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Full text of "Etude sur la reproduction sexue de quelques champignons suprieurs"

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ETUDE 


SUR  LA 


REPRODUCTION    SEXUÉE 


DE    QUELQUES 


Champignons  supérieurs 


PAR 


A.    DE    GRAMONT    de    LESPARRE 


Avec  16  Jigîires  et  j  planches. 


PARIS 
Librairie  des  Sciences  Naturelles 

PAUL   KLINCKSIECK 

Eiliteur 
3,    RUE   CORNEILLE,    3 

I  go2 


REPRODUCTION     SEXUEE 

DE    QUELQUES 

Champignons  supérieurs 


ETUDE 


SUR  LA 


REPRODUCTION    SEXUEE 


DE    QUELQUES 


Champignons   supérieurs 


PAR 


A.    DE    GR AMONT    de    LESPARRE 


Avec  16  figures  et  j  pla?iches. 


LÏBRART 
NEW  YORK 

PARIS 
Librairie  des  Sciences  Naturelles 

PAUL   KLINCKSIECK 

Éditour 
3,    RUIv   CORNEILLE,    3 

I  902 


.    (^    (o% 


NEW  YORK 
BOTAMCAL 

INTRODUCTION  qarden 


Lorsque  nous  publiions,  il  y  a  quatre  ans,  le  résultat  de  nos 
recherches  sur  la  germination  des  spores  de  la  Truffe,  il 
paraissait  vraisemblable  que  le  même  mode  de  reproduction 
était  commun  aux  autres  champignons,  tout  au  moins  aux 
champignons  supérieurs.  Quelques  observations  faites  dans 
ce  sens  faisaient  prévoir  la  similitude  des  évolutions. 

Ces    prévisions    ont    été    confirmées.    Des    observations 

postérieures,  que  nous  résumons  dans  ce  volume,  ont  montré 

que  la  germination  sexuée  des  spores  de  la  Truffe  pouvait  être 

prise    comme    type    des    germinations   des    autres    espèces 

étudiées.  A  vrai  dire,  dans  l'ensemble,  le  type  pourrait  être 

choisi  presque  au  hasard,  tant  est  grande  la  ressemblance 

des  évolutions  au  point  de  vue  de  la  forme  comme  au  point 

de  vue  de  la  durée. 

^        Notre  première  étude  sur  les  spores  de  la  Truffe  était,  il 

p     faut  le  reconnaître,  quelque  peu  confuse  ;  des  faits  exception- 

'^     nels  ou   accessoires  y  tenaient  une    place  exagérée.    Nous 

.        nous  efforcerons  de  remédier  à  ce  défaut  qui,  peut-être  au 

j^     début,  n'était  pas  tout  à  fait  sans  excuse.   Lorsqu'on  étudie 

^     un  sujet  nouveau,  les  cas  particuliers  et  anormaux,  les  détails 

secondaires  jettent  dès  l'abord  le  trouble  dans  l'esprit.  On  ne 

'^.     discerne  pas  l'exception  de  la  règle,  l'accidentel,  du  perma- 

^ilQ^    nent;  c'est  à  la  longue,  après  de  nombreuses  recherches,  que 

05    les  grandes    lignes  s'accentuent,    se  précisent.    C'est   ainsi 

O^    qu'aujourd'hui  nous  pouvons  élaguer,  simplifier,  et  dans  cer- 

cpj     tains  cas  être  plus  affirmatifs.  Est-ce  à  dire  que  la  lumière  est 

'—     complète  ;  que  plus  rien  n'est  douteux  dans  l'évolution  exté- 


VI 


rieure  des  spores  et  dans  les  conclusions  qui  en  découlent  ? 
Bien  loin  de  là;  les  avis  peuvent  être  très  différents. 

J'incline  simplement  à  penser  que,  des  faits  observés,  de 
leur  constance,  de  leur  caractère,  peut  être  déduite  dans  ces 
traits  principaux  une  loi  que  j'appellerai  «  Loi  de  reproduc- 
tion sexuée  de...  quelques  champignons  supérieurs  ». 

Hàtons-nous  d'ajouter  que  si  nous  pensons  connaître  le 
cycle  extérieur  de  l'évolution,  comprenant  la  fécondation, 
l'autre  partie,  le  cycle  souterrain,  nous  échappe  encore. 
D'après  des  observations  variées  mais  trop  longues  à  rappor- 
ter ici,  nous  serions  portés  à  croire,  avec  beaucoup  d'autres, 
qu'il  s'exécute  dans  des  conditions  déterminées  en  dehors 
desquelles  il  n'a  pas  lieu.  Certains  aliments  seraient  indis- 
pensables et  le  germe  avorte  s'il  ne  les  rencontre  pas.  Le  my- 
célium serait  parasite  de  racines,  de  racines  en  général. 
Il  y  trouverait  de  l'humidité  dans  les  grandes  sécheresses 
sans  avoir  à  craindre  la  corruption  parasitaire.  Peut-être  cer- 
taines conditions  de  chaleur  et  de  temps  s'imposent- elles 
également.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  n'est  pas  ici  la  place  d'insis- 
ter sur  ces  questions  qui  ne  pourront  être  résolues  qu'après 
de  patientes  et  longues  recherches.  Constatons  seulement 
qu'un  premier  pas  dans  la  bonne  direction,  s'il  ne  transporte 
pas  au  but,  en  rapproche  apparemment. 

Parler  de  la  reproduction  sexuée  à  propos  de  champi- 
gnons supérieurs,  c'est,  nous  le  savons,  faire  acte  d'indisci- 
pline envers  les  représentants  de  certaine  science  officielle  et 
de  plus  s'aventurer  en  terrain  glissant  où  la  chute  est  facile. 
Bien  des  fois,  naguère,  on  a  cru  avoir  élucidé  le  problème  ; 
quelques  mycologues  le  tiennent  pour  résolu.  Il  y  a  bientôt 
trente  ans  une  communication  à  l'/Vcadémie  des  sciences, 
après  avoir  constaté  des  anastomoses  assez  ordinaires 
entre  filaments  conidies  et  bâtonnets,  se  terminait  par  cette 
retentissante  déclaration  «  que  le  mode  de  fécondation  des 
basidyomicètes  était  pleinement  démontré  ».  Quelques  mois 
après,  dans  une  autre  communication,  le  même  auteur  avouait 
son  erreur  et  reconnaissait  la  fausseté  de  ses  conclusions.  De 


—   VII   — 


pareilles  mésaventures  rendent  prudent.  Nous  ne  voulons 
donc  rien  affirmer  et  encore  moins  entreprendre  de  polé- 
mique dans  le  présent  ou  dans  l'avenir.  Notre  ambition  est 
simplement  de  placer  sous  les  yeux  du  lecteur,  d'une  part, 
les  raisons  qui  portent  à  croire  que  la  loi  de  reproduction 
sexuée  ressort  bien  des  faits  observés,  et,  d'autre  part,  les 
arguments  que  l'on  peut  invoquer  en  sens  contraire.  Chacun 
établira  sa  conviction  comme  il  l'entend.  Seuls,  les  résultats 
pratiques  d'une  culture  scientifique  trancheront  définitivement 
la  question. 

Voici  nos  raisons. 

a)  Différenciation  caractérisée  des  gamètes  et  forme  de  ces 
gamètes. 

b)  Attraction  visible  des  gamètes  l'une  par  l'antre,  jus- 
qu'aiL  toucher. 

c)  Dépérissement  et  destruction  rapide  du  germe  mâle. 

d)  Possibilité  d 'expliquer  par  la  loi  de  sexualité  certaines 
anomalies  singulières  de  la  reproductioji  des  champignons. 

e)  Enfin,  difficzilté  d'expliquer  autrement  que  par  les 
phases  d'tme  rénovation  sexuelle  les  faits  observés. 

Les  argfuments  contraires  sont  les  suivants  : 

y.  )  On  a  obtemi  certains  champignons  des  grandes  espèces 
par  développement  asexué  de  spore  uniqzie  sans  aucune  copiL- 
lation  rappelant  de  près  ou  de  loin  l'acte  sexttel. 

fi)  Les  diverses  phases  de  la  copulation  sexuée  dans  un 
grand  nontbre  d'oopiycètes  {principalement  ceîùx  qtci  se  repro- 
duisent par  iso garnie  à  la  façon  des  péronosporacés)  diffèrent 
tellement  de  ce  que  voîts  décrivez  qu'il  est  difficile  d'admettre 
que  la  nattire  ait  atteint  un  but  identique  par  des  moyens  si 
différents.  Dans  les  oomycètes  la  même  spore  engendre  des 
gamètes  de  sexes  différents  ;  dans  les  champignons  dont  vous 
parlez,  la  spore  serait  unisexuée. 

y)  Vos  observations  ne  s'accordent  pas  avec  les  principes 
de  la  fécondation  sexuelle  aujourd'hui  admis,  ni  avec  la  fé- 
condation sexuelle  même  des  champignons  SîLpérietirs  telle 
que  l'auraient  découverte  certains  botanistes  contemporains . 


—   VIII    — 

5  )  Noîis  avons  cherché  à  conti'vler  vos  observations,  nous 
n'avons  rien  vu. 

£)  Enfin  les  résultats  pratiques  manquent ,  donc,  rien  de 
certain. 

Examinons  ces  arguments  pour  et  contre  avec  quelques 
détails  clans  l'ordre  ci-dessus. 

a)  Différenciation  caractérisée  des  gamètes  et  forme  de  ces 
gamètes. 

La  forme  des  gamètes  est  en  effet  si  spéciale  qu'elle 
éveille  a  première  vue  l'idée  de  fécondation.  Le  type  mâle, 
malgré  ses  déformations,  reste  pointu,  en  forme  de  flèche.  La 
femelle,  nettement  ronde  en  général,  n'est  pas  à  vrai  dire  une 
gamète  puisqu'elle  devient  souvent  l'œuf  même  et  qu'elle 
paraît  susceptible  d'être  fécondée  sans  contact  immédiat, 
mais  à  travers  un  filament  ou  dans  la  spore  même.  En  un  mot, 
la  forme,  pour  l'un  et  l'autre  sexe,  surtout  dans  certaines 
espèces,  comme  le  Coprin,  par  exemple,  est  tout  à  fait  carac- 
téristique. 

Assurément  le  jet  secondaire  qui  sort  des  gamètes  les 
déforme  parfois  et  pourrait  même  faire  croire  a  une  germi- 
nation qui  serait  un  exemple  de  parthénogenèse  dans  notre 
système,  mais  il  est  aisé  de  voir  que  ces  jets  secondaires  se 
terminent  invariablement  par  une  autre  gamète  plus  petite  que 
la  première,  et  cherchant  à  féconder.  Lorsque  parfois  la  ga- 
mète femelle  prend  la  forme  tronconique,  elle  n'en  conserve 
pas  moins,  semble-t-il,  la  faculté  de  produire  un  œuf  cà  son 
extrémité  ou  sur  son  parcours.  Les  jets  secondaires  n'ont 
pas  été  observés  dans  toutes  les  espèces. 

b)  Attractioti  externe  et  visible  l'une  par  l'aiUrejusqu  'atc 
toîicher. 

Cette  attraction  paraît  si  visible,  si  nette,  qu'il  est  impos- 
sible de  la  comparer  à  des  effets  de  polarisation,  à  des  rap- 
prochements végétatifs  accidentels  ,  à  des  anastomoses 
comme  on  en  voit  entre  des  filaments,  ampoules  et  conidies 
voisins.  Elle  est  franche,  surmonte  les  obstacles,  se  fait  sentir 
à  travers  l'épiderme  du  limbe,  et  s'exerce  à  des  distances  rela- 


—   IX   — 


tivement  considérables,  par  exemple  de  plus  loin  que  le 
champ  du  microscope  à  1X200. 

Quant  au  tube  de  déversement  qui  servirait  au  mélang-e 
des  protoplasmes,  il  faut  avouer  que  nous  ne  l'avons  pas 
aperçu.  Ce  qui  doit  tranquilliser,  c'est  que,  alors  même  qu'il 
existerait,  il  serait  impossible  de  le  voir  dans  l'intérieur  des 
spores  et  des  gamètes  ;  la  couleur  de  celles-ci  empêcherait 
de  le  distinguer.  C'est  le  cas,  dans  toutes  les  espèces  que 
nous  avons  étudiées  ;  pour  un  grand  nombre  également  l'ex- 
trême petitesse  des  spores  et  sporules  femelles  et  des  gamètes 
mâles  rend  toute  observ^ation  de  ce  genre  très  aléatoire.  Tou- 
jours est-il  que  jamais  aucune  cloison  n'a  paru  exister  entre 
gamètes  ou  spores  comme  il  s'en  voit,  paraît-il,  entre  oo- 
gone et  anthéridie  dans  certains  ascomycètes  (Sphœroteca 
Castagnei)  qui  accompliraient  l'acte  sexuel  à  la  façon  des  Pe- 
ronosporacés  (i). 

c)   Dépérissement  et  desirtictïon  rapide  diL  germe  mâle. 

Le  dépérissement  est  rapide,  surtout  en  été.  Qu'il  y  ait 
eu  ou  non  fécondation,  la  gamète  s'effrite  bientôt  et  il  n'en 
reste  plus  que  quelque  poussière  noire.  Cette  désorganisa- 
tion de  la  gamète  mâle,  nous  a  laissé  longtemps  perplexe 
dans  les  débuts  ;  elle  paraissait  inexplicable  et  confondait  les 
prévisions. 

c)  Facilité  d'expliquer  par  la  loi  de  sexualité ,  telle 
qii  'elle  résulterait  de  nos  recherches ,  certaines  anomalies  au- 
trement incoinpi'éhensibles  de  la  reprodtiction  des  champi- 
gnons  supérieîirs. 

On  comprend  mieux,  en  admettant  la  sexualisation  sur 
lit  nuptial  approprié  et  non  ailleurs,  pourquoi  les  champi- 
gnons ne  se  multiplient  pas  indéfiniment  au  même  endroit  ou 
dans  un  rayon  rapproché,  malgré  le  nombre  véritablement 
immense  de  spores  contenues  dans  un  seul  sujet (2);  pourquoi 
l'on  voit  apparaître  à  l'improviste  des  espèces  nouvelles,  ou 

1.  Dangeard,  7"  série;  p.  119,  Le  Botaniste. 

2.  On  évalue  à  plusieurs  milliards  le  nombre  des  spores  contenues  dans  un 
seul  T.ycoperdon,  Vesce  de  Loup  géante! 


—  X   — 


du  moins  absentes  jusque-là  dans  des  localités  ou  sous  des 
bois  où  elles  n'avaient  jamais  été  vues  ;  pourquoi  l'on  n'a 
jamais  pu  faire  g-ermer,  jusqu'à  présent,  certaines  spores, 
dans  les  milieux  nutritifs  les  plus  appropriés  en  apparence  et 
les  plus  fournis  des  éléments  chimiques  nécessaires  à  la  nu- 
trition. On  comprend  mieux  pourquoi  diverses  variétés  nais- 
sent de  préférence  sous  tel  ou  tel  arbre,  surtout  lorsque, 
comme  pour  la  Truffe,  cet  arbre  est  presque  le  seul  à  garder 
des  feuilles  à  l'époque  de  l'année  oii,  le  tubercule  étant  mûr, 
la  dissémination  des  spores  est  plus  facile  et  leur  germination 
plus  énergique. 

Enfin,  et  ce  n'est  là  qu'une  pure  supposition  probablement 
sans  valeur,  le  rôle  obscur  de  certaines  conidïes,  de  ces  cel- 
lules de  formes  variées,  sortes  de  spores  de  seconde  généra- 
tion s'éclaircirait  d'un  jour  nouveau.  Les  conidies  que  l'on 
rencontre  en  nombre  immense  dans  les  champignons  infé- 
rieurs et  plus  rarement  dans  les  champignons  supérieurs  de 
grande  taille  naissent,  comme  on  sait,  tantôt  sur  le  thalle, 
comme  pour  le  Coprin,  l'Agaric  velutipes,  l'Agaric  tendre, 
le  Cyatre  ;  tantôt  sur  les  filaments  de  l'appareil  basidifère, 
comme  pour  la  Fistuline,  le  Polypore  sulfureux,  l'Hydre  hé- 
risson ;  tantôt  enfin  dans  des  cavités  de  formes  variées 
comme  pour  les  Pyrenomycètes,  les  Discomycètes,  les  Ce- 
nanges.  Chez  la  plupart  des  g-rands  champignons  supérieurs, 
elles  sont  infertiles,  ne  continuent  pas  la  plante  ;  beaucoup 
n'ont  jamais  germé  dans  les  milieux  nutritifs  en  apparence  les 
plus  favorables. 

Ne  pourrait-on,  dès  lors,  les  considérer  comme  des  sous- 
spores,  des  états  de  repos  de  filament,  attendant  les  circons- 
tances favorables  à  leur  développement  sexué)  comme 
une  sorte  de  bulbille  sexuée  incapable  dans  beaucoup  d'es- 
pèces de  continuer  agamiquement  la  plante,  mais  capable  de 
produire  une  j)lante  nouvelle  en  se  sexualisant,  lorsque  les 
circonstances  sont  favorables  et  sur  lit  nuptial  approprié? 

Il  est  assez  difficile  de  se  procurer  des  conidies  de  grands 
champignons  et  plus  difficile  encore  de  les  observer  sur  feuille 


XI 


avec  quelque  certitude  à  cause  de  leur  petitesse  et  de 
leur  transparence.  Mais  d'après  la  théorie  que  nous  venons 
d'énoncer ,  les  spores  de  champignons  obtenus  par 
agamie,  pourraient  être  physiologiquement  assimilées  à 
des  conidies. 

Nous  avons  ensemencé  sur  feuilles  quelques-unes  de  ces 
spores  de  psalliotes  champêtres  cultivés,  elles  ont  paru 
engendrer  des  gamètes  sexués  se  fécondant  suivant  la  règle 
ordinaire  ;  quant  aux  conidies  transparentes  d'autres  cham- 
pignons, l'observation  sur  feuille  est,  comme  je  l'ai  dit,  d'une 
telle  difficulté  que  l'on  ne  peut  rien  conclure  avec  certitude. 
C'est  le  cas  pour  les  conidies  formées  par  les  filaments  de 
Morille,  par  agamie,  dans  les  conditions  difficiles  à  réaliser 
développées  plus  loin  (v.  p.  55)-  Ce  qui  est  certain,  c'est  que 
ces  conidies  mise  en  terre  préparée,  par  conséquent  dans  un 
milieu  nutritif,  n'ont  rien  produit  après  huit  ans, 

e)  Impossibilité  d'expliqtter  auireinentqîie  par  les  phases 
d'une  rénovation  sextielle  les  faits  observés. 

Cette  preuve  bien  que  frisant  la  reductio  ad  absjtrdum, 
raisonnement  si  mal  vu  des  mathématiciens  et  à  juste  titre, 
n'en  conserve  pas  moins  ici  une  certaine  valeur. 

A  quoi  serait  bon,  en  effet,  que  pourrait  bien  signifier 
cette  évolution  singulière  et  bizarre  des  spores  sur  feuille, 
si  elle  ne  résumait  pas  les  phases  de  la  rénovation  sexuée  de 
l'espèce  ?  On  se  le  demande  en  vérité  ! 


Après  le  pour,  voici  le  contre,  c'est-à-dire  la  série  des  argu- 
ments contraires  énuraérés  page  VII,  et  sur  lesquels  se  basent 
ceux  qui  se  refusent  à  reconnaître  une  germination  sexuée 
ou  même,  le  croirait-on,  une  germination  quelconque  dans 
les  faits  observés. 

Ces  arguments  sont  loin  d'être  sans  valeur  ;  il  en  est 
auxquels  il  est  difficile  de  répondre.  D'autres  ne  méritent  pas 
qu'on  s'y  arrête  ;  de  ce  nombre  est  le  suivant  : 

a)  On  a  obtenu  certains  champignons  des  grandes  espèces 


XII 


par  développement  asexué  de  spore  -unique  sans  aticune  copzi- 
lation  rappelant  de  près  oti  de  loin  l'acte  sexuel. 

Témoins   (par  exemple)    le   champig-non    de  couche  qui 

vient  de  spores  ou  de  blanc;  le  Polypore  tuberastre  produit 

par  amas  solide  de  mycélium  et  de  calcaire  appelé  Pietra 

fungaia^  et    le  Tricholome  nu    récolté  dans  les  conditions 

suivantes  (i). 

«  Les  cultures  ont  été  obtenues  dans  des  pots  à  fleur  ou 
«  dans  des  meules  découvertes  formées  d'un  mélançe  de 
«  feuilles,  fumier,  etc., de  consistance  terreuse.  Les  fructifi- 
«  cations  sont  nombreuses,  mais  restent  le  plus  souvent  à 
«  l'état  d'ébauche  ;  elles  sont  comme  atrophiées  ;  seules 
«  les  meules  fournissent  quelques  sujets  comparables  comme 
«  aspect  et  comme  dimension  au  Tricholome  nu  naturel.  On 
«   n'a  obtenu  ni  conidies  ni  sclérotes.   » 

Ainsi  les  champignons  se  reproduisent  sans  fécondation 
nécessaire,  donc,  etc.,  etc. 

Il  est  à  peine  utile  de  répondre. 

Beaucoup  de  plantes  se  multiplient  par  bouture  comme 
les  peupliers,  saules  et  platanes  ;  par  racines  ou  rhizomes 
comme  l'Olivier  et  le  Nénuphar  ;  par  feuilles  comme  le 
Bégonia  Gloxinia  ;  par  cayeux  ou  bulbilles  comme  certaines 
Liliacées,  les  Aulx,  les  Hyacinthes,  la  Tulipe  ;  d'autres  sont 
réfractaires  à  ces  modes  de  propagation  et  ne  se  reproduisent 
que  de  semences. 

Il  en  va  ainsi  des  champignons  supérieurs.  Les  uns  naissent 
facilement  de  spores  non  fécondées,  de  blanc  ou  de  débris  de 
substance,  comme  ceux  que  l'on  vient  de  nommer  auxquels  il 
convient  d'ajouter  le  Mousseron,  etc.,  etc.,  et  paraît-il,  la 
Truffe  même,  s'il  faut  en  croire  les  expériences  de  M.  Kiefer 
(v.  page  39)  ;  expériences  qui  malheureusement  n'ont 
jamais  été  recommencées  avec  succès,  mais  qu'un  heureux 
chercheur  fera  peut-être  aboutir  un  jour. 

Les  autres  champignons,  et  c'est  le  plus  grand  nombre,  ne 

I.  Comptes-rcn'lu<;,  Arnilémie  des  sciences,  14  mars  189S. 


XIII 


peuvent  pas  être  obtenus  par  ces  procédés  dans  l'état  actuel 
de  nos  connaissances  ;  ils  viendraient  de  semence  seulement. 

De  toutes  façons,  la  reproduction  ou  plutôt  la  conti- 
nuation de  la  plante  par  agamie  pour  quelques  espèces, 
pour  toutes  mêmes,  si  cela  était,  n'aurait  aucune  importance 
dans  le  point  en  litige. 

11  est  même  à  remarquer  que  souvent  le  champignon, 
comme  d'autres  plantes,  dégénère  assez  rapidement,  même 
dans  les  milieux  les  plus  favorables,  lorsqu'il  est  obtenu  de 
spores  non  fécondées  ou  de  blanc.  C'est  le  cas  par  exemple 
des  Tricholomes  nus  et  des  Tricholomes  terreux  (voir  ci- 
dessus)  et  des  Coprins  stercoraires,  et  autres  du  même 
genre  (i). 

Ce  dépérissement  n'est-il  pas  un  argument  en  faveur  d'un 
rajeunissement  sexuel  nécessaire  de  loin  en  loin  et  ne  prouve- 
t-il  pas  ou  ne  fait-il  pas  présumer  que  la  fécondation  n'a  pas 
lieu  au  sein  du  champignon  même,  dans  les  asques  ou  les 
basides,  comme  le  prétendent  d'éminents  botanistes  contem- 
porains? 

p)  Les  diverses  phases  de  la  copiUation  sexîiée  dans  lui 
grand  nombre  d'oomycètes,  principalemejit  dans  ceitx  qni  se 
reproduisent  par  isogamie  à  la  façon  des  péronosporace's , 
diffèrent  tellement  de  ce  qiLe  vous  décrivez,  qtt  'il  est  difficile 
d'admettre  qiie  la  nature  ait  atteint  un  seul  et  même  but  par 
des  moyens  si  différents.  Dans  les  ooinycètes,  la  m.êtne  spore 
engendre  des  gamètes  de  sexes  différents  ;  dans  les  chatn- 
pignons  dont  vous  parlez,  la  spore  serait  unisexuée. 

On  sait  en  effet  que  dans  une  catégorie  entière  de  champi- 
gnons inférieurs,  Tordre  des  oomycètes,  les  modes  de  propa- 
gation sexués  et  asexués  coexistent  simultanément  ;  c'est-à- 
dire  que  tantôt  la  plante  se  continue  par  le  thalle  simple  issu 
d'une  spore,  d'une  oospore  ou  d'une  conidie,  tantôt  elle  sort 

I.  La  spore  d'un  Coprin  stercoraire  mesurant  dix  cent,  de  haut  et  cinq  à 
six  de  large,  ensemencée  dans  une  infusion  de  crottin  sur  porte-objets, 
produit  un  autre  Coprin  de  un  ou  deux  cent,  de  haut  et  un  demi  de  large;  et 
il  en  est  souvent  ainsi,  par  degrés  suivant  les  milieux,  avec  tendance  cons- 
tante à  la  dégénérescence. 


