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Full text of "Fossiles de Patagonie; dentition de quelques mammifères"

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TOME XII. — FASCICULE 1! ; 


SOMMAIRE 


MÉMOIRE N° 31 


ALBERT GAUDRY 


FossiLEs DE PATAGONIE. — DENTITION DE 
QUELQUES MAMMIFÈRES. 


PARIS 
LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE 


28, RuE SERPENTE, VI 


+: 904 


Les Mémoires de Paléontologie sont publiés pa tomes. (format _in-qu: 
renfermant environ 160 pages de texte et environ 20 planches hors texte Lil 
environ un tome par année. ÉD à 

On peut les acquérir par souscription, avant l'apparition du volume 
aux prix réduits suivants : RAÉVES 


Souscripteurs ayant souscrit à tous les volumes parus, au LE * RS AT à ï 
moment de leur apparition . . . . . . + . prime 20 fr.. RUE: SET 
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Id. id. (Étranger). . . . .  » 928fr. br. 


Après l'achèvement du volume, le prix est élevé à 40 franes (franco) ; une remise 
de 20 0} est accordée aux Membres de la Société. [Les tomes TV et V complets, ne se. M» 
vendent plus qu'avec la collection complète (y compris le tome XI en cours de 
publication). 

Dès son apparition, chaque Mémoire est mis en vente séparément aux prix 
indiqués ci-dessous, sur lesquels une remise de 20 °j est consentie aux Membres 
de la Société. 


LISTE DES MÉMOIRES PARUS 


Mémoires Francs 
No 1. — A. Gaupry, Le Dryopithèque, LPE,TEDLRE. AA PRES 3 » 

2. — J. SEUNES, Contributions à l'étude des Céphalopodes du Crétacé 
supérieur de France (en cours), 6 pl., 22 p. . . MN 10 » 


3. — Ch. Derérer, Les animaux pliocènes du Roussillon, réa Es Pa P. 60 » 
4. — R. Nricxiès, Contributions à la Paléontologie du Sud-Est de 
l'Espagne (en cours). 
1° livraison : pl. I-IV, p. 1-30 (en vente). 
2e livraison : pl, V-X, p. 31-64 (épuisée, ne se vend plus qu'avec 
la collection des XII tomes parus). 
G. DE Saporra, Le Nelumbium provinciale des lignites crétacés de 


ot 
| 


Fuveau en Prôvente;3 pl. 10 p. 1, :, en ES Etre > » 
6. — H. Douviczé, Étude sur les Be Revision des principales 

espèces; d'Hippurites, 3% pl '236pL ESA ES AN RAR 70 » 
7. — M. For, Description de deux Oiseaux nouveaux du Gypse parisien, 

EPL TOP CISCO EL LR LRO US PERS 3 » 
8. — A. Gaupry, Quelques remarques sur Les Mastodontes à propos de 

L'animal dun Chérichira, 2 pl 6 pe TS, 07. OR RUE 3,50 
9. — G. DE Saporra, Recherches sur les végétaux du niveau aquitanien 

de” Manosque, -20ïpl:,83 p.Vemeroee EEE 35 » 


10. — A. Gaupry, Les Pythonomorphes de France, 2 + Ro Pi IRAN Eng 0 > » 


(Voir la suite, page 3 de la Couverture), 


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MÉMOIRE N° 31 


FOSSILES DE PATAGONIE 


DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 


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Lille, — Imprimerie Le Bicor Frères, 25, rue Nicolas-Leblanc, et 68, rue Nationale. 


MÉMOIRES 


SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE 
DE FRANCE 


PALEONTOLOGIE 


MÉMOIRE N° 31 


FOSSILES DE PATAGONTE 


DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 


ALBERT GAUDRY 
MEMBRE )E L'INSTITUT, 


PARIS 
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE 
28, RUE SERPENTE, VI 


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1904 


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FOSSILES DE PATAGONIE 


DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 


En présence des magnifiques découvertes de Mammifères tertiaires faites en 
Patagonie par les savants de la République argentine, M. André Tournouër a 
eu la pensée patriotique que notre pays pourrait en avoir sa part. Le Directeur 
du Musée de Buenos-Aires, M. Florentino Ameghino, se rappelant les rapports 
affectueux qu'il avait eus avec nous dans sa jeunesse, quand il travaillait au 
Muséum de Paris, a fourni avec la plus grande libéralité à M. Tournouër des 
renseignements sur les gisements des fossiles de la Patagonie. M. Tournouër a 
montré un désintéressement incomparable ; malgré de dures ‘privations, dans des 
régions éloignées de toute habitation, il a entrepris cinq fois différentes des fouilles 
en Patagonie, et il vient de repartir pour une sixième exploration : peu de 
voyageurs ont offert un pareil exemple de persévérance dans leurs recherches. 
Il a donné au Muséum de Paris des monceaux de fossiles. 

Tous ceux qui aiment en artistes et en philosophes la vieille nature compren- 
dront le plaisir que nous avons eu à contempler ces trésors paléontologiques. 
Quand notre première admiration a été satisfaite, il a fallu penser à fixer 
leur place dans la série des êtres et le rang qu'ils doivent occuper dans une 
galerie, classée suivant les âges du monde. Je ne suis plus chargé de déterminer 
les collections du Muséum ; mais il m'est doux d’aider à mon tour dans sa vaste 
besogne mon dévoué ami M. Marcellin Boule, qui longtemps m'a tant aidé pour 
l’arrangement de notre galerie de paléontologie. Je lui ai donc proposé de classer 
avec M. André Tournouër les collections que notre vaillant voyageur a réunies. 


A l'exception des couches les plus anciennes du Cerro Negro et de Casa- 
mayor, les terrains tertiaires de Patagonie renferment des animaux absolument 
différents des nôtres. Quoique j'aie passé une partie de ma vie à marquer les 
stades d'évolution des fossiles de l'hémisphère boréal et à deviner, d’après ces 
stades, leur âge géologique, je ne peux tirer que de faibles profits de mes 
recherches antérieures. J'avais étudié passablement les Pachydermes à doigts pairs, 
les Ruminants, les Chevaux et leurs prédécesseurs, les Proboscidiens, les Carni- 
vores placentaires qui ont joué un si grand rôle dans nos campagnes tertiaires : 
or M. Tournouër n’a rapporté ni Pachydermes à doigts pairs, ni Ruminants, ni 
Chevaux, ni Proboscidiens, ni Hyènes, ni Ours, ni Chiens, ni Chats ou bêtes 
en voie de le devenir. Mais il a recueilli une quantité d'animaux dont plusieurs 


6 ALBERT GAUDRY 


ressemblent si peu aux nôtres que nous ne savons à quels ordres ils appartien- 
nent et quel âge leur état d'évolution indique. Par exemple, comment deviner que 
Pyrotherium, avec une dentition et des pieds de derrière assez semblables au 
type proboscidien, avait des avant-bras si courts qu’au lieu de tenir la tête haute 
comme l'Éléphant, il tenait la tête tournée vers le sol ? Quand on voit la dentition 
de Vesodon et de Colpodon, on ne s'attend pas à leur trouver des membres 
disposés pour saisir ainsi que ceux de plusieurs Carnivores et Rongeurs. Les 
dents surtout sont une cause de difficultés ; car, si elles s’éloignent de celles 
des bêtes de nos pays, elles présentent entre elles de singulières transitions. 

Ces difficultés m'ont frappé surtout en comparant un grand nombre de genres 
qui ont cela de commun que leurs molaires inférieures ont des croissants simples. 
Malgré les travaux de paléontologistes éminents, Richard Owen, Flower, Burmeister 
et plus récemment MM. Ameghino, Moreno, Lydekker, Roth, Mercerat, leur 
détermination m'a parfois tant embarrassé que, pour les comprendre, j'ai dû 
prendre des croquis où j'ai mis en relief leurs traits essentiels. Comme ces 
croquis me sont utiles, je pense qu'ils pourront l'être à quelques personnes, et 
cela m'engage à les publier. 


Les dessins ont été faits d’une manière schématique, d'après mes croquis, par 
l’habile artiste du Laboratoire de Paléontologie, M. Papoint. J'ai été obligé de 
donner des figures théoriques, empruntées quelquefois à divers échantillons, parce 
que la plupart des dents présentent la particularité que les contournements de 
leurs lames sont complets seulement près du sommet des couronnes : ils changent 
et s’effacent, quand les dents ont fonctionné, de sorte que leur disposition devient 
méconnaissable. Je donne d’ailleurs l'indication des pièces d’après lesquelles les 
figures ont été faites ; ainsi les paléontologistes pourront vérifier mes interpré- 
tations et les rectifier, s’il y a lieu. Les figures, à moins d’avis contraire, ont 
été prises sur des échantillons recueillis dans les terrains tertiaires de la Patagonie 
par M. André Tournouër et offerts par lui à la Galerie de Paléontologie du 
Jardin des Plantes. On reconnaîtra dans les collections les pièces que j'ai figurées, 
parce que chacune d'elles porte sur une étiquette isolée le mot figuré. Lorsque, 
dans une figure, on a rapproché des dents qui ont été trouvées isolées, et pour 
lesquelles par conséquent on peut avoir des doutes, j'en fais mention. 

