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Full text of "Exposition du dogme catholique : carême 1873-1890"

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JOHN  M.  KELLY  LIBDADY 


IN  MEMORY  OF 
CARDINAL  GEORGE  FLAHIFF  CSB 

1905-1989 


University  of 
St.  Michael's  Collège,  Toronto 


CONFÉRENCES  DE  NOTRE-DAME  DE   PARIS 


EXPOSITION 


DU 


Dogme    Catholique 


CARÊME    1886 
XIV 


PROPRIÉTÉ   DE  L'EDITEUR 


L     liteur    réserve    tous    droits  de  reproduction    et    de 
traduction. 


Imprimatur  : 
Parisiis,  die  8  decembris  1901. 

+  Framciscus,  Gard.  RICHARD, 
Arcb.  Parisiensis. 


Cet  ouvrage  a  été  déposé,  conformément  aux  lois, 
en  905 


CONFERENCES    DE  NOTRE-DAME  DE   PARIS 


EXPOSITION 


DU 


DOGME 

CATHOLIQUE 

GRACE    DE    JÉSUS-CHRIST 

IV.  -  ORDRE 


Par     le     T.     R.     P.     J.-M.-U.     MONSABRÉ 

des  Frères  Prêcheurs 

ONZIÈME     ÉDITION 


CAREME  1886 


PAEIS    (VF) 
P.   LETHIELLEUX,   Libraire-Éditeur 

10,    RUE    CASSETTE,    10 


APPROBATION  DE  L'ORDRE 


Nous,  soussignés,  Maîtres  en  sacrée  Théologie,  avons  lu, 
par  ordre  du  T.  R.  P.  Provincial,  les  Conférences  du 
T.  R.  P.  Jacques-Marie-Louis  Monsabré,  Maître  en  sacrée 
Théologie,  lesquelles  sont  intitulées  :  Exposition  du 
Dogme  catholique .  —  Grâce  de  Jésus-Christ.  —  Ordre. 
—  Carême  1886.  —  Nous  les  avons  jugées  dignes  de 
l'impression. 

Fr.  Antonin  VILLARD 
Maître  en  sacrée  Théologie. 

Fr.  M.-D.  SOUAILLARD 

Maître  en  sacrée  Théologie. 

Imprimatur  : 

Fr.  Aimon  NESPOULOUS 
Prieur  Provincial. 


SOIXANTE-DIX-HIEUVIÊME  CONFÉRENCE 


LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE 


SOIXANTE-DTX-NEUVIEME  CONFERENCE 


LA    CONSECRATION     SACERDOTALE 


Monseigneur  i,  Messieurs 

Nous  nous  sommes  quittés,  l'an  dernier,  en 
murmurant,  près  du  lit  de  douleur  où  le  chré- 
tien expire,  cette  parole  de  PÉcriturc  :  Bien- 
heureux les  morts  qui  meurent  dans  le  Sei- 
gneur :  Beati  mortui  qui  in  Domino  moriun* 
tur*.  Dans  le  dernier  des  sacrements,  nous 
avons  vu  s'achever  le  mouvement  harmonieux 
de  la  nature  et  de  la  grâce  rythmées  par  Dieu. 
Rien  de  plus  admirable  que  l'application  des 
signes  sacrés  à  notre  vie  individuelle. 

Mois,  je  vous  le  disais  au  commencement 
de  notre  étude  shir  les  sacrements  :  Il  ne  faut 
pas  oublier  que  nous  sommes  une  société,  un 

1.  Monseigneur  Richard,  archevêque  de  Larisse,  coad- 
jute'ur  de  Paris. 

2.  Apoo.,  cap.  xiv,  13. 


LA    CONSÉCRATION    SACERDOTALE. 


corps  religieux  :  «  Multi  unum  corpus  su- 
mus  \  »  et  que  ce  corps  religieux,  nature  mul- 
tiple et  complexe,  doit  avoir  ses  sacremnets*. 
Jésus-Christ  y  a  pourvu  en  instituant  l'ordre 
et  le  mariage,  tous  deux  ordonnés  à  la 
lurmation,  au  perfectionnement,  au  gouver- 
nement de  la  société  spirituelle  et  à  la  répa- 
ration des  pertes  qu'elle  fait,  chaque  jour,  sous 
les  coups  de  la  mort. 

Le  prêtre,  chef  du  corps  religieux,  dispen- 
sateur de  la  grâce,  représentant  de  Dieu  et  du 
peuple,  dans  le  mystérieux  et  fécond  mouve- 
ment des  choses  sacrées,  la  famille  chrétienne, 
où  se  prépare  la  sainte  lignée  des  enfants  de 
Dieu,  sont  aujourd'hui,  vous  ne  l'ignorez  pas, 
le  double  point  de  mire  que  vise  particulière- 
ment l'impiété.  Par  ruse  et  par  violence,  par 
décrets  perfides  et  par  mesures  vexatoires, 
elle  voudrait  détruire  ces  deux  fondements  de 
la  société  spirituelle,  sentant  bien  que  c'en  est 
fait  de  la  religion  si  elle  triomphe.  C'est  pour- 
quoi, Messieurs,  j'ai  cru  devoir  m'appliquer  à 

1.  Cor.,  cap.  x,  17. 

2.  Cf.  Soixante-deuxième  Conférence  :L' Harmonie  des 
Sacrements,  deuxième  partie. 


LA    CONSÉCRATION     SACERDOTALE. 


l'étude  des  deux  sacrements  sociaux,  sources 
du  sacerdoce  et  de  la  famille  chrétienne,  plus 
que  je  ne  l'aurais  fait  en  d'autres  circons- 
tances. Toute  la  station  de  cette  année  sera 
consacrée  au  sacrement  de  l'ordre.  Je  traite- 
rai successivement  de  la  consécration  sacer- 
dotale, de  la  dignité  du  prêtre,  des  devoirs  du 
prêtre, des  droits  du  prêtre,  de  l'évêque,  et  des 
ennemis  du  sacerdoce. 

Parlons  d'abord  de  la  consécration  sacer- 
dotale, et  voyons  ensemble  les  raisons  de  son 
institution,  en  auoi  elle  consiste,  et  ce  qu'elle 
opère. 


«  Le  sacrifice  et  le  sacerdoce,  dit  le  saint 
Concile  de  Trente,  sont  tellement  unis  dans 
les  desseins  de  Dieu  qu'on  les  rencontre  en 
toute  loi1.  »    Nous  avons  constaté  ce  fait  en 


1.  Sacerdotium  et  sacrificium,  ita  Dei  ordinatione 
conjuncta  sunt,  ut  utrumque  in  omni  lege  extiterit. 
(Cap.  i,  sess.  xxvi.) 


LA.  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 


étudiant  le  sacerdoce  de  Jésus-Christ.  La 
pierre  de  l'âtre  ou  du  chemin  où  le  père  de 
famille,  pontife  des  premiers  âges,  sacrifiait 
pour  ses  enfants  et  pour  ses  serviteurs,  les 
autels  profanés  des  nations,  les  autels  figu- 
ratifs du  peuple  Juif  nous  ont  conduits  jus- 
qu'au pied  de  l'arbre  sanglant,  où  nous 
avons  contemplé,  dans  la  même  personne, 
la  victime  universelle  et  le  prêtre  suprême1. 

Rappelez-vous  ici,  je  vous  prie,  les  ensei- 
gnements que  vous  avez  entendus*. 

Le  genre  humain  avait  besoin  d'un  sacri- 
fice qui  rendît  à  Dieu  les  devoirs  qu'exige  sa 
perfection  infinie,  et  compensât  l'offense  faite 
à  sa  très  haute  majesté  par  les  crimes  de  tous 
les  peuples  et  de  tous  les  âges.  Mais  les  im- 
molations et  les  carnages  sacrés,  qui  ensan- 
glantèrent les  autels  de  l'antiquité,  ne  furent 
que  de  misérables  et  infructueux  essais  de 
l'acte  religieux    qu'un  homme-Dieu   pouvait 


1.  Cf.  Quarante- deuxième  Conférence  :  Le  Sacerdoce 
de  Jésus-Christ. 

2.  Cf.  Quarante-unième  Conférence  :  Les  Infirmités 
de  Jésus-Christ.  —  Quarante-neuvième  :  L&  Rédemp- 
tion. 


LA    CONSÉCRATION    SACERDOTALE^ 


seul  accomplir.  Le  Christ,  Verbe  incarné,  e*t 
l'unique  victime  qui  soit  digne  d'être  offerte 
au  Dieu  dont  elle  égale  la  grandeur  ;  et,  pour 
offrir  cette  victime,  il  faut  un  prêtre  de  sa 
taille.  —  Qu'à  cela  ne  tienne.  —  Le  Christ  vic- 
time est  prêtre.  Dieu  le  lui  a  dit,  Dieu  l'a  juré  : 
«  Toi  qui  sièges  à  ma  droite,  toi  que  j'engen- 
dre éternellement,  tu  es  prêtre  pour  toujours  : 
Tu  es  sdicerdos  in  deternum1.  » 

Tout  proclame  l'excellence  de  son  sacer- 
doce :  le  choix,  l'onction,  les  qualités  de  sa 
personne  ;  l'ampleur,  la  simplicité  et  l'efficacité 
de  ses  fonctions.  Dans  l'unique  oblation  qu'il 
a  faite  de  lui-même,  Jésus,  prêtre  et  victime, 
a  concentré  toutes  les  choses  sacrées  de  Dieu 
et  de  l'humanité,  et«  consommé  éternellement 
la  sainteté  de  ceux  qu'il  a  rachetés  :  Una  obla- 
tione  consommavit  in  œternum sanct ifica tos*.  » 

Nous  n'avons  besoin,  en  somme,  que  de 
cette  unique  victime  et  de  cet  unique  prêtre. 
Du  haut  des  cieux,  où  il  vit  pour  ne  plus  mou- 

1.  Juravit  Dominus  et  non  pœnitebit  eum  :  Tu  ee  ga. 
cerdos  in  œternum  secundum  ordinem  Melchisedecj|i 
{Psalm.  cix.) 

2.  Heb.,  cap.  x,  14. 


-LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 


rir,  le  Christ  pouvait  nous  appliquer  la  vertu 
ïfice  offert  une  fois  pour  toutes. 
i  il  avait  la  sublime  ambition  de  laisser 
-  lui  une  religion  parfaite,  et  sa  miséri- 
3  bonté  voulait  que  nous  n'eussions 
rien  à  envier  au  peuple  béni,  dont  il  avait  jadis 
r  des  révélations,  le  culte  magnifique. 
La  croix,  trop  loin  de  nous,  pouvait  être  ou- 
bliée.   Il   nous  fallait  des  autels,  et  sur  ces 
ls,  non  plus  des  hosties  imparfaites,  mais 
la  divine  hostie  que  l'amour  avait  immolée  sur 
la  croix. 

Messieurs,  vous  l'ayez  vue  descendre  du 
ciel,  cette  hostie,,  dans  l'adorable  sacrement 
de  V Eucharistie.  Le  Christ  y  réside,  non  seu- 
lement comme  un  hôte  royal  qui  nous  honore 
de  sa  perpétuelle  présence,  mais  comme  une 
victime  immolée  par  les  paroles  mômes  qui  le 
rendent  présent.  Je  vous  le  disais  naguère  : 
û  Les  paroles  dont  le  Sauveur  s'est  servi  pour* 
nous  dire  ;  —  Je  suis  présent  dans  mon  sacre- 
ment, —  sont  des  paroles  sacrificales  qui  l'im- 
molent mystiquement.  Il  se  donne,  mais  par 
l'immolation,  séparant  son  sang  de  son  corps: 
hoc  est  corpus   meumf  hic  est  cçlix  sanguines 


• 

LA     CONSÉCRATION    SACERDOTALE. 


mei;  —  Nous  donnant  son  corps  et  son  sang 
de  victime  et  à  l'état  de  victime;  son  corps  livré 
à  la  mort  :  quod  pro  vobis  tradetur,  —  son 
sang  répandu  pour  tous  :  qui  provobis  effun- 
detur.  —  Voilà  ce  qui  doit  rester  perpétuel- 
lement dans  l'Eglise,  comme  mémorial  de 
l'oblation  sainte  qui  fut  consommée  sur  la 
croix  '  ;  »  voilà  la  victime  dont  il  faut  manger  la 
chair  et  boire  le  sang,  pour  achever  le  sacrifice 
et  vivre  éternellement. 

Cette  victime  est  la  chose  sacrée  par  excel- 
lence, un  centre  vers  lequel  convergent  les 
choses  sacrées  qui  ennoblissent  ici-bas  notre 
vie  religieuse,  la  vérité  et  la  grâce.  C'est  la 
somme  des  dogmes  divins  dont  se  nourrit 
notre  foi;  c'est  le  rendez-vous  des  opérations 
sacro-saintes  qui  nous  engendrent,  nous  ac- 
croissent, nous  réparent  et  nous  perfectionnent 
spirituellement  dans  les  sacrements. 

Mais  qui  donc,  Messieurs,  nous  donnera 
cette  chose  éminemment  sacrée,  et  les  choses 
sacrées  qui  nous  préparent  à  la  connaître,  à 
l'adorer  et  à  en  recevoir  la  divine  vertu?  Le 


I.  Cf.  Soixante-dixième  Conférence  :  Le  Sacrifice. 

1. 


10  La    CONSÉCRATION    SACERDOTALE. 

■e  éternel  est  dans  les  cicux.  Si,  de  la 
droite  de  Dieu  où  il  est  assis,  il  mesure  et 
dirige  le  courant  de  vérité  et  de  grâce  qui 
anime  notre  vie  religieuse,  il  ne  veut  plusse 
laisser  voir.  Et  pourtant,  il  nous  faut  un 
prêtre  visible,  sans  quoi  nous  ne  serons  jamais 
sûrs  de  notre  participation  aux  choses  saintes. 
Puisque  le  Pontife  suprême,  le  Prêtre  univer- 
sel nous  dérobe  sa  personne  adorable  et  sa 
souveraine  action,  j'ai  le  droit  de  lui  demander 
des  représentants,  et  il  ne  peut  pas  me  les 
refuser.  —  «  Voyez,  dit  saint  Thomas,  voyez 
comme  le  monde  est  rempli  des  représentations 
divines.  Ce  n'est  pas  seulement  son  être  et  sa 
perfection  personnelle,  mais  son  action  et  son 
influx  sur  les  autres  êtres  que  Dieu  repro- 
duit dans  les  créatures.  Loi  de  nature  im- 
posée à  tous  :  l'être,  que  Dieu  touche  de  plus 
près,  agit  sur  l'être  distant  par  les  milieux 
qu'il  traverse,  le  ramène  à  son  premier  prin- 
cipe et  le  perfectionne.  Entre  tous  les  êtres, 
l'homme  n'est-il  pas  une  sorte  de  prêtre  qui 
fait  sentir,  jusqu'aux  extrémités  de  la  création, 
l'action  providentielle  de  Dieu?  Et  l'Eglise, 
la  plus  belle  des  créations  de  Dieu,  manquerait 


LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE.  H 

de  coite  beauté?  Cela  n'est  pas  possible.  Il 
faut  qu'il  y  ait  des  hommes  assimilés  à  Dieu, 
coopérateurs  de  sa  puissance  surnaturelle  et 
dispensateurs  des  choses  sacrées,  remplissant 
dans  le  corps  religieux  l'office  des  organes 
d'où  les  membres  de  notre  corps  charnel  re- 
çoivent la  vie1.  »  —  Plus  que  toutes  les  choses 
sacrées,  le  sacrifice  appelle  le  prêtre  ;  c'est  la 
loi,  dit  le  saint  Concile  de  Trente  :  Sncrifîcium 
et  sacerdotium  Dei  ordinatione  conjuncta  sunt. 
Puisque  nous  avons  un  sacrifice  visible,  il 
nous  faut  un  sacerdoce  visible J. 

1.  Deus  sua  opéra  in  sui  similitudinem  producere  vo- 
luit,  quantum  possibile  fuit,  ut  perfecta  essent,  et  per  ea 
cognosci  posset.  Etideo  ut  in  suis  operibus  repraesentarr- 
tur,  non  solum  seoundum  quod  in  se  est,  sed  etiam  te- 
cundum  quod  aliis  ioflait,  hanc  legem  naturalem  im- 
posuit  omnibus,  ut  ultima  per  média  reduccrentur,  et 
perficerentur,  et  média  per  prima,  ut  Dionysius  dicit. 
(Cap.  v,  Ecoles.  Hierarch.  inter  princ.  et  med.).  Et  idtc 
ut  ista  pulchritudo  Eenlcsiae  non  deesset,  posuit  ordinem 
in  ea,  ut  quidam  aliis  sacramenta  traderent,  suo  modo 
Deo  in  hoc  assimilati,  quasi  Deo  coopérantes,  sicut  et  in 
corpore  naturali  quaviam  membra  aliis  influunt. 

2.  Cum  ergo  in  novo  Te&tamento  Sanctum  Eucharistise 
Sacrificium  visibile,  ex  Dei  institutione,  Catholica  Eccle- 
sia  acceperit,  fateri  etiam  oportetin  ea  novum  esse  et  ex 
ternum  sacerdotium,  in  quod  vêtus  translatum  est.  (Sess. 
xxiii,  cap.  i.) 


12         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 

Prêtre  éternel,  restez  dans  les  cieux,  il  nous 

suffit  de  voir  et  d'entendre  les  représentants 

de  votre  puissance  sacerdotale.  —  Mais  quels 

seront     ces     représentants,    Messieurs  ?    — 

L'apôtre  saint  Pierre  a  dit  aux  fidèles  de  la 

primitive  Eglise  qu'ils  étaient  «  une  race  sainte, 

une  race  de  rois,  de  prêtres.    Vos  estis  gens 

sançtn,  regale  sacerdotium l .  »    Faut-il  croire 

que  le  baptême  nous    donne  à  tous  le  droit 

radical  d'accomplir  les  fonctions  du  sacerdoce, 

et  que  nous  n'avons  besoin  que  d'une  dépu- 

tation  humaine  pour  prendre  rang  au-dessus 

de  nos  frères  et  leur  donner  les  choses  saintes? 

la  doctrine  du  protestantisme.  L'égalité 

est  absolue,  dit-il,  il  suffit  d'être 

chrétien  pour  être  prêtre.  Si  le  bon  ordre  de 

la  communauté  religieuse  exige  que  le  droit 

de  tq  :ercé  par  quelques-uns,  les  rois, 

les  ]  trats  et,  mieux  encore, 

le  pi  ne   les  désigneront.  Il  n'y  a 

3    plus    authentiques    et   plus 

(jue  ceux  que  consacre  le  suffrage 

jeh 

i.  I.  ap,  n,9 


LA     CONSÉCRATION     SACERDOTALE.  13 

Messieurs,  je  n'ai  point  à  faire  ici  le  procès 
du  suffrage  universel.  Je  vous  le  laisse  pour 
ce  qu'il  vaut  clans  l'ordre  politique  et  civil  où 
iî  vous  plaît  de  l'employer;  mais  j'ai  le  devoir 
dé  déclarer  sa  parfaite  incompétence,  quant  à 
la  transmission  des  pouvoirs  qui  doivent  re- 
présenter et  continuer,  clans  la  société  chré- 
tienne, le  sacerdoce  de  Jésus-Christ.  Que  le 
Eestantisme,  qui  a  aboli  le  sacrifice  et  la 
plupart  des  sacrements*  se  contente,  pour  ses 
besoins  religieux,  de  la  simple  députation  d'un 
homme  baptisé  au  ministère  de  la  parole,  je 
le  conçois;  mais  nos  autels  et  nos  mystères 
réclament  pour  le  sacerdoce  une  plus  noble  et 
plus  sainte  origine. 

L'Apôtre  écrivait  aux  hébreux,  parlant  du 
sacerdoce  de  l'ancienne  loi  :  —  «  Personne  ne 
doit  prendre  pour  soi  cet  honneur,  mais  seu- 
lement celui  qui  est  appelé  par  Dieu  :  Nec 
quisquam  sumit  sibi  honorent,  sed  qui  voc 
a  peo1.  »  Vous  l'entendez,  Messieurs;  pour 
offrir  à  Jéhovah  l'encens  du  soir  et  du  matin, 
pour  immoler  les  boucs  et  les  génisses,  il  fallait 

1.  Heb.,  cap.  v,  4.  _ 


14         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 

une  vocation  de  Dieu.  Ni  les  juges,  ni  les  rois, 
ni  le  peuple,  ne  pouvaient  députer  au  service 
des  autels  ceux  qu'un  choix  divin  n'avait  pas 
désignés;  et,  dans  la  hiérarchie  lévi tique,  il  y 
avait  des  fonctions  réservées  qu'on  ne  pouvait 
convoiter  sans  se  rendre  coupable  d'une  usur- 
pation sacrilège.  Coré,  Dathan  *t  Abiron 
osèrent  contester  l'appel  du  Seigne.ir  et  am- 
bitionner les  fonctions  saintes;  le  peuple 
tremblant  vit  la  terre  s'entr'ouvrir  pour  étouf- 
fer leur  audace1,  et  longtemps  avant  que 
l'Apôtre  eût  parlé,  les  flammes  vengeresses 
de  la  colère  divine  écrivirent  sur  la  tombe  des 
usurpateurs  ces  paroles  protectrices  du  sacer- 
doce :  a  Nec  quisquam  sumit  sibi  honorera, 
sed  qui  vocatur  a  Deo.  d 

Tout  cela,  pour  un  ministère  puremen 
figuratif  !  Et  quand  il  n'y  a  plus  de  figures 
quand  il  s'agit  de  continuer  le  ministère  sau 
veur  du  prêtre  universel,  et  de  donner  à  Jésus 
Christ  des  instruments    vivants  de  sa  puis 

l.Etaperiens  terra  os  suumdevoravit  Core,  morientibus 
plurimis,  quando  combussit  ignis  ducentos  quadraçrinta 
viros,  Et  factum  est  grande  miraculum.  (Num.,  cap.  xivi, 
10.  —  Cf.  ibid,,  cap   xvi,  1-35.) 


LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE.  15 

sance  sacerdotale,  on  voudrait  se  contenter 
d'un  appel  général,  supprimer  la  vocation 
particulière  de  Dieu,  et  la  remplacer  par  le 
caprice  d'un  potentat  ou  par  le  suffrage  de  la 
multitude?  C'est  avoir  perdu  le  sens,  Mes- 
sieurs, et  ne  rien  entendre  au  langage  de 
T Ecriture.  Jésus-Christ  seul  a  le  droit  d'ap- 
peler son  prêtre,  et  de  l'investir  du  pouvoir 
sacré  qu'il  doit  exercer  en  son  nom. 

L'appel  de  Dieu  se  fait  entendre  à  tous  les 
âges  et  à  toutes  les  conditions.  C'est  un  attrait 
mystérieux  qui  s'empare  du  cœur  candide  d'un 
enfant,  et  le  fait  graviter,  tout  doucement,  au- 
tour des  autels  où  sa  jeunesse  sanctifiée  célé- 
brera les  divins  mystères  ;  c'est  une  soudaine 
illumination  qui  révèle  à  une  grande  âme  le 
vide  d'une  existence  toute  mondaine,  et  lui 
montre,  dans  une  perspective  glorieuse,  les 
saints  travaux  d'un  ministère  qui  fait  de 
l'homme  le  coopérateur  de  la  rédemption; 
c'est  un  coup  de  foudre  qui  réveille  un  pécheur 
endormi,  l'électrise  et  lui  donne  le  courage 
d'expier,  par  un  dévouement  exceptionnelles 
désordres  de  sa  vie  profanée,...  et  que  sais- 
je?...  C'est  tout  ce  qui  peut  provoquer  dans 


16  LA     CONSÉCRATION     SACERDOTALE 

une  âme  la  magnanime  résolution  de  rompre 
avec  le  monde  et  lui  arracher  ce  cri  du  pro- 
phète :    «  Le  Seigneur  est  ma  part  d'héritage  : 
■  nus  pars    hœreditatis  meœ.  »  —  À   cl  ail- 
les honneurs  dont  se  repaît  l'orgueil  du 
le,  à  d'autres  les  biens  frivoles  qui  excitent 
:ohvoitises,   engendrent  des    sollicitudes 
-  et  matérialisent  la  vie,  à  d'autres  la 
ies  affections  humaines  et  les  plaisirs  de 
la  chair  et  du  sang  :    «  Le   Seigneur  est  ma 
part    d'héritage,   et    sa   perfection   infinie    le 
calice  où  je  puiserai  les    dons  sacrés  que  je 
veux  répandre  sur  les  âmes  :  Dominus  pars 
hœreditatis  mese  et  calicismei*.  » 

Quand  l'homme  a  dit  cela,  Messieurs",  tout 
n'est  pas  fini,  il  faut  qu'il  reçoive  la  réponse 
de  Dieu,  qui  n'est  autre  que  le  serment  fait 
an  Christ  par  son  Père  :  «  Tu  es  prêtre  pour 
toujours  :  Tu  es  sacerdos  in  seternum.  »  — ■ 
9  renouveler  le  miracle  de  l'inspiration 
qui  fit  connaître  au  roi  prophète  son  sublime 
rient,  sans  faire  entendre  à  nos  oreilles 
le  bruit  de  sa  parole.  Dieu  a  trouvé  moyen  de 

1.  IJsalra.  xv. 


LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE.         17 

réitérer  son  serment,  d'une  manière  si  authen- 
tique et  si  certaine  que  l'élu,  qui  se  donne  à 
lui,  ne  peut  douter  de  sa  participation  au  sacer- 
doce de. Jésus-Christ.  Il  le  consacre  par  un 
eigne  sensible1,  par  un  sacrement  dont  l' effi- 
cace pénètre  le  corps,  transforme  l'âme  et 
investit  la  nature  humaine,  tout  entière,  du 
pouvoir  sacré  dont  la  source  réside  en  la 
très  .sainte  humanité  du  Sauveur.  Acte  de  sou- 
veraine puissanceet  aussi  d'admirable  sagesse, 
sans  lequel  je  ne  puis  concevoir  ni  comprendre 
le  prêtre. 

Outre  le  choix  et  l'appel  de  Dieu,  il  fallait 
une  consécration  aux  pontifes  infirmes  qui 
n'offraient  à  Jéhovah  que  des  hosties  impar- 
faites. L'huile  de  joie  et  de  sainteté  coulait  sur 
leur  front,  et  ils  recevaient  respectueusement 
des  mains  d'un  autre  prêtre,  les  instruments 
de  leur  ministère.  —  Pourquoi  l)ieu  se  refu- 
serait-il de  marquer  d'un  signe  plus  auguste 
et  plus  divin  ceux  qui  doivent  offrir  l'hostie 
sainte,  l'hostie    immaculée,   le  pain  sacré  de 

i.  In  susceptione  ordinis  queedam  consecratio  homini 
exhibetur  per  Visibilia   signa.   [Summ.    Theoh",    t 
quaest.  2i,  a.  3.) 


18         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 


In  vie  éternelle  et  le  calice  de  l'éternel  salut? 

Un  :re  lus   temples,  les  autels  et  les 

ss  qui  doivent  recevoir,  porter  et  contenir- 
le  corps  et  le  sang  du  Christ  immolé.  Les 
purifications,  les  onctions  et  les  illuminations 
se  succèdent  pour  sanctifier  des  matières 
inertes.  —  Puis-je  croire  que  le  représentant, 
l'instrument  vivant  du  prêtre  éternel,  pour 
immoler  un  Dieu  par  sa  parole,  sous  les  espèces 
qu'il  touche,  n'aura  à  son  service  qu'une 
bouche  et  des  mains  profanes  ? 

On  n'entre  que  par  un  caractère  sacré  dans 
la  religion  du  Christ.  Ce  caractère  investit 
l'homme  baptisé  d'une  puissance  spirituelle 
et  passive,  qui  lui  confère  le  droit  de  recevoir 
les  choses  saintes.  Un  autre  caractère  lui 
donne  le  droit  et  le  pouvoir  de  leur  rendre 
hommage  par  un  témoignage  public,  et  de  les 
protéger  par  d'héroïques  combats.  —  Et  quand 
il  s'agit  de  prendre  la  première  place  dans 
l'Eglise  du  Christ,  de  faire  les  choses  saintes, 
de  devenir  le  canal  par  où  elles  s'écoulent,  de 
les  répandre  sur  tous  ceux  qui  les  demandent 
à  Dieu,  aucun  caractère  sacré  ne  serait  la 
marque  d'une  si   grande   dignité  et   d'un   si 


LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE.         19 


grand  pouvoir?  Cela- ne  peut  pas  être,  Mes- 
sieurs; cela  n'est  pas. 

Si  j'interroge  les  mœurs  et  coutumes  de 
l'Eglise  du  Christ,  je  constate  qu'en  aucun 
temps  elle  ne  s'est  contentée  de  nommer  ses 
prêtres,  et  qu'en  tout  temps  elles  les  a  con- 
sacrés par  un  signe  visible  et  sanctifiant,  qu'elle 
appelle  le  sacrement  de  l'Ordre.  L'histoire  du 
sacerdoce  est  facile  à  faire,  car  toutes  les  géné- 
nérations  de  prêtres  se  touchent,  se  commu- 
niquent, et  nous  les  voyons  naître,  Tune  de 
"de  l'autre,  par  l'ordination.  Longtemps  avant 
que  la  scolastique,  à  laquelle  l'hérésie  repro- 
che d'avoir,  par  ignorance,  surchargé  la  foi  de 
dogmes  controuvés  et  le  culte  de  rites  ineptes, 
longtemps,  dis-je,  avant  que  la  acolastisque 
eût  fait  le  classement  méthodique  des  vérités 
qu'il  faut  croire  et  des  sacrements  qui  nous 
sanctifient,  l'ordre  avait  sa  place  marquée  dans 
renseignement  traditionnel  de  l'Eglise. 

«  Le  clerc  appartient  au  Seigneur,  disent 
les  saints  Pères1,  et- le  Seigneur  est  son  par- 

1     Clerici  surit  de  sorte  Domini,  vel  quia  ipse  Domlnus 
sors,  id  est,  pars  clericorum  est.(S.  Hieronim.,  Epist.  ad 

Nepotianum.) 


20  LA     CONSÉCRATION     SACLIi  U'JTALK. 

rgucil  et  coupable  enflure  do 
vouloir  v    au   clerqé,   comme  si    nous 

étions  tous  prêtres1.  —  Ne  faisons  rien  sans 
l'Evoque,  soyons  soumis  aux  prêtres  comme 
aux  Apôtres  de  Jésus-Christ  \  —  On  ne  devient 
leur  successeur  que  par  la  communication  de 
l'Esprit-Saint1.  —  L'onction  sacerdotale  n'est- 
bien  placée  que  là  où  la  vertu  du  sacrement 
fortifie  Tâme*.  —  Et  cette  vertu,  ce  n'est  pas 
l'homme  qui  la  donne,,  c'est  Dieu.  L'homme 


1.  Cum  extôllimui*  et  inflamur  adversus  clerura,  tune 
omnes  unum  suraus,  tune  omnes  sacerdotes?  (Tertul. 
lib.  De  Monogamiâ,  cap.  xil 

2.  Necessarium  est,  quemadmodum  facitis,  ut  sine 
Episcopo  nihil  asratis;  sed  ut  presbyterio  subditi  sitis,  ut 
apostolis  Jesu  Christi  :  —  Avorpcaîç^  ouv  icrrv,  Sxnuç  tweïte, 
av£-j  toC  bcujxotcou,  pwrjSèv  r.ziczv.v  uy.aç.  àXV  UTtoraffO'Eafott  xal 
tco  icpea&JÛpu»)  co;  to~;  a-osToÀoi;  5Ir,c:ou  Xs'.stoj.  (S.  Ignat., 
martyr.  E'pist.  ad  Trallianos.  Edit.Fank.  Patr.  Apust., 
p.  204.) 

3.  Ostendit  (Christus)  necessario  sequi  ut  detur  iis 
?piritus,qui  ad  divinumapo-stolatum  pereum  deliguntur. 
'l.-.i'zi  oe   o  XptaTo;   ott  toT;  eCç  Aaixv  aTTOTTO^TjV  Si' oturoû  -po- 

j. -. . o'.;  rj toîi  llv£o;j.aToç  S^c.ç  àvayxaîco;  dbcoXourçT.  (S .  Cyril. 
Àlexandr  ,  Lib.  XII,  In  Joannem.  Edit.  Mign.,t.  LXXIV, 
p.  211,  col.  1096.) 

4.  Ifl  qui  promovetur  bene  foris  uncitur,  si  intus  vir- 
tute  sacramenti  roboretur.  (S.  Greg.  Magn.,  Lib.  4,  In 
1.  Regum,  cap.  v,  n°  1.) 


LA     CONSÉCRATION     SACERDOTALE.  21 

impose  les  mains,  Dieu  répand  la  grâce  ;  TE  va- 
que ouvre  les  portes  de  l'ordre,  Dieu  accorde 
la  dignité1. —  Non  ce  n  est  pas  un  homme, 
ce  n'est  pas  un  ange,  ce  n'est  pas  un  archange, 
ce  n'est  pas  une  puissance  créée,  c'est  l'Esprit- 
Saint  qui  investit  du  sacerdoce*.  —  C'est  la 
force  des  paroles  de  Jésus-Christ  qui  fait  le 
prêtre  auguste  et  cligne  d'honneur.  Celui  qui 
hier  était  mêlé  au  peuple  devient  son  pré- 
cepteur, 'son  maître,  le  docteur  des  choses 
saintes  et  le  président  des  sacrés  mystères  V 

1.  Quis  dat,  frater,  Episcopalem  gratiam  ?  Deus  an 
homo?  Respondes  prooul  dubio  :  Deus;  sed  tamen  per 
hominem  dat  Deus  :  homo  imponit  manus,  Deus  largitur 
gratiam;  sacerdos  imponit  supplicem  dexteram,  et  Deus 
b.enedicit  potenti  dextera  :  Episcopus  initiât  ordinem,  et 
Deus  tribuit  dignitatem.  (S.  Ambros.  Lib.  De  Dignitate 
Sacnrdnlali,  cap.  v.  ) 

2.  ^'acerdotium  enim  in  terra  quidem  peragitur,  sed 
cœleslium  ordinum  classem  obtinet;  et  jure  quidem 
mcrilo.  Non  enim  homo,  non  angélus,  non  arehansrelus, 
non  alia  qui*piam  creata  potestas  ;  sed  ipse  Paracletus 
hoc  officium  orditiavit.  -  'H  yap  ïepw<rjw)  TeÀsTxai  ;j.sv  sVi 
xrfi  yî,,-.  toç'.v  Se  l-o-jcaviiov  £/ei  Tayuarcov  •  jtaî  puxXoc  "fe  ebtOTWÇ. 
Où  Y^f  àwôfXtficoç,  où/,  «YY^^OÇ,  oùx  ay/ayyE>oç,  oùx  dKXt)  -nç 
xTi(7Tr  o'jjy.[j.:c.  <xAX'  aùxo;  ô  DapdbtXriTOç  Taunrjv  SieTO^àxo  xr(v 
dbuAouOîav....  (S.  Chrysost.,  lib.  III,  De  Sacerdotio.) 

3.  Èadem  Verbi  (Christi)  vis  sacerdotem  augustum  ac 
hor. -n  andum  facit,  novitate  benedictionis  ac  communitate 


22  LA     CONSÉCRATION     SACERDOTALE. 

—  Consécration  sublime  qui,  pas  plus  que  celle 
du  baptême,  ne  peut  être  perdue1  » 

Messieurs,  qui  ne  reconnaîtrait,  dans  cet 
enseignement  de  la  tradition,  un  écho  des 
paroles  que  l'Apôtre  adressait  à  ses  disciples  : 
i  Ne  négligez  pas  la  grâce  qui  vous  a  été 
donnée  par  l'imposition  des  mains1;  faites-la 

vulgi  segrecratum,  Cum  enim  heri  ac  tempore  superiori 
unus  e  multitudine  ac  plèbe  esset,  repente  redditur  prse- 
ceptor,  praeses,  doctor  pietatis,  mysteriorum  latentium 
praesul,  eaque  contingunt  ei,  cum  nihil  vel  corpore  vel 
forma  mutatur,  sed  quod  ad  speciem  externam  îlle  sit  qui 
erat,  invisibili  quadam  vi  ac  gratia  invisibilem  animam 
in  melius  transformatam  gerens.  'H  «zut^i  Se  too  Xoyou  Suvoe- 
ul'.;,  xoù  tov  hféa  rroieî  ge|avov  xa\  Ttutov,  tt]  xatvoTrjTUTTJç  iuÀoyia; 
tîjî  rrcbç  to'jç  xoXXouç  xoivôvr/roç  ywp'.^ofxîvov.  XOi;  va:  y.at  r:u'/ry 
clç  urApyon  tcov  boXXÔjv  xa\  toïï  û-^ulou,  aôpoov  àroosix.uTai 
xa^vcawv,  irpoÉopo;,  C'.oacxoXo;  eùceêsiaç,  (juxrnjpîojy  X«  Ôotvovrcùv 
aufrraYOJvoç  X7.1  Tau-rx  ttoisÏ.  u:ry.v  tou  ctoaotTOç  r,  rr;  (xootpîjç 
ritfxetçfecç'  aXX'  uTzap/wv  xaxà  to  (patvofxevov  éxsTvo;  oç  y)v,  àopato» 
tivi  cuvait  xai  /apiTt  ty,v  àopa-cov  «j'u/^v  {«Taaop<poj8ek  ~pbç  to 
(UXtiov.  (S.  Greg.  Nyssenus.  —  Oratio  in  baptismum 
Christi.—  Ed\t.  Mign.  —  Traduct.  Grœc.  —  Tom.  XLYI, 
col.  582.) 

1.  Nullaostenditur  causa  curille,quiipsum  baptismum 
amittere  non  potest,  jus  dandi  potest  amittcre.  Utrum- 
que  enim  Sacramentum  est;  et  quâdam  consccratione 
utrumque  homini  datur,  illud  cum  baptizatur,  istud  cum 
ordinatur.  [S.  Aug.,  Lib.II,  Contra  Epist.  Parmeniani.) 

2.  Noli  negligere  gratiam  quae  data  est  tibi  cum  impo- 
sitione  manuum  Presbyterii.  (I  ad  Tit,  cap.  iv,  14.; 


LA     CONSÉCRATION     SACERDOTALE.  23 

revivre  en  vous1.  —  Prenez  garde  à  vous  et  à 
tout  le  troupeau  qui  vous  a  été  confié,  vous 
que  l'Esprit-Saint  a  préposés  au  gouverne- 
ment de  l'Eglise  de  Dieu".  »  Et  dans  cette  im- 
position des  mains,  dans  cette  grâce,  dans 
cette  communication  de  l'Esprit-Saint,  trans- 
mises par  les  Apôtres  à  leur  postérité  spiri- 
tuelle, qui  ne  voit  la  consécration  qu'ils  ont 
eux-mêmes  reçue  du  Christ  par  ces  paroles  : 
«  Faites  ceci  en  mémoire  de  moi*;  comme  mon 
Père  m'a  envoyé,  mei,  le  prêtre  universel,  je 
vous  envoie.  Recevez  le  Saint-Esprit  et  re- 
mettez les  péchés*.  » 

Le  Concile  de  Trente  a  bien  dit  :  «  Il  y  a 
dans  le  Nouveau  Testament  un  sacerdoce 
visible  et  extérieur,  dont  l'office  est,  non  seu- 


1.  Admoneo  te  ut  resuscites  gratiam  Dei,  quae  in  te  est 
p".  impositionem  manuura  mearum.  (II,  ad  Tit.,  cap.  I,  6.) 

2.  Attendite  vobis,  et  universo  gregi,  in  quo  vos  Spiri- 
sus  Sanctus  posuit  episcopos,  regere  Ecclesiam  Dei.  (Act., 
cap.  xx,  28.) 

3.  Hoc  facite  in  meara  commemorationem.  (Luc,  cap. 
xxiii,  19.) 

\.  Sicut  misit  me  Pater  et  ego  mitto  vos...  Accipite  Spi- 
ritum  Sanctum;  quorum  remiseritis  peccata,  etc...  (Joan., 
cap.  xx,  21,  22.) 


54  LA     CONSÉCRATION     SACERDOTALE. 

lement  de  prêcher  l'Evangile,  mais  de  con- 
sacrer et  d'offrir  à  Dieu  le  corps  et  le  sang  du 
Sauveur  et  de  remettre  les  péchés.  Ce  n'est  pas 
l'élection  du  ministre  de  la  parole  de  Dieu  et  des 
sacrements  qui  fait  ce  sacerdoce,  mais  la 
sainte  ordination,  vrai  et  propre  sacrement 
institué  par  le  Christ  Notre  Seigneur.  Si 
quelqu'un  contredit  à  ces  vérités,  qu'il  soit 
anathème  *.  » 

La  vérité  du  sacrement  de  l'ordre  est 
prouvée,  Messieurs.  Entrons  plus  avant  dans 
le  mystère  de  la  consécration  sacerdotale, 
et  voyons  en  quoi  elle  consiste  et  ce  qu'elle 
opère. 

1 .  Si  q'iis  dixerit  non  esse  in  novo  Testaraento  sacerdo- 
tium  visibile,  et  externum  ;  vel  non  esse  potestatem  ali- 
quam  consecrandi  et  offerendi  verum  corpus  et  sangui- 
nem  D  »mi:ii,   et  peccata   remittendi,   et    retinendi  ;  sed 
officiura  tantum  etnudumministerium  praîdicandi  Evan- 
gelium,  vel  eos  qui  non  prœdicant  prorsus  non  esse  sacer- 
lathema  sit. 
[uia  lixerit  ordinem,  sive  sacram  ordinationem,  non 
.  err-  et  proprie  sacramentum,  a  Christo  Domino  ins- 
titut:; m,  vel  es'-e  fi^menium  quoddam  humanum,  e\ 
tatum  a  viris  rerura eccleeiasticarurn  imperitis;  au; 
I  um  quomdam  eligendi  ministros  Dei  et  sacra- 

aa  sit.  (Oonc.  Trid.,Sess.  xxîii,  can.  I 
et  m.) 


LA     CONSÉCRATION     SACERDOTALE.  25 


II 


Entre  tous  les  sacrements,  il  n'en  est  aucun 
dont  l'administration  soit  aussi  solennelle 
que  celle  du  sacrement  de  l'Ordre.  La  consé- 
cration d'un  prêtre  est  une  fête,  dans  laquelle 
l'Eglise  déploie  toutes  les  richesses  de  sa 
liturgie.  C'est  parallèlement  aux  rites  du  sacri- 
fice eucharistique  que  marche  la  grande  action 
d'où  sort  l'homme  transformé,  qui  doit  pré- 
sider aux  saints  mystères,  et  donner  au  peuple 
chrétien  les  choses  sacrées. 

L'autel  est  prêt.  L'Evêque,  générateur  du 
pouvoir  sacerdotal,  appelle  à  lui  les  élus  de 
Dieu.  Les  voici  !  —  Pour  exprimer  l'humble 
et  généreux  abandon  avec  lequel  ils  se  livrent 
aux  opérations  de  la  grâce,  ils  tombent  pros- 
ternés, de  tout  leur  corps,  sur  le  pavé  du 
temple  ;  et  au  bruit  de  leur  chute,  le  Pontife 
et  le  chœur  entonnent  une  longue  série  d'in- 
vocations qui  remuent  le  ciA  entier  :  «  Père, 
Fils,  Esprit- Saint,  ayez  pitié  de  ceux  qui  vous 
implorent!  Christ  béni,  sainte  Mère  de  Dieu, 

2 


t6  LA    CONSÉCRATION    SACERDOTALE. 

Anges  et  Archanges,  Vertus  célestes,  Patriar- 
ches, Prophètes,  Apôtres,  Martyrs,  Confes- 
seurs, Vierges,  Saints  et  Saintes  du  Paradis, 
venez  voir  ce  grand  mystère,  la  création  d'un 
prêtre  !  Assistez  de  vos  prières  le  père  véné- 
rable dont  la  féconde  vertu  doit  engendrer 
cette  merveille.  Avec  nous,  pauvres  pécheurs, 
demandez  à  Dieu  qu'il  daigne  ce  bénir,  sanctifier 
et  consacrer  ces  élus  :  ut  hos  electos  benedicere, 
sanctificare  et  consecrare  digneris.  » 

Le  ciel  prie,  la  terre  se  tait,  et  le  Pontife 
entre  dans  les  avenues  du  sacrement  par  des 
adjurations  et  des  instructions. 

Il  veut  qu'on  écarte  les  indignes,  et  il  attend 
les  protestations  du  peuple  contre  les  ravisseurs 
qui  voudraient  forcer  l'entrée  du  sanctuaire  et 
s'emparer  d'un  pouvoir  sacré,  en  dissimulant 
leurs  irrégularités  et  leurs  vices. 

Il  apprend  à  ceux  qui  sont  dignes  leur  gran- 
deur future  et  leurs  devoirs.  Sacrifier,  bénir, 
présider  l'assemblée  des  fidèles,  annoncer  la 
parole  de  Dieu  et  répandre  la  grâce,  voilà  les 
fonctions  du  sacerdoce.  C'est  avec  crainte 
qu'on  doit  s'approcher  d'un  si  grand  office, 
car  il  ne  faut  rien  ■■•-  '    -^  science  céleste, 


LA    CONSÉCRATION     SACERDOTALE.  27 

des  mœurs  sans  reproche,  et  une  continuelle 
pratique  de  la  justice  pour  s'y  préparer;  rien 
moins  que  la  parfaite  intégrité  d'une  vie  chaste 
et  sainte  pour  le  porter  avec  honneur.  Elus 
de  Dieu,  écoutez  ces  paroles  qui  résument 
tous  vos  devoirs:  «  Agnoscite  quod  agitis, 
imitamini  quod  tractatis.  Connaissez  bien  les 
profondes,  mystérieuses  et  sublimes  actions 
que  vous  faites,  imitez  ce  que  vous  devez  pro- 
duire et  manier.  Et,  puisque  vous  célébrez  le 
mystère  de  la  mort  du  Seigneur,  faites  mourir 
dans  vos  membres  les  vices  et  les  convoi- 
tises. » 

Agréés  par  le  peuple,  instruits  de  votre 
dignité  et  de  vos  devoirs,  courbez-vous,  il  est 
temps,  sous  la  main  qui  s'étend,  entre  le  ciel 
et  la  terre,  pour  appeler  sur  vous  les  bénédic- 
tions de  l'Esprit-Saint  et  la  grâce  du  sacerdoce: 
Voici  le  sacrement! 

Le  Pontife,  à  haute  voix,  en  célèbre  les  con- 
venances, en  raconte  la  magnifique  histoire, 
en  implore  l'efficace. 

Ce  sacrement  vous  engage  plus  que  le  reste 
des  hommes  au  service  du  Seigneur.  —  Re- 
cevez son  joug  plein  de  douceur  et  de  suavité, 


28  LA     CONSÉCRATION     SACERDOTALE. 

et  avec  la  chasuble,  manteau  de  vos  fonctions 
olus  que  royales,  revêtez-vous  de  sa  charité. 

Ce  sacrement  vous  donne  le  droit  et  le  pou- 
voir de  traiter  et  de  manier  les  choses  saintes, 
de  toucher  Dieu,  de  l'engendrer  sacramentelle- 
ment  ;  —  tendez  vos  mains,  afin  qu'elles  soient 
consacrées  et  sanctifiées  par  l'onction  et  la 
bénédiction  de  Dieu. 

Ce  sacrement  fait  de  vous  des  sacrificateurs; 
—  recevez  et  touchez  les  instruments  bénis 
surlesquels  sera  déposé  le  corps,  dans  lesquels 
coulera  le  sang  de  la  divine  victime,  du  Christ 
immolé. 

Ce  sacrement  vous  confère  le  pouvoir  de 
juger  et  de  purifier  les  âmes  ;  —  encore  une 
fois,  recevez  l'Esprit-Saint  et  que  les  péchés 
soient  remis  à  ceux  à  qui  vous  les  remettrez. 

Vous  êtes  maitres  dans  l'assemblée  des 
fidèles  et  pasteurs  du  troupeau  de  Jésus-Christ  ; 
cependant,  courbez-vous  encore,  laissez  tomber 
sur  vos  reins  le  joug  -de  votre  noble  servi- 
tude, et  promettez  l'obéissance  au  père  qui 
vous  précède  et  vous  engendre  dans  la  sainte 
hiérarchie. 

Et  maintenant,   que  la    paix  du   Seigneur 


LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE.  29 

soit  avec  vous  toujours  ;  que  la  bénédiction  du 
Dieu  tout-puissant,  Père,  Fils,  Esprit-Saint, 
descende  sur  vous,  afin  que  vous  soyez  confir- 
més dans  l'ordre  sacerdotal,  et  que  vous  offriez 
des  hosties  pacifiques,  pour  les  péchés  et  les 
offenses  du  peuple,  au  Dieu  T  qui 

sont  dus  honneur  et  gloire,  pendant  tous  les 
siècles  des  siècles.  Amen1. 

Messieurs,  si  je  considère  l'ensemble  des 
rites  sacrés,  qui  se  succèdent  dans  Pordin 
comme  une  simple  cérémonie  d'hr 
ne  vois  rien,  nulle  part,  de  plus  solennel  et  de 
plus  respectable  :  ni  l'imposante  autorité  des 
grands  plébiscites,   ni  la  pompe    de:- 
royaux,  ni,  même,  la  majesté  liturgiq 
laquelle    les    prêtres   de    l'ancienne 
étaient  introduits  dans  le  temple  et  a; 
au  service  de  Jéhovah.  Mais,   dus-;  -. 
rencontrer    dans    les    investitures    humaines 
plus  d'étonnement  pour    nos   sens,  nous  n'y 
verrons   rien    qui    égale    la     mystér  et 

profonde  efficacité  de  la  consécration 
dotale. 

1.  Voyez  Pontifical  :  De  ordinntione  Pr< 


30         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 

Les  votes  de  tout  un  peuple,  l'huile  qui 
coule  sur  le  front  des  rois  ne  donnent  aux 
puissants  de  la  terre  qu'une  consécration 
superficielle,  qui  les  associe  au  gouvernement 
de  Dieu,  sans  les  transformer.  Au  fond  intime 
de  l'être,  ils  demeurent  les  mêmes  hommes  ;  et, 
renversés  par  la  mauvaise  fortune,  il  ne  leur 
reste  plus  rien  du  prestige  extérieur  qui  les 
recommandait  à  nos  respects.  Les  fidèles  peu- 
vent encore  admirer,  en  eux,  l'éclat  de  hautes 
vertus  et  la  dignité  d'un  malheur  noblement 
supporté,  mais  le  peuple  ne  les  regarde  plus. 
Dans  un  ordre  supérieur,  bien  qu'ils  eussent 
incliné  leur  chef  vénérable  sous  la  main  d'un 
consécraieur,  et  entendu  le  Seigneur  leur  dire  : 
«  Prenez  garde,  l'huile  de  l'onction  sainte  est 
sur  vous  :  Oleum  sanctœ  unctionis  est  super 
prêtres  de  la  loi  mosaïque,  eux- 
mêmes,  n'étaient  pas  intérieurement  changés  et 
sanctifiés  par  le  signe  sensible  et  l'acte  syin- 
[ue  qui  les  consacrait. 

Il  ncn  va  pas  ainsi,  Messieurs,  dans  la 
lotalede  la  loi  nouvelle.  La 

ut;..  XXI,  12. 


LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE.         31 

pénétrante  vertu  du  sacrement  traverse  l'enve- 
loppe charnelle  où  s'arrête  le  sjgne  sensible,  et 
saisit  l'élu  de  Dieu  au  plus  intime  de  l'être. 
Sous  l'action  de  cette  vertu,  il  n'est  plus  le 
même  homme1.  Dieu  a  marqué  son  âme  d'un' 
signe  mystérieux  auquel  on  le  reconnaîtra 
éternellement.  C'est,  comme  je  vous  le  disais 
dans  notre  étude  sur  les  caractères  sacramen- 
tels, une  physionomie  spirituelle,  une  puis» 
sance  suréminente,  qui  achève  la  configuration 
du  chrétien  au  type  Trinitaire  et  sa  participa- 
tion au  sacerdoce  de  Jésus-Christ.  Le  prêtre 
est  marqué!  Son  caractère  n'est  pas  seulement 
une  chose  sainte  et  salutaire,  «  c'est  une  chose 
tenace,  ineffaçable,  perpétuelle  et  incorruptible 
comme  l'esprit  dans  lequel  elle  est  imprimée*.  » 
C'est  la  réponse  de  Dieu  à  ce  cri  d'élection  : 
Dominuspars  haereditatis  mese  et  calicis  mei; 
son  serment  écrit  dans  l'âme  humaine  :  Tu  es 
îacerdos  in  œternum. 

Le  prêtre  est  marqué  !  Quoi  qu'il  fasse,  il  ne 


4.  Cf.  Texte  de  Saint  Grégoire  de  Nysse,  cité  plus  haut. 
2.  Cf.  Soixante-troisième  conférence  :  Les   caractères 
sacramentels. 


32         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 

se  démarquera  pas.  Son  caractère  persiste  : 
éternel  honneur  pour  lui  s'il  le  respecte,  éter- 
nel déshonneur,  s'il  est  infidèle  à  sa  consécra- 
tion. En  vain,  il  regrette  de  s'être  donné  à  Dieu 
et  proteste  contre  son  état;  en  vain,  il  aban- 
donne les  autels,  et  se  dépouille  du  grave  vête- 
ment qui  le  distingue  des  enfants  du  siècle;  en 
vain,  il  jette  sa  vie  consacrée  dans  le  gouffre  de 
la  vie  mondaine;  en  vain,  il  se  livre  au  tourbil- 
lon des  affaires  et  des  plaisirs  ;  en  vain,  fatigué 
de  son  isolement,  il  cherche  une  compagne  et 
dépense  son  cœur,  qui  devait  être  à  tous,  sur 
les  fruits  d'un  amour  sacrilège;  en  vain,  il 
s'efforce  d'effacer  de  sa  physionomie,  de  ses 
allures,  de  ses  habitudes  tout  ce  qui  sent  le 
prêtre;  les  efforts  qu'il  fait,  pour  avoir  l'air 
d'un  profane,  ne  peuvent  tromper  ceux  qui  font 
connu.  On  se  sent  mal  à  l'aise  auprès  de  ce 
sycophante,  et  l'âme  indignée  murmure-:  Tu 
es  sacerdos  in  seternum! 

La  mort,  la  mort  elle-même,  n'aura  pas 
raison  de  la  consécration  sacerdotale.  Le  prêtre 
impénitent  emportera  aux  enfers  l'inscription 
du  serment  de  Dieu.  Ce  lugubre  reflet  d'une 
gloire  trahie  ameutera  contre  lui  les  sinistres 


LA    CONSÉCRATION     SACERDOTALE.  33 

légions  des  damnés.  Ils  se  le  montreront  du 
doigt  en  criant  :  Le  voilà!  Le  voilà!  0  maudit! 
Tu  es  prêtre  pour  toujours.  Tu  es  sacerdos 
in  seternural 

Je  ne  m'étonne  pas,  Messieurs,  de  lire  dans 
saint  Thomas  que  le  caractère  intérieur,  qui 
transforme  l'âme  du  prêtre,  est  essentiellement 
et  principalement  le  sacrement  de  l'Ordre1.  Ce 
caractère  achevant,  ainsi  que  je  vous  le  disais 
tout  à  l'heure,  notre  participation  au  sacerdoce 
de  Jésus-Christ,  ne  peut  pas  être  un  pur  signe. 
Sur  ce  signe,  se  greffent  le  pouvoir  et  la  grâce  : 
pouvoir  sur  le  corps  naturel  du  Christ,  que 
le  prêtre  doit  rendre  présent  et  immoler  sur 
l'autel  ;  pouvoir  sur  le  corps  mystique  du 
Christ,  auquel  le  prêtre  communique  les  dons  ' 
de  Dieu  et  qu'il  représente  dans  ses  religieuses 
fonctions.  Et,  parce  que  Dieu  ne  donne  jamais 
un  pouvoir  à  sa  créature  sans  lui  fournir  le 
moyen  d'en  user  comme  il  faut;  parce  qu'un 
pouvoir  sacré,  ne  peut,  régulièrement  et  convc 
nablement,  être  mis  à  l'œuvre  que  par  une  âme 

t.  Relinquitur  quod  ipse  caracter  interior  sit  essentia- 
liter  et  principaliter  ipsnm  sacramentum  Ordinis.  (Summ* 
Theol,  Supp.,  Qi::~  n.  2.  ad  i.J 


LD' 


34         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 

sanctifiée,  Dieu  consomme  la  consécration  sa- 
cerdotale par  la  grâce1.  Dans  cet  ordre,  une 
bonté  commune  ne  saurait  suffire  au  prêtre,  il 
lui  faut  l'excellence.  Placé  au-dessus  du  peuple 
par  sa  dignité,  il  doit  lui  être  supérieur  par  le 
mérite  de  la  sainteté  :  sainteté  d'autant  plus 
ample  qu'il  ne  s'agit  pas  pour  lui,  comme  pour 
le  reste  des  chrétiens,  de  prendre  dignement 
sa  place  dans,  la  famille  du  Christ,  mais  d'y 
remplir»  le  plus  grand  office  qui  se  puisse 
concevoir'.  Tel  est  l'enseignement  de  l'ange- 
lique  docteur. 


{.  Dei  perfccta  sunt  opéra.,  ut  dicitur  Deuter.  xxxn,  4. 
Et  ideo  cuicumque  datur  potentia  aliqua  divinitus,  dan- 
tur  etiam  ea  per  quaa  executio  illius  potentiae  possit  con- 
grue fieri.  Et  hoc  etiam  in  naturalibus  patet  :  quia  ani- 
malibus  dantur  membra  quibus  potentiae  animœ  possunt 
exire  in  aotus  suos,  nisi  sit  defectus  ex  parte  materiae. 
Sicut  au  te  m  gratia  gratum  faciens  est  necessaria  ad  hoc 
quod  homo  digne  sacramenta  recipiat;  ita  etiam  ad  hoc 
quod  homo  cligne  sacramenta  dispenset.  Et  ideo  sicut  in 
baptismo,  per  quem  fit  homo  susceptivus  aliorum  sacra- 
mentorum,  datur  gratia  gratum  faciens:  ita, -in  sacra- 
mento  ordinis,  per  quod  homo  ordinatur  ad  aliorum 
sacramentorum  dispensationem.  {Summ.  Theol.,  Supp. 
Qucest.  35.,  a.  1.) 

2.  Ad  idoneam  executionem  ordinum  non  sufficit  boni- 
tas  qualiscumque,  sed  requiritur  bonitas  excellons;   ut 


LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE.         35 

Je  n'insiste  pas  davantage  sur  ce  sujet,  Mes- 
sieurs, car  j'ai  l'intention  d'y  revenir  bientôt 
et  de  parler  plus  longuement  de  la  dignité  et 
de  la  sainteté  du  prêtre.  Aujourd'hui,  nous 
étudions  l'acte  admirable  de  sa  consécration; 
c'est  assez  pour  votre  religieuse  attention. 
D'autant  que  la  consécration  sacerdotale 
pas  le  seul  acte  de  l'Ordre,  et  que  vous  no  con- 
naissez pas  encore  toute  l'économie  de  ce  sacre- 
ment. Ce  n'est  pas  tout  d'un  coup  que  l'homme, 
séparé  de  la  foule  des  profanes,  devient,  par 
la  prêtrise,  l'instrument  vivant  et  complet  du 
sacerdoce  de  Jésus-Christ.  Le  sacrement  qui 
le  consacre  procède  lentement. et  par  étapes. 
«  La  Sagesse  divine  a  voulu  donner  à  son 
Église,  monde  spirituel,  la  splendeur  de  l'har- 
monie qu'elle  fait  briller  avec  tant  d'éclat  dans 
le  monde  matériel,  partager  les  offices  pour 
ne  pas  accabler  l'infirmité  humaine,  multiplier 
ainsi  les  coopérateurs  de  Dieu,  rendre  plus 

sicut  illi  qui  ordinem  suscipiunt,  super  plebem  consti- 
tuuntur  gradu  ordinis,  ita  et  superiores  sint  modo  sano- 
titatis.  Et  ideo  prseexigitur  gratia  quœ  sufficiat  ad  hoc 
quod  digne  connumerentur  in  plèbe  Chris  ti  ;  sed  eonfer- 
tur  in  ipsa  susceptione  ordinis  ampliua  gratise  munus, 
per  quod  ad  majora  reddantur  idonei.  (Loc.  cit.;  ad  3.) 


W  LA    CONSÉCRATION    SACERDOTALK. 


bs  élus  et  plus  recommandable  le  but 
qu'ils  doivent  atteindre,  en  allongeant  la  voie 
qui  y  conduit1  ». 

Six  Ordres  précèdent  le  sacerdoce,  et  dans 
chacun  d'eux,  l'action  du  sacrement  se  distri- 
bue avec  mesure,  plus  forte  et  plus  sainte,  selon 
qu'elle  approche  davantage  du  centre  divin  où 
elle  doit  donner  son  plein  :  le  Christ  immolé, 
l'Eucharistie.  «  C'est  à  ce  sacrement  des  sacre- 
ments,  dit  saint  Thomas,  que  sont  ordonnées 


I.  Ordinum  multitudo  est  inducta  in  Ecclesia  propter 
tria  :  Primo  quidem  propter  Dei    sapientiam   commen- 
dandam,  quae   in    distinctione   rerura  ordir^ata  maxime 
relticet,  tam  in  naturalibus,  qaam  in  spiritualibus  :  quod 
significaturinhocquodRegina   Saba   videns   ordinem 
mimstrantium  Salomoni,  non  hab ébat  ultra  spîritum 
(m,  Reg   x,  4)deficiens  in  admiratione  sapientiœ  illius 
Secundo  ad   subveniendum    humanœ  infirmitati  ■  quia 
per  unum  non  poterant  omnia  quœ  ad  divina  mysteria 
pertinebant,  expleri  sine  magno  gravamine  :  et  ideo  dis 
tinguntur  ordines  diversi  ad  diversa  officia  :  et  hoc  natefc 
per  hoc  quod  Dominus  (Numer.  xi),  dédit  Moysi  septua 
ginta  senes  in  adjutorium.  Tertio  ut  via  proficiendi  ho 
minibus  amplior  detur;  dum  plures  in  diversis  officiû 
distribuuntur,  utomnes  sintDeicooperatores;  quo  nihîl 
est  divinius,  ut  Dionysius  dicit  (cap.  m,  Ecoles  Hie 
rarc/i.circ.  med. -Summ.  Theol.,  Supp.,  Quaost    27 
a.  1.  *'» 


LA    CONSÉCRATION    SACERDOTALE.  37 

les  harmonieuses  préparations  des  offices,  des 
grâces  et  des  caractères1.  » 

1.  Ordinis  sacramentum  ad  sacramentum  Eucharistise 
ordinatur,  quod  est  sacramentum  sacramentorum.  ut 
Dionysius  dicit  (cap.  m,  Ecoles.  Hierarch.,  in  princ).  Si- 
cut  enim  templum,  et  altare,  et  vasa,  et  vestes,  ita  et 
ministri,  qui  ad  Eucharistiam  ordinantur,  consecratione 
indigent  :  et  hsec  consecratio  est  ordinis  sacramentum. 
Et  ideo  distinctio  ordinum  est  accipienda  secundum  re- 
lationem  ad  Eucharistiam  :  quia  potestas  ordinis  aut  est 
ad  consecrationem  ipsius  Eucharistiae,  aut  ad  aliquod 
ministerium  ordinatum  ad  hoc  sacramentum  Eucharis- 
tiae. Si  primo  modo,  sic  est  ordo  sacerdotum  :  et  ideo 
cumordinantur,  accipiunt  calicem  cum  vino,  et  patenara 
cum  pane,  accipientes  potestatem  conficiendi  corpus,  et 
sanguinem  Christi.  Gooperatio  autem  ministrorum  est, 
vel  in  ordine  ad  ipsum  sacramentum,  vel  in  ordine  ad 
suscipientes.  Si  primo  modo,  sic  est  tripliciter.  Primo 
enim  est  ministerium,  quo  ministercooperatursacerdoti 
in  ipso  sacramento  quantum  ad  dispensationem,  sed  non 
quantum  ad  consecrationem,  quam  solus  sacerdos  facit  : 
et  hoc  pertinet  ad  diaconum.  Unde  in  liftera  (iv,  dîst; 
xxiv.)  dicitur,  quod  ad  diaconum  pertinet  ministrare 
sacerdotibus  in  omnibus  quae  aguntur  in  sacramentis 
Christi  :  unde  et  ipse  Christi  sanguinem  dispensât.  Se- 
cundo est  ministerium  ordinatum  ad  materiam  sacra- 
menti  ordinandam  in  sacris  vasis  ipsius  sacramenti  :  et 
hoc  pertinet  ad  subdiaconos  :unde  dicitur  in  littera  (ibid.) 
-juod  vasa  corporis  et  sanguinis  Domini  portant,  et  obla- 
iionem  in  altare  ponunt  :  et  ide',  nccipiunt  calicem  de 
manu  Episcopi,  sed  vacuum,  cum  ordinantur.  Tertio  est 
?iiinisterium  ordinatum  ad  prsesentandum  materiam 
uacramenti  :  et  hoc   competit  acolyto.  Ipse  enim,  ut  in 


38         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 

Les  temples  de  pierre  où  réside  le  Christ 
anéanti  sous  les  espèces  sacramentelles,  les 
autels,  où  il  s'immole  tous  les  jours,  sont  gar- 
dés par  les  portiers  dont  la  mission  est  d'écarter 
les  infidèles  et  les  impies,  indignes  de  voir  les 
saints  mystères  et  de  se  mêler  à  l'assemblée 
des  enfants  de  Dieu. 

Les  temples  vivants,  les  âmes,  que  n'éclaire 
pas  encore  la  pleine  lumière  de  la  foi,  sont  pré- 
parées à  la  visite  du  Christ  par  les  instructions 
des  lecteurs,  chargés  d'extraire  pour  elles,  dans 

littera  (ibid.)  dicitur  urceolum  cum  vino  et  aqua  pré- 
parât ;  unde  accipit  urceolum  vacuum.  Sed  ministerium 
ad  prrcparationem  recipientium  ordinatum  non  potest 
esse  nisi  super  immundos  :  quia  qui  mundi  sunt,  jam 
sunt  ad  sacramenta  percipienda  idonei.  Triplex  au-tern 
est  crenus  immundorum,  secundum  Dionysiumfloc.  sup. 
cit.)  Quidam  enim  sunt  omnino infidèles  credere  nolentes; 
et  hi  totaliter  etiam  a  visione  divinorum,  et  a  cœtu  fide- 
Mum  arcendi  sunt,  et  hoc  pertinet  ad  ostiarios.  Quidam 
autern  sunt  volentes  credere,  sed  nundum  instructi,  sci- 
licet  catechumeni;  et  ad  horum  instructionem  ordinatur 
ordo  lectorum  :  et  ideo  prima  rudimenta  doctrinse  fidei, 
scilicet  vêtus  Testamentum  eis  legendum  committitur. 
Quidam  vero  sunt  fidèles,  et  instructi,  sed  impedimentum 
habentc^  ex  daîmonis  potestate,  scilicet  energumeni,  et 
ad  hoc  ministerium  est  ordo  exorcistarum.  Et  sic  patet 
et  numeri,  et  gradus  ordinum.  (Summ.  TlieoL, 
Supp.,  Qux&t,  37.,  a.  2.) 


Là    CONSÉCRATION   sacerdotale.  3f 

les  Saintes  Lettres,  les  rudiments  de  la  doctrine 
chrétienne. 

Les  temples  de  pierres  et  les  temples  vi- 
vants ,  souillés  par  les  invasions  de  l'esprit 
immonde,  sont  purifiés  par  les  exorcistes,  em- 
pereurs et  médecins  spirituels  de  l'Eglise. 