—  XIV  — 


d'un  œuf  engendré  par  la  rencontre,    la   fusion  de  filaments 

0 

OU  g-amètes  hétérogames  et  isogames  (i). 

Or  il  n'est  pas  douteux  que  si  la  fécondation  hétéroga- 
mique  par  anthéridie  présente  un  certain  degré  de  ressem- 
blance avec  ce  qui  a  été  observé  dans  les  fécondations  sur 
feuille,  par  contre  la  production  d'œufs  par  isogamie,  fusions, 
conjugaisons  en  diffère  singulièrement.  En  outre,  dans  les 
deux  cas,  il  résulterait  des  recherches  faites  à  ce  sujet  par 
les  botanistes  allemands,  que  la  même  spore  ou  la  même 
conidie  contient  naturellement  les  deux  sexes,  puisque  ceux- 
ci  ne  se  différencient  qu'après  la  germination,  sur  le  thalle 
même  issu  de  spore  unique. 

On  arrive  ainsi  à  cette  double  conclusion,  peu  conforme 
à  l'idée  d'uniformité,que  la  fécondation  dans  les  champignons 
revêt,  suivant  les  espèces,  des  formes  très  différentes,  que  pour 
les  uns,  la  spore  n'a  qu'un  sexe,  pour  les  autres,  elle  en  a  deux. 

La  première  de  ces  constatations  n'a  rien  qui  doive  effrayer, 
puisqu'il  était  d'ores  et  déjà  aisé  de  la  faire  en  comparant 
entre  eux  les  modes  de  fécondation  admis  pour  les  oomy- 
cètes  mêmes,  et  que  la  théorie  de  fécondation  sexuée  admise 
pour  ces  champignons  n'en  a  subi  aucun  accroc  et  subsiste 
quand  même. 

Si  l'on  admet  en  effet  que  les  fusions  nucléaires  ou  simple- 
ment protoplasmiques  constatées  dans  les  oomycètes  à 
gamètes  isog^ames,  tels  que  mucorinés,  chytridiacés,  etc., 
représentent  un  acte  sexuel,  il  faut  reconnaître  tjue  cet  acte 
diffère  morphologiquement  de  ce  qui  se  passe  chez  les 
oomycètes  à  gamètes  hétérogames  se  copulant  à  la  façon  des 
péronosporacés,  tout  autant  que  de  la  copulation  sur  feuille 
des  gamètes  de  certains  basidiomycètes  et  ascomycètes. 
Ainsi  l'objection  se  résoud  d'elle-même. 

Il  est   plus    difficile  d'accorder    l'unisexualité  des  spores 


I.  Nous  prenons  ici,  comme  base  de  discussion,  l'opinion  admise  que  les 
fusions  et  conjugaisons  nucléaires  dans  les  oomycètes  sont  des  copulations 
sexuelles, mais  sous  bénéfice  bien  entendu,  des  observations  et  des  réserves 
faites  à  ce-  sujet  dans  les  pajj^es  qui  suivent  (v.  p.  xvii). 


d'un  côté,  avec,  de  l'autre,  la  bisexualité  virtuelle  telle  qu'elle 
apparaît  dans  les  dessins  et  les  descriptions  qui  nous  repré- 
sentent la  fécondation  des  oomycètes,  tout  au  moins  des 
oomycètes  à  gamètes  isogames. 

Nous  savons  pourtant  que  dans  les  organismes  rudimen- 
taires  tels  que  les  thallophytes  en  général,  les  gamètes 
différenciées  ou  non,  issues  demème  spore,  sont  parfois  abso- 
lument voisines  dès  l'origine,  comme  par  exemple  dans  les 
Cladophores,  l'Ulotriche,  les  Œdogones,  la  Spirogire,  le 
Basidiobolus  Ranarum,  où  elles  sortent  ensemble  de  la  même 
spore  et  se  copulent  immédiatement.  C'est  une  propriété  de 
ces  végétaux  imparfliits  que  ce  voisinage,  cette  confusion  des 
germes  ;  mais  comme  cette  confusion  originelle  fréquente 
chez  les  végétaux  imparfaits  devient  plus  rare  au  fur  et  à 
mesure  de  leur  perfectionnement,  elle  pourrait  ne  pas  exister 
dans  les  grands  champignons  supérieurs,  sans  que  les  règles 
de  probabilité  ou  de  similitude  s'en  trouvent  violées.  Entre 
l'Amanite  et  la  Truffe  par  exemple  et  une  moisissure,  ou 
une  levure,  il  n'y  a  de  ressemblance  que  le  thalle  présent  et 
la  chlorophylle  absente.  Ces  particularités  étant  prises  comme 
bases  de  classification,  on  a  réuni  dans  la  même  classe  des 
végétaux  différents,  non  seulement  de  forme  et  d'aspect, 
mais  aussi  sans  doute  à  beaucoup  d'autres  points  de  vue. 

Cela  serait  donc  attribuer  à  la  nomenclature  un  rôle 
exagéré  que  d'en  conclure  que  les  spores  des  uns  doivent  être 
de  nature  identique  à  celle  des  autres,  d'autant  plus  que  nous 
connaissons  des  végétaux  moins  dissemblables  entre  eux  que 
les  champignons,  et  qui  cependant,  sans  cause  apparente 
sont  les  uns  monoïques  comme  les  Pins,  Sapins,  Cyprès,  les 
autres  dioïques  comme  l'If,  le  Saule,  le  Chanvre  ;  tantôt 
mâles,  tantôt  femelles,  tantôt  hermaphrodite  comme  leFrêne, 
et  avec  fleurs,  les  uns  unisexuées,  les  autres  bisexuées. 

Ceci  dit  pour  constater  la  possibilité  des  variations  phy- 
siologiques, reconnaissons  que  rien  ne  prouve  l'unisexualité 
de  la  spore  dans  les  espèces  que  nous  avons  étudiées. 
Certaines  observations  sur  les  spores  de  la  Truffe  tendraient 


—  XVI   — 


même  à  laisser  le  doute  subsister(fig-.  8).  Toutefois  comme 
on  ne  saurait  regarder  comme  certain,  pour  la  Truffe  spécia- 
lement, à  cause  des  débris  qui  couvrent  le  limbe,  ce  qui  n'a 
pas  été  vu  un  grand  nombre  de  fois,  il  paraît  sage  de  ne  pas 
se  prononcer  sur  cette  question  de  bisexualité  ou  d'unisexua- 
lité  de  la  spore. 

Y  )  Vos  observations  ne  s 'accordent pas  avec  les  principes  de 
la  fécondation  sexnée  aîijourd'hîii  admis^  ni  avec  la  fécon- 
dation sexuelle  même  telle  que  l'auraient  découverte  des  bota- 
nistes contemporains. 

La  formule  de  la  fécondation  sexuée  serait  la  suivante  : 

«  Toujours  et  partout  la  rénovation  sexuelle  est  précédée 
a  d'une  fusion  en  un  seul  de  deux  noyaux  accompagnés  de 
a  leur  protoplasme  ;  le  noyau  sexuel  qui  en  résulte  fournira 
«  en  se  divisant   le   noyau  de  l'embryon  ou  des  embryons.  » 

C'est  en  ces  termes  que  l'a  établie  M.  Dangeard,à  la  suite 
de  ses  études  sur  la  fécondation  sexuée,  tant  des  champignons 
que  des  autres  végétaux. 

L'éminent  professeur,  que  ses  savantes  et  originales  re- 
cherches ont  placé  dans  les  tout  premiers  rangs  des  bota- 
nistes modernes,  croit  trouver  l'application  de  cette  loi  dans 
l'acte  sexuel  des  champignons  supérieurs  qui  s'accomplirait, 
selon  lui,  à  l'intérieur  des  asques  oudesbasides.  L'unetl'autre 
feraient  2imsifonct\on  de  g-ametano^e,  en  ce  qu'ils  renferment  des 
noyaux  sexués,  des  gamètes,  (|ui  fusionnant  ensemble  en- 
gendrent ou  plutôt  deviennent  l'œuf  d'où  sortira  la  spore  sur 
la  baside  ou  dans  l'asque. 

Il  est  clair  que  cette  théorie  est  en  contradiction  avec 
celle  que  nous  proposons.  Les  deux  ne  peuvent  se  concilier. 
Comment  admettre  que,  dans  la  vie  d'une  même  plante,  il  y 
ait  deux  actes  sexuels  consécutifs  résultant,  l'un  d'une  fusion 
nucléaire,  l'autre  d'un  accouplement  sur  substance  appropriée 
dans  les  formes  que  nous  décrivons.  Il  est  tout  aussi  difficile 
de  concevoir  que  l'un  puisse  suppléer  à  l'autre.  Il  y  aurait 
alors  pour  les  champignons,  même  en  s'en  tenant  aux  espèces 
(jui  se  ressemblent,  trois  formes  de  copulations  différentes, 


—   XVII 


l'une  par  fusion  nucléaire,  l'autre  par  anthéridie  et  ascogone, 
le  troisième  par  accouplement  sur  substance  appropriée.  Cela 
serait  beaucoup  ;  il  semble  que  deux,  c'est  déjà  trop. 

Si  donc,  l'on  reconnaît  dans  les  accouplements  sur  feuille 
les  phases  d'une  évolution  sexuelle,  il  faut  alors  conclure  que 
les  fusions  nucléaires  ne  sont  que  des  phénomènes  d'ordre 
végétatif,  des  anastomoses  fortifiantes,  un  rajeunissement 
cytoplasmique.Etalors  le  plus  simple  n'est-il  pasde  se  ranger 
à  l'avis  déjà  exprimé  par  des  botanistes  dissidents  et  dépenser 
avec  eux  «  que  la  fusion  nucléaire  est  un  phénomène  d'impor- 
tance considérable  dans  la  vie  deschampig^nons,  mais  non  un 
acte  sexuel  ».  Bien  entendu  nos  observations  n'ayant  porté 
que  sur  certains  ascomycètes  et  basidiomycètes  proprement 
dits,  d'autres  basidiomycètes  ou  ascomycètes,  les  ustilaginés 
et  urédinés,  les  champignons  inférieurs  peuvent  être  rangés 
à  part.  Pour  ceux-là,  on  peut  dire  que  la  fusion  nucléaire  est 
le  seul  acte  sexuel  nécessaire. 

Malheureusement  il  existe  une  ressemblance  complète,  à 
tous  les  points  de  vue,  entre  les  fusions  nucléaires  qui  s'opè- 
rent dans  les  «  gametanges  »  des  champignons  que  nous 
avons  étudiés  (coprins,  truffes,  etc.)  et  les  fusions  nucléaires 
que  l'on  observe  dans  les  urédinés,  ustilaginés,  protobasidio- 

mycètes,  etc ,  si  bien  qu'il  est  difficile  de  reconnaître  aux 

unes  une  portée  physiologique  que  l'on  n'admet  pas  chez  les 
autres. 

Je  vais  plus  loin.  En  voyant  la  grande  ressemblance  qui 
existe  également  entre  les  fusions  nucléaires  des  soi-disant 
a  gamètes  »,  dans  les  gametanges  (asques  et  basides)  des 
basidiomycètes  et  ascomycètes  et  celles  de  certains  oomy- 
cètes  se  copulant  à  la  façon  des  mucorinés,  un  doute  vient  à 
l'esprit,  et  l'on  se  demande  si,  pour  ces  dernières  familles 
également,  on  n'a  pas  abusé  des  mots  gamètes,  œufs,  fécon- 
dation.  Evidemment  ces  questions  ne  sont  pas  définitivement 
résolues  et  de  nouvelles  recherches  s'imposent. 

û)  Nous  avons  cherché  à  contrôler  vos  observations  et 
iioîis  n'avons  rien  vu. 


XVIII 


Rien  vu  !  C'est  beaucoup  dire.  Sans  doute,  robservation 
n'est  pas  toujours  facile,  pour  la  Truffe  spécialement,  et  il 
faut  patience  et  habitude  pour  se  reconnaître  au  milieu  des 
spores,  pseudo-spores,  débris  de  tégument  ou  d'asque. 
Après  avoir  aperçu  pour  la  première  fois  une  spore  germant 
en  janvier,  l'auteur  est  resté  onze  mois  dans  l'incertitude  et 
absolument  dérouté,  malgré  des  observations  presque  quoti- 
diennes. Ce  n'est  qu'en  décembre  suivant  que  la  lumière  s'est 
faite  grâce  à  un  concours  exceptionnel  de  circonstances.  Pour 
le  Coprin,  malgré  le  grand  nombre  de  manquants ,  l'observa- 
tion est  facilitée  par  la  propreté  du  limbe  et  l'absence  de  débris. 

La  qualité  du  champignon  et  surtout  de  la  feuille  a  pour 
l'observation  une  importance  capitale.  On  se  heurte  à  des 
insuccès  complets  sans  savoir  pourquoi.  Il  n'y  a  qu'à  recom- 
mencer. Les  feuilles  jaunies,  desséchées,  sont  difficiles  à  exa- 
miner; ces  dernières  surtout  sur  les  arbres  un  peu  forts.  Les 
nervures  apparaissent  trop  ;  la  chlorophylle  en  se  condensant 
forme  des  contours  imperméables  à  la  lumière.  La  feuille 
petite,  verte,  à  limbe  plat,  permet  seule  de  bien  voir;  on  la 
trouve  sur  les  chênes  pubescents  jeunes  jusqu'en  février.  La 
feuille  de  sapin  argenté  est  aussi  assez  commode,  lors(]u'elle 
réussit. 

Quelquefois  les  ensemencements  n'ont  pas  été  faits  avec 
les  garanties  voulues.  Un  honorable  correspondant  se  plai- 
gnait de  ne  rien  apercevoir.  Un  peu  pressé,  il  finit  par  re- 
connaître qu'il  avait  employé  des  truffes  conservées  en  boîtes 
de  métal  d'après  un  procédé  secret,  c'est-à-dire  des  truffes 
passées  à  la  vapeur  et  stérilisées  ! 

D'autres  fois,  le  sentiment  domine.  Un  ancien  forestier, 
M.  Grimblot,  devant  le  Congrès  international  de  sylviculture, 
s'est  vivement  élevé  contre  nos  prétendues  découvertes.  11 
n'a  d'ailleurs  jamais  cherché  à  contrôler  l'exactitude  de  nos 
observations.  Cela  n'a  pas  lieu  de  surprendre.  M.  Grimblot  a 
écrit  autrefois  sur  la  Truffe,  et,  par  l'audace  de  ses  affirma- 
tions, il  montre  bien  (jue  les  révélations  du  microscope  sont 
pour  lui  lettre  morte.  Ne  va  t-il  pas  jusqu'à  dire,  dansîtne  bro- 


—   XIX    — 


chiLve publiée  en  i8']8,  que  la  Truffe  est  «  une  excrétion  radi- 
culaire,  d'abord  liquide,  puis  gélatineuse,  sorte  de  latex  albu- 
mineux  qui  s'organiserait  bientôt  en  Truffe  (i)  »,  et  cela  alors 
que  les  spores  de  ce  champignon  avaient  été  vues  et  dessi- 
nées, depuis  cent  cinquante  ans,  par  Tournefort,  Geoffroy, 
Micheli;  que,  depuis  ce  même  temps,  la  nature  fungique  du 
tubercule  ne  faisait  aucun  doute  pour  les  botanistes  sérieux  ; 
alors  enfin  qu'un  examen  de  trois  minutes,  avec  un  micros- 
cope d'enfant,  convaincrait  les  plus  incrédules!  N'insistons 
pas  et  constatons  seulement,  sur  un  autre  terrain,  l'intérêt 
des  expériences  entreprises  sous  la  direction  de  l'honorable 
forestier  par  le  transport  du  mycélium  truffier,  M.  Kiefer 
aurait  autrefois  réussi  de  cette  façon  dans  une  certaine  me- 
sure (voir  p.  39);  il  serait  à  désirer  que  l'on  connût  une 
méthode  scientifique  pour  user  de  ce  procédé  qui  restera 
peut-être  en  fin  de  compte,  pour  les  autres  champignons 
comme  pour  la  Truffe,  le  plus  rapide  et  le  plus  sûr. 

£.)    Les  résultats  pratiques  uianquent,  donc  rien  défait. 

Malheureusement,  dans  ces  sortes  d'essais,  les  jours  et 
les  heures  qui  suffisent  en  chimie,  physique  et  en  bactériologie 
deviennent  des  années.  Quant  à  la  Truffe,  il  semble  bien 
qu'avec  un  tour  de  main  spécial,  peut-être  connu,  peut-être  in- 
connu, le  succès  n'est  pas  improbable;  pour  les  autres  cham- 
pignons, le  cycle  de  l'évolution  souterraine  paraît  dépendre 
de  conditions  particulières  incomplètement  approfondies. 

Il  eût  été  plus  sage,  afin  d'éviter  la  critique,  de  ne  publier 
ce  livre  qu'après  avoir  obtenu  des  résultats  concluants  ;  je  le 
reconnais;  d'autre  part,  ces  résultats  peuvent  être  longs  à 
venir  et  le  meilleur  moyen  de  les  hâter  n'est-il  pas  de  mettre 
les  Trufficulteurs  en  mesure  de  les  provoquer  eux-mêmes. 
Les  longs  et  minutieux  détails  de  l'ensemencement  sur 
feuilles  contenus  au  chapitre  V,  ont  été  précisément  donnes 
afin  de  faciliter  les  expériences;  c'est  d'ailleurs  le  but  du  livre 
tout  entier. 

I.  Etudes  sur  les  Truffières  du  Vaucluse  ;  Grimblot  (1878). 


XX    — 


Remarquons-le,  en  terminant,  la  nécessité  d'une  germi- 
nation  sexuée  pour  les  thallophites  a  toujours  été  si  bien 
admise  en  principe,  cjue  la  discussion  entre  les  botanistes  porte 
non  sur  son  existence,  mais  sur  la  manière  dont  elle  se  pro- 
duit. 

Sans  parler  des  oomycèies  qui  doivent  leur  nom  à  ce  fait 
que  l'œuf  s'y  formerait  à  la  suite  de  ce  qu'on  a  appelé  une 
copulation,  on  a  cru  successivement  apercevoir  les  phases  de 
l'acte  sexuel  sur  le  thalle  de  certains  Pezises  et  de  quelques 
Erysiphes,  dans  les  spermaties  d'espèces  à  spermogonies 
comme  les  Coprins,  dans  les  scolecistes  des  Ascoboles,  dans 
les  cystides  des  Hymenomycètes,  dans  les  raacrocystes  à  glo- 
bules qui  se  développent  sur  le  thalle  d'Agaricinées,  enfin 
dans  la  fusion  des  noyaux  contenus  dans  les  basides  et  asques 
(ou  gametanges)  des  Basidiomycètes  et  Ascomycètes  ;  mais 
presque  toujours  les  trois  caractères  de  la  fécondation,  con- 
fusion de  protoplasmes,  permanence  de  l'œuf,  dépérissement 
du  germe  mâle  ne  se  trouvaient  pas  réunis,  ou  bien  l'unifor- 
mité, la  généralité  et  la  constance  des  phénomènes  faisaient 
défaut.  Pour  ces  raisons  et  pour  d'autres,  un  éminent  profes- 
seur, après  avoir  plusieurs  fois  changé  d'avis  sur  la  matière, 
écrivait  en  1891  (i )  : 

«  Ou  bien  ces  plantes  ont  toujours  été  incapables  de  pro- 
duire des  œufs,  elles  sont  agames  de  leur  nature.  Ou  bien, 
douées  autrefois  de  sexualité,  elles  ont  perdu  sans  retour  la 
faculté  de  produire  des  œufs.  Ou  bien  elles  sont  douées  de 
sexualité,  mais  ne  forment  leurs  œufs  qu'à  de  rares  intervalles, 
dans  des  conditions  de  milieu  toutes  spéciales;  il  en  résulte 
que  ces  œaifs  ont  échappé  auX' observations,  et  leur  décou- 
verte est  réservée  aux  efforts  de  l'avenir.  »  (Van  TiEGHEM, 
Traité  de  Botanique.) 

Ainsi,  proposer  une  théorie  pour  la  fécondation  sexuée 
des  champignons,  c'est  chercher  à  combler  une  lacune,  ce 
n'est  pas  introduire  une  nouveauté. 

I.  Van  TiliGHEM,  Traité  de  Botanique. 


CHAPITRE   PREMIER 


LA   TRUFFE 

Origines  attribuées  à  la  Truffe  dans  les  temps  anciens  et  modernes. 
Temps  anciens,  de  350  avant  Jésus-Christ  au  milieu  du  xv^  siècle; 
temps  modernes,  du  milieu  du  xV  siècle  à  nos  jours. 


A  tout  seigneur  tout  honneur.  Nous  commencerons  donc 
par  la  Truffe,  le  premier,  sans  contredit,  dans  l'espèce 
fungique. 

On  m'excusera  de  consacrer  au  début  quelques  pages 
aux  opinions  qui  ont  eu  cours  à  différentes  époques  sur 
l'origine  de  ce  champignon  ;  cet  aperçu  historique  rentre  en 
quelque  sorte  dans  notre  sujet,  en  ce  qu'il  permet  de 
mesurer  la  voie  parcourue  et  les  progrès  accomplis. 


Théophraste,  disciple  d'Aristote,  parle  pour  la  pre- 
mière fois  des  truffes,  350  ans  avant  J.-C,  et  les  appelle 
«  des  végétaux  privés  de  racines  qu'engendrent  les  pluies 
d'automne  accompagnées  de  coups  de  tonnerre  ». 

Quatre  siècles  plus  tard,  Dioscoride  les  qualifie  de 
«  racines  tubéreuses  que  la  terre  produit  et  arrondit  en  soi 
par  une  vertu  secrète  » . 

Athénée,  puis  Cicéron  les  regardent  comme  des  «  enfants 
de  la  terre,  production  spontanée  du  sol  ».  Pour  Porphyre, 
elles  sont  des  «  enfants  des  Dieux  »  ;  pour  le  naturaliste  Pline, 
«  des  callosités  de  la  terre,  miracles  de  la  nature  ». 

Juvénal,  Plutarque,  les  considèrent  comme  a  un  produit 
de  la  foudre  et  des  orages  »,  opinion  évidemment  fausse 
mais  basée  sur  une  observation  exacte,  car  il  est  constant 


2    — 


que  les    pluies    d'orage,    surtout    en   juillet,    favorisent    la 
production  des  truffières. 

Néandre  écrit  en  1499  «  qu'elles  sont  faites  du  limon  de 
la  terre  modifié  par  la  chaleur  centrale  ».  Encelius,  qu'elles 
sont  formées  «  de  la  pituite  des  arbres  ».  Ceccarelli  pense 
qu'elles  naissent  dans  le  sol  à  la  suite  de  la  chaleur  putride 
développée  par  les  orages.  Ce  lettré,  l'un  des  plus  illustres 
du  XVI®  siècle,  s'exprime  ainsi  : 

0  La  propriété  de  la  terre,  préparée  par  la  chaleur  du 
«  soleil,  mise  en  action  par  les  tonnerres  et  les  pluies  qui 
«  déterminent  une  chaleur  putride,  donne  naissance  aux 
«  Truffes.  Par  la  raison  des  contraires,  lorsque  la  chaleur 
«  cuit  la  matière  froide,  humide  et  tenue,  il  en  résulte  des 
«  germes  sans  racines,  c'est  ce  que  nous  appelons  des 
«  champignons.  » 

Et  plus  loin  : 

«  Il  existe  cinq  éléments  dans  la  Trufte  :  l'écorce,  la 
«  pulpe,  l'humidité,  l'odeur  et  la  couleur.  L'écorce  est  formée 
«  par  la  terre  puisqu'elle  provient  du  froid  et  du  sec  ;  la  pulpe 
«  a  deux  parties,  l'une  crasse,  l'autre  ténue  :  la  crasse  vient 
«  de  la  terre,  la  ténue  de  l'air;  l'humidité  vient  de  l'eau; 
«  l'odeur  et  la  couleur  du  feu.  L'ensemble  concourt  à  la 
«  génération  des  Truffes  (i).  » 

Dans  tous  ces  cas  il  s'agit,  sans  doute,  non  de  la  Truffe 
du  Périgord,  ou  Ttiber  inelanospoi'unt,  mais  des  variétés 
diverses  que  l'on  récolte  en  Italie  et  en  Grèce. 

Du  XVI"  siècle  au  commencement  du  XVIH'',  c'est-à-dire, 
pendant  un  intervalle  d'environ  cent  ans,  il  n'est  rien  écrit  de 
nouveau  sur  l'origine  des  Truffes  :  et,  cependant,  leur  succès 
gastronomique  va  grandissant  et  se  généralisant. 