Toutes les mâchoires sont dessinées du côté gauche, dans la même position, 
autant que possible de même grandeur et au même degré d'usure pour faciliter 
leur comparaison. Je marque | i., 2i., 8i., les incisives; c. les canines : | p., 2p., 
3 p., 4 p. les prémolaires ; | à., 2a., 8 a. les arrière-molaires. Comme la re arrière- 
molaire, poussant beaucoup plus tôt que la dernière, est entamée par l'usure, 
avant que celle-ci soit complètement sortie, la dent du milieu, c’est à dire la 2e, 
est celle qu'on trouve le plus souvent intacte sur une mâchoire d'animal adulte. 
En outre, toutes les personnes, ‘qui étudieront la dentition des animaux de Pata- 
gonie, constateront qu'il y a tant de différence entre la re, la 2m et la 3me 
arrière-molaires qu'on risque de faire des rapprochements inexacts, si on ne 
compare pas la même dent : c’est la 2m arrière-molaire qui présente tout le 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 


SJ 


développement des denticules ; ce développement reste souvent incomplet dans la 
1e arrière-molaire et dans la dernière. Pour ces raisons, c’est sur la 9e arrière- 
molaire que je mets des lettres indicatives. Ainsi que dans mes précédents 
ouvrages, j'appelle E et | les denticules externe et interne du premier lobe ; e. et 
i. les denticules externe et interne du second lobe ; M. est le denticule médian 
du premier lobe: m. est le denticule médian du second lobe. Je donne les 
mêmes désignations sur les mâchoires supérieure et inférieure. Je figure les molaires 
supérieures renversées, c'est à dire le dessous vu en dessus. En cela, je me 
conforme à un usage universel, adopté pour la commodité du dessin. Mais ce 
renversement ne doit pas faire oublier les homologies des denticules. Malgré 
l'opinion de quelques savants dont j'estime beaucoup le talent, il me semble préfé- 
rable de considérer les denticules externes des molaires supérieures comme les 
homologues de ceux des dents inférieures et les denticules internes des molaires 
supérieures comme les homologues de ceux des dents inférieures. 


Je renvoie à l’intéressante note de M. Tournouër sur la Géologie et la Paléon- 
tologie de la Patagonie ! pour l'indication de l’âge relatif des gisements dont je 
cite les fossiles. Je rappelle que M. Tournouër est d'accord avec MM. Florentino 
et Carlos Ameghino pour distinguer les couches suivantes : 


5° Le Santacruzien, caractérisé par les restes de troupeaux de Nesodon, au Monte Leone et au 
Rio Coylet (en langage indigène, suivant M. Tournouër, Coy-Inlet). 

4° Le Patagonien marin. 

3’ Les couches du Coli-Huapi avec les gigantesques Astrapotherium. Malgré l'absence apparente 
du Pyrotherium, les fossiles du Coli-Huapi et du Deseado ont une si grande ressemblance que les 
deux étages me paraissent bien rapprochés. 

2° L'étage du Deseado à Pyrotherium. 

1° Les plus anciennes assises, à Notostylops, du Cerro Negro et de Casamayor. 


Parmi les animaux de Patagonie que j'étudie dans ce mémoire, les uns ont des 
denticules distincts à leurs molaires supérieures ; les autres n’ont pas leurs denticules 
séparés. Je commence par l'examen des premiers. 


MÂCHOIRES SUPÉRIEURES OÙ LES MOLAIRES ONT DES DENTICULES DISTINCTS 


Les animaux dont je m'occupe d’abord, ont certains traits de ressemblance avec 
ceux de nos pays ; ce qui le prouve, c'est que l’un d'eux a été inscrit par 
Bravard sous le nom d’Anoplotherium et par Burmeister sous celui d’'Anchitherium 
et que nous appelons provisoirement deux d'entre eux Protogonia et Plesiadapis. 
Mais les remarques qui vont suivre, montreront que les traits de ressemblance 
ont été éphémères. 


1. ANDRÉ TourNouËr, Note sur la Géologie et la Paléontologie de la Patagonie (5 fig. et 1 carte 
dans le texte), B. S. G. F. (4), II, p. 463, 1903. 


8 ALBERT GAUDRY 


On sait que les Ongulés actuels ont des arrière-molaires supérieures de forme 
quadrangulaire, composées de deux lobes dont les denticules sont à peu près 
également développés. On sait aussi, depuis les ingénieux travaux de Cope, de 
M. Osborn et de plusieurs autres paléontologistes, qu'il n'en a pas été de même 
à l'aurore du Tertiaire, soit aux États-Unis, soit en Europe. Les persévérantes 
recherches des frères Ameghino et de M. André Tournouër ont appris qu'il y 
avait en Patagonie, au Cerro Negro et à Casamayor, des terrains tertiaires plus 
anciens que tous ceux qu'on avait fouillés jusqu'à présent, et, dans ces terrains, 


Fig, 1. — 2° et 3° arrière-molaires supérieures du Plesiadapis (Josepho-Leydia) aduncus, Amegh. /sp.), 
grandeur naturelle. — Cerro Negro. — Ces dents ont été trouvées isolées. 


Fig. 2. — 1'° et 2° arrière-molaires supérieures de Protogonia (Euprotogonia) patagonica, Amegh., 
grandeur naturelle. — Cerro Negro. — Ces dents ont été trouvées isolées. 


Fig. 3. — Arrière-molaires supérieures du Deuterotherium distichum, Amegh., grandeur naturelle. 
— Deseado. — Ces dents ont été trouvées isolées. 


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Fig. 4. — 3° et 4° prémolaires et arrière-molaires supérieures d’une espèce de Deuterotherium, 
à peine distincte de la précédente, grandeur naturelle. — Coli-Huapi. 


ils ont trouvé, comme dans les vieilles assises tertiaires des régions boréales, 
des animaux vivant de végétaux, à dentition triangulaire. Mais, au lieu que, dans 
les régions boréales, la forme triangulaire a promptement passé à la forme 
quadrangulaire par le complet développement des denticules du second lobe, en 
Patagonie la forme triangulaire a persisté plus ou moins chez plusieurs genres, le 
second lobe restant inachevé. Il semble qu'à cet égard il y ait eu un retard dans 
l'évolution. On va voir que l’imparfait développement du second lobe correspond 
à d’intéressantes modifications de ses denticules. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 9 


Je représente, figure 1, des dents qui ont été recueillies par M. Tournouër au 
Cerro Negro dans les couches à MVotostylops. Leur second lobe est encore si peu 
développé que leur longueur est moindre que leur largeur ; le denticule interne i. 
est à peine visible; le denticule médian m. l’est un peu plus. Ces dents ressemblent 
à des moulages de deux arrière-molaires des couches à Votostylops que M. Ameghino 
a bien voulu nous envoyer sous la désignation de Josepho-Leydia. Cet état est 
un peu plus avancé que celui d’Æaploconus du Torréjon ; il est à peu près le 
même que dans Mioclænus turgidus du Puerco ‘ et surtout dans Plesiadapis 


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remensis de Cernay près de Reims *. 


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Fig. 5. — Les sept molaires supérieures de Proterotherium australe, Burmeister (sp.) ; 
le genre est de M. Ameghino. — Rio Coylet. 


Fig. 6. — Trois arrière-molaires supérieures du Theosodon normalis, Amegh. (sp.). C’est le sous-genre 
Cramauchenia, Amegh., grandeur naturelle. — Coli-Huapi. — Ces dents ont été trouvées séparées. 


Fig. 3. — Molaires supérieures du Theosodon Lydekkeri, Amegh. aux 9/10 de leur grandeur naturelle. — 
Rio Coylet. — 2 a. et 3 a. sont dessinées d’après un autre échantillon que les autres dents. 


Dans la figure 2, on voit des molaires du Cerro Negro, où le denticule interne 
i. du second lobe est plus visible : il reste en dehors du triangle formé par les 
deux denticules externes E. e. et par le denticule interne |. du premier lobe. C’est 
un état analogue à celui de Protogonia (Euprotogonia) du Torréjon, bien décrit 
par Cope, MM. Osborn et Earle, dont nous avons des spécimens au Muséum de 


1. Il est curieux de comparer les dents de’ Patagonie avec les figures qui ont été données par 
Cope et plus tard par MM. Osborn et Earle. 