Plus  rapproché  de  l'autel,  lumière  de  l'Eglise 
par  ses  vertus,  consacré  à  Dieu  par  la  chaste 
oblation  de  sa  vie  et  de  ses  oeuvres,  l'acolyte 
•allume  les  flambeaux  symboliques  qui  éclai- 
rent les  saints  mystères,  et  présente  la  matière 
qui  va  devenir,  dans  le  sacrifice,  le  sang  très 
pur  et  très  précieux  du  Sauveur. 

Mais  il  se  tient  encore  à  distance.  Trois 
ordres  plus  sacrés  que  les  autres  ont  seuls  le 
droit  de  gravir  les  degrés  de  l'autel  et  de 
concourir  de  près  à  l'action  sacrificale1.  Pour 
eux,  l'Eglise  se  montre  plus  sévère  en  ses  exi- 
gences, plus  solemnelle  en  ses  avertissements, 
plus  pressante  en  ses  prières,  et  le  sacrement 
se  renforce. 

Tout  à  l'heure,  le  sous-diacre  était  libre  de 


1.  Cf.  Summ.  Theol,  Supp.,  Qusest.  37.,  a.  3.  Utrum 
ordines  dabcR.nl  distingui  per  sacros  ei  non  sacros? 


40  la   consécration   sacerdotale. 

retourner  au  siècle;  des  qu'il  a  fait  le  pas 
qu'un  Lui,  commande  au  nom  du  Seigneur,  il 
ne  s'appartient  plus.  La  chasteté  le  fait  entrer 
dans  la  sainteté  sacerdotale  et  l'enchaîne  à 
Dieu,  en  cet  esprit  d'humble  soumission  et  de 
pieuse  dépendance  qui  représente  le  Christ 
venu  pour  servir.  Il  sert  le  diacre,  il  monte  à 
l'autel,  il  le  touche,  il  le  baise,  il  manie  les  vases 
et  les  objets  sacrés  destinés  à  contenir  le  sang, 
à  recevoir  et  à  envelopper  le  corps  de  la  divine 
victime.  Mais,  cette  divine  victime,  il  ne  la  peut 
toucher  encore  que  de  ses  regards  respectueux. 
C'est  au  diacre  qu'il  appartient  de  prendre, 
entre  ses  mains,  le  vénérable  sacrement  et  de 
le  distribuer  aux  fidèles.  Pour  un  si  grand 
office,  il  faut  de  grandes  vertus  et,  pour  ces 
grandes  vertus,  la  force  de  l' Esprit-Saint.  Le 
diacre  le  reçoit,  afin  de  faire  passer  dans  son 
âme  et  dans  sa  vie  les  sublimes  leçons  dt 
l'Evangile  dont  il  est  le  hérault,  et  de  devenir 
ainsi  l'Evangile  vivant  du  peuple  de  Dieu.  Nor 
seulement  il  approche  des  choses  sacrées,  mais 
il  les  donne  ;  cependant  il  n'a  point  encore  la 
fécondité  qui  produit  la  chose  sacrée  par  excel- 
lence, l'Eucharistie. 


LA     CONSÉCRATION    SACERDOTALE.  41 

Pour  cela,  il  faut  que  le  sacrement  donne 
son  plein.  Or,  ce  plein,  vous  le  connaissez, 
Messieurs,  c'est  la  consécration  sacerdotale. 
Marqué  d'un  caractère,  sur  lequel  se  greffent 
le  plus  grand  des  pouvoirs  et  les  grâces  excel- 
lentes qui  le  rendent  supérieur  à  tous  par  le 
mérite  de  la  sainteté,  le  prêtre  s'empare  de 
l'autel.  Il  y  est  maitre.  Il  commande  aux  mi- 
nistres qui  le  servent  et  au  Dieu  qui  s'immole. 
Il  résume,  en  son  caractère,  tous  les  droits  et 
tous  les  pouvoirs  des  Ordres  qui  gravitent  vers 
le  mystère  dont  il  est  le  générateur.  Il  achève, 
en  sa  personne  auguste,  le  sacré  septennaire 
où  le  sacrement  dépense  sa  vertu. 

Admirez,  Messieurs,  cette  belle  et  sainte 
hiérarchie  !  L'entrée  n'en  est  ouverte  qu'à 
ceux  qui,  par  un  acte  de  séparation,  devien- 
nent le  partage  du  Seigneur,  ses  clercs;  et,  au 
sommet,  le  sacrement  fait  comme  un  dernier 
effort  pour  consomner  ~^n  efficace  et  produire 
un  merveilleux  pouvoir,  qui  du  corps  naturel 
du  Christ  s'étend  à  tout  son  corps  mystique1  ■ 

l.Cf.  Summ.  Theol,  Supp.,  Qurcst.  40.  De  his  qux 
sunt  annexa  sacramento  ordinis. 
Cf.  Pontifical  De  ordinibus  conferendis. 


42         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 

l'épiscopat ,  générateur  ^des  saints  Ordres , 
commis  par  l' Esprit-Saint  au  gouvernement 
de  l'Eglise  de  Dieu. 

0  sublime  harmonie!  Voilà,  sur  notre  pauvre 
petite  terre,  neuf  choeurs,  imitant  les  chœurs 
de  la  céleste  Jérusalem  !  En  haut,  les  attribu- 
tions et  les  perfections  grandissent,  des  Anges 
aux  Archanges,  des  Archanges  aux  Principau- 
tés ,  des  Principautés  aux  Puissances  ,  des 
Puissances  aux  Vertus,  des  Vertus  aux  Domi- 
nations, des  Dominations  aux  Trônes,  des 
Trônes  aux  Chérubins,  des  Chérubins  aux  Sé- 
raphins; en  bas,  les  offices  s'ennoblissent,  la 
grâce  augmente,  les  caractères  se  creusent  et 
s'accusent  davantage,  des  clercs  aux  portiers, 
des  portiers  aux  lecteurs,  des  lecteurs  aux 
exorcistes,  des  exorcistes  à  l'acolythe,  de  l'aco- 
lythe  au  sous-diacre,  du  sous-diacre  au  diacre, 
du  diacre  au  prêtre,  du  prêtre  à  l'évêque.  En 
haut,  dans  la  variété  des  attributions  et  des 
perfections,  tous  sont  Anges;  en  bas,  dans  la 
variété  des  offices  et  des  grâces,  tous  sont 
clercs.  En  haut,  tous  sont  éternellement  fixés, 
parce  que  tous  sont  immortels;  en  bas,  les 
chœurs  se  poussent  et  montent,   l'un  après 


LA    CONSÉCBATION     SACERDOTALE.  43 

l'autre,  des  rivages  du  siècle  aux  sommets  de 
la  hiércfrchie,  pour  réparer  les  sinistres  mois- 
sons de  la  mort.  En  haut,  en  bas,  les  chœurs 
du  monde  angélique  et  du  clergé  évoluent,  par 
un  mouvement  concentrique,  autour  du  même 
Dieu,  adorent  et  servent  le  même  Dieu,  reçoi- 
vent du  même  Dieu  grandeur  et  sainteté, 
selon  le  rang  qu'ils  occupent.  En  haut,  en  bas, 
c'est  la  plus  noble  et  la  plus  grandiose  harmo- 
nie que  Dieu  ait  créée. 

Il  est  écrit,  Messieurs,  que  la  reine  de  Saba, 
voyant  les  merveilles  du  palais  de  Salomon  et 
surtout  le  bel  ordre  de  ses  serviteurs,  ne  se 
possédait  plus.  S'adressant  au  roi  :  «  Ta  sa- 
gesse, dit-elle,  est  au-dessus  de  ta  grande 
renommée1  ».  Que  dirons-nous  de  la'haute  et 
admirable  sagesse  qur  a  tout  réglé  dans  l'Egli- 
se, palais  du  Christ,  et  dans  le  clergé,  phalange 
eacrée  de  ses  ministres?  L'harmonie  divine, 


4.  Videns  autem  regina  Saba  omnem  sapientiam  Salo- 
monis,  et  domum  quam  sedificaverat...  et  habitacula  ser* 
vorum,  et  ordines  ministrantium,  non  habebat  ultra 
epiritum.  Dixitque  ad  regem  :  Verus  est  sermo  quem 
audivi  in  terra  mea...  Major  est  sapientia  et  opéra  tua 
quam  rumor  quem  *,*•  ,  cap.  x,  4-7.) 


44         LA  CONSÉCRATION  SACERDOTALE. 


qui  copie  sur  la  terre  le  bel  ordre  des  cieux, 
est  pourtant  l'effet  d'un  de  ces  signe»  sensi- 
bles, sacro-saints,  efficaces  que  nous  appelons 
des  sacrements.  Il  mérite  bien,  n'est-ce  pas,  le 
nom  que  l'Eglise  lui  donne  ;  Le  vénérable  sa- 
crement de  l'Ordre  :  Veneranàum  ssLcramen- 
tum  ordinis. 


QUATRE-VINGTIÈME  CONFÉRENCE 


LA   DIGNITE   DU   PRETRE 


QUATRE-VINGTIÈME  CONFÉRENCE 


LÀ   DIGNITE   DU   PRÊTRE 


Monseigneur» ,  Messieurs, 


Connaître  l'acte  sacramentel,  dont  la  divine 
vertu  consacre  et  transforme  le  prêtre,  c'est 
déjà  avoir  une  haute  idée  de  sa  personne  et  de 
son  ministère.  11  porte  en  son  âme  l'ineffaça- 
ble inscription  du  serment  de  Dieu,  il  est  rem- 
pli des  plus  excellents  dons  de  la  grâce,  il  est 
maître  à  l'autel  où  son  mystérieux  pouvoir 
unit  le  ciel  à  la  terre  :  —  bref,  la  consécration 
sacerdotale  produit,  dans  l'Eglise,  une  mer- 
veille qui  n'est  surpassée  que  par  l'adorable 
mystère  auquel  le  sacerdoce  est  ordonné. 

Etudions,  aujourd'hui,  cette  merveille  de 
plus  près.  Il  est  à  propos,  au  moment  où  le 

1  Monseigneur  Richard,  coadjuteur  de  Paris. 


48  1A  DIGNITÉ  DU  PRÊTRE. 

■       ^— — — — — — —  ^»— »— — — ■      ■        , 

prêtre  est  l'objet  de  tant  de  haine  et  de  tant  de 
mépris,  de  bien  connaître  sa  grandeur. 

Tout  ce  qu'il  y  a  de  sublime  en  lui  s'ex- 
prime, avec  une  admirable  concision,  dans 
le  nom  qu'il  porte;  on  l'appelle  :  «  Sacerdos 
ce  quasi  sacra,  dans  »  dit  saint  Thomas  :  «  Celui 
qui  donne  les  choses  sacrées1.  »  Un  double 
courant  de  choses  sacrées  va  de  la  terre  au 
ciel,  du  ciel  à  la  terre.  De  la  terre  au  ciel,  les 
actes  religieux  de  l'humanité;  du  ciel  à  la  terre, 
les  bénédictions  de  Dieu.  C'est  dans  le  prêtre 
que  ces  choses  sacrées  se  rencontrent,  comme, 
sur  les  montagnes,  les  vapeurs  qui,  de  la 
vallée,  s'élèvent  vers  la  région  des  nuages,  et 
les  sources  qui,  de  la  région  des  nuages,  des- 
cendent vers  la  vallée. 

c  Le  prêtre,  dit  l'apôtre,  est  pris  parmi  les 
hommes  et  établi  pour  eux  dans  les  choses  qui 
vont  à  Dieu,  les  dons  et  les  sacrifices  :  Omnis 
Pontifex,  ex  hominibus  àssumptusy  pro  homi- 

1.  Proprie  officium  sacerdotis  est  euse  mediatorem 
inter  Deurn  et  populum,  in  quantum  soilicet  divina  po- 
pulo tradit,  unde  dicitur  sacerdos  quasi  sacra  dans... 
et  iterum  in  quantum  preces  populi  Deo  offert,  et  pro 
eorum  peccatis  aliqualiter  satisfacit.  {Summ.  Theol.t 
III  p.,  Quuist.  llt  a.  1.) 


LA  DIGNITE   DU   PRÊTRE.  49 

: : — j 

nibus  constituitur,  in  his  quse  sunt  ad  Deumy 
ut  offerat  dona  et  sacrificia1 .  »  D'autre  part,  il 
«  est  le  coadjuteur  de  Dieu  :  Dei  adjutores  su- 
mus*.  —  Le  dispensateur  de  ses  mystères  et  de 
ses  grâces  :  Sic  nos  existimet  homo  ut  dispen- 
satoresmysteriorum  Dei8.  »  Homme  de  l'Eglise, 
homme  de  Dieu,  il  représente,  dans  ce  double 
office,  le  Prêtre  universel  et  éternel,  suprême 
objet  du  serment  de  Dieu  et  source  de  tout  le 
sacerdoce.  Qui  voyait  les  prêtres  de  la  loi  an- 
cienne, voyait  une  simple  ébauche  du  Christ  ; 
qui  voit  le  prêtre  de  la  loi  nouvelle,  voit  comme 
la  forme  expresse  de  l'homme-Dieu,  sa  per- 
sonne, en  tant  que  médiatrice  du  culte  que 
Dieu  reçoit  de  l'humanité  chrétienne,  et  des 
biens  qu'il  répand  sur  son  Eglise  :  «  Sacerdos 
novae  legis  in  persona  ipsius  Christi  opéra- 
turk.  » 

1.  Heb.,  cap.  v.  1. 
2. 1.  Cor.,  cap.  m,  9. 

3.  I.  Cor.,  cap.  iv,  1. 

4.  Christus  est  fons  totius  sacerdotii  :  nam  sacerdos 
legalis  erat  figura  ipsius,  sacerdos  autem  novae  legis  in 
persona  ipsius  operatur,  secundumillud(II.  Cor.,  cap.xi, 
10)  :  «  Nam  et  ego  quod  donavi,  si  quid  donavi,  prop- 
ter  vos  in  persona  Christi,  »  {Summ.  Theol.,  III  p,? 
Qusest.  22,  a.  4.) 


50  LA    DIGNITÉ    DU    PRÊTRE. 

Entrons,  Messieurs,  dans  cette  personne 
sacrée.  Du  côté  où  elle  touche  aux  hommes  cl 
agit  pour  les  hommes  ;  du  côté  où  elle  touche 
à  Dieu  et  agit  pour  Dieu,  nous  allons  rencon- 
trer des  grandeurs  dignes,  plus  que  toutes  les 
grandeurs  humaines,  de  notre  admiration  et 
de  nos  respects. 


L'homme  se  doit  à  Dieu,  créateur,  et  souve- 
rain maître  de  toute  vie,  et  il  n'a  pas  besoin 
d'intermédiaire,  pour  lui  offrir  les  actes  élé- 
mentaires de  religion  par  lesquels  il  exprime 
sa  dépendance.  Solitaire  à  son  foyer  ou  ravi 
devant  une  belle  nature,  il  se  prosterne  en  pré- 
sence de  l'invisible  majesté  qui  remplit  les  es- 
paces et  demeure  en  tout  lieu,  et,  du  fond  de 
son  cœur,  il  lui  envoie  ses  adorations,  ses  ac- 
tions de  grâces  et  ses  humbles  supplications. 
Dieu  veut  ce  culte  privé  de  sa  créature,  et  déjà 
il  y  répond  par  un  mystérieux  échange  de 
choses  sacrées  ;  la  prière  d'en  bas  appelle  les 


LA  DIGNITÉ   DU   PRÊTRE.  51 

bénédictions  d'en  haut;  entre  le  ciel  et  la  terre 
la  religion  est  commencée. 

Mais,  Dieu  l'a  dit,  Messieurs  :  «  il  n'est  pas 
bon  que  l'homme  soit  seul  :  Non  est  bonum 
hominem  esse  solum.  »  La  société  est  le  milieu 
naturel  où  se  développe  sa  belle  et  grande  na- 
ture, et,  dans  son  unité,  elle  en  est  elle-même 
le   magnifique    et  suprême    épanouissement. 
Nous   avons  contemplé  et  admiré  ensemble 
l'homme  peuple.  «  Ce  n'est  plus  un  seul  corps, 
disions-nous,  une  seule  intelligence,  une  seule 
volonté.  La   bénédiction  divine  a    multiplié, 
comme  à  l'infini,  ce  monument  superbe  dont 
les  proportions  sont  si  parfaites,  les  fonctions 
si  bien  ordonnées,  l'expression  si  noble.  Le? 
forces  intellectuelles  se  groupent,  en  une  gerbe 
lumineuse,  dont  les  rayons  s'accroissent  à  me- 
sure que  le  temps  marche,  et  d'où  l'on  voit 
jaillir  les  arts,  les  sciences,  les  lettres,  les  dé- 
couvertes utiles  et  glorieuses,  les  sages  insti- 
tutions. Toutes  les  volontés  s'affermissent  par 
le  choc,  ou  s'entraînent  par  l'émulation  aux  la- 
borieuses entreprises,  aux  vertus  héroïques, 
aux  grands  dévouements,  aux  sublimes  sacri- 
fices. Du  contact,  de  l'échange,  de  la  mutuelle 


52  LA  DIGNITÉ   DU   PRETRE. 

pénétration  de  toutes  les  beautés,  nait  cette 
physionomie  radieuse,  fière  et  vraiment  royale 
des  peuples  policés,  en  présence  de  laquelle  on 
s'écrie  avec  le  poète  Shakespeare  :  «  quel  chef- 
crœuvre  que  l'homme  ! . . .  Il  est  la  merveille  du 
monde  et  le  type  suprême  des  êtres  animés1.  » 
La  loi  de  progrès  appliquée  à  notre  nature 
produit  l'homme  peuple.  Or,  Messieurs, 
l'homme  peuple  est  un  être  collectif  qui  se  doit 
à  Dieu  comme  l'homme  individu.  C'est  par  des 
actes  publics  qu'il  exprime  sa  dépendance,  et, 
pour  ces  actes  publics,  il  a  besoin  d'une  repré- 
sentation. S'il  peut  se  donner  à  lui-même  cette 
représentation  dans  sa  vie  civile  et  politique,  il 
ne  le  peut  dans  sa  vie  religieuse;  car  un  intérêt 
supérieur  à  tous  les  intérêts  humains  y  est  en- 
gagé, l'intérêt  de  la  gloire  de  Dieu.  Dieu  étant 
le  maitre  absolu  et  le  suprême  régulateur  de 
sa  gloire,  à  lui  seul  il  appartient  de  donner  à 
l'homme  peuple  un  représentant  de  sa  collec- 
tivité religieuse,  un  médiateur  des  actes  sacrés 
qui  procurent  sa  gloire;  à  lui  seul  il  appar- 
tient d'établir  un  sacerdoce. 

I.  Cf  Dix-septième  conférence  ;  La  beauté  et  la.  gran- 
deur de  l'homme.  Première  partie,  ad  fin. 


LA  DIGNITÉ  DU  PRÊTRE.  53 

Je  reviens  à  dessein  sur  cette  vérité  déjà 
affirmée  sous  une  autre  forme1,  parce  qu'elle 
doit  nous  servir,  bientôt,  à  confondre  la  sacri- 
lège prétention  de  ceux  qui  veulent  assimiler 
le  prêtre  aux  vulgaires  fonctionnaires  qui  ne 
représentent,  dans  les  sociétés  humaines,  que 
des  intérêts  subalternes. 

Donc,  Messieurs,  l'homme  peuple  a  besoin 
d'un  sacerdoce  établi  pa*r  Dieu.  Or,  dans  son 
Eglise,  race  choisie,  nation  sainte,  société 
universelle  où  viennent  se  fondre  toutes  les 
sociétés  humaines;  dans  son  Eglise,  la  plus 
belle  et  la  plus  sainte  unité  qui  soit  au  monde; 
dans  son  Eglise,  le  plus  magnifique  épanouis- 
sement des  grandeurs  de  l'homme,  Dieu  a 
établi  son  prêtre  et  lui  a  donné,  pour  son  office 
de  représentant  du  peuple  saint,  une  solen- 
nelle consécration. 

Par  cette  consécration  il  devient  homme 
d'Eglise.  Vous  l'appelez  ainsi  sans  trop  savoir 
ce  que  vous  dites.  Eh  bien,  apprenez  ce  que 
cela  signifie.  Le  prêtre  est  homme  d'Eglise, 
non  seulement  parce  qu'il  passe  une  partie  de 

1.  Cf.  La  précédente  conférence. 


54  LA   DIGNITÉ    DU   PRÊTRE. 

sa  vie  dans  le  temple  où  s'accomplissent  nos 
grands  actes  de  religion,  mais,  parce  que  dans 
son  être  sacré  et  ses  fonctions,  il  personnifie 
l'auguste  assemblée  dont  vous  êtes  les  mem- 
brcs.  «  Il  est  personne  publique  et  comme  la 
bouche  de  toute  l'Eglise  .  Sacerdos  persona 
publica,  et  totius  Ecclesiœ  os1.  »  C'est  par  lui 
que  doivent  passer  tous  les  actes  religieux  du 
chrétien  ;  il  est  établi  pour  cela  :  a  Pro  homi- 
nibus  constituitur  in  his  quœ  sunt  a.d  Dcum.y> 

Peuple,  le  devoir  et  le  besoin  t'amènent 
auprès  de  Dieu;  le  temple  s'ouvre  et  tu  rem- 
plis ses  vastes  nefs  ;  ta  bouche  impatiente  vou- 
drait lancer  au  ciel  les  flots  de  prières  dont  ton 
cœur  est  gonflé;  mais,  tais-toi.  Tu  n'as  pas 
le  droit  de  parler,  si  le  prêtre  n'est  pas  là  pour 
ouvrir  tes  lèvres,  y  cueillir  les  parole  saintes, 
les  unir  h  sa  parole  et  1?ransmettre  à  Dieu 
la  religieuse  expression  de  ta  foi,  de  ton 
amour,  de  tes  espérances,  de  tes  craintes,  de 
tes  désirs. 

Il  arrive,  l'homme  sacré,  il  s'approche  de 
l'autel, il  étend  les  bras  et  dit;  Prions  :  Oremusl 

I.  8.  Bernard.  Senensis,  Serm.  20. 


LA  DIGNITÉ   DU  PRÊTRE.  55 

c'est  fait  :  le  courant  qui  emporte  vers  Dieu 
les  choses  sacrées  de  la  terre  est  établi  ;  tous 
les  actes  religieux  du  peuple  chrétien  y  sont 
entraînés  par  l'acte  sacerdotal. 

Nous  voulons  louer  la  suprême  majesté  de 
Dieu,  adorer  le  mystère  ineffable  de  sa  vie, 
chanter  la  gloire  des  personnes  divines,  le 
Père,  le  Fils  et  l'Esprit-Saint  ;  c'est  le  prêtre 
qui  entonne  le  cantique  et  enlève  toutes  les 
voix  :  «  Te  Deum  laudamus;  te  Dominum  con- 
(îtemur.  » 

Nous  voulons  remercier  Dieu  de  ses  bien- 
faits :  bienfaits  de  la  nature,  bienfaits  de  la 
grâce;  c'est  le  prêtre  qui  appelle  en  haut  nos 
cœurs,  et  s'écrie,  joyeux  interprète  de  notre 
reconnaissance  :  «  Il  est  digne,  il  est  juste,  i) 
est  équitable,  il  est  salutaire,  Seigneur  très- 
saint,  Père  tout-puissant,  Dieu  éternel, de  vous 
rendre  grâce  en  tout  temps  et  en  tout  lieu  : 
Vere  dignum  et  justum  est ,  œquum  et  salutare, 
nos  tibi  semper  et  ubiqùe  gratias  agere, 
Domine  sancie,  Pater  omnipotens,  seterne 
Deus .   » 

Nous  voulons,  misérables  pécheurs,  détour- 
ner de  notre  vie  sociale,  où  le  crime  triomphe, 


56  LA   DIGNITÉ    DU   PRÊTRE. 

les  verges  et  les  fléaux  de  la  justice  divine  ; 
c'est  le  prêtre  qui  pleure  pour  nous  près  de 
l'autel  et  dit  à  Dieu  :  «  Pitié,  Seigneur,  pitié 
pour  ton  peuple,  ne  sois  pas  éternellement 
irrité  contre  lui  :  Parce,  Domine,  parce  populo 
tuof  ne  in  seternum  irasc&ris  nobis,  » 

Nous  voulons  ouvrir  la  source  féconde  d'où 
la  grâce  divine  s'épanche  sur  nos  afflictions  et 
nos  misères  terrestres;  c'est  le  prêtre  qui,  sous 
mille  formes,  à  la  fois  solennelles  et  touchantes, 
traduit  nos  vœux  et  les  transmet  au  Dieu  qui 
doit  les  exaucer , 

Louanges,  actions  de  grâces,  supplications 
de  notre  indignité  et  de  notre  misère,  il  con- 
centre tout  dans  son  âme  consacrée,  et,  afin  de 
grandir  nos  actes  religieux  à  la  mesure  de  l'in- 
fini qu'ils  doivent  atteindre,  lui,  forme  expresse 
du  Christ,  et  en  communication  intime  avec  lui 
par  sa  consécration,  il  jette  tout  et  déifie  tout 
dans  le  cœur  de  ce  prêtre  universel  et  divin  : 
i  Per  Dominum  nostrum  Jesum  Christum.  » 

Qu'ai-je  dit,  Messieurs?  —  Est-ce  bien  là 
tout  le  ministère  du  prêtre  agissant  au  nom 
du  peuple  chrétien  ?  —  Non  pas.  —  Vous  seriez 
dans  Terreur,  si  vous  pensiez  que,  pour  être 


LA  DÎÔNITÊ   DU   PRÊTRE.  57 

homme  public,  il  a  besoin  de  votre  présence, 
et  qu'il  doit  vous  attendre  aux  pieds  des  autels, 
pour  cueillir  vos  actes  religieux  et  les  offrir  à 
Dieu.  Il  est  beau,  sans  doute,  de  yoir  ce  pré- 
centeur  sacré  donner  à  la  foule  le  signal  de  la 
prière,  lui  montrer  le  ciel,  s'élancer  le  premier 
en  criant  :  Sursum  corda  !  et  entraînant  toutes 
les  âmes  à  sa  suite;  mais,  détournez  les  yeux 
de  ce  magnifique  spectacle,  et  considérez  plus 
à  fond  le  ministère  sacerdotal.  Même  en  votre 
absence,  même  quand  vous  n'y  pensez  pas, 
même  quand  il  est  seul  en  son  oratoire,  ou 
sur  le  sentier  perdu  d'une  campagne  déserte, 
«  le  prêtre  est  le  représentant  et  l'ambassadeur 
de  l'Eglise  universelle,  chargé  par  elle  de  prier 
pour  tous  :  Sacerdos  est  procurator  et  nuntius 
universalis  Ecclesise,  ab  ea  missus  ut  oretpro 
omnibus1.  —  Le  prêtre  personnifie  l'Eglise, 
prend  sa  voix  et  porte  au  cîel  sa  parole  :  Sacer- 
dos  personam  induit  Ecclesiœ,  verba  illius 
gerit,  vocem  assurait0.  » 

Entendez-vous,    Messieurs  ?    pendant   que 


i.  Guillelm.  Parisiens.  De  sacris  ordin.,  cap.  IY. 
2.  Ibid.,  cap.  v. 


58  LA   DIGNITÉ    DU    PRÊTRE. 

vous  êtes  à  vos  affaires,  à  vos  plaisirs,  à  votre 
repos,  un  tout  petit  vicaire,  un  pauvre  curé 
de  campagne  récitent  le  bréviaire:  C'est  le 
peuple  chrétien,  c'est  toute  l'Eglise  qui  prie  : 
ce  Sacerdos  persona,  publica.,  atque  totius 
Ecclesiœ  os.  » 

Mais  la  prière  publique,  sous  toutes  ses 
formes,  n'est  que  le  moindre  office  du  minis- 
tère sacerdotal  exercé  au  nom  de  l'Eglise.  Il 
est  un  acte  religieux,  plus  sublime  et  plus 
agréable  à  Dieu  que  tous  les  hommages  qu'il 
reçoit  de  nos  cœurs  et  nos  lèvres  :  c'est  la 
chose  sacrée  par  excellence  et.  selon  le  saint 
concile  de  Trente,  la  principale  raison  d  être 
du  sacerdoce:  le  sacrifice.  On  le  rencontre  en 
toute  loi,  avons-nous  dit,  et  en  toute  loi,  c'est 
par  les  mains  sacrées  du  prêtre  que  le  peuple 
l'offre  au  Seigneur 

Un  autel,  une  victime,  un  prêtre  ;  tel  est  le 
groupe  auguste  auquel  s'unissent  de  cœur  et 
d'âme  les  peuples  prosternés,  pour  exprimer, 
au  degré  suprême,  l'anéantissement  de  leurs 
adorations  devant  la  majesté  divir^  l*  ferveur 
de  leurs  actions  de  grâce,  la  violence  de  leurs 
désirs  et  la  mort  du  péché  dont  ils  redoutent  le 


LA  DIGNITÉ  DU   PRÊTRE.  59 

châtiment.  Mais,  au  milieu  des  pompes  religieu- 
ses dont  la  piété  des  peuples  avaient  entouré  le 
sacrifice,  quelles  misérables  victimes  !  La  ma- 
jesté du  sacerdoce  mosaïque  ne  parvenait  pas 
à  les  grandir;  et,  lors  même  que  Dieu  daignait 
les  accepter,  il  ne  pouvait  pas  s'y  complaire. 
,1'ai  parlé  trop  souvent  de  leur  infirmité,  Mes- 
sieurs, pour  qu'il  soit  besoin  d'y  revenir  et  j 'au- 
rais moins  de  cœur  à  vous  décrire  la  grandeur 
et  la  dignité  du  sacerdoce,  si  nous  n'avions  à 
offrir,  pour  vous,  que  des  hosties  semblables  à 
celles  qui  ont  ensanglanté  les  autels  de  l'anti- 
quité .  Oubliez  ces  hosties  imparfaites,  je  vous 
en  prie,  et  regardez,  entre  les  mains  du  prêtre 
de  la  nouvelle  loi,  la  chose  sacrée  qu'il  offre  à 
lieu  au  nom  de  tout  le  peuple  chrétien. 

Vos  yeux  charnels  ne  voient  que  de  fragiles 
apparences,  mais  votre  foi,  traversant  les  voiles 
eucharistiques  s'écrie  :  «  Dieu  !  Voici  Dieu  ! 
Deus  !  Ecce  Deus!  »  Oui,  c'est  un  Dieu  :  un  Dieu 
qui  s'est  fait,  par  amour,  la  chose  sacrée  de 
l'humanité.  Elle  est  bien  à  nous,  car  ce  Dieu  a 
pris  chair  dans  le  sein  d'une  femme  de  notre 
famille,  et  est  devenu  un  tout  petit  enfant  des 
hommes;  c'est  bien  une  victime,  car  ce  Dieu  a 


60  LA  DIGNITÉ  DU  PRÊTRE. 

livré  son  corps  et  répandu  son  sang  pour  nous, 
et  il  se  donne  immolé  dans  son  sacrement.  Son 
anéantissement  adore,  rend  grâce,  implore, 
expie  autant  que  Dieu  est  grand,  bon,  juste  et 
6aint.  La  chose  sacrée  de  l'humanité  égare 
celui  à  qui  elle  est  offerte.  «  En  voyant  le 
Christ  immolé  et  gisant  sur  l'autel,  dit  saint 
Chrysostôme,  le  prêtre  penché  sur  la  victime 
et  priant,  tous  les  assistants  couverts  de  ce 
sang  précieux,  pouvez-vous  penser  que  vous 
êtes  encore  ici  -  bas  et  parmi  les  hommes  ? 
N'êtes-vous  pas  comme  transporté  dans  les 
cieux?  et  votre  âme,  dégagée  des  sens  et  de 
toute  pensée  terrestre,  ne  croit-elle  pas  contem- 
pler à  découvert  les  mystères  d'en  haut?  0 
prodige  !  0  amour  de  Dieu  pour  les  hommes! 
Celui  qui  là-haut  règne  avec  le  Père  est  en  ce 
moment  entre  les  mainG  des  mortels1  ». 

1  "Orav  y^P  t&lS  tov  Kuptov  TeOuuivov  xat  x£t'{Ji£vov,  xat  tov 
hU-x  ioecTorra  tw  Ôujaccti,  xai  £-£u/_ou.£vov,  xat  îtavraç  Éxsîvtti 
tw  Tiauo  MtvuraopevûUÇ  ou!j.aTt.  àsa  Ï~j.  u.i-h  aVjçwTrtov  £-.vat 
voy .•>£».;,  xai  eVir/;?  -{r\<;  laravat,  àXÀ'  oox  iùHmç  ètu  touç  oupav&uç 
UL£Tgvi<rn)t0Otl,  xat  r:5Vav  ca:x'.y7;v  oiavotav  rr,ç  tyw/Jfi  £x£xÀo)v, 
vuy.vr,  ttJ  "\m/\  xat  tw  v(o  xaOctcôj  rrsç'.o/  £-£iç  Ta  £v  oùpavo";;  "12  tou 
fauuaroç'  io  tv);  to~j  ôeoï  v.AavO:>  -'a;.  cO  ;j.£Ta  toù  TtaTpo;  aveu 
/ta^/[X£/o;  xaTaTYjv  o>çav  ixcfvip  txT;  à-àvTOJv  xaTîvrrai  ££p<?\...% 
\Lib.  III,  De  Sucer*]   '  i.) 


LA   DIGNITÉ   DU   PRÊTRE.  6i 

Oui,  Messieurs,  entre  les  mains  des  mortels, 
car  le  prêtre,  qui  offre  à  Dieu  votre  grande 
chose  sacrée,  c'est  vous  tous.  Il  est  seul  à  l'au- 
tel, mais  vos  religieux  désirs  et  vos  pieuses 
intentions  l'enveloppent  et  le  pénètrent.  Ne 
pouvant  pas  toucher  directement  la  victime 
sainte,  vous  mettez,  en  esprit,  vos  mains  dans 
les  mains  consacrées  de  celui  qui  la  touche. 
Aussi  le  prêtre  appelle-t-il  ce  qu'il  offre  «  notre 
sacrifice  :  Nostrum  sacriftcium  ».  —  «  C'est  le 
mien  et  le  vôtre,  dit-il,  an  vous  invitant -à  vous 
unir  à  lui  par  la  prière  :  Meum  et  vestrum.  » 
Il  a  dit  :  «  J'offre  :  Offero  »  en  présentant  à 
Dieu  les  oblations  qui  doivent  devenir  le  corps 
et  le  sang  du  Christ;  mais,  après  que  ces  obla- 
tions sont  transformées,  il  rappelle  à  Dieu  son 
action  collective  :  «  Nous  offrons,  dit-il,  offe- 
rimus.  Nous  offrons  Y  ostb  pure,  l'hostie 
sainte,  l'hostie  immaculée  :  Ufferimus  tibi... 
hostiam  puram ,  hostiam  sanctam ,  hostiarn 
immacula tam  ». 

A  supposer,  Messieurs,  que  le  prêtre  reçoive 
de  Dieu  cette  hostie,  sans  prendre  part  à  son 
immolation,  il  serait  déjà  ce  qu'il  y  a  de  plus 
grand  au  monde,  rien  que  pour  être  chargé 

4 


62  LA.  DIGNITÉ   DU    PRÊTRE. 

d'offrir  au  ciel  un  Dieu  au  nom  du  peuple 
chrétien;  mais  il  n'en  va  pas  ainsi.  Le  suprême 
de  la  grandeur  du  prêtre,  c'est  qu'il  ne  peut 
être  l'homme  de  l'Eglise  sans  être,  dans  la  plus 
haute  et  la  plus  excellente  acception  du  mot, 
l'homme  de  Dieu. 

Préparez-vous  à  le  contempler  sous  ce  nou- 
vel aspect. 


II 


Le  prêtre,  personnification  du  peuple  chré- 
tien, offre,  en  son  nom,  la  chose  la  plus  sacrée 
qui  soit  au  monde  :  une  victime  divine.  C'est 
admirable,  et  cependant  ce  n'est  pas  ce  qu'il  y 
a  de  plus  auguste  et  de  plus  profond  dans  son 
pouvoir  sacnfical.  La  victime  qu'il  offre  c'est 
lui-même  qui  l'immole. 

Je  comprends  que  l'homme,  pour  l'honneur 
de  Dieu,  plus  encore  que  pour  ses  propres 
lins,  dispose  des  créatures  inférieures  qui 
avoisinent  sa  propre  vie;  elles  lui  appartien- 
nent. *  O  Dieu,  dit  le  Psalmiste,  tu  as  fait 


LA  DIGNITÉ   DU   PRÊTRE.  63 

l'homme  roi  de  tes  œuvres  .  Constituisti  eum 
super  opéra  manuum  tuarum.  Tu  as  tout  mis 
à  ses  pieds  :  les  brebis  et  les  génisses,  les  trou- 
peaux des  champs,  les  oiseaux  du  ciel  et  les 
poissons  de  la  mer  :  Ornnia  subjecisti  sub  pe- 
clibus  ejus;  oves  et  boves  universas  insuper  et 
pecora  campi,  volucres  cœli  et  pisces  maris1  ». 
Choisir  dans  ce  royal  domaine  la  matière 
vivante  des  holocaustes,  répandre  le  sang, 
consumer  les  chairs,  exprimer  par  l'anéantis- 
sement des  victimes  les  religieux  abaissements 
de  l'homme,  néant  devant  le  Dieu  infini  qui 
est  tout  être,  c'était  l'office  de  l'ancien  sacer- 
doce. Mais,  au  prêtre  de  la  loi  nouvelle,  le  vaste 
champ  de  la  nature  est  fermé.  Il  n'y  a  plus 
rien  à  prendre  depuis  que  THomme-Dieu  a  dit  : 
«  Arrière  les  holocaustes  sans  âme  et  sans 
mérite.  Dieu  n'en  veut  plus  :  me  voici  :  Ecce 
venio%l  »  Cet  Homme-Dieu,  je  viens  de  vous  le 
dire,  est  la  chose  sacrée  qu'il  faut  offrir  au 
souverain  maître  de  la  vie,  pour  égaler  à  sa 
majesté  infinie  les  hommages  du  genre  humain, 

1.  Psalm.  vin. 

2.  Holocautomata  pro   peccato  non   tibi   placuerunt  : 
tune  dixi  :  Ecce  venio.  (Heb..  cap.  x,  6.) 


64  LA   DIGNITÉ  DU   PRÊTRE. 

et  consommer  la  religion  du  peuple  chrétien. 
Mais  cette  chose  sacrée,  où  le  prêtre  la  pren- 
dra-t-il  ?  Et  si  ce  doit  être  une  victime,  com- 
ment le  prêtre  l'immolera-t-il?  La  consécration 
qu'il  a  reçue  a  transformé  son  âme  et  l'a  inon- 
dée de  grâces  ;  mais  elle  n'a  pas  rompu  les  liens 
qui  l'attachent  à  notre  misérable  terre  et  le 
retiennent  à  une  infinie  distance  de  la  chose 
sacrée  qu'il  faut  atteindre.  L'Homme-Dieu, 
après  un  court  passage  ici-bas,  s'est  enfui  dans 
les  cieux  où  il  réside  à  la  droite  et  dans  la 
gloire  de  son  Père  éternel.  Et  quand  il  serait 
là,  près  de  l'autel,  est-ce  la  main  débile  d'un 
mortel  qui  pourrait  le  £aisir  et  le  dompter?  Et, 
s'il  se  laisse  prendre,  où  est  l'instrument  de 
mort  qui  pourra  triompher  de  la  vie  inexter- 
minable  qu'il  s'est  donnée?  —  Car,  il  n'est 
plus  maintenant,  ce  Christ  béni,  l'homme  pas- 
sible et  mortel  qu'on  a  vu,  il  y  a  dix-huit  cents 
ans,  couvert  de  meurtrissures  et  de  plaies, 
défiguré  et  sanglant,  élevé  sur  un  gibet  et 
mourant  de  mort  violente,  pour  expier  les 
péchés  du  genre  humain.  Le  doux  agneau 
immolé  est  devenu  le  lion  vainqueur  de  la 
mort;  «le  ressuscité  ne  meurt  plus,  la  mort 


LA   DIGNITÉ   DU   PRÊTRE.  65 

n'a  plus  sur  lui  d'empire;  il  vit  à  Dieu,  il  vit 
en  Dieu.  Christus  resurgens  jam  non  moritur, 
mors  illi  ultra,  non  dominabitur,  quod  enim 
vivit,  vivit  Deo*.  »  Encore  une  fois,  comment 
le  prendre  là-haut?  Comment  victimer  son 
immortalité? 

((  0  potestas  ineffabilis!  0  quam  magnam 
in  se  continet  profonditatem  formidabile  et 
admirabile  sacerdotium*  !  0  puissance  inef- 
fable! 0  qu'il  y  a  de  profondeur  dans  le  for- 
midable et  merveilleux  sacerdoce  de  la  loi 
nouvelle  !  »  Sans  quitter  la  terre ,  le  prêtre 
agit  jusque  dans  les  profondeurs  des  cieux  où 
Dieu  réside  avec  son  Fils.  D'un  mot  et  quand 
il  veut,  il  appelle,  il  saisit  la  glorieuse  huma- 
nité du  Christ  et  l'amène  parmi  nous3  Regar- 
dez-le, au  moment  solennel  et  décisif  du  sai/^t 
sacrifice.  Debout,  au  milieu  de  l'autel,  il  lè\e 
les  yeux  au  ciel,  il  bénit  un  tout  petit  morceau 

1.  Rom.,  cap.  VI,  9. 

2.  S.  Ephrem.  De  Sacerdotio. 

3.  Maxima  prorsus  et  admiranda  sacerdotum  est  digni- 
tas  :  maxima  illis  est  collata  potestas.  Sua  namque  pro- 
*atione  et  ad  eorum  pêne  libitum  corpus  Christi  de  panis 
transubtantiatur  materia  :  descendit  de  cœlo  in  carne 
Verbum.  (S.  Laurent  Justin.  Serm.  De  corp.  Christi.) 

4. 


66  LA   DIGNITÉ  DU   PRÊTRE. 

de  pain,  une  coupe  de  vin,  il  s'incline,  il  dit  : 
«  Ceci  est  mon  corps,  ceci  est  mon  sang.  »  Et 
voilà  qu'en  ses  mains  s'opère  un  prodige  que 
ies  saints  docteurs  ont  comparé  au  merveil- 
leux enfantement  de  la  Vierge  mère,  à  qui  nous 
devons  le  grand  bienfait  de  l'incarnation1.  Le 
même  Homme-Dieu,  que  Marie  a  conçu  dans 
son  sein  béni,  au  moment  où  elle  prononça 
son  Fiat,  le  même  Homme-Dieu  renaît,  en 
quelque  sorte,  entre  les  mains  et  au  comman- 
dement du  prêtre.  Plus  grande  merveille  en- 
core ;  il  renaît  et  il  meurt.  La  parole  sacerdo- 
tale, qui  le  produit  en  son  sacrement,  l'immole 
du  même  coup,  et  renouvelle  l'étonnant  mys- 
tère que  nous  adorons  sur  la  croix  :  un  Dieu 
mourant  pour  le  salut  du  genre  humain. 

Je  n'ai  plus  à  vous  expliquer  ces  grandes 
vérités,  Messieurs;  nos  études  sur  l'Eucharis- 
tie sont  encore,  je  l'espère,  présentes  à  votre 
mémoire*.  Sur  l'autel  chrétien,  centre  d'une 

4.  Vere  veneranda  sacerdotum  dignitas,  in   quorum 

manibus  Dei   filius  velut  in  utero  Virginis  incarnatur. 

apùd  Molinam.  De  dignit.  sacerd.  Tract.  1, 

2.  Cf*  soixante-dixième  nco  :  Le  Sacrifiée, 


LA   DIGNITÉ   DU  PRÊTRE.  67 

sphère  mystérieuse  où  s'accomplissent  les  plus 
augustes  et  les  plus  puissants  mouvements  de 
notre  vie  religieuse,  vous  avez  adoré  le  Fils  de 
Dieu  présent,  l'immortel  mourant,  la  sainte  et 
divine  victime  dont  la  pacifique  immolation 
rayonne  dans  les  profondeurs  du  ciel,  dans  les 
sombres  régions  de  la  mort  et  à  travers  les 
vastes  espaces  où  se  meut  notre  fragile  exis- 
tence. Maintenant  admirez  le  sacrificateur. 

Il  vous  représente  et  agit  pour  vous.  Ce 
D'est  pas  le  feu  qu'il  va  ravir  au  ciel,  c'est  un 
Dieu  :  «  Représentez-vous,  dit  saint  Jean  Chry- 
sostôme,  le  prophète  Elie  entouré  d'une  fouU 
immense,  et  la  victime  sur  les  pierres  de  l'autel. 
Tous  les  spectateurs  sont  immobiles  et  se 
taisent  ;  le  prophète  seul  est  en  prières.  Tout 
à  coup  la  flamme  descend  descieux  et  consume 
la  victime.  0  merveille  !  qui  ne  serait  saisi 
d'admiration  et  frappé  de  stupeur  ?  —  Mais  le 
mystère  qui  se  célèbre  sur  l'autel  chrétien  est 
bien  autrement  admirable  et  digne  de  nos  en- 
thousiasmes1. »  Voici  un  homme  comme  vous, 

1.  Tuo^poc^ov  ixot  xbv  'Hàiocv  toîç  6<pôa>fjt.oTç,  xa\  t&v  airstoo» 
tf/Xov  irepceciTÔWa,  xai  t)jv  8u<j(ocv  èi:\  xwv  Àiôojv  xeifASv/jv,  xaî 
«avraç  piv  iv  VuX"f  T0"ç  Àonroùç  xal  izoXky  t9)  at^j,  povov  8i 


68  LA   DIGNITÉ   DU   PRÊTRE. 

Messieurs,  un  pauvre  mortel,  pétri  d'infirmi- 
dc  misères. Voua  connaissez  sa  naissance; 
elle  est  peut-être  des  plus  vulgaires;  vous  con- 
naissez son  esprit  ;  il  ne  possède  peut-être  au- 
cun des  grands  dons  de  nature  qui  recom- 
mandent un  homme  à  l'attention  de  ses  sem- 
blables ;  et  cependant,  cet  homme  parle,  et  sa 
parole  a  l'incroyable  pouvoir  de  traverser  les 
espaces,  de  saisir  l'invisible  et  d'immoler  l'im- 
mortel. 

Evidemment,  il  y  a  là  du  divin.  —  Quoi 
donc?  Un  signe  mystérieux,  ce  caractère  spiri- 
tuel et  ineffaçable  qu'imprime  la  consécration 
sacerdotale,  et  qui  est,  dans  l'âme  du.  prêtre, 
comme  la  racine  d'une  puissance  infinie  à  la- 
quelle rien  ne  résiste1,  c  C'est  le  prêtre  su- 
prême qui  lui  donne  du  sien,  dit  Tertulien,  le 
revêt  de  son  propre  sacerdoce  et  le  rend  digne 

tov  Trpo^TjTTiv  eù)(Ofjt.£vov  elta  c';atcpvy);  r))v  (pXoya  ex  twv  oùpavcov 

E7TI  TO  ïepsToV  £l7TTGUa£V7lV#   ©X'JiJLaffTOC  TOÛ/TOC  Xai  TÀorfi  EX7TÀ^;£0>Ç 

Y£aovra.  MeTaêr.Ôi  to(vuv  IxîIOsv  èVi  ta  vuv  teXo'juevoc,  xai  où 
Oauixacrà  ctyci  txbvov ,  àXXà  xai  Tiacorv  ïx.T:\ri\iv  urspêaivovra. 
(Li'b.  III,  De  Sacerdotio,  n°  4.  ) 

i.  Sacerdotis  potestas  superat  omnem  aliam,  cum  sit 
Infinita...  quasi  potestas  divinarum  personarum. (S.  Ber* 
Dard.  Senens.  Serm.  20.) 


LA  DIGNITÉ   DU   PRÊTRE  69 

du  Père  à  qui  il  faut  offrir  un  Dieu1!  —  C'est 
le  Père,  le  Fils  et  l' Esprit-Saint  qui  le  pénè- 
trent et  à  qui  il  prête  sa  langue  et  ses  mains 
pour  accomplir  ce  grand  acte  sacrifical  \  Il  est 
impossible  d'être  plus  homme  de  Dieu  qu'il  ne 
l'est.  Il  faut  répéter  ces  belles  paroles  de  ,?aint 
Ephrem  :  ce  0  puissance  ineffable  !  qu'il  y  a  de 
profondeur  dans  le  formidable  et  merveilleux 
sacerdoce  de  la  loi  nouvelle  :  0  potes  tas  ineffa- 
bilis  !  0  quam  m&gn&m  in  se  continet  profon- 
ditatem  formidabile  et  admirabile  sacerdo- 
tiurh  !  » 

Vous  ne  vous  étonnerez  pas,  Messieurs,  que 
le  prêtre,  divinement  armé  d'un  si  grand  pou- 
voir sur  Dieu  lui-même,  soit  appelé  par  lapô- 
tre  saint  Paul  «  le  coadjuteur  de  Dieu  et  le  dis- 
pensateur des  mystères  divins  :  Dei  adjutores 
sumus.  —  Dispensatores  my steriorurn  Dei.  » 
L'homme  de  Dieu,  qui  donne  Dieu  au  ciel  au 
nom  du  peuple  chrétien,  doit  être  complété 

1.  Nos  summus  Sacerdos  et  magnus  Patris  de  suo  ves- 
tiens,  sacerdotes  Deo  Patri  suo  fecit.  (De  Monogamia, 
cap.  vu.) 

2.  riaT^o  xai  Yîo;  xai  %yio-\  ïlvîuua  TOcvra  o'.xovoy.eî-  ô  Se 
lëpeuç  tt,v  laurou  SavetÇet  yXwxxav,  xoà  r/]v  iau-oo  roxpé/ej  ysTpa. 
(S.  Ghrysost.,  Homil.  >n.,  xx,  n°  4,  ad  fia.) 


70  LA    DIGNITÉ    DU    PRÊTRE. 

par  l'homme  de  Dieu  qui  donne  au  peuple 
chrétien  les  choses  sacrées  de  Dieu. 

La  première  de  ces  choses  sacrées,  c'est  la 
vérité.  Non  pas  cette  vérité  diffuse,  que  Dieu  a 
écrite  pour  notre  raison  en  chacune  des  créa- 
tures qui  ont  reçu  l'empreinte  de  son  être  et  de 
ses  perfections .  C'est  une  chose  sacrée,  sans 
doute,  puisqu'elle  est  sortie  des  abîmes  de 
l'éternelle  sagesse,  et  celui  qui,  par  de  coura- 
geux et  patients  efforts,  devance  ses  semblables 
dans  la  connaissance  de  cette  vérité,  fait  œuvre 
bonne  et  louable  en  la  communiquant.  Toute- 
fois, il  n'est  pas  pour  cela  homme  de  Dieu. 
C'est  un  abus  de  parler  avec  emphase,  comme 
on  le  fait  aujourd'hui,  du  sacerdoce  de  la 
science.  Chaque  branche  des  connaissances 
humaines,  les  arts ,  les  métiers  eux-mêmes 
deviennent  un  sacerdoce.  On  dirait  une  tacti- 
que diabolique,  pour  amoindrir  et  déconsidé- 
rer le  ministère  divin  qui  seul  est  digne  de  ce 
nom,  à  moins  qu'il  ne  faille  attribuer  cette 
prétentieuse  usurpation  à  la  sottise  humaine. 
Elle  en  est  bien  capable. 

Eh!  mon  Dieu,  que  les  savants  entrent, 
chaque  jour,  plus  avant  dans  les  entrailles  de 


LA  DIGNITÉ  DU  PRÊTRE.  M 

la  terre  et  dans  les  profondeurs  des  deux; 
qu'ils  explorent,  en  tous  sens,  les  mondes  de 
la  matière  et  de  l'esprit;  qu'ils  reviennent  de 
leurs  explorations  les  mains  pleines  de  décou- 
vertes, qu'ils  nous  les  montrent  ;  bref,  qu'ils 
enseignent  à  ceux  qui  voudront  bien  les  écou- 
ter ce  qu'ils  ont  appris,  nous  ne  demandons 
pas  mieux,  et,  s'il  le  faut,  nous  les  aiderons. 
Mais,  il  nous  reste  à  donner  au  monde  une 
chose  plus  sacrée  que  la  révélation  des  mys- 
tères de  la  nature  :  —  Quoi  donc,  Messieurs  ? 
—  La  vérité  surhumaine,  la  vérité  qui  défie  les 
investigations  de  l'esprit  humain,  la  vérité  qui 
se  cache  dans  l'essence  divine  et  que  personne 
ne  connaîtra,  si  Dieu  ne  la  communique  :  je 
veux  dire  la  vérité  condensée  dans  fa  doctrine 
chrétienne  :  —  Vérité  sur  la  vie  et  sur  les  opé- 
rations intimes  de  Dieu,  vérité  sur  les  mys- 
tères du  monde  invisible,  vérité  sur  les  rela- 
tions surnaturelles  de  Dieu  avec  sa  créature, 
vérité  sur  le  plan  éternel  d'après  lequel  ces 
relations  sont  ordonnées,  vérité  sur  la  condi- 
tion primitive  de  l'humanité  dans  sa  souche, 
vérité  sur  la  catastrophe  qui  nous  a  plongés 
dans  un  abîmo  de  misères,  vérité  sur  les  grands 


79  LA   DIGNITÉ   DU   PRÊTRE. 

actes  par  lesquels  Dieu  est  entré  en  rapports 
intimes  avec  l'homme  pécheur,  vérité  sur  les 
abaissements  miséricordieux  qui  l'ont  rappro- 
ché de  nous  et  introduit  dans  notre  famille, 
vérité  sur  la  mystérieuse  substitution  d'un  Dieu 
m  genre  humain,  dans  l'expiation  du  péché, 
vérité  sur  le  bienfait  de  notre  rédemption, 
vérité  sur  la  société  religieuse  qui  doit  en  béné- 
ficier, vérité  sur  les  moyens  d'en  recueillir  les 
fruits,  vérité  sur  les  devoirs  qu'il  nous  impose, 
vérité  sur  la  glorieuse  transformation  de  notre 
nature  dans  la  béatitude  surnaturelle,  éter- 
nelle conclusion  de  la  vie  de  l'homme,  du  plan 
et  de  l'action  de  Dieu. 

Cherchez  ces  vérités  dans  la  nature,  Mes- 
sieurs, vous  ne  les  trouverez  pas.  Elles  ont  été 
apportées  du  ciel  par  le  témoin  des  choses  di- 
vines, le  Verbe  de  Dieu,  qui  a  daigné  prendre 
une  bouche  humaine  pour  nous  les  apprendre. 
Cette  bouche  parle  encore,  car  ceux  à  qui  le 
Christ  a  dit,  pendant  les  jours  de  sa  chair  : 
Eurites  docete,  continuent,  à  travers  les  siècles 
et  jusqu'aux  extrémités  du  monde,  l'office  sacer- 
dotal qui  consiste  à  donner  au  monde  la  vérité 
de  Diuu,  «  Nous  remplissons  les  fonctions  du 


LA  DIGNITÉ  DU  PRÊTRE.  Tfl 

Christ,  a  dit  l'Apôtre  :  Pro  Christo  legatione 
^ungimur  ;  »  c'est-à-dire,  d'après  un  illustre 
interprète  :  «  nous  sommes  ici-bas  en  son  lieu 
et  place,  nous  avons  hérité  de  son  ministère. 
Quand  nous  parlons,  c'est  comme  si  Dieu  par- 
lait :  Tanquam  Deo  exhortante  per  nos  ;  car  il 
parle  non  seulement  par  son  Fils,  mais  par 
nous  qui  continuons  l'œuvre  de  son  Fils  *  ».  Lg 
prêtre  est  donc  vraiment  l'homme  de  Dieu  dans 
la  dispensation  de  la  vérité.  Il  la  donné  à  tous, 
grands  et  petits,  comme  Dieu  son  soleil  au 
cèdre  et  au  brin  d'herbe.  Il  l'élève  sans  la 
grandir,  il  l'abaisse  sans  la  diminuer.  Le» 
esprits  d'élite  avides  de  hautes  et  profondes 
spéculations,  le  peuple  et  les  enfants,  dont  l'in« 
telligence  a  besoin  de  simplicité  et  de  clarté,  J 
trouvent  des  réponses  à  toutes  les  questions 
que  s'adresse,  d'instinct,  notre  nature  préoccia 
pée  de  son  origine,  de  son  état,  de  ses  devoir^ 
de  ses  destinées,  et,  ce  qui  vaut  mieux,  l'iné* 


1.    Y7cip  XpiGTOU  OUVItpEffSgUOfAeV.  ToUT£<TTlV  (XVTt  TOU    Xç"77Ch3 

■f)f/eîç  y&P  àv£0£^au.£Ôa  -cà  Ixeivou —  'lie  tou  O^oo  TcapaxaXoôvcoç 
Si'  ■fij/.wv.  Où  yàp  Sià  tou  Yioïï  aùxoïï  uapaxaXet  'j.ôvo',  aXXà  xai  3i' 
f,(j.Gjv  twv  xh  £Xfi(vou  àvaS^aj/ivwv  (pyov.  (S.  Chrysost..  Ho- 
n»ix  *A»  in  II  ad  Cor.,  cap.  v,  n°  3.) 


74  LÀ  DIGNITÉ  DU  PRÊTRE. 

branlable  certitude  et  la  parfaite  sécurité  dans 
sa  croyance.  On  peut  suspecter  la  parole  d'un 
savant  qui  prétend  imposer  l'autorité  de  sa 
raison  et  de  son  expérience  ;  mais  comment  ne 
pas  croire  à  celui  qui  vous  dit  :   «  un  Dieu 
m'envoie  comme  son  Père  l'a  envoyé;   qui 
m'écoute  l'écoute,  qui  me  méprise  le  méprise; 
—  ma  doctrine  n'est  pas  la  mienne,  mais  celle 
du  Dieu  qui  m'envoie  ;  —  je  ne  suis  pas  un 
hérault  de  la  science  humaine,  mais  un  écho 
de  la  science  divine;  — je  ne  suis  pas  l'homme 
de  la  nature,  je  suis  l'homme  de  Dieu?»  Quel 
autre  qu'un  homme  de  Dieu  oserait  demander 
l'adhésion  de  l'esprit  humain  à  des  vérités  que 
la  raison  ne  peut  ni  découvrir,  ni  démontrer  ; 
et  n'est-ce  pas  un  triomphe  divin  du  prêtre  sur 
les  âmes  que  d'obtenir  la  foi  tranquille  et  sans 
réserve  à  l'incompréhensible  ? 

Etrange  pouvoir  !  qui  n'est  pourtant  que  le 
précurseur  d'une  puissance  plus  profonde  et 
plus  merveilleuse  encore.  Le  prêtre  illumina- 
teur  des  âmes  ne  les  éclaire  que  pour  les  mieux 
voir,  afin  de  bien  placer  la  seconde  chose 
sacrée  qu'il  doit  leur  communiquer  :  la  grâce, 
la  vie  même  de  Dieu. 


LA  DIGNITÉ  DU  PRÊTRE.  75 

Il  n'y  a  que  Dieu  qui  puisse  atteindre,  tou- 
cher les  âmes  et  leur  faire  subir  cette  glorieuse 
transformation  qui  les  rend  participantes  de 
sa  nature,  les  grandit,  en  quelque  sorte,  à  la 
mesure  de  l'infini,  et  nous  mérite  d'être  appelés 
par  les  apologistes  de  notre  beauté  et  grandeur 
surnaturelle  :  «  consorts  de  la  nature  divine , 
divinse  consortes  naturde1,  fils  de  Dieu,  êtres 
divins  :  si  fîlii  Dei  facti  suraus  et  DU  facti 
sumus*  ».  Mais  admirez  la  libérale  condescen- 
dance du  Père  de  toute  vie  !  Au  lieu  de  se  ré* 
server  le  mystérieux  pouvoir  qui  n'appartient 
qu'à  lui,  il  le  communique  à  son  prêtre.  0 
merveille  !  Le  prêtre  touche,  transforme,  vivi- 
fie, divinise  les  âmes. 

On  lui  apporte  un  enfant  qui  vient  de  rece- 
voir de  ses  générateurs  la  vie  du  corps,  et  qui, 
du  même  coup,  a  roçu  la  mort  en  son  âme. 
Ceux  qui  l'aiment  ne  peuvent  faire  pour  lui 
que  des  vœux,  mais  le  prêtre  le  prend  et,  plus 
père  que  ceux  qui  engendrent  selon  la  chair,  il 

1.  II,  Petr.,  cap.  i,  4. 

2.  Deus  qui  justificat  ipse    deificat  ;  quia  justifîcando 
filios  Dei  facit.  Si  fîlii  Dei  facti  sumus,  et  Dii  facti  sumus. 

In  P&al.  49.) 


76  LA  DIGNITÉ   DU  PRÊTRE. 

ressuscite  celui  que  le  péché  avait  tué  à  son 
entrée  en  ce  monde,  et  lui  donne  une  nouvelle 
vie.  Un  peu  d'eau  sur  la  tête  de  cette  chère 
petite  créature,  une  parole,  c'est  assez  pour 
ouvrir  à  la  vie  divine  un  canal  par  où  elle  se 
précipite,  inonde  l'âme,  la  purifie,  la  pénètre 
et  fait  de  l'enfant  deshonoré  de  la  nature  un 
glorieux  enfant  de  Dieu. 

Il  grandira  cet  enfant,  et,  peut-être  qu'infi- 
dèle à  la  grâce  de  sa  naissance  spirituelle,  il 
livrera  sa  nature  régénérée  aux  envahisse- 
ments de  la  mort  ;  abusant  de  sa  liberté,  jus- 
qu'à tarir  en  son  âme  chrétienne  la  vie  qui  lui 
fut  donnée  au  baptême.  —  Qui  la  lui  rendra? 
—  Ses  larmes,  ses  prières,  ses  cris  de  repen- 
tance? —  Dieu  voit  tout  cela;  Dieu  entend  tout 
cela  ;  mais,  au  pécheur  qui  l'implore,  il  montre 
l'homme  de  Dieu ,  son  prêtre,  dont  il  a  fait 
le  plénipotentiaire  de  sa  miséricorde.  C'est 
devant  lui  qu'il  faut  se  prosterner,  c'est  à 
lui  qu'il  faut  confesser  ses  égarements,  c'est 
à  ses  pieds  qu'il  faut  pleurer,  gémir  et  détester 
ses  fautes,  c'est  de  sa  bouche  souveraine  qu'il 
faut  attendre  la  sentence  qui  brise  les  liens  du 
péché,  délivre  l'âme  captive  et  lui  rend,  avec  U 


LA  DIGNITÉ  DU   PRÊTRE.  77 

liberté,  la  vie  divine  qu'elle  a  perdue.  Dieu  veut 
bien  pardonner  aux  prodigues  qui  ont  abusé 
de  sa  bonté  paternelle,  mais  à  la  condition  que 
le  prêtre  leur  dira  :  a,  Je  t'absous  :  Ego  te 
absolvo.  y> 

Et,  quand  arrive  l'heure  suprême  où 
l'homme,  placé  entre  le  souvenir  d'une  vie  qui 
va  s'éteindre  et  la  perspective  de  l'éternité  qui 
l'attend,  se  sent  envahi  par  la  tristesse,  la  peur 
et  l'angoisse,  c'est  l'homme  de  Dieu  qu'on  ap- 
pelle; non  seulement,  pour  consoler  et  raffer- 
mir par  sa  parole  l'âme  tremblante  du  mori- 
bond, mais  pour  la  guérir,  par  l'onction  sainte, 
des  restes  du  péché,  achever  en  elle  les  opéra- 
tions de  la  grâce,  et  la  revêtir  de  la  robe  nuptiale 
qu'il  lui  faudra  montrer,  pour  être  admise  à 
l'éternel  banquet  de  l'agneau;  c'est  le  prêtre 
qui  touche  et  transforme  une  dernière  fois  l'âme 
humaine,  à  laquelle  on  pourra  dire  bientôt  : 
«  Tout  est  prêt  pour  le  redoutable  voyage  : 
Pars,  âme  chrétienne  :  Proficiscere ,  anima 
christiana,.  » 

Mais  un  plus  grand  don  consomme  les  cho- 
ses sacrées,  les  mystères  divins,  dont  le  prêtre 
est  le  dispensateur.  Ce  n'est  pas  seulement  la 


78  LA   DIGNITÉ   DU   PRÊTRE. 

vie  participée  de  Dieu  qu'il  donne  aux  âmes, 
c'est  sa  vie  substantielle,  Dieu  lui-même,  Dieu 
en  personne.  Il  Ta  mis  dans  le  sacrement  qu'il 
a  fait,  et  il  le  tient  en  réserve  pour  ceux  qui  en 
ont  faim.  Quand  une  âme  avide  d'infini  vient 
lui  dire  :  t  Père,  j'ai  faim;  donnez-moi  le  pain 
céleste  qui  doit  alimenter  en  moi  la  vie  divine;  » 
il  ouvre  le  tabernacle,  prend  en  ses  mains  l'hos- 
tie sainte  :  «  Voici  l'agneau  de  Dieu,  dit-il,  — 
reçois  et  mange,  —  que  le  corps  du  Christ  te 
nourrisse  et  te  conserve  pour  la  vie  éter- 
nelle. » 

Quel  homme,  Messieurs,  que  celui  qui  tient 
entre  ses  mains  la  vie  et  le  sort  des  âmes,  et, 
en  quelque  sorte,  la  vie  et  le  sort  d'un  Dieu! 
Encore  une  fois  :  «  O  puissance  ineffable!  0 
profondeur!  O  formidable  et  admirable  sacer- 
doce! 0  potestas  ineffabilis  !  O  quant  magnant 
in  se  continet  profunditatem,  formidabile  et 
admirabile  sacerdotium  !  » 

J'ai  plus  d'un  fois  été  tenté  de  croire  que  les 

saints  docteurs,  chantres  du  sacerdoce,  avaient 

■  ;ré  ses  grandeurs  ;  mais,  en  étudiant  de 

plus  près  l'étrange  et  incomparable  pouvoir 

issu   de  la  consécration   sacerdotale,  je  me 


LA  DIGNITE  DU  PRÊTRE.  79 

suis  convaincu  qu'il  était  au-dessus  de  toute 
louange. 

«  Le  sacerdoce,  selon  la  belle  pensée  de  saint 
Ephrem,  est  dans  l'Eglise  comme  une  volée 
d'aigles  qui  quittent  la  terre  et  montent  au- 
dacieusement  vers  Dieu.  Entre  leurs  serres 
puissantes,  ils  enlèvent  les  choses  sacrées  de 
l'humanité  et  les  déposent  au  pied  du  trône  de 
la  Majesté  divine.  De  là,  ils  rapportent  sur  la 
terre  les  choses  sacrées  de  Dieu,  pour  sancti- 
fier les  âmes  qui  voudront  s'approcher  des 
redoutables  mystères  dont  ils  sont  les  dispen» 
sateurs1.  » 

Ne  cherchez  pas  en  ce  monde  un  plus  grand 
que  le  prêtre  ;  «  nous  devons  le  respecter  plus 
que  les  rois  et  les  maîtres  de  la  terre  *  » ,  dit  la 
bouche  d'or.  Ceux-ci  trônent  au  sommet  des 

1.  Sacerdotium  audacter  e  terra  sursum  in  cœlum 
volitans  ascendit  ad  Deum,  donec  ipsum  contueatur,  in- 
cidensque  ante  excelsum  thronum,  instanter  orat  Domi- 
num,  postulans  ut  Spiritus  Sanctus  pariter  descendat... 
Tune  animae  accedentes  per  tremenda  mysteria  macu- 
larum  purificationem  accipiunt.  (S.  Ephrem.  De  Sacer- 
dotio.) 