C'est  en  17 11,  avec  le  botaniste  Tournefort,  que  recom- 
mencent les  recherches  scientifiques  sur  la  nature  de  ces  tuber- 
cules, recherches  dès  lors  conduites  avec  méthode  et  préci- 
sion,   mais     néanmoins     délicates     et    sujettes     à    caution, 

I.  Conférence  sur  la  Trufficulturc,  i)ar  A.  de  Bosredon. 


—  3  — 

puisqu'elles  sont  faites  avec  l'aide  d'une  simple  loupe  très 
imparfaite  et  de  faible  grossissement. 

Le  microscope  apparaît  alors,  et  avec  lui,  nous  entrons 
dans  ce  qu'on  peut  appeler,  pour  notre  sujet,  la  période  mo- 
derne. 

A  l'aide  de  cet  instrument,  Geoffroy,  Micheli  et  d'autres, 
reprenant  les  recherches  antérieures,  ne  tardent  pas  à  décou- 
vrir, à  décrire  et  à  dessiner  les  vésicules  ou  asques,  conte- 
nant chacun  de  une  à  quatre  spores  improprement  appelées 
Truffmelles,  dont  la  réunion  en  masse  forme  la  presque  tota- 
lité de  la  pulpe  trufhère.  La  semence  est  trouvée  ;  la  Truffe 
est  un  végétal,  un  champignon. 

Temps  modernes  du  milieu  du  XIX"  siècle  à  nos 
jours.  —  Il  semble  qu'à  la  suite  de  ces  constatations  la  na- 
ture fungique  de  la  Truffe  ne  devrait  faire  doute  pour  per- 
sonne. Il  est  loin  d'en  être  ainsi  cependant.  Beaucoup  de 
trufficulteurs  continuent  à  nier,  et  leurs  arguments,  il  faut 
le  reconnaître,  ne  sont  pas  sans  valeur. 

«  Si  la  Truffe  est  un  champignon,  disent-ils,  si  les  points 
«  noirs  que  vous  avez  découverts  sont  des  semences,  mon- 
«  trez-nous  une  germination,  faites-voir  le  mycélium,  le  blanc 
«   ou  système  radiculaire  d'où  sort  le  champignon.  » 

Or  jamais,  malgré  d'innombrables  essais,  on  n'avait  vu 
'germer  une  spore  de  truffe.  Quant  au  mycélium,  quelques 
botanistes  ont  cru  l'apercevoir,  mais  rien  de  sûr  à  cet  égard. 
Pour  les  uns,  il  serait  incolore  ;  pour  les  autres,  brun.  Pour  les 
uns,  il  adhérerait  aux  racines;  pour  les  autres,  il  en  serait 
complètement  indépendant,  etc.,  etc. 

En  réalité  ce  sont  là  des  hypothèses.  A  part  quelques 
fibrilles  longues  de  trois  ou  quatre  millimètres  et  adhérentes 
au  péridium,  on  n'a  rien  vu  en  terre  ou  sur  racines  qui  puisse 
être  qualifié,  avec  apparence  de  certitude,  de  mycélium  truf- 
fier  (i), 

I.  Si  l'on  en  juge  par  la  germination  de  l'œuf,  le  mycélium  truffier  serait 
d'une  ténuité  telle  qu'il  est  impossible  de  l'apercevoir. 


—  4  — 

Il  faudrait  donc  admettre  que  le  mycélium  disparaît  avant 
la  maturité  du  tubercule.  «  La  TrufFette  arrivée  à  la  grosseur 
«  d'un  pois,  c'est-à-dire  trois  mois  avant  d'être  mûre,  se 
«  dépouille  de  tout  feutrage  mycélien  et  grossit  par  ses 
.'  seules  forces,  d'après  un  mécanisme  inconnu.  »  Cette  opi- 
nion compte  de  nombreux  adhérents. 

«  Mais  alors,  objecte-t-on,  vous  supposez  que  la  nature, 
«  après  avoir  mis  en  œuvre  une  organisation  mycélienne 
«  étendue  et  compliquée,  la  Truffière  en  un  mot,  pour  pro- 
«  duire  un  embryon  gros  comme  un  pois,  l'abandonne  en  ce 
«  moment,  nu  et  sans  organes  d'absorption  ;  alors  qu'il  doit 
«  en  trois  mois  centupler  de  volume  (i)!  C'est  bien  invrai- 
«   semblable!  » 

Devant  ces  doutes  et  ces  difficultés,  faut-il  s'étonner  si, 
jusque  dans  ces  derniers  temps,  d'habiles  trufficulteurs,  vivant 
en  plein  pays  truffier,  ont  cherché  à  la  formation  des  truffes 
d'autres  explications  que  celles  de  la  reproduction  par 
spores. 

Quoi  qu'il  en  soit,  aujourd'hui,  la  question  paraît  résolue 
et  les  diverses  hypothèses  admises  depuis  Tournefort  et  Geof- 
froy n'ont  plus  qu'un  intérêt  historique.  Nous  les  résumerons 
donc  brièvement  par  ordre  chronologique. 

1740-1800.  —  BuUiard  et  Walson  :  les  truffes  seraient 
des  végétaux  vivipares;  les  spores  sont  vivantes  et  animées. 

1833-1857.  —  MM.  Et.  Bonnet  et  Martin-Ravel  pro- 
fessent la  théorie  de  la  mouche  truffière.  Piquée  par  une  de 
ces  mouches,  au  printemps,  la  racine  excrète  un  suc  laiteux 
qui  se  concrète,  se  solidifie  et  devient  truffe. 

1867-18C)8.  —  Pour  M.  de  Bressy,  les  truffes  sont  cham- 
pignons parasites  des  racines.  La  lune  aurait  une  grande 
influence  sur  leur  évolution  qui  serait  de  trente  jours,  comme 

I.  L';inatomic  ne  montre  dans  le  péridium  de  la  Truffe  ni  pores  corti- 
cales ni  vaisseaux  servant  à  la  circulation. 


—  5  — 

la  période  lunaire.  A  la  pleine  lune  la  maturité  serait  à  son 
apogée. 

1862-1871.  —  L'abbé  Charvat,  curé  de  Réauville,  l'un 
des  fondateurs  de  la  Trufficulture  dans  la  Drôme,  pense  que 
la  Truffe  est  produite  «  par  une  sorte  d'exsudation  des 
rameaux  et  des  feuilles  tombant  sur  le  sol»,  conclusion  fausse 
assurément,  mais  tirée  d'observations  rigoureusement  exactes 
et  précises. 

Nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de  citer  en  entier  le  pas- 
sage dans  lequel  l'abbé  Charvat  explique  et  justifie  son  opi- 
nion ;  on  le  dirait  écrit  après  coup  et  simplement  à  l'appui  de 
nos  propres  constatations  sur  l'origine  des  Truffières. 

«  J"ai  observé,  écrit  l'abbé  Charvat,  j'ai  interrogé  beau- 
<■(  coup  de  monde,  tout  ce  que  j'ai  vu  et  entendu  m'a  fait 
«  rejeter  la  théorie  de  la  mouche,  du  mycélium,  des  sémi- 
«  nules  et  des  racines,  et  m'a  conduit  forcément  à  conclure 
«  que  le  principe  générateur  de  la  Truffe  vient  des  bi'anches. 
«  Un  gros  arbre  truffier  produit  des  Truffes  à  une  distance 
<i  proportionnée  au  rayon  de  ses  branches,  loin  du  tronc, 
«  cela  veut  dire...  Ainsi  les  branches  sont  étendues,  les 
«  Truffes  sont  loin;  les  branches  disparaissent  (si  on  les 
«  coupe),  les  Truffes  disparaissent;  les  branches  reviennent, 
«  les  Truffes  reviennent.  Donc  la  présence  et  l'absence,  l'âge 
«  et  la  mesure  des  branches  règlent,  modifient  la  germination 
«  et  le  siège  des  Truffes  ;  donc  les  Truffes  sont  dans  la  dépen- 
«  dance  des  branches.  Que  me  reste-t-il  à  dire,  sinon  que  la 
«  semence  de  la  Truffe  est  fournie  par  les  branches  ?  —  C'est 
«  un  fait  constant  que  les  branches  des  arbres  produisent  les 
«  fruits  et  la  semence,  et  que  les  racines  nourrissent  le  tout: 
«  pourquoi  l'arbre  truffier  ne  serait-il  pas  soumis  à  cette  loi 
«  générale?  Donc  le  germe  des  Truffes  vient  des  branches, 
«  non  des  racines,  ou  de  toute  autre  cause.  Mais  quel  est  ce 
«  germe?  J'ai  observé  des  chênes  truffiers  d'assez  près  et  en 
«  toute  saison  et  je  n'y  ai  rien  vu,  rien  de  granuliforme,  ni 
«  gousse...  rien  que  l'on  puisse  prendre  pour  une  semence; 


—  6  — 

«  j'ai  remarqué  seulement  sur  les  branches  et  rameaux  une 
«  efflorescence  ou  poussière  cendrée,  comparable  à  la  pous- 
«  sière  qui  couvre  les  prunes  et  les  raisins,  mais  plus  adhé- 
«  rente  à  l'écorce.  Les  rosées,  les  pluies  ne  pourraient-elles 
«  délayer  cette  poussière  ténue  et  l'entraîner  dans  le  sol?  Une 
«  fois  en  terre  et  imbibée  de  fraîcheur,  quelle  difficulté  ver- 
«  rait-on  à  ce  que  cette  matière  devint  le  germe  et  le  rudi- 
«  ment  de  la  Truffe?  Le  pollen  des  fleurs  n'est  qu'une  pous- 
«   sière,  mais  n'est-il  pas  une  poussière  vivante? 

«  Les  vents  ne  pourraient-ils  détacher  ces  molécules  en 
«  temps  sec  et  les  éparpiller  sur  la  terre,  ou  les  emporter 
«  dans  des  gouttes  d'eau,  en  temps  de  pluie,  à  des  distances 
«  éloignées?...  —  Le  germe  de  la  Truffe,  venant,  selon  toute 
«  apparence,  des  branches  de  l'arbre,  tombe  de  lui-même 
«  lorsqu'il  est  mùr,  ou  bien  il  est  entraîné  par  les  agents  de 
«  la  nature;  une  fois  dans  ces  conditions  de  végétation,  il  se 
«  nourrit  comme  tous  les  germes  vivants,  s'organise,  s'en- 
«  toure  de  papilles  ou  suçoirs  et  aspire  les  sucs  qui  sont  près 
a  de  lui.  Plus  je  vais  et  plus  je  vois  que  le  germe  de  la 
a  Truffe  vient  des  branches,  des  rameaux  et  des  feuilles.  » 

L'abbé  Charvat  a  côtoyé  la  vérité  d'aussi  près  que  pos- 
sible, il  ne  lui  a  peut-être  manqué  qu'un  microscope  pour 
réussir. 

1874-1878.  —  J.  de  Valserre  reprend  et  soutient  avec 
conviction  la  théorie  de  la  mouche  truffigène,  opinion  que 
partagent  encore  nombre  de  trufficulteurs  et  que  semble 
préconiser  le  Dictiotmaire  de  Larousse. 

1878-1892.  —  Pour  M.  Grimblot,  longtemps  inspecteur 
des  forêts  dans  le  Vaucluse,  la  Truffe  est  produite  «  par  une 
«  excrétion  radiculaire  d'abord  liquide,  puis  gélatineuse, 
«  sorte  de  latex  albumincux  qui  s'organiserait  bientôt  en 
«  truffe  ».  Cette  opinion  fut  ensuite  abandonnée  par  son 
auteur  devenu  partisan  de  la  nature  fungique  de  la  truffe. 

Enfin,  d'après  M.  Lasaveldat,  grand  négociant  en  truffes 


du  Périgord,  a  ces  tubercules  s'engendrent  dans  tous  les 
«  sols  favorables  sous  l'influence  de  la  chaleur  et  de  l'humi- 
«  dite  déterminant  une  fermentation.  La  Truffe  se  forme 
«  d'abord  profondément  dans  les  entrailles  de  la  terre,  puis 
«  elle  remonte  peu  à  peu  vers  la  surface  ;  les  arbres  n'en 
«  favorisent  le  développement  que  par  leur  ombre,  etc.  » 

Rappelons,  avant  de  clore  ce  chapitre,  ce  que  nous 
avons  dit  en  commençant.  Depuis  la  fin  du  XVIII"  siècle, 
époque  à  laquelle  la  botanique  s'est  constituée  en  science 
par  la  distinction  des  plantes  dans  leurs  caractères  propres 
et  l'établissement  des  grandes  divisions  naturelles,  la  nature 
fungique  de  la  truffe  n'est  plus  sérieusement  mise  en  ques- 
tion par  le  monde  savant,  malgré  les  hypothèses  contraires 
que  nous  avons  rapportées. 

La  Truffe  est  donc  un  champignon,  c'est  un  point  acquis. 
Mais  lorsqu'il  s'agit  de  savoir  si  le  mycélium  de  ce  champi- 
gnon est  ou  n'est  pas  parasite  (i),  le  désaccord  recommence. 

Il  faut  avouer  que  la  question  n'est  pas  facile  à  résoudre. 
Les  recherches  faites  sur  différents  tubéracés,tels  qu'Elapho- 
micès,  truffes  jaunes,  etc.,  etc.,  tendraient  bien  à  établir  une 
certaine  corrélation  entre  l'existence  en  terre  du  mycélium 
de  ces  champignons  et  l'état  des  racines,  mais  la  continuité 
entre  le  mycélium  aperçu  sur  les  racines  et  celui  de  ces 
champignons  et  notamment  de  la  Tiiber  inelanosportun  n'a 
pas  été  observée  de  façon  certaine. 

Il  est  également  connu  que  le  gazon  et  les  plantes  adven- 
tices dépérissent  au-dessus  des  truffières,  ce  qui  donne  à 
penser  que  celles-ci  se  nourrissent  de  leurs  sucs  ;  mais, 
d'autre  part,  il  résulte  de  témoignages  dignes  de  foi  que  des 
truffes  ont  été  récoltées,  dans  des  cas  rares  mais  dûment 
constatés,  loin  de  tout  chêne  ou  arbre  quelconque. 

I.  Un  champig-non  est  parasite  lorsqu'il  vit  aux  dépens  des  tissus  org-a- 
niques  vivants;  il  est  non  parasite  on  saprophite  lorsqu'il  se  développe  sur 
des  corps  déjà  malades  ou  en  voie  de  décomposition.  Si  la  Truffière  est 
parasite,  elle  se  nourrit  avec  les  racines  d'arbres  ou  d'herbes  environnantes; 
si  elle  ne  l'est  pas,  elle  n'a  aucun  lien  nécessaire  avec  ces  racines  et  par 
conséquent  peut  s'en  passer. 


—  8 


Que  conclure  de  tout  cela?  A  notre  avis,  que  le  mycélium 
truffier,  tout  en  étant  volontiers  parasite  des  racines  d'arbre 
dans  lesquelles  il  trouve  une  nourriture  qui  lui  manque  ail- 
leurs, peut  néanmoins  se  passer  des  racines  s'il  trouve  à 
s'alimenter  d'autre  façon  ;  qu'il  est  donc  parasite,  mais  non 
parasite  nécessaire  de  ces  racines,  ou  peut-être  parasite  et 
saprbphite  en  même  temps. 


CHAPITRE    II 


Description  de  la    Truffe.  —  Conditions  de  germination  des  spores. 
Agents  de  transport.  —  La  feuille  est-elle  nécessaire? 


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Description  de  la  Truffe.  —  Si   l'on  coupe  en  deux 
une   Truffe  du  Périgord,    on   voit   à   l'intérieur  une  masse 
ou  glèbe  compacte,  d'un  noir 
brunâtre,   sillonnée  de  veines 
blanches.  La  couche  extérieure 
est  mince,  dure,  verruqueuse. 

Les  veines  blanches  ne  sont 
autre  chose  que  des  canaux 
aérifères  destinés  à  faire  circu- 
ler l'air  jusque  dans  l'intérieur 
de  la  masse  ou  glèbe,  qui  peut 
ainsi  se  for:::er  et  mûrir  en 
même  temps  que  les  couches 
extérieures. 

Prenons  une  section  de 
glèbe  confinant  à  l'extérieur 
et  examinons-la  avec  un  gros- 
sissement de  150  à  200.  Nous 
apercevrons  (fig.  i)  d'abord 
le  péridium  ou  enveloppe  ru- 
gueuse   extérieure,    formé   de 

cellules  indépendantes  sans  vie;  puis,  au-dessous,  un  amas 
de  filaments  transparents,  cloisonnés,  dont  les  uns  sont 
restés  stériles  et  les  autres,  fructifères,  forment  de  petits 
sacs  transparents  au  milieu  desquels  nagent  de  une  à  quatre 
spores  (fig.  2). 

Ces  spores  improprement   appelées   Truffinelles  par  les 


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Fijj.  I.  —  Coupe   d'une   portion    de    7'uief 
inelanosporinn  d'après  Tulasne. 


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botanistes  qui  les  ont  décrites  pour  la  première  fois,  sont 
ovales,  d'un  brun  plus  ou  moins  foncé,  hérissées  de  papilles 
sur  toute  leur  surface. 

La  Truffe  qui  vient  d'être  décrite  est  la  Truffe  du  Périgord 
ou  Tiiber  melanosporiim  ;  mais  il  en  existe  un  grand  nombre 

d'autres,  différentes  de  celle-ci  par  l'enve- 
loppe plus  ou  moins  verruqueuse,  quel- 
quefois lisse  ;  par  la  couleur  qui  est  par- 
fois grise  ou  blanche  ;  par  le  nombre  des 
spores  contenues  dans  chaque  asque  ;  par 
la  forme  même  de  ces  spores  qui  peuvent 
être  rondes,  lisses,  réticulées-alvéolées, 
dépourvues  de  papilles;  par  l'odeur 
enfin,  le  goût,  l'époque  de  maturité,  l'ha- 
bitat. 

Ainsi,  la  Truffe  de  Bourgogne,  fort 
inférieure,  comme  on  sait,  à  la  Truffe  du 
Périgord,  en  diffère  au  point  de  vue  bota- 
nique par  les  spores  qui  sont  alvéolées 
et  garnies  de  papilles  recourbées  en  cro- 
chet à  leur  extrémité  ainsi  que  par 
l'époque  plus  hâtive  de  sa  maturité.  La 
Truffe  d'été,  si  répandue  en  France,  que 
l'on  trouve  dans  les  charmilles,  sous  les 
hêtres,  etc.,  se  distingue  par  la  couleur 
jaunâtre  de  sa  glèbe,  le  moins  grand 
nombre  de  spores,  l'absence  d'arôme,  etc.,  etc. 

La  Truffe  d'Italie,  ou  truffe,  à  l'ail,  est  blanche,  à  enve- 
loppe lisse,  à  spores  alvéolées-réticulées,  blanches  et  trans- 
parentes; son  arôme  est  pénétrant. 

Malgré  ces  différences  de  détails,  l'ensemble  de  la  consti- 
tution des  Truffes  est  naturellement  partout  le  même  et 
répond  d'une  manière  générale  à  ce  que  montre  la  figure  (i). 


Fig.  2.  —  Asquea  de  la 
Truffe  du  Périgord, 
avec  leurs  spores. 


Conditions  de  g'ermination    des    spores.   —    Les 

spores  contenues  dans  les  asques  arrivent  à  maturité  presque 


—    II 


toutes  en  même  temps;  mais  alors  même  qu'elles  sont  mûres, 
elles  ne  germent  ni  dans  leur  asque  ni  au  dehors  et  mises 
en  terre.  Pour  germer  il  faut  (qu'elles  aient  été  extraites  de 
leur  asque  et  transportées  sur  la  substance  propre  à  leur  évo- 
lution, et  cette  substance  n'est  autre  que  le  limbe  des  feuilles 
de  certains  arbres,  tels  que  chênes,  noisetiers,  conifères  (sapins 
argentés),  etc.  Les  expériences  tentées  sur  ces  espèces  ont 
donné  des  résultats  satisfaisants,  mais  il  est  probable  que  l'on 
réussirait  également  sur  d'autres  feuilles.  La  nervure  centrale 
ou  son  voisinage  paraissent  être  l'endroit  le  plus  favorable. 

Sur  chênes,  noisetiers,  etc.,  les  spores  se  fixent  sans 
difficultés,  grâce  aux  papilles  de  leur  tégument  ;  sur  conifères, 
il  semble  que  les  exsudations  de  la  surface  du  limbe  facilitent 
l'adhérence. 

Il  se  passe  sans  doute  quelque  chose  d'analogue  pour  les 
Terfas  ou  truffes  d'Afrique  que  l'on  récolte  sous  les  Hélian- 
thèmes  ou  près  des  Cistes,  arbustes  dont  la  feuille,  même  en 
pleine  chaleur,  est  humectée  et  visqueuse  ;  il  paraît  vraisem- 
blable que  la  feuille  de  Ciste  joue  envers  les  spores  de  Terfas 
un  rôle  pareil  à  celui  que  remplissent  les  feuilles  de  nos 
arbres  vis-à-vis  de  la  truffe  du  Périgord. 

Il  n'est  pas  nécessaire  que  la  feuille  soit  encore  verte  ou 
attachée  à  l'arbre  pour  être  un  substratum  propice  à  la  ger- 
mination. J'ai  vu  des  spores  germer  sur  feuilles  de  chêne 
sèches  vieilles  d'une  année  et  conservées  tout  ce  temps  dans 
un  tiroir.  Remarquons,  d'ailleurs,  qu'il  n'est  pas  de  moment 
plus  favorable  pour  l'ensemencement  sur  feuille  que  le  mois 
de  décembre.  C'est  alors  que  la  germination  est  à  son  maxi- 
mum d'énergie.  Or,  à  cette  époque,  les  feuilles  de  chêne  sont 
jaunies  et  desséchées.  Le  fait  qu'elles  demeurent  attachées  à 
l'arbre  et  qu'elles  peuvent  y  rester  encore  jusqu'en  mars  ne 
change  rien  à  leur  état  physiologique.  Cet  état  est,  dès  lors, 
en  tout  semblable  à  ce  qu'il  sera  une  année,  deux  années  plus 
tard,  si  la  feuille  est  conservée  à  l'abri  de  la  pourriture. 

11  m'est  arrivé  une  fois  ou  deux,  sur  un  très  grand  nombre 
d'observations,  de  voir  la  spore  germer  sur  poil. 


12    — 


Pour  obtenir  des  germinations  rapides,  la  date  de  l'ense- 
mencement des  spores  sur  limbe  n'est  pas  indifférente.  Nous 
reviendrons  sur  ce  point  ainsi  que  sur  le  plus  ou  moins  de 
facilité  que  présentent  les  diverses  feuilles  à  l'évolution  des 
germes. 

Remarquons  en  passant  que  la  Truffe  n'est  pas  le  seul 
champignon  dont  la  spore  ait  besoin,  pour  reproduire  l'es- 
pèce, d'être  transportée,  dans  la  suite  de  son  développement, 
sur  une  ou  plusieurs  substances  différentes. 

Ainsi  la  rouille  du  blé  ou  Puccinie  du  granieii,  moisissure 
parasite  bien  connue  des  cultivateurs,  ne  saurait  fructifier  indé- 
finiment sur  le  blé  seul,  ^X.V&^'wiç.-v'inç^XX.^  paraît  être  nécessaire 
pour  la  phase  la  plus  importante  de  son  développement. 

Le  blé  suffit  bien  pendant  l'été  à  ces  générations  indéfi- 
nies de  spores  rougeâtres  qu'on  appelle  rouille  commune, 
mais  vienne  l'arrière-saison,  et  ces  spores  rouges  cèdent  peu 
à  peu  la  place  à  des  spores  noires  et  cloisonnées,  la  rouille 
noire  des  cultivateurs.  Ces  dernières  émettent  à  leur  tour  des 
filaments  terminés  par  de  très  petites  spores  claires  qui  se 
multiplient  en  grand  nombre.  Extrêmement  légères  ces  spo- 
rules  sont  enlevées  par  le  vent  et  dispersées  aux  alentours, 
mais  elles  ne  germeront  que  sur  l'épine-vinette,  sur  l'épine- 
vinette  seulement;  et  là,  sur  ce  terrain  favorable,  à  la  suite 
d'une  évolution  compliquée  et  intéressante,  elles  engendre- 
ront d'autres  spores  qui,  ramenées  par  le  vent  sur  le  blé,  pro- 
duiront la  rouille  commune,  la  rouille  noire,  et  ainsi  de  suite. 

Par  conséquent  «  supprimez  l'épine-vinette  dans  le  voisi- 
«  nage  d'un  champ  de  blé,  vous  supprimez  la  rouille  » ,  de 
même  que  l'on  dit  :  «  plus  d'arbres  plus  de  truffes  »,  Un  autre 
exemple  de  génération  alternante  nous  est  donné  par  l'ergot 
de  seigle  dont  une  génération  se  produit  sur  grain  et  l'autre 
nécessairement  sur  la  terre  humide  (i). 

I.  On  a  mis  en  doute  les  générations  alternantes  de  la  rouille  et  des 
autres  champignons  similaires  ou  plutôt  on  a  nié  la  loi  de  cette  alternance 
telle  qu'elle  avait  été  d'abord  formulée.  Ainsi,  pour  la  rouille,  d'autres  plantes 
pourraient  remplacer  l'épine-vinette.  Ceci  prouverait  qu'on  a  trop  généralisé 
des  observations  justes.  De  ce  que  l'épine-vinette  parait  être  en  certains  cas 


—  13  — 

Les  champignons  à  génération  alternante  sur  substances 
différentes  sont  dits  hétéroïques.  La  Truffe  serait  donc  un 
champignon  hétéroïque  et,  j'ajouterai,  parasite  nécessaire  de 
certaines  feuilles  pendant  la  phase  extérieure  de  son  évolution 
et  hétérogame. 

