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Full text of "Histoire abregée de la naissance & du progrez du Kouakerisme, avec celle de ses dogmes"

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h  i  sxca  r  e 


DE  LA 


Naiflance  &  du  Progrez-da  * 

KOU  AKERI  SMEj 

A  V  È  G 
Celle  de  fes  Dogmes. 


A  CoLOGNEj 

Chez  PIERRE  MARTEAU. 
1 69  2, 


PREF  AC  £. 


Œrfonne  que  je  fâche 
V^Jà)  n'ayant  -encore  écrit 
l'Hifloire  des  Kouakre^ 
qui  font  beaucoup  de 
bruit  aujourd'hui  ,  particulière- 
ment en  Angleterre,  qui  eftleur 
lieujiatal,  leur  centre  &  leur  nid,6c 
où  malheureufement  ils  ne  fe  mul- 
tiplient que  trop  à  la  faveur  des  tri- 
lles &  déplorables  divifions  qui  la 
déchirent ,  tant  en  matière  de  Re* 
ligipn  que  de  gouvernement  civil , 
dont  chaque  parti  tache  de  fe  ren- 
dre maître  abfolu  5  &qui  ont  pro- 
duit de  tems  en  tems  des  fouleve- 
mens  entiers  de  toute  la  nation,  Se 
changé  la  face  de  l'Etat,  je  m'af- 
feure  qu'on  fera  bien  aife  de  lire 
celle-cy  que  je  donne  au  public 
Comme  je  fuis  fur  les  lieux,  8c 
qu'il  y  a  déjà  un  tems  confiderable 
#  &  que 


PREFACE^ 

que  je  demeure  à  Londres  où  il  y  a 
plus  de  Kouakres  que  dans  tout  le 
refte du  Royaume,  &  que  je  con- 
verfe  fouvent  avec  quelques-uns 
d'entre  eux,  mais  qui  n'ont  pas 
encore  mangé  la  Pâque,  ni  renon- 
cé à  Jefus  fils  de  Marie,  à  [efus 
crucifié,  au ieul&  véritable Chrift 
mort  pour  nous,  rtffufciié  des 
morts  ,  &  régnant  en  Corps  & 
en  ame  au  Ciel,  &quinelaifient 
pas  de  connoître  tout  le  fond  de  la 
Se£le  :  fans  dire  que  j'en  connois 
les  Chefs,  que  je  les  ay  fouvent 
converfé  fur  leurs  opinions,  &que 
j'en  ay  apris  tout  le  fejretpar  l'a- 
dreffe  d'un  peu  de  complaiiance 
comme  fi  j'entrois  fort  dans  leurs 
fentimens:  ayant  enfin  lû  tous  leurs 
meilleurs  livres,  6c  ceux  de  leurs 
plus  fameux  Do&eurs,  dont  les 
perfonnes  ne  me  font  pas  même  in- 
connues, l'on  doit  s'afieurer  que 
mon  Hiftoire  fera  véritable,  fidelle 
&fincere  ,  pijifqu'elle  vient  d'un 
homme  qui  les  connoît  intime- 
ment, 


PREFACE, 
ment,  &  qui  eft  très  informé  de 
tous  les  myfteres  de  leur  Cabale. 
Il  eft  jufte ,  il  eft  neceflaire  mêine,, 
d'arracher  le  mafque  à  ces  infâmes 
.hypocrites-,  &  à  ces  deteftabl-es 
hnpofteursqui  feduifent  une  infi- 
nité du  fimpies  par  leurs  apparen- 
ces trompeufes  de  pieté  &  de 
Sainteté,  Scquineanmoinsenont 
renié  la  force  &. lu  vérité.  Il  eft  du 
devoir  d'un  bon  Chrétien  de  dé- 
couvrir les  horribles  &  profondes 
impietez  de  ces  faux  Prophètes  qui 
fous  le  nom  &  fous  l'apparence 
d'un  Chrift  imaginaire  tâchent  de 
détruire  la  foy  d  u  véritable  Chrift , 
du  Chrift  de  l'Evangile ,  de  Jefus 
fils  de  Marie  mort  &  reflufcité  des 
morts. 

L'Aiitheur  du  Froteftant  Paci- 
fique eft  le  feul  &  le  premier  qui  ait 
écrit  en  nôtre  langue  PHiftoire  des 
Dogmes  de  cette  Seéte.  Mais  par 
le  portrait  flatté  qu'il  en  fait  l'on 
voit  aflez  qu'il  eft  de  leurs  amis, 
ou  qu'il  s'eft  laifle  tromper  comme 
,     ■  *  |  beau- 


PREFACE. 

beaucoup  d'autres  aux  apparences 
de  Religion  qu'ils  affeétent  afin  de 
fe  cacher  &  de  feduire.  Il  leur  prê- 
te des  excufes  &  des  couleurs  fi  fa- 
des qu'on  n'a  qu'à  foufler  defius 
pour  les  effacer.  Ce  que  j'y  trouve 
d'aflez  divertiffant  eft  que  fur  le 
Chapitre  de  leur  orgueilleufe  in- 
civilité, &  de  leur  manière  bruta- 
le de  boire  &  de  manger,  il  ne  fait 
pas  de  façon  de  pafler  condamna- 
tion pour  eux,  &  de  permettre 
qu'on  les  traitte  de  fous  6c  d'infen- 
fez.  Mais  les  Kouakres  ne  l'enten- 
dent pas  ainfi ,  Se  ils  fe  fbavent 
trop  bon  gré  de  s'être  enfin  ac- 
quis cette  liberté  infolente  de 
■  traitteravec  mépris  &  avec  fierté 
le  refte  des  mortels ,  &  de  s'être 
ainfi  élevez  au  deflus  de  tous  pour 
permettre  qu'on  les  traitte  pour 
cela  de  fous  &  d'extravagens.  S'il 
y  a  de  la  folie,  il  y  a  encore  plus 

i  d'orgueil  &  de  vanité.  Et  ils  veu- 
lent bien  qu'on  le  fâche.  Car  ces 

|      gens  qui  font  tant  les  doux  &  les 

fini* 


PRE  F  A  C  Eï 
fimples  ,  ne  fouffrent  pas  chez 
eux  que  leurs  Serviteurs  leur  par- 
lent autrement  que  tête  nue  Se 
chapeau  bas,  &  en  termes  refpec- 
tueux.  Et  quand  l'exemple  des 
maîtres  fait  émanciper  les  Servi- 
teurs à  dire  tu  €r  toj^  &  à  leur  parler 
la  tête  couverte ,  on  fçait  bien  leur 
dire  d'un  ton  de  maître  que  cela 
n'apartient  qu'aux  ami?,  c'eft  à  dire 
auxKouakres.  Je  fçay  desHiltoi- 
res fort  £lailantes  là  deflus,  mais 
qui  font  plus  propres  à  être  débi- 
tées dans  une  converfation  libre 
d'amis,  qu'à  être  inférées  iey. 

Je  ne  doute  point  qu'ils  ne  fe  ré- 
crient &  ne  fe  foulevent  contre 
moy  de  ce  que  je  découvre  leurs 
myfteres  abominables,  St  de  ce 
que  j'exhorte  les  Chrétiens  à  les 
avoir  en  horreur,  &  les  Magiftrats 
à  les  reprimer.  Leurs  amis  Scieurs 
fauteurs,  les  libertins  &  les  Déi- 
fies du  temps ,  ne  pourront  foufrir 
qu'on  attaque  ainfi  leurs  chers 
Compagnons  ,  &  les  complices 
*  4  de 


PREFACE, 
de  leur  conjuration  contre  le  Chri- 
ilianifme.  Mais  je  leur  déclare  que 
je  tiens  leur  toierance  où  dcfenfe 
du  Kouakcrifme  pour  le  comble 
de  l'impiété  &  pour  une  véritable 
confpiration  deDeïftespour  per- 
dre la  Religion  Chrétienne.  Et  je 
promets  qu'en  donnant  une  fécon- 
de partie  de  cette  Hiftoire  qui  fera 
celle  des  autres  principales  Sectes 
d'Angleterre  &  de  Hollande,  & 
en  particulier  celle  du  Socinianif- 
mej  je  la  commencera)1  par  la  ré- 
futation exafte  du  profane  Com- 
mentaire Philofophique  fur  ces  paro- 
les de  Jefus  Chrift  contrains  les 
d'entrer.  En  vérité  ceux  qui  com- 
pofent  ces  ouvrages  dangereux 
ôc  pleins  de  poifon  5  ne  profi- 
tent pas  mal  des  conférences 
qu'ils  ont  avec  les  Sociniens,  les 
libertins  &  les  Spinofiftes  dont  la 
Hollande  abonde.' 

Par  avance  &  pour  me  juftifier 
je  diray  icy  fur  ce  fujet  la  que  ces 
nouveaux  Authcurs  en  voulant 


que 


PREF  AC  E. 

que  le  Migiftrataccorde  toute  Im- 
punité &  toute  liberté  à  toute  forte 
d'hérétiques  jtifqu'aux  Deïiïes  5  & 
en  luy  ôtant  le  pouvoir  de  les  repri- 
mer fur  tout  dans  les  Herefiarques, 
&  dans  les  Dodeurs,  fe  déclarent 
contre  un  droit  qui  eft  fondé  fur  la 
nature.  Car  tout  Magiftrat  a  pour 
le  moins  fans  contredit  autant 
d'authorité  dansTEtat  qu'un  pere 
de  famille  en  a  naturellement; 
dans  fa  famille.  Or  il  eft  permis  à 
un  pere  de  famille  de  reprimer  qui- 
conque voudroit  en  abolir  le  régi- 
me Se  la  Religion,  Il  a  droit  de  les 
en  chaffer  &  de  leur  défendre  d'y 
rentrer.  Au  commencement  du 
monde  les  Chefs  de  familles 
avoientlafuprême  direction  de  la 
Religion  &  du  gouvernement  po- 
litique. Auffi  tous  les  peuples  du 
monde  font  convenus  que  les  Ma- 
giftrats  &  les  Roys  eiiffent  Fin- 
fpeâion  &  l'intendance  fur  l'wn  & 
l'autre.  Et  même  les  premiers  Rois 
du  monde  ctoieiit&  Rois  &  Sou- 
f  5  veraius 


PREFACE, 
verains   Pontifes   tout  enfeixi* 
ble. 

Je  ne  dis  pas  qu'il  foit  permis  de 
tuer  5  de  brûler ,  ou  de  pendre  qui- 
conque ne  veut  pas  par  un  principe 
deconfciencefefoumetreàla  Re- 
ligion établie  parles  loix&par  les 
Souverains,  à  moins  qu'ils  ne  for- 
ment des  faftions  ,  &  ne  confpi- 
rent  contre  l'Etat.  Mais  il  eft  du 
devoir  de  tout  Prince  Religieux 
d'étouffer  d'abord  toutes  les  fe- 
mences  de  divifion  qui  commen- 
cent à  s'élever,  &  d'empêcher 
qu'elles  ne  prennent  de  fi  profon- 
des racines,  &  ne  fe  multiplient  fi 
fort  qu'il  foit  après  cela  impoffiblc 
de  les  arracher  feurement,  &  fans 
expofer  l'Etat  à  de  grands  maux, 
Stades  defordres  très  dangereux. 
Il  faut  veiller  fans  cefle  fort  foi-» 
gneufement  fur  la  conduitte  des 
Doéteurs  &  des  Prédicateurs  ;  & 
fî-tôt  qu'on  voit  quelqu'un  s'écar- 
ter trop  du  droit  chemin,  &  de  la 
Doélrine  reçûë  &  authorifée,  il 

faut 


PREFAC  E. 
faut  luy  impofer  filence,  ôcs'il  ne 
veut  pas  obéir ,  &  qu'il  feme  fes 
Doctrines  en  fecret  il  le  faut  re- 
primer tout  à  fait,  &  l'arrêter  en 
le  mettant  en  lieu  de  fureté,  &àla 
garde  de  perfonnes  qui  répondent 
deluy&defaconduitte,  ou  le  re- 
léguer hors  du  Royaume  &  en 
lieu  d'où  l'on  n'en  craindra  plus 
rien.  Si  l'on  avoit  pu  ainfi  répri- 
mer un  Simon  le  Magicien,  un 
Mânes ,  un  Marcion ,  que  de  maux 
&  quededelordresn'auroiton  pas 
épargné  à  TEglife  de  J.  C.  que  de 
milliers  d'ames  n'auroit-on  pas 
fauvé?  fi  l'on  en  avoit  fait  autant  à 
unPafcateRadbert,  &  à  tous  les 
autres,  anciens  ou  modernes  qui 
par  leurs  inventions  téméraires  ôc 
impies  ont  renverfé  les  fondemens 
duChriilianifme,  &  introduit  un 
T»  C.  inconnu  à  l'Evangile  ,  in- 
connu à  toute  FEgliie  primitive, 
ou  fouillé  la  pureté  de  la  Religion 
par  je  ne  fçay  combien  d'erreurs 
folles.  Se.  pleines  d'impiété  &  de 
*  6  co.n- 


PREFACE, 
contradiéiion,  &  par  une  infinité 
de  cultes  fuperilieux  &  criminels  , 
que  de  maux  ,  qae  de  guerres ,  que 
de  defordres ,  n'aufoit-on  pas  pré- 
venu ? 

Mais  fi  les  Magiftrats  ont  droit 
naturellement  de  reprimer  ceux 
qui  cherchent  àrenverfer  la  Reli- 
gion foie  Chrétienne  parmi  les 
peuples  Chrétiens,  foit  naturelle 
parmi  les  autres  nations  du  monde, 
ou  qui  en  detruifent  l'eflence  &  en 
corrompent  la  pureté  par  des  cul- 
tes fupérftitieux  &  impies ,  ils  font 
auflî  obligez  de  laifler  à  leurs  fujets 
une  très  grande  liberté  dans  tout 
ce  qui  n'eft  pas  de  l'eflence  de  la 
Religion  &  du  culte  public:  &de 
les  reftreindreàtréspeu  d'articles, 
très  peu  de  principes,  &  très  peu 
de  pratiques,  par  ce  moyen  là  les 
Efprits  curieux  ont  toute  la  liber- 
té honefte  de  s'exercer,  &de  Phi- 
lofopher  fans  danger  de  choquer  la 
Religion ,  ni  de  troubler  l'Etat  par 
des  fchifmes  &  par  des  divifions  ca- 

pa- 


PREFACE, 

pables  de  le  perdre  :  au  lieu  qu'en 
ne  reftreignant  pas  ainfi  la  Reli- 
gion à  un  petit  nombre  d'articles 
neceflairesSc  eflentiels  Ton  tombe 
dans  la  Tyrannie  6c  Ton  met  les 
Efprits  dans  une  fervitude  infupor- 
table,  qui  caufe  enfin  les  mêmes 
defordres  que  Ton  vouîoit  éviter. 

Peut  on  nier  que  Dieu  n'ait  for- 
mé les  hommes  également  pour  vi- 
vre en  foeieté  comme  pour  fado- 
rer?  On  ne  le  fçauroit  nier.  Par 
confequent  s'il  adonné  aux  Prin» 
css  le  droit  &  le  pouvoir  de  repri» 
mer  ceux  qui  violent  la  foeieté ,  il 
leur  a  auffi  donné  celui  de  repri- 
mer tousceux  qui  voudroient  in- 
troduire l'impiété. 

Et  ne  me  dites  pas  que  chaque 
hérétique  accu'fe  réciproquement 
fon  adverfaire  d'introduire  l'im- 
piété &  de  ruiner  Peffence  de  la 
Religion?  Car  il  très  facile  de 
voir  fi  cela  eft  ou  non.  Si  les  uns  & 
les  autres  conviennent  de  tout  ce 
qu'il  y  a  de  clair  dans  la  Religion, 
*.  7     •       &  de 


PREFACE. 
&:  de  ce  que  tous  les  Chrétiens  par 
exemple  font  toujours  convenus  y 
&  conviennent  encore  mainte- 
nant, ilsconfervent  les  uns&z  les 
autres  Feflcnce  de  la  Religion , 
quelque  diverfité  d'opinions  qu'il 
y  ait  entre  eux,  &en  comparant 
ces  opinions  à  ce  qu'il  y  a  de  clair, 
&  de  reconnu  de  tous  les  partis, 
l'on  aperçoit  d'abord  fi  elles  fe  con- 
tredirent manifeftement  &  direc- 
tement. Ainfi  la  régie  delà  véri- 
table tolérance  eft  toujours  claire 
&  nette  \  permis  néanmoins  à  tous, 
ceux  qui  croyent  de  bonne  foy  que 
telle  ou  telle  opinion  eft  une  er- 
reur capitale  &  mortelle  de  fe  fe- 
parer  de  ceux  qui  la  défendent.. 
Mais  il  ne  faut  pas  légèrement  ni 
inconfiderément  juger  de  la  natu- 
re des  dogmes.  Il  ne  faut  écouter  là 
deflus  ni  les  partions ,  ni  les  préju- 
gez. Il  faut  j  uger  avez  un  efprit  im- 
partial ,  &  fe  fouvenir  toujours  que 
dans  les  cas  douteux  il  faut  panener 
du  coté  de  l'indulgence  plutôt  que 


PREFACE. 

du  côté  de  la  rigueur.  Que  lî  après 
avoir  examiné  iong-tems  &meurc- 
ment  un  dogme, Ton  ne  peut  s'em- 
pêcher de  le  prendre  pour  une  er- 
reur mortelle ,  l'on  peut  fe  feparer  , 
mais  fans  pafler  outre.  Les  loix  de 
l'Evangile  &  de  la  charité  Chré- 
tienne n'obligent  plus  à  conferver 
dans  la  communion  &  dans  la  fra- 
ternité ceux  que  l'on  a  reconnu 
après  un  long  &  ferieux  examen 
défendre  avec  opiniâtreté  des  dog- 
mes que  Ton  ne  fçauroit  s'empê- 
cher de  regarder  comme  des 
erreurs  Capitales.  Toute  Société 
Chrétienne  a  ce  droit  là,  Scc'eft 
l'Evangile  qui  le  luy  donne. 

Mais  l'Evangile  ne  donne  au- 
cun droit  à  quelque  Société  que  ce 
foit  de  chafîér  de  fon  fein  &  de  fa 
fraternité  ceux  qui  n'ont  point  de 
ces  fortes  d'erreurs  mortelles,  & 
qu'elle  fçait  parfaitement  n'en 
avoir  aucunne.  Comme  il  n'efi 
permis  d'excommunier,  &•  de 
chaffer  de  la  fraternité  que  ceux 

qui 


P  R  E  F  A  C  E. 
qui  tombent  &  perfevercnt  dans 
des  péchez  fçandaieux  &  incom- 
patibles avec  le  nom  Chrétien,  il 
n'eft  pas  permis  non  plus  de  re- 
trancher de  la  Société  fi-nonceux 
qui  violent  manifeftement  les 
fondemens  de  la  Religion.  Au- 
trement c'eft  introduire  la  Tyran- 
nie dans  l'Eglife,  &  vouloir  do- 
miner fur  la  foy  des  Chrétiens. 
C'eft  ruiner  la  charité  Chré- 
tienne &  le  fuport  des  foibles  qui 
nous  eft  fi  fort  recommandés  c'eft 
faire  dépendre  la  Religion  du  ca- 
price humain,  de  l'intérêt,  du 
préjugé,  &  de  la  paffion.  Et  de 
quel  front  peut-on  chafier  de  fa  So- 
ciété ceux  que  l'on  eft  convaincu 
qui  apartiennent  à  la  Société  de 
J.C.?  peut-on  chafler  de  la  table 
ceux  que  l'on  fçait  que  J.  C.  reçoit 
à  la  fienne?  N  'eft-ce  pas  une  impie- 
té horrible,  &  une  in juftice  crian- 
te à  des  Chrétiens  de  chafler  de 
leur  famille  des  perfonnes  que 
nous  réconnoiffons  apartenir  veri- 

ta- 


PREFACE, 
tableraient  à  la  famille  de  Jefos 
Chrift?  Ou  trouvera-t-on  que  les 
Apôtres  &  les  premiers  Chrétiens 
en  ayentuzé  autrement?  Où  trou- 
vera-t-on qu'on  ait  jamais  fongé 
à  ces  deux  fortes  de  retranche- 
ments, un  qui  retranche  de  la  So- 
ciété, &  point  de  la  Communion 
Chrétienne,  ou  de  la  Table  de  Je- 
ius  Chrift  5  &  un  autre  qui  re- 
tranche de' toutes  les  d'eux?  Les 
premiers  Chrétiens  n'ont  jamais 
chaflë  de  leur  Société  ou  de  i'Egli- 
fe  que  ceux  qu'ils  excommu- 
nioient  tout  à  fait ,  &  qu'ils  chaf- 
foicnt  delatabîeîacreedej.  G.  ou 
qu'ils  croyoient  avoir  mérité  d'être 
retranchez  du  Corps  des  frères  ôc 
des  fidèles. 

Je  conclus  de  là  que  c'eft  une 
Do&rine  Anti-Chrétienne  que 
celle  du  Pape  adoptée  par  quelques 
nouveaux  Théologiens ,  qui  veu- 
lent faire  les  Papes  chacun  dans 
fon  party ,  que  de  foutenir  qu'il 
eft  permis  à  des  Sociétés  Chrétien- 
nes 


PREF  AC  E. 

Des- de  fe  liguer  enfemble  &  de 
fe ■  confederer  pour  enfeigner  cer- 
tains dogmes  qui  ne  font  pas  néan- 
moins de  leur  propre  aveu  effen- 
tiels  à  la  Religion,  &  qui  très  fou- 
vent  ne  font  que  des  erreurs  très 
grofîîeres  &  très  pernicieufes,  & 
de  chafler  de  leur  fein  &  de  leur 
communion  ceux  qui  ne  pourront 
I?as  fe  refoudre  d'embrafler  ou 
d'enfeigner  ces  Doctrines  5  fans 
prétendre  néanmoins  en  les  chaf- 
fantainfï,  de  les  chafler  du  Corps 
de  l'Eglife& de  la  famille  de  J.  G 
C'eft  là  l'Antkhriftianifme  tout 
pur>  c'eft  authoriferpar  fa  propre 
conduite  la  Tyrannie  de  TEglife 
Romaine,  &  fermer  la  bouche  aux 
Proteftans,  &les  empêcher  de  fe 
plaindre  de  la  rigueur  qu'elle  leur 
a  teniie  en  les  chaflant  de  la  com- 
munion pour  des  chofes  non  ne- 
eeflaires  &  capitales.  C'eft  chan-  ' 
ger  la  Religion  deJ.C.  en  une  pu- 
re Se6te  dePhilofophes  quifefub- 
divifent  enfuite  en  autant  de  bran- 
ches 


PREFACE. 

ches  qu'il  y  a  de  partages  d'opi- 
nions. C'eft  introduire  la  licence 
&  la  divifion  dans  le  Chriftianifmc3 
les  tins  fe  cantonnant  contreles  au- 
tres, &fechaflant  mutuellemeat 
de  leur  communion.  C'eft  fomen- 
ter toutes  les  divifions  qui  y  font 
déjà  ,  &  les  rendre  irrémédiables. 
C'eft  renoncer  à  la  loy  royale  de  ïa 
charité,  vous  qui  êtes  forts  fu- 
portez  les  foibles  en  la  foy*  por- 
tez les  charges  les  uns  des  au- 
tres ,  &  accomplirez  ainfi  la  loy 
Royale  de  J.  C  C'eft  enfin  intro- 
duire l'hypocrifie  &  la  difïimula- 
tion  dans  la  Religion ,  en  ce  que 
ceux  qui  auront  des  fentimens  par- 
ticuliers n'ozeront  pas  les  déclarer 
ou  ne  le  feront  qu'en  cacheté,  Se 
pour  fe  conferver  dans  la  Société 
prêcheront  contre  leur  propre 
eonfeience ,  &  feindront  de  croire 
ce  qu'ils  ne  croyent  pas. 

Mais  pour  revenir  à  nos  Koua- 
Icres  &  à  leurs  defenfeurs,  je  dis 
en  particulier  à  l'Autheur  du  Com- 


PREFACE. 

fventaire  Phdofophique  que  le  droit 
desMagiftrats  Chiênensde  repri- 
mer par  voye  d'authorité  les  Doc- 
teurs&  les  fondateurs  de  ces  héré- 
Jîes  qui  ruinent  toute  l'efîence  de 
la  Religion  n'eft  nullement  fondé 
fur  ces  paroles  Contrains  les  â"  entrer y 
mais  furl'aciion  du  maître  du  ban- 
quet des  nopces. 

Cesnopces&ce  banquet repre- 
fentent  du  confentement  de  tout 
le  monde FEgiife  Chrétienne,  fon 
etabiifîement  par  la  prédication  de 
FEvangile.  C'eftle  Royaume  des 
Cieux  ou  le  Royaume  de  J.C.  qu'il 
a  formé  &  où  il  régne.  Parmi  ceux 
qui  y  entrent  il  s'en  trouve  un  qui 
n'a  point  la  robe  nuptiale ,  c'elï-à- 
dire  qui  n'a  point  ce  qu'il  faut  avoir 
pour  pafler  pour  Chrétien ,  &  pour 
un  des  conviez.  Que  fait  le  maître 
ayant  aperçu  cet  étranger  &  cet  ef- 
pion  ou  cet  ennemi?  Il  s'en  va  droit 
à  luy ,  &  luy  dit ,  qui  t'a  fait  fi  bardy 
que  d'entrer  ici  &  de  te  fourrer 
parmi  les  conviez  fans  avoir  pris  la 

robe 


"il 


PREFACE, 
obe  nuptiale  -,  Et  que  viens  tu  faire 
ci  n'étant  pas  du  nombre  ni  de  la 
jualité  de  nous  tous?  qu'on  me 
prenne  cet  homme  là  5  &  qu'on  me 
e  jette  pieds  &  poings  liez  hors 
ficy  ?  qu'on  le  jette  dans  îès  ténèbres  de 
iehors  ou  il  y  a  pleur  &  grincement  de 
iens.  c'eft  à  dire  hors  de  l'enceinte  de 
l'Eglilè  ^&  du  Chriitianifme  parmi  les 
oenples  infidelles  qui  lont  dans  les  ténè- 
bres en  comparaifon  des  Chrétiens  qui 
compofent  un  Royaume  de  lumière. 

Je  ne  dis  pas  qu'il  rai  le  faire  entrer  dans 
le  Chriftianiime  les  hommes  à  coups 
d'épée  ou  de  bâton,  il  faut  les  preffer, 
&  les  foliciter  inftamment  d'y  entrer. 
Mais  s'ils  veulent  y  entrer,  &  s'ils  y  en- 
trent  erFe&ivement  fous  îe  mafque  d'hy-  - 
pocnfie  ,  &  que  l'on  découvre  à  la  fin 
qu'ils  n'ont  pas  la  robe  nuptiale,  c'efi-à- 
dire  qu'ils  n'ont  rien  de  Chrétien  finon  le 
nom  &  le  privilège  d'être  bien  vetus,nou- 
ris  &  entretenus  aux  dépens  des  Chré- 
tiens, aux  dépens  de  J.  C.  même,  à  la 
table  de  qui  ils  font  grand  chère  tout  en 
fe  moquant  de  luy  &  de  fa  Religion,  il 
eft  du  devoir  du  Magiftrat  Chrétien  qui 
rcprefente  iaperfonnede  J.  C.  &  qui  eft 
le  maître  de  la  Salle  &  du  feftin  des  nop- 
ces  de  leur  demander  qui  les  a  rendu  fi 

har- 


PREFACE. 

hardis  que  d'entrer  dans  la  Salle,  &  de 
s'y  mettre  au  rang  des  conviez  &  à  la  ta- 
ble du  feflin  fans  avoir  la  robe  nuptiale, 
c'eftà  dire  fans  avoir  les  qualitez  requi- 
fes  pour  jouyr  du  droit  de  Bourgeoise 
Chrétienne  &  de  manger  à  la  table  de 
J.  C.  de  les  faire  failïr  &  jetter  dehors  par 
les  épaules.  Eft-il  jufie  que  J.  C.  &  les 
Chrétiens  foufrent  que  des  Athées,  des 
libertins  &  des  profanes  faflênt  grand 
chère  à  leurs  dépens,  &au  milieu  d'eux 
pendant  qu'ils  fe  moquent  mfolemment 
de  toute  leur  Religion  &  de  fon  autheur  ? 
S'ils  ne  font  pas  Chrétiens  &  s'ils  ne  veu- 
lent pas  l'être ,  n'eft-  il  pas  j  ufte  qu  ils  ail- 
lent chercher  fortune  ailleurs,  &  fe  re- 
tirent pnrmy  leurs  femblables  ? 

Il  en  faudroit  faire  autant  à  ces  impo* 
fleurs  de  Kouakres  &  à  tant  d'autres  qui 
confpirentenfemblede  faper  les  fonde- 
mens  du  Chriftianifme3  &  de  perdre 
TEglife  de  J.  C .  fi  l'on  reprimoit  ces  four- 
bes là  &  tous  ces  autres  Doâeurs  &  pré- 
dicateurs qui  quoi  que  très  convaincus 
dans  leur  aine  qu'ils  n'enfeignent  que  des 
impollures  grolTieres,  ne  lailTent  pas 
néanmoins  de  les  enfeigner,  &  d'y  en- 
tretenir les  peuples  crédules,  l'onferoit 
une  œuvre  de  juftice  &  de  charité  tout 
enfemble  fort  agréable  à  Dieu,  de  jufti- 
ce en  reprimant  des  importeurs  qui  n'ont 

aucu- 


P  R  E  F  A  C  E. 

aucune  pieté  ni  aucune  Religion ,  qui 
déshonorent  le  nom  de  j.  G.  &  qui  le 
blalphement  fans  cefTe  :  de  Charité,  en 
fauvant  les  peuples  lèduits ,  qui  revien- 
droient  auffitôt  à  eux  mêmes  s'ils  n'a- 
voient  plus  leurs  feduéteurs  à  leur  tête. 

Un  jour  nous  en  dirons  davantage  & 
nous  découvrirons  le  Deïfme  ou  plutôt 
l'Atheïfme  caché  du  CommcntateurPhi- 
lofophique ,  &  de  fes  partifans ,  &  je  leur 
prouverai  d'une  manière  invincible  que 
leur  principe  outre  vajufqu'à  la  toléran- 
ce de  l'Atheïfme ,  &  qu'ils  ne  fçauroient 
s'en  défendre,  quoy  qu'ils  demeurent 
d'accotd  que  le  Magiftrat  eft  en  droit  & 
même  dans  l'obligation  indifpenfable  de 
rcprimer  l'Atheïfme  &  les  Athées.  11 
ne  m'en  faudra  gueres  davantage  pour 
ruiner  leur  principe ,  &  pour  les  pouffer 
u[que,admetam  non  loquù  En  particulier 
je  prouveray  cela  demonftrativement 
contre  le  Commentateur  Fhilojbphiquc ,  & 
par  fes  propres  écrits.  Pour  cet  effet  il 
faudra  que  la  dernière  Comète  r  eparoiffe 
à  nos  yeux,  mais  il  n'en  faudra  rien  crain- 
dre. Au  refte  cette  Hiftoire  du  Kouakerif- 
me  peut  pafièr  pour  une  véritable  apolo- 
gie de  la  Religion  Chrétienne,  en  mon- 
trant la  neceffité  qu'il  y  a  de  l'embraffer 
telle  que  Jefus  fils  unique  &  Eternel  de 
Dieu  3c  de  même  nature  que  luy ,  &  vrai 

Dieu 


PREFACE. 

Dieu  auûY  bien  que  luy,  &  un  Dieu  bénit 
éternellement,  leion  i'£fpritde ramifi- 
cation, &  fils  de  David  &  de  Marie  fëlon 
la  Chair,  nous  l'a  enleignée  luy  même 
pendant  ra  vie  mortelle  icy  bas,  & 
pour  le  foutiende  laquelle  Religion  il  a 
ibufert  la  mort  infâme  de  la  croix;  telle 
que  res  Apôtres  nous  l'ont  prêchée  par 
fon  ordre ,  telle  que  les  livres  de  l'Evan- 
gile nous  la  reprefèntent,  &  telle  enfin 
que  la  tradition  confiante  &  perpétuelle 
de  t'Eglife  de  J.  C.  l'a  fait  palier  jurques 
a  nous.  Cartoutlemyfterede  l'Apofta- 
fie  Kouakerienne  coniîfie  à  infyirer  du 
mépris  pour  cejefiis  fils  de  Dieu  &  fils  de 
Marie ,  Dieu  &  homme  tout  enfemble  i 
&  le  médiateur  &  rédempteur  des  hom- 
mes par  le  prix  de  fon  fang  précieux  pour 
oejefos,  dis-je,corporel  &  luteralA  pour 
toute  ra  Religion  telle  que  la  lettre  de 
l'Evangile  nous  le  propoic;  &à  le  me- 
tamorphofer  en  je  ne  rçai  quel  Chrift 
fpirituel ,  univerfel ,  &  chimérique ,  au- 
quel le  vrai  Jelus  ni  res  Apôtres  n'ont  ja- 
mais pente ,  Se  qui  n'eft  qu'un  renver- 
rement  entier  &  diabolique  du  vrai 
Ghriftianifine. 


HISTOI- 


HISTOIRE 

ABREGEE 

DELA 
Naiflance  6c  du  Progrcz  du 

KOUAKER I SME. 

AVEC 


Celle  de  fes  Dogmes. 


CHAPITRE  PREMIER. 

George  Fox  Autheur  des  Kouakres. 
Cefl  Mahomet  refufche.  Con- 
formité' du  Kouakcrifme  avec  le 
Mahometifme. 

^J|E  Leâeur  ne  trouvera  pas 
Ml  .mauvais,  je  m'aifeure,  iï 

(ê^i avant  ^uc  ^'entrcr  dans 

l'examen  desDogmes  par- 
ticuliers des  Kouakres ,  je 


fais  ici  en  peu  de  mots  THiftoire  de 
A  l'Origi- 


2,  Histoire 

f  origine  de  cette  maudite  à  damnabïe 
Secte,  &  que  je  croi  être  le  dernier  ef- 
fort du  Démon  pour  perdre  le  nom 
Chrétien.  Iî  y  a  environ  48  ans  qu'elle 
a  commencé ,  &  c'eft  dans  l'Angleter- 
re qu'elle  a  pris  naiffance. 

Il  n'y  a  perfonne  qui  ne  fâche  que 
les  Anglois  généralement  parlant  ont 
beaucoup  de  panchant  à  la  mélancolie, 
&  qu'ai nfï  ils  font  -d'un  tempéraments 
*raire  des  Enthoufiaftes  ,  des  Phanati- 
ques  &  des  Fous.  Auffi  n'ont  ils  ja- 
mais manqué  des  uns  &  des  autres. 
Toute  rifle  e(l  pleine  de  ces  Anaba- 
tiftesàvifions  à  à  révélations,  &qui 
le  donnent  une  liberté  toute  entière  de 
reformer  la  Religion ,  &  l'Etat  même. 
Le  Kouakcrifrné  n'eft  à  bien  parler 
qu'une  Secle  d'Anabatiftes  ,  fort 
iemblables  quant  aux  vidons,  aux  révé- 
lations, &aux  inlpirations ,  aux  pre- 
miers Anabaptiftes  de  Hollande  &  de 
Murîfîef .  Et  tous  ceux  qui  connoiffënt 
à  fond  cette  Secte  là ,  &  qui  fçàvent 
auffi  ce  que  font  les  Illuminez  d'Efpa- 
grie  demeurent  d'accord  que  c'eft  une 
même  chofe.  '  9 

Si  l'Angleterre  n'a  jamais  manqué 
de  vifionaires ,  elle  n'a  jamais  manqué 
de  fous  non  plus.  Ses  plus  beaux  hôpi- 
taux ne  font  que  des  Morïhih)  c'eft  à 

dire 


RU  K  O  U  A  K  E  II  I  S  M  E .  3 

dire  des  petites  maifons ,  où  l'on  ren- 
ferme les  fous.  La  plupart  même  de 
fes  hôpitaux  ne  font  que  pour  les  fous , 
&  ne  font  remplis  que  de  fous ,  fans 
parler  de  ceux  qui  font  répandus  dans; 
toute  flfle ,  mais  que  les  familles  ca- 
chent &  renferment  chez  elles  pour  ne 
pas  publier  leur  honte  &  leur  ignomi- 
nie. Comme  les  Anglois  font  auffi  na- 
turellement fort,  gourmands  &  adon- 
nez à  leur  ventre ,  &  fur  tout  grands 
mangeurs  de  Chair,  qu'ils  dévorent 
toute  fanglante ,  il  n'eft  pas  ponible 
que  ce  fuc  groffier  &  terreftre  n'envoyé 
au  Cerveau  quantité  de  vapeurs  noi- 
res, qui  jointes  à  celles  de  leur  char- 
bon peftilentiel,  &  qui  infectent  per- 
pétuellement l'air ,  &  par  confequent 
les  poumons ,  ne  troublent  toute  l'œ- 
conomie  des  Efprits ,  ce  n'en  perver- 
ti {ïent  les  mouvemens  &  les  opéra- 
tions. C'eft  pourquoi  il  ne  faut  pas  s'é- 
tonner fi  toute  l'Angleterre  fourmille 
de  fous  &  de  fanatiques ,  de  gens  qui 
fe  noyent,  qui  fe  pendent  de  fang 
froid ,  &  qui  fe  coupent  la  gorge  pour 
le  moindre  fujet.  On  n'entend  parler 
auffi  par  tout  que  de  Virions,  de  Pro- 
phéties ,  &  d'Aftrologics.  Si  les  per- 
sonnes qui  ont  du  panchant  à  la  folie 
ont  quelque  pieté  &  quelque  connoif- 
A  2  fance 

: 


4  Histoire 
lance  des  chofes  de  la  Religion,  leur 
folie  &  leur  mélancolie  dégénèrent  en 
enthoufiafme ,  &  phanatiïme ,  eu  lon- 
ges, en  virions.  Dieu,  j.  C.  fon  fils 
bien  aimé,  fes  Anges,  fes  Apôtres 
leur  aparoillenr,  leur  parlent,  &  les 
avertirent  de  tout  ce  qui  doit  leur  arri- 
ver, &cela  avec  amant  de  certitude 
<^ue  Jeretnie  prediioit  le  fac  de  Jerula* 
ïerri  &  la  Captivité  des  Juifs.  Nous  en 
connoiflbns  de  cesfongeurs  &  de  ces 
viiionaires  ,  qui  au  relie  paroi  fient 
aflèzfages  &  allez  retenus,  mais  qui 
des  le  moment  que  vous  les  mettez  lur 
le  chapitre  du  Songe  &  de  la  Prophétie, 
le  découvrent  aufii-tôt  &  extravaguent 
i\  fort  que  vous  ne  fçavez  (i  vous  en  de- 
vez rire  ou  pleurer. 

Un  de  ces  nouveaux  Illuminez 
tomme  George  Fax  ou  le Renard ,  di- 
gne nom  de  ce  fameux  impofteur,  a 
-été  le  père  &  le  Fondateur  des  Koua- 
kres  ou  1  rembkurs.  Cet  homme  cft 
encore  vivant,  6c  iî  a  le  plaifîr  de  le 
voir  le  Patriarche  de  cette  nouvelle 
Secte.  G'eft  un  miierabîc  fans  lettres , 
lans  feience  &  fans  aucune  véritable 
pieté,  né  de  la  dernière  lie  du  peuple, 
fans  éducation,  ni  indruètion,  &  que  la 
fiupidité&la  bafièflë  de  fon  Elprit  fit 
reléguer  aux  champs  parmi  les  pour- 
ceaux , 


DU-KOUAKERIS  M  E«  f 

ceaux,  pour  en  être  le  porcher.  Eu 
.effet  il  les  garda  fort ^  long-temps. 
Mais  comme  ie  régne  Tyrrauique  de 
Cromwel  étoit  un  régne  d'indepeii- 
dantifrne,&  où  l'on  le  croyoit  tout  per- 
mis en  matière  de  Religion,  le  porcher 
s'ennuya  de  garder  fes  pourceaux ,  & 
voulut  devenir  Prophète,  à  l'iniita- 
tion  d'un  Amos  qui  de  bouvier  devint 
Prophète.  11  quitta  donc là  porcherie, 
&  fc  mit  à  courir  les  Champs,  arrê- 
tant les  palTans ,  &  ceux  qui  le  vou- 
loicnt  bien  écouter ,  &  leur  difant  que 
Dieu  Tav  oit  envoyé  pour  exhorter  le 
monde  à  la  pénitence  ,  au  recueille- 
ment &  a  renoncer  à  eux-mêmes  pour 
écouter  la  voix  &  la  lumière  intérieu- 
re de  Dieu  qui  les  enfeignoit.  11  n'y  a 
point  encore  la  de  mal;  auffi  le  fou- 
froit-on  prêcher  patiemment. 

Pendant  qu'il  court  ainli  l'Angle- 
terre, irrencontre  une  vefve  de  Juge 
de  Paix  allez  bien  faite  &  fort  riche  , 
qui  le  voyant  gros  &  gras  &  robafte  de 
là  perfonne,  fc  perfuada  qu'il  valoir 
bien  la  peine  d'être  acheté.  Elle  en  de- 
vint amoureufe;  Et  nôixe  fin  Renard 
fçût  fi  bien  l'engager  tout  ruftaut  qu'il 
fût  qu'il  l'obligea  à  Tépoufer.  Il  ne 
manqua  pas  de  faire  à  croire  à  cette 
femme  qu'il  étoit  inipiré  de  Dieu,  & 
A  3  ^ ll 


S  Histoire 
qu'illedeftinoità  une  œuvre  extraor- 
dinaire. Il  ne  lui  parloir  que  dcJLw- 
toUrtt  ôc  d'Efprh,  &  contrefaiibit  fi 
bien  l'homme  infpiré&  agité  de  Dieu 
par  fesfoûpirs,  par  fes  trembîemens 
de  Corps  ,  (  &  c'eft  de  la  qu'on  leur 
Pà  donné  le  nom  de  Quaker ,  e'eft  à 
dire  Uremblmr,  )  oc  par  Tes  oraifbns  eja- 
culatoires,  qu'à  la  fin  elle  donna  dans 
le  panneau,  &  lui  abandonna  tous  fes 
biens  pour  en  faire  comme  il  jugeroit 
à  propos.  Etluis'enfervit  à  faire  des 
Difcipks.  Ainfî  il  attira  fous  prétexte 
de  Charité  quantité  de  païfens  &  de  mi- 
ferables,que  laneceifîté  auroit  fait  Ma- 
iwmtam  auffi-bien  que  Trcmblcurs. 

Il  me  femble  que  voilà  quafi  l'Hi- 
ftoirc  de  Mahomet.  C'efi:  un  mile- 
table  efclave  qui  garde  les  troupeaux 
aux  champs,  qui  a  la  paffion  de  deve- 
nir Prophète.  Le  deftin  lui  fait  trou- 
ver une  riche  maîtreflè  qui  l'époufe 
après  la  mort  de  fon  mari.  Il  lui  fait 
acroire  que  le  mal  caduc  dont  il  eft 
tourmenté  eft  un  effet  de  l'agitation 
du  St.  Efprit,  qui  lui  parle  intérieure- 
ment. Ilfefertdesbiensde  là  femme 
pour  faire  des  Sénateurs,  &  pouffe 
ainfi  fa  fortune.  11  y  a  beaucoup  de 
gens  parmi  les  Trembleurs  ,  qui 
Croycnt  laoréexijlcncc  t  la  tranjhiyrra- 


DU  KOUAKERISMF.  7 

tipn  des-  amzs.  S'ils  veulent  réfléchir 
tant  foit  peu  fur  f  hiftoire  de  leur  F  ox , 
ils  n'auront  pas  grand  peine  à  croire 
que  famé  du  Prophète  Arabe  a  voulu 
reparoître  au  monde  dans  le  Corps  & 
dans  la  perlonne  de  nôtre  Renard. 