2.  *Q<rre  %tv  olx  àp^ovxwv  fjaSvov,  oûSè  {foaiXewv  cpoêsparapoi, 
aXXà  xal  itaxepwv  TitjucoTepot  Sixatw;  av  eïev.  (S.  Chrysost., 
Lib.  III,  De  Sacerdotio  ' 


80  LA  DIGNITÉ   DU   PRÊTRE. 

sociétés  humaines,  mais,  leur  pouvoir  superfi- 
ciel s'arrête  aux  portes  inviolables  du  sanctuaire 
où  l'âme  se  réfugie  pour  traiter  avec  Dieu.  Ils 
peuvent  enchaîner  les  corps,  mais  ils  ne  peuvent 
ni  lier  ni  délier  nos  consciences;  ils  peuvent 
s'emparer  de  nos  biens  et  dévaster  nos  coffres- 
forts;  mais  ils  ne  peuvent  nous  arracher  les 
secrets  de  notre  vie  intime.  Nous  voulons  bien 
nous  entendre  avec  eux  sur  les  intérêts  tempo- 
rels dont  ils  ont  la  protection,  et,  pour  le  bien 
public,  soumettre  nos  vues  particulières  aux 
plus  hautes  vues  de  leur  gouvernement;  mais 
il  leur  est  défendu  de  gouverner,  à  leur  fan- 
taisie, nos  intérêts  éternels,  et  ce  n'est  point  à 
leurs  mains  profanes  que  nous  voulons  confier 
la  direction  de  notre  vie  religieuse.  Ils  vou- 
draient bien,  quoi  qu'ils  en  disent,  concentrer 
en  leur  personne  les  pouvoirs  de  la  terre  et  des 
cieux.  Régner  sur  les  âmes,  c'est  le  rêve  des 
ambitieux;  ne  le  pouvant  pas,  c'est  leur  tour- 
ment, et  la  cause  de  cette  effroyable  jalousie 
qui  les  a,  tant  de  fois,  armés  contre  le  sacerdoce. 
Mais,  qu'ils  en  prennent  leur  parti  :  nos  âmes 
appartiennent  aux  hommes  de  Dieu;  c'est  par 
eux  que  nous  voulons  nous  mettre  en  rapport 


LA  DIGNITE  DU  PRÊTRE.  8i 

avec  le  ciel;  c'est  d'eux  que  nous  voulons  rece- 
voir la  vérité  et  la  vie;  c'est  à  eux  qu'iront 
toujours  nos  plus  profonds  respects;  car  le 
prêtre  est  grand  au-dessus  des  rois  et  des 
maîtres  de  ce  monde,  autant  que  l'esprit  est 
grand  au-dessus  de  la  matière,  autant  que 
l'éternité  est  grande  au  -  dessus  du  temps , 
autant  que  Dieu  est  grand  au-dessus  de  tout 
ce  qui  n'est  pas  lui. 

Je  n'exagère  pas,  Messieurs  :  même  sur  ceux 
que  Dieu  a  le  plus  honorés,  par  nature  ou  par 
privilège,  le  prêtre  a  des  avantages  de  puis- 
sance. 

Moyse  a  entendu  la  voix  de  Jéhovah  et  est 
allé  au-devant  de  sa  gloire;  il  a  sauvé  son 
peuple  de  la  servitude  et  de  la  mort,  et  l'a 
conduit  jusqu'aux  confins  de  la  terre  promise. 
Les  prophètes  ont  soutenu  les  assauts  dd 
l'Esprit  divin  et,  dans  sa  lumière,  ils  ont 
entrevu  de  loin  le  Désiré  des  nations.  Ils  ont 
prédit  sa  naissance,  ses  œuvres,  ses  opprobres, 
sa  mort,  sa  résurrection,  son  règne  éternel  et 
l'ont  rendu  comme  présent  aux  générations 
qui  l'attendaient.  Mais  le  prêtre,  plus  grand 
que  Moyse  et  que  les  prophètes,  fait  entendre 

5. 


82  LA  DIGNITÉ   DU   PRÊTRB. 

sa  voix  toute-puissante,  et  abaisse  la  gloire  do 
Dieu  au  milieu  des  hommes.  Il  délivre  les  âmes 
de  l'esclavage  de  ôatan  et  de  la  mort  éternelle, 
leur  fait  franchir  les  frontières  de  la  glorieuse 
patrie  où  l'on  doit  posséder  à  jamais  tous  les 
biens  dans  le  souverain  bien.  Revêtu  de  l'Esprit 
de  Dieu,  il  annonce  aux  peuples  celui  qui  est 
venu,  il  le  rappelle  des  cieux  où  il  est  remonté, 
et  renouvelle,  par  la  force  de  son  verbe,  le 
mystère  sauveur  de  sa  naissance  et  de  sa 
mort. 

Non  seulement  il  surpasse  les  hommes,  mais 
il  est  investi  d'un  pouvoir  que  ni  les  anges  ni 
les  archanges  n'ont  reçu  de  Dieu.  Ces  esprits 
célestes  soutiennent  le  trône  du  Très-Haut  et 
obéissent  à  ses  ordres;  le  prêtre,  trône  vivant 
de  Dieu,  lui  commande  de  venir  s'asseoir  en 
ses  mains  consacrées.  Les  anges,  invisibles 
compagnons  de  notre  pèlerinage,  se  tiennent 
auprès  des  âmes  pour  les  assister;  le  prêtre  les 
pénètre  et  les  vivifie.  Les  anges  illuminent, 
consolent,  encouragent,  protègent,  mais,  à 
aucun  d'eux  il  n'a  été  dit,  comme  au  prêtre1, 

i.  Kai  £;ou7tav  eX*6çvfy  quu  à^éXou;  oure  àpyjxffeXoiç  eou»xe> 


LA  DIGNITÉ  DU  PRÊTRE.  83 

«  Tout  ce  que  tu  délieras  sur  la  terre  sera  délié 
dans  le  ciel.  » 

Je  vais  plus  loin,  Messieurs,  et  j'ose  dire,  avec 
un  des  plus  pieux,  des  plus  enthousiastes,  des 
plus  glorieux  chantres  des  grandeurs  de  Marie, 
saint  Bernardin  de  Sienne  :  «  que  le  prêtre  a, 
sur  la  plus  parfaite  et  la  plus  sainte  des  créa- 
tures, des  avantages  de  puissance  :  Excedit 
sacerdotalis  potestas  Virginis  potestatem*  ». 
Marie  ne  nous  a  donné  qu'une  fois  son  divin 
fils;  le  prêtre  nous  le  donne  tous  les  jours. 
Marie  nous  a  donné  un  Christ  passible  et  mor- 
tel ;  le  prêtre  nous  donne  un  Christ  glorieux  et 
immortel.  Marie  nous  a  donné  un  Christ  qu'on 
pouvait  voir,  entendre  et  toucher;  le  prêtre 
nous  donne  un  Christ  qu'on  peut  manger  et 

6  8e<fc.  Oo  Y&p  rcp&ç  éxetvouç  eipriTOtr  "Offot  &v  5»)<nrre  Iitl  t9jç  *fis 
laroci  Seoe^éva  xal  Iv  xai  oupavép  x.  t.  X.  (  S.  Chrysost.,  lib.  III, 
De  Sacerdotio.) 

Praetulit  ordinem  vestrum  (Deus)  omnibus  ordinibus. 
Imo,  ut  altius  loquar,  praetulit  angelis,  archangelis, 
thronis  et  dominationibus.  Sicut  enim  non  angelos  sed 
semen  Abraham  apprehendit  ad  faciendam  redemptio- 
nem  :  sic  non  angelis  sed  hominibus  solisque  sacerdoti- 
bus  corporis  et  sanguinis  commisit  dispensationem.  (S. 
Bern.  Serra,  ad  pastor.  in  synod.) 

1.  S.  Bernard,  Senens,  Serm.  20.) 


84  LA  DIGNITÉ  DU   PRÊTAS. 

s'incorporer.  Marie  intercède  et  demande  pour 
nous  la  grâce  ;  le  prêtre  la  répand  dans  nos 
âmes.  Marie  crie  :  pitié ,  pour  le  pauvre  pé- 
cheur! le  prêtre  lui  dit  :  je  t'absous.  Marie  est 
une  toute-puissance  suppliante;  le  prêtre  est 
une  toute-puissance  agissante. 

Vere  veneranda,  sacerdotum  dignitas  !  0  vé- 
nérable dignité  des  prêtres!  Le  siècle  léger 
paraît  ne  pas  la  comprendre;  mais,  on  s'aper- 
çoit bien  vite  qu'il  en  a  gardé  l'intelligence  et  le 
souvenir  à  la  profonde  stupeur  qu'il  éprouve 
et  â  la  violente  indignation  qu'il  manifeste, 
lorsqu'il  voit  un  prêtre  tomber.  Qui  s'inquiète 
du  brin  d'herbe  que  le  pied  d'un  animal  a 
foulé,  ou  du  grain  de  sable  qu'emporte  la 
vague?  Mais,  quand  le  chêne  se  brise  avec 
fracas,  tout  le  monde  regarde  le  géant  fou- 
droyé; quand  une  montagne  s'effondre,  toute 
la  science  est  en  émoi.  A  l'effet  que  produit  la 
chute  d'un  prêtre,  on  peut  juger  de  sa  gran- 
deur. 

Vous  n'attendrez  pas  cela,  je  l'espère,  Mes- 
sieurs, pour  montrer  que  vous  m'avez  com- 
pris. Plus  attentifs  aux  enseignements  de  la  foi 
qu'aux  préjugés  des  mondains,  vous  fermerez 


LA  DIGNITÉ   DU   PRÊTRE.  85 

les  yeux  sur  les  imperfections  et  les  défauts 
qui  déconsidèrent  le  prêtre  dans  l'estime  des 
délicats.  Il  n'y  aura  plus  pour  vous  ni  prêtre 
vulgaire,  ni  prêtre  distingué;  ni  petit  curé, 
ni  grand  prélat;  mais,  considérant  tous  les 
hommes  d'Eglise  et  tous  les  hommes  de  Dieu 
dans  la  splendeur  de  leur  caractère,  l'élévation 
de  leurs  fonctions,  la  magnificence  de  leur 
pouvoir,  vous  vous  écrierez  avec  saint  Augu 
tin  :   Vere  veneranda  sacerdotum  dignitasl 


QUATRE-VINGT-UNIÈME  CONFÉRENCE 


LES   DEVOIRS   DO   PRETRE 


QUATRE-VINGT-UNIÈME    CONFÉRENCE 


LES   DEVOIRS    DU    PRÊTRB 


Monseigneur1 ,  Messieurs, 


Noblesse  oblige.  —  Tout  étant  divin  dans 
la  dignité  et  les  fonctions  du  sacerdoce,  il  est 
évident  que  l'homme  revêtu  de  cette  dignité 
et  investi  de  ces  fonctions  doit,  selon  la  belle 
parole  de  saint  Denys,  «  prendre  comme  une 
forme  divine  et  montrer,  plus  que  qui  que  ce 
soit  au  monde,  dans  sa  personne  et  dans 
toutes  les  habitudes  de  sa  vie,  la  parfaite  res- 
semblance de  Dieu  ■  Secundum  omnem  habi- 
tum  suum  factus  Dei  formosissimus  et  Dei 
simillimus*.  »  Ni  ses  imperfections,  ni  ses 
vices  ne  lui  enlèvent  l'admirable  pouvoir  qu'il 


1.  Monseigneur  Richard,  coadjuteur  de  Paris. 

2.  Cf.  Summ.  theoi,  supp.,  quaest.  36,  a.  1. 


90  LES   DEVOIRS   DU   PRÊTRE. 

a  reçu  ;  mais,  «  s'il  l'exerce  sans  en  être  digne, 
il  n'est  plus  qu'un  blasphème  vivant  et  un 
trompeur  public,»  dit  saint  Thomas  :  «Sacerdos 
est  quasi  blasphemus  et  deceptor,  qui  indigne 
ordinem  suum  exequitur1.  » 

Dans  les  instructions  qu'elle  donne  aux 
diacres  qui  vont  devenir  prêtres,  l'Eglise  a 
soin  de  mettre  en  regard  du  sacerdoce  les 
devoirs  qu'impose  ce  sublime  honneur  et  ce 
divin  fardeau.  Ecoutez-la  :  «  II  faut  aux  prêtres, 
dit-elle,  une  sagesse  céleste  :  cœlestis  sapientia, 
des  mœurs  sans  reproche  :  probi  mores,  une 
continuelle  pratique  de  la  justice  :  diuturna 
justitiae  observatio.  Ils  doivent  être  parfaits 
dans  la  foi  et  dans  les  oeuvres  :  fide  et  opère 
perfectos  ;  fortement  établis  clans  les  amours 
jumaux  de  Dieu  et  du  prochain  :  geminœ  dilec- 
tionis,  Dei  et  proximi,  virtute  fundatos  ;  con- 
server dans  leurs  mœurs  l'intégrité  d'une  vie 
chaste  et  sainte  :  serva  in  moribus  tuis  castœ 
et  sanctœ  vitœ  integritatem  ;  imiter  les  adora- 
bles mystères  qu'ils  touchent  :  imitare  quod 
tractas;  guérir  spirituellement   le  peuple  de 

1.  (X.  Summ.  theol,  supp.,  quœst.  36,  a.  5. 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  91 

Dieu  par  la  salutaire  vertu  de  leur  doctrine  : 
sit  doctrina,  tua  spiritualis  medicina,  populi 
Dei  ;  réjouir  l'Eglise  du  Christ  par  la  bonne 
odeur  de  leur  vie  :  sit  odor  vitas  tux  delecta- 
mentum  Ecclesiœ  Christi  4.  » 

En  deux  mots,  Messieurs,  qui  résument  ces 
instructions,  l'Eglise  demande  au  prêtre  la 
science  et  la  sainteté.  Mais  elle  ne  se  contente 
pas  de  montrer  le  devoir  ;  par  tout  l'ensemble 
de  sa  maternelle  législation  elle  en  garantit 
l'accomplissement.  C'est  ce  que  nous  allons 
voir  dans  cette  conférence. 


Dispensateur  des  choses  sacrées,  le  prêtre 
doit  illuminer  les  âmes,  relever  celles  qui  sont 
tombées,  guérir  celles  qui  sont  malades,  for- 
tifier celles  qui  sont  faibles,  entretenir  la  santé 
de  celles  qui  sont  valides,  les  diriger  toutes 
vers  le  terme  suprême  où  se  fixent  éternel- 
lement les  évolutions  de  la  vie  humaine,  où  se 

1.  Cf.  Pontifical  :  De  ordinatione  presbyteri. 


9î  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

couronnent  les  opérations  de  la  grâce.  Pour 
cela,  il  faut  qu'il  possède  la  science  de  la 
vérité  et  la  science  de  la  vie. 

La  vérité  dont  il  s'agit  ici,  Messieurs,  je 
vous  l'ai  montrée,  naguère,  descendant  des 
cieux  par  la  bouche  de  celui  qui  en  est  l'éternel 
témoin,  le  Verbe  de  Dieu.  L'orgueil  contem- 
porain lui  refuse  le  droit  de  se  proposer  comme 
l'objet  d'une  science.  —  Pourquoi  cela?  — 
Est-ce  parce  qu'il  n'y  a  de  scientifique  que  les 
êtres  et  les  phénomènes  qui  relèvent  de  l'ob- 
servation des  sens  ?  —  Mais ,  alors,  il  faut 
exclure  de  la  science  tout  un  monde  d'entités 
immatérielles  qui  ne  peuvent  être  saisies  que 
par  l'intelligence,  et  parquer  les  connaissances 
humaines  dans  le  cercle  d'un  matérialisme  aussi 
étroit  qu'abject.  —  Veut-on  qu'il  n'y  ait  do 
scientifique  que  ce  que  comprend  la  raison  ? 
—  Mais,  qu'importe  qu'une  chose  soit  com- 
prise ou  incomprise,  si  l'on  sait  certainement 
qu'elle  existe  ?  Savoir  que  Dieu  est  un  être 
vivant,  et  que,  dans  l'unité  de  son  indivisible 
nature,  trois  personnes  subsistent,  égales  en 
durée  et  en  perfections,  toutes  trois  divines,  et 
ne  faisant  cependant  qu'un  seul  et  même  Dieu; 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  93 

savoir  que  Dieu,  en  créant,  s'est  proposé  de 
clore  la  mystérieuse  et  longue  série  de  ses 
actes  providentiels  par  le  retour  final  de  la 
créatureà  son  essencemême,éternellementcon- 
templée  et  ineffablement  possédée  par  les  êtres 
intelligents  ;  savoir  que  le  créateur  a  ajouté 
à  tous  les  dons  qui  conviennent  à  notre  nature 
le  don  de  sa  propre  vie,  et  que  l'homme  trans- 
formé par  la  grâce  est  un  être  divin  ;  savoir 
que  l'homme,  infidèle  à  son  premier  état,  a  été 
l'objet  d'une  miséricorde  infinie,  et  que,  pour 
réparer  sa  faute  et  le  sauver  de  la  mort  éter- 
nelle, Dieu  a  daigné  lui  envoyer  son  propre 
Fils;  savoir  que  ce  fils  de  Dieu  est  né,  dans  le 
temps,  d'une  fille  de  l'homme,  qu'il  a  pris  notre 
nature,  qu'il  a  vécu  parmi  nous,  qu'il  est  mort 
pour  nous,  qu'il  a  triomphé  de  la  mort  par 
sa  résurrection  glorieuse  et  qu'il  vit  aux  cieux, 
en  attendant  l'heure  où  il  viendra  juger  le 
monde;  connaître  l'institution  par  laquelle  le 
fils  de  Dieu  prétend  se  survivre,  les  signes 
sacrés  auxquels  il  a  attaché  la  communication 
de  ses  mérites, la  perpétuité  de  sa  présence  par- 
mi nous,  le  renouvellement  quotidien  de  son  sa- 
,rifice;connaîtrelaloi  sainte  qu'il  nous  a  donnée 


94  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

pour  corriger  la  perversité  de  notre  nature 
déchue,  et  nous  assurer  des  mérites,  la  nature 
des  châtiments  dont  il  doit  punir  éternellement 
les  prévaricateurs  impénitents,  et  des  récom- 
penses qu'il  destine  à  ses  fidèles  ;  savoir  tout 
cela,  connaître  tout  cela,  est-ce  donc  ne  rien 
savoir,  Messieurs  ?  Et  ce  que  nous  savons  est- 
il  moins  certain  que  les  vérités  d'expérience  et 
de  raison, parceque  d'irrécusables  témoignages 
nous  disent  que  c'est  Dieu  lui-même  qui  nous 
a  enseigné  toutes  choses  ? 

Jouissez  de  vos  conquêtes,  Messieurs  les 
savants,  mais  ne  nous  contestez  pas  notre 
place  à  la  science,  «  La  doctrine  sacrée  est 
une  vraie  science,  dit  saint  Thomas,  puisque 
comme  toutes  les  sciences  elle  a  ses  principes1. 
—  Elle  est  plus  digne  que  toutes  les  sciences 
spéculatives  et  pratiques,  parceque  la  certi- 
tude qu'elle  nous  donne  repose  sur  l'infail- 
libilité de  la  science  divine;  parce  que  le? 
vérités  qu'on  y  étudie  sont  des  vérités  trans- 


1.  Sacra  doctrina  est  scientia,  quia  procedit  ex  prin- 
clpiis  natis  lumine  superioris  scientiœ,  quœ  silicet  est 
BCientia  Dei  et  beatorum.  {Summ.  theol.,  I  P.,  quaest. 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  95 

cendantes,  eu  égard  à  toutes  celles  que  peut 
atteindre  la  raison;  parce  qu'elle  a  pour  but 
pratique  l'éternelle  vision  de  toutes  les  vérités 
dans  la  vérité  suprême1.  y> 

Messieurs,  le  premier  devoir  du  prêtre  est 
incontestablement  de  posséder  cette  science 
sacrée,  sous  peine  de  n'avoir  plus  qu'un  pou- 
voir aveugle  dont  Dieu  répudie  les  offices. 
«  Parce  que  tu  n'as  pas  voulu  de  la  science, 
dit  le  Seigneur  par  la  bouche  de  son  prophète, 
je  neveux  plus  de  toi,  ni  des  fonctions  de  ton 
sacerdoce  :  Quia  tu  scientiam  repulisti,  re- 
pellam  te,  ne  sacerdotio  fungaris  mihi l  »    Et 


4  Hœc  scientia  alias  speculativas  scientias  excedit. 
Secundum  certitudinem  quidem  :  quia  alise  scicntiae  cer- 
titudinem  habent  ex  naturali  lumine  rationis  humanae 
quse  potest  errare  :  haec  autem  certitudinem  habet  ex  lu- 
mine  divin»  scientia?  quse  decipi  non  potest.  Secundum 
dignitatem  vero  materiaï  :  quia  ista  scientia  est  princi- 
paliter  de  iis  quse  sua  altitudine  rationem  transcen- 
dunt...  Practicarum  vero  scientiarum  illa  dignior  est 
qurc  ad  ulteriorem  finem  non  ordinatur....  Finis  autem 
hujus  doctrinae,  in  quantum  est  practica_,  est  béatitude 
aïterna,  ad  quam  sicut  ad  ultimum  finem  ordinantui 
omnes  alii  fines  scientiarum  practicarum.  Unde  manifes- 
tum  est  secundum  omnem  modum  eam  digniorem  esse 
aliis.  (Summ.  theol.,  I  P.,  quaest.  1,  a.  5.) 

I.  Ose.,  cap.  iv,  6. 


96  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE, 

remarquez  que  jamais  l'esprit  du  prêtre  n'est 
affranchi  de  l'obligation  d'étudier  la  doctrine 
sainte.  Les  laborieuses  années  de  son  noviciat 
sacerdotal  ne  sont  que  l'apprentissage  d'un 
travail  qu'il  doit  poursuivre  toute  sa  vie.  Tou- 
jours en  présence  des  principes  qu'une  lu- 
mière supérieure  a  mis  à  sa  portée,  il  faut 
qu'il  les  féconde  ;  et,  quand  son  intelligence 
lassée  fait  défaut  à  la  tâche,  c'est  par  l'humble 
prière  de  son  cœur  qu'il  doit  faire  descendre 
les  conclusions  qu'il  cherche  de  la  source 
divine  d'où  les  principes  sont  descendus.  Il 
ne  s'agit  pas  pour  lui  de  savoir  pour  savoir,  et 
de  se  complaire  dans  d'égoïstes  contempla- 
tions; il  faut  qu'il  donne;  le  Christ,  son  maître 
et  son  docteur,  lui  en  fait  un  commandement: 
«  Euntes  docete  :  Allez,  enseignez.  »  Et  qui 
donc  ?  «  Tout  le  monde  :  Omnes  gentes.  »  Le 
prêtre  n'est  pas  un  professeur  destiné  seule- 
ment à  instruire  des  auditoires  d'élite;  les 
plus  humbles  esprits  doivent  profiter  de  sa 
science  sacrée.  Il  faut  donc  qu'il  l'élabore  de 
manière  à  la  rendre  universelle.  Son  intelli- 
gence est  le  sein  maternel  où  se  prépare  le  lait 
dont  se  nourrissent  les  enfants,  et  la  cuve  où 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  97 

fermente  la  liqueur  généreuse  dont  s'enivrent 
les  grandes  âmes.  Dût-il  s'en  tenir  au  simple 
exposé  de  la  vérité  céleste  qu'il  a  reçu  mission 
de  répandre,  il  serait,  je  ne  crains  pas  de  le 
dire,  à  la  tête  du  monde  savant  par  la  hauteur 
de  son  enseignement. 

Mais  la  vérité  céleste  a  des  accointances  avec 
toutes  les  connaissances  humaines.  L'orgueil 
de  la  raison  lui  oppose  mille  contradictions; 
il  faut  les  vaincre,  et  faire  la  soudure  du 
divin,  du  mystérieux,  de  l'incompréhensible 
avec  toutes  les  certitudes  acquises  par  l'esprit 
humain.  Tandis  que  le  plus  grand  nombre  de 
ceux  qu'on  appelle  savants  expérimente  et 
opère  dans  la  sphère  restreinte  d'une  spécialité, 
sans  s'inquiéter  de  savoir  s'il  existe  une  vérité 
supérieure,  dont  ils  pourraient  recevoir  quel- 
que lumière,  le  prêtre  est  obligé  de  descendre 
des  hauteurs  où  Ta  fait  monter  la  science  sa- 
crée, pour  accorder  les  principes  qu'il  tient  de 
Dieu  avec  les  vérités  subalternes  dont  la  rai- 
son se  vante  d'avoir  fait  la  conquête.  Philo- 
sophie, histoire,  sciences  naturelles,  politiques 
et  sociales,  tout  doit  être  en  harmonie  avec  le 
dogme;  et,  dans  les  endroits  mystérieux  où  le? 

6 


98  LB8  DEVOIRS  DU   PRÊTRB* 

trop  courtes  vues  de  l'intelligence  humaine  ne 
peuvent  établir  clairement  cette  harmonie,  il 
faut  au  moins  résoudre  les  difficultés  dont  l'er- 
reur est  prodigue.  La  lutte  grandit  la  science 
du  prêtre,  et  l'oblige  à  des  efforts  et  à  des 
exploits  dont  ne  peuvent  se  glorifier  les  savants 
qui  le  dénigrent.  Ecoutez  ce  que  disait,  il  y  a 
quinze  cents  ans,  un  des  plus  illustres  apolo- 
gistes du  sacerdoce  :  —  «  Ce  n'est  pas  pour  un 
seul  genre  de  lutte  que  nous  devons  nous  tenir 
prêts;  la  guerre  que  nous  avons  à  soutenir  est 
multiple,  et  divers  ennemis  nous  attaquent  à 
la  fois.  Ils  ne  se  servent  pas  tous  des  mêmes 
armes,  tous  ne  nous  attaquent  pas  de  la  même 
manière  ;  il  faut  donc  que  celui  qui  doit  lutter 
seul  contre  tant  d'ennemis  différents  possède 
leurs  diverses  tactiques  ;  il  faut  qu'il  soit,  en 
même  temps,  arbalétrier  et  frondeur,  tribun 
et  chef  de  manipule,  soldat  et  général,  égale- 
ment habile  dans  les  combats  de  terre  et  de 
mer.  Sur  les  champs  de  bataille,  chacun  re- 
pousse les  assauts  de  l'ennemi,  par  cela  seul 
qu'il  se  tient  au  poste  qui  lui  est  assigné.  Il 
n'en  est  plus  de  même  ici  ;  quand  on  veut  rem- 
porter la  victoire,  n.'     •••.«.  versé  dans  tous 


LES  DUVOms  DU  PRÊTRE.  99 

les  genres  de  combats;  autrement,  un  seul 
point  négligé  suffit  pour  que  le  démon  fasse 
pénétrer  ses  légions  et  dévaste  la  bergerie1.  » 
—  Que  dirait  aujourd'hui  le  grand  Chrysos- 
tôme,  s'il  voyait  les  combats  du  sacerdoce  ? 
Il  dirait,  Messieurs,  que  la  science  du  prêtre, 
plus  haute,  par  nature,  que  toutes  les  sciences, 
doit  être,  par  nécessité,  la  plus  vaste. 

Mais  je  n'ai  parlé  que  de  la  science  de  la 
vérité  ;  cette  science  doitsecompléter  dans  une 
âme  sacerdotale  par  la  science  de  la  vie.  N'est- 
ce  pas  aux  plus  intimes  et  aux  plus  saintes 
profondeurs  de  la  vie  humaine  que  le  prêtre 
doit  exercer  son  divin  office  de  dispensateur  de 


1 .  Ou  yàp  7tpo;  Iv  eTîoç  ^puv  [xa/^ç  *)  itapaaxEUY),  aXXà  ttoixiXoç 
outoç  ô  7roX£uioç,  xat  Ix  Stacpdptov  <juYxpoTO'j(j.£voç  twv  iy6cwv. 
Ouxs  Y^p  ouÀo'.;  aicavceç  "/pâmai  toTç  auroï;,  ouxe  èVt  7tpoaéàXX£tv 
£,u.7v  {jteftçXsT^Xjaffi  -po-rcco.  Kal  oet  tov  psXkovxa.  t^jv  7tpô<;  iràvTaç 
avaosyîGÔat  [/.à/Y)v  tocç  aTzâvriov  fiïSÉvai  xÉyvaç,  xal  tov  aÛTOv 
to;Ôttiv  tê  elvat  xat  ff<pevoov7)TYjv,  xat  Taçtapyov,  xal  Xo^ayov,  xat 
CTpaxtojT^v,  xal  cxpairiyc/v,  xat  -jteÇov,  xat  vrrrcsa,  xat  vauu;ayT]v, 
ta'.  TEtyoaa^yjv.  'Eut  [^sv  yàc-  tojv  cTpaTiomxcov  7Co)iu.u)v,  olov 
i'xacrxoç  àv  Ipyov  aTcoXaSï],  toutw  touç  EiudvTaç  àjxûvsTar  evxauôa 
oà  touto  oùx  eaxtv  àXXà  àv  uvr,  7:àaa;  siuaTauevoç  ^  Tr,ç  te/v^ç 
ràç  îSsa;  ô  uê'XXiov  vtxav,  oîoev  6  SiàêoXoç  xat  Si'  hoç  uspouç,  ôrav 
fjU.£Xr|ix£vov  tu£ï|,  touc  TCctpaxàç  eîaaYaYUiV  touç  auToiï,  StapTiaaat 
ta  itfoêaTa.  (fc>.  Chrysost.,  De  Sacerdotio,  lib.  IV,  n°  4.) 


101  LES   DEVOIRS  DU   PRÊTRE. 

la  grâce  ?  Préposé  au  soin  des  âmes,  il  faut 
qu'il  voie  clair  dans  ce  monde  mystérieux  où 
il  est  à  la  fois  juge,  thérapeute  et  directeur. 
Fode  parieteml  Homme  de  Dieu,  perce  la  mu- 
raille qui  ferme  l'entrée  de  la  vie  humaine  !  Il 
faut  voir  et  savoir  tout  ce  qu'il  y  a  là-dedans  : 
la  corruption  originelle  de  la  nature  et  ses 
aggravations  par  le  péché  ;  l'état  des  facultés, 
les  exigences  des  passions,  le  nombre  et  la  force 
des  habitudes,  la  nature  et  la  gravité  des  affec- 
tions morbides  dont  la  moralité  est  atteinte  ;  les 
tendances  au  mal  et  les  aspirations  au  bien,  la 
somme  de  malice,  de  faiblesse  et  de  négligence 
dont  on  doit  se  défier,  la  somme  de  bonne  vo- 
lonté et  d'efforts  sur  laquelle  on  peut  compter: 
bref,  tout  un  organisme  immatériel,  dont  il 
n'est  pas  moins  important  de  connaître  les  actes 
que  d'analyser  la  structure.  —  S'agit-il  de 
juger  ?  —  Il  faut  savoir  préparer  l'âme  à  des 
aveux  sincères,  comparer  les  fautes  commises 
aux  principes  régulateurs  de  la  vie  morale  et 
chrétienne,  résoudre  les  difficultés  pratiques 
qui  atténuent  ou  aggravent  la  responsabilité  et 
les  obligations  de  l'homme  pécheur;  mesurer 
le  repentir,  et  faire  en  sorte  que  le  pardon  de 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  101 

Dieu  ne  soit  pas  la  condamnation  de  celui  qui 
l'accorde  et  de  celui  qui  le  reçoit. —  S'agit-il  de 
guérir?  —  Il  faut  savoir  d'où  viennent  les  ma- 
ladies morales,  quelles  causes  les  engendrent 
plus  ou  moins  prochainement,  quelle  est  la  pro- 
fondeur et  l'étendue  de  leurs  ravages  ;  à  quel 
régime  spirituel  il  faut  soumettre  l'âme  ma- 
lade, pour  la  fortifier  et  prévenir  efficacement 
le  retour  du  mal,  par  quels  conseils  on  la  doit 
soutenir,  par  quelles  œuvres  de  retranchement, 
de  combat  et  de  générosité  on  la  peut  réparer; 
enfin,  selon  la  pensée  de  saint  Chrysostôme  : 
i  il  faut,  avec  une  vertu  surhumaine,  une 
science  qui  aille  jusqu'au  fond  de  la  thérapeu- 
tique sacrée.  »  —  S'agit-il  de  conduire  ?  —  Il 
faut  deviner,  en  quelque  sorte,  la  prédestina- 
tion d'une  âme  ;  suivre  attentivement  et  p  atiem- 
ment,  en  elle,  les  multiples  opérations  de  la 
grâce;  stimuler  ses  lenteurs,  dans  la  corres- 
pondance à  l'action  de  Dieu;  tempérer  ses 
ardeurs  indiscrètes  ;  la  relever  dans  ses 
découragements;  entretenir  le  feu  sacré  de 
ses  désirs,  et  lui  montrer,  d'une  main  sûre, 
la  voie  qu'elle  doit  suivre  et  le  but  qu'elle 

doit  atteindre.  Autant  de  vies,  autant  d'études 

6. 


102  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

et  d'applications  diverses  de  la  science  de  la 
vie. 

De  bon  compte,  Messieurs,  cette  noble  science 
de  la  vie  ne  vaut-elle  pas  celle  des  anatomistes, 
physiologistes  et  biologistes  qui  dissèquent  le 
corps  humain,  décrivent  ses  organes,  analy- 
sent ses  fonctions,  et  se  glorifient  de  connaître 
les  lois  en  vertu  desquelles  se  produisent  les 
phénomènes  de  la  vie  matérielle?  Dois-je  croire 
que  le  prêtre  est  moins  qu'eux  un  savant, 
parce  qu'il  pénètre  plus  profondément  qu'eux 
dans  le  mystère  de  notre  grande  nature  ? 

Evidemment,  Messieurs,  il  y  a  une  science 
sacerdotale.  Posséder  cette  science  est  le  pre- 
mier devoir  du  prêtre,  devoir  aussi  impérieux 
que  sont  sublimes  les  fonctions  qu'il  doit  rem- 
plir auprès  des  âmes.  Du  reste,  l'Eglise  ne  lui 
permet  pas  de  s'endormir  dans  l'accomplisse- 
ment de  ce  devoir.  Dès  l'origine,  elle  lui  a  dit 
par  la  bouche  du  grand  apôtre  :  «  Applique-toi 
à  la  lecture,  à  la  prédication,  à  la  doctrine  : 
Attende  lectioni,  exhortationi  et  doctrinœ  l. 
~-  Prêche  la  parole,  la  sainte  parole  que  tu  as 

4.  I  Tim.,  cap.  r?,  i* 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  103 

reçue  de  Dieu,  avec  patience  et  aussi  avec 
science  :  Prœdica  verbum. . .  in  omnipatientia  et 
doctrinal  —  Les  prêtres  qui  gouvernent  leui 
troupeau  sont  dignes  d'un   double   honneur, 
surtout  ceux  qui  s'emploient  au  travail  de  k 
parole  et  de  l'enseignement  :  Maxime  qui  labo- 
rant  in  verbo  et  doctrina*, —  Un  temps  viendra 
où  les  hommes  ne  pourront  plus  supporter  la 
saine  doctrine...  où  ils  fermeront  leur  oreille 
à  la  vérité  pour  écouter  des  fables.  Toi,  prêtre, 
veille,  travaille  toujours,  fais  ton  œuvre  d'évan- 
géliste,  accomplis  ton  ministère  *.  —  Encore 
une  fois,  veille  sur  toi-même  et  sur  la  science 
sacrée  :  Attende  tibi  et  doctrine. —  Sois  persé- 
vérant en  ces  choses  :  Insta  inillis,  c'est  le  seul 
moyen  de  te  sauver  toi-même  et  ceux  qui  t'é 
coûtent  :  Hoc  faciens  et  te  ipsum  salvum  faciès 
et  eos  qui  te  audiunt  \   » 


1.  II  Tim.,  cap.  iv,  2. 

2.  I  Tim.,  cap.  v,  17. 

3.  Erit  enim  tempus,  cum  sanam  doctrinam  non  susti- 

nebunt et  a  veritate  quidem  auditum  avertent, 

ad  fabulas  autem  convertentur.  Tu  vero  vigila,  in  om- 
nibus labora,  opus  fac  evangelist»,  ministerium  tuum 
impie.  (II  Tim.,  cap,  rv,  3-5.) 

4.  I  Tim.,  cap.  iv,  16. 


404  LES   DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

Ces  graves  avertissements  sont  passés,  des 
épîtres  de  saint  Paul,  dans  les  écrits  de  tous 
ceux  à  qui  leur  haute  situation  donnait  le  droit, 
et  imposait  le  devoir,  de  rappeler  au  clergé  ses 
obligations  à  l'égard  de  la  vérité.  La  guerre  à 
l'ignorance  en  général,  mais  surtout  à  l'igno- 
rance sacerdotale,  a  été,  dans  tous  les  siècles 
chrétiens,  une  œuvre  capitale  à  laquelle  l'E- 
glise a  constamment  donné  la  meilleure  part 
de  son  activité  sainte.  Que  n'a-t-elle  pas  fait  ? 
Que  ne  fait-elle  pas  encore,  pour  inspirer  au 
prêtre  l'amour  de  l'étude  et  l'appliquer  au 
culte  de  la  science  sacrée  ?  —  Elle  lui  montre 
l'auréole  de  ses  docteurs  ;  elle  lui  rappelle  les 
travaux  de  ses  interprètes  de  l'Ecriture,  de  ses 
théologiens,  de  ses  controversistes  ,  de  ses 
canonistes,  de  ses  casuistes,  de  ses  annalistes; 
elle  définit  le  dogme  et  l'explique;  elle  multi- 
plie les  décisions  qui  doivent  servir  de  règle, 
pour  appliquer  les  préceptes  de  la  morale  chré- 
tienne à  la  conduite  des  âmes  ;  elle  concentre 
ses  troupes  et  engage  de  grandes  batailles,  qui 
facilitent  à  ses  forces  dispersées  les  combats 
quotidiens  qu'elles  doivent  soutenir,  pour  dé- 
fendre la  vérité;  elle  a  institué  ces  admirables 


LES  DEVOIRS  DU   PRÊTRE.  101 

universités  d'où  sont  sorties  nos  universités 
modernes,  et  dans  lesquelles  la  science  sacrée, 
dominant  toutes  les  sciences,  leur  servait  de 
phare,  pour  indiquer  les  écueils  de  l'erreur  et 
les  passes  difficiles  par  où  l'esprit  humain  ar- 
rive au  port  de  l'éternelle  vérité  ;  elle  a  créé 
partout  des  chaires  autour  desquelles  la  jeu- 
nesse cléricale  est  obligée  de  venir  s'instruire  ; 
elle  a  établi  des  concours  et  exigé  des  examens, 
enfin,  par  la  grande  voix  de  ses  Pontifes,  elle 
rappelle,  de  temps  en  temps,  au  monde  entier, 
que  la  science  sacrée  est  la  plus  haute  et  la  plus 
nécessaire  des  sciences,  et  que  c'est  aux  lèvres 
des  prêtres  que  Dieu  a  confié  la  garde  de  cette 
science.  —  Nous  l'avons  entendue  récemment, 
Messieurs,  cette  voix  du  Pontife  suprême  de 
l'Eglise,  dans  une  mémorable  Encyclique, 
éternel  honneur  de  notre  Léon  XIII,  et  l'un  des 
plus  puissants  encouragements  qu'ait  jamais 
reçus  le  clergé,  pour  cultiver  la  science  sacrée. 
Sans  doute,  Messieurs,  les  prêtres,  bien 
qu'ils  soient  tous  égaux  en  dignité,  ne  peuvent 
pas  être  tous  égaux  en  science  ;  mais,  aussi, 
tous  n'ont  pas  les  mêmes  âmes  à  instruire,  ni 
les  mêmes  coin1*  '  nir  contre   Ter- 


406  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

reur.  En  tenant  compte  de  la  diversité  des 
ministères,  il  se  peut  qu'un  modeste  curé 
de  campagne,  dont  personne  ne  parle,  en 
sache  plus  long  qu'un  brillant  orateur  dont 
la  renommée  court  le  monde.  Du  reste,  sa- 
chons-le bien,  Dieu  doit  un  supplément  de 
lumière  à  ceux  de  ses  ministres  qui,  recon- 
naissant leur  insuffisance,  ont  recours  à  lui 
d'un  cœur  humble  et  pieux.  Ce  n'est  pas  en 
vain  que  l'Eglise  a  mis  dans  la  bouche  de 
ses  prêtres  tant  et  de  si  expressives  invoca- 
tions à  l'Esprit-Saint.  Ces  invocations  peu- 
vent faire  des  miracles  ;  nous  en  avons  eu  de 
nos  jours  un  admirable  exemple.  —  Vous  avez 
entendu  parler  du  saint  curé  d'Ars,  plusieurs 
d'entre  vous,  peut-être,  se  sont  assis  au  pied 
de  la  chaire  d'où  il  catéchisait  son  peuple.  Ce 
n'était  point  un  génie,  certes;  la  nature  avare 
Pavait,  comme  à  plaisir,  abaissé  au-dessous  de 
la  médiocrité,  et  son  inaptitude  à  la  science 
sacrée  put  faire  douter  un  instant  de  sa  voca- 
tion. Mais  il  avait  le  cœur  humble  et  pieux;  la 
science  que  lui  refusait  la  nature  lui  vint  d'en 
haut.  «  Le  plus  ignorant  des  hommes,  *  comme 
ii  s'appelait  lui-même,  il  savait  dire,  dans  le 


LES  DEVOIRS  OU  PRÊTRE.  107 


plus  simple  langage,  des  choses  si  profondes, 
si  élevées,  si  pénétrantes  que  les  esprits  les 
plus  éminents  étaient  stupéfaits,  et  ne  pouvaient 
s^mpêcher  d'admirer  en  lui  l'accomplissement 
de  cet  oracle  des  saintes  lettres  :  «  Les  lèvres 
du  prêtre  seront  les  gardiennes  de  la  science  ;  on 
ira  lui  demander  la  loi  qu'il  faut  suivre  :  Labia. 
sacerdotis  custodient  scientiam,  et  legem  requi' 
rent  ex  ore  ejus  \  »  Cet  exemple,  Messieurs, 
nous  introduit  naturellement  dans  la  seconde 
partie  de  notre  discours,  où  nous  avons  à  trai- 
ter du  devoir  de  la  sainteté. 


11 


La  sainteté  du  prêtre  est  cette  parfaite  recti- 
tude d'intentions,  de  désirs,  de  sentiments  et 
d'actions  qui  met  sa  vie  en  harmonie  avec  son 
éminente  dignité.  Que  cette  harmonie  soit  né- 
cessaire, personne  n'en  peut  douter.  Dieu  la 

1.  Malach.,  cap.  H,  7. 


108  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

je 

demandait  au  sacerdoce  de  la  loi  ancienne,  dont 
le  ministère  était  purement  figuratif.  ocSancti-' 
fiez-vous,  disait-il  à  ses  prêtres,  par  ce  que  moi, 
le  Dieu  que  vous  servez,  je  suis  saint1.  »  Et 
ailleurs  :  t  Que  mes  prêtres  soient  saints,  puis- 
qu'ils sont  consacrés  à  Dieu  f  ;  —  qu'ils  se 
sanctifient  en  approchant  du  Seigneur  de  peur 
qu'il  ne  les  frappe*.  »  —  Plus  noble  est  le  ser- 
vice des  prêtres  de  la  loi  nouvelle,  plus  pro- 
fonde et  plus  efficace  est  leur  consécration; 
plus  grande  aussi  doit  être  leur  sainteté.  Le 
Christ  l'a  solennellement  demandée  à  son 
Père,  avant  de  mourir,  comme  un  don  conjoint 
à  la  tradition  des  pouvoirs  divins  dont  il  inves- 
tissait ses  apôtres  :  «  Père  saint,  disait-il, 
sanctifiez-les  dans  la  vérité  :  Sanctifica,  eos  in 
rieritate*.  »  Les  apôtres,  eux-mêmes,  sanctifiés 
par  Dieu,  rappellent  aux  disciples  qu'ils  asso- 
cient à  leur  ministère  le  grand  devoir  qui  leur 


1.  Sanctificamini  et   estote  ganoti   quia  ego  sanctus 
Bum.  (Levit.,  cap.  xx.  7.) 

2.  Ideo  sancti  erunt qui  consecrati  sunt  De« 

euo.  (Levit.,  cap.  xxi,  7.) 

3.  Sacerdotee  qui  accedunt  ad  Dominum  sanctifiée» 
tur,  ne  percutiat  eos.  (Exod.,  cap.  xu,  22.). 

4.  Joan.,  cap.  ivii,  17 . 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  109 

incombe  :  devoir  multiple,  par  lequel  ils  sont 
engagés  à  la  pratique  exemplaire  de  toutes  les 
vertus.  —  «  En  toutes  choses,  dit  saint  Paul, 
donnez  l'exemple  des  bonnes  œuvres  dans  votre 
doctrine,  dans  l'intégrité  et  la  gravité  de  votre 
vie  l.  —  Soyez  les  modèles  de  vos  frères  par 
votre  parole,  votre  manière  de  vivre,  votre 
charité,  votre  foi,  votre  chasteté". —  Ne  froissez 
personne  si  vous  voulez  que  notre  ministère  ne 
soit  pas  méprisé*.  »  Et  il  ne  s'agit  pas,  croyez 
bien,  d'une  obligation  de  circonstance,  destinée 
à  donner  l'élan  aux  premières  générations  qu'il 
fallait  tirer  de  la  corruption  du  paganisme.  Le 
christianisme  a  pris  quatre  cents  ans  de  vie  ; 
le  devoir  des  prêtres  n'a  pas  changé.  Chantre 
des  gloires  du  sacerdoce,  saint  Jean  Chrisos- 
tôme  parle  comme  saint  Paul  :  «  La  plus  par- 
faite manière  d'instruire  les  hommes,  dit- il, 


1.  In  omnibus  te  ipsum  prœbe  exemplum  bonorum 
operum,  in  doctrina,  in  integritate,  In  gravitate.  (Tit., 
cap.  h,  7.) 

2.  Exemplum  esto  fidelium,  in  verbo,  in  conversa- 
tione,  in  charitate,  in  fîde,  in  castitate.  (I  Tiin.,  cap. 
iv,  12., 

3.  Nemini  dantes  ullam  offensionem  ut  non  vitupe- 
retur  ministerium  nostrum.  (II  Cor.,  cap.  VI,  7.) 


110  LES  DEVOIRS  DU   PRÊTRE. 

c'est  l'exemple*. —  Le  prêtre  doit  porter,  en 
quelque  sorte,  une  armure  de  diamant  qui 'le 
couvre  de  toutes  parts  ;  il  doit  déployer  un  zèle 
infatigable,  une  vigilance  incessante  sur  sa 
propre  vie,  si  bien  qu'il  soit  impossible  de  le 
prendre  en  défaut  et  de  lui  faire  une  blessure 
mortelle".  —  Il  faut  que  la  beauté  de  son  âme 
rayonne  à  tous  les  yeux*.  » 

Et  quand  bien  même  le  devoir  de  la  sainteté 
sacerdotale  ne  serait  pas  écrit  dans  les  li- 
vres, il  est  écrit  dans  les  mystères  divins,  dans 
les  choses  sacrées  dont  le  prêtre  est  le  repré- 
sentant, et  dans  la  consécration  qu'il  a  reçue 
pour  représenter,  à  la  fois,  Dieu  et  les  hommes. 
Son  âme  transformée  jusqu'à  l'excellence,  la 
place  éminente  qu'il  occupe  dans  le  monde, 


1.  Kal  y^?  oStoç  6  TtXîwraroç  ttjç  SioaaxaXÉaç  #poç,  ôrav  xoà 
oVàv  rcpaTTOvai...  Tc&ç  jxaôr|Teuo(jivou;  IvaYtoai rcpbç  tov  [xaxapiov 
pfov.  x.  t.  X.  (S.  Chrysost.,  De  Sacerdotio,  lib.  IV,  n<>  8.) 

2.  Ka\  8t!  tôv  Upéa  xorôâitîp  twIv  àoa{xavrivotç  éfoXoiç 
ittaùd'/bii  7iavT©0£v  t9}  xt  ouvrovw  <rrcou$9j  xa\  tt)  SirjvexeT  icep\ 
tov  Biov  vr(^ei,  toxvtoGev  itEipicxoirouvra,  jx>j  7rou  tiç  pf^vov  eupwv 
TO710V  xcù  irapriueXrjjjisvov,  T&rfo  xatpiav  uXtjy^v.  {Ibid.,  lib.  III, 
ûM4.) 

3.  Ato  ^p^j  Tavroôiv  aÙTOÛ  to  xaXXoç  à7t<OT£X6etv  tîjç  'l'uxîfr. 
[Ibid.,  lib.  III,  n«  14.) 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  Hi 

les  grands  biens  que  le  ciel  et  la  terre  atten- 
dent de  lui,  tout  lui  dit  :  —  Sépare-toi,  purifie- 
toi,  donne-toi.  ' 

«  Pro  hominibus  constituitur  in  his  qux 
sunt  ad  Deum  :  Il  est  établi  pour  les  hommes 
en  ce  qui  regarde  le  service  de  Dieu.  »  N'est- 
ce  pas  dire  qu'il  doit  habiter  une  région  sainte, 
où  il  se  tient,  par  état,  à  la  proximité  de  Dieu; 
et  qu'il  ne  doit  toucher  l'humanité  que  par  les 
sacrés  sommets,  où  les  âmes,  dégagées  des 
choses  périssables,  se  rapprochent  elles-mêmes 
de  l'éternel  et  du  divin  ?  Les  préoccupations, 
les  sollicitudes,  les  plaisirs  du  monde  ne  le 
regardent  plus.  S'il  se  met  à  la  poursuite  des 
honneurs  que  convoitent  l'orgueil  et  la  vanité 
des  mondains,  il  abaisse  son  auguste  carac- 
tère, et  devient  semblable  à  ces  princes  ridi- 
cules qui  avilissaient  la  majesté  royale,  en 
mendiant,  par  des  exploits  grotesques,  les  ap- 
plaudissements d'un  cirque  ou  d'un  théâtre. 
S'r.l  court  après  la  fortune,  s'il  s'attache  aux 
biens  terrestres,  si,  pour  s'assurer  la  position 
tranquille  d'un  propriétaire  à  qui  rien  ne  man- 
que, il  se  fait  administrateur  vulgaire  d'af- 
faires temporelles  et  manieur  d'argent,  il  ment 


412  LES  DEVOIRS   DU  PRÊTRB. 


à  la  promesse  qu'il  a  faite  à  Dieu,  en  entrant 
dans  la  cléricature,  de  le  prendre  pour  sa  part 
d'héritage;  il  outrage  la  fidèle  providence  de 
Celui  qui  s'est  chargé  du  soin  de  ses  clercs. 
Le  luxe  le  déshonore,  le  plaisir  est  son  op- 
probre ;  au  milieu  des  sociétés  où  le  monde  ne 
songe  qu'à  paraître  et  à  s'amuser,  au  mépris 
de  la  modestie  et  de  la  tempérance  chré- 
tienne, il  ressemble  à  ces  bijoux  éraillés  et 
souillés  qu'on  trouve  dans  les  ordures.  Prêtre 
ambitieux,  prêtre  intrigant,  prêtre  intéressé, 
prêtre  mondain,  autant  de  noms  de  blasphème 
sur  une  vie  sacerdotale. 

Il  faut  donc  que  le  prêtre  se  sépare,  non  pas 
du  monde  dont  il  est  le  religieux  représentant, 
mais  de  la  mondanité  qui  est  toute  faite  d'irré- 
ligion. C'est  pour  son  âme  consacrée  un  com- 
mencement de  purification;  car  les  saints  mys- 
tères l'invitent  à  se  purifier  encore.  «  Mun- 
damini.  Purifiez -vous,  »  disait  le  Seigneur  à 
ceux  qui  touchaient  les  vases,  les  instruments, 
les  autels,  les  victimes  des  sacrifices  de  l'an- 
cienne loi1  ;  et  il  les  faisait  passer  par  des  ablu- 

1.  Mundamini  qui  fertis  vasa  Domini.  (Isai.,  cap. 
LU,  11.) 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  113 

tions  et  des  aspersions  d'eau  et  de  sang.  Au- 
jourd'hui, ce  n'est  plus  une  voix  du  dehors, 
ce  sont  les  choses  sacrées,  elles-mêmes,  qui 
parlent  au  prêtre  et  qui  lui  disent  :  Purifie j 
toi.  De  quelque  côté  qu'il  se  retourne,  il  ren- 
contre la  sainteté  même.  Ne  sait-il  pas  que 
c'est  la  parole  d'un  Dieu  qu'il  annonce;  que  , 
c'est  un   Dieu   qu'il   appelle ,   un  Dieu   qu'il 
touche,  un  Dieu  qu'il  s'incorpore,  un  Dieu 
qu'il  donne,  une  vie  divine  qu'il  communique 
aux  âmes;  que  ce  sont  des  enfants  de  Dieu 
qu'il  engendre  spirituellement;  que  c'est  la 
place  d'un  Dieu  qu'il  occupe,  lorsqu'il  juge 
et  absout  les  pécheurs?  Et  alors,    ce  n'est 
plus  assez  d'être  purifié  matériellement,  par 
l'eau  et  le  sang,  des  souillures  légales,  il  faut 
poursuivre  et  effacer,  jusqu'au  plus  intime  de 
l'âme,  tout  ce  qui,  n'étant  pas  saint,  pourrait 
sembler  une  offense  à  l'immaculée  perfection 
de  Celui  qu'on  rencontre  en  toutes  les  choses 
sacrées,  «  Les  rayons  du  soleil,  dit  un  grand 
docteur,  sont  moins  purs  que  ne  doit  l'être  une 
âme  sacerdotale1.  »  Trop  faible  image  encore 

1.  Kal  y^P  T&v  àxTivuJV  auxtov  xaôapwxepav  tw  Upsï  ttjv  ^u/^v 
iTvou&t.  (S.  Chrysost.,  De  Sacerdotio,  lib.  VI,  n°  2.) 


414  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

de  sa  sainteté  :  «  Il  faut  que  le  prêtre  soit 
aussi  pur  que  s'il  habitait  dans  les  cieux,  au 
milieu  des  puissances  intellectuelles1.  » 

Séparé,  purifié,  le  prêtre  va-t-il,  dans  un 
repos  égoïste,  attendre  qu'on  lui  demande  ou 
qu'on  vienne  chercher,  près  de  lui,  les  choses 
sacrées  dont  il  est  le  dispensateur  ?  Il  ne  le 
peut  pas ,  Messieurs  ;  les  choses  sacrées  le 
pressent,  l'importunent,  le  tourmentent,  jus- 
qu'à ce  que,  obéissant  au  mouvement  de  dona- 
tion par  lequel  Dieu  se  livre  à  lui,  il  se  donne 
lui-même.  Toujours  en  rapport  avec  le  plus 
grand  des  amours,  coopérateur  officiel  de  ses 
largesses,  dispensateur  de  tant  et  de  si  grands 
bienfaits  qui  nous  viennent  du  ciel,  comment  ne 
serait-il  pas  porté,  plus  que  tous  les  hommes, 
à  la  bienfaisance  ?  C'est  bien  le  cas  d'appliquer 
ici  les  paroles  que  le  prêtre  a  entendues  le  jour 
de  son  sacre  :  «  Imite  ce  que  tu  touches  :  Irai- 
tare  quod  tractas.  »  Le  Dieu  que  le  prêtre 
touche  aime  d'un  amour  fort,  patient,  libéral, 
magnifique  ;  le  prêtre  doit  aimer  comme  lui  et 

1.  Aïo  yxr,  tov  Uptousvov  (o<T7T£f>  Iv  oturolç  iaz^Tt  toT;  oupotvoîç 
(x£T7.;o  to)v  $uvdtfA£U>v  pceCvcov  o'jtojç  eïvai  xaOaoo'v.  (S.  Chrysoat., 
De  Sucerdutio,  lib.  III,  n°  4.) 


LES  DEVOIRS  DU   PRÊTRE.  115 

se  donner  comme  lui,  malgré  l'ingratitude  des 
hommes,  les  humiliations,  les  injures,  les  re- 
buts. Le  Dieu  que  le  prêtre  touche  aime  tout 
le  monde  d'un  paternel  amour;  le  prêtre  doit 
aimer  comme  lui  les  grands  et  les  petits,  les 
petits  plus  que  les  grands,  parce  qu'ils  sont 
plus  faibles  et  plus  abandonnés;  il  doit  tou- 
jours être  prêt  à  satisfaire  celui  qui  lui  de- 
mande les  dons  de  Dieu,  et  courir  à  la  poursuite 
de  celui  qui  les  refuse.  Plénipotentiaire  de  la 
miséricorde  divine,  dans  la  distribution  des 
choses  sacrées,  il  doit  prendre  en  elle  la  me- 
sure de  ses  effusions,  compatir  comme  elle  à 
tous  les  malheurs,  et  soulager  toutes  les  misè- 
res. Un  prêtre  ne  serait  qu'à  moitié  père  des 
âmes,  s'il  les  laissait  pàtir  des  maux  dont  le 
corps  est  affligé,  sans  essayer  d'y  porter  re- 
mède. Et,  de  fait,  Messieurs,  le  prêtre  étend 
à  toutes  les  infortunes  son  ministère  d'amour. 
Coopérateur  né  de  la  Providence,  dans  un 
ordre  tout  spirituel,  il  se  sent  le  besoin  de  la 
suivre  partout,  et  de  descendre  avec  elle  jus- 
qu'aux menus  détails  de  ses  bontés.  C'est  dan 
le  temple  et  à  l'autel  qu'il  fait  ses  plus  grands 
largesses.  Mais,  n'est-ce  pas  lui  encore  qu'on 


116  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

rencontre  le  plus  souvent  dans  la  demeure  des 
pauvres  et  près  de  ceux  qui  souffrent  ?  N'est- 
ce  pas  lui  qui  organise,  dirige,  encourage, 
soutient  de  son  influence  ces  milliers  d'œuvres 
par  lesquelles  la  charité  chrétienne  vient  en 
aide  à  toutes  les  faiblesses,  à  toutes  les  hontes, 
à  toutes  les  souffrances  humaines?  En  résu- 
mé, Messieurs,  le  prêtre,  constamment  en 
rapport  avec  les  choses  saintes,  y  doit  appren- 
dre et  y  apprend,  en  effet,  la  pieuse  gravité, 
la  prudence,  la  discrétion,  la  réserve,  le  désin- 
téressement, la  justice,  la  modestie,  la  chasteté, 
et  surtout  le  saint  amour  de  Dieu  et  des  hommes, 
la  sainte  charité  mère  du  sacrifice  :  tout  un  en- 
semble de  vertus  qui  confirme,  par  l'exemple, 
la  prédication  de  la  science  et  de  la  parole. 
Voilà  le  devoir  sacerdotal  de  la  sainteté. 

Vous  devez,  bien  penser,  Messieurs,  que 
l'Eglise  n'est  pas  moins  jalouse  de  ce  devoir  de 
la  sainteté  que  du  devoir  de  la  science  ;  que  si 
elle  aide  le  prêtre  à  devenir  un  savant,  elle  ne 
l'aidera  pas  moins  à  devenir  un  saint.  A  choi- 
sir entre  les  deux,  elle  préfère  le  saint  au  sa- 
vant, parce  que  le  saint  parle  plus  éloquem- 
ment  par  sa  vie  que  le  savant  par  ses  discours 


LES  DEVOIRS   DU  PRÊTRE.  117 

et  ses  ouvrages  ;  parce  que  la  lumière  de  la 
science  divine  ne  fait  jamais  défaut  à  la  sainteté, 
et  que  la  science,  sans  la  sainteté,  peut  facile- 
ment se  corrompre.   Donc,  l'Eglise  veut  que 
son  prêtre  soit  saint,  et  elle  met  tout.en  œuvre 
pour  cela.  Les  graves  admonestations  qu'elle 
lui  adresse  avant  sa  consécration  ne  sont  que 
le  résumé  d'une  législation  dont  chaque  cha- 
pitre aboutit  à  cette  conclusion  :  a  Sanctifica- 
rnini,  sancti  estote.  »  Tout  y  est  prévu  :  l'habit, 
les  coutumes,  les  œuvres  qui  distinguent  le 
clerc  des  laïques  et,  plus  encore,  des  mon- 
dains, les  longues  et  religieuses  préparations 
par  lesquelles  il  doit  passer  pour  éprouver  et 
affermir  s*â  vocation,  l'usage  qu'il  doit  faire  de 
ses  biens,  l'obligation  qui  lui  incombe,  lorsqu'il 
est  devenu  pasteur  d'âmes,  de  résider  auprès 
de  son  troupeau  et  de  se  mettre  à  son  service, 
la  fidélité,  la  décence,  la  piété  qu'il  doit  appor- 
ter aux  fonctions  de  son  ministère,  les  exerci- 
ces dans  lesquels  il  doit  renouveler  sa  ferveur, 
les  œuvres  de  miséricorde  auxquelles  il  doit 
appliquer  son  temps,  ses  soins,  l'argent  djs 
aumônes  et  des  bénéfices  ecclésiastiques;  enfin, 

Messieurs,  par  cette  législation  la  vie  sacerdo- 

7. 


118  LES   DEVOIRS   DU    PhÊTRE. 

taie  est  réglée  dans  tous  ses  détails.  Auprès  des 
prescriptions  et  des  encouragements  mater- 
nels, les  peines  sévères  témoignent  de  la  solli- 
citude de  l'Eglise,  pour  établir,  en  son  prêtre, 
l'harmonieux  équilibre  de  la  sainteté  du  vie  et 
de  la  sainteté  de  fonctions. 

Il  y  aurait  une  étude  intéressante  à  faire  de 
toute  la  législation  de  l'Eglise  à  ce  sujet.  Nous 
n'avons  pas  le  temps  de  nous  y  engager,  Mes- 
sieurs ;  je  veux  seulement  appeler  votre  atten- 
tion sur  une  loi  qui,  plus  que  toutes  les  autres, 
fait  écho  aux  leçons  que  le  prêtre  reçoit  des 
saints  mystères  ;  une  loi  qui  dit  au  prêtre  ce 
que  lui  disent  les  choses  sacrées  :  Sépare-toi, 
purifie-toi,  donne-toi  ;  c'est  la  loi  du  célibat. 

Je  n'ai  point  à  vous  dire,  actuellement,  les 
gloires  et  les  avantages  du  célibat,  en  tant  qu'il 
est  dans  l'humanité  chrétienne  la  libre  pratique 
d'un  conseil  évangélique:  nous  reviendrons 
plus  tard,  et  à  propos  du  mariage,  sur  cet  in- 
téressant sujet.  Pour  le  moment,  nous  sommes 
en  présence  d'une  loi  ecclésiastique,  née  dès 
les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne,  au 
centre  même  de  la  catholicité,  répandue  de 
l'occident  dans  l'orient,  intrépidement  soutenue 


LES   DEVOIRS   DU   PRÊTRE.  119 

par  les  Souverains-Pontifes  et  les  Conciles, 
contre  le  torrent  des  prévarications,  attaquée 
avec  un  acharnement  diabolique  par  les  pa- 
triarches de  la  réforme,  «  dont  la  tragique 
révolte,  dit  Erasme,  aboutit  à  la  catastrophe 
comique  du  mariage,  et  à  cette  singulière  con- 
tradiction de  donner  en  spectacle  au  monde  les 
basses  rébellions  de  la  chair,  quand  on  préten- 
dait n'agir  que  sous  l'impulsion  de  l'Esprit  de 
Dieu1.  »  Laissons  de  côté  les  féroces  argumenta- 
tions des  marieurs  de  prêtres,  remuant  de  fond 
en  comble  l'Ecriture,  l'histoire  et  la  nature 
humaine,  pour  excuser  leur  besoin  d'entrer  en 
ménage  et  mettons-nous  en  présence  des  admi- 
rables convenances  du  célibat  sacerdotal  :  c'est 
assez  pour  le  justifier. 

Ce  n'est  point  Jésus-Christ  qui  a  imposé  au 
sacerdoce  la  loi  du  célibat,  il  l'a  simplement 
proposée.  Mais  l'Eglise  ne  pouvait  pas  man- 
quer de  demander  à  ses  prêtres  de  se  montrer 
plus  grands,  plus  nobles,  plus  généreux,  dans 

1.  Omnia  tragsedia  exit  In  catastrophen  coraicam.... 
unde  tanta  carnis  rebellio  in  his  qui  se  jactant  agi  spi- 
ritu  Christi?  (  Erasm.,  Epist.  ad  frat.  inferioris  Ger- 
manise.) 


120  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

le  retranchement  des  satisfactions  de  la  chair, 
que  les  prêtres  de  toute  l'antiquité  et  de  tous 
les  peuples,  à  qui  l'instinct  religieux  et  les  di- 
verses législations  ont  toujours  imposé  quelque 
sacrifice.  Non  seulement  la  loi  judaïque  voulait 
que  les  prêtres  fussent  purs,  pour  entrer  dans 
le  sanctuaire,  mais  les  payens,  eux-mêmes,  de- 
mandaient à  l'hiérophante  la  plus  rigoureuse 
continence  *,  et  l'un  d'eux,  orateur  illustre, 
écrivait  :  ce  Pour  moi,  je  suis  persuadé  que 
celui  qui  doit  s'approcher  des  autels,  et  mettre 
la  main  aux  choses  saintes,  ne  doit  pas  être 
seulement  chaste  pendant  un  nombre  de  jours 
déterminés,  mais  qu'il  doit  Pavoir  été  pendant 
toute  sa  vie,  et  ne  s'être  jamais  livré  à  de  viles 
pratiques  ".  »  Si  nous  comparons,  Messieurs, 

\.  Potier' s  greck  antiquities,  tom.  I,  p.  183,  356. 
(Cité  par  J.  de  Maistre  :  Le  pape,  livre  III,  chap.  ni.) 

Les  prêtres  en  Ethiopie  comme  en  Egypte,  étaient 
reclus  et  craid  t  i.t  le  célibat.  (Dryanl's  Milhology  ex- 
pleined,  tom.  1.  p.  281  ;  tom.  III,  p.  240.  —  Loc.  cit.) 

On  retrouve  les  mêmes  idées  au  Pérou,  c  Les  prêtres, 
pendant  la  semaine  de  leur  service,  s'abstenaient  de  leurs 
femmes.  —  I  sacerdoti  nella  settimana  del  loro  servizio 
si  astenevano  dalle  mogli.  »  (Carli  :  Lettere  americane, 
tom.  I.  livre  XIX.  —  Loc.  cit.) 

2.   'Eyo)  (jl£v  YJYoôjjiai  oeïv  tov  eïç  tepàt  eîafovra  xa\T%7Cp^  TO&ç 


Les  devoirs  du  prêtrb.  121 

les  choses  saintes  de  l'antiquité  aux  mystères 
divins  du  Christianisme,  n'est-il  pas  mille  fois 
évident  qu'un  prêtre  vierge  convient  mieux  à 
ces  mystères  qu'un  prêtre  sur  lequel  la  femme 
a  des  droits,  et  dont  la  chair,  soumise  à  de  re- 
doutables devoirs,  risque  d'y  être  blessée  par 
l'aiguillon  mortel  de  la  volupté  ? 