Agents  de  transport.  —  La  spore  de  Truffe  a  donc 
besoin,  pour  germer,  d'entrer  en  contact  hors  de  son  asque 
ou,  tout  au  moins  à  travers  l'asque,  avec  le  limbe  de  certaines 
feuilles.  Comment  la  spore  est-elle  transportée  de  la  terre 
où  elle  se  trouve  enfouie  à  cinq  ou  dix  centimètres  de  pro- 
fondeur jusqu'à  la  feuille?  Par  les  insectes  dits  tubérivores. 

Ce  rôle  des  insectes  n'a  rien  de  surprenant  :  souvent  dans 
la  nature,  mouches,  abeilles,  papillons,  etc.,  servent  de  véhi- 
cules et  immense  est  le  nombre  des  plantes  qu'ils  fécondent 
en  apportant  au  stigmate  le  pollen  étranger. 

Quels  sont  ces  insectes;  quels  sont  leurs  mœurs,  leur 
habitat?  Ces  questions  ont  été  maintes  fois  traitées  avec 
grande  compétence  par  des  trufficulteurs  et  des  entomolo- 
gistes, alors  que  les  uns  et  les  autres  discutaient  la  théorie 
de  la  mouche  truffigène.  Témoins  les  écrits  de  Valserre,  de 
Bonnet  et  de  Martin-Ravel.  Le  docteur  Laboulbène  leur  a 
notamment  consacré,  dans  les  Annales  de  la  Société  entoino- 
logtque  de  France,  une  étude  très  complète  accompagnée  de 
fort  belles  planches. 

Malgré  l'intérêt  du  sujet,  nous  ne  pouvons,  par  crainte 
d'allonger  indéfiniment  ce  chapitre,  le  traiter  en  détail.  Résu- 
mant donc  en  quelques  lignes  les  travaux  antérieurs,  nous 
dirons  simplement  que  les  insectes  tubérivores  sont  de  plu- 
sieurs espèces  :  Diptères,  Coléoptères,  Lépidoptères  ou  pa- 
pillons, et  Myriapodes.  En  fait  le  principal  rôle  pour  la  pro- 
nécessaire, il  ne  s'en  suit  pas  qu'elle  le  soit  toujours.  Rien  ne  prouve  que  la 
rouille,  avec  cette  faculté  d'adaptation  propre  aux  champignons  ne  puisse  à 
défaut  d'épine-vinette  se  contenter  d'un  autre  végétal.  L'hétœrecie  en  soi  ne 
peut  être  niée.  Pour  la  truffe,  tout  en  reconnaissant  que  telles  ou  telles  feuilles 
sont  quant  à  présent  nécessaires,  rien  ne  pouvant,  à  notre  connaissance,  les 
remplacer,  il  paraît  raisonnable  de  ne  pas  érig-er  en  loi  leur  indispensabilité. 


u 


duction  truffière  paraît  appartenir  à  un  coléoptère  VAm'so- 
toma  cinnanomea  et,  surtout,  aux  mouches  tubérivores  Helo- 
inyza  Uiberivora  ou  Helontiza  lineaia  et  à  quelques  autres 
Helomiza  peu  différentes  de  celles-ci  (fig.  3). 

Ces  mouches,  d'un  brun  jaunâtre,  voltigent  par  groupes 
au-dessus  des  truffières,  principalement  le  soir  et  le  matin, 

et  ne  servent  que 
trop  souvent  à  in- 
diquer le  bon  en- 
droit aux  bracon- 
niers du  pays. 

Mouches  et  co- 
léoptères déposent 
leurs  œufs  dans  l'in- 
térieur des  truffes 
mûres  en  hiver  :  les 
larves  s'y  forment, 
s'y  développent , 
triturant  et  man- 
geant ce  qui  est  à 
leur  portée  jusqu'à 
leur  transformation  en  pupe  ;  enfin  l'insecte  parfait  sort  trois 
mois  après,  de  mai  à  juin. 

En  septembre,  apparaît  une  seconde  génération  de  ces 
mouches;  celles-ci  vivent  jusqu'en  hiver. 

En  réalité,  si  l'on  considère  l'ensemble  de  loiisXç.^  insectes 
tubérivores,  on  peut  dire  cju'il  en  est  de  vivants  pendant  toute 
l'année  sans  exception. 

On  trouve  naturellement  leS  mouches  truffières  en  plus 
grand  nombre  dans  les  pays  truffiers,  par  conséquent,  dans 
le  midi  de  la  France  :  mais  il  s'en  rencontre  un  peu  partout 
du  moins  jusqu'à  la  latitude  de  Paris.  J'en  ai  recueilli  dans 
la  Sarthe  assez  facilement  en  1896,  très  difficilement  en 
1897.  On  en  voit  en  Seine,  en  Seine-et-Oise.  Climat  à 
part,  cela  n'a  rien  d'étonnant,  car  ces  insectes  dits  tubéri- 
vores, à  défaut  de  truffes,  se  nourrissent   fort  bien  d'autres 


Fig.  3.  —  Helontyza  tubeyivora  et  sa  pupe. —  Anisoloma 
cinnamontea  et  sa  larve.  (Les  traits  iniliqudit  la 
vraie  grandeur  ) 


—  1=;  — 


charapig-nons   en  décomposition'  tels   que  Bolets,    Agarics, 
Phallus,  etc.,  etc. 

C'est  en  sortant  de  la  truffe  après  avoir  déposé  ses  œufs,  ou 
bien  comme  insecte  parfait,  ou  bien  encore  simplement  après 
un  repas,  que  la  mouche  emporte,  adhérant  à  ses  pattes  et 
à  ses  ailes,  des  spores  sorties  de  leurs  asques;  absolument 
comme  s'attachent  à  nos  vêtements  les  involucres  pointues 
des  châtaignes  lorsque  nous  marchons  dans  une  châtaigneraie. 

J'ai  observé  des  mouches  truffières  sortant  de  leur  pupe 
conservée  et  mûrie  dans  une  truffe  pourrie;  j'en  ai  observé 
d'autres  que  l'on  avait  laissées  quelque  temps  en  présence  de 
truffes  dont  elles  avaient  mangé,  toutes  portaient  des  spores 
sur  leurs  pattes  et  sur  leurs  ailes. 

On  peut  se  demander  si  les  insectes  tubérivores  n'avalent 
pas  les  spores  pour  les  transporter  ainsi  dans  l'intérieur  du 
corps  et  les  déposer  non  digérées,  avec  leurs  excréments, 
sur  la  substance  favorable. 

Cette  hypothèse  n'est  pas  vraisemblable  pour  plusieurs 
raisons  :  i°  On  n'a  jamais  vu  de  mouches  tubérivores  manger 
des  spores  de  Ttiber  melanosporîim  ;  celles-ci  avec  leurs 
pointes  paraissent  les  dégoûter  absolument.  Quant  aux 
mouches  à  viande,  même  de  la  plus  grosse  espèce,  elles 
meurent  de  faim  devant  un  morceau  de  truffe  plutôt  que  d'y 
goûter;  2°  On  n'a  pas  observé  de  spores  dans  les  excréments 
des  mouches,  et  d'ailleurs  le  tube  intestinal  de'ces  diptères 
est  beaucoup  trop  étroit  pour  leur  livrer  passage. 

Il  existe  bien  des  variétés  de  mouches,  principalement 
les  Syrphides,  qui  consomment  les  spores  des  agarics;  mais, 
d'après  Cooke,  «  les  spores  que  l'on  retrouve  dans  les  intes- 
«  tins  de  ces  insectes,  dans  un  état  parfait  en  apparence,  sont 
4  en  réalité  tout  à  fait  altérées  et  impropres  à  germer  ». 
(Cooke  et  Berkley)  i  i  j. 


I.  Il  est  difficile  de  s'associer  à  cette  manière  de  voir  pour  toutes  les 
spores  sans  exception.  Pour  les  psalliotes  notamment,  le  contraire  paraît 
avoir  été  observé.  Aussi  en  constatant  l'impossibilité  naturelle  pour  les 
mouches  truffières  d'avaler  une  spore  de  truffe  dans    son    entier,    ne    faut-il 


—  i6  — 

Nous  venons  de  voir  queKs  sont  les  agents  vraisemblable- 
ment  employés  par  la  nature  pour  transporter  les  spores  de 
la  terre  à  la  feuille  ;  mais  les  asques  ou  sacs  dans  lesquels  sont, 
à  l'origine,  enfermées  les  spores,  comment  sont-ils  percés, 
détruits?  comment  le  contenu  est-il  mis  en  liberté?  Par  les 
mandibules  des  insectes  tubérivores  et  de  leurs  larves,  et 
aussi,  comme  nous  le  verrons  plus  tard,  par  pourriture  ou 
fermentation. 

Mais  enfin,  dira-t-on,  le  contact  entre  les  spores  et  la  feuille 
ne  peut-il  être  établi  autrement  que  par  les  insectes?  C'est 
assurément  possible. 

Les  limaces,  les  rats,  les  grands  animaux  tubérivores 
peuvent  jouer,  dans  ce  cas,  un  certain  rôle.  Il  peut  se  faire 
que  la  feuille  enfouie  vienne  à  toucher  par  hasard  des  spores 
mises  en  liberté  ou  que  celles-ci  soient  ramenées  à  la  surface, 
jusqu'à  la  feuille,  par  les  lombrics  ou  vers  de  terre.  Il  se  pas- 
serait là  ce  que  Pasteur,  Feltz  et  d'autres  ont  observé  pour 
les  bacilles  du  charbon  revenant  à  la  surface  après  un  temps, 
grâce  aux  vers  de  terre  qui  avalent  dans  les  profondeurs  du 
sol  des  parcelles  de  terre  pour  en  retirer  les  substances  nu- 
tritives qu'elles  contiennent  et  les  rendent  à  la  surface  sous 
forme  de  petits  cylindres  diversement  contournés. 

Ces  hypothèses  paraissent  invraisemblables. 

Les  spores  déposés  sur  le  limbe  s'enracinent-elles?  nous 
ne  le  croyons  pas.  L'observation  directe  est  difficile,  mais  en 
examinant  de  près  les  cas  très  rares  de  germination  sur 
poil  qui  se  sont  présentés,  j'ai  remarqué  que  l'adhérence 
paraissait  sç.  faire  par  simple  contact  du  tégument  ou  des 
papilles. 

Il  est  possible  que  le  même  mode  d'attache  joigne  la  spore 
à  l'épiderme,  car  il  ne  faudrait  pas  considérer  comme  racines 
les  filaments  qui  percent  le  parenchyme  et  se  terminent  par 
des  pseudo-spores;  ce  sont  les  fructifications. 

pas  conclure  que  ces  mouches  ne  puissent  avaler  ce  que  nous  appelons  l'œuf, 
venu  sur  feuille,  bien  que  l'hypothèse  de  ce  double  transport  paraisse  invrai- 
semblable. 


—  17  — 

Quelquefois,  autour  d'une  spore  ayant  germé,  on  aper- 
çoit comme  une  dépression  ombilicale  principalement  sur  les 
feuilles  de  conifères,  sapin  argenté,  etc.,  dont  la  peau  est 
lisse  et  tendue;  mais  de  racines  proprement  dites,  je  n'en  ai 
point  observé.  Cette  absence  de  racines  expliquerait  pour- 
quoi, après  quelques  semaines,  lorsque  l'évolution  est  com- 
plète, les  spores  tombent  facilement  sans  laisser  de  trace,  ce 
qui,  soit  dit  en  passant,  rend  l'observation  incertaine  sur 
feuilles  ensemencées  depuis  un  certain  temps  et  exposées 
aux  intempéries  de  l'air  extérieur. 

La  feuille  est-elle  nécessaire  ?  —  On  est  tenté  ici  de 
poser  une  question  :  «  Sans  doute  la  spore  de  Truffe  germe 
sur  feuille,  mais  la  feuille  est-elle  ne'cessaz're ,  n'existe-t-il  pas 
d'autres  substances  susceptibles  de  la  remplacer  ?  » 

Nous  répondrons  que  s'il  existe  d'autres  substances 
propres  à  la  germination,  jusqu'ici,  malgré  d'innombrables 
recherches  justifiées  par  l'importance  du  sujet,  il  n'a  pas  été 
possible  de  les  trouver. 

On  a  ensemencé  les  spores  de  la  Truffe  sur  racines,  sur 
lichens,  sur  pommes  de  terre,  sur  gélatine,  sur  tanin,  on  a 
essayé  de  les  cultiver  dans  la  liqueur  de  Pasteur,  le  liquide 
de  Raulin,  des  décoctions,  des  infusions  de  toutes  sortes; 
moi-même  j'ai  tenté  l'expérience  sur  quantité  de  matières  :  le 
jus  de  feuille,  la  feuille  hachée  et  broyée,  le  raclage  de  la 
surface  du  limbe,  la  sève  de  l'écorce,  le  suc  des  racines  ont 
été  essayés  ;  d'éminents  botanistes  se  sont  mis  de  la  partie, 
mais  les  résultats  ont  été  toujours  et  partout  absolument 
négatifs.  Jusqu'à  présent  donc,  la  feuille  paraît  nécessaire (i). 


I.  S'il  était  permis  de  risquer  une  théorie  à  propos  de  la  germination  sur 
feuille,  je  dirais  que  la  spore  trouve  sur  le  limbe  un  double  principe;  l'un  à  la 
surface,  une  sorte  d'exsudation,  de  dépôt  qui  percerait  l'épiderme;  l'autre, 
intérieur,  qui  entretient  la  g-ermination.  Afm  de  donner  à  cette  manière  de- 
voir une  apparence  de  plausibilité,  il  faut  citer  le  fait  qu'à  plusieurs  reprises 
des  feuilles  lavées  avant  ensemencement  en  hiver  ont  donné  de  mauvais  résul- 
tats ;  les  spores  tombaient  sans  se  fixer. 


CHAPITRE    III 


Germination  et   fécondation   des   spores.   —    Délais.   —   Observations 

sur  la  fécondation. 


Peu  de  temps  après  avoir  été  déposée  sur  le  limbe,  la 
spore  germe.  Les  époques  favorables  sont  le  mois  de  mai  et 
surtout  novembre-décembre -janvier. 

Elle  émet  un  filament  épais  transparent,  terminé  par  une 
pseudo-spore  généralement  lisse  au  début,  grosse,  couleur 
brun-clair  ou  ambre.  La  marche  de  ce  filament  est  le  plus 
souvent  sous-épidermique  ;  il  s'enfonce  dans  la  feuille  au 
sortir  de  la  spore  et  apparaît  à  petite  distance  terminé  par 
sa  pseudo-spore.  Souvent  comme  obéissant  à  une  loi  d'attrac- 
tion, celle-ci  émerge  près  d'une  spore  femelle  qu'elle  touche 
et  féconde  [b,  pi.  I  et  c,  pi.  II).  Si  aucune  spore  femelle  ne  se 
trouve  dans  le  voisinage,  la  pseudo-spore  mâle  peut  se 
dessécher  et  périr,  mais  elle  peut  aussi  émettre  un,  deux  ou 
plusieurs  jets  secondaires  [c,  d,  e,  pi.  II)  terminés  également 
par  des  pseudo-spores  plus  petites  que  la  première  qui  vont, 
comme  la  première,  à  la  recherche  d'une  spore  femelle  ;  la 
subdivision  peut  continuer,  la  pseudo-spore  mâle  diminuant 
de  volume  juscju'cà  devenir  très  petite,  aussi  petite  que  la 
pseudo-spore  femelle  que  nous  décrirons  plus  loin,  mais 
conservant  une  forme  triangulaire,  pointue,  qui  indique  que 
sa  nature  est  de  percer. 

On  a  observé  sur  feuilles  de  chêne  et  d'épicéa,  à  travers 
l'épiderme,  des  subdivisions  sous-épidermiques  du  filament 
mâle  ;  (jnehiues  cas  très  rares  ont  été  vus  à  la  surface  (^,  pi.  II). 

]{n  novembre-janvier,  le  filament  présente  quelquefois 
une  marclie  superficielle  très  courte.  Ces  exceptions  peuvent 
être  sans  doute  attribuées,  soit  à  la  dureté  de  l'épiderme  du 


19  — 


2 


Fig.  4    —  Exemple    assez   rare   d'évoluliou  d'un 
germe  mâle. 


limbe,  soit  à  l'état  de  la  spore  brisée  et  fendue  par  la  tritu- 
ration, soit  à  la  vigueur,  à  la  brutalité  de  la  germination  en 
cette  saison  :  celle-ci  est  parfois  si  impétueuse  que  la  pseudo- 
spore ne  se  donne  pas  le  temps,  dirait-on,  de  percer  l'épi- 
derme,  afin  d'aller  plus 
vite  au  but.  Elle  se 
dirige  alors  franche- 
ment sur  la  spore  fe- 
melle voisine  et  y  ap- 
plique sa  pointe  [a  et  c, 
pi.  I  et  fig.  8).  Lorsque 
la  spore  mâle  se  trouve 
tout  à  côté  d'une  fe- 
melle, elle  peut  suivre 
dans  son  développe- 
ment la  marche  indi- 
quée dans  la  figure  4  ; 
c'est-à-dire    que    par 

une  série  de  transformations  successives  rapides,  elle  prend 
la  forme  d'un  petit  ver  dont  la  tête  demeure  parfois  coiffée 
d'un  morceau  de  tégument  rugueux  enlevé  à  la  spore  et 
dont  la  partie  fine  féconde  directement  ou  par  filament. 
L'évolution  peut  être  terminée  dix 
jours  après  l'ensemencement  ;  pour  la 
bien  observer,  il  faut  la  suivre  jour 
par  jour. 

Ce  mode  de  fécondation  est  fort 
rare,  puisque  sur  des  centaines  d'ob- 
servations, je  ne  l'ai  aperçu  que  trois 
fois,  mais  de  façon  certaine  ;  deux 
fois  en  juillet  et  une  fois  en  octobre, 

sur  un  chêne  mal  placé,  malingre,  privé  d'air  et  de  soleil, 
en  un  mot  dans  des  circonstances  défavorables  par  la 
qualité  et  la  position  de  la  feuille.  Ayant  voulu  me  rendre 
compte  la  dernière  fois  si  le  filament  intermédiaire,  parfai- 
tement   visible,    qui   reliait    l'extrémité   du    ver  à  la   spore 


i*~'g-  5- 


—    20 


lemellé,  partait  de  celle-ci  ou  du  ver,  j'ai  passé  sur  le  limbe 
un  pinceau  mouillé,  la  spore  a  fini  par  s'en  aller  et  il  est 
resté  ce  qu'on  voit  figure  5,  n°  2,  la  petite  pointe  noire 
qui  était  cachée  est  devenue  parfaitement  visible. 

On  peut,  à  première  vue,  confondre  avec  ces  sortes  de 
petits  vers  fécondateurs  le  croissant  des  fig.  a  et  d,  pi.  I, 
et  penser  qu'il  y  a  erreur.  En  réalité,  les  deux  objets  sont 
différents.  Les  croissants  des  figures  a  et  d,  pi.  I,  ne  sont 
autre  chose  qu'un  reste  de  tégument  de  la  spore  mâle  qui 
s'est  vidée  dans  sa  pseudo-spore.  Les  germinations  superfi- 
cielles mâles  de  cette  forme  se  voient  en  hiver. 

Que  font  pendant  ce  temps  les  spores  femelles  ?  Les  unes 
demeurent  inertes,  les  autres  émettent  un  ou  plusieurs  fila- 
ments terminés  par  une  sporule  plus  petite  que  les  pseudo- 
spores mâles  d'origine,  noires  et  généralement  rondes. 

Ce  filament  chemine  sous  l'épiderme  ou  à  la  surface,  en 
hiver  ;  quelquefois  la  sporule  reste  accolée  à  la  spore 
{d,  pi.  II).  D'autres  fois  elle  se  dirige  comme  obéissant  à  une 
attraction  vers  une  spore  ou  pseudo-spore  mâle  voisine  et  la 
touche  [a  et  d,  pi.  I,  b,  pi.  II). 

Après  un  délai  variable,  selon  les  saisons,  on  voit 
quelques-unes  de  ces  sporules  devenir,  sans  doute  par  suite 
de  fécondation,  plus  grosses,  luisantes,  dures,  absolument 
sphériques.  Ce  sont  alors  vraisemblablement  des  œufs  ou 
germes  complets  ;  ils  peuvent  laisser  apercevoir  comme  un 
commencement  de  germination,  sur  feuilles. Tombant  à  terre, 
ils  engendreraient,  lorsque  les  circonstances  s'y  prêtent,  le 
mycélium  truffier. 

Quelquefois,  on  voit  apparaître  ejt  été d^s  sporules,  dis- 
posées en  chapelet,  distancées  et  reliées  par  un  filament 
invisible  qui  part  de  la  spore  femelle  {a,  pi.  Il)  (i). 

Les  spores  femelles  peuvent  émettre,  comme  je  l'ai  dit, 
un  ou  plusieurs  filaments  à  sporules  (fig.  6j.  On  pourrait  con- 

1.  Les  sporules  qui  se  présentent  ainsi  t-n  chapelet  à  la  surface  du  limbe, 
en  été  seulement,  donc  en  un  moment  très  défavorable,  ne  pourraient-elles  pas 
être  assimilées  à  des  conidies,  d'après  l'idée  que  nous  nous  en  faisons? 


—   21    — 


dure  de  là  qu'il  existe  des  germes  multiples  dans  chaque 
spore  femelle,  celle-ci  étant  en  quelque  sorte  une  sporange 
plutôt  qu'une  spore^  Cette  manière  de  voir  serait  confirmée 
par  l'aspect  que  présentent  certaines  spores  fraîches  vues 
par  transparence.  On  aperçoit  à  l'intérieur  des  globules  iso- 
lées et  distinctes,  sept,  huit  ou  davantage  :  ces  globules 
seraient  alors  autant  d'ovules  femelles  indépendants. 

Puisque  nous  parlons  ici  de  l'aspect  des  spores ,  nous  devons 
ajouter  que,  malgré  d'attentives  recherches,  il  n'a  pas  été  pos- 
sible d'apercevoir  entre  les  spores  aucun  signe 
extérieur  de  sexualité,  sauf  peut-être  l'indice  "% 

dont  on  vient  de  parler.  Hors  de  là,  rien  ne 
paraît  différencier  les  spores,  soit  entre  elles     ^ 
dans  Vasque,  soit  au  dehors. 

En    résumé,    les    modes    de    fécondation 
seraient  les  suivants  : 

Fécondation  de  spore  femelle  par  pseudo- 
spore mâle  ; 

Fécondation  de  sporule  femelle  par  spore 
ou  pseudo-spore  mâle.  ^,.    ^ 

Enfin,  quelques  indices    et   une   ou  deux 
observations  directes  laisseraient  supposer  qu'il  peut  y  avoir 
production     d'œufs    par    rencontre    sous-épidermique    de 
filaments. 

La  fécondation,  étant  donné  que  la  pseudo-spore  mâle 
est  constituée,  peut-elle  avoir  lieu  autre  part  que  sur  la 
feuille  ?  Il  semble  que  non.  On  a  mis  en  contact  prolongé  des 
germes  mâles,  obtenus  sur  feuille  avec  d'autres  spores  en 
milieu  humide  ;  aucun  résultat  n'a  été  obtenu.  Les  spores  de 
sexe  différent,  même  germées,  restent  indéfiniment  en  con- 
tact, autre  part  que  sur  feuille,  sans  qu'il  se  produise  rien  qui 
ressemble  à  une  fécondation. 

Naturellement  la  spore  mâle  ne  produit  pas  d'œufs,  mais 
elle  émet,  comme  nous  l'avons  dit,  des  filaments  terminés 
par  des  pseudo-spores  de  plus  en  ])lus  petits  :  celles-ci,  mal- 
gré leur  forme  triangulaire,  peuvent  donner  l'illusion  d'être 


des  œi;fs  germant  surtout  lorsqu'ils  sont  à  demi-noyés  dans 
le  parenchyme  ou  en  contact  avec  l'œuf  d'une  spore  femelle 
voisine. 

A  cette  cause  d'erreur  dans  l'observation  s'en  ajoute  une 
autre  plus  sérieuse  et  spéciale  à  la  Truffe.  Le  limbe  des 
feuilles  est  couvert  de  débris  de  toutes  sortes  produits  par 
l'écrasement  que  l'on  a  fait  subir  à  la  pulpe,  afin  d'en  libé- 
rer les  spores.  Ces  fragments  ronds,  pointus,  ovoïdes,  dif- 
formes et  de  toutes  couleurs,  sont  confondues  avec  les 
pseudo-spores  mâles  que  l'on  croit  alors  voir  partout  ou  que 
l'on  ne  voit  nulle  part. 

Cette  difficulté  d'observation  existe  à  un  bien  moindre 
degré  lorsqu'on  étudie  les  spores  de  basidiomycètes. 

