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Full text of "Evelina, ou, L'entrée d'une jeune personne dans le monde"

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V<;t . t.^jL. 31 A. 12. 



M r 



r 



E VELI NA 



TOME TROISIEME, 



V • « • -f 



• » 









E VELINA, 

OU L'ENTRÉE D'UNE 

JEUNE PERSONNE 

DANS LE MONDE. 

Ouvrage traduit de VAnglots, 

TOME TROISIEME. 



SECONDE EDITION. 

^' , 




^ A ^ fi - 

^ PARIS, 

& fe trouve 

A AMSTERDAM, 
Chez D. J. C HA N G U I O N. 



MDCCLXXJL 



<#. li» O O C^ CI 41 > 

'6 



EVE LIN A. 



a=s=B5=B--*!=a-îass-* 



Hto 



L Et T ït E till. 

EVELINA à yi. ViLLaRS. 

A Àriftol, te tt Set^tièiiibreJ 

l-^A première qiiînzaîrte que faî patféé aux 
taux s'eft écoplée dans la plus parfeité tran- 
quillité ; je me fl^ttôîs de continuer d'y jôuîr 
d'un repos eonftaiit,' mais déjà je vdis mrfs 
ôfpérances trompées, & îl eft très - probabre 
'<ue le calme fera (bivî d*un orage furieux. 

Nous étions fortîes un matin , Mde. Sel wyn 

Anïiôl, pour ûous. rcindre â la fontaine, lort- 

gue nous rencôritrkniés trois jeunes gens, ejf- 

"e^flivemént brûyahs, qui ne fembloient être 

Icfqûè pouf tuer 10 temps, ^ qui en étoîei^t 

d-a[utànt plus importuns, lis eurent la hardiei» 

Te de' fe rtieçtre'fur notre palïage, pour notfi 

examiner de près.; je devins furtoûc l'obje(dè 

leur împertîiience cùriofîté; l'un' d^ùx-s-a'^îfti 

m. Partie. A 



/ 



fty$LlMA. 



K 



de me regarder fous le chapeau, pendant qsd 
les autres'fe par loient i l'oreille. Mde. Selwyn ^ 
chpquée 4e ce^te impplite({0» pi;Lt \m a(r ^ 
s^uz, & leur d&: ,^ ISiefCeurs^ vq^s plate mI 
„ â.pafler , ou du moins de nous Isûfler con» 
„ tinu^ npcre .cbeaxiii2 

^ ,» Très -volontiers; Madame» fi c'ellpour 
^ vpys .feule ^|ue ^us cfemandez cette-liberté. 

^ Pour mol , & pour Mademoifeile aufO , fi 
,, vous te voulez bien f intûiqins je vous le con- 
,^ feillerois, ne fut-ce que pour épargner à 
,, ^fllon domfiifiiQue la j>eine de vous appren* 
„ dre i vivre." 

Ce ton Impofant le^ frappa , d'abord , pu|3 
ils -f 'en moquèrent; l'un d'eux rippfla qu'il 
feroit charmé que le drâlp commençât feis lç« 
,çons , pour qu'il pût avoir le plaifir de le ieter 
Jdans la rivière; uji aucfe s'approcha de n^oi 
avec une effronterie fins égale , & me dît : „ p^r 
"„' ma fqî , je crois vous cohnpîcre, — — & je 
^ oe me trompe point: n'ai -j[e, pas eu TtoA* 
^^neûr de vous voir au Panihéoo? 

Je'^le reconnus alors pour ce n^éme perfçn- 
Jiage qui m*avoit tant tôurmentéç dans TaiTem- 
blée 9 dopt il parloit. Je lui fis une révérea* 
cè, fans ajouter d'autre réppnfe. Ils me fà- 
Wrent tous aflez cavafieremient ,' & après ayoif 
^'^ic «}u^lsRes xnauvi^ifes excvfçs ii Jk^de. Scdt- 



P^i* cij danj{n^aqf j,^ çpiiniflton de .nous K- 

■ , ^f £t oii' T.t;t^ ^es:yç)us cachée , Jfiidajne, 
« .p,?îj^3nt loy .«î '-tepjpj'f " p.ouifiiivit 'qslu^ 
qfiil ni'aifoit dij^f^^i^Ifé lap^folp :,,. fiive2-vpii| 
i> bieij,qi^ j'ai ^:|jtj fi^cfe \ .VQUSctiçrçîier î 
„, Jp lie ypi)ï*ai.^OB^ie.pîi]|p,patt, ÇLpejtfoa. 
ji .neâ'S p'if,giç.i|QPBei ^ ,yôs.no|)yÉJ!M; jper* 
j, fpiqnp ni^ïpe,dUpççqueyo^ ^fiez'de- 
I, vernie. Dânj quelle prifon votu a-t-on d»; 

^tfoïi ■ daas refpérance de' 

■ 'f ^ 

. „ i: îl & pqurquoi dd 

,> îqoi! ndu la ^te du RoiJ^ 

,, «r^ iqn ayiSc «[tcfête. 

. „ t^t, )fli,e^«^; .nj" foi,, ppai toutes le^ 
y, Jfppi'aiss 9Ui,4çyoi^c en fitrc- , Éœs-jrou^ 
n^di'ii degi^is, g^ijelijBe^.terai^ à Biiftoj? 
, y Dep^ ^jÇ.jfljiiKaine de jours tçiu m 

.^.piM?r -■., ,..-':..■ "■ .- 

.., Ço'mqifjni i^io^bleul & je'p'ïi pas. eu la 
u ^PC|l),eui dq vo,us }l reocontrei plucât;inaîa 
t, je joue de guiguon depiiisqiiçjefuisarrirf 
^ l^j^l^m^i^'iou^ pnçotç d'y faitequé|i;|W 
j,,f^jourî.,. ■■ 

A ai " 



9« 

99 

99 



99 

9» 



La chofe eft incertaine jlijyi^ 7'^ 
Six feraaînes , pour le moins , f efpcïe • 
car au diable les eaux fi vous partez plutât.'^ 
Madame Selwjm, qui avoît écouté jufqif ici 
la conVerfatîon avec impatience, l'interrompit 
aforç.S, t'ous vous propoTez donc, Mylor*» 
^, d'embellir le féjour d'un pays que voui 
avez quelque efpérance d'habiter un Jour? 
Mylord , cette Dame vous en veut ," re- 
prît l'un de fes compagnonàf. * L'autre s'étoif 
âbfenté. ' . ^ ' ..: 

„ Point du tout, répondit M Je. Selwytf; 
„ mais comme il féroîÉ poffiMe que Mylôrd 
», fît un jour le voyage donol^arle, îl'efl 
,,. jpfte qu'il penfe à s'y préparer des plaifiï^.'* 
Quelque dégoûtée que je fafle de ce Lord , je 
dérapprouvaî pourtant la forde de Me. Selwyif j 
màîs vous la connoifléz, Monlieur, & vous 
favezqu^elle nelaîfle échapper aucune occaOon 
de donner carrière à fon humeur' fatyrîquè. ' 
(Le Lord:) „ Peu m'importe Vendrait qUé 
j'habiterai, mais je fuis moins facile fur la 
ficiété que j'y trouverai; c'eft pourquoi 
Je fouhaitetois que les objets qui m'ont chïir- 
mé dans ce monde-cf, me fuivifibnt danâ 
l'autre pour ma confolatîon. 
'" (Marne. Selii^yh.y^ComméT\U Mylôrd! voudr fezi 
,, vous dégrader votre demeure en y admet vat 



99 
99 
9» 
»• 

* 

99 



^lefliabitansinfipides des régioiis infériaires?'* 
ijQ Lord fe retourna vers mol. fans répon- 
4lre: >»que ferez -vous aujourdhui de votre 
^ foirée» Madame? 

y, ]e refbe chez moi, Mylord. 

49 Età^nroposy où demeurez* vous? 

„ Les jeunes Demoifelles ne demeurent nul- 
M le pint/ interrompit encore une fois Mde. 
Stiwyn. 

„ Cette ridicule femme," me dk le Lord à To- 
veille ,,, eft-elle votre mère?" (Queiks exprès- 
lions , Monfîeur » pour une pareille queftion!) 
. „ Non, Mylord. 

^ Ceft donc votre tante? 

,i Non plus* 
* „Qu*elle foitce qu'elle voudra Jedéfîrerois 
I, qu*eUe fe mêlât de fies affaires. Une femme 
^ qui a pafTé la trentaine, que diable fait-elle 
,, au monde: elle n'y eft plus qu'un meuble 
„ d'embarras. -^ Irez -vous à Taffemblée ? 

99 Je neaoispas, Mylord. 

„ Et comment faices veus donc pour paflèr . 
„ votre temps ? 

», D'une façon , s'écria Mde. Selwyn , qui 
), ypus paroitra finguliere. Mademoifelle lit. 

„ Ha ! ha ! reprit le compagnon du Lord , 
^ vous voilà tombé entre bonnes mains. 

Çféfi Lord.^ „ Vous auriez plus beau jeu , 

A s 



4 BVÏt^riTAi 

I, Madame y avecinon athlCôVerVey; ca| {f 
/y vous promets qn^aVcc moi vous ne gagné* 
,^ rez pas grand'chofe. 

(Mime 5e/wyn.) „ Avec ^pas, Mylortï^ 
'„ point du tout, je rien ti pask vanité. Ce 
„' que j'en dislà, n*eft abfoîument que «par 
„ manière de converfation , fens que j?ychcr«^ 
^ che malice; ce ferolt avoir une petite idée 
„ de vous » Mylord , que de vqus croire fén» 
ii fible à la critiqué. ' ' 

(JLe Lorà.)\y £n vérité, Madame i vous né 
„ fauriez m jeux faire que de tourner vos épn 
y, grammes contre M. Gèvèriey; Vous tiou<« 
^ verez-Ià votre hotmne; aveb moins de«)0- 
,y deflie, je parle qu'il auroîtétéunbderprit* 

(M. G>vtfri/y.)„Tranqùinirez ybus,Myi©rd, 
„ s*il platt À Madame de rëferver t6iitèsfêlir/a« 
„ veuris pour vous-, poifrquoi youlez-vdusme 
,j les faire partager pat force? * c 

' (Même. Selwyn,) ji Ne cnilgnei fleé. Mes» 
„ (leurs y je ne fuis peint unfefekiHnè reinaaes- 
^, que , & il n'eft point qiiéftlon itfi de fa- 
veurs ni pour l'un ni poiît Tautre." ' 

Le Lord dohtinua à âi'îhtèrrôger : », avé^ vou$ 
y, été malade depuis que que je vous ai vue? 

„ Oui^ Mylord. 

„ Je l'aiirois deviné ; veus avez mauvais viAgci 
^ & c*ell vraifemblablemeiit Itrilfon pour U« 



» 



E V.£ LI N A. . 7 

V 

^ quelle j*aî eu tant de peine â vous retrouver* 

(Màae Mwyn^) ,, Voilà une découverte, 
,, Mylord , qui ne me femble pas un chef-d'ceii- 
^ vre de galanterie ; il y auroit eu moyeo, je 
„ crois, de l'annoncer d*unç manière un tant 
y, foit peu plus polie. 

(Le L9rd,) ,» Au diable fi jy réfifte; cette 
y, femme ne me paSe pas un feulmoc. Allons, 
,^ Coverley , entreprenez la » je vousen prie.** 
Cciiii^ci s*en e^cura, & le Lordi m'ajrant 
demandé fi j'avoîs coutume de venir tous les 
matins i la fontaiiie, je lui répondis q^e ooi|» 
Nous y étions précifément «rriviés , & je pus 
enfin terminer cet entretien «fi toujt^efols il eft 
permis d'pppeler ainfi unp fyif$ (^ i^^ipns 
fans iiaîfon & fans intérêt. 

]*échappai aux importunltés dp ce gàltil- 
homme, grâces i Mde. Selwyn , qui avoi( 
joint une nombreufe fociété de Dame^ ; deux 
fd*entr*elles ^le ramenèrent. Le lx>rd eut la 
curiofité de nous fuiyre de Iqin ^fqu'i la 
jporte de nos nppaftemens. 

Madame S(îlwyn étoit impatiente de (à- 
voir par quel hazard.j'avois fait la connoiflàç* 
ce d'un homme dont les manières a^non- 
çoientun libertin déterminé; jç ne^fiis poii^t 
en état de la fstisfaire, puirqHe. jtigOi^Kl mê- 
me le nom d}i Lord^ Elle coQUounics. re- 

'A4 



4» E V E L I N A. 

dheTchês d'un autre côté » & nous recueilltme» 
ans l*après-dlfiée des informations détaillées, 

ar lecanal du Sr.Ridgeway. notre apothicairew 

j^Comme cet Inconnu Te diftlngue particulière- 

p ent par la hauteur de fa taille , nous n'eûmes 

^as Ijeaucoup de peine à le dépeindre; M. Rid*. 

eway nous rapporta qu*il s'apfieloit Mylord 

Mertbn ; que , parvenu depuis ()eu à ce titre , il 

avoit déjà diflîpé plus de la moitié de fa for* 

tûne; qfu'au refte, grand amateur du fexe, 

il pafibit pour un homme de mauvaifes 

mours , peu vu dans la fociété d'honnêtes 

femmes, & n*ayant^ d'autre amufement que le 

jeu & les courfes de chevaux. 

„ Eh biiin î Miff An ville , me dît Mde. Sel-. 

„ wyn, n*ai-je pas lieu d'être contente, de* 

„ Tavoir traité un peu rudement. LaiOfez- 

„ moi le Coin de le tenir en reQ>eâ. 

„ Oh! Madame y répondit le Sieur Rld^ 

»> geway» vous pouvez le voir fans danger, 

„ il va fe mettre dans la réforme. 

,, Prétendez-vous dire par-là qu*il va (b marier?: 

„ A peu près , Madame; du moins on croit 

99 que le mariage fe fera bientét: il a été de 

jf* puis longtemps fur le tapis , mais ,les pa* 

„ rens de la Demoifelle n'y ont pas voulu 

, ,1 confentir avant qu^elle fût majeure ; le fre- 

I, re furtout s'y êft vivement oppofé; avh 



«VELIITA > 

», jourd'htti cependant, que fii fœid- tft ■»!• 
V» trèfle de fes volontés, il prend le parti 
j, de Ce tenir tranquille. La prétendue eft jolie, 
,, & die fera puiflamment riche dans la fuite. 
„ Nous IVkuendons cous les joinrs aux eaux* 

,» Comment Tappelez-vôus? " demanda 
JMdme. SelwyUc 

„ Larpent, Lady Lonire Larpent, fœur 
j, de Mylord Orvllle! ^ 

^, Orvillèl" répétai^ je avec un mouve-* 
mène de (lirprife. 

„ Oui , Madame ; Mylord arrive avec elle , à 
,y ce qu'on m'écrit. lis logeront à Ciifton-Hilt 
Il chezMde>Beaumont, une de leurs pai\entes. 

Myiord arrive avec elle\ O! û vous (aviez 
quelle émotion me donnèrent ces paroles /Quel 
étrange événement, mon cher Moiideur 1 faut* 
il juftement qu il choififTe ce moment-ci pour 
Venir i Briftol ! Il eft impoflible que je puilTo 
l'éviter , Mde. Sdwyn étant liée avec Mde* 
Beaumont. Peu s*en eft ialhi même que My* 
lord Orville & moi nous u'eui&ons logé enCein* 
foie: Mde. Beaumont a offert fà Mai fon à Mde. 
Selwyn , & celle ci n'a décliné cette pollteflb 
qu'à caufe de l'éloignement où nous euiSooi 
été des fontaines.' ' 

Que je crains la première entrevue ! — puis* 
l^-je quitter Briilpl avant (on uxvtécitjà pré» 

A S 



{tact Ipe fera trembler. Ha ! û (es yeuK étoîmt 
d'accord avec cette cropUe lettre, comaienF 
pourrois je fnppoiter fa vuel Si j'avoîs, (9. 
Ion votie idée , renvoyé le billet , je ferois 
bien plus a mon aife; il fauroit du moins de 
quelle maïiiere j'enviâge fa conduite; mais 
aujourd'hui il jagera mes fentimen^' d'après la 
contenance que je gardera! ^ & qui me répond 
qu*il l'interprétera dans fon vrai fens? Mon 
indignation fera peut-être Wée de confufîon, 
& ma réferve d'embarras. D'ailleurs , moi^ 
éher Monfieuti fis peot-il que je mette en* 
tierement de côté les légards que j'ai euf 
pour lui » que j'oubb'e toutrà-^ie le plaifii: que 
je trouvois autiefois i le vo|ri 
: U eft naturel qu'à notre entrevvie , le fou« 
venir de la Tettie fe|a la preipie^e chofe qui 
nous frappera l'un de Pauisis; le Lord cber^ 
Cbéra peut être i lire dans tnes fêvq^xe quç 
i^en penfe. phLpniffent-ite.Iuiezprimef çooi* 
bien je déteOe Tinfolence & la vanité! il ver* 
refit aloirs combien il à'eft trqn;pé> ^'il a cri| 
flatter par U ibon diraâere* 

Il fut un tëmpis où f aurpis é|é réypitée de 
h feule idée. qu'un homme tel que Merton 
dût appartenir â Mjjord Qrville; X9ependan( 
j'ai apptis avec quelque plâifir que celui-ci ^ 
4é£ipprouyé le mariage projeté. . 



EV ELI N'A.t » 

(^M'và homme d^aii carafteib suffi dUBM 

faiïïe tot le choix de }a fœur deMylordOt* 

viBe, c'eft ce que j?ai de la peine i comprehr 

drel N*e(l il pas égalen^ent inconcevable qu'à 

|a veille de Ton mariiige, ce libertiQpenfeenrv 

eore à fai^-e fa co^â d*9Utres Csminest Danf 

quel monde nous vivons ! qu*il eft corrompu^ 

dégénéré ! iHirois-je tort û j'y renoncois pour 

coujour&f Si je trouve que le roirdeMyloril 

Ôrville a candùii hpkàne^ je me per&aderai 

que de tous les hommes il n'y en a qu*»» 

♦raiment vertueai » & que cet hQOime unique 

réflde i Berry-HlU, 




L E' T T R E LXIIÎ. 

Suiu de la Lettre ^È v e l i N A. 

A Brittoî, le 16 Septembre. 

Ohl mon cherMopfleur, MylordÔrville 
jeft toujours le même , . toujours tel qu*il me 
parut quand je le Vis pour la pr^uiicrl^ fois , 
]e plus aimable des hommes; & votre heureu* 
ft Eïwiîna reprenant tout d'un- coup fa crau- 
-quiltité & fou affiette précédente», a f^ît fa paix 
avec elle-même; le monde recommence à avoir 
ded attsaiti pour elle; -r- elle ne volt p}m dans 
à^ji^tùt des Jours defiinés à a'écpuîer dans 



TZ E V E L I N A» : 

ràfflîâîoD, dans le doute & darfs le foup*- 
çofi; — fon courage lui înfpire de nouvellet 
afpérances , elle fe flatte encore de trouver des 
gens de bien ; — quoiqu'elle foit pourtant per^ 
fwidée autant que jamais, qa/ij.y auroic de la 
£bUe i attendre de la pcrfiBion parmi des 
èttt9 d*\xn. fécond ordre. 

Votre conjecture étoît jufte : oui , fa lettre 
fut écrite dans un moment de délire, je n'en 
doute pius. — jMajs Mylord Orville feroit-H 
capable dlatempérance! 

J'accompagnai ce matin Mdem. Selwyn i 
Clifton-Hill , cbez NSdme. Beaumont. J'étois 
t;i(le en chemin , & il me taiiut beaucoup dç 
têtus pour achever cette promenade ; ragitatloa 
de mon efpcit me fit fentir plus que ^coutu* 
me le déclin de mes forces. Je rappelai tout 
mon courage , réfolue d*écarter ce qui au- 
rolt pu donner à Mylord Orville une fauflè 
idée de l'abattement «où jétois. Heureufe- 
ment naus trouvâmes Mdme. Beaumont feule: 
les vifites fe firent attendre, & ce ne fut qu'a- 
près une heure d'intervalle, que nous vîmes 
arriver un phaéton. Le Cavalier & la Dame 
qui en étoient defcendus , entrèrent familtece^ 
ment dans la faite , fans être annoncés. Je rê« 
connus d'abord Mylord Mer ton; il étoit botté 
& tenolt un fouet i la main :—^iès avoir fait 



lÉ r E L I N A» ^ fi 

tme cfjîfece de révérence à Mde. Beatnnont, 
!\fe tourna vers moi. Sa furprise étoit factioi 
déméfer, ^inafs il fît femblant de ne pas me 
temarquer. Sans doute qu'il voulut slnftroi* 
Te auparavant ^ar quel hafard je metrouvote 
dans cette maifon ob nia préfence ne le met- 
toit pas trop à fon aîfe. 11 approcha une 
'chaife de la fenêtre & y re(h aflls, fans dire 
*Ie niot à perfonne. 

En attendant la jeune/ Demoifelle ftcrtillok 
4 travers fa chambre , & en pafBtnt elle (hlua 
légèrement Mdme. fieauraont, en lui demandant 
M comment va t-il , Madame T'^Piks, fans feire 
la moindre attention à nous autres , elle fe 
jeta nonchalamment (Vif un fofa, proteftant, 
d'un ton de voix affecté & doucereux, qU'el- 
le étoit fatiguée à mourir. ,, En vérité ^ Ma. 
dame, les chemins fontînfup[)5irtalbIe8, -« 
une poufliére â vous crever lès yeux, — . 
avec cela une chaleur des plus incommo* 
des; — je fuis h&lée à ne pas potjvoir ne 
montrer d'un fîecîe. Auflit, IMylbrd, ne 
„ fort!rai-/e' plus" avec voitf i tous fiô faves 
;, pas choîfir vos- promenades. , 

{Mylord Merton,^ „ Sur mîbn honneur '}e 
f9 n'enconnbrs pas de plus bdlew Angle- 
terre; c*eil; au foleil que vous dù^tz vous 
en prendre , & non à moi. ^ 



9t 



9* 
99 




(Iliftif. SePffyn,^ „ Mylord a ra/fon de rejctfflf 

„ )a fatfte fur U/ofjsiiyf qui,, par les avfp^gfj^ 

.y, {ans oooibre qU'il oous donpè ^. racheue jTifjf* 

. jy .^amment c^si|bn^s de. petits 'jjncppyénieQf; 

I» Ae 4éf»:^ que <you^ lui cr.Q;i^v|iz ixo lui fei^a 

.|, rten pej^^:é'(kDs notre eiliinjEf. . ^ . 

Cettp act^qiiie ii'amub nijji^mçpc l^y^Pfd 
f/f^q^, ,4je:iÇrois que Mde/ SelwyÎD la^fijî 
auroic épargnée, é1l fe fût aac)n^^ m^ pe|u 
*tP8fe<?P9!Ϋ:.«f^viersgKxus: . ^ 

(M%«. Bçmnmf^,) „ Âyei' ypus r.eîico]fiti?é 
if vp^iefrere-f Lady LpuiCe? , . , 

(I^a^ ifl^f^f.) w Non i. Madame. EÇ il 

.^> &rti(QBWtin? , . 

• J'apFUPÎ? #rs , cç q^e j'avpîs déjà fôifpçoij- 

nif ; c>ft-«à-dirs que cttte Lady Louifç^ 

^ fœur de MyiordOryaiW Quelle- différence 

jentr^ l^.fœur ^ le ft;ere? quela»^ rei^m^lan- 

_ce à la vérité danai lestr^aiits, mais jQjjUe. dans' 

Iiqs flnanier|g§v „ oni, reprit ]yi,de. Beaùiûôht, 

.,, je cçois même qu'il V9US cheichoît. 

- [l9dy '(fou^e^) ,, Hjà, ç'eft quç Mylprd a 

„ couru lapo^ewore, ànaus.4)ouyons IV 

I» voir rencontré fans nûu« en étre.fipper$us. II 

if »*y a {|9S,^e plaifiren^briolc^taveccelVler» 

^, ton; ilfa d'une viteflfexffxoy;able,& j'en 

M ai ch9(m^ i^s des yer^ges.' Auffi n'ai je 

,, pas manqué .^ /ç 98?^«f . 4*^»*^?*»°^? 



t.v-;p^^^^' 4i 



^ toute 4a majdnée. Vxm n'^^jm d'id^^ 
„ Madame, roDj^oae je J'aî pop^i s'eft-u 
,^ pa^vnu, idylordr 

EMe 4Ccompasaa cette .q^fif^QO 4'ua (oi|; 
Mjis expxeffif. 

(Myii?r«f ^i^TM.) M you$ avez ^cé^ çpiÇ; 
jy içe touiQ^UES » U dQucffu^r ni&;ne. 

(^oJly. X^i/^ If 9 â doppi rvMylQxd, cdg 
„ nç «'^appelle , pag ^ijre fajRçnl^e; gc fyis; 
n je pas xiue yi^ps ipp fi^np^. 4'étrj{ 

„ ^neçt' pcmvqzrA^ou* f vo^ -^e trfleg id|éçs ? ^ 
W4e. Selyya îe ieroU pfl»^ qftittçr ,qu?nd 
^^4^. J^ç^mipfït lui propo% ;)ne proineo^de 
au jardia: ,^ je Taccçç^teipif ?f9l9Wiçr,s, ré* 
„ pondit -clleV 4 i® J?^i9'*i8P9/« p?s qu^; 

A ces joiprf Lady Louiiç, qWra^i^u^oîrlft^ 
^éiefur^^n ^r^, (e. relp^aj-epur /ne rpgsoh, 
der , i&^agf^s .içoi'aLyx^îr p^af^^éf ayqcla curio,^ 
lijté/a pfusipclifçrete, çU;* ÎÇprèt C| prcm^xe, 
poilure^ faas.ayaif prpooi^ i^ie.p/ijrpi^ .^ 
. Jç dis.fMde. J^e^uffiQijf .flijg J^^yroi^jçQa,^ 
de ce ipe ,g^olt nuilement ^^ & je la.pri^^ 
9$mp de pe^etw que je l'y accompagna^' 
£IIey ioyita aufll L^j LfMufe ;. 1I^is celle* 



^ 



n »VÉÎ,iNA. 



1 



»i 



'k^ éiaroié&îrèunpâs; cette chaîeareft tuante; 
j, 4: je fuis déjà trèsfatîguée ; d'aiïleofrs je 
I» n*aurpis pas le temps de m*habîller« 
ii Avons •lious du monde aujourd'hui? 

„ Perfonne, à moins que Mylord Mertoft 
„ ne veuille refter. Oui, Madame," dit My- 
lord. y, Il ne mérite gueres qu'on lai fade 
;* Thonneur de l'inviter; vous ne favez pas-, 
,i Madame, le tour qu'il m'a joué ; nous avons 
,^ rencontré le phaétoh de M. Lovel, &My- 
,, lord s'eft avifé de m'engager dans une es* 
;, pece de courfe; notre cabriolet fendoit 
„ l'air. Je vous ai promis, petit raonftre, qua 
,', je vous en punîrois; comptez du moins 
„ que vous m'avez mené pour la dernière fois.** 

Nous defcendtmes , & leur lai'fllmes tout 
le loifir. dé vafder leur querelle. "- 

Nous étions à peirte [entrées dans le jardin ^ 

Ibrl^Ue j'apperi^us à quelque diflànce Mylord 

Orville, qni defbendoit de cheval. Savuemef 

rendit tout- mon trouble ; cependant je fis un 

effort pour né pas le faire paroitre ; monvifa** 

ge ne devottlui exprimer que du reiïentiment* 

Il s'apprOchâ de nous avec ûi politefle ordinal* 

re ; ' )e nie détournai pour éviter ce premier 

abord , & îl allok demandera Mde. Beaumont 

dies nouvelles de fa fœur, loffqu'en me recon^ 

tioiflamt if s'écrk r „ MiflT Anvnic ♦ '• & auffi-r 

t6t 



6 V, E t- î N tu rïf 

ttti\ me cooiplimeQta,,— <-non cPiioatarvain, 

à 

OU effronté , -^^ non de l'air d'un boipme qui 
a des reproches à Ce hir^; ^-* mais avec u^ 
yibge fereiot gaî« &j*ofe dire çhaimanc, *^ 
avec un fourire gracieux « avec des yeux rayom 
nans de joie. Nul fouvenir fâcheui ne feni^ 
bloîc allarmer fa conficience; IjjL lettre, fem- 
bloic oubliée } & dans cette enmvûe il n'y 
eut que moi qui fentis de l'ihquiétude. 

Ha! fi vous aviez vu, Monfieur, avec quel- 
le politefle il fe préfental avec quelle douceur 
il me fixa, Iorfqu*il me reconnut 1 Tout étole 
enchanteur en lu} , JBfqu'au fon de fa voix ; il 
fe félldtoit, difoitil de fa bonre fortune» il 
fe fiattoit que je ferois quelque féjonr à Bris- 
tol; mais il efpéroit que je n'y étois pas pour 
des raifons de fanté, car dans ce cas> ajouta* 
t-il • fa fatisfaétion fe convertiroît en crainte» 
Flattée de ces propos , & charmée d'ailleurs 
df retrouver Mylord Oryille tel que je l'avols 
connu autrefois, je n'oubliai jyourtant point le 
lelfentiment que je loi devois» ni le fi^'et qui 
y ayoit donné Heu. Je crois marne, Moniieur^ 
•que fi vous eufliez été témoin de ma condui- 
ie,,.çlle ne vous au^^olt point diéplu. Je ne 
quittois point mon aîv févere & téièviéf 
poes yeux fuyoient ceuxdu I^ord, & je ne lui 
xépondis qu'en peu de mots. 

JlL Partk. B 



« 

PaVûIr frappé; & Jo penfe qoih ne Taura paa 
Remarqué dinr fe raf^Ier, ' ft fe repenrir en 
toénie temps 9 des fojetis d& plainte qult mX 
donné»; oar il aft ioipoflible qà^il die eabRé 
totieremenc qii-*ii m'a offenfi^ 

Je rompis ki cosverfation dès que je pus te 
Taire avec débence, i& je fis obferver é Mdtaei 
Selw^y que nous^ ferions rendues f6rt taré 
chez nous. On vebroiiflBi chemin , & Mjrtèrd 
Or^iDe ne dit plus rien. II aura été furpf^s 
et mon empreffiHnent â partir, & il ne s^y a^ 
tendoit &rement pas. A dire vrai , je regret- 
lois déjà d'âvofr reçu fes potîtelTes d^uno ma* 
-Bière C froide, quoique &mï autre cûeéjefaiB» 
âtiïf la néceffité de lui nontisr us peu d^huroeur. 
En prenant congé |e ne pua m*empècher de 
remarquer que Mylord Orvilie étoit devenu 
tout aufli férieux que moi;£es fowîs&ft beU 
le f humeur avoient fait place à une gravité 
iFrafmeot inipç&nte. 

„ }& nains, dît Mdmeb Beaumont» que 
>; BiademoifeUe ne foit ^pas en état de conti* 
99 ThxT la çarche , fiins tb repoièr auparavant*** 

(Afy/. Opyi7lif.)„Siun phaétonn'époûvtln- 
.99 te pas ces Dames', & qu'elles veuillent 
99 bien fe fier à moi, je ferai atteler ^.dsms 
,9 rinftant 9 & j'aurai l'honneur de les ramener. 



» % 



4 I 

'•|^ JMIff Awrtlter ^ ' '.:;rcî j. . 
.. Je répondis ffliMt r^wwisjp^ i 

te£-^ que j^ £w0ii,fitçb«?'94*|lp]% f?eti^pei^ 

yoiikz îiototd» tïril; j'aviais prif fa. réfcW 
tïQn de tenir i9ps»^ Je »'«n;^iw ifaU wâmt 
umIoîs Mi«torfque.r«nang«H «^p^iif je 
ne penfois qu'à la lettre. &J9 Hf pcaWs pus i 

ddk-dl fa^;<pflh:i'jQrfqw T^ferfo ^'«w'ft» 
plua»? rCflpewhet: ÉDre» Wp« liftr^; Woo&Wj 
^iie fi Uh^iA avoîÉ ftutcau .fi?n, fiwwftete, 
teli|u*il i'4. ^I0y>éibfis4}€tt9dét«ft^ l^ore^ 
^ votteif dUflidicrieierok paniiteri^ Wjf ^ 

B 2. 



de fcmffrhr patiteinmeûr des trattôiient dont 
elle dxttolt eu i rougir devant vous. 

Nom nous arrêtâmes IJanc lej^dio /afqu*4 
ce qu'on vint nous avertir qùêla voltur&iâtoic 
prête. En partage', Mdme. Bètfuôiopt invita 
de nouveau Mdmé. Selwyn d'âofiepter des cbam* 
breis dans fa maifon; mais fes inémes raifons 
fubfîftant toujours , cette offlr^ fût déclinéeu ' 

Myloxd Orville mena ik chalfe fort lente- 
ment, & avec tant de pnidauelotf qu'il ausoit 
été rîdràilê' d*étre inquiet' > Je n'entrai pour 
rien dans la converfatiôn» Mdteé ^Selwyn eut 
foin dy îburnir deux pepfiJnnàs. Le Lwd 
parla peu, m'alsfon grand fens*-^ Kàpolltefle 
rafihlée dôlAlènt à tout ce qutl dit un affaiTott* 
Mement Mficiéax. Mdme. Sélwjtti rtle - même ne 
put s'empèther de lui fàliib ^éébiptiment de 
fes procédés honnêtes. „ Av«uez , Mylord ," 
lui dît- elle i lorfque nous fûnkrs arrivés chez 
nous;»» avouez que fi quelque perfonne do 
„ . votre ëenJTOiiTance vous avôitvu , vous eus^ 
„ fie^ été bien confus. ' . ;> - 

y, Je ne vols pas trop pourquoi , Mada* 
j$ me, à moins que ce ne fât par'compaffion 
<ie rehvié-quej*aur©is pu^temrtofpirer. • 
», Non , Mylord » vous euffiez eu à rougir 
de ce que dans ce iiêcle téméraire, voua 
fiqrezfeof allez fage » pour mener prudent 



w 



w 



iE vïlika; 



«1 



^^^^Inéntim-âibriolét 9 candis que Yotti ^te 
4, des femmes avec vojis. ^ 

9, Oh, rorfqué le cocher a pedr luî-mé- 
^ jBQ t les Pâmes n'ont rien à craindre de 

'y, (on ëtourderie; je fuis perfuadé que vons 
,»-»'^cicZxpa8-i bfeaaoDup près aufl! inquiètes 

.,, pouf votie;furèté, que Je oel!ai été ^oUr 
,, ceÛe de mon cœur." Et en nilme temp3 il 
inU.pied à terre, nous préfenta le bras,& re- 
inoncanç en cl^ife, il partit comnie un éclair. 

. Mdme. jSçlwyn trouve qtfirdoity avoir 
{le rerreur ^^ans la. naifTancç de ce jeune 
tiomme^ &.qu*â coup fur il appartient encore 
au fiecle pafljé. Il lui pa^olt beaucoup trop 
pçUpour celjuî^cî.; 

Ëh bient ae crjoypz-vous pas que dans 
p^s conpndur^s je pui0e laifTex tomber nïa 
y^'cunç, fans rif^uèr d'être blâmée? Vo9s« 
jnéme, me Sijefapprouveriez- vous? Ha ! fi 
vous aviez vi^^ combien f^ conduite étoit ref* 
pjsâueufe, vous feijez le pren^ier à me con^ 
fcÏÏiçt ^ nef plus lui vouloir du niai. 



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t». .<K W IBX'f % ^ 



J. P T T RJE ,LXIV. 
CohtinucUf07i de ta tettre /EvËLit^rA. 

Hier matin Madarn.fi Seîwyti à mol, Aotts 
fûmes invitées par cartes^ i dîner c6ç2 Manlô* 
Beaqmont ; nous acceptâinéF, & nons re^- 
l^ons dans cé,ipôment rfc'Cnftpn'rHîll. . ^ 

n ftfut gue J6 corainepcë p^f vous tîicfr 
Iç'carafferé de cette dW; je *pfe feïvît^iî 
' des pinceaux fatyriqués de. nôtre afnîe SeN ^ 
Wyn,-' voïcî îe tableau' àVèlIçéiï faft. ". *' * 

Madame Beaumont efl a la lettre ce qy^on 
pourroir appeler tmefuptrjftti^inife.dé'âour. 
)5fée d'une Farpnîe.gncîeniip & ifluftre/ é 
^•çft ftît un T^néme particulier de irtdràTÔ; là 
Ttaîftaneç & la, vertu Jbnt . chôz elle des teriijéi 
jynonymes. ' Eîte a des qualiKs'Tôuâblés , 
mais qui orif Jour tburcé' plutôt cîanS fa vai^ftç 
f^ve dans Tes principes'; car dje Ife pTqii'é 
J'être dç trop bonne famille pour commettre 
une aflion indigne d'elle & des ancêtres dont 
elle a le rang à foutenir. Far un hafard heu* 
reuTij elle s'ed mis en tête que rafFabilké 
cil de toutes les vertus celle qui fait le plus 
d'honneur zmj; gens ^e jualitéi de force que 



A V- 15 6 t N Av flfl 

• 

ç9 iBâme orgiie fur jteqiiella pluputdesgf^nda 
appuient l&àt ^trrogancCji eft prédfémeac cç 
qui rçocl foa coaimerce facile. Maii fa poli- 
tefib eft trop ^ompafiéa & trop mécaoique» 
pour qu^elle puifle fairçj plaifir. Si elle me 
témoigne quelques ^gacds , je dois cet bon* 
neur à uo pur accident , 4ont le fouveolr nç 
la fiau? peut >• être {iaa;arop^j'*e,us roçcafioa 
un joi^ d^ lui f;é<jl^:.4 Sputhatnpton 4^ 
chambres 4ont elleavoit befoin, & Ton m'av 
dît depuis qu*(^Jç, .c'a^roit peint accepté e» 
fcrviae^ fi elle^^^voit jcru que j*étgis>nol)le i, 
je fup^fe qa*el}e fu( j^onfolable Ioxfqu*elle, 
ijécouvrit fa aépiife/; cependant fon attention,, 
fçrupuleufe i garider to«i$)e efpecededécormn, 
la engagée k vais combler de bootéa. Elle £^ 
trojupe û elle sMi^Mgine que je met» .bçau-^ 
coup de piix i ies honnêteté»; car je fuîs^ 
convaincue que je ne l^ss dpis ai 4 fou at^^^ 
chfVi^t^ «11 â la reçonnoiSanc^9 niaif • uuigue* 
i^çnt au;^ obligati^pf)^ qij»'elle a efije nialbf^rr 
de comraâer ea>;er^unc .p^rfbne 4c!nt Je noi;^, 
1^ fc tiouve pa^dan^ Talmanacde la cpur.^^^ 

Ce portrait eft 'fièrement ^e^cUng^q 
Selwjnf) , & vous y reconooltrez (b;}.,p^^ 
chant invincible pour la fatyre. , t -m . -^^b 

j\fc|da^;e fiis«aa|otit n^ii» fit m apoMeil 
tr.às;gra:îcm j a^s . eUf : inc..décçacej:u ^m 

B 4 



e'4 B V E L r N A, 

fts questions fut ma fernîHe.^EHe me deman^ 
da entre autres , fi j'apparÈenbrsaux Anvilles 
qui réfîdent dans les prOTîncés du Notd dé 
l»Ahg1eterre ? sll u'exiftoit pite .une fèmîll^ 
démon nom dans le LîncoWShîre; &c? 
• La converfation rbUla tnMte fur le mslria- 
ge projeté de Mylord Mertod. Mdme. Bèau- 
aiont en parla avec ^eàifcoup de drcon(pec« 
tîdh, mais ce quelle en dit montroit aflea. 
qu'^elFe défapprouve lé" choix <îe Lkdy Louîfo 
Mylord Orville cft en grande faveur- chez 
èlîe ; elle Pappelfe- <l^près une expreflîon 
empruntée des Contes des Marmontei ^^ 
un jtime homne comm^'p y^en t^peu. 

Cet tetitrètîeh fut interrompu fort mal- à- 
propos par M. 'LovêK Je ûits fâchée de [q 
retrouver â Briftol. Il falua refpeftueufement- 
Mdme. Beàumont; mais fapoiiceflls ne s'éten- 
dit pas iufqu'â nous. 

Un moment après parut Lady Lonife 
Larpent; fes maniereis étoient toujours les 
nèmes; elle falua légèrement la feule Mdme. 
Seaumont, & ne carda pas à prendre fï 
place fiir le fofa , d^dù «He promena fes 
grisfids -yeux langoureux dans le fàllon , fans 
daigner fixer perfonne. 

M.Lovel s^approcha d*elle à force àe cour- 
bettes j & lu} demanda tïes nouvelles de iSi'ftnté' 



ti, 



99 

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»9 
fi 
99 



É V Ê L I N A. aj 

,, Ha ! vous voilà , Monfleur, je ne vous avoH 

'g, pas vu; y a-jt-il longtetnsquevous êtes ici* 

„ Depuis cinq minutes ^ quî par ybtreab* 

„ fence m'ont déjà duré cinq heures. ** 

Savez*vous bien qnÇ J? ftiis très fi^cbée 

contre vous ,• & que Je ne vous parleitf 

,, pas de toute la journée^ ^ - * '' 

•ï:è' ciel me préfert^e que vbns pouiïïet 
votre' réffenttment auffi- *loîri ; àzns mtf 
teïte fltuation une journée feroir pour tnol^ 
un fîecle. • Màfs enc^oi ai je donc eu te 
,, malheur delfous d^îaîre*? 

5, Obi voû^m'-Hvez fait mourh- de frayeur 
„ l'autre jour. Comment avez-ydus ofé étref 
,, aflfez'criid J^four courir contre le cabrioloc 
„ deWylorrf-Mèrton? • . ^ 

„ Sur mon lîonneur, Madame, vous me 6f.; 
,^ tesînjure:' Je ne fts pas le maître de retehl^ 
mes''chevaux, & J'ai fbùlfertipnisquevoQS'y^ 
car la* feulé idée de voiis athrmèr." 
• Mylord Merton entra dans ce'moment, 8c 
s'a vançant vers* iSi future /iNuidemàdda d'un' 
ton foj^t nonchalant coo^ént elfe fé portôit? 
„ iia!7 répondit Lady'Lûfuîfe, j'aiétéag^ 
fommée dé maux dé ûié toute ia matinée;. 
J'en ftxis auUéferporf f maîi vous devriei; ' 
,, ceûWfetûntnédccin, MuAme. 

,, }éÀUeicédéedescûn{tthsi.-M/B^^^ 

B 5 



99 



99 



$t^ t V 9 L 11^ A; 

p, way eft v/bm i^ip vo« encore uôtéjt, «?»»» 
p fes rçoofiJes ne ijioijU bons i rîeiL Perfonno 
,9 ne (ait ce qui me manque » & en attendant 
„ je defleçJtiie M langueur. 

«I Vous êtes. Madame, d*une conQkutioii 
^ tr^sdélicate, * dit M. LovqI. . 

,, Oui certes» jêfuis%>ut s^^., 

v- 1>. Je, fu^bieai-aifeJu moins que vous -n'ayez 
ji^ pas été ce matiai Iççromenade,. Co verley m'a 
^fait.troter encorefnfurieujç, ilaunocoupléde 
^chevaux des pIusrfxiDgaQs qu'on puilTp.trouver. 
,f Et pourquoi ne nous^ avoir pas^amené 
H^.M.^ Cjoô/Q^kyl c'^ft un drôle de qorp^ que 
^ i'aime prodigîcufcanent. ... :•. : 

,, y. Il dévoie erre ici ^vant moi ^ $; jef^ppo» 
,f fe qu^^ ne fe fera paslongt^ns^sattendre.'* 
Afik milli^ de çetteffivoleconver£afcion>, My- 

S^rd Orville eaçraidans la CiUe.. Goçime il. fe 
Iftinguoit -fie cew qui étojent arrivés V vaut 
lui! cooNue il kfs g^oît ^^^^-^ Après airoir 
tendu, fes devoirs i Mdme. sésiumont & à 
j$ dme. Sel iv^n.y il . vînt nie joindre. 
l 9» j:eipere., mç^diUil, qiiç,le$.,i;?iiigi^ de- 
^ lundi matin n'ont j)C{îDt incommodé Miil 
,,. Anville ; "(mis fe, fcouinant vers Lady i^ui- 
fç , qui parut i}Uffxik de .ce que [on fteip.mV 
cfreffoitiaparot/î, il fjouia : ,♦ vojf^pe«Dfitfre.z , 
n. n^ fol», ^^^ vouspréièntei^iffij^ 



c. 



fi T B L r ir & 9t 

i. jL9dyIuMriefît:feaiM8mdeffei«V«tdl^{bttf<v 
fa ,.fr «e 4i% CMdenicocqifcUrftraiiehafoéç 
4i^0foi[r riiOQnèur'iie fsire maconMlMMe, A: 
auilîtô^ elle chuchota cpsdqfiCAiiMiijll'îomillp 

lemeiir ton<^XM^<i« la poîittflb inMceikiup 
^ Mylor4^0yvâ[è v^ de la nonieieiéélàbl^ 
^ancd dont fa fn^tte^^râpoodjt. ^ QMfc^n- 
4»Ka<l#'! & commeoc tw i^^pecçoiC' eltap^asi 
puîfque toueltvioTfditadinitreleffOanlir^ 
fêbê & ^to.do <b»lreret _2. /a.^! . 

JLa condaîi^ de I^:l.a«tfe1^f«i^fie1)^ 
il la qm'tca (kot J^ p^H^r r^ it c&rifl^m A 
m^eotmctvk yxiùtù'à c^ «|«f^ovaf 0rttt-<ftië te 
dîné étoit fervt. Ne 4evoi«.}e{id9 lui ftcri 
<S&ii}ptè de fen-eete^tlônil oai « <ki»s ^dtHJë, >& 

A rinflanc o{| eotu'aWons iaèîi^metffé^c»* 
Me> lif. Cowrfey fwrviftl en€or* { îl fk't<nit 
d*une haleîifé'ttiy dMle]^vd^ci]i^mtede<!ë^^^^ 
ùxWok fi wfli * 1*^Mgiiafô«ri%tfclHifrpe. 
tât âteideot; il mm^ ie Mih^rde i^tv^iw 
fer & de ht\k^ fo» pha<li0». A cerTëbftXtdy» 
Louffe jeta tm gfand cm', & pit$i^iair''qifet^ei 
lii We^elle «ô !iïefi«»ok plus ett chaiR». 

„ OM^rléJr qti'il îfttidMlt^ufîctmfcjr, car< 



•» 

>9 



M 2VBLIKA. 

-' ' J£ ÛmUf.},^ Je gage: mille gtàxié^ »^i)i» 
^ je yoiis tiens té£e ^uand irous voudrez* 
' C^*' ItettR.) «, Va^l fixez le iour , &aoil$ 
',; chi>ifi{CiHSîQes j.^es. >/> > . ' > . ..; 

':(jÊACMriey:yr^ i^|ihi0t£?r4 le miétix, d^aài 
^ fi cda rons'fkit pfàifîx >;^«èi;aque mon:c«- 
M .briolQtrpiilSb être ré|^auréâai^èetiiitçrvalle, 
- (JUiAn^ JMi^) i> Viplià unrenffeprHè^^ 

^:d*Qiccqper dâs gen» de qualité, qaij»e 

iil?iftC qp» faire de. faeur Jt^paps. 

: (iMAur.: J|e4dm^) »^ TfanquilUfez-.vou^; 
li I^t.iliftcy pépieront uoe.feeQndftfoîS'^ 
^ jiifqn'icl ÎI& plaiijaiteiii. ^i 

^ (Luf!^ J«MK^.) »» lia fttde Uée d*yn (dpiHz^^ 
^ jet me fiMt frftSTpQjier; j'en tremble de peur) 
^ &j*aî perdu touc>mot2 appectt. . 
, {MffL Printif,yiyijAl(fyn& dç^nc li cette mâ<i 
^ tiere^ &^rlai2ird*aQtirft c}K)fe, 
(J^tfy I^M^f.) », Pardonnez , .mon frère ; je 
i^ttcbe-pas priife, avant que Mylotd m'ait- 
promis qu'il renoncera à cette partie ; ç'efl 4^ 
XenUnoyeiide m'épargner une b^nnemaladie; 
(MyéÊfdOfnnUe.) „ II ne fer^ pas. fî difficile 
^, d'^^ufter ce di£Férend , &.li Ge3Me(Seers ne 
^ jfont pas d'humeur â fe dé^fider de leurga-,^ 
geuie» Us peuvent la jËiiîç4épçadred(9qt(el 



M 



m 



4 



'99 



,; qiibàôtreemf^tift moins te6er6ilfe«Cdl. 
,f ufiècottiptaiftnce^tt'ils doivent a» Danel.'* 

Cette propofition fut §énéraleiiieiit ^ipoyée^ 
dtiMylord Meifoii, anffi bien que M. Cofor* 
ley , y acquiéfterentf on ^convint que ce débat 
feroit finalèinett àjafté après le dîna. 

Me T0)là^enPttv^a«/iepritMdae.S4wyiNî 
brouillée avec les phaétoos» qaçiqaeMfloid 
Orville m'çn alcpnef^faitlcareoitia goû^ 
Mylord Ofvilté !;j*éçFta Ma Covérby; di ! 

bon Dieuf il eH plus prndeoiy pbnrtinûd» 

qu'une vieille femme; je nefiiisibitdedé- 
^ vancer Ton pbaétcm avec udeiclnixctte.** 

Cette (arlùpinade divertit d'anooi ptai Ui 
ibeiété , que M« Cove^^y y joue lé î61e d^ 
pUiiânt. 

' ,» Peut être j répartit Afldne,Sehvyii, M» 
f> Coverley fgaoie'è*3 poyc tfodle. xaîCm 
y> Mylord Orvtite^ft ftpmdBrit:: ; ; -. 

: „ Pas que.je facbe; (J3roil*itfetiitiijdefiir 
^ voir cette raiibti' particulière? .. .. .^ .; . 

