE  SYNOPTIQUE. 

postérieures  passent  au  uoirâtre.  ÎJe  Java.  L  iie  de  Célèbes 
produit  une  variété  de  climat,  reconnaissable  à  un  trait  en 
angle  aigu  qui  orne  le  dessus  du  cou.  Une  autre  variété  lo- 
cale ,  caractérisée  par  deux  raies  dorsnles  noires ,  et  par 
une  raie  semblable  sur  les  côtés  du  cou  ,  vient  de  Sumatra.  — 
9)  coiiUBER  PANTHERiNus.  Belle  ct  grande  espècc ,  qui 
habite  au  Brésil  dans  les  lieisx  marécageux.  Formes  élancées. 
Tête  alongée  et  large.  Dessus  brun  pâle,  presque  totalement 
couvert  par  deux  suites  de  taches  extrêmement  larges,  irré- 
gulières et  qui  forment  quelquefois  des  bandes  transversales. 
Deux  raies  foncées  sur  le  cou ,  et  deux  ou  trois  bandes  sur 
le  sommet  de  la  tête.  i5  Rangées  d'écaillés  très  grandes  et 
lisses.  175-1-90. —  10)  GOLUBER  viRGATUS.  Parai l  rem- 
placer,  au  Japon,  notre  Couleuvre  quatre-raies.  Corps  com- 
primé, abdomen  anguleux,  museau  large  et  obtus.  Dessus 
brun  plus  ou  moins  clair,  tirant  sur  le  vert  ou  sur  l'olivâtre, 
couvert  de  larges  taches  ou  bandes  transversales.  Ces  taches 
disparaissent  avec  lâge,  en  sorte  qu  il  n'en  reste  que  des 
raies  longitudinales  effacées.  23  Rangées  d'écaillés  carénées. 
Plaques:  240  + 110.  —  11)  coluber  qu adrivïr  gatus. 
Egalement  du  Japon,  et  très  voisine  de  l'espèce  précédente, 
dont  elle  se  distingue  par  sa  tête  plus  conique  et  moins  grosse  , 
revêtue  de  plaques  plus  aîongées  ;  par  un  corps  moins  vigou- 
reux entouré  de  19  rangées  de  plaques  seulement  ,  et  orné 
de  4  raies  dorsales  distinctes  dans  l'âge  adulte.  Elle  est  d'une 
taille  moins  forte  que  laprér^édente  et  offre  200  -\-  87  plaques. 
Les  teintes  varient  tellement  que  l'on  observe  des  individus 
presque  totalement  noirs.  —  12)  coluber  'diadema. 
Ecailles  carénées.  Plaques  280+  60.  Couleur  brun  déterre, 
une  bande  noire  entre  les  yeux.  Des  «randes  Indes.  — 
1 3)  COLUBER  M I N 1 A  T  u  S.  Patrie  .'  île  de  France.  Forme  s 
élancées  ,  queue  extrêmeuient  déliée  ,  de  là  le  nombre  élevé 
de  plaques  qui  est  de  199  +  i45.  2  5  Rang,  décailles  lisses 
et  en  îo/ange.  Jaune  d'ocre  par  devant ,  couleur  qui  passe, 


REVUE  SYNOPTIQUE.  147 

vers  les  parties  postérieures,  au  rouge  de  minium  cl  au  pourpre 
couvert  de  marbrures  jaunes. —  i4)  coluber  variabilis. 
A  corps  annelé  et  tacliete  de  noir  et  de  blanc  ou  de  jaune.  11  a 
les  formes  assez  élancées,  le  tronc  est  très  comprimé,  l'abdomen 
anguleux  et  le  dos  en  carène.  Les  écailles  en  lozano^e  sont  très 
grandes,  carénées  et  disposées  sur  i5  rangées.  Plaques  204  -4- 
100.  Dents  longues  et  aiguës.  Il  existe  un  petit  poumon  acces- 
soire. L'espèce  rappelé  certains  serpens  d'arbre  du  genre  Dip- 
sas,  notamment  le  D.  dendrophile.  Habite  les  bois  de  Surinam 
et  du  Brésil.  —  i5)  coluber  plumbeus.  Assez  reconnais- 
sable  à  son  système  de  coloration  uniforme  :  couleur  de 
plomb  dessus .  jaunâtre  dessous.  Il  se  distingue  en  outre  par  la 
présence  d'une  dent  postérieure  longue  et  sillonnée ,  par  ses 
formes  lourdes  et  ramassées ,  par  une  tête  large,  grosse  et 
arrondiej  ennn  par  sa  physionomie,  qui  ressemble  à  celle  de  cer- 
tains Homalopsis.  Il  aie  corps  presque  cylindrique,  la  queue 
courte  et  conique,  et  des  écailles  presque  carrées ,  à  surface 
unie  et  luisante  ,  et  disposées  sur  19  rangées.  240  4-68.  Est 
le  même  au  Brésil  et  à  Surinam. —  16)  coluber  poëciLos- 
TOMA.  Belle  espèce  de  grande  taille  ,  rare  à  Surinam  ,  vient 
aussi  du  Brésil;  reconnaissabieà  sa  tête  très  grosse,  ramassée, 
laige,  et  revêtue  de  lames  assez  larges;  à  ses  écailles  lancéo- 
lées ,  carénées  et  disposées  sur  21  rangées  ,  à  sa  queue 
effilée  ,  et  aux  teintes  qui  sont  d'un  jaune  tirant  tantôt  sur 
le  brun,  tantôt  sur  le  vert.  La  tête  est  d'un  brun  rouge  et  les 
parties  postérieures  sont  souvent  foncées,  tandis  que  l'abdo- 
men est  jaunâtre.  La  femelle  a  le  dessous  de  la  tête  rougeâtre. 
L'œil  est  volumineux  et  bordé  par  derrière  de  3  lames. 
Habite  les  lieux  marécageux  dans  les  grands  bois  ,  et  se  rap- 
proche, par  ses  mœurs,  des  Tiopidonotes.  —  17)  colu- 
ber CANUS.  La  seule  espèce  du  genre  connu  dans  l'Afrique 
du  Sud,  se  rapproche  ,  par  son  organisation  ,  des  Psanmiophis 
ou  serpens  de  sable.  Tête  petite  et  très  conique;  museau  ter- 
miné par  une  plaque  saillante  et  voûtée;  yeux  peu  volumineux  ; 


148  REVUE  SYNOPTIQUE. 

écailles  petites,  à  pointe  tronquée,  lisses  et  disposées  sur  27 
rangées  ;  queue  courte  et  grosse.  Son  anatomie  présente 
plusieurs  fait  curieux:  la  verge  est  double  de  chaque  côté,  le 
cr.ane  offre  les  formes  de  celui  des  Herpétodryas ,  les  mastoï- 
diens sont  extrêmement  développés  ,  et  les  fortes  dents 
deviennent  plus  longues  vers  le  bout  du  museau.  Taille  très 
forte ,  jusqu'à  6  pieds.  Plaques  194  —  64.  Cette  espèce  curieuse 
est  encore  remarquable  par  les  changemens  qu'éprouvent 
les  teintes  avec  l'âge:  brun-rouge  pâle  relevé  par  quatre  ran- 
gées de  taches  œillés,  au  jeune  âge  ;  grisâtre,  tirant  sur  Toli- 
vàtre,  le  brun  ou  le  noir,  à  l'état  d'âge  adulte. —  18)  colu- 
BER  SAYi.  Du  Missouri.  Tête  assez  conique,  plaque  verticale 
en  forme  de  triangle  ,  rostrale  saillante  ;  25  rangées  d'écaillés 
carénées.  Jaune  rougeâtre,  le  dos  est  brun  foncé;  ces  teintes 
forment  des  taches  et  des  bandes.  224  +  55.  —  i9)coluber 
QUATERRADiATus.  Quelquefois  de  y  à  8  pieds,'  habite 
l'Europe  méridionale.  Tête  distincte  du  tronc,  très  alongée, 
haute  près  des  yeux  ;  museau  gros  ;  oeil  volumineux  et  om- 
bragé par  une  lame  saillante  ;  plaques  occipitales  allant  en 
pointe;  queue  forte,  25  rangées  d'écaillés  petites  et  lancéo- 
lées ;  212  -f.  y 5.  Dessus  brun  relevé  par  4  raies  brunes  plus 
ou  moins  distinctes  ;  une  raie  foncée  va  de  l'œil  à  l'angle  de 
la  bouche.  Cette  Couleuvre  a  les  moeurs  très  douces.  — 
20)  coLUBER  viRiDiFLAvus.  Dcs  mêmcs  contrées  que  le 
précédent,  mais  d'une  taille  moins  forte,  plus  répandu  et 
plus  commun.  Queue  très  élancée  et  plane  en  dessous;  tronc 
presque  cylindrique  à  abdomen  convexe;  19  rangées  d'écail- 
lés lisses;  195  +  io3.  Dessus  vert  foncé,  dessous  et  une  tache 
centrale  des  écailles  jaunes.  Ces  teintes  varient  assez,  et  passent 
souvent  au  brun  et  même  au  noir.  Cette  espèce  a  les  mœurs 
assez  sauvages.  - — 21)  coluber  cliffordii.  Du  Nord  de 
l'Afrique.  Région  des  tempes  et  des  freins  revêtues  d'écaillés. 
Plaques  labiales  étroites  et  nombreuses.  Ecailles  carénées  et 
disposées  sur  23  rangées.  Teintes  livides.  Dessus  brun-jaunâtre 


KliVUIi  SViNOPilQljL.  14'J 

sale,  orné  de  trois  rangs  de  taches  un  peu  plus  foncées 
et  souvent  confluentes.  236  ~^  84-  Moins  fort  que  le  précé- 
dent.—22)  coLUBER  Hip  PO  c  RE  PI  s.  Intermédiaire  entre 
les  deux  précédens.  Taille  et  formes  de  la  Coul.  verte  et 
jaune  ,  mais  à  tête  plus  large  et  à  queue  moins  effilée.  L'œil 
entouré  postérieurement  et  par  dessous  de  6  petites  plaques 
environ;  25  rangées  d'écaillés  ;  282  +91.  D'un  jaune  rougeâtre 
assez  vif,  le  dessus  est  relevé  par  3  rangées  de  larges  taches 
foncées ,  orbiculaires  sur  le  dos,  carrées  et  plus  petites  sur  les 
flancs:  les  traits  qui  ornent  le  sommet  de  la  tête  présentent 
quelquefois  de  la  ressemblance  avec  un  fer-à-cheval.  Habite  la 
plupart  des  pays  entourant  la  Méditerranée.  —  23)  coluber 
FLORULENTUS.  A  formcs  plus  délicates  que  les  précédens. 
D'un  gris  jaunâtre  ou  brunâtre  ,  varié  d'un  grand  nombre  de 
taches  et  de  bandes  assez  effacées.  Menton  et  tempes  garnis 
de  nombreuses  petites  plaques  ou  écailles;  19  rang,  d'écaillés 
alongées.  214  -H  93.  De  l'Egypte.  —  24)  coluber  tra- 
BALis  (i).  Un  peu  plus  fort  que  notre  Coronelle  lisse,  de 
laquelle  il  ne  diffère  guère  que  par  ses  écailles  surmontées 
d'une  faible  carène  :  Patrie:  la  Tartarie.  25  Rangées  d'écaillés. 
195+75. — 25)  COLUBER  GUTTATUS.  De  lAuiérique  du 
Nord.  D'une  taille  plus  forte  que  notre  Coronelle  lisse ,  il 
offre  en  outre  une  tête  plus  petite  et  une  queue  moins  longue. 
L'abdomen  est  un  peu  anguleux.  210  +  56  ;  25  rangées 
d'écaillés  lisses.  Dessus  gris-rougeàtre,  moucheté  de  noir  ,  et 
relevé  par  3  ou  5  rangées  de  taches,  dont  les  mitoyennes  sont 
assez  larges  et  plus  ou  moins  orbiculaires.  Un  trait  noir 
bifourchu  sur  l'occiput,  et  une  bande  entre  les  yeux.  Des- 
sous jaune  foncé,  avec  de  taches  noires  carrées  et  alternes.  - 
26)  coLUBERLEOPARDiNus.  Système  de  coloration  analogue 
à  celui  du  Golub.  guttatus,  avec  cette  exception  que  les  taches 

(i)  C'est  le  Col.  Dione  Pall.   du  Musée  de  Berlin  ,  où  noUe  Psain- 
mophis  moniliger  poiie  le  nom  de  Coluber  trabdlis.  Pall. 


150  REVUE  SYNOPTIQUE. 

dorsales  sont  moins  larges  et  souvent  confluentes.  Formes 
plus  délicates  que  dans  le  précédent.  Tête  comme  chez  la 
Couleuvre  d'Esculape;  23  rangées  d'écaillés  lisses.  240  +  ^5. 
Le  Sud-Est  de  l'Europe,  et  l'Afrique  septentrionale.  —  ay) 
COLUBER  coNSPiLLATUS.  Très  aualoguc  au  précédent, 
pour  le  système  de  coloration,  mais  à  formes  plus  lourdes,  à 
écailles  plus  grandes  et  à  plusieurs  petites  plaques  frênaies. 
Des  bandes  transversales  au  lieu  de  taches  sur  le  tronc  ;  une 
tache  en  massue  précédée  par  un  trait  en  angle  sur  l'occiput. 
2  1  Rangées  d'écaillés  210  +  68.  Originaire  du  Japon. 

6me  Genre  des  serpens  non-venimeux  terrestres:  FI  ERP  ET  O- 
DRYAS.  Les  Erpétodryas  sont  des  Couleuvres  qui  aiment  le 
séjour  dans  les  bois  ou  qui  fréquentent  ordinairement  les 
arbres.  Ils  rappelent  les  Couleuvres  par  leur  organisation  , 
mais  ils  ont  des  formes  plus  élancées,  leur  tête  est  plus  effilée, 
et  la  plupart  offrent  une  livrée  d'un  vert  plus  ou  moins  uni- 
forme. Ils  ont  les  mœurs  sauvages  et  habitent  les  pays  chauds 
des  deux  mondes,  mais  n'ont  point  encore  été  observés  ni  en 
Afrique,  ni  à  la  Nouvelle-Hollande.  L'Europe  et  le  Japon  n'en 
produisent  non  plus.  La  plupart  se  nourrissent  d'oiseaux. 
i)  H  ERPETODRYAS  cARiNATus.  Serpent  remarquable 
parce  que  son  dos  étant  garni  de  deux  rangées  de  plaques,  le 
nombre  total  de  ces  rangées  est  pair,  exemple  unique  dans 
tout  l'ordre  des  Ophidiens.  Il  est  encore  remarquable  parce 
que  toutes  les  parties  sont  sujettes  à  varier  considérablement. 
12  Rangées  d'écaillés,  dont  les  deux  dorsales  sont  souvent 
surmontées  d'une  forte  carène.  Plaques  variant  de  1/^1  -^  98 
à  199  -+-  204.  On  observe  dans  cette  espèce  plusieurs  races 
distinctes  par  leurs  formes  plus  ou  moins  élancées.  Dessusbrun 
tirant  au  vert ,  au  gris  noir  ,  ou  au  rouge;  dos  quelquefois  plus 
clair.  Dessous  jaune.  Habite  le  Brésil  et  est  très-commun  à 
Surinam.  Parvient  à  une  taille  de  6  pieds. —  2)  h  erpéto- 
dryas SERRA.  Espèce  très  rare  du  Brésil.  Formes  grêles , 
tronc  fortement  comprimé,  dos  en  carène,  queue  assez  déliée. 


REVUE  SVJNOlMinUE.  151 

abdomen  ani>iileux.  Plaques  frontales  étroites.  Ecailles  forte- 
ment carénées,  lancéolées  et  disposées  sur  21  rangées.  241  -+- 
106.  La  dernière  dent  maxillaire  longue  et  sillonnée.  Une 
suite  de  larges  taches  dorsales  carrées  sur  un  fond  d'un  gris 
rougeâtre  pâle,  qui  passe  au  noir  sur  la  queue. — 3)  her  pe  to- 
DRYAs  viRiDissiMus.  Tête  large  et  comprimée;  abdomen 
assez  anguleux;  19  rangées  d'écaillés  à  surface  unie  et  très 
luisante.  Taille  de  2  à  3  pieds.  D  un  vert  bleuâtre,  plus  clair 
sur  le  dessous.  2i5  4- I  ip.  Habite  Surinam.  —  4)herpeto- 
DRYASoLFERSii.  Fomics  nioius  effilées  que  le  précédent, 
les  dernières  plaques  labiales  larges.  Vert  ,  à  tête  et  raie  dor- 
sale d'un  brun  vif.  Une  raie  noire  derrière  l'œil.  Abdomen 
convexe.  178  "^9^.  Du  Brésil  et  de  Surinam,  où  il  forme  une 
variété  distinguée  par  les  teintes  vertes  à-peu-près  unifor- 
mes.          5)      IIERPETODRYAS    MARGARITIFERUS.     Taille 

et  formes  de  lErpétodryas  d'Olfers;  mais  à  tête  un  peu  plus 
large.  19  Rangées  d'écaillés  faiblement  carénées,  noires  à  centre 
bleu  et  à  pointe  jaune.  Sommet  de  la  tête  brun  vif,  région 
des  tempes  noire.  i54~^  ii5.  De  la  Nouvelle -Orléans. — 
6)herpetodryas  boddaertîi.  Voisin  de  l' Erpéto- 
dryas  d'Olfers;  mais  à  abdomen  un  peu  anguleux,  à  tête 
plus  déprimée,  a  plaques  labiales  plus  étroites,  et  d'un 
vert  gris    ou  olivâtre  uniforme.  170+  102.  De  Surinam. — 

7)  herpetodryas  aestivus.  Distingué  des  trois  précé- 
dens  par  17  rangées  d'écaillés  lancéolées  et  fortement  caré- 
nées, par  des  formes  plus  grêles^  et  par  des  teintes  d'un  beau 
vert    d'herbe.    Habite   les    deux   Amériques.   1^5  -H  3o.  — 

8)  herpetodryas  tricolos.  Port  de  FErpét,  très  vert, 
mais  de  rhoindre  taille;  aussi  sa  tête  est-elle  plus  courte, 
grosse  à  la  base  et  très  conique;  le  tronc  est  moins  haut,  et 
la  plaque  frênaie  manque.  i5  Rangées  d'écaillés  carrées 
et  lisses.  Les  plaques  occipitales  très  développées.  Dessus 
vert-olivâtre  ou  brunâtre;  dessous  jaune;  une  raie  noire  va 
de  lœil  aux  côtés  du  cou.   i?>o  H-  iif).   Assez  rare  dans   l'île 


152  REVUE  SYNOPTIQUE. 

de  Java.  9)  herpetodryas  goudotii,  Formes  très  effi- 
lées, queue  extrêmement  déliée.  Brun  jaunâtre  sur  le  dessus; 
sur  les  flancs  de  nombreuses  raies  noires  et  obliques,  pro- 
duites par  les  bordures  des  écailles;  côtés  de  l'abdomen 
tachetées  de  noir  qui  forme  une  raie  sur  les  côtés  de  la  queue. 
21  Piangées  d'écailies  lancéolées  et  lisses.  186  -h  i58.  Patrie: 
l'île  de  Madagascar.  10)  herpetodryas  oxycephalus. 
De  très  forte  taille,  et  du  port  des  Couleuvres.  Tronc  assez 
comprimé  et  haut;  abdomen  fortement  anguleux;  queue 
longue  et  vigoureuse;  tête  acuminée,  particulièrement  le 
museau;  plaque  frênaie  petite  et  très  alongée.  25  Rangées 
d'écaillés  lancéolées  et  lisses.  Vert,  dessous  jaune,  queue 
brune.  25o  H-  i4o.  Patrie:  file  de  Java.  L'île  de  Célèbes 
produit  une  variété  de  climat,  reconnaissable  à  ses  teintes 
brunes,  qui  passent  au  noir  sur  les  parties  postérieures.  — 
II)  HERPETODRYAS  LiNEATUS,  Petite  cspècc  de  Surinam, 
où  elle  est  très-commune.  Gris -blanchâtre,  dessus  brunâtre, 
avec  trois  raies  foncées.  19  Rangées  d'écaillés  lisses.  Oeil 
grand,  plaque  verticale  étroite.  lyo-i-yo.  Le  Brésil  nourrit 
un  ophidien  toutà-fait  analogue,  mais  dont  toutes  les 
écailles  sont  bordées  de  noir,  et  les  raies  dorsales  interrom- 
pues et  composées  de  taches  noires.  —  12)  herpetodryas 
HELENA.  Très  jolie  espèce  de  Bengale,  où  elle  est  assez  rare: 
écailles  petites,  lisses,  et  disposées  sur  27  rangées;  formes 
très  effilées.  Plaques:  23o  +90.  Dessous  couleur  de  nacre. 
Dessus  rose  pourpre,  passant  au  brun  vers  les  parties  posté- 
rieures; sommet  de  la  tête  de  la  dernière  teinte;  une  raie 
dorsale  vert-jaunâtre  ;  sur  la  nuque,  une  paire  de  raies  bleues 
en  massue ,  et  renfermant  une  ligne  en  zigzag  qui  se  pro- 
longe sur  le  dos. l3)    HERPETODRYAS    RHODOGASTER. 

Teintes:  dessus  comme  dans  l'Erpétodr.  rayé;  dessous  rouge» 
Formes  beaucoup  plus  élancées  que  dans  l'Erpét.  rayé;  mais  la 
lête  est  peu  grande,  ramassée  et  revêtue  de  lames  peu  dévelop- 
pées; frênaie    petite.  Nombre  des  plaques  abdominales  186, 


REVUK  SYNOPTIQUE.  153 

des  caudales  au  dessus  de  70;  17  rangées  d'écaiHes  lisses. 
Habite  l'île  de  Madagascar.  —  i4)  herpetodryasge mi- 
nât us.  De  Java.  Taille  petite.  Formes  assez  effilées;  tronc 
cylindrique  partout  d'égale  grosseur.  Tête  petite,  presque 
d'une  venue  avec  le  cou,  déprimée  et  à  museau  obtus.  i5 
Rangées  d'écaillés  lisses  en  lozange.  166  +  io5.  Marbré  de 
brun-gris  foncé  ;  deux  raies  dorsales  d'un  gris-argenté.  Un 
demi-collier  jaunâtre  sur  la  nuque.  —  i5)  herpetodr yas 
PSAMMOPHis.  Ressemble  à  la  Couleuvre  jaune  et  verte  par 
le  port  et  le  système  de  coloration  ;  mais  ses  formes  sont  plus 
élancées,  l'abdomen  est  un  peu  anguleux,  et  la  tête  plus 
effilée.  Physionomie  rappelant  celle  des  Psammophis;  plaque 
verticale  alongée.  196+  ii4«  17  Rangées  d'écaillés  Uncéolées 
ou  lisses.  Patrie:  la  Nouvelle-Orléans.  —  16)  herpeto- 
DRYAS  DENDROPHis.  1 5  Rangées  d'écaillcs  caréuécs  ct  lan- 
céolées.  Dessous  de  la  queue  aplati  ;  ventre  convexe. 
î4o-l-  196.^^  Dessus  brun-olivâtre,  marqué  de  nombreuses 
bandes  étroites  transversales  foncées ,  qui  renferment  des 
taches  claires.  De  Cayenne.  —  17)  herpetodryas  dip* 
SAS.  Rappelé  les  Dipsas  par  la  configuration  de  sa  grosse  tête. 
Yeux  très  grands.  Ecailles  lisses,  grandes,  disposées  sur  i3 
rangées.  Formes  élancées  et  cependant  vigoureuses  ,  queue 
assez  déliée.  Noir-bleuâtre  luisant.  Dessous  et  parties  anté- 
rieures jaune- brunâtre,  les  dernières  couvertes  de  marbrures; 
des  taches  en  triangle  sur  les  flancs.  194  ^'  i3o.  Espèce  de 
grande  taille,  originaire  de  l'île  de  Gélèbes.  —  18)  herpe- 
todryas GETULus.  Ses  formes  lourdes  le  rapprochent  des 
Couleuvres.  Tronc  gros,  abdomen  anguleux.  Tête  presque 
d'une  venue  avec  le  cou.  Museau  tronqué ,  à  plaque  rostrale 
voûtée.  Yeux  petits.  21  Rangées  d'écaillés  lisses  et  en  lozange. 
216  -H  44-  Noir,  varié  de  bandes  et  raies  jaunes  enchaînées 
entre  elles.  L'Amérique  du  Nord.  —  19)  herpetodryas 
cursor.  D'une  taille  peu  forte.  Formes  des  Couleuvres. 
Dessous  de  la  queue  assez  convexe;  i6à  17  rangées  d'écaillcs. 


154  REVUE  SYNOPTIQUE. 

Noirâtre,  avec  4  ^ixies  jaunes  sur  le  dessus.   1954-  io5.   Des 
deux  Amériques. 

Le  septième  et  dernier  genre  des  serpens  terrestres,  les  P  S  A  M- 
MOPHIS  comprend  ces  Couleuvres  qui  se  rapprochent  des  ser- 
pens d'arbre  par  leurs  formes  et  par  plusieurs  points  de  l'organi- 
sation. La  plupart  habitent  des  lieux  incultesou  sablonneux  cou- 
verts de  broussailles.  Ils  offrent  une  anomalie  dans  le  système  de 
dentition,  en  ce  queles  dents  postérieures  et  celles  du]niiheu  sont 
ordinairement  plus  longues  queles  autres  et  quelquefois  sillon- 
nées. Leur  tête  est  aiongée,  peu  large  et  revêtue  de  plaques 
dont  la  verticale  est  très  étroite;  la  région  du  frein  est  en 
gouttière.  Quelques-uns  ont  des  formes  assez  élancées  et  un 
corps  mince;  d'autres  se  rapprochent,  par  leurs  formes  ramas- 
sées ,  des  Couleuvres.  Ils  habitent  les  contrées   chaudes    et 
tempérées    des   deux   Pdondes ,    mais    n'ont   pas    encore   été 
observés  à  la  Nouvelle  Hollande.  Ils  parviennent  rarement  à 
une   forte  taille,  i)   psammophis   lacertïna.    Taille   plus 
forte  et  formes  plus  lourdes  que  dans  les  autres  espèces.  Se 
reconnaît  facilement  à  ses  écailles  creusées  d'un  sillon,  et  au 
sommet  de  la  tête  concave  et  séparé  en  manière  de  casque. 
Plaque  verticale  très  étroite;  frontale  antérieure  et  occipitales 
petites.  Dessus   brun-olivâtre  ou  verdâtre,  orné  de  5  rangées 
de  taches  ;  dessous  jaunâtre;  plaques  labiales  et  mentales  avec 
de  larges   taches  vertes.   189  +  80.  Habite  presque  tous  les 
pays  entourant  la  Méditerranée.  —  2)   psammophis   mo n i- 
LîGER.  De  moindre  taille  et  à  formes  moins  robustes  que  le 
précédent.  Tête  moins  large  et  plus  déprimée.  Brun  verdâtre 
ou  olivâtre;  une  raie  dorsale  jaune;  souvent  deux  raies  sem- 
blables sur  les  flancs.  Plaques  de  la  tête  ornées  de  grandes 
taches  effacées.  Varie  extrêmement  tant  pour  les  formes  que 
pour  le  système  de  coloration.  Plaques  abdominales    i36  à 
170;  pi.  sous-caudales  62  à  126;   i5  à  17  rangées  d écailles 
lisses.    Patrie:    toute    l'Afrique  jusqu'au   Levant;    la   pointe 
australe  de  ce  continent  produit  un  grand  nombre  de  variétés 


REVUE   SYNOPTIQUE.  155 

de  cette  espèce,  et  on  en  trouve  une  race  analogue  à  île  de 
France.  —  3)  psàmmopiiis  pulverulenta.  De  très  petite 
taille.  Queue  assez  courte.  Dents  sillonnées  cxirèmement 
développées.  Tête  conique;  museau  bombé  et  assez  court; 
plaque  verticale  assez  effilée.  Jaune-rougeàtre,  variant  au 
brun  et  au  noir;  tête  rayée  de  noir;  une  raie  dorsale  foncée 
accompagnée  d'une  rangée  de  tacbes  alternes.  L(S  teintes 
varient  assez  d'un  individu  à  l'autre.  i53-h  54-  Du  Bengale, 
de  Sumatra  et  de  Java. — 4)  ps  A-Mimophis  seychellensis. 
Tête  effilée  et  déprimée,  museau  tronqué;  17  ran.  d'écailles 
lancéolées  et  fortement  carénées.  Brun -foncé  varié  de 
taches  blanches  et  noirâtres  alternes;  une  raie  claire  bordée 
de  noir  va  des  lèvres  sur  les  côtés  du  cou.  188-+-107.  — 
5)  PSAMMOPHis  antillensis.  Formcs  effilées.  Port  du 
Psamm.  moniliger.  Tête  large  et  conique;  museau  terminé 
par  une  pointe  émoussée.  La  plaque  verticale  est  moins 
alongée  que  d'ordinaire.  Toutes  les  dents  d'égale  longueur. 
Dessus  brun-jaunâtre,  orné  de  5  raies  foncées  qui  s'effacent 
plus  ou  moins  avec  l'âge.  Dessous  jaunâtre.  Taille:  3  pieds 
environ;  17  à  19  rangées  d'écailles  lancéolées  et  lisses.  Pla- 
ques: 190  -H  122.  —  6)  PSAMMOPHis  DAHLii.  Sc  rap- 
proche par  ses  formes  très  élancées  et  grêles  des  Dendrophis. 
Abdomen  un  peu  anguleux.  Tête  étroite  et  alongée,  mais 
garnie  de  plaques  plus  développées  que  chez  les  précédentes. 
Oeil  grand;  deux  plaques  oculaires  antérieures.  Dents  toutes 
d'égale  long^ueur.  Une  grosse  glande  surnuméraire  derrière 
la  lacrymale.  Dessus  gris-olivâtre;  4  ^^  ^  taches  en  oeil  sur 
les  côtés  du  cou.  Longueur  3  à  4  pieds.  Plaques:  211  +  122. 
Originaire  de  la  Dalmatie;  se  trouve  peut-être  aussi  en 
Egypte.  —  7)  PSAMMOPHIS  elegans.  Espèce  assez  jolie 
et  rare  de  la  côte  occidentale  de  l'Afrique.  Formes  assez 
effilées.  Museau  conique  alongé,  un  peu  retroussé  et  tronqué 
en  dessous.  Dessus  brun-pâle,  avec  trois  raies  foncées.  Des- 
sous :  ([i:atre  raies  effacées  et   verdâtres  sur  un  fond  jaune. 


156  REVUE  SYMOPTÏQUE. 

191  -i-  159;  17  rang,  d'écaillés  petites  ,  lancéolées  et  lisses.  — 
8)  PSAMMOPHis  TEMMiNCKii.  Ptéunit  au  port  et  aux 
formes  lourdes  des  Couleuvres  la  physionomie  des  Psammo- 
phis.  A-bdomen  étroit  et  anguleux.  Dessus  brun-clair,  relevé 
par  4  raies  foncées;  écailles  marquées  d'une  ou  de  plusieurs 
taches  noires.   180-+-10J.  Du  Chilé.  — 

La  quatrième  famille  des  serpens  non-venimeux  renferme 
les  Serpens  d'arbre.  Ils  sont  particulièrement  propres  à 
peupler  les  grandes  forêts  des  régions  chaudes.  En  assez  petit 
nombre  dans  l'Afrique,  et  très  rares  à  la  Nouvelle  Hollande  ; 
l'Europe  n'en  produit  que  des  espèces  anomales.  Ils  ont  les 
formes  ordinairement  très  alongées,  passent  la  plus  grande 
partie  du  jour  sur  les  arbres  ou  les  arbustes  ,  et  se  nourrissent 
d'oiseaux  ou  de  reptiles  sauriens. 

Le  premier  genre  de  cette  famille  comprend  les  DENDRO- 
PHIS.  Ce  sont,  pour  ainsi diie,  des  Couleuvres  à  formes  très 
alongées  et  grêles.  Leur  tronc  est  comprimé,  l'abdomen  et 
même  la  queue  sont  ordinairement  anguleux  et  revêtus  de 
lames  très  larges.  Les  écailles,  disposées  sur  des  rangées  assez 
obliqueSjSont  de  forme  lancéolée  ou  même  linéaire  surle  cou, 
La  queue  est  très  effilée  ;  la  tête  offre  à-peu-près  la  même 
organisation  que  celle  des  Couleuvres  ou  des  Erpétodryas, 
mais  ses  formes  sont  beaucoup  plus  élancées.  L'œil  est  grand 
et  à  prunelle  orbiculaire.  Les  Dendrophis  sont  ornés  de 
teintes  très  vives ,  et  habitent  les  contrées  chaudes  des  deux 
mondes;  ils  n'existent  pas  en  Europe  et  ils  sont  rares  dans  la 
Nouvelle  Hollande. —  i)  dendrophis  li  o  ce  r  eu  s.  Ecailles 
carénées,  disposées  sur  i5  rangées.  La  plaque  frênaie  manque 
i55  +  i45.  Dessus  couleur  de  bronze,  passant  sur  le  devant 
au  vert  et  au  blanc  sur  le  dessous.  Une  raie  noire,  derrière 
l'œil.  Dents  délicates  et  dégale  longueur.  Depuis  la  Martinique 
jusqu'au  Brésil  et  au  Chilé.  —  2)  dendrophis  catesbyi. 
Très  voisin  du  précédent ,  mais  il  s'éloigne  par  des 
écailles  lisses  dont  on   compte  17  rangées,    par  des  teintes 


REVUK  SYNOPTIQUE.  157 

verdâtres  et  par  une  queue  un  peu  plus  effilée.  170  -4-  184.  De 
rîle  St.  Doniingue.  3)  D  ENDROPHis  aurata.  Formes  plus 
délicates  que  dans  aucun  autre  serpent.  Tête  assez  petite  ,* 
museau  plus  court  que  d'ordinaire,  yeux  grands,  abdomen 
convexe:  i3  rangées  d'écaillés  lisses.  Teinte  dominante: 
bronze  doré.  i44  4-  i^^*  Extrêmement  rare  à  Surinam  — 
4)  DENDROPHis  PICT  A.  Dans  toutc  l'Afrique  ct  l'Asie  iu- 
tertropicales,  depuis  le  Sénégal  jusqu'à  la  Nouvelle  Hollande. 
Assez  sujetà  varier.  Ecailles  lisses;  une  rangée  dorsale  d'écaillés 
très  larges  en  forme  de  plaques.  Angles  de  l'abdomen  saillans  et 
échancrés.  Dessus  brun-bronzé.  Côtés  de  l'abdomen  marqués 
d'une  raie  jaune  bordée  de  noir.  Dessous  blanchâtre.  Sur  les  côtés 
du  cou  souvent  des  taches  obliques  noires  et  bleues.  iy5  •+• 
128. —  5)  DENDROPHIS  F  O  R  M  O  S  A.  Taille  ct  port  du  précé- 
dent ;  mais  sa  tête  et  les  écailles  dorsales  sont  plus  grandes  , 
les  yeux  plus  volumineux  ,  les  lames  occipitales  plus  petites , 
et  la  teinte  du  fond  est  un  beau  bleu  foncé  relevé  sur  les 
flancs  par  deux  raies  noires.  180 -f-  i4o.  Patrie:  les  îles  de 
Java  et  de  Sumatra. — 6)  dendrophis  rhodopleuron. 
A  formes  plus  effilées  que  les  précédens.  Queue  très  plane 
en  dessous;  tête  déprimée;  17  rangées  d'écaillés  carénées  ; 
dents  maxillaires  postérieures  sillonnées  ;  angles  de  l'abdomen 
saillans  et  échancrés.  D'un  rouge  pourpre  pâle  ,  passant  tan- 
tôt au  jaune  ,  tantôt  au  vert  ou  au  brun ,  et  varié  plus  ou 
moins  de  noirâtre.  Dessous  tirant  sur  le  jaune  ;  la  ligne 
médiane  du  dessous  de  la  queue  marquée  |d'une  raie  noire 
210  4-  iy4'  De  l'île  d'Amboine.  —  7)  dendrophis  ornât  a. 
Formes  un  peu  moins  élancées  que  d'ordinaire.  D'un  beau 
vert  foncé  ,  orné  sur  le  dos  de  traits  jaunes  et  rouges  de 
diverse  figure,  et  varié  de  noir  qui  occupe  les  bords  des 
écailles.  Tête  avec  plusieurs  bandes  jaunes.  Angles  de  l'abdomen 
extrêmement  saillans  et  échancrés;  ly  rangées  d'écaillés  lisses. 
200-f-ii3.  Depuis  le  Bengale  et  Ceylan  jusqu'aux  îles  de 
Sumatra  et  de  Java.  —  8)  dendrophis  praeornata.  Du 


i58  REVUE  SYNOPfiQlJE. 

Sénégal.  Voisin  du  précédeiît  ;  mais  à  abdomen  presque  con- 
vexe et  à  corps  moins  gros.  Jaune-citron  ,  relevé  sur  le  dos 
par  trois  raies  noires  qui  sont  remplacées  ,  sur  le  cou  et  la 
lête  ,  par  des  taches  et  bandes  transversales.  Dessous  gris 
pourpre;  côtés  de   Tabdomen   marqués  d'une  suite  de  ]^»v)ints 

foncés.       178     -î-     12  5.     9)    DENDROPÎïlS    S  M  A  R-A  G  ï>  I N  A. 

A  teintes  d'un  vert  brillant  uniforme.  ï5  Rangées  décailles 
fortement  carénées.  Angles  de  Fabdomen  fortement  saillans; 
dents  maxillaires  postérieures  assez  longues.  i65  H-  i33. 
Habite  la  côte  d'or.  —  10)  dendrophis  golubrïna.  Es- 
pèce anomale,  du  Gap  de  B.  Esp. ,  qui  rappelé  par  ses  formes 
élancées  mais  très  vigoureuses  les  Herpétodryas  ou  même  les 
Dipsas,  Tête  très  grosse,  à  plaques  ramassées  dont  les  fron- 
tales antérieures  petites;  œil  assez  volumineux;  une  dent 
postérieure  maxillaire  longue  et  sillonnée.  21  Rangées  d'écail- 
lés fortement  carénées;  poumon  avec  un  lobe  accessoire. 
Brun  verdâtre  ou  olivâtre  foncé  ;  dessous  jaune  verdâtre. 
189  -i-  1 13. 