Délais.  —  Les  délais  entre  l'ensemencement  et  l'accou- 
plement sont,  en  mai  et  pendant  l'hiver,  de  neuf  à  dix  jours 
au  moins  ;  ils  se  prolongent  parfois  beaucoup  et  l'on  peut 
voir  de  nouvelles  pseudo-spores  paraître  et  des  fécondations 
se  produire  à  plusieurs  semaines  de  distance. 

De  juin  à  septembre  les  délais  sont  plus  longs.  Il  y  a  alors 
enonnéinent  de  manquants  ;  toutefois,  sur  feuille  abritée  et 
humectée,  on  aperçoit  quelques  germinations.  Le  dévelop- 
pement est  long  :  on  dirait  que  la  nature  cherche  à  gagner 
du  temps.  Ainsi,  contrairement  à  ce  qui  se  passe  pour  d'autres 
champignons,  tels  que  Morilles,  Psalliotes,  etc.,  les  spores 
de  Truffe  peuvent  commencer  leur  évolution  pendant  les  mois 
chauds,  quitte  à  la  prolonger  sans  hâte  jusqu'aux  gelées. 

Après  un  temps,  court  en  été,  la  pseudo-spore  mâle  se 
flétrit  et  tombe. 

A  partir  de  février,  la  saison  est  peu  favorable. 

En  résumé  donc,  de  ce  qui  précède,  on  peut  conclure  que 
les  spores  de  Truffe  se  comportent  comme  des  gamètes  dis- 
semblables et  que,  par  conséquent,  la  Truffe  est  wne. plajite 
hétérogame. 

Terminons  ce  chapitre  par  quelques  observations  de 
technique   microscopique. 


—  23  - 


% 


r-t^ 


^ 


Fig.  7.  —  Filament  sous-cpider- 
mique  aperçu  au  printemps. 


Les  filaments  sous-épidermiques  sont  invisibles  ;  ils  peu- 
vent  être  très    exceptionnellement  aperçus  à  travers   l'épi- 
derrae   sur  feuilles  jaunes  transpa- 
rentes,  ensemencées    au    printemps 
{6,  pi.  I  et  fig.  7). 

On  arrive  à  distinguer  de  temps 
en  temps,  sans  le  secours  des  colo- 
rants, certains  gros  filaments  mâles 
extérieurs  des  germinations  d'hiver, 
malgré  leur  transparence,  lorsqu'ils 
ne  sont  pas  trop  longs.  La  figure  8 
montre  une  forme  de  germination 
assez  fréquente. 

Les  colorants,  avec  ou  sans  l'em- 
ploi préalable  de  décolorants  (eau 
de  javelle  diluée,  etc.),  n'ont  aucune 
action  directe  sur  ces  filaments,  mais 
ils  peuvent  les  faire  apparaître  par 
la  teinte  qu'ils  donnent  à  ce  qui  les  en- 
toure ou  en  déposant  sur  leurs  parois. 

L'hématoxiline,  le  brun  de  Bis- 
mark, le  bleu  de  quinoléine,  l'iode,  le  nitrate  d'argent,  la 
fuchsine  ont  donné  à  ce  point  de  vue  des  résultats  équiva- 
lents et  généralement  médiocres.  Le  violet  de  méthylène 
réussit  mieux.  On  teinte  légèrement  de  violet  quelques  gouttes 
de  glycérine  étendue  d'eau;  le  morceau  de  feuille,  très 
petit, est  laissé  plusieurs  heures  dans  cette  préparation,  puis 
observé. 


Fig.  8.  —  Différentes  étapes  de 
quelques  germinations  exté- 
rieures d'hiver. 


CHAPITRE    IV 


Formation  et  jTerminaiion   de   Tœuf  sur    feuilles.   —   Développement 
ultérieur.  —  Pouvoir  nutritif  des  feuilles  et  influence  des  saisons. 


Formation  et  g-ermination  de  l'œuf  sur  feuilles. 
—  Les  ensemencements  faits  au  commencement  de  mai  et  en 
décembre-janvier,  c'est-à-dire  à  l'époqtie  la  plus  favorable, 
peuvent  donner  des  sporules  au  bout  de  quinze  à  vingt  jours 
au  plus  tôt.  Ces  œufs  ne  paraissent  bien  formés  qu'après  un 
délai  clc  huit  à  douze  semaines  depuis  rensemencement. 

Les  ensemencements  datant  de  juin-août,  moment  peu 
favorable,  ne  montrent  des  sporules,  lorsq7c'ils  réussissent, 
que  huit  à  douze  semaines  après,  au  plus  tôt.  Celles-ci  ne 
semblent  arriver  à  maturité  qu'en  hiver. 

De  toutes  façons  la  sporule  semble  avoir  besoin  de  huit  à 
douze  semaines  pour  mûrir  :  donc  en  résumé,  les  ensemence- 
ments d'été  ou  d'automne  produisent  en  janvier,  février,  mars, 
des  œufs  formés  et  mûrs  ;  les  ensemencements  de  mai  donnent 
fin  juin  des  œufs  formés  et  quelquefois  germant  en  appa- 
rence. 

La  maturité  des  œufs  parait  se  manifester  par  un  certain 
grossissement  aussi  bien  que  par  émission  de  filaments  ;  car 
ceux-ci  peuvent  manquer  alors  que  l'œuf  est  mûr  et  facilement 
détachable,  si  le  limbe  reste  absolument  privé  d'eau. 

Le  manque  d'air,  de  jour,  l'excès  d'eau  ont  paru  nuire  à 
la  germination  ;  le  froid,  même  intense,  ne  semble  pas  avoir 
d'eftet.  Jai  ensemencé  des  feuilles  sur  arbre,  en  décembre, 
alors  que  le  thermomètre  marquait,  la  nuit,  douze  et  quinze 
degrés  au-dessous  de  zéro,  température  extrême  pour  les 
climats  à  vigne,  la  germination  ne  s'est  pas  arrêtée  ;  c'est 
tout  au  plus  s'il  y  a  eu  du  retard.  Les  premières  gelées  pa- 


—  25  — 

raissent  avoir  un  effet  favorable,  soit  qu'elles  agissent  sur  la 
spore,  soit  qu'elles  modifient  avantageusement  le  tissu  de  la 
feuille  (i  i. 

Une  feuille  ensemencée  le  20  août  montre  en  décembre 
des  œufs  bien  formés  ;  une  feuille  ensemencée  en  mai 
montre  fin  de  juin  des  œufs  mûrs  ;  une  feuille  ensemencée  en 
décembre  montre  en  janvier  des  œufs  prêts  à  germer  ou 
germant,  etc.,  etc.  On  pourrait  citer  une  infinité  de  cas  sem- 
blables. 

Reste  à  savoir  si  ces  germinations  très  ténues  sont  bien  un 
début  du  mycélium  ou  l'extension  d'un  système  radiculaire, 
d'un  thalle  destiné  à  nourrir  et  à  grossir  l'œuf.  Considérant 
la  déformation  de  l'œuf,  nous  serions  portés  à  croire  qu'il 
s'agit  plutôt  d'un  mycélium  naissant. 

Développement  ultérieur  de  l'œuf.  —  Que  deviennent 
les  œufs  mûrs,  prêts  à  germer  ou  germant  ? 

Nous  admettons  que,  tombant  en  terre  avec  ou  sans  la 
feuille,  ils  forment,  lorsque  les  circonstances  s'y  prêtent,  le 
début  du  mycélium  truffier. 

Il  aurait  été  intéressant  de  suivre  sur  la  feuille  même  le 
développement  de  ce  mycélium,  de  le  voir  s'étendre,  gagner 
en  force  et  en  épaisseur  ;  sur  ce  point,  des  expériences  réité- 
rées n'ont  donné  qu'un  résultat  négatif. 

Des  feuilles  portant  des  œufs  mûrs  ont  été  mises  en  tube 
fermé  ou  en  boite,   en  atmosphère  humide.  Elles  peuvent 

I.  Il  arrive  quelquefois  pour  des  raisons  inconnues,  que  l'ensemencement 
sur  feuilles  échoue  complètement.  Des  feuilles  iiréparées  en  décembre  1900, 
avec  les  précautions  voulues^  ne  laissaient  rien  paraître  après  quinze 
jours.  A  peine  quelques  filaments  avortés,  ni  pseudo-spores,  ni  sporules, 
ni  accouplements  !  La  truffe  employée  avait  donné,  dans  de  précédents 
essais,  de  bons  résultats.  A  quoi  attribuer  cet  insuccès  et  d'autres  du  même 
genre?  On  serait  tenté  de  penser  cju'ils  tiennent  à  l'absence  de  froid  et  à  la 
température  chaude  et  humide  de  novembre  et  décembre  igoo.  Pas  une  fois  il 
n'a  gfelé  pendant  ces  deux  mois.  Le  froid  serait  donc  nécessaire?  Ajoutons 
que  pendant  ces  périodes  de  tiède  humidité,  le  limbe  des  feuilles  se  couvre 
de  véjjétations  parasites,  visibles  au  microscope  seulement,  et  que  la  gelée 
détruit.  Ces  mycélium  parasites  gèneraient-ils  le  développement  des  spores? 
C'est  encore  possible. 


—    26   — 

ainsi, se  conserver  des  années  sans  pourrir,  intactes,  et  même 
vertes.  Observées  après  un  an,  dix-huit  mois,  deux  ans,  elles 
ne  montrent  que  l'œuf  d'origine,  un  peu  grossi,  et  c'est  tout. 
11  faut  ajouter  que,  dans  ces  conditions  d'air  raréfié,  les  mycé- 
lium de  champignons,  quels  qu'ils  soient,  ne  tardent  pas  à 
s'atrophier  ou  à  périr.  On  se  heurte  à  une  insurmontable  dif- 
ficulté. Si  la  feuille  reste  exposée  à  l'air,  elle  pourrit,  et  l'ob- 
servation devient  impossible.  Si  on  la  protège  de  l'air,  elle  ne 
se  trouve  plus  dans  les  conditions  naturelles  de  son  existence 
et  l'observation  est  trompeuse. 

A  la  vérité,  dans  la  plupart  des  cas,  le  limbe  de  la  feuille 
est  couvert  d'un  inextricable  réseau  de  filaments  dont  l'exis- 
tence ne  peut  être  soupçonnée  à  l'œil  nu.  Le  microscope, 
même  avec  de  forts  grossissements,  ne  révèle  rien  ;  à  l'aide 
de  colorants  tels  que  le  violet  de  méthylène,  on  les  fait  cepen- 
dant apparaître. 

La  feuille  non  pourrie  et  suffisamment  transparente  est 
trempée  deux  ou  trois  minutes  dans  un  bain  préparé  comme 
suit,  au  moment  de  s'en  servir  : 

Alcool  absolu  saturé  de  violet  de  méthylène,  deux  ou 
trois  gouttes  ; 

Eau,  quinze  à  vingt  cent,  cubes. 

On  passe  quelques  secondes  à  l'eau  et  l'on  observe. 

Ce  réseau  de  filaments  que  les  colorants  font  apparaître, 
est-il  pour  tout  ou  partie  issu  du  germe  truffier  ?  Comment 
le  savoir  ?  Sans  doute  on  aperçoit,  en  certains  cas,  croyons- 
nous,  l'œuf  germant,  et  pour  cela  il  n'est  besoin  d'aucune 
préparation.  Le  simple  examen  de  la  feuille  par  transparence 
suffit.  On  voit  les  filaments  partir;  mais  quant  à  les  suivre 
dans  l'inextricable  réseau,  cela  nous  paraît  impossible. 

Les  filaments  sortent  peut-être  en  partie  du  germe  truf- 
fier, peut-être  n'en  viennent-ils  pas  ;  beaucoup  sont  des  mucé- 
dinées  simples,  des  parasites  cjuelconques. 

Des  œufs  qu'on  a  essayé  de  déposer  par  frottement  sur 
racines  n'ont  pas  paru  se  développer  mieux  que  sur  feuilles. 
On  observe  bien,  courant  sur  radicelles  ainsi  préparées,  des 


—  27   — 

filaments  ténus,  brun  clair,   qui  pourraient  venir  de  l'œuf, 
mais  rien  n'est  certain. 

Quant  au  mycélium  brun-rouge ,  armé  de  griffes  et  de 
suçoirs,  décrit  par  le  docteur  Ferry  de  la  Bellone  comme  étant 
celui  de  la  Truffe,  je  crois  l'avoir  observé  sur  des  radicelles 
qui  n'avaient  jamais  produit  de  truffe  ;  il  se  rencontre  même 
occasionnellement  sur  les  feuilles  et  paraît  tenir  à  une  mucé- 
dinée  du  genre  altenarta. 

En  résumé,  des  observations  faites,  on  serait  tenté  de  con- 
clure : 

Que  la  feuille  peut  servir  de  soutien  et  d'aliment  momen- 
tané au  mycélium  truffier  ; 

Que  Tœuf  n'augmente  pas,  ne  devient  pas  truffe,  mais 
qu'il  est  simplement  le  point  de  départ  de  la  truffière  ; 

Que  le  mycélium  est  très  ténu  et  de  développement  assez 
lent  sur  feuille  ; 

Enfin,  il  a  semblé  que  la  spore  de  Truffe  était  exigeante 
quant  à  la  propreté  du  substratum.  Elle  s'accommode  mal  des 
concurrents  parasites  ousaprophites,  et  leur  cède  la  place.  De 
là  peut-être  sa  germination  plus  énergique  et  plus  forte  quand 
la  feuille  sèclie  reste  à  l'arbre.  Celle-ci,  en  effet,  dans  cet 
état,  n'est  humide  qu'accidentellement  et  garde  plus  long- 
temps son  limbe  intact. 

Pouvoir  niitritif  des  feuilles  et  influence  des  sai- 
sons. —  Il  est  à  remarquer  que  si  de  juin  à  novembre  on 
cueille  des  feuilles  sur  lesquelles  les  spores  sont  en  train  de 
germer  et  si  on  les  place  en  atmosphère  humide,  dans  les 
conditions  les  plus  favorables,  tout  s'arrête  ;  autant  du  moins 
que  l'on  peut  en  juger,  jusqu'au  moment  où  la  pourriture  de 
la  feuille  rend  l'observation  impossible. 

Sur  feuilles  sèches  de  l'année  précédente  et  ensemencées 
en  cette  saison,  l'évolution  paraît  également  s'arrêter  après 
quelques  jours. 

Le  contraire  a  lieu  sur  feuilles  sèches  ensemencées  de 
décembre  à  janvier,  la  germination  se  continue. 


—    28    — 

On  pourrait  conclure  de  là  que  l'état  de  la  feuille,  pourvu 
qu'elle  ne  soit  ni  anémiée  ni  malade,  n'a  pas  grande  impor- 
tance ;  la  saison  est  tout  ;  bonne  en  mai  et  de  décembre  à 
janvier,  elle  est  défavorable  le  reste  du  temps. 

Si  le  pouvoir  nutritif  des  feuilles  constituées  paraît  être 
sensiblement  toujours  le  même,  leur  état  physique  influence 
la  germination.  Celle-ci  est  lente,  pénible,  et  ne  s'achève  pas 
sur  feuilles  affaiblies,  diaphanes,  comme  on  en  voit  sur  les 
petits  chênes  qui  végètent  au  pied  des  arbres  verts.  De  même, 
lorsque  la  feuille  a  été  cueillie  trop  jeune,  l'évolution  se  fait 
difficilement. 

Il  me  reste  à  dire  que  le  développement  des  spores  fraîches 
n'est  pas  différent  de  celui  des  spores  de  l'année  précédente. 
Il  y  a  moins  de  manquants,  et  c'est  tout.  Les  différences 
constatées  dans  les  délais  et  le  mode  d'évolution  ne  viennent 
donc  pas  du  degré  d'ancienneté  des  pores,  au  moins  dans  une 
mesure  raisonnable. 


CHAPITRE    V 


Aptitude  des  spores  à  germer  d'après  leur  état.  —  Utilité  de  l'arôme. 
—  Aptitude  par  rapport  à  la  nature  et  à  rexposition  de  la  feuille.  — 
Époque  et  procédés  d'ensemencement.  —  Délais.  —  Utilité  des 
arbres.  —  Pourquoi  les  truffières  sont-elles  si  rares  dans  les  bois  de 
chênes  truffiers? 


L'aptitude  des  spores  à  germer  dépend  de  leur  état  de 


Figure  9. 

Pulpe  de  Truffe  fraîche  ou  vieille  «l'un   an         Pulpe  de  Truffe  ayant  subi  un  comraence- 

n'ayant  pas  fermenté.  ment  de  fermentation. 

conservation  et,  en  second  lieu,  de  la  nature  et  de  l'exposition 
de  la  feuille. 

J'examinerai  d'abord  le  premier  point,  ce  qui  m'amènera 
à  parler  de  l'arôme. 

Aptitude  des  spores  à  g-ermer  d'après  leur  état. 

—  Si  une  truffe  mûre  séjourne  en  terre  ou  demeure  dans  une 
chambre,  elle  subit  l'une  des  deux  transformations  suivantes; 
ou  bien  elle  se  dessèche  et  durcit  ;  ou  bien  elle  entre  en  pour- 
riture, pour  mieux  dire,  en  une  sorte  de  fermentation,  puisque 
souvent,  en  plein  air,  cette  décomposition  est  produite  tant 


—  30  — 

par  des  bacilles  que  par  un  ferment  genre  saccharoimces ,  et 
accorripagnée  de  dégagement  ammoniacal. 

La  Truffe,  simplement  desséchée,  devient  aussi  dure  que 
le  bois;  mais  cet  état  de  dessiccation,  complet  en  apparence, 
n'est  qu'un  trompe-l'œil  :  en  réalité,  les  asques  et  les  spores 
sont  en  grande  partie  intacts.  Mis  en  eau  ils  reprennent  vite 
leur  forme  et  leur  bonne  mine  (fig.  9). 

Extraites  de  leurs  asques  et  ensemencées  un  an  après  la 
maturité,  les  spores  germent  très  bien  quoiqu'en  moins  grand 


Figure   lo. 
Pulpe  ayant  fermenté  à  rorigine!(spores         Pulpe   ayant   fermenté  à   l'origine  (spores 
j)rivées  de  leur  asque  et  à  demi  desséchées.)  complètement  desséchées.) 

nombre  que  si  elles  étaient  fraîches;  elles  germent  même 
après  deux  ans,  plus  tard  encore,  mais  les  manquants  sont 
plus  nombreux.  D'où  il  suit  que  si,  en  cet  état  de  conserva- 
tion sèche,  la  Truffe  vient  à  être  humectée,  à  se  désagréger 
en  terre,  le  rôle  des  insectes  continue  de  façon  utile,  car  les 
spores  sont  aptes  à  reproduire. 

Lorsque,  au  contraire,  la  fermentation  ou  la  pourriture  ont 
attaqué  la  Truffe  avant  son  dessèchement,  les  asques  sont 
détruits  en  grand  nombre  au  bout  de  quinze  à  vingt  jours  ; 
tous  sans  exception  si  la  fermentation  se  prolonge. 

Les  spores  mises  en  liberté  par  la  décomposition  de 
l'asque  ne  sont  nullement  impropres  à  germer,  à  moins  que  la 
pourriture  n'ait  continué  pendant  des  mois  sans  interruption; 
elles  peuvent  être  ensemencées;  c'est  peut-être  même  par  la 


—  31  — 

pourriture  de  l'asque  que  la  nature  les  dégage  pour  les  ense- 
mencements de  printemps.  Si  la  Truffe  n'était  alors  ramollie 
et  désagrégée  par  l'eau,  les  insectes  ne  pourraient  y  péné- 
trer. Seulement  ces  spores  ne  restent  fécondes  que  pendant 
un  temps,  et  à  la  condition  de  demeurer  à  l'ombre  ou  protégées 
contre  une  trop  forte  chaleur.  Même  avec  ces  précautions,  il 
en  restera  peu  d'aptes  à  germer  après  une  année,  et  à  la 
longue  plus  du  tout. 

Exposées  au  soleil  ou  conservées  en  terre  surchauffée, 
elles  seront  bientôt  desséchées  à  fond  et  deviendront  sté- 
riles (fig.  lo). 

La  Truffe  qui  a  fermenté  est  donc  relativement  impropre 
à  conserver  l'espèce  puisqu'elle  n'est  apte  à  reproduire,  en 
principe,  que  l'hiver  de  sa  maturité  et  le  printemps  suivant  : 
pour  l'année  d'après,  elle  peut  n'être  d'aucune  utilité. 

Il  convient  d'ajouter  que  la  pulpe  desséchée  après  fermen- 
tation a  perdu  tout  arôme  et  n'exhale  aucune  odeur,  même 
humectée.  On  peut  la  distinguer  de  la  pulpe  non  fermentée 
à  ce  caractère,  ainsi  qu'à  sa  couleur  beaucoup  plus  foncée, 
presque  noire. 

Ainsi,  dans  un  sol  où  toute  la  production  truffière  aurait 
été  atteinte  par  la  pourriture,  à  la  suite  de  pluies  incessantes 
par  exemple,  ou  faute  de  drainage,  les  chances  de  germina- 
tion sur  feuilles  seraient  diminuées,  et  les  réserves  pour 
l'avenir  manqueraient  absolument.  Au  contraire,  la  Truffe 
desséchée  avant  fermentation  assure  la  conservation  de  l'es- 
pèce pendant  un  an,  deux  ans  et  davantage. 

Utilité  de  rarome.  —  C'est  ici  qu'apparaît  l'utilité  pro- 
bable de  l'arôme,  car  de  tous  les  végétaux  il  n'en  est  peut- 
être  pas  de  plus  fermentescible  que  la  Truffe,  avec  sa  pulpe 
compacte  et  profonde  contenant  75  '"j^  d'eau  et  près  de  22  °/o 
de  matières  organiques  azotées.  (Le  reste,  soit  2  °/,j,  est  formé 
de  potasse,  acide  phosphorique,  chaux,  fer,  silice,  etc.,  etc.) 

Aussi  fermenterait-elle  toujours  avant  de  sécher,  si 
l'arôme  n'agissait  comme  un  antiseptique,  un  retardateur. 


-  32  — 

Le  rôle  de  l'arôme  a  été  vérifié  par  de  nombreuses  expé- 
riences; j'en  citerai  quelques-unes. 

Des  morceaux  de  Truffe  fraîche  ont  été  enfermées  dans  un 
tube  qu'ils  remplissaient  aux  trois  quarts;  on  a  hermétique- 
ment bouché.  Trois  mois  après,  le  tube  fut  ouvert  ;  la  Truffe 
répandait  encore  un  fort  parfum,  une  sorte  d'arôme  modifié, 
durci,  mais  point  du  tout  une  odeur  de  pourriture.  En  fait,  il 
n'y  avait  ni  décomposition,  ni  dégagement  gazeux;  les 
asques  étaient  presque  tous  intacts. 

Dans  ces  mêmes  conditions,  si  l'on  avait  laissé  l'odeur 
s'évaporer,  tous  les  asques  auraient  été  détruits. 

On  a  placé  dans  un  autre  tube  un  morceau  de  Truffe 
fraîche  avec  un  peu  d'eau  mêlée  de  ferments.  Plusieurs  mois 
après,  il  n'y  avait  ni  mauvaise  odeur,  ni  dégagement  gazeux  ; 
les  asques  étaient  conservés. 

De  la  pulpe  préalablement  éventée,  enfermée  dans  les 
mêmes  conditions,  était  complètement  pourrie;  les  asques 
n'existaient  plus. 

Enfin,  dans  un  tube  stérilisé  on  a  enfermé  avec  des  pré- 
cautions antiseptiques  une  tranche  intérieure  de  Truffe  avec 
de  l'eau  stérilisée.  Après  une  année,  l'odeur  de  la  Truffe  per- 
siste, mais  forte  et  rude.  Il  y  a  une  demi-pourriture,  beau- 
coup de  microbes  vivants,  mais  les  asques  sont  en  grande 
partie  intacts.  Ils  s'étaient  défendus,  ce  qui  donne  à  penser 
que  l'odeur  est  dans  l'asque  même  et  non  dans  la  pulpe  exté- 
rieure. 

Les  mêmes  expériences  tentées  avec  laTruffe  du  Piémont, 
dont  l'odeur  est  plus  forte  et  plus  pénétrante,  ont  donné  des 
résultats  identiques. 

De  ces  expériences  et  de  beaucoup  d'autres  tentées  dans 
le  même  sens,  il  résulterait  donc  (|ue  l'arôme  a  pour  l)ut  la 
conservation  de  l'espèce  par  la  protection  des   asques  (i), 

I.  Il  suit  de  là  que  lorsque  la  terre  demeure  trop  long-temps  humide  en 
hiver,  les  Truffes  de  l'année,  à  la  longue,  pourrissent  toutes.  Peut-être  faut-il 
attriijuer  à  cette  cause,  le  fait  observé  que  l'humidité  constante  da  sol  sup- 
prime les  truffières  ou  les  empêche  de  se  former.  11  est  à  remarquer  que 
l'arôme  des  Truffes  est  d'une  intensité  proportionnelle  à  l'humidité  du  sol  où 


—  33  — 

Indirectement  il  révèle  la  Truffe  aux  animaux  tubérivores, 
mais  il  ne  serait  nul  besoin  pour  cela  qu'il  fût  aussi  intense, 
puisque  l'odeur  beaucoup  plus  faible  que  dégage  la  Truffe 
desséchée,  humectée  ou  non  en  terre,  suftit  à  les  attirer.  Ceci 
n'a  rien  d'étonnant  si  Ion  considère  le  développement  ex- 
traordinaire des  facultés  olfactives  reconnu  chez  les  insectes 
carnivores  ou  mycophages. 