Mais  parce  que  la  fituation  des  affai- 
res du  monde*  &  fur  tout  l'Etat  de 
l'Angleterre  ne  permettoit  pas  qu'il  fe 
fervît  des  armes  &  de  la  guerre  comme 
autrefois  parmi  les  Arabes,  il  a  jugé 
qu'ilétoità  proposée  changer  de  bat- 
terie, &defefervirde  la  peau  de  Re- 
nard en  attendant  qu'on  puiife  avoir 
celle  de  Lyon.  D'ailleurs  le  fuccez 
tragique  des  Ènthoufiaftes  de  Mun- 
(ter  &  du  refte  de  l'Allemagne  font 
rendu  fage. Sans  cela  nous  verrions  au- 
tant de  Pvois  Anabaptiftes  &  fanatiques 
que  de  Villes  où  il  . y  aaroit  des  Koua- 
kres,  &  qui  s'y  pouroient  canton- 
ner. Pcn  le  feroit  Roy  de  Londres, 
auffi-bien  que  de  fa  Philadelphie ,  Bar- 
clay fe  feroit  Roy  d'Edimbourg  ,  & 
Furlhy  deRotterdam.Certainernentje 
ne  voirien  de  fi  conforme  à  Mahomet 
que  Fox,  ni  de  Religion  auffi-plus 
aprochante  du  Mahometifme  que  la 
fiea-ne.  Il  eft  confiant  qu'ils  tiennent 
les  Mufalmans  pour  meilleurs  Chré- 
tiens que  tous  ceux  qui  portent  le 
A  4  nom 


8  Histoire 

nom  de  Chrétien.  Et  ils  n'en  exclu- 
roieat  aucun  de  leur  Secte ,  pourveu 
qu'il  en  adoptât  les  marques  extérieu- 
res ,  &  iï€  parlât  que  d'Elpn't  &  de  Lu- 
mière. Au  cdntraiaë  ils  feroient  les 
très-bien  venus,  &  leurs  plus  chers 
amis.  Car  ils  ne  difènt  jamais  que  tu  & 
toy ,  même  à  leur  Prince ,  &  ils  ne  fè 
decoëfent  jamais  pour  (àluërqui  que 
ce  fok.  lis  ne  veulent  pas  non  plus 
Batifer  ni  faire  la  Cene.  Er  n'eft-ce 
pas  le  Kouakerilme  tout  pur?  Vous 
me  diiez  quej'ay  tort  de  dire  que  Fox 
éîëk  un  fin  Renard ,  puifque  je  l'ai  re- 
preiënté  comme  un  grolîier  &  un  ftu- 
pide.  Mais  ne  fçait  on  pas  que  les  plus 
grolîier  s  réiUMent  quelque  fois  mieux 
dans  leurs  deflèins  que  les  plus  fub- 
tiîs  ?  Ce  qui  arrive  parce  qu'on  les  mé- 
prife  d'abord ,  &  qu'on  les  laille  faire 
dans  la  penfée  qu'ils  ne  feront  rien  qui 
vaille. 

Outre  cela  le  Démon  fe  fert  de  ces 
organes  pour  mieux  jouer  fon  jeu ,  & 
les  trouvant  propres  il  ne  manque  pas 
de  leur  inlbirer  tous  les  moyens  qui 
peuvent  avancer  fes  deflèins.  QuM'qii s 
ces  malheureux  n*  fuient  que  des  enfàw 
de  Ténèbres ,  ils  font  plus  païens  néan- 
moins dans  ce  quils  entre  Vrenmw;  que  les 
en/ans  de  Lumière. 

Enfin 


D  U  KOUAKE  R  I  S  M  E.  9 

Enfin  qui  ne  fçait  que  les  dcflcins 
les  plus  groffiers  reufiffcnt  quelquefois 
mieux  que  les  mieux  concertez  &  les; 
piusfpecieux?  Eil-ii  rien  par  exemple 
de  plus  groffier  que  la  Prophétie  de 
Mahomet  i  Voyez  cependant  comme 
les  circon (lances  des  tems,  des  lieux,  6c 
des  perfonnes  lui  ont  été  favorables , 
&quei  iliccez  il  a  eu  ?  Eft  il  rien  de  û 
iniènfé  que  les  dogmes  de  l'ubiquité 
du  Corps  de  J.  C  &  de  la  preience 
réelle  de  ce  Corps  dans  un  mor- 
ceau de  pain  ?  voyez  néanmoins  com- 
bien de  peuples,  &  de  Gens  doctes 
même  donnent  la  dedans  ? 


CHAPITRE  II. 

Quelles  autres  caiifes  ont  contribue 
rétMijfementdu  Koualzerifme. 

OUtre  les  divifions  de  l'Angleter- 
re fous  laTvrannic  de  Cromwel 
&  la  liberté  de  Prophetifcr,&  de  fonger 
&  d'avoir  des  vifions,  qu'il  donnent 
a  un  peuple  enclin  naturellement  a  ces 
chofes,  afinderamufer,  &  dominer 
cependant  avec  affeurance,  je  trouve 
cinq  chofes  qui  ont  extrêmement  cou; 
■  A"  S  tr*ue 


îo  Histoire 

tri  bue  à  Fétabîilîèmeàt  de  cette  Secte. 

La  première  a  été  la  grande  apparen- 
ce de  pieté  que  Fox  &  Tes  Sectateurs 
montroient  au  commencement ,  cela 
fkifeït  croire  que  Dieu  les  infpiroit 
effectivement,  comme  fi  les  Anges -  & 
ies  Apôtres-  de  Satban  ne  fçavozent  pas  fe 
tr  an  for  mer  en  Apôtres  de  Chrifi  &  en  An- 
ges de  Lumière, 

La  féconde  a  été  le  chagrin  &  la 
îaffitude  qu'on  avoit  des  diiputes  de 
Religion  entre  les  Epifcopaux  &  ies 
Presbytériens ,  &  tant  d'autres  Sectai- 
res dont  fourmille  l'Angleterre ,  les 
Kouakres  retranchant  tout  cela  tout 
d'un  coup^  &  ne  s'attachait ,  di- 
îbiënt  ils  ,  qu'au  pur  efprk  du  Chiftra- 
nifme.  Ce  qui  n'a  pas  empêché  qu'ils 
ne  foient  venus  à  difputer  tout  comme 
les  autres  dans  la  fuite  du  temps. 

La  troifîéme  a  été  cette  liberté 
charmante  accordée  à  chaque  parti- 
culier de  fe  dire  Prophète ,  &  illuminé 
&  infpiré  immédiatement  de  Dieu ,  & 
fur  cela  de  débiter  les  virions  &  les  chi- 
mères de  fon  cerveau.  Rien  ne  pou- 
voit  flatter  davantage  l'Efprit  Anglois , 
-&  l'engager  dans  le  Kouakerifme. 

La  quatrième  a  été  l'orgueil  qui  eft 
encore  la  palîîon  dominante  de  la  Na- 
tion,  qui  croit  être  née  du  fang  des 

Dieux 


BU  KOUÂK  ER  I  SME.  Il 

Dieux  au  prix  du  relie  des  mortels, 
pour  qui  quels  qu'ils  foient  ils  n'ont 
que  du  mépris  &  de  l'averfion.  Ce 
qu'ils  ne  font  que  trop  paroître  par  la 
manière  barbare  &  brutale,  avec  la- 
quelle ils  reçoivent  les  étrangers  chez 
eux  ,  qu'ils  ne  traitent  pas  comme 
amis  ,  mais  comme  ennemis  ,  fans 
hônêteté,  ni  civilité ,  ni  douceur ,  &  à 
qui  même  ils  font  payer  tribut ,  tant  en 
entrant  qu'en  fortant.  Or  quel  orgueil 
plus  grand  que  de  n'ôter  pas  fon  cha- 
peau devant  qui  que  ce  foi  t,  non  pas 
même;devant  leRoy?Quei  orgueil  que 
de  le  tïaiter  de  tu  èr  toy ,  de  pair  à  pair  ? 
Quel  orgueil  que  de  fe  vanter  d'être 
immédiatement  envoyez  de  Dieu 
pour  les  reprendre  de  leur  mauvaile 
conduite  ,  &  de  leur  parler  d'un  ton 
auffi  fier  &  auffi  hardi  que  iî  c'étoit 
Jefus-Chrit  qui  leur  parloit  ? 

La  cinquième  a  été  l'adrefiè  d'avoir 
Fçû  engager  particulièrement  les  fem- 
mes dans  la  Seâe ,  en  leur  donnant  la 
liberté  de  prêcher  publiquement,  & 
de  fe  dire  Prophetcfiès.  L'on  fait  affe£ 
la  demangeaifon  qu'elles  ont  naturel- 
lement déparier.  Rien  donc  ne  pou- 
voit  mieux  les  engager  que  cette  liber- 
té que  Fox  leur  donnoit.  AulTi  ne 
manquent  elles  pas  de  s'en  prévaloir 
•     >  A  6  conr 


Histoire 


comme  il  faut.  Car  pour  un  Prophète 
&pour  un  Prédicateur  du  genre  maf- 
culin ,  il  y  en  a  cent  du  féminin ,  tant 
il  eft  vrai  que  c'eft  Dieu  &fon  Efprit 
qui  les  agitent.  Car  apparemment  il 
doit  préférer  un  fexe  à  l'autre.  Parla 
les  femmes  deviennent  maltreffes  de 
leurs  maris  ,  &  en  fecoiient  le  joug 
impunément ,  mais  qu'elles  prennent 
garde  que  l'cfprit  marital  ne  fe  réveil- 
le ,  &  n'oppofe  vifion  à  vifion ,  &  pro- 
phétie à  prophétie.  Gar  alors  le  fort 
l'emportera  fur  le  foibic,  &  il  y  aura 
grand  danger  que  le  fexe  ne  foit  obligé 
de  rentrer  dans  fon  devoir  &  dans  fon 
état  naturel. 


CHAPITRE  III. 


T  Es  femmes  Kouakeriennes  ont  fçû 
fi  bien  fe  prévaloir  du  droit  d'in- 
fpiratîon  qu'elles  ont  érigé  des  Con- 
grégations ,  où  il  n'y  a  qu'elles  qui 
parlent  &  qui  prophetifent.  Je  m'ima- 
gine que  ;ç'cff  quelque  chofe  de  beau 


avoir 


DU  KOU  AKERiS  ME.  13 

avoir  que  ces  femmes  ainfi  allemblées, 
nous  l'avons  veu  &  nous  le  voyons 
tous  les  jours ,  non  dans  leurs  parti- 
culières Congrégations ,  mais  dans  les 
ordinaires ,  où  on  leur  donne  toute 
liberté  ;  c'eft  à  qui  fe  lèvera  la  première 
pour  s'emparer  du  bureau  %l  pour  pro- 
phetifer.  Et  quand  quelqu'une  le  tient 
c'ell  aOeurement  pour  long-temps. 

Les  hommes  ont  voulu  diliiper  ces 
Congrégations  feparées,  mais  où  leur 
a  oppoie  f  Efprit  qui  les  avroit  établies , 
&  il  n'y  a  point  eu  de  réplique  à  cela. 
Ils  y  ont  voulu  entrer,  alléguant  que 
puis  qu'ils  permettoient  bien  aux  fem- 
mes de  venir  dans  les  leurs  &  d'y  par- 
ler ,  on  dévoie  auffi  permettre  aux 
hommes  de  venir  dans  celles  des  fem- 
mes &  d'y  parler.  Mais  point  de  nou- 
velle. Le  St.Efprit  a  fuggeré  le  con- 
traire. 

Les  maris  pouvaient  infifter ,  &  dire 
auffi  que  le  St.  Efprit  leur  diftoitd'y 
aller  &  d'y  parier.  Mais  il  ne  faut  pas 
fitôt  faire  combattre  le  St.  Efprit  con- 
tre le  St.  Efprit,  ni  donner  aux  Anti- 
Kouakers  le  plaifir  de  voir  la  divifion 
dans  cette  nouvelle  Babel.  Il  faut  donc 
prendre  patience  &  foufrir  quelque 
temps  l'empire  des  femmes  ,  &  leur 
iurifdiâion  bâtarde. 

A  7  Ce 


14  Histoire 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  divcrtiilànt,  c'eft 
que  tous  leurs  mariages  doivent  palier 
par  leurs  mains,  fans  cela  il  ne  s'en 
fait  aucun,  ii  faut  que  celui  qui  recher- 
che une  tille  ie  preiente  devant  ce  nou- 
veau Sénat  avec  lamaitrefie,  ocpafiè 
par  1  examen  avant  qu'on  conclue  fon 
mariage.  Si  par  hasard  ou  par  malheur 
il  n'agrée  pas  à  quelqu'une  des  Prophe- 
teflès ,  le  St.  Eiprit  renvoyé  le  pauvre 
galant  chez  lui  fans  maitreUe ,  &ibu- 
vent  même  fans  efperance  d'en  retrou- 
ver une  autre  après  un  refus  fi  public  & 
fï?  honteux.  En  recompenfe  fi  la  fille 
n'agrée  pas  aux  hommes,  devant  qui 
il  raut  auffi  fe  prefcnter  ,  ils  la  ren- 
voyent  chez  elle  fins  galant.  Et  elle 
doit  s'afïèurer  que  ce  premier  refus  re- 
butera tous  ceux  qui  auroient  pu  avoir 
defTein  de  la  rechercher.  Etc'eftainfi 
que  l'Efprit  des  Prophètes  eitfoûmis 
aux  Prophètes. 

Les  femmes  interrogent  le  galant 
pourquoi  il  recherche  fa  maîtreflë  en 
mariage.  Et  s'il  eft  affcz  fimpîepour 
répondre  que  c'elî  parce  qu'il  la  trou- 
ve belle  ou  jolie  ,  &  à  fon  gré  ,  ou 
parce  qu'elle  a  du  bien  ,  on  lui  déclare 
auffitôt  que  ces  motifs  de  la  chair  &  du 
fang  ne  vallent  rien ,  &  qu'il  doit  at- 
tendre que  Dieu  lui  en  inlpire  de  meil- 
leurs. 


DU  KOUAKERISME.  1$ 

leurs.  Les  hommes  demandent  la  mê- 
me chofe  aux  filles-,  &  II  elles  répon- 
dent qu'elle  aiment  un  tel  &  un  tel  par- 
ce qu'il  a  du  bien,  qu'il  eft  bien  fait, 
&  propre  aux  devoirs  du  mariage ,  on 
leur  reprefente  que  des  Kouakres, 
c'eft  à  dire  des  hommes  tout  fpiritueis 
ne  font  pas  lùfceptibles  de  ces  fortes 
de  parlions  balles  &  animales ,  qu'ainfi 
elles  doivent  prier  Dieu  que  fon  Efprit 
vienne  les  purifier,  &leur  infpirer  de 
meilleurs  motifs  que  ceux  qu'elles  ont 
découvert. 


CHAPITRE  IV. 
Divifîon  parmi  les  Kouakres. 

I'Ai  appris  que  la  divifîon  s'eft  mife 
parmi  eux  il  y  a  quelque  années ,  & 
qu'il  y  en  a  qui  foûtiennent  que  c'eft 
une  folie  d'attendre  à  tout  moment 
que  le  St.  Efprit  vienne  vous  dire  à 
l'oreille  ,  faites  ceci  ou  cela,  priez, 
prêchez,  exhortez, &c.  &  qu'il  fuffi.c 
d'avoir  une  véritable  affeurançe  que 
vous  êtes  régénérez ,  &  que  Dieu  vous 
a  appelle  à  faire  les  fondons  du  mi- 
niftere.  Et  ils  ont  raifon,  mais  c'eft 


16  Histoire 
auffi  ruiner  le  fondement  unique  du 
Kouakerifrnc,  &  eu  difiiper  peu  à  peu 
les  illufions.  il  y  en  a  même  qui  ioû- 
tiennent  qu'il  n7eit  nullement  necef- 
faire  d'avoir  une  révélation  ou  infpi- 
ration  linguliere  pour  tout  cela,  & 
qu'il  fuffit  que  Dieu  vous  ait  donné  les 
dons  &  les  talens  neceflàires  pour 
vous  en  bien  acquitter,  pourveuque 
vous  y  joigniez  une  véritable  pieté.  Et 
cela  eit  encore  vrai,  mais  c'ell  tout  à 
fait  faper  les  principes  de  la  Secte,  & 
la  ramener  au  droit  chemin.  Le  Nord 
de  l'Angleterre  eft  tout  plein  de  ces 
Kouakresîà,  &  ceux  de  Londres  les 
regardent  comme  des  excommuniez. 

Je  ne  doute  point  que  Dieu  ne  dé- 
truite amfi  la  Seâe  par  elle-même  >  & 
qu'il  ne  fufeité  des  gens  parmi  eux  qui 
en  recpnnoifïànt  I'impoflure  n'en 
adouciflènt  les  Dogmes ,  &  ne  les  faf- 
fent  revenir  à  ceux  des  autres  Chré- 
tiens. Car  enfin  toute  fiante  que  le  Père 
Celefte  n*a  point  plantée  fera  arrachée 
jufcjrfà  la  racine. 

J'ai  fouvent  pehfé  en  moi-même  ce 
qui  pouvoit  porter  les  Kouakres  à  dé- 
fendre û  opiniâtrement  leurs  révéla- 
tions immédiates,  &  quel  étoitlebut 
où  ils  vouloient  venir  :  &je  ne  fçavois 
qu'en  dire.  Cependant  je  ne  pouvais 

croire 


DU  KOUAKERISME.  17 

croire  qu'ils  voulurent  fe  tenir  fi  fer- 
mes fur  ce  point  fans  avoir  quelque 
veuë  fecrete,  &  quelque  deflèin  pro- 
fond &  caché.  Car  enfin  je  veux  qu'ils 
ayent  des  révélations  immédiates ,  & 
tant  qu'il  leur  plairai  cela  n'aboutit  à 
rien.  Car  ces  révélations  ne  font  que 
pour  ceux  à  qui  elles  font  faites,  à 
moins  qu'on  ne  les  confirme  extérieu- 
rement par  des  miracles.  Sans  cela  je 
ne  fuis  nullement  obligé  de  croire 
qu'ils  en  ont.  je  ne  voyois  donc  pas  le 
rinde  leur  prétention. 

Mais  quand  j'ai  comparé  leur  opi- 
niâtreté fur  ce  point  là  avec  celle  des 
Catholiques  Romains  qui  infiftent  fi: 
fort  fur  la  ncceffité  des  traditions  non 
écrites,  afin  de  faire  paffer  à  la  faveur 
de  ces  Traditions  un  Purgatoire,  une 
TraniTubftantiation  ,  une  infallibihté 
Papale ,  &  le  refte ,  j'ai  découvert  que 
les  Kouakrcs  vouloient  bien  pofe'r  d  a- 
bord  la  neceffité  &  le  principe  de  leurs 
révélations  immédiates ,  afin  que  lors 
qu'on  en  feroit  une  fois  demeuré  d'ac- 
cord, on  les  laiiTât  faire  tout  ce  qu'ils 
voudroient  en  matière  de  Religion, 
établir  tels  Dogmes  qu'il  leur  plairoit , 
&  rejetter  tous  ceux  qui  leur  deplai- 
roient ,  à  la  faveur  de  leurs  prétendues 
révélations.  Voilà  où  ils  en  vouloient 

venir  ; 


1 8  Histoire 
venir;  &  où  ils  en  font  venus  en  effet. 
Et  ils  feroient  allé  bien  plus  loin  fi  Je 
péril  eminent  &  évident  que  caufoit 
cette  hypothefe,  &  fes  fuites  funeftes 
oc  mortelles  à  la  Religion  de  Jefus- 
Chrift  telle  qu'il  l'a  inftituée,  n'avoient 
arrêté  lesprogrez  de  ces  fanatiques ,  & 
fait  ouvrir  les  yeux  à  tout  ce  qu'il  y  a  de 
gens  de  bien  parmi  eux ,  &  dans  qui 
Jefus-Chrift  conferve  quelque  relie  & 
quelque  étincelle  de  fa  foy  &  de  fa  cha- 
rité. Les  fuites  de  leur  principe  al- 
loient  fi  loin  qu'elles  leur  en  ont  don- 
né de  l'horreur,  &  ont  fait  trembler 
les  Trembleurs  mêmes  ,  ceux  du 
moins  qui  n'ont  pas  encore  mangé  la 
Pâque  ,  c'eft  à  dire  renié  tout-à-fait 
Jefus-Chrift  la  Pâque  des  Chrétiens- 


CHAPITRE  V. 

Ce  que  c'eft  que  manger  la  Pâque  fé- 
lon les  Kouakres  fç  avant  s, 

A  Fin  de  fçavoirceque  c'eft  que  de 
•  ^  manger  la  Pâque  Chr&ienne  fé- 
lon les  Kouakres,  il  faut  fe  fouvenir 
que  leur  Seâc  eft  proprement  une 
branche  d'Anabatiftes ,  mais  d'Ana- 

batiftes 


DU  KOUAKERISME. 

batiftcs  rafinez  &  fpirituels  qui  rnépri- 
fant  la  lettre  6c  fécorce  de  la  Religion 
&  de  l'Ecriture  ,  c'eft  à  dire  en  bon 
François  fe  moquant  de  THiftoire  lit- 
térale &  réelle  de  Jefus  -  Chrift  ,  de 
fa  Vie  ,  de  fa  Mort ,  de  fa  Refur- 
reâion ,  &  de  fon  Âfïcenfion  au  Ciel , 
ne  s'attachent  qu'à  la  moiielle  &  à  l'Ef- 
prit  qui  donne  la  vie ,  c'eft  à  dire  qui 
tournent  toute  l'Hiftoire  de  Jefus- 
Chrift  en  pure  allégorie  :  &enunfens 
miftique ,  dont  tout  le  fin  coniifte  à  vi- 
vre en  Trembleurs ,  &  à  fe  croire  les 
•feuls  élus  &  les  leuls  parfaits- 

Un  certain  Henri  de  Nicolas 
d'Amfterdam  eft  celui  qui  a  le  plus 
travaillé  à  fpiritualifer  ainiî  toute  la 
Religion  Chrétienne,  dans  le  deflein 
de  l'abolir  fous  main  ,  &  fous  le  pré- 
texte du  St.  Amour  ,  dont  il  fe  van- 
toit  d'être  le  reftaurateur  par  l'étabîif- 
fement  de  la  Société ,  qu'il  apella  la 
famille  du  St.  Amour  r  &  où  perfonne 
n'étoit  admis  qu'il  ne  renonçât  à  la 
lettre  &  à  fécorce  de  l'Ecriture,  &à 
la  Chair  de  Jcfus-Chrift  :  c'eft  à  dire 
en  bon  François  qui  ne  reniât  Jefus- 
Chrift  afin  d'ail  egorifer. 

Quand  Fox  parut  &  fe  mit  à  prêcher 
la  lumière  intérieure,  il  y  eut  planeurs 
de  ces  familiftes  qui  fe  joignirent  à  lui , 

ce 


20  Histoire 

&  comme  c'étoient  des  fourbes  rufez 
lis  lui  firent  croire  que  leur  Efprit  &  le 
iienfympatifoicnt,  &  n'étoient  qu'un 
même  Efprit.  Ce  furent  eux  qui  lui 
aprircnt  à  batifcr  du  nom  de  Chrift 
cette  lumière  intcykure  à  la  voix  de  la- 
quelle il  rapelloit  tous  les  hommes ,  & 
quîn'cft  autre  chofe  que  nôtre  propre 
raifon,  nôtre  ame,  ou  nôtre  elprit, 
en  tant  qu'éclairé  de  certaines  notions 
qui  font  uni  verfelles ,  où  dans  tous  les 
hommes.  C'étoit  déjà  lui  faire  faire  un 
grand  pas  pour  détruire  tout  le  fond  du 
Chnfîianifme ,  &  faire  de  Jefus-Chrift 
une  pure  chimère. 

Apres  ce  pas  ils  en  lui  en  firent  faire 
un  autre  qui  étoit  que  précisément  par- 
lant la  connoifîance  de  la  lettre  &  de 
l'Hiftoire  de  j.  G.  n'étoit  nullement  ne- 
ceiïàire  au  falut ,  non  feulement  eu 
égard  aux  peuples  qui  n'en  ont  jamais 
oui  parler  ,  mais  même  à  ceux  qui 
flaiflènt  &  qui  vivent  parmi  les  Chré- 
tiens, parce  qu'il  fuffit  de  s'attacher  à 
la  moiielie  &  à  l'Efprit  de  Chrift,  & 
que  c'efl  FEffrit  ficul  qui  vivifie.  Car  la 
lettre  tuë9  &  la  chair  ne  fie  aux  oit  vivi- 
fier. Au  contraire  ce  qui  cft  né  de  la 
chair  cft  chair,  c'efl  à  dire  mortel  & 
corruptible,  &  il  faut  crucifier '&  mor- 
tifier la  chair  9  aria  que  l'Efprit  feul  ré- 
gne 


DU  KOU^KERISME.  2Î 

gne  &  agi  lie.  Et  ce  fécond  pas  efc  une 
lùite  du  premier.  Car  fi  îe  vrai  Ghrift , 
le  Chrilt  vivifiant  &  ialutaire  n'eu:  à 
nôtre  égard  que  cette  lumière  intérieu- 
re qïu 'çft  au  dedans  de  chacun  de 
nous  5  comme  il  eft  certain  &  évident 
que  cette  efpece  de  Chrift  ne  refiemble 
en  quoique  ce  foit  au  Chrift  littéral  & 
corporel  de  l'Evangile,  &  ne  nous  en 
aprënd  rien  naturellement  ,  il  s'enfuit 
de  là  manifestement  qu'il  ne  fe  faut  pas 
beaucoup  mettre  en  peine  de  l'E- 
vangile ni  du  Chntfiamfme  tel  que 
l'HiftoirédeJ.  C  nous  le  reprefente. 
Et  de  là  eft  vernie  toute  V Apoftafie 
Kouakeriennc ,  que  les  habiles  &  les 
initiez  d'entre  eux  appellent  la  man- 
da cation  de  la  Pâque.  Car  félon  ces 
hypothefes  qu'il  faut  lailler  là  la  lettre 
&  l'écorce  de  l'Ecriture  &de  1  niftoi- 
re,  &  fe  défaire  de  la  chair ,  y  renon- 
cer &  la  crucifier  ,  afin  de  ne  s'atta- 
cher qu'à  l'Elbrit,  la  véritable  célé- 
bration de  la  Pâque  avec  J.  C.  ou 
manger  J.  C.  PAngncau  [ans  tâche 
confifte  à  immoler  fa  chair,  à  la 
crucifier  à  mettre  J.  C  au  tombeau , 
&  à  ne  le  plus  connoître  félon  la 
chair,  mais  feulement  félon  l'Efprit, 
c'efi  à  dire  à  fe  moquer  de  la  mort  vé- 
ritable de  J.  C&  à  y  renoncer.  Nous 

voici 


^..Histoire 

voici  mfenfiblement  venus  à  l'examen 
des  dogmes  particuliers  à  cette  Seâe 


CHAPITRE  VI. 

Le  Kouakerifme  anéantit  U  fer* 
fonne  de  f.  C. 

T  E  premier  Chef,  comme  vous 
-      voyez  du  Kouakerifme  attaque 
la  Perfonne  même  de  J.  C.  qu'ils  nient 
être ,  ou  avoir  été  un  véritable  homme 
compofë  de  chair  &  de  fang.  Et  en 
confequence  de  cette  impieté  il  y  en  a 
eu  qui  ont  impudemment  ioûtenu 
dans  des  Conférences  publiques ,  & 
même  dans  des  livres  qu'il  n'a  pu 
Mourir,  ni  être  Crucifié,  niparcon- 
fequent  auhl  Rellùfciter  des  mort  s ,  & 
que  toute  l'hiftoirede  la  Crucifixion, 
de  la  Mort,  de  la  Sépulture  &  de  la  Rc- 
fure&ion  de  J.  G  n'eft  qu'un  emblème 
de  ce  qui  fe  doit  faire  en  nous  fpirituel- 
lement.  Il  n'y  a  point  la  de  calomnie , 
car  on  voit  encore  de  leurs  livres  An- 
glois  où  ces  impierez  paroiflènt.  Et 
ils  n'ont  jamais  dit  Anatheme  aux 
familiftes  du  St.  Amour ,  encore  moins 
les  ont  ils  chaffésde  leurs  alTemblées. 

Au 


BU  KOUAKERISME.  2J 

j    Aureftejen'envclopepasle  (impie 
peuple  dans  cette  impiété,  ni  quanti- 
té d'autres,  mais  feulement  ceux  qui 
en  font  les  Chefs  &  les  Conducteurs, 
&  qui  s'imaginent  poffeder  le  fin  du 
Kouakeriûne.  ïlsdifentàla  vérité  de 
bouche  que  J.  G.  eft  Mort,  Refiùfci- 
té,  &  monté  au  Ciel,  mais  ils  l'en- 
tendent comme  il  leur  plaît.  Le  Chrift 
qui  eft  mort ,  qui  a  été  cloué  à  la  croix , 
&  qui  a  été  enfeveli,  c'eft  le  Chrift 
charnel ,  c'eft  à  dire  l'homme  de  chair 
&  de  fang ,  le  péché.  Et  ce  Chrift  la 
eft  demeuré  cloué  à  la  croix,  &  dans  le 
tombeau ,  pour  faire  place  au  Chrift 
fpirituel ,  ou  au  Chrift  Efprit ,  &  Lu- 
mière, à  l'Homme  nouveau,  l'A- 
dam Celefte  qui  eft  l'Efprit  vivifiant.Et 
ce  Chrift  n'eft  autre  chofe  que  nôtre 
propre  régénération ,  ou  nôtre  Efprit 
entant  que  renouvelle  ,  &  renouveî- 
lé  à  la  Kouakerienne ,  en  forte  qu'il 
eft  monté  au  Ciel  &  qu'il  règne  fur  tout 
l'univers ,  qui  de  plain  droit  apar  tient 
aux  Kouakres  feuls. 

Et  ne  penfez  pas  qu'ils  expliquent 
cela  allegoriquement,  j e  veux  dire  qu'il 
ne  faut  pas  s'imaginer  que  les  Trem- 
bleurs  expliquent  allegoriquement  cet- 
te nailfance  deJ.C.  dans  nos  cœurs ,  la 
nouvelle  formation  du  fécond  Adam  „ 

& 


24  Histoire 
&  la  mort  du  vieil,  point  du  tout  ; 
ce  Chrift  qui  naît  dans  nos  cœurs  & 
qui  s'y  forme  de  nouveau  eft  un  Chrift 
réel ,  &  fa  formation  cft  une  véritable 
&  réelle  formation,  de  forte  que  ce 
qui  palTe  chez  les  autres  Chrétiens 
pour  une  véritable  allégorie ,  cft  pour 
eux  le  fens  propre,  comme  au  con- 
traire ce  qui  pafie  pour  fens  propre  par- 
mi nous ,  n'efl  pour  eux  qu'une  pure 
allégorie,  ou  une  action  parabolique 
&  emblématique. 

C'eft  pourquoi  vous  ne  trouverez 
jamais  dans  leurs  livres  qu'ils  propo- 
iênt  aux  Chrétiens  comme  des  points 
de  Foy  neceflàircs  au  falut,  la  mort 
deJefus-Chrift,  faRefurreâion ,  fon 
Afcenfion  au  Ciel ,  &  fon  retour  fur 
la  terre  pour  juger  les  Vivans  &  les 
Morts.  Et  quand  quelqu'un  le  dii oit, 
on  n'auroit  aucun  droit  de  l'attribuer 
à  fous  les  autres.  Car  ils  font  tous  li- 
bres également,  &  ils  ne  feraient  plus 
Kouakres  s'ils  s'aftreignoient  à  une 
certaine  profeffion  de  Foi. Cela  eft  con- 
traire à  la  liberté  de  l'Efprit,  &  ce  fe- 
loit  retourner  four  la  pédagogie  de  la 
Loy  ,  <fcr  aux  vains  &  yoibles  élcmcns 
de  ce  monde.  Ce  fer  oit  finir  par  la 
Chair  après  avoir  commencé  par  'CE- 

C'eft 


PU  KOUAK  ERlSME.  2£ 

C'eir  pourquoi  encore  quelques-uns 
d'entre  eux,  &  entre  autre  le- fameux 
Barclay ,  dans  fon  Apologie  pour  les 
Trembleurs  expliquent  la  glorifica- 
tion de  J.  C  comme  font  les  Ubiqui- 
taires  ;  qui  prétendent  que  l'Afianlion 
de  J.  C.  &  fon  exaltation  n'a  été  autre 
chofe  qu'une  difiùfion  ou  diflipatiom 
de  fa  fubftance  humaine  dans  tous  les 
çfpacesduCiel&delaTerre,  fi  bien 
que  par  cette  diiïblation  fon  humanité 
s'eft  comme  abîmée  dans  rinhnenfité 
de  l'effènce  Divine  du  Verbe,  &  ren- 
due prefente  par  tout.  Car  félon  les 
Ubiquitaires  &  Barclay  fi  j.  C  hom- 
me demeurant  en  fon  état  naturel 
d'homme  tel  qu'il  étoit  quand  il  mou- 
rut &  quand  il  refïùfcita,  c'eftàdira 
avec  un  Corps  greffier  &  borné  > 
avoij:  voulu  monter  au  Ciel ,  il  ne  fe- 
roit  pas  encore  à  moitié  chemin ,  iî 
n'auroit  pas  encore  paifé  les  étoiles 
fixes ,  quelque  rapide  qu'eût  été  fon 
tranfport. 

Enfin  je  pofe  en  fait ,  (  &  je  le  fçai 
de  fçience  certaine,  fans  me  nom- 
mer, ni  nommer  ceux  de  qui  je  le 
fçai)  que  fi  un  homme  qui  ne  croiroit 
point  du  tout  en  J.  C.  un  franc  Deïïle , 
s'adreflbit  aux  Kouakres,  &  leur  de- 
claroît  que  Dieu ,  que  la  lumière  inte- 
B  mw$% 


2.6  Histoire 
ricure,  la  parole  &  l'Efprit  lui  ont  ïtvj 
ipiré  de  s'unir  à  eux  parce  qu'il  cft  p&m 
fuadé  qu'ils  ont  l'Efprit  deDieU,&  que 
c'eft  la  l'unique  choie  neccliaire  au 
falut,  le  Chnll  Littéral ,  Hiftorique 
ou  Corporel  &  Charnel,  n'étant  que 
l'écorce  de  cet  Efprit  Divin  ;  non  une 
écorce  qui  le  cache  &  qui  le  contient, 
ipais  qui  ne  fait  que  Amplement  le 
figurer,  (ans  le  communiquer,  par-' 
ce  que  la  chair  ne  profite  de  rien ,  &  que 
PEJprit  feu!  vivifie  ,  qu'ainfi  ,  il  faut 
la  laiffir  là  :  je  pofe  en  fait,  dis-je,  qu'ils 
recevroient  un  tel  homme  à  bras  ou- 
verts ,  &  qu'ils  lui  feroient  croire  mal- 
gré qu'il  en  eût,  qu'il  croit  effective- 
ment en  J.  C  comme  il  y  faut  croire , 
parce  qu'il  a  l'Efprit  de  Chrift  habitant 
en  lui ,  &  parce  que-cet  Efprit  &  J.  C. 
ne  font  qu'une  feule  &  même  choie. 

En  effet  cela  eft  parfaitement  con- 
forme à  leurs  principes ,  &  en  eft  une 
fuite  neceflàire.  Car  ils  ne  diftinguent 
point  ce  Chrift  du  Verbe,  ni  le  Vérbe 
de  l'Efprit  de  Dieu,  ni  cet  Efprit  des 
lumières  de  la  droite  raifon.  Par  con- 
tinuent quiconque  obéît  à  ces  lumiè- 
res, il  obéît  au  véritable  Chrift,  &  à 
l'Efprit  de  Dieu.  C'eft  la  le  moyen 
d'étendre  leur  Secte  au  long  &  au  lar- 
ge, &  la  groffir  de  toutes  les  autres. 

C'eft 


bu  Kouak.eri.sme.  1J. 
ITeft:  Je  fecret  de  devenir  un  jour  les 
maîtres  du  monde  ;  &  puis  nous  ver- 
rons fi  l'Efprit  de  Munller  ne  revivra 
;>as  dans  les  aigneaux  d'aujourd'hui , 
^ui  ne  le  font  que  parce  qu'ils  ne  peu- 
vent être  des  Lyons. 


CHAPITRE  VIL 

Les  autres  Chefs  du  îCouakerifme^ 
Les  Komkres  nient  le  mjjiere  de 
la  Trinité. 

T  E  fécond  Chef  de  V  A'poflafie  de  ces 
'  malheureux  eft  de  nier  le  myftere 
adorable  de  la  tres-Sainte  Trinité  :  qui 
confifte  félon  la  confeffion  de  tous  les 
Chrétiens  Ortodoxes  à  croire  en  un 
feul  Dieu ,  lePere,  en  J.  C  fon  Fils 
éternel,  vrayDieu  &  vray  Homme, 
&  au  St.  Efprit  un  feul  &  même  Dieu 
avec  le  Pere  &  le  Verbe  bénit  éternel- 
lement. 

Premièrement  il  eft  confiant  qu'ils 
ne  veulent  point  ouïr  parler  des  termes 
d'eUence  &  de  perfonne  ou  d'hypcila- 
fe  ,  ni  foufrir  qu'on  dife  qu'il  n'y  a 
qu'un  feul  Dieu  en  effence  ou  en  fub- 
ftance ,  mais  diftingué  en  trois  Perfon- 
B  i  nés 


i8  Histoire 
ou  trois  Hypoftafes.Ils  apellent  ces  ter- 
mes des  termes  Barbares,&  qui  ne  font 
point  venus  de  l'Efprit  ni  de  la  Lumiè- 
re intérieure ,  aufli  apclleiit-ils  le  My- 
ilere  de  la  Trinité  de  la  manière  que 
nous  l'expliquons  un  JMyJiere  de  Mcta- 
fhifique,  &  d'Ecole  ou  d'Académie. 

Il  n'eft  rien  de  fi  aifé  que  de  les  con- 
vaincre d'Apoftafîe  fur  ce  fujet  :  car  il 
ïi'eft  rien  de  li  aifé  que  de  les  convain- 
cre d'être  de  purs  Sabelliens  ,  &  de 
nier  la  diverfiîé  qui  doit  être  pofée  en- 
tre le  Fere  ,  fon  Verbe  Etemel ,  &  la 
perfonne  du  Saint  Efprit. 

Selon  eux  le  Verbe  Eternel ,  qui 
cft  la  Divinité  qui  s'eft  unie  àPHom- 
me  Jciùs ,  eft  h  même  chofe  que  le 
Saint  Efprit,  &  cet  Elprit  la  même 
chofe  que  ce  Verbe  Divin.  Et  l'un  & 
l'autre  ne  font  qu'un  fcul  &  même 
Dieu  fans  diftinâion  de  perfonnes. 
En  voici  la  preuve  tirée  de  leur  Cate- 
chifme  Anglois,  ou  Confeiïion  de  Foy 
publiée  par"Robert  Barclay  fan  1673. 
*  Comment  eft-ce  que  l'Ecriture  exprime 
la  amjmâion  P  unité  du  Vils  Eternel , 
dans  &  avec  l'homme  J-.  C.  \  Réponfe. 
Et  celte  parole  a  été  faite  chair ,  4fi  elle  a 
habité  avec  nous  pleine  de  grâce  os' de  vé- 
rité. Jeh.  c.  1. 14.  Car 

*Catech.  ch.  3.  Q^y.  pa*.  15-,  EJit. 
Lflt.  de  Rotterdam  l'an  1 676. 


DU  KOUAKERISME-  29 

Car  celui  me  Dieu  a  envoyé  annonce 
les  paroles  de  Dieu ,  if  Dku  ne  lui  donne 
f  oint  f  on  Ej frit  par  ?ncfure.  Jeh.  3.  34. 

Dieu  a  oint  Je  fus  de  Nazaret  du  St. 
'B[pritifdefapmffance.  Car  Dieu  ,  (& 
cela eft  en  Caractères  Italiques  pour 
marquer  que  c'eft  la  preuve  d^  la  ques- 
tion ,  )  étoit  avec  lui. 
■  Il  a  plu  au  F  ère  que  toute  plénitude 
■habitât  en  lui.  &c.  N'eft-il  pas  vinble 
que  toute  l'union  de  la  Divinté  avec 
l'homme  Jefus  n'a  été  félon  nos  Apof- 
tats  qu'en  ce  que  Dieu  la  rempli  de  lès 
donsCeleftes,  &de  (on  Efprit  Saint 
&  Eternel.  Ce  qui  eft  une  incarnation, 
fort  facile  à  expliquer ,  &  abfolument 
femblable  à  lareferve  de  quelques  de- 
grés à  celle  qui  fe  fait  dans  tous  les  fi- 
dèles,  qui  font  félon  St.  Paul  remplis 
de,  la  plénitude  de  Dieu ,  &  félon  St. 
Pierre  participant  de  la  nature  Divine. 
C'eft  pourquoi  il  n'y  a  point  de  Trern- 
bîeur  qui  ne  s'égale  en  quelque  forte  à 
J.C.&qui  ne  fe  croye  une  perfonne 
Divine  ou  Déifiée  par  le  moyen  de 
TEfprit  habitant  en  loti  Ame ,  &  du 
nouvel  enfantement  du  Chrift  inté- 
rieur &  Ceîëfte  dans  fon  cœur  .Cela  eft 
encore  pis  que  tout  le  Socinianifme. 
il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  11  toutes 
-  fortes  d'Hérétiques  Amkrinitaires  font 
B  3  bien 


3o  Histoire 

bien  venus  parmi  les  Kouakres,  Sa- 
beîhens,  Ariens,  Sociniens,  &  tout 
ce  qu'il  vous  plaira.  La  plupart  font 
Sabclliens &  Ariens.  Il  y  a  en  fort  peu 
de  Sociniens,  à  moins  qu'on  ne  les 
confonde  avec  les  SabelJiens  ,  à  qui 
ils  reflembient  parfaitement.  Le  grand 
Ponfite  des  Kouakres  &  leur  Chef 
quant  au  Spirituel  &  quant  au  Tempo- 
rel ,  iy Hypocrite  Fcn  cil  pur  Sabellien  ; 
&  il  fut  mis  à  la  Tour  fous  le  Règne  de 
Charles  II.  pour  avoir  fait  un  livre 
contre  la  Trinité,  lequel  il  fut  obligé 
deretra&er  pour  lortir  de  priibn.  Or 
Sabellius  &  les  véritables  Sabelliens 
nioient  formellement  la  Trinité  des 
Perfonnes  Divines,  au  fens  que  i'E- 
glife  a  toujours  entendu  le  mot  de  Per- 
lbnne.  Et  St.  Athanale  nous  apprend 
qu'ils  ne  vouloient  point  de  véritable 
•génération  en  Dieu ,  à  caufe  de  la  iim- 
plicitéà  de  l'indivifibilité  de  fa  iub- 
fiance  :  C'eft  pourquoi  ils  avoient  tou- 
jours cette  fentence  à  la  bouche  Ver- 
Jam  fempcr  in  Pâtre  exifteus  opération  efl 
in  Jcfu  :  &  foûcenoient  que  Jefus  fik 
de  Marie  n'étoit  qu'un  pur'  homme 
quantàlbnciTeiice. 


C  H  A- 


DU  KOUAKERISME.  31 

G  H  A  P  i  T  R  E   VII  L 

Les  Tremb  leurs  anéantirent  le  My- 
fi  ère  de  la  Croix  du  F  ils  de  Dieu. 

NQus  avons  veu  cy-deffiis  com- 
ment ils  tournent  toute  l'Hiiloi- 
ra  de  la  Mort  &  de  la  Relurrection  de 
J. G. en  pure  allégorie,  d'oùileit  ai- 
fé  de  conclure  qu'ils  ne  croyent  pas 
que  nous  foyons  obligez  à  y  croire 
comme  à  des  chofes  necefïàire  à  nôtre 
falut.  Cette  Hereiie  eft  aufii  une  fuite 
neceifaire  de  leur  Chrifl  intérieur ,  ou 
de  la  lumière  intérieure  qu'ils  apellent 
ainfi ,  &  à  qui  il  fuffit  félon  eux  de  fai- 
re attention ,  afin  de  palier  pour  de 
vrais  Fidèles,  &  d'obtenir  le  falut. 

