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Full text of "Histoire de l'Académie royale des sciences, avec les mémoires de mathématique et de physique"

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7 


SE 


: 


HISTOIRE 
- LACADEMIE 


| ROYALE 
DS SCIENCES. 


ANNÉE M. DCCXXXIP. 


PAVec les Mémoires de Mathématique & de Phyfque; 
pour la même Année, 


Tirés des Repiflres de cette Académie. 


À P À PUS, 
DE LIMPRIMERIE ROYALE. 


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BOOM IS FAO LR E. 


PHYSIQUE GENERALE 


Ur l'Eectricité. Page r 
Sur les Congellations artificielles. 9 
Obfervations de Phyfique générale. 15 


ANATOMIE. 


Sur la Fiflule lacrimale. 39 
Diverfes Obfervations Anatomiques. 4T 
C'EPINM TE 
Sur l'Analife des Plantes. 47 
Sur le Sel de Soufre. 48, 
Sur le Sublimé corrofif. 49 

Sur l'E‘méticité de l'Antimoine, du Tartre E‘métique ; 
7 du Kermès Minéral. IS 2, 
Sur le Mercure. 55! 
BOTANIQUE. 58 
GEOMETRIE. s8 


T'A:B'LYE 


AS T-R'OYNFO°M-TE. 


Sur la détermination de la Figure de la Terre par la Parallaxe 


de la Lune. s9 
Sur l'Inchinaifon des Orbites des Plantes par rapport à 


l'Equateur de la Révolution du Soleil. 63 
Sur l'Atmofphere de la Lune. 68 
Sur la Grandeur des Satellites de Jupiter. 70 
Sur ime Méthode nouvelle pour trouver la hauteur du Pole, 772 
Sur la Perpendiculaire à la Méridienne de Paris. 74 
Sur l'Obliquité de T'E cliptique. 77 


MENC EF ANT OQ UFE, 


Sur les Figures que les Planetes prennent par la Pefanteur. 83 


Machines ou Inventions approuvées par l'Académie 
en 17 34 105 


Eoge de M. de Lagny. 107 


r 


Æflai d'Analife des Plantes. Pax M. BouLpuc. IOI 


LES MEMOIRES. 


ETHODE de vérifier la Figure de la Terre par les 
Parallaxes de la Lune. Par M. MANFREDI. Page 1 


Comparaifon des deux Loix que la Terre &r les autres Planetes 
doivent obferver dans la figure que la pefanteur leur fait prendre. 
Par M. BoucuEr. 2£ 

Recherche Chimique fur la compofition d'une L'iqueur trés-volatile, 
connuë fous le nom d'ETHER. Par M pu HAMEL 


& GROSSE. 4E 
Sur les Figures des Corps Céleffes. Par M. DE MAUPERTUIS. 
55 


De l'Inclinaifon du Plan de l'Echiptique à de l'Orlite des 
Planetes par rapport à l'E’quateur de la Révolution du Soleil 
autour de fon Axe. Par M. Cassini. 107 

Anemometre qui marque de lui méme fur le Papier, non feulement 
les Vents qu'il a fait pendant les 24 heures, &7 à quelle heure 
chacun a commencé à fini, mais auffi leurs différentes viteffes 
ou forces relatives. Par M. D'ONS-EN-BRAY. 123 


De la Fiflule lacrymale. Px M. PETIT. 135 
Sur les Lignes Courbes qui font propres à former les Voures 
en Domes. Par M. Bouc UER. 149 


Æxperiences [ur les différents degrés de froid qu'on peut produire, 
en mélant de la Glace avec différents Sels, ou avec d'autres 
matiéres , [oi folides, [oit liquides ; à" de divers ufages 

Hi 1 * jij 


T ABLE. 
utiles auxquels ces experiences peuvent fervir. Par M. DE 
REAUMUR. 167 
Solution de plufieurs Problemes où il s'agit de trouver des Courbes 
dont la propriété confifle dans une certaine relation entre leurs 
branches, exprimée par une E‘quation donnée.  Pax M. 


CLAIRAUT. 196 
Recherches fur le Tour. Premier Mémoire. Pa M. DE LA 
CoOoNDAMINE. 216 


Sur le Sublimé corrofif ; à à cette occafion, fur un article de 
l'Hifloire de l'Académie Royale des Sciences de l'année 1 6 9 9, 
où il s'agit de ce Sublimé. Par M. LÉMERY. 259 


Recherches fur le Tour. Second Mémoire. Par M. DE LA 
CoOoNDAMINE. 295 
Cinquième Mémoire fur l'Eleétricité, où l'on rend compte des 
uouvelles découvertes fur cette matière , faites depuis peu par 
M. Gray; à où l'on examine quelles font les circonflances 
qui peuvent apporter quelque changement à V'E‘lectricité pour 
l'augmentation ou la diminution de Ja force , comme la tem- 
pérature de l'air, le vuïde, l'air comprimé, &v. Par M 
pu Fay. 341 
De la grandeur des Satellites de Jupiter, à? des erreurs qui Je 
gliffent dans les Olfervations de ces Satellites. Par M. 
MaARALDI. 362 
Sur les Courbes Tautochrones. Par M. FONTAINE. 371 


Anabfe des Plätras. Pax M. PETiT le Médecin. 380 


Probleme. Quatre points ou quatre objets étant donnés fur un 
plan, placés comine on voudra, trouver un cinquiéme point, 
duquel ayant tiré des lignes aux quatre objets, les trois angles 

formes par ces quatre lignes foient égaux , ou dans tel rapport 


… donné qu'on voudra. Par M. Pirozr 405$ 
Méthode nouvelle de trouver Ta hauteur du Pole. Par M. 
GopDin. 409 


Mémoire fur l'E‘meticité de l'Antimoine, fur le Tartre émétique, 
a fur le Kermès minéral. Pax M. GEOFFROY 417 


—— 


homme RS die. és ot" 


\ TABLE. 
De la Perpendiculaire à la Méridienne de Paris ; prolongée vers 


l'Orienr. Par M. Cassini. 434 
Remarques fur les Monfires. 2.4 Partie. Px M, WinsLow. 
453 


Que l'Obliquité de l'Ediptique diminuë , à" de quelle maniere ; 
à que les Nœuds des Planetes font immobiles. Pax M. 
Gopin. 491 

Sixiéme Mémoire fur l'E‘kdricité, où l'on examine quel rapport. 
il.y a entre l'Eledriité 7 la faculté de rendre de la Lu- 
miere, qui eff commune à la plüpart des corps életfriques, & 
ce qu'on peut inférer de ce rapport. Par M. pu Fax. 503 

Probleme. Une Courbe étant donnée, trouver celle qui feroit dé- 
crite par le fommet d'un Angle dont les côtes toucheroient conti- 
auellement la Courbe donnee ; & réciproquement la Courbe 
qui doit être décrire par le fommet de l'Angle, érant donnée, 
trouver celle qui fera touchée par les côtes. Pax M. FONTAINE. 

À s2 

Remarques fur la Méthode de M. FONTAINE, pour réfoudre 
le Probleme où il s'agit de trouver une Courbe qui touche les 
côtés d'un Angle conflant dont le fommet gliffe dans une 


Courbe donnee. Par M. CLAIRAUT. 53E 
Réponfe aux Remarques précédentes. Par M. FONTAINE. 
538 

Sur le Mercure. Par M. BOERRHAVE. S39 


Suite des Obfervations du Thermometre, faites à l'Ifle de Bourbon, 
par M. CossIGNY, Correfpondant de l'Académie ; Er 
de Réfultat de celles de chaque mois, faites à Paris pendant 
l'année 17 34, avec un Thermometre parvil à celui de M. 
Coffigny. Pa M. DE REAUMUR. 53 

Olfervations Météorologiques faites à Utrecht pendant l'annee 
1734, extraites d'une Letrre de M. MUSSCHEMBROEK. 
Par M. pu Fay. 5 64 

Journal d'Obfervations des Aurores Roréales qui ont été viës à 
Paris, ou aux environs, à Utrecht, à à Peterfbourg, dans 

» 


_ TABLE | 
Je cours de l'année 17 34« Avec quelques Obfervations de la 


Lumiére Zodiacake. -Pax M. DE MAIRAN. s67 
Méthode d'obferver la Variation de T'Aïguille aimantée en Mer. 
Par M. GoDIN. 590 


Obfervations Mééorologiques faites pendant l'année 17 34. Pax 
. M. MARALDI. 594 
Addition au Mémoire qui a pour titre, Nouvelle Maniére 
d'obferver en Mer la Déclinaifon de l'Aiïguille aimantée, 
- Extrait @'une Lettre de M. DE LA CONDAMINE, de 
Saint-Domingue, le r $ Juillet 173 5: 597 


né HISTOIRE 


CORP 


” ui sit 


MÉSLCOIRE 


L’'ACADEMIE ROYALE 
DES SL N, CiE.S 


Année M. DCCXXXIV. 
LOSC DRAP MACRO ROAD LCR DEN 


PHISIQUE GENERALE. 


DORELIELECTRICITE. 


SOUS avons fait en 173 3 * l'Hifloire abrégée y. Les M. 
B] de nos connoiflances fur Electricité, matiére p. 341. & 

qui eft prefque encore toute neuve, & qui ni æ 

depuis le peu de temps qu'on seft avifé de la RD ER 

traiter, n’a ceflé de fournir des Phénomenes des 

plus furprenants. Cette Hiftoire ne s’eft pas bornée à ce qui 

appartenoit à la France, ou plütôt à M. du Fay, elle a compris 

aufli ce qui appartenoit à l'Angleterre, & principalement à 


Hifi 1734. | e 


1] 


2 HisTOIRE DE L'ÂCADEMIE RoyALE 

M. Gray, & comme ils ont continué à travailler tous deux 
en même temps, &, qui plus eft, d'intelligence, leurs vüës 
fe font ou aidées ou rectifiées mutuellement, & ce qui 
réfulte de leur accord, où même de leur oppofition, sil s'en 
trouve, en doit être plus précieux aux Phificiens. 

M. Gray a découvert, & M. du Fay la vérifié, qu'il n’eft 
pas néceflaire , quoique nous ayons dit en 1733, que tous 
les corps foient frottés pour être Electriques. Il en faut du 
moins excepter les corps fulphureux ou réfineux, tels que 
le Soufre, la Cire, la Poix, la Gomme-acque, &c. Ondes 
fait fondre, & en cet état ils n'ont aucune vertu électrique ; 
quand on les a laifiés refroidir précifément au point de pou- 
voir être frottés , ils n’en acquiérent aucune par le frotte- 
ment, mais s'ils font entiérement refroidis, & fans qu’on y 
ait touché, ils ont parjeux-mèmes beaucoup de vertu. 

Et il y a plus. Is {a confervent long-temps, pourvû qu'on 
les enveloppe dans du Papier, dans de la Flanelle. On n'a 
encore de certitude que d'un an & demi, ce n'eft pas que 
la vertu {e foit éteinte en ce temps-là, c'eft que l'obfervation 
n'a encore duré qu'un an & demi, & on ne fçait jufqu'où 
elle pourra aller. Le Tourbillon Ele&rique ne fe diffippe 
donc pas fi aifément qu'on le croyoit, & que nous lavions 
dit. Il eft même étonnant qu'il fe conferve par une enve- 
loppe appliquée au Corps, on simagineroit qu'il devroit 
plütôt en être rompu & détruit. Et en effet on verra ici 
qu'un Cone de Soufre qui s’eft formé dans un Verre à boire, 
& qu'on en tire aifément quand on veut, eft beaucoup plus 
électrique quand il n'a pas cette efpece d'enveloppe que 
quand il l'a. 

La vertu Electrique, pour fe tranfimettre à une grande 
diftance, n'apas autant de befoin que nous avions infinué 
en 1733 d'un corps exaétement continu qui la conduife. 
Cette continuité peut ètre interrompuë , & Pinterruption 
peut aller, felon M. Gray, jufqu'à 47 pouces Anglois. Si l'on 
y prend garde, on s'appercevra que les obfervations nou- 
velles, que nous rapportons, vont toutes à augmenter le 


-règés 


«Sale 4 


DES S'CHENCES 3 
Merveilleux de l'Eleétricité, & non à le diminuer, éomme 
on le fouhaiteroit naturellement. Cependant on peut fe 
flatter que l'on avance un peu, & M. du Fay a eu le plaifir 
dé voir que fon hipothefe hardie des deux Elericités con- 
traires, l'une vitrée, l'autre réfineufe, s'accordoit bien avec 
un fait fingulier dont M. Gray lui-même étoit farpris. 

M. Gray ayant mis dans une pofition verticale un Cerceau 
de 20 poucés de rayon, dont le plan étoit traverfé par une 
corde ou ficelle aflés longue qui pañloit par fon centre, & 
portoit à une de fes extrémités une Boule d’yvoire, il appro- 
cha le Tube de Verre bien frotté de ce Cerceau, & par-là 
donna la vertu éleétrique, non feulement à toute fa circon- 
férence qui avoit plus de 1 20 pouces ou de ro pieds, mais 
€ncore à la ficelle, & jufqu'’à la Boule, qui attiroit fortement 
un fil. En faifant couler cette Boule, comme on le pouvoit, 
le long de la ficelle jufqu'au centre du Cerceau, elle n'atti- 
roit plus le fil, elle le repoufloit. D'où venoit cela? l'hipo- 
thefe de M. du Fay en rend raïfon. Deux Corps, qui ont 
pris deux Electricités de même nature, {e repouffent ; le fif 
préfenté à la Boule placée à l'extrémité de la ficelle n’avoit 
point d'Eletricité, & étoit attiré par la Boule qui en avoit, 
mais quand cette même Boule étoit au centre du Cerceau, 
1 falloit que le fil pour s'en approcher entrât, fe plongeit 
dans le fort du Tourbillon éleétrique du plan du Cerceau, 
il y prenoit de léleétricité, & Ia même qu'avoit la Boule, 
& par conféquent il devoit être repouffé par elle, puifqu'il 
m'étoit pas aflés fort pour la repouffer lui-même. 

_ Reprenons maintenant l’hiftoire des recherches de M. 
du Fay, après nous être arrêtés quelque temps en chemin, 
#oit pour confidérer celui qui étoit déja fait, foit même 
pour faire quelques pas en arriére. A la fuite de-ce que nous 
avons rapporté en 1733, M: du Fay a examiné quels chan- 
‘gements pouvoient apporter aux phénomenes de F'Ele@ri- 
cité les différentes circonftances de la température & de la 
rarefaétion ou condenfation de Air. 

* Les nouvelles expériences ont confirmé que humidité 


A ÿj 


HisToiRE DE FÂACADEMIE ReyALE 
de FAir nuit beaucoup à la vertu Electrique, & cela à tel 
point qu'une journée que lon croira féche, ne le fera pas 
aflés, parce que les précédentes auront été fort humides. 

Le grand chaud eft contraire auffi à cette vertu, & même 
les heures les plus chaudes d’un jour ordinaire. L’eüt-on 
deviné, après avoir vü que les Corps chauflés avant le frot- 
tement en devenoient plus Electriques ? Peut-être cependant 
cela vient-il, non de la part du Corps frotté, mais de 
l'Homme qui le frotte, dont la tranfpiration alors trop 
abondante & trop chaude a quelque chofe d'oppolé aux 
écoulements, aux Fourbillons éleétriques. 

Un jour médiocrement chaud, ferein & fec, un vent de 
Nord, font jufqu'à préfent les circonftances les plus favo- 
rables. La Gelée a été éprouvée, & pourroit ne le ceder à 
aucune autre. 

La plus grande merveille eft que Air ou fort rarefié ou 
fort condenfé diminuë également la vertu Electrique, elle 
a befoin de l'air libre & ordinaire, & les deux extrémités 
oppolées entre elles lui font auffi oppofées. Cela eft bien- 


“tôt dit, mais on ne peut voir que dans le récit de M. du 


* V.PHift. 
de 1707. 
p- 2. & 3- 


Fay combien il a fallu d'invention & d'adrefle pour par- 
venir à faire les expériences de l'Ele@ricité dans un air où 
extrémement rare, ou extrêmement denfe. L'art de faire 
lobfervation eft fouvent une découverte auffi difficile que 
celle qu'on cherche par l'obfervation. 

Après tout cela, M. du Fay eft venu à l'examen d'un 
phénomene des plus frappants. On fçait que la plüpart des 
Corps devenus Eleétriques par le frottement, deviennent 
auffi lumineux par le même frottement, du moins pendant 
qu'il dure. C'eft cette propriété que M. du Fay confidere 
préfentement. 

Le fameux Diamant, dont M+ Boyle à fait un Traité, 
auroit feu fuff pour engager M. du Fay à commencer fes 
recherches par les Diamants. On fçavoit déja qu'il ne luifoit 
dans l'obfcurité que comme les autres font auffi étant frottés*, 
le privilege que M. Boyle lui avoit attribué n'étoit plus un 


la = = 


DES SCHENCES, s 
privilege, & il left encore beaucoup moins aujourd’hui, 
depuis que M. du Fay a trouvé qu'il étoit commun à tous 
les Diamants de couleur &c aux Pierres précieufes, quoiqu’en 
différents degrés. 

I y a plus, & fans comparaifon plus. Quantité de Dia- 
mants, quelques Pierres précieufes, le Criftal de Roche, & 
plufieurs autres Corps dont on fe douteroit encore moins, 
n'ont pas befoin de frottement pour luire dans l'obfcurité, 
il leur fut, comme à de vrais Phofphores, comme à Ia 
Pierre de Boulogne, de s'être abreuvés de lumiére pendant 
un temps, non pas néceflairement au Soleil, mais feulement 
à l'ombre durant le jour. Quel chemin depuis le Diamant 
de M. Boyle jufques-là ! M. du Fay fe rélerve à l'examen 
particulier de ce fujet, qui doit être piquant par fà nouveauté, 
mais qui n'appartient pas à l'Eleétricité dont il s’agit ici, 
car ces nouveaux Phofphores ne font nullement Electriques, 
il leur manque la condition effentielle d’avoir été frottés. Is 
ont dù furprendre, s'il eft arrivé par hazard qu'on en ait 
tranfporté brufquement quelqu'un du Soleil ou du jour dans 
un lieu aflés obfcur, on aura vû une lumiére dont on ne 
connoifloit aucune caufe, & de-là feront venus les contes 
de l'Efcarboucle, un peu plus fondés que de fiers Philofophes 
ne penfoient. 

Dans les Corps électriques & lumineux en même temps 
par le frottement, la matiére qui fait l'électricité ou le T'our- 
bilon éleétrique doit être différente de celle qui fait la lu- 
miére. C'eft-là ce qu'indiquent plufieurs expériences où l’on 
voit ces deux propriétés varier différemment l'une de l’autre 
dans les mêmes fujets & dans tes mêmes circonftances, l’une 
augmenter tandis que l'autre diminuë, mais ce qui décide 
promptement & nettement, c’eft qu'un Diamant mouillé 
ou fimplement humeété avec fhaleine, perd auffi-tôt toute 


fon électricité, & conferve toute fa lumiére auffi long-temps 


qu'il l'eüt confervée naturellement. 
La lumiére excitée par le frottement eft plus vive & plus 
abondante dans le Vuide que dans l'air libre. 
À iÿ 


6 HisToiRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

Q'un globe de verre dont on a pompé Fair foit tourné 
rapidement fur fon axe, il ne faut que toucher avec la main 
fa furface extérieure, auffi-tôt il paroïît lumineux dans tout 
fon intérieur, & il ne le paroïîtra pas davantage quand on 
appuyera Ja main avec plus de force, quoiqu'alors le frotte- 
ment foit plus fort. Si le globe étoit plein d'air, & tourné 
de même, & frotté, on en verroit fortir de petites parti- 
cules brillantes qui iroient s'attacher aux corps voifins. La 
lumiére fe porte ou au dedans ou au dehors du globe, & 
fous une forme différente, felon que le globe eit vuide ou 
plein d'air. 

Si on frotte dans l’obfcurité avec la main une Pomme 
de canne qui foit d'Ambre, qu'on retire enfuite la main 
brufquement de deffus la Pomme fans la gliffer, & qu’enfin 
on approche le bout du doigt de cette Pomme, même fans 
la toucher, il part aufli-tôt de l'Ambre un petit Cilindre 
de fumiére qui va frapper le doigt, retourne du doigt à 
YAmbre, & fe divife fur fa furface, s’'éparpille en petits 
rayons, & difparoït dans l'inftant. Il femble que le frottement 
ait produit fur la furface de Ambre une lumiére confufe, 
un petit chaos lumineux, que le doigt en {e portant vers là, 
ou en s’y plongeant, a obligé quelques parties à prendre 
quelque arrangement plus régulier, peut-être à fe mouler 
fur lui, après quoi tout le refle du phénomene s’entendroit 
avec moins de peine. : 

Ce qu'il y a de bien certain, c'eft que fi on me fe fert 
pas de fon doigt pour faire fortir de l Ambre ce petit cilindre 
de lumiére, & qu'on employe quelque autre corps pour cé 
mème effet, l'effet fera plus foible où même nul, felon que 
ce corps fera d'une électricité plus approchante de celle de 
YAmbre, ou, comme il a été dit enr733, plus propre à 
être repouñé par Ambre, ou même moins propre en général 
à s'électrifer. Rien n’eft plus contraire à la vertu éleétrique 
que l'humidité; le doigt & pareïllement tout autre corps qui 
pourra tirer de l'Ambre ce jet de Jumiére, le tirera mieux 
s'i eft mouillé. Ce que nous difons de lAmbre, il le faut 


DE -SUSVENRREUN. € E à, > 
entendre aufli de la Gomme Copal, de Ja Cire d'Efpagne, 
du Soufre. 

Tous les Diamants que M. du Fay a éprouvés font de- 
venus par le frottement électriques & lumineux, tantôt plus 
électriques que lumineux, tantôt au contraire, mais toüjours 
lun & l'autre, & avec des variétés qui ne fe rapportent 
conftamment, ni à leur grofleur, ni à leur netteté, {eule- 
ment peut-être à leur forme, ceux qui font plats & ont 
une grande table font moins électriques & moins lumineux 
que les Brillants élevés. Il en va de même des Diamants de 
couleur & des Pierres précieufes pour la quantité de variétés 
bizarres en apparence, & difhciles à réduire fous quelque 
ordre. 

Nous nous contenterons de rapporter encore les deux 
plus remarquables expériences qui appartiennent à l’éledri- 
cité lumineule, la 1€ düë aux Anglois, da 2de à M. du Fay. 
Si ce globe de verre vuide d'air, & tourné rapidement {ur 
fon axe, qui paroît lumineux en dedans lorfqu’on y applique 
la main, étoit de plus enduit intérieurement de Cire d'Ef 
pagne (on apprendra dans le Mémoire de M. du Fay com- 
ment fe fait cet enduit) on verra un fpectacle auquel on ne 
fe feroit certainement pas attendu, l’image de la main qu'on 
tenoit appliquée fur le globe, peinte fur la furface intérieure 
& concave de la Cire d'Efpagne, comme fi la main étoit 
lumineufe, & la Cire d'Efpagne tranfparente. Il faut qu'on 
- ait réfervé deux endroits du globe, comme les deux Poles, 
exempts de l'enduit de Cire, afin qu'on puifle voir par-là. 
Si le globe vuide d'air n’avoit point eu l'enduit de Cire en 

dedans, lapplication de a main y auroit fait paroître une 
Jumiére plus vive dans les endroits touchés que par tout 
ailleurs, & cette lumiére eût été continué. Reprenons main- 
tenant enduit de Cire, & fuppofons qu'il fera pénétré par 
la matiére lumineufe.qu’on peut imaginer fortie de la main, 
ou au moins pouflée par la main, il y aura dans es inter- 
valles des doigts des interruptions à la lumiére qui eût été 
. continué, & des interruptions figurées , d’où l'on voit que 


8 HisToiRE DE L'ÂCADEMIE Royazr 
s'enfuit l’image de la main fur la jurface concave de l’enduit. 
Voilà ce que penfe M. du Fay fur cette repréfentation ff 
furprenante. D'autres matiéres appliquées fur le globe au lieu 
de la main, ou ne font point du tout la lumiére, ou ne la 
font pas à beaucoup près fi bien. 

La feconde expérience va prouver que fa lumiére des 
Corps électriques peut aller jufqu'à être un feu, ou fe com- 
mencement d’un feu. On fufpend une perfonne par des cordes 
de foye , afin qu'elle foit ifolée de toutes parts, & que le 
Tourbillon de matiére électrique qu'on va lui donner ait 
toute fon étenduë, & ne foit point détourné ou altéré par 
des Corps voifins. On lui donne enfuite ce Tourbillon par 
le Tube de verre qui l'éerife, après quoi fi lon approche 
la main de la perfonne fufpenduë & électrilée, il fort d'elle, 
à l'endroit le plus proche de la main, une étincelle de feu 
plus vive, plus brillante que les lumiéres de toutes les autres 
expériences, & , ce qui la diftingue encore, elle fort avec 
un bruit fenfible, & ce n'eft pas tout, elle caufe aux deux 
perfonnes en même temps une douleur femblable à celle 
d’une picqueure ou d’une brülure légere, 

Un Animal vivant, comme un Chat, mis de même en 
expérience, réuflit également. Il eft à remarquer que fi 
Animal étoit mort, on ne verroit plus Fétincelle brillante 
& brufque, mais une lumiére pâle & uniforme, &, pour 
ainfi dire, lugubre. | 

Les matiéres qui font les plus électriques, le Verre, 
Ambre, font les moins propres à tirer de l’Animal éleétrifé 
cette étincelle par l’attouchement, & au contraire les matiéres 
qui la tirent le mieux font les moins électriques, les métaux, 
les corps mouillés, le bois, les corps vivants. Apparemment 
on ‘eft préfentement accoûtumé à ces convenances fondées 
non fur la reffemblance, mais fd’oppofition. Combien tous 
ces faits fi finguliers ont-ils demeuré de temps enfevelis dans 
le fecret de la Nature? combien d’autres pareils y font encore? 
& en fortiront-ils jamais tous? 


SUR 


DES SCIENCES. 9 


u 


SUR LES CONGELATIONS 
ARTIFICIELLES. 


IEN n'eft fi connu que la maniére de faire geler des . 1es M. 
R Liqueurs, malgré le chaud de la Saïfon, & ce feroït p. 167. 
eut-être une expérience fimplement curieufe, renfermée 
chés les feuls Philofophes, fi elle ne produifoit ces Glaces 
que notre délicatefle nous rend fi néceflaires en Eté, & 
même en Hiver , quoïqu'avec moins de raifon. I n’eft pas 
encore bien réglé quels font les Sels les plus propres à donner 
ou le plus grand froid, ou le froid que l’on veut, quelles 
font à cet égard les différentes vertus des Sels, en quelles 
dofes ils doivent être avec la Glace pilée* ou pulvérifée que 
l'on employe à cette opération ; cependant on n’a pas laïflé 
de faire de belles expériences fur ce fujet , mais on s’eft preffé 
d'aller aux curieufes, & on a paflé légerement par deflus les 
fondamentales , qui font celles que M. de Reaumur a entre- 
prifes ici. 
I y a été invité par fon nouveau Thermometre dont 
nous avons parlé en 1730 * & 1731*. Ï avoit en main *p.9 
tine nouvelle mefure du froid aufli-bien que du chaud, plus & fuiv. 
exaéte & plus füre que l'ancienne, & c'étoit précifément ce gg, 
qu'il lui falloit pour ces expériences fondamentales des Con- 
gélations artificielles. Le nouveau Thermometre, qui a été 
cônftruit fur une de ces Congélations, devient énfuite la 
regle, & en quelque forte le juge de tout ce qui Fa fait 
naître. On le plonge dans la Liqueur qu’on a glacée, & on 
voit par fa defcente quel eft le degré du froid, degré que 
Yon peut aifément & fûrement comparer à quelque autre 
degré de froid que ce puifle être, obfervé avec un autre 
Thermometre de même conftruétion. On part toûjours ici 
du point de cés Thermoméetres qui marque la Congélation, 
parce que c'eft la premiére & la moindre congélation de 
Yeau, celle qui n'attaque encore que fa fuperficie, après cela 
B 


Hifi. 1734 : 


10 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoYaLrE 
les degrés marqués font toûjours ceux d'un plus grand froid, 

Le Salpêtre pafle communément pour le Sel Je plus pro- 
pre aux Congélations artificielles, mais les expériences de 
M. de Reaumur nous jettent bien-loin de-là. Le Salpêtre le 
plus raffiné, employé dans l'opération, ne fait defcendre le 
Thermometre qu'à 3 + degrés au deflous du terme fixe que 
nous venons de pofer, & sil eft moins raffiné, il le fait 
defcendre plus bas. Ce qui caufe cette plus grande defcente, 
ou ce plus grand froid, c’eft donc la partie du Salpêtre qui 
le rend alors moins pur, moins Salpêtre , & quelle eft cette 
partie ? c’eft prefque uniquement du Sel Marin, qu'on lui ôte 
en le purifiant par les trois Cuites qu’on lui fait confécuti- 
vement. 

En effet M. de Reaumur ayant mêlé dans des jours très- 
chauds deux parties du Sel Marin qu'on fert fur les tables 
avec trois parties de Glace pilée, le Thermometre eft dans 
l'inftant defcendu de 1 $ degrés, & il faut fçavoir que dans 
le violent Hiver de 1709, le plus rude qu’ait v la géné- 
ration préfente, le nouveau Thermometre, qui n'exiftoit pas 
encore, n'eût pas été plus bas que 14 + degrés. On le fçait 
par le rapport connu de ce Thermometre à ceux qui étoient 
alors à l'Obfervatoire. 

Si le Salpêtre moins pur, plus mélé de Sel Marin , fait 
plus baifler le Thermometre, voilà donc une maniére nou- 
velle & fort fimple d’en éprouver la qualité. Le meilleur ne 
donnera que 3 + degrés de froid, les autres plus mauvais en 
donneront toüjours davantage. Il auroit pü d’abord paroître 
étrange que la vertu de caufer une grande inflammation, qui 
eft celle qu'on recherche tant dans le Salpètre, on eût voulu 
la reconnoître par fa vertu refroidiffante. La Poudre à Canon 
n'eft prefque que du Salpétre, car elle en a-trois parties fur 
une qui eft de Soufre &.de Charbon en portions égales. 
Auffi la Poudre à canon mife à la même expérience que le 
Salpêtre at-elle fait de même, & vü l'incertitude & les dé: 
fauts des autres Eprouvettes, il y a apparence que celle-ci 
feroit préférables 


io Es 0S CPU CE 5: ar 

M. de Reaumur a bien profité de fon Thermometre pour 
voir au jufte quels étoient les différents degrés du plus grand 
froid que puifient produire les différents Sels, la dofe conve: 
nable pour chacun étant toüjours fuppofée. Aucun Sel con- 
cret ou moyen n'a égalé le Sel Marin, qui, comme nous 
lavons vû , donne 1 $ degrés de froid. Dans la Claffe des 
Alkalis le Sel Armoniac qui pafle pour fi actif à cet égard, 
m'a été qu'à r3 degrés, la Soude au même degré que le Sat, 
pètre bien raffiné, Un plus grand détail nous feroit inutile, 
i fuffit que l’on voye, & on le verra aifément , que par ces 
fortes d'expériences faites en aflés grand nombre, on pourroit 
drefler des T'ables où le degré du plus grand froid que puiffe 
donner chaque Sel lui feroit afligné , après quoi on caractéri- 
eroit chaque froid, obfervé d’ailleurs, par le nom de fon Sel, 
ce qui feroit quelque chofe de plus particulier & de plus 
diftinétif que le nombre d’un degré de Thermometre. 

Nous n'avons encore confidéré ce fujet qu'avec des yeux 
de Phificiens, &‘à continuer de cette forte, il ne feroit 
queftion que d'aller toüjours plus loin d'expérience en expé- 
rience. Mais l'Art de faire des Glaces n’eft pas étranger ici, 
& il eft bon de s’y arrêter un peu, & de faire des réfléxions 
qui lui conviennent. Il ne s’agit point dans cet Art d'avoir 
1e plus grand froid qu'il {e puiffe, on ne veut pas des Glaces 
d'une extrême ni même d’une grande dureté, au contraire 
on les veut légeres, & qui ne foient, comme on dit, que 
des Neiges. C’eft pour cela qu’on s’accommodoit fi-bien du 
_ Salpêtre, il avoit même l'avantage, dont on ne s'apperce- 
"voit peut-être pas, qu'étant mauvais il en valoit mieux pour 
cet ufage. Il eft rarement néceflaire que des Glaces fe faflent 
fort promptement, mais il left, fur-tout pour les Marchands, 
qu'elles fe confervent un aflés Iong-temps fans fe fondre, 
Enfin le prix des Sels qu'il faut employer n’eft pas tout- 
à-fait indifférent. Ces différentes conditions fe combinent 
différemment enfemble & forment ainfi comme autant de 
petits Problemes que M: de Reaumur réfout. Si l’on veut 
des Glaces qui fe faffent très-vite, & foient très-froides & 

B ij 


12  HisToire DE L'ACADEMIE ROYALE 
très-fortes , il faut le Sel Marin, elles ne feront que trop 
fortes & trop froides, mais elles coûteront cher en ce païs-ci, 
& ce qu'on n’auroit peut-être pas crü, elles fe conferveront 
u. Au contraire la Soude d’Alicant donnera des Glaces 
du degré de froid qu’on les veut ordinairement, qui fe con- 
ferveront aflés, & ne coûteront guere, mais qui fe feront 
formées plus lentement. M. de Reaumur a trouvé une autre 
matiére à beaucoup meilleur marché que la Soude, & qui 
fait à très-peu près les mêmes effets, & au même degré, une 
matiére à laquelle on ne s’aviferoit pas de s'abbaïfer dans 
une recherche où l'on eft parti du Salpètre & du Sel Marin, 
c'eft de fimple Cendre de bois, pourvü que ce bois foit neuf. 
On voit par toutes les expériences, & jufqu'à préfent fans 
exception, que le mélange d'une matiére quelconque avec 
la Glace pilée ne caufe un nouveau froid que parce qu'il fait 
fondre cette Glace. Quand on trouve moyen d'empêcher 
qu'il ne la fafle fondre, nulle produétion nouvelle de froid. 
Reprenons maintenant la pure Phifique, & ne nous 
arrêtons plus à des pratiques, & à des opérations qui peuvent 
avoir d’autres vüés que les fiennes. Nous n'avons encore 
parlé que des Sels ou concrets ou Alkalis, qui font les uns 
& les autres en forme féche, mais nullement des liqueurs 
fpiritueules & Acides qui fe tirent des Sels concrets, & qui 
apparemment participent à leur vertu de produire du froid. 
Elles font plus qu'y participer, elles Font à un plus haut 
degré. De l'Efprit de Nitre, qu'on aura eu foin de refroidir 
jufqu'au point de la Congélation du Thermometre, étant 
verfé fur de la Glace pilée, dont le poids foit environ double 
du fien, on verra aufli-tôt le Thermometre defcendre avee 
vitefle jufqu’à 19 degrés, & par conféquent on aura unfroiïd 
de 4 degrés plus fort que celui qu'avoit donné Ie Sel marin, 
le plus efficace des Sels concrets. 
On peut donner & à l'Efprit de Nitre & à la Glace pilée 
un plus grand froid que celui de la Congélation, il n’y a 
qu'à environner ces deux matiéres de Glace mêlée avec du 


Sel Marin, & fi après les avoir ainfi préparées on Îes éprouve, 


D Es S'cuABiNAC: ES 13 
on trouve qu'on a.produit un froid de près de 24 degrés, 
c'eft-à-dire, qui eft à celui de 1709 prefque comme 1 2 à 7. 
En fuivant cette même voye, en refroïdiflant davantage le 
mélange d’'Efprit de Nitre & de Glace, on aura encore de 
plus grands degrés de froid. M. de Reaumur n’en'a pas trouvé 
le terme, il voit feulement que les augmentations du froid 
vont toüjours en décroiflant, ainfr qu'il étoit raifonnable de 
le conjecturer. 

Mais ce qu'on n'eût pas deviné, c’eft que le Sel Marin 
étant fi fupérieur au Salpêtre par rapport à l'effet dont il 
s'agit, l'Efprit de Sel eft cependant inférieur à l'Efprit de 
Nitre. Quelle bizarrerie, qui n’en eft pourtant pas une au 
fond ! Le vrai Sifteme n’en admet pas. 

C’en eft encore une de même efpece que le froid caufé 
par une liqueur qui ne paroît être qu'un feu liquide, par 
TEfprit de vin. Employé précifément de la même façon que 
TEfprit de Nitre, il s’en faut peu qu'il n'en égale la force 
pour une produétion qu'on n'eût pas crü leur devoir être 
commune. 

: Le mélange d’une matiére quelconque avec la Glace pilée 
ne caufant, comme nous l'avons dit, un nouveau froid que 
parce qu’il fait fondre la Glace, il s'enfuit d'abord que c'eft-là 
dans chaque opération le moment du plus grand froid , car 
après cela l'air extérieur, qu'on fuppofe toüjours plus chaud, 
ne peut plus que diminuer toûjours ce froid étranger & forcé. 
TL fuit encore que plus la fonte de la Glace fera prompte, 
plus le froid fera grand ; il feroit à fouhaiter que cette fonte 
pôt être inftantanée, toutes les parties de la Glace donne- 
roient leur plus grand froid en même temps, & pour cela 
il faudroit que chaque particule de Glace fût attaquée en. 
même temps par une particule de Sel capable de la fondre, 
ce qui demande que la Glace & le Sel foient atténués, pul- 
vérifés jufqu'à un certain point, car ils ne peuvent l'être à 
Yinfni, ou autant que la derniére perfection l'exigeroit. 

De-là naït une Regle, non pas abfolument précife; mais 
fufffante, pour déterminer à peu-près la dofe du Sel qu'on 

ilj 


14 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 
mêlera avéc la Glace. On fçait par expérience combien une 
certaine quantité d'eau peut fondre d'un certain Sel ; fi fon 
pouvoit divifer la Glace & le Sel en parties infiniment 
petites, il faudroit mettre le Sel en même quantité que la 
Glace, ou fi lon veut ici une plus grande exactitude géo- 
métrique , & concevoir les infiniment petits de la Glace & 
ceux du Sel inégaux, il faudroit mettre le Sel dans la dofe 
indiquée par la quantité de ce que l'eau en peut fondre. 
Mais comme on ne va pas jufqu’à l'infiniment petit, il faudra 
que cette dofe foit plus forte, & même aflés confidérable- 
ment. Comme les particules de Glace ne feront attaquées 
qu'en différents temps, il faudra du moins que la force dont 
feront attaquées celles qui le feront, répare ce defavantage. 

Quand on aura trouvé quelle eft la meilleure dofe pour 
le Sel Marin, il fera aïfé de voir que d’autres Sels, dont l’eau 
ne peut pas fondre une aufli grande quantité, devront être 
employés en moindres dofés, & au contraire. 

Les Liqueurs qui, auffi-bien que les Sels, font capables 
de produire du froid, les Efprits Acides, F'Efprit de vin, 
font, pour ainfi dire, plus libres dans leur action, & exercent 
avec plus d’aifance que les Sels, ils pénétrent en un inftant 
la Glace, & l'attaquent vivement de toutes parts. Seulement 
il eft indifpenfable, pour la produétion du froid, que de 
ces Liqueurs & de la Glace fonduë il fe faflé un nouveau 
liquide parfaitement liquide, ou dont les parties foient bien 
mélées. Des Huiles fondront bien la Glace, mais elles ne fe 
méleront pas avec l'eau qui lui fuccédera, & il n’y aura 
aucun nouveau froid. 

M. de Reaumur, après s'être procuré des moyens fi faciles 
& fi fürs de produire & ER les plus grands froids, 
voulut en jouir par des expériences qui lui appriffent quelque 
chofe ou d'intéreflant ou de curieux, par exemple, quel degré 
de froid eft néceffaire pour tuer certains Infeétes, c’eft-à-dire, 
pour geler les liqueurs qui font leur vie ; il eft bien für 
qu'alors leur corps perd toute fi molleffe, toute fa foupleffe, 
& devient tout roïde, 


DE $x S CHEN CE « 15 
«y a quelques efpeces de Chenilles qui gelent à 7 ou 8 
degrés de froid, d'autres plus petites, & abfolument fort 
petites, & très-délicates en apparence, foûtiennent fans fe 
geler 17 degrés, 3 degrés de plus que le froid de 1 709 
Malheureufement celles-ci font les plus communes, & font 
celles qui font le plus de ravage. Il n’y a donc pas lieu de 
fe confoler de la rigueur d’aucun Hiver par l’efpérance qu'il 
exterminera ces Chenilles. ; 

Cependant le fang de ces fortes d'Animaux ne paroît 
guere qu'une liqueur aqueufe, qui devroit être très-fufceptible 
de congélation. Le fang des grands Animaux le paroît beau- 
coup moins, & left réellement beaucoup davantage. Quand 
fçaura-t-on dans ces matiéres-là plus que les faits, qu'il eft 
pourtant toüjours très-curieux & très-important de fçavoir? 


OBSERVATIONS 
DE PHISIQUE GENÉFRALE. 


I. 
M HELVETIUS à communiqué à l’Académie la Re- 


lation fuivante, qui lui avoit été envoyée par le 
Gouverneur de Surinam ps parent. Elle a été faite par M. 
de Treytorens, Médecin, témoin oculaire. 

H y avoit, au temps que la Relation a été écrite, oouro 
mois qu'une Néprefle efclave , grande & bien faite, & qui 
avoit déja eu quelques Enfants, en accoucha d’un qui parut 
fort fingulier. 11 étoit grand, bien formé, très-blanc, couleur 
qui lui a toûjours duré. Toute fa phifionomie, tous les traits 
de fon vifage, étoient d’un Negre, les Levres grofles & 
relevées, le Nés écrafé & camus. De plus ä avoit comme 
les autres Negres de la Jaine à la tête, mais une laine auffi 
blanche que de la Neige. Quoique fort expofé au Soleil 
pendant tout le temps où ceci eft renfermé, il mavoit point 


tougi, non plus que la laine de fa tête. Le blanc de fes yeux 


16  HisToire DE L'ACADEMIE RoyALE 

étoit fort clair, ce qui n’eft pas rare, mais fon fris étoit d'un 
rouge fort vif, & couleur de feu, marbrée feulement de 
quelques traits blancs tirants fur le bleu ; la Prunelle que nous 
ne connoiflons que noire, & qui doit l'être puifque c’eft 
un vuide, étoit aufli très-rouge. Cet Enfant ne vouloit pas 
ouvrir les yeux quand il faifoit un Soleil vif & violent, hors 
de-là il les ouvroit, & voyoit dans un lieu peu éclairé. 
Lorfqu'il vouloit fixer la vûë fur quelque objet, fon Iris & 
fa Prunelle prenoient un mouvement extrêmement rapide, 
comme d'un tournoyement autour de leur centre, & il 
fembloit que l'Enfant fe füt mis tout d’un coup à chercher 
quelque chofe des yeux avec beaucoup d'inquiétude. I avoit 
le Piam, maladie ordinaire aux Negres, & n'en avoit encore 
rien perdu de fon embonpoint. Ses dents continuoient de 
poufler, & il en avoit déja cinq. I paroïfloit peu intelligent, 
& deftiné à être imbecille. 

La grande queftion eft de fçavoir qui étoit fon Pere. Ce 
n'étoit pas un Noir, paie la Mere le dit. IL eft bien vrai 
que les Enfants des Noirs naïflent blancs, à l’exception d'un 
peu de noir aux parties génitales & à la racine des Ongles, 
mais quelques jours après leur naïflance, ils changent, & 
deviennent noirs. S'ils font Mulitres, enfants d’un Blanc & 
d'une Noire, ils deviennent rouges. On reconnoïît à ces 
marques les différentes origines, & elles ne peuvent être 
long-temps douteufes, Quant à Enfant dont nous parlons; 
il étoit encore parfaitement blanc à 9 ou 10 mois. 

Son Pere n'étoit pas non plus un Blanc. D'où lui feroient 
venus tous ces traits de Negre fr marqués, cette laine au lieu 
de Cheveux? D'ailleurs la Mere avoit déja fait un Mulitre, 
& n'avoit pas caché qu'il étoit venu d’un Blanc, pourquoi 
lauroit-elle caché cette fois-ci comme elle faifoit obftiné- 
ment ? II eft conftant encore que les Noires fe tiennent ho- 
norées d’un commerce avec les Blancs, & ne manquent pas 
de s'en vanter. 

I eft parlé dans quelques Relations d'Afrique de certains 
peuples blancs, ou du moins s'ils font en trop petit nombre; 

de 


DES SCIENCFES T 
de certains hommes blancs, qui habitent dans le païs des 
Noirs. On remarque particuliérement qu'ils ont la vüë extré- 
mement foible, qu'ils ne peuvent prefque pas foûtenir le 
jour, & qu'ils ne fortent que la nuit de leurs Cavernes ou 
taniéres Les Noirs ne les traitent pas d'hommes, & les 
chaflent comme des Bêtes. On voit affés la reflemblince que 
l'Enfant de la Négrefle pourroit avoir avec eux, & ce qui 
fémbleroit d'abord confirmer cette idée, c’eft que 11 Relation 
de Surinam porte expreflément que de vieux Negres amenés 
de la Côte de Guinée, ont dit qu'ils ont vû en cette contrée : 
des Enfants blancs dans des endroits où il ne va jamais de 
Blancs, mais que leurs Chefs les font bien-tôt périr. On 
conçoit bien qu'un Blanc d’Afrique auroit rencontré la Né- 
grefle en Afrique, & que de-là feroit venu l'Enfant, mais 
comment l'aura-t-il rencontrée en Amérique? comment ÿ 
feroit-il venu ? ne l'y auroit-on pas vü ! il eft vrai que quel- 
ques-uns difent qu'il y a de ces Blancs en Amérique. On à 
encore bien des éclairciffements à fouhaiter fur ce Pere qu'il 
feroit fi curieux de connoître. 

PRr'it > it: bass 
M: le Duc de Richemont a écrit à M. du Fay que le:$1 
Novembre de cette année, à 3 heures & demie après minuit, 
il y eut un tremblement de terre à Chichefter dans la Pro- 
vince de Suflex'en Angleterre. Toutes les Maifons, les Lits, 
les Meubles, ont tremblé, des portes fe font ouvertes, des 
Cloches ont fonné, ce qui étoit pofé fur dés bords de Che- 
minées eft tombé. On difoit que le tremblement avoit été 
encore plus fenfible à Portfmouth & à Arondel. On obférva 
que cétoit moins un tremblement qu'un balancement du. 
Nord au Sud femblable au tangage d'un Vaïfleau en ce: 
fens-là; car tous ceux qui étoient couchés dans la-direction 
du Nord au Sud fentirent-wn mouvement de la tête. aux 

ieds , & ceux qui étoient couchés dans la direction de l'Eft 
à l'Oueff, ne fentirent qu'un mouvement femblable au roulis 
d'un Vaifleau, ou à celui du Berceau d’un Enfant. 
«M: Bouguer; qui étoit au Havre, a écrit qu'on y: fentit 
Hi 1734 - 


73  HisTOIRE DE L'ACADEMIE Royare 

le méme jour, entre 3 & 4. heures du matin, trois ou quatre 
légeres fecouffes. On en fentit auffi de l’autre côté de Ia 
Seine. On n’a point eu d’autres nouvelles fur ce fujet, & il 
n'y à pas d'apparence que lé tremblement ait eu plus d’éten- 
duë en France. H n'aura été que le foible commencement de 
celui d'Angleterre. 


Ge année parut un Livre de M. de Réaumur, intitulé 
<s Mémoires pour fervir à l'Hiffoire des {nfectes. Tome 1. Sur 
es Chenilles, & Jur les Papillons. On comprend aflés par ce 
Titre que M. de Reaumur a en vüûë un deffein fi grand & 
f: vafte, qu'il ne prétend pas le remplir entiérément, mais 
feulement aider à le remplir, fr on peut entreprendre quel- 
que jour, & que cé qu'il donné préféntement au Public n’eft 
qu'une partie de ce qu'il lui donnera. 

Les /nfedtes, felon la force du mot, ne font que les Ani- 
maux dont lé corps et comme coupé par des efpeces d’An- 
neaux qui en divifent la longueur, mais l’ufagé commun 
étend ce mot plus loin, on appelle /fecfes tous les petits 
Animaux très-différents des grands par leurs figures, mé- 
prifables par leur petiteffe, ou haïffables par les dommages 
qu'ils nous caufent. Ils font peut-être auffi-bien définis par 
ce mépris & par cette haine, que par une définition plus 
réguliére qui féroit apparemment très-difhcile. 

Cépendant fi lon jugeoit que les Animaux que Ja Nature 
a eu principalement deffein de produire font ceux qu'elle a 
produits en plus grand nombre, je dis plus grand mème par 
rapport aux différentes efpeces, if f trouveroit que cette 
forte de prédileétion de la Nature feroit toute éntiéres & 
prefque infinie en faveur des Inféétes. H-y a des Infectes 
fur da Terre, dans l'Air, dansroutes fes Eaux, & il y a dans 
chacun de ces trois Eléments fans comparaifon plus d’Infeétes 
que de grands Animaux qui leur appartiennent. 

On pourroit croire que les Infectes font en plus grand 
nombre, parce qu'étant beaucoup plus petits, ils font plus 


DIE S CHMENCÆS: EH vx) 

aifés à nourrir, mais cette raifon w’auroit lieu que pour la 

multitude des Individus, & non pour celle des différentes 

Efpéces, beaucoup plus grande que dans'aucun Genre connu 

.des grands Animaux. Pourquoi tant de foin de varier les 

Efpeces dans des Genres qui par eux-mêmes.feroient des 
objets peu importants? " 

Mais, ce qui fera encore beaucoup plus fort, pourquoi la 
Nature a-t-elle employé tant d’art à la formation des Infedes, 
que les grands Animaux paroiflent prefque en comparaifon 

des ouvrages négligés? N'y eût-il que les Métamorpholes ou 
transformations communes à da plus grande partie des In- 
ectes, elles demandent une plus fine Méchanique, plus de 
- reflources d'invention que les Machines des grands Animaux, 
_toüjouxs conflantes & invariables pendant leur durée. 

Encore plus. Les grands Animaux, ou font totalement 
privés d’induftries particuliéres, comme les Bœufs, les Che- 
vaux, les Moutons, ou s'ils en ont quelques-unes, comme 
les Oifeaux pour da conftruction de leurs Nids, elles ne font 

“pas comparables à celles d'une infinité d’Infectes, aux Ruches 
des Abeïlles, aux Coques des Chenilles, &c. Si l’on veut 
“bien honorer du nom d’efprit les inftinéts naturels des Ani- 
maux, des Infeétes font certainement ceux qui ont le plus 
.d'efprit, &c fi cet efprit dépend, comme en nous, des difpo- 
- fitions organiques du Cerveau, les Infectes font ceux de tous 
les Animaux dont le Cerveau eftle plus & le mieux travaillé. 
ds font donc bien éloignés d’être des ouvrages de là Na- 
. ture méprifables, ou même peu dignes de notre attention. 
“Les yeux des Philofophes fçavent bien leur rendre plus de 
juftice, ils découvrent en eux les plus furprenantes merveilles 
-que la fouveraine Intelligence ait répanduës fur notre Globe, 
& la profonde admiration qu’on lui doit, en redouble. 
Mais outre cette utilité plus que philofophique, & qui va 
- jufqu'au théologique, l'étude des Infeétes peut en avoir d’au- 
tres plus grofliéres, & par conféquent plus frappantes pour 
: Je commun des hommes. Si on avoit dédaigné d’obferver 
une efpece de Chenilles, nous ferions privés LA lSoye, & 
EN rh 


20  H1STOIRE DE L'ÂACADEMIE ROYALE 
quelle perte ne feroit-ce pas pour les commodités & les 
agréments de la vie, même pour la Médecine, qui {çait tirer 
de la Soye un fi bon remede ? Ce font des Fourmis des 
Indes qui nous donnent la Laque, des efpeces de Punaifes 
d'Amérique qui fourniflent la Cochenille, & fans entrer dans 
un plus long dénombrement des différents profits dont nous 
font aétuellement les Infectes, ne fera-ce pas une autre forte 
de profit toute contraire & auffi avantageufe que de fçavoir 
détruire ceux qui nous font nuïfibles, quand nous les aurons 
aflés étudiés ? M. de Reaumur a déja trouvé ce fecret à 
# V. les M. l'égard des Teignes qui gâtent nos Etofles de Laine *. Les 
œ 17260 connoiflances qui demeureront inutiles par rapport à ces 
En 11. ufages fenfibles & populaires, car aflürément ilen demeurera, 
& fuiv. feront la portion & le domaine propre des Philofophes. 
Ce n'eft que depuis aflés peu de temps que l'on s’eft mis 
à étudier les Infectes bien férieufement, & avec méthode, 
& il eft facile de compter ceux qui s’y font appliqués. Dans 
cette Science naiflante & peu cultivée, M. de Reaumur a 
trouvé beaucoup à faire, & beaucoup plus que n'en peut 
faire un feul homme, & un feul Siéde, même en fe ren- 
fermant dans quelques efpeces particuliéres d’Infeétes. Ce 
font une infinité de petits faits qui fe cachent aux yeux pour 
la plüpart, qui, s'ils fe montrent, pañlent en un inftant, & 
alors même s’enveloppent encore dans une forte de miftere, 
Un moment manqué pour l'obfervation ne fe retrouve plus, 
& il n'y a qu'un hazard heureux qui puiffe non feulement 
le donner, mais enfeigner quel eft ce moment important 
qu'il faut attendre, & enfuite faifir. Il eft très-difficile de 
bien voir, & très-difficile de fçavoir feulement où l'on doit 
principalement porter fa vüë. Les yeux qui le plus fouvent 
ont befoin d'être armés d’une Loupe ou d'un Microfcope, 
ont encore plus de befoin de l'être d’un efprit pénétrant qui 
apperçoive au de-là des Microfcopes & des Loupes. A peine 
linduftrie d'un Homme peut-elle bien découvrir toute celle 
d'une Chenille qui travaille à fa Coque. 
On verra dans tout le Livre de M, de Reaumur jufqu'à 


À 


D'E su" S'EMEMNTOE) 6. 2x 
uel point il a porté l'afliduité, la patience, a fagacité de 
Yobfervation. Il fait le récit des difhcultés qu'il a trouvées, 
des expédients qu'il a imaginés pour les vaincre, des hazards 
qui l'ont ou traverfé ou favorifé, de ce qui lui a fait ou 
prendre ou rejetter certaines idées, enfin de toutes fes aven- 
tures, pour ainfi dire, & de toute fa conduite danse païs 
peu connu où il s'étoit engagé, & qu'il défrichoit pour la 
plus grande partie. Cette Relation du Voyage, agréable par 
elle-même, fera de plus inflructive pour d’autres Voyageurs 
qui viendront après lui, 
Ce Volume qui eft gros, & qui fera fuivi de plufieurs 
autres, ne regarde que les Chenilles. Tout le monde les 
connoît, & {çait grofliérement leur Hifloire. Elles fe chan- 


gent en ce que le peuple appelle Fées, & les Naturaliftes 


Chrifalides, où Aurélies, où Nimphes. Enfin elles deviennent 
Papillons, & ne fongent à la propagation de leur efpece qu’en 
ce dernier état. 

Quand un Naturalifte veut parler du Bœuf, du Cheval, 
du Mouton, &c. il n’a qu'à le nommer, on connoît l’Ani- 
mal dont il parle, & on lui applique fans peine tout ce qu'on 
jen apprend. Mais quand un Naturalifte parlera d’une Che- 
nille, comme il y en a une infinité d'efpeces très-différentes 
entre elles, on ne fçaura de quelle Chenille il parle, & on 
era hors d'état de vérifier, de fuivre, de rectifier, s’il le faut, 
ce qu’il aura dit, à moins qu'il n'ait fi-bien défigné & carac- 
térifé fa Chenille, qu'on la puifle retrouver fürement. 

Pour cela il faudroit avoir fait fur les Chenilles ce que 
de grands Botaniftes ont fait fur les Plantes, des diftributions 
en Chafles, Genres & Efpeces. On entendra nettement ces 
trois termes, pourvû qu’on fe fouvienne que dans une diftri- 
bution parëille qui regarderoit les giands Animaux , les Qua- 
drupedes , par exemple, feroient une Cafe, les Chiens un 
Genre, les Dogues, les Lévriers, &c. des Efpeces. Les carac- 
îeres les plus propres à bien défigner ces trois ordres, ce font 
les plus fenfibles, les plus frappants, les plus populaires, ceux 
qui f manifeftent le plus vite, car il faut que er le monde 

C ï 


J2 HisToIRE DE L'ACADEMIE2ROYALE 
puifle reconnoitre ce dont il s'agit, fans héfiter, & le plus 
promptement qu'il fe puifle. 

M. de Reaumur s’eft tourné de tous les côtés pour tâcher 
de diftribuer les Chenilles en Clafies, Genres & Efpeces, 
{oit par leur figure, & par les proportions de leur corps, foit 

ar Le nombre de leurs Anneaux, foit par celui de leurs 
Jambes écailleufes où membraneufes, foit par certaines 
Cornes qu'elles ont quelquefois vers la tête, quelquefois vers 
le derriére, foit par des tubercules ou mamelons femés quel- 
quefois fur leur peau, foit par les poils qu'elles ont fouvent, 
& dont elles font quelquefois privées, foit par la pofition 
des touffes ou bouquets de ces poils, foit par les couleurs 
difpofées fur leur peau ou en long ou en travers, foit par 
les Plantes qui leur fervent d’aliment préférablement aux au- 
tres, foit par leur genre de vie, ou folitaire, ou en fociété, &c. 
Tous ces principes de différence , très-nombreux par eux- 
mêmes, fe combinent fi diverfement enfemble, & fe foû- 
tiennent fi peu dans chaque combinaifon, qu’on diroit que 
les Chenilles ont voulu fe dérober à tout ordre artificiel de 
la Philofophie. Cependant M. de Reaumur n’a pas faiflé 

’établir fept Clafes, fous lefquelles il indique comment on 
pourra ranger des Genres & des Efpeces. II a déja les moyens 
de caractérifer aflés bien les Chenilles, dont il traite, pour 
les rendre aifément reconnoiffables. 

Ce font-là de ces endroits d’un ouvrage qui ont appa- 
remment le plus coûté, & qui intéreflent le moins la pläpart 
des Lecteurs. Combien de gens peu curieux devoir jamais 
les Chenilles de M. de Reaumur, fe contenteront d'apprendre 
& de croire fur fa parole qu’il y en a qui ont telles & telles 
propriétés, qui font telles & telles opérations tymais il faut 
que des Naturaliftes plés curieux & mieux inftruits travaillent 
pour ces gens-là mêmes, &.c’efkpour faciliter le travail des 
Naturaliftes que l’on entre dans des difcuflions qui ne font 
que pour eux. ee 

Nous ne prendrons de tout le Livre de M. de Reaumur 
que ce qui peut être du goût de ce plus grand nombre de 


D'E:sM:S CNE ce Es 23 

Lecteurs, les faits principaux que nous dépouillerons même de 

Tingénieux & agréable détail des explications Méchaniques. 

I nous meneroit beaucoup trop loin, & fouvent ces faits ainf£ 

dépouillés feront comme des efpeces d’Enigmes propoées 
ar la Nature, & dont le mot ne fera pas aifé à trouver. 

Les Chenilles ne paroiffent qu'au Printemps , lorfqu'une 
bonne provifion d'aliments différents, felon le goût des diffé- 
rentes efpeces, les attend de tous côtés. 

Quelques efpeces vivent en communauté, elles fe mettent 

plufieurs enfemble à ronger la même feuille; d’autres veulent 
vivre folitaires, & ronger chacune leur feuille à part. 
à y en a, j'entends des efpeces, qui ne mangent que la 
nuit, & fe vont cacher fous terre pendant tout le jour, de 
#orte qu'un Jardinier qui a laiflé vers le foir une Plante bien 
“exempte de Chenilles, bien faine, eft fort furpris de la re- 
trouver le matin toute ravagée fans y découvrir les ennemis. 

Quelques efpeces de Chenilles n’ont point, comme toutes 
les autres, la faculté d'étendre & de reflerrer, d’allonger & 
de raccourcir leurs anneaux, elles ont le corps roide, & 
quand ellestfe font accrochées fur une branche par leurs pre- 
miéres jambes, elles peuvent s’y foûtenir pendant une heure 
entiére, le corps pofé en haut verticalement, de maniére 
qu'on les prendroit pour un petit brin de bois. Quelle force 
ne faut-il pas à leurs Mufcles pour une attitude fi contrainte! 
Elle peut durer encore après leur mort, ce qui augmente {a 
merveille. I leur faut encore fans comparaifon plus de force 
pour fe foûtenir horifontalement, comme elles font quand 
il leur plaît. 

If y'a des Chenilles fi voraces, qu'en moins de 24 heures 
iles mangent plus du double du poids de leur corps. Les 
grands Animaux font bien fobres en comparaifon. Aufl 
croiflent-elles extrêmement vite. 

M.Malpighi a découvert que les Chenilles refpiroient l'air 

ar 1 8 Poumons dont les T'rachées avoient leurs ouvertures: 
“extérieures difpofées le long du corps fur deux lignes paral- 
iles. Ce qui a prouvé à ce grand & ingénieux Obfervateur 


94 HISTOIRE DE L'ÂCADEMIESROYALE 
que ces ouvertures qu'il appelle Srigmates, font des ouver- 
tures de Trachées, c’eft qu'en y appliquant de l'Huile qui les 
bouchoit, il voyoit les Chenilles mourir étouffées. Il à cru, 
& même fur quelques expériences, que l'air refortoit enfuite 
par les mêmes endroits par où il étoit entré, ainfi que dans 
les grands Animaux , mais M. de Reaumur, qui a eu le mé- 
rite de vouloir encore, après une f1 grande autorité, s’en 
convaincre par lui-même, a trouvé, en tenant des Chenilles 
fous l’eau, où elles vivent des heures entiéres, que tout leur 
corps fe couvre de bulles d'air, & beaucoup moins aux en 
droits où font les Stigmates, & que par conféquent l'air fort 
de toute l'habitude du corps par des ouvertures infenfibles, 
comme la matiére de notre tranfpiration. Il a été réduit en 
particules extrèmement fubtiles par fon paflage dans des 
canaux auffi fins que ceux qui ont fait les rameaux, & les 
rameaux de rameaux de Trachées aufi déliées dès leur ori- 
gine. De plus, les Chenilles ne fe gonflent point, comme 
les autres Animaux, dans la Machine du Vuide , marque que 

Yair contenu dans leur corps s'en échappe aifément. 
Elles vivent des deux ou trois jours dans ce Vide, quelque 
parfait qu’on l'ait pû faire, mais fans aucun mouvement. Dès 
u’on leur rend l'air, elles fe raniment. , ; 
M. Malpighi a cru que les Chenilles avoient tout le Iong 
& au milieu de leur corps un grand nombre de Cœurs 
aufli-bien que de Poumons, mais autant qu'on en peut 
juger dans une Anatomie fi délicate, & qui approche tant 
d’être impofible, M. de Reaumur croit que cette fuite 
apparente de Cœurs n’eft qu'une longue Artere droite, qui, 
à la vérité, a des étranglements qui femblent la divifer en 
différentes parties, mais des étranglements caufés par. des 
compreffions de corps voifins, & tels qu'on-peut les faire 
difparoître. sis : 
Tous les ans les Quadrupedes & les Oifeaux muent , c’eft- 
à-dire, changent de poils ou de plumes. Les Infectes font 
plus, tous ceux que M. de Reaumur connoît, & il en connoît 
Beaucoup, changent de peau une fois au moins en eur vie, 
les 


DES SCIENCES. 23 
les Vers à foye jufqu'à quatre fois, la plûpart des autres Che- 
milles autant. 

Quand les Chenilles fe préparent à muer, elles ceffent de 
fe nourrir, tombent dans une grande langueur, & perdent 
l'éclat de leurs couleurs , & quelquefois quelques-unes de ces 
couleurs mêmes. 

En général leur artifice pour fe dépouiller confifte à 
gonfler & à contracter alternativement leurs Anneaux, 
moyennant quoi leur ancienne peau tiraillée en divers fens 
fe détache de la nouvelle déja toute formée au deflous, & 
vient à fe fendre en quelque endroit par où le corps de Ia 
Chenille à un commencement d'ifluë. Le refte eft facile à 
imaginer. 

Mais la merveille eft d’un côté la perfection de l'ancienne 
peau, de l’autre celle de la nouvelle. La dépouille eft fi par- 
faite, qu'elle comprend les Dents, les Ongles, & jufqu'au 
Crâne, qui eft aflés dur & écailleux. La nouvelle peau eft 
fr parfaite, que dans les Chenilles veluës elle a les poils tout 
pareils à ceux qui font reftés fur l'ancienne, difpofés de la 
même maniére , aufli longs , & quelquefois plus, & cela dès 
que f Animal paroît dans fon renouvellement. On ne peut 
donc pas penfer que les nouveaux poils fuffent logés dans 
les anciens comme dans des Etuis, d’où ils fe feroient dé- 
gagés ; M. de Reaumur s’eft encore aflüré de la faufieté de 
cette idée, en coupant bien exactement tous les poils à une 
Chenille toute prête à muer, il eût coupé néceflairement 
aufli les poils de la nouvelle peau, mais elle n’en fut pas 
moins couverte. Tout ce qui refte à penfer, & on peut s’en 
affürer par fes yeux, c’eft que les nouveaux poils bien formés 
& ayant toute leur étenduë, fe tiennent couchés fur la nou- 
velle peau, parce que l’ancienne les y oblige tant qu’elle n’eft 

as détachée. On conçoit même que l'effort qu’ils font pour 
fe redrefler doit aider à la féparation des deux peaux, fans 
compter une liqueur aflés abondante qui fe répand alors 
entre elles. | 

. M. de Reaumur 2 trouvé que le nouveau Cräne étoit 


Hif. 1734: : D 


36  HisToiRE DE KWACADEMIE ROYALE 
prefque toujours confidérablement plus grand que l'ancien, 
& comment at-il été renfermé fous l’ancien ? ce feroit encore 
une queftion quand il ne feroit qu'égal. I faut qu'étant plus 
mol & plus fléxible , il fe foit un peu accommodé au lieu 
qui le renfermoit, & que quand il a été libre, il ait pris 
par fon reflort fa figure naturelle, & en même temps fa 
confiftance & fa dureté par le defléchement de Fair. 

Ï eft à remarquer que les couleurs de la nouvelle peau 
ne font pas toûjours les mêmes que celles de l'ancienne, & 
par conféquent , fi on jugeoit par les couleurs, on pourroit 
croire qu'une même Chenille en feroit deux différentes, ou 
au contraire. 

Quelque temps après leur derniére peau, il leur arrive 
encore un changement beaucoup plus confidérable, elles de- 
viennent ce qu'on appelle communément Æéve, & dans la 
langue des Naturaliftes Crifalide, où Aurélie, où Nimphe. 

Les noms de Crifalide ou d’ Aurélie viennent de la couleur 
d'or dont quelquefois tout le corps de quelques elpeces, ou 
quelques endroits du corps, brillent dans leur nouvel état. 
Le nom de Nimphe vient de ce qu'elles font alors comme 
voilées, & convertes de la maniére dont l’étoient ancienne- 
ment les époufées. I eft pourtant vrai qu'elles reflemblent 
davantage à des Momies d’'Egipte. Tout le monde connoît la 
figure de quelques Crifalides, ne füt-ce que de celles des Vers 
à foye. Toute Crifalide eft fi différente de la Chenille qu'elle 
étoit auparavant, qu'on n'auroit jamais cru que ce füt le 
même Animal. Elle n'a même prefque plus aucune apparence 
d'Animal, nul mouvement, nul befoin de nourriture, nul 
figne de vie, fi ce n'eft quelque fenfibilité dans la partie 
poftérieure de fon corps, quand on la touche. 

Pour fe garantir des accidents contre lefquels elles n'ont 
point de défenfe dans cet état de foibieffe & de langueur, 
les Chenilles, qui femblent le prévoir, {e filent des Coques 
où elles s'enferment, & font à l'abri de tout. Les Vers à foye 
s'en font de très-fortes, de très-épaiffes, & d’une belle ma- 
tiére qui eft une richeffe pour nous, D’autres Chenilles ne 


ET 


- DES SCIENCES 27 
fe filent que des Coques peu garnies , au travers defqueiles 
on les voit, & dont la matiére eft mauvaife. D'autres, qui 
ont peu de matiére à fournir, rempliflentles vuides de leur 
tiflu de foye par de petits grains de terre fort adroitement 
tranfportés & placés où il faut, frrés & battus autant qu'il 
Ta fallu. D'autres prennent une feuille pour la cage de leur 
édifice, Ja plient & la roulent très-induftrieufement en forme 
de Cornet par le moyen de fils de foye qu'elles attachent d'un 
bord à l’autre de la feuille. D’autres enfin, tant la varicté eft 
grande, fe pañlent de Coques, & fe retirent feulement dans 
des lieux de fûreté, ou bien même plus hardies ou moins 

révoyantes, elles fe tiennent à l'air fous 1a dangereufe forme 
de Crifalides. 

De celles-ci quelques-unes ont l'art de fe fixer contre un 
corps folide, fufpenduës feulement par la queuë, la tête en 
embas ; d’autres, par un art encore plus étonnant , fe font 
entouré le milieu du corps d'un cordon de foye qui les tient 
fufpenduës, & les affüre dans cette fituation. Si on fait bien 
réfléxion à ces deux derniéres induftries ; on fentira combien 
elles doivent être difficiles. Il y a bien fà, auffi-bien que dans 
beaucoup d'autres chofes du même genre, de quoi exercer 
Yadrefle du Phificien pour trouver les moyens de voir cè qui 
fe peut voir de ces fortes de manœuvres, & fa fagacité pour 
fuppléer par raifonnement à ce qu'il n'aura pas vû. 

! Quand la Chenille doit devenir Crifalide ; elle s'y préparë 
par quelque temps de jeûne, peut-être eft-ce un jeûne forcé 
par des douleurs qu'elle fouffre. Les peaux qu'elle a quittées 
ucceflivement jufques-là ne couvroient qu'une Chenille, ne 
laifloient voir en tombant qu'une Chenille, mais la derniére 
peau n'en couvroit plus, & n’en laifle plus voir une, c'eff. 
un Animal d'une figure & d’une confitution toute différente, 
une Crifalide. dal: 1 re 
-2 La Chenille, après avoir ceffé de prendre de {a nourriture, 
#e vuide abondamment. Ontrouve dans fes excréments des 
portions d'une Membrane que M. de Reaumur a réconnuë 


pour être celle qui doubloit le*canal de leur Effémac & de! 1 


D 


“ 


# p. 16. 


28  HisToiRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

leurs Inteftins. Elles la rejettent comme font les Ecrevifles 
dont il a été parlé dans l'Hifloire de 1709* d'après M. 
Geoffroy. 

Les mouvements & les efforts néceflaires pour quitter le 
dernier fourreau de Chenille, font plus grands que ceux qui 
l'ont été pour les précédentes dépouilles, Cependant cette 
opération difficile eft fort prompte. Toutes les actions de la 
Chenille ont été expofces dans le détail le plus exact & le 
plus curieux. | 

Quelquefois le fourreau de Chenille lui refte attaché par 
embas en un petit endroit, elle ne le peut plus fouffrir, & 
elle ufe d’une induftrie nouvelle pour achever de s’en défaire 
entiérement. 

Và la grande diverfité des efpeces de Chenilles, on s'at- 
tend bien que les Crifalides feront de figures fort différentes. 
Elles ont auffi une durée fort différente jufqu’à la transfor- 
mation qui les attend encore. Quelques-unes ne font Crifa- 
lides que 10 jours, d’autres le font pendant tout l'Hiver & 
une partie du Printemps. Ce font-là les deux extrêmes. 

En quittant le fourreau de Chenilles, les Crifalides Y 
hiflent leurs 1 8 Stigmates bien marqués & même plus aifés 
à obferver & à examiner par rapport à leur ftructure, qu'ils 
ne l'étoient auparavant. Mais elles en ont d'autres prefque 
femblables fur leur nouvelle enveloppe de Crifdide. I y a 
donc lieu de croire qu’elles refpirent, quoique mortes en 
apparence; elles refpirent en effet, mais ce qu'il ya de fin 
gulier, c’eft qu’elles perdent par degrés & jufqu'à un certain 
point où elles s'arrêtent , leur faculté de refpirer, & le befoin 
qu'elles en ont. Dans les premiers jours tous leurs Stigmates: 
leur font néceflaires, enfuite ceux d’embas fe bouchent, & 
elles fe contentent de ceux d’enhaut, quelques-uns de ceux-ci 
fe bouchent aufii, & il ne refte enfin-que les plus hauts, & 
ils leur fufhfent. Comment a-t-on pà pénétrer jufqu'à ces 
particularités ? Des Crifalides de différents âges ont été 
plongées dans de l'Huile à différentes hauteurs par M. de 
Reaumur, & il a vû jufqu'à quelle hauteur il falloit plonger 


ct D péri 


minimiser rando À me due 


D'E sit S CHPEUNCCHE :S 2 
chacune d’elles pour lui Ôter la refpiration, & la faire mourir, 
c'efl-à-dire, la priver entiérement du fentiment qui lui reftoit, 

Quand une Crifalide eft plongée dans l'eau, on ne voit 
plus fon corps fe couvrir de bulles d'air, horfinis à l'endroit 
des Stigmates, comme il feroit arrivé lorfque lamême Cri- 
falide étoit Chenille, ce ne font plus que les Stigmates qui 
rendent de l'air, ceux qui ne fe font pas encore fermés. If 
eff fort naturel que l'enveloppe prefque toute écailleufe de 
la Crifalide ne laiffe pas échapper l'air comme une peau molle 
& tendre, mais lair a donc pris dans le corps de la Crifalide 
des routes qu'il ne fuivoit pas auparavant. C’eft une conclu- 
fion étonnante qu’il faut pourtant admettre. 

La circulation de ce qu'on doit appeller Sang dans ces 
Animaux, change aufli. Cette longue Artere droite, dont 
nous avons parlé, poufle dans la Chenille fa liqueur du 
dérriére vers la tête, dans la Crifalide c’eft le contraire. 

Dans la Machine Pneumatique, la Crifalide, à caufe de fa 
dureté & de la fermeté de fon enveloppe extérieure, ne peut 
pas augmenter de groffeur, mais elle augmente de longueur, 
es Anneaux qui étoient emboîtés les uns dans les autres, fe 
déboîtent & s’écartent, tant il eft vrai que l'air s’échappoit 
du corps des Chenilles, & ne peut plus s'échapper de celui 
des Crifalides. 

Après que celles d’entre les Crifalides qui font dorées, & 
qui même le font le mieux, ont quitté leur enveloppe pour 
devenir Papillons, leur dépouille ne conferve rien de fa belle 
couleur d’or qui la rendoit fi magnifique, elle n’eft plus que 
d’une couleur très-commune. Sur cela M. de Reaumur ima- 
gina qu'elle pouvoit reflembler à nos Cuirs dorés, qui le 
font fans aucun or. Tout ne confifte qu’en un Vernis d’une 
couleur brune, quand ïl eft en mañle, mais s’il eft étendu 
fur des feuilles d’un très-beau blanc, bien polies, ce blanc vi 
au travers du Vernis paroït le plus bel or. Il fe trouva en 
effet que la premiére peau très-fine de la Crifalide étant 
tranfparente, a fous elle ou une membrane ou une liqueur 
defléchée, qui eft d'un très-beau blanc, Cette premiére peay 

D iij 


o  HisTOIRE DE L'ACADEMIESROYALE 
fait l'office du Vernis des Cuirs. Si on la détache feule avée 
adrefle du corps de la Crifalide, & qu'on fétende fur de 
Y'argent bien bruni, €'eft de l'or. Si on l’enleve avec fa ma- 
tiére blanche, da dorure fe perd dans quelques heures, appa- 
remment parce que cette couche de blanc fe defléche à l'air, 
& par conféquent fe ride, & perd le poli néceflaire ; ce qui 
le perfuade bien, c'efl qu'il ne faut que la mouiller pour faire 
renaître l'or, & cela autant de fois qu'il a difparu. Mais la 
dorure de l'enveloppe quele Papillon a quittée naturellement 
ne revient pas ainfi pour être mouillée. Quand le Papillon 
s'eft dégagé, il eft arrivé des changements à la couche de 
blanc, peut-être les efforts qu'il a faits l’ont-ils ou détachée, 
ou trop altérée par le mélange de quelque autre matiére qui 

eft furvenuë à leur occafion. 

H faut que Animal fubiffe encore une métamorphofe, 
qu'il prenne la forme de Papillon, très-différente des deux 
premiéres. Îl la prend ou dans fa Coque même, ou dans la 
petite retraite qui lui en a tenu lieu, s’il ne s'eft pas fait de 
Coque. Dans ce 24 cas il n’y a pas de difhculté à com= 
prendre comment il fort, il n’y en a pas non plus quand fa 
Coque eft fort mince , une gaze très-légere & tranfparente, 
on le voit qui la perce avec fa tête, mais quand la Coque 
eft très-épaifle & très-ferrée, comme celle du Ver à Soye; 
on ne voit que, l'Animal forti, la Coque percée à l'endroit 
de la tête, & on ne fçait comment il a fait pour forcer fa 
prifon. Après tant d'autres mifleres de cette efpece qui fe 
font laïflé pénétrer par M. de Reaumur, celui-là s’eftrefufé 
à lui. Seulement il a conjecturé que Finftrument tranchant 
ou divifant, dont le Papillon s’étoit fervi, car il en faut un, 
& la tête n’en peut faire la fonction par elle-même, pouvoit 
être fes Yeux. Le paradoxe paroît violent, mais-ces yeux, 
dont nous parlerons tantôt un peu plus au long, font tels 
que toute leur convéxité eft remplie d’une dentelure très- 
fine & proportionnée aux fils de Soye qu'elle couperoit les 
uns après les autres , & fur lefquels elle agiroit comme une 
Line fur du bois. Enfin c'eft fürement la tête qui opere, ce. 


PRET ITU 


fi is - Se dde Le 2 


D'E SANS? CNEUNL c: €) 8 31 
m’eft pas le total de la tête, c'en eft donc quelque partie, il 
faut la trouver. 

IL y a des efpeces de Chenilles qui ne jettent pas les Na- 
turaliftes dans cet embarras, elles laiflent leurs Coques ou- 
vertes, & en fortent fans peine. Elles font doné;, pendant 
tout le temps qu'elles font Crifalides, expofées fans aucune 
défenfe à toutes les attaques, à toutes les infultes des autres 
Infectes leurs ennemis? Non. Elles ont fait une efpece de 
Labirinthe où FInfecte étranger s'égareroit fans arriver juf- 
qu'à la Crifalide, Un Poiffon entre aifément jufqu'au fond 
de la Nafle, & n'en peut prefque plus fortir, elles ont ren- 
verfé l'artifice de la Naffe dans eur Coque, l'Infecte étranger 
m'y peut prefque pas entrer, & le Papillon en fort fans 


* difficulté. 


. Hneft pas befoin d’obferver bien finement une Crifalide 
pour y voir le Papillon comme emmuillotté, C’eft un petit 
paquet difpofé & arrangé de façon que le volume en foit le 
moindre qu'il fe puifie, & qu'aucune partie ne foit ni blefte, 
ni trop génée. Les quatre Aïîles, par exemple, deux fupé- 
rieures & deux inférieures, font appliquées tout de leur long 
des deux côtés du corps, les deux Antennes, qui font deux 
efpeces de longues Cornes que le Papillon porte fur le de- 
vant de fa tête, font renverfées de devant en arriére & 
étenduës fur le dos. La Trompe dont il doit fe fervir pour 
fuccer les fleurs, & qui eft longue, peut être roulée en Spi- 
rale, & s'étendre auffi de fon long. 

… L’enveloppe de Crifalide, cartilagineufe commé elle eff, 
& même écailleufe, eft affés dure, & quand le temps prefcrit, 
où le Papillon doit en fortir, eft arrivé, il a befoin de plus 
grands efforts que ceux qui lui ont fuff, quand il étoit 
Chenille, pour {e dégager fucceflivement de chacune de fes 

eaux. 

+ De la Chenille au Papillon ä n’y a point de vraye méta- 
morphofe. II eft vifible que de la Crifalide au Papillon il 
ny en a point, c'eft un fimple développement qui-fe pafñle 
fous nos yeux, c’eft donc toüjours la même chofe dans le 


>  HisTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

total, ou de la Chenille au Papillon; le Papillon étoit enve- 
loppé dans la Chenille avec fes Aïîles, fes Antennes, fa 
Trompe, &c. mais rien de tout cela n'y étoit vifible ; üf 
n'y a que le bas de fon corps, encore divifé en Anneaux, 
qui fe fente de fa premiére forme de Reptile, D'un Œuf à 
un Poulet, quel changement ! Ce n’eft pourtant qu'un dé- 
veloppement dont on fe peut donner le Spectacle d’un bout 
à l'autre, & voir toutes les différentes Décorations fe fucce- 
der, La Chenille peut être regardée, fr lon veut, comme 
YŒuf du Papillon. I n’eft point abfolument néceffaire qu'un 
Œuf, pour être véritablement Œuf, ne prenne point de 
nourriture. 

La premiére chofe que fait le Papillon, c’eft de fe vuider 
copieufement. Deftiné deformais à des aliments plus délicats, 
il ne conferve rien de fes anciens aliments groffiers. Ces 
excréments font quelquefois rouges , & accompagnés de 
quelques gauttes de cette couleur. Sur cela M. de Reaumur 
fe fouvient d’un trait de la vie du celebre M. de Peirefcs 
On vit un matin dans la Campagne des environs d'Aix un 
grand nombre de taches ronges femées en différents en- 
droits; on s’imagine auffi-tôt que c'eft une pluye de Sang 
tombée du Ciel, & on s’allarme de cet horrible préfage. 
M. de Peirefc diffipa feffroi par différentes remarques 
dignes d’un bon Phificien, & principalement en montrant 
de ces Taches dans de petits creux où une pluye n’auroit 
jamais pû tomber. On reconnoït bien là un accident caufé 
par les Papillons dont nous venons de parler. Un Papillon, 
dont la tête a de l'air d’une tête de mort, a répandu encore 
bien de la terreur, quand il a paru dans des contrées déja 
afHigées de quelque calamité. L’ignorance de la Phifique eft 
fouvent un grand mal pour le Genre humain. 

H y a des Papillons qui ne volent ou ne volent guere 
que le jour, & d'autres au contraire que la nuit. On appelle 
les 1°'s urnes, & les 245 no@urnes, où Phalenes. Les nocturnes 
font en beaucoup plus grand nombre que les diurnes. 

Les nocturnes, qui apparemment craignent donc le jour, 

vont 


D ESS CMERMME ES 39 
vont cependant la nuit fe rendre à toutes les lumiéres, quoi- 
que très-vives, qu'ils voyent, & même s'y brülent, fource 
très-commune de comparaifons poëtiques. M. de Reaumur 
ayant remarqué qu'il n'y a guere que les Mäles des Phalenes 
qui foient attirés la nuit par la lumiére, & voltigent à l'en- 
tour, foupçonne qu'ils cherchent leurs femelles , brillantes 
peut-être, comme celles des Vers luifants *, de quelque lu- 
miére, mais beaucoup plus foible, & vifible feulement pour 
eux. L'expédient des petits Phares que portent des femelles, 
employé par la Nature pour avertir leurs Mâles du lieu où 
elles font, pourroit bien avoir été employé plus d’une fois. 

Quand le Papillon eft forti de fon enveloppe de Crifalide 
& de fa Coque, il eft comme tout étonné de fon nouvel 
état, & il lui faut quelque temps pour s’y accoütumer, ou, 
à parler plus précifément, pour fe fécher à Fair, & fe défaire 
d'une humidité fuperfluë qui lengourdifioit. I commence 
à étendre fes Aïles. On pourroit s'imaginer qu'elles étoient 
pliées comme un Eventail fous le fourreau qu'il a quitté, 
mais non, elles étoient feulement fort petites, mais en ré- 
compenfe fort épaifles, leurs vaifleaux qui étoient génés, 
contournés les uns fur les autres, pleins d’obftruétions, vont 
fe mettre en liberté, prendre les directions que demande le 
cours des liqueurs, & augmenter la fuperficie totale en di- 
minuant à proportion l'épaifleur. 

Les Aïles des Papillons, & cela leur eft particulier , font 
couvertes d’une efpece de pouffiére ou de farine, qui s'attache 
aux doigts, quand on y touche. On a vû avec le Microfcope 
que chaque atome de cette poufliére eft une petite plume 
inférée par un pédicule dans le corps de lAïle, M. de 
Reaumur croit que le nom d’écaille lui convient mieux, & 
le prouve. Ces écailles, qu'il a obfervées avec grand foin, 
font d'une infinité de figures différentes foit fur les Ailes de 
différents Papillons, foit fur les Aïles du même. C’eft d'elles 
que viennent & toutes ces couleurs, & tous ces comparti- 
ments de couleurs, quelquefois diftribuées fi agréablement 
& fi heureufement, qu'elles donnent un grand prix à ces 


Hi. 173 44 - 


* V. PHifts 
de 1723. 
P: 9« 


H1STOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 
Aïles, & les rendent un objet de paflion pour quelques 
Curieux. 

Les Yeux des Papillons, auffi-bien que ceux des Mouches, 
des Scarabés, & de divers autres Infeétes, font une merveille 
des plus finguliéres. Aux deux côtés de la tète font deux 
petites plaques arrondies, luifantes, de confiftance aflés ferme, 
qu'on ne peut s'empêcher de prendre pour des Yeux, ou du 
moins pour leur Cornée. Mais ces Cornées, car nous leur 
en laifferons le nom , vüës au Microfcope, font un Réfeau 
qui a une infinité de mailles reétilignes le plus fouvent, & 
fort réguliéres, & du milieu de chacune s'éleve une petite 
Lentille, que les plus grands Obfervateurs en cette matiére, 
& qui ont le plus confulté l'expérience, s'accordent à prendre 
pour un Criftalin. En les comptant, il n’y a pas, felon M. 
Puget, moins de 173 2$ Criftallins fur chaque Cornée d’un 
Papillon. Nous fommes des Aveugles en comparaifon de 
ces Infectes-là. La Nature fi prodigue pour eux à cet égard 
n'aura pourtant pas été follement prodigue, elle ne leur aura 
donné que ce qui leur étoit néceffaire, mais pour quels ufages, 
pour quels befoins? c’eft ce que nous ignorons, ainfi que 
beaucoup d’autres chofes. Il faut qu'une ignorance fe confole 
à la vüe du grand nombre de fes pareilles. Ce font les fur- 
faces convexes de chaque Cornée du Papillon que M. de 
Reaumur a cru propres à fcier la Soye de la Coque. 

Les Antennes font encore une partie du Papillon très- 
remarquable par fa ftruéture, & dont l'ufage eft ou ignoré, 
ou très-incertain. Elles font en général mobiles fur leur bafe, 
en quoi elles different des Cornes des grands Animaux, & 
de plus articulées & divifées par des efpeces de Vertebres, 
de forte qu'elles peuvent fe courber, f contourner au gré 
de Animal, du refte différemment conformées, différem- 
ment terminées, lifles ou à poils, & ces poils font quelque- 
fois au Microfcope des barbes de Plumes, mobiles elles- 
mêmes fur leur bafe, &c. fouvent les Antennes paroiïffent des 
tuyaux creux. Tant que l'on n’a guere examiné les Papillons, 
on a pü comparer les Antennes au Bâton des Aveugles, mais 


range era 


CT 7 OST 


HPAPDE : SMS CANBNI GE S: 35 
a comparaifon ne peut plus conveñir à des Animaux à qui 
Jon connoît tant dé milliers d'Yeux, &, ce qui prouvé 
mieux, c'eit que les Papillons vont fouvent les Antennes 
toutes droites, & ne s'en fervent nullement comme d’un 
Bâton pour tâter leur chemin, ou reconnoître ce qui fe 
préfente devant eux. Les Antennes feroient plütôt 1és Or- 
ganes de lOdorat des Papillons , qui apparemment en ont 
befoin pour le difcernement des Plantes & de leurs fucs. Mais 
après tout, pourquoi n'y auroit-il dans l'Univers que les cinq 
Sens dont nous fommes doués? S'il y en a d’autres, dont 
quelques-uns foient tombés en partage à des Animaux de 
notre Globe, certainement nous ne reconnoïîtrons pas les 
Organes qui leur appartiendront. Un Sourd devineroit-il 
l'ufage d'une Trompette ? 

Celui de la Trompe des Papillons, quand ils en ont une, 
car ils n’en ont pas tous, du moins fenfiblement, eft incon- 
teftable, elle leur fert à fuccer les Fleurs, c’eft leur unique 
Bouche. Ce Tuyau peut avoir jufqu’à 3 pouces de long. Son 
teflort naturel le tient roulé, & en cet état il trouve une 
efpece d'Etui où fe loger, il ne fe déroule & ne s'étend en 
Tongueur que par la volonté ou une action de l'Animal. I 
eft compofé d’Anneaux qui ne peuvent guere être faits que 
pour un mouvement vermiculaire, pour des contraétions & 
des dilatations fucceflives, qui conduiront de la fleur jufqu’au 
corps de l Animal une petite parcelle d’iliment prife par le 
bout de la Trompe. Ce n’eft pas que la fimple fuétion ne 
püût fuffire pour faire monter une goutte de liqueur le Iong 
d'un canal infléxible, qui n’aidera point à la poufler, mais 
dans le cas préfent il faudroit que la goutte fût toüjours 
extrêmement fine, & incapable de s'attacher aux parois inté- 
tieures du canal, & cela peut très-aifément ne fe pas ren- 
contrer. La fuétion & l'action du canal f joindront fort 
bien enfemble, & n'en feront chacune que plus füres de 
leur effet. 

La Trompe, qui au fimple coup d'œil n’eft qu'un canal, 
beaucoup mieux obfervée par M. de Reaumur, fe trouve en 


E ÿ 


6 HisToiIRE DE L'ACADEMIE RoYALE 

être trois difpofés fur un même plan ; celui du milieu étant 
le plus gros, & en ayant à fes côtés deux égaux entre eux. 
M. de Reaumur s’eft fufhfamment afüré que la liqueur nour- 
ricicre tirée des fleurs ne monte que par le canal du milieu. 
A quoi ferviront donc les deux autres ? A recevoir l'air né- 
ceffaire pour la refpiration , & apparemment auffi à le rendre. 
La Trompe fera en même temps ŒÆfophage & Trachée. 

Par ce même canal du milieu qui fait monter la liqueur 
nourriciére de la fleur à Animal, M. de Reaumur a vü auf 
defcendre une liqueur, & defcendre à plein canal, fans qu'il 
y eùt d'ailleurs aucun indice que ce fût une efpece de vo- 
miffement, fans aucun effort extraordinaire du Papillon, qui 
continuoit toüjours tranquillement à fe nourrir d'un petit 
morceau de Sucre, auquel il fut obftinément attaché pendant 
deux heures après un long jeûne. Ce fut a nature de ce 
Sucre qui fit deviner à l'Oblervateur de quoi il s’agifloit. 
Cet aliment, agréable d'ailleurs au Papillon, étoit pourtant 
trop dur & trop fec, il lhumectoit & fe l'aflaifonnoit par 
une liqueur qu'il fournifloit lui-même, & en effet le Sucre 
fe trouva amolli, & comme mouillé dans les endroits piqués 
par la Trompe. Saus doute les Papillons en font autant dans 
toutes les occafions pareilles, mais elles pafient toùjours fi 
rapidement qu'on n'y peut rien voir, & M. de Reaumur ne 
dut cette découverte qu'à un pur hazard, hazard cependant 
de la nature de ceux qui ne font que pour les Obfervateurs 
très-aflidus, & aufli intelligents qu'affidus. 

Si on conçoit la Trompe divifée en deux moitiés égales 
par un plan où foit compris axe qui fait fa longueur, ces 
deux moitiés n'appartiennent point, comme on l'auroit cru 
naturellement, à une même membrane continuë, ce font 
deux demi-canaux appliqués fimplement l’un contre l'autre 
pour en faire un total, qui fe féparent aifément, horfmis vers 
la tête, & fi aifément qu'ils font quelquefois féparés d’eux- 
mêmes ou par quelque leger accident, & qu'il faut que le 
Papillon travaille à les remettre enfemble. S'i n’y réufit 

pas, fa mort eft aflürée, faute de nourriture. Mais comment 


D'E SMSTEMMEMNCE SIT 8% 
temet-il enfemble ces deux moitiés ? de la même maniére 
dont on y remet des barbes de Plume dont on a rompu la 
continuité en defengrainant les uns d’avec les autres les petits 
fils qui les compofent ; il ne faut que paffer un peu la main 
fur ces barbes, en rapprocher les parties féparées, & dans 
un inftant heureux , qui par conféquent n'arrive pas toüjours, 
tout l’engrainage fe rétablit. Les deux moitiés de la Trompe 
s'unifient ainfi par des poils dans leur partie fupérieure. 1 
ne faut point craindre que la Trompe ne foit mal fermée, 
&me-laïffe échapper ou l'air ou les liqueurs, les barbes des 
Plumes, impénétrables à l'air & à l'eau, répondroient bien 
nettement à cette difficulté. 

M. de Reaumur ne s’eft pas moins appliqué à imaginer 
un ordre pour les Papillons que pour les Chenilles. Comme, 
un Papillon a été Chenille, & continuë fous la forme de" 
Papillon d’être le même Animal qu'il étoit , il feroit à fou- 
haïter que dans cet ordre qu'on imagineroit, on lui püût 
affigner une certaine place pour toute fa vie. Mais c'eft ce 
qui ne fe peut, on n'a point encore aflés d’obfervations ; & 
peut-être n'en aura-t-on jamais affés pour fçavoir quel Pa- 
pillon viendra d'une telle Chenille , ou de quelle Chenille 
eft venu un tel Papillon. Au contraire on voit quelquefois 
que de deux Chenilles qu’on ne peut s'empêcher de rapporter 
au même Genre, viennent deux Papillons qu'on ne peut 
rapporter au même. Et pour le dire à cette occafion, 2h 
beauté des Chenilles, car elles en peuvent avoir une, & bien 
marquée, ne tire nullement à conféquence pour celle des 
Papillons, & réciproquement. Il faut donc renoncer, du 
moins quant-à-préfent, à l'ordre continu, qui comprendroit 
tout de fuite les Chenilles & leurs Papillons, & fe contenter 
de l'ordre interrompu , qui les regardera comme différents 
Animaux. 

Les Papillons diurnes & les noéturnes font d'abord deux 
Clañiés , qui fe préfentent d’elles-mêmes. Pour les fubdivi- 
fions fuivantes, qui demandent auffi des caracteres fenfibles, 
M. de Reaumur les regle par la figure des Antennes, par 


E ii 


V. les M. 
P-553- 


V. les M. 
p- 564. 

V. les M. 
p. 567: 

V. les M. 
p- 590. 

V. les M. 
P- 594« 

V. les M. 
P: 597: 


38  HisTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 
celle des Trompes, par celle des Aîles, & encore plus par 
le port des Aïles, car il eft très-différent en différents Pa- 
pillons , quelques-uns les portent paralleles au plan fur lequel 
ils font polés, d'autres les portent perpendiculaires, es uns 
en Toit aigu, d’autres en Toit écrafé, &c. Enfin toutes les 
marques , toutes les diftinctions extérieures, où l’on peut fe 
rendre , étant faifies, M. de Reaumur parvient à établir 
fept Clafles de Papillons diurnes, & fept de nocturnes, & 
dans la $me Clafie de ceux-ci jufqu'à 10 Genres. 

Ce n'eft que dans l'état de Papillon que ces Infeétes fon- 
gent à la multiplication de leur efpece, mais ce 1°* Tome 
de M. de Reaumur ne va pas jufques-là. Il faut en attendre 
la fuite, à qui l'on ne peut guere fouhaiter rien de mieux 


que d'en être digne. 


Ous renvoyons entiérement aux Mémoires 
L'Ecrit de M. de Reaumur fur des Obférvations 

du Thermometre faites par M. de Coffigni dans fIfle de - 
Bourbon. 

L’Ecrit de M. du Fay fur les Obfervations Météorolo- 
giques de M. Muffchembroek faites à Utrecht en 1734. 

Le Journal des Obfervations d'Aurores Boréales en 1734 
par M. de Mairan. 

La Méthode de M. Godin pour obferver la variation 
de lAiguille. 

Les Obfervations Météorologiques de 1734 par M. 
Maraldi. 

Et une Addition de M. de la Condamine à fon Mémoire 
fur la Déclinaifon de l'Aiguille. 


Sont 
ER 


DCE MUST C'NRONCNE: S 39 


ANATOMIE. 


SUR LA FISTULE LACRIMALE. 


ee y a dans Œil une Glande placée entre la partie fupé- 
rieure du globe de l'Œïl & la voute de l'Orbite. Dès 
que l'Œil fe meut, il frotte contre cette Glande, & en 
exprime une liqueur qui fert à enduire fa furface, à la rendre 
pluslifle, plus polie & plus mobile, de forte que ce mouve- 
ment-là même produit ce qui doit le faciliter. La liqueur 
fortie de la Glande fe répand en petits ruifleaux très- fins 
fous la furface interne de la Paupiére fupérieure, & für la 
furface de lŒüil, d'où elle tomberoit naturellement au plus 
bas de Œil, & en fortiroit bien-tôt pour aller mouiller {a 
Jouë, fi deux efpeces de Goutiéres que les bords des Pau- 
piéres forment avec le globe de l'Œil, fur lequel ils appuyent, 
ne ramafloient la liqueur, & ne fa conduifoient vers le grand 
angle del Œif, où elle aura fa décharge. Ce font deux petites 
ouvertures, que l’on appelle Points lacrimaux, ouvertures de 
deux canaux fort courts, qui s'étant réunis, portent la liqueux 
dans un Réfervoir commun, nommé S4c lacrimal, affés fpa- 
tieux d'abord par rapport à ces parties-là, mais qui va toûi- 
jours diminuant, & fe termine par un petit canal étroit & 
court, appellé Canal nafal, parce qu'il s'ouvre dans le Nés, 
& y jette la liqueur. Quand elle eft en fi grande abondance 
qu'elle ne peut pas s’'écouler toute par le Nés, & que l'Œif 
trop plein en laifle tomber une partie fur la Jouë, ce font 
les Larmes plus proprement dites que quand elles ne s’extra- 
valent pas. 

M. Petit le Chirurgien, d’après qui nous parlons, croit 
que les Paupiéres qui fe meuvent fouvent, & bien plus fou- 
vent qu'on ne penfe, pouflent toüjours par ces mouvernents 


V. les M. 
P- 135: 


40 HISTOIRE DE L'ÂCADEMIE RoyALE 
fréquents & très -brufques la liqueur des Larmes vers le 
grand angle de l'Œïif, d’où elle fe rendra dans le Nés. I 
n'eft pas même néceflaire que dès qu'elle eft arrivée au grand 
angle, elle enfile la route des Points lacrimaux , elle peut 
fans inconvénient s’amaffer en une certaine quantité avant 

ue de couler, & M. Petit détermine le lieu où elle s’amafera. 
” Mais il regarde comme caufe principale du paffage de a 
liqueur dans le Nés un jeu de Siphon qu'il trouve qui réfulte 
de Ia pofition que les Points lacrimaux ont entre eux & avec 
le Sac lacrimal. La liqueur pompée par un canal plus court 
tombe dans un plus long pour être verfée où il faut. Cette 
action de Siphon s’unit à celle des Paupiéres , & y fupplée 
quand il en eft befoin, comme pendant le fommeil, où les 
Paupiéres n’agiflent pas, & où il fufht d’une feule caufe pour 
poufler les Larmes, puifqu'alors l'Εl en exprime moins de 
la Glande lacrimale. 

* Toute cette ftruéture fi délicate, & qui le paroïtroït encore 
beaucoup plus, fi nous en faifions une defcription plus 
exacte, ne doit pas ètre fort difficile à déranger. Si par 
quelque caufe que ce foit, il furvient une obftruétion au 
Canal nafl, qui, par fon extrême finefle, en eff aflés fuf 
ceptible, les Larmes, qui ne pourront plus fe dégorger dans 
le Nés, féjourneront dans le Sac lacrimal, & s’y amafferont 
en trop grande quantité. Si elles font douces, & une efpece 
d’eau pure, elles créveront le Sac par la feule force que leur 
quantité leur donne; fr elles font âcres & falées, elles ron- 
geront, corroderont quelque endroit du Sac, par où elles 
s’échapperont, & cela pourra même arriver avant qu'il s’en 
foit fait un grand amas. Alors par la mauvaife nature des 
Larmes, il {e fait une fermentation qui produit du pus, 
dont la corrofion eft encore plus forte, & ce pus fe creufe 
une efpece de trou caverneux, qui efkuné vraye fiffule, que 
Ton appelle /acrimale. Dans le premier cas où les Larmes 
étoient douces, il eft bien vrai qu'il y à auffi une ouver- 
ture par. où elles s’échappent, mais cette ouverture n’eft pas 
fltuleufe, où fiftule. Senlement elle le peut devenir aflés 

ñ | aifément, 


D = SES € PNG Es, At 
aifément, car les Larmes peuvent saigrir par leur féjour 
dans le Sac Jacrimal. I faudra avoir foin de le vuider fouvent, 
en le comprimant. 

M. Petit compte une 3m efpece de maladie qui feroit 
Fiftule fans être facrimale. C’eft lorfqu'il fe forme au coin 
de FŒïl un petit Abfcès fi proche des Points lacrimaux, 
qu'il les bouche par fon inflammation. Alors les Larmes, 
qui ne peuvent entrer dans les premiers canaux où elles 
devoient être reçüës, fe répandent néceflairement au dehors, 
comme elles feroient dans une Fiftule lacrimale, & c’eft ce 

ui a pü faire croire que cette maladie en étoit une, mais 
réellement les Larmes ne fortent point par une ouverture 
fiftuleufe. I y a cependant une Fiftule, qui eft l Abfcès, mais 
les Larmes n'en fortent point, & dès que cet Abfcès eft 
percé, les Larmes reprennent leur cours naturel, & tout 
le mal eft guéri. 

Toute cette Théorie de la Fiftule lacrimale n’eft faite que 
‘pour amener un point de Pratique important, une opération 
paticuliére que M. Petit employe dans cette maladie depuis 
plufieurs années, car il ne l'a pas trouvée d’abord, & elle 
eft le fruit de fon expérience & de fes réfléxions. II aflüre 
qu'elle lui a toüjours réufi, & en effet fa grande fimplicité 
& les raifons phyfiques fur quoi elle eft fondée, s'accordent 
fort avec cet éloge. f 


DIVERSES OBSERVATIONS 
ANATOMIQUES. 


L 
N jeune homme, âgé de 24 ans, d’une bonne famille 
de Schafhoufe, ayant été fur Mer dans des temps 
extrémement chauds, & ayant fait beaucoup d'excès de Vins 
très-violents, devint fol pendant la Canicule de 1733, & 


Hif. 1734 = 


42  HIisToiRE DE L'ACADEMIE RoYyaALE 
quelquefois furieux, mais fans fiévre. Il étoit alors à Venife, 
& il fut mis entre les mains de M. Michelotti, célébre 
Médecin de cette Ville, qui a pañlé les bornes de fa pro- 
feflion par des ouvrages d'une profonde Géométrie. Il feroit 
‘inutile de fuivre jour par jour l'hiftoire de la Cure, que M. 
Michelotti, Correlpondant de l Académie, lui a envoyée. 
H fufhra de dire qu’elle ne confifta qu'en de fréquentes & 
abondantes Saignées & au Pied & au Bras & aux Temples 
par les Sangluës, & fur-tout en un ufage extraordinaire & 
prefque excefff d'eau froide & de Glace. Le peu de nourri- 
ture, & de nourriture trèslegere qu'on lui donnoit, des Jus 
de Graine de Melon, par exemple, ou d'Amandes douces, 
déja très-rafraichiflants par leur propre fubftance, avoient 
encore été refroidis-extérieurement autant qu'on lavoit pû. 
Quand le Malade étoit plongé dans un Bain d’eau très-froide, 
ce qui lui arrivoit fouvent , on lui verfoit encore brufque- 
ment & impétueufement de l'Eau à la glace fur la Tête, 
qu'on avoit rafée exprès. Comme la folie confifte phifique- 
ment en ce que les Efprits animaux trop abondants & trop 
agités ne fuivent plus dans le Cerveau les routes qui leur 
font marquées, qu'ils ne fe meuvent plus qu'irréguliérement, 
‘en confufion, & comme des Torrents qui n’ont point de lit, 
l'intention de M. Michelotti étoit de diminuer d’abord le 
volume, & par-là la force de ces Torrents, & enfuite de les 
obliger à rentrer dans leurs canaux naturels, en reflerrant 
par un grand froid toutes les parties où ils pouvoient s'être 
débordés. Cette intention lui réuffit, & dès le premier jour 
de Septembre le Malade bien guéri partit pour retourner en 
fon Païs, dont de Climat lui devoit mieux convenir que le 
Climat chaud de Venife. 

H n'eft guére poffible que le froid ait eu un fi grand effet 
par une autre raifon que celle qui vient d'être rapportée, & 
M. Michelotti a droit d'en conclure que l'Hellébore, fi vanté 
par les Anciens pour da guérifon de la Folie, auroit été mal 
placé, du moins dans celle-ci. II caufe des irritations très- 


ton 


_— 


DES SCIENCES. 43 
violentes dans  Effomac & dans les Intéftins, & il n’auroit 


fait qu'augmenter le defordre & les tempêtes qu'il s'agiffoit de 


calmer. L'Opium paroît y avoir affés contribué. 
jus 


Le Cerveau eft enfermé dans une efpece de Boîte dure 
& folide, compolfée de plufieurs Piéces, engrainées feulement 
enfemble par leurs contours, afin qu’elles puifent fe laifler 
foûlever doucement par le Cerveau à mefure qu'il s'augmen- 
tera, & qu'elles fe prêtent fans réfiftance à cette augmen- 
tation, tant qu'elle durera. Quand le temps en eft paflé, ces 
Piéces, qui font les Os du Cräne, fe foudent enfemble, & 
n'ont plus ce peu de mobilité qui leur étoit néceflaire aupa- 
ravant. M. Hunauld à fait voir à l Académie le Cräne d’un 
Enfant de 7 ou 8 ans, où il ne paroifloit aucun veftige de 
la Suture Sagittale & de la Coronale ni en dehors, ni en 
dedans, & par conféquent FOs Coronal, & les Pariétaux 
s'étoient réunis avant le temps, & outre que leur réunion 
prématurée eût pù les empêcher de s'étendre fufffamment, 
cllewéfiftoit à Faccroiffement que le Cerveau devoit encore 

_prendre. C’eft-là une fuite de la Méchanique du développe- 
ment des Os du Crâne, que M. Hunauld avoit expliqué en 
1730*. Dans la furface concave du Coronal & des Pariétaux 
de cet Enfant, il s’étoit creufé des traces plus profondes qu'à 
Fordimaire des circonvolutions du Cerveau qu'elles fuivoient. 

M. Hunauld a vü dans plufieurs autres Sujets plus jeunes 
cette foudure prématurée de ces mêmes Os du Crâne déja 
commencée de maniére à ne pas laifler douter qu’elle ne fe 
fût achevée, & bien des Crânes qu'il a entre les mains lui 
perfuadent qu’elle n’eft pas rare. On connoît trop l'impor- 
tance du Cerveau pour ne pas voir qu'il ne peut fans un 
extrème danger, ou fans de grands inconvénients, être gêné 
dans fon accroiflement, ou dans fes opérations. Dans de 
pareïls cas l'Art de la Médecine n'aura pas tort de ne pas 
deviner les caufes, & quand il les devineroit, quel remede ? 

F ji 


* V.PHift. 
de1711. 
Pr27-iéc 
1713-p.21. 


H1sToiRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

Nous avons parlé ailleurs d’offifications très-différentes*, 
ce font des formations d'Os étrangers dans le Cerveau. M. 
Hunauld y a adjoûté l’hiftoire d’un Homme de 3 $ ou 40 ans, 
attaqué d’Epilepfie depuis quelques années. Rien ne le foula- 
geoit que de grandes Saignées, comme de 40 Onces. Quand 
il fut mort, on lui trouva dans une des parois latérales du 
Sinus longitudinal fupérieur de petits Os hériflés de pointes 
qui s’engageoient dans le Cerveau, & devoient le picoter: 
Par les grandes & fréquentes Saignées, le Cerveau qui con- 
tenoit moins de Sang, diminuoit un peu de volume, & fe 
déroboit à l’action des petites pointes. 


ET 
M. Hunauld à fait voir auffi le Crâne d'un Enfant de 


3 ou 4 ans, dont les Os avoient prefque par-tout 7 ou 8 
lignes d'épaifleur. Is étoient aflés mols, & en les preflant 
on en faïloit fortir du Sang & de la Limphe en abondance. 
Les Vaifleaux Sanguins étoient fort apparents. 


LM: 


L'Académie a vû auffi la démonftration que M. Humauld 
lui a faite d’un Rameau de Nerf affés confidérable, qui, 
partant du Plexus gangliforme femilunaire de M. Vieuflens 
tout auprès du grand Plexus Méfenterique, remonte du bas- 
Ventre à la Poitrine, & va fe perdre à l'Oreillette droite 
& à la Bafe du Cœur où il fe diftribuë. Il avoit déja obfervé 
l'année précédente la même chofe dans un autre Sujet, & 
elle en devenoit plus füre. Comme ce font les Nerfs qui 
portent le fentiment dans les parties, & qui font que quel- 
quefois des parties fort différentes & affés éloignées font en 
commerce de fenfations, on entendra par ce nouveau Nerf 
celui qui fe rencontre fouvent entre les Vifceres/du bas- 
Ventre, & le Cœur. : % 

V. ; 

Dès 1732, M. Hunauld avoit fait voir à l’Académie, 

dans le Poumon de l'Homme, les Vaifleaux Limphatiques, 


_ 


DES: SCIENCES. 45 
que vrai-femblablement on n’avoit encore vüs que dans les 
Animaux, où il eft quelquefois affés facile de les découvrir. 
Ii les a fuivis en 173 3 & cette année, & il les a conduits 
en préfence de la Compagnie depuis le Poumon jufqu'au 
Canal Thorachique. 


Ette année, M. Mai, Démonftrateur d'Anatomie dans 

l'Univerfité de Strafbourg , a fait voir à l’Académie 
diverfes préparations Anatomiques, dont deux ont princi- 
palement attiré fon attention. 

La r'° contient l'Organe de l'Ouie qu'il a décompolé en 
16'piéces, où l’on voit beaucoup d'art dans les coupes, & 
une grande induftrie dans les moyens qu'il a employés pour 
faire voir l'aflemblage & le jeu de certaines parties. 

La 24e eft un Crâne dans lequel fix coupes très-fines & 
bien ménagées démontrent différentes vüës & différents 
rapports de parties, de forte que dans le même Crâne il 
donne la commodité d’obferver des particularités qui ordi- 
nairemént ne fe démontrent que dans plufieurs portions de 
différents Crânes. | 

Ces deux Piéces, jointes à des Injections que M. Mai a 
fait voir, ont montré fa fagacité pour les préparations Ana- 
tomiques. k 


Ette année, M. le Cat, Chirurgien de l'Hôtel- Dieu 

de Rouen, a envoyé à l'Académie F'hiftoire des opé- 
rations de la Taille latérale qu'il a faites tant à Rouen qu'à 
Dieppe. Elles ont toutes réuffi, au nombre de 10, fans aucun 
mauvais fuccès, qui en ait interrompu {a fuite. M. le Cat 
avoit réformé le Lithorome Anglois, & y en avoit fubftitué 
un de fà façon. Il a vû de très-bons effets du Bain d'eau 
chaude, quand fes Taïllés étoient menacés d’inflammation, 
il.en a fauvé trois de tout accident par ce moyen. 


E üïf 


\ 


* V. les M. 
P. 144 


V. les M, 
B- 453: 


46  HisToiRE DE L'ACADEMIE RoyaLE 
Depuis les opérations de la Taille latérale par la méthode 
de M. Chefelden, dont M. Morand a donné fhïftoire en 
1731*, ilena fait 4 dont 3 ont réuffi. Elle a été pratiquée 
& à Paris & dans le refte du Royaume, & même à Cadis, 
& au Caire, par des Chirurgiens qui avoient vü opérer 
M. Morand, & il a trouvé, en faifant le calcul de tout ce qu'il 
a raflemblé depuis 173 x, que de 2 $ opérations, 22 ont eu 
un bon fuccès. Il n'y compte pas celles de M. Chefelden en 
Angleterre, qui continuënt toüjours avec un grand éclat. 


N Ous renvoyons entiérement aux Mémoires 
Les Remarques de M. Winflow, fur les Montres. 


D ENSW 09 C'DERRE ES. 7 Mr 


EE I A LP a PR a De A PI Pa do Po a D Aa A 


VEINES ES 


CHIMIE 


SUR L'ANALISE DES PLANTES. 


Lie DÉMIE dans {es commencements s’eff aflés long- 
temps occupée d’Analifes de Plantes, M. Bourdelin, 
comme nous l'avons dit en 1 609*, faifoit ces Analifes en 
diftillant les Plantes en leur entier, & en examinant les 
différents produits que le feu donnoit. On ne manqua pas 
de s’appercevoir que ces produits du feu étoient trop altérés 
par fon action, nous l'avons déja dit en 170 1*, & Ton ne 
compta plus guére fur un très-grand nombre d’Analifes qui 
avoient coûté bien du temps. 

Certainement il yen a d’autres, plus adroites, pour ainfi 
dire, qui tireront des Plantes leurs principes moins changés 
& plus purs. M. Boulduc en a eflayé ‘une qui lui a réuffi 
fur la Bourache, Plante fort employée dans la Médecine, 
& par-là plus intéreffante. [| n’a travaillé que fur des Sucs 
ou Décoétions, & le feu n’a fervi qu'à tirer ces Sucs, ou 
à caufer quelques évaporations. 

M. Boulduc a trouvé aifément & très-fenfiblement dans 
la Bourache, l’Acide Nitreux, & celui du Sel Marin, ou 
plütôt le Salpètre & le Sel Marin bien formés & bien diflinés, 
& de plus un Tartre vitriolé. Comme le Tartre vitriolé eft 
un Acide du Vitriol engagé dans un Sel Alkali fixe, -les 
trois Acides Minéraux, celui du Salpètre, du Sel Marin, 
& du Vitriol, {ont donc en même temps contenus dans une 
même Plante, ce qui peut paroître remarquable. Ce n'eft 
pas cependant que le Tartre vitriolé exifte naturellement 
tout formé dans la Bourache, il s’y forme de l' Acide vitrio- 
lique dégagé par les opérations que l'on a faites, & du Sel 
Alkali que la Plante fournit. 


V. les M. 


p:I1O1I. 


* p°122, 


* p. 68. 
P 
& fuiv. 


* p. 52e 
& fuiv. 


8 HisToiRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

M. Boulduc ne doute pas que beaucoup d’autres Plantes 
traitées comme la Bourache, ne donnent les mêmes prin- 
cipes. Mais y aura-t-il une différence fenfible entre les prin- 
cipes des Plantes les plus différentes par les effets, des Plantes 
falutaires & des venimeufes? jufqu’à préfent on n’en a pas 
trouvé, peut-être eft-ce la faute des Analifes. M. Boulduc 
ne défefpere pas de pouvoir un jour décider la queftion. 
Si elle fe décidoit pour l'afhrmative, on y perdroit un para- 
doxe agréable, & qu’on peut aimer à faire valoir. 


SUR: LES SEM PD ER RNOLFER E: 


TOus avons dit en 1730*, que M. le Févre, Médecin 
d'Uzès, & Correfpondant de l'Académie, avoit en 
quelque façon changé le Soufre en Sel, ou tout au moins 
tiré un Sel du Scufre. De quelque façon que ce füt, la chofe 
étoit aflés nouvelle & aflés finguliére, pour mériter d'etre 
approfondie, & l'Académie ayant voulu fçavoir de M. le 
Févre tout le détail de fes procedés, elle les a fait répéter 
& examiner par Mr du Hamel & Grofle. Is accordent à 
M. le Févre que fon Sel en avoit effectivement affés la forme. 
C'eft une concrétion criftalline que M. Stahl a vüé, mais 
qu'il n’a traitée que de femblable à un Sel. Elle n'en eft pas 
réellement un, puifqu'elle ne fe diffout prefque pas à l'eau 
foit froide, foit chaude, fans compter un grand nombre 
d'autres épreuves que nous fupprimons, auxquelles elle ne 
répond point comme un‘véritable Sel. M.r: du Hamel & 
Grofle ne croyent pas même que ce foit un Sel Alkali, 
mais feulement un vrai Soufre allié d’un peu de terre, ou 
une efpece d'Æepar Sulfuris, de Foye de Soufre, fait avec 
la terre de la Chaux. Cependant il faut avouer que l’Acide 
du Soufre a un peu agi fur la terre à laquelle il s'eft uni, 
& y a fait une petite & légére diffolution, d'où il a réfulté 
quelque chofe de falin, mais en trop petite quantité pour 


permettre l'examen, quoique fon ait employé dans cette 


opération 


À DE SMS: c AICLE: s 
opération plus de Soufre que M. le Févre n’en demandoit. 

A l'endroit ci-deflus cité de 1730, nous avons dit que 
M. le Févre croyoit que les Eaux Minérales & Sulphureufes 
des environs d'Uzès s’étoient chargées d’un Sel femblable 
au fien. M.'s du Hamel & Grofle trouvent cette conjecture 
probable. D'un côté ils la fortifient par quelques raifonne- 
ments ou exemples, & de l'autre ils la reftraignent par quel- 
ques obfervations délicates. En même temps ils ont rendu 
compte à l'Académie de leurs expériences fur des matiéres 
tirées de ces Eaux minérales, & envoyées par M. le Févre. 


SUR LE SUBLIME CORROSIF. 


. A le monde fçait que le Sublimé corrofif eft un 
Mercure tout pénétré des pointes d'un Acide. Le 
Mercure très-volatil par lui-même séleve facilement à la 
moindre chaleur, & comme il eft alors hériffé, armé d’une 
infinité de pointes pénétrantes & incifives, il eft propre à 
des actions vives, & en quelque forte pénibles que d’autres 
Agents n'exécuteroient pas, à détruire des chairs baveufes, 
à emporter de vieux ulcéres, à faire tomber des Efcarres, &c. 
Ce même Sublimé corrofif, adouci, refrené, & devenu ce 
qu'on appelle Mercure doux, où Panacée Mercurielle, eft un 
excellent remede interne, néceflaire dans une Maladie qu'on 
f plaît à rendre fort commune. 

I feroit donc de l'intérêt public qu’on ne le fophiftiquât 
pas, & d'autant plus que fi on le fophiftique, ce fera par 
YArfenic, du moins eft-ce lopinion établie, & en ce cas 
ce remede feroit un poifon. En 1699*, on a vü que 
M. Barchufen avoit condamné une épreuve du Sublimé 
corrofif qui confifloit à y jetter de l'Huile de Tartre par 


V. les M, 
Pr299. . 


* p. 54e 


défaïllance, dans la penfée où l'on étoit que f1 le Sublimé 


étoit bon il rougiroit, & que s'il étoit altéré ïl noirciroit ; 
que M. Barchufen avoit foutenu que l'épreuve étoit inutile 


 & fauffe, parce qu'en y mettant quelque Sublimé que ce 
G | 


Hif. 1734 ; 


o HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

fût, il jaunifloit d’abord, puis rougifloit, & enfin expofé 
quelque temps à l'air, noircifloit; que feu M. Boulduc ayant 
répété les opérations de M. Barchufen, avoit trouvé qu'à 
la vérité Huile de Tartre faifoit le même effet {ur quelque 
Sublimé que ce füt, mais qu'il étoit faux que le Sublimé, 
quel qu'il fût, noircit à la fin. I ne sagifloit que de cette 
derniére circonftance entre M. Barchufen & Boulduc, du 
refte ils convenoient fur l'inutilité de l'épreuve, ce qui étoit 
l'efléntiel. 

M. Boulduc ne s’étoit pas tout-à-fait fié à M. Barchufen 
für les faits, M. Lémery ne s’eft pas fié non plus à M. Boulduc, 
& s’eft engagé dans un long travail, dont tout le but a été 
de connoître bien fürement les changements de couleur qui 
arrivent au Sublimé corrofif par l'Huile de Tartre. Dès que 
les opérations font délicates, les plus habiles gens, en fup- 
pofant toüjours toute la bonne foi qui convient à leur ca- 
ractere, fe défient légitimement les uns des autres, & veulent 
voir par leurs propres yeux; on ne fe fert que trop de ceux 
d'autrui. Quand M. Lémery commença à examiner cette 
matiére, il sapperçût bien vite que le fait avancé par M. 
Boulduc contre M. Barchufen étoit fort douteux, cependant 
TAcadémie Favoit vü, à ce que rapportoit fon Hifloire, 
ainfi il étoit important pour elle que ce fait füt approfondi, 
ne fût-ce que pour le retraéter, s’il le falloit, & ne pas donner 
lieu au Public de tomber dans une erreur. 

Comme M. Lémery s’attendoit bien que les expériences 
varieroient beaucoup felon les différentes circonftances, que 
peut-être fe contrediroient-elles, de forte que ceux qui au- 
roient affirmé & nié auroient raifon en même temps, il a 
voulu embraffer fon fujet dans une certaine généralité à 
laquelle il füt difficile que rien échappât. D'un côté le Sublimé 
corrofif {e peut faire de différentesfaçons, de l'autre on peut, 
pour l'épreuve, y verfer d'autres Alkalis que l'Huile de Tartre, 
toutes ces différences vont être confidérées. 

On peut faire le Sublimé avec le Mercure, ou crud & 
coulant, ou déja pénétré des Acides Nitreux, ou vitrioliques. 


DES SCIENCE s. st 
Le Sel Marin y eft toûjours abfolument néceffaire. Dans 
certains procedés on ne peut fe pafler du Vitriol, dans d’autres 
il facilite l'opération, mais il eft abfolument inutile quand 
le Mercure eft déja pénétré d'Acides Vitrioliques. 

On peut verfer fur le Sublimé, non-feulement l'Huile de 
Tartre, mais de la Solution, ou de Sel de Soude, ou de 
Cendres gravelées, ou de Potaffe, ou de tel autre Alkali 
de cette nature qu'on voudra. M. Lémery a porté le fcrupule 
fi loin fur cet article, qu'il diftingue entre les premiéres 
Solutions de ces Alkalis, & les fecondes, qui fe font en faifant 
évaporer les premiéres, & rediflolvant leurs Sels. Le fcrupule 
eft d'autant plus grand que la différence des premiéres & 
des fecondes Solutions eft ordinairement aflés légére. Nous 
paflons fous filence beaucoup d’autres attentions ; comme 
celle de remarquer f1 le Tartre étoit anciennement ou nou- 
vellement fait. On fçait aflés que des-changements de cou- 
leur tiennent ordinairement à des caufes aflés imperceptibles, 

11 femble que M. Lémery fe foit plu à épuifer toutes les 

-combinaifons qui fe pouvoient faire des différents Sublimés 
avec les différents Alkalis, le tout jufque dans les plus petites 
circonftances qui pouvoïent donner lieu à quelque diverfité, 
I réfulte de ce détaïl prefque immenfe, 1.° Que dans toutes 
les expériences le noir dont il s’agit ne manque prefque 
jamais de paroître, mais ordinairement précédé du rouge, 

_ qui l'avoit été du jaune. 2.° Que quelquefois ce noir paroît 
attaché au corps du Mercure, & quelquefois ne confifte 
qu’en ‘une efpece de pouffiére qui-nage dans la liqueur où 

eft le Mercure, & qui eft venuë comme par hazard à ren- 
contrer fa furface, & à s’y attacher légerement. 3.° Que fur 

: 1e Mercure uniquement pénétré des Acides Nitreux la fuc- 
ceffion des trois couleurs peut être fi prompte que l'œil ait 
Peine à la fuivre, de forte que l’on ne croira voir que le 

noir, & cela dès le premier inftant. 4.° Que cette fucceffion 
peut être auffi extrêmement lente, de forte que le noir ne 

* paroïtra qu'au bout de 24 heures. $.° Qu'en ce cas-là ï eft 

plus ou moins fort. 6.” Qu'un Sublimé corrofif fait par 
G ïi | 


* V_PHift. 
de 1700. 
P. 56. 


V. les M. 
P- 417: 


52 HISTOIRE DE L'ÂCADEMIE ROYALE 
M. Lémery fans mélange d’Arfénic, a fait voir d'abord du 
noir, qui n'a été précédé ni de rouge, ni de jaune, 

Par-à £ découvre aifément a fource des erreurs où l'on 
peut être tombé. On aura fait des expériences où l’on n'aura 
pas vû le noir, parce qu'on ne laura pas attendu aflés long- 
temps, & on aura conclu généralement qu'il n'en paroifloit 
point. Dans d'autres expériences on aura vû ce noir paroître 
tout d'abord, & fi on a été prévenu de Ja conclufion tirée 
des expériences précédentes, on aura jugé qu'on étoit dans 
un cas extraordinaire, & que le Sublimé étoit fophiftiqué 
par de l'Arfénic. I eft donc préfentement bien fur que le 
noir ne porte fur ce point aucun indice. 

On pourroit avoir la curiofité de fçavoir d'où il vient, 
M. Lémery croit que c'eft en partie cette matiére terreufe 
que feu M. Homberg tiroit, mais en petite quantité, du 
Mercure le plus net *, elle noircifloit l’eau où on f'avoit 
jettée. Comme elle eft aflés finguliére, & qu'il eft aflés fur= 
prenant qu'elle fût contenuë dans le Mercure, M. Homberg 
n'épargnoit point fon temps ni {es peines pour la forcer à 
fe montrer, mais M. Lémery en eft venu à bout par un 
procédé infiniment moins long & moins pénible. Peut-être 
quelque autre matiére provenuë des Alkalis aïde-t-elle à la 
production du noir dans le Sublimé corrofif, : 


SUR L'EMETICITE DE L'ANTIMOINE, 
DU TARTRE EMETIQUE 
- ET DU KERMES MINERAL. 


’ANTIMOINE eft un remede dont la bonté feroit 
prefque fuffifamment prouvée parles puiflants obflacles 
qu'elle lui a fait furmonter. Il eft moderne, & il ne refte 
plus qu'à lui donner la précifion moderne, dont jufqu'à 
préfent il a befoin, car on ignore aflés quel eft le degré de 
force des différentes préparations qu'on en fait; & comme 


à LA LD E: SU CORNE © € 53 
c'eft un remede violent, il eft dangereux qu'il agifle tro, 
dangereux même qu'il n'agifle pas aflés, & qu'il n'ait fait 
qu'une impreflion vive, & cependant inutile par rapport à 
ce qu'on s’étoit propofé. On envoye dans les Campagnes, 
par ordre du Roi, des Remedes Antimoniaux bien faits, 
mais fouvent différemment faits, & dont ceux qui les em- 
ployeront ne peuvent connoître les différentes vertus. C’eftà 
ce que M. Geoffroy a entrepris de régler autant qu'il étoit 
poñlible. 

Selon lui l’Antimoine eft compofé d’une Terre métallique 
sitrifiable, d'un Acide vitriolique femblable à l'Efprit de 
Soufre, & d’une matiére bitumineufe ou huileufe qui avec 
cet Acide peut former un Soufre commun brülant. 

. Le Soufre commun n’eft certainement pas émétique, 
TAcide vitriolique, quoiqu'uni à des liqueurs huïleufes, ne 
Yeft pas non plus, l’Antimoine réduit par la plus violente 
calcination à une fimple Terre, cefle d'être émétique ; en 
quoi confifte donc fon éméticité, quand il eft en fon entier? 
T1 faut que ce foit dans l'union de quelques principes, & 
puifque celle de l’ Acide avec une matiére fulphureufe ne feroit 
rien, c’eft donc celle du Soufre avec la Terre vitrifiable. Ce 
Soufre étendu, rarefié par la chaleur, prêt en quelque forte 
à prendre feu, enlevera les petites parties de la Terre, qui 
par leur roideur picotteront, ébranleront les Nerfs, & exci- 
teront le vomiffement. 

: HA faut por cela que la quantité du Soufre foit en une 
certaine proportion avec celle de la Terre. Trop de Soufre 
envelopperoit toutes les particules de la Terre, & leur feroit 
un enduit mollafle, qui les empêcheroit d'agir aflés vive- 
ment. Dei vient que le Régule d'Antimoine, qui n'eft autre 
chofe que ce Minéral dépouillé d’une partie de fes Soufres, 
eft plus émétique que l'Antimoine crud, & que le Verre, 
plus parfait à cet égard que le Régule, eft encore plus émé. 
tique. Si enfin ce n’étoit plus qu'une pure Terre fans Soufres, 
il n'y auroit plus d'éméticité, puifque les parties de cette 
Terre, quelque dégagées qu'elles fuffent, de a plus 

: iij 


% 
p- 50. 
& fuiv. 


$s4 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 
de véhicules pour les enlever, & les mettre en action. 

IL eft prouvé par des expériences de M. Geoffroy, que 
dans le Tartre émétique qui fe fait avec la Crême ou les 
Criflaux du Tartre unis à l’Antimoine, il y a un Acide 
végétal qui fe charge de la partie réguline de YAntimoine, 
la corrode, & Ia rend par-R plus propre à picoter le genre 
Nerveux. L 

Mais comme enfin c’eft dans l'Antimoine que réfide la 
vertu émétique, plus il y aura dans un Tartre émétique de 
ce qui rend FAntimoine émétique, c’eft-à-dire, plus la quan- 
tité de fa partie réguline fera forte par rapport à l'autre, feu- 
lement pourtant jufqu'à un certain point, plus ce Tartre fera 
émétique. Ainft M. Geoffroy ayant trouvé le moyen de 
mefurer la quantité de partie réguline d’Antimoine qui fera 
dans un T'artre émétique quelconque, il fçaura combien ce 
Tartre eft émétique, & quel eft le rapport de-fa force à 
celle de tout autre. Nous n'entreprenons point le détail des 
expériences & des faits, qui doit être réfervé à M. Geoffroy. 

Il traite auffi du Kermès Minéral, autre préparation d'An- 
timoine dont nous avons parlé en 1720 * fous le nom de 
Poudre des Chartreux. Le Kermès ne doit pas être aufii vo- 
mitif que lAntimoine, ou Ie Tartre émétique, on veut 
mème le plus fouvent qu'il ne le foit pas, qu'il ne foit qu'un 
fondant , un purgatif doux, où qu’il n'agifle que par tranfpi- 
ration. L'opération qui le produit confifte à tirer, du moins 
on le croit communément , un Soufre de l’Antimoine par 


Je moyen de l'Alkali du Nitre fixé par les Charbons. Mais 


M. Geoffroy prétend que le Soufre brûlant de l'Antimoine 
à changé de nature dans le Kermès, & que la poudre qu'on 
a pü y prendre pour du Soufre, eft 11 partie métallique & 
réguline de lAntimoine. Et comme l'opération du Kermès 
Minéral demande beaucoup defoins qu'on peut n’y apporter 
pas toûjours , M. Geoffroy en propofe une équivalente à 
celle du Kermès, & bien plus facile, puifqu'on n'y employe 
que lAntimoine crud fans addition de matiéres étrangeres, 
qui multiplient néceflairement les attentions, & caufent tout 


DE SMS: CHRISINLC: ES 
l'embarras. Tout fe réduit à pulvérifer très-finement l'An- 
timoine, de forte que fa partie réguline foit prefque infini- 
ment atténuée ; on le reconnoït en ce qu'en applatiflant 
cette poudre avec un Couteau, on n’y voit plus au grand 
jour aucun brillant, tel que celui des Aiguilles ou des facettes 
de l'Antimoine. M. Geoffroy rend témoignage des expé- 
riences qu'il a faites ou qu'il a vüës de ce Remede, & avertit 
en même temps de ce qu'il faut obferver en le pratiquant. 
H y a toûjours une préfomption avantageufe pour ce qui 


eft plus fimple. 


MUR LE MLCREURE. 


UE a Chimie pût parvenir enfin à changer quelque 

Métal en Or, il eft fort douteux que ce füt un bien 
pour le Genre humain, ni même pour le Particulier qui en 
auroit trouvé le fécret. Mais certainement c'eft un grand 
mal que cette ancienne efpérance de le trouver, dont tant 
d'Impofteurs ont abufé pour engager des perfonnes crédules 
& avides, à des travaux infinis, & à des dépenfes ruineufes. 
Nous avons déja parlé ailleurs des fupercheries de la Pierre 
Philofophale*. Ce feroit rendre un grand fervice aux 
Hommes que de leur Ôter cette efpérance qui, pour le moins, 
a trompé jufqu'ici tous ceux qui s’y font livrés. 

Comme c’eft principalement le Mercure que l’on prétend 
transformer, parce qu'on le croit Ja bafe de tous les Métaux, 
M. Boërhave a travaillé fur le Mercüre de la même maniére 
que sil avoit été vivement perfuadé de la pofhbilité de fa 
transformation, & pofiedé de la plus forte paflion d'en venir 
à bout. I n’y a plaint ni foins, ni dépenfe, ni temps. Il 
faut en faire autant que les Alchimiftes pour être pleinement 
en droit de les condamner. 

M. Boërhave a pris du Mercure le plus pur, qu'il a encore 
purifié avec tout le foin poñlible, car nous ne répéterons pas 
après Jui le détail de {es opérations. Il la mis en digeftion 
|: 


V. les M, 
P: 539: 


* V. PHif, 
de 1722. 
p.37. & 
fuive 


56 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoYaALe 
fur un feu dont la chaleur élevoit le Thermometre à plus 
de 100 degrés, au lieu que dans les Mines où fe trouvent 
les Veines des Métaux, la chaleur n'eft guére que de 70, 
& pour imiter, autant qu'il fe pouvoit, la Nature qui appa- 
remment ne produit les Métaux qu'avec beaucoup de lenteur, 
il a tenu fon Mercure fur ce feu, toüjours égal, pendant 
plus de 15 ans. I eft vrai que les Alchimiftes difent qu'il 
en faudroit 1000, mais comment le fçavent-ils? & fi cela eff, 
le Mercure ne fera donc jamais transformé ou fixé en Métal 
que par une opération qui aura duré 1000 ans fans inter- 
ruption, qui aura commencé fous Charlemagne, & finira 
aujourd'hui, M. Boërhave ayant vü qu'au bout de plus de 
1 5 ans fon Mercure étoit toüjours auffi fluide & auffi volatil, 
qu'il ne s'y étoit fait aucune féparation que d'un peu de 
pouffiére noire flottante fur fa furface, mais qui {e revivifioit 
aifément en Mercure, qu'il ne paroïffoit pas la moindre 
génération d’un atome de Métal, pas le moindre commen- 
cement de fixation métallique, il en a conclu hardiment, 
& avec beaucoup de raifon, que le Mercure eft immuable, 
inaliérable, & ne peut jamais être que du Mercure, quoiqu'il 
puifle prendre des formes capables de le faire méconnoître, 
Dans tout le cours de opération, l'Air eut toüjours un 


accès libre au Mercure, & parce qu'on s’en peut prendre à 


cette circonftance de ce que le fuccès n’a pas été tel qu'un 
Alchimifte Feût defiré, M. Boërhave à répété l'opération 
avec des Vaifleaux bien fermés, & le fuccès en a été abfo- 
lument le même. A Ia vérité le temps ne fut que de 6 mois, 
mais il n'y avoit nulle apparence de rien efpérer d'un plus 
long temps. 
Hpourroit étre impoffible de changer le Mercure en Métal, 
& il ne le feroit pourtant pas que le Mercure uni à quelque 
principe inconnu, à quelque Soufre particulier, entrât dans 
la formation des Métaux, & en füt tiré par l'art de la Chimie. 
M. Boërhave ne laifie feulement pas cette reflource à ceux 
qui s’en flatteroient. Le Plomb feroit, felon eux, 1e Métaf 
qui rendroit le plus aifément fon Mercure, il a fait fur le 
4 Plomb 


D'EMSNS CAC E s7 
Plomb des opérations de près de 20 mois où rien n'a été 
oublié, & pas une goutte de Mercure wa paru. Ça été la 
même chofe avec l'Etain, qui devroit aufli permettre affés 
facilement à l'Art de pénétrer jufqu'à fes principes. 

Mais le Mercure, felon quelques-uns, n’entre pas feulement 
dans la compofition des Métaux, if eft auffi leur Diffolvant, 
c’eft une Eau où les Métaux naiflent, meurent, renaiffent, & 
peut-être par une longue digeftion du Mercure avec le 
Plomb, & par une diftillation violente, entreroit-il intime- 
ment dans le Plomb quelque portion de Mercure. L'opé- 
ration a été faite par M. Boërhave, elle a duré près de 3 
ans, & le poids du Plomb n'a point augmenté, quoique 
celui du Mercure fût un peu diminué. Il s’en étoit fait une 
très-petite diffipation, & fes yeux même appercevoient ce 
qu'il étoit devenu, mais le Plomb n'en avoit rien pris. Même 
fuccès fur Etain. 

_ Et fi Von croyoït que le mouvement feul, long-temps 
continué, püt faire difloudre Etain par le Mercure, M. 
Boërhave oppofe encore à cette erreur l'expérience d’une 
Bouteille pleine de Mercure & d'Etain, attachée à un Moulin 
à Foulon qui travailloit nuit & jour fans relâche, & dont 
elle a fuivi le mouvement pendant près de 2 ans. Ï s’étoit 
tout au plus détaché de Etain quelques petites parties ful- 
phureufes & grafles qui s'étoient unies au Mercure, mais 
ni le Mercure ne les avoit difloutes, ni elles ne s’'étoient 
changées en Mercure. Les vrais Chimifles ne laïfferont aux 
Alchimiftes que le refuge d'une opiniâtreté invincible, re- 


fuge toûjours ouvert à qui veut en profiter, & où en efet . 


une infinité de gens fe cantonnent fiérement. 


Ous renvoyons entiérement aux Mémoires 
L’Ecrit de Mr: du Hamel & Groffe fur une Liqueur 
très-volatile, nommée E#her. 


Celui de M. Petit le Médecin fur 'Analife des Plâtras, 


Hifi. 1734 ; H 


V. les M, 
P- 41. 
p. 380. 


V. les M. 
P: 149: 


p. 196. 


P- 369- 
p- 405- 


P: 527- 


s3 H1STOIRE DE L'ACADEMIE RoYaALE 


ETS RS NN EN TAN 


RS 2 A X SFY 4 N S & 3 
RDA RG RO A RUR RUAT RU RTANTA RUE 


BOTANIQUE. 


Marchant a 1 la defcription du Zribulus terreftris, 
. Cüceris folio, frutlu aculeato. Cafp. Bauh. Pin. 3 50. 
Tribule. 
Et du Senecio minor vulgaris. Cafp. Bauh. Pin. 131. 


Senecon. 


DE 0 TT ET 0 0 NT 0 En QUE 0 ET ET 
SR me ne memes ne ms = — me = 


AT 0 El APRES EE 0 EG ER D SO IS ES 


GEOMETRIHE. 


à Nés renvoyons entiérement aux Mémoires 

L’'Ecrit de M. Bouguer fur les Courbes propres à 
former les Voutes en Dome. 

Celui de M. Clairaut fur des Courbes dont la propriété 
confifte dans une certaine relation entre leurs Branches expri- 
mée par une Equation donnée. 

Celui de M. Fontaine fur les Courbes Tautochrones. 

Un Probleme de M. Pitot fur le Point d'où l'on verra 
fous des angles égaux quatre points donnés. 

L'Ecrit de M. Fontaine fur la Courbe décrite par le 
fommet d’un Angle dont les côtés toucheroient continuel- 
lement une Courbe donnée, & réciproquement, &ce 


p 531. Celui de M. Clairaut fur le même fujet: 
p.538. Et une Réponfe de M. Fontaine. 


ES e 


D'Eisw S CH E UN: C:E-$ s9 


SÉRRARNNREN NN 
ASTRONOMIE. 


SUR LA DETERMINATION. 
DE LA FIGURE DE LA TERRE 
PAR LA PARALLAXE DE LA LUNE. 


O° ne voit peut-être pas du premier coup d'œil comment 


la Parallaxe de la Lune peut tirer à conféquence pour p. 1. 


la figure de la Terre. La Parallaxe de la Lune mefure la 
diftance de la Lune à la Terre, c'eft à cela uniquement 
qu’elle a été employée de tout temps par tous les Aftronomes, 
mais cette diftance de la Lune à la T'erre, quel rapport a-t-elle 
à la figure de.la Terre? par où deux chofes de nature.fi 
différente peuvent-elles fe trouver liées? on le va voir d’après 
M. Manfredi quides a rapprochées par un tour aflés fubtil, 
mais folidement fubtil, car autrement l'infléxible Géométrie 
ne lui feroit pas de grace. 

La Parallaxe, ou plus précifément le Triangle Paralladtique 
eft formé de trois droites dont deux font un angle au centre 
de la Lune, da premiére étant tirée du centre de la Terre, 
& la feconde d’un point quelconque de a furface de la Terre 
où fe trouve l'Obfervateur ; quant à la troifiéme droite, bale 
. de l'anglede la Parallaxe au centre de la Lune, c’eft néceffaire- 
ment un demi-diametre de la Terre, puifque c’eft une ligne 
qui joint le centre & un point de la furface. 


Ce néceffairement fappofe que la Terre foit fPhérique, 


comme on l'a d'ordinaire fuppolé jufqu'à ces derniers temps, 
fans héfiter le moins du monde, mais fi cela n’eft pas, il 
arrive quelque changement dans le Triangle Parallaétique, 
& c'eft-là le fin de la Théorie de M. Manfredi. 

H ij 


V. Les M. 


À 


6o HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

IL eft clair qu'il faut que ce Triangle foit dans un plan 
Vertical pour l'Obfervateur, & qui pate par fon Œil, & 
par le centre de {a Lune. Ce plan eft donc perpendiculaire 
à la furface quelconque de la Terre Sphérique ou Elliptique. 
Dans cette incertitude on ne peut plus compter que ce plan 
continué au dedans de la Terre aille à fon centre, ni que 
par conféquent la bafe de l'angle de la Parallaxe foit, comme 
elle l’étoit, un demi-diametre de la Terre. On ne fçait pas. 
même jufqu'où il faut continuer ce plan, où il faut le borner 
pour y trouver la nouvelle bafe qu'on cherche. Dans la figure 
Sphérique on étoit bien für qu'il falloit s'arrêter au centre. 

L’'Analogie feule fait voir que dans la figure Elliptique 
il ftudra s'arrêter à l'Axe autour duquel aura tourné l'Ellipfe 
qui a produit, par fa révolution, la furface à laquelle le plan 
dont il s'agit eft perpendiculaire. Il n’eft plus queftion que 
de connoiître les lignes qui, dans ce plan, feront les bafes de 
Fangle de la Parallaxe felon les différents cas. 

Qu'on imagine une Ellip{e infmiment allongée, ou dont 
le petit axe foit infiniment petit, le grand étant fini, il eft 
vifible que les perpendiculaires tirées fur cette Ellipfe qui 
ne fera alors qu'une ligne droite, ou fon propre.grand axe, 
tomberont toutes fur des points différents de cet axe, &r 
toutes enfemble en occuperont toute l'étenduë. Si le petit 
axe devient fmi, quelque petit qu'il foit, l'Ellipfe devient 
une Courbe, les perpendiculaires qu'on lui tire, & qu'on 
prolonge jufqu'au grand axe, n’en occupent plus toute l'é- 
tenduë, & en laiflent les deux extrémités vuides. Les portions 
de ces perpendiculaires comprifes entre la Courbe & fon 
grand axe commencent à être finies, la plus grande eft au 
milieu du grand axe, & de-là les autres des deux côtés vont 
en décroïffant. Celles de chaque côté appartiennent au quart 
d'Ellipfe qui leur répond. Sie petit axe croît encore, les 
perpendiculaires tiennent moins d’étenduë fur le grand axe, 
& fe ferrent davantage vers le milieu, leurs portions font 
plus grandes, mais toüjours difpofées dans le même ordre, 
& croiflantes ou décroiffantes de même. Que fi enfin le 


DES SCIENCE Ss. 6x 
petit axe devient égal au grand, auquel cas 'EÏip£ eft un 
Cercle, les perpendiculaires qui s’étoient toûjours jufques-là 
ferrées de plus en plus vers le milieu, fe ferrent enfin infi- 
niment, puifqu'elles concourent à ce milieu, ou au centre, 
& toutes les portions inégales de perpendiculaires deviennent 
égales, & des rayons d'un même Cercle. 

Si après cela il arrive, ce que j'appellerai la 24° }iporhefe 
par rapport à la 7’ qu'on vient de voir, que l'axe jufqu’à 
préfent plus petit ou égal à l’autre devienne plus grand, les 
portions de perpendiculaires qui avoient toüjours avancé 
vers le centre, & enfin s’y réunifloient toutes, commencent 
à pañler au delà, & à tenir plus d’étenduë fur l'axe où elles 
tombent, de forte que celles qui viennent d’un certain quart 
de l'Ellipfe tombent fur une partie de l'axe qui appartient au 
quart fuivant. Cela ne fe trouvoit jamais dans la 1° hipo- 
thefe, où toutes les portions de perpendiculaires d’un quart 
d'Ellipfetomboient en de-cà de celle du milieu la plus grande 
de toutes ; au contraire dans la 24e hipothefe elles pañlent 
au de-là, & par conféquent font plus longues que celle du 
milieu, & vont en croiffant vers les deux extrémités de l'axe 
qui a été déterminé. 

I eft vifible que la 1° hipothefe eft celle de la Terre 
Sphéroïde allongé, & la 2de, celle de la Terre Sphéroïde 
applati ; la Sphere eft entre les deux. L’'Axe de la Terre 
auquel il faut tout rapporter, n’eft point indéterminé, comme 
ille feroit dans une figure purement géométrique, c’eft ici 
celui de la révolution diurne d'Orient en Occident ; s’il eft 
plus grand que fon conjugué, qui eft le diametre de l'Equa- 
teur, la Terre eft un Sphéroïde allongé ; s’il eft plus petit, 
elle eft un Sphéroïde applati. 

L'Obfervateur de la Parallaxe de la Lune étant dans un 
plan vertical fur un point de Ja furface de la Terre, la ligne 
comprife dans ce plan, & qui va de ce point jufqu’à l'axe 
de la Terre, eft la bafe de l'angle de la Parallaxe, c'eft elle 
qui mefure la différence du centre de Ja Lune và d’un point 
de la furface de la Terre au même centre vû d'un point 


H iij 


# p. 100. 


62 HisTôiñe DÉ L'ACADEMIE Roôyare 

correfpondant de l'axe. Plus cette bafe eft grande, plus La 
Parallaxe eft grande. I ne s’agit ici que de Ia Parallaxe hori- 
fontale, la plus grande de toutes. C’eft bien tout ce que peut 
füire la plus grande Parallaxe que de fuffre au deffein préfent. 

Si la Terre eft Sphérique, fur quelque point de fa furface 
que J'Obfervateur foit pofé, la bafe de angle de là Parallaxe 
eft toûjours un demi-diametre de la Terre, & par conféquent 
les Parallaxes font toûjours égales, bien entendu que la Lune 
ne sapprochera, ni ne s'éloignera de la Terre, où qu'on 
tiendra compte de ce changement de diftance. On ne confi- 
dére que les changements qui arriveront par les différentes 
pofitions de FObfervateur fur la furface de la T'erre, & parce 

ue l'on ne concevoit la Terre que Sphérique, on n’a pas 
dû penfer jufqu'à préfent que ces différentes pofitions euflent 
aucun effet par rapport à la Parallaxe de Ia Lune. 

Si la Terre eft un Sphéroïde allongé, & que l'Obferva- 
teur, placé d’abord fur un point de l'Equateur terreftre, aïlle 
toûjours enfuite vers un Pole, faifant, fi l’on veut, diverfes 
Stations, il eft clair par ce qui a été dit, que la bafe de 
Vangle Parallaétique qu'il obfervera, diminuera toüjours, & 
que ce fera le contraire fi la Terre eft un Sphéroïde applati. 

Donc on peut reconnoître par les Parallaxes horifontales 
de l1 Lune obfervées en différents lieux, fi la Terre eft une 
Sphere ou un Sphéroïde, & fi ce Sphéroïde eft allongé où 
applati. 

Plus deux obférvations feroient faites dans deux lieux 
éloignés en latitude, plus la conclufron qu'on en tireroit 
feroit füre. Il feroit même à fouhaiter qu’ils euflent la mêmé 
longitude. M. Manfredi juge que la meïlleure méthode pour 
obferver des Parallaxes, eft celle des Parallaxes horaires in- 
ventée par feu M. Caflini, & que nous avons expliquée 
en 1706 *. C'eft donc cellé qu'il voudroit qu'on employât 
pour 1 Lune. Refte à fcavoir fr elle donneroit une aflés 
grande précifion , & des réfultats aflés fenfibles. M. Manfredi 
fait le calcul des erreurs inévitables aux meilleurs Obferva- 
teurs, ou du moins des doutes qu'ils ne peuvent entiérement 


DE Su C PENCHE Se. 7 63 
lever, & on voit qu'il eft permis d'efperer ici une exacti- 
tude fuffifante; mais une méthode nouvelle & ingénieufe, 
demeurit-elle d’abord fans effet, à droit d’en attendre quel- 
ques-uns d’imprévûs, ou au moins aura-t-elle toûjours le prix 
que lui donnent fa nouveauté & fa finefle, 


SUR L'INCLINAISON DES ORBITES 
DES PLANETES 


Par rapport à l'E quateur de la Révolurion du Soleil. 


LAcés fur la Terre comme nous fommes, il faut que 

L_ toutes nos Oblervations, toutes nos Melures partent de 
ce point de vüë, de ce point fixe néceflaire, & que nous 
n'avons pas choif. Nous avons voulu fçavoir fi les autres 
Planetes, qui aufli-bien que la Terre tournent autour du 
Soleil, fuivoient ou ne fuivoient pas la même route, la même 
Oxbite que la Terre, & pour cela nous avons dû pofer la 
nôtre, notre Ecliptique, comme un plan unique ou principal 
auquel fe rapporteroient tous les autres, mais nous n’avons 
pas prétendu lui donner par-là aucun avantage, aucune pré- 
éminence réelle, & dès que l’on fçait que le Soleil tourne 
autour de lui-même, comme toutes les Planetes tournent au- 
tour de lui , on fent même avant que de raifonner, & par 


une efpece d'inftinét philofophique, que le grand Cercle de 


k révolution du Soleil, fon Equateur, fera le plan dominant . 


auquel il faudra rapporter ceux de toutes les autres révo- 
ltions. 

On avoit déja La pofition, l'inclinaifon de toutes les Or- 
bites des Planetes à l'égard de l'Ecliptique, & ce qui en eff 
une fuite néceffaire, les lieux de tous leurs Nœuds, c’efl-à-dire 
des points où FEcliptique ef coupée par ces différentes 
Orbites. On a {çû. par les Taches du Soleil que fon Equa- 
teur étoit incliné de 7° + fur le plan de l'Ecliptique, & que 


leurs Nœuds étoient au 10m des Gémeaux, & à lOppofite, 


V. les M. 
P. 107. 


x 0 . 
& Res 


64 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoyAzr 

Avec ces connoiflances & le fecours de la Géométrie, ‘on 
parviendra aflés facilement à tranfporter, pour ainfi dire, fur 
Equateur du Soleil ces mêmes plans qu'on n’avoit déter- 
minés que par rapport à lEcliptique, & on pourra même 
reconnoitre qu'on les a tirés d’un état qui ne leu“étoit pas 
naturel pour les y remettre. En effet la rotation du Soleil 
fur lui-même doit, felon toutes les apparences, être le prin- 
cipe de tout le mouvement de Tourbillon du SiftemeSolaire, 
& par conféquent toutes les Planetes doivent ou circuler 
toutes dans le plan de l'Equateur du Soleil, ou ne s’en laiffer 
que peu écarter par quelque efpece de violence. Or les 
Orbites des Planetes rapportées à l'Equateur du Soleil s’en 
éloignent prefque une fois moins de part & d'autre qu'elles 
ne s'éloignent de l'Etcliptique fi on les y rapporte. Elles font 
plus ferrées vers le plan d'où elles n'auroient pas dû fortir. 
H eft à remarquer que c’eft la Terre qui s’écarte le plus de 
cet Equateur, elle en eft à 7° +, & Mercure qui s’écarte 
le moins en eft à 3° 10". On entend aflés que ces plans 
tranfportés à l'Equateur du Soleil ne le coupent pas dans 
les mêmes points où ils coupoient notre Ecliptique, que les 
Noœuds d’une certaine Orbite qui étoient, fi Fon veut, au 


x d'Ariès, lorfqu'on la rapportoit à l'Ecliptique, n’y font 


plus, & en peuvent être même affés loin, lorfqu'on la rap- 
porte à l'Equateur du Soleil. 

I s'agit maintenant de fçavoir, & c’eft-là le plus fin de 
cette Théorie de M. Caffini d’après qui nous parlons, fi ces 
Noœuds ont un mouvement fur cet Equateur, & quel eft 
ce mouvement. Toute cette matiére des Nœuds eft aflés 
épineufe, ils pourroient être fans mouvement réel, & en 
avoir un apparent, ils pourroient en avoir un réel, & n'en 
avoir point d'apparent, ceux des Orbites des Planetes avec 
YEcliptique & leurs mouvements font très-diffciles à con- 
flater, & la difficulté doit être fans comparaifon plus grande 
pour les Nœuds de ces mêmes Orbites avec l'Equateur du 
Soleil. Tout cela va s'expliquer. 

Nous avons dit aflés au long en 1708 * comment l'axe 

de la 


D ESS CEMMCE S 6; 


de la Terre ou de l'Equateur terréftre tournant autour de 


Jaxe immobile de FEcliptique, caufoit apparence d'un 
mouvement que les Etoiles fixes auroïent fur les Poles de 


‘JEcliptique, en confervant toüjours & entre elles, & à 


l'égard de Ecliptique, les mêmes diftances. Chaque point 
du Firmament , fans avoir aucun mouvement réel, paroîtra 
donc décrire en un certain temps ou l'Ecliptique , OÙ UN 
Cercle parallele à l'Ecliptique. Or tout Nœud d’une Orbite 
de Planete avec l'Ecliptique eft un point du Firmament, 
donc fans avoir aucun mouvement réel, il en aura un appa- 
rent. On fçait que ce mouvement eft d'Occident en Orient, 
& des 1” feulement en une année. 

+ Si l'on concevoit que les Nœuds euffent un mouvement 


vréel égal à l’apparent que leur donne le mouvement de l'axe 


de l'Equateur terreftre autour de l'axe de l’'Ecliptique, mais 
que ce mouvement réel füt en fens contraire de l'apparent, il y 
auroit un mouvement réel qui ne feroit nullement apparent. 
Mais dans le 1°* cas tous les Nœuds m’auroient que le 
même mouvement, ce qui le rendroit bien légitimement 
fufpect de n'être qu'une apparence, & dans le 24 cas où tous 
des Nœuds feroient immobiles, on n’imagineroit guére qu'ils 
pufñlent avoir un mouvement réel, & il ne feroit nullement 
wvraifemblable qu'ils euflent tous le même, & que de plus 
ils l'euflent tous directement en fens contraire du mouve- 
ment apparent des Fixes. 
«+ Que les Nœuds ayent un mouvement réel, mais inégal 
à l'apparent des Fixes, plus vite ou plus lent que de $ 1" 
<nun an, & toùjours du même fens, alors le mouvement 
réel fe découvrira fûrement par fon inégalité à l’apparent des 
Fixes. S'il eft plus grand que‘de s 1” il fera toûjours direct, 
ou d'Occident en Orient; sil eft moindre, il paroîtra retro 
grade. Il fuffit qu'il  déméle, qu'il fe dégage de quelque 
façon que ce foit d'avec cet apparent qui pourroit l'effacer. 
D'ailleurs le mouvement réel des Nœuds fera différent en 
différentes Orbites, plus ou moins.vîte dans les unes que dans 
les autres, ce qui fera encore une grande marque de réalité.” 


He 173 4 : 


* 

p. IOÏ. 
& fuiv. 
2 Edit. 


66 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoyALE 

Auffi les Aftronomes en font-ils communément perfuadés, 
cependant on eft encore dans quelque incertitude fur ce fujet, 
faute de pouvoir déterminer affés exactement par les obfer- 
vations les mouvements des Nœuds. Comme ils ne font 
certainement que fort lents, il n’y a qu'une fuite de Siécles 
qui puifle les rendre fenfibles, & malheureufement on n’a 
pas lieu de f fier aflés aux anciennes obfervations, elles 
n'avoient pas la précifion néceflaire à cette recherche. I 
n'y a peut-être rien dans l'Aftronomie fur quoi les Aftro- 
nomes foient moins d'accord, parce qu'il eft aflés arbitraire 
d'adopter ou de rejeiter certains Elements qui entreront dans 
cette Théorie. 

Tout ceci n'eft que pour le mouvement des Nœuds des 
Orbites rapportées à notre Ecliptique, mais que fera-ce quand 
elles feront rapportées à l'Equateur du Soleil? les Orbites 
des Planetes & l'Ecliptique font connuës depuis un grand 
nombre de Siécles, il n'y a prefque qu'un Siécle que l'on 
connoît un Equateur au Soleil, & avec quelle fubtilité a-t-if 
fallu parvenir à déterminer la pofition de l'Ecliptique par 
rapport à cet Equateur! on en a vü l'hiftoire en 1701*, 
& pour peu qu'on y fafle réfléxion, on fentira fi les obfer- 
vations de ces différentes demi-Ellipfes, que les Taches pa- 
roiffent décrire fur le difque du Soleil, peuvent donner une 
grande précifion. On n’a même eu aucun autre moyen qui 
pût fervir concurremment avec celui-là, & y fuppléer. Si 
Jon ne connoît qu'à peine, & fans une entiére aflürance 
les Nœuds de l'Equateur Solaire avec notre Edliptique, & 
par conféquent avec les autres Orbites, comment découvrira- 
t-on aflés fürement fi ces Nœuds fe meuvent ou non? ce 
né fera du moins qu'à la faveur d’une longue fuite de Siécles. 

Si ces Nœuds font immobiles, nous leur verrons le mou- 
vement apparent de $ r” par an, que leur donnera, comme 
à tout le Firmament, le mouvement réel de l'axe de l'Equa- 
teur terreftre autour de l'axe immobile de l’Ecliptique. 

Si ces Nœuds fe meuvent réellement, il faudra concevoir 


que l'axe de l'Equateur terreflre fe meut autour de l'axe de 


PRES — 


Le CRE 


: 


DES S$S C'HEUMNICES 67 
FEdliptique, non plus immobile, comme il l'étoit, mais qui 
fe meut lui-même autour de l'axe immobile de Equateur 
Solaire. 11 eft aifé de voir la néceffité de ce changement, 
pourvû qu'on parte de cette confidération, que ce n’eft plus 
ici notre Ecliptique à laquelle on rapporte les pofitions & 
les Nœuds des Oxrbites des Planetes, mais l'Equateur du 
Soleil. Ainfi il n'appartient qu'à cet Equateur d’être immo- 
bile, & c'eft à notre Ecliptique, comme à toute autre Orbite 
dont il s'agira, à fe mouvoir autour de ni, puifqu'on fup- 
pofe que les Nœuds qu'elle a avec lui, fe meuvent réelle- 
ment, c'eft-à-dire, qu'elle va le couper fucceflivement en 
différents points. 

- | Dès que FEdliptique, ou plütôt fon axe, fe meut, il fe 
fait un grand changement dans le Ciel. Le mouvement des 
Fixes de 5 1” en un an, les laïfle toutes fur les mêmes Cercles 
paralleles à 'Ecliptique, parce qu'il fe fait fur l'axe immobile 
‘de YEdcliptique. La latitude ou diftance des Fixes à FEclip- 
tique demeure donc toûjours la même, mais non la longi- 
tude qui varie toüjours, & ne reviendra au même point 
qu'au bout de 25000 ans. Mais fi l'axe de l’Ecliptique & 


-meut, la latitude des Fixes change, quelque peu que ce foit 


en plufieurs années à caufe de la grande lenteur du mou- 
vement. 


+ Tycho-Brahé s’étoit apperçà de quelques variations de Ja 


latitude des Fixes, & Képler, pour expliquer ces variations, 
avoit ifnaginé l'hipothefe d’une rotation du Soleil dont l'axe 
auroit une certaine pofition par rapport à l'axe de l'Eclip- 
tique. H déterminoit mal cette pofition & le lieu des Nœuds, 
faute d'avoir connu ou aflés obfervé les Taches du Soleil; 
mais manquant de cette connoiffance, ä ne haïffoit pas d'aller 
bien près du but, & de deviner l'effentiel par la force de 
fon génie. On peut remarquer à {à gloire qu'il a beaucoup 
deviné, & merveïlleufement ; les deux Loïix, aujourd’hui 
fi fameufes & fr-bien établies dans 'Aftronomie Phifique, 
appartiennent à une efpece d’infpiration qu'il a eüë. 

++ On pourra donc un jour eonclurre des mouvements 

li 


68 HisToiRE DE L'ACADEMIE ROYAIE 
apparents des Fixes les mouvements réels, s'ils exiflent, des 
Nœuds des Oxrbites Planétaires avec l'Equateur du Soleil, 
En attendant des déterminations bien conftatées & irrévo- 
cables, M. Caffini en tire de deux différentes hipothefes, 
J'une de l’immobilité des Nœuds de FEcliptique , l'autre de 
leur mouvement égal en fens contraire au mouvement appa- 
rent des Fixes. Certainement il arrivera de grands change- 
ments dans le Ciel, & ce feront des fpectacles intéreffants 
pour les Aftronomes, leur curiofité impatiente les prévient 
autant qu'elle peut. 


SUR L'ATMOSPHERE DE LA LUNE. 
F5 Philofophes inclinent aflés unanimement à ne point 


donner d'Atmofphere à la Lune, mais ce n'eft pas 
encore une queftion tout-à-fait décidée, on y a fait entrer 
plufieurs conjeétures différentes, & M. Grandjean prétend 
l'amener à des termes plus précis, en ne la traitant que par 
Géométrie. 

Si la Lune a une Atmofphere, fon diametre apparent, 
&, pour mieux dire, la circonférence apparente de fon difque 
en eft augmentée, fur-tout quand elle eft pleine, & cette 
augmentation fera proportionnée à la hauteur de cette At- 
mofphere. Si elle doit avoir un éclat différent de celui du 
corps de la Lune, du moins lui verra-t-on une efpece de 
bordure qui fe fera remarquer. Or le diametre de la Lune 
pleine n’eft jamais que ce qu'il doit être par rapport à la 
diftance où la Lune eft de la Terre, nulle augmentation 
d’ailleurs, point de bordure au difque. r 

Si la Lune a une Atmofphere, cette Atmofphere fera 
certainement plus denfe que l'Ether, fans quoi elle ne feroit 
pas Atmofphere, elle rompra donc les rayons du Soleil en 
les approchant de la perpendiculaire, c’'eft-à-dire, en leur 
donnant plus de direction qu'ils n'en avoient vers le centre 
du globe total de la Lune & de fon Atmofphere, ces rayons 


DES ScCcreNcCE < 6ÿ 


ainfi rompus, entreront dans l’efpace qui ne devroit être 
occupé que par l'ombre de la Lune éclairée de l'autre côté 
par le Soleil, l'efpace occupé par l'ombre eft donc diminué, 
& fi la Terre y doit pañler, ce qui arrive dans nos Eclipfes 
de Soleil, l'Eclipfe en commencera plus tard, & finira pluf- 
tt, ou fera plus courte qu'élle n'eût été naturellement. Or 
c'eft ce qu'on ne remarque point, même en le cherchant, 
lEclipfe eft toûjours conforme au calcul Aftronomique, qui 
n'a point fuppofé d'Atmofphere à la Lune, ou fi elle n'y efE 
pas exaétement conforme, on s'apperçoit aifément qu'il a 
tenu à quelque autre chofe. 

Si les Eclipfes de Soleil étoient accourcies par l'Atmo- 
fpheré de la Lune, ïl y auroit telles circonftances où une 
Eclipfe qui auroit du être très-courte, ne feroit point. 

H en faut dire autant des Eclipfes des Fixes par la Lune, 
fon Atmofphere les accourciroit. 

Rien de tout cela n'arrive, & par conféquent la Lune n’a 
point d’'Atmofphere, ou elle en a une qui nous eft infen- 
fible, foit par fon peu de hauteur, foit par la foiblefe de 
fes réfrattions. 

Voilà les raifonnements fur ce fujet qu'on peut appeller 
géométriques, & qui le font encore beaucoup plus de Ia 
maniére dont M. Grandjean les traite. Mais il y en a d’autres 
phifiques, & qui par leur nature font plus douteux. Nous 
avons rapporté en 171 $ * un des plus forts qu’on ait encore 
faits pour l’Atmofphere de la Lune, nous rapportâmes auffi 
une réponfe aflés fatisfaifante , mais il faut avoüer que ce 
nétoit-là que laifler ce point dans l'incertitude. Elle fera 
encore plus grande fi l'on ÿ veut joindre ce qui a été dit 
en 1723 * fur la maniére dont l'Ombre fe jette derriére les 
Corps éclairés. On y verra des accidents fi imprévûs, quoi- 
que réglés & conftants, & tout le géométrique tellement 
dérangé par le phifique, qu’on ne fe preffera pas de prétendre 
rien déterminer de fixe fur lexiftence ou 11 non-exiftence 
d'une Atmofphere de la Lune, & fur les chan gements qu'elle 
apporteroit aux phénomenes, 

\ üj 


* p- 49e 
& fuive 


* p. 90 
& fuiv. 


7o Histoire DE WACADEMIE Royare 


SUR LA GRANDEUR DES SATELLITES 
D'ENSSAEP IT ER 


UPITER, à caufe de fon grand éloignement, nous 
paroît fr petit, même avec les meïlleures Lunettes, & 


dans fà plus grande proximité de la Terre, qu'il a fallu que 


feu M. Cafini ait inventé une Méthode aflés fubtile pour 
déterminer précifément que fon diametre apparent étoit de 
5 1 Secondes. Que fera-ce donc de fes Satellites, qui font 
beaucoup plus petits ? Quelle induftrie pourra faifir les extré- 
mités de leurs diametres, en forte qu'il y refte un milieu 
fenfible ? 
. M. Caffini, à qui l'Aftronomie doit plufieurs Méthodes 
très-fines & très-ingénieufes, en a trouvé une pour la gran 
deur de ces Satellites. Ils paflent tous devant le difque lumi- 
neux de Jupiter, & difparoifient effacés par fa lumiére, 
quand ils y font entiérement plongés, mais ils font quelque 
peu de temps à s'y plonger, & autant à s’en dégager entié- 
rement. Leur mouvement étant alors fuppolé uniforme, & 
il le fera toùjours aflés pendant une fi petite portion de leur 
révolution autour de Jupiter, il eft certain que le temps 
qu'ils mettront à fe plonger entiérement dans le difque de 
Jupiter, ou à en fortir entiérement , fera au temps qu'ils 
mettront à pafler invifibles devant. le difque de Jupiter, f 
cependant ils ont paflé devant fon centre, comme leur dia- 
metre eft à celui de Jupiter, que lon connoiïtra d'ailleurs. 
La circonftance de pafier devant le centre de Jupiter eft 
rare. Ï left fort aufli que Jupiter foit dans fa plus grande 
proximité de Ja Ferre, c’eft-à-dire, en oppofition avec le 
Soleil, & en même temps dans fon Périhélie, car quand Ja 
Terre eft entre lui & le Soleil, ce qui fait fon oppofition, 
& approche beaucoup de 1 Ferre , il ne lui refte plus, 
pour être le plus près de la Terre qu'il fe puifle, que d’être 
aufli le plus près du Soleil. La réunion de ces circonftances, 


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D'E SMS COMEMMICiEL sr TT ex 
rares chacune en particulier, étant encore beaucoup pius 
rare, & cependant prefque abfolument néceffaire pour la 
détermination des grandeurs des Satellites, il n’eft pas éton- 
nant que l’Aftronomie héfite encore fur ce fujet. 

M. Maraldi avouë qu'il y a travaillé fans fuccès. Souvent 
le Satellite qu'il fuivoit n’étoit pas à moitié plongé dans le 
difque de Jupiter, qu'il devenoit invifible, parce que fa 
partie qui auroit dû encore fe faire voir étoit trop petite 
étant feule. Souvent c'étoit la même chofe renveriée dans 
une Eméifion , une partie déja fortie n’étoit pas aflés grande 
pour être vüë. Cependant M. Maraldi trouve dans les Re- 
giftres de l'Obfervatoire des Obfervations aflés exactes fur 
ces Immerfions & Emerfions, & principalement trois de feu 
M. Cafini en 169$ fur les trois 1°"s Satellites. Parà les 
diametres du 1°° & du 24 font à celui de Jupiter comme 1 
à 20, & celui du 3° comme 1 à 18. Le 4me Satellite 
manque à cette Théorie, mais M. Maraldi fupplée par un 
autre tour au défaut d’obfervations pareïlles, & trouve le 
diametre de ce Satellite comme celui des deux rers. Le 3me 
Satellite eft donc le feul inégal, & il eft le plus grand. Si 
nous voyions de Jupiter les trois qui nous paroiïffent égaux, 
ils cefleroient apparemment de l'être. 

On ne doute plus préfentement que le diametre de Ju- 
piter ne foit dix fois plus grand que celui de la Terre, ainfi 
le diametre du plus grand Satellite eft à celui de la Terre 
comme 10 à 18, ou 5 à 9. H eften même temps beaucoup 
plus grand que celui de la Lune, qui n'eft à celui de la 
Terre qu'environ comme r à 4. 

S'il éft encore néceflaire de prouver combien les obfer- 
vations des Satellites font délicates, nous rapporterons une 
remarque de M. Maraldi. De ces obfervations que l'on à 
faites en même temps à Greenwich & à FObfervatoire, on 
en a tiré la différence de ces deux Lieux, & ïl fe trouve 
que cette différence eft toûjours plus grande par les Immer- 
fions que par les Emerfions comparées enfemble, & c’eft 
dans un très-grand nombre de comparaifons que cela fe 


\ 


V. les M. 
P:409e 


73 Histoire DE L'ACABEMIE Rovatr 
foûtient toûjours. I! y a de l'erreur de l'un des deux côtés, 
& une erreur d'habiles gens, c'eft tout ce que nous voulons 
conclurre, quoique M. Maraldi conjeéture aflés finement 
de quel côté elle vient. 


SUR UNE NOUVELLE METHODE 
POUR TROUVER 


DA-C H AU EU RADU. P 0 LE 


|: y a deux Méthodes principales pour déterminer la 
hauteur du Pole, ou 1a latitude d’un Lieu. 

La 1e eft par les hauteurs Méridiennes du Soleil, ou de 
quelque Etoile fixe. Le jour du Solftice d'Eté, où l'on fçait 
que le Soleil eft à 23 degrés de l'Equateur, car pour plus 
de facilité je ne prends que des nombres entiers, on a ob- 
fervé fa hauteur Méridienne de 6 3 degrés, delà on conclut 
que le Soleil eft éloigné du Zénit du Lieu de 27 degrés, 
27 & 23 font so degrés dont le Zénit du Lieu eft éloigné 
de l'Equateur , & c'eft-à fa latitude ou fa hauteur du Pole, 
Il eft clair que toute Fixe fervira au même ufage que le 
Soleil, pourvû que lon connoifie fa diftance à l'Equateur, 
ou fa declinaifon , comme l'on connoifloit dans cet exemple 
celle du Soleil. 

La 2de Méthode eft bornée aux Fixes circompolaires, c’ef- 
à-dire, dont on peut voir du Lieu où l'on eft une révolution 
entiére autour du Pole, ou qui ne fe couchent point. A une 
plus grande latitude on en voit toüjours un plus grand 
nombre. Elles ont dans une feule révolution deux hauteurs 
Méridiennes, l’une fupérieure par rapport au Pole, l'autre 
inférieure, on les a toutes deux par obférvation, on prend 
l'arc du Méridien compris entre elles, il eft für que le point 
du milieu de cet arc eft le Pole, & que la hauteur fupé- 
rieure obfervée moins la moitié de cet arc, ou l'inférieure 
plus cette même moitié eft Ja hauteur du Pole fur l'Horifon. 

Le 


DES SCIENCE Ss 73 

Le défaut de la premiére Méthode eft qu'elle demande 
la connoiffance exacte des déclinaifons, foit du Soleil, foit 
des Fixes, & les meïlleurs Aftronomes ne font pas d'accord 
entre eux fur ce point, fans compter que l’on commence à 
appercevoir dans les Fixes, des irrégularités , des changements 
de pofition qui, jufqu’à préfent, paroïflent fort bifarres.. I 
eft clair aufi que les hauteurs Méridiennes varient par es 
Réfractions, dont la jufte mefure ne pourra apparemment 
être jamais bien établie. Le feul remede feroit de prendre 
ces hauteurs fr grandes que les Réfraétions y puflent être 
negligées. x 

La 2de Méthode eft fujette auf aux Réfraétions, & c’eft 
fon feul défaut qui jufque-là lui eft commun avec la rere, 
mais elle a de particulier que comme il lui faut deux hauteurs 
différentes, elle tombe deux fois dans l'inconvénient des 
Réfractions qui même font inégales. 
* Hne faut pas croire cependant que quand les opérations 
font auf bien faites qu'elles peuvent l'être, fur-tout quand 
on en a fait un grand nombre pour un même fujet, if puiffe 
refter beaucoup d’incertitude. M.'s Caffini & Maraldi ont 
fixé la latitude de l'Obfervatoire à 48° so’ 10", M. de 
Hire à 48° 5 o' feulement, il ne s’agit que de 10”, de = 3 
du tout, mais M. Godin juge que comme une latitude eft 
un élement très-important qui entre dans une infinité de 
calculs, il eft bon de Favoir encore, s'il fe peut, dans une 
plus grande précifion, & il en a imaginé le moyen. 
 N choïfit une Etoile circompolaire dont la plus grande 
hauteur Méridienne foit telle que la Réfraction y foit nulle 
ou infenfible, & il prend exactement cette hauteur. L'Etoile 
étant en deçà du Pole par rapport à lObfervateur, & plus 
élevée fur FHorifon , il eft certain que fi de fa hauteur 
Méridienne connuë on ête fa diflance au Pole encore in- 
connuë, on aura la diftance cherchée du Pole à l'Horifon. 
Chaque Quart de l'Equateur, à compter d’un Méridien 
quelconque; eft égal à da diftance de Equateur au Pole, 
& de même à caufe de l'uniformité de la Sphere, chaque 


Hifl. 1734 K 


V. les M. 
P-4+34- 

* V.lHift. 
de 1733: 
P- 46 


H1isToIRE DE L'ÂCADEMIE ROYALE 
Quart du Parallele décrit par une Etoile en 24 heures, eft 
égal à la diftance de cette Etoile au Pole, puifqu'elle eft 
toüjours très-exactement pendant 24 heures fur la circon- 
férence de ce Parallele, düt-elle avoir d'ailleurs de grandes 
régularité. On la voit pendant toute une révolution, on 
peut donc la prendre & 6 heures avant, & 6 heures après 
{on paflage par le Méridien, elle aura décrit précilément la 
moitié de la circonférence de fon Parallele, il n’y a plus qu'à 
mefurer par les Inftruments la quantité de degrés de cet arc, 
dont la moitié {era la diftance de la Fixe au Pole. 

Il eft vrai que‘quand elle a été dans fes deux plus grands 
éloignements du Méridien, elle a dû être aflés bafle pour 
être fujette aux Réfractions, & alors par conféquent on l'a 
vûë trop élevée, & la moitié de fon Parallele à paru plus 
courte qu'elle n'étoit réellement. M. Godin n'a garde d'en 
difconvenir, mais il fait remarquer & prouve par un Exemple, 
que fes opérations le menent à um Calcul où l'erreur qui vient 
des Réfraétions mal connuës, eft la moitié moindre que celle 
qui naïtroit des opérations ordinaires. De plus il trouve la 
hauteur du Pole par une Etoile fixe, fans avoir befoin d'en 
connoître auparavant la déclinaifon. H femble préfentement 
que tous les grands pas font faits dans les Sciences, & qu'on 
ne peut plus avancer que par de petits pas, qui n'en feront 
que plus difficiles, & plus à eftimer. 


MUR LA. PER PE NET COTE A PRES 
A LA ME'RIDIENNE DE PARIS. 
cr qui fut commencé en 173 3 pour la Perpendiculaire 


à la Méridienne de Paris du côté de l'Occident *, a été 
continué & fini cette année du côté de l'Orient, quoiqu'au 


miliéu d’une Guerre très-vive. M. Caflini, parti de Paris à 


la tête de la même" Froupe que l'année précédente, à pouffé 
cette Perpendiculaire jufqu'à l'extrémité Orientale de la 
France, jufqu'à Strafbourg. 


DES SCTENCES. LA: 

Si lon fe fouvient de ce qui a été dit en1721* {ur +, 66 

cetté forte de travail en général, & dessattentions qu'iley & fuiv. : 
faut apporter, il ne reftera plus qu'à en faire l'application à 
quelques cas particuliers qui fe trouvérent dans ce dernier 
ouvrage; par-exemple, quand on fut fur les confins de da 
Lorraine & de l’Alface, la Perpendiculaire jetta les Géometres 
dans de grands Bois, où il n'y avoit ni Objets remarquables 
qui puffent être difingués des autres pour la foimation des 
Triangles, ni Routes par où d’autres que des Chafleurs 
puffent guére pañler, incommodités auxquelles on ne s'atten- 
doit point dans des païs tels que ceux-ci, & qu'on n'avoit 
oint encore éprouvées, du moins à ce point-à, dans de 
aréttes entréprifes. Il fallut fe faire & des Objets & des 
Routes, on fe partagea pour allumer en différénts endroits 
‘& en des temps dont on étoit convenu, de grands feux qui, 
par l'éloignement, n'étoient prefque plus que des points où 
fe forinoient des fommets d'angles. Quelquefois, quoiqu'il 
fuffit de partir d'une bafe aétuellement: melurée; après quoi 
tout le refte f éoncluoit par le calcul Trigonométrique, om 
à mefuré aétuëllement d'autres bafes où côtés de Frianglés 
pour fuppléer au défaut de quelque angle que l'on n'avoit 
pas, car fi lon n'a pas les trois angles d'un Triangle, il faut 
avoir plus d’un côté, 

‘On eft parvenu de, Paris à Strafbourg par une fuite de 
29 Triangles, ce qui eft remarquable, puifqu'il en a fallu 
3 0 pour aller feulement de Paris à Dunquerque. Nous avons 
dit en 1721 pourquoi le petit nombre de Triangles, & Ia 
grandeur'des angles font des avantages. Ici on a eu ces deux 
avantages à Ja fois, & ces grands Bois fi incommodes y ont 
apparemment contribué. On a été obligé de fe faire des 
Objets, & on fe les eft faits Les plus éloignés qu'on a PÜx 
& faifant entre eux les plus grands angles. 

* On à fini ce travail de la même maniére que les autres, 
par la mefure actuelle d'une bafe qui, fur une longueur de 
‘3 341 Toifes 4 pieds, ne s'eft trouvée que de 4 pieds plus 
courte que la bafe réfultante des 29 Te | ri 

| K ij 


6 Histoire DE L'ACADEMIE ROYALE 

La diftance de Paris à Strafbourg eft de 20 $ 120 Toifes 
en ligne droite, ce qui fait près de 90 Lieuës communes 
de 2282 Toifes. Cette même diftance prife fur la Perpen- 
diculaire n’eft que de 204990. Strafbourg eft au Midi de 
la Perpendiculaire, & en eft éloigné de 7326 Toiles, ou 
de plus de 3 Lieuës. 

Si aux 204990 Toiles de difance de Paris à Strafbourg 
prifes fur la Perpendiculaire, on joint les 148460 Toiles 
ou 6 5 Lieuës, qui font fur la même Perpendiculaire la diftance 
de Paris à Granville, on aura 353450 Toiles, ou près de 
‘155 Lieuës pour la longueur de cette ligne qui s'étend fu 
toute la France de l'Oueft à l'Eft en paflant par Paris. 

On avoit {a diftance terreftre de Paris à Strafbourg, il 
ne reftoit plus qu’à avoir la diftance célefle, c'eft-à-dire, Ia 
grandeur en degrés de Parc d'un Parallele compris entre Paris 
& Strafbourg, ou entre leurs Méridiens. Pour cela les Satel- 
lites de Jupiter étoient néceflaires, mais le temps extrème- 
ment pluvieux étoit très-contraire à lobfervation, & d’ailleurs 
on n'eût pas pü la fuivre long-temps, car Jupiter étoit prêt 
à fe plonger dans les rayons du Soleil. Mais M. Hertenftein, 
fameux Profefleur de Mathématique à Sirafbourg, fuppléa 
à ce défaut par de bonnes obfervations des Satellites, faites 
par M. Eifenfchmid fon Prédecefleur, & qu'il communiqua 
à M. Caffimi. 

H parut bientôt par-R qu'à la latitude de Strafbourg, les 
degrés de longitude étoient plus petits qu'ils ne doivent être 
dans l'hipothefe de la Terre Sphérique, & que cela emporte 
que la Terre foit un Sphéroïde allongé. Nous avons trop 
traité cette matiére dans l'année précédente pour en rien 
répéter ici. M. Eifenfchmid n'étoit engagé dans aucun parti 
fur la Queftion de la figure de la Terre, & il n’y a pas 
d'apparence que dans fes obfervations des Satellites il ait 
fongé à favorifer le Sphéroïde allongé, plütôt que l'applati, 
& d’ailleurs, quoique fort habile, il eût peut-être eu de Ja 
peine à trouver bien fürement comment il devoit s'y prendre, 
mais enfin ces obfervations fe font trouvées fi favorables au 


D E 99 $C MIBINNCYE. s TT 
Sphéroïde allongé, que M. Caffini a eu la modération de 
n’en pas vouloir tirer tout l'avantage qu'il eût pü à la rigueur, 
& de s'en retrancher une partie. 


SUR L'OBLIQUITE DE L'ECLIPTIQUE. 


UANp l'obliquité de lEcliptique feroit toûjours dé- 
croiffante, comme quelques-uns commencent à le 
‘croire, ce feroit de fr peu & fi lentement, que l’on n’auroit 
pas tort d'en douter encore aflés long-temps. Nous avons 
déja traité le pour & le contre de cette matiére en 17 1 6*, 
& depuis ce temps-là nous ne pouvons pas avoir acquis de 
grandes lumiéres fur un point de fait dont f'éclaircifiement 
demande plufieurs Siécles. Cependant on peut avoir une 
impatience aflés légitime de prévenir, autant qu'il fera pof 
fible, un éclairciflement fi tardif, & ceux qui la fentiront 
le plus, auront apparemment déja pris le parti du décroifie- 
ment de l’obliquité de FEcliptique, car pour les autres 1eur 
hipothefe eft la dominante, ils font en poffeffion, & ils 
peuvent y demeurer encore long-temps tranquillement. 
M. Godin, comme pour tenir les chofes prêtes au Sifteme 
du décroifiement, a voulu voir de quelles caufes il pourroit 
proceder, quels effets il produiroit, quelles feroient toutes 
des marques qui le feroient reconnoître. Pour bien entendre 
toute cette Théorie aflés neuve, & peut-être un peu abftraite, 
il faut, remonter jufqu’à la Préceffion des E quinoxes, que nous 
avons expliquée en 1708*, felon le Sifteme de Copernic. 
L’axe. de l'Equateur & celui de lEcliptique, partants 
tous deux du centre de la Terre, perpendiculaires chacun 
au plan de fon Cercle, font inclinés l'un à l’autre du même 
angle, dont l'Equateur & l’Ecliptique le font l'un à l'autre, 
de 23° à peu-près. Si fon conçoit que ces deux axes 
foient immobiles l'un par rapport à l'autre, nous ne verrons 
jamais aucun changement dans l'inclinaifon de l’Equateur 
& de lEcliptique, ni dans toutes les pofitions des Etoiles 
ë K ii 


V. les M. 
P+ 491. 


*% 
p. 48. 
& As 


* _ 
P: 03» 
& fuiv. : 


@  HisToire DE L'ACADEMIE RoyALE 
entant qu'elles fe rapportent à l'un ou à l’autre de ces deux 
Cercles, toutes les déclinaifons qui fe rapportent à l'Equa- 
teur, toutes les latitudes qui fe rapportent à l'Ecliptique, 
{eront invariables, les Fixes, quelque mouvement qu'elles 
puifent avoir d’ailleurs feront toüjours à la même diflance 
de ces deux Cercles, & ne fe mouvront que parallelement 
à eux. Il eft évident que ce fera le mouvement en longitude 

ui {eur fera entiérement libre. 

Mais fi l'on fuppofe que des deux Axes lun fe meuve 
par rapport à l'autre, que ce foit Axe de l'Equateur qui 
fe meuve par rapport à celui de l'Ecliptique immobile, 
décrivant un cercle autour de lui fans changer l'angle de 
23 + qu'il fait avec lui, nous avons expliqué en 1708 
comment alors on verroit les Fixes changer de déclinaifon, 
puifque l'axe de l'Equateur fe meut, & non pas de latitude, 
puifque l'axe de l'Écliptique ne fe meut pas. En même 
temps les Fixes auront un mouvement en longitude d'Oc- 
‘cident en Orient für les poles immobiles de l'Ecliptique, ou 
plütôt l'apparence de ce mouvement caufée par le mouve- 
ment circulaire réel de l'axe de l'Equateur autour de celui de 
YEcliptique. La vitefle de ce mouvement réel déterminera 
celle de l'apparent. On a vü comment de-à venoit la pré- 
ceffion des Equinoxes. C’eft uniquement pour l'expliquer, 
que tout ce que nous venons de dire a été imaginé. On y a 
toûjours confidéré l'angle de FEtcliptique avec l'Equateur 
comme conftant. 

S'il ne l'eft pas, & c'eft de quoi il s’agit ici, quelle addi- 
tion faut-il faire à cette Théorie? car ce fera une addition, 
& non pas un changement, la préceffion des Equinoxes, & 
tout ce qui en dépend doit fubfifter en entier. , 

Puifque l'angle diminuë , les deux axes ne confervent plus 
entre eux cette même diflance qu'ils confervoient aupara- 
vant, ou, ce qui eft le même, leurs plans ne la confervent 
plus. Mais lequel des deux fe met en mouvement vers l’autre? 
Voilà ce que M. Godin fait reconnoïître par les phénomenes 
qui arriveront, 


Dix Sur OR GHINENN, CE S 79 

… Si l'Equateur fe meut vers l'Ecliptique immobile, tout 
ce qui fe rapporte à l'Equateur, les déclinaifons des Fixes 
changeront, & non les latitudes. I femble que nous venions 
déja de le dire dans une autre hipothefe, maïs au fond ce 
n’eft nullement la même chole. Quand Faxe de l'Equateur 
tourne autour de celui de l'Ecliptique fans changer d'angle, 
les Fixes prennent néceffairement par cette caufe un mou- 
vément apparent en longitude, parallele à 'Edliptique, & 
qui par conféquent ne l'étant pas à l'Equateur, fait changer 
les déclinaifons. Mais fi outre céla l'Equateur f meut en 
s'approchant de FEdcliptique, tout ce qui fe rapporte à 
TEquateur, & par conféquent les déclinaifons font encore 
en mouvement, & changent par ce nouveau principe, mais 
ceft un changement qui s'ajoûte au premier, & n’en change 
pas la nature. On ne doit pas manquer d'y faire attention. 

: Si l'Ecliptique fe meut vers l’Equateur immobile, les 
latitudes changent, puifqu'elles fe rapportent à l'Ecliptique, 
& les déclinaifons ne changent que par le premier principe, 
par le fimple mouvement de l'Axe de lÉcliptique autour 
de celui de FEquateur. 

Par les obfervations que l’on peut avoir jufqu'à préfent, 
M. Godin croit pouvoir conclure que l'obliquité de 'Eclip- 
tique a diminué de 55" en 80 ans, ce qui fera à très-peu 
près 1'en 90 ans. C’eft-là le mouvement qui appartiendra 

ou à l'Equateur vers l'Ecliptique, ou à FEclptique vers 
* IEquateur. Le premier ou ancien mouvement par lequel 
TAxe de Equateur tournoit autour de celui de l'Ecliptique 
fans s'en approcher, ni s'en éloigner, fubfifte toüjours tel 
que M. Caffii la déterminé de 1 degré en 70 ans. II eff 
donc au fecond ou nouveau, comme ios à 1. Le fecond 
eft d'une prodigieufe lenteur, s'il n’eft que la 2 partie du 
premier, qui étoit déja bien lent, & il ne faut pas s'étonner 
que ce fecond ait attendu toute la jufteffe & toute la fubtilité 
de l'Aftronomie moderne pour fe faire feulement foupçon- 
ner. On avoit peine à concevoir, & nous l'avons dit en 
1708, que l'Axe de l'Equateur tournant autour de celui de 


So H1STOIRE DE L'ACADEMIE.RoYyaLrE 
lEcliptique püût conferver le parallelifme avec lui-même 
qu'il eft obligé de garder dans toutes fes fituations felon le 
Sifteme de Copernic, cette difficulté ne fubfifte plus dès que 
le parallelifme n’a plus befoin d'être exact, & qu'au contraire 
ÿ faut qu'il ne le foit pas. 

La diminution de l’obliquité de l'Ecliptique étant admife 
ou fuppofée, ou l'axe de l'Equateur fe meut vers l'Ecliptique 
d'un mouvement de 1'ergo ans, outre le mouvement de 
rotation qu’il a autour de,ce même Axe de 1 degré en 70 
ans, ou bien l Axe de l’Ecliptique a un mouvement de 1° 
en 90 ans vers l'Equateur; on a maintenant à fe déterminer 
entre ces deux partis. 

Il eft plus naturel que ce foit pour le fecond. L'Axe de 
Equateur eft déja chargé d'un mouvement, & s’il falloit 
que l'autre lui appartint encore, l'Axe de l'Ecliptique feroit 
d'une immobilité difficile à admettre dans la Nature, vû 
tout ce que lon-en connoît aujourd'hui. Mais M. Godin 
employe un raifonnement plus fçavant & plus ingénieux, 
qu'il reconnoît avoir tiré de Tycho. 

Si l'Ecliptique fe meut vers l'Equateur, les latitudes des 
Fixes changent toûjours, & comme il faut des temps extré- 
mement longs pour donner en cette matiére quelque chofe 
de fenfible les plus anciennes latitudes obfervées avec affés 
de fûreté, fèroient celles que on compareroit aux latitudes 
d'aujourd'hui. Mais ce que nous avons de plus ancien fur. 
ce fujet, ce font feulement les déclinaifons de quelques Fixes 
données par Ptolémée fans leurs latitudes. M. Godin a fup- 
pléé à ce défaut pour la Claire de l’Aigle en tirant fa lati- 
tude au temps de Ptolémée de la déclinaifon qu'elle y avoit, 
du mouvement connu des Fixes, de l’obliquité qu'avoit 
alors l'Ecliptique, & des obfervations de M. Godin lui-même 
fur la longitude de cette Etoile. Le Calcul vient enfin à 
donner fa latitude plus grande au temps de Ptolémée qu’elle 
n'eft aujourd’hui, &, ce qu'il y a de remarquable, plus 
grande prefque précifément autant que l'étoit l'obliquité de 
l'Ecliptique, parce que la Claire de l'Aigle eft placée prefque 

fur 


> oi 


Dr SES" COPENNIC ES 8 : 
Jüur le Colure des Solftices, au point où la mefure de fa 
latitude & celle de lobliquité de l'Ecliptique ne font que 
la même. 

Dans ces fortes de Calculs M. Godin a égard aux Re- 
fractions que les Anciens ne connoïfloient pas. I a même 
égard aux différents Lieux où les Anciens ont obfervé, car 
c'eft encore là un principe de variation pour les Refraétions, 
& feu M. le Chevalier de Louville paroït n’en avoir pas 
tenu compte, quoiqu'on le doive dans une matiére où ï 
n’eft queftion que de fort petites grandeurs, qui échapperont, 
fi l'on en perd rien. 

Par toutes les preuves de M. Godin, l'apparence eft juf- 
qu'ici, car peut-être fuffit-il de dire apparence, que l'angle de 
lEquateur & de l'Ecliptique diminué, & que c'eft FEdlip- 
tique qui s'approche de l'Equateur. Mais f1 cela eft, voici 
un grand changement dans le Ciel. Tout le monde fçait ce 
que c'eft que les Nœuds de l'Ecliptique avec toutes les Or- 
bites des Planetes, rien n’eft plus important ni plus néceffaire 


‘ dans l'Aflronomie que Îa détermination de ces Nœuds, de 


Jeurs lieux, de leurs mouvements, parce que ces points étant 
les feuls communs à notre Orbite & aux autres, c’eft dans ces 
points que les mouvements des Planetes doivent être mieux 
comparés à celui de la Terre, & c'eft de-là que nous devons 
partir pour fuivre tous ces mouvements étrangers, ou du 
moins ce font dans tous ces mouvements des points princi- 
paux & très-remarquables. Si l’on fe repréfente l'Ecliptique 
coupant chaque Orbite de Planete en deux points placés 
différemment en chaque Orbite, on concevra auffi-tôt que 
fi l'Edliptique étoit immobile, tous ces différents Nœuds le 
feroient auf, & paroîtroient fixes, du moins & ce chef, & 
que s'ils avoient ou paroïfloient avoir du mouvement, cela 
leur viendroit d'ailleurs | mais que fi l'Ecliptique fe meut, if 
eft impoffble que devenant füucceflivement différents plans 
différemment polés, elle ne vienne à couper toûjours en 
d'autres points les Orbites des Planetes, & que par-là les 
Noœuds n’ayent un mouvement apparent, Or ce mouvement 


Hi, 173 4 : 


82 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

des Nœuds caufé par celui de F'Ecliptique m'a jamais été 
connu, & ce feroit une réforme importante à faire dans 
leur Théorie. 

IL eft vrai que cette Théorie n’eft pas encore bien aflürée. 
Elle l'eft fi peu que quelques Aftronomes font {e mouve- 
ment de certains Nœuds direct, & celui de quelques autres 
rétrograde, ce qui manque abfolument de vrai-femblance, 
& auroit befoin d'être, pour ani dire, plus que prouvé. 
C'eft l'extrême lenteur du mouvement des Nœuds, & {a 
grande rareté d'Obfervations heureufes , qui caufent l'incer- 
titude où l'on demeure fur ce point. 

Dans cet état, M. Godin prend le parti de croire que 
les Nœuds n’ont aucun mouvement réel, mais un apparent 
caufé par le mouvement réel de l'Ecliptique vers l'Equateur 
terreftre. Le phifique de cette Théorie eft extrêmement 
fimple, dégagé de toute idée forcée, ou ajuftée au befoin, 
néceflaire même fuppofé 1à diminution de lobliquité de 
YEcliptique & le mouvement de l'Ecliptique vers l'Equa- 
teur. Mais ce ne feroit pas aflés, il faut encore que les 
Obfervations s'accordent avec l'hipothefe, qui paroït d'abord 
hardie, & c'eft ce que M. Godin s'attache à faire voir d’une 
maniére aflés fatisfaifante. Il promet d'étendre encore cette 
recherche plus loin fur les mêmes vüës. Nous l'avons déja 
dit, l s'en faut bien que les faits de l’Aftronomie ne foient 
aflés conftatés. On ne doutoit pas que l'angle de l'Ecliptique 
& de l'Equateur ne füt toûjours le même ; s'il ne left pas, 
c'eft dans tout le corps de l'Aftronomie un changement 
prefque incroyable. 


DES, SC REN,CE S. 


MECHANIQUE 


SUR : LB E AG U R EM 
QUE LES PLANETES PRENNENT 
PAR LA PESANTEUR. 


UAN D on recherche en Philofophe les figures des 
KZ Planetes, il eft aflés ordinaire & fort naturel de con- 
fidérer ces Corps, quoique folides, au moins dans une grande 
partie de leugtout,. comme ayant été originaiement de 
grands Fluides, ou des efpeces de Pâtes très-molles, que la 
Pefanteur a, pour ainfi dire, pétries, en les obligeant de 
prendre les figures que fon aétion demandoit, pôur s'exercer 
enfuite continuëment, également, & fans obftacle. Ia donc 
fallu que toutes les parties de la Planete ayent été amenées 
à un équilibre, qui ef le feul état permanent; il faut, pour 
cet équilibre, que toutes les Colomnes du Liquide fe dif 
pofent entre elles de façon à fe foûtenixr les unes les, autres, 
& à fe contrebalancer exactement. Cette exactitude 1eft 
_ néceflaire que dans le temps où le Corps de la Planete {croit 
en liqueur, ou en pâte, car alors le moindre excès de Pefan- 
teur qu'une Colomne auroit fur les autres les feroit foulever, 
& altéreroit la figure du tout; ce ne fera plus la même 
chofe, quand cette liqueur fe fera, fi l'on veut, congelée, 
ou que cette pâte fe fera durcie; léquilibre.eft exact entre 
les parties de nos Mers, mais non pas entre celles des Terres, 
qui. pourroient n'avoir été originairement qu'une pâte. 
Pour déterminer l'équilibre des Colomnes, il.eft befoin 
de connoître, du: moins géométriquement, c'eft-à-dire, de 
pouvoir réduire aux.expreflions,, & au Calcul de l'Algebre 
tout ce qui appartient à la Pefanteur »prife ou en elle-même ; 

1] 


V. les M, 
p.21. 


84 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 
ou par rapport à fon action, ou par rapport à l'altération 
u’elle peut recevoir de caufes compliquées avec elle. 

Elle peut être en elle-même ou conftante ou variable. 
Conftante, elle agira toûjours avec la même force, à quel- 
que diflance que foit le point vers lequel elle poufie un 
Corps; variable, elle agira avec plus ou moins de force felon 
une proportion quelconque à cette diftance. Conftante, elle 
agira toûjours de même felon quelque direction qu'elle agifle 
fur ce corps; variable, elle agira différemment felon difié- 
rentes directions. 

Et de-là naiflent deux différentes maniéres dont la Pe- 
fanteur peut être conftante en un fens, & variable en un 
autre, Si fon action eft 11 même à quelque diflance que foit 
le point où elle tend, & f1 en même temps elle eft différente 
{lon la différente direétion ; ou fi, au contaire, l'action 
eft la même pour toutes les direétions, mais non pas pour 
toutes les diftances du point où elle tend, la Pefanteur fera 
imparfaiteñent conftante & variable, & il eft aifé de voir 
quand elle fera parfaitement lun ou l'autre. 

Elle peut ne poufler toutes les parties du Corps qu'elle 
meut que vers un point unique, qui fera alors un centre, 
ou les poufler chacune vers un point différent d’une même 
ligne, qui fera un axe. 

Quand le Corps fuppolé fe meut fur fon centre, où, ce 
qui eft le même, fur un axe, la Pefanteur qui tend toüjours 
ou vers ce centre, ou vers cet axe fe complique néceffaire- 
ment avec la force Centrifuge qui tend à s’en éloigner. 
Mais pour confidérer ces deux forces comme contraires, il 
né faut prendre que ce qu’elles onf d’abfolument oppolé dans 
leurs directions, décompofées s’il en eft befoin. Si dans le 
Fluide qui tourne, la force Centrifuge étoit plus grande que 
la Pefanteur, tout ce Fluide fe diffiperoïit, & feroit bien 
éloigné de pouvoir prendre une figure durable. Si les deux 
Forces étoient égales, elles fe détruiroient l’une l'autre, & 
il ne fe formeroit point encore de figure. Il faut pour cela 
que la Pefanteur foit la plus grande, ce n'eft que ce qui 


D'E.s1:8"c:) NICE à 8$ 
n'efl pas détruit par faction de la force Centrifuge, fon 
antagonifte, ce n'eft que ce qu'elle peut encore conferver, 
qui agit pour produire une figure, ce n'eft que cet excès, 
ce refte, qui eft le poids «fuel des Corps. 

M. Bouguer exprime algébriquement dans Ia plus grande 
généralité poffible, & la Pefanteur, & fon a&tion, & fa 
modification. Il y a quelquefois dans ces fortes d'expreffions 
plus que F'art ordinaire; par exemple, on peut remarquer 
celui qu'employe M. Bouguer pour défigner différemment 
la Pefanteur variable par une différente diftance au point où 
elle tend, ou par une différente direction, 

Le Fluide indéterminé, que M. Bouguer confidére, tourne 
fur fon axe vers lequel la Pefanteur poufle toutes les Colomnes 
‘ qui le compofent, & puifque leur équilibre déterminera {a 
figure que le Fluide total prendra, il faut trouver une Equa- 
tion où une certaine Colomne déterminée contrebalance 
toute autre Colomne quelconque, ou, ce qui eft le même, 
lui foit égale en force. Il y a dans ce Fluide, une Colomne 
unique, dont la Pefanteur n’eft point altérée par la force 
Centrifuge, c’eft celle qui eft l'axe du mouvement de cir- 
culation du Fluide; elle comprend tous les points d’où les 
forces Céntrifuges tendent à s'éloigner, & par conféquent 
elle ne peut avoir elle-même de cette efpece de force. Cette 
Colomne déterminée mile en égalité avec toute autre indé- 
terminée foumife à toutes les conditions du Probleme, four- 
nira lEquation que lon cherche, fufceptible enfuite de 
toutes les déterminations particuliéres poffibles. On entend 
aflés qu’il fortira de là des valeurs d’Abfciffes & d'Ordonnées 
d'une Courbe, qui fera toûjours celle de la figure cherchée 
du Fluide, & qui variera {lon les différentes hipothefes 
qu'on aura faites arbitrairement. « 

+ I feroit aflés naturel de croire qu'après cela tout eft fait, 
. mais le Probleme bien approfondi, renferme encore une 
confidération qui en augmente la difficulté, & par conféquent 
la beauté, & qui pourroit échapper à moins que d’une grande 
attention. 
L ii 


86 Histoire DE L'ACADEMIE RoYALE 
| L'équilibre des Colomnes aflure bien, dit M. Bouguer, 
Je repos intérieur de toute la mafie du Fluide, mais-non pas 
l'extérieur, celui de fa furface, qui peut encore n'être pas de 
niveau, & par conféquent couler de côté & d'autre, & 
n'avoir pas une figure arrêtée. Mais, dira-t-on, ce qu'on 
appelle ici l'extérieur, n'eft-ce pas l'intérieur même fiffant, 
& fi tout l'intérieur eft tranquille , comment cet extérieur 
ne le fera-t-il pas? C’eft que l'équilibre des Colomnes n'a 
fait qu'en régler les différentes longueurs, telles qu'elles de- 
voient être, afm que l'une d’entre elles n'en. foülevät pas 
une autre par un plus grand poids, c'eft que faction quel- 
conque de la Pefanteur n’a été difhribuée que par rapport à 
ces longueurs, & n’a eu, pour aïnfi dire, d'autre objet que 
de les déterminer. Pour cela il n'étoit pas néceffaire que les 
directions de cette action fufient perpendiculaires à la fur- 
face qui  formoit, mais il faut qu'elles le foient à cette 
furface formée, fr on veut qu'elle fe maintienne, car autre- 
ment de deux Colomnes qui précifément par leur longueur 
faifoient équilibre, fr la premiére reçoit perpendiculairement 
Jaétion de la Pefanteur, tandis que la feconde ne la reçoit 
qu'obliquement, il eft certain que la premiére l'emportera 
fur la feconde, & la foûlevera. | 
M. Bouguer cherche une nouvelle Equation, qui exprime 
Ja figure ou la furface d'un Fluide dont tous les points foient 
prefiés perpendiculairement par la Pefanteur, ou, ce qui 
revient au même, foient de Niveau. I lui vient une Equa- 
tion aflés différente de celle qui donnoit l'Equilibre des 
Colomnes, ce qui marque déja que les deux cas font plus 
différents qu'on n'auroit cru. Is le font au point que l'un 
exclut quaft toüjours l'autre, & qu'il ny a que peu de 
moyens de les réunir, c’eft-à-dire, que quand on veut que 
les deux Equations deviennent-la même, ce qui ne fe peut 
qu'en égalant entre elles les quantités par où elles different, 
on voit qu'il n'y a qu'un petit nombre d'hipotheles qui 
puiffent produire cette égalité. Une de ces hipothees eff 
celle de la Pefanteur conftante felon quelque direction qu'elle 


DES SCIENCE 87 
agile, & à quelque diftance que foit le point où elle tend ; 
alors la Planete eft une Sphere. Ce n'eft-plus la même chofe 
fon met la moindre variation dans la Pefanteur. Combien 
étoit-on éloigné du vrai, &-combien étoit-on éloigné de 
s'en douter, quand à caufe de la nobleffe de {a figure Sphé- 
rique, on croyoit que les Corps Céleftes ne pouvoient étré 
que Sphériques ! 

Les figures du Solide formé für le feul principe de l'Equi- 
libre des Colomnes, ou fur Le feul principe du Niveau, 
peuvent aller jufqu'à différer autant que celles d'un Solide 
infini en étenduë &-d'un autre fini, tous deux d’une mafle 
finie. 

Apparemment il eft rare dans l'Univers qu'il y ait des 
Planetes parfaitement Sphériques , & par conféquent des 
Pefanteurs parfaitement conftantes, car, felon la préfente 
Théorie, elles auroient arrondi entiérement ces Planetes, 
fuppolé qu'elles les euflent trouvées dans leur premiére ori- 
gine parfaitement obéiffantes à leur impreflion. Mais comme 
ce point-là demeurera toüjours indécis, &c que le Probleme 
de M. Bouguer n’a pas compté fur aucune réfiftance de Ja 
matiére des Planetes à l’action de la Pefanteur, if ne fera pas 
poflible d'arriver par cette voye à une grande certitude fur 
leurs figures. 

Toûjours peut-on penfer avec beaucoup de vraifemblance 
qu'il eft très-diffcile que jamais l’action de la Pefanteur fur 
la furface d'aucune Planete lui foit aufli géométriquement 
perpendiculaire qu’il le faudroit pour tenir dans un parfait 
repos des Liquides, les Mers qui s’y trouveront, & fi ce 
reposin'eft pas parfait, la furface de ces Mers fera par elle- 
même, & fans aucune caufe étrangere dans une petite agi- 
tation continuelle. Seroit-il bien incroyable que ce mou- 
vement de liquidité, dont on ne connoît peut-être pas encore 
tout-à-fait la véritable origine, eût en partie celle-là? En 
ce cas ce feroient les Calculs d'Algebre qui auroient conduit 
à des vüés de Phifique, où les faits ni les expériences ne 
conduifoient pas. 


98  HisroiRe DE L'ACADEMIE*ROYALE 
2 VlsM. M. de Maupertuis * qui avoit déja traité ce fujet dans 
p.55: fon Livre de la Figure des Aftres * le reprit à l'occafion de 
* V.l'Hif. Ja Théorie de M. Bouguer, & tomba dans les mêmes con- 
Hp clufions. Il avoit embrafié la matiére dans toute fon étenduë, 
AE en appliquant à la Queftion de la Figure des Planetes toutes 
les hipothefes fur la Pefanteur qui ont été jufqu'à préfent 
reçüës par les plus grands Philofophes. 

Galilée, Defcartes & Huguens l'ont regardée comme 
tendant vers un centre, & avec une force égale à quelque 
diftance qu'il füt. C’eft la premiére idée qu'on a dû prendre 
fur toutes les expériences faites autour du Globe terreftre, 
les feules qu'il nous foit permis de faire. C’eft-là le premier 
Sifteme. 

Lorfqu’enfuite on a conçû que ce qui faifoit tourher tous 
les Corps céleftes autour de quelque centre, ou plûtôt ce 
qui les empêchoit de s’en écarter, quoiqu’ils le duffent na- 
turellement, ce qui les y rappelloit toùjours, devoit être 
üne Pefanteur, non feulement analogue à celle qui s'exerce 
fur la Terre, mais précifément de la même nature, l'idée 
de la Pefanteur eft devenuë & plus générale & plus vraye, 
& comme on la prenoit fur les mouvements des Corps 
céleftes réglés par les Loix de Képler, on a vü qu'il fuivoit 
de ces Loix que la Pefanteur agit en raifon renverfée des 

+ V. DH, quarrés des diftances au centre*,. 24 Sifteme. 
de 1728. Le 3me eft que toutes les parties de la matiére s'attirent 
ne 54 & mutuellement les unes les autres, mais différemment felon 
? les mafles & les diflances, & que la Pefanteur ne confifte 
ou ne paroît confifter que dans la fupériorité de tendance 
que les unes prennent fur les autres vers certains points, à 
la fin, pour ainfi dire, de ce combat général. C’eft-là pro- 
prement le Sifteme de M. Newton. II eft bien vrai que tout 
le 24 yentre, & s’il y entroit feul, il feroit très-raifonnable 
de dire qu’en attendant la connoïffance des caufes Phifiques 
ou Méchaniques de ces Pefanteurs on en confidere les effets, 
& qu'on eft en droit de donner à ces caufes inconnuës des 
poms commodes. Mais outre tout ce que nous appellons 
le 24 


Plat. 


rte 


DES SCreNcESs. Ci 

e 24 Sifeme, celui de M. Newton, comprend les véritables 
attractions, il demande que des Corps pefants fe meuvent 
plus rapidement vers des centres, parce que ces centres font 
occupés par de plus gros corps, qui attirent plus puifiam- 
ment. Croit-on de bonne foi qu’il fe puife jamais trouver 
de caufe Méchanique à cet effet, & une objection très-légi- 
time & très-fondée contre M. Newton, ne tâche-t-on pas 
adroitement à l'éluder en la payant d’une réponfe qui ne 
convient qu'à une autre objection qu'on ne lui fait pas, ou 
qu’on ne doit pas lui faire ? Tout cela bien mis au net, on 
{era plus en état d'entendre ce que nous avons à dire. 

On ne peut traiter la queftion de la Figure des Aftres ou 
Planetes qu'en employant l'action de la Pefanteur, & par 
conféquent cette queftion ne peut être traitée dans le rer 
Sifteme, où la Pefanteur feroit la même par tout l'Univers 
que fur la Terre, & il y a tout lieu de croire qu'elle ne 
T'eft pas. De plus elle feroit toûjours la même dans fon ation, 
indépendante des diftances du point central, & il eft certain 
que dès qu’on la tranfporte aux Corps céleftes, elle n’eft plus 
conftante dans fon action, mais variable en raifon renverfée 
des quarrés des diftances. 

En fe renfermant donc dans ce 24 Sifteme, on trouve 
que ha figure des Corps céleftes foit toûjours fluides, comme 


les Soleils, foit d’abord fluides, & enfuite endurcis, comme 


les Planetes, eft uniquement le réfultat de la combinaifon 
de deux Eléments qui fe combattent, de Ia Pefanteur, qui 
tend à raffembler toutes les parties d’un Corps autour d'un 
centre, & de la Force Centrifuge qui tend à les en écarter, 
parce que ce Corps eft toûjours fuppolé circuler. Nous avons 
déja dit que fr la Force Centrifuge étoit plus forte que la 
Pefanteur, les parties du Corps { diffiperoient, & la figure 
fe détruiroit ; fi elle étoit égale, ä ne fe formeroit point de 
figure; il faut donc qu'elle foit plus foible, & alors l'Equa- 
teur de la circulation ou rotation eft néceflairement plus 
grand que fon axe, c’eft-à-dire, que la figure eft celle d’un 
Sphéroïde applati. 
Hi. 1734: M 


o HISTOIRE DE L'ÂACADEMIE RoYyALE 

Les Soleils autour defquels tournent des Planetes, des 
Planetes autour defquelles tournent d’autres Planetes fubal- 
ternes, portent avec eux & nous offrent des indices bien 
marqués de la Pefanteur qui regne dans les Régions de l'Uni- 
vers où ils {e trouvent. La Force des mouvements dont ils 
font les centres, ou plutôt celle dont les Corps qui tendent 
vers eux y tendent, eft la mefure de cette Pefanteur, &c 
pour la connoitre il n'y a qu'à décompofer leur mouvement 
de circulation, & comparer la Force qui leur feroit décrire, 
f: elle étoit feule, un certain mouvement en ligne droite en 
un certain temps, & la Force qui dans le même temps les 
empêche de fuivre cette droite, & les retire d’une certaine 
quantité vers un centre. Plus eft grand ce rapport de la 
24e Force à la 1e, plus la Pefanteur eft grande, & il eft 
vifible que la Géométrie fera aifément cette détermination. 

Si nous étions fur une autre Planete que celle où nous 
fommes, nous reconnoîtrions par le mouvement de la Lune 
autour de la Terre quelle feroit la Pefanteur à la Région de 
la Terre. Mais parce que nous y habitons, nous la connoif- 
fons, nous la mefurons par des expériences plus immédiates, 
On voit par-là qu'il n'y a de Pefanteurs étrangeres, pour 
ainfi dire, dont nous puifions avoir connoiffance, que celles 
du Soleil, de Jupiter & de Saturne, parce qu'il fe fait autour 
d'eux des révolutions connuës. Mercure, Venus & Mars 
nous échappent. 

Il eft bon de pouvoir rapporter ces Pefanteurs étrangeres 
à notre Pefanteur terreftre, dont l'effet bien conftaté eft de 
faire parcourir à un Corps, qui tombe proche de la furface 
de la Terre, 1 $ pieds dans la r'° Seconde de fa chüte. On 
fçait quelle eft la quantité dont Jupiter, par exemple, eft 
tiré vers le Soleil par fi Pefanteur en une Seconde, & puifque 
la Pefanteur croît en raifon inverfe des quarrés de la diftance, 
on fçait quel chemin il feroit en une Seconde, fi au lieu 
de tendre fimplement vers le Soleil, il étoit réellement tranf 
porté fur fa furface, or il feroit alors environ 360 pieds, 
au lieu qu'il n'en eût fait que 1 $ fur la furface de la Terres 


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DES SCIENCrS. or 
Donc la Pefanteur eft 24 fois plus grande fur fa furface du 
Soleil. On trouvera de même en tranfportant un Satellite 
fur la furface de Jupiter, que la Pefanteur y eft à peu-près 
double de ce qu'elle eft fur la furface de la Terre. 

Avec la Pefanteur d’un Soleil ou d’une Planete, il faut, 
pour avoir leur figure, connoître aufi leur Force Centrifuge, 
quitéépend , comme on fçait, du rapport de la grandeur 
de Equateur de la rotation à la vitefle de cette rotation. 
De la combinaïfon de ces deux principes réfulte la Figure 
chérchée, qui eft toüjours celle d’un Sphéroïde applati, 
puifque la Pefanteur eft toûjours plus grande que la Force 
Céntrifuge , mais d'un Sphéroïde plus ou moins applati. La 


- Force Centrifuge eft dans le Soleil environ 6 fois plus petite, 


&' dans Jupiter 6o fois plus grande que fur la Terre. On 
fçait par expérience que fur la Terre elle eft 289 fois 
moindre que la Pefanteur. 

Afin que la figure d’un Corps célefte puifle être déter- 
minée par cette Théorie, il faut donc qu'il ait ces deux 
conditions, & que d’autres Corps faflent autour de lui des 
révolutions connuës, & qu'il en ait une fur lui-même. Le 
Soleil & Jupiter ont les deux conditions, on y peut mettre 
la Terre, fr l'on veut; Saturne n'a que la 1°r° condition, 
Venus & Mars n'ont que la 2de, encore Venus ne Ta-t-ellé 
pas encore bien fürement, Mercure manque de toutes 
les deux. ! 


+1 M. de Maupertuis a été furpris de fe trouver arrivé par 
fa Théorie & fon calcul à la même proportion de 1 $ à 14 
que M. Caffini avoit trouvée, par des obfervations très- 


délicates, entre l’E‘quateur & l’Axe de Jupiter. Selon Ia 
même Théorie, cette proportion des deux diametres doit 
être abfolument infenfible dans le Soleil, quoique non pas 
nulle, auffi aucune obfervation ne la peut-elle découvrir. 


+ Quand une Théorie abflraite, compliquée de plufieurs prin- 


cipes différents, vient de fi loin rejoindre jufte des faits où 

il n'étoit pas trop néceflaire qu'elle arrivät, ce ne peut guére 

être un effet du hafard. | : | 
M ïi 


2  HisToiRe DE L'ACADEMIE ROYALE 

I eft à propos d'oblerver que fr d'un côté les deux 
diametres des Corps céleftes ne peuvent aller jufqu'’à l'égalité 
pufaite, ce qui auroit fort étonné les Anciens, d’un autre 
côté l'Equateur toüjours plus grand que l'Axe, ne peut être 
plus grand que felon la raifon de 3 à 2, du moins dans le 
Sifeme où nous fommes préfentement. 

li pourroit naître de cette Théorie de M. de Maupertuis 
un avantage imprévu, & que l'on jugeroit même impoflible, 
celui de déterminer quelle eft une rotation que lon ne voit 
point du tout, celle de Saturne; par exemple, que Saturne 
eût fes deux diametres d’une inégalité fenfible, & bien ob- 
fervée, on auroit par eux le rapport de Ia Pefanteur de 
Saturne connuë d’ailleurs à fa Force Centrifuge, & par fa 
Force Centrifuge connuë alors la viteffe de fa rotation. S'il 
arrivoit que l’on vint enfuite à avoir d’autres preuves, ou 
feulement d’autres indices de cette même rotation, ce feroit 
bien alors qu'une Théorie auroit droit de triompher. 

Dans le Livre que nous avons cité, M. de Maupertuis 
avoit expliqué felon fes principes, la formation de l Anneau 
de Saturne, phénomene le plus fingulier de tout le Ciel 
connu. Il y revient encore pour en donner un nouveau 
Calcul algébrique, & il pafle de-là à d’autres phénomenes 
qu'on pourroit appeller récents, parce que depuis peu ils ont 
été plus curieufement & plus exaétement obfervés que jamais 
par l'iluftre M. Derham, de fa Societé Royale de Londres. 

Ce font les Etoiles qu'on nomme Mébuleufes. Si ce 
n'étoient ou que des Etoiles enveloppées d’une Atmofphere 
fort grande par rapport à elles, & fort lumineufe, ou diffé- 
rents amas de petites Etoiles qui, comme celles de la Voye 
Ladée, ne fe rendroient vifibles que par leur nombre, ïl 
n'y auroit rien à cela de fort remarquable. Mais M. Derham 
trouve qu'il y en a plufieurs auxquelles ces deux idées ne 
peuvent convenir. Leurs prétenduës Atmofpheres font trop 
grandes pour n'ètre que des Atmofpheres, ou de petites 
Etoiles qui devroient être en nombre infini. Il vaut mieux 
que ce foient de grandsefpaces, de grandes Régions lumineufes 


* 


RU os OS 


DES 48 CNRC: €: & 93 
par elles-mêmes, & d’une maniére peut-être dont nous n'avons 
point d'exemple ailleurs, car qui fçait fi cette énorme éten- 
duë de l'Univers vifible à nos yeux en eft plus d’un point 
par rapport à tout ce que nous n'en voyons pas, & en ce 
cas-là quelle infinité de chofes dont nous n’aurions pas d'idée? 
M. Derham ne croit pas même aller trop loin dans le païs 
immenfe de la poflibilité, en conjecturant que ces grandes 
Régions lumineues pourroient n'en être pas, mais feufement 
de grands Vuides, par où l’on appercevroit des portions du 
Ciel Empirée qui eft au de-là, tout brillant de fa propre 
lumiére. Il croit bien que les T'héologiens ne l'en dédiront 
pas, mais du moins les Géometres ne lui pafleront pas avec 
tant de facilité, de mettre aflés arbitrairement fes Nébuleufes, 
quelles qu'elles foient, autant au de-là des Etoiles fixes, que 
celles-ci font au de-là de Ia Terre. 

En fuppofant qu'entre ce qu'on appelle Neébuleufes, il y 


en ait qui foient des amas, des Tourbillons tout lumineux, 


ces Tourbillons prendront des figures, foumifes comme 


toutes les autres à la Théorie de M. de Maupertuis, puifqu'il 
fe trouvera À & Pefanteur & Force Centrifuge. Mais il n'eft 
pas für que cette Pefanteur foit la même que celle fur laquelle 
nous avons raifonné jufqu'ici, & qui appartient à ce que 
nous avons nommé le 24 Sffeme, celle qui n'agit que felon 


un rapport des diftances des points centraux où elle tend, 


& qui en particulier dans tout notre T'ourbillon Solaire eft 


déterminée: à agir dans la raifon inverfe de ces diftances. 


Quant à la Force Centrifuge on ne la peut concevoir que 
d'une feule efpece. 

Si, pour tout embraffer, on prend la Pefanteur telle que 
nous l'avons repréfentée dans le 3° Sifteme, car c'eft tout 
ce qui refte à imaginer, s’il peut s’imaginer, il eft vrai qu'on 
aura plus de facilité à expliquer certaines chofes, parce qu'on 
auroit, outre l'action des principes déja pofés, tout ce qui 
pourroit naître de Fattraction mutuelle des Corps. Dès que 
certains Corps pañleroient plus près de quelques autres, il 
fe feroit des changements confidérables dans les mouvements, 

M ii 


+ 
p: 112 
& fuiv, 


+ V. lHift. 
de 1726, 
CRETE 


Hi1STOoIRE DE L'ÂCADEMIE RoyarE 

dans des directions, dans les vitefles, dans les pofitions des 
Centres de gravité, quelquefois même dans les Figures, mais 
ce fera alors employer la véritable attraction bien dévoilée, 
dont nous avons ébauché une petite Théorie en 1732*. If 
n’eft prefque pas croyable combien ce feul principe de plus 
rend les calculs plus longs & plus difficiles. Si l'attraction 
Newtonienne n’étoit pas vraye, on feroit en droit d’avoir 
regret au furcroît de peines qu'elle donne. M. de Maupertuis 
a déterré un fait curieux, & qui peut furprendre. Dans le 
Siécle pañlé, & avant M. Newton, deux de nos plus illuftres 
François ont eu la même idée que lui fur la Pefanteur. Ils 
ne l'ont pas embraffée, ni réduite en Sifteme, mais enfin ils 
lont euë, l'ont jugée pofible, & s'en font même expliqués 
en termes plus forts que M. Newton & fes Difciples. M. de 
Maupertuis a-t-il voulu revendiquer une gloire à fa Patrie, 
ou juftifier un peu les Anglois à nos dépens? 


Ette année 1734, M. l'Abbé de Molieres publia le 

commencement d'un Recueil de Leçons de Plifique 
dictées par lui au College Royal, comme il avoit déja publié 
en 1726 {es Leçons de Mathématique *, 

Les Leçons de Phifique en contiennent les Elements de- 
terminés par les feules Loix des Méchaniques , & ces expreflions 
miles en titre, où il peut paroître une affectation inutile & 
vitieufe, car ne fçait-on pas bien que les Elements de la 
Phifique ne peuvent être déterminés que par les loix des 
Méchaniques? ne difent pourtant rien que de raifonnable 
& même de remarquable depuis que de très-grands Philo- 
fophes ont voulu introduire dans fa Phifique des Principes 
qu'ils reconnoifloient eux-mêmes pour n'être nullement 
Méchaniques. On aura donc ici une Phifique entiérement 
purgée des principes hétérogenes, pour ainfr dire, qui la 
défigureroient, non pas cependant une Phifique tout-à-fait 
Cartéfienne, mais établie fur les fondements dé Defcartes, 
qui font les feuls, mieux employés feulement, & mieux mis 
en œuvre. 


D'E:s; $ CE Nc Er à 95 
-Nous ne nous arrêterons pas aux Loix générales du Mou- 
vement, que M. l'Abbé de Molicres pofe telles que tous 
les Modernes les adoptent, après avoir reétifié les erreurs 
de Defcartes. C'eft prefque uniquement des Tourbillons 
Cartéfiens dont il s’agit, de ces T'ourbillons qui fe préfentent 
fi agréablement à F'efprit philofophique, qui en effet ont eu 
d’abord tant d'approbateurs, & de partifans zélés, & enfüite 
des ennemis fi redoutables. 

Tous les mouvements célefies fe font par des Cercles, 
ou au moins par des Courbes rentrantes en elles-mêmes ; 
de plus ils fe font tous en même fens, tous d'Occident en 
Orient; de-là l'idée très-naturelle d’un grand Tourbillon 
de matiére fluide qui, tournant d'un certain fens, emporte 
avec lui tous les corps plus folides, que nous appellons corps 
céleffes. Sans cela, pourquoi iroient-ils tous du même côté? 
Qu'on les imagine difperfés dans un grand Vuide, d’où 
tireront-ils cette direction de mouvement commune? 

Certainement l'Auteur de Univers y a voulu introduire 
le mouvement d’une maniére durable, S'il eût donné à fes 
différentes parties des mouvements en ligne droite du même 
{ens, où feroient-elles enfin parvenuës? elles ne pouvoient 

_pas fortir de l'Univers. S'il leur eût donné des mouvements 
en différents fens, les mouvements contraires fe feroient 
détruits, & bientôt tout feroit tombé dans un repos général, 
ou du moins dans une langueur toûjours plus grande. Le 
feul expédient étoit que la matiére füt divifée en une infinité 
de grandes mafles rondes, qui fans fortir de la portion de 
Fefpace où elles étoient placées, & fans fe troubler les unes 
les autres, fe mûflent chacune fur fon centre avec la vitefle 
néceflaire pour produire, chacune dans fon enceinte, les 
phénomenes ordonnés par l’Auteur de la Nature. A ce moyen, 
H y a le moins de mouvements contraires qu'il fe puifle, 
& le plus de directions en même fens, d’où fuit le moindre 
déperifiement poflible de la quantité de mouvement pri- 
mitivement imprimée, 


Puifque tout fe réduit à des T'ourbillons, M. l'Abbé de 


96 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

Molieres entreprend une Théorie démontrée de tout ce qui 
leur appartient, & c'eft-là proprement une Phifique générale 
qui procedera par démontitration. Delcartes lui-même s’eft 
mépris à cette Théorie, peut-être parce qu'il en étoit l'in- 


venteur ; après lui plufieurs autres l'ont ou attaquée ou défen- 


duë, & M. de Molieres a paru fouvent dans nos Hiftoires 
comme défenfeur, fans compter tout ce que nous avons 
rapporté d'ailleurs fur le même fujet, mais tout cela, ce ne 
font que des morceaux détachés & épars, qui ne peuvent 
guére produire de conviction ni d’éclairciflement en com- 
paraifon d’une Théorie entiére, dont toutes les parties fe 
foûtiendroient par leur mutuelle liaifon. 


+ p.97. &  Nousavons vû en 1728 *, qu'un T'ourbillon quelconque, 


fuiv. 


comme notre Tourbillon Solaire, étant néceflairement en 
équilibre, puifque s'il n'y étoit pas, il faudroit qu'il sy mit 
bientôt, cet équilibre emporte que les forces centrifuges des 
différentes Couches Sphériques qui le compofent, car le 
Tourbillon eft fuppolé de cette figure, foient toutes égales 


entre elles. On peut partir de R pour toute Ia Théorie de 


M. l'Abbé de Molieres. 

De cette égalité des forces centrifuges des Couches Sphé- 
riques, on voit naître auffi-tôt les rapports des vitefles des 
différentes Couches entre elles, & ceux que les diftances au 
centre du mouvement ont avec les temps des révolutions. 
H eft furprenant que les faits Aflronomiques foient auf 
exactement conformes qu'ils le font à des conféquences tirées 
d'une pure fpéculation, & il n’eft pas peut-être moins fur- 
prenant qu'on ait fait entrer des Attractions inintelligibles 
dans une matiére où l’on pouvoit voir que les feules Forces 
Centrifuges bien connuës & bien avérées fuffifoient. 

La preffion que chaque Couche Sphérique, en vertu de 
f1 Force Centrifuge, exerce fur celle qui lui eft immédia- 
tement fupérieure, eft dirigée felon un rayon de la Sphere, 
& de-A vient qu'un T'ourbillon, qui tend toüjours à s'étendre 
ou à s’aggrandir, n'y tend pas avec plus de force du côté 
de l'Equateur, que du côté des Poles, ou que, ce qui revient 

au même, 


| 
| 
} 


DE SUIS C1 FONIGUE s. 97 
au même, il réfiftera également de tous côtés à une com- 
préflion extérieure. Ainft l'Univers étant conçû comme 
formé de grands Tourbillons difpofés entre eux par une 
efpece de hafard, & fans aucune régularité, ils fe foûtien- 
dront toüjours, quelle que foit cette difpofition, en s’arc- 
boutant les uns contre les autres par leurs points d’attouche. 
ment, & fi quelqu'un en enfonce un autre, ce ne fera pas 
précifément en vertu de leur difpofition, ou parce quel’Equa- 
teur de lun aura attaqué les Poles de l'autre. 

Quand un T'ourbillon s’aggrandit, c’eft que fes derniéres 
Couches ayant plus de viteffe que les derniéres d’un Tour- 
billon voiïfin, celles-ci ont été forcées à fuivre le mouve- 
ment & la direction des autres. Mais alors le T'ourbillon 
aggrandi a donc fes derniéres Couches plus éloignées du 
centre qu'auparavant, & par conféquent müës avec moins 


de vitefle que les derniéres Couches précédentes, & le T'our- 


billon aggrandi eft affoibli à cet égard, & il pourroit étre 
plus aifé à enfoncer par un autre, & peut-être par celui-là 
même qui lui avoit cedé, & qui étant devenu plus petit en 
eft devenu plus fort par fes derniéres Couches. Puifque 
Yafloiblifiement fuit toüjours ainfi l'aggrandiflement, & au 


contraire, il eft aifé de voir combien la forme de l'Univers 


divifé en Touïrbillons doit être durable, combien elle eff 


propre à maintenir l'équilibre, ou à le rétablir promptement, 
P q P 4 


À quelques accidents finguliers linterrompoient. 

… En cas qu'un Touwrbillon Sphérique foit preffé felon un 
de fs diametres plus qu'en tout autre endroit par deux 
Tourbillons voifins, & oppolés, il eft certain qu'il s'allongera 
{elon le diametre perpendiculaire au diametre preflé, & de- 
viendra Elliptique, mais il ne conférvera pas cette figure, 
les deux extrémités du grand axe plus éloignées du centre 
que celles du petit ayant moins de Force Centrifuge qu'elles, 
eur céderont, feront par conféquent obligées à fe rapprocher 
du centre, & le Sphéroïde Eliptique redeviendra une Sphére. 
Ondevinera fans doute que c’eft-là le principe de l'Elafticité 
qui vient s'offrir de Jui-même. | 


Hif. 1734 UN 


8  Hi1sToIRE DE L'ACADEMIE RoYALE 

Un Corps ne pouvant jamais communiquer du mouve- 
ment qu'à un autre Corps qui en a moins que lui, & les 
Couches inférieures d’un Tourbillon ayant toùjours plus de 
vitefle réelle que les fupérieures, il n’y a que les inférieures 
qui puiffent agir fur les fupérieures, ou augmenter leur 
mouvement, 1 elles n’en ont pas aflés pour l'équilibre, ou, 
pour le dire en autres termes, le mouvement ne peut fe com- 
muniquer dans un T'ourbillon que du centre à la fuperficie. 

Tout cela appartiendroit au Sifteme de Defcartes, quoique 
bien rectifié, mais voici une addition très-confidérable que 
le feu P. Malebranche y à faite, addition, & non correction, 
au contraire fimple extenfion, mais prefque infinie, & fi 
naturelle d'ailleurs, qu'on a quelque peine à pardonner au 
premier Inventeur de n’y avoir pas penfé. 

Notre grand T'ourbillon Soiaire , l'un de ce nombre infini 
de T'ourbillons qui compofent l'Univers, contient bien cer- 
tainement d’autres Tourbillons moindres, & pareils à lui, 
ceux de la Terre, de Jupiter & de Saturne. Cet exemple fr 
réel, que la Nature nous préfente, n'invite-t-il pas les Philo- 
fophes à imaginer encore des Tourbillons plus petits toutes 
les fois que l'explication des Phénomenes les y conduira ? 
Et quelles bornes prefcrirat-on à leur petitefle ? on n'en 
connoît point de néceflaires à la divifion de la matiére. M. 
T Abbé de Moliéres dit que comme les Géometres pouflent 
les différents Ordres d’Infiniment grands ou petits aufi loin 
que le demande la Solution des différents Problemes , ainfi 
il fera permis aux Phificiens d'établir différents Ordres de 
Tourbillons felon le befoin des explications. Tout l'Univers 
ne fera donc que de la matiére divifée & fubdivifée en 
Tourbillons prefque à l'infini, & en effet les raifons que 
nous avons d'abord apportées en faveur des grands Tour- 
bilons, la durée qu'ils affärent au mouvement général, ces 
équilibres qu'ils maintiennent fi facilement, & qu'ils fçau- 


* p. 109. rojient rétablir ft vite, font des raïfons aufli fortes pour les 


& fuiv. 
* p. 87. 
X fuiv. 


petits T'ourbillons que pour les grands. Nous avons vü en 
1715* &1729 * en quels embarras Defcartes s'étoit jetté 


# 
. 


| bee D'EusSuUS c'e: Es 09 
pour n'avoir pas fuivi jufqu'au bout l'idée des Tourbillons, 
& comment un leger changement de fes Globules élémen- 
taires durs en petits Touxbillons remédioit à tout dans le. 
moment. . 

Le Tourbillon fimple feroit celui qui feroit formé. d'une, 
matiére fluide dont chaque particule élémentaire {eroit folide. 
ou dure, c'eft ainfr que nous avons conçü jufqu'à préfent 
les grands Tourbillons du 1°* ordre, ou qui font la rre di- 
vifion de toute la mafle de la matiére. Mais ces T'ourbillons 
funples ou n'exiftent point, parce qu’il n’y a point de par- 
ticules élémentaires dures, ou s’ils exiftent, nous n'avons pas 
befoin de poufler notre fpéculation jufque-là ; tous les T'our- 
billons feront compofés de T'ourbillons moindres difpofés 

par Couches concentriques, comme auroient été des Glo- 
_ bules durs, & qui circulent chacun autour de fon centre 
particulier, en fuivant les mêmes loix que nous avons recon- 
nuës dans le T'ourbillon fimple. M. ? Abbé de Moliéres donne 
Les loix du T'ourbillon compolé, & en voici les principales. 

. Chaque petit Tourbillon aura deux mouvements, l'un 
commun, qui lui viendra du grand Tourbillon, & aura la 
vitefle déterminée par la diftance du centre du petit Tour- 
- billon au centre du grand, l'autre particulier, indépendant 
du général, & qui aura la vitefle quelconque dont le petit 
Fourbillon tournera autour de fon centre. Le 1°’ mouve- 
nt.ne fera que celui du centre du petit T'ourbillon, le 24 
t être confidéré comme appartenant à fa fuperficie. IE 
fautqu'il y ait équilibre dans le Tourbillon compolé, aufi- 
 bienique dans le fimple, or cet équilibre trouvera cer- 
tainement, fr un Tourbillon fimple formé de Globules durs 
étant conçü en équilibre, parce que es Couches concentri- 
_ ques de ces Globules auront les vitefles requifes, on conçoit 
_à la place de chaque Giobule dur un petit Tourbillon égal, 

_ dontle centre & la fuperficie ayent la même vitefle qu'avoit 
de centre du Globule, car on n'a rien changé à ce qui caufoit 


Yéquilibre. Puifque l'équilibre eft une chofe unique, & qui 


ne fe fait pas. de deux façons, fi l'équilibre fe Es Un 


+ 


%oo HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 

ce cas-h, il ne fe trouve dans aucun autre, & par confé- 
quent dans un Tourbillon compolfé la viteffe de la fuperficie 
de chaque petit Tourbillon eft la même que celle de fon 
centre, c'eft-à-dire, que fi le diametre du petit Tourbillon 
éft la room partie du diametre du Cercle que le centre du 
petit Tourbillon décrit dans le grand en 100 Secondes, un 
point de la fuperficie du petit T'ourbillon circulera en une 
Seconde. 

I fuit de-là que dans le Tourbillon compofé il y a plus 
de mouvement, plus de force que dans le fimple. M. l'Abbé 
de Moliéres démontre que chaque petit Tourbillon a deux 
fois plus de Force Centrifuge que n’auroit eu le Globule dur, 
qui auroit tenu fa place dans un Tourbillon fimple. 

S'il arrive qu'une Couche de petits Tourbillons'ait plus 
de vitefle qu'elle n'en devroit avoir à raifon de fa diftance 
au centre du grand Tourbillon, elle communiquer: de fon 
mouvement aux Couches inférieures » Qui quoiqu'elles ayent 
naturellement le plus de vitefie, n’en ont pas alors affés pour 
Féquilibre, puifque celle dont il s'agit en a trop. Ainfi le 
mouvement pañlera de la fuperficie au centre, au lieu que 
dans le Tourbillon fimple il ne pouvoit pafer que du centre 
à la fuperficie. 

Le Tourbillon compolé ne perd pas pour être compolé, 
les propriétés qu'il auroit eüës étant fimple. Ainfi dans le 
Tourbillon compofé le mouvement peut pañler & du centre 
à la fuperficie, & de la fuperficie au centre, & par confé- 
quent de quelque maniére que l'équilibre vint à fe rompre, 
il feroit promptement rétabli. C’eft une des chofes à quoi 
ceux qui conftruifent l'Univers doivent avoir le plus d'atten- 
tion, qu'à fe ménager des reflources pour la longue durée 
de ce grand Edifice. H ne leur fiéroit guére de dire que le 
fouverain Architeéte y remettra la main dans le befoin. 

Si les petits Tourbillons d'un même Tourbillon compofé 
font de différentes grandeurs ou mafles, il faudra, pour 
Yéquilibre, que puifque les petits Tourbillons plus éloignés 
du centre commun auront moins de vitefle, ils ayent en 


DES, S c1ENNCE s. tot 
récompenfe plus de mafle, & par conféquent {es plus petits 
Tourbillons feront plus proches du centre commun, & les 
plus grands plus éloignés. 

Nous avons toüjours fuppofé que les Tourbillons tant 
grands que petits étoient Sphériques, mais du moinsles grands 
ne le font certainement pas, & cela même a fait naître une 
grande difficulté dont nous avons rendu compte d’après M. 
de Molieres, à l'endroit de 1729 ci-deflus cité. On y a vû 
que les petits T'ourbillons fubftitués aux Globules durs, fai- 
{oient difparoître tout d'un coup l'inconvénient terrible que 
produifoit la forme Elliptique de notre grand Tourbillon 
; _ - Solaire; c'eft leur extrême facilité à s'aggrandir, ou à s'appe- 
| «  tiffér, à acquérir, ou à perdre de la vitefle, toûjours felon 

es Regles générales prefcrites, c’eft le fifflement & refaffe- 
ment perpétuel qu'ils caufent dans la matiére du T'ourbillon, 
qui les rend fi propres à y entretenir, pour ainfi dire, une 
wie immortelle. Le. 

.… Au refle, notre grand Tourbillon Elliptique left fi peu 
qu'il peut toûjours pañler pour Sphérique, horfmis dans les 
“cas où l'extrême précifion feroit néceflaire, & où il feroit 
permis d'y atteindre, AETE 

Nous n'avons confidéré jufqu'ici qu'une matiére divifée 

_& fubdivifée en Tourbillons, & à proprement parler, une 

__-matiére fluide qui compoferoit l'Univers, mais elle ne le 

* compofe pas entiérement, il y a auffi des Corps folides & 

, quoiqu’à la vérité ils ne faffent tous enfemble qu'une 

ie de cet Univers prefque infiniment petite. Quand des 

ticules de matiére font en repos les unes auprès des autres, 
_& fe touchent immédiatement, elles font comprimées en 
“tous fens par les Forces Centrifuges des petits T'ourbillons 

- qui les environnent, & auxquels elles ne réfiftent par aucune 

Force, c’eft-là le principe de la Dureté & de la Solidité, & 

il eft facile de voir quelles en feront les modifications. 

… … Si lon imagine un Corps parfaitement dur, pofé dans 
une Couche quelconque d’un Tourbillon fimple, il n’y a 
#ien qui l'empêche de fuivre le mouvement a La de 

N ii 


De she adm 


Re 


10% Histoire DE L'ACADEMIE RoyALE 

cette Couche, il le fuivra, rien ne l'empêche de prendre fa 
Force Centrifuge, il la prendra, & fera enfin comme une 
portion de cette Couche de mème volume que lui. Mais 
fi le Tourbillon où il nage étoit compolé, alors le volume 
de matiére égal au Corps dur auroit deux Forces Centrifuges, 
June comme portion d’une Couche qui circule autour du 
centre de tout le Tourbillon, l'autre comme étant un amas 
de petits Tourbillons qui circulent chacun autour de leur 
centre particulier, ainfi que nous l'avons vû. Le Corps dur, 
qui n’eft point formé de petits Tourbillons, ne pourroit 
prendre que la 1'° Force Centrifuge, & faute de prendre 
la 2de, il auroit moins de tendance vers la circonférence du 
Tourbillon qu'un volume égal de fa Couche, & par confé- 
quent feroit pouffé vers le centre, & y tomberoit aéluelle- 
ment. Voilà la Pefanteur bien naturellement déduite des petits 
Tourbillons du P. Malebranche, & il eft à remarquer qu'ils 
donnent avec une égale facilité, & pour mieux dire, avec 
une égale néceffité, le Reflort, la Dureté, & la Pefanteur, 
trois propriétés des Corps fi bien liées enfemble dans ce 
Sifteme, qu'il ne paroît pas que la Nature elle-même ait pà 
y mettre une plus forte liaifon. 

Pour nous en tenir à la Pefanteur avec M. l'Abbé de 
Molieres, on voit par-là que s'il n’y avoit point de petits 
Tourbillons, il n’y auroit point de Pefanteur, & par confé- 
quent elle n’eft pas eflentielle aux Corps. Et en effet fa 
feule définition ne le dit-elle pas? n’eft-ce pas une tendance 
des Corps vers un certain point? & comment veut-on qu'ils 
tendent effentiellement vers ce certain point quel qu'il foit? 
ne faute--il pas aux yeux que cette tendance ou le mouve- 
ment qu’elle produit, ne peuvent être que la fuite & l'effet 
de quelque arrangement, de quelque difpofition particuliére 
du Monde? 

Il y a donc de la matiére qui pefe, & de la matiére qui 
ne pefe point. L’Ether, ce grand Fluide immenfe, compolé 
d'une infinité de petits Tourbillons, & qui par fon mous 
vement général de Tourbillon emporte toutes nos Planetes, 


D''E: SUIS (CM EME ‘s2 - roy 
ne pefe point, au contraire toutes fes parties tendent à fa 
circonférence au lieu de tendre au centre, mais des Corps, 
étrangers en quelque forte, qu’il renferme, nos Planetes, ne 
peuvent pas, à caufe de leur contexture, avoir autant de 
Force Centrifuge que lui, & par- ils font pouflés vers le 
centre, & nommés pefants. Qui les retient toûjours à une 
certaine diftance de ce centre vers lequel ils font toûjours 

ouffés? Pourquoi Saturne, Jupiter, &c. ne tombent-ils 
pas dans le Soleil! c'eft ce qui fera éclairci dans la fuite que 
M. Y Abbé de Molieres donnera de fa Théorie. 
. On peut voir comment en 173 1*, il fatisfit pleinement + p. 66, 
#elon les idées que nous venons d’expofer, à la plusformidable & fuiv. 
objeétion de M. Newton contre le Sifleme Cartéfien. 
L'’Ether non-pefant ne réfifte point au mouvement horifontal 
ou circulaire des Corps pefants, ou des Planetes. 

De ce que la Pefanteur eft une modification accidentelle 
des Corps, il s'enfuit qu'elle doit être fufceptible de plus ou 
de moins, non pas dans le fens que de Or eft plus pefant 
que du Bois, mais dans ce fens que le même Corps qui, 
fur la furface de la Terre, parcourt par fa pefanteur r $ pieds 
dans la 17° Seconde de fa chüte, pourroit, s'il étoit placé 
ailleurs, parcourir dans le mème temps plus ou moins de 

(x 5 pieds. Comme fa viteffe vers un centre lui eft imprimée 
- par da Couche du Tourbïllon où il eft contenu, & que les 
4 vitefles des différentes Couches font différentes felon leurs 
diftances au centre, il aura dans la 17€ Seconde de fa chûte 
moins de vitefle s'il part d’une Couche plus éloignée, & au 
contraire. On voit d’un coup d'œil toutes les conféquences. 

* Quand on 2 bien faifi ce Sifteme Cartéfien tel qu'il eft 
ici rédigé & rectifié par M. l'Abbé de Molieres, quand on 
a conçù cette matiére immenfe divifée & fubdivifée en 
Tourbillons, où s’exercent à la fois une infinité de mouve- 
ments qui ne s'embarraffent, ni ne fe troublent, où tout eft 
plein d'action, de vie, & de reflources, s’il en eft befoin, 
| où rien n'agit que par des caufes, dont l’exiftence nous eft 
| . bien conftante, & Fidée bien familiére ; il femble qu'on ne 


V.lJes M, 
p' 1280000 
p. 216, & 
29$° 


104 Hisrorne DE L'ACADEMIE Rôrare 

puifle plus, fans fe faire quelque violence, fe figurer un 
Univers qui n'eft qu'un Vuide, un Néant infini en compa- 
raifon de quelques Atomes en très-petit nombre qui y font 
difperfés çà & à, & qui n'ont d'autre moyen d'agir les 
uns fur les autres qu'une propriété incompréhentible qu'on 
leur attribué, 


M Gobert préfenta à l Académie, un Mémoire dans 
al 


equel il déterminoit la vitefle que doit prendre une 


Rouë de Moulin, celle de la Riviére, & le Poids que la. 


Machine met en mouvement, étant connus. On trouva que 


YAuteur entendoit très-bien cette partie de la Méchanique,. 


tant par la maniére dont il réfolvoit fon Probleme, que par 
Yapplication qu'il en faifoit à quelques cas particuliers, entre 
autres aux Machines propres à remonter les Bateaux, dont 
il comparoit très-bien Îa force avec celle des Machines 
immobiles. 


Ous renvoyons entiérement aux Mémoires : 
L'Ecrit de M. d'Ons-en-Bray, fur un Anémometre, 


Celui de M, de la Condamine, fur le Tour, 


MACHINES 


Cr! L 
. 


DE SES, CAEN: E ro$ 


MACHINES OU INVENTIONS | 


| APPROUVEES PAR L'ACADEMIE 
à Op NNURE NM MAIDO CR XXI. 
| L. = 


NE efpece de Vielle ou petite Fpinette à jeu de Viole 
- du Sr François Cuifinier, ci-devant Facteur d’Inftru- 
ments. Dans celui-ci il y a une Rouë qui fait l'office d’Ar- 
chet, & qu’on fait tourner de la main gauche avec une 
manivelle, pendant qu’on jouë de la main droite fur les tou- 
ches, comme fur un Clavecin. Cet Inftrument va à deux 
Oaves entiéres, & a un ton de plus, & joué fur cinq tons 
différents. I a paru commode, & d'une harmonie agréable, 
avec plus d'étenduë & de variété que la Vielle ordinaire. 

-IT. 


Un Inftrument de M, de Quercineuf pour trouver en 

- Mer la variation de l’Aiguille aimantée. On n'a point befoin 
d'attendre l’inftant du lever ou du coucher du Soleil, on peut 
* avoir la variation à toutes les heures du jour, ne que cet 
Me . A 
i Jeu , pourvu 


. Anftrument donnera toûjours la Méridienne du 

_…. que latitude en foit connuë. Ïl a paru ingénieux, & digne 

LS qu'on s’en affürat encore par des expériences faites en Mer, 

_ für-tout l'Auteur étant en état de lever les petits inconvé- 

‘nients qui pourroient {€ rencontrer dans l'ufage, & de porter 
fon invention à toute la perfection dont elle eft capable, 


Ray TITI 
Un Inftrument univerfel de "M. le Carlier, Lieutenant 
_ particulier au Baïlliage de Laon, pour connoître la hauteur 
% | du Soleil dans l'inftant qu'il marque l'heure pour telle latitude 
__ qu'on voudra depuis o jufquà 60 degrés. Cet inftrument 
- a été trouvé ingénieux. Sa précifion dépendra de celle aveg 

Jaquelle il aura été divifé. 
Hife 1734 9 


L 
- 
2. 


%o6 Histoire DE L'ACADEMIE Rôyaze 

sé I V. “1 

Une Pendule fonnante & à répétition de M. Larfé, Maître 
Horloger à Paris. I y a-deux fortes de Pendules qui font ces 
deux fonctions, les unes ne les font qu'avec deux Roüages, 
les autres àvec un feul, les 1° font plus-compofées, cepen- 
dant on les préfere communément aux 2des, dont ka fimpli- 
cité a beaucoup d’inconvénient dans Fufage. Celle que M. 
Larfé a propofée eft du moins auffi fimple, & exempte d’in- 
convénient. On y en foupçonnoit quelqu'un qu'on a trouvé 
compenfé par un avantage. L'invention a paru nouvelle, 
k À 7 ; 


Un Vaiffeau de M. Limofin qui iroït en temps calme par 
e moyen de Rames. Les Rameurs n’y feroient pas appliqués 
immédiatement, comme ils le font d'ordinaire, mais à des 
Manivelles qui les feroient mouvoir, moyennant quoi ils 
agiroïent tous également. On eft convenu de cet avantage 
qu'auroit la Manœuvre de M. Limofin fur la Manœuvre 
commune, le nombre des Hommes étant égal de part & 
d'autre, mais l'avantage feroit anéanti, & au de-à, par la 
difficulté d'employer un nombre fuffifant de Rameurs, par 
les frottements inévitables de cette Machine, par la force 
perduë à mettre de grandes Piéces de bois en mouvement, 
par le coup de Rame qu’une Machine donne toûjours plus 
imparfaitement que la main des Hommes, & enfin par les 
difficultés d'emmancher & d’ôter des Rames, & de manœu- 
vrer commodément pendant un gros temps, ou un Combat. 
Ces défauts n’ont pas empêché de reconnoitre beaucoup d'art 
& de génie dans cette Méchanique. : | 


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DE UMMID'ErGLIA GG N 
ji eme FANTET DE LAGNY nâquit à Lyon 


de Pierre Fantet, Sécrétaire du Roy à la Chancelferie 

de Grenoble , & de Jeanne d’Azy, Fille d'un Docteur en 
Médecine de Montpellier. I fut élevé dans fa premiére jeu- 

L nefle par un Oncle paternel, Chanoïne & Doyen de Joüarre, 
& continua fes études aux grands Jéfuites de Lyon, toûjours 
de premier de fa Claffe. Il compofoit des vers Grecs dès la 
Quatriéme, lorfqu'à peine fes Camarades fçavoient lire le 
Grec. Il ne faïlifloit pas feulement mieux que les autres 
l'inftruétion générale qu'on leur donnoït à tous, il la pré- 
venoit fouvent, & les Leçons qu'il avoit recüës lui faifoïent 
deviner celles qui alloient fujivre. I acheta un jour par hafard, 
ou par inftinét, fi on veut, l'Euclide du P. Fournier, & 
lAlgebre de Jacques Pelletier du Mans. Dès qu'il eut vü 
de quoi il s'agifloit dans ces deux Livres-là, il ne s’occupa 
__  plusdautre chofé, mais fecrettement. La grande avance qu'il 
__ avoit dans fes Clañes, le don de retenir par cœur ce qu'il 
avoit entendu réciter une fois, celui de compofer en Latin 
GI: _à mefure qu'on lui diétoit le fujet de la compofition en 
- François, tout cela lui faifoit trouver beaucoup de temps 

. pour. fon plaifir, c'eft-à-dire, pour cette étude cachée, bien 
_ plus difficile que Pautre, 
S'il facrifioit les Belles Lettres aux Mathématiques, on 
de peut aifément juger qu'il ne traita pas mieux la Philofophie 
. delEcole, au moins celle de ce temps-Rà, d'autant plus in- 

A: fupportable à un efprit Géometre, qu'elle prétend raifonner, 
au lieu que l'Eloquence & la Poëfie ne prétendent guére 

‘que flatter ou remuer l'imagination. La, Jurifprudence, à 
daquelle on le deftinoit, car quel eft le Pere qui aimät affés 

# ia € Ti 


108 HisToIRE DE L'ACADEMIE Royarr 

peu fes Enfants pour les deftiner aux Mathématiques ? La 
Jurifprudence n'eut pas plus d’attraits pour lui. Après avoir 
fait trois années de Droit à Touloufe, il réfifta aux promefles 
les plus flateufes d’une puiflante proteétion que lui ft M. 
de Fieubet, premier Préfident de ce Parlement, pour l'atia- 
cher à fon Barreau. I réfolut de fe livrer entiérement à fon 
goût, & de venir à Paris, où il avoit en vüë une place dans 
T Académie des Sciences. 

I étoit déja digne d'y penfer. A l’âge de 1 8 ans, avec 
les deux Livres Elémentaires que nous avons nommés, & 
que l'on ne connoît prefque plus, parce que d’autres plus 
parfaits & plus inftructifs ont pris leur place, fans aucun 
autre guide, fans Maître, fans un ami à qui il pût feulement 
parler fur ces matiéres, il avoit jetté les fondements des 
grandes Théories qu'il a depuis étenduës & perfeétionnées, 
d'une nouvelle Méthode pour la réfolution des Equations 
réduétibles du 3e & du gme degré, de la Quadrature du 
Cercle infiniment approchée, de la Cubature de certaines 
portions Sphériques. IL eft vrai que quand il lui fut enfuite 
permis d'avoir des Livres, & qu'après avoir étudié la Géo- 
métrie , il étudia les Géometres, il trouva, peut-être avec 
autant de joye que de déplaifir, qu'il avoit été prévenu, mais 
feulement en partie, fur quelques-unes de fes décoiertes. 
La gloire en étoit un peu diminuée, mais non pas le mérite, 
& il apporta toûjours à Paris ce fonds qui avoit tant produit 
de lui-même, & qui ne pouvoit que devenir plus fécond 
par les fecours étrangers. fe 

Les talents dénués de fortune afpirent tous à Paris, ils 
s'y rendent prefque tous, & s’y nuifent les uns aux autres, 
Il arrive le plus fouvent qu’on y trouve toutes les places 
prifes. M. de Lagny ne put entrer dans l’Académie qu'en 
169$, mais parce que fon pofte pouvoit être encore long- 
temps infruétueux, M. l'Abbé Bignon, le Protecteur général 
des Lettres, le fit nommer en 1 697 Profefeur Royal d'Hi- 
drographie à Rochefort. Il fe défendit d’abord d'accepter 
get emploi, en repréfentant qu’il n'entendoit pas la Marine, 


PRE PU Es 


CRE SIMS" MEINEUE 6 109 
rais fon Bienfaicteur, qui fentit bien le prix d’un refus fi 
modefte & fi-defintéreflé, le raffüra contre f prétenduë 
ignorance, & lui garantit qu'il lauroit bientôt furmontée. 
Cependant M. de Lagny, pour une plus grande füreté, & 
par un extrême fcrupule fur fes devoirs, demanda au Roy 
R permiffion de faire une Cämpagne fur Mer, afin de . 
connoître par lui-même le Pilotage. Le Roy le lui accorda, 
& de plus, refpeétant en quelque forte un Génie né pour 
de plus grands objets que l'Hidrographie , if eut la bonté de 
lui donner un autre Hidrographe qui travaillât fous lui, & 
c'eft le même qui dans la fuite lui a fuccédé, 

Supérieur à fon emploi autant qu'il l'étoit, il eut tout le 
temps néceflaire pour de plus hautes fpéculations. Il envoyoit 
fes découvertes à l'Académie, dont il étoit toûjours membre, 
mais les circonftances, quoique légerès, ont toûjours ur 
certain pouvoir dans les chofes mêmes qui fembleroient em 
devoir ètre les plus indépendantes. On lifoit peut-être fes 
Mémoires avec moins d'attention que fi on les lui avoit 
entendu lire. C'étoit aflés fa coûtume de fuppofer dans'un 
Mémoire ce qui étoit établi dans un autre que l'on n'avoit 
pas, tout étoit bien lié, mais feulement pour lui, & on 
fufpendoit fon jugement, on arrétoit limpreffion naturelle 
que chaque partie auroit faite, jufqu'à ce qu'on eût vü le 
tout enfemble. I1 n'a plufieurs fois avoué lui-même que ce 
tout enfemble, if eût eu bien de la peine à le former ; fes 


_ nouvelles idées étoient en trop grand nombre, trop vives, 


top impatientes de fe placer, pour fouffrir un arrangement 
bien régulier & bien tranquille. Enfin dans fe temps du féjour 
de M: de Lagny à Rochefort , l'Académie commençoit à 
s'occuper beaucoup de 11 Géométrie nouvelle, & tout ce 
qu'il donnoïit appartenoït à l'ancienne, quoique pouflée plus 
loin. I ne parloit que de chofes dont les autres avoïent parlé, 
& quoiqu'il en parlât fort différemment, la curiofité étoit 
moins piquée que fi les chofes elles-mêmes avoient été plus 


neuves. La nouveauté ne perd guére {es droits fur nous, & 


O ii 


‘x1o HisToIRE DE L'ACADEMIE RoyaLE 
il faut convenir qu'elle en avoit en cette occafion des plus 
forts qu'elle puiflé jamais avoir. 144 

M. de Lagny ennuyé de Rochefort, malgré les occupa- 
tions de fa place, malgré fes études particuliéres, malgré le 
plaifir d'y réuffir flon fes fouhaits, car le moyen qu'il ne 
fe fentit toüjours propre à un plus grand Théatre ? faifoit 
de temps en temps des voyages à Paris, pour épier les occa- 
fions d'y refter. Ce ne fut qu'au commencement de Ia Ré- 
gence que feu M. le Duc d'Orléans l'y arrêta, en le faifant 
Soudirecteur de la Banque Générale, de la même maniére 
à peu-près, & par des mêmes motifs que lon donna en - 
Angleterre {a Direction de là Monnoyÿe de Londres à M. 
Newton. On jugea, & là & ici, que la grande Science du 
Calcul, ordinairement aflés ftérile par rapport à l'utilité des 
Etats, feroit tournée avantageufement vers ce grand objet, 
& qu'en même temps les deux Géometres, à qui elle avoit 
coûté de longs travaux, en feroient récompenfés par de 
femblables poftes. Tous deux fe trouverent tout-à-coup dans 
une richefle qui leur étoit nouvelle, tranfportés du milieu 
de leurs Livres fur des tas d'Argent, & tous deux y confer- 
verent leurs anciennes mœurs, cet efprit de modération & 
de defintéreffement, f: naturel à ceux qui ont cultivé les 
Lettres. Mais la fortune de M. Newton fut durable, & celle 
de M: de Lagny ne le fut pas ; les affaires changerent en 
France, la Banque cefla, mais avec honneur pour M. de 
Lagny ; tous fes Billets furent acquittés, & il laïffa dans 
Vordre le plus exact tout ce qui avoit appartenu. à fon admi- 
niftration. Le Philofophe fut heureux de n'avoir pas perdu 
dans une fituation pañlagere le goût de fimplicité qui lui 
devoit être d'un plus long ufage. | 

Rendu entiérement à l’Académie, il ne lui fut pas difficile ‘ 
d'en bien remplir les devoirs. IL fe trouvait riche de plus 
de 20 gros Porte-feuilles ä1-folio, pleins de fes réfléxions, 
de fes recherches, de fes calculs, de fes nouvelles Théories, 
iln'avoit qu'à y choifir ce qu'il lui phaifoit, & à l'en détacher, 


/ 


4 
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DES SeiIEeNCESs. TTL 
Tout cela tendoit principalement à uneréforme, ou refonte 
entiére de l'Arithmétique, de l’Algebre, & de li Géométrie 
commune. Il s'étoit rencontré avec M. Leïbnitz, car les 
preuves de la rencontre ont été bien faites, fur l'idée fingu 
liére d’une Arithmétique qui n’auroit que 2 Chiffres, au dieu | 
que la nôtre en a ro. L’Algebre, fans comparaifon plus 
étenduë & plus compliquée, & qui left d'une maniére à 
effrayer, changeoït entiérement de forme entre fes mains: 
tout fe réfolvoit par des Progreffions arithmétiques de fon 
invention, qui naïfloient des E‘quations propofées ; le fameux 
Cas irréduétible, ce Nœud Gordien, cet Ecueil qui fubfiftoit 
depuis la naïffance de Y Alsebre, où difparoïfloit, ou n’em- 
barrafloit plus. La Mefure des Angles, dont il faifoit une 
Science à part fous le nom de Goniometrie,méritoit cet hon- 
neur par la nouveauté dé la Théorie quid'établifloit, & de-fà 
fe tiroit une Trigonométrié, beaucoup plus fimple que celle 
dont on fe contente jufqu'à préfent, & délivrée de toutes 
ces Tables de Sinus, T'angentes & Sécantes, attirail incom- 
mode, toûjours borné, quelque vafte qu'il foit, & qui de- 
mande qu'on fe repole avec une confiance ‘aveugle fur le 
travail d'autrui. Enfin un des grands objets de M. de Lagny 
étoit fa Cyclométrie, où Mefure du Cercle. H la trouvoit par 
des Séries ou Suites infinies de Nombres, telles que leurs 
fommes, fi on eût pû les avoir, l’euffent donnée exacte- 
ment, ou que du moins chacun de leurs termes, ou les 
fommes d'un nombre fmi de ces termes, la donnoient toû- 
jours avec moins d'erreur, de forteque l'erreur dimimuoit tant 
‘qu'on vouloit. I s’étoit encore rencontré avec M. Leibnitz 
fur une Série donnée en cette matiére par ce grand Géo- 
metre, & qui fit du bruiten fon temps, mais, quoiqu'in- 
génieufe, elle a le défaut d'être trop lente dans tôtit fon. 
‘cours, au lieu que le mérite de ces fortes de Séries ‘confifte 
à être fort rapides dans leur marche à eur origine, &enfuite 
‘fi lentes vers leur extrémité, «qu’on puiffe fins -erreurfenfible 
négliger tous leurs derniers ‘termes, quoiqu'en nombre in- 
fini. H avoit fouverainement Yat deformerices Séies avec 


\ 


+ V.THift. 
. 89. & 
MA 


tre Histoire DE L'ÂACADEMIE ReyaE 

facilité, de leur donner une certaine élégance dont elles font 
fufceptibles, & qui eft une efpece d'agrément de furéroga- 
tion, de leur faire prendre enfin, felon les différents befoins, 
différentes foimes fans en altérer le fond. Comme les mé- 
diocres Géometres ont fouvent le malheur de trouver la 
Quadrature exacte du Cercle refufée aux autres, & qu'ils ne 
manquent pas «d'apporter à l’Académie leurs magnifiques 
affertions, M. de Lagny les réprimoit dans le moment, en 
leur faifant voir, par le moyen de fes Séries, des Quadratures 


plus exactes que les leurs, & plus exactes à l'infini. 


Il avoit peut-être mal pris fon temps de ne travailler qu'à 
de nouveaux fondements du grand édifice de la Géométrie, 
quand on ne fongeoit prefque plus qu'à en conftruire le 
Comble par la fublime & fine Théorie de l'infini. Mais ce 
Comble une fois mis, il femble que les fondements polés 

ar M. de Lagny conviendroient mieux à tout l'édifice, tel 
qu'il fera alors. Non feuléèment toutes les vüës qu'il a don- 
nées fe lieroient facilement avec l’Infini, elles y percent déja, 
& yentreroient, quand mème il ne l'auroit pas voulu. 

Nous avons rendu un compte aflés détaillé de fes tra- 
vaux; à chaque occafion qu'il nous en a donnée dans nos 
Volumes, où il s'agit fi fouvent de lui. Pour rapporter 
cependant quelques traits particuliers de fon génie, aflés 
courts pour trouver place ici, nous en choifirons deux, fans 
prétendre qu’ils foient abfolument préférables à beaucoup 
d’autres, k u 


Il a donné à l'Académie en 170$ * l'expreflion Algé- 


brique de Ja Série infinie des Tangentes de tous les Arcs 


ou Angles multiples d'un premier Arc ou Angle quelconque 
connu , & cela d’une maniére fi fimple, qu'il n'avoit befoin 
que de deux Propofitions très-élémentaires d'Euclide. Def 
cartes a dit que ce qu'il avoit le plus défiré de fçavoir dans 
la Théorie des Courbes, étoit la Méthode générale d'en 
déterminer les Tangentes qu'il trouva, & je fçai de M. de 
Lagny qu'il avoit eu le même defir de trouver le Théoreme 
énoncé, dont il voyoit l'utilité extréme pour toute fa- 

à Goniométrie 


D. EUSUS.C 1 EMAICHE.s. Tr 
Goniomitrie & fa Cyclométrie. La fameufe joye d'Archi- 
mede s’eft de temps en temps renouvellée chés les Géome- 

“tres, plus fouvent pour la vivacité du fentiment, mais aflés 
fouvent auffi pour la beauté & l'importance des découvertes. 
La Cubature de la Sphere, ou la Cubature des Coins & 
des Piramides Sphériques que lon démontre égales à des 
Piramides rectilignes *, eft encore un morceau de M. de 


* V. les M. 


Lagny, neuf, fingulier, & qui feul prouveroit un grand de 1714 


Géometre. I l'eût choïfi pour orner fon Tombeau, qui en 
eût imité plus.parfaitement celui d’Archimede, où la Sphere 
entroit aufr. 

Quand fes forces baïferent affés fenfiblement, il demanda 
la Vétérance, qu'il avoit bien méritée. On faifoit alors un 
Recueil général des anciens Ouvrages de F Académie, & on 
jugea à propos d'y faire entrer un grand Traité d'Algebre 
Manufcrit qu'il avoit fait, beaucoup plus étendu , plus com- 
plet & plus neuf que celui qu'il avoit publié en 1 697. Mais 
il fallut que ce füt un de fes Amis, M. l'Abbé Richer, 
. Chanoïne de Provins, fort au fait de ces matiéres; & plein 
des vüës de M. de Lagny, qui fe chargeñt du foin de revoir 
ce Traité, d’éclaircir ce qui en avoit befoin, de perfectionner 
l'ordre du tout, & même il y ajoûta beaucoup du fien. 

M. de Lagny mourut le 12 Avril 1734. Dans les der- 
niers moments, où il ne connoifloit plus aucun de ceux qui 
étoient autour de fon lit, quelqu'un, pour faire une expé- 
rience philofophique, s’'avifa de lui demander quel étoit Le 
* quarré de Douze ; il répondit dans l'inftant, & apparemment 
fans fçavoir qu'il répondoit, Cent quarante-quatre. 

I n’avoit point cette humeur férieufe où fombre, qui fait 
aimer l'étude, ou que l'étude elle-même produit. Malgré fon 
grand travail il avoit toûjours affés de gayeté, mais cette 
gayeté étoit celle d’un homme de Cabinet. Elle eut cet 
avantage, que comme elle étoit fortifiée par des principes 
acquis dans ce Cabinet même, elle fut indépendante non 
feulement d'une plus grande ou moindre fortune, mais encore 
des évenements littéraires, fi fenfibles à ceux qui n’ont point 


Hifi, 1734. - 


pee 


-ir4 Hisr. DE L'ACAD. ROYALE DES Sciences. 
d'autres événements dans leur vie. Il voyoit fort tranquil- 
lement que la plüpart des Géometres, qu'un certain torrent 
emportoit loin de lui dans des Régions où il n'avoit pas pris 
la peine de pénétrer, en fuflent moins touchés de ce qu'il 
produifoit, & jamais il ne partit de lui aucun trait ni de 
chagrin ni de malignité contre la nouvelle Géométrie. Se 
fût-il poffédé jufqu'à ce point-là, fi fon ame eût reçü quelque 
atteinte? Nous laifons l'éloge d’une autre qualité de fon ame 
aux regrets de quelques pauvres Familles que la médiocrité 
de fa fortune ne l’empêchoit pas de foûtenir. 

H a été honoré de l'amitié particuliére de M. le Chancelier, 
& de M. le Duc de Noailles aujourd'hui Maréchal de France, 
deux noms qu’il fuffit de prononcer. 

M. le Duc d'Orléans lui fit l'honneur de s'aider de fes 
Tumiéres, & de plufieurs travaux qu'il lui ordonna, lorfqu'il 
voulut s'inftruire à fond fur tout ce qui regarde le Com- 
merce, les Changes, les Monnoyes, les Banques, les Finances 
du Royaume, connoiflances qui ne feroient pas moins né- 
ceflaires à ceux qui font à la tête de tout, qu'à ceux même 
chés qui elles paroiffent jufqu'ici prefque- entiérement ren- 
fermées, & qui en fçavent tirer tant d'utilité, Û 

M. de Lagny a été marié deux fois, & n’a laïflé qu'une: 
Fille qui eft du premier lit, 


: és 


on 


Extrait d'une Lettre de M. de la Condamine 
à M. de Maïran, écrite de Quito au Perou 
le 15 Juin 1736, fervant d’Avertiflement 
pour le Mémoire de M. de la Condamine, 
imprimé dans le Vol. de 1733. p.294. 


J Æ vous prie, Monfieur, s’il en eff temps encore, 
d'empêcher que l'on imprime le Mémoire que je lus 
_à l'Académie avant que de partir, fur la maniére de 
tracer fur la Terre, par le moyen d’un inftrument, 
un Cercle parallele à l'Equateur ; ou, fi ce Mémoire 
eft imprimé, de faire inférer dans le Volume fuivanr 
la déclaration que je fais par cette Lettre, que je 
ne. fuis trompé, lorfque j'ai dir qu'avec la Lunette 
mobile on déterminoit tous les points vifibles du 
Parallele fur lequel on avoit fait la premiére ftation ; 
je rm'étois fondé fur la fauffe fuppofition que tous les 
points qui font dans le plan de ce Parallele appar- 
tiennent au Parallele, au lieu que cela n'eff vrai que 
dans le cas du Niveau parfait. Le moyen que je dis 
auffi dans ce Mémoire, m'avoir été fourni par M. 
Godin pour vérifier l'infrument, n'eft pas fuffifant . 
parce que la Lunette tournant dans un plan parallele 
a l'Equateur, ne répondra pas dans le Ciel au parallele 
de la méme latitude. Vous verrés pareillement que je 
me donne à la fin de ce Mémoire une peine très - 
inutile pour corriger les Réfradlions, qui ne peuvent 


mire en aucune maniére. Enfin je vous prie de té- 
moigner à l'Académie que je reconnois l'erreur dans 
laquelle je fuis tombé, à que je la fupplie de trouver 
bon que mon defaveu paroiffe dans le Vol. de 1734, 
en cas que mon Mémoire ait été imprimé dans celui 
de 1733. 


Fautes à corriger dans les Mémoires de 1729. 


| * Page Lignes Lifes 
PTE 27e Fun ou l'autre. 


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MEMOIRES 


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MATHEMATIQUE 
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PRES DES REGISTRES 
de l’Académie Royale des Sciences, 


. De l'Année M'DCCXXXI V. 


ÈS 


] 


METHODE DE VERIFIER 
la figure de la Terre par les Parallaxes de la Lune. 


Par M. MANFREDI. 


2 À figure de la Terre ayant été déterminée par 24 Mare 
les Aftronomes de l’Académie Royale des 1734. 
Sciences, fur des mefures immédiates, prifes 
avec le plus grand foin, & avec la plus grande 
+ éxactitude poflblé, il Pb qu'on ne devroit 
point douter de leurs déterminations pour attribuer à la 


Mem, 1734 e A 


Fig. 14 2: 3e 


2.  MEMoIRÉS DE L'ACADEMIE ROYALE. 


Terre d'autres figures qu'on n'a pas établies par obfervation, 


mais qu'on a feulement déduites de quelques hypothefes, 
peut-ètre fufceptibles de limitation dans les cas particuliers de 


‘quelqu'un des corps auxquels on croit les pouvoir appliquer. 


Cependant il n’eft pas inutile de chercher fi par quelque 
autre méthode, fondée auffi fur des obfervations, on pour- 
roit acquérir de nouvelles lumiéres touchant cette figure, 
& par ce moyen s’aflürer de celle qu'on lui a trouvée, ou 
découvrir la véritable. 

Parmi les méthodes qu'on y peut employer, je me fuis 
avifé de chercher fi l'on pouvoit en venir à bout par le 
moyen des Parallaxes de la Lune, en obfervant cet aftre de 
concert en divers lieux de la Terre. Je vais expofer ce que 
j'ai médité à ce fujet, après que j'aurai éclairei quelques 
principes fondamentaux touchant la théorie des Parallaxes 
en général. | 

Selon l'idée que les Aftronomes nous ont donnée de Ia 
Parallaxe, elle eft l'angle compris dans le centre d’un aftre 
par deux lignes droites, dont fune part du centre de la 
Terre, & l’autre du point de la furface d’où on obferve 
cet aftre. Ayant été conçüë dans Îa prévention commune 
de la figure fphérique de la Terre, elle paroît tre limitée 
à cette feule hypothefe, & on ne fa trouve pas fort com- 
mode ni fort utile, lorfqu'on peut ou qu'on veut douter 
de la vérité de cette fuppofition. Ainft il femble qu'il vaut 
mieux prendre la chofe d’une autre façon, en expliquant ce 
que c'eft que Parallaxe, d’une maniére qui convienne éga- 
lement à toutes fuppofitions raifonnables touchant la figure 
de la Terre. 

J'appellerai donc Parallaxe d’un afre fitué dans un point 
quelconque L { Fig, 1. 2. 3.) à Végard auffi d'un point 
quelconque de la furface de la Terre À, l'angle qui eft com- 
pris dans le centre de l'aftre par les lignes droites AZ, EL, 
dont la premiére part du lieu À, & Fautre du point Æ, dans 
lequel l'axe de la Terre SPF eft coupé par la ligne verticale 
de ce lieu ZAE, qui eft perpendiculaire à la furface de la 


DES SCIENCES 3 
Terre. IL eft évident que fi la Terre eft fphérique /Z3g, 1.) 
le point de concours Æ de la verticale ZA£ avec l'axe PS 
{ confond avec le centre de la Terre C, & l'angle ALE, 
que j'appelle parallaxe, devient À LC, qui eft la parallaxe 
dans la fignification commune ; ainfi la définition qu'on 
donne icine changé rien à l'idée qu'on a déja de la Parallaxe 
dans lhypothefe de la figure fphérique, qui eft la feule à 
laquelle elle ait été attachée. 

Ce point de concours Æ / Fig. 1.2. 3.) de la verticale 
du lieu avec l'axe de la Terre peut être appellé centre ima- 
ginaire à l'égard du lieu , & il le feroit aufli à l'égard de tous 
autres lieux de la l'erre qui font dans le parallele du lieu 4, 
Par la mème raifon la portion AE de cette verticale pourra 
s'appeler demi-diametre imaginaire de la Terre ; & s'il étoit 


Fig. Le 


Fig. 1.2. 3e 


néceflaire de donner un nom au plan O£ parallele à Fho- : 


rifon phyfique ZR qui touche la Terre en 4, on pourroit le 
nominer #orifon rationel imaginaire, toùjours par rapport au 
point À, pendant que le plan QC, mené par le véritable 
centre de la Terre, parallele à ces deux plans, en eft le 
véritable horifon rationel. 

Si {a Terre eft un Sphéroïde allongé /Fig. 2.) c'eft-à-dire, 
f: c'eft le grand axe du Méridien P AS qui pafle par les 
poles P, 5, & convient avec l'axe de la Terre, à ors le centre 
imaginaire Æ tombera entre le véritable centre C & le pole P 
le plus proche du lieu À. Mais fi c'eft le petit axe du Mé- 
ridien /Fig. 3.) qui pafe par les poles, ou fi la Terre eft un 
Sphéroïde applati, ce point Æ tombera au de-là du véritable 
centreC, vers le pole S le plus éloigné-du lieu À. Tout cela 
eft aifé à entendre par les propriétés des perpendiculaires de 
YEllip{e, dont les Méridiens doivent à peu-près imiter la 
figure, fi la Terre n’eft pas fphérique. 

On pourroit me demander par quelle raifon je prends 
pour bafe de l'angle de Ia Parallaxe plûtôt la portion À Æ 
(Fig. 2. 3.) de la ligne verticale du lieu, qu’une plus grande 
ou plus petite portion de cette même ligne, ou bien toute 
autre droite qui partiroit du point À, par exemple, celle 

i A ij 


Fig. Zo 


Fig. 3° 


Fig. 2, 3, 


4  MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
qu'on meneroit de À au véritable centre C, ainfi que la dé- 
finition commune de la parallaxe le veut. 

Mais il eft ailé de répondre que le point conftant que l'on 
doit choifir pour terme de la bafe de cet angle, doit être tel 
qu'à l'égard de ce point le mouvement diurne de 'aftre pa- 
roifle régulier & uniforme, tel qu'il eft en foi-même, au 
moins en fuppofant que l'aftre ne change ni de diftance au 
centre de la Terre, ni de parallele à J'Equateur pendant ce 
mouvement ; ce qui ne peut fe vérifier de quelque autre 
point que ce foit pris hors de l'axe PS. D'ailleurs on ne 
fçauroit choïfir ce point hors de la ligne verticale du lieu; 
car c’eft la feule ligne au dedans de la Terre qui foit donnée 
de pofition à l'égard de lobfervateur, la direction où fe 
trouve le centre €, auffi-bien que celle de tout autre point 
imaginable de l'axe, lui étant inconnuë, 

En effet un Aftronome qui eft placé en À, & qui ignore 
la véritable figure de la Terre, voyant la régularité des 
mouvemer:5 des Etoiles fixes par des cercles paralleles entre 
eux, & comparant leurs apparences avec celles de la Lune, 
ou des autres aftres qui ont parallaxe, trouvera que les 
voyages apparents de ces aftres fe détournent d’un parallele 
à ces cerclesstoüjours dans un fens qui porte à les éloigner 
du Zénith , & de la ligne verticale. C'eft pourquoi il ne 
pourra choifir que cette ligne pour terme des irrégularités 
caufées par la parallaxe ; & s’il vouloit chercher un centre à 
l'égard duquel ces irrégularités s’évanouiffent, il ne fçauroit 
fe déterminer à le chercher ailleurs que dans cette ligne, 
où il en trouvera un en effet. I pourra même prendre ce 
point pour le véritable centre de la Ferre, tout de même que 
fi elle étoit une fphere 44 d décrite autour de ce centre £, 
par le point À où il fe trouve. Il y imaginera fon Equateur bd, 
fes Méridiens & fes paralleles, il conclura de-là les diverfes 
apparences de cet aftre qui conviendront aux diverfes lati- 
tudes de cette Zèrre imaginaire, & il ne pourra fe détromper 
de cette imagination que par la comparaifon des obferva- 
tions faites en d’autres lieux de la véritable Terre PAS. 


PR C7 LES Vie 


DES SCIENCES. 

Après tout cela, fi quelqu'un vouloit retenir à {a rigueur 
Ja définition commune de la Parallaxe, même dans la fup- 
potion que la Terre ne foit pas fphérique, & prendre pour 
bafe de cet angle la droite AC, je ne m'y oppoferai point, 
mon intention n'étant pas de changer les fignifications dés 
mots qui font établies par l'ufage, mais feulement d'expliquer 
en quel fens je me fervirai de ce nom de Parallaxe dans 
cette recherche : ce que j'efpere qu'on me permettra, d’au- 
tant plus que fi l’on ne change un peu la fignification de ce 
mot, il faudra changer tous les Théoremes, & les Problemes 
fondamentaux qu'on a démontrés touchant les Parallaxes, 
comme l’on verra bientôt. 

Ayant établi pour bafe de l'angle de {a Parallaxe, pris dans 
mon langage, la portion de la ligne verticale A £, il eft 
évident que l'effet de la Parallaxe fera toüjours d’abbaïfier 
en apparence l'aftre au fpeétateur À, fans le détourner jamais 
du plan vertical dans lequel il {e trouve; ce qui eft auffi une 
propriété des Parallaxes prifes à l'ordinaire dans l'hypothefe 
de la Terre fphérique : mais elle ne le feroit pas en retenant 
la définition commune pour lappliquer à la figure fphéroïde, 
c'eff-à-dire, en prenant pour bafe de la Parallaxe la ligne AC. 

IL eft auffi facile de voir qu’en fuppofant la même diftance 
de l'aftre L Æ, au centre imaginaire Æ (quelle que foit fa 
diftance au véritable centre C) les finus des. parallaxes qui 
lui conviennent par rapport à un même lieu À, ou bien à 
une même latitude terreftre, à laquelle ce centre appartient, 
feront entr'eux comme les finus des diftances apparentes au 
Zénith ZAL ; & qu'ainfi au Zénith la parallaxe fera nulle, 
& que la plus grande parallaxe fera l’horifontale, c’eft-à-dire, 
celle qui convient à l'aftre, lorfqu’il eft à lhorifon phyfique 
du lieu R AJ, ce qui s'accorde encore avec les Théoremes 
communs des parallaxes, mais qui ne f vérifiéroit pas en 
retenant la définition ordinaire dans une autre hypothefe que 
de la figure fphérique. 

L'on voit au contraire / F3. 4.) qu’en fuppofant conftante 
la diftance CL, de l'aftre L,, au véritable centre de la Terre C, 

À iij 


Fig. 4. 


6 MEMoIREs DE L'ACADEMIE RoyaLE 

la diflance du centre imaginaire £, au même aftre ZL, peut 
changer, fi l'aftre change de déclinaifon, ou de diftance au 
pole, qui eft melurée par l'angle LC. Par conféquent, 
la parallaxe horifontale d'un aftre L qui fe trouveroit toû- 
jours dans la furface d'une fphere O VL, concentrique à 
la Terre, ne feroit pas conftante, mème par rapport à une 
latitude déterminée comme celle du lieu À, à moins que 
Jaftre ne fe trouvât toüjours dans un mème cercle AL G, 
parallele à Equateur. Car en ce cas, la ligne CL tournant 
autour du centre €, & l'angle L CV demeurant conftant, 
la ligne Æ L le {eroit de même, auffi-bien que l'angle LEY. 
On peut appeller cet angle LEV, diflance imaginaire de l'aftre 
au pole, au lieu que l'angle ZCV en eft la véritable diflance ; 
& on peut nommer la différence decesanglesCLE, Parallaxe 
des centres, qui dans cette derniére fuppofition eft un angle 
conftant. 

I eft clair que cet angle CL Æ étant toüjours dans un 
plan VLC qui pañle par laxe de la Terre PS, & la paral- 
laxe À LE toüûjours dans un plan £Z L qui pañle par la 
verticale Z AE, ces deux angles ne peuvent fe trouver dans 
un même plan, l'aftre étant ailleurs que dans le Méridien. 
Alors ces deux angles compoleront l'angle ALC, qui feroit 
la parallaxe fuivant la définition ordinaire, l'angle À LC 
étant pour lors, ou la fomme, ou bien la différence de ce 
que j'appelle Parallaxe de l'aflre AL Æ, & de la parallaxe 
des centres £ LC. 

Enfin, ileftévident que la parallaxe horifontalequi convient 
au même aftre en deux lieux de la Terre qui ont différentes 


latitudes, fe trouvera différente, quand même la ligne tirée | 


des centres imaginaires à J'aflre feroit de même longueur; 
à caufe que la ligne À Æ qui foûtend les parallaxes ne peut 
être de même mefure, fi les deux lieux n’ont même latitude. 
Si la figure de la Terre eft un Sphéroïde allongé, & elliptique 
à peu-près, la parallaxe horifontale fera plus petite aux lieux 
plus proches des poles de la Terre qu'aux plus éloignés, 


parce que dans l'Ellip£e, la perpendiculaire AZ eft plus petite 


D'E 5429: T'ES 
dans les premiers que dans ceux-ci. Le contraire arrivera 
fi la figure eft applatie, & aufi elliptique à peu-près. 

Il faut remarquer ici que fuivant {a définition commune 
qui donne pour bafe aux angles des parallaxes, un demi- 
diametre de la Terre, la parallaxe horifontale eft l'angle fous 
lequel on voit ce demi-diametre du centre de l'aftre par une 
ligne qui touche la Terre; ce qui fe vérifie auffi de la pa- 
rallaxe horifontale prife de la maniére que je la prends ici 
à l'égard du demi-diametre imaginaire, mais non pas du 
demi-diametre réel de la Terre, à moins qu'elle ne {oit 
fphérique. 

Si, dans les autres hypothefes de fa figure, on vouloit 
prendre pour parallaxe horifontale, l'angle fous lequel on 
voit du centre de F'aftre un de fes demi-diametres réels, par 
une ligne qui touche la furface de la Terre, cet angle feroit 
indéterminé, quand même la pofition de l'aftre feroit donnée; 
parce que l’on pourroit tirer de Faftre plufieurs lignes qui 
toucheroient Ja Terre aux extrémités de plufieurs demi- 
diametres différents de longueur & de pofition. Maïs fi, entre 
les demi-diametres, l'on fe déterminoit à choïfir celui qui eft, 
par exemple, dans le plan d’un même Méridien avec l'aftre ; 
alors en fuppofant la figure de Sphéroïde allongé, la parallaxe 
horifontale feroit plus grande, à mefure que l'extrémité de 
ce demi-diametre ( qu'on ne verroit pourtant d'ordinaire 
qu'obliquement) c’eft-à-dire, le point touchant fur la fur- 
face de la Terre, feroit plus proche du pole; & au contraire 
en fappofant la figure applatie. 

C’eft donc ainfi, fi je ne me trompe, que M. le Chevalier 
INewtoh a confidéré la parallaxe horifontale de là Lune, 
dans Ja derniére édition de fes Principes, qui eft de l'an 
1726, de Londres. Car dans l’hypothefe qu'il fuit de la 
figure apphfie, en fuppofant la moyenne diftance de la Lune 
au centre de la Terre, telle qu'il la trouve dans les Syzygies, 
& la parallaxe horifontale fous le Cercle équinoétial étant 
de $7’ 20”, il la fait à la latitude de 30 degrés de $7' 16”, 
à 38 degrés de 57’ 14", à45 degrés de 5712", à 52 degrés 


8 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr 
de 57" 10", à 60 degrés de 57'8", & à 90 degrésde 57'4”, 
c'eft-à-dire, toûjours plus petite en allant vers les poles. 

En revenant aux parallaxes prifes à ma maniére, on entend 
aflés ce qu'il eft nécefaire de fçavoir, & ce qu'il faut faire, 
pour réduire les lieux apparents des aftres qu'on détermine 
par l'obfervation immédiate aux lieux véritables qu'on ob- 
ferveroit du centre de la Terre C, quelque figure qu’on lui 
donne. Car la parallaxe horifontale qui convient à la latitude 
du lieu étant donnée, ou, ce qui revient au même, étant 
connuë, le rapport entre le demi-diametre imaginaire À £, 
& la diftance du centre imaginaire à l’aftre £ L étant auffr 
connus, fi l'on obferve fa diftance apparente au Zénith Z AL, 
en quelque plan vertical que ce foit, on pourra dans le trian- 
gle LAË, trouver fa parallaxe ALE, pour cet inflant, qui 
étant retranchée de l'angle Z AZ, donnera l'angle LEZ, qui 
fervira à l'ordinaire avec la hauteur du pole du lieu, & avec 
quelque autre mefure donnée par obfervation, à trouver ff 
J'on veut, le lieu de laftre par rapport aux cercles mobiles 
de la Sphere. 

L’afcenfion droite de l'aftre qu'on déterminera de cette 
maniére en fera la véritable afcenfion, telle que fi on l'ob- 
fervoit du centre de la Terre C ; car le plan du cercle d'af 
cenfion droite, dans lequel l’aftre {e trouve, paffant par l'axe 
de la Terre CF eft le même plan dans lequel on le verroit, 
tant du point Æ, que du point C, qui font fitués dans ce 
même axe. Mais pour la déclinaifon, ou diftance de l'aftre 
au pole, celle qu'on déduira fera l'angle LÆV, qui aura 
befoin de correction, fi l’on veut la véritable diftance au 
pole LCV. Cette correction fe trouvera aifément, pourvû 
qu’on fçache la figure & les dimenfions de la Terre, ce qui 
eft indifpenfablement néceflaire fi elle n’eft pas fphérique. 
Car ces dimenfions donnant le rapport des droites £A4, EC, 
& fuppofant auffi connu le rapport de EL à EA, qui eft 
celui du rayon au finus de la parallaxe horifontale de l’'aftre 
pour le lieu À, on en déduira le rapport de £L à EC, qui 
avec l'angle CE L, fupplement de L EF, donnera dans le 

triangle 


mi Et SM ASC TE ANNENE 16 ÿ 
triangle CE L, Yangle LCV qu'on cherche, & donnera 
aufi {a parallaxe des centres £ LC. 

Je ne n'arrêterai point à expliquer ce qu'il faudroit faire 
fi Von cherchoit la diftance apparente au Zénith Z AZ, la 
véritable pofition de l'aftre étant donnée ; car on voit aflés 
qu'il n'y auroit qu'à faire les mêmes calculs avec un ordré 
contraire. - 

Pour ce qui regarde la maniére de trouver par obfervation 
les parallaxes horifontales d’un aftre, dans quelque lieu que 
ce foit de la Terre, on fçait que dans l'hypothefe de fa 
fphéricité, la méthode la plus fimple, Ka plus facile, & 
même la plus füre eft celle de les chercher par le moyen des 

arallaxes horaires, ce qui s'exécute par un feul obfervateur, 
& dans un feul lieu, de la maniére qui a été inventée, & 
expliquée par feu M. Caffini, dans fon Traité de la Comete de 
11680. Cette méthode non-feulement peut s'appliquer à une 
hypothefe quelconque, mais fi on ignore la véritable figure 
de la Terre, elle eft peut-être la feule qu'on puifle pratiquer. 
U faut feulement remarquer que tout ce que M. Caffini dit, 
en expliquant cette méthode, à l'égard de la Terre, de fon 
ÆEquateur, de fes cercles horaires, & d’autres, doit être appli- 
qué à la Sphere imaginaire Abd, qui a pour centre le point £, 
& doit fe rapporter à l'équateur de cette Terre 24, & à fes 
autres cercles; & que la Sphere dans laquelle il fuppofe que 
'aftre eft placé ne doit pas être O VA, qui a fon centre en C, 
mais ANH qui l'a en Æ, dont l'axe eft {a droite VC, auffr- 
bien que de l'autre, & qui la coupe dans le cercle HLG, 
c'eft-à-dire, dans le parallele de Faftre, le rayon de cette 
Sphere imaginaire étant £ L, & non pas CL. La parallaxe 
horifontale qu’on trouvera de cette maniére, fera celle qui 
convient au lieu À, & à la diftance EL de l'aftre au centre 
imaginaire Æ}; & Ie rapport qu'on découvrira du finus de 
cette parallaxe au rayon fera celui du demi-diametre ima- 
ginaire À Æ à la ligne £ L. Un autre obfervateur placé dans 
un autre lieu de la Terre à différente latitude, & qui feroit {es 
obfervations au même temps, trouveroit à cet aftre une autre 


Mon, 173 4x - B 


10 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoYyALE 
quantité de parallaxe horifontale, & découvriroit le rapport 
du demi-diametre de fa Sphere imaginaire à la diftance du 
centre de cette Sphere à F'aftre. 

Cela polé, pour venir de plus près à ce qui regarde ma 
méthode, il eft clair que fi par le moyen de la feule paral- 
laxe horifontale déterminée en À, on vouloit découvrir 
celle qui convient en même temps à l'aftre dans quelqu'autre 
lieu de différente latitude, par exemple, fous le cercle équi- 
noétial en , il faudroit abfolument fçavoir le rapport du 
demi-diametre AE au demi-diametre de l'équinoétial CX, & 
auffi le rapport de la diftance de l'aftre LE à la diftance LC, 
qui dépend de la diftance des centres EC, c'eft-à-dire, qu'il 
faudroit connoître les véritables dimenfions, & la véritable 
figure de la Terre. 

Mais fi au contraire au même temps qu’on cherche par 
obfervation la parallaxe horifontale d’un aftre dans le lieu 4, 
on en fait de même dans le lieu Ÿ, ou bien dans quelque 
autre lieu de la Terre fitué fous le cercle équinoétial, & 
qu'outre cela on détermine dans fun & l'autre lieu les angles 
LEV, LCV, de la maniére qu'on a indiquée ci-devant, il 
eft clair qu’on pourra s’'appercevoir par-là de la figure de la 
Terre. Car fi elle eft fphérique, les points Æ, €, fe réuniffant 
en un feul €, les angles LEV, LCV, fe trouveront égaux. 
Si elle eft fphéroïde allongée, le point de l'axe Æ, tombant 
entre C & P, l'angle LE V de diftance au pole vifible pour 
le lieu À, fera plus grand que l'angle LCY, qui convient au 
lieu X, pris fous l’équinoctial; & fr elle eft applatie, LEV 
fera plus petit que LCY, le point de l'axe, Æ, tombant pour 
lors au de-là de C, vers l'autre pole.S. : 

Suppofé que l’on trouve de la différence entre ces deux 
angles, cette différence fera la parallaxe des centres CLE, 
& dans le triangle CLE, tous les angles étant connus, on 
aura la proportion de la ligne CE, aux lignes LC, LE. Or 
comme par {a parallaxe horifontale de Y'aftre-en À, on fçait 
déja la proportion de LE à EA, & par la parallaxe hori- 
fontale en X, on fçait auf celle de LC à CX, on aura en 


D ESS CA MEMNNCUE 15: 11 
mêmes mefures les droites C , CE, E A, c'eflà-dire, le 
diametre de l'Equateur, la portion de axe depuis le centre 
jufqu'à la rencontre de la perpendiculaire, & la longueur de 
cette même perpendiculaire ; ce qui fuffit, dans la fuppofition 
que la courbe # A P foit une ellipfe, pour déterminer la 
longueur de l'axe de la Terre CP, & pour décrire lellip{e, 
l'angle A£P, complément de la hauteur du pole en À, étant 
donné. On pourroit même vérifier l’efpece de cette cour- 
büre, fi fon avoit de femblables obfervations faites dans 
d’autres lieux fitués à diverfes latitudes. 

Ce que j'ai expofé par avance, montre déja comment {a 
feule obfervation dés Parallaxes peut fervir de fondement 
géométrique pour trouver la figure &c les dimenfions de la 


Terre. Ce n'eft pas pourtant que je prétende qu'on entre- 


prenne cette recherche de la maniére que je viens de dire. 
Cela demanderoit trop de fubtilité dans les obfervations. 
Mon intention.n’eft donc pas de déterminer, mais feulement 
de vérifier cette figure & ces dimenfions, :& cela d’une 
maniére afiés fenfible, comme il paroïtra par la méthode que 
je vais deformais expliquer. 

Je propofe donc que l'on choïfiffe deux lieux pour y faire 
de concert pendant quelque temps des obfervations de la 
Lune, les parallaxes de cet aftre étant beaucoup plus fenfibles 
que celles de tout autre. Soit l'un des lieux / Fig. 5.) par 
exemple Paris au point À, & autre, que nous fuppoferons 
d'abord, pour une plus grande facilité, fous le Cercle équi- 
noctial, & fous le mème Méridien de Paris, au point 
On obfervera à Paris les Parallaxes horaires de la Lune aux 
jours qu’on aura concertés, par la comparaifon de fon paflage 
par un même cercle horaire avec une Etoile fixe, & on en 
déduira la parallaxe horifontale fuivant la méthode de M. 
Caffini. Cette parallaxe fera celle qui convient pour lors au 
demi-diametre imaginaire de la Terre 4 Æ. On obfervera 
aufii fa diftance apparente au Zénith Z AL, au temps de fon 
paflage par le Méridien, & par le moyen de la parallaxe hori- 
lontale qu'on aura trouvée; on calculera l'angle de parallaxe 


B ïj 


Fig. 53 


72 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
abfoluë ALEÆ qui convient à cette diftance apparente. Enfin 
on déterminera éxactement par le Micrometre, ou par les 
filets horaires & obliques, la différence apparente des paral- 
Jeles entre la Lune & cette même Etoile fixe, ou bien un 
autre quelconque #, pour le temps du pañlage de la Lune par 
le Méridien, ce qui donnera l'angle AZAL, dans le plan du 
Méridien, qui melure la diftance de ces paralleles. 

L'autre obfervateur en ÆX déterminera auflr au même 
temps par fes obfervations {a parallaxe horifontale de la Lune 
qui convient au demi-diametre CX, & obfervera de même 
la diftance apparente de la Lune à fon Zénith FL, lorf 
qu’elle paflera par le Méridien, pour calculer par ce moyen 
la parallaxe LC, au temps de ce pañlage. Enfin il mefu- 
rera exactement l'angle L AN, qui fera pour ce temps, la 
différence des paralleles de la Lune, & de la même fixe Æ, 
qu'on aura obfervée en 4. 

Par la comparaifon des obfervations faites dans les deux 
lieux, on connoîtra auffi-tôt l'angle AL, car il fera toû- 
jours égal à la différence des angles obfervés A7AL, NXE, 
fi la fixe dans les deux lieux a paru de même côté par rap- 
port à la Lune, ou bien à leur fomme, fi elle a été vüé de 
divers côtés, ce qui eft facile à démontrer par le parallelifme 
des lignes AM, XN, qui vont fenfiblement à un même 
point infiniment éloigné, où le parallele de la fixe coupe 
le Méridien. A 

Les trois angles ALE, CLX, ALX, étant donc connus, 
il fera facile de voir s’il y a une parallaxe fenfible des centres 
ÆLC, c'eft-à-dire, fi le point £ eft différent du point €. 
Car lorfque la fomme des parallaxes ALE, XLC, fe trou- 
vera égale à angle AL, la Lune paflant entre les deux 
Zéniths Z, F, ou bien lorfque la différence de ces parallaxes 
fera auffi égale à l'angle AL, la Lune étant au de-là de 7 
dans l’hémifphere méridional, il eft clair que les deux lignes 
‘EL, EC, n’en feront qu'une, le point Æ tombant fur €, 
& la figure de la Terre fera fphérique. 

Si la fomme des parallaxes dans le premier cas, ou bien 


amant. ht 


\ 
è 


FRERE 


DIE: SPAS TC MEET ES: 1 13 
leur différence dans le fecond n'égale pas l'angle ALX, il y 


‘aura une parallaxe des centres £LC. Alors la différence des 


angles connus AL, CLX, fi Ia Lune eft entre les Zéniths 
Z, Y, ou leur fomme fi elle eft au delà de Y, donnera 
Vangle 4 LC. En l'un & l'autre cas, fi cet angle eft plus 
grand que la parallaxe 4 L EF, le point Æ tombera au de-çà 
du centre C, vers le pole ?, le plus proche du lieu À, & fa 
Terre fera un Sphéroïde allongé; mais fi: À LC'eft plus petit 
que AL E, le point Æ, tombera au de-à de C, vers l'autre 
poleS, & da figure de la Terre fera un fphéroïde applati. 

Je n'ai pas imis à compte le cas où la Lune fe trouve au 
de-çà du Zénith Z vers le pole }”, car cela n'eft pas poffible, 
le lieu À étant à Paris; & il ne feroit pas même avantageux de 
prendre pour le point À un lieu où ce cas pourroit arriver, 
c’eft-à-dire, entre les Tropiques de la Lune, parce que l'an- 
gle CLE ne pourroit alors être que fort petit, quand même 
la Terre auroit affés fenfiblement la figure fphéroïde. 

On pourroit aufli s’'appercevoir de la figure de la Terre 
par la feule comparaifon des parallaxes horifontales trouvées 
en À, & en Ÿ, la parallaxe horifontale en X, devant fe trouver 
égale à celle en À, fi la Terre eft fphérique, ou plus grande, f 
elle eft allongée, & plus petite, fr elle eft applatie. Mais il 
eft plus für de la déduire des angles parallactiques qui fe font 


en L, dela maniére qu’on a dit, parce que la différence des 


parallaxes horifontales en À, & en X, ne peut pas être auffr 
fenfible ni aufi évidente que la parallaxe des centres LE C 
le doit être, quelle que foit la figure de la Terre. 

On a fuppofé d'abord les lieux 4, , fous un même 
Méridien, mais il eft facile-de voir que cela n’eft pas né- 
ceflaire, quoiqu'il foit à propos que la différence des Méri- 
diens ne foit pas trop grande ; car en obfervant dans lun 
des lieux le changement horaire de la Lune en dédlinaifon 
apparente, ce qu'on peut faire avec le Micrometre par rap- 
port à la même fixe À, & la différence des Méridiens étant 
connuë, on trouvera la réduction qu'il y aura à faire aux 
obfervations de ce lieu, tant de là diftance apparente au 

B ii 


*14 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE, RoyALE 
Zénith, pour lui afligner fa parallaxe AL E, que de la 

différence des paralleles de la Lune, & de la fixe, pour la 
réduire au Méridien de l'autre lieu. 
. On a aufli fuppofé, pour faciliter l'explication de la mé- 
thode , que l'un des deux lieux eft placé fous le cercle équi- 
noctial ; mais on peut dans la pratique s'épargner la peine de 
chercher un tel lieu, non feulement fans préjudice de l'exaéti- 
tude, mais avec avantage, comme l'on verra bientôt. 

Mais parce qu'en fait de méthodes aftronomiques il eft 
‘important de fçavoir les limites de précifion, & de certitude 
que l'on peut efperer d'atteindre en les pratiquant ; ce qui 
dépend d'une eftimation exacte des petites erreurs qui font 
inévitables dans les obfervations, voyons fi par la méthode 
que j'ai expofée, on pourra au moins s'appercevoir évidem- 
ment de la figure de la Terre, en cas qu'elle foit telle que 
M. Caffini le fils Ya déduite des mefures qu'on a prifes 
actuellement. 

Ayant calculé la Tongueur de Ja ligne CÆ pour la latitude 
de Paris, fur les dimenfions des axes du Sphéroïde allongé 
qu'il a données dans fon excellent ouvrage de la grandeur 
& de la figure de la Terre, je la trouve de $ o parties, dont 
le demi-diametre de Equateur CX eft 325 5. C'eft pour- 
quoi l'angle € Æ L étant droit, ce qui arrivera lorfque la 
Lune fe trouvera à peu-près dans le cercle équinoétial, la 
parallaxe des centres £ LC, doit être à peu-près la 6 $.me 
partie de la parallaxe horifontale qui convient au demi- 
diametre de léquinoétial CX. En fuppofant cette parallaxe 
de 61 minutes, comme elle l'eft quelquefois, on trouvera 
l'angle ELC de 57 fecondes , qui eft un angle aflés fenfible 
pour être apperçü par des Aftronomes éxaéts. Si l'angle 
LEC eft de 120 degrés, c'eft-à-dire, fi la Lune eft dans fa 
plus grande déclinaifon {eptentrionale, l'angle ÆELC fera un 
peu moindre, c'eft-à-dire, de $o fecondes; & fi dans cette 
fuppofition la parallaxe horifontale n'étoit que de $ 4 mi- 
nutes, l'on trouverdit encore l'angle ÆLC de 42 fecondes, 
& ceft le moindre qu'on le puifle trouver, la Lune étant 


p'Eistr8 cf emRienr:s is 
dans lhémifphere feptentrional, fr la Terre a la figure qu'on 
fuppofe. Si la Lune étoit au deà de Equateur, cet angle 
pourroit être plus petit; d'où l'on voit qu'il eft avantageux 
d'avoir 1 Lune le plus proche de: l'Equateur, & le plus 
proche auffi de la Terre qu'il eft poffible. 
Si au lieu de choifir Paris pour l’un des deux lieux À; 
pour y faire ces obfervations, on les faifoit dans un autre lieu 
qui eût une plus grande latitude, en fuppofant toûjours 
l'autre obfervateur fous le cercle équinoétial en #, cet angle 
devroit encore fe rendre plus fenfible. Je trouve qu’en pre- 
nant tout l'avantage des circonftances ci-deflus marquées, 
dans la latitude de 60 degrés, la parallaxe des centres ELC 
feroit d'une minute 7 fecondes, & dans la latitude de 75 
degrés, d'une minute 1 $ fecondes, Si l'on pouvoit faire ces 
-obférvations fous le pole P, on trouveroit C £ de 68 des 
mêmes parties, dont OX eft3255, & la parallaxe des 
centres d’une minute 17 fecondes. 
Mais fi en prenant pour le point À tel lieu qu’on voudra 
dans l’hémifphere feptentrional, on ne choïfit pas pour le 
point *, un lieu placé fous léquinoctial, mais au de-là de 
T'équinoétial vers le midi, [a détermination & le calcul des 
angles parallactiques, qui fe font dans le centre de la Lune Z, 
iront tout de mème que ci-devant, & cependant on pourra 
gagner beaucoup dans Ia grandeur de la bafe CE, le point C 
n'étant plus pour lors le centre de la Terre, mais le centre 
imaginaire du lieu méridional où l’on fera les obfervations, 
ce qui rendra plus grand Fangle £ LC, que lon pourra 
encore, f1 l'on veut, appeller parallaxe des centres. Je ne 
m'arrêterai point à en dire davantage, parce qu'il eft évident 
qu'on peut par ce moyÿen doubler cet angle, en choïfiffant 
le point #, avec autant de latitude anftrale que le point 4 en 
aura de boréale, & par-là rendre cétte détermination plus 
fenfible, & plus füre. 
Les découvertes des Terres Auftrales n'ayant pas encore 
été pouflées auffi loin que celles des Boréales, on pourra 
néantmoins trouverune bafe ÆC, affés grandépour foûtendre, 


36 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE RoYALE 

dans les circonftances qu'on a dit étre les plus avantageufes, 
une parallaxe des centres EL C, d'environ deux minutes. 
Comme fi lon prenoit pour le point 4, Upfal, ou Peters- 
bourg, ou Archangel, & pour X, le Cap de Bonne-Efperance, 
dont la longitude n’eft pas même fort différente de celle de 
ces lieux ; ou bien fi en choïfiffant pour 4, Quebec, lon 
prenoit pour Ÿ, le Détroit de Magellan, ces deux lieux 
étant dans les Cartes de M. Delifle prefque fous un même 
Méridien. 

Examinons donc fi la fomme des erreurs qu'on peut 
craindre dans les obfervations néceflaires à cette détermina- 
tion, peut aller aflés loin pour rendre douteufe toute cette 
différence de deux minutes, qu'on doit trouver dans cette 
hypothefe , & dans ces circonftances, pour parallaxe des 
centres; ou bien fi, toutes les erreurs étant évaluées, ïl doit 
refter encore quelque chofe de fenfible qui rende évidente 
cette parallaxe. On s'aflürera de cela, en cherchant les plus 
grandes méprifes où un obfervateur éxaét pourroit tomber 
dans les mefures des angles ALN, ALE, CLX, qui font 
les feuls qu'on employe immédiatement pour trouver a 
parallaxe des centres Æ LC: | 

En commençant par l'angle À L X: comme il réfulte de 
la fomme ou de la différence des deux AZAL, NXEL, qui 
font les différences de déclinaifon de la fixe 4, & de la Lune, 
au temps de fon paflage par le Méridien, on n’y peut foup- 
çonner qu'autant d'erreur qu’on pourroit en commettre dans 
la détermination qu'on feroit de ces différences avec le Mi- 
crometre. Or il eft certain que les Aftronomes déterminent 
par cet inftrument les différences apparentes de déclinaifon 
à 5 fecondes près; & quand même on prétendroit qu'on 
ne pourroit s’en affürer qu'à 10 fecondes, ayant égard au 
diametre de la Lune, qu’il faut obferver au même temps, pour 
réduire cette différence au centre, & qu'outre cela on vou- 
droit fuppofer que la fomme de ces erreurs refteroit toute 
entiére dans la mefure qu’on déduiroit des obfervations de 
Jangle AL, les erreurs ne fe compenfant point l’une l'autre, 

: cet 


D ristS" CÉREMMNAES Er se 17 
cet angle ne feroit douteux que de 20 fecondes tout au plus. 
Il eft vrai que les deux lieux À, X, n'étant pas exacte- 
ment fous un même Méridien, il faudroit dans l'un des lieux 
donner à cette différence une correétion pour la réduire au 
Méridien de l'autre lieu ; ce qui demande que la différence 
des Méridiens foit connuë, & que le mouvement apparent 
de la Lune en déclinaïfon le foit aufli. Mais en obfervant 
plufieurs fois la Lune, & la fixe pendant une ou deux heures, 
on peut s'affurer de ce mouvement, & de fes inégalités, en 
forte qu'on ne fe méprendra que de fort peu, & d’une 
quantité prefque infenfible dans la réduction qui convient à 
la différence fuppofée des Méridiens, pourvû qu’elle foit affés 
petite; & le doute qu'on peut avoir fur la véritable mefure 
de cette différence n’allant pas d'ordinaire à une minute 
d'heure, le changement de déclinaifon apparente dans ce petit 
temps ne fera auffi que fort petit, & je crois qu'on ne doit 
mettre en compte pour tout cela que 10 fecondes d'erreur 
dans la réduétion, qui font en tout 3 0 fecondes d'incertitude 
dans l'angle AL, 

Pour l'angle ALE, qui eff la parallaxe abfoluë de Ia Lune 
au Méridien dans le lieu À, fa mefure dépend premiérement 
de Ja diflance apparente au Zénith Z AL, qu'on aura obfervée. 
Cette obfervation étant faite avec foin, ne peut être dou- 
teufe tout au plus que d’une minute, & une minute de doute 
dans la diftance au Zénith n'en coûté jamais qu'un d’une 
feconde dans 1a parallaxe de hauteur, en fuppofant connuë la 
parallaxe horifontale ; mais on peut compter deux fecondes, 
à caufe de l'incertitude d’une autre minute qu'on pourroit 
foupçonner dans Fangle ZA L, pour les irrégularités des 
réfraétions. 

La parallaxe AL E dépend outre cela de la parallaxe hori- 
fontale qu'on aura trouvée par les obfervations des parallaxes 
horaires faites dans le lieu 4. Dans la détermination de 
cette parallaxe horifontale on prend pour un des éléments 
du calcul {a hauteur du pole du lieu ; mais quand même on 

Mem, 1734 Aa € 


38 MEMoIREs DE L'ACADEMIE ROYALE 
fe tromperoit dans cette hauteur de 2 minutes ( ce qui 
n'arrive jamais en faifant l'obfervation avec foin ) cela 
ne feroit rien de fenfible dans les parallaxes. On employe 
encore dans ce calcul la déclinaifon apparente de la Lune 
ui eft donnée par la différence qu’on en obferve à celle 
d’une fixe, & dans cela même deux ou trois minutes d'erreur 
(qu'on ne peut commettre que par négligence) ne change- 
roient de rien la parallaxe horifontale qu'on cherche. Enfin 
il entre dans ce calcul la différence de temps qu'on obferve 
à diverfes heures d'une même nuit, entre les pañlages de la 
Lune & d’une fixe par les mêmes cercles horaires à quelque 
diftance au Méridien, & la différence de ce temps, qu'on 
devroit obferver dans les mêmes cercles, fr la Lune n’avoit 
point de parallaxe, ce qui dépend du mouvement véritable 
de la Lune en afcenfion droite, qu’on déduit de fes paffages 
par le Méridien, obfervés deux ou trois jours de fuite. 
J'avouë que cette détermination eft fort délicate, & que 
c'eft-là où il eft plus facile de fe méprendre qu'ailleurs. Je 
crois pourtant que les Aftronomes m'accorderont qu'on peut 
après tout cela s'affurer de la parallaxe horifontale qui en 
réfuite, dans une demi-minute de cercle; & je remarque de 
plus qu'une demi-minute d'erreur dans da parallaxe horifon- 
tale trouvée au lieu À, ne doit pas refter toute entiére 
dans la parallaxe ALE, qui répond à la diftance au Zénith 
dans le Méridien, mais qu’elle doit devenir moindre en raifon 
du finus de cette diflance au rayon ; c'eft-à-dire, que 
fr la diftance méridienne de la Lune au Zénith du lieu À 
ne pafie pas 60 degrés (diftance au delà de laquelle ïl ne 
feroit pas für d'entreprendre la recherche de la parallaxe 
horifontale , lirrégularité des réfraétions dans des cercles 
horaires pouvant altérer l'effet des parallaxes) cette demi- 
minute d'incertitude dans la parallaxe horifontale n’en 
donnera tout au plus que 26 fecondes dans langle À LE: 
& y adjoûtant les deux fecondes trouvées ci-deflus, on 
conclura que cet angle ne fçauroit être douteux que de 28 


de bone 


DE - Lars 


D #81 C1 EN Es, 19 
fecondes tout au plus ; mais on peut le fuppofer de 30. 

: Enfin pour l'angle CLX, on fera lemême raifonnement 
qu'on vient de faire pour l'angle ALE,, & l'on trouvera auffi 
la même limite d'incertitude d'environ 3 0 fecondes, la Lune 
n'étant éloignée du Zénith du lieu #, que de 60 degrés. 
Où il eft à remarquer que la diftance de 11 Lune au Zénith 
étant dans lun des lieux de 60 degrés, elle ne peut être 
qu'au deflous de cette quantité dans l'autre, qui eft dans 
Thémifphere oppofé, à moins que les deux lieux ne foient 
éloignés entreux de 120 degrés ou environ, & qu'ainf 
il feroit fort difficile que l’un & l'autre de ces angles à la 
fois fuffent fautifs de toute cette quantité de 30 fecondes. 

Ceferoientdoncenfmleslimitesdecertitudeentre lefquelles 
des Aflronomes habiles & exercés pourroient fe promettre 
de déterminer leurs mefures des trois angles ALX, ALE, 
CLX; & comme il y a la même facilité de tomber dans 
chacune de ces erreurs par excès, ou par défaut, il feroit diff- 
cile d'y tomber dans toutes à la fois en. tel {ens qu'il feroit 
néceffaire, pour qu’en faifant les fommes ou les différences de 
ces trois angles de la maniére qu'on a vû, la faute de l'un 
ne compenfat pas en partie celle de l'autre, & que la fomme 
des trois erreurs dût fe trouver toute entiére dans l'angle 
ÆLC, qui doit rélulter de ces fommes & de ces différences. 
Néantmoins en fuppofant que cela arrive, on voit que 
cette fomme ne va qu'à une minute 30 fecondes, c’eft-à-dire, 
à une demi-minute pour chacun des trois angles. Or l'on a 


trouvé que fuivant les dimenfions de la T'erre de M. Caffini, 


l'angle ELC, en choïfiffant des lieux connus & acceflibles, 
peut monter à 2 minutes, donc il refte toûjours une demi- 
minute qui doit fe manifefter dans l'angle ZLC, & rendre 
pa-à fenfible Ia figure de fphéroïde allongé qu'il a trouvée 
à la Terre; & cela d'autant plus, que fi au contraire cette 
figure eft applatie, comme de grands Géometres le préten- 
dent, cet angle Æ LC, bien-loin de fe trouver dans ces 
circonftances d’une demi-minute, doit être, pour ainfi dire, 


C ji 


20 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
négatif, le point Æ tombant au de-là du point C, vers Ie 
pole S. 

Il feroit de l'induflrie des Aflronomes qui entrepren- 
droient cette recherche, de concerter les temps propres à 
ces obfervations, en cherchant les pofitions de {a Lune les 
plus favorables, & qui devroient rendre plus fenfible effet 
de la figure de la Terre dans les Parallaxes. II femble qu'en 
pratiquant cette méthode plufieurs fois, par exemple, à tous 
les retours de la Lune vifibles, pendant une année ou deux, 
à une même fixe qu'on auroit choifie, on pourroit mettre 
la chofe dans une entiére évidence. 


Mem.de l'Acd.1734. pl 1 pag. 20. 


Pimonraut Seulp 


Jimonnaus Jeulp 


Do: . a MAT 
Dem dse4 1737 pl 2 - Pa: 


n Wem.de [Acid 1734 pl 2. pPag.20 


Fig ÿ RE 


DES SCIENCES. 23 
EEE need 


COMPARAISON 


Des deux Loix que la Terre 7 les autres Planetes 


doivent obferver dans la figure que la pefanteur 
leur fait prendre. 


Pa M BouGuER. 


Ne Planete confidérée comme Fluide ne peut conferver 

conftamment la même figure, que lorfque toutes les 
colomnes dont on peut fuppofer qu'elle eft formée, & qui 
aboutiffent à fon centre, font d’une égale pefanteur ; fans 
cela, toutes ces colomnes ne fe contrebalanceroïent point, 
& les plus pefantes ne manqueroient pas de foûlever par 
embas celles qui le feroient moins. Maïs il faut encore qu'une 
autre condition foit remplie, il faut que les directions de 
la pefanteur foient exactement perpendiculaires dans tous 


des points de la furface ; afin que les molecules du Fluide 


m'ayent aucune pente à couler vers un côté ou vers un autre. 
L'obfervation de ces deux loix eft également néceflaire, 
Tune aflüre, en quelque façon, le repos dans l'intérieur, 
pendant que l'autre Fétablit au dehors, & ce n'eft que le 
concours des deux qui rend état de fa Planete toüjours 
permanent. Entre plufieurs Mathématiciens d’un grand nom 
qui ont tourné leur vüë vers cette matiére, M. Huguens & 
M. Herman font les feuls qui ont appliqué en mème temps 
les deux loix; ils ont trouvé qu'elles s’accordoient à donner 
à la Terre une même figure dans les fuppoñitions particuliéres 
d’une pefanteur originairement conflante, & d'une pefanteur 
proportionnelle aux diftances au centre, Perfonne, que je 
RD n'a pouffé depuis l'examen plus loin, fur le concert 
des deux principes dont il s’agit, & il fe peut faire qu’on ait 
crû qu'ils étoient fécrettement les mêmes, ou que l'obferva- 
tion de l’un renfermoit toüjours implicitement È obfervation 
ii 


31 Mars 
1734 


Fig. 1. 


»2 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 
de d'autre. Cependant, en les confidérant avec attention, 
on s'apperçoit qu'ils ne. peuvent guéres fe concilier que par 
quelque efpece de hafard; car le premier, ou l'équilibre entre 
les colomnes, dépend principalement de la pefanteur des 
parties intérieures, & de la pefanteur de toutes ces parties; 
au lieu qu'il ne s’agit dans l'application de l'autre, que de la 
pefanteur actuelle qu'ont les feules parties fituées vers la fur- 
face. H refte donc à examiner d’où peut naître la convenance 
parfaite qui fe trouve dans les cas confidérés par les Auteurs 
ue nous venons de citer. L'exercice des deux loix tombe 
fr des fujets trop différents, pour qu’elles puiffent s'accor- 
der toùjours, & elles ne le doivent faire que dans certaines 
circonftances particuliéres qu'il eft, fans doute, curieux de 
découvrir. D'ailleurs fr, malgré les tentatives des Philofophes, 
nous ne connoiflons pas encore le vrai fyftême de la Pefanteur, 
il eft toûjours avantageux pour nous, de mieux connoître 
au moins toutes les propriétés qu'ont les Hypothefes que 
nous embraflons ordinairement. 


Recherches fur l'obférvation du premier principe, ou fur 
l'équilibre entre les Colomnes. 


L 
H n'eft pas fortdifficile de trouver la forme AXBL (Fig. 1.) 


que doit prendre une Planete confidérée comme fluide, pour 
qu'il y ait un parfait équilibre entre toutes les colomnes 
dont on peut fuppofer qu'elle eft formée. Nous allons cher- 
cher cette figure, & afin de donner une plus grande géné- 
ralité à notre Solution, nous fuppoferons que les directions 
KC, MG, mg, &c. de la pefanteur primitive, au lieu dé 
concourir dans un même point €, viennent fe rendre en 
différents points de l'axe AB de la Planete AX BL, & que 
ces directions font perpendiculaires à la fuperficie d'un Sphé- 
roïde engendré par une ovale quelconque 4 DB E,, dont C 
eft le centre, & À B Taxe. I faut remarquer que nous 


difons que AG & mg font les direétions de /4 pefanteur 


ÉRONNRERRES  | 


LD Sal 


LS X à 


D Bis 2 SAC EAN CIE: S 2: 


La 3 
primitive, afm de diflinguer cette pefanteur de /4 pefanteur Fig. x. 


aduelle, qui eft celle qu'on éprouve toûjours, & qui n'eft 
autre chofe que la pefanteur primitive, altérée par la force 
centrifuge que produit le mouvement de la Planete fur fon 
axe. Si la Planete AX BL étoit dans un parfait repos, on 
n'expérimenteroit que la pefanteur primitive {ur fa furface, 
& un corps pefant fitué en 7 ne tendroit à tomber que 
{lon MG, & qu'à proportion qu'il feroit pouñlé par la 
pefanteur primitive. Mais la Planete ne peut pas tourner 
fur fon axe, fans que toutes fes parties ne faffent un effort 
continuel pouf s'en éloigner; & quelque foible que foit 
cet effort centrifuge, il doit non-feulement diminuer toû- 
jours un peu la pefanteur primitive, il doit changer encore 
un peu fes directions. 

Je nomme # les parties FG, fg, des directions AG, mg, 
qui font interceptées entre l'axe 4 B, & la courbe ADFBE, 
à laquelle elles font perpendiculaires, z marquera les ordon- 
nées }7 de cette courbe, & » les parties GB de l'axe. La 
courbe ADBE étant indéterminée, les valeurs de #, de z 
& de z le font auf, & nos Recherches s’appliqueront par 
conféquent à toutes les diverfes fituations qu'on pourra attri- 
buer aux directions de la pefanteur. Nous nommons de plus 
p la pefanteur primitive, variable ou conftante qui s'exerce 
fur chaque direction 4/6 ; ou plûtôt, comme il peut arriver 
que cette pefanteur ne foit pas égale fur toutes les directions, 
& qu'il fe peut faire qu'elle foit plus ou moins forte vers 
TEquateur, ou vers les poles, indépendamment même de 
la force centrifuge, nous la défignerons par &p; expreffion 
dans laquelle € fera quelque puiffance ou quelque fonction 
du fmus de angle A1GB, formé par la direction & par l'axe 
de la Planete; ou, fi Yon veut, € fera quelque fonction de 
FI=3% La force centrifuge qui réfulte du mouvement de 
révolution à la diflance 4 de l'axe, fera marquée par f. Enfin 
y fera la longueur des directions A4G de la pefanteur, depuis 
la furface AK BL de da Planete jufqu’à l'axe, & 5 les ordon- 
nées OP. Ainfi il n'eft queftion que de déterminer la valeur 


54 Memorres DE L'ACADEMIE Royare 

de y ou de 5, par rapport aux autres quantités que nous 
venons de fpécifier, & nous fçaurons la figure AK BL que 
doit prendre la Planete dans chaque hypothefe particuliére 
de pefanteur. 

Si nous faifons maintenant attention à équilibre qui doit 
fe trouver entre les colomnes dont la Planete peut être 
fuppofée formée, nous reconnoîtrons que la colomne #g 
doit fe contrebalancer exaétement avec la partie B g de la 
colomne qui eft couchée dans l'axe, puifque #13 & Bg abou- 
tiflent dans le même point g. La colomne 41G doit fe 
contrebalancer par la même raifon avec BG, de même que 
XC le doit faire avec la colomne entiére BC. NH eft évident 
d’un autre côté que la pefanteur des parties de BC n’eft point 
altérée par la force centrifuge. Aïnfi pdu étant la pefanteur 
des parties infiniment petites G g (—= du) qui fervent d'élé- 
ments à cette colomne, nous aurons /pdu pour le poids 
de fes parties fenfibles Bg ou BG. Mais ce n'eft pas la 
même chofe de la pefanteur des colomnes #g où MG ; 
dy défignant les parties infiniment petites dont eft formée 
la hauteur y de chaque colomne, & Ëp défignant la pefan- 
teur primitive dans chaque point, nous aurons Cpdy pour 
le poids de chaque petite partie, & /Ëp dy pour le poids 
d'une colomne entiére, ou plütôt Ë/pdy, parce que & eft 
conftante dans chaque direction. Mais il faut remarquer, 
conformément à ce que nous avons dit, que cette intégrale 
Ü [p dy n'exprime la pefanteur actuelle que lorfque la Pla- 
nete eft dans un parfait repos, & que fes parties n’ont aucune 
force centrifuge qui fe complique avec la pefanteur primi- 
tive. Ainfi il nous faut chercher l'effort que fait la colomne 
GM pour s'éloigner de l'axe AB, & voir quelle eff Ia partie 
de cet effort qui s'exerce felon G 47 en fens direétement 
contraire à la pefanteur. 

Mais nous pouvons trouver immédiatement cette partie, 
en confidérant, avec M. Huguens, qu'elle eft égale à la 
force centrifuge abfoluë qu'auroit une colomne 47 P de 
même groffeur, qui feroit perpendiculaire à l'axe. If eft vrai 


qu'il 


D ESS. G'IVEMNIGUE € 25 
qu'il y a plus de matiére en G/4 qu'en PA dans le rapport Fig. r. 
de GM à PM, & que GM à par conféquent plus de force 
centrifuge que PA dans le même rapports Mais il fe fait 
ici une compenfation : car comme la force centrifuge ab- 
foluë des parties de GAZ tend à les faire s'éloigner de l'axe 
AB felon des perpendiculaires à cet axe, il n'y a qu'une 
portion de cette force qui s'exerce félon GAZ, & qui eft 
contraire à la pefanteur, & cette portion eft plus petite que 
la force abfoluë, précifément dans le même rapport de GAZ 
à PM; ce qui la rend parfaitement égale à la force centri- 


fuge de PM. Or f défignant Ia force centrifuge à la dif 
tance a de l'axe AZ, nous aurons LE pour a force centri- 
fuge en M à Ia diftance AMP—5, puilque Îa force centri- 


fuge eft proportionnelle aux rayons des cercles tracés par 
les mobiles de même maffe, aufli-tôt que ces cercles font 
décrits dans un temps éval, comme ils le font tous ici. Nous 


n'aurions donc qu'à multiplier 422 par = pour avoir 


\ 


% d'effort total, fi Ia force centrifuge étoit la même tout le 
à long de AP : mais comme elle eft de plus petite en plus 
petite à mefure qu'on confidere des points plus proches de 
l'axe AB, & qu'elle diminuë exaétement en progreffion 
arithmétique, il ne faut multiplier 41P que par la moitié 


de =. Il nous vient de cette forte = pour la force cen- 


trifuge abfoluë de toutes les parties de AP; force totale 
‘ou abfoluë qui eft égale, felon le Lemme de M. Huguens, 
à toute la force centrifuge relative de GAZ, qui agit de G 
vers M en fens exaétement contraire à la pelanteur. Mais 
Ê/pdy étant la pefanteur primitive de toute la colomne 


CAL, & == a force centrifuge qu'on en doit retrancher, 
on trouve Ëfpdy — _ pour la pefanteur actuelle de 


MG; & fr nous l'égalons à la pefanteur [pdu de BG, 


nous aurons l'équation Ë [pd J — LE — Jpdu, dans 


24 


Mem. 173 4e : D 


>6 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Rorare 

laquelle les variables font féparées, & qui marque d'une 
maniére très-générale la relation qu'a la courbe AKBL ou 
la figure de la Planete, avec la courbe AD BE qui détermine 
la fituation de toutes les diretions de la pefanteur primitive. 


I! eft à propos de fubftituer dans cette équation, la valeur 


_- de 5, que donne l'analogie GF—1 : F1=7:: GM=—=y 
: MP=S5; on aura Efp dy —-L2 —/pdu, quon 
peut appliquer aifément, comme on le voit, à toutes les 
hypothefes poffibles. I n'importe en effet, que les pefanteurs 
foient proportionnelles à quelque puiflance où à quelque 
fonction de y, l'équation fera prête à être conftruite, & ne 
contiendra que deux feules variables, puifque la nature de 
la courbe À DBE fournit toüjours la relation que?, z & w 
ont entr'elles. Or auffi-tôt qu'on aura découvert Îa valeur 
de y, il n'y aura qu'à la porter depuis G jufqu'en A1, & 
de cette forte, on trouvera autant de points 47 de la furface 
de la Planete, qu'on cherchera de diverfes valeurs de y. 


Si l'on fuppofe que la pefanteur eft par-tout abfolument 
conftante, qu'elle eft non-feulement la mème dans tous les 
points de chaque direction, mais qu'elle ne fouffre auffi 
aucun changement d’une direétion à une autre; il n'y aura 
qu'à mettre l'unité à la place de Ë, & Féquation générale 


Efp dy — Er —=/fpdu fe réduira à py — LT — pu; 


z2at 
2 2 "el LLLSE 2 ES À 
qui donne y— SÉRIE Eure . On a doncici, 
t 
en termes connus, la valeur que doit avoir GAZ, afin que 
toutes les colomnes foient exactement en équilibre, & cela 
pour toutes les diverfes difpofitions que peuvent avoir les 
directions aufli-tôt que la pefanteur eft conftante, 


ere em 5 € 
mm D 


LE nn 


DES SCTEUN CES !! y 


Recherches fur l'obfervation du fecond principe, ou far 
de niveau que routes les parties de la furface 
doivent prendre, 


1F 


II nous faut maintenant examiner le fecond principe, & 
voir la figure que doit prendre la Planete, pour que toutes 
les parties de fa furface foient exaétement de niveau; ou, 
ce qui revient au même, pour qu'elles foient exactement 
perpendiculaires aux directions de la pefanteur. J ne s'agit 
plus ici du poids entier des colomnes, mais feulement de 
la pefanteur actuelle d'un grave fitué à la finface. Cette 


pefanteur réfulte, ainfi que nous l'avons déja dit, de Ja com- 


Plication de Ia pefanteur primitive & de la force centrifuge. 
Comme la Planete eft cenfée tourner continuellement fur 
fon axe, le grave placé en 47, en même temps qu'il eft 
{ollicité par fa pefanteur primitive à tomber {lon 4/G, il 
eft follicité par fa force centrifuge à s’écarter felon 4ZR, 
& ces deux efforts joints enfemble, forment par leur com- 


pofition, la pefanteur actuelle felon 417: H fuit de là que - 


MG & MR, repréfentant les deux premiers efforts, Ia 
diagonale A1S du parallelogramme RMGS, repréfentera 
non-feulement la pefanteur actuelle, mais encore fa direction, 
& c'éft par conféquent 42$ qu'on doit regarder comme 
exactement verticale, & qui feroit indiquée par un fil à plomb 


“appliqué en 4£ Afin donc que la petite partie Am de la 


furfice de la Planete foit parfaitement de niveau, il faut 
qu'elle faffe un angle droit avec MS; & pour cela, f A27° 
eft perpendiculaire au point 47 de la furface de la Planete, 
& que de l'extrémité G de la diredion de la pefanteur 
primitive, on éleve la perpendiculaire GS à l'axe jufqu’à la 
rencontre de ZT, il faut qu'il y ait même rapport entre 
la pefanteur primitive & la force centrifuge, qu'entre 4/G 
& GS. Aïnfi il nous refte à chercher la relation qu'il y 4 
entre ces deux derniéres lignes, 
D ij 


Fig. 1, 


Fig. 1. 


#8  MEMGIRES BE L'ACADEMIE RoyALE 
Mais on pourroit aifément s'engager dans un aflés Jong 
calcul, pour trouver une expreflion fimple de ce rapport; 
au lieu qu'une confidération un peu attentive de h figure, 
nous donnera cette expreflion prefque tout d’un coup, & 
sous fournira en même temps un Lemme qui fera quelque- 
fois d'ufage dans les Problemes qui appartiennent à l'inverfe 
des tangentes. Du point #, j'abbaifle les petites perpendi- 
culaires mO & mN, fur PM & fur GA. L'angle MmO 
fera égal à l'angle GS 7, puifqu'ils font égaux l'un & l'autre 
à l'angle PMT ; & d'un autre côté, l'angle //mAN fera égal 
à l'angle GMT, puifque les deux côtés de l’un font perpen- 
diculaires aux deux côtés de l'autre. Aïnfi dans le triangle 
GMS où les côtés GA & GS, font entr'eux comme les 
finus des angles oppofés GST' & GMS, ces mêmes côtés 
font en même raifon que les finus des angles 1/10 & MmN, 
& ils font, par conféquent, aufli en même raifon. que les 
petites lignes 10 & MN, qui repréfentent les finus de 
ces deux derniers angles, pendant que la petite partie A7" 
de la courbe fert de finus total. (On démontreroit de la 
même maniére, s'il en étoit befoin, que AG eft toujours 
à la partie 7 G de axe, interceptée entre 47G & Ia per- 
pendiculaire AT à la courbe, comme #0 eft à MN.) 
Mais puifqu’il y a même rapport entre 1/6 & GS, qu'entre 
les petites lignes 47/0 & ATN; au lieu de comparer la 
pefanteur primitive & la force centrifuge à 2/G & à GS, 
nous n'avons qu'à comparer ces deux puiflances aux deux 
petites lignes 410 & MAN, qui font toüjours en même 
raifon. 
La petite ligne 4/0 eft exprimée par ds, puifqu’elle eft 
la différentielle des ordonnées PM=—s, & la petite ligne 
MN eff la différentielle des FM (=GM—GF)=y—1; 
de forte que MN— dy — dr. Nous avons d'un autre 
côte Ep pour l'expreffion de la pefanteur primitive, & nous 
avons déja vû ci-devant que ee. eff la force centrifuge en 4£, 


à Ja diftance 42P (5) de l'axe A B. Nous ayons donc, en 


D‘. En: Su 1 © L'E AN GE S> 29 
termes analytiques, Ep : À :: ds: dy—=dt, dont nous Fig r, 
.. fsds miÊe A7. , RE Cr : 
urons = — —Cpdy— Ep dr. C'eft-Rà Yéquation en 
premiéres différences de la courbe ou de la figure AXBL, 
qui rend toutes les parties de la furface de la Planete par- 
faitement horifontales. 


Si l'on fuppofe la pefanteur primitive abfolument conftante, 
& qu'on mette, comme ci-devant, l'unité à la place de 6, 


on trouvera, en intégrant £ à —=py—pt; & introduifant 
à la place des, fa valeur <Z tirée, comme nous l'avons 
déja vu, de la reflemblance des triangles GFI & GAME, il 
viendra PC = py—pt, dont on déduira 


= LPENEP Era fre. Cette valeur de GAZ étant 


ainfi déterminée, on ne peut guére manquer de Ia rapprocher 


ape HiVa pr apfur 
ÿ ÎT 
l'autre principe. On verra qu'elles font différentes, & qu’ainft 
3 il faut toüjours abfolument qu'il y ait au moins un des deux 
Han principes que nous examinons, qui foit violé dans la ren- 
contre préfente. 


que nous a fourni 


de celle de VE 


Comparaifon des deux Principes. 
TIIL 


- Maïs ce n’eft pas dans cet unique cas, ce n'eft pas fim- 
plement lorfque la pefanteur primitive eft abfolument conf 
tante, qu'il fe trouve une pareille incompatibilité entre les. 
deux loix dont il s'agit : elles dépendent fi peu l’une de 

2% * autre, qu’elles font prefque toûjours en contradiction ; elles 

th {e donnent l’exclufion mutuellement, & il fuffit Le plus fou- 

… vent que l’une foit obfervée pour que l'autre ne le {oit pas. 

Pour le dire en un mot, les circonftances font ff rares dans 

lefquelles elles s'accordent à donner une même figure à la 
D ü 


:: 
v 


Fig, 1° 


30  Memoires DE L'ACADEMTE Rorare 

Planete, que c'eft fouvent un Probleme difhcile à réfoudre, 
que de déterminer quelqu'une de ces circonftances. Nous 
avons trouvé dans le premier article l'équation générale 


Cfpdy — Le = fpdu, où Efp dy — = fpdu, 
en prenant pour principe l'équilibre des colomnes. Nous fa 
différentions cette équation, en faifant attention que & doit 
être regardée comme variable, parce qu'il s'agit ici des 
changements qui fe font d’une direction à une autre : if 


vient dC f[pdy + Üpdy — ER du, & nous fui 


donnons cette forme = — 4£ fpdy +-Cpdy —pdu, 
afin de pouvoir la comparer plus aifément à l'autre équation 


générale LI — Epdy — Cp dt que nous venons de 


a 


trouver en employant le fecond principe. Or pour que ces 
deux équations primordiales Po —=dÜfpdy+Cpdy 
— pdu & sise == Gpdy — pdt foient identiques, ou 


pour qu'elles puiffent donner la même courbe AK BL ; il 
faut, puifque les deux premiers membres font égaux entre 
eux, que les deux feconds le foient auf, c’eft-à-dire, qu'il 
faut qu'on ait dE fpdy+-Cpdy—pdu —Üpdy—Cpdi, 
ou dE fpdy + Cpdt=—=pdu. Ainfi nous pourrons nous 
fervir toûjours de cette derniére équation, pour reconnoître 
fi les deux équations primordiales font les mêmes, ou pour 
juger de l'accord qui peut fe trouver entre les deux prin- 
cipes qui influent fur la figure de la Planete. 

Nous voyons déja, en effaçant dans cette formule Îe 
terme qui contient 4Ë, & en mettant l'unité à la place de 6, 
que fi la pefanteur eft abfolument conftante, il faut que 
dt— du, & par conféquent 1 =". Mais :/GF) ne peut 
pas ètre continuellement égale à 4 /GB) à moins que Ja 
courbe ADBE qui fert à déterminer la fituation des di- 
rections primitives de la pefanteur, ne foit un cercle comme 
dens la Figure 2, & que toutes ces directions ne concourent 


\ 


D'E:SuuS CG L'EAN CHE "en 
dans un même point qui fera le centre du cercle. I eft donc 
démontré qu'auili-tôt que la pefanteur primitive eft tout-à- 
fait conftante, il faut qu'elle n'ait qu'un unique point de 
tendance, où qu'un point central, pour que lobfervation 
d’un de nos deux principes entraine néceflairement lobfer- 


vation de l’autre. Car fi z n’étoit pas égale à v, ou fi les: 


directions tendoient dans différents points, l'équation 
défpdy-+Cpdt=pdu, qui fe réduit à pdt —pdu, 
lorfque 6 eft conftante , ne fubfifteroit plus, & il fuivroit 
de-là que les deux équations primordiales feroient différentes. 
C'eft ce qu'on éprouve aufli, lorfqu'on compare entr'elles 
les deux valeurs de GAZ que nous avons trouvées dans les 
deux articles précédents, en admettant cette hypothefe par- 


an Va pe Lea fpuet 
1 LL Puz 


ticuliére de pefanteur. Ces valeurs TIR Core 


& apé+iVe p° —2afpty 
ei, 
dans le cas où 7 =. 

On peut auffi réfoudre divers Problemes, en fuppofaint 
connuës quelques-unes des quantités qui font contenuës dans 
l'équation dE fpdy + Épdt—pdu, & en tâchant de 
découvrir la valeur des autres, valeur qui rendra toûjours 
compatibles les deux principes que nous examinons. Parmi 
tous ces Problemes, nous nous contenterons d’en réfoudre 
un feul : nous regarderons comme donnée la fituation des 
directions , de même que la maniére dont la pefanteur 
s'exerce fur chacune, & nous chercherons la valeur de €, 
ou le changement que la pefanteur doit recevoir d’une di- 
rection à une autre. Pour rendre notre Solution plus géné- 
rale, nouûs fuppoferons que la pefanteur primitive P, au lieu 
d'être conftante fur chaque direction 476, eft proportion- 
nelle à une puiflance quelconque » des diflances GF, 
GM, &c. à l'axe. Nous aurons de cetté forte p—y", où 


plütôt p= Ér-., en obfervant la loi des Homogenes, & en 


ne font jamais les mêmes que 


prenantune quantité conftante g pour marquer la pefanteux 


| 


Fig, ï« 


32 MeEnoires DE L'ÂCADEMIE RoyALE 

à fa diftance 4 du point G. Si lon conçoit après cela une 
diredion 4 V infiniment proche de l'axe, laquelle doit être 
comme toutes les autres, perpendiculaire à lacourbe ADBE, 
il eft évident que conformément à l'hypothele préfente, il 
n'y aura que les parties qui feront compriles depuis Z ou 
depuis à jufqu'en F, qui auront de la pefanteur, & une pe- 
fanteur réglée fur les diftances au point F. Toutes les autres 
parties qui font fituées fur FC feront fans poids ; par la 
même raifon que la pefanteur felon 4/G ne s'exerce que fur 
ha ligne /G, & non pas fur fon prolongement de Fautre 
côté de AB. Aïnfi pdu qui défigne le poids des petites 
parties Gg de l'axe, fera nulle dans cette rencontre, & 
l'équation dEfpdy+-Epdt=—p du, dont dépend l'identité 
des deux figures ou des deux équations primordiales, fe 


réduira par conféquent à 46 /pdy = — Épdr. Je fubftituë 
maintenant LT à Ja place dep, dans cette derniére équation, 
ÿ a: jm MT 
& il me vient dE [ 2 — — en ou 82740 
m+1x a" 
Sri Ugy” dt AR en LS m—1x(dt 
= —-<2,— , dont je tire 3= — 7—, 5 


En fubftituant pareillement #- à la place de p dans une 
de nos deux équations générales, dans celle, par exemple 


Cfpdy — LE = fpdu, où Efpdy — = fpdu, 


que nous a fourni l'équilibre des colomnes, nous Ia chan- 


620 (RS : 
gerons en —E— — LE — /p du, que nous pouvons 
7 “El ue m +1 2,2 xs 
encore changer en 77 a — LÉ —, en 
m1 x a” j m+1xa" 
que, m4 ps ë 
mettant une quantité conftante —82— à Ja place de l'in- 
m1 x a" . 


tégrale fp du, parce que cette intégrale ne défigne ici que 
la pefanteur conftante de la portion BY de colomne. Or il 


fuffit à préfent d'introduire dans cette équation 227 


m3 x a" 
ne 


a. 


Hi 


DES SCTENCES 33 


 LErSÉ 


ARR : 6 MON ns ERA PO nr dy Fer. 


d 


2at 
m+1xa 


trouvée il n’y a qu'un moment, & nous aurons l'équation 


MEtE m+z UE 2 4 F 2 2 2 LES 
M —1 x g dr MH1 x di go+ 


se 3 = 


—— 


m1 x a dE* m1 x da" d 


a" — 4 7 mm 1 2y2 2 Libent À 
OÙ — m—1 NOTE dE Te SE Car dE 
2t 


DELES d LEZ 


=—, qu'on peut regarder comme ne contenant 


— 
— 


MSA 4 

que deux variables € & ?, puifqu'auffi-tôt que nous con- 
noiflons la nature de {a courbe ADB, nous avons la rela 
tion des t/—GF) & des 7(—F1). MH ne refte donc plus 
qu'à réfoudre cette équation par approximation ou autre- 
ment, & on aura a valeur particuliére de € qu'on vouloit 
découvrir : on fçaura felon quelle loi {a pefanteur primitive 
doit changer d’une direction AG à une autre. 

On voit que, généralement parlant, la quantité € doit 
être variable, & qu'ainfi il faut que la pefänteur primitive 
loit différente fur toutes les directions, pour que lobfer- 
vation d’un de nos deux principes renferme implicitement 
lobfervation de autre. Mais fi lon veut déterminer dans 
quel cas particulier fa pefanteur doit être la même fur toutes 
les lignes 416, on n'a qu'à effacer les termes qui contiennent 
la différentielle 26 de € fuppofée conftante. On trouve 


M mL 


En Aux gé à dé =0o; &onen tire 
M—— 1; ce qui montre que parmi la multitude infinie 


Lp TZ. 2 4 ds Q , 
d'Hypothefes différentes repréfentées par p = +, il n'y a 
uniquement que celle p — #—- , ou celle d’une pefanteur 


en raifon inverfe des diflances au point de concours G; 
dans laquelle € doit être conftante, ou dans laquelle 11 pe- 
fanteur doit s'exercer précifément de la même maniére far 
toutes les directions, 


Mem 1734 + E 


Fig. 1: 


34 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 


I =] 


Au fürplus l'équation —= mr x g£"*?gr"t" 


EE A Éd GLS Clé gpu+s At 


2 = <———— devient 
3 M1 

beaucoup plus: fimple , aufli-tôt que le rayon BV du cercle 
ofculateur de la courbe 4 DB eft nul ou infiniment petit 
en À & en B, comme il left aux deux extrémités de la 
cycloïde & d'une infinité d'autres lignes courbes. La pefan 
teur de 2V étant alors nulle, on doit effacer le terme où 


eee 


M ==] 


trouve &, &ona —m—r x gt 


MHI1X re ta dé dE 


MH 2 11 AS 


1 mn I) 


on 
a 


, qui fe réduit à — m—1 


aë 
2 pt dires mn + Len) FAO t à 
KE —— = BLEU « & à — m—1 


& dt( 2 — ) — “4L, Or comme les variables 
Mix fT çm—s 


font ici féparées , & qu'on peut intégrer, on a 
Es 


D x 


Am x aG = 0m — 1 [dr ( 2gr = 


m+ixfé 
a 1m 
2 
& CE E 1 Lormll [dt( 281 |) RE ; 
: 1—m Xx 4 m+ixfT 


formule qui nous fera connoître &, lorfque nous introdui- 
rons dans le fecond membre la valeur de 7 exprimée ent, 
après que nous aurons tirée de équation de Ia courbe 
ADBE, qui fert à déterminer la fituation des directions 
de la pefanteur. On voit que & n’a qu'une valeur déterminée, 
& il faut remarquer toûjours que fi les affetions que fouffre 
la pefanteur ne répondent pas exaétement à cette valeur, 
les deux principes, de l'équilibre des colomnes & du niveau 
de la furface, au lieu de concourir à donner à la Planete 
une même figure, tendront néceflairement à lui en donner 
de différentes. 


DS 


ST LS. 2 + 
Lot ne PR 


o D'E SM1S CARE ZN CIE: QU |: 


Examen du cas particulier dans lequel toures les directions 
de la pefanteur primiive rendent à un même point. 


IV. 


Enfin comme nous avons! rendu les rechérches ‘précé- 
dentes aflés générales, il eft clair qu'elles comprennent fe 
cas particulier que répréfente fa Figure 2 , dans lequef toutes 
les directions de la pefanteur concourent dans un même 
point. La courbe ADB FE qui eft perpendiculaire à toutes 


ces directions, étant alors un cercle, toutes les lignes GB(u) 


& GF(r) front égales entrelles : nous pourrons Les indi 
quer par la conftante a, & ül eft évident que leur différen> 
tiellé 41 & du feront nulles. Nous ne nous arrétons pas à 
examiner les équations plus fimples auxquelles fe réduifent 
dans cette circonftance nos deux équations primordiales 
Cfp dy — EE —fpdu &Cpdy —Cpdt— ÊE ; mais 


a 


fi nous confidérons d’abord 11 formule 7 Cfpdy +Ë pd F 
—pdu qui réfulge de leur compardifon, & qui fe réduit 
à dEfpdy—0, nous reconnoitrons que les deux premiétes 
équations ne fe trouvent maintenant identiques que lorfque 
la quantité différentielle 46 /p 4 y eft nulle. Le: 
… Mais'il eft évident que 26 /p dy ne peut être évale X zéro 
que lorfque 7Ë left déja, & que lorfque par.conféquent & 


eft conflante, Aïnfi on voit que contreice qui arrive prefque 


. toüjours, lorfque les directions de la pefanteur «n’ont pas 


un même point de concours, les deux loix de l'équilibre 
des'colomnes &'du niveau de fa fürfaceine contribuënt ici 
à donner une-même forme à la Planete que lorfque larpe- 
fanteur primitive s'exerce exaétement de là même maniéré 


Aur toutes les lignes AG, ou qu'elle eft la même vers 


TEquateur & vers les poles. On voit auf maintenant à 

zaïfon pour laquelle Mrs Huguens &-Herman ont trouvé 

un parfait accord entre les deux loix dans fes cas particuliers 

qu'ils ont examinés, & pourquoi ces mêmés foix doivent 

fe concilier encore dans toutes Ies Hÿpothelés ténférmées 
E ji 


Fig. 24 


Fig. 2. 
* Dans fon 
Difcours fur 
Ja figure des 
Aflrise 


36 MEMOGIRES DE LAÂCADEMIE ROYALE 

dans la Solution que M. de Maupertuis vient de donner *, 
H nimporte en effet que la péfanteur foit conftante ou 
variable, qu’elle foit proportionnelle à quelque puiflance, 
ou même à quelque fonétion des diftances au centre, aufli- 
tôt que G eft conflante, ou, pour parler d’une maniére 
moins limitée, auffi-tôt que les pefanteurs primitives de 
deux colomnes voifines C A1 & Cm ne différent que par 
la petite partie VA, ou auffi-tôt que Cm & CN, qui font 
de même longueur, ont précifément la même pefanteur pri- 
mitive Ë [p dy. Mais dans tous les autres cas la quantité 
dEfpdy-+ Gpdt n'eft pas égale à pdu, ou en particulier 
dE [p dy n'eft pas égale à zero, & les deux équations pri- 


mordiales € f/p dy — fo —=/pdu, & 2e — Cpdÿ 


2ar° 


— pdt, qui marquent a nature de la figure de la Planete, 
donnent diverfes courbes. 

I! ne nous refte plus maintenant qu'à voir dans quelque 
exemple particulier jufqu'où peut aller la différence des 
figures. Nous feindrons pour cela que la pefanteur fuit fur 
chaque direction le rapport des puifiances # des diftances 
au centre, & qu'elle change d’une direétion à une autre 
felon la puiflance » du finus F7/7) de l'angle A/CB que 
forme chaque direction avec l'axe À B. Nous aurons de 
cette forte 7” y” pour l'expreffion de la pefanteur Ëp ; mais 


LU 
au lieu de 7” y”, nous prendrons €, afin de conferver 


a 
THomogénéité. Si nous introduifons enfuite cette valeur 
fTr" 


dans l'équation € {p dy — 22 — fp du que nous a 


2 at 


fourni le premier principe, & qu'à la place de ? nous y 
fubfituïons à, & à celle de fpdu une grandeur conftante 


EE — af, ou, fr Von veut, fimplement 4°, on aura 
n mi +T 2 2 

POELE NOR GE à = —= b* qui marque pour une infinité 

mix a+ 


d'Hypothefes la relation des finus 77/7) & des longueurs y 
que doivent avoir Jes diretions CAL 


“ 


cs 


DES SCrEeNcEs. |‘ às 
= Cette équation fe réduit à EAP RINENTT Le —= bd", lorf 
que les expofans »m & n font égaux à l'unité, ou lorfque {a 
pefanteur primitive fuit la raïfon compotée dés diftances au 


. centre C, & des finus des angles 7CB que font les directions 


, , LA PE CRE TR 24ab , 
avec l'axe; & on en déduira y —= —— FE qui nous ap- 


prend que la Planete a dans ce cas la figure d’un Sphéroïde 
infiniment long /Æig. 2.) engendré par la révolution d’une 
courbe conchoïdale AX MB autour de fon afymptote 42, 
Nous n’examinons pas les fymptomes de cette courbe, mais 
il eft évident qu’elle a l'axe de a Planete pour afymptote ; 
car fi l'on fuppofe que le finus F7 /z) devienne infiniment 
petit, alors CM (;) deviendra infinie. Il eft d’ailleurs facile 
de voir que la chofe doit être ainfi, à la confidérer phyfi- 
quement : car la colomne qui eft dans l'axe, ne peut faire 
équilibre avec les autres, que lorfqu'elle eft infiniment longue, 
puifqu'elle eft fujette à une pefanteur qui dépendant du fmus 
F] fe trouve infiniment petite fur l'axe. 

Mais ce n'eft encore là que la figure que doit prendre Ja 
Planete en conféquence du premier principe. Pour trouver 
maintenant la figure qu'exige l’obfervation du fecond, nous 
n'avons qu'à nous fervir de équation £e —=Cpdy— pdt, 
qui fe réduit ici à _—— —=Cpdy, parce que dr eft nulle, 
& qui change en LÉ —_% D 4y, lorfqu'on 
fubftituë à la place de s fa valeur 2 /— E7 ire ). Or 


fi Ton met %— à la place de Ëp dans cette équation, 


FT 


nm, 


274 z d « . 
on aura #tdt+-frrar — Le qui étant divifée par 


AN 1 Zn ,1—n pin 
4 ÿ fe change en CE DEN ls LAC RO, ue , 
x Ê a 


dont le premier membre eft toüjours intégrable, & dont 
le fecond qui ne l'étoit pas, le devient. On trouve, en 


rendant les intégrales complettes prie : ic , 
CLÉS | Eu 272 X a 

ms D £A 

TR CEE TE 


Dents x at 


Fig. 3, 


Fig. 3° 


Fig. 3. & 4n 


38 MEMOIRES DE L'ACADEMIERoYyALE 

Cette équation qui marque la nature de la figure que doït 
prendre fa Planete, pour que toutes les parties de la furface 
{oient de niveau, eft, comme on le voit, fort différente de 
fautre. Auffi arrive-t-il que lorfque les expofans #1 & » font 
égaux à l'unité, ou que les pefanteurs fuivent le rapport des dif 
tances au centre & des finus des angles A/CB, cette équation 
fe réduit à fyz— a f—agy— ag, & ày— EE, 
qui nous montre que la Planete doit être formée par la 
révolution d’une portion de Section conique, dont le foyer G 
fert de point central. C'eftune portion AK d'elliple /F3g. 4) 
tant que g> f, le grand axe AY de cette ellipfe eft à l'in 
tervalle qu’il y a entre les deux foyers € & Y comme g eft 
à f; & le diametre XL de la Planete mefuré dans le fens 
de Equateur eft à fon axe À B meluré d'un pole à l'autre, 
comme g eft à g—f. Ainfi lorfque g (la pefanteur) eff 
fort grande, par rapport à la force centrifuge f, les deux 
diametres À L & AB, approchent beaucoup d'être égaux; 
au lieu que dans la Figure 3, l'axe AB eft encore alors inf- 
niment long par rapport au diametre XL. | 

Après cela la différence des figures eft aflés confiatée : 
mais nous devons fatisfaire enfin à une queftion qui s’eft 
fans doute déja préfentée plufieurs fois à l'efprit. Qu'arri- 
veroit-il fi la pefanteur étoit réellement telle que nous la 
fuppofons ; fi au lieu d'être égale par-tout, elle étoit origi- 
nairement plus grande ou. plus petite vers Equateur que 
vers les poles ? La Planete ne pourroit pas prendre la forme. 
repréfentée dans la Figure 3 : car pendant que l'équilibre 
entre les colomnes feroit exaétement obfervé, la furface ne, 
feroit pas horifontale, ou elle ne feroit pas perpendiculaire 
aux diretions AS de la pefanteur actuelle, les parties 
fluides de la Planete couleroient ici des poles vers l'Equateur,, 
& la figure changeroit fans cefle. D'un autre côté la forme 
repréfentée dans la Figure 4 ne feroit pas plus permanente, 
puifqu'il n’y auroit aucun équilibre entre les colomnes, & 
que celles qui font voifines de l'axe ne feroient pas affés. 


DT E SAS ICT ENMELE S 9 
pelantes pour contrebalancer celles qui font proche de 
d'Equateur. De cette forte aucune des deux loix ne pourroit 
être obfervée, parce qu'elle en feroit continuellement em- 
pêchée par Fautre, & cependant chacune, comme caufe 
Méchanique ou Phyfique, feroit fans cefe effort pour regner 
feule. La Planete ne pourroit donc embrafler aucune figure 
déterminée, elle en prendroit alternativement de plus ou de 
moins approchantes de lune ou de l'autre extrême repré- 
fentée dans les Figures 3 & 4, & toutes fes parties fluides 
{eroient, non pas dans une fimple agitation, mais dans un 
bouleverfement continuel. 

Ce ne feroient pas feulement les Mers étenduës comme 
motre Ocean , ou les Atmofpheres qui peuvent environner 
des Planetes qui féroient expofées à ce mouvement, ce fe- 
roient aufli les liqueurs contenuës dans les plus petits vaif- 
feaux. Pour s'en convaincre, on n’a qu'à fuppoler le Vafe 
de la Figure $ appliqué dans l'endroit 47 de la Planete, & 
concevoir la ligne XYZ parallele à la petite partie A7» 
de la Figure 3, & T° parallele à la petite partie A1» de 


la Figure 4, il eft évident que Q/ étant inclinée du côté 


de 1 par rapport à 7’, la liqueur coulera de Q vers AZ 
pour rétablir le niveau, & prendre une fituation plus appro- 
chante de WT, en même temps que les colomnes de liqueur 
qui font proche de CM, & qui font trop pefantes par 
rapport à celles qui font proche de GQ, feront foûlever 
celles-ci, & tendront à donner à Ia furface Q 41 Ia fitua- 
tion #Z. Aiïnfi.on voit que la liqueur fera fans cefle agitée, 
qu'il y aura une circulation continuellement établie felon 
Q, M,C,G, Q, & cela toüjours fimplement, en confé- 
quence d’une pefanteur originaire qui n’eft pas égale par-tout. 

IH eft vrai que ces effets ne doivent être très-marqués que 
lorfque l'inégalité dans 1a pefanteur eft confidérable. Mais f 
la gravité de nos corps pefants eft produite par la force 
centrifuge du Tourbillon qui nous environne, comme le 
veulent les Cartéfiens, ou fi elle a quelqu'autre caufe mé- 


chanique qui foit une fuite des feules loix ordinaires de la 


Fig. s, 


4o MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
communication des mouvements, il eft bien difficile qu'elle 
puifle être précifément la même vers les poles & vers 
J’Equateur. Le Tourbillon ne fera pas exactement fphérique, 
il fera plus preflé, & il pouffera auffi plus vers un côté que 
vers un autre, & la force centrifuge qui réfultera de Ba 
mouvement , & qui ne fera pas égale par-tout, n’influera pas 
feulement fur l'effet de la pefanteur, elle influëra auffi fur la 
caufe, & faltérera différemment. Or il fuffit toûjours, 
comme nous l'avons démontré, qu'il y ait la moindre in- 
égalité dans la gravité primitive, pour qu’il naïfle aufli-tôt 
entre les deux principes une incompatibilité aflés grande 

our produire l'agitation dont nous parlons. Les parties 
folides, les Terres, les Rochers, &c. conferveront leur même 
fituation à caufe de leur adhérence : mais les molécules des 
fluides n'ont qu'à avoir une grande facilité à être müës par 
Ja maniére dont elles font détachées les unes des autres, 
elles ne manqueront pas de fentir la plus petite pente, qui 
les déterminera à avancer vers un certain côté, pendant qu'il 
fe fera toüjours un autre mouvement pour rétablir l'équi- 
libre des colomnes, qui détruira encore le niveau de la 
furface. C’eft affés pour tout cela que les deux figures diffé- 
rent feulement dans la pofition de leurs furfaces de quelques 
fcrupules de fecondes, où qu'elles foient inclinées Fune par 
rapport à J'autre , de quelques parties de pouce fur une 
étenduë de chaque lieuë. Nous n’ignorons pas qu'on afligne 
plufieurs caufes au mouvement de liquidité des liqueurs ; 
cependant il fe pourroit faire que celle-ci, quoiqu'elle dé- 
pende d'un principe très-fimple, & qu'on n'en avoit pas 
foupçonné, y eût auflt quelque part. Il eft toñjours vrai 
qu'outre les effets extérieurs qu'elle eft capable de produire, 
&c que nous avons confidérés, elle eft capable d'en produire 
encore d'intérieurs & d’inteftins que nous pourrons examiner 
dans la fuite. . x 


LR 
RECHERCHE 


| Soie OPA D 


DE $: 5! c'1'ENNAGLE 5. 41 


… RECHERCHE CHIMIQUE 


SURVLA COMPOSITION 
D'UNE LIQUEUR TRES-VOLATILE, 


a 


Connuë fous le nom d'ÉTHER. 


Par M Du HAMEL & GROSSE. 


L y a environ cinq ans que cette liqueur eft connuë en 
L'Angleterre, & quelques années auparavant elle avoit déja 


FM qu'elle produit, fuivant raies circon{tances, l'ont 
“renduë recommandable dans tous les pays où il fe trouve 
des Phyficiens. 

A l'égard du nom d'Eer ou de Liqueur éthérée fous le- 
} que on la connoît , il lui a été donné par fon Auteur, fans 
. doute à caufe de fa grande volatilité qui furpafñe de beau- 
_ coup celle des Huiles, qu'on appelle en Chimie Huiles effen- 
tielles où éhérees, telles que l'huile de Romarin, celle de 
joue. d'Afpic, & autres qui fe tirent par la difhillation 
avec l'eau. 

- M. Frobenius, Chimifte Allemand, à qui l'invention de 
cette liqueur paroît être düë, en envoya plufieurs petits 
flacons il ÿ a environ quatre ans à feu M. Geoffroy, & 
peu de temps après M. Grofle en reçut-deux pareils de M. 
Godfrey Hanckwitz, aufli Chimifte Allemand, établi à 
Londres depuis le temps de l'illuftre Boyle. GE unes 
étoient accompagnés de deux feuilles manufcrites dans lef- 
quelles l’auteur de'Ether indique les différentes propriétés 
- de cette liqueur, comme, par exemple, fon extrème lége- 

_reté, fa grande + la propriété qu'elle aide ne 
/ fe point mêler avec l'éau ni avec la plüpart des liqueurs tant 
…. acides qu'alkalines, celle de tirer la teinture des Végétaux, 


Mem, 1734: Hd 


AT 


fait du bruit en Boheme & à Mayence, car les effets fingu- 


$s Maï 
2755 


42 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

& plufieurs autres propriétés encore plus intéréffantes pour 
la Phyfique. A la fin de ce Manufcrit, M. Frobenius femble 
défigner en peu de lignes la compofition de l'Ether, mais 
ce qu'il en dit nous a paru jufqu'à préfent fi énigmatique, 
qu'il n'a pû nous conduire à fa découverte de la compofition 
de cette liqueur. Voici les propres paroles de M. Frobenius : 
Paratur ex fale volatili urinofo, plantarum phlogiflo , aceto valde 
Jubtil, per fammam fermentationem cunéis fubtilifimé refolwis 
d unitis, Ainfr, fuivant le Manufcrit, l £'#her eft compolé 
d'un iel volatil urineux, du phlogiftique des végétaux & 
d'un acide extrèmement fubtilifé, le tout réfous & réuni 
par une grande fermentation. 

Pour rapporter exactement tout ce qui eft venu à notre 
connoiflance au fujet de FEther, il conviendroit d’adjoûter 
ici la traduétion de ce que M. Godfrey Hanckwitz a fait 
inférer dans les Franfictions Philofophiques, à la fuite du 
Mémoire concernant les expériences faites avec la Liqueur 
éthérée de M. Frobenius, en Mai 1730. N.° 41 3. p. 288. 

» Que cette Liqueur éthérée ait été autrefois très-eftimée 
» & recherchée, cela paroït par une expérience que j'ai faite 
» autrefois pour M. Boyle, mon cher maitre, par le moyen 
» d'une folution métallique, nommément par la diflolution 
» de Mercure crud, uni au phlogiftique du Vin ou de quelque. 
» autre végétal, & j'ai féparé cet Ether par l'entonnoir, de 
» deflus la folution qu'il furnageoit. M. le Chevalier Ifaac 
» Newton connoifloit auffi très-bien cette liqueur, mais fx 
» mort a empêché qu’elle ne füt portée à fa perfection, & 
» ne Jui a pas permis d’en faire une certaine quantité. Quand 
» M. Frobenius vint dans mon Laboratoire pour en faire la 
» quantité dont il avoit befoin pour fes expériences, il voulut 
» confulter ce que M. Newton en avoit dit dans fes ouvrages, 
» & nous trouvâmes qu'il lavoit fait avec l'huile de Vitriol & 
» l'efprit de Vin. 

» Cette liqueur du Chevalier Newton eft un efprit de Vim 
» éthéré, elle différe feulement de celle de M. Frobenius par 
» le procédé : la Liqueur éthérée (je crois qu'il veut parler 


me" y 


= it, Micraict dés 


œ= 


D ES SE rIEN CES. 

de celle de Frobenius) eft faite avec partie égale en mefure 
& non en poids, la liqueur jaune qui furnage eft féparée 
de la fulfureufe non-ardente par l'entonnoir ; la liqueur 
inférieure eft rejettée, & la fupérieure jaune eft mife dans 
une cornuë pour être diflillée par une chaleur très-douce, 
& on continuë la diftillation de ce liquide éthéré jufqu’à ee 
que l’hémifphere fupérieur foit devenu froid, & la cornuë 
étant frappée dans la main, on trouve dans le récipient un 
(gas) ou réfidence vinofulfureufe très-éthérée : faites préci- 
piter le foufre, en adjoûtant un alkali qu'il faut jetter dedans 
petit à petit jufqu'à ce que toute ébullition cefle, & la 
liqueur ne frappera plus elle-même contre la main, mais 
elle l'attirera violemment ; alors l’alkali tombera au fond de 
lui-même, & fe précipitera dans l'eau commune. 
” Ce procédé eft très-obfcur ; aufli M. Hellot, qui a beau- 
“coup travaillé fur cette matiére, a fuivi fcrupuleufement ce 
procédé des Tranfattions fans aucun fuccès. 

Les grandes propriétés que M. Frobenius attribuë à fa 
Liqueur éthérée dans le Mémoire manufcrit dont nous avons 
parlé, & la réputation qu’elle a dans les différents pays où 
M. Frobenius en avoit envoyé, étoient des motifs fufhifants 
pour nous engager à faire tous nos éfforts pour en décou- 
vrir la compofition, vû qu'on en a fait jufqu'à préfent un 
myftere, & que je crois qu'il ny a qu'un feul homme en 
Angleterre qui la fçache bien précifément ; auffi avons-nous 
été plufieurs qui avons fait chacun en notre particulier diffé- 
rentes tentatives à ce fujet, mais le fuccès étoit réfervé à 
M. Grofie, qui, comme on le verra dans la fuite de ce 
Mémoire, eft le feul qui foit enfin parvenu à avoir l'Ether 
dans toute fa perfection. 

* L'odeur aromatique de cette liqueur, fa grande inflam- 
mabilité, fà Kgérété, fa non-mifcibilité avec l'eau, & Ia 
définition énigmatique que M. Frobenius en donne, firent 
d'abord penfer à feu M. Geoffroy, & depuis j'ai cru comme 
lui, que l'Ether étoit une huile effentielle extrêmement 
atténuéé par quelque fermentation, & convertie par-R qn 


Fi 


44 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE 

un efprit ardent d'une nature très-finguliére; M. Geoffroy 
avoit foupçonné que cette huile eflentielle pouvoit être 
celle de Romarin. Suivant ces idées, nous avons féparément 
travaillé fur les Huiles eflentielles ; j'ignore quel a été le 
travail de feu M. Geoffroy, mais en apportant les précau- 
tions néceflaires pour prévenir l'inflammation des huiles, 
fur-tout quand j'employois de lefprit de Nitre, j'ai mêlé 
différentes huiles eflentielles avec différents acides, dans le 
deffein d’atténuer les huiles par l'action des acides que j’em- 
ployois, & j'ai enfuite tenté de retirer ces huiles, ou fim- 
plement par la diftillation, en y adjoûtant de l’eau, ou en 
les incorporant, tantôt avec le fel de T'artre, & tantôt avec 
a Chaux, avant que de les difliller, tant pour confommer 
une partie de l'huile grofhiére qui avoit été comme brülée 
par les acides, que pour abforber les acides que j'avois em- 
ployés, & avoir ainfi les huiles entiérement dégagées de 
leur partie la plus groffiére. Mais toutes ces expériences que 
j'ai fuivies aflés loin, & qui m'ont offert plufieurs phéno- 
menes finguliers, ne m'ont rien donné qui approchät de a 
Liqueur éthérée que je cherchois : ainfi il feroit inutile de 
m'y arrêter davantage. M. Grofle s'eft propolé de chercher 
la compofition de cette liqueur par d’autres voyes, car en 
réfléchiflant fur les effets & les propriétés de cette liqueur 
rapportées dans le Manufcrit de M. Frobenius, & après avoir 
fait différentes expériences avec l'Ether qui lui avoit été 
envoyé d'Angleterre par M. Hanckwitz, il s’eft enfin arrêté 
aux propriétés fuivantes qui l'ont conduit infenfiblement à 
la découverte de fa compofition. Ces propriétés font, 

1. D'être fi volatile, & de, s'évaporer fr vite, qu'il 
femble qu'elle ne mouille pas le doigt qu'on y a trempé. 
2.° De s’enflammer très-aifément, & de prendre feu, quoi- 
qu'aflés éloignée d’une lumiére. 3.° De reffembler par fon 
odeur à l'eau de Rabel bien faite, long-temps gardée, & de- 
venué rouge; auffi M. Groffe avoit-il remarqué qu'en difti- 
lant de l'efprit de Vin fur une légere difiolution d'Alun , il en 
vgnoit une liqueur d'une odeur fuave, douce, aromatique, 


DE s.1 SCO E MMEUErS. 4$ 
approchante de celle de l'Ether. Ces obfervations e perfua- 
dérent qu'il falloit chercher cette liqueur dans le mélange 
de l'efprit de Vin avec l'huile de Vitriol, & ent 731 il pria 
M. Geoffroy le cadet de communiquer cette idée de fa part 
à l'Académie. 

Le même M. Geoffroy m'a fait voir depuis quelques 
jours une feuille manufcrite de la main de M. fon Frere, 
par laquelle il paroït que feu M. Geoffroy avoit auffi tourné 
fes vüës du côté de Fhuile de Vitriol & de Fefprit de Vin : 
quoiqu'il en foit, cet avis de M. Grofle renouvella l'impa- 
tience que J'avois de connoïtre une liqueur qui me paroif- 
{oit fi précieufe pour la Phyfique ; je fis différents mélanges 
d'huile de Vitriol & d’efprit de Vin, je les diftillai tantôt 

Æeuls & tantôt fur des fels alkalis, ou {ur de la Chaux, mais 
fans fuccès. 

M. Hellot, dont nous avons déja parlé, a fuivi encore 
plus loin fes expériences, ce qui lui a fourni plufieurs obfer- 
vations finguliéres ; il a même eu une liqueur fort appro- 
chante de l'Ether, mais il étoit réfervé à M. Groffe d'avoir 
cette liqueur auffi parfaite que l'Ether de M. Frobenius, & 
même beaucoup meilleure que celle de plufieurs flacons qui 
ont été envoyés d'Angleterre; car M. Geoffroy le cadet n'a 
fait voir chés lui qu'il y en avoit qui fe décompoloit avec 
Yeau, & qui s’y méloit enfin entiérement , au lieu que celui 
de M. Groffe s’en fépare totalement, & même fort promp- 
tement : mais fans m'écarter davantage, je vais commencer 
par rapporter les procédés de M. Grofle, tels qu'il me les 
a diétés lui-même ; je rendrai compte enfuite du travail du 
Chimifle que j'ai cité, après quoi je ferai part à l’Académie 
de plufieurs expériences curieufes que nous avons faites M. 
Grofle & moi avec-cette liqueur » ce qui nous mettra en 
état de former quelques conjectures fur la théorie de cette 
opération. , 

Mais avant que de parler du travail de M. Grofle, il eft 
bon qu'on ne fe prévienne pas à F'occafion de la fimplicité 
de fes procédés, car on auroit peut-être de la peine à lui 

iij 


x. Maniére 
de faire 


VE ther. 


26 MEmoires DE L'ACADEMIE RoyALE 
fçavoir gré des foins qu'il s'eft donnés pour avoir une liqueur 


‘qui paroît maintenant fi aifée à obtenir. Le peu de fuccès 


de notre travail commun, & le grand nombre de tentatives 
que M. Groffe a faites inutilement en particulier, paroïtroïent 
fufhre pour prouver combien cette découverte étoit difficile, 
Cependant ceux qui voudront fuivre les procédés que je 
vais décrire, feront encore bien mieux convaincus de cette 
difficulté, puifque l'exactitude dans les proportions, dans le 
choix des matiéres & dans l’execution, font de Îa derniére 
conféquence pour la réuflite; je fuis même perfuadé que 
quoique M. Grofle le déclare ici avec toute la fincérité & 
Y'exaétitude pofible , plufieurs bons Artiftes le tenteront fans 
réuffir , faute d’en obferver toutes les circonftances. 
Voici donc différents procédés par lefquels M. Groffe eft 
parvenu à faire PEther. 
Comme j'étois prefque certain (c’eft lui-même qui parle) 
ainfi que je Favois fait annoncer à l’Académie en 1731, 
qu'il falloit chercher l'Ether dans le mélange de l'huile dé 
Vitriol & de lefprit de Vin, je commençai alors à faire 
différentes combinaifons de ces deux liqueurs, qu'il efl 
inutile de rapporter, il fuffit de dire que quand j'ai mêlé 
trois parties d'huile deVitriol fur une d’efprit de Vin, c'eft- 
à-dire, fix onces de cet acide fur deux onces d’efprit de Vin, 
j'en ai retiré par une diftillation bien conduite, plufieurs 
liqueurs qui ne reflemblent pas à lEther; mais en même 
temps il eft monté une huile quelquefois rouge, quelque- 
fois verte, & quelquefois affés blanche : c'eft cette huile que 
plufieurs Auteurs, depuis Paracelfe, ont appellée Huile de 
Vitriol douce, & dont je me propofe de parler dans une autré 
occafion, ainfr je reviens à lEther. 3 
Après plufieurs tentatives qui rouloient toûjours fur les 
différentes proportions de l'huile de Vitriol & de Fefprit 
de Vin, je n’en ai pas trouvé qui n'ait mieux réuffi que 
celle qui fuit. | 
J'ai pris une partie d'huile de Vitriol bien redifiée & 
très-blanche, par exemple, une livre, & deux parties, ou 


D TS 


| 


DE Sw AS CHE MIEL -s, | 47 
deux livres d’efprit de Vin auff très-redifié, je les ai mélés 
petit à petit dans une cornuë, verfant Fefprit de Vin fur 


huile de Vitriol pour ménager le vaifleau qui, fans cela, 


feroit en rifque de fe cafler, à caufe de Ja grande chaleur 
qui s'excite dans ce mélange quand les liqueurs font bien 
concentrées, comme elles le doivent être pour la réuffite 
de l'opération ; j'ai enfuite bouché la cornuë, j'ai laïffé ces 
liqueurs en digeftion pendant deux jours ou environ : ordi- 
nairement ce mélange prend peu à peu une couleur rouge, 
ce quieft un indice avantageux pour le fuccès de l'opération; 
après-cette digeftion, j'ai diftillé le mélange au feu de fable; 
dans le commencement, il monte un peu d'efprit de Vin 
#ès-odorant; à cet efprit de Vin fuccede une liqueur en 
vapeurs blanches; puis, en continuant la diftilation, il en 
vient une autre très-fulfureufe & volatile qui frappe vive- 
ment l’odorat, & fuffoque même la refpiration ; enfin il 
monte un flegme acidule, & dans la cornuë il refte une 
mafle très-noire pareille à la réfidence que feu M. Homberg 
a trouvée après la diftillation & la réfolution du foufre par 
Thuile de Therebentine, & que Kunckel a aufli eue après la 
diftillation de Fhuïle de Vitriol mêlée avec l'efprit de Vin. 
J'étois bien perfuadé que l'Ether exiftoit dans les liqueurs 
que j'avois diftllées, leur odeur, & quelques autres circon- 
ftances ne me permettoient pas d'en douter. Je me propofai 
donc del'en retirer, & j’employai pour cela différents moyens; 
quelquefois je me fervois de la folution de {el ammoniac, 
pour fubftituer l'acide du fel marin, que l’on fait être très- 
bon pour la reétification des huiles, à celui du Vitriol, 
auquel je prefentois un: alkali volatil. Maïs cette tentative 
n'eut pas tout le fuccès que je m'en étois promis. Enfin entre 
les différents eflais que j'ai tentés, la plüpart inutilement, 
je me fuis imaginé d'employer l'eau commune comme un 
moyen des plus fimples d’affoiblir l'acide fulfureux, & l'efprit 
de Vin, que je regardois comme les feuls obftacles à a 
féparation de FEther, me fondant fur une des propriétés de 
cette liqueur, qui eft de ne fe mêler jamais avec l'eau, mais 


48 MEMOIRES DE L'ACADEMTE ROYALE 

de fe mêler très-vite à l'efprit de Vin: je verfai donc béau- 
coup d’eau fur les liqueurs dont j'ai parlé, & prefque dans 
le moment je vis la féparation de la Liqueur éthérée, qui, 
par fa grande légereté, fe portoit vivement à la furface ; 
ainfi une fimple addition d'eau commune me réuffit mieux 
que tout ce que j'avois tenté par beaucoup d’autres moyens. 

Voilà donc l'Ether en partie féparé des autres liqueurs, 
auxquelles il étoit joint. Je dis en partie, car il n'étoit pas 
encore aufli fec & auffi volatil qu'il le doit être; ce qui 
marque qu’il étoit encore un peu allié avec les fubftances 
dont nous venons de parler; cela n'a engagé à verfer de 
nouveau de l'eau deflus, pour en emporter une partie; mais 
ce qui me réuffit beaucoup mieux, ce fut d'employer une 
folution de fel de Tartre qui, abforbant le refte de l'acide 
volatil fulfureux, acheve d'en dégager l'Ether, & par ce 
moyen je lai eu fort fec & aufli volatil que celui qui m'a 
été envoyé d'Angleterre. 

Cependant, en refléchiffant fur les différentes liqueurs 
qui m'étoient venuës par la diflillation, je me propofai de 
les examiner plus particuliérement, pour connoitre celle qui 
contenoit l'Ether, ce qui devoit me donner encore plus de 
facilité pour en faire la féparation. Afin de fuivre cette idée, 
& exécuter ce deffein, il falloit féparer chaque liqueur à 
mefure qu'elle pafloit par la diflillation ; pour cela je nv'avifai 
de piquer avec une épingle, la veflie qui lutte le récipient 
au bec de fa cornuë, afin de difcerner par l'odorat, les diffé 
rentes liqueurs, à mefure qu'elles fe fuccéderoient. 

La premiére, comme je fai dit, ne fentoit prefque que 
l'efprit de Vin, & ç'en eft un très-rectifié qui cependant a 
quelque chofe qui approche de l'eau de Rabel. 

La feconde paffe en vapeurs blanches, & fent beaucoup 
l'Ether, ce qui me fit juger qu'elle étoit la feule qui le 
contenoit, & que les autres ne fervoient qu'à abforber. 

La troifiéme avoit une odeur de foufre des plus péné- 
. trantes, & en ayant une fois refpiré un peu trop, je penfai 

être fufloqué, 
Ces 


DES SCcrENCES. 

Ces différentes obfervations m'ont conduit à faire l'Ether 
de la maniére fuivante. 

Obfervant les mêmes proportions que j'ai rapportées ci- 

deflus, je diftillai jufqu'à ce que j'apperçüs à la voûte de la 

cornuë les vapeurs blanches dont j'ai parlé, alors je ceffai 


le feu, car il refte affés de chaleur pour faire pañer le refte, 


de cette liqueur qui feule contient l'Ether, qui eft, comme 
l'on fçait, très-volatil, & la liqueur fulfureufe refte en bonne 
partie dans la cornuë ; ainfi l'on a par ce moyen la liqueur 
qui contient l'Efer, feulement un peu mêlé d'efprit de Vin 
qui pafle d'abord, & quelquefois d’un peu d'efprit fulfureux 
qui vient enfuite malgré la ceffation du feu. En ce cas, 
pour avoir J'Ether feul, il faut employer l'eau commune 
pour le féparer, comme nous favons dit dans le premier 
procédé ; mais fi l'on ne trouve pas encore cet Ether affés 
fec, on peut le rectifier par une lente diftillation , & alors 
JEther monte avant l’efprit de Vin, qui cependant pañloit 
toûjours le premier dans les premiéres opérations ( circon- 
flances finguliéres dont nous eflayerons de rendre raifon 
dans la fuite). 

Ces méthodes de faire ’Ether font très-promptes, mais 
elles ne réuffffent pas toûjours : elles n'ont quelquefois 
manqué , fans que j'en aye pû attribuer la caufe qu'aux qua- 
lités différentes de l'acide vitriolique, ou encore plus à celles 
des efprits de Vin que j'ai employés, quoique très-rectifiés, 
& très-bons pour d’autres ufages. C’eft ce qui m'engage à 
rapporter ici un troifiéme procédé qui m'a toûjours réufir. 

Par ce procédé on peut avoir l’Ether très-fec, fans em- 
ployer pour le reétifier, aucun mélange d’eau ni de fels alkalis. 
Pour cela, quand on 2 ceffé bien à propos la diftillation, 
c'eft-à-dire, lorfqueles vapeurs blanches commencent à 
paroître, il faut mettre dans une cornuë ce qui eft pañlé 
dans le récipient, & diftiller très-lentement à un feu de 
lampe : l'Ether, qui eft ici dégagé de fa liqueur füulfureufe, 
pañle le premier dans Ia diftillation & avant l'efprit de Vin, 
de même qu'avant le peu de liqueur fulfureufe qui y eft 


Mem, 173 4 ° G 


2.4 Maniéré 
de faire 


l'Ether, 


3. Maniére 
de faire 
l'Ether, 


>» 
> 


so MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
reftée, & quand on a diftillé Ia moitié de a liqueur, ou 
tout au plus les deux tiers, il faut cefler l'opération , fans 

uoi il fe feroit un nouveau mélange. Cette derniére mé- 
thode a cela d'avantageux que, comme je l'ai dit ci-devant, 
elle n'a toùjours réufli, au lieu que les deux autres m'ont 
quelquefois manqué. 

Outre les trois maniéres de faire l'Ether dont je viens 
de parler, je fuis perfuadé qu’on peut encore l'obtenir par 
d’autres moyens, peut-être même plus courts, & j'ai encore 
fur cela des vüës que je communiquerai à l Académie fi 
elles réuffifient. 

Ce feroit ici le lieu de rapporter les expériences que j'ai 
faites avec mon Ether, pour prouver fa conformité avec 
celui de M. Frobenius, mais je réferve ce détail pour un 
autre Mémoire : je me contenterai de dire pour le préfent, 
que jufqu’ici je n'ai pas reconnu dans cette liqueur des pro- 
priétés bien avérées pour la Médecine, quoiqu'un étranger, 
qui eft depuis quelques années à Paris, attribuë de grandes 
vertus à un Ærher rouge dont quelques malades aflürent 
méme s'être bien trouvés. 

Cette liqueut rouge reflemble beaucoup à l'Ether tant 
par fon edeur que par fon‘inflammabilité, & fa non-mifci- 
bilité avec beaucoup de liqueurs, j'en ai retiré l'Ether par 
la diflillation , & il m’eft refté une matiére rouge d’un goût 
& d’une odeur affés agréable, mais j'ignore quel eft ce mé- 
ange, qui d’ailleurs me paroit très-curieux, n'ayant encore 
pü parvenir à colorer mon Ether, quoique je l'aye tenté 
de différentes maniéres. 

Pour fuivre le plan que je me fuis propofé dans ce Mé- 
moire, après avoir fait la lecture des différents procédés par 
lefquels M. Grofle eft parvenu à avoir l'Ether, je vais 
rendre un compte abrégé de ce qu'a fait à ce fujet M. Hellot, 
qui a travaillé à cette recherche de concert avec nous. Voici 
l'extrait d'une Lettre qu'il m'a écrite à ce fujet. 

J'& fait différents mêlanges d’un efprit de Vin très-rectifié, 
& d'huile de Vitriol blanche très-concentrée. Tous mes 


ELA ODPE: Sv 414$ :C1"E MN GE 6 J St 


æffais ont été du poids de 3 onces d'huile de Vitriol, mais fe 
poids de l'efprit de Vin a été tantôt de 9, de 12, de 1 $ onces, 
quelquefois de 6.onces, une feule fois de 3 onc. c’efl-à-dire, 
de poids égal; &.enfin je l'ai fait felon le Mémoire"de M. 
Godfrey, de Londres, à mefure égale d’efprit de Vin & 


d'huile de Vitriol. J'ai obfervé qu'en verfant l'huile de Vitriol « 
{ur l'efprit de Vin, il s'éleve des vapeurs, par la chaleur du 


mélange, & que ces vapeurs condenfées donnent un efprit 
de Vin véritable très-fubtil, que j'ai reverfé toûjours au bout 


de deux jours de digeftion à froid, dans l’alambic de verre . 


tubulé & bouché d’un bouchon de criftal, dont je me fuis 
fervi pour tous mes eflais, parce qu'on voit mieux ce qui 
fe pafle dans le chapiteau, qu'on ne le voit dans la voûte 
d'une cornuë. J’oblerverai auffi que pendant la digeftion 


. de tous ces mélanges, il fe dépofe une poudre blanche, & 


c'eft apparemment de cette poudre dont Kunckel a parlé 
dans {on Ladoratorium Chymicum , & far le moyen de 13- 
quelle il a dit qu'il pouvoit faire voir que huile de Vitriol 


contenoit du Mercure coulant, en lamalgamant avec de la « 
chaux d'Or, ce qui ne n'a jamais réufli; car j'ai filtré un 
de mes mêlanges après le dépôt formé de cette poudre . 


blanche, & l'ayant lavé, je l'ai triturée dans un mortier de 
verre échauffé avec une portion de Chaux d’or des Aff- 


neurs, mais je n'ai pû parvenir à faire cet amalgame ; aufi 
cette poudre me paroit n'être qu’une fimple terre, car en , 


ayant mis depuis fur un charbon allumé que j'ai foufflé avec 


un chalumeau, elle s’y eft calcinée fans aucune vapeur, & | 


eft reftée fixe comme une pure terre. 

J'ai diftillé tous mes mêlanges à feu de lampe, me fervant 
des lampes que vous me connoiffés, & par le moyen def- 
quelles je fuis le maître de la chaleur pendant 12 ou 15 
heures. Les mélanges où il y avoit trois, quatre ou cinq 
paties d’efprit de Vin contre une d'huile de Vitriol ont 
toûjours donné des ftries perpendiculaires dans lé chapiteau. 
Ceux dont le poids des deux liqueurs approchoit davantage 


‘de Jégalité, donnoient moins de ces flries, & lorfque: Le < 


Gi 


» 


æ 


$2 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

récipient étoit exactement uni au bec du chapiteau par le 
moyen de la membrane intérieure détachée du gros 1obe 
des veflies de carpe, je n’y appercevois aucune flrie, pas 
mème la moindre marque d'humidité, parce que l'air exté- 
rieur n’avoit aucune communication avec les vapeurs fub- 
tiles qui s’élevoient. A l'occafion de cette netteté du cha- 
piteau (que je regarde comme la marque certaine que l’Ether 
monte actuellement ) je crois que M. Grofle, à qui la dé- 
couverte de la compofition de l'Ether eft dûë, ne trou- 
vera pas mauvais que je vous fafle obferver que fans la pi- 
quüre d’épingle qu'il fait à fes veflies, je crois qu'il n’auroit 
pas vü les vapeurs ou tourbillons blancs dont il parle. Car 
depuis que de fon confentement vous n'avés communiqué 
fon procédé, j'ai fait une rectification d'Ether avec les pré- 
cautions qu'il prefcrit. Je me fuis fervi d'une cornuë de 
criftal de Londres, dont le col a été ufé avec l'embouchure 
de fon récipient par le moyen de l'Emeril, de forte qu'elle 
ferme très-exactement. À un feu de lampe extrêmement 
doux, j'ai vu diftiller lEther aflés vite, mais fans vapeurs 
blanches ; j'ai defferré le récipient, en le tournant un peu 
fur le col de la cornuë, en forte que l'air extérieur pût s’y 
introduire , aufli-tôt les vapeurs blanches ont paru ; j'ai ref 
ferré le récipient, ces vapeurs ont difparu. Enfin j'ai répété 
cela cinq fois de demi-heure en demi-heure, & j'ai toüjours 
fait paroître & difparoïître alternativement les vapeurs en 
queftion. J'offre à M. Grofie de lui prêter ce vaifleau pour 
vérifier mes expériences. Si elles lui réufliffent, comme je 
n’en doute pas, vous fçaurés bien rendre raifon de ce phé- 
nomene qui me paroit aflés fingulier. Je crois que j'aurois 
eù l'Ether dès le mois de Novembre 173 1, fi j'avois eu les 
yeux de M. Grofle pour Fappercevoir. J'avois diftillé une 
affés bonne quantité de cette premiére liqueur qui contient 
VEther ; & croyant que je pouvois Ia rectifier fans feu, je 
la verfai fur des cendres gravelées bien féches que j'avois 
miles dans une bouteille cylindrique de verre blanc, je Fy 
Jaiflai pendant huit jours en digeftion, la liqueur fpiritueufe 


4 < 


eu 


D'E 18 MISYCÉE MG s0 s : 1 # 
ÿ prit une belle couleur de jonquille, & ile fit une fépara- & 
tion du flegme ; je furvuidai la liqueur jaune-dans une autre « 
fiole, & je verfai deflus une demi-once d’huïle de Vitriol, « 
il fe fit une fermentation très-vive, une partie de ladiqueur « 
fe coagula en une matiére faline formée en flocons qui fe « 
précipiterent. La liqueur prit le goût acide d'une eau de 
Rabel, mais beaucoup plus aromatique. J'en mis dans une 
cuillere d'argent; toute acide qu'elle étoit , elle y brûla fans 

daifler de réfidu aqueux. Enfin je la diflillai de nouveau, les 
gouttes fe fuccéderent prefque fans intervalle entr'elles. « 
Ayant éteint le feu, quand les ftries commencerent à fe 
former, je trouvai dans le récipient une liqueur qui n’étoit 
plus acide, qui avoit la vraye odeur de l'Ether, comme vous 
en avés jugé vous-même, mais qui n'étoit pas féche comme 
le véritable Ether ; faute d'avoir imaginé le véritable tour 
de main, il étoit refté dans la cucurbite une liqueur rouge 
extrêmement acide. 
: Quant aux flocons falins dont j'ai parlé ci-devant , les 
ayant diflous dans de l'eau chaude, je les laïffai en repos 
pendant quatre heures, au bout defquelles j'apperçüs deux 
liqueurs très-diftinétes : celle qui furnageoïit l'autre, étoit 
plus diaphane’; elle étoit encore acide, elle brûla comme la 
premiére fans réfidu. J'ai laiflé criftallifer la liqueur d’au- 
deflus, & un mois après je trouvai des criflaux figurés « 
comme le Tartre vitriolé, fur lefquels je n’ai rien à dire 
de plus. 

J'ai tenté la rectification de la même liqueur que je 
jugeois qui contenoit l’Ether, fur du colcothar, mais elle 
s'y décompole tellement, qu'on n'en retire qu'un véritable 
elprit de Vin. à 

Par le fel de Glauber calciné, j'ai approché davantage de 
la véritable rectification. 

Par les fleurs de Zinck, encore davantage. « 

Enfm ne pouvant obtenir une liqueur éthérée qui ne fe « 
mélit point à l’eau, nous crûmes, comme vous fçavés, « 
Monfiew, qu'il falloit y introduire fa liqueur huileufe qui « 

G ii 


» 


2» 


» 


» 


» 


2 


ÿ4 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarE 
vient de la même fource, & qu’on nomme l'okwm Vitriole 
dulce Paracelf, ainfi ayant raflemblé de cette huile environ 
une demi-once, & reétifié trois onces de liqueur fpiritueu{e 
par les fleurs de Zinck, je mêlai les deux liqueurs enfemble, 
l'union parfaite en fut faite dans l'inftant, je verfai deflus 
de l’eau commune, & je vis auffi-tôt une féparation de deux 
liqueurs : j'agitai le mélange, & les deux liqueurs fe fépa- 
rerent de nouveau ; j'aurois juré que je tenois l’'Ether, & 
d’autres l’auroient cru comme moi, d'autant plus que la 
liqueur furnageante faifoit fur les diflolutions métalliques 
prefque les mêmes effets que l’Ether. Au bout d’onze jours 
je fus détrompé, & obligé d'avouer que je n'avois plus 
l'Ether. En voici la raifon : entre mes deux liqueurs il y 
avoit une pellicule argentée extrèmement déliée : toute dé- 
licate qu'elle étoit d'abord, elle devenoit plus fine de joux 
en jour, & le dixiéme jour on ne l'appercevoit plus, elle 
s'étoit dépofée au fond du flacon en forme d’un fédiment 
un peu feuilleté. La féparation des deux liqueurs fe voyoit 
encore en les regardant avec attention, mais les ayant agitées, 
elles fe mélerent f parfaitement, que je n'ai pu les Fe 
depuis. Il paroît par cette expérience, que cette huile douce 
ne doit pas entrer dans 'Ether. J’aurois quelques obferva- 
tions à vous communiquer fur l’extrème élafticité de cette 
huile, mais comme cette propriété regarde la phyfique de 
YEther, & qu’il n’eft queftion ici que de fa compofition , je 
me réferve à vous en entretenir dans une autre occafion. 
J’a l'honneur d’être, Monfieur, &c. 


nr vD'E:sS COLE Nous: Gy 
FAAFER : 


SURMES EG OEsS 
D.E SAOIO,R D SieC..E".L,E SMS: 


Par M. DE MAUPERTUIS. 


LES donné dans lé Difcours fur la figure des Aftres, 
quelques propofitiogs générales fur les figures que 
doivent prendre des amas de matiére fluide qui circulent 
autour d’un axe. Je ne me propofois dans cet ouvrage que 
de faire voir en général, qu'il pouvoit y avoir dans les Cieux, 
des Fixes ou des Planetes fort applaties, & autour de quelques- 
unes, des Anneaux fort minces; je tentois par-là d'expliquer 
quelques phénomenes qui n'avoient point encore été expli- 
qués d’une maniére fatisfaifante. 
- IT. Non-feulement il doit y avoir dans les Cieux, des 
Fixes & des Planetes applaties, mais tous les Corps céleftes 
généralement doivent être applatis, s'ils font ou ont été 
fluides, s'ils font formés d’une matiére homogéne, fi leurs 
parties pefent vers un centre, ou les unes vers lesautres, & fi 
enfin ils ont un mouvement de révolution autour d’un axe. 
II. Quant à la Planete que nous habitons, perfonne 
mignore qu'on difpute encore aujourd'hui, fi la l'erre eft 
un Sphéroïde applati ou allongé? Si elle s’eft trouvée dans 
les circonftances dont nous venons de parler, elle devroit être 
applatie; mais les mefures actuelles de différents arcs d'un 


Méridien, comparées aux différences de latitude, paroiïflent 


lui donner la figure d’un Sphéroïde allongé vers les poles. 
Je n’examine point ici cette maniére de déterminer la figure 
de fa Terre par les mefures géographiques & aftronomiques, 
qui eft peut-être la plus füre, & qui l’eft certainement, 
{1 la différence de la Terre à une Sphere eft affés grande pour 
furpañler tout ce qui peut réfulter des erreurs qu'on peut 
commettre dans les obfervations, 


56 MEMoREs DE L'ACADEMIE Rôyare 


Je reviens à examiner les figures que les loix de la Statiqué. 


& de l’'Hydroftatique doivent donner aux Corps céleftes, 
& j'entrerai fur cette matiére dans un plus grand détail que 
je n'ai fait dans le Difcours fur la figure des Aftres. 

IV. Pour qu'une Planete formée d’une matiére fluide & 
pefante, conferve une figure permanente, pour que toutes 
fes parties foient les unes par rapport aux autres, dans un 
état de repos, il faut que toutes les colomnes du fluide fe 
foûitiennent les unes les autres, & foïent en équilibre. Il faué 
auffi que la ligne felon laquelle ehaque partie de la Planete 
pefe, foit perpendiculaire au plan tangent de la Planete en 
ce point. Le premier de ces principes eft clair de foi-même; 
le fecond fe démontre auffi facilement; car fi les Corps 
pefoient obliquement fur ce plan tangent, un Corps flotant 
fur le fluide de la Planete, ou une partie du fluide même, 
feroit entraîné dans le fens de la direction de fa pefanteur, 
& le fluide ne feroit plus dans l'état de repos où on le 
fuppoe. À 

Ces deux principes doivent déterminer la figure de la 
Planete, qui doit être telle que l'un & l'autre y foient oblervés 
en même temps, il faut donc qu'ils s'accordent lun avec 
Vautre; fans cet accord, l'un changeroit continuellement a 
figure que l'autre donneroit à la Planete, & fes parties feroient 
dans un flux & reflux continuel. 

V. M. Huygens, lorfqu'il détermina la figure de la Terre, 
fe fervit d’abord du fecond principe, de celui de la perpen- 
dicularité des directions des Corps à la furface ; mais comme 
il eut befoin de Ja Méthode inverfe des tangentes, peu connuë 
dans ce temps-là, il prit, pour achever fa Solution, le pre- 
mier principe, celui de l'équilibre des colomnes dont M: 
Newton s’étoit déja fervi. En effet, confidérant Ja pefanteur 
comme la confidere M. Huygens & plufieurs autres Philo- 
fophes, c’eft-à-dire, comme uniforme & fe faifant vers un 
centre ; il eft indifférent de fe fervir de Fun ou de Fautre 
principe, & l'on trouvera toüjours la même figure pour la 
Planete, 

VL 


D D OR RUES TS : ès 

* VI. Enfin dans toutes les Hypothefes de pefanteur qui 

ont été propolées dans le Difcours fur la F igure des Afres; 

les deux principes reviennent encore au même, & fe trouvent 

d'accord dans les figures que nous avons détérminées, non- 

feulement pour les Planetes & les Etoiles » Mais encore pour 
les Anneaux. 

VIT. Cet accord des deux principes ne fubfifteroit pas 
dans toutes les hypothefés qu'on pourroit faire. M. Bouguer 
lut il y a quelque temps, dans nos Aflemblées, un Mémoire 
dans lequel il recherchoit ce qui arriveroit fi l’on faifoit 
d'autres hypotheles fur I pefanteur. On peut faire une in- 
finité de ces hypothefes dans lefquelles es deux principes 
féroient en contradiétion, la figure d’une Planete qu'on 
trouveroit par l’un, toûjours détruite par l'autre, & où les 
parties de la Planete feroient dans un defordre & dans un. 
mouvement cContinuel. è 

VII Mais par-là même on voit que pour déterminer 
la figure d'une Planete, fi l'on {cait que fes parties font 
actuellement en repos, l'examen de l'accord des deux prin- 


. cipes éft inutile, lun d'eux fuffit, puifque le repos des parties 


eft un fait qui affüre de l'autre , quelle que foit la maniére 
dont la pefanteur agit. 

IX. Cependant comme la recherche des cas où les deux 
principes s'accordent, & de ceux où ils ne s'accordent pas, 
eft curieufe, je la ferai éncore ici d’une maniére différente 
de celle de M. Bouguer. 

Ce Mémoire contiendra quatre parties. \ 

Dans la premiére, j'examinerai ce qui arrive fi lon fup- 
pofe queles parties du Sphéroïde pefent vers différents points 
def'axe, & que leurpefanteur varie de colomne en colomne, 
-& varie encore dans la même colomne fuivant quelques loix 
données. 

Dans la feconde, je m’attacherai en particulier aux hypo- 

, thefes de pefanteur vers un centre. On m'a fouvent objetté 
contre l'applatiflement des Planetes, que fi la force centri- 
fuge les avoit applaties, cette même force ayant auffi applati 

Men. 1734 ” LE 


Q  MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoYALE 

le Soleil, qui a comme elles une révolution fur fon axe, 
nous devrions voir fün Difque ovale, car noùs fommes 
prefque dans le plan de l'Equateur de fa révolution (ce plan 
ne faifant ave@W'Etcliptique qu'un angle d'environ 7 degrés), 
cependant le Difque du Soleil nous paroît circulaire. Comme 
cette objection n'a été faite par des perfonnes que je refpeéte 
beaucoup, j'examinerai dans cette feconde partie jufqu'où 
doit aller Fapplatifiement du Soleil, & s'il eft aflés grand 
pour pouvoir. être fenfible aux obfervateurs. 

Dans la troïfiéme partie, j'examinerai les figures que 
peuvent avoir en général les Corps céleftes; j'examinerai 
quelques découvertes qu'on a faites dans le Ciel, & l'on verra 
combien elles font conformes à ma théorie, & combien 
elles paroifient la confirmer. 

Enfin pour ne rien omettre de ce que j'ai à dire fur cette 
matiére, j'examinerai dans la quatriéme partie, la figure de 
la Terre & des autres Aftres, réfultante de la pefanteur 
univerfelle des parties de la matiére les unes vers les autres, 
& je tâcherai d'éclaircir ce que M. Newton a dit fur cela, 
qui n'eft ni un des moins beaux éndroits de fon Livre, ni un 
des plus faciles à entendre. 


PREMIERE, PARTIE, 


Dans laquelle on examine ce qui arrive, fi l'on fiprofe 
que les parties d’un Sphéroïde formé d'une mariére fluide 
pefent vers différents points de l'Axe, à que leur 
pefanteur varie de colonme en colomne, à varie encore 
dans la même colonne fuivant quelques loix données. 


TX. Soit le Sphéroïde formé par la révolution de la 
courbe PAQ autour de l'axe PQ. | 
La pefanteur vers À dans toute la colomne DR dépen- 
dante de la diftance PR au pole, & cette dépendance donnée 
par une fonétion de PR. 
Et par rapport aux différentes parties d'une même co- 
lomne DR, foit la pefanteur appellée p, de forte que la 


DES SCIENCES. $9 
pefanteur en général Hi @Que 
foit repréfentée par . 

[PART r. 

Soit le rapport du 
finus de l'angle DRP 
au rayon :: }: 1; 
foit la force centri- 
fuge donnée en À, & 
—=f, onauralaforce 4K 
centrifuge en G, en TE L RC AR de 
difant f. f" :: CA. LG— (à caufe de LG, RG::}.1) 
ARG; d'où l'on tire la force centrifuge en G ou f — ee 
Müis cette force agiflant fuivant GH, ne diminué la force 
füivant GR que de ce qu’elle agit dans la direction oppofée 
G D : pour trouver donc la force fuivant G D, on à 
GH.GK, où 1.4 :: __ 4 id ni hr c'eft a 
force qui tire le petit cylindre G gou dRG füivant GD. 

On aura donc pour le poids vers R de la colomne DR 


[PR] fp.dR G— [fi RGARC (là fonction [PR] pré- 


cédant le figne /, parce qu'elle doit. demeurer conftante 
pendant l'intégration) ; & fi lon fait ce poids égal à celui 


de 1 colomne PR, on aura [PR] /p.dRG— f FRERE 
—=/p. dPR, où (faïfant CA —4, PR=— 3%, DR=r, & 
obfervant que 4 doit demeurer conftant pendant l'intégra- 
tion) [g] fpdr — fr 7 æ C'eft l'équation que 
donne le principe de l'équilibre des colomnes. I ne faut plus 
que connoître l'inclinaifon des.colomnes DR par rapport à 
eur diftance du pole, ce qui doit être donné par la relation 
entre z &/, & connoître encore la valeur de p par quelque 
équation entre p & 7, 4, r, pour chaffer z & p de cette équa- 
tion, & lon aura la courbe qui eft le Méridien du Sphéroïde 
donnée par une équation entrer & 4. C.Q. FT. 
H ïj 


60 MEMOIRES DE L'ACADEMIE-RoYyALE 

XT. Cherchons maintenant le Sphéroïde par l'autre 
principe, par la perpendicularité de la ligne des Tendances 
à la furface. 

Soient encore les A 
mèmes lignes nom- 
mes de la mème ma- 
nicre ; foit la pefan- 
teur en À) vers R 
= [el y, & repré 
fentée par DO, & la 
force centrifuge en 
D, repréfentée par 
: hr 
DP— fn | à 

Je décompofe la force DO en deux autres DS & DN, 
dont l’une tire dans le fens de l'axe, & l’autre lui eft per- 


pendiculaire, & j'ai DR.RE:: DO. DS, ou 1.V/1—## 
cu zlr ; DÉS |? Vi—hh; j'ai de mème DN 


— [x] pA. 

Retranchant de Ia force D'N la force centrifuge DZ qui 
lui eft oppolée, la force fuivant D E fe réduit à DY 
= [p4—f 2. Quant à la force DS, elle demeure 


dans fon entier = [7] pVA —hh. 


C’eft donc maintenant comme fi chaque particule du 


P 


EC R C Q 


Sphéroïde étoit pouflée par les deux forces DV & DS, & : 


qu'elle tendît à tomber par la diagonale DT de ces forces. 
Or puifque cette tendance DT doit être perpendiculaire 
à la courbe PD au point D, les A DST, DMd, doivent 
être femblables, & on doit avoir DY, DS :: dM. MD, 
ou [z] p#— Lt [31] pV1—hh ::d(PE). d(DE), 


ou 2 d(a—rVi—4hh) . d(hr), ou : : dz — 


pe PNG VERSER Ÿ pre Bdr.-t-1r.d'hy0euter 
1h 


Es 


DIE MAS UOTE NdiS » : 11 8 
da Vi — dr hhdr + hrdh. (dr rdh) 
x Vi—hh; & faifant la multiplication, on a [7]p4# dr 
AMP corn NEA Le 25 
— [elpdr+ [cl phhdr + [r]phrdh;: où [x] pdr 
2 [zl p dz Vi = EE + Prat . Ceft 
l'équation que donne le principe de la perpendicularité des 
T'endances. 

XII. En comparant cette équation avec celle que nous 
avons trouvée art. précéd. on voit d'abord qu'elles font 
différentes : cependant pour bien juger de leur différence, 
il faut avoir égard à ce qu'elles ne font pas actuellement dans 


le même état. Cette derniére eft une équation différentielle, 
& l'autre eft cenfée intégrée. Il faut donc différentier la 


premiére [7] fodr — re — /pdz, & Von a d{z] fpdr 
+ [z]pdr— pdz — Éhrar + ue Comparant 
alors les équations qui viennent de l’un & de l'autre prin- 


cipe, on voit qu'elles ont plufieurs termes communs, & 
qu'afin que l'une & l'autre foient la même, il faut que 


dal fpdr — pd —[;]pdz Vi — 41. Cette der- 
niére équation prefcrit toutes les relations qui doivent être 
entre 7, r,  &p, pour que les deux principes s'accordent 
à donner la même forme aux Sphéroïdes. 


III. Si lon veut que les pefanteurs f faflent vers 
différents points dé l'axe, & foient par-fout uniformes tant 
danis la même colomne que de colomne en colomne, [7] &p 
deviennent des quantités conftantes 4 [z]—=0, & l'équr 
tion qui exprime les relations entre 7, 7, 4 & P?, devient 
ady— bd; Vi — hh, d'où l'ontire PS HOME 
c'eft-à-dire, l'angle DR P conflant, ce qui exclut le Sphéroïde, 
& fait voir que la pefanteur étant uniforme dans là même 


H iij 


Figure de la 
P0EE 59° 


62 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
colomne, & de colomne en colomne vers différents points 
de l'axe, les deux principes ne fcauroient s’accorder. ? 
XIV. Si l’on veut que toutes les parties du Sphéroïde 
efent vers le même point; on a 7 conflant, d7— 0, & 
d[z] = 0; & léquation qui exprime la relation entre 7, 
r, h & pa tous fes termes détruits ; d’où l’on voit qu'alors 
les deux principes s'accordent à donner la même forme aux 
Sphéroïdes, quelle que foit la loi felon laquelle la pefanteur 
varie dans chaque eolomne. 
X V. Si lon veut que la pefanteur fe fafle vers différents 
oïints de l'axe, & foit proportionnelle à une puiflance 7" 
de Ia diftance à ces points; & qu'on cherche commént 
elle doit varier de colomne en colomne pour que les deux 
principes s'accordent; foit conçüëé une colomne #7 infini- 
ment proche de Paxe, il n'y aura que les parties de l'axe 
comprifes entre P & r qui auront de {a pefanteur ; cette 
pefanteur fera mefurée par {a puiffance » de leur diflance 
au point r, & elle ne s’exercera point fur le refte de Ia 
colomne rC, comme la pefanteur fur DR ne s'exerce point 
fur fon prolongement par delà À; ainfi le terme pd qui 
exprimoit le poids de chaque partie de la colomne qui 
répond à Faxe, fera nul dans l'équation qui exprime les 
relations néceflaires pour l'accord des deux principes, & 


cette équation {era d [7] fpdr = {;] pdz V1—%h, ou 
(mettant pour p fa valeur 7) = d[c] = — [7] r” 
— [7] 4 Vi TF3 
dr] "IE 
Si maintenant on met cette valeur de r dans l’une ou l’aîftre 
des équations trouvées pour le Sphéroïde, art. 10 & 11, on 
aura une équation qui ne contiendra que [7] d Le} l, dh & dg. 
Si maintenant on a Ja direction des T'endances des colonmes, 
c'eft-à-dire, la relation entre 4 & 7, on chafferi dz de cette 
équation, & on la réduira à une équation entre [7], d[7], 
h & dh, qui déterminera la valeur de [7], c’eft-à-dire, la 
loi de la variation de là pefanteur de colomne en colomne, 


a ————— 


dz Vi 4h; d’où lontirer—m+ 1 x 


D" ET SV IS COÉT ENT QUE se 63 
$€::Mais fi l’on veut quela pefanteur ne varie point decolomne 
en colomne, & qu'on cherche felon quellérpuiffance » de 
la diftance des parties aux points centraux, la-pefanteur doit 
varier dans chaque colomne; on a [7] conftant, 4[7|—0o, 


& l'équation d kl/rdr={tlrdr V1 44, où 


d'où l'on voit qu'alors pour que les deux principes s’accor- 
dent, il faut que da pefanteur dans chaque colomne foit en 
raifon fimple inverfe de la diftance à fon point central. 


= 0 donne m——1: 


XVI: On pourroit parcourir une infinité d’autres hypo- 
thefes, qui deviennent fr faciles à examiner par la méthode 
que j'ai fuivie, que j'aime mieux pafer à d'autres chofes, 
Je ferai feulement une remarque fur l'hypothefé que nous 
avons fuivie d’une pefanteur tendante à différents points de 
Yaxe, variant de colomne en colomne; par rapport aux dif- 
tances PR d'un point donné aux points centraux, & variant 
encore dans li même colomne, par rapport aux diftances GR 
des parties de chaque colomne à fon point central. Nous 
avons fuppofé tout le poids de li colomne qui répond à 
Yaxe, réuni en P, de forte que les parties comprifes dans 
le refte de l'axe depuis r ne pefent plus ; ic’eft ce qui a le 
plus d’analogie avec la fuppofition qu'on fait.des pefanteurs 
des colomnes vers les points:À, mefurées par les puïflances 
des diftinces à ces points. Cen’eft cependant qu'une fiction . 
géométrique, qui eft hors de toute apparence d'avoir lieu 
dans la Nature. 


Me SRE ON D FR AR TUE 
Dans laquelle on examine différents Syflemes de pelanteur, 
à où l'on dérérmine les figures des Corps télefles 
qui réfulrent de ces Syflemes. 


i 


RUE Après avoir examiné quelles font des conditions 
néceflüires pour que des deux principes, celuide Féquilibre 


6x MEmoiRes DE L'ACADEMYE-Royarr 

des colomnes, & celui de la perpendicularité des Tendances 
s'accordent dans la formation d'un Sphéroïde, je vais dans 
cette feconde partie, confidérer la pefanteur felon les fyflemes 
les plus généralement fuivis. La plüpart des Philofophes la 
confiderent comme une force toujours diri gée vers uncentre, 
foit qu'on là fuppole uniforme, & par-tout la même à quel- 
que diftance,qué ce foit, comme a fait M. Huygens; foit 
qu'on la fuppofe variable, & fuivant la proportion de quel- 
que puiflance de fa diflance au centre. 

Les autres, avec M. Newton, la confiderent comme uné 
foïce répanduë dans la matiére, dont nous avons donné les 
Loix dans un Mémoire qu'on trouve dans le recueil de 173 2. 

XVIII. Au refte M: Newton n’eft point l’auteur dé 
cette maniére de confidérer la pefanteur ; mais il eft le premier 
qui ait déduit fAttraction des Phénomenes, & qui en ait 
calculé les effets. 

Sans parler des opinions des anciens philofophes fur J'At- 
traction, fans parler de Képler , précurfeur de M. Newton; 
qui a trouvé les deux loix de a Nature qui devoïient fervir 
de fondement au fyfteme du monde, deux hommes illuftres 
du fiécle paflé, paroiffent ne s'être pas écartés de l’idée d'une 
Attraction tout-à-fait la même que celle de M. Newton. Voici 
comme ils parlent des différents fyflemes fur la Pefanteur. 

Fermat, Var. La commune opinion eff que la pefanteur eff une qualité qui 
ee à réfide dans le corps même qui tombe. 

LetredeM. D'autres font d'avis que la defcente des corps procede de 
Rare Es l'Attrattion d'un autre corps qui attire celui qui defcend, comme 
M. de Fermat. /4 Terre. 

Îl y a une troifiéme opinion qui n'ef? pas hors de vrai-femblance ; 
Que c'efl une Attrachon mutuelle entre les corps catfee par un 
defir naturel que les corps ont de s'unir enfemble, comme il eff 
évident au Fer ér à l'Aimant, lefquels font tels que fi l'Aimant 
eff arrêté, le Fer ne l'étant pas, l'ira trouver; © fi le Fer e 
arrété, | Aimant ira vers lui ; àr ff tous deux font libres, ils S'ap- 
procheront réciproquement l'un de l'autre , en forte toutefois que le 
plus fort des deux fera le moins de chemin, &c. ùn 

Ceux 


D' EU Sax 18 CUT EAN 1€ 19 ME 

Ceux que le mot d’Arrracion blefle, & qui reprochent 
à M. Newton d'avoir ramené les qualités occultes, & d’avoir 
replongé la Philofophie dans les ténébres, verront que le 
terme dont on fe fert ici, de defir naturel, par lequel cepen- 
dant on n’entend que Zendance, eft plus fort & plus dur que 
tout ce que M. Newton a jamais dit fur cette matiére. 

On ne s’en tient pas à dans l'endroit que nous venons 
de citer, on y examine la maniére dont les corps doivent 
tomber dans l'intérieur d’une Sphere en vertu de cette 
pefanteur ; on fait voir qu'ils feroient tirés par des forces 
d'autant moindres qu’ils approcheroient plus du centre, parce 
que les parties de la Sphere fupérieures au corps, attirent 
dans le fens oppolé, & détruifent une partie de l’Attraction 
des autres, & c'eft précifément ce qui réfulte de la théorie 
de M. Newton. Cependant lorfqu'on traitoit cette opinion 
fur la pefanteur de vrai-femblable, on ne fçavoit point encore 
combien elle fe trouvoit conforme à tous les autres phéno- 
menes de la Nature. 

On dira peut-être que lorfqu’on parloit ainfi, les Syftemes 
de M.': Defcartes & Huygens, {ur la pefanteur, n'avoient 
pas paru ; mais lorfqu’on rejette l’Attraction, ce n'eft pas 
parce qu’on a fans elle des explications fatisfaifantes des 
phénomenes, c’eft qu'on trouve abfurde d'attribuer cette 
force à la matiére. J'ai dit fur cela ce que je penfois dans 
le Difcours fur la Figure des Aftres. 

. XIX. De tout temps les Philofophes ont cherché la 
caufe de la pefanteur ; fi nous la connoiffions, nous fçaurions 
fi les corps terreftres tendent vers un point unique ou vers 
plufieurs points différents ; ou fi la pefanteur n’eft produite 
que par une Tendance des parties de la matiére les unes 
vers les autres. Je crois qu'après tant de fiécles écoulés, & 
après les efforts de tant de grands hommes, fi lon ne doit 
pas defefpérer de trouver la caufe de la pefanteur , il eft 
toüjours plus raifonnable de s'appliquer à en connoître les 
effets ; car connoiffant bien quels font fes effets dans une 
occafion, on peut déterminer quels effets elle aura dans une 


Mem. 1734 s I 


66 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

autre; on peut même, par le moyen des expériences, décou- 
vrir felon quelles loix elle agit, & c’efllà, ce me femble, 
tout ce qu'il y a à defirer en Phyfique ; c’eft du moins, à 
cé que je crois, tout ce qu'il y a à efpérer. 

XX. De ce que la Terre eft à peu-près fphérique, & 
que par-tout les corps tombent par des lignes perpendicu- 
laires à fa furface, on voit que la force qui les fait tomber, 
la force que nous appellons pefanteur, eft par-tout dirigée 
vers le centre, ou à peu-près vers le centre. 

Par la maniére dont tombent les corps vers la Terre, par 
le temps qu'ils employent, les efpaces qu'ils parcourent, & 
les accélérations qu'ils éprouvent, on voit que la force qui 
les follicite à tomber, eft toûjours la même pendant tout le 
temps de leur chüte ( du moins à toutes les diftances où il 
nous eft permis de faire des expériences). 

Et fi l'on fuppofe qu'à quelque diftance que ce foit du 
centre de la Terre, les chofes fe paflent de la même maniére 
que là où nous fommes en état de faire des expériences, on 
pourroit conclurre que la pefanteur des corps vers fa Terre 
froit par-tout uniforme; & fi elle étoit uniforme vers la 
Terre, on pourroit croire qu’elle le feroit auffi vers les autres 
Planetes, ou vers les autres amas de matiére qui circulent 
autour d’un axe comme notre Terre. 

Cette hypothefe d'une pefanteur uniforme eft celle qu'a 
fuivie M. Huygens, & celle qu'on conclut par ce qui arrive 
aux petites diftances où nous pouvons faire nos expériences. 

XXI. Mais on peut poufler la vüë plus loin, & cher- 
cher ce que paroît être la pefanteur, par ce qui arrive à des 
diftances plus grandes. ER 

Le mouvement de la Eune autour de la Terre, comparé 
à À chûte des corps vers la Terre, nous fait voir que fi la Lune 
eft retenuë dans fon orbite par la même force de la pefanteur 
qui fait tomber les corps, cette force depuis la Terre jufqu’& 
la Lune décroït dans le même rapport que le quarré de la 
diftance à la Terre augmente, c’eft-à-dire, que la pefanteur 
vers la Terre eft en raifon inverfe du quarré de la diftance, 


'. 


D' ES MSA CAMENMNLEL ST y 

Nous ne pouvons point expérimenter comment les corps 
tomberoient vers la furface des autres Planetes, mais nous 
pouvons déterminer da loi de leur pefanteur par le mouve- 
ment des Satellites de celles qui en ont; & ces mouvements 
comparés entre eux, nous font voir une même loi de pefan- 
teur vers leur Planete principale, que celle que nous avons 
trouvée vers la Terre. | 

Enfin les mouvements de toutes les Planetes autour du 
Soleil donnent encore la même loi de pefanteur vers le 
Soleil. 

- Sidonc on ne regarde point la pefanteur comme pro- 
duite par la Tendance mutuelle des parties de la matiére, & 
u’on la regarde comme fe faifant vers les centres autour 
defquéls elle s'exerce indépendamment de la matiére des 
corps centraux , & fuivant au dedans de ces corps la même 
doi qu'on lui voit obferver au dehors, on pourroit conclurre 
qu'elle fe fait par-tout en raifon inverfe du quarré de la 
diftance au centre. 
- XXII Ces deux hypothefes doivent pañler pour Îles 
plus vrai-femblables, lorfqu'on n'admet point l'attraction 
mutuelle des parties de la matiére. 

Si d'on prend la premiére, qu'on ne détermine point la 
pefanteur par ce qui arrive dans le mouvement des corps 
céléftes, qu'on n’en juge que par ce que nous voyons arriver 
dans la chûte des corps vers la Terre, & qu'on la prenne 
pour uniforme, il n’eft pas difficile de déterminer la figure 
des Planetes & des Soleils, ou plütôt il n’eft pas difhcile de 
juftifier les figures qu’on voit qu'ils ont. 

Quoiqu'ils doivent être tous applatis, cet applatifiement 
dépend du rapport qui eft entre la pefanteur & la force cen- 
trifuge de leurs parties ; & ce rapport (même dans les Pla- 
netes dont on connoît le temps de la révolution fur l'axe, 
excepté la Terre) demeure à-notre choix. Nous pouvons 
fuppofer la quantité de la pefanteur telle qu'il nous plaît, car 
on ne peut pas exiger qu'on la croye fur les autres Planetes, 
da même .que fur notre Terre, Nous la pouvons fuppofer 

l'ij 


683 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
fi grande par rapport à la force centrifuge, que les Planetes 
& le Soleil différeroient auffr peu qu'on voudroit de Îa 
Sphere. Nous fommes alors les maîtres de déterminer ce 
rapport dans chaque Aftre par la figure actuelle que nous 
-voyons qu'il a. Si la différence des deux diametres perpen- 
diculaires du difque du Soleil eft infenfible dans les obferva- 
tions, nous pouvons déterminer facilement quelle doit être 
la grandeur de la pefanteur par rapport à la force centrifuge 
des parties du Soleil dans fon équateur pour que cette diffé- 
rence foit infenfible. Si Jupiter nous paroït fenfiblement 
applati, & que fon axe foit au diametre de fon équateur, 
comme 14à 15, nous fommes en état de déterminer quelle 
eft la pefanteur dans cette Planete par rapport à fa force 
centrifuge, afin qu'elle ait une telle figure. Enfin il n'y a 
que pour la Terre que nous ne puiffions pas difpofer de ce 
rapport , car nous fçavons par des expériences certaines que 
la pefanteur y eft environ 289 fois plus grande que {a force 
centrifuge. 

X XIIL. Nous avons trouvé dans le Difcours fur la figure 
des Aftres, p. s 3. Que nom- A 
mant le rayon de l'équateur 
CA—a, le rayon variable 
CD=—r, le finus de l'angle 
DCP—} pour le rayon —1, 
la pefanteur en 4—=p, & 
la force centrifuge au même 
point —=f, & fuppofant que 
la pefanteur vers le centre C 
étoit proportionnelle à une 
puiflance » de la diftance; nous 
avons trouvé, dis-je, pour l'é- 
quation qui exprime la nature 
du Méridien des Sphéroïdes 
2pr —(n+ 1) fhha B 
rr—=(2p—nf —f) a *". 


La même équation fe peut déduire auffi facilement des 


DE 1512 SAC AIR EUNET nn) 
‘équations que nous avons trouvées dans la-r."e partie de ce 
Mémoire, art. 10. & 1 1. Ces équations’ étoient [7] /pdr 


— Phi — fpdr; & [x] pdr— [dl pda Vi — #4 
— fhhrdr fe fhrrdh ] 
Dansceséquations [7] repréfente ici Ia quantité conftantep: 


pdr repréfente - fp dy le poids conftant de a colomne 
CP qui eft Te a; &[z]pdz Vie eft zero, 
à caufe de 7 conitant. | 

Si l’on fubftituë ces valeurs dans ces deux équations, on 
aura (après avoir intégré la feconde )} la même équation 
apr —(n+i1)fhha 'rr = (2p—nf-—f) a". 

De cette équation, on tire aifément le rapport de l'axe 
au diametre de l’équateur ; car faifant 4 — 0, le rayon r 


devient alors CP, & Von a 2pr° 7 = (2p—nf—f) a 


ou CA. CP Map}. (2p—nf— fier. 


. XXIV. Dans l'hypothefe particuliére dont il s’agit ici 
d'une pefanteur uniforme, on a CA.CP::2p.(2p—f}). 
D'où l'on voit que fi notre Sphéroïde repréfente le Soleil, 
on peut augmenter la pefanteur p par rapport à la force 
centrifuge jufqu’à ce que la différence entre CA & CP foit 
infenfible, eu égard aux moyens dont les Aftronomes fe 
fervent pour la mefurer. 

S'il eft queftion de Jupiter, & qu’on ait obfervé que forr 
axe eft au diametre de fon équateur, comme 14 à 15, ona 
A$-14::2p.2p—f, ou 30p—15f—28p, ou 
2p=—=15.f, & Von concluroit que fur cette Planete la pe- 
fanteur feroit fept fois & demie plus grande que la force 
centrifuge. 

Quant à la Terre, il ne dépend pas de nous de fuppofer 
le rapport de la pefanteur à la force centrifuge, tel que nous 
e voulons. On fçait, par des expériences, que la pefanteur 

ii} 


[A 


jo MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

eft 289 fois plus grande que la force centrifuge, d'où il fuit 
que CA. CP:: 578. 577, comme M. Huygens l'a trouvé, 
© XXV. Si lon prend maintenant l'autre hypothefe fur 
Ja pefanteur, fi on lui attribuë le mouvement des Corps 
céleftes, ou plûtôt la détention de ces Corps dans leurs orbites, 
& qu'on juge de ce qu'elle eft par ces effets ; les phénomenes 
nous font voir qu'autour du Soleil, & autour de chaque 
Planete qui à des Satellites, elle eft en raïfon inverfe du 
quarré dé la diftance au centre de la révolution. 

Ces mouvements ne nous donnent pas feulement Ia loi 
que fuit la pefanteur felon les diverfes diftances des centres, 
âls nous mettent en état de comparer les unes avec des autres, 
les pefanteurs vers différentes Planetes. 

Nous connoifions les diftances & les temps des révolu- 
tions des Planetes; nous connoiflons les arcs que chacune 
parcourt dans un tèmps donné; nous connoiflons les fléches 
de ces arcs ; Or fi c'eft la pefanteur qui retient les Planetes 
dans leurs orbites, ces fléches font les quantités dont elle les 
fait tomber vers le centre; & dans de petits arcs décritsen 
même temps par différentes Planetes autour du Soleil, ou 
par des Satellites autour de leur Planete principale, les pefan- 
teurs vers le Soleil, ou vers les Planetes principales font 
proportionnelles aux fléches des arcs décrits. On a donc par-là 
Je rapport de la pefanteur que chaque Planete éprouve dans 
le lieu où elle eft vers le centre autour duquel elle fe meut; 
on a, par exemple, le rapport de la pefanteur de Venus 
ou de la Terre vers le centre du Soleil, à la pefanteur de là 
Lune, ou d’un Satellite de Jupiter, ou de Saturne vers le 
centre de fa révolution : Et comme on fçait que les pefan- 
teurs croiflent comme les quarrés des diftances diminuënt, 
on a Îe rapport de a pefanteur que Venus éprouve à où 
elle eft, vers le centre du Soleil, à la pefanteur qu'elle éprou- 
veroit fur la fuperficie; on a Le rapport de la pefanteur qu'un 
Satellite éprouve à où il eft, vers le centre de fa Planete 
à da pefanteur qu'il éprouveroit fur la fuperficie. Ë 

XXVI. Tout ce que nous venons de dire de la pefanteur 


D E Si: $:C 1 EN C:E:5, tr ‘su 
peut s'appliquer à la force centrifuge d'un corps placé fux 
l'équateur de quelque Aftre qui a une révolution autour de 
fon axe. Les forces centrifuges dans différents Aftres font 
proportionnelles aux fléches des petits arcs décrits dans le 
même temps par un point de leur équateur, 

Or on fçait par les Théoremes de M. Huygens, que la 
force centripete ou centrifuge d’un corps qui décrit un cercle 
eft en raifon directe du rayon, & en raifon inverfe du quarré 
du temps périodique: Si lon appelle donc la diftance d’une 
Planete au centre du Soleil, ou d’un Satellite au centre de fa 
Planete = D, le temps de fa révolution périodique =T, le 
rayon de l’Aftre autour duquel elle fait fa révolution = À, la 
pefanteur qu'elle éprouve vers le centre de la révolution dans 


lélieuoùehleeft, feracomme -2- ; & cette pefanteur augmen- 


tant en s’approchant du centre de la révolution comme le 
quarré de a diftance diminuë, on a la pefanteur que la Planete 
éprouve dans le lieu où elle eft, à la pefanteur qu’elle éprou- 
veroit fur la fuperficie de l'Aftre qui eft au centre de fa 
révolution, comme RR à DD; d’où l’on a pour la pefanteur 
que la Planete ou tout autre corps éprouveroit fur la fuper- 


ficie de l Aftre central Pcomme Tr Et l’on a par-là les 


différents poids de corps égaux, placés fur le Soleil, ou fut 
différentes Planetes. 

 XXVIT Maintenant la force centrifugé qu'un corps 
éprouve, placé dans l'équateur d'un Aftre, étant en raifon 
directe du rayon de l'Aftre, & en raifon inverfe du quarré 
du temps périodique de la révolution de l'Aftre autour de 
fon axe : fr l'on nomme le temps de la révolution autour 
de Paxe —G, on a Fcomme _ D'où l'on tire ce Théo- 


reme général pour le rapport de Ia pefanteur dans chaque 
Aflre à la force centrifuge fur l'équateur P : F:: D'GG 
Sn TT. 

: Si l'on prend pou la diflance moyenne de Venus au Soleil 


72  MEMOIRES DE L'ACADEMIE Rorarr 
D—=15906 demi-diametres de la Terre; pour le temps de 
la révolution de Venus autour de lui 7 — 224i 7; pour 
le demi-diametre du Soleil À — 100 demi-diametres de a 
Terre, & pour le temps de la révolution du Soleil autour 
de fon axe G— 2 $ +, on trouvera P: Fou D'GG: RTT 
::52016:1, c'eft-à-dire, la pefanteur fur la furface du Soleil 
plus de 50000 fois plus grande que la force centrifuge fur 
{on équateur. 

Sid'on prend pour la diftance du 4. Satellite à Jupiter, 
D — 23 demi-diametres de Jupiter, telle que M. Caffini 
Ta trouvée; pour le temps de la révolution de ce Satellite 
autour de lui 7 = 16; 16-£h; pour le demi-diametre de 
Jupiter R=— 1; & pour le temps de la révolution de Jupiter 
autour de fonaxeG=—=9h 5.6", on trouvera P:F:: 7,48 15 
c'eft-à-dire, la pefanteur feulement environ 7 + fois plus 
grande que la force centrifuge fur l'équateur de Jupiter. 

Si l'on prend pour la moyenne diftance de la Lune à Ia 
Terre D — 6o demi-diametres de la Terre; pour le temps 
de la révolution de la Lune autour d'elle T— 27; 7h43"; 
pour le demi-diametre de la Terre R=— 1 ; & pour le temps 
de la révolution de la Terre autour de fon axe G— 23h 
56’ 4", on trouvera la pefanteur environ 288 fois plus 
grande que la force centrifuge fur l'équateur. 

Ce rapport nediffere prefque pas de celui que M. Huygens 
a trouvé de 289 : 1, & qu’il a déterminé par des principes 
différents, s'étant fervi du temps de la chüte des corps, 
ou, ce qui revient au même, de la Iongueur du pendule 
à fecondes ; fur quoi cependant il eft facile de commettre 
quelque erreur. 

XXVIIT. Pour déterminer maintenant la figure du Soleil, 
de Jupiter, & de Ia Terre, il faut reprendre notre équation 
2PP — (nr) fhha rr= (2p—nf—f) a", 
ou fimplement la proportion du diametre de l'équateur à 


l'axe CA: CP :: (2p)° +": (2p—nf—f)"+" qui dans 
l'hypothele 


S DE S::8@ L'ENCRE S. 73 
Thypothefe prélente den——2,'eft CA:CP :: 2p+-f: 2p, 
ouCA—CP;:CP::f:2p, où CA—CP:CP:: RTT 
:2D°GG. 

Si donc on prend pour chaque Aftre les rapports que 
nous venons de trouver de la pefanteur à la force centrifuge, 
on trouvera pour le Soleil CA—CP:CP::1: 104032; 
d'où l'on voit que le diametre de l'équateur du Soleil ne 
doit pas furpañler l'axe de 2." partie, différence bien 
éloignée d’être perceptible par aucune obfervation. 

Pour Jupiter on a CA—CP:CP::1:14,96, ce qui 
donne la différence du rayon de l'équateur de Jupiter à fon 

emi-axe, f1 approchante de celle que M. Caffini le pere a 
obfervée de 1 : r 5, & qui a été confirmée par M. de la Hire, 
que cet accord doit paroître fngulier dans des chofes qui 
dépendent d'un fr grand nombre d'éléments; car l'axe de 
Jupiter étant prefque perpendiculaire au plan de l'Ecliptique, 
les grandeurs apparentes des deux diametres de fon difque 
doivent être vüës de la Terre dans, Îe même rapport que 
fon axe eft au diametre de fon équateur. 

M. Newton confidérant Jupiter comme formé d'une ma- 
tiére uniforme , trouve que la différence du diametre de fon 
équateur & de fon axe devroit être à fon axe comme 1 :9+; 
& comme ce rapport s'éloigne aflés de celui que M. Caffmi 
aobfervé, & même de celui qui réfulte des obfervations de 
M. Pound, dont les termes moyens feroient le diametre de 
J'équateur de Jupiter à fon axe comme 1345 : 1247, (ce 


Hifi. de l'Acs 
Royale des Ste 
a, 1691; 


‘qui approche bien plus de notre rapport que de celui de 


M. Newton) M. Newton a recours à une denfité inégale 
dans Jupiter plus grande vers le plan de l'équateur que vers 
les poles ; d'où s'enfuivroit une figure moins applatie que 
celle que lui avoit d'abord donné fa théorie, & plus appro= 
chante de la figure obfervée. * 4 

Enfin pour la Terre on a CA—CP:CP::1:576; 
d'où réfulte que la Terre feroit moins applatie que ne la 
fait M. Newton , mais.un peu plus que ne la fait M. 
Huygens. ; 

Mem, 1734 "KR 


74  MEMÔIRES DE L'AÂCADEMIE ROYALE 

XXX. Quant aux autres Planetes, Mercure, Venus, 
Mars & Saturne, & toutes les Planetes fecondaires, nous 
ne pouvons pas déterminer leur figure par cette théorie, 
n'ayant pas le rapport de la force centrifuge des parties fur 
leur équateur à la pefanteur. 

Nous ne connoifions point le temps de [a révolution de 
Mercure autour de fon axe, & cette Planete n'ayant point 
de Satellites, nous ne connoiflons point non plus la pefan- 

teur des corps vers elle. 

© Nous avons bien le temps de la révolution de Venus & 
de Mars autour de leur axe, ce qui, leurs diametres étant 
connus, nous donneroit le rapport de la force centrifuge 
fur ces Planetes à la force centrifuge fur la Terre; mais 
comme elles manquent aufli de Satellites, nous ne fçaurions 
avoir le rapport de la pefanteur qu'y ont les corps, avec la 
pefanteur qu'ils ont fur la Terre. À 

C’eft le contraire pour Saturne. Nous connoïffons la 
pefanteur des corps fur cette Planete par le mouvement de 
fes Satellites ; mais comme nous ne fçavons point le temps 
de fa révolution autour de fon axe , nous ne fçaurions dé- 
terminer la force centrifuge fur fon équateur. 

Si nous avions par quelque obfervation le rapport du 
diametre de fon équateur à fon axe, nous pourrions déter- 
minér fa force centrifuge fur fon équateur, & par-là on dé- 
couvriroit le temps de fa révolution. 

XXXI. Dans le Difcours fur la figure des Aftres, j'ai 
déterminé Ja figure que doivent prendre les Anneaux qui fe 
peuvent former autour des Planetes, en vertu d’une pefan- 
teur vers le centre, en raifon de quelque puiflance au centre, 
& d'une autre pefanteur encore des parties vers des centres 
pris dans Anneau. Suppofant, comme dans ce Livre, que 
AD PadQ À foit la feétion de l Anneau faite par un plan 
perpendiculaire à la révolution qui pafle par le centre y. 
Nommant Ja pefanteur des parties en À vers le centre de 
da Planete, æ , la pefanteur en À vers un autre point C'pris 


dans | Anneau p, la force centrifuge en À, f; AC, a; C+, b; 


D E 5" 1SCT'EMelE a": | 75 
CG,r; le finus de lan- 
gle D CP, k, pour le 
rayon 1. Nous avons trou- 
vé pour féquation de Ia 
courbe AD PadQA, 

mi 

T(bb+2bhr+rr) ©? 
Re 


STE fhhr __ fhhrr 
Hi] a+ Î 2{(a+-b) 
RU pe 

m+1 n +1 

fab faa 
D LA OÙ; 
dans le cas préfent, que 
p=0, à m—= — 2, 

x (ab)? fbhr 
Ti sbhr em) ait 


fhhrr re fab 


2(a+b) - a +6 É 5 
Lee sd Bail 
2l{a+b}° À. »7 À 


Cette équation détermine a figure des Anneaux en 
général dans notre hypothefe. On a par obfervation la lon 
gueur Aa de la coupe de l'Anneau de Saturne, & la dif- 
tance ay du bord le plus proche au centre. Si l'on avoit 
l'épaifleur de Anneau par quelque obfervation fuffifante, 
en cherchant dans la courbe 4 D Pad Q A fà plus grande 
largeur, & {a faifant égale à l'épaifleur de f Anneau, on 
détermineroit le rapport entre + & f, c'eft-à-dire, entre 
la pefanteur & la force centrifuge , & l’on découvriroit 
par-là le temps de la révolution de Anneau autour de Sa: 
turne. Au refte l'épaifleur de l'Anneau n'eft pas tout-à-fait 
mconnuë, Hevelius 1a fait de 600 milles d'Allemagne; du 
moins peut-on fe flater de fa connoître un jour plus exacte- 
ment, en l'obfervant avec de grandes Lunettes. 

Cette révolution de l' Anneau auffi- bien que celle du 
sorps de Saturne, font des chofes fi éloignées de notre 


Ki 


6 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
portée, qu'il femble qu'on ne les pourra découvrir. que par 
des moyens aufli extraordimaires que ceux-ci. 


LROMBSIREME , PAR AUS, 
Où l'on examine quelques découvertes qu'on a. faites dans 
le Ciel, qui paroïiffenr confirmer certe théorie ; à où 
l'on tente d'expliquer quelques phénomenes. 


XXXII. La loi de la pefanteur, fuivant la proportion 


renverfée du quarré de la diftance au centre, paroït géné- 
ralement obfervée dans tout notre fyfteme folaire; & fi elle 
a lieu au dedans des corps célefles, comme nous croyons 
qu'elle la au dehors, & comme on peut le croire très-rai- 
fonnablement, lorfqu’on ne la regarde pas comme dépen- 
dante de l’Attraétion des parties de la matiére, j'ai déterminé 
les figures des Aftres de notre fyfteme folaire, dans lefquels 
nous-avons pü connoître le rapport de la force centrifuge 
à la pefanteur. : 

Suivant cette loi tous les Aftres font applatis, quoique fa 
Terre & für-tout le Soleil le foient très-peu, le diametre de 
Yéquateur de la Terre ne furpaflant fon axe que d'environ 
327. partie; & le diametre de l'équateur du Soleil ne fur- 
pañlant fon axe que de € partie. Cet applatiflement 
peut diminuer à l'infini felon la petitefle de fa force cen- 
trifuge, & les Aftres toûjouts approcher de plus en plus de Ja 
figure fphérique. Mais il ne peut pas augmenter fans bornes ; 
le rapport de CA:CP::2p+f: 2p nous fait voir qu'il 
fera le plus grand qu'il foit poffible, lorfque le diametre de 
l'équateur fera à l’axe comme 3 à 2; car la force centrifuge 
ne fçauroit être plus grande que la pefanteur, autrement 
T'Aftre feroit détruit. 

Dans notre fyfteme folaire, il y a donc un terme à fa 
diverfité de figure des Aftres, & nous obfervons que tous 
ceux qui nous font connus font encore fort éloignés d’appro- 
cher de ce terme. 


. XXXII. Mais dans les autres fyftemes, autour des Etoiles 


D'E SNS OL EMI QRmS1:M 
fixes , ou des autres Soleïls, 1a même loi de pefanteur s'ob- 
ferve-t-elle ? nous n'avons rien qui puifie nous en afiürer. 
Dès qu'on ne regarde pas la pefanteur comme dépendante 
d'une propriété univerlelle de la matiére, & que fa caufe 
nous eft inconnuë , nous ne fçavons plus quelle loi elle peut 
obferver dans d’autres régions de l'Univers. 

Une infinité de ces loix donneroient aux Affres des figures 
beaucoup plus variées que celles que donne la pefanteur en 
raifon inverfe du quarré de la diftance ; une infinité per- 
mettroit des Applatiflements fans bornes. 

XXXIV. Qu'il y ait des corps céleftes d’une autre 
figure que fphérique, cette idée auroit déplû aux anciens 
Philofophes dans les temps où l’on manquoit de théorie & 
d'obfervations ; la perfection de la figure fphérique, & celle 
qui doit être dans l'Univers, étoient dans ces temps-là de 
trop fortes preuves pour qu'on eût ofé croire que tous les 

Affres ne fuflent pas des Globes. : 

Mais dans ces derniers temps, non feulement on 2 
découvert que quelques Planetes de notre fyfteme folaire 
n'étoient pas des Globes parfaits. On a porté la vûë jufque 
dans le ciel des Etoiles fixes, & par le moyen des grandes 
Lunettes, on a trouvé dans ces régions éloignées des phé- 
nomenes qui femblent annoncer une aufi grande variété 
dans ce genre, qu’on en voit dans tout le refte de la Nature. 
..XXXV. J'avois expliqué dans fe Difcours fur la figure 
des Afres, comment il {e pouvoit former dans les Cieux, des 
Aftres fort applatis. Des amas de matiére fluide qui ont un 
mouvement de révolution autour d’un centre, doivent, 
felon une infinité de loix de pefanteur, former de ces Aftres 
applatis en forme de Meules, qu’on rangera dans la claffe 


des Soleils ou des Planetes, felon que la matiére qui les . 


forme fera lumineufe par elle-même, ou opaque, & capable 
de réfléchir la lumiére ; foit que la matiére de ces Meules 
foit par-tout de même nature, foit que pefant vers quelque 


Afre d’une nature différente, elle l'inonde de toutes parts, - 


-& forme autour un Sphéroïde applati qui renferme l’Aftre, 
iij 


78 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarE 
Qu'il y ait dans les Cieux des Amas de matiére lumi- 
neufe, ou capables de réfléchir la lumiére, qui forment des 
Sphéroïdes fort applatis ; outre qu'on en voit la pofhbilité 
en général, il femble que quelques découvertes qu'on a faites 
dans le Ciel nous apprennent qu’il y en a en effet de tels. 
XXXVI. On trouve dans les Tranfaétions Philofophiques 
de la Société Royale de Londres, N.° 428, un Mémoire 
curieux que M. Derham, Chanoine de Windfor, donna 
Fannée pañlée : comme il contient des obfervations nouvelles 
& finguliéres, & qui doivent être fort exactes par l'habileté 
de celui qui a obfervé, & par l'efpece & l'excellence du Telef 
cope dont il s'eit fervi, & qu'il eft écrit en Anglois, je crois 
qu'on fera bien aife que je le rapporte ici; cela me difpenfera 
de parler des obfervations à peu-près femblables, dont la 
premiére fut faite par M. Huygens dans la conftellation 
d'Orion, & de quelques autres faites par M. Halley, qui 
font citées dans ce Mémoire. 
XXX VII. » Ayant l'Automne dernier, fait quelques 
» obfervations füres fur ces apparences céleftes qu'on appelle 
» Etoiles nébuleufes, avec mon T'elefcope catoptrique de 8 pieds, 
» je crois à propos d’en rendre compte à cette illuftre Société, 
» afin d’exciter les autres à les obferver davantage, parce que 
» je les crois beaucoup plus dignes de la recherche des Curieux 
» qu'on ne l'a imaginé jufqu'ici, & parce que je crains de ne 
» pouvoir pourfuivre beaucoup plus loin mes obfervations, 
» mon miroir commençant à perdre fon excellence & fon 
» grand effet, & commençant à fe ternir. 
» Mais fi quelqu'un veut bien voir ces Nébuleufes, il faut 
>» abfolument qu'il fe ferve d'excellents verres, autrement il 
perdra fa peine, comme je l'ai appris par mon expérience. 
» On 2 donné à ces apparences céleftes le nom d'Æoiles 
nébuleufes; mais elles ne font ni des Etoiles, ni des corps 
» qui répandent la fumiére’& qui la réfléchifient, comme 
» font le Soleil, la Lune & les Étoiles; & elles ne font pas 
» non plus des amas d'Etoiles, comme la Voye lactée ; mais ce 


ÿ 


ÿ 


» font des Aires blancheîtres femblables à des amas de vapeurs 


» Nébuleufes, d'où elles tirent leur nom. 


AT E: Su 010 AE Meur © 79 
+ Il y en a plufieurs difperfées dans diverfes parties du Ciel. «e 
Leur catalogue (que j'ai tranfcrit du Prodrome d'Aftronomie « 
d'Hevelius) peut être utile à ceux qui ont deflein de faire « 


- cette recherche, a 
Les lieux des Nébuleufes. « 
[24 


- Leur afcenfion | Leurdéclinaifon| « 
LIEUX DES NEBULEUSES. | droite pour pour 
lan 1660. lan 1660. 


Dans la ceinture d’Andromede. ...... 64 445"| 39127 $7"N] « 
Dans le front du Capricorne... ....... 300 25320 : 53S1<« 
Une autre précédant l’œil du Capricorne. | 301 $9 $$ {19 11 30 8. | « 
Une autre qui le fuit. ...... SRE 30215 5% 9 M9 360191 “ 
Une au-deflus de celles-là, qui joint)... , Fe 
l'œil du Capricorne. . TOL EL ESS 302 25 31118 48 5851 4 
Celle qui précéde au deflus de la ce « 
du Cygne, & la derniére de fon pied. UE A7) 4 20 7. «c 
Une fé eft après une Etoile au-deflus) « 
de la queué du Cygne, hors de QU 10 5153 520), 
COMIÉENADONE ireiuslolee se tasse ele ve 
H ù L< 4 
Au CH du pied ges d'Hercule...|264 52 46 [48 o 10 N. # 
Dans la jambe gauche d'Hercule. ..... 265 38 37 138 5 so A. a 
Sur le fommet de la tête d’Hercule. ...| 252 24 3 |13 18 37 N] « 
AMoreñlede/Perafe.....4l.. 2 332.38 45 | 3 312 « 
Aubordoccidentaldu bouclierde Sobieski. | 272 32 34 ! 1423 35 S | « 
Sur le fleau de Ja Balance... ........ 219 26 15 | 9 16 27 S. | « 
Au-deflus du dos de la grande Ourfe..….| 183 32 41 |60 20 33 NV. © 
Sur la troifféme jointure de la queuë du ? “ 
Srapierb.s cie angiu db à à LSRTET NE RUE & 
; - # long. S. lat. 

Entre la queué du Scorpion, & l'arc du € 

Sagittaire elec RME À FER ERER FD INR 
# long, S.lar.| € 


à c 
Outre celles-là, le Docteur Halley a fait mention d’une « Phil Tranÿ, 
dans l'épée d'Orion ; d’une autre dans le Sagittaire ; d’une « Ma47s 
troifiéme dansle Centaure(qu'on n'ajamais vü£en Angleterre); « 
d'une quatriéme qui précéde le pied droit d'Antinoüs ; d’une « 


L: 


So MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
cinquiéme dans Hercule, & de celle de fa ceinture d’An« 
dromede. 

J'en ai obfervé cinq de ces fix avec mon excellent Te- 
lefcope catoptrique de 8 pieds, & elles m'ont toutes paru 
des phénomenes fort femblables, excepté celle qui précéde 
le pied droit d'Antinoüs, qui n'eft pas une Nébuleufe, mais 
un amas d'Etoiles, & quelque chofe de femblable à ce qui 
eft dans la Voye late. 

Entre les quatre autres, je ne trouve point de différence 
eflentielle, fi ce n’eft que les unes font plus rondes, les autres 
d’une forme plus ovale, fans qu'il y ait dedans aucune Etoile 
fixe qui produife leur lumiére. Seulement dans celle d'Orion 
il fe trouve quelques Etoiles qu'on ne voit qu'avec le Te- 
lefcope, mais qui ne font point capables de caufer la lumiére 
de cette Nébuleufe. Ces Etoiles cependant n'ont fervi à 
appercevoir d'abord que la diftance de la Nébuleufe étoit 
plus grande que celle des Etoiles fixes, & à faire la même 
recherche fur les autres. J'ai pü vifiblement & pleinement 
difcerner que chacune d'elles eft à une diftance immenfe au 
de-là des Etoiles fixes qui paroiffent auprès, foit de celles 
qu'on apperçoit à la*fimple vüé, foit de celles qu'on ne 
voit qu'avec le Telefcope. Elles paroiffent même être auf 
loin par de-Rà les Etoiles fixes, qu'aucune de ces Etoiles eft 
éloignée de la Terre. ' 

Et maintenant, par ce que je viens de rapporter de bonnes 
& fréquentes obfervations des Nébuleufes, je conclus cer- 
tainement qu'elles ne font point des corps lumineux qui 
nous envoyent leur lumiére comme le Soleil & la Lune; 
qu'elles ne font point auffi la lumiére combinée de quelques 
amas d’Etoiles comme la Voye laétée : mais je les regarde 
comme de vafles Aires, où régions de lumiére, infailliblement par 
de-là les Etoiles fixes, &r qui ne renferment point d'E’roiles. 

Je dis des Régions, entendant par-là des efpaces d'une 
étenduë affés vaite, pour nous paroître de quelque grandeur, 
à une auffi grande diftance qu'ils font de nous. 

Et puifque ces efpaces font vuides d'Etoiles, & que 

dans 


D! E 57-18: c\1 E NN Rs, JS: 
dans Orion les Etoiles ont une très-petite proportion à fa 
Nébuleufe, & que vifiblement elles ne la peuvent caufer, je 
laifle à la grande fagacité & pénétration de cette illuftre 
Société, à juger fi ces Nébuleufes font des efpaces particu- 
liers de lumiére, ou plütôt s'ils ne peuvent pas fort proba- 
blement être des vuides ou des ouvertures à une région 
immenfe de lumiére par de-là les Etoiles fixes ; parce que je 
trouve que dans tous les temps il y a eu plufieurs Sçavants 
dans cette opinion ( je puis ajoûter les T'héologiens aux 
Philofophes ) qui jufqu'ici fe font accordés à penfer qu'il y 
a une région par dela les Etoiles fixes. Ceux qui ont ima- 
giné des Criftallins ou des Orbes folides , ont crû qu'il ya 
un Ciel empyrée au de-là d'eux, & le premier mobile : & ceux 
qui n'admettoient point ces Orbes, mais qui penfoient que 
les corps céleftes flottoient dans l'Air, imaginoient que fa 
région des Etoiles. n'étoit point l'extrémité de l'Univers, 
mais qu'il y avoit une région au de-là d'elle qu'ils ont 
appellé la troifieme Région & le troifiéme Ciel. 

* Pour finir, il faut remarquer que dans les Nébuleufes 
d'Hevelius, quelques-unes femblent être plus grandes & 
plus remarquables que les autres : mais fi elles le font réel- 
lement ou non, je confefle que je n'ai pas eu la commo- 
dité de l'obferver, excepté celle de la ceinture d'Andromede 
qui eft aufli confidérable qu'aucune que j'aye vüë. Dans fes 
Cartes, les conftellations les plus remarquables font les trois 
vers l'œil du Capricorne, celle dans le pied d'Hercule, celle 
dans le troifiéme nœud de la queuë du Scorpion, & celle 
entre la queuë du Scorpion & l'arc du Sagittaire. Mais fi 
quelqu'un défire de bien voir ces Nébuleufes, ou quelques- 
unes des autres, il faut abfolument qu'il fafle ufage d’excel- 
lents Verres, autrement il perdroit fa peine, comme je l'ai 
moi-même éprouvé, & comme je l'ai déja dit. . 

XXXVIIL Je fuis fort éloigné de révoquer en doute 
les obfervations de M. Derham, je les regarde comme les 
plus füres, mais mes idées font fort différentes des fiennes 
fur la nature des phénomenes qu'il a obfervés.. 

Mem. 1734: », L 


62 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

Toutes fes obfervations font voir que fi quelques Nébu- 
Jeufes ne font que des Amas d’Etoiles femblables à celles 
de la Voye lactée, dont la lumiére confonduë caufe ces 
apparences, les autres Nébuleufes paroiflent de grands efpaces 
lumineux dont les uns font ronds, les autres ovales. Des 
cinq Nébuleufes qué M. Derham a obfervées, quatre étoient 
des phénomenes de cette derniére efpéce. 

XXXIX. J'ai expliqué comment il pouvoit y avoir 
dans les Cieux des Mañles de matiére foit lumineufe, foit 
réfléchiffant {a lumiére, dont les formes fuflent des Sphé- 
roïdes de toute efpece, les uns approchants de la fphéricité, 
les autres fort applatis. De tels Aftres doivent caufer des 
apparences femblables à celles qu'a obfervées M. Derham. 
Ceux qui approchent de la fphéricité feront vûs comme 
des efpaces circulaires, quelqu’angle que faffe l'axe de leur 
révolution avec le plan de Edcliptique; les autres, dont la 
figure eft applatie, doivent paroître des efpaces circulaires 
ou ovales, felon la maniére dont le plan de leur équateur fe 
préfente à l'Ecliptique. Is peuvent même nous préfenter des 
figures plus irréguliéres, fi plufieurs de ces Mafles, diverfement 
inclinées & placées à différentes diftances, ont quelques-unes 
de leurs parties dans une ligne droite qui pafe par la Terre.} 

XL. Quant à la matiére dont font formées ces Mafles, 


il n'eft guere permis de prononcer fi elle eft auffi lumineufe 


que celle des Etoiles, & fi elles ne brillent moins que parce 
qu'elles font plus éloignées. 

Si ces Mafles font formées d’une matiére auffi lumineufe 
que les Etoiles, il faut que leur grofieur {oit énorme par 
rapport à celle des Etoiles, pour que, malgré leur éloïgne- 
ment beaucoup plus grand que-celui des Etoiles, que fait 
voir la diminution de leur lumiére, on les voye au Télefcope 
avec grandeur & figure. 

Et fi on les fuppofe d'une groffeur égale à celle des 
Etoiles fixes, il faut que la matiére qui les forme foit moins 
lumineufe que celle des Etoiles, & qu’elles foient infiniment 
plus proches de nous que les Etoiles, pour que nous les 


D E S US,CNT ENMEE 8: 

puiflions voir au Telefcope avec une grandeur fenfible, On 

_ prétend cependant qu'elles n'ont aucune parallaxe , & c’eft 
un fait qui mérite d'être obfervé avec foin. 

XLTI. Mais les Etoiles dont parle M. Derham, qu'on 
obferve dans l’efpace lumineux d'Orion, & qu’on obferveroit 
peut-être dans plufieurs autres de ces efpaces , ces F'toïles 
{ont-elles au de- ou en de-çà des corps dont nous parlons? 

C'eft ce que l'Optique nous apprend que nous ne fçau- 
rions déterminer ; & quoique M. Derham prétende qu'il a 
pü difcerner que ces efpaces lumineux étoient à une diftance 
immenfe par de-là ces Fixes, il eft für que paffé un certain 
éloignement, qui n'eft pas confidérable, il n’eft pas poffible 
de décider fur {a diftance de deux objets qui n'ont ni l'un 
ni l'autre de parallaxe, à moins qu'on n’en juge par {es di- 
minutions de lumiére ou de couleur. Mais lorfque les degrés 
de lumiére des deux corps font inconnus, il n’y a plus aucun 
moyen de juger lequel de deux objets qu'on voit eft le plus 
éloigné. Si la matiére des Mafles eft diaphane ou de la même 
nature que font les Queuës des Cometes, on pourra voir au 
travers des Etoiles, quoiqu'elles foient plus éloignées qu’elles, 

Malgré toute la confidération que j'ai pour M. Derham, 

-& l'autorité des Philofophes & des Théologiens qu'il cite, 
je ne fçaurois m'empêcher de croire qu'il eft plus vrai-fem- 
blable que ces efpaces lumineux qu'il a découverts font les 
Dilques de quelques corps céleftes, tels que ceux dont j'ai 
parlé, que de penfer que ce foit réellement des trous ou des 
fenêtres par où l'on voit l'Empyrée. 

XLIT Nous avons vû dans la feconde partie que la diffé- 
rence entre l'axe de notre Soleil & le diametre de fon équa- 
teur étoit fr peu confidérable, qu’elle étoit fort éloignée de 
pouvoir nous être fenfible. Mais nous avons vû auffi dans 
la feconde partie & dans celle-ci, que d’autres Soleils pour- 
roient être fort applatis. Toutes ces figures s'accordent auffi- 
bien avec les loix de la Statique que celle d’un Sphéroïde 
plus approchant de la Sphere, II n’y a que la fphéricité par= 
faite qui ne s’y accorde pas. ' 

L ij 


84 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

XLIIIL On ne connoît jufqu'ici la figure des Etoiles 
fixes par aucune obfervation'; nous ne les voyons que comme 
des points lumineux dont l'éloignement immenfe nous 
empêche de difcerner les parties. On peut raifonnablement 
penfer que dans leur multitude il fe trouve des figures de 
toute efpece. Qu'il me foit permis de répéter ici une con- 
jeéture que j'ai donnée dans le Difcours fur la figure des 
Aftres, parce qu'elle appartient à cette théorie, qu'elle en 
eft une fuite néceilaire, que dans l'ouvrage que je viens de 
citer, elle n'a peut-être pas été affés approfondie, & que je 
ne penfois pas alors qu’elle dût être fi-tôt utile. 

XLIV. Cette conjecture fert à expliquer comment 
quelques Etoiles ont paru s'allumer dans les Cieux, y durer 
pendant quelque temps, puis cefler d'être apperçüës, & 
comment d'anciennes qu'on appercevoit ont ceffé de luires 
Tout le monde fçait la difparition d’une des Pléïades. On 
obferva du temps de Tycho une nouvelle Etoile qui vint 
paroître dans la Cafliopée, qui lemportoit en lumiére fur 
toutes les Etoiles du Ciel, & qui après avoir duré plus d’un 
an, difparut. On en avoit vü une dans la même conftellation 
en 945 fous l'empire d'Othon. Il eft fait mention d’une qui 
parut encore vers la même région du Ciel en 1264; & 
ces trois pourroient aflés vrai-femblablement n'être que la 
même. 

On obferve dans quelques conftellations, des Etoiles dont 
la lumiére paroït croître & diminuer alternativement ; ül 
s'en trouve une dans le col de la Baleine qui femble avoix 
des périodes réglées d'augmentation & de diminution, & 
qui depuis plufieurs années occupe les obfervateurs. Le Ciel 
& les temps font remplis de ces phénomenes. 

X LV. Je dis maintenant que fi parmi les Etoiles il s’en 
trouve d’une figure fort applatie, elles nous paroïtront 
comme feroient des Etoiles fphériques dont le diametre 
feroit le même que celui de leur équateur, lorfqu'elles nous 

: préfenteront leur face; mais fi elles viennent à changer de 
fituation par rapport à nous, f elles nous préfentent leur 


DES IS1C MEME :S) 1 6 
tranchant, nous verrons leur lumiére diminuer plus ou moins 
felon la différente maniére dont elles fe préfenteront, & 
nous les verrons tout-à-fait s'éteindre, fi leur applatiffement 
& leur diftance font aflés confidérables. 

De même des Etoiles que leur fituation nous avoit em- 
pèché d'appercevoir, paroitront, lorfqu'elles prendront une 
fituation nouvelle, & ces alternatives ne dépendront que du 
changement de leur fituation par rapport à nous. 

XLVL [ne faut plus qu'expliquercomment il peut arriver 
du changement dans la fituation de ces Etoiles applaties. 

Tous les Philofophes d'aujourd'hui regardent chaque 
Etoile fixe comme un Soleil à peu-près femblable au nôtre, 
qui a vrai-femblablement fes Planetes & fes Cometes, c’eft- 
à-dire, qui a autour de lui des corps qui circulent avec 
différentes excentricités. Quelqu'une de ces Planetes qui cir- 
culent autour d’un Soleil applati, peut avoir une telle excen- 
tricité, & fe trouver fi près de fon Soleil dans fon périhélie, 
qu’elle dérangera fa fituation, foit par la pefanteur que cha- 
que Planete porte pour ainfi dire avec elle, felon le fyfteme 
de M. Newton, qui fait que dès qu’elle pafle auprès de fon 
Soleil, la pefanteur de fon Soleil vers elle, & la pefanteur 
d'elle vers lui, ont un effet fenfible; foit par la preffion qu’une 
telle Planete cauferoit alors au fluide qui fe trouveroit reflerré 
entre elle & fon Soleil, felon le fyfteme des Tourbillons. 

XLVII. De quelque caufe que vienne la pefanteur, on 
peut aflürément fuppofer qu'il y a autour de chaque Planete 
une force qui feroit tomber les corps vers elle comme 
celle que nous éprouvons fur notre Terre. Une pareille force 
{uffit pour changer la fituation d’un Soleil, lorfqu'une Planete 


: pañfe fort proche de lui, & cette fituation changera felon la 


maniére dont le plan de lorbite de la Planete coupera le 
plan de l'équateur de fon Soleil. 

XLVIIL. Le pañage des Planetes dans leur périhélie 
auprès des Soleils plats, doit non feulement leur faire pré- 
fenter des faces différentes de celles qu'ils préfentoient ; it 
peut encore changer abfolument la fituation de leur centre, 


L iÿ 


86 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr 

& lés déplacer entiérement. Mais on voit aflés que quand le 
centre de ces Soleils feroit avancé ou reculé de la diftance d’un 
ou de plufieurs de leurs diametres, ce changement ne pourroit 
pas nous être fenfible dans des Etoiles dont le diametre ne 
nous left pas. Ainfi quand on auroit obfervé avec exaétitude 
que le lieu de ces Etoiles fujettes au changement a toûjours 
été le même dans le Ciel, il n’y auroit rien en cela qui fût 
contraire à notre théorie. On a prétendu cependant avoir re- 
marqué quelque changement de fituation dans quelques-unes. 

Les Etoiles dont les alternatives, d'augmentation & de 
diminution de lumiére, font plus fréquentes, comme l'Etoile 
du col de la Baleine, feront environnées de Planetes dont 
les révolutions feront plus courtes. 

L'Etoile de Caffiopée, & celles dont on n’a point obfervé 
d’alternatives, ne feront dérangées que par des Planetes dont 
les révolutions durent plufieurs fiécles. 

Enfin dans des chofes aufii inconnuës que nous Ie font 
les Planetes qui circulent autour de ces Soleils, leurs nom- 
bres, leurs excentricités, les temps de leurs révolutions , les 
combinaifons des effets de plufieurs Planetes, on voit qu'il 
n'y aura que trop de quoi fatisfaire à tous les phénomenes 
d'apparition & de difparition , d'augmentation & de dimi- 
nution de fumiére. 


QU'A RI EME) PARADIS, 


Où l'on effaye de déterminer les figures des Affres dans 
le fyfleme d'une pefanteur dépendante de l'Arrrattion 
mutuelle des parties de la matiére les unes vers les 
autres ; à où l'on explique ce qu'a dit M. Newton fur 
la figure de la Terre. 


XLIX. Après avoir déterminé dans les Sections pré- 
cédentes les figures des Afres en général, & en particulier 
la figure de la Terre, de Jupiter & du Soleil ; en confidérant 
la pefanteur à la maniére de M. Huygens, c'eft-à-dire, 
comme uniforme & vers un centre; & après avoir déterminé 


DES SCclENCEÆE.s. 87 
les mêmes chofes dans l’hypothefe des autres Philofophes 
plus modernes qui la confidérent comme fe faifant vers un 
centre en raifon inverfe du quarré de la diflance au centre, 
fans la faire dépendre de l’Attraction des parties de la matiére, 

Afin de rendre cet ouvrage plus complet, je vais, dans 
cette quatriéme partie, examiner les figures que doivent avoir 
les Aftres dans le fyfteme de M. Newton, c'eft-à-dire, fi 
leurs figures dépendent de la Tendance mutuelle de leurs 
parties les unes vers les autres, & fi la pefanteur que nous 
éprouvons n’eft que l'effet de cette Tendance. 

Je vais commencer par expliquer ce que M. Newton a 
donné fur la figure de la Terre. 1 s’eft contenté de trouver 
le rapport entre fon Axe & le Diametre de fon Equateur, 
fans déterminer fa figure entiére, qu'il a regardée comme ff 
elle étoit formée par la révolution d’une Ellip{ autour de 
fon petit Axe, & la Terre en effet ne doit pas différer fen- 
fiblement de cette figure. 

Dès qu'on regarde les parties de [a matiére comme s’atti- 
rant les unes les autres, la figure d’un Sphéroïde dépend 
bien de lAttraétion de fes parties, mais cette Attraction 
dépend elle-même de Ia figure qu'a le Sphéroïde, & c’eft 
ce qui rend difficile fa détermination du rapport de Axe 
au Diametre de l'Equateur, 

L. Soit l'Ellipfoïde- 
APBQ formé par la 
révolution de l'Ellipfe 
autour de fon petit 
axe PQ. 

Soit un Atome ou 
un très-petit corps 
placé en D fur l'axe 
prolongé , & qu'il 
faille trouver l'Attrac- 
tion que l’Ellipfoïde 
applati exerce fur lui, 
en fuppofant que l'attraction répanduë dans les parties de {a 


89  MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare - 
matiére, fe fafle en 
raifon renverfée du 
quarré de leur dif- 
tance ? 
Ayant tiré d'un 
oint G lordonnée 
GE&Yordonnée in- 
finiment proche ge, 
& conçû l'Ellipfoïde 
compofédestranches 
ou des petits cylin- 
dres que terminent 
ces deux ordonnées pendant la révolution de l'Ellipfe autour 
de l'axe PQ, je cherche F'Attraétion que chacun de ces 
cylindres exerce fur le corpufcule qui eft en D. 


Ayant tiré la ligne DF dans une fituation quelconque, 
& la ligne D f infiniment proche, le corpufcule eft attiré 
par le petit anneau formé par la révolution de Ff; & cette 
attraction eft en raifon directe de la fuperficie attirante, & 
en raifon renverfée du quarré de Ia diftance, c’eft-à-dire, 


comme IE Mais cette attraction fe fait fuivant DPF, 
& on veut l'avoir fuivant DC ; il faut donc multiplier Ia 
quantité précédente par Lee & l'on aura Êe SE DIE 

Les À femblables DEF, Fhf, donnent Ff: fh:: DF 


:EF)JouFfe= DFE. & fubftituant cette valeur de FF 


dans l'attraction du petit anneau , on a SLR ou (à caufe 


que f# eff la différentielle de DF) LE; 922. 

On aura l'attraction du plan circulaire formé par fa révo- 
lution de lordonnée GE, en prenant F'attraétion de la mul- 
titude des anneaux Ff, c'eft-à-dire, en intégrant — ;: 
en faifant DE conftante, ce fera 1 Te 


Faifant 


DE! SMS ic 1 'E IN CUE si 89 
Faifant donc DP=e, PE—x, EG=y, l'attraction 


du plan circulaire formé par la révolution de G Æ fera 


ie) 
vV{e+x +3) 

Si maintenant on appelle le demi-axe de l'Ellipfe PC, a; 
& l'autre demi-axe AC, b, Yéquation de lEllipfe fera 
LED — ve (2ax— xx) ; & mettant cette valeur de yy 
(e+x) 


I — 


dans l'attraction du plan, on a 1 —: 
ets qe Éb faae=ss) 
panh l'attraétion du plan dans lEllipfoide, 


0 Et: multipliant la quantité PE par Æ£e ou dx; 


on a x ..(e+x) dx 


‘arpeul 3 (zax— xx) 

Si le corpufcule eft placé en P, c’eft-à-dire, au pole, 
la diftance e eft zero, & l'expreflion précédente devient 
PACE CERTES LE Pere SERRE PRE donnera 

Vzabb#—(bb—aa) xx 
l'attraction totale que le corpufcule fouffe de fEllipfoïde 
vers C, ou la pefanteur. 

- Pour A cette quantité, je lui donne cette forme, 


C # dx" ; 

dx — Ta * Vs) où dx + = 

- _abb. à 
QÙ 7527 dx — “dx 1 Le LEP 
Mamans Tin) À Eds dont 

Vs V(bb— aa) V( EEE Lo) , 

2abb : 
Labs eft ee PS] V(R== x— xx) EM 
abbdx ‘ 
ANSE 2) = À L F4 
TIRE fs a 5)" ou (ee pour l'arc de 
abb 


cercle dont le rayon — & le finus verfe —x) on 


—— bb—aa’ 
Ts V2 abbx—(bb—aa) xx 


me) Hit 
Men. 173 4s : M 


a pour l'intégrale x + 


90 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
Cette quantité étant zero, lorfque x — 0, il n'y faut tien 


ajoûter; & lorfque x—2, elle devient 7 = nn )Q 


ou par Q j'entends Farc de cercle, dont le rayon étant 
ab b 


7— bb—aa 

La pefanteur donc qu'éprouvera un corps placé au pole 
fur l'Elipfoïde applati fera exprimée par cette quantité, & 
dépendra, comme on voit, des différents rapports qui peu* 
vent être entre l'axe & le diametre de l'équateur. 


, Le finus verfe et — 2 a, 


LI. Cherchons maintenant la pefanteur qu'un corps 
éprouvera placé à l'extrémité de l’axe de l'Elipfoïde allongé: 
On aura pour Ja différentielle de Vattraction la même 


expreflion qu’on vient de trouver dx — drds j 
Vial + (aa— bb) xx 


mais dans laquelle a > b. 


Pour l'intégrer , je la mets fous cette forme, 


dx 
Vaa— 50) y Estsx) ? 
114 a 
7 4 —— ; dxxdx) Las 


D PEN PV ae à a Ge 20 
ou dx {aan} 7 EtT7] RE) "TT ya—1h VE ++)” 


aa—bb aa—bb 
Ts a 2abb 
dont l'intégrale eft x — D VESTE x + xx) 
aabb ab 2abb 
7 x + V sx x). 


aa—bà 
Comme cette quantité doit s'évanouir lorfque x —0, 


on a pour l'intégrale corrigée 


a 24abb aabb abb 
— aa) Va Nom (RE À 
Bb 41 bb 
mme 77207 7 un EL Val xxx). 


aa—bb 


Et lorfque x = 24, elle devient 


aabb YÉSETUE LA ESTSR 24abb 
re à TUE D TUE LE T 


D 5 S'CTETN CIE S or 

On voit par les calculs précédents, que la pefanteur au 
pole d’un Ellipfoïde applati dépend de {a quadrature du cercle, 
& qu'au pole d'un Ellipfoïde allongé, elle dépend de Ia 
quadrature de Fhyperbole. 

LII. Au pole d'un Elipfoïde qui n'eft ni allongé ni 
applati, c'eft-à-dire, d’une Sphere, la pelanteur ne dépend 
ni de la quadrature de lhyperbole, ni de celle du cercle, 
En effet, lorfque 4— 6, l'attraction du petit cylindre que 
axds 


Vaabbx(—bh+aa) xx 
EYE. qui s'intégre facile- 


nous avons trouvée (art. 50.) dx — 


r : | d 
devient dx— 2%, ou dx — 


24% 214 


ment, & donne x — ET , & pour la pefanteur de Ia 


Sphere entiére 2 a — LEA ou + a: 


LIT. Ayant trouvé les pefanteurs au pole, dans l'Ellipfoïde 
applati, dans l'Ellipfoïde allongé, & dans la Sphere, on peut 
facilement comparer ces pefanteurs ; & c’eft par des calculs 
femblables que M. Newton a trouvé, 

Que fi le petit axe 
de lEllipe PAQB 
étoit au grand, c’eft- 
à-dire, a à b, comme 
1ooù101, la pefan- 
teur en ? fur l'Ellip- 
foïde applati, feroit à 
la pefanteur en P fur la 
Sphere dont le rayon 
feroit zou CP, :: 126 
CG EAT 

Et que la pefanteur 
en À fur l'Ellipfoïde allongé, feroit à la pefanteur en À fur 
1a Sphere dont le rayon feroit b ou CA :: 125$ : 126. 

LIV. L’Eliploïde applati formé par la révolution de 
TEllip{e autour de laxe PQ repréfentant la Terre, il faut 


M ji 


2. MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 


maintenant chércher le rapport de la pefanteur au pole P 
ou Q à la pefanteur en À fur Féquateur. 


LV. La folidité de l'Ellipfoïde applati qui repréfente Ja 
Terre, eft moyenne proportionnelle entre la Sphere circon- 
fcrite, dont le rayon eft CA, & l'Ellipfoïde allongé formé 
par la révolution de YEllipfe autour de l'axe AB. 

Car concevant la Sphere circonfcrite, A. 
& l'Ellipfoïde formés Fun & l'autre pa y SRE 
Ja révolution du cercle A MR & delEE # 
lipfe AG P autour de l'axe AC, divilés 
dans leurs petits cylindres formés. par 
la révolution des ordonnées ME, me, 

GE &ge, ces cylindres dans la Sphere © ? C 
feront aux cylindres dans l'Elliploïde, comme ME£*àGE*, 
parce que leur hauteur Ee étant la même, ils font comme 
leur bafe ; & comme dans l'Ellipfe le rapport de A7E*° à 
GE: eft un rapport conflant, & celui debbàaa, la fommé 
de ces cylindres dans la Sphere, eft à la fomme dans l'EI- 
lipfoïde allongé :: 48: aa, ou {Spher.) : ( Ellipf. all.) 
::0b:aa. 

Concevant maintenant la Sphere circonfcrite & T'Ellip- 
foïde applati formés Fun & l'autre par la révolution du 
cercle AMR & de YEllipfe AG P autour de l'axe PC, di- 
vifés dans leurs petits tuyaux formés par la révolution des 
ordonnées ME, me, GE, ge, autour de l'axe PC, ces tuyaux 
dans la Sphere feront aux tuyaux dans l'Elliploïde applati 
comme leur longueur ME & GE, parce que leur épaïtieur 
ÆEe & leur rayon C Æ font les mêmes ; & comme le rap- 
port de ME à GE eft conftant, & celui de à à a, la 
fomme des tuyaux dans la Sphere eft à la fomme dans l'EI- 
lipfoïde-applati :: & : a, où (Spher.) : (El. app.) ::b :a; 
ou ( Spher.) : (EN. app. )* :: LB : aa. Donc ( Spher. ) 
: (EI, all.) :: (Spher. )* : ( El. app. )'; & ( EN app.) 


= V/{Spher.) * (Elall) 


1: +00! & SrS 10 JEANIGUE s 

LVTI. Et comme les pefanteurs qu'un corps éprouve en À, 
de la Sphere, du Sphéroïde applati & du Sphéroïde allongé 
peuvent pafler pour proportionnelles aux quantités de ma- 
tiére de ces trois corps ; la pefanteur qu'un corps éprouve de 
la Terre placé en À fur l'Equateur terreftre eft moyenne 
proportionnelle entre la pefanteur qu'il éprouveroit de 1a 
Sphere & du Sphéroïde allongé. 

LVII Nommant donc cette pefanteur qu'un corps 
éprouveroit fur Equateur terreftre. ...... eee UTP 
La pefanteur en P fur le Sphéroïde applati......., — p, 
La pefanteur en P fur la Sphere dont le rayon et CP—5. : 
La pefanteur en À fur le Sphéroïde allongé... .... —. 
La pefanteur en À fur la Sphere dont le rayon eft CA =, 

RS NE AO Test 
Ras. 2 Uss 12 6, 
Ou mettant entre les deux termes de cette proportion un 
moyen Ms on a 
me TS 25 ir 215,5 11 25 Lou £: 1257: 126. 

LVIIT. De plus la pefanteur qu'un corps éprouve, 
placé fur la furface de deux Spheres différentes eft en raifon 
directe du rayon de ces Spheres (art. 52.) on a donc 

5%: 100 101: 
LIX. Et joignant ces trois proportiôns 
OS 20: 12% 
S':T:: 126 : 125L 
HE 100): HT ON 
OnaP:T:;::126»%x 126% 100: I2$XI2$2XIOISs 
où P:T:: 1587600 : 15844371. 

ou P:T':$01 : so. 

C'eft-à-dire, que la pefanteur au pole de a Terre eft à fa 
pefanteur fous l’Equateur, comme SOLà $00. 

_ LX. M. Newton a démontré (Liv. I. prop. XCI. 
Coroll. 3.) Que dans un Ellipfoïde, FAttradion qu'un 
corps placé fur un diametre éprouve, ft en raifon directe 


de fa diflance au centre, Cela pofé, 
M if 


On a par (art. 53.) 


94  MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
.  Concevant le demi-diametre de l'équa- 

teur AC & le demi-axe PC divifés dans 

un même nombre de parties £e, H4, qui » 
{feront entr’elles comme le demi-diimetre 

de l'équateur & le demi-axe ; puifque la 
pefanteur au pole eft so, & fur l'équateur 


; Ë : L SrotCA 
500, la pefanteur P en A fera P=— À. 


De même la pefanteur æ en Æ fera 7 — NE Voilà les 


forces réfultantes de l'attraétion, qui tirent les parties H#, Ee, 
vers le centre. 


LXT. Mais la Terre tournant autour de l'axe PC, les 
parties qui font dans AC pendant qu'elles font tirées vers © 
par la force 7, font repouflées vers 4 par la force centri- 
fuge que le mouvement de révolution leur donne ; & cette 
force en chaque point £ eft proportionnelle aufi à fa diftance 
au centre C £. 


Si donc cette force en À eft f, on a ce qu'elle eft en 


PA fx CE 


er « 

Concevant donc PC & CA comme deux colomnes du 
fluide qui forme la Planete, on aura le poids vers C du petit 
cylindre HA; en le multipliant par fa force accélératrice, 


ce fera SN CHRER., ou pile ser ; & l'on aura le 


poids vers Cdu petit cylindre £°e, en le multipliant par fa force 
accélératrice seecE-ficE, ce fera (2%) CEd (CE). 


LXII La fomme des poids des cylindres A} fera en 


intégrant & le poids de la colomne entiére PC 


fera s°' CP, 
2 


La fomme des psids des cylindres £e fera se pCE 


2 CA 
& le poids de la colomne entiére AC fera pop, 


Puifque le fluide de la Planete eft dans un état permanent, 
il faut que ces deux colomnes fe foûtiennent; c'eft-à-dire, 


as 


P hH (e 


n° Er sv SC EN CHE Sc | M 
ilfaut que 521: — 601 CA | où (àcaufe deCP:CA 


:: 100:101)ilfautquesor x100—={$00—f) x 101; 
d’où on tire f— #22 = 4 

Donc dans une Planete qui auroit le diametre de l'équa- 
teur à l'axe, comme 101 à 100, & où la force centrifuge 
de chaque partie feroit à fon poids comme 4 à sos, les 
colomnes féroient en équilibre, 

Or dans cette Planete, la force centrifuge qui eft “+ du 
poids, rend chaque partie de la colomne C À plus longue 
que les parties de la colomne CP de -, & fait élever le 
fluide dans l'équateur de -2=.€ partie du demi-axe PC. 

LXIIT I faut donc dire, en comparant la Terre à 
cette Planete; fi la force centrifuge dans la Planete où elle 
eft la -#—. partie de la pefanteur, fait élever chaque cylindre 


dans l'équateur de =, la force centrifuge fur la Terre qu'on 


{çait être dans la colomne CA Ia -5.€ partie de la pefanteur 


fera élever chaque cylindre de =; d'où l'on voit que le 
diametre de l'équateur fera à l'axe comme 230 à 2 29. Le 
demi-diametre moyen de la Terre, felon M. Picard, étant 
de 19615800 pieds, la Terre fera plus élevée à l'équateur 
qu'aux poles de 85472 pieds, le demi-diametre de fon 
équateur fera de 19658600 pieds, & fon demi-axe-de 
19573000 pieds. 

LXIV. Comparant maintenant les autres Aftres avec 
la Terre; appellant la pefanteur & la force centrifuge fur la 
Terre, P & F, & fur les Aftres æ & @; on a pour trouver 
la différence du demi-diametre de leur équateur à leur demi- 


PNIDE AR ONERE 2 Te PO PRE 
AXE 5 : 7°: 32ÿ : CEE différence = pe 


La pefanteur fur la fuperficie de différentes Planetes étant 
en raïfon compofée de leur denfité & de leur rayon ; & les 
forces centrifuges étant en raifon compofée de la directe du 
rayon, & inverfe doublée du temps périodique de la révo- 
lution autour de l'axe; fi l'on nomme fur la T'erre la denfité 
=D, le rayon =, le temps périodique = 7; & fux 


d6 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
fes autres Planetes A, p, $, on aura la différence du demi- 


‘ £ é OU PER 
diametre de l'équateur au demi-axe SIN F EE D *x R x es 
VÉRARREESS D'xTx TES 0 IST CA 
1229 dxpx op Jx#s; d'où lon voit, 


LXV. Que fi lAfffe eft plus grand ou plus petit que 
Ja Terre, & que fa denfité & le temps de fa révolution foient 
les mêmes, la figure de l’Aftre eft la même que celle de 
Ja Terre. 


Mais fi le temps de la révolution n’eft pas le même, la 
différence du diametre de l'équateur à l'axe changera en raifon 
inverfe du quarré des temps. 

Enfin, fi la denfité augmente ou diminuë, la différence 
du diametre de l'équateur à l'axe augmentera ou diminuéra 
en raifon inverfe de l’augmentation ou de Ia diminution de 
la denfité. 7 


LXVI. On peut par-à facilement comparer les figures 
de la Terre, de Jupiter, & du Soleil. Car le temps de la 
révolution de la Terre autour de fon axe étant de 23h 56” 
4", & celui de Jupiter de 9h 56’, on a TT: 58 à peu-près 
:: 29 : $, & la denfité de la Terre étant (felon € qu'a 
trouvé M. Newton, Prop. VIII. Liv. III.) à la denfité de 
Jupiter, ou D : A :: 400 :94+,ona la différence entre 
le diametre de l’équateur de Jupiter & fon axe, à fon axe, 


; 29 4, _400 Lol: net pr fr ESPN AT Un 
MEN mer 2 : 13 OU à tiès-PEu-Près :: I : 9 + 


Comme cette différence eft beaucoup plus grande que 
celle qui réfulte des obfervations de M. Caffini, & que celle 
qui réfulte des obfervations de M. Pound, M. Newton 
conjecture que Jupiter eft plus denfe vers le plan de fon 
équateur que vers les poles. Cetexcès de denfité feroit que 
la colomne qui eft dans le plan de l'équateur, pour être en 
équilibre avec celle qui répond au pole, doit être plus courte 
que cette Théorie ne la détermine, & par conféquent le 
diametre de l'équateur différeroit moins de l'axe, & fon 
‘apport à l'axe approcheroit plus du rapport obfervé. 
LXVITL 


1,5 ESS CI EN NME & “ 
LXVIL Pour trouver la différence dont le diametre de 
T'équateur du Soleil furpañle l'axe; le temps de la révolution 
du Soleil autour de l'axe étant de 25 +i, on a 17°: 58 
:: 1: 650+, & la denfité de la T'erre étant à Ka denfité du 
Soleil (Prop. VII. Liv. IL.) ou D : A :: 4 :1, on aura 
la différence entre le diametre de l’équateur du Soleil & fon 
axe, à fon axe, :: Be * 4X335:13 OU::1:37226, 
différence beaucoup plus grande que celle qui réfulte de 
l'hipothefe de la pefanteur vers le centre en raifon renverfe 
du quarré de fa diflance, mais cependant imperceptible à 
toute obfervation. 
LXVIIL Je reviens à la figure de la Terre. II fuit de 


l'équilibre qui eft entre les colomnes, que prenant des parties 


femblables de ces colomnes en À & en 2, A 
ces parties pefent également. Pour cela, il F 
faut que la force qui anime celle qui eft en D E 


A vers C, que j'appelle /4 pefanteur réduite, 
foit à la pefanteur de celle qui eft en P, 
comme la partie de la colomne qui eft en P, 
eft à la partie de la colomne qui eft en À, 
ou comme CP à CA; & c'eft la même chofe pour les 
colomnes obliques CD. 

LXIX. D'où lon voit que les différents poids d'un 
même corps , dans différentes régions de la Terre, font en 
raifon inver{e des longueurs des colomnes, ou des diftances 
au centre de la Terre, 

Si donc on avoit avec aflés d’exaétitude le rapport des 
différents poids d’une même quantité de matiére aux diflé- 
rentes latitudes ( ce qu'on peut avoir par les longueurs des 
Pendules ifochrones, ou par le retardement des Pendules de 
même longueur vers f Equateur) on détermineroit les lon- 
gueurs de toutes les colomnes pour quelque angle qu'elles 
faflent avec l'axe, c’eft-à-dire, la figure entiére de la Terre, 
&. c'eft la feule maniére dont M. Gregori la détermine. 

Et fi la figure de la Terre eft donnée, on peut par elle 


Mem. 1734: a 


P hH C 


98 MEMOTIRES DE L’'ACADEMIE ROYALE 
déterminer les différents poids d’un même corps à différentes 
latitudes, ou, ce qui revient au même, les différentes lon- 
gueurs du Pendule ifochrone. 

En effet, confidérant la Terre comme un Ellipfoïde, ïl 
eft facile de démontrer le Théoreme de M. Newton, Que 
l'augmentation des poids, en allant de l'équateur au pole, appro- 
che fort du rapport du quarré du finus de la latitude. 

LXX. Car foit À D P le quart de # 
TEllipfe qui repréfente le Méridien de 
la Terre, & AMR un quart de cercle 
décrit du rayon C À, demi-diametre de 
TE quateur terreftre. On a par la propriété 
de l'Ellipfe RP : MG :: CR : EM, 
ou MG —= TRE Mais à caufe que RP 


les triangles DMG, EMC, font femblables, lorfque V'Ef- 
lipfe approche fort du cercle (comme fait 'Ellip{e qui fert 
de Méridien à la Terre) on a MG : MD :: MC: ME, 


__ MDxMC RPxME __ MDxMC 
où MG= —ÿjg — Ona donc = y, 


M 


ou MD — Ê? 2 ae ; C'eft-à-dire, 21D à RP commele 


quaïré du finus dé l'angle ACAZ au quarré du finus total, 
ou (comme À P eft conftant) 47 D comme le quarré du 
finus de l'angle ACM, ou du fmus de la latitude. 

Mais il eft vifible que le poids d’un corps fous l'équateur 
étant repréfenté par CD, le poids du même corps placé 
en D eft repréfenté par CA ; l'augmentation du poids, en 
allant de l'équateur vers le pole, eft donc repréfentée par 
MD, cette augmentation eft donc proportionnelle au quarré 
du finus de la latitude. . 

C’eft d’après ce Théoreme que M. Newton a calculé fa 
Table des différentes longueurs des Pendules répondantes 
aux différentes latitudes. 

LXXTI. Cette détermination de la figure de la Terre 
n'eft qu'une approximation ; auffi M. Newton ne la donne- 
t-il pas pour une détermination exacte, Les erreurs font 


D ES, SC J'EÆENIGUE s, 99 
d'autant moindres, que la figure des Aftres approche plus de 
lElliploide, & que fEllipfoïde approche plus de la Sphere. 


LXXII Si lon vouloit une folution plus exacte de 
ce Probleme; ou que la méthode précédente , qui fappofe 
que le Sphéroïde terreftre approche beaucoup de la Sphere, 
ne püût pas fervir, comme il arriveroit fi la Terre étoit fort 
applatie; voici comme on pourroit réfoudre le Probleme. I 
faudroit , après avoir trouvé l’attraétion qu'éprouve un cor- 
pufcule en 2 au pole du Sphéroïde formé par la révolution 
d'une Ellip autour de l'axe PQ dans laquelle des deux axes 
a & b feroient indéterminés, il faudroit chercher l'attraétion 
qu'un corpufcule éprouveroit en À placé dans l'équateur de 
ce Sphéroïde. 

Pour cela, il faudroit dans Île A 
Sphéroïde PAQB, formé par a 
révolution de l'Ellipfe PAQ au- 
tour de l'axe PQ, chercher l’At- 
traction qu'un corpufcule éprouve 
de chaque Ellipfe qui eft la fe&tion D 
du Sphéroïde par un plan XX, : 
parallele à l'axe; & multipliant 
cette Attraction par Æ£e, difié- 
rentielle de AB, on auroit l At- 
traction d’un pessgylindre à bafe 
elliptique, terminé par les deux 
plans 44, XK; & fi Von pouvoit vaincre les longueurs 
& les difficultés de ce calcul, on auroit, en intégrant, lAt- 
traction qu'éprouveroit le corpufcule placé en À fur léqua- 
teur du Sphéroïde. 

Ayant donc la pefanteur en P par une fonétion [44] des 
axes de l'Ellipfe, & la pefanteur en À par une autre fonc- 
tion (a) ; ayant de plus la force centrifuge en A—f, on 
auroit ( puifque dans l'Ellip{oïde, la pefanteur fur chaque 
cnlomne eft en raifon directe de Ia diftance au centre: & 
que la force centrifuge dans la colomne AC fuit la même 


N ji 


B 


400 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
proportion ), on auroit la pefanteur en AH — [aë] ; e 3 
& la force qui tire Ee vers C mise ue & 


pour les poids vers € des petits cylindres [ab] -CERAICER 


& ((ab) — f) x» RE Et puifque les deux co- 
lomnes CP & CA font en équilibre, LA [CH *x d{CH) = 
(=) [CE x d(CE), ou [ab] x CP=((ab)}—f) x CA. 


Mettant dans cette équation, a pour CP, & & pour CA, 
on aura a [ab] — 6 {(ab) —f); & f étant donnée, cette 
équation déterminera la relation entre a & b, c'eft-à-dire, 
le rapport entre l'axe & le diametre de l'équateur. 


# 


DES S CT E NE & 10 
ms, 
ESS AI D'ANALISE 


DNPRS PA TA NT ES 


Par M. Bouzpuc. 


Uoïrqu’un habile Chimifte de cetté Académie f& 

foit occupé pendant plufieurs années à l'analife des 
Plantes, & ait eflayé par-là de découvrir, fi par la recherche 
de la différente proportion de leurs principes on pourroit 
juger de leurs différentes propriétés; après en avoir analifé 
un très-grand nombre avec toute l'exactitude & la précifion 
pofible, on ne s’eft affüré, comme le dit feu M. Homberg, 
dans un Mémoire donné à l'Académie, d'autre chofe, fmon 
que cette voye que l'on avoit cru la feule de fûre pour y 
parvenir, y étoit entiérement inutile, & qu'il falloit l'aban- 
donner, puifque le produit des Plantes les plus falutaires ne 
différoit pas , ou de peu de chofes, du produit de celles qui 
étoient les plus venimeufes, le feu que l'on étoit obligé 
d'employer pour ces analifes changeant entiérement & dé- 
naturant leurs principes, en forte qu'ils n'étoientplus qu'en 
partie des créatures du feu, & non pas les principes que la 
Nature avoit employés à leur compofition. 

Le peu de réuffite de ces analifes m'a fait imaginer, qu'en 
€xaminant non feulement les Plantes dans leur entier, ou leur: 
marc, mais aufli les fucs ou les décoctions de ces mêmes 
Plantes , on pourroit peut-être rencontrer dans l'examen de 
leurs fels eflentiels ce que l'analife connuë & ufitée avoit 
refufé. Dans cette idée, j'ai commencé par examiner une 
feule Plante fort employée dans la Médecine, qui eft Ja 
Bourache. 

_ J'ai donc pris une bonne quantité de décodtion de 
Bourache, que j'ai féparée en trois parties égales. J'ai fait 


N iij 


30 Janvier 


1734: 


102 MEMOIRES DE L'AÂCADEMIE Royare 
évaporer la premiére jufqu'à pellicule, ou en confiftence de 
firop ; elle étoit d’une couleur fort noire, étant chargée de 
beauçoup de parties huileufes, en forte que l'ayant laïffée en 
repos dans Îe temps chaud, elle fe couvrit en peu de jours 
d’une peau affés épaifle, laquelle étoit recouverte de moi- 
fiffure. Ayant enlevé cette peau, je trouvai au deflous une 
aflés bonne quantité de criftaux en aiguilles fines & déliées, 
confondus avec un grand nombre d’autres petits criflaux 
falins, aflés irréguliers pour ne pouvoir en déterminer la 
figure, le tout nageant dans une portion de liquide gras où 
fuupeux. Je détachai quelques-uns de ces criftaux Ionguets 
& en aiguilles, & les ayant mis fur une pelle rougie, ils 
s'y enflammerent comme auroit fait le Salpètre mêlé avec 
quelque corps gras ou fulphureux ; & en effet ce Salpètre 
avoit encoreun enduit de la partie grafle de cette décoétion. 
Cette obfervation avoit déja été annoncée par M. Lémery, 
qui a cité R-deflus M.de Reflons. Voilà donc l’Acide ni- 
treux démontré dans cette Plante, & de plus Z Mirre y eft 
dans tout fon entier, puifque quand j'ai verfé de l'huile de 
Tartre fur ce nouveau Nitre diflous, elle n’en a rien préci- 
pité, comme elle l'auroit fait fi l'acide nitreux avoit eu pour 
bafe une fimple matiére terreule. 

J'ai pris la deuxiéme portion de ma décoétion que j'ai 
pafñlée fur de la Chaux vive, afin de la dégraiffer, enfuite 
de quoi je l'ai fait évaporer à lente chaleur, & jufqu'à une 
légere pellicule, & l'ayant laiflée en repos pendant plufieurs 
jours , jy ai trouvé des criftaux en aiguilles, plus diftinéts, 
mieux formés & moins roux que ceux de la premiére por- 
tion, ils étoient vrayement nitreux ; & au deflous de ces 
criflaux longuets j'ai trouvé une bonne quantité de criflaux 
cubiques que je n'eus point de peine à reconnoître pour des 
criftaux de Sz/ marin. 

J'ai pris de ces criftaux en aiguilles, que j'ai mis fur le 
charbon allumé, & qui y ont fufé comme ceux de a pre- 
miére portion de ma décoction : & pour ceux qui étoient 


: DES SCIENCES. 103 
de figure cubique, outre qu’ils décrépitoient au feu fans sy 
enflammer , c’eft qu'en ayant fait fondre dans de eau, & 
ayant verfé cette diflolution fur celle d'argent faite par 
l'efprit de Nitre, il s’y faifoit fur le champ un caïllé blanc, 
lequel amaffé, lavé & expofé au feu, fe changeoit en argent 
corné, tranfparent, & fe coupant au coûteau, 

Voilà donc l'Acide nitreux & Y Acide du Sel commun, 
où plütôt le Sapétre & 1e Se/ marin bien avérés dans la même 
Plante. 

J'ai enfin pris la troifiéme portion de ma décoction de 
Bourache que j'ai paflée fur des cendres de bois neuf ie à 
l'ayant fait évaporer de même que les deux premiéres, & 
l'ayant laiffée en repos quelques jours, JY ai trouvé plus 
de Nitre que dans les deux précédentes portions , plus 
blanc ou moins roufsâtre. II y a toute apparence, que cette 
plus grande quantité de Nitre qui fe trouve dans cette troi. 
fiéme portion, vient de ce qu’une partie d'acide nitreux 
n'ayant été unie, ou qu'avec une portion de fimple terre, 
où qu'avec la matiére grafle qui eft abondante dans cette 
Plante, rencontrant dans la leflive le {el alkali fixe des cen- 
dres, s'y joint, & fe corporifie avec lui, ce qui augmente 
le produit du Salpétre. 

J'ä dit, que j'avois enlevé de deffus la premiére portion 
de la décoétion de la Plante évaporée, & qui n'avoit point 
été pañlée ni fur les cendres ni fur la chaux, une peau grafle 
& couverte de moififfure, laquelle defféchée au feu & mie 
en charbon, sy enflammoit de même que fi j'euffe mis dans 
un creufet au feu du Nitre mélé de la poudre de charbon 
ordinaire, parce que cette peau grafle en retenoit encore, 
ayant pas permis au Nitre de s'en débarafler entiérement, 

* Après ces premiéres expériences faites fur la décoction 
de la Bourache, j'ai voulu voir ce que le Marc ou la Plante 
entiére brülée me donneroit de plus en fel.. J'en ai donc 
féché à Pombre, je l'ai enfüite fait brôler dans un pot de 
grès à petit feu, & le vaifleau couvert elle s'y eft convertie 


To4 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyaALE 
en charbon, que j'ai après calciné à feu ouvert pour Îé 
réduire en cendres, & pour en faire une lefive, avec 1a- 
quelle j'ai voulu faire quelques expériences avant que de 
Tévaporer pour en retirer les fels qu’elle pourroit contenir; 
& perfuadé que le fel alkali n'y manqueroit pas, les cendres 
des Plantes en fourniffant ordinairement, j'ai mêlé la leffive 
avec du firop violat, qu'elle n'a que très-légerement & 
même à peine verdi ; de plus cette couleur verte n'a point 
tenu, & le frop a repris fa premiére couleur en très-peu de 
temps, ce qui m'a fait juger, ou que le fel alkali s'y trouvoit 
en très-petite quantité, ou qu'il y étoit confondu & em- 
baraflé avec d’autres {els qui s’oppofoient à fon eflet fur le 
firop violat, & événement n'en a éclairci; car en faïfant 
évaporer cette leffive jufqu'à pellicule, & la laïffant enfuite 
en repos dans un lieu frais, je n'ai point tardé d'y apper- 
cevoir des criftaux de Zartre vitriolé très-diftinéts, très-bien 
figurés, & de toutes les propriétés qui caraétérifent ce fel ; 
j'ai retiré la liqueur qui furnageoit, & l'ayant de nouveau 
laïflé un peu évaporer, j'y ai trouvé une autre portion du 
même fel, dont les criftaux étoient moins gros que les 
premiers, mais dans leur petitefle bién connoiflables pour 
être le même fel à tous égards. 

J'ai enfuite continué d'évaporer la leffive jufqu’à environ 
Ja diminution de fa moitié, & l'ayant laïffée en repos, Ty. 
ai trouvé au bout de quelque temps des criftaux cubiques, 
lefquels , bien examinés, font un vrai Sel marin qui s’étoit 
confervé malgré la forte calcination; le refte de la leffive a 
alors changé le firop violat dans un beau verd d’émeraude 
qui a duré, & ne s'eft point perdu, comme j'ai dit que 
cela étoit arrivé à cette même leffive avant qu'elle eut été 
concentrée & privée des deux fels moyens dont je viens 
de parler. 

Je crois donc pouvoir dire avec certitude, que la Bou- 
rache peut fournir quatre fels différents ; fçavoir, le Salpètre, 
le Sel marin, le Tartre vitriolé, & enfin un Sel alkali fixe; 


& 


D'Ess M$2CIT EN QUE vos! 
& ce qui, à monifens, eft une chofe partieuliére, é’eft de 
voir que:les:trois Acides minéraux fe trouvent en même 
temps dans une même Plante. Hg} 

Je ne penfe pas que le T'artre vitriolé foit formellement 
dans cette Plante: on ne peut pourtant pas douter que l'acide 
vitriolique n’y exifte ; mais commeil étoit enveloppé avant 
Ja calcination de la matiére grafle ‘qui: y eft abondante, il 
m'étoit pas ailc de le connoïtre : cette matiére graflerau 
contraire ayant été diflipée par le feu, & l'acide vitriolique 
devenu libre, rencontrant le fel alkali que la Plante fournit, 
ou le Nitre fixé qui refte après da déflagration, il s'y unit, 
dont il réfulte le Tartre vitriolé , de la même façon que 
du mêlange d’un fel alkali & du foufre commun, il fe forme 
un l'artre vitriolé après que l'on a chaffé par la calcination 
la partie inflammable du foufre. 

H ne fera pas hors de propos de dire ici, à l'occafion du 
Tartre vitriolé, qu'il y.a déja long-temps qu’en travaillant 
avec M. Grofle fur là Potafle, que fon a communément 
regardée comme un fel alkali, nous y trouvâmes une bonne 
quantité de vrai Tartre vitriolé, & depuis nous avons vü 
que ce fait avoit déja été annoncé par Cardilucius ; cependant 
cela mous a rendus attentifs à ne pas négliger l'examen des 
Cendres de différentes Plantes, & je puis aflürer qu'en faifant 
les fels alkalis fixes, & quelquefois feulement à ce deflein, 
nous avon® retiré, des cendres de différentes Plantes ameres 
& aromatiques, un vrai Vartre vitriolé, ce qui peut du moins 
confirmer, que l'acide vitriolique, quoique le plus fixe des 
acides minéraux, ne laifle pas de s'élever, &, felon toute 
apparence, de fe trouver dans un plus grand nombre de Plantes 
qu'on ne La penfé jufqu'ici. Je conjecture de plus qu’il fe 
trouve peu de fels fixes tirés des Plantes, qui foient purement 
alkalis, & cela après en avoir fait & examiné un grand 
nombre : il n'y a que le fel de Tartre qui me paroifie être 
le plus parfait alkali, n'y ayant pü reconnoître jufqu'ici 
aucun mélange d’autres fels, 


Mem. 1734 . O 


106 MEMOIRES DE L'AÂCADEMIE RoyALE 

J'ijoûterai encore qu'iln'y a point d'apparence, que d'au- 
tres:Plantes, qui, païoiïflent avoir du nitreux: en: général, 
comme font la Poirée, le Chardon-benit ; le: Cerfeuil, 1e 
Concombre fauvage, la Paritaire, & d’autres ne puflent 
également fournir, les quatre Sels dont j'ai parlé, fr on les 
traitoit fuivant les:mêmes procédés que j'ai expofés. 

Après l'examen, de la Bourache, reconnuë dans la Méde- 
cine pour une Plante falutaire, mon deflein feroit d'en exa= 
miner, fuivant les mêmes procédés, une ou plufieurs de 
celles qui font regardées comme venimeufes ; & fi de ce 
travail on peut tirer quelques lumiéres , quand ce ne feroit 
que pour la Phyfique, je le continuërai. 


D'E SIMSTCAHE NUE ES, 107 


DE L'INCLINAISON DU PLAN 
DEN ENOMT PT QUE 
ENRODNPOL ORPI ENMDES) PLANETES 


Par rapport à l'Equareur de la Révolurion du Soleil 
autour de fon Axe. 


Par NM'CASSINI. 


Usou’A préfent les Aftronomes ont détérminé l'incli- 

naifon de l'Orbite des Planetes, a fituation & le mou- 
vement de leurs Nœuds par rapport à l'Ecliptique, que le 
Soleil, dans les Syftemes de Ptolémée & de T'ycho, décrit 
autour de la Terre par fon mouvement propre de l'Occident 
vers l'Orient, & que la Terre au contraire, dans le fyfteme 
de Copernic } décrit dans le même fens autour du Soleil par 
fa révolution annuelle; parce que dans l’une ou autre de 
ces hypothefes, le Soleil & a Terre étant tous les deux fur 
le plan deTEcliptique, il eft néceffaire d'y rapporter le lieu 
des Planètes qui font tantôt au deflus où au deflous de ce 
plan. 
On a pour cet effet choifi principalemeut les temps où 
les Planetes fe rencontroient près du plan de lEcliptique 
fans aucune latitude fenfible, car calcuant pour lors leur vrai 
lieu, vû du Soleil, on a eu le vrai lieu du Nœud de ces 


Planetes à l'égard du Soleil, lequel dans les fyftemes de T ycho . 


& de Copernic eft au foyer des Planetes principales qui font 
les feules que nous confidérons dans cé Mémoire, la Lune 
étant, fuivant l'opinion de {a plüpart des Aflronomes & 
Philofophes, qu'une Planete du fcond ordre qui fait fa ré- 
voôlution autour de la Terre, &-doit être affujettié à d’autres 
loix dans fes mouvements. © ae ; 

Le vrai lieu du Nœud des Planetes fur l'Ecliptique à 

O ji 


3 Avril 
1734 


108 MEMOIRES-DE LÂCADEMIE ROYALE 
l'égard du Soleil étant connu , on a cherché le temps où 
ces Planetes, vüës du Soleil, devoient être à la diftance de 
o ‘de ces Nœuds, & obfervant pour lors leurs latitudes 
vüës de la Terre, on les a réduites à feurs latitudes vuës du 
Soleil, qui mefurent alors l’inclinaifon de leurs Orbites à 
l'égard du plan de FEcliptique. 

Enfin, comme on s’eft apperçû, par la comparaifon des 
Obfervations anciennes avec les modernes, que les Nœuds 
des Planetes & les termes de leurs plus grandes latitudes ne 
répondoient pas toüjours aux mêmes degrés de l'Ecliptique, 
on a comparé la fituation de ces Nœuds obfervée en divers 
temps les plus éloignés les uns des autres qu'il a été pofi- 
ble, & on en a déduit la quantité de leurs mouvements, 
dont les Aftronomes ne font pas bien d'accord enfemble, 
tant à caufe de la lenteur de ce mouvement, qu'à caufe du 
défaut d'exactitude dans les Obfervations anciennes que l'on 
employe pour les déterminer. 

L'on fuppole pour cette recherche, en premier lieu, que 
les Orbites des Planetes confervent toûjours la même incli- 
naifon à l'égard du plan de l'Edcliptique qu’elles coupent en 
des points diamétralement oppofés. En fecond lieu, que ces 
points d'interfeétion ou Nœuds s'avancent fuivant la fuite 
des Signes uniformément , c'eft-à-dire, dans la proportion 
des temps qui fe font écoulés entre les obfervations. 

Ces deux fuppofitions doivent être admifes dans le fyfteme 
de Fycho, parce que dans cette hypothefe les Planetes prin- 
cipales faifant leur révolution autour du Soleil, pendant que 
cet aftre tourne autour de la Terre fur le plan de l'Ecliptique, 

. ce plan auquel fe rapporte le mouvement de tous Les corps 
céleftes, doit être confidéré comme fixe & immobile. 

Il ne paroît pas qu'il en foit de même dans le fyfteme 
de Copernic. Le Soleil y eft placé au centre du Monde, & 
c'eft autour de cet aftre que toutes les Planetes du premier 
ordre, y compris la Terre, font leurs révolutions fuivant 
une regle conftante obfervée par Képler entre leurs diftances 
& la quantité de leurs mouvements ; de forte que dans cette 


CR 7. 


D'Ets NAS CNE Mein se 109 
hypothefe, l'Ecliptique n'eft que l'Orbite de la Terre qui fe 
trouve inclinée diverfement aux Orbites des autres Planetes, 
fans qu'on voye plus de raifon pour faire mouvoir les Or- 
bites des autres Planetes autour de la Terre, que lOïbite de 
la Terre autour de celle d'une autre Planete ou d’un plan 
quelconque pris à volonté. 

I doit cependant réfulter de ces divers mouvements des 
apparences bien différentes ; car fr au lieu de fuppofer que 
les Orbites des Planetes fe meuvent autour du plan del'Ecli p- 
tique avec des degrés égaux de vitefle & une inclinaifon 
conftante, comme on l'a fait jufqu’à préfent, on leur attribuë 
un mouvement uniforme autour d'un autre plan à l'égard 
duquel elles confervent une mème inclinaifon, on appercevra 
des inégalités dans le mouvement de leurs Nœuds fur lEclip- 
tique, de même que des variations dans les inclinaifons de 
leurs Orbites. 

Comme par les raifons que nous venons d’expoler, il n’y 
a rien qui doive faire préférer l'Orbite d’une Planete à celle 
d'une autre pour y rapporter leurs mouvements , il paroît 
qu'il eft plus convenable de les confidérer toutes, fans en 
excepter l'Orbite de la Terre par rapport à l'Equateur de 
la révolution du Soleil autour de fon axe, que l’on peut avec 
beaucoup de vrai-femblance regarder comme le principe de 
la direction du mouvement des Planetes. 

Nous nous conformons en cela au fentiment de Képler, 
qui, quoique la révolution du Soleil autour de fon axe ne 
füt pas encore connuë, ne laifla pas de juger que cet aftre 
tournoit autour d'un axe qui lui étoit particulier, & qu’à 
diffance égale des deux poles du Soleil il y avoit une Eclip- 
tique fixe à l'égard de laquelle les Orbites des Planetes , y 
compris celle de la Terre, étoient inclinées , & avoient 
chacune un mouvement particulier. 

La révolution du Soleil autour de fon axe, les Nœuds 
de fon équateur avec l'Ecliptique & fon inclinaifon que 


Képler avoit déduits de diverfes conjeîures, & qu'il n'avoit 


déterminés qu'imparfaitement, étant préfentement connus 
q P 


O ii 


/ 


yro MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoYALE 
depuis la découverte des Taches dans le Soleil , nous fommes 
plus en état que lui d'examiner ce qui doit réfulter du mou- 
vement de lOrbite de la Terre autour de l'Ecliptique. 

Par l’obfervation afliduë des Taches du Soleïl, on a re- 
marqué qu'elles paroïfioient décrire fur le difque du Soleil, 
tantôt des lignes droites, tantôt des lignes courbes ou Ellip{es 

lus où moins étroites, & qu'après avoir fait une révolution 
autour du Soleil dans l'efpace de 27 jours + ou environ, 
elles retournoient aux mêmes endroits où lon avoit com- 
mencé à les appercevoir. On a aufli reconnu par la variété 
des apparences qu'elles forment fur le difque du Soleil où 
elles paroiflent larges vers le milieu de ce difque, & étroites 
vers les bords, qu'elles étoient adhérentes à fa furface, & 
qu'ainfi le mouvement qu'on y appercevoit, devoit s’attri- 
buer à celui du Soleil autour de fon axe. Pour déterminer 
la pofition de cet axe, on a obfervé les temps où ces Taches 
paroifloient décrire des lignes droites, ce qui arrive lorfque 
le Soleil eft au 10.° degré des Gemeaux & du Sagittaire, 
avec la différence que lorfqu'il étoit dans la premiére de ces 
fituations, ces lignes s’élevoient vers le Septentrion à l'égard 
de Edliptique, & que dans li feconde elles s’'abbaifloient 
vers le Midi, avec une inclinaifon de part & d'autre de 742, 
d'où lon a conclu que le Nœud boréal de l'équateur du 
Soleil répondoit au 10.° degré des Gemeaux, & le Nœud 
auftral au 10.° degré du Sagittaire, & que cet équateur étoit 
incliné à l'Edliptique de 744. Enfin lon a remarqué que 
lorfque le Soleil étoit au 10.° degré des Poiflons & de la 
Vierge, les Ellipfes que décrivoient les Taches étoient dans 
leur plus grande largeur, de maniére cependant que dans 
k premiére de ces pofitions, la convexité de cette Ellipfe 
regardoit le Septentrion, & que dans la feconde elle étoit 
tournée vers le Mädi, d’où lon a reconnu que le pole boréal 
du Soleil répondoïit au ro.° degré des Poifions, & le pole 
auftral au 10. degré de la Vierge. 

Suivant ces Elements, on déterminera le lieu des Nœuds 


de Orbite de chaque Planete à l'égard de l'équateur de la 


PDF ETSN TS ICO UE MNEME LS Irf 
révolution du Soleil & fon inclinaifon, en cette maniére, 

Soit À BD TEcliptique, DAC l'équateur du Soleil qui 
lui eft incliné de 7{+, & la coupe en À au 10.° degré des 
Gemeaux ; 2: le lieu du Nœud boréal d'une Planeté fur 
VE cliptique, telle, par exemple, que Saturne qui eften 
224 $6' 0", plus avancé de 424 56" que le lieu du Nœud 
de l'équateur du Soleil. 

On fera l'angle ABC de 204 30° 3 $” égal à l'inclinaifon 
de lOrbite de la Planete à l'égard de Ecliptique, & on 
prolongera ZC jufqu'à ce qu'il rencontre l'équateur du Soleil 
en C} Farc BC repréfentera lOrbite de Saturne, & le 

oint © le lieu de fon Nœud à l'égard de l'équateur du 
Soleil DAC, qui eft auftral ou defcendant, à caufe que la 
Planete pafle de la partie feptentrionale de l'équateur du 
Soleil à fa païtie méridionale ; l'angle AC B mefurera auf 
linclinaifon de l'Orbite de la Planete à l'égard de l'équateur 
que lon trouvera de même que le lieu de fon Nœud. Car 
dans le triangle fphérique BAC, l'arc BC, diftance du Nœud 
de ‘la Planete au Nœud de l'équateur du Soleil, étant connu 
de 424 s 6", l'angle ABC inclinaifon de l'Orbite de la Pla- 
néte à l'égard de lEtcliptique de 24 30° 35", & l'angle 
BAD inclinaïifon de l'équateur du Soleil à l'égard de 'Eclip- 


tique de 74 30’, ou fon fupplément BAC de 1724 30’, 


on trouvera l'angle BCA qui mefure l'inclinaifon de l'Or- 
bite de Saturne à l'équateur du Soleil de 54 4’ 57", & Farc 
AC diftance du Nœud de cette Planete au Nœud de l'équa- 
teur du Soleil de 164 50° 30", qui étant retranchés du 1 0.° 
des Gemeaux, donnent le lieu du Nœud de l'Orbite de 
Saturne à l'égard de l'équateur du Soleil en # 2349'30". 

Pour une plus grande exaétitude, on réduira l'arc AC qui 
eft de 164 so’ 30" à l'Ecliptique, pour avoir l'arc AE de 
164 43° 13”, qui étant retranché du 10." degré des 
Gemeaux, donne le lieu du Nœud de lOrbite de cette Pla- 
nete fur l'équateur du Soleil, réduit à lEcliptique, en ÿ 
2 34 I é’ 4 3 nu ; 

On trouvera de la même maniére les Nœuds des autres 


Fig. 16 


112 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
Planetes & l'inclinaifon de leurs Orbites à l'égard de l'équä= 
teur.du Soleil, tels qu'on les a marqués dans {a Table fui- 
vante, où l'on voit que l'inclinaifon de Jupiter à l'égard de 
YEcliptique, qui eft de 14 19° 39", la plus petite de celle 
qu'on obferve dans les Planetes, fe trouve à l'égard de 
l'équateur du Soleil de 64 22/, la plus grande de celles que 
Jon a calculées, & que tout au contraire Findlinaifon de 
Mercure à l'égard de lEcliptique qui eft de 64 $ $’ plus 
grande que dans les autres Planetes, fe trouve à l'égard de 
l'équateur du Soleil de 34 10° 6” plus petite que toutes les 
autres, en forte néantmoins que de a plus grande à Ja plus 
petite inclinaifon des Planetes à l'égard de l'équateur du Soleil 
il y a une différence beaucoup moindre que par rapport à 
TE ciiptique. 

Pour ce qui eft du Nœud des Planetes fur l'équateur de 
la révolution du Soleil, ils fe trouvent rangés en fens 
contraire à l'égard de l'Ecliptique, ceux qui étoient plus à 
TOrient étant vers l'Occident, & ceux qui étoient vers 
VOccident fe trouvant à Orient, Il faut feulement remar- 
quer que le lieu du Nœud des Orbites des Planetes, y com- 
pris celle de la Terre à l'égard de l'équateur du Soleil eft 
Auftral, au lieu qu'il eft Boréal par rapport à l'Ecliptique. 


mr nt 
INELERAISON LIEU AB NEEUE Moto Y Em ER 
s 
Orbites des Planetes. | Orbites des Planetes des Nœuds des Planetes. 
cn 1700. 
ASSET E NE 
, 04 À E 04 
À l'égard A'égard Sur Sur l'E’quateur Sur À l'égard À l'égard 
ne EE l'Ecliptique du Soleil l'Ecliprique. | des Etoiles | ie 
J'Ecliprique. | l'E‘quateur Bora TETE es l'Equateur 
du Soleil. É ” du Soleil. 


SATURNE.. 
JUPITER..., 


MERCURE.. 


2d30f 35/15 55 ol 22456 |@ 23417 lo’ so"dir. | 8dir: |16/retr. 

1 19 39 [6 22 0ÏS 8 o|n 424| 24 dir.|27 retr. 8 dir. 

1 50 54 |5 50 o |@ 17 45 | H 16 so 36 dir. |r5 retr. | 4 dir. 
H 10 o sr dir.| o retr.| o 

27  $ |4 ‘6. o'F' 14 79 |H 6 25 34 dir. [17 retr. |12 di 
a:16 7] 47 dir. |ro retr. | 4 dir. 


A l'évard 


Le. 


DES:ScTENCEs, YI 

À l'égard du mouvement annuel des Nœuds des Planetes 
fur lEcliptique, nous trouvons celui de Saturne de o’ 59", 
de Jupiter de 24", de Mars de 3 6”, de Venus de 34", & de 

* + Mercure de 41". Mais il faut confidérer que fuivant le 
fyfteme de Copernic, les Etoiles que l'on nomme fixes, à 
caufe qu'elles gardent toüjours entr'elles la même fituation, 
font réellement immobiles & invariables dans le Ciel , & 
que le mouvement que l'on y apperçoit par da fucceffion des 
temps n'eft qu'apparent, produit par celui de l'axe de la 
Terre autour des poles de lEcliptique de l'Orient vers 
l'Occident. If en eft de même de tout autre point fixe dans 
le Ciel ; ainfi fi l’on fuppofe les Nœuds des Planetes immo- 
biles, on doit y appercevoir un mouvement apparent fem- 
blable à celui des Etoiles fixes & d’une égale quantité; & s'ils 
{ont mobiles, leur n@uvement apparent doit être plus grand 
ou plus petit que celui des Etoiles fixes. Leur mouvement 
vrai eft donc mefuré par la différence entre leur mouvement 
apparent & celui qu'on attribuë aux Etoiles fixes. Il eft direct, 
lorlqu'il excede s 1”, & rétrograde, lorfqu’il eft moindre. 

Dans cette hypothefe, le mouvement vrai des Nœuds 
de Saturne, qui, fuivant les obfervations des Caldéens com= 
parées aux nôtres, eft de 59” fuivant la fuite des Signes, 
n'eft feulement que de 8” du même fens, & il eft nul ou 
infenfible fuivant les obfervations de Ptolémée, qui ne le 
donnent que de $ 1 minutes. | 

À l'égard du mouvement des Nœuds de l'Orbite de Ju- 
piter, que l’on a trouvé de 24", il eft réellement rétrograde 
de 27". On obferve une femblable rétrogradation dans les 
Noœuds des autres Planetes, dont le mouvement apparent 
eft, moindre de 51”, & dont le vrai mouvement eft par 
conféquent rétrograde, dans Mars de 1 5”; dans Venus de 
17", & dans Mercure de 10”. 

L'inclinaifon des Orbites des Planetes à l'égard de l'équa- 
teur du Soleil, la fituation de leurs Noœuds fur cet équateur, 
& leur mouvement par rapport à l'Ecliptique étant ainfr 
connus, il conviendroit préfentement de déterminer 14 


Men, 173 4 Pb 


4 


114 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE RoyALE 
quantité du mouvement de ces Nœuds à l'égard de l'équa- 
teur du Soleil. Mais cette recherche demande que l'on foit 
aflüré fi les-Nœuds de l'Orbite de la Terre font fixes fur 
Yéquateur du Soleil, & de la quantité de leur mouvement, 
s'ils font mobiles ; ce que lon n'a pas pû encore reconnoître 
à caufe que la révolution du Soleil autour de fon axe ne fe 
peut déterminer que par le moyen de fes Taches, & que 
leurs découvertes n'étant que depuis l'invention des Lunettes, 
on n'a pas eu jufqu'à préfent d'intervalle affés grand pour 
pouvoir difcerner s'il y a quelque mouvement dans les 
Noœuds de 'Ecliptique à l'égard de l'équateur du Soleil. 

Au défaut de cette connoiflance, nous avons fuppofé que 
Les Nœuds de 'Ecliptique ou de Orbite de la Terre à l'égard 
de l'équateur du Soleil font immobiles, c’eft-à-dire, fuivant 
qu'on l'a remarqué ci-deffus, que fonmouvement apparent 
eft de 5 1 fecondes égal à celui des Etoiles fixes, & moyen 
entre ceux que divers Aftronomes ont attribués à ceux des 
autres Planetes ; & fuppofant le mouvement de leurs Nœuds 
à l'égard de 'Ecliptique, tel qu'il eft marqué ci-deflus, on 
a calculé le mouvement de leurs Nœuds à l'égard de l'équa- 
teur du Soleil dans l'intervalle de 1200 années avant ces 
temps-ci, c'eft-à-dire, vers lan $00, où l'on à diverfes 
obfervations de conjonétions de Planetes avec les Etoiles 
fixes, qui ont fervi à déterminer leurs Nœuds. 

Suivant cette fuppofition on a trouvé que le mouvement 
des Nœuds de Saturne, qui étoit de 8“ direct fur FEcliptique, 
fe trouvoit rétrograde fur l'équateur du Soleil de 6”; qué 
tous les autres au contraire qui étoient rétrogrades fur ŸE- 
cliptique, fe trouvent direéts fur l'équateur du Soleil, fçavoir 
celui de Jupiter de 8", celui de Mars de 4”, celui de Venus 
de 12", & celui de Mercure de 4". 

En comparant les divers mouvements des Nœuds des 
Orbites des Planetes tant fur l'Ecliptique que far l'équateur 
du Soleil, de la maniére que nous venons de les déterminer, 
 paroît qu'ils font plus uniformes fur l'équateur du Soleil, 
puifque du plus grand au plus petit il ny a qu'une différence 


DES SCIENCES. 115 
£ 18”, au lieu que fur l'Ecliptique elle eft.de 3 s”, ce qui 

nd lhypothefe du mouvement des Planetes fur l'équateur 
du Soleil plus vrai-femblable que fur l'Ecliptique. 

Si au lieu du mouvement des Nœuds que nous avons 
trouvé par nos obfervations, on avoit employé ceux qui 
font dans les Tables de divers Aftronomes, comme par 
exemple de M. de la Hire, où le mouvement vrai du Nœud 
de Saturne à l'égard des Etoiles fixes eft de 2 r” direct, celui 
de Jupiter de 37" rétrograde, celui de Mars de 14” rétro- 
grade, celui de Venus de $" rétrograde, & celui de Mercure 
de 34’ direct, on auroit trouvé leurs mouvements vrais à 

» Jégard de l'équateur du Soleil aflés différents de ceux que 

Fon avoit déterminés ci-deflus, ce qui fait voir combien ïl 

eft difficile de fixer la quantité dont les Nœuds des Orbites 

des Planetes fe meuvent à l'égard de l'équateur du Soleil. 

On remarquera ici que le mouvement des Nœuds de 
TOrbite de Mercure que nous avons déterminé de 10" 
rétrograde, fe trouve, fuivant les Tables de M. de la Hire; 
de 34" direct, & qu'ainfr, fi l’on fuppofoit le Nœud de cette 
Planete immobile, le mouvement apparent qui en réfulte 

fe trouveroît entre ces différentes déterminations; ce qui 
urroit donner lieu de conjeéturer que le mouvement que 
on a apperçüjufqu’à préfent dans les Nœuds des Orbites des 
Planetes n'eft qu'apparent , produit de même que les Etoiles 
fixes par le mouvement de l'axe de la Terre autour des poles 
de lEcliptique:, & que les différences qu'on y a oblervées 
doivent être attribuées au défaut d'exactitude des obfervations 
que l'on a employées pour déterminer leurs fituations: 

Si cependant on juge, comme il y a bien de la vrai- 
mblance, qu'il y ait quelque réalité dans ce mouvement, 
: que FOrbite de la Ferre n’en foit pas exempte, il fuit 
ue les Etoiles fixes doivent paroître changer de latitude 
lans fa fucceflion de témps. Car foit ABDC le plan de Fig. 2. 
‘équateur de la révolution du Soleil autour de fon axe, dont 
pole boréat eft en S ; 4 NCL, le plan de PEdliptique 
qui lui eft incliné de 74 +, de maniére qu'il conferve toûs 

P ij 


116 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
jours à fon égard la mème inclinaifon avec un mouvement 
direct ou retrograde, de telle quantité qu’on le jugera à 
propos ; Æ le pole boréal de l'Ecliptique projetté fur le 
plan de l'équateur du Soleil, placé à la diftance de 74 + du 
point S. Le pole boréal de la révolution du Soleil répondant, 
comme on l'a marqué ci-deflus, au 10. degré des Poiffons 
à l'égard du pole Æ de 'Ecliptique. Le pole boréal de 
TEdcliptique répondra au ro.° degré de la Vierge, & par la 
même raifon, le Nœud boréal de l'Ecliptique fera au ro. 
degré du Sagittaire, oppofé au Nœud boréal de l'équateur 
du Soleil qui coupe FEcliptique au 1 0. degré des Gémeaux. 
Si l’on fuppofe préfentement que ce Nœud ait retrogradé 
d'un Signe par un mouvement qui lui eft propre, le pole 
boréal de l'Ecliptique qui eft toüjours éloigné de 3 Signes 
de fon Nœud aura auf retrogradé d’un Signe, & répondra 
au point F, éloigné du point £ de l'arc £F, de 30 degrés. 
Si donc l’on fuppofe une Etoile fixe placée d’abord en Æ 
au pole de FEcliptique; lorfque ce pole fera parvenu de Æ 
en 7, elle en fera éloignée de l'arc £F qui mefure fur un 
grand cercle le complement de fa latitude qui ira en augmen- 
tant jufqu'à ce que ce pole, après avoir fait une demi-révo- 
lution, foit arrivé en G où il fera éloigné de l'Etoile fixe 
de 15 degrés d'un grand cercle, qui font mefurés par le 
double dela diftance SE du pole de l'Ecliptique au pole de 
l'équateur du Soleil, de la même maniére que dans le fyfteme 


de Copernic, une Etoile placée dans le pole du Monde; 


paroit s'en éloigner, par la fucceffion des temps, d’une quan- 
tité qui monte à 47 degrés, & eft mefurée par le double de 
la diftance du pole de l'Equinodial au pole de l'Ecliptique. 

On verroit les mêmes apparences dans une Etoile placée 
dans l’un des Nœuds de l'Ecliptique avec l'équateur du SoleiE 
comme en À, qui, lorfque le plan de l'Ecliptique auroit 
été tranfporté de L' AN en X BK, à la diftance d'un Signe, 
paroîtroit s'être éloignée d’une quantité À 7 proportionnée 
à l'inclinaifon de l'Orbite de la Terre que l’on trouvera être 
de 14 $2' 30” dans l'efpace d'environ 2100 ans. 


LS 


hi em ie 


D ES $S C1E N er ss. 11% 
C'eft conformément à cette hypothefe, que Képler ex- 
plique les variations que Tycho avoit obfervées dans les 
latitudes des Etoiles fixes, où il avoit remarqué que celles 
qui étoient placées vers le point du Solftice d'Eté, étoient 
de fon temps plus près du pole de l'Ecliptique que du temps 
de Fimocharis & de Ptolémée; que les Méridionales quiré Li. 7: 
pondoient au même point de l'Ecliptique s’en approchoïent; 7212: 
que le contraire arrivoit vers le point du Solftice d'Hiver, 
& qu'on netrouvoit aucune différence {enfible dans la latitude 
des Etoiles qui répondoient au point du Bélier & de la 
Balance. Il donne aufli la raifon des variations qu'il jugeoit 
avoir trouvées dans l'obliquité de l'Ecliptique, en fuppofant 
outre cela que l'axe de la révolution de la Terre a une in- 
clinaifon conftante à l'égard de celui de la révolution du 
Soleil; c’eft-à-dire, que le cercle fur lequel le pole du Monde 
fe meut à l'égard des Etoiles fixes a pour centre le pole de 
la révolution du Soleil. En fecond lieu, que le pole de 
TEcliptiqué ou de FOrbite de la Terre fe meut avec plus de 
vitefle contre la fuite des Signes, que les poles de l'Equi- 
noctial terreftre. 
Comme on ne connoifloit point encore la quantité de 
Tinclinaifon de axe de l'Ecliptique à l'égard de l'équateur 
du Soleil, ni le lieu de fes Nœuds, Képler détermina cette p.977 
inclinaifon de 14 47’ 40", ce qu'il ne donne que comme 
des conjeétures qu’il a déduites de diverfes raifons de conve- 
nance; & ayant fixé une époque au temps de la création 
du Monde où cette obliquité étoit de 244 1 7' 40", moyenne 
entre la plus grande & la plus petite, auquel temps les poles 
de la Terre étoient, felon lui, à égale diftance du pole de 
l'équateur du Soleil & du pole de 'Ecliptique ; il trouve 
que cette obliquité a dû diminuer, ce qu’elle continuëra de 
faire jufqu'à ce qu'elle foit réduite à 224 30/, après quoi 
elle augmentera jufqu'à ce qu’elle foit parvenu à la quantité 
de 264 s' 20”. 
À l'égard des Nœuds de l'Orbite de Ja Terre, il fTOUVEQUE. 5: 55} 
celui qui étoit afcendant répondoit vers le Signe du Capri- 
à af 


418 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
corne, & le Nœud defcendant vers le Signe de lEcreviffe; 
que le terme boréal eft versle Bélier, l'auftral vers k Balance, 
ce qui ne s'éloigne pas beaucoup de celui que l'on trouve 
préfentement par lobfervation des Taches. 
: Pour nous qui connoiflons plus précifément que Képler 
a quantité de l'inclinaifon de l'Ecliptique à l'égard de lé- 
quateur du Soleil & le lieu de fes Nœuds, nous avons cru 
devoir examiner fi ce qui réfulte du mouvement de FOrbite 
de la Terre autour de l'équateur de la révolution du Soleil, 
s'accorde aux obfervations des Etoiles fixes. | 

On confidérera pour cet effet, que lOrbite de la Ferre 
étant emportée contre la fuite des Signes de l'Orient vers 
FOccident, autour des poles de l'équateur du Soleil, le pole & 
de l'Edliptique, aufli-bien que le pole P de fEquinoctial 
de la Terre, confervant entr’eux la mème fituation, doivent 
fe mouvoir dans le même fens autour des poles de l'équateur 
du Soleil, fans cependant avoir aucun mouvement apparent, 
parce qu'étant immobiles l'un à l'égard de l'autre, ils répon- 
dent toüjours aux mêmes points du Zodiaque. À Fégard 
des Etoiles fixes, elles doivent toutes, fans en excepter celles 
qui font aux poles de l'Ecliptique, paroître avoir un mou- 
vement en fens contraire, & d’une égale quantité, fuivant 
h fuite des Signes. 

Ainfi, fi lon fuppofe le mouvement de lOrbite de la 
: Ferre autour de l'équateur du Soleil, égal précifément à celui 
que l'on attribuë aux Etoiles fixes, mais en fens contraireÿ 
il n’eft nullement néceflaire d'attribuer d'autre mouvement 
à l'axe de la Terre autour des poles de T'Ecliptique, pour 
repréfenter leur mouvement en longitude dans l’efpace de 
2$000 ans; mais on appercevra, comme on l'a remarqué 


ci-deflus, un mouvement dans leur latitude, différent em 


différentes Etoiles, fuivant la fituation où elles fe trouvent à 
Y'égard des poles de FEdliptique, & qui, dans les mèmes 
Etoiles, fera tantôt plus prompt, tantôt plus lent, fuivant: 
qu'eiles s’éloignent plus ou moins de l'interfection de PEcli 

tique avec l'équateur du Soleil. 


Ê 
| 
( 
. 
| 
| 


- 


DES SCIENGES, 191 

Une F'îoile, par exemple, placée en £ aupole de l'Eclip- 
tique, à la diftance de 234 30° du pole P terreftre, & de 
74 30* du pole S'de l'équateur du Soleil; lorfque le pole Z 
de lEcliptique fe fera avancé d'un degré de Æ en O, contre 
la fuite des Signes, dans l'efpace de 70 ans, paroîtra s’en 
être éloignée de l'arc ÆO qui mefure le complement de fa 
latitude, qui eft d'un degré fur le petit cercde £FG, & 
que l'on trouvera de 7° 30" d'un’ grand cercle qui mefurera 
le complement de fa latitude qui fera par conféquent de 894 
52" 30". Il en eft de même de toute autre Étoile placée 
fur la ligne £ FC, dont la longitude répond au 10.° degré 
des Gemeaux & du Sagittaire, à quelque diftance qu'elle fe 
trouve de l'Ecliptique. Car le pole £ de FEtcliptique, par 
fon mouvement d'Orient en Occident, s’approchant de 
celles qui font au 1 04€ degré des Geméaux, &s’éloignant de 
celles qui fe trouvent au 1 0.° degré du Sagittaire, fuivant {a 
même direction; on doit y appercevoir uh mouvement en 
latitude fenfiblement égal à celui du mouvement des poles de 
YEdliptique qui, comme on l'a dit, eft de 7’ 30" en 7o ans. 
On ne doit point appercevoir les mêmes variations dans 


es Etoiles placées dans les Signes de la Vierge ou des Poiflons, 


comme en #7 & en M, pourvü qu'elles foient éloignées de 
plufieurs degrés du pole de l'Edcliptique. Car ce pole étant, 
par exemple, parvenu de Æ en F, la diftance FH où FM 

des Etoiles fixes à ce pole, qui mefure le complement de 
leur latitude, ne differe pas fenfiblement de la diftance £H 
où E M de ces Etoiles au pole de l'Ecliptique lorfqu'il étoit 
en Æ, Dans les autres fituations des Etoiles, entre le lieu 
des Nœuds de l'Ecliptique & des poles, on doit appercevoir 
des variations dans leur latitude plus ou moins grandes, fui- 
vant que ces Etoiles s'éloignent plus ou moins de ces poles, 
Ces variations des Etoiles en latitude ne font pas les feules 
qui doivent réfulter du mouvement des poles de l'Ecliptique 
autour de ceux de Féquateur du Soleil, il doit y en avoir 
auffi dans leur mouvement en longitude, à quoi il ne paroît 
pas que Képler ait fait attention. Une Etoile, par exemple, 


420 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
placée au point #, fort près du pole de l'Ecliptique, & qui 
{e trouve dans la ligne £C qui répond au r0.° degré des 
Gemeaux, lorfque ce pole fe fera avancé de Æ vers F, 
paroïtra toüjours répondre au même point du Zodiaque, 
& par conféquent n'aura point eu de mouvement fenfible 
en longitude, pendant que ce pole aura parcouru un ou 
plufieurs degrés. On appercevroit des variations plus {en- 
fibles dans une Etoile placée près du pole de l'Ecliptique 
entre ce pole & celui de l'équateur du Soleil, comme en 7; 
car pendant que cette Etoile paroîtroit fe mouvoir de 
Occident vers l'Orient, autour des poles de léquateur du 
Soleil de T'vers À, les poles de l'Edliptique fe mouvant en 
{ens contraire de Æ vers F, elle paroïtroit avoir un mouve- 
ment contraire autour des pôles de l'Ecliptique de l'Orient 
vers l'Occident, dont la viteffe feroit d'autant plus grande que 
cette Etoile feroit plus près du pole de l'Ecliptique que de 
l'équateur du Soleil. Dans les autres Etoiles, on apperce- 
vroit une variation dans leur mouvement en longitude, 
fuivant les différentes fituations où elles fe trouveroient à 
F'égard des poles de l'équateur du Soleil & de ceux de l'E- 
cliptique; de même que l'on en remarque dans les afcenfions 
droites des Etoiles dont le mouvement furpafle, oueft 
moindre que celui de leur longitude, & fe trouve quelque- 
fois en fens contraire dans les Etoiles fituées entre les poles 
de V'Ecliptique & ceux de l'équateur terreftre. 

Voilà ce qui réfulte du mouvement des Nœuds de l'Orbite 
de la Terre égal en fens contraire au mouvement apparent 
des Etoiles fixes. 

Si lon fuppole avec Képler, que le pole de FOrbite de 
la Terre fe meut avec plus de vitefie que les poles de la Terre 
dans un rapport qui eft comme 4 à 3, ce qu'il employe 
pour expliquer la variation de l'obliquité de FEcliptique qui 
réfulte des obfervations anciennes comparées aux modernes, 
on trouvera à peu-près les mêmes variations qui, dans certaines 
Etoiles fixes, peuvent fe monter à 24 $o' en latitude, pen- 
dant que d’autres auroient toujours confervé la même, ce 

que 


DÉS SCIENCES. I26 
que lon ne peut point concilier avec les obfervations, 

On ne doit donc point admettre cette hypothefe, à moins 
de fuppofer que FOrbite de la Terre ne fe meut pas autour 
de l'équateur de la révolution du Soleil, mais autour d’un 
autre plan invariable quelconque, moins incliné à l'Eclip- 
tique, à l'égard duquel les Orbités des autres Planetes feroient 
auffr leurs révolutions; ce qui pourroit avoir quelque vrai- 
femblancé, puifque nous voyons que les Nœuds de fa Euné 
ne fe meuvent pas autour du plan de Féquateur que la Terre 
décrit par f1 révolution journaliére, mais autour du plan de 
l'Ecliptique qui en décline de plus de 23 degrés. 

Cependant comme la Lune n’eft qu'uné Planete du fecond 
ordre, dont les mouvements ne doivent point être tirés à 
conféquence pour ceux des Planetes qui font léurs révolutions 
immédiatement autour du Soleil; nous avons cherché s'il 
n'y avoit pas d'autre moyen d'expliquer les variations que 
Ton a pü appercevoir tant dans la latitude des Etoiles fixes 
que dans l’obliquité de lEcliptique. 

Nous fuppoferons pour cet effet, de mêmé que dans le 
fyfteme de Copernic, que l'axe de la Terre fe meut autour 
des Poles de 'Eliptique de l'Orient vers l'Occident, mais 
avec une viteffe un peu moins grande que celle que Fon 
apperçoït dans le mouvement des Etoiles fixes, de forte 
que, par exeinple, au lieu d’un desré en 70 ans, cet axe 
employe 8o ans à le parcourir. Nous attribuons en même 
temps un mouvement dans le même fens, c’eft-à-dire, 
retrograde aux Nœuds de l'Orbite de la Terre autour de 
Féquateur folaire, mais beaucoup plus lent, qui foit, par 
exemple, d'un degré en 600 ans, ou de 6" par année. 

Par ce mouvement, l'axe de l'Ecliptique fra emporté 
autour des poles de la révolution du Soleil avec une viteffe 
égale qui fera auffi de 6" par année für le petit cercle que 
cet axe décrit, dont le rayon eft de 7d' 30"; réduifant cé 
mouvement à un grand cercle, on aura 45" pour la mefuré 
du mouvement des poles de l’Ecliptique dans le cours d'un 
année, dont le pole boréal: s'approcheroit des Etoiles fixes 


Mem. 1734 z Q 


322 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE 
qui répondent au 10.° degré des Gemeaux, c'eft-à-dire, du 
lieu du Nœud auftral de l'Orbite de la Terre, pendant qu'il 
s'éloigneroit de la même quantité des Etoiles qui répondent 
au Nœud boréal qui eft au 10.° degré des Poiflons; ce qui 
paroît s’accorder à la remarque de Tycho, que les Etoiles 
boréales qui répondent au Signe de l'Ecrevifie avoient aug- 
menté de latitude depuis Ptolémée, au lieu que celles qui 
répondent au Signe du Capricorne en avoient une moindre, 
endant que les Etoiles qui font vers le commencement 
du Bélier ou de la Balance ont confervé à peu-près la même 
latitude qu'on y avoit obfervée. 

A l'égard de la variation de l'obliquité de l'Ecliptique, 
il feroit néceflaire pour l'expliquer, au cas que celle qui a 
été déterminée par Hipparque & Ptolémée füt exacte, de 
fuppofer que le pole de l'axe de la Terre n'a point participé 
au mouvement du pole de l'Ecliptique autour du pole de 
J'équateur du Soleil, & qu'ainfi il s’en eft trouvé plus proche 
par la fuite des temps. 

Nous n’entreprendrons point ici de faire voir le rapport 
de cette hypothefe avec les obfervations des Etoiles fixes 
faites en différents temps, nous nous contenterons de remar- 
quer qu’il y en a beaucoup qui s’y accordent ; mais comme 
il y en a auf d'autres, quoiqu'en beaucoup moindre quantité, 
qui s’en éloignent, on ne peut pas encore s'afiürer fi ces 
différences font réelles, ou fi l'on doit les attribuer au défaut 
d’exactitude des obfervations anciennes. I nous fuffira d’avoir 
remarqué ici les lieux où ces différences doivent être les 
plus fenfibles, afin que les Aftronomes foient attentifs à les 
obferver; le mouvement des Etoiles fixes à l'égard defquelles 
on détermine les lieux des Planetes, & l'obliquité de l'Eclip- 
tique à laquelle il eft néceflaire de réduire les diftances ob- 
fervées, en afcenfion droite & en déclinaifon, devant être 
confidérés comme les principaux fondements de lAftro- 
nomie, dont il eft néceflaire de reconnoître Îa fituation, de 
même que la quantité de leur mouvement. 


ATEXS 


DER 


C 10 


em. de Ltend'1784. MgPas 122 


Fe 


imonneue feu." 


D ES !'SYCNI ENNIQUE s. ‘123 


ANAEMM:O M E TIME 


Qui marque de lui-même fur le Papier, non-feulement 
les Vents qu'il a fait pendant les 24 heures, à 
à quelle heure chacun a commencé à fini, mais 
auffi leurs différentes viteffes ou forces relatives. 


Pa M D'ONS-EN-BRAY#. 


A Navigation & les Moulins à vent nous procurent 
8 chaque jour des avantages très-confidérables, que nous 
devons aux moyens qu'on a imaginés de profiter de l'im- 
pulfion de l'Air, ou de fa force du Vent, qui eft un fi puif 
fant moteur, & qui ne nous coûte rien à entretenir. Nous 
tirerions encore de plus grands avantages de cette force, ff 
mous la connoïflions mieux ; aufli ai-je cru qu’il feroit très- 
utile de trouver des Machines qui nous miffent en état de 
mefhrer mieux la force relative du Vent qu'on ne l'a fait 
jufqu'ici, & qui püflent même nous conduire à connoître 
fa force abfoluë. 
I n’étoit pas moins eflentiel de connoître toutes les va- 
riétés des Vents dans différents pays; auffi plufieurs Auteurs 
“ont-ils écrit de leur origine & des caufes de Icurs variétés. 
Le Chancelier Bacon, dans fon Hiftoire des Vents, après 
avoir parlé de l'origine, des caufes & des variétés des Vents, 
fait connoître la néceflité d’avoir des obfervations dans 
différents pays : mais il ne dit rien fur les moyens dont on 
pourra fe fervir pour faire ces obfervations. 
. Le Capitaine Guillaume Dampier, Anglois, à la fin de 
{on fecond tome du Voyage autour du Monde, a donné un 
T raité des Vents qui regrent dans toute la Zone torride; il 
. efktrès-utile pour les grandes Navigations. 

Tout ce qu'on trouve, foit dans Rohault, foit dans M. 
Mariotte, ne font que des explications générales fur la 


Q ji 


5 


224 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 


mature & les caufes phifiques de l'origine & des variétés 


des Vents. 

En dernier lieu nous avons eu une Difiertation fur les 
caufes & les variations des Vents par le P. Sarrabat, Jefuite, 
qui a remporté le Prix à l'Académie de Bordeaux en 1730; 
mais comme toutes ces réfléxions ou difiertations ont eu 
pour objet principal la Théorie plütôt que la Pratique, qui 
n’en peut tirer qu'un leger avantage, j'ai cru n'en pouvoir 
mieux prouver k certitude, qu'en conftruifant cinq Machines 
différentes, dont chacune a des avantages particuliers dans 
Tufage, pour fervir de preuve à ce que nous propofons. 

La premiére, que nous nommons Anémometre à levier, 
fera connoïître la force relative du Vent. Nous parlerons 
dans fa defcription d'un Anémometre décrit par M. Wolf, 
& de celui que propole Georges Leutman. 

La feconde, que nous appellons Anémometre à fufée, fera 
connoître la force abfoluë du Vent. 

Par la troifiéme Machine, qui eft une efpece de Romaine, 
on pourra pefer, pour ainfi dire, la force abfoluë du Vent, 
ou la force de fon impulfion fur la furface d’un pied quarré. 

La quatriéme ef faite pour l’ufage de la Navigation, afin 
de connoitre fur un Vaifleau la viteffe ou la force du Vent 
fur les Voiles. 

Nous réfervons pour nos Affemblées particuliéres la de- 
fcription & l'ufage de ces quatre Machines, que le temps ne 
nous permet pas de donner, & qui nous ont procuré diffé- 
rents moyens pour nous confirmer & nous aflurer de la 
précifion de la cinquiéme Machine qui fait l’objet de ce 
Mémoire. 

Cet Anémometre, que nous nommons Anemometre à 
Pendule, eft compolé de deux parties qui font menées par la 
rouë des heures de la Pendule À placée entre les deux, & 
qui va 30 heures. Ce qu'il y a de plus fingulier à cet Ané- 
mometre , c'eft qu'on n’a pas befoin de fe tenir auprès pour 
obferver , & qu'on trouve marqué fur le papier tous les 
changements qui font arrivés, foit de direction, foit de viteffe 


FT ESS ete ee sir cf 125$ 
du Vent, l'heure de ces changements, & la durée de chaque 
Vent. On verra, par exemple, à quelle-heure un Vent a 
commencé à fouffler, fon nom ou fa direction; à ‘viteffe 
relative, combien il aura continué, & combien il £ fera 
pailé de temps fans qu'il y ait eu de Vent. Enfin nous avons 
tâché de rendre cet Anémometre plus parfait & plus utile 
que tous ceux qu'on a propolés jufqu'ici, & tel, qu'il nous 
inflruisit de tout ce que nous pouvons avoir befoin & envie 
de fçavoir par rapport aux Vents. I fe placera dans une 
chambre où un cabinet, où il fera ornement, fans qu'on 
{oit obligé de le tenir à fair, 
DESCRIPTION. 


. L'Anémometre fait fon effet par trois moteurs différents. 
Le premier eft une Pendule ordinaire à fecondes & à poids, 
placée au milieu, dont la rouë des heures engraine dans les 
deux rouës /r) & (2), dont l'une eft à droite, & l'autre à 
gauche, par le moyen defquelles Les deux cylindres où bo- 
bines /3) & (24) à qui elles correfpondent, font égälement 
deux tours par heure. 

Le fecond moteur, qui eft placé à droite, eft une longue 
tige (4) qui perce le long du mur jufqu'au deflus du toit, 
portant une girouette / 5), dont la grandeur doit être telle, 

1 qu'une petite force de Vent puifle faire tourner la tige, & 

 eft important de choïfir des endroits où la diredtion 
du Vent fur la girouette ne fera pas interrompuë par des 
hauteurs plus grandes que celle de la girouette. 
- Cette tige entre par fon bout d'en bas dans un cylindre 
marqué (8), dont les bafes ont un pouce & demi de dia 
metre, & la hauteur ou longueur eft de s à 6 pouces. Ce 
cylindre porte de haut en bas 32 chevilles pour fervir à 
marquer les 3 2 airs où rumbs de Vent, Comme cette piéce 
€ft importante, voici le détail de fa conftruétion. 

Nous avons divifé Jes circonférences des bafes du cylin- 
dre (6) en 3 2 parties égales, de façon que les divifions de 
chaque bafe fe répondent direétement, & nous avons tiré 


Q ni) 


126 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 

d'un point à l'autre des lignes droites fur la furface du cylindre; 
cela fait, nous avons divifé toutes ces lignes ou {a Iongueur 
du cylindre en 32 parties égales par des cercles paralléles 
aux bafes du cylindre. 

Ayant choifi une de ces lignes droites pour ir, on a 
marqué un point à fon extrémité ; l’interfection de la 3de 
ligne & du 1°" cercle en defcendant défigne le 24 point, celui 
de la 3° Jigne & du 24 cercle dénote le 3m point, & aïnft 
des autres jufqu’au 3 2M€ point pour les 3 2 airs de Vent. 

La fuite de tous ces points forme fur la furface du cylindre 
une fpirale ou helice /7) femblable à un pas de vis, ils 
font percés d’un trou pour y loger un des bouts des chevilles, 
& pour en émpécher le dérangement. 

Chaque cheville eft fixée par le milieu au bout d'un petit 
reflort de 9 à ro lignes de long, & ces reflorts font arrêtés 
par deux vis fur la furface du cylindre. L'une de cès vis 
tient {e bout du reflort fixe, & l’autre, en la vifflant plus 
ou moins dans le cylindre, fert à régler la diftance conve- 
nable dont l’autre bout de chaque cheville, deftiné à fervir 
de crayon, doit être écarté du cylindre pour pouvoir glifler 
& marquer fur le papier fans le déchirer. 

Il y a derriére le cylindre /6) trois autres cylindres mar: 
qués (2) (8) & (9) où bobines placées en forme de triangle 
entre les deux platines de la Machine C. 

Une longue bande de papier, large de $ à 6 pouces, & 
longue de 1 8 à 20 pieds, eft d'abord enveloppée autour de 
la bobine verticale marquée 3), cette bande pañle fur le 
cylindre /8) pour être crayonnée par les pointes du cylin- 
dre (6) qui fe préfentent, & va enfuite fe rouler autour 
de la bobine /9). | | 

Le temps qu'il faut pour que toute la bande de papier 
fe déroule d’une bobine fur l'autre eft de 30 heures. 

C’eft le mouvement de k bobine /2) qui occafionne Ie 
développement du papier pour aller fe rouler fur la bobine 
(y. Ce mouvement eft réglé par le renvoi d'un axe qui a 
une rouë fixe à chaque bout, dont l'une marquée /r) qui 


| DE Sy S CUT EN CErS ul P27 
a:16 dents, engraine à la rouë des heures de Ja Pendule 4, 
& l'autre marquée /10) qui a 32 dents, engraine à une 
rouë {1 1) de 16 dents, qui eft fixe à la bobine (3); par 
ce moyen cette bobine /3) fait deux tours par heure aufii- 
bien que la bobine /9), au haut de laquelle eft une autre 
rouë (1 2) qui engraine dans une rouë de champ /7 3) avec 
une corde & un poids, pour tenir toüjours le papier tendu. . 
Quoique les tours de la bobine /3) fe faflent en temps 
égaux, . puifqu'elle eft menée par la rouë des heures de la 
Pendule, chaque tour fournit cependant une longueur in- 
égale de papier, fuivant qu’il y en a plus ou moins autour 
de cette bobine. 
.. Pour remédier à cet inconvénient qui nous ôteroit la 
connoiflance de l'heure qu'a commencé un tel Vent, de fa 
durée & de fa fin, nous avons placé fur fa platine d'en haut 


. marquée Z, un marteau qui eft levé par un double limaçon 


attaché au bout de fa bobine /3), & qui frappe un coup 
tous les quarts d'heure contre une pointe qui fait un trou 
au haut du papier; ainfi on aura les longueurs parcouruës 
par le papier en temps égaux, ou à chaque quart d'heure, 
qu'on pourra divifer en demi-quart, & méme en minutes, 
fans erreur fenfible. 


Ufage de la Machine C. 


T1 fut en premier lieu urienter l'Anémometre, ou con- 
noître le rumb de Vent, vis-à-vis duquel il {era tourné, 
Suppofons ici qu'il fera placé vis-à-vis de l'Oueft, alors la 
girouette regardant du côté de l'Eft, comme fi elle étoit 
pouffée par un Vent d'Oueft, l’Aiguille du cadran à Vent 2, 
marquera l'Oueft, & la premiére pointe à reflort du cylin- 
dre /6) touchera le papier ; ainfi cette 1.'° pointe dans ce 
cas fera celle qui marquera toûjours l'Oueft fur le papier; 
& en général la 1.'e pointe marquera toûjours le rumb de 
Vent vis-à-vis duquel la Machine fera tournée : fi elle étoit 
tournée au Nord, Ja r.'e pointe marqueroit le Nord. 

1, La 2.4 pointe marquera le rumb fuivant, en allant de 


128 MEMOIRES DE L'ACADEMLE RoYyALE 
lOueft au Sud, ainfi de fuite les autres pointes marquéront 
les autres airs de Vent dans le même ordre de haut en bas 
ou de bas en haut, 2 

Une ou deux pointes frottent toûjours contre le papier, 
ces pointes ne le déchirent pas, étant arrondies & polies par 
le bout, & n'appuyant contre qu'autant qu'on veut donner 
de bande aux reflorts fur lefquels elles font attachées. 

A mefure que le papier fe devide, la pointe qui le touche 
marque un trait en ligne droite, & pour que le trait foit 
bien vifible, il faut que le papier ait été frotté avec de la 
poudre de corne de Cerf calcinée & bien porphirifée; par 
ce moyen chaque trait fera femblable à un trait de crayon 
qu'on pourra effacer aïfément, pour faire fervir le papier 
plufieurs fois. 

Cette façon de préparer le papier eft fort avantageufe, 
nous la tenons de M. Winflow, & Fon peut s'en fervir com- 
modément pour des tablettes de poche. 

La Machine étant difpofte, comme on vient de lexpli- 
quer, & étant mife en expérience, on trouvera, pour ainfr 
dire, en écrit fur le papier tout ce qui fera arrivé, l'heure 
& la durée de chaque Vent qui aura regné, & généralement 
toutes les variétés qui feront arrivées aux Vents pendant 
30 heures. 

Car r.° le temps étant marqué fur le papier, comme 
nous avons dit, de quart d'heure en quart d'heure, on 
connoîtra le moment qu'une telle pointe a commencé à 
marquer fur le papier, ou le commencement d'un tel Vent, 

2.° La longueur du trait fait par une pointe fur le papier, 
marquera la durée de ce Vent. 

.” Si deux pointes ont marqué le papier en même temps, 
c'eft figne que le Vent aura été entre ces deux quarts de 
rumb, en forte que par-là on aura les demi-quarts de rumb, 
ou les Vents fur les 64 divifions de l'horifon. 

4° Si plufieurs pointes ont marqué, le Vent aura fauté 

Jufieurs rurmbs. 
s* Si les Vents ont fait, comme l'on dit, le toi: du 
Cadran, 


D'E SAS /C'TENN GE. S 120 
Cadran, toutes les pointes auront marqué de fuite, & on 
fçaura l'heure de tous ces changements. 

Pour trouver aifément le nom du Vent correfpondant à 
chaque pointe, nous avons fait faire la regle / 74), laquelle 
préfente 3 2 dents à même diftance l'une de l’autre que celles- 
qui forment les traits des 32 pointes; les noms des Vents 
font écrits vis-à-vis de chaque dent, en forte qu’il n’y a 
qu'à préfenter cette regle fur le papier de haut en bas, pour 
{çavoir tout d’un coup le nom du Vent marqué fur le papier : 
cette regle reflemble aflés à un peigne. 

Pour trouver aufii avec facilité la valeur des traits, & 
comme chaque trait qui marque la durée du Vent, com- 
mence & finit rarement aux points qui diftinguent les quarts 
d'heure, & que les intervalles en font inégaux, nous avons 
fait faire une regle proportionnelle, pour pouvoir divifer 
tout d'un coup en 1 $ minutes, les diftances inégales des 
quarts d'heure : cette regle marquée /47) eft faite en triangle 
“ifofcele, tronqué par une regle divilée en 1 $ minutes, de 
même que la regle qui forme fa bafe. Ces deux regles font 
paralleles, elles ont pour longueur les plus grandes & les 
plus petites diftances que forment fur le papier les points qui 
marquent les quarts d'heure, & nous avons tendu des foyes 
d'une divifion à l’autre. H eft évident que ces foyes diviferont 

‘tous les intervalles moyens entre le plus grand & le plus 
petit; ainfi avec cette regle, on connoïtra à la minute près, 
le moment qu'un Vent quelconque a commencé & fini. 

IL nous refte préferitement à donner la defcription du 
troïfiéme moteur & de {es effets fur la Machine D, pour 
connoître la force & la vitefle relative du Vent. 

Ce moteur F qui tourne toûjours du même fens, à tel 
Vent que ce foit, eft un Moulin horifontal, appellé com- 
munément Moulin à la Polonoife, & qu'on place fur le toit. 

L'axe de ce Moulin eft aflés long pour entrer dans le 
grenier, afin de tenir hors de pluye & de neige, un pignon 
qui eft au bout de cet axe. | 

Ce pignon marqué /1 5) qui a 21 aîles, engraine dans 


Men. A2 4 RE 


130 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaALE 

la rouë /16) de 84 dents, dont l'arbre porte une vis fans 
fin /17) qui mene la rouë /r8) de 100 dents, ainfi le 
pignon porté par l'axe du Moulin fait 400 tours pour faire 
faire un tour à la rouë de 100; l'axe de cette même rouë 
de 100 porte une Aiguille qui marque le nombre des tours 
du Moulin depuis 1 jufqu'à 400, fur un Cadran fixe mar- 
qué (19). Nous avons aufii appliqué un limaçon /20) 
contre la rouë /7 8) pour foûlever le levier /2 r) qui retombe 
à chaque 400 tours du Moulin, dont nous verrons l'ufage 
ci-après fur la Machine D que nous allons décrire. 

Cette Machine eft placée à gauche de la Pendule, elle 
eft en partie femblable à la Machine C, dont nous venons 
de donner la defcription, elle porte parcillement trois cy- 
lindres ou bobines. 

Sur la premiére bobine à gauche, marquée /22) eft 
roulée une bande de papier de 18 à 20 pieds de long, & 
large d’un pouce & demi, cette bande pafe fur la bobine /2 >} 
& vient fe rouler fur la bobine /24), allant comme celle de 
la Machine C, de gauche à droite. Le temps que toute cette 
bande employe pour paffer d’une bobine fur l'autre, eft de 
30 heures; ce mouvement eft reglé comme celui de Îa 
Machine C, par un renvoi d'un axe portant une rouë à 
chaque bout, dont lune qui a r6 dents, & marquée /2) 
engraine à la rouë des heures de la Pendule, & l'autre /2 ;) 
qui a 32 dents, mene la rouë /26) de 16, & qui eft fixe 
à la bobine 24, pour lui faire faire un tour par demi-heure. 

L’axe de cette bobine eff traverfé en bas par une longue 
goupille marquée /27), laquelle en tournant leve à chaque 
demi-tour, ou à tous les quarts de tours, un pointeau /28) 
par la queuë qui eft en plan incliné, lequel venant à tomber 
dès que la goupille quitte la queuë du pointeau, marque 
un point au bas de la bande de papier tous les quarts d'heure; 
par ce moyen, le papier fe trouve divifé en temps égaux, 
par des points de quart d'heure en quart d'heure, & à 
diflance pareille que fur le papier de la Machine C. 

Le levier (21) qui eft placé vers le Moulin, & dont 


DES SCIENCES. 131 
nous venons de parler, foüleve par un cordon ou un fil 
de leton, un petit marteau /29), & comme ce levier re- 
tombe lorfque le limaçon /20) qui le foûleve à fait fon tour, 
ce qui arrive, comme nous avons dit, à chaque 400 tours 
du Moulin, ce marteau en tombant, frappe fur un poin- 
teau (7 0) qui marque un point au haut de Ia bande de papier; 
ainfi {e nombre des tours du Moulin eft marqué au haut du 
papier par des points de 400 en 400 tours, & au-deffous 
chaque quart d'heure étant aufli marqué par un point, il 
fera aifé de connoître par le plus ou le moins de points 
qu'il yaura au haut de la bande de papier, d’un quart d'heure 
à l'autre, combien de fois le Moulin aura fait 400 tours, 
& par a diffance d'un point à l'autre, on fçaura, 

1. Si la force ou vitefie relative du Vent a été égale. 

2.° Un plus grand nombre de points dans l'efpace qui 
marque un quart d'heure, dénote que plus il y en aura, 
plus le Vent a eu de force. 

3° Comme il y a toûüjours une des pointes du cylindre 


(6) qui crayonne le papier de la Machine €, foit qu'il fafle 


Vent, ou qu'il n’en fafle point du tout, on regardera le trait 
comme nul pendant tous les quarts d'heure, ou pendant le 
temps qu'il n’y aura pas de points marqués au haut de la 
petite bande de papier de la Machine D. 

Une force ou vitefle de Vent quelconque ne pouvant fe 
déterminer que par un nombre d'expériences fuivies & 
réitérées, quoique nous en ayons déja fait une quantité, 
nous nous propofons de les continuer pour nous en aflürer 
davantage, & nous les donnerons avec la defcription des 
autres Anémometres dont nous avons fait mention au com- 
mencement de ce Mémoire. 

Avant que de finir, je dois obferver qu'il eft à propos 
d'avoir deux Machines pareilles à celles marquées € & D, 


_ afin d'en avoir toûjours deux prêtes & garnies de leurs pa- 


piers, pour les fubftituer aux deux autres que l’on ôtera au 

bout de 2 4 heures, quand on remontera {a Pendule. Il faudra 

aufli avoir foin de marquer au commencement de chaque 
R ij 


132 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
papier, l'heure qu'il eft à la Pendule, pour trouver, en 
comparant les deux papiers, toutes les variétés ou tous les 
changements de direction, de durée & de vitefle relative 
des Vents, dont on fera un état ou un journal, comme les 
papiers journaux des Pilotes. 

On marquera, par exemple, fur une 1. colomne les 
heures du jour, dans la 2.4 colomne-les noms des Vents 
qui auront régné, dans la 3.me leur durée, dans la 4.me fe 
nombre des tours du Moulin, pour avoir les vitefles rela- 
tives, &c. 

On pourra joindre à ces obfervations, celles du Barometre 
fur la pefanteur de l'air, & même celles fur la température 
de l'air, en chaud & en froid, en fec & en humide, par 
le Thermometre & l'Hygrometre. 

Les Phyficiens fçavent les relations que toutes ces chofes 
ontentreelles, & combien, pour ainfi dire, elles font dé- 
pendantes les unes des autres. 

Des obfervations faites en différents pays, & fur-tout dans 
les Ports de Mer feront très-avantageules : on fera en état de . 
faire l'hifloire des Vents, de comparer les Vents de Terre 
aux Vents de Mer, ce qui pourra influer fur la Navigation, 
& peut-être pourra-t-il réfulter de toutes ces obfervations, 
des lumiéres & des idées plus certaines, pour connoître la 
caufe & l'origine des Vents & des autres Météores. 


NOMS des Pieces qui compofent l’Anémometre | 
à Pendule. 


À, PEnvure ordinaire à heure, minute & feconde. 

B, CADRAN à Vent. 

C, MACHINE à droite de la Pendule, pour connoître 
la dire&tion & la durée du Vent. 

D, MACuINeE à gauche de la Pendule, pour connoïtre 
la force relative du Vent. 

Æ, PLATINE fupérieure de la Machine C4 


F, Mouz1n à Vent horifontal, 


182, 


PEL 
14, 


16, 


P 


21, 
1213) 


23 
24, 
2ÿ» 
26, 


DE: SAS YCALE "NT CRE; S 133 

Roues de 16 dents chacune, menées à droite & 
à gauche par la rouë des heures. 

CxziNprE ou Bobine menée par la rouë 7. 

LonNGuUE TIGE qui va le long du mur gagner le 
toit, & qui porte par le haut la girouette +, & 
par le bas le cylindre 6. 

GIROUETTE. 

CxLiNDRE qui porteles 3 2 chevilles, pour marquer 
fur le papier les 3 2 airs de Vent. 

HEL1ICE ou Spirale formée par les 32 chevilles 
fur le cylindre 6. 

CyziNDres ou Bobines fur lefquelles pañle & 
roule le papier de la Machine C. 

Roue de 3 2 dents fur le même axe que la rouë 7, 
qui engraine à la rouë 7 z de 16 dents. = 

RouE de 16 dents fixe à la bobiné 2. 

ROUE FIXE au haut de la bobine 9. 

Rouz DE CHAMP menée par la rouë 7 2. 

REGLE ou Peigne, pour connoître tout d’un coup 
le nom du Vent. 

PiGNoN de 21 aïles fixe à l'axe du Moulin. : 

RouE de 84 dents menée par le pignon 7 ÿ. 

Vis sANS FIN fur l'axe de la rouë 76. 

RouE de ro0 dents menée par la vis fans fine 

CaADRaAN fixe divifé en 400. 

LimAGÇoN fur la rouë 79. 

LEvieRr foülevé par le limaçon 20. 

PREMIÉRE BOBINE à gauche de la Machiné D, 
fur laquelle eft d'abord roulée la petite bande 
de papier. 

BoBiNE du milieu fur laquelle pañle le papier. 

BoBineE fur laquelle la petite bande de papier 
s’enveloppe. 

RouE de 32 dents, fixe fur le même axe de fa 
rouë 2, qui eft menée par la rouë des heures, \ 

RouE de 16 dents, fixe fur a sy 24 

ii 


1354 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE RoyALE 
27, GOUPILLE qui fait lever le pointeau à queuë 22. 
28, POoINTEAU à queué en plan incliné. 
_29, MARTEAU qui frappe à chaque 400 tours du 
Moulin. 
30, POINTEAU qui fert à marquer au haut de la petite 
bande de papier, un point à chaque 400. 
31) CouLissEs avec des vis, pour faire avancer ou 
reculer les cylindres £ & 24. 
32 PoinNTEAU de la Machine C. 
33, AIGUILLES portées par les cylindres > & 24, 
lefquelles marquent les minutes fur les cadrans > 4. 
-_ 34, CADRANS divifés en minutes. 
35, Dougce LimAÇON porté par le cylindre >, pour 
faire battre le marteau >6 à chaque quart d'heure. 
26, MARTEAU qui frappe fon coup à chaque quart 
d'heure. 
37» FUSÉES fur lefquelles s'enveloppent les cordes qui 
foûtiennent les poids pour tenir les papiers tendus, 
38, Porps. 
39» PLATINE fupérieure de Ia Machine D. 
49, PIGNON au haut de la bobine 22, qui engraine 
dans la rouë de champ 47, fixe fur l'axe de la 
fufée 37. 
Ar, RouE DE CHamr. 
42; CORDES qui tiennent le papier tendu, au moyen 
des poids. 
43r REGLE proportionnelle pour connoître les minutes 
de la durée des Vents. 
44, ROUES de 30 dents fixes au bas des bobines > & 
24, pour tenir les papiers en-état fur les Machines 
de rechange, par le moyen d’un verroux. 


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DE LA FISTULE LACRYMALE. 
PareMuPE-T.1 T. 


- TE divile ce Mémoire en trois parties. Dans la premiére 20 Février 


je traite fuccinétement de lufage des Larmes ou de {a 
liqueur lacrymale, & des parties qui la filtrent, qui la répan- 
dent, qui la raffemblent, & qui la conduifent dans le Nés, 
Dans la feconde partie, Je tâche de découvrir en quoi la ftru- 
éture de ces organes fe trouve changée, lorfqu'il furvient 
fiftule ; & dans la troifiéme, je propole la maniére de guérir 
cette maladie, par le moyen d'une opération qui m'eft parti- 
culiére, & qui nra toûjours réufir. 


BRPMIERE, PARUMITE 


- Tout le monde fçait que le principal ufage de la liqueur 
Jacrymale eft de mouiller Le globe de l'œil & les paupiéres, 
pour faciliter le mouvement de ces parties. La glande Æ, 

ui filtre cette liqueur, eft placée entre la partie fupérieure 
du globe de l'œil & la voüte de l'orbite. En conféquence 
de cette fituation, chaque fois que l'œil fe meut, cette 
glande eft légerement comprimée, les larmes en découlent 
par plufieurs petits conduits, & l'œil eft mouillé. C’eft ainfi 
que le mouvement de l'œil favorife l'écoulement des larmes, 

& que les larmes, en s'écoulant, facilitent le mouvement 
de l'œil. 

Les conduits excréteurs de la glande lacrymale étant placés 
fous la paupiére fupérieure , les larmes qui en découlent, 
mouillent d'abord fa partie fupérieure, & enfuite, par leur 
pente naturelle, elles fe répandent univerfellement fur tout 
de refle du globe; mais comme l'œil eft fphérique, & que 
de cartilage des paupiéres eft arrondi par le bord qui touche 
de globe de l'œil, l'angle qui réfulte de cet attouchement 
forme une gouttiére à chaque paupiére, &ces gouttiéres ÆF, 


1734 


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ge 

h 

» 


Fig. 1; 


Fig. 1. 


136 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
conduifent les larmes vers le grand angle de l'œil. Les farmes 
peuvent même s’amafler en aflés grande quantité dans ces 
gouttiéres, fans qu’il s’en répande, parce que le bord extérieur 
des paupiéres eft enduit d’une humeur grafle, qu'on nomme 
Chaffie; & l'on fçait que dans un verre gras, on peut mettre 
de f'eau beaucoup au deflus des bords, fans qu’il s'en répande. 
Quand les paupiéres font ouvertes, & qu'il coule beaucoup 
de larmes, il en defcend par gouttes de la paupiére fupérieure 
à inférieure, ce qui forme fur la furface de l'œil autant de 
ruifleaux ; mais quoique ces différents ruifleaux de larmes 
oient affés près pour fe toucher en s'épanouifiant en nape, 
le milieu de chacun de ces ruiffeaux en nape, étant plus 
épais que fes bords, la nape totale qui en réfulte ne feroit 
point d'égale épaifleur par-tout, f1 la paupiére à chaque 
inftant ne s’'abbaïfloit, & ne fe relevoit fubitement. Ces 
mouvements pref que imperceptibles étendent uniformément 
les larmes, & rendent la nape totale plus unie, de façon que 
les rayons vifuels n'en fouffrent point de réfraction inégale. 
Pendant le fommeil, ou quand les paupiéres font fermées, 
comme leur bord interne eft arrondi, elles ne fe touchent 
que par leur bord extérieur; alors la gouttiére de la pau- 
piére fupérieure & celle de l'inférieure fe touchent, & n'en 
font qu'une, qui eft plus grande, & qui, appuyée fur 
le globe de l'œil, fait avec ce globe un canal triangulaire, 
par lequel les Jarmes coulent de l'angle externe vers l'angle 
interne. C’eft-à que les larmes forment une efpece de lac, 
en rempliflant l’efpace qui fe trouve entre l'angle interne 
des paupiéres & le globe de l'œil; car l'angle interne des 
paupiéres eft éloigné du globe de l'œil, de plus de deux 
lignes. C'’eft cette diftance qui fait la longueur du lac GZ, où 
s'affemblent les larmes. Au bord interne de cet efpace s’éleve 
un monticule charnu Æ7, par-deflus lequel pañlent les pau- 
piéres, lorfqu’elles fe ferment. Ce monticule charnu, ou cette 
caroncule, tient les paupiéres foûlevées, & empêche qu'en 
fe fermant, elles ne s’approchent du globe, de forte qu’en 
cet endroit il refte un efpace entre les paupiéres & le globe; 
& 


D ES TSICAIEIN EEE. x 

& cet efpace, que rempliflent les larmes, fait fa profondeur 
du lac, qui eft mefurée par l'élévation de la caroncule. Dans 
ce lac font, pour ainfi dire, plongées deux petites ouvertures 
AA, qui font percées au fommet de deux petits monticules 
qu'on remarque au grand angle des paupiéres, l’un au bord 
de la paupiére fupérieure, & l’autre au bord de la paupiére 
inférieure. Ces ouvertures nommées Points Lacrymaux, font 
les embouchures de deux petits canaux qui s’uniflent, & ne 
forment plus qu'un canal 2, lequel va s'ouvrir dans le fac 
lacrymal €. Ce fac devient plus étroit, & formant ce qu'on 
nomme le canal nazal D, fe prolonge dans le nés, où il 
dépofe les farmes que les points lacrymaux ont pompées dans 
de lac, où les gouttiéres des paupiéres les ont conduites. 

Les points lacrymaux font toüjours ouverts, parce qu'ils 
font cartilagineux ; s'ils étoient membraneux, la moindre 
compreflion les afaifferoit, & ils ne feroient pas toüjours 
dans l'état où il convient qu'ils foient, pour recevoir con- 
tinuellement les larmes, à mefure qu’elles s’affemblent au lac 
lacrymal. De plus, ces ouvertures font naturellemént tournées 
du côté de l'œil, & elles s'y tournent encore davantage, 
lorfque nous fermons l'œil ; de maniére qu’elles ne font point 
bouchées par l'approche des paupiéres. 

Quand l'œil eft fermé, le point lacrymal fupérieur & 
Yinférieur fe touchent, mais fans fe boucher lun l'autre, 
parce qu'ils ne fe touchent que par la portion qui regarde 
le bord externe des paupiéres. Chacun des points lacrymaux 
fe trouve aïnfi ouvert à l'extrémité de la gouttiére de la pau- 
piére dans laquelle if eft percé, & tous deux font plongés 

. dans la gouttiére commune, à l'endroit où elle s'élargit pour 
former le fac. 

Après tout ce qui a été dit, on conçoit bien que, pen- 
dant que les yeux font fermés, la gouttiére commune que 
forme l'approche des paupiéres, le lac qui fe trouve à fon 
extrémité interne, & tout lefpace qu'il y a entre les pau- 
piéres & le globe de l'œil, font un lac commun occupé 
par les larmes, qui coulent continuellement de a glande 


Men 1734 15 


138 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
lacrymale, & qui fe dégorgent par les points lacrymaux dans 
le fac facrymal & dans le nés. 

Pour connoître quelles font les forces qui pouffent ainfi 
les larmes dans le nés, je commence par fuppofer les points 
lacrymaux bouchés, pendant que l'œil eft fermé, & je 
demande ce qui doit arriver, fi les larmes coulent toüjours 
entre l'œil & les paupiéres. Dans ce cas, les larmes ne 
pouvant fe dégorger dans le nés, ouvriront les paupiéres, 
& tomberont fur la jouë, fi l'aétion des mufcles & l’adhé- 
fon des paupiéres ne font pas capables de leur réfifter : or Fon 
fçait que l'aétion des mufcles tient les paupiéres rapprochées, 
& que de plus elles {ont coliées lune à l'autre par la chaflie, 
qui regne fur le bord par lequel elles fe touchent; par confé- 
quent tant que Îles mufcles & cette adhéfion feront capables 
de réfifter, les larmes rempliront les paupiéres, les foùle- 
veront, & les écarteront du globe de l'œil fans les ouvrir. Si 
Yinterruption du cours des larmes par les points lacrymaux 
continué , à la fin les larmes forceront ladhéfion des pau- 
piéres, & fe répandront fur la jouë : mais fi, dans le temps 
même que l'action des mufcles & adhéfion des paupiéres 
font près de céder à l'effort des larmes, les points lacrymaux 
viennent à s'ouvrir ; alors les larmes ayant leur cours libre par 
le nés, les paupiéres ne feront point forcées de s'ouvrir ; au 
contraire elles poufferont les larmes dans les points lacrymaux 
avec toute la force d'un reflort qui fe débande. 

Ces fuppofitions ne font pas inutiles, puifqu’elles font 
voir que l'action des paupiéres peut, au moins dans certains 
cas, avoir quelque part au paflage des larmes par les points 
lacrymaux : ainfi les paupiéres étant fermées, ont avec les 
larmes action & réaétion, c'eft-à-dire, que les larmes peu- 
vent foûlever les paupiéres, & que le reflort des paupiéres 
peut pouffer les larmes. Quoiqu'il femble que les paupiéres 
ne peuvent avoir cet ufage que pendant le fommeil , cepen- 
dant fi lon obferve bien le mouvement prefque impercep- 
tible que font à chaque inftant les paupiéres ; mouvement 


auquel j'ai déja donné pour ufage d'égalifer & d'applanir les 


D'ÉGUIS C'MEMN "CET 139 
armes fur la furface du globe ; fi, dis-je, on obferve ce 
mouvement, on remarquera qu'il n'eft pas toûjours complet, 
c'eft-à-dire, que toutes les fois qu'il fe fait, les paupiéres 
ne fe touchent pas exactement; mais que le plus fouvent 
elles fe touchent auffi parfaitement que pendant le plus 
profond fommeil. Il eft vraï que cet attouchement ne dure 
qu'un inftant, mais il dure aflés pour rapprocher les gout- 
tiéres, comprimer les larmes, & les poufler dans les points 
lacrymausés 

Ce mouvement des paupiéres eft fi fubit, que quoïqu’on 
le fañlé plufieurs fois pendant la leéture d’un feuillet, cette 
lecture n’en eft point interrompuë. Ce mouvement eft plus 
fréquent dans ceux qui ont f'œil larmoyant, que dans les 
autres ; & tout le monde eft obligé machinalement de Ie 
faire avec plus de force, & de lui donner plus de durée, 
toutes les fois que l'abondance des larmes excite une cer- 
taine fenfation qui occafionne ce mouvement ; mouvement 
auquel on ne fait prefque point d'attention ,: quoiqu’on 
puifle lobferver à chaque inftant, tant fur foi que fur les 
autres. 

La feconde caufe du pañlage des larmes, & celle que je 
regarde comme la principale, ceft, la difpofition des points 
lacrymaux, du fac lacrymal, & du canal qui s'ouvre dans 
le nés. 

I ne faut que jetter les yeux fur la figure 3, qui repréfente 
les points lacrymaux 44, leur conduit commun 2, le 
fac lacrymal €, & le canal nazal D. Toutes ces parties font 
une même continuité de canal qui, par fa figure & fon 
ufage, mérite le nom de Sihon, & je le nommerai doref- 
navant le Siphon lacrymal. Deux chofes font eflentielles à 
ce fiphon, pour qu’il pompe les larmes ; la premiére qu'il 
foit plein du fluide, & la feconde que la branche, qui trempe 
dans le fluide, foit plus haute que celle qui le dépolfe. 
Soit AAB la branche la plus haute du fiphon, dont les 
ouvertures À À font plongées dans le lac lacrymal, & BCD, 
la branche la plus baffle qui s'ouvre dans le nés ; je dis que 

S if 


140 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoôyaLE 

ce fiphon étant une fois plein de larmes, & les ouvertures 
AA toüjours préfentes au fluide du lac facrymal, Les larmes 
couleront fans interruption de la branche la plus haute dans 
la plus bafle ; & cela fufht pour que les larmes coulent 
continuellement dans le nés. 

J'adjoûte que comme il y a une liqueur muceufe, qui 
mouille toüjours la membrane du nés, il y a lieu: de croire 
que l’adhéfion des larmes avec ce mucus, doit encore favorifer 
leur écoulement. - 

J'aurois encore bien des chofes à dire fur l'écoulement 
des larmes, fr je l’examinois dans toutes les attitudes diffé- 
rentes où les yeux peuvent fe trouver; mais comme ces 
recherches curieufes ne font préfentement d'aucune utilité 
à mon fujet, je pafle à la feconde partie de ce Mémoire. 


SECONDE -PART HE 


En guoy les organes qui fervent à l'écoulement des larmes 
font changés, lorfqu'ils font attaqués de la 
Fiflule lacrymale: 


J'appelle Fiftule, tout ulcere dont l'entrée ef étroite & 
le fond large, dont les bords & les environs font durs & 
calleux. La fiftule lacrymale eft un ulcere de cette efpece, 
qui attaque le fiphon lacrymal, & qui l'ayant percé, permet 
aux larmes de fe répandre fur la jouë. Quoique cette de- 
fcription ne puiffe convenir qu'à la fiftule lacrymale, on 
appelle cependant de ce nom, deux autres maladies bien 
différentes, dont l’une eft à la vérité lacrymale, maïs elle 
n’eft point fiftule; & l'autre eft fiftule, mais elle n’eft point 
lacrymale. 

La premiére eft une petite tumeur, qui s'élève au-defus 
du bord de l'orbite, entre l'angle interne des paupiéres & 
la racine du nés. Cette tumeur eft pour l'ordinaire une fuite 
de lobftruétion du fiphon lacrymal du côté du nés ; les 
larmes que les points lacrymaux y conduifent ne pouvant 
s'écouler dans le nés, s'accumulent & font effort pour dilater 


D' ES. SAC ULELN -C.E.,S: nr 14 
ce fiphon; mais parce que la partie étroite & baffe du fiphon 
eft renfermée dans un canal offeux, elle réfifte, & tout l'effort 
que font les larmes; fe pañle fur la partie large appelée fac. 
Ce fac n'a que fa moitié interne renfermée dans une gouttiére 
ofieufe; l'autre moitié, qui n'eft couverte que de membranes, 
obéit & céde à l'effort des larmes, qui, en s’accumulant en 
ce lieu, le dilatent, l'étendent, & le pouffent au dehors. 
Quand on comprime cette tumeur, elle difparoït, parce 
que cette compreflion oblige les larmes renfermées dans Ja 
tumeur, de repaffer dans le grand coin de l'œil par les points 
lacrymaux; mais quelque temps après elle reparoït, à mefure 
qu'il rentre des larmes à la place de celles que l'on a obligé 
de fortir. è 

Quoique cette maladie ne {oit,à proprement parler, qu'une: 
rétention de larmes, qu'elle ne {oit le plus fouvent accom- 
pagnée ni d'ulcération , ni de dureté, ni de callofité, on lui a 
cependant donné le nom de Fiftule lacrymale ; peut-être 
parce qu'elle eft fouvent la caufe de cette fiftule; peut-être 
auffi parce que, lorfqu'on a donné ce nom à cette maladie, 
ne connoiffant pas encore les points lacrymaux, on a pris 
pour un trou fiftuleux, celle de ces ouvertures naturelles par 
laquelle on voyoit {ortir la matiére, à mefure que l’on prefloit 
la tumeur. Ce qui pouvoit d'autant mieux tromper, c'eft 
que fouvent il fort avec les larmes une matiére blanche affés 
femblable à du pus, ce qui n’eft cependant que des larmes 
qui ont féjourné; & lon voit même fortir du pus.bien formé, 
dans celles de ces tumeurs auxquelles il eft furvenu inflam- 
mation. Cette maladie, qui n’eft point fiftule lacrymale, doit 
être nommée Retention de larmes, & Yon ne peut lui refufer 
ce nom, fi l'on fait attention au rapport qu'elle a avec 11 
rétention d'urine. En effet, les points lacrymaux dépofent 
les larmes dans le fac lacrymal, comme les ureteres dépofent 
les urines dans la veflie. Le canal nazal conduit les larmes 
dans le nés, comme luretre conduit les urines au dehors. 
L'obftruction de celui-ci eft caufe de la rétention des urines 


dans la vefie, & l'obftruction du conduit nazal, qui empêche 
S ii] 


142 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr 
es larmes de couler dans le nés, les retient dans le fic 
Jacrymal. 

Dans la premiére partie de ce Mémoire, j'ai regardé l'ac- 
tion des paupiéres comme une des caufes qui oblige les larmes 
à couler dans les points lacrymaux; fi l'on pouvoit douter 
de cette vérité, on en trouveroit une preuve bien fenfible 
dans la rétention des larmes. En effet, on ne peut pas nier 
que dans cette maladie, les larmes n’entrent dans le fac 1a- 
crymal; & lon ne peut pas dire qu'elles y entrent par le 
méchanifme du fiphon lacrymal, puifque ce fiphon eft bor- 
ché : mais comme faction des paupiéres eft dans ce cas, 
l'unique caufe capable de déterminer les larmes à entrer dans 
les conduits lacrymaux, il en faut néceflairement conclurre 
que l'action des paupiéres eft réellement une des caufes qui 
pouflent les larmes par les points lacrymaux & dans le fac 
lacrymal. 

L'écoulement des larmes ne fe faifant plus du côté du nés, 
ce fac en eft rempli, & par la fuite il eft fi confidérablement 
dilaté, qu'il forme cette tumeur lacrymale du grand angle, 
que j'ai dit être mal-à-propos nommée Fiftule lacrymale, 
Ce qu'il y a de particulier, c'eft que la force avec laquelle 
les paupiéres pouffent les larmes, & qui paroït peu de chofe, 
foit cependant capable de dilater le fac lacrymal, & de forcer 
fon reflort jufqu'à le percer & le rompre. On ftroit étonné 
de ce fait, fi l'on ne fçavoit que les fluides qui font pouffés 
par une petite ouverture dans un lieu fpacieux, comme dans 
une veflie, agiflent fur chaque partie de cette veflie égale 


à l'ouverture, avec la même force qui pouffe le fluide dans 


cette ouverture; de forte que fi le fluide qui entre a un 
degré de force, & que la furface de la veffie ait 1000 parties 
égales à l'ouverture, la veffie fera dilatée par 1600 degrés 
de force, quoique la liqueur ne foit pouffée que par un degré. 
Ainfi la force, avec laquelle les larmes font pouffées dans 
les points lacrymaux, fera à celle par laquelle le fac eft dilaté, 


comme le diametre des points lacrymaux eft à la capacité 
du fac. 


DIE ,5,4 9, GRIVE,N CE Se 143 
Pour que la tumeur caufée par la rétention des larmes, 
telle que je viens de la décrire, fe change en fiftule lacry- 
male, il faut qu'elie dégénére en ulcere, & que les bords 
de cet ulcere, & même les environs, durciffent & devien- 
nent calleux. Souvent toutes ces chofes fe fuivent fi prompte- 
ment, qu'on n’a pas le temps d'appercevoir l'ordre de leurs 
fuccefions ; mais il eft des cas dans lefquels la lenteur a 
permis de les examiner. Comme mon deffein n'eft pas de 
traiter à fonds cette matiére, Je me contenterai de rapporter 
Fordre ordinaire des principaux changements. 
Les larmes retenuëés font une tumeur, qui, dans certaines 
perfonnes, fubfifte pendant plufeurs années, fans leur caufer 


d'autre incommodité que Îe larmoyement. Ceux qui font 


affligés de cette tumeur, font obligés de la preffer plufieurs 
fois par jour, & elle diminuë à proportion de a quantité 
de l'humeur qui fort par les points lacrymaux. Dans l'efpece 
dont il s'agit, s’il ne fort que des larmes, c’eft lorfqu'elles 
font douces & fans falure; ce qui fait qu’elles féjournent fans 


fermenter, & fans caufer de douleur, ni d'inflammation, 


D'ailleurs le fac fouvent vuidé par la compreffion, ne foufre 
point d’extenfion extraordinaire: & la tumeur eft lon g-temps 
fans augmenter, fur-tout f1 le Malade n'a pas naturellement 
beaucoup de larmes. Il n’en eft pas de même de ceux qui 
ont beaucoup de armes, ni de ceux en qui les larmes font 
falines. 


Dans les premiers, le fac fe remplit plus fouvent que 


dans les autres, & les Malades font obligés de le vuider 


prefque toutes les heures. C’eft à quoi ils peuvent bien être 
attentifs pendant le jour ; mais la nuit, n’étant point avertis 
de la néceffité de comprimer le fac, ils abandonnent à la 
puiflance des larmes qui, continuellement pouflées dans les 
points lacrymaux, forcent les parois du fac, le déchirent 


-& le percent à la fin. Les larmes fe répandent alors fous la 


peau des paupiéres ; & j'ai quelquefois vü paroître au reveil, 


- 
_ces fortes de tumeurs fous la forme d’un œdeme ou d'une 


bouffiffure, qui, par le fecours de la comprefflion, diminué 


544 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 

& difparoït quelquefois entiérement; car cette premiére 
crevafle n’eft pas confidérable ; mais elle augmente les nuits 
fuivantes ; l'œdeme alors eft plus confidérable, & la com- 
preflion peut bien le diminuer, mais elle ne peut faire qu'il 
difparoifle entiérement. C’eft ainft que de jour en jour le 
mal augmente, que l'œdeme s'enflamme, qu'il fuppure & 
forme un ulcere caverneux. 

Ceux qui ont les larmes âcres, quoiqu'en médiocre quan- 
tité, peuvent, en comprimant pendant le jour, empêcher 
le féjour des larmes, & par ce moyen éloigner linflam- 
mation ; mais la nuit les larmes féjournent, & par leur âcreté 
elles irritent & enflamment le fac, qui eft pour lors d'autant 
plus fufceptible d'irritation, qu'il eft plus tendu & plus dilaté 
par la rétention des armes ; le fac enflammé fuppure; l'abcès 
eft ouvert, ou s'ouvre de lui-même; & voilà encore un 
ulcere caverneux, par lequel fortent enfemble & le pus & 
les larmes. L'un & Fautre, je veux dire le pus & les larmes, 
par fucceffion de temps endurciffent la peau & les chairs; 
alors voilà une vraye fiftule lacrymale. 

La troifiéme maladie à laquelle on donne ce nom, eft 
celle que j'ai dit être fiftule fans être lacrymale; c'eft la fuite 
d'un petit abcès au coin de l'œil, lequel s'ouvre fouvent de 
lui-même; & il devient fiftuleux, comme le deviennent 
les abcès du bord de Fanus, & plufieurs autres qu'on laiffe 
percer par le pus, & qu'on néglige d'ouvrir. Ce qui a pu 
faire croire à quelques-uns, que cette fiftule eft lacrymale, 
c'eft que dès le commencement de la maladie, il y a tou- 
jours larmoyement, parce que les points lacrymaux font 
fi voifins qu'ils font bouchés par l'inflammation ; mais l'abcès 
étant percé, l'inflammation fe diflipe, les points lacrymaux 
s'ouvrent, & les larmes coulent à l'ordinaire. La fiftule dont 
je veux parler n’eft point lacrymale, parce que les larmes 
ne coulent point par l'ouverture fiftuleufe; & elles ne coulent 
point par cette ouverture, parce que le fac lacrymal n'eft 
point percé, comme j'ai fait voir qu'il l'eft dans les deux 
gutres cas, 

Comme 


DES SCctEnNCcEs. ‘14 

Comme ce Mémoire ne renferme point une hifloire 
complete de la Fiftule lacrymale, je ne dirai rien des fignes 
qui caractérifent chacune de ces maladies ; je paflerai même 
fous filence toutes les caufes capables d’obftruer le canal 
nazal. I me fuffit de faire remarquer que cette obftruétion 
eft la principale caufe de tous les dérangements qui arrivent 
aux organes qui fervent à l'écoulement des larmes ; & que 
pour guérir la Fiftule lacrymale, ne la regardant que comme 
une maladie organique, ïl eft eflentiel, non feulement d’ou- 
vrir la fiffule, mais de déboucher le canal nazal, & de le 
conferver ouvert après la guérifon. 


TROISIEME PARTIE. 
De l'opération de la Fiffule lacrymale. 


Ayant pañlé fous filence les caufes premiéres de cette 
maladie; je me difpenferai aufhi de rapporter les remedes 
dont on fe fert ordinairement pour combattre ces caufes; 
faifant donc abftraction de tout ce qui peut être étranger 
à mon fujet, il ne s’agit plus que de rétablir une machine 
hydraulique dérangée; machine dont on connoît la future, 
ainfi que la caufe immédiate de fon dérangement. 

Les larmes ne coulent point dans le nés, elles tombent 
fur la jouë , elles font retenuës dans le fac lacrymal, elles 
dilatent ce fac, elles y caufent tenfion, inflammation, rupture 
& fiftule. La caufe de tous ces effets eftl'obftruction du fiphon 
lacrymal. Pour détruire ces effets, il ne s’agit donc que de 
déboucher ce fiphon, puis les larmes couleront dans le nés, 
& alors plus de larmoyement, plus de rétention de larmes, 
plus d’inflammation, de rupture ni de fiftule. 

Pour déboucher ce fiphon, je fais une incifion au fac 
lacrymal, j'y introduis une fonde canelée, je la poufle juf- 
ques dans la narine, & par ce moyen je débouche le canal. 
La cannelure ou gouttiére de cette fonde me fert à conduire 
dans la voye qu'elle vient de retracer, une bougie avec 
laquelle je tiens ce canal ouvert. Je change tous les jours 


Mem, 1734 a à 


Voyes la Fig: 43 


146 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

cette bougie. J'en ceffe l’ufage, quand je crois que la furface 
interne du canal eft bien cicatrifée; alors les larmes repren- 
nent leur cours naturel de l'œil dans le nés, & la playe exté- 
rieure fe réunit en deux ou trois jours. 

Voilà en peu de mots l'opération que j'ai pratiquée avec 
fuccès depuis plufieurs années. Je n’entre point dans le détail 
du manuel, perfonne ne doute que la parfaite exécution ne 
dépende de la dextérité de l'opérateur. 

Toute difficile que paroïffe cette opération, elle eft cepen- 
dant fi fimple & fi conforme aux loix naturelles, que je 
me difpenferois d’infifter fur les raifons de préférence, ff 
les autres façons d'opérer ne trouvoient encore des partifans ; 
mais comme on ne peut en juger que par comparaifon, je 
vais rapporter fuccinétement celles de ces méthodes qui font 
ou qui ont été les plus ufitées. 

Avant que le Siphon lacrymal fût connu, on fe conten- 
toit de faire l'ouverture de la fiflule. L'ignorance où l’on 
étoit fur le méchanifme de cette partie ne permettoit pas de 
porter les vüës plus loin ; aufli ne réuffifloit-on pas, à moins 
qu'il n'arrivât quelqu'un des hafards dont nous parlerons 
ci-après. Mais il eft étonnant que depuis qu'on a connu les 
points lacrymaux, le fac Jacrymal & le canal nazal, on fe 
{oit contenté pendant plufieurs années de faire à cette fiftule, 
pour toute opération, une fimple ouverture. C’eft fans doute 
parce que lon ne foupçonnoit pas que l'obftruétion du canal 
lacrymal füt la caufe du larmoyement ; ceux qui depuis l'ont 
connu ou foupçonné, ont imaginé de pratiquer un trou, du 
fac nazal dans le nés, pour ménager le pañlage des larmes. Ce 
trou fe faifoit à la hauteur des points lacrymaux, foit avec 
un poinçon, foit avec un fer pointu rougi au feu. Le premier 
moyen ne réuffifloit jamais ; & fr le fecond a réufii quel- 
quefois pour la fiftule , il reftoit toujours un larmoyement. 
Le poinçon ne faifant fon trou qu’en écartant les parties, il 
devenoit inutile, parce que la réunion s'en faifoit même aflés 
promptement. Le fer rouge faifoit mieux, parce qu'en brüû- 
lant, il occafionnoit une perte de fubftance qui laïfloit un 


LA 

ms à VOTES 28 1 LE NE CE 147 
trou par lequel on efpéroit que les larmes fe procureroient 
d’elles-mêmes un paflage dans le nés ; mais voyant que mal- 
gré cela le larmoyement fubfiftoit, on a cru qu'après la 
guérifon de la fiftule, ce trou fe bouchoit ; & qu'il ne fe 
bouchoit, que parce que l'on ne lavoit pas confervé ouvert 
pendant tout le traitement , ou du moins jufqu'à ce qu'il 
fût cicatrifé au point que les chairs en croiflant ne puflent 
le boucher. C’eft pour cela que depuis on a fait tout ce que 
Yon a pû pour conferver l'ouverture, foit avec des tentes 
de linge, foit avec des fondes, ou des cannules de plomb, 

d'or ou d'argent. 
J'ai moi-même fait cette opération, & j'étois bien perfuadé 
que le nouveau conduit que j'avois pratiqué s’étoit confervé, 


puifqu'après la guérifon de da fiftule, le malade en fe mou- 


chant faifoit fortir l'air par les points lacrymaux; cependant 
je n'eus point la fatisfaction d’avoir remédié au larmoyement. 
Ayant réfléchi fur ce fait, je me perfuadai que, pour que 
les larmes coulaffent librement dans le nés, un canal quel- 
conque ne fufhfoit pas, & qu'il en falloit un, tel que la Nature 
nous l'a donné. En effet, en perçant un trou à la hauteur 
des points lacrymaux, le nouveau canal 4 4 BN abolit a 
fonétion du fiphon lacrymal ; la longue branche de ce fiphon 
BD, devient inutile, & les larmes perdent la pente qui 
les conduifoit dans le nés. Par mon opération, je ne change 
point la conftruétion naturelle du Siphon, fa branche infé- 
rieure conferve toute fa longueur, & les larmes toute Ia 
pente qui des conduit dans le nés. 

Si par la méthode ordinaire quelqu'un a paru guéri fans 
larmoyement, il ne faut point l’attribuer à cette méthode, 
Il y à des perfonnes qui ont l'œil moins larmoyant que 
d'autres, & celles-là peuvent bien fe paffer de quelqu'une des 
caufes qui facilitent l'écoulement des larmes. De plus, cela 
dépend aufi de Ia direétion qu’on donne à l'inftrument avec 
lequel on perce; car, fi au lieu de lui donner une direction 
horifontale, on le pouffe obliquement de haut en bas, alors 
on forme un canal plus long, & la pente des larmes en eft 

T ÿ 


Fig. 3, 


148 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

moiñs diminuée. D'ailleurs fr par cette méthode l’on a vû des 
malades guéris fans larmoyement, ce peut être parce que le 
canal nazal s’eft débouché naturellement, dans le mème temps 
que le nouveau trou s'eft fermé: ce qui a rétabli la fonétion 
du fiphon lacrymal. I n'efl point douteux que le canal nazal 
ne puifle quelquefois fe déboucher fans opération. On en a 
exemple dans ceux à qui on guérit la tumeur lacrymale, 
par le moyen d'un bandage compreffif; & c’eft fans douteaufit 
parce que ce canal peut fe déboucher naturellement, que la 
tumeur, & même la Fiflule lacrymale fe font quelquefois 
guéries fans y rien faire. Ces cas ne font pas fans exemple. 


UC ty 
À 


NN 
NAN 
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Mers. de Lead 1734. Pl Hpas 148 


Man de Vial 1584 Pl 0 pay 148 


p'lrx sua ice) d'A INC GES: 5 149 


SUR LES LIGNES COURBES 


QUI SONT PROPRES À FORMER 
LES TAÆSIME NN... D O0 M E. 


Pa M BoucuEenr. 


p£:: IEURS perfonnes ont traité avec beaucoup de 
foin des Voutes en fimple Arc : les derniers Volumes 
des Mémoires de Académie contiennent d’excellents mor- 
ceaux fur cette matiére, entre lefquels on doit citer avec 
diftinétion ceux de M. Couplet. I ne refte que les Voutes 
en Dome que perfonne, que je fçache, n’a examinées. 
L'utilité que peut avoir cet examen, me l'a fait entreprendre : 
l'ufage des Domes eft très-fréquent dans plufieurs de nos 
Edifices. Je montrerai qu'une infité de lignes courbes font 
propres à former ces fortes de Voutes, & j'indiquerai en 
même temps la maniére de les choifir. Je fuppolerai toû- 
jours que les pierres ou les Voufloirs ont leurs furfaces imfi- 
niment polies : fi un Dome doit fe foûtenir dans cette fup- 
pofition, on n’en fera que plus für qu’il fe foûtiendra dans 
Tétat actuel où font les chofes, lorfque les Voufloirs ne 
peuvent glifler les uns contre les autres qu'avec une affés 
grande difficulté. 

Bb A (Fig. 1.) eft la courbe qui forme le Dome par fa 
révolution autour de fon axe, la verticale AD. Cette ligne 
courbe pañle dans tous les points 2, &, &c. par le milieu 
de l'épaifleur XL, H1, &c. de fa Voute, épaifieur que nous 
regardons ici comme très-petite , & qui l’eft toûjours en effet 
par rapport aux dimenfions du Dome. Tous les joints, 
comme ÂL, 1, &c. des Voufloirs font auffi fuppofés ici 
perpendiculaires à la même courbe 244, comme ils le font 
ordinairement. Si lon confidere après cela une partie A A4 
du Dome, il eft évident qu'elle pouffera tous les Voufloirs 


19 Mai 
175% 


Fig, 1° 


150 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarE 
HL qui font immédiatement au deflous, felon la perpen- 
diculaire 2 C au joint 47, ou lon le prolongement du petit 
côté 6 D de la courbe. Mais à mefure qu'on confidérera des 
points plus bas, la direction doit changer , parce que la 
pefanteur de chaque affife s'adjoûte fucceffivement à l'effort 
que fait la partie fupérieure. Cette partie pouffe au point 4 
felon LC, & l'effort eft exprimé, fi on le veut, par C même. 
Müis fi l’on fuppole toute la pefanteur du Voufoir 4 L 
réunie dans le point », ce qu'il eft permis de faire auffi-tôt 
que l'épaiffeur 2 4 des Voufloirs eft infiniment petite, on 
n'aura qu'à repréfenter cette pefanteur par la petite verticale 
BF; &fi on la compole avec l'effort 4 C que fait la partie 
fapérieure, on aura dans la diagonale 2G du parallelogramme 
CbFG la direction de Feflort total que fait la partie fupé- 
rieure augmentée par en bas d’une aflife, c’eft-à-dire, l'effort 
que fait toute la partie X A4. La direction de la preffion {e 
trouve ainfr continuellement détournée ; elle forme une 
courbe, qui peut fe confondre avec fa courbe AGZ B, mais 
qui peut auffi en être différente, comme elle l’eft ici. 
Cette différence eft fufceptible de plufieurs cas. 1.° Si fx 
partie 2 6 de la courbe qui forme le Dome fe trouve fituée 
par rapport à #G, comme dans la Figure premiére, la Voute 
doit fe foûtenir, pourvû que la courbe 4 4 B n'ait aucune 
partie horifontale, Car le joint XL étant perpendiculaire à 
la courbe, il fera oblique par rapport à la direction de 
Yeffort G que fait le Voufloir AL, tant par fa propre 
pefanteur que par la preflion de Ia partie fupérieure de la 
Voute. Mais la maniére dont la direttion & G eft oblique 
par rapport au joint XL, eft caufe que l'effort 4G ne tend 
qu'à faire avancer le Voufloir AL vers le centre du Dome, 
ou à le faire tomber en dedans ; & c’eft ce qui ne peut point 
arriver, puifque tous les autres Voufloirs de la même affife 
sy oppofent, en faifant un égal effort. En un mot toute 
la partie de l'effort 4G, qui ne tombe pas fur le joint ÆZ, 
tombe fur les joints montants ou verticaux, & en eft foû- 
tenuëé, & il n'y a point par conféquent ici d'écroulement à 


= —— 


DES SCIENCES. 151 
craindre, comme il y en auroit dans une Voute à fimple Arc, 
où l'effort que font les Voufloirs n’eft porté que par les feuls 
joints horifontaux. Or il fuit de-là que toutes les lignes 
courbes, fans en excepter une feule, qui tournent leur con- 
véxité vers leur axe, font propres à former des Domes, 
pourvû que par leur extrémité Z elles ne deviennent pas 
tont-à-fait paralleles à l’horifon. 

2.° Le petit côté & B peut être fitué précifément fur 4C, 
prolongement de Gb, c'eft-à-dire, que la ligne 44 B peut 
être droite, & alors la Voute, qui fera parfaitement conique, 
& qui prendra le nom de Flèche ou d’Aiguille, n'en fera pas 
moins ftable , car l'effort à B ne tendra encore qu'à faire 
entrer le Voufloir, & c'eft ce que fa figure & ce que fon 
équilibre avec les autres de la même aflife doivent empêcher. 
Ainfr nous voyons encore que toutes les Voutes en Aiguilles 
font parfaites, & qu'elles doivent fe foûtenir, fans qu'il 
importe quel angle aigu ou obtus faffent au fommet les côtés 
du cone. 

Enfin 3. fi le petit côté à B de la courbe, au lieu d'être 
“extérieur par rapport à 2 C comme dans Îes Voutes repré. 
fentées par la premiére Figure, ou au lieu d’être fitué fur 8€, 
comme dans les Voutes coniques, lui eft intérieur comme 
dans la Figure 2; la Voute fe foûtiendra encore, pourvü 
que 2 B ne foit pas en même temps intérieur par rapport 
à 4G. La petite ligne 2C eft toûjours le prolongement du 
petit côté 64, & repréfente l'effort que fait la partie fupé- 
rieure du Dome, pendant que & F repréfente la pefanteur 
particuliére du Voufloir AL, & que 2G, diagonale du pa- 
rallelogramme C F, repréfente l'effort compolé qui réfulte 
des deux. Or ce dernitr effort s’occupe encore ici à poufler 
le Voufloir en dedans, & quand même 4 2 f{eroit fitué exacte- 
ment fur G, il n’y auroit encore aucun rifque, puifquetout 
l'effort que feroit le Voufloir AL ne tendroit qu'à l'appliquer 
fortement contre le Voufloir inférieur, en agiflant felon une 
direétion perpendiculaire au joint XL. Mais ce ne feroit pas 
la même chofe fi la courbüre augmentoit trop fubitement, 


Fig. le 


Fig. 29 


/ 
752 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

où fi b B devenoit intérieur par rapport à 2G: Alors le 
Dome tomberoit, parce que les Voufloirs, comme FL, 
feroient pouflés en dehors, & qu'aucun obftacle ne les em- 
pécheroit de fuivre ce mouvement. Quoi qu'il en foit, il eft 
clair que comme 4 B peut avoir une infinité de diverfes 
fituations entre LC &0G, il peut y avoir auffrune infinité 
de courbes convexes propres à former des Domes, & que 
celle qui a le plus de courbüre, ou qui eft la plus convexe, 
& qu'on peut regarder comme la derniere de toutes, a fes 
petits côtés, comme 4 P, exaétement fitués fur les directions 
bG. Les joints verticaux ne fupportent dans celle-ci aucune 
partie de l'effort, puifque les Voufloirs ne font point poufés 
en dedans. Aufli le moindre agent extérieur eft-il capable 
de renverfer cette derniére Voute; & quoiqu'elle fe foûtienne, 
elle eft toûjours prête à tomber. 

H réfulte de tout ce que nous venons de dire, qu'il ne 
peut y avoir de difhculté à choifir les lignes courbes qui ont 
l'ufage que nous demandons, que lorfqu'elles tournent leur 
convéxité en dehors. Toutes les lignes courbes qui font 
concaves, comme dans Ja Fig. 1 , peuvent ètre employées 
avec fuccès, de même que les lignes droites, fans qu’il im- 
porte quel angle elles faflent au fommet 4. Mais lorfque la 
courbe eft convexe, comme dans la Fig. 2, il faut qu'elle ne 
foit pas trop courbe, il faut que le petit côté 2 B ne foit 
point intérieur par rapport à bG, ou, ce qui revient au 
même, il faut que la petite ligne CB, interceptée entre la 
courbe & fa tangente, ne foit pas plus grande que CG, il 
faut que CG 2 CB, & c'eft ce qu'on ne peut gueres vérifier 
que par le calcul. 

Si nous prolongeons le côté &6 fufqu'à la rencontre 47 
de l'axe, & de la tangente tirée de l’autre côté du Dome, 
& que prenant l'efpace AN pour repréfenter la pefanteur 
de toute la partie A 44 de la Voute, nous décompofions 
cette pefanteur en achevant le parallelogramme WOZP, 
nous aurons AO pour lexpreffion de l'effort que fait la 
Voute fur le Voufloir AL, en pouffant perpendiculañement 

au 


Re— 


DES SCIENCES. 1° 


au joint 77; & on voit que fi 4C eft égal à cet Fax 
comme nous l'avons fuppolé ci-devant , la petite ligne 4e 
* qui eft parallele à l'axe, & qui eft égale à J\ 4, fera égale 
à //Q qui repréfente là pefanteur de a partie À A de fa 
Voute. Or nous n'avons qu'à nommer x les abfciffes ou les 
parties de l'axe AD, y les ordonnées, comme ZD, & e les 


épaifleurs 1, XL, de la Voute, nous aurons 4e ou Ed? 


BE — dy; 1B— V4y dx, & eV dy + dx pour 
le petit trapeze AL, que nous n'avons qu'à multiplier par 


l'ordonnée y, pour avoir Ja quantité ey V4 + dx qui 
peut défigner la pefanteur de chaque Vouffoir, pendant que 


l'intégrale f'ey V4 3° dx défignera la pefanteur de {4 
partie entiére 74 de Ta Voute. Nous n'avons que faire de 
dire que nous ne multiplions par y, que parce que les Vouf_ 
foirs qui fupportent la partie AA {ont plus larges à mefure 
que la circonférence du Dome fe trouve plus grande. Main- 
tenant fr nous faifons attention que la petite ligne CG ou 
BF repréfente la pefanteur du Voufloir AL, pendant que 
BC repréfente l'effort que fait Ja partie fupérieure, & que 4e 
repréfente la pefanteur de cette partie, nous pourrons faire 


cette proportion, la pefanteur fey Vdy + dx de HA eft 


à be DE — dx, comme la pefanteur ey dy + dx 


du Voufloir AL eft à48F—CG— CIC TA + Enfin 
JeyVdy* dx 

comme la petite ligne CP, interceptée entre la courbe & la 

tangente, eft la différentielle des Zx, pendant que les 4y 


font conftantes, nous aurons -22* V4" + 4x" 2 ddx pour 
JeyVay® + dx° 


lexpreffion analytique de CG > CB. Cette formule nous 


fera connoître toutes les courbes dont on peut fe fervir pour 
former des Voutes en Dome, & Parmi toutes ces courbes 


Men, 17344 °V 


Fig, 2, 


Fig. 2. 


154 MEMOIRES DE: L'ACADEMIE RoyALE 
ep dx Vdy?- da 
fes Va +4 

convexe, ou la derniére qui y eft propre. 


l'équation —= dd x nous indiquera Ja plus 


Cette formule fe change en TER 2 
fes V4 y°+- dx qui nous fuggere une nouvelle remarque 
fur la propriété des courbes dont il s'agit ici. La formule 
fous la premiére forme nous apprenoit qu'il faut exclure, 
ou ne point employer les lignes dont la courbüre eft trop 
fubite, les lignes dont les branches ne s'ouvrent point aflés. 
Elles peuvent s'ouvrir de plus en plus, jufques-là qu'elles 
peuvent devenir prefque horifontales : mais de l'autre côté 
elles ont un terme, leurs branches ne doivent pas trop fe 
fermer, ou ne doivent pas tendre trop promptement au 
parallelifme avec l'axe. Maintenant nous voyons. que ces 
courbes qui font trop convexes, donnent à la partie fupérieure 


de la Voute une trop grande pefanteur fey Vdy + dx°; 
& il eft très-facile de voir, en jettant les yeux fur la Figure, 
qu'un de ces inconvénients revient à l'autre. Si lon aug- 
mente trop la pefanteur de la partie fupérieure ZA, Yeffort 
BC devient trop grand par rapport à la pefanteur Z Æ° du 
Voufloir H L, l'angle C& B devient trop petit, & alors la 
direction 4 G de l'effort compolé fe trouve extérieure par 
rapport à 4 B, ce qui montre que le Voufloir eft plus pouflé 
en dehors par la preffion felon 4C que fait la partie fupé- 
rieure de la Voute, qu'il n'eft follicité à avanær en dedans 
par fa propre pefanteur. Or dans ce cas l'aflife entiére doit 
faillir en dehors, & le Dome doit tomber. La pefanteur de 
chaque partie ZA a donc un certain terme qu'elle ne doit 
point pafler : mais notre formule nous montre que cette 
même pefanteur peut être aufir petite qu'on le veut, & 
qu'elle peut même être nulle fans inconvénient. En effet, 
fi l'on fupprimoit toute la partie fupérieure du Dome, il eft 


+ 


DES SCIENCES 55 
évident que le refte fe foûtiendroit également, par la raifon 
que chaque affife étant circulaire , 1e Dome eft, pour ainfr 
dire, plus Voute que les autres Voutes. 

Pour montrer maintenant lufage de notre formule, nous 
commencerons par la folution d'un Probleme qu'on peut 
regarder comme le premier, dans lequel connoiffant la 
courbe, il s’agit de- trouver 'épaifleur qu'on doit donner 
en chaque endroit. Nous pouvons repréfenter la formule 


épds Vdÿ +d S PARA CeyVdyÿ+ds# s ddx 


PE LL — = par 
Je» Vay +da® : fe» Vaÿ +4 # 
l'équation RCATTENTS == == ue <e , en prenant £ 


fer Va [y + dx° 
pour une quantité variable quelconque, qu'il fufñit de ne 
faire ni décroiffante ni négative, & qu'il n’y aura fimplement 
qu'à rendre conftante, afin de faire difparoître le terme Li L 
lorfqu'on voudra avoir le cas extrème marqué par l’équa- 
ey Vdy+ dx  ___ ddx 
[er Vayÿ + dx de 
Lfey VAE rt = Ldx+- Lit, où plûtôt 
Lfey Vay + dx — La=Ldx=ELdy+ Lt, en 


rendant l'intégraie exaéte par le moyen des conftantes 4 
& dy. Cette même intégrale fe réduit par la propriété des 


logarithmes à Z, Jonarar — LE Re àL eyVdy + dx" 
a 


tion . Si lon integre, on aura 


Fe RO 
=“ A - Redefcendant après cela aux différentielles, on aura 


ep Vaÿ + dx° ___ dtdx+tddx Se Enfu 2 adtdrs+atddx - 
: a 455 d d PT Î 
“ dy Vdÿ+dx 


qui nous fournit en grandeurs entierement connuës toutes 
les diverfes épaifleurs # que peut avoir 1e Dome. H n'y a 
de mettre à la place de + quelle puiflance ou quelle 
onétion ‘on voudra de y où dé x; & de cette forte or 


Vi 


Fig. 2e 


x56 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

conveïtira l'expreffion précédente en d’autres qui feront 

encore abfolument générales, dans ce fens-là, qu'on pourra 

les appliquer à toutes les diverfes courbes. 

ep Vdy' + ds Ss ddx 

fer Vay* + ds Aer 
2 2 

ey Vay + dx — Le > #2 ; nous pou- 

fes Vay +dx° 


vons encore la repréfenter, quoiqu’avec quelque limitation, 


Au lieu de rendre notre formule 


par l'équation 


2 z s 
par l'équation < va CES 22 , pourvü que nous 
fes Va + dx° 
prenions pour p un nombre conftant quelconque, qu'il fuffit 
de ne pas faire plus petit que l'unité. Or en procédant pré- 
cifément comme nous venons de faire, c’eft-à-dire, en in- 
tégrant, fi on le veut, par le moyen des logarithmes ; en 
paflant des logarithmes aux grandeurs mêmes, en redefcen- 
dant aux différentielles, & en dégageant e, on trouvera 


_pad#"""dd# _ Lour l'épaifleur que doit avoir la Voute. Il 


s dy? Vay + dx 
eft toûjours facile de réduire cette expreffion, de même que 
la premiére, à des grandeurs purement finies ; & on voit 
addx 
y dy. Vdy*+dx" 
dans l'une on traite : comme une quantité conflante, & que 
dans l'autre on fait p—1. 
Si l'épaifleur au contraire eft donnée, & qu'il s'agiffe de 
reconnoître fi un Dome conftruit fous une forme propofée 
ourra fe foûtenir, ce fecond Probleme confidéré générale- 
ment eft plus difficile que le premier ; il appartient à la Géo- 
métrie tranfcendante, parce que l'application de la formule 


qu'elles donnent également e — 


, Jorfque 


eydx Vayÿ + dx 


__ 2 fey V4 y*+-dx° fuppofe quelon puiffe 
trouver la valeur de l'intégrale fe y Vdy + dx". Si nous 


D'1ES ii 18 20 4 .E ENT € ME 2 157 
examinons, par exemple, le Dome elliptique RAT (Fig. 3.) 
dont la hauteur AS — a eft la moitié du grand axe de 
Tellip{e, & la largeur RAT — 26, le petit axe ; nous aurons, 
en prenant le centre S de l'ellipfe pour l’origine des abfcifies, 


dx = 2 & jdx— D. & fubiliuntiecs 


BV —y° A 
404 d dy + dx S 
valeurs dans notre formule générale de VAT HA. à 


re = x Vue pe 
Jey V dy ds", if nous viendra ———— 


2 Jeydy pe efpece d'équation dont {a 


y 
réfolution parfaite dépend de [2 quadrature de l'ellipfe, 
aufli-tôt que l'épaifleur e de la Voute eft par-tout la même, 
La difficulté ne vient au furplus que de ce qu'on ne peut 
pas trouver la fuperficie d'un ellipfoïde, ainfi ce ne fera pas 
. da même chofe fr on rend le Dome fphérique. Les deux 


demi-axes a & à fe trouveront égaux; on aura y Va 
ET L 4243, & le fecond membre fera intégrable ; on aura 


a —y* 
D ee Gaiun 3”, dont on tire 


aV—:+V£i2y. On voit donc que {es Domes fphé- 
riques font bons, mais qu'on ne doit pas employer lhe- 
milphere entiére, & qu’on ne doit en prendre tout au plus 
qu'une partie BAB, dont la demi-largeur BD foit égale à 


aV— 3 V4; c'efkà-dire, que fi le rayon de la fpheré, 
dont la Voute eft une portion, eft fuppofé de 1000 , la 
largeur BB du Dome ne doit être tout au plus que de 1 572 
parties, & fa hauteur AD de 3.82; ce qui donne un peu 


moins de 5 2 degrés pour la plus grande étenduë que peut 


avoir l'arc AB depuis la Clef jufqu'au bord de la Voute. 
V ii 


Figa 3° 


Eig, &e 


158 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
Mais dans les cas mêmes où il ne fera pas poflible d’in- 
tégrer fey Vdy + dx’, il fera fouvent afés facile, à l'aide 


des Séries, de tirer de la formule générale Lai Lee 


2 fey Vdy + dx prefque toutes les connoïflances qu'on 
voudra. On n’a qu'à réduire le dernier membre en une fuite 
convergente dont les termes foient alternativement pofitifs 
& négatifs. On fçait que dans une pareille fuite l'excès caulé 
par l'addition d’un terme trop grand eft toüjours corrigé en 
partie par la fouftraétion du terme qui vient après, & que 
la fomme d’un nombre impair de termes, comme de 3, 
des, de 7, &c. furpafle toujours fa jufte valeur de la quan- 
tité que la Série entiére doit exprimer. Ainfi fr la fomme 
d'un nombre impair de termes eft ici moindre que la quan- 
tité Ce , ce fera une marque certaine que lin- 
tégrale fey V4 y dx fera auf moindre que cette 
quantité, & on fera für par conféquent que la ligne courbe 
propofe fera propre à l’ufage que nous avons en vüë. Pour 
éclaircir ceci par un exemple, nous n'avons qu'à examiner 


17 NL 


les paraboles dont l'équation eft x— a” y", Introduifant 


les valeurs ma" y" dy de dx, & m x m—1 a" 
De 2 


3° T° dy” de dax dans notre formule générale ; & fuppofant 


lépaïfeur e conftante, nous trouverons. . . . . = — x 
Ge À 


RE EE RE 
ra Wim 7 2 #2 fydy 4 mA FUEL 
Je réduis le dernier membre en une Série convergente 


conditionnée comme je l'ai dit, & je trouve . . « 1! % 


M —1 
2 2  2m2 2/2 = LL 2 2 22/1  2/——2% 
# Vin a y Z 2) Vin at RER 
m X MA X Fr em " 
RTS. se + + 


é Visa er pins 


DES SCIENCES, r59 


—————————— 


Fan "4 sm +3 x m2 a pt mm x méatT 4" y4"T? 
A —— ——————— —————— ————— — Ke, 


s 
2 2—2m 2m—2 À 


24 X 1m 4 J 
Or fi fans aller jufqu’au troifiéme terme, on fe borne fim- 


L 
TL 


plement au premier, on déduira de . . . .. x 


—— 


2 LE _— 2 2 22 211— 
y VA km a di £lé LE y DATE # à ” 2 


que 3 2 m; ce qui nous apprend que toutes les paraboles 
exprimées par l'équation x —a' ” y", dans lefquelles 
lexpofant # ne furpafle pas 3 , peuvent fervir à faire des 
Domes. Il y en a de cette forte une infinité : car fans parler 
des deux paraboles cubiques, de la conique ou de celle 
‘ d'Apollonius, & de la ligne droite qu’on peut regarder dans 
cette rencontre comme la premiére des paraboles, chaque 
genre nous en fournira un grand nombre. Le cinquiéme 
degré, par exemple, nous fournit les trois indiquées par lés 
LE), S RE. des 5 
ÉMANONS 210, xd: x | Y, 
OMa/tes Next pu dx y (Le/7.né dévré 
nous donne de même les quatre paraboles 4* x? — y, 
a x—y, ax = y, ax =y, & ainf de tous les autres 
degrés à l'infini. 

Enfin nous allons pañler à la Solution d'un troifiéme 
Probleme : nous allons chercher cette ligne courbe qui eft 
la derniére de toutes celles qui peuvent nous fervir, & nous 
füivrons pour cela une Méthode qui nous fera encore joindre 
à la multitude infinie de celles que nous avons déja indi- 
quées, une infinité d’autres. On fe reffouviendra que nous 
éy Vay +dx° s ddr 

fe» Vaÿ + dx Rte 
par deux différentes équations, l’une entiérement générale, 


Ar re dd 2 EE TE on 
NE — dd RL, & l'autre uès-étendhé, 
| Lo Vaÿ + ds 


avons rendu notre formule générale 


Fig, 5; 


Fig, 2, 


z6o MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyArE 

ey Vdy +-dx° _— pdds 
Se Me Nous 
fes Vay + d# 
pouvons nous fervir avec fuccès de l'une ou de l'autre, & 
même en opérant deffus précifément de Ia même maniéré. 


quoique moins univerfelle, 


er Vi RE rs dt 

Je Vay+dx 

nous ne pourrions pas manquer de trouver encore une 

infinité de figures propres à l'ufage que nous demandons, 

puifque cette équation les renferme abfolument toutes, de- 
uis Le cone dont l'angle au fommet eft le plus obtus, juf- 

qu’au conoïde le plus convexe qui fert de terme de l'autre 


ey Vdy + dx 
Jey Va y + dx 
, parce que fans qu'il foit néceffaire de faire aucune 


Si nous réfolvions la premiére 


côté. Cependant nous préférons l'équation 


: > pdds 


TET Ve 


hypothefe, elle nous fournira une fuite réglée de courbes. En 


intégrant cette équation, & en la rendant exacte, on trouve 


ee E P 3. x 
Lever +er . . C'eft d'ici d’où nous partons pour 


découvrir la relation des coordonnées x & y. 
Nous prenons pour cela une nouvelle variable 7 que nous 


fuppofons égale à fey Vdyÿ + dx* : nous déduifons de cette 


fuppofition dy=eyV dy" + dx° & dx — VIRE 


& par le moyen de ces valeurs, nous transformerons l'équa- 


Li 


ERA 2 
: f Ways =hde. dx dj —é y dy . 
tion _ 2 = — dy? en _… = DE qui 


fe réduit à eg y" dÿ = a x dy —ey dy, &à 

2 2 a 
ex? y dj =a? dÿ —a? y dy, dont on tire 
eydÿ 


DES SCIENCES. 161 

| FE 2 : Ed 

ey dy = ©, Or comme les variables font ici 
ar +zr 


féparées, & fi l'on connoît l'épaiffeur e en y, on pourra 
toüjours trouver par cette derniére équation la relation qu'il 
ya entre y & 7, & il n’y aura plus qu'à introduire la valeur 


? 1224 —<Y dy = 
de y dans l'expreffion ——,, —— de dx pour pouvoir 


découvrir x. Lorfque la Voute eft par-tout de même épaif- 
{eur , on peut mettre l'unité à la place de e ; l'équation 


z Li 
P d P à 
ÿdy= "=? done y = 2 /— TT & 
2 2 2 2 
aP +HzP a? +zr 


J= V4 2[ — 22t —, formule qui nous fournit y, 


Subftituant enfin les valeurs de y & de dy dans 


d*X = . , on aura la féconde formule 


La 


à zP dt 
2 


Li 
Die — / or ot 
RER 
1 : PPREr 

que nous ne connoïflions pas immédiatement Îa relation 
qu'ont entrees les coordonnées , auffi-tôt que nous fçavons 
la relation qu'elles ont avec une troifiéme quantité 7 à {a- 
quelle nous n'avons qu'à attribuer fucceflivement différentes 


valeurs. 


. I n'importe 


X—= 


Si nous voulons nous fixer à la derniére de nos lignes, 


nous n'avons, conformément à ce que nous avons dit, 
qu'à faire p —1. Alors nous aurons pour formules 


Mem. 1734: "m0. 4 


Fig. 2» 


Fig. 2e 


162 MEMmorREs DE L'ACAHEMIE RoyaLe 


adz z47 
= 2 & x=f 
7 Va + Va+s 2f—2dt 
Va + 


qui nous annoncent une courbe méchanique. Nous nous en 
fommes aflürés, en cherchant la valeur des foutangentes 
DM par les regles ordinaires du calcul différentiel ; nous 
avons fait cette proportion, 


comme 


VS 


ge: 
ai + t ? À 
Li 
= 7 Qu 
3 et à DM — 21 ; Jes foutangentes ont donc ici un 
a P 


rapport tranfcendant avec les ordonnées, & il fuit de-fà 
que notre courbe eft méchanique. IL eft clair que les fou- 
tangentes ont dans cette rencontre un rapport tranfcendant 
avec les ordonnées, puifqu’elles font égales ou proportion- 
nelles au produit de ces mêmes ordonnées & de la quantité 

dont la relation dépend de la quadrature de l'hyperbole, 


comme nous le montre la formule y — va 2 [—— 
Ve + e 
Cette tranfcendance de relation doit fubfifter dans tous les 


: 

P dy 

2 23 
aP +2P 


dire, qu'elle doit non feulement avoir lieu, lorfque p eft 


autres cas où 


n’eft point intégrable, c'eft-à- 


DES SCIENCES. 163. 
égal à à l'unité, mais encore forfque p défigne tout nombre 
impair. Ce que nous apprenons ici touchant la derniére de” 
nos courbes, nous perfuade que nous ne pouvons réuflir à 
la mieux connoître que par approximation : ainfi nous ne 
fommes que trop autorifés à faire pour cela ufage des Séries. 


ï 
— — 


Nous réduifons d'abord la quantité 4° + 7* ‘ dans 

: 1 à 1.37 Mes ze - 
be es D ne 7 vtr de. QUE 
nous multiplions par 4dg, & nous avons —%% — 4 


a +T 


; Ld  , - v.37#d7 1. 64 
— Lt + Lite — Hire + &c. qui étant 


intégrée & multipliée par 2, nous donne 2 Jr, De (==> 7 
, Va + au = 