Ainsi  l'odeur  du  phalle  attire  les  mouches,  à  travers  bois, 
à  de  très  grandes  distances;  et  les  Bousiers!  une  bouse 
fraîche  vient-elle  à  paraître,  la  bonne  nouvelle  se  répand  au 
loin  avec  une  rapidité  étonnante  et  on  les  voit  accourir  en  un 
instant  de  tous  les  points  de  l'horizon! 

De  ces  précautions  minutieuses  que  la  nature  a  prises 
pour  assurer  la  conservation  des  spores  truffières,  il  ne  s'en 
suit  pas  que  celles-ci  perdent  facilement  la  faculté  de  germer. 
Le  contraire  est  plutôt  vrai. 

J'en  ai  vu  germer  qui  étaient  dans  un  état  de  dessiccation 
voisin  de  la  fig.  lo.  Brisées,  coupées  en  deux,  elles  germent 
encore,  avant  leurs  voisines  intactes.  J'en  ai  mis,  après 
les  avoir  sorties  de  leurs  asques,  dans  de  l'eau  phéniquée 
à  plus  de  4  pour  loo  où  elles  sont  restées  huit  mois  ;  je  les 
ai  ensemencées  ensuite,  plusieurs  ont  germé,  faiblement, 
mais  elles  ont  germé. 

En  résumé,  les  Truffes  fraîches  mais  bien  mtcres  donnent 
les  meilleurs  résultats;  puis  viennent  les  Truffes  vieilles  d'un 
an,  mais  desséchées  avant  fermentation.  Les  Truffes  ayant 
fermenté  et  utilisées  longtemps  après  donnent  des  résultats 
incertains. 

Aptitude  des  spores  à  germer  d'après  la  nature 
et  l'exposition  de  la  feuille.  —  J'ai  ensemencé  des  spores 

elles  se  forment.  Ainsi  la  Truffe  d'Italie,  qui  vient  au  pied  des  peupliers  et 
des  saules,  a  une  odeur  d'ail  d'une  force  et  d'une  persistance  incroyables. 
Pour  en  obtenir  la  pourriture,  il  faut  la  maintenir  très  longtemps,  à  l'air,  en 
milieu  humide.  A  la  fin,  l'arôme  ayant  disparu,  la  décomposition  arrive  com- 
plète et  repoussante.  D'autre  part,  les  Truffes  d'Afrique  qui  naissent  en  lieux 
secs,  ont  l'odeur  douce  et  agréable. 


—  34  - 

sur  chênes  pubescents,  chênes-liège,  sapins  argentés,  yeuses, 
chênes  divers,  noisetiers,  épicéas,  pins  à  cinq  feuilles,  gené- 
vriers, tous  ces  essais  ont  plus  ou  moins  réussi.  Il  est  pro- 
bable que  d'autres  arbres  donneraient  également  de  bons 
résultats. 

Les  feuilles  de  noisetier  apparaissent  et  se  forment  au 
printemps  bien  avant  celles  de  chêne,  il  semble  donc  que, 
toutes  choses  égales  d'ailleurs,  elles  devraient  avoir  un  peu 
plus  de  chance  en  leur  faveur  pour  les  générations  de  mai. 
D'autre  part,  pour  la  production  d'hiver,  elles  n'existent  pas; 
elles  ne  sont  donc  assurément  pas  supérieures  aux  feuilles  de 
chêne. 

Les  conifères  (le  sapin  argenté)  sur  lesquels  l'observation 
est  relativement  facile,  donnent  en  hiver  de  mauvais  résultats. 
On  dirait  que,  dans  cette  famille,  le  sclérenchyme  sous- 
épidermique  de  la  feuille  durcit  outre-mesure  lorsque  la  sève 
se  retire.  Il  semble  opposer  alors  un  obstacle  insurmontable 
au  cheminement  sous-épidermique  de  la  pseudo-spore  qui 
profite  alors,  quelquefois,  pour  entrer  ou  sortir,  des  spores 
storaatiques. 

En  fin  de  compte,  pour  observer,  rien  ne  vaut  la  feuille  de 
jeune  chêne  pubescent,  moyenne,  transparente,  plate,  vert- 
clair,  par  conséquent  ni  gelée,  ni  desséchée.  On  en  trouve  des 
quantités  dans  ces  conditions  jusqu'à  la  fin  de  février  et  plus 
tard  sur  les  arbres  où  elles  sont  tant  soit  peu  abritées,  lors- 
que le  froid  n'a  pas  été  excessif. 

Au  soleil,  en  été,  tous  les  ensemencements  sont  restés 
stériles.  A  partir  de  novembre,  le  soleil  ne  nuit  pas.  Ce  qui 
est  indispensable  en  tout  temps,  c'est  une  feuille  saine  et 
vigoureuse.  Sur  feuilles  anémiées,  flasques,  diaphanes  faute 
de  jour  ou  d'air,  les  sporules  se  forment  difficilement  ou 
point  du  tout. 

Il  va  de  soi  que  la  pluie,  les  grands  vents  sont  contraires, 
mais  ils  ont  moins  d'effet  qu'on  ne  pense  :  les  spores  adhèrent 
au  limbe  avec  une  persistance  étonnante. 

<i  Les  orages  de  vent,  écrit  le  D''  Ferry  de  la  Bellone,  ont 


—  35  — 

une  action  toujours  mauvaise;  on  craint,  non  sans  raison, 
ceux  qui  soufflent  aux  mois  de  mai  et  de  juin  {^La  Truffe, 
p.  177).  Ce  fait  serait-il  en  corrélation  avec  ce  que  nous  avons 
dit  des  ensemencements  de  mai  qui  produisent  l'œuf  en 
juin  (?). 

Faut-il  de  préférence  ensemencer  sur  feuilles  situées  au 
nord,  nous  n'en  savons  rien.  A  première  vue  il  semble  que 
oui.  De  ce  côté  elles  sont  plus  abritées  du  vent  et  du  soleil  ; 
puis  il  est  d'expérience  que  les  truffières  ont  tendance  à 
se  former  «  dans  l'ombre  de  midi  ». 

Les  feuilles  en  plein  air,  ensemencées  pour  l'observation, 
apportent  souvent  des  déceptions  à  celui  qui  les  cueille  après 
plusieurs  semaines,  croyant  y  trouver  du  premier  coup  des 
exemples  de  germination  complète.  C'est  qu'en  effet  au 
dehors  les  spores  ou  pseudo-spores  qui  ont  fructifié,  les 
œufs  même  finissent  par  tomber.  Beaucoup  de  spores,  sans 
tomber,  blanchissent,  deviennent  transparentes,  se  noient 
dans  l'épiderme  et  sont  alors  difficiles  à  apercevoir.  Impos- 
sible de  tracer  avec  certitude  l'origine  d'une  pseudo- 
spore ou  d'une  sporule  et  de  tirer  conclusion  des  faits 
observés. 

L'humidité  sur  la  feuille,  pluie  ou  rosée,  est-elle  indispen- 
sable? Aussi  longtemps  que  la  feuille  garde  un  vestige  de 
sève,  la  germination  se  poursuit  sans  le  secours  de  l'eau; 
lorsque  la  feuille  est  desséchée  comme  le  plus  souvent  en 
novembre-janvier,  l'humidité  de  la  saison  suffit  en  principe 
pour  l'arbre  en  plein  air.  Cependant,  sur  feuilles  en  plein  air, 
pendant  une  période  de  sécheresse  exceptionnelle,  la  germi- 
nation s'est  arrêtée.  Même  observation  sur  des  feuilles  mortes, 
l'arbre  qui  les  porte  étant  en  serre  :  dans  ce  cas  des  pulvé- 
risations d'eau  étaient  nécessaires. 

Époque  et  procédés  d'ensemencement.   —  De  ce 

qui  précède  il  résulterait  que  le  meilleur  moment  pour  ense- 
mencer est  la  première  quinzaine  de  mai  et  surtout  l'inter- 
valle de  fin  novembre  à  fin  janvier. 


-35- 

Les  seules  feuilles  utiles  seront  donc  en  hiver,  c'est-à-dire 
pendant  la  bonne  saison,  celles  qui  restent  longtemps  à 
l'arbre;  or  le  propre  des  chênes  dits  truffiers,  le  pubescent  et 
l'yeuse,  est  précisément  de  conserver  les  feuilles  jusqu'au 
printemps,  sinon  l'année  entière  :  c'est  peut-être  pour  cela 
qu'ils  ont  mérité  le  qualificatif  de  truffiers. 

Pour  l'observation,  novembre,  décembre  et  janvier  sont 
les  meilleurs  mois. 

Les  procédés  d'ensemencement  suivants,  adoptés  après 
quelques  tâtonnements,  ont  donné  des  résultats  satisfaisants. 

Je  prends  un  petit  morceau  gros  comme  un  pois  de  Truffe 
fraîche  ou  desséchée  avant  fermentation  et  je  le  fais  tremper 
quelques  heures  dans  de  l'eau. 

Je  l'écrase  ensuite  avec  un  peu  d'eau  entre  deux  verres 
dépolis,  sans  trop  appuyer,  de  manière  à  obtenir  une  pâte 
homogèjie  sans  gruaiL,  adhérente  ;  ]q  frotte  quelques  instants 
encore.  L'usage  d'une  lame  ou  d'un  métal  n'est  pas  à  recom- 
mander. 

La  pâte  obtenue  est  mêlée  à  de  l'eau  de  façon  à  former  un 
liquide  brunâtre,  nullement  co\\s\s\.2in\.  ^  presqice  aiLS si  fluide 
que  l'eau,  même;  dix  ou  douze  centimètres  cubes  d'eau  suf- 
fisent pour  gros  comme  un  pois  de  pulpe.  Ce  liquide  contient 
un  très  grand  nombre  de  spores  libres. 

Avec  un  pinceau,  un  bout  de  papier,  j'en  étale  une  très 
petite  quantité,  comme  une  tête  d'épingle  sur  la  nervure 
médiane  de  la  feuille.  On  peut  faire  l'opération  très  vite  et 
sans  aucun  soin,  un  simple  coup  de  pinceau  et  c'est  assez. 

L'expérience  a  prouvé  qu'il  n'était  pas  aisé  d'écraser  la 
pulpe  dans  les  justes  limites.  Tantôt  on  écrase  trop,  et  les 
spores  sont  endommagées;  tantôt,  souvent,  on  n'écrase  pas 
assez  ;  les  spores  restent  dans  leur  asque.  Ces  asques,  dans  les 
truffes  fraîches,  sont  difïiciles  à  rompre. 

Le  procédé  suivant  peut  alors  être  employé. 

Douze  à  quinze  jours  avant  l'ensemencement,  on  met  à  dé- 
tremper dans  l'eau,  pendant  vingt-quatre  heures,  quelques 
morceaux  de  truffe  gros  comme  des  pois.  Ils  sont,  après  ce 


—  37  — 

délai,  retirés,  enveloppés  de  papier  mouillé  et  placés  dans  un 
verre  avec  un  peu  d'eau  au  fond;  le  verre  est  couvert  et  Ton 
attend. 

Le  papier  ne  pouvant  sécher,  la  pourriture  commence  dès 
que  l'arôme  s'en  est  allé.  Au  moment  d'ensemencer  on  trouve 
la  pulpe  tendre,  noire,  sans  odeur  ;  les  asques  sont  détruits  ou 
endommagés.  Par  un  frottement  léger  et  peu'  prolongé,  avec 
de  l'eau,  on  obtient  une  pâte  homogène  dans  laquelle  les 
spores  sont  en  liberté.  Cette  pâte  est  mêlée  à  de  l'eau  et 
employée  comme  il  a  été  dit  précédemment. 

Les  alentours  de  la  nervure  médiane  forment  le  meilleur 
champ  de  culture.  Sur  feuilles  anémiées  on  remarque  que  le 
limbe  loin  du  centre  ne  fournit  pas  d'aliment  suffisant  aux 
spores  ;  j'ai  cru  observer  également  que  sur  ces  mêmes 
feuilles,  la  germination  est  plus  active  du  côté  du  pétiole  que 
près  du  sommet,  ce  qui  serait  d'accord  avec  le  basipetisme 
jies  essences  employées. 

//  est  essentiel  d'employer  des  truffes  bie^t  mûres  et  non 
ayant  pris  odeur  avant  la  maturité  comme  il  arrive  après  de 
grands  froids  précoces  (i).  Une  truffe  mûre  de  l'année  précé- 
dente vaut  uiïeux  qu'une  truffe  fraîche  incomplètement  mûrie. 

On  n'a  pas  observé  qu'il  y  eût  le  moindre  avantage  à  mé- 
langer les  pulpes  de  plusieurs  truffes  de  la  même  année  ou 
d'années  différentes. 

On  a  essayé  de  déposer  sur  le  limbe,  en  même  temps 
que  les  spores,  des  matières  nutritives  diverses,  liqueur  de 
Raulin,  sucre,  jus  de  viande,  sérum,  produits  organiques,  etc., 
le  résultat  a  été  nul  ou  plutôt  mauvais,  ces  détritus  favo- 
risant le  développement  des  parasites  qui  arrêtent  la  germi- 
nation de  la  Truffe  et  empêchent  l'observation. 

En  suivant  les  indications  que  nous  venons  de  donner,  on 
obtiendra  toujours  beaucoup  de  germinations. 


I.  T. es  froids  vifs  et  précoces,  quand  ils  ne  gèlent  pas  la  Truffe,  lui 
donnent  l'odeur  avant  la  maturité.  Celles-ci  dont  l'arôme  n'est  alors  ni  pro- 
fond, ni  durable,  se  vendent  moins  cher.  Cet  accident  cause  aux  rabaissiers 
des  perte»  sérieuses. 


-  3«  - 

Une  question  se  pose.  Vaut-il  mieux  ensemencer  à  l'arbre 
ou  sur  feuilles  détachées? 

Dans  une  précédente  étude  j'avais  cru  pouvoir  mettre  sur 
le  même  pied,  pour  l'hiver,  l'ensemencement  sur  feuilles  à 
l'arbre  et  celui  sur  feuilles  sèches  conservées  en  boîtes  Pétri, 
ce  dernier  mode  ayant  l'avantage  de  protéger  la  feuille 
contré  tout  danger  extérieur  (i).  Depuis  il  a  semblé  que  la 
feuille  en  boîte,  à  moins  de  précautions  minutieuses  et  diffi- 
ciles, était  trop  exposée  à  se  couvrir  de  moisissures  qui 
arrêtaient  ou  gênaient  la  germination.  De  plus  l'observation 
peut  devenir  rapidement  impossible. 

Il  serait  donc  préférable,  tant  pour  l'observation  que  sans 
doute  pour  la  germination  même,  d'ensemencer  à  l'arbre  en 
toute  saison.  Après  deux  mois  je  donne  un  coup  de  bêche  en 
terre,  sous  l'extrémité  des  branches,  dans  le  rayon  des  radi- 
celles, et  j'enfouis  une  ou  deux  feuilles  ainsi  ensemencées 
marquées  d'avance  par  une  ficelle  ou  de  toute  autre  manière. 

Quelques  essais  pratiques  ont  été  ainsi  tentés,  malheureu- 
sement dans  un  pays  où  les  circonstances  ne  sont  pas  favo- 
rables puisqu'il  faut  amender  la  terre  pour  l'amener  aux  2",  ^de 
calcaire  qui  seraient  indispensables. 

Les  conditions  essentielles  pour  l'existence  d'une  truffière 
sont  en  effet,  comme  on  sait,  sol  calcaire  à  2  "/„  au  moins, 
bien  drainé  et  non  exclusivement  siliceux;  climat  de  la  vigne. 
Et  encore  pour  le  climat  existe-t-il  une  grande  latitude  puis- 
que la  Truffe  du  Périgord  a  été  recueillie  en  Seine-et-Oise  et 
jusqu'en  Saône-et-Loire,et  qu'on  en  récolte  des  Truffes  moins 
bonnes,  il  est  vrai,  mais  encore  très  mangeables  en  Asie,  en 
Afrique,  partout  enfin. 

De  jeunes  chênes  pubescents  de  quatre  ans  traités  en  1899 


I.  Les  boîtes  Pétri  ont  environ  flouze  centimètres  de  diamètre.  On  y  dispose 
quelques  morceaux  de  verre  de  façon  que-  les  feuilles  préalablement  mouillées 
puissent  èlre  placées  limbe  en  haut,  en  plan  incliné,  et  portant  sur  une  ou 
deux  arêtes  de  verre.  I.'eau  ne  doit  être  en  contact  ni  avec  le  dessus  ni  avec 
le  dessous  des  feuilles,  sans  quoi  la  ])ourriture  arrive  promptement.  La  boîte 
fermée  est  conservée  à  l'ombre  et  à  la  fraîcheur;  on  surveille  de  temps  en 
temps.  Après  quelques  jours  la  germination  commence. 


39  — 


n'ont  encore  rien  donné  en  1902.  J'en  suis  à  me  demander  si 
la  semence  si  délicate  de  ce  champignon  n'a  pas  besoin  de 
rencontrer  au  début,  pour  se  développer  en  terre,  une  nourri- 
ture plus  spéciale,  plus  choisie  que  le  sol  ordinaire  ;  peut-être 
un  aliment  approprié,  de  nature  végétale,  comme  des  racines 
avec  lesquelles  elle  serait  en  contact  immédiat,  ou  même  de 
nature  animale.  Cependant  l'hypothèse  d'un  second  transport 
dans  le  corps  ou  sur  les  pattes  de  la  mouche  paraît  à  pre- 
mière vue  improbable. 

De  toutes  façons,  lorsqu'une  expérience  est  tentée,  quand 
pent-on  être  fixé  sur  les  résultats? 

Ceci  m'amène  à  répondre,  en  terminant,  à  deux  questions 
qui  ont  été  souvent  posées. 

Délais.  —  i"  En  supposant  que  tout  réussisse;  que  l'œuf 
déposé  ou  tombant  en  terre,  avec  ou  sans  la  feuille,  germe 
dans  des  conditions  favorables,  combien  de  temps  faut-il  pour 
que  la  truffière  apparaisse,  pour  qu'elle  produise  des  fruits? 

2°  En  supposant  également  que  l'œuf  soit  déposé  en  terre 
sur  feuille,  prêt  à  germer,  et  dans  de  bonnes  conditions,  l'ar- 
bre, ses  racines,  sont-ils  nécessaires  à  la  formation  et  à  la 
production  des  truffières,  ou  bien  peut-on  s'en  passer. 

Sur  le  premier  point,  la  réponse  est  douteuse.  Les  uns, 
parmi  lesquels  d'éminents  botanistes,  disent  qu'il  faut  cinq 
à  dix  ans  avant  l'apparition  des  premières  Truffes,  basant 
cette  opinion  sur  le  temps  moyen  reconnu  nécessaire  à  une 
plantation  déjeunes  chênes  pour  devenir  truffiers.  Les  autres 
croient  ces  délais  exagérés.  D'après  les  expériences  très 
sérieuses  de  M.  C.  Kiefer  (i),  inspecteur  des  forêts  à  Uzès, 
deux  années,  une  année  même  suffirait  pour  que  la  truffière 

I.  M.  C.  Kiefer,  après  avoir  creusé,  en  pays  truffier,  des  fosses  d'environ 
30  cm.  de  profondeur  sur  les  bords  des  bois,  en  sol  fraîchement  défriché,  y 
transporte  de  la  terre  prise  aux  truffières  les  plus  voisines  (1882-1889)  :  dès  la 
première  ou  seconde  année  il  a  récolté  des  truffes.  I.es  çermes  auraient  donc 
été  apportés  avec  la  terre  (?)  ou  seraient  venus  des  feuilles  et  auraient  germé 
plus  facilement  en  terre  arable  et  fraîchahnent  remuée.  Ces  expériences 
reprises  par  d'autres,  en  pays  truffiers  et  non  truffiers,  n'ont  pas  réussi. 


—  40  — 

se  constituât  qt  produisît  ses  premiers  fruits  ;  il  y  a  peut-être, 
là  aussi,  exag-ération. 

Quant  à  la  Truffe  même,  il  lui  faut  six  mois  pour  passer 
de  l'état  d'embryon,  de  la  grosseur  d'un  grain  de  mil,  à  son 
développement  complet.  C'est  un  fait  connu. 


Nécessité  des  arbres.  —  Sur  le  second  point,  l'arbre 
est-il  indispensable  en  tout  état  de  cause}  On  n'est  pas  davan- 
tage fixé. 

Pour  que  l'arbre  soit  indispensable,  il  faut  admettre  en  effet 
que  le  mycélium  truffier  est  parasite  nécessaire  des  racines  ou 
que,  tout  aumoins,  sans  être  positivement  parasite  nécessaire, 
il  les  touche,  les  enveloppe  et  se  nourrit  de  leurs  excrétions. 

Or,  nous  avons  vu  (page  7)  que  la  question  du  parasi- 
tisme est  débattue.  Les  uns,  MM.  Condamy,  Grimblot, 
de  Ferry  en  sont  partisans;  les  autres,  MM.  H.  Bonnet, 
Grognot,  Tulasne,  Boudier  la  nient  énergiquement  ;  ce  der- 
nier avis  prévaut  en  général. 

Quant  à  la  nécessité  des  excrétions  radiculaires  pour 
nourrir  le  mycélium,  nécessité  que  semblent  admettre 
Tulasne,  le  professeur  Clos,  et  d'autres  éminents  botanistes, 
nous  ferons  observer  que  la  réalité  de  cette  excrétion  est 
aujourd'hui  mise  en  doute.  M.  Van  Tieghem  [IVaité  de 
Botajiique,  1892)  est  amené  «  à  regarder  comme  probable 
a  qu'elle  ne  s'opère  pas  du  tout  ».  En  tous  cas  elle  serait 
extrêmement  faible,  puisque  «  les  travaux  les  plus  précis 
«  accomplis  dans  cette  voie  n'ont  donné  qu'un  résultat 
«  négatif  ». 

On  cite  des  faits  certains  et  en  apparence  concluants  pour 
démontrer  que  les  racines  ne  sont  pas  indispensables;  par 
exemple  des  truffes  ramassées  en  plein  champ,  loin  de  tout 
arbre;  des  truffettes  transplantées  et  achevant  ensuite  de  se 
former  ;  une  truffe  «  venue  dans  un  trou  de  pierre  sans 
«  absolument  aucune  fissure  en  communication  avec  les 
(f  racines  ou  radicelles  des  alentours  »  (C.  Kiefer,  1889), 
etc.,  etc. 


—  41  — 

D'autre  part,  les  trufficulteurs  nous  disent  et  Texpérience 
prouve  que  lorsqu'on  coupe  un  arbre  ou  seulement  parfois 
une  branche  de  l'arbre,  la  truffière  meurt.  Pourquoi  ?  Est-ce 
à  cause  de  la  suppression  de  l'ombre  ou  parce  que,  étant 
donnée  la  préexistence  de  la  truffière,  il  est  nécessaire  à  sa 
production  que  chaque  année  des  germes  nouveaux  tombent 
en  terre  ;  germes  dont  les  filaments  s'anastomosant  en 
quelque  sorte  avec  les  filaments  anciens  de  la  truffière, 
profiteraient  du  mycélium  formé  et  des  réserves  acquises, 
pour  nourrir  leur  fruit?  Il  semble  que  la  raison  est  plus 
simple. 

Sans  préjuger  en  rien  la  question  du  parasitisme  néces- 
saire, on  peut  admettre  comme  vraisemblance,  d'après  les 
observations  faites,  que  le  mycélium  truffier,  pareil  en  cela 
à  celui  d'autres  champignons,  enlace  les  racines  qu'il  ren- 
contre, s'y  attache,  et  puise  en  elles  les  aliments  et  surtout 
l'humidité  nécessaire  dans  les  périodes  de  sécheresse.  Cette 
source  de  subsistances  vient-elle  brusquement  à  se  tarir  par 
le  dépérissement  des  racines,  la  truffière  constituée  le  plus 
souvent  en  terrain  pauvre,  sevrée  brutalement  de  ses  moyens 
d'existence,  dépérit  et  meurt. 

Il  ne  suit  pas  de  là  que  la  racine  de  l'arbre  soit  i)idispen- 
sable.  D'autres  aliments  peuvent  la  remplacer.  Je  serais  d'avis 
que  cette  indispensabilité  n'existe  pas  ;  mais  on  voit  que  la 
question  est  loin  d'être  résolue. 

Pourquoi  les  truffières  sont-elles  si  rares  dans 
les  bois  de  chênes  truffiers.  —  De  ce  qui  précède,  il 
paraît  résulter  que  le  mode  actuel  d'exploitation  des  truf- 
fières amènerait  logiquement  leur  disparition,  si  le  nombre 
d'arbres  truffiers  existant  n'était  pas  tellement  immense,  ou 
du  moins  qu'il  les  empêche  de  se  multiplier  proportionnelle- 
ment à  l'énorme  étendue  des  plantations  truffières  dans  le 
centre  et  le  midi  de  la  France. 