Ilsdifent  bien  tous  à  la  vérité  que 
nous  fommes  juftifiez  ou  reçus  en 
grâce  par  le  moyen  de  laFoy.  Mais 
ils  fe  donnent  bien  de  garde  de  dire  que 
cette  Foy  fc  doit  tourner  vers  J.  G. 
mort  pour  nos  péchez,  &  Reflufcité 
pour  nôtre  juftification,  comme  vers 
fon  objet  naturel  &  principal ,  m  de 
dire  avec  St.  Paul./z  tu  crois  en  ton  Cœur, 
&  fi  tu  cmfeffcr  de  ta  huche  queJ.C, 
cft  Mort      &  qu'il  eft  nrjfujfité  des 
Morts  tu  feras  Sauvé.  Ils  ne  difentja- 
g  4  mais 


32».  Histoire 
mais  non  plus  que  la  foy  qui  nous  juflfJ 
fie  eil  là  Foy  au  San?  de  J.  C.  comme 
parle  le  même  Apotre.  Ceft  pour  la 
même  raifonauffi  qu'ils  ont  aboli,  & 
îc  Batême,  &  t'Euchariftie,  dont  les 
Cérémonies  n'ont  été  infatuées  auc 
par  raport  à  la  Mort  &  a  la  Reluredion 
.  de  j.  C  &  afin  que  les  pratiquant  nous 
fifîions  une  profeffion  ouverte  de  Tune 
&  de  l'autre,  &quec'eft  en  vertu  de 
l'une  &  de  l'autre  que  nous  femmes 
fèuvez  &  juftifiez,  Ïgywc%  v6us,  dit 
5t.  Paul,  que  nous  tous  qui  avons  été 
tyff$%  en  J.  C.  avons  tous  été  Ba* 
tife^  m  fa  mort.  Nous  avons  été  enjévclis 
avec  lui  en  fa  mort  par  le  Batême.  Voi- 
là dans  quel  deflein  le  Batême  a  été 
inftitué.  Et  pour  ce  qui  eft  de  l'Eucha* 
riftie,  toute  la  cérémonie  parle  d'elle- 
même  ,  qu'elle  n'a  été  ordonnée  que 
pour  figurer  la  mort  du  Fils  de  Dieu,&- 
pour  l'annoncer  dans  tous  les  fîecles 
de  l'Eglife,  faites  ceci,  dit  J.  C,  en 
Mémoire  de  moy;  c'eft  à  dire  félon  fon 
Apôtre,  toutes  les  fois  (jue  vous  man- 
gerez de  ce  Pain  &  que  vous  boire* 
du  Calice  du  Seigneur ,  vous  annoncerez 
famort  jufqu'à  ce  quil  revienne.  Mais 
nous  parlerons  de'ccla  plus  au  long 
après  avoir  raporté  les  autres  Chefs  de 
rApoftafie  Kouakerieane. 

C  H  A- 


D  U  K  O  V  A  K  E  R  I  S  M  E.  33 


C  H  A  P  I  T  RE  IX. 
JDe  rEnthoufiafme  des  KoHakres. 

UN  des  grands  Chefs  de  l'Apo- 
flafie  cie  ces  miferables,  eft  de 
croire  qu'ils  font  inipirez  tout  de  mê- 
me que  Jems-Chrift  &  que  les  Apô- 
tres i'étoient ,  &  que  leurs  révélations, 
&  leurs  infpirations  prétendues  font 
auffi  Divines  &  auffi  infaîlibles  que 
celles  du  Fils  de  Dieu  &  de  fesDilci- 
pîes.    Ils  tiennent  celte  abominable 
Poètrine  des  Anciens  Anabatiftes  & 
des  Skhuenfeldiens.  C'eft  pourquoi 
ils  ont  un  fi  grand  mépris  pour  les  fam- 
tes  Ecritures.  Car  de  quoi  peuvent  el- 
les fervir  à  des  gens  qui  font  auffi  Divi- 
nement infpirex  que  ceux  qui  en  font 
les  autheurs ,  &  qui  nous  les  ont  iaïf- 
fées?  Et  n'eit-cc  pas  la  ruiner  &&per 
tout   d'un  coup  les  fondemens  du 
Chriftianifme  ?  Il  eft  vrai  qu'ils  dilent, 
&  qu'ils  croy  eut ,  ou  font  femblant  îde 
croire  que  il  leurs  infpirations  ne  font 
pas  conformes  à  la  droite  ration,  ni  a 
la  révélation  de  l'Evangile,  elles  font 
f  aufîes  &  à  rejetter.  Mais  cela  n'empê- 
che nullement  qu'elles  ne  ruinent  ab- 
lblument  la  pieté  Chrétienne.  Car  par 
B  s  exeirr 


34  Histoire 

exemple  fi  l'Efprit  vient  à  ihipirer  à  un 
Kouakrc  d'immoler  à  Dieu  là  femme 
qui  l'aura  peut  être  déshonore  ,  ou 
qu  îlfoupçonnera  d'infidélité,  il  dira 
que  Ton  infpiration  n'eft  point  contrai- 
re à  la  droite  raifon  ni  à  l'Evangile. 
Car  ni  la  droite  raifon  ni  l'Evangile  ne 
s'oppofent  point  au  droit  que  Dieu  a 
fur  la  vie  des  Hommes. -Et  Abraham 
auroit  immole  fans  crime  fon  fils  Ifac 
fi  Dieu  ne  l'en  eût  lui-même  em- 
pêche. Et  Jephté  n'eft  point  blâmé 
pour  avoir  immolé  fa  tille.  Si  l'Efprit 
iuggereàun  autre  d'offrir  fon  fils  eu 
Holocaufte  ,  ilfejuftifiera  de  même. 
Et  fi  on  lui  remontroit  que  Dieu  dé- 
clare expreffement  qu'il  a  en  abomina- 
tion ces  fortes  de  facririces,  il  répon- 
dra que  Dieu  ne  les  detefte  que  lors 
qu'ils  font  offerts  fans  fon  ordre ,  &  à 
d'autres  qu'à  lui,  comme  à  Baal  ou  à 
Molok  :  ou  s'ils  étoient  trop  frequens, 
pareequeeeladetruiroit  le  genre  hu- 
main. Et  il  eft  inconteftabie  que  fi 
Dieu  avoit  effeâivement  commandé 
ces  chofes  il  les  faudroit  faire ,  &  elles 
ne  choqueroient  ni  la  droite  raifon  ni 
ï'Evângiîç  non  plus  que  le  Sacrifice 
d'Abraham  &  celui  de  Jephté. 


C  H  A- 


DU  KoUAK'ERlS  ME.  $$ 

CHAPITRE  X. 

Combien  efi  dangereux  ce  Principe 
des  Koîtakres  de  -ne  rien  faire  en 
matière  de  Religion  que  par  in- 
fyiration. 

N3n  feulement  les  Kouakres  ren- 
verfentdefond  en  comble  toute 
l'authorité  des  Saintes  Ecritures  ou  de 
la  révélation  Divine  par  l'égalité ,  pour 
ne  pas  dire  la  préférence  qu'ils  don- 
nent à  leurs  propres  Révélations  ou  à 
leurs  infpiration  prétendues ,  mais^  ils 
vont  encore  bien  plus  loin  en  foute- 
nant  qu'il  ne  faut  rien  faire  en  matière 
de  Religion,  pas  même  prier  Dieu* 
ni  exhorter  ion  prochain  fans  fentir 
que  Dieu  vous  y  poulie  par  une  infpi- 
ration particulière    &  déterminée. 
C'eft  la  détruire  tous  les  principes  de 
la  Ipieté  Chrétienne,  ou  plûtôt  c  eft 
détruire  tous  les  principes  de  la  pieté 
en  gênerai ,  de  celle  même  que  la  Re- 
ligion naturelle  dicte  à  tous  les  hom- 
mes raifonnables.  Car  fur  ce  pié  là  un 
Athée  &  un  Profane  caché  ne  priera  ja- 
mais Dieu ,  &  ne  l'adorera  jamais  ;  Eî 
s'excuièiaiurcequil  ne  fent  pas  que 


3^  Histoire 
Dieu  ou  le  St. -Efprit  l'y  pouffe. 

II  en  fera  de  même  de  tous  les  au- 
très  Kouakres ,  qui  quoique  fort  con- 
vaincus qu'il  y  a  un  Dieu  &  qu'il  le 
faut  adorer  &  invoquer,  peu  à  peu 
néanmoins  tomberont  dans  l'impiété 
&  dans  le  libertinage.  Par  ce  que  s'ils 
n'adorent  jamais  Dieu  que  lors  qu'ils 
s'y  fendront  pouffez  par  une  infpi  ra- 
tion finguliere ,  ils  s'expofent  manife- 
stement au  danger  de  tomber  dans  l'ir- 
reHgion ,  Dieu  les  abandonnant  à  eux- 
mêmes,  puifque  ils  ne  veulent  pas 
même  fe  donner  la  peine  de  le  cher- 
cher. Au  contraire  c'eft  par  ce  que 
nous  fentons  que  fon  Efprit  Divin 
nous  manque  qu'il  faut  prier  &  le  de- 
mander fans  celle  à  Dieu ,  félon  le 
précepte  de  J.C.  qui  nous  affeure  que 
fon  Pere  Celelîe  ne  manque  pas  de  le 
donner  à  ceux  qui  le  demandem.Matt. 
7.  Demande^,  dit -il,  &  il  vous  fera 
donné.    Cherche*  &  vous  trouvère 
Trap'^àr  r on  vous  ouvrira.  Car  quicon- 
que demande  reçoit ,  &  quiconqtie  cher- 
che trouve.  Et  fon  ouvre  à  quiconque fr  a- 
ftf  Et  plus  bas,/ï  donc  vous  qui  êtes  mau- 
vais fçaveq  donner  de  bonnes  chofes  à  vos 
enfans,  combien  plus  votre  Pere  Celefte 
4km  donncra-t'il  les  biens  que  vous  lui 
demande^  ;  ou  comme  il  y  a  dans  Sait* 

Luc, 


DU  KOUAKERISM  E.  37 
Luc ,  combien  plus  donner  a-t-il  le  $t. 
Efprît  à  ceux  qui  le  lui  demandent.  Si 
quelqu'un  a  befoin  de  Sapience  qu'il  la 
demande  a  Dieu  qui  donne  libéralement 
fans  reprocher à1  elle  lui  fera  don- 
née. ■/ ■  ... 

C'eft  une  pernicieufe  maxime  que 
celle  de  n'adorer  jamais  Dieu,  ni  le 
prier  ,  ni  le  remercier  quelque  oc- 
casion &  quelques  fujetsqueia  Pro- 
vidence? nous  en  prefente  ,  fi  l'on 
ne  s'y  fent  pouffé  &  déterminé  par 
un  mouvement  fenfible  de  i'Efprit 
de  Dieu.  Parce  que  c'eft  un  principe, 
d'illufion ,  les  mouvemens  de  I'Efprit 
de  Dieu  n'étant  pas  toujours  feniibles, 
&  le  Démon  ayant  très  fouvent  (  par 
la  permimon  de  Dieu  )  le  pouvoir  d'a- 
gir fur  nos  fens  &  fur  nôtre  imagina- 
tion, c'eft  à  dire  fur  tout  ce  qu'il  y  a 
de  fenfible  en  nous.  ■  C'eft  pourquoi  les 
plus  grands  maîtres  en  la  pieté  nous 
avertnTent  fans  celle  de  méprifer  la  dé- 
votion fenfible,  comme  étant  ordi- 
nairement un  fentiment  naturel,&  une 
opération  d'imagination  plutôt  qu'une 
opération  de  I'Efprit  de  Dieu.  -Ainfi 
le  plus  feureft  de  faire  fon  devoir,  & 
de  fuivre  la  Providence  dans  les  fujets 
&  dans  les  oecafions  qu'elle  nous  of- 
fre à  tout  moment  d'adorer  Dieu ,  de 
B  7 


?S  Histoire 
lebemr,  de  le  prier,  de  le  remercier, 
iàns  attendre  des  mouvemens  &  des 
infpirations  fenfibïes  de  l'Efprit  de 
Dieu  pour  s'acquitter  de  ces  devoirs. 
C'eft  la  le  chemin  Royal ,  &  où  Ton 
nefçauroit  s'égarer.  C'eft  le  chemin 
que  Dieu  lui-même  nous  a  marqué 
en  nous  ordonnant  de  l'invoquer  dans 
nos  affrétions ,  afin  qu'il  nous  en  tire , 
&  qu'en  fuite  ,  nous  le  glorifions. 
Quelqu'un,  dit  un  de  fes  Apôtres, 
eJHl  dam  la  triflejfe  quil  prie.  Quel- 
qu'un eft-il  dans  la  jeyc  qu'il  chmî^des 
Cantique:. 

Mais  l'Evangile  des  Kouakres  dit 
tout  au  contraire,  foyez  ou  dans  la 
trifteflè  ou  dans  la  joye ,  tout  cela  eft 
égal,  &  vous  pécherez  mortellement 
fi  l'une  ou  l'autre  vous  font  prier 
Dieu  ou  le  remercier.  NMajoye  ni  la 
îriftene,  ni  les  châtimens  ni  les  bien- 
faits de  Dieu  ne  doivent  jamais  vous 
porteravousadrefferàlui,  fi  vous  ne 
vous  y  fentez  pouffez  par  un  mouve- 
ment &  par  une  infpiration  toute  fin- 
guliere.  Aufii  c'eft  la  plus  déplorable 
&la  plus  deteftable  chofe  du  monde 
que  de  voir  comment  ces  miferables 
paffent  leur  vie.  Ils  fe  lèvent  &  fe  cou- 
chent, ils  fe  mettent  à  table  &  en  for- 
tent comme  des bêtes brutes,  fans  ci- 
vilité , 


DU  KOU  AKERISME.  Jg) 

vilité,  fans  aucune  marque  de  Reli- 
gion \  femblabîes  à  ces  pourceux  qui 
ne  lèvent  jamais  les  yeux  pour  regar- 
der d'où  le  gland  leur  tombe  à  terre. 
Tous  ne  font  pas  fi  laies ,  ni  li  bru- 
taux, mais  pas  un  d'eux  ne  condamne 
ces  vilaines  &  fçandaleufes  manières 
d'agir. 

N'eft  ce  pas  un  beau  fpcfctacle  a  voir 
qu'unKouakrequifemetà  table  fans 
prier  Dieu,qu'il  beniffe  &  qu'il  famine 
les  alimens  qu'il  va  prendre  :  Et  qui 
même  a  l'impudance  de  fe  tenir  cou- 
vert &  affis  lors  que  tout  le  monde  eit 
de  bout  &  tête  nue  &  priant  Dieu  ? 
mais  c'eft  que  l'Efpritne  lui  diète  pas 
de  prier  avec  les  autres.  Et  pourquoi 
donc  ces  infâmes  Hypocrites  ne  fçau- 
roient  ils  fouffrir  que  les  autres  ne  fe 
mettent  pas  en  pofture  de  Supliants 
quand  ils  prient  eux-mêmes  ?"  Pour- 
quoi quand  ils  font  enfemble ,  &  que 
l'un  d'eux  vient  à  prier,  tous  les  au- 
tres le  fuivent-ils,  &  prient-ils  avec 
lui?  Eli  il  dit  &  écrit  dans  le  livre  des 
deftinsoudes  Infpirations  qu'auffitôt 
qu'un  Kouakre  en  aura  une  quand  il 
fera.avecdesKouakres,  la  même  m- 
fpiration  qu'il  aura  fera  donnée  a  tous 
les  autres  ?  Que  d'orgeuil ,  que  de  pré- 
emption l  ^ 


40  Histoire 
CHAPITRE  XL 


Si  le  tremblement  de  corps  ejl  une 
bonne  "preuve  du  mouvement  inté- 
rieur de  VEffrit  de  Dieu. 

fp  Es  fourbes  polir  mieux  impofer  au 
monde,  &  engager  les  fimple* 
dans  leur  Cabale  attectoient  fort  au 
commencement  de  trembler  de  tout 
leur  Corps  ,  de  ne  parler  qu'avec 
une  voix  trcmblante,de  ibûpirer  à  tout 
moment,  dejetter  des  cris  &  des  hé- 
las, de  pleurer  même.  Enfin  ils  con- 
trefaifoient  fi  bien  les  infpircz  que  les 
fimpJes  &  les  crédules  y  étoient  trom- 
pez. Et  cette  adreffe  n'a  pas  peu  con- 
tribué à  grofiir  &  à  multiplier  leur  Sec- 
te. Mais  tous  ceux  qui  cppnqiflent  le 
génie  de  la  vraye  pieté ,  &  qui  ont 
quelque  expérience  dans  les  voyes  de 
Dieu  n'elliment  pas  fort  tous  ces  mou- 
vemens  extérieurs  qui  fentent  l'enfant 
&  la  femme,  &qui  font  très  fouvent 
un  pur  effet  du  tempérament  &  de  1% 
imagination  plutôt  que  de  la  grâce  Di- 
viue.Outre  cela  peribnne  n'ignore  qm 
ces  fortes  d'aétions  &  de  mouvements 
extérieurs  font  naturellement  conta- 
gieux/ 


DU  KoUAKERlSME.  4.1 

gieux ,  &  fe  répandent  en  un  moment 
iùr  tous  les  fpecïateurs.  Un  pleureur 
fait  pleurer,  tout  de  même  qu'un  rieur 
fait  rire ,  un  bailleur  fait  bailler.  Ain  il 
il  ne  faut  fouvent  qu'une  pleureufc  ce 
une  tremblcufe  parmi  cinq  cens  Koua- 
kres  pour  les  faire  tous  pleurer  &  trem 
bler/ 

Enfin  le  Diable  fe  mêle  à  tout  cela , 
&c  il  oPcre  avec  efficace  dan;  tous  cet 
enfans  de  révolte  &  de  rébellion.  Car 
par  le  moyen  de  ces  mouvemens  exté- 
rieurs &  de  ces  tremblemens  de  corps 
il  les  fçait  fi  bien  enchanter ,  &  leur 
fçait  fi  bien  perluader  qu'ils  font  effec- 
tivement touchez  de  TEfprit  Divin 
qu'ils  n'en  doutent  nullement  ;  Et 
qu'il  n'y  a  rien  qu'ils  ne  fiffent  dans  ces 
momenslàli  Dieu  permettoit  que  le 
malin  Efprit  le  leur  infpirât.  Il  faut  fe 
défier  de  tout  ce  que  la  nature  toute 
feule  peut  produire,  de  tout  ce  que  le 
démon  peut  imiter,  de  ce  qu'un  ef- 
fort d' Efprit  ou  d'imagination  eft  ca- 
pable d'exciter,  de  tout  enfin  ce  qu'une 
hypocrifie  profonde  peut  contrefaire. 

Les  Kouakres  commencent  à  ne 
plus  tant  trembler,  mais  comme  le 
tremblement  eft  ce  qui  a  donné  origi- 
ne en  quelque  forte  à  leur  Seôe  ,&  que 
c'efl  de  la  qu'on  les  a  nommez  Kpua- 


f       H  i  s  x  o  i  r  >: 
kçrs,  ceftadireTro»*W  ilferoit 
malnome  d'y  renoncer  tout  à  fait 
&  de  rentrer  dans  un  état  plus  fimple  & 
Plus  naturel,  ou  dans  l'état  de  con- 
formité avec  tous  les  autres.  Afin  donc  " 
de  ne  démentir  pas  le  nom  &  le  carac- 
tère propre  de  leur  Secte  ils  affectent 
de  tems  en  tems  des  mouvemens  de 
Corps  extraordinaires,  des  tranfportl 
&deshelans  d'Enthoufiaftes.  Mais 
auffi  depeur  qu'on  ne  fc  moque  trop 
peuvent     mCnaSent  le  mieux  qu'ils 
Ce  que  je  trouve  de  plus  plaifant 
danscesFanatique,c'eftqu'ilscroyent 
tout  de  bon  ou  du  moins  ils  nous  veu- 
lent perfuader  qu'ils  le  croyent  tout  de 
bon,  que  le  St.Efprit  donne  le  tremble- 
Khwi  r C0^l?0Xil une  marque  infal- 
liblede  fon  aâion&defon  opération 
intérieure,  &  que  les  Prophètes  onï 
clairement  &  expreffement  prédit  la 
venue  des  Trembleurs.  On  ne  m'en 
croirait  pas  lije  ne  le  faifois  voir. 


C  H  A- 


DU  KOUAKERISME.  43 


CHAPITRE   XI L 

De  quel  tremblement  les  Saintes 
Ecritures  nous  parlent. 

VOici  ce  que  leur  confeffion  de  Foi 
nous  aprend  fur  ce  fujet. 
Demande.  Dieu  exige  donc  que  les 
hmmes  [oient  Trembleurs ,  qu'ils  trem- 
blent à  [a  farole l.  Et  y  a-t-il  eu  des  Trem- 
bleurs autrefois  parmi  les  Saints1.  Ré- 
ponfè.jpe  regarde  au  pauvre  &â  celui  qui 
a  FEfiprit  contrit, &  qui  tremble  à  ma  pa- 
role,Efaic66.z. Alors  quiconque  trembloit 
aux  paroles  du  Dieu  cTlfrael,  fe  joignit 
àmoy ,  Efdr.  9  Faifons  donc  maintenant 
■  alliance  avec  notre  Dieu  fuivant  fin  cm- 
feil  ;  &  celui  de  ceux  qui  tremblent  à  fis 
préceptes.  Quel  abus  &  qu'elle  profa- 
nation de  la  parole  de  Dieu ,  comme 
fi  le  St.  Efprit  parloit  des  tremblemens 
du  Corps,  &  non  de  ceux  du  Cœur  ou 
'dei'Efprit,  qui  confident  en  ce  qu'il 
reconnaît  fon  néant  &  la  grandeur 
fuprëme  de  Dieu ,  &  fe  foûmet  à  tous 
fes  ordres  avec  un  profond  refpeét. 
Et  de  quel  front  ces  malheureux  ci- 
tent-ils ces  pàfîàges  des  Prophètes ,  & 
fe  mettent-ils  en  leur  compagnie ,  eux 
qui  ont  un  Souverain  mépris  pour 

toutes 


44  Histoire 
toutes  les  Saintes  Ecritures?  Com- 
ment  ofent-ils  fe  vanter  qu'ils  trem- 
blent aux  paroles  de  l'Eternel ,  6c  à  Tes 
préceptes ,  eux  qui  ne  les  traitent  que 
de  lettre  morte  &  qui  tue ,  que  tfccol 
ce  ians  moelle  &  fans  fubftancc,  eue 
de  chair  incapable  de  vivifier?  Quel 
felpéct  peuvent-ils  avoir  pour  une  pa- 
role qu'ils  enfeignent  tout  ouverte- 
ment qui  n'ell  point  la  règle  parfaite 
«  entière  de  nôtre  Foy  &  de  nôtre 
conduite,  qui  ne  fçauroit  nous  éclai- 
rer, m  nous  tirer  de  l'erreur?  Com- 
ment, dit  leur  Catechifme,  l'Apètre 
4fjtmgUG~rtl  U  Loy  intérieure  de  l'exté- 
rieure* Réponce.  La  Loy  dePEfbrit  de 
je  qui  eft  en  J.  C.  me  deUvcra  de  U  Loy 
de  péché  &  de  mort.  Ainft  félon  eux 
toute  1  Ecriture  foit  ancienne  foit  nou 
veîle  n  eft  qu'une  Loy  de  péché  &  de 

m°.rt,Vc,cft  à  dire  une  fëttre  qui  tuè\ 
maislhfpritoula  Loy  de  l'Efprit  eft 
une  Loy  d'Efpit  &  de  Vie.  Vous  vovffc 
queparlàilsoppofentfans  celle  i'Ef- 
pnt  a  la  parole  de  Dieu,  à  la  Révéla- 
tion extérieure ,  même  à  celle  de  J.  G. 
oc  de  fes  Apôtres,  comme  fi  rËfprit 
deDieu&de  J.  G.  y  éroit  contraire, 
pu  qu'il  enfeiguât  des  vérités  oppoiecs 
a  celles  qu'il  nous  a  révélées  lui-mê- 
me par fes  Prophètes.  Une  autie  de- 


man- 


DU  KOUAKERISME.   .,  4f 

raande  va  encore  mieux  juftifier  l'im- 
piété de  ces  Antechrifts.  • 
'  Demande.  Les  Ecritures  [ont  dons  a 
eflimer  parce  qu'elles  viennent  du  St.  Ef- 
frité Parce  quelles  rendent  témoignage 
que  ce  n'eft  pas  elles,  mais  l'Ejpritfctd 
qui  nous  conduit  en  toute  vente  ?  pour 
quelle  rdifon  J.  C.  commande-t-il  que 
l'on  fonde  les  Ecritures!  Réponfe.  Son- 
de? les  Ecritures,  par  ce  que  vous  vous 
imaginez  c\ue  vms  fouve%  acquérir  la 
Vie  éternelle  par  leur  moyen.  Et  fur  cet 
endroit  le  Catechittc  fait  cette  remar- 
que, qu'il  a  mis  À  l'impératif  le  Verbe 
four  s'accommoder  à  l'interprétation  de 
Ces  adversaires ,  quoique  pas  une  le  mette 
à  L'Indicatif,  ce  qui  femble  être  plus: 
conforme  au  texte.  Voilà  en  quelle  elh- 
me  les  Kouakres  ont  la  parole  de 
Dieu ,  &  par  confequent  de  quelle  ma- 
nière ils  tremblent  à  cette  parole. 

Il  ne  faut  pas  nier  que  le  St.  Liprit 
en  touchant  nôtre  ame  n'exite  au  mê- 
me tems  dans  nos  corps  des  tranlports 
6c  des  mouvemens  fort  îinguliers  ,  <X 
ne  nous  porte  louvent  à  gémir ,  a  pleu- 
rer, àfoûpirer,  à  trembler  même. 
Mais  une  marque  infalhble  que  ces 
opérations  fenfiblcs  viennent  de  Dieu, 
efeft  qu'elles  font  excitées  ordinaire- 
ment par  la  lcSure ,  par  l'ouïe ,  &  par 


4<5  Histoire 

la  Méditation  de  la  parole  de  Dieu  & 

£££££ fom  ainfi  ^SiS 

«euremci  t  &  extérieurement  n'oppo- 

ration  &  d  amour  pour  elle,  &  la  ré- 
ardent  comme  le  canal  P'ar  lequel 
IWpnt  le  communique  à  nous  & 
comme  l'inftrument  dont  il  fe'fen 
Pour  nous  toucher  &Pour  nous  émoïï 

de  ï  k;Cneft  à  caufede«ttcun,on 
oe  i  Jilpnt  D]vm  avec  la  parole  eue 

S/fel^^«ifontdonneL?oLme 

f  M'r  '  •  f  *»»  *       *i  dites 

{e   ofef  ^'  f  c»e"ousregene: 

S  Ffn  sS  "  l0in  donc  d'oppofer  le 
bUzfpm  a  cette  parole ,  il  fout  les  unir 

avec  I  Jiiprit.  Si   Efpritde  Dien 

fee  a  arevoIut»on  enterieure  dont  il 
n!-Lr  Ur>  l  ona^oitraifbnde  les 

délie    fr,lne  je  pcut  rcnm  /tliJêJ 

hJZL**^  lmnme  *fi 

ixlu      1  Lfp/k  de  "Homme  ou  du 
Diable  qui  pu  die  être  un  Efpdt  dou- 
ble, 


DU  KOUAKERISME.  47 

3Îe ,  &  fouffler  d'une  même  bouche  le 
chaud  &  le  froid  ,  le  doux  >  &  l'amer  ; 
&  tel  eft  l'Efprit  Trembleur. 


CHAPITRE  XIII. 

m  la  Religion  Chrétienne  ne  doit 
avoir  aucune  Cérémonie. 

Rien  ne  fait  tant  éclatter  le  mépris 
que  les  Kouakres  ont  pour  la  per- 
fonne  de  jefus:Chri(r ,  pour  l'Hiftoire 
de  fa  Vie,  de  fa  Mort ,  &  de  fa  Refur- 
reclion,  en  un  mot  pour  tout  fon  ou- 
vrage du  rachat  des  Hommes ,  &tout 
eniemble  pour  fa  Divine  parole ,  pour 
fes  Ordres,  fesLoix,  &  les  préceptes 
de  fes  Saints  Apôtres  &  leurs  prati- 
ques ,  comme  d'avoir  par  un  attentat 
Diabolique  aboli  dans  leur  Secte  mau- 
dite les  deux  Cérémonies  duBatême 
&  de  la  Sainte  Cene.  Peut-on  voir  fans 
horreur  &  fans  indignation  que  ces 
faux  Prophètes  exterminent  ces  deux 
pratiques  dé  la  Religion  Chrétienne , 
&  ayent  encore  l'impudence  de  fe  dire 
Chrétiens,  &  Difciples  de  J.  C.  lui 
qui  les  a  fi  formellement  &fiexprefic- 
ment  commandées  à  fon  Eglife  ? 


4Sr<  Histoire 

-en  vam  quelques-uns  tâchent  de  les 
exculer  en  difept  qu'ils  ne  voyent 
pas  que  ces  deux  Cérémonies  font 
commandées  effectivement  par  T  C 
avec  intention  d'obliger  tous  fesDif- 
apies  a  les  pratiquer  durant  tous  les 
âges  de  1  Lglife. 

N'eft-ce  pas  la  une  belle  exeufe  ?  11$ 
n  ont  qu'à  tuer ,  &  à  le  venger  de  leurs 
ennemis ,  &  de  s'en  tenir  quittes  pour 
dire  que  J.  C.  ne  leur  a  pas  commandé 
Je  contraire?  Ils  n'ont  qu'à  proftitucr 
leurs  femmes,  &  les  rendre  commu- 
nes parmi  eux,  &  dire  pour  exeufe 
qu  ils  ne  voyent  pas  encore  que  la  Re- 
ligion de  J.  G.  le  défende  ?  Et  ainiide 
toute  la  Morale.  Ces  infignes  Apo- 
itats  fe  feroient  plutôt  pendre  que  de 
ne  pas  dire  tu  &  toy ,  &  de  fe  découvrir 
devantquiquccefoit,  même  devant 
leurs  Princes  &  leurs  Rois.  Etoùeft 
ce  que  J.C.  leur  a  ordonné  ces  chofes  ? 
II  paroit  bien  par  là  que  ce  font  de 
francs  rnipofteurs  qui  préfèrent  leurs 
brutales  extravagances  aux  Loix  for- 
melles de  J.C.  £t  pourquoi?  afin  de 
le  difiinguer par  un  excez  d'orgueil  in- 
fuportable,  du  refte  des  mortels  ,  & 
d  avoir  la  vanité  de  s'élever  au-deflùs 
de  tout  le  genre  humain,  affrétant  de 
palier  pour  plus  fages  &  plus  éclairez 

que 


DU  KOUAKERISME.  49 

que  tous  les  hommes  du  monde. 

S'ils  Batiloient  &  s'ils  Gommu- 
nioient  comme  le  refte  des  Chré- 
tiens ,  ils  ne  feroient  plus  rien ,  6c 
l'on  ne  parleroit  pas  d'eux  com- 
me l'on  en  parle.  Il  faut  donc  fe  fin- 
guîarifer  &  fe  diftinguer  par  quelque 
chofe  de  hardy  :  &  de  téméraire.  II. 
y  a  autant  de  crime  a  ne  pas  voir  un 
précepte  aucune  défenfe  formelle  & 
expreiTe ,  qu'il  y  en  a  à  la  violer  quand 
on  la  voit ,  fur  tout  quand  l'un  &  l'au- 
tre font  fi  clairement  propofez  qu'il 
faut  s'aveugler  volontairement  pour 
ne  les  pas  voir.  Car  c'eft  alors  une 
ignorance  affeclée  &  maîitieufe ,  & 
par  confequent  inexeufabîe  devant 
Dieu  &  devant  les  Hommes. 

Il  efl  vray  que  les  ordonnances  du 
Batême  &  de  la  Cene  ne  font  pas  pre-  , 
cifement  &  par  elles  mêmes  capitales. 
Mais  le  deviennent  à  quiconque  affec- 
te de  n'en  pas  voir  l'inftitution ,  afin 
de  faire  une  nouvelle  Seéte ,  Se  de  bâ- 
tir une  nouvelle  Religion  qui  vous 
diilingue  Se  vous  fepare  du  commun 
des  Chrétiens.  Et  puis  quelle  audace  à 
ces  iniolens  d'avoir  aboli  des  Cérémo- 
nies inftituées  par  une  authorité  Divi- 
ne, Se  cela  fous  prétexte  que  ce  ne  font 
que  des  Ceremonies,&  que  laiieli^ion 
C  de 


SO  Histoire 

de  Jefus  Chrift  ,  eft  une  Religion 
toute  d'Efprit?  il  faudroit  du  moins 
qu'ils  euflent  une  authorité  égale  à 
celle  qui  les  a  inftituées.  Car  il  n'a- 
partient  qu'au  Prince,  ou  a  une  au- 
thorité égale  ou  fupericure  à  la  Tienne 
d'abroger  les  Loix  qu'il  a  ordonnées. 

Ce  même  j.  G.  qui  les  inftituoit  ne 
fçavoit  il  pas  mieux  que  nos  Kouakres 
que  fa  Religion  étoit  une  Religion 
d'Efprit  &  de  Vie  ?  ne  l'avoit  il  pas  dit 
lui  même  fur  lefujetde  lamanduca- 
iïon  de  fa  chair ,  la  chair  ne  profite  de 
rien,  c\ft PEffrit  qui  vivifie.  Les  pa- 
roles que  je  vous  ay  dites  font  Efprit  àr 
Viel  Cependant  il  ne  laifîepas  enfui- 
te  d'infdtucr  fon  Euchariftie.  Et  pour- 
quoi ?  pour  nous  aprendre  que  toute 
Cérémonie  n'eft  point  oppoféc  à  l'Ef- 
prit  de  J.  C.  &  moins  encore  celle 
qu'il  n'inftitue  qu'afin  de  nous  appren- 
dre à  ne  chercher  rien  que  cet  Efprit 
&  de  nous  en  reprefenter  les  aâions 
&  les  fruits ,  comme  fait  la  Sainte 
Euchariftic,  qui  par  des  chofes  fen- 
iibles  nous  élevé  à  des  chofes  pure- 
ment intelligibles  &  fpirituelles. 

JedislemêmeduBatême,  qui  n'a 
été  inftitué  que  pour  nous  engager  à 
adorer  Dieu  en  Efprit  &en  vérité  par 
L  C  pour  avoir  part  à  ce  Divin  Efprit, 

& 


DU  KOU  AKERlSMt  }T 

&  pour  représenter  par  un  action  fenii- 
ble  &  corporelle ,  une  a&ion  toute 
intérieure  &  fpiritucllc ,  tant  s'en  faut 
donc  que  l'on  puilTe  prendre  les  Koua- 
kres  pour  des  Chrétiens ,  qu'il  faut 
au  contraire  les  avoir  en  execcratiori 
comme  des  Apoflats  du  Chriftianiir 
me  &  des  ennemis  déclarez  de  fon  Di- 
vin inftituteur ,  vous fere%,  avoit  dit- 
il  ,  vrayement  mes  Difcfples  &  mes  amk 
fi  vous  garde%  mes  f  recettes.  Et  quand 
il  envoyé  fes  Apôtres  prêcher  l'Evan- 
gile, aile*  ,  dit-il ,  enfeigne^  toutes  les 
nations ,  les  butinant  au  nom  du  F  ère  du 
fis  if  duSt.Effrit,  &  leur  prenant  â 
obferver  toutes  les  chofes  que  je  vsus  ay 
ordonnées.  Remarquez  bien  qu'il  leur 
enjoint  d'aprendre  à  tous  ceux  qu'ils 
Batiferont  de  garder  tout  ce  qu'il  leur 
avoit  commandé,  &  qu'il  dit  cela' 
après  l'ordonnance  du  Batême ,  qu'il 
«e  leur  recommande  pas  d'une  autre 
manière  que  tout  ce  qu'il  leur  enjoint 
de  faire  obferver.  Maisilsnevoyent 
pas,  dit-on  encore ,  que  ce  foit  la 
un  précepte  formel  &  perpétuel.  Tarn- 
pis  s'ils  ne  le  voyent  pas.  Car  qui  les 
empêche  de  le  voir,  linon  leur  igno- 
rance affeétée  &  criminelle  ou  .plutôt 
le  mépris  extrême  qu'ils  ont  pour  J.  G* 
&  pour  fa  Religion? 

G  a  Mais 


S*--  Histoire 

Mais  je  luis  feur,  qu'ils  le  voyent 
fort  bien  &  que  néanmoins  comme  ils 
prétendent  avoir  autant  d'authorité& 
de  S.Etprit  que  J.C.  ils  ne  s'en  metteur 
pas  en  peme,&  le  meprifent.Ceft  pour 
cela  que  Barclay  afin  de  fe  tirer  de  ce 
mauvais  pas  a  adopté  toutes  les  fauffès 
fubtilités  &  lesglofesinlenfécsdeSo- 
cin  qu'on  a  refutées  fi  clairement  &  fi 
folidement  qu'aujourd'hui  tous  les 
Socimens ,  en  ont  honte  pour  lui  ;  &  y 
ont  renoncé. 

Pour  ce  qui  eft  du  peuple  il  ne  con- 
noit  gueres  ces  fubalitez  impies ,  ni 
ces  profondeurs  deSaihan.  Il  fe  con- 
tente de  dire  que  c'eft  une  Cérémonie, 
&  qu'il  ne  faut  pas  s'attacher  à  des  Cé- 
rémonies ,  mais  à  l'Elprit. 

Barclay  dit  après  Socin  que  J.C.  ne 
commande  pas  pofitivemët  de  Batifer, 
parce  qu'il  n'a  pas  dit  alle%  &  Batifc, 
mais  alle%  enfeigne^  toutes  les  Nations , 
les  Battant.  On  ne  peut  rien  avancer 
de  plus  impertinent,  ni  qui  fe  detruife 
plûtôt  que  cette  Chicanerie.  J.  C.  dit- 
il  a  les  Apôtres  enfeigpe$  aux  Nations  à 
garder  tout  ce  que  je  vous  ay  ordonné  ? 
point  du  tout.  Ce  n'eft  pas  ainfi  qu'il 
parle,  allez;  dit-il  ,  enfeigne*  toutes 
les  Nation?  les  liarijant  au  nom  du  Perc 
&c.&  en  leur  aorenam  à  garder  tout  ce 

que 


DU  KOUAKERISME.  f$ 

Îue  j  c  vous  ay  ordonné.  Elt-ce  donc  que 
.  C.  ne  leur  a  point  commandé  d'en- 
leigner  aux  Nations  à  pratiquer  tous 
fes  préceptes  ?  Et  les  Apôtres  s'en  pou- 
voient-ils  légitimement  difpenfer  auffi 
bien  quedeBatifer  ?  Si  les  nouveaux 
Chrétiens  ont  tant  d'averfion  pour 
toute  forte  de  Cérémonies ,  pourquoi 
donc  ont-ils  tant  d'attache  à  tenir  leur 
chapeau  fur  la  tête ,  comme  s'il  y  étoit 
cloué  ,  &  à  ne  jamais  dire  que  tu  & 
toy  ?  que  ne  vont-ils  téte  nue  comme 
faifoient  jadis  les  Juifs  &  les  Romains, 
qui  n'avoient  garde  d'ôter  le  bonnet  m 
le  chapeau  de  dcfïus  leur  tête ,  puis 
qu'ils  n'en  portaient  jamais  que  pour 
lègarentir  âe  la  plùye?  pourquoi  ces 
grands  &  mortels  ennemis  de  toute 
Cérémonie  fc  font-ils  plutôt  pendre  & 
mettre  en  pièces  que  de  ne  pas  s'alïem- 
blcr  ?  Où  eft  ce  que  J.  C  a  commandé 
que  l'on  s'affemblePoù  îa-t-il  comman- 
dé plus  expreiïement  que  le  Batême  & 
î'Euchariftie  ?  pourquoi  gardent  ils 
encore  la  mode  de  prêcher  ?  Tout  ce- 
la n'eft-il  pas  Cercmoniel?  Ils  ne 
manqueront  pas  de  répondre  que  c'eft 
pour  entretenir  l'Efprit  de  la  Religion 
&de^la  pieté.  Et  c'eft  auffi  ce  qu'on 
leur  dit  fur  le  fujet  du  Batême  &  de  la 
Sainte  Cene,  qui  font  formellement 
C  3  or» 


J4  Histoire 
ordonnées  par  J.  C.  au  lieu  que  ces  au- 
tres chofes  comme  de  s'affemblcr  & 
de  prêcher  ne  le  font,  pas  de  la  même 
manière. 

Mais  voici  le  nœud  de  î'afTaire,c'cft 
que  ces  Apoftâts  jugent  bien  que  fans 
aûèmblée,  &  fans  fermons  ils  n'a  van- 
ceroient  pas  leur  nouvelle  Se&e ,  c'eft 
pourquoi  il  faut  mourir  plutôt  que  d'y 
yenoncer  au  contraire  elle  fc  détruiroit 
s'ilsvenoientà  Batifer  &  à  Commu- 
nier. Cela  difïipcroit  leur  troupeau, 
&  le  feroit  retourner  dans  les  autres  fo- 
cictea  Chrétiennes  d'où  il  eft  forti  >  & 
où  l'on  Célèbre  ces  deux  Cérémonies. 
En  un  mot  les  Kouakres  retourne- 
roientauChriftianifme  ,  en  revenant 
au  droit  commun. 


CHAPITRE  XIV, 

Quels  font  les  prétextes  des  Koua- 
kers  four  rejetter  le  Batcme  <p* 
VEuchariftie. 

T  E  premier  prétexte  dont  ils  fe  fer- 
vent  pour  rejetter  ces  deux  Céré- 
monies eft  pris  du  mot  de  Sacrement  y 
&  des  définitions  que  les  Proteftans 

en 


du  KouakeriSme.  SS 
en  donnent  dans  leurs  Ecrits ,  même 
dans  leurs  Confeffions  de  Foy  &  dans 
leurs  Catéchismes.  Ils  fbûtiennent 
qu'il  n'y  a  pas  le  moindre  mot  de  tout 
cela  dans  les  Saintes  Ecritures  ;  qu'on 
n'y  trouve  pas  même  le  terme  de  Sa- 
crement ,  bien  loin  d'y  trouver  toutes 
les  définitions  que  les  Théologiens  en 
donnent.  Et  fi  Ton  réplique  que  la 
chofe  lignifiée  par  le  mot  de  Sacre- 
ment y  eû  contenue,  ils  répondent 
que  cyejl  une  pure  pétition  de  principe , 
&  fapofer gratis  ce  qui  eft  en  quejîion.  Ep 
que  cela  n'exeufe  nullement  les  Proteftans' 
qui  croient  d'ailleurs  que  toute  la  volonté 
de  Dieu  efl  contenuï  dans  F  Écriture , 
ni  ne  leur  donme  pas  le  droit  de  rejetter 
les  termes  expre%  de  l'Ecriture  pour  cher- 
cher dans  les  mafares  de  la  tradiétior* 
Romaine ,  ce  dont  ils  font  une  par- 
tie fi  ejfentielle  de  la  foy.  Mais  c'eït  bien 
la  de  quoi  il  s'agit  ?  Il  eft  bien  queftion 
de  facremens  &  s'il  faut  ai nii  appel  1er 
ou  non  les  Cérémonies  Reîigieufes  & 
Saintes  que  J.  G.  a  infîituées  ?  Il  ne 
s'agit  que  ce  que  J.G.a  fait  &  a  inftitué, 
de  ce  que  fes  Difciples ,  ont  pratique , 
&  de  ce  que  tous  leurs  Succelïèurs 
ont  lailTc  de  main  en  main ,  &  qui  a  été 
pat  tout,  toujours ,  &  coniîamment 
pratiqué ,  &  qui  l'eft  encore  aujour- 
G  4  d'hui? 


j6  Histoire 

d'hui  ?  que  les  Kouakres  lailîent  la  le 
mot  de  Sacrement  &  qu'ils  en  laiflent 
difputer  les  Doâeurs  des  Académies 
&  des  Umvcr&tci  tant  qu'ils  vou- 
dront, tous  les  véritables  Chrétiens 
n'en  feront  nullement  fçandalifez, 
pourveu  qu'au  relie  ils  Batifent  com- 
me J.  C.  l'ordonne ,  &  fallent  la  Sainte 
Cene  comme  il  la  infatuée. 