' »>. Volontiers »'4t efle vota paroliniaeiEêft 
» très-particulière ^ c*e(l que taiaBUs:^Laidi 
9-. Orville font laliwi de le cinifervèKénpftier 

Çeiuici reoierciftMdme* Selwyn decttoon- 
pliment» mais M; Coverley n^eiv pant ipas ûk 
bsfait. » Point de tiloheitei «?tfor|a.tttttL8<!a- 
H drefintâ Mylord Merfion, voès.iné2^4^ji 






K^JCf. f « A* 



,;. É dsci$, : a\Kte£^v*^iis Hvi& i.u»:;fmAf9 !cei 

.,, }è Mus fiéUcltQitetQut.9ioac(BiarjdeIjr. 
^: préfiÉfetce « dit Lord Mecmis" m 

La coxârealfaâoQ tpmbtiersiuite.Ai^hèoiuKr! 
ohers, & .ofriftQ'ec fut «jifeuté à fond avecla 
iphis ^ande.ikpuicé. SiM]Bi(«d Mietcon, Mos^i 
Irid^ * iSavvsfey, ne lâ^nrpîeBt psisécécoifv 
rftts P9Î tear^ titres , je lés^ anicHs prî« cet* 
tiifittHieBt po« des caifiniiss de proTeffioli,. 
tÊtnt Hi Strièrent d'érudtdon dutas tm art qui 
doit «nsir afefotbé une grande paicLe de teôrs 
Huâefi^ âi en ji^er par les progrèi qu'ils jrdnt 
fttks* It fieroft dîfficiie de décidée fi> ces Mea»: 
fîeurs appartiennent â la claiTe des Gloutonr^ oii 
déa i?#i»ttrisltf » car iisr&fèaégatettent gour- 
MHS &-var«ees; & Os faieeot viuiderindiFé^ 
remment tous lea plats'. /Leiïrs pDopos ro^n^ 
Diiystecft iseailitOfQp; IdyforiiÔrirtlle n'en, fut 
pas moins dégoûté, & je-ooaipids aiféownt i 
fi>ii otimito que nos fonttmeQa écoieht par- 
ftteiâcilc4:aQGord fur cet ^rtiçte. 
' Ajpi» le Aaé, les Dames' ft recfrerént ùm 
Pappu t e ia ent^e Mdme« Beai«Qio»t»où nous pas- 
Ames $iBriieui^afl€2trifte>, notre bàteffeétoio 
iéflenféi Mlm.£eh!^Be fe ilonnà pas la peiM 
ie padaÉu^.&ribady kMifo «vtQkdès Tapeurs ^ 



q^te nous ceommmqna i tomes^, |afqu^ ce 
qtie ^os cavaliers vinrent nous joindre & nous 
rapporter un peu' de gaieté. ' 

Inftruite par une ancienne expretion éè MP. 
iovel que- je fais unejOfc iâ mn, feusiamo* 
cfcftîe dt nie retirer <Jans nhe croifte, pot» 
»'énre â' charge à* perfonne MyFord Mcrton, 
M. Covértej^ & M- Lotef palferent plnfièm» 
fàh 'devant mbr fens fitire femblaiit de me 
voir ; tbwB letïrs'^îbîns furdnk réfervés ffoiif 
Eicly tiàvd^i qiffls ne quîiterent pas d'un in:» 
ûstnt. pécoîff piquée furtour dfe i*incivilîté de 
M. tovel-, qiië je pouvais compter au nom- 
bre de mes connoîffances; U eft vrai qu'ifme 
déplah fouveraïnement çarA fatuité, mafs 
Tarr de «repris dont il ffiethrftoît, ne lai A 
pas que de me faire ôq h peine. Il eft f! dur 
d'être tnéprifé^ même par des gens qui nous' 
font îiidîffihenshDHm autrecôté, jeFosWen- 
alfe d*échapper à Mylord Mer ton ^ ht moindre 
attention- de fkpârt in'auroit attiré la colère de 
Lady Louife. Quant à. M; Coverley, jeVm 
bandonnois volontiers iiur-m£me; untalpcr- 
fonnage n*eft pas fait pont infpirer te môîn. 
dre intérêt; mais leiativetnent à l'tenfemblë 
de celte fociété, je me troiivois uu pfu hir' 
mîfiée dû rôle ftibalterrio que j'y jouais; 
: J'ctttiieudc me féiîciccr ^ iWDiir-de«|^' 



Jord Or?ill^ qui s*étoît abCeDté ; me voyant 
aiofî ifoléè, il n'eut rien de plus preOTé que if 
m'adrefTer la parole; il approcha mém^ une 
ohaife» &. demeura â côté de moi. 
. Il sMn^rmaparticuIieremeQtdemafanté, & 
il les ^aux deBriftolme faifoienc dtrbien. f^ Jo 
fi ne penfois pas > a/ouca-t-îl ,t en vous quittaiit à 
.»• Londres» qu'une indifpofîtîon vous amène* 
„ roic fitôt ici* Je ne deyrois pas me réjouir 
9» de vous avoir revu; «^ mais que voulez» 
»y vous,Madame» poiurrois je m'en empâcber ?" 

Enfuice il me demanda des nouvelles de k 
Èamille Mirvan » &il fit furtouc l'éloge de 
Madame Mirvan i qui il rend toute la juilice 
qui lui eft due. ,» Elle eft» dît -il, d'un 
»» commerce doux& aimable, un vrai modela 
at de femme. 

,, Et Ta fille, repris -Je, eft àcouségard^ 
. . digne d'une telle mère ; je nefaurois mieux 

la louer. 

,» J'en fuis ravi ; elles font dignes de bril- 
„ 1er l'une par l'autre." 
. Mylord Orville commença ^uifi i me par** 
fer des beautés des environs de Clifton; mais 
nous fîimes intçrrjompus par les nouveaux dé- 
bats qu'ezcitoit ^r«nffâire du pari. Les deux 
chafflpi(^)s n'éeoient pas d*accord fur le genre 
de combat qui devoit décider la querelle. My* 

tord 



' Ë VÉLlîl A. ii 

iè^^d Chaîné ^r^» qo'oh leEiit Ifla |)i(u:à- 
lue des voîx,^étatiffit6t on les recueillît Mdme. 

Sélwyn fut d'avî» ^ue le prix detoîtêtre adf- 
^igé i celui (]ffî rédterolt la plus Fongue od6 
-d'Horace ; Mdme. Beaumontfe déclara pou^ ce* 
lui qui feroit ta référence h plus élégante »& 
ittof j'accordWt là palme à celuf qui (croit le 
plus heureux à faire un- impromptu. Lady 
Lôulfé ne jugea pas à propos dé ddniier foo 
fufiVage, & ont fat obligé de s'en p^flîbr. M. 
Lovél titouva qall feroit plus court de termî» 
ner l'^^iréen tirant à la courte â paillé. Cette 
idée me parut plàtte & abfurde» mais fai fçu 
depuis ^ueles plus fortes gageures fe décident 
ttéteelleiribnt à Londres de la même manière* 
Qu^ pitié ! ne diroît^n pas que les ricbefTes 
ne font d'aucune utilité réèBe ,. pttîfque ceux 
qui les poffedent en font un' ufage aù£B vih 

- B nous reftôit entore à écouter l'opinion 
dé Mytord OrrBlèl , & lacuriofîté avec hquel» 
ie on l'attendit) môntiâ le cas qu*on en fai<» 
fblt.- Voici de quelle manière il prononça à la 
grande furpr ire de toute la fociété: ,9 II feu* 
,i droit, dit il, que le gagnant partageât fon 
, , butin avec un Wôhnète - homme nécefEtteax ; 
,, qu'dnenprdduflfe Un de chaque 'ctft!ê,&. 1© 
,, prix retombera à celui qui , au ji^èmént'de 
iy deux arbitres ) 'éùra hit le mc^iléur choix. 
Ht. Partie. Ç 



34 E V B li I' » A. 

Cet arrêt ferma la bouche à tout lem<Mi« 
de, & je crois qu*il n*y eut perfonne qui i^e 
fût hontepx d'avoir fuîvi un projet dont l'ex- 
travagance étoit manifede. Pom moi » je fus 
touchée de la nobleûTe des fentimens de My- 
' lord Orville; fon jugement étoit une belle 
leçon ppur les jeunes prodigues qui avoie»:^ 
mii : cette gageure fur le tapis. 

Il y eut un' moment de filence & de réfio* 
xîon, & ce fut M. Coverley.; guj' Tinterrom- 
pit; il trouva queMylord Orville «voit tou- 
jours une finguliere^ façon d'envlf^igier ^ 
chofes. L'incori*^ible Lord Merton ajouta 
que fî on goûtoit ce plan> il propoferoit fon 
gros Suifle pour être de moitié avec, lui* 
£nfîn on. renonça à la partie», ou du, moins 
on la remit à une autre occasion. 

-La converfation prit en fui te une tournure 
différente» inaisje ne jip*en occupai gueres» 
Mylord Orville ayant renoué ia nôtre:,, d'oii 
^, vientt Miff Anyille, que vou&,êtes fi pcnCve? 

„ Je fuis fâchée., Mylord , d'êtr/ç dy nombre. 
„ de ceux qui ont encouru votre cenfure- . 

„ Ida cenfure! vous m'étonnez, Madame.. 

„ Oui Mylord, &j*ai honte de la méritera 
„ j'ai donné ma vqîx comme une étourdie., & 
„.la vôtre me prouve qu'il auroit été bien plus 
^ louable de la tourner au profit de rhumanllé . 



»ff 

»> 



E V E L I N A. as 

Vous pliiez la chofe au férieux, & je 
ferofs piefqae tenté de croire que votre 
réflexion enveloppe un reproche de ma 
,; propre conduite. 

Comment donc, Mylord? 
En effets -qui de nous deux auroit tort; 
celui quifàifità propos refpric de bfociété , 
,, ou bien l'autre qui y prend un ton déplace? 
On vous rend pliu de jiiftice , Mylord. 
AxL fond» je me flatte que mon opinion, 
„ Madame ^ ne différoit pas de la vûtre ; 
91 feulement vous vous êtes prêtée à la gaieté 
qui prévalait dans la compagnie, &.i*au- 
rois mauvaife grâce d'en être formalifé, 
puifqii'àù contraire je fuis perfuadé que 
mon fi^rieux jr étolt de trop; d'ailleurs, 
„, je ne me le ferois point permis, fi mes 
„ liaifons aâuelles avec Mylord Merton ne 
,,' m*autorifoient à le veiller, de près/' 

Ce compliment me réconcilia.. :(yec moi« 
même, & Mylord Or ville continua à m*en^ 
t^cenir jufqu'à ce qu'on rn'annonça le car- 
roITe de Mdme. Selwyn : je partis avec elle. 
Chemin faifant cette Dame me furprit beau- 
coup en me demandant il je croyois ma fau- 
te allez bien rétablie pour fufpendre ma cuv 
re , Madame Beaumont l'ayant foUicitée avec !!>' 
fUnce de palT^r line huitaine de jours â Clif«, 

C a 



9J 




jd B # É L I N A. 

tKï ? fltttë pauvre îfemmc -, ajoutat-dle , eft ' fi 
prdRe éé è'âc^ultter en plein de fa dette , que' 
jc-faw- tentée ^d*afccepter ùl pTOpdfltion , ne* 
fût-ce que par compaffion. D*iaî1i]èuts^,' on eiî* 
toujours fur de trouver du monde chez elle ;& 
tint de^CôtsSc dèfkts qui s'y dOemblent, four» 
niffent daiîidlns matière i raîlfer ; cela m'amufe; 

Uétat aftuel de ma fanté ne m'afheignanr 
plus au'voîfinage de h fontaine, je fus dans 
la fiécefilté de me fotitnettre à h Volonté de 
Mdme. Sêlwjm , & dés demaffn nous comp* 
toiis mus établir i Cliftoh-HiH. ' 

Cet arrangement ne me convient ' pas' 
trop, &iquoique je fols Ibiiible aux attenti- 
ons obligeantes dé Mylbrd Ôrvillé^ il m'en- 
coûtera pourtant- de vivre avec tant d'autre^ 
ctéatutfcs -qtfi ïv croient autorif&s k me traiter' ' 
avec l*lhdHFérence la plus marquée;' D'ail- ^ 
leurs , il eft poflîble que je doive les polîtef-i 
fés du Lord â une généreùfe' pitié que luî 
infpîre n^a fitUatlon aélbëllë, ft: qui fait s'il 
tiendra bon pendant toute -une fbmaine! 

Depuis môiï départ de Bérfy - Hil! , j'ai fou- 
vent déftfé d*avoir Mdme. Mirvan avec moi. 
Ce n'eflr pasf que j'aie à me plaindre dé Mdme. 
Selw3rn; elle a* des égards pour moi, & nous 
fômmes enfemble fur un pied familier, yz* 
vtfue tependant qu'avec un petit effort cH» - 



E V 1 L I K 1. • % 



poorroit in'étie quelquefois phis liiM»; 
tout en iboécé ; mats eUc y eft oniinireaient 
ttàp occupée d*ene-mérfiet pour penfârd mdl» 
do ^onr chercher à ms metcié^eo avddt. K^a^ 
1^ pas etoim au refle, Moofiéur, que mofi 
intention foit^ blâmer MdnmSelwyn; céft* 
roit mal re conn oh re Vzmitié qnreHéapoiiriiiol. 
^loos! il faut prendre fon parti ;- màtiu 
j'éprouve tous les joois qae faot iwHlktice 
& fans fortune oii ténffit îUSdléKièDt à fe 
faire xemarqver. 

L £ T T H K LXV* 

Suite de la Lettre iTEvelina 

Clifton«HiU» le so Septembre. 

i^>e voidj mon cher Aionfleur» iog^ fous 
le même cott a^ec Mytord QrvUle^ Ans cette 
dermere drconftanœ ma iltuatkin tferoit des 
plus fâchextfes, & vous en conviendoez tori* 
jque je vous aurai dit fiir que( loMinriii t>led 
je vis icL 

IhSdme; Sriwyn .m'a demandé a«)0urd'hai 
depuis quand j^étois ilée a.ve& ce miMnfkt 
de Lovel? je luî at raconté de qeèlte Aaniees 
j'avois fait fa connoiffiinoe. ^tterm'é dît 
aldrs que dans ce.cas eiUr ntelllpâ 'à0|tife 

C3 • 



^ E V E L 1 N A* 

de ce qQll me portoit rancune; qa*faier pea- 
dant que je m'entretenois avec Mylord Or» 
ville» Lady Louife s*étant informée qui y 6^ 
toîs, il lui avoit répondu; qu'il n*en étoit 
pas trop fur lui-même; que totkce qu'il fa* 
voit c'eft que je paroîfibis être une Denmfette 
de compagnie; que j'avois fait une première appa- 
xitîbn à Londres au printemps paflfé à la fuite de 
IdiflTMlr van, jeune Dame de la province deKent. 
Il eft dur » Monfieur » d'être en bute aux 
înfinuations impertinentes d'uoi homme qui 
cherche à me rendre toutes fortes de mauvais 
fervices. L*épithete (de Demoijelle de compa- 
gnie achèvera de me mettre en confidération 
chez Lady Louife. Mdme, Selwyn me confeil- 
le défaire ma cour à M.Lovel : „ cet homme, 
,9 dit elle» quoique méchant, eft à la mode, 
„ & peut vous faire du tort dans le grand 

„ monde. Et que mimpbrte! je me dé- 

testerois fi j*étois capable d'une pareille baf- 
feflb; pôunois- je flatter cehii que jeméprife. 

Madame Beaumont nous a reçues ayec beau- 
coup de poIiteflTe , & Mylord Orviile en parti- 
culier n'a rien oublié pour nous faire l'accueil 
le plus gracieux. Lady Louife , au contraire , 
nea'eft mile en frais de rien , félon fa coutume. 

Nous avons eu du monde prefque toute la 
jeumée & je me fuis stfre;i bien amu^^e. Oq 



EVELINA. 39 

a fait la partie après le thé ; Mylord Or ville 
qui n*aiiDe pas les cartes, & moi qui ne les 
cpnnolspas, nous n'avons pas joué; j'en ai 
été dédommagée par une converfation agréable. 
Je commence à remarquer que je ne fuis plus 
fvec lui auŒ timide que je Tétois autrefois; 
fon honnêteté & fa douceur me rendent in» 
fenfiblement ma gaieté naturelle , & quand il 
me parle â préfent , je ne me fens pas plus gênée 
qu'il ne l'eft lui-même: ce qui me donne fur- 
tout cette aiïurance, c'eft laperfuafion que j'ai 
de n'avoir rien perdu dans, fon cfprlt; fes 
yeux me difent même que j'y ai gagné. 

Il m'a dit qu'à fa grande fatisfaébioo l'af- 
faire de la gageure vçnoit enfin d'être déci- 
dée ; les parieurs font convenus de baiiTer la 
Comme juCqu'â cent guinées, & le prix fera 
difputé dans une courfe entre deux vieilles 
femmes igées^ pour le moins de quatre- 
vingts aas, maisJ>ien portantes d'ailleurs. 

]e témoignai au Lord mon étonnement 
de cette fureur de dépenfer des fommes con* 
(idérables d'une manière fi frivole : „ Hélas I 
„ Madame > û vous aviez une plus grande pra- 
I, tl(^uedu monde ^ vous fauriez que l'habitude 
„ l'emporte prefque toujours fur la raifoo; 
M il fuffit qu'une folie foit à le mode pour 
,, qu'elle pafib impunément: Tefprit s'accGU* 

C4 



40 B ♦ B L 1 M A. 

„ tum'e peu i peu aux ablfedîtés les ploâ- 
„ révoleantcs, fi eHeé font fouvent répétées, 
• ,j jrefpérois que laprôpoMon génëréufe' 
,> que vous fîtes hier-' auroie produit un 
rt meffleur effet 

„ Ohi je no m'y attendoî» pas, ft qûf 
,*, fait taitAt ' fî en récompense de mon con J 
n fell , je né ferai pas chanfontié encore par 
„ M. Cbverley. En attendant je fuis bien 
„ aife de lui avoir dit rondement mon fen* 
^ timent; je hais trop ces fortes de gageu+ 
9> res pour ne pas ^es combattre." 

Mj^lord Qïville m'ayant donné la main pour 
me conduire à table , fa fœur lui^ dit qu'elle 
avoit cru qu'il foupoit en ville. II lui répon- 
dit en me regardant poliment, qu*il avoiç d'au- 
tre eogagemens ; & il refta avec nous. 

' as Septembre. 

J'ai paffé trôiîs beaux jours qui ne m'ont rien 
Wlfô à dôflrcr , fi j'en excepte , Monlîeur , h 
ftt'tffeétioii de vivre avec vous. Mon féjour 
à Cliiton - Hitt eil beaucoup phis agéable que 
jft n'bfoisî Tefpérer. Alylord ôrviHe* m'honot 
yv,tott}OUi8 d'une attention non -interrompue! 
«B o'éft'toH'bc^â cœur feu) qui la fut diae, fan( 
^uele eâpi^ice ou Torgueffly ibient mêlés pou) 
^^oqlqtie <thc4è. C'eft, fana doute, à l'abai^ 
4leii tcKaf'âQqiif 1 iM condane çâ^ue Je refte d^ 



V l 



e^V.B U UN, Ai 

llQtsr foâMié i'^^jk Soie c«ttft conçlQtânKvt 
(butemie, ^ par cotte raifon j> compte polir 

f9t2l0Mot j9 ft»i«4niBii^ è.in0n aîfe jsnpréfM* 
eë du Lc^#» garnis même ja,devi«iis gaie wm 
kil : tttlv «R: t'ci^ de Iq viaib foficçiTe i . a))^ 
bannit toute géae & toutiK 60iitv8intev A te 
BrpmçpadCi jc'eft^lui qw m'accompagne & qui ' 
me donne le bras. Quelquefois nous nous oc» 
otipoA^H^uàdleAate,.& alors ilmeâUranÂ^ 
quer les endroits \çs plps (aillans , confultemon 
opinion & me fait part dé la fîerrne. À table 
il efl: ai^s à côté de moi, & grâces à une infi- 
nité de petits égards qu'il a pour moi, Joubl^ 
la fupérîôtité que s'arroge te refte descontl» 
r ves. Enfin ces quatre jours que j'aît^aifibavac 
lui dans la même maifon ^ ont établi ëittrà 
nous un certain degré d'Intfmitéfociate, qiti 
n'àuroft peut être jamais exffté fi j!a vois tôH» 
tinué de voir Mylord OrvfHe fur le pied d^ 
ne connoilTancQ ordinaire.- Madame Sélwftï, 
h feule amie qiie j'aie ici, eft trop jâloufe 
de briller dansia converfation , pour qne ftîg 
foins pùtflfent s'étendre jufqu'à mol; te LcttÛ 
me confidere donc comme une écraâgerè'dé- 
ràilfée qui a droit de. prétendre â. fon ^pvA 
& à fes bons ôflSces , & s'il lui eft arrivé tJe 
prendre de moi une idéedéâvoraUe» jédrofii 

C 5 



jg$ E V E L I N a: 

maintenant avoir rëuiS ï l'effacer aitieremcnt 
Il fe peut que je me flatte; mais fou air cou» 
tent, fes attentions y fon défir de m'obliger» 
fout concourt à me perfuader que je ne me 
trompe point. En un mot » ces quatre jours 
heureux, font faits pour réparer des mois de 
fouci & d*inquiétudeé > s 



Continuation de la Lettre ^Evëlina. 

LETTRE LXVI. 

Clifcon- Hill , 24 Septemte. 

JE fuis defcendue aujourd'hui de bonne heu< 
^re, & comme ou dé jeûne tard ici» j'ai eu le 
Joifir dé faire ma promenade du matin » félon 
l'ancienne coutume que j*ai contraâée à Ber- 
xy-Hill. Je traverfai le jardin & je n'eus pas 
plutôt fermé la porte derrière moi que je yi% 
un homme dont je crus reconnoitre la phy)- 
iionomie, & en effet c'étoit l'infortuné M. 
ÎMacartney. Surprife de cette rencontre > je 
m'arrêtai pour lui iaiffer le temps de me joiUf 
dre ; il étoit encore en habit de deuil , mais 
£1 fanté paroit avoir gagné le deiïlis ; quoique 
. je lui aie trouvé cet air mélancolique qui me 
frq)pa la première fois que je le vis. 



99 
9> 



MY KL l ff X #3 

n me die qQ*ll n'étoit arrivé que ûepvûs 
hier i Briftol, qu*il n'avoit eu rien de plm 
preflë que de me rendre fes devoûs. 

„ Saviez*vous donc que jMtois à GUfton? 
Oui, Madame» je viens de Berry-Hill» 
oh. j'ai appris la ficheufe nouvelle que vo« 
tare fanté vous avoit obligée d'aller aux eaux. 
9 Et qui peut vous engager, Monfîeu^r » i 
,, prendre tant de peine ? 

«, O , Madame » y a t-il une peinequi puis- 
yy fe égaler te défir que j*avois de venir vous 
py faire mes remerdmens ? " 

Je m'informai enfuite de Madame Duval 
& de la famille de Snow-Hill; il me dit qu'il 
les avoit laiifês bienportans , & que Madame 
Duval fe propofoit de retourner bientôt i Pâ- 
tis. Je félicitai aufli M. Macartney fur l'a- 
inélioration viiible deiâ ianté: „ c'eft vous» 
Madame , me répondit-il » qui devez«vous en 
faire compliment; car û j'exifte: encore» 
* j*en fuis redevable à vos feules bontés." Il 
ajouta que fes affaires étoient i préfent fur 
un meilleur pied, & qu'il efpéroit qu'à l'aide 
du temps & delaraifon» ilpar^Iendroitifup- 
porter fon fort avec plus deféûgnation. ,» L'in« 
térèt généreux, pourfui vit* il » que vou^ 
avez pris à mon afflîélion » m'étoit garant 
j» que vous apprendriez avec qHfi|(|ue plaifir 



99 

99 



9» 
9» 



••' I 



U MVKL îJfA; 

tf l^eïmtéméat M mi iitltttion; il eft foUte 
^, qaè TOUS €& îoyez in'fintîte. F«Biprèsvo(» 
,f tre départ je reçus des nonveHes de Fdri»{ 
;^ mon amiqoltfi tette^ctpitaietlabord aprè« 
5, la réception de ma lettre, dc^olavé^sinoi 
,> pour me oonfoler & poiir m'affiflcîr. J'ai 
^r aocepté (bs fecours; aoi/faîétécapalilède 
J, tet efoft ji & inon premier idevoîr eil de 
,, m'acquitcer envers celle qui par fes bien- 
,^ faits ma fQumnù dans le malbeor. Voici» 
„ Madame ; '*: (& {1 ne pi âfiénti un rouleau de 
papier) „ voici la finile panie de mes obiigap 
,f tîôna qdi ptiiflb être acqiiîtée ; je vous en 
tf ai de-pius effentieHe&» ixistls elles ne peu- 
„ veli£ 4tfe payées que par mz reconnoiflàn- 
»9 ce y & à ce prix je confens volontiers à 
M refter votre débiteur pour toute la vie." 

Je lui témcrîgnai combien je prenois de part 
è ce retour de fa fortune;, mais je le priai en 
Blême teàips de me teiSer le'plaiiir d'être de 
fes amies , & de me difpenier par conféquent 
de recevoir le remboorfement de mes avan* 
C68) avant que fes affaires fiifiènt çntierjemetit 
rétablies. 

f endoM que nous difitutions; ce point , j'ea«i 

* fondltf la voFx de Mflôrd Or ville , qui demaih 

daau^jftifdiMer s*il né m^oit pasvue? }'ou- 

vftfii b pôyt0, ft le LoMétqnaédeme trouver 



5> 



E V EL IN Ai 41 

Il / me dit avec une efpece de vivacité f ,, étcs^' 
„ voos fortle flsulé; Miff Anvîlie^ Le dé- 
,; Jeûné eft fcrvî cïepiis longtèinjis , ft on vout 
^ a cherché *de tôi^s côtés diftasfe-'jétdin. 

,y Vous êtes bien bon> Mjrlordrmsiii j^« 
^', père qQ*on ne mV point attendu. 

„ Comment, Madame i croyez-Voiis qu'on 
,', puilTe déjeûneriïbn aife,* quand on^ craint 
,, que VOUS vous fôyez enfuie ^inais^ venez, do 
^ grâce, on croiroit fans cela que vous m'a^ 

Vez fait dérertoi: aujQS par attniâion. 
Je fuis à vous dans l'inftant. '^ ]Puis me 
tournant vers M. Madartnejr, je lui foufaïaîtaf 
fe bon jouï. - ' 

Il me fuivît fon rouleau à la maîn ; „ non ^ 
j^j lui du je j ce fera pour une autre fois. 
' „ Pourrai-Je donc avoir llionneiir de vou» 
„ revoir encore ^^ "" * 

Je n'ofai pas inviter nn étranger chez Mdme* 
Beaumont, & je n*éus pas non plus àf&zde 
préfence d*efprit poùt Iiii faire mes excuffes ; 
ainfî ne fâchant comment le refufet; jeftitpro^ 
pofaî que s'il fe ptomenoît demain iïécé'^côté à 
la même heure. Je pourrois bien l'y rencontrer. 
M. Macartiiey hûùs ayant quittés, j^obferval 
que Mylord OrVaie chahgeoïtdevlfage; ifne 
m'ofFrît pôinièTon ttràs, &marchbîttrifternfenc 
i côte de^nOi',fani parler. Je tné dbutàfd'a^ 



45 f> V E L. I N A. 

bord de ce qui pouvoîc avoir donné liea 1- 
une altération. auifi fubite:. auroit-U pris om- 
brage.» . me difois-je,' de cet entretien mati- 
neux? quoi! s'il s'imaginoit que cet entre- 
vue d'aujourd'hui étoit concertée, &quec'efè 
dans ce deflèin que je fuis fortie de fi bonne 
heure ? Tourmentée par cette idée , je réfolus 
de me prévaloir de la liberté à laquelle fes 
procàlés obligeans m'ont accoutumé depuis 
que je^. \(^ Xcif^ & comme il aff^oit de ne 
pas me jTiïke. la. moindre queilion. fur cette 
aventur^ i je cherchai la première à amener^ 
nne expliqation» en lui, demandant hardiment», 
s'il n'étoit pas Turpris de m'avoir trouvée en 
converfation avec un étranger ? , 

9, Avec iui étranger , Répondit -il, feroitîl 
„ po0îble\ que cet homme vous fût inconnu f 

„ Pas abfolument, — fi. vous voulez, — • 
i, feulement il fe pourroit r^ .. 
, ^y Pardonnez, je ne croirai Jamais que Miff 
^ Anville. foif capable d'accorder un rendez-: 
,j vous à un, inconnu. / 

„ Que dites • vous là, Mylord? 

.,, Il me femble du moins , fi j'ai bien en- 
„ tendu, qu'il eiv étoit queftion." 

Cette parole me confondit» & jep*avois plus 
le courage d'achever ma juftification ; cepen- 
dantmou fîlenco n'auroit fait qu'au^oienter fes 



99 
99 
99 



EV.ELINjl. 47 

foupçoQS, qu'il m'importoit trop d'écarter; |e 
repris dooc: „enefFety. Mylord » vous êtes 
dans l'erreur; M. Macartney eft en relation 
avec moi , — & je n'ai pii iç'cmpécher de le 
voir;. ^ mais mon intention n'étoît pas,*' m 
Je demeurai court ifte féconde fois. 

„ En vérité, je fuis fiché. Madame, de co- 
que /fans le vouloir, j'ai commis une indis#' 
crétion. Si j'avois fçu que vous &ffiez en 
affaires , je ne vous aurois pas Cuivîe ; je m'î* 
9, inagitt<Hs. bonnement que vous èVïsz fortie 
pour prendre l'air. 

Auffi écoit-ce-là mon plan ^ & cette ren- 
contre avec M. Macartney eft abColumeat 
^y l'ouvrage du hafard. Cela efl: fî vrai que je 
„ me paQTerai de le revoir, ^o^iaini & vous 
», me le^çof)^il|«z. 

J« n;ai,po?nt4e confeil^i (^onaer là-de*. 
fus, & MiCT Anville doit favolf mieux Qtie 
perfonne cequ'il lui convient de fsiire ; elle 

^ auroit tort de s'en rapporteur fur un point 
auffi délicat à l'arbitrage d'un tiers , qui n'eft 
pas au fait de fes ligifons: avec cet étranger»/ 
>, Vous pourriez les connottre de plus prés , 

„ Mylord,. fî ce n'étoit pas abufer de votre 

„ attention. 
,» J'ai toujpurs admiré la douceur de votre * 

„ caraftere, & l'offre que vous m fiiites de 



» 

99 
99 
>l 
99 

99 



9 y 
99 

99 
» 



^ é*teii»ôre tw)^ -pouf que je rie l'accepte 
,i pas avec emprefibraent.** ' ' 

Ëamce n>ooienCmémè MdJMerSeH^ eài^ri^^ 
Ut pôi»te du tâBen , & il faf lift niéltre fin à ii<K 
tre conversation. On me railla un pé^ fur moft 
gbùt poiïr le« promenades' ftslkîrpéï 5 maii il 
M fiât pas* ^eliidii de ma loSgil^ àfifthcè; 

Jô^ me fiat«ofs tfdJè iepourrlàis reprendre nie»: 
cdûfidences :ap¥è« le déjeteé'; -«atfs noosflimef 
iûtèwoiaîMW p«r eue tiCte dcf IWri/ Mettan & 
Coverley , toujours fort in trîgilé^r«n eicTatitre 
dr leur 4W3utïô dW'vléinbs. m Yoht vènàs de- 
mander à iÀdàe. B^ëtBoilt £mjMihypûiji leur 
féx\rtr dèithâinf tRiis ; elle y a ôcmfeîti , & ce 
fpeôacle fingfi^ W donnl&ra inâWî prochain. 

Nous avons été importuhéil-pard'âtttresVi'» 
fil» ft ésms foàté^ la fl!flitîn^''înié m*^ pas 
relW i«f q^âK *îiétiî« iHDuy'&'ëxpKqrierayec 
M^tord* Orviliô; •- J'eô étoi* tfaôtaht plus «• 
diée, due'^ le ïbvoîà eng^é'èrf vaiepouf ce. 
folf : ainfi ne voyant point d^ap^aretoce de pou» 
voiï?luï p^^t^ -avant le moment fixé du rendez* 
vomy je 0^ déciddi plutôt que d'encourir fa 
ceftftite-i manquer de parole i M, Maéartney. 

Mais, en pefant la (îtuation du pauvre Ecos- 
fisîi, fes malhetirs , fa tilfteife , & furtouc Tldée 
qu'il a de c^quUl appelle fes obligations envers 

moi 



ipdi, jene pus m réfoudre iyMtt nkaprd^ 

vmeflb^ dé peur d^ f^^ doniifer une marque de 

•iqépris» car tout hanune qui languit dans la 

jmlfere n*eft que trop enclin àfoupçonnerquUl 

Içlpire ce fentiffiçpt. Un billet me parut pro« 

pre^l me tirer d'embarras & à fauver ma dé* 

licatefle. Voici les lignes que j'écrivis à hL 

.Macartney » & que je lui fis tenir par le do* 

meftique de Mdme. Selwyn. 

9, Monlîeur. 

„ U m*eft furvenu des empèchemens qui de^ 

„ rangent ma promenadede demain matin. Na 

M vous donnez donc pas la peine de yeqirmë 

>> trouver à Clifton; mais n'oubllfezpasquejg 

compte encore fur le plaifir de vousrevofir 

avant que vous quittiez BriftoL 






5, Je fuis > MonfleUr^ 

Votre très-huiiibto'feryffM 

BVXLINA Antxllîu 

Je tecômmandai au domeftfqoe de rendra 
cette lettre en mains propres & je rentrai 

Les vifites s'étant retirées , & les Dames écan( 
allées faire leur toilette « je me trouvai feule 
avec Mylord Orville^ dès qu'il vit que je me 
préparois à fuivre Mdme. Selwyn, il me retint 
en difant: >, MilTilinville excufera«t-ç]le mon 



c ▼ E IL r N A; 

I» lotpaifence, fi je là! rappeUe h {ftomeffir 
^ qu'elle a eu la bonté dé'mê^faireceiiiattnf 

Avant que j'eafiê lé eefiipè dé répondre , lek 
domeftlques entrèrent pour èôuvrir la table* 
Mylord OrviUe fe retira dahà une croifée, S 
pendant que je me cofifiiltoî^ fur les ouVertv- 
res qu'il me demandolt, je m'arrêtai i Vidée 
que je n'^ofa aucun droit de révéler les (b^ 
crett de M. KAacartney; i( étôit clair qu'eti 
me'juftîfiant d'une imprudence» j'alloîs en 
commettre une féconde. ' 

Pour ne point agir avec trop de précipitai 
lion» je crus qu'il ne me reftoit d'autre partie 
prendre que de quitter la chambre; j'alléguai 
éoiic piour prétexte les foins de la toilette, & 
je fortîs brufquement. M3l retraite aura peu^ 
être déplu à Mylord Orville ; mais que devois • 
je faire? Le hafard veut toujours que je me 
trouva danss des ficuatione û neuves, les moin- 
dres difficultés me païqâQbnt d'abor4 ii em< 
barralFantes , qu'en vérité je fais rarement 
quelle conduite tenir. 

Nous itous étions alIëfflUés vers l'heure du 
dtné, (Juand le valetdeMdme.SehiTnvintme 
lapporter ma lettre, en m'annonçant qu'il n'a* 
voit pu découvrir M« Macartney, mais que Icf 
fiiéleurs dé là poUé lui avoient promis de me 
Veavojw dès qu'il» le trouveroient. 



Mylord Ofvillé me fixa avec attention, àfoji^. 
rçgattâ ûgniae^tiï r^êtoit gn^iies prppte â^fié 
trènqiuliifeh ii 6e mè <fe< f ien-àtable^ $t-pHMf, 
même je n'ens;>as Jeî cotïrage deparjçr»; Jje 9)9, 
1«V9F. -dès' qatà jùkpn^A:Mh\ m]eiikfm^A^t 
ma chambre: Mdl|ic.'$elK^TiH!*y fuività à fof0. 
der4uôili(Mai^« die pmiofi èffavoir touà les dé- 
tails de mesiiaiCdmi^ireDMiM^mxia 
aveii étoft nécefflûre^: pour. . ej^cuût' i»>ièt^(: 
xMa^^mon récit a^Qbtiotpoiiitir^ppr.oba^Dda, 
Mdmc. Selw7l).:filiè uéitibcette affaire 4e.romah 
néfiyie, & jugea le pauvte Maisartnejff.aFeçjIa 
deriitere riguietiir;''à.tfea,€roire, cet.bcHmnit 
ii'èft.qi3!^un'avenntnef&jiln.iiiipoitearK , , ; 
Je ne fais plus cA^v^ntfatB,. &,\è'm^fGii» 
dans ces réflexions. CoamietitiDypr^dssfi-jtf 
pour fatisfaire Myloilâ'pf ville? N^rferoftLci^ 
pas :uiie lâcheté, ime.trahifoiii^ dQtlittti^Mi 
Itiilloire des inaibeiirs.>de M. Maqax^EPçy;?. :il 
s'efl: £é à moi , il compte fut tna difcrétion ; if 
in*'a recommandé le fecret comme une chofefa^ 
etéeti ««» Màis.d'un.cKRI'ecâté, dommeut-éca^ef 
fas-foi^çGitfs deMylorïOnrUleS <ogtoianii|nh 
lier tes entrevues «qiil â fes j^euxOnt-toia^l'aif 
d'ttâ myftere , d*Une* intrigue peut4étre?. ll-M 
devenu féridux ; j'ai promis deteÊftlst^jre^^^ 
Yottà des'mottfs^qui tn^autotifenÉ Àiffiânmmi 

D ai 



i% E V E L I N A. 

à loi accorder k coDtaoè 91'il attend de 
moi. 

Verrai -je eofiiice, ou non, M. Itfacaitney 
demain matin t c'eft une antre queftion que j« 
tt*ti pas re(t>ritde réfoudre. Que ne piHt>jfr^ 
ISonfieur, vou» deHsmdef tos dîNâiOBsi, & 
O'épugner ainfi des faux pas ? 

Mais non > -^ je ne tr^îrar point M. Ma* 
eartnejr, je ne manquerai point i ce que je lui 
dois: mon honneur 7 eftintérefTé , & je tien* 
dhd ferme. Sans doute que je ferois bien-aîfi» 
fi je pouvois contenter Mylord Orviile ; mais 
cetâB complairance ne s'accorderoit pas avec 1» 
repo» de ,uia eonfcience. Je Ms fûre , Moo^ 
fieur , que j^aurû votre fuffiage » fy attache le^ 
plut grand prix , & je laifCs enfuite au temps 
le Coin de me juftifier. . 

Me voici plus tranquille» plus d'accord avec 
ttol-mAme; mais je ne finirai pas encore ma 
lettre, avant que tout ceci ne foit tb:é au clair. 

Le 2$ Sepien^fgm 

*; |e me fliis levée de grand matin , & aprèe 
éfeit ruminé différens plans; ^>rès avoir été 
kmgtems en fiiTpens fi je verrols M. Macart* 
œy , ou fi je lui manqueroisde parole^ j'aiar- 
féeé enfin qlie je ferois exaâe au rendez- vous , 
ttak 9i*éB même temps cette entrevue feroit 



B ▼ E L I N A. 53 

«uffi comte que |ioflible , & déddéinent b 
ideriiîeie. 

Tel futleréfultatâemesdëtibératioos» ibats 
fé n'éfols pas eocore fâre de mon fait, & jene 
traver(ai le jardin ^u'en tremblant «—Jugez de 
mon émotion, loffqt|1en ouvrant la porté, le 
premier objet qui frappa ma vue fat Mylord 
Orville. li étoit décontenancé Mmême, & 
il me dit en foaCbutiant : ,» pardonnez , Mada* 
^9 ms,^"^ je )ie nf^actendols pas , «^ je ne pou* 
«/ voîspas m'imaginef , -^ quejevoos rencon- 
^, trerois ici d^s(uffi bonne heure ;«^(i je m'en 
,, étoîs douté , je n'y ferols point venu.'* Et 
après m'avolr ûfiié fort à la faite, Spaffii 

ioutre 

- Sans favoir ce que je felfois, je vooh» le 
rappeler; le mot de Myhrd m'échappa, même 
inroloncaîrefflent; Il fe retourna & me deman- 
da Û je defirois de lui parler? Jene pas lui 
r^xyndre; j'étols comme fufToqiiée, ftrje.ne 
me foutenois, qu'en a'apf>uy9nt .contre la 
porte du jardin. -- 

Mylord j}nrille riqttît bientôt toute f^ digni- 
té i\y je comriem > me dît-il , que fai tort de 
,» me trouver ici danace moment ; j'auroid . de 
o la peine à i|ie di&ulper , je (kic que vous 
1^ êtes en dtoitdem'accuTer d'une curioflléîn* 
^ difcrete ; il ne me refie qu'à yot» faire met 

D3 '■' 



V» 



j» .K v; E 6 $ H' 4ï. 

pfFet, comme un éclair, -, 

. Je .demeuf ai 'imnK>bik^ jÇOniH^e une flatue. 
Mon prçôuei: qK)uvein6nt,fm;;de fai^eunqyea 
formel i44yU^à Qr^ille , ; ,cte . tpijt (çe q.uft m9. 
conduite, kiDbloit^^çdPrd^myfkémm; m\^ 
j'abandbnohi auflicôt ce pf^y et f qjuelque fl^ttçur 
<9u*iliiir fKârurjna vanité , :ûn;pl|i8 npbie'9rg4çg 
m?nrpîraiatéfolut;ionde.g]Ei]:4)$r'relljgieMr(3men 
le fecret de M.rMaçarçneyr; rie -me. décidai 
Blême à éTîcer toute explicatidi}.,'À moins que 
je n'eii fMè preffée fin^Iteremcnt. 

Mj^Ioid.Orville avoit^reprisJechemjnfJela 

malft>à: <a»ant qued*entretiJl)fotourna^ncp]^e 

de mon cAté , mais Vêtant apperçu que j^,.jft 

ftiÎTwrfs .des yeax , îi ifermî^ te porte '& i^^ine 

le 'iatySm^,' ^.u ,.... i.,»,'. .•:;?♦<'-. 

- Convenez;;* mon cher MJOi^&suf, que j'éitpî^-; 

là dans Jinetfltuadoit bien'défagré^e; .èt^fs^, 

foupijpnnfîei par .Mfknd ;0i3rille de n^éea^ 

fecrctce$ recette i^é^ se rdécbîrqit le m^fy j% 

|i*étoîs pas dans unô affietteàattisndreMJMf^; 

cartney , &• tout aùffi pei» i^fpdfSeÂ'gdrd^ iHpn' 

pofte^ pQim ainfi dite y fous lea>yeiix du Lptc^t 

< Jl fallut donc penfisr à reveàit* ïvt, mes pass &. 

j» me m^^ fèntiement lé loogid&ine^Uée^iJq, 

iUppofel qu'Orvfile mevit arritrerJés &aétte$« 

( ^ di) fallob ^, il courqt vers raoî , &:èq m'oflBranf 

f»il hras U mç demanda <i fétois iodifpofée? 






EVE L I N A. 55 

Je lui répondis par un no», prononce avec 
toute la fermeté dont j'écois capable; je ne 
iaiflài pas d'être fenfible k fon attention ; je 
ne m'y étois polpt attendue. 

,» Mais du moins vous accepterez mon. 
^ bras; — -oui, Madame, vousnefaurie^svouS' 
^ e^n difpenfer ; — j'aurai l'honneur de vous ac- 
^•compagi^er:" & fans autres, cérémonie^ il 
6*empara de ma main; je dirai prefqiiepar for- 
ce. .J'étols tropfurprife, & trop peu accoutu- 
aiée à des inftaijces auHî prefTantes de la part 
4e M/lord. Orville ^o4u: lui réfifter» & nou& 
retournâmes enfemble au. logis. U in(îila pour 
qle je priffe un xei:re d'eau, mais je le re- 
merciai , ^ )e Talfurai qne je me trouvois 
parfaitement bien. 

. J'étois décidée à ne point me départir, du 
fyfléme que j'ayois adopté la veille , a\nû il n'é- 
tpic plus queftion decopipromettre M. Macart- 
Qey;,inaiis il m'Unportolt également de. me. ré- 
tablir dans l'efpri^ de Mylord Orville , &,ijpn 
lilence, fon air pendf me découragpoient. 

^,J4;f. fituation-deyenoît toujoursplu&.pénible, 
& je compris que je n'avois d'autre choix à 
faire» ^ue de.n^ntçr dans ma chambre •& d'y 
attendre l'heure dq. déjeûné; car je craigupîs 
qu'en reliant plus loogtçinps ayec le Lord,, je' 
n'eulTe l'air de Vinviter à me faire deis .^^es^' 

D 4 



5« E V E L I N A. 

lions » & une pai^îlle avance me paroiflbtc 
des plus déplacées. 

Comme j*étoÎ8 Air le point de prendre là 
chemin de la porte , il s'avança vers moi & 
me demanda fl je partois? Je lui dis qu'ouf» 
ft en même temps je reftois. „ Peut-être, re- 
o prit il, pour retourner au «» mais, par- 
,^ don !" Il ne me fut pas difficile d*achever la 
phrafë ; Tair confus & embarrafTé d*Orville nom- 
moi t aflez diftinftement le /aréft>i; ainil pour 
h défabufer» je lui annonçai que je me re** 
tirois dans ma chambre. Je ferois fortîe tout' 
de bon» il le Lord ne m'avoit retenue; maré« 
ponffc Tavoit convaincu que je comprenofs' 
fon alhiflon, & craignant apparemmentqu*e1Ie 
ne m'eût déplu, il chercha à corriger ce qu'eK 
!e pouvoîc avoir de choquant & me dit avec 
un four Ire forcé: „ je ne fais quel mauvais gé- 
„ nie me pouflc ce matin ; je n'agis & je ne 
,9 parle qu'i contre -fens ; je fuis honteux de 
,, moi-même 9 & j'ofe à peine» Madame/ im^- 
,, plorer mon pardon. 
^ ,, Votre pardon» Mylord! parlez vous 
M férièufement? '^ 

«» Pouvez -vous en douter f mais sit m'^ft 
y, permis d*être mon propre juge, je lis déji' 
„ dans les yevûi de Miff An ville ^u^elle m^' 
„ feitçracç. 



E V E L I N A. 57 

„ Je ne vous comprends pas, Mylofd; 
,, tout pardon fuppofe une ofFenfe , & je 
„ ne fâche pas que vous m'en ayez fait. 

„ Vous êtes la bonté même ,• mais je 
„ n'attendoîs pas moins d'une douceur qui 
„ eft au-deflus de toute comparaifoTi; ne 
,, m'accuferez-vous pas d*être un perfécu- 
„ teur.fî je profite de vos diTpofitioni favora- 
,^ blés pour vous rappeler encore une fois la 
„ promefle que vous daignâtes me faire hier? 

„ Point du tout, je ferai même char- 
„ mée d'acquitter la dette que j'ai contraftée 
„ envers vous. 

„ Vous ne me devez tien , Madame; il eft 
„ queftion feulement de contenter ma curiofl- 
;, té , qui , j'en conviens , eft vivement excitée/» 

Nous primes des iîeges, & après une 
courte paufe» jerafTemblai bout mon courage 
& je pourfliivls en ces termes. 

„ Vous allez croire peut-êfrè* Mylord, 
„ que je fuis une fille înconféquente à capri- 
„ cietife, û je vous avoue que j'ai lieu de 
if regretter la promefle que je vous ai faîte; 
„ je dois même vous prier de ne pas trouver 
„ mauvais que je ne raccômplîfle point à la 
„ lettre. ^— Je me fuis précipitée^ fans fa-' 
„ voir Ce que ^je difois > fans iréfléchii: à quoî 

„ Je m'engageoi's." 

D 5 



fi E v^ Li N a; 

Le Lprd gardoît un profond fîlence, & 
m'écoutoit attentivemeut ; ainfî je continuai ; 
„ Si vous ppuviez favoir, Mylord, les cir- 
„ con (lances de mçs relations avec M* Ma- 
99 cartney , je fuis fûre que vous approuve- 
„ riez ma réferve. Cet étranger eft d'une 
„ famille honnête, & il s'efl: trouvé dans le 
„ malheur ; «— c'efl: tout ce que j'en puis dire : 
„ cependant s'il étoit informé que vous vous 
„ intérefTez â fes affaires , je ne crpis point 
„ qu'il vous en fît un myfterç, — ^ VoUlez- 
„ vous que je lui en parle ? 

9, Point du tout» ce ne font point fés 
„ affaires qui. me tiennent: à cœur; je n'en 
99 fuis pas curieux le moins du monde. 

»» Je ne vous ai donc poipt compris » 
9, Mylord. 

„ Pouvez-ydi|s vous iiriagînér, . Madame » 
„ que je m'ïntérèfTe aux affaires' d*unê hom» 
9» me qpi m'eft absolument inconnu?*' 

Le tgn froid & ftériei^x dont il me fit cettQ 
queftion m'huit^ilioit un peu ; mais il adoucit 
avec fa délicatedè ordinaire , ce qu'elle pou- 
voit avoir de tr^p piquant: „ je ne prétends 
99 pas , ajouta-t-il 9, parler avec indifférence de 
I, quelqu'un, qui a l'honneur d'être de vos 
99 amis} loin de-Ià, il fuffit de porter ce ti« 
,9 tre pour m'infpirèr un vériiaible intérêt. 



~i 



99 
9» 



E V EL I N A. Si 

,1 Seulement vous, conviendrez , ^ Madame , 
que j'ai lieu d*étre furpris, qitau moment 
où je mç flattois d'être honora de votre 
confiance, vous me la retiriez. Mais je 
n'en tâ^peâe pas moins vos raifons» & je 
,, m*y foumets aveuglément/* 
; Peu s'en fallut que je n*eufre fuccombé i 
la tQn^tion de révéler au Lord tout ce qu'il 
auroit voulu Tavoîr ; je fuis bien aife pourtant | 
d'avoir été mieux fur mes gardes; car» outre 
le tort réel que j*aurois eu à me reprocher , 
il n'auroi't pas manqué de me blâmer iui-mè« 
me de mon inconféquence. Cette réflexion 
décida aufli ma réponfe: „ jugez -en vous^ 
„ même , lui dis-je ; la promefle que je vous 
,y ai faite, quoique volontaire, étoit impru- 
dente & peu réfléchie; cependant fi eOe 
me regardojt feule , je ne balancerois pas 
un moment à la remplir; mais l'étranger 
I, dont il s'aglroit de divulguer les fecrets-— 
„ CxcuCez, ii je vous interromps» Mada- 
„ me; qu'il me «foît permis de vous aÇTurer 
,i que les affaires de cet étranger n'excitent 
,y ma curiofîté , qu'autant qu'elles ont rapport 
„ aux démarches d'hier matin.** -— — U s'ar-. 
rêta ; mais clétolt ^n .dire aflez , je penfei^ 

„ SI ce n'eft qQc-cela, répUqiKiii.-îo^y.oat 
„ ferez fatisfaiu Jd., Mrartufijf. gXflRii àiçr 



9i 

99 



9» 



êù t V E L I N A. 

„ pirler en particulier, & Je n'ai oQJ 

^ prendre la liberté de le faire venir ici. 

yy Et' pourquoi non f Mdme, fieaumom 
„ n'auroitelte pas . . ■ 

9, Je craignois d'abufer de fa compIaifaDce , 
^ & j'ai promis à M. MaCartney une féconde 
„ entrevue^ toutaufS légeremeut que je vous 
^ profBis enfuîte de vous confier fes fecrets. 
Et ce rendez vous a-t il eu iieu? , 
Non, Mylord; je me fuis retirée avan^ 
qu*il ne fût arrivé.*^ 
Nous nous regardâmes tous deux fans rien 
4ire; mais , comme je voulois prévenir des ré- 
flexions qui ne pouvoient que touner à mon 
désavantage, je repris hardiment: „ jamais 
^ jeune perfonne n*eut plus befoin que moi du 
9, confeil de fes amis ; je fuis neuve dans le mon* 
9,de& peu accoutumée â agir par moi-même; 
mes intentions ne font point mauvaifes, & 
cependant je fais des fautes à chaque inftanc* 
;, ]ufqu*ici j*ai joui du bonheur d'avoir pour ami 
,, un hommetrës-capablede me diriger & de me 
conduire ,- aujourd'hui il eft trop éloigné de 
moi pour que je pufle recourir à lui dans les 
occaiions où fes avis me feroient néceflàîres, 
& ici jea*ai perfonne à qui je puifle m'adreflën 
Veuille le ciel, s'écria Orville avec le ton 
ji plus ^eâueiix, & d*an>ab où il ne reftoit, 



fi 

99 



99 
t9 
f9 

n 



i:. V £ L I N A* « 

plus la moiûdr^ trace de froideur» », vtviU^ 
„ le ciel que je fois en éw de remplacer 
,, dignement Tami de MUT Aoville l 

„ Vous i^e faîtes trop d*honneur,Mylofd; 
,, cependant i'ofeefpérer que votre candeur,-^ 
„ je dirai même votre indulgence, me pafTe- 
,, ta mes petites fautes» en faveur de mon in^ 
^, expérience. Puis«je m'en flatter? 

,9 Si vous le pouvez! & puis Je à mon toiar 
y, efpérer que vous oublierez avec quelle mau« 
,, vaife grâce je me fm's rendu à vos raifoos ! 
,9 Bd'eft il permis de fceller ma paix ?" (il pris- 
fa ma main contre ibs lèvres) «, oui, reprit*- 
,» il, je la regarde comme conclue, & nous 
,, voici les meilleurs amis du monde.*' 

Je n*eu8 le temps que de retirer, ma maia; 
on ouvrît ,1a porte, & les Dames entrèrent 
pour déjeûner. 