Comment  le  prêtre  habitera-t-il  dans  cette 
sereine  région,  où  il  se  tient  sans  cesse  à  proxi- 
mité de  Dieu,  pour  lui  rendre  les  devoirs  de 
l'humanité,  où  il  ne  doit  toucher  l'humanité 
que  par  les  sommets  sacrés  de  sa  vie  reli- 
gieuse, si,  alourdi  par  le  poids  d'une  famille, 
il  est  obligé  de  descendre  dans  le  monde,  de 
mêler  sa  vie  à  la  vie  du  monde,  de  manier 
des  affaires  vulgaires,  de  discuter  des  in- 
térêts sans  rapports  avec  son  ministère,  s'ils 
ne  tendent  pas  à  le  déconsidérer?  Comment  le 
prêtre  s'assurera-t-il  cette  bonne  et  sainte  re- 
nommée qui  convient  aux  hommes  de  Dieu,  si, 
avec  la  responsabilité  de  ses  propres  actions,  i] 

6eoù;  &rt(A£>elotç  TrpoctàTrjv  !<j&|A£vov,  où/1  Tr:oetpy]u.£vov  %sçcov 
ipiôjxov  àpeuEiv,  <xX>à  t&v  jïtov  tfXov  ^Yv£'JX£'vai  toioutcuv  i~i~rr 
îeuf/àrwv.  (  Demosth.  contra  Trimocrat.,  edit.  Venis., 
1541;  fol.  332.) 


122  LES   DEV3IRS    DU    PRETRE. 

doit  endosser  la  responsabilité  des  actions 
d'une  femme  et  d'une  demi-douzaine  d'enfants? 
Comment  espérer  que  les  consciences,  obligées 
à  désaveux  pour  obtenir  la  grâce  du  pardon, 
viendront,  volontiers,  déposer  leurs  secrets 
dans  le  cœur  d'un  prêtre  à  qui  le  mariage  a 
donné  d'autres  confidents  intimes  que  son 
Dieu?  Le  prêtre,  nous  l'avons  dit,  doit  être 
séparé  :  le  célibat  le  sépare. 

En  le  séparant  il  le  purifie.  Il  lui  épargne  la 
confusion  de  ne  mettre  au  service  du  si  noble 
office  de  la  prière  publique  qu'une  bouche 
avilie  par  les  accents  d'un  amour  profane;  la 
honte  de  passer,  des  embrassements  et  des 
caresses  de  la  créature,  aux  redoutables  et  su- 
blimes attouchements  d'un  Dieu;  la  crainte  de 
n'avoir  pas  le  cœur  assez  libre,  ni  les  mains 
assez  pures,  pour  traiter  saintement  les  signes 
augustes  par  où  passe  la  vie  de  Dieu,  et  où  ré- 
side substantiellement  sa  personne  adorable. 

Ce  ministre  du  plus  grand  des  amours,  ce 
coopérateur  officiel  de  la  Providence,  ce  pléni- 
potentiaire de  la  miséricorde  divine,  comment 
pourra-t-il  être,  sans  réserve  et  à  toute  heure, 
le  serviteur  de  tous,  si  une  loi  naturelle  l'en- 


LES  DEVOIRS   DU   PRÊTRE»  123 

chaîne  à  une  foule  de  services  domestiques? 
Comment  pourra-t-il  multiplier  ses  largesses, 
si  l'économie  du  foyer  ferme  sa  bourse?  Com- 
ment deviencira-t-il  le  promoteur;  l'organisa- 
teur, le  directeur,  le  soutien  de  toutes  les 
bonnes  œuvres ,  s'il  lui  faut  satisfaire  aux 
caprices  d'une  femme,  aviser  aux  besoins  de 
ses  enfants,  faire  leur  éducation,  leur  prépa- 
rer une  carrière,  assurer  leur  avenir,  pourvoir 
à  leur  établissement?  Enfin,  comment  pourra- 
t-il  se  donner  si  la  famille  le  possède? 

Eh  bien,  non,  la  famille  ne  le  possédera  pas; 
car  la  loi  du  célibat  lui  garantit  la  liberté,  et 
l'Eglise  lui  dit  :  Prêtre,  tu  n'appartiens  qu'à 
Dieu  et  à  toi-même;  donne-toi. 

Evidemment,  Messieurs,  la  loi  du  célibat 
est  un  des  plus  puissants  moyens  que  l'Eglise 
puisse  mettre  en  œuvre  pour  aider  le  prêtre  à 
accomplir  son  devoir  de  sainteté.  Quand  bien 
même  elle  serait  postérieure  à  cet  âge  de 
formation,  pour  lequel  le  protestantisme  ré- 
serve sa  profonde  vénération,  il  faudrait  en- 
core en  admirer  les  convenances  et  la  recevoir 
avec  respect.  Mais  il  n'en  va  pas  ainsi.  Un 
Christ  vierge,  des  apôtres  vierges  ou  conti- 


124  LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE. 

nents,  ont  commencé  la  lignée  des  prêtres  céli- 
bataires. Les  docteurs  et  les  conciles  l'ont 
saluée  au  passage,  comme  un  fruit  béni  de 
i'Evangile1;  pourquoi  vouloir  l'interrompre? 
Est-ce  que  cela  regarde  les  laïques  indiscrets 
qui  ont  fort  à  faire  déjà  de  gouverner  leur 
famille,  et  qui  devraient  bien  y  mettre  ordre, 
avant  de  s'occuper  de  marier  le  clergé?  Est-ce 
qu'il  faut  tenir  compte  de  la  lâcheté  de  ceux 

1.  Petrum  solum  invenio  maritum  per  socrum.  Cse- 
teros  cum  maritis  non  invenio,  aut  spadones  intelligam 
necesse  est,  aut  continentes.  (Tertul.,  Lib.  de  mono- 
gamia,  cap.  vin.) 

Christus  virgo,  virgo  Maria,  utriusque  sexus  virgini- 
tatis  dedicavere  principia;  apostoli  vel  virgines,  vel 
post  nuptias  continentes.  Episcopi,  presbyteri,  diaconi, 
aut  virgines  eliguntur.  aut  vidui,  aut  certe  post  sacerdo- 
tium  in  aeternum  pudici.  (S.Hieron.,  Epist.  45  ad  Pam- 
machium,  n°  21.  Apolog.  contra  Jovinian.) 

Quod  apostoli  docuerunt,  et  ipsa  servavit  antiquitas, 
nosquoque  custodiamus.  (Conc.  Carth.  II,  an.  390,  c.  2.) 

Certum  est  impediri  saerificium  indesinens  iis  qui  con- 
jugalibus  necessitatibus  inserviunt.  Unde  videtur  raihi 
illius  solius  esse  offerre  saerificium,  qui  indesinenti  et 
perpetuae  se  devoverit  castitati,  (Origen.  Homil.  23  in 
Numéros) 

Quid  facient  orientis  Ecclesise?  quid  iEgypti  et  sedis 
apostolicae,  quœ  aut  virgines  clericos  accipiunt,  aut  con- 
tinentes; aut  si  uxores  habuerint,  mariti  esse  desistunt? 
(8.  Hieron.,  Li6.  advers.  Vigilantium.) 


LES  DEVOIRS  DU  PRÊTRE.  125 


qui  réclament  la  légitimation  de  leur  faiblesse, 
plutôt  que  de  se  donner  la  peine  de  la  com- 
battre, ou  d'en  expier  les  écarts,  par  un  géné- 
reux et  sincère  repentir?  La  chair  du  prêtre 
est  fragile  comme  celle  de  tout  autre  homme, 
me  dira-t-on.  Oui,  mais  il  a  des  grâces  d'état 
que  n'ont  point  les  autres  hommes  ;  il  sait 
mieux  que  le  commun  des  chrétiens  à  quoi  sert 
la  mortification,  et  comment  il  faut  la  mettre  en 
pratique;  il  est  trop  près  des  saints  mystères 
pour  ne  pas  briser  son  cœur,  et  répandre  des 
larmes  amères,  quand  il  se  sent  indigne  d'y 
prendre  part.  La  chair  du  prêtre  sera-t-elle 
donc  moins  faible,  quand  elle  sera  officiellement 
satisfaite  ?  Ses  fautes  seront-elles  moins  hon- 
teuses, quand  elles  se  compliqueront  d'adul- 
tère? Y  aura-t-il  moins  à  craindre  pour  sa  con- 
sidération, quand  il  pourra  être  déshonoré  par 
la  légèreté  d'une  femme  à  lui,  et  devenir,  aux 
yeux  d'un  monde  libertin,  qui  s'amuse  des 
trahisons  domestiques,  d'autant  plus  ridicule 
qu'il  est  plus  sacré. 

Législateurs  d'aventure,  qui  voulez  modifier 
la  condition  du  clergé ,  laissez  donc  faire 
l'Eglise  ;  elle  est  plus  sage  'nie  vous.  C'est  en 


126  LES   DEVOIRS  DU   PRÊTRE. 

vain  que  vous  vous  armez,  pour  justifier  vos 
prétentions  réformatrices,  de  ce  que  vous 
appelez  les  scandales  du  clergé  :  je  sais  qu'on 
les  exploite,  et  je  vous  dirai,  bientôt,  ce  qu'on 
doit  penser  de  cette  déloyale  exploitation  ;  pour 
le  moment  je  me  contente  de  vous  faire  remar- 
quer que  les  scandales  donnés  dans  une  cor- 
poration ne  sauraient  nuire  à  ceux  qui  y  rem- 
plissent fidèlement  leur  devoir  ;  que  si  les 
ennemis  du  sacerdoce  ont  l'œil  ouvert  sur  ses 
fautes,  les  vrais  chrétiens  doivent  en  détour- 
ner pudiquement  leur  regard,  et  les  couvrir  du 
manteau  de  leur  discrétion  et  de  leur  silence; 
que  c'est  du  côté  des  bons  prêtres  qu'ils  doi- 
vent regarder,  et  dans  l'orbe  de  ces  astres  sa- 
crés, où  brillent  la  science  et  la  sainteté,  qu'ils 
doivent  se  laisser  entraîner. 

Ce  n'est  pas  tout  encore,  Messieurs,  si  vous 
êtes  de  vrais  chrétiens,  vous  vous  associerez  à  la 
prière  que  faisait,  avant  de  mourir,  un  homme 
que  l'Eglise  se  prépare  à  honorer  d'un  culte 
public:  «  Seigneur,  disait  le  vénérable  Grignon 
de  Montfort,  ne  me  rebutez  pas.  Qu'est-ce  que 
je  vous  demonde?  rien  en  ma  faveur,  tout 
pour  votre  gloire.  —  Donnez-nous  des  prêtres 


LES  DEVOIRS  BU  PRÊTRE.  127 

libres  de  votre  liberté,  détachés  de  tout,  sans 
père,  sans  mère,  sans  frères,  sans  sœurs, 
sans  parents  selon  la  chair,  sans  amis  selon 
le  monde,  sans  biens,  sans  embarras,  sans 
soins  et  même  sans  volonté  propre.  Des  escla- 
ves de  votre  amour  et  de  votre  volonté,  des 
hommes  selon  votre  cœur,  qui,  sans  propre 
volonté  qui  les  souille  et  les  arrête,  fassent 
toutes  vos  volontés  et  terrassent  tous  vos 
ennemis...  des  âmes  élevées  de  terre  et  pleines 
de  la  rosée  céleste  qui,  sans  empêchement, 
volent  de  tous  côtés  selon  le  souffle  du  Saint- 
Esprit...  des  gens  toujours  à  votre  main,  tou- 
jours prêts  à  vous  obéir...  à  tout  souffrir  avec 
vous  et  pour  vous...  » 

Oh!  oui,  Messieurs,  demandons  à  Dieu  des 
bons  prêtres.  Le  bon  prêtre  n'est  pas  seule- 
ment l'homme  de  l'Eglise  et  l'homme  de  Dieu  : 
fidèle  à  son  devoir  de  science  et  de  sainteté, 
illuminateur  des  peuples  à  qui  il  apprend  les 
plus  hautes,  les  plus  belles,  les  plus  utiles 
vérités,  prédicateur  de  toutes  les  vertus  par 
son  exemple,  promoteur  de  toutes  les  bonnes 
œuvres,  sacrifié  au  service  de  tous,,  le  bon 
}  prêtre  est  l'homme  social  par  excellence. 


QUATRE-VINGT-DEUXIÈME  CONFÉRENCE 


LES   DROITS   DU   PRETRE 


QUATRE-VINGT  -  DEUXIEME    CONFERENCE 

LES   DROITS    DU   PRÊTRE 


Monseigneur» ,  Messieurs, 

La  consécration  du  prêtre  lui  confère  une 
dignité  que  l'on  pourrait  appeler  divine  ;  cette 
dignité  lui  impose  des  devoirs  de  science  et  de 
sainteté,  dont  l'accomplissement  fait  de  lui 
l'homme  social  par  excellence.  Mais,  en  impo- 
sant des  devoirs,  la  dignité  sacerdotale  crée 
aussi  des  droits  qui  lient  la  société  x  l'égard 
du  prêtre,  comme  lui-même  est  lié  à  l'égard 
de  la  société.  Irrévocables  et  imprescriptibles, 
ces  droits  ont  toujours  été  plus  ou  moins  con- 
testés, alors  même  qu'ils  étaient  inscrits,  d'of- 
fice, clans  les  religieuses  constitutions  des 
peuples  chrétiens;  aujourd'hui,  que  le  droit 

1.  Monseigneur  Richard,  coadjuteur  de  Paris. 


132  LES  DROITS  DU   PRÔTR8. 

public  se  laïcise  à  outrance,  c'est  à  la  suppres- 
sion que  l'on  tend.  Notre  fureur  d'égalité  ne 
veut  plus  tenir  compte  ni  de  la  vocation,  ni  de 
la  consécration,  ni  des  fonctions  du  prêtre,  si 
ce  n'est  pour  exiger  qu'il  se  montre  fidèle  à  ses 
devoirs  et  pour  lui  reprocher  avec  insolence 
les  fautes  qu'il  commet;  quant  à  ses  droits,  il 
n'en  doit  pas  avoir  plus  que  le  dernier  des  ma- 
nœuvres ;  on  le  lui  icra  sentir  par  toutes  sortes 
de  vexations. 

Messieurs,  votre  sens  chrétien  s'indigne  et 
proteste  contre  cette  injustice.  Vous  attendez 
de  moi,  j'en  suis  sûr,  que  je  venge  les  droits 
du  prêtre  du  mépris  avec  lequel  on  affecte  de 
les  traiter,  et  que  je  vous  encourage  à  les  dé- 
fendre. C'est  ce  que  je  vais  faire.  Partant  de 
cette  vérité  :  que  le  prêtre  est  un  fonctionnaire 
divin  dans  le  plus  important  et  le  plus  noble 
des  services  publics,  j'en  tirerai  ces  trois  con- 
clusions :  Premièrement  :  le  prêtre  a  droit  au 
respect  de  la  vocation  qui  le  destine  aux  fonc- 
tions divines;  secondement  :  le  prêtre  a  droit 
à  la  complète  liberté  de  ses  fonctions  ;  troisiè- 
mement :  le  prêtre  a  droit  de  vivre  de  son  ser- 
vice public. 


LES  DROITS  DU  PRÊTRE.  433 

Je  vous  disais  dernièrement,  Messieurs,  que 
l'homme  peuple  est  un  être  collectif  qui  se  doit 
à  Dieu  comme  l'homme  individu,  que  c'est  par 
des  actes  publics  qu'il  exprime  sa  dépendance, 
et  que,  pour  ces  actes  publics,  il  lui  faut  un 
représentant.  —  Ce  représentant,  c'est  le  prê- 
tre. —  Chez  tous  les  peuples  qui  se  respectent, 
on  le  rencontre;  chez  tous  les  peuples  qui  se 
respectent,  la  religion,  dont  le  prêtre  est  le  mi- 
nistre, est  considérée  comme  le  plus  important 
et  le  plus  noble  des  services  publics.  Les  histo- 
riens, aussi  bien  que  les  poètes,  y  ont  vu  la 
plus  sûre  garantie  de  la  grandeur  et  de  la  pros- 
périté des  nations;  les  consciences  la  récla- 
ment, non  seulement  comme  un  acte  solitaire 
et  privé,  par  lequel  chacun  de  nous  satisfait  au 
plus  impérieux  de  ses  devoirs  et  de  ses  besoins, 
mais  comme  une  manifestation  solennelle  de 
ce  qu'il  y  a  de  plus  élevé  et  de  plus  sacré  dans 
les  idées,  les  sentiments  et  la  vie  d'un  peuple. 
Je  sais  bien  que  l'athée  proteste  contre  cette 
manifestation,  dont  il  n'a  pas  besoin,  dit-il  ; 
mais  je  ne  pense  pas  que  la  conscience  de  l'a- 
thée soit  l'étalon  sur  lequel  on  doive  mesurer 
toutes  les  consciences. 


134  LES  DROITS  DU  PRÊTRB. 

Etant  donné  que  la  religion  est  un  devoir  et 
un  besoin  publics  ;  qu'un  homme  sacré  doit 
être  affecté  à  l'accomplissement  de  ce  devoir 
et  à  la  satisfaction  de  ce  besoin;  que  son  service 
est  d'être,  à  la  fois,  le  collecteur  des  choses 
saintes  que  l'humanité  adresse  à  Dieu,  et  le  col- 
lecteur des  choses  saintes  que  Dieu  donne  à 
l'humanité,  en  échange  de  ses  hommages,  en 
droit,  il  appartenait  à  Dieu  seul  de  le  choisir  et 
de  l'établir,  puisque,  en  fait,  Dieu  s'est  réservé 
de  régler  les  rapports  de  l'homme  avec  sa 
Très-Sainte  Majesté;  puisque,  en  fait,  il  est 
intervenu  personnellement  dans  la  vie  reli- 
gieuse de  l'humanité;  puisque,  en  fait,  il  a  po- 
sitivement déterminé  ce  qu'il  attend  de  nous  et 
ce  que  nous  devons  attendre  de  lui.  —  Voilà 
ce  qui  ressort  de  toutes  les  démonstrations 
que  vous  avez  entendues,  depuis  que  je  vous 
expose  la  doctrine  catholique,  et,  particulière- 
ment, depuis  que  nous  étudions  la  question  du 
sacerdoce. 

Pardonnez-moi,  Messieurs,  ce  préambule  un 
peu  long,  qui  n'est,  en  somme,  que  le  rappel 
de  vérités  connues.  Je  tiens  à  bien  affirmer  que, 
dans  le  plus  imporL    \  à\-  Ip  plus  noble  des  ser- 


LES  DROITS  DU  PKÊTRK.  135 

vices  publics,  le  prêtre  reçoit  de  Dieu  seul  son 
caractère  et  ses  pouvoirs,  que,  par  conséquent, 
il  est  un  fonctionnaire  divin.  C'est  donc  lui  faire 
injure  que  de  le  comparer  aux  fonctionnaires 
publics  dont  la  situation,  les  fonctions  et  le  sa- 
laire dépendent  des  suffrages  du  peuple  ou 
du  bon  plaisir  des  gouvernements  ;  et  l'injure 
devient  un  sacrilège,  lorsque,  de  la  théorie  qui 
outrage  la  dignité,  on  passe  à  des  pratiques  qui 
violent  les  droits  et  entravent  l'action  religieuse 
du  sacerdoce. 

Et  maintenant,  laissant  de  côté  les  immuni- 
tés et  les  privilèges  dont  il  a  plu  à  l'Église  de 
se  dessaisir,  ou  contre  la  violation  desquels  elle 
ne  réclame  pas,  arrivons  aux  conclusions  que 
je  vous  ai  annoncées.  La  première  est  celle-ci  : 
le  prêtre  a  droit  au  respect  de  la  vocation  qui 
le  destine  aux  fonctions  divines. 


Le  prêtre  ne  devient  pas  du  jour  au  lende- 
main un  homme  sacré.  Il  faut  que,  après  avoir 


(36  LES   DROITS  DU  PRÊTRB 


entendu  l'appel  de  Dieu,  il  se  prépare  à  la 
m  >térieuse  inscription  de  son  serment.  Sa 
vocation,  ainsi  que  je  vous  l'ai  dit,  lui  vient 
d'en  haut;  il  y  répond  par  un  acte  de  libre 
choix  qui  le  sépare  du  siècle,  sans  l'engager 
encore  irrévocablement  au  service  des  autels. 
A  partir  du  jour  où  il  a  dit  à  Dieu  :  «  Le  Sei- 
gneur est  ma  part  d'héritage  :  Dominus  pars 
hœreditatis  meœ  »,  sa  vie  n'appartient  plus  au 
monde;  il  renonce  aux  carrières  profanes  où 
Ton  voit  s'agiter  et  se  tourmenter  les  enfants 
du  siècle,  à  la  poursuite  des  honneurs,  de  la 
fortune  et  des  plaisirs,  et  il  s'applique  à-acqué- 
rir  ces  deux  choses,  en  lesquelles  se  résument 
tous  les  devoirs  du  sacerdoce  :  la  science  et  la 
sainteté. 

Avec  quel  respect  et  quelle  maternelle  solli- 
citude l'Église  le  dirige  en  sa  divine  vocation  ! 
Elle  obligeait  jadis  ses  clercs,  lorsqu'ils  ne 
pouvaient  ni  fréquenter  les  écoles  publiques,  ni 
se  mettre  à  l'abri  des  dangers  du  monde,  près 
des  murs  hospitaliers  des  cathédrales  et  des 
monastères,  à  s'instruire  isolément,  et  à  faire 
l'apprentissage  de  leur  ministère  près  de  quel- 
que prêtre  éclairé  et  vertueux,  qui  les  condui- 


LES  DROITS  DU  PRÊTRE.  137 

sait,  d*étape  en  étape,  à  travers  les  rangs  de  la 
sainte  hiérarchie,  jusqu'au  sublime  sommet  où 
le  sacrement  de  l'ordre  donne  son  plein,  et  où 
le  lévite  tremblant  entend  retentir  le  serment 
de  Dieu  :  a  Tu  es  prêtre  pour  toujours  :  Tu  es 
sacerdos  in  œternum.  »  Mais,  les  dangers  du 
siècle  grandissant,  et  le  besoin  des  âmes,  tra- 
vaillées avec  plus  d'acharnement  par  l'erreur 
et  le  scandale,  lui  demandant  des  prêtres  de 
plus  de  lumière  et  de  vertu,  l'Église  a  ouvert 
ces  refuges  bénis  où  les  clercs  rassemblés  sont 
l'objet  d'une  longue  et  pieuse  culture. 

Vous  avez  vu,  Messieurs,  ces  grandes  mai- 
sons, d'aspect  sévère,  dont  les  fenêtres  dis- 
crètes ne  laissent  échapper  aucun  bruit,  et  dont 
les  portes  sont  fidèlement  gardées  contre  les 
invasions  du  monde.  C'est  la  patrie  du  silence 
et  du  recueillement.  Il  y  a  là  cent  ou  deux 
cents  jeunes  gens,  soumis  à  une  règle  com- 
mune qui  partagent  leur  temps  entre  l'étude  et 
la  prière.  Groupés  autour  de  quelques  vété- 
rans du  sacerdoce,  ils  apprennent,  de  ces 
maîtres  vénérés,  à  pénétrer  dans  les  mystères1 
de  la  science  sacrée,  et  à  former  leur  vie, 
d'après  la  vie  typique  du  divin  Prêtre  dont  ils 


438  LES  DROITS  DU  PRÊTRE. 

doivent  être  un  jour  les  collaborateurs.  Les 
années  s'écoulent  pour  eux,  tranquilles,  et 
douces,  se  terminant  toutes  par  une  ordi- 
nation qui  les  grandit,  jusqu'à  ce  qu'ils  arri- 
vent au  sacerdoce.  On  appelle  ces  maisons  des 
séminaires  :  des  séminaires,  parce  que  c'est  là 
que  poussent  les  jeunes  plants  qui  doivent  rem- 
placer, dans  le  clergé,  les  arbres  que  la  fatigue 
a  rendus  stériles  et  ceux  que  la  mort  a  ren- 
versés ;  des  séminaires,  parce  que  c'est  là  qu'on 
prépare  et  qu'on  amasse  le  bon  grain  de  vérité 
et  de  vertu  que  la  main  du  prêtre,  divin  semeur, 
doit  répandre  dans  les  âmes. 

Dans  ces  maisons  saintes,  Messieurs,  les 
élus  de  Dieu,  en  apprenant  leurs  devoirs, com- 
mencent à  affirmer  leurs  droits.  Le  premier 
de  tous,  je  viens  de  vous  le  dire,  est  le  droit 
au  respect  de  la  vocation  qui  destine  le  prêtre 
aux  fonctions  divines.  Or,  ce  respect  doit  se 
traduire,  d'abord,  par  une  généreuse  sympa- 
thie toujours  prête  à  venir  en  aide  aux  voca- 
tions sacerdotales.  Dieu  commence  ces  voca- 
tions par  un  appel  mystérieux,  mais  il  nous 
ve  une  part  dans  leur  développement. 
Grâce  à  lui,  depuis  IUo  a  fondé  les 


LES  DROITS   DU  PRÊTRE.  139 

séminaires,  il  s'est  toujours  rencontré  des 
chrétiens  dont  le  cœur  magnifique  et  les 
mains  libérales  l'ont  encouragée  et  soutenue, 
dans  cette  œuvre  de  maternelle  sollicitude  et 
de  sage  prévoyance.  Les  gouvernements  intel- 
ligents ont  compris  que  c'était  un  honneur 
pour  eux,  autant  qu'un  avantage  pour  la 
société,  de  contribuer,  par  des  largesses,  au 
recrutement  et  à  la  formation  des  ouvriers 
évangéliques.  S'ils  retirent  aujourd'hui  leur 
concours,  l'œuvre  de  l'Eglise  ne  sera  pas  com- 
promise, Messieurs;  j'en  ai  le  ferme  espoir, 
car  vous  êtes  là.  Vous  tiendrez  à  vous  mon- 
trer d'autant  plus  respectueux  des  vocations 
sacerdotales  qu'on  affecte,  à  leur  endroit,  plus 
de  dédains,  et  vous  saurez  exprimer  vos  res- 
pects par  des  charités,  qui  permettront  à 
l'Eglise  de  ne  rien  supprimer  dans  la  pieuse 
culture  de  ses  clercs. 

En  second  lieu,  Messieurs,  le  respect  dû 
aux  vocations  sacerdotales  doit  se  traduire 
par  une  religieuse  réserve  qui  interdit,  sur  la 
vie  de  ceux  que  Dieu  a  choisis,  tout  prélè- 
vement capable  d'offenser  la  sainteté  de  leur 
état,  de  troubler   ou  de  compromettre  leur 


4^0  LES   DROITS  DU  PRÊTRE. 

vocation.  Il  serait  plus  qu'étrange  que  des 
sociétés  chrétiennes  eussent  moins  d'égards 
pour  le  sacerdoce  que  les  sociétés  .païennes, 
qui  laissaient  le  prêtre  à  ses  fonctions. 

(.iNolite  tarigereChristosmeos*  .Netouchczpas 
âmes  christs,  dit  l'Eglise,  ils  n'appartiennent 
qu'à  Dieu.  »  —  A  ceux  qui  prétendent  que  l'ère 
des  privilèges  est  passée,  et  que  personne 
ne  peut  plus  être  exempté  des  grands  services 
que  chaque  citoyen  doit  à  son  pays,  l'Eglise 
répond  :  Quels  services  ?  Ne  voyez-vous  pas 
que  mes  lévites  et  mes  prêtres  sont  destinés  et 
appliqués  au  plus  important  et  au  plus  noble 
des  services  publics  ?  N'est-ce  pas  servir  son 
pays  que  d'être  le  représentant  de  ses  senti- 
ments religieux,  et  l'ambassadeur  de  ses  hom- 
mages, près  de  Celui  sans  qui  les  peuples  ne 
seraient  plus  que  de  vils  troupeaux?  N'est-ce 
pas  servir  son  pays  que  d'appeler  sur  lui,  par 
prières  et  par  sacrifices,  les  bénédictions  du 
ciel, dans  la  paix  comme  dans  la  guerre?  N'est- 
ce  pas  servir  son  pays  que  d'être,  auprès  de 
l'ignorance,  l'interprète  des  volontés  divines, 

i.  Psalm.  giv. 


LES  DROITS  DU  PRETRE.  141 

que  d'apprendre  à  tous,  à  partir  de  l'enfance, 
les  grands  mystères  de  leur  origine,  de  leur 
état,  de  leurs  destinées,  et  les  devoirs  qui  font 
l'honnête  homme  et  le  chrétien?  N'est-ce  pas 
servir  son  pays  que  d'avoir  les  mains  cons- 
tamment pleines  des  grâces  qui  régénèrent  et 
vivifient  les  âmes,  et  de  consacrer  sa  vie  à 
guérir  les  plaies,  la  corruption,  les  langueurs, 
les  infirmités  des  consciences  ?  N'est-ce  pas 
servir  son  pays  que  d'être,  auprès  de  toutes 
les  infortunes  et  de  toutes  les  misères  humai- 
nes, le  plénipotentiaire  de  la  miséricorde 
divine?  Que  voulez- vous  de  plus?  que  mes 
lévites  et  mes  prêtres  concourront  de  leurs 
deniers  aux  charges  de  l'État  ?  Vous  le  savez 
bien,  il  y  a  longtemps  que  leur  bourse  est  ou- 
verte ;  prenez-y  ce  qu'il  vous  faut,  mais  ne 
touchez  pas  à  leur  vie  consacrée:  aNolite  ta.n- 
gère  christos  meos.  » 

Ce  n'est  pas  une  prière  que  fait  l'Eglise, 
Messieurs,  c'est  une  loi  qu'elle  a  depuis  long- 
temps édictée.  Les  idolâtres  d'égalité  n'en 
veulent  plus  entendre  parler.  Ils  ne  manquent 
pas  d'éloquence,  pour  prouver  que  les  peuples 
doivent  se  tenir  sur  un  respectable  pied  de 


LES  DROITS  DU  PRÊTRE. 

guerre,  s'ils  veulent  avoir  la  paix;  que,  pour 
résister  aux  masses  qu'on  met  en  branle  au- 
jourd'hui, il  faut  que  tout  le  monde  soit  sol- 
dat ;  qu'il  n'y  a  pas  de  profession  qui  puisse 
exempter  un  citoyen  de  se  mettre  en  état  de 
payer  à  la  patrie  l'impôt  du  sang,  si  elle  en  a 
besoin. 

Il  ne  m'appartient  pas  de  discuter  cette 
théorie  absolue,  dans  son  application  générale, 
ni  de  décrire  les  troubles  profonds  qui  peuvent 
en  résulter  dans  les  services  sociaux.  D'autres 
l'ont  fait  mieux  que  je  ne  saurais  le  faire,  et  là 
où  il  fallait  le  faire;  je  ne  suis,  ici,  que  l'avocat 
des  droits  du  sacerdoce.  Ces  droits,  Messieurs, 
l'Eglise  les  maintient;  car  ils  sont  l'indispen- 
sable protection  de  la  dignité  sacerdotale  et 
des  devoirs  qu'elle  impose.  La  sagesse  di- 
vine nous  a  dit  :  «  Que  celui-là,  seul,  peut 
gravir  les  degrés  de  l'autel ,  la  montagne 
du  Seigneur,  et  servir  dans  le  lieu  saint  dont 
les  mains  sont  innocentes  et  le  cœur  pur1.  » 
—  La  sagesse  humaine,  le  plus  vulgaire  bon 

1.  Quis  ascendet  in  montem  Domini  aut  quis  stabit  in 
loco  sancto  ejus?  Innocena  manibus  et  mundo  corde. 
CPsalm.  xxin.) 


LES   DR0IT8  DU   PRÊTRE.  143 

sens  nous  dit:  qu'un  homme  consacré  par  un 
caractère  divin,  pour  être  un  ministre  de  paix, 
ne  peut  pas  être  un  homme  de  guerre;  que 
celui  qui  a  pour  mission  de  donner  à  tous  la 
vie  divine  ne  peut  pas  être  exposé,  d'office,  à 
donner  la  mort;  que  le  faire  passer  de  l'autel, 
où  il  prie  et  sacrifie  pour  le  peuple,  à  la  ca- 
serne et  aux  camps,  où  on  le  fait  manœuvrer, 
c'est  le  condamner  à  une  métamorphose  non 
moins  ridicule  que  sacrilège;  que,  pour  un 
service  absolument  contraire  à  l'esprit  de  son 
état,  l'arracher  du  poste  sacré,  où  il  doit 
veiller,  jour  et  nuit,  au  salut  de  son  troupeau, 
c'est  blesser  profondément  la  conscience  de 
ceux  qui  comptent,  pour  le  bien  de  leurs  âmes, 
sur  son  ministère  dévoué.  La  sagesse  humaine, 
le  plus  vulgaire  bon  sens  nous  dit  :  que,  la 
vocation  sacerdotale  étant  une  vocation  di- 
vine, personne  ne  peut  avoir  le  droit  d'en 
troubler  la  préparation,  ni  d'en  retarder  l'épa- 
nouissement, en  prélevant,  sur  une  jeune  vie, 
les  années  les  plus  propices  au  développement 
de  l'intelligence,  à  la  formation  du  caractère,  à 
l'acquisition  de  la  science  sacrée  et  des  saintes 
habitudes  çui  font  le  prêtre  éclairé  et  vertueux; 


|44  LES  DROITS  DU   PRÊTRE. 

que  la  licence  des  lieux  où  le  soldat  apprend 
son  métier  est  plus  propre  à  corrompre  une 
âme  pure  qu'à  l'aguerrir  contre  la  contagion 
des  mauvaises  mœurs;  que  le  séminaire  ne 
peut  que  perdre,  en  se  déversant  dans  la  caser- 
ne; et  que  la  caserne  est  un  vestibule  dangereux 
pour  le  séminaire.  Enfin,  aux  naïfs  ou  aux 
rusés  qui  prétendent  que  l'habitude  de  la  dis- 
cipline et  le  sentiment  de  l'honneur  compensent 
la  liberté  des  moeurs  militaires;  que  celui  qui 
a  fait  l'expérience  des  faiblesses  humaines 
deviendra  plus  propre  à  comprendre  et  à  guérir 
les  maux  dont  pâtissent  les  consciences,  le  bon 
sens  le  plus  vulgaire  répond  :  que  les  vénéra- 
bles éducateurs  des  clercs  savent  leur  faire 
prendre  l'habitude  de  la  discipline  et  leur  incul- 
quer le  sentiment  de  l'honneur  aussi  bien  que 
le  ferait  un  capitaine  instructeur  ;  que  la  liberté 
des  mœurs  laisse,  dans  une  âme,  des  souvenirs 
et  des  penchants  qui  peuvent  nuire  à  la  sainteté 
sacerdotale;  finalement,  qu'un  médecin  n'a 
pas  besoin  d'être  malade  pour  connaître  et 
savoir  guérir  les  maladies. 

Quant  à  payer  l'impôt  du  sang,  Messieurs, 
il  n'est  aucun  prêtre  ni  aucun  lévite  qui  s'y 


LES  DROITS   DU   PRÊTRE. 

refuse;  mais  ils  veulent  le  payer  sans  que  la 
loi  de  l'Eglise  soit  violée,  sans  que  leur  voca- 
tion soit  outragée.  N'est-ce  pas  l'impôt  du 
sang  qu'ils  paient  en  ces  pays  lointains  où,  au 
prix  de  mille  fatigues  et  de  mille  dangers,  ils 
implantent,  avec  les  vérités  et  les  vertus  de  l'E- 
vangile, l'estime  et  le  respect  delà  nation  dont 
ils  sont  issus?  N'est-ce  pas  leur  martyre  qui 
sème,  là- bas,  des  chrétiens,  et  devient  comme 
le  pionnier  des  influences  européennes?  L7im« 
pot  du  sang  de  nos  soldats  ne  nous  aurait-il 
pas  coûté  moins  cher,  si  Ton  avait  su  tenir  plus 
de  compte  de  l'impôt  du  sang  de  nos  prêtres, 
et  des  expériences  acquises  dans  les  guerres 
qu'ils  livrent  à  la  barbarie  aux  dépens  de  leur 
vie?  L'impôt  du  sang  !  —  Mais  nos  lévites  et  nos 
prêtres  vous  le  paieront  quand  vous  voudrez. 
Viennent  les  fléaux  qui  dévastent  les  villes  et 
les  campagnes,  vous  les  verrez  aux  premiers 
rangs  de  ceux  qui  se  dévouent.  Viennent  les 
jours  des  sanglantes  collisions,  qui  mettent  le 
pays  en  danger,  vous  pourrez  faire  appel  à 
leur  patriotisme  et  en  user  jusqu'à  la  mort. 
Les  services  ne  manqueront  pas  pour  utiliser, 
dignement  et  saintement,  la  fiévreuse  activité 


146  LES    DROITS   DU   PRÊTRE. 

de  leur  zèle.  Les  hôpitaux,  les  ambulances  et 
les  champs  de  batailles  les  verront  surmonter 
l'écrasante  fatigue  des  nuits  sans  sommeil, 
braver  la  pourriture  et  la  contagion,  affronter, 
sans  les  avoir  provoqués,  les  balles  et  les  obus, 
se  pencher,  avec  amour,  sur  les  blessés  et  sur 
les  mourants,  soigner,  consoler,  bénir,  absou- 
dre, montrer  le  ciel,  recevoir  avec  une  ten- 
dresse et  une  fidélité  d'amis  les  dernières 
volontés  de  ceux  qui  expirent,  mourir,  eux- 
mêmes,  d'une  mort  non  moins  héroïque  et 
glorieuse  que  celle  des  soldats  tués  à  l'ennemi. 
Et  ainsi,  tout  le  monde  sera  satisfait  :  le  pays 
qui  veut  des  sacrifices  et  l'Eglise  qui  veut  des 
respects  pour  la  vocation  de  ses  prêtres. 


II 


Messieurs,  avec  le  respect  de  la  vocation, 
j'ai  demandé  la  liberté  des  fonctions.  C'est  un 
droit  tellement  inhérent  au  caractère  sacerdotal 
qu'on  ne  peut  y  porter  atteinte  sans  contre- 
dire à  la  suprême  autorité  de  Dieu. 


LES  DROITS    t)U  PRÊTRE.  14? 

Les  prêtres  des  faux-dieux,  qu'adoraient  les 
nations,  recevaient  l'Investiture  du  sacerdoce 
des  empereurs  et  des  rois  qui  avaient  confisqué, 
à  leur  profit,  le  souverain  pontificat,  et  ne  pou- 
vaient rien  dire,  ni  rien  faire,  qui  ne  fût  réglé 
par  la  volonté  des  despotes  auxquels  ils  de- 
vaient leurs  fonctions.  Mais,  là  où  le  vrai  Dieu 
est  intervenu personnellementjpour déterminer 
les  rapports  qu'il  veut  avoir  avec  l'humanité,  il 
n'en  va  pas  ainsi;  le  sacerdoce  ne  relève  que 
de  lui.  C'est  notre  cas. 

Encore  une  fois,  Messieurs,  le  prêtre,  notre 
prêtre  à  nous,  tient  de  Dieu  lui-même  et  de 
Dieu  seul  son  caractère  et  ses  fonctions. 

Dieu  l'a  consacré  ;  Dieu  lui  a  dit  :  «  Va,  en- 
seigne et  baptise1;  »  c'est-à-dire  :  a  Prêche  à 
toute  créature  la  vérité  que  je  t'ai  confiée, 
l'Evangile  du  salut  :  Prœdicate  Evangelium 
omni  creaturœ*;  —  donne  à  toute  créature, 
libéralement  et  par  pur  amour,  les  grâces  dont 
.'ai  rempli  tes  mains  consacrées  :  Quod  gratis 


1.  Euntes  doceteomnesgentes,  baptizantes  eos.(Math  , 
cap.  xxviii,  9). 

2.  Marc,  cap.  xvi,  15. 


U8  les  dïioits  nu  rr. ûmR. 

a. xxpislis  gratis  date1.  r>  —  Quand  Dieu  a  dit 
cela,  quel  homme,  si  fort  et  si  puissant  qu'il 
soit,  pourrait  empêcher  le  prêtre  de  dire' et  de 
faire  ce  que  Dieu  lui  a  ordonné  de  dire  et  de 
faire? 

Dès  leur  première  campagne  évangélique, 
les  Apôtres  proclament  audàciou'scnicnt  leur 
droit  à  la  liberté  des  fonctions  sacerdotal  s. 
Consternés  delà  mort  de  leur  maître,  et  à  pciuo 
guéris,  par  les  apparitions  du  divin  ressuscité, 
de  la  déception  qu'avaient  éprouvée  leurs  dé- 
sirs trop  charnels,  ils  étaient  comme  enchaînés 
par  la  crainte  et  la  défiance.  Mais,  le  ciel  s'ou- 
vre, L'Esprit-Saint  descend  et,  en  un  instant. 
leur  langue  muette  se  délie.  Ils  parlent  ces  pu- 
sillanimes, et  avec  quelle  éloquence!  «  RepleLi 
sunt  SpirituSancto  et  cœperunt  loqïii*.  »  L'Es- 
prit,quiles  a  délivrés,  leur  donne,  avec  l'intelli- 
gence des  vérités  qu'ils  doivent  annoncer  au 
monde  et  des  mystères  dont  ils  sont  les  dis- 
pensateurs, le  sentiment  profond  et  invincible 
de  la  liberté  qui  leur  est  duc.  Ils  parlent  sur 


i.  Ifalth.;  en  p.  x,  8. 

2.  AcL,  cap.  ii,  4. 


LES    DROITS    DU    PRÊTRE.  149 

les  places  publiques  et  clans  le  temple.  On  les 
menace,  on  leur  défend  de  parler  au  nom  de 
la  loi.  —  «  Nous  ne  pouvons  pas  nous  taire, 
disent-ils  :  Non  possumus  non  lôqiïi1  :  t>  On 
les  saisit,  on  les  enchaîne,  on  les  met  en  prison, 
on  les  fait  comparaître  en  jugement,  on  leur 
ordonne  de  nouveau  de  se  taire.  —  a  Non, 
non,  il  faut  obéir  à  Dieu  plutôt  qu'aux  hommes: 
0')edire  oportet  Deomncjls  quant  hominibus*.  » 
Et  ce  droit  que  Pierre  affirme, .au  nom  du 
collège  des  premiers  prêtres  de  la  loi  nouvelle, 
Paul  l'affirme  à  ses  disciples  et  veut  qu'ils  en 
usent.  Ce  n'est  pas  des  princes  du  peuple,  ni 
de  la  synagogue,  ni  des  Césars  qu'il  tient  ses 
pouvoirs  sacrés,  mais  «  de  l'unique  médiateur 
de  Dieu  et  des  hommes,  l'homme  Dieu  Jésus- 
Cnrist.  C'est  par  lui  et  en  lui  qu'il  a  été  établi 
prédicateur  et  apôtre*.  On  pourra  le  faire  souf- 
frir, il  ne  sera  pas  confondu:  Patior  sednon 
confyndar*.   On  pourra    l'enchaîner    comme 

1.  Act.,  cap.  iv,  17-20. 

2.  Act .,  cap.  v,  17-29. 

3.  Unus  medialor  Doi  et  hominum  homo  Christus  Je- 
litâ..'.  In  quo  positus  sura  ego  prajdicator  et  apostolus 
fi.  Tim.,  cap.  n,  5-9). 

4   II.  Tim„  cap,  i,  12. 

\ 


150  LES  DROITS  DU   PRÊTRE. 

un  malfaiteur,  qu'importe,  pourvu  qu'on  n'en- 
chaîne  pas  la  parole  de  Dieu  :  Laboro  usque  ad 
vincula  quasi  maie  opefans,  sed  Verbum  Dei 
non  est  alligatum*.  —  Entends-tu,  Timothce? 
je  t'adjure  au  nom  de  Dieu,  au  nom  de  son 
fils  Jésus- Christ,  par  son  avènement  que  nous 
devons  faire  connaître  au  monde,  par  son 
royaume  que  nous  devons  établir,  prêche  la 
parole,  ne  te  lasse  pas  de  l'annoncer  à  temps 
à  contre-temps,  enseigne,  reprends,  prie,  me- 
nace avec  une  patience  invincible  et  une  doc- 
trine sans  reproche*.  —  Et  vous,  hommes  de 
toutes  nations  et  de  toutes  conditions,  re- 
gardez-nous, non  pas  comme  les  vulgaires 
fonctionnaires  des  gouvernements  de  ce  monde, 
mais  comme  les  ministres  du  Christ  et  les  dis- 
pensateurs des  mystères  de  Dieu  :  Sic  nos 
existimet  homo,  ut  ministros  Christi  et  dis* 
pensatores  mysteriorum  Dei%  ». 


1.  Ibid,  cap.  il,  9. 

2.  Tcstificor  coram  Deo  et  Jesu-Christo..v  per  adven- 
tum  ipsius,  et  regnum  cjus  :  Pra3rtica  verbum,  insta  op- 
portune, importune,  argue,  obsecra,  increpa  in  onini 
patientia,  et  doctrina.  (II.  Tim.,  cap.  iv,  1-2J 

3.  I-  Cor.,  cap.  iv,  1. 


LES  DROITS  DU  PRÊTRE.  151 

C'est  Dieu  qui  parle  par  la  bouche  de  ses 
prêtres  ;  c'est  Dieu  qui  répand  ses  dons  par 
leurs  mains  consacrées.  Donc,  Messieurs,  le 
prêtre  a  le  droit  de  dire  à  tous,  en  tout  temps 
et  partout,  toutes  les  vérités  que  Dieu  l'a 
chargé  d'annoncer  au  monde.  Toutes,  enten- 
dez-vous :  celles  qui  transportent  l'esprit 
humain  en  des  régions  mystérieuses  que  la 
raison  ne  peut  atteindre;  celles  qui  révèlent  à 
l'intelligence  étonnée  les  secrets  de  la  sagesse 
divine  ;  celles  qui  éclairent  la  conscience  sur 
ses  devoirs  et  la  volonté  sur  les  droits  chemins 
qu'elle  doit  suivre  ;  celles  qui  flagellent  les 
passions  et  condamnent  les  vices;  celles  qui, 
dans  là  vie  privée,  apprennent  au  chrétien  à 
se  conduire  honnêtement,  pieusement  et  sain- 
tement, celles  qui,  dans  la  vie  publique,  dé- 
masquent les  sinistres  projets  des  ennemis  de 
Dieu,  et  encouragent  les  âmes  à  de  nobles  et 
loyales  oppositions,  dont  le  triomphe  doit  être 
le  salut  des  sociétés.  Le  prêtre  a  le  droit  do 
donner  à  tous,  en  tout  temps  et  partout,  les 
grâces  dont  Dieu  lui  a  confié  la  dispensation  : 
grâces  de  régénération,  de  pardon,  de  récon- 
fort et  de  per[crfinn    Des  qu'une  âme  est  mar- 


153  LES    DROITS    DU    PRÈTJIE. 

du  caractère  qui  l'incorpore  au  Christ,  et 
I  ,  ntrèr  dans  la  famille  des  enfants  de 

-t  soumise  à  l'auguste  pouvoir  du 
o,  jusqu'au  jour  où,  dépouillant  son  en- 
veloppe mortelle,  elle  quitte  la  terre  et  entre 
dans  le  monde  mystérieux  où  se  consomment 
toute  vérité  et  toute  grâce.  Bref,  Messieurs, 
le  royaume  des  âmes  est  le  domaine  du  prêtre; 
il  faut  qu'il  puisse  s'y  mouvoir  à  l'aise  et  y 
exercer  librement  ses  fonctions.  L'opposition, 
d'où  qu'elle  vienne,  est  plus  qu'une  injustice, 
c'est  un  attentat  sacrilège  dont  Dieu  lui-même 
reçoit  directement  l'affront. 

Et  cependant,  que  de  fois  les  pouvoirs  hu- 
mains ont  commis  cet  attentat  !  La  sinistre 
histoire  des  violences  faites  au  ministère  sacer- 
dotal serait  longue  à  raconter.  On  y  voit  plus 
que  des  profanations  de  choses  saintes  et 
des  contraintes  de  personnes,  on  y  voit  du 
sai; 

Les  conquêtes  tant  prônées   de  la  liberté 
pas  fait  aux  fonctions  sacerdotales  une 
ition  plus  avantageuse  et  plus  facile;  il 
semble  môme  que  leur  libre  exercice  soit,  au- 
jourd'hui, d'autant  plus  compromis  que  Ton 


LES   DROITS  DU   PRÊTIIE.  153 

r;  t  plus  d'art  à  l'entraver.  Les  lugubres 
apôtres  des  doctrines  qui  menacent  l'ordre 
social  peuvent  se  réunir,  e4  pousser  impuné- 
ment leurs  sauvages  cris  de  guerre.  Les  démo- 
ralisa teursdu  peuple  ont  franchise,  pour  toutes 
les  publications  de  plume  et  de  crayon  des- 
tihéefa  à  répandre,  jusque  dans  les  lieux  où 
l'enfance  apprend  à  penser  et  à  vivre,  l'impiété 
et  la  corruption.  Mais,  autour  du  prêtre,  il  y  a 
comme  un  investissement  de  forces  ennemies, 
qui  arrête  au  passage  la  vérité  dont  il  est 
l'apôtre,  la  grâce  dont  il  est  le  dispensateur. 
On  lui  interdit  l'entrée  des  écoles,  de  peur  qu'il 
n  y  parle  de  Dieu,  des  vérités  de  la  religion, 
des  devoirs  du  chrétien  ;  on  le  consigne  à  la 
porte  clés  hôpitaux,  comme  si  les  consolations 
et  les  sacrements  qu'il  y  apporte  étaient  de3 
poisons  dont  les  malades  doivent  se  délier  ;  on 
supprime,  en  maint  endroit,  où  une  sage  pré- 
voyance l'avait  établi,  le  grand  service  public, 
le  service  religieux,  dont  il  est  le  fonction- 
naire divin  ;  on  invente  je  ne  sais  quel  bizarre 
dédoublement  de  sa  personne,  qui  ne  lui  per- 
met pas  d'éclairer,  sans  danger,  la  conscience 
des  chréticns;  dès  qu'il  s'agit  d'accomplir  un 


154  LES  DROITS  DU  PRÊTRE. 

_  __^ —        i— — — ^ 

devoir  politique  ;  on  surveille  sa  parole,  on  la 
mesure  d'après  des  lois  mesquines  et  tracas- 
sières,  et  on  en  punit,  administrativement,  les 
prétendus  écarts  par  des  vexations  dont  le 
ridicule  le  dispute  à  l'injustice  ;  enfin,  on  veut 
l'interner  dans  son  église  et  dans  sa  sacristie, 
jusqu'à  ce  qu'on  l'en  chasse.  Ceux  qui  voudront 
de  lui  iront  le  chercher;  mais  lui  ne  doit  plus 
aller  chercher  personne. 

Ainsi  donc, les  hommes  lui  disent  :  — attends, 
— lorsque  Dieu  lui  dit  :  — Va,  enseigne  et  donne 
la  grâce.  —  Qui  doit  avoir  raison,  Messieurs, 
de  la  souveraine  autorité  de  Dieu  ou  des  pou- 
voirs humains?  Il  n'y  a  pas  à  hésiter.  Dieu  com- 
mande; donc,  il  veut  que  son  prêtre  puisse  lui 
obéir.  En  empêchant  ses  fonctions  c'est  Dieu 
qu'on  prétend  lier  dans  l'exercice  de  sa  puis- 
sance, dans  l'expansion  de  son  amour  et  de 
ses  dons.  Attentat  sacrilège  compliqué  d'une 
double  lâcheté  :  lâcheté  contre  le  prêtre  que 
l'on  vexe  et  que  l'on  persécute,  parce  qu'on 
sait  qu'il  aime  mieux  souffrir  que  de  se  ré- 
volter ;  lâcheté  contre  des  êtres  innocents  et 
faibles,  chez  lesquels  on  outrage  la  dignité 
humaine,  et  dont  on  viole  les  consciences,  en 


LES   DROITS  DU  PRÊTRE.  155 

les  privant  des  biens  spirituels  auxquels  ils 
ont  droit  et  sans  lesquels  ils  ne  peuvent  se 
sauver. 

Vous  êtes  indignés  de  ces  iniquités,  Mes- 
sieurs ;  mais,  sans  y  prendre  garde,  n'en  êtes- 
vous  pas  un  peu  les  complices?  Au  lieu  de 
vous  soumettre  au  ministère  du  prêtre,  avec  la 
simplicité  et  la  générosité  qui  conviennent  à 
des  chrétiens  ;  au  lieu  de  lui  laisser  dans  vos 
âmes  dociles  la  pleine  liberté  de  ses  fonctions, 
n'êtes-vous  pas  de  ces  délicats  qui  ne  veulent 
pas  entendre  le  non  licet  dont  l'apôtre  se  sert 
pour  flageller  les  passions  et  les  vices;  qui 
disent  aux  ministres  de  Dieu,  comme  autrefois 
les  juifs  aux  prophètes  :  «  Faites-nous  enten- 
dre des  paroles  agréables  et  flatteuses  :  Loqui- 
mini  nobis  placentia;  cachez-nous  cette  voie 
étroite,  éloignez  de  nous  ce  sentier  difficile  : 
Auferte  a  me  viam,  declinate  a  me  semitam  ; 
ne  forcez  pas  la  note  de  vos  prédications,  et  ces- 
sez de  nous  proposer  une  sainteté  impossible  : 
Cesset  a  facie  nostra  sanctus  Israël1  ?  »  N'êtes- 
vous  pas  de  ces  chrétiens  dégénérés  à  qui  saint 

t.  Isai.,  cap.  XJ   10  il, 


IbG  LES  DROITS  DU  PRÊTRE. 

Paul  reproche  oc  de  rechercher  les  nouveautés 
profanes  et  les  questions  frivoles,  plutôt  que  la 
saine  doctrine  de  l'Evangile,  et  de  préférer, 
entre  tous  les  maîtres,  ceux  qui  chatouillent  les 
oreilles,  plutôt  que  ceux  qui  châtient  les  désirs 
corrompus  du  cœur1?  »  Depuis  dix  ans,  vingt 
ans,  trente  ans,  peut-être,  le  prêtre  frappe  à 
la  porte  de  vos  cœurs,  les  mains  pleines  de 
grâces,  ne  lui  dites-vous  pas  :  —  Attendez,  il 
n'est  pas  temps  encore;  plus  tard,  nous  ver- 
rons. 

S'il  en  est  ainsi,  Messieurs,  l'indignation 
vous  sied  mal, puisque,  vous-mêmes,  vous  faites 
obstacle  à  la  sainte  liberté  des  fonctions  sacer- 
dotales. Ouvrez  vos  âmes,  laissez  le  prêtre  y 
entrer  et  y  agir  librement,  et  alors  vous  pour- 
rez, raisonnablement  et  efficacement,  protester 
avec  nous  contre  les  ennemis  de  notre  liberté. 
—  Ils  osent  se  promettre  de  l'étouffer  ;  mais  on 
n'étouffe  pas  plus  les  libertés  qui  viennent  do 
Dieu  qu'on  n'étouffe  les  eaux  qui  descendent, 
par  de  mystérieuses  artères, des  montagnes  aux 
vallées.  Bouchez  une  source,  vous  l'entendiez 

1.  II.  Tim.,  cap.  n,  1G  23  ;  —  cap    iv,  31. 


LES   DROITS   DU   PIIÊTRS.  157 

sourdre  et  la  verrez  jaillir  à  quelques  pas  delà, 
plus  abondante  et  plus  vive.  Ainsi  en  sera-t-il 
clc  la  liberté  sacerdotale.  Que  si,  pourtant,  on 
pouvait,  en  entassant  les  obstacles,  l'empêcher 
de  répandre  sur  nos  contrées,  aujourd'hui 
chrétiennes,  les  deux  grands  bienfaits  de  Dieu, 
la  vérité  et  la  grâce,  comme  l'eau  des  sources 
elle  se  ferait  un  chemin  vers  d'autres  pays, 
dont  elle  irait  féconder  les  terres  arides;  lais- 
sant les  générations  ingrates,  qui  auraient  dé- 
tourné son  cours,  s'éteindre  misérablement 
dans  le  ténébreux  désert  de  l'erreur  et  de  la 
corruption.  Que  Dieu  nous  préserve  d'un  pareil 
malheurl 


III 


J'arrive,  Messieurs,  à  ma  troisième  conclu- 
sion :  le  prêtre  a  le  droit  de  vivre  de  son  service 
public. 

Ce  droit  était  écrit  dans  la  nature,  avant 
d'être  écrit  dans  aucune  toi  divine  ou  humaine. 


158  LES   DROITS  DU   PRÊTRE. 

Dès  que,  pour  les  besoins  des  sociétés  qui  se 
formaient,  le  sacerdoce  sortit  de  la  famille  et 
devint  un  ministère  public,  les  âmes  vraiment 
religieuses  comprirent  que,  en  échange  du 
grand  service  qui  lui  était  dévolu,  on  lui  devait 
un  hommage  ;  que  le  prêtre,  représentant  de 
Dieu  auprès  de  l'humanité,  ne  pouvait  plus  être 
astreint  aux  sollicitudes  vulgaires  qui  rabais- 
seraient la  dignité  de  sa  médiation  et  en  gêne- 
raient le  libre  exercice;  qu'il  avait  le  droit  de 
prélever  sa  part  sur  le  tribut  que  celui  qui  pos- 
sède doit  au  maître  suprême  et  au  libéral  dis- 
pensateur de  tous  les  biens.  Abraham,  après 
sa  victoire,  se  prosterne  devant  Melchisédech, 
prêtre  du  Très-Haut,  -pour  être  béni,  et  lui 
offre  la  dixième  partie  du  butin  qu'il  a  enlevé 
aux  rois  ennemis1.  «  Or,  Melchisédech,  dit 
saint  Chrysostôme,  est  le  type  du  sacerdoce  de 
la  loi  nouvelle;  Abraham  remplit  auprès  de  lui 
le  rôle  dos  laïques.  Ce  rôle  se  déclare  en  deux 
manières  :  d'abord,  en  ce  qu'Abraham  donne  à 
MelchiscdeGh  Fàssistancè  temporelle  que  les 
prêtre.-  doivent  recevoir  des  laïques,  en  second 

1.  Gen.,cap.  XIV,   18,19,  20. 


LES  DROITS  DU  PRÊTRE.  159 

llou,  en  ce  qu'il  reçoit  la  bénédiction  que  les 
laïques  attendent  des  pontifes1.   » 

C'est  d'après  cette  loi  de  nature,  Messieurs, 
que  Dieu  règle,  chez  son  peuple,  la  condition 
de  tout  le  corps  sacerdotal.  Lôvi  appartient  au 
Seigneur  et  le  Seigneur  est  son  partage  :  c'est 
pou,  juoi  on  ne  lui  donne  point  de  part  dans 
les  terres  et  les  biens  distribués  à  ses  frères 
des  autres  tribus*;  mais  tous  lui  doivent  une 
redevance,  qui  est  l'hommage  rendu  au  Sei- 
gneur; de  cet  hommage  toute  la  tribu  sacerdo- 
tale se  nourrit,  et,  avec  elle,  l'étranger,  la 
veuve  et  l'orphelin1. 


t.    'AÀX'  ovroç  6    'Kopaàa  ô  icp^fovoç  tojv  Xeut-cwv   x.i\   rwv 

'louîa'lXWV  '.:-S{'(-)v.  i~À  TOÎ  M£A'/'.-£.0£/.,  8;  rv  TU7C0Ç  Tr;  xoG  '  r/;.aç 

UfdxytivT.ç,  fcaïxou  ra|iv  ètceïxê'  xa)  tûDto  o-.  '  â|Acporspa)v  ivr/u-ni, 
xcà  Sià  xoo  Sôûvai  lï/.i-.ry  ocurâr  of  yàp  Xaûcoi  toTç  Isosûct  Ta? 
osxaxa;  SiSdxffr  xai  oxi  ïjùXoy^ÔY)  rcap 'àutou'  of  va-  Xatxc  i 

to)v  tepéuw  aftoyouvrat.  (S.  Chrysost.,  Acîuer.sus  Judxus, 
serm.  VII, 

2.  Quamobrem  non  habuit  Levi  partem  neque  posées 
sionem  cura  fratribus  suis  ;  quia  ipso  Dominus  possessk 
ejus  est.  (Deuter.,  cap.  x,  9.) 

3.  Et  Lévites  qui  intra  partes  tuas  est  :  cave  ne  derelin- 
quas  cum,  quia  non  habet  aliam  pnrtem  in  posses.sione 
tua  ..  anno  tertio  separabis  aliam  decimam...  venietque 
Lévites  qui  aliam  non  habet  partem  nec  possessionem 
tecum,  et  peregrinus,  ac  pupillus,  et  vidua   qui    intra 


ICO  LES   DROITS   DU   PltÊTrtE. 

Iî  .-s'agissait  d'un  impôt  rigoureux  que  la  loi 
nouvelle  n'a  pas  confirme.  En  instituant  son 
sacerdoce  d'amour,  non  seulement  le  Christ 
rie  lui  a  rien  donne,  mais  il  l'a  dépouillé  de 
tout  :  <i  Vous  ne  posséderez,  dit-il,  ni  or,  ni 
argent,  ni  monnaie  dans  vos  ceintures,  ni  sac 
de  route,  ni  deux  tuniques,  ni  chaussures,  ni 
bâton*.*  Les  condamne-  t-il,  parla,  aune  misère 
basse  et  honteuse?  Non,  Messieurs.  Il  leur 
apprend  le  détachement  du  cœur,  le  mépris 
des  biens  que  les  hommes  se  transmettent, 
parce  qu'ils  les-  considèrent  comme  une  partie 
d'eux-mêmes;  mais  il  leur  assure,  en  môme 
temps,  un  patrimoine  qui,  pour  n'être  pas  de 
même  nature  que  celui  dont  le  possesseur  peut 
dire  :  — c'est  à  moi,  — doit  cependant  les  ré- 
compenser avec  honneur  de  leurs  travaux  ;  car 
il  ajoute  :  a  Dignus  est operurius mer cède  sua*: 
l'ouvrier  est  digne  de  sa  récompense.  »  Cette 

parles  tuas  surit,  et  comedent  et  saturabuntur.  (Deuter., 
cap.  xiv,  27-29.) 

1.  Nolite  possidere  aurnm,  neque  argentum,  neque 
pecuniam  in  7.01113  vestpia  :  non  peram  in  via,  neque 
duas  tunicas,  neque  culeearnenta,  neque  virgani.(Matlh.. 
cap.  x,  (J.) 

%.  Ibid. 


LES   DROITS   DU   PRÊTRE.  161 

récompense,  il  ne  la  détermine  pas;  il  cpmpte 
sur  la  conscience  et  la  site  des  généra- 

tions nouvelles  auxquelles  il  va  donner  un 
cœur  filial ,  à  la  place  du  cœur  servile  qui 
battait  dans  la  poitrine  de  l'ancien  peuple  de 
Dieu.  Lui-môme,  avec  ses  premiers  prêtres,  il 
vit  de  l'assistance  de  ceux  qui  bénéficient  de 
son  ministère;  affirmant,  ainsi,  le  choit  de  tous 
les  prêtres  qui  viendront  après  lui. 

Ce  droit  est  formel,  dit  l'apôtre  saint  Paul. 
Le  bon  sens,  la  loi,  le  Christ  le  proclament. 
«  Si  nous  semons  parmi  vous  les  biens  spiri- 
tuels, est-ce  une  si  grande  affaire  que  nous 
moissorfnions  un  peu  de  vos  biens  temporels? 
Ne  savex-voas  pas  que  les  ministres  du  temple 
mangent  de  ce  qui  appartient  au  temple,  et  que 
ceux  qui  servent  à  l'autel  ont  part  aux  oblations 
de  l'autel?  Ainsi,  le  Seigneur  a  pareillement 
établi  que  ceux  qui  annoncent  l'Evangile  doi- 
vent vivre  de  l'Evangile:  Ita  et  Dominus  ordi- 
navil  ci*  qui  Evangelium  annuntiant ,  do 
Evangelio  vivere  *.  » 


!.  si  nos  vobis  spiritualia  scmjnavimus,  magnum   est 
si  nos  carnalia  vestra  luttainus  '  is  quoniam  qui 


(62  LES   DROITS   DU    PHÊTllE. 

Le  prêtre  doit  vivre  de  l'Evangile  et  en  doit 
vivre  avec  honneur.  Obligé  à  ce  détachement 
de  cœur  qui  l'empêche  de  considérer  comme 
siens  des  biens  donnés,  dont  il  ne  peut  être 
que  le  dépositaire  et  le  dispensateur,  il  n'en 
doit  prendre  pour  lui-même  que  ce  qui  suffit  à 
ses  besoins,  et  dire  avec  l'Apôtre  :  «  Pourvu 
que  nous  ayons  de  quoi  nous  nourrir  et  nous 
vêtir,  nous  sommes  contents  :  Habentes  ali- 
menta ,  et  quibus  tegamur,  his  contenti  su- 
mus.  » 

Mais,  encore,  faut-il  qu'il  puisse  avoir  cet 
humble  et  légitime  contentement.  Il  n'est  pas 
bon,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  remarqué,  en 
traitant  la  question  de  l'indépendance  de 
l'Eglise1,  il  n'est  pas  bon  que  la  pauvreté  du 
prêtre  soit  une  charge  perpétuelle  qui  pèse  sur 
les  fidèles;  il  n'est  pas  bon  que  les  caprices,  ou 
la  lassitude  du  peuple  chrétien,  l'obligent  à 
une  laborieuse  et  humiliante  mendicité;  il  n'est 

in  sacrario  operantur,  quac  de  sacrario  sunt  edunt;  et  qui 
altari  deserviunt,  cum  altari  participant  ?  Ita  et  Domi- 
nus  ordinavit  iis  qui  Evangelium  annuntiant,  do  Evan- 
gelio  vivere.  (I  Cor.,  cap.  ix,  4-14.) 

I.  Cf.  Cinquante-neuvième  conférence  :  L'Eglise  et  le§ 
$ociètès  humaine*. 


LES   DROITS   DU   PItÊTRB.  163 

pas  bon  que  le  côté  humain  de  sa  vie  soit 
comme  enchaîné  par  des  nécessités  matérielles 
qui  absorbent  son  temps,  ses  sollicitudes  et  ses 
forces, au  détriment  de  son  ministère,  et  créent 
des  servitudes  nuisibles  à  la  parfaite  liberté 
dont  il  doit  jouir  pour  l'accomplissement  de 
sa  mission  et  l'exercice  de  son  pouvoir;  il 
n'est  pas  bon  que  la  question  du  vivre,  du 
vêtement  et  du  logement  se  pose  quotidienne- 
ment pour  lui,  quand  le  devoir  l'appelle  à  la 
prière,  au  sacrifice,  à  la  prédication,  à  l'ensei- 
gnement, à  l'administration  des  sacrements, 
auprès  des  pauvres,  des  affligés,  des  malades, 
des  mourants  et  des  morts;  il  n'est  pas  bon 
qu'on  puisse  mettre  la  grandeur  et  la  sublimité 
de  ses  fonctions  divines  en  regard  d'une  pro- 
fession vulgaire;  il  n'est  pas  bon  qu'un  métier 
ou  un  négoce  quelconque  l'exposent  à  des 
désirs,  à  des  avidités,  à  des  calculs,  à  des 
démarches,  à  des  agissements  qui  nuiraient 
infailliblement  à  sa  considération.  Et,  d'autra 
part,  il  est  raisonnable,  il  est  juste,  il  est 
nécessaire  qu'il  puisse  faire  honneur  aux  obli- 
gations multiples  que  lui  crée  son  ministère 
d'amour. Les  misères  spirituelles,  qu'il  soulage 


iGi  LES   DftOlTS   DU   PUÊTIlfi. 

et  qu'il  guérit,  avoisinerit  souvent  des  misôrca 
corporelles  auxquelles  il  ne  peut  jkis  être  in- 
-:blo;  et  les  malheureux,  qui  reçoivent  de 
lui  les  grands  biens  de  la  vérité  et  de  la  grâce, 
ont  pris  l'habitude  de  le  considérer  comme 
l'aumônier  général  de  la  Providence.  C'est  à 
lui  qu'ils  vont  d'instinct,  comme  à  leur  naturel 
refuge;  o'est  à  lui  que  se  montrent,  de  préfé- 
rence, les  infortunes  qui  craignent  de  ne  pou- 
voir pas  toucher  le  cœur  des  autres  hommes; 
c'est  à  lui  que  se  révèle  la  pauvreté  honteuse. 
Ne  faut-il  pas  qu'il  ait,  avec  un  cœur  compa- 
tissant, des  mains  toujours  ouvertes?  Et  coin» 
ment  "donnera- tril,  s'il  n'a  pas  reçu,  je  ne  dis 
pas  son  salaire,  c'est  un  mot  qui  jure  contre  la 
gratuité  de  ses  saintes  fonctions,  mais  le  libre 
hommage  et  le  juste  tribut  dû  à  son  noble  et 
important  service  ? 