Les  DRYioPHis  forment  le  deuxième  genre  des  serpens 
d'arbre.  Ils  sont  très  reconnaissables  à  leur  museau  extrê- 
mement effilé  et  le  plus  souvent  alongé  en  une  pointe  plus 
ou  moins  saillante.  Leurs  formes  sont  des  plus  élancées,  le 
tronc  assez  comprimé  et  à  abdomen  convexe.  La  plupart  ont 
des  teintes  vertes  ou  couleur  de  bronze.  La  mâchoire  supé- 
rieure porte  ordinairement  plusieurs  dents  très  développées 
et  sillonnées  au  milieu  et  au  bout  postérieur.  Les  écailles  sont 
souvent  de  forme  linéaire,  et  les  lames  abdominales  assez 
hautes.  L'œil  n'est  pas  volumineux  ;  dans  les  premières  espèces 
la  prunelle  est  transversalement  alongée.  Ce  sont  de  véritables 
serpens  d'arbre  qui  habitent  les  pays  intertropicaux  de 
l'Asie  et  des  Amériques.  On  peut  établir  dans  ce  genre  deux 
divisions  géographiques.  A.  Les  Dryiophis  de  l'ancien 
monde  ou  Dryiopliis  propremen  t  dits,  ont  des  dents 
maxillaires  sillonnées  et  la  pupille  de  l'œil  alongée   dans  le 


aKVlJK  SYlNOPTIQUE.  159 

sens  horizontal.  i)dryiophis  na  su  ta.  Depuis  le  Malabar  et 
Ceylan  jusqu'à  Java,  aux  îles  Mariannes  et  Philippines.  Ecailles 
lisses,  celles  delà  rangée  dorsale  un  peu  plus  grandes.  Plaque 
rostrale  prolongée  en   pointe.    Vert   dTierbe,    dessous    plus 
clair;  une  raie  jaune  s'étend  le  long  des  côtés  de  l'abdomen  et 
de    la    queue.    180  -h  i53.    —    2)  dryiophis    langaha. 
Serpent  curieux  de  l'île   de   Madagascar.     Museau   prolongé 
en  une  appendice  charnue  d'un    demi  pouce  de   longueur, 
revêtue  de  petites  écailles,  et  de  forme  assez  variable,  souvent 
acérée,   et    quelquefois   comprimée  et  élargie  en   forme   de 
feuille.  Écailles  carénées.  Teintes  d'un  brun  vif,   passant  au 
jaune  sur  le  dessous.  Formes  moins  élancéts  que  d'ordinaire. 
Ventre  un    peu   anguleux.    148  +  i36.  —  3)    dryiophis 
PRASiNA.  Tête  conique, museau  tronqué;   plaque  rostrale  à 
bords   saillans,   labiales    très   hautes.   Dents   sillonnées  assez 
développées.  Ecailles  lisses.   200  -+-  160.  Patrie:  le  Bengale,  la 
Cochinchine,  les  îles  de  Java  ,  de  Sumatra  et  de  Célèbes;  les 
individus  de   cette  dernière  île  forment  une  variété  à  queue 
plus  élancée.  —  B.  Les    fau  x-dryiophis  ou  les  dryio- 
phis du  Nouveau  Monde  ont  des  dents  moins  développées 
et  une  prunelle  orbiculaire. — 5)    dryiophis  cateseyi. 
A  teintes  vertes  et  écailles  carénées.  Museau  très  comprimé 
et    assez    obliquement    tronqué    au    bout.    204  +  1^0.    De 
Cayenne   jusqu'à  la  Floride.   —  6)  dryiophis  argenté  a. 
Formes  plus  délicates  que  d'ordinaire;   six  plaques  à  la  lèvre 
supérieure;    écailles    lisses.    Blanc-argenté    moucheté    d'une 
teinte  plus  foncée  et  orné,  sur  les  flancs  et  le  dessous, de  larges 
raies  longitudinales  d'un  bleu   profond.   200-1-90.  Habite   à 
Cayenne.  —  6)  dryiophis  aura  ta.  A  formes  plus  sveltes 
encore    que   le   précédent.    Toutes  les  parties    extrêmement 
délicates.    190 -{-  162.  D'une  belle  couleur  de  bronze  doré, 
moucheté  de  blanc   et  de  noir.    Depuis   le   Brésil   jusqu'au 
Mexique  et  peut-être  aussi  à  la  Floride.  — 

Les  serpens  d'aibre  renfermés  dans  le  genre  DIPSAS  5é 


160  REVUE  SYNOPTIQUE. 

reconnaissent  à  leur  tête  assez  grosse ,  large  et  obtuse  ,  à  leiit 
tronc  vigoureux  mais  très  comprimé  ;  à  la  prunelle  de  leur 
œil  ordinairement  verticale ^  etc.  Cependant,  ils  ont  les 
formes  alongées  propres  aux  animaux  de  cette  famille.  Leurs 
écailles  sont  le  plus  souvent  lisses  et  lancéolées  et  on  observe^ 
dans  beaucoup  d'espèces,  une  rangée  dorsale  de  plaques  plus 
grandes  que  le  reste;  les  plaques  de  la  tête  très  ramassées  ,  l'ab- 
domen convexe  et  les  narines  très  ouvertes.  On  leur  voit  quel- 
quefois aux  mâchoires  une  dent  postérieure  sillonnée.  Les 
Dipsas  habitent  de  préférence  les  grandes  forets  de  l'Asie  et 
de  l'Amérique  intertropicales.  Les  autres  parties  du  monde  en 
sont  dépourvus ,  ou  nourrissent  des  espèces  plus  ou  moins 
disparates  et  en  très  petit  nombre,  i)  dipsas  dendro- 
PHILA.  De  grande  taille,  atteint  jusqu'à  ^  pieds  de  longueur. 
Formes  assez  vigoureuses.  Tête  très  grosse.  Des  dents  posté- 
rieures sillonnées.  Un  petit  lobe  du  poumon  accessoire.  21 
Rangées  d'écaillés ,  dont  les  dorsales  assez  développées. 
220  —  102.  Corps  d'un  beau  noir  luisant  et  entouré  de  nom- 
breuses bandes  d'un  jaune  d'or.  Se  trouve  dans  l'île  de  Java  et 
à  Sumatra  ;  les  individus  de  Célèbes  ont  les  bandes  jaunes 
plus  serrées  et  l'occiput  orné  de  plusieurs  taches  de  la  même 
couleur. —  2)  dipsas  multimaculata.  Port  du  précé- 
dent, mais  à  taille  beaucoup  moins  forte.  Dents  toutes 
d'égale  longueur.  D'un  gris  brun  ou  olivâtre  bigarré  de  brun 
foncé;  sur  les  flancs,  2  rangées  de  taches  dont  les  supérieures 
assez  étendues;  sommet  de  la  tête  marqué  d'un  trait  en  angle; 
une  raie  foncée  derrière  l'œil  ;  dessous  couleur  de  rose , 
marbré  et  tacheté  de  brun,  i^  Rangées  d'écaillés  lisses, 
207  +  84.  Habite  au  Bengale  et  se  trouve  dans  les  îles  de 
Java  et  de  Célèbes.  —  3)  dipsas  trigonata.  Du  Bengale. 
Voisin  du  précédent  ;  mais  à  dent  maxillaire  postérieure  très 
longue,  à  queue  plus  courte  et  à  teinte  d'un  jaune  olivâtre, 
marqué  sur  le  dos  de  taches  triangulaires  blanches  et  bordées 
de  noir.  233  j^  80.  —  4)  «ipsas  cynodon.  Beau  serpent 


REVUE  SYINOITIQUE.  IGl 

d-es  îles  de  Java  et  de  Sumatra,  de  grande  taille  et  à  foi  ines  assez 
effilées.  Tronc  extrêmement  comprimé.  21  Rangées  d'écaillés; 
les  dorsales  en  hexagone  et  assez  larges.  Dents  plus  larges  à 
Textrémité  antérieuie  des  mâchoires.  Oeil  très  voluniineux. 
D'un  gris-pourpre,  finement  marbré  ou  moucheté  de  brun  et 
relevé  par  des  bandes  noires  et  serrées.Plusieurs  taches  blan- 
ches sur  les  flancs.  Une  raie  noire  derrière  l'œil.  260  -h  i4o. — 
DiPSAS  DRAPIEZ I.  5)  Fomics  ct  taille  à-peu-près  sem- 
blables à  celles  du  précédent;  mais  à  museau  beaucoup  plus- 
court,  à  tronc  moins  haut,  et  à  dents  d'égale  longueur  par- 
tout. La  plaque  du  frein  manque  ordinairement.  260  -h  i3o. 
Dessous  rose  pourpre  bordé  de  noir;  une  suite  de  taches 
rouges  bor(iées  de  noir  près  de  l'abdomen.  D'un  brun 
presque  uniforme  dans  l'âge  adulte.  Observé  à  Ceylan,  à 
Sumatra,  à  Java,  à  Célèbes  et  à  la  Nouvelle-Guinée.  — 
6)  DIPSAS  iRREGULARis.  Port  du  D.  dcndropliilc.  Taille 
assez  forte.  Ecailles  dorsales  de  la  même  étendue  que  les 
autres.  Écailles  occipitales  assez  petites.  Plaques  souscau- 
dales  souvent  en  partie  simples.  D'un  brun  olivâtre,  relevé 
par  des  bandes  foncées  et  étroites  qui  descendent  du  dos 
obliquement  en  arrière,  mais  qui  s'effacent  avec  l'âge.  23 
Hanaées  d'écaillés.  25o-h  100.  Patrie:  les  îles  de  Célèbes  et 
dAmboine.  —  ^7)  dipsas  colubrina.  Ecailles  dorsales 
comme  dans  le  précédent,  auquel  il  ressemble  aussi  par 
les  teintes;  mais  à  formes  beaucoup  moins  alongées,  à 
queue  courte  et  vigoureuse,  à  corps  entouré  de  27  rangées 
d'écaillés,  et  orné  de  6  suites  détaches  foncées  disposées  en 
quinconce.  183+67.  Habite  l'rle  de  Bourbon  et  Madagas- 
car. —  8)  dipsas  iEGYPTiAcus.  Yoisiu  du  Dips.  anomal 
par  le  port  et  le  manque  d'écaillés  dorsales  larges;  mais 
d'une  taille  moins  forte,  à  corps  moins  haut,  et  à  tète  plus 
petite,  très  déprimée  et  obtuse.  Il  n'offre  qu'une  seule  paire 
de  petites  plaques  mentales  et  une  teinte  d'un  brun-gris 
enfumé  ,  avec  de  nombreuses  bandes  claires  et  effacées.  Les 

1 1 


1  i>2  REVUE-  SYNOPTloy E. 

<'uxiilles  sdul  pelites  et  on  en  compte  4ï  rangées.  256-+-  y 4'  — 
p)  DiPSAS  NEBULATA.  Taille  petite.  Tête  très  haute;  mn- 
seau  court  et  liant;  point  de  plaque  frênaie.  Formes  moins 
effilées  que  cfordinaire.  Dents  délicates  et  en  peigne.  ï5 
llano-.  d'écaillés  à  surface  unie.  180  +  80.  Une  ran£fée  de 
lames  dorsales.  Cellules  du  poumon  s  avançant  sur  la  trachée. 
Glandes  lacrymales  et  nasales  assez  développées.  Corps 
chargé  de  marbrures  brunes  et  claires:  côtés  du  dos  ornés 
de  taches  ou  i)andes.  Dessous  jaune.  DeSurinam.  —  io)dïpsas 
M I  K  A  N  1 1.  SeuiblabU?  au  précédent,  mais  à  tête  plus  alongée , 
à  museau  très  gros  et  arrondi,  à  tronc  moins  haut  et  à  lames 
dorsales  moins  développées.  Dessus  d\in  brun -jaunâtre 
marbré  de  brun  et  orné  de  larges  taches  ou  bandes  foncées. 
Bout  du  museau  et  collier  blanchâtres.  170  H- 58.  Cette 
espèce  parait  remplacer  la  précédente  du  Brésil.  —  ii)dipsas 
WEiGEî. î.  Foriues' excessivement  grêles  et  délicates.  Têle 
oetite  5  large  à  la  base  et  conique.  Queue  de  ia  moitié  de  la 
longueur  du  tronc.  Ecailles  dorsales  assez  larges.  2*56  4-  i6o. 
Dessus  blanc  jaunâtre  ou  rougeâtre  bigarré  de  brun  ,  et  relevé 
par  une  rangée  de  grandes  taches  d  un  brun  rouge  bordées 
de  noir.  Habite  le  Brésil.  —  12)  dipsas  catesbyi.  Offre 
plusieurs  rapports  avec  le  précédent,  mais  il  a  des  formes 
beaucoup  moins  alongées;  son  museau  est  plus  large  et  tron- 
qué au  bout;  les  plaques  gulaires  sont  très  développées; 
celles  de  la  têle  beaucoup  plus  larges;  ses  écailles  sont  plus 
grandes;  les  taclies  du  tronc  ont  plus  d'étendue  et  on  voit  un 
collier  et  une  bande  d'une  teinte  claire  entre  les  narines. 
i(J2 -h  82.  Des  Guyanes.  —  1 3)  dipsas  pavonina.  Inter- 
médiaire entre  les  deux  précédens  sous  presque  tous  les  rap- 
ports. Tête  comme  dans  le  Dips.  de  Gatesby;  mais  à  queue 
plus  longne  et  garnie  de  i34  lames.  Lames  abdominales:  2ïy. 
Teinte  du  fond  ne  tirant  pas  sur  le  rouge;  taches  toutes 
ovales.  Paraît  représenter  avec  le  précédent,  aux  Guyanes 
le    Dips.   de   Weigel,     i4)  dipsas  bucephala.   Que   Ton 


REVUE  SYNOPTIQUE.  \(]:i 

(lit  originaire  de  l'île  de  Sumatra.  Très  lecoiinaissahle  à  son 
tronc  assez  haut;  à  sa  lete  petite  mais  très  large  ,  grosse  et  à 
museau  extrêmement  court  ;  à  l'étendue  des  lanies  dorsa- 
les; aux  lames  abdominales  qui  s'avancent  jusque  sous  le 
menton  etc.  Les  lames  delà  tête  sont  très  ramassées ,  et  les 
frênaies  manquent  totalement.  Pointe  de  la  mâchoire  infé- 
rieure courbée  en  haut,  aoo  -\-  io5.  Dessus  d'un  brun  rou^feà- 
tre,  relevé  par  de  nombreuses  bandes  transversales  larges  et 
d'un  jaune  rougeâtre  bigarré  de  brun.  —  i5)  dipsas  die- 
PERiNKii.  De  moyenne  taille.  Tronc  haut,  plus  gros  vers 
la  tête  qui  est,  proportions  gardées,  plus  grande  que  dans 
aucune  autre  espèce.  21  Rangées  d'écaillés  faiblement  caré- 
nées. Abdomen  un  peu  anguleux.  Prunelle  de  l'œil  ronde. 
Dents  d'égale  longueur.  Queue  effilée  et  grêle.  Dessus  brun- 
clair,  avec  des  traits  en  angle.  Dessous  tirant  sur  le  jaunâtre; 
une  raie  fine  derrière  l'œil.  224  -t~  i5o.  De  Surinam  ,  où  l'es- 
pèce est  des  plus  rares.  —  16)  dipsas  boa.  Espèce  curieuse 
et  disparate.  Remarquable  par  la  petitesse  des  lames  du  som- 
met de  la  tête  qui  sont  saillantes  et  bombées;  par  son  museau 
très  court ,  étroit  et  conique;  par  la  présence  de  lames  indivi- 
sées sous  la  queue;  par  un  tour  de  petites  plaques  oculaires; 
par  son  œil  volumineux  à  prunelle  orbiculaire,  et  par  des 
plaques  mentales  assezlarges.  II  existe  plusieurs  dents  longues 
au  bout  de  la  mâchoire  inférieure.  1 54  -h  98;  i3  rang, 
d'écaillés  lisses  ,  dontles  dorsales  très  larges.D'un  gris-pourpre 
sur  le  dessus,  relevé,  sur  les  fiancs,  par  une  vingtaine  de 
larges  taches  couleur  de  rose.  Habite  l'intérieur  de  l'île  de 
Java.  - —  17)  DIPSAS  CARINATA.  Dc  petite  taille.  Tête 
extrêmement  large  et  grosse;  museau  arrondi  et  plus  court 
que  dans  aucune  autre  espèce;  lèvres  saillantes  et  courbées; 
œil  entouré  de  4  plaques;  lames  mentales  assez  volumineuses; 
i5  rangées  d'écaillés  carénées,  dont  les  dorsales  un  peu 
plus  grandes  et  à  bout  tronqué  ;  dents  délicates  et  en  peigne  ; 
os  du  crâne  minces.  168  -f-  60.  Dessus  brun  marron  avec  «les 


î64  REVUE  SYINOPIIQUE. 

bandes  loiicees   et   serrées  ;  un  trait  à  quatre  pointes  sur  ia 
nuque.    De  Java.  i8)   dipsas  laevis.  Egalement  de  Java , 
de  moindre  taille    encore  que  le  précédent,  auquel   il  res- 
semble, sauf  qu'il  a  tous  les  traits  beaucoup  moins  prononcés, 
les  formes  plus  ramassées  et  la  queue  plus  courte,  que  son 
corps    est  revêtu  d'écaillés  lisses ,    qu'il    manque  de  plaque 
frênaie  et  d'oculaire  inférieure,  enfin  que  les  lames  occipitales 
sont  entourées  d'une  rangée  d'autres  lames  plus  petites.  D'un 
brun  foncé,  relevé,  sur  le  dessus, par  des  bandes  transversales 
noires.    i58 -j- 37.     19)   dipsas  l  eu  co  cephala.  Écailles 
presque  de  même  grandeur,  à  bout  légèrement  tronqué  et 
disposées  sur   19   rangées.    Abdomen   faiblement  anguleux. 
Dessus  gris-pourpre  marbré  de  brun  et  relevé  par  environ 
5o    bandes  transversales  et   foncées.  Formes  assez  élancées. 
244-4-  108.  Du  Brésil. —  20)  dipsas  macrorhi  n  a.  D'une 
taille  considérable.  Formes  élancées  quoique  robustes.  Tête 
assez  grosse;  museau  très  large,  presque  d'une  venue  à  bout 
tronqué  et  arrondi.    Narines   extrêmement   ouvertes.  Lame 
rostrale  s' avançant  sur  le  sommet  du  museau:  frontales  anté- 
lieures    petites.    19  Rangées  d'écaillés    fortement   carénées, 
271  -h  118.  Il  existe  des  dents  maxillaires  postérieures  sillon- 
nées. Corps  marqué  d'anneaux  alternes  de  noir  et  de  blanc; 
collierblanchâtre;  vient  de  Cayenne.  —  21)  dipsas  natte- 
RERi.    S'éloigne   des    autres   Dipsas  par   sa  tête,    dont  les 
formes  se  rapprochent  de  celle  des  Dendiopbis.  Le  museau 
cependant  en  est  court  et  étroit,  et  la  prunelle  de  l'œil  verticale. 
Lames  du  museau  petites,  du  sommet  de  la  tête  alongées  et 
étroites.    17  Rangées  d'écaillés  lancéolées,  surmontées  d'une 
carène  et  de  la  même   étendue  partout.  Une  dent  maxillaire 
postérieure  plus  longue  que  le  reste.  De  petite  taille.  Brunâ- 
tre; dos  avec  4  raies  foncées.  168 +74-  Du  Brésil.  —  22)  dip- 
sas   puNCTATissiMA.   Taille,  port  et  formes  absolument 
comme  dans  le  précédent  ;  mais  à  écailles  lisses,  à  queue  plus 
élancée,  à  teintes  plus  claires ,  à  plaque  verticale  plus  alongée^ 


mWE  SY^OPTIQliE.  105 

et  à  œil  moins  grand.  iDo-i-po.  Habite  les  terres  au  Nord 
du  jleuve  des  Amazones.  —  23)  dipsas  gai  m  ardu.  Très 
jolie  espèce  de  l'ile  de  Madagascar,  à  formes  assez  élancées  et 
extrêmement  délicates.  Corps  peu  élevé ,  côtés  de  la  queue 
légèrement  anguleux.  Tête  assez  petite.  17  Rangées  d'écaillés 
partout  d'égale  grandeur.  276+116.  D'un  brun-pourpre 
pâle,  un  grand  nombre  de  bandes  transversales  sur  le  dos, 
accompagnées  souvent  de  taches  sur  les  flancs.  — 24)  dip- 
sas ANNULAT  A.  Ressemble  au  précédent  par  les  teintes  et 
la  physionomie  ;  mais  ses  formes  sont  beaucoup  plus  ramas- 
sées ,  sa  tête  plus  volumineuse  ,  la  queue  plus  courte,  etc.; 
186  -\-  89.  Depuis  le  Paraguay  jusqu'à  la  Nouvelle-Orléans. — 
23)  DIPSAS  FALLAX.  Espècc  disparate,  qui  se  rapproche 
des  Coronelles.  Semblable  à  la  précédente,  mais  plus  robuste, 
et  à  queue  plus  courte;  aussi  ses  occipitales  sont-elles  plus 
petites,  la  tête  moins  haute  et  l'œil  moins  volumineux.  La 
plaque  frênaie  est  alongée  et  touche  à  l'œil.  II  existe  au  bout 
postérieur  des  mâchoires  une  longue  dent  sillonnée.  19  Ran- 
gées d'écaillés  lisses.  206-4-  55.  Depuis  la  Dalmalie  jusqu'au 
Levant.  Dessus  gris-brun  marbré  de  noir  et  relevé  par  plu- 
sieurs rangées  de  larges  taches  foncées.  Une  tache  en  croix  sur 
la  nuque. 

La  cinquième  famille  des  serpens  non-venimeux  ren- 
ferme les  Serpens  d'eau  douce.  Ces  serpens  se  rap- 
prochent dans  leur  organisation  plus  ou  moins  des  Couleu- 
vres, et  habitent  dans  les  eaux,  ou  préfèrent  du  moins  le 
voismage  des  rivières  ou  des  lacs  à  d'autres  lieux.  Je  ne  veux 
pas  dire  par  là  que  tous  les  ophidiens  qui  ont  des  habi- 
tudes semblables  doivent  être  réunis  dans  cette  famille, 
puisqu'il  faudrait  alors  y  ranger  des  Couleuvres  et  la  plupart 
des  Boas  qui  offrent  une  organisation  tout-à-fait  diveise. 
J'ai  plutôt  réuni  sous  un  même  nom  les  serpens  dont  je 
parle,  parce  que,  analogues  entre  eux  par  rapport  à  leur 
organisation   et  leur  physionomie,  ils  composent  une  coupe 


im  REVUE  SYNOPTIOIE. 

naturelle,  mais  nullement  séparée  par  des  caractères  tran- 
chés, des  autres  subdivisions.  Cette  famille  con^prend  deux 
genres,  dont  le  premier  n'offre  ,  à  quelques  exceptions  près, 
rien  d'intéressant  dans  l'organisation,  tandis  que  les  espèces 
du  second  sont  toutes  caractérisées  par  des  traits  aussi 
Tuarqués  que  curieux. 

Le  premier,  celui  des  TROPIDONOTES  forme  un  assem- 
blage de  serpens  ^ès  analogues  aux  Couleuvres,  mais  dont 
les  formes  sont  plus  ramassées  ;  qui  ont  le  ventre  très  large 
et  convexe,  et  dont  la  tête  est  large,  conique  mais  à  sommet 
étroit  et  à  museau  court.  Leur  œii  n'est  pas  volumineux  et 
leurs  narines  sont  peu  ouvertes.  Ils  ont  ordinairement  3 
plaques  derrière  l'œil,  19  rangées  d'écailies  en  lozange  et 
carénées  et  l'angle  de  la  bouche  montant.  Souvent  de  couleur 
sombre,  mais  ornée  de  taches  à  teintes  vives,  les  Tropido- 
notes  ne  parviennent  pas  à  une  forte  taille  et  la  plupart  ne 
surpassent  guère  3  à  4  pieds  de  longueur.  Ils  habitent  le 
voisinage  des  eaux  douces,  ou  dans  les  eaux-elles-mêmes  et 
sont  très  bons  nageurs.  Vivant  en  société,  ils  sont  coriimuns 
dans  les  lieux  qu'ils  fréquentent ,  et  ce  genre  est  encore 
assez  riche  en  espèces.  On  n'en  a  point  encore  observé  dans 
la  Nouvelle  Hollande,  ni  dans  l'Amérique  méridionale,  où 
ils  sont  remplacés  par  les  Homalopsis.  L'Afrique  méridionale 
ne  nourrit  qu'une  seule  espèce  remarquable  par  son  organi- 
sation anomale.  —  i)  tropidonotus  natrix.  Habite 
presque  toute  l'Europe  jusqu'à  la  Sibérie.  Serpent  très  com- 
mun et  connu  de  tout  le  monde.  Reconnaissable  à  ses  teintes 
bleuâtres  ou  verdâtres  relevées  par  des  taches  noires,  car- 
rées sur  le  dessous;  et  à  son  collier  blanchâtre  suivi  d'une 
large  tache  noire.  Il  existe  des  individus  tout  noirs,  d'autres 
sont  variés  de  teintes  claires,  et  on  observe  dans  le  midi  de 
l'Europe  une  variété  à  dos  raie  de  jaune.  i63-f-62.  Habite 
les  prés  et  les  bords  des  rivières  ou  des  lacs,  et  s'établit  sou- 
vent dans  le  voisinage  des  maisons.  —    2)  tropidonotus 


lU:VUi:  SYNOPTIQUE.  1(17 

QUI  NcuNc  I  Aïus.  Grande  et  belle  espèce  truii  brmi  oli- 
vâtre, orné  de  5  à  7  rangées  de  taches  disposées  en  quin- 
conce. Une  raie  oblique  sur  les  tempes,  une  au're  sous  l'œil. 
Teintes  très  sujettes  à  varier  ,  soit  accidentellenient,  soit  par 
rinfluence  d'un  climat  divers.  Les  individus  de  Java  ont  les 
taches  du  dessus  conlluentes  pour  former  des  raies  longitu- 
dinales Ceux  des  îles  Mariannes  ont  l'abdomen  pointillé  de 
noir.  Depuis  je  Malabar  jusqu'aux  Philippines  et  aux  Marian- 
nes. 134  +  72.  Narines  un  peu  verticales;  lames  frontales 
antérieures  coniques.  —  3)tropidonotus  umbratus. 
Jaunâtre  varié  de  noir,  téîe  toute  noire.  i4^~t"83.  Patrie: 
Bengale  et  l'île  de  Geylan.  —  4)  t  r  o  p  i  d  o  n  o  t  u  s  r  11  o  d  o- 
MELAS.  Aussi  joli  que  rare.  Dessus  rouge  de  brique,  des- 
sous plus  clair,  dos  orné  d'une  raie  foncée,  sur  les  flancs 
une  suite  de  points  noirs.  Tête  très  large  et  grosse,  museau 
court  et  conique,  lames  occipitales  et  frontales  petites. 
i3 1-4-44'  De  file  de  Java.  —  5)  tropidonotus  trian- 
GULiGERUS.  Vert-olivâtre  foncé  ;  dessous  jaune  d'ocre  ;  flancs 
ornés  de  larges  taches  triangulaires  rouges;  museau  plus 
long  et  plus  conique  que  chez  les  précédens.  137  +81.  Ha- 
bite l'île  de  Java.  —  6)tropidonotus  ciirysargos. 
Formes  tout-à-fait  analogues  à  celles  du  précédent,  mais  de 
taille  un  peu  moindre,  à  museau  moins  conique,  et  à  flancs 
ornés  de  bandes  noires  et  de  taches  jaunes.  Dessous  couleur 
de  rose  pourpre.  176-I-81.  Habile  l'île  de  Java.  Une  jolie 
variété  locale  à  teintes  uniformes  se  trouve  à  Célèbes,  une 
autre  à  teintes  vives  à  Sumatra.  —  y)  tropidonotus 
suBMiN  I ATUS.  Eucorc  voisin  des  deux  précédens  par 
l'organisation,  le  port  et  les  formes;  mais  à  tête  plus  courte 
et  haute,  et  à  lèvre  supérieure  assez  enflée.  Brun  tirant  sur 
le  vert,  sur  le  rouge  ou  sur  le  noir  et  varié  de  noir;  dessous 
jaune  avec  deux  rangées  de  points  noirs;  peau  nue  du  cou 
ou  espace  entre  les  écailles  dun  beau  rouge  vermillon  ;  sur 
la  nuque,  une  tache    noire   précédée  d'un    collier  jaunâtre. 


16^  REVUE     SYNOPTIQUE. 

i3i  H-  67.  De  Java.  —  9)  tropidonotus  tïgrinus. 
Port,  physionomie  et  teintes  à-peu-près  du  Trop,  à  col- 
lier; mais  là  tête  est  moins  déprimée,  les  écailles  sont  plus 
larges  et  plus  fortement  carénées,  et  les  yeux  plus  volumi- 
neux, les  taches  dorsales  enfin  ont  plus  d'étendue,  dans 
l'espèce  du  Japon.  161  H-  71.  —  10)  tropidonotus  viba- 
KARi.  De  très  petite  taille  et  à  formes  assez  minces.  Tête  peu 
développée  et  guères  distincte  du  cou.  Ecailles  faiblement 
carénées.  Brun  pâle,  à  raie  dorsale  plus  foncée;  dessous  plus 
clair;  collier  blanc;  plaques  labiales  blanchâtres  bordées  de 
brun.  142  +74*  Longueur  totale  16  pouces.  Du  Japon  comme 
le  précédent.  —  11)  tropidonotus  stolatus»  Taille 
un  peu  plus  forte  et  formes  moins  délicates  que  le  précédent; 
physionomie  rappelant  celle  du  Tropid.  subminiatus.  Dessus 
brun  olivâtre  foncé,  relevé  par  un  dessin  réticulaire  produit 
par  deux  raies  jaunes  entrecoupées  de  bandes  noires,  et 
marqué  sur  les  angles  de  taches  blanches.  146-H  61.  Depuis  le 
Malabar  jusqu'à  la  presqu'île  de  Malacca;  habite  aussi  les  îles 
Philippines.  • —  12)  tropidonotus  vittatus.  Abonde 
dans  les  lieux  inondés  dans  l'île  de  Java.  Taille  et  formes  à-peu- 
près  du  précédent.  Brun  livide,  relevé  par  3  raies  noires;  une 
raie  d'un  rouge  pâle  sur  la  dernière  rangée  d'écaillés.  Lames 
du  dessous  bleu  de  schiste  à  bordures  noirâtres.  i44  "+"  78.  — 
i3)  tropidonotus  schistosus.  Pessus  gris-schisteux  ; 
dessous  jaunâtre.  Taille  moindre  que  celle  du  Trop,  à  collier. 
Tête  courte  et  conique,  à  plaques  ramassées.  Yeux  petits. 
Ecailles  surmontées  d'une  très  forte  carène.  1 5o  +  80.  Observé 
à  Madagascar,  au  Bengale  et  aux  îles  Philippines. —  i4)  tro- 
pidonotus bipunctatus.  Ressembler  beaucoup  d  égards 
à  notre  Trop,  à  collier  ,  et  notamment  à  la  variété  du  midi  de 
l'E^irope;  mais  il  a  la  tête  plus  alongée;  les  yeux  sont  plus 
petits ,  le  collier  et  la  tache  sur  la  nuque  manquent.  Dessus 
marqué  de  taches  irrégulières  Iranversales.  Lames  abdomi- 
nales   ornées    d'une   tache    noire.    i4i    "+"   67.     Patrie:    la 


RFAUE  SYINOPTIQUE.  169 

Martinique,  la  Floride,  les  Carolines,  le  MexiL|ue ,  etc. — 
TROPiDONOTUS  SA  u  RIT  A.  Offre ,  pour  les  teintes  et  même 
pour  la  physionomie,  une  analogie  frappante  avec  le  précé- 
dent; mais  s'en  éloigne  ainsi  que  de  tous  les  autres  Tropi- 
doiiotes  par  ses  formes  élancées*  qui  le  rapprochent  des 
Erpétodryas.  Tête  plus  alongée  que  d'ordinaire.  Teinte  du 
fond  d'un  brun  foncé ,  relevé  par  des  raies  longitudinales 
noires.  ï66  4-  m.  Patrie:  l'Amérique  du  Nord  jusqu'à  la 
Martinique.—-  16)  tro?idonotus  fasciatus.  Atteint 
une  très  forte  taille.  Tête  un  peu  plus  alongée  que  d'ordi- 
naire; écailles  fortement  carénées  ;  yeux  peu  volumineux; 
narines  étroites  et  presque  verticales.  i36  -H  65.  Brun  gri- 
sâtre ,  relevé  par  de  larges  taches  foncées  rondes  et  souvent 
confluentes.  Dessous  jaunâtre.  Habite  les  mêmes  contrées  que 
les  deux  précédens.  —  17)  tropidonotus  viperinus. 
Du  Sud  de  l'Europe  ,  se  trouve  aussi  dans  les  Etats  Barbares- 
ques  et  jusqu'à  la  mer  Caspienne.  Tête  plus  alongée  que  dans 
les  autres  espèces  ,  assez  conique,  et  revêtue  de  plaques  plus 
ef61ées.  Dessus  vert-brunâtre  marqué  de  plusieurs  rangées  de 
taches  foncées  ;  dessous  jaune  avec  des  taches  noires  carrées. 
L'Espagne  nourrit  une  jolie  variété  à  raies  dorsales  jaunes. 
186 -H  68. —  18)  tropidonotus  scaber.  C'est  un  des 
serpens  les  plus  curieux ,  en  ce  qu'il  a  les  extrémités  des 
apophyses  épineuses  antérieures  des  vertèbres  collaires  en 
guise  de  dents  qui  percent  les  tuniques  de  l'œsophage.  La 
glande  lacrymale,  d'un  volume  extraordinaire ,  s'étend  jus- 
qu'à l'angle  de  la  bouche.  D'ailleurs ,  ce  serpent  ne  s'éloigne 
des  autres  Tropidonotes  par  aucun  trait  marquant.  Sa  tête  est 
très  grosse,  courte,  ramassée  et  revêtue  de  lames  de  forme 
trapue;  la  frênaie  manque.  Les  écailles,  disposées  sur  2'j 
séries ,  sont  surmontées  d'une  carène  plus  prononcée  que 
d'ordinaire.  Le  tronc  est  alongé  et  la  queue  courte.  200  +  4^. 
Dents  petites  et  d'égale  longueur.  Vient  du  Cap.  —  19)  tro- 
pidonotus   M  o  R  T  u  AR I  u  s.  Tête  alongée  ;  narines  et  yeux 


170  REVUE  SYNOPTIQUE. 

très  petits  et  presque  verticaux  ;  plaques  frontales  antérieures 
et  surciliaires  petites;  plusieurs  lames  oculaires  antérieures; 
aS  ranpées  d'écaillés ,  surmontées  d'une  très  forte  carène. 
Teintes  à-peu-près  comme  dans  le  Trop,  à  taches  en  quin- 
conce,  mais  plus  sombres.  Fait  le  passage  aux  Homalopsis. 
Du  Bengale  iSj  -4-  70. 

Les  HOMALOPSIS  qui  forment  le  deuxième  et  dernier 
genre  des  Serpens  d'eau  douce,  méritent  à  tous  les  égards  ce 
dernier  surnom.  Ils  ont  les  formes  le  plus  souvent  lourdes  et 
ramassées,  et  leur  tête  offre  une  physionomie  toute  particulière, 
quoique  cet  organe  soit  d'une  conformation  assez  diverse  selon 
les  espèces  :  il  est  très  gros  ,  à  museau  court  et  arrondi ,  et 
revêtu  de  lames  écailleuses  le  plus  souvent  assez  nombreuses 
et  de  forme  plus  ou  moins  irrégulière.  Cette  physionomie  par- 
ticulière des  Homalopsis  est  due  en  grande  partie  à  leurs  petits 
yeuxplus  ou  moins  verticaux,  et  à  leurs  narines  dirigées  vers  le 
ciel  et  en  croissant,  et  qui  sont  tellement  rapprochées,  qu'il 
n'existe  ordinairement  qu'une  seule  lame  frontale  antérieure. 
Ils  ont  les  lèvres  assez  enflées  et  rentrantes,  l'angle  de  la 
bouche  est  assez  montant.  On  leurobserve  ordinairement  des 
dents  maxillaires  postérieures  plus  longues  et  souvent  sillon- 
nées ,  et  ils  ont  des  glandes  de  la  tête  très  développées.  Leur 
squelette  est  compose  d'os  assez  vigoureux;  et  les  cellules  de 
leur  poumon  se  prolongent  souvent  sur  la  trachée.  La  plupart 
présentent  des  teintes  sombres  ,  et  parviennent  à  une  grande 
taille.  Les  Homalopsis  n'ont  été  observés  que  dans  les  contrées 
chaudes  de  l'Asie  et  des  Amériques,  dont  ils  habitent  les 
eaux  douces  en  petit  nombre  ,  faisant  la  chasse  aux  poissons 
ou  à  d'autres  animaux  aquatiques,  i)  homalopsis  buc- 
CATA.  Très  caractérisé  par  sa  tête  extrêniement  grosse  et 
haute,  par  le  grand  nombre  de  plaques  labiales,  par  ses 
petites  écailles  faiblement  carénées,  dont  on  compte  jusqu'à  89 
rangées.  Il  a  les  lames  occipitales  petites  et  une  frontale  anté- 
rieure unique  par  suite  de  la  disposition  des  nasales,  qui  sont 


REVUE  SYNOPTIQUE.  171 

rapprochées  sur  le  sommet  du  museau.  Un  tour  de  petites 
plaques  environnant  l'œil.  Quatre  ou  5  paires  de  mentales 
convergentes,  le  reste  de  la  gorge  revêtu  d'écaillés.  Dents 
maxillaires  postérieures  sillonnées.  Joues  assez  enflées.  Dessus 
jaune  d'ocre  ,  couvert  de  larges  bandes  noirâtres.  Une  suite  de 
points  foncés  le  long  des  côtés  du  ventre.  Sommet  de  la  tête 
orné  de  traits.  i6o  -|-  78.  Formes  lourdes.  Taille  très  forte. 
Habite  l'île  de  Java.  —  homalopsis  schneideri.  De 
moindre  taille  et  à  formes  beaucoup  moins  trapues  que  le 
précédent,  auquel  il  ressemble  par  son  profd,-  mais  il  a  une  tête 
beaucoup  plus  alongée  et  à  sommet  revêtu  d'écaillés  sembla- 
bles à  colles  du  tronc ,  de  sorte  que  il  n'existe  des  plaques 
que  sur  le  museau.  26  Rangées  d'écaillés  carénées.  Yeux 
assez  dirigés  vers  le  ciel.  i/^ô  +  Sy.  Habite  Pondiçhéry ,  le 
Bengale ,  Java ,  Timor ,  Amboine  et  même  la  Nouvelle- 
Guinée.  —  3)  HOMALOPSis  DECussATA.  De  très 
petite  taille  ;  19  rangées  d'écaillés  lisses;  queue  très  ramas- 
sée; tête  petite  d'une  venvie  avec  le  tronc  ,  arrondie  au  bout 
et  revêtue  au  dessus  de  9  plaques.  Corps  marqué  de  bandes 
alternes  de  brun  rouge  et  de  blanc  ;  cette  dernière  teinte 
forme  le  collier,  et  une  tache  sur  le  museau.  i36  -i-  3o. 
Habite  l'île  de  Java.  —  4)ïi<^^ï^i^opsis  leucobaha. 
Espèce  singulière  par  la  forme  de  sa  tête  qui  est  très  large, 
grosse ,  haute ,  arrondie  et  à  sommet  étroit  revêtu  de  8 
plaques  peu  développées  ,  dont  les  yeux  sont  assez  petits 
et  les  hautes  plaques  labiales  seulement  au  nombre  de  5  ; 
deux  oculaires  postérieures,  une  antérieure;  26  rangées 
d'écaillés  lisses  et  en  lozange.  Dessus  noirâtre  ;  bandes  irrégu- 
lières des  côtés  et  dessous  blanchâtre.  i54  +  33.  Formes 
assez  lourdes.  Habite  l'île  de  Timor.  —  5)  homalopsis 
F  L.  u  M  B  E  a.  Formes  moins  trapues  que  dans  le  précédent. 
Tête  large  et  arrondie  ,  avec  8  plaques  sur  le  sommet;  19  ran- 
gées d 'écailles  lisses  et  carrées  ;  queue  très  ramassée.  De 
Java.  121   -+-  37.   TJne  dent  maxillaire  postérieure  sillonnée. 