J'ai été pendant toute cette joumëe la plus 
heureufe des iîQes. f»^ Etre réconciliée avec 
Mylord Orville , & avoir fuivi fermement le 
plan que je m'étoispropofé,— >pouvois-Je es* 

pérer davantage ? Le Lord auffî a été 

d'une gaieté charmante; il a redoublé d'aC* 
tentions & d'égards pour moi^ Cependant je 
ne voudrols pas que cette fcene fût â recom** 
mencer : combien la crainte d'être mal daag 



< 



<«. JR V E LIS Aé 

foa efprlc ne m'atelle pas fait fôuffrit! 

Mais <ïae penfera le pau\^re M. Macartney ? 
Au milieu de ma joie , jç regrette d*avoîr été 
dans la néceffité de lui manquer de parole^ 
Adieu, mon très -cher MoàBéur. 




i 



L E T T R E LillI. 

M. ViLLARs à Eve Lin A. 

Berry-Hill, t8 Septembre.' 

I^tiré des embarras du inonde , infenfible à 
fes plaifirs & à fes pemies» je ne connoîs de* 
puis longtemps d'autres fatisfaéitions & d*ai^ 
tresfoucis^ que ceux qui ont rapport à mon 
Evelina,-*— ^ à celle qui eft la fource de tout 
sùon bonheur fur la terre. Il efl: donc fingif 
lier qu'une lettre dans laquelle elle médit être 
la plus heureufe des filles, qu*une telle lettre me 
mette dans des inquiétudes mortelles. 

Hélas i mon enfant, faut -il que le pre- 
mier y que le plus précieux don du ciel , Tin- 
nocence, foitfi fujette à s'aveugler fur les 
dangers qu'elle court, «^ fi fujette à être trom- 
pée y --<« fi peu capable de fe défendre ! Faut-il 
d'ailleurs que nous vivions dans un monde ^ 
où elle eft il peu connue, fi peu refpeélée, 
& fi fouvent vi^ime de la traûfon ! 






s V fi L I N â. ^ 

Que n*ètes-V(m ici/ -^ jepooiroisdircoter 
en détail avec vous une matière trop déllcato 
pour être traitée par écrit; cependant elle efl 
sais trop intéreiiànte, & la fituatîon dans Ia« 
quelle vous vous trouvez tropépineufe, pour 
fouffrif te moindre délai. — Oui , mon Eve- 
lina» je lie crains pas de vous le dire, vous 
êtes dans une iituadon critique; il y vâ du re- 
pos de votre vie, & tout votre bonheur peut 
dépendre du moment préfenti. 

Jufqu'ici je me fuis abftenu de toucher un 
objet dont l'importance ne m'a cependant point 
échappé ; j'entends l'état de votre cœur. Hé* 
las • il n'étoit pas nécellàîre que vous m'en 
parlaffiez,* j'y al vu clair , malgré le filence 
^tte j'ai gardé/ 

Je m'apperçois déjà depuis longtemps & avec 
regret de l'afcendant que MylordOrviileaprii 
fur vous. Vous ferez étonnée de m^entendre 
prononcer Ton nom ^ votre furprife augmentera 
à chaque Hgne que vous allez lire: j'en fuis 
fiché; mais quoiqu'il m'en coûte do faire de 
la peine â ma chère Evelina, je ne fuis plus 
]e maître de l'épargner. 

Votre première entrevue avec Mylord Or* 
ville devoit être décifîve. Un homme tel qt» 
vous me le dépeignez ne pouvoit manque^ 
d'exciter votre admiration , & Teffet en dev9- 



s V E L I i; à; 



noit d'autant plus dangereux^ que le Lordmtf 
iemble fo douter aufli peu du pouvoir qu'il a^ 
fur. voui,, que vous ne vous doutez~vous-mé- 
me de votre foibledTe ; de-là cette fécurlté fut 
laquelle vous vous fondez, de-Ià cette complaît 
fance avec laquelle vous dlfculpez OrviUe. 

A votre âge, ma chère, & avec- votre vi- 
vacité , on néglige fouveût d'être fur fes gar- 
des, on ne réfléchit pas aux conféqueaces; dés 
lorsrimagîiiatiqn s'égare, & la voix delarai- 
fon n*eft plus aïTez forte pour la tenir en bri- 
de. Cq& votre cas , mon Evelina; obfervez, 
je vous prie , (a marche rapide que vous avec 
fui vie. Vous voyez Mylord Orville au bal , 
& il ed k plus amable des hommes ; vous le 
rencontrez une féconde fois , &il a twtes les 
vertus. 

Ce n'eft pas que je prétende attaquer le'mé* 
rite de Mylord Orviile; au contraire, à Tex^ 
eeption d'une feule cîrconflance qui refte en« 
core à éclaircir , je crois que c'eft avec juftictf 
que vous avez pris une idée favorable de (on 
caraâere : feulement je remarquerai que ce n'eft 
ni le tQoips, ni une connoiffance approfondie 
de Tes bonnes qualités , quiiui ont gagné votre^ 
eftime. Votre imagination ne s'efl: pas donné' 
la patience de le mettre i la moindre épreuve , 
& c'eft dans les premiers momens de fa fougue, 

qu'elle 



E V E L I N A. ss 

qu'elle vous Ta repréfenté avec tant deperfec- 
tions, tant d'excellentes qualités, qui ne 
pouvoîent être découvertes qu'à la longue 
& dans une liaifon intime. 

Vous voi>s êtes flattée» en croyant qu9 
votre prévention étoit fondée fur une eftime 
du mérite en général , fur un principe 
d'équité : vôtre cœur s'étoit déjà rendu avant 
que vous.foupçonnal&ez qu'il fût en danger. 

J'ai été cent fois fur le point de vous faire 
fentir les rifques que vous couriez; mais j'es- 
pérois toujours que cette même inexpérience 
quia donné lieu à votre méprîfe, y apporte- 
roit aufE du remède à l'aide du temps & de , 
Tabfence : j'ai différé de diffiper votre illufion , 
parce que je m'attendois qu'dlecontribueroitâ 
vous tranquîllifer» & parce qu'en vou2> laiflanc 
ignorer la force & le danger de voitreattaclie» 
ment, je prévenois peut-être ce décourage- 
ment qui aux yeux delà jeuneffe rend tout là* 
crifice impoifible,pour peu qu'ilparoiiTe diflBicile. 
' Telles ont été jufqu'ici les efpérances dont 
je me fuis flatté ; mal^ aujourd'huf que vous 
avez revu Mylord Orville , que vous êtes /» 
liée avec lui plus que jamais, il ne m'eft plus 
permis ni de me taire , ni de feindre. 

Quvrez donc les yeux, mon enfant, fur 
les dangers qui vous environnent; cberjchezà 

///• Partie. £ 



^ E V E L I N A. 

éviter les maux dont vous êtes menacée ; •— « 
maux qu*un cœur tel que le vôtre redoute cer- 
tainement» puifqulls lui préparent des re- 
mords puîfans & un repentir douloureux. 
Faites un efFort pour retrouver, votre repos , 
qui, je ne le vois que trop. Hélas î n'eil 
établi (jue fur la feule préfenc^ de Mylord 
Orville. Cet effort fera pénible ; mais , croyez- 
ea mon expérience , il eâ îndîfpenfabie. 

Il faut quitter le Lord! -^— Sa vue vous 
eft funefte , & fa focîété e& le tombeau dç 
votre tranquillité future. — - Il m'en coûte , 
ma chère Evelina , de vous annoncer' cette 
léfolution févere; mais j'en entrevois trop la 
nécelEté, pour balancer un inilant. 

Si nous pouvions faire fond fur la façon de 
penfer de Mylord Orville, il nous pouvions 
cconre qu'en rendant juilîce à vos vertus , il 
auroit afféz de grandeur d^ame pour répondrç 
aux fentimens qu'il vous a infplrés, alors j9 
n*envierois point à mon Evelina la fociét4 
d'un homme qu'elle eilime & qu'elle admire ; 
Qiais nous ne vivons pas dans un ilecle où il 
faille s'en rapporter aux apparences , & il vaut 
I9îeux prévenir une démarche imprudenC<equQ 
d'avoir enfuite à la regretter» Vous me dlAs 
^e votre fiante a beaucoup, gagné, j'en fuis 
fart aife> & vous aurez d'autant moins de iiSk^. 



^ 



EVE LIN A..: «y 

Culte k quitta Bft&cÀ. — ^ Y c(»fentîre«* 
vous ? Mon intention n'eft cependant pas do 
bru(quer votre départ; quelque^ jours après 
que vous aurez; reçu cette le^e, voilà tout co 
que je demaoïde, J'écjrirai i Mdme Selwyn * 
& lui dirai combien je Touhaite votre retour» 
Mdme Glinton aura foin de vous en routp. 

pai balancé longtenps avant que de me r^ 
foudre à exiger de vous cette complaifance ; bfl» 
doute V DUS y fouibricez avec peine , & j'aur6is 
déliré de trouver le moyen de concaîer à iafois 
votre bonheur & vos goûts; maisia ciiole m'a 
paru impoffible» & j'ai dû prendre ie parti le 
plus fur: k; temps nous. apprendra sli eil 
aullile piu$ efficace; ofons l*efpéret du moins. 
- Les boones nouvelles que vous me don* 
iiez de M. Macartney , m'ont fait plaific 
4Ldieu, mon cher enfant; que ie ciel vous 
conferve & vous fortifie !" 

Arthur Vil^ars.. 



L.E T T R E LXVHI. 

Evi&vi^Àà M. Vr^CxAUS. 

Cliftoiiy 28 Septèmbite*' 

J'ai encore paiTé. deux jouF.9 bi?uçei^x depuis 
IBa dernière I mais f y ai vécu trop diffip^^ 

E 2 



<ji» E. V E L I N A.;: 

pour qu'ils puiGTent entrer dans (e fîl. de mo« 
JoumaL 

La journée d'aujourd'hui a été ttioîns tran- 
quille; Elle étoit fixée pour l'importante dé- 
cifion de la gageure , & toute la maifon en « 
été en rumeur. C'étolt à cinq heures du foîr 
que la courfe devoît commencer^ ' Mylord 
Merton pour plus d'exaâitude v)nt dès >!• 
déjeûné , & ne nous quitta' plus. Il fe donna 
beaucoup de mouvement ■ pour engager le» 
Dames à s'intéreffer au foccîs de Ton pari.â: 
«n vrai joueur il exigea qu*ellôs^ fë déclarât^ 
fent avant que d'avoir vu tes rhampions. La- 
dy Louife feule goûta fa propofîtîon ;• Mdme 
Selwyn lui fit entendre qu'elle ne parioit ja« 
mais contre ceux à qui die fouhaîcoit la vic- 
toire ; & Mdme Beaumont ne voulut être 
d'aucun parti. Quant à moi , je fus paffée 
entièrement fous filence félon la coutume ds 
Mylor4 Merton ;' rien de plus marqué que la 
grolfiereté avec laquelle il fe conduit envers 
moi fous les yeux de Lady Louife. 

Pour vou» prouver qu'il nV a que la pré- 
fence de* cette Oame qui^ I9 tient ep reTpeél:» 
je vous ferai part dl*une anecdote qui ne date 
pas plus loin que d'aujourdliui. J'étois reftée 
ce matin dans la falle à vifites» quand le ha^ 
-fard y a amené^ Mylord Mertotii U-s'attendoîi 






, E V E L I N A. ^ 

â 7 trouver (a fiitiire , & déjà îl lui adreflToîi 
la parole; mais me voyant feule, il n'eue 
iHen de plus preffé que de fe tourner veri 
moi» en me demandant où tout te monde 
étoit allé ? Je lui répondis brièvement que jo 
n'en favois rien. Alors fermant la porte, il ' 
s'avança avec un air & une poHteflè bien dif. 
férens de fes manières ordinaires , & me dit : ,» 
>, que je fuis aife, ma belle enfant, de pou« 
j, voir vous parler enfin fans témoins! J'en ai 
cherché- rdccafion aflez longtemps: mais 
on dîroitqull y avoit un complot contre moi; 
i, on ne m'a pas laifTéune minute pour être 
,, à vous." Il ajouta à l'audace de ce comp«> 
Rment , celle de faîfir ma main. 

Après avoir été en bute au mépris de 
cet homme , je dévoia naturellement être fort 
étonnée de Ton propos; Je le regardai fixe- 
hient fans daigner fui* répondre. 

* „ Si vous n'étiez pas, continuait- fî , 
•,^ une petite cruelle, vous euQiez bien pu 
i, m'aîder à trouver lé moyen de vous voir 
i, plutôtt; vous n'ignorez pas comme on m'é- 
„ pie ici; Lady Lduife ne me quitte point 
j, dès yeux, & nie donne un joli avant- goût 
,, des plai&s du ménage; mai» heureufe* 
^, ment cela ne fera pas long." 

* ' j'éloifi indignée , & cherchoîs à roaipre cet 

E 3 \ 
/ 



.♦T 



H^ s V E L ï N A. : 

entretien au plus, vite. Mdme Beamnont qiif 
eft fur venue m'a tirée d'emba^ra$» & Mylord, 
Mei^ton , fans Ce décontenancer, s*eft adrçffd 
i elle en lui criant; „ bon jour > Madame, où 
,, eft LadyLoulfe; vous voyez que je ne puis 
,> pas vivrç; un moment fans ,elje." 11 n*e(^ 
gueres poffible de pouder reffrpnterie plus loin, 
M. Coverley eft venu dîner ici, & vers 
cinq heures M. Love] & quelques autres vi- 
fices font arrivés. La place marquée pour la 
çourfe dans le jardin deMdme Beaumontétoit 
Vne allée de gravier ât vingt verges de lon- 
gueur^ Les fpeébatèurs étanc aiTemblés , ^ les 
deux vieilles > qu'on avoitcholfieé pour cham^ 
pions, parurent dans Tarene. Leur grand 
iLge, 1^ contrafte ridic\;ile d^ leur foiblefTe 
& de l'exercice violât auquel/ on les defti- 
noit, nem'infpiioient que delà pitié. Mais ce 
fentiment n*a pointprévalu Chez le reflede la 
compagnie, qui aflàillit ces pauvres femmes 
cl*un grand éclat de rire. Le feul Myiord Or; 
\illQ s'efl: diilingué par m furieux quînel'g 
pas qui^ pendant tout le. fpeâacle; il étoit 
aire de voir combien H éipit mécontent de la 
conduite extravagante de fon futur beau-frere* 
Rien de plus abfurde que Tagitatiop des deux 
parieurs ; il y eut encore plufieurs gageures 
^ptré tes fpeâateurs. De tout côté on ft d»- 



E V E L I N A. 7C 

• • • • 

• 

manioit , fffff qui ites^vous'i pour quel pmiti* 
neZ'Vous^ Mylord Merton & M. Coverley 
étoîenc ezcefli vement gais & bruyans , grâces 
auxrafades q\i*iU avoienc bues i leur bon fuc- 
ces., lift ôrenc entrer les deux vieilles à grands 
cris dans la lice, & les encouragèrent par 
Içurs pramefles à 8*évertuer. 

£lles partirent au (Ignal donné, niaîss*étant 
heurtées Tuoe contre Tautre, elles fe renver- 
ferent toutes deux. Leurs patrons furent 
prompts à les relever, & après leur avoir don- 
né quelques rafraichiâeQiens » ils les ëxhortei» 
tent à continuer leur courfe. A quelques pas 
de là celle des femmes qui appartepoit à M* 
Coverley fit. une chute terrible* J'étois fur le 
point d'aller à Con fecours , mais Mylord Mer<* 
ton me retint. M.. Coyerley, pour qui cet 
accident fembloit ^tre décJHf , employa tous 
fes efforts pour, remettre la vieille fur pied ; 
mais elle étoit hors d'état de marcher davan- 
tage, & après quelques comeflations, .emtre* 
niélées des juremens de M. Coverley, la pal* 
me futadjugéç^^ d'une voix unanime àJVlylord 
Merton. 

. Nous rentrâmes tous pour prendre le thé , 
& la foirée étant des plus belles on propofa 
une promenade au jardin. IVlylord Merton 
étoic plus tapageur que jamais, & LadyLoulfe 

£ 4 



^>" 



7» E V E L I N A. 

^orgueîlleufe de la viaoîre que (on amant ve- 
noft de remporter ; par contre W. Coveiley 
eut de U peine à cacher fon chagrin. 

Myiord Orville étoit toujéurs penfif & fe 
promenoît feul; je m'attendais par conféquent 
i relier abandonnée à moi-même, mais je me 
trompois : Myiord Merton , étourd i par fes fuc- 
cès & par les rafades qu'il avoît avalées, s'ou- 
blia au point de recommencer fes importunîtés , 
malgré la préfence de cette même Lady Loui- 
fe, qui j6ft|u*ici lui avoit fait négliger envers 
mol les règles de la fimple polîteflè. Il s'atta- 
cha à moi feule, the tînt toutes fortes de pro- 
pos galans & voulut de force s'emparer de mon 
bias , que je retirois en lui donnant des maN 
qués non-équivoques de mon ^mécontentement. 
Myiord Orype nous obfervoit d'un air fé- 
rieux, & liidy Loùife nous lançoit des re- 
gards de colère & de mépris. 

Je ne pus me réfoudre à demeurer expofée 
aux infolences de Myiord Merton » & pour lui 
échapper , je prétextai d'être fatiguée & je re- 
pris le chemin de la maifon. II me fuivit de 
près* &, en me retenant par la main, il me dit 
qu'il étoit le maître de cette journée , & qu'il ne 
fouffriroit jamais que je lé quittaffe. 

„ Il le faudra bien cependant, lui répondis-je. 

^ Vous êtes , reprit il , une charmante petite 

,, créature^ & jamais je ne vous vis fi belle, 



y» 

r 



E V E L I N A. 75 

Mdme Selwyn jugea i propos de fe mêler de 
la partie, &dicauLord: „ plus Mademoîfelle 
„ eft belle,' plus vous perdez par le contrafte; 
,; aînfi vous ferez bien de vous tenir iTécart/' 
(M. Coverley.) „ En effet il n'eft pas jufte, 
„ Mylord^ que dans une même journée vous 
,, ayez à votre diTpoiîtîon Télîte des vieilles 
femmes & la fleur des jeunes Dembifeltes. 
(M. Lovel.) „ La fleur des jeunes Dmoifelles ! 
voilà une façon de s'exprimer qui ne me pa« 
roit pas des plus heureufes, & qai en tout 
cas n*e(l pas un compliment pour Lady I^ui- 
„ fe. Je vous félicite fi elle vous palTe une 
„ faute qu'on pourroit bien appeler un folé- 
cîfme en polîtefTe. 

(Mdme Selwyn ) „ Etcommcntcrolrez vous, 
Monfîeur , que ces autres Dames appelle- 
ront fa bévue que vous venez decommetere 
vous-même dans ce moment?'* M. Lovel 
efquiva la réponfe. 

(M. Coverley,) „ Lady Loaife fait le fond 
qu'elle doit faire fur mon attachement ; mais 
edce ma &ute (i je fuis matieureuz.en 
„ épigrammes ? Je ne croîs pas avoir trouv^ 
„ jamais une bonne pointe*" 

j'étois • toujours à me débattre contre My« 
lord Merton , &^je demandai férié iifement qu'on 
fiie délivrât de lui. MdmeSelwyn luirépéta avec 

Es 



» 
99 



■ 

99 



74 E. V E L I N A. 

> 
feft plaiGmteries ordinaires » de fe retirer fur le 

champ jMdme Beaumont ne fut pas moins fcan^ 
dalICée de Tes n^auvaifes manières^ & lui con- 
feiila de fonger à faixe fa paix avec fa Belle » & de 
qeûEer de m'importuoer.Lady Louife dédara que 
là paix étoit toute faite, puifqu^elle étoitfort 
mfe d'être quitte d'un importun; elle aj o uta qu'el- 
le renobçodt â lui, & pour le punir elle prit le 
bras de Ton frère & le pria de la conduire. 

„ Que n'ai je auflî un frère, m'écriai je, qui 
,p puifTe me venger des traitemens que je fouf- 
„ fre" Cette exclamation étoit in volontaire , 
& l'effet de la peur que m'infpiroit l'état hon- 
teux Oïl je voyois ce Merton. Mylord Orvllle 
qui y fit attention , quitta fa fœur pour me 
demander ù jç voulois lui faire l'honneur de 
Tadopter pour frère, & fans attendre ma ré- 
ponfe il reiivoya Mylord. Merton , & en me 
préfentaocà Lady Louife, najoutaqu'iiauroit 
foin de/es deuxfmrs; il nous donna le bras à 
Fune & à raoCre , & nous ramena à la maifon. 
Mylord Merton étoit trop peu fùrdefes jan> 
beapour s'oppofer à notre départ. 
t Dès que nous fûmes rentrés , je remerciai 
Orvjlle par une révérence refpefbueufe. Lady 
Louife , choquée des égards que m'avoit montré 
fon frère, & piquée d'ailleurs despxocédésde 
MylofdMertta, femordoit les lèvres en filea- 



P V B L I N A. 7$: 

ce & Cepromençit fièrement dans la chambre, 
d'un air excefliveiiuent mécontent. IVlyiordOrr. 
ville lui propofa de palTer dans lafalle. à vifi- 
tes:,,non) luirépondit-eliev je vais vous lais^ 
,> , fer avec votre prétendue fœur ; '* & en mémç^ 
temps elle nous quitta pour monter i'efcalier. 
J'étois confondue de la groHiereté hautaine 
de cette fortîe; Qrville lui môme en ftit frap- 
pé, mais il eut alliez de préfenced'efpritpour 
4onner un autre tpur à la converfatlon : »,aj- je 
g, bien fait; me dît il, de vous offrir tantôt 
„ mes fervjces, ou dois-je. tn'accusôr de ne 
„ pas m'têcpe .aC'Cjuicté plutôt .de cç devoit?" 
: „ . Myiprd , * ( iiatêcriai je avec une émotion 
dont je ne fuâipaslamaitreffe, „ c'eftde vous 
„ feul que j'ai des politeffc^ à attendre dans 
, cette maifon; *-. tout le mof^i^tny traite 
avec hauteur;,-; finon avec njéRfis/' 
J'étois-féçfeée de n'avoir pas misplus de mo . 
dération dans mes plaintes , qui donsce moment- 
ci fembloient .porter direflement cpntrç Lady 
Xouife. Ce futauffi dans ce fensqu^Mylord 
■Ôrville les prii»' „€iel! s'écria, t - il , eft-il 
„ poffible de rpfufer à votre douceur & à ^tre 
mérite., toute TeHinie , toute l'admiration 
qui Jeur font dues! Je ngpuis, }e n'ofe 
,, exprimer jufqu'où va mon indignation." 
„ Jefuis audérerpoir,^MyIord, d'en être la 



§9 






7^ E V E L 1 N A. 



„ canfe; maïs f aï befoîn de proteâîon , & 
„ /ufqu'îci j*ai été peu accoutumée à fouffrir- 
» des- humiliations, 

„ Ma chère Miff Anville , permettez que je 
„ fois Votre ami ; agréez-moi pour frère , & 
„ en cette qualité que j'aie droit à vous offrir 
„ mes iervices: dans toutes les occafîons Je. 
„ ferai fier de Vous donner des preuves de 
^ mon attention & de mon ïetpoâ" 

Ia compagnie rentra avant que j'eufle le 
temps de répondre. Comme je n'avoisgueres 
envie dé revoir Mylord Menoot avant qu'il 
eût dormi , je me préparai à me retirer dans ma 
chambre. OrviHe qui devina mon projet» me 
demanda fi je partois? Je lai disquejem'ima- 
giQois que cVft ce que j'avofs de mieux à faire. 
>» Si je dois vous parler en frère , me repliqua- 
„ t il , je crois que vous avez raffôn; mais 
,, voyez da moins que vous pouvez prendre 
,^ confiance en moi » puifque je vous confeil- 
„ le contre mes propres intérêts." 

Je fuis fortieenfuite pour vous écrire, Moa- 
fieur. J*aurois à me plaindre infiniment dç 
la groilîereté de ce Merton , fi elle n'avbît 
fervi à me confirmer Teftime que jai pour 
Mylord Orvillii 



B V E L I N A. n 

HMHHHHiHHHBlMHlHBHHHMMHBlHHBHBHBfliH^HIfeHB 

LETTRE LXIX. 

Suite de la Lettre iTEvELiN/i . 

30 Septembre. 

J 'al i vous annoncer » Monfieur , un étrange 
événement, qui ouvre un vaile champ à nos 
conjeftures. 

Nous fûmes hier au foir i TalTemblée. My« 
lord Orville avoît pris des billets pour to» 
rceuz de notre fodété; il me fitl'honneurde 
danfer avec mol , .& on en flit furprts. Cha- 
que jour eft marqué d*une nouvelle preuve de 
& politedfe; lé Lord faiiit aûueUemeQtchaqu^ 
occalion pour m'appeler fon amt & fa Jkarm 

Mylord Merton a voit offert i Lady Louife 
un billet, qui fut refùfé avec dédain; elle eft 
toujours fort en colère contre Ton amant, (t 
il n*a pu obtenir Thonueur d'une feule danfe. 
Elle n'a pas quitté fa chaife de iafoirée, elle 
i}'a pas même daigné parler. La conduite de 
cette Dame à mon égard eft encore la même « 
également froide & impériéufe;^le mépris eft 
peint dans fes yeux. Sans Myiord Orville» 
non féjour à Gifton feroit des plus triftes. 

M. Coverley , M. Lovel & Myiord Mertoo 
vinrent nous joindre dans la fallô du bal; te 



78 , E V E L I N A- 

diemîer avoît Tafr d'un homme qui fait pitA' 
tence; il fut très ailidu auprès de LadyLoui- 
fe, mettant tout enufagepourTappairer^ maU 
fans pouvoir y réuffir.. 

Mylord Orville ouvrit le bal; il danfa le 
menuet avec une jeune Demoifellequis'attira 
'd*aurant plus d'attention , qu'elle paroiffoit ici 
•pour la première fois. £lle e& jolie » d'une 
pbyfîonomie. douce & intéreflante. 

Lady Louife fut curieufe de favoit qui elle 
étoit; M. Lovel lui rapporta qu'elle s'appeloit 
MifTBehnont & qu'elle avoit de grands bien»; 
^u*elle fe trouvoit aux eaux depuis hier. 

Je fus frappé du nom que j'entendis pro- 
noncer , mais je le fus bien davantage quand 
i'apprîîs que cette étrangère étoit fille ff Wn- 
tiere unique de Sir John Belmont, Ceftdtimoinj 
ce que M. LoveLaflura pofitivement à Mdmef 
Beaumont. 

Vous jugez bien, Monfieur, que cette dé- 
couverte devoit être pour moi un coup de fou- 
•drô; Mdme Selwyn, qui s'appcrçut de mon 
trouble, vint d'abord vers moi, & meditde 
me tr^quillifer , qu'elle tâcheroit d'approfoo- 
*dîr ce myftere. , 

Jufqu'ici je n'ai pas fçu que Mdme Selwyn 
étoit inftruîce de mes affaires; elle m'a avoué 
aujourd'hui qu'elle avoit très-bien connu xm 



E y E L I N A. 7j 

i 

tnerc , & qu'elle cfl au fait de tOHtes nos dis- 
grâces. 

Eïle a beaucoup quefllonné M. Lovel fur h 
jeune étrangère > &, Tdon les informations qu'A 
nous en a cjoiinées, cette Demoifelle arrive 
tout récemment d*un voyage qu'elle a £ait avec 
Sir John Belmont , qui efl également de retout 
à Londres; elle eft logée chez une tante noHi/- 
mée Mdme Paterfon , & on dît qu'elle eftâ la 
veille de faire un héritage confldérable^ 

Je n6 faurois vous dépdndtb , Monfieur » la 
fenfation que ce récit produifit fur moi. Que 
veut dire tout ceci? Vous a ton janàis parlé 
d'un fécond mariage de Sir Belmont? Dois je 
croire quil a adopté une étrangère . tandis qu'il 
rejette fon enfant légûirae? — Je ne fais que 
penfer , & je me perd^ danâ un abîme de. ré^ 
ieziona plus effrayantes les une^ que les autres. 

Mdme Selwyn a psi(ÏJé plus d'une heure dana 
na chambre ^ pour délibérée avec moL Elle 
me cQnfeiUe de merendrelQceflkBmantiLo^ 
dres ^ d'y ailejc trouver mon père & db lut 
demander une explication. J'ai trop de reflem* 
blance, dit-elle, avec ma mère, pour que Sit 
Belmont puîiïe balancer de me reconnoltre dès 
qu'il m'aura Vi e. En attendant je ne décide- 
rai rien , je, ne prétends agir que d'après vos 
directions. 



\ 



8o E V E L I N A. - 

Je ne vous parle pôînt delà foirée d*hîerl 
je ne fuis occupée aujourd'hui que d'un feu* 
objet, & il mUotéreffe trop pour que je puis; 
fe penfer à autre chofe. 

]'ai prié Mdme Selwyn de garder unfecret 
abfolu Cur tout ceci; elle me l'a promis, &je 
la crois trop raifonnable pour ne pas en fen- 
tir toute l'importance. 

Mylord Orvîlle doit s'être apperçu de mon 
trouble, mais je nem'aviferai point de lui en 
dire la raifon. Heureufement qu'il n'étoit pas 
avec nous lorfque M. Lovel nous donna ces 
infoimations. 

Mdme Selwyn me dît que lî vous approuvez 
le plan de mon voyage à Londres , elle con- 
fent à m'y accompagner. J'auroi» voulu qu'él- 
is m'eût épargné cette offre; je préférerois 
mille fois d'entreprendre cette courfe fous 
les aufpices de Madame Mirvan. 

Adieu , mon très-cher Mdnfieur i je fuis fûre 
que vous ne tarderez pas à m'écrireà J'attends 
vos lettres avec la plus vive impatience. 



LET- 



E V È L I N A^ IX 



MhMB^^aa^ii» 



L E T T R E LXX. 

Suite de la Lettre /Ev&lina. 

i^. Oétobre* 

repaires •. ybUs , mon cher Moniieur i à en* 
, tendrç le récit d'un nouvel événement» ^iiivà 
vous jeter danâ la plus grande furprîfe. 

Hier matin après que je vous eus dépêché 
jbrt à la bâte ma libre, on vint mepropofer 
ufiiè promenade aux eâuz. MdmeSelwyn&My^ 
lord Or ville étolentfeuls de la partie: celui^ 
ci me donna le bra^ en chemin ; fa conyerfa* 
tion agréable diiSpa un ppu mes inquiétudes & 
me rendit inreniiblement le calme. 

je vis M. Macartnejr â la fontaine» je lé 
fakai deux fols avant qu'il me parlât ; dés qu'il 
s'approcha de nous , je lui fis mes excufts d'à* 
voir n^anqué au dernier rendez- vous. Je lut 
devois cette honnêteté , mais je me Cerois pas- 
fée d'avoir Mylord Orville pour témoih ; il 
nous meCuroit des yeux» &fembloicredoublef 
d'attention à chaque parole que je prononçois*^ 
£n attendant j'étois trop convaincue de pies, 
torts envers M. Macartney pour ne pas cher- . 
cher à les réparer; quelques mots, de ma par(^ 
ôiffirent pour nous raccommoder, & il parut 

Ul Parêic, F 



tS B y E L I N'A. 

tnême recoDJDOii&Dt de la mâfilefe dont jemè 

juftifiai. - 

Il me pria de confentir à le voir demain , 
mais je ne fus plusaffeziiipru^ntfcpoiûrm'ex- 
pofer à de nouveaux embarras; je lui répondis 
donc avec franchife, que pour le préfent Une 
dépendolt pas de moi de receroir fes vifites , 
& afip qoUi ne s'dfitenfit point àè mcb' refus 
je lui en alléguai la raifon; ' , 

Pendant cette converfatîon Mylord Orvflle 
mfavoit pbfervé avec une émotion qui fe peft 
gnoi t virement fur fa phyflonainïe. J*aurois dé-* 
firé loi. parler, mais je rie favoîspascommenrî 
m*y prendre ^-il me prévint en me demandant 
avec un fôurls forcé , fi 1^. idacartney ne fé 
plaignoit point de ce' que je lui avois manqué 
dé parole Pâutre jour ? 

Non, en vériié, répondia-je. 

,, Et comment avez-vous fait pour vous ré- 
„ 'concilier? Vous pouvez bien meleîeonfier, 
car en- qualité de votre frère je fuis auto- 
rité à mlnformer de ce qui vous regarde. 
A la bonne heiàre, Mylord , maïs s'il s'a- 
'^ giflblt ^affaires qui û'en v'aluffent pas la 

„ peine? 

„ N'importel je foutièndrai toujours mes 
^ droits; je- les réclame môme pour éxcufer la 
,, queftioii qUé je vais votosfaiiê; quand comp- 
M cez- VOUS revoir M. Macartney? 







1^ 



Ë V Ë L.t K À.. 1) 

' ïê I® l'ignore , Mylord. 

„ Peofez-y bien du moins ; je ne fôuffirirai 
s, pas que ma four ait 4es entrevues fecretes* 

„ 06 grâce , Mylord , ne vdtis fervez point 
i, de cette ezprefâon » elle me fait de la peines 

99 Ceft ce que je ne cherche point; mais 
j^9 Vous ne faùriez croire, Madame, avec quelle 
^ chaleur je m'intérefiè à tout ce <]ui voti^ 
^» cônceroe^ & mime i toutes vosaâionsé** 

Ce propos^ le plus lîQguiier que Mylpr4 
Orville m*ait entretenue termina pour cette 
fois notre converCttion ; je n*euà pas le coo^ 
tage de la pour Cuivre* 

M. Macartney me prefla dé nonvésiu d*ac<*^ 
tepter le payement dci ce que je lui ai avancé. 
Pendant qu'il me partoic, la jeune Demoifellç 
qui a paru hier à l'aflsmblée vint à la fontai« 
lie^ avec line focîété nombreuft; Â (a vue 
M, Macartney pftiit, la Vpiz lui manqua, &ii 
ne favoit plus ce qu'il faifoit. Moi-même j'é* 
tois troublée par une foule d'idées confufesqut 
fe préfenterent i mon efprit. D'où lui viiçnç^ 
penCots-je, une agitation auâi extraordina^ 
re? -<^ Nous nous retirâmes bientôt: jefîsmei 
adieux à M. Macartney i mais il étoit tropen* 
foncé dans fes rêveries pour s'en appercevoir. 

Avant que de tetourner à Clifton ^ iious ad« 
iompegnâmes Mdme Sel wyn dans une boutig«i 

F i, 



14 £ V E t ina; 

de libraire, où elle a^oit des emplettes à faire; 
pendant qu'elle Si,*aniufoità parcourir quelques 
nouveautés, Mylord Oryille me demanda ea- 
core â quand j*avois remis M. Macarcney ? 

„ ïignore, luirépondîs-je,rrjelereverraî.; 
,, tbzH il eft certain que je donneroîs toutau 
,, monde pour avo^ir un moment d'entretien 
A avec lui.*' Je prononçai ces paroles avec une 
fincérité ingénue, & fans faire attention à U 
force des termes dont je me fervois. 

y, Tûtit au mo^de , reprit Mylord Orvilie ; 
„ & c*eft à môi> que vous le dites! 

t, Oui, Mylord, & je necraindroîs pas de 
„ le repéter à quiconque voudra l'entendre. 

„ Pardon , Madame » je n'ai plus lien à 
*, répliquer. 

„ Ne' me Jugez pas avec? trop de rigueur < 
f* Mylord. Je ne pefe pas toujours meff paro» 
y, les , & celles qiïi viennent de m'échapper 
„ vourfurprendroîent moins ^ fî vous pouviez 
n favoîr dan? quelle incertitude péilible je me 
., trduve à préfent. 

y, Et une entrevue avec M. Macartney 
,y pourroit vous tranquillifer? 

„ Deux mots me fuffiroient. 

•y. Que ne puis-je être digne d*en conno^ 
„ trefimportance? 

',# Ohl Mylord s'il ne tenoit qu'à ceue dit- 



1 



f • 

ë V B L I N i;. Us 

,,. fiettltéy elfe feroit bientât levée; feyezsftr 
V» que s'il m'étoit permis de parler, je ferois 
,» fiere de prévenir toutes vos quéftions ; mdU 
>4 ij ne m^appartîent point de révëkr les fe« 
',, crets de M. Macartoey ,* vous êtes trop 
^ jufte pour Texiger. 

„ ]*avoue que je ne (ais pas trop ce que je 
',, dois penfer de tout ceci , au mîHeu de cet 
^ air myllérieus il règne une certaine fran* 
„ chife qui me raffure & qui me fait efpérer 
„ que vous n*ay ez rien i vous reprochdf . *' — ^ 

après un moment de fllence il ajouta : ,» vouf 

dites donc, que cette entrevue eft.effen- 

tielle à votre repos? 

„ Je ne dis pas cela, Myiord, & j&la fou* 
^, halte uniquement, parce que des raifoQ^ 

importantes la rendent néceflaire. 
Eh bien î vous verrez M^ Masartney ; ^— 
„ je vous en procurerai moi-même la facilité. 
;, MllFAnviUe, j'enfuis convaincu, nefauroft 
„ former que des fouhaits légitimes i jen'inû; 
„ fierai pas ^davantage, je m'en ôerai â la pu- 
n r«té de fes intentions; fans être informé^ 
„ de iès motifs , je lui obéirai aveuglément , & 
„ je m'appliquerai â la fervir au gré de fes de- 
,; firs.*' Puis il alla joindre MdmeSeiwyn dans 
la boutique ; mes remercimens & iia re- 
âonnoiOànce le fuivirent. Nous ne tardftr 

F 3 



>9 
99 



99 



1^ i: V E ;- 1 N a; 

0ie8 pas i iq>reDdre le chemin di| logis. 

Dès que le dîné fut deiftrvf » Afylord Ot* 
▼ille fortit Ci ne revint que vers Theure du 
fo^pé. Ceft . la plus longue abfence qu'il ait 
faiiQ depuis que je fuis à Oifton; vousnefau- 
riez croire» mon cher Moolieur^ combien II 
ne manquoit^ & combien je m*apperçus alors 
que je dois i lui feul le bonheur dont je jouis 
dans la maifon de Madame Bçaumont. 

Comme y^i la coutume de defcendre tou* 
jours la dernière , lorCqu'on va fe mettre i 
table , Mylord Orville attendit que je fuflTe 
feule pour mç demander fx demain je réitérai 
chez moi ? 

Je hii répondis <iue je le croyols. 
. >• Voulez«vou8 dans ç^ Ç2(s que jç voi:|s 
„ amené une vifite? 

„ Vous, Myiord? 
. ,f Oui, j*ai fait la connoiflânce de M. Ma* 
„ cartney , & il m'a promis de venir me voir. 
y, demain fur les trois heures. 

Quel homme que ce Myiord OrvUle ! -^^Ne. 
convenez-vous pas , Monfieur » qif il eft la 
complaifimcç même ? 

Nous ayons eu du monde ce matin , maïs 
le Lord a choîfi Theure où les Dames font 
occupées i U toilette» & où la Cille des vifî« 
f^ eft vuide o^^inai^çment, Mdme fiçaumoni 



l;,VB LIN A. s? 

i^toit'CepeiKlaQtpa^ montée eQco£e|,:^uand 
on vint annoncer M. Macartney; MyIordbr« 
ville pria qu'on le ftt entrer , & irs'excufa 
en^yers cette Dame deU liberté avec laquellt 
û aglûfoit. . ' , 
^ M. Macartney fut introduit; il Gentit com« 
me moi avec quelque confufion , à qui fa vi« 
fite s^adreflbit ; Mylord Or vil le Je reçut cepen- 
dant comme une pcrfonne de 6i connoiflànce, 
.& il converfà avec lui fur ce pied , tant que 
Mdme Beaumont fut préTente, & même un 
moment après qu'elle fe fut retirée. Cette déli« 
joateiTe m'épârgJiaremharçasque j'aurois éprou* 
yé.s;U noua avoitlaiiTés io^nédiatement. 

Je fis femblant'd'étre occupée d'une le&ixe. 
S^-U:gy^i.OmUp,]f&jViit^^ fpttant un livre a 
M. Macartneyi. en lei priant de Je parcourir; 
il ajouta qu'ii îétôit obligé dç répondre à une 
lettre qui ne fouffroït point de délais & il 
«^rpmlt .d'eue iDc^fraauiie.nt de retour, 

il n'eut pas plutôt fenn^ la porte, que, M. 
I^^açartney renouvela fes inftances pour me 
faire accepter l'argent que je lui avais avancé. 
pj^.Qbjets plus.ir^rcâàçs;mefirentpairercet- 
te offre entièrement fous filence. De grâce ^ 
j, lui. demandai -je, conpoiflez-yous !a jeunç 
^, JDemoi&Ue que nous avons vqe hiei: a^atifi 
I, à la fontaine? 

r4 



M JBVELINA. ; 

>, Sî/e la connoîs! qoetrop, hëlasr&^ 
M pourquoi , Madame , i^e faites-vous cettô 
,> queftion ? . . 

„ Commencez, je vousfùpplie, Moniîeur, 
,, par fatisfairemacuriofîté; qui eft-ellé? 
' „ Je m'étois propofé d'en garder le fecret; 
^ mais je n'ai rien à refufer i MifT An ville. 
;. Cette Dame eft — U fille de John Bel- 
,^ mont, -— la fille çie mon père! 

,;' Jufte ciel!" mécrfaî je en m'appuyant 
fur ton bras; „ vous êtes donc *^ --ntonfrerel 
aurois.je. voulu ajouter, mais la voixmeman. 
^a-, mon émotion me fit verfer des larmes. 

/ ,, Mridame, que veut dire ceci? d'où vient 
>V ce trouble extraordinaire?*' 

Je lui tendis la main pour toute réponfe; 
Il parut extrêmement forprîs, & parla av^ 
xeconnoilTancé des bontéfe que j'avo/s pour luf' " 

„ Epargnez-vous", m'écriai-/e en i^ayani 
mes larmes, „ épargnez - vous cette etreur; 
,, vous avez des droits à tout ce que je ^uiç 
„ faire pour vous ; notre fituatîon a tant de 
;, rapport!" 

Ici nous fûmes interrompus par Mdme Sel- 
syn, & M. Macartney ne voyant plus d'appa- 
renée â renouer notre converfation , crut de- 
vo r prendre congé. Je fuis fÛrquM partit â re- 
grçi & fans contredit dans une incertitude cru(?Ue 



E V E L 1 N Ai »9 

Mdme Selwyn lëuffit par fes queftîons 4 
in*irrachef l'aveu de ce qui venoit de fe paffer ; 
^cette femme eft fi pénétrante qu'il ii'y a pas 
Bjoyen de lui échapper ! 

Que penfez vous, Monfieur, de cetévénC' 
ment? Auroîs je pu m'imagîner que les vifîte« 
que je faifois avec tan^de répugnance chez les 
Branghton i m'approcheroîent d'un frère ? Je 
ne regretterai plus mon féjour ennuyeux à 
Londres, puifqu'il m'a conduit à une décou- 
verte qui peut devenir pour mol une fourçe 
de fatisfaftions, ^ 

# * # 

Dans ce moment , Monfieur , je reçois vq.' 
tre lettre : — — elle m'a déchiré le cœur -^ oui ! 
C'en efl: fait, le charme eft rompu ; je con • 
viens que j'ai été dans l'erreur, que je me fuis 
bonteûfemenf aveuglée. Depuis longtemps dé* 
.jà rétat de mon cœur m'étoit une énigmç ; 
j*â1 crâînt de l'approfondir ; — & dans le mp. 
ment où je coifimençois à /croire ma fureté fo- 
ndèrent établie, oîi j'efpérois être à Tabride 
toute craîrite, où je me flattoîs qu'il me feroit 
pertnis de fentir & d'avo'jer librement l'efti- 
me que m'înfpire Mylord Orville, —dans ce 
même moment j'ouvre les yeux & je reçon^ 
ûois mon tott. . . . ^ » 

r $ 



/ 5» KV.ELINA» 

\ 

Sa vue nfeflfumfie, '^-^fajicîété efl, le taiif 
Ifeau de mê tranqmllUé^future. O^ Mylord Or» 
^tlle! aiiroîs-je au qu'une aiQÎdé h chère à 
000 cœur , -^ û confolante dans mes diTgra* 
ces» «-« qu'une amitié qui à tous égards m'ho<^ 
noroît tara, — > ne (erviioit qu*à empoiroonev 
mon bonheur futur; Faut-il que ma reconnoî^ 
ùnce, que vous avez fi jugement méritée » 
devienne fatale à mon repos? 

Oui , Monfîeur , je (e quitterai : que ne puis* 
je partir fur l'heure , fans le revoir , fans m'ex- 
poCer aux nouvelles fecoulTes dont mon cœur 
eft menacé l t— Oh, Mylord Ôrvllle» vous 
TOUS doutez bien peu des maux dont vous 
êtes Tauteur ! vous ne foupçonnez point que 
^ans rinfiant où vos attentions me donnèrent 
da relief, j'en.^(^i$ plus à. plaindre? *-* que 
dans rinftant même où yétois fîere des mar? 
ques diftinguées de votre amitié i je devois 
vous redouter comme mon ennemi i 

Vous vous êtes fié y Monfîeur» fur mon inex? 
périence, — & moi , hétas! je comptois fur 
vos directions. . Souvent, quand je me doutois 
de la foiblcfle.de mon cœur/ l'Idée que vou9 
oe vous en apperceviez pas me rafiuroit , me 
rendoit le courage & me confirmoit dans mon 
erreur. Jq n'en, fuis pas moins fenfîble aux 
motifs qui vous bnteogagé à garder 1^ Sieacé. 



E Y s L I N A. 9% 

Hélas I pourqaoi vous ai'je<|uitté! pour- 
quoi ai* je étévOheicher des dangers û peq 
j^ropor^onnés à mes forces 1 

Mais j'abandonnerai ce réjour^ •— * j'aban« 
donneirai Mylord Orville, «i— peut-être pour 
toujours! --• N'importe! *— vos confeils, 
vos bontés, pourront m'apprend^e à retrouver 
le repos & le calme que. j*ai perdus par mon 
imprudence. -— Je me rémets ivous/eul y*--* 
éjt c'eit de vous que j'attends les efpérances 
que je puis formel: encore. 

Plus je réfléchis à cette réparation, plus eU 
le me paraît dpuloureufe. L'amitié de Mylord 
Orvîlle , ^r- fa pblîteffe , f^ la douceur de fan' 
commerce, -— Tintérêt qu'il prend jimesaf- 
faîres, — fon attention à m'obliger, --^11 
fniidra renoncer à tout, abandonner tout. 

i! né faura pas (jue' je le quitte, — - jen'Ot 
fe pas m'expofer i prendre congé de lui , *-^^ 
Je m'enfuirai fans le voir, «--« &£deI]eàvos 
confeils , je veux éviter fa fociété , (a vue même* 

Demain matin je^ me mets en routé ppur 
Berry-Hiil. MdmeSelwjm & Mdme Beaunionc 
feront les fçules perfohnes que j'informerai do 
mon départ.. Aujourd'hui je teûe^ enfermée 
dans ma chambre^ c'eû à mon obéiiTance i 
expier mes erreurs. 

Pourrez vous ^^ mon uës-çh«r & très-honoré 



f» s V £ L I N A. 

Moniieur, revoir votre Ëveîina, fans lui ftire 
' des reproches » fans être fiché contre elle? 
Bélas voas attendiez fans doute de meil\eur$ 
fruits de votre éducatioa ; mais fdyez sûr du 
moio^ que- vôtre élevé recodnoît fes torts & 
qu'elle en rougit; elle eremhle de reparoi tré 
fous tes yeux de fon bienfaiteur, & cependant 
elle ne connolt d'autre foutîén que vous ; elle 
compte encore fur vous. Mes &utes ne pro- 
viennent que, de mon imprudence ,& tant que 
Je cœur n'y a point <le part, je puis encore 
cfpérer mon pardon. 



LETTRE LXXI. 
Cmtinuaton de la Lttttre ^f Ev£LINA. 

Ç|iftOQ, Je I Oâobre. 

Je n'ai le temps» mon cher JMonfieur , que 
de vous dire deux mots, & de rétraâerlapro* 
loefie renfermée dans ma lettre de ce matin. 
Mon départ a été différé ; Mdme Selwyn , à 
qui j'en ai fait l'ouverture, s'eft hautement re- 
criée contre ce projet, & elle m'a déclaré qu il 
feroit trop ridicule de quitter Clicfpn-Hi H » ^ 
avant que d'avoir tiré au clair la nouvelle de 
l'arrivée de Sir John Belmont. Elle prétend que 
je dois attendre vos iaftruftions uUéxieures. 



t V E L I N- A. n 

J'avouequerafgumentde MdmêSelwyn m's 
paru fans réplique; je me fuîs rendue à Tes in- 
ilances ^ & je me âatte que vous ne me des- 
approuverez point, car c*efl: à regrec que je 
confens à ce délai. En attendant >e verrai 
peu Mylord Orville; je fuirai faconv^fBadon 
& fa vue ; je ne dçfceodrai plus, avant le dé- 
jeûné, je renoncerai à mes promenades du jar- 
din, & à table je choriirai ma place â côté de 
Mdme Selwyn; je ferai tout ce qui dépendra 
de moi pour me conduire avec prudence, & 
pour vous épargner de nouveaux ch^rios. 

Adieu, mon très-cher Monlîeur! v'os or^i» 
dres décideront de mon départ. 



— T- 



] 



LETTRE LXXIL 

Suiie de la Lettre ^Evelîna 

» iiO<aolife. 

e m*étoi8 propofé de r efter dads ma éhaaH 
bre & de ne plus revoir Mylord Orville ;maîa 
puîfqu'on a décidé que mon féjour à Cliftoa 
ieroit encore prolongé , il a falli^ changer de 
plan. Je n*ai donc pu m'empécher de repieo* 
dre mon train de vie précédent , & de repa* 
roître ce matin en focîécé« J'étois préparée^r 
& je fuis defcendue dans la feriae réfolutiooi 



i^ E V É L I N. A. . 

d'évîter le Lord autant qu'il (eroît pottibié^ 
]*ai affilié au déjeûné, mais j'étois toute occu-. 
pée de votre lettre, &lapté(enced'OrvîlIeme 
confondoîc autant que s'il avoitétéitxfti'uitde 
ce que' vous m'avez écrit- 

Mdme Beaumont me fît compliment fur moit; 
tétabliflfement, car j'avois prétexté une indis* 
poiîtiôn : Lad^ Louife. ne me dit pas le mot; 
mais Myloird Orville , qui fe doutofit bi^n peis 
des raifons de mon abfence , s'informa de ma 
fantéy avec cette politeflb qui lediftingue tou« 
jours* Je lui répondis en peu de mots » & 
pour la première fois je dlietchai Une place 
loin de lui. 

. Je remarquai qUe ma réferveteûirpritbeau^ 
toup , & -quMl fit ce qu'il put pour l'écarter • 
tiiais je tins ferme » & au lieu dem'amuferâla 
leâure » ou à la pfomenade aptes le déjeûné 9 
j« n'eus rien de plus prefT^ que de remonter' 
dans ma chambré. 

Mdme Selwyn vînt m'y aftnoncer que Mylord 
OrvîUe lui avoit propoîé de me faire prendre 
l'air , & qu'il s'offroit de noUs conduire en 
phaéton. Le ton malin dont elle me rendit cfll 
aeffage me fit rougir; elle ajouta qu'Un tout 
de promenade dans Nquipage de Mylord Ot" 
iHUe^ ne pouvoit manquer de me faire du bienr 
Il n'y a pas moyen d^échapperâlapioétratioâ 



E V Ç L I N A. M 

de cette femme ; elle m*a déji raillé fouveiK 
fur les niliduités du Lord & fur le plaifîr avet 
lequel, héhst je let reçois. Je dédinai toca- 
Ifiment fa propofîtîon. 