2. J'ai fait un dessin du Plesiadapis de Cernay, découvert par le D: Lemoine, p. 96, fig. 1 de ma 
note « Sur les similitudes des dents de l'Homme et de quelques animaux », L’Anthropologie, XII, 1907. 


SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. — PALÉONTOLOGIE. — TOME XII — 2. MÉMOIRE N° 31. — 2. 


10 ALBERT GAUDRY 
Paris. M. Ameghino a nommé les dents de Patagonie Æuprotogonia patagonica ‘. 


La figure 3 représente des dents recueillies par M. Tournouër au Deseado, sem- 
blables à celles qui ont été figurées par M. Ameghino sous le nom de Deutero- 
therium distichum *. Le denticule interne i. du second lobe est encore petit, mais 
il n’est plus en dehors du triangle, de sorte que les dents se rapprochent de la 
forme quadrangulaire. 


La figure 4 nous montre une petite mâchoire du Coli-Huapi, qui est intermé- 
diaire entre celle du Deuterotherium (fig. 3) et celle du Proterotherium (fig. 5) du 
Santacruzien. Le denticule externe E. du premier lobe se renfle dans son milieu 
pour porter une carène comme dans Deuterotherium : mais le denticule médian 
m. du second lobe semble un peu plus fort à la rre et à la 2e arrière-molaires. 


Proterotherium du Santacruzien * (fig. 5) et son proche parent, Diadiaphorus 
ont des caractères distinctifs mieux apparents, parce qu'ils sont représentés par 
des espèces plus grandes. On voit clairement que le denticule interne 1. du second 
lobe ne s'avance pas au-delà du milieu du denticule externe de ce lobe, de sorte 
qu'il n’est pas en regard du denticule médian m. et ne peut s'unir avec lui ; aussi 
celui-ci reste sous forme d’un pointement arrondi, isolé. Les espèces du Santacruzien 
diffèrent de celle du Coli-Huapi (fig. 4), parce que le denticule externe E. du premier 
lobe est concave, au lieu d’être renflé dans son milieu et de porter une carène. 
Des traces de cément existent sur les Proterotherium australe, et Diadiaphorus 
majusculus. Quand on réfléchit que ce cément semble annoncer un régime 
herbivore, lorsqu'on voit les denticules externes coneaves comme ceux de nos 
Solipèdes, et surtout quand nous considérons les pattes très simplifiées, nous 
pourrions nous attendre à ce que Proterotherium aboutisse à une forme chevaline. 
Il n’en est rien. Il passe, par sa dentition à la forme Theosodon qui s’écarte des 
Équidés plus que lui. 


En effet, dans Theosodon du Coli-Huapi (fig. 6), pour lequel M. Ameghino #{ a 
créé le nom de Cramauchenia, le second lobe reste incomplet, au lieu de se bien 
développer comme dans nos Palæotherium et nos Anchitherium ; son denticule 
médian m. a perdu sa forme ronde et l'isolement qu'il avait dans Proterotherium. 
Mais, n'étant pas en regard du denticule interne |. du second lobe qui est encore 
en arrière, il s’unit au denticule interne |. du premier lobe, pour former avec lui 


1. Dans ses « Notices préliminaires sur des Ongulés nouveaux des terrains crétacés de Patagonie », 
p. 29, Juillet 19017, M. Ameghino admet en Patagonie dans les couches à Notostylops le genre Pro- 
togonia de Cope. Il a signalé aussi dans les couches à Notostylops un genre Didolodus qui me 
paraît bien voisin de Protogonia (Deuxième contribution à la connaissance de la faune à Pyrothe- 
rium, p. 34, fig. 22, 1897). 

2. Mémoire de 1897 qui vient d'être cité, p. 48, fig. 38. 

3. Ce genre est un des plus abondants du Santacruzien. Je lui réunis provisoirement Thoatherium et 
Licaphrium. M. Ameghino a montré que Diadiaphorus s’en distingue par ses pattes moins simplifiées. 

4. Quoique M. Ameghino n'ait pas donné de figure du Theosodon normalis de Coli-Huapi dont 
il a fait le genre Cramauchenia, sa description dans la « Première contribution à la connaissance 
de la faune des couches à Colpodon », p. 22 à 25, 1902, est si claire que je n'hésite pas à lui 
attribuer la pièce que je représente ici. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 11 


un triangle. Il en résulte un aspect de dent qui a une lointaine ressemblance avec 
celles de l'Homme, des Singes anthropomorphes et des Condylarthrés du début du 
Tertiaire en Amérique et en’ Europe. 


Chez Theosodon type (fig. 7), caractéristique du Santacruzien, le lobe antérieur 
est moins envahissant ; son denticule |. ne repousse plus en arrière celui du second 
lobe i., et alors celui-ci s’unit au denticule médian m.. On trouve donc un état 
plus normal : mais les dents ont un bourrelet antérieur tellement grand qu'elles 
ont encore un aspect insolite, difficile à comprendre de prime abord. Theosodon 
est sans doute parent du Macrauchenia, une des plus étranges créatures du 
Pampéen. Burmeister l’a bien fait connaître et montré son frappant contraste avec 
les Mammifères des régions boréales. 


Ainsi, à un moment, des animaux. de Patagonie ont eu avec ceux de notre 
hémisphère assez de ressemblance pour que M. Ameghino et moi nous les 
réunissions dans un même genre. Mais bientôt ils ont divergé : ceux de Patagonie 
ont peu progressé, pendant que ceux de nos pays se sont profondément trans- 
formés pour produire la faune si animée, si charmante qui nous entoure. 


MOLAIRES INFÉRIEURES DES ANIMAUX OÙ LES MOLAIRES SUPÉRIEURES 
ONT DES DENTICULES ISOLÉS 


En Patagonie, comme dans tous les pays, les molaires inférieures ont été plus 
minces, plus allongées, moins compliquées que les supérieures ; leur aspect est si 
différent qu'il n’est pas toujours facile d'associer les dents du bas avec celles du haut. 


Dans les couches anciennes du Cerro Negro, on rencontre, avec des molaires 
supérieures qui ont des caractères de Condylarthrés, des molaires inférieures qui 
peuvent se rapporter aux mêmes animaux. Par exemple les dents que je représente 
figure 8 ressemblent à celles de Protogonia du Torréjon ; le lobe antérieur des 
arrière-molaires a, sur le côté interne, deux denticules dont l’un s’efface parfois ; 
le croissant du second lobe est composé de plusieurs denticules dont l’un est le 
denticule externe, l’autre est le denticule interne et celui qui est le plus en 
arrière entre l'externe et l'interne est le représentant du 3e lobe qui apparait 
chez plusieurs genres. 


Deuterotherium (tig. 9) du Deseado a, comme Protogonia, des molaires à füt 
peu élevé, de forme arrondie. Leur lobe antérieur n'a qu'un denticule sur le bord 
interne ; le croissant de leur second lobe ne se scinde pas en plusieurs denticules : 
le denticule interne ji. est bien apparent. 


Chez Proterotherium australe (fig. 10) du Santacruzien,-la dernière molaire a 
un commencement de troisième lobe; le Diadiaphorus majusculus du même horizon 


12 ALBERT GAUDRY 


Fig. 8 — 2° et 3° molaires inférieures du Protogonia (Euprotogonia) patagonica, Amegh., grandeur 
naturelle. — Cerro Negro. — Dents trouvées isolément. 


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Fig. 9. — Les quatre dernières dents inférieures du Deuterotherium distichum Amegh., 
grandeur naturelle. — Deseado. 


Fig. 10. — Les sept molaires inférieures de Proterotherium australe, Burm. (sp.), 
grandeur naturelle. — Rio Coylet. 


Fig. 11. — Les sept molaires inférieures du Diadiaphorus majusculus, Amegh., aux 9/10 de leur 
grandeur. — Monte-Leone. — Les prémolaires ont été copiées dans le grand ouvrage de M. Lydekker. 


Fig. 12. — Les sept molaires inférieures du Theosodon normalis, Amegh. (sp.). 
C'est le sous-genre Cramauchenia, Amegh. ; aux 10/11 de leur grandeur. — Coli-Huapi. 


Fig. 13. — Les sept molaires inférieures du Theosodon Lydekkeri, 3/4 de leur grandeur. — Rio Coylet. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 13 


(fig. 11) n'a aucun rudiment de troisième lobe ; c'est une des raisons pour lesquelles 
, M. Ameghino en a fait un genre spécial. 


Dans Theosodon normalis du Coli-Huapi (fig. 12), que le même auteur appelle 
Cramauchenia, la 1e et la 92e arrière-molaire ont un crochet interne, mais la 
dernière n'en a pas. 