172  REVIE  S\NOPTIQlE. 

Dessus  couleur  de  plomb,  dessous  blanchâtre.  —  6)  ii  o  m  à- 
Lopsis  AER.  Assez  analooue  au  précédent  ;  mais  à  tétc 
plus  alongée ,  à  museau  moins  large,  petit  et  revêtu  de  lames 
moins  développées;  à  tronc  plus  comprimé  ,  et  à  queue  plus 
effilée.  25  Rangées  d'écaillés  en  lozange.  i48  +  02.  Couleur  de 
plomb  tirant  sur  le  brun,  avec  deux  raies  dorsales  claires; 
flancs  jaunes  avec  une  raie  foncée.  Se  trouve  à  Java  et  au 
Bengale.  y)HOMALOPSis  sieboldii.  Tronc  plus  com- 
primé que  d'ordinaire;  dos  en  toit  par  la  forte  carène  qu'il 
forme ,  abdomen  très  étroit  ;  29  rangées  d'écaillés  lisses. 
Formes  ramassées.  Tête  à-peu-près  comme  dans  l'Homal. 
buccata  ;  mais  moins  obtuse,  à  sommet  plus  étroit,  à  lames 
labiales  moins  nombreuses  et  à  œil  plus  volumineux;  aussi 
observe-ton  deux  frontales  antérieures.  Dessus  gris-brun 
tirant  sur  le  pourpre  ,  couleur  presque  couverte  par  plusieurs 
suites  de  très  larges  taches  foncées  ;  dessous  jaune  marbré 
de  brun.  147  +  5i.  Du  Bengale.  —  8)  homalopsis 
CARI  NIGAUD  A.  Habite  les  deux  Amériques.  Voisin  de 
l'Hom.  plumbea  de  Java;  mais  à  tête  plus  alongée,  à  queue 
plus  effilée;  aussi  l'œil  est-ii  plus  volumineux^  et  les  écailles 
sont  à  bout  tronqué  et  surmontées  d'une  carène  assez  forte 
mais  seulement  sensible  sur  les  parties  postérieures.  Cou- 
leur de  plomb  assez  foncé;  dessous  jaunâtre,  avec  deux 
rangées  mitoyennes  de  taches  noirâtres.  iSy  -H  56.  —  p) 
HOMALOPSIS  ANGULATA.  Port  dcs  Tropidouotcs ;  mais 
à  formes  un  peu  plus  ramassées.  Tête  grosse  et  arrondie, 
revêtue  de  8  plaques  assez  peu  développées  ,  et  dont  la  fron- 
tale impaire  s'avance  entre  les  nasales.  Yeux  plus  volumineux 
que  d'ordinaire.  19  Rangées  d'écaillés  surmontées  d'une  très 
forte  carène.  Jaunâtre,  passant,  sur  les  flancs,  au  rouge;  dessus 
orné  de  très  larges  taches  foncées  anguleuses,  dont  les  pointes 
se  prolongent  sur  le  dessous  pour  former  des  taches  carrées 
et  alternes.  Dents  postérieures  sans  sillon.  118  -4-  66.  Poumon 
simple.  Depuis  le  fleuve  des  Amazones  jusqu'r\  la  Martinique. — 


REVUE  SYNOPTIQUE.  17:^ 

lo)  ♦iioMALOPSis  pLicATiLis,  Asscz  recoiiiiaissable  à  sa 
tcte  très  'alongée  et  étroite,  mais  dont  le  museau  est  d'une 
Inièveté  remarquable  ;  cà  ses  grandes  écailles  émoussées,  lisses 
et  disposées  sur  if)  rangées;  et  aux  teintes.  La  lame  frênaie 
manque.  Taille*^  très  forte.  Tronc  assez  gros  et  cylindrique. 
i34  +  38.  Dessus  brun  roux;  sur  les  flancs  une  très  large  raie 
foncée  accompagnée  d'une  suite  de  taches.  Dessous  jaunâtre  ; 
sur  chaque  coté,  deux  rangées  de  points  brunâtres.  Du  Brésil,* 
il  en  existe,  à  la  Nouvelle-Orléans,  une  jolie  variété  locale, 
caractérisée  par  ses  teintes  vives.  —  1 1)  hom  alopsîs 
MARTii.  Tête  à-peu-près  comme  dans  l'Hom.  plumbea  ,  mais 
plus  déprimée  et  un  peu  plus  alongée.  Yeux  assez  petits. 
Narines  très  rapprochées  du  bout  du  museau.  Tronc  beau- 
coup plus  effilé  que  d'ordinaire,  et  cylindrique.  1 5  Rangées 
d'écaillés  lisses.  Corps  entouré  d'anneaux  alternes  bruns  de 
deux  teintes  ;  les  adultes  sont  d'un  noir  presque  uniforme  ,  et 
ont  la  peau  très  luisante.  i58  4-  48.  Depuis  le  fleuve  des  Ama- 
zones jusqu'à  Surinam. 12)  HO  M  ALOPSIS  REINWARDTII. 

De  grande  taille  et  à  formes  assez  alongées.  Queue  très 
courte  et  grosse.  21  Rangées  d'écaillés  lisses.  Tronc  presque 
partout  d'égale  grosseur  et  un  peu  comprimé,  physionomie 
ressemblant  à  celle  de  l'Homalops.  plicatile.  Dessus  brun-roux 
noirâtre,  dessous  jaune-rougeâtre  :  ces  deux  teintes  s'entre- 
lacent pour  former  sur  les  flancs  des  bandes  et  des  taches, 
180  -I-  42.  Découvert  dans  la  Louisiane.  —  i3)  homa- 
Lopsis  LEOPARDINA.  Voisin  de  l'Homalop.  angulata  par 
l'organisation  des  écailles,  de  l'Hom.  plicatile  par  la  configu- 
ration de  la  tète.  Plaque  frontale  impaire  enchâssée  entre  les 
nasales.  D'un  rouge-brunâtre  relevé,  sur  le  dessus  ,par  5  suites 
de  taches  en  quinconce.  Queue  alongée  par  rapport  aux- 
dimensions  du  tronc.  117  +  ^3.  Patrie  inconnue. — 14)  homa- 
Lopsis  HERPETON.  Espècc  tout.-à-fait  anomale  et  un  des 
serpens  les  plus  remarquables  par  deux  appendices  charnues 
qui  se  ])rolongent  du  hout  du  museau  et  qui  sont  revêtues 


Î74  REVUE  SYNOl?TiQUlî. 

(récaii'es.  Plaques  abdominales  à-peine  plus  larges  que  les 
écailles  et  surmontées  chacune  de  deux  carènes.  35  Rangées 
d'écaiiles  fortement  carénées.  Port,  taille  et  formes  de  l'Hom. 
de  Schneider  ;  mais  le  tronc  est  très  gros  au  milieu  ,  la  tête 
revêtue  de  petites  écailles  ,  et  au  sommet ,  de  9  plaques  entre 
lesquelles  on  voit  plusieurs  écailles  de  forme,  irrégulière.  Dents 
d'égale  longueur.  140  H-  96.  Brun  ,  rayé  d'une  teinte  claire. 
Patrie  inconnue. 

J'ai  réuni  les  BOAS  dans  la  sixième  famille  des  ser- 
pens  non-venimeux,  ils  ont  la  queue  prenante  et  la  faculté  de 
s'entortiller  é.^^^alement  avec  leiu'  tronc  autour  d'autres  corps. 
Leur  écailles  sont  nombreuses  et  les  lames  du  dessous  très 
peu  développées.  La  tête  grosse  et  à  traits  prononcés  ,  est 
revêtue  d'écaillés  ou  de, petites  plaques  dont  la  forme  et  la 
disposition  sont  assez  disparates.  Les  yeux  sont  petits  et  ordi- 
nairement à  prunelle  horizontalement  alongée  ;  les  narines 
plus  ou  moins  verticales.  Les  plaques  labiales  sont  souvent 
creusées  de  plusieurs  fossettes,  ils  ont  le  poumon  ordinaire- 
ment divisé  en  deux  lobes,  et  un  crochet  à  l'anus.  Habitans 
des  contrées  chaudes  des  deux  mondes  ,  les  espèces  de  ce 
genre  ne  sont  prrs  nombreuses  et  la  plupart  d'entre  elles  dé- 
passent tous  les  autres  serpens  dans  leurs  dimensions.  Plusieurs 
espèces  fréquentent  les  eaux  douces;  d'autres  habitent  les 
bois  ;  et  il  en  est  qui  sont  essentiellement  aquatiques.  Ils  ont 
l'habitude  d'écraser  leur  proie  dans  les  replis  de  leur  corps  et 
de  lui  concasser  les  os  avant  de  l'avaler.  Cette  famille  se  divise 
en  trois  coupes  génériques. 

Genre  i:  Les  boas  proprement  dits.  (BO il).  Ce  sont 
les  espèces  dont  l'intermaxillaire  est  dépourvu  de  dents,  dont 
l'orbite  est,  comme  dans  les  autres  ophidiens,  formée  en 
dessus  par  les  frontaux  mitoyens,  et  qui  ont  le  dessous  de  la 
queue  garni  de  lames  simples.  Plus  particulièrement  propres 
à  l'Amérique  intertropicale.  Ceux  de  l'ancien  monde  sont  de 
petite    taille   et   offrent   des  formes  disparates.    —    i)    boa 


HEVUE  SYINOPJIQUK.  17r, 

c  o N s T  r,  I c  T o  II.  Espèce  terrestre,  d'une  taille  de  9  à  1 2  pieds. 
Très  recoiinaissable  aux  petites  écailles  lisses  qui  revêtent 
le  corps  et  toute  la  tète,  et  dont  on  compte  jusqu'à  6y 
rangées ,  et  à  sa  teinte  rougeatre  relevée  par  un  dessin  com- 
posé de  larges  taches  ovales ,  de  bandes  et  de  raies  entre- 
lacées et  d'un  brun-rougeatre.  Formes  assez  vigoureuses  ; 
queue  courte,  tète  en  forme  de  cœur.  243  4-  58.  Habite  les 
bois  de  TAmérique  intertropicale,  où  il  se  suspend  aux  bran- 
ches des  arbres  pour  guèter  les  petits  mammifères  dont  il  se 
nourrit.  —  2)  boa  imurina.  Le  plus  grand  serpent  connu. 
Narines  verticales  rapprochées  au  bout  du  museau  ;  cette 
partie  et  les  lèvres  revêtues  de  plaques.  Yeux  dirigés  vers 
le  ciel;  47  rangées  d'écaillés  lisses.  Tètealongée,  à  museau 
arrondi  et  à  cotés  assez  Inclinés.  25o  -\-  66.  Brun  fuligineux  , 
avec  2  ranimées  de  taches  orbiculaires  sur  le  dos  et  une  double 
suite  de  taches  en  œil  sur  les  flancs.  Espèce  aquatique  et  vivi- 
pare  qui  atteint  jusqu'à  20  pieds  de  longueur.  Patrie  :  comme 
la  précédente.  —  3)  boa  ce  n  chu  i  a.  De  moindre  tailie 
que  les  précédentes.  Espèce  terrestre  ,  a  les  habitudes  du  Boa 
constricteur.  Tète  à-peu -près  comme  dans  la  précédente  ;  mais 
à  plaques  labiales  creusées  d'une  fosse  ,  et  à  plaques  verticales 
remplacées  par  de  petites  lames  de  forme  irrégulière.  Queue 
courte.  Narines  ouvertes  et  latérales.  35  Rangées  d'écaillés 
lisses.  240-1-48.  D'un  roux-brun  jaunâtre;  dessus  orné 
d'une  double  suite  de  taches  orbiculaires  ,  claires  et  bordées 
de  noir  ;  trois  rangées  de  taches  moins  larges  et  foncées  sur 
les  flancs.  Les  taches  confluent  souvent  pour  former  un 
dessin  réticulaire.  Patrie  connue  les  précédens.  —  A)  boa 
CANIN  A.  Assez  caractérisé  par  ses  teiiites  vertes  relevées 
par  des  taches  dorsales  blanches  en  lozange;  dessous  jaunâ- 
tre. Les  jeunes  souvent  de  couleur  jaune.  Dents  antérieures 
très  longues.  Corps  fortement  comprimé,  et  plus  particu- 
lièrement propre  à  se  rouler  en  dedans.  Queue  prenante 
douée    d'une    s^rande   force.    Tète    en    cœur  ,    revêtue    au 


Î7G  REVUE  SYNOPTIQUE. 

sommet  cVécailles  de  forme  irrégulière  et  plus  grandes  vers 
le  bout  du  museau.  Toutes  les  lames  labiales  creusées  de 
fossettes.  53  Rangées  d'écaillés  lisses.  Taille  6  pieds  environ. 
1^6  -{-  70.  Depuis  le  fleuve  des  Amazones  jusqu'à  Surinam.  — 
5)  BOAHORTULANA.  Rcconnaissablc ,  outre  ses  formes 
élancées  et  la  queue  très  longue,  à  une  large  fosse  creusée 
dans  la  joue;  on  voit  également  des  fossettes  sur  les  der- 
nières lames  de  la  lèvre  inférieure.  Dents  antérieures  plus 
longues  que  les  autres.  Tête  en  cœur  irrégulièrement  revêtue 
d'écaillés  au  dessus  ;  il  existe  une  paire  de  lames  frontales 
îarfifes  ,  deux  frênaies  et  une  oculaire  antérieure.  Tronc  très 
comprimé.  Abdomen  un  peu  anguleux  et  revêtu  de  lames 
plus  larges  que  d'ordinaire.  89  Rangées  d'écaillés  alongées 
et  lisses.  Brun-roux  ;  une  suite  de  larges  tacbes  foncées ,  or- 
biculaires  ou  en  lozange,  et  assez  grandes  sur  les  flancs. 
Disposition  des  teintes  peu  constante.  Tète  ornée  d'un  grand 
nombre  de  traits  foncés  vermiculaires.  2^3 -+-  117.  Fré- 
quente probablement  les  arbres,  se  nourrit  d'oiseaux  et 
habite  tout  le  Brésil ,  Surinam  ,  et  a  aussi  été  observé  sur 
l'île  de  St  Vincent.  —  6)  boa  dussumieri.  De  l'ancien- 
monde  ,  d'une  petite  île  près  de  Maurice.  Formes  effilées  et 
queue  longue  comme  dans  le  Boa  hortulana  ;  mais  à  plaques 
labiales  sans  fossettes,  à  39  rangées  d'écaillés  carénées  ,  et  à 
tête  très  alongée  ,  revêtue  d'écaillés  ,  à  rexception  du  museau 
qui  porte  ,  au  dessus,  2  paires  de  lames.  Queue  peu  prenante. 
La  rostrale  est  obliquement  tronquée.  Yeux  latéraux.  Na- 
rines étroites  et  un  peu  verticales.  238 -f- 128.  Taille  beau- 
coup moindre  que  dans  les  espèces  de  l'Amérique  du  Sud. 
Dessus  gris- brunâtre ,  avec  quelques  taches  sur  la  nuque; 
dessous  jaunâtre.  —  y)  boa  carinata.  Espèce  de  très 
petite  taille  des  Moluques  et  de  la  Nouvelle-Guinée.  Tête 
assez  alongée  et  déprimée;  museau  anguleux  aux  côtés  et 
tronqué  au  bout  :  ces  parties  revêtues  d'écaillés,  à  l'exception 
des    freins   et  des    lèvres.    Narines    et    yeux    latéraux;  les 


REVUE  SYNOPTIQUE.  177 

tîerniers   suillans.  Abdomen    convexe  et  garni  de  hnncs  plus 
larges  que   d'ordinaire.   Plusieurs  dents  maxillaires    longues 
au   devant  de  la   bouche.  D'un  brun-roux,   varié  de   mar- 
brures blanches  et  de  taches  foncées,  qui  conduent  souvent 
pour  former  des  raies  dorsales.   i^  Rangées  d'écaillés  forte- 
ment carénées.    170  4- 5o.   —   8)boaconica.   Peu  connu. 
Du    Bengale.    Taille   du   précédent.    Queue    très    courte   et 
conique.  Brun-foncé,  une  large  raie  noire  bordée  de  blanc 
serpente  le  long  du  dos;  sur  les  flancs,  une  suite   de  taches 
foncées  et  orbiculaires.  Dessous,  couleur  de  nacre.  209+  10. — 
9)  B  o  A   M  EL  A  N  u  R  A.  Espècc  auomalc ,  rapprochant  les  Boas 
des  Tortrix.  Taille  et  port  des  espèces  de  l'ancien  monde. 
Formes  ramassées.  Tête  revêtue  de  9  plaques  peu  dévelop- 
pées. Point  de  crochet  à  fanus.  Queue  très  courte  et  forte- 
ment prenante.   25  Rangées  d'écaillés  carénées  e»;  de  forme 
carrée.   206  4- 38.  Gris-jaunâlre,  une  suite  de  taches  noires 
sur  les  flancs  près  du  ventre;  une  autre  suite  de  taches  très 
effacées,  sur  le  dos:   ces  taches  confluent  sur  la  queue   en 
formant  une  teinte  noire  uniforme.  Dessous  jaune  d'ocre  clair. 
Les  PYTHONS  composent  le  second  genre  de  la  famille 
des  Boas.  Ce  sont  tous    des  serpens  de  grande    taille,   qui 
habitent  exclusivement  l'ancien   monde:  ils  ont  l'intermaxil- 
laire  garni  de  dents;  la  voûte  de  leur  orbite  est  complétée 
par  un  os  surnuméraire,   qui  n'existe  dans  aucun  autre  ser- 
pent; et  on  observe  au  dessous  de  la  queue  des  lames  divi- 
sées.   Les  lèvres  sont  toujours  creusées  de  fossettes,  et  les 
plaques  de  la  tête  plus  développées  que  dans  les  Boas  pro- 
prement dits.  —  i)   PYTHON   BiviTTATUs.  Lame  rostralc 
et  les  deux  premières  labiales  seules  creusées  de  fossettes. 
Museau  et  sommet  de  la  tête  revêtus  de  plaques  irrégulières. 
Région   des    freins    excavée.   63   Rangées  d'écaillés  hsses  et 
petites.  270  4-  70.  D'une  teinte  jaunâtre,  relevée  par  un  des- 
sin composé  de  larges  taches  alternes  brunes.  Sommet  de  la 
tête  bordé  par  deux  raies,  formées  par   la  teinte   du  fond. 


178  REVUE  SYNOPTIQUE. 

Flancs  variés  et  bigarrés  de  blanc  et  de  noir.  Dessous  avec 
des  taches  carrées  foncées.  Depuis  la  côte  occidentale  de 
l'Afrique,  par  toute  l'Asie  inter tropicale,  jusqu'à  la  Chine 
et  à  l'îie  de  Java.  Le  plus  grand  serpent  de  l'ancien  monde; 
atteint  jusqu'à  20  pieds  de  longueur.  -—2)  python 
SCHNEIDER I.  Fomics  bcaucoup  plus  effilées,  tête  beau- 
coup plus  alongée,  et  taille  moindre  que  le  précédent.  Tête 
étroite,  revêtue  de  plaques  plus  développées  que  d'ordinaire. 
Museau  renflé  au  bout,  à  plaques  labiales  antérieures  creu- 
sées d'un  sillon  ;  les  dernières  lames  de  la  lèvre  inférieure 
également  pourvues  d'une  fossette.  Ecailles  du  tronc  assez 
petites.  320  +  90.  Gris-brun  jaunaLre,  avec  une  raie  noire 
mitoyenne  sur  le  sommet  de  la  tête  et  qui  s'étend  sur  le  corps, 
pour  s'entrelacer  avec  d'autres  raies,  en  formant  un  dessin 
réticuiaire.  Va  jusqu'à  i4  pieds  et  habite  Malacca,  Java, 
Sumatra  et  Amboine.  —  3)  python  amethystimus. 
Plaques  de  la  tête  plus  développées  que  dans  les  autres  es- 
pèces; fossettes  labiales  à-peu-près  comme  dans  la  précé- 
dente; formes  plus  effilées  que  d'ordinaire;  4^  rangées 
d'écaillés.  Soo-î-gG.  Varié  de  brun  rougeâtre  et  de  jaunâtre; 
teintes  qui  forment  souvent  un  dessin  réticuiaire  effacé. 
Taille:  six  pieds  environ.  Vient  de  Saparua,  petite  île  dans 
le  rayon  d' Amboine.  Les  îles  de  Timor ,  de  Samao  et  la  Nou- 
velle Irlande  nourrissent  un  Python  tout-à-fait  semblable, 
mais  à  traits  moins  prononcés.  — '4)p'^thon  peronii.  De 
la  Nouvelle-Hollande.  Taille  6  pieds  environ.  Tête  beaucoup 
plus  large  que  dans  les  autres  espèces.  Narines  très  spacieuses 
et  dirigées  vers  le  ciel.  Museau  assez  obtus.  Dessus  de  la 
tête  revêtu  de  lames  écailleuses  nombreuses,  irrégulières  et 
plus  grandes  vers  le  bout  du  museau.  Fossettes  aux  lèvres 
comme  dans  les  précédens.  4i  Rangées  d'écaillés  lisses. 
275  4-  83.  Noir,  parsemé  de  traits  et  de  taches  d'un  jaune 
d'or,  plus  ou  moins  grandes,  à  ce  qu'il  paraît,  selon  les  lieux 
qu'hal)ite  l'espèce. 


REVUE  SYNOPTIQUE.  17<} 

3°*'^Gemo  de  la  famille  des  Boas:  les  AGROCIIOllDES. 
Ophidiens  très  curieux  et  disparates  par  leur  organisation. 
€e  sont  cependant  des  Boas,  mais  des  Boas  anomaux.  Ils  ont 
une  queue  ix)rtement  prenante  et  comprimée  comme  leur 
tronc.  Ils  manquent  de  crochets  à  l'anus.  Leur  tête  est 
tirrondiej  les  yeux  extrêmement  petits,  un  peu  verticaux,  à 
prunelle  orbiculahe,  et  leurs  narines  ,  tubulaires  et  rappro- 
chées au  sommet  du  museau,  sont  dirigées  en  avant  ou  vers 
le  ciel.  Toutes  leurs  parties  sont  revêtues  d'écaillés  exces- 
sivement petites,  non-imbriquées  et  mucronées,  et  on  voit 
sur  la  li^ne  médiane  du  ventre  une  crête  saillante ,  hérissée 
d'écaillés.  Le  dessus  de  l'orbite  est  formé  par  une  apophyse 
du  frontal  postérieur.  Dents  comme  dans  les  Boas  propre- 
ment dits.  Ils  sont  essentiellement  aquatiques,  habitent  les 
indes  Orientales,  et  ont  des  teintes  très  sombres.  Poumon 
prolongé  jusqu'à  l'anus.  On  ne  connaît  que  2  espèces  de  ce 
genre.  —  iVacrockordus  javanicus.  Dans  les  rivières 
de  Java.  D'une  taille  de  8  pieds  et  à  formes  assez  ramas- 
sées. Narines  dirigées  en  avant.  Brun  foncé,  chargé  de  nom- 
breuses marbrures.  Crâne  de  forme  bizarre  par  la  brièveté 
de  la  partie  antérieure,  la  petitesse  des  mastoïdiens  et  l'ex- 
trême longueur  des  caisses. —  2)acrochordus  fasciatus. 
Formes  beaucoup  plus  grêles  et  taille  moindre  que  le  précé- 
dent; écailles  des  lèvres  plus  développées.  Narines  presque 
verticales.  Brun ,  avec  des  bandes  claires  sur  les  flancs. 
Depuis  les  grandes  Indes  jusqu'à  la  Nouvelle-Guinée. 

La  seconde  grande  division  des  serpens  comprend  les 
Serpens  venimeux.  Ils  sont  tous  pourvus  d'une  dent 
meurtrière  fixée  sur  le  maxillaire,  dont  le  volume  est  plus  ou 
moins  réduit,  de  sorte  qu'il  porte  rarement  d'autre  dents  que 
les  crochets.  Cet  embranchement  se  divise  naturellement  en 
trois  groupes  ou  familles. 

La  première,  celle  des  Serpens  venimeux  colub ri- 
for  m  es,  renferme  tous  ces  ophidiens  venimeux  qui  rappelent 


180  ilEVUE  SYNOPTIQUE. 

par  leurs  fondes, les  serpens  non-venimeux  terrestres,  aux- 
quels ils  ressemblent  quelquefois  beaucoup  ,  et  dont  ils  ne 
se  distinguent  souvent  par  d'autres  signes  extérieurs  que 
par  la  grosseur  du  museau.  Ils  ont  le  tronc  alongéj  la 
queue  courte  ,  ramassée  et  conique;  les  yeux  peu  volumineux 
et  à  prunelle  orhiculaire;  les  narines  ouvertes  et  latérales. 
Leurs  écailles  sont  grandes,  en  lozange  et  presque  toujours 
lisses.  Leur  tête  est  revêtue  de  plaques  semblables  à  celles 
des  Couleuvres  ,  dont  la  rostrale  est  assez  développée  j  tandis 
que  la  frênaie  manque  ordinairement.  L'appareil  venimeux 
est  beaucoup  moins  développé  que  d'ordinaire:  le  maxillaire 
est  long  et  armé  souvent  de  dents  placées  derrière  les 
crochets,  qui  sont  courts  mais  forts,  et  pourvus  d'une  fente 
qui  réunit  les  orifices;  la  mâchoire  inférieure  avec  ses  pièces 
suspensoires  est  peu  développée.  Ces  Ophidiens  habitent  les 
contrées  chaudes  des  deux  mondes,  ne  se  trouvent  point  en 
Europe  ,  et  ne  forment  que  trois  genres. 

i)  Les  ELAPS,  à  tronc  cylindrique  très  effilé  et  de  même 
grosseur,    entouré    ordinairement  de    i5   rangées  d'ecailles 
larges    et  lisses  ;    à  tête  alongée  et  peu  distincte  du  tronc; 
teintes   le  plus  souvent  assez  vives  et  belles.  Ils  fréquentent 
les   lieux  boisés  ou  couverts  de  "végétation  et  paraissent  fuir 
les  terrains  arides.    Ils  habitent  dans  les   deux  mondes,   et 
forment  un   groupe    naturel ,    dans   lequel  on   peut   établir 
plusieurs  divisions  géographiques:   A,  Espèces   américai- 
nes, à  corps  marqué  d'anneaux  alternes  de  rouge  et  de  noir,  i) 
ELA.PS  coRALLiNus.  Tête  uu  pcu  couiquc  ;  lames  occipitalcs 
assezlarges.  Parvient  à  une  taille  de  4  pieds  et  plus  sur  une  gros- 
seur d'un  doigt  d'homme.  Sommet  de  la  tête  noir;  teintes  extrê- 
mement sujettes  à  varier,  de  même  que  les  lames  du  dessous,  qui 
chez  les  uns  au  nombre  de  i^S-f-sS,  s'élèvent  chez  d'autres 
à  Î222  4-  45.  Couleur  du  fond,  du  rouge  au  jaune,  au  blanc  ou 
au  brun  ;  anneaux  souvent  effacés  et  seulement  reconnaissa- 
bles  à  leurs  bordures  blanches.  Du  Brésil  jusqu'à  la  Caroline. — 


REVUE  SYNOPTIQUE.  181 

3)  EL  APS   LE  MN  isc  A.TUS.    Apeiiic  clistiiict  (kl   procèdent. 
Vient  des  Guyanes.  Formes  un  peu  plus  élancées;  yeux  plus 
petits  et  moins    latéraux;  une  hnnde  noire  entre  les  yeux; 
anneaux  du  corps  noirs  et  ordinairement  rapprochés  trois  à 
trois.  2  3o  -h  36.  —   elaps  sur  in  a  m  en  si  s.   Très  recon- 
naissable  à  sa  tête  large,  courte,   déprimée,   et  revêtue  de 
plaques  peu  développées  et  bordées  de  noir  ;  à  son  museau 
obtus ,  à  ses  formes  trapues  ;  à  son  corps  entouré  d'anneaux 
rapprochés  3  à  3  et  dont  celui  du  milieu  est  très  large  ;  enfin 
aux  écailles   dorsales    un    peu    plus  larges    que   les   autres; 
parvient  à  une  très  forte  taille  et  habite  la  Guyane  hollan- 
daise. —  B.  Espèces   d'Afrique.  On  n'en  connaît  qu'une 
seule.  4)  Eî-Aps  hygikae.  Facile  à  reconnaître  au  caraclère 
artificiel  tiré  de  la  présence  d'une  lame  nasale  indivisée,  percée 
par  les  narines  ;  verticale  assez  alongée  j  6  labiales.   Plaques 
abdominales   moins    larges   que   d'ordinaire.    200  ^-  28.    De 
petite  taille.  Habite  au   Cap.  Teintes  de  toute  beauté:  jau- 
nâtre, dessus  d'un  rouge  vif,  orné  de  bandes  noires,  quelque- 
fois continentes;  dessous   liigarré  de  noir.  —  C.  Espèces 
de  l'Asie.   5)  elaps  collaris.  Peut-être   identique  avec 
l'Elaps  des  lies  Philippines.  Formes  de  FElaps  lemniscatus; 
mais  à  tête  courte,   grosse  et  déprimée  ;  la   sixième  plaque 
verticale,  évasée  et  touchant  aux  occipitales.  Brun   foncé, 
dessous   marqué  de  taches  rouges,  dont   les  angles  se  pro- 
longent sur  les  flancs.  Cou  orné  d'un  collier.   229  4-  17.   — 
6)  ELAPS   TIII3ÎAGULATUS.  Vient  des  grandes  Indes.  De 
très  petite  taille.  Formes  extrêmement  délicates;  queue  par- 
tout de  la  même  grosseur.  Dessus  brun  clair  ;  avec  une  raie 
dorsale  noire ,  accompagnée  d'autres  raies    étroites  sur  les 
flancs.  Tête ,  bout  de  la  queue  et  anus  noirs.  Dessous  jau- 
nâtre. Queue  blanche,    mouchetée  de  noir,  241  +  32.  — 
7)elapsfurcatus.   i3  Rangées  d'écaillés.  Corps  fiHforme. 
255  -H  22    Tête  d'une  venue  avec  le  tronc  et  étroite.  Dessus 
brun   très  foncé;    une  raie    dorsale  bifourchue   sur  la  tête, 


182  REVUE  SYNOPTIQUE. 

d'un  beau  jaune  ,  qui  passe  au  rouge  sur  la  queue  ;  une  raie 
blanche  sur  les  flancs.  Dessus  d'un  vert  vif,  avec  des  bandes 
transversales  foncées.  Taille  i5  pouces  environ.  Habite 
Java  et  se  trouve  aussi  sur  la  presqu'île  cle  Maîacca  et  à 
Sumatra  5  où  il  forme  une  variété  de  climat.  —  8)  elaps 
BiviRGATUS.  Très  belle  et  rare  espèce.  A  peine  de  la  gros- 
seur du  petit  doigt  sur  une  longueur  de  3  à  4  pieds.  Corps 
extrêmement  effilé,  cylinrlrique  et  partout  d'égale  grosseur. 
Queue  plus  longue  que  d'ordinaire.  Tête  presque  d'une 
venue  avec  le  tronc.  Dessus  bleu  violet,  passant,  vers  la 
queue,  au  pourpre.  Flancs  marqués  d'une  raie  blanche , 
ondulée  et  étroite.  Tête  et  dessous  rouge  écarîate.  2yo  -^49' 
Habite  les  îles  de  Ja\a  et  de  Sumatra  ,  où  il  forme  une  variété 
caractérisée  par  une  raie  sur  la  ligne  médiane  du  dos.  — 
D.  Espèces  de  l'Au str alasie.  9)  elaps  mûlleri.  De 
la  Nouvelle-Guinée  et  des  îles  adjacentes.  A  corps  plus  gros  au 
milieu  que  d'ordinaire  ,  et  à  queue  courte  et  plus  conique. 
Tête  distincte  du  tronc,  revêtue  de  plaques  très  alongées , 
mais  à  museau  court.  Dessus  brun  ou  brun  roux;  dessous 
tantôt  jaune  ,  tantôt  vert  j  une  raie  jaune  ou  couleur  de  rose 
va  des  lèvres  sur  les  flancs.  162  ■+■  28.  —  10)  elaps  cor o- 
NATUs.  Pour  la  taille  et  les  formes,  semblable  au  précédent, 
mais  à  museau  plus  pointu;  i38  +  52  lames  indivisées.  6 
Larges  lames  labiales  ,  une  seule  temporale.  D'un  vert-bru- 
nâtre; sommet  de  la  tête  bordé  par  un  trait  noir,  ii)  elaps 
PSAMMOPHis.  Ressemble ,  à  s'y  méprendre ,  à  certains  Psam- 
mophis  et  notamment  à  la  variété  verdâtre  du  Psamm.  moni- 
liger  du  Gap.  Queue  plus  effilée  que  d'ordinaire.  i86H-^6. 
D'un  vert  olivâtre.  Dessous  et  bord  de  l'œil  jaunâtres. 

Le  deuxième  genre  de  la  famille  des  serpens  venimeux 
colubriformes ,  celui  des  BONGARES,  ne  comprend  que 
deux  espèces  assez  voisines ,  assez  reconnaissables  à  leur  dos 
revêtu  d'une  raitgée  d'écaillés  hexagones  et  plus  larges  que 
le  reste.  Ils   ont  le  port  et  la   physionomie  des  Elaps ,   mais 


REVUE  SYNOPTIQUE.  183 

leurs  lorinoi»  sont  plus  vigoureuses  et  ils  parvienneni  à  une 
taille  beaucoup  plus  forte.  L'abdomen  est  convexe ,  la  queue 
robuste,  revêtue  en  dessous  de  lames  indivisées.  i5  à  117  llan- 
gées  d'éoalUes  lisses.  Corps  annelé  de  jaune  et  de  noirâtre. 
Tête  à-peu-près  comme  dans  les  Elaps.  Leur  squelette  est 
pourvu  de  larges  apophyses  transversales ,  évasées  en  forme 
de  lamelles.  Plusieurs  dents  solides  derrière  les  crochets.  Os 
de  la  tête  très  robustes.  Ils  habitent  les  grandes  Indes  ainsi 
que  les  îles  de  Ceylan  et  de  Java.  — -  i)  dungarus  annu- 
LARis.  Corps  entouré  d'anneaux  complets  de  noir  et  de 
jaune.  Queue  extrêmement  vigoureuse ,  carénée  sur  le  des- 
sus ,  et  très  grosse  jusqu'au  bout.  Deux  raies  formant  un 
angle  aigu,  sur  le  sommet  de  la  têle.  2i3-+-34.  Longueur 
6  pieds. —  2)bungahus  semî  fascîatus.  Taille  un  peu 
moindre  que  le  précédent.  Os  beaucoup  moins  vigoureux. 
Corps  entouré  de  demi-anneaux.  Queue  plus  élancée  et 
conique.  Tête  plus  déprimée  :  yeux  moins  volumineux^ 
20^  4-  /^G,  Teintes  assez  sujettes  à  varier. 

Le  troisième  et  dernier  genre  des  serpens  venimeux  colu- 
briformes  est  celui  des  NAJAS.  Ils  ont  des  formes  plus  ro- 
bustes  que  les  Elaps  et  les  Bongares;  leur  tronc  n'est  pas  cylin- 
drique ,  mais  plus  gros  au  milieu  ;  leur  queue  est  plus  alongée 
et  toujours  conique  ;  l'abdomen  large  et  convexe  ;  leur  cou 
jouit  plus  ou  moins  de  la  faculté  de  se  dilater  en  disque; 
leur  tête  est  assez  distincte  du  tronc  et  souvent  très  conique; 
leurs  yeux  sont  grands  et  latéraux,  ainsi  que  les  narines  qui 
sont  ouvertes  ;  la  plaque  rostrale  se  prolonge  ordinairement 
sur  le  sommet  du  museau  ;  favant-dernière  plaque  labiale 
souvent  de  forme  irrégulière;  leurs  écailles  enfin  sont  presque 
toujours  lancéolées ,  et  mêine  quelquefois  carénées.  Les 
Najas  habitent  les  contrées  chaudes  ou  voisines  des  tropiques 
de  l'ancien  monde.  —  i)naja  tripudîans.  C'est  le  célèbre 
serpent  dont  les  bateleurs  des  Indes  se  servent  pour  exécuter 
des  jongleries,  et  auquel  on  a  donné  le  nom  de   serpent  à 


184  REVUE  SYNOPTIQUE. 

lunettes,  parce  que  son  cou  est  orné  d'un  trait  ayant 
quelque  analogie  avec  certaines  espèces  de  cet  instrument.  Son 
cou  est  assez  dilatable.  Il  atteint  uue  forte  taille.  23  à  Si 
Rangées  d'écaillés.  187  -f  47-  Brun  plus  ou  moins  foncé  ^ 
tantôt  uniforme  5  tantôt  orné  de  bandes  obliques  et  étroites- 
Teintes  assez  sujettes  à  varier.  Depuis  le  Malabar  jusqu'aux 
îles  Philippines.  Une  variété  de  climat  à  teintes  foncées 
existe  à  Sumatra;  les  individus  de  Java  ont  les  teintes  pres- 
que noires ,  la  queue  plus  courte  et  on  ne  remarque  le  dessin 
du   cou   que  dans  le  jetîne  âge.   Se  nourrit  de  crapauds.  — 

2)  NAJA  HAJE.  Analogue  au  précédent,  mais  à  cou  moins 
dilatable,  à  tête  plus  conique,  à  plaque  rostrale  saillante,  à 
lames  labiales  plus  larges ,  et  à  teintes  diverses.  208  +  58, 
33  Rang,  d'écailies.  Brunâtre ,  varié  de  taches  foncées  et 
claires.  Habite  TEgypte  ;  une  variété  de  climat  se  trouve 
au  Cap  :  elle  a  le  système  de  coloration  peu  constant ,  variant 
du  brun  au  jaune  et  même  au  blanc.  C'est  l'Aspis  propre- 
ment dit ,  célèbre  dans  l'antiquité  et  encore  de  nos  jours  par 
les  jeux   qu'exécutent  avec   lui   les  sorciers  de  l'Egypte.  — 

3)  NAJA  BUNGARus.  Fomic  plus  grêlcs  ct  taille  moindre 
que  les  précédens  ;  museau  court  et  un  peu  tronqué  au  bout; 
yeux  volumineux  ;  queue  élancée  et  écailles  dorsales  un  peu 
plus  grandes  que  les  autres.  260  4-  3o  s.  -+-  80  div.;  ou 
262  -h  23  s.  4-  î  18  div.;  19  rangées  d'écaillés.  Dessus  bleu 
noir  ,  relevé  par  de  nombreux  traits  en  angle  et  blanchâtres.. 
Habite  les  îles  de  Java  et  de  Sumatra  ;  espèce  très  rare.  — 

4)  NAJA  BUNGAROIDES.  Semblable  au  précédent  pour  les 
teintes;  mais  à  tête  plus  large  et  plus  ramassée,  à  écailles 
d'égale  grandeur,  à  queue  plus  courte,  et  à  yeux  moins 
volumineux;  2i4  +  52  lames  simples;  21  rang,  d'écaillés.  — . 