Le  trufficulteur  s'en  remet  à  la  nature  pour  la  dissémina- 
tion des  germes,  et  d'autre  part,  il  s'efforce  de  rendre  cette 


-   \2    ~ 

dissémination  impossible  en  enlevant  des  truffières  tout  ce 
qu'elles  produisent,  en  les  épuisant  à  fond  et  supprimant  les 
réserves  de  semences  dont  la  nature  a  besoin. 

Les  partisans  de  la  truffe  maladie  ou  de  la  mouche  truffi- 
gène  approuveront  cette  exploitation  intensive,  mais  les 
botanistes  penseront  autrement  :  de  fait,  cette  dévastation 
produit  de  fâcheux  résultats. 

Si  l'on  tient  compte  des  surfaces  considérables,  des 
centaines  de  mille  hectares,  consacrées  dans  notre  pays  à 
la  trufficulture,  on  peut  s'étonner  du  petit  nombre  de  truffes 
récoltées  et  de  leur  prix  conséquemment  élevé.  A  peine  un 
chêne  est-il  truffier  sur  cent,  deux  cents  ou  davantage. 

La  conclusion  serait,  il  semble,  que  même  en  n'usant  pas 
de  procédés  artificiels  d'ensemencement,  même  en  continuant 
de  laisser  agir  la  nature,  il  conviendrait  d'oublier  chaque 
année,  au  pied  des  chênes,  quelques  bonnes  truffes  placées 
en  terre,  dans  un  pot  qui  les  protégerait  des  rats,  des  mulots 
et  autres  destructeurs  nuisibles. 

On  faciliterait  sans  doute  ainsi  le  travail  des  insectes 
utiles,  mouches  ou  coléoptères,  et  par  suite  la  dissémination 
de  l'espèce. 


1 


CHAPITRE  VI 

LA  TRUFFE  DU  PIÉMONT 

Les  observations  faites  sur  les  spores  de  ce  champignon 
portent  à  croire  que  leur  g-ermination  suit  des  règles  iden- 
tiques à  celles  qui  ont  été  exposées  relativement  à  la  Tttber 
melanosportiin . 

Les  œufs  sont  quelquefois,  quoique  rarement,  très  gros,- 
et  paraissent  germer  plus  tôt  ;  les  pseudo-spores  sont  aussi, 
parfois,    exceptionnellement    grosses,   presque    aussi   volu- 
mineuses que  la  spore  même  [a,  pi.  III). 

Tout  ce  qui  a  été  dit,  en  général,  de  la  Truffe  du  Péri- 
gord,  dans  les  différentes  circonstances  naturelles  ou  artifi- 
cielles qui  peuvent  se  présenter,  s'applique  également  ici. 

L'observation  est  plus  difficile,  les  spores  étant  transpa- 
rentes et  les  filaments  mâles,  quand  extérieurs,  très  courts 
et  très  peu  visibles.  Les  colorants  n'ont  pas  d'action  sur  ces 
filaments,  mais  ils  en  facilitent  l'observation  en  agissant  sur 
ce  qui  les  entoure. 


CHAPITRE    VII 

LE  COPRIN 

Spores  de  Coprin.  —  Feuilles  sur  lesquelles  elles  ont  g-crmé.  —  Mode 
de  g-ermination.  —  Ensemencement.  —  Observations  sur  le  rôle 
des  feuilles  et  le  développement  asexué  de  la  spore. 

La  spore  du  Coprin  est  généralement  lisse  ;  noire,  assez 
grosse,  ovale,  quelquefois  discoïde,  le  tiers  ou  le  quart  de 
celle  de  la  Truffe.  La  plupart  des  Coprins  ont  donc  une  spore 
semblable;  la  grosseur  seule  varie.  Le  môme  Coprin,  à 
sa  seconde  génération  issue  de  spore  unique,  devient,  comme 
on  sait,  une  plante  à  chapeau  généralement  diminué  et  à 
spores  plus  petites. 

Feuilles  sur  lesquelles  elles  ont   g-ermé.  —  Les 

spores  de  Coprin  stercoraire  ont  germé  sur  chêne  pubes- 
cent,  et  chêne  ordinaire;  sur  sapin  argenté  difficilement;  quel- 
quefois et  exceptionnellement  sur  d'autres  essences,  telles 
que  conifères  variés,  tilleul,  etc.  On  n'a  rien  observé  sur  les 
graminées. 

Sur  feuilles  coupées  trop  tôt  après  l'ensemencement  et 
mises  en  boîte,  sur  arbre  en  serre  ou  appartement  non 
arrosé,  sur  feuilles  trop  jeunes,  insuffisamment  formées,  en  un 
mot  dans  la  plupart  des  circonstances  défavorables  énumé- 
rées  à  propos  de  la  Trufïe,  le  Coprin  n'a  pas  germé  ou  la 
germination  a  avorté. 

L'apport  de  substances  étrangères  sur  la  feuille  en  même 
temps  que  la  spore,  a  été,  comme  pour  la  Truffe,  plutôt  nui- 
sible qu'utile. 

En  indiquant  les  feuilles  sur  lesquelles  des  essais  ont  été 


—  4; 


faits  et  en  spécifiant  celles  qui  ont  donné,  pour  l'observ'a- 
tion,  les  meilleurs  résultats,  on  ne  prétend  pas  connaître 
assurément  le  seul  ou  le  meilleur  substratum  pour  la  ger- 
mination sexuée  du  Co- 
prin. D'autres  substra- 
tum sont  probable- 
ment aussi  bons  ;  il  en 
est  même  vraisembla- 
blement de  meilleurs 
que  la  feuille  de  chêne, 
si  l'on  en  juge  par  le 
nombre  des  man- 
quants, de  même  que 
cette  feuille  paraît  su- 
périeure à  celle  des 
conifères. 

Les  grands  avan- 
tages de  la  feuille  de 
chêne,  surtout  du  pu- 
bescent  jeune,  sont, 
comme  je  Tai  dit  à 
propos  de  la  Truffe,  la 
planerie  et  la  propreté 
relative  du  limbe,  l'ab- 
sence de  poil  à  la  par- 
tiesupérieure,  la  durée 
à  l'état  vert,  la  solidité, 
la  transparence,  et  la 
résistance  relative  à  la 
pourriture,  provenant 
sans  doute  du  tanin,  toutes  qualités  précieuses  pour  l'obser- 
vation. 

A  ces  points  de  vue,  la  feuille  de  sapin  argenté  serait 
aussi  excellente;  mais  elle  donne  par  trop  de  manquants 
surtout  à  l'arrière-saison  et  ne  convient  plus  après  les 
froids. 


Fij 


II.  —  Gt-rriiiiialion  sur  feuilles  de  spores 
de  Coprin  (nov.-déc.). 


-46- 

Mode  de  g-ermination.  — ^  Il  est  le  même  que  pour  la 
Truffe  (figure  ii).  Toutefois  nous  n'avons  pas  aperc^u  de 
jets  secondaires  émanant  de  pseudo-spores  mâles.  La  marche 
extérieure  du  filament  mâle  est  rare  même  en  hiver  :  elle 
peut  être  partiellement  superficielle  (fig.  12). 

On  a  ensemencé  dans  de  la  bouse  de  vache,  au  printemps 
et  en  été,  des  spores  isolées  de  Coprins  stercoraires.  Quel- 
ques jours  après  il  se  développait  naturellement  des  Coprins 
de  deuxième  génération,  continuant  la  plante  primitive;  une 
troisième  génération  a  été  produite. 

Les  spores  de  ces  deuxième  et  troisième  génération,  pla- 
cées sur  feuilles  en  automne,  ont 
laissé  voir  comme  les  autres  des  g-er- 
minations,  des  gamètes  mâles  et  fe- 
melles, et  des  accouplements. 


Fi}j.  12.  —  Exemple  assez  rare 


Époques  et  délais.  —  Le  mois 

de  mai  est  assez  favorable  ;  les  spo- 

de  geirnination  en   partie      rulcs  peuveut  apparaître  après  sept 

superficielle  {nov.-dec).  *■  '•  ■"■  *•  ■*■ 

ou  huit  semaines,  ou  moins. 

En  juin,  juillet,  août,  même  septembre,  nulle  germination. 
D'octobre  à  janvier,  l'époque  est  de  nouveau  favorable.  Les 
délais  pour  l'apparition  des  sporules  paraissent  plus  courts 
qu'au  printemps.  L'œuf  nous  a  semblé  germer  dans  certains 
cas,  sept  à  huit  semaines  après  ensemencement. 

Par  exemple  une  spore  de  Coprin  de  1898  est  ensemencée 
le  19  octobre  1899,  sur  chêne  pubescent,  à  l'arbre.  La  feuille 
est  détachée  le  8  janvier  et  mise  en  boîte,  elle  montre  le 
15  janvier  des  œufs  dont  quelques-uns  paraissent  germer. 

Des  spores  placées  le  20  septembre  sur  sapin  argenté 
donnent  par  exception,  le  15  octobre,  des  accouplements  et 
des  œufs  ;  etc.,  etc. 

Ensemencement.  —  L'ensemencement  se  fait  avec 
les  spores  tombées  ou  prises  sur  lamelles  d'un  Coprin 
mûr   et  en  déliquescence.  Le    danger    est    de    mettre   trop 


-  47  — 

de  spores.  Les  résultats  ne  chang-ent  pas  lorsqu'on  mélange 
les  spores  de  plusieurs  champignons. 

De  tous  les  champignons  étudiés  au  point  de  vue  de  la 
germination,  le  Coprin  est  celui  qui  avec  la  Truffe  présente  le 
plus  de  facilité  à  l'observation.  Il  est  même  supérieur  à 
cette  dernière,  en  ce  sens  que  la  pulpe  ou  plutôt  les  lamelles 
n'ayant  pas  besoin  d'être  préalablement  écrasées  pour  la 
mise  en  liberté  des  spores,  celles-ci  ne  se  trouvent  pas  mêlées 
sur  le  limbe  à  des  fragments  et  débris  de  toutes  sortes. 

Les  spores  de  tous  les  Coprins,  quelle  qu'en  soit  l'espèce, 
germeraient  sans  doute  de  la  même  façon  et  conduiraient 
à  des  constatations  identiques.  Pour  l'observation  il  vaut 
mieux,  cela  va  de  soi,  prendre  des  spores  aussi  grosses  que 
possible,  et  à  ce  point  de  vue  la  grandeur  relative  des  espèces 
ne  donne  aucune  indication. 

Ainsi  les  Coprins  tète  de  notaire  ou  chevelu,  le  Coprin 
noir  d'encre,  le  Coprin  micacé,  dont  les  chapeaux  sont  fort 
larges,  portent  des  spores  sensiblement  moins  grosses  que 
le  petit  Coprin  stercoraire.  C'est  sur  la  bouse  de  vache  ou  le 
crottin  de  cheval  que  l'on  a  ramassé  les  Coprins  observés  ; 
il  n'y  a  pas  à  tenir  compte  des  dimensions  du  chapeau  (i). 

Comme  les  espèces  à  grosses  spores,  tels  que  le  sterco- 
raire, le  niveus,  etc.,  peuvent  à  la  deuxième  ou  troisième 
génération  par  agamie,  même  en  milieu  convenable,  avoir  des 
spores  plus  petites,  le  mieux  est  encore,  après  avoir  récolté 
dans  les  conditions  voulues,  de  consulter  le  microscope. 

Les  colorants  n'ont  donné  aucun  bon  résultat.  L'oeuf  est 
toujours  difficile  à  observer.  Pour  le  voir  germer,  de  même 
que  lorsqu'il  s'agit  d'autres  champignons,  l'objectif  à  immer- 
sion n'est  pas  de  trop  ;  et  encore,  souvent  n'est-on  sûr  de  rien. 


I.  Les  Coprins  classés  d'après  le  volume  de  leur  spore,  en  commençant 
par  les  plus  grosses,  se  présenteraient  dans  l'ordre  suivant  :  C.  Oblectus, 
23,aXi3f*  — Niveus,  16X12,''-  —  Lag-opus,  15X12 'J-  —  Tomentosus,  18x9.^-  — 
Aphtosus,  15X10  [J-  —  Stercorarius,  15X10;^  —  Tomentosus,  Comatus,  etc.. 
Cette  classilication  n'a  rien  d'absolu  puisque  les  spores  du  même  Coprin 
diminuent  de  g-énération  en  génération,  suivant  les  milieux,  lorsque  la  plante 
est  issue  de  spore  unique. 


-48- 

Observations  sur  le  développement  asexué  des 
spores  et  le  rôle  delà  feuille.  —  Les  spores  de  Coprin 
stercoraire  ou  blanc  de  neige  (en  faisant  allusion  à  ce  Coprin 
on  ne  veut  pas  dire,  je  le  répète,  que  les  autres  se  compor- 
teraient différemment,  mais  simplement  que  c'est  sur  cette 
espèce  que  les  observations  ont  porté)  ont  donc  ceci  de 
particulier  que  semblables  en  cela  aux  spores  du  Psalliote 
champêtre,  de  la  Morille,  etc.,  elles  ont  deux  formes  de 
germination,  l'une  sexuée,  l'autre  asexuée.  Elles  l'emportent 
sur  la  Morille  en  ce  sens  que  la  forme  asexuée  reproduit 
facilement,  comme  on  sait,  un  nouvel  échantillon  de  la 
plante. 

Cette  facihté  de  germination  ou  plus  exactement  de  déve- 
loppement àç.  la  spore  en  mycélium  fertile,  a,  nous  semble-t-il, 
dérouté  quelques  observateurs  de  grand  mérite  cependant, 
qui  ont  alors  voulu  trouver  la  sexualisation  là  ou  elle  n'était 
pas  (v.  p.  Vl)  ;  ils  ont  cru  reconnaître  des  différenciations  et  des 
actes  sexuels  dans  les  formes  et  rencontres  fortuites  des 
filaments  et  des  conidies,  et  les  recherches  ont  été  ainsi 
maintenues  dans  une  voie  oià  elles  ne  pouvaient  aboutir.  En 
dehors  du  thalle  apogamique,  de  ses  évolutions  ou  fusions 
fortuites  on  végétatives,  tels  qu'anastomoses  de  filaments  et 
conidies,  etc.,  etc.,  point  de  sexualité  possible  ;  c'était 
comme  un  mot  d'ordre,  une  défense  de  passer.  En  réalité,  il 
n'y  a  aucune  ressemblance  entre  la  germination  sexuée  et  le 
développement  asexué  des  spores  ;  ce  sont  des  choses 
différentes. 

Dans  ces  derniers  temps  le  développement  et  la  fructifi- 
cation organiques  des  spores  de  certains  Agarics  ont  été 
l'objet  de  consciencieuses  recherches,  surtout  en  Allemagne. 
On  y  a  soigneusement  étudié,  à  ce  point  de  vue,  le  cham- 
pignon de  couche  et  le  Coprin  si  faciles  cà  obtenir  de  spores 

uniques. 

M.  ^^ln  Tieghem  fait  connaître  dans  son  Traité  de  Boia- 
nique,  comment  les  choses  se  passent  pour  le  Coprin  ster- 
coraire d'après  Brefeld. 


—  49 


La  spore  déposée  en  saison  favorable  dans  un  milieu 
nutritif  approprié  comme  par  exemple  une  décoction  de 
crottin  de  cheval,  en  supposant  que  l'expérience  réussisse 
«  germe  aussitôt  (fig-.  13,  A);  à  travers  une  pore  située  à 
a  l'opposite  de  son 
«  point  d'insertion,  X  /\ 

«  elle  pousse  une 
«  ampoule  bientôt 
«  allongée  en  un 
«  tube  qui  ne  tarde 
«  pas  à  se  cloison- 
«  ner  et  à  se  rami- 
«  fier  en  un  thalle 
«  circulaire  dont  la 
«  spore  occupe  le 
«  centreetquicon- 
«  tinue  de  croître 
a  à  sa  périphérie 
a  (C) ,  En  même 
«  temps  les  bran- 
('  ches  s'anastomo-  f 
«  sent  entre  elles 
«  (B),  et  le  long 
«d'une  même 
«  branche,  les  cel- 

«  Iules  s'unissent  à  la  hauteur  de  chaque  cloison  par  un  bec 
«  latéral  (D)  ;  de  la  sorte,  les  corps  protoplasmiques  des 
«  cellules  primitivement  distinctes  se  trouvent  de  nouveau 
«  confondus  en  une  masse  unique.  Après  dix  à  douze  jours  les 
«  fructifications  apparaissent  sur  le  thalle  et  s'y  développent 
«  du  centre  à  la  périphérie  (fig-.  14). 

«  En  un  point  d'un  filament  naît  une  branche  qui  se 
«  ramifie  abondamment,  enchevêtre,  pelotonne  et  serre  de 
«  plus  en  plus  ses  rameaux  qui  sont  tous  semblables  ;  il  se 
«  produit  de  la  sorte  un  tubercule  dont  la  partie  interne  plus 
a   dense  est  le  début  du  pied  et  la  zone  externe,  plus  lâche,  est 

4 


•'-<i!t_«âi 


'^.  13.  —  Copriii  stercoraire  {Coprinus  stercorarius). 
A,  germination  des  spores.  B,  Anastomose  entre  deux 
branches  du  jeune  thalle.  Jeune  thalle  issu  de  la  spore. 
D,  Anastomose  de  cellule  à  cellule  le  long  du  même  fila- 
ment. E,  Appareil  conidifère  du  C.  Lagope  (C  Lagopus). 
F,  Conidées  libres  en  forme  de  bâtonnets  D'après  Brefeld 
(V,\N  TiEGHEM,   Traité  de  Botanique). 


—  :;o  — 


(c  la  volve.  Aid  sommet  du  noyau,  la  croissance  et  la  ramifi- 
«  cation  des  filaments  continue  très  activement  et  forme  le 
«  début  du  chapeau  qui  s'étend  ensuite  vers  le  bas  le  long  du 
«  pied  par  une  croissance  marginale.  Sur  la  face  interne  du 
«   chapeau,    contre   le  pied,  se  dessinent  ensuite   des  côtes 

«  longitudinales  de 
«  plus  en  plus  sail- 
«  lantes ,  qui  sont 
ft  les  lamelles  ;  à 
«  leur  surface  les 
«  filaments  vie n- 
«  nent  se  terminer 
«  en  palissade  pour 
«  formerl'assisequi 
«  renferme,  comme 
«  on  sait,  les  ba- 
«  sides,  les  para- 
«  phises  et  çà  et  là 
«  des  poils.  Ces 
«   derniers  ont  pour 

FijT.   14.  —  Coprin    stercoraire.    Thalle    adulte    produit         «    fÔle    d'écartCr  IcS 
par  la  spore  ccntrali:   et  portant  neuf  jeunes  appareils 

sporifères   dont  une   allonge    déjà   son    pied.    D'après         «     lamellcS  IcS    UUCS 
Brefeld.  (Van  ÏIEGHEM,   Traité  de  Botanique.^ 

«  des  autres  et  du 
«  pied,  de  manière  à  permettre  aux  basides  de  s'allonger 
«  ensuite  dans  l'intervalle  et  d'y  produire  au  sommet  chacune 
«  quatre  spores.  Celles-ci  cutinisent  et  colorent  en  brun  la 
«  couche  externe  de  leur  membrane,  excepté  au  sommet  où 
«  est  le  pore  germinatif. 

«  Jusque-là  le  pied  est  resté  court,  se  bornant  à  pousser  à 
«  sa  base  des  filaments  qui  s'enfoncent  tout  autour  dans  le 
«  milieu  nutritif  pour  contribuer  à  le  fixer  et  à  l'alimenter.  Il 
«  s'allonge  alors  tout  à  coup  (fig.  14)  et  très  rapidement 
«  dans  sa  région  supérieure  en  disloquant  la  volve  et  sou- 
te levant  le  chapeau;  celui-ci  tout  couvert  de  cellules  rondes, 
«  débris  de  l'enveloppe,  se  déploie  en  dédoublant  ses  lamelles 
«   comme  un  parapluie  cj[u'on  ouvre,  et  dissémine  ses  spores. 


a  Sa  substance  se  liquéfie  ensuite  et  ce  liquide  entraînant  les 
«  ?pores  non  encore  détachées  tombe  goutte  à  goutte  sur  le 
«  sol  ;  il  est  assez  fortement  noirci  par  les  spores  pour 
«   pouvoir  servir  d'encre  indélébile...» 

«  Si  au  cours  de  cet  allongement  (du  pied)  on  vient  à 
«  couper  ou  à  piquer  le  pied  ou  le  chapeau,  on  voit  sur  la 
«  section  ou  sur  la  plaie  un  des  filaments  bourgeonner  en 
«  quelque  point  et  reformer  un  tubercule  adventif  qui  devient 
«  bientôt  un  nouveau  fruit,  plus  petit  que  le  précédent.  On 
«  remarquera  que,  dans  ces  fruits  adventifs,  comme  par  les 
«  fructifications  ordinaires,  une  seule  cellule  suffit  à  produire 
a  l'appareil  sporifère  tout  entier.  D'autre  part  si  l'on  place 
«  un  fragment  détaché  du  pied  ou  du  chapeau  dans  un 
«  liquide  nutritif,  il  pousse  un  thalle  sur  lequel  se  forment 
«  plus  tard  de  nombreux  fruits.  Seules  les  cellules  rondes, 
«  débris  de  la  volve,  qui  recouvrent  le  chapeau,  sont  inca- 
«  pables  de  se  développer  en  un  thalle  nouveau.  » 

a  Dans  d'autres  conditions  et  en  particulier  lorsque  le 
«  milieu  est  abondamment  pourvu  de  matières  nutritives  et 
«  surtout  plus  compact,  moins  aéré,  dans  la  bouse  de  vache 
«  par  exemple,  le  développement  suit  une  marche  un  peu 
c(  différente  chez  certaines  espèces  et  notamment  chez  le 
«  Coprin  stercoraire.  Il  se  fait  bien  encore  parla  ramification 
«  enchevêtrée  et  de  plus  en  plus  condensée  d'une  branche 
«  de  thalle,  un  tubercule,  mais  ce  tubercule  ne  se  différencie 
«  pas  à  l'intérieur  :  ses  cellules  grandissent,  se  pressenties 
«  unes  contre  les  autres  en  un  pseudo-parenchyme,  se  rem- 
«  plissent  de  substance  de  réserve  et  passent  à  l'état  dévie 
«  latente.  En  même  temps  les  assises  externes  cutinisent 
«  leurs  membranes  et  les  colorent  en  noir  de  manière  à  pro- 
«  téeer  la  réofion  interne  incolore  ;  elles  demeurent  vivantes 
«   cependant.  En  un  mot  le  tubercule  devient  un  sclérote,  » 

«  Plus  tard,  dans  l'air  humide,  ces  sclérotes  germent. 
«  Une  des  cellules  périphériques  pousse  une  branche  qui  se 
«  ramifie  aussitôt,  enchevêtre,  pelotonne  ses  rameaux  et 
«  forme   un  petit   tubercule  blanc  :    celui-ci  grandit   et  se 


—  5^  - 

«   différencie  ensuite  en  un  appareil  sporifère  comme  il  a  été 
«   dit  plus  haut  pour  le  tubercule  né  sur  le  thalle.  De  la  base 
«   du  pied  partent  également  tout  autour  des  filaments  rameux 
a   qui  fixent  le  fruit  et   lui   apportent  l'eau  nécessaire  à  sa 
«  croissance.  Plus  tard  le  pied  s'allonge   rapidement,  puis 
«   déploie   son  chapeau  et  dissémine  ses  spores.   Un  même 
«   sclérote    peut  produire  ainsi,  aux  différents   points  de  sa 
«   surface,  un   grand  nombre   de  petits  tubercules,   mais  un 
«   seull'emporte  d'ordinaire  et  se  développe  en  fruit.  Le  fruit 
«   issu    du  sclérote    peut    être  coupé,   décapité  à    plusieurs 
«   reprises  ;  chaque  fois  il  se  forme  sur  la  section  un  nouveau 
«  fruit  adv'^entif.  Si  l'on  coupe  un  sclérote  en  segments,  chaque 
«   morceau  germe  séparément  et  donne  un  fruit  plus  petit,  de 
«   dimension  proportionnée  à  la  réserve  nutritive  qu'il  a  à  sa 
«   disposition.    Les    expériences    les   plus  diverses  montrent 
«   que  chaque  cellule  du  sclérote,  tant  de  l'intérieur  que  delà 
«   zone  externe,  est  capable  de  produire  en  bourgeonnant  un 
«  appareil  sporifère.  »  (Van  TiEGHEM,  Traité  de  Botanique.^ 

En  résumé,  les  spores  comme  les  sclérotes  (comme  sans 
doute  certaines  conidies)  continuent  la  plante  à  la  façon  d'une 
bouture,  d'un  bulbille,  d'un  rhizome,  et  peuventleur  êtrephy- 
siologiquement  assimilées. 