Dans Theosodon Lydekkeri du Santacruzien (fig. 13), la dernière dent a un 
crochet aussi bien que la rre et la 2e arrière-molaire. 


MÂCHOIRES SUPÉRIEURES OÙ LES MOLAIRES N'ONT PAS DE DENTICULES SÉPARÉS 


Les animaux dont je vais maintenant parler sont les plus nombreux. Sauf 
dans Votostylops (fig. 15), où la colline transverse du premier lobe a une indépen- 
dance très éphémère, les éléments des dents sont en continuité les uns avec les 
autres, de sorte que les dents, au lieu d’apparaîitre comme formées de denticules 
distincts, semblent représenter un croissant primitif qui a envoyé des prolonge- 
ments et des diverticulum plus ou moins compliqués ; c’est là une genèse de dents 
extrèmement différente. 


La forme la plus simple se voit dans la figure 14 : elle est aussi la plus 
ancienne, car le genre Zrigonostylops d’'Ameghino !, auquel il faut sans doute 
l’attribuer, est caractéristique des couches de Casamayor et du Cerro Negro. Il n'y 
a qu'un seul lobe ;: on dirait un croissant unique qui aurait été comprimé, son 
milieu étant vers le bord antéro-externe où -sa compression a donné naissance à 
une petite excroissance analogue au pilier antérieur des dents de nos ZLophiodon. 
Une des pointes du croissant se dirige sur le bord externe E, l’autre sur le bord 
interne |. Les dents de 7rigonostylops font penser à nos Adapis éocènes et au 
Megaladapis de Madagascar. 


Dans les couches anciennes de Casamayor et de Cerro Negro, se trouve un 
autre type curieux, le Votostylops * (fig. 15), qui a des molaires assez semblables, 
mais où l'apparition d’un second lobe est marqué par une crête transverse qui 
va du bord externe e. au bord interne 1.: Il y a done un cran de plus dans 
l’évolution. L’excroissance antéro-externe de Trigonostylops n'existe plus. Quand 
les dents n’ont aucune usure, la crête transverse antérieure |. n’est pas continue 
avec la muraille externe E. 


1. Dans ses « Mammifères crétacés de l'Argentine » (Deuxième mémoire, 1897), M. Ameghino a 
donné p. 88, fig. 72, des figures de dents isolées de Trigonostylops. 

2. .M Ameghino, dans la note que je viens de citer, a représenté p. 85, fig. 67 ; p. 86, fig. GS ; 
p. 87, fig. 69 et 0, des pièces de Notostylops. 


14 ALBERT GAUDRY 


M. Tournouër a rapporté aussi du Cerro Negro de nombreuses màchoires de 
différentes tailles qui sont un peu plus avancées dans leur développement. Leurs 
dents (fig. 16) présentent de jolis contournements émaillés dont le plan n'est pas 
bien apparent. Si, au lieu de parler d'œuvres divines, je parlais d'œuvres humaines, 
je dirais que l’artiste, après avoir fait des dents simples, a voulu en faire de plus 
compliquées, et qu’il semble avoir eu d’abord des tâtonnements, sans arriver à un 
résultat précis. Le travail est poussé un peu plus loin que dans MNotostylops (fig. 15) 
et un peu moins loin que dans Colpodon (fig. 17). Les figures des ouvrages de 
M. Ameghino ne permettent pas de dire d’une manière certaine auquel de ses genres 
appartient la mâchoire représentée dans ma figure 16. Provisoirement je l’attribue 
au genre Pleurostylodon qui me paraît très voisin d’/sotemnus ". 


Colpodon * (fig. 17), caractéristique des couches du Deseado et de celles du 
Coli-Huapi est plus récent que les trois genres précédents, et est un peu plus com- 
pliqué. Le second lobe à pris plus d'importance, surtout dans la 2e arrière-molaire. 
Le premier lobe fournit un prolongement qui s’unit à une avance médiane m. du 
second lobe ; son denticule interne |. égale ou surpasse les deux tiers de la 
longueur totale de la dent et il s’unit promptement à i, du second lobe, formant 
sur le bord interne une convexité qui enveloppe une grande fossette centrale : 
cela offre un aspect particulier. 


Homalodontherium * (fig. 18) ne se trouve pas seulement dans le Santacruzien : 
M. Tournouër l’a rencontré dans le Deseado ‘. Il ressemble beaucoup à son prédé- 
cesseur Colpodon : mais son premier lobe est un peu moins développé : l'union des 
deux lobes ne se produit sur le bord interne que par suite d’une usure prolongée. 


1. Dans la Deuxième contribution de 1897, déjà plusieurs fois citée, M. Ameghino a figuré p. 82 
fig. 66 les arrière-molaires supérieures de Pleurostylodon et p. 77, fig. 62, celles d’Isotemnus. 

2. Colpodon est aussi commun dans le Deseado que Nesodon dans le Santacruzien. Son nom a 
été proposé par Burmeister (Anales del Museo r'acional de Buenos-Aires, t. IV, p. 15, 1891.) M. Ameghino 
l’a bien fait connaître sous le nom de Leontinia (Première contribution à la connaissance de la faune 
à Pyrotherium, p. 43, 1895, et Seconde contribution, p. 65 et suivantes avec figures, 1897). J'avais 
d’abord pensé que l’on pourrait séparer le Colpodon du Coli-Huapi et le ZLeontinia du Deseado, 
parce que j'avais cru remarquer que dans les molaires supérieures du Colpodon le second lobe est 
plus développé, comparativement au premier lobe. Mais nous avons des dents du Deseado semblables 
à celles du Coli-Huapi. La multitude d'échantillons recueillis par M. Tournouër montre les passages 
les plus insensibles entre les dents du Coli-Huapi et celles du Deseado. Cela n'empêche pas que 
le Colpodon décrit par M. Ameghino sous le nom de Leontinia Gaudryi soit une espèce particulière ; 
car, outre ses dimensions gigantesques et sa dentition complète, sans suppression de canine, ce 
Colpodon est différent par la forme très élevée de ses inter-maxillaires. 

3. L’Homalodontherium a été découvert près du Rio Gallegos par Cunningham, lors de l’expé- 
dition au Sud de la Patagonie de 1866 à 1869. Les caractères de sa dentition ont été mis en lumière 
par Flower « On a newly discovered extinct Ungulate Mammal from Patagonia », Philosophical 
Transactions, vol. 44, p. 173, avec 1 planche in-#. M. Ameghino a parlé de l'Homalodontherium dans 
plusieurs de ses publications, notamment dans son « Énumération synoptique des espèces de 
Mammifères fossiles des formations éocènes de Patagonie, in-8°, Février 1894; il y a donné la figure 
d’un crâne entier avec toutes ses dents (p. 65, fig. 15). Une très belle portion de tête a aussi été 
représentée dans le grand ouvrage de M. Lydekker « Paleontologia argentina, Estudios sobra las 
Ungulados extinguidos de la Argentina » dans les Anales del Museo de la Plata, in-f°, pl. XIX, 1893. 

4. La tête trouvée au Deseado par M. Tournouër ne me paraît pas différer de celle qu'il a recueillie 
dans le Santacruzien du Monte Leone. Dans des mâchoires isolées, les prémolaires ressemblent à celles 
de Colpodon, quoique les arrière-molaires ressemblent à celles d’Homalodontherium. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 15 


Il est à remarquer que le second lobe ne tourne pas en arrière du côté interne ; 
cela peut annoncer une évolution dentaire incomplète, car c’est ce qui se produit 
dans les prémolaires de nos Zophiodon et de nos ?’aloplotherium où ces dents ne 
sont pas encore devenues semblables aux arrière-molaires. Si les arrière-molaires 
ont leurs lobes plus séparés du côté interne que dans Colpodon, leurs prémolaires 
semblent les avoir moins distincts ; mais nous avons trop peu d'échantillons pour 
assurer que ces diflérences sont constantes. Il est entendu que je parle seulement 
ici des molaires : les incisives de Colpodon sont faciles à distinguer à cause de 
l'importance que prend la troisième. 


Astrapotherium ‘ (fig. 19) est une créature aussi étrange que gigantesque. M. Tour- 
nouër a trouvé au Coli-Huapi des restes non moins grands que ceux du ?yro- 
therium du Deseado et de notre Mastodon angustidens d'Europe. Il à recueilli de 
nombreux échantillons dans ce gisement, dans les couches à Pyrotherium du 
Deseado et dans le Santacruzien du Rio Coylet. Ses arrière-molaires se distinguent : 
1° parce que le crochet du denticule externe E. du premier lobe s’allonge extrè- 
mement pour s'unir au denticule médian m. du second lobe ; 2 parce que le 
second lobe est très développé et que son denticule 1. se tourne en arrière, au 
lieu de se tourner en avant ; 3° parce qu'il y a un fort plissement près du bord 
antérieur de la muraille externe. Ces différences, sauf la dernière, disparaissent sur 
la 3m arrière-molaire. Cette dent se ressemble chez Astrapotherium, Homalodon- 
therium, Colpodon ; elle a gardé quelque chose de la simplicité de Trigonostylops 
et Votostylops. Les prémolaires ? ne peuvent être confondues avec celles d'aucun 
autre genre, car les deux antérieures manquent, les troisième 3 p. et quatrième 
4 p. persistent seules ; elles sont très petites et réduites à une muraille externe 
qui se relie en avant à un mamelon interne. 