5)  NAJA  PORPHYRICA.  Port  du  Naja  à  lunettes;  mais 
de  taille  moindre;  à  i5  rangées  d'écaillés  seulement;  à 
museau  assez  obtus,  etc.  Dessus  bleu  noir,  flancs  rose-pourpre,, 
dessous  jaune.  Plaq.   abdominales  180;    5o    sous-caudales^ 


( 


l\E\VE  S\N01MIQCK.  185 

qui  sont  en  partie  inclivisées.  Se  trouve  sur  les  sables  de 
bruyère  à  la  Nouvelle-Hollande.  —  6)  naja  ii^  m  a  c  ii  a  te  s- 
Espèce  bien  caractérisée  par  des  formes  assez  ramassées , 
par  sa  tête  large  à  la  base  et  pointue  vers  le  bout  du 
museau  ,  et  par  ses  écailles  carénées,  disposées  sur  19  rangées. 
Le  ('OU  est  un  peu  dilatable.  137  +  4^^'  N(  ir  pourpre  varié 
le  jaunâtre.  Habite  les  plaines  sablonneuses  au  Cap  de  Bonne 
Espérance.  —  7)  naja  riiombeata.  De  moindre  taille 
que  le  précédent,  dont  il  a  à-peu-près  le  port.  19  à  21  llan- 
oées  d'écaillés  faiblement  carénées  sur  le  dos.  Queue 
extrêmement  courte  et  vigoureuse.  i34  -^  21.  Point  de 
dents  solides  derrière  les  crochets.  Grisâtre-pâle,  dessous 
plus  clair  ;  une  suite  de  taches  en  lozange  sur  le  dos ,  une 
large  tache  anguleuse  sur  la  tête.  Observé  au  Cap  et  à  la 
Cote  d'Or.  —  8)  naja  lubrica.  Reconnaissable  à  son  corps 
entouré  de  larges  anneaux  noirs  et  rouges.  Lame  rostrale 
très  large  et  s'avançant  assez  sur  le  sommet  du  museau. 
Taille  de  2  pieds  environ.  19  à  21  Rangées  d'écaillés  lisses. 
i5o-h24.  Du  Cap.  —  10)  naja  elaps.  D'origine  incon- 
nue et  de  très  forte  taille.  Intermédiaire  entre  les  Najas  et 
les  Élups.  Formes  assez  vigoureuses.  Tête  distincte  du  cou , 
qui  n'est  pas  dilatable.  Lames  frontales  postérieures  et  occi- 
pitales très  développées.  Avant-dernière  plaque  labiale  res- 
serrée vers  la  région  des  tempes.  Yeux  assez  petits.  i83  +  41; 
i5  rangées  d'écaillés  lisses  en  lozange  ,  jaunes  d'ocre  à  centre 
brun-marron.  —  11)  naja  curta.  Formes  extrêmement 
ramassées.  Prunelle  de  l'œil  un  peu  verticalement  alongée. 
Queue  très  courte  et  grosse.  19  Rangées  d'écailles  lisses. 
Lame  surciliaire  un  peu  saillante.  Tête  très  large,  à  joues 
saillantes.  D'un  vert-olivâtre  uniforme,  plus  clair  sur  le  des- 
sous, fytrie:  la  Nouvelle-Hollande. 

La  2™*  Famille  des  S  e  r  p  e  n  s  venimeux  comprend  les 
Serpens  de  mer,  que  j'ai  tous  réunis  dans  le  genre  HY- 
DROPHIS.  Ils  se  distinguent  facilement  de  tous  les  autres 


186  REVUE  SYNOPTIQUE. 

ophidiens  par  leur  queue  très  large  ,  et  élevée  dans  le  sens 
vertical  en  forme  de  rame.  Leur  tête  est  petite,  d'une  venue 
avec  le  tronc  et  revêtue  de  plaques,  comme  dans  la  plupart  de 
serpens  ,  mais  avec  cette  différence  que  les  nasales  rappro- 
chées au  sommet  du  museau  ,  remplacent  les  frontales  anté- 
rieures, qui  manquent  alors  ;  les  narines  sont  par  conséquent 
tout-à-fait  verticales  ,  elles  ont  une  forme  orhiculaire  et  sont 
susceptible  d'être  fermées  au  moyen  d'une  valve.  Les  lèvres 
sont  à  bords  reotrans,  de  sorte  que  la  bouche  peut  se  fermer 
hermétiquement.  L'œil  est  petit  et  cà  prunelle  orbiculaire  ;  les 
crochets  sont  peu  développés  et  toujours  suivis  de  plusieurs 
dents  solides  et  délicates.  Le  tronc  s'amincit  considérable- 
ment vers  les  deux  extrémités  de  l'animal ,  de  sorte  que  le  cou. 
est  souvent  assez  grêle.  Les  écailles  sont  en  lozange  ou  en 
hexagone ,  non  imbriquées  ,  revêtues  d'un  épidémie  mince , 
et  surmontées  d'un  tubercule:  on  en  voit  deux  sur  la  rangée 
médiane  des  écailles  de  l'abdomen  qui  sont  à  peine  plus 
larges  que  les  autres.  Leur  poumon  est  souvent  prolongé  en 
un  réservoir  pour  l'air  ,  qui  s'étend  jusqu'à  l'anus.  La  couleur 
dominante  est  le  jaune  ou  le  vert.  Ils  ont  le  corps  souvent 
marqué  d'anneaux  ou  de  bandes  foncées  ou  de  taches  en 
lozange.  Les  serpens  de  mer  habitent  exclusivement  les  pa- 
rages intertropicaux  des  mers  des  Indes  orientales  et  du  grand 
Océan  pacifique.  Ils  vivent  probablement  de  poissons  ,  et  ne 
vont  jamais  à  terre.  Ou  n'en  connaît  que  7  espèces,  dont  la  der- 
nière est  en  quelque  sorte  anomale ,  en  ce  qu'elle  offre  des 
narines  latérales ,  5  lames  frontales ,  des  lames  abdominales 
assez  larges  et  des  écailles  lisses,  imbriquées  et  revêtues  d'un 
épidémie  dur.  i)  hydropuis  schistosa.  A  museau 
brusquement  conique  au  bout,  et  courbé  en  bec.  Lame  rostrale 
étroite  ,  prolongée  en  pointe  ,  verticale  ;  de  forme  lancéolée  , 
nasales  en  trigone.  Yeux  assez  verticaux.  5i  Rang,  d'écaillés. 
3oo  +  5o.  Gris»ardoisé^  avec  de  larges  bandes  brunâtres  plus 
ou    moins   effacées.    Les  adultes   ont  des  teintes  uniformes. 


REVUE  SYNOPTIQUE.  187 

Habite  le  Golie  de  Bengale.  —  2)  iiydropius  striât  a. 
Tête  arrondie,  museau  obtus,  une  rangée  de  petites  lames 
Irigones  enchâssées  entre  les  labiales,  sur  le  bord  de  la  lèvre 
inférieure.   Jaune  verdàtre,  marqué  sur  le  dessus  de  taclies  en 
rlioujbe  plus  ou  moins  foncées,  disposées  transversalement 
et  quelquefois   en  forme  de  bandes.  Formes  moins  vigou- 
reuses que  dans  la  précédente.  Longueur  6  pieds  environ.  29 
Rangées  d'écaillés;  344  ■+-  5c^.    Des  mers  des  Indes,  de   la 
Soude  et  de  la  Chine.  —  3)i!Ydrophis  nigrocincta. 
Assez  voisine  de  la  précédente,  mais  elle  a  la  sixième  plaque 
labiale  assez  évasée  et  touchant  aux  occipitales  en  s'étendant 
sur  la  région  des    tempes;   sa   tète  est  plus  étroite  et  plus 
arrondie;  elle  manque  de  petites  lames  surnuméraires  à  la 
lèvre  inférieure;  son  corps  enfin  est  entouré  d'anneaux  com- 
plets et  très  foncés.  3o6-|-49}  29  rangées  d'écaillés.  Observée 
dans  le  Golfe  de  Bengale. —  4)hydrophis  gracilis.  Port 
des  précédens,  mais  d'une  taille  moindre,  et  à  formes  extrê- 
mement grêles,  notamment  vers  le  cou,  qui  est  assez  effilé. 
Tête  plus  petite  que  dans  les  autres  espèces,  et  très  étroite. 
Jaunâtre,  à  taches  transversales  en  lo;iange  et  noires;  cette 
dernière  couleur  occupe  toutes  les  parties  antérieures,  de  sorte 
que  la  teinte  du  fond  ne  paraît  que  sous  forme  de  bandes 
étroites.   Tête  noire,   une  tache  claire  au   dessus  de  l'œil. 
355  4-  5o.  27  Rangées  d'écaillés.  Golfe  de  Bengale  et  mers  de 
la  Sonde.  —  5)hydrophis   pela  mi  s.    A.  petites  écailles 
hexagones  disposées  en  pavé.  Formes  ramassées.  Tête  très 
alongée.  Ligne  médiane  de  l'abdomen  indiquée  par  une  suture 
formée  parles  deux  dernières  rangées  des  écailles,  dont  on 
compte  47  en  tout.  35o  -h  60.  Dessus  brun  noirâtre,  dessous 
jaune;  queue,  et  quelquefois  même  tout  le  corps  de  l'animal, 
varié  de 'ces  deux  teintes.  La  plus  commune  des  espèces;  se 
trouve   dans   tous  les  parages  qu'habitent  les   serpens    ma- 
rins. —  6)  HYDROPiiis  PELAMID01DES.  Formes   beau- 
coup plus  trapues  et  tête  plus  courte  que  le  précédent,  du(juel 


Î88  REVUE  SYrx OPTIQUE. 

îl  se  rapproche  par  ia  conformation  des  écailles;  mais  ces  orga- 
nes sont  plus  grands  et  on  n'en  compte  que  25  à  3o  ranoées. 
Des  vestiges  d'écaillés  abdominales,  enchâssés  sur  la  suture 
médiane  du  ventre.  Jaunâtre,  à  larges  taches  dorsales  en 
lozange.  i36  -î-  27.  Golfe  de  Bengale  et  mers  de  la  Chine  et 
des  Moluques.  —  'j)  uyûrophis  col  tj  brin  a.  Espèce 
anouKile,  très  facile  à  reconnaître  aux  écailles  lisses,  imbri- 
quées et  revêtues  d'une  épidémie  cornée;  aux  narines  latéra- 
les; à  la  présence  de  5  lames  occipitales;  à  ses  lames  abdomi- 
nales beaucoup  plus  larges  que  d'ordinaire.  23  Rangées 
d'écailies.  Plaques:  220  4- 38.  Vert  foncé,  marqué  de  larges 
anneaux  noirâtres,  assez  effacés  dans  l'âge  adulte.  Presque 
aussi  conmiun  que  le  Pékiînide  ;  habite  les  mêmes  lieux. 

La  troisième  et  detnière  famille  des  serpens  venimeux  com- 
prend les  S  erp  en  s  venimeux  proprement  dits.  Ils  ont 
une  physionomie  tout-à-fait  particulière  et  quelque  chose  de 
hideux  dans  leur  aspect  j  on  pourrait  même  dire  que  leur 
caractère  malfaisant  s'exprime  dans  chacune  de  leurs  parties: 
car  ils  ont  des  formes  lourdes  et  ramassées  ,  une  queue  très 
courte  ,  une  tête  grosse  ,  très  large  à  la  base ,  et  en  forme  de 
cœur;  toutes  les  parties  sont  ordinairement  hérissées  d'écail- 
lés lancéolées  et  surmontées  d'une  forte  carène  ;  leur  museau 
est  souvent  tronqué  ou  môme  retroussé;  les  freins,  dans 
plusieurs  genres,  sont  creusés  d'une  fosse  spacieuse  et  pro- 
fonde ;  la  lèvre  supérieure  est  renflée  et  descendante  comme 
dans  les  chiens-dogue;  l'ouverture  de  la  bouche  est  assez 
arquée  ;  les  yeux  sont  petits ,  à  prunelle  verticale  ,  et  enfon- 
cés sous  une  lame  surciliaire  saillante  ;  leurs  crochets  enfin 
sont  extrêmement  développés,  et  occupent  à  eux-seuls  le 
maxillaire  qui  est  réduit  à  un  assez  petit  volume ,  tandis  que 
les  ptérygoïdiens  externes  forment  un  levier  en  guise  de 
stylet.  Cette  organisation  détermine  leur  mode  d'attaque  ,  qui 
est  tout  particulier  .  en  ce  qu'ils  attendent  tranquillement  jus- 
qu'à ce  que  les  animaux,  dont  ils  se  nourrissent,  soient  à  leur 


IVEVUE  SYNOPTIQUE.  18Î) 

portée;  se  jetant  ensuite  sur  eux,  ils  frappent  d'un  seul 
coup  la  plaie  meurtrière,  qui,  mettant  leur  proio  hors  d'ctat 
de  s'échapper  ,  la  fait  tomher  dans  leur  pouvoir.  Les  serpens 
venimeux  proprement  dits  se  trouvent  dans  les  cinq  parties 
du  monde.  Ils  hahitent  tantôt  les  bois,  tantôt  les  plaines. 
On  en  connait  trois  genres.  Les  deux  premiers  ont  des  fosses 
nasales. 

i)    TRIGONOGEPHALUS.    A   queue   terminée   par 
une  plaque  cornée  et  conique.  Ils  habitent  les  régions  boisées 
des  deux  mondes  ,   mais  n'ont  été  observés  ni  en  Europe, 
ni  en  Afrique  ,  où  ils  sont  remplacés  par  les  Vipères.  On  peut 
établir  dans  ce  genre  deux  divisions,  fondées  sur  la  nature 
des  tégumens  de  la  tête.  —  A.  Espèces  à  tête  revêtue  d'écail- 
lés.   Elles   sont    plus    particulièrement   propres   à    !a    Zone 
torride.   —    i)  trigonocephalus   jararaca.   Formes 
un  peu  plus  effilées  que  d'ordinaire  ;  tête  plus  alongée  ,  revêtue 
d'écaillés   plus  grandes   vers  le  bout   du   museau    dont    les 
bords  sont  garnis  de  plaques;  9  lames  labiales;  188  +  53; 
27  rangées  d'écaillés  lancéolées  et  fortement  carénées.  Brun- 
olivâtre  ,  ordinairement  relevé  par  de  larges  bandes  ou  taches 
en  lozange.  Habite  les  forêts  du  Brésil.  —  2)  trigonoce- 
p  II  A  LU  s  ATRox.   Très  analogue  au  précédent,  qu'il  paraît 
représenter  aux  Guyanes;  mais  à  8  lames  labiales  ,  à  4  paires 
de  mentales,  à  museau  plus  conique,  à  écailles  moins  effilées 
dont  les  carènes  assez  saillantes  ,  et  à  teintes  plus  claires  et 
tirant  au  gris  pourpre.  194  -4-  64-  —  3)  trigonocepua- 
Lus  LANCEOLATus.  Remplace  les   précédens    aux  petites 
Antilles,  et  leur  est  très  voisin  ;  mais  à  lames  abdominales 
plus  nombreuses  ,  à  teintes  tirant  sur  le  vert  ou  sur  le  jaune  , 
à  2  paires  de  plaques  mentales  assez  petites,  et  à  3i  rangées 
d'écaillés  plus  petites.  255  +  64»   —  4)  trigonocepiialus 
BiLiNEATUS.     Très    reconnaissable  à  sa   queue   mince   et 
susceptible  de  se  rouler  en   dedans,  à  son  tronc  assez  com- 
primé, élancé  et  à  ventre  étroit,  à  ses  petites  écailles,  enfin 


190  REVUE  SYNOPTIQUE. 

à  ses  belles  teintes  vertes  passant  au  brun-roux  sur  la  queue, 
et  relevées  par  une  raie  jaune  de  citron  près  de  l'abdomen. 
Dessus  jaune -blanchâtre  280  +  78;  29  rangées  d'écaillés. 
Très  rare  au  Brésil  et  à  Cavenne.  —  5)  trïgonocephalds 
NiGROMARGiNATUS.  Espccc  de  petite  taille ,  assez  carac- 
térisée par  ses  écailles  en  lozange,  lisses,  disposées  sur  19 
rangées,  plus  grandes  sur  le  sommet  de  la  tête;  par  2  larges 
plaques  au  bout  du  museau  ;  par  des  plaques  surciliaires 
divisées,  etc.  i^^-}- 56.  Dessus  vert  foncé,  orné  par  des 
taches  noires.  Vient  de  Geylan.  —  6)  trigonocephalUvS 
wAGLERî.  Tête  très  large  et  grosse;  museau  anguleux  aux 
côtés  et  obliquement  tronqué  en  dessous  ;  5  paires  de  men- 
tales assez  trapues;  25  rangées  d'écaillés  pourvues  de  forte 
carènes,  prolongées  en  pointe  sous  la  gorge.  Dessus  vert 
foncé  avec  des  bandes  transversales  jaunes.  i4o  +  48.  Habite 
l'île  de  Sumatra.  —  7)  trigonocepïialus  vïridïs. 
Taille  moyenne.  Dessus  vert  uniforme  ;  dessous  jaune.  Deux 
grandes  lames  au  bout  du  museau  ,  qui  descend  presque 
perpendiculairement.  21  Rangées  d'écaillés  lancéolées  et  caré- 
nées. 164  4-  64.  Des  grandes  Indes,  vit  aussi  dans  les  îles 
de  Sumatra ,  Célèbes  et  Timor.  — •  8)  trigonocepha- 
i,us  PUNICEUS.  Très  reconnaissable  à  son  œil  protégé  au 
dessus  par  une  rangée  de  petites  écailles  relevées  en  pointe. 
Tète  très  large,  en  cœur  et  à  sonnuet  plane;  museau  anguleux 
et  excavé  aux  côtés,  à  bout  arrondi  et  obliquement  tronqué, 
162  +  54.  Brun-roux ,  bigarré  et  varié  de  jaunâtre ,  de 
pourpre  ou  de  grisâtre;  queue  très  foncée.  Patrie:  l'île  de 
Java.  —  B.  Espèces  à  sommet  de  la  tète  revêtue  de  lames. 

9)   TR  IGONOCEPHALUS    RHODOSTOMA.     Très   bcUc  CSpècC. 

Formes  assez  vigoureuses.  Tête  en  cœur,  garnie  sur  le  som- 
met de  9  lames  plus  développées  que  d'ordinaire  ;  museau 
assez  conique  à  bout  proéminent  et  mobile;  écailles  lisses, 
en  lozange  et  plus  grandes  sur  la  rangée  médiane  du  dos  qui 
est  en  carène.  Queue  courte  et  pointue.   i47  -+-55.  Brun- 


I\EVUE  SYNOPTIQUE.  !91 

rouj^eatro,  i)lus  clair  sur  le  clos,  dont  les  cotés  sont  ornés 
de  larires  taches  foncées  trianirulaires.  Sonunet  de  la  tête 
bordé  d'une  large  raie  rougeàtre  ;  une  raie  noire  derrière 
l'œil.  Habite  l'île  de  Java.  —  lo)  tri  go  no  ce  ph  a  lus  iiy  p- 
NALE.  De  Ceyian  et  des  îles  Philippines.  Taille  petite. 
Museau  prolongé  en  pointe  retroussée  et  saillante,  revêtu  nu 
dessus  cVécailles,  auKcpielles  succèdent  la  lame  verticale, 
les  surcihaires  et  les  occipitales.  19  Rangées  d'écaillés 
carénées.  142  -f-  4^)-  Teintes  du  corps  à-peu-prc^s  comme  dans 
le  précédent.  —  n)  t  kigonocepiialus  ha  lys.  Formes 
plus  grêles  que  d'ordinaire.  Tête  alongée,  revêtue  de  g  lames 
dont  les  frontales  antérieures  assez  ramassées;  museau  court 
et  arrondi.  2^7  Rangées  d'écaillés  lancéolées  et  carénées. 
i65  +  3^.  Dessus  gris-jaunâtre,  avec  5  rangées  détaches 
brunâtres.  Observé  dans  la  Tartarie.  —  i2)TRiGONOGE- 
piiALus  BLOMnoFFii.  Lamcs  de  la  tête  à-pcu  près commc 
dans  le  précédent,  mais  à  formes  plus  lourdes  et  à  tête  plus 
grosse;  25  rangées  d'écaillés  fortement  carénées.  189  -j-  5i. 
Dessus  brun-olivâtre ,  avec  deux  rangées  de  taches  ovales 
foncées;  une  large  raie  noiie  derrière  l'œil.  Du  Japon.  — 
i3)  TRiGONOGEPHALus  CENCHRïs.  De  rAméri(|ue 
du  Nord  ;  assez  reconnaissable  à  ses  petites  lames  occipitales  , 
cjui  manquent  quelquefois  totalement  ;  et  aux  écailles  de 
l'occiput  cjui  sont  hérissées  de  tubercules  au  lieu  de  carènes. 
Formes  ramassées.  i3o  +  43.  Corps  orné  sur  le  dessus  de 
larges  bandes  de  brun-cuivré,  qui  font  entrevoir  la  teinte  du 
fond  sous  forme  de  grandes  taches  en  lozange  et  d'un 
brun-grisâtre. 

Le  deuxième  genre  des  serpens  venimeux  proprement  dits 
est  celui  de  CROTALE.  Ils  sont  propres  au  nouveau- 
monde,  et  habitent  de  préférence  les  lieux  secs  et  incultes; 
on  pourrait  dire  qu'ils  remplacent  les  Vipères  dans  les  deux 
Amériques.  Ils  ont  des  fossettes  nasales  comme  les  Trigonocé- 
phales,  mais  leurs  formes  sont  plus  robustes ,  leur  tête  est  plus 


192  REVUE  SYNOPTIQUE. 

grosse  et  leur  queue  aruiée  au  bout,  soit  d'un  instrument  bru- 
yant appelé  sonnettes ,  soit  d'une  écaille  dure  prolongée  en 
pointe  longue  et  acérée.  On  ne  connaît  dans  ce  genre  que  4 
espèces,  dont  plusieurs  parviennent  à  une  taille  plus  forte 
qu'aucun  autre  serpent  venimeux.  —  i)  c  rot  al  us  hor- 
RiDUS.  Le  grand  Crotale  de  l'Amérique  du  Sud.  A  museau 
revêtu  de  3  ou  de  4  paires  de  lames.  29  Piangées  d'écaillés  en 
lozange  et  surmontées  d'une  carène  tranchante.  i45  -f-  25. 
Dessus  d'un  brun-jaunâtre  relevé,  sur  le  dos,  par  une  rangée 
de  larges  taches  en  lozange.  —  2)  crotalus  durissus. 
Remplace  le  précédent  dans  l'Amérique  du  Nord  et  se  trouve 
jusqu'au  Mexique.  Très  voisin  du  C.  horridus,  mais  il  n'a 
qu'une  ou  deux  paires  de  lames  sur  le  museau;  les  carènes 
des  écailles  sont  moins  développées  ,  les  yeux  sont  plus  petits, 
les  teintes  plus  foncées ,  les  taches  souvent  en  forme  de  ban- 
des,  et  la  queue  noire.  1^70+22.  —  3)  CROTALUS  MILIA- 
Rius.  Petite  espèce  de  FAméiique  du  Nord  ,  assez  reconnais- 
sable  à  sa  tête  revêtue  au  sommet  de  9  plaques  assez  dévelop- 
pées. 23  Rangées  d'écailles.  i3i  -\- 16.  Oeil  volumineux.  D'un 
gris-rougeâtre ,  orné  de  3  suites  de  taches  plus  foncées.  — 
4)  CROTALUS  MU  TU  s.  Remarquable  parce  que  sa  queue  est 
armée  au  bout ,  au  lieu  de  grelots ,  d'une  pointe  dure  et 
acérée.  Tête  revêtue  d'écailles.  Dos  en  carène.  Ecailles  sur- 
montées d'une  carène  en  fornie  de  tubercule.  Parvient  à  une 
taille  de  dix  pieds  :  c'est  le  plus  grand  serpent  venimeux.  Fait 
le  passage  aux  Trigonocéphales;  mais  sa  physionomie  est 
tout-à-fait  celle  des  Crotales.  227  4-  49-  De  l'Amérique  méri- 
dionale. 

3'"^  Genre:  VIPERE;  comprend  tous  les  serpens  veni- 
meux proprement  dits,  qui  manquent  de  fosse  nasale.  Ils  ont 
ordinairement  la  tête  et  le  corps  revêtus  d'écailles  lancéolées 
et  carénées.  Leurs  formes  sont  le  plus  souvent  très  lourdes 
et  leurs  teintes  d'un  gris  ou  brun  terne.  Ils  habitent  les 
déserts  ou  les  lieux  incultes  de  l'ancien  monde.  —  iWipera 


REVUE  SYNOPTIQUE.  193 

A R 1 E T  A N  s.  De  f oitc  taille  et  à  formes  extrêmement  lourdes  et 
hitlcuses.  Tête  grande ,  très  aplatie  et   à  museau  assez  large 
et    obtus.  Narines  verticales,  extrêmement   spacieuses.  Tête 
et   corps  revêtus  d'écaillés  lancéolées  relevées  par    une  forte 
carène.   134-1-27.    Dessus  jaunâtre    orné  de    3    rangées   de 
taches,  souvent  en  œil,  dont  2  paires  sur  l'occiput.  Du  Gap 
et   de    la  Côte- d'or.  Une  variété  locale  à  teintes  plus  claires 
habite  le  Kordofan.  —  2)vipera    atropos.   Du  Cap.  Taille 
moindre  et   formes   moins  vigoureuses   que  la    V.    arietans. 
Tête  plus   petite,  narines  moins   spacieuses  et  plus  latérales. 
D'un   brun  très  foncé,  relevé  sur  le  dessus  >  par  4  rangées  de 
taches  en  œil.   i38-+-23.  —  3)   vipera  corndta.  Taille 
petite  j  formes  extrêmement   trapues.   Oeil  protégé  en  dessus 
d'une  rangée  d'écaillés  prolongées  en  pointe.  Narines  latérales. 
Gris-brun  ,  orné  de  taches  foncées,  dont  les  dorsales  disposées 
en  une  rangée  médiane.  124-4-=  22.  Du  Cap  ;  très  rare. —  4)  vi- 
pera ECHis.    Oeil  entouré  d'une  rangée  de  petites  écailles; 
narines  étroites,  rapprochées  du  bout  du  museau  qui  est  garni, 
sur  le  dessus ,  de  2  lames.  Queue  courte ,  garnie  de  plaques 
simples.    i56"ï"3o.  Des  grandes  Indes;   se  trouve  aussi  dans 
l'Afrique  septentrionale.  Brun-grisâtre   ou  jaunâtre ,  à   raies 
et  à  taches  en  œil  sur  le  dessus.  —  5)  vipera  cérastes. 
Assez  distincte  par  sa    tête  très  large  et  en  cœur;  par    son 
museau    court ,    obtus    et   arrondi  ;    par   des    narines   assez 
étroites  ,  verticales  et  placées  au  bout  du  museau  ;  par  ses 
écailles   surmontées    d'une    carène  en    forme  de    tubercule  ; 
par  ses  teintes  pâles ,   grisâtres   ou  couleur  de   terre  ;  enfin 
par   le    développement  des    écailles  surciliaires ,   dont   l'une 
est    souvent    convertie    en    pointe  assez  longue.     i34  -f  2g. 
Habite    les  déserts    du    Nord   de  l'Afrique.  —  6)   vipeba 
ELEGANS.  Formes  plus  effilées  que  d'ordinaire.  Oeil  protégé 
par  une   lame   surciliaire  ;    narines  très   ouvertes,   latérales. 
Museau  étroit,  enflé  et  anguleux  aux  côtés.  De  grande  taille; 
168  -4-  52.  Vient  des  grandes  Indes  et  de  Ceylan.  Brun-jaunâtre 

i3 


194  REVOE  SYNOPTIQUE. 

vif ,  avec  trois  rangées  de  taches  ovales ,  bordées  de  noir  et 
de  blanc  sur  le  dessous.  —  7)  vipera  berus.  La  Vipère 
commune  dans  le  Nord  et  le  centre  de  l'Europe  ,  est  aussi 
répandue  dans  une  grande  partie  de  l'Asie.  Taille  moyenne. 
Tête  revêtue  en  dessus  de  lames,  parmi  lesquelles  distingue  une 
verticale ,  des  surciliaires  et  deux  occipitales.  Museau  arrondi 
et  anguleux  aux  côtés.  Narines  tout-à-fait  latérales.  i45  -i-  35. 
Varie  du  brun  au  gris,  au  noir  et  au  roux;  une  large  raie  dentelée 
le  long  du  dos.  Les  mâles  ont  les  teintes  claires.  —  8)  vipera 
AS  PI  s.  Remplace  la  précédente  dont  elle  se  rapproche 
beaucoup,  dans  le  Sud-Ouest  de  l'Europe  et  se  trouve  jusqu'en 
Sicile.  Formes  un  peu  plus  effilées  ;  tête  plus  grande ,  revê- 
tue au  sommet  d'écaillés  de  forme  irrégulière  ;  museau  un  peu 
retroussé;  corps  avec  plusieurs  rangées  de  taches.  Varie  comme 
la  précédente.  i52  H- 42.  —  9)  vipera  ammodytes.  En- 
core voisine  des  deux  précédentes  par  le  port  et  la  physio- 
nomie ;  mais  à  formes  plus  trapues,  à  museau  prolongé  en 
pointe  dirigée  en  haut,  à  sommet  de  la  tête  assez  irrégulière- 
ment revêtue  d'écaillés  et  de  petites  plaques.  iDo-l-34.  Sys- 
tème de  coloration  à-peu  près  comme  dans  la  Vipère  com- 
mune ,  mais  souvent  à  queue  rougeâtre.  Habite  le  Sud-Est 
de  l'Europe  depuis  la  Sicile  et  la  Dalmatie  jusqu'en  Grèce.  — 
10}  vipera  agantophis.  Espèce  anomale  de  la  Nouvelle 
Hollande  ;  à  formes  ramassées  ;  à  queue  mince  et  terminée  par 
une  pointe  dure  ;  à  tête  revêtue  au  sommet  de  9  lames  ;  à 
lames  surciliaires ,  ordinairement  relevées  et  inclinées  vers  le 
sommet  de  la  tête;  et  à  a  i  rangées  d'écaillés  carénées.  11 5  4-  4^. 
Gris-brunâtre ,  varié  et  tacheté  de  noir. 


»o-* 


ESSAI 


SUR    J.A 


DISTRIBUTION   GEOGRAPHIQUE 

DES  OPHIDIENS. 


rsriiiMi-^''d 


Me  proposant  de  donner  dans  les  pages  suivantes,  un 
aperçu  sur  la  répartition  des  serpens  à  la  surface  du  globe, 
je  me  vois  obligé  d'entrer  en  détails  nombreux,  dont  j'aurais 
pu  me  passer,  si  cette  partie  de  la  science  avait  été  cultivée 
avant  moi,  ou  si  on  en  avait  du  moins  posé  les  fondemens. 
Je  me  suis  occupé  avec  assez  de  zèle  de  cette  étude,  qui  mérite 
une  attention  toute  particulière,  non  pas  parce  qu'elle  regarde 
les  animaux  dont  je  traite  dans  mon  livre,  mais  parce  qu'elle 
doit  conduire  ,  selon  moi ,  à  des  résultats  beaucoup  plus  satisfai- 
sans  que  l'étude  de  la  distribution  géographique  des  animaux 
des  autres  classes  du  règne  animal,  ou  même  des  végétaux.  Les 
raisons  qui  militent  en  faveur  de  cette  thèse  sont  claires. 
Mille  agens  divers  contribuent  à  disperser  les  différentes 
espèces  de  plantes  à  la  surface  du  globe  :  les  semences  des 
végétaux  sont  emportés  par  le  vent  et  les  vagues;  l'homme 
transplante  continuellement  un  grand  nombre  de  végétaux 
d'une  contrée  dans  l'autre;  et,  par  la  culture,  il  a  tellement 
changé  la  nature  qui  l'environne,  que  la  surface  de  la  terre 
a  en  quelque  sorte  perdu  sa  face  primitive,  et  que  la  végéta- 
tion a  du  moins  éprouvé  de  grandes  modifications.  —  La 
plupart  des  animaux   ont   les  moyens   de  se   distribuer  à  la 


19()  DISTRIBUTIOIN  GÉOGRAPHIQUE 

surface  du  globe.  L'élément  qui  les  a  vu  naître  n'offre  point  de 
bornes  aux  animaux  marins.  Certains  mammifères  élendenl 
continuellement  leur  sphère  d'habitation  ,  et  se  répandent  quel- 
quefois, peu-à  peu,  sur  plusieurs  parties  du  monde.  D'autres 
espèces,  accompagnant  l'homme  dans  ses  voyages  ,  même 
au  delà  des  mers,  se  dispersent  dans  les  diverses  régions,  soit 
que  l'homme  les  transplante  lui-même,  soit  que,  retrouvant 
leur  liberté,  ils  ont,  pour  ainsi  dire,  formé  des  colonies  loin 
de  leur  mère-patrie,  où  il  arrive  quelquefois  que  leur  race  est 
totalement  détruite,  ou  que  tous  les  individus  ont  passé  l'état 
de  domesticité.  — Les  oiseaux  jouissent  plus  que  tous  les  autres 
animaux  de  la  faculté  de  se  transporter  d'un  lieu  à  un  autre; 
l'élément  dans  lequel  ils  se  meuvent  ne  leur  présentant  des  bor- 
nes nullepart,  un  grand  nombre  des  liabitans  de  l'air  mènent 
une  véritable  vie  nomade,  et  viennent  souvent  s'établir  dans  des 
lieux  où  ils  n'ont  pas  été  observés  auparavant;  la  plupart  se 
dispersent,  dans  les  migrations  périodiques,  dans  les  contrées 
les  plus  éloignées,  et  deviennent  de  véritables  cosmopolites, 
la  même  espèce  habitant  souvent  à  la  fois  dans  toutes  les 
parties  du  monde.  —  11  en  est  tout  autrement  des  Reptiles. 
Aucun  des  faits  que  nous  venons  de  constater,  ne  peut  s'ap- 
pliquer rigoureusement  à  ces  animaux.  Privés,  pour  la  plu- 
part, des  moyens  d'entreprendre  des  voyages  lointains,  ils 
sont  en  quelque  sorte  attachés  aux  lieux  où  ils  sont  nés,  et 
on  ne  leur  reconnaît  point  l'instinct  de  fuir  le  sol  natal,  lorsque 
certaines  circonstances  sembleraient  l'exiger.  Le  froid ,  qui 
leur  dérobe  les  moyens  de  subsistance,  les  fait  tomber  en 
même  temps  dans  une  léthargie  profonde  ,  et  la  nature  veille 
ainsi  d'une  manière  simple  à  leur  conservation  pendant  l'hiver. 
L'homme  éprouve  de  l'aversion  pour  tous  ces  animaux,  dont 
plusieurs  sont  nuisibles,  à  la  vérité,  mais  dont  quelques  uns 
cependant  sont  inoffensifs  et  même  utiles,*  il  les  repousse 
et  ne  cherche  pas  à  les  apprivoiser  ;  encore  moins  se 
touve-t-il    incliné    à   les   transplanter  sans  motif  d'un  lieu  ù 


DES  SERPENS.  197 

l'autre.  Il  est  vrai  quil  existe  certains  reptiles,  qui  font 
exception  à  ce  que  nous  venons  de  dire.  Plusieurs  espèces 
de  tortues  ont  été  dispersées  sur  divers  points  du  globe  (i); 
des  Scinques,  des  Geckons  ont  peut-être  été  apportés  d'une 
région  dans  l'autre,  par  des  vaisseaux;  des  tortues  de  mer 
entreprenant  des  voyages  dans  certaines  périodes  de  l'année, 
ont  été  jetées  sur  des  côtes,  que  leur  race  n'habite  jamais,- 
des  Crocodiles  (2)  ou  des  Boas  (3)  ont  été  quelquefois 
entrainés  j)i{v  des  courans,  loin  de  leur  patrie;  mais  ces 
exemples  sont  très  peu  nombreux  en  comparaison  de  ce  que 
l'on  observe  chez  les  mammifères  et  les  oiseaux ,  et  forment 
seulement  des  exceptions  par  rapport  aux  serpens  (4)  dont 
nous  nous  occuperons  dans  les  pages  suivantes.  —  Il  est 
évident,  d'après  ce  que  nous  venons  de  dire,  que  la  distribu- 
tion géographique  des  ophidiens  doit  offrir  un  intérêt  tout 
particulier,  en  ce  qu'elle  présente  les  moyens  les  plus  sûrs  pour 
faire  connaître  les  rapports  qui  existent  entre  les  êtres  et  les 
lieux  qu'ils  habitent.  Cette  étude  contribuera  à  éclaircir  les 
grandes  et  importantes  questions  des  foyers  de  là  création 
et  de  rimnuitabilité  des  espèces.  En  s'appuyant  sur  les  faits 
qu'elle  nous  présente,  on  parviendra  plus  facilement  à  se  faire 
une  idée  de  la  face  de  la  nature  telle  qu'elle  était  dans  l'état 

(i)  La  tortue  indienne,  probablement  originaire  de  Madagascar  et  des 
îles  voisines,  a  été  acclimatée  aux  îles  Galapagos,  en  Californie  et  sur  beau- 
coup d'autres  points  de  la  côte  Occidentale  de  l'Amérique  du  Sud.  — • 
(a)  Lesson,  (f^oy.  de  la  Coquille,  Zoologie,  II,  2,  chnp.  9,  pag.  10), 
cite  deux  faits,  tirés  de  Mariner  et  de  Ivotzebue,  et  qui  font 
soupçonner  la  présence  d'un  grand  Crocodile  dans  les  îles  Pelew  et 
Fidschi,  oij  ces  animaux  n'habilent  ordinairement  pas.  —  (3)  Guil- 
DiNG,  Zoolog.  Journal  111  p.  4o3,  raconte  un  fait  de  cette  nature;  un 
Boa  entortillé  autour  d'un  arbre  avant  été  entraîné  des  côtes  voisines 
du  continent  de  l'Amérique  et  jeté  sur  les  côtes  de  St.  Vincent. —  (/j)Jjes 
Hydrophis,  par  exemple ,  ont  leur  patrie  constamment  circonscrite  dans 
les  mêmes  limites ,  quoique  tous  ces  ophidiens  habitent  la  mer. 


/ 


198  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

primitif  j  avant  que  l'art  de  l'iioiiime  eût  transfornié  la  surface 
de  la  terre,  avant  qu'il  eut  chassé  de  leur  habitation  un  grand 
nombre  d'animaux,  les  détruisant  totalement,  les  réduisant 
à  l'état  de  domesticité  et  changeant  ou  modifiant  leur  nature  j 
en  changeant  celle  des  lieux  qu'ils  habitent.  On  ne  peut 
guère  appliquer  ce  que  je  viens  de  dire  aux  Reptiles  en  géné- 
ral et  encore  moins  aux  serpens.  Les  lieux  de  leur  habita- 
tion sont  les  forets,  les  marais,  ou  même  les  déserts,  et  ces 
lieux  se  sont  le  moins  ressentis  de  l'influence  de  la  culture. 
Ne  se  multipliant  que  rarement  jusqu'à  incommoder  les 
hommes  en  général,  et  sachant  se  soustraire  aux  poursuites, 
en  se  retirant  dans  les  lieux  incultes  qui  leur  servent  de 
retraite,  la  guerre  qu'on  leur  fait  n'est  ordinairement  dirigée 
que  contre  les  individus-  de  là  que  le  nombre  des  espèces 
ainsi  que  celui  des  individus  doit  être  demeuré  à-peu-près 
au  point  fixé,  dans  l'ordonnance  générale  de  la  nature,  dès 
le  principe  5  et  c'est  encore  un  des  faits  qu'il  est  essentiel  de 
constater  dans  la  géographie  physique.  Or,  supposant  que  les 
êtres  dont  nous  venons  de  parler,  vivent  encore  dans  les 
mêmes  lieux  qui  leur  furent  assignés  dès  l'origine;  qu'ils  vivent 
encore  sous  le  même  climat,  et  sous  les  mêmes  conditions,  il 
est  évident  qu'ils  ne  peuvent  guère  avoir  subi  de  change- 
mens  dans  le  cours  des  siècles:  ils  offrent  donc,  plus  que  les 
autres  êtres  vivans  des  points  d'appui  pour  fixer  avec  cer- 
titude, ce  que  l'on  doit  entendre  par  espèce,  par  variété 
constante,  par  variété  locale  ou  de  climat,  etc.  —  Les  obser- 
vations que  je  viens  d'énoncer  suffiront  pour  montrer  com- 
bien est  importante  l'étude  de  la  distribution  géographique 
des  Reptiles  et  particulièrement  des  ophidiens,  et  l'influence 
que  cette  étude  doit  excercer  sur  celle  de  la  distribution 
géographique  des  animaux  en  général,  de  la  zoologie,  de  la 
géologie  et  de  la  géographie  physique. 