„ Voue compiaifance, rcptît-elle, in'eft 
9} cependant nécefliaire» car; à dire vrai, j!ai 
99 des affadres qtii demandeat ma pré&nœ 
9t aux eaux. Je vous propoferoîs bien de «y 
n accompagper , . — mais — ppifque Myloid 
„ Orville éft refùfé, je n'ai pas le préfomp- 
i« tion de aoire que je ferai plus heureuiè. 

» Vous vous trompez, Madame; s'ilsV 
», git de vous y fuivre feule , je fuis âr vos 
9» ordfea. 

99 Quelle étrange coquetterie! en vérité 
„ elle doit -étfe innée à notre fexe; car ce 
99 n'eft pas â Berry-Hifl que vous pouvez 
„ ravoir étudiée.** 

Je m*habillai fans lui répondre. 
„ Je fuppofe pourtant, continua td!e , 
,, que Myiord Orville fera des nôtres. 

» Dans ce cas. Madame, vous aurez im 
,> compagnon, &; je rcftéraî. 

99 Irai -je donc lui dire que vous ne 
,9 voulez pas de lui ? 

,• Gardez -vous «en bien, Madame, s^» ou 

„ bien fouffrez que.je ne forte pas avec vous. 

^9% j€ ne vous comprends pas aujourd'hui ; 



p6 CVBLlNAr. 

* 
. . . • » 

yy ma chère; on dîroîc que vous avet écé 
,, prendre leçon chez Lady Louife." 

Mcime Selsyn me quitta & revint aufE- 
t6fi mé dire qu'elle avoit informé Mylord 
OrvIUe' qu'il ne me plalfoit point d'accepter 
fonphaéton, à que, pmr varier ^ je préfé- 
rois une promenade tête à tête avec elle. 

j'étoîs trop piquée de cette faillie pour 
la relever, & je pris le parti de defcendre. 
jylyiord ûrville m'attendoit au bas de Tefca- 
lier; il s'informa d'un air inquiet de ma fan- 
té ^ & fe mit en devoir de me donner là 
main, te me détournai fans afFeébtion , & 
j'entrai dans la falle. J'y trouvai Mdme Beail- 
mont , & Lady Loulfe qui s'entretenoit avec 
Idylord Merton; ils fé font raccommodés, & 
le Lord eft rentré en faveur* 

je me plaçai , comme de coututhe » darié 
une des croifées. Orville ne tarda pas à mè 
joindre :j^. d'où vient» me dit -il» qvm tAilî 
j, Anville eft fi férieufe? 

,» Non pas férieufe» Mylord» je dirols 
„ plutôt hébétée, " & en même temps j'ou< 
Vris un livre qui fe trouvoit-Iâ fous ma maiOë 

»» Irez-vous ce foir â Tadêmblée? 

^» Non, Mylord» apurement pas. 

»» Je n^en ferai donc pas non plus; j'ai 
i» ei^ trop de plaifîr i la dernière , pour être 
,, tenté d'en perdre le fouvenir." Mdàii 



E V E L IJT A; y? 

. Mdme Selwfn étant de zetbnr » tonte là fo* 
ielété fit partie dé ftafieMa folrée i l'aOemblë^ 
JI nry a gUe moi qtii ne fb$ point intitée; Mjf- 
lord Orviiie réfufa fous jpi'ét^te d'occupations. 

Mdme Selwyn éteiit prête â s'en' aUeravec 
jBoi t mais elle ne pot s'^pâcher de me jouer 
.une pièce de (k façon •*», Mylord Orville, t'é- 
^, :cm-t*elle $ à- 1 «rilobtenu lapermiiEondé 
i, nous fuivie?!' Celui-ci lui répondit qu'il 
.n'avoit pas eu la iranité de la denumdisr» ft 
nous forttmes enfin. 

Mdme Selwyn me tourmenta eti chemin d'u- 
ne manière impitoyable; Elle me ditiiuepui»^ 
que j'avois refufé d'admettre parmi nous un 
homme' de fi bonne (bciété-, j'étois fûre appa^ 
xànment de fournir feule, à la converfatioii; 
qti aînfi elle efpëroit que je m'évertuerois» Je 
fis de mon mieux pour être gaie, mais les pla^ 
faoteries perpétuelles dont je fus accablée me 
ficent regretter plus d'unis fois dem'étre enga4 
|ée dans cette promenade» 
. . Nous nous rendîmes droit à la fontaine , & 
&0US entrâmes dans l'une des falles qui r^gor-^ 
geék de monde : aU moment où j'y. mis let 
pieds fentendis s'élever un nlurmure confus^ 
i^ yuilài fe dif6it*on> & à ma grande confo- 
iion j'obfervai que tous les yeux étoile fixé» 
iiir:tQoL penfonça! . mon chapeau pour..4tr« 

///• Partie. 4 



oiioîs i debieiirerrobjétidp la cùrioficé gêné* 
ride 9 je fuppliai Md'uie Sèlwyn de hâter notre 
JRBtoun Elle ii9k3itli^ COQ verfatioh a^eà. uA 
mvalrêr.<le' fa corniqiflTaÀré , & me réptohdît 
qne {x\'fétù>is lafl^. d&4*Mrndre, il ne lenofc 
qu'ià.BMi d*accô2nps^n(E^r:te Dèmoîlhtter] Wai. 
idnis: qalfortoleift?>^o&r 'faire ^cfasemplettea 
d^s line botttiqdédeitiibdfe^; }e connoûces 
Demoffettes Wâtiittnà'poiiri le» »n](Ir« Ytic» i(\ 
quelquefois chez Mdme • fiesumont. : ^^ 

■'■ J'aôcepcki la propofitiM; &îi*édiappai.àînfi 
àpla fouie , mais je: iegëgoai'pasi beaucoup -aa 
changSi Nous n'avions 'pas fait dis pas, xfSKï 
BOQ^ noiis^ vlmôs pôii^fulvîes pssr une. hamiBr dé 
jiBones^liens y qui s'anhonçolentalTea inmik» 
nlbnf ; ila vinrent nous regasder en face^puia 
Ç6 rpeur€ïontv& fe permirent eAtre eux 'des 
fltflexionsr auflî abfardés qulndifcrettes. >i*^ 
A ptti « • c*eft eliè , s^écrla i'iip , remarques ; 
„ la rougeur fur le fnm^^ ~- Sans douter^ 
sëpritùn fécond» cefont'bien-làcesyecuD^&îj- 
Jbi'^^îadfeauféJiégeant^.Jïir fin vifage ^ :Si\Qi\tti 

«i troifieine. *-— En fin çg»Ht? HaJ 

^eft " Ih le grand nœud; je parie qu'elle ne dira 

pM deux mots. PuMrtimidité , mon ami,* * 

fié- ïavéz*-' vous pas /on- air tindde. 

' ''felfr^iiirent lesr pïofiios^iqiaç lïoos 'eiTâj^fenei^ 



B V È L I M ii 



99 



eiî continuant tranqûillemerit notre chemin, 4 
en noiK hâtant d'échapper aux traits de ce* 
bbfcrvaÉeurs fmpertinens. 

La pluie nous furprit,, & ces Meifieuts^ g-em- 
^rcfférent de nous offrir leurs bras ; deux furi 
toutfc diiiinguerentpar leurs itolïortunités en» 
vers mol; & dans un mouvémené que je fi# 
pour les éviter, j'eus la mal-adVeiTe de mtf 
KiOer tomber. Ils aideéent à me relever, * 
pendant qu'ils étdfent occu^^s à me prodigue? 
leurs ISrvices, je vis devant mbl — :^ gif 
Clément Willbughby. . 

;, Ciel, s'écria^t-il avefc fa vivacité o^dînafr 
i9 re, -^ Mîff Anville ! — J'efpere , Madame V 
,J que vous ne vous êtes point fait mat** 

Je lut répondis que non. Les in(idnnus ^itf 
lions avaient fuivis juf^u'icî fe retîtefentpôur 
kiffér le cbanip libre à Sir Clément. Il m^ 
fiipplia de lui donner le bras'; ^ Air mon re^^ 
fus il s'informa qui étoient' les cav'alîers qi* 
venbient de mie quitter? . .? 

Je lui dis que je rie lesr ^voit/aÉâ!d"vùï. * 
,» Et cependant 'ils ont obfenuraVâiitàgé'de 
j, vous rendre leurs fôîns? Ôh ! MîrfÀnvïlIe;^ 
,i eft-ce doncpbujf mcri (euïque vbus' ê(ei* 
,V cruelle? 

„ Raffufez vous , cet aVani^^è^ i cW 
/i eft un, nTétoît qtfufufiiéi " 

O 2 



fo E V B L I N A.: 

,,QvLO ne fuis* je donc venu plutôt Iparrive 
;; i Briftol ce matiB même, i& j*9i à peine 
„ eu le temps de m*înformer de votre demeure* 

„ Saviez-vous donc que j'étois aux eaux? 

„ Ha, comme fi j'étois, le maître de vivre 
'^f tans avoir de vos nouvelles! donnez-moi 
^ votre indifférence, & je ferai plus tranquil- 
^ le , & on ne me verra plus me repaître dc- 
^ vaines efpérances, & courir de ville en 
„. ville p^ur n'y trouver que ; le défefpoirl 
„ Hélas ! puiffiez- vous avoir une idée de ce 
ff que jefouffre, mais vos froideurs i la fé« 
^. rénité conftante de votre ame vous ren- 
„ dent incapable de fendr mon trouble," 

ta férénité conftante de mon am\Ot que ne 

dit- il vrai! 

„ Mais , ajouta-t-il , qiiand même je n'euffe 
„ • été conduit ici que par haff^rdy je n'aurois 
„ pas tardé à vous découvifir; la voixpubli- 
„ que m'auroit appris que vous y êtes. 

-„ Et qu'ai- je de commun, je vous prie, 
ï, avec la voix publibueî 

„ Votre nom , Madame, ejBrle premier que 
„ j'ai entendu prononcer à Briftol, & encore 
,; ccttédiftinftion étolt - elle fuperflue ; le por- , 
„ trait qu'on fait de vous ne peut convenir 
„ qu'à vous feule." -> , 

Je proteftai que Je ne compreûois. tjcn à ce. 

L. 



E V E L I N A. ioï 

langage , & en attendant nous entrimes dani 
une boutique où les Demoifelles . Watkîna 
examinèrent quelques marchandifes. Sir Çlé« 
ment reprît fa conyerfation : „ je ne faurolt 
,, vous exprimer ma joie de vous trouver en fi 
„ bonne ùdité : on m*avoît fait craindre quç 
.^( vous ne fuflîez indifpofée; mais jamais j« 
„ ne vous vis plus fraîche & plus belle." 

L'arrivée de Mdme Sélwyn me difpenft 
d'une réponfe. Elle conno)t Sir Clément, A: 
à en juger par l'accueil qu'ellç lui fit , II eft 
fore dans Tes bonnes grâces. 

„ Savez -vous bien, Miff, me dit- elle, 
j, qiie vous êtes en danger à BriiloI ? Les 
„ femmes y font en guerre ouverte avec 
„ vous; toute raffcmblée eft en rumeur, & 
„ c'eft vous, malgré votre air dlnnocence» 
^, qui caufez ces troubles. Soyez fur vos 
„ gardes, û vous voulez m'en croire* 

,» Et de quoi s'agît -il. Madame? 

„ Il y court des couplets, qu'oji a lus publl» 
», quement en ma pr^(ênce;/Ies beautés de 
„ Briftol y font nommées , & ç'eft vous qui 
,, en êtes la Vénus, i qui on adjuge le prix* 

,, Et n'avez-vous point vu ces couplets?* 
interrompit Sir Clément,, 

„ En vérité, Monfîeur , je ne favoîs pal 
9, feulement qu'ils exIftaiFent. 

G s 



jfOi, « V Ë L I N A- 

(Intime Seîwyn.) ., N'allez pas du moînf 
j^ m'en attribuer Tinveption ; c'eft un honneur 
ï, que je ne mérite point. 

(Sir Clémeru,) „ J'ai copié dans mes tab^et- 
^, tes les quatrains pu on parle de MIH An-» 
p ville , & f aurai Thonneur de I^s lui pré* 
1, fenter dès ce foir. . * 

CMdme Sslwyn,) „ Et pourquoi cette prédî- 
.^ leftionppur les quatrains où il eft queftion 
,, de MiffAnyjile?Ln conno;flîez-vous déjà? 
(§ir Qéfnetit.) „ Oui , Madame , j'ai eu Tlion- 
„ neur de la voir fouvent dans la maifon.du 
,, ,CapJtainéMiryan;que trop fpuyent!" ajou- 
tait- il tout bas, & Mdme Selwyn s'étant de- 
tournée pour faire des emplettes , il pourfuivit : 
„ J'ai mille çhofes à vous dire : m'eft • H 
„ permis de favoir oi vous logez t 
„ Chez Mdcqe Selwyn. 
„ Eft • il pollîble ! — le hafard me fert donc 
„ une fois T— Et depuis quand y êtes -vous? 
' „ Depuis trois femaînes , environ. 

„ Que de peine j'ai eu à vous retrouver , 
„ depuis votre retraite précipitée de Lon. 
„ dres ! Xette Viriago de Duval m'a abfolù- 
„ ment refufé toute nouvelle. Ha, MiffAn- 
„ ville, fi vous faviez combien j'ai fouffert, 
jj, combien de nuits j'ai pajOTé dans des in« 
u fQmnl9$; fi voqs CQQnoîmez cette malbeureufe 



9» 



EV.BtL-I.NJU Jit4 

' i .-•,-■ ^ ■ 

«. incertitude dont j'ai été tourmenté ûos 
celTe; non vous ne pourriez jamais, 
malgré toute vptre rigueur , me reçeyoît 
^ avec cette indifférence glacée. 

,, Moi, que je vous reçufle autrement j 
^, Monfieur I & à quel titre ? 

,, Et n'eft-ce pas pour vous feule quej'ar- 

y/ rive ici?Mon vbj^age pouvoit-jl avoir d*au« 

„ tre but, que le bonheur de vous revoir? 

,y Que Tais -je, Monfîeur; •«— il y a tant 

^ de gens qui font le voyage de BriltoL 

". ,V Cruelle! comme fî vous ignoriez que jo 
'^, vous adore, que vous êtes l'amante fouvo^ 
y , raine de mon cœur , Tarbitre de ma deflinée* 
Mdme Selwyn étant revenue alors vert nous , 
Sir Clément reprit fonair dégagé , & lui deman- 
da s'il auroit Thonneur delà voira raflèmblée? 
ff Oui, fansdputc, lui r^ondit- elle, nous 
,ft y ferons, Çc il ne ti^nt qu'à vous de nous y 
^, apporter tes couplets , (î MilT Anville peut 
\,' patienter aufli longtemps." 

' Il nie pria alors d^ raccepter pour moitié; 
je le remerciai, en lùi'dl&nt que je ne comp- 
tois pas de fortîr, ,. \* 

„ Comment , s'écria Mdme Selwyn » 
,, vous n*irez point à TaiTemblée? peut«£tr« 
^ avez- vous aujp des lettres à écrire? 

^, Non, Madame/ pas une feule. 

* *•• ■ ■' .^ - ■ 



•%di « V EL IN A: 

»» EtpourqUbi donc voulez -vous gkrdey 
"^ ta maifon? £fl-ce pour aider ^ pu pour enh 
^ barrajjer ceux qui y relient? 

I, Ce n*éft pas ce que je cherche , & fi vouf. 
;, le trouvez bon , Madame , je n'y reflerai pas* 

,» Je me flatte donc d'obtenir Thonneur ib 
„ danfer avec vous," répéta Sîr Clément. 

Je lui fis une légère inclination de tètê; 
la crainte des plaifanteriçs de Mdme Selwyn 
lui épargna un refus. 

Nous retournâmes bientôt chez nous» ac« 
compagnées de Sir Qémeot. Sa converfâtion 
avec Mdme Selw^ étoit réellement amufanté ; 
mais je n*étois gucres d'humeur à me divertir. 
Dans toutes les cîrçonftançes j*ai le malheur dp 
parottre aux yeux de Mylord Oryille comme 
une étourdie, comme une capricieufe, fans 
principes & fans fermeté. Je Téviteâ la vérité 
autant que je puis , je fais de mon mieux pour 
lui cacher mes foiblefles ; mais encore je no 
faurois foufFrir qu*il prenne une mauv^îfe opi- 
nion de moi : il ign.ore Içs raifojis qui m*ont 
décidée à m*engager poux TaiTemblée , ainG il 
doit être furpris de ces variations éternelles. 

Mylord Orvîllefutla première perfonne que 
nous vîmes dans le Jardin ; il ne parut gueres 
content de fe rencontrer avec Sir Clément, & 
j'obfervai qu'ils changèrent tous deux de vifage^ 



ï V E L I N A. to$ 

Nous retrouvâmes dans la fdiela même com- 
pagnie que nous y avions laiiTée le matin ; Mdmô 
SelwynpréfentaSirCtémencàMdmeBeaumont; 
il connoîirpit déjà LadyLouîfe&Mylord Mer- 
ton. La convçrfation roula fur deslieuxjcom- 
muns; le beau temps, les étrangers des eaux, 
les nouvelles du jour , occupèrent tous les 
eCprits : Sir Clément feuî affe^a de me parlei 
en particulier. 

Quelle différence entre Mylord Orville & 
lui \ L*ùn fe diftingue par la douceur de fes ma« 
nîeres^ par la délicateffe de fa conduite, part 
un air refpélueux qui , au nillieu des propos les 
plus flatteurs, me laîfTe toujours à mon aife: 
l'autre xnQ Surcharge d'une polîtefle outrée ; fes 
attentions trop marquées' deviennent embaras- 
fantes, & il y attache un air d'importance qui 
'n'échappe à perfonne. On diroit que cette pu* 
^licite luiplatt, car il prend foin d*écarter tous 
ceux qui feroient tentés de me parler. 

Lorfqu'il fut parti, Mylord Orville s*appro« 
cha avec un fouris matin: „ MîfT An ville me 
„ permet -elle d'ufurper la place de Sir Cié- 

,, ment? Dois Je pen fer ■ 

,, Une vifite auili indifférente ne vaut pas !• 
peine , Mylord , que. vous ypenfîezdu touU 
,y Pardonnez, Madame; rien de ce qui 
vous concerne ne m'eft iâdiSérent." 



9f 



f> 





9> 



<otf E.ViE L I.N A. 

Il ne me d)t|>lQs ilen jufqu'iGe quelespa- 
aies fe fiillent rejtîrées pour faire leur toilette ; 
alors il me pi ia de lut accorder un moment 
4'eiitietieii : „ Je tremble , Madame , d*avoir eu 
le malfaeui- djs vo^s déplaire ; je feroisau dé- 
fefpoîr $i'avoîr un tel reproche à me faire | 
fi: je l'ai mérité» foyez sûre du moins quo 
Mf c*eil involontairement. 

^ Non, Mylord, vous êtes fa(h$ contredit 
p, i rdffi de tout reproche* . 

Vous {b^pirez» (en mepjrenantîamaîn) ; 
puiffé-je du moin^ partager vo$ chagrins ^ 
quelle qu^en foit la fource! avec quel em- 
preiTement j^ m'appliquerois à les foulager I 
confiez-les-m0i , chère Miff An ville j fouve- 
nez-vous que vou» êtes mafccur d'adoption ; 
dites -moi» je vous fupplie» mon aimable 
amie» fi je fuf^ en état de vous rendre fervicef 
Non y Mylord , je vous remercie. 
Quoi » je ne puis donc vous être bon i 
rien! -— ^ Peut-être fouh2|iterlez>vous re- 
voir M. Macartney 1 
Je rendis encore par un non. 
„ A Vous dire vrai , ce n'eft pas^propre- 
„ ment ce qui m'inquiète* J*al un doute plus 
1^ eflêntiel; «—mais il m*en coûte de vous en 
parler» car il n'eft pas impofiible que mes 
conjefhires ne vous faHent de la peine..*— • 
I; Vous êtes preflée pour le moment ; je ne 



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99 

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^E V G L I N Af Z91 

p veux point vous retenir; peut-être aajourd%ul 
99 aurai-je Toccadon de m'expliquer plus dai- 
., rement: — . feuleoient fouffrez que je me 
,, permette une qucftion? — faviez vous ce 
^y matin, en allant à Briftol, qui vous y 
\^ rencontreriez? 

„ Moi / Mylprd. 
. ,, Pardon , mille pardons de ira curiofîté 
9, indifcrette. — » Laiiïbns-U maquedion, 
,, n'en parlons plus." 

En effet je fortis, & je me hâtai de gagner 
jna chambre. C'çft ce Sir Willoughby qui lui 
fait ombrage; il m'eût été aîfé de détruire les 
foupçons du Lord , mais je me fuis impofé la 
ïpi une fois pour toutes de l'éviter, de le fuir, 
autant que podîblQ. J'auFois déliré cependant 
de lui annoncer l'engagement que j'avols pris 
pour l'ailembléçV.p^irqu'il fembloit cQmpccr 
fur moi ce foir. 

Je ne defcenclis qu'à l'heure du diné, après 
que tout le nionde fut déjà aiïemblé* Orville 
fut étonné de me voir parée, & moi-même 
j*en étois honteuf»;?. „ N'ai-je pas compris , 
iy demanda Mdme Beaumont, que MilTAn^ 
,', ville ne fortiroit pas aujourdhui? 

„ Oui, répondit Mdme Sel wyn, c'étoîtfon 
„ plan ce matin; mais il y a danscett^afTem- 
9, blée une efpecc de pouvoir magiqpe^ au- 
,f quel on ne léûHc paa. 



n 



ïo8 E V E L I N A. 

Lord Orvîllc ne put s'empêcher ie témof* 
gner fa furprife. On Ce mît à table ; H 
m'en coûta d'abandonner mon ancienne pla- 
ce à câté du Lord; les efforts que je fit 
pour l'éviter; le déconcertèrent vifîblemenci 
cependant j'ai tenu ferme, & je fuis demeurée 
fidelle à la pi-ome/Te que je vous ai donnée 
dans ma lettre d'hier. 

Après le dîné nous pafllmes tous dans là 
faite à yifites, où il me fut împofEble d'é* 
chapper à Mylord OrvîUe : „ vous allez donc 
„ tout de bon, medit-iL à l'affemblée ? — > 
,y £t danferez voûs-aufli? 

„ Je l'ignore, Mylord? 

„ Si je ne craignois que vousnefuiSezen- 
p nuyée d'avoir deux fois de fuite le même 
9, cavalier, j'aurois Thonneui devousdeman- 
„ der votre main ; les lettres que j'ai â écrire 
»! peuvent être remifes jufqu*à demain^; 

„ Si je dois danfer nécefTairement, je fuis 
9, déjà à moitié engagée. 

„ Et avec qui , û j'ofe le favoir f 

„ Avec Sir Clément Willoughby." 

Ce nom lui ferma la bouche; il parut mé- 
content, & ne me parla plus de toute Taprès- 
dlnée. <^ Ah ! Monfieur , je n'étois pas non 
plus dans une affiette bien agréable. 

Sir Clément ne manqua pas d'arriver de très- 
boûne heure pour npus conduire à raflèmblée ^ 



E V E L.I N Aw 109 

& d'abord eo entrant il rtnouvda fes impor- 
tunicés ; il s'affit à côté de moi & ne ceflk de 
0*accabIer de Tes fadeurs. 

jl^ylord Orville ne delTerra point les dents; 
il me fî^a d*un air férieux & penfi(, & il bais- 
fa les yeux aUiE fouvent que je (opriiois tes 
miens fur luL 

Sir Clément fortit de fa pocbenn papier plié 
qu'il me préfenta, en ajoutant d'une voix bas* 
fe: ,9 voici, aimable AflfTAnvilIe, un foible 
,y portrait de celle que j'adore; vous trouverez 
„ ces couplets bie^n au-defTous du fujet ; mais p 
,p tels qu'ils font» je porte encore envie à l'heu* 
f, reux mortel qui a ofé rifquer cet eflal. 

», Nous verrons cela » lui répondis je f une 
„ autre fois," Je craignois que Mylord Or- 
}. iile ne s'apperçût que j'acceptols de Sir dé- 
nient un écrit, offert audj myftérjeufementw 
JVlais ce Sir Clément eft un hom^ne dont oa 
i}e vient pas aifément à bout, & il.fuffit qu'il 
fe foit mis un projet en tète, pour qu'on ne 
réuinnè point à lui faire lâcher prife. 

„ Non, continuât il , ferrez ce papier au 
„ plus vite pendant que Lady Louife n'y eft 
„ point ," (elle étoit fortie avec MdmeSelwyn) 
„ & furtout prenez foin qu'il lui refie caché*. 

Je l'aiTurai que mon intention a^étoit pas 
de lui montrer les eouplets. 



iio E V E L I N A: 

„ Vous ne fanriez donc miexat (aire ; Mk« 
,,-dame, que de les accepter tout de fuitel 
„ J*aînierois bien à les lire haut, maïs vôu^ 
„ trouverez qu'ils doivent n'être connus ici 
„ que de vous & de Mdmé Seîwjn." 

Voyant ddiic que mes refus feraient iiïutî- 
les , je reçus les couplets. Un papier préfénté 
avec un certain myflêrô^ notre entretien fou- 
tenu pûur ainfi dire à l'oreille >s foumlObîene 
matière à des remarqués. 

Sir Clément me prefla de parcourir lesqua* 
trains, & il ajouta qu'il n'avoitpas ofélespro-' 
duire publiquement , par la raifôn que Lady 
Louifé n*y étoit pas des mieux traitées/ Cettd 
circonftance m'embarraffô , & je m'eipofe à 
des relTentîmens de la pnrt de cette Dame , fi 
jamais ces coûplètâ parviennent Jufqu'à die. 
' Je voué ' en remets ci - Joint une copie (♦) / 
mon cher ; c'eft un panégyrique outré de mes 
^retendues perfeftîons , & il y âUroit de la 
vaiifté '4- faire paîradc d'éloges que je ne erotf 
pas mériter. 

<») AfiviHe, qoe tes grades Rcberdhent, »*<vanct 
enfin d*un.e démarche modefle & d'un air timide, 
les. yeux baiifés, la rougeur fur le front, & la beau- 
fé fîégeaftt fur Ton vîfage 

Anville né doit fes attraits tiu''fc elié-nétné* Ôc fef 
vertus qu'à la noblefiè de (bn aoie ; ce(>endant igno- 
rant le pouvoir de fes charmes, elle frappe fans art 
& blefle (ans le Avoir* 



KVELIKA. lit 

Je n*avoîs pas encore eule tstaps déferrer 
ce beau morceau de poéffe, quand les Dame» 
revinrent. MdmeSèlwyn eut la curlofité de me 
demander ce que je.tenois-lâPJeluî dî« que ca 
n*étoitrm»&j'empochai au plus vitemoèpapler^ 

^ yi Rîeo, reprit -elle, & tufW^Ji peut vpu» 
s, fiiirejduga'.''Je ne f^us «jue- répondre :u» 
CuupîF éctvappé à MylOfd Ot^ltteptcO^êt fue 
mm une îmtïreflîoo que je tÇ^ip» le coura- 
ge de vous dépeindre, - t o . 

Mylord Merton préfenttf ' fa n^ato & Lkdj 
Louife > & lis manterent en wsm§ë^Êv^ Mdme 
Beapmont, <Mdme Selwytt (6 fenrîc de requît 
page de. Sir Ciément, & » tiï> fallut prèn^ 
dre') place aiiffî. * ; . . . 

Je pe parbl poltit en chemin ; mâff s nous ne 
fûmes pas fdoîAt arrivés à Vàffda^éé que SIf 
Clément fut me faire rompît iHoS.fîlefïcej II 
me demanda d'abord à dâôfiftîj Jéi ttfêti exbu* 
fai en lepTiant^dcchercfee* uifé^ubtil moîtié; 
il s'en défeadît, proteftant qu^véûiit tr軫 
aife {de pouvoir refter traW^flé iiv^m©f, 
pttifi|u'égalelœBOC'ilavoit mm «f^oteàmedire^ 
c Là:deffusr il fe iirit à me conter Uka ce qu'il 
prétendok avoir: fouiFert de ftiêW^feiîté^, fea 
allarmes après mon départ 4& Lôntbtes', les 
difficultés inouïes qu'iîavOît eue*i riie décou^ 
nir; aviqjage; ^^il tfav^itpft^jb.-jjwciifet 



Xt% E V EL Iir.A. 

> 

qu*ea facrifiant enco» uoe femaioe au capi* 
uune Mirvao^ 

. „ Howatd-Giîove, continua -t il, qui m'a- 

M voit paru uq paradis terreftee, ii*ét61c plus 

„ qu'un féjour lugubre ; fes environs n'étoienc 

„ plus les mêmes ; les promenades que j'avoîs 

„ trouvées fidélicieufesjncmWrpientplusle 

I, moindre attrait: Lady Howard, (jae j'avois 

„ prile pour une refpcftable Vieille d'une ho* 

„ meur agréable, rentroit ipTéHexA dans la 

i^clalTô ordinaire des femmes de Ton âge : 

„ Mdme Mirvah, qui ci -devant me fembloit 

„ être un meubte de campagne affez fuppor- 

„ table, me devenoit maintenant fi infipSdeV 

„ qu'à peine pouvois-je m'enipêcher de dor- 

„ mir dans fa fociété; & fa fille auffi, que 

f, j*avois crue aflez gentille -& xiHine bonne 

,, pâte, ne fut plus capable de m'infpirer la 

^ moindre intérêt: enfin le Capîtainti, que j'a« 

„ vois toujours re^rdé comme un ruflre/ 

,f n'étoitrpiQS à me^ yeux qu'an âuvage. 

„ EhlMonfieur, m'écriai -je, dans quels- 

\f term^ parlez-vous de mes meilleurs apàisf 

., Pardon , Madame, mais le coi^traile 

^, de ces deux.vifites étoit trop frappant,** * 
Il me demanda enfuite ce que je penfoia 

de. l'auteur des couplets ? 

/ „ Ceft quelqu'un, lui*di$/ je, quia envîe^ 

« de 



^ de fe jouer de thùî, ou qoi lui-méaU 
y, n*eft pas dans foo boD fens.** 

Là'deflitt iîiflie fit force complîmens, aux- 
«qaels je ne cni^ échapper qu^en lui propofaoc 
ime daofe. „ pefpérois » xeprit-41 » que Tau* 
<^9, teur fe trahîroie par fes yeot ; mais cet 
,, indice n'eft pâkflir avec vous » Madatne, puis • 
^, que vous attirez également tous lesrëgardi, 
,, Suns contiedit V^us fereis en état de devt* 
^, ner l'auteur des couplets." 

Je lui répétoia que je n^en favoia rien do 
tout. Entre nous cependant, roonchnMon- 
fieur, mes féupçons tombent fur M. Macart- 
ney ; il n'y a que lui qui foit capable de par* 
1er de moi avec tant de prévention ; d'ailleurs 
je crois avoir reconnu la tournure de iba vers* 
Sîr Clément me fit encore un millier dèqoes» 
tiens au flijeejdéMylotdOrville; depuis quand 
Il 4toit i Briftol? — • Depuis quand je demen* 
rois à Ciifton? «- Si te Lord fortofcle làada 
en cabriolet? Si j'àvois jamais eu le courage 
de me promener dans ces forces de voitures? 
Cet interrogatoire futpouiré avedahardiefTeft 
rindifcrétion qui font propres à Sir Clément 
pécois déjà ennuyée du bal , & j'attendbis 
;avec impatience le moment où je polirrois 
me retirer : heureufement Lady Louifa pro- 
vint mon défir; elle fe pique de quit^r Ie« 



iu jKvistfifiv; 

éBtBBûiiécB la première» & nous paidmet 
d'aflbz bonne henic. 

Mylpxd Orville noQS seçot avec un fé- 
liçux giffcé : pas une feule de é^s diftinâioivi 
£atceufe« dont je ipe Ttû^ta^t iQuée; pas (ji 
snoindie marque d'une fîmple; poUteiTe : Lady 
Loulfe eUe>^jnéine n'auroit pu me £sîr». uo 
jocneii plus froid. Sir Clément qu^ refta ,| 
Ibuper. fe jpl^ à côté de moi » fans )quç 
lidylord Orville cherchât à r«ii détourner ; 
{oTqjii'kd cepeqdant. il avpît tijKujoufs ambil)on« 
Jié' d'acre nion voifin à ÉRble*' - . : : 
' ! Cett^ petite ctroQi^ance.m'aflRBfta beaucoup; 
l'ai tâché cependant 4'en itxç^M^HtiffiVoMi 
It riOdtffér^Mre , voilà ce que je dpis demander 
pour ne iiéconcilier av^ tuoî*m6me. Mai^i 
Jbélasj. — déchoir de la forte dans fon efti* 
me !>-T-*pMdre tout d'un coup fon amitié I cec»' 
te idée me perçoit le cœur ; je ne fus quellf 
eooteuance garder » & malgr440us mes eff«rtt 
je ne pus retenir quelques larmes quifeglide^ 
rent le long de mes jçues. Lord Orville M 
s'en appierçut pas , & je réiiffîs à me remettre aa> 
fisz poop tenir ferme jufquà la fin du repaie 
Dès que Sir Cléuietit fiit parti je me retirai , (ans 
€fer.rifi|uet de rooconfier ks yeux d'Orvilic^ 

pai paffd la nuit à vous écrire ; j'étois tropi 
iftre de ne pas dormir, pour peaferimecott* 



r 

B 1^ E t I N 4;* ^15 

çher« DiteMDOi^ mon cher Monfienr» s*il dt 
pbfnbtey que vous approuvez ma conduite,'—- 
ipje vous autorifez mon changement» — que 
j *ai raifon de fuir Mylord Or ville & d*é vitei^ 
(es égards. — Dites -le-moi» je vous enprie^ 
& je me confojerai d'un tel facrifice au mi* 
lieu de mes regrets; car» je ne le déguife 
point» jamais je ne cefièrai de regretter fon 
amitié; --^ )e llii perdoe ; -je l'ai foulée anC 
pieds. «^ N*^p(Mrte» ces liaiilpns honorables 
n'étoient pas fiiites pour moi, &m'expofoient 
i àeà dangers iaévicibles. 
. . D'après les confeils que vous m'avez don- 
nés i MonfîeiM:.» je ne penfe plus qu'à me gou- 
verner avec tdute la fageflb poflible; j*ai 4 
combattre la foibleite de mou cœur » & les af« 
iiiaions auxquelles jç Qiis fouvent en proie; 
ipais j 'efpere de les vaincre : fi je fuccombe , j^ 
ne ferai du moins pas coupable par ma faute» 
^e défir de bien faire contient en moi tout0 
;aiûre paflîon ». en tai;t qu'elle pourroit influer 
S\ix ma conduite. Et.ne le dois- je pas, moi 
qui fuis votre fille » formée par vos fplDS? Oh l 
•jnQii père & mon aqii» je dois l'avouer» aies 
ieotimen& font en Oppofition avec mon devoir» 
^j& tandis que je fais des efforts pour me récon- 
cilier avec JUQl-méme» j'éprouve de plus es 

H 2 



tï5 ï V É L î M Aj 

plus que mon repos, m^i efpénmces^ ikioa 

bonheur font évanouis. 

Vous feuj , Monlîeur , pouvez calmer motf 
efprlt agité; vous ne rçfuferez point votre com* 
paflion à des foîblefles qui vous font étran- 
gères, & ne fais • je pas qu'en défapprouvant 
I*a£9iftion » vous vous platfez à confoler Taffligé? 

LETTRE LXXin. 

M. ViLLARS à ËVJILINA. 

▼ os dernières nouvelles, môri cher enftinr, 
ront effeftivement des plus étranges. Qu'une 
£lle avouée de Sir John Belmont ait paru à 
Briftol, tandis] que mon Evelina y | demeure 
fous le nom déguîfé d'An ville, c*e(t un pro« 
bléme que je ne fuis pas capable de réfoudre. 
Quoi qu'il enfoit, je me fuisattendui quelque 
événement extraordinaire au retour de votre 
père; le fens myftérieux de fa lettre àLady 
Howard m'y a en quelque forte préparé. 

J'ignore qui peut être la jeune perfonnedoift 
vous parlez ; mais il n*e(l pas moins fur quel- 
le ufurpe une place qui vous appartient i jufto 
titre. Je n'ai jamais entendu parler d'un fécond 
mariage de Sir Belo^ont ; fuppofé même qu'il ait 



E y ]E L I H A, H7 

• 

ttifté , il reftera toujours vrai queBAUTEvetyQ 
« été fa première époufe , & par conféqu^ot 
Tenfant né de ce mariage eA incontefiable* 
ment en droit de porter le nom de nelmonf* 

Ou je fuis mal informé des circonftances do 
cette affaire, ou il %*y efl glilTé une inGgne 
fourberie; il faut approfondir ce qui en eft. 

Quelle que foit ma répugnance à me porter 
i des extrêmes , je fens cependant que nos re» 
cherches deviennent néceflàires ; nous devons 
e(&yerde rétablir la réputation de votre mère» 
ou bien rifquer de lui porter le dernier coupf 

L'apparition d'uoe allé de Sir John Belmont 
se fâuroic manquer de faire revivre le fouvenir 
des aventures de MifFEvelyn Le public de- 
mandera quelle eft la mère de Tenfant qu'on 
produit aujourd'hui, Sc^Ci votre père refufp 
alors d'avouer la feuip éppufe légitime que je 
lui ai coonue , votre naiilance en recevra une 
tache contre laquelle i^ous réclamçrions envain 
l'honneur, iavérîjré&rinnqceoce; cette tachç 
couvrirpîtd^infamie la mémoire refpeétable de 
. votre mère, & vous expoferoità Todieux d'un 
titre honteux, que toutes vos bonnes qualités 
ne racheterçient que difficilement. 

Non , ma chère , je ne fouffrirai point qu'on 
Infulte impunément aux cendres de votre mère; 
^n caraâere vertueux fera jufiifié aux yeux df 

H 3 



lift t VELIN A; 

Tvaxivets ; fon mariage fera reconnn , 8c Ar 
fille portera le nom auquel elle a des droits 
inconteftables. 

J'avoue queMdmeMirvan conduîroit cette 
affaire avec plus de délicatelTe queMdmeSel* 
wyn ; mais nous n'avons point de temps â per? 
dre ; car plus cette fourberie s'accréditera » plus 
nous aurons de peine à la confondre. Je vous 
çonfeilie donc de partir de Ciifton le plutôt pos- 
fible ; votre aftivîté facilitera nos recperches. 

Ne vous laiflez point accabler, mon enfant;^ 
k trop de triftelTe , & tâchez de vaincre votre ti* 
mîdité naturelle. Sans doute que je plains vq« 
tre lîtuatipn ; ^'entrevue à laquelle vous êtes 
appelée, eft importante & folemnelle; mais 
auflî je me flatte d'un fuccès complet Je vous 
envoie une lettre que votre infortunée mère 
écrivit fur fou lit de mort à Sir Belmont; je 
lai réfervée pour quelque grande occafion, 
& c'efl: Tinilant d'en faire ùfage : Mdme Clin- 
ton doit être du voyage ; elle a folgné votre 
niere dans fa dernière maladie, & fon témoi* 
gnage peut vous être utile. Enfin Sir Belmont 
pourra r t • il réfifter à la reiïemblance frappante 
de vos traits? Cette (eule cirçonllance dçvrolt 
le défarmer & diffiper tous fes doutes. 

Recevez, mon Evelina, dans ce moment 
'augufte où vous allez vous jeter entre les bras 



è V È L 1 N â. ^îi 

de votre père légitime , recevez lès prières , 
les vœux & les bénédi6l;ioos de celui qui l'a 
'été jufqulcipar adoption ! PuifCez - vous , mon 
enfant, conferver toute l'excellence de votre 
caradtere» dans le changement de fituation qui 
vous attend! pènfez' à refter humble dans Té-' 
lévation à laquelle j'efpere de vous voir parve- 
nir; que vos manières, votre langage, toute 
votre conduite prouvent Tégalité d'ame, & 
les fentimens de reconnoiflance qui devroienç 
^ toujours npus accompagner dans la profpérîté i 
ils y ajoutent un nouveau luftre. FuiiTe votre 
vie n'être fouillée d'aucune tache! puîffiez vous 
refter fidelle â cette franchife ingénue, iL cette 
fîmpUcîté de mœurs, cette aimable iincérlté» 
que j'ai admirées jufqu'icî en vorfs ! Puiflîez- 
vous être au-deffus de la vanité & de l'or< 
guerl, & faire confîfter toute votre gran- 
deur à faire du bien ! 

Arthur Villars. 
LETTRE LXXiV. 

(jenfermée dmu la préUànnU.^ 

Lady Bblmont à Sir JoHW 
Bel MO NT. 

Uans la ferme perfuafion que l'heure d'an« 
SoUgre qui s'approche , mettra fin i mes foul- 

H 4 



iM 1 V E L I N a; 

firanees » je veux ^ncore une fois parler i SSr 
JobnBelmonty eo faveur de renfant, qui» 
l'il furvic à fa nxîre fera chargé de lui pré- 
foncer ces lignes. 

Mais en quels termes, hommQ cruel 1 Vin' 
fo|:tunée Caroline vous écrira • c elle avec quel- 
que efpérançe de fuccès? Sourd à là voîz de 
)a compafliQn « -— aux remords de la cons« 
cience» -^infidelle aux lîen$ de I*honûeury — 
dites , Belmont , quelles font les expreffions que 
je puis employer ,&ns craiodre d*étre rebutée f 

Vous donnerai • je le tendre nom de mon 
époux ? — ^ Hélas vous le défavouez. — i— Vous 
appellerai • je le père de mon enfant :•<-* Eh 

vous le condamnez à Tinfamiç 1 • Voua 

nommerai «je mon amant qui m*a gardé la foi 

d'un mariage^ forcé? Ccft vous-même 

qui me trahiflez. Vous donnerai- je enfinle 

titre d'un ami dont j'attendois des fecours ? -^ 
Non , car c'eft vous qui m'sivez plongé dans 
lamifere, & qui avez caufé ma ruine. 

Malbeureufe que je^ fuis! que me relie- 1. n 
i faire pour toucher un cœur fermé à Téquité » 
aux remords, i la pitié 1 Y a-t-il un moyen 
que je n*aie éprouvé ? Y a • c- il une reflburoe 
que je n*aie tentée? J*ai tout employé; i'a« 
mertume des reproches » la force dç mçs prie- 
re< , tout a été inutile. 



s V B L I N A. J21 

Vingt fois déji U plume m*e(l tombée des 
mains « & je me fuis dit dans mondérefpoirqué 
je n'avois plus rien à efpérer de vous ; — - 
maïs la tendrefle maternelle, latendrelIëd'uDe 
piere qui tremble pour le fort de l'enfaot au< 
quel elle va donner le jour; -«n voilà ce qui 
me rend le courage. 

Peut-être quand je ne ferai plus , quand la 
coupe de mes maux fera remplie , -quand la 
mort aura tiré le voile fur matrifte mémoire, 
quand vous |i*aurez plus à craindre mes repro- 
ches , quand vous n*aurez plus à redouter mon 
.|érooîgn?ge & ma vue, — alors peut-être 
TOtre cœur s ouvrira à la voix de la juftice , 
au ais de la nature. 

Belmont! ne leur réfiftez point, ne rejetez 
point l'enfant, comme vous avez rejeté la 
mère, Peut-être regretterez - vous un jour, 
quand il n'en fera plus temps , les maux dont 
vous êtes l'auteur ; peut-être vous repentirez- 
vous, trop tard, hélas! d'avoir perfécuté, d'a- 
voir perdu une infortunée; - — peut-être l'a- 
venir vous rappellera les intrigues que vous 
avez employées pour me tromper, lesangofs. 
fes & les peines qui me fuivent dans le tom- 
l^eag. -r- Oh I Belmont, cette idée défarino 
tp!|t mon renenciînent! que dei'Iendrez • vous 
quand vous jetterez un œil repentant Curvotro 
conduite paiS^e l H s 



I 

Ecèùcez donc la prière folemnelle de Piiv 
fortanée Caroliae , h dernière qu'elle ab 
vous adreflêr. 

Lorfque le temps fera venu oii?ous gémirez 
fur vos erreurs ; (& ce temps viendra tôt ou 
tard) lorfque vous aurez reconnu vos torts , & 
la noirpeur de vos trahlfons ; lorfqoe votre cœur 
déchiré voudra expier fes aimes , -«- alors 
je lui en offre encore les moyens; llfeziciles 
conditions fous lefquelles je fîgne votre pardon. 

Belmont ! je fuis ton époufe , tu le fais ! — 
bâte*t<li donc de juftifier aux yeux de l'univers 
une réputation que tu as Çétrict» reçois dans tes 
bras Tenfant infortuné qui te préfentera cette 
requête de fa mère. 

J'ai trouvé un ami auquel je fuis redevable 
du peu de confoUtion , du peu de tranquillité 
dont je jouis encore. Cet homme , le plus es- 
timable &]e plus digne des mortels, m*adon« 
né fa promefFe, qu*â ce prix feul ilvousdéli* 
vrera le gage de notre malheureux amour. 

Ha, fi tu retrouves un jour dans cette iraio^ 
cente aéature les traits de l'infortunée Caro- 
line, — fi l'enfant te retraçoit le fouvenir 
de la mère, Belmont! par ceUeraifon feule tu 
le réprouveras pettè-trei — Cher objet do 
mon amour, cher enfant pour quijeTensdéji 
icHtte l'étendue de la tfndieife maternelle, g^* 



de*toi bien de reflfembler i ta nkeie! Là moi't 
t-'enle?e un de tes parens , & lit baine teferoit 
perdre celui qui te refte. 

Je dois finir, les forces m'abandonnent, & 
je fens le poids des idées terribles ^ui m*acça« 
Uent. Adieu — pour toujours. 

Mais dans ces derniers adieux , «r qui ne 
te feront préfentés qu'après que la fougue de 
tes paflîons fera paffée, — qu'après que toutes 
mes douleurs feront defcendues avec moi dans 
le tombeau , >-^ oublierai-je d'ajouter une pa- 
lole confolante pour cet homme jadis fi cher, 
qui ptUfe le foucenir dans les affliébions qui l'at- 
tendent? Non, Belmont, tu fauras que ma 
compailîon l'emporte de beaucoup fur mon res» 
fentiment; -— je prierai pour toi dans mon 
heure dernière , & le fouvenîr de l'amour que 
je te portois autrefois , effacera celui des maux 
que tu m'as faits. Encore une fois , adieu. 

Carolins Belmont. 

LETTRE LXXV. 

EVELINA à M. ViLLARS. , 

Clifton, le 3 OiSobre. 

tjn ouvrant mes volets ce matin je vis My- 
lord Or ville qui fe promenoit déjà dans le jar- 



It4 2 ▼ B L I N jk 

dtn : je ne defcendis cependant pofne avant 
rheure du déieftné^ ft me reçut avec une froi- 
deur digne de Lady Louife. 

Mdme Beaumont , Lady LÔuife & Mdme Sel- 
wyn, lièrent leurconverration ordinaire, à la* 
quelle votre E velina ne prit aucune part ; né* 
gifgée , tranquille & réveufe , elle demeura i 
récart, comine un être qui ne tient i rien ft 
donc perfonne ne fe met en peine. 

Feu contente de ma fituation , impatientée 
de me voir négligée de la forte. Je me retirai 
le plutôt pofCbie. En fortant je trouvai dana 
mon paifage Sir Clément Willoughbyi qui me 
preila inftamment de rentrer avec lui. Je n*y 
confentis qu*i regret» mais je devois m*y r^ 
foudre fî je ne voulois continuer i refter feule 
avec lui dans l'apti-chambre, air U me. retint 
^de force. J'étois cependant un peu honteufe 
d*avQir Tair de m'attribuer alnli fa vifitej fes 
al&duités ne le font que tropfoupçonnerdéji. 

11 paiFa plus de deux heures avec nous ; & il 
afféâa pendant tout ce temps de m*entretentr 
en particulier; peut être n'en aiuois«je pas en- 
core été débarraiprée , fi Mdme Beaumont n*a* 
▼oit propofé un tour en voiture. Lady Loiiifei 
accepta . & Mdme Selwyn dit qu'elle ferolç 
charmée d*iècre de la partie , pourvu que My^ 
lord Orville» on Sir Qà^^eot s'en miiSeof suffi; 



E V E L I N A. lis 

un iitnpie trio de îèwmtB, ajoQta*t-elie» lai' 
fômbloit trop infîpide. 

Sir Clément, toujours attentif â faire fa coiir 
à Mdme Seiw^n , demanda la permiffion d'ac- 
compagner les Daines , Mylord Orville 8*en 
éxcufa, & moi je' montai dans ma chambre', 
4*où je ne fui» defeendue que pour dîner. J'é- 
vite autant que je puislapréfencedu Lord; (a 
froideur ro'eft infupportable , quoique je l'y 
aie autorifé par ma propre conduite. 

Sir Clément fut encore des nôtresi dtner ; il 
joue fon rôle à merveille , & il a rëuili à ga- 
gner entièrement les bonnes grâces de Mdme 
Beanmont qui n'èft pas d'ailleurs d'un com- 
aierce aifé. 
' Je me ïuîs mortellement ennuyée pendant 
toute la journée'; il m'a fallu' fù|>porter â fa 
fois, & les Impoitunîtés fndi&rettes de Sir 
Clément, & le fîlencerévoltantdeMyfordOr* 
' ville. L'un ne m's^pâs quitté un inftant, Tau* 
tre ne m'a pas dit un feul mot; -le preo^r fai- 
foit naître les occafions de m'éntretenir» l'au» 
tre les fuyôît avec foin. ' • 

Je commence â-croire , mon cher Monfîèur ,1 
que le ch^gement trop Cubit dans ma conduite 
envers lé Lord étôit déplacé. Atoutpren* 
dre, 11 ne m^ donné nul fujet deméconteqte- 
àteuti & le motif de cette altération étant luii* 



ifti E'V E L m A 



A» 



{j^motitA m^ charge, je' n'aurpi^ paâ dft^ 
Di'adreindre à une referve que je ne puis paU 
lier par aucune içaîfon légitime; d'ailleurs, il 
éeoic naturel <|ue rafFeétaeion avec laquelle j*é< 
vitse fa fociété^ fît un mauvais effet. 

Héias! Moniieur, mes réflezÎQns viennent 
toujours trop tard; il hut avouer que je payé 
bien cher le peu d^expérlenç^ quej*acquiers, 
& je prévols qu'il m*en coû^f^ra encore bcau^ 
coup avant que j*àrrive à ce pioint dé prudence 
dont le fage fefcrt pour régler fa cpndui te pré- 
fente & pour, prévenir des embarras éloignés^ 

liîer patin tout le monde lbr(ît en voiture^ 
& je reftâ feule au logis avec MdmeSelwyiig 
je m*étpLS^ ^TÎ^^ ^ ?^^^^^ ^^^ ^ cham* 
bre, a»ai«^ je , m'en fuis éclipféé.au plus vite4 
Je crains la cqniverfation de cette pâme; elle 
|>rend plai(tr à, meplaifiinter împitoyablemenCi 
fuit fqr* xaç^ (éiièxix, foit fur le. compte dp 
MflorcJOï ville., 

E|i»{QrtaiH;:4s^ chdz elle je. nie fuis reiidu» 
dans le jardin > où j*ai paflfé une grolfe heure,; 
jlétois^^ !»iSfeii^ un berceau au bout de iat 
gtisiaderaliéjei) abforbée dans mes conjeflures fus 
Itaviei^iij, quand tout à cQi^ je fus interrom? 
pue piur. jSIr Clément Willoughbjri. 
}eJi'M«U(}9is peu, & il a f$u certaloemoM 



.j 



I£ V Ë L 1 M A. 117 

j'étois dans le jardin, cat H hetîetitguo* 
ret s'y proioeDer feul. Dès que je IcWsairi. 
ver , je me préparai à m'en aller , mais il me 
eria de loin : „ arrêtez, la plus aimable de^ 
»» femmes , j*ai un mot à vous drre ; " & il n'eut 
jrien de pluspieflë quede s'aflboirâ odcé demoi. 