Messieurs,  ces  impérieuses  nécessités  et  ces 
hautes  convenances  ont  été  comprises  par  le 
peuplé  chrétien.  Dès  l'origine  de  l'Eglise,  nous 
»ns  les  fidèles  donner  l'hospitalité  aux 
apôtres,  leur  apporter  le  prix  des  biens  dont 
ils  se  dépouillent  volontairement,  prévenir 
leurs  besoins,   venir  en   aide  à   toutes  leurs 


t£S   DROITS   DU   PltÊTÏlE.  16Ê 

bonnes  couvres,  leur  envoyer,  de  loin,' l'euro 
linccs  au  soulagement  des  E'gJ/- 
s js  nouvellement  fondées.  S-'ous  le  règne  san- 
glant des  empereurs  payons  ,  les  patriciens 
ce  nvertis  cèdent  aux  prêtres  leurs  maisons  et 
leurs  biens.  Enfin,  le  droit  sacerdotal  s'affir- 
mant  davantage,  à  mesure  que  la  société  chré- 
tienne grandit  et  réclame  plus  de  sollicitudes 
et  de  soins,  des  libéralités  intelligentes  et 
dévouées  conspirent  à  créer  les  bénéfices  qui 
assurent  définiîivcmcnt  au  prêtre  une  vie  ho- 
norable et  indépendante,  lui  permettent  de  ne 
passe  distraire  de  ses  saintes  fonctions  et  de 
satisfaire  largement  à  ses  obligations  de  cha- 
rité. «  Ce  fut  le  mérite  et  la  gloire  des  siècles 
de  désintéressement  et  de  foi,  dit  un  de  nos 
grands  évoques,  de  placer  le  sacerdoce  dans 
une  situation  prospère  qui  le  garantissait 
contre  le  délaissement  des  siècles  plus  positifs 
et  moins  religieux1.  » 

Mais,  les  siècles  de  désintéressement  et  de 
foi  avaient  compté  sans  le   brigandage   des 

1.  Cardinal  Pie.  Œuvres  complètes,  Tom.  V,   p. 
Instruction  pastorale  sur   le  denier  de  saint  Pierra 


166  LES   DROITS    DU    PRÊTRB. 

# 

révolutions.  Dieu  l'a  permis,  Messieurs,  pour 
thâtier,  sans  doute,  les  abus  d'une  prospérité 
temporelle  qui,  détournée  de  son  emploi  légi- 
time ,  conspirait  contre  le  désintéressement 
évangélique,  et  devenait  une  scandaleuse  ser- 
vitude au  lieu  d'être  une  source  de  noble 
indépendance.  Abus  dans  le  clergé,  où  il  s'est 
rencontré,  malheureusement,  un  trop  grand 
nombre  de  prélats  et  de  prêtres  oublieux  des 
conseils  de  Jésus- Christ ,  des  maximes  de 
l'Apôtre  et  des  intentions  des  fondateurs  do 
bénéfices ,  aspirant  aux  grasses  prébendes , 
pratiquant  le  cumul,  détournant  au  profit 
d'une  vie  molle,  oisive  et  luxueuse  des  bien  3 
destinés  à  la  splendeur  du  culte  et  au  soulage- 
ment des  malheureux;  mais,  bien  plus  encore, 
abus  de  la  puissance  séculière,  envahissant, 
par  ruse  ou  par  violence,  les  biens  d'Eglise, 
usant,  sans  vergogne,  de  ceux  qu'elle  devait 
protéger  pour  récompenser  des  services  pro- 
fanes, payer  des  intrigants,  gorger  des  favoris 
ou  doter  des  bâtards.  C'est  en  vain  que  l'Eglise 
protestait  contre  ces  abus,  la  pente  était  prise 
et  Dieu  seul  pouvait,  par  un  coup  de  maitre, 
remédier  au  mal  qui  menaçait  de  corrompre, 


LES   DROITS  DU   PRÊTRE.  467 

avec  le  sacerdoce,  les  biens  mômes  dont  la 
libéralité  des  fidèles  l'avait  doté^  Il  trouva  bon 
de  supprimer  la  cause  de  ce  mal  en  lâchant 
les  voleurs. 

Rois,  princes  ou  peuples,  ils  ont  fait  aujour- 
d'hui leur  œuvre  en  divers  pays  ;  le  nôtre,  vous 
le  savez,  n'a  pas  été  épargné.  Permettez-moi, 
Messieurs,  de  ne  pas  approfondir  ce  mystère 
de  justice  divine  et  d'iniquité  humaine.  Il  a  pu 
modifier  la  condition  temporelle  du  clergé, 
mais  il  n'a  pas  entamé  son  droit,  et  l'Eglise, 
tout  en  faisant,  pour  le  bien  de  la  paix,  des 
concessions  aux  ravisseurs  de  ses  propriétés, 
n'entend  point  sacrifier  le  principe  qui  assure 
à  ses  prêtres  la  rémunération  de  leur  service 
public.  Après  le  pillage  officiel  des  biens  offerts 
par  la  libéralité  des  fidèles,  les  compensations 
et  indemnités  qu'a  pu  obtenir  l'Eglise  sont  des 
choses  sacrées  que  le  débiteur,  de  quelque 
nom  qu'il  s'appelle,  ne  peut  ni  faire  attendre,, 
ni  rogner,  ni  supprimer  sans  se  rendre  cou- 
pable d'une  sacrilège  injustice. 

Si,  cependant,  les  misérables  prétextes  qu'on 
invoque  pour  se  débarrasser  de  cette  charge 
publique  venaient  à  triompher  de  la  conscience 


403  LES  DROITS  DU  TRÉTRE. 


slateurs,  qu'arriverait-il?  Le  droit  ne 
i  point  changé,  Messieurs,  mais,  tout  sim- 
plement, le  sacerdoce  reviendrait  à  son  point 
départ;  l'Église  renouvellerait  avec  plus 
d'instance  les  exhortations  qu'elle  adressait 
au  peuple  chrétien  à  l'époque  où  le  protestan- 
tisme commençait  à  la  voler1,  et  le  peuple 
chrétien  ferait  pour  le  prêtre  ce  qu'il  a  fait 
pour  les  œuvres  catholiques ,  ^depuis  que 
î  Eglise  ne  peut  plus  les  soutenir  comme  aux 
jours  de  sa  prospérité.  Il  a  pris  à  sa  charge  les 
ignorants,  les  orphelins,  les  pauvres,  les  ma- 
lades, les  infirmes  ;  il  prendra  à  sa  charge  le 
prêtre  pauvre  et  persécuté,  il  partagera  avec 
lui  son  pain  et  accomplira  joyeusement,  à  son 
égard,  le  précepte  du  Seigneur  :  «  Dominus 
cjrdinavit  lis  qui  Evangelium  annuntiant  de 
igeliovivere.  »  Et  cela,  Messieurs,  jusqu'à 
ce  que  le  bon  sens  public,  triomphant  des 
haines,  des  sophismes,  des  attentats  de  l'im- 

i.  Hortamur  dehinc  omnes  et  singulos,  pro  christiana 
carilaledcbitoque  erga  pastoressuosmunere,  ut,  de  bonis 
sibi  a  J'co  collatis,  episcopis  et  parochis  qui  tcnuioril  us 
unt  Ecclosiis  large  subvenir^,  ad  Dei  laudem,  atque 
ad  pastorum  suorum,  qui  pro  ois  mvigilant,  dignitatem 
tuendam,  negraventur.  'Conc.  Trid.,Sess.  xxv  ,  cap.  m.) 


LES   DROITS  DU  PRÊTRE.  J69 

pieté  révolutionnaire,  s'indigne  de  voir  les 
fonctionnaires  de  Dieu  condamnés  aux  soucis 
et  aux  aventures  de  la  mendicité,  et  recon- 
naisse solennellement  leur  droit,  sous  quelque 
forme  nouvelle  en  rapport  avec  la  condition 
et  les  besoins  des  sociétés  modernes. 

Ayons  confiance,  Dieu  n'abandonnera  pas 
son  prêtre;  car,  en  l'appelant  et  en  le  consa- 
crant, il  a  engagé  envers  lui  sa  providence 
plus  qu'envers  tous  les  autres  hommes.  Il  lui 
doit  des  Honneurs  pour  son  èmînente  dignité, 
des  grâces  spéciales  pour  l'accomplissement 
de  ses  devoirs;  il  saura  bien,  sous  quelque 
forme  que  ce  soit,  protéger  ses  droits  au  res- 
pect, à  la  liberté,  à  la  vie. 


QUATRE-VINGT^ROISIÈME  CONFÉRENCE 


LE  GENERATEUR  DO   SACERDOCE 


QUATRE- VINGT -TROISIEME   CONFERENCE 


LE    GENERATEUR    DU'    SACERUUCiS 


Messeigncurs  i,  Messieurs, 

D'où  vient  la  consécration  sacerdotale?  d'où 
cette  mystérieuse  et  toute-puissante  vertu  qui 
saisit  l'âme  du  prêtre,  la  transforme  et  lui 
donne  comme  un  nouvel  être;  d'où  l'inscrip- 
tion du  serment  de  Dieu  dans  cette  âme,  ce 
caractère  indestructible  qu'elle  emporte  jusque 
dans  l'autre  monde,  pour  son  éternelle  gloire 
ou  son  éternelle  confusion;  d'où  ces  grâces 
excellentes  qui  mettent  la  sainteté  d'accord 
avec  la  puissance;  d'où,  enfin,  ce  sublime  pou- 
voir et  cette   éminente  dignité,   source  de  si 


1.  Monseigneur  Di  Rende,  archevêque    de   Benovcnt, 
nonce  apostolique. 
Monseigneur  Richard,  coadjuteui-  de  Paria. 
Monseigneur  Robert,  évoque  de  Marseille. 

10 


174  LE   GÉNÉRATEUR   DU    SACERDOCE. 

grands  devoirs  et  de  si  respectables  droits?  — 
Saint  Thomas  nous  dit  que  c'est  un  écoulement 
du  sacerdoce  de  Jésus-Christ  :  Christus  est 
fons  totius  sacerdotii.  Mais  cet  écoulement  ne 
se  fait  pas  directement,de  l'âme  du  prêtre  éter- 
nel dans  lame  de  celui  qui  doit  participer  à  sa 
puissance  et  à  sa  grandeur;  il  passe  par  les 
mains  d'un  homme  auguste  que  nous  avons 
aperçu  au  sommet  de  la  hiérarchie. 

«  Dans  tous  les  offices  humains,  dit  l'angé- 
lique  docteur,  l'ordre  veut  qu'il  y  ait  un  chef; 
dans  l'office  sacerdotal,  il  doit  y  avoir  un  prince 
dus  prêtres.  Ce  prince,  c'est  l'évêque,  généra- 
teur du  sacerdoce1.  »  Nous  ne  pouvions  pas, 
sieurs,  nous  contenter  de  le  saluer  en  pas- 
sant. L'étude  du  sacrement  de  l'ordre  n'est 
achevée  que  lorsqu'on  connaît  bien  L'Evoque, 
•  rétre  parfait  :  —  prêtre  parfait  dans  la 
grandeur;  — prêtre  parfait  dans  le  devoir. 

4.  Humanorum  officiorum  ordo  exigit,  ut  in  quolibet 

officio  prœpbnatur  unus  qui  sit   princeps  illius  officii  ; 

bicut  prœponitur   militibus  dux.    Ergo  et  sacerdotibus 

débet  aliquis  prscponi  qui   &it  sacerdotum  princeps.  Et 

copus.  [Suiiiin.  ThcoL,  Supp.,  quiest.  40,  a.  4.) 


LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERD0C3.         475 


Jésus-Christ,  voulant  établir  son  Eglise,  a 
commencé  par  appeler  ceux  qui  devaient  en 
être  les  chefs  suprêmes,  ceux  qui  devaient  y 
engendrer  les  pères  et  les  enfants.  Il  les  sépare 
de  leur  famille,  de  leurs  amis,  de  tout  ce  qu'ils 
possèdent;  il  les  groupe  autour  de  lui;  il  leur 
révèle  les  mystères  du  royaume  des  cicux,  et 
en  les  envoyant  comme  son  Père  l'a  envoyé,  il 
leur  donne  la  plénitude  de  ses  pouvoirs  avec  la 
plénitude  de  son  Esprit.  Ce  n'est  qu'après 
avoir  constitué  le  collège  apostolique  qu'il 
appelle  des  disciples,  chargés  de  le  précéder  et 
de  préparer  sa  divine  mission,  par  des  bienfaits 
et  des  miracles,  dans  les  lieux  qu'il  doit  par- 
courir1. La  tradition  est  unanime  dans  l'inter- 
prétation de  ce  double  choix  du  Sauveur  :  les 
Apôtres  sont  les  évoques,  les  disciples  sont  les 


I.  Mntth.  Cap.  x.  Luc.  Cap.  ix.  -Post  hœc  autem 
d.-i  mnvit  Dominus  et  alios  septuaginU  duos,  et  m'sit 
i"'>s  binos  ante  faciem  suam,  in  omnem  civitatem  et 
locuiii,  quo  erat  ipse  veoturus.  (Luc,,  cap.  x,  i.) 


178  LE   GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE. 

prêtres  qu'on  verra  se  perpétuer  dans  la  sainte 

hiérarchie  :  les  évoques  au  sommet;  les  prêtres 

à  un  degré  inférieur1. 

i 
Cette  prééminence  des  évoques,  dit  l'apô'tr 

saint  Paul,    est  une  œuvre  «  de  l'Esprit-Sain 

qui  leur  a  confié  le  gouvernement  de  l'Eglis 

de  Dieu   :  Spirilus   Sanclus  posûit  epiteopo 

regere  Ecclcsiam  Del***  Et  cette  œuvre  de  l'Es 

prit-Saint  est  reconnue  et  respectée  par  toutes 

les  générations  qui  suivent  de  près  les  temps 


1.  Sur  ces  paroles  du  chapitre  xv  del'Exode  :  o  Et  pro- 
fecti  de  Maialh  vencrunt  in  Llim,  ubi  erant  duodecim 
fontes  aquarum  et  septuaginta  palmœ,  »  saint  Jérôme 
donne  cette  interprétation  :  «  Nec  dubium  quin  do  duo- 
decim apostolis  sermo  Bit,  de  quorum  fontibus  derivaîae 
aquaî  totius  mundi  siccitatem  rigant.  Juxta  bas  aquas 
eeptuagintaï  creverunt  palma),  quos  et  ipsos  secundi 
ordinis  inteliigamus  precceptores,  Luca  evangelista  tes- 
tante, duodecim  fuisse  apostolos  et  70  disciplos  minoris 
gradus.  (Epis t.  ad  Fabiolam.) 

Même  interprétation  dans  saint  Grégoire  de  Nysse. 
(Lib.  De  vitâ  Mosis)  et  dans  saint  Ambroise,  (Serin.  20. 
quartus  De  Quadrages).  Sicut  duodecim  apostolos  for- 
mam  episcoporum  exh ibère  simulct  prrcmonslrare  nemo 
est  qui  dubitet,  sic  et  hos  septuaginta  duos  figuram 
presbyterorum,  secundi  ordinis  sacerdoium  gessisse 
eciendum  est.  (Yen.  Bed.  Comment,  in  Luc,  lib.  m, 
cap.  xlii.) 

%.  Act.,  cap.  xx,  28. 


LE   GÉNÉRATEUR  DU    SACERDOCE.  177 

apostoliques.  Aux  yeux  et  dans  l'estime  de  ces 
générations,  TEvêque  est  «  le  souverain  prê- 
tre, élevé  par  sa  dignité  et  son  office  au-dessus 
de  tout  le  corps  sacerdotal  et  lévitique,  —  re- 
présentant les  Apôtres,  Jésus-Christ,  Dieu  lui- 
même1.   » 


1.  Summo  quippe  sacerdoti  sua  munia  tributa  sunt, 
et  sacerdotibus  locus  proprius  assignatus  est,  et  levitis 
sua  munia  incumbunt.  Toi  y^p  àpyiEpe!  tBuxt  XeiTOu^yW'. 
Seooijiivai  èWv,  xca  zôir%  Upeuaiv  loto;  ô  TO-rcoç  TcpooTéroamw,  xai 
Xsuixais  tSiai  Scaxovtat  licUetvwu.  (Clemerxtis  ad  Cor.  XL.  — 
Funk,  opéra  Pafr.  Apostol.,  p.  1 1 1  ) 

Omnes  episcopum  sequimini  ut  Jésus  Christus  Patrem, 
et  presbyterium  ut  apostolos.  Davreç-rS  iTctgx&co)  à^oÀouOsTTe 
coç  Thrçaouç  X  ptaroç Tto  Trarpt,  xal  tw  t.cz^j-.i^m  w,  toT;  a7rocTO/.oiç. 
(S.  Ignatii,  ad  Smyrnens.  VI.  —  Funk,  opéra  Pa£r. 
i4posL,  p.  241.) 

Decet  singulos  vestrum  et  prrccipue  presbyteros  refo- 
oillare  episcopum  in  honorem  Patris  Jesu  Christi  et 
Apostolorum.  Uçi-zzi.  yocp  uuïv  toT;  xocO'evoc,  I^atçsTwç  xai  to~; 
7çpe(xêuT£porç  àwlvyv.v  tov  e-irtaxo-ov  eî;  T'.ij.r1v  7Caxpoç,  !Ii)<tou 
Xpiaxou  xal  twv  dirorroXcov.  (S.  Ignatii,  ad  Trallianos,  XII. 

—  Funk,  p.  211.) 

Hortor  ut  hoc  sit  vestrum  studium,  in  Dei  concordia 
omnia  agere,  episcopo  présidente  Dei  loco  :  —  Uapacvcô, 
Iv  ôvoj.'Oi4  0îou  <77îouocc;sts  7:avTà  irpaaastv  Tcpoxaôïjfxevou  toïï 
éir'.axo7cou  eïç  to7:ov  ôeou.  (S.  Ignat.,   ad  Magnesianos,  VI. 

—  Funck,  p.  195.) 

Per  temporum  et  successionum  vices  episcoporura 
ordinatio  et  Ecclesiaî  ratio  decurrit,  ut  Ecclesia  super 
episcoposconstituatur,  et  omnis  actus  Ecclesise  per  eos- 


178  LE   GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE. 

Telle  est  la  foi  des  premiers  siècles,  foi  ro- 
buste et  tranquille,  qui  engendre  la  soumission 
respectueuse  et  confiante  des  fidèles  aux  prê- 
tres, des  prêtres  aux  évêques.  Aussi,  quelle 
stupeur  et  quelle  indignation,  lorsqu'au  qua- 
trième siècle  l'insolent  Aérius  s'écrie  :  «  mon- 
trez-moi donc  en  quoi  l'Evêque  est  supérieur 
au  prêtre;  moi  je  ne  vois  aucune  différence 
entre  eux  :  Episcopat  et  sacerdoce  :  même 
ordre,  même  honneur,  même  dignité1  !  »  — 
Non,  non,  répond  l'Eglise  par  la  bouche  de 
saint Epiphane  et  de  saint  Augustin;  anathème 
à  l'hérétique'!  Et,  promptement  victorieuse  de 
celte  erreur  sans  échd,  elle  continue,  pendant 
douze  siècles  encore,  la  pacifique  évolution  de 
sa  hiérarchie,  jusqu'à  ce  que  les  prétentions 

dem  praepositos  gubernetur.  Cum  hoc  itaque  divina  lege 
fundatuin  sit.  (S.  Cyprian.,  Epist.  27.) 

Dans  sa  quarante-quatrième  dissertation  sur  le  qua- 
trième siècle,  Noël  Alexandre  cite  une  foule  d'autres 
témoignages. 

1.  Quanam  in  represbytero  episcopus  antecellit?  Nul- 
lum  inter  utrumque  discrimen  est  ;  est  enim  amborum 
unus  ordo,  par  et  idem  honor  ac  dignitas.  (Cité  par  saint 
Epiphane,  Ilœres.  75,  n°  3.) 

Z.  S.  Epiphan.,  Loc.  cit.,  S.  Aug.  —  L.  de  Hœresibus, 

O.  LUI. 


LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE.         179 

égalitaires  de  la  réforme  l'obligent  à  une  défi- 
ni lion  solennelle  de  la  foi  catholique  et  à  des 
anathèmes  vengeurs  de  la  dignité,  de  la  puis- 
sance et  des  droits  de  l'Episcopat1. 

Le  protestantisme  a  ravagé  des  chrétientés 
florissantes  et  renversé  des  sièges  illustres; 
mais  il  n'a  pu  entamer  l'œuvre  de  l'Esprit- 
Saint.  L'Evêque  est  encore  debout  au  sommet 
de  la  hiérarchie,  et,  par  la  sainte  lignée  de  ses 
générateurs,  il  se  rattache  aux  premiers  élus 

1.  Sacrosancta  synodas  déclarât,  prseter  oaeteros  eccle- 
siaslicos  gradus,  episcopos  qui  in  apostolorum  locum 
successerunt,  ad  hune  hierarchicum  ordinem  pra?cipue 
pertinere,  etpositos,  sicut  apostolusait,  aSpiritu  Sancto, 
regere  ecclesiam  Dei  ;  eosque  presbyteris  superiores 
esse;ac  sacramentum  confirmationis  conferre,  ministres 
Ecclesirc  ordinare  ;  atque  alia  pleraque  peragere  ipsos 
posse  :  quarum  functionum  potestatem  reliqui  inferioris 
ordinis  nullam  habent.(Conc.  Trid.,Sess.  XXIII,  cap.  iv.) 

Çan.  VI.  Si  quis  dixerit  in  Ecclesia  catholica  non  esse 
hierarchiam  divina  institutione  institutam,  quœ  constat 
ex  Episcopis,  presbyteris  et  ministris  ;  anathema  sit. 

Can.  VII.  Si  quis  dixerit  Bpiscoposnon  esse  presbyteris 
superiores,  vel  non  habere  potestatem  confirmandi  et 
ordinandi,  vel  eara  quam  habent  illis  esse  cum  presby- 
teris communem;...  anathema  sit. 

Can.  VIII.  Si  quis  dixerit  episcopos,  qui  auctoritate 
Romani  Pontificis  àssumuntur,  non  esse  legitimos  et 
v  r  s  Episcopos,  sed  figmentum  humanum  ;  anathema 
ait.  [Ibid.) 


180  LE   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE. 

du  Christ,  à  ces  apôtres  à  qui  le  Sauveur  a  dit  : 

«  Comme  mon  Père  m'a  envoyé,  je  vous  en- 

- 
voie  ;  avec  la  plénitude  de  mes  pouvoirs  recevez 

mon  Esprit  :  Sicut  misit  me  vivons  Pater  et 

ego  miltovàs;  activité  Spiritum  Sanctum.  » 

C'est  par  une  consécration  plus  solennelle 
que  celle  du  prêtre  que  févêque  entre  dans  ses 
honneurs  et  ses  pouvoirs,  Trois  princes  de 
l'Eglise,  trois  générateurs  de  la  grâce  l'atten- 
dent et  reçoivent  ses  serments  d'obéissance, 
de  fidélité  et  de  dévouement  à  l'Eglise  univer- 
selle et  à  l'Eglise  particulière  qu'il  doit  épou- 
ser. Après  les  serments,  les  promesses:  pro- 
messes à  la  science  sacrée  qu'il  faut  cultiver, 
promesses  à  la  tradition  qu'il  faut  conserver, 
promesses  aux  lois  de  l'Eglise  qu'il  faut  garder, 
promesses  aux  fidèles  qu'il  faut  instruire  et 
édifier,  promesses  aux  pauvres,  aux  pèlerins, 
à  tous  les  misérables  qu'il  faut  secourir  d'un 
cœur  affable  et  miséricordieux  ;  et  après  les 
promesses,  la  profession  de  foi  à  toutes  les 
vérités  qu'il  faut  croire  et  enseigner. 

Je  jure,  je  veux,  je  crois,  a  dit  l'élu  ;  et  alors, 
comme  pour  le  sacerdoce,  tout  le  ciel  est  con- 
voqué à  l'effusion  du  don  de  Dieu,  de  la  grâce 


LE   GÉNÉRATEUR   DU    SACERDOCE.  i 84 

insigne  qui  doit  bénir,  sanctifier  et  consacrer 
le  nouvel  évêque. 

Par  l'imposition  des  mains,  tout  le  vase  de 
Va  grâce  sacerdotale  est  comme  renversé  sur  sa 
tête.  —  «  Seigneur,  s'écrie  le  pontife  consécra- 
teur,  c'est  pour  le  souverain  sacerdoce  que  tu  as 
choisi  ton  serviteur  ;  complète  en  lui  la  somme 
de  tes  pouvoirs  et  de  ta  gloire  ;  sanctifie-le  par 
la  rosée  de  ton  onction  sainte.  » 

Et  voila  que  l'huile  joyeuse  descend  sur  la 
tète  de  cet  Aaron,  afin  que  le  Seigneur  soit 
l'autorité,  la  puissance  et  l'affermissement  de 
son  épiscopat.  Ses  mains  sont  de  nouveau  con- 
sacrées pour  devenir  plus  fécondes  et  plus 
dignes  de  porter  le  bâton  pastoral,  sceptre  béni 
dont  on  les  arme,  afin  de  châtier  le  vice,  proté- 
ger la  vertu,  et  exercer  la  justice  avec  une  au- 
guste sérénité. 

Ce  prêtre  suprême,  ce  juge,  ce  roi  spirituel, 

c'est  un  époux  dont  les  destinées  sont  unies 

désormais  à  celles  d'une  Eglise.  Symbole  delà 

roi  jurée,  un  anneau  l'enchaîne  mystiquement 

,  celte   sainte  fiancée  qu'il  doit  aimer  d'un 

mou r  fidèle  et  sans  tache. 

Cet  époux,  c'est  un  apôtre  :  entre  ses  maina 


482  LE    GÉNÉRATEUR  DU    êACERDOCE. 

il  reçoit  l'Evangile,  dont  il  doit  garder  religieu- 
sement le  dépôt,  être  plus  que  tous  l'expres- 
sion vivante,  et  prêcher  au  peuple  la  sainte 
doctrine. 

Cet  apôtre,  c'est  un  athlète,  un  capitaine,  un 
chevalier.  Chevalier  de  Dieu,  avant  d'aller  aux 
combats,  tombez  à  genoux  devant  celui  qui 
doit  vous  armer,  «  Seigneur!  »  dit  le  con- 
sécrateur,  en  imposant  la  mitre,  «  Seigneur, 
nous  mettons  sur  la  tête  de  ce  chef,  qui  doit 
combattre  pour  vous,  un  casque  de  défense  et 
de  salut,  afin  que,  par  cet  ornement  de  sa  face 
et  cette  armure  de  sa  tête,  représentant  la  dou- 
ble force  qu'il  doit  tirer  de  l'un  et  l'autre  testa- 
ment, il  apparaisse  terrible  aux  ennemis  de  la 
vérité,  et  qu'il  les  surmonte  par  la  grâce  dont 
Tous  lui  ferez  largesse,  j 

Armé  du  casque,  chevalier,  couvrez  vos 
mains  du  gantelet  de  grâce  et  de  bénédiction, 
afin  de  les  conserver  toujours  pures  et  inno- 
centes au  service  d'une  âme  généreuse  et  vail- 
lante aux  bonnes  œuvres. 

Et  maintenant  :  «  Louons  Dieu,  confessons 
le  Seigneur  :  Te  Deum  laudamus,  te  Dominum 
confitemur.  >  Consécrateur  et  consacré,  don- 


LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE.  483 

—    ■  ■  i    ..  » 

nez-vous  le  baiser  de  paix.  A  l'un  et  à  l'autre, 
nombreuses  années  !  Ad  multos  annos1! 

L'Evêque  est  consacré.  —  A-t-il  reçu  un 
nouveau  ^sacrement  pour  entrer  dans  un  nou- 
vel ordre  ;  ou  bien  l'Eglise  ne  fait-elle  que  com- 
pléter en  lui,  pour  l'élever  au  sommet  de  l'or- 
dre sacerdotal,  la  consécration  qu'elle  donne  à 
son  prêtre?  Est-il  marqué  d'un  nouveau  carac- 
tère; ou  bien  ne  fait-il  qu'acquérir  une  nouvelle 
puissance,  par  l'extension  du  caractère  qu'il  a 
déjà  reçu  à  de  nouveaux  offices,  à  un  plus 
ample  ministère,  à  une  plus  haute  dignité?  — 
Je  laisse  aux  théologiens  ces  questions  d'école. 
Il  nous  suffit,  Messieurs,  de  croire  avec  l'E- 
glise que,  par  la  grâce  de  son  sacre,  l'Evêque 
prend  le  premier  rang  dans  la  sainte  hiérar- 
chie, et  est  investi  d'un  pouvoir  auguste  que  ne 
donne  point  la  consécration  sacerdotale. 

Il  est  le  prêtre  parfait  dans  la  grandeur  ;  et 
sa  première  grandeur  est  de  devenir  père.  Le 
sacre  donne  à  son  tempérament  sacerdotal  une 
surnaturelle   vigueur,    une   sorte  de  virilité 


1.  Conf.  Pontifical  :  De  Consecratione  electi  inEpii* 
copum. 


184  LE   GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE. 

divine,  qui  le  fait  entrer  plus  avant  dans  le 
sacerdoce  du  Christ,  et  lui  assure  la  fécondité. 
Dans  la  ruche  bénie  où  travaillent  les  minis- 
tres de  Dieu,  le  prêtre  élabore  le  miel  céleste 
dont  doivent  se  nourrir  les  fidèles  ;  mais  de  la 
cellule  royale  où  trône  l'Evêque  part  la  vertu 
sacramentelle  qui  engendre  toute  la  hiérar- 
chie. L'Evêque  est  doué  du  pouvoir  géné- 
rateur qui  lui  permet  de  donner  des  prêtres  à 
l'Eglise,  et  de  reproduire,  sans  fin,  sa  propre 
fécondité;  l'Evêque  seul  peut  dire,  comme 
l'Apôtre,  aux  évêques  et  aux  prêtres  :  «  Souve- 
nez-vous de  la  grâce  qui  est  en  vous  par  l'im- 
position de  mes  mains.  »  S'il  se  fait  assister 
d'un  nombreux  presbytère  dans  l'ordination, 
pour  donner  plus  de  solennité  au  sacrement, 
c'est  de  son  âme,  deux  fois  envahie  par  l'Es- 
prit du  Prêtre  suprême,  de  ses  mains,  deux  fois 
consacrées,  que  s'échappe  la  divine  vertu  qui 
confère  au  sacerdoce  son  caractère,  sa  dignité 
et  ses  pouvoirs.  Tous  les  prêtres  du  monde, 
l'un  après  l'autre  ou  tous  ensemble,  auronl 
beau  étendre  éternellement  les  mains  sur  la 
tête  d'un  lévite,  ils  ne  le  rendront  jamais  sem- 
blable à  eux.  C'est  la  main  féconde  des  apôtres 


LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE.         !85 

évêques  qui  enrichit  l'Eglise  primitive  du  sa- 
cerdoce *,  et  depuis,  les  flots  sacrés  de  la  hié- 
rarchie n'ont  pas  cessé  de  couler  de  la  même 
source,  ce  L'ordre  des  prêtres,  dit  saint  Epi- 
phane,  donne  des  enfants  à  l'Eglise  par  le 
sacrement  de  la  régénération,  mais  il  n'appar- 
tient qu'aux  évêques  d'engendrer  les  pères  de 
ces  enfants*.  »  Le  pouvoir  générateur  est  tel- 
lement leur  propre  que  d'illustres  docteurs 
l'ont  considéré  comme  la  note  caractéristique 
de  leur  supériorité  et  de  leur  grandeur r. 

l.Of.  Act.  vi  et  xiv.  —  I.  Tim.,  cap.  iv,  v,  et  II,  id.> 
cap.  i.  Tit.,  cap»  i,  5. 

2.  Ordo  siquidem  (Episcoporum)  ad  gignendos  patres 
prsecipue  pertinet,  hujus  enira  est  patrum  in  Ecclesia 
propagatio,  alter  (presbyterorum)  cum  patres  non  possit, 
filios  Ecclesise  lotionis  regeneratione  producit  :  —  H  (xcv 
Y<xp  eaxt  7:aTspo)v  Y£WY]Ttxr,  Ta;tç'  Traxspocç  y&P  Y£VV*T?  ExxXir|<7ia, 
^à,  ■rcaTô'paç  j/.yj  8ovocf*iv*)  y^vav  xvfe  xoïï  Xoxpou  7iaXi*fY£veaia; 
xéxva  fzwaL  xvj  ExxXr,Gia  où  jx^v  icaTepaç  rj  otoaa/.aXouç.  — 
(S.  Epiph.,  Àdv.  Ilœres.,  75.  —  Migne,  Patrol.  Grœc, 
t.  XLII,  col.  509.) 

3.  Quid  facifc,  excepta  ordinatione,  episcopus  quod 
presbyter  non  faciat?  (S.  Hieron.,  Epist.  146.)  —  Sola 
namque  ordinatione  supérieures  sunt  (Episcopi),atque  hinc 
tantum  videntur  presbyteris  praostare. —  T9j  y*p  /£ipoTov(ot 
p.ovY)  foîscêsêvfcaci  (iTriaxoTcoi) ,  xai  xouxw  ixovov  Soxouci  irXeovexxeîv 
xouç  icpeaSurépouç.  (S.  Chrysost.,  Homil.  XI,  in  I  ad  Tim., 
n°  1.) 


186  LE   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE. 

En  effet,  Messieurs,  de  la  paternité  décou- 
lent toutes  les  prérogatives  qui  font  de  l' Évo- 
que le  prêtre  parfait  dans  la  grandeur.  Tout 
ce  qui  lui  est  commun  avec  le  prêtre,  sous 
le  rapport  de  la  dignité,  s'épanouit  et  se 
renforce  en  lui,  jusqu'à  la  suprême  excel- 
lence. 

Le  prêtre  est  établi  pour  le  peuple,  et 
reçoit,  dans  sa  personne  sacrée, le  cou- 
rant des  choses  saintes  qui  de  la  terre  mon- 
tent vers  le  ciel;  mais  c'est  à  l'Evêque  qu'il 
appartient  de  diriger  ce  courant.  Le  prêtre 
est  le  divin  précenteur  du  peuple;  l'Evêque 
est  le  divin  précenteur  du  sacerdoce.  Le 
prêtre,  chargé  de  prier  pour  tous,  est  une 
personne  publique  et  comme  la  bouche  de 
FEglise  ;  l'évêque  ouvre  cette  bouche,  et  lui 
dicte  les  paroles  qu'elle  doit  adresser  au  ciel. 
Les  adorations,  les  actions  de  grâce,  les  sup- 
plications de  la  liturgie  ne  prennent  leur  essor 
vers  Dieu  que  lorsqu'il  les  approuve.  Là  où  il 
apparaît,  il  préside;  partout  où  il  préside  on 
ne  fait  rien  sans  lui.  Il  donne  le  signal  de  la 
prière  publique;  il  reçoit  la  confession  géné- 
rale du  peuple  et    du  clergé;  il   bénit  tout 


LE  GÉNÉRATEUR   OC   SACERDOCE.  187 


le  monde  et  toutes  choses  et  personne  ne  le 
bénit â.  » 

S'il  n'a  pas,  en  vertu  de  son  caractère,  un 
pouvoir  plus  grand  que  celui  du  prêtre  clans 
l'acte  sacrifîcal,  cet  acte,  cependant,  dépend 
de  sa  féconde  et  souveraine  puissance.  C'est 
lui  qui  arme  les  lèvres  des  prêtres  des  paroles 
divines  dont  les  coups  renouvellent  l'immo- 
lation du  calvaire  ;  c'est  lui  qui  donne  au  sa- 
cerdoce ses  temples,  ses  autels  et  ses  vases 
sacrés.  Ses  bénédictions  et  ses  consécrations 
sanctifient  les  murs  de  la  maison  de  Dieu, 
les  pierres  sur  lesquelles  s'accomplit  l'action 
sacro-sainte  qui  donne  au  monde  pécheur  un 
suppléant,  à  la  justice  divine  une  victime, 
les  calices  où  coule  le  sang  précieux  du 
Sauveur. 

Jadis,  personne  ne  devait  célébrer  en  sa  pré- 
sence ;  aujourd'hui,  on  ne  le  peut  qu'avec  son 
assentiment.  Et  lui-même,  quand  il  célèbre, 
avec  quelle  pompe  et  quelle  majesté  !  Comme 
on  Toit  bien  qu'il  est  le  Grand  Prêtre  I  Tous 


i.Episcopus  benedicitet  non  benedicitur.  (Const.  apost. 
Lib.  VIII.,  cap.  xxvmJ 


188  LE   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE. 

les  ordres  subsistent  éminemment  en  sa  per- 
sonne sacrée  ;  et,  pour  attester  qu'il  en  est  le 
générateur,  il  en  porte,  l'un  sur  l'autre,  tous 
les  vêtements  :  le  blanc  surplis  du  clerc,  du 
portier,  du  lecteur,  de  l'exorciste  et  de  l'aco- 
lyte, la  tunique  du  sous-diacre,  la  dalma- 
tique  du  diacre,  la  chasuble  du  prêtre;  par 
dessus  tout  cela  son  armure  à  lui,  et  dans  sa 
main  le  sceptre  de  son  commandement.  Tous 
les  lévites  et  tous  les  ministres  sacrés,  tous  les 
degrés  de  l'ordre  et  de  la  juridiction  lui  doi- 
vent cortège  et  assistance,  ce  En  sa  personne, 
c'est  le  sacerdoce  dans  toutes  ses  parties,  c'est 
le  sacrement  de  l'ordre  tout  entier,  qui  se 
meut,  qui  agit,  qui  vaque  à  ses  fonctions  su- 
prêmes1. »  Evidemment,  c'estpour  lui  plus  que 
pour  tous  les  prêtres  de  l'ancienne  et  de  la 
nouvelle  loi  qu'il  a  été  dit  :  «  Tout  Pontife, 
pris  parmi  les  hommes,  est  établi  pour  les 
hommes  dans  les  choses  qui  vont  à  Dieu,  afin 
d'offrir  des  dons  et  des  sacrifices  :  Omnis  Pon> 
tifex  ex  hominibus  assumptus,  pro  hominibus 


\.  Cardinal  Pie.  Homélie  du  dix-septième  anniver- 
saire de  son  sacre  ('25  nov.  1866.J. 


LE   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE.  189 

ronstituitur  inhis  quse sunt ad Deumyut  offerav 
dona'et  sacrifîcia1  j>. 

Prêtre  parfait  clans  la  grandeur,  quand  il 
s'agit  de  représenter  le  peuple  chrétien  à  la 
prière  et  au  sacrifice,  l'Evêque  est  encore  le 
prêtre  parfait  dans  la  grandeur  quand  il  s'agit 
de  dispenser  les  dons  de  Dieu  :  la  vérité  et  la 
grâce. 

La  vérité  que  donne  le  prêtre  lui  vient  du 
ciel,  avons-nous  dit,  c'est  la  parole  même  du 
Verbe  incarné,  éternel  témoin  des  secrets  de  la 
science  divine.  Or,  sa  parole,  le  Verbe  incarné 
Ta  confiée  directement  à  ceux  qui  habitent  les 
sommets  de  la  sainte  hiérftxhie,  à  ceux  qu'il 
a  appelés  la  lumière  du  monde  :  Vos  estis  lux 
mundi*,  à  ceux  qu'il  a  envoyés  comme  son 
Père  céleste  l'a  envoyé  lui-même.  —  «  Allez, 
leur  a-t-il  dit,  prêchez  l'Evangile  aux  nations, 
apprenez-leur  à  garder  ma  doctrine  et  mes 
commandements*;  qui  vous  écoute  m'écoute, 
qui  vous  méprise  me   méprise*.  Invisible  à 

\.  Heb.,  cap.  v,  1. 

2.  Matth.,  cap.  v,  14. 

3.  Matth.,  cap.  xxviii.  39.  —  Marc,  cap.  xvi,  15. 

4.  Luc,  cap.x,  18. 

il. 


190  LE   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE. 

tous  les  yeux,  je  serai  pourtant  avec  vous  jus- 
qu'à la  consommation  des  siècles  :  Ecce  ego 
vobiscum  usque  ad  consummationem  sœculi*. 
Le  gage  de  ma  présence,  c'est  mon  Esprit  ;  je 
vous  le  donne,  afin  qu'il  reste  toujours  avec 
vous  :  ut  maneat  in  œternum.  Il  vous  ensei- 
gnera toute  vérité*,  non  pas  qu'il  vous  apprenne 
des  choses  nouvelles,  car  il  ne  vous  dira  que 
te  qu'il  a  entendu  *,  mais  il  vous  fera  entrer 
dans  les  profondeurs  sacrées  de  ma  doctrine 
et  vous  préservera  de  l'erreur.  Si  vous 
parlez,  c'est  lui  qui  parlera  par  votre  bouche.  » 
Vous  l'entendez,  Messieurs,  ce  l'Evêque  est 
d'office,  le  lieutenant  de  Jésus -Christ  :  Epis- 
copus  gerit  in  Ecclesia  personam  Christ i\  » 
L'Episcopat  est  le  premier  dépositaire  de  la 
vérité  et  par  conséquent  le  maitre  chargé  de  la 
transmettre  au  sacerdoce,  et  par  le  sacerdoce 
à  toute  l'Eglise.  —  Je  sais  qu'il  est  un  maitre 
suprême  en  qui  réside  la  plénitude  de  la  lu- 
mière. Jésus-Christ  a  bâti  sur   son  autorité 

4.  Matth.,  cap.  xxvm,  20. 

2.  Joan.,  cap.  xvi,  13. 

3.  Ibid. 

4.  S.  Th.  Summ.  Theol.  III,  P.  qusest  72,  ».  3,  ad  3. 


LE   GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE.  191 

infaillible  l'édifice  de  la  vérité,  et  lui  a  promis 
que  les  puissances  d'enfer  ne  prévaudraient 
pas  contre  l'Eglise  dont  il  supporte  toute  la 
divine  structure.  Le  flambeau  qui  l'éclairé  ne 
doit  jamais  s'obscurcir,  et  sa  foi  est  à  l'abri 
de  toute  défaillance,  parce  qu'il  doit  paitre  les 
brebis  comme  les  agneaux,  et  confirmer  la 
croyance  de  ses  frères. L'Eglise  acclame  en  lui 
le  gardien  de  la  foi,  l'Evêque  des  évêques,  le  suc- 
cesseur du  Prince  des  Apôtres,  et  elle  a  décrété 
qu'il  jouît  pleinement,  par  l'assistance  divine, 
qui  lui  a  été  promise  dans  la  personne  du  bien- 
heureux Pierre,  de  cette  infaillibilité  dont  le 
divin  Rédempteur  a  voulu  que  l'Eglise  fût 
pourvue  en  définissant  la  vérité  touchant  la  foi 
et  les  mœurs,  et  que,  par  conséquent,  ses  défi- 
nitions sont  irréformables  d'elles-mêmes1. 
Mais  gardez-vous  de  croire,  Messieurs,  que 
l'Episcopat  soit,  par  rapport  à  la  suprême  ma- 
gistrature du  Pontife  romain,  dans  la  même 
situation  que  le  sacerdoce.  Le  prêtre  reçoit  de 
l'évêque  mandat  de  prêcher  la  vérité  ;  Pévêque 


1.  Cf.  Soixante-sixième  conférence  :  Le  chef  de  l'E- 
glise, 


192         LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE. 

a  reçu  mandat  de  Jésus-Christ  lui-même.  Il  est 
gardien  né  de  la  foi,  conjointement  avec  le 
maître  suprême  à  qui  il  doit  rendre  compte 
des  traditions  de  son  Eglise.  Solidairement 
héritiers  du  droit  d'enseigner,  que  leur  ont 
transmis  les  apôtres,  les  évêques  ont  hérité 
aussi  de  leur  sollicitude  à  l'endroit  du  dépôt 
que  le  Verbe  de  Dieu  a  confié  à  son  Eglise  \ 
«  Garde-le  bien,  »  disait  saint  Paul  à  son  dis- 
ciple Timothée:  «  Depositum  custodi*;  »  et  cette 
parole,  traversant  les  espaces  et  les  siècles, 
passe  d'un  évêque  à  l'autre,  comme  un  testa- 
ment qui  garantit  l'intégrité  de  la  foi.  Aussi, 
est-ce  à  l'Episcopat  que  s'adresse  le  docteur 
suprême  et  universel,  quand  il  veut  se  rendre 
compte  de  l'état  de  la  tradition  dans  le  monde 
catholique.  Deux  cent  mille  prêtres  lui  en 
diraient  moins  que  deux  cents  évêques. 

Mais  non  seulement  ces  évêques  sont  des 
conseillers  dont  les  témoignages  l'éclairent  en 


Hsereditario  namque,  in   hanc   sollicitudinem,  jure 
constring-imur,  quicumque,  per  diversa  terrarum,  eorum 
vice,  noraen  Dei  prsedicamus.  (S.  Caelestin  :  adSyn.  Eph. 
t.  v  2.) 
2.  Tim.,cap.  n,  20. 


LE    GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE.  193 

scs  définitions,  «  ils  participent  à  son  droit  de 
définir  :  Episcopum  oportet  judicare  et  intcr- 
prc/ari1;  »  ils  communient  à  son  infaillibilité. 
Quand  le  monde,  travaillé  et  obscurci  par  l'er- 
reur^ besoin  d'une  de  ces  puissantes  émissions 
de  lumière  auxquelles  nulles  ténèbres  ne  peu- 
vent résister,  voyez ,  Messieurs ,  comme  les 
maîtres  de  la  vérité  se  rassemblent  autour  de 
leur  chef!  Des  faisceaux  de  lumière,  partant  de 
tous  les  points  du  temps  et  de  l'espace,  conver- 
gent vers  leurs  têtes  augustes.  Ils  se  rappro- 
chent, s'interrogent,  se  répondent,  lisent, 
discutent,  réfléchissent,  mettent  en  commun 
leurs  souvenirs  et  leurs  idées,  et  forment,  de 
leur  savoir  particulier,  une  sorte  de  savoir 
collectif,  qu'aucune  science  n'égale.  Venus  de 
tarît  de  lieux  divers  et  ne  faisant  qu'une  seule 
Eglise,  ils  sont,  dit  un  saint  Pape,  l'image  de 
la  Trinité  Sainte  dont  la  puissance  est  une  et 
indivisible*.  Le  Christ  les  appelle  de  partout, 
ces  princes  du  sacerdoce,  afin  que  la  divine 


1.  Pontifical  :  De  consecratione  electi  in  Episcopum. 

2  Ad  Trinitatis  instar,  cujus  una  atque  individua  po- 
testas,  unum  est  per  diversos  antistites  sacerdotium.  (S. 
Symmach.  Pap.  Epist.  I.) 


194  LE  GÉNÉHATEUR  DU   SACERDOCE. 

tradition  de  l'Eglise  catholique  reçoive  sa 
confirmation  de  leur  commun  suffrage1.  Leur 
réunion  atteste  la  présence  de  l'Esprit-Saint*. 
—  C'est  cet  Esprit  de  sagesse  et  d'intelligence, 
de  conseil  et  de  piété  qui  les  instruit*.  »  Cha- 
cun d'eux  a  le  droit  de  dire  ce  que  ne  pourront 
jamais  dire  tous  les  prêtres  ensemble  :  «  Peu- 
ples, écoutez  notre  parole  et  croyez  :  Voici  ce 
qui  a  paru  bon  à  l'Esprit-Saint  et  à  nous  : 
Visum  est  Spiritui  Sancto  et  nobis*.  »  Leur 
parole  collective,  leur  union  dans  une  même 
définition  est  la  manifestation  suprême  de  la 
divine  majesté  de  l'Eglise,  la  suprême  élo- 
quence de  son  autorité  infaillible.  En  définitive, 
Messieurs,  lorsqu'il  s'agit  de  la  dispensation 
de  la  vérité,  l'Evêque  est  juge,  interprète, 


1.  Ohristus  nos  undiquë  sacerdotii  principes  oonvo- 
cavit...  quo  divina  traditio  Ecclesiae  catholicae  communi 
suffragio  firmitatem   accipiat.  (Conc.  Nicam.  II.  Œcum. 

vu.) 

2.  Spiritus  Sancti  testatur  prœsentiam  congregatio  sa- 
cerdotum.  (S.  Caelestin.  Epist.  ad  Synod.  Ephes.) 

3.  Sancta  ipsa  synodus  a  Spiritu  Sancto,  qui  spiritud 
est  sapienti»  et  intellectus,  consilii  et  pietatis,  edoota. 
(Conc.  Trid.,  Sess.  xxi.,cap.  i.) 

4.  Act.,cap.  rv.  28. 


LE  GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE.  195 

ir-  

définiteur,  docteur  titulaire,  le  prêtre  n'est 
que  le  répétiteur  des  hautes  leçons  que  l'épis- 
copat  donne  à  l'Eglise. 

■  Si  éminente  dans  la  dispensation  de  la  vérité, 
la  perfection  sacerdotale  de  l'évêque  ne  l'est 
pas  moins  dans  la  dispensation  de  la  grâce. 
Non  seulement  il  a  seul  le  droit  ordinaire  de 
confirmer,  c'est-à-dire  de  faire  passer  ceux  que 
le  prêtre  baptise  de  l'enfance  à  la  virilité  chré- 
tienne; de  conférer  la  plénitude  de  grâce  qui 
convient  à  l'âge  parfait,  et  s'ajoute  à  la  plénitude 
initiale  du  sacrement  par  lequel  nous  avons 
été  engendrés  surnaturellement;  de  choisir  et 
d'armer  pour  le  combat  les  recrues  de  la  milice 
du  Christ;  mais  son  pouvoir  générateur  lui 
met  en  main  toutes  les  grâces,  et,  en  quelque 
sorte,  tout  le  corps  mystique  de  Jésus-Christ. 
Aucun  mystère  n'y  serait  plus  célébré,  et  la 
vie  divine  s'y  épuiserait,  si  la  fécondité  de 
l'Evêque,  subitement  tarie,  cessait  de  produire 
des  ministres  et  des  prêtres.  Vous  avez  admiré, 
Messieurs,  la  mystérieuse  et  profonde  puis- 
sance du  sacerdoce  sur  le  corps  du  Christ  et 
sur  les  âmes;  n'oubliez  pas  que  c'est  l'évêque 
qui  la  donne. Si,  par  impossible,  tout  l'épiscopat 


196  LE   GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE. 

disparaissait  ou  se  refusait  à  ouvrir  ses  flancs 
paternels,  quel  désastre!  11  n'y  aurait  bientôt 
plus  de  sacrifices  sur  les  autels,  plus  d^hôte 
dans  les  tabernacles,  plus  d'aliment  divin  pour 
les  âmes,  plus  de  pardon  pour  les  pécheurs, 
plus  de  consolation  pour  les  mourants  ;  le 
peuple  chrétien  se  lamenterait  autour  de  tem- 
ples déserts,  et  finirait  par  disparaître  lui-même. 
On  a  vu,  hélas!  de  ces  catastrophes  dans  les 
pays  où  la  persécution  a  abattu  toutes  les  têtes 
de  la  hiérarchie  ;  et,  si  le  paganisme  n'y  a  pas 
repris  son  empire  absolu  ce  qui  reste  du  corps 
mystique  de  Jésus-Christ  n'est  plus  qu'une 
ruine.  Laissez  faire  le  temps  et  l'on  pourra  dire 
un  jour  :  «  Les  ruines  elles-mêmes  ne  sont 
plus  :  Etiam  periere  ruinae  !  » 

0  prêtres  parfaits  !  0  pères  du  sacerdoce!  Ne 
soyez  pas  avares  de  votre  puissance  généra- 
trice, ne  cachez  pas  vos  mains  fécondes,  mais 
étendez-les  sur  l'Eglise, afin  d'y  entretenir  et  d'y 
multiplier  la  grâce  !  Cette  grâce,  elle  est  encore 
sous  votre  dépendance,  lorsque  vous  avez  en- 
gendré ceux  qui  la  donnent.  Pères  du  pouvoir 
sacerdotal,  vous  en  êtes  les  suprêmes  régula- 
teurs. Votre  haute  juridiction  peut  en  restrein- 


LE   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE.  197 

m'  '■  ■'    '  "" 

dre les  effets,  en  paralyser  l'action,  et,  même,  la 
rendre  funeste  à  ceux  qui  oseraient  l'exercer 
sans  votre  congé.  C'est  à  vous,  bien  plus 
qu'aux  prêtres,  qu'il  faut  appliquer  ces  belles 
paroles  de  saint  Ephrem  :  «  0  puissance 
ineffable!  Oh!  qu'il  y  a  de  profondeur  dans  le 
formidable  et  merveilleux  sacerdoce  de  la  loi 
nouvelle  !  0  potestas  ineffabilis  !  0  quam 
magnam  in  se  continet  profunditatem  formi- 
dabiie  et  admirabile  sacerdotium!  a 


II 


Messieurs,  le  principe  d'où  nous  sommes 
partis  pour  déterminer  les  obligations  du  sa- 
cerdoce :  à  savoir,  que  la  dignité  est  la  mesure 
de  ces  obligations,  revient  et  s'applique  au- 
jourd'hui avec  plus  de  solemnité  et  de  force.  Il 
est  bien  évident  que  l'Evêque,  prêtre  parfait 
dans  la  grandeur,  doit  être  prêtre  parfait  dans 
le  devoir.  «  L'épiscopat,  dit  saint  Thomas,  est 
le  plus  parfait  des  états,  parce  que  l'Evêque  ne 
doit  pas  se  contenter  de  tendre  à  la  perfection 


198  LE   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE. 

......  ■  ,       .        i    ^ 

pour  lui-même;  il  faut  qu'il  la  donne:  IngenCre 
perfectionis,  episcopi  se  habent  ut  pcrfecto* 
res*.  »  Le  premier  dans  la  hiérarchie,  par  la 
dignité,  il  doit  précéder  tout  le  monde,  en- 
traîner tout  le  monde  à  sa  suite,  former  tout 
le  monde,  peuple  et  clergé,  dans  la  science  et 
la  sainteté. 

Le  prêtre  possède  la  science  de  la  vérité  et  de 
la  vie,  pour  instruire  et  conduire  une  petite 
partie  du  troupeau  de  Jésus-Christ;  l'évêque, 
pour  éclairer  l'Eglise  et  diriger  les  évolutions 
de  sa  vie  militante  à  travers  le  monde  et  les 
siècles.  C'est  à  lui  que  l'Esprit-Saint  a  dit,  par 
la  bouche  de  l'Apôtre  :  «  Applique-toi  à  la  lec- 
ture des  Saintes  Lettres  :  Attende  lectioni.  » 
C'est  dans  ce  réservoir  des  révélations  divines 
qu'il  doit  puiser  sans  cesse  les  vérités  dont  i) 
est  le  juge,  l'interprète,  le  gardien  et  le  défen- 
seur. Ne  sait-il  pas  que  :  «  les  oracles  de  Dieu 
sont,  selon  l'expression  d'un  grand  concile,  la 
substance  même  de  son  suprême  sacerdoce*?  » 
Ne  lui  a-t-on  pas  demandé  le  jour  de  son  sacre 

1.  Summ.  Theol.  11e  P.  Qusest  484.,  a.  7. 

2.  Substantia  enim  sacerdotii  nostri  sunteloquia  divi- 
nitus  tradita,  (Conc.  Nie.  II.,  can.  II.) 


LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE.        199 

<r  s'il  voulait,  autant  que  la  nature  en  est  capa* 
ble,  accommoder,  assujétir  son  intelligence  aux 
enseignements  cle  la  divine  Ecriture?»  —  S'il 
voulait  n'être  plus  l'homme  du  sens  particu- 
lier, mais  identifier  son  esprit  avec  le  dépôt  de 
la  révélation,  entrer  avec  les  Livres  Saints  dans 
un  commerce  de  tous  les  jours  et  de  toutes  les 
heures,  pouç  exposer  ensuite  au  peuple,  qui 
allait  devenir  le  sien,  ce  qu'il  aurait  compris  et 
recueilli  de  ces  livres  adorables?  N'a-t-il  pas 
répondu  :  Ita  ex  toto  corde  volo  :  je  le  veux  de 
tout  mon  cœur1?  Qui  connaîtra  la  parole  de 
Dieu,  qui  possédera  la  science  sacrée,  si  ce 
n'est  lui,  premier  prédicateur,  dont  la  main 
souveraine  ouvre  la  bouche  à  tous  les  semeurs 
de  vérité?  S'il  regarde  derrière  lui,  dans  la 
lignée  de  ses  devanciers,  il  les  verra  courbés 
sur  les  Saintes  Lettres,  appliqués  à  les  méditer 
et  à  les  faire  entrer  jusqu'aux  moelles  de  leur 
intelligence  :  un  Ambroise,  consacrant  ses 
jours  à  l'instruction  du  peuple  et  à  l'adminis- 
tration d'un  vaste  diocèse,  ses  nuits  à  Tinter 

1.  Cf.  Pontifical.  De  eonsecratione  electi  in  Epïsco- 
pum. 


200  LE   GÉNÉRATEUR  DU    SACERDOCE. 

prétation  de  l'Ecriture;  un  Grégoire  le  Grand, 
achevant  son  commentaire  d'Ezéchiel  pendant 
que  les  barbares  frappent  aux  portes  de  Rome; 
un  Augustin,  presque  mourant,  cherchant 
dans  tous  les  livres  sacrés  des  arguments 
victorieux  contre  les  ennemis  de  la  Grâcev 
lorsque  les  Vandales  assiègent  sa  ville  épis- 
copalc.  # 

Avec  l'Ecriture,  il  possède  des  livres  véné- 
rables, œuvres  des  Conciles  et  des  Pères,  où  la 
science  sacrée  s'est  enrichie  de  définitions 
précises  et  de  doctes  interprétations.  Qu'il 
s'applique  à  les  connaître  :  Attende  lectioni 
Qu'il  ne  se  contente  pas  d'en  retenir  le  fond  et 
la  substance  ;  mais  oc  qu'il  retienne,  encore,  la 
forme  des  saines  paroles  par  lesquelles  s'ex- 
prime la  foi  et  que  nous  a  livrées  la  tradition  : 
Formant  habe  sanorum  verborum  quœ  a  nobis 
audisti  in  flde{ .  »  Il  ne  faut  pas  qu'on  trouve 
à  reprendre  dans  l'enseignement  de  ce  maitre 
parfait;  afin  qu'il  puisse  justifier,  par  l'exacti- 
tude autant  que  par  la  splendeur  de  sa  doc- 
trine, la  parole  que  le  Sauveur  a  dite  de  lui  : 

i.    Tim.,  cap.  r,  13. 


LE   GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE.  201 

«  Vous  êtes  la  lumière  du  monde  :  Vos  estis 
lux  mundi.  j> 

Il  est  lumière,  et,  aussi,  propagateur  de  la 
lumière.  Ses  lévites  et  ses  prêtres  attendent 
de  lui  la  science  de  la  vérité  et  de  la  vie.  Dieu 
merci,  il  y  a  des  précédents  qui  l'invitent  et  le 
poussent  aux  largesses  du  savoir.  Dans  ce  que 
j'ai  dit  dernièrement  des  sollicitudes  de  l'Eglise 
pour  l'instruction  du  clergé,  la  fondation  des 
universités,  des  écoles  cathédrales  et  des  sémi- 
naires, vous  avez  reconnu,  je  n'en  doute  pas, 
Messieurs,  l'œuvre  de  l'épiscopat.  Eût-il  la 
science  d'un  Augustin,  la  parole  d'or  d'un 
Chrysostôme,  l'évêque  ne  serait  pas  le  prêtre 
parfait  qu'il  doit  être  dans  le  devoir,  s'il  n'ou- 
vrait aux  collaborateurs  de  son  zèle  les  sources 
du  savoir  où  il  s'est  instruit  lui-même. 

Propagateur  de  la  science  sacrée,  il  en  est, 
par  devoir  encore,  le  gardien  officiel  et  le  na- 
turel défenseur.  Dieu  l'a  placé  sur  une  hauteur 
d'où  il  inspecte.  Inspecter  est  sa  charge,  ins- 
pecteur est  son  nom  'Etkœxottoç.  Je  l'entends 
s'écrier,  comme  la  sentinelle  du  prophète  : 
«  Voici  que  je  veille  sur  le  faite  où  m'a  conduit 
la  main  du  Seigneur;  j'y  suis  tout  le  jour,  et 


Î02  LE   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE. 

j'y  demeure  toute  la  nuit1.  »  Tout  le  jour,  pour 
embrasser  du  regard  l'ensemble  des  sciences 
humaines,  et  voir  les. utiles  et  fécondes  unions 
f  u'on  en  peut  faire  avec  la  science  divine;  toute 
la  nuit,  pour  surveiller  la  marche  ténébreuse 
de  l'erreur,  signaler  ses  approches,  démasquer 
ses  trahisons  et  crier  au  clep^é  et  au  peuple  : 
Enfants,  garde  à  vous,  voici  l'ennemi  ! 

Dans  ce  poste  d'observateur,  toujours  dif- 
ficile et  souvent  périlleux,  l'Evêque,  comme  le 
grand  Hilaire  ne  doit  craindre  que  trois  cho- 
ses :  «  les  dangers  de  l'Eglise,  le  crime  du 
silence  et  le  jugement  de  Dieu*.  »  Fort,  vail- 
lant, résolu,  ail  doit  aller  au-devant  des  contra- 
dicteurs et  les  confondre  par  sa  science  : 
Oportet  episcopum...  eosqui  contradicunt  cir- 
guere*.  »  Homme  de  paix  et  de  modération,  il 
deviendra  guerrier  et  âpre  au  combat,  plutôt 
çue  de  trahir  par  le  silence  et  l'inaction,  la 


1.  Super  speculam  Domini  ego  sum,  stans  jugiter  por 
diem  ;  et  super  custodiam  meam  ego  sum,  stans  toiis 
noctibus.  (Isaï.,  cap.  xn,  8.) 

2.  Mihi  metus  est  de  periculo  mundi,  de  «ilentii  mei 
reatu,  dejudicio  Dei.  (Ad  Constant.) 

3.  Ad  Tit.,  cap.  i. 


LE  GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE.  203 

sainte  cause  de  Dieu1.  Ni  la  majesté  des  em- 
pereurs et  des  rois,  ni  l'arrogance  de  leurs 
ministres  ne  fermeront  sa  bouche  libre;  il 
saura  dire  avec  un  grand  saint  :  ce  Apprenez 
que  ceux  qui  ont  été  nourris  des  oracles  divins 
ne  permettent  pas  que  l'on  corrompe  une  seule 
syllabe  des  dogmes  sacrés;  pour  le  maintien 
de  leur  intégrité  ils  endureront,  s'il  le  faut, 
tous  les  genres  de  mort9.  »  Enfin,  Messieurs, 
il  y  a  dans  la  propagation,  comme  dans  la  dé- 
fense de  la  science  sacrée,  des  initiatives  qui 
n'appartiennent  qu'à  lui,  des  affirmations  dont 
lui  seul  est  capable,  des  audaces  qui  ne  sont 
permises  qu'à  sa  haute  position,  des  libertés 
que  lui  seul  peut  prendre, car  il  est,  à  la  fois,  le 
soutien  et  le  rempart  de  son  Eglise,  Pour  sa 

1.  Qui  tametsi  alioqui  pacati  ac  modéra ti  siat,  hac 
tamen  in  re  lenes  et  faciles  esse  non  sustinent,  cum  per 
silentium  et  quietem  Dei  causa  proditur  :  verum  hic 
admodum  bellaces  sunt  atque  in  confligendo  acres  : 
*Ot  xav  xà/.Xa  coctv  sîpvjvixoi  Te  xai  [xlrpio'.,  touto  ye  où  cpspo'jctv 
£7U£ixeîç  eivat,  0£ov  TcooSiSovai  Bià  tt,ç  ^cru^iaç*  àXXà  xat  Xiav 
Etalv  sVraoÔa  tîoXejjuxoi  te  xoù  gusu.dc/oi.  (S.  Greg.  Naz.,  Orat, 
XXI,  in  laudem  magni  Athanasii,  n°  25.) 

2.  Qui  divinisenutriti  sunteloquiiscorrumpi  dedivinis 
dogmatibus  nec  unam  syllabara  patiuntur;  sed  pro  iis, 
si  ita  oporteat,  omnos  mortis  species  amalcctuntur. 


204  LB   GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE. 

garantir  des  erreurs  de  doctrine  et  de  conduite 
qui  compromettraient  leur  ministère,  c'est  en 
sa  maitresse  science  que  se  repose  l'intelli- 
gence et  que  s'abrite  la  conscience  de  ses 
prêtres. 

Leur  maître  dans  la  science,  il  faut  qu'il 
soit  leur  maître  dans  la  sainteté.  Le  prêtre  est 
l'exemplaire  qui  se  rapproche  le  plus  du  peu- 
ple, Tévêque  est  l'exemplaire  du  prêtre.  Le 
prestige  de  sa  grandeur  et  l'éclat  du  savoir 
n'auraient  point  en  lui  l'influence  et  l'autorité 
qu'ils  doivent  avoir,  s'il  n'y  joignait  la  splen- 
deur des  vertus  qui  font  le  prêtre  parfait. 
Ecoutez  ce  que  lui  demande  un  de  ses  premiers 
ancêtres,  l'Apôtre  saint  Paul,  c  II  faut,  dit-il, 
que  l'évêque~soit  irrépréhensible,  sobre,  pru- 
dent, chaste,  décent,  hospitalier,  modeste, 
désintéressé,  doux,  docile,  patient1;  —  qu'il 
ne  néglige  pas  la  grâce  qu'il  a  reçue  par  l'im- 
position des  mains,  mais  que,  chaque  jour,  il 
s'y  fortifie*;  —  que  toute  sa  vie  se  passe  dans 

1.  Oportet  episcopum  irreprehensibilem  esse...  bo- 
briura,  prudentem,  ornatum,  pudicum,  hospitalem...  mo- 
destum,nonlitigiosum,noncupidum.  (ITim.,cap.m,2-3.j 

2.  Noli  negligere  :T  «  ^   .  per  imposi- 


LE  GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE.  205 

la  vigilance  et  le  travail1;  —  que  ceux  du  de- 
hors lui  rendent  bon  témoignage,  car  aucune 
tache  ne  doit  souiller  sa  réputation*;  qu'il  soit 
l'exemple  de  son  troupeau  dans  ses  paroles,  sa 
manière  de  vivre,  sa  charité,  sa  foi,  sa  chas- 
teté... et  que  ses  progrès  dans  la  vertu  soient 
manifestes  aux  yeux  de  tous1  —  que  DieK 
l'approuve  et  voie  en  lui  un  ouvrier  irrépro- 
chable*. »  C'est  à  cette  règle  de  sainteté  que 
l'évêque  doit  comparer,  chaque  jour,  sa  vie,  et 
que  doit  revenir,  sans  cesse,  son  âme  souvent 
purifiée.  Inspecteur  des  mœurs  chrétiennes  et 
sacerdotales,  gardien  des  lois  de  Dieu  et  de  la 
discipline  ecclésiastique,  comment  pourrait-il 
exercer  ses  droits  et  faire  sentir  son  pouvoir, 
s'il  n'était,  dans  sa  vie,  le  miroir  de  la  perfec- 

tionem  manuum.  (I.  Tim.,  cap.  iv,  14).  —  Admoneo  te  ut 
resuscites  gratiam  quaeest  in  te.  (Ibid.  II.  Tim.,  cap.  i,  6;> 

1.  Vigila  et  in  omnibus  labora.  (II.  Tim.,  cap.  rv,  5.) 

2.  Oportet  (episcopum)  testimonium  habere  bonum 
ab  iis  qui  foris  sunt,  ut  non  in  opprobrium  incidat.  I.Tim., 
cap.  ni,  7.) 