La  distribution  géographique  des  serpens  est  à-peu-près  sou- 
mise aux  mêmes  lois  que  celle  des  autres  Reptiles:  c'est  à  dire 


DES  SEKPEîNS.  199 

que  leur  nombre  augmente  considérablement  vers  la  zone  tor- 
ride,  tandis  qu'ils  ne  se  trouvent  que  rarement  dans  les  régions 
froides; il  paraît  même  que  les  serpens  ne  s'avancent  pas  aussi 
loin  vers  le  nord  que  les  lézards  ou  les  batraciens,  qui  appar- 
tiennent probablement  au  nombre  des  Reptiles  les  plus  répan- 
dus. —  La  distribution  géograpbique  des  serpens,  envisagée 
par  rapport  aux  différentes  parties  du  monde  i) ,  offre  plu- 
sieurs faits  intéressans  à  observer.  Un  des  plus  curieux  est 
sans  doute  l'absence  totale  de  serpens  dans  les  nombreuses 
îles  de  l'océan  pacifique  (2) ,  phénomène  d'autant  plus  singu- 
lier, que  les  îles  voisines  qui  composent  le  grand  Archipel 
indien,  appartiennent  à  ces  régions  de  la  terre  qui  sont  le 
plus  peuplées  de  serpens.  Un  autre  point  non  moins  im- 
portant à  savoir  est  que  les  serpens,  et  tous  les  Reptiles  du 
Nouveau  monde  appartiennent  constamment  à  des  espèces 
diverses  de  celles  de  l'Ancien  monde  (3),  fait  prouvé  et  très 
curieux ,  parce  qu'un  grand  nombre  d'oiseaux  et  plusieurs 
mammifères  de  l'Amérique  du  Nord  sont  exactement  les 
mêmes  qu'en  Europe,  ainsi  que  dans  une  grande  partie  de 
l'Asie;  et  parce  que  plusieurs  de  nos  Reptiles  se  trouvent  dans 

(1)  J'ai  donné  plus  haut,  pag,  92  et  suiv, ,  quelques  observations  sur 
la  nature  des  lieux  que  les  serpens  habitent;  mais,  comme  on  ne  possède 
guère  de  renseigneraens  exacts  pour  constater  leur  distribution  perpen- 
diculaire ,  c'est  à  dire  par  rapport  aux  hauteurs  jusqu'où  ils  se  trouvent, 
je  puis  me  passer  d'en  parler  ici.  —  (2)  Lesson,  P'oy.  d,  l.  Coqii.  ZnoL 
II  1.  p.  9,  rapporte  quelques  observations  qui  tendent  à  constater  la 
présence  de  seipens  dans  les  îles  deRotouma  et  d'Oualan;  mais  ces  obser- 
vations ont  besoin  d'être  confirmées  :  les  Mariannes  au  contraire  nour- 
rissent plusieurs  espèces  d'opiiidiens ,  et  Dampier,  Voy»  I p.  Ii3,  parle 
de  serpens  verts  des  îles  Galapagos.  Je  n'aurai  pas  besoin  de  réfuter 
l'hypothèse,  émise  par  Quoy  et  Gaimard,  Voy,  de  VUranic  ^  Part, 
Zool.  p.  III,  que  ces  animaux  n'habitent  peut-être  pas  dans  ces  îles  et 
dans  des  lieux  analogues  à  cause  de  leur  nature  volcanique,  —  Ci)  On 
conçoit  que  j'excepte  de  ce  nombre  les  tortues  de  mer. 


200  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQCE 

toute  l'Asie  tempérée  jusqu'au  Japon,  et  souvent  sans  pré- 
senter la  plus  légère  différence.  L'Amérique  du  Sud  nourrit  en 
général  des  espèces  autres  que  celles  de  l'Amérique  du 
Nord,  quoique  plusieurs  d'entre  elles  soient  parfaitement 
identiques  dans  ces  deux  grandes  terres:  quelques  espèces  de 
la  première  région  habitent  encore  les  Antilles  et  se  trouvent 
même  jusque  dans  les  parties  méridionales  des  Etats-Unis ,  où 
ellesforment  quelquefois  des  variétés  de  climat;  d'autres  espèces, 
communes  dans  toute  l'Amérique  du^Nord,  sont^répandues 
jusqu'au  Mexique,  et  se  rencontrent  souvent  aussi  dans  les 
Antilles.  L'Amérique  en  général,  particulièrement  dans  ses 
contrées  équatoriales  ,  est  presque  aussi  riche  en  serpens  que 
la  Malaisie.  Il  n'en  est  pas  ainsi  de  la  Nouvelle-Hollande ,  qui 
ne  parait  habitée  que  par  un  petit  nombre  d'ophidiens  ,  for- 
mant, peut-être  à  l'exception  de  quelques  unes  des  parties 
septentrionales,  des  espèces  propres  à  cette  grande  île.  Les 
serpens  du  Japon  appartiennent  sans  exception  à  des  espèces 
particulières,  et  qui  n'ont  encore  été  observées  dans 
aucun  autre  point  du  globe.  Les  nombreuses  îles  du  grand 
Archipel  de  la  Malaisie  nourrissent  souvent  des  espèces  tout 
à  fait  les  mômes  ,  et  elles  sont  souvent  encore  absolument  iden- 
tiques avec  celles  de  Malacca  ,  du  Bengale  ,  des  grandes  Indes 
et  même  de  Ceylan.  Quelquefois  cependant ,  les  espèces  de 
ces  lieux  divers  présentent  des  différences  plus  ou  moins 
marquées,  et  donnent  lieu  à  l'établissement  de  variétés  locales. 
A  en  juger  d'après  le  peu  de  productions  que  l'on  en  connaît,  il 
paraît  que  la  grande  île  de  Madagascar  a  une  Faune  à  elle, 
L'Afrique  n'est  pas  très  riche  en  ophidiens.  Les  parties  méri- 
dionales de  cette  immense  presqu'île  produisent  des  espèces 
différentes  de  celles  de  l'Europe  et  des  autres  parties  du 
monde  ;  et  ces  mêmes  espèces  sont  souvent  répandues  sur 
toute  l'Afrique  intertropicale ,  se  trouvant  même  jusque 
dans  les  parties  septentrionales  de  ce  continent*  mais  outre 
quelques   espèces    particulières ,   ces    dernières   contrées   en 


DES  SEI\1>E1NS.  201 

préseiUeiit  plusieurs  autres  qui  habitent  eu  nièuic  temps 
presque  tous  les  pays  riverains  de  la  Méditerranée  jusqu'en 
Syrie  et  en  conséquence  dans  une  grande  partie  de  l'Europe. 
La  plupart  des  serpens  de  ce  dernier  continent,  eniln  ,  sont 
répandus  dans  une  grande  partie  de  l'Asie  tempérée,  con- 
trée qui  ne  paraît  produire  qu'un  très  petit  nombre  d'es- 
pèces particulières. 

La  distribution  géographique  des  genres  ou  des  familles , 
envisagées  comme  représentant  les  diverses  formes  principales, 
n'est  pas  moins  curieuse  à  étudier  que  celle  des  espèces.  Nous 
voyons  tout  d'abord ,  que  les  Serpens  venimeux  sont  distri- 
bués ,  peut-être  à  l'exception  de  quelques  îles,  dans  toutes  les 
contrées  habitées  par  des  serpens  en  général}  ces  Reptiles 
dangereux  ne  paraissent  pas  non  plus  redouter  le  froid  ,  car 
on  les  rencontre  souvent  aussi  loin  vers  le  Nord  que  les  non- 
venimeux.  Mais  leur  nombre  est  beaucoup  plus  limité  que 
celui  de  ces  derniers:  car  en  portant  le  nombre  de  toutes 
les  espèces  d'ophidiens  connues  à  263  ,  dont  5^  (i)  sont  veni- 
meuses ,  on  voit  que  le  rapport  des  dernières  aux  non-veni- 
meuses est  environ  de  i  à  5.  Nous  verrons  cependant  par  la 
suite  que  cette  proportion  n'est  pas  la  même  dans  tous  les 
pays  du  globe ,  et  que  le  nombre  des  serpens  venimeux ,  du 
moins  celui  des  individus ,  paraît  être  plus  considérable  dans 
les  contrées  découvertes  et  stériles ,  où  celui  des  non-venimeux 
semble  diminuer.  L'Afrique  et  la  Nouvelle -Hollande  en  four- 
nissent des  exemples:  dans  ce  premier  continent  les  espèces 
de  serpens  non-venimeux  connues  sont  en  raison  de  deux  ou 
trois  à  un  ,  tandis  que  c'est  presque  le  contraire  dans  la  Nou- 
velle-Hollande, où  de  dix  espèces  de  serpens  connus,  il  y  en 
a  sept  de  venimeuses.  Quant  au  nombre  des  individus  ,  il  est 
évidemment  beaucoup  plus  borné  dans  les  serpens-venimeux, 

(i)  Il  faut,  en  outre,  observer   que   7   espèces   venimeuses  habitent 
exclusivement  la  mer,  où  les  non- venimeuses  ue  se  iciiconlienî  jamais. 


202  DISTRIBUTION   GÉOGRAPHïQlJE 

ces  derniers  vivant,  à  l'exception  des  serpens  de  mer,  presque 
toujours  isolés  ,  et  ne  se  multipliant  guère  au  point  de  devenir 
abondans  que  par  le  concours  de  circonstances  assez  favora- 
bles, comme  cela  a  lieu  aux  îles  de  sucre  Françaises,  à  l'égard 
du  Trigonocépliale  lancéolé ,  ou  en  Dalmatie  à  l'égard  de  la 
Yipère  amniodyte.  Les  serpens  venimeux  appartiennent  donc 
généralement  au  nombre  des  rares,  et  ils  sont  peut-être  beau- 
coup plus  rares  qu'on  ne  le  pense  ordinairement,  soit  que  le 
nombre  des  individus  en  est  souvent  très  circonscrit ,  soit  que, 
grâce  à  leurs  habitudes,   ils   échappent    plus  facilement  aux 
recherches  de  l'homme.  (î)  —  Exceptant  les  espèces  anomales 
qui  composent  la  famille  des  Tortrix ,  il  n'existe  aucun  genre 
de  serpens  ^  qui  soit  à-la-fois  répandu  sur  toutes  parties  du 
o'iobe,  habitées  par  des  Reptiles,  et  ce  fait  curieux  nous  servira 
à  démontrer  combien  est  intime  la  relation   qui  existe  entre 
l'organisation  des  êtres   et  la  nature  des  lieux  qu'ils  habitent. 
Les  COULEUVRES   PROPREMENT   D I T  E  S  ,  par  exemple  ,  qui 
sont  destinées  à  peupler  les  contrées  boisées  ou  marécageuses 
mais  couvertes  dîme  végétation  abondante,  n'ont  pas  encore 
^té  observées  à  la  Nouvelle-Iiollande ,  et  sont  tellement  rares 
dans  l'Afrique  australe,  que  l'on   n'y  connaît  qu'une   seule 
espèce,  qui  s'éloigne,  en  outre,  par  plusieurs  points  de  son 
organisation  ,  des  autres  Couleuvres ,  en  ce  qu'elle  se  rapproche 
à  ces  serpens  qui  habitent  de  préférence  les  contrées  désertes 
ou   sablonneuses.  On  peut   à-peu- près   appliquer  les  mêmes 
observations  au  genre  coronelle,  serpens  qui  habitent  les 
pleiiies  marécageuses  ou  couvertes  de  bruyères,  et  dont  on  ne 

(î)  Les  nombreux  envois  que  l'on  ne  cesse  d'adresser  au  musée  des 
diverses  parties  du  monde,  pourront  peut-être  fournir  une  échelle  de 
comparaison  pour  faire  connaître  le  noudne  respectif  des  individus  des 
deux  grandes  tribus  de  serpens  :  les  recherches  que  j'ai  faites  à  cet 
égard,  m'ont  démontré  que,  pris  pour  terme  moyen,  le  nombre  d'indi- 
vidus des  serpens  venimeux  est  à  celui  des  individus  des  non-venimeux 
environ  conrme  de  un  à  vîns^t,  ' 


DES  SEKP   EN  203 

connaît  aucune  espèce  dans  la  Nouvelle-HoUaiuic  ,  tandis  que 
celles  de  rAfiique  méridionale  s'éloignent  des  espèces  types. 
Les  SERPENS  d'arbre  sont  plus  particulièrement  propres 
aux  contrées  équatoriales;mais,  connue  ils  lialnlent  les  grandes 
forets  ou  des  contrées  boisées,  ils  ne  se  trouvent  pas  dans  les 
pays  où  ces  conditions  nécessaires  à  leur  existence,  ne  se  ren- 
contrent pas:  de  là  probablement  que  ces  serpens  n'ont  pas  été 
observés  dans  la  plus  grande  partie  de  la  r^ouvelle-Hollande, 
et  que  l'Afrique  australe  ne  nourrit  qu'une  seule  espèce  de 
cette  famille,  disparate  en  outre  et  se  rappochant  des  Couleu- 
vres. Les  trois  genres  qui  composent  cette  famille  des  serpens 
d'arbre  se  rencontrent  dans  Tun  et  l'autre  monde  ;  mais  il  est  à 
observer  que  les  dipsas  de  l'Amérique  ne  parviennent  pas  à 
cette  forte  taille  que  l'on  lemarque  chez  la  pi  upart  des  espèces  de 
rinde;  et  que  les  dryophis  des  Amériques  forment  une  véri- 
table division  géographique,  en  ce  qu'ils  ont  le  système  dentaire 
et  le  museau  moins  développés,  ainsi  que  la  prunelle  de  l'œil 
orbiculaire.  Les  serpens  d'eau  douce,  qui  sont  compris  dans  les 
deux  genres  tropidonotus  etiioMALOPSisse  trouvent 
en  abondance  dans  les  contrées  riches  en  lacs  ou  arrosées  par 
de  nombreuses  rivières:  de  là  que  ces  animaux  sont  communs 
dans  l'Asie ,  dans  TAmérique  et  même  en  Europe ,  qu'ils 
ne  se  rencontrent  peut-être  pas  du  tout  à  la  Nouvelle- 
Hollande,  et  qu'ils  sont  rares  en  Afrique;  car  il  n'existe 
qu'une  seule  espèce  de  Tropidonote  dans  la  partie  australe 
de  ce  dernier  continent,  et  encore  cette  espèce  offre-t-elle 
une  organisation  tout-à-fait  anomale.  Les  Homalopsis  même 
qui  sont  par  excellence  les  serpens  d'eau  douce  et  essentiel- 
lement aquatiques,  et  qui  appartiennent  aux  contrées  chaudes, 
n'ont  été  observés  ni  à  la  Nouvelle-Hollande  ni  en  Afrique, 
tandis  qu'ils  prédominent  dans  les  Amériques;  ils  remplacent 
même  dans  l'Amérique  du  Sud  les  Tropidonotes  ,  qui  n'ont 
pas  encore  été  observés  dans  cette  grande  presqu'île.  La  dis- 
tribution géographique  des  boas  nous  présente  plusieurs  faits 


204  DISTRIBUTIQIN   GÉOGRAPHIQUE 

dignes  d'être  rapportés.  Ce  sont  également  des  serpens  propres 
aux  contrées  chaudes.  Les  véritables  Boas  n'habitent  que  dans 
l'Amérique  méridionale  ;  ils  sont  remplacés  dans  l'ancien 
monde,  par  les  Pythons;  mais  on  observe,  en  outre,  dans  les 
Indes,  plusieurs  serpens  en  tout  analogues  aux  Boas,  mais  de 
très  petite  taille  et  dont  il  n'existe ,  dans  tout  l'hémisphère  occi- 
dental ,  qu'un  représentant  à  l'île  de  Cuba.  Les  Acrochordes 
enfin  sont  un  genre  tout-à-fait  propre  aux  Indes  orientales.  — • 
Parmi  les  serpens  venimeux  ,  ce  ne  sont  que  les  Vipères  et 
peut-être  quelques  Crotales  qui  s'avancent  vers  le  Nord , 
jusque  dans  les  régions  tempérées  ou  froides;  les  autres  genres 
paraissent  plus  particulièrement  destinés  à  peupler  les  contrées 
intertropicales.  -—  Des  serpens  venimeux  colubriformes ,  il 
n'y  a  que  le  genre  él  aps  qui  se  trouve  à  la  fois  dans  les  deux 
Mondes  ,  et  encore  les  Elaps  de  l'Amérique  forment-ils  un 
petit  groupe  géographique  distingué  par  le  système  de  colo- 
ration et  par  quelques  petits  détails  de  forme;  ceux  des  Indes 
sont  rayés  longitudinalement,  au  lieu  d'être  annelés  de  rouge 
et  de  noir;  ceux  de  la  Nouvelle-Hollande  enfin  peuvent  être 
considérés  comme  formant  des  espèces  anomales.  Lcsbon- 
G  ARE  s  sont  propres  auxîndes  orientales,  où  se  trouvent  aussi 
des  NAJAS,  quoique  le  plus  grand  nombre  de  ces  derniers 
serpens  paraissent  habiter  de  préférence  des  plaines  arides  ou 
sablonneuses,  ce  qui  explique  pourquoi  ils  prédominent  dans 
l'Afrique  et  dans  la  Nouvelle-Hollande.  —  On  n'a  pas  encore 
pu  parvenir  à  expliquer  le  phénomène  que  les  serpens  de 
MER  se  trouvent  exclusivement  dans  les  mers  des  Indes  depuis 
le  Malabar  jusque  dans  le  grand  Océan  pacifique.- — Enfin,  il 
reste  à  faire  quelques  observations  curieuses  sur  la  distribution 

des    SERPENS    VENIMEUX    PROPREMENT    DITS.     DeS    trois 

genres  dont  cette  famille  est  composée,  l'un,  celui  de  Vipère, 
est  propre  à  l'Ancien  monde,  tandis  que  celui  de  Crotale 
n'habite  que  dans  les  Amériques,  où  il  remplace  le  premier; 
mais  les   Trigonocéphales   se    trouvent    dans  l'un   et  l'auti'e 


DES  SEKPENS.  205 

inondo.  Les  tlcrnlers  reptiles ,  qui  habitent  les  contrées  boisées 
et  les  o-iandes  forets,  n'ont  été  observés,  par  cette  raison, 
ni  en  AtVi({ue  ni  à  la  Nouvelie-Hollande,  où  ils  sont  remplacés 
par  les  Vipères;  mais  il  est  à  observer  que  la  Vipère  de  la 
Nouvelle-Hollande  forme  une  espèce  anomale ,  tandis  que 
celles  qui  habitent  l'Europe  s'éloignent  également  des  espèces 
types  et  se  rapprochent  des  Trigonocéphales.  On  peut  établir 
dans  ce  dernier  genre  deux  divisions,  dont  l'une  comprend 
les  espèces  à  tête  revêtue  d'écaillés  ,  qui  habitent  plus  particu- 
lièrement les  contrées  tropicales,  tandis  que  ceux  qui  ont  le 
sommet  de  la  tête  garni  de  plaques  ,  se  trouvent  jusque  dans 
les  régions  tempérées. 

Après  avoir  donné,  dans  les  pages  précédentes,  des  notions 
générales  sur  la  distribution  géographique  des  ophidiens , 
nous  nous  proposons  de  traiter  en  particulier  chaque  contrée 
du  globe,  que  l'on  sait  habitée  par  ces  animaux.  En  commençant 
par  l'Europe,  nous  voyons  que  cette  partie  du  monde  ne 
nourrit  ni  des  Calamars,  ni  des  Hétérodons  ou  des  Lycodons; 
qu'il  ne  s'y  trouve  point  de  véritables  Serpens  d'arbre,  pas 
même  des  ïlerpetodryas;  qu'il  n'y  existe  non  plus  des  Homa* 
lopsis  ou  des  Boas;  que  les  familles  des  seipens  venimeux 
colubriformes  et  des  serpens  de  mer  ne  s'y  rencontrent 
jamais;  enfin  que  les  serpens  venimeux  proprement  dits  n'y 
ont  d'autre  représentans  que  plusieurs  espèces  du  genre 
Vipère.  Il  n'y  a  guère  d'espèce  qui  soit  propre  au  centre  ou 
aux  parties  septentrionales  de  ce  continent,  presque  toutes 
se  trouvant  également  au  Sud  de  l'Europe,  région  qui  produit 
beaucoup  d'espèces  qui  habitent  aussi  dans  les  parties  envi- 
ronnantes d'Afrique  ou  d'Asie.  On  peut  cependant  assigner 
des  limites  à  quelques  unes  des  espèces,  ce  qui  donne  lieu  à 
plusieurs  observations  curieuses.  La  Vipère  commune  par 
exemple,  Vipera  berus,  habite  toute  la  partie  centrale  de 
l'Europe  et  paraît  être  répartie  dans  TAsie  tempérée  jusqu'au 
lacdeBaical;  elle  vit  aussi  en  Angleterre  et  en  Suède;  mais 


2(K>  DlSTarBUTION  GEOGRAPHIQUE 

vers  rOuest,  elie  ne  se  trouve  guère  au  delà  de  la  Seine,  tandis 
que  les  Alpes  paraissent  former  les  limites  de  cette  espèce  (i) 
dans  le  Sud.  Dans  la  partie  méridionale  de  l'Ouest  de  l'Europe ^ 
elle  est  r<^nîplacëe  par  la  Vipère  aspic,  Vip.  aspis,  qui  se 
trouve  depuis  Trieste  dans  toute  l'Italie  jusqu'en  Sicile, 
puis  en  Suisse  et  dans  toute  la  France  au  delà  de  là  Seine 
jusqu'aux  Pyrénées,  et  peut-être  aussi  dans  la  Péninsule 
ibérique.  Les  parties  méridionales  de  l'Est  de  l'Europe  pro- 
duisent au  contraire  une  troisième  espèce  de  ce  genre, 
Vip.  ammodytes,  qui  se  trouve  depuis  la  Styrie  jusqu'au 
Sud  de  la  Hongrie,  puis  dans  la  Grèce,  dans  la  Dalmatie, 
en  Sicile ,  et  peut-être  aussi  dans  la  Galabre.  Cette  distribution 
des  espèces  paraît  modifiée  par  la  nature  de  terrains  qu'elles 
habitent:  la  première  préférant  en  général  les  bruyères,  les 
lieux  marécageux,  et  boisés;  la  seconde  un  sol  sec  et  aride; 
la  troisième  les  terrains  rocailleux.  On  n'a  pas  observé ,  dans 
ces  serpens  des  variétés  locales  ou  de  climat;  mais  il  n'en 
est  pas  ainsi  de  plusieurs  autres  serpens  d'Europe ,  qui  sont 
répartis  presque  sur  toute  l'étendue  de  ce  continent:  on  peut 
citer  comme  exemple  la  Goronella  laevis  et  les  Tropi- 
donotus  natrix  et  viperinus.  Ces  espèces ,  dont  les  deux 
premières  habitent  presque  toute  l'Europe  septentrionale  et 
centrale,  et  la  dernière  jusque  vers  le  5o  degré  de  lat,  bor. ,  se 
trouvent  également  dans  le  Midi  de  l'Europe,  où  elles  forment 
souvent,  outre  un  grand  nombre  de  variétés  accidentelles, 
des  variétés  locales.  En  Espagne,  par  exemple,  le  Trop, 
vipérin  a  le  dos  rayé  longitudinaîement;  le  même  cas  a  lieu 
à  l'égard  duTropidon.  commun  dans  l'île  de  Sardaigne,  et  les 
individus  de  ce  serpent  tués  en  Sicile  offrent  encore  d'autres 
disparités  légères;  la  Coron,  lisse  enfin,  forme  (2)  en  Italie  une 


(i)  On  dit  qu'elle  se  rencontre  aussi  dans  la  vallée  du  Pô  jus({u'au 
Florentin ,  mais  en  très  petit  nombre.  —  (2)  Je  puis  assurer  que  le 
caractère  <ln    jnélcndu  Colni>.  Riccioli,  tiré  de  la  plaque  nasale  indi- 


DES  SERPENS.  207 

variété  locale  ou  de  climat,  variété  à  teintes  plus  claires,  qui 
se  trouve  jusque  dans  les  environs  de  Marseille,  et  qui  remplace 
notre  Coronelle  dans  le  Sud  de  l'Europe.  La  Couleuvre  d'£s- 
culape  qui  habite  dans  le   Sud  de  l'Allemagne,  se  trouve  en 
Dahnatie    et  en  Italie,    jusqu'en    Provence.    Le    Col.  viiidi- 
flavus  a  été  observé  dans    toute    l'Europe    méridionale    en 
Grèce,  en  Hongrie,  en  Dahnatie,  en  Italie,  en  Sicile,  en  Sar- 
daigne   jusqu'en    France  et  en   Suisse.    Le  Col.  hippocrepis 
habite  l'Espagne  et  la  Sardaigne,  tandis   que   le  Col.  leopar- 
dinus   se  trouve  en  Sicile,  en  Dahnatie  et  en   Grèce;  mais, 
autant  que  je    sache,  aucune  des  deux  espèces  n'a  été  obser- 
vée en   Italie.  Le  Psammophis  lacertina ,    commun  en    Dal- 
matie,  en  Espagne  et  dans  une  grande  partie  de  la  France, 
et    qui    habite   la    plupart    des    autres    pays   riverains   de    la 
Méditerranée,   n'a  pas  non  plus  été  trouvé  en  Italie  ni  dans 
aucune   des    îles    adjacentes.    Les    contrées  méridionales    de 
l'Europe  produisent  plusieurs  autres  espèces  de  serpens,  qui 
ne  paraissent  pas  habiter  une  grande  étendue  de  terres  :  telles 
sont  le  Xénodon  de    Michahelles    de   l'Espagne;  le  Psammo- 
phis   Dahlii    de  la  Dal matie   qui   se   trouve    également    en 
Grèce  et  qui  se  rapproche  par  ses  formes  élancées  des  serpens 
d arbre;    le    Dipsas    fallax    des    mêmes    contrées,    que    l'on 
doit  considérer  comme   espèce  anomale  du   genre;  enfin  le 
Tortrix  Eryx,  qui   se  trouve  seulement  en  Grèce,  et   dont 
les  déserts  de  l'Afrique  et  de  l'Asie  sont  la  véritable  patrie.  — 
En  comparant  les  observations  que  nous  fournissent  les  autres 
animaux    de  l'Europe   à  celles  que  nous   venons   d'énoncer 
sur   les  Reptiles   de    cette  partie  du  monde,  on  parvient  à 
déduire  des  résultats  analogues.  Nous  voyons  que  les  animaux 
des   contrées   septentrionales  sont  souvent  remplacés  dans  le 

visée  est  purement  accidente!,  comme  on  peut  se  convaincre  en 
examinant  la  série  d'individus  de  cette  Coronelle,  conservée  dans  noire 
Musée. 


208  DlSTRîBLiTiON  GÉOGRAPHIQUE 

centre  de  l'Europe 5  par  d'autres,  qui  forment  des  variétés 
locales   ou  quelquefois  même   des  races;  et  la  comparaison 
des  animaux   de   l'Europe    centrale    avec    ceux    du  Midi  de 
l'Europe  offre  souvent  le   même  résultat.  On  peut   citer  de 
nombreux  faits  à  l'appui  de   cette  thèse;  je  n'en  rapporterai 
que  quelques  uns.  Notre  corbeau,  par  exemple,  est  remplacé, 
aux  îles  Far,  par  une  variété  à  teintes  mélangées  de  blanc. 
La  corneille  mantelée  et  la  corneille  noire,  sont  deux  races 
de  la  môme  espèce  qui  se  représentent  mutuellement,  etdontla 
première  appartient  aux  contrées  septentrionales  de  l'Europe. 
On  sait  que  la  même  chose  a  lieu  a-peu-près   à  l'égard  des 
étourneaux  vulgaire  et  unicoîore,  dont  le  dernier  habite  plus 
particulièrement  le  Midi  de  l'Europe.  Notre  Emberiza  schoeni- 
clus   est   remplacée  en   Dalmatie  et   en  Italie  par  l'Emberiza 
paluslris,  qui  offre  ordinairement  un  bec  beaucoup  plus  fort, 
mais  dont  l'existence  comme  espèce  ne  pourrait  être   prou- 
vée, parce  qu'on  observe  souvent  des  individus  exactement 
intermédiaires  entre  ces  deux  races.  Tout  le  monde  connaît 
les    races    locales   que  forme    notre    moineau   au    delà    des 
Alpes  et  des  Pyrénées   ou  dans  l'Afrique  septentrionale.  La 
distribution  géographique  des  mammifères  nous  présente  de 
nombreux  faits   pour  éclaircir  notre  thèse.   Chacun   sait  qu'il 
existe,    dans  les  différentes  parties    de  l'Europe  et   du  Nord 
en  général,  des  Lynx  plus  ou  moins  divers  les  uns  des  autres, 
et  qui  paraissent  former  des  races  produites   par    l'influence 

(ij  II  ne  faut  pas  s'imaginer  que  chacune  de  ces  races  soit,  par 
rapport  au  Heu  de  l'habitation,  parfaitement  séparée  de  l'autre  race 
qu'elle  doit  remplacer;  très  souvent  elles  se  mêlent  dans  leurs  migra- 
lions,  ou  vivent  dans  les  mêmes  lieux,  se  perdant  insensiblement  à 
mesure  que  leurs  représciitans  se  montrent;  il  arrive  aussi  que  les  indi- 
vidus de  deux  races  voisines  se  propagent  ensemble,  comme  font  les 
Corvus  cornix  et  coron e ,  fait  que  j'ai  constaté  par  de  nombreuses 
observations  faites  dans  les  environs  de  Dresde.  Consulter  par  rapport 
à  ces  questions  les  exceilens  travaux  de  M,  Gr.ocEa  de  Breslau. 


DES  SERPENS.  209 

tlu  climat  sur  le  poil  (i).  Le  renard  du  Nord  (a)  est  d'uncr 
taille  plus  forte  et  offre  un  peLige  mieux  fourni  que  celui 
du  centre  de  l'Europe;  en  Italie  il  Teste  assez  petit,  et  a  le 
ventre  noirâtre,  (Canis  melanogaster,  Bon.).  Les  belettes 
(Mustela  erminea)  de  la  Sardaigne  et  de  la  Sicile  (3)  diffèrent 
un  peu  par  les  teintes  des  individus  du  reste  de  l'Europe. 
Le  mulot  (Mus  decumanus)  est  remplacé  dans  le  Midi  de 
ritalie  par  une  race  qui  s'en  éloigne  à-peine:  c'est  le  Mus 
tectorum  du  Prince  de  Musignuno.  Un  autre  animal  très 
curieux,  qui  y  représente  dans  beaucoup  de  lieux  notre  taupe, 
est  le  Talpa  coeca.  On  sait  que  les  chamois  des  Alpes  offrent 
de  légères  différences  avec  ceux  des  Pyrénées;  il  serait  donc 
curieux  de  savoir,  s'il  en  est  de  même  des  bouquetins  de 
ces  deux  chaînes  de  montagnes.  —  Les  Reptiles  nous 
présentent  également  plusieurs  exemples  de  ces  différences 
locales:  nos  Salamandres  aquatiques  offrent  souvent  des  teintes 
plus  vives  dans  le  Sud  ou  dans  l'Ouest  de  l'Europe  ^  tandis 
que  les  Crapauds  vulgaires  de  l'Italie  ont  des  teintes  plus 
uniformes  que  d'ordinaire,  et  le  corps  hérisséd'épines.  Il  existe 
de  légères  différences  entre  les  tortues  grecques  de  l'Italie, 
de  la  Grèce,  de  la  Syrie  ou  du  Nord  de  l'Afrique;  les  rainettes 
communes   ont  souvent   en    Sardaigne   le   corps  couvert  de 


(i)  La  même  chose  s'observe  dans  les  tigres  du  Nord  de  l'Asie  com- 
parés à  ceux  du  Bengale,  ou  même  de  Sumatra  et  de  Java;  on  voit  des 
phénomènes  analogues  dans  certaines  plantes  à  feuilles  lisses  qui ,  ap- 
portées dans  un  climat  froid,  se  revêtent  souvent  de  poils,  pour 
se  garantir  du  froid.  —  (a)  Le  Japon,  situé  sous  le  même  parallèle  que 
le  JMidi  de  l'Europe,  produit  des  renards  de  forte  taille  et  d'un  beau 
pelage,  mais  en  tout  semblables  à  nos  renards  d'Europe,  dont  on  con- 
naît une  belle  variété  dans  l'Amérique  du  Nord,  (Canis  argentatus, 
Geoffroy).  —  (3)  On  en  a  fait  des  espèces  fondées  sur  une  pré- 
tendue différence  dans  le  nombre  des  molaires,  observation  qu'il  n'est 
pas  nécessaire  de  contredire. 

i4 


210  DISTRiBUTlON  GÉOGUAPHIQUE 

larges  lâches  effacées;  en  Grèce,  notre  orvet  a  le  corps  parse- 
mé de  points  foncés,  et  c'est  alors  TAnguis  punctatissima  de 
Bibron;  enfin  je  pourrais  citer  un  grand  nombre  de  faits 
analogues  tirés  de  la  classe  des  insectes,  mais  ce  serait 
m'enfoncer  dans  un  gouffre,  où  l'on  ne  parviendra  peut-être 
jamais  à  voir  clair. 

L'étude  de  la  répartition  géographique  des  animaux  dans 
l'Afrique,  offre  un  grand  nombre  de  faits  extrement  curieux, 
et  de  la  plus  haute  importance  pour  la  géographie  physique 
et  même  pour  la  zoologie  descriptive.  Il  n'est  peut-être  pas 
de  contrée  de  la  terre  qui  fournît  des  preuves  aussi  frappantes 
des  rapports  qui  existent  entre  les  animaux  et  les  lieux 
qu'ils  habitent.  En  étudiant  donc  la  constitution  physique 
de  ce  grand  continent,  on  pourra  en  quelque  sorte  deviner 
la  nature  de  ses  productions.  Le  trait  prédominant  de 
l'Afrique  est  la  présence  de  grandes  plaines  arides,  soit  qu'elles 
forment  de  véritables  déserts  de  sable ,  soil  qu'elles  se 
présentent  sous  l'aspect  de  ces  plateaux  en  terrasses,  élevés 
quelquefois  à  une  hauteur  de  plusieurs  milliers  de  pieds 
au  dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  qui  se  revêtent  de  végé- 
tation seulement  pendant  une  courte  période  de  Tannée.  Un 
sol  de  cette  nature,  brûlé  sans  cesse  par  les  rayons  per- 
pendiculaires du  soleil,  est  peu  propre  à  produire  des 
vapeurs  qui  ,  se  condensant  dans  l'atmosphère  ,  en  tom- 
bent ensuite  sous  forme  de  pluie,  de  neige  ou  de  grêle, 
pour  féconder  la  terre.  Ces  conditions  et  l'absence  de  hautes 
montagnes  dans  cette  partie  de  l'Afrique  modifient  la  nature 
des  eaux  douces  ou  courantes  en  général.  De  là  que  les  fleuves 
de  ce  continent  sont  sous  tous  les  rapports  inférieurs  à  ceux 
des  autres  continens;  ils  ne  forment  que  rarement  ces  grands 
rassemblemens  d'eau  douce,  qui  sont  si  favorables  au  déve- 
loppement des  vapeurs; leurs  bords  ne  sont  pas  ordinairement 
couverts  de  cette  luxuriante  végétation,  qui  attire  un  si 
grand  nombre  d'êtres  de   toutes  les   classes  d'animaux;  ces 


DES  SEllPKNS.  211 

fleuves,  gonfles  dans  la  saison  des  pluies,  pendant  un 
court  espace  de  temps,  par  la  crue  subite  des  eaux,  se 
retirent  après  cette  période  dans  leur  lit,  ou  se  réduisent 
souvent  même  au  point  de  ne  plus  mériter  le  nom  de  fleuve 
ou  de  rivière.  Il  résidte  de  ce  que  nous  venons  de  dire  que 
l'Afrique  ,  n'étant  ni  arrosée  pas  de  larges  rivières  ni  couverte 
d'une  végétation  abondante  et  dénuée  de  grandes  forêts  ,  ne 
doit  nourrir  qu'un  petit  nombre  de  ces  animaux  qui  habitent 
les  eaux  douces  ou  les  bois,  tandis  que  les  animaux  qui  sont 
plus  particulièrement  destinés  à  peupler  les  plaines,  doivent 
s'y  trouver  en  abondance:  et  ces  suppositions  se  confirment 
par  l'expérience.  Nous  voyons  en  Afrique,  au  lieu  des  Cerfs 
une  quantité  d'espèces  d'Antilopes,  errant  par  troupes  nom- 
breuses  dans  ces  lieux  découverts.  Les  Ecureuils  y  habitent 
en  très  petit  nombre  et  les  espèces  qui  s'y  trouvent  s'éloignent 
encore  ordinairement  des  véritables  écureuils  par  leurs  habi- 
tudes terrestres.  Le  grand  nombre  de  rongeurs  qui  peuplent 
ce  continent  appartiennent  presque  tous  à  des  espèces  terres- 
tres; beaucoup  d'entre  eux  même  vivent  dans  les  lieux  décou- 
verts, et  dépourvus  des  moyens  de  défense,  la  nature  a  pourvu 
à  leur  conservation  ,  en  développant  leurs  organes  de  locomo- 
tion ,  au  point  d'en  faire  de  véritables  sauteurs  ,  et  c'est  de 
cette  manière  que  ces  animaux  ont  la  faculté  d'échapper  par 
une  prompte  fuite,  aux  poursuites  de  leurs  ennemis.  On 
observe  enfin  le  même  fait  dans  certains  mammifères  de 
l'ordre  des  Insectivores.  —  Les  Reptiles  de  cette  partie  du 
monde  offrent  des  exemples  encore  plus  frappans,  de  ce  que 
nous  venons  d'avancer.  L'Afrique  nourrit  à  elle  seule  plus 
d  espèces  de  tortues  terrestres  que  toutes  les  autres  parties 
du  monde  prises  ensemble  ;  mais  les  tortues  d'eau  douce  sont 
en  si  petit  nombre  que  l'on  n'en  connaît  qu'une  seule  Emyde 
et  peut-être  une  ou  deux  espèces  du  genre  Trionyx.  Une 
autre  observation  digne  de  remarque  est  le  petit  nombre  de 
batraciens  propres  à  ce  continent:  il  y  existe  à  peine  plusieurs 