M £c pouvez .vous , continua U\ , me refufer 
9i imei^^e faveur,quand j'achetetieher ia dou« 
»»cear de vous voir? Pas plus tard qu'hier ea- 
^ core , n'ai-jepas Ibuffert le plus cruel martyre? 

„ Vous,. Sir Clément r ' 

>, Oui , belle inhumaine , m'Sai-je pas con« 
>, fenti à être claquemuré dans une voiture y 
*t pendant toute une mortelle matinée , avec 
t, Crois dés plus rnmuyeufes femmes de TAb- 
tf gleterre? 

„ £n vérité, Monfieur, cesD^es vous 
,t cmt fine gr^de obligation; 

,» Ohi elles ne s'en doutetit pas ; elles ont 
„ une tfop haute idée de leuf mérite pour 
^, croire qu'elles aient des égards à obferven 
„ Heureufement on les en dil^nfe. 

M Ces Dames ne penfeni JSÛTurémeiic paa 
é9 que vous les traitez fl mal: 

M J'en fuis, bien sûr auffi &leuramour.pro^ 
M pre m'en répond. •— • li«a!s ôtre;arricbé de 
n la fociété de Mitt An ville vpbnr ^ènfeimer 
M avec des fismtàescomflieeéBêi'lii en vérité 



ikS E V E L I N A. 






^/ c'eft.uoe fitoatîon digne de pitié ^(ktotttle 
„ inonde m'etf p]aîndroic,excepté vous» Mdme. 
. y. Quelque fâcheufe ^e vous préfentlez 
», cette iituation', je ne voispas que vous ayes 
y, été tant a plaindre , & aux yeux de bien 
,, du nxmde, elfe auroit paru plutdt digne 
„ d'envie que de compaffion, 

^y Le monde penfe fur.ce fujet a peu près 
„ comme moi : on fe moque de MdmeBeau- 

mont; on tourne Lady Loùife en ridicule, 

& on détefte Mdme Selwyn. 

,, Vous êtes» Moniieur, un jugefëvere, 
j, & vos décifions font tranchantes; 

,, Accufez- en vous-même, mon ange, fi 
« vos perfeftions ne fervent qu*à faire res- 

fortir leurs défauts. Je vous protefte que 

pendant toute cette courfe j'ai cru marcher 
,, à pas de tortue. Le fot orgueil de Mdme 

Beaumont*, & le refpeft qu'elle fe f»itpor« 

ter , font infupportables . aObmmans : i en 
^ juger par fon air de gravité , Ton auroit dît 

qu*elle fe promenoit en voiture pour la pre<» 

miere fois de (a vie ; — * je fouhaite du moins 
quecefoitpourladèmiere. -^ Croyez-moi» 

Madame, fi je n'étois obligé de la mé- 
„ nager p<>ltf ^^<^^ rentrée de fa maifon » je 
„ la foîrois comme la pefte. AWmeSelwyn,â 
^ la vérité, tià^ de ftirc divcrfiou aucéré- 

mo« 



»9 
$9 






$9 



s y £ L I N a; Mi 

ff moaid » mai^r. h fiiéchmceté de fa laoguç^ 
,y Comment, Moniteur > vous vous récrie^ 
„ contre ce défaut? , 

,, Oui»' Madame, malgré votre reproche « 
,, je le trouve choquant , furtout pour uns 
^ femme. Mdme Sclwyn , j'en conviens, a de 
,, refprit , elle • a plus de connoiflknces quf 
^, la. moitié de fon fexe enfemhle; mais jelle 
I,, court perpétuellement après laGicyre, &C9 
,, penchant met tous oçux.qui vivent avec elle, 
„ mal àleuraife; d*ailleur$) à force de parler., 
^ elle ennuyé , & les plus jolies chofes devien- 
„ nentlnfipides dans fa bouche. Quanta JLady 
5, Louife , cette une petite langoureufe , qui ne 
„ fauroît entrer en confidéracion : ^ fi elle.v^. 
loit la peine d*étre jugée férieufement, jq 
dirols qu*eUe efl un compofé d*affe6lat.ipq^ 
^, d'impertinence & de vanité. - ,. 

Vous mefurprenez, Monficur; pouvez* 
vous en bonne confciençe entretenir une aufl| 
mauvaife idée de ces Dames, & leurprodj^- 
guer unt d'attentions, tant de politeiles? . 
Des politefTes 1 — hé , mon ange , jç fer oîf 
homme i me mettre à genoux devant ailes, 
à les adorer , pour me procurer la félicité 
de vous voir! Rapelez vous ma déféiçnce 
^ pour le brutal Capitaine. Mirvan , & pour le 
,^ gendarme qui fe fait pommer Madame DU; 
UL Partie. t 



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tS* Ë V £ L I N A. 

^ vttt. S*n pouvûit exifler une eréeture ^Slbt 
ip horrible pour réunir tous les défauts de ces 
„ différens caraûeres , — une créature qui ras- 
,, feâblic (afiertédeMdiii^Beaumônt, iate-u- 
„ calité du Capitaine Mlrvan , lapréfomptioa 
»y de Mdme SelwyUy Tafie^ion de Lady Loui* 
ft fe,41abaffeffetieMdineDiival;— cemoll• 
^ ftte même, recev^roit encore «es bomma» 
^ ges, ii par cette ctindeicendance je faVois 
9, gagner un mot , un fetfl regard de moa 
^, adorée Mtf An viUe. 

», Vous vous trompez, Monlleur^ fi vt>ii$ 
il vous isaginez qu*une teMe duplfcitépuiflè 
I, vous fervir de rdcofflnnandàtîon chez moi ; 
„ d'ailleurs }e faîfis cette occafion pour voua 
i, pritr de m'épàrgn» un pareil langage à 
^ revenir» 

,^ Oh ! Mifs , votre ft«ide»r , vos reproches 
gf tue percent 4e cœur: traîtez-moî avec moins 
^ de rigueur, & vous ferbz de moi tout ce que 
M vous voudrez; -*-« vous gouvernerez; voue 
„ ^dirigerez toutes mesaftions, vous ferez do 
^ mol un tout autre homme , jen*aurai de de- 
I, Tirs que les vôûresf aécordez-moi du moina 
;; votre pitié, fi vous êtes décidée à me re- 
;, fuTer vos bontés. 

„ Encore une foî^, Monfieur, finiflfez cea 
^ difcours; il$ me déplaifent uop pour qu'iJ« 



k. 



i pui(&ot jaiqaîs ;fi^]:& fortune chez moii. Jui» 
^ qu*Ici vous n'avez qt^e trop tueii téuill i IQ19 
1^» tQmrmenter , & je vous préviens que fi vouf 
,^ ne ch^gez entièrement de lang;^ & dç 
j^ conduite â mon égard, voua me chaflçrey^ 
„ partout où vous ferez." 

Je m'étois levée, réfoIuedeiii*en aller ;Qaii 
Sir Clémeqt me retenant toujours fejetaimes 
pieds , & s'écria du ton le plus paflioané : 
», qu\>rez vous dire, Mifs! eftil poflitile quo 
^ vouspoufiiezvptie&oideurmorOeUeJi^qu'î 
ji me défendre Je moindre rayon d'efpéraocef 

»> J*ignore, MonGeur, de quelles efpérat^^' 
,1 ces vous parlez ; ai je jamais pr^endu vouf 
)» en donner ! 

,9 Ha, vous me mettez hors de moi-méme» 
^ & je fie puis endurer plus /oiigtemps yotroi 
^ mépris. Modérez cette ^tréme cruauté , Il 
M vous ne voule^ meréduireaudéfefpoir: dJk 
t, tes du moites y belle Inexorable »* dites di^ 
^, moins que mpn état vous f*it pitié. -— r 

Dans ce mémi^ moment un. malheureux h^ 
(ard conduifit IVÎylord Oryî(le devant le biw- 
oeau où uqMs étions aflisC Sa vue fut pour moi 
un coup de fqudre; il pâlit luinnéme ^ parii| 
interdic. Il fe difpofa à retourner fur fes pas» 
mais je rappelai à mon fecours» &j'exhortM 
féverement Sîr Clémqnt de lâcher ma Ofûi; ci» 

la 



i3« tv thïrf Hi 

luî-cî fe leva , niaîs îl me' reteirbtt toujours ft 
le Lord peu attentif i mes crrs, cbntïnuafon 
chemin-, jufqu^à ce qu'il m'entendît appeler 
nhe féconde fors. Alors il revint "i/ers nous; 
en difant *i' Sîr Clément d'un graffd fang froid : 
„ j'efpere, Monfieur, que vous ne retenez 
,, pas Mîfs Anvîlle malgré elle. ' 

„ En tout cas, Mylord.ripoffa celui -cî, 
„ Je puis me paffér de l'honneur de votre 
^ entremîfe.* ' ' ■ ' ^ '' ' *' 

En attendant Je m'étoîs xJ^Barraffée de fe* 
mains & jeme fauvaî auplu'svîte. Mescraîni 
tC8 fe tournèrent alors ver^ les fuîtes que cette 
rencontre pou voit avoir,' a j appréhfe'ndai for- 
tement que Torgueil humilié de Sîr Clément 
le portât à" provoquer WylôrdOrVille: je crus 
devoir recourir à'Mdme Sel wyn, &enmepré«^' 
cipitant dam fa chambre, je là priai tl^une ma- 
nière à peine fntèllîgîble de vouloir bien fairr 
an tour do -côté du berceau.' Il n'en falut par 
davantage pour lui nïfjiîrer quelques foupçonr 
& elle partit afvec la viteffe cîe Péclarr. 

Je Vous laifTeà juger dans quelle impatience^ 
j'attendfi fôn retour ; à peine pus-je réfifter' 
i la tentatibn delafuivre; elle revint enfin & 
me rapporta un entretien des plus intérelfans , 
dont j'a vois été l'objet: Je vais vous en faire 

part» Mbalieûr; mais j'otnettrai^ les* comrnen-' 

•. l 



FV<B ht V £ Qi 

taires & le» iÀtHfes dfmt Mdiae S«t«^>eRtre« 
kriia^pn fécrt;' voore imaglttatioA les fup« 
pféera aifiéipent. 

/ Mdme Sfliwyn trouva les deux cavaliers afCi 
traoqi^llentpefdanrlerbçrceau, t&s'appcrcevaot 
qu'ils étoient engagés dans une cooVerfation 
aflbz férieuiew^ie s'arrêta à quelque diftance* 
Voici ce qu'elle m'en a çomtnunîqué* ' 

Sir Clétneni avoit dit au Lord^ qu'inné cer«> 
taîne queftidn ^'il lui avoit faite le furpre- 
Doit; ,, mais, a t^ii continué, je'n'^ répondrai 
9, point, à moins que Myiord Orvillenefouf- 
y, fre que j'en propofe une à mon tour? 
: ,» Volontiers, Monfîeur. 

Vous me demandes queTîes font mes ia« 

tentions , -^ & crèyez-vous , Myiord, que je 

fois moins curijeux de coonottre tes Vôtres? 
; f. Je n'en ai montré aucune; 

„ Et à quoi donc faut il attribuer votre de» 
„• iîr de favoirles mietones? i 

: -^y A l'intérêt fincere que je prends au bienr 
„« être de Mifs Anyîlle. ■■■..>■ 
T ;„ . Un tel intérêt .eft noble; &dîgne des plus 
i9 grands élof^» mats i moins que d étrefon 
Y, père, — ^ Ton frère» ««— ou Ton amant «--• 
. ,, Je vous entends , Sir Clément ^ & je con* 
^ viens ^ue je n'ai point les droits quedon- 
«^ nent ces Jifférens titres de famiUeiTpoariiio 

l » 






tsi BVELINM 

iy immetli ia^eg techeiches fur cb qui fcgirSe 
^ft BAift Anvilie ; cependant jlavoue en mèmt 
„ temps que je ne defîre rien de pîus que ào 
,» lui rendre fervide & de iavèir beur'eùfe. 
9» M*ezciiierez-vou8 donc iî je prends la Ih 
^ berté de répéter ma queftion? 

9» Oui, pourvu que vous mé permettie2 
,^ de vous r^éter qu'eiie me parolt des plu^ 
,, itngulieves. 

», Soit , mais ia (ituation de cette Derooifelic 
^ me femble l'être tout autant; elle eft fort 
'„ jeune» (ani expérience & abandonnée â fa 
ff propre direétion. Je croirois qu'elle ne s*ap^ 
„ perçoit pas des dangers qu'elle court, &je 
y, ne vous diflimulepas, Monfieur, que jemé 
„ fensunevocatîonpourlesluifiireremarqtier^ 

,y Je ne TOUS comprends pastrop» Mylord; 
^ mais j'efpere du moins que votre deflein 
I» n'eiï pas de k prévenir contre moi ? 

i> J'ignore, Monfieur, ce qu'elle penfe de 
^t tous; j'ignore quelles font vdsinteiitious à 
9t fôn égard. Peut être, fi j'étois mieux ia- 
„ ftruît de Vos fentimensréciproqùes ; tne ver« 
„ riez*vou8 moins officieux, maîs}en^aipasla 
I, préfbmptiondedemaqderdansquelstenaesr 

,, Vous (aveXf Mylord, que je nefiiispas 
^ aflbz vsin ' non plus pour vou$ (lire qiie j> 
^, ;«ie iâ /du y&r ; cependant avec un peu dd 
9^ perfévérance 



• 






evelika;: t3f 

a^ vous ècea donc réfoia à perC^vérer? . 

„ Oui, déddéioenc, Mylûrd. 
Dans ce caa» fouffrez^ McMifieur, qm j« 

vous parte avec franchife. Cette jeune De* 
i« motfelle, ,quoiqu*abandonnée à die «mémo 
^£ !&en quelque forte fans protection, nemaof 
^ qu^ pas abfoiitnieot d'amis; eUeeftparfàiter 
„ ment bien élevée i à. on voit qu'elle a véoi 
^^ en bonne fociété ; fa vertu & fon eQsritfe- 
^ foient honneur à tous les rangs , même aux 
^ plus élevés, & une telle perfonne n'eft pas 
^ faite pour être amufée: onconnoltvosprinf 
^ £^s,Sir Clément; excufez ce petit reproche» 

ft Oh! cefont &:s propres aflFaire»^ die a 
1, trop d^ jugement pour avoir befoin d*étro 
^f 'confeillée. 

,, Je ne lui difpute point un jugement (àia 
9». ft (blide, mai^ &n âge & l'ingénuité defoa 
^1 çanâ&re ne la mettent pas aflfez en garde 
», contre de certains (ovipqons qui me parois- 
»,. Aoc très^fondés. 

. |, ^Myiord , vos éloges m'infpîrent quelque 
^ défiance fur votre désimérenemept. l\ny% 
if' p^fonne au itiondq que je craindrois pour 
^ rival autant que vous: mais qu'il me foit 
9» permis^ de vous dire que vous m'avez fii» 
^ rieufement trompé dans cette affaire. 

„ Monfieur^ ^ de grâce 1 qu'entendç^Évoqt 
«9 par là. I 4 



10S E V«E L>I N à. 

« 

i,^Soiimez*vou$ » Myford, que lorfqûé nous 
,• parlâmes .pour ta premieré^fbis de Miff An- 
n' viUe» vous vous êtes exprimé à fou' fujet 
i/dans des termes qui s^accordest peu aveo 
;» votre panégyrique aébue(; il vous plut alors 
^; de l'appeler fin* fUh fimplt , /anr ^tfc^ 
^ & je ne pus gueres m'imàginer que rous 

^ aviez d'elle une (î haute idée. c 

• »> II eft vrai qu'au premier abord je ti*ai 

^ point rendu juftice à fon-mérite; maisjUgDo- 

n rois< alors combien elle éioit novice. Au? 

91 jourd'hui ce n'efl: plus la même chofe, & 

•', j'ai, eu occaGonde me convaincre, que ce 

t^ qu'il . pouvoit y avoir de fingulier dans fa 

;». conduite étoit uniquement l'effet de foa 

„ inexpérience , de fa timidité & d*une vie 

i> trop retirée; car je lui trout^e desconnois- 

'^ faoces y . fiels, feniibîiicé & beaucoup d*in* 

^, ttoiligence. Elle Hé rei&inble pas à la plupart 

^' de .nos jeunes femmes, qu'on coiitioU à 

,, fonds au bout d'une demi*heure. Les bon» 

;, nés. qualités, de MifTAnville font cachées par 

9,. fa modeftie & fa timidité; il faut du temps ^ 

-^ 4es encouragemens pour les faire parottro 

^rdans tout leur jour. /Joignez à cela queCi 

^beauté ne frappe ^^Miscaups defurffife,i 

», elle, gagne le cœur petit i petit, & s'es 

^ esipace comme par encbantemeor» 



■ 

ri 



J9 



.% V E L I H A. 137 

Hii]/tè- là, Mylord, il n'en- faut pis da« 
,9 vantage pour expliquer l'intérêt que vous 
prenez à Ton bien • être. 

Je ne me cache point de Tamitié & de 
,, reftiflie que j'ai pour elle; mais foyezper- 
fuadé, Moofieur, que.fi favois laiffé voir^ 
MKFAnviileid'autres (entîmetis que ceux d# 
„ l'amitié la p^ùs: délintérefféfe ,. jer. vous auroî^ 
„ épargné notre converfation. Mais,puifque 
^ons ne juge»pas à propos: de œefairecon- 
noStrcrvios iacantiona,' nous ne poufferons 
par'ceote .'matière plus loin. 
• „ •A'dite.\5rsi, je nettes connoîs pas trop 
„ moi-même. Miif AnviBe èfttine très -aima- 
bler'4>er66inî<^;.& fi j'étois homme à me ma- 
rie^ ; eUê ifêtoît de tautes les femmes du 
motK^, <ce}le donc jevVOudrois faire moii 
^oufe. «Maïs je àxatençi» votre pbilofo- 
„ phie même puiife me côû*feill«r de prendre 
^^ des ^en^gemens de cette nature» avec une 
j, fille d'iinenaiflknce.obfcare, qui n'a d'au- 
ii trdddt que fes beaux. yeux, à qui proba* 
„ blèitient !eft dans i^ dépendance, 
i 9, Soàsio&w'difcUterons pas. davantage lâ« 
,,.' dôffusv'&ipviiique iiousifçsQmes tous deux 
„ "maîtres de notre volonté «^ no.Uî> agirons cha- 
,, cun (Woacnoiïe; Jjop.pUifirk" . , 
' MdmeSet0^^xn|teaf)|.d'^refurprire, & 



y» 

w 



m X V E L I ir II 

Voy^fUtcflfleun que mes foti^ds ëtdiffit md 
fbadét, qoitta fcai pofte & vint me rendra 
coiopce de ce qu'elle a^oit cfntendo. 

Qud homme que ce Sb Clément ! quel cœur 
vok^, que de nifeSi que d'artifices! Eu aç» 
imdtotil fe trompe lourdement, car cette Wp 
fi pauvre ^obrcure, loin d'ambkioixoftifl^hoiV! 
tiear de fou .'alliance , la rejettera bauc 1?, 
msdn^ àpripM &àjmmd/. 

Qoanc è Myiord OrvîlJe : -— mais n'en pai;^ 
tonspas.— Voiusrae Jirez vous-même» Mon- 
fieur, ce que voua en penfez» fî fk «oaduite 
n'eft pas celle d'un parfaitement galant- hom- 
me , fi j^ir tort de Padmiren 

Jétoisnn peu jconfofe de reparottm ea^iré* 
fenci! des deux parties, après te débat fingftUet 
doncfavors été l'objet : je ne pus cet>endaQ£ 
oie dirpenft^r décemment de dîner avee eux. 
Sir Ciémenc fut diftraît & mal d fon atfe pen- 
daotfe repas; fon efprît étoitvifiUementila 
torture: îlmeveilloit de près, ilépidt égalç- 
ment Mylord Orville. Je le traitai fans le 
moûi ire ménagement » étant décidé»: d*évîte^ 
i l'avenir toute ton vetfatSon aveclut; je fuis 
trop irritée pour fouflPrîr plus longtemps fes 
infultântes affidultés. 

Je n'eus pas une fede fois le courage de ren* 
conuor les yeux deMylord Orville : fii vue & 



E V E L I M t> fS» 

t. 

le feuvenk de ce qui s*4toU piffé , oie tint 
jpout ainfi dire en refpeâ; je zedoatois Ci fa- 
gacité : . jei n'ai pas quitté Aidne Selwyn du 
•refte de la journée. 

Adieu, mon cher Monfieur^; j'actens de- 
main des lettres de votie part; dtos décide- 
ront, je peafe, de. mon éips^tf foît pour 
Berry*Hiil, ou pour Londres. 



^mtiimmmÊmmÊÊmJUm 



LETTRE LXXIL 

Continuation 4e la Lettre /ÊvelinA, 

6 CjCtobre. 

M a lettre d'aujoardliaî ftra vràifetoblablo- 
ment la demfere«:îue vous nece^^rei de Cliftpn ; 
^e récris ^ans lUfô agitation <^î me permet i 
peine de cojiduîfe ma pluihe. 

Je fuis dêfceDdue affez tard te matin , & mal- 
%té tctce pirétautiofii Mylofrd Orville écoït-en- 
totfe feùl dans k falle. J'eto^rs un peu décon- 
tenancée de me trouver câté i tife avec Ini , 
%|>rès av^oîjf évîéé (î longtemps ufie pareille en- 
•trevue. |e fus fur le point de quitter ipabord la 
-chambra; maïs le Lord me retînt : „ fî je vous ia- 
.,^ commode vdit- il, je ftiis prêt à me retirer. 
• „ Non , Mylord , je fa^étôis pas vemiepottr 



y^ TCPreç.- •' ^' ' 



„ je m'étois fiatté cependant /*'^è vous 



041 t V E Lvt K A. 

^ m'accorderiez ua moment cî'entretien.'' 

Je revins for mes pas, prefque involontai- 
Temei3t,&0 ajouta' après une courte paufe: 
„ vous £ces bien bonne, MlIT, d'avoir 
9, égard à mes prières; ifepuîs longtemps déjà 
,9 je cherche l'occafion de vous parler/* 

Je ne lui répondis rien, & il pourfuivît: 
9 vous m'avez permis, Madame» d'ofer pré- 
„ tendre à votre amitié, — de m'intéreflerà 
y, ce qui vous regarde , — de vous appeler 
„ du tendre nom de fœur. J*ai reconnu cet 
,y honneur comme jeledevoîs ; mais j'ignore 
y, par quel étrange accident j'ai eu le malheur àç 
,» m'en rendre indigne. Tout eft changé de- 
„ puis quelques jours; vous me fuyez , — mt 
y, préGsnqe vous eft à charge , vous évitez 
^ avec foiii ma converfâtion." 

Cette imputation ^ite d*un ton très-férieux , 
ne fit d'autant plus de peine qulelle étoi't fon« 
dée: j'en fus honteufe; mais je ne répondis 
pas encore. 

9 J'efpere, continua le Lx>rd , que vous i^ 
y, me condamnerez point fans ra'entendre. 
M Si j'ai eu le malheur de vous déplaire , di- 
„ tes -moi comment; je ne délire rien de piqs 
„ que de réparer ma faute, & je ferai tout ce 
9, qui dépendra de moi pour mériter moa 
M pasdon. 



V 



E V fi L I N A. ut 

m 

», Mylord \ vous pouflèz la polîtefTe trop 
„ loin; non, vous n'êtes coupable de rien ^ 
>t je D*aî pas idée d'avoir été offenfée par 
•» vous;& s'il cftqueftion d*excu[ês, je vous 
y, en dois plutôt, que je n*en attends de vo- 
i, tre part. 

„ Vous êtes la douceur & la bonté même, 
M & je me flatte qu'il me fera permis dévoua 
»» redemander des titres qu'il mimporte tant 
»» 'dè'cohferver. Maïs, toujours occupé del'i^ 
„ déé inquiétante de vous avoir déplu yj*efpe* 
„ re, Madame, que fans être indifcct , j'o- 
)9 terai vous fuppiiertlenepas me laiflërfgno» 
9> rer ce qui peut avoir caufé uo changement 
if fir fubit & il pénible pour moi? 

„ En vérité, Mylord, cela n'eft pas 

„ fi aifé, je ne le puif, 

,,. Je rougis d^étre auffi preflânt^ isafs il 
f9 eft peut*étre nécefTaire que jefoiâ tiré d^- 
,, reur, & c^eft de vous feule. Madame, que 
,9 j'attends une explication. D'ailleurs, V4po^ 
„ que de ce changument méfait craindre^ — • 
me permettrez «vous de vous fairt pan de 

mes conjeftures? ' 

„ Et pourquoi non, Mylord? . • » 
„ Dites - moi donc , ^ & pardonnez enniA» 
tue temps, unequedion delà dernière coo» 
féquence, •— Sir Clément WîBouglIbyii'ear 



99 



/ 



14% 0, jÇ V P mi A. 

^ ^0 -c - il pa| pour quelque choie dans CQtté 

M Fouf Tion di; tout, ]idylord*'répondl8*je 
d*m) ton fej^. 

»> Milli? & mille remerdmens ! vous me fou* 
,« lagez d'un grand fardeau,-^ Mais degraco 
^, C^ncasç un mot: — n'eft-c&pasâSlr Clé- 
,» m^Kt qi^e je dois attribuer une partie de 
fp la r^G^ire que voUs vous êtes împofée à 
^ y» mon égard ? car , fi j'ai bien calculé , elle 
M date du jour méiue de fon arrivée aux eaux. 

,, N'attribuez rîepà Sir Clément; Il ne fau* 
^ roit avoir la n^olndre influence fur ma conduite. 

,y Fuis-ledpncefpérer que vous me rendrez 
,, cette même confiance & ces mêmes bontés , 
,, dont vous m'aviez honoré avant fon arrivée?" 

Pour mon bonheur Mdme Beaumont vint 
fiOUS iotçiirompre ; — ^ je ne favois plus que 
répondre : uous déjeunâmes enCemble. 

Mjdord Orville fut de la meilleure humeur 
poffibte « jamais je ne le vis plus gai& plus ai- 
laablç* Bi^t^tiprés Sir Clément fe fit annon^ 
cer s il V^Pit > difoit - il , rendre fes devoirs i 
Mdme Beaumont. Je me retirai dans ma cbam« 
bre > où je dçn^ai un libre cours i mes réfle* 
jdons;, j-'y Couvai des motifs de confolation& 
40 nouvelles allarmes ; c'efl: dans cet état que 
j9 re^tts y9^e . chère lettre. 



E V E L I M A. 143 

Ha , Monfiear » que je fuis touchée des vœux 
&des prières qaevous faites pour votre £ve- 
lina! que je fuis reconnoîfTante des béoédic- 
tions que vous répandez fur mol 1 .— ^ Je 
^îr vous ^ktcr pour me jeter entre ksbrm de 
men père légitime ! O vous, qui avez été le 
guide, Tanii & ie proteâeur de fua jeuneflê, 
vous qui avez eu foin de mon enfance, qui 
avez fomé monefpr(t,qui m'avez coiifêrvé là 

vie ! c*eft vous feui que mon cœur avoue 

pour ptre , c'eft à vous feul que je jure une 
obétiIance,ifne gracitude.une cendrelfe étendle 1 

J'augure affez mal de l'entrevue à laquelle je 
fuis appelée; mais quelle que fait llmporance 
de cet objet, je fuis entièrement occupée dans 
ce moment d'un incident dont je dois vous 
rendre compte incefiamment. 

Je n'ai pas manqué d'informer jMdme Scftvyn 
du contenu de votre lettre. Elle me parut bien^ 
aife de vous voir de fon avis, & elle fixa d'à* 
bord notre départ i demain matin. Lachaife de 
poftefut arrêtée pour une heure après minuit. 
£Heme ditenfuîte de faire ma maHe pendant 
qu'elle s'amuferoit à conter quelques fornettes i 
MdmeBeaumonr ,pour la préparer i notre départ» 
En allant dîner je retrouvai Mylord OrviBe 
de tout auifi bonne humeur qu'auparavant; 11 
l'aiCi i côté de moi, plaiûrma fur mon gvftk 



144 E y E L I NA. 

pour la retraite , & il gurolt été eo droit de me 
repéter ce qu'il m'a dit dernièrement ifii'tl ptr* 
doit jes peines À me divertir,^ En effet,. l'entre- 
prife eût été difficile: j'étois tri(le& abattue; 
ridée d'une entrevue folemnellc, -- — celle 
d'une réparation douloureure»««-'pefoit trop à 
mon cœur, pour quejefuiTe roaitrelTede mon 
èfprit.Je regrettai même l'efpece d'explication 
que j'avois eue avec Mylord Orville; pourquoi 
falloitil que nous quittaflions ruii& i*autre le ton 
réCfttvé que nous femblions nous être impcfé* 
Il fut queflion pendant le repas de notre 
voyage à Londres , & cette nouvelle parut con- 
fterner Mylord Orville. Un nuage épais fe 
répandit furfa phyfîonomie , & il devint près- 
qu'auifi penfif&auin tranquille que moi. 

Mdme Selwyn, occupée de fes préparatifs, 
fe retira en fortant de table, & me pria de lui 
ralTembler quelques livres qu'elle avoit lailFés 
dans la falle à vifîtes. Je m'y rendis pour les 
chercher, mais quelle fut ma furprife devoir 
que Mylord Orville m'y avoit fuivi* Il tira la 
porte après lui , & en s'approcbant de mol 
d^un air inquiet, il me dît: ,^ efl-il vrai, 
„ Miff Anville, que vous partez I 
„ Je crois qu'oui , Mylord. 
,j Faut -il que je vous perde- fi fubîtement, 
. „ au moment où j'y penfois le moins! 

- La 



99 
9» 



B V E L I N A. H5 

;; La j;>ertç n'eft pas grande Mylord. 

„ Se peut -il 9 MifT, que vous doutfez 

de ma bonne foi! 

4, Je ne comprends pas, répondis -je en 

continuant â chercher » ce que Mdme Sel» 

wyn a fait de fes livres.—— 

„ Ah / û j'ofois me flatter que vous me 
„ permifllez de vous prouver jufqu*où va la 
,9 iincérîté de mes intentions l 

„ Permettez , Mylord , que j 'aille trq^ver 
yy Mdme Selwyn. 

,, Quoi! vous me quittez, " (& il me retînt 
en même temps parla main)», fans me donner 
„ la plus légère efpérance de vous revoir? En* 
,y feignez -moi du moins, ma trop aimable 
„ amie, à fupporcer votre abfence, avec un 
„ courage digne de celui quc^ vous montrez 
,, vous-même. 

,9 De grâce, Mylord, laiiTez^md!. 

„ Oui , s*écria - 1 * il , en fe jetant à genoux , 
„ oui ,}e vousIaifFerai, ii vous le voulez ainii, 

„ Que faites - vous , Mylord ? au nom du ciel 
„ levez- vous, Mylord Orville à mes ge- 
„ noux 1 Non , je ne vous croyois pas aflez 
„ barbare pour vous jouer de moi. 

„ Me jouer de vous ! ha ! que j'enfuis élot- 
,, gnél Non, Miff; je vous eftime, je vous 
,, admire , je vous refpeâe plus que per« 

///. ParHi. K ' 



Î4* E V E L I N A. 

;, tonne au monde. Vous êtes Tamie qtxemon 
„ cœur s'eft choifie, & à laquelle il rapporte 
„ tout fon bonheur. Vous êtes la plus aima* 
p, Me & la plus parfaite des femmes , & vous 
,, m'êtes mille fois plus chère que mes péroi 
^ les ne fauroîent l'exprimer." 

Te n'entreprendrai point de vous décrite , 
MonlieUr^ce que je fentis dans ce moment i 
je refpîroîs à peine, je doutois prefque fi j'é- 
tois en vie» tout mon fang Ce glaça dans mes 
ireines , & je n'eus plus la force de me foute^ 
îjlr. Mylord Orville fe releva en furfôut, 
il approcha un feuteuil, & j'7 tombai pres- 
que fans conttoîfl&nce. 

Nous reliâmes plufieur minutes fans parler. 
.Mylord Orville me voyant cependant un peu 
revenue 9 rompit le iilence; 11 me demanda 
pardon en bégayant de fa viv^acité. Je voulus 
m'en aller; mais il me retint par force. 

Effayrai-je de tracer la fcene qui fuivftP 
comment vous la rendre , quoiqu'elle foît gra-^ 
vée profondément dans mon cœur? Maïs les 
difcours d'Orville, fes proteftatioos étoient 
trop flatteurs, pour que je ne prenne pas phîfir à , 
les répéter, J'avoîs cherché plufieurs fois à 
quitter la chambre, il s'y oppofa avec opiniâ* 
ZKté; '"^ en un mot, Moniieur , je ne put 
teak coBtte fes inftances réitérées» .-^ & il 



B V E L I N A4 t4r 

téuffit à fi'amcher ie ftcret le plus ùaé de 
jhon cœur. 

Je ne fais depuis quand nous étiobseofem* 
ble 9 mais l^dme Selwyn impatientée appaiem* 
ffleot de ma trop longue abfence , vînt me 
chercher» &, en ouvrant la porte, elle trou* 
va . • . Mylord Orville à mes genoux. Jugez » 
Monlieur » de ma honte & de mon trouble ! •*— 
drville fut déconcerté autant que moi ; il fo 
leva un peu confus , & Mdme Selwy n fe donna 
le temps de nous regarder Tun après l'autre 
&ns dire mot. Enfin elle adrefla la parole au 
Lord: „ avez- vous eu là bonté, lui deman* 
», da-t-elle de fon ton de farcafme, d'ai* 
,f der MUT Anville à chercher mes livres ? 

„ Oui , répondîMl en affe6)ant de plaifanter , 
„ & j'efpere que nous ne ferons plus long- 
p, tèros à les trouver. . . 

„ Vous êtes trop bon , Mylord , ftil^y au« 
jfy roit de Pindîfcrétion à vous faire perdre vo- 
„ tre temps!" Puis, fe tournant vers une des 
croifées, elle y prit les livres qu'elle âvoit de* 
mandés , & nous en diftribuant à chacun un 
volume, elle ajouta : „ tenez, de cette manie- 
,, re ma commiflion nous aura occupé tous 
,j trois, & nousnèrelFemblerons pas mal aux 
„ domeiliques diiTambùur noSume." Elle fox- 
tlt en nous lançant un regard très-etpYClS£ 



Y4I B VE L IN A., 

paurôîs dû la faine » mils Mylord Orville 
me prefla de demeurer encore un in fiant; il lui 
reftoit, dit*il, quantité de chofes intéreilan» 
tes à nie dire. 

,> Non, Mylord» lui répondis -je» je dois 
jy vous quitter, je ne fuis demeurée ^ hélas l 
», que trop longtemps. 

,9 Regrettezvvous fitôt les bontés que vous 
„ avez £ues pour moi? 

„ Mylord , je ne fais plus ce que je fais » 
., je fuis toute hors de mol > n}émc. 

„ Une iicure d'entretien dîflîpera toutes vos 
„ inquiétudes, & me confirmera mon bon* 
„ heur. Quand puis -je efpérer, Miff, de 
„ vous voir fans témoins? Serez -vous de- 
,, main matin à la promenade? 

„ Non, Mylord» jô ne. veux pas m*expo« 
„ fer une féconde fois au reproche d'avoir 
„ donné un rendez vous. 

„ Eflr-ce donc pour M. Macartncy fcul 
,, que vous réfervez cette faveur ? 

„ M. Macartney eft pauvre, & il m'a dc^ 
„ obligations, à ce qu*il croit du moins; 
„ fans quoi -r—— - 

' «, La pauvreté., il efl vrai , n*eft pas un tî« 
^, * cre que je puis alléguer; mais fl c'en eft un 
9, que de vous avoir des obligations^ j'ai plus 
„ de droits qu'il n'en faut pour vous dcman- 
„ der un tête â tête. 



$9 



£ V E L i N A; 149 

j, Mylord , il m*eft impoflible de refier pliii 
,, loogcemps avec vous.Que diraMdme Selwyn? 
' 4, Ne lui Ôcez pas le plaifir de faire (es con- 
„/tf5ttr«;— mais dites-moi, je vous prie, 
,9 êtes -vous fous fa direAlon? 

j, Oui , pour le moment* 

», }'ai encore mitle quefiîons à vous faire, 
„ maisii en efiune fur tout qui m'intérelTe ci^- 
„ feutiellemenc. MifT Anvi'Ile dépend elle d'eU 
^, le -feule, ou bien exifie-t-il quelqu'un 
„ dont je dois rechercher le confentement? 
Ha, Mylord /j'ignore prefque moi-mê-^ 
■ me à qui j'appartiens, 

„ Souffrez donc que je hâte Tinfiant qui 
,, doit édaicîr ces doutes , Tinflant où vous 
„ appartiendrez feule au fidde Orville/' 

Je fis un nouvel effort pour rompre cetw 
'couverfatîonScjefortis' pour m'enfermer dans 
'ma chambre. J'étois trop agitée pour rejoin- 
dre Mdme Selwyn. Quelle fcene, mon cher 
Monfieur! l'entrevue qui fe prépare pour de- 
main ne fauroft m'affeéter davantage. -— Etre 
aimée de Mylord Orville. — ^ être honorée 
du choix d'un cœur tei que le (îen, -^èl ce 
bonheur eft trop grand pour' moi; j'en ai pleu« 
té de joie; j'en ai pleuré à chaudes larmes. 
' Dans cette heureu(e inquiétude, j'attendis 
f heure du goûteh II fallut redefe«»dre; ft i 



.iBag|«nd&fa(i8l«â;ionje trouvai bfalIeiempK* 
de oonde ;-oi>eQ remarqua moins ma confufioo* 

Dn joua^.jufqu^i Theuie du foupé ; ^ylorà 
Orville mît ce temps à profit j>our m'entre* 
tjpoîr en particulier. 

Il obferva que j*avois Ie$yeu% rouges, &l1 

tpe piefla de lui en dire la raîfon : quand je lui 

.eys fait l'aveu de ma foîbleiTe, mes larmes 

étoient prêtes i couler encore» tant il mit (te 

bonté, dans les expreifions de fa reconnoiflTancè* 

II voulut auili (avoir fi mon voyage nefouf> 
froit point de délai? Je lui répondis que non, 
& alors il me demanda la permiflion de me 
fuivre en ville. 
. „ Qu*ofez- vous propofer, Mylord? 

1» Oui , je veux que nos liaifons foient cou- 
„ nues le plutôt poffible; je dois cette atten* 
„ tion à votre délicateflè, & le public verra 
j, du moins que vous n'étiez pas faite pour 
9, écouter tel & tel foupirant indigne de vous* 
. „ Ce feroit donc m'expofer de nouveau 
„ î^ux.cenfurcs de ce même public, fi je 
,i fpufçrîvois à votre demande. 
; ,? M n'eft- î) pas jufte que jç bâte l'indan^t 
,, heureux où les fcrupmles > les convenance» 
^ ne mettront plus d'obftacle a notre union, 
Mf Qfailme..fera permis, d'être à vous pour 
»> J^joùis , de nç plus ^ous quitter ? '^ 



£ V. C L 1 N A. nff 

' |Q pnflhi cot argwnenc fM4 fitetm, ft Ki^« 
Jord Orville me r^iéu comUen il d<ifiroi(t 
4'êtr0 du vayagp. 

.n Ce que vpus exiliez, Mylord» eftaUoIiif 
M qieot tmpoiBble & u'eft pas mémo en mon 
t> pouvoir. Le vQjnigd que je vais ei^trepieii» 
,, dre me privera vraUbmblableBieiit df la It 
ti bercé d*agir par itiea propres voloa^a. ^ 
„ Je ne compreoda pas trop ce qMe voui 
M Toulèz dire. 

,„ Je ne Cnurola iii'e]$»lt(^er davantage pomr lo 
», préfent; I9 tâched*ailleur8(eroitirci|ipéniblç^ 
. If Jufqui quand aie gai^deres • vQUs , MiiT, 
t9 cette cruellç réferve ? quand commenoevex: 
», vous à m'honprer de la confiance que vous 
y, avez daigné me ptometore ? 

M Soyez fur» Mylord^ que mf rérervQn'^ft 
,» pQint affedlée; mes affaires fpo^ daoa i^nf; 
,» fîtuatîon des plus embrouillées ; le réeit e|^ 
9, eft long & tragique. — * Si cependant, Qfy« 
,/ lord , tn court délai vous faifoitde la peiqc * 
„ Pardonne? , aderi^le Mifl'Anvi'le , iqon im? 
», patience ( -*** vous ne me direz rien deoeqjire. 
„ voua foubaltexez me cachqr ; ^r-r* j;0ttendi:ai 
,, tranquillement votre ç^nSdeace*' -"««^.reiite- 
„ ment j'efpere d6 votie bpaté que vq«s 1^ 
I» me laifTerez pas langufr trop longiemp)- 
f» Je ne prétends pasi l^rlord^ .Mfia f^ 

K4 



irst fi V E L I N A* 

^y cher mes fecrets , i! ne s'agit que de léco- 
^, kr cette explication." 

Orville voyant que j'étoîs réfolue â lui refti* 
fer la permîffîon de m'accompagner à Londres , 
me pria de lui accorder celle de m*écrire; il 
«joute qu*ll ofoit fe flatter que j*honoreroî8 
ibs lettres d'un mot de réponîe. 

Le fouvenîr des deux lettres que nous nous 
étions écrites précédemment , décida bientôt 
ma réponfe , elle fut entièrement négative. 
*' 99 Si je ne craîgnois point de paflbrpour pré- 
„ tomptueuxy je vous avoueroîs , MifT, que 
,y je n'ai pu mlmaginer que cette proposition 
„ vous déplairait. Je penfois qu'elle nous ai<* 
^, deroit i fupportcr les maux de l'abfence." 

Je fus frappé du ton ftrieux de cette réfle- 
xion. y» Et pouvez vous prétendre» lui ré. 
iy pondis- je , que je fois aflez étourdie pour 
gj m'expoferà vous écrire une féconde fois F. 

„ Une fecwde foisl vous me furprenez. 
> „ Avez-vous donc oublié fi vite la fottelet- 
9» tre que j*çils l'Imprudence de vous envoyer 
„ pendant mon dernier féjdur â Londres? 

,, }e n'en ai pas la moindre idée; que 
09 veut, dire tout ceci? 
t9 II vaut mîeuXyMylord » iailTer-Ii cette matière» 

«> Cela eftimpo(fible,& je ne ferai tranquiMe 
SV qu*après que vous aurez ezjdiqué cemyftêx^'t 



1 V EL I N A. tsi 

' En effet it me preilà tant que ]e lui rendit 
un compte fîdele de ce qui s*étoit palTé relati- 
Tement à ces deux lettres. Jugez de mon étoa« 
nement , Monlieur , quand il m'aiïura de la ma* 
i^lere la plus poiitive , que loin* de mavoir ja- 
mais écrit une ligne, it n'avoit ni vu, ni re- 
çu une lettre de ma part. 

Cette étrange découverte nous occupa Tun 
& Tautre pendant le refte de la foirée. J*at 
promis âMylord Orvillede lui mcfntrer lalec* 
ure qui m'a été adreflëe en fon nom ; elle fer^ 
vira peut-être i lulenfaire connoitre l'auteur. 

Après le foupé la convérfation prit un tout 
général. 

N'eft-il pas vrai f mon trè^chef Monfîeur, 
que vous me félicitez de bien bon cœur des 
aventures de cette heureufe Journée? Je m'en 
foaviendrai toujours avec joie & reconnoiflàn* 
ce. Mylord Orville, je le fais, eft bien dans 
votre efprit; vous avez pris de lui une opinion 
avantageufô : alnli j'efpere que vous ne défap^ 
prouverez point la franchife. de la conduite que 
j'ai tenue avec lui. Je me âatte donc que le 
choix de votre Evelina obtiendra l'agrément 

de fon meilleur ami; ^^c'eft l'unique fou^^ 

haft qui lui refte à former. 
. Je crois , au reile» être à l'abri de tout re« 
proche ; mon alliance avoc JIffylord fiut bon^ 




154 E V E L IK A* 

nenri ceux auxquels j*appaf tiens ^ ^Hpomnl 
apparCeoir daos la fuite. 

Adieoy moucher Adoufieur, jevcoiaécii'* 
lai dès que je ferai arrivée i Loodrea, 

L E T T R E LXXVIL 

Suite de la Lettre (tÈvi^Lii^ h. 

CUfiioOy 7 Octobre. 

Je me fuis trompée, moB ch^ Moofiettr,eii 
vous auDOuçant que je ne vous ictmi plus 
de Clifcoq; mouwjFi^e a été différé 4c }V 
jDore jnfqtt'â quand. 

J'ai vu aujourd'hui Mylord Or ville au déjott* 
ué ; U me pri» dé tut accorder un moment d*en* 
Uetiea avant mw depturt, &11 me demanda la 
permiffioD dlolèx venir me joindre au jardin* 
je ne lui rendis point ; mais il eft poiliblé 
que mes yeux luiaîentditquejenedéfapprou* 
vois pas cette enordvue. Il m'importpit d avoir 
des informations plus claires au fujet delà lei^ 
tre. ]e m-écljp&i donc le plutôt poffible & je 
montai pou)c fo're[.une courte toilette; mais 
avant que d'aitlv^r^dansma chambre» j'çnteti* 
disMdmeSeljvjrinquImecrîoic d*en bas : ,, MifT 
n Anville » fi vous aUea à la promenade je voua 
„ acccmipagnetdi idites , s'il vous plalt » i Jen* 
n ^f qtt^ tt'4)pQrte mon chapeau/' 



« y B I« 1 N a; jf ; 

Voxlxév\tefÇfi^co^tfeps^tps}tm fans 

^t^pvue, danf,l*3ntichambrei oùjé me]^rôî)0- 
/bis d'attendre, tranguillemept jûrqu*i ce qoa 
ïtdine Selwyà e/^c pris d^iautres arraqgemens ; 
jDiai^ ce projet réunit mal» & je fus intenom- 
pùe pas Sir Clément Willougbby. 

Au iponjenj^ où cette viiDite me (uryict, |â 
ienoîs à la main la lettre que je voujois mon"^ 
frer ià MylorJOrvillç: j'eus la nialadreflfe de 
la laifler tomber^ & Sir Clément, plus ^lertô 
que moi , s'empre/Ta dfe la relever ; il âtlpit me 
la rendre, quand par un malheureux hafard il 
remarqua la fignature : il fe mît à lire tout 
haut le nom à:Orytlle, 

Piquée de cette indîfcrétion , je voulus lui^ 
arracher la lettre ; mais il eut la hardiefle de m'6 
la refufcr, & comme il vit que je^l^ rêdefnan* 
dois avec quelqtie vivacité, il ofa me dire: 
„ Bon Dieu, MifTAnvilIe, fe peut-il que 
„ vous attachiez tant de prix à cette épître?^ 

Cette queftion impertinente ne miéritoît 
point de réponfe, mais Sir Clément n'en 
demeura pas là ,• il fe mit en devoir de ferrer 
la lettre , & ' alors je lui fis entendre ijue 
j'exigeois abfoîument qu'il me la rendîf, 

„ Vous me direz donc auparavant", reprît 
„ il, fi depuis celte lettre vous en a'veV reça 
l, d*autres de la même pcrfonne. 

,j. Non , jamais. 



156 "E V E E I N A. 



,y Et me promettez - vous aufïï, MilT, que 
vous n*en recevrez plus de lui dans la fui- 
te? Ce feul root, ma chère, &je ferai lo 
plus heureux des hommes. 
», Monfîeur, il eft queftion que vous me 
rendiez la lettre. 

,, Quoil fans lever mes doutes, fans me 
cirer de l'incertitude cruelle où vous me 
voyez ? Du moins je fauraî auparavant s*il 
eft bien vrai que Todieux Orville ne vous 
a écrit que cette fois. 
„ Et quel droit avez - vous de me pres- 
crire des conditions? 
„ Que d'inquiétudes , ma chère , 'pour cette 
abominable lettre' En conCclence vaut-elle 
la peine que vous vous en chagriniez un 
îaftant? 

„ Mais encore , Monlîeur , elle m'appartient, 
& je veux une fois pour toutes 



»9 

9> 



99 

9f 

»» 
99 

« 



9f 



Je dois donc penfer que le contenu mé- 
rite tout votre mdpris , & qu'elle ne vous 
intérelTe que par le nom de l'auteur. 

„ Comment, Sir Clément, vous 

ôfez! • des foupçonsi 

„ De grâce, Mîff, vous rougîflez, 

vous vous troublez. . Ciell fcroit-il 

vrai que mes craintes fulTent fondées? 
„ Je ne fais, Monfieur, ce que vous pré- 
tendez dire; mais je vous prie inftaai* 






E V E L I N À. 157 

y» ment de me rendre ma lettre & de voua 
,, modérer un peu. 

,9 La lettre i ha » je vous protefte que vous 
^y ne la reverrez plus ; il faDoit la brûler le 
„ moment même où vous Tavez reçue! & 
,9 auflîtât il la déchira en grinçant les dents.** 

Je demeurai ftupéfaîte des, excès de ce fu- 
rieux, & j'écois furie point de le quitter; mais 
il me retint par ma robe:,, non > sVcrîa*t-il, 

vous ne vous en irez pas; je ne fuis fou qu*â 

demi, & vous devez achever votre ouvrage. 

Mylord Orville connoît«il vos fentlmens? 
fy répondez; dites qu'ouf , & je promets de 
„ vous fuir pour toujours. 

„ Au nom du ciel, laifrez*moi, Sir Clé- 
„ ment; vous me mettez dans la néceifité 
f, 4'appeler du fecours. 

5, Oh, appelez/ appelez, cruelle! il voua 
f, faut des témoins de votre triomphe , qu'ils 
„ viennent! mais vous raflcmbleriez ici l'unf- 
„ vers entier , qus je ne vous quitterois pas 
„ avant que vous m'ayez répondu. Encore 
„ une fois, Orville fait- il que vous Taimez f 

En tout autre temps une queftion auffi brus-" 
çue m'auroit embarrafTée, mais dans ce mo- 
ment-ci elle m'intimida; & je me contentai de 
répondre aux extravagances de Sir Clément, 
ifue dans la fuite peut-être je pourrois fatisfaire 



IS8 E V E L i !♦ A. 

fi curiôfîtè , maïs que polir le préfent Je te * 
prloîs de me laifTer. 

„ U fuffit, reprit -il, jô vous entends: 
„ t'artifice d'Orville l'emporte, j'ai été là' 
,, dupe de fon fang-frOid & de fôn fiegmr, % 
,» vous l'avez rendu le plus heureux dei 
„ hommes. — Encore un mot, & je finis.*— 
„ Vous a- 1. il promis de vous époufer ?? 

Le monilre! cett<e quellion infolentemefic 
rougir d'indignation ; j'eus aflez de fierté pour* 
ne pas répondte.* 

„ ]e vois clair maintenant» je fuis perda 
„ pour toujours**. En prononçant ces paro- 
les , il fe frappa le front de la main , & fa 
promena à grands pas & dans une eitréme 
agitation. 

U ne. dépendoit plus que de moidefortîr» 
mais je n*en eus pas le courage; un mouve- 
ment de compailion me retint encore, & c'eft 
dans ce moment que je vis entrer Mdme Beau* 
mont , fui vie de Lady Louife & de M. Co verley. 