Le  fécond  prétexte  dont  ils  fe  fer- 
vent pour  réjetter  ces  deux  Cérémo- 
nies eft  qu'il  y  auroit  autant  de  raifon 
à  pratiquer  le  lavement  des  pieds  qu'à 
les  célébrer  ,  puifquc  J.  C.  n'a  pas 
moins  expreiTement  commandé  àfes 
Difcipîes  de  fe  laver  les  pieds  les  uns 
aux  autres,  quedeBatifer  &  de  faire 
la  Cene.  Mais  où  eft  ce  qu'il  eft  dit  du 
lavement  des  pieds  qu'il  le  faut  prati- 
quer jufqu'à  ce  que  J.  C  vienne,  com- 
me cela  eft  dit  de  la  Célébration  de 
l'Euchariftie  ?  Et  qui  ne  voit  que  J. 
C.  par  fon  précepte  de  fe  laver  mu- 
tuellement; les  pieds  n'a  voulu  nous 
commander  *uitre  chofe  finon  que 
dans  toutes  les  occafions  où  nos  frères 
fe  trouveront  avoir  befoin  de  nôtre 
charité  quand  ce  feroit  même  dans  les 
chofes  les  plus  falles&  les  plus  abjec- 
tes ,  nous  devons  leur  en  donner  des 
marques ,  &  pratiquer  ,  en  même 

temps 


DU  KOUAKERI  SMÊ.  f'f 
temps  la  vertu  de  l'humilité ,  deuffions 
nous  nousabaifîerjufqu'à  laver  leurs 
pieds,  quand  même  nous  ferions  in- 
finimerjt  au  deflus  d'eux  à  plus  forte 
raifon  quand  nous  fommes  ou  leurs 
égaux  ou  leurs  inférieurs.  Je  fuis  très 
perfuadé  que  le  précepte  de  la  charité 
&  de  l'humilité  Chrétienne  s'étand 
jufqucs  là ,  aulfi  eft  il  pratiqué  à  la  let- 
tre dans  tout  l'Orient  &  le  Midi  parmi 
les  Chrétiens  qui  y  font.  Il  eft  encore 
pratiqué  dans  l'Eglife  Romaine,  &  très 
fouvent  même  dans  la  plupart  de  leurs 
Congrégations  Religieufes:  quoique  la 
coutume  de  nos  derniers  fîecles  qui  eft 
d'aller  chauffez,  &  non  pas  nuds  pieds 
comme  l'on  faifoit  j'adis  par  tout ,  tant 
dans  l'Orient  que  dans  l'Occident,foit 
une  jufte  raifon  pour  ne  plus  pratiquer 
le  lavement ,  &  y  fubftituer  tous  les  au» 
très  exercices  de  charité  &  d'humilité 
qui  peuvent  y  être  fubftituez  ;  quoi- 
qu'il y  ait  des  occafions  aÛés  fréquen- 
tes de  le  pratiquer  à  la  lettre ,  comme 
toutes  les  fois  que  quelqu'un  de  nos 
frères ,  en  un  mot  quelque  Chrétien  a 
fait  un  long  chemin  à  pied ,  &  qu'il  eft 
fort  fatigué,  ce  xjui  arrive  tous  les 
jours.  Car  alors  nous  fommes  dans  le 
cas  marqué  par  nôtre  Divin  Législa- 
teur, &  nous  pouvons  pratiquer  tout 
C  s  à  la 


?8  Histoire 
à  la  fois  &  la  charité  &  l'humilité 
Chrétienne,  en  lavant  les  pieds  pou- 
dreux &  laffe2  de  nôtre  frère ,  <5c  en 
lui  recréant  les  Efprits  par  ce  pieux  de- 
voir. Car  rien  ne  delafic  tant  que  de 
fc  laver  les  pieds  quand  on  eft  fort  fa- 
tigué ,  &  couvert  de  poudre  fi  les 
Chrétiens  ne  font  rien  de  cela ,  ce  n'eft 
que  par  orgueil  ;  ou  parce  qu'ils  ont 
honte  de  fuivre  l'exemple  de  leur  maî- 
tres, &  dont  ils  fedifent  les  Difciples 
a  faufils  enfeignes. 

Letroifiéme  prétexte  des  Kouakres 
cft  que  s'il  falloit  Batifer  &  faire  l'Eu- 
chariftic  à  l'exemple  des  Apôtres ,  il 
faudroit  auffi  s'abftenir  du  fang  &  des 
chofesl  étoufées  puifque  les  Apôtres 
jugèrent  qu'il  étoit  necefikire  que  les 
Chrétiens  s'en  abftinfent.  Mais  enco- 
re une  fois,  eft- il  dit  de  ce  précepte 
Apoftoîique  qu'il  le  faut  garder  jufqu'à 
ce  que  J.  C.  revienne,  comme  cela 
cft  dit  de  la  Sainte  Euchariftie?  Et  les 
préceptes  que  font  emanés,deJ.C  mê- 
me n'ont-ils  pas  plus  de  force  &  d'au- 
thorité  que  ceux  des  Apôtres  ;  Enfin 
je  dis  que  fi  nous  étions  dans  le  cas  des 
premiers  Chrétiens ,  qui  étoient  au 
milieu  des  Juifs  dont  les  Cérémonies 
n'avoient  pas  encore  été  abolies  &  au 
milieu  des  Gentils  qui  offroient  le 


DU  KOU  AKERISME.  S9 

fang  &  les  chofcs  étoufées  aux  Dé- 
mons, nous  ferions  tenus  de  nous  ab- 
ftenir  de  leur  précepte  étant  indifpen- 
fable  dans  ces  fortes  de  circonftanc  es  : 
principalement  quand  les  ennemis  de 
nôtre  Religion  nous  tendent  des  piè- 
ges ,  &  cherchent  à  nous  cngagerjdans 
leurs  cultes  &  leurs  pratiques  impies 
&  facrileges  :  ou  même  quand  en  u- 
fant  des  droits  de  nôtre  liberté  dans  ces 
fortes  de  chofcs,  nouspourions  fçan- 
dalifer  quelqu'un  de  nos  frères ,  fai- 
ble en  lafoy,  &  en  la  connoifiànce  de 
la  libcrtéChrêtienne.Dans  tous  les  au- 
tres cas  nous  pouvons  ufer  de  nôtre 
liberté ,  &  manger  de  tout  indifférem- 
ment fans  nous  en  enquérir  pour  la 
Confcicnce.  Et  St.  Paul  nous  aprend 
en  termes  exprex  que  nous  fommes 
rendus  libres  par  j.  C  du  joug  de  tou- 
tes ces  fortes  de  pratiques  :  Et  que 
nous  devons  feulement  prendre  garde 
d'abufer  de  nôtre  liberté,&  de  la  chan- 
ger en*  libertinage.  Tout  m'eft  permis  ? 
ait-il ,  mais  tout  m  rrfeft  pas  avanta- 
geux. Tout  m? eft permis ,  mais tout ri fé*> 
di fie  pas ,  que  nul  ne  cherche  fa  propre Jar 
tisfaBion ,  mais  l e  bien  des  autres .  Mat£ 
de  tout  ce  qui  fe  vend  à  la  boucherie  9 
fans  vous  enquérir  droù  il  vient  par  un 
fcrupule  deConfciencecar  la  terre  #*  tout 
C  6  e§ 


6o  Histoire 

ce  qu'elle  contient  ejl  au  Seigneur,  fi  un 
dnfidelle  vous  pie  à  manger  che%  lui , 
&  que  vous  y  voulie^  aller ,  mange*  de 
tout  ce  qu'on  vous  fervira  [ans  vous  en- 
quérir  d'où  il  vient  par  fcrupule  de  Con- 
fcience,  mais  fi  quelqu'un  vous  dit  ,\ceci  a 
été  immolé  aux  Idoles  rien  mangés  pas 
m  caufe  de  celui  qui  nous  a  donné  cet  avis^ 
4?  aujftdepeur  de  bleffer  non  nôtre  Con- 
fcience ,  maïs  celle  d'un  autre.  Et  finit 
par  cette  belle  &  admirable  fentence 
ne  donnons  point  de  fçandale  ni  aux  juifs  , 
ni  aux  gentils ,  ni  a  l'Eglife  de  Dieu 
quand  St.  Paul  aura  parlé  du  Batêmc 
&  de  la  St.  Euchariftie ,  comme  il  a 
parlé  de  ces  autres  préceptes ,  perfon^ 
ne  ne  condamnera  les  Kouakres  pour- 
veu  qu'ils  ufent  de  liberté  félon  les  rè- 
gles que  le  même  Apôtre  donne. 

Le  quatrième  prétexte  des  Koua- 
Kres  dont  ils  célèbrent  leur  rejeelion 
du  Batéme  &  de  l'Euchariftie,eft  que  fi 
îl  les  faut  obferver  il  faut  donc  auffi  ob- 
lèrver  la  pratique  d'oindre  les  malades 
d^huile  au  nom  du  Seigneur:  Car  St. 
Jaques  eft  formel  fur  cela,  quelqu'un 
cft~  il  infirme  ou  malade  parmi  vous, 
qu'il  faffe  venir  les  prêtres  de  T'Elit  fe  & 
qu'ils  prient  pour  lui ,  en  V  oignant  d'hui- 
/?  au  nom  du  Seigneur  ,  &*  leur  pricre 
(faite  avccfay  fauvera  le  malade,)  Je 

dis 


BU  KOUAKERISME.  6î 

dis  premièrement  qu'il  n'y  a  la  aucun 
précepte,  mais  feulement  un  Con- 
feil  au  un  vois  laiflc  à  la  liberté  des  ma- 
lades. Je  dis  en  fécond  lieu  que  J.  G. 
n'a  rien  commandé  de  femblable, 
qu'ainiî  il  n'y  a  aucune  comparaifon  à 
-faire  entre  le  Baîême  &  TEuchariftie, 
&  à  cette  onétion.  Je  dis  en  troifiéme 
lieu  que  je  confens  &  que  tous  les 
Chrétiens  confentir  ont  que  les  Trem- 
bleurs  pratiquent  cette  onction  s'ils 
croyent  avoir  la  puiffànce  de  guérir 
miraculeufement  par  fon  moyen  les 
malades  fur  qui  ils  la  pratiqueront. 
Enfin  pourquoi  ne  la  pratiqueroient- 
ils  pas ,  &  pourquoi  les  autres  Chré- 
tiens ne  la  pratiquent-ils  pas  à  l'exem- 
ple des  anciens  fidèles ,  &  de  toute 
l'Eglife  Latine  &  Grecque  qui  la  pra- 
tique encore  à  prefent  ?  mais  le  don 
desgucrifons  miraculeufes  n'eft  plus 
maintenant,  &  fon  temps  eft  paffé  il  y  a 
bien  des  Siècles.  Il  n'eft  palTé  que  pour 
ceux  qui  croyent  que  les  miracles 
ne  doivent  pas  être  perpétuels  dans^l'E- 
glife  de  J.  C.  pour  ceux  qui  n'ont  au- 
cune foi  véritable  ,  &  qui  par  confe- 
quent  ne  fçauroient  obtenir  par  leurs 
prières  aucune  grâce  extraordinaire  iî 
nous  en  avions  feulement  auffi  gros 
qu'un  grain  de  moutarde,  nous  pou- 
C  7  rions 


62        H  I  s  t  0  I  K  e 
nous  pourions  aifcment  tranfporter 
les  montagnes,  à  plus  forte  raifori 
pourions  nous  guérir  une  petite  fièvre. 
Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  fï  prefque 
tous  les  Chrétiens  n'opèrent  aucun 
aâe  miraculeux  ,  puifqu'ils  s'imagi- 
nent que  le  temps  des  miracles  eft  paf- 
fé,  &  qu'il  n'eft  pas  en  nôtre  pouvoir 
d'avoir  le  moindre  degré  de  cette  foi 
qui  fait  des  miracles  mais  je  foûtiens 
que  c'eft  une  erreur  &  une  illufion  très 
danger eufe ,  &  qui  n'eft  venue  que  du 
Diable  afin  de  ruiner  le  fondement  de 
laReligion  de  J.C.  &  d'en  empêcher  la 
propagation  parmi  les  infidclles.  Car 
comment  croiront-ils  en  lui  fans  mi- 
racles ?  Comment  fe  perfuaderont-ils 
fortement  de  toutes  fes  merveilles, 
s'ils  n'en  voyent  faire  aucune  pour  les 
prouver?  Comment  même  conferver 
la  Religion  parmi  les  Chrétiens  fans 
miracles  ?  Comment  convaincre  tant 
d'impies  &  tant  de  libertins  &  d'in- 
crédules, qui  s'en  moquent,  &  qui 
difent  qu'elle  n'a  pas  plus  fait  de  mira- 
cles jadis  qu'à  prefent?  J.C.  difok 
aux  Juifs  {fiftit  n'aur oient -point  eu  depe- 
cké ,  c'eft  à  dire  qu'ils  n'auroient  point 
été  coupables  de  ne  pas  croire  en  lui , 
fils  ne  lui  eurent  veu faire  des  miracles. 
Ce  dont  tant  de  gens  rejettent  la  Reli- 
gion 


DU  KOUAKERISME.  63 

gion  Chrétienne  eft  parce  qu'ils  ne  la 
voyent  appuyée  d'aucuae  miracle  \ 
qui  les  convainque  eux-mêmes  de  fa 
vérité  &  de  fon  excellence,  c'eft  la 
faute  des  Chrétiens  mêmes,  &  non  pas 
la  leur.  C'eft  parce  qu'il  n'y  a  plus  de 
Foi  fur  la  terre,  auffij.  C.  difoit  que 
quand  il  reviendroit  il  n'en  trouveroit 
plus  penfe\  vous  que  lors  qtte  le  fis  de 
ly Homme  viendra  il  trouve  encore  de  la 
Toi  fur  la  terre  ?  Point  du  tout.  Ce 
Divin  Sauveur  envoyant  les  Apôtres 
prêcher  fon  Evangile  pat  tout  le  mon- 
de nous  affeure  que  ces  fignes  ou  ces 
merveilles  accompagneront  ceux  qui 
auront  cru.  Ils  Chajferont,  dit-il,  les 
Démons  en  mon  nom.  Ils  parleront  de 
nouvelles  langues.  Ils  manieront  impû* 
nément  les  Serpens  *  s'ils  boivent  quel- 
que bruvage  mortel^it  ne  leur  fera  point  de 
mahils  imposeront  les  mains  fur  le  smala- 
des  èr  ils  feront  guéris.  J.  C.  ne  détermi- 
ne aucun  temps  prefix  à  tous  les  mira» 
des:  Et  c'eft  aller  contre  fon  inten- 
tion &  contre  fon  Eprit  que  de  1ère- 
ftreindre  à  certains  fiecles;  comme  fi 
les  uns  dévoient  être  plus  privilégie^ 
que  les  autres.  Il  dit  généralement  & 
indeterminement  que  ceux  qui  croiront 
en  lui  feront  des  merveilles. Et  comme  le 
précepte  d'aller  par  toute  la  terre  &  de 


s  i  Histoire 

Prêcher  à  toutes  les  Nations  du  mon- 
de ion  Evangile,  eft  perpétuel ,  &  n'eft 
point  encore  accompli,  y  ayant  une 
infinité  de  Gentils  à  convertir,  pour 
^oïlapromeilc  de  la  grâce  attachée 
a  la  £01  de  tous  ceux  qui  fe  converti- 
ront ne  feroit  elle  pas  auffi  générale  & 
perpétuelle  ?  C'cft  pour  cela  que  je  ne 
doute  pointque  par  tout  ou  l'Evangile 
du  Fils  de  Dieu  cft  prêché  il  ne  s'y  raf- 
le quelque  miracle,  ou  par  celui-ci 
ou  par  celui-là;  ou  par  quclqu'autre 
manière  comme  Dieu  le  juge  à  pro- 
pos. 

.Quant  à  ccjque  l'on  dit  qu'il  n'eft  pas 
en  notre  pouvoir  d'acquérir  la  Foi  des 
miracles,  on  le  dit  gratis.  Carjecroi 
tout  le  contraire,  J.  C.nous  montre 
que  nous  pouvons  acquérir  cette  Foi 
en  parlant  ainiï  à  les  Difciplcs,  en  vert- 
te  je  vous  dû  que  fi  vous  avie%  autant  de 
Foi  qu'un  grain  de  moutarde  eft gros  vous 
pourieq  dire  à  cette  montagne  tranfporte 
toi  d'ici,  &  te  précipite  dans  ta" mer, 
V*  cela  arriveront  ;  leur  parler  ainlî  c'é- 
toit  Jleur  faire  entendre  qu'il  ne  te- 
noit  qu'à  eux  d'avoir  autant  de  Foi  : 
c  étoit  les  eihorter  à  l'acqueris  :  c'é- 
tait leur  reprocher  leur  peu  de  Foy , 
O  Gens  de  peu  de  Foy  ,  0  Nation  tnf 
crédule  jufqu'à  quand  vous  Juporterdi 


DttKoUAKERlSME.  6| 

/e?  Or  fi  les  Apôtres  pouvoient  acqué- 
rir cette  Foi ,  pourquoi  non  tous  les 
ridelles? 

Apres  tout  le  même  Jefus  ne  nous 
permet  pas  de  douter  de  cette  vérité , 
&  l'Hiftoire  duFiguier  feché  du  foir  au 
lendemain  en  vertu  de  la  malédiction 
de  J.  G.  eft  trop  expreffe  fur  cefujet, 
St.  Marc  nous  raconte  au  Chap.  des 
que  le  Lendemain  du  jour  auquel  J.  C. 
le  maudit,  Jefus  &  fes  Difciples  paC- 
iantauprez,  ils  le  virent  feché  juiqu'à 
la  racine  alors  Pierre  fe  rciTouvcnant 
de  ce  que  Jefus  avoit  fait,  lui  dit , 
Maître  le  Figuier  jue  vous  ave%  maudit  v 
Je  voici  tout  fiche,  &  Jefus  lùirépon- 
.  dit,  aye^laToi  de  Dieu,  En  vérité  je 
vous  dis ,  quiconque  commandera  à  cette 
montagne  &  lui  dira  ote  ui  d'ici,  &fe 
jette  en  la  mer ,  s* il  ne  doute  aucunement 
dans  fin  cœur ,  mais  croit  au  contraire 
fermement  que  tout  ce  qu'ils  dit  arrivera , 
tout  ce  qu'il  aura  dit ,  arrivera  effective- 
ment ;  je  vous  avertis  de  croire  que  vous 
recevrez  tout  ce  que  vous  demande^  a 
Dieu  lif  alors  Dieu  vous  P  accord  r  a.  Il 
n'yapointladereftridion,  ni  de  pri- 
vilège pour  ceux-ci  plus  que  pour 
ceux-là ,  &  pour  un  certain  tems  plus 
que  pour  un  autre.  Par  confequent  il 
ne  tient  qu'à  nous  d'aquerir  cette  Foi. 


gS       9  H  I  S  T  O  I  R  E 

MU  ce  n  a  été  que  pour  nous  mieux  a-| 
prendre  qu'il  nous  eft  facile  de  l'ac-i 
quérir  que  J.  C  s'eftfervidclacom-' 
paraifon  du  petit  grain  de  Moutarde 
comme  s'il  nous  difoit,  il  faut  fi  peu  de  | 
1 01  pour  faire  des  merveilles ,  que  ce- 1 
la  n  eft  quafi  rien  de  ce  que  vous  pou-  i 
nez  acquérir  fi  vous  le  vouliez.  Il  n'en  i 
faut  pas  plus  gros  qu'un  grain  de  mou- 
tafaen  étes  vous  donc  pas  bien  mifé- 
rablcs  &  bien  malheureux  fi  le  pei? 
vous  manque  par  vôtre  faute,  car  qui 
vous  empêche  de  l'acquérir  que  vôtre 
propre  incrédulité  ,  vôtre  parefiè, 
votre  négligence,  vôtre  ftupidité? 
ÎJj  exigeois  de  vous  que  vous  culTiez, 
autant  de  Foi  qu'un  chameau  eft  gros  > 
vous  le  trouveriez  peut  être  étrange. 
Mais  j'en  exige  fi  peu  que  vous  ne 
fçauriez  vous  exeufer  pourquoi  vous 
ne  lavez  pas,  puifque  )ene  vous  en 
demande  qu'autant  qu'eft  gros  le  plus 
petit  de  tous  les  grains,  &  la  plus  pe- 
tite de  toutes  les  feemences.  Je  con- 
clus de  là  qu'il  n'y  a  que  l'incrédulité 
oc  1  infidélité  volontaire  &  criminelle 
des  Chrétiens  qui  les  empêche  de  faire 
des  miracles ,  &  par  confequent  d'o- 
pérer des  guerifons  miracuieufes  par 
les  împofitions  de  leurs  mains,  &  par 
les  On&ions  d'huile  pratiquées  fur  les 


ma- 


DU  KOUAKERISME.  6j 

malades.  Etqu'ainfiriennedoit  em- 
pêcher les  Tremblcurs  de  pratiquer  les 
onâions,  eux  qui  feT  vantent  ii i  fort 
des  opérations  Divines  du  St.  JUprit, 
eux  qui  le  croyent  les  feuls  vrais  fi- 
dèles les  feuls  Elus,  &  régénérez, 
eux  enfin  qui  fe  font  tant  vantez  en 
Angleterre  d'avoir  fait  des  miracles 
par  leurs  prières  ,par  leurs  imposions 
des  mains,  &  par  leur  feul  attouche- 
ment. r  . 

S'ils  font  véritablement  perfuadefc 
que  cette  pratique  eft  également  com- 
mandée comme  leBatême  &  la  Sainte 
Cene ,  ils  font  obligez  de  les  obferver 
toutes  également.Et  il  eft  bien  plus  lui 
pour  eux  de  joindre  enfemble  1  obier- 
vation,  de  toutes  les  trois  que  de  les 
rejetter  toutes ,  tout  à  fait  fous  prétexte 
que  les  unes  ne  font  pas  plus  authon- 
fées  que  les  autres,  Car  dans  1  un  il  n  y 
a  aucun  péril,  &  dans  l'autre  Ton  s  ex- 
pofe  évidemment  à  celui  de  violer  les 
LoixexpreffesdeJ.C  en  égalant  en- 
tre elles  des  pratiques  qui  ne  doivent 
peut  être  pas  l'être. 

Le  cinquième  prétexte  des  Trem- 
bleurspourlarejeâion  du  Bateme  & 
de  la  Cene ,  eft  que  la  liberté  Chré- 
tienne nous  afranchit  de  toutes  fortes 
de  Cérémonies,  faas  aucune  excep- 
tion 3 


?  Histoire 

non  ,  finis  allèguent  fur  ce  fuiet  le 
paroles  de  l'Apôtre,  Le  Royaume  à 
Vieu  n  eftini  viande  nibruvage ,  mais  /, 
juftice,  laPaix,  ^  la  Joye  far  le  Si 
ïjprit.Queperfcnne  donc  ne  vous  condan 
ne  pour  le  manger  &  four  le  boire,  ei 
prlefuj  et  des  jours  de  Fête,  des  nouvel 
les  Lunes  &  des  Sabats.  Si  donc  vom 
êtes  morts  avec  J.  C.  à  ces  éiemensdn 
Monde  ,  comment  vous  laiffe^  veus  im- 
fojer  des  Loix  comme fi  vous  viviez  en- 
core au  Monde,  ne  mange %  pas  de  ceci 
ne  goute$  pas  de  cela  :  ne  touche?  pas  l 
cela*  &  Cependant  ce  [ont  des  choies  qui 
Pmffm  toutes  par  Fufage  qu'on  en  fait 
*f  ne  font  que  des  ordonnances  &  des  tra- 
ditions humaines.  Ces  paroles  ,  dit 
tfarclay,  font  extrêmement  formel- 
les &  expreflès,  &  auffi  formelles 
four  authorifer  l'abolition  des  Cérémonies 
du  Batême  &  de  la  Cene  qu'elles  le  font 
four  authorifer  celle  des  Cérémonies  léga- 
les. En  vérité  l'on  a  befoin  d'une  gran- 
de patience  pour  écouter  ces  faux  Pro- 
phètes, fans  s'emporter  d'une  jufte  co- 
lère contre  ces  infâmes  profanateurs 
ce  la  Sainte  Ecriture ,  fi  les  Apôtres  a- 
voient  crû  que  les  cérémonies  duBaté- 
rne  &  de  la  Sainte  Cene  inffituées  par 
J.  C.  dévoient  être  mifes  au  rang  des 
autres Ceicmonies  légales,  pourquoi 

ne 


DU  KOUAKERISME.  6$ 

:  nous  en  auroient-ils  rien  dit  ?  Pour- 
loi  auroient-ils  toûjours  reftreint 
urs  difcours  à  ces  feulesCeremonies? 
DUiquoi  praiiquoient-ils ,  &  faifoicnt- 
î  pratiquer  à  tous  celles  de  J.C  ?  pour- 
uoi  en  parlant  de  la  Cene  en  parties 
cr,  ne  donnent-ils  point  d'autre  ter- 
le  prefix  à  là  célébration  que  celui  de 
I  consommation  des  fiecles  jufqu'au 
tfour  de  J.C 

Outre  cela  St.  Paul  ne  parle  qu'aux 
îentils  convertis ,  quand  il  leur  dit  ce 
ue  nous  avons  allégué ,  &  nullement 
ux  Juifs  mêmes,cV  des  plus  attachez  à 
îurs  Cérémonies ,  elles  n'obîigeoient 
ullement  les  Gentils ,  à  moins  qu'ils 
e  voulurent  être  profelitesdelaju- 
ice ,  &  être  inferez  &  incorporez  au 
euplede  Dieu. 

De  plus  ne  faut  il  pas  être  tout  à  fait 
mpie  pour  comparer  enfemblc  les 
receptes  Ceremoniels  de  juge  dont 
>n  ignoroit  alors  prefque  univerfelle- 
aent  toutes  les  raifons ,  &  ceux  de 
.  C.  dont  il  n'y  a  perfonne  qui  ne  con- 
loiffe  parfaitement  les  raifons  ? 

N'eft-ce  pas  une  autre  impieté  que 
e  traitter  de  rudiments  du  monde  des 
Cérémonies  qui  expriment  fi  vive- 
nent  6c  ti  fimplemcnt  tout  enfemble 
es  plus  grandes  veritez,  &  les  plus 
iablïmcs  miftéres  de  la  Religion 


70  Histoire 

Chrétienne,  &  même  tout  ce  quel 
Dieu  fait,  &  tout  ce  qu'il  opère  au 
dedans  de  nous  par  fon  Efprit  Divin. 
&  tout  ce  qu'il  y  opérera  un  jour  de) 
plus  admirable  &  de  plus  glorieux  r| 
comment  encore  comparer  aux  an-j 
ciennes  Cérémonies,  qui  étoient  un, 
joug  pesant,  un  joug  continuel,  &j 
qui  s'étendoit  a  toutes  les  aérions  de  la 
Vie,  &  qui  à  caufe  de  cela  étoit  unj 
jouginfuportable,  deux  fimplcs  Ce- 
remonies  qui  n'ont  rien  ni  de  difficile  ,| 
ni  d'onéreux,  &qui  ne  fe  pratiquent! 
que  quelque  fois  ?  deux  Cérémonies 
qui  font  prifes  de  ce  qu'il  y  a  de  plus] 
fimple  &  de  plus  naturel  dans  toute  lai 
Vie,  &  dont  l'une  nefe  pratique  ja- 
mais qu'une  feule  fois,  &  l'autre  feu-| 
lement  quand  l'occafîon,  s'en  pre-j 
fente,  &que  vous  le  juges,  à  propos  ?| 
deux  Cérémonies  enfin  qui  relTem-| 
blent  suffi -peu  àcellesdeMoyfe  quel 
le  ciel  à  la  terre  &  le  jour  à  la  nuit  ? 
Enfin  n'eft-ce  pas  vomir  un  blafphêmej 
excecrable  contre  la  perfonne  Divine 
de  J.  Ç.  que  dWr  apeller  des  élcmens 
du  monde  des  chofes  que  la  fagefle 
Eternelle  a  inftituée  elle-même,  & 
des  inftitMtions  humaines  celles  qu'unj 
Dieu  a  voulu  établir  lui-même. 
Leur  fixieme  prétexte  eft  de  direl 

tou-j 


DU  KOUAKERISME.  Jl 

duchant  le  Batêmc  que  le  Batême 
i*cau  n'eft:  pas  le  Batême  de  J.  C. 
nais  bien  celui  de  S.  Jean  fon  précur- 
seur, au  lieu  que  le  Batême  de  J.  C. 
:'eft  le  Batême  d'Efprit  &  de  feu  je 
vous  Batife  d'eau ,  dit-il,  mais  celui 
qui  vient  après  moy  vous  Batifera  d'Éf- 
frit  &  de  feu.  Et  touchant  l'Euchariftie 
que  le  pain  que  nous  devons  manger 
n'eft  pas  un  pain  matériel,  mais  un 
paincelefte,  fçavoir  J.C.même,  ce 
pain  vivifiant  qui  eft  defcendu  du  CieL 
Et  fur  cela  il  citera  encore  ces  paroles 
de  St.  Paul ,  comme  il  n'y  a  qu'un  [eut 
fainr  nous  ne  fommes  tous  auffî  qu'un 
feul  Corps ,  quoique  nous  foyonsplujïeurs. 
Parce  que  nous  participons  tous  à  un  jeu l 
pain.  Autre  profanation  horrible  des 
Saintes  Ecritures.  Je  dis  dont  qu'il  eft 
vrai  que  le  Batême  de  J.  C  propre  & 
particulier  à  J.C  eft  le  Batême  d'Ef- 
prit,  mais  on  ne  fçauroit  nier  auffi 
qu'il  n'ait  pas  Batifé  ou  fait  Batifcr 
d'eau  ceux  qui  fc  rangeoient  fous  fa 
Difcipline ,  &  croy oient  en  lui.  On 
ne  peut  pas  nier  non  plus  qu'il  ne  l'ait 
ordonné  à  fes  Apôtres ,  &  que  les 
Apôtres  ne  l'ayent  obfervé,  &  fait 
obferver»  Et  pourquoi?  parce  qu'ils 
avoient  veu  que  leur  maître  ne  le  re- 
jettoit  pas.  Parce  qu'ils  avoient  du 

ref- 


7*  Histoire 
refpeâ  pour  une  chofe  qu'ils  fça- 
voicnt  avoir  été  inftitucc  par  lui-mê- 
me. Parce  que  le  Batéme  d'eau  étoit 
très  propre  à  exprimer  d'une  manière 
fenhble  le  Batême  d'Efprit ,  bien-loin 
de  les  oppofer  l'un  à  l'autre. 

Et  pour  ce  qui  cil  de  l'Euchariftie 
c'eft  tordre  manifeftement  l'Ecriture  à 
fa  propre  condamnation ,  que  d  e  d  ire 
queJ.C.  if  ordonne  point  à  fes  Difci- 
ples  de  manger  d'autre  pain  que  celui 
dont  il  parle  aux  Capernaïtes ,  à  moins 
qu'on  ne  deftingue  ici ,  en  avouant 
que  J.C.  n'ordonne  point  à  fes  Fidè- 
les de  manger  par  la  Foi  d'autre  pain 
que  lui-même  qui  eft  le  pain  defeendu 
du^  Ciel ,  ordonnant  néanmoins  on 
même  temps  de  manger  quelquefois 
de  la  bouche  du  corps  de  vrai  pain  afin 
de  figurer  par  ce  pain  Terreftre  le 
pain  Celefte  que  famé  feule  peut  man- 
ger &  digérer.  Et  les  Trcmbleurs  ne 
le  peuvent  coutelier.  Car  Bardai  dc- 
demeurc  d'accord  que  J.  C  inftitua 
l'Euchariftie,  &  l'a  recommanda  à  fes 
Difciples.  j.  C.  dit-il ,  ari-Jl  inftitué 
la  Cérémonie  de  franger  du  pain  èr  de 
boire  du  vin  en  Ça  Commémoration  ?  Ré- 
ponfc  ce  aue  pat  reçu  du  Seigneur,  je 
vous  l'ai  [au (]i  aprir  c'rft  à  fç  avoir  que 
h  Seigneur  en  la  nuit  en  laquelle  il  fut 

trahi 


ï>  U  KOUAKERISME.  7J 
trahi  &c. Pourquoi  donc  tant  chicaner? 
&  pourquoi  oppofer  perpétuellement 
ces  fortes  de  chofes  à  celles  qu'elles 
reprefenterent ,  puis  qu'elles  n'ont  été 
inftituées  qu'afin  de  les  reprefenter ,  & 
de  nous  toucher  davantage  ? 
Mais  voici  le  miftere  de  l'iniquité  de 
ces  Antechrifts  ?  C'eftque  l'ufagc  da 
ces  Cérémonies  n'a  du  durer  que  juf- 
qu'après  la  Pentecôte.  Ceft  à  dire  jus- 
qu'au temps  de  l'effafion  du  St.  Efprit 
qui  efl:  le  feu  dont  les  Difciples  dé- 
voient être  Batifez,  &  k  véritable 
pain  celefte  dont  ils  dévoient  être 
nourris.  G'eft  Bardai  qui  nous  a  de- 
couvert  ce  fecret  ;  mais  il  ne  le  fait 
qu'à  demi ,  depeur  d'effaroucher  trop 
ies  Efprits.  Demande.  Quel  eji  ce feul 
"Batcme.  Réponfe.  Ceft  le  Batems 
qui  nous fauve  r  non  $  as celui  qui  nettoyé 
la  chair  de  fes  falete% ,  mais  celui  qui 
rfejl  que  Valeur  ance  £une  honne  con-« 
feience  devant  Dieu*  Demande  que  dit 
Jean  Batifle  du  Batême  de  Chrift,  & 
comment  le  diftinguent-ils  du fien  ?  Ré- 
ponfe. A  la  vérité  je  vous  Batiçe  iïEau  y 
mais  celui  qui  vient  après  moy  vous  B*- 
tifera  du  St.  Efprit  &  du  feu.  Deman- 
[  de.  Efl-ct  que  J .  C.  même *  fait  cette  dif~ 
\tinftion*  Réponfe.  Jefus  ordonna  à  fes 
Pifciplesdenepas  fvrtir  de  Jcrufalem: 
J)  mais 


74  Histoire 

mais  bien  cCy  attendre  la promejfe  du  Pe* 
re  que  vous  ave%  ouïe  de  moy.  Car  Jean  a 
Sâtifé  d'eau  à  la  vérité  r  mais  dans  -peu 
de  jours  vous  fer  e%  Batije^du  St.  Efpit* 
M'eft-ce  pas  enfeigner  clairement  que 
le  Batême  d'eau  ne  devoit  durer  que 
jufqu'a  la  Pentecôte,  &  que  depuis 
cetemslaleBatêmed'Efprita  pris  fa 
place;  ainfî  les  Kouakres  en  fçavent 
bien  plus  que  les  Apôtres  y  qui  ne  laif- 
ferent  pas  de  Batifer  toujours  depuis, 
&  qui  commencèrent  même  à  le  faire 
le  propre  jour  de  la  Pentecôte,  c'eft  à 
dire  le  jour  même  du  premier  &  du 
lolemnel  Batême  d'Elprit  &  de  Feu- 
Gar  St.  Luc  raporte  qu'il  y  eut  prés  de 
trois  mille  perfonnes  qui  furent  con- 
verties à  J.C.  en  ce  jour  la  par  la  pré- 
dication de  St.  pierre ,  &  qui  furent 
Batife^,  if  fuit  recurent  le  don  du  St. 
Èffrit. 

Mais  quand  même  nos  Sts.  Apôtres 
n'auroient  pas  fçû  ce  qu'ils  failoient  en 
retenant  la  pratique  du  Batême  depuis 
3a  Pentecôte ,  du  moins  nos  Koua- 
kres ne  les  peuvent  blâmer  de  Batifer 
d'eau  d'abord  les  perfonnes  qui  vien- 
nent à  croire  en  J.  C  &  qui  n'ont  pas 
encore  reçu  le  St.  Efprir,  c'en:  à  dire 
qui  n'ont  pas  encore  été  Batifez  du  St. 
Efprit.  Car  le  premier  Batême  doit 

durer 


PU  KOUAKERÎSME. 
durer  julqu'au  tcms  du  fécond.  Or  il 
cft  confiant  que  tous  les  fidèles  paffent 
depuis  le  premier  jufqu'au  dernier  fous 
î'œconomie  de  Jean  avant  que  d'être 
Batifez  du  St.  Efprit.  Et  par  confe- 
quent  ils  doivent  auffi  paffer  par  fou 
Batême  d'Eau  afin  de  pouvoir  paffer 
fous  celui  du  St.  Efprit.  Il  eft  très  cer- 
tain encore  que  le  don  du  St.  Elprit 
n'étoit  que  pour  ceux ,  généralement 
parlant,  qui  avoient  déjà  crû,  &  qui 
même  avoient  été  Batifez  d'eau  au 
nom  de  J.  C  &  cela  étoit  félon  l'ordre 
de  J.C.  qui  n'accorde  le  don  des  mira- 
cles qu'a  ceux  qui  aurmt  cru  if  auront 
été  Batife%.  C*eft  pourquoi  le  Prince 
des  Apôtres  exhortant  les  Juifs  qu'il 
avoit  touchez  par  fon  fermon  à  fe  faire 
Chrétiens  leur  difoitR^p  ente  ^  vomjroi- 
la  le  langage  &  l'économie  du  Precur- 
feur  Jean  Batifte ,  àr  que.  chacun  de 
womfbkBdtïfé  au  nom  de  J.  C.  Voila 
le  premier  Batême ,  le  Batême  d'Eau  \ 
ou  le  Batême  de  Jean ,  &  vous  recevre^ 
ie  don  du  St.  Efprit ,  voila  le  fécond  Ba- 
tême,  le  Batême  propre  à  J.  C.  le  Ba- 
tême du  St.  Efprit.  C'eft  pourquoi 
l'Hiftoire  Apoftolique  nous  aprend 
]ue  pérfonne  n'avoit  part  au  Batêmè 
d'Efprit  qu'il  n'eût  été  déjà  Batifd 
«PEauaunomde  J.G. 

D  z  Les 


76  Histoire 

Les  Trembleurs  n'enfeignent  pas 
înoins  clairement  que  la  célébration 
de  l'Euchariftie  ne  devoit  durer  que 
jufqu'aujour  de  la  Pentecôte,  à  l'é- 
gard des  Apôtres,  &  jufqu'au  tems 
quej.  C.le  nouveau  fœtus  du  Koua- 
kerilmefoit  formé  dans  nos  ames,  à 
l'égard  de  tous  les  autres  fidèles.  Parce 
que  ce  tems  ft  eft  pour  eux  leur  vérita- 
ble Pentecôte.  Demande.  Combien  de 
tems  la  Cérémonie  de  l'Euchariftie  devoit 
elle  durer  l  Réponfc,  toutes  les  fois  que 
vous  manger e%  de  cefain  &  que  vous  toi* 
re%  de  cette  coupe  vouspiblig^  la  mort  du 
Seigneur  jufqu'a  ce  qu'il  vienne.  De- 
mande. J.  C.  promit  il  de  revenir  à  [es 
Apôtres}  Réponfe.  Je  ne  vous  Userai 
foint  orphelins  ,je  reviens  à  vous  ;  J.  C. 
refondit  &  lui  ait  fi  quelqu'un  m'aime  if 
garde  ma  parole  9  mon  pere  l'aimera ,  nous 
viendrons  à  lui,  &  nous  demeurerons 
che%  lui*  Demande.  Cet  avènement 
fut-il  interne  ?  Réponfe.  Ce  jour  la  vous 
fç aurez  que  je  fuis  dans  mon? ère,  que 
vous  êtes  en  moi,  i?  que  je  fuis  en  vous.. 
Or  peut-on  douter  que  J.  C  ne  vint  à 
eux  particulièrement  le  jour  de  la  Pen- 
tecôte, parlemoyenduSt.Efpritqui 
defcenditrur  eux,  &  qui  habita  dan  9 
leurs  cœurs?  C'eft  toujours  comme' 
vous  voyez  îa  même  profanation  de 

là 


DU  KOUAKERISME.  77 
la  Sainte  Ecriture.  Car  il  eft  plus  clair 
que  le  jour  que  la  vernie  de  J.  C.  dont 
St.  Paul  parle  eft  celle  qui  fe  fera 
quand  il  defeendra  du  Ciel ,  &  vien- 
dra juger  les  hommes  fur  la  Terre. 
C'efî:  à  ce  feuî  là  que  nous  conduit 
J.  C.mêmeennousavertifïantde  fai- 
re fonEuchariitie  en  mémoire  de  lur, 
afin  de  nous  fouvenir  de  lui,  deforte 
que  les  fimboîes  miftiques  font  com- 
me un  gage  facré  qu'il  nous  a  laiffé 
pour  nous  faire  fouvenir  de  lui,  &  pour 
nous  confoler  de  fa  chère  prefence  f 
&  enfin  pour  vous  afïurer  qu'il  revien- 
dra un  jour  à  nous  félon  fa  pro  méfie* 
D'ailleurs  cette  vc^uë  fpirituelîe  de 
J.  C  à  nous ,  par  le  moyeu  de  la  régé- 
nération n'a  rien  d'oppofé  ni  d'imeon- 
patibîe  avec  la  Cérémonie  de  îa  Cene  , 
au  contraire  elle  s'ajufte  &  elle  s'ac- 
corde admirablement  avec  elle;elle  eft 
même  toute  propre  à  y  contribuer.  Et 
elle  en  représente  toute  îa  force&  toute 
l'efficace.  Nos  Ste.  Apôtres  n'ont  nul- 
lement entendu  que  cette  Cérémonie 
dut  finir  après  îa  Pentecôte  ,  puif- 
qu'iîs  l'ont  toujours  pratiquée  depuis, 
&  non-feulement  eux ,  mais  auffi  tous 
leurs  lùccefîèurs  jufqu'a  nous.  Par 
confequent  ils  n'ont  point  du  tout  en- 
tendu l'avènement  de  J.  C.  dont  St. 

D  3  Pa&1 


78  Histoire 

Paul  parle,  &  jufqu'au  tems  duquel  il 
vent  qu'on  faffe  l'Euehariftie  &  qu'on 
célèbre  la  mémoire  de  la  mort  de  J.  C* 
de  f  avènement  fpirituel,  mais  feule- 
ment  de  celui  qui  fera  le  retour  glo- 
rieux de  J.C  fur  la  Terre.  EtJ.C.ne 
parle  ni  de  l'un  ni  de  l'autre ,  quand  il 
dit  à  fes  Apôtrçs  je  ne  v$us  laiflerai  pas 
comme  des  Orphelins.  Je  reviens  à  vous, 
i\  ne  parie  que  de  la  perte  qu'ils 
alloient  faire  de  lui  par  la  mort  r 
mais  qui  feroit  bientôt  fuivie  d'un 
prompt  retour  par  le  moien  de  fa  reûi- 
reélion,  encore  un  -peu  de  tems ,•  <&r  U 
monde  ne  me  verra  plus  :  mais  pour  vous 
vous  me  verre  ^  parce  que  je  fer  ai  vivant, 
if  que  vous  aujfi  un  jour  vous  vivre% 
■comme moi.  En  ce  jour  là,  quand  vous 
me  verre %  retourner  en  vis,  vous  connoi- 
tre%  que  je  fuis  en  mm  Pere  &c.  Et  s'il 
faut  étendre  cela  plus  loin,  on  peut 
l'appliquer  au  j  our  de  la  dernière  rciu- 
re&ion.  C'eft  ainfi  que  les  Kouakres 
interprètent  l'Ecriture. 

Il  y  a  encore  une  autre  infigne  four- 
berie dans  toutes  ces  allégations.  La 
voici.  Ils  nous  difent  que  le  pain  que 
nous  devons  manger  n'eft  que  ce  pain 
celefte  &  vivifiant  qui  eftj.  C.  même  I 
.  &  puis  pour  nous  infinuer  que  c'eft  de 
ce  pain  la  que  St.  Paul  parle  auxCo- 

riri- 


DU  KOUAKERISME.  79 

rjxithicns  quand  il  leur  reprefente  Vin- 
ftitution  de  l'Euchariftie ,  &de  quelle 
manière  ils  doivent  1$  célébrer  ,  non 
en  la  faifant  feparement  les  uns  des, 
autres,  mais  tous  enfemblc ,  parce 
que  c'eft  à  cette  union  que  l'Eucha- 
riftie même  les  invite,,  en  ce  qu'elle 
ne  fe  fait  que  par  le  moyen  d'un  feul 
pain ,  dont  on  dilinbue  des  morceaux,, 
à  tous;  le  pain ,  dit-il,  que  nous  rom~ 
pons  n'eft-il  pas  la  communion  du  corps- 
de  Chrifi.Puifque  ce  neft  qiiun painyious 
qui  Jommes  plufuurs  nous  ne  devons  être 
qu'un  feul  corps ,  parce  que  nous  ne  par" 
ticipons  tous  au  a  un  feul  pain  :  pour  in- 
finu.er  dis-jeque  l'Apôtre  parle  de  ce 
pain  fpirituel  qui  cfr  lui-même  -,  ils 
joignent  immédiatement  fes  paroles  à 
celles  de  J.  C.  aux  Capernaites,  quel- 
qu'un  me  mange  il  vivra  par  mon  moyen* 
Celui  qui  mangera  du  ce  pain  il  vivra; 
éternellement.  Comme  c'eft  un  f ml  pain  > 
nous  quoique  plusieurs  ne  fommes  néan- 
moins qu'un  feul  corps-,  car  nous  parti- 
cipons tous  a  ce  feul  pain.  Ce  n'eft  pas 
qu'il  ne  foit  très  vrai  que  J.  C  n'eil 
qu'un  feul  pain,  &  que  nous  tous  ne 
participions  qu'à  ce  feul  pain  quant  au 
fens  myftique  &  figuré  ,  mais  il  eft 
vifible  que  St.  Paul  n'a  entendu  parler 
que  du  pain  rompu  &  diftribué  à  tous 
D  4  l££ 


8o  Histoire 

les  fidèles  dans  la  Cérémonie  de  la  Ce.f 
ne;  &  l'impofteur  de  Bardai  eft  oblige 
d'en  demeurer  d'accord,  parce  qu'il 
reconnoit,  malgré  qu'il  en  ait,  que  l'E- 
glife  de  Corinthe  a  Célébré  la  Céré- 
monie de  la  Cene  après  l'avènement 
intérieur  &  fpirituel  de  J.  C.  mais  il 
femble,  dit-il,  que l'Eglife  Corinthien-- 
ne  a  pratiqué  cette  Cérémonie  après  cet 
avènement  intérieur  de  J.  C*  Et  il  n'a 
oié  dire  que  non  7  ni  qu'elle  ait  mal 
fait. 