212  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

orapautls ,  quelques  espèces  du  genre  Bombinateur,  u- 
tant  de  grenouilles,  et  une  ou  deux  rainettes  ,  qui  sont  du 
nombre  des  animaux  très-rares.  Le  même  fait  se  présente  nar 
rapport  aux  serpens  d'arbre  et  aquatiques:  les  Dryopbis  et 
les  Homalopsis  y  manquent  totalement ,  et  il  n'y  existe  que 
deux  espèces  du  genre  Dipsas  ,  deux  Dendropbis  et  un  ou 
deux  Tropidonotes.  L'exemple  le  plus  frappant  enfin  est 
Tabsence  presque  totale  de  poissons  dans  les  eaux  douces  de 
l'Afrique  méridionale.  — -  Cependant ,  les  observations  que 
nous  venons  de  faire  sur  la  constitution  physique  de  l'Afrique 
ne  peuvent  être  appliquées  à  toutes  les  contrées  de  cette 
partie  du  monde.  Au  point  de  la  plus  grande  largeur  de 
ce  continent ,  le  grand  plateau  qui  en  occupe  toute  la  partie 
australe,  descend  rapidement  vers  les  plaines  désertes  du 
Nord,  et  se  prolonge  d'un  côté,  au  delà  du  Quorra,  dans 
le  haut  Sudan,  tandis  que  les  terrasses  de  ce  même  plateau 
entourent  de  l'autre  côté  les  Alpes  de  l'Abyssinie.  C'est  de  ces 
hautes  montagnes,  ou  de  la  pente  septentrionale  du  grand 
plateau  de  l'Afrique  en  général  que  naissent  les  plus  grands 
fleuves  de  ce  continent  ;  c'est  au  pied  de  ces  montagnes  ou 
terrasses  que  se  forment  ces  marais  boisés  désignés  sous  le  nom 
de  Kidla^  et  qui  entourent,  dans  le  centre  de  l'Afrique,  ce 
grand  bassin  d'eaux  douces,  que  l'on  pourrait  comparer  aune 
mer  intérieure.  Offrant  un  sol  plus  fertile,  les  régions  dont  nous 
venons  de  parler  sont  couvertes  d'une  végétation  plus  abon- 
dante que  les  autres  parties  de  l'Afrique,  et  ces  terres  ainsi 
que  les  fleuves  dont  elles  sont  fécondées,  nourrissent  un  nom- 
bre plus  varié  d'animaux,  appartenant  souvent  à  des  genres 
différens.  Cette  diversité  dans  la  constitution  physique  des 
différentes  régions  de  l'Afrique  doit  nécessairement  exercer 
une  influence  considérable  sur  la  distribution  géographique 
des  êtres  qui  y  habitent.  —  Les  animaux  qui  sont  plus 
particulièrement  destinés  à  peupler  les  plaines  élevées  de 
la  partie  méridionale  de   ce  continent,  se  trouvent  souvent 


DES  SKIIPKNS.  213 

sur  tous  ces  points  du  grand  plateau  qui  réunissent  les 
conditions  nécessaires  à  leur  existence.  De  là  que  beaucoup 
d'aninuuix  du  Cap  de  13onne  Espérance  ont  été  observé 
jusqu'à  la  cote  de  Guinée,  et  même  jusqu'en  Abyssinie. 
Tantôt  ces  animaux  se  trouvent  être  exactenuMit  les  mêmes 
dans  des  régions  aussi  distantes  l'une  de  l'autre  ;  tantôt  ils 
présentent  dans  l'un  et  l'autre  lieu  de  légères  différences,  qui 
n'existent  souvent  que  dans  les  nuances  ,  les  vivacités  ou 
des  teintes  même  seulement  dans  leur  distribution;  tantôt 
enfin,  il  arrive  que  ces  animaux  diffèrent  constanmient  et 
d'une  manière  assez  essentielle  pour  justifier  l'élévation  de  ces 
représentans  respectifs  au  rang  d'espèces.  D'un  autre  côté  on 
observe  une  certaine  identité  entre  beaucoup  d'animaux  de 
TAbyssinie  et  de  la  Sénégambie:  ces  deux  pays  nourrissant 
parfois  les  mêmes  espèces;  les  représentans  d'un  même  ani- 
mal, y  formant  tantôt  des  variétés  locales,  tantôt  des  espèces 
diverses.  Les  productions  de  ces  pays  montrent  quelquefois 
de  l'affinité  avec  ceux  de  l'Asie  intertropicale,  et  on  y  trouve 
même  plusieurs  espèces  d'animaux ,  qui  ont  également  été 
observés  dans  une  partie  de  l'Asie  et  même  dans  la  Malaisie. 
Cette  identité  est  plus  frappante  encore  entre  les  animaux 
qui  habitent  les  contrées  situées  au  Nord  du  grand  plateau 
de  l'Afrique,  et  ceux  qui  habitent  l'occident  de  l'Asie  jusquà 
rindoustan  ;  il  est  vrai  que  dans  les  deux  continens  ces 
animaux  choisissent  pour  séjour  des  déserts  qui  semblent  se 
continuer  l'un  l'autre.  Les  contrées  de  l'Afrique  enfin,  situées 
près  des  côtes  de  la  Méditerranée,  nourrissent  quelques  ani- 
maux qui  sont  propres  à  la  plupart  des  pays  riverains  de  cette 
mer,  et  qui  se  trouvent  par  conséquent  aussi  dans  plusieurs 
points  de  l'Europe.  —  Avant  d'entrer  en  détail  sur  la  distribu- 
tion géographique  desserpens  d'Afrique ,  que  l'on  me  permette 
de  citer  à  l'appui  de  mes  observaiions ,  plusieurs  faits  curieux 
tirés  de  la  distribution  des  autres  animaux  qui  habitent  ce  con- 
tinent. Le  nombre  des  animaux  qui  sont  distribués  à  la  surfa<  c 


214  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

de  l'Afrique,  sans  offrir  des  différences  locales,  paraît  être 
assez  limité,  et  ces  animaux  appartiennent  souvent  à  des 
espèces  de  grande  taille:  telles  sont  l'Eléphant,  la  Giraffe, 
l'Hippopotame  ,  le  Crocodile  vulgaire,  le  Lion  ,  etc.  Parmi  les 
animaux  communs  à  la  plupart  des  points  du  grand  plateau 
de  l'Afrique,  se  distinguent  notamment  un  grand  nombre  de 
ruminans  ;  tels  sont  par  exemple ,  le  Buffle  du  Gap ,  dont  M.  Rûp- 
pell  a  rapporté  les  dépouilles  d'Abyssinic,  l'Antilope  strep- 
siceros  qui  habite  le  Cap ,  l'Abyssinie  et  la  côte  de  Guinée; 
l'Antilope  equina  du  Sénégal ,  probablement  identique  avec 
l'Antilope  leucophaea  du  Cap;  TAnt.  oreotragus  qui  vit  au 
Cap ,  à  Ashantée  et  en  Abyssinie  ;  VAntil.  pygarga  (dont  l'Ant. 
personata  est  le  jeune)  qui  se  trouve  au  Cap  et  à  la  Côte  d'or, 
etc.  ;  beaucoup  d'autres  animaux  ont  également  été  observés 
dans  ces  terres  distantes  l'une  de  l'autre,  commepar  exemple,  le 
Phascochoere  ordinaire  qui  est  le  même  au  Cap  et  au  Sénégal, 
Sciurus  setosus  également  propre  à  ces  deux  régions  ,  ensuite 
Myoxus  murinus,  Canis  pictus  ,  le  Ratel  (Gulo  mellivorus) 
la  tortue  géométrique  et  d'autres.  Un  nombre  non  moins 
considérable  d'animaux  offre ,  au  contraire ,  'sur  ces  dif- 
férens  points  de  l'Afrique,  des  variétés  locales  quelquefois 
très  curieuses.  Nous  voyons  ainsi  le  chacal  du  Cap ,  (Canis 
mesomelas)  remplacé,  dans  les  parties  septentrionales  de 
l'Afrique ,  par  une  variété  à  teintes  claires ,  n'ayant  pas  de 
noir  sur  le  dos,  (Canis  variegalus  et  anthus?  duMus.de 
Francf.);  leDamanetlaZoriile  du  Cap  ne  diffèrent  de  ceux  du 
nord  de  l'Afrique  que  par  des  teintes  plus  foncées;  la  Genette 
du  Cap  (Viverra  genetta  et  felina  (i)  )  habite  aussi  l'Es- 
pagne, mais  elle  est  remplacée  au  Sénégal  et  en  Abyssinie 
par  une  variété  locale,  remarquable  par  ses  teintes  assez  pâles, 
(Viverra  senegalensis).  L'Ichneumon  de  l'Egypte  (Herpestes 

(i^  La  différence    entre  ces  deux  mammifères  se  réduit  à  la  nuance 
des  teintes,  et  me  paraît  puremeul  périodique. 


DFS  SEKPriNS.  215 

ichneumoii)  est  remplacé  à  la  pointe  australe  de  lAfrique  par 
une  variété  locale  à  pelage  plus  foncé  (Herp.  cafer  et  griseus); 
il  en  est  de  même  de  richneumon  versicolor  de  l'Ahyssinie, 
qui  a  les  teintes  moins  claires  au  Cap  de  Bonne  Espérance. 
L'xA.ntilope  mergens  du  Cap  est  représentée  en  Sénégambiepar 
l'Ant.  Grimmia,  et  en  Abyssinie  par  l'Antil.  madaqua  (llùpp. 
Neue  JVii'heUh.  —  p.  "]  fig-  i);  l'Antil.  eleotragusou  Lalandei 
du  Cap  par  l'Ant.  redunca  du  Sénégal  et  de  l'Abyssinie; 
rOuribi  de  l'Abyssinie  (Antil.  montana)  montre  de  légères 
différences  avec  celui  du  Cap  (Ant.  scoparia)  ,  et  il  en  est  de 
même  de  l'Oryx  de  ce  premier  pays,  (Antil.  Beisa,  Rûpp.),qui 
forme  une  race  ,  distinguée  par  une  disposition  diverse  dans 
le  système  de  coloration  ,  de  celles  d'Ashantée  et  du  Cap. 
Quelquefois  il  arrive  même  qu'il  existe  dans  chacun  des 
pays  dont  je  viens  de  parler  des  races  représentant  la  même 
espèce,  comme  l'Antilope  sylvatica,  scripta  et  decula,  qui 
se  représentent  mutuellement  au  Cap,  au  Sénégal  et  en 
Abyssinie,  conmie  l'Antilope  Mborr  de  la  Barbarie  y  rem- 
place l'xAntil.  Dama  ,  dont  la  véritable  patrie  est  le  Kordofan  et 
la  Nubie  etc.  D'autres  animaux  enfin  diffèrent  dans  ces  divers 
lieux  d'une  manière  assez  considérable  pour  mériter  peut- 
être  d'être  élevés  au  rang  d'espèces  (i):  tels  sont,  par 
exemple,  le  Phascochoere  d'Elien  qui  représente  en  Abyssi- 
nie le  Phase,  commun  de  la  côte  de  Guinée  et  du  Cap;  puis  le 
Sciurus  rutilans,  représentant  dans  l'Afrique  orientale  le  Se. 
setosus  du  Sénégal  et  du  Cap,  et  plusieurs  autres.  —  Des 
faits  analogues  à  ceux  que  nous  venons  de  citer  s'observent 
dans  la  classe  des  Oiseaux  et  des  Pieptiles;  mais  craignant  de 
donner  à  mon  travail  trop  d'étendue  ,  je  me  bornerai  dans  la 
suite  à  la  classe  des  Mammifères  et  des  Reptiles  qui ,  d'ailleurs, 
sont  plus  propres  à  fournir  des  preuves  certaines.  Les  Monitor 

(i)  L'Hvfena  vlllosa  du  Cap  ne  diffère  guère  de  l'Hyène  striée  quo 
par  son  pelage  lonjc  rt  touffu  ,  ot  par  des  teintes  plus  foncées. 


216  iJlSTfaBlJTION  GÉOGRAPHIQUE 

exanthematicus  et  niloticus  de  l'Egypte  et  du  Sénégal  sori£ 
remplacés  au  Cap  par  des  variétés  locales  à  teintes  plus  fon- 
cées et  à  dessin  plus  prononcé;  ce  sont  alors  lesTupinambis 
albogularis  de  Daudin  et  le  Lacerta  capensis  de  Sparman.  La 
Vipère  arietans  du  Gap  offre  des  teintes  beaucoup  plus  pâles 
en  Nubie  et  en  Abyssinie  ;  il  en  est  de  même  du  crapaud  du 
Cap  (Bufo  pantherinus,  Boie)  ,    qui  y  remplace  le  Bufo  arabi* 
eus  de  l'Egypte,  dont  le  système  de  coloration  est  beaucoup 
moins  agréable.  Le  Naja  baje  de  l'Egypte  est  représenté  au 
Cap  par  le  Naja  nivea  ,  et  on  trouve  même  au  Gap  une  variété 
du  Lézard  véloce,  (Lac.  pardalis)  ,  qui  vit  jusqu'en  France  et 
en  Espagne.  Certaines  tortues  nous  présentent  des  exemples 
extrêmement  curieux  de  cette  influence  du  climat  (2)  sur  les 
animaux,  ou  des  différences  que  présentent  souvent,  dans  di- 
verses contrées,  les  espèces  qui  sont  modelées  sur  un  seul  type. 
La  grande  tortue  de  terre  du  Gap ,  (Testudo  pardalis ,  Bell)  a  été 
également  rapportée  du  Sénégal  et  de  TAbyssinie;  maisaulieu 
d'avoir,  dans  ces  lieux  la  carapace  ornée  d'un  beau  dessin  noir 
et  jauiie,  cette  partie  est  d'un  gris-jaunâtre  uniforme,  teinte 
qui  occupe  également  toutes  les  autres   parties   du  corps  ; 
enfin  toutes  les  appendices  de  la  peau  ont  acquises,  sous  l'in- 
fluence d'un  climat  aussi  vigoureux,  un  développement  plus 
fort,  de  sorte  que   les  écailles  des  pieds  de  devant  ont  été 
toutes  transformées  en  pointes   ou  même  en   épines  :  cette 
variété  locale  est  connue  sous  les  noms  de  Testudo  sulcata 

(ï)  Voyez  la  revue  du  genre  Monitor,  dans  la  3*  livraison  de 
nies  Abh'ddim^en^  où  j'ai  rectifié  les  erreurs  commises  par  les  natura- 
listes en  déterminant  les  espèces  de  ce  genre.  —  (2)  J'espère  que 
l'on  n'ira  pas  comparer  ma  manière  de  voir  à  l'égard  des  expres- 
sions, race,  variété  locale  ou  de  climat,  aux;  idées  de  Buffon  qui 
aurait  volontiers  réunis  en  une  seule  espèce  tous  les  lièvres  du 
monde,  ou  encore  moins  à  celles  de  Lamark,  qui  alla  jusqu'à  tâcher  de 
prouver  la  possibilité  de  la  transmutation  de  ToraDg-oulan  en  l'espèce 
humaine. 


DES  SEUPENS.  217 

ou  calcarata.  Le  Testutio  angulata  du  Gap,  (|ui  se  trouve 
aussi  à  SierraLeone,  à  éprouvé  ,  dans  ces  derniers  lieux,  des 
changeniens  analogues  à  ceux  que  je  viens  de  citer  comme 
ayant  eu  lieu  à  l'égard  de  la  Test,  pardalis;  mais,  dans  la 
tortue  dont  nous  parlons,  cette  influence  d'un  climat  différent 
s'est  particulièrement  concentrée  sur  le  développement  de  la 
carapace  et  de  ses  bords:  (cette  race  forme  le  genre  Kinnyxis 
de  Bell.)  Nous  faisons  mention,  en  dernier  lieu  ,  d'une  diffé- 
rence non  moins  curieuse  entre  les  Emydes,  qui  se  représen- 
tent mutuellement  au  Gap,  au  Sénégal  et  à  Madagascar:  on 
peut  regarder  comme  forme  type  l'Emys  galeata  du  Gap, 
espèce  l'une  des  mieux  caractérisées  du  genre;  cette  Emyde 
est  remplacée,  en  Abyssinie  par  l'Emys  Gehafie  de  Riippell, 
qui  s'en  distingue  seulement  par  quelques  caractères  légers  mais 
constans  (i)  ;  à  Madagascar  enfin,  nous  voyons  ,  au  lieu  de  ces 
deux  variétés,  une  race  différente,  le  Sternotlioerusnigricans 
qui,  quoique  modelée  sur  le  même  type,  se  distingue  con- 
stamment de  ses représentens  ,  par  des  formes  plus  lourdes, 
une  carapace  moinslarge  et  unplastronen  partie  mobile.  (2)  — 
En  résumant  ce  que  nous  venons  de  dire  de  l'influence  du 
climat  sur  les  animaux  d'Afrique ,  et  en  déduisant  des  lois , 
on  arrive  à  ce  résultat,  que  la  différence  des  animaux  qui  se 

(ij  Ces  caractères  se  bornent  presque  à  la  forme  un  peu  diverse 
du  plastron,  et  aux  lames  antérieures  de  cette  partie  ,  disparité  si  fré- 
quente chez  les  Chéloniens.  —  (2)  J'espère  avoir  constaté,  dans  mon 
travail  sur  les  Chéloniens  ,  inséré  dans  la  Faune  du  Japon,  le  peu  d'im- 
portance du  caractère  tiré  de  la  mobilité  du  plastron,  et  démontré  que 
très  souvent  ce  caractère  est  purement  accidentel,  ou  l'effet  de  l'âge.  En 
tout  cas,  et  adoptant  même  la  différence  spécifique  de  celte  dernière 
Erayde,  je  crois  que  l'on  détruit  les  affinités  naturelles  en  élevant 
cet  animal,  eu  faveur  d'un  caractère  isolé,  au  rang  de  genre,  et  en 
l'éloignant,  dans  la  méthode  artificielle,  de  ses  représentans  en  Afrique. 
On  pourrait  dire  que  cette  Emyde  est  à  ses  représentans  ce  qu'est  l'Emys 
pennsylvanica  à  l'Emys  scorpioidea  de  Surinam. 


218  DISTRIBUTION  GEOl^RAPHiQUE 

représentent  mutuellement  dans  FAfrique  australe  et  septen- 
trionale, se  réduit  souvent  à  un  développement  plus  ou  moinfr 
complet  de  certaines  parties  et  à  une  diversité  dans  les  teintes  ; 
ceux  qui  habitent  les  dernières  contrées  ,  montrent  ordinaire- 
ment une  livrée  d'un  jaune  ou  gris  pale  ,  couleur  propre  à  tant 
d'animaux  qui  fréquentent  ces  lieux  déserts  (i)  et  que  j'appe- 
lerais  volontiers  la  couleur  du  désert.  —  L'état  borné 
de  nos  connaissances  par  rapport  aux  animaux  de  l'Afrique 
en  général  ne  nous  permet  guère  de  donner  un  tableau  exact 
de  la  distribution  géographique  des  serpens  dans  cette  partie 
du  monde,  et  encore  moins  d'assigner  à  chaque  espèce  les 
limites  précises  qui  déterminent  les  lieux  d'habitation  que 
la  nature  a  désignés  à  chacune;  ne  connaissant,  à  proprement 
parler,  d'une  manière  exacte  que  les  productions  de  trois  à 
quatre  points  principaux  (a)  de  ce  continent  qui  ont  été 
explorés,  nous  nous  voyons  obligés  de  nous  borner  à  l'indi- 
cation des  espèces  et  des  lieux  où  elles  ont  été  observées. 
L'Afrique  est  en  général  beaucoup  moins  riche  en  Reptiles  et 
notamment  en  serpens  que  l'Asie  et  l'Amérique.  Le  nombre 
des  genres  est  également  plus  circonscrit  dans  ce  continent; 
maison  y  voit,  dans  les  Reptiles  le  même  phénomène  qui  s'ob- 
serve dans  les  autres  animaux  et  les  plantes  de  cette  partie  du 
monde,  savoir  :  que  les  espèces  de  certains  genres  sont  extrê- 
mement nombreuses  ,  et  que  ces  diverses  espèces  habitent 
souvent  les  mêmes  lieux:  fait  qui  s'applique  également,  quoi- 
que dans  un  sens  moins  étendu,  à  la  Nouvelle-Hollande.  Ce 
sont  en  général  les  animaux  qui  habitent  les  plaines,  dont  le 
nombredes  espèces  est  multiplié  en  Afrique.  C'est  ainsi  que  nous 

(l)  Comme  par  exemple,  la  plupart  des  antilopes  de  l'Afrique  septen- 
trionale, les  nombreuses  espèces  de  renards  de  ces  contrées  ,  les  dipus, 
les  lièvres  ,  plusieurs  rongeurs;  puis  un  grand  nombre  d'oiseaux,  des 
reptiles,  comme  l'agame  du  désert,  le  caméléon,  l'éryx,  le  céraste  etc. — 
(a)  L'Egypte  jusqu'en  Abyssinie,  l'Algérie,  une  partie  de  la  Séné- 
gambie  fet  de  la  côte  de  Guinée,  enfin  le  Cap  de  Bonne  î^spérance. 


DES  SERPENS.  219 

voyons,  à  la  pointe  australe  de  ce  continent ,  trois  à  quatre 
espèces  de  tortues  terrestres,  quatre  espèces  de  serpens  du 
genre  Coronelle ,  autant  du  genre  Naja,  el  trois  du  genre 
Vipère.  Les  autres  genres  de  serpens  qui  y  habitent,  n'ont 
pour  représentant  qu'une  seule  espèce.  Ces  serpens  appar- 
tiennent presque  sans  exception  à  des  espèces  propres  à  ce 
continent.  On  en  a  retrouvé  quelques-unes  à  la  côte  de  Gui- 
née: telles  sont  le  Lycodon  de  Horstok  et  le  Naja  rhombeata; 
le  Psammophis  moniliger  s'y  trouve  également,  mais  il  y 
forme  une  variété  locale  qui  se  rapproche  de  celle  qui  habite 
l'Egypte.  C'est  en  Sénégambie  que  vivent  trois  espèces  de 
serpens  d'arbre  du  genre  Dendrophis,  différentes  de  celles 
du  Gap,  et  dont  l'une,  le  Dendropli.  picta,  est  répandue  dans 
une  grande  partie  de  l'Asie  jusqu'à  la  Nouvelle-  Guinée.  Les 
contrées  intertropicales  de  l'Afrique  nourrissent  le  Python  à 
deux  raies  j  dont  la  patrie  s'étend  également  jusqu'en  Chine 
et  à  l'île  de  Java.  La  Vipère  bondissante  du  Cap,  Vip.  arietans, 
se  trouve  jusqu'en  Abyssinie ,  où  elle  forme  une  variété  locale 
à  teintes  pâles.  L'Afrique  septentrionale  produit  plusieurs 
espèces  de  serpens  différentes  de  celles  du  reste  de  l'Afrique  : 
telles  sont  l'Eryx  et  la  Vipère  Echis  qui  habitent  jusque  dans 
rindoustan,  le  Céraste,  un  Dipsas  et  plusieurs  Couleuvres. 
D'autres  espèces,  comme  le  Naja  haje,  le  Psammophis  moni- 
liger diffèrent  plus  ou  moins  de  leurs  représentans  à  la  pointe 
australe  de  l'Afrique.  Les  pays  de  ce  continent  situés  sur  les 
bords  de  la  Méditerranée,  nourrissent  plusieurs  espèces  qui  se 
trouvent  également  dans  l'Europe  méridionale  ;  et  cette  ana- 
logie entre  les  animaux  de  ces  deux  parties  du  monde  est 
particulièrement  sensible  en  comparant  ceux  des  côtes  de  la 
Barbarie  aux  animaux  de  l'Espagne  et  du  Portugal ,  contrées 
qui,  par  la  nature  de  leurs  productions  ,  se  rapprochent  plutôt 
de  l'Afrique  que  de  l'Europe  (i).  On  n'a  pas  encore  observé 

(i)   La  presqu'île  ibérienrn?    nourrit    le   caméléon,  la    {:;cn€ne,  une 


220  DISTRIBUTION  GEOGRAPHIQUE 

des  serpens  dans  les  îles  situés  dans  le  rayon  de  Ix^frique,  et , 
on  peut  tenir  pour  certain  que  les  Canaries  n'en  produisent 
pas  (i). 

La  grande  île  de  Madagascar  ne  paraît  appartenir  à 
l'Afrique  que  par  sa  partie  occidentale,  de  ce  côté  de  la  chaîne 
des  montagnes  qui  parcourt  cette  terre  vierge  dans  toute 
sa  longueur.  Se  rapprochant  des  Indes,  quant  aux  produc- 
tions de  la  côte  orientale,  la  seule  partie  un  peu  connue, 
cette  grande  île  offre  cependant  une  Faune  toute  particulière 
sous  beaucoup  de  rapports;  et  on  pourrait  peut-être  appliquer 
la  même  observation  aux  îles  avoisinantes.  C'est  dans  ces 
terres  que  se  trouvait  autrefois  le  Doudou,  et  qu'ha])itent 
les  Lemurs  avec  l'espèce  anomale  connue  sous  le  nom  de 
Cheirogaleus,  l'Aye-Aye,  le  Caméléon  à  nez  fourchu,  dont 
les  pointes  saillantes  du  museau  sont  assez  sujettes  à  varier, 
et  qui  a  été  introduit  dans  plusieurs  autres  îles ,  le  Ptyodactyle 
frangé,  etc. — A  l'exception  du  Tropidonote  schisteux,  qui 
habite  aussi  dans  une  grande  partie  de  l'Asie,  tous  les  ser- 
pens  de  cette  contrée  appartiennent  à  des  espèces  particu- 
lières. Nous  en  citons  le  Langaha,  espèce  anomale  et  très 
curieuse  du  genre  Dryophis ,  les  Erpétodryas  de  Goudot  et 
rhodogaster,  et  le  Dipsas  de  Gaimard  ,  tous  propres  à  l'île 
de  Madagascar.  Les  Mascareignes  produisent  une  très  belle 
Couleuvre,  (Col.  miniatus)  et  un  petit  Boa  à  formes  élancées 
et  à  queue  effilée,  (Boa  Dussumieri).  On  ne  connaît  des  îles 
Seychelles  qu'un  serpent  du  genre  Psammophis. 

En  exceptant  les  deux  presquîles  de  l'Inde,  l'Asie  n'est 
pas  peuplée  d'un  grand  nombre  de  Reptiles.  Cette  observation 

amphisbène,  et  beaucoup  d'oiseaux  inconnus  dans  le  reste  de  l'Europe. 
(i)  Je  dois  observer  ici  que  les  Reptiles  de  ïénériffe  appartiennent 
à  des  espèces  Européennes  ,  mais  que  tous  les  Sauriens  de  celte  île  ont 
les  teintes  extrêmement  foncées  :  on  y  trouve  le  Scinque  ocellé,  le  Lézard 
des  murailles  et  la  Rainette  commune. 


DES  SEllPÊNS.  221 

paraît  fondeo,  quoique  les  autres  points  de  l'Asie  iraient 
]>as  été  aussi  souvent  explorés  que  ceux  que  nous  venons 
(le  nommer  ;  car  elle  s'explique  facilement  par  la  posi- 
tion (le  l'Asie  dont  la  plus  grande  partie  est  situ(^e  sous  la 
zone  tempérée  et  la  zone  glaciale ,  régions  peu  propres 
à  la  multiplication  des  Reptiles.  L*Asitî  septentrionale  ou 
plut(')t  la  Sibérie  produit  un  grand  nombre  d'animaux  qui  se 
trouvent  également  en  Europe;  et  le  même  cas  paraît  avoir 
lieu  à  l'égard  des  serpens  (i).  Un  ophidien  curieux,  propre 
aux  contrées  méridionales  de  la  Sibérie  est  le  Trigonocéphale 
halys ,  intermédiaire  par  son  organisation  entre  les  Vipères 
d  Europe  et  les  Trigonocéphales  à  tête  garnie  de  plaques. 
Les  déserts  au  Sud  de  la  Mer  Caspienne,  qui  se  prolongent 
d'un  côté  jusque  dans  l'Indoustan,  tandis  que  de  l'autre 
ils  sétendent  par  l'Iran  en  Arabie  et  en  Syrie,  pour  se  réunir 
à  ceux  de  l'Afrique,  ces  déserts  nourrissent  un  petit  nombre 
de  Reptiles,  qui  habitent  également  les  déserts  analogues  de 
ce  dernier  continent.  On  y  a  observé  le  Monitor  exanthema- 
ticus,  les  Stellions,  l'Agame  du  désert,  la  Vipère  Echis,  le 
Psammophis  lacertin,  et  l'Eryx ,  répandu  jusqu  en  Sibérie, 
mais  qui  forme  dans  les  Grandes  Indes  une  ou  plusieurs 
variétés  locales  ou  races  distinctes.  Nous  sommes  dans  une 
ignorance  absolue  à  l'égard  des  Reptiles  du  reste  de  l'Asie 
moyenne  ;  mais  les  animaux  que  nous  connaissons  de  la 
Chine,  dumoinsceux  des  environs  de  Canton ,  offrent  souvent 
une  grande  analogie  avec  les  productions  des  îles  du  grand 
Archipel  indien.  Avant  de  parler  des  deux  presqu'îles  de 
l'Inde,  [qu'il  convient  de  rapprocher  encore  de  la  Malaisie, 

*(i)  La  plupart  des  voyageurs  conviennent  que  nos  Tropidonoles, 
noire  Vipère,  nos  Lézards  etc.  se  trouvent  en  Sibérie;  mais,  n'ayant 
admis  dans  mon  livre  que  des  faits  fondés  sur  l'autopsie  ,  soit  des  sujets 
mêmes  soit  de  bonnes  figures  des  sujets,  je  ne  me  suis  que  rarement 
servi  d'observations  des  voyageurs. 


222  DISTRIBUTION  GEOGRAPHIQUE 

je  me  vois  obligé  de  dire   quelques   mots  sur  les  îles  qui 
composent   l'empire  japonais,    qui  se  rattachent ,    par  leurs 
productions,  à  l'Asie  tempérée  et  à  l'Europe,  mais  dont  les 
parties  méridionales  montrent  de  l'identité  avec  l'Asie  inter- 
tropicale. L'étude  des  animaux  du  Japon  offre  les  plus  beaux 
résultats  pour  justifier  ma  manière   de  voir,  savoir  de  rap- 
procher les  animaux  qui,  étant  modelés  sur  le  même  type, 
se  représentent  mutuellement  dans  les  diverses  contrées  du 
globe,  et  de  les   comprendre  sous  un  même  nom  spécifique, 
admettant,   comme   subdivisions,  des  variétés  locales  ou  de 
climat;  les  résultats  que  nous  obtenons  au  moyen  de  cette 
étude,  pourront  en  même  temps  servir  à  détruire  le  préjugé, 
que  les  espèces  voisines    sont  rigoureusement  séparées   les 
unes  des  autres,  en  sorte   que  l'on  puisse  établir  des  traits 
distinctifs  saillans    pour   chacune  d'elle.  Plusieurs  Mammi- 
fères  du    Japon    (i)   ne    se   distinguent    guère    de   ceux  de 
l'Europe;  il  existe  dans  cet  empire  un  blaireau,  absolument 
semblable  au  nôtre,  mais  à  teintes  un  peu  plus  foncées  et  à 
taille  moins  forte;  la  taupe  du  Japon  s'éloigne  de  celle  de 
l'Europe  par   des  teintes  un  peu  plus  claires;  les  martes  de 
ce  pays  ont  la  tache  sous  la  gorge  plus  jaune  que  chez  les 
nôtres;  le  Renard  et  la  Loutre   sont  tout-à-fait   les  mêmes 
que  chez  nous;  l'Ecureuil  s'approche  de  la  variété  de  lEcu- 
reuil  qui  vit  dans  les  hautes  montagnes  de  l'Europe.  D'autres 
mammifères  de  ce  pays  s'éloignent  de  ceux  d'Europe:   tels 
sont,     dans   l'île   de   Jezo,   un    grand    Ours,    probablement 
analogue  à  l'Ours  féroce  des  Rocky-Mountains;  puis  dans  les 
autres  îles  de  l'empire,  l'Ours  du  Tubet,  un  singe  (Innuus 

(i)  Les  nombreuses  recherches  faites  au  Japon  par  M.  von  Siebold 
et  plus  lard  par  M.  Bûrger  nous  ont  mis  en  possession  de  la  plupart 
des  productions  de  cet  empire;  ayant  de  chaque  espèce  un  grand 
nombre  d'individus  sous  les  yeux,  on  peut  être  sûr  des  faits  que  nous 
avançons  dans  les  pages  suivantes. 


DES  SEUPENS.  223 

speciosus)  ;  un  nouveau  chien  très  curieux  (Canis  viveninus); 
un  lièvre;  doux  espèces  de  Ptèromys ,  dont  l'une  à  très  forte 
taille;  un  chamois  analogue  aux  Antilopes  sumatrensis  et 
niontana  des  montagnes  rocheuses;  enfin  plusieurs  manmii- 
fères  inédits  de  petite  taille.  Le  nomhre  des  oiseaux  qui  habi- 
tent en  même  temps  l'Europe  et  le  Japon  monte  à  plus  de 
cent:  plusieurs  d'entre  eux,  comme  les  espèces  aquatiques 
et  la  plupart  des  oiseaux  de  passage  y  sont  absolument  les 
mêmes  que  chez  nous;  mais  les  espèces  stationnaires  ou  celles 
qui  traînent  une  vie  nomade,  sans  quitter  les  grandes  îles 
dont  nous  parlons,  présentent  souvent  des  différences  plus 
ou  moins  marquées:  ie  Geai  du  Japon  offre  une  disposition 
des  teintes  un  peu  diverse  du  nôtre,  et  diffère  encore  de  la 
variété  qui  se  trouve  dans  les  monts  Himalaya.  Les  Mé- 
sanges, Parus  major,  caudatus  etc.  sont  beaucoup  plus  petits 
au  Japon  que  chez  nous,  les  teintes  ont  une  nuance  un  peu 
diverse,  et  la  dernière  espèce  s'éloigne  en  outre  de  notre  variété 
en  ce  qu'elle  suspend  son  nid  aux  branches  des  arbres 
à-peu-près  comme  le  fait  notre  remiz,  (Parus  pendulinus); 
les  individus  Japonais  de  la  Lavandière,  MotaciUa  alba, 
sont  de  la  variété  connue  sous  le  nom  de  Motac.  lugubris;  la 
Caille,  le  Courlis  grand,  le  Bec-fm  cisticole  du  Japon  pré- 
sentent des  différences  lorsqu'on  les  compare  aux  individus  de 
l'Europe,  etc.  Enfin,  beaucoup  d'autres  oiseaux  du  Japon 
s'éloignent  plus  ou  moins  de  ceux  d'Europe,  mais  ils  offrent 
souvent  des  différences  si  légères,  que  les  ornithologistes 
même  n'ont  pas  toujours  cru  devoir  en  faire  mention  ;  (voir 
Temminck  Manuel  III  p.  5o  et  suiv.).  Je  ne  parlerai  point 
des  poissons  d'eau  douce  du  Japon,  dont  plusieurs  repré- 
sentent nos  espèces  d'Europe;  ces  dernières  offrant  souvent 
des  différences  d'un  pays  ou  d'une  rivière  à  l'autre,  il  sera 
inutile  de  dire  combien  il  est  difficile  de  déterminer  avec 
exactitude  celles  du  Japon.  Les  Reptiles  de  cette  contrée 
donnent  lieu   à  une   observation   assez  remarquable,  en  ce 


224  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

oue  les  sauriens  et  les  ophidiens  appartiennent  sans  exception 
à  clés  espèces  qui  ne  se  trouvent  point  en  Europe;  tandis 
qu'on  observe  parmi  les  deux  autres  ordres  de  Reptiles,  des 
races  analogues  de  la  même  espèce  dans  ces  deux  contrées: 
telles  sont  nos  deux  grenouilles  et  la  Rainette,  Rana  escu- 
îenta,  temporaria  et  Hyla  arborea,  qui  sont  exactement  les 
mêmes  au  Japon  ;  puis  notre  tortue  vulgaire,  Emys  vuîgaris, 
connue  aussi  sous  le  nom  d'Emys  caspica  et  lularia,  qui 
forme,  au  Japon,  une  variété  locale  constante;  le  Crapaud 
du  Japon  enfin ,  quoique  très-voisin  du  nôtre  pour  l'ensemble 
des  formes  et  des  teintes,  s'en  éloigne  cependant  par  plu- 
sieurs points  de  son  organisation.  Les  serpens  du  Japon  se 
réduisent,  à  l'exception  des  Hydrophis,  à  trois  espèces  du 
genre  Couleuvre,  à  deux  Tropidonotes  et  à  un  Trigonocé- 
phale.  La  présence  de  ce  dernier,  ainsi  que  celle  d'un 
Trionyx,  du  Sorex  moschatus,  d'un  grand  écureuil  volant 
rappelent  la  Faune  des  Indes;  tandis  que  plusieurs  autres, 
tels  que  le  ScinqueàS  raies,  les  nombreuses  Salamandres,  etc., 
démontrent  qu'il  existe  aussi  des  rapports  entre  les  Faunes 
de  l'Amérique  du  Nord  et  du  Japon.  —  L'examen  des  pro- 
ductions des  deux  presqu'îles  de  l'Inde,  y  compris  l'île  de 
Ceylan,  nous  montre  qu'il  existe  une  grande  analogie  entre 
ces  contrées  et  les  îles  du  grand  archipel  Indien,  et  cette 
analogie  devient  tout-à-fait  frappante, lorsqu'on  compare  les 
animaux  des  points  les  plus  rapprochés  des  pays  que  nous 
venons  de  nommer;  comme  par  exemple  ceux  de  la  pres- 
qu'île de  Malacca  à  ceux  de  Sumatra.  Cette  analogie  cependant 
iî'est  pas  aussi  évidente  par  rapport  aux  mammifères  (i),  que 
par  rapport  aux  oiseaux,  aux  reptiles,  aux  poissons  et  parti- 
culièrement aux  productions  du  règne  végétal;   et  il  existe 

(i)  Les  Singes  de  la  Malaisie  par  exemple,  appartiennent  presque 
sans  exception  à  des  espèces  différentes  de  celles  du  Bengale,  des 
«jrandcs  Indes  ou  de  Cevlan. 


DES  SEPxPKNS.  225 

«îansia  presqu'île  en  deçà  du  Gange  plusieurs  Reptiles  propres 
à  cette  contrée,  et  appartenant  même  à  des  genres  qui  ne  se 
retrouvent  pas  dans  la  Malaisie,  comme,  par  exemple, 
les  Caméléons,  les  Vipères,  etc.  L'île  de  Ceylan  ,  quoique 
assez  voisine  de  !a  côte  de  Coromandel ,  nourrit  cependant 
plusieurs  animaux  (i)  qui  n'habitent  pas  cette  dernière 
contrée:  ce  sont  parmi  les  serpcns,  le  Tortrix  maculé,  le 
Calamar  scytale,  le  Lycodon  caréné  et  deuxTrigonocéphales, 
les  Tr.  hypnale  et  nigromarginatus.  C'est  dans  ces  parages  que 
commencent  à  se  montrer  les  Hydrophls, ophidiens  intéressans 
qui  habitent  exclusivement  la  mer  et  qui  se  trouvent  depuis  ce 
point,  dans  tous  les  parages  intertropicaux,  situées  à  l'Est 
du  Malabar,  jusque  dans  la  Polynésie.  Le  nombre  de  serpens 
qui  habitent  les  deux  presqu'îles  du  Gange,  sans  se  trouver 
dans  la  Malaisie,  paraît  être  très  limité:  tels  sont  l'Eryx,  les 
Coronelles  de  Russel  et  à  huit  raies,  plusieurs  espèces  des 
genres  Couleuvre  et  Lycodon,  le  Dipsas  trigonata,  plusieurs 
Tropidonotes,  TElaps  triple-tache  et  plusieurs  Vipères  Les  pix)- 
ductions  de  la  presqu'île  indienne  au-delà  du  Gange  étant 
très  peu  étudiées,  nous  passerons  à  la  Malaisie,  qui  nous 
offre  un  des  points  les  plus  curieux  du  globe,  pour  étudier 
la  répartition  géographique  non  seulement  des  animaux  mais 
aussi  des  végétaux*  et  ce  sont  les  résultats  obtenus  par  cette 
étude  qui  contribueront  grandement  à  affermir  les  idées  que 
nous  avons  si  souvent  émises  dans  notre  livre,  sur  les 
modifications  innombrables  que  présentent  les  animaux  de 
la  même  souche,  dans  les  diverses  contrées  qu'ils  habitent. 
Les  terres  qui  composent  le  grand  archipel  Indien ,  appar- 
tiennent au  nombre  des  îles  du  premier  rang,  et  sont 
entourées  d'une  quantité  de  récifs  ou  d'îlots  plus  ou  moins 
considérables.  Situées  sous  les  tropiques,  couvertes  d'une 
végétation  luxuriante, et  peuplées  d'un  nombre  extrêmement 


(i)  Le  OuanderoLi,  plusieurs  Semnopillièques  etc. 