„ Excufez, dit la première à Sir Clé* 
„ ment» û je vous ai fait attendre; mais — »- 

Elle n'eut pas le temps d'achever, Sir 
Clément , trop confus pour favoir ce qu'il fai- 
foit, prit fon chiçeau & décampa brufque* 
ment fans dire mot à perfonne. 

n emporta toute ma pitié; cependant j^efpe» 



£ V E L I kl A. X59 

re & je foubaîte de ne pas le revoir de fitât. 
Mais que faut- il» mon cherMondeur, que je 
penfe de fek propos (ingulîers au fujet de la 
lettre? Ne diroit- on pas qu'il en éft iul-méme 
l'auteur? Comment auroît-il fçu fans ce!« 
qu'elle eft d*un contenu aufli méprifable ? I>aîl« 
leurs hors Sir Clément je ne connoîs aucun 
être vivant qui eût pu tirer quelque avantage 
de cette fupercherîe. Je me rappelle auffi qu'il 
palTa à ma porte le moment 'après que j*eua 
donné mon billet à la fervante du logis ; ap« 
paremment qu'il Tavoit gagnée y pour le lui 
remettre & me faire parvenir enfuite une ré« 
-ppnfedefa Façon. Voilà la feule explication 
que je puiQe donner à cette affaire. O Sir 
Clément! fi par vous-même vous n'étiez 
déjà afTez malheureux, comment pourroîs-je 
vous pardonner une rufe qui a été pour moi 
une fource de chagrins. 

Son départ fubit caufa une furprlfe générale; 

,» Voilà une conduite des plus extraordi* 
n naîres , s'écria Mdme Beauuiont. 

„ En vérité , ajouta Lad/ Louîfe , je 
„ n'ai rien vu de pareil; ■ n cela eft borrl- 

„ ble cet homme a perdu la tétc. ■■ 

„ Il m'a toute effrayée!" 

Bientôt après Mdme Selwyn nous amen» 
Mylord Merton. Elle me demanda un ai» 



169 E V E L I N A^, 

m'anacb; Je n'en avols point i lui offrir; 
,, qui donc peut m*en donner? 

(^, Coverley.) „ Ce ne fera pis moi du 
•» inoins, je Aerois fôchéde promener dans ma 
„ poche un contrôleur du temps; faimeroîs tout 
,y autant pafier ma journée devant une pendule . 

{Mdfhe Selwyn.) „ Vous avez raifon de ne 
, pas prendre garde au temps ; vous rifquerîez 
„ qu'il vous reprochât, malgré vous, l'emploi 
„ que vous en faites. 

(M.Coverley.Yy, Ha, Madame, fi le temps 
„ ne fe met pas plus en peine de moi que je 
^, ne me foucie de lui , je puis défier pour bien 
„ des années la vieilleffe & les rides. Qu'on 
„ me berne fi je penfe jamais qu'au préfent. 

(Mdme Selwyn.) „ Et qu'avez -vous befoin , 
„ de me dire cela û fou vent? . 

(Af. Coverley.) ,, Si fouvent? Je vous en 
„ parle aujourd'hui pour la première fois ,• je 
„ ne fâche pas vous l'avoir dît jamais. 

{Mdme Selwyn,)y^ Vous le croyez! &moî je 
,, foutîens que vous me Pavez repété cent 
„ fois par jour. Vos paroles, vos regards, 
„ vos aftions , toute votre conduite le 
.; prouvent affez." 

' Je ne fais (î M. Coverley fentît ce trait de 
fatyre, mais il l'avala tranquillement. Mdme' 
Selwyn fe tourna enfuite vers M. Lovel. Il 

lui 



^ 



E V E L I N A« itfi 

^m répondît avec l'embarras que je lui remar* 
que aulli fouvent qu'elle lui adref!e la parole: 
^i je vous afllire, Madame, que je n'ai pas 
), lamolndreaverfion pour les almanachs, j'en 
y) ai quatre ou cinq à votre fervice. 

(Mdme Sehvyn.) », Oui dàl la coUe^ion eft 
9, forte; & m'eft.il permis de (avoir ce que 
H vous en faites? 

(M. Lovel.) ^) N'en faut-il pas pour favoir 
^, la date? je ne la retiens jamais. 

{Mdmè Seîwyn.) >, Dans quelle heuréufe 
^, indifférence vous vivez ? Ne pas favoît 
i, diftinguer un jour de l'autre ! 

(M. LweL) y, Parbleu , je fais comme 

b tant d'autres. 

(^Mdme Selwyn.^ ,, Ne vous fâchez pas, Mon* 
,» iieur; ceci i^'efl: qu'une petite digreffion. J« 
,f voulois favoir feulement fi nous avons p/^i*^ 
„ lune, car je fuppofe qu'elle influe fur les td- 
9, tes de notre maifon ,- elles me femblent uil 
„ peu dérangées ce matin. D'aborJ, j'ai en- 
„ tendu dire à Mylord OrvîIIe qupdesoccu^ 
), pations importantes l'empêchoientdefortir, 
& depuis une demi-heureje le vois q(ui rôde 
feul dans le jardin. J'avois prié MilT An* 
,, ville de m'accompagner à la promenade, 
je la cherche dans toute la maifon , 6c à 
la fif) je la trouve aflife dans Tantichambri 
IIL Partît. L 



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162 É V £ L I N A. 



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les bras croîfés. Il n'y a qu'un moment quic 
Sir Clément Willoughby me dit avec fa po- 
litefle ordinaire, qu*il venoit paffer la ma- 
tinée avec nous, & je le rencontre fur les- 
calier courant comme sllétôit pourfuivi par 
les furies; je veux lui parler, mais il ne me 
répond pas, & fans me faire la moindre ex* 
cufe il fe fauve auflî promptement qu'un 
voleur qui a lê guet â fés trouiïès. 
{Mdme Beaumont.y ,, Je vous protefteque je 
ne comprends rlew nonpltis à ce Sir Clé- 
ment. ' Une telle groflîerelé de la part 
d'un homme de condition me pafle. 
(JLady Louife.) „ II ne m'a- pas mieux traitée. 
J'allois lui demander de qudiils'agiffoit, & 
il s'eft enfui comme un éclirtr. J'en fuîs tou- 
te étoùrdîe, toute effrayé©. Je fuis fûre 
que j'en fuîs pâle. Ne le trouvez vouîî pas , 
Mylôrd Merton? 

(M. Lovel.) „ Le teint dcis lis vous va à 
merveille , Madame , &• les rolfes en doi- 
vent rougir de dépit- 

(Mdme Selwyn.) „ Par exemple, je fer ois 
curîeufe de favoir, comment vous vous y 
prenez pour faire rougir les -rofes. 
(M. Coverley.),,, En effîèt, cette façon de 
rougir a befoin d'une petite explication. 
{Mylori Merton.) „ Oh î pour vous , Jack 



^1 



Ey E UN A. ;rts 

VOUS ne devez pas vous en mêler lorfqu'oti 

parle de rougir, c'eft un fujel oii voys 

ètpi novice. 

ÇMdm Selwyn.y ,, Sic'eftd'aprèsl'eicpérieQ- 
,y ce que vous parlez 9 Mylord, voHsâtesfans 
.>9 contredît p!us ep état que perfonne d'ap* 
^j profondir la madère. 

{Mylord Merton.) ,> De grâce,. Madame, t©- 
.^ nez- vous en àCovertey; c'eft-li votre hom» 
f, me : vous fafvez que je n'aime pas à pérorer, 

{Mdme Selwyiié) „ Fi donc! Mylord, unfé- 
,i naceur, un membre delà premiereaflemblé^ 
^ du Royaume négliger Tare oratoire? 

(M. Loyei) ,, L'étude & rapplicatiOH a'eft 
9, pas abfolument çequ'onexige.dan5latf^af}l- 
„ bre haute; (f^Çï une befogne qu'on nous lais» 
,, fe à nous autres communes; & fi ce n'étolc 
„ par refpedb pour un Lord , pour un deme$ 
,f fiipérieurs , j'oferois ajouter que c'eft Cl^es 
^ npus auffî qu'on trouve tes meilleurs, ora(Le!&r$. 

(^Mdme S'tfiwyn.),, Découverte adçiir^le, JV^* 
^ Lovel! mais fans votre remarque & Tayeu 
I, de Mylord Merçon j'aurais cru qu*ua Pair 
y, du royaump.& uo habile Logicien étoient 
^ dQs termes fynonymçs." 

Mylord Merton efquiva la réponfe pariMie 
pirouette, & il demanda â Lady Louifes'UM 
plaifoit de prendre l'air avant le dipéf . . 

L 2 



104 E V E L I N A. 

„ En vérité, reprît-elle, je n'en fais rie». 
^ moi-même. La chaleur me fait peur^ & 
^ d'aîHeurs je ne fuis pas des mieux; j'ai lei 
„ nerft fi foibles , la moindrcchofe les démon- 
„ te. La brutalité de Sir Clément m'atotale- 
,, ment dérangée, & je m'en reflfentirai long- 
„ temps. — Ma fanté eft bienchétive,n'efl> 
„ il pas vrai, Mylord? 
{Myl. Merton.) „ Votre conftitution eft déli- 
cate , mais au0! qui voudroit d'une Amazone? 
(M. Lovel.) „ J'ai l'honneur d'être entière- 
ment de votre avis , Mylord, & je me fuis 
fentl en tôuttemps une antipathie infurmon» 
table pour ces femmes qui fe diftinguent, 
foit par la force de leurefptlt, foitparime 
,, conftitution robufte." (Ces paroles furent 
accompagnées d'un coup d'œil malin lancé 
à Mdme Selwyn). 

(M. Coyerley.) „ Vous avez raifonj Mes- 
\ ,» fîeurs^ & j'aimerois tout autant une figure 

de bois qu'une logicienne. 
{M'jlord Merton.^ „ Tout homme de bon- 
rt fens fera d'accOrd avec Vous. Une femme 
„ a -t. elle befoîn de quelque Chofe .de plu» 
pour fe faire aimer, que la beauté & un bon 
caraftere? Toute autre qualité eft déplacée 
^ chez elles, & jelesdifpenfc. Au ma foi, de 
p/ jamais prononcer un mot raifonnable. 



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E V E L ï N A. tes 

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CMdm0 SelwynJ) „ Vous connoiffoz, fans 
doute, Aleilieurs, une ancienne rc^Ie qui 
confeille aux hommes de ne jamais s'engager 
avec une femme qui leureflfupérleureen ju- 
gement & en connoifTances. Or, d'après ce 
principe on auroit de Ja peine peut-être à 
vous fatisfaire» tous tant que vous êtes ;^ je 
ne vois qu'une. feule refiburce pour vous» 
& c'eft, fi je ne me trompe, Ih^itàl des 
„ fous de Swift.*^ 

Combien d'ennemis cette Dame ne s'attire* 
^elIe pas par fon goût démefuré pour la faty- 
rel, Mylord Merton lui répondit par quelques 
coups de iifflets , ' JA. Goverley fredonna un 
air , & M. Lovel , après s'être mordu les Ie« 
vres , ne puts'empècher de dire , „ que fi Mdme 
„ Selwyn n'étoit pas d'un fexeàquii'on doit 
,, des ménagemens , II ferojt tenté d'avûuer 
y, que fon extrême févérité devient par fois 
„ un peu groffkre. 

Un. domeûique annonça une vîfite à Lad^ , 
Louife, cérémonial qu'elle exige fcrupuleufe- 
Bient; je ikifîs cette occafîon pour me gliffer 
hors de la chambre; & n'ofant plus aller aR 
jardin après les propos que j'avois entebdu 
tenir à Mdme Selwyn , je me rendis droit 
â la falle des vifîtes. 
Qû y con4uifit bientôt aprésMtMacartney^ 



91 
S» 



qui étoit v^u demander MylordOrville fil fe 
réjouit beaucoup de me trouver feule , & i\. 
ni*avoua qu'il ne s*étoit £&vi de ce prétexte 
que pour fe procurer un moment de conver- 
fation avec moi. 

]e in'informaid'aberdslUvoitvufon père? 
Oui, Madame , & je me crois pbligé de 
vous rendre, compte de notre entrevue. 

Il n'a faitaucune dtfficulté de me reconnot- 
tre, dés qu'il a eu lu la lettre de ma mère. 
,, Gr^d Dieu!, quel rapport entre votre 
fituation & la mienne! & tous a*t-il re« 
çu avec bonté ? 

9» Je ne devols gueres n^'en flatter , après 
,» l'accidentmalheureiaqulm'achalTéde Paris. 
„ Et fa fille? l'avez vous vue auffi? 
,» Non , Madame., cetjie conColatlon m'a 
., été refufée. 
"^ ,y fit par quelle rsikm, je vous prîe? 

„ Peut-être étoit ce par prudence , — peut- 
ft être aufll par un. relte de relfentiment que 
p, mon père conferve encore de l'offenfe qu'A 
a reçue; J'ai demandéla Ceide permiilîon de 
me préfenter à fa fille en qualité de frère» 
d'ofer l'appeler du tendre nom de fcsur; 
SUH& je n'ai pu obtenir cette fatisfaflion. 
Fous n'avez point (fe/a;ur, m'a dit Sir John , 
vous devez tmblier qtCflhtfi au mmde^ ordre 
bien dur , bien di^cik à fuivre. 



» 
M 



E V B L I N 1. ^ 161 

,, Non» yovs avez unefœur, c*eft moi 
^ qui vous en réponds» m'écriai-je avec une 
,» émotion que je n'eus pas la force de con- 
„ tenir» une fœur qui prend le plus vif înté- 
,» rét i tout ce qui vous regarde » & à qui il 
»» ne manque que les occaOons pour voua 
» prouver fon amitié & fon efttme. 

», Que veut dire ceci» Madame? ezplj- 
»» quez*vous, je vous fupplie. 

», Mon véritable nom n*eft pas An ville; Sir 
,» JohnBelmont eft mon père, -* il eft le 
I» vôtre , ^— & je fuis votre fœur. Voyez fî 
», nous ne nous devons point une tendrefle 
», mutuelle. Les liens de l'amitié ne font pas 

les feuls qui nous unifient ; ceux du fang 

nous rapprochent de plus près. Déjàjefens 
», pour vous toute TafFeâion d'une fœur,-«« 
», peut être la fentois je -déjà, avant que je 
^ », fçufTe que je vousappartehois* Mais» mon 
„ frère , mon cber frère , vous ne me répondez 
», pas! balanceriezvous à me reconnoltre? 
M En vérité , je ne reviens point de ma fur* 
»,prife; tout ce que j'entends meparoltun fonge. 

„ Quoi, je vous retrouve» mon frère» & 
.»» vous ne voudriez pas*... 

Il faifit ma main que je lui tendois : »» Ah I 
^ laiffez-moî plutôt vous demander s'il eft 
,» poffible que vous dagniez m'avouer? imol, 

1-4 



>» 

» 






f#8 E V E L I N A* 

,y cet inconnu, cet infortuné, qarne connoiflbia 
„ d'autre reflburce que votre générofité, moi 
„ qui n'ai été fauve du précîpicc que p^r vq^ 
,, bienfaits? Oh! Madame, pouvez-vous fan$ 
^ rougir confentir à recQnnokre ce mêmç 
„ homme pour frère? 

CeflTez , celiez ce langage ; eil ce ainfî quç 
vous devez parler à une fœur ? n*a vons-nous 
pas des obligations mutuelles à remplir? & 
ne me permettriez vous point d^efpérer de 
votre part tous les fer vices que vous ferle? 
„ en état de me rendre?-?- Mais avant touf, 
,, dites -moi où avez vous laiffé notre père? 
„ U eft ici aux eaux depuis hier matin.*' 
]*aurois pouiïé plus loin ces informations (i 
Mylord Orville n'étoit pas furvenu. Il fut u^ 
peufurpris de me trouver tête à tète avec M. 
Macartney, & il fe feroit retiré fans doutq, 
fi je ne Tavois prefTé d'entrer. 

Nous nous regardâmes tous fans rien dire & 
je crois que chacun de nous fut un peu décote- 
tenancé. M. Macartney rompit enfid le fîlen- 
cç, & fit fes excufes à Mylord Orville de (a 
liberté qu'il avoitprife de fe fervir de fon nom. 
Le Lord reçut ce compliment affez froidement, 
&• n*ayant pas jugé à propos d*y répondre, 
lid. Maeartney prit congé de nous. 
' . Pè3 qu'il f^t loin , Mylord Orville entça 



B V B L I N a; J^f 

•n convçrfation : ,» n'ai - je pas alprégé la vifite 
„ de M. Macartney? 

,, Point du tout, My lord. 

», Je m'étoîs flatté de rencoatrer MIlTAn- 
99 ville dans le jardin , -~ mais j'ignojoîs 
9, qu'elle eût d'autres çngagemcms." 

Avant que j'euffe la temps dç répondre, un 
domeftique vint m*avertirque la çhaife de pos- 
te étoic prête & que MdmeSeIwynm*a(tendoit. 
Je lui fis dire que j'irois la joindre dans l'in- 
ftant, & efFeétivement Je voulus fortir; mais 
Ibiylord Orvlile m'arrêta avec vivacité : „ eft- 
y^çeainflyMilTAnville, que vous me quittez? 

M Que puis 'je y faire, Mylord 1 peut être 
M une oçèalîon plus favorable. •— Non , Mada • 
„ me , ceci eo eft trop , malgré tout le flegme 
« de ma philofophie. Et où trouverai- je cet- 
«; te belle occailon, que vous me faites efpé- 
9» rer? La chaifen'efl-el.'e pas à la porte? 
s> n'êtes- vous pas fur votre départ? ai -Je pu 
,9 favoir feulemçnt oti vous comptez vous rendre? 

9, Tranquillifez-vous , IVlylord , mon voyage 
» fera différé; M. Macartneytn'a annoncé des 
>, nouvelles qui le rendent maintenant inutile. 

» M. Macartney parolt avoir beaucoup de 
„ pouvoir fur votre efptit; mais, fi je ne me 
„ trompe, il eft bien jeune pour être votre 
M çonfeiller. 

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fî* « V E L I N a; 

„ Bft - îl poffibic , Mylord , que M. Macart- 
9f neypuifle VOUS donner le moindre ombrage? 

„ Je reconnoisék j'admire, très chere-Miff 
n Anville, la pureté de vos fentimens. Vo* 
„ cre cœur eft au-deiïus de tout ce qui s*ap« 
i9 pelle artifice ; il ne connoît pas même les 
t» foupçons. Ce feroît vous faire injufticc, ce 
» feroît me la faire â moi-même , que de douter 
5. un infiant de cette bonté qui vous a captivé 
y, pour jamais mon efHme. ^— £t malgré cela , 
„ me pardonnerez -vous, fî j'avoue que j© 
^, fuis un peu furpris, — peut-être même 
>, allarmé de ces fréquentes vîntes dlm jeune* 
„ homme de Tâge de M. Macartncy. 

„ Mylord, il eft aifé de me juftifîer; ce 
„ M. Macartney eft mon '^ere. 

„ Votre frère! vous m'étonnez! Et pai 
f^, quelle fînguliere Idée faites - vous un roys» 
„ lere de fa parenté?^' 

MdmeSeîwyn entra dans le même moment. 
„ Ah! vous voilà, s*écria-t-elîe; Mylord 
„ a-t-il la complalfance de prêter la raaîiî 

„ aux préparatifs du voyage , ou plu- 

„ tôt vous aide -t- il à le retardera . 
„ Je feroîs heureux , Madame , reprit le Lord » 
„ h un tel retard ne dépendoit que de moi." 

Je fis part enfuite à MdmeSelwyii du meffa- 
ge que m'a voit apporté M. Macartney: auffr 



E VB L i;n a;^ 171 

•0t on déconmlaodi la voiture, & je^ fuivis 
Mdme Selwjn dans fa chambre , où nous tin* 
mes coofeil fur le parti qu'il nous reiloità 
prendre. Peu de minutes Cuffirent pour décider 
mon amie; elle fe mit à écrire le billet fui vont: 
A Sir John Belmont^ Baronnet, 
,, Mdme Selwyn préfente tes devoirs iSir 
^ ]ohn Belmont» & lui demande dans la 
,y matinée un moment d'entretien fur une 
^ affaire de très- grande importance.'* 

Elle ordonna à fon domeftique de rendre 
ce billet é fon adreflê; après quoi elle alla 
trouver l^ldme Beaumonc pour rinformer 
que notre voyage avoit été différé. 

La réponfe de Sir Belmont ne tarda pas à 
nous être rendue; la vlfite de Mdme ;36tveyn 
fut acceptée dans la matinée mène. 

Elle auroit défiré que je la fiiiviffis immédia- 
tement y mais je la fuppliai de m'épargner le 
trouble d'une entrevue auffi ppu. ménagée, A; 
de m'en préparer auparavant les voies. Elle 
41V confentit qu'à regret, & fe décida enfin à 
partir feule» accos^agnée de fon domeilique. 
Son abfence ne fut pas de deux heures, 
mais ce temps me dura un fiecle; mille con» 
jeétures ; mille craintes roulèrent dans mon 
cfprit. J'étots reftée feule dans ma chambre ; 
l'inquiétude où j'étots^ ne me permit de voir 
ferfonne, pas même J^lord Orvilie. 



X7a E V E L I N a; 

Dèsquej'apperçtis MdméSefwynde ma fé« 
nétre» je volai à fa rencontre dans Je jardin ; 
elle me cçaduifit dans un des l>erceauit. 

Le mécontentement que je démêlai dan& ùi 
pbylionomie, nemepréfagearien de favorable 
du fuccès de fa commiffion. Son iilence aug- 
menta encore mes apprébenfîons , & je lui de« 
mandai d*une voix tremblante , (î j'ofoîs me 
flatter d'avoir retrouvé un père? 

,y Hélas i non, ma chère, ** ine répour 
diC^Ue brufquement. 

,, £h bien! Madame, repris- je affez tran^ 
,î quîllement, partons fans délai; — vous 
„ me conduirez à Berry-Hill; là du moins je 
^ ferai fûre de trouver un père qui me recevra." 
Lorfque nous fûmes revenues un peu de no^ 
jtre confternatîon , Mdme Selwyn confentit à me 
rendre compte de Ton entrevue ; & quoiqu'elle 
ait mis dans ce récit tout» la vivacité que voua 
lui connoiflbz, j'ejQàirai pourtant, Monfîeur!» 
de vous en rapporter les détails mot à mot. 

J'ai trouvé , me ditelle , Sir John feul dans 
fa chambre; il m'a reçu avec toute lapoliteffe 
poffible. Je n'ai pas balancé uw iriftant de lui 
annoncer le motif de ma vifite ; mais il n'en 
fut pas plutôt inïbuit , qu'il me demanda d'ua 
air arrogant, fi j'avois pu prendre fur moi de 
réchauffer cette ancienne & ridicule hiftoire ? 
Je lui fis fentir que le mot ridicule n'éwt. 






Ê V E L I^K A. t7s 

|>oÎDt ici à b place & qu'il devoît choquer tous 
teux qui font au fait des circonftances horribles 
xte cette ancienne hifiotre^ dont il parlolt avec 
tant de légèreté:,, les avions, ajoutai- je, que 
i> je prétends vous Rappeler, Monfieur^fe- 

roient dignes de figurer dans le caraébere atro- 
ce d'un Néron & d'un Caligula." II effaya 
plufieurs fois de tourner mes infin nations en 
plaifantetie ; mais je pourfuivis à lui repréfen- 
ter avec toute la fermeté poffible, î'énormité 
de Ton crime; mes reproches le piquèrent au 
Vif, & il s'écria avec autant de vivacité que 
d'impatience i 

>» Arrêtez , Madame , je n'ai befoiù des con* 
„ ieils de perfonne» dans l'affaire dont il s'a* 
„ gil. ^** Réparez donc vos torts, repris je, 
„ vous en avez le pouvoir. Votre fille n'eft 
„ pas loindlcî, elle demeure à Clifton,- faîtes- 
„ la venir; avouez à la face de l'univers la lé« 
„ gîcîmité de fa naiflance, & juflifiez ainfi la 
>, réputation d'une époufe trop longtemps ou- 

„ tragée. Madame, m'a t-il répliqué, 

fi vous vous trompez (î vous foupçonnez que 
» j'aie attendu l'honneur de votre vifite pour 
>, m'acquîtter de la réparation que jedevois au 
9, fouvenir de cette Dame infortunée; fort en- 
9, fatit a été l'objet de mes foins depuis fa plus 
„ tendre enfance; je l'ai recueillie dans ma 



^7f l V E L l N At 

„ maîfon , elle porte mon nom , & elle fen^ 
„ mon unique héritière." Ce récit me parut 
pendant un moment trop ahfurde pour mériter 
une attention férieufe; mais Sir Belmontm'as- 
fura très -fortement, que c*étoit moiè qui on 
en avoit impofé , puifque la femme même qui 
avoit foignée Lady Belmont dans fa dernière 
maladie, avoit conduit fa fîlle à Londres, & la 
lu' avoit remife, avant qu elle eût atteint Yi* 
ge d'un an. j. Dans ce temps là, continuait» 
„ il, je n-étois gueres difpofé à confirmer le 
„ bruit qui s'étoit répandu de mon mariage; Je 
„ fis donc partir ma fille pour la France, & je 
^ lui donnai pour furveillante la fetfime qui 
„ me Tavoit amenée. Lorfque cette enfant fut 
„ parvenue à un âge plus avancé , je Tai fait 
„ entrer dans un couvent , où die a reçu una 
,, éducation convenable à fon état ^ je viens de 
^, la retirer, & elle vit a^ullement d^ns ma 
,, maifon , où elle jouit du titre & des droits 
„ d*un enfant légitime. De cette manière je 
„ crois avoir payé à la mémoire de fa mère le 
„ tribut qui lui étoit dû ; je penfe qu'il m'a 
„ coûté affez cher." Ce récit avoit tout Pair 
d'une fable , & je ne me fis aucun fcrupule de^ 
dire à Sir Belmont , que je n'en croyois pas le 
mot. Il tira la fonnette pour demander fon 
perruquier , & me fit fes excufes de ce qu'il 



E V EL I N A. ils 

étoit obligé de me quitter ; mais il m'intita do 
reprendre ma vilite demain matin , qu'alors il 
fe proporoîc de me faire faire la connoiflàoco 
de MinfBelmont, au lieu de me donner la pei- 
ne de la lui préfenter. Je me fuis levée très* 
indignée contre lui ôc me fuis retirée en lui an* 
nonçant que je ne manquerois pas de rendre 
fa conduite aulli publique, qu'elle eft des* 
honorante. 

* Tels fuirent les détails que me rapporta Mdme 
Selwyn. Jugez, Monfîeur, quelle imprefllon 
ils firent fur ii)oi I Je n*y comprends abfolu* 
ment rien. Quoi ! cette Mîff Belmont que j*a£ 
vue à Brlftbl , paf& pour être la fille de ma mè- 
re infortunée, ielle tient la place qui eft dueâ 
votre Evelîna I Qui peut-elle être, & fur quoi 
prétend «on fonder une pareille impoftare! 
Mdme Selwyn ayant terminé cet entretien •> 
m'abandonna à mes réâexions. - Vpûsr fentez 
bien, Monfîeur, qu'elles ne furent pas des 
pius gaies. J'avpîs écouté a'vec cohffànce un 
récit qui n'étoit que trop propre i m'affltger ; 
dès que jb fus laî(Ee à moi-même, l'idée d'ê- 
tre rejetée ;fvec tant de dureté , fe 'préfenta à 
mon efprît dans toute fa force. 

Je demeurai dans cette (îtuation mélancoli- 
que , quand tout à coup la voix de Mylord 
Orville viutms tirer de ma rêverie ;„M'eil- 



fi 

99 



176 E ir E L I N A. 

,^ il permis d'entrer, dit il, fans interroitf* 
„ pre Miff An ville?" Je ne m'y oppofai pas ^ 
& il prit une chaife à câté de moi. 

iy Je crains, MiiT, reprit -il, que vous ne 
g, m'acculiez d'être importun; mais j*ai tant de 
„ chofes à vous dire, tant de chofes à ap« 
„ prendre de vous , & iî peu d'occafions de 
„ vous voir feule, que vous ne devez ni être 
„ furprife, ni vousoffenferdel'empreiTement 
,1 avec lequel je mecs tous les momens à pro- 
fit. Vous êtes férieufe, Miff, ajouta- t-il 
en prenant ma main ; regretteriez vous d*a- 
„ voir différé votre voyage? J'efpere que non , 
„ & j'ofe me flatter, que ce qui eft pour moi 
„ une fource de joie, ne faurojt vous faire de 
„ la peine. — Mais qu'aveîs vous donc ? vous 
„ êtes G penfive; y a-t-il quelque chofe qui 
„ vous ^îge? Que ne fuis "}& en état de vous 
„ confçler! — r puiffé- je ècre digne de par- 
„ tager vos Chagrins!" ... 

. J'étois trop émue pour ne pas être fenûble 
àThonnêteté de ce procédé; je ne pus répon- 
dre au Lord que par mes larmes;,, jufte ciel! 
„ s'écria -t -il, vous m'inquiétez; de grâce, 
ma très chère amie, n 3 me cachez pas plus 
longemps les motifs de vos chagrins; — « 
fouffrez que je yous aide à les fupporter. 
»t Raffurez-moi, je vous fuppUe; dites -mot 

' .. du 



99 
9» 



E V E L I N Ai 177 

'H du moins que voua ne m'avez point retirl 
^f votre eftime,— que vous ne regrecte^^ 
if point les bontés que vOds avez eues pour 
^ mpii— - queje fuis toujours à vos yeux 
I» le méme.Orvillc^ à qui vous avez permis 
a de vous ofFjrir l'Jiommage-âe fon cteur. 
v 9» Mylqrd/* répondis-je, votre gédérofîté 
m'accable. „ ]e pleurois comme un enfant. 
h&t efpérances qui me reftoîent du côté dé 
ism^ pere, étant totalement renverféçsi je 
lea^ls plus que jamais combien rattachement 
du Lord était désintérefTé^ & cette' réflexion 
fut un nouveau poids pour mon câeur. 
'.if Mylord " ajoutai - je dès que je fus capable 
j3e parler, I, vous ne favez pas fur qui votre 
9, choix eft tombé. Orpheline depuis mon 
l, enfance» je ne dépeiids que des bontés d'un 
„ ami qui a bien voulu prendre foin de ma mi- 
w fere; *^- c'eft à fa pitié que je dois jufqu'à 
,y m2L fubliftance. Je fuis rejerée, défavouéé 
„ par ceux auxquels j'appartiens le plus près ; 
^: Ahi Mylord, dans ces circonftanres puis-je 
:^.}^niériter la diftinftlon dont vous m'honorez \ 
,, Non j non, jefens trop douloureufement la 
^ diftance îmmenfe qui nous fépare. Vous 
„ devez m'abandonner à mon malheureux 
„ fort ; — * je dois rentrer dans Tobfcurité , — - 
„ j'irai retrouver mon ami, mon meilleur y 
II j. Partie. M * 



178 K V E L 1 MA* 

„ mob unique amî, & Je vtf^fei^fd^s l(m 
„ fein tous mes chagrin». ■ . ■ '"Vous, My-» 
„ lord , vous ► placerez mîeut- -«^^-^ 

Je n'eus pas* la force d'acheverr moi cœi» 
frémît de l'arrêt qtie j'allois prononcer ^obtro 
moi, & ma bouche s'y refufa. 

„ Non, jamais ,*- s-écria Myford OrviOIo 
svec chaleur;, 9 mon co^ur foos apparCïeâtV.A 
,, jevou^jureuo attachement éternérvâl>râ^ 
ff que vous m*aTez dit, Madame je dtïk É^t^ 
ft tendreau récitleplus afflîgèaâtdes crtât^ 
„ qu'on vous a fait foufFrîr; j'y fuis pr^trë'l 
„ mais je fois convaincu d'avance ^ué , qùaHél 
f, que foientvosdifgràcéi, vous n'en aveieiné- 
„ rite aucune: oui, MllT An ville vos malheuri 
„ vous rendent plus cher i mon cœur. Puis* 
„ je favoiï où je trouverai cet ami généréùx'i 
„ dont vous m'avez en feigne' à refpefter lôa 
„ vertus; - — je volerai vers lui, je lui iîe» 
„ manderai fon confeniement à notre 'uniôn»< 
^, &des liens indUTolubles joindront déformai» 
„ nos deftinéei: nioii unique ëciide fera d© 
„ vous faire oublier vos maux palfés, &'d^ 
1^ vous venger de l'injuftice du fort." '- 

Je me propofpis de répondre au Lord , quand 
j'apper'çus Mdme Selwyn, qui vralfemblable* 
ment avbit écouté une grande partie de notre 
converfatîon. „ Oui! ma chère, me dit elle; 



/■ 



^ V-, È ïi t; liï À. .1^0 

I 

j^^.ttfuioitti <»f^eâ)6:<*anipêtre:je croyoisquè' 
Pf : : d^islongteei j§ YOU$ aviez qu itié cette r e- 
l^lttaite fisjétaiç^r * je vous ai çherçjiée dans 
^ totitç h maÈfo». •«- Mais -je côapren4s main- ' 
iijmwtiïU le moyeu ie plus fûr-de vous trou- 
i M0t , c;cft dq sîififprçBWf de Mylçrd Orvillc,- 
IV^ (^ ic nôîtrwjbie pis, au reftej. vos médî* 
^rTiiat4o0»;YCJiiç^iBppfi«z fans doute qi^lquc 
î^ ^paftmalcu" Et après nous avcwr tc^u et 
fjfopèfr'ipiqwmtr. J^Ue fe wtiw. 
c jei.vbuiusliârîir dtt berceau, .maîs Mylord 
Otùilte; Èiebpfé^lm :> ,w uearwttf^, me dit-il ,- 
ft.' qup faille i^iwjs^moi-iaémçMdnÔie Selwyn; 
j, !îl«ft tlw»psdfei«eçW.fin à fei[.çpnieaurei^ 
j^ufcM paitetnàtefQat wvert,fiypus^^ epn- 
j,94ft!rtei.?.':Jê ne mV oppofai point^. & il me 
^Ltta. JBouftŒjai , ipretOuwldans ma cham- 
ifév&fy-^Érfbfijurqti'il^beprf d^ ijtoé. Après 

l8>e{)9S M3to«Selw:yn;mpîçl¥<S?8^ 
d'entreçien. Dès que noasrf^ai^ feules, die 

aneîp^éfon» ûmrïcbmfçrf.^î.^jiptif 4^ ^^^Z 
i&3iti^ àh anfoppfelïn t ; J^ylfày, . ,. . - , ,.,. 
i ''/Jff''^avfit>p^iaf;:3*9^ip;^tpâJ:©ïfrt^ .•■ -. . ,/ 
' .r:r^, Liat.-paiWBÈ 4««iW^|i»aoq?«l#l^çprit^lIe, 
iViivouaiie Ljne comprenez, donc pa^? ,Mon in- 
ii,i teiMôiy teft.-quie de vous /amiliarifer aved 
„ votre nouveau titre ; il doit en éfifet vpus pa- 
:W. toltttfàqtf, *.Yous. pourrie» ^voi^^^y mé- 
j, prendre." M » 



I80 E V B L I N a: 

Après qu*eHe eut joui alTcz longtemps dmiii 
confuflûn & donné pleine carrière à Tes phûlan^ 
terleSy eile me félicita très-férleufdmentiUc 
rattachement du Lord » & m'informa qu'i^^IiM; 
avoit témoigné le défir le plus-fincere de> voir 
notre mariage s'accomplir au plutôt. Elle* i 14 
a raconté toute Thiftoirede ma vie/ &loiii dq 
s'en rebuter, il n'en a montré qu'un plus gian^ 
emprefiemenc i hâter notre union» faniatœns 
dre le réfultat de nos démarches aupHs^ m» 
famille. „ Apréfent , continua Mdme 5elwyn» 
9,, je vous confeiHe, ma chére^.^de l'époufet 
,, fur le chmnp; rîeit de p9us -précaire qup le 
,9 fuccès de nos négociations a«ec^ Belm<tti tj^ 
,, & d'ailleurs il ' né^'faut pas tmp'U fier 4u|; 
„ jeunes-gens de l'âge de MylordOiiriMe,; 
\, dans^des agairfes^»cettpimpertaDce oanfl 
M doit pas leur iaiCTeor I9 témp$ de réâéçhir. 
',, Quoi! Madame, vous^udodrieie tpmfa^ 
„ faffe de- fiïrprifef ■? '4^^^ • • i.- 

„ Vous 'fei«z tout cé'^qirtt wus phti»:^ 
„ heureufement qu'il y a de:pkit A di^watit 
„ un peude'Don^QuichotilLhie,fahsi^uoi(yos 
délais t>ounroie!)ttoilfner^ Votre piua g^nd 
défâvàiitagé. IVIylordQrvIlle m'a paiiii .aift- 
Çi romanefque, que s'il fût éi A.éioyé.à 
„ Berry-Htil." - - -i.. : . 

ILllCme propofa enfuite tt& ^ipédientdo^t 



9» 

9> 
9f 



E V E L I N A. m 

éne fe promet beaucoup d'efFet, c*eil que je. 
raccompagne dans la viiQte qu'elle doit faire 
éeiBain matin à mon père. 

L'idée feule de cette entrevue me fie trem- 
bler , mais Mdme Selwyn m'en repréfenta la né- 
teflîté abfolue ; elle efl d'avis qu'il convient 
éê pouiTer cette malbeureufe aiFaire avec vi« 
gueur, ou d'y renoncer entièrement. La for. 
ce de fes f aifons m'entraîna , & je me crus 
obligée de foqfcrire a fa volonté. 

Vers le foir nous avons fait un tour depro« 
menade dans le jardin ; Mylord OrVille ne mo 
quitta pas plus que mon ombre ; il me dît 
qu'enfin on l'avoit mis au fait des détails que 
je lui ai cachés jufqu'ici ; qu'il étoit bien-aife 
d'être tiré d'une incertitude qui l'avoit beau* 
coup tourment'é , mais qu'il n'en étoit pas moins 
înquictpour mon repos. Je l'informai aufïï du 
plan que Mdme Selwyn a projeté pour demain 
matin, & je lui avouai combien j'en redoutois 
l'exécution. H me preffa de lui abandonner 
la conduite de cette affaire , & me propofa de 
nous unir avant cette entrevue. 

Je fus fenfibleà cette nouvelle preuve de fa 
générofité, mais je lui fis remarquer que je 
m'en rapporterai là-deffus entièrement à votre 
avis ,Monfleur; que d ailleurs j'étoîs bien fûro 
i9U*avant que de prendre des engagemens auiS 

M 3 



fit s ^TE L IN/A^ 

folemnels, vous nié coofeHlerez d*3itten4i<9 
rilTae d'une affaire qui ne fauroit plus demeyrer 
longtemps incertaine V que cette précaution iBj9 
paroîQbit HécelTaîre jufqu'à ce quejefçuflie de Pau- 
torité de qui je dois proprement dépendra daQS 
la fuîtel Le refte de notre con^erfation loul^ 
entièrement fur cette redoutabte entrevue «-$ 
fur les craintes qu'die m'infpire; elle a étf^ 
depuis le fujet de toutes mes penfées. . 
J'approche donc de ce moment fi longtemps 
attendu, — fi longtemns défîré,^- de ce mo- 
ment terrible , où il in^ fera permis de m^ 
jeter aux pieds d'un père ; titre augufi:e & ft- 
!cré,quejene prononce qu'en tremblant. Je 
brûle de connolrre ce père, je languis de l'ai- 
met. Oh ciel! prête-moi ton appui dans ce 
pioment de crife! 



!8 



LETTRE LXXVIIL 

Suiie de la Lettre /Evelina^ 

9 OAobre* 

ll^*extréme agitation dans laquelle j'ai palTé Is 
journée d'hier, pe m'a point permis de vous 
écrire, Monfîeur, auffitôt que je Taurpis vou- 
lu ; mais aujourd'hui que mes efprits foRt un peu 
calmés, je n'ai rien de plus preffé iguede ren* 



9> 



E V R LIN A. 182 

^^ compte au meilleur de mes am1fi« des évé^ 
«eniens de ce jour à jamais mémornbie. 
' Mdme Selwyn réfolut de ne pas fe faire ai> 
feoncer : „ Sir John , me dît^elle , frappé de 
,\ Viàée âes réproches auiquels il s^attend^de 
,y maparc»pourroit décliner une féconde con- 
), férence; atoii nous n'avons rieti de mieux 
,, à faire , que de le furprendre. L'eiTentiel tUk 
\t qu'il vous voie ; n'importe , fi ce fera pour 

vous rendre juilîce, ou non. 

Nous partîmes de bonne heure dans le car^ 
roOe de Mdme Beaumont. Mylord OrvMIe 
tous y conduifît & me quitta , en m'exhortant < 
dans les termes les plus afFeélaeux â prendre 
courage. 

Mon trouble ne fit qu'augmenter pendant la 
route : mais coupent vous exprimerai-je tout 
ceque jefoufFris au moment où la voiture s'ar« 
réta ! ce feul inftant fut plus terrible que le 
lefte de Tentiévue. Je croîs qu'on .m*a portée 
dans la maifon , du molfis je n'ai jamais pu 
me rappeler comment j'y fuis entrée ; tout ce 
que je fais c'eft qu'on nous introduifit dans 
une falle ba0e. 

J'eus la foîbIe(re de demander â Mdme Sel- 
wyn la permiffion de me retirer; je l'afluraî 
quej'étois abfolument hors d'état de fuppoiter 
pour le moment cette entrevue redoutable, 

M 4 



f84 K V B L I N a; 

,,Non, me répondît -elle» vous devez resr 
,, ter avec mol ; uq npuv^au diéUi ne ferviioiç 
ff qu*à augmenter vo$ craintes, ôc lie choc que 
f, vous avez foutenu, ell trop rude pourquç 
„ je puiffe confentir i vous y çxpofer jme for 
„ conde fois." Puis elle fe fit annoncer. 

On vint qous rapporter qup Sir Belmont 
avoit été obligé de fortir pour des affîs^ires in; 
dirpeufables, mais qu'il ferpit incpflammentde 
retour. Je me fentoîs fort mal , & Mde Sel* 
wyn craignoit un évanouiflement: elle eut la 
précaution d*ouvrir une chambre voifine, & 
me confeiila d'y demeurer jufqu'à ce que je 
fulTe un peu remîfe , qu'en attendant elle pré- 
pareroît tout pour ma réception. 

Ce délai me fut agréable , & j'acceptai avec 
joie laprppontioi)deMdmeSehvyQ. £llen'eu| 
pas plutôt feriqé la porte fur moi , que j'enten- 
dis du bruit fur Tefcalier; des ordres donnée 
aux domeftiques m^araioncerent l'arrivée do 
SirB;:lmont: çétoit pour la première fois que 
la yoix d*un père frappoit mes oreilles ; j'eq 
fus émue plus que je ne pourro is vous le dire. 
Je puis vous rendre, Slonfieur, (idelemenç 
fon entretien avec Mdme Selwyn. Sir Bel- 
mont débuta par quelques excufes. >» Je fuis 
,» d'autant plus fâché , lui dit-il » de vous avoir 
^j fait atteindre! qu'un engagement m appelle 



XVELINA. lif 

y» tilteurs; fi cependant vous «viezdeitfdies 
^ i me donner » je ferai charmé de vous re- 
^ voir dsDS une autre occafîon. 

„ Je fuis venue» Monfieur» dansTînteii* 
w tion de vous préfenter votre fille. 

n Je vous remercie. Madame» de cette pei* 
^ ne, mais dan^ ce moment même j*ai eu la 
„ fatisfadtion de déjeûner avec elle, VotrQ 
M très -humble» Madame. 

»» Quoi donc» Monfieur, vous refufez d9 
>, la voir ? • 

»» Je vousTuis infiniment redevable du défit 
„ que vous avez d augmenter ma famille; mais 
»» vous m'excuferez aufli fi je ue profite pas île 
,» vos bons offices. ]e fuis déjà pourvu d'une 
»,• fille; elle a des droits à ma tendreflè & à 
», mon bien: il n'y a pas trois jours que j'ai 
»» eu le plaifir de faire la découverte d'un fils; 
f» & qui fait à la longue combien d^enfans on 
»» fe .propofe de me mettre encore fur les bras ; 
»» mais i dire vrai je compte m'en tenir au cer* 
,» cle aâuel de ma famille, il me fufiic très-fort. 

,» Eufliez-vous des enfans par centaines, ce* 
», lui dont Lady Belmont eft ta mère, mérite 
,i une diilindbion particulière, & loiodefuir 

(à vue , vous devriez remercier le ciel de 

retrouver encore Toccafion de réparer en 
a» quelque façqn vos torts. C^eft la moindre 

M s 



99 
• 9 



», jodlcè quë'f ODS pcAivéi'fmàrêlh riiéhiélm 
,, d'une ôi»ottl5rotitragée,<ïuaîl-"tfir-^iieffafill«t 

,', Ceft à regret, ]S4adâftie».rque}V>ntVe'en 
„ difci^on fur cette macfere; ttwwfeh4)atîe- 
>, rai, puîrqut vousm'yfor^ea» 'Sa(che2îcl6n« 
j, qa'i rheure qu'il eft^jô foîs:^ l'abri dt tout 
„ reproche ; j'aî reconnu ma fautb, jei'âfrét 
,, parée ; en un mot , j'ai faîttouf ce que j'aî dà 
„ pour venger la mémoire d'uôe époufe ïnfor» 
,• tunéc. J'aîprîsfoindeCéducatibndefafille, 
„ je l'ai adoptée ponrmonfiérîtie^elégîtimei 
^ iî vbus pouvez , Madame, m'indiquer .des 
ô moyens plus efficaces pour m'acquiter de ma 
^9 dette y (k pour juftifier la répu^ariondefea 
,9 Ladjr Belmont» faites-mol la gruce de nfen 
„ inilmire y & je les mettrai volontiers en 
„ uÉigc , quelque choquans qu'ils puifleirt 

être d'ailleurs pour mon caraâere. 

y» Tout ce récit eft fort beau en apparenct) 

maïs j'avoue que je n'y comprends rien & 
„ qu'il furpafle ma conception. En tout cas 
„ je ne v^is pas ce qui peut vons empêcher 
^, de confentir è voir cette jeune Demoifelle. 

'„ Je ne m'y oppofe pas non plus. 

„ ParoilTezdonc^ ma chère, "s'écria-t-dleen 
ouvrant là porte, „ venez & montrez-vous 
,• aux yeux de votre père/' A ces mots elle 
me retira toute tremblante de la chambre où 



if 



»f 



f^tois refiée ochée^ Je Toulusiat faire réfi. 

ftance» mais Sir Belmont fut le pcomier à s'a* 

vancer "vçrs moi^ & je me trouvai en fa pr^- 

(leuçc pretque fans^^le favoir. 

. Quel momeDC pour votre Evelina ! ~ Je 

poqllài un cri involontaire , & en couvrant 

mon vi&ge xles deux mains» je tombai i 

terre fans comoioii&nce. 

: Mon pere.m'avQîtregardé attentivement, ft 

il s*écria d'une voix âpeineintelligible:,» granj 

»» Dieu! ma Caroline eil-elleencoreenvie!" 

MdmeSelwyp loi répondit, mais je n'ai pas 
compris ce qu'elle difoit. Sir Belmont m*adres. 
fa la paroleaprèsunmomentdeiilence:,, rele- 
„ ve-tol , & ne crains pas ma vue : ««^ levé 
^ la tête , 6 toi Timage vivante de mon In- 
,, jpbrtunée Caroline I " 

Affeâée au-delà de toute expreflîon, je me 
foulevai &j'embrafraifes genoux: ,, oui, oui ,** 
s'écria- 1- il après m'avoir fixé d'un œil féve- 
re; „ je vois que tu es fa fille :— elle vit, — . 
„ elle refpire en toi, *- je la vois devant moi — ^ 
», Oh ! que n'eft-elle réellement encore en vie ! " 
Enfuite il me repoufTa avec un regard égaré, 
& il ajouta: „ retire-toi , retire tôt : ôtez • la , 
„ Madame, de devant mes yeux, je ne fau- 
y, rois foutenir fa vue." Et en même temps 
il s'arracha d'çntre mes bras, & fe précipita 
hors de la chambre. 



':9B8 « k V E L I N £• 

EfiTrayéé & tremblante, }e n'eus- patrie toii^ 
nge de i'ané(!er ; mais Mdme &e\vryn le fuivlt 
ft le retînt par le bras : „ LaKTez-moi » lui 
,f dît-il 9 & prenez foin de ce pauvre enfant;— 
^, dîtes lui que Je ne fuis point tin barbare, <^— 
,y dites-lui que dans ce moment je mourroit 
„ de mille morts pour elle: — i- mais ma rai- 
f^ Ton s*ég;are» je ne fauroi^ la voir da vanta* 
„ ge.*' Il remonta Tefcalier dans une efpece 
de frénéfîe. 

N*avoiS'je pas raifon, Monfîeur, de redou- 
ter cette terrible entrevue? Ne dévois je pas 
prévoir qu^elleferoft également pénible & dou* 
loureufe pour mon père âpôur moi? Mdme 
Selwyn voulut retourner d'abord à CUfton,mai8 
je la priai d'attendre un moment^ pûîfquUlfe^ 
roit poflîbîe que mon perc, revenu de faprer 
ïniere émotion , m'admît encore en fa préfence. 
Je n*eus point cette confolation ; Sir fielmone 
nous .envoya un domedique pour s'informer 
comment je me trouvois; il fît dire auffi â 
Mdme Selwyn , qu'il fe fentoitfort incommo» 
dé, mais qu'il efpéroit avoir l'honneur de la 
revoir le lendemain : on convint que ceferoit 
i dix heures, après quoi nous remontâmes en 
voiture. Je quittai la maifon avec un cœur 
oppreffé ; ces paroles affligeantes , jenefauroU 
U vnr davantage ^ relièrent gravées profonde^ 
ment dans mon eiprlL 



£ V BL I N A# itfL 

î^ vpc de Mylord Orvîlle, qui vînt poui, 
prendra i I» pçurtiere, diffipa un peu ma tris-, 
tffle. Çep^ndjaiit je n'eus^ pas aflez de force 
po^ rinftruire de ce quis'étoitpatfé: jepxiaî 
Md^ie Sialwya de fe charger de cette tâche , 
& je me .retirai d^ns ma chapAre. 

Ky e.v«- ujà .<î»cretien avec la bonne Mdme 
CIÎDton fur la fituation aâuelle de mes affai- 
xe$: & il lui vint une idée qui fembloit ex- 
pliquer toqt. d'ua coup .le crueL abandon au-, 
q^el j*ai ét^ çpndainnée. 

£Ile me dît que^^Ja femme qui a foigné ma 
mère dans, fa dernière maladie» m> fervido 
. nourrice\(jaa$. les. quatre premiers mois de ma 
vie ; v^u'ayant^été ^congédiée cnfuitq , .elle quit- 
U .Berry^HiH* ftvec fa fille , qui n'étoit n)OU 
ain^ que-de- (j^x ippis. , i^dme Clinton fe fou* 
yient que ûi retraite fubîte p^rutextraordi-. 
aaire i courte voifinage ; ma|s .comme on* 
n*entendit,plus jxaj^lef^ de.cet^ feipoie , oa 
i'oublia peu. à joéix^ . 

. Mdme Sclwyn fut frappée de cette décou- 
verte; eUç convieqt avec Mdmtf Cliptorf qu il 
fc ppurroit aifément que mon, père ait été 
trompé , & que la nourrice ^ic fubftitué fpti 
propre enfant à ma place. ^ ... 