3.  Exemplumestofidelium,  in  verbo,  inconversatione 
in  charitate,  in  fide,in  castitate...  ut  profectus  tuus  m 
nifestus  sit omnibus.  (I.Tim., cap.  iv,  12,  15.) 

4.  Sollicite  cura  teipsum   probabilem   exhibere  De« 
operarium  inconfusibilem.  (Tit.,  cap.  il,  15.) 

12 


206  LB  GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE. 

tion  qu'il  veut  obtenir  des  fidèles  et  du  clergé? 
Chaque  fois  qu'il  rappelle  à  ses  prêtres  l'obli- 
gation qu'ils  ont  d'être  saints  ;  chaque  fois  qu'il 
leur  répète  le  commandement  du  Seigneur  : 
«  Sanctifîcamini,  s&ncti  estote,  »  il  doit,  se  re- 
pliant sur  lui-même,  dire  à  sa  conscience  :  «  Et 
moi.  plus  encore  :  Plus  ego.  «  Doué  d'une  plus 
ample  et  plus  féconde  puissance  dans  les  mys* 
tères  divins,  il  en  reçoit  avec  plus  de  force  ce 
triple  précepte  :  Sépare-toi,  purifie-toi,  donne- 
toi. 

Honneurs,  richesses,  plaisirs,  affections  hu- 
maines, chaînes  si  douces  à  la  nature,  si  puis- 
santes pour  attacher  au  monde,  si  funestes  à 
la  vertu,  il  faut  que  le  prêtre  brise  tout  cela; 
mais  l'évêque,  plus  encore  :  oc  Plus  ego;  »  afin  de 
se  faire  une  âme  indépendante,  fière,  vaillante, 
toujours  prête  à  l'héroïsme.  Alors,  il  devient 
un  Chrysostôme,  disant  à  son  peuple,  au  mo- 
ment où  la  colère  des  grands  va  s'abattre  sur 
sa  tête  :  «  Que  puis-je  craindre?  —  La  mort? 
Mais  le  Christ  est  ma  vie  et  mourir  est  un 
gain;  —  l'exil?  Mais  la  terre  avec  toute  son 
étendue  appartient  au  Seigneur  ;  —  la  perte 
des  biens  de  ce  moi  °  n'ai  rien  ap- 


LE  GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE.  207 

porté  ici-bas  et  je  ne  puis  rien  emporter  au 
tombeau1.  »  Ou  bien  encore,  il  devient  un  Am- 
broise,  répondant  au  chambellan  de  l'empereur 
qui  menace  de  lui  couper  la  tête  :  «  Deus  per- 
rnittat  tibi  ut  impleas  quod  minaris  ;  ego 
enim  patiar  quod  est  episcopi  :  que  Dieu  te 
permette  d'accomplir  ta  menace,  je  souffrirai, 
alors,  et  mourrai  en  évêque  ;  »  un  Ambroise, 
bravant,  en  face  de  l'empereur  lui-même,  la 
défaveur  et  persécution,  obligeant  le  grand 
Théodose  à  réparer,  par  la  pénitence  publique, 
le  scandale  de  ses  cruautés,  et  arrachant  à  sa 
majesté  humiliée  cet  éloge  digne  du  prêtre 
parfait:  «Enfin  j'ai  appris  à  mes  dépens  la 
distance  qu'il  y  a  entre  un  empereur  et  un 
évêque  :  JEgre  tandem  didici  quid  inter  im- 
peratorem  intersït  et  episcopum.  »  C'était  un 
évêque,  encore,  celui  à  qui  le  préfet  de  l'empe- 
reur Valens  disait  :  «  Jamais  personne  ne  m'a 
parlé  comme  toi,  ni  avec  autant  de  liberté.  »  — 


i.  Ti  SeSo(xa[x£v,  diti  pot;  Tov  ôavarov;  —  'E(xo\  tô  Çri* 
Xpiorô;,  xal  to  àiroGavEiv  xipSoç.  'AXX*  i£op(av,  Irrcs  (xot;  —  Toïï 
Kuptou  ^  -pj,  xal  tô  uXiipwfxa  aÙTÎjç.  'AXXà  ^pr^aTtov  ô\jf/.£U3iv  ; 
—  OuSiv  eîffyjvsYxajjiev  elç  tôv  xodfjiov,  89jàov  ôrt  ouSèv  e£eveY*eïv 
oWjuôa.  (Homil.  Ante  exitum.) 


208         LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE. 

Et  Basile  répondait  :  t  alors,  tu  n'es  jamais 
tombé  sur  un  évêque1.»  Et  le  préfet, retournant 
vers  son  maître  :  —  «  Sire,  disait-il,  nous  som- 
mes vaincus  par  cet  évoque.  Il  est  plus  fort  que 
les  flatteries,  les  arguments  et  les  menaces9.  » 
Constamment  en  rapport  avec  la  sainteté 
même,  le  prêtre  doit  être  pur  comme  un  rayon 
de  soleil,  pur  comme  un  habitant  des  cieux; 
mais  l'évêque,  «  plus  encore  :  Plus  ego  h-)  Père 
de  la  race  sacerdotale,  il  est  bon,  il  est  juste  qu'il 
mêle  à  la  grâce,  dont  son  suprême  pouvoir  est 
la  source,  l'arôme  de  ses  vertus  et  que,  par 
une  mystérieuse  transfusion,  il  fasse  passer 
la  pureté  de  son  âme  dans  l'âme  de  ceux  qu'il 
engendre.  Epoux  de  l'Eglise,  avec  laquelle  il  a 


1.  Nemo  me  ad  hanc  usque  diem,  ita,  me  pari  li- 
bertate  verborum,  est  allocutus.  —  Neque  enim.  ait 
Basilius,  fortasse  in  episcopum  incidisti.  —  OuosU  oavat 
f/iypi  tou  vuv  outw;  sWi  oiei'ÀexTat,  xat  uexa  tocdcot/',?  tt,; 
-apprêta; .  —  0\>ll  yàp  e7T'.<7xo't:io  Tcio;  evsTuys;.  (S.  Greg. 
Nazanz.,  Orat.  XLIV,  in  Laud.  Basil.  Magn.,  n°  50.) 

2.  Imperator,  ab  hujus  Ecclesiœ  antistite  victi  sumus. 
Minis  superior  est,  sermonibus  firmior,  verborum  blan* 
ditiis  fortior.  — Bxs'.Xeu.  zvj  t/.to-:  -poÇcoAr^aÉvo'j  Ttfi  E/.xhf 
at'a;  Y1TT/,u.£0a•  xçe'ttwv  àmùSav  6  àvr'p,  Xoywv  crep^o-ripo;, 
-v.H'yA  ir/JsoT£io;.  (  S.  Greg.  Nazianz.,  Orat.  XLIV,  in 
laudem  Basilii  Magni,  n°  5i.) 


LE  GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE,  209 

fait  alliance  dans  sa  consécration,  et  dont  il 
porte  au  doigt  l'amoureuse  chaîne,  il  lui  doit 
tout  son  cœur  dans  une  chair  sans  tache.  Elle 
est  pour  lui,  selon  l'expression  d'un  grand 
docteur,  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  cher  au 
monde;  père,  mère,  enfants.  Aussi  le  droit 
n'a-t-il  point  à  son  égard  de  ces  tolérances  que 
lui  arrachent ,  en  certains  temps ,  certains 
lieux  et  certaines  circonstances,  la  pénurie 
des  ministres  sacrés  et  la  considération  de  la 
faiblesse  humaine.  Partout,  la  loi  de  la  perpé- 
tuelle continence  l'oblige  à  mettre  la  pureté 
de  son  corps  d'accord  avec  la  pureté  de  son 
âme,  pour  être  digne  de  ses  éminentes  fonc- 
tions. 

Dispensateur  des  bienfaits  de  Dieu  et  pléni- 
potentiaire de  sa  miséricorde,  le  prêtre  est 
obligé  au  don  de  soi;  mais  l'évêque,  «plus  en* 
core  :  Plus  ego  !  »  En  le  mettant  au  rang  de* 
princes  de  l'Eglise,  on  n'a  point  fait  de  lui  une 
de  ces  fières  et  froides  majestés  qui  attendent 
les  hommages  et  inspirent  la  crainte  et  le  res- 
pect plus  que  l'amour.  Le  sceptre,  qu'on  lui 
a  mis  entre  les  mains,  n'est  pas  seulement  la 

verge  de  la  justice  et  le  bâton  du  commande- 

12. 


210        LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE.' 

ment;  c'est  la  houlette  du  pasteur,  sur  laquelle 
il  s'appuie  pour  aller  à  la  recherche  de  son 
troupeau.  Dieu  lui  a  dit,  par  la  bouche  d'un 
grand  docteur  :  «  Avant  toute  chose,  connais 
l'Eglise  qui  t'estxonfîée  :  Ultimum  omnium 
cognosce  Ecclesiam  tibi  commissam*.  »  Et 
voilà  que,  peu  soucieux  de  son  repos,  il 
dépense  une  partie  de  sa  vie  à  aller  des 
villes  aux  bourgades,  des  palais  aux  chau- 
mières, des  vallées  aux  montagnes;  visitant 
les  temples,  les  autels,  les  tabernacles,  les 
cimetières,  répandant  à  pleines  mains  les  grâces 
parfaites  dont  il  est  le  ministre,  exhortant  les 
pécheurs,  encourageant  les  justes,  consolant 
les  malades  et  les  affligés,  bénissant  les  petits 
enfants,  réchauffant,  surtout,  le  zèle  de  ses  prê- 
tres, et  leur  apprenant,  par  l'amour,  à  être  les 
pères  des  âmes.  Il  n'est  point  d'œuvre  de  cha- 
rité et  de  miséricorde  dont  il  ne  soit  le  patron, 
et  qu'il  ne  soutienne  par  ses  bienfaits,  plus 
encore  que  par  les  sages  conseils  de  sa  direc- 
tion. Les  pauvres  aiment,  en  lui,  le  prêtre  par- 
fait dans  la  libéralité  et  le  dévouement,  plus 

1.  Saint  Bernard. 


LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE.         2  H 

qu'ils  ne  vénèrent  le  prêtre  parfait  dans  la 
grandeur  et  la  dignité.  Sa  charité  grandit  avec 
le  malheur.  C'est,  surtout,  lorsque  se  déclarent 
les  calamités  publiques,  lorsque  sévissent  les 
fléaux  qu'on  reconnaît,  en  lui,  le  père  et  l'héri- 
tier de  celui  qui  a  dit  :  ce  Je  veux  me  dépenser 
et  me  dépenser  encore  :  Impendar  et  superim- 
pendar\  »  Sa  voix  commande  à  tous  le  dévoue- 
ment, le  don  de  soi;  et  ses  exemples  héroïques 
enlèvent  les  hésitants  et  les  timides.  Il  apaise, 
comme  Flavien  d'Antioche,  le  courroux  des 
empereurs  dont  la  majesté  a  été  outragée  par 
un  peuple  en  défire  ;  il  arrête,  comme  Léon  de 
Rome,  les  rois  barbares  aux  portes  des  villes 
qu'ils  ont  juré  de  détruire;  il  se  livre  à  la  mort 
pour  consoler,  assister  et  sauver  son  peuple. 
Pendant  la  peste  de  Milan,  on  pressait  saint 
Charles  Borromée  de  se  mettre  en  sûreté.  — 
<c  Il  est  facile,  lui  disait-on,  de  remplacer  les  prê- 
tres qui  meurent;  mais  vous,  la  colonne  de 
l'Eglise,  qui  vous  remplacera?  Taisez-vrus, 
répondit-il;  c'est  quand  il  s'agit  de  mourir 
qu'un  évêque-doit  se  rappeler  qu'il  est  le  pre* 

1.  II.  Cor.  Cap.  xii,  il. 


212  LE  GÉNÉRATEUR   DU   SACERDOCE. 

raier.  — Nous  avons  eu  récemment,  Messieurs, 
de  pareils  exemples  sous  les  yeux;  ils  abondent 
dans  les  annales  de  l'Episcopat.  Faites  l'his- 
toire de  tous  les  corps  respectables  qui  repré- 
sentent, en  ce  monde,  quelque  attribut  de  Dieu, 
autorité,  force,  justice,  au  service  de  la  société, 
nulle  part,  autant  que  dans  l'histoire  de  l'Epis- 
copat, vous  ne  rencontrerez  les  paroles  subli- 
mes et  les  sublimes  actions.  Dans  l'histoire  des 
saints,  eux-mêmes,  il  est  facile  de  voir  que  le 
Plus  ego  a  enlevé  une  foule  de  grandes  et  fortes 
âmes  jusqu'à  l'héroïsme  du#devoir.  Avec  les 
religieux  qui  tendent,  par  état,  à  devenir  par- 
faits, les  évoques  fixés,  par  état,  dans  la  per- 
fection sont  les  plus  nombreux  au  culte  que 
l'Eglise  rend  à  ceux  de  ses  enfants  qui  se  sont 
illustrés  par  leurs  vertus  et  par  leurs  mira- 
cles. 

Remarquez  aussi ,  Messieurs ,  que  ce  sont 
les  évêques  qui  ont  les  préférences  de  l'impiété, 
dans  la  guerre  qu'elle  fait  à  la  religion.  Tar- 
quin  le  Superbe, voulant  décider  du  sort  d'une 
ville,  où  son  fils  s'était- introduit  par  trahison, 
conduisit  le  messager,  que  celui-ci  lui  avait 
envoyé  pour  le  consulter,  dans  le  jardin  de  son 


LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE.  213 

palais.  Là,  se  promenant  en  silence,  il  abattit, 
avec  une  baguette,  toutes  les  têtes  de  pavots 
qui  dépassaient  les  autres.  Le  fils  comprit 
cette  barbare  allégorie;  il  fit  décapiter  les 
principaux  habitants  de  Gabies,et  livra  la  ville 
aux  Romains. 

Nous  n'en  sommes  pas  encore  à  la  décapi- 
tation de  Tépiscopat,  mais  il  est  aisé  de  voir 
que  les  ennemis  de  Dieu  se  préoccupent  de  son 
influence  et  de  sa  force.  S'ils  flattent  quelque- 
fois par  d'hypocrites  attendrissements, ce  qu'ils 
appellent  le  bas  clergé,  ils  s'efforcent  d'amoin- 
drir le  suprême  sacerdoce.  En  attendant  les 
extrêmes  rigueurs  qu'ils  méditent,  ils  dépeu- 
plent les  conseils  de  l'évêque,  suppriment  le 
religieux  cortège  de  sa  majesté,  menacent  les 
recrues  sur  lesquelles  il  compte  pour  renou- 
veler son  clergé,  poursuivent,  avec  âpreté,  des 
abus  imaginaires  et  multiplient  les  leçons  pé- 
dantes. Ils  ignorent,  sans  doute,  cette  belle 
parole  du  grand  et  courageux  Ambroise:  «  Les 
persécutions  des  pouvoirs  portent  bonheur  aux 
évêques  plus  que  leurs  caresses  :  Felicius 
episcopos  persequuntur  impemtores  quam  di* 
ligunt.  3 


214         LE  GÉNÉRATEUR  DU  SACERDOCE. 

_______^ - 

Je  finis,  Messieurs,  et  je  suis  presque  tenté 
de  vous  demander  pardon  du  discours  que 
vous  venez  d'entendre.  Il  était  écrit,  et  vous 
l'avez  déjà  lu,  plus  d'une  fois,  dans  les  pompes 
de  cette  métropole,  où  vous  avez  pu  contempler 
le  prêtre  parfait  dans  la  grandeur,  dans  la  vie 
des  deux  éminents  prélats  qui  gouvernent  ce 
diocèse,  où  vous  admirez  chaque  jour  le  prêtre 
parfait  dans  le  devoir.  Dieu  soit  béni  du  spec- 
tacle qu'il  nous  donne!  Le  sacerdoce  n'est  pas 
près  de  finir  tant  qu'il  aura  de  tels  pères. 
Saluons-les  avec  amour,  Messieurs,  et  disons 
tous  ensemble  :  «  Longues  années,  longues 

^éesl  Ad  multos  anno*l  > 


QUATRE-VIXGT-Ol  ATRIÈME  CONFÉRENCE 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE 


QUATRE-VINGT-QUATRIEME    CONFÉRENCE 


LES    ENNEMIS  DU   SACERDOCE 


Monseigneur1 ,  Messieurs, 

Le  sacerdoce,  si  élevé  au-dessus  de  tous  les 
pouvoirs  de  ce  monde,  si  nécessaire  à  la  vie 
religieuse  des  peuples,  si  bienfaisant  à  l'hu- 
manité, si  évidemment  divin  dans  son  origine, 
son  caractère  et  ses  fonctions,  ne  devrait  ren- 
contrer autour  de  lui  qu'admiration,  respect 
et  reconnaissance.  Mais  il  semble  que  Dieu 
ait  redouté  pour  son  prêtre  l'enivrement  de  la 
grandeur  ;  et,  même,  en  celui  que  les  honneurs 
ne  pouvaient  séduire,  il  lui  a  préparé  des  con- 
tradicteurs. —  «  Ecce  positus  est  hic  in  signum 
cui  contradicetur*  :  Celui-là  sera  un  objet  de 
contradiction»,  disait  le  saint  vieillard  Siméon, 

1.  Monseigneur  Richard,  coadjuteur  de  Paris. 

2.  Luc,  cap.  il,  34. 

1<j 


218  LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE. 

de  l'enfant  qu'une  vierge  lui  présentait  dans 
le  temple.  Cet  enfant,  c'était  le  Prêtre  éternel, 
le  Prêtre  suprême,  Jésus-Christ,  commençant, 
par  l'offrande  solennelle  de  sa  personne  et  de 
sa  vie,  l'office  public  de  son  sacerdoce.  Il  est 
la  source  des  privilèges,  des  pouvoirs,  des 
droits  dont  sont  investis  tous  les  prêtres  de  la 
loi  nouvelle;  en  les  rendant  semblables  à 
lui  par  la  dignité,  il  leur  a  promis  qu'ils  lui 
seraient  semblables  parla  contradiction.  N'est- 
ce  pas  la  loi  que  les  fils  ressemblent  au  père 
qui  les  engendre?  Donc,  a  dit  le  Sauveur: 
«  Parce  que  je  vous  ai  séparés  du  monde,  le 
monde  va  vous  haïr1.  —  Vous  serez  en  butte 
à  sa  haine  à  cause  de  mon  nom*.  —  Et 
puisqu'il  me  persécute,  attendez-vous  à  être 
persécutés*.  j> 

Cette  lugubre  prophétie  n'a  pas  tardé  à  s'ac- 
complir. Au  début  de  leur  ministère,  les 
apôtres,  consolés    par  les  triomphes  de   la 

i .  Vos  de  mundo  non  estis,  propterea  odit  vos  muhdus. 
(Joan.,  cap.  xv,  19.) 

2.  Eritis  odio  omnibus  propter  nomen  meum.  (Matth., 
cap.  x,  22.) 

3.  Si  me  persecuti  sunt  et  vos  persequentur.  (Joan., 
cap.  xv,  20.J 


LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE.  219 

parole  évangélique,  se  trouvent  en  face  d'un 
pouvoir  ombrageux  et  jaloux  qui  prétend  les 
faire  taire,  et  qui  punit  par  la  prison  et  les 
verges  la  sainte  liberté  de  leur  parole1.  A 
quelque  temps  de  là,  saint  Paul  raconte  aux 
églises  qu'il  a  évangélisées  toutes  ses  tribula- 
tions, oc  II  semble,  dit-il,  que  Dieu  veut  nous 
montrer  au  monde,  nous  autres  apôtres, 
comme  les  derniers  des  hommes  et  comme 
des  gens  condamnés  à  mort.  —  Nous  passons 
pour  fous,  en  prêchant  l'Evangile  de  Jésus* 
Christ  avec  simplicité.  —  Depuis  le  commen- 
cement de  notre  prédication,  nous  endurons 
tous  les  maux  :  la  faim,  la  soif,  La  nudité,  les 
coups,  les  opprobres;  nous  n'avons  pas  de  de- 
meure assurée.  —  On  nous  maudit  et  nous 
bénissons  ;  on  nous  persécute  et  nous  le  souf- 
frons; on  blasphème  contre  nous  et  nous 
prions  pour  ceux  qui  nous  injurient.  Enfin, 
nous  sommes  traités  partout  comme  la  ba- 
layure  du  monde  et  comme  le  rebut  des 
hommes8.  — Moi-même,  j'ai  été  flagellé  cinq 

1.  Act.,  cap.  v. 

î.  Puto  onim  quod   Dous    nos  apostolos   novissimos 
ostendit  tanquam  morti  destinatos...   nos  stulti  propter 


220  LES   ENNEMIS  DU   SACERDOCE. 

fois  par  les  juifs,  trois  fois  battu  de  verges  par 
les  gentils,  une  fois  lapidé;  j'ai  fait  trois  fois 
naufrage  et  j'ai  passé  un  jour  et  une  nuit  au 
fond  de  la  mer,  où  l'on  m'a  jeté  comme  un 
impie1  .»  Ainsi  parlait  le  grand  Apôtre.  Plus 
le  sacerdoce  affirme  son  action,  plus  la  contra- 
diction devient  violente  et  plus  les  ennemis  se 
multiplient,  «  Les  vagues  courroucées,  que 
soulèvent  les  vents  sur  la  surface  des  mers, 
sont  moins  nombreuses  et  moins  terribles  que 
celles  qui  assaillent  l'âme  du  prêtre*,»  dit  saint 
Jean  Chrysostôme.  Lui,  aussi,  il  a  connu  les 
tribulations  que  le  Christ  a  promises  aux  con- 
tinuateurs de  son  divin  ministère.  Elles  sont 
de  tous  les  siècles,  de  toutes  les  années,  de  tous 

Christum...  usqueinhanchoramet  esurimus,  et  sitimus, 
etnudi  sumus,  etcolaphiscaedimus,  etinstabilessumus... 
maledicimus  et  benedicimus  :  persecutionem  patimuret 
sustinemus  :  Blasphemamur,  et  obsecramus  :  tanquam 
purgamenta  hujus  mundi  facti  sumus,  omnium  perip- 
sema  usque  adhuc.  (I.  Cor.,  cap.  iv,  9-13.) 

1.  Ajudaeisquinquies  quadragenas,  unâ  minus,  accepi. 
Ter  virgis  caesus  sura;  semel  lapidatus  sum,  ter  naufra- 
gium  feci,  nocte  et  die  in  profundo  maris  fuu  (II.  Cor., 
cap.  xi,  24,  25.) 

2.  IlXetova  y&P  twv  tJjv  ôaXarrav  Taparrovrcnv  ?cv£i>j/.aTwv 
ZetjxaÇet  xujxaTa  r))v  toïï  teptoj/ivou  ^u^v.  (^«  Chrysost.,  De 
èacerdotio,  lib.  III,  n°  8.) 


LES  ENNEMIS  OU   SACERDOCE.  221 

les  jours.  Le  dévouement  et  les  bienfaits  du 
sacerdoce  n'ont  désarmé  ni  la  haine  du  monde, 
ni  l'infernal  besoin  de  persécution  qui  le  tour- 
mente ;  et,  présentement,  l'on  dirait  que  Dieu 
veut  nous  ramener  aux  plus  mauvais  jours  de 
la  contradiction. 

Messieurs,  je  suis  aujourd'hui  en  présence 
des  ennemis  du  sacerdoce.  Dieu  merci,  je 
ne  les  crains  pas  et  je  vais  m'expliquer  à  leur 
sujet,  devant  vous,  sur  ces  trois  questions  : 
Qui  sont-ils?  —  Que  nous  reprochent-ils? 
—  Où  veulent-ils  en  venir  en  nous  faisant  la 
guerre  ? 


Nous  sommes  le  nombre,  disent  les  ennemis 
du  sacerdoce.  La  superstition  a  fait  son  temps, 
et  le  peuple,  mieux  éclairé,  s'est  définitivement 
affranchi  du  respect  imbécile  dont  il  entourait, 
iaclis,  les  ministres  d'une  religion  qui  s'en  va. 
Ses  suffrages  sont  acquis  à  la  libre-pensée, 
et  nous  n'avons  besoin  que   de   cette  force 


222  LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE. 

pour  venir  à  bout  d'une  institution  surannée, 
qui  résiste  obstinément  aux  envahissements  du 
progrès. 

Messieurs,  cette  affirmation  me  semble  bien 
osée.  Je  doute  qu'elle  puisse  soutenir  le  con- 
trôle d'une  statistique  générale  de  l'état  des 
consciences  et  des  besoins  religieux  qui  tour- 
mentent, plus  qu'on  ne  le  croit,  la  masse  po- 
pulaire. Dans  ce  nombre,  dont  se  glorifie  l'im- 
piété, il  ne  faut  évidemment  pas  compter  ceux 
qui,  n'ayant  point  le  droit  légal  de  suffrage, 
ont  cependant  une  âme  à  sauver,  et  qui  pré- 
tendent user,  pour  cela,  du  ministère  de  ceux 
qui  ont  reçu  de  Dieu  leurs  pouvoirs  :  enfants, 
dont  l'âme  naïve  encore  se  tourne  d'instinct 
vers  le  prêtre,  recherche  ses  sourires  et  ses 
bénédictions;  adolescents,  que  l'orage  des 
passions  qui  s'annonce  rapproche  d'un  guide 
sacré,  d'un  protecteur  divin  ;  femmes,  dont  le 
cœur  naturellement  religieux  ne  peut  trouver 
que  dans  les  mystères  de  grâce,  dispensés  par 
le  sacerdoce,  le  soutien  d'un  fidèle  amour  et 
d'un  perpétuel  dévouement.  Retranchez,  avec 
cela,  les  hommes  convaincus  dont  la  vie  chré- 
tienne est  une  profession  publique  de  respect 


1ES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  223 

et  de  soumission  envers  les  ministres  de  Dieu  ; 
retranchez,  même,  parmi  ceux  dont  l'impiété 
enregistre  les  suffrages  à  son  profit,  une  foule 
d'indifférents,  déshabitués  des  pratiques  reli- 
gieuses, mais  conservant  au  fond  de  l'âme  le 
levain  de  foi  que  leur  a  donné  le  baptême,  et 
peu  disposés  à  l'étouffer  par  l'apostasie, 
comme  l'ont  prouvé  des  recensements  qui  ne 
sont  pas  encore  très  loin  de  nous  :  hommes  de 
plaisir,  de  travail,  d'affaires,  de  science,  pas- 
sagèrement entraînés  par  les  passions,  les 
préjugés  et  les  circonstances,  à  des  boutades 
d'irréligion,  mais,  tout  à  coup  réveillés  par 
les  approches  de  la  mort,  et  demandant  au 
prêtre  un  suprême  secours,  pour  affronter  les 
mystères  de  l'autre  vie.  Et,  après  ces  retran- 
chements, faites  la  somme  de  ce  qui  reste,  et 
dites-moi  si  les  ennemis  du  sacerdoce  ont 
bien  le  droit  de  s'écrier  :  —  Nous  sommes  le 
nombre! 

Et  quand  cela  serait,  Messieurs! — Le  nombre 
ne  peut  rien  contre  Dieu,  ni  contre  les  œuvres 
divines.  N'était-ce  pas  le  nombre  qui  écrasait 
le  divin  Prêtre  à  l'heure  où  il  allait  consommer 
son  sacrifice?  La  synagogue,  le  pouvoir  civil, 


224  LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE. 

le  peuple  :  la  haine,  la  lâcheté,  l'imbécillité, 
tout  conspire  contre  lui.  Le  nombre  l'accuse, 
le  nombre  le  condamne,  le  nombre  l'exécute; 
mais,  là  où  il  croit  triompher,  il  aide  la  victime 
à  l'accomplissement  de  son  grand  acte  sacer- 
dotal, et  provoque  la  toute-puissance  divine  au 
prodige  admirable  qui  doit  affermir  pour 
jamais  le  sacerdoce. — N'était-cepas  le  nombre, 
le  nombre  immense,  animé  des  plus  mau- 
vaises passions  et  armé  de  toutes  les  violences, 
qui  se  dressait  devant  les  douze  hommes  aux- 
quels Jésus-Christ  venait  de  confier  ses  pou- 
voirs ?  Us  ont  combattu  contre  l'univers  entier, 
et  ils  ont  succombé  tous  dans  cette  lutte  gigan- 
tesque; mais  leurs  mains  consacrées  avaient 
enfanté  une  race  de  prêtres  qui,  toujours  per- 
sécutée et  toujours  féconde,  a  multiplié  le 
peuple  chrétien  et  créé,  finalement,  un  nombre 
contre  le  nombre.  Partout,  le  sacerdoce  ren- 
contrera le  monde  qui  le  hait,  et,  avec  le 
monde,  le  nombre,  c'est  prédit  :  «  Odit  vos 
mundus.  Eritis  odio  omnibus  propter  nomen 
meumi>.  Mais,  avec  la  contradiction,  la  vic- 
toire est  annoncée.  C'est  au  sacerdoce  qu'un 
pieu   a  dit  .  «  Ayez  confiance,  j'ai  vaincu  le 


LES  ENNEMIS  DU    SACERDOCE.  225 

monde.:  Confidite,  ego  vici  mundum* .»  Une 
génération  de  prêtres  peut  être  écrasée  par  le 
nombre  ;  le  sacerdoce  est  immortel. 

Encore  une  fois,  le  nombre  ne  peut  rien 
contre  Dieu,  ni  contre  les  œuvres  divines.  Je 
dis  encore,  Messieurs,  que  le  nombre,  par  lui- 
même,  ne  prouve  rien  contre  le  droit.  Dix 
malandrins  qui  s'unissent,  pour  saccager  la 
maison  d'un  honnête  homme,  ne  prouvent  pas, 
parce  qu'ils  sont  dix  contre  un,  que  cet  un 
n'est  pas  le  propriétaire  légitime  des  biens 
dont  on  le  dépouille.  De  même,  dix  millions  de 
contradicteurs,  acharnés  contre  le  sacerdoce, 
ne  prouveront  jamais  qu'il  n'a  pas  été  institué 
divinement,  que  Dieu  ne  l'a  pas  investi  d'une 
puissance  spirituelle  à  laquelle  on  ne  peut 
comparer  aucun  pouvoir  humain;  qu'il  n'est 
pas  le  dispensateur  officiel  des  choses  saintes; 
que  les  âmes  n'ont  pas  besoin  de  ces  choses 
saintes  pour  être  sauvées.  En  définitive,  cette 
chose  mobile,  qu'on  appelle  un  nombre,  est  une 
force  bête  et  brutale,  quand  elle  s'attaque  au 
droit.  Elle  peut  le  violer;  elle  ne  le  supprime 


1.  Joan.,  cap.  xvi,  33. 

13. 


Î26  LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE. 

pas,  elle  ne  prouve  absolument  rien  contre 
lui. 

Ah!  j'aurais  peur  du  nombre  s'il  était  en 
même  temps  la  raison  et  la  vertu,  parce 
qu'alors  il  pourrait  me  faire  douter  de  mon 
droit.  Mais,  c'est  précisément  ce  que  l'on  cher- 
cherait en  vain  chez  les  ennemis  du  sacerdoce. 
Aveuglés  par  le  parti  pris,  ils  ne  veulent  tenir 
aucun  compte  des  principes  d'ordre  social  qui 
appellent  la  religion  au  sommet  des  choses 
humaines,  comme  l'indispensable  garantie  de 
toute  moralité  et  de  toute  justice.  Pour 
échapper  aux  étreintes  de  ces  principes,  ils  se 
réfugient  du  côté  des  systèmes  les  plus  abjects, 
aimant  mieux  ravaler  l'homme  que  de  recon- 
naître en  lui  des  facultés  et  des  aspirations  qui 
pourraient  avoir  quelque  affinité  avec  un  mi- 
nistère sacré.  A  les  en  croire,  les  volontés  po- 
pulaires doivent  être  respectées  et  satisfaites  ; 
et,  mis  en  Face  de  ce  fait  indéniable  qu'une 
foule  de  gens  réclament  le  ministère  sacer- 
dotal comme  un  service  public,  ils  passent 
outre  avec  un  cynique  mépris.  Ils  affichent 
l'amour  de  toutes  les  libertés;  mais  il  en  est 
une  dont  ils  ont  hâte  de  se  défaire,  et  c'est 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  227 

dans  la  personne  du  prêtre  qu'ils  espèrent  lui 
porter *le  coup  mortel.  Les  inconséquences  ne 
leur  coûtent  pas.  S'ils  ont  une  logique,  c'est 
celle  qui  prend  pour  principe  un  dessein 
arrêté,  et  qui  marche,  per  fas  et  nefas,  à  son 
exécution.  Ce  n'est  point  par  des  appels  au 
bon  sens  des  masses,  ni  par  des  arguments 
capables  de  convaincre  ceux  qui  raisonnent 
qu'ils  recrutent  des  adhésions  à  leur  parti  pris; 
mais  bien,  par  de  vieux  mensonges,  dont 
l'ignorance  et  la  légèreté  n'iront  jamais  cher- 
cher, nulle  part,  la  réfutation,  et,  surtout,  par 
des  déclamations  passionnées  où  figurent  une 
demi-douzaine  d'invectives  prenant  la  tour- 
nure d'aphorismes  ;  celles-ci,  par  exemple  : 
le  sacerdoce  étouffe  la  raison  humaine  clans 
la  superstition  ;  —  le  parti  prêtre  a  horreur  de 
la  liberté  et  du  progrès;  —  le  cléricalisme  c'est 
l'ennemi  !  —  Clichés  toujours  à  l'œuvre  et  qui 
ne  s'usent  pas,  tant  la  bêtise  humaine  est 
docile  aux  empreintes  que  lui  donne  la  haine 
audacieuse  ;  tant  il  est  facile  d'abuser  les  sots 
«  dont  le  nombre  est  infini1:  infinitus  stultorum 

1.  Eccl.,  cap.  i,  5. 


228  LES  ENNEMIS   DU   SACERDOCE. 

numerus.  »  Nos  ennemis  n'ignorent  pas  cela; 
c'est  peut-être  le  seul  texte  des  Saintes*Lettres 
dont  ils  savent  tirer  profit.  Que  s'ils  prennent, 
quelquefois,  une  attitude  plus  grave,  pour  dis- 
cuter notre  situation  et  nos  droits,  s'ils  enve- 
loppent leurs  contradictions  de  formes  sa- 
vantes, il  est  facile  de  voir  qu'ils  obéissent,  en 
somme,  à  des  préoccupations  hostiles  qui  nous 
permettent  de  suspecter  leur  bonne  foi,  et  si 
bien  fardés  que  soient  leurs  sophismes,  nous 
ne  manquons  pas  de  bonnes  raisons  pour  les 
confondre. 

Non  seulement,  Messieurs,  le  nombre,  tout 
à  fait  discutable,  dont  se  vantent  les  ennemis 
du  sacerdoce  n'est  pas  la  raison;  il  n'est  pas 
la  vertu.  On  pourrait  s'émouvoir  de  rencontrer, 
chez  ceux  qui  nous  font  la  guerre,  les  grandes 
vertus  qui  ont  illustré  le  sacerdoce:  particuliè- 
rement, cette  profonde  abnégation,  ce  parfait 
désintéressement,  cette  active  charité,  ces  dé- 
vouements héroïques  dont  il  s'est  montré  pro- 
digue, dans  tous  les  âges  de  sa  longue  histoire, 
et  dont  il  donne  encore  de  si  beaux  exemples. 
Mais,  Dieu  merci,  nous  n'avons  rien  à  craindre 
de  ce  côté;  et  nous  pouvons  toujours  croire 


LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE.  229 

que  ce  n'est  pas  sans  une  assistance  divine 
que  la  sainteté  fleurit  dans  l'état  sacerdotal. 

Certes,  je  ne  prétends  pas  que  nos  ennemis 
sont  absolument  dépourvus  de  toute  honnê- 
teté. Il  y  a,  parmi  eux,  des  infortunés  qui  n'ont 
jamais  connu  de  la  religion,  de  l'Eglise,  du 
sacerdoce  que  le  mal  qu'on  leur  en  a  dit,  et 
chez  qui  la  prêtrophobie  est  une  sorte  de  ma- 
ladie mentale  qu'ils  allient,  tant  bien  que  mal, 
avec  certaines  vertus  naturelles.  Je  n'ai  pour 
ces  maniaques  que  de  la  pitié  ;  mais  ils  sont 
l'exception.  Combien  qui  ne  sont  devenus  les 
ennemis  du  prêtre  qu'après  avoir  abjuré  leur 
foi  !  Et  combien  qui  n'ont  abjuré  leur  foi  que 
pour  satisfaire  des  passions  aujourd'hui  triom- 
phantes! Toutes  les  raisons  dont  ils  font  bruit 
en  public,  pour  justifier  leur  haine,  ne  sont 
que  de  misérables  prétextes;  les  vraies  causes 
de  cette  haine  se  cachent  au  fond  de  leur  âme 
deshonorée.  Entrez-y,  Messieurs,  vous  y  lirez 
une  page  saisissante  de  nos  Livres  Saints  ;  elle 
a  été  écrite  par  la  sagesse  divine,  qui  connaît 
tous  les  secrets  des  cœurs  pervers  :  —  «  Cir- 
cumveniamus  justum.  Contumelia  et  tormento 
interrogamvs  eum  ;  Entourons  le  juste,  disent 


230  LES   ENNEMIS   DU   SACERDOCE. 

les  impies  (le  juste,  c'est  ici  le  prêtre),  oppri- 
mons-le par  l'injure  et  la  persécution.  *  Pour- 
quoi cela?  Est-ce,  seulement,  parce  que  le  prê- 
tre leur  est  inutile,  depuis  qu'ils  se  sont  mis  en 
état  de  ne  plus  user  de  son  ministère?  Quo- 
niam  inutilis  est  nobis  ?  —  Non,  Messieurs, 
ils  le  détestent,  parce  que  le  prêtre  estk  censure 
vivante  des  passions,  des  vices  et  des  crimes  de 
leurs  vies  souillées,  et  comme  une  perpétuelle 
menace  suspendue  sur  leur  tête.  —  Ils  le  dé- 
testent, parce  que  le  prêtre  se  tient  éloigné  des 
voies  impures  où  ils  marchent,  et  s'efforce  d'en 
écarter  les  âmes  sur  lesquelles  sa  parole  a 
quelque  autorité  :  t  Abstinet  se  a  viis  nostris 
tanquam  ab  immunditia.  »  Ils  le  détestent, 
parce  que  le  prêtre  prêche  l'humilité  dans  la 
grandeur,  la  justice  dans  le  pouvoir,  la  sou- 
mission à  l'autorité,  le  respect  des  droits  de 
tous,  la  modération  des  désirs,  le  mépris  des 
honneurs,  le  détachement  des  richesses,  la 
privation  des  plaisirs,  la  mortification  des  sens; 
parce  qu'il  éclaire  le  peuple  que  l'on  trompe  et 
défend  les  petites  âmes  que  l'on  veut  corrom- 
pre ;  parce  qu'il  est  le  promoteur,  l'organisa- 
teur, le  soutien  des  œuvres  de  zèle  et  de  charité 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  23Î 

qui  contrecarrent  les  agissements  de  l'impiété  : 
«  Contmrius  est  operibus  nostrisy  et  factis  nos» 
tris  adversatur.  »  Ils  le  détestent,  parce  que  le 
prêtre,  gardien  de  la  loi  de  Dieu,  et  fort  des 
droits  que  lui  donnent  les  lois  humaines,  ne 
laisse  passer  aucune  de  leurs  iniquités  sans 
crier  :  Non  licet  !  Cela  n'est  pas  permis!  «  Ira- 
properat  nobis  peccata,  legis.  »  Ils  le  détestent, 
parce  que  le  prêtre,  non  content  de  les  avertir, 
condamne,  publiquement  et  avec  autorité,  les 
scandales  de  leur  conduite,  pour  préserver  les 
âmes  de  leurs  pernicieuses  influences  :  «  Dif- 
famât in  nos  peccata  disciplinse  nostrse.  x>  Ils  le 
détestent,  parce  que  le  prêtre,  habitué  à  lire 
dans  les  âmes,  devine  leurs  pensées  et  démas- 
que leurs  projets  :  <x  Factus  est  nobis  in  traduc- 
tionem  cogitationum  nostrarum.  »  Ils  le  détes- 
tentj  parce  que,  moins  que  personne,  le  prêtre 
prend  au  sérieux  leurs  déclarations  hypocrites 
et  leurs  promesses  menteuses  ;  parce  que,  mieux 
que  personne,  il  sait  où  doivent  aboutir  leurs 
sinistres  farces  :  «  Tanquam  nugaces  œstimati 
swmus  abillo.  »  Ils  le  détestent,  parce  que  le 
prêtre  est  comme  un  livre  vivant,  dans  lequel 
ils  lisent  les  reproches  de  leur  conscience  et  les 


132  LES  ENNEMIS   DU    SACERDOCE. 

menaces  de  l'éternité;  parce  que  le  prêtre  est 
lourd  à  porter,  quand  on  refuse  la  vérité  dont  il 
est  l'apôtre  et  les  grands  biens  dont  il  est  le 
dispensateur  :  ce  Gravis  est  nobis.  »  Ils  le  dé- 
testent, parce  que  le  prêtre  vient  au-devant 
d'eux  comme  l'ambassadeur  de  Dieu,  dont  ils 
veulent  secouer  le  joug  ;  parce  que  c'est  Dieu 
lui-même,  Dieu  en  chair  et  en  os,  Dieu,  té- 
moin, accusateur  et  juge  de  leurs  prévarications 
et  de  leur  endurcissement  :  «  Promittit  se 
scientiam  Dei  habere...  et  gloriatur  patrem  se 
habere  Deum.  »  Evidemment  le  prêtre  est  de 
trop  pour  eux.  «  Entourons-le,  disent-ils; 
circumveniamus  justum.  Opprimons-le  par 
l'injure  et  la  persécution  :  Contumelia  et  for- 
mento  interrogamus  eum â.  » 

Et  maintenant,  Messieurs,  regardez  et  voyez 
l'effet  produit  par  ce  cri  de  guerre.  Sont-ce  les 
honnêtes  gens  qu'il  rallie?  —  Non.  —  Mais  il 
fait  tressaillir  les  passions  violentes  et  abjec- 
tes. Vous  pouvez  être  sûrs  de  rencontrer  à'  peu 
près  tous  les  voleurs,  tous  les  intempérants, 
tous  les  libertins,  tous  les  tarés,  dans  les  ba- 

1.  Cf.  Sap.,  cap.  il,  12-19. 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  233 

taillons  panachés  que  recrutent  les  ennemis  du 
sacerdoce.  Si  c'est  avec  cela  qu'on  fait  le  nom 
bre,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  vanter. 

En  fin  de  compte,  Messieurs,  ce  n'est  ni  le 
nombre,  ni  la  raison,  ni  la  vertu  qui  nous  font 
la  guerre  ;  c'est  une  secte  vouée,  par  serment,  à 
la  destruction  des  choses  saintes,  et  depuis 
longtemps  démasquée  ;  c'est  la  passion  aveugle, 
que  ni  l'intérêt  de  la  chose  publique,  ni  la 
honte  de  ses  inconséquences  ne  peuvent  conte- 
nir ;  c'est  l'iniquité  impudente  appelant  à  son 
aide  tous  les  vices,  pour  se  débarrasser  des 
hommes  sacrés  dont  la  mission  et  les  vertus  lui 
sont  devenus  un  insupportable  fardeau. Certes, 
on  pourrait  se  contenter  de  mépriser  de  pareils 
ennemis  jusqu'à  ce  que  Dieu  les  traite  comme 
ils  le  méritent.  Cependant,  je  cnxs  qu'il  est  à 
propos  de  discuter  les  reproches  qu'ils  nous 
adressent,  puisque  c'est  au  moyen  de  ces  re- 
proches qu'ils  espèrent  pervertir  l'esprit  public 
et  créer,  en  leur  faveur,  l'illusion  du  nombre. 


•234  LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE, 


II 


L'acte  d'accusation  qui  pèse  sur  le  sacerdoce 
est  chargé,  et  s'enrichit  tous  les  jours  de  quel- 
que nouveau  détail.  Je  ne  perdrai  pas  mon 
temps  à  en  discuter  tous  les  articles  ;  il  suffit 
de  les  ramener  à  ces  trois  chefs  :  les  idées,  les 
tendances,  les  mœurs. 

Le  prêtre  n'est  pas  de  son  temps,  dit-on,  ses 
idées  sont  rétrogrades.  Rivé  à  des  principes 
inflexibles,  à  des  dogmes  immuables,  il  se  défie 
de  tout  mouvement  en  avant,  de  toute  évolution 
intellectuelle  ayant  pour  but  d'étendre  la  sphère 
des  connaissances  humaines  ;  il  est  systémati- 
quement ennemi  des  sciences  et  du  progrès  ; 
il  ne  comprend  rien  aux  besoins  et  aux  aspira- 
tions modernes. 

Remarquez,  je  vous  prie,  Messieurs,  que, 
parmi  ceux  à  qui  Ton  fait  accepter  sans  contrôla 
cette  sotte  accusation,  il  y  a  une  foule  de  gens 
qui  seraient  fort  empêchés  de  dresser  la  simple 
nomenclature  des  sciences  dont  nous  sommes 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  235 

les  ennemis,  de  définir  le  progrès  et  de  dire,  au 
juste,  en  quoi  consistent  les  besoins  et  les  aspi- 
rations modernes.  Cependant  ils  nous  tiennent, 
sinon  pour  de  parfaits  imbéciles,  du  moins 
pour  de  sacrilèges  éfceigneurs  de  lumière.  Il 
est  inutile,  n'est-ce  pas,  de  nous  justifier  de  ce 
qui  fait  l'objet  de  leurs  ridicules  appréhensions, 
et  de  prouver  que  nous  n'avons  nullement  Tin' 
tention  de  faire  rebrousser  l'humanité  vers  les 
ténèbres  de  la  barbarie.  Du  reste,  nos  ennemis 
les  plus  intelligents  et  les  mieux  avisés  ne 
croient  pas  à  cette  énormité  ;  mais  ils  se  plaisent 
à  abuser  de  notre  rigidité  dogmatique  et  à  en- 
tretenir contre  nous  les  préjugés  des  masses. 

Que  le  prêtre  soit  le  gardien  des  grands 
principes  qui,  approchant  de  plus  près  des  cau- 
ses premières  et  finales  de  toutes  choses,  pénè- 
trent tout,  commandent  tout,  règlent  tout; 
qu'il  ait  reçu  en  dépôt  des  vérités  divines  qu'il 
faut  croire,  bien  que  la  raison  ne  puisse  ni  les 
découvrir  par  ses  propres  forces,  ni  les  com- 
prendre; que  ces  principes  soient  inflexibles, 
que  ces  vérités  soient  immuables,  c'est  incon- 
testable. Mais,  comme  je  vous  le  disais,  du 
haut  de  cette  chaire,  il  y  a  seize  ans,  à  propos 


£36  LES   ENNEMIS  DU  SACERDOCE. 

des  grandes  assises  intellectuelles  que  tenait 
l'Eglise1,  l'inflexible,  l'immuable  sont  néces- 
saires à  toute  science  et  à  tout  progrès.  Ils 
n'étouffent  pas  l'activité  de  l'esprit  humain;  ils 
la  contiennent,  ils  la  mesurent,  ils  la  préservent 
des  courses  folles  et  des  honteux  avortements 
auxquels  la  condamneraient,  fatalement,  des 
évolutions  sans  règle.  Sans  l'inflexibilité  des 
grands  principes,  sans  l'immutabilité  des  vé- 
rités divines,  la  philosophie  n'est  plus  qu'une 
lutte  interminable  de  systèmes  ;  l'histoire  n'est 
plus  qu'un  ramassis  d'événements  mal  dessi- 
nés par  les  étroites  conceptions  qui  n'y  veulent 
voir  que  le  jeu  des  idées  et  des  passions  hu- 
maines; la  science  morale  n'est  plus  qu'une 
série  de  prescriptions  mobiles,  qui  finissent 
par  faire  prévaloir  l'utile  et  l'agréable  sur  le 
juste,  l'honnête  et  le  saint;  les  sciences  natu- 
relles ne  sont  plus  qu'une  débauche  d'expé- 
riences, qui  parquent  l'esprit  humain  dans  un 
matérialisme  abject;  le  progrès,  en  toutes 
choses,  n'est  plus  qu'un   mouvement  désor- 


1.  Cf.  Avent  1869.  Concile  et  Jubilé.  I*  Conférence  : 
Appel  royal  de  l'Eglise. 


LES  ENNEMIS  DU  8ACERD0GE.  $37 

donné  obéissant  aux  passions,  plutôt  qu'à  la 
raison.  L'inflexible,  l'immuable  n'ont  point 
empêché  de  grandes  âmes  sacerdotales  de  de- 
v"  ncsr  leur  siècle,  sur  la  voie  des  sciences  et 
du  progrès.  Les  Albert  le  Grand,  les  Vincent 
de  Beauvais  étonnent  encore  les  hommes  émi- 
nentsqui  prennent  la  peine  d'étudier  conscien- 
cieusement leurs  ouvrages.  Dans  la  longue 
série  des  découvertes  qui  ont  honoré  l'esprit 
humain,  il  en  est  qu'on  voit  sortir  d'une  tête  de 
moine  ou  de  prêtre,  d'autres  qu'on  doit  à  la 
haute  influence  et  à  la  puissante  protection  du 
sacerdoce.  Ce  sont  des  moines,  des  prêtres  et 
des  évêques  qui  ont  ouvert  à  Christophe  Colomb 
le  chemin  du  Nouveau-Monde1.  Ce  sont  des 


1 .  Le  Franciscain  Juan  Perez  recueille  Colomb,  abreuvé 
d'humiliations,  dans  son  couvent  de  Santa-Maria  de  la 
Rabida.  Il  devient  son  ami  et  l'encourage  dans  son  des- 
sein gigantesque.  C'est  sur  sa  recommandation  que  Co- 
lomb est  reçu  à  la  cour  d'Espagne.  Ecarté  une  première 
fois,  il  est  ramené  par  Antonio  Geraldini,  ancien  nonce 
du  Pape,  et  présenté  par  le  cardinal,  Mendoça,  archevê- 
que de  Tolède,  à  Ferdinand  et  à  Isabelle.  Au  sein  de  la 
commission  qui  doit  prononcer  sur  les  plans  et  projets 
du  hardi  Génois,  les  Dominicains  de  Salamanque,  che^ 
qui  il  reçoit  l'hospitalité  soutiennent  sa  cause  par  l'or- 
gane de  leur  savant  nrofesseur  Diego  de  Deza.  La  com- 


LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE. 


évêques  et  des  papes  qui  ont  patronné  l'inven- 
tion naissante  de  l'imprimerie1.  Et  aujourd'hui, 
encore,  dans  toutes  lessciences  philosophiques, 
historiques,  physiques  et  mathématiques,  ne 
voit-on  pas  figurer  avec  honneur  des  noms  de 
prêtres?  N'êtes-vous  pas  témoins  de  nos  cons- 
tants efforts  à  étudier  et  à  vous  faire  compren- 
dre les  harmonies  des  vérités  divines  et  des 
sciences  humaines  ? 

Le  prêtre  cultive  la  science,  et  il  en  bénit  ces 
heureuses  applications  qu'on  appelle  le  pro- 
mission ayant  prononcé  pour  la  négative,  Juan  Perez 
revient  à  la  charge  et  ramène  Colomb  devant  Isabelle. 
Intrépidement  soutenu  près  de  cette  reine  héroïque,  par 
le  Franciscain,  par  Mendoça  et  par  Luis  de  Santagcs, 
receveur  général  du  domaine  ecclésiastique,  qui  s'en 
à  faire  les  avances  sur  sa  fortune  privée,  sans  outre  ga- 
rantie que  l'entreprise  elle-même,  malgré  la  résistance 
inintelligente  de  Ferdinand  d'Aragon,  Colomb  triomphe. 
Le  vendredi  12  octobre  1492,  la  croix  était  plantée  dans 
le  Nouveau-Monde. 

1.  Rien  de  plus  admirable  et  de  plus  touchant  que  le 
courage  et  les  efforts  de  Jean-André  de  Bussi,  évêque 
nommé  d'Aséria  dans  la  Corse,  pour  soutenir  l'entreprise 
de  Arnold  Parnarg  et  de  Conrad  Scheweynheim,  ouvriers 
allemands  de  la  maison  Fust.  D'abord  établis  au  couvent 
de  Subiaco,  ils  transférèrent  leurs  presses  à  Rome.  Jean- 
André  leur  procura  les  premiers  fonds,  se  chargea  de 
1  s  œuvres  à  imprimer,   de  préparer  la  copie, 


LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE.  239 

grès.  Qui  donne  à  ses  ennemis  le  droit  de  Pao 
cuser  de  mensonge,  lorsque, les  mains  étendues, 
il  appelle  solennellement  les  bénédictions  de 
Dieu  sur  les  inventions  de  l'esprit  humain  ?  Il 
est  vrai  que,  au  nom  de  l'inflexible  et  de  l'im- 
muable, il  condamne  les  abus  que  l'on  fait  de 
la  science,  les  conclusions  erronées  qu'on  en 
tire,  et  signale  les  fausses  routes  que  prend  le 
progrès;  mais,  agir  ainsi,  c'est  se  conduire  en 
ami  sage  et  éclairé  et  non  pas  en  ennemi. 
Quant  aux  besoins  et  aux  aspirations  mo- 

veillant  à  la  correction  du  texte,  rectifiant  le  travail  des 
compositeurs,  ajoutant  à  chaque  publication  une  préface 
souvent  assez  étendue,  ou  bien  une  épître  dédicatoire, 
dont  les  connaisseurs  admiraient  le  beau  latin,  le  tour 
ingénieux,  l'érudition  et  la  grâce.  Il  dédia  à  Paul  II  les 
Lettres  de  saint  Jérôme,  le  remerciant  d'avoir  pris  sous 
son  puissant  patronage  la  merveilleuse  invention.  Dans 
un  moment  de  détresse,  il  recommanda  à  Sixte  IV  les 
imprimeurs,  qu'il  appelait  ses  enfants;  toute  l'épargne 
du  trésor  pontifical  y  passa. 

Ce  fait  n'est  pas  isolé  dans  l'histoire  de  l'imprimerie. 
Elle  prit  un  essor  extraordinaire,  sous  la  protection  et 
quelquefois  sous  l'impulsion  directe  de  la  papauté...  Les 
évêques  et  les  prêtres  imitaient  cet  exemple,  quand  ils 
ne  le  prévenaient  pas.  Les  moines  livrèrent  leurs  riches 
collections  de  manuscrits.  L'adhésion  était  unanime,  le 
concours  spontané,  l'entente  parfaite.  (Cf.  Histoire  de 
l'Eglise.  Continuation  de  l'abbé  Bareille,  1471-1484.> 


240  Ï-ËS  ENNEMIS  DU  SACERDOCE. 

dernes,  personne  ne  les  comprend  mieux  et  ne 
les  respecte  plus  que  le  prêtre.  Mais,  toujours 
armé  de  l'inflexible  et  de  l'immuable,  il  en 
modère  l'élan,  et  les  arrête  sur  les  pentes  où 
besoins  et  aspirations  ne  tarderaient  pas  à 
dégénérer  en  appétits  dépravés  et  en  désirs 
criminels.  Je  vous  ai  fait  entendre  son  langage; 
il  y  a  si  longtemps  que  vous  l'aviez  oublié,  sans 
doute  ;  permettez-moi  de  vous  le  rappeler. 

Si  vous  êtes  impatients  de  pénétrer  les  se- 
crets de  la  nature,  de  vous  emparer  de  ses  for- 
ces, de  les  soumettre  à  votre  génie  et  de  leur 
imposer  des  services  qui  reposent  vos  corps, 
augmentent  votre  bien-être,  activent  et  multi- 
plient vos  rapports,  le  prêtre  vous  dira  :  Do» 
minarnini,  sudjicite.  Dieu  ne  vous  a-t-il  pas 
faits  rois  de  toutes  ses  œuvres  ?  Mais  n'oubliez 
pas  votre  noble  nature  dans  les  embrassements 
delà  matière;  ne  faites  pas,  d'un  lieu  de  pas- 
sege,  votre  station  éternelle,  de  la  terre  d'exil 
le  paradis  de  vos  convoitises  ;  ne  sacrifiez  pas 
aux  petits  bonheurs  du  temps  l'immense  féli- 
cité que  Dieu  vous  a  promise  dans  un  meilleu 
monde. 

Vous  aimez  la  liberté  ?  —  Prenez-en  ta 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  244 

_ —  t 

que  vous  voudrez,  pour  faire  ce  qui  est  juste, 
honnête  et  saint;  en  cela  il  n'y  a  pas  de  limi- 
tes. Mais,  vouloir  se  satisfaire  en  toutes  choses 
au  mépris  du  devoir,  sous  prétexte  qu'on  ne 
relève  que  de  sa  conscience  et  de  la  police,  ce 
n'est  pas  liberté,  c'est  licence. 

Vous  aspirez  à  l'expansion  de  vos  idées?  — 
Allez-y  de  bon  cœur,  pourvu  que  vos  idées 
soient  justes  et  saines.  Mais,  tout  ce  qui 
offense  Dieu,  la  raison,  la  vérité,  les  mœurs, 
l'ordre  public,  ne  doit  jamais  voir  le  jour.  C'est 
trop  d'y  avoir  pensé, ce  serait  crime  de  le  dire. 

Vous  voulez  qu'on  respecte  la  conscience 
individuelle?  Respectez-la.  Un  grand  docteur 
a  dit  que  l'homme  ne  peut  croire  que  de  son 
plein  gré;  un  pape  vient  de  vous  dire  que 
«  personne  ne  doit  être  contraint  d'embrasser 
la  foi  au  mépris  de  sa  liberté1  !  »  Mais,  ne  per- 
mettez pas  à  la  conscience  l'indifférence  reli- 
gieuse, ne  lui  donnez  pas,  en  principe,  le  droit 
absolu  de  traiter  Dieu  comme  s'il  n'était  pas, 
ou  comme  s'il  ne  s'était  jamais  occupé  des 
affaires  du  monde. 


1.  Léon  XIII,  Encyclic.  Immortale  Dei, 

14 


242  LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE. 

Vous  avez  besoin  de  répandre  l'instruction 
parmi  le  peuple  ?  —  Cela  n'est  pas  nouveau. 
Depuis  longtemps  le  sacerdoce  vous  a  précédé 
dans  cette  grande  œuvre.  Mais,  ayez  soin 
que  le  peuple  apprenne,  avant  toutes  choses, 
son  origine  divine,  ses  destinées  éternelles,  ses 
devoirs  envers  Dieu,  envers  la  famille,  envers 
la  société,  envers  lui-même. 

L'égalité  vous  plaît  ?  —  C'est  bien  ;  vous  ne 
la  ferez  jamais  aussi  belle  et  aussi  touchante 
que  les  prêtres  l'ont  faite  dans  l'Eglise  nais- 
sante. Mais,  rappelez -vous  qu'on  ne  peut  pas 
exiger  de  la  société  un  état  de  perfection  ;  que 
supprimer,  pour  égaliser,  ce  que  la  nature,  le 
talent,  le  travail,  la  vertu,  le  mérite  ont  fait 
grand  ;  rabaisser  ce  qui  est  justement  noble 
pour  relever  ce  qui  est  volontairement  vil,  c'est 
folie  criminelle  et  méprisable  barbarie. 

Vous  demandez  la  participation  du  peuple 
au  gouvernement  des  affaires?  —  Il  n'y  a  rien 
à  reprendre  à  cela.  Le  sacerdoce,  dans  les  ins- 
titutions monastiques,  fonctidnne  depuis  long- 
temps sous  ce  régime.  Mais,  ne  dites  pas  que  le 
nombre  fait  toujours  le  droit;  que  le  principe 
de  tous  les  pouvoirs  réoido,  radicalement  et 


LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE.  243 

fondamentalement,  dans  la  multitude  ;  ne 
dites  pas  :  le  peuple  est  roi,  pour  voiler  ce 
blasphème  :  le  peuple  est  Dieu. 

Vous  êtes  les  enfants  de  la  révolution?  — 
Mais,  vous  avez  fait  de  la  révolution  une  chose 
folle,  indécente,  atroce,  monstrueuse,  desho- 
norante par  les  souvenirs  qu'elle  évoque  et  les 
menaces  qu'elle  fait  entendre.  Eh  bien,  sachez 
que,  si  tout  être  doit  progresser,  si  tout  pro- 
grès s'accomplit  par  des  révolutions,  une  vraie 
révolution  n'est  pas  une  catastrophe  ruineuse, 
mais  un  mouvement  tranquille  et  pacifique, 
procédant  dans  l'ordre  par  Tordre,  et  offrant, 
à  point  nommé,  la  face  des  sociétés,  qui  doit 
être  éclairée,  réchauffée,  vivifiée,  glorifiée,  au 
radieux  et  éternel  soleil  qu'on  appelle  la  vérité 
suprême  et  le  souverain  bien. 

Tel  est,  Messieurs,  le  langage  du  sacerdoce, 
langage  des  idées  hautes  et  larges.  Ces  idées 
ne  peuvent  être  méconnues  que  par  ceux  qui 
prennent  pour  de  la  hauteur  les  enflures  de 
l'orgueil,  pour  de  la  largeur  les  excentricités 
d'une  volonté  mal  réglée. 

Justifié  du  côté  des  idées,  le  sacerdoce  peut 
l'être  facilement  du  côté  des  tendances.  Il  en 


244  LES   ENxNEMIS   DU   SACERDOCE. 

est  une  qu'on  lui  reproche  avec  plus  d'opiniâ- 
treté et  d'insistance  :  la  tendance  à  la  domi- 
nation. Les  ambitions  et  les  empiétements  du 
clergé  ne  sont  pas,  aux  yeux  des  masses  igno- 
rantes, un  moindre  épouvantail  que  ses  idées 
rétrogrades. 

L'heure  est  bien  choisie,  vraiment,  pour 
porter  contre  le  sacerdoce  une  pareille  accu- 
sation. C'est,  quand  une  secte  ténébreuse,  habi- 
tuée aux  conspirations  politiques  et  sociales, 
met,  presque  partout,  la  main  sur  la  chose 
publique,  et  prétend  imposer  ses  souveraines 
volontés;  c'est,  quand  la  libre  pensée,  maîtresse 
du  pouvoir,  s'applique  à  étouffer  les  plus 
saintes  libertés;  c'est,  quand,  au  mépris  des 
plus  légitimes  et  des  plus  solennelles  protes- 
tations, on  confisque  les  droits  des  pères  de 
famille,  on  s'empare  des  enfants,  on  fait  peser 
sur  les  âmes  chrétiennes,  et  même  simplement 
honnêtes,  l'insupportable  tyrannie  des  suspi- 
cions et  des  disgrâces;  c'est,  quand  on  accueille 
contre  le  clergé  les  dénonciations  les  plus 
fausses  et  les  plus  sottes,  quand  on  le  con- 
damne sans  jugement,  quand  on  lui  retranche, 
capricieusement,  le  morceau  de  pain  que  lui  a 


LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE.  245 

»  ■  •  i 

laissé  le  brigandage  des  révolutions,  et  que 
devrait  lui  assurer  le  respect  de  la  parole 
donnée,  quand  il  est  plus  instamment  invité 
et  plus  décidé  que  jamais  à  ne  s'occuper  que 
de  son  saint  ministère,  c'est  alors  qu'on  lui 
reproche  son  ambition,  ses  empiétements,  sa 
tendance  à  la  domination  !  Quelle  impudence! 
Messieurs,  quel  cynisme  ! 

Ah  !  si  les  hommes  d'église  ont  jamais  eu 
du  penchant  à  se  mêler,  plus  qu'il  ne  fallait, 
des  affaires  humaines,  ils  doivent  en  être  bien 
guéris  par  les  leçons  qu'ils  ont  reçues  de  l'ad- 
versité. Mais,  à  part  certaines  personnalités 
ambitieuses  et  entreprenantes,  qui  ne  peuvent 
compromettre  toute  la  race  sacrée  des  minis- 
très  de  Dieu,  le  sacerdoce  n'est  point  allé,  de 
son  propre  mouvement,  au  devant  des  honneurs 
ni  des  offices  publics.  Quand  on  l'en  a  requis, 
il  a  rendu  des  services  qui  n'ont  pas  été  sans 
gloire,  toujours  pénétré  de  cette  conviction  : 
que  le  gouvernement  des  affaires  de  ce  monde 
ne  peut  être  qu'un  accident  dans  sa  vie,  et 
qu'il  ne  se  doit,  par  devoir,  qu'au  gouverne- 
ment des  âmes. 

Cette  conviction  est  trop  manifeste  et  troji 


246  LES  ENNEMIS   DU   SACERDOCE. 

bien  établie  aujourd'hui,  pour  qu'on  l'ignore  et 
qu'on  n'en  tienne  pas  compte.  Aussi,  Mes- 
sieurs, la  domination  que  craignent  les  enne- 
mis du  sacerdoce  n'est-elle  point  celle  qu'ils 
nous  accusent  de  convoiter.  Ils  savent  que 
nous  avons  reçu  de  Dieu  la  mission  de  faire 
régner  le  Christ  dans  les  âmes,  que  partout 
où  le  règne  du  Christ  est  établi  c'en  est  fait 
de  leur  influence  maudite  et  de  leur  exé- 
crable empire;  que,  pour  accomplir  notre 
devoir,  nous  ne  cesserons  pas  de  réclamer 
notre  liberté  et  notre  indépendance  ;  et 
voilà  la  tendance  à  la  domination  qu'ils 
poursuivent  en  nous,  sous  le  couvert  d'un 
mensonge.  Qu'ils  ne  comptent  pas  que 
leurs  menaces  et  leurs  violences  nous  fas- 
sent jamais  fléchir  sur  ce  point.  Oui,  nous 
voulons  que  le  Christ  règne  dans  les  âmes 
par  sa  vérité,  sa  loi,  sa  grâce  !  Oui,  nous 
voulons  être  libres  de  travailler  à  son  règne! 
Et  nous  le  serons,  dussions-nous  y  mettre 
notre  sang  !  Et  tout  ce  qu'il  y  a  d'honnêtes 
gens  au  monde  approuvera  cette  noble,  génè- 
re et  sainte  tendance  à  la  domination,  et 
r.Oïls  aidera  à  en  assurer  le  triomphe!  A  défaut 


LES  ENNEMIS   DU   SACERDOCE.  247 

des  hommes,  Dieu  ne  nous  manquera  pas. 
Nous  comptons  sur  lui. 

J'arrive  à  une  troisième  accusation,  plus 
délicate  et,  peut-être,  plus  dangereuse,  parce 
qu'elle  a  plus  de  prise  sur  l'opinion  publique. 
Elle  vise  nos  mœurs,  et  se  résume  en  ces  quel- 
ques mots  dont  on  fait  grand  bruit  :  scandales 
du  clergé. 