10 


^20  DiSTilïlUiTlON  GÉOGRAPHIQUE 

i;raiKl  (Vanimaux  de  toutes  les  classes,  elles  sont  séparées 
les  unes  tles  autres  par  des  bras  de  mer  le  plus  souvent 
assez  étroits ,  mais  qui  forment  une  barrière  insurmontable 
à  la  plupart  des  animaux  (i).  En  observant  donc  à-la-fois,  sur 
plusieurs  (ie  ces  lies,  la  même  espèce,  on  peut  être  sûr  que 
ces  animaux  des  diverses  îies,  n'ayant  pas  de  communication 
entre  eux,  doivent  former,  sur  chacune  d'elles,  une  famille 
isolée,  dont  les  individus,  vivant  depuis  leur  création  ou  du 
moins  depuis  que  ces  terres  ont  reçues  leur  forme  actuelle , 
dans  des  lieux  d'une  nature  plus  ou  moins  différente,  doivent 
nécessairement  montrer  des  mcdiiications  plus  ou  moins 
sensibles.  L'expérience  nous  prouve  en  effet  la  vérité  de  ce 
que  nous  venons  d'avancer.  11  arrive  souvent  que  la  même 
espèce  d'animaux  a  été  découverte  à  la  fois  à  Sumatra, 
à  Java,  à  Bornéo,  à  Timor,  à  Gélèbes  et  même  aux  îies 
Pliilippines,  ou  sur  le  continent  de  l'Asie,  et  qu'elle 
offre  dans  chacun  de  ces  lieux,  des  disparités,  à  la  vérité 
qiîelquefois  très  subtiles,  mais  ordinairement  constantes. 
Nous  demandons  ce  au'il  reste  à  faire  de  ces  variétés 
locales:  s'il  faut  les  considérer  comme  telles  ou  comme 
des  races  de  la  même  espèce,  ou  si  elles  méritent  d'être 
élevées  au  rang  d'espèce  même.  Les  tentatives  que  j'ai 
faites  afm  de  m'arranger  pour  ainsi  dire  avec  la  nature, 
m'ont    conduit    au    résultat,    que   ce    serait   embrouiller    la 

(i)  Outre  l'archipel  de  la  P^lalaisie,  celui  des  Grandes  Antilles  serait 
le  seul  point  du  i;lobe  qui  j)Ourrait  offrir  un  point  favorable  pour 
l'étude  comparative  d(;s  individus  de  la  même  espèce,  habitant  à  la 
fois  plusieurs  contrées  séparées  par  la  mer;  mais  ces  dernières  îles 
sont  toutes  situées  à-peu-près  sous  le  même  parallèle;  elles  ne  sont  ni 
aussi  noml>reuses,  ni  aussi  grandes  ni  aussi  distantes  les  unes  des 
autres  que  celles  de  la  Malaisie;  d'ailleurs  elles  sont  beaucoup  moins 
riches  en  productions  d'histoire  naturelle  et  n'ont  été  que  peu  explorées 
en  comparaison  des  îles  de  la  Malaisie,  qui  sont  depuis  plus  de  vingt  ans 
l'objet  des   recherches  assidues   de  nos  voyaj;eurs. 


DKS  SiaUMuXS.  227 

science,  que  de  désigner  chacune  de  ces  petites  variétés  sous 
lin  nom  propre  et  spécifique,  et  qu'il  vaut  mieux  de  connaître 
une  seule  des  conditions  qui  modifient  la  nature  des  êtres, 
que  d'avoir  augmenté  de  plusieurs  noms  nouveaux  le  cata- 
logue de  ceux-ci.  Je  sais  que  mes  lecteurs  auront  de  la  peine 
à  se  faire,  au  moyen  de  descriptions,  une  idée  de  toutes  les 
petites  modifications  que  peut  éprouver  la  même  espèce  dans 
des  lieux  divers,  et  qu'il  est  souvent  difficile  d'indiquer^ 
mais,  ne  pouvant  leur  mettre  sous  les  yeux  ces  collections 
immenses  et  ces  suites  nombreuses  d'individus  de  la  même 
espèce,  en  un  mot  les  matériaux  qui  ont  servi  de  base  à  mes 
travaux,  je  me  vois  obligé  de  rapporter  plusieurs  faits,  qui 
pourront  justifier  ma  manière  de  voir.  Choisissons  d'abord 
nos  exemples  parmi  les  mammifères.  Le  singe  le  plus  com- 
mim  et  le  plus  répandu  dans  l'Archipel  indien  est  le  Macaque, 
Cercopithecus  cynomolgus.  La  variété  ordinaire  de  cette 
espèce  vient  de  l'île  de  Java;  elle  est  constamment  d'une 
teinte  vejdâtre  et  les  poils  du  sommet  de  la  tête  sont  un  peu 
relevés  en  touffe;  les  individus  de  Timor  ressemblent  en 
tout  point  à  ceux  de  Java,  excepté  quils  offrent  des  teintes 
plus  foncées,  et  que  leur  pelage  est  mieux  fourni,  ce  qui  leur 
donne  l'air  plus  fort  et  fait  paraître  leurs  extrémités  moins 
grêles  que  les  individus  de  Java  ;  ceux  de  l'île  de  Sumatra  ont 
le  dos  souvent  nuancé  de  rougeatre,  leur  face  est  un  peu  plus 
noire  que  d'ordinaire,  et  les  poils  de  la  tête,  plus  courts  que 
dans  les  individus  de  Java,  ne  sont  point  susceptibles  de 
s'ériger  en  touffe;  la  race  de  l'île  de  Bornéo  est  intermédiaire 
en  quelque  sorte,  entre  celles  de  Sumatra  et  de  Java,  ayant 
la  teinte  du  pelage  de  celles  de  Java  et  ressemblant  à  celle  de 
Sumatra  par  le  manque  de  touffe  et  par  la  couleur  de  la  face; 
enfin  ,  nous  avons  reçu  de  Siam,  un  singe  tout-à-fait  analogue 
à  la  variété  javanaise  de  notre  Macaque,  mais  dont  la  queue  est 
un  peu  plus  longue  que  chez  celui-là.  N  ayant  pas  été  à  même 
d'en    examiner   des    séries  complètes,  j'ignoie  si  les   petites 


228  DîSTrjBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

différences  qui  existent  entre  les  individus  des  Civettes 
(Viverra  zihetha)  de  Java,  de  Sumatra,  de  Siam,  de  Bornéo 
et  d'AniLoine,  que  j'ai  vus  sont  constantes  ou  accidentel* 
les.  Les  mêmes  raisons  me  retiennent  d'énoncer  des  obser- 
vations sur  la  Yiverre  Lisang,  dont  nous  possédons  des 
sujets  de  Siam ,  de  Sumatra  et  de  Java.  Le  Paradoxure  com- 
mun, Paradoxurus  lypus  est  répandu  au  Bengale,  à  Siam, 
à  Sumatra,  à  Java,  à  Bornéo,  à  Amboine,  à  Timor,  etc.,  et 
forme  dans  ces  divers  lieux  de  nombreuses  variétés  qui  se  bor- 
nent ordinairement  à  la  nuance  et  la  distribution  des  teintes, 
mais  €]uelquefois  ils  diffèrent  aussi  par  la  taille:  à  Sumatra, 
par  exemple,  l'espèce  devient  beaucoup  plus  forte  qu'à  Java, 
à  Java  plus  forte  qu'à  Timor,  etc.  (i)  ;  il  paraît  exister  en  plu- 
sieurs lieux  une  race  qui  a  la  pointe  de  la  queue  blanche,  et  les 
individus  de  certaines  parties  de  l'île  de  Java  ont  le  pelage  d'un 
jaune  pâle  avec  trois  raies  sur  le  dos.  L'écureuil  bicolore  a 
le  pelage  moins  varié  de  blanc  à  Sumatra  et  à  Malacca  qu'à 
Java,  et  a  le  dos  d'un  brun  noir  uniforme  à  Siam.  L'Ecu- 
reuil de  Railles,  a  à  Malacca  et  à  Siam,  les  côtés  du  corps 
variés  d'un  blanc  tr^s  pur;  dans  les  individus  de  Bornéo  au 
contraire  cette  teinte  est  constamment  mêlée  d'une  couleur 
plus  foncée.  Les  variétés  nombreuses  que  forme  le  grand  Ecu- 
reuil des  îndes,  Sciurus  maximus ,  qui  habite  au  Bengale,  à 
Malacca  et  à  Sumatra,  sont  peut-être  en  grande  partie  acci- 
dentelles. Je  n'ai  jamais  pu  parvenir  à  établir  des  distinctions 
spécifiques  entre  les  Tupajas  de  différentes  contrées  de  l'Asie, 
et  dont  j'ai  examiné  une  quantité  d'individus  rapportés  du 
continent  de  l'Inde,  de  Sumatra,  de  Bornéo  et  de  Java;  mais 

(i)  La  série  trindivichis  de  ccUe  espèce  que  l'on  voit  exposée 
clans  les  galeries  du  Musée  des  Pays-Bas ,  offre  à  elle  seule  une  étude 
parliculière,  et  nous  montre  quels  matériaux  il  faut  pour  se  faire 
une  idée  complète  d'une  seule  espèce,  lorsqu'on  veut  en  connaître 
<lavantage  que  le  nom  et  les  principaux  tr;iits  dislinclifs. 


DKS  SEKPENS.  ^221) 

je  n'oso  circuler  celte  question  ditTicilc  à  résomire,  vu  les 
grands  changeniens  qu'éprouvent  ces  aiiiniaux  avec  Tàge 
notannnent  par  rapport  aux  lornies  de  leur  crâne;  il  est 
cependant  bon  de  constater  que  les  Tupajas  de  Java  ne  par- 
viennent jamais  à  cette  forte  taille  qui  distinguent  ceux  de 
Sumatra  et  de  Bornéo.  Le  Sanglier  ordinaire  des  Indes  ,  Sus 
vittatus,  a  été  rapporté  par  nos  voyagenrs,  de  Java,  de  Su- 
matra, de  Bornéo  et  de  Timor  j  mais  les  différences  qui 
existent  entre  les  individus  de  ces  lieux  divers,  sont  si  peu 
sensibles  qu'il  ne  vaut  guère  la  peine  de  les  signaler.  Le  Cerf 
des  Moluques  est  d'une  taille  bien  inférieure  à  celui  de  Java, 
((]ervus  Russa) ,  quoiqu'il  appartienne  évidemment  à  la  même 
espèce.  Le  petit  chat  des  Indes,  Felis  minuta,  javanica  ou  suma- 
trensis,  présente  dans  les  teintes  des  disparités  plus  ou  moins 
marquées  selon  que  fespèce  habite  Java,  Sumatra,  Malacca,Siani 
ou  Bengale;  et  on  observe  en  outre  un  grand  nombre  de  variétés 
accidentelles.  Le  petit  Chevrotain  des  Indes,  Moschus  javani- 
cus,  devient  un  peu  plus  fort  et  offre  des  teintes  plus  foncées 
à  Sumatra  (Moschus  Napu);  il  habite  aussi  les  îles  de  Bangka, 
de  Penang  et  la  presqu'île  de  Malacca;  les  individus  de  Bornéo 
atteignent  une  assez  forte  taille,  et  ceux  de  Siam  offrent 
même  une  disposition  des  teintes  différente ,  quoique  la  phy- 
sionomie de  cette  race  soit  tout-à-fait  la  même  que  celle  de 
Java.  L'Ecureuil  nain  des  Indes,  Sciurus  melanolis  qui,  par 
son  extrêiiie  petitesse,  est  aux  autres  Ecureuils  ce  qu'est  le 
Falco  cœruleus  au  reste  des  faucons,  cet  Ecureuil  habite  Java, 
Sumatra  et  Bornéo  ,  et  offre,  dans  ces  contrées  diverses,  des 
variétés  locales  plus  ou  moins  constantes.  Un  des  Ecureuils 
les  plus  communs  aux  Indes  est  le  Sciurus  nigrovittalus  qui, 
perdant  à  certaines  périodes  de  Tannée  la  teinte  gris-noire 
du  ventre,  forme  alors  les  espèces  nominales,  introduites 
dans  les  systèmes  sous  les  noms  de  Sciurus  plantani,  ginginiunus 
et  ])ilineatus:  cet  Ecureuil  vit  à  Java  ,  à  Sumatra,  à  Malacca, 
en    Chine  etc.;    il    offre,   sur    ces   divers    points   du    giolx? 


230  DlSTPaBUTlON  GÉOGRAPHIQUE 

plusieurs  variétés^  mais  dont  les  caractères  sont  tellement 
subtiles ,  que  je  n'en  oserais  parier  sans  avoir  examiné  de 
chaque  variété  un  grand  nombre  d'individus.  —  Enfin,  je  ne 
parlerai  pas  des  différences  souvent  très  marquées,  que  présen- 
tent les  mêmes  espèces  de  Chéiroptères  dans  diverses  contrées; 
mais  j'ajouterai  seulement  qu'il  existe  souvent  même  des 
différences  par  rapport  à  des  caractères  essentiels,  comme  la 
longueur  du  museau  etc.  :  voir  le  2'^*^"  vol.  des  Monographies 
de  M.  Temminck.  —  Pour  les  oiseaux,  il  en  existe  un  grand 
nombre  d'espèces  qui,  vivant  à  la  fois  dans  diverses  îles  de 
cet  Archipel,  y  forment  des  variétés  locales  quelquefois  assez 
curieuses,  mais  qui  se  bornent  ordinairement  à  des  diffé- 
rences dans  la  taille  ou  le  système  de  coloration.  —  La  classe 
des  Reptiles  présente  des  faits  analogues  à  ceux  que  nous 
offrent  les  mammifères.  L'Emyde  de  Spengler  se  présente 
souvent  sous  des  formes  tellement  disparates  ,  que  l'étude 
de  cet  animal  ne  sert  qu'a  embrouiller  l'idée  que  Ton  se 
forme  du  mot  espèce  (i).  Le  Monitor  à  deux  raies,  Mon. 
bivittatus,  qui  se  trouve  à  Sumatra,  à  Java,  à  Bornéo, 
à  Célèbes  et  jusqu'à  l'île  de  Luçon,  varie  plus  ou  moins 
selon  les  lieux  qu'il  habite,  ce  qui  a  engagé  plusieurs 
naturalistes  à  en  faire  une  espèce  à  part,  quoique  ces 
différences  se  réduisent  souvent  à  de  petites  disparités  dans 
le  système  de  coloration.  La  même  observation  peut  s'ap- 
pHquer  au  Basilic  des  Indes  qui  vit  À  Célèbes,  à  Amboine 
jusque  dans  les  îles  Philippines.  Le  Scinque  de  Kuhl  est  ré- 
pandu ,  à  ce  qu'il  paraît,  depuis  le  Bengale  jusqu'aux  îles 
Philippines  et  aux  Mariannes :  les  individus  de  Bengale,  de 
Sumatra,  de  Java,  de  Bornéo  et  de  Célèbes  ne  présentent 
guère  de  différences  sensibles ,  mais  ceux  de  Timor  ont  des 

(1)  Tout  ce  que  nous  pourrions  dire  pour  prouver  ce  que  nous 
avançons  serait  superilu  ;  l'autopsie  peut  seule  justiiier  nos  idées  sur 
ce  point. 


DES  SiaU'EN'S.  2:u 

teiiiles  [)lus  vives  et  plus  tranchées.   Poui    les  Diacoiis,  il  est 
prescjue  impossible  de  résumer  en  peu  de   mots  t(^utes   les 
différences  que  présente  souvent  cliacpie  espèce  dans  les  lieux 
divers  qu'elle  habite  (i).  Le  Geckon  à  gouttelettes,  de  Timor, 
offre  des  teintes  un  peu  plus  foncées  que  celui  de  Java.   Lu 
Grenouille  cancrivore  et  la  Rainette  leucomystax,  qui  sont 
absolument  identiques  dans  toutes  les   îles  de  la  Sonde  et 
même  dans  les  îles  Philippines,  s'éloignent,  à  Timor,  de  lu 
race  type,  par  un  système   de  coloration  un  peu  divers  et 
forment  ainsi  une  variété  locale  ou  de  climat  constante.  Les 
Najas  des  îles  de  la  Sonde  diffèrent  constamment  par  plusieurs 
caractères   de    ceux  du    Bengale  et   des  îles  Philippines.  Le 
Cératophrys  de  Sumatra  forme  une  variété  locale  ou  une  race 
diverse  de  celle  de  Java.  —  Les  serpens  ne  sont  pas  moins 
riches  en  exemples  de  cette  nature  que  les  autres  ordres  des 
Reptiles.  Nous  voyons  que  les  individus  du  Tortrix  rufa  de 
Célèbes  se  distinguent   de  ceux  du  Bengale  et  de  Java,  par 
un  dos  d'une  teinte  uniforme  et  par  deux  petites  taches  sur 
l'occiput.  Le  Calamar  Oligodon  découvert  à  Java  ,  offre  à  Su- 
matra une  disposition  des  teintes  un  peu  diverse  sur  le  dos, 
et  forme  à  Ceylan  et  aux  îles  Philippines  une  troisième  variété 
locale  très  jolie.  Des  différences  analogues  existent  entre  les 
Coronella  baliodeira  de  Java  et  de  Sumatra.  Le  Lycodon  hebe 
de  Java  est  d'une  moindre  taille  et  à  teintes  un  peu  diverses 
et  moins  claires  que  ceux  du  Bengale;  les  individus  de  Timor 
restent  plus  petits  que  ceux  de  Java  et  ont  les   teintes  plus 
foncées.  La  belle  Couleuvre  à  queue  noire,  Coluber  melanu- 
rus,  habite  à  Java,  à  Sumatra  et  à  Célèbes;  mais  les  individus 
de  la  dernière  île  ont  la  nuque  constamment    ornée  d'un 
trait  angluleux  noir,  tandis  que  ceux  de  Sumatra  offrent  un 
dos  rayé  de  noir.  L'Herpétodryas  oxycéphale  est  d'un  beau 

(i)   Nous  renvoyons  ù  la  troisunie  livraison  (!<"  nos  /fbbildiinpm ,  «ni 
nous  avons  assez  ajuplcnicnl  tiaitr  (e  sujet. 


232  DLSTRIDUIION  GÉOGIIAPHIQIJE 

vert  d'herbe  à  Java;  cette  teinte  tire  sur  le  brun  dans  les  sujets 
de  Bornéo,  et  ceux  de  Céièbes  ont  toutes  les  parties  supé- 
rieures d'un  brun  noir  assez  foncé.  Il  suffira  de  dire  que  le 
Dendrophis  picta  habite  la  plupart  des  contrées  intertropicales 
de  IMsie ,  depuis  le  Sénégal  jusqu'à  la  Nouvelle-Guinée  ,  pour 
faire  deviner  combien  cette  espèce  doit  varier  dans  des  con- 
trées aussi  distantes  l'une  de  l'autre.  Le  Dryophis  nasuta  ,  qui 
vient  ordinairement  du  Bengale  et  des  Mariannes  a  le  ventre 
raie  de  jaune  à  Java.  Le  Dryophis  prasina,  commun  dans 
les  îles  de  la  Sonde,  forme  une  variété  locale  à  Céièbes;  le 
Tropidonote  à  taches  en  quinconce  ,  qui  est  un  des  plus  ré- 
pandus dans  l'Inde,  offre  à  Java  des  taches  confluentes,  en 
sorte  qu'il  a  les  parties  supérieures  rayées  de  noir.  Les  Tro- 
pidonotes  chrysargos  de  Sumatra  sont  distincts  de  ceux  de 
Céièbes,  et  tous  deux  de  ceux  de  Java;  et  cette  différence, 
produite  par  une  disposition  diverse  des  teintes,  paraît  être 
constante  d'après  les  localités.  L'Homalopsis  de  Schneider,  qui 
habite  depuis  les  grandes  Indes  jusqu'à  la  Nouvelle-Guinée, 
offre  dans  ces  lieux  divers  de  nombreuses  petites  disparités, 
mais  dont  le  plus  grand  nombre  paraît  accidentel.  Le  grand 
Python  à  deux  raies  vient  des  îles  de  la  Sonde  et  de  la  Chine; 
il  habite  les  deux  presqu'îles  de  l'Inde,  l'île  de  Ceylan ,  et  se 
trouve  jusqu'en  Sénégambie,  vivant  probablement  dans  une 
grande  partie  de  l'Afrique  intertropicale;  je  regarde  tous  ces 
Pythons  comme  appartenant  à  la  même  espèce,  mais  j'ignore 
si  plusieurs  naturalistes  ne  trouveront  peut-être  entre  les 
individus  de  ces  lieux  divers  des  différences  suffisantes  à 
leurs  yeux  pour  établir  plusieurs  sous-espèces  ,  ce  qui  aura 
nécessairement  pour  suite  l'établissement  de  l'espèce  même 
comme  sous-genre.  Les  Elaps  furcatus  et  bivirgatus  offrent  à 
Sumatra  une  distribution  des  couleurs  différente  de  ceux  de 
Java.  Enfin ,  je  pourrais  remplir  un  livre  à  part ,  en  décrivant 
toutes  les  petites  modifications  qu'éprouve ,  dans  ces  terres 
diverses,  chaque  famille  isotée  de  la  même  espèce  d'animaux, 


DKS  SEIIPKNS.  23;? 

dont  Je  nombre  est  si  grand  sur  ce  point  du  globe.  — 
Cliacune  de  ces  terres  produit  cependant  des  espèces  qui  lui 
sont  particulières,  ou  qui  se  trouvent  seulement  sur  plusieurs 
d'entre  elles.  Tout  le  monde  sait  que  les  îles  de  Sumatra  et 
de  Bornéo  nourrissent  plusieurs  animaux,  et  même  quelques 
uns  de  très  grande  taille  ;  et  que  ces  mêmes  animaux  ne  se 
trouvent  dans  aucun  autre  point  de  l'Archipel ,  ni  même 
à  Java,  qui  produit  en  revanche  certains  animaux  qui  ne 
paraissent  pas  habiter  dans  les  autres  îles.  On  est  tenté  de 
considérer  la  constitution  géologique  des  terres  comme  dé- 
terminant la  distribution  géographique  des  êtres;  mais  l  ex- 
périence nous  démontre,  qu'elle  n'est  que  d'une  influence 
secondaire  ou  indirecte  ,  en  ce  qu'elle  modifie  en  général  la 
nature  des  terrains,  ou  parce  qu'elle  détermine  l'âge  de  ces 
terres  ou  îles.  Le  climat,  qui  n'influe  pas  même  toujours  sur 
la  distribution  des  végétaux,  ne  présente  ordinairement  aucun 
obstacle  à  celle  des  animaux,  particulièrement  lorsque  les 
autres  conditions  nécessaires  à  leur  existence  se  trouvent 
réunies,  et  qu'ils  trouvent  pendant  toute  l'année  la  nourri- 
ture que  la  nature  leur  a  assignée  (i).  On  aurait  d^nc  tort  de 
supposer  qu'un  être  qui  habite  une  contrée  d'origine  volcanique 
ne  puisse  jamais  se  trouver  que  dans  des  terrains  de  la  même 
nature;  ou  que  les  terrains  de  formation  primitive  doivent 
nourrir  des  espèces  particulières,  etc.  Supposant  même  que 
cela  arrive,  comme  dans  l'île  de  Java  comparée  à  celles  de 
Sumatra  et  de  Bornéo,  il  faut  tout  au  plus  attribuer  ces  diffé- 
rences à  l'âge  divers  de  la  première  île,  et  au  défaut  d'un  terrain 
ou  d'une  nourriture  propres  à  l'existence  des  animaux.  Il  est 

(ij  L'orang-outan  et  le  Semnopithèque  nasique,  par  exemple, 
vivent  à  Sumatra  et  à  Bornéo  ,  dans  des  lieux  tout-à-fait  analogues  ; 
et,  ne  fréquentant  jamais  des  lieux  d'une  autre  nature,  ils  ne  se 
répandent  pas  sur  toute  l'île  ,  quoiqu'il  rl'y  ait  guère  d'obstacles 
physiques  qui  les  en  empêche  :  il  en  est  ainsi  de  la  plupart  défi 
animaux. 


234  DISTIUBETIOA:   GÉOGriAPHiOUi: 

doiîc  difficile  sinon  inipossi'ble  de  classer  ces  terres,   d  après 
leurs  productions,  en  cantons,    ou  de  chercher  à  établir  des 
régions ,  comme  on  Fa  fait  pour  la  distribution  des  plantes  à 
la  surface  de  certains  pays.  Quant  au  Grand  Archipel  indien, 
nous  verrons  que  les  lies  de  la  Sonde  offrent,  dans  leurs  pro- 
ductions, beaucoup  de  rapports  avec  les  parties  avoisinantes 
du   continent  de  l'Asie,  et  même  avec  celles   du  Bengale  et 
des  grandes  Indes.  Les  îles   de  Sumatra  et  de  Bornéo  nour- 
rissent    un  bon  nombre  d'animaux,    dont  quelques  uns   de 
grande  taille,  ne  se  trouvent  point  à  Java;  mais  il  existe  pour 
les  animaux  de  petite  taille  une  assez  grande  analogie   entre 
la  partie  méridionale  de  Bornéo  et  entre  lîle  de  Java.  Cette 
dernière  île  produit  plusieurs  animaux  qui  se  trouvent  dans  les 
contrées  méridionales  de  la  Chine ,  et  probablement  aussi  dans 
la  chaîne  d'îles  qui  s'étendent  vers  l'Est  jusqu'à  Timor.  C'est 
dans  la  grande  île  de  Célèbes  que  commencent  à  se  montrer 
plusieurs   formes   d'animaux,   inconnus    dans  les  îles   de  la 
Sonde;   ces   formes    nouvelles  deviennent  plus    nombreuses 
dans  les  Moluques,  et  se  rattachent  à  celles  qui  sont  propres 
à  la  Nouvelle-Guinée,   dont   plusieurs  rappelent  à  leur  tour 
les  productions  hétérogènes  de  la  Nouvelle-Hollande.  Les  îles 
Philippines  enfin  offrent  de  l'analogie  avec  celles  de  la  Sonde, 
et  ce  qui  est  curieux,  c'est  que  l'on  y  observe  plusieurs  ani- 
maux de  Gevlan  et  des  grandes  Indes.  En  nous  bornant  aux 
observations  que  nous  offrent  les  classes  des  mammifères  et 
des  Reptiles,  nous  voyons  que  les  traits  principaux  qui  carac- 
térisent la  Faune  de  ces  îles,  sont  les  suivans.  —  L'île  de 
Sumatra  est  la  seule  de  toutes  les  îles  de  la  Malaisie,  qui 
produise  l'Éléphant;  le  Tapir  de  l'Inde  (j)  se  trouve  aussi  à 

(i)  Il  s'entend  de  soi-même  que  les  observations  sur  l'absence  de 
certains  animaux  dans  certaines  terres  ne  peuvent  pas  toujours  être 
regardées  comme  certaines.  Nous  ne  pouvons  que  juger  d'après  les 
faits  connus,  et  des  découvertes  nouvelles  apporteront  sans  doiilc 
des   modifications   à   ces   assertions. 


DUS  SKUPIilNS.  235 

13ornco  et  ces  animaux  habitent  en  même  temps  le  continent 
de  l'Asie.  Le  grand  Cerf  de  Sumatra,  Cervus  bi[)pelaplius  (^uv. , 
se  trouve  à  Bornéo  et  probablement  aussi  dans  la  presqu'île 
de  Malacca.  L'Iîylobate  syndactyle  et  le  Senmopitbècjue  me- 
lalopbos  dont  le  ilavimanus  ne  paraît  pas  différer,  n'ont  été 
trouvés  jusqu'à  présent  que  dans  l'île  de  Sumatra;  mais  on 
assure  que  le  Lar  de  Raffles  ,  Hylobates  llafllesii,  auquel  il  faut 
également  rapporter  les  Hyl,  agilis  et  variegatus,  habite 
aussi  l'île  de  Gélèbes.  Le  Gymnure,  grand  insectivore  ter- 
restre et  le  grand  Ghamais  noir  (Ant.  sumatr.)  n'ont  encore  été 
observé  qu'à  Sumatra;  mais  le  Rongeur  curieux,  décrit  par 
M.  Temminck  sous  le  nom  de  Nyctoclepte  et  le  Porc-épic  à 
longue  queue,  habitent  aussi  à  Malacca.  Il  paraît  que  l'île  de 
Sumatra  a  une  espèce  de  Rhinocéros  à  elle ,  si  toutefois  le 
Rhinocéros  de  Bornéo  n'appartient  pas.  à  la  même  espèce. 
Pkisieurs  autres  animaux  se  trouvent  en  même  temps  à  Su- 
matra et  à  Bornéo,  mais  n'ont  pas  été  observés  dans  les  autres 
îles  de  la  Malaisie:  tels  sont  l'Orang-outan,  les  Semnopi- 
thèques  nasicus  et  cristatus,  l'innuus  nemestrinus,  le  Felis 
macrocelis,  l'Ursus  malayanus,  qui  habite  cependant  aussi 
Gélèbes;  ensuite  plusieurs  Ecureuils,  appartenant  en  partie 
à  des  espèces  nouvelles,  dont  quelques-unes ^e  retrouvent  à 
Malacca,  à  Siam  et  en  Ghine;  mais  qui  nont  pas  encore  été 
observés  à  Java.  L'île  de  Sumatra  a  plusieurs  Ghéloniens  de 
commun  avec  Bornéo;  mais  les  Sauriens  et  les  Batraciens 
appartiennent  pour  la  plupart  à  des  espèces  qui  habitent 
aussi  Java.  En  jetant  un  coup-d'œil  sur  le  tableau  que  nous 
avons  donné  sur  la  répartition  géographique  des  ophidiens, 
nous  voyons  que  les  serpens  de  Sumatra  habitent  aussi  Java , 
presque  sans  exception,  et  qu'un  bon  nombre  d'entre 
eux  proviennent  également  des  grandes  Indes  et  de  Bengale» 
Le  Trigonocéphale  de  Wagler  au  contraire  ne  paraît  se 
retrouver  dans  aucune  autre  île  de  la  Malaisie  que  Sumatra 
et    Bornéo,    où     nos     voyageurs     viennent     de     découvrir 


236  DlSrraBUTiON  GÉOGPxAPHlQUE 

l'espèce.  Jii  va,  !a  plus  belle  et  la  mieux  connue  des  îles  de  ia 
Malaisie,  s'éloigne  des  autres  terres  de  ce  grand  Archipel, 
en  ce  qu'elle  produit  plusieurs  animaux  qui  lui  sont  propres, 
tandis  qu'il  y  manque  un  bon  nombre  d'autres,  qui  sont 
répandus  à  Sumatra,  à  Bornéo  et  même  dans  le  continent  de 
l'Asie.  Il  n'existe  point  d'indices  sûrs  que  les  Eléplians  aient 
jamais  vécu  à  Java;  le  Tapir  des  Indes,  l'Orang-outan,  le 
Semnopithèque  nasique,  l'Hylobate  syndactyîe,  l'Ours  des 
Malais,  l'Innuus  nemestrinus,  et  beaucoup  d'autres  animaux 
de  Sumatra  et  de  Bornéo  n'y  habitent  pas.  Il  ne  s'y  trouve 
pas  des  Antilopes.  Le  Rhinocéros  à  deux  corne>  de  Sumatra 
y  est  représenté  par  une  espèce  unicorne  très  diverse,  el  qui 
paraît  avoir  de  grands  rapports  avec  le  Rhinocéros  du  conti- 
nent de  TAsie.  Le  Cerf  de  Sumatra  y  est  représenté  par  une 
espèce  moins  belle,  Gervus  Russa;  le  Léopard  de  Sumatra  et  de 
Bornéo ,  Felis  macrocelis ,  par  une  espèce  semblable  au  Léopard 
de  l'Afrique,  mais  à  taches  très  petites,  à  queue  longue  et  à 
taille  moindre  (i),  qui  paraît  être  propre  à  l'île  de  Java.  Non 
compris  l'Hylobate  syndactyîe  de  Sumatra,  chacune  des  îles 
ou  des  points  principaux  de  l'Asie  intertropicale  paraît  nour- 
rir une  seule  espèce  du  genre  Hylobate,  plus  ou  moins  dif- 
férente des  autres.  L'Hylobate  Lar  de  Sumatra  est  représenté 

(i)  Je  puis  assurer  que  tous  les  Léopards  de  l'ile  de  Java  appar- 
tiennent à  l'espèce  appelée  par  M.  Temminck  Felis  pardus  ,  et  que  le 
véritable  Léopard  ,  qui  est  répandu  dans  la  plus  grande  partie  de 
l'Afrique,  depuis  la  Barbarie  jusqu'au  Gap  de  Bonne  Espérance,  et 
que  l'on  dit  aussi  habiter  aux  grandes  Indes ,  ne  se  trouve  jamais 
à  Java;  mais  il  existe  dans  cette  île  des  individus  du  pardus,  dont  la 
queue  est  beaucoup  plus  courte  que  d'ordinaire  et  qui  se  rapprochent 
par  ce  point  du  Léopard  ordinaire;  ce  qui  milite  en  faveur  de  l'opinion 
de  considérer  le  Léopard  de  Java  comme  race  ou  variété  locale  de  celui- 
là.  Cette  opinion  se  trouve  ,  d'autre  côté,  renforcée  par  l'existence  de 
plusieurs  variétés  locales  ou  races  du  Lion  en  Afrique  el  en  Asie, 
du  Léopajd  de  l'Afrique ,  etc. 


DES  SERPENS.  :>37 

à  Java  par  le  Wou-Wou ,  Hylobates  leiiciscus;  ccilui  ci  est 
remplacé  à  Bornéo  par  une  race  à  teintes  plus  foncées, 
THyl.  concolor  au  Harlanii.  Aucune  de  ces  espèces  ne  paraît 
jamais  se  trouver  sur  le  continent  de  Tlnde ,  car  les  Hylobates 
que  l'on  a  rapportés  de  Slam  et  de  plusieurs  autres  points  de 
la  presqu'île  au  delà  du  Gange ,  appartiennent  à  l'espèce  connue 
sous  lenomdeHylob.  albimanus,  et  qui  est  le  grand  Gibbon  de 
Buffon  ou  le  véritable  Lar  deGmelin.  Des  deux  Semnopithèques 
comnuins  dans  lîle  de  Java,  l'un,  le  Semnop.  mitratus,  est 
propre  à  cette  île,  mais  on  observe  à  Siam  un  Singe  tout-à-fait 
analogue  mais  à  teintes  un  peu  plus  foncée;  l'autre,  le  Semn. 
maurus  n'a  pas  non  plus  été  observé  sur  aucun  autre  point 
du  globe,  mais  cette  espèce  est  évidemment  remplacée,  à 
Sumatra  et  à  Bornéo,  par  le  Semnop.  cristatus  ou  prui- 
nosus ,  qui  ne  paraît  différer  du  maurus  que  par  son 
pelage  mêlé  de  grisâtre.  Une  troisième  espèce  que  l'on 
dit  exister  dans  la  partie  orientale  de  Java,  mais  que  nous 
n'avons  jamais  reçu  de  cette  île,  le  Semn.  auratus  (i) 
ou  pyrrhus  paraît  appartenir  à  une  espèce  qui  habite 
l'île  de  Bornéo.  Java  est  beaucoup  moins  riche  en  Ecureuils 
que  les  autres  îles  de  la  Sonde;  on  y  trouve  les  Sciurus 
bicolor,  nigrovittatus ,  insignis  et  melanotis,  et  aucune  des 
espèces  que  nous  venons  de  nommer  n'est  propre  à  cette 
île.  Les  Tupajas  n'y  atteignent  pas  la  forte  taille  de  ceux 
de  Bornéo  et  de  Sumatra.  Le  Tigre  royal ,  qui  ne  paraît 
pas  habiter  Bornéo  ni  aucune  autre  île  de  la  Malaisie,  à  l'ex- 
ception de  Sumatra,  y  forme,  comme   dans  cette  dernière 


(i)  La  livrée  jaunâtre  de  ce  singe  est  évidemment  périodique,  ou 
peut-être  due  à  une  différence  sexuelle.  L'individu  du  Musée  de  Paris 
présente  des  indices  de  l'apparition  de  poils  noirs  sur  les  extrémités; 
nous  en  avons  au  Musée  dans  la  livi'éc  de  passage;  d'aulres  sont 
tout-à-fait  noirs,  à  l'exception  d'une  raie  jaune  sur  la  partie  interne  des 
pieds  et  sous  la  queue. 


238  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

île  une  variété  locale  à  poils  très  ras;  et  cette  variété  forme 
l'extrême  opposé  de  celle  du  Nord  de  l'Asie,  à  laquelle  le 
pelage  bien  fourni  donne  une  apparence  toute  diverse  (i). 
L'île  de  Java  nourrit  un  beau  sanglier  de  très  forte  taille, 
Sus  verrucosus,  assez  divers  de  l'autre  espèce,  Sus  vitta- 
tus,  qui  habite  également  Java  et  presque  toute  la  Ma- 
laisie.  Un  des  quadrupèdes  les  plus  remarquables  de  l'île  de 
Java  est  le  Buffle  sauvage,  le  Banting  des  indigènes,  qui  se 
trouve  probablement  aussi  à  Bornéo  et  à  Sumatra ,  et  qui 
ne  paraît  guère  différer  du  Gaour  (Bos  frontalis  ou  syllie- 
tanus)  du  Bengale,  dont  il  forme  probablement  une  race  (2). 