Enfin  quand  l'on  accorderoit  que 
cette  Cérémonie  ne.  doit  durer  que 
jufqu'au  temps  de  leur  prétendu  ave- 
iiement  fpirituel  &  intérieur  de  J.  C. 
(jans  chaque  ridelle  \  ils  feroient  néan- 
moins obligés  de  la  pratiquer  julqu'a- 
lors.  Or  pas  un  Kouakre  ne  la  Célè- 
bre. 11  faut  donc  de  toute  neceffité 
qu'ils  foutiennent  que  J.  C.  ne  man- 
que jamais  de  venir  dans  chacun  deux 
fans  exception  de  perfonne ,  ni  d'âge , 
nidefexe.  Ainii  ils  nainent  tous  dans 
la  grâce ,  &  dans  l'Efprit  d'adoption  : 
ils  naiffent  tous  des  Chrifts  Celeftes , 
&des  hommes  nouveaux  tout  formez 
en  un  moment.  Au  moins  s'ils  ont 
tant  de  privilèges ,  ils  ne  devroient  pas 
tant  déclamer  contre  les  autres  Chré- 
tiens qui  ne  font  encore  que  fort  grof- 


DU  K  Ù  UA  KÉRISMË.  Sf 

fiers  &  fort  charnels ,  &  à  qui  par  con* 
fequeîit  ce  Jefus  intérieur  n'eft  paint 
encore  venu.  Ils  ne  font  donc  que  leur 
devoir  quand  ils  Célèbrent  l'Euchari- 
flie  eu  attendant  ce  bien  heureux  mo- 
ment auquel  le  nouveau  fœtus  du 
Kouakerifine  fe  fera  tout  à  fait  formé 
en  eux. 

Voici  encore  une  autre  difficulté. 
C 'eft  que  comme  il  eft  certain  que  la 
formation  du  nouvel  homme  ou  du 
Ghriftcelefte  a  divers  degrez  &  divers 
Périodes,  les  Trembleurs  nous  de- 
vraient im  peu  inftruirequel  eft  le  de- 
gré ou  le  période  après  lequel  il  ne  faut 
plus  penfèr  à  la  mort  de  J.  C.  ni  l'a  Cé- 
lébrer en  remerciant  Dieu  de  ce  qu'il 
a  bien  voulu  livrer  fon  Fils  Unique 
afin  de  nous  fauver  de  la  mort  éternel- 
le. Car  enfin  les  Apôtres  étoient  fidel- 
tes  &  régénères ,  même  avant  te  Pen- 
tecôte r  avant  même  l'Euchariftie 
qu'ils  célébrèrent  avec  leur  maître. 


t>  $         C  H  A- 


§2r  Histoire 
CHAPITRE  X  V, 

Dernier  prétexte  des  Kouahrespouv* 
rejetter  le  Batême  €r  VEuchari- 
jt/e.  S erpcnt  d'Airain  5  emhlêmet 
illujlrede  Crucifié. 

ÏJNfîn  nos  faux  Prophètes  difent: 
^  pour  dernier  prétexte  qu'on  a  abu- 
fç  fi  criminellement  de  ces  deux  Céré- 
monies ,  particulièrement  de  l'Eucha- 
rifhe,  en  l'ayant  transformée  en  une. 
véritable  idole ,  qu'il  ne  faut  pas  trou- 
ver étrange  s'ils  les  ont  abolies ,  &  que* 
c'étoit  ce'  qu'ils  dévoient  faire  pour 
couper  ces  montres  d'erreur  &  d'im- 
piété par  la  racine ,  &  prévenir  le  mal 
qui  en  pouroit  arriver  fi  on  les  obfer- 
voit  encore.  Qu'Ezechias  ne  fit  pas 
difficulté  de  brifèr  le  Serpent  d'Airain 
lorfqu'ilvit  les  Juifs  fc  porter  à  l'ado- 
rer &  à  l'encencer ,  quoique  ce  fimula- 
cre  fût  un  monument  magne  de  la. 
guéri fon  miracuîeufede  leurs  Ancc- 
lires  faite  au  defert  par  fon  moyen , 
lors  qu'étant  mordus  des  Serpens  ils* 
tournoient  laveué  vers  lui. 

je  fuis  ravi  que  cette  excufë  appuyée 
de  i'aftion  d'Ezecbias  qui  bjiû  le  Ser- 
pent 


DU  K  OU  A  KER  ISME.  '8j 

pcnt  d'Airain  me  donne  occafîon  de 
montrer  îa  neceffité  qu'il  y  a  de  croire 
en  J.  G.  mort  &  crucifié  pour  nous, 
&  de  jetter  fans  celle  les  yeux  fur  cet 
objet  falutaire  afin  de  guérir  nos  ames 
des  playes  du  péché,  c'eft  à  dire  des 
morfures  de  l'Ancien  ferpent  dont  il 
nous  eit  prefque  impoffibîe  d'éviter  les 
blelfures ,  tandis  que  nous  fommes  er- 
cans  dans  les  deferts  de  ce  monde. 

Il  n'y  a  point  de  Chrétien  qui  puiflè 
douter  que  l'élévation  &  la  fufpention 
du  Serpent  d'Airain  faite  au  Defert  par 
Moyfe  n'ait  été  un  Jeroglife  &  un  em- 
blème admirable  &  tout  enfembie  une 
prediétion  très  expreffe  de  la  Crucifi- 
xion du  Meffie.il  y  a  entre  l'un  &  l'au- 
tre tant  de  fi  beaux  rapports  qu'il  faut 
fe  fermer  les  yeux  pour  ne  les  pas  voir. 
Etjenefçaurois  fur  ce  fujet  nfempê- 
cher  de  déplorer  l'aveuglement  extrê- 
me des  Juifs  de  ne  pas  reconnoître 
dans  ce  Divin  Emblème  nôtre  Divin 
Cruciflé,qui  quoi  qu'il  ne  fût  qu'un  A- 
gneau  innocent  &  fans  tâche, le  St.&  le 
juftervoulut  bien  néanmoins  prendre  la 
forme  d'un  vil  &  miferâble  efcîavc,  & 
même  du  plus  grand  pécheur  &  du  plus 
criminel  de  tous  les  hommes  r  &  fut 
traité  demême-,  ayant  été  attaché  au 
gibet ,  &ayant  fouftèrt  la  mort  honteu- 
D  6  & 


84  Histoire 

fe  de  la  Croix,  qui  étoit  le  fuplice  des 
cfclaves  &  des  plus  grands  fçelerats. 
N'étoit  ce  pas  la  prendre  la  forme  & 
le  cacher  fous  l'apparence  d'un  ferpent 
plein  de  vevin  &  de  malice,  &  n'en 
avoir  néanmoins  que  la  feule  apparen- 
ce, puifqu'au  lieu  de  faire  du  mal  en 
cet  état,  il  n'eft  capable  que  de  faire 
du  bien,  en  gueriffant  toutes  nos  in- 
firmiez &  nos  langueurs,  en  donnant 
même  la  vie  aux  morts  :  à  condition 
que  les  malades  &  les  morts  cher^ 
chent  chez  lui  leur  guerifon  &  leur  re- 
lurcâion  en  tournant  fans  celle  les 
yeux  fur  J.  C  mourant  en  croix,  ils 
le  prient  avec  ardeur  &  avec  confian- 
ce de  leur  obtenir  de  Dieu  la  Remif- 
fion  de  leurs  péchez.  Car  ce  n'eft  qu'à 
cette  condition  là  que  J.  C.  nou&  veut 
procurer  le  falut  &  la  vie ,  comme Mot- 
pr  dit-il,  éleva  le  Serf  ent  £  Airain  au 
Dejèrt,  il  faut  que  le  Fils  de  f  Homme  fiit 
élevé  r  &  pourquoi  ,  afin  que  quicon- 
que croit  en  lui  ait  la  vie  éternelle ,  c'efl 
adiré  afin  que  quiconque  contemple 
jefu  s  attaché  fur  la  croix ,  &  a  recours 
à  lui- en  cet  état,  foit guéri  de  Tes  pé- 
chez :  tout  de  même  que  le  Serpent 
d'Airain  ne  fut  élevé  au  Defert,&  atta- 
ché à  une  perche,  &  planté  au  milieu 
du  Camp>  qu'afm  que  tous  ceux  qui 

fa 


BU  KOUÂKERISME.  îf 

feroient  mordus  des  ferpens  jettaffenî 
les  yeux  fur  lui,  &  fufient  guéris.  Et 
qui  eft-ce  qui  acft  pas  pécheur l.  qui 
eft  ce  qui  ne  fente  que  trop  fouvertè 
les  morfures  du  SerpentPOu  qui  eft-ce 
qui  n'en  ait  pas  été  mordu  quelque- 
fois? Et  par  confequcntquieit  ce  qui 
n'ait  pas  befoin  de  regarder  perpétuel- 
lement vers  j.C  mourant  pour  nous 
fur  la  croix ,  vers  celui  que  nos  pèches 
ont  percé  ?  Les  Kouakres  n'ont- ils 
donc  pas  véritablement  apoftafié  de  J. 
G  enmeprifant  fa  mort,en  enfeignant 
à  la  tourner  toute  en  pure  allégorie ,  & 
en  n'exhortant  jamais  perfonne  à  de- 
mander pardon  à  Dieu  de  fes  péchez 
au  nom  &  par  la  croix  du  fils  de  Dieu  ? 

Mais  pour  venir  à  la  folution  de  la 
difficulté  ,  je  dis  premièrement  qu'il 
n'y  a  point  d'abus  fi  criminel  dans  la 
pratique  des  Loix  &  des  Cérémonies 
Divinement  inûituées  q&'il  donne  le 
droit  aux  hommes  de  les  abréger*  Ce* 
la  n'appartient  qu'à  Dieu  même  &  à 
l'inftituteur  des  Cérémonies.  Il  falloit 
donc  attendre  fur  cela  la  volonté  de 
Dieu  &  la  déclaration  expreflede  J.  C. 
je  dis  de  J.  C.  vivant  &  régnant  au  ciel? 
&y  demeurant  en  corps  &  en  ame9 
&  devant  un  jour  vifîblement  en  def- 
cendre  pour  juger  les  hommes  à  & 
D  7  son 


§5  Histoire 
lion  du  Chrilt  intérieur  des  Kouakrcs  T 
qui  n'a  jamais  été  crucifié,  &qui  ne 
içauroit  jamais  l'être  réellement  &  de 
fait  ,  &  qui  léul  leur  a  di£té  d'abolir  la 
Cérémonie  myftique  &  limbolique  de 
lamort  réelle  &  corporelle  de  nôtre 
Divin  Jefus,  le  feuLChrift  véritable  j  & 
dont  le  nom  feul  a  été  donné  aux 
hommes  pour  les  fauver;car  enfin  c'eft 
le Chrift corporel,  &  qui  eft  mort  & 
reiTuffité  corporellement ,  &  qui  eft 
monté  corporellement  au  Ciel,  lequel 
la  ordonnée  à  fon  peuple, 

Je  répons  en  fécond  lieu  que  les 
Juifs  n'avoient  aucun  ordre  ni  aucun 
précepte  de  garder  le  Serpent  d'Airain 
depuis  qu'ils  étoientfortis  du  Defert  & 
entrez  dans  la  Terre  de  promiflîon  : 
que  par  conièquent  Ezechias  avoit 
droit  de  le  brifer,non  feulement  quand 
il  vit  que  le  peuple  en  abufoit,  mais 
quand,  même  il  n'en  auroit  pas  abufé, 
Or  l'Eglife  Chrétienne  a  un  précepte 
formel  de  Célébrer  la  mémoire  de  la 
mort  deJ.C.parl'Euchariftie:  &  les 
Apôtres  ont  tranfmis  cette  pratique  à 
leurs  fucceflèurs  &  leurs  fuccelleurs 
nous  l'ont  donnée  de  main  en  main» 

C'eft  en  vain  que  l'on  répliquerait 
qu'il  n'y  avoit  que  les  Ap  ôîres  obligez 
i  la  faire  ,  J.  C.  ne  parlant  qu'a  eux. 

Car 


D  U  KOUAK  E  R  I  S  M  E.  8^ 

Car  St.  Paul  montre  qu'ils  fe  crurent, 
©bligex  à  la  faire  obferver  à  tous  les. 
Chrétiens  qu'ils  raifoient;  Et  cela 
jufqu'aia  confommation  des  iïecles  t. 
puiiqu'il  veut  qu'on  la  Célèbre  jufqu'a. 
ce  que  J.  C  revienne  à  nous  en  fa  pro- 
pre perfonne.  Et  rien  n'eft  plus  con- 
forme au  but  &  aux  paroles  de  J.C  car 
eft-ce  que  ce  Divin  Sauveur  n'auroit 
ordonné  qu'a  fes  premiers  Difciples  de 
fefouvenirdelui,  &  de  Célébrer  de 
tems  en  tems  la  mémoire  de  fa  mort  ? 
n'y  a-t-il  qu'eux  qui  foient  dans  l'obli- 
gation de  remercier  J.G.  de  ce  que  par 
excez  d'amour  &  de  bonté  pour  eux  & 
pour  nous  tous  f  il  a  voulu  mourir  fur 
un  infâme  poteau  ?  Par  confequent 
J.  C.  padoit  à  toute  l'Eglife  &  à  tous 
les  fîecks  du  Chriftiamfme ,  en  leui 
parlant  &en  leur  ài&nt  faites  ceci  en 
mémoire  de  mey..  Auffi  il  n'y  a  jamais 
tu  d'Eglife  fondée  par  les  Apôtres  ^ 
ni  par  leurs  fucceffeurs  qui  n'ait  cou- 
fiamment  Célébré  l'Euchariftie  juf- 
qu'a  nous- 

Les  premiers  hérétiques  mêmes  9 
&  les  plus  grands  &  les  plus  dangereux 
que  f'Eglife  ait  jamais  eu  v  &  qui  réf. 
fembloient  parfaitement  à  nos  Koua» 
kers  r  comme  les  Knoffiques>  &  les 
Maarionites-,  &  les  Manichéens  dont 


f%  HISTOTKE 

2e  Chrift  Celefte  eft  tout  pur  Efprit ,  Se 
qui  par  confequent  n'a  jamais  été  réel- 
lement crucifié ,  &  qui  félon  Mar- 
cion  &  Mânes  n'étoit  qu'une  produc- 
tion émanée  du  Pere  inconnu  &  une 
portion  de  fon  Efprit  ou  de  fa  fubftan- 
ce  éternelle  &  incorporelle,  répan- 
due par  tout  par  portions  ,  &  princi- 
palement répandues  dans  nos  ames 
pour  y  germer,&  y  faire  naître  l'Hom- 
me Celefte,&pour  le  dégager  des  liens 
de  la  chair  &  du  fang  de  l'hommeTer- 
sreftre,  &  de  la  fubftance  du  Dragon,  & 
du  Prince  des  ténèbres ,  a  fervi  de  mo- 
delleauxKouakres  pour  former  leur 
nouveau  Chrift,  univerfellement  ré- 
pandu dans  tous  les  hommes,  &qui 
eft  félon  eux  une  véritable  portion  on 
un  véritable  rayon  de  la  fubftance  di- 
vine,* du  principe  de  la  lumière,  mal- 
heureufement  engagée  dans  la  fubftan- 
ce tenebreufe  du  péché.  Les  Ancien» 
Hérétiques ,  dis-je ,  tout  Knoftiques  & 
tout  fpirituels  qu'ils  étoiët,ne  laifloient 
pas  de  Célébrer  l'Euchariftie,  même 
avec  le  pain  &  le  vin ,  excepte  le*  Ma- 
nichéens qui  rejetterent  le  vin  ,  ce  qui 
fburniffoitaux  autres  Chrétiens  un  ar- 
gument invincible  contre  kur  Chrift 
Celefte.&  phantaûique ,.  &  qm  prou- 
voitcttroémetemsy  &lg  vérité  de  la 


BU  KOUAKERISME.  8£ 

mort  du  fils  de  Dieu,  du  Chrift  véri- 
table, &lancceflité  d'en  Célébrer  la 
mémoire,  &  d'y  avoir  recours  com- 
me au  feul  antidote  capable  de  nous 
guérir  de  tous  nos  maux.  Ces  Héréti- 
ques difoient  que  J.  G.  avoit  voulu  par 
fon  Euchariftie  adopter  un  corps  fenfi- 
bie,  que  pour  cet  effet  il  avoit  pris  le 
pain  pour  fon  Corps,  &  le  vin  pour 
fon  fang,  &  avoit  ordonné  à  tous  les 
Chrétiens  de  ne  lui  en  donner  point 
d'autres  que  le  pain  &  le  vin  myiti- 
ques ,  qu'il  falloit  confiderer  comme 
tenant  la  place  d'un  corps  compofé  de 
chair  &  de  fang:  Et  que  c'étoit  la  le 
feul  Chrift  corporel  ,  qui  devoit  de- 
meurer parmi  nous  jufqu'a  la  fin  du 
monde.  Aiafi  les  Anciens  Hérétiques 
plus  fubtils  &  plus  doâes  fans  com- 
paraifon  que  tous  nos  Kouakres,  qui 
ne  font  que  des  paifans ,  &  de  mifera- 
bles  ignorans ,  pour  la  plupart,  av oient 
encore  plus  de  refpeâ  pour  nôtre  J.  C. 
&  pour  fes  inftitutions  qu'ils  n'en  ont. 

Enfin  la  raifon  qui  donna  lieu  au 
Serpent  d'Arain  ayant  ceffé  dés  que 
les  Ifraëlites  quittèrent  les  deferts  d'A- 
rabie ,  &  entrèrent  en  la  terre  de  Ca^ 
naan,  il  devint  une  chofe  indifféren- 
te. Mais  îa  raifon  qui  a  donné  lieu  à 
l'Euchariftie  eft  une  raifon  qui  fubfiltc 

au- 


$o  Histoire- 

aujourd'hui  de  même  qu'au  tems  des 
Apôtres.  Et  cette  raifon  eft  que  nous 
devons  nous  fouvenir  de  fa  perfonne  r 
&  de  Célébrer  la  mémoire  d'une 
mort,  de  l'efficace  de  laquelle  nous 
avons befoin  tous  les  jours,  &  dont 
aufîî  nous  refièntons  tous  les  jours  les 
effets  falutaires.  Quand  J.  C.  fera  ve- 
nu, quand  ii  nous  aura  retiré  des 
deferts  brûlants  de  ce  monde  3  &  qu'il 
nous  aura  tranfporté  dans  la  Canaan 
Celefte ,  il  en  fera  alors  de  fon  Sacre- 
ment comme  du  ferpent  d'airain  après 
qu'on  n'en  eut  plus  befoin,  &que  les 
Ifraelites  furent  entrez  dans  la  Terre 
de  Canaan.  Si  ce  peuple  étoit  encore 
aujourdhui  dans  le  Defert,&  au  milieu 
des  Serpents,  perfonne n'oièroit bri- 
fer  le  Serpent  d'Airain  qui  feroit  pour 
eux  un  Antidote  toûjours  prefent. 
Perfonne  n'auroitofé  non  plus  le  bri- 
fer  du  tems  deMoïfe,lorfqu'ils  étoient 
au  Defert ,  quand  même  il  feroit  arri- 
vé que  quelques  uns  fe  fuffent  avifez, 
de  l'adorer  &  de  l'encenfer ,  dans  k 
perfualïon  que  quelque  Ange  s'y  te- 
Jioit caché,  &y  gueriflbit  tous  ceux 
qui  y  jettoient  les  yeux  après  avoir  été 
mordus.  Si  cela  étoit  arrivé  Moïfe  fe 
feroit  contenté  de  leur  ordonner  de 
ceffer  de  l'adorer,  &  de  défendre  fous 

quel- 


BU  K  O  UÀRER1  S  ME- 

quelque  peine  qu'on  l'adorât  à  l'ave- 
nir*  Et  lî  tout  le  peuple  fe  fût  porté 
à  l'adorer  il  auroit  confulté  Dieu  mê- 
me ,  l'Oracle  de  Jehova,  pour  fçavoiî 
ce  qu'il  voudroit  qu'on  Mt.  Or  tous 
les  Chrétiens  font  encore  aujourdhui 
dans  le  defert,  &  au  milieu  des  fer* 
pens  dont  ils  font  mordus  de  tems  en 
tems ,  &  le  fcul  baume  que  Dieu 
.nous  a  donné  contre  ces  bleflûres, 
eft  J.  C  attaché  à  la  croix  ,  fur  qui 
par  confequent  nous  devons  fans 
ceflejetter  les  yeux,  &  pour  cet  effet 
célébrer  auffi  fans  ce{fe  la  mémoire  de 
fa  mort  en  la  manière  qu'il  nous  à  or- 
donnée. Les  Koakers  ne  pechent-iîs 
jamais  ,  &  n'ont  ils  jamais  péché? 
Pourquoi  donc  ne  recourent-ils  pas  à 
la  mort  de  J.  C  afin  d'être  guéris  * 
Et  pourquoi  banniflènt-ils  lesmonu- 
mensfacrez  qu'il  nous  à  laiffés  de  ià 
mort.  L' Avènement  intérieur  deJ.C 
dans  nos  ames  a-t-il  quelque  chofe 
d'incompatible  avec  le  recours  qu'el- 
les ont  à  J. C  Crucifié  ,  &  avec  la 
Célébration  de  la  mémoire  de  fa 
mort  ?  La  véritable  raifon  donc  qui 
àfaitrejetter  cette  fainte  Cérémonie 
à  nos  Trembleurs ,  eft  qu'ils  font  des 
ennemis  déclarez  du  Chrift  corporel, 
du  fils  de  Dieu  fait  chair ,  du  véritable 

Chriife 


H  I  S  T  O  I  R  X 

ynri"  fait  homme  comme  nous,  & 
de  toutes  fes  a&ions  corporelles  &  hu- 
maines, jufqu'a  fa  mort  &  à  farefu- 
rethon  glorieufe.  Et  comme  il  n'y 
aurait  eu  que  le  diable  le  vieux  ferpent, 
quiauroitpû pouffer  quelque  Ifraëlitê 
duDeferta  aller  brifer  le  Serpent  d'Ai- 
rain qui  y  étoit  élevé,  ouàl'ôter  de 
la ,  afin  de  faire  pertir  tout  le  peuple . 
il  a  yaeuaulîî  que  le  diable  dont  J.  c' 
a  écrafe  la  tête  &  mouran  t  fur  la  croix, 
«  dont  il  a  glorieufement  triomphé 
lur  elle,  qui  ait  pû  fuggercr  à  ces 
abominables  fedaires  de  renier  T.  C 
crucifié,  &  d'abolir  les  précieux  mo- 
numens  de  fa  mort.  Ce  n'eft  dont 
qu  un  prétexte  frivole  que  celui  qu'ils 
allèguent  qu'on  a  changé  en  une  idole 
le  iacrement  de  l'Euchariftie ,  qu'ainfî 
*e  plus  feur  eft  de  l'abolir  tout  à  fait 
pour  prévenir  l'abus  qu'on  en  pourok 
toujours  faire  fi  on  la  confervoit.  Car 
aquoiafervicette  abolition?  a-t-elle 
etefuiyiepar  les  autres  Chrétiens? 
lesCathohques  ont  ils  ceffé  d'adorer 
ie  J>t  Sacrement  depuis  qu'ils  ont  veu 
les  Kouakres  ne  plus  communier? 
les  autres  proteftans  qui  ne  l'adorent 
pas,  font  ils  tombez  dans  l'abus  cri- 
minel des  Catholiques,  en  conti- 
nuant de  célébrer  l'Euchariftie?  Enfin 

qu'y 


DU  KOUAKERÎSME. 
sju'y  avait  il  à  craindre  desKouakers 
mêmes,quand  ils  auroient  retenu  cette 
cérémonie  ?  rien  afïèurement ,  &  ils 
n'auroient  pas  couru  plus  de  danger 
que  le  refte  des  Chrétiens ,  qui  ne  vou^ 
lent  pas  adorer  le  facrement. 


CHAPITRE  XVI. 

ZjCsKouakcrs  ne  croient  pas  que  P  a* 
dotation  de  f.  C.  prefent  au  Sa* 
crement  foit  une  véritable  IdeU* 
trie  %  bon  mot  de  Pen fur  ceU* 

CE  qui  découvre  encore  mieux 
l'impofture  &  l'impiété  de  ces 
faux  prophètes  fur  la  matière  que  nous 
traitions,  eft  qu'ils  ne  croient  pas  ve* 
f  itablement  que  les  Catholiques  Ro- 
mains foient  de  véritables  Idolâtres  en 
adorant  J.  C.  prefent  au  Sacrement, 
ils  croient  au  contraire  qu'on  fe  peut 
mieux  fauver  dans  la  communion  de 
TEglife  Romaine  qu'en  aucune  autre  f 
à  caufe  de  la  liberté  qu'elle  donne  de 
devenir  vifionaires,  Myftiques,  Spi- 
rituels, &  fanatiques.  C'eft  pour  cela 
que  dés  le  commencement  de  leur 
Sefte  jufqu'a  prefent  il  y  a  5eu  une  très 
grande  liaifdiiemre  eux  &  les  Catho* 

ligues 


f4  ^Histoire 

liques  Romains.  Et  fous  te  Roy  Ja 
qucs  ils  agilîoient  de  concert  avec  lui 
avec  le  Nonce,  &  les  autres  Catholi 
qucs  pour  fuivre  la  Religion  Prote 
(tante,  &pour  s'élever  les  uns  &  le 
autres  fur  fes  ruines.  Nous  parlerons 
ce  cela  plus  amplement  après  que 

lious  aurons  achevé  de  confondre  ces 

miferablesApoftâts. 

Une  première  marque  ou  preuve 
qu'ils  ne  croient  pas  que  l'adoration 
du  St.  Sacrement  fuit  une  véritable  & 
formelle  idolâtrie,  une  idolâtrie  dam- 
nable,  c'eit  qu'ils  ne  l'ont  jamais  dit 
m  déclaré  publiquement  dans  leurs  li- 
vres. Barclai  n'en  a  jamais  rien  -  dit 
ni  dans  fon  Apologie,  ni  dans  fon 
Catechifîne. 

Une  féconde  preuve  eft  que  îor£ 
que  des  Catholiques  veulent  entrer 
dans  leur  fe&e  ils  n'en  obligent  aucun 
à  renoncer  à  la  prefence  réelle,  &à 
l'adoration  du  Sacrement.  Ils  n'obli- 
gent même  perfonne  à  aucune  efpece 
d'abjuration.  Tout  le  monde  eft  bien 
venu  chez  eux  de  quelque  Herefie 
qu'ils  viennent ,  pourrai  qu'ils  s'ac- 
couftument  bien  à  dire  tu  &  toy ,  à 
n'ôter  jamais  ni  te  chapeau  ni  le  bon- 
net, à  clabaudercommedes  infenfez 
<4ans  les  rues,  les  carfours,  &  les 

mar- 


J>VJK  OUÀK  E  R  I  S  M  E,  9? 
ïïarchex  &  à  ne  parler  que  de  la  lu. 
miere  &  du  Chrift  intérieur. 

Une  troifiéme  preuve  eft  qu'ils  di- 
[cnt  tout  ouvertement  qu'ils  aime- 
roient  mieux  être  obligez  de  fe  faire 
Catholiques  que  proteftant,  &  que 
leur  Religion  &  la  Religion  Catholi- 
que  font  au  fond  une  feule  &  même 
Religion.  C'eft  pourquoi  Pen  étant 
un  jour  interrogé  par  le  Roy  Jaques 
qu'elle  différence  il  mettoit  entre  la 
religion  Catholique  &  la  fîenne iî  ré- 
pondit que  la  même  différence  qui 
ëtôit  entre  le  flhftpeau  du  Roy  ,  &  le 
lien  étoit  celle  qui  étoit  entré  la  Reli- 
gion  du  Roy  Jaques  6c  celle  de  Wil- 
lem Pen.  C'eft  que  le  Chapeau  du 
Roy  étoit  orné  &  embelli  de  plumes  , 
&  d'autres  ornemens  non  necefîàircs  z 
au  lieu  que  le  fien  de  lui  Pen  étoit  uni 
&  fans  aucun  ornement.  Vous  voye^ 
par  là  ce  qu'ils  penfent  de  la  Religion 
Romaine ,  &  qu'ils  n'en  regardent  les 
Cérémonies  que  comme  des  orne- 
mens inutiles ,  mais  qui  n'altèrent  pas 
plus  fa  fubftance  &  fon  eflènee  que  les 
plumets  du  chapeau  du  Roy  Jaques  ea 
gatoient  ou  la  forme  ou  la  bonté. 

Une  quatrième  preuve  eft  qu'ils 
tint  reçû  à  bras  ouverts  &  qu'ils  ont 
adopté  toutes  les  fubtilitez  impies  & 


$  é  Histoire 

toutes  les  défaites  de  f  autheur  du  pr o* 
teftant  pacifique  qui  a  pris  plaifîr  à  fai- 
re l'apologie  de  toutes  les  feâes,  & 
en  particulier  de  celle  des  Kouakres. 
Il  y  en  a  même  parmi  eux  qui  ont 
adopté  cette  rêverie  que  J.C.  ferend 
.prefent  à  nou$,&  fe  communique  fub- 
îlantiellement  à  nous  d'une  manière 
très  réelle  &  corporelle,  par  voye 
d'irradiation»  oud'effofion&  d'ema- 
nation  des  parties  infenfibles  du  Chrift 
celefte,  &  qui  font  fa  chair  &  ton 
&ng. 

D  autres  embraflènt  le  fentiment 
de  penfer ,  que  la  toi  que  les  Cath.  Ro- 
mains ont  que  le  corps  de .  J  C.  efl  pre* 
fentdans  le  St.  incrément,  pourveu 
qu'elle  foit  ferme ,  &  forte ,  a  le  pou- 
voir &  la  force  de  l'y  rendre  effective- 
ment prefent  par  la  même  voye  d'irra- 
diation que  nous  avons  expliquée,  & 
dont  nous  parlerons  encore  plus  am- 
plement dans  la  fuitte.  Enfin  un  de 
Jeurs  grandsDocleurs  nommé  George 
Kcits  croit  &  enlèigne  que  J.  C.  faifoit 
manger  à  fesDifciples  fa  chair  &fon 
fang  d'une  manière  très  réelle,  &  mê- 
me que  tout  maître  &  tout  précepteur 
communique  effectivement  à  fes  Dif- 
ciples  fà  propre  chair  &  fen  propr# 
fang  à  caufe  de  l'union  d'eux  avec  lui , 

&de 


DUKOUAKERI  S  ME.  Ç>7 

&  de  leur  mutuelle  correfpondance. 
Qui  peut  donc  empêcher  ces  gens  làde 
célébrer  l'Euchariftie  ?  Car  s'il  eft 
.vraiquelesDifciplesde  j.  C  partici- 
pent à  fa  fubftance  en  ce  qa'ils  font  fes 
Difciples,  ne  feroit  il  pas  vrai  de  dire 
que  J.  G.  auroit  voulu  inftituer  la  Cè- 
ne, afin  que  le  pain  &  le  vin  qu'on  y 
prendroit,  fuflènt  les  véhicules  qui 
.porteraient  jufques  au  dedans  de  nous 
,  cette  divine  fubftance  &  dont  il  veut 
nous  vivifier?  mais  en  vérité  tout  ce- 
la n'eit  que  chimères  ce  illufions. 
Commençons  par  celle  de  Monfieur 
Poiret. 


CHAPITRE  XVIL 

Si  la  foi  d'un  bon  Catholique  Ro* 
main  eft  capable  d'opérer  la  f  ré- 
gence réelle  CT  la  Tranfubftance. 
Plaifante  vijion  du  Sr.  Poiret. 

A Fin  de  bien  entendre  l'opinion  de 
ce  nouveau Docleur  illuminé, 
il  faut  fçavoir  qu'elle  confifte  en  deux 
chofes. 

La  première  eft  que  c'eft  un  princi- 
pe indifputable,  félon  lui,  que  la  foi  eft 
E  un 


98  t  Histoire 
un  principe  tout  puiffant  àquoyDieu 
s'eft  obligé  de  fe  conformer,  &  de 
faire  agir  félon  elle  &  fes  diffçrensdé- 
grez  fa  puiffance  divine,  par  elle  tou- 
tes chofes  font  pofîibles  au  croyant 
jufqu'à  tranfporter  des  montagnes  dit 
J.  C  même ,  tout  ce  que  Ton  délire 
en  foy  ,  &  avec  confiance  en  Dieu, 
fur  tout  lorfqu'on  affermit  fon  defir  & 
fa  foy  par  la  .confideration  de  fes  paro- 
les ,  de  fes  promcflès  ?  de  fa  toute 
puiiïànce,  &  de  fa  charité,  tout  cela 
dis-je  fera  fait ,  &  Dieu  le  vérifie  à  pro- 
portion de  Ja  diveriïté  &  des  dégrés 
de  la  foy  i  de  chacun.  Ainfi  lorfqù  une 
$me  picufe  d'entre  les  Catholiques  aban- 
donne la  foy  à  la  toute  puiffance  divine 
dans  la  confiance  de  la  préfence  corporelle 
de  fin  humanité ,  la  finecrité  <kr  la  gran- 
deur de  fa  foy  luy  fait  venir  réellement  la 
fub fiance  du  corps  de  J.C.& détermine 
Dieu  &  fa  toute  puijjance  à  réalifer  ce 
que  fa  foy  embrafe.  C'eft  à  dire  en 
deux  mots*,  &  en  bon  François, que 
la  foy  qu'un  Catholique  Romain  a  de 
la  préfence  réelle  &  de  la  Tranfubhran- 
tiationopere  l'une  &  l'autre,  parce  Mil 
eft  fait  à  chacun  fclcn  fa  foy.  Voilà  Je 
principe  du  Sr.Poiret.  "Maisnevous 
imaginés  pas  qu'il  foit  fi  peu  habile  que 
4e  prétendre ,  que  cette  foy  opère  de 

telle 


DU  KOUAKERISME.  99 

telle  forte  la  prefence  réelle  &  fubftari- 
tielle  du  corps  de  J.  G.  que  tout  fon 
corps,  &foname,  toute  fa  perfonoe 
s'y  viennent  rendre  prefents  ,  & 
qu'ainfy  un  feul  &  même  corps,  une 
feule  &  même  ame  eft  tout  à  la  fois 
préfente  en  des  millions  de  lieux  diffè- 
re ns  ?  non  voîcy  donc  qu'elle  prefen- 
ce il  établit. 

Il  dit  qu'en  toutes  chofes  il  y  a 
deux  fubltances ,  l'une  craiTe  &  impu- 
re ,  ôc  l'autre  folide  ,  fubtile  &  dé- 
liée, dont  la  première  efi:  l'écume  6c 
la  craffe  ;  que  c'eft  cette  première  fub- 
ftance  impure  &  fenfibîequi  demeure 
au  pain  confacré  ,  l'autre  étant  chan- 
gée au  corps  de  J.  C.  par  le  moyen  des 
parties  fubtiles  de  ce  divin  corps  qui 
s'infinuent  au  pain  ,  &  qui  comme 
une  teinture  Chimique  très  puiflante 
&  très  operative  transforment  les  par- 
ties les  plus  fubtiles  du  pain  en  fa  pro- 
pre fubfiance,  tout  de  même  que  nos 
Efprits  transforment  les  parties  déliées 
des  alimens  que  nous  avons  pris,  en 
chair  &  fang,  &  puis  en  des  Efprits  mê- 
me ;  tout  cecy  eû  aflez  divertulànt , 
&  ne  vient  pas  à  nôtre  fujet.  Il  pa- 
roît  que  Mr.  Poiret  ne  fçauroit  fouf- 
frir  qu'on  dife  qu'un  même  corps  en 
nombre  foit  prefent  tout  à  la  fois  en 
E  z  des 


icc  Histoire 
des  lieux  diflèrens.  Le  Proteflant  pa- 
cifique, &  les  autres  Reconciliateurs 
ne  fçauroient  fouifrir  non  plus  cette 
prefencè  Chimérique  d'un  ieul  &  mê- 
me fujet  en  une  infinité  de  lieux  tout 
à  la  fois.  Mais  venons  a  Mr.  Poiret. 

Je  dis  premièrement  que  fon  prin- 
cipe efl:  tout  à  fait  ruineux.  Car  quand 
j.  C.  parle  de  la  nature  de  lafoy,  & 
qu'il  luy  attribue  le  pouvoir  de  iranf- 
porter  même  des  montagnes  ,  il  ne 
parle  que  des  chofes  naturelles ,  &de 
celles  qui  n'enveloppent  aucune  con- 
tradiction. 

Le  premier  efl:  clair  defoy  même, 
le  corps  de  J.  C  n'étant  en  aucune 
manière  en  la  difpofition  des  hom- 
mes, quels  qu'ils  foient.  Cen'eftni 
une  montagne  à  tranfplanter  ,  ni  un 
arbre  à  fecher,  ni  une  maladie  à  gué- 
rir. 

Le  fécond  ne  l'efl  pas  moins ,  puif- 
que  la  Tranfubflantiation  de  Mr.  Poi- 
ret ne  fçauroit  fc  faire  que  par  une  di- 
minution perpétuelle  du  corps  de  J.  C 
à  mefure  qu'il  tranfpire  dans  le  lac  re- 
ment des  parties  inlènfibles  de  fon 
corps  ,  qui  pafîent  enluïte  dans  le 
corps  des  communians  &  par  leur 
vnion  avec  luv,  &  leur  aâion  fur  fa 

fub- 


DU  KOUAKERISME.  EO| 

iabftance  la  changent  suffi  en  celle 
de  j.  C  ou  en  une  quinteflènce  qui 
en  aproche  fort.  Ou  bien  il  faut  fou- 
tenir  que  le  corps  de  J.  C:  tout  gk> 
rieux  &  immortel  qu'il  eft  aujour- 
dhuy,  eft  encore  affujetti  àlaneceffité 
du  boire  &  du  manger,  ou  de  quelque 
autre  aliment  quel  qu'il  (bit.  Car  $  d'un 
côté  il  perd  à  tout  moment  des  par* 
ties  de  fon  corps  ,  il  faut  de  l'autre 
qu'il  les  repare  en  quelque  manière. 
Ou  bien  enfin  ces  parties  retournent 
àluy,  &  reviennent  à  nous  par  une 
circulation  perpétuelle, 

En  fécond  lieu  U  foy  des  miracles 
ne  doit  agir  &  faire  éclatter  fon  pou- 
voir que  dans  des  cas  rares  &  extraor- 
dinaires v  &  en  des  occafions  fingu- 
lieres,  &  neceiïaires  en  quelque  forte 
pour  confirmer  la  vérité  de  la  Reli- 
gion *  &  vaincre  l'incrédulité  des 
hommes.  Or  fi  la  foy  de  la  Tranfub- 
ftahtïàtioti  s'operoit  elle  même  ,  ce 
feroit  une  foy  de  miracles  ordinaires 
de  continuels  fans  qu'il  y  euit  aucune 
neceffité  ni  utilité  de  les  faire  zinii 
tous  les  jours. 

En  troi^me  Heu,  il  y  aune  diffé- 
rence infinie  entre  la  foy  qui  veut  o- 
perer  un  miracle  ,  &  la  foy  qui  fans 
pente  r  à  en  faire  un,  m  à  délirer  qu  il 
E3  en 


102  Histoire 

en  (bit  fait  un ,  fupofe  feulement  la  ve- 
nté &  l'opération  d'un  miracle  déjà 
tout  fait.    Or  la  foy  d'un  Papifte ,  ou 
Fade  de  fa  rby  ne  tombant  point  fur 
l'opération  du  miracle  delaTranfub- 
ftantiation  comme  fur  une  chofe  qui 
eft  à  faire,  ce  n'eft  niundelïr,  ni  un 
vœu,  ni  une  volonté  en  luy  que  ce 
changement  fe  faiTe  :  au  contraire  fa 
foy  luppofe  abfolument  qu'il  eft  fait, 
&  elle  s'y  attache  comme  à  une  chofe 
déjà  opérée  &  effectuée  par  la  feule 
volonté  de  J.  C.  fans  le  concours  d'au- 
cun autre  que  de  celle  du  Prêtre  qui 
confacre ,  &  qui  feul  a  le  pouvoir  & 
l'authorité  félon  eux  deconfacrer,  & 
par  confequent  d'opérer  le  miracle  de 
la  Tranfubftantiation ,  defarte  que  fi 
le  Prêtre  eft  un  impie,  un  méchant, 
un  infidelîe,  il  ne  fe  fait  aucune  me- 
tamorphofe  ;  &  l'on  n'adore  que  du 
pain  au  Sacrement. 

En  quatrième  lieu  les  parties  fubtiles 
&  infenfibles  du  corps  de  J.  C.  ne  luy 
fçauroient  plus  apartenir  dés  qu'elles 
s'en  font  defunies  &  détachées.  Car 
tout  ce  qui  fe  détache  d'un  corps,  & 
s'unit  à  un  autre  corps,  devient  partie 
de  celuy  auquel  il  s'unit,  &  celle  d'ap- 
partenir à  celuy  dont  il  s'eft  feparé, 
tout  de  même  que  les  parties  infenfi- 
bles 


DUKOUAKERÏSME.  IOJ 

bles  que  nous  tranfpirons  à  tout  mo- 
ment, celle  nt  par  la  tranfpiration  d'ê- 
tre de  véritables  parties  de  nous  mê- 
mes ,  &  ne  nous  apartiennent  plus  ; 
parce  que  ce  détachement  les  unit  à 
d'autres  corps  dont  elles  font  oWi? 
gées  de  fuivre  la  nature,  les  mouve- 
mens  &  les  modifications.  Les  par- 
ties infenfibles  qui  fe  detachoient  du 
corps  de  JL  C  vivant  fur  la  terre,  ce 
que  le  vent  ou  la  rapidité  de  la  matiè- 
re, fubtilc  du  premier  Elément  écar- 
toit  de  mille  &  mille  lieux  differens, 
n'êtoient  plus  des  parties  véritables  de 
ce  corps ,  &  ne  pouvoient.  plus  luy 
apartenir. 

En  cinquième  lieu  les  parties  fubtir. 
les  s  infenfibles  M  impalpables  du 
corps  de  J.  C.  ne  font  ni  chair  ,  ni 
fang.  Elles  n'en  n'ont  ni  la  nature 
ni  les  qualitex ,  encore  moins  font  el- 
les toute  cette  chair ,  &  tout  ce  fang. 
Or  J.  G.  dit  du  pain  qu'il  eft  fon  corps* 
&  non  pas  une  partie  de  fon  corps, 
&  moins  encore  une  partie  invifîble 
&  infenfible  de  fon  corps.  Il  dit  du 
vin  que  c'eft  fon  fang  ,  &  non  une 
partie  de  fon  fang ,  ou  une  partie  in- 
fenfible de  ce  fang. 

En  fixiéme  lieu  il  efl:  fi  vifiblement 
faux  que  j.  C  ait  eu  defiem  &  intcn- 
E  4  mh 


io4  Histoire 
non  d'mfinuer  dans  le  pain  des  parties 
mfenhbles  de  Ton  eorps ,  &  d'en  chan- 
ger leulement  la  fubftance  la  plus  fub- 
tue  ,    &  la  plus  déliée  ,  comme  le 
Sr.  Foiret  le  prétend;  qu'au  contraire 
ee  n  eft  que  de  îa  fubftance  palpable 
gfoffiere  &  fenfible  du  pain  qu'il  a  dit 
qu'elle  étoit  fon  corps:  Cecy,  ce  pain 
matériel ,  cet  objet  vifible  que  vous 
touchez  &  que  je  vous  prefeme ,  ce 
pam5dis-je,que  je  vous  ordonne  de  bri- 
fer,  de  mâcher,  &  de  manger  ,  eft 
mon  corps.    Si  donc  J.  C.  opère  un 
changement  de  fubftance,  c'eft  le  feul 
changement  d'une  fhbftance^viftble, 
fenfible  &  palpable.    Car  c'eft  préci- 
fement  cette  fubftance  vifible  qu'il 
apelle  fon  corps.  Et  tant  s'en  faut  auf- 
û  qu'il  vueille  changer  ce  pain  & 
ce  vin  en  une  fubftance  inviftble,  ou 
en  des  parties  infènfibîes  de  fa  chair 
&  de  fon  fang,  que  tout  au  contrarie 
il  déclare  que  ce  pain  eft  fon  corps  vi- 
nble,  &  que  ce  vin  eft  un  fang  fenft- 
ble>y  Cecy  ,  dit- il ,  efl  mon  corps' rompu  ? 
brifé,  immolé,  livré  à  îa  mort,  cecy 
efl  mm  faw*  répandu.    Eft- ce  que  les 
parties  infenfiblcs  de  fa  chair  &  de  fon 
fang  qu'il  donna  êtoient  un  corps  bri- 
fé, rompu,  immolé  ,  un  cadavre  en. 
un  mot?  étoient-elîes  un  fang  fcparé 
<iu  corps ,  &  yerle  fur  la  terre  ?  En 


I)  U  KôU  AKÊRîSME.  IDf 
En  feptiéme  lieu  il  fous  prétexte  que 
toutes  choies  font  poffibles  au  croyant 
ia  foy  d'un  bon  Catholique  fait  venir 
ici  bas  la  iùbftance  de  J.  G.  pourquoi 
un  Manichéen  qui  croyoit  fermement 
que  J.G.  habitoit  dans  le  Soleil,  n'y 
auroit-il  pas  auffi  placé  J.  G.  par  fa 
foy?  direz-vous  que  les  Manichéens 
n'avoient  aucun  jufte  fujet  de  croire 
une  telle  prefence  de  J.  C.'dans  le  So- 
leil, l'Ecriture  ne  leur  en  donnant  pas 
le  moindre  foupçon  ?  C'eir  tout  ce  que 
l'on  peut  répliquer.  Mais  c'eft  auffi  ce 
qui  ruine  l'erreur  du  Sr.  Poiret  &  la 
metamorphofe  de  ces  Catholiques 
croyants.  Car  J.  C.  a-Hl  donné  le 
moindre  foupçon  d'une  prefence  ex- 
pliquée à  la  manière  de  Poiret?  Et 
quand  il  en  auroit  donné  quelqu'un, 
cil-ce  qu'un  abus  greffier  &  palpable 
^es paroles  deJ.C.  peut  authorifer  les 
extravagances  &  les  folies  des  Chré- 
tiens ? 