Je  ne  sais  si  l'on  en  a  jamais  autant  parlé 
qu'aujourd'hui.  Sous  toutes  les  formes,  pam- 
phlets, libelles,  romans,  articles  de  journaux 
et  de  revues,  le  reproche  d'immoralité  pour- 
suit le  sacerdoce.  On  le  voit  s'étaler  jusque  sur 
les  murs  de  nos  maisons  et  de  nos  édifices 
publics,  où  il  offense  la  pudeur  des  âmes  in- 
nocentes, provoque  la  généreuse  indignation 
des  croyants  et  révolte  même  ceux  qui  n'ont 
pour  religion  qu'une  vulgaire  honnêteté.  Je  ne 
nie  pas  les  tares  des  prêtres  infidèles  à  l'esprit 
et  aux  devoirs  de  leur  vocation;  mais  je  pro- 
teste, au  nom  de  la  justice,  contre  la  déloyale, 
impudente  et  lâche  exploitation  qu'on  en  fait, 
au  détriment  de  la  plus  respectable  des  cor- 
porations. 

Pour  quelques  faits  certains,  combien  de 


248  LES  ENNEMIS   DU    SAGERDOCB. 

soupçons  sans  fondement  !  Combien  d'insi- 
nuations perfides!  combien  d'accusations  qui 
ne  reposent  que  sur  des  témoignages  suspects! 
combien  de  préventions  déshonorantes  qui  se 
terminent  par  de  solennels  acquittements  ! 
Devant  les  sentences  que  rend  la  justice,  un 
homme  d'honneur  devrait  se  faire  un  devoir 
de  s'excuser  auprès  du  public  qu'il  a  trompé, 
et  proclamer  bien  haut  l'innocence  recon- 
nue de  ceux  qu'il  a  déshonorés.  Ce  n'est  pas 
ainsi  que  l'entendent  les  ennemis  du  sacerdoce. 
Toute  accusation  contre  un  prêtre  leur  semble 
de  bonne  prise  ;  et  il  en  coûterait  trop  à  leur 
main  déloyale  de  l'arracher  du  pilori  où  elle 
flétrit  l'innocence.  Une  fois  mise  en  circulation 
par  leur  plume  empoisonnée,  la  calomnie  ne 
revient  jamais  sur  ses  pas  ;  elle  a  le  droit  de 
faire  éternellement  son  chemin  dans  l'opinion 
qu'elle  égare  et  qu'elle  corrompt. 

A  la  déloyauté,  ajoutez  l'impudence.  Non 
seulement  la  plupart  des  fautes  qu'on  reproche 
au  clergé,  comme  des  crimes,  passent  inaper- 
çues ou  sont  facilement  absoutes  dans  la  vie 
des  autres  hommes,  mais  les  ennemis  du 
rdoce  leur  ont  préparé  une  excuse  dont 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  249 

»         ii  '  '  ■  '         ' 

ils  ne  veulent  tenir  aucun  compte,  lorsque  la 
faute  est  commise.  Que  n'ont-ils  pas  dit  et 
écrit,  par  exemple,  contre  la  loi  du  célibat  ecclé- 
siastique !  Avec  quelle  âpreté  ils  s'appliquent 
à  démontrer  qu'elle  outrage  la  nature,  qu'elle 
est  au  dessus  des  forces  de  l'homme,  qu'il  faut 
l'abolir!  Et,  quand  un  malheureux  prêtre  l'en- 
freint, au*lieu  de  l'accueillir  comme  un  libre 
et  courageux  champion  du  droit  naturel  et 
humain,  dont  ils  se  sort  faits  les  apôtres,  ils 
l'accablent  de  leurs  récriminations  et  accro- 
chent à  sa  soutane  leur  écriteau  d'infamie  : 
scandales  du  clergé  !  —  Exécrables  tartufes  ! 
Et  ces  tartufes  sont  des  lâches.  Ils  connais- 
sent les  habitudes  timides  et  pacifiques  des 
hommes  d'Eglise.  Ils  savent  qu'un  prêtre  n'est 
point  un  ferrailleur  qui  leur  demandera  raison 
des  blessures  faites  à  sa  réputation,  qu'il  se 
décide  difficilement  à  recourir  à  la  justice,  et 
que,  pour  éviter  un  éclat  dont  l'Eglise  souffre  . 
toujours,  il  aime  mieux  dévorer  en  silence  . 
l'opprobre  d'une  diffamation  imméritée.  Et  3 
ils  abusent  de  son  humilité  et  de  sa  charité, 
pour  grossir,  jusqu'à  la  proportion  du  crime, 
des  faits  sans  importance:  pour  donner  à  de 


250  LES   ENNEMIS   DU   SACERDOCE. 


méprisables  commérages  l'allure  de  récits 
authentiques;  pour  transformer  en  accusa- 
ons  sérieuses  des  dénonciations  aussi  bêtes 
que  méchantes,  pour  manger,  tous  les  jours, 
un  peu  de  prêtre  dans  les  entrefilets  et 
colonnes  de  leurs  feuilles  impies. 

J'ai  bien  dit,  Messieurs,  l'exploitation  des 
scandales  du  clergé  est  déloyale,  impudente  et 
lâche.  Mais  les  scandales  subsistent,  me  dira- 
t-on.  Eh,  oui,  je  ne  le  nie  pas.  Il  y  en  a  au- 
jourd'hui, il  y  en  avait  hier,  il  y  en  a  toujours 
eu.  Le  divin  Prêtre,  en  communiquant  ses  pou- 
voirs à  des  hommes,  ne  leur  a  point  transmis 
son  impeccabilité.  Il  avait  douze  prêtres  autour 
de  lui,  lorsque  commença  le  drame  de  sa 
passion,  et,  sur  ces  douze  prêtres,  le  lendemain 
même  de  leur  ordination,  on  voit  un  infâme 
qui  trahit  son  maître,  le  vend  pour  trente  de- 
niers et  le  livre  à  ses  ennemis,  un  parjure  qui 
renie,  neuf  lâches  qui  abandonnent;  uh  seul 
a  le  courage  d'aller  jusqu'au  calvaire.  Jamais, 
je  crois,  la  proportion  du  scandale  n'a  été 
aussi  considérable  dans  le  corps  sacerdotal, 
même  à  l'époque  où  certaines  populations 
révoltées  par  les  désordres  du  clergé  disaient; 


LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE.  251 

—  a  Si  tu  veux  être  damné,  fais-toi  prêtre1.  » 
Dieu  a  permis,  et  permet  encore  ces  défections 
dans  le  corps  sacré  à  qui  il  a  confié  ses  pou- 
voirs, afin  de  montrer  que  ces  pouvoirs  sont 
indépendants  du  mérite  de  celui  qui  les  reçoit; 
qu'ils  ne  sont  point  donnés  à  l'homme  pour 
lui-même,  mais  pour  un  service  public  auquel 
le  peuple  chrétien  peut  et  doit  toujours  re- 
courir. 

«  Nous  jugeons  le  prêtre,  dit  saint  Chrysos- 
tôme,  comme  s'il  n'était  pas  revêtu  d'un  corps 
mortel,  comme  s'il  n'appartenait  pas  à  la 
nature  humaine1;  »  c'est  un  tort.  Si  nous 
tenions  compte  de  la  faiblesse  humaine,  nous 
dirions  avec  l'Evangile  :  «  Impossibile  est  ut 
non  veniant  scanaala,*  :  Il  est  impossible  qu'il 
n'y  ait  pas  de  scandales.  »  Remarquez  que  le 
Sauveur  ajoute  :  «  Malheur  à  celui  qui  scan- 
dalise, »  et  non  pas  :  ce  Maudite  soit  la  corpo- 


1.  Cela  se  disait  dans  le  diocèse  de  Milan,  à  l'époque 
où  saint  Charles  Borromée  entreprit  la  réforme  du  clergé. 

2.  Kai  ou£  wç  aapxa  TCEO'.y.î'.uivto,  ouoè  àvOpwzsiav  Xocyorri 
©watv —  o'./.a;s'.v  âbtavreç  sÔsXouat  tco  Sepst.  (S.  Chrysost.,  De 
Saœrdotio,  lib.  III,  n°  14.) 

3.  Luc,  cap.  xvii  1. 


252  LES  ENNEMIS   DU    SACERDOCE. 

ration  dans  laquelle  le  scandale  arrive.  »  Il 
nous  apprend,  ainsi,  à  faire  la  juste  répartition 
des  responsabilités.  Aucune  société  n'est  res- 
ponsable de  l'indignité  de  ses  membres  vicieux 
lorsqu'elle  les  réprouve.  Or,  nulle  part,  vous  ne 
rencontrerez  une  réprobation  plus  énergique 
que  celle  de  tout  le  corps  sacerdotal  contre  les 
mauvais  prêtres. L'Eglise  a  constamment  flétri 
et  châtié  les  désordres  du  sanctuaire.  Elle  a 
fait  mieux  ;  sa  vigoureuse  et  saine  législation  a 
su  remédier  à  la  corruption  de  ses  ministres, 
et  faire  succéder  aux  périodes  de  décadence  les 
périodes  de  progrès. 

Cependant,  il  faut  bien  le  dire,  la  répro- 
bation du  scandale  nous  frappe  moins  que  le 
scandale  lui-même.  Pourquoi  cela,  Messieurs? 
—  Parce  que,  quoi  qu'on  dise  et  quoi  qu'on 
fasse,  nous  croyons  à  la  grandeur  du  prêtre. 
Aux  autres  hommes  publics  nous  nous  con- 
tentons de  demander  la  probité;  du  prêtre 
nous  attendons  la  sainteté  comme  une  chose 
naturelle  à  son  état.  C'est  le  devoir,  c'est  la 
règle.  «  La  vie  séculière,  a  dit  un  trop  illustre 
incrédule,  a  toujours  été  plus  vicieuse  que 
celle  des  prêtres,  mais  les  désordres  de  ceux- 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  253 

ci  ont  toujours  été  plus  remarquables  à  cause 
de  leur  contraste  avec  la  règle  '.j  En  somme, 
c'est  moins  la  quantité  des  désordres  qui  nous 
frappe  dans  le  sacerdoce  que  leur  énormité 
relative,  et,  pour  peu  que  nous  ayons  quelque 
tendance  à  l'exagération,  nous  passons  vite  à 
des  généralisations  injustes.  Ce  que  les  ennemis 
du  sacerdoce  font  de  propos  délibéré  et  par 
malice,  nous  le  faisons  inconsciemment  et  par 
sottise;  comme  si  notre  vertueuse  indignation 
ne  pouvait  bien  s'exprimer  qu'en  disant  avec 
l'impiété  :  scandales  du  clergé  !  au  lieu  de  dire 
simplement  :  scandales  dans  le  clergé. 

Ecoutez,  je  vous  prie,  un  grand  docteur  ré- 
pondant, dès  le  quatrième  siècle,  au  reproche 
que  nous  adressent  aujourd'hui  les  ennemis 
du  sacerdoce;  ce  qui  prouve,  entre  parenthèses, 
que  le  reproche  n'est  pas  nouveau  et  que  le 
sacerdoce  n'en  meurt  pas.  —  «  Votre  œil  mal- 
veillant, dit  saint  Augustin,  ne  voit  que  la 

i.  Voltaire.  —  t  Je  ne  prends  point,  dit  M.  de  Maistre, 
la  peine  de  chercher  dans  les  œuvres  volumineuses  de 
Voltaire  ce  passage,  que  je  trouve  cité  dans  l'ouvrage 
allemand  intitulé  :  t  Der  triumphate,  »  Triomphe  de  la 
philosophie  dans  le  dix-huitième  siècle,  tom.  II,  p.  193, 
livre  très  remarquable  sous  tous  les  rapports.  » 
^  >  .  15 


?ô4  LES   ENNEMIS   DU   SACERDOCE. 

paille  dans  notre  maison  ;  si  vous  vouliez  vous 
approcher  davantage  vous  verriez  bien  vite  le 
froment1.  —  Et  ailleurs.  —  oc  Cherchez  les 
fruits  dans  notre  champ,  le  bon  grain  dans 
notre  aire;  vous  le  trouverez  facilement.  Pour- 
quoi ne  prendre  garde  qu'aux  balayures1? 
Pour  moi, —  c'est  toujours  saint  Augustin  qui 
parle,  —  pour  moi  j'ai  connu  bon  nombre 
d'évêques  excellents  et  d'une  sainteté  éprouvée, 
bon  nombre  de  prêtres,  de  diacres  et  de  mi- 
nistres des  divins  sacrements,  dont  la  vertu 
était  d'autant  plus  admirable  et  digne  de 
louanges,  qu'il  leur  était  plus  difficile  de  la 
conserver,  au  milieu  de  gens  de  toute  espèce,  et 
dans  notre  vie  troublée*.  » 

Messieurs,  le   bon   nombre  dont  parle  le 


i .  Ve8trum  oculum  malevolua  error  in  solam  paleam 
nostrae  segetis  ducit.  Nam  et  triticum  ibi  cito  videretia 
si  et  esse  velletis.  {Contra  Faustum,  lib.  V.) 

*i.  Fruges  in  agro,  frumenta  in  area  quaerite  :  appa- 
«ebunt  facile  seque  offerent  ipsaquaerentibus.  Quid  nimia 
In  purgamenta  oculos  intenditis?  (Lib.  De  moribust 
Ecoles.  Catholic,  cap.  xxxv,  n°77.) 

3.  Quam  enim  multos  episcopos  optimos  virosque 
eanctissimos  cognovi,  quam  multos  presbyteros,  quam 
multos  diaconos,  et  oujuscemodi  ministros  aaoramento- 

\ 


LES  ENNEMIS  DU   SAHEËDOCE.  255 

saint  docteur,  a  plutôt  augmenté  que  diminué. 
Tenez-en  compte,  et  vous  ne  serez  pas  plus 
troublés  de  ce  que  nos  ennemis  appellent  les 
scandales  du  clergé  que*dc  sa  tendance  à  la 
domination  et  de  ses  idées  rétrogrades. 

Pour  conclure,  encore  quelques  mots  en 
réponse  à  cette  troisième  question  :  Où  veulent 
en  venir  les  ennemis  du  sacerdoce  en  lui  fai- 
sant la  guerre  ? 


ÏII 


L'entente  est  faite  entre  nos  ennemis,  sur  le 
chapitre  des  hostilités  qu'ils  nous  font  subir, 
mais  ils  ne  sont  pas  d'accord  sur  le  but  qu'ils 
se  proposent  d'atteindre.  Ceux-ci  voudraient 
aller  à  fond,  comme  ils  disent,  et  détruire 
jusqu'au  dernier  vestige  de  toute  superstition  : 
une  société  sans  religion,  voilà    leur    rêve. 


rum,  quorum  virtus  et  mihi  mirabilior  et  majore  praedi- 
catione  videtur,  quo  difficilius  est  in  multiplici  hominum 
génère,  et  in  ista  vtta  tu'-bujentiore  servare.  (Ibid.f 
cap.  xxxii,  n°  69.) 


556  LES   ENNEMIS  DU   SACERDOCB. 

Ceux-là  n'entendent  pas  priver  l'homme 
de  tout  commerce  avec  un  être  supérieur,  s'il 
y  croit  ;  mais  ils  prétendent  que,  pour  cela, 
l'homme  n'a  pas  besoin  d'un  intermédiaire,  et 
qu'il  peut  régler  directement  avec  la  divinité 
ses  affaires  de  conscience  :  c'est  la  religion 
sans  sacerdoce.  D'autres,  enfin,  daignent  tenir 
compte  des  instincts  religieux  de  l'humanité, 
instincts  qui,  s'ils  ne  sont  pas  indestructibles, 
demandent  à  être  ménagés.  Ils  accordent  que 
certaines  âmes  ont  besoin  de  pratiques  exté- 
rieures, pour  lesquelles  l'intervention  du  prêtre 
est  indispensable,  et  qu'on  ne  peut  abolir,  tout 
à  coup,  une  religion  et  un  sacerdoce  enra- 
cinés, depuis  bientôt  dix-neuf  cents  ans,  dans 
les  habitudes  des  peuples.  Mais,  cette  religion 
et  ce  sacerdoce  doivent  renoncer  à  tout  privi- 
lège et  à  toute  influence  sur  le  monde  mo- 
derne, et  ne  point  embarrasser  de  leurs  croyan- 
ces, lois,  pratiques,  besoins  et  exigences  le 
gouvernement  de  la  société  civile,  essentielle- 
ment laïque  et  absolument  maîtresse  de  sa  vie 
publique  et  de  ses  destinées. 

Messieurs,  je  ne  perdrai  pas  mon  temps  à 
vous  prouver  qu'une  société  sans  religion  est 


LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE.  257 

une  chose  bestiale  et  monstrueuse,  qu'on  ne 
rencontre  même  pas  chez  les  sauvages  les  plus 
dégradés.  Tous  les  efforts  que  fera  l'impiété, 
pour  se  donner  cette  honte,  n'aboutiront  qu'au 
déplacement  d'un  profond  instinct  qu'on  ne 
peut  étouffer.  Je  vois,  d'ici,  la  société  telle  que 
la  feraient  les  décrets  proscripteurs  de  la 
libre-pensée,  s'ils  venaient  à  triompher.  Après 
avoir  chassé  le  Christ,  ses  adorateurs  et  ses 
prêtres,  on  verrait  les  hommes  essentiellement 
laïques,  qui  veulent  une  société  sans  religion, 
verser  dans  une  grossière  et  humiliante  su- 
perstition, pontifier  dans  les  temples  pro- 
fanés, ou  défiler  dans  les  rues  sous  quelque 
habit  grotesque, à  force  de  prétention.  Et,  sur 
les  autels,  au  bout  du  défilé,  il  y  aurait  leur 
saint  sacrement  :  non  plus  un  Dieu  caché  sous 
les  voiles  pudiques  d'une  substance,  qu'il  a 
transformée,  mais  je  ne  sais  quelle  courti- 
sane habillée  en  raison,  ou  quelque  gros  im- 
bécile déguisé  en  progrès.  Nous  serions  bien 
vengés. 

Quant  à  la  religion  sans  sacerdoce,  je  vous 
ai  dit,  Messieurs,  que  c'était  une  chose  impos- 
sible :  impossible,   parce   que  la  société,  se 


258  LES  ENNEMIS  DU   SACERDOCE. 


devant  à  Dieu  au  même  titre  que  l'individu,  ne 
peut  échapper  à  l'obligation  d'un  culte  public, 
pour  lequel  elle  a  besoin  d'un  représentant; 
impossible,  parce  que  la  religion  tend  à  son 
acte  parfait  qui  est  le  sacrifice  et  que,  par  une 
disposition  providentielle,  le  sacrifice  et  le 
sacerdoce  sont,  partout,  indissolublement 
unis.  Ce  n'est  pas  seulement  le  concile  de 
Trente  qui  dit  cela,  c'est  la  tradition,  c'est  le 
bon  sens. 

Reste  le  troisième  but  à  atteindre  :  séparer 
la  religion  et  le  sacerdoce  de  l'Etat.  Vous  savez, 
"Messieurs,  ce  qu'il  faut  penser  théoriquement 
de  cette  séparation.  Je  vous  renvoie  à  la  dé- 
monstration que  vous  avez  entendue,  lorsque 
j'ai  traité  des  rapports  de  l'Eglise  avec  les 
sociétés  humaines.  Si  votre  mémoire  ne  porte 
pas  jusque-là,  rappelez-vous  la  magnifique 
doctrine  d'une  récente  encyclique,  qui  nous 
apprend  de  quelle  manière  doivent  être  gou- 
vernées les  sociétés.  Ce  n'est  pas  la  séparation 
qu'elle  enseigne,  mais  la  nécessité  d'un  sys 
tèmede  rapports  bien  ordonné  entre  le  pouvoir 
civil  et  le  sacerdoce  :  «  Inter  utramque  potesta» 
tom  quœdam  intercédât  necesse  est  ordinati 


LES  ENNEMIS  DU  SACERDOCE.  259 

colligatio1  .*  Nulle  part,  les  leçons  de  la  rêvé 
lation,  de  l'histoire  et  du  sens  commun  n'om 
été  mieux  exposées. 

Dût-on  ne  pas  tenir  compte  de  ces  leçons, 
il  faudrait  encore  tenir  compte  d'une  difficulté 
pratique,  résultant  des  conventions  sur  la  foi 
desquelles  la  génération  sacerdotale,  actuelle- 
ment existante,  s'est  engagée  au  service  pu^ 
blicde  la  religion.  Mais  il  est  probable,  Mes- 
sieurs, que  ni  la  raison,  ni  le  sentiment  de 
l'honneur  n'arrêteront  les  ennemis  du  sacer- 
doce. —  Qu'adviendra-t-il,  lorsqu'ils  auront 
prononcé  leur  sentence  de  divorce  entre  l 
sacré  et  le  profane?  Fidèles  à  leurs  principes, 
donneront-ils  au  sacerdoce  la  liberté?  Il  y  en 
a  parmi  eux  qui  le  disent,  et  nous  serons,  peut- 
être,  assez  naïfs  pour  le  croire.  Sans  sacrifier 
la  vérité  théorique,  nous  accepterons  loyale- 
ment de  combattre  les  combats  de  Dieu  avec 
l'arme  que  l'ennemi  aura  mise  entre  nos 
mains.  Mais,  si  cette  arme  a  été  frauduleuse- 
ment forgée,  si  l'acier  en  est  mal  trempé  et  se 


\.  Encyclique  de   Léon    XTTT.    Imm.orta.le   Dei...  De 
civitatum  constitution*  rhrhlinita.  Novembre  1885. 


260  LES  ENNEMIS   DU    SACERDOCE, 


brise  sur  la  cuirasse  de  parti  pris  et  de  mau- 
vais vouloir  dont  se  couvre  le  faux  libéralisme, 
la  honte  sera,  non  pas  au  chevalier  qui  aura 
loyalement  lutté  pour  la  sainte  cause  de  Dieu, 
mais  au  félon  qui  l'aura  trompé. 

Hélas!  cette  sinistre  conclusion  n'est  que 
trop  à  craindre.  L'hypocrisie  du  grand  nombre 
déguise  mal  la  brutale  franchise  de  ceux  qui 
obéissent,  sans  vefgogne,  à  la  logique  de  la 
haine.  L'amoindrissement  et  la  déconsidéra- 
tion du  sacerdoce  ne  leur  suffisent  pas.  Ils 
prononceront  la  séparation  pour  s'exonérer, 
au  mépris  de  la  parole  jurée,  des  engage- 
ments solennellement  contractés  par  le  pou- 
voir; mais,  dans  le  fait,  ils  ne  se  sépareront 
pas  plus  du  sacerdoce  que  le  carnassier  ne  se 
sépare  de  la  proie  qu'il  dépèce.  Après  l'avoir 
amoindri  et  déconsidéré,  ils  voudront  le  dé- 
truire, et  après  lui  toute  religion,  jusqu'à  ce 
qu'ils  puissent  dire  :  «  Le  nommé  Dieu  n'est 
plus,  le  monde  est  à  nous.  » 

Avez-vous  peur  qu'ils  ne  triomphent,  Mes- 
sieurs?—  Rassurez-vous.  Le  grand  Apôtre, 
dont  vous  avez  entendu  les  plaintes  au  com- 
mencement de  ce  discours,  pousse  un  cri  d'es- 


LES  ENNExMIS   DU   SACERDOCE.  261 

poir  et  de  confiance  qui  doit  retentir  au  cœur 
de  tous  les  prêtres  et  de  tous  les  chrétiens.  — 
«  Nous  sommes  pressés  de  toutes  parts,  dit-il, 
mais  nous  ne  sommes  pas  étouffés  :  In  omni- 
bus tribulationem  patimur,  sed  non  angus- 
tiawuv'y  nous  sommes  appauvris,  mais  non 
dénués  de  tout  secours  :  aporiamur,  sed  non 
destituimur  ;  nous  sommes  persécutés,  mais 
non  pas  abandonnés  :  persecutionem  patimur , 
sed  non  derelinquimur  ;  nous  sommes  rejetés, 
mais  nous  ne  périrons  pas  :  dejicimur,  sed  non 
perimus* .»  Et  qui  donc  doit  veiller  sur  le  sa- 
cerdoce, secourir  sa  misère,  lui  tenir  compa- 
gnie dans  le  malheur,  l'empêcher  de  périr?  — 
Vous,  Messieurs,  vous,  les  tenants  de  la  cause 
de  Dieu  et  les  amis  dévoués  de  ses  prêtres  ;  et 
avec  vous,  au-dessus  de  vous,  plus  que  vous 
Dieu  qui  a  compté  les  heures  des  puissance? 
de  ténèbres;  Dieu  qui  a  dit  à  son  prêtre  . 
<r  Entre  toi  et  moi,  c'est  pour  toujours  :  Tu  ea 
sacerdos  in  œternum.  » 

1.  II.  Cor.,  cap.  iv,  8,  9, 


15. 


INDEX 


INDEX 

DES  PRINCIPALES   ERREURS 
CONTRAIRES   AUX    DOGMES  EXPOSÉS  DANS  CE  VOLU1Q8 


I 

SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME   CONFÉRENCE 

(Voyez  première  partie  :  Vérité  du  sacrement). 

Aucun  hérétique,  avant  la  réforme,  n'avait  osé  con- 
tester la  vérité  du  sacrement  de  l'Ordre.  Tertulien  re- 
proche aux  hérétiques  de  son  temps  leurs  ordinations 
téméraires,  légères,  inconstantes,  faites  contre  les  règles 
de  l'Eglise  qui  exclue  les  indignes  et  exige  des  grada- 
tions et  des  interstices  :  «  Ordinationes  eorum  ternera- 
rariœ,  levés,  inconstantes  :  nunc  neophytos  conlocant, 
nunc  sœculo  obstrictos,  nunc  apostatas  nostras... 
Itaque  alius  hodie  Episcopus,  cras  alius,  hodie  Dia- 
conus,  qui  cras  lector  ;  hodie  Presbyter,  qui  cras 
laïcus  ;  nam  et  laids  sacerdotalia  munia  injungunt.  » 
(Lib.  de  Praescript.,  cap.  41).  Mais,  dans  tous  ces  désor- 
dres, on  ne  voit  point  la  négation  du  rite  sacré  institué 
par  Jésus-Christ  pour  consacrer  ses  prêtres. 

Bossuet,  dans  son  Histoire  des  Variations,  prouve 
que  les  Vaudois,  les  Wiclefites  et  les  Hussites  ne  3C 
sont  pas  éloignés,  en  ce  point,  de  la  foi  catholique. 


266  INDEX 


Le  protestantisme  devait,  le  premier,  s'inscrire  en  faux 
contre  la  tradition  des  quinze  siècles  qui  précédèrent 
son  avènement.  Il  proclama  l'égalité  absolue  de  tous, 
prêtres  et  laïques;  et,  abusant  des  paroles  de  l'apôtre 
saint  Pierre  :  t  Vos  estis  gens  sar.ciz.  regale  saccr- 
dotium,  »  il  déclara  que  tous  les  chrétiens  sont  prêtres, 
en  vertu  du  baptême. 

Luther,  dit  Mœhler  o  revient  souvent  sur  la  question 
du  ministère,  mais  il  ne  la  traite  à  fond  que  dans  son 
écrit  aux  Frères  de  Bohême...  Dès  les  pr:mières  pages, 
l'architecte  de  la  Réforme  représente  l'ordinatior.  catho- 
lique comme  un  graissage,  une  tonderie,  une  super- 
cherie qui  ne  peut  faire  que  des  histrions,  des  char- 
latans, des  prêtres  de  Satan  [de  instituendis  ministris 
Ecclesiœ)...  Ensuite,  il  commande  de  chasser  ceux  qui 
ont  été  ordonnés  par  la  bête;  c'est-à-dire  parle  P.ipe, 
dans  la  personne  des  légitimes  pasteurs  ;  de  les  chasser 
et  d'en  purger  la  terre.  C'est  pour  tous  non  seulement 
un  droit  incontestable,  mais  une  obligation  rigoureuse; 
car  chaque  fidèle  est  élevé  à  la  dignité  sacerdotale  et 
doit,  à  ce  titre,  annoncer  la  parole,  remettre  les  péchés, 
conférer  le  baptême,  administrer  tous  les  sacrements. 
—  Le  Saint-Esprit  enseigne  tout  à  tous.  —  Il  éclaire 
toutes  les  intelligences  ;  il  met  la  foi  dans  tous  les  cœurs; 
il  donne  à  toutes  les  âmes  !a  certitude  de  la  vraie  doc- 
trine ;  mais  les  chrétiens  doivent,  pour  le  bon  ordre, 
conférer  à  quelques-uns  le  droit  de  tous,  et  les  élus  du 
peuple  exerceront  le  saint  ministère  après  que  les  anciens 
leur  auront  imposé  les  mains.  »  (Symbolique  Lib.  I. 
chap.  v.  §  45.) 

Mais  à  quoi  bon  cette  députation  au  saint  ministère, 
à  quoi  bon  la  parole,  si  chaque  fidèle  est  éclairé  et  con- 
duit par  l'Esprit  saint,  et  reçoit  de  lui  toute  science? 
€  Les  anabaptistes, dit  Laforet,  (Les  dogmes  catholiques. 
Tom.  IV.  Liv.  xxi,  chap.  2),  en  paçhant,  la  tordic  et  la 


INDEX  267 


hache  à  la  main,  l'égalité  et  la  fraternité  universelles,  se 
chargèrent  de  faire  comprendre  au  moine  apostat  de 
Wittemberg  et  à  ses  adeptes  l'inutilité  du  ministère.  Les 
effroyables  excès  de  ces  sectaires,  dont  la  cruauté  égalait 
le  fanatisme,  jetèrent  l'épouvante  parmi  les  protestants  ; 
les  chefs  de  la  réforme  tentèrent  de  rétablir  quelque 
autorité  religieuse,  interdirent  la  prédication  à  tous 
ceux  qui  n'étaient  pas  revêtus  d'une  autorité  légitime, 
et  revinrent,  en  partie,  à  l'idée  de  la  hiérarchie  catho- 
lique. » 

Melanchton  veut  qu'on  replace  l'ordination  parmi  les 
sacrements.  Mais  son  ordination  n'est  point  le  rite  sacré 
qui  donne  la  grâce  :  c'est  l'élection,  la  députation. 
(Instruct.  contre  les  Anabaptistes.) 

Calvin  est  du  même  sentiment  (Inst.  lib.  IV.  cap.  m, 
n°«  11  et  16.)  Un  de  ses  disciples  l'exprimait  en  ces  ter* 
mes  au  synode  de  Lausanne  en  1838  :  «  Ne  confondez 
pas  les  ministres  avec  des  prêtres.  Les  ministres  sont 
de  simples  chrétiens,  choisis  par  leurs  frères  qui  les  ont 
reconnus  et  qualifiés  pour  s'acquitter  de  certaines  fonc- 
tions dans  l'Eglise.  » 

L'Anglicanisme  a  voulu  maintenir  le  sacerdoce,  après 
îivoir  supprimé  le  sacrifice  qui  en  est  la  raison.  Nous 
verrons  plus  loin  ce  que  valent  ses  ordinations.  Je  cons- 
tate ici  avec  Bergier,  (Dictionn.  de  Théologie  au  mot 
ordination)  que  ses  théologiens  raisonnent  comme  les 
catholiques  sur  le  sacrement  de  l'Ordre.  Ils  invoquent, 
avec  eux,  les  paroles  par  lesquelles  Jésus-Christ  trans- 
met à  ses  apôtres  le  pouvoir  sacerdotal  qu'il  a  reçu  de 
son  divin  Père,  les  paroles  par  lesquelles  l'apôtre  rap- 
pelle à  son  disciple  la  grâce  qu'il  a  reçue  par  l'impo- 
sition dos  mains,  les  tém<  ignares  des  Pères  les  plus 
anciens,  des  canons  d^s  apôtres,  de  saint  Clément  et  de 
saint  Ignace,  et  ils  c jncluont  que  l'ordination  conière 
une  mission,  un  caractère,  une  grâce  et  des  pouvoirs 


268  *NDEX 

surnaturels.  (Bévéridge:  Notes  sur  les  canons  de* 
apôtres.  —  Bingham  :  Origines  Ecclésiastiques,  liv.  3 
et  4.)  Nous  ne  nous  chargeons  pas  de  concilier  cette 
doctrine  des  théologiens  anglicans  avec  la  suppression 
du  sacrifice,  moins  encore  avec  le  principe  du  libre 
examen. 

Le  Concile  de  Trente  a  condamné  les  erreurs  du  pro- 
testantisme dans  les  deux  canons  suivants,  dont  nous 
avons  cité  le  texte  aux  notes  de  notre  conférence. 

Can.  I.  «  Si  quelqu'un  dit  qu'il  n'existe  pas,  dans  le 
nouveau  Testament,  de  sacerdoce  visible  et  extérieur,  ni 
la  puissance  de  consacrer  et  d'offrir  le  vrai  corps  et  le 
sang  du  Sauveur,  de  remettre  et  de  retenir  les  péchés, 
mais  que  le  sacerdoce  est  simplement  l'office  ou  la  mis- 
sion de  prêcher  l'Evangile,  et  que  ceux  qui  ne  prêchent 
pas  ne  sont  aucunement  prêtres  :  qu'il  soit  anathème.  » 

Can.  III.  o  Si  quelqu'un  dit  que  l'Ordre,  ou  la  sainte 
ordination,  n'est  pas  vraiment  et  proprement  un  sacre- 
ment institué  par  le  Christ  Notre-Seigneur,  ou  bien  que 
c'est  une  invention  humaine  imaginée  par  des  hommes 
inhabiles  dans  les  choses  ecclésiastiques,  ou  bien  que 
c'est  seulement  l'acte  par  lequel  on  élit  les  ministres  de 
la  parole  de  Dieu  et  des  sacrements  :  qu'il  soit  ana- 
thème. » 

2°  (Voyez  deuxième  partie:  Matière  et  Forme  du 
Sacrement.) 

Après  avoir  défini  d'une  manière  claire  et  précise  la 
vérité  et  l'institution  divine  du  rite  sacré  qui  fait  les 
prêtres,  le  Concile  de  Trente  s'est  abstenu  sur  une 
question  controversée:  la  question  de  la  matière  et  de  la 
forme  du  Sacrement  de  l'Ordre. 

Presque  tous  les  anciens  scholastiques  enseignent  que 
la  porrection  des  instruments  du  saint  sacrifice  et  le* 
paroles  qui  l'accompagnent  :  •  Accipe  pote&tatem  o//e> 


INDEX  269 

rendi  sacrificium  Deo  missasque  celebrandi,  tara  pro 
vivis,  quant  pro  defunctis  »,  doivent  être  considérées 
comme  les  parties  essentielles  de  l'ordination.  Saint 
Thomas  dit  formellement  que  le  caractère  sacerdotal, 
qui  est  «  essentiellement  et  principalement  le  sacrement 
même  de  l'Ordre,  essentialiter  et  principaliter  ipsum 
sacramentum  ordinis,  »  est  imprimé  dans  l'âme  par  la 
présentation  et  l'attouchement  du  calice.  «  Potestatis 
collatio  fit  per  hoc,  quod  datur  eis  aliquid,  quod  ad 
propriunt  actunt  pertinet  :  et  quia  principalis  actus 
sacerdotis  est  consecrare  corpus  et  sanguinem  Christi, 
ideo  in  ipsa  datione  calicis,sub  forma  verborum  deter- 
minata,  character  sacerdotalis  imprimitur.  »  (Suntnt, 
Theol.  supp.  quœst.  37,  a.  7). 

Le  ConcilS  de  Florence  dans  son  Instruction  aux 
Arméniens  enseigne  positivement  que  la  matière  de 
l'Ordre  est  la  tradition  des  instruments,  la  forme,  les 
paroles  qui  accompagnent  cette  tradition  :  «  Ordinisma- 
teria  est  illud  per  cujus  traditionem  confertur  or  do, 
sicut  presbyteratus  confertur  per  calicis  cum  vino  et 
patenœ  cum  pane  porrectionem...  forma  sacerdotii 
talis  est:  Accipe  potestatem  offerendi  sacrificiumt 
etc..  » 

Dans  le  fait,  c'est  le  pouvoir  de  consacrer  qui  fait  le 
prêtre,  d'après  la  doctrine  du  Concile  de  Trente.  Or,  si 
ce  pouvoir  est  déjà  donné  par  un  rite  antérieur,  la  tra- 
dition des  instruments  ne  signifie  rien  et  ces  paroles- 
Accipe  potestatem...  sont  des  paroles  menteuses. 

A  cet  argument  les  théologiens  qui  prétendent  que  la 
matière  de  l'ordina;ion  consiste  dans  l'imposition  des 
mains,  répondent  que  la  tradition  des  instruments  est 
une  simple  déclaration  d'un  pouvoir  reçu.  D'après  ces 
même  théologiens,  le  Concile  de  Florence  a  indiqué  aux 
Arméniens  non  pas  la  matière  essentielle  de  l'Ordre 
qu'ils  connaissaient  bien,  mais  une  matière  accidentelle, 


270  INDEX 


accessoire,  intégrante,  déclarant  la  natuie  du  pouvoir 
reçu  par  l'imposition  des  mains.  Quant  à  saint  Thomas, 
ils  revendiquent  pour  eux-mêmes  son  autorité.  «  L'im- 
position des  mains,  dit  le  saint  docteur,  se  fait  dans  le 
sacrement  de  Confirmation,  qui  confère  la  plénitude  du 
Saint-Esprit,  et  dans  le  sacrement  de  l'Ordre,  qui  con- 
fère une  certaine  excellence  de  pouvoir  dans  les  divins 
mystères  :  Màiius  impositio  fit  in  sacramento  confir- 
maiionis,  in  quo  confertur  plenitudo  Spiritus  Sancti, 
et  in  sacramento  ordinis,  in  quo  confertur  quœdam 
excellentia  potestatis  in  divinis  mysteriis.  »  (Summ. 
Theol.  III,  part,  qutcst.  84,  a.  4).  Mais,  il  appert  d'une 
lecture  attentive  de  saint  Thomas  qu'il  parle,  ici,  de  l'im- 
position des  mains  comme  d'une  cérémonie^  qui  signifie 
l'abondance  de  la  grâce  donnée,  et  non  comme  d'un  signe 
efficace  qui  la  donne.  Il  n'est  point  en  contradiction 
avec  lui-même. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que  l'imposition  des 
mains  est  le  seul  rite  qu'on  rencontre  en  toutes  les 
liturgies.  L'autorité  de  la  scolastique  est  respectable, 
sans  doute;  mais  les  anciens  n'avaient  point  la  connais- 
sance des  monuments  traditionnels  que  la  science  mo- 
derne a  acquise.  Non  seulement  les  Saintes  Lettres  ne 
parlent  que  de  l'imposition  des  mains  dans  la  collation 
des  saints  ordres,  mais,  dans  toute  l'antiquité,  il  n'est 
question  que  de  ce  rite.Le  Concile  général  de  Nicée  met 
au  rang  des  laïques  les  diaconnesses,  parce  qu'elles  n'ont 
pas  reçu  l'imposition  des  mains.  (Can.  19).  Le  quatrième 
Concile  de  Carthage  dit  de  l'ordination  du  prêtre: 
«  Presbyter  cum  ordinatur,  Episcopo  eum  benedicente 
et  manum  super  caput  ejus  tenente.  *  (Cap.  ni).  Ainsi  : 
les  Conciles  d'Antioche,  d'Ancyre,  de  Tolède  IV,  de 
Séville  II,  de  Meaux,  de  Cologne  I.  —  Innocent  I,  dans 
son  Epitre  22  aux  Evêques  de  Macédoine  (Cap.  3),  dit 
que  les  hérétiques  damnent  les  ordinants  auxquels  ils 


INDEX  271 


imposent  les  mains  :  «  Haereticos  per  pravam  manus 
impositionem  damnationem  clare.  »  Les  papes  saint 
Célestin,  saint  Léon,  saint  Grègoire-le-Grand  ne  font 
mention,  en  parlant  des  ordres  sacrés,  que  de  l'imposition 
des  mains.  Aucun  des  auteurs  des  septième,  huitième  et 
neuvième  siècles,  Isidore,  Alcuin,  Raban  Maur,  etc.. 
qui  ont  traité  de  l'ordination,  ne  fait  mention  de  la  por- 
rection  des  instruments.  Enfin,  ce  rite  est  complètement 
inconnu  dans  les  liturgies  orïemales.  On  ne  peut  croire 
que  l'unité  soit  brisée  sur  un  point  aussi  important  que 
les  éléments  essentiels  d'un  sacrement  dont  dépendent 
en  quelque  sorte  tous  les  autres. 

A  cela,  les  tenants  de  la  première  opinion  répondent, 
avec  le  Père  Merlin  (Traité  historique  et  dogmatique 
sur  les  formes  des  sacrements)  :  1°  Que  jusqu'au  dou- 
zième siècle  on  s'est  abstenu  rigoureusement  de  mettre 
par  écrit  les  rites  et  les  formes  des  sacrements;  c'était  le 
secret  des  mystères;  2°  Que  l'usage  des  Pères  et  de» 
Conciles  a  été  de  nommer  imposition  des  mains  le  rite 
de  plusieurs  sacrements.  Ils  donnent  ce  nom  à  la  Péni* 
tenceet  au  Baptême.  (Concile  d'Elvire,  can.  39.  —  Con- 
cile d'Arles,  can.  6.)  3°  Que,  chez  les  Grecs,  1  évoque  assis 
devant  l'autel  met  la  main  sur  la  tête  de  l'ordinand  qui 
est  à  genoux  près  de  lui,  et  lui  applique  le  front  contre 
l'autel  chargé  des  instruments  du  saint  sacrifice  en  lui 
disant  :  «  La  grâce  divine  élève  ce  diacre  à  la  dignité  du 
sacerdoce.»  Ainsija  porrection  des  vases  sacrés  se  trou- 
vant réunie  à  l'imposition  des  mains,  elle  détermine  les 
paroles  de  la  forme  à  signifier  le  double  pouvoir  du  sa- 
cerdoce. 

«  Ce  n'est  pas  à  nous  de  décider,  dit  Bergier,  si  les  rai- 
sons du  Père  Merlin  sont  péremptoires  ;  mais  elles  nous 
paraissent  mériter  toute  l'attention  des  théologiens.  Si 
elles  avaieni  été  mieux  connues,  ceux  qui  ont  traité  des 
ordinations  anglicanes  n'auraient  pas  avancé,  comme  il* 


272  INDEX 


l'ont  fait,  que  la  porrection  des  vases  du  saint  sacrifice 
n'est  pas  en  usage  chez  les  Grecs  pour  l'ordination  des 
prêtres.  »  (Diction,  de  Théologie  au  mot  Prêtrise.) 

D'autre  part,  la  raison  d'unité  ne  paraît  pas  décisive  en 
cette  question,  car  la  forme  qui  accompagne  l'imposition 
des  mains  dans  l'Eglise  grecque  n'est  pas  la  même  que 
dans  l'Eglise  latine.  Il  faut  toujours  admettre  que  le  sa- 
crement, dan*,  les  deux  Eglises,  manque  d'unité  en  l'une 
de  ses  parties.  Pour  expliquer  ces  différences  de  matière 
et  de  forme,  rappelons  ce  qui  a  été  dit  à  propos  des  élé- 
ments sacramentels  en  çrénéral  :  «  On  peut,  sans  offen- 
ser les  définitions  de  l'Eglise,  affirmer  que  Jésus-Christ 
a  institué  immédiatement  tous  les  sacrements  ,  quant  à 
la  détermination  do  leur  nombre  et  de  leurs  effets;  qu'il 
a  institué  immédiatement  quelques  sacrements  et  mé- 
diatement  plusieuia  autres,  quant  à  la  détermination 
orécise  de  tous  leurb  éléments.  • 

D'où  il  suit,  d'après  une  troisième  opinion,  que  l'Eglise 
latine  a  pu  ajouter  aux  éléments  essentiels  de  l'Ordre  la 
porrection  des  instruments,  et  que  ce  rite  doit  être  con- 
sidéré comme  la  matière  du  sacrement  conjointement 
avec  l'imposition  des  mains. 

Mais  quelle  imposition  des  mains?  —  Une  quatrième 
opinion,  contre  le  sentiment  commun  des  théologiens, 
écarte  la  seconde  imposition  des  mains  qui  est  accompa- 
gnée d'une  formule  déprécatoire,  et  considère  comme 
essentielle  la  dernière  imposition  que  l'évêque  accompa- 
gne de  ces  paroles  :  «  Accipe  Spiritum  Sanctum  : 
Quorum  remiseris  peccata,  etc.  Voici  les  raisons  de  cette 
Dpi  n  ion  : 

1°  Le  pape  Grégoire  IX  dit  que  «  le  prêtre  reçoit  l'im- 
position des  mains,  selon  le  rite  institué  par  les  apôtres, 
avec  un  attouchement  corporel  :  Presbyter  cum  ordi- 
V&tur  manus  impositionem  tactu  corporali,  ritu  ab 
apostolia  inducto,  recipit.  »  Le  quatrième  Concile  de 


INDEX  2)3 


Carthage  parle  à  peu  près  dans  les  mêmes  termes.  Or, 
l'attouchement  corporel  ne  se  fait  que  dans  la  dernière 
imposition. 

2°  Le  Concile  de  Trente  anathématise  ceux  qui  disent 
que  «  Ton  ne  donne  pas  le  Saint-Esprit  dans  l'ordina- 
tion, et  que  c'est  en  vain  que  l'Evêque  prononce  ces  pa- 
roles :  Recevez  l'Esprit-Saint  :  Si  quis  dixerit  per  sa- 
cram  ordinationem  non  dari  Spiritum  Sanctum,  ac 
proinde  frustra  Episcopum  dicere  :  Accipe  Spiritum 
Sanctum...  anathema  sif.  »(Sess.  xxm,  can.  4.)  Il  est 
manifeste  que  ces  paroles  sont  considérées,  par  le  saint 
Concile,  comme  consécratoires.  Or,  elles  accompagnent 
la  dernière  imposition  des  mains,  donc  ce  rite  doit  être 
regardé  comme  la  matière  du  sacrement. 

Ajoutons  que  la  seconde  imposition  des  mains  est  ac- 
compagnée, seulement,  d'une  prière  qui  implore  le  secours 
de  Dieu  sur  les  ordinands,  et  n'indique  précisément  au- 
cun office  du  Sacerdoce. 

Ainsi  parlent  les  théologiens.  Résumons  leurs  opi- 
nions. 

Première  opinion:  La  porrection  des  instrumenta 
accompagnée  de  ces  paroles  :  «  Accipe  potestatem, 
etc..  »  Voilà  la  matière  et  la  forme  du  sacrement  de 
fOrdre,  le  rite  sacré  qui  donne  au  prêtre  le  caractère,  la 
grâce,  le  pouvoir  sur  le  corps  naturel  de  Jésus-Christ  et 
par  extension  sur  son  corps  mystique.  —  L'imposition 
des  mains,  les  bénédictions,  les  onctions,  etc.,  ne  sont 
que  des  préparations  à  ce  grand  acte.  L'imposition  finale 
n'est  qu'une  simple  déclaration  d'un  pouvoir  contenu 
i!airs  la  collation  du  pouvoir  sacrifîcal. 

Deuxième  opinion  :  La  matière  et  la  forme  du  sacre- 
ment de  l'Ordre  sont  la  seconde  imposition  des  mains  el 
cette  prière  :  «  Exaudi  nos  quœsumus,  Domine  Deut 
noster,  et  super  hos  famulos  tuos  benedictionem 
SanctiSpiritus  et  gratiœ  sacerdotalis  infunde  virtutem: 


$?4  INDEX 


Ut  quos  tuae  pietatis  aspectibus  offerimus  consecran- 
dos,  perpétua  muneris  lui  largitate  prosequaris.  Per 
Dominum,  etc.  »  Caractère,  grâce,  pouvoir  sur  le  corps 
naturel  et  sur  le  corps  mystique  de  Jésus-Christ,  tout 
vient  de  là.  La  porrection  des  instruments  et  la  dernière 
imposition  des  mains  ne  sont  que  des  déclarations  de 
pouvoirs  déjà  reçus. 

Troisième  opinion  :  La  seconde  imposition  des  mains 
et  la  porrection  des  instruments  sont,  avec  les  formules 
qui  les  accompagnent,  les  éléments  essentiels  du  sacre- 
ment de  l'Ordre.  En  dehors  de  cela,  il  n'y  a  que  des  céré- 
monies symboliques. 

Quatrième  opinion  :  Par  la  porrection  des  instruments 
et  ces  paroles  :  Accipe  potestatem,  etc.,  le  prêtre  re- 
çoit, avec  le  caractère  et  la  grâce,  le  pouvoir  de  consa- 
crer le  corps  du  Sauveur  dans  l'Eucharistie.  Par  la  se- 
conde imposition  des  mains  et  ces  paroles  :  Accipe 
Spiritum  sanctum,  etc.,  il  reçoit  ses  pouvoirs  sur  le 
corps  mystique  de  Jésus-Christ.  Le  reste  n'est  qu'une 
préparation. 

Quelle  est  la  valeur  de  ces  opinions?  —  Comme  le 
Concile  de  Trente,  nous  nous  abstenons  de  nous  pronon- 
cer. Mais  nous  devons  rappeler  que  dans  l'administration 
des  sacrements  on  est  obligé,  pratiquement,  de  prendre  le 
parti  le  plus  sûr.  Par  conséquent,  on  ne  peut  omettre  ni 
l'imposition  des  mains  ni  la  porrection  des  instruments. 
Si  l'une  de  ces  choses  avait  été  omise,  il  faudrait  non- 
seulement  la  suppléer,  mais  réitérer  toute  l'ordination 
sous  condition,  ainsi  que  l'a  décrété  la  sacrée  congré- 
gation des  rites,  dont  la  décision  est  citée  par  Benoit  XIV 
dans  son  ouvrage  de  Synodo. 
J 

Le  protestantisme,  pour  mieux  accentuer  sa  négation 
de  l'Ordre,  a  affiché  hautement  son  mépris  à  l'endroit 
des  cérémonies  do  ce  sacrement  qu'>>  ^opelle  graissage, 


INDEX  275 


tondeme,  supercherie,   charlatanisme.  L'Eglise  les  a 
vengées  par  cet  anathème  : 

«  Si  quelqu'ur  dit  que  Fonction  sacrée  dont  l'Eglise 
se  sert  dans  la  sainte  ordination  est  non  seulement  inu- 
tile, mais  méprisable  et  pernicieuse,  et  pareillement  les 
autres  cérémonies  de  l'Ordre;  qu'il  soit  anathème.  — Si 
quis  dixerit  sacram  unctionem  qua  Ecclesia  in  sancta 
ordinatione  utitur,  non  tantum  non  requiri,  sed  con- 
temnendam  et  perniciosam  esse,  et  alias  ordinis  ceri- 
monias;  anathema  sit.  (Sess.  XXIII,  can.  v.) 

3*  (Sujet  du  sacrement.) 

L'homme  baptisé,  en  pleine  possession  de  sa  raison  et 
pleinement  consentant,  peut  seul  recevoir  les  saints 
ordres. 

Les  femmes,  dans  l'antiquité  payenne,  étaient  admises 
aux  honneurs  du  sacerdoce.  Certains  hérétiques  ont 
voulu  imiter,  en  cela,  les  payens.  Saint  Irénée  fait  men- 
tion des  femmes  Gnostiques  qui  offraient  le  saint  sacri- 
fice. (Lib.  I.  advers.  /ia?reses,  cap.  ix.)  «  Chez  les  Mon- 
tanistos,  dit  saint  Epiphane,  non  seulement  les  femmes 
sont  diaconesses,  elles  sont  évoques  et  prêtres;  on  no 
tient  aucun  compte  du  sexe.  —  Apud  illos  hœreticos 
mulieres  non  tantum  in  diaconissas  ordinabantur,  sed 
Episcopi  erant  et  presbyteri,  ita  ut  nullum  discrimen 
servarent.  »  (Hxrcs.  49  n°  2.) 

Coutume  perverse  et  contraire  à  la  constante  tradi- 
tion et  à  la  pratique  de  l'Eglise.  Saint  Paul  ne  permet 
même  pas  aux  femmes  d'enseigner  :  a  Mulieres  in  Eccle- 
siis  taceant,  non  enim  permittitur  eis  loqui.  »  (I  Cor. 
xiv,  34.) 

«  La  femme,  dit  Tertulien,  ne  peut  ni  parler,  ni  ensei- 
gner, ni  baptiser,  ni  présenter  les  offrandes  dans  l'Eglise, 
ni  exercer  aucun  des  offices  réservés  aux  hommes  ;  à  plus 
forte  raison  ne  pout-elle   revendiquer  l'honneur  du  sa- 


276  INDEX 


cerdoce  :  Non  permittitur  mulieri  in  Ecclesia  loqui, 
%ed  nec  docere,  nec  tingere,  nec  offerte,  nec  ullius 
virilis  muneris,  nedum  sacerdotalis  officii  sortent  sibi 
vindicare.  »  (De  velandis  virginibus,  cap.  ix.) 

Les  femmes  qu'on  appelait  diaconesses  étaient  des 
vierges  et  des  veuves,  chargées  de  certains  offices  de 
charité  et  de  discipline  dans  l'assemblée  des  fidèles. 
Celles  que  Ton  appelait  Prêtresses  etEpiscopesses  étaient 
les  femmes  légitimement  épousées  par  les  prêtres  et  les 
évêques  avant  leur  ordination. 

4°  (Effets  du  Sacrement.) 

Nous  avons  vu  que  le  sacrement  de  l'Ordre  imprime 
un  caractère  qui  fait  du  prêtre  un  homme  sacré.  Cette 
consécration  ne  peut  se  perdre,  et  comme  celle  du 
Baptême,  quoi  qu'il  arrive,  elle  ne  doit  pas  être  renou- 
velée. Sicut  baptizatus  semel  iterum  baptizari  non 
débet;  ita  qui  consecratus  est  semel,  in  eodem  iterum 
ordine  non  débet  consecrari.  »  (Greg.  Magn.  Epist. 
32  ad  Joan.  Episc.  Ravennatensem.) 

Rien  de  pareil  dans  le  protestantisme.  Le  ministre, 
qu'il  soit  choisi  par  le  pouvoir  ou  élu  par  le  peuple,  ne 
cesse  pas  d'être  laïque.  Il  suffit,  pour  le  faire  rentrer 
dans  la  vie  commune,  de  rapporter  le  décret  de  son  élec- 
tion. Le  Concile  de  Trente  analhématise  cette  laïcisation 
du  sacerdoce  dans  le  cinquième  canon  de  sa  vingt-troi- 
sième session  :  «  Si  quelqu'un  prétend  que  la  sainte 
ordination  n'imprime  pas  un  caractère,  ou  que  celui  qui 
a  été  une  fois  prêtre  peut  redevenir  laïque,  qu'il  soit 
anathèmo  :  Si  quis  dixerit  per  sucram  ordinationem... 
non  imprimi  characterem;  vel  eum  qui  sacerdos 
semel  fuit,  laicum  sursum  fleri  posse:  anatliema 
tilt.  » 

Saint  Thomas  étend  la  consécration  à  tous  les  o> Jres 
Tous,  selon  lui,  même  les  ordres  mineurs,  impriment 


INDEX  277 


un  caractère,  signe  d'une  puissance  ordonnée  à  la  dis- 
pensation  des  sacrements.  Ce  caractère  demeure  per- 
pétuellement. C'est  la  raison  pour  laquelle  aucun  ordre 
ne  peut  être  réitéré  :  «  Quidam  dixerunt  quod  in  solo 
ordine  sacerdotali  character  imprimitur .  Sed  hoc  non 
est  verum  :  quia  actum  diaconi  nullus  potest  exercere 
licite,  nisi  diaconus;  et  ita  patet  quod  habet  aliquam 
spiritualem  potestatem  in  dispensatione  sacramen- 
torum  quamalii  non  habent.  Et  propter  quod  alii  dixe- 
runt, quod  in  sacris  ordinibus  imprimitur  character, 
non  autem  in  minoribus.  Sed  hoc  iterum  nihil  est  : 
quia  per  quemlibet  ordinem  aliquis  constituitur  supra 
plebeminaliquo  gradupotestatis  ordinatœ  adsacramen» 
torum  dispensationem.r>  Le  texte  de  saint  Grégoire  que 
nous  avons  cité  plus  haut  semble  lui  donner  raison. 

4°  {Hiérarchie. 

Le  protestantisme  met  les  ministres  du  saint  Evan- 
gile sur  le  pied  d'une  sainte  égalité.  Il  considère  la  dis- 
tinction des  ordres  comme  une  vaine  ostentation  con- 
traire à  l'esprit  chrétien,  qui  veut  que  tous  3oient  sem- 
blables en  Jésus-Christ. 

Toute  la  tradition  proteste  contre  cette  doctrine 
égalitaire.  Dès  l'origine  tdu  christianisme,  nous  voyons 
apparaître  différents  ordres  dans  l'Eglise,  leurs  noms 
et  leurs  ministères  sont  connus  et  décrits  dans  les  plus 
anciens  monuments,  dit  le  Concile  de  Trente.  «  A  b  ipso 
Ecclesix  initio  sequentium  ordinum  nomina,  atque 
uniuscujusque  eorum  propria  ministeria  subdia~ 
coni  scilicet,  acolythi,  exorcistes,  lectoris  et  ostiarii,  in  * 
usu  fuisse  cognoscuntur  quamvis  non  pari  gradu.  » 
Plus  haut  il  est  dit  :  a  Non  solum  de  sacerdotibus,  sed 
et  de  Diaconis  Sacrx  Litterse  apertam  mentionem 
faciunt.  »  (Sess.  XXIII,  cap.  2.) 

Le  Concile  compte  donc  sept  ordres.  Cependant  il  se 

16 


278  INDEX 


contente  de  définir  contre  les  novateurs,  qu'il  y  a  dans 
l'Eglise  des  ordres  mineurs  et  majeurs  par  lesquels  on 
accède  au  sacerdoce,  et  que  la  hiérarchie  d'institution 
divine  se  compose  des  évêques,  des  prêtres  et  des  mi- 
nistres.  (Sess    XXIII.) 

Can.  II.  «  Si  quis  dixerit  praeter  sacerdotium  non 
esse  in  Ecclesia  catholica  alios  ordines  et  majores  et 
minores  per  quos,  velut  per  gradus  quosdam,  insacer- 
dotium  tendatur;  anathema  sit.  » 

Can.  VI.  «  Si  quis  dixerit  in  Ecclesia  catholica  non 
esse  hierarchiam  divina  ordinatione  institulam  qus. 
constat  ex  Episcopis,  Pretbyteris  et  ministris;  ana- 
therna  sit.  c 

Cette  réserve  du  Concile  s'explique  si  l'on  considère 
qu'un  certain  nombre  de  théologiens  font  de  l'Episcopat 
un  ordre  distinct,  que  dans  l'Ej-lise  grecque  il  n'y  a  que 
quatre  ordres  :  la  prêtrise,  le  diaconat,  le  sous-diaconat 
et  le  lectorat,  que  dans  toute  l'Eglise  latine  le  nombro 
des  ordres  mineurs  n'a  pas  toujours  été  constant,  que 
les  sent  ordres  viennent  de  l'Eglise  romaine  où  on  les 
voit  perpétuellement  établis. 


INDEX  279 


II 

QUATRE- VINGTIÈME   CONFÉRENCE 

(Pouvoir  du  prêtre). 

Le  caractère  ineffaçable  que  reçoit  le  prêtre  est  la  racine 
du  pouvoir  sacerdotal,  elle  le  rend  indestructible.  Mais 
l'usage  de  ce  pouvoir  peutétre  lié  de  plusieurs  manières. 

1*  Il  est  lié  par  le  péché  :  c'est-à-dire  que,  dans  a  :cun 
cas,  le  prêtre  en  état  de  péché  mortel  ne  peut  licite- 
ment- user  de  sa  puissance  sur  le  corps  naturel  et  sur 
le  corps  mystique  du  Christ.  Qu'il  consacre  ou  quil 
absolve,  il  se  rend  coupable  de  sacrilège.  (Cf.  Summ. 
Tkeol.  supp   quaest.  36,  a.  5). 

Toutefois,  le  péché  n'empêche  point  la  validité  des 
,  actes  accomplis. 

2°  L'usage  du  pouvoir  sacerdotal  peut  être  lié  par  un 
pouvoir  supérieur. 

Le  pouvoir  consécrateur  est  lié  dans  son  usage  par 
l'interdit.  Non  point  que  ses  actes  soient  invalides,  mais 
ils  sont  illicites. 

Quant  au  pouvoir  judiciaire,  ses  actes  sont  à  la  fois 
illicites  et  invalides,  parce  qu'il  ne  peut  s'exercer  sans 
juridiction,  et  que  l'interdit  lui  soustrait  ses  sujets. 

Il  y  a  plus.  Sans  être  interdit,  le  prêtre  ne  peut  exer- 
cer validement  son  pouvoir  d'ordre  que  sur  le  troupeau 
que  lui  assigne  la  juridiction.  Toute  absolution  donnée 
sans  juridiction,  ordinaire  ou  déléguée,  est  une  sentence 
nulle. 

Cette  proposition  a  est  certaine  et  approche  de  la  foi, 
dit  Perrone  :  Certa  est  et  fide  proxima.  » 

Le  Concile  de  Trente  (Sess.  XIV.  cap.  vti.)  affirme 
que  «  toute  absolution  est  nulle,  si  elle  est  donnée  par  un 
prêtre  dépourvu  de  Juridiction  ordinaire  ou  déléguée  \ 


280  INDEX 


udo  sentence  judiciaire  ne  pouvant  être  portée  que  sur 
des  sujets.  —  Quoniam  natura  et  ratio  illud  exposcit, 
ut  sententia  in  subditos  duntaxat  feratur,  persuasum 
sernper  in  Ecclesia  Dei  fuit  et  verissimum  esse  syno- 
dus  hoc  confirmât,  nullius  momenti  absolutionem 
esse  debere,  quam  sacerdos  in  eum  profert,  in  quem 
ordinariam  aut  subdelegatam  non  habet  jurisdic- 
tionem.  » 

Le  Concile  de  Florence  avait  affirme  la  même  doc- 
trine en  ces  termes  :  Ministrum  sacramenti  pœnitentiaz 
esse  sacerdotem  habentem  auctoritatem  absolvendi  vel 
ordinariam,  vel  ex  commissione  superioris.  (Décret. 
Eugen.  IV.  de  unione  ArmenJ. 

Même  enseignement  dans  la  Constitution  de  Benoit 
XIV  :  Sacramentum  pœnitentiœ. 

Enfin  le  Synode  de  Pistoie  ayant  avancé  une  propo- 
sition qui  semble  réduire  la  juridiction  à  une  simple 
question  de  convenance,  Pie  VI  l'a  condamnée  comme 
fausse,  téméraire,  erronée  et  contraire  au  Concile  de 
Trente.  —  a  Doctrina  synodi,  quse,  de  auctoritate  absol- 
«  vendi   accepta  per  ordinationem,   enuntiat,  post  ins- 

•  titutionem  diœcesium  et  parochiarum,  conveniens 
«  esse  ut  quisque  judicium  hoc  exerceat  super  personas 
«  sibi  subditas  sive  ratione  territorii,  sive  jure  quodam 
«  personali,  propterea  quod  aliter  confusio  induceretur 
e  et  perturbatio  ;  quatenus  post    institutas  diceceses  et 

*  parochias  enuntiat  tantummodo  conveniens  esse  ad 
i  praecavendam  confusionem,  ut  absolvendi  potestas 
c  exerceatur  super  subditos;  sic  intellecta  quod  ad 
c  validum  usum  hujus  potestatis  non  sit  necessaria  ordi- 
«  naria,  vel  subdelegata  illa  jurisdictio,  sine  qua  Tri- 
c  dentinum  déclarât,  nullius  momenti  esse  absolutionem 
c  a  sacerdote  prolatam;  falsa,  temeraria,  erronea  et 
t  Concilia  Tr identino  contraria.»  (Constitut.  Auctorem 
fidei  ;  prop.  XXXVII). 


INDEX  281 


III 

QUATRE-VINGT-UNIÈME   CONFÉRENCE 


(Voyez  deuxième  partie,  Sainteté  du  prêtre.) 

1°  Le  saint  Concile  de  Trente,  dans  sa  vingt-troisième 
session  chapitre  XIV  de  la  Réforme,  décrète  qu'on  ne 
doit  admettre  au  sacerdoce  que  ceux  qui,  après  examen, 
ont  été  trouvés  capables  d'instruire  le  peuple  et  d'admi- 
nistrer les  sacrements,  ceux  qui,  par  leur  piété  et  la 
chasteté  de  leurs  mœurs,  peuvent  donner  le  bel  exemple 
des  bonnes  œuvres  que  demande  l'Apôtre,  et  dont  on 
peut  attendre  une  sage  règle  de  vie.  —  Assumantur 
qui  ad  docendum  populum  et  administranda  sacra- 
menta  diligenti  examine  précédente  idonei  compro- 
bentur,  atque  ita  pietate  ac  castis  moribus  conspicui, 
ut  prœclarum  bonorum  exemplum  et  vitae  monita  ab 
eis  possint  expectari.  » 

C'était  trop  peu  pour  les  remuants  réformateurs  du 
synode  de  Pistoie.  A  les  en  croire,  la  corruption  de  la  dis- 
cipline ecclésiastique  vient  de  ce  que  l'on  s'est  éloigné  des 
anciennes  coutumes  de  l'Eglise  qui, marchant  sur  les  traces 
desApôtres,  avait  établi  qu'on  n'admettrait  au  sacerdoce 
que  ceux  qui  avaient  conservé  I'innocence  baptismale. 
Quod  recessum  sit  a  veteri  instituto,  quo  Ecclesix  in- 
sistens  apostoli  vestigiis  neminem  ad  sacerdotium 
admittendum  statuerat,  nisi  qui  conservasset  innocen- 
tiam  baptismalem.  (Synod.  §  3.) 

Pie  IV  dans  sa  constitution  Auctorem  fidei,  a  con- 
damné cette  proposition  (53)  comme   fausse  et  témé- 


282  INDEX 


2°  Le  protestantisme  s'est  emporté  jusqu'à  la  fureur 
contre  le  célibat  ecclésiastique.  Erasme  se  moque,  avec 
raison,  de  ces  rebellions  de  la  chair  chez  des  hommea 
qui  se  prétendaient  inspirés  et  conduits,  en  toutes  choses, 
par  l'Esprit  du  Christ.  L'unique  but  des  réformateurs 
était  de  légitimer  les  sacrilèges  unions  qu'ils  avaient 
contractées,  ou  qu'ils  voulaient  contracter.  L'Ecriture, 
l'histoire,  la  nature,  ils  ont  tout  remué,  pour  justifier 
leurs  impures  prétentions.  Leurs  diatribes  et  leurs 
traités  ne  prouvent  qu'une  seule  chose,  leur  désir  d'en 
finir  avec  une  loi  gênante  pour  leurs  passions.  Les 
incrédules,  qui  leur  ont  apporté  l'appoint  de  leurs  con- 
sidérations politiques  et  économiques,  n'ont  pas  réussi  à 
déconsidérer  une  loi  dont  nous  avons  exposé  les  admi- 
rables convenances. 

Nous  ne  suivrons  pas  l'hérésie  et  l'incrédulité  [dans  le 
détail  de  leurs  objections.  Contentons-nous  de  mettre 
sous  les  yeux  des  lecteurs  les  conclusions  d'un  théo- 
logien qui  a  traité  cette  question  avec  une  sage  érudi- 
tion. 

Première  Conclusion  :  «  Dans  l'Eglise  grecque  on 
n'a  accordé  qu'aux  seuls  diacres,  qui  au  moment  même 
de  l'ordination  protestaient  qu'ils  ne  pouvaient  garder 
la  continence,  la  permission  de  se  marier  après  l'ordi- 
nation. » 

C'est  ce  qui  résulte  du  canon  neuvième  du  Concile 
d'Ancyre,  dont  les  hérétiques  ont  singulièrement  exagéré 
la  portée. 

deuxième  conclusion  :  «  Jamais  il  n'a  été  permis, 
dans  l'Eglise  grecque,  aux  évêques  et  aux  prêtres,  de  se 
marier  après  l'ordination,  p 

Le  Concile  de  Néocésarée  (an.  3114)  est  formel  sur  ce 
point  :  «  PresbyLer  si  uxorem  acceperit,  ab  ordine  de- 
ponatut.  (Can  ,  I.)  Il  est  d'accord  avec  les  constitutions 
de  saint  Clément    (lib.  VI,   cap.,  17),  et  les  déclarations 


INDEX  283 


des  empereurs  Justinien  (Novel.  123,  cap.  14)  et  Léon  le 
Sage  (an.  886). 