Coresodon* du Deseado (fig. 20) se distingue facilement des genres précédents. 
Au premier lobe, le crochet du denticule externe E. qui est si grand et oblique 
chez Astrapotherium (fig. 19), devient exigu et droit. Au second lobe, on remarque, 
outre le denticule interne i., un denticule médian m., qui se prolonge longitudi- 


1. En 1853, Richard Owen a signalé un morceau d’Astrapotherium ; il était indéterminable, C'est 
l’habile directeur du Musée de La Plata, M. Moreno qui le premier en a découvert une pièce bien 
caractérisée et c’est Burmeister qui lui a donné son nom. M. Ameghino l’a étudié dans plusieurs 
mémoires, notamment dans ses « Mamiferos fosiles de la Republica argentina », Buenos-Aires, 1889 ; 
sa planche XX offre de bonnes figures des molaires supérieures. M. Mercerat a publié une note spé- 
cialement consacrée aux Astrapotherium (Revista del Museo de La Plata, in-8, La Plata, 1891). 
M. Lydekker, dans l'ouvrage in-folio déjà cité de 1893, a donné de nombreuses figures de l’Astrapo- 
therium ; il a représenté ses molaires supérieures pl. IX, fig. 6, et pl. XXII, fig. 1. 

2 Dans la « Deuxième contribution à la connaissance de la faune mammalogique des couches 
à Pyrotherium » (Extrait du Boletin del Instituto geographico argentino, t. XVII, Buenos-Aires, 
in-8°, 1897). M. Ameghino a figuré, page 47, sous le nom de Liarthrus, des dents que je suis porté 
à regarder, l’une fig. 37 a, comme lavant-dernière prémolaire supérieure d’Astrapotherium et l’autre, 
fig. 37 b, comme la dernière prémolaire de ce genre. La dent représentée dans le même mémoire 
page 46, fig. 36 me semble provenir d'un Colpodon plutôt que d’un animal du groupe Astrapotherium. 

3. Le genre Coresodon a été établi par M. Ameghino : « Première contribution à la connaissance 
de la faune des couches à Pyrotherium (Extrait du Boletin del Instituto geografico argentino, p. 30, 
1895) et « Deuxième contribution à la connaissance de la faune des couches à Pyrotherium (Extrait 
du même Bulletin, p. 55, 1892). 


ALBERT GAUDRY 


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Fig. 14. — Alvéole de la 1° prémolaire et les 6 autres molaires supérieures de Trigonostylops Wortmani, 
Amegh., grandeur naturelle. — Casamayor. 
Fig. 15. — Les sept molaires supérieures de Notostylops murinus, Amegh., grandeur naturelle. — Casamayor. 
La 1re prémolaire a été dessinée avec un échantillon de Cerro Negro. 


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Fig. 16. — Les molaires supérieures du Pleurostylodon, genre d’Ameghino, grandeur naturelle. 
— Cerro Negro. — D'après deux individus de la même localité. 


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Fig. 17. — Les sept molaires supérieures du Colpodon (Leontinia) Gaudryi, Amegh. (sp.). 
Le genre Colpodon est de Burmeister ; aux 2/3 de leur grandeur. — Deseado. 


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Fig. 18. — Les sept molaires supérieures de l'Homalodontherium Cunninghami, Flower, 1/2 grandeur 
Monte-Leone. — La dernière molaire est copiée dans le grand ouvrage de M. Lydekker. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 


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Fig. 19. — Les cinq molaires supérieures de l’Astrapotherium ephebicum, Amegh., 1/2 grandeur. — Coli-Huapi. 
— La 3° prémolaire étant brisée sur le crâne qui a servi de modèle, l'artiste a copié cette dent sur un 


autre crâne de même grandeur du même gisement. 


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Fig. 21. — Les sept molaires sûpérieures du Nesodon imbricatus, Owen, grandeur naturelle. — 
Rio Coylet. — D'après trois individus de même taille, du même gisement. 


Fig. 22. — Les sept molaires supérieures du Toxodon platensis, Owen, aux 4/7 de leur grandeur. — 
Pampéen de Buenos-Ayres. — Copié dans le grand ouvrage de M. Lydekker. 


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Fig. 23. — Les sept molaires supérieures du Toxodontherium compressum, Amegh., aux 2/3 de leur grandeur. 
2. 


— Monte-Hermoso. — Copié dans le grand ouvrage de M. Lydekker. 
MÉMOIRE N° 31. — 


SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. — PALÉONTOLOGIE. — TOME XII — 3. 


18 Agerr GAUDRY 


nalement et laisse entre lui et le denticule interne i., une fossette allongée d’avant 
en arrière. La muraille externe se courbe à son bord postérieur e., envoyant un 
prolongement presqu'aussi étendu que le denticule interne ji. : avant de se confondre 
avec lui par l’usure, il forme une fossette longue et étroite. Cette complication, jointe 
à la présence d’un cément abondant, constitue un type plus franchement herbivore 
que chez ses contemporains : le Coresodon devait se nourrir d'herbes ou de plantes 
herbacées. 


Nesodon, rare dans le Deseado et au Coli-Huapi, a été le plus commun des 
grands animaux du Santacruzien :; c’est de cet étage que proviennent les premiers 
échantillons décrits par Owen! ; M. Tournouër en a rapporté plus de quarante 
crânes, sans comprendre une multitude de portions de mâchoires et de dents 
séparées. Il constituait sans doute d’étranges troupeaux. Sa dentition a été très 
étudiée ?. MM. Lydekker et Ameghino ont mis en lumière les changements d’aspect 
que les dents ont pris suivant leur degré d'usure. M. Ameghino a décrit douze 
stades dans le développement des dents du Vesodon * ; ces changements ressem- 
blent à ceux d’après lesquels la plupart des naturalistes ont l'habitude de créer 
de nouvelles désignations d'espèces et mème de genres. Malgré ces changements, 
il est possible d'établir les caractères essentiels des dents de Vesodon. 

Les molaires supérieures (fig. 21) se distinguent de toutes les précédentes, 
parce qu'elles ont la forme de prismes quadrangulaires très obliques, et parce que 
leur fût est considérable. A part ces différences, elles ressemblent tellement à 
celles de Coresodon par la composition de leurs denticules qu'au premier abord 
on peut les confondre. Néanmoins, si nous les comparons minutieusement, nous 
voyons que, chez Nesodon (fig. 21), le crochet du denticule externe E. du premier 
lobe est plus fort que dans Coresodon et que le denticule médian m. du second 
lobe, au lieu de se prolonger longitudinalement, se serre contre le denticule 
transversal 1. Il résulte du parallélisme des denticules |., E., i., et e. disposés 
transversalement que ces denticules se rejoignent tardivement, lorsque les dents 
sont usées, pour produire des fossettes. Ainsi le Vesodon mérite moins que la 
plupart des autres genres associés avec lui le nom qu'Owen lui avait donné pour 
marquer la présence de ces fossettes qu'il appelait iles d’émail (soc, île : 636, 
dent). Sur les prémolaires, le premier lobe est très développé : le second lobe 
l’est moins. 


1. Nous avons des Nesodon de toutes les tailles. Richard Owen a appelé : les petits, ovinus ; les 
moyens, ünbricatus ; les grands, Sulivani. Les deux molaires supérieures de sa planche XVII, fig. 10 
(Philosophical Transactions, 1853) représentent nettement son Vesodon imbricatus. Burmeister a dit 
que le Nesodon Sulivani d'Owen est un Astrapotherium (Anales del Museo nacional de Buenos-Aires, 
t. III, p. 474, 1891). En regardant les figures 15, 16, 17, 18, 19 et 0 de la planche XVIII d'Owen, je 
pense qu’elles ne peuvent appartenir à ce genre. C’est pourquoi, dans notre collection, nous appelons 
Nesodon Sulivani les grands individus de Wesodon. 

2. Parmi les nombreux travaux sur la dentition du Vesodon, il faut mentionner, outre ceux 
d'Owen et de Burmeister, les suivants : MERCERAT, « Sinopsis de la Familia de los Protoxodontidæ 
(Revista del Museo de La Plata, 1891); AMEGHINO, plusieurs mémoires et notamment « Énumération 
synoptique des espèces de Mammifères fossiles des formations éocènes de Patagonie », où il a figuré 
les dents supérieures, p. 22, fig. 3, 1894; LYDEKKER, ouvrage in-f de 1863 déjà cité, où les mâchoires 
supérieures sont figurées planches XII, XIV, XV et XVI. 