(i)  En  comparant  dans  notre  Bîusée  les  individus  du  Tigre  de  la 
Corée  (Corai)  à  ceux  de  Java,  on  peut  se  convaincre  des  effets  de  cette 
influence  du  climat,  particulièrement  en  examinant  la  grosseur  relative 
de  la  queue:  dans  les  premiers  ce  membre  paraît  être  de  la  grosseur 
d'un  bras  ,  dans  ceux  de  Java  il  a  celle  d'un  fort  pouce  d'homme.  — 
(2)  Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  le  Bœuf  domestique  des 
îles  de  la  Sonde  appartient  à  une  espèce  toute  différente  de  cette  espèce 
sauvage.  Le  premier,  que  l'on  y  désigne  sous  le  nom  de  Carbau ,  et  qui 
est  retourné  à  l'état  sauvage  à  Sumatra,  descend  évidemment  de  l'Arni 
ou  buffle  sauvage  de  Tlndoustan  ,  ce  qui  fait  supposer  avec  raison,  que 
l'introduction  de  ce  buffle  aux  îles  de  la  Sonde  remonte  à  cette  époque 
reculée,  de  laquelle  date  l'introduction  de  la  culture  du  riz,  que  l'on 
dit  avoir  été  également  apportée  de  l'Indoustan.  Quoiqu'il  en  soit , 
l'observation  que  nous  venons  d'énoncer  nous  prouve  ,que  l'étude  de  la 
répartition  des  animaux  domestiques  peut  servira  éclairer  plusieurs  points 
obscurs  dans  l'histoire  du  genre  humain ,  et  qu'elle  peut  contribuer 
k  nous  faire  connaître  l'état  de  civilisation  des  habitans  primitifs  de 
l'île  de  Java,  que  l'on  croit  avoir  joué  autrefois  un  rôle  si  important. 
(Voir  les  travaux  de  Crawfurd,  et  l'ouvrage  de  W.  von  Huraboldt,  intitulé: 
Uber  die  Kawi-Sprnche.)  Un  autre  fait  non-moins  curieux  que  celui 
dont  nous  venons  de  parler,  c'est  que  le  Buffle  de  l'Italie,  apporté  en 
Europe  dans  le  moyen  âge,  paraît  également  descendre  de  ce  même  Arc i, 
qui  serait  alors  répandu  depuis  la  Chine  j  usqu'en  Abyssinie  et  en  Italie;  ces 
<leiixfaitspronvés,on  aurait  un  point  de  comparaison  assez  curieux  poiu- 


DES  SEUPENS.  i);Ui 

Pour  les  oiseaux  nous  nous  bornons  ;i  rcniaïquer  que  le 
Paon  sauvage  représente  à  Java  l'Argus  de  Sumatra  et  de 
Bornéo;  le  grand  Buceros  de  cette  île  (Biiceros  lunatus) 
forme  une  race  diverse  du  véritable  Buceros  Rhinocéros  de 

éîudior  l'influence  des  climats  divers  sur  les  animaux  qui,  dans  la 
race  d'Europe,  se  serait  particulièrement  concentrée  sur  la  courbure 
tles  cornes  et  sur  les  cavités  du  front,  phénomènes  d'ailleurs  très 
ordinaires  chez  les  animaux  domestiques. —  Quant  à  notre  Bœuf  domes- 
tique du  reste  de  l'Europe,  auquel  paraît  aussi  appartenir  l-i  race 
domestique  au  Japon,  et  qui  a  été  répandu  dans  presque  toutes  les 
contrées  du  globe,  depuis  la  découverte  de  l'Amérique  et  l'ouverture 
d'un  passage  par  mer  aux  Indes;  quant  à  ce  boeuf,  dis-je,  on  a  des 
raisons  de  croire  qu'il  est  également  venu  des  Indes  dans  les  temps 
les  plus  reculés;  ces  raisons  sont:  ij  que  le  Zébu,  le  Bœuf  domestique  le 
plus  commun  dans  le  continent  de  l'Asie,  que  l'on  transporte  aujouid'hui 
comme  nos  bêtes  à  cornes  ,  quelquefois  à  Java  et  dans  d'autres  contrées, 
appartient  sans  doute  à  la  même  espèce  que  notre  Bœuf,  et  qu'il  forme  la 
variété  produite  par  l'influence  du  climat  dans  les  contrées  chaudes; 
a)  que  le  Bœuf  des  anciens  Grecs  et  Romains  paraît  avoir  été  le  même 
que  notre  Bœuf  domestique;  enfin  ,  que  le  seul  Buffle  qui  vive  en 
Europe  à  l'état  sauvage,  forme  une  espèce  totalement  diverse  de 
notre  Bœuf,  et  que  l'on  pourrait  plutôt  rapprocher  du  Bison  de 
l'Amérique  du  Nord.  A  moins  d'adopter  l'hypothèse  que  nos  bêtes  à 
cornes  soient  descendues  de  l'espèce  éteinte  aujourd'hui,  et  connue 
sous  le  nom  de  Bos  primigenius,  on  serait  forcé  de  chercher  une 
race-mère  pour  notre  bœuf  parmi  Its  espèces  sauvages  des  Indes. 
J'avais  fixé  depuis  longtemps  mon  attention  sur  le  Gaour,  mais  ne 
connaissant  par  l'autopsie  que  la  race  de  Java,  je  n'ose  rien  décider, 
et  j'avance  cette  supposition  seulement  dans  le  but  de  fixer  Tatlention 
des  naturalistes  et  des  voyageurs  sur  ce  point  intéressant.  On  dit  qu'il 
existe  dans  l'Indoustan,  à  l'état  sauvage  ,  une  race  de  Buffle  bâtarde, 
produite  par  l'accouplement  du  Gaour  et  derArni.  —  L'origine  de  notre 
chien  domestique  pourra  peut  être  contribuer  à  jeter  de  la  lumière  sur 
celle  de  notre  bœuf  On  sait  qu'en  démontrant  l'impossibilité  de 
l'identité  du  loup  ou  du  renard  avec  notre  chien,  on  est  du  moins 
parvenu  au  résultat  que  notve  chien   n'est  pas  d'origine  Européenne; 


i40  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

Sumatra  et  de  Bornéo,  etc.  Parmi  les  Reptiles,  c'est  le 
Trionyx  étoile,  qui  n'a  encore  été  observé  dans  aucune 
autre  des  îles  de  la  Sonde  qu'à  Java ,  où  vit  également  le 
Trionyx  subplanus,  qui  est  la  seule  espèce  connue  du  genre 
à  Bornéo,  à  Sumatra  et  à  Malacca.  L'Emys  trijuga  (i)  paraît 
propre  à  l'île  de  Java,  ainsi  qu'un  petit  nombre  de  Reptiles 
Sauriens  et  Batraciens,  mais  qui  appartiennent  tous  à  des 
espèces  de  petite  taille.  Un  fait  curieux  est  que  deux  des 
espèces  les  plus  remarquables  du  genre  Trigonocéphale, 
(Trigonoc.  puniceus  et  rhodostoma)  n'ont  été  observées  jus- 
qu'à présent  qu'à  Java;  tandis  que  le  Trigonocéphale  vert, 
si    commun     aux  grandes  Indes,  au  Bengale,   à  Sumatra, 

mais  on  a  cherché  en  vain  de  trouver  une  race-mère  pour  ce  Carnivore. 
Je  n'hésite  pas  à  adopter  pour  telle  le  chien  sauvage  des  hautes  mon- 
tagnes du  continent  de  l'Asie,  dont  on  nous  a  adressé  des  individus  de 
Bengale,  qui  se  trouve  aussi  à  Sumatra,  à  Java  et  à  Bornéo,  et  que 
l'on  a  nommé  Canis  rutilans,  sumatranus  etjavanicus.  En  prenant, 
pour  faire  la  comparaison,  le  chien  domestique  du  Japon,  ou  même 
notre  chien  de  berger,  races  qui  ont  le  moins  dégénéré,  on  voit  qu'il 
existe  une  telle  analogie  entre  ces  animaux  et  le  chien  sauvage  des 
Indes  qu'il  est  presque  impossible  de  douter  de  leur  identité;  il 
n'existe  pas  même  des  différences  sensibles  entre  les  squelettes  de 
ces  animaux,  et  leurs  crânes  se  ressemblent  au  point  de  s'y  méprendre; 
cette  même  observation  peut  s'appliquer  au  crâne  du  chien  des  Esqui- 
maux. —  Nos  poules  enfin  proviennent  sans  doute  des  Indes,  sinon 
de  la  poule  sauvage  de  Java  ,  du  moins  d'une  race  analogue  du  conti~ 
Tient  de  l'Asie.  —  Je  finis,  regrettant  de  ne  pouvoir  développer  les 
observations  que  je  viens  de  communiquer,  en  publiant  des  recherches 
étendues  que  m'offrent  les  nombreux  matériaux  réunis  dans  les  galeries 
du  Musée  des  Pays-Bas,  où  l'on  peut  constater  par  l'autopsie  ce  que 
je  viens  d'avancer.  —  (i]  On  trouve  à  Pondichéry  une  espèce  analogue, 
mais  à  tête  beaucoup  moins  grosse  ,  que  M.  Bibron  prend  pour  la 
véritable  trijuga  de  Scliweigger  :  Boie  se  serait  donc  trompé  en  appli- 
quant dans  l'Erpétologie  de  Java,  cette  épilhètc  à  l'espèce  javanaise, 
qu'il  faut  alors  considérer  comme  nouvelle. 


ÎDES  SERPKNS.  24  1 

et  à  Timor,  n'existe  pas  du  tout  à  Java.  Les  Bongares,  qui 
habitent  Ceylan ,  les  grandes  Indes  et  le  Bengale,  ne  parais- 
sent pas  se  rencontrer  dans  aucune  autre  des  îles  de  la 
Sonde  que  dans  Java.  —  Bornéo,  la  plus  grande  des  îles  de 
la  Malaisie,  n'était  guère  connue  sous  le  rapport  de  l'histoire 
naturelle  aTant  les  voyages  que  M. M.  Diard,  Korthals  et 
MûUer  ont  fait  dans  l'intérieur  de  cette  terre.  L'Éle^phant 
ne  paraît  pas  y  habiter;  mais  on  y  trouve  le  Tapir  des  Indes, 
et  on  a  des  preuves  certaines  de  l'existence  d'un  Rhinocéros, 
quoiqu'on  ignore  à  quelle  espèce  il  appartient.  Bornéo  a  en 
commun  avec  Sumatra,  TOrang-Outan,  les  Semnopithecus 
nasicus  et  cristatus ,  le  Felis  macrocelis ,  l'Innuus  nemestrinus, 
l'Argus  etc.;  l'Hylobate  de  cette  île  se  rapproche  tellement 
de  celui  de  Java ,  qu'on  ne  saurait  le  regarder  comme  une 
espèce  particulière;  il  s'y  trouve  un  Semnopithèque  voisin 
du  pyrrhus  de  Java;  le  grand  Cerf  appartient  à  l'hippelaphus 
de  Sumatra,  et  on  a  aussi  observé  àBornéoTUrsus  malayanus. 
Les  mammifères  propres  à  cette  île  paraissent  tous  appartenir 
à  des  espèces  nouvelles  de  petite  taille,  et  on  y  voit  déjà 
plusieurs  animaux  curieux,  dont  la  véritable  patrie  est  les 
Moluques:  tels  sont  parmi  les  Mammifères,  le  Tarsius;  parmi 
les  Reptiles,  le  Basilic,  et  d'autres  (i).  —  C'est  dans  l'île  de 
Célèbes  que  commencent  à  se  montrer  des  formes  d'ani- 
maux toutes  particulières,  ou  des  espèces  dont  on  ne  trouve 
aucune  trace  dans  les  îles  de  la  Sonde:  ce  sont  les  Phalangers, 
le  Babyrussa,  THarpye,  leCéphalote,  les  Mégapodes,  l'Antilope 
celebica,  les  Scinques  éméraude  et  à  queue  bleue  etc., 
animaux  dont  le  plus  grand  nombre  habite  aussi  plusieurs 

(i)  M.M.  Mùller  et  Korthals  viennent  d'arriver  en  Europe  avec 
une  partie  des  riches  collections  formées  dernièrement  par  eux  à 
Bornéo  ;  je  regrette  de  n'avoir  pu  en  faire  usage  pour  mon  travail  ; 
mais  j  ai  profilé  des  communications  verbales  que  ces  messieurs  ont 
bien  voulu  me  faire. 

16 


242  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

des  îles  voisines  peu  connues,  les  Moliiques,  ou  même  ^ 
comme  le  petit  Scinque  à  queue  bleue  j  jusque  dans  la  mer  dû 
Sud.  On  remarque,  parmi  les  serpens  de  Célèbes  un  bel 
Erpétodryas,  (Herp.  Dipsas),  et  le  Dipsas  irregularis  qui  se 
trouve  également  à  Amboine;  plusieurs  autres  espèces  sont 
absolument  les  mômes  qu'à  Java  ou  à  Sumatra;  mais  quelques 
une  d'entre  elles  forment  des  variétés  locales  constantes, 
quoique  seulement  distinctes  par  une  disposition  un  peu 
diverse  des  teintes:  à  ce  nombre  appartiennent  le  Tortrix 
rufa,  le  Goluber  melanurus,  l'Erpétodryas  oxycéphale,  le 
Dryiophis  prasina,  le  Dipsas  dendropbile  et  le  Tropidonotus 
chrysargus.  —  Des  Moluques,  il  n'y  a,  à  proprement 
parler,  que  l'île  d'Amboine,  dont  les  productions  sont  un 
peu  connues.  On  y  voit  trois  ou  quatre  espèces  de  serpens 
qui  se  trouvent  aussi  à  Java;  mais  il  ne  paraît  pas  qu'on 
retrouve  dans  les  îles  delà  Sonde  le  Lycodon  modestus,  le  Boa 
carinata,  le  Dendrophis  rhodopleuron  ni  le  Python  ametbysti- 
nus.  —  Timor  est  en  quelque  sorte  intermédiaire,  par 
rapport  à  ses  productions,  entre  Java  et  les  Moluques:  on  y 
trouve  beaucoup  d'animaux  de  cette  première  île,  tandis 
qu'il  y  en  existe  un  bon  nombre  qui  vivent  aussi  dans 
l'Archipel  que  nous  venons  de  nommer.  Le  Python  de  Timor 
est  peut-être  divers  de  celui  d'Amboine;  on  y  a  découvert  un 
Homalopsis  très  curieux,  (Hom.  leucobalia);  le  Lycodon  hebe 
de  cette  île  a  les  teintes  plus  foncées  que  la  variété  de  Java; 
et  le  Coluber  radiatus  est  représenté  à  Timor  par  une  espèce 
analogue  mais  diverse  (Col.  subradiatus).  —  LaNouvelle- 
Guinée  avec  les  îles  adjacentes,  tout  en  montrant  plus  ou 
moins  d'analogie  avec  les  autres  îles  de  laMalaisie,  se  rap- 
proche de  l'autre  côté  de  la  Nouvelle  Hollande,  parla  présence 
de  certains  animaux,  tels  que  lesPétaures,  les  Kangoroos,  les 
Péramèles,etc.  M.  MiiLLERy  a  découvert  un  Zonure  trèscurieux, 
un  Acontias  presque  aveugle,  un  Typhlops  à  formes  dispa- 
rates, une  Kainette  cornue  très  remarquable, un  Cératophrys 


DES  SEUPENS.  243 

nouveau,  un  Monitor  très  beau,  à  formes  élancées  et  à 
teintes  vertes,  un  Scinque  à  formes  anomales,  et  plusieurs 
autres  Reptiles  très  jolis  et  incoimus.  Il  y  existe  aussi  plu- 
sieurs espèces  nouvelles  de  serpens,  comme  le  Tropidonotus 
picturatuSjl'Elaps  MùUeri,  espèces  qui  se  trouvent  également  à 
Waigiou.  —  Il  me  reste  à  dire  quelques  mots  sur  les  îles 
Philippines,  dont  on  ne  connaît  en  fait  de  zoologie  qu'un 
petit  nombre  d'objets,  recueillis  dans  les  environs  de  Manille 
dans  l'île  de  Luçon,  et  dont  l'étude  donne  cependant  lieu  à 
l'observation  curieuse,  qu'il  existe  une  grande  analogie  entre 
certaines  productions  de  cette  île  et  de  celle  de  Ceylan  :  ce  fait 
est  très  frappant  du  moins,  par  rapport  aux  serpens,  dont 
plusieurs  espèces  n'ont  été  observées  que  dans  ces  deux  îles. 
Le  Naja  des  îles  Philippines  appartient  à  la  variété  ordinaire 
du  N.  tripudians,  qui  habite  les  grandes  Indes  et  qui  est  con- 
stamment diverse  de  celle  des  îles  de  la  Sonde.  On  trouve, 
en  revanche,  dans  les  îles  Philippines ,  plusieurs  animaux  qui 
n'existent  probablement  pas  à  Ceylan  ou  au  Bengale:  de  ce 
nombre  sont  le  Basilic,  le  Monitor  bivittatus  et  d'autres. 

La  Nouvelle- Hollande  étant  trop  peu  connue  et  les 
objets  d'histoire  naturelle  que  l'on  apporte  de  ce  pays  en 
Europe,  étant  presque  toujours  rassemblés  sur  les  mêmes 
points,  il  est  difficile  de  rien  dire  sur  la  répartition  des 
animaux  dans  cette  grande  île.  D'ailleurs,  tout  le  monde 
a  entendu  parler  des  productions  singulières  de  cette 
contrée  (i),  dont  un  petit  nombre  habitent  aussi  à  la  terre 
de  Diemen,  présentant  quelquefois,  dans  ces  diverses  locali- 
tés des  différences  semblables  à  celles  qu'on  observe  entre 
les  mêmes  animaux  de  plusieurs  points  de  l'Archipel  des 
Indes.  Pour  les  serpens,  la  Nouvelle-Hollande  produit  presque 

(i)  Les  Kangoroos,  l'Ornithorhinque,  l'Échidne,  les  Phascaiomys  et 
Phascolarctos ,  les  Dasyurus,  le  Thylacinus,  la  Maenure ,  l'Emeu, 
les  Phyllures,  et  plusieurs  autres. 


244  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

sans  exception,  des  espèces  particulières,  dont  la  plu- 
part appartiennent  à  la  famille  des  serpens  venimeux; 
on  n'y  a  pas  encore  observé  des  serpens  aquatiques.  La 
distribution  des  autres  Reptiles  dans  ce  continent  n'offre 
rien  de  curieux;  mais  il  mérite  d'être  rapporté ,  qu'il 
n'y  existe,  à  l'exception  des  espèces  marines,  qu'un  seul 
Chélonien,  l'Émys  longicollis:  l'absence  de  tortues  ter- 
restres est  d'autant  plus  remarquable,  qu'on  en  trouve  un 
nombre  considérable  dans  la  pointe  méridionale  de  l'Afrique, 
contrée  qui  offre  plusieurs  rapports  avec  la  Nouvelle- 
Hollande.  Nous  avons  déjà  dit  plus  liaut  que  les  innombrables 
îlots  qui  sont  dispersés  dans  le  grand  Océan  pacifique,  ne 
paraissent  pas  produire  de  serpens.  Les  Mariannes  cepen- 
dant font  exception  à  cette  règle  générale,  et  Dampier 
parle  de  serpens  verts  qu'il  dit  avoir  vu  dans  les  îles 
Galapagos. 

Nous  voici  arrivés  à  l'A  m  é  r  i  q  u  e ,  qui  ne  laisse  pas  de 
présenter  plusieurs  faits  curieux  par  rapport  à  la  distribu- 
tion des  animaux.  Cette  partie  du  Monde  est  naturellement 
divisée  en  deux  grands  continens,  dont  chacun  offre  une 
Faune  particulière;  mais  l'Amérique  centrale  composée  de 
la  langue  de  terre  étendue  qui  réunit  ces  deux  continens, 
et  des  îles  adjacentes,  nourrit  un  grand  nombre  d'ani- 
maux, qui  ont  pour  patrie  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux 
grandes  presqu'îles.  Quelques  espèces  d'animaux  cependant 
sont  les  mêmes  dans  les  deux  Amériques.  D'autres,  com- 
muns dans  l'Amérique  du  Nord ,  se  retrouvent  sous  la 
même  latitude  australe  dans  l'Amérique  du  Sud,  où  ils 
forment  quelquefois  des  variétés  de  climat.  Un  grand 
nombre  d'espèces  qui  habitent  ce  premier  continent  se 
trouvent  jusqu'en  Mexique  et  dans  les  Antilles;  tandis  qu'il 
y  en  a  plusieurs,  commune*  dans  l'Amérique  du  Sud,  qui 
sont  répandues  vers  le  Nord  jusqu'en  Floride  et  dans  la 
Louisiane,  où  elles  forment  souvent  des  variétés  de  climat. 


DES  SERPENS.  245 

On  remarque  même  quel(|uefois  des  différences  locales  entre 
les  animaux  de  contrées  moins  éloignées  que  celles  que  je 
viens  de  citer,  comme  par  exemple  le  Brésil  et  Surina nj 
ou  en  général  les  Guyanes.  Enfin,  les  animaux  des  terres 
situées  à  la  pente  occidentale  des  Cordillères  diffèrent  sou- 
vent spécifiquement  de  ceux  du  Brésil ,  mais  certaines 
espèces  sont  les  mêmes  dans  ces  deux  contrées,  ou  bien 
elles  n'y  présentent  que  de  légères  variétés.  —  L'Amériqui- 
du  Sud  produit  d'abord  ce  grand  nombre  de  Singes ,  dont 
la  race  n'a  pas  encore  été  observée  dans  l'Amérique  du 
Nord;  et  ces  Singes,  dont  la  même  espèce  vil  quelque- 
fois sur  une  étendue  de  terre  de  plus  de  vingt  degrés  de 
latitude,  doivent  nécessairement  montrer  dans  des  lieux 
aussi  distans,  des  différences  plus  ou  moins  sensibles,  dues 
particulièrement  à  l'influence  du  climat  (i).  Un  assez  grand 
nombre  d'autres  animaux  de  l'Amérique  du  Sud  n'ont  pas 
encore  été  observés  jusqu'à  présent  dans  la  presqu'île  sep- 
tentrionale du  nouveau  continent  :  tels  sont  le  Lama ,  que 
Ton  pourrait  appeler  le  Gbameau  du  Nouveau  Monde, 
animal  originaire  des  Cordillères  qui  forme ,  dans  l'état 
de   domesticité  ces    nombreuses   races,    distinctes   par    leur 

(ij  C'est  un  fait  avéré  que  plusieurs  singes  du  Sud  du  Paraguay 
changent  de  poil  à  certaines  époques  de  l'année,  pour  se  revêtii 
d'un  pelage  mieux  fourni  d'une  ou  espèce  de  robe  d'hiver,  ce  qui  n'a 
pas  lieu  à  l'égard  des  individus  de  la  même  espèce  qui  vivent  sous 
l'Equateur.  Ajoutons  à  cela  d'abord  les  changeniens  presqu'incroya- 
bles  qu'éprouvent  certaines  espèces  de  singes  avec  l'âge,  et  ensuite 
les  différences  qui  existent  ordinairement  chez  ces  animaux  entre  les 
sexes  ,  et  on  pourra  se  faire  une  idée  des  difficultés  qui  se  présentent 
en  s'occupant  de  l'élude  de  ces  animaux.  Je  ne  puis  assez  recom- 
mander aux  naturalistes  de  cabinet  la  le<;lure  des  précieux  ouvrages 
que  nous  a  laissé  feu  Renggcr,  dont  j'ai  eu  souvent  occasion  de 
vérifier  les  observations,  sur  les  nombreux  matériaux  qu'offre  le  Musée 
des  Pavs-Bas. 


MG  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

coiileur  diverse 5  et  dont  on  a  fait  plusieurs  espèces  (i); 
puis  îe  Tapir  de  l'Amérique,  les  Porc-épics  à  queue  pre- 
nante, les  Tatous;  les  Paresseux,  les  Myrmécophages ,  les 
Chinchillas,  les  Nasuas  que  je  rapporterais  volontiers  tous  à 
la  même  espèce  (2);  les  Çavias,  l'Autruche  de  l'Amérique, 
etc.  Plusieurs  autres  animaux  se  trouvent  jusqu'au  Mexique 
et  même  dans  les  parties  méridionales  de  l'Amérique  du  Nord: 
tels  sont  le  Lion  d'Amérique  (Felis  concolor);  le  Jagouar, 
(Fehs  onça),  dont  la  longueur  de  queue  paraît  très  variable 
suivantes  les  individus;  les  Mouffettes  ,  Yiverra  putorius  et 
mephitis  (3)  etc.  il  existe  très  peu  d'animaux  qui  soient  les  mêmes 
dans  les  deux   Amériques;  comme  par  exemple  ,  le  Lièvre, 

(i)  Mes  recherches  à  ce  sujet  m'ont  démontré  à  l'évidence  qu'il  faut 
réduire  toutes  les  variétés  de  cet  animal  à  une  seule  espèce, 'le  Lama 
rouge.  — »  (2)  On  ne  rencontre  guère  deux  individus  de  Nasuas,  qui 
se  ressemblent  parfaitement,  ce  qui  empêche  d'appliquer  pour  la  déter- 
mination des  espèces  aucun  des  caractères  que  les  naturalistes  onf,  assigné 
aux  deux  principales  espèces  de  ce  genre  ,  non  pas  même  ceux  tirés 
du  crâne,  dont  la  forme  éprouve  des  changemens  avec  l'âge.  On  objec- 
tera peut-être  que  ces  deux  espèces  ont  une  manière  de  vivre differen'.e, 
objection  que  j'ai  souvent  été  obligé  de  réfuter  par  la  simple  obser- 
vation, que  beaucoup  d'animaux,  parvenus  à  un  certain  âge,  adoptent 
un  genre  de  vie  divers:  les  jeunes  vivant  ordinairement  en  société  et 
entreprenant  des  courses  plus  ou  moins  distantes,  tandis  que  les  vieux 
s  isolent  pour  se  retirer  dans  les  grandes  forêts  ou  les  contrées  monta- 
gneuses. On  pourrait  comparer  à  ces  habitudes  celles  des  oiseaux 
de  passage,  chez  lesquels  ,  on  lésait,  les  jeunes  se  séparent  toujours 
des  adultes  ^  pour  entreprendre  des  voyages  lointains.  Je  prie  les 
naturalistes  voyageurs,  de  fixer  leur  attention  sur  ce  point  intéres- 
sant dans  les  habitudes  des  animaux.  —  (3)  Toutes  les  prétendues 
espèces  de  ce  genre  que  j'ai  vues  paraissent  se  rapporter  à  une  seule 
espèce,  dont  le  pelage  noir  varie  souvent  au  brunâtre  et  dont  les  raies 
})lanchesse  trouvent  plus  ou  moins  larges,  selon  les  individus, ou  manquent 
quelquefois  presque  totalement  ,  particulièrement  dans  les  jeunes,  dont 
on  nous  a  envoyé  des  sujets  sous  le  nom  de  Mustcla  leucauchen. 


DES  SERPENS.  247 

Lepiis  americanus  et  braslliensis.  Enfin  il  y  en  a  qui    se  re- 
présentent clans  les  deux  A.nîériques,  toutefois  en  appartenant 
à  des  espèces  diverses:  tels  sont  les  Cerfs,  plusieurs  Chiens, 
lesProcyons,  les  Didelphes,  etc.  11  convient  de  citer  comme 
un  fait  très    remarquable  que,  dans   une  contrée  couvent- 
d'épaisses  forêts  et  d'une  étendue  immense,  comme   l'est   If 
B-'ésil ,  il  ne  paraît  exister   qu'une    seule  espèce  d'Ecureuil, 
le  Sciurus  aestuans;  ce  fait  est  d'autant  plus    remarquable, 
qu'on  y  observe   un  grand   nombre   de   Reptiles  qui  vivent 
continuellement  sur  les  arbres,  comme    des  Rainettes,   des 
Leguans,   des   Anolius  etc.;  et   qu'il  existe  plusieurs   espè- 
ces d'Ecureuils    dans  l'Amérique  du  Nord  (i).    L'Amérique 
du   Sud  nourrit   un  nombre    assez    considérable  d'animaux 
aquatiques,   particulièrement  parmi  la   classe  des   Reptiles, 
mais  c'est  encore  un  fait  assez  remarquable,    qu'il    n'existe 
parmi  ce   grand    nombre    de    tortues  d'eau    douce    aucune 
espèce  du  genre   Trionyx,   que  l'on  pourrait  appeler  tortues 
aquatiques  par  excellence,   et  dont  il  se  trouve  une  espèce 
dan^  l'Amérique  du  Nord.  Par  rapport  aux  grands  mammi- 
fères,   ceux    de     l'Amérique    du    Nord   sont   presque    tous 
différens  de  ceux  de  la  presqu'île  méridionale  du  Nouveau- 
Monde,   et  ont   souvent  une  grande  affinité  avec   ceux    de 
l'Europe,  appartenant  ordinairement  aux  mêmes  genres.  On 
y  voit,   par  exemple,  deux  espèces  de  bœuf  dont  l'un,  le 
Bison,  paraît  être  assez  voisin  de  l'Urus  ou  Bison  d'Europe; 
il  s'y  trouve  des  Elans  et  des  Rennes,  divers,  à  ce  qu'il  paraît 
de  ceux  d'Europe;   les  Loups  (Canis  nubilus   et  latrans)  ne 
forment  probablement  que  des  variétés  locales  de  ceux   de 

(i)  L'une  des  espèces  de  celle  contrée,  le  Sciurus  capishalus  et  caro- 
linensis,  est  très  remarquable  par  les  nombreuses  variétés  qu'elle  forme  ; 
il  y  en  a  de  blancs,  de  noirs,  de  gris,  de  bruns  ,  enfin  de  toutes  couleurs. 
L'espèce  parait  habiter  jusqu'au  Mexique  :  comparer  le  Sciurus 
hypoxanlhus  de  Lichlenstein, 


248  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE    ^ 

l'Europe  ;  le  Castor  de  l'Amérique  du  Nord ,  au  contraire  ,  offre 
des  différences  spécifiques  avec  le  nôtre  ;  de  trois  ours  qui  y 
habitent,  deux  ,  (Ursus  ferox  et  americanus) ,  sont  propres  à 
cette  presqu'île,  le  troisième  est  le  même  qu'en  Europe;  on  y 
voit  ce  grand  nombre  de  Spermophiles ,  dont  quelques-uns 
ressemblent  assez  aux  espèces  d'Europe  et  d'Asie;  les  Mar- 
mottes, le  Renard  commun  ,  le  Lynx  ordinaire^  le  Glouton  de 
l'Amérique  du  Nord  n'y  différent  guère  de  ceux  d'Europe  , 
mais  le  Blaireau  du  Labrador  s'éloigne  considérablement  du 
nôtre.  Le  Scalops  et  la  Gondylure  y  représentent  nos  taupes  et 
nos  Desmans.  Enfin  ,  les  hautes  montagnes  qui  s'étendent 
le  long  delà  côte  occidentale  de  l'Amérique  du  Nord,  produi- 
sent plusieurs  animaux  très  curieux  ,  dont  nous  ne  citons  que 
les  Antilopes  furcifer  et  montann.  Quant  aux  Reptiles,  cette 
grande  presqu'île  offre  un  nombre  bien  grand  de  tortues 
aquatiques  des  genres  Emys  et  Trionyx;  mais,  à  l'exception 
des  parties  méridionales,  il  n'y  existe  pas  de  tortues  terres- 
tres, ou  plutôt,  l'animal  qui  doit  les  remplacer,  l'Emys  clausa, 
est  une  espèce  intermédiaire  entre  les  tortues  aquatiques  et  les 
terrestres.  Les  Reptiles  sauriens  s'y  trouvent  en  très  petit  nom- 
bre, comparativement  à  ce  que  l'on  observe  dans  l'Amérique  du 
Sud,  et  on  n'y  voit  guère  des  espèces  qui  habitent  les  arbres. 
Les  batraciens,  au  contraire,  y  sont  très  communs  et  c'est  là 
que  l'on  trouve  cette  grande  quantité  de  Salamandres  (i) ,  et 
ces  batraciens  singuliers,  que  l'on  prendrait  volontiers  pour 
<les  larves  de  Salamandres  ou  pour  des  animaux  incomplets  , 
et  que  l'on  peut  comparer  à  notre  Protée  d'Europe;  mais 
les  Bombinators  n'ont  pas  encore  été  observés  dans  l'Amé- 
rique du  Nord.  —  En  comparant  entre-ellcs  les  espèces 
de  Reptiles,  ou  plus  particulièrement  les  serpens  des  deux 

(  i)  Les  Salamandres,  propres  aux  régions  tempérées  de  Thémisphère 
boréal  ,  et  les  Géciles  qui  habitent  sous  les  tropiques,  paraissent  se 
remplacer  dans  ces  deux  zones. 


DES  SEUPEjVS.  241) 

grandes  presqu'îles  que  forme  le  Nouveau  Gonliiient ,  on  peut 
quelquefois  établir  des  parallèlles  assez  intéressans  :  la  Gre- 
nouille commune  de  l'Amérique  du  Nord,  (Rana  mugiens)  par 
exemple,  est  représentée  dans  FAmérique  du  Sud  par  une. 
espèce  analogue,  delà  même  taille,  mais  à  doigts  entièrement 
libres,  (Rana  pachypus).  Le  Crapaud  des  Etats-Unis,  (Bufo 
musicus),  qui  habite  aussi  plusieurs  des  Antilles,  ne  se  trouve 
pas  dans  l'Amérique  du  Sud,  où  il  est  remplacé  par  le  Crapaud 
Aguaj  le  Crotalus  horridus,  commun  dans  toute  l'Amérique 
du  Sud,  a  pour  représentant  dans  l'Amérique  du  Nord,  le 
Crotalus  durissus;  la  Coronella  venustissima  y  est  repré- 
sentée par  la  Coron,  coccinea ,  l'Emys  scorpioides  par  l'Emys 
odorata,  etc.  La  comparaison  cependant  que  nous  venons 
de  faire  entre  les  Reptiles  des  deux  Amériques  ne  s'applique 
qu'à  un  petit  nombre  d'espèces;  et  il  arrive  souvent  que 
l'une  des  deux  presqu'îles  produise  des  espèces  ou  môme  des 
genres,  dont  on  ne  rencontre  pas  des  représentans  dans 
l'autre  (i).  Les  Tortrix,  les  Dipsas,  les  Dendrophis,  les 
Boas,  n'ont  encore  été  observés  que  dans  l'Amérique  du 
Sud  jusqu'aux  Antilles;  les  Tropidonotes,  au  contraire,  ne 
s'y  trouvent  pas,  mais  sont  communs  dans  l'Amérique  du 
Nord ,  et  sont  aussi  répandus  sur  plusieurs  des  Antilles.  Un 
petit  nombre  d'espèces  de  serpens  de  l'Amérique  méridionale, 
ont  aussi  été  observées  dans  l'Amérique  du  Nord  ;  ce  sont  les 
suivantes:  Calamaria  melanocephala,  Lycodon  clelia,  Coro- 
nella cobella,  Herpetodryas  cursor,  Dryophis  Gatesbyi,  Elaps 
corallinus,  Homalopsis  carinicauda  ;  l'Hétérodon  platyrhinus 

(j)  L'Ophisaure  qui  y  représente  notre  Pseudopus  et  dont  les 
couleurs  sont  très  sujettes  à  varier,  en  sorte  que  l'on  en  a  fait  plusieurs 
espèces,  est  propre  à  l'Amérique  du  Nord;  les  genres  de  Reptiles 
propres  à  l'Amérique  du  Sud  sont  en  nombre  plus  considérable; 
nous  en  citons  les  Bombinators  ,  les  Lézards  ou  Ccntropyx,  les  Cérato- 
phrys ,  ks  Céciles ,  les  Typhlops ,  les  Amphisbènes  ,  etc.  ;  plusieurs 
de  ces  animaux  se  trouvent  jusque  dans  les  Antilles. 


250  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE 

et  l'Herpetodryas  aestivus  au  contraire,  qui  sont  communjs^ 
dans  l'Amérique  du  Nord,  ont  aussi  été  découverts  au  Brésil  (i). 
Les  espèces  suivantes  de  l'Amérique  du  Nord  habitent 
aussi  les  Antilles:  Calamaria  striatula,  Coronella  coccineaj 
Heterodon  platyrhinus,  Coluber  constrictor,  Herpetodryas 
œstivus  et  cursor,  Tropidonotus  bipunctatus ,  fasciatus  et 
saurita.  Les  suivantes  se  trouvent  également  aux  Antilles , 
quoique  leur  patrie  soit  l'Amérique  du  Sud:  Calamaria  mêla* 
iiocepliala ,  Coronella  reginae,  Lycodon  délia,  Dendropbis 
liocercus,  Dryopbis  Gaîesbyi  et  aurata,  Dipsas  annulata , 
Homalopsis  angulata,  Boa  constrictor  et  cenchria,  enfin 
l'Elaps  corallinus.  Il  ne  reste  donc  que  quatre  espèces  environ 
qui  sont  propres  au  grand  Archipel  dont  nous  parlons,  savoir: 
Psammophis  antillensis,  Trigonocephalus  lanceolatus,  Den- 
drophis  Gatesbyi  et  Boa  melanura.  En  comparant  les  Serpens 
des  Guyanes  à  ceux  du  Brésil,  nous  voyons  que  ces  deux 
contrées  ont  en  commun  un  grand  nombre  d'espèces, 
dont  plusieurs  forment  des  variétés  locales  plus  ou  moins 
distinctes,  comme  cela  s'observedans  les  Herpetodryas  lineatus 
et  Olfersii,  le  Coluber  poëcilostoma,  etc.  Plusieurs  autres 
espèces  paraissent  propres  à  l'une  ou  l'autre  de  ces  contrées, 
comme  par  exemple:  Calamaria  badia,  Xenodon  typhlus, 
Coluber  Corais,  Herpetodryas  Boddaertii,  Dendropbis  aurata, 
Dryopbis  Gatesbyi  et  argentea ,  Homalopsis  plicatilis,  Elaps 
lemniscatus  et  surinamensis ,  etc.,  qui  n'ont  été  observés 
qu'aux  Guyanes,  où  les  suivans,  originaires  du  Brésil,  parais- 
sent manquer  totalement:  Calamaria  Blumii,  Coronella  Mer- 
remii,  Xenodon  Scbottii  et  rhinostoma,  Lycodon  formosus, 
Herpetodryas  serra ,  Homalopsis  carinicauda  et  Martii ,  etc. 
D'autres  encore  paraissent  se  représenter  sur  ces  deux 
points  de  l'Amérique  australe,  en  sorte  que  l'on  pourrait 
placer  les  Coronella  venustissima,  Dipsas  Mikani,  Weigeli, 

(i)  Il  est  à  remarquer  que  l'Heterodon  plalyrhinus  et  l'Homalopsis 
carinicauda  forment  des  variétés  locales  dans  ces  lieux  distans. 


DES  SERPENS.  251 

leucoccphala  et  Nattoreri,  puis  le  Trigonoceplialus  Jararaca, 
tous  du  Brésil  ,  en  parallèle  avec  les  Coronella  venusla , 
Dipsas  nebulata,  Gatesbyi,  macrorhina,  punctatissima ,  et  le 
Trigonoceplialus  atrox  des  Guyanes.  —  Les  autres  parties  de 
l'Amérique  du  Sud  sont  trop  peu  connues,  pour  que  l'on 
puisse  établir  une  comparaison  entre  les  Reptiles  des  diverses 
contrées  de  ce  continent;  il  est  cependant  bon  de  remarquer, 
que  l'on  vient  de  découvrir  au  Cliile,  plusieurs  serpens  nou- 
veaux, qui  ne  paraissent  pas  exister  en  deçà  des  Cordillères. 

Je  termine  cette  revue  de  la  répartition  géographique  des 
serpens,  craignant  d'avoir  déjà  abusé  de  la  patience  du  lec- 
teur, en  entrant  dans  beaucoup  de  détails  dont  j'aurais  pu 
me  passer  ici  et  que  je  me  propose  de  traiter  plus  amplement 
dans  un  autre  ouvrage  qui  m'occupe  depuis  longtemps. 

Je  regrette  enfin  de  ne  pouvoir  ajouter,  à  la  suite  de  ce 
livre,  des  observations  sur  les  Serpens  fossiles.  On  n'a 
trouvé  jusqu'à  présent  que  les  restes  d'un  très  petit  nom- 
bre (i);  et  ces  restes  ,  se  bornant  presque  toujours  à  quelques 
vertèbres,  souvent  a^^compagnées  de  côtes,  ou  tout-au-plus à 
quelques  pièces  isolées  du  crâne  ,  sont  trop  incomplètes  pour 
servir  à  la  détermination  exacte  des  genres  ou  des  familles  aux- 
quels ces  êtres  ont  appartenu.  Les  observations  peu  nombreu- 
ses faites  sur  les  serpens  fossiles,  paraissent  cependant  donner 
lieu  à  la  supposition,  que  ces  animaux  ne  se  trouvaient  pas  en 
abondance  dans  les  temps  antidiluviens,  et  qu'ils  n'existaient 
pas  encore  à  cette  époque  reculée  où  la  terre  était  peuplée 
par  ces  Sauriens  d'une  taille  énorme  ou  ces  animaux  curieux , 
connus  sous  les  noms  de  Plesiosaurus  ou  Ichtliysaurus, 
reptiles  dont  on  a  trouvé  tant  de  beaux  restes  dans  les  for- 
mations jurassique  et  de  craie. 

(i)  Consultez  les  travaux  de  Morren  ;  puis  Cuvier  Ossem,  foss, 
IV,  /?.  180  et  Fol.  F,  P.  2  ,  />.  168;  GoLDFUss  Nom  Jeta  XV  P. 
1  PI,  Z,fig.  8  etc. 


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