De  plus  les  Manichéens  fe  fondoient 
fur  un;  texte  affez plaufible  Gaffez  ap* 
parent ,  m  foie p,\uu  tabcwaculum  fuum% 
il  atendufQQ  pavillon  dans  le  Soleil. 
Mr.  Poiret  jufiifî#ra-t-il  le  Manichéen, 
de  peur  d'être  obligé  de  condamner 
les  Catholiques  Tranfubftantiateurs  ? 
Çeftk  plus  court  pour  lui.  Mais  auffi 
E  s  flous 


io6  Histoire 

nous  voilà  tous  dans  la  liberté  d'ado- 
rer le  Soleil  tout  de  même  qu'on  nous 
permet  d'adorer  le  St.  Sacrement.  Car 
ce  qui  fera  permis  au  Manichéen  le 
doit  être  à  tout  le  monde  fans  exce- 
ption. Et  fi  Mr.Poiret  le  condamne, 
îur  quoy  fa  condamnation  lera-t-elle 
fondée  ?  dira-t-it  que  le  Manichéen 
abule  de  l'Ecriture,  &  qu'elle  n'a  pas 
le fens qu'il  y  donne?  mais  on  lui  dira 
la  même  chofe.  de  fes  Catholiques 
Tranfiibftantiateurs.  Et  de  plus  il  fe- 
ra obligé  d  avouer  que  la  vertu  de  la 
foy,  &  fon  pouvoir  doivent  luivre  la 
nature  de  la  révélation  &  y  être  con- 
formes ,  ce  qui  ruinera  également  & 
la  foy  Manichéenne,  &la  foy  Tran- 
fubitantiatrice. 

En  huitième  lieu  je  foutîens,  &  Mr. 
Poiret  en  demeure  d'accord ,  que  ce 
ifeft  pas  allez  pour  faire  desMiracles, 
d'avoir  une  foy  telle  qu'elle.  Il  en  faut 
du  moins  autant  qu'un  grain  de  mou- 
tarde. Il  ne  fuffit  donc  pas  auffi  pour 
©perer  la  Tranfubftantiation  d'en  avoir 
Ja  foy  telle  qu'elle.  Et  quand  je  dis  une 
foy  telle  qu'elle,  je  parle  d'une  véri- 
table foy.  Il  faut  donc  que  la  foy  qui 
opère  ce  grand  Miracle  foit  dans  un 
certain  degré  de  force  &  d'énergie  ca- 
pable de  l'opérer.  Les  Apôtres"  vou- 

loient 


t>  U  K  O  U  A  K  E  R  I  S  M  E»  'tôf 

îoient  chaffer  un  diable  muet&fourd 
ils  vouloient  ferieufement  le  Chaffer 
&  ilsavoient  la  foy,  ou  la  perlùafioti 
qu'ils  le  chafferoient,  car  fans  cela  ils 
n'auroient  pas  entrepris  de  le  chaÛer. 
Ils  n'en  purent  pourtant  jamais  ve- 
nir à  bout,  parce  que  leur  foy  n'étoit 
pas  afîèz  grande  ni  alïèz,  forte  pout 
donner  la  chaffe  à  cette  efpece  de  dia- 
bles. Quel  eft  donc  le  degré  de  gratis 
deur  &  de  force  neceffaire  à  la  foy 
Tranfubftantiatrice  afin  de  devenir 
Tranfubftantiatrice  ?  Mr.  Poiret  le 
fçait-ii  i  s'il  le  fçait  qu'il  nous  l'appren- 
ne ;  qu'il  l'aprenne  du  moins  à  fes  Ca- 
tholiques croyants ,  afin  qu'ils  ne  s'y 
•trompent  pas  5  car  fans  ce  degré  dè 
force  ils  auroient  beau  croire  une 
Tranfubftantiation  ,  ou  vouloir  en1 
opérer  une  ,  ils  ne  feroient  que  de^ 
efforts  de  foy  inutiles,  &  cette  Tran- 
fubftantiation fi  neceffaire  pour  reéti- 
■fier  &  légitimer  leur  adoration  du  Sa* 
crement ,  ne  fe  feroit jamais. 

En  neufviémc  lien  toutes  les  Eucha- 
riftiesdu  Chriftianifmc ,  &  de  tous  les 
■iiïeclcsde  l'Eglife  Chrétienne  ne  font 
que  des  fuittes,  ou  des  renouvellement 
&  des  répétitions  de  la  première,  faite 
par  J.C  Si  donc  J.C  n'a  point  voulu 
tranfubâantier  la  première  ,  l'on  au- 
E  6  ra 


108  H  I  S  T  O  I  R  E 

ra  beau  fe  per fuader  que  les  autres  font 
des  transftibiïanîiations,  elle  ne  le  fe- 
ront pas  pour  cela.  Or  J.  C  en  infti- 
tuant  Ion  EucharifHe  n'a  jamais  penfé 
à  cette  metamorphofe  chimérique, 
car  ii  n'en  avoit  pas  befoin.  Ses  Dif- 
ciples  n'en  avoient  pas  befoin  non  plus 
que  lui.  Onmen  trouve  pas  la  moin- 
dre trace  dans  tout  l'Evangile.  St.  Paul 
ne  s'eit  aufîi  jamais  avifé  de  nous  en 
parler.  Au  contraire  5  quand  il  parle 
<ie  l'Euchariflie,  il  ne  nous  la  repre- 
lente  que  comme  un  gage  &  un  monu- 
ment de  J.C  sbfènt;,  toutes  Us-  fois  qut 
vous  mangerez*  de  ce  foin  vous  publierez 
la  mort  du  Scignmr  jufquà  ce  quil  vien- 
ne. Et  s'il  nous  exhorte  d'adorer  J.C. 
ceu'eirque  comme  élevé  à  la  dextre 
de  la  Majellé  Celefle.  Et  fï  les  Apôtres 
ont  crû  une  prelence  réelle  de  J.  C.ici 
bas,  ils  n'ont  crû  qu'une  prefence  de 
fa  Divinité.  Ce  que  je  remarque  ex- 
prez  pour  prévenir  ce  que  M.  P.  pou- 
roit  dire 3  que  les  Apôtres  &  les  pre- 
miers Chrétiens  n'ont  pas  crû  à  la  véri- 
té la  Transfubftantiation  groffiere  & 
contradictoire  de  l'Ecole  Romaine, 
mais  feulement  la  fienne.  C'elt  une 
di(lin6tionqu!ils  ont  tous  ignorée,  & 
qui  n'a  aucun  apuy  dans  les  monn- 
•mens  de  la  première  Antiquité.  Les 

par- 


3)  U  KO  UAK-ERISME»  TO^ 

parties  fubcilesdes  Corps,  &  les  tein- 
tures Chimiques  des  fubftances  dont 
on  nous  parle  tant  ,  n'étoient  point 
connues  alors. 

En  dixième  lieu  J.C  penfok  fi -peu 
à  cette  nouvelle  metamorpbofe  que 
bien  loin  de  vouloir  donner  à  fesDifci- 
pies  «la fubftance  de  fon  corps  vivant 
afin  de  les  vivifier  ,  il  ne  leur  donne 
qu'un  corps  mort ,  une  chair  inanimée, 
privée  de  vie  &  de  fang ,  &  par  confe- 
quentfans  aucune  vertu  de  vivifier.  J» 
C.  ne  nous  donne  donc  pas,  non  plus 
aujourdhui  une  iubitance  animée  vi- 
vante &  vivifiante  tout  enfernble,  #a 
bien  nôtre  Eucharillie  n'eft  pas  la  mê2- 
me  que  celle  que  J.  C.  inftitua  &  cé- 
lébra* le  premier. 

En  onzième  lieu  ce  divin  Sauveur 
déclare  lui  même  que  l'Efpritfeul  op- 
pofé.à  la  chair  ,  oppofé  à  fa  chair  mê- 
me ,  à  cette  chair  qu'il  nous  ord on- 
noit  de  manger  ,  >  &  dont  il  donna  le 
fymbole à  manger  à  Tes  Difciples,  eft 
cerqui  nous  vivifie  ;  U  Chair  ,  dit-il  ^ 
fie  profite  de  rien ,  éreft  l\f prit  qui  vivifie. 
-Et  ce  qu'il  ajoute ,  la  parole?  que  je  vous 
ni  dites,  font  Efprit  if  Vis,  anneantit 
encore  cette  imaginaire  transforma- 
tion. Car  fi  les  paroles  de  J.C  fe  doi- 
vent entendre  d*une  manière  fpintuel- 
E  7  le> 


"P  Histoire 
le,  «capable  de  vivifier,  il  faut  donc 
neceirairernent  les  prendre  en  un  fens 
formellement  oppofé  à  celui  d'unepre- 
ience  corporelle,  quelle  qu'elle  ibit, 
puiique  cet  Efprit  &  cette  vie  ne  fe  doi- 
vent raporter  qu'à  ce  qu'il  venoit 

nnrQ  V  U  C>W  m ï*&*  de  riCn  >  ^Jî 
tmmmm  vivifie  ,  ce  qui  feroit 
feux  de :  la  dernière  ftufleté  fi  fa  chair 

a  ftèr&i  oudes  Parties  infenfibles 
de  fa  chair  &  defon  fang,  emanoient 
perpétuellement  de  fon  Corps,  &  en- 
voient dans  le  Sacrement  pour  le 
Changer,  &  pour  nous  en -vivifier.  Ou 
fcen  ia  chair  à  le  fang  de  J.  C  font  de- 
venus Efprit  .&  Vie  ,  .&  ne  font  plus 
ni  chair  flftbg,  Et  iî  elles  ne  font  Plus 
ni  chair  ni  fang  ,  c'eft  en  vain  qu'on 
tous  parle  de  les  manger  &  boire  com- 
me chair  &  fang. 

Mais  ce  qu'il  yadeplusdano-ereuT- 
c-âncria  maxime  de  M.  P.  c'eft  qu'elle 
juftifie  l'idolâtrie  la  plus  cralîe  &  la 
plus  honteufe  qui  fe  commette  en  l'E- 
ghfe  Romaine  ,  au  fujet  des  images 
m  tout  des  images  de  la  Sainte  Vierge. 
Car  aflèurément  le  peuple  crédule 
s  imagine  fortement  qu'il  y  a  des  ver- 
tus divines  en  elles  j  &  dans  les  unes 
bien  plus  que  dans  les  autres.  Ce  qui 
a  produit  les  Nôtre-Dame  de  Liefle, 


DU  KOUAKERISME.     I  T  î 

de  Lorette  ,  destiardilliers  ,  &  une 
infinité  d'autres.  Voilà  donc  Dieu 
engagé  par  la  foy  de  tous  ces  idolâtres 
à  ratifier  &  à  vérifier  toutes  leurs  ex- 
travagances. Et  qui  pis  efl  le  voilà  obli- 
gé a  taire  une  chofe  que  cette  même 
Eglife  a  folenuellement  improuvée 
&  condamnée  en  termes  exprés  dans 
un  Concile  Oecumenique,defendant  à 
tous  les  Chrétiens  de  croire  de  telles 
vertus  dans  les  images ,  en  traitant  d'i- 
dolatrie  une  telle  imagination.  Mais 
Dieu,  dira-t-on  ,  a  dérendu  le  culte 
des  Images.  Mr.,  P.  n'o^eroit  le  di- 
re, car  il  n'a  garde  decondannertous 
fes  dévots  &  tous  Tes  Saints  de  l'Eglife 
Romaine  qui  pratiquent  ce  culte  tous 
les  jours.  Et  Dieu  n'a-t-il  pas  auffi  dé- 
fendu d'adorer  le  Sacrement  qui  n'eft 
que  du  pain  ,  &  une  image  morte  & 
inanimée,  d'une  chofe  morte  &  ina- 
nimée, je  veux  dire  l'image  du  Corps 
mortdeJ.C  Et  puis  où  feroit  l'ido- 
lâtrie de  nos  peuples  crédules  ?  Car 
fi  leur  foy  attire  des  vertus  divines  dans 
les  images  qu'ils  adorent ,  ils  n'ado-, 
rent  plus  proprement  ces  images  mê- 
mes ,  mais  les  leules  vertus  celeftes  qui, 
y  rerident, 

'  Non  feulement  fa  maxime  juftifie 
toute  l'idolâtrie  Romaine ,  elle  juftifie 

même 


*t*  Histoire 
même  toute  l'idolâtrie  des  gentils  qui 
adorent  le  5oieii  ,  &  les  innuiacres 
de  leurs  Dieux.  Car  apurement  Us  y 
eroyoïeat  une  vertu  divine  attachée; 
& :  celafeul  qu'ils  l'y  croyaient  atta- 
chée 1  y  attachoit  eifeétivement.  La 
plupart  d'eux  croyoit  auffi  la  prefen- 
ce  des  intelligences  cekfces  dans  tous 
les  corps  lumineux  pour  les  mouvoir 
*  qu'ils  le  cruflènt  pour 
obliger  Dieu  a  y  envoyer  ces  mêmes 
intelligences,  quand  même  elles  n'y 
auraient  pas  déjà  été.  Ne  me  dites  pas 
que  Dieu  a  détendu  exprciiemem  l'a- 
doration du  Soleil ,  &  de  toute  l'armée 
des  cieux.  Car  cette  défenfe  n'a  été 
faire  proprement  qu'aux  Hébreux,  & 
par  confequent  ne  regardoit  en  aucune 
manière  les  autres  peuples  du  monde 
bi  les  Hébreux  même  avant  qu'elle 
leur  eût  été  faite,  par  confequent  ils 
adoroient  innocemment  le  Soleil,  & 
parmi  les  Qildéens,  &  parmi  les  Egy- 
ptiens. Voilà  donc  toute  la  Région 
iuDîeuMithra,  ou  desPerfès,  celle 
ce  Vefra,  ou  des  Romains,  &  acné. 
raJement  celle  de  tous  les  Gentils  hru- 
tement  &  pleinement  juflifiée.  Pour- 
quoi donc  job  à  oui  Dieu  n'avoit 
jamais  fcktfe&hfë  dsadorer  le  Soleil 
&  fçait  il  fi  bon  gré'de  ne  Favoir  pas 

ado- 


bu  Kquakerisme.  i t 3 
adoré?  Et  pourquoi  reconnoit-iî  qu'il 
■auroit  été  criminel ,  s'il  l'avoit  adoré  ? 
pourquoi  Dieu  vient-il  défendre  une 
adoration  §  fainte  &  ii  innocente  en 
elle  même  ? 

Les  Ifraëlites  ,  dit  M.  P.  avoient 
apris  de  leurs  anceftres  ,  qu'il  avoit 
les  idoles  en  abomination.  Il  parle  des 
Ifraé'lites  fort i s  d'Egypte  ,  &  idolâ- 
trais au  defert.  Premièrement  ces  An- 
cêtres ne  montent  pas  fort  haut ,  puis- 
que ceux  d'Abraham  les  adoroient, 
&  que  ce  grand  homme  a  long-temps 
fuivi  l'exemple  de  fes  Pères.  Mais  en- 
core une  fois  comment  &  pourquoi 
Dieu  art-il  en  abomination  le  culte  des 
idoles  ?  Gar  celles  de  Laban,  par  exem- 
ple étoient  des  images  d'Anges,  de 
Chérubins  ,  &  de  Séraphins ,  &  des 
images  qui  rendoient  des  oracles.  Que 
Jacob  ne  les  adoroîr-il  aufïï-bien  que 
Laban?  il  y  auroit  fait  deicendre  pac 
fa  foyces  légions  de  Séraphins,  à  qui 
fon  culte  le  feroit  adreilé,  ce  qui 
pour  marque  qu'ils  l'auroiené  eu  pour 
agréable  ,  y  auraient  rendu  des  ora- 
cles quand  il  en  auroit  eu  befoinv 
La '  diflinâion.  de  M.  P.  de  fubftan* 
ce  tefle  &  fenrible  ,  &  de  fubftance 
fubtiie&  déliée  eft  une  plaifante  Phi*- 
lofophie ,  comme  fi  les  mêmes  fubftan- 
.  .  ces 


"4  Histoire 
ces  n  etoient  pas  tantôt  fenfiblesà  pal- 
pables ,  &  tantôt  infenfibles  &  inpal- 
pables,  lelonladiverfitéde  leur  nou- 
vement  ,  ou  de  leur  repos.  Mais  ce 
n  elt  pas  a  cela  que  je  veux  m'arrêter  i 
je  dis  feulement  que  la  Tranfubftan- 
tiation  de  M.  P.  ruine  abfolument  cel- 
Je  de! Eghfe  Romaine,  confirmée  par 
les  Docteurs  ,  par  fes  Prêtres,  &  par 
tous  les  Saints.  Je  voudrais  bien  fca- 
voir  n  ies  Dévots  &  les  Saints  de  l'È- 
gUte  Romaine  ,  qui  ne  croyent  que 
celle  qui  a  été  définie  par  les  Conciles, 
oc  qui  s  enfeigne  dans  l'Ecole  ,  qui  n'en 
croyent  point  d'autre  ,  &  qui  n'ont 
garde  d  en  croire  une  qui  eflexprcilé- 
ment  foudroyée  par  tes  anathémesde 
leur  Eglife  ;  telle  qu'eft  celle  de  M. 
r-  ne  laifïent  pas  néanmoins  de  l'opé- 
rer toute abfurde  qu'elle  eft?  Car  en- 
fin il  n'en1  fait  à  chacun  que  félon  fa  rby; 
&  comment  des  parties  infenfibles  & 
impalpables  font  elles  de  la  chair  & 
dufang?  Car  J.C.  nous  aprend  qu'il 
n  y  a  que  les  Efprits  qui  foient  invi- 
fibles  &  inpalpabîes,  voye\  &  manieç 
moi,  unEjpràna  ni  chair  ni  os,  corn* 
me  vous  voyc^  qwfcnayï 

Quelle  neccffité  de  faire  venir  !es 
parties  du  corps  de  J.  C.  dans  le  Sacre- 
ment pour  le  changer?  ne  les  peut-il 
pas  changer  fans  cela  ?  Ou- 


DU  KOUAKERISME.     II  j 

Outre  cela  je  pofe  en  fait  que  lafub- 
ftance  fubtile  &  déliée  du  pain  &  du 
vin ,  n'eft  point  transformée  en  celle 
de  J.  G  puifque  l'on  peut  en  extraire 
par  la  diftillation  les  parties  les  plus 
fubtiles,  &  en  tirer  des  Efprits  &  mê- 
me des  Éfprits  ardens ,  n'eft-ce  pas  là 
une  preuve  certaine  &  invincible  que 
cette  iub (lance  déliée  n'a  point  été 
changée  en  celle  de  J.  G.  ou  bien  ce 
feroit  cette  dernière  que  Ton  tireroit 
par  l'aîembic ,  &  qui  feroit  affeurément 
le  plus  grand  &  le  plus  divin  de  tous 
les  remèdes ,  le  baume  fouverain ,  & 
la  feule  panacée. 

Enfin  cette  belle  transformation  ne 
fçauroitjuftiâer  l'adoration  da  Sacre- 
ment. Voici  comment  la  plus  grande 
peine  des  nouveaux  Catholiques  eft  de 
fe  voir  obligé  d'adorer  le  St. Sacrement 
quand  il  eltexpofé  fur  les  Autels,  pré- 
senté à  la  Communion  r  porté  aux  ma- 
lades ,  &  promené  par  les  rues  en 
pompe  &  en  Cérémonie.  Car  après 
tout  la  foy  ne  fait  ce  miracle  feîoa 
M.  P.  que  pour  celui  qui  l'a,  &  nul- 
lement pour  celui  qui  bien  loin  d'avoir 
une  telle  foy ,  la  detefte  comme  une 
abomination.  Quand  donc  un  Refor- 
mé communie  ,  il  ne  fe  fait  aucune 
transformation ,  &  par  confequent ,  il 

n'ado- 


ti6  Histoire 

n'adore  que  du  pain.  Quciï  deux  bons 
Catholiques  s'aprochent  de  la  table 
moo  m  troifiéme  qui  fera  Huguenot, 
&  qu'il  faille ,  comme  cela  arrive  allez 
fouvent  5  partager  l'hoftie  en  trois 
pour  les  Communier  tous  trois  :  d'a- 
bord les  dévots  Catholiques  remplit- 
fent  par  leur  foy  toute  cette  hoirie  des 
parties  du  corps  dej.  C.  qui  comme 
une  teinture  Chymique  la  plus  efficace 
&  la  plus  aéiive  de  toutes  change  tou- 
tes les  parties  fubtiles  de  l'Hoirie,  & 
eeîîesde  la  Chair  de  j.  C.  mais  fi-tôt 
qu'on  vient  à  la  partager  ,  il  faut  de 
toute  neceffité  que  toutes  ces  parties 
changées  avec  celles  du  corps  de  J. 
C.paiTent  au  moment  de  la  diviiîon  & 
h  portion  qui  fera  donnée  aux  Catho- 
liques, delorte  que  le  Huguenot  n'en 
reçoit  aucune  ,  &  ne  mange  que  la 
lubllance crafle ,  ou  l'écume  du  pain. 
Car  il  cft  fait  à  chacun  félon  fa  foy. 
Comme  donc  la  foy  d'un  boa  Catholi- 
que opère  la  prefence  de  J.  C.  &  le 
changement  dupainenfon  Corps,  de 
même  la  foy  d'un  bon  Huguenot  qui 
detefte  ce! te  prefence,  &  qui  ne  croit 
qu'une  abfènce réelle,  n'opérera  auffi 
^ue  cette  abfence. 


CHA- 


DU  KOUAKERISME.  ?f| 


CHAPITRE  XVIII. 

Examen  de  la  préfence  corporelle 
de  Y»  C.  par  voye  d'irradiation. 

OUoique  ce  que  je  viens  je  dire 
^contre  la  vifion  de  Mr.  F.  dé- 
truiieauffi,  cette  préfence  corporelle 
par  voye  d'irradiation  ,  je  ne  îailîerai 
pas  de  la  combattre  encore  ici.  Mais 
il  faut  toujours  remarquer  avant  tou- 
tes chofes  que  cette  prclence  réelle  que 
nos  pacificateurs  &  ^conciliateurs 
font  îèmblant  de  défendre  n'eft  point 
du  tout  celle  de  fEglift  Romaine. 
Car  ils  rejettent  cette  prefence  corpo- 
relle qui  multiplie  une  infinité  de  fois 
le  corps  entier  de  j.  C.  &  qui  eft  cer- 
tainement la  plus  grande  contradi- 
âion  qu'on  pût  imaginer,  fi  bien  que 
voila  les  fentimens  de  Sçot&  de  Tho- 
mas rejettes,  tout  d'un  coup.  En  effet 
ce  font  deux  extravagances  (enlibles. 

L'un  dit  que  le  corps  de  J.  C.  efl: 
préfent  au  Sacrement,  pareeque  Dieu 
l'y  amené  du  ciel.  Il  y  vient  difent-iîs 
par  voye  JadduBion ,  mais  pourtant  fans 
quitter  le  ciel,  nipafïèr  par  les  airs, 
ou  par  les  efpaces  qui  font  entre  le  ciel 
&  la  terre.  Cette  manière  de  préfen- 
*  ce 


n8  Histoire 
ce  eft  inexplicable  &  contradifloi- 
re.    Outre  cela  elle  eft  extrêmement 
funefte  au  pain  ou  à  ià  fubftance  qui 
n  en  peut  jamais.  Car  au  moment  que 
J.  C  s'y  vient  rendre  ,  il  l'anéantit. 
ht  pourquoy,  eft-ce  que  ces  deux  fub- 
f  tances  ne  pouroient  pas  bien  vivre  en- 
femble  dans  un  même  lieu  &  dans  un 
même  fujet?  Il  n'en  faut  pas  douter, 
puifqtie  tous  les  Catholiques  tiennent 
la  pénétration  des  corps,  &  queceluy 
de  J.  C.  en  particulier  pénétra  celle 
de  Marie  en  venant  au  monde ,  &  celle 
de  la  pierre  de  ion  tombeau  cnrelîù- 
fcitant.    C'eft  donc  feulement  afin 
que  la  fubftance  du  pain  ceflant  d'être 
en  celle  de  J.  C.  venant  à  prendre  fa 
place  l'on  puifïè  dire  qu'il  s'y  fait  une 
tranfubftantiation  ,   c'eft  à  "dire  un 
changement  de  fubftance  en  une  au- 
tre fubftance.    Mais  c'eft  la  fe  former 
une  plaifante  efpece  de  converfion  de 
fubftance  en  fubftance.    Dans  toute 
converfion  véritable  &  proprement 
dite,  telle  que  le  Concile  de  Trente 
a  déterminé  être  celle  du  pain  au 
corps  de  J.  C.  le  fujet  qui  fe  change 
fublifte  toujours  ,  &  ne  perd  que  fa 
forme  fubftantielle  .  en  fe  transfor- 
mant en  une  autre  fubftance.    Il  faut 
donc  avoir  perdu  lcfenspourfoutenir 

qu'une 


DU  KOUAKERISME.     1 1^ 

qu'une  fubftance  qui  tombe  dans  le 
néant  fe  convertit  effectivement  & 
proprement  en  une  autre. 

L'Ecole  de  Thomas  d'Acquia 
voyant  ces  abfurdite^  explique  la  pre- 
fence  réelle  par  voye  de  reproduction 
du  corps  de  j.  G.  tombant  ainii  d'une 
extrémité  en  l'autre , 

Dum finit i  vitant  vitïa  in  contraria 
currunt. 

Car  comment  concevoir  qu'une  chofe 
qui  eft  déjà  toute  produite,  6c  quifub- 
fiiie  depuis  pluiieurs  fîecles ,  le  produi- 
re encore  tous  les  jours  de  nouveau? 
Eft*ce  que  la  première  production, 
ou  la  première  cxifience  ne  lui  fuffic 
pas?  Et  cette  nouvelle  produ&ion  lui 
aportc-t-elle  quelque  choie  de  nou- 
veau? Il  cela  eft,  ce  n'eftplus  la  mê- 
me choie  ,  ni  le  même  être.  Et  fi  el- 
le ne  luyaporte  rien  de  nouveau,  elle 
eit  inutile.  Et  qui  peut  comprendre 
qu'une  feule  fubftance  ait  plufîeurs 
exiftances  fans  devenir  plufîeurs 
fubflances  véritables  ?  Car  après  tout 
l'exigence  de  la  fubftance  n'eft  autre 
chofe  que  la  fubftance  même  conçeiie 
comme  exiftente.  L'exiftence  n'en 
eft  ni  un  mode  ,  ni  une  qualité  qui 
puiiTent  fe  conçevoir  fans  elle  \  ou  fans 
qui  ellefe  puiflè  conçevoir. 


î20  Histoire 

Le  comble  d'extravagance  qui  fe 
trouve  dans  cette  explication  Thomi- 
ftiqùe  elt  que  ce  prétendu  corps  de 
j.C  prefent  au  St.  Sacrement,  eftun 
j.  C.  inconnu  à  l'Evangile,  un  corps 
nouveau  ,  à  qui  n'a  jamais  été  Cru- 
cifié pour  nous.  Gâi  Je  vrai  corps  de 
J.  G.  n'a  été  formé  que  du  Lang  de  Ma- 
rie, &  celui-cy  eiï  formé  d'une  lub- 
ftance  de  pain,  qui  efl  une  fubftance 
toujours  nouvelle,  &  qui  n'a  jamais 
été  celle  de  Marie,  ni  lefi^etdel'o* 
peration  du  St.  Efprit.  On  ne  fçau- 
roit  donc  imaginer  d'autre  prefence 
réelle  du  corps  de  J.  C-  ici  bas  qui  foit 
explicable  &  intelligible  que  celle  qui 
fe  feroit  par  voie  d'irradiation  3  &  qui 
a  été  adoptée  ou  inventé  par  le  Prote- 
ftant  pacifique  ,  faut-il  donc  ,  dit-il , 


fent  fur  la  terre  ?  Comme  s'il  difoit, 
faut-il  dont  que  J.  C.  quitte  le  Ciel 
pour  fe  rendre  prefent  à  nous?  Ce  qui 
inimuë  évidemment  que  comme  le  fo- 
leii  fe  rend  prefent  fur  la  terre  par  l'en- 
voy  de  fes  raions,  &  de  fa  chaleur, 
J.  C.  de  même  demeurant  toujours  au 
ciel,  fe  rend  prefent  à  nous  par  des 
émanations  divines  de  fon  Corps  im- 
mortel &  glorieux ,  &  qui  eft  prefen- 
ternent  comme  un  foleil  5  ou  plûtôt 


le  foleil  quitte  fin  ciel  peur  être  pie- 


un 


DU  KOU  A.KERISME.  OË 

un  Occean  de  lumière,  de  vie  &  de 
gloire. 

Mais  quelque  explicable  que  foitcc 
fèntiment  il  ne  lahTe  pas  d'être  tout  op~ 
poféâ  la  nature  de  i'inftitution  de  l'Eu- 
chariftie.  Car  le  Seigneur,  en  donnant 
ton  Corps  &  fon  Sang  ne  parle  point 
d'une  fubftance  impalpable  &  infenlï- 
ble,  qui  ne  feroit  ni  chair  ni  fang,  fî 
elle  étoit  telle,  &  qui  feroit  plutôt  ou 
la  matière  première  d'iiriftote  qui  n'a 
ni  quantité,  ni  qualité,  ni  rien  de  tout- 
ce  qui  détermine  les  êtres:  Or  pour 
parler  plus  jufte.&  félon  les  maximes 
de  nôtre  grand  Maître ,  le  Seigneur  Je- 
fus  ,  le  Prince  des  Philofophes, elle  fer 
roitunpur  Efprit,  car  félon  fa  doctri- 
ne ce  qui  ne  fepeut  voir  ni  manier  eft 
un  Efprit  qui  n'a  ni  chair  ni  os.  S'il.fal- 
loit  donc  entendre  à  la  rigueur  de  la 
lettre  les  termes  de  j.  G.  il  fàudroit 
croire  que  le  pain  &  le  vin  feroient  ef- 
fectivement de  la  chair  &  du  faftg ,  ou 
une  fubflance'  modifiée  en  chair  &  en 
fang,  &que  cela  feroit  ainf]  quoique 
nos  yeux  n'en  viflènt  rien.  Ce  feroit 
même  une  chair  brifée,  &  un  fang  ré- 
pandu, J.C/di&ntque  le  pain  eiïfon 
corps  rompu,  &  le  vin,  fon  fang  ré- 
pandu. 

Et  ne  dites  pas  que  la  forme  de  chair 
F  & 


122  Histoire 
&defangne  iert  de  rien  au  corps  de 
J.  C.  ou  à  fa  fùbftâûce  pour  nous  vivi- 
fier ?  Car  cette  fubftance  ne  vivifie 
pas  davantage  en  qualité  de  fubftance , 
ou  Amplement  comme  fubftance.  Il 
faut  pour  qu'elle  vivifie  ,  qu'elle  foit 
accompagnée  de  quelque  propriété^ 
c'eit-'à-dire  animée  de  l'Efprit  divin. 
Puifque  c'eft  donc  une  chair  fans  vie 
&fansfang,  elle  eft  incapable  de  vi- 
vifier. Auffi  j  .  C.  comme  je  l'ay  tait 
voir,  ne  veut  pas  nous  vivifier  par  la 
chair  de  l'Eucnariftie,  c'eit  par  fon 
Efpritfeui,  c'ejWejprit,  dit-il,  qui  vi- 
vifie. El  comment  auroit  il- eu  cette 
penfée  ,  lui  qui  dit  non  qu'une  fub- 
jiance  invifible  &  infenfible  devient 
line  autre  fubftance  invifible  &  infen- 
fible ,  mais  d'un  fujet  villbîe,  fenfible  & 
palpable,  qu'il  en  devient  une  fenfible 
&  palpable.  Car  J.C  parlant  du  pain 
&  du  vin,  &  les  nommant  fon  corps 
&  fon  fang ,  parloir  d'un  fujet  fenfibie 
&  palpable  ,  &  leur  donnoit  le  nom 
d'un  autre  fujet  fênfible  &  palpable. 
S'il  étoïtHonc  vray  qu'il  fallût  prendre 
ces  paroles  à  la  lettre,  ceci  efl  mon  cerpr , 
il  eft  plus  clair  que  le  Soleil  que  J.  C. 
auroit  voulu  dire  que  cet  objet  vifible 
qu'il tenoit en fes  mains,  &  qu'il  pre- 
lêntoit  a  les  Apôtres  étoit  fon  Corps, 

&  fon 


.       BU  KOUAKERISME.  117 

&  Ion  Corps  viiibie  &  palpable ,  defor- 
te  que  tous  ceux  qui  ne  prendraient  pas 
cet  objet  virïble  pour  le  Corps  de  J.C. 
ne  feraient  pas  bons  Romains ,  &  s'é-*- 
lorgneraient  de  leur  prétendu  fens  lit- 
téral des  termes  de  J.C. 

Les  Cartéfiens  Catholiques  font  de 
monfentiment;car  comme  ils  ne  cro- 
yent  aucun  accident  fub&iant  fans  fu- 
jet,  &  confondent  enlcmbie  corps, 
fubiiance ,  étendue  ,  6c  matière  ,  il£ 
prennent  toute  cette  étendue  vifible , 
&  fénrible;  &  tout  cet  objet  qui  frapë 
leurs lens  pour  J.  C.  même,  qui  veut 
bien  félon  leurs  hypothéfes  le  changer 
en -un  pain  apparant  en  leur  faveurau 
lieu  de  chair  &  de  fang.  Car  que  de- 
viendrait l'étendue  du  pain  ?  s'annéan- 
tiroic-ellef  mais  il  implique  contradi- 
ction lelon  les  hypôrhèTes  Cartélien- 
nés  que  le  moindre : 'arôme  ou  la  moitié 
dre  partie  de  la  matière  ou  de  f  érenduè* 
periliè  fans  que  tout  periflè.  Autrement 
il  y  aurait  un  iefpaçe  vuide  ,  fçavoir 
celui  qui  étoit  rempli  de  la  portion  de 
matière  qui  ferai:  anéantie.  On  ne 
peut  pas  non  plus  félon  ces  mêmes  hy- 
pothefe  donner  de  nouvelles  étendues 
au  Corps  d  e  J.  Ç.  car  où  fe  placer  oient 
elles  ,  puifque  tout  eft  plein  ,  &  que 
rien  ne  fçauroit  faire  place  à  une  nou^ 
F  a  velle 


124  ^  Histoire- 
velle  étendue  que  Dieu  crééroit?  Et 
ie  Corps  de  J.  C.  pourok-il  avoir  de 
nouvelles  étendues ,  fans  ie  multiplier 
quanta  la fubflance,  puifque  étendue 
&  corps  font  une  feule  &  même  chofe? 
Et  puis  croyez  que  ces  Meilleurs  les 
Cartcfkiis.  font  bons  Tramubftantia- 
teurs  ?  &  qu'on  a  grand  tort  de  les 
tramer  d'hypocrites  &  de  diiTimuia- 
teurs  ?  Ils  répondent  que  Dieu  fait  par 
le  moyen  du  Corps  de  J.Cprefcnt  au 
Sacrement  fous  les  aparences  de  pain 
les  mêmes  impreffions  fur  nos  fens, 
&  nous  caule  les  mêmes  fenfations 
que  cauferoît  l'étendue  du  pain  fi  elle 
fubfiilo;:,  c'eilàdire  que  la  iageile& 
la  vçrité  même  nous  fait  une  perpé- 
tuelle illufion.  Et  moi  je  leur  dis, 
qu'ils  font  des 'impofteurs  qui  veulent 
faire  iunfipn  au  monde ,  mais  fràtnmU 
heur  pour  eux  c'eit  qu'il  n'y  a  que  les 
fois  qui  s'en  laiiTenc  ébîouïr. 

Une  autre  puifîànte  rai.fbn  contre  la 
fubftance  inviftble  du  Corpi>  de  J.  C- 
prefente  par voye d'irradiation,  fetire 
déférât  auquel  étoit  le  Corps  de  J. 
quand  il-.ihûkua  fon  Sacrement.  C'é- 
toic  un  état  de  mortalité  &  de  corrupîi- 
bilité.  Son  Corps  n'étoit  alors  que 
chair  &  fàng,  &  par  confequent  il  ne 
pouvoir  donner  cjae  de  h  chair  &  du 


DU  KOUÀKER  1  S  Kl  E.     î  if 

lang,  &  tien  d'immortel  &  d'incor- 
ruptible. -  , 

Enfin  je  demande  1]  cette  fubfîance 
invnibiequin'eft  ni  chair  ni'fang,  fe 
peut  manger  &  boire  ?  la  belle  choie 
que  ceferoit  que  de  manger  &  de  boire 
desEfpiits,  ou  des  Corps  aufil  invisi- 
bles que  des  Eipriis  ?  J'aimerois  autant 
qu'on  nie  dit  que  l'on  boit  &  que  Ton 
mange  la  lumière,  encore  cil  elle  vi~ 
lible  :  ou  la  matière,  fubtik  du  premier 
clément  de  Defcartes.  Et  pourquoi  ne 
la  mangeroit  on  pas ,  &  ne  la  boir oit- 
on  pas ,  puifque  celle  de  J.  C.  qui  doit 
être  à  prélent  auffi  fubîile  &  auffi  dé- 
liée, pour  le  moins  qu'elle  ,  fe  mange 
bien  &  fe  boit  bien  ?  ii  l'on  dit  qu'on 
ne  la  mange  pas,  l'on  contredit  J.  C. 
qui  ordonne  expreffément  de  manger 
fa  chair  &  de  boire  ion  lang.  Que  fi  en- 
fin l'on  réplique  que  ce  boire  &  ce  man- 
ger doivent  être  entendus  meraphori* 
quement ,  pourquoi  non  auffi  les  ter- 
mes de  chair  ce  de  fang  ?  Car  peut  on 
manger  &  boire  métaphoriquement  5 
c'ell  à  dire  en  un  fens  figuré,  &  nulle- 
ment littéral  ,  de  vraye  chair  &  de 
vray  fang  ?~  En  dépit  donc  des  Catho- 
liques Romains,  &de  tous  leurs  plus 
fbbtils  Apoiogiftes  toute  la  proportion 
de  J,  C.le  trouve  métaphorique  &  figu- 


xi6  Histoire 
ice.  Les  termes  démanger  &  déboi- 
re le  font  ;  car  on  ne  fçauroit  man- 
ger ni  boire  proprement  &  à  la  lettre 
nneiubltanceinvifible,  &  aulïi  invifi- 
ble  que  des  Eiprits.  Donc  auffi  le  ter- 
me de  chair  eft  métaphorique,  car  au- 
trement fi  c'étoit  une  chair  véritable  & 
proprement  dite  on  îa  verroit,  on  la 
toucheroit ,  on  la  fentiroit  ,  &  par 
confequent  on  la  manger  oit  auffi  à  la 
lettre.  Donc  toute  la  proportion  de 
].JÇ.  eft  métaphorique,  impropre  &  fi- 
gurée. Or  comparons  je  vous  prie  la 
propofition  de  J.C.  figurée  &  métapho- 
rique des  Catholiques  Romains  avec 
celle  des  Protcftans ,  &  Ton  verra  que 
Tune  eft  fi  forcée  &  fi  contraire  à  la  foy 
&  à  laraifon  qu'on  ne  la  peut  foufrir, 
&  que  l'autre  eft  fi  facile,  fi  naturelle  & 
fifimple  qu'on  ne  les  fçauroit  rejette* 
fans  fe  faire  violence. 


CHA- 


DU  KOUAKERISM  E.  ïlj 

CHAPITRE   XIX.  . 

Examen  de  l'opinion  vijtonaire  de 
George  Keits  5  fameux  Kouakre. 

JE  ferois  tort  à  mon  Lecleur  ,  & 
j'aurois  trop  mauvaife  opinion  de 
Ion  jugement  lï  je  m'amafoisà  réfuter 
ferieufement  la  peniée  extravagante 
de  George  Keits,  que  tous  les  Maî- 
tres &  tous  les  Doéteurs  font  manger 
leur  chair  &  boire  leur  fang  à  tous 
leurs  difciples ,  à  moins  qu'on  ne  pren- 
ne cela  en  un  fens  fort  allégorique, 
fort  myitique  &Quakerifte,  c'eit  une 
véritable  extravagance.  Et  fi  on  l'en- 
tend allegoriquement  ce  n'eft  encore 
qu'une  pure  chimère.  Car  entrer  dans 
les  fentimens  d'un  maître  &  recevoir 
avec  docilité  les  inftruâions  font  des 
chofes  toutes  fpirituelles  ,  &  qui  par 
confequent  donneraient  bien  lieu  de 
dire  qu'on  prend  fonEfprit  ,  &  qu'on 
y  participe  par  ce  moyen  là  plutôt  que 
de  dire  qu'on  mange  fa  chair.  Car  en- 
fin la  fentence  de  J.C.eft  d'une  vérité 
éternelle  &  univerfelle  ,  La  chair  ne 
profite  de  rien,  cvjl  FEftrit  feu  l  qui  vi- 
vifie. Ou  bien  il  faudra,  diftinguer 
F  4  fcue 


•Jtflfl  Histoire 
une  chair  en  un  fang  purement  cor- 
porels, terreftres  &grofliers,  &  par  là 
incapables  de  vivifier  ,  6c  une  chair 
&  un  fang  fpiritueîs  &  ceieftes^  c'eft 
à  dire  qui  ne  font  qu'Efprit  &  vie.  Et 
alors  on  dira -que  J.  G.  n'a  pas  feule- 
ment fongé  à  cette  diftinétion,  &  qu'il 
i  toujours  oppofé  purement  &  fina- 
lement l'Efprit  à  Ja  chair  6c  au  fang, 
même  à  fa  chair  &  à  fon  fang.  Mais 
fans  m'arêter  d'avantage  à  réfuter  cette 
viiion,  on  fera  bien  aife  de  fçavoirce 
qui  a  donné  lieu  à  l'inventer.  L'oc- 
mfaéqm  la  fait  naître  a  été  une  ob- 
jection tirée  du  6.  de  St.  Jean  où  J.  G. 
parle  fi  au  long  de  manger  fa  chair  & 
de  boire  fon  fang.    Le  grand  Apo- 
logie &  Panegirifte  desKouakres,  ou 
l'Autheur  impie  du  Proteftant  paci- 
fique prefle.  fort  cette  obje&ion  &  fou- 
tient  que  manger  la  chair  &  boire  le 
fang  de  J.  G.  ne  fîgnifienr  pas  croire 
feulement  en  luy;  if  qu'on  ne trmvera 
jamau  dam  quelque  Autheur  que  ce  foity 
jacré  ou  profane, un  langag:  femblable , 
m  que  quelqu'un  commande  de  marner 
ja  chair  if  de  boire  fon  fan?  pour  fïgnft 
fer  qu'Haut  qu'on  fu'h* •fa  difc'ïp line 
4$  fa  doctrine,  &  que  l'on  s'y  fnm<?ttc. 
Et  il  a  raifon  ,  mais  pour  le  démê- 
ler de  cette  objection  il  n'etoit  nul- 
lement 


DU  KOU  AKER  I  SME-  E2gl 

îement  neceiiàire  de  dire  que  Ton 
mange  réellement  la  chair  de  JC  & 
que  tout  ce  qu'il  y  a  de  Maîtres  au 
Monde  font  manger  leur  chair  &  boi- 
re leur  fang  à  tous  leurs  difciples,  fiir 
tout  à  ceux  qui  entr'ent  dans  leurs  fen- 
timens  s  une  penfée  auffi  vifîonaire  que 
celle-là  &  qui  fourmille  d'abiurditez , 
n'ell  point  à  propos  ,  &  ne  fçauroit 
refoudre  l'objection  qui  ne  parle  que 
d'une  chair  fenfible  &  palpable  ,  d'une 
chair  vifible  &  qui  a  été  crucifiée ,  d'u- 
ne chair  en  un  mot  toute  oppofée  à  ce 
qu'on  apelle  Efprit.  Il  falloir  donc  fe 
prendre  autrement  à  réfoudre  l'ob- 
jection. 