3. « Sur les Ongulés fossiles de l'Argentine », p. 35 et suivantes, 1894. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 19 


Quoique Toxodon' et Toxodontherium ne se trouvent point dans le Tertiaire de 
Patagonie, je joins leurs figures pour montrer que, s'il y a eu des complications 
successives, il y a eu aussi des diminutions. Les molaires supérieures de Toxodon 
(fig. 22) semblent des dents de Vesodon où le dernier lobe s’est simplifié *. Celles 
de Toxodontotherium (fig. 23) sont l’exagération de celles de Toxodon : leur 
second lobe n'est plus différencié. Il est curieux de constater qu'elles retournent à 


la simplicité du type Trigonostylops. 


MÂCHOIRES INFÉRIEURES QUI SE RAPPORTENT 
AUX ANIMAUX OÙ LES DENTS SUPÉRIEURES N'ONT PAS DE DENTICULES ISOLÉS 


Je passe à l'étude des mâchoires inférieures. Comme les supérieures, elles ont 
leurs arrière-molaires formées de deux lobes. Mais leur développement présente 
une singulière opposition, car aux dents du haut le second lobe est le plus petit, 
tandis qu'il est le plus grand aux dents du bas, et parfois même il a une longueur 
démesurée. 


Trigonostylops (fig. 24) a des croissants incomplets ; le premier lobe de ses 
molaires est une crête oblique, à peine arquée ; il y a vers l'arrière . du second 
lobe des trois arrière-molaires un petit denticule interne. 


Notostylops (fig. 25) a son premier lobe un peu plus courbé que dans 
Trigonostylops, c'est-à-dire tournant davantage vers la forme en croissant. Les 
denticules internes du second lobe sont mieux développés. Les prémolaires sont 
plus compliquées. 


Pleurostylodon (fig. 26) se distingue des deux genres précédents, parce que la 
pointe antérieure de son premier croissant esi un peu moins rudimentaire, et 
surtout parce que sa pointe postérieure déborde du côté interne sur le second 
croissant, simulant un denticule supplémentaire. 


Colpodon (fig. 27) a ses croissants mieux formés ; le premier croissant à sa 
pointe antérieure presque aussi haute que sa pointe postérieure ; le second croissant 
est plus courbé ; on y remarque deux dentieules internes, qui par l'usure se joignent 


1. Beaucoup de travaux ont été publiés sur Toxodon et ses alliés ; M. Roth a fait dernièrement 
un Mémoire spécialement consacré à ces fossiles. 


2. L’avance E des molaires supérieures de Toxodon doit correspondre à celle que l’on voit chez 
Colpodon, Astrapotherium, Nesodon et appartenir au premier lobe ; car M. Roth a figuré sous le 
nom de Polyeidodon des dents trouvées dans le Neuquen, qui ressemblent aux dents de Toxodon, 
mais ont à la fois l'avance E et une avance interne i du second lobe « Apunteo sobre la Geologia 
y la Paleontologia de los territorios del Negro y Neuquen, Museo de la Plata, p. 49, pl. VIE, fig. 2, 1898,» 


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20 ALBERT GAUDRY 


bientôt, formant une très petite fossette. Les prémolaires 3 p. et 4 p. montrent 
comment le second croissant se contourne, quand il n’a plus place pour s'étendre !. 


Les molaires inférieures d’'omalodontherium (fig. 28), de même que ses molaires 
supérieures, sont difficiles à distinguer de celles du Colpodon. Il me semble que 
ses arrière-molaires présentent moins d'inégalité entre le premier et le second 


Fig. 24. — Les sept molaires inférieures de Trigonostylops Wortmani, Amegh., 
grandeur naturelle. — Casamayor. 


Fig. 25. — Les molaires inférieures de Notostylops murinus, Amegh., grandeur naturelle. — Casamayor. 


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Fig. 28. — Les sept molaires inférieures de l’'Homalodontherium Cunninghami, Flower, 1/2 grandeur. — 
Santacruzien. — Cette figure a été faite d’après Flower ; on a représenté les dents un peu moins usées 
en se servant de nos échantillons. 


croissant ; celui-là est moins allongé comparativement au premier que dans Colpodon. 
En outre les denticules internes ji. sont portés plus en arrière. Les prémolaires 
occupent plus de place que dans Colpodon. 


1. À en juger par la figure que Burmeister a donnée du Colpodon propinquus, type de son genre 
Colpodon, la première prémolaire inférieure est plus allongée que dans nos Colpodon du Deseado 
appelés par M. Ameghino Leontinia et que dans une pièce de Colpodon recueillie par M. Tournouër dans 
l'étage colpodonien du Coli-Huapi. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 21 


Astrapotherium (fig. 29) est caractérisé par ses arrière-molaires dont le premier 
croissant est plus ouvert, plus allongé d'avant en arrière que dans les formes 
précédentes. Le second croissant est plus long que le premier, surtout à la 
dernière dent !'. Le denticule interne est porté en avant du second croissant ; il 


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est simple, petit, particulièrement à la troisième arrière-molaire. Il contraste avec 


Fig. 29. — Les cinq molaires inférieures de l’Astrapotherium Holmbergi, Amegh. 1 1/2 grandeur. — Deseado. 
— La 1° prémolaire (homologiquement la 3°), étant brisée dans la pièce qui a servi de modèle, a été 
copiée sur celle d’une autre mâchoire de même taille, du même gisement. 


. — Rio Coylet. 


Fig. 32. — Les six molaires inférieures du Toxodon platensis, Owen, aux 5/12 de leur grandeur. D’après 
une mâchoire du Pampéen de la Plata, rapportée au Muséum de Paris par M. Bonnement. 


celui d’Aomalodontherium qui est porté en arrière et celui de Colpodon qui est 
dédoublé. Les prémolaires sont très réduites ; elles sont au nombre de deux ; 
dans une espèce du Coli-Huapi et dans tous nos Astrapotherium du Santacruzien, 
il n’y en a qu’une seule, ainsi que M. Ameghino ? l’a fait remarquer. Cela permet 
de distinguer de suite les mâchoires inférieures aussi bien que les mâchoires 
supérieures d’un Astrapotherium. 


1. M. Mercerat a montré qu’il y a beaucoup d’inégalité dans la dimension comparative des deux 
croissants dont se compose chaque arrière-molaire (Mémoire sur les Astrapothéridés, 1901, déjà cités). 


2. M. Ameghino appelle Parastrapotherium les Astrapotherium du Deseado qui ont plus d'une pré- 
molaire inférieure. « Première contribution à la connaissance de la faune des couches à Pyrotherium. 
(Extrait du Boletin del Instituto geographico argentino, t. XV, p. 35), et publications suivantes. Ce 
savant paléontologiste avait supposé que les prémolaires de son Parastrapotherium étaient au complet. 
Quoique notre collection renferme de nombreuses mâchoires d’Astrapotherium du Deseado, du Coli- 
Huapi, aussi bien que du Santacruzien, nous n’en avons pas qui portent plus de deux prémolaires 
soit à la mâchoire inférieure, soit à la mâchoire supérieure. 


22 ALBERT GAUDRY \ 


Coresodon (fig. 30) ! se sépare de tous les autres genres par ses croissants 
minces, réguliers, bien arrondis, beaucoup plus serrés que dans Astrapotherium, 
ses arrière-molaires étant raccourcies. Les seconds lobes ont un denticule interne 
plus épais que dans Astrapotherium, partagé en deux, formant par l’usure une 
fossette comme dans Colpodon. Les prémolaires contrastent par leur développe- 
ment avec celles des Astrapotherium. Les dents inférieures, comme les supérieures, 
sont couvertes de cément. 


Nesodon (fig. 31) se distingue par la grande hauteur du füt de ses molaires 
et par le contraste de leurs deux croissants : l’antérieur est si comprimé d’avant 
en arrière qu'il prend une forme quadrangulaire : le croissant postérieur est au 
contraire si étiré que, dans la dernière dent, il dessine une crête presque droite, 
Pour s’en rendre compte, on peut mener une ligne tangente au bord externe du 
croissant postérieur des trois arrière-molaires : on verra que le croissant antérieur 
déborde beaucoup sur le bord externe. Le denticule interne du second croissant 
est moins en arrière que chez Colpodon et Homalodontherium. La 3° et la 4° 
prémolaire ressemblent aux arrière-molaires, au lieu que, dans les autres genres, 
elles sont beaucoup plus simples. Le second croissant a plus de place pour se 
développer, et n'est pas contourné sur lui-même comme dans Colpodon (fig. 27) 
et Homalodontherium (fig. 28), et on y voit parfois un commencement de denticule 
interne. Il faut d’ailleurs prendre garde de confondre la dernière dent de lait 
avec la 4° prémolaire, car elle tombe si tard qu’elle peut induire en erreur. 
M. Ameghino, dans son intéressant travail sur l’évolution dentaire du Vesodon *, dit 
que la 4° prémolaire en haut et en bas, chasse la dernière dent de lait, seulement 
quand la dernière arrière-molaire entre en fonction. 