Le nom que j'ai porté depuiç, le feCret qui 
a été gardé fur/mes affaires de'fanjtiilé, la 



retraite dans laquelle j'ai véci^, coûtes ces âî^ 
cooftances confpiroîent à favorifer éette hnr 
pofture, queft]ae hardie qu'elle ait éèé d*aîl*- 
leurs; en un irot, ce foupçon ne fut pasofei- 
tôt conçu , qu'il trouva pliaiiié croyance, 

Mdme Selwyd fut d'avtsqu^ilnef^loîtpoine 
perdre de temps pour approféhdîr cette con- 
jcfture ; & d'abord après Ip dîrié elle retoifrna' 
chez Sir Belmont , accompagnée de Mdme ChW 
ton. patteodis dans ma chsimbre le-rêfuUat^ 
de cette nouvelle démarche; voici, Mon^ 
fleur, ce que f eii ai àpptisj ; 

Mdme Sèh^ trouva mon -père dansïaplusr 

grande agftatîqn. Elle a'^ôHiméncé- par le- 

mettre au ' fait des; motifs qui Vortt engagé * 

i^eprendre fîtôt ta Vifiter'eîrè lui a 'parlé' ^ff^' 

fuite de fes foupçoîis cdûtrë ïa' femme qui ar 

prétendu Idi romettrt' Ia**âlle de fèu: Lad/ 

Belmônt. A ^^^ ^ots i! l'a Intérterfpiie zfté 

vivacité: U a "dit que rievèïft tie faprètèiéroj 

altération , & frappé de mçrii^mètné rdTétiii 

blance a%c ta défunte épo«e,Tàée d'une fu- 

petchériek»éto'ïtd'abordprèrentéefàfi:)nerprlt/ 

4u^eri cohféquence il avoit fait appeler cette^ 

ferameV & q^^'îl veûoit ïld Pexàminer (€^^ 

ment;, qu'elle avoit pâli & paru exceffivemeôfl 

embarraflTée , en protelftànt pourtant toujours 

qu'elle ètbît innocente , & qiie Terifant qu'aie' 



r 

m* 



É'V^E^^IN^* itôt 



jar aVôff ïi^'lttoît efFeàîye'iîieiitè^^^^^^^ de feu 
liâfd^ •Péfnoidnt'. ' ifton père a ajouté que cet 
efèh&àéni^ ïé jéAti^'ÛzM le'plû^^i'andf accablè- 
niWftrriiuS àé fôcft^îëmpi'îUfoïtéféi^urprisd^ 




•» f »t < 



,p<jint arim'^m^e circonffitoc'^. ; 
• • Mdf'mé-ScR*^' i€hiànii^ <^\rbf\ fît l'evénir.cét- 
të''fëfhftè3'&à'tiiltàrôiéa-à'i/*èè àirtânlt 'defué-; 
aiffé^ W^êUéTliêf •fir&ïifi.fiori fut manf.- 



fo'ûïenif '''iqlti'éiy n'étôlt coîipabîé d'àucuiic 

fôùrbefîe:;';^^;^';'^;; . ;;'.;:./::/ ; ^;\| 

• ' ,i ii-'cH8fe eft'fâcile a vér,ijééf ; aditalors 
î, Mdini ^'ê'^'}h ; qy'ôn faflc* inbhter Mdme^ 
i^' Clinton':''^^À(renom.Ia f)auyrc malheuréu» 
fe à changé' de Vifage &! a cherché 3 fefau ver ; 
mais oii'i'eii'a''enipêchée, & voyant que Tes v 
défaites'âèvenoieril inutiles , èljes'éft' jetée à 
genoux pour demander pardon & a tout avoué. 
Vous vous remettez, fahs dpufeV mon cher 
Monfieur ; lafemmeGreen, ma première nour- 
ïîce. Ceft elle-même qui a .tramé .cette in- 
digne menée; Le pian en fut formé d'après 
une converfatîon qu'elle a épiée, & dans la- 
quelle tnâ ineré vous recommanda l'éducation 



if i E V E L I N Ai 

de fan enfant» &, vous pria furtoutdanslecaé 
qu'elle accouchât d'une fille , de lui vouer uni 
foin particulier » & de ne pas là perdre trop 
tôt de vue. Vogs en dpnnites votre parole^ 
& de plus voijs promises k ma merei de vomi 
retirer avec vôtre élevé i ja campagne, d lo 
peré ta redemandoft avçc in(laQc& .La Green 
penfa à tirer par^' de cette découvert; elle nei 
pm réfifterâ la tentation d'approprier à Ai|>u- 
ne fille une fortune dont elle voyoit.qu'qnfair 
foit fi peu.de cas pour moi, JSHe,i'uivit.cette 
idée, & ce qui lui avoit parR d'abord lin fou* 
bait pafiflger , devint bientôt un projet auquel 
elle tr^ivaillâ férieufèment.., Elle avbit perd^ 
fen' mari , &' fa fille" étoit aauetlememt l'uni* 
que objet de fes foins. : \t féjour de mon père lui 
étoit connu, elle raiïembfadequoifO|irniraux 
frais du voyage,' & après avoir répandu dans lef 
voifinage qu'elle âlloit s'établir dans Je Devon*/ 
shire, eUe partit pour l'exécution de.fondefleiné 
, Mdme,Selwyn fui a demandé entr!autres , com- 
ment elle avait ofè rifquer uneentreprifeauflî 
hardie ? "EHe' a répondu ingénument qu'elle 
n'a voit pas eu de mauvaifes intentions , & qu* 
cette impofture ne faifoit du tort à perfonne; 
elle avoit, cru <iue ce feroit dommage de lais- 
1er échapper la fortune deftinée à l'héritière 
légitime, fans qu'une autre en profitât. 

Soft 



S. 



1( V £ L I K A. 193 

m 

Son projet lui réuflit i merveille , & en "effet 
tout femble l'avoir fayorifé; mon père n'avoit 
point de correfpondans i fierry-tiill; Tenfant, 
fut envoyé bientôt après en France » où fl t 
été élevé dans la retraite ; tandis que de mon 
côté , mon état efi demeur<^ caché ; il n*y t 
qu*un heureux hafard qui ait pu découvrir cet- 
te intrigue compliquée* 

Je m^arréte îcî un moment pour iaire une 
pbfervation qui m'a été de la plus grande coa* 
folation. Ce n*ell donc ni par infenfibilité ni 
par rigueur 9 que j'ai été négligée par mon 
père ; je ne dois ce malheur qu*à une odîeufe 
impofture qu*il n'a pu prévoir, & dans le mé« 
me infiant oii je mecroyoîs Condamnée au plui 
profond oubli, il étoit dans Tidéé que fa fille 
avoit part à. toutes fes bontés. 

SîrJohnBelmont convient que la lettre que 
Lady. Howard lui écrivit, il y a quelque temps, 
TembarrafTa beaucoup; il en ôt d'adord lee* 
ture à la Green, k celle-ci avoue que c'eft 
le plus rude choc qu'elle ait eu â fôutenîr dan< 
cette affaire ; cependant elle fut alFez rufée & 
allez hardie pour avancer que Lady Howard 
devoit avoir été trompée elle - même. £fle a 
eu la précaution de faire accroire à tnOn père 
depuis le commencement de cette intrigue 1 
qu'elle avoit enlevé l'enfant i votre infçu, 

UI. Panii. N 



194 K V EL IN A. 

Monfietxr; àinfi la nouvelle derapp^Mond^ii- 
pé féconde fille de Sfr Helmont à Bérry HîD , 
dievoît naturellemientlul infpirer desfoupçons; 
le md e(t qu'ils aient été dirigés contre ceut 
qui ne les méritolent pu;de-Iàau{B la répon* 
te laconi^ê qui a été adrefTée à Lady Howard. 
La Gfeen a avoué encore que depuis le mo» 
ment où le voyage de la famille en Angleter* 
re a été décidé , elle 8*eA; cru perdue ; qu'il 
ne lui était refté alors d'autre re&burce que dé 
pourvoir au plutôt i rétablifTementde fafine, 
que dans cette vue elle avoit favorifé les affi- 
duîtés deM. Macanney,perfuadée que ce par- 
ti- peu proportionné aux efpérauces de Mtfs 
BfUhon!^ * né feroit que trop avantslgeux kfafîlle , 
après qu'on auroit dévoilé le myiteré de fà 
oai (Tance. 

J'ai voulu favoîr fî cette Jeune perfonne cft 
déji inftruite de la révolution dont elle efl me« 
Qacée. Mdroe Selwyn m'a dit que jurqu'ici on 
avoit encore gard^ le fecret fur cette décou- 
verte t que même on n'avoit pas encore pris lé 
moindre arrangement à fon égard. Pauvre mai- 
heureufe 1 que fon fort eil dur ! Je ^ui dois 
toute mon amitié « & je la traiterai toujours 
en fœur. 

' ' Enfin . j'ai demandé à Mdrae Sel.wyn fi je n'au. 
fois point la fatisfaâion de voir mon père f 



.'■à. 






E ▼ B L I H A. 195 

£Be m'a pleincmont rtfliirée: nMtementt 
to n*i•^dIe dit i Siir fielnoiit ne fe (ent pu 
g^ encore aflèz fort potù footenir fotie vue; 
^ «8» tomef ces difficulté» dHparoltroiic» & 
M peut-être feraient- elte$ievéef d^» fioetto 
^ OreennemMis eftt^occijpésteutelajouniéeu 
Mdme Sd\^ a repris dès ce matin le fil d« 
ft» négociatîoiis* J'attends fon retour avec 
impatience; mais » comme je ne doute paaqoe 
vous ne foyex impi^'eat de recevoir de mes 
noi^pdles , je ftraî partir ma lettre telle qa'die 
eft; fon contenu ne manquera pas de vous 
paroltre intéreflànu 



SE 



LETTRE LXXIX. 

Continuation di ta Lettre ^Evelin a; 

9 Oaobre* 

l^epuis quelque temp^ , mon cher Monfîeur « 
votre Evelina paffe là vie dans un tourbil* 
Ion perpétuel; chaque jour devient plusinté- 
rellànty & chaque événement en pfépare un 
autre* 

Mdme SelwTn» après fon retour iGifton» 
eft entrée ce matin brufquementdansmacbam» 
hre : u préparez - vous » ma chexe » m'a^t-elle 
j» dit» à une terrible nouvellel 

N » 



19€ E V E LI N a; 

. ,, Eh! bon Dîca, qu'eft«il 4onc arrivé? 

jy Arm3z-vou8 de toute la phîlofophie de 
M Berry-Hill ; -—appelez à votre fecours tout 
,y le courage À toute 4a réfîgnation dont vous 
^, êtes capable y — & fâchez que la femafne 
,; prochaîne on vous marie avecMylord Or» 
,> ville/' 

Cette nouvelle inattendue me jetta dans fa 
plus grande confternation ; j'ofois â peine la 
croire, & dans nion étonnement je m'écriai: 
,» Ocièl.' que dites • vous là > Madame? 

fi Effeâiyement il y a de quoi s'effrayer: 
,, devenir àla fois comteiTe, & époufer I*bon}« 
„ me qu'on adore, .-— c^^a Pf^ terrible'." _ 
■ Je la fupplîai de m'épargner les railleries, 
& de me parler férieufement. Elle coofentit 
à m'informerde tout ce qpî s'étoit pafTé; maïs 
je ne fuf point quitte de {es plaifantcries. 

Mon pauvre père m*a-t-elle dit, eil tou« 
jours dans une extrême agitation. Il s*eft ex- 
pliqué aviBC la plus grande franchife; le fort 
de fes deux filles rinquiete également; il craint 
de revoir celle qu'il a retrouvée , & il n etn* 
ble d'annoncer à l'autre la nouvelle terraflante 
de fa difgrace. MdmeSelwyn a jugé â propos 
de le mettre au fait de mes relations avec My- 
lord Orvîlle: cette découverte Ta rempli de 
3 oie; il confentà tout, il approuve nêmellwn- 



E V E L I N À. 197 

peiTementdaLord, ft il verra volontiers quo 
notre mariage fe faffe le plutôt poifible. Sir 
Bel mont, continua Mdme Selwyn» a payé ma 
confidence d'un parfait retour; il m*a raconté 
l'hiftoire des amours de M. Macartney , & après 
bien des pourparlers nous fommes convenus 
qu'il fallolt fonger i fe défaire de ces deux 
filles au plutôt, y, Ainii, Mademoifelle, û 
„ vous êtes curieufe de faire paradé du nom 
„ deMiflTBelmont» vous n'avez point de temps 
„ à |)erdre9 car dans huit jours d'ici il n*en fe- 
ra plus queftion. 

y, Dans huit jours! — Mais, Madame» ce 
plan me parolt fingulieri — fansmeconful- 
ter , — fans demander l'avis de M. Villars , — 
fans vous aflfarer même de l'agrément de 
„ Mylord Or ville! 

„ Toutes ces difficultés font levées ; — cax 
•• d'abord ou ne fe met pas en peine de vous; 
•I nous favons déjà qu'une jeune fille ne don- 
f» ne jamais fa main & fon cœur que malgré 
N elle , "" en apparence, s'entend : — noua 
tf fomme' fûrs d'ailleurs de M. Villsors; il eUt 
M trop de vos amis peur s'oppofer à votre bon* 
M heur; *— & quaàt à Mylord Orville, on y 
„ a pourvu auiO, puifqu'il eft du fecret. , 
,, Lui 9 Madame! vous m'étotnezl ' 
1^ Oui, fana doute, il en oft; wHê que 

Nj 






Sl9 irfff^fK^ 

• j'«i vu 9» Aos 4éaMnlJ^c>» pwicfieiil 
. une twWBope &7QK1W0 aw voew de ce 

», £iixe appris. 

,, $ir JobQgaftt^oaii 4v{i»& dépéçba w 

• 4e fti domoiftiqvcs. J'(W foio de pri^vei^ 
« le noçilitoil^» qi»*au cai que tlylord Orville 
«; œ fe crPHi^t .pplntitolamaifon j il f$dlo|( 
« Je cliei«i>er dai» legi^ad berceau du j^ln. 
., '^Cel« voDs fait rougir, m çhere. *^ £h 

bienl Mylord Orville ar9:iya fur le chmip; 
je rtf préfixé jt vûtze pei€9& nous avpnf 
pris çonGptf enfeoiUe. 
„ feu 1^1 IMe|i lich^e; que pailera Mf> 
lord Orville d*une p^reine précipitation? 
,y Tranqui]lifez-vou6 li-deStis , ma chère, ft 
fiez*wu9-eoau booa-ftm deMylord Orville. 
Tpui té^ mûrement dtfcptépolDt par point 
Votre maris^efe fera fans éclat, pui$ voua 
ires d^unsune dei^enea de votre futur. MUT 
Green (k vpire frère» qui nVuse point de 
chez em^f fQ fiierooienatteNint dana imf 
maifta -de cmpCD^ de Six Bebioitt. 
•• MAif pourquoi cette gvnde bâte» ehe- 

^ xe Dame' ne pouvoit^oa pis noua laiflla 

M un peu plui de tempst 
^ !• poHtfoiawustaaU^ifuerniilbLboon^ 



•» 



t> 



»» 






X V I i I tf A. m 

^ x$ifyn%; vms deux o^trpjs fulBycçnt» je 
^ pwrfe, poujr vous .cQ»vpiqa:e, e» dépit de 
^ toute b logique de yotre çoqpetteriç. D*a- 
^ bord vous conviendrez que ypiji» ne ferez 
^ pas f&chiie de quitter la nuifojQ de Mdme 
,, BeauiQonty & dans ce cas vous eu relie. 
^ t-il d*^iure à cboifir que celle <jie My- 
^ Iprd OivUIe ? 

» SaQs,dou«^, j*ayois un afyle, (ojcs xpéme 
fi que >'étois oxpj^liae : aujourd'hui qpc je 
«f fuis avouée par mon pere> je dois pmquer 
t» djO reflburces moins çpe ja^aia. 

«• Votrepere voudrait épargner, «itaiûqu'il 

m eft pof&ble 9 la réputation de rinfortundç ^ui 

M a tenu jurqu'ici v.otrè place : ces ménag^e- 

M mens feroîentdlSciles fî on la reovoyoit 

„ d*abord ; & fl .on vous faifoit entrer im- 

„ médîatement dans la jQuifranced&vQs droits, 

„ ce (eroit le moyen de décQuvriïr lou^ vjn» 

» trigue aux yeux du puUic, .& la pauvie fÎQe 

^ œ paŒuroit plus que poiv unp bAtarde de 

^ Mdme Oreen » autrefois UançbiilhkÇe ft 

^ nourrice à fierry^HilL II eft juOe de pré- 

M venir s^ inccmvénieuF» d*aumnf pka que 

^ M. Macafoiey ne feroit pas trop flatté 

« d'unA parefflc géuéalû«jb;. npUf lui |?on« 

^ noiffons^ vous $ ippi» upe p^ 49f9 

j, dToqsueil &4'W0tUr«f{«o«K» 

N 4 



100 E V E L I N A. 

/ 

V » 

M Pour touc au monde je ne vbudrois pu 
,, être la caufe de la perte dç cette fille; mais 
,, en attendant» Madame » ne pourrois-je pas 
n retourner i BerryEillI? 

,t Cela ne fe peut pas; nous nedemandoiif 
I» ps^ mieux que de prévenir un éclat, & 
M d'épargner toute mortification i la jeune 
M Green; mais il efl jufte d*un autre cô^té que 
,, vous paroifiiez dorénavant fous le nom de 
M la fille de Sir John Belmont. D*aUleurs , 
ft entre nous, je foupçonne que cette extrême 
„ délicateffe n*eft pas abfolument désîntéres- 
M fée; & s*il ne tient qu*à cela je puîs vous 
,, dire que le double mariage que nous avons 
,i réfolu levé toutes les diificultés. Sir John 
,t fe charge de votre fortunç; vous pouvez 
ft compter fur une dot de 30000 livres fter- 
,, iings payables fans délai; il vous équipe- 
,9 ra, & voU)S établira fous le nom &Evelina 
^ Bebttont. En même temps M. Macartney 
p époufera Aliff Polîy Green, — Sir John ne 
,, fera cenfé avoir marié qu'em^7<^e^/e;ainfL 
n le public ignorera la révolution qu'aura fubi 
«, celle qui a tenu jufqu'xcî la place de l'héri- 
«, tire légitime. 

Il fallut me rendre i ces ralfons , flnon par 
Conviâion, du moins par complaifance. Je 
(QWprmai çncore^j^fi je n*obtiendrois poin( 



K V E L 1 N à^ 'TOI 

la permiffion de revoir mon père, ou fi je 
devois croire que yétols bannie pour cou« 
joues de fit préCence? 

^ Ma chère , in*a répondu Mdme Sel wyn , vq« 
s» ti^ père ne vous cônnolc pas; > il ruppofo 
I, que vous n'avez été élevéeque pour iedé^ 
,, tefter , & U vous craiae plus qu'il ne vous 
4» aiDe*"* 

Cette réponfe m'a vivement allarmée; j*ai 
témoigné à Mdme Selwyn combien je défiroit 
de détruire cette prévention ,' & de mériter 
Ton affedion par une obéi(&nce vraiment 
filiale : j'ajoutai que puîfqu'iï ne demandoît 
pas à me voir, j'étois fort embarraiTée pour 
en trouver le moyen. 

Ce foir nous avons eu alTembiée chez nous; 
dès que les parties de jeu furent formées, My* 
lord prville m'entretint en particulier & em» 
ploya toute Ton éloquence pour me réconcilier 
avec le plan précipité qu'on fe propofe de fui. 
vie. Jugez » Moniieur , de ma furprife , lorfqu'il 
m*apprit que tout étoit arrangé pour marM 
prochain y & que mon père lui-même avoit fixé 
ce jour pour étxe le plus important de ma vie« 

,» Quoll mardi/' m'écriai -je prefque hors 
d'haleine : oh » Mylord — — ^ 

„ Oui, ma ehereÉvelinay ce joureil de(U« 
I j né i me rendre le plus heureux des morcsia « 

N 5 



fytihiK Ai 



^ ft a TWf ftr^kra Ans dootç (oi^m fc^ 
^ lemnel , 4ftt • 11 éM difitéré 4'iioe année ta* 
9, clere. Mdme Selwyn voimwai informé dm 
„ motift qoi bo«^ ont enc^gé i V^vïïùcex; 
f, jeignei à oes nifo» moi^ propte «opres» 

y» reiife pour &o pis yoiis.op|i>{(r i lendré 
f, mon bonheur parfiiit.. 

1» J^ »• prétends pas, Myiord, m'Of^ofér 
^ i kwlootéde mes amis ; îefuismème fen- 
,» fibteè la cQnfiaace qiie voo^ f];» témoi. 
t» gnes: mais aTonea voi^-jn^me qpie cotise 
,, ibgiàiere préeiptuti<Mi a de ^loi m^ cbo- 
»» qpier. Jauni i peine le temps de reoevolr 
I, des lettres de Berry-Hill, & pour tout au 
^ monde je ne voudrois point terminer une 
,1 affaire 4e ce^e importance fitfis Fagrémenjt 
^ du digne M. ViUvs, 

Il s'eft offert d^aUer lui même i Berry.gm 
pour vous sendie (es devoirs » & c*eft moi&u- 
li qui l'en al empêché > en Taffiarant que Je 
vous a¥0t8 A^ écrit II m'a prppipfé enfuite 
qu*att lien de nous rendre d'abord dans leLia* 
cotnshire • nonsirines paflèr un mpisavec tous, 
l'ai fiUficettft idée avec plaifir ^ & je n*ai point 
déguifé âmon amante combien!} m'QWgjBojt 
par cette compiaiftnce. ««-^Sn^nt S^çnfieur» 
H a taOxi me sendiei ib mêw^$ fï^ tent ce^ 



/ 



« ▼ B H If A. ^ 

fen diffésé/Hfiju^iji^udii. JMj^lor^ O^ville s'eft 
chargé de faire confencir mon père i ce court 
délai ; |e lu prié en Hi6iBe timps deluj parler 
dp DmtésDC deux que fat de le revoir : ilm*a 

imioM d'effiftl(>)«3: tout /09 créait ^pqvjt w 
^9(wer imç {f^nde «otrevu^r 

Il vaulm: psurler eofiilte de d(wire & d|9 
contrat; mais je i'aflurai que cesienoes xçi'^ 
toient abfcdiiiiient é(nuige«$* 

Maintenant, moD cher MonSeor » me fen* 
t ' A pcifl^is de demander ce que vops pepfez 
de tous çfi6 arrangemens ? N'êtes voyspasd'^* 
vis qu'on s*eft trop hâté ? Je xègrene pre^^e 
k facilité av«cJaquelle j'ai donn4 monconfea- 
.tement : mais pour peu que vous ytrpuviezi 
redire, j'infiûeral fur un nouveau d.élpi« 

Je me propofe d'écrire inceflammeat à mt 
amis de Ilovrard-Grove & à Madame .£Hml» 
pour leor rendre uû compte détaillé 4e l'éltt 
aftuel de mes affures; c'eft une^cteotiQo que 
je leur dois* 

Adieu, mon très-cher & très*bQQg^MoB* 
£eur; tout dépend âpréfentdevQOredéPifibni 
Je l'attends c;n trem!)bnt; m^« je cv^q^s ^^ 
aq^ de my foluinetut aveuglémi^it. 



fl04 K V E L I N a: 



Myl 



LETTRE LXXX. 

Suite de la Lettre ét^ V£ l i k a. 

1 Oôobie. ' 

ord OrvUle nous quitta hier d'abord 
tprès le déjeûné, dans le deflèin de s'acquit- 
ter des commiflions dont je l'avols chargé 
pour'mon père. 

Pendant Ton abfence MdmeBeaumontnous 
propofa un tour de promenade dans le jar- 
din. Mdme Selwyn s'excufa fur des lettres 
qu'elle avoit à écrire , mais Lady Louife vou- 
lut être de la partie. 

Les attentions qu'elle eut pour moi au dé- 
jeuné m'avoient déjà fait foupçonner que foii 
frère l'avoit mis dans fa confidence; & la con- 
duite qu'elle a tenue depuis, étoitpropreà me 
confirmer dans cette idée , ca/ au- lieu de me 
laiiTèr paflbr lorfque je voulus me retirer de la 
chambre, elle me rappela & me dit d'un ton 
de furprife affeAée: ,, IVlifTAnv^llle, ne fe- 
„ rea-vous pas des nôtres !" 

Il y a de la ^etiteffe dans ce changement fa- 
bit: suffi ne pus-je m^mpécher d*y répondre 
avec un efpece dedri^pris ; je déclinai fon in. 
Titation avec auQ^t de froideur qu'elle m'en 
a montré iuTqu'icL Mais comme je remar<)ttiii 




B V E L I N A. SQS 

que mon refus la faiToicrougtr, jedevlnl molnt 
-fiere; j'aurois été fichée de faire de la peine i 
la fœur de Mylord Or ville. J'acceptai donc la 
' promenade , d'autant plus que Mdme Beaumont 
m'en fit la propôfîcion une féconde fois. 

Nous nous fommes honnêtement ennuyéei 
toutes trois: Mdme Beaumont, qui ne parle paa 
beaucoup, fut encore plus tranquille que do 
coutume ; Lady Louife fit des efforts perpétuel! 
pour mettre de côté l'aîr de contrainte & de 
hauteur qui lui efl naturel ; & moi-même je 
connoîfTois trop bien les motifs auxquels je 
devois attribuer fes politefTcs, pour en tirer 
ta moindre vanité. 

' Mylord Orville fut bientôt de retour ; fa 
préfence ramena la gaieté & la bonne humeur 
parmi nous: », voilà juflement, nous dit «il, 
„ l'occafion que jecherchois. Permettez, Miff, 
„ que j'aie l'honneur de vous faire connôttre 
„ fous votre véritable nom , à deux<]e mei 
„ plus proches parentes. Mdme Beaumont, je 
„ vous préfente la fîlle de Sir John Belmont, 
,> jeune Oanie à qui, j'en fuis sûr, voua 
„ aurez déjà accordé votre eftime & votre 
„ admiration , avant que de favoir de quelle 
„ condition elle étoit. 

„ Mylord,.-' répondîtMdme Beaumont, en 
me falucnt fort obligeamoieat» »> le lang d« 



Mé E V E L I M A. 

m ctCtt jfaoe Dame, «~« (an mirkt, ««» votrv 
„ jvcomHBodatioo , -«i font «itaoe de titres» 
il doot va feiil fuffiroît pour lui acttrer moa 
H ofiime» & je me flatte que pendaat fonfé» 
f, jour chez moi , elle aura été traitée avec 
M tom les égards qui lui font dûs. }y aurois 
•» œpesdant regardé de plus près encore» fi 
4» f avois eu l'avantage de connottre la fanûi- 
9 le plutôt*' 

„ La nai(&nce» reprît MylordOrvîlle,. n'a- 
it joute rien aux vertus de JidiffBelmont; elle 
fecoic hoQ&eur an rang le plus élevé. — 
ig Ma four I continua -t*r{, je fuis sûr que 
„ vous ferez bien-aife de vous a^iiref: une 
«, part dons fan amitié ; quelque jours encore » 
I» & j'aurai la fatisfaâion de vous préfenter 
M Mf ff~BelmoQt fous un autre nom & fous uo 
^ autre titre." il baifa ma main , ft la mit 
dans ceUe de Lddy Louife. Je rougis, auflîbîen 
qu'elle» & nous fûmes embartaSées Tune & 
i*autre; elle» fans doute» du fou venir des trai* 
teoiens peu bonnttes qu*dle m'avoitfait efluyer; 
It moi. » de la manière inattendue dont mes 
Icaîfons avec fon frère lui furent annoncées. 
A» refte» elle me reçut fort poliment» & me 
dit en fouriant , qu'elle s'eftimeroît heureufe 
4m> cultiver ma connoiflance. 
Je lépondls à ce compliment par uoefimpiff 



k 



t V B l I K A; éàr 

révérence, & noascontînulm^ Hdtre piùiM 
nade. Il èfl claîr que Mylord OrVilte avoit 
déjà prévenu ces Dames; je le fc^pçonne du 
ihoms par le peu die ftn&tion ^ueproduifit 
fur elled cette grande nouvelle. 

D*autres perfonnes vinrent nous joindre» de 
Mylord Orville m'informa alors du fuccès ié 
fa vîOte. On a pris jour pour jeudi , comme 
je Tavois demandé. Mon père» mVt-il dit» 
a été infiniqient fenfible aux marques de int 
tendreflTe» il m*a comblé de bénédiftfons Ai 
a confenti i me voir , en ajoutant qu*Il fe fe« 
rolt un plaifîr de prévenir tous mes fouhaiti; 
JMylord Orvilfe me confellia de lui rendre mca 
devoirs dans la Coltée même, & I! me fit en« 
tendre que je ferois bien de ne point admet- 
tre Mdme Selwyn à notre entrevue. 

Je reçus cette jbonne nouvelle avécunpial- 
fir mêlé de crainte; Tldée de revoir mon père 
m'affeâa , & m'occupa tout le refte de la jour- 
née; j'attendis avec impatience le moment d« 
mon départ. 

Mdme Beauniont me prêta fon carroflè , 9c 
Mylord Orville me demanda inftammeni la per^ 
mlinon de m'accompagner : „ Vous r ifquez , ine 
„ dlMI, de choquer Mdme Selwyn , fi vous y 
I, allez feule, au lieu qu'elle n'aura rien i dire 
I, fi nous partons enfemble.^Mous en fèroog 



I» quittes pour quelques luauvaîfes phlfiitité^ 
M n'es» mais il vaut mieux la faiflèr rire, que 
,, de nous expofer à lui déplaire. ** 
. En eâTety je n'eus pas lieu de me repentir de 
ma complaifance; la cooverfàtiôn du Lord me 
fut d*une grande refTource , À le temps me du- 
ra fi peu, que nous nousMmes au bout de no» 
tre courfe, lorfque je la crus à peine commencée. 

Dès que nous fûmes defcendus de voiture, 
tu. Macartney vint à notre rencontre & nous 
conduifit dans une falle: », Âh! mon cher fre- 
,, re, m'écriai'je,que je fuis beurêufe de 
„ vous trouver ici \ 

Ji jne remercia tendrement. Mylord Orvilfe 
lui tendit la main, & lui dit: „ MonfîeurMa- 
„ car tney , j'efper e que nous nous çonnoltrons 
„ mieux , je me promets beaucoup de (atis* 
„ faflion de votre amitié. 

(if. Macartney.) „ Mylord, vous me faites 
^ trop d'honneur» 

„ Mais où eft ma fœur? car jel'appelleraî 

„ & la regarderai toujours comme telle ; je 

„ crains qu'elle n'évite ma rencontre ; ^- je 
„ vous charge, mon cher frère, de la prévenir 
t, en ma faveur & de m'affurer fa tendrefle. 

(M. Macartney. j „ Vous êtes la bonté me* 
„ me, mais je vous fupplic del'excuferpour 

le 



Z V E L I N a; to§ 

7; le moment ; elle n'auroît pas la force de 
.»y vous voir, — peut-être daàs peu '"^^-^ 
, (Mylord Orville.) ». Oui, dans três-peuie 
>» temps j'efpere que vous nous la préfentefez» 
„ & que nous aurons le plaîfîr de vous félicU 
,1 ter. Je dis nws; & vous le voulez bien » 
» ma chère Evelîna. M. & Mdme Macartney 
fy feront les premiers hôtes qui logeront 
»9 chez nous; nous y comptons , Monfieur, 
»9 votre fœur & moi." 

Un domeftîque vint m'avertir que mon pe« 
re m*attendoit dans fa chambre. 

Je priai Mylord Orville dem'y fuivre; mais 
(a délicatefle Fen empêcha , puifque mon père 
avoit demandé exprdTément de me voir feule. 
Il fe contenta de m'accompagner jufqu'auhaut 
de Tefcalier , & m'exhorta de fon mieux ipren- 
dre courage: fes efforts furent inudles, je me 
lepréfentois vivement ce que cette entrevue 
avoit de terrible, &dans cet inftant augufte 
je ne conuoifFois d'autre fentiment que celui 
de la crainte. 

Enfin je fus introduite ; mon père m'accueillit 
avec bonté ; ,, eft-ce vous , ma fille ? !* me dit-il. 

Je volai vers lui & me jetai â fes pieds : 
», oui, je la fuis, Monfieur, je fuis votre fil- 
,y le,heureufe que vous vouliez la reconnoltrel 
„ Il tomba lui-même i genoux > & me ferre 

///. Panii. O 



99 



tentirértent dans fes bras : „ Té recûmioitrel 
oui, mon enfant» volofurfers; inafs Ditu 
fak avec quel méange deplaîfir & de douleur 
„ je m'acquitte de ce devoir.'* Nous nous lo- 
vâmes tous deux , & nous paffâmes dans un o»- 
bînet voiiîn qiflt ferma à def. Fuis il m*ap. 
procha d'dne fenêtre , & après m'avoir con- 
ildérée avec une inquiétude des plus attendrts- 
fanres, H s'écria. 

„ Oh! ma pauvre Caroline! " & à ces mots 
Il verfa un torrent de larmes. Faut-i! vous 
dire , Mqnfîeur , que ctHjpeftade ût coûter 
les miennes en abondance. 

Je voulus de nouveau embraffer fes ge^ 
DOUX, mais il me retint, &s'étant jeté fur un 
ft)fe^ il y demeura dans une attitude qui mar* 
quoft le plus profond accatiiement. 

Je refi>eftoîs trop fa douteur pour peo- 
fer à Hnterrompre ; je me tins â l'écart & 
j'attendis en fîlence qu'il fe fût remis. Maïs 
'tout -i'^ coup il entra dans une efpece de fu- 
reur» il fe leva en furfaut, &s^cria d'un ton 
qui me fit trembler: „ eh bien ma fille, as-tu 
„ aflfez humilié ton pef é F — «i cette preu- 
„ ve de ma fo&ldTe te fuffit, fors & ne me 
^ tourmente plus par ta ptéfence." 

Un ordre auffifévere ftauflll inattendu, me 
frappa comme la foudre; je reliai immobile ft 
Bîucttc, inccrtainfe 11 j'avois bien entenAr. 



E V E I. s N A- «M 

;, Sors» tedi6*je, neprk-U «yfc importe- 
;, ment, letirp^toi» in moiM m l^Uii l^ih 
,, femoi, fi je doiaf conferver Tu^iee de m) 
,, raifoa, -*- kiiffe-moi {KMir tpujQusç, 

p, J*obéis , " lui répondls-je toute treupl^liqtc^ 
A je pris auflicAt le chemin ée te p^fîti^; m4^ 
«Tant que de ratteiodre, je me n^toinimaî p^^ 
un mouvement involonuire» & je ^mNii î 
f^ouz : ,5 ne refufêz paa, Monfi^iir» yptrç 
,9 bénédiâion i votsefiOe; c'eftiifeu/egraçp 
), qu'elle implore; accordezpIa4ui» & fa yuc 
„ ne vous fera pLua â charge. 

», Hélaa! je fuis indigne detehfnîr^--!*!^ 
,» digne de te nommermafiUe» •***--« iodîgnp 
»» de voir le jour. ~~ O Dieu i. que ne pui^- 
^ je rappeler le paffé, me niectre i TlIpi^He 
y, de ta naiflance » — ou du moin^ qw W 
», puis/je anéantir un fbuvenir fi cruel i 

Plût au ciel que ma prélênce voua fi)p 

moins odieufe» qu'au lieud*iriiter^3Q«,eb»- 
,» gdna, elle p(lt lea adoucir! Ha» &foflfieir» 
„ avec quelle gratitude je vouspcottverpismo» 
«» attachemeni» même aux dépens de ma vie. 

99 Sonc-celitesftotifflCDS? viens» BiooSvçt* 
t», lina, leve-toii c'eft i moi de tombpr iger 
„ nous. Oui, on «e verroit i genoux, — ;r 
»» ramper coipme -un ver , •f^ me rooler 4>ns 
,f ia pottiiere , -— r fi par cette 

O % 






912 



E T £ L I N A. 



je pouvoii expier ma faute , obtenir par tt 
„ bouche le paridon d'une épou^fc que j'ai 
i, outragée l 

„ Ah! Monficur, Ufcz mieux dans moa 
„ cœur; — ah! fi vous y voyiez toute re- 
tendue de ma tendreffe filiale , tout l'inté- 
rèt que jeprens à vos peines, vous m'épar- 
gneriez ces difcours déchirans , vous 

ne me menaceriez plus de mebannir de vo- 
tre préfencc, de me retirer votre amour. 
n Sepeutil, mon enfant, quetunemehaïs- 
Ces point? La fille dt l'infortunée Caroline 
peut-elle me voir fans me détefter? n'es-tu 
i, pas née pour m'avoir en exécration? Elevée 
I, pour me maudire, ta mère ne t'a t elle pas 
„ laifië fa bénédiaion à condition que tu m'au- 
„ rois en horreur ? 

„ Non, non, jugez mieux d'elle, jugez 

„ mieux de moi-même/' Je tirai alors de mon 

. porte feuille la lettre de ma mère , & après 

l'avoir prelTée de mes ferres » je la préfentai 

i Sir Belmont. 

Urne l'arracha avidement: „ donne, c*eft 
„ fon écriture ^-^ d'où vient cette lettre? — 
„ de qui la tTenstuî — pourquoi ne l'ai^ 

„ je pas reçue plutôt? ^ 

Je ne répondis point i ces queftlons ; leur 
impétuofité m'intimida, & je continuai à gar- 
der la pofture refpe^ueufe que pavoii prife. 



99 
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V» 
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9t 
9» 
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99 
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Ê V E L I N A. 113 

Il s'approcha d'une des croifées» où il de- 
iseura fans pnrier , les yeux fixés fur l'adrefie 
de la lettre; il trembloit comme une feuiOe, 
«nfuite il revint vers moi; „ ouvre>U, dit« 
,, l\^ car je ne le puis. 

A peine avois-je moî-méme aflèz de force 
pour lui obéir. Je rompis cependant le ca- 
chet; il reprit la lettre, & comme s'il n'avoic 
ofé la lire , il fe promena â grands pas dans 
la chambre: ,, fais-m ce cpi'die contient?" 
me demanda MK 

M Non,Monfieur, elle n*^ jamais été ouverte.** 

II fe prépara enfin à la lire» & après l'avoir 
parcourue rapidement, il leva les yeux vers le 
ciel , la lettre lui tomba des mains , & Il s'écria : 
», oui, ma Caroline, tu triomphes dans le fé- 
„ jeur des faints, -^ tu feras heureufepcn- 
9, dant toute Tétemité, ^ & moi je fuis per- 
„ du pour toujours ! "-^ Il fe tut un inftant , 
pals, fuccombant tout â coupa fondéfefpoir» 
il fe jeta par terre en «'écriant : „ malheureux 
„ que je ftiîs, indigne de vivre & de voir la 
„ lumière ! dans quel cachot irai- je me cacherl '* 

Il me fut împoflible de me retenir plus long- 
temps, j'allai vers lui, & n'ofant parler enco*\ 
re, j'employai mes larmes & mes carefles pour 
foulager fa douleur. D fe releva & reprit la 
lettre :„ tu veux que je te rcconnoiffe; chère 



• 9 



114 £ V B L I N A. 

^ Ciroline! — oui, c» feras fatîsfafte, dfit* 
^ Il ti*en coûter la dernière gout»s de mon 
M btïg. «-* Oh ! que n*es-ttt témoin des hor* 
rettrs dont mon ame eft déchirée l »- tous 
les tourmens de la terre ne font rien au prix 
,i de cette lettre!" 

Il la relut encore: », Evelina, tsedit-îl, 

^ elle me charge de te reœvolr ; veux tum'al- 

^ der à remplir (k volonté ? as tu la force d*a- 

^ vouer pour père le boureau de ta mère?" 

Quelle terrible queftîon ? J'en ai frémi 1 

i^ Je dois rétablir fa réputation « & avouer fa 

^ fille ; c*eft à ces cond itions qu^elie a fîgné mon 

pardon, «-r» ]*ai déjà fait tout oe qui dépen- 

doit de mol pour juftiôer fou hoftneuraux 

^« yeux du monde entier ; ''^>'^ & avec quelle 

joie ne voudrois*je pas ouvrir mes bras à fa 

fille, *-^ la prefiTer fur mon cœur,— «chercher 

^ dans fa tendreflè mon repos & ma confola- 

y. tîon : mais j'en fuis indigne , je le fais , hé« 

^, las ! j*ai mérité mies chagrins par mes crimes.** 

J'eiSiyaîpIufieurs fois derinterirompre,mats 

oe fut en vain ; la douleur m'avolt ôté l'ufa- 

ge de la parole. 

Ses yeux étoient toujours fixés futlalettre; 
il s'arrêta furtout â ces mots : mm enf^m , fM 
fiffmbk point à ta mère;, il les répéta haut en 
r*écriaat: „ quelle aaertiiae Uyadansccspa» 



*» 
^ 



9$ 



99 
» 



EVE L.X N A. 915 

f oies t «^ VieM ici , mon Eveltu , que je te 
regarde encore ! — « Ah^ juâe ciel! vit-on 
jamais une reflfamblance plus frappante / r« 
voilà Ces yeux » (à bouche » •*^' Tes traits. .«.« 

Oh ! mon enfant ! mon enfant ! " Pei- 

gnez-vous, ^Jonfieur, car j'eflàyerois 

envain de rendre cetableau,-^^-* peignez vous 
mon faiflflbment, quand je vis monpere tom- 
ber à genoux devant moi. „ Obi Coi, "médit* 
il, „ l'image de umerc^uej'aiaAi&née, vois 

ton père à tes pieds; vois jufqu'où il 

«, s*abaiflê pour te prier de lui épargner ta hai- 
ne. Parle-moi au nom de Tépoufcque 

j*ai perdue; *— r» que j'apprenne par ta bou« 
che , qu'elle ne dédaigne pas entièrement les 
remords affreux auxquels je fuis en proie» «-^i» 
Ah! monpere, dans quelle iituation vous 
me réduifez? levez- vous,—— de grâce I 
„ levez* vous; « < ne renverfez par Tordre 
de la nature, leve^vous; c'eft moi qui de- 
„ mande à genoux votre bénédiâion. 

„ Que le ciel te béni(&, ma fille» jen'ofe 
„ le faire -noi mèine." 11 m'embraffii tendre- 
ment, en ajoutant: „ ta douceur m*enchante; 
„ j'avois tort de te craindre ; (es (bntimens nç 
„ laideroient rien' à délirer au meilleur des pe- 
„ res ; je tâcherai d'accoutumer mes yeux â tjc; 
,1 voir avec moins de répugnance» Peut-éue 

O 4 



99 
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y» 

9» 



aie E V E L I N A. 



•> 






un temps viendra , où je goûterai toute I« 
^ coifolation que je devrois reflentlr davoir 
„ une telle fille ; — mais pour le moment 
„ je doU être feul; j'ai befoin d'être laîffé ^ 
mes réflexions ; elles font terribles « & je ne 
veux pas que tu les partages avec oioi.— ^ 
Adieu «mon enfant, ne t'inquiète point: -^ 
je ne faurois refter avec toi, £velina; ta 
^ phyfionomie efl un poignard pour mon 
„. copur^ ' chacun de tes regards me 
•f rappelle tt mère." 

Ses larmes & fes foupirs l'empêchèrent d'eu 
dire davanuge ; il s'arracha d'entre mes bras , 
& il alloit fortir , maïs je le retins de toutes 
mes forces I „ ha, Monfieur , penfez-vous déjà 
„à me quitter? — fuis- je jredevenue or- 
„ phelîne? ~ Oh ! mon cher père, ne m'a- 
,1 bandoonez pas » je vous en conjure ; prenez 
M pitié de votre fiUc , & ne la privez pas d'uo 
,, perc dont l'amour lui eft fi néceffaire. 
„ Tu ne fiiîs ce que tu me demandes, mon 
enfant; les fecoulTcs que ippi) ame éprouve 
dans cet inftant fon trop fortes pour être 
fupportées plus longtemps, il faut que je te 
quitte. Ne fimaginepasque c'eftpar dure- 
té , -^ — j'en fuis bien éloigné , foîsen fA< 
re, & prens bonne opinion de moi. -— 
MylordOrville s'eft conduit généreufeinen; 



t» 
t» 

t> 

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E V s L I N A. «t; 

^ enfers tpî, j'efpere que tu feras heu- 

,, reufe avec lui. Dieu te bénifle, mon Eve* 

o lina! — - aime-moi fl tu le peux, < ou du 

„ moins ne me hais pas ; tâche de me confer* 
y, ver une place dans ton cœur ^ n'oublie 
y» point que je fuis ton père." 

Je ne vous parie 4>as, Monfîeur, de mon 
émotion; elle ne pouvoîcgueres aller plus loin. 
Mon père m'embraffa de nouveau » me donna 
fa bénédiâion , & fe précipita hors de la cham- 
bre fans que je puïFe le retenir; il me laiffa 
noyée dans mes larmes. 

Vous , Monfieur , qui avez tant de bontés 
pour votre Evelina» vous comprendrez aifé* 
ment combien j'ai foufFert dans cette entrevue. 
}e prie le ciel de mettre une prompte fin aux 
remords qui accablent mon père, & de ren- 
dre la pai^à fon çcçur! 

Dés que je fus dans une aflîette un peu plus 
traïquille, j*aîlaî rejoindre Mylord Orville, 
qui matiendoit avec un extrême impatience. 
Je fus témoin d'une nouvelle fcene attendris- 
fante; M. M^cartney m'informa que mon 
anant yenoir de régler le fort de l'Infortunée 
qui jufqu'ici avoit palTée pour la fîlle de Sir 
Belmonc. Il veut qu'elle continue à être re- 
gardée comme ma fœur, & qu'en cette qualité 
^lie conferve Ces droits à la fuccçfCon future 



; 
I 



ti8 E V t L 1 N A. 

de mon père , quoîqu'A la rîguBUt & ftlm les 
kix , elle n'y foît nullement auCcrtifée. - 

O Mylord Orville l — Tunique étude de 
nia vie fera de te prouver , mieux que par des 
paroles J combien je réconnois toute détendue 
de ta générofité & la noblefTe de tes fetitimens^ 



"#^ 



LETTRE LXXXI. 

Continuation dâ là Lettre d^E v B L i n a. 

Cfiftofi-Hilly là OAobre. 

Voici» Monfîeur, la copie d'une lettre qui 
m*a été rendue ce matin de la part de Sir Clé- 
ment Willoughby. 

A Mîff Atmlle. 

»» J*»Pprcnds dans ce moment la nouvelle de 
votre prochain mariage avec Myîord Orvriie. 
On me dit même que tous les préparatifs en 
font déjà faits." 

„ Ne me croyez pas affcz îmbécille pour ofer 
prétendre à renverfer ce projet. Non , je n'en 
ai pas la folie. Mon intention n'eft que d'ex- 
pliquer les véritables circonftances d'un événe- 
itïcnt aflez fingulier qui peut vous avoir infpirc 
des foupçonsquejeferoisbienaire dediflîpcr." 

„ La conduite înconfîdérée que j'ai tenue dans 
notte dernière entrevue, vous aura déjà fait 



E V E L I N A. ttf^ 

deviner quç je fols l'auteur de la lettre dont il 
étoit queftioo. Pour ne vous laiffer rien igno** 
lerice^ujec» j*aural Thonneur de vous avouer 
que çtfUe que vous avez adreflSe ci «devant 
i Mylord OrvUie, tomba par hafiird entre 



soes mains." 



,« Jamais pàffion i^'égala celle dont j'aî brûlé 
pour vous; la violence de mon amour fuffiroic 
pourme fervir d'excufe ; mais je ne veux point 
m*en tenir i une fimple défaite, il faut une jus» 
tificatîon plus complette pour une aélion qui , 
eu piemler coup d*œil» fembledéfavantageufe 
i mon honneur*" 

„ Il fut un temps où Mylord Orville , — ce 
même Orville » que vous allez rendre le plus 
heureux des mortels » m'avoit donné i cnten* 

die qu'il ne vous afmoit point, & ce qui 

eft bien plus, — ^ qu'il étoit loin de rendre 
j iftice i votre mérite.** 

„ Telle étoit IMdée que j'avois prife de fes 
fentimens , lorfque j^eus Toccaiion d*intercep« 
ter la lettre que vous lui aviez deftinée. Je ne 
prétends pas faire l'apologie des moyens que 
j'di mis en ufage pour me la procurer, ni 
pallier la liberté que je me fuis permife d'ea 
rotTïpre le cachet; *— je n'écoutois que mon 
exceflivc curfofité » îl m'iroportoit de faroir 
àins quels termes vous étiei avec lui." 



1120 £ V E L I N A. 

,9 Cependant la lettre fut emîeretnerc inintel^ 
figîble pour moi ; Ton contenu ne fit qu*aug- 
menter mon embarras.'* 

,, }« n*éco!s pas homme â refter tranquiHement 
dans riocertitu Je , & jeréfolus d'éclaircir mes 
doutes à tout hafard ; je pris donc le part! de 
vous foire réponfe au nom de Mylord Orvilte.*' 

,, Je ne veux point vous déguifer les motifs 
qui m'ont décidé ^ quoique je prévoie que^par 
cstaveu j'achèverai d'encourir votre difgrace.** 

„ En un mot , Je fupprimaî votre lettre pour ne 
pas donner i Mylord OrvIIIe une nouvelle 
preuve de vos talens, & je vous écrivis dans 
an ftyle qui me paroiflbit propre à vous faire 
perdre le gciût de cetlbe correfpondance." 

„ Je prévois tous les commentaires qu'on pour* 
fa faire fur ce texte. Mylord Orville fe croira 
peut-être offenfé • mais heureufpinent je me 
foncie peu de fon opinion , & d'ailleurs je n'ai 
point entrepris cette lettre pour lui faire des 
excufts; mon intention n'étoit que de vous in- 
former des raifons qui m'ont fait agir." 

,»Je me propofe de quitter l'Angleterre lafe- 
maîne prochaine. Si dans cet intervalie My* 
k>rd OrvIlIe avoit encore des ordres i\ uie don- 
ner • je m'en chargerois volontiers. Je ne dis 
point ceci pour le déâçr; — • au contraire, fî 
c*étoit-Jà.monidée,jc rougirois delà lui pré» 



, E Y E L r U'A. wi 

fenterparun voie indîrefte:— nais dû moins 
û vous lui montrez cette lettre , il verra que 
fi je fais excufer ma conduite, je crains tout 
aufli peu de la défendre." 

Clément Willouohbt. 

Voilà un écrivain qui s'annonce avec fierté- 
Qu'en dites. vous, Monfieur? Que penfez- 
vous de ce mélange de pedteire& de témérité ? 
A quels excès ne mènent pas les paillons , 
lorfqu*elles ne font point gouvernées par la 
raifoniSir Qément fait qu'il en a mai agi, & 
cette même fureur qui i'n porté à contenter 
une curiofîté indifcrette, l'engage aujourd'hui 
i rif juer fa vie, plutôt que de convenir de 
fes torts. Ceft encore à fon orgueil que 
j'attribue le ilyle grofCer de fa lettre : il eft 
piqué au vif de mon îndifFérence, & il n*a nr 
âlFez de délicatefTe , ni affez de courage pour 
cacher fon mécontentement. 

Je n'ai pas jugé à propos de montrer cette 
lettrée Mylord Orville, & même j'ai cru qu*îl 
fcroît prudent d'informer Sir Clément de cette 
précaution. Pour cet effet je lui ai répondu 
par le billet fuivant. 

; A Sïr Oément mikughby. 
. . Monsieur^ 
n La lettre qu*il vous a plu de m'écrire » mo 



sift E V B L I K iU 

parott fi peu propre i étte miCb fous les yeux 
de Mylord OrvlIIe, que j'ai cru vous rendro 
fervîce en la ferrant foigueufemént; vous pou« 
vez compter que je n*en ferai jamais ufa^. Au 
refte, je ne garde nulle rancune 4eçe qui s*efl 
paffé ; feulement je dois vous prévenir quç je 
n'attends plus de vas lettres , par aucune voie 
quelconque, dîreâQ ou indirefte. J'ai lieu de 
me flatter que cette déférence vous coûtera 
d'autant moins, que votre efpritme paroit 
beaucoup trop agité pour vous permettre de 
continuer une correfpôndance." 

„ J*efpere que vous rencontrerez toutes fortes 
d*agrémcns dans leyoyage que vous àUe? en- 
treprendre & je le fouhaite de tput mon cœur.**" 

« 

Ne fâchant pas quel nom figoer» je n*en a| 
pas mis du tout. Les préparatifs dont parle Sir 
Clément » contimieutcommé fi nôusavipns dé« 
jà votre confentement J'ai eu (^au capifuler : 
Mylord Orvilie dit, qu'au cas qu'il fufvjbem^e 
des difficultés tout fera interrompu; mai^co^* 
me il cfpere n'avoir rien à craiudre p il va fon 
train , ^ ne doutç pas un inûant de votre ap-. 
probation. 