Il  falloit  dire  qu'il  n'y  a  point  de 
Maure  qui  relîembie  àj.  G.  ni  de  dif- 
ciples qui  doivent  faire  à  l'égard  de 
leur  Maître  ce  que  nous  devons  faire 
pour  J.  C  Gkft  jin  Maître  qui  fe  don- 
ne à  la  mort  &qui  s'immole  tout  en- 
tier pour  fauverfes  difciples  de  la  mort; 
il  répand  fon  fang  afin  qu'il  foit  l'ex- 
piation d  e  tous  leurs  péchez  ;  &  nous, 
nous  fommes  des  difciples  qui  pour 
avoir  part  à  cette  expiation  fommes 
obligez  de  méditer  fans  cefîë  cette 
mort ,  .&  d'admirer  l'excez  de  la  bonté 
&  de  l'amour  du  fils  de  Dieu  qui  la 
porté  à  mourir  pour  nous.  Pourquoy 
£  S  uns 


130  Histoire 
une  méditation  comme  celle  là  ne  fe- 
roit  elle  pas  nommée  une  manduca- 
îion,de  la  chairdej.C.?  nelêroitce 
pas  bien  parler ,  &  élégamment  même 
que  de  dire  de  ceux  qui  fe  laiffoient 
charmer  des  plaifîrs  fanglans  du  cir- 
que &  de  l'Arène  j  &  qui  y  atta- 
choient  leur  cœur  autant  que  leur& 
yeux  7  qu'ils  y  mangeoient  la  chair 
que  le  couteau  y  coupoit,  &  qu'ils  y 
buvoient  à  longs  traits  le  fang  qui  s'y 
répandoit.  St.  Auguftin  dit  cela  mê- 
me en  parlant  de  la  fureur  avec  laquel- 
le fon  cher  ami  Alipius  fe  poitoit  a  voir 
ces  cruels  fpeéfocles. 

Outre  cela  je  trouve  deux  chofes 
qui  juftifient  l'innocence  des  expref- 
lions  de  j.  C  La  première  eft  l'engage- 
ment où  il  fe  trouva  en  dilçourant  avec 
ceuxdeCapernaum,  &  où  la  deman- 
de qu'ils  luy  firent  de  leur  donner  une 
viande  à  manger  qui  les  empêchât  de 
mourir,  lejetta.  Car  comme  ils  luy 
eurent  propofé  la  manne  ,  J.  C.  qui 
vouîoit  les  détacher  de  ces  idées  baffes 
d'aliment  terreftre,  &  pour  les  enga- 
ger à  luy,  s'oppofa  luy  même  à  cette 
manne,  comme  l'objet  de  leur  atta- 
chement &  de  leur  foy.  Et  c'eft  ce  qui 
l'obligea  à  parler  dans  la  fuitte ,  éà  cet 
attachement  comme  d'une  efpece  de 
manger  &  de  boire.  La 


DU  KOUAKERIS  MÉ.  ïjr 

La  féconde  eft  que  J.C.  ayant  dé- 
claré qu'il  donneroit  un  j  ouf  fa  Chair  four 
la  vie  du  monde  ,  c'eft-à-dirc  qu'il  la- 
livreroità  la  mort,  &  par  conléquent 
fe  infant  conliderer  fous  l'idée  de  vi- 
ctime immolée  pour  eux  ,  il  étoir 
naturel  que  pou  liant  cette  idée  il  fe 
fervit  des  expreffions  qu'elle  pouvdit 
faire  naître  naturellement.  Les  Ca- 
pernaïtes  fçav oient  que  dans  les  facri- 
ëces  on  mangeoit  une  partie  de  la 
chair  de  la  victime  pour  marque  & 
pour  gage  qu'on  avoir  part  à  l'expia- 
tion qu'elle  avoit  faite.  J.  C.  donc 
s'oppofant  à  ces  anciennes  cérémo-* 
nies ,  &  nous  voulant  apprendre  qu'il 
falloit  s'attacher  à  luy  coniidcré  com- 
me une  victime  facrifiée  pour  nous , 
pouvoit  fort  bien  exprimer  l'adi om  de 
nôtre  attachement  par  les  termes  de 
manger  fà  chair  &  de  boire fon  fang  r 
puifqu'ii  eftvray  que  fans  cet  attache- 
ment à  la  mort  du  fils  de  Dieu  l'on 
n'y  a  aucune  part. 

Mais  je  veux  qu'il  y  ait  de  la  dureté 
dans  les  expreffions  de  j.  G.  eft- ce  qu'il 
n'eft  pas  un  allez,  grand  maître  ,  un 
maître  allez  extraordinaire  pour  au- 
thorifer  des  exprelfions  inouies  &  ex- 
traordinaires? 

Âpres  toutperfonne  ne  pouvait  s'y. 

F  6  troiiv* 


*3?  Histoire 
tromper,  car  la  im  de  ce  difcours  fi 
étrange  porte  la  chef  qui  en  ouvre  l'in- 
telligence, quefera-ce  don: y  dit  J.C., 
jw/wzr/  ^  wrr^  le  fils  de  l'Homme  mm 
tWï  là  où  il  huit  auparavant.  C'était 
aflèz  leur  dire  qu'ils  ne  dévoient  pas 
prendre  à  la  lettre  fes  expreffions  , 
puiiqu'il  dé  voit  un  jour  quitter  la  terre 
&  retourner  au  ciel,  qu'ai  nfi  fon  corps 
ce  Ion  fang  ne  feroient  pas  en  état  d'ê- 
tre mangé  ni  bu.   La  chair  ,  pour- 
filit-il,  ne  profite  de  rien,  c'eft  PEfpiï» 
qui  vivifie.  Les  paroles  que  je  vont  ay  di- 
tes font  Ejprit  4?  vie,  quelqu'un  après 
ces   ccîairciffemens    pouroît-if  fe 
tromper  dans  l'intelligence  de  tout 
ce  qui^  paroit  de  plus   rude  dans 
les  expreflïons  du  Sauveur  ?  non 
affeurément.    C'ed   pourquoi  toute 
l'Antiquité  qui  a  conftamment  inter- 
prété ce  Chapitre  fixiéme  de  l'Eucha- 
riftie,  ou  qui  le  luy  a  appliqué,  ne  s'y 
eft  point  inéprife.  Et  St.  AuguQin  écrit 
formellement  que  manger  la  chair  de 
'J-..C.&  boire  fon  fang  figni fient,  par  un» 
façon  de  parler  figurée,  que  mus  devons 
méditer  perpétuellement]  a  mort,  &  nom 
reffouvenir  fans  cetfe  que  fa  chair  a  été 
crucifiée,  &  que  fon  fang  a  été  répandu 
pur  nous  :  que  même  ce  Teroit  aceufer 
J.  G.  de  nous  commander  une  aclion 

cri- 


/ 


3}  V  liOUAKE  RIS  M  E*     1 33 

criminelle  n  l'on  entendoit  les  paroles 
à  la  rigueur  de  la  lettre.  Mais. comme 
lesKouakres  font  profefiion  de  mëpri* 
fer  la  croix  du  fils  de  Dieu  ,  cette  ex- 
plication de  fes  expreifîons  n'e ft  pas  à 
leur  goût:  Et  ils  aiment  mieux  expli- 
quer une  allégorie  par  une  autre  allé- 
gorie ,  ou  inventer  des  vilions  abfurdes 
que  de  conlentir  qu'on  explique  les 
pareks  de  J.  C.  d'une  manière  qui 
nous  remette  devant  les  yeux  la  necef- 
iîté  qui  nous  eft  impofée  de  recourir  à 
la  mort  du  fils  de  Dieu,  comme  au 
feul  antidote  que  Dieu  nous  a  donné 
pour  nous  guenr ,  &  pour  nous  vivifier. 


CHAPITRE  XX. 

La  véritable  canfe  pourquoi  les  ) 
Kouakjes  ne  célèbrent  pas  VEu- 
chariflie  .Origine  cachée  duKouœ* 

kerifme, 

ENfrn  il  eft  temps  de  découvrir  la 
véritable  Caufe ,  pour  laquelle  les 
Koaakres  ont  d'abord  refuië  de  célé- 
brer l'Euchariftie  ,  &  pourquoi  ils  ré- 
futent encore  à  prefent  de  la  célébrer. 
C'eft  que  les  premiers  Kouakres. leurs 
F  7  Au- 


î  34  Histoire 

Autheurs,  leurs  f  ondateurs,  &  leurs 
Prédicateurs  étoient ,  &  font  encore 
pour  la  plupart  des  Catholiques  Ro- 
mains ,  des  Prêtres  ,  cks  Religieux , 
desjelûites,  qui  n'avoient  garde  de  fe 
porter  à  faire  la  CéneàlaProteftante, 
eux  qui  avoient  déjà  dit  la  M  elle  de 
bon  matin,  &  qui  regardent  l'Eucha- 
riftiedesProteftans  comme  une  profa- 
nation de  la  véritable  Euchariftie  de 
J.C  &une  pure  chimère,  où  l'on  né 
■mange  &  où  l'on  ne  boit  que  des  appa- 
rences de  chair  &  de  fang,  des  êtres 
figuratifs.  Car  fi  au  commencement 
de  cette  hiltoire  j'ai  ditqueFoxa  été 
leur  Fondateur ,  tout  ce  que  j'ai  dit  n'a 
été  que  l'hiftoire  de  l'origi  ne  apparente 
&  extérieure  du  Kouakerifme.  L'ori- 
gine cachée  &  fecrette  eft  venue  des 
Catholiques  Romains  ,  des  Prêtres  ^ 
des  Religieux,  &  des  Jefuites  Anglois 
qui  fe  joignirent  à  leur  Renard ,  &  for- 
mèrent cette  Seâe  toute  ennemie  des 
Proteftans,  &  toute  amie  fecretement 
de  la  Religion  Catholique.  Et  voici 
comment  la  chofe  arriva  quand  Crom- 
Wel  eut  chaffé  toute  la  famille  Royale, 
&  qu'il  fe  rut  rendu  maître  abfolu  du 
Royaume,  il  voulut  obliger  tous  les 
Anglois  à  prêter  ferment  qu'ils  renon- 
çoient  à  pur  &  à  plein  jj  &  à  toûjours  à 

l'obeïf- 


DU    KOUAKEKISME.  l$f 

robeïflance  qu'ils  dévoient  aux  légiti- 
mes héritiers  de  la  Couronne  ,  &  à 
la  forme  de  gouvernement  qui  avoir 
iubfiftéfous le  Royaume.  Ilfaifoit  en- 
core jurer  fur  les  Saints  Evangiles 
qu'on  renonçoit  à  toute  la  Religion  Ca- 
tholique, &  à  toute  liaifon  &  tout 
commerce  avec  les  Catholiques.  Pour 
s'exempter  de  prêter  ces  fermens  là,  les 
Catholiques ,  &  particulièrement  les 
Prêtres,  &  les  Jefuitces  ne  trouvèrent 
point  de  meilleur  expédient  que  celui 
de  renouveller  cette  branche  d'Ana* 
baptiiinequi  détend  toute  forte  de  fer- 
ment :  pour  cet  etfet  ils  s'unirent  avec 
Fox  ,  &  réfutèrent  fous  prétexte  de 
Religion  de  prêter  les  fermens  qu'on 
exigeoit  d'eux.  Cela  n'eft  point  une 
fable ,  c'eft  une  vérité  certaine,  &  con- 
nue de  tous  les  fçavans  de  l'Angleter- 
re. Etjclafçai  des  Kouakres mêmes, 
&.du  plus  grand  Philofophe  de  nôtre 
fiecle,  &  un  membre  il luftre  de  là  So- 
ciété Royale  de  Londres.  C'eft  pour 
cela  qu'il  y  a  eu  tant  de  perfonnes  qui 
ont  affeuré  qu'après  avoir  veu  dire  la 
Meiïe  à  des  Jefuites  dans  quelque  liea 
-écarté  a  dans  quelque  chambre  dé 
Catholiques  à  Londres ,  ils  avoient  veu 
les  mêmes  dans  les  mkines  ou  affenr? 
blées  des  Trembleurs  y  faire  le  mé- 


i#3  Histoire 
tierce  Prédicateurs  &  de  Prophètes 
C'en  pourquoi  encore  Ion  a  tou- 
jours remarqué  une  (i  grande  (ympa* 
taie  des  Kouakies  avec  les  Catholique 
Komams,  que  les  Koakres  proteifent 
hautement  qu'ils  efliment  plus  les  Ca- 
tholiques que  les  Proteftans  ,  &  aue- 
s  ils  voulaient  changer  de  Rehgion/ils 
le  f croient  Catholiques  plutôt  que  Pro- 
ie! ans.  En  revanche  les  Catholiques 
le  tout  Kouakres  fans peine,  &on  les 
reçoit  dans  la  ie&e  a  bras  ouverts ,  fins 
exiger  d  eux  aucune  abjuration  des  er- 
reurs du  Papifme.  Et  les  Kouakres  de 
•leur  côré  fe font  Catholiques  Romains 
avec  la  même  facilité.  Car  on  ne  le* 
oblige  pas  non  plus  à  renoncer  auKcua- 
kenlme,  qui  n'eft  dans  le  fonds  que  le 
pur  Quiétilme,  &  la  Religion  rafinée 
desmyfliquesde  l'Eglife  Romaine. 

C  eft  pour  la  même  raifon  que  le 
Roy  jaques  a  déclaré  di verfes  fois  qu'il 
preferoit  les  Kouakres  à  tous  le.s  Pror 
îellans ,  &  qu'il  aiineroit  mieux  fe  fai- 
re de  leur  Secle  (comme  s'il  n'en  étok 
pas  déjà  fecrétement  en  étant  de  la 
Congrégation  des  Jcfuïtes)  que  de  cel- 
le des  Epi feopaux  ou  des  Presbiterien*. 
I      ell  pour  cela  enfin  qu'on  a  |$>$. 
jours  remarqué  que  les  Kouakres,  quels 
■quilstuilent,  prenoient  à  tâche  d'atta- 
quer 


1> U  KOUAKERISME.  137 
qncr  fans  cefiè  les  pauvres  Proteftans , 
tantôt  les  Epifcopaux  ,  &  tantôt Je$ 
Presbite^ens ,  &  d*inve£tiver  contre 
la  reformation  faite  par  Luther,  Cal- 
vin, Zuingle  6c  les  autres  ;  en  fou  te- 
nant que  ce  n'eft  qu'un  ouvrage  impur, 
imparfait ,  &  qui  a  plus  fait  de  tort  à  la 
Religion  qu'il  ne  lui  aaporté  davantage. 
Mais  ce  qui  eft  de  plus  divertiffant,c'eft 
qu'ils  ont  été  les  premiers  à  tourner 
l'Apocalipfe  contre  la  Reformation  6ç 
les  Reformateurs  mêmes.  Les  uns  ont 
dit  que  la  Babylone  &  îa  proftituée 
compreuoient  toutes  les  nouvelles 
Se&es.  Les  autres  ont  dit  que  le  faux 
Prophète  aux  deux  cornes  de  l'Agneau 
font  les  deux  Teftamens,  l'ancien  ÔV 
le  nouveau  donc  les  Reformateurs 
font  tout  leur  bouclier.  D'autres  ont 
ditquec'dtoit  le  Lutheranifme  avec  fa 
métropole  Vitemberg ,  &  le  Calvinil- 
me  avec  la  fienne  qui  eft  Genève.  Il 
ne  faut  donc  plus  s'étonner  fi  les  Koua- 
kres  n'ont  eu  garde  de  célébrer  la  fain- 
te  Euchariftie  dans  leurs  Congréga- 
tions ,  puisqu'elles  ne  fe  faifoient  &  ne 
fe  régloîent  que  par  dts  Catholiques 
Romains ,  &  par  des  Jefuites  deguitèz, 
afin  de  fe  cacher,  de  fe  dérober  à  la  per- 
fécunon>&  de  mieux  jouer  leur  jeu, 
qui  étoit  de  diviiër  & d'aiïbiblir  les  Pro  - 

te dan s  3 


*38  Histoire 

teltans,  &  rendre  méprifable  &odieu* 
le  toute  la  reformation.  Et  pour  Te 
mieux  cacher  ils  ont  lai  Té  entrer  dans 
teSecle  toutes  fortes  de  Phanatiques. 
Tout  y  eft  bien  venu  pourveu  qu'on  en 
prenne  bien  l'Efpnt,  qui  eft  un  efprit 
ce  haine  &  d  averfïon  pour  le  corps 
des  Profitons.  Et  ils  reilemblent  en 
cela  parfaitement  au  Papifme  qui  ou- 
vre fonfein  à  toutes  fortes  de  perfon- 
nes ,  quelque  opinion  qu'ils  ayent 
pourveu  qu'ils  le  conforment  lente- 
ment à  fon  extérieur  ;  &  au  gouverne- 
ment déjà  établi,  &  qu'au  relie  ils  lâ- 
chent bien  invectiver  contre  les  Prote- 
ftans,  &  déclamer  contre  la  reforma- 
tion. L'on  a  fouvent  ouï  dire  àPen, 
que  bien  des  gens  foûtiennent  être  un 
vrayjefuite,  &  qui  dit  qu'un  Kouakre 
eft  Jefuite ,  dit  qu'il  dit  la  MelTe  de  bon 
marin  à  fes  Catholiques ,  &  puis  qu'il 
va  prêcher  aux  Kouakres  :  &  qui  fût 
conftamment  arrêté  la  première  fois  à 
Wittehal  fous  le  nom  d'un  Jefuite, 
peu  de  temps  après  l'éleclion  du  nou- 
veau Roy  :  L'on  a  dis-je  fouvent  ouï 
dire  à  ce  fameux  Kouakre  que  fi  on  laif- 
foit  faire  Innocent  XI.  ou  que  s'il  pou- 
yoit  vivre  allez  de  temps  pour  cela, 
il  feroit  avec  Molinos  une  Reforma- 
tion véritable ,  &  meilleure  incompa- 
rablement 


BU  KOUAKERISME.  IJ9 

rablement  que  celle  de  Luther  &  de 
Zuuigle.De  ia  vient  que  tous  les  Koua- 
kres  eltiment  infiniment  Molinos,& 
çous  les  myltiques  de  i'Egïife  Romai- 
ne ,  comme  Taulite  ,  Sufo ,  à  Kem- 
pis,  St.  Therefe,  Jean  de  la  Croix, 
Malaval ,  Mr.  de  Bernieies  Louvigni 
&  les  autres.  Ainfi  cette  Secfe  eft  une 
Arche  de  Noé  où  toutes  fortes  d'Ani- 
maux, mondes  &  immondes  font 
bien  reçus,  à  condition  qu'on  devien- 
ne fort  Anti-proteftant. 

Toute  l'Angleterre  n'a  confideré 
jufqu'ici  cette  Secte ,  que  comme  une 
fentine  ou  s'amafleoient  tous  les  Efr 
prits  impurs  v  inquiets  &  chagrins  de  la 
nation.  Et  comme  elle  n'en  a  voula 
juger  que  par  fes  dehors,  &  parce  qu'el- 
le fait  profeffion  de  croire  &  de  dire 
généralement  parlant ,  elle  ne  la  ja- 
mais voulu  tenir  pour  une  Société  de 
Chrétiens,  mais  plutôt  pour  une  con- 
fpiration  ouverte  &  formée  contre  le 
Chriftianifme,  &  en  particulier  con- 
tre la  reformation ,  &  la  Religion  Pro- 
teftante  ,  comme  des  ennemis  &  de 
J.C.&de l'Etat,  qu'il falloit  profcri- 
re,  &  abandonner  à  toute  la  rigueur 
des  loix ,  de  la  proteâion  defquelles  ils 
étoient  indignes.  C'efï  pourquoy  ils 
firent  tant  de  feux  de  joye  à  l'avéne- 

men 


Mo  histoire 

ment  de  Jaques  à  la  Couronne  oarro 

SS'  ^thonfée:  Comme  et, 
S  ne  manqua  pas  de  le  faire  fi-tA 
qu  h  fut  monté  fur  le  tr<W  7  V  .1 
*e  eePnnee  les  conte %S*i&$gl 

f  s  te  crurent  tout  à  fait  perdus,  voyan 

WBtûei  &  Presbytérien,.  &  au  plus  zélé 

qu"inve4rdde 

rri.ices  Proceftans.  Afin  donc  de  s'infti 

ment  des  Propneties  qui  avoient  clai- 
rement prédit  fa  deteente 

VrS^r"^  lls  l«t  ou- 
vrirent libéralement  leur  bourfè  ,  & 

ils  ne  furent  pas  réfutez.  Ils  luy  deman- 
dèrent fi  proteâion ,  qu'illeur.accor- 
oa  i  en  les  renvoyant  néanmoins  au 
Fanement  pour  la  tolérance  qu'ils  fou- 
Jiaittoient  qui  leur fûr accordée. 

i^e  premier  Parlement  de  ce  nou- 
veau règne  adeliberé  très  lon-temps 
mr  cette  affaire,  &Peu  s'en  Ift  faiL 
quonne  ksautoutàtaitprofcrirs,  & 
déclarez  indignes  de  toute  tolérance. 
Nous  coanoiffonsdes  Seigneurs  de  la 

Chsm- 


T)  U  KO  UAKERISM  E.  -Î4Î 

Zîhambre  haute ,  &  des  membres  de  la 
Chambre  balle.,  qui  leur  ont  demandé 
pis  étoient  Chrétiens  ,  &  par  où  ils 
Douroient  prouver  qu'ils  le  font  puif- 
pdiis  rejettoient  le  Baptême  &  TEu- 
chariuie,  &  qu'ils  avoient  un  foùve- 
rain mépris;  poux.les  S aiutes Ecritures^ 
puifqu  enfin  ils  rejettoient  ->e  rnyîlére 
adorable  de  la  Sainte  Trinité  ;  Et 
qu'au  lieu  de  tout  cela  ils  préchoient 
un  Chrift  qui  ne  reiïembleen  rien  au 
Chrift  véritable  propofé  dans  l'Evan- 
gile, un  Chrift  :  imaginaire 4om  tous 
les  Deïites ,  les  Payens ,  les  Mahomer 
tans ,  tous  les  Hérétiques  y  tous  les  Phi- 
losophes mêmes  fe  peuvent  accom- 
moder &ns  croire  en  Jefus  fils  de  Ma- 
rie, en  jefus  Crucifié  ,  au  jefus  de 
fEvâtigiîe.'  On  leur  propofë  donc  que 
s'ils  vouloient  que  le;  Parlement  .leur 
accordât  quelque  tolérance  ,  il  falloic 
qu'ils  iè  deciaraireut  Chrétiens ,  &iqug 
pour  cet  effet  ils  figaaffpnt ce. formu- 
laire. 

Je  N.croydè  tcèur  t*  jeconfejje  que  le? 
Saintes  Ecritures  forit  dh>ine  s ,  &  qtCeU 
les  nous  miP  \étè  lai ffe.es  par  des  hàïknes 
infpire%  de  Dieu  :  Et  tytdlfit  fent  la  rè- 
gle de  nôtre  foy.&  de  nor  métier  s.'-     .  t  | 

Item  ,  je  déclare  que  jeàroy  en  unfetît 
J>iw^ue^hFcre^ieçrûy  m  %  C.  pf 


m ,  Histoire 

&  au  St.  Efpnt ,  avec  le  Pere  &  le  TU 
mJeul&memeDteu  bénit  éternellement 
Ce  formulaire  les  a  fort  chagriné  à 
fort  embaraflëimais  enfin  ils  fe  fi>2 

tefolusdeleligner^^entenduneaS' 
moinsqu  ils  l'expliqueront  comme  ,1 
leur  plaira.  Benjamin  Furby  qui  étoit 
leur  grand  &  continuel  Solliciteur  au- 
prez du  parlement,  &qUieIt  un  pur 
Déifie ,  fut  tort  choqué  du  formulaire, 
niais  quoi  ce  qu,  étou  écrit,  étoit 
écrit  «&  le  Parlement  leur  étoit  trop 
peu  favorabie  pour  y  nen  reforme?. 
Il  a  doue  fallu  en  pafierpar  là,  quit- 
te a  1  entendre  au  lens  qui  leùriera 
favorable,  &  a  le  glofer  en  jeluitte. 


CHAPITRE  XXI. 

Les  Kouakres  fai  ts  Chrétiens  par  au. 
t honte '  de  Parlement  Pourquoi 
tolères  cr  non  Us  Catholiques, 
sivu  falutatre  aux  Catholiques 
four  obtenir  la  tolérance. 

QU  7  qu'il  en  foit  voila  nos  Koua- 
^  me,  d  Angleterre  faits  Chrétiens 
pat  autnorué  de  Parlement.   Les  im- 
pies 


DU  KOUAKERISME.  Î43 
pies  &  les  libertins  qui  ibnt  parmi  eux 
n'en  déviendront  pas  meilleurs  pour 
cela  ;    &  l'authomé  du  Parlement 
n'aura  pas  plus  de  force  ni  de  poids 
chez  eux  que  celle  de  toute  l'Eglife, 
celle  de  l'Evangile  &  de  j.Cmêrric 
fon  inûituteur.    Cela  ne  laiffera  pas 
de  produire  un  très  bon  effet.  Premiè- 
rement en  ce  que  ces  impies  n'oze- 
ront  plus  prêcher  contre  les  plus  Augu- 
ftes  myfteres  de  la  Religion  Chrétien- 
ne, ce  qui  arrêtera  le  progrez  de  leur 
impieté  5  en  fécond  lieu  cela  obligé* 
ra  tous  les  lîmples  d'entre  eux  qui  ne 
connoiiiènt  point  tous  les  myfteres  de 
la  ieâe  ,  à  faire  réflexion  far  l'état 
dangereux  où  ils  font  en  y  demeurant , 
puiique  toute  une  nation  en  corps  s'ac* 
eufe  de  n'être  pas  Chrétienne  ,  & 
qu'elle  lauroit  proferite  ,  fi  elle  ne 
fe  fut  réfoluë  de  fe  déclarer  Chré* 
tienne.    Ils  verront  parla  que  les 
gens  <fEi>rit  ,  &  les  plus  fages  & 
les  plus  éclairez  de  toute  la  nation 
ont  de  juftes  fujets  de  foupçon* 
ner  leur  feâe  du  crime  d'ApofUfie-j 
qu'aimi  ceux  qui  y  font  déjà,  ou  qui 
veulent  y  entrer  doivent -bierf prendre 
garde  à  eux  &  à  ne  pas  s'y  engager  té- 
mérairement, mais  l'examiner  meu- 
remeni ,  non  par  Les  dehors ,  mais  par 

fes 


144   j  Histoire 

les  dedans  &  par  fon  fond  lècret  qu'el- 
le ne  découvre  que  peu  à  peu  6c  par 
Gegrez  a  mefure  qu'elle  reconnofc 
qu  on  entre  dans  ion  Efprit. 

Mais  pourquoi  les  Anglois  &  leurs 
Parlements  n'accordent  ils  pas  la  to- 
lérance aux  Catholiques,  qui  fout  ou- 
vene  profcfflon  de  la  Religion  Chré- 
tienne? Ëlhxé  que  lesKouakres  méri- 
tent mieux  cette- tolérance  qu'eux? 
nullement.    Au  contraire  ceux-cy  hi 
mentent  ,  6c  ceux-là  en  font  ab  blu- 
ment  indignes  ;   mais  c'en  qu  il  y  va 
de  la  Politique  de  ne  pas  aumônier  pu- 
bliquement l'exercice  d'une  Religion 
qui  fait  dépendre  toute  la.  ûacikc  de 
fesSeébteurs  d'un  Prince  Etranger  , 
fçavoir  le  Souverain  Pontife,  qui°pré- 
tend  avoir  le  droit,  6c  qui elt recon- 
nu par  la  plufpart  des  Catholiques 
•avoir  ce  d roi  t. ,  de  difpenfer  de  tous  1er- 
mens  prêtez  à  des  hérétiques.  Ceft 
la  feule  -chofe  à  parler  franchement 
qui  empêche  îe  Parlement  de  leur  ac- 
corder une  tolérance  publicue  ,  par- 
ce que  cela  fait  qu'on  ne  peut  prendre 
aucune  précaution  à  leur  égard  ,  ni 
.s'alTe^re; jamais  de  leur  hdeîuë. 
\Si  donc  tous  les  Catholiques  d'Au- 
gtetene  s'uniiïoient  enfemble,  6c  de- 
ciaroient  folemnelleinent ,  qu'ils  re- 

non- 


BU  KOUAJCERI8ME.  14f 

noncent,  je  ne  dis  pas  à  la  commu- 
nion du  Pape  y  mais  à  l'authorité  qu'il 
s'auroge  ,  Proteftans  qu'ils  croyent 
qu'il  n'a  aucun  droit  d'abfoudre  les 
fujets  de  leurs  fermens  de. fidélité 
qu'ils  ont  prêté  à  leurs  Princes,  quels 
qu'il  foient  ,  &  que  Ton  pouvoir  ne  s'é- 
tend en  aucune  manière  ,  ni  directe- 
ment ni  indirectement  fur  le  temporel 
des  Rois ,  quels  qu'ils  foient ,  ni  fur 
leur  Juridiction,  le  feul  obftacle  qui 
s'oppofe  à  leur  tolérance  feroit  levé. 
Et  les  Catholiques  Anglois  font  en 
droit  de  faire  une  pareille  déclaration  ; 
car  ils  ne  font  pas  de  pire  condition 
que  l'Egiife  Gallicane  qui  l'a  faite.  Et 
s'ils  étoieut  figes  &  bien  confeillex  , 
ils  rcroient  ce  pas  là  ,  &  l'Angleterre 
n'auroit  après  cela  plus  rien  à  craindre 
d'eux.  Mais  il  faudroit  pour  cet  effet 
que  tous  leursEcclelïaftiques  fifîent  une 
pareille  déclaration  fans  refèrve  a  ni 
reftriâion  ,  ni  limitation  quelconque. 
Le  plus  feur  même  pour  eux  feroit  de 
chaffer  tous  les  Moines  fans  exception , 
& -de  n'avoir  que  des  Pxêtres  feculiers 
Anglois. 

Si  l'on  «s'imagiiioit  que  c'eft  parce 
qu'on  tient  les  Catholiques  pour  idolâ- 
tres qu'on  leur  refufe  la  tolérance  pu- 
blique ,  l'on  fe  tromperoit  fort  Car 
G  leur 


146  H  I  S  T  O  i  R  -E 
leur  idolâtrie  quelle  qu'elle  (bit, 
eiî  un  péché  bien  moins  criant  &  fean- 
daleux  que  celui  de  PApoftafïe  des 
Kouakres.  Un  franc  Kouakre  qui  n'a- 
dore plus  &  n'invoque  plus  ].  C.  &  qui 
ne  met  plus  fa  confiance  en  la  mort& 
en  l'intcrccffion  de  ce  divin  Sauveur , 
cil  hors  de  tout  état  de  làlut  :  au  lieu 
qu'un  pauvre  Catholique  idolâtre  peut 
toûjouri,tout  idolâtre  qu'il  cii,  obtenir 
k  pardon  de  lés  péchez,  &  de  celui 
de  ion  idolâtrie  en  particulier ,  en  ado- 
rant &  en  invoquant).  C  en  mettant 
fa  confiance  en  la  mort,  &  au  mérite 
de  Ton  intercefïion ,  &  en  fuppliantee 
bénin  médiateur  de  lui  pardonner  tous 
fes  péchez  connus  &  inconnus. Et  je  ne 
veux  pas  douter  qu'il  ne  pardonne  le 
vice  &  le  défaut  qui  le  trouve  dans  le 
culte  des  Catholiques ,  à  tous  ceux  qui 
ont  le  cœur  d  roit  &  iinecre ,  &  qui  ont 
une  véritable  foy  &  une  véritable  cha- 
rité ;  mais  il  n'a  garde  de  pardonner  ja- 
mais à  des  malheureux  qui  font  gloire 
defe  moquer  de  fa  religion,  qui  la  tour- 
nent en  pure  allégorie  >  &  qui  ne  le  re- 
connoinent  plus  pour  le  véritable 
Chrift  envoyé  de  Dieu  ,  &  qui  bien 
loin  de  lui  demander  pardon  en  vertu 
du  lang  qu'il  a  verféfur  la  Croix  pour 
nous ,  s'en  raillent  iafolemment,  & 

qui 


DU  KOUA  KER  1  S  ME-  147 

qui  pis  eft  tâchent  de  faire  Apoftafier 
fesElus.  vous  voyez  par  là  que  je  ne 
tiens  pas  que  l'idolâtrie  des  Catholi- 
ques qui  adorent  j.  Cau  St.  Sacrement 
foit  une  idolâtrie  mortelle.  Elle  eft  bien 
mortelle  en  elle  même,  &  par  fa  na- 
ture ,  du  moins  il  y  a  des  raifons  fortes 
de  la  croire  telle ,  mais  après  tout,  elle 
ne  donne  pas  effectivement  la  mort ,  à 
cauf-  de  l'antidote  que  les  Catholiques 
prennent  avec  elle  ,  &  qui  empêche 
qu'elle  ne  donne  la  mort.  Et  cet  anti- 
dote eft  le  recours  à  la  mi  fer  i  cor  de  de 
Dieu  par  J .  C.  &  à  J.  C.  même  affis  fur 
le  trône  de  la  grâce ,  &  pardonnant  ge- 
nereufement  aux  pêcheurs  repentans 
tous  les  péchez  qu'ils  ont  pu  commet- 
tre quels  qu'ils  foient,  quand  ils  s'ad- 
dretient  à  lui  avecFoy ,  avec  Charité, 
avec  Contrition.  Car  comme  J.C.  ne 
pardonne  jamais  à  demi ,  en  pardon- 
nant aux  pêcheurs  repentans  leurs  au- 
tres péchez ,  il  leur  pardonne  auffi  tous 
ceux  dont  ils  ne  fe  croyent  pas  coupa- 
bles, par  erreur ,  &  par  aveuglement,  & 
dont  par  confequeot  ils  ne  peuvent 
demander  pardon  expreftement.  Mais 
ils  lui  en  demandent  pardon  en  gêne- 
rai ,  &  interprétativement ,  en  le  con- 
jurant de  leur  pardonner  tous  leurs  pé- 
chez quels  qu'ils  loientj  connus  &in- 

G  2f  COR- 


148  Histoire 
connus,  &  lui  proteftant  qu'ils  forg 
dans  la  .difpo&ion  de  cœur  de  lui  de- 
mander pardon  lïncerement  de  tous 
ceux  qu'ils  pourroient  découvrir. 

Mais  j'oferai  bien  dire  que  s'il  y  a 
desraiions  de  prendre  l'adoration  du 
Sacrement  pour  une  véritable  idolâ- 
trie, il  y  enaauflidetrés  fortes  de  ne 
le  pas  prendre  pour  telle.  Il  eft  vray 
que  l'opinion  de  la  prefence  réelle,  de 
îa  manière  que  les  Catholiques  l'expli- 
quent ne  fçauroit  légitimer  leur  ado- 
ration. Ils  dirent,  du  moins  c'eft  la 
doctrine  reçue  dans  leurs  écoles  ,  que 
le  corps  de  J.C.  eft  prefent  au  Sacre- 
ment comme  un  corps  mort  ,  non 
en  figure  ou  myiliquement ,  ils  di- 
roient  vray  s'ils  le  difbient,,  mais  ils 
l'entendent proprement&  à  la  lettre,, 
croyant  que  le  corps  de  J.  C.  y  eft 
làns  aucune  d  iftinclion  de  parties,  fans 
aucune  étendue  locale  ,  làns  aucun 
mouvement  vital,  de  forte  que  c'eft 
un  corps  ,  en  qui  ni  le  fang  ,  ni  les 
efprits ,  ni  les  humeurs  n'ont  aucune 
circulation  ,  &  par  confequent  un 
corps  mort  &  pire  même  qu'un  cada- 
vre ,  en  qui  il  y  a  toujours  quelques 
reftes  de  vie  >  qui  y  font  naître  des 
animaux  parfaits  &  vivans.  Et  un  tel 
corps  mérite- t-il  d'être  adoré  ?  Il  le 

me- 


D  U  KO  UAKER1S  M  Ë.  P49 
mérite  moins  que  le  pain  du  Sacre^ 
ment  qui  eft  uni  au  verbe  &  à  la  divi- 
nité. Et  ne  dites  pas  que  l'union  du 
Sacrement  avec  le  verbe  n'efï  pas  per- 
fonnelîe.  Car  peut-il  être  uni  à  l'elièn- 
ee  du  verbe  fans  l'être  à  là  perfonne , 
l'efïènce  &  la  perfonne  étant  dans  le 
vqrbc  une  ièule  &  même  chofe ,  ou  du 
moins  l'une  étant  infeparable  de  l'au- 
tre i  Au  contraire  l'union  eiTentieîîe 
ou  à  Te/Tence  divine  devroit  plutôt 
faire  adorer  le  fujet  qui  y  feroit  ainiï 
unr,  que  l'union  qu'on  appelle  per- 
ibnnelle,  parce  que  ce  qu'on  appelle 
perfonne  ou  hypoftafen'a  rien  de  di- 
vin ni  d'adorable  que  par  l'eiTence. 
Mais3dira-t-on,  J.  G.  après  tout  voit 
teusles  hommages  qu'on  rend  à  fon 
corps  caché  dansThoftie,  &  celafuf- 
fit.  Et  qui  vous  a  révélé  que  J.  G. 
ait  agréables  ces  hommages  rendus  à 
fon  corps  caché  dans  l'hoihe  de  la  ma- 
nière que  vous  le  croyez  ?  Au  con- 
traire s'il  l'y  rendait  ainn*  prelent  ce 
feroit  une  marque  infaillible  qu'il  ne 
voudroit  pac  qu'on  l'adorât.  Et  pour- 
quoi vous  expofez  vous  ainn*  au  péril 
évident  de  faire  un  pêche  d'idolâtrie 
en  adorant  une  chimère  de  corps,  un 
mon  (Ire  de  corps  plutôt  qu'un  corps? 
qui  vous  obligea  croire  ces  extrava- 
G  3  gan- 


150  Histoire 

gances?  Si  vous  croyez  que  le  corps 
de  J.  C.  peut  être  prefent  au  Sacre- 
ment ,  vous  devez  croire  qu'il  y  cft 
prefênt  tel  qu'il  eft ,  c'eft-à-dire  vivant, 
glorieux  &  immortel ,  &  par  confe- 
lèquent  digne  de  tous  vos  homma- 
ges. Je  luis  affeuré  que  les  peuples 
croyent  cela  ,  &  les  autres  auffî%& 
qu'ils  ne  font  aucune  réflexion  à  la  ta- 
ble facréefur  leurs  folles  opinions  de 
l'Ecole. 

La  première  raifon  qui  peut  faire 
croire  que  l'adoration  de  J.  C  au  Sr. 
Sacrement  n'eft  pas  criminelle  ,  eft 
qu'elle  a  quelque  fondement  fpecieux 
&  apparent  ,  fçavoir  la  déclaration 
expreflè  de  J.  C.  Et  quoique  cette  dé- 
claration ruine  toute  prefence  fub- 
flantielledu  corps  de  J.C.  quand  ou 
l'approfondit,  néanmoins  l'authorité 
de  tant  d'anciens  Docteurs  qui  ont 
crû  une  prefence  à  peu  prez  fembla- 
ble ,  &  les  préjugez  dans  lefquels  tous 
les  Catholiques  font  élevez,  y  don- 
nent du  poids  &  delà  probabilité.  Ou- 
tre qu'il  n'eft  pas  impofiible  que  J.  C. 
s'y  rende  prefent  par  voye  d'irridiation 
ou  d'émanation ,  6c  de  refoudre  tou- 
tes les  objections  que  j'ai  faites  con- 
tre elle  cy-delTus. 
hi  féconde  eft  que  les  Catholiques 

n'er- 


BU  KOUAKERISME.  15*1 

n'errent  aucunnement  dans  le  droit. 
CarJ.C  qu'ils  veulent  adorer ell  ef- 
fectivement adorable..  Ilsnefe  trom- 
pent qu'au  fait,le  croyant  prefent  d'une 
certaine  manière  là  où  il  ne  Pdft  pas  de 
cette  manière  là  3  quoy  qu'il  y  ioiî 
toujours  véritablement  &  réellement 
preiênt ,  mais  d'une  autre  manière , 
là  où  deux  en  trois  [ont  affemble^  en  mon 
nom  ,  là  je  fuis  au  milieu  a  eux  i  Et  je 
fois  avec  vous  j'jjhuà  la  cenjommation 
des  ficela.  Ainû  c'eft- toujours  J.  C. 
qu'ils  adorent  véritablement.  Un  ma- 
nichéen quiadorok  J.  C  dans  ie  foleil 
fe  trornpoit  au  droit  &  au  fait.  Car 
le  Jefus  qu'il  adoroit  n'écojt  nullement 
le  véritable  Jefus ,  nôtre  jefus  né  de  la 
fubftance  de  Marie,  mort  lur  une  croix, 
■&  reffufcité  des  morts  ,  &  monté  au 
ciel.  Ils  n'ador  oient  qu'un  certain 
Jefus  fantaftique ,  &  forti  des  eîemens 
inerces,  &  de  la  ftbftancc  lumineu- 
fedubon  principe,  un  Jefus  pendu  à 
tous  les  arbres i,  &  caché  dans  la  fub- 
ftance  de  tous  les  fruits  de  la  terre.  Ils 
navoient  aucun  fondement  non  plus 
de  croire  que  J,  C-  habitoit  dans  le  fo- 
leil, J.C.  n'en  ayant  jamais  rien  dit» 
Et  de  plus  fi  les  manichéens  en  adorant 
J-C- dans  le  foleil  enflent  voulu  ado- 
res le  véritable  Jefus  que  nous  adorons 
G4  tous, 


if  2.  Histoire 

tous,  &fi  avec  cela  ils  feuiTent  auffi 
adoré  comme  régnant  au  ciel,  &affis 
a  la  dextre  de  Dieu,  je  doute  fort  fi 
leur  culte  auroit  été  fort  criminel;  & 
quand  il  l'auroit  été,  J.  Cafleurément 
\  auroit  éxcufé,  &  le  leur  auroit  par- 
donné.   Et  lien  montant  au  ciel  il 
avoit  dit  à  lés  difcipies  en  leur  montrant 
kfojeiîj  Cecy  cftmon  corps  ^om  lignifier 
quefon  corps  alloit  devenir  auffi  éclat- 
tant  de  lumière  que  le  ibleii ,  ou  pour 
■lignifier  que  le  foleil  leur  feroit défor- 
mais un  fymbole  qui  les  ferait  fouvenir 
îuy ,  comme  l'Arc  en  Ciel  eft  un 
fymbole  de  l'alliance  que  Dieu  a  trai- 
tée avec  nous  en  la  perfonne  de  Noé  : 
ie  Manichéen  auroit  eu  quelque  pré- 
texte ïpacieux  de  croire  qu'il  auroit 
voulu  infirmer  qu'il  y  placeroit  fon 
corps  glorieux.  Mais  les  Catholiques  , 
dira  quelqu'un,  errent  auffi  quant  au 
droit  &  quant  au  fait.    Ils  adorent  un 
Jeius  inconnu  à  l'Evangile,  auxApfr- 
très,  à  l'ancienne  Eglife.    Et  ils-  l'a- 
dorent là  où  il  ne  doit  pas  être  adoré, 
je  répons  que  les  Catholiques  ne 
croyent  pas  que  ce  Jefus  foit  un  autre 
que  le  véritable  ;  ils  rejettent  &  ils  dé- 
tellent nos  conséquences  au  lieu  que 
ic  Manichéen  &  le  Kouakre  veulent  ef- 
fectivement adorer  un  autre  Jefus  eue 

'le 


DU  KOUAKERISME.     If 3 

k  nôtre.  Et  après  tout  les  Catholi- 
ques au  même  temps  qu'ils  adorent 
J,  C.  au  Sacrement  ,  adorent  auffi  le 
vray  Jefus,  affis  à  la  dextre  de  Dieu. 
Et  ce  Charitable  Sauveur  eft  trop  bon 
&  trop  clément  pour  ne  pas  leur  par- 
donner leur  bévue  &  leur  erreur  , 
quand  elle  fe  trouve  jointe  avec  une 
vraye  foy ,  une  vraye  pieté  &  une  évi- 
dente Charité. 