TROISIÈME  conclusion  :  «  D'après  un  louable  usage 
et  une  règle  ancienne  et  sage,  les  ministres  sacrés  do 
l'Eglise  grecque  s'abstenaient  de  tout  commerce  charnel 
avec  les  femmes  qu'ils  avaient  épousées  avant  l'ordina- 
tion, bieu  qu'ils  n"y  fussent  pas  contraints.  » 

C'est  ce  qui  ressort  du  témoignage  d'Origène,  d'Eu- 
sèbe,  de  saint  Cyrille  de  Jérusalem,  de  saint  Epiphane,do 
saint  Jean  Chrysostome. 

quatrième  conclusion  :  «  Après  le  Concile  de  Cons- 
tantinople  de  l'an  692,  il  ne  fut  plus  permis  aux  évoques 
grecques  de  cohabiter  conjugalement  avec  les  femmes 
épousées  avant  l'ordination.  » 

C'est  ce  que  l'on  peut  voir  dans  le  canon  12  du  Concile 
que  nous  venons  de  citer.  Il  y  signale,  comme  un  scan- 
dale pour  les  peuples,  la  cohabitation  des  évêques  avec 
leurs  femmes  :  —  Ex  eo  populis  offendiculum  et  scan- 
dalum  offerentes,  et  il  décrète  la  déposition  pour  les 
coupables  :  —  Si  quis  autem  taie  quid  agere  deprehen- 
sus  fuerit,  deponatur. 

Le  Concile  de  692  est  appelé  Quinisexte  parce  qu'il 
suppléa,  par  ses  canons,  aux  cinquième  et  sixième  qui 
n'en  avaient  pas  faits.  On  l'appelle  encore  Trullanum 
ou  in  trullo.  Concile  du  dôme,  parce  qu'il  se  tint  sous 
le  dôme  du  palais  impérial. 

cinquième  conclusion  :  «  Une  loi  confirmée  par  le 
Concile  du  dôme  autorise,  chez  les  Grecs,  les  prêtres, 
les  diacres  et  les  sous  diacres  à  vivre  maritalement  avec 
les  femmes  qu'ils  ont  épousées  avant  l'ordination.  » 

Pourquoi  cette  différence  entre  les  évêques  et  le3 
prêtres  grecs?  —  Parce  que  les  évêques,  très  nombreux, 
sont  presque  seuls  chargés  des  fonctions  sacrées.  Les 
prêtres  ne  s'en  acquittent  aue  rarement.  C'était  assez, 


284  INDEX 


ont  pensé  les  Grecs,  de  les  astreindre  à  la  continence  à 
l'époque  de  leurs  fonctions. 

sixième  conclusion  :  «  Dans  l'Eglise  latine,  les  sois- 
diacres  n'ont  pas  été  toujours  et  universellement  as- 
treints à  la  continence,  mais  la  discipline  de  l'Eglise 
d'Occident  a  varié  à  cet  égard.  » 

Plusieurs  Conciles  d'Espagne,  d'Afrique,  de  Gaule  i 
même  d'Italie  font  foi  sur  ce  point  de  discipline. 

septième  conclusion  :  «  D'après  un  usage  ancien  et 
constant,  il  est  interdit,  dans  l'Eglise  latine,  aux  clercs 
majeurs,  c'est-à-dire  aux  évêques,  aux  prêtres  et  aux 
diacres,  de  se  marier  ou  d'user  de  leurs  femmes  après 
l'ordination.  » 

Les  monuments  de  cette  loi  sont  innombrables. 

huitième  conclusion  :  «  La  loi  du  célibat  ou  de  la 
perpétuelle  continence  des  ministres  sacrés  n'est  ni  di- 
vine, ni  à  proprement  parlerapostoïique,  mais  seulenent 
ecclésiastique.  » 

C'est  ce  qui  explique  la  tolérance  de  l'Eglise  pour 
certaines  régions  où  la  loi  du  célibat  souffre  des  excep- 
tions. 

neuvième  conclusion  :  «  La  loi  du  célibat  ecclé-zas- 
tique  est  sage  et  sainte,  elle  est  appuyée  sur  des  raisons 
solides  que  ne  peuvent  détruire  les  novateurs.  »  Nous 
avons  donné  ces  raisons  au  cours  de  la  conférence. 

Les  novateurs  ont  cherché  des  exemples  dans  le  col- 
lège apostolique.  —  Ils  ont  oublié  cette  parole  de  Pierre 
à  Notre-Seigneur  :  *  Nous  avons  tout  quitté  pour  vous 
suivre  :  Ecce  nos  reliquimus  omnia  et  secuti  surmis 
te.  »  (Màtth.,  cap.  xix,27.) 

Ils  font  valoir  les  protestations  de  l'évèque  Paphnuce 
au  Concile  de  Nicée,  contre  la  proposition  des  légats 
apostoliques  qui  voulaient  faire  prévaloir  la  loi  de  la 
continence  absolue  et  obtenir  pour  elle  la  sanction  du 


INDEX  285 


Concile.  —  Mais  ces  protestations  ne  regardaient  que  les 
prêtres  déjà  mariés  avant  l'ordination.  Si  le  Concile  de 
Nicée  approuva  le  conseil  de  Paphnuce  de  ne  pas  les  in- 
quiéter, c'est  après  avoir  confirmé  la  loi  ancienne,  qui 
défendait  aux  clers  déjà  engagés  dans  les  ordres  sa- 
crés de  -5e  marier,  loi  contre  laquelle  protestent  les  no- 
vateurs. Au  retour  du  Concile,  plusieurs  évêques,  saint 
rJustace,  patriarche  d'Antioche,  et  saint  Alexandre,  pa- 
triarche d'Alexandrie,  appliquèrent  à  leurs  Eglises  la 
loi  de  l'Eglise  Romaine,  contrairement  au  sentiment 
exprimé  par  Paphnuce. 

Calvin  prétend  que  l'Eglise  ne  peut  forcer  à  la  conti- 
nence ceux  que  Dieu  a  laissés  libres  de  se  marier.  — 
L'Eglise  ne  force  personne.  Pour  des  raisons  de  haute 
convenance,  parfaitement  d'accord  avec  l'esprit  de 
l'Evangile,  l'Eglise  demande  la  continence  à  ses  prêtres, 
mais  elle  n'oblige  personne  à  se  faire  prêtre,et  elle  a  soin 
d'avertir  ceux  qui  vont  s'engager  dans  les  ordres  sacrés 
qu'ils  sont  libres  de  se  retirer,  s'ils  ne  veulent  pas  se 
soumettre  aux  conditions  qu'elle  impose  :  Adhuc  liberi 
estis. 

Nous  laissons  de  côté  les  objections  que  l'on  fait  con- 
tre le  célibat  en  général  pour  atteindre  le  célibat  ecclé- 
siastique. Cette  question  reviendra  en  son  temps. 

Terminons  par  l'autorité  du  Concile  de  Trente.  Vive» 
ment  sollicités,  par  l'empereur  et  les  princes  d'Allemagne, 
de  permettre  le  mariage  des  prêtres,  pour  faciliter  le  re- 
tour des  Luthériens,  les  Pères  de  Trente,  appréhendant 
justement  la  complète  décadence  des  mœurs  cléricales, 
s'ils  cédaient  sur  ce  point,  se  montrèrent  inflexibles.  Ils 
flagellèrent  les  erreurs  de  la  réforme  touchant  le  célibat 
ecclésiastique  dans  le  canon  suivant  :  «  Si  quis  clericos 
«  iasacris  ordinibus  constitutos,  vel  regulares  castra- 
it tem  solemniter  professos  pbsse  matrimonium  contra- 
«  hère,  contractumau«  validum  psse,  non  obstante  lege 


286  INDEX 


«  ecclesiastica,  vel  voto  ;  et  oppositum  nihil  aliud  esse 
«  quam  damnare  matrimonium  ;  posseque  oranes  con- 
«  trahere  matrimonium,  qui  non  sentiunt  se  castitatis, 
«  etsi  eam  voverant,  habere  donum;  anathema  sit  :  Cum 
«  Deus  id  recte  petentibus  non  deneget,  nec  patiatur 
«  nos  supra  id  quod  possumus  tentari.  »  (Sess.  XXIV, 
can.  9.) 

Cf.  Tournely  :  De  ordine.  Qusest  ultima  :  De  cœlibatu, 
seuperpetua  continentia  majuribus  et  sacris  ordinibus 
annexa. 


INDEX  *3Î 


IV 

QUATRE-VINGT-DEUXIÈME    CONFÉRENCE, 


Pour  les  erreurs  contraires  aux  droits  que  nous  avons 
revendiqués  dans  cette  conférence,  nous  renvoyons  le 
lecteur  à  Yindcx  de  notre  cinquante-neuvième  confé- 
rence, où  nous  avons  traité,  à  propos  de  l'indépendance 
de  l'Eglise,  du  règalisme,  du  rationalisme,  du  sépara- 
tisme et  du  libéralisme. 

Nous  appelons,  ici,  l'attention  sur  la  situation  particu- 
lière faite  au  clergé  de  France  par  le  Concordat  de  1801, 
contrat  passé  entre  le  Saint-Siège,  en  la  personne  du 
pape  Pie  VII,  et  le  gouvernement  français,  en  la  per- 
sonne du  premier  consul  Bonaparte  :  le  Saint-Siège  re- 
présenté par  les  plénipotentiaires  cardinal  Hercule 
Consalvi,  secrétaire  d'Etat;  Joseph  Spina,  archevêque  de 
Corinthe,  prélat  domestique;  Père  Caselli,  théologien 
consultant  de  sa  Sainteté;  le  premier  consul  représenté 
par  les  plénipotentiaires  Joseph  Bonaparte,  Crétet, 
conseillers  d'Etat,  et  Dernier,  docteur  en  théologie, 
curé  de  Saint-Laud  d'Angers. 

Il  no  faut  pas  confondre  cette  convention  solennelle 
avec  les  articles  organiques  fabriqués  par  Portalis, 
frauduleusement  ajoutés  au  Concordat,  et  publics  en 
même  temp.^  que  lui  par  le  gouvernement  français.  Ces 
articles,  au  nombre  de  soixante-dix-sept,  sous  prétexte 
de  réglementer  l'exécution  des  dix-sept  articles  concor- 
dataires, restreignent,  dénaturent  ou  violent  les  conven- 
tions faites  avec  le  Saint  Siège,  empiètent  sur  les  droits 
do  l'Eglise  et  doivent  être  considères  comme  une  légis- 


288  INDEX 


lation  de  servitude,  sans  valeur  juridique  et  surtout  ca- 
nonique, frappés  d'avance  de  caducité  par  l'article  pre- 
mier du  Concordat. 

Dès  la  promulgation  de  ces  articles,  le  Saint-Siège 
protesta  et  il  n'a  pas  cessé  depuis.  Ce  qu'il  en  pense,  il 
l'a  dit  en  ces  lignes  vengeresses  qu'on  lit  dans  la  Bulle 
d'excommunication  lancée  contre  Napoléon,  le  10  juin 
1809.  —  «  Aux  termes  de  ces  articles,  non  seulement  on 
»  anéantit,  de  fait,  pour  l'exercice  de  la  religion  catho- 
«  lique,  dans  les  points  les  plus  graves  et  les  plus  im- 
«  portants,  la  liberté  qui  au  commencement  des  stipu- 
«  lations  du  concordat,  avait  été  spécifiée,  convenue, 
o  promise,  comme  base  et  fondement;  mais  il  y  a  même 
«  quelques-uns  de  ces  articles  qui  semblent  attaquer 
t  la  doctrine  de  l'Evangile...  Les  clauses  de  cette  con- 
f  vention  ayant  été  ainsi  dénaturées  et  violées,  surtout 
«  celles  qui  avaient  été  établies  en  faveur  de  l'Eglise,  la 
«  puissance  spirituelle  fut  soumise  au  pouvoir  laïque, 
e  et,  bien  loin  que  les  effets  salutaires  que  nous  nous 
«  étions  promis  de  cette  convention  fussent  obtenus, 
«  nous  eûmes  à  nous  plaindre  de  voir  les  malheurs  et 
«  les  désastres  de  l'Eglise  s'accroître  et  s'accumuler 
#  chaque  jour.  » 

Après  presque  tous  les  articles  organiques,  dit  M.  E. 
Ollivier,  on  peut  écrire  :  Usurpation  ou  abus  de  pou- 
voir. »  (Le  Concile  du  Vatican.  Tom.  I,  p.  128). 

Les  articles  organiques  sont  donc  une  perfidie,  ayant 
pour  but  de  faire  retirer  au  premier  consul  cequ'il  avait 
accordé;  leur  application  ne  peut  être  qu'une  criante 
injustice.  En  définitive,  il  n'y  a  pas  d'autre  règle  au- 
thentique, juridique  et  canonique  de  la  situation  du 
clergé  que  le  concordat. 

Or,  dans  cette  convention,  le  principe  qui  nous  a  servi 
de  point  de  départ  et  les  droits  que  nous  avons  affirmés 
sont  manifestement  reconnus. 


INDEX  289 

i  m    •  m  I 

«  Le  gouvernement  reconnaît  que  la  religion  catho- 
*  lique,  apostolique  et  romaine  est  la  religion  de  la 
«  très  grande  majorité  des  Français  »  —  Ainsi  parle  le 
préambule  du  concordat.  Cette  déclaration  n'est-elie 
pas  un  engagement  à  l'établissement  d'un  service  public 
qui  puisse  satisfaire  les  besoins  religieux  de  la  très 
grande  majorité  de  la  nation?  Autrement,  (ce  sont  les 
expressions  mêmes  de  Portalis),  un  engagement  «  à 
garantir  à  ceux  qui  professent  la  religion  catholique  la 
jouissance  des  biens  spirituels  qu'ils  s'en  promettent, 
comme  on  leur  garantit  la  sûreté  de  leurs  personnes  et 
de  leur  propriétés.  » 

Il  est  dit  dans  le  premier  article  :  «  La  religion  catho* 
lique  sera  librement  exercée  en  France.  »  —  Or,  cette 
liberté  stipulée  contient  implicitement,  mais  nécessai- 
rement, les  libertés  suivantes: 

1°  Liberté  pour  l'Eglise  de  se  igouverner  par  set 
propres  lois  :  lois  sur  les  personnes  et  sur  les  choses. 

2°  Liberté  de  recruter,  de  former  et  de  conserver  le 
personnel  nécessaire  à  l'Eglise  enseignante. 

3°  Liberté  d'enseigner  les  vérités  révélées,  de  con- 
damner les  erreurs  et  les  vices  qui  tendent  à  détruire  le 
règne  de  Jésus-Christ  dans  les  âmes. 

4°  Liberté  d'administrer  les  sacrements  et  de  régler 
tout  ce  qui  regarde  cette  administration. 

5#  Liberté  de  célébrer  le  culte  divin. 

Reconnaître  ces  libertés  n'est-ce  pas  affirmer  ces  deux 
droits  :  droit  au  respect  de  la  vocation,  droit  au  libre 
exercice  des  fonctions  sacerdotales  ? 

Par  l'article  13:  «  Sa  Sainteté,  pour  le  bien  de  la 
«  paix  et  Vheureux  rétablissement  de  la  religion  ca- 
«  tholique,  déclare  que  ni  Elle,  ni  ses  successeurs,  ne 
s  troubleront  en  aucune  manière  les  acquéreurs  de$ 
«  biens  ecclésiastiques  aliénés.  » 

17 


290  INDEX 


En  échange  de  cette  concession, il  est  dit, dans  l'article  14, 
que  «  Le  gouvernement  assurera  un  traitement  con- 
venable aux  Evêques  et  aux  curés,  «  et  dans  l'art.  15T 
que  «  le  gouvernement  prendra  des  mesures  pour  que 
o  les  catholiques  français  puissent,  s'ils  le  veulent, 
i  faire,  en  faveur  des  églises,  des  fondations.*—  N'est- 
ce  pas  reconnaître  ce  troisième  droit  du  prêtre  :  droit  de 
vivre  de  son  service  public? 

Les  articles  organiques  ont  tarifé,  d'une  manière  fixe, 
l'indemnité  compensatoire  accordée  au  clergé.  C'était 
manifestement  aller  contre  l'esprit  du  concordat,  qui 
assure  un  traitement  convenable  aux  évoques  et  aux 
curés  ;  car  un  traitement  qui  pouvait  être  convenable  il 
y  a  quatre-vingts  ans  ne  l'est  plus  aujourd'hui.  «  Res- 
pecter le  budget  des  cultes,  dit  M.Emile  Ollivier  {V Eglise 
et  VEtat,  etc.,  Tom.  I,  p.  162).  implique  qu'on  en  propor- 
tionnera les  resssources  aux  nécessités  des  temps; 
qu'on  no  cessera  d'augmenter  le  traitement  de  tous 
les  membres  du  clergé,  et  surtout  celui  des  curés 
ruraux,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  atteint  le  niveau  établi  dans- 
les  autres  services  publics.  Beaucoup  de  nos  prêtres 
irumquent  du  nécessaire  et  se  débattent  contre  toutes 
les  angoisses  de  la  misère.»  Aussi,  avons-nous  vu  les 
gouvernements  augmenter  le  minimum  fixé  par  les 
républicains  de  1802,  augmentation  insignifiante  si  l'on 
considère  renchérissement  de  toutes  choses,  mais 
témoignage  d'une  bonne  volonté  qui  eût  peut-être 
atteint  la  juste  proportion  demandée  par  M.  Emile 
Ollivier. 

Aujourd'hui,  en  l'an  de  srrâce  1886,  nous  ne  pouvon 
plus  compter  sur  cette  bonne  volonté.  Deux  tendances 
se  manifestent  dans  le  gouvernement  malhonnête  qui 
déshonore  la  France.  Les  uns  veulent  le  concordat;  mais 
le  concordat  est  tout  entier  pour  eux  clans  les  articles 
organiques   dont  ih;  comptent  bie^  se  servir  pour  vexer 


INDEX  291 


le  clergé  dans  son  recrutement,  dans  ses  fonctions, dan» 
son  traitement.  Les  autres  veulent  séparer  absolument 
l'Eglise  de  l'Etat,  et  dénoncer  la  convention  dont  le  but 
était  d'établir  un  accord. C'est  au  budget  des  cultes  qu'ils 
en  veulent  particulièrement.  Ils  se  flattent  de  réduire  1© 
clergé  à  l'impuissance  en  le  condamnant  à  la  misère. 
Tel  est  leur  aveuglement  qu'ils  se  persuadent  être  les 
maîtres  de  disposer,  selon  leur  bon  plaisir,  du  trai- 
tement des  évêques  et  des  prêtres.  Ils  oublient  que  ce 
traitement  est  une  indemnité  représentant  les  biens 
indûment  confisqués  dont  l'Eglise  a  fait  l'abandon  ;  qu'on 
ne  pourrait  légitimement  supprimer  l'indemnité  sans 
rendre  les  biens  qu'elle  représente  ;  que  les  biens  ne 
pouvant  être  rendus  l'indemnité  doit  être  maintenue 
comme  une  dette  de  justice  ;  qu'on  ne  se  débarrasse  pas 
d'une  dette  en  disant  au  créancier  :  vous  me  déplaisez, 
je  cesse  de  vous  payer. 

Dette  à  l'égard  du  clergé,  l'indemnité  concordataire, 
est  encore  une  dette  à  l'égard  de  la  nation  ;  car  les  biens 
du  clergé  ne  lui  avaient  été  donnés  que  pour  assurer  le 
plus  noble  et  le  plus  important  des  services  publics,  le 
service  religieux.  Donc,  supprimer  le  budget  des  cultes 
c'est  voler,  à  la  fois,  le  clergé  et  la  nation . 

Quand  bien  même  le  traitement  du  clergé  n'aurait  pas 
d'autre  caractère  que  celui  d'une  pure  et  simple  allo- 
cation, encore  faudrait-il  le  maintenir,  sous  peine  da 
méconnaître  ce  principe  :  qu'un  pouvoir  qui  sait  gou- 
verner doit  pourvoir  à  tous  les  services  publics.  Il  est 
évident  que,  dans  une  nation  dont  l'immense  majorité 
est  catholique,  le  gouvernement  doit  pourvoir  au  service 
public  du  culte  catholique.  C'est  une  niaiserie  de  dire  :  , 
que  ceux  qui  veulent  un  culte  le  paient,  car  c'est  admet- 
tre, en  principe,  qu'on  peut  refuser  de  prendre  part,  par 
l'impôt,  à  la  subvention  des  services  publics  dont  on  n'a 
pas  ou  dont  on  ne  croit  pas  avoir  besoin.  Vous  subven- 


29Î  INDEX 

>  — — — — 


tionnez  les  théâtres,  les  beaux-arts,  etc.,  je  n'en  ai  pas 
besoin,  donc  je  ne  paie  pas.  Vous  subventionnez  les 
écoles,  je  n'en  ai  pas  besoin,  puisque  je  fais  élever  chez 
moi  mes  enfants,  donc  je  ne  paie  pas.  Vous  entretenez 
des  armées  permanentes,  je  n'en  veux  pas,  donc  je  ne 
paie  pas.  Vous  entretenez  une  police  coûteuse,  laissez- 
moi  faire  ma  police  moi-même  et  permettez-moi  de  vous 
refuser  mon  argent:  Ce  serait  la  désorganisation  sociale. 
Tous  les  services  publics  se  tiennent  et  sont  solidaires, 
là  où  ils  sont  établis  depuis  longtemps  et  ont  acquis  la 
la  prescription  ;  en  supprimer  un  c'est  compromettre 
tous  les  autres. 

C'est  à  tort  qu'on  nous  propose  l'exemple  de  certains 
peuples  chez  lesquels  la  religion  n'est  pas  considérée 
comme  un  service  public.  On  ne  peut  assimiler  à  des 
sociétés  qui  se  forment  une  société  depuis  longtemps 
formée,  à  des  nations  où  les  cultes  sont  indéfiniment 
multipliées  une  nation  où  l'immense  majorité  des  citoyens 
professe  le  même  culte. 

Et  puis,  chez  les  peuples  dont  on  nous  propose  l'exem- 
ple les  religions  sont  libres  de  se  créer  des  ressource» 
fixes.  En  sera-t-il  de  même  chez  nous?  —  On  serait  par 
trop  naïf  de  compter  sur  cette  liberté.  Ecoutons  un  ins- 
tant M.  Emile  Ollivier  :  «  Après  avoir  promis  toutes  les 
libertés,  dit-il,  on  refuse  la  plus  essentielle,  celle  sans 
laquelle  les  autres  sont  vaines,  la  liberté  de  vivre.  Les 
«incères,  tels  que  M.  Ernest  Allard  (de  l'Eglise  et  de 
l'Etat  en  Belgique),  n'y  mettent  pas  de  façon.  Ils 
dénient,  sans  subterfuge,  à  l'Eglise  après  l'avoir  dé- 
pouillée du  salaire,  rançon  de  ses  biens  confisqués,  la 
faculté  de  constituer  des  personnes  morales,  des  êtres 
juridiques,  même  avec  l'agrément  de  la  puissance  pu- 
blique. Comme  les  ordres  mendiants,  elle  devra  vivre 
des  cotisations  annuelles  de  ses  fidèles...  Supprimer  le 
budget  et,  en  ménvî  temps,  interdire   ce  qu'on  nomma 


INDEX  29$ 


des  bénéfices,  consistant  dans  l'affectation  perpétuelle 
de  certains  biens  à  des  offices  ecclésiastiques,  ne  serait- 
ce  pas  refuser  à  l'Eglise  le  moyen  de  vivre,  si  ce  n'est 
d'aumônes,  la  mettre  dans  l'impossibilité  d'assurer  un 
avenir  quelconque  à  ses  œuvres  de  charité  et  de  piété?  » 
(L'Eglise  et  l'Etat  au  concile  du  Vatican.  Tora.  I 
p.  95). 

Sans  doute  le  régime  du  concordat  n'est  pas  l'idéal  &a 
l'acccord  entre  l'Eglise  et  l'Etat;  mais  il  vaut  mieux  pour 
nous  qu'un  régime  de  prétendue  liberté  dans  lequel  nous 
ne  serions  pas  libres.  La  dénonciation  de  la  convention 
solennelle  passée  entre  l'Eglise  et  le  gouvernement 
français  sera  une  injustice  sacrilège  ajoutée  à  celles  dont 
Hmpiété  révolutionnaire  s'est  déjà  rendue  coupable. 


2:<4  INDL'.X 

. , b- 


V 

<UATRE-VINGT- TROISIÈME   CONFÉRENCIf 


(Voyez  première  partie:  Supériorité  de  l'Evêqué), 

Aèrius,  prêtre  arménien  ('quatrième  siècle),  fut  le  pre- 
mier dans  l'Eglise,  qui  contesta  la  supériorité  des 
évêques.  Nous  avons  rapporté  ses  paroles  au  cours  de 
notre  conférence.  Saint  Epiphane  l'a  réfuté  avec  beau- 
coup d'autorité,  en  lui  opposant  la  tradition  primitive, 
constante  et  universelle  de  toute  l'Eglise,  [Hœres.  75)fet 
saint  Augustin  a  écrasé  les  restes  de  la  secte  dans  son 
Livre  des  Hérésies.  (Chap.  53). 

Ce  presbytérianisme  du  quatrième  siècle  eut  peu  d3 
retentissement.  Il  fut  renouvelé  par  les  Viclefites  et  les 
Vaudois,  et  surtout  par  les  protestants  du  seizième 
eiècle. 

Aux  yeux  de  la  réforme,  Aérius  est  un  grand  homme. 
Il  avait  pour  but  de  ramener  le  christianisme  à  sa  sim- 
plicité primitive.  «  Ce  dessein,  dit  Mosheim  est  sans 
doute  louable,  mais  les  moyens  que  l'on  emploie  sont 
souvent  répréhensibles,  tel  peut  avoir  été  le  cas  de  ce 
réformateur.  »  Toutefois,  f  son  opinion  plut  beaucoup 
à  plusieurs  bons  chrétiens  qui  étaient  las  de  la  tyrannie 
et  de  l'arrogance  de  leurs  évêques.»  (Hist. Ecoles.,  qua- 
trième siècle).  Ces  bons  chrétiens, n'en  doutons  pas,  res~ 
semblaient  à  Aérius  qui,  déjà  hérétique,  ne  se  décida  à 
nier  la  supériorité  des  évêques  que  par  jalousie  et 
dépit  de  voir  un  de  ses  amis  élevé  sur  le  siège  de  Cons- 
tautinopl^     /C* 


INDEX  295 


[  Remarquons  qu'il  y  a  une  différence  immense  entre 
le  presbytérianisme  d'Aérius  et  celui  des  protestants. 
L'hérésiarque  du  quatrième  siècle  ne  niait  pas  le  sacre- 
ment de  l'Ordre,  et  le  prêtre  restait  investi  à  ses  yeux 
d'une  dignité  qui  relevait  au-dessus  des  fidèles.  Le  pro- 
testantisme, en  supprimant  le  sacrement,  a  confondu 
tous  les  rangs.  Le  baptême  donne  à  tous  les  chrétiens  le 
Caractère  sacerdotal,  et  le  ministre  du  saint  Evangile 
n'est  qu'un  simple  député  révocable  et  pouvant  rentrer, 
du  jour  au  lendemain,  dans  le  commun  du  peuple. 

Nous  avons  vu  en  quels  termes  le  Concile  de  Trente  a 
condamné  l'erreur  de  la  réforme  relative  au  sacrement 
de  l'ordre.  Voici  ses  définitions  et  canons  relatifs  à 
J'épiscopat. 

«  Le  saint  Concile  déclare  que  les  évêques  appar- 
tiennent principalement  à  l'ordre  hiérarchique,  qu'ils 
ont  été,  selon  la  parole  de  l'apôtre,  établis  par  le  Saint- 
Esprit,  pour  gouverner  l'Eglise  de  Dieu,  qu'ils  sont 
supérieurs  aux  prêtres  et  ont  le  pouvoir  de  confirmer, 
d'ordonner  les  ministres  de  l'Eglise  et  de  faire  d'autres 
choses  encore  que  ne  peuvent  pas  faire  les  clercs  d'un 
ordre  inférieur.  »  (Sess.  XXIII,  cap.  4). 

t  Si  quelqu'un  dit  qu'il  n'y  a  point  dans  l'Eglise 
«atholique  de  hiérarchie  divinement  instituée,  laquelle 
se  compose  des  évêques,  des  prêtres  et  des  ministres, 
qu'il  soit  anathème.  »  (Can.  6). 

«  Si  quelqu'un  dit  que  les  évêques  ne  sont  pas  supé- 
rieurs aux  prêtres,  gu'ils  n'ont  pas  le  pouvoir  de  con- 
firmer et  d'ordonner,  ou  que  ce  pouvoir  qu'ils  ont 
leur  est  commun  avec  les  prêtres ,  qu'il  soit  anathème.» 
(Can.  7). 

a  Si  quelqu'un  prétend  que  les  évêques  établis  par  le 
Pontife  romain  ne  sont  pas  de  vrais  et  légitimes  évêques, 
mais  que  leur  création  est  une  invention  humaine;  qu'il 


296 


soit  anathème.  »  (Can.  8).  —  (Voyez  les  textes  aux  note» 
de  la  conférence). 

Ne  confondons  pas  avec  les  presbytériens  les  théo- 
logiens qui  prétendent  que  l'épiscopat  n'est  ni  un  ordre, 
ni  un  sacrement  distinct  du  sacerdoce,  mais  une  simple 
extension  de   la  prêtrise  à  de  plus  amples  fonctions  et 
à  une  plus  grande  autorité  dans  l'Eglise.  Cette  opinion 
est  celle  de  tous  les  anciens  scholastiques.  Saint  Thomas 
la  soutient  dans  son  explication  du  livre  des  sentences, 
(in-4    sent.   dist.  24.  q.  2.  a.  2)  ainsi   que    saint   Bona- 
venture  (9.  3).    «  Episcopatus,    dit  ce    dernier,  prout 
distinguitur    contra    sace^dotium,  dicit    dignitatem 
quamdam  vel  officium  episcopi  annexum  et  non  est 
proprie  nomen  ordinis,  nec  novus  character  impri* 
mitur,  me  nooa  patentas  aatur,  sea  potestas  data  am» 
pliatur.  Le  cardinal  Dominicain  Raymond  Capissucchi 
compte  jusqu'à  quatre-vingts    auteurs  professant  cette 
opinion.  {Controv.  Theolog.    Rom.  1670  controv.  27  de 
Episcopatu) .  Elle  était  soutenue  par  les  jésuites  dans  les 
thèses  publiques  du  collège  romain,  dit  Perrone,  avant 
\a  suppression  de  la  compagnie  par  Clément  XIV.  Mais 
aujourd'hui,  ajoute  le  même  auteur,  elle  a  cessé  d'être  pro- 
bable et  plusieurs  théologiens  la  censurent,  (De  Ordin., 
eap.  II.  n°  78).   Toutefois  aucun  des  patrons  de   cette 
Opinion  ne  nie  la  supérioriété  de  l'évêque  sur  le  prêtre. 
L'évêque,  dit  saint  Thomas,  est  «  le  prince  des  prêtres: 
Sacerdotum  princeps  »  (Supp.  quaest.  40  a  4). 

Ceux  qui  prétendent  que  l'épiscopat  est  un  ordre  et 
un  sacrement  proprement  dit,  distinct  de  la  prêtrise, 
en  énumèrent  tous  les  éléments. 

{•  Le  rite  extérieur:  l'imposition  des  mains  et  \\ 
formule  qui  l'accompagne  dans  la  consécration  d^ 
"Vévêque. 

2°  La  grâce  donnée  par  cette  imposition  des  mains  : 
tNoli  négliger  e  gratiam  quae  data  est  tibi  per  prophe* 


INDBX.  297 


tiam  cum  impositione  manuum.  (I.  Tim.,cap.,  IV,  14). 
Admoneo  te  ut  resuscites  gratiam  Dei  quœ  est  in  te 
per  impositionem  manuum  mearum.  »  (2  Tim., 
cap.  I,  6.) 

3°  Le  caractère  sacramentel  :  car  l'ordination  de 
l'évêque  ne  so  doit  jamais  réitérer,  quand  elle  a  été  faite 
selon  la  règle. 

4°  Le  pouvoir  confère  :  pouvoir  spécial,  qui  ne  peut 
être  exercé  par  les  simples  prêtres. 

5°  L'institution  divine,  selon  cette  parole  de  sain{ 
Paul  :  «  Spiritus  sanctus  posuit  Episcopos  regere  Eccle* 
siam  Dei.  »  (Act.  cap.  XX,  28.) 

Cette  opinion,  dit  Perrone,  t  est  aujourd'hui  l'opinion 
commune  et  celle  qu'il  faut  tenir  :  Est  nunc  temporis 
communis  et  omnino  tenenda...  »  (De  Ordine,  cap.  II, 
n°  78). 

Nous  n'en  sommes  pas  parfaitement  convaincus.  Le 
Concile  de  Trente  n'a  rien  défini  à  cet  égard  et  nous 
croyons  que,  pour  assurer  la  supériorité  des  évoques, 
seule  vérité  de  foi,  il  suffit  de  considérer  la  consécration 
épiscopale  comme  un  simple  complément  de  la  consé- 
cration sacerdotale,  ayant  pour  eflet  de  grandir  la  grâce, 
le  caractère  et  le  pouvoir,  de  rendre  le  prêtre  parfait 
dans  son  ordre. 

(Voyez  ibid.  :  Pouvoir  générateur  de  l'évêque).    . 

L'évêque  est  le  ministre  du  sacrement  de  l'ordre,  le 
pouvoir  d'ordonner  lui  est  réservé.  Il  le  possède  seul,  et 
il  ne  peut  le  perdre,  même  lorsqu'il  tombe  dans  l'hérésie 
et  le  schisme,  lorsqu'il  est  suspendu  de  son  office,dégradé 
et  excommunié. 

Il  y  a  eu  dans  l'Eglise  de  graves  controverses  sur  ce 
point. 

Au  onzième  et  au  douzième  siècle  l'erreur  des  réor- 
dinants  tendant  à  se  répandre,  Pierre  Damien  [Epist. 

ros"  17. 


298  INDEX. 


II.  L.  8,  seu  opusc.  30)  réprimande  sévèrement  certains 
moines  qui  refusaient  aux  évêques  simoniaques  le  pou- 
voir d'ordonner.  Dans  son  Epitre  aux  Florentins,  il' 
argumente  vivement  contre  cette  erreur,  et,  dans  la' 
préface  de  son  Opuscule  6  il  cite  plusieurs  évoques  tel-» 
lement  zélés  contre  les  simoniaques  qu'ils  consacraient 
de  nouveau  les  clercs  ordonnés  par  eux. 

Les  Apostoliques  allèrent  plus  loin  et  prétendirent 
que  le  pouvoir  d'administrer  les  sacrements  était  perdu 
par  cela  seul  qu'on  était  pécheur. 

Wiclef  et  Jean  Hus  renouvelèrent  cette  erreur  et  furent 
condamnés  au  Concile  de  Constance. 

Parmi  les  anciens  scholastiques,  qui  ne  considéraient 
pas  l'épiscopat  comme  un  ordre  distinct  de  la  prêtrise, 
plusieurs  ont  pensé  que  Tévêque  pouvait  perdre  par  la 
dégradation,  non  seulement  le  pouvoir  d'ordonner  lici- 
tement, mais  le  pouvoir  d'ordonner  validement.  «  Dans 
l'épiscopat,  dit  Alexandre  de  Halès,  il  n'y  a  aucun  ca- 
ractère imprimé,  c'est  pourquoi  la  dégradation  enlève  à 
l'évêque  et  l'exécution  de  son  office  et  le  pouvoir  de 
conférer  les  ordres  :  —  Quia  in  ordine  episcopali  non 
imprimitur  character,  in  degradando  aufertur  ei 
potestas  conferendi  ordines  et  offîcium  executionis. 
(Part.  IV,  q.  8,  M.  5,  a.  1,  paragr.  6). 

La  question  paraissait  difficile  à  résoudre  aux  théo- 
logiens du  douzième  siècle.  Grégoire  IX,  ayant  à  décider 
au  sujet  des  sacrements  administrés  par  les  simoniaques, 
conjure  les  évêques  qu'il  avait  rassemblés  à  Rome  d'im- 
plorer la  miséricorde  de  Dieu,  afin  qu'il  éclaire  les 
esprits  incertains  dans  cette  difficile  question. — «  Rogat 
episcopoSy  ut  Dei  misericordiam  in  commune  dépos- 
èrent, ut  quid  super  hoc  scrupuloso  negotio  decer- 
nendum  esset,  nutantibus  revelaret.  »  (S.  P.  Damian. 
Prœfat.  opusculi  6). 

Pierre  Lombard  la  considère  comme  presque  insoluble,  V. 


à  cause  du  dissentiment  des  docteurs.  «  Hanc  quaes- 
tionem  perplexam  ac  pêne  insolubilem  faciunt  doo 
torum  verba  qui  plurimum  dissentir e  videntur.  (De 
ordinatis  ab  hsereticis,  lib.  45  Dist.  25). 

Au  treizième  siècle,  la  grande  autorité  de  saint  Thomas 
*  fixé  l'opinion  et  a  rallié  depuis  tous  les  suffrages» 

«  Tout  pouvoir,  dit-il,  qui  se  donne  par  une  consé- 
cration dure  autant  que  la  consécration  elle-même.  Or, 
la  consécration  de  l'évêque,  comme  celle  des  autels,  dure 
perpétuellement,  il  en  est  de  même  de  son  pouvoir.  — 
ômnis  potestas  quœ  datur  cum  aliqua  consecratione, 
nullo  casu  contingente  tolli  potest  re  ipsa  durante, 
sicut  nec  ipsa  consecratio  annulari  :  quia  etiam  altare 
vel  Chrisma  semel  consecrata,  perpetuo  consecrata 
manent  :  unde  cum  episcopalis  potestas  cum,  quodam 
consecratione  datur,  oportet  quod  perpetuo  maneat, 
quantumcumque  aliquis  peccat,  vel  ab  Ecclesia  prœ- 
cidatur.  »  (Summ.  Theol.  supp.  quasst.  38,  a  2). 

Cette  doctrine  de  l'angélique  docteur  est  celle  du  pre- 
mier Concile  de  Nicée  (321),  à  l'endroit  des  Novatiens,  du 
Concile  d'Ephèse  (431)  à  l  endroit  des  Messaliens  et  des 
Nestoriens;  de  saint  Léon  à  l'endroit  des  Pélagiens;  de 
saint  Augustin  à  l'endroit  des  Donatistes  ;  du  septième 
Concile  général,  deuxième  de  Nicée  à  l'endroit  des 
Monothélites  et  des  Iconoclastes  ;  du  troisième  Concile 
1e  Carthage  (397)  qui  défend  les  réordinations;  du  huitième  I 
Concile  de  Tolède  (653)  qui  raisonne  dans  cette  question 
absolument  comme  saint  Thomas. 

Il  est  bien  entendu  que  l'Eglise  ne  considère  commt 
valides  les  ordinations  faites  par  les  hérétiques,  etc.,  qu'à  ' 
a  condition  que  ceux-ci  ont  observé  la  loi  sacramen- 
telle, «  Dummodo  formam  debitam  et  intentionem  ser< 
vent,  dit  saint  Thomas.  C'est  parce  que  cette  loi  sacra- 
mentelle a  été  violée  que  l'Eglise  regarde  comme  nulles 
les  ordinations  des  -m^i  ■"— 


300  INDEX. 

Le  genovefain  Le  Courrayer  s'est  efforcé,  en  vain,  de 
soutenir  leur  validité  il  a  été  victorieusement  réfuté  par 
l  le  P.  Hardouin  :  La  défense  des  ordinations  anglicanes 
\  réfutées,  (2  vol.  Paris  1727),  par  le  P.  Le  Quieu  domi- 
nicain :  Nullité  des  ordinations  anglicanes;  (2  vol. 
Paris  1725)  ;  la  même  nullité  de  nouveau  démontrée 
contre  le  P.  Le  Courrayer  (1  vol.  Paris  1730)  ;  par 
Thierry  de  Saint  René:  Justifications  de  VEglise 
romaine  sur  la  réordination  des  Anglais  épiscopaux 
(2  vol.  Paris  1788)  ;  par  les  anglais  Hardyns,  Holywood; 
Fitz-Simon. 

Dans  ces  réfutations  on  démontre  :  ç-  Sur  la  question 
de  fait  :  que  Barlow,  évêque  de  Saint-David  et  ensuite 
de  Chichester,  consécrateur,  de  Parker,  tige  de  tout  le 
clergé  anglican,  n'a  jamais  été]  évêque  que  par  un  man- 
dat de  la  reine,  et  l'un  et  l'autre  ont  toujours  affiché 
l'opinion  qu'ils  n'avaient  pas  besoin  de  consécration  ;  — 
sur  la  question  de  droit  :  que  la  formule  prescrite  par  le 
rituel  d'Edouard  VI  pour  l'ordination  ne  fait  aucune 
mention  du  sacrifice  ni  des  pouvoirs  sacerdotaux,  et  que> 
par  conséquent,  elle  est  de  nul  effet.  L'Angleterre  protes- 
tante a  des  ministres  royaux  au  département  de  la  reli- 
gion, elle  n'a  plus  ni  évêques  ni  prêtres. 


TABLE 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


SOIXANTE-DIX-NEUVIEME  CONFÉRENCE 

LA   CONSÉCRATION   SACERDOTALE 

Rien  de  plus  admirable  que  l'application  des  sacre- 
ments à  notre  vie  individuelle.  —  Mais,  il  ne  faut  pas 
oublier  que  nous  sommes  un  corps  religieux.  —  Ce  corps 
religieux  doit  avoir  ses  sacrements.  Jésus-Christ  y  a 
pourvu  en  instituant  l'Ordre  et  le  Mariage.  —  Nécessité 
de  s'appliquer  dans  le  temps  présent  à  l'étude  de  ces 
deux  sacrements  sociaux.  — Etude  de  l'Ordre,  et  d'abord  : 
Consécration  sacerdotale.  {•  Raisons  de  son  institution. 
2*  En  quoi  elle  consiste  et  ce  qu'elle  opère.  I.  Union  du 
sacrifice  et  du  sacerdoce.— Jésus-Christ,  prêtre  éternel  et 
victime  divine,  peut  suffire  à  nos  besoins  religieux.  Mais, 
il  avait  la  sublime  ambition  de  laisser  après  lui  une 
religion  parfaite,  et  il  voulait  que  nous  n'eussions  rien  à 
envier  à  l'ancien  peuple  de  Dieu.  —  Ayant  perpétué  son 
sacrifice  par  un  sacrement,  il  devait  perpétuer  son  sacer- 
doce par  des  représentants.  —  Belle  doctrine  de  saint 
Thomas  à  ce  sujet.  —  Quels  sont  les  représentants  et  les 
continuateurs  du  sacerdoce  de  Jésus-Christ  ?  —  Doctrine 
du  protestantisme. —  Il  faut,  au  sacerdoce  de  la  loi  nou- 
velle, plus  qu'une  députation  de  la  communauté  chré- 
tienne. —  Dieu  seul  a  le  droit  de  choisir  et  d'appeler  son 
prêtre.  —  Outre  le  choix  et  l'appel  de  Dieu,  il  faut  une 
consécration.  —  Trois  raisons  de  cette  consécration.  — 
/ 


304        TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 

Pratique  de  l'Eglise,  doctrine  du  concile  de  Trente. 
II.  Entre  tous  les  sacrements,  il  n'en  est  aucun  dont 
l'administration  soit  aussi  solennelle  que  celle  du  sacre, 
ment  de  l'Ordre.  —  Description.  —  Rien  de  plus  respec- 
table.— Ie  Ni  l'imposante  autorité  des  plébiscites  ;  2°  ni 
la  pompe  des  sacres  royaux;  3#  ni  la  majesté  liturgique, 
avec  laquelle  les  prêtres  de  l'ancienne  alliance  étaient 
introduits  dans  le  temple  et  appliqués  au  service  de 
Jéhovah.  —  Dans  ces  investitures  et  consécrations,  touf 
est  extérieur.  —  La  consécration  sacerdotale  va  au  plus 
intime  de  l'âme  et  la  transforme. —  Le  prêtre  est  marque: 
splendeur  et  admirable  persistance  de  son  caractère.  — 
Comment,  sur  ce  caractère,  se  greffent  le  pouvoir  et  la 
grâce.  —  Mais,  la  consécration  sacerdotale  n'est  pas  le 
seul  acte  du  sacrement  de  l'ordre.  —  Six  ordres  précè- 
dent le  sacrrdoe.  —  Description.  —  Comment  on  entre 
dans  ces  six  ordres  par  la  cléricature.  —  Comment  le 
sacrement  se  consomme  dans  TEpiscopat.  —  Comparaison 
de  la  hiérarchie  terrestre,  avec  la  hiérarchie  céleste.  — 
L'Ordre  mérite  le  nom  que  lui  donne  l'Eglise:  Veneran- 
dum  sacramentum  Ordinis. 


QUATRE-VINGTIEME  CONFERENCE 

LA   DIGNITÉ   DU  PRETRE 


On  étudie  de  plus  près  dans  cette  conférence  la  mer- 
veille que  produit  la  consécration  sacerdotale.—  Sublime 
dignité  du  prêtre.  —  {•  Du  côté  où  il  touche  aux  hommes 
et  agit  pour  les  hommes.  —  2°  Du  côté  où  il  touche  à 
Dieu  et  agit  pour  Dieu.  —  I.  La  loi  du  progrès,  appliquée 
à  notre  nature,  produit  l'homme  peuple,  l'homme  peu- 
ple est   un  être   cil     ti     q'.i  fô  doit  à  Dieu,  comme 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES        305 


l'homme  individu.  —  Pour  ses  actes  publics  de  religion 
il  a  besoin  d'une  ^présentation  ;  et  il  ne  peut  trouver 
cette  représentation  que  dans  un  sacerdoce  établi  par 
Dieu.  —  Par  sa  consécration,  le  prêtre  devient  homme 
d'Eglise.  —  Ce  que  cela  signifie.  —  l9  Le  prêtre  personi- 
fie  le  peuple  chrétien  dans  le  grand  devoir  de  la  prière 
publique.  —  Cette  personnification  le  suit  partout.  — 
Comment,  même  en  l'absence  du  peuple  chrétien,  le 
prêtre  est  le  représentant  et  l'ambassadeur  de  l'Eglise 
universelle.  —  2°  Il  est  un  acte  religieux  plus  sublime  et 
plus  agréable  à  Dieu  que  tous  les  hommages  qu'il  reçoit 
de  nos  coeurs  et  de  nos  lèvres;  c'est  la  chose  sacrée  par 
excellence:  Le  sacrifice.  —  Comment  le  peuple  chrétien 
offre  le  sacrifice  par  les  mains  du  prêtre.  II.  Le  suprême 
de  la  grandeur  du  prêtre,  c'est  qu'il  ne  peut  être  l'homme 
de  l'Eglise,  sans  être,  dans  la  plus  haute  et  la  plus  ex- 
cellente acception  du  mot,  lhomme  de  Dieu.  —  i'  Lé 
prêtre  est  l'homme  de  Dieu  dans  l'immolation  de  la  vic- 
time qu'il  offre  au  nom  du  peuple  chrétien.  —  Grandeur 
et  admirable  dignité  de  ce  mystère.  —  2°  Le  prêtre  est 
l'homme  de  Dieu  dans  la  dispensation  des  choses  sacrées. 

—  La  première  de  ces  choses  sacrées  est  la  vérité.  — 
Quelle  vérité  le  prêtre  donne  au  peuple.  —  Comment  le 
triomphe  divin  du  prêtre  sur  les  âmes  est  d'obtenir  la 
foi  tranquille  et  sans  réserve  à  l'incompréhensible.  —  Le 
prêtre  n'éclaire  les  âmes  que  pour  les  mieux  voir,  afin 
de  bien  placer  la  seconde  chose  sacrée  qu'il  doit  leur 
communiquer  :  La  grâce,  la  vie  même  de  Dieu.  —  Com- 
ment, et  à  qui  le  prêtre  donne  la  vie  de  Dieu.  —  Quel 
homme,  que  celui  qui  tient  entre  ses  mains  la  vie  et  le 
sort  d'un  Dieu  ;  la  vie  et  le  sort  des  âmes  !  —  Grandeur 
du  prêtre,  au-dessus  de  tous  les  pouvoirs  de  la  terre.  — 
Même,  sur  ceux  que  Dieu  i  le  plus  honorés,  par  naturt 
ou  par  privilège,  le  prêtre  a  des  avantages  de  puissance. 

—  Moïse.  —  Les  prophètes.  —  Les  anges.  —  La  Vierge 


306  TABLE  ANALYTIQUE   DES  MATIÈREB 

Marie.  —  Conclure,  avec  saint  Augustin:  Vere  vene- 
randa  sacerdotum  dignitas. 

QUATRE-VINGT-UNIÈME  CONFÉRENCE 

LES   DEVOIRS    DU  PRETRE 

Noblesse  oblige.  —  Il  est  évident  que  la  dignité  du 
prêtre  lui  impose  des  devoirs.  —  Enumération  de  ces 
devoirs  dans  les  instructions  que  l'Eglise  donne  aux 
diacres  qui  vont  devenir  prêtres.  —  Ils  se  résument  en 
deux  mots  :  1°  Science.  —  2°  Sainteté.  —  Mais,  l'Eglise 
ne  se  contente  pas  de  montrer  le  devoir  à  ses  prêtres  ;  pai 
tout  l'ensemble  de  sa  législation,  elle  en  garantit  l'ac- 
complissement :  C'est  ce  que  l'on  montre  dans  cette  con- 
férence. —  I.  Dispensateur  des  choses  sacrées,  le  prêtre 
doit  posséder  :  1°  La  sience  de  la  vérité.  2°  La  science  do 
la  vie.  —  Science  de  la  vérité.  —  Quelle  vérité  doit 
enseigner  le  prêtre?  —  Comment  l'orgueil  contemporain 
refuse  injustement  à  cette  vérité  de  se  proposer  comme 
l'objet  d'une  science.  —  D'après  l'enseignement  de  saint 
Thomas,  la  doctrine  sacrée  est  une  vraie  science.  Le 
prêtre  doit  posséder  cette  science,  sous  peine  de  n'avoir 
qu'un  pouvoir  aveugle,  dont  Dieu  répudie  les  offices.  — 
Dût-il  s'en  tenir  au  simple  exposé  de  la  vérité  céleste 
qu'il  a  reçu  mission  de  répandre,  le  prêtre  serait  à  la  tête 
du  monde  savant,  par  la  hauteur  de  son  enseignement.  — 
Mais,  la  vérité  céleste  à  des  accointances  avec  toutes  les 
connaissances  humaines,  de  telle  sorte  que  la  science  du 
prêtre,  plus  haute,  par  nature,  que  toutes  les  sciences, 
doit  être,  par  nécessité,  la  plus  vaste.  —  Science  de  la 
vie.  —  Quelle  est  cette  science  de  la  vie  ?  —  Comment 
elle  l'emporte  sur  celle  des  savants  qui  dissèquent  le 
corps  humain,  décrivent  sos  orcanoa,  analysent  ses  fonc* 


table  analytique  des  matières  307 

tions  et  se  glorifient  de  connaître  les  lois,  en  vertu  des- 
quelles se  produisent  les  phénomènes  de  la  vie  maté- 
rielle. —  Gomment  l'Eglise  aide  le  prêtre  dans  le  devoir 
de  la  science.  —  II.  Avec  la  science,  le  prêtre  doit 
posséder  la  sainteté,  c'est-à-dire  cette  parfaite  rectitude 
d'intentions,  de  désirs,  de  sentiments,  d'actions,  qui  met 
sa  vie  en  harmonie  avec  son  éminente  dignité.  —  Devoir 
de  la  sainteté  écrit  dans  les  livres,  mais  surtout  dans  les 
mystères  divins,  qui  disent  au  prêtre  :  1°  Sépare-toi.  — 
2°  Purifie-toi.  —  3°  Donne-toi.  —  Développement  de 
ces  trois  paroles.  —  Comment  l'Eglise  aide  le  prêtre  dans 
l'accomplissement  du  devoir  de  la  sainteté.  Toute  sa 
législation  a  pour  but  de  régler  la  vie  sacerdotale  en  tous 
ses  détails.  —  On  signale  spécialement  un  point  de  cette 
législation:  La  loi  du  célibat  ecclésiastique.  —  Application 
à  cette  loi  de  ces  trois  paroles:  Sépare-toi,  purifie-toi, 
donne-toi.  —  Evidemment,  la  loi  du  célibat  est  un  des 
plus  puissants  moyens  que  l'Eglise  puisse  mettre  en 
œuvre,  pour  aider  le  prêtre  à  accomplir  son  devoir  de 
sainteté.  —  Elle  date  des  origines  de  l'Eglise.  11  faut  en 
admirer  les  hautes  convenances  et  la  recevoir  avec  res- 
pect. —  Un  mot  contre  ceux  qui  veulent  la  supprimer. 
—  Prière  pour  demander  à  Dieu  de  bons  prêtres. 

QUATRE-VINGT-DEUXIÈME   CONFÉRENCE 

LES    DROITS    DU    PRÊTRE 

En  imposant  des  devoirs,  la  dignité  sacerdotale  crée 
aussi  des  droits  qui  lient  la  société  à  l'égard  du  prêtre, 
comme  lui-même  est  lié,  à  l'égard  de  la  société.  1°  Le 
prêtre  a  droit  au  respect  de  la  vocation  qui  le  destine  aux 
fonctions  divines.  —  2°  Le  prêtre  a  droit  à  la  complète 
liberté  de  ses  fonctions.  —  3»  Le  Drêtre  a  droit  de  vivre 


308  TADLE   ANALYTIQUE   DES  MATIÈRE 

de  Bon  service  public.  —  I.  Respect  de  la  vocation.  — 
Ce  que  le  clerc  doit  faire  pour  se  préparer  au  sacerdoce. 

—  Avec  quel  respect  et  quelle  maternelle  sollicitude 
l'Eglise  le  dirige  en  sa  divine  vocation.  —  Les  séminaires» 

—  Dans  ces  maisons  saintes,  les  élus  de  Dieu  en  appre- 
nant leurs  devoirs  commencent  à  affirmer  leurs  droits; 
et  d'abord,  le  droit  au  respect  de  leur  vocation.  —  Ce 
respect  doit  se  traduire  :  1°  Par  une  généreuse  sympathie, 
toujours  prête  avenir  en  aide  aux  vocations  sacerdotales. 

—  2°  Par  une  religieuse  réserve  qui  interdit  sur  la  vie 
de  ceux  que  Dieu  a  choisis,  tout  prélèvement,  capable 
d'offenser  la  sainteté  de  leur  état,  de  troubler  ou  de  com- 
promettre leur  vocation.  —  Réponse  à  ceux  qui  disent 
que  l'ère  des  privilèges  est  passée  et  que  personne  ne 
peut  plus  être  exempté  des  grands  services  que  chaque 
citoyen  doit  à  son  pays.  —  Service  des  armes,  impôt  du 
eang.  —  Comment  le  service  des  armes  est  contraire  à  la 
vocation  sacerdotale.  —  Comment  le  prêtre  peut  payer 
et  paie  l'impôt  du  sang.  —  II.  Liberté  des  fonctions.  — 
Ce  droit  est  tellement  inhérent  au  caractère  sacerdotal 
qu'on  ne  peut  y  porter  atteinte  sans  contredire  à  la  su- 
prême autorité  de  Dieu.  —  Il  est  affirmé  dès  l'origine  du 
christianisme.  —  Le  prêtre  a  le  droit  de  dire  à  tous,  en 
tout  temps  et  partout  les  vérités  que  Dieu  l'a  chargé 
d'annoncer  au  monde.  —  Le  prêtre  a  le  droit  de  donner 
à  tous,  en  tout  temps  et  partout  les  grâces  dont  Dieu  lui 
a  confié  la  dispensation.  —  Contradiction  des  pouvoirs 
humains  ;  attentât  sacrilège  compliqué  d'une  double 
Jàcheté.  —  Comment  certains  chrétiens  se  rendent  com- 
plices de  cet  attentat.  —  On  n'étouffe  pas  les  libertés  de 
Dieu.  —  III.  Droitfde  vivre  du  service  public.  —  Ce  droit 
était  écrit  dans  la  nature  avant  d'être  écrit  dans  aucune 
loi  divine  et  humaine.  —  C'est  d'après  cette  loi  de  nature 
que  Dieu  a  réglé  chez  son  peuple  la  condition  de  tout  le 
corps  sacerdotal.  —  Comment  il  est  établi  dans  1a  loi 


TABIB  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES  309 

nouvelle  que  ceux  qui  annoncent  l'Evangile  doivent 
vivre  de  l'Evangile.  —  Hautes  raisons  de  cette  loi.  —  Ce 
que  les  siècles  de  désintéressement  et  de  foi  ont  fait  pour 
le  sacerdoce.  —  Brigandage  des  révolutions  ;  il  n'a  pas 
changé  le  droit.  —  Confiance.  —  Dieu  n'abandonnera  pas 
son  prêtre. 

QUATRE-VINGT-TROISIÈME  CONFÉRENCE 

LB  GÉNÉRATEUR  DU   SACERDOCE 

La  consécration  sacerdotale  vient  de  Dieu  par  les 
mains  d'un  homme  auguste,  qui  trône  au  sommet  de  la 
hiérarchie  :  c'est  l'Evêque,  générateur  du  sacerdoce.  — 
L'Evêque  est  le  prêtre  parfait.  1  °  Prêtre  parfait  dans  la 
grandeur.  —  2°  Prêtre  parfait  dans  le  devoir.  —  I.  Jésus- 
Christ,  voulant  établir  son  Eglise,  a  commencé  par 
appeler  ceux  qui  devaient  en  être  les  chefs  suprêmes, 
ceux  qui  devaient  y  engendrer  les  pères  et  les  enfants.  — 
Apôtres  et  disciples.  Les  apôtres  sont  les  Evêques  ;  les 
disciples  sont  les  prêtres  qu'on  verra  se  perpétuer  dans 
la  sainte  hiérarchie  :  les  Evêques  au  sommet,  les  prêtres 
à  un  degré  inférieur.  —  Tel  est  l'enseignement  et  la  foi 
des  premiers  siècles.  —  Le  protestantisme  a  voulu  dé- 
truire cet  enseignement  et  cette  foi,  mais  il  n'a  pu  en- 
tamer l'œuvre  de  l'Esprit  Saint.  —  Consécration  par 
laquelle  l'Evêque  entre  dans  ses  honneurs  et  ses  pouvoirs. 
—  Par  cette  consécration  l'Evêque  reçoit-il  un  nouveau 
sacrement  pour  entrer  dans  un  nouvel  ordre  ?  On  .laisse 
aux  théologiens  cette  question  d'école,  il  suffit  de  croire, 
avec  l'Eglise  que,  par  la  grâce  de  son  sacre,  l'Evêque 
prend  le  premier  rang  dans  la  hiérarchie  et  est  investi 
d'un  pouvoir  auguste  que  ne  donne  point  la  consécration 
sacerdotale.  —  Il  est  le  prêtre  parfait  dans  la  grandeur: 
i°  Sa  première  grandeur  est  de  devenir  père.  —  Le 
pouvoir  générateur  es1  que  d'il- 


310  Tablé  analytique  des  matières 

lustres  docteurs  l'ont  considéré  comme  la  note  caracté- 
ristique de  sa  dignité.  —  2°  Tout  ce  qui  lui  est  commun 
avec  le  prêtre  sous  le  rapport  de  la  dignité  s'épanouit  et 
se  renforce  en  lui  jusqu'à  la  suprême  excellence.  — 
Grandeur  de  l'Evêque  dans  la  représentation  du  peuple 
chrétien  à  la  prière  et  au  sacrifice.  —  Grandeur  de 
l'Evêque  dans  la  dispensation  des  dons  de  Dieu  :  —  l°De 
la  vérité,  dont  il  est  le  juge,  l'interprète,  le  définiteur,  le 
docteur  titulaire.  —  2»  De  la  grâce,  dont  il  tient  en  main 
la  source  même,  par  son  pouvoir  générateur.  —  II.  L'E- 
vêque est  le  prêtre  parfait  dans  le  devoir.  —  Le  premier 
dans  la  hiérarchie,  par  la  dignité,  il  doit  précéder  tout  le 
monde,  entraîner  tout  le  monde  à  sa  suite,  former  tout 
le  monde,  peuple  et  clergé,  dans  la  science  de  la  sainteté. 
1°  Dans  la  science,  il  doit  être  lumière,  propagateur  de 
la  lumière,  gardien  officiel  et  naturel  défenseur  de  la 
science  sacrée.  —  2°  Dans  la  sainteté,  il  doit  être  l'exem- 
plaire de  tous  et  répondre  à  ce  triple  précepte  :  Sépare- 
toi,  purifie-toi,  donne-toi,  par  cette  parole  de  l'apôtre  : 
«  Moi,  plus  que  les  autres,  plus  ego.  —  Développements. 
—  Comment  le  plus  ego  a  enlevé  une  foule  de  grandes  et 
fortes  âmes  jusqu'à  l'héroïsme  du  devoir. —  Les  Evêques 
sont  les  plus  nombreux  au  culte  que  l'Eglise  rend  aux 
saints.  —  Ils  ont  les  préférences  de  l'impiété  dans  la 
guerre  qu'elle  fait  à  la  religion.  —  Ce  discours  est  écrit 
dans  la  vie  des  deux  éminents  prélats  qui  gouvernent 
l'Eglise  de  Paris.  Ad  multos  annos. 

QUATRE-VINGT-QUATRIÈME  CONFÉRENCE 

LES   ENNEMIS    DU    SACERDOCE 

Le  sacerdoce  a  été  contredit  dans  Jésus-Christ,  le 
prêtre  suprême.  —  C'est  la  loi  que  les  fils  ressemblent  au 
père  qui  les  engendre.  —  Lugubre  proDhétie,  faite  par  le 


TABLE  ANALYTIQUE   DES   MATIÈRES  3 il 

Christ  à  ses  prêtres  ;  comment  elle  s'est  accomplie  dans 
l'Eglise  dès  le  commencement,  comment  elle  s'accomplit 
de  nos  jours.  —  Ennemis  du  sacerdoce;  trois  questions 
à  leur  sujet:  1°  Qui  sont-ils?  2°  Que  nous  reprochent-ils? 
3"  Où  veulent-ils  en  venir  en  nous  faisant  la  guerre  ?  — 
ï.  Les  ennemis  du  sacerdoce  prétendent  être  le  nombre. 

—  Combien  cette  affirmation  est  osée.  —  Quand  elle 
serait  vraie,  le  nombre  ne  prouve  rien  contre  Dieu  ni 
contre  les  œuvres  divines;  le  nombre  ne  prouve  rien 
contre  le  droit.  —  On  pourrait  avoir  peur  du  nombre  s'il 
était  en  même  temps  la  raison  et  la  vertu,  mais,  c'est 
précisément  ce  que  Ton  chercherait  en  vain  chez  les 
ennemis  du  sacerdoce.  1°  Leur  parti  pris,  leurs  contra- 
dictions, leur  déloyale  exploitation  de  la  sottise  publique. 

—  2°  Raisons  de  leur  haine,  dévoilées  par  la  sagesse 
divine.  —  Leur  cri  de  guerre  rallie  toutes  les  passions 
violentes  et  abjectes.  —  II.  Quels  reproches  les  ennemis 
du  sacerdoce  lui  adressent-ils?  —  Ils  peuvent  se  ramener 
à  trois  chefs:  Les  idées,  —  les  tendances,  —  les 
mœurs.  —  1°  Les  idées.  —  On  prouve  que  les  idées  du 
sacerdoce  ne  sont  pas  rétrogrades.  —  Les  principes  in- 
flexibles, les  vérités  immuables,  dont  il  est  le  gardien 
sont  nécessaires  à  toute  science  et  à  tout  progrès.  —  Le 
prêtre  cultive  la  science  et  en  bénit  les  heureuses  appli- 
cations qu'on  appelle  le  progrès.  —  Son  langage,  relative- 
ment à  ce  qu'en  appelle  les  besoins  et  les  aspirations 
modernes  :  Liberté,  —  expansion  des  idées,  —  respect 
de  la  conscience  individuelle,  —  diffusion  de  l'instruction, 

—  égalité,  —  participation  du  peuple  au  gouvernement 
des  affaires,  —  révolution.  —  Ce  langage  est  celui  des 
idées  hautes  et  larges.  —  2°  Les  tendances.  —  Celle 
qu'on  reproche  avec  le  plus  d'âpreté  est  la  tendance  à  la 
domination.  —  Comment  l'heure  est  mal  choisie  pour 
faire  ce  reproche  au  clergé.  —  A  quelle  domination  il 
aspire.  —  C'est  son  devoir.  —  3e  Les  mœurs,  —  Bruit 


i2  TABLE   ANALYTIQUE    DES   MATIÈRES 

[ue  l'on  fait  autour  de  ce  qu'on  appelle  les  scandales  do 
clergé.  —  L'exploitation  de  ces  scandales  est:  1°  dé- 
loyale; 2°  impudente;  3°  lâche.  —  Développement.  Cepen* 
dant,  il  y  a  des  scandales.  —  Pourquoi  Dieu  les  permet. 
—  Aucune  société  n'est  responsable  de  l'indignité  de  ses 
membres  vicieux,  lorsqu'elle  les  réprouve.  —  Réproba- 
tion des  scandales  par  l'Eglise.  —  Un  chrétien  ne  doit 
pas  dire,  avec  l'impiété,  scandales  du  clergé,  mais  sim- 
plement scandales  dans  le  clergé.  —  Sans  s'arrêter  aux 
scandales,  il  doit  chercher  l'édification  dans  le  sacerdoce 
Belles  paroles  de  saint  Augustin.  —  III.  Où  veulent  en 
venir  les  ennemis  du  sacerdoce  en  lui  faisant  la  guerre? 
D'accord  sur  le  chapitre  des  hostilités  qu'il  nous  faut 
subir,  les  ennemis  du  sacerdoce  ne  sont  pas  d'accord 
sur  le  but  qu'ils  se  proposent  d'atteindre.  1°  Les  uns, 
"veulent  la  société  sans  religion,  —  chose  bestiale  et 
monstrueuse.  —  2°  Les  autres  veulent  la  religion  sans 
sacerdoce,  —  chose  impossible.  —  3°  Reste  un  troisième 
but  à  atteindre,  séparer  la  religion  et  le  sacerdoce  de 
l'Etat.  —  Ce  qu'il  faut  penser  théoriquement  de  cette 
séparation.  —  Difficulté  pratique.  —  Lorsqu'ils  auront 

prononcé  leur  sentence  de  divorce,  les  ennemis  du  sacer- 
doce lui  donneront-ils  la  liberté?  —  Ce  que  nous  devons 
craindre  à  ce  sujet.  —  Cri  d'espoir  et  de  confiance  poussé 
par  l'apôtre  saint  Paul.  —  Entre  Dieu  et  le  prêtre  c'est 
pour  toujours:  Tu  es  sacerdos  in  xternum. 


INDEX 

Index  des  principales  erreurs  contraires  aux  dogmes 
exposés  dans  ce  volume. 


BX  1751  .M65  v.14  SMC 
Monsabre,  Jacques  Marie  Loui 
Exposition  du  dogme 
catholique  :  carême  1873-189 
47086050