Nous avons eu cct^ après-dlnéeun entretien 
des plus intéreflaùs; datls lequel nbus nous 
fommesplus à remontera la fiburce de nos liai* 
fi>96 d^uis le inoineat de notre promiert son» 



E V E L I N A. as3 

fioiflance. J'a^i fait convenir OrviHe qae mes 
inepties du bal de Mdme Stanley lui avoîenc 
donné de moi une très*petite idée; mais il 
m*a afluré dans les termes les plus flatteurs, 
qu'auilî fouvent qu'il m*a revue depuis^ j*û 
toujours paru de plus en plus à mon avantage. 
Je ne lui ai pas caché non plus mafurprife 
de ce que fon choix étoit tombé fur une per* 
fonne» à tous égards, fl fort au-deflbus defoa 
rang &de fon alliance; & alors il m*a avoué » 
que fon premier pian avoit été , avant que de 
me parler de foi^ amour, de faire des recher- 
ches plus exaétes au fujetde ma famille , & fur* 
tout à regard àtcertuines gens avec lefquelles il 
m'avoix vm i MMybooa : qiiteftfkfiaoa éé* 
part étoit furvenu , & que dans la crainte de me 
perdre il avoit tellement perdu t^ tramontane, 
qu'il avoit lailBé.- là ks legtos de la prudence 
paur OCK pnmdre conTeil que de fon amour. Ce 
fontfes propres paroles , & il m'a dit plus do» 
ce fols que depuis mon féjour â Ctifton , il n'a- 
voitplusIîafariCé furie parti quil voûioitfulvre, 
M. Macartnéy vient de me quitter , & c*eft 
mon père qui l*a envoyé chez moi. Il étoît 
chargé de fa part de m'alTurer de toute fa ten^ 
dreffe» de touGefa bienveillance, & de s*iii« 
former û le cbangpmenl prochain de mon é^t 
remplit tous mes vœux y ou s'il ne refle coco- 



ta4 S V E L I N A^ * 

re quelque chofe i défîrer qu'il puîtb b&m 
pour moi? M. Macarcoey in*a remis en même 
temps un billet de mille livres &ttUnç , que )e 
dois employer à mon utageparticulier ; mon pe« 
re veut que je deftine cette fomme â m'équl* 
per convenablement félon le nouveau rang au- 
quel je fuis appelée. 

II eft fuperâu de vom dire , Monfîeur , com- 
bien j*ai' été fenfible i cette marque de bonté ; 
J'en ai remercié mon père par écrit , & j'ai ajou- 
té avez franchi fe que £â tranquillité étoîtce qui 
mlntéreflbit leplusàpréfent, &que lorfqu'el- 
le lui feroit entièrement rendue» tous les dé« 
* firs de mon cœur feroient fatisfalts» 



LETTRE -LXXXII. 

Continuation de la Lettre ^f ëvelina» 

Qifcon-Hitt, sOâoiMV. 

l^c temps approche o{| je puis efpéter d^ 
vous revoir» mon cher Monfîeur; en atten* 
dan{ je mené toujours une vie des plus agi* 
tées; ^^ je ne dors point; — * le fommeîl fem» 
blefuir la grande joie, comme les grands cha* 
grins ; — - je vais palTer une partie de la nuit 
à continuer mon Journal. 
Kôus fîmes partie hier au foir d*aller i Batb • 

qu» 



. ' que je nîayoî^ pa$ vu eDcoïcu.& nous nous 
. Tommes . mis ea^Qute ce matin, d'abord après le 
■ déjeuné. Lady Lquife&MdmeBeaumont étoienC 
. danslepljaétoq de Mylord Mertqn , M. Ce ver» 
.: ley daqs. celui de- M* Lovel , Mdme Selwyn & 

moi nous étions reftées avec. Mylord Orvillé* 
^ A une .petite denM*Ueue de Clifton , nous re- 

marquâmçs,,une cbaife .de pofte qui npijs fuivoit 
:^ 6«|op>,&: lorsqu'elle fut i notre portée ^ 

noils ent^dtoes une voix cwerinQs.doroefti- 

ques;,^ holà , :i;af^o;is, pourriez- vo«s me dire 

M fi Miff An ville eftdaçs Tupe ,de; ces chaifes?" 

' Je reconnus .d'abord le Capitaine . Mirvan , & 

, Mj^lord Ocyilk arrêta notre voiture. ,Le Ca- 

'. pitajnemit pi^d à tôrre, poMrtVgqir pouacom- 

pliuientf Ck „ fia, , . vous vqUà, Miff Anv^Ile , 
•.,„ comment M^".t il ? Qn m!aÈ4itquflyous étie2J 

„ devenue MiflTBelmoht,.:, — ^j'e-yous en féii- 

.11 ciOB5.-.ïpjii$qu^.faljtJiotre vigillç-Fiançaife? 

„ Madame Duval? je fuppofe. qu'elle fe 

^, porte, ib/cn. 

,, JeTefpere du moins, & jç.jyjer^atte bien 
* „ de -lui faire reprendre feryiGe^eJle-ç'eftaffea: 
ra repoféJefôrtjBlîjempfl qu'elle, reaqtre. en* ^^- 
' »i P^gne TTi ^t à .pTopps , foq .çbp\»ljer ? vçiis 
: „ , ne fli*en4it^ rien ; e^ft - il tpujoiûrs fi mai grc ? 
„ : Je nîei^ f^is r,ien , ils ne font à £ii&^l , 
' t, ni l'un pirauUfe* 



Uff iB V E L I H iU 

,, Non F— -i mais du moins la vieille grand- 
,f maman fera delà noce! Uoccafîonrexlabene 
„ pour y étaler fes étoffes de Lyon. D*aiN 
,y leurs 9 Je roe propofe de danfer avec elle 
,, une courante fur un air nouveau. Quand 
„ eft-ce qu'elle arrive? 

„ Nous ne l'attendons pas du tout. 

19 Comment y diable! voilà une mauvaife 
,, nouvelle* «>—J\ii rêvé tout le long du clie- 
^ min à lui Jouer quelque tour de ma façon* 

,, Cela eft extrêmement obligeant. 

„ Ohl je vous promets que Marionn'auroit 
,t pas réuffi à m'engâger dans cette eùuiCe, fi 
y/ j*avols pu prévoir que je ne trouverois pas 
>, ma vieille Françaife; je m'étois (i&it une 
M fête de la régler de la belle manière. 

,9 C'eft donc MiOTMirvan qui vous a enga-' 
» gé à ce voyage? % 

,f Oui» nous avons couru toute ta nuit. 

n Eft-elfe avec vous? 
„ Mais , (ans douce^ mm elle eft là «bas dans 
^, la voituit. 

j. Et que ne me le diflez-vous plat6t?'* 

Aufit"tôc Je deTcendis pour aller l'embraflbr. 

Mylord Orviile me devança i>our, ouvrir la 

p<Ktiere , (t jet n'ai pat befoin ^de vous dire 

avec combien de Joie je revis mcm amie. 

Kotts demandâmes toutes deux qu'on non» 



. E V E L I N A. 287 

permit ^de refterenfemble , & Mylord Orville 
eut la complaifance d'offrir au Capitaine Mir- 
van une place^ dans Ton phaéton. 

La vi/ite de ma chère Marie me vient on ne 
peur pas plus i propos , & me fait un plaifîr 
infini. Cette excellente fille , auffitôt qu'elle a 
été informée du changement de ma fituation» 
a pirefféfon père de la conduire à Qifton; fes 
prières, jointes aux inftances de Lady Ho- 
ward & de Mdme Mirvan, ont déterminé le 
Capitaine: mais Marie convient que, s'il 
avoit fçu qu'il ne trouveroit 'point Mada- 
me Duval, elle n*auroit jamais obtenu cette 
faveur. Ils étoient arrivés chez Mdme Beau* 
mont peu de minutes après notre départ , & 
n'eurent pas beaucoup de peine à nous rattraper. 
}e ne vous, dis rien de la converfation que 
j'eus avec mon amie; vous devinez aifémenc 
quel en fut le fujet. 

Nous arrêtâmes devant un grand hàtel , ob 

nous fûmes obligés de demander une chambre. 

Lady Louife étoit déji fatiguée à mourir ; elle 

avoit befoin deprendre quelques rafraichijjmens, 

. avant que de commencer nos promenades. 

Dès que nous fûmes raffemblés , le Capipii*» 
ne m'entreprit avec fa politefle ordinaire : «^ 
^, Eh bien! MifiTBelmont, je vous fais moi 
n , compliment: on m^ dit que vous êtes dé* 

fP 2 



/ 



»I8 E V E L I N A. 

„ jâ brouillée avec voçre nouveau noittu 

„ Pas que je fâche , Monfîeur. 

„ Et pourquoi êtes- vous donci fî préffie 
„ de l'échanger? 

„ ^iîffBeImont!" répéta M. Loveld'uii air 
fort étonné , „ peut-on favoir fans indifcré- 
„ tîon de qui on parle? N'ai -je pas toujours 
;, . compris que Mademoifelle s'appeloit \/ln- 
*, ville? ... 

(Le Capitaine,),, Par là fenbleulfai quelque 
„ idée,' Monfîeur, de vous avoir vu autrefois. 
„ N'êtes-vous pas, par haftrtl, tet honnê- 
„ le-homme qui avoit paffi tout« une foîrée 
„ au fpeâacle, fans fkvoîr quelle pîôcfe' en 
',^ donnoit? 

(M. Lovel.) „ Je croîs en effet, Monliecr, 
„ que j'ai eu l'avantage de vous voir quelque 
„ part ce printemps. ^ ^ ■ 

(Le Capitaine,),, Par ma foi, fî jè' vivoîa 
,',; encore tentprîntemps, Je n'e vousoubliérois 
■ „ pas ; le tour étoit bon & j'en ai fi plus cfli* 
,, 'ne fois. Imaginez vous ; Mesdames, que 
„ ce galant-homme , tel que ^ousfe vo^ez«U, 
. i,.dépenfè cinq fchellîfigs paf jour pour infôr- 
„ mer fes amis qu'il eft encore en vie, • 

{Mime Selwyn.) „ Ce <)*eft pas payer trop 
•, cher une nouvelle de cette importOTce-/* 

I:ady Louîfe s'étant un peu réfeite., 'nom 
commençâmes nos courfcs. 



EVE L I N A. t^f 

' Bach cil une ville charmante. La voe de 
l'amphithéâtre eft admirable, l'élégante Çy- 
métrîe du cirque m*a également plu. Mais je 
o'ar pas été aufli contente de. ce qu'on y ap- 
pelle les parades ; ces grandes places ne valent 
pas les belles rues pavées de Londres; Tune 
fe diftingue, (i vous voulez, par fa belle vue 
fir le Prior-Parc& la rivière Avon ; mais , mal^ 
gré cela , elle ne répond pas à Tidée que je m*e;a 
étois faite. 

J'ai été fcandaliféc du négligé des Dames 
dans Tappartieiuentdes bains; il eft vrai qu el- 
les font voilées , mais toujours il y a peu de 
délicatefle à s'expofer dans un é<|uîpage aufjji 
lefie, aux regards de tous les curieux. 

L*idée du bain rappela au capitaine l'an- 
cienne hiftoire de IV^adâme Duval. 

,9 Parbleu I 8*écria*t-il, quel dommage que 
9, notre Françaife ne foit pas ici. Il y auroit 
9, de quoi la fatisfaire, & je m'offriri^ii^ vo^ 
t, lontiers à la rouler un t^nt fOit |)eu dans 
„ cet étang. 

(M'jlofd Orviîle.) „ Cette Dame vous aurxJÎ^ 
9, beaucoup d'obligations, IVlotifieur, d'un^ 
», preuve auffi diflinguée de votre • ajitention. 

{Le CapittAné.) „ Que voulez • voui ,* My- 
M lord , cette vieille forcier ê m*a mis mar teJL 
n en téce» & j'avoue quelle n>'intFigue. 

P 3 



S30 E V E L I N A. 

(M.Lovel,) ^^ Je ne conçois pas pourquoi 
,, DOS Dames ont fait choix aux bains d*an 
„ accoutrement auffi (îngulier. J'y ai refléchi 
,, plus d'une fois très*férieufement» mais je 
„ n'en a[ jamais pu trouver la raifon. 

(Lady Louife.) „ Je fuis très - fort de votre 
», avis , & j^aimerois beaucoup qu'on ^bollc 
09 cet ufage. J'ai toujours été Tennemie dès 
,> bains , uniquement parce qu'on s'y habille 
,, mal; vous devriez, Monfîeur Lovel , avoir 
,9 la (Charité de ro'aîder à inventer quelque 
o ajuftement élégant, qui y convienne mieux. 
(M. Lùvel.) „ Moi, Madame, je m'en 
y garderai bien. «—^11 y auroitde la témérité 
„. à vouloir diriger un goût aufli exquis que 
ff le vAtre; d'ailleurs, je ne fuis pas fort pour 
,f rinventîon des modes , & je ne aoîs pas en 
^ avoir trouvé trois de toute ma vie. — Ea 
„ général, la parure n'eft pas mon fait, & 
p s'y ai peu de prétention. 

{Lady Louife.) „ Fî donc! Monfîeur Lovel> 
„ que dites vous là? NefavonsHionspas tous 
„ que c'eft vous qui donnez le ton dans le 
g, beàu mondel Je ne connois perfonne qui fe 
,9 mette mieux que vous. 

(M, Lovel) „ Vous me confufionnez , Ma» 
H dame; moi, t^ien mis! je fuis fait quelque* 
•» fois à oe pas ofer me montrer : ^«» ma fr 



E V E L I N A. 931 

I 

„ gure révolte. — Ce matin encore pzl em- 
» ployé une grolTe. demi heure à réfléchir fur 
»» Thabit que je mettrois. 

(Le Capitaine.) „ Vertu de ma vie , que n'é- 
„ tois • je avec vous ! Je parie que je vous 
n aurois fait aller un peu plus vice en be- 
„ fogne. Qui diable fe met en peine de vos 
f, habits? 

(Mdm Selwyn*) ,, N'allez pas quereller 
,, Monfieur fur ce qu'il a réfléchi; ce fî*ell 
,y pas là ordinairement fon foible. 

(Af . Lovel.) „ £0 vérité , Madame , vous 
n êtes fort honnâte* 

(Le Capitaine) ,, Mais dite6*mol un peu» 
,» .Monfieur, vous étes-vous jamais plongé 
9, par ici? 

(M. Lovel.) ,« L'expreffion n*eft pas des 
M mieux choifies ; -*- mais ii vous demandez 
»f fi j*y ai pf is le bain , je vous dirai que ce- 
,i la m'eft arrivé ailcz fréquemment, 

(Le Ci^itaine.) ,, Et à quoi bou , G Pon ofe 
„ le (avoir, cette immenfe fridure? Votre té* 

te par elle même me paroitaflez bien grais- 

fée, pour revenir fur Teau. , 

(Mie Selwyn.) „ Oui, d'aucant plus que la 
„ partie la plus légère eft toujours celle qui 
y, fumage. 

(Le Capitaine,) ,, Vous décidez trop tât» 

P 4 



9» 

9i 



S32 E T E L I N A. 



99 



99 



99 



Madame , & pour favoir û AAonfieur eft 
plus lef^e de la téce ou des talons, il fau* 
droit que nous le vidions militaire. En at- 
tendant je parie dix guinées contre unfcheU 
„ lihg que je le culbute d'un feul coupdematn 
p, à, le fais fauter dans Técang la tète la première, 
„ (Mylord Merton ) „ Va , je tiens la gageure. . 
(Le Capitaine) „ Oui dâl — ^ eh bien, l'af. 
^,^^ faire fera faite avant que vous ayez le temps 
de compter quatre. 

(M. Lovel) „ Mais voilà qui eft plaifantl . 
je ne^ois pas, Meflieursy quel droit vous 
9, avez de faire des paris fur ma tête, fans 
„ avoir demandé mon confentemen t.;* Etpour 
plus de précaution il fe retira es m^e temps 
de la fenêtre. 

(M, Covèrle^) „ V9us,n'y étes^tas, Lo* 
vel ; on peut faire des gageures fur vous, 
tant qu'on veut, votrecotoCentement n*y eft ^ 
nullement néceflaire. Le Capitaine parje- 
rolt , s'il -en avoi . Penvie» que votre nez eit 
„ de couleur bleu célefle. 

(Mdme Selwyn.) „ Ou bien ^que les graœs. 

de votl-e efprit l'emportait fur celles de vo« 

tre corps , ^-* ou enfin telle autre abfurdité. 

(M. Lovel) ,. Je vous affure qu'on s'arro- 

», ge U un privilège qui me déplaît fort, & 

»» je pour/oîs vous prier de oe pas 'pouiTerplui 

f loin CCS petites libertés. 



99 

99 



99 



E V E L I N A. 



233 



»9 



(Le Capitcdne,) „ Je me moque bien de vos 
„ prières , & s'il me prenoit envie de parier 

que voiis n'avez pas une dent dans la bou< 

che , m*Ë;n empêcheriez- vous ? 

(M. Lovel.) „ ^fon, mais il sagîroit de 
„ prouver en fuite votre the^G. 

{Le Capitaine.) ,^ Cela feroit poffible enco. 

5, re; en vous caffant la mâchoire , par 

„ exemple, je pourrois gagner. 

(M. Lovel.) „ Me Gifler la mâchoire ! & 
„ cela pour Tamour d'une gageure; vous n'y 
„ psnfezpas, Monfîeur, & tous \fi^ parts du 
,^ monde ne pourroient pas juftiiîer une aflioa 
„ aufn barbare." 

Il fallut que Mylord Orville fe mit de la 
partie , pour terminer cette ridicule .difcuffîon , 
il nous fit remonta en voiture , & nous retour- 
nâmes à Clifton. Mdme Beaumont nous retint 
tous k dîner. Elle a eu la complaifance d'of- 
frir à Miff Mirvan une chambre dans fa mai- 
ton : le Capitaine logera aux eaux. 

Après notre retour M. Lovel débuta par 
nous faire force excufes de ce qu'il pgroiflbit 
4 table .en habit de cheval. Mdme Beaumont 
i)ous demanda enfuiteà Mifl" Mirvan & à moi 
comment npiis avions trouvé Bath? 

{M. Lovel.) ;, Dans. une courfe comme 
„ celle-là , pcut-on dire que .ces Dames ont 
>, vu la ville ? P 5 ' , ' * 



ft34 £ V £ L I N A* 

(JLt Capitaine.) „ Et pourquoi pas ? croye25» 
,^ vous qu^etles ont mis leursyeûx en poche? 

(M, LoveL) „ Pas tout - à - fait , Monfîeur , *«- 
^ mais je doute que vous trouviez quelqu'un , 
^ — un que!qu*un cosiine il f mt , s'entend, — 
^ €ffit fe vante &avoir vu Bath^ pour s'y 
^ être promené pendant une matinée. 

(Le Capitaine:) y^ Ah! vous croyez peut-être 
^ que nous enflions vu la ville plus à notro 
^ aife, en y allant de nuit. -> — - 

(M. LonL) „ Non, Monfîeur, non, fit 
p» ce B*e(l pas ma Ssiute (! vous ne me cbm« 
^ prenez point Je veux A're que /e n'appel» 
^ le pas avoir yu Bath » lorrc{u*on n*y a pat 
^ été dans ia bonne faifon. 

(Le Capitaine,) ,,Etqu*y voit>on de plus dans 
^ ime faifon que dans Tautre?** M. Lovel ju- 
gea cette quedion trop abfurde pour y répondre» 

(Mytùrd Orvt/le.),, Les amufemens de Bath 
^ font dtine monotonie dont on fe laflë bien 
^ vite; mais ce qui m*y déplaît le plus» c*eil 
^ qu'ielfe eft un repaire de joueurs. 

{Myldrd Merti^n.) „ J'efpere, Myford que 
M vous ne voudrez pas abolir kjeu; c*dl la 
,^ rocambole de la vie, & le diable m'empor». 
»> te û je pourrois vivre fans cartes. 

„ Ytn fuis très -fâché, " dît graveiBCnt 
l^id OrviUe, ;en reçardam fa fœur. 



£ V B L I N A. ssS 

(Myîord Merton.) „ Vous n'êtes pas juge com^ 
„ pétcm , Mylord ; — mais je voudrois vous 
„ tenir une fois dans un de nos brelans > & 
,î je fuis fur que vous ne le quitteriez pas 
^, plus volontiers qu'un autre. 

(Lady Louije.) „ J'efpere, Mylord, qu'il n'y 
y, a perfonne ici qui vous ait empêché d'yreften 
k (Mylçrd Merton.) ,» Vous favez , Mad;ime » 
,y le pouvoir que vous avez fur moi ; il n'y a 
„ rien que vous ne me f^Hiez oublier. 
' (M.Coverley.') „ Excepté elle*méme. Avouez , 
99 Mylord , que je vous tîrclà bien d'affaire. 

{Mylord Merton.) „ Vous autres gens d'es- 
99 prit avez toujours des .réponfes prêtes ; ce 
„ n'eft pas mon fait , j'en conviens. 

{Même Selwyn.) ,, C'eft dommage que vous 
99 ne donniez past dans le bel-efprit; il ne 
,9 tiendroit qu*â vous d'y réuiEr. 

19 Â propos*" interrompit M. Lovel en s'a- 
dreffiint à Lady Loùife, ,, (avezvous la nou- 
„ velle du jour ? 

(LadyLouife,)y, Qu'eftce, je vous en prie? 

.(Af.Lovtf/.),, Le bruit qu'on fait courir d'une 

99 certaine . perfonne qui fe trouve aux eaux. 

(Lady Louife.) „ On ne m'en a rien dit;' 
^ contez»moi cela au plus vite. 

(M. Lovel.) „ Pardon , Madame ; c'eft un 
99 tecxet, & je n'en aurols point parlé > û je 



aS6 I V £ L I N' A* 

», D*sivofs cru que vous eh étiez déjà inftnute, 

(Lêéy Louife.) ,, Vous êtes infupportabic 
„ «vec votre circonfpeâion . & peu s'en faut 
,, que je ne me fâche. Aliôns vîte , je veux 
^, lefavoir; le direz -vous, ou non? 

(M. LoveL) „ Vous favez, Madame, que 
^ je n'ai rien à vous refufer ; mais auparavant 
„ il faut que toute la compagnie me promet* < 
„ te d'en garder le fecret. 

(Le Capitaine.) ^, PuiiEez • v()p8 être muet 
„ vous- même i — • Garder le fecret 1 la plalfantè 
^ idée. — Et n'avez-vous pas lionte de pro-. 
,9 Doncer ce mot en parlant à une femme. Maïs, 
^ à y regarder de près, je crois que faimeroîs 
^ mieux encore mettre tout le (exe enfemblç 
,y dans ma confidence , plutôt qu'un bavard 
^ comme vous. * -- » 

(M. LoveL) „ Un bavard comme moi /Moa^ 
„ fienr, je n'ai pas l'honneur d'entendre vo- 
„ ure expreffion. > 

(Le Capitaine,) ^^ Peu importe > ,on vous. 
„ PexpUquera quand' il vous plaira* 

(M. LfnfeL) „ Vous m'offenfez, Moliûeur; 
,^ ttiaîs comme vous vous ferves* Couvent d& 
n termes de marine» il faut bien vous paflbr 
», ceîul-ct avec tant d'autres qui ne méritenl^ 
»i point d'attention.'* 

Idylotd OrviOe» pour chahgej la convciûr. 



V 



»E V E L I N A^ asj 

don, demanda à MiiTMirvan (î'èlie fepiQ- 
poCoit de pafTer Thyver à Londres? 
. (Le Cb^.); Non , aiTurément; & qu y fctoît- 
9, elle ? Elié' y a vu tout ce qu'il y avoit à voir. 

{M, Lôvel.) „ Nediroit-on pas quon va 
„ voir Londres, comme on voitlefpeftacle? 

(Ltf Cap,) „ Et vous-même , Monfieur 
„ le favant ; fous quel point de vue Itevifà- 
y, gez*vous^ me le direz-vous? 

(M. LoveL) ,, Non pas , Monfieur t vous an* 
99 riez également de In peine à mecomprendce. 
99 Je Jïa fuis pas affez au fait de votxtjargm 

ffurnnpour me mettre à votre portée. Ne 

troavez-'vous pas, Madame, que Tentre- 

prife ferdit un peu difficile? ' 
ILad^'LoiûJe,) ,, Tout aufli difficile que «b 
„ ^ faire parler rUalien â m<!>n perroquet. . .. 

(M. LsVêli) „ Admlrabte, Madame! vous 
„ 'étes' d'une humeur charmante. Et en effet 
,1 iil fifut <canvei3ir que MefSeurs les à^rtns 
„ difFefexi^fifôpde nous autres en manières & 
»„ éni langage ,' pour qu'il y ait de quoi Ce re« 
„ -crier' fî ^n leur entend parler deLOfiklres 
9f'<omtiM d'iin' cabinet de curiofités; :î 

(i^a^/y Lôttife,} ,, Vous êtes un drôIè i}e 
„ icorps aujourd'hui ;- Mondeur LôveL 

(M. LoveL) „ N'ai je pas raifon? Préœndoe 
„ <d'av6ir TU Londres dans trois ou quatile^ fe- 






ts8 £ V fi L I N A. 

M malnes! eela me donne malgré moi dei 
^, envies de rire. 

(Le Cap.) „ Et combien de . teiqps vous 
,y faat-il donc de par tous les diables? Voua 
M faut-il une journée entière pour chaque rue?" 

M. Lovely au lieu de répondre, fe mit à ri- 
caner avec.Lady Louife. »; Je tous protefte, 
„ reprit le Capitaine» que fi onmechoififlbit 
,9 pour votre conducteur, je vous ferois trot- 
9, ter d'un bout de la ville à l'autre » dans 
„ moins d'une matinée." 

On continua à rire fous cape* âc le Capitai- 
ne s^ étant apperçu, fe mit dans une colère 
affreufe: „ Ecoutez, mon damoifeau, '* (s'é« 
cria-t-il, toujours en apoftrophant M. Lo» 
▼dO »» laiiTcz-li vos grimaces; c'eftun langa» 
ge que je n'entends pas, jepourrois fort 
bien y répondre par un bon coup de poing. 

(M. Liyei.),, Monfieur, favçz* vous bien 
^ ce que vous dites ; eft - ce a'infi que Ton 
99 parle à une homme de ma >forte? 

(Le Capitaine.) „ A d'autres ! Verfez ra&de, . 
„ Monfieur; je parie que vous ravalerez.*' 
Et en m6me temps il demanda un verre d'aile, 
qu'il but à la bonne digeftion de M. Lovd. 
Cette turlupinade fut accompagnée d'un ges- 
te menaçant* 
M. Lovel ne jugea pas i propos de répoih 






E Y ft L I N A. ^ 13> 

dre; mais il avoit l'air capot: nous ford- 
mes» pour lui laîllèr te temps de terminer 
fa diCpute avec le Capitaine. 

On venoit de me rendre deux lettres» 
rune de Lady Howard & de Mdme Mtrvan , 
qui renferme les félicitations les plus pbiî- 

geantes; Tautre efl de Mdme Duval: 

mats » à ma grande furprife , je n*ai pas reçu 
«ne ligne de vous» Monfieur. 

Madame Duval femble fe Réjouir beaucoup 
des nouvelles que je lui ai données : un gros 
rhume Tempéchc de venir à Briftol. Elle me 
dit que les Branghton font tous bien portans» 
& que MilTPolly tft i la veille de fe marier 
avec le Sieur Brown. „ Quant i M. Smith » 
„ ajoute-t-elle , il a changé de logement» ft 
I» depuis ce temps il règne dans h maifon une 
n mome tranquillité. Mais ce n'eft pas tout 
9» encore » & j'ai bten d'autres fujets de phin- 
,y le; j'ai été indignement trompé: M. Do- 
9» bots a eu la badeflë de me quitter & s'-cn 
,t eft retourné en France fans me dire le mot." 
Elle fini^ par m'aflurer » comme vous l'avei 
prédit 9 Monfieur» que û j'époufe MylordOr* 
ville » je ferai uo jour fon unique héritière. 

Nos cavaliers font revenus pour prendre le 
thé avec nous ; il n'y eut que le Capitaiào 
Mirvan qui nous manqua; il ëtolt allé fiitreaii 



99 
99 



C40 E y E L I N A. 

tour dans (on anbcrge > & il y avait amené fa 
fille pour réparer» à ce qu'il difoit» h friperie 
de celle-ci d*avec Tes habks, 

M. Lavel avoit toujours un air fort contrit* 
De ma vie, dit4l, je n*airien vud*au(fi ba$ 
& d'auflî mal avifé que ce ruftre de Capi« 
tainei^tl n*eft venu ici, je penfe, que pour 
yy me chercher querelle ; mais je lui protefte 
^ qu'il ne trouvera pas fon compte avec moi." 

(Lady tfOuife.) „ Cet homme m'a donné une 

„ frayeur mortelle, il^ft d'une brutali* 

„ té révpjtantç. 

{Mdtne Selwyn,) „ N*ai je pas compris , M. La* 
„ vel, qu*ilvojasâ menacé d'un .coup de poing? 

(Af. Lovel ) „ Sans doute , Madame ; mais fi 
,y ron vouloit prendre garde à tout ce que di- 
,9 (ent ces gQn$ dupeuple , on ne . feroit jamais 
,, à l*abrt de leurs infolences ; *< — le plus court 
»» eft , je ppn(e^ de n'y faire aiiçune attentipn. 

(MdnieSelwyn.)fy Comment , Monfieur , vpus 
^ empocheriezdonc tranquillonnent un foufflet?'* 
. Pendant cç cemps je vis arriver le phaéton 
4u Capitaine 9 & je defcçn dis pour aller à. la 
lencÔDtre de ma chère M^iÇr Je la trouvai 
feule duns la voiture ; elle me dit que fon père 
lui avoit ordonné de prendre les devants; qu'el- 
le le foupçonDoit^emachîi^er quelque mauvais 
projet pomr jouer pièce à M» LoveL Noua 



Ë V Ê L IN A. 



,*♦» 



ftmes un tour de promenade dans le jardin t oh 
Mylord Or ville nous joignit: il fe plaignit un 
peu de ce qu'il étoit exclu de notre fociété j 
nous Vy reçûmes volontiers y & j*en fus riche- 
ment récompenfée , car je ne craint pas d'à- 
▼ouer que je pafTaî avec lui un quart d'heure 
des plus agréables de' ma vie* 

Le retour du Capitaine Mirvanndus mit tous 
aflezmal à notre aife; il s'annonça cependant 
d'un air fort content, ilcareiTa fa fille, fefrot« 
ta les mains & eut, peine i cacher fa joie; 
mais cette belle-humeur même ne nous préfai* 
geoitrien de bon.l^ous le fuivimes tous dans 
la falle deg vi(îtes> oiril affefta de reprendre 
ibn férieux ; il étoit tellement rempli de fou 
fujet, qu'il oublia de faluei* Mdme Beaumont, 
pour commencer d'abord fon jeu avec M.X.or 
vel: „ dites-moi y je vous prie, s'écria^t-il, 
,9 avez-vous un frère dans ces quartiers ? 

(2|f. Ltv^/.) „,Non pas, Dieu foît loué^ 
^ je fuis exempt de cette fortâ* d'engeance. 

(Le Cap.) Cela m'étonne ; car je viens de ren- 
„ contrer quelqu'un, qui vous reffemble au point 
n que je l'aurois pris pour votre frère jumeau. 

(A/. Lovel.) „ Que ne nous l'avez:- vou» 
„ amené ;j'aurois été charmé de faire fa con- 
^ noiffance ; je n'ai aucune idée de fa perfonçe f 
j, & je ferois extrêmement curieux de le voir, 

i//. Fartic. Q 



/ 



i4£^ I VE L ï N A. 

En même temps te domeftique de M. Mirvaft 
«ntia dans la chambre, pour annoncer hvi* 
ilte d'un homme de petite taille qui deman- 
doit à parler i M. Lovel. 

Mdme Beàumont ordonna qu'on fit monter 
l^tranger, & elle témoigna quelque furprife 
de ce que fon propre domeftique n*étoit point 
Tenu faire ce roeffage. 

„ Je ne faii qui ce peut être, repritM. Lo^ 
)» vel ; je ne connois perfonne à Briftol qui 

„ foit de petite taille, à Fexception du 

„ Marquis de Carlton, -««arec lequel je n*ai 
>, gueres. de relations. Après lui , je ne de» 
,y vine plus perfonne: voyons cependant." 

Un bruit confus que nous entendîmes dans 
refcalier, attira notre attention; le Capitaine 
Impatienté Ce hâta d'ouvrir la porte, &en bat« 
tant des maips, il s'écria.* „ par la fanbleu, 
,, Monfîeur p c*eft la même créature que ysil 
^ prife tmiftc pour votre frq^e !*' £t à notre 
grand étonnement , iJ rentra tirant après lui un 
gros finge babillé en élégant^ mais dans le 
goût le plus bizarre & le plus extravagant. 

Cette apparition effraya tout le monde. Le 
pauvre M., Lovel demeura confondu; Lady 
Louife pouffa de hauts cris ; Miff Mirvan &. 
moi nous moatimes fur nos cbaifes , IMdmft 
BeautQont fuivit notre ezomple. Mylord Or- 



it V E 1 1 tî A; 



Ui 



%tlte replaça devant moi 9 cdmme pout me têts 
Vir de fauve-garde. Mdme Selwyn , Mylord 
Alerton & M. Coveriey partirent d*uû éclat dd 
tire immodéré ; en quoi ils furent vaillamment 
fécondés par le Capitaine , qui fuccombant foui 
le poids de fa jWe, pouflSi l'excès jufqu'à fé 
rouler par terre. 

. La première voix quîfe fit jôût â travers ié 
ce vacarme général, fut celle de Lady Louife; 
elle cria dé toutes fes forces, qu'on âtât ce 
monftre de fa vue, fans quoi elle menaçoit 
de fe trouver mal. ' 

M. Love!, de fon cAté, commenta i fe f|. 
cher tout de bon , & il demanda i M. Mirvan 
du ton le plus férieux ee qu*i] prétendolt par 
eette plaifanterie ? 

(Le Cap,) „ Ce que je prétends ! à parbleiÉ 
j, ne le voye2-vous pas ? Je veux vous pein- 
,r dre d'après nature." Puisilfaifît le finge & 
en nous le montrant à tous il ajouta ** „ Ah çâ ^ 
„ Meilleurs & Dames, j'en appelle i votre 
te jugement ; y eut-il jamais une relTemblancd 
„ plus frappante? fur ma foi, i la queue près, 
>, il y auroit de quoi les prendre l'un pour l'autre* 
(Af.£w/.)„ Capitaine, je fiurai vous fairi 
,> rendre raifon de ces infulte^; vous me les 
^ payerez, j'en répondSi 
(L# Capkaim.) „ Abl pour la fiiigultfité du 



%^^ E V s L I N a; 



9> 
99 
99 



fait vous devriez cffayer de changer dTiahîtf 

avec ce gecît gentilhomme,. & je parie que 

vous voiiî Y méprendrez vous-tnéme» 
(M. Ij)veL) „ Comment, Monfieur, me 
^ comparer avec un iînge ? Sachez que je ne 
„ fuis pas accoutumé à être traité de la forte , 
p, & vous verrez fi j'endurerai cet affront. 

(Le Cap,) „ Ôuaîs ! Monfieur fe met en co^ 
„ 1ère! ^— chbienl vous avez tort; ce pau- 
y, vre petit animal ne vous fera pas le moin- 
„ dre mal : — - approchez , & donnez-lui la 
,, patte; îleft ^oux comme un agneau; em; 
„ braflTcZ'le & foyez bons amis. 

„ Qui», moi! s'écria M. Lovel en fureur.—» 
„ Je ne voudrois pas toucher cette vilaine bête 
„ pour tout Tor du monde. 

(M. Coverley.) „ Appelez^le en duel, je 
ferai votre fécond. 

(Le Cap,) „ Allons , va; je ferviraî moî 

de fécond à mon petit ami. -^ Allons, 

„ courage! aux armeis, 'Meflieurs. 

(M Lovel) „ Le ciel m*en préférve ! j'aime- 
„ rois autant me battre contre un chien çnragé* 

(Myiofd Merton.) „ Pour moi, je ne feroîs 
,. pas curieux non plus d'approcher de cet 
, étranger; il fait des grimaces horribles. 

CLady Louife.) „ Ha! je n'y tiens plus; 
>, ôiez-,ioi ce vilain animal, ou je me meurs 



L 



E V:fi L I N â^ . 94S 

{Myhrd OrvilU.) ^ Capitaine! vout voyez 
^ que vous inquiétez ces Dames; ayez la çom* * 
,, pfaifknce 4^ /aire fortir cette Mtc. 

(Le Cap.) „ Eli! parbleu, pourquoi ont. 
,f elles plus peus d'un Ange que de l'autre? 
,, . Cependant,, fî cela leur conviient^ nous les 
x^ mettrons dehors tous deux, 

•, Ceci eneft trop » " s*écria I4«Lovel , en 
99 levant fâ canné. 

9, Halte là , jeupe homme , " reprit le Capi- 
taine : ,1 à bais votre canne fur le champ i '* 

Le pauvre M. Lovel» trop poltron pour te? 
nir ferme , & trop furieux pour plier , fe tour- 
na en arrière, & fans réfléchira quoi il s'ex* 
pofoit, il déchargea fa colère fur le fînge, à 
qui il fangla un rude coup. L'anîmai lui .fauta 
auintôt au col, & lui mordit Toreilie. Je ne pus 
refufer davantage ma pitié i M. Lovel ;c eil 
un maître fat, à la vérité, mais encore n'^aypi^- 
11 rien fait qiii méritât une pareille correélion. 

Les cris devinrent plus forts que jWais & 
furtouton ne diflinguoitpas ceux de M. Lovel 
4'avec la voix de Lady Louife , qui ^liiiaginolt 
apparemment qu'elle feroi.t mordue à fontour ; 
rimpltoyable Capitaine crioit auffi, mais c'é- 
toit de joie. 

r^ylord Orville vint enfin au fecours du pau« 
yre Lovel; toujours humain & compatUTani, I 



t4§ S V S L i N Aé 

quitttfoD pofted^auprèsdemoi quin'avois ptui 
lien i atindre » & ùiûtbnt le fîhge par le col* 
lier, il lui fit licher prifei & le jeta Jiors 
4e la chambre*' 

M. Lovel noas offroît un Qieâacle vratmenl- 
liideux ; ion fang couloit le long de fes ha^ 
bits, & ilpleuroît à chaudes larmes. II 09- 
X cel& de fe lamenter & dç repéter que fa bles- 
sure étoit mortelle. 

,, Moniieur Mirvan , ** interrompît Mdme 
Beaumont indignée de la conduite du Capîtai- 
|ic, „ ]e ne trouve rien de plaifantâ tout cecî» 
\^ & je fuis trèsvÛlchée que vous ayez cliol* 
^ fi ma maifon pour un jeu au0î barbare. 

{Le Capitaine,) ft Pouvoisje prévoir, Ma- 
,, dame » que TafiFaire réufliroit fi mal ? Je n*a- 
^^ vois d'autre deilëîn que de donner un com- 
9, pagnon à M. Lovel. 

(if.Coyffiey.),, je ne voudroîspas pour mîl- 

'^, le guinées que la même chofe me fût arrivée. 

(JLe Cap.) ,i Eh bien ! notre homme en eft 

», quitte à meilleur marché >* il a reçu le tout 

»» gratîx.— Venez, Moniîeur Lovel, foycz 

^, de bonne humeur; la fin couronnera Tceu- 

j,, vre; mon fînge fera plus honnête une au^ 

,p tre fois , je me charge de vous réconcilier. 

(Af. Lovel,) „ Je m^étonne que Mdme Beau- 

«^ mont fouffre qu'un homme comme moi fof| 

n traité chez elle de la forte. 



99 



E V.E L IN K M/ 

(Le Cup.) y, Voili bien du tapage poar une 
^9 miTere» pour un bout d'oreille: on croira 
^4 tout ^u plus que vous avez été au pilorL 
(Mdme Selwyn») ^^ Mais, fans doute, & cet- 
te cicatrice peut encore vous faire honneur ; 
on vous prendra pour un écrivain du par- 
ti de rOppofîtion, 
(M. Love/.) », Comme me voilà accommodé! 
f, mon babit de cheval» quej'avois mis pour 
^, la première fois» efl tout enfanglanté! 

{Le Capitaine,) „ Voilà ce que c'eft que de 
„ réfléchir une heure fur fa toilette.- 

M. Lovel «'étant approché enfui te du miroir» 
recommença fes lamentations ; ,» quelle hortble 
„ bleflure ! je n'en guérirai jamais , & je n'oferaî 
,, plus me montrer avec une oreille dans cet état. 
(Le Cap.) „ Il ne rient qu*à vous de la ca- 
„ cher en portant perruque. 

(M, Loyei) „ Moi , prendre perrmiue ! ^-»— 
„ jour de ma vie , je ne le ferois pas pour 
„ mille livres fterlings par heure. 
' (Lady Louije.) „ En effet» un jeune - hom- 
,» me en perruque, cela feroit abominable." 

Mylord Orville voyant que cette contefta- 
tion ne finiflbît pas , crut devoir propofçi; au 
Capitaine un tourne promenade. Il réuiEtà 
Ky engager, & nous en fûmes débarraifés. 
M. Mirvan ne fortit point fans marquer tou. 
tç (a fatisfaftion. Q 4 

V . 



«Il E V E L I nJa: 

• • * ■ 

Il n'aut pas plutAt [fermé la porte que M. 
Jjovtl s'exhala en nouvelles plaintes : „ ce Ca- 
„ pîtalne , dit-il , eft le plus grand brutal qm 
„ j'aie jamais vu; on a tort de l'admettre dans 
,, une fociété d'honnêtes' gens. 

(M. Coverley.) „ J'efpere , Lovel , que vou» 
„ ne bQirez pas cet affront; il faut en tirer 
,9 vengeance. 

(M. Lovel.) ,, Avec un homme de mon état 
^y je ne halancerois pas un inftant; mais un 
g, corps comme celui»li , <^m a paflîé toute fa 

„ vie à batailler, en vérité cela mérite 

y, un peu de réflexion, 

(Mylord M^on.) „ N'importe , il faut vouf 
„ faire rendre raîfon. 
(M. Lovel.),, MeiEeurs, chacun eft le 
meilleur juge en fa propre caufe ; je ne de- 
mande confeil à perfonne. 
(M. Coverley.) ,, Mais vous ne faurîez ; — 
penfez donc quUl y va de votre honneur. 
(M. Lovel.) „Vous m'impatientez à la fin; - 
dans toute autre occafion je fuis homme i 
faire montre de mon courage, auffibien que 
7, vous ; — mais fe battre pour une bagatelle 
„ comme celle-là, -^ certes, il en vaut bien 
,, la peine ! 

(MdmeSelwyn.),, Si vous appelez cela une ba- 
„ jSatelie ^ falloit-il donc en faire tant de bruit f 






0» 

99 



X ▼ E L i K A. t4» 

(M Loyel.) » A vous dire vrai , Madame» 
je crpyois' d'abord que j*avois la joue em- 
portée; mais le mal n*écanC pas fi grand» te 
plus court ed; de s'en confoler. J'ai Thon, 
y Deurde fouhaiter le bon feir à MdmeBeau- 
19 mont; ma voiture m'attend^ & je n'ai pas 
», le temps de rçfter davantage* " U nous quit- 
ta fort confus & fort honteux. 

Ce Capitaine efl: un vrai trouble-fétepar* 
tout où il vient Heureufement que nous fe« 
ronspeu de féjourenfemblef car je àoute mé* 
me^que la fbciété de ma chère Marie puifle 
compenfer i la longue. les defagréme^ aux* 
quels on eft ezpofé avec fon père. 

M. Mirvnn chanta Q-iômphe à fon retour; 
il fe divertît beaucoup de lafortlepaifible de 
M. Lovel! „ je me flatte» " s'écrîa-t-il dans 
fon langage» ,, de l'avoir afTalfonné de la bon* 
», ne façon ; nous verrons s'il reftera encore 
», demain une heure à délibérer fur fa toilette : 
», convenez, MiiT: fon frac feroit un pendant 
I,' admirable du négligé de Madame Falbala! 
», Parbleu » il neme manque plus qu*elle pour 
„ achever la pièce." 

On fe mit enfuite à jouer aux cartes, Myloid 
Or ville, MifFMirvan & mol, nous ne joua- 
mes point; -«« nous trouvâmes de quoi noua 
^ufer infiniment mieux* 

Qs 



S5e B V S L I H A; 

Fendant qne nous étions -engagés dans tme 
conveifiition des plus agréables , un domeftique 
viot me rendre une lettre , qui , par je ne fais 
qud accident, avoit été égarée. Je reconnus 
d'abord TOtre écriture , & j'en eus bien de la 
joie , mon cher Moniieur. Mjilord Otville dç« 
Tina bfentôt par mon émotiçm , d*oii venolt 
cette lettre » & iàchant que fon contenu devoit 
être eflentiel pour notre bonheur, il me pria 
de rompre le cachet. Je pus le faire hard^'- 
ment, d ùms craindre d*étre obfervée des 
joueur s, qui étoient beaucoup trop occupés de 
leur partie pour prendre garde i ce qui fe 
pafloit autour d'eux. 

J'ouvris donc la lettre, -—mais je n'eus pas 
d'abord la force de la lire jufqu'au bout, rmà 
Votre confentemeut accordé avec tant de bon* 
té , & en même temps d'une manière auifi fo- 
kmnislie, «»latendreflede vosexpreifions ,««» 
la certitude de ne plus lencontrer d'obftaclet 
dans mon beureufe union avec l'amant chéri 
de mon cœur;-— «toutes ces confidérations fe 
préfenterent vivement i mon efprit, —i jefen- 
tismon bonheur: mais ma joieétoit trop corn* 
plete pour ne pas être agitée. Je verfai des 
larmes de reconnoijQTance & de plaifir , & je 
remis ma leâure à un moment plus tranquille. 
^n attendant Mylçïi Or ville étoit impatient 



d*appendre ce que vous m^éctWitz; il m*e&t 
été difficile de lefatisftire; &,paur ne lui- 
laifler rien i défirer, je lui remis votre lettre. 

Il a été touché comme moi de vos bontés» 
il a baifé votre fignature, & en me ferrant ten« 
drement la main:*,, Oh! mon Evelina; m'a- 
„ til dit, il eft donc vrai que vous m'âppar* 
^ tenez pour la vie: ah ! fî vous pouviez corn* 
4, prendre toute l'étendue de ma félicité; je 
,, fais l'apprécier , mais je n'efTayerai point de 
,, vous exprimer ce que je fens." J'aurois dft 
lui répondre, mais je ne le pus, & même je 
n'ai plus parlé de toute la foirée; la vraie 
joie n'efl pas babillaide. 

11 me reftei vous témoigner, mon très-cher 
Monlieur , la gratitude dont mon cœur eft remr 
pli ; mais c'eft .un devoir que je me réferve 
( pour notre première eAtrevue. C'efl; â vù& 
pieds que je viendrai recevoir votre bénédic* 
tion , fans laquelle il manqueroit à mon con- 
tentement un degré de perfeélion. Mylord 
/ Orville fe fait une fête de vous préfenter vo- 
tre Evelina, comblée d'honneurs & rendue 
beureufe par le don de fa main. 

Si le temps Aie le permet je vous écrîrâti 
deux Qiots jeudi prochain, pour vous marquer 
l'heure précife de notre arrivée. Ma lettre 
yaus fera rendue par un exprès. 



«su E V E L I N A; 

Je finis, Moniieur, en faîrtnt ufage aujut* 
d'hui pour li première ,^& peut-être auffi pour 
la dernîerè fois» du nom de 

Votre très-dévouée & très-affedbionnée 

EVELINA BeLMOVT, 

Lacly Louife a demandé de fon propre mou* 
veulent d*ai£fler i notre mariage ; MilT Mlr- 
Tan & Mdme Selwyn en feront aufli. Celui de 
14. Adacartney avec ma fœur de lait fe fera le 
même jour. Mon père aura foin de la dot. 



LE T T R E LXXXIII. 
M. V i[l L A R S à £ V £ L I N aJ 

1 ous mes vœux font remplis ; mon Evelina 
eft heureufe & fes vertus reçoivent le jufte 
iàlaire qui leur efl: dû. 

Oui» mon enfant» ta félicité efl gravée en 
lettre d'or dans mon cœur, leur imprefEon eft 
ineflFiaçable. En vain l'inforcune voudroit en- 
core appefantir fon bras fur moi, en vain es* 
raysroit«clc de m*arracl?er Tunique fubftance 
qui re(!u àmavieilleire; il faudroît qu'elle corn* 
mençât par renvcrfer le frêle édifice de mon 
corps, mais elle n'ébranlera point mes fenti- 
mens, tant que je conferverai une gouttç de 
(ang dans mes veines glacées. 



E V E L I N A. i$3 

Tu me demandes mon confentement ! ^^ que 
cette expreffion eft foible au prix de Ja ferveur 
avec laquelle je t'accorde toute mon approba- 
tion! Tu as toujours été, mon'Evelina , la 
joie, la confolation & Forgueîl de ma vie; 
pourroîs-je m'oppofer à ton bonheur , moi , 
qui voudrois l'acheter aux dépens de mesjourf. 
Hâte toi, mon enfant» de me réjouir par 
. tapréCence; viens recevoir les bénédiftions quo 
je brûle de répandre fur toi dans PépanchÇ' 
ment de mon cœur* Mais écoute auflîi la priè- 
re que j'adrefBs au ciel dans ces circonftances 
«folemnelles : puiHe Tétat de profpérlté auquel 
tu vas parvenir ne jamais x'éblouir / Fais tou- 
jours conMer ta gtôîré à conferver un cœur 
pur & férien. Je ne puis- penfbr/fans atten* 
driiïement du moment qui te ramènera dans 
mes bras, & je crains bien que cette émotion 
ne foit trop forte pour un père qui t'idolâtre. 
Mais non, je fuis vieux; l'âge, içs affliébions 
& mes infirmités ont miné maconHitution; 
cependant la joie d'être témoin de ton bonheur 
guérira tous mes maux, & me fera oublier 
' tous les revers de h fortune. L'unique grâce 
que je demande encore au ciel , c'efl dé mou- 
rir un jour dans^tesbf-âs; om^, :.mon enfant» 
tu viendras fermer mes yeux, tu viendras re- 
cueillir de ^ma bouche mourante les vœux de 



t54 SVELIMJL 

les bénédiâions que] Je te laiiTerai eâ quittant 
ce monde. 

Ne t'afiiiges pas i ma chère ^ de ce que ces 
réflexions peuvent avoir de trille pour toi : i 
non âge elles font fort naturelliBs:'*j*envifage 
ma fin d'un œil tranquille : puifTe la tienne être 
également hcureufe ! puîfles^tu , rafTafîée ^e 
jours & de proTpérîté , defcendre dans la tom^^ 
be« aulll chérie k au(E regrettée que je lefe^ 
rai partoil-^puifTes-tu laififer gne autre Eveil- 
na , ^gne de tranfmettre ton nom &-tes vertus ! 

Arthur VrLLARS. 



LETTRE LXXXIV. 
£VBLINÀ à M. VlLLARS^ 

1 out eft dit» moi} très -cher Monfîeur, & 
le (brt de. votre Evclina eft décidé. Cefh aU^ 
jourd'hui que je donne ma main & ma foi i 
Tamapt que mon cœur a choifi ; c'eft aujour* 
d*hai que je lui jure une reconnoifTance, une 
tendrefle & un attachement éternels. 

Je n'ai pas le temps de vous en dire davan- 
tage; lachaife de pofte eft déj commandée & 
Je parts dans peu pour voler dans les -bras du 
mcâfleur des homraes« E v s l i n a. 



P I N. 




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