La  3>  raifon  eft  qu'il  n'eft  pas  im- 
probable que  quoy  que  J.  G.  vueiîie 
nous  donner  par  le  Sacrement  un  corps 
mort  &  rompu ,  c'eft  à  dire  un  monu- 
ment de  fa  mort  ,  il  s'en  fert  néan- 
moins pour  y-  imprimer  une  vertu  di- 
vine capable  de  former  en  nous  un  gen- 
re d'immortalité.  Et  l'on  peut  dire 
que  l'Euchariftie  efl:  aujourd'huy  &  le 
myftere  de  la  mort  de  J.  C  &  celuy  de 
fa  refureâion  ,  ou  de  fa  vie  glorieufe 
&  immortelle,  par  confequent  il  peut 
la  remplir  de  (on  Efprit  divin  &  im- 
mortel' pour  nous  communiquer  une 
vie  divine  &  immortelle.  Ainfi  il  n'y 
a  aucun  crime  à  l'y  adorer  comme 
prefent  réellement  &  fubftanticlîe- 
rcent.  Si  le  pain  comme  brifé  &  rom- 
pu îigure  la  chair  mortelle  de  j.  C  bri- 
fée&  immolée  pour  nous,  &  file  vint 
verfé  figure  fon  faag  verfé  ,  ce  même 
G  s  P^iû 


*S4  Histoire 
pain  &  ce  même  vin  figurent  auiîî  par- 
faitement par  la  nounture  &  la  force 
qu'ils  nous  donnent  la  vieglorieufe& 
incorruptible  de  J.  C.  dont  il  veut 
nous  faire  part  par  fon  Sacrement.  Et 
J.  C.n'eftplus  aujourd'huy  à  bien  par- 
ler, nkhairnifang,  màhmBjfrit m~ 
vi fiant ,  car  la  chair  &  le  Jang  ne  fç au- 
raient hériter  le  Royaume  de  Dieu. 

La  quatrième  raifon  eft  que  le  Sa- 
crement  eft  toujours  une  image  du 
corps  de  J.  C.  &  de  J.  C.  même  tout 
entier,  &inftituéepar  luy,  pour  le  re- 
prefenter.    C'eft  un  gage  de  fa  chère 
perfonne  à  la  prefence  du  qui  il  eft 
toujours  permis  d'adorer  J.  C.  foit 
qu'il  y  foit  prefent  corporellement  ou 
non.    Et  ne  m'oppofez  pas  ici  le  fé- 
cond précepte  qui  défend  de  fe  profter- 
ner  devant  toute  forte  d'images.  Car 
la  loy  ne  parle  que  des  images  faites 
par  les  hommes,  &  qui  plus  eft  elle  ne 
parle  que  des  images  de  la  divinité, 
qui  eft  incorporelle ,  &  des  autres  créa- 
tures qui  ne  méritent  aucune  adora- 
tion, au  lieu  que  J.  C.  même  entant 
qu'homme  mérite  d'être  adoré,  & 
d'être  adoré  en  la  prefence  de  l'image 
qu'il  a  inftituée  luy  même.  L'on  pourra 
donc  fans  péché  adorer  J.C  aux  pieds 
4'un  crucifi  x ,  ou  au  pied  d'une  croix? 

Et 


BU   KûUÀKERI  S  M  É.     I  f 'y 

Et  pourquoy  non.  Luther  l'adoroic 
bien  ainli ,  &  il  nous  eft  toujours  dé- 
peint en  cette  pofture  ;  d'ailleurs}.  C. 
.n'a  point  établi  la  croix  m  le  crucifix 
pourlereprefenter. 

La  cinquième  raifon  eft  que  s'il  étoit 
bien  permis  (i.  aux  Hebr.)  d'adorer 
Dieu  en  la  prefence  de  l'Arche,  pour- 
quoy feroit-ce  un  crime  d'adorer 
ion  ûts  en  la  prefence  de  fes  Symboles 
my (tiques.  Mais  l'Arche  ,  dit-on  , 
étoit  un  Symbole  de  la  prefence  perpé- 
tuelle de  Dieu  au  milieu  des  Ifraëlitcs , 
&  le  Sacrement  n'eft  qu'un  Symbole 
de  }.  C.  confideré  comme  abfent  de 
nous,  toutes  les  fois  que  vous  manger e% 
de  ce  pain  vous  publier  e%  I a  mon  du  S  '  i~ 
gneur  jufquà  ce  qu'il  vienne.  L'Arche 
étoit  un  Symbole  confiant  &  perpétuel, 
&  le  Sacrement  n'eft  qu'un  Symbole 
paflager;  il  lé  faut  prendre  ,  manger  & 
conlumer;  &  ce  n'eft  que  dans  ces  mo- 
mens  qu's  1  eft  S  y  mbole.  Enfin  l'Arche 
étoit  le  Symboié  d'un  Dsca  vivant  & 
glorieux  ,  &  le  Sacrement  n'eft  que 
l'image  d'un  homme  mort  &  Sacrifié, 
c'eft  }.  G.  feul  qui  répond  â  l'Archer 
Car c'eft  la  parole  de  Dieu,  fon  ora- 
cle, l'Ange  de  fâ  face  &  ceîuyenqui 
habite  corporellernent  toute  la  pléni- 
tude de  la  divinité.  Et  comme  cette 
G  6  Arche 


ï>6  Histoire 
Arche  de  la  nouvelle  alliance  eft  dans 
le  ciel,  c'cftauffi  vers  le  ciel  que  nous 
devons  ïeulement  tourner  toutes  nos 
adorations.    Tout  cela  eft  bien  diry 
mais  il  ne  fauroit  empêcher  qu'on  n'a- 
dore légitimement  J.  G.  6c  laprefence 
du  Sacrement, foit  que  vous  dirigiez 
Seulement  vôtre  coeur  à  J.C.  comme 
régnant  au  cie^foit  que  vous  ledirigiez 
tout  enfémble  à  ce  même  Jefus  &  com- 
me étant  au  ciel  en  corps  &ename, 
&  comme  étant  prefent  ici  bas  par  fon 
Efprit  éternel,  &  même  encore  com- 
me y  étant  prefent  d'une  prefence 
corporelle  qui  vous  eft  incomprehen- 
lible.   Le  Sacrement  que  nous  man- 
geons^ la  Sainte  Table  eft  un  Symbole 
de  J.  Ç.  vivant  9  6c  qui  comme  un  pere 
de  famille  nous  nourit  6c  nous  fait 
manger  avec  luy  à  fa  table.  Et  s'il  eft 
lemyftere  de  la  mort  de  J.  C.  ill'eft 
a.uffi  de  fa  vie  divine  6c  glorieufe.  En- 
fin nôtre  Arche  n'eft  pas  feulement  au 
ciel,  mais  aufii  au  milieu  de  nous,  6c 
elle  y  fera  jufqu'à  la  eonfommation 
des  hecles.  Et  quoy  s'il  nous  eft  per- 
mis en  recevant  le  Sacrement  d'ado- 
rer J.  C.  a  îa  veiie  de  cet  objet,  quoy 
que  nous  ne  l'y  croyons  pas  prefent 
fubftantiellement,  comment  un  Ca- 
tholique pêcheroitiî  en  faifantla  mê- 
me 


DU5  KOUAK  FRI  S  ME-  I$J 

me  choie  ,  luy  qui  l'y  croit  prefent 
réellement  ? 

De  tout  cela  je  conclus  que  l'adora- 
,  tion  des  Catholiques  pouvant  ai  nu*  être 
exculée  &jullinée,  elle  ne  peut  palier 
pour  une  véritable  &  réelle  idolâtrie. 
Et  fi  l'on  m'ofajetceque  l'on  peut  détrui- 
re toutes  les  excufes  que  je  viens  dé- 
porter ,  il  répondrai  que  cela  n'im- 
porte, parce  qu'on  pouraaulli détrui- 
re ces  inftances  :  Et  que  déplus  il  me 
fuffit  pour  mon  but  qu'il  y  ait  feule- 
ment de  la  probabilité  &  de  l'appa- 
rence dans  ces  excufes  pour  les  rendre 
bonnes  &  valables,  je  conclus  encore 
de  là  que  les  Catholiques  font  cent 
mille  fois  plus  tolerables  que  les  Koua- 
kres.  Car  ceux-cy  ne  doivent  point 
du  tout  être  tolérez ,  à  moins  qu'ils  ne 
■fe  déclarent  Chreftiens. 
(  On  ne  manquera  pas  de  m'objetter 
que  l'Eglife  Anglicane  fait  profeffion 
de  croire  que  le  culte  des  Catholiques 
efl  une  véritable  idolâtrie.  Je  l'avoue, 
mais  elle  n'oblige  per  forme  à  croire 
cela,  &  il  y  auroit  de  l'injuftice  &  de  la 
tyrannie  à  le  faire.  C'efî  pourquoy  cha- 
cun efl:  libre  d'en  croire  ce  qu'il  luy 
plaira.  Et  pour  moy  je  déclare  fran- 
chement que  je  n'en  croy  rien ,  &  je 
connois  bien  d'autres-  perfonnes  qui 
G  7  font 


158  Histoire 
font  des  membres  illuftres  de  cette 
Eglife  ,  qui  n'en  croyent  rien  non  plus 
que  moy.  Et  je  remarque  fur  ce  fujet 
que  les  derniers  Tells  ou  fermens  les 
plus  rigoureux  par  lefquels  on  déclare 
qu'on  croit  que  le  facrifice  de  la  Mejjey 
Jmvanù  Pufa^e  de  fE^lije  Romaine,  cft  un 
aBe  jupcrjiîticux  &  idolâtre ,  ne  regar- 
dent nullement  le  commun  des  ri- 
delles &  des  membres  de  l'Eglile  An- 
glicane ,  non  pas  même  les  Eccleliafti- 
ques ,  puis  qu'il  n'y  a  que  les  Seigneurs 
du  Parlement  &  les  autres  Députez 
de  la  Chambre  baffe  qui  foient  obligez 
à  faire  cette  déclaration,  ce  qui  n'em- 
pêche pas  qu'il  n'y  ait  de  finjullice  à 
l'exiger  des  uns  plutôt  que  des  autres  : 
Et  même  à  l'exiger  de  qui  que  ce  foit  ; 
parce  qu'on  peut  être  un  très  bon  Pro- 
teflant  ,  &  très  zeîé  pour  la  Religion 
Proteftante ,  &  pour  la  liberté  du  pays , 
&  croire  néanmoins  qu'il  n'y  a  aucune 
idolâtrie  à  adorer  J.  C.  au  St.  Sacre- 
ment  comme  tous  les  Catholiques. 
Il  n'y  a  pas  un  Troteitant  qui  ne  fe  re- 
criât contre  les  Parlemens  de  France 
s'ils  obiigeoient  tous  ceux  qui  vou- 
droient  ou  pouroient  y  entrer  à  jurer, 
que  non  feulement  ils  tienucnt  tous 
les  dogmes  de  la  foy  Catholique  Ro- 
maine ,   &  renoncent  au  Lmhera- 

nifme 


DU  KOUAKERISME.  1 5  9 
nifrnc  &  auCalvinifme  ,  mais  même 
qu'ils  tiennent  fermement  que  tous  les 
Proteitants  font  en  état  de  Damnation. 
Il  y  auroit  une  violence  &  une  injufti- 
ce  manifeile  dans  une  telle  Loy.  Quoy 
qu'elle  fût  allez  conforme  à  l'Efprit 
de  la  Religion  Romaine  ,  &  à  fes  maxi- 
mes cruelles. 

Je  remarque  en  fécond  lieu  que  le 
Teft  qui  déclare  que  la  facriflcc  de  la 
Méfie  eft  un  a£te  iuperftitieux  &  idolâ- 
tre tel  qu'il  eft  pratiqué  dans  l'Eglife 
Romaine  ,    fupofe  manifeftement 
qu'on  peut  adorer  J.C.prefent  réelle- 
ment au  Sacrement,  pourveu^qu'on 
ne  l'adore  pas  à  la  manière  des  Catho- 
liques.   Car  pourquoy  cette  reftri- 
ction ,  fi  non  pour  infinuer  que  toute 
adoration  de  J.  Cprefent  réellement 
au  Sacrement  n'eft  pas  une  véritable 
idolâtrie ,    &  cela  pour  d'un  côté  nous 
mettre  à  couvert  ,  nous  qui  recevons 
à  genoux  le  Sacrement ,  c'eft  2  dire  en 
pôiture  d'adorans  ;  &  pour  de  l'autre 
y  mettre  nos  fieres  d'Ausbourg  qui 
croyent  J.  C.  prefent  corporellement 
au  Sacrement,  qui  le  reçoivent  à  ge- 
noux ,  &  qui  l'y  adorent  de  corps  & 
d'efprit.  Car  ils  déclarent  feulement 
qu'ils  n'adorent  nullement   le  Sa- 
crement, fi  bien  que  les  Catholiques 


r6o  Histoire 

Romains  ,  qui  déclarent  folemnellc- 
ment  qu'ils  n'adorent  nullement  le 
Sacrement,  nous  font  égaux.  Etcon- 
ftamment  ils  n'adorent  nullement  ce 
que  nous  apeîlons  le  Sacrement.  Ils 
n'adorent  que  J.G.  prefent  au  Sacre- 
ment; 6c  s'ils  adorent  le  Sacrement 
ils  n'entendent  parla  que  J.  C.  feul  à 
bien  parler,  où  ils  parlent  figurément, 
en  donnant  à  lachole  contenue  le  nom 
de  celle  qui  la  contient  &  qui  la  figure. 
Nous  ne  faifonspas  fcrupule  de  nous 
encîiner&  de  nous  proiterner  devant 
la  table  quoi  qu'  il  n'y  ait  ni  Croix,  ni 
Image,  ni  Sacrement,  &  nous  nous 
moquons  de  ceux  qui  nous  aceufent 
en  cela  de  fuperltition  &  d'idolâtrie, 
parce  que  nous  difons  que  c'efi  J.  G. 
ieul  que  nous  adorons. à  la  veiie  de  la 
table.  A  combien  donc  plus  forte  rai- 
fon  les  Catholiques  Romains  feront 
ils  exempts  d'idolâtrie  quand  ils  fe  pro- 
.fternent  devant  J.C.  à  la  veiie  de  fon 
Sacrement  expoié  fans  cefTe  fur  leurs 
Autels  ?  Et  s'il  n'y  a  aucun  crime  à 
l'adorer  à  la  veiie  du  Sacrement  ou  de 
la  table  Sacre'e  fans  l'y  croire  réelle- 
ment  prefent ,  comment  y  en  pouroit- 
il  avoir   à  l'adorer  dans  la  perfua- 
fion  qu'il  y  cil  réellement  prefent? 
Celui  qui  étant  dans  la  chambre 

du 


DU    K.OU  AKERïSME.  l6l 

du  Roy  s'ytiendrou  en  la  mêmep'oÛurc 
qu'il  garderoit  li  leRoyyécoit,  auroit 
bien  plus  de  raifon  de  le  tenir  dans  cette 
poilure  perfuadé  qu'il  feroit  que  le  Roy 
feroit' prefent ,  bien  qu'il  ne  le  fut  pas, 
que  celuy  qui  fâchant  qu'il  n'eft  pas 
prefent ,  feroit  en  la  même  pofture.  Et 
dans  le  fond  il  n'y  auroit  rien  qui  les 
diiîîiiguiî  que  leur div^erfiié  de  Tenti- 
ment.  Or  nous  reconnoiffons  tous 
que  cette  divcnué  de  fe  miment  s.  ne 
doit  pas  empêcher  l'union  &  la  frater- 
nité, par  ce  que  nous  n'y  trouvons  au- 
cun venin.  Il  n'y  a  donc  rien  à  mon 
avis  qui  doive  empêcher  le  prefent  Par- 
lement d'accorder  la  tolérance  aux 
Catholiques  Romains  ,  à  condition 
qu'ils  prêteront  le  ferment  qu'on  apel- 
Je  d'alîegance ,  c'eft-à-  dire  qu'ils  feront 
à  l'égard  de  Rome  ce  que  toute  la 
France  à  fait  ,  eu  profcrivant  toute 
l'aurhorité  exorbitante  &  tyran  nique 
des. Papes.  Et  c'eft  là  le  véritable  &  l'u- 
nique moyen  de  pacifier  tous  les  trou- 
bles ,  de  reconcilier,  enfembîe  tous 
les  Efprits  de  la  nation-,  &  de  prévenir 
tous  les  defordres  à  l'avenir.  Il  faudra 
feulement  vueiller  fans  celle  fur  leur 
eonduite,arln  que  les  loups  noirs,blancs 
&  gris,  ne  reviennent  dans  fille,  &  ne 
s'y  multiplient.  Mais  il  faudra  encore 

bien 


161  Histoire 

bien  plus  vueiller  fur  la  conduite  des 
Kouaki  es  ,  &  particulièrement  far  celle 
de  leur  grand  politique  Willem  Penn, 
&  les  empêcher  de  propager  leur  Deïf- 
me,  &leur  Jacobifme. 


CHAPITRE  XXII. 

LeKouakerifme  eft  un  pur  Détfme. 
Il  permet  &  authonfe  jufqua, 
V  Athétfme. 

/^Omme  ceux  qui  connoifTent  le 
fond  du  Quiétifme  font  fort  con- 
vaincus que  ce  n'eft  qu'un  pur  Deïïmc 
que  les  plus  éclairez  parmi  les  Catho- 
liques Romains  tâchent  d'introduire 
au  monde ,  de  même  pour  peu  qu'on 
pénètre  les  myftéres  du  Kouaket  ihne, 
l'on  n'a  pas  beaucoup  de  peine  à  dé- 
couvrir que  ce  n'eu:  qu'un  Deïfme 
caché  ,  &  coloré  de  quelques  légères 
apparences  de  Chriaianifme.  En  effet 
ç'eftlàoù  il  tend  tout  droit,  &  où  il 
mène  infallibîement.  Et  je  croi  que 
perfonnen'en  doutera  après  toutes  les 
chofes  que  j'en  ay  dites.  Mais  afin  que 
ceux  qui  ne  le  connoiflent  pas ,  ou  qui 
le  favorifent ,  afin  même  que  les  Koua- 

kres 


D  U  KOUAKERIS  ME.  ÏÔ3 

krês  mêmes  ne  fe  recrient  pas  contre 
moi,  comme  contre  un  calomniateur; 
je  vais  en  donner  icy  une  preuve  invin- 
cible &  tirée  de  leurs  propres  écrits* 
Cette  preuve  eft  tirée  d'une  lettre  de 
Barclay  écrite  à  un  AmbaiTàdeur  le  24. 
Novembre  1676.  rendue  à  l'Am- 
bafiadeur  en  main  propre ,  par  Benja- 
min Furly  ,  &  imprimée  enfuite  par  le 
même  Furly,  à  la  prière  de  Ton  ami 
Barclay,  à  Roterdam  le  28.  du  troi* 
fié  me  mois  ,  comme  ils  affectent  de 
parler  ,  c'eft-à-dire  le  3.  du  mois  de 
Mars  1 678.  Cet  Ambaiïàdeur  lui  avok 
envoyé  cette  objection  ,  fçavoir  fi 
la  foy  en  J.  C.  né  de  la  Vierge  Marie , 
more  fur  la  croix  pour  le  falut  des 
hommes ,  &  reffufeitédes  morts ,  & 
enfin  élevé  au  Ciel  ,  eft  neceffaire  aa 
falut  de  tous  ceux  à  qui  l'Evangile  eft 
prêché ,  &  à  qui  Dieu  a  laiffé  les  Sain- 
tes Ecritures,ou  non.  Que  fi  elle  eft  ne- 
ceffaire au  falut  de  tous  ceux  à  qui  l' E- 
vangileeft  prêché,  il  s'enfuit  que  tous 
les  Chrétiens  doivent  reconnoître  l'E- 
vangile, comme  la  régie  de  leur  foy, 
&  comme  une  révélation  qui  nous 
conduit  au  falut.  Que  fi  elle  n'efl  pas 
neceffaire,  c'eft donc  en  vain  que  J. 
C.  eftvenuau  monde  afin  qu'on  crût 
en  luy  comme  au  Meffie  promis  par 

les 


I<54      Hisioi  r  E 
les  Prophètes ,  c'eft  en  vain  qu'il  faic 
Tpfer,^ie«ernelleàcroi^qSf 
eft  envoyé  dep,eu,  &fiU  U  vu "éter- 
nelle de  te  connoure ,  dit  Jefus  à  Ion  Pere, 
pur,  lefeul  Waj  Dieu,  &  celuy  que  tu 
aj  envoyé  J.c.  C'en  en  vain  qu'il  dé- 
clare que  q.ut  croit  aufils  il  a  la  vie ,  que 
f»mmt  crenen  luy  ,  &  fera  B$ifé 
jerafauve C'eften  vainque  fes  Adô- 
c  ^TPrSé  lafoJ™  ce  Jefus  cru- 
«  î.%  ldlu*cilé-  £nfin  c'elten  vain 
que  St.  Paul  à  prononcé  Ji  tu  rm>  en 
toneceur    ^  fi  tnconfefe  de  bouche  que 
J.C  eft  mort  &  récité  des  nimt  tu 

fft',°ril  nVa  que  l'Evangile, 
&  la  Prédication  de  l'Evangile  qU 
nous  annonce  le  Jefus  crucifié  &  rk 

les  Kouakres  demeurant  d'accord  que 
la  lurmere  interne,  qu'ils  nomment  le 
Chnlt  inteneur  ,  n'enfeigne  rien  de 
tel,  parce  qu'elle  n'enfeigne  que  des 
vemez  nccetfàircs  &  d'une  venté  & 
à  une neceffité éternelle, que  par  con- 
feque.it  l'Evangile  eft  le  principal  mo- 
yen qu.  nous  inftruit  de  ces  veritez  fa- 
îutanes.  Barclay  répondant  à  cette 
ooje&on  d,rt,nguc  deux  fortes  de  con- 
noi^ance&detbyneccfraire  au  falut;. 

"yen  a  une  qui  efiabfolumentne- 
ccffaire,.  par  ce  qu'eile  eft  neceiTaire. 

d'une 


DU  KOUAKERI  SME.  lôf 
d'une  neceffité  antécédente  ou  à  prions 
comme  il  parle  en  termes  Scolaftiques 
que  Barclay  n'ignore  pas  ayant  étudié, 
chez  les  Jeiuïtes  à  St.Omer  ou  à  Tour- 
jiay  ,  comme  l'on  m'en  a  aflèuré ,  & 
ayant  été  luy -même  Jefune  durant 
quelques  années  i  autre  bonne -preuve 
decequej'aydit  cy-deiîlis  que  les  Pa- 
pilles ,  &  l\iv  tout  les  Jefuïtes ,  font  du 
nombre  des  autheurs  &  des  fauteurs  du 
Kouakerifme  :  une  ehofe  félon  luy  eft 
neceHairevainfi  quand  elle  l'eft  abfo- 
lument,  &  cette  neceffité  abfoîuë  eft 
lacaufe  pour  laquelle  Dieu  nous  la 
révèle.  La  connoiffance ,  dit-il ,  des  prin- 
cipes if  des  maximes  de  la  Religion  na- 
turelle ,  comme  qu'il  y  a  un  Dieu  quiai- 
me  èT  qui  chérit  les  hommes ,  qui  les  ex- 
horte &  qui  les  convie  fans  ceffe  k  venir 
à  luy ,  qu'il  eft  toujours  tout  preft  à  les 
recevoir  en  g(  ace  &à  leur  pardonner  tous 
leurs  pèche^pourveu  qu'ils  s' en  repentent 
Jinceremcnt,  &  mènent  une  vie  nouvelle 
a  l  avenir  •  qu'il  exauce  toujours  les  vœux 
&  les  prières  des  juftes  ,  des  humbles  df 
{impies  :  qu'enfin  il  eft  un  renumerateur 
magnifique  de  tous  ceux  qui  auront  bien 
veçu  &  qui  auront  pratiqué  la  jufticcM* 
la  vertu ,  &  tout  au  contraire  un  jufte  if 
fevere  vendeur  de  tous  lespeche^  &  de  tous 
{es  crimes  de  ceux  qui  ne  fe  font  pas  con- 
vertis 


i66  Histoire 

vents  à  luy,  &  n\nt  point  fait  de  feni 
tencej  Et  les  autres  maximes  fanblables 
font  dîme  nrccjjité  ab[elu'è,  &  c'eftpour 
cela  que  Dieu  les  fait  connaître  en  Quelque 
degré  toujours  Jurant  &  proportionné, 
a  tous  les  hommes  du  monde,  &  qu'il  les 
rcv:/e  merne  à  ceux  qui  n'ont  aucunes 
écritures ,  par  le  moyen  de  cette  lumière 
intérieure Evanp lieue  qui  illumine  tais 
les  hommes.  Voila"  félon  les  docteurs 
Quakres  qu'elle  eft  la  foy  &  la  con- 
noiflance  abfoltmient  neceflàire  à  tous 
les  hommes ,  &  vous  voyez  bien  que, 
ccn'cftquele  pur  Deïfmc  par  la  def- 
cnpuon  que  j'en  ay  faite  dans  les  pro- 
pres termes  de  Barclay. 

Il  y  a  auffi  une  coimoiflànce  necef- 
faire  ,  mais  feulement  d'une  neeeffité 
conséquente  ou  à pojîcriori ,  parce  qu'elle 
n'eft  neceflairc  qu'en  vertu  &encon- 
fequence  de  fa  révélation.  Telle  feroit 
la  foi  qu'un  homme  devroit  avoir  fi 
Dieu  luy  reveloit  que  fa  volonté  eft 
qu'il  aille  à  Rome  reprendre  la  tyran- 
nie du  Pape.  La  foy  &  laconnoiflànce 
Hiftorique  deJ.Cde  la  naiflànce,  de 
fa  vie  &  le  relie,  ne  font  pas  des  cho- 
fes  abfolument  neceilaires ,  foit,  font 
elles  au  moins  necelTaires  d'une  ne- 
eeffité de  confequence  ,  c'elH-dire 
efl  il  necelfeire  de  les  fçavoir,  &  d'y 

ajou- 


PU  KOUAKER  ISME.  l6j 
ajouter  foy  quand  Dieu  nous  les  fait 
propofer  par  les  Apôtres  &  les  autres 
prédicateurs  de  l'Evangile?  Car  il  me 
femble  qu'en  djftiîiguant  comme  fait 
Barclay  il  devroit  au  moins  avancer 
que  ces  chofes  font  necellaires  de  cette 
forte  de  neçeffité.  Mais  Jl  n'a  gai  de. 
Il  dit  lirnpîement  que  parmi, ces  chofes 
necejjaires  d'une  neceffîté  de  confequen- 
ce  U  y  en  a  qui  (ont  des  moyens  très  utiles 
if  très  propret  à  nous  conduire  au  falut  , 
comme  eft  fhiftoire  de  J.  C.  de  fa  vie ,  de 
fa  mort  &  le  refte.  Voyez  vous  à  prêtent 
le  fonds  du myftere  de  l'impiété  Koua- 
kerienne.Lafoy  en  J.  C.  tel  que  l'Evan- 
gile nous  l'enleigne  n'eft  qu'une  choie 
mile,  mais  nullement  neceffaire  à 
ceux  même  à  qui  l'Evangile  eft  prêché. 
Aufii.  les  impies  ont  l'audace  de  nier 
que  la  prédication  de  l'Evangile  foit  le 
moyen  dont  Dieu  fe  fert  pour  opérer 
la  foy  dans  nos  cœurs:  qu'il  eft  vray 
que  St.  Paul  dit,  que  la  foy  eft  de  fouie  & 
que  fouie  eft  de  la  parole  de  Dieu.  Mais 
que  cette  parole  de  Dieu  eft  félon  eux 
Kouakres  le  verbe  intérieur  ,  qui  eft 
dans  le  cœur  de  tous  les  hommes. 

Tout  au  commencement  de  la  ré- 
ponfe  il  dit  d'abord  à  l'Ambaffadeur^ 
vous  fupof  %  faujfement  que  Pcffl-nce  de 
la  Religion  Chrétienne  confifte  dans  la  foy 

& 


î68      H  i  s  x  o  i  r  E 

tedansUcmnoiifancede  U  naiffancc  de 

d  •  c.  ^  ^  ^  ^  ^  ja  rejUredim 

<trdc]on  âflenfity:  Cette  foy  &  cette  con- 
nmjànc*  apartiennent  bien  à  la  8glï%kd 
Chrétienne,  non  pas -commis  partie  effen- 
tic!  le  ,  fans  la  quel  Le  la  ^rlijion  Chré- 
tienne.ne  pu iSfc  fubfifter ,  mai  s* feulement 
comme  partie  intégrante  qui  ne  fait  que 
U  perfedionner  ,  comme  la  main  ë  le 
pied  font  dans  l'homme  des  parties  inté- 
grantes, fans  lesquelles  il  ne  lai  Je  pas 
de  fubfxfur.  He  bien,  n'eft  -  ce  pas  là 
dire  tout  ouvertement  que  l'on  peut 
etr-e^aujourdhuy  bon  Chrétien  ,  un 
Chrétien  eiTentiellement  parfait  fans 
croire  néanmoins  en  J.  C.  en  le  mo- 
quant dans  le  fonds  de  l'ame  de  tout 
l'Evangile,  .& de  tous  les  miracles  de 
la  nailiance,  de  la  vie,  de  la  mort  &  de 
la  refureâion  de  J.  C.  pourveu  qu'on 
écoute  la  lumière  intérieure ,  la  lumiè- 
re véritablement  Evangelique  ,  le 
Chrift  intérieur  qui  -éclaire  tous  les 
hommes  du  monde  3  &  qui  leur  aprend 
à  croire  en  un  Dieu ,  &  à  l'adorer  & 
à  pratiquer  la  juftice  &  la  vertu.  ' 

Mais  le  comble  d'impiété  eft  en  ce 
que  les  faux  Prophètes  ne  croyent  pas 
même  qu'il  foit  abfoîument  neceflàire 
de  croire  en  un  ieul  Dieu,  ni  en  un 
Dieu  Créateur,  &  confervatcur  da 

monde 


DU  KOUAKERI  S  M  F..  l6% 

monde  qu'il  a  créé.  Car  pour  l'unité 
de  Dieu  ils  ne  l'ont  jamais  propofée 
comme  un  article  de  foy.  Et  pour  ce 
qui  eft  de  la  Création  &  de  la  conferva- 
lion  du  monde  ils  enfeignent  en  termes 
formels  que  ce  ne  font  que  des  choies 
utiles  ,  mais  nullement  néceffaires 
d'une  necefîîté  abfolaë,  non  pas  mê- 
me d'une  neceffité  de  confequenee, 
comme  û  la  lumière  intérieure  &  iç 
Chrift  intérieur ,  c'euVà-dire  les  Lumiè- 
res de  la  Raifon ,  &  les  principes,  ou  k& 
maximes  gravées  dans  le  cœur  de  tous 
les  hommes  n'enfeignoient  rien  de  cet; 
te  création  &  de  cette  confervation; 
farmi  ces  chofes  y  difënt-iîsY  nccejfaires 
d'une  necejjité  de  confequence  ;  il  y  en  a 
qui,quoy  qu'elles, ne  fuient  pas  êbfolument 
nccejfaires  ,  font  néanmoins  fort  utiles  ? 
comme  efi  la.  foy.  &  connoiffance  qu'il 
n'y  a  qu'un  Dieu  ftul  ,  &  qu'il  a  crée 
&  qu'il  gouverne  le  monde  ifc.  N'cft- 
ce  pas  là  permettre TÂtheïfrne  î  Car 
quelle  foy.,  quelle  /connoiffance,  quel- 
le Religion  eff  ce  que  celle  qui  n'en- 
feigne  pas  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu ,  & 
qu'il  a  fait  le  monde,  &  "qu'il  le  gou- 
verne par  fa  providence  ?  Mais  le  fonds 
&  l'abîme  duKouakerifme  va  jufques 
là,  &  il  ejt  dans  la  neceffité  d'y  aller 
avec  tout  fon  Chrift  &  fa  lumière  inte- 
jî        j  icurt 


i7o  Histoire 
ricurc.  Car  après  tout  &  demeurant- 
d'accord  qu'on  fe  peutfauver  dans  tou- 
tes les  Religions  du  monde,  dans  cel- 
les des  Idolâtres  même,  qui  croyent 
une  infinité  de  Dieux,  &  dont  les  uns 
rejettent  la  Création  du  Monde,  &  les 
autres  la  Providence  ,  il  falloit  bien, 
dire  confequemment  qu'il  n'eft  pas  ab- 
folument  necclTaire  qu'il  n'y  ait  qu'un 
feulDieu,  &  qu'il  a  créé  &  qu'il  gou- 
verne le  monde.  Et  s'il  n'eft  pas  abfo- 
lument  neceffaire  de  croire  ces  chofes, 
p*'ell-il  pas  auffi  clair  que  le  jour  qu'il 
cft  permis  d'être  un  franc  Athée.  Et 
puis  on  n'auroit  pas  les  Kouakres  en 
abomination ,  &  on  ne  les  regarderoit 
pas  non  feulement  comme  les  ennemis 
deJ.C.  mais  même  comme  pires  que 
des  Démons  qui  fapent  tous  les  fonde- 
xnens  de  la  Religion  naturelle ,  en  nn 
mot  comme  des  Doékurs  d'Atheïf- 
ïne,  indignes  de  toute  proteâion  pu- 
blique ,  &  dignes  au  contraire  d'être 
exterminez  par  tout  comme  des  peftes 
de  la  Société  humaine  ?  Croyez  encore 
après  cela  que  c'eft  tout  de  bon  qu'ils 
parlent  quand  ils  vous  difent  qu'il  y  a 
des  principes  &  des  maximes  abfolu- 
*nent  neceffaires ,  &  qui,  à  caufe  de  leur 
neceffité ,  font  révélées  à  tous  les  hom- 
mes du  monde,  à  ceux  là  même  qui 

n'ont 


Dtî  K  ô  U  ÂKERlSM  E.  .171 

liront  aucune  Ecriture ,  telles  que  font, 
que  Dieu  aime  les  hommes ,  qu'il  les 
convie  à  venir  à  luy ,  qu'il  recompenfe 
la  vertu,  &  punit  te  péché?  Car  com- 
ment Dieu  leur  revéleroit-il  tout  cela 
s'il  ne  leur  révèle  pas  au  même  temps 
-qu'il  a  créé  le  monde  &  les  hommes, 
&  qu'il  les  gouverne  par  fa  Providen- 
ce r1  &  ce  fentiment  que  tous  les  hom- 
mes ont  que  Dieu  hait  le  vice  &  chérit 
la  vertu  ,  qu'il  recompenfe  celle-cy 
&  punit  celui-là.  Ce  fentiment  gravé 
dans  le  cœur  de  tous  les  peuples  que 
Dieu  aime  les  hommes ,  &  qu'il  les 
convie  de  venir  à  luy,  n'eft-ce  pas  le 
fentiment  d'une  Providence  ?  &  par 
confequent  d'un  Dieuconfervateur& 
créateur  de  toutes  chofes  ?  Le  fenti- 
ment d'une  Providence  fupofe  celuy 
d'une  Création^  où  H  y  mené  naturelle- 
ment, 6c  tout  de  même  que  leiènti- 
ment  d'une  Création  mené  dansceîuy 
d'une  Providence.  Et  quelle  efpece  de 
Chrift:  ou  de  lumière  Evangeîique  eli- 
ce  que  celle-là,  qui  non  feulement  ne 
"nous  aprend  rien  de  tout  ce  que  J.  C. 
~&fon  Évangile  nous  aprennent ,  mais 
qui  même  n'aprend  pas  comme  des 
chofes  abfoîumentneceiFaires  à  îafoy, 
'&  au  falut  à  croire  &  à  connoître qu'il  y 
■% tm Dieu  unique,  un  Dieu  Créateur 
H  2  de. 


172 


Histoire 


de  l'Univers ,  un  Dieu  confervateur 
de  ce  même  "Univers,  en  un  mot  un 
Dieu  feul  adorable  ?  Quelle  impieté 
&  quel  blafpheme  ?  Et  ne  faut-il  pas 
titre  animez  de  PEfprit ,  je  ne  dis  pas 
de  l'Antechrift,  mais  du  Diable  même , 
pour  ofer  nommer  cet  Efprit  maudit 
qu'ils  apellent  la  lumière  intérieure  de 
ce  beau  nom- là ,  &  même  du  glorieux 
&  facré  NomdeChrift?  C'eitapeller 
les  Ténèbres  Lumières,  &ChriitBe- 
lial.  St.  Jean  difoit  que  tout  Efprit  qut 
ne  con  fère  pas  que  Jefus  ejl  le  Chrijl,  rCcfl 


l'Antechrift.  Ce  coup  de  foudre  tombe 
juftement  fur  nos  faux  Prophètes.  Car 
félon  eux  le  vray  Chrifl  n'eft  pas  nôtre 
jefus  ,  cet  homme  Divin  né  d'une 
Vierge,  «mort  fur  une  croix,  &  ref~ 
fufeité  des  morts,  c'eft  unChrift  qui 
cft  immortel ,  inviliblc  ,  impaffible. 
Le  même  Apôtre  dit  auiîi ,  qui  eft  An- 
iechrift ,  finon  ecluy  qui  divife  Jefus ,  if 
qui  nie  quil  cft  venu  en  chair ,  ou  avec 
une  chair  mortelle,  paffible,  &  réel- 
lement Crucifiée  ?  N'elt-ce  pas  un  au- 
tre coup  de  foudre  lancé  fur  les  Trem- 
bleurs ,  &  fur  leur  Chrift  fpirituel ,  in- 
corporel, impaifible  ,  qu'ils  divifènt 
gbrmellement  &  réellement  d  u  Chrift 
'corporel^  ou  de  la  perfonne  divine  & 


J>  IT  K  O  U  A.  K  E  &  I  S  M  E.     î  7j 

humaine  de  nôtre  Jefus ,  le  fils  de  Ma- 
rie, &  le  fils  de  David  félon  la  chair, 
mais  fils  de  Dieu  par  l'Efprit  de  San&i- 
fication ,  &  par  fa  Refurreâion  d'entre 
les  morts l.  Maranatha  à  quiconque 
n'aime  pas ,  &  ne  veut  pas  adorer  le 
Seigneur  jefus.  Je  prie  Dieu  néan- 
moins ,  &  ce  même  Jefus  qu'avant 
que  de  penfer  à  venir  ie  vanger  de  ces 
ennemis  jurez  de  l'Evangile ,  ib  leur 
découvre  fi  clairement  l'impiété  où 
ils  font  tombez ,  qu'ils  en  ayent  une 
honte  &  un  regret  faiutaire ,  &que  fe 
tournant  vers  celuy  qu'ils  ont  percé, 
ce  Jefus  le  tourne  aufli  vers  eux \  &  que 
les  regardant  d'un  œil  propice  &  favo- 
rable,  il  leur  obtienne  le faiut  &  la  vie. 
Car  enfin  nous  ne  devons  crier  Marar 
matha  que  contre  les  impenitens  &  les 
endurcis;  peut-être  que  cet  Ouvrage 
ne  fera  pas  inutile  pour  cet  effet,  je 
m'afleure  au  moins  que  s'il  n'eft  capa- 
ble de  faire  revenir  les  Kouakres  per- 
dus, &  qui  ont  déjà  mangé  la  Pâque 
de  leurs  égaremens ,  il  prémunira  l'Ef- 
prit  des  autres  qui  font  encore  un  peu 
Chrétiens  contre  leur  pefte  &  leur  poi- 
fon:  &  empêchera  que  tous  les  (im- 
pies qui  (ont  engagez  malheureufe- 
snent  dans  la  Seéie  Kouakerienne ,  & 
H  3 


174  Histoire 
qui  n'en  connoiffènt  m Je  fond  nuk$ 
inylteres,  .c'eiH-dire  qui  neconnoil- 
fènt  point  les  profondeurs  de  Satan, 
en  auront  horreur  quand  ils  viendront 
à  les  découvrir &  tremblèrent  de  tout 
leur  corps  &  de  tout  leur  efprit,  de  fe 
voir  conduits  fans  y  penfcr  fur  Jes 
bords  d'un  abîme,  &  fur  le  penchant 
d'un  précipice  qui  n'elt  que  l'Enfer 
même.  Ils  s'en  retireront  au  plus  vite, 
&  iront  chercher  leur  afilc  aupieds,de 
la  Croix  du  fils  de  Dieu,  &  fur  le  Cal- 
vaire, où  étant  arofez  ou  plutôt  inon- 
dez de  fon  fang ,  ils  feront  purifiez  de 
toutes  leurs  fouilleures ,  &  à  couvert 
écs  carreaux  de  la  juftice  Divine  &  de 
sôusles  traies  enflammés  du  malia*  , 


¥  I  N* 

>wp  i  nîoiti  m-  m 

'1  c5Î  4fn«ff9f  Cnii* 


TABLE 

Comment  fefmt  les  mariages  des  tÇetd\ 

CHAPITRE  IV. 

DivifionfarmilesKouakres. 

C  H  A  PITRE  V. 

Ce  que  c*eft  que  manger  la  Pâque félon  les 
J^dua^'es  fcavants.  i  g 

CHAPITRE  VI. 

Le  Kouaksrïfme  anéantit  la  ferfonhe  de 
3^Ç*  ,  22 

CHAPITRE  VII. 

autres  Chefs  du  Kjuakerifme.  Le* 
J^uakres  nient  le  myftere  de  la  Tri- 
nité. 27 

CHAPITRE  VIII, 

"Les  Tremblcurs  anéantirent  le  Myfterv 
de  la  Croix  du  Vil  s  de  Dieu.  31 

CHAPITRE   I  X. 

De  r  Anthoufiafme  des  Roua  faer.        3 3 

C  H  ï? 


DES  CHAPITRES 

CHAPITRE  X, 

Combien  eft  dangereux  ce  Principe  des 
JÇouakjes  de  ne  rien  faire  en  matière  de 
Religion  que  par  inspiration.  3? 

CHAPITRE  XL 

Si  le  tremblement  de  corps  eft  une  lonm 
preuve  au  mouvement  intérieur  de  Pli  f- 
prit  de  Dieu.  40 

CH.AP  ITRE   X  I  I. 

De  quel  tremblement  les  Saintes  Ecritures 
nous  parlent,  4g 

CHAPITRE  [XI y. 

Si  la  Religion  Chrétienne  ne  doit  avoir  &tir 
cune  Cérémonie.  4^ 

CHAPITRE  XIV- 

§Jtél$  font  les  prétextes  des  Kjuakers  fotfr 
(cjkter  U  Batéme  &  VEuchariftie.  £4 

CHAPITRE  X  V. 

X>emkr prétexte  i^  Kuiiikjcs  peut  rtja- 

"  W 


T  A   B  LE 

ter  le  Batême  &  FEuchariftie.  Serpent 
d'Airain,  emblème  illuflre  de'J  Cru- 
cifié.. Si 

CHAPITRE  XVI. 

Les  JÇoîiakcmic  croient  pas  que  F adora- 
tion Jê  j.  C.  prefcnt  au  Sacrement  fait 
une  veritabl e  Idol atrie  ;  bon  mot  de  Pen 
fur  cela.  93 

CHAPITRE  XVII. 

Si  là  foi  dy  un  bon  Cathslique  Romain  eft 
capable  d'obérer  lapref ?nce  réelle  &  U 
Iranfubfîance.  Plaifantevifion  duSr. 
Jïoiret.  £7 

CHAPITRE  XVIII. 

Examen  de  la  fréfence  corporelle  de  J.C. 
par  voye  d'irradiation.  j  j  7 

CHAPITRE  XIX. 

Examen  de  ?  opinion  vifionaire  de  George 
jÇéiti ,  fameux  Kjualirc.  127 

CHAPITRE  X  X. 

La  véritable  canfe pourquoi  le:  fetàtyef 


DES  CHAPITRES. 

ne  celèrent  pas  fEucharifiie.  Origine 
cachée  du  JÇpua^crîfme.  133 

CHAPITRE  XXL 

Les  JÇomfyes  faits  Chrétien- par  authm- 
tcdeParkm.  w.  Pourquoi  tolérés ,  if 
non  les  Catholiques.  Avis falutaire  aux 
Catholiques  pour  obtenir  la  tolèran- 

CHAPITRE  XXII, 

Le  Kouakerifme  eft  un  pur  Deïjme.  Il 
permet  ix  authorife  jufqu'A  f  AtheïÇ- 
me.  l(sz 


Fin  de  la  Table  des  Chapitres. 


T