En  lisant  les  détails  ci-dessus  et  comparant  les  figures  1 1 , 
12,  13,  14,  comment  ne  pas  être  frappé  de  la  différence  qui 
existe  entre  ce  mode  de  développement  apogamique  et  la 
germination  sexuée  sur  feuille.  11  n'y  a  rien  de  commun  ni 
physiologiquement,  ni  morphologiquement.  D'un  côté  nous 
assistons  à  une  sorte  d'extension  de  la  spore  agissant  comme 
bulbille,  bouture,  etc.  ;  de  l'autre  à  ce  qui  parait  être  une 
sexualisation  suivie  de  fécondation. 

D'un  côté,  la  même  plante  se  perpétue;  de  l'autre,  naît 
la  semence  d'une  plante  nouvelle. 

Ce  double  mode  de  conservation  si  fréquent  dans  la  nature 
appartient  non  seulement  au  Coprin  et  au  Psalliote,  mais 
encore,  comme  on  sait,  à  d'autres  champignons,  comme  par 
exemple  le  Tricholome  nu,  etc.,  etc.  Certaines  espèces,  au 


-  53  - 

contraire,  ne  peuvent  être  reproduites  de  cette  façon;  telles 
la  Morille,  la  Truffe,  etc.  Ni  par  spore  unique  ni  par  mycélium 
ou  blanc,  ni  par  une  portion  de  la  substance,  on  n'a  pu  obte- 
nir de  fructifications  (i). 

Les  plantes  qui  se  continuent  ainsi  par  apogamie,  par 
blanc,  bouture,  bulbilles,  etc.,  se  maintiennent  vigoureuses 
lorsqu'elles  sont  fortifiées  par  une  culture  artificielle,  une 
nourriture  choisie,  des  soins  particuliers  ;  d'autres  fois  elles 
dégénèrent  plus  ovi  moins  vite.  En  ce  qui  concerne  le  Coprin 
stercoraire,  le  dépérissement  de  la  plante  continuée  par  apo- 
gamie  s'accentue  parfois  rapidement  et  d'une  façon  remar- 
quable (v.  p.  Xlll). 

La  spore  du  tricholome,  ensemencée  en  milieu  favorable, 
a  produit  également  des  sujets  diminués  et  affaiblis  (v.  p.  XIl). 
Il  serait  facile  de  citer  d'autres  exemples. 

On  peut  donc  admettre,  sans  prétendre  évidemment  que 
le  dépérissement  soit  général  et  constant  pour  tous  les  cham- 
pignons, on  peut  admettre  qu'il  existe,  à  la  longue  surtout, 
pour  les  sujets  livrés  à  eux-mêmes  et  non  artificiellement 
cultivés.  La  nécessité  d'une  rénovation  éventuelle  de  l'espèce 
par  production  d'une  plante  nouvelle  paraît  évidente.  Or  la 
sexualisation  et  l'interfécondation  des  spores,  indispensables 
pour  arriver  à  ce  résultat,  ne  peuvent  être  obtenues,  croyons- 
nous,  que  lorsque  celles-ci  sont  déposées  sur  ce  que  j'appel- 
lerai le  lit  nuptial  approprié  ;  sinon  le  mariage  n'a  pas  lieu. 

Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  ce  lit  nuptial  se- 
rait le  limbe  de  certaines  feuilles.  Il  suit  de  là  que  la  feuille 
paraît  être  moins  un  aliment  que  le  substratum  nécessaire  à 
la  sexualité  et  par  conséquent  à  la  rénovation  de  l'espèce  : 
elle  devient  également  ainsi,  par  sa  nature  même,  un  agent 
de  dissémination. 

I.  Il  convient  d'ajouter  «  jusqu'à  présent  •.  Il  n'est  point  dit  que  la  repro- 
duction par  spore  unique  ou  par  blanc  des  champijfnons  aujourd'hui  rebelles 
à  la  culture  ne  dépende  d'un  tour  de  main  que  le  hasard  fera  découvrir.  Et  ce 
procédé  une  fois  trouvé  restera  sans  doute  le  plus  rapide  et  le  plus  sûr,  ce  qui 
n'enlève  rien,  d'ailleurs,  à  l'intérêt  biolog-ique  des  faits  observés. 


CHAPITRE  VIII 


LA  MORILLE 


La  spore.  —  Feuilles  sur  lescjuelles  elle  a  germé.  —  Mode  de  germina- 
tion. —  Époques  et  délais.  —  Observations  sur  le  rôle  de  la  feuille 
et  le  développement  asexué  de  la  spore. 


La  spore  de  Morille  est  ovale,  lisse,  blanche,  transpa- 
rente. Parfois  l'on  aperçoit  un  noyau  intérieur,  composé 
d'huile  réfringente,  et  séparé  de  l'epispore  par  un  liseret  de 
protoplasme  hyalin  ;  d'autres  fois  la  spore  parait  renfermer 
une  foule  de  noyaux  ronds  formés  de  ce  même  protoplasme 
condensée. 

Feuilles    sur    lesquelles    elles    germent.    —   Les 

essais  tentés  avec  la  spore  de  Morille  ont  porté  sur  le  chêne 
pubescent,  le  chêne  ordinaire,  le  bouleau,  l'orme,  le  poirier, 
le  sapin  argenté,  le  gazon,  etc.  Le  chêne  pubescent  et  le 
sapin  argenté  nous  ont  donné  les  meilleurs  résultats;  les  gra- 
minées ne  réussissent  pas;  sur  le  bouleau,  l'orme,  l'observa- 
tion est  incertaine. 

On  a  essayé  de  trouver  une  différence,  quant  à  la  germi- 
nation sur  chênes  ou  conifères,  entre  les  Morilles  delïciosa, 
esailenta,  conïca,  semi-libera,  àovA.  les  unes  se  rencontrent 
de  préférence  sous  l'arbre  vert,  les  autres  sous  le  chêne, 
mais  rien  de  concluant  n'a  été  observé. 

Mode  de  g-ermination.  —  Il  est  le  même  sur  feuille 
que  celui  de  la  truffe  et  des  autres  champignons.  Même 
sexualisation,  même  accouplement,  mêmes  œufs  (^,  d^  e^  pi.  III), 

La  spore  de  Morille,  comme  celle  du  Coprin,  a  ceci  de 


—  55  — 


particulier  qu'elle  germe  assez  facilement  dans  Teau,  lorsque 
celle-ci  n'est  pas  acide.  Cette  germination  ou  plutôt  cette 
extension  se  produit  au  printemps  et  en  automne-hiver.  Elle 
est  d'ailleurs  irrégulière  en  ce  sens  que  toutes  les  spores  ne 
germent  pas  facilement,  que  celles  de  certains  sujets  ne  ger- 
ment pas  du  tout  (i). 

Malgré  la  similitude,  quant  à  l'époque  favorable  qui  paraît 
exister  entre  la  germination  des  spores  sur  feuille  et  celle  qui 
a  lieu  dans  l'eau  ou  sur  une  substance  appropriée  (telle  que, 
par  exemple,  pomme  de  terre  sucrée  et  préparée),  il  existe 
entre  ces  deux  modes  de  dévelop- 
pement, comme  pour  le  Coprin,  des 
différences  fondamentales. 

La  germination  sur  feuille  pro- 
duit des  gamètes  de  sexes  différents, 
des  copulations  et  des  œufs  ;  le 
développement  en  milieu  nutritif 
ordinaire  paraît  être  une  simple 
extension  apogamique  de  la  spore 
se  comportant  comme  un  bulbille, 
rhizome.  Impossible  de  découvrir 
dans    cette    dernière    évolution    la 

moindre  trace  de  sexualité,  de  fécondation,  d'accouplement. 
Nulle  différence,  nulle  attraction  entre  les  filaments  (v.  fig.  15). 
Ce  mycélium,  comme  on  sait,  ne  reproduit  pas  la  plante  quant 
à  présent.  Sur  substance  appropriée,  stérilisée  et  en  tube, 
il  peut  se  développer,  rarement  il  est  vrai,  en  longs  fdaments 
jaunes,  qui  se  replient  sur  eux-mêmes  et  se  terminent  à  la 
longue  par  des  conidies  jaunes,  opaques,  en  chapelet.  Mises  en 
terre  dans  des  conditions  favorables,  en  milieu  nutritif,  ces 
conidies,  après  huit  ans,  n'ont  rien  produit.  Même  sur  feuille, 
s'il  y  a  excès  d'eau,  dépôt  de  matière  nutritive  comme  du 
sucre,  la  spore  peut  se  développer  dans  la  forme  apogamique. 


F'g-    'S-    —    Germination    Je    la 
spore  de  Morille  dans  l'eau. 


I.  Il  arrive  même  de  rencontrer  des  Morilles  très  mûres  dont  les  asques  ne 
renferment  pas  de  spore  et  ne  contiennent  qu'un  liquide  protoplasmique  jau- 
nâtre. 


-56- 

II  n'y  a  donc  aucune  ressemblance,  à  première  vue,  entre 
la  forme  du  développement  apogamique  de  la  spore  et  sa 
germination  sexuée  :  pour  s'en  convaincre  il  suffit  de  comparer 
les  fîg.  c,  d,  e,  pi.  III,  et  la  fig.  15  ;  et  si  ce  n'était  par  crainte 
de  nous  répéter  nous  pourrions  présenter  ici  de  nouveau 
toutes  les  observations  faites  plus  haut  sur  la  double  germi- 
nation des  spores,  ou  plutôt  sur  la  germination  sexuée,  d'une 
part,  et  le  simple  développement  asexué  de  l'autre. 

Epoques  favorables  et  délais.  —  Avril-mai  ;  puis 
novembre-décembre,  comme  la  Truffe  et  le  Coprin.  De  juin  à 
septembre,  rien. 

Les  délais  sont  tant  pour  la  germination  que  pour  la  fécon- 
dation ceux  de  la  Truffe  et  du  Coprin. 

Des  delicïosa  ensemencés  le  28  octobre  sur  feuilles  de  chêne 
pubescent  montrent  le  20  novembre  des  sporules  formées. 
Des  delïciosa  et  des  conïca,  ensemencés  le  4  novembre, 
sur  sapin  argenté,  montrent  le  20  novembre  des  œufs  nom- 
breux, etc.,  etc. 

Les  sporules  paraissent  germer  quelquefois  huit  à  dix  se- 
maines après  ensemencement,  mais  l'observation  est  difficile 
et  l'on  ne  peut  avoir  de  certitude. 

La  réussite  des  expériences  est  aléatoire  ;  il  y  a  beaucoup 
de  manquants  :  ce  qui  ferait  croire  que  les  feuilles,  du  moins 
celles  que  nous  avons  essayées,  ne  sont  pas  un  substratum 
des  plus  propices  à  la  germination. 

Ensemencement.  — Un  morceau  de  Morille  est  mis  à 
détremper  dans  l'eau  pendant  quatre  ou  cinq  jours  ;  il  subit 
un  commencement  de  pourriture  et  les  asques  se  désagrègent. 
On  promène  alors  un  pinceau  dans  les  cavités,  puis  on  le 
lave  dans  quelques  gouttes  d'eau  ;  cette  eau  contient  un  grand 
nombre  de  spores  libres. 

L'observation  est  aussi  difficile  que  fatigante  ;  elle  exige 
de  forts  grossissements,    400  diamètres  et  plus;  et  encore, 


—  57  - 

dans  beaucoup  de  cas,  on  ne  voit  que  très  peu  et  très  mal  ; 
sur  sapin  arg-enté,  il  est  littéralement  impossible  de  rien 
distinguer.  Les  colorants  s'imposent  ;  les  meilleurs  sont  l'hema- 
toxyline  et  le  violet  de  méthylène;  les  autres  ne  donnent  que 
des  résultats  insuffisants.  L'hematoxyline  est  préparée  selon 
la  formule  un  peu  modifiée  du  D'  Bellanger. 

iHematoxyline  en  poudre.    .    .  i  gr. 

Alcool  absolu 50  gf. 
Ammoniaque j   gr. 

et  l'on  fait  évaporer  jusqu'à  ce  que  toute  odeur  d'ammoniaque 
ait  disparu.  Le  liquide  est  alors  additionné  de  250  gr.  de  so- 
lution concentrée  d'alun,  et  de  250  gr.  d'eau,  et  de  quelques 
gouttes  d'acide  acétique,  et  l'on  filtre  deux  fois  à  quelques 
jours  d'intervalle.  En  laissant  le  flacon  ouvert,  la  puissance 
tinctoriale  s'augmente  considérablement. 

Les  feuilles  sont  laissées  de  30  à  60  minutes  dans  le  colo- 
rant, puis  un  quart  d'heure  dans  l'eau.  Les  spores  apparaissent 
alors  ;  quelques-unes  teintées,  la  plupart  se  détachant  sur  le 
fond  coloré. 

Le  violet  de  méthylène  colore  presque  trop  fortement  la 
spore  et  ses  alentours.  Tout  est  violet,  les  poils,  les  débris, 
les  mucosités,  les  filaments  parasites,  les  moindres  aspérités; 
on  ne  s'y  reconnaît  plus.  En  outre,  il  déferme  les  spores  plus 
que  l'hematoxyline. 

Le  mode  d'emploi  est  classique.  On  prépare,  au  moment 
de  s'en  servir,  le  bain  composé  d'eau  et  de  quelques  gouttes 
de  solution  alcoolique  concentrée  de  violet.  La  feuille  est 
immerg-ée  pendant  deux  ou  trois  minutes,  passée  à  l'eau,  puis 
observée  encore  humide. 


CHAPITRE  IX 

PSALLIOTES,    etc. 

Psalliotes,  Bolets,  Sclerodermes,  etc.  —  Observations  générales. 

Il  serait  fastidieux  de  répéter  ici  pour  le  Bolet,  le  Sclero- 
derme,  le  Psalliote  et  d'autres  Agarics,  ce  que  nous  avons 
dit  des  champignons  déjà  étudiés. 

Les   modes  de  germination  sont  presque  identiques  ;  les 

époques  et  délais  paraissent  les  mêmes  (c.  pi.  III,  et  fig.  i6). 

Nous  ferons  remarquer  en  passant  que  pour  le  Psalliota 

cainpestris  (champignon  de  couche), 
notamment,  la  différence  entre  le  dé- 
veloppement apogamique  de  la  spore 
et  la  germination  sexuée,  est  peut- 
être  encore  plus  frappante  que  pour 
la  Morille  ou  le  Coprin.  Il  suffit  pour 
s'en  convaincre  de  comparer  la  germi- 
nation sexuée  sur  feuille  des  spores  de  psalliote  exactement 
représentée  par  nos  figures  sur  la  Truffe  ou  le  Coprin,  avec 
les  étapes  du  développement  asexué  de  ces  mêmes  spores 
depuis  l'origine  jusqu'à  la  reconstitution  de  la  plante  même. 
Tâche  d'autant  plus  aisée  que  les  différentes  phases  de  ce 
dévelopi)ement  asexué  ont  été  étudiées  avec  le  plus  grand 
soin  par  les  botanistes  allemands  et  que  des  gravures  très 
bien  faites  nous  donnent  l'exacte  perception  des  transfor- 
mations successives. 

On  aurait  pu  reproduire  et  commenter  ces  gravures  pour 
les  besoins  de  la  cause,  mais  c'eût  été,  il  semble,  allonger 
inutilement  cet  ouvrage  par  des  redites  insipides  à  la  longue 
et  fatigantes  pour  le  lecteur. 


Fig.   l6.   —    Spores  de  Bol't 
grrniant. 


—  59  - 

Pour  quelques-unes  des  espèces  énumérées  ci- dessus, 
l'observation  est  particulièrement  difficile,  sinon  impossible. 
La  petitesse  des  spores,  comme  dans  certains  Psalliotes,  le 
Lycoperdon,  etc.,  est  telle  que  l'on  ne  peut  rien  affirmer. 
Lorsque  la  spore  est  à  la  fois  petite  et  transparente  comme 
celle  de  plusieurs  Agarics,  la  difficulté  d'observation  se  change 
en  impossibilité. 

Souvent  on  ne  voit  qu'une  phase  de  la  germination,  la 
première  par  exemple,  mais  comme  celle-ci  s'accorde  avec 
ce  que  nous  savons  d'autre  part,  il  semble  permis,  dans  une 
certaine  mesure,  d'e'n  tirer  conclusion  pour  la  similitude  de 
l'évolution  totale. 

Les  sporules  ou  œufs,  beaucoup  plus  petits  que  les 
spores,  sont  à  plus  forte  raison,  quoique  noirs,  à  peine  per- 
ceptibles dans  certaines  espèces,  malgré  l'emploi  de  forts 
grossissements.  Quant  à  la  germination  de  ces  sporules, 
l'objectif  à  immersion  pourrait  seul  la  révéler  et  encore  il 
nous  semble  que  toute  certitude  ferait  défaut,  Pour  le  Bolet, 
par  exemple,  dont  la  sporule  est  relativement  grosse,  l'appa- 
rence existe  parfois,  mais  une  apparence  qui  laisse  le  doute 
subsister. 

Il  est  à  remarquer  que,  sans  cause  visible,  certaines  spores 
aboutissent  à  des  insuccès  complets  (i).  D'autres  fois  le 
nombre  des  manquants  dépasse  toute  proportion  ;  d'autres 
fois  la  feuille  ne  conserve  pas  une  des  spores  déposées  sur  le 
limbe.  Certaines  feuilles,  que  l'on  pourrait  croire  particuliè- 
rement convenir  aux  spores  de  telle  ou  telle  espèce,  comme 
par  exemple  les  feuilles  de  châtaignier  pour  les  Bolets 
ramassés  au  pied  de  ces  mêmes  arbres,  n'ont  donné  aucun 
résultat. 

Cela  tendrait  à  prouver  que  les  feuilles,   celles  du   moins 

I.  Ces  insuccès  ne  paraissent  pas  tenir  à  l'âge  ou  à  la  fraîcheur  des 
spores,  au  moins  dans  des  limites  raisonnables.  Les  spores  conservées  à  l'abri 
d'une  trop  grande  chaleur  ou  de  la  pourriture  n'ont  pas  toutes  perdu  la 
faculté  de  germer  après  un  ou  deux  ans.  Il  y  a  seulement  des  manquants  en 
nombre  de  plus  en  plus  considérable.  La  fraîcheur  de  la  spore  importerait 
donc  moins  que  sa  maturité  ou  surtout  que  la  saison. 


6o 


que  nous  avons  employées,  loin  de  fournir  à  la  germination 
sexuée  le  substratum  idéal,  ne  sont,  pour  certaines  espèces, 
qu'un  pis-aller.  Peut-être  aussi  la  cause  de  l'échec  réside- 
t-elle  ailleurs,  dans  la  spore  ou  dans  la  stérilité  de  la  plante 
même  ;  il  est  difficile  de  répondre. 


CONCLUSION 


Dans  les  chapitres  qui  précèdent,  on  s'est  étendu  outre 
mesure  et  au  point  d'en  être  insipide,  sur  les  méthodes  d'en- 
semencement et  les  procédés  d'observation.  Ces  développe- 
ments, dont  l'intérêt  intrinsèque  est  minime,  avaient  un 
double  but  ;  d'une  part,  simplifier  la  tâche  à  ceux  qui  vou- 
draient contrôler  les  faits  exposés  et  compléter  des  observa- 
tions qui  n'en  sont  encore  qu'à  l'état  rudimentaire  ;  d'autre 
part,  provoquer  et  faciliter  des  expériences  pratiques. 

Outre  l'intérêt  matériel  qu'il  y  aurait  à  multiplier  artifi- 
ciellement certains  champignons  impossibles  à  cultiver  en  ce 
moment  et  récoltés  au  hasard,  une  théorie,  si  vraisemblable 
qu'elle  paraisse,  sur  la  production  sexuée  des  thallophites  ne 
pourra  être  déclarée  exacte,  il  faut  bien  le  dire,  que  lorsque 
son  application  aura  donné  des  résultats  tangibles  et  certains. 

C'est  pourquoi  nous  dirons  simplement,  en  terminant  cet 


ouvrage  : 


Lorsqu'on  voit  des  spores  de  champignons  très  différents 
les  uns  des  autres  se  comporter  dans  des  circonstances  déter- 
minées de  façon  constamment  identique,  suivant  un  mode 
très  particulier,  il  semble  permis  de  conclure  que  l'évolution 
constatée  est  l'effet  d'une  loi  obligatoire  dans  les  circons- 
tances en  question.  Et  lorsque  l'on  remarque  que  les  diverses 
phases  de  l'évolution  observée  possèdent  à  un  haut  degré  les 
caractères  d'un  acte  sexuel,  ne  sauraient  que  difficilement 
s'expliquer  autrement  et  ne  se  rencontrent  nulle  part  ailleurs 
avec  la  même  précision  dans  la  vie  de  ces  plantes,  il  est  per- 
mis de  supposer,  sans  rien  affirmer  cependant,  que  l'on  se 
trouve  en  face  de  la  loi  de  reproduction  sexuée  des  cham- 
pignons supérieurs  ou  d'une  partie  de  cette  loi.  C'est  tout  ; 
n'allons  pas  plus  loin. 


TABLE  DES   MATIÈRES 


Pages 

Introduction v 

Chapitre  I.  La  Truffe.  —  Orig-ines  attribuées  à  la  Truffe  dans 
les  temps  anciens  et  modernes.  Temps  anciens,  de 
350  avant  Jésus-Christ  au  milieu  du  xv*'  siècle  ;  temps 
modernes,  du  milieu  du  xv^  siècle  à  nos  jours.    .    .        i 

—  II.  Description  de  la  Truffe.   —  Conditions  de  g-ermi- 

nation  des  spores.  —  Ag-ents  de  transport.  —  La 
feuille  est-elle  nécessaire? 9 

—  III.  Germination  et  fécondation  des  spores.  —  Délais.  — 

Observations  sur  la  fécondation 18 

—  IV.  Formation  et  g-ermination  de  l'œuf  sur  feuilles.  — 

Développement  ultérieur.  —  Pouvoir  nutritif  des 
feuilles  et  influence  des  saisons 24 

—  V.  Aptitude  des  spores  à  germer  d'après  leur  état.  — 

Utilité  de  Parome.  —  Aptitude  par  rapport  à  la 
nature  et  à  l'exposition  de  la  feuille.  —  Époque  et 
procédés  d'ensemencement.  —  Délais.  —  Utilité  des 
arbres.  —  Pourquoi  les  truffières  sont-elles  si  rares 
dans  les  bois  de  chênes  truffiers? 29 

—  VI.  La  Truffe  du  Piémont  ou   Tuber  magnatnm.    ...     43 

—  VII.  Spores    de  Coprin.  —  Feuilles  sur   lesquelles  elles 

ont  germé.  —  Mode  de  germination,  —  Epoques  et 
délais.  —  Observations  sur  le  rôle  des  feuilles  et 
le  développement  ase.vué  de  la  spore 44 

—  VIII.  Morille.  —  La  spore.  —  Feuilles  sur  lesquelles  elle  a 

germé.  —  Mode  de  germination.  —  Époques  et 
délais.  —  Observations  sur  le  rôle  de  la  feuille  et  le 
développement  asexué  de  la  spore 54 

—  IX.  Psalliotes,    Bolets,    Sclerodermes,    etc.  —  Obser- 

vations générales 58 

Conclusion 61 

Pari».  —  J,  Mertchf  \mp.,4  t>it.  Av.  d*  CUâtiUon* 


PLANCHE  I. 

Fig-.  a.  —  Spores  de  la  Truffe.  Germination  sexuée  extérieure  (dé- 
cembre). 

Fig-.  b.  —  Id.  Germination  mâle,  visible  à  travers  l'épiderme  (juillet) 
rare. 

Fig-.   c.  —  Id.  Autre  exemple  de  germination  sexuée  (décembre). 

Fig.  d.  —  Id.  Germination  mâle;  près  de  la  pseudo-spore  apparaît  la 
sporule  femelle  d'une  autre  spore  (décembre). 

Fig-.  e.  —  Id.  Germination  partiellement  extérieure  et  colorée  (juillet) 
rare. 


Pl.l 


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■c* 


I 


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8^3<:;.-.,  : 


4 


PLANCHE   II. 

Fig.  a.  —  Spores  de  la  Truffe.  Germination  avec  sporules  en  chapelet 

(printemps,  septembre)  rare. 
F'ig-.   b.  —  Id.  Germination  femelle  extérieure  (décembre). 
Fig.   c.  —  Id.  Germination  mâle  avec  fécondation  apparente  par  jet 

secondaire  (décembre). 
Fig.  d.  —  Id.  Pseudo-spores    émettant  un  jet  secondaire  extérieur  et 

fécondant  une  sporule  femelle  (décembre). 
Fig.    e.  —  Id.  Germination  mâle  avec  subdivision  du  filament  principal 

(décembre). 


I 


PLU 


bessm,  Del. 


£  War^iiri»:  'mp. 


PLANCHE  III. 

Fig.  a.  —  Spore  (le  truffe  du  Piémont  {tuber  magnatum)  produisant  un 
œuf  très  gros  qui  paraît  germer  (novembre). 

Fig.    b.  —  Spore  de  Morille  germant. 

Fig.  d.  —  Autre  aspect  d'une  germination  de  spore  de  Morille. 

Fig.  e.  —  Spore  de  Morille  mâle  fécondant  une  spore  femelle 
(novembre). 

Fig.   c.  —  Fécondation  d'une  spore  de  Bolet  comestible. 


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New   York   Botanical  Garden  Library 

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Gramont,  Armand/Etude  sur  la  reproductio 


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