Toxodon (fig. 32) est l’exagération de Vesodon : le premier croissant de ses 
arrière-molaires est encore plus comprimé d’avant en arrière ;: au lieu d’un prisme 
quadrangulaire, il devient un prisme triangulaire, dont l'épaisseur contraste avec 
l’aplatissement du second lobe, surtout dans la dernière dent. Le fût des molaires 
est encore plus élevé que dans Vesodon. 


DENTS DE DEVANT DES MÂCHOIRES INFÉRIEURES 


Les modifications des dents de devant, aussi bien que celles des dents placées 
au fond de la bouche, permettent d'établir des distinctions entre plusieurs des 
animaux que je viens de citer. J’ai réuni ici quelques figures qui permettent de 
les apprécier : elles représentent les incisives, les canines et les prémolaires 
inférieures. Elles ont toutes été faites d’après les échantillons trouvés par M. Tour- 


1. M. Ameghino qui a fait connaître ce genre des couches à Pyrotherium, en a donné une bonne 
figure (Mémoire cité de 1897, p. 55, fig. 45). 


2. Sur les Ongulés fossiles de l'Argentine : Revista del Jardin zoologico de Buenos-Aires, t. 11, p. 233, 1894. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 23 


nouër dans le Tertiaire de la Patagonie, sauf la figure 38, copiée sur une mâchoire 
du Pampéen de la Plata, rapportée au Muséum de Paris par M. Bonnement ; ses 
incisives ont été complétées avec d’autres pièces du Muséum. 


Theosodon (fig. 33) est remarquable par les ressemblances de ses incisives, de 
ses canines, de ses premières prémolaires. 


Dans Coresodon (fig. 34), les canines se portent en avant de la mâchoire infé- 
rieure, près des incisives. Les prémolaires en sont séparées par un long intervalle, 
et elles ont une forme très différente. 


Astrapotherium (fig. 35) a des incisives en spatules avec une échancrure 
médiane qui permettent de les distinguer de suite de celles de tous les autres 
animaux. Les canines sont de fortes défenses qui, d’abord pouvaient servir pour 
déchirer, mais bientôt servaient pour ronger, à en juger par leur extrême usure 
chez les animaux âgés. Les prémolaires d’une petitesse extrême, réduites à deux 
ou à une seule, laissent entre elles et les canines un grand intervalle. 


Dans Trigonostylops (fig. 36), il y a, comme dans Astrapotherium, des canines en 
forme de défense ; mais les incisives sont devenues très petites ; elles sont réduites 
à deux de chaque côté. Au contraire, les prémolaires (sauf la première), ont un 
grand développement. 


Dans Vesodon (fig. 37), les canines sont rudimentaires et les incisives externes 
ont une importance considérable. 


Les dents de devant du Zoxodon (fig. 38) ne sont pas sans ressemblance avec 
celles du ÆVesodon (fig. 37), malgré la différence dans les molaires. Les incisives 
prennent la forme de colonnes. Les prémolaires ont leur développement normal. 


Colpodon (fig. 39) a le même nombre de dents que Vesodon ; cependant ses 
incisives et ses canines, au lieu d’être couchées, sont redressées ; cela leur donne 
un tout autre aspect. Nous trouvons dans ce genre un curieux exemple de 
diminution progressive dans le nombre des dents ; car, à côté de la mâchoire, 
figure 39, du Colpodon (Leontinia) Gaudryi qui est pourvue d’une canine et de 
4 prémolaires, on voit figure 40 (Colpodon frequens) une mâchoire d’où la canine 
a disparu, et figure 41, une mâchoire de Colpodon Garzoni' où non seulement la 
canine manque, mais où les deux premières prémolaires sont si petites qu'elles 


1. La mâchoire de Colpodon que je représente figure 40 appartient sans doute aux Leontinia pour 
lesquels M. Ameghino a proposé le nom d’Ancylocælus frequens. Cette espèce diffère du Colpodon Gau- 
dryi, non seulement parce qu’elle a perdu ses canines, mais parce que ses maxillaires n’ont plus l’'éminence 
que M. Ameghino a figurée dans Colpodon (Leontinia) Gaudryi, «2° contribution à la connaissance.de la 
faune des couches à Pyrotherium » (Exir. du Boletin del Inst. geographico argentino, t. XVIII, p. 65, 
fig. 55, 1897). Sa dimension est moindre. 


ALBERT GAUDRY 


Fig. 33. — Devant de la mâchoire inférieure du 
Theosodon Lydekkeri, Amegh., aux 2/5 de sa 
grandeur. — Rio Coylet. 


Fig. 35. — Devant de la mâchoire inférieure 
d’Astrapotherium Holmbergi, Amegh., au 1/4 
de sa grandeur. — Deseado. 


Fig. 35. — Devant de la mâchoire inférieure du 
Nesodon imbricatus, Owen, 1/2 grandeur. — 
Rio Coylet. 


Fig. 34. — Devant de la mâchoire inférieure du 
Coresodon scalpridens, Amegh., aux 2/3 de sa 
grandeur, — Deseado. 


Fig. 36. — Devant de la mâchoire inférieure du 
Trigonostylops Wortmani, aux 2/3 de sa gran- 
deur. — Casamayor. 


Fig. 38. — Devant de la mâchoire inférieure du 
Toxodon platensis, Owen, au 1/4 de sa gran- 
deur. — Pampéen de La Plata. 


FOSSILES DE PATAGONIE. — DENTITION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 25 


semblent en voie de disparition ‘. Le raccourcissement du menton est en rapport 
avec celui des dents ; la symphyse de Colpodon Garzoni où les dents sont incom- 
plètes est moins allongée que celle de Colpodon Gaudryi où les dents sont au 
complet. 


Proterotherium (fig. 42) est un genre tout à fait différent ; je dessine ici sa 
mâchoire inférieure pour montrer que les incisives peuvent être très réduites. Habi- 


Fig. 39. — Devant de la mâchoire inférieure du Fig.4o. — Devant de la mâchoire inférieure du 
Colpodon (Leontinia) Gaudryi, Amegh. (sp.), Colpodon (Ancylocælus) frequens, Amegh. (sp.), 
1/2 grandeur. — Deseado. 1/2 grandeur.— Deseado. 


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SS 3 i 


Fig. 41. — Devant de la mâchoire inférieure du Fig. 42. — Devant de la mâchoire inférieure du 
Colpodon Garzoni, Amegh. (sp.), aux 2/3 de sa Proterotherium australe, Burmeister (sp.). aux 
grandeur. — Deseado. 4/5 de sa grandeur. — Rio Coylet. 


tuellement il n’y en a que deux de chaque côté : pourtant M. Ameghino signale, 
sous le nom de Zicaphrium, une espèce qui a 3 incisives. Il y a une petite canine. 
Les 4 prémolaires sont bien développées. 


1. J’inscris la mâchoire de la figure 41 sous le titre de Colpodon (Ancylocælus) Garzoni. Ne connais- 


sant pas les prémolaires du Colpodon (Leontinia) Garzoni signalé par M. Ameghino, je ne peux 
affirmer que notre fossile soit de la même espèce ; mais, jusqu'à preuve du contraire, je ne veux 
pas ajouter une désignation à la nomenclature si compliquée des Mammifères tertiaires de Patagonie. 


SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. — PALÉONTOLOGIE. — TOME XII — #4. MÉMOIRE N° 31. — 4. 


26 q ALBERT GAUDRY 


Les remarques qui précèdent prouvent que, si une même dent se modifie pour 
remplir des fonctions différentes, une même fonction peut aussi être remplie par 
des dents différentes. Lorsqu'un animal cueille avec ses dents de devant, ses canines 
se mettent près des incisives, comme on le voit dans Coresodon (fig. 30). Quand il 
a besoin de déchirer, une de ses dents sur chaque mâchoire prend la forme de 
défense ; mais peu importe que cette dent soit une canine (Astrapotherium, fig. 31) 
ou une incisive (Colpodon, fig. 35). Ce qui importe c’est que la fonction de déchirer 
puisse s'exercer. 


Je n'ai point cherché à décrire toutes les formes des groupes que je viens 
d'étudier. Comme mon but était seulement de déterminer les pièces de Patagonie 
que nous devons intercaler dans nos collections, je ne me suis pas occupé des 
genres dont je n'ai pas d'échantillons. 


Bien qu'incomplètes, les figures réunies dans ce mémoire montrent tant de 
faibles changements qu'il faut une comparaison attentive pour les reconnaitre. Les 
ressemblances prouvent-elles des descendances? Je ne peux le dire. Nous ne 
sommes point parvenus à cette phase de la paléontologie où il nous soit aisé de 
désigner les grands-pères, les pères, les fils, c’est-à-dire de marquer les plus proches 
parentés. Mais nous sommes depuis longtemps déjà arrivés à cette phase, où, 
loin de trouver des entités fixes, distinctes les unes des autres, nous constatons 
la simplicité des moyens par lesquels nous concevons que l’Auteur du monde a 
produit des mutations. 


Ces mutations ont eu avant tout pour cause le développement progressif de la 
nature; des fonctions de plus en plus élevées ont été données aux animaux, et 
il a fallu que leurs organes s’accommodent à ces changements de fonctions. 
Mais les fonctions ont dû être, à un certain degré, influencées par les milieux. 
Les fossiles de Patagonie nous offrent la preuve que les fonctions, aussi bien que 
les parentés, déterminent des ressemblances. Des êtres issus des mêmes parents 
deviennent facilement dissemblables, quand les changements de milieu les obligent 
à remplir des fonctions différentes, et réciproquement des êtres qui ne sont pas 
issus des mêmes parents peuvent présenter des ressemblances, lorsqu'ils ont à 
remplir les mêmes fonctions. Il y a des ressemblances d’adaptation comme il y 
a des ressemblances de parenté. 


POST SCRIPTUM 


Lorsque toutes les figures contenues dans ce mémoire étaient achevées et que 
le texte était à l'impression, M. Florentino Ameghino a eu la bonté de m'envoyer 
un grand ouvrage intitulé : Recherches de Morphologie phylogénétique sur les molaires 
supérieures des Ongulés, Buenos-Aires, 1904. Cet ouvrage, qui occupe 541 pages 
avec de très nombreuses figures, renferme beaucoup d'observations précieuses, 
surtout sur les animaux de la faune ancienne à Notostylops. Je regrette que je l’aie 
reçu trop tard pour que je puisse en profiter dans mon mémoire. Partout où on 
trouvera un accord entre les vues de M. Ameghino et les miennes, il est évident 
que la priorité devra appartenir au savant paléontologiste de la République 
argentine. 


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re . double, 12 p. . , . . .. : Re Perl ROMANE 
19: — A: Fa Les Ammoniles du Crétacé supérieur a l'Algérie , 
REPARER La 5 livraison : : pl EVIL, p. 1-24 (ne se vend plus qu'avec le 
a ; tome VI complet). A PMU BRAS T7 et Ur Peel 


LAN ome livraison : pl. VILX VIT, P- . 88 . SERA EX PE re 
lr8. - — Em. Hauc, Études sur les Gonates, x Dl£ 114 p:22.7 2." 20 
19. — M. Cossmaxx, Contribution à la Paléontologie française des terrains 
ir: jurassiques (en cours); Gastropodes : Nérinées, 13 pl., 180 p. 
- 20. — M. Porovrcr-Harzec, Contribution à l'étude de la faune du Crétacé 
supérieur de Roumanie ; Environs de Campulung et de Sinaïa, 
2pl,22p..........,...444 4.4... 
o1. — R. Zexer, Étude sur la flore fossile du bassin houiller d’Heraclée 
(Aster nr) Op TR. RE TLC 
22. — P. Parcary, Sur les Mollusques fossiles terrestres, fluviatiles et 
sawmnütres de l'Algérie, 4 pl; "218; parte. 7 0 
23. — G. Sayn, Les Ammonites pyriteuses des marnes valanginiennes du 
Sud-Est de la France (en cours), 2 pl., 29 p. . .- . . . . 
_24. — J. Lamserr, Les Échinides fossiles de la province de Barcelone, 


Ps © A PO RL 5 Ter EE ce et ET Te 
ES FL 25. — H.-E. SauvAGr, Recherches sur les Vertébrés du Kiméridgien supe- 
QT 


Wa 2 rieur de Fumel (Lot-et-Garonne), 5 pl, 36 p. . . . . . . 
Cu RAI 26. — Ch. DErérer et F. Roman, Monographie des Pectiess néogènes 
de l'Europe et des régions voisines (1r'e partie : genre Pecten), 
LR Pat à SAR A NRA DOTE SE LT Ce OR EN RE PE 
27. — G. Dorzrus et Ph. DAUTZENBERG, Conchyliologie Fr nas moyen 
du Bassin de la Loire; Description des gisements fossilifères ; 
HAE Pélécypodes (r° partie) (en cours). 
HA Ur ; LAVE SON. ph ENS D: I-I100 2 5 Th 10 
TH ome livraison : pl. VIX, p. tes: 2e EN Pr 40 
8. — Marcellin Boute, Le Pachyæna de Vaagirard, ap, 16 | LORS 
29. — V. PAquIER, Les Rudistes urgoniens (r°° partie), 6 pl., 46 p. . . . 
30. — Ar. Toucas, Études sur la classification et l'évolution des Hippurites 
CS Dar DE) DAS ET DIE MP cs Les er 2er, 


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45 


EXTRAITS di RÈE | 


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et parole de faire connaître le sol de 4» re tant en er 4 
ee avec les arts industriels et l'a agriculture. ee a NE. 


ART. fs — Pour faire partie de la Société, il faut s'être. fait présenter de 
séances par deux membres qui auront signé la présentation !, 1, avoir été FA 1 


au 6. — Le Trésorier ne remet le diplôme qu ‘après RE du do 
Arr. 38. — La Société tient ses séances habituelles à Paris, de Novembre à ] 
Arr. 39. — La Société se réunit deux fois par mois (Le 1°" et le 3° lundi du mois). 


Arr. 42. — Pour assister aux séances, les personnes étrangères à la Société doivent être Le 
présentées chaque fois par un de ses membres: En 

ART. 46. — Les membres de la Société ne peuvent A devant elle aucun n ouvrage S 
déjà imprimé. : 

ART. 48. — Aucune communication ou discussion ne peut avoir lieu sur des objets 
étrangers à la Géologie ou aux sciences qui s'y rattachent. | 


ART. 50. — Chaque année, de Juillet à Novembre, la Société tiendra une ou plusieurs 
séances extraordinaires sur un point qui aura été préalablement déterminé. 

Art. 53. — Un bulletin périodique des travaux de la Société est délivré gratuitement 
à chaque membre. 

ART. 55. — ... Il ne peut être vendu aux personnes étrangères à la Société qu'au 
prix de la cation annuelle. 

ART. 58. — Les membres n'ont droit de recevoir que les volumes des années du Bulletin 
pour lesquelles ils ont payé leur cotisation. Toutefois, les volumes correspondant aux années 
antérieures à leur entrée dans la Société, leur sont cédés, après décision spéciale du Conseil 
et conformément à un tarif déterminé. | 

Art. 60. — Quelle que soit la longueur des notes ou mémoires insérés au Bulletin 
les auteurs pourront en faire faire à eur frais un tirage à part. 

Arr. 93. — Chaque membre paye : 1° un droit d'entrée ; 2° une cotisation annuelle 2. 

Le droit d'entrée est fixé à la somme de 20 francs. 

Ce droit pourra être augmenté par la suite, mais seulement pour les membres à élire. 

La cotisation annuelle est invariablement fixée à 30 francs. 

La cotisation annuelle peut, au choix de chaque membre, être remplacée par le versement 
en capital d’une somme fixée par la Société en assemblée générale 3, qui, à moins de décision 
spéciale du Conseil, devra être placée. 


1. Les personnes qui désireraient faire partie de la Société et qui ne connaîtraient aucun membre qui püt 
les présenter, n’auront qu'à adresser une demande au Président, en exposant les titres qui justifient de 
leur admission. 

2. Le Conseil de la Société, afin de faciliter le recrutement de nouveaux membres, autorise, dorénavant, 
sur la demande des parrains, les personnes qui désirent faire partie de la Société à n'acquitter, la première | 
année, que leur droit d'entrée en versant la somme de 20 fr. Le compte-rendu sommaire des séances de l’année 
courante leur sera envoyé gratuitement; mais ils ne recevront le Bulletin que la deuxième année et devront 
alors payer la cotisation de 30 francs. Ils jouiront aussi des autres droits et privilèges des membres de la 
Société. 

3. Cette somme est actuellement de 400 francs. 

Le Gérant : L. MÉMIN. 


Lille, — Imp. LE BIGOT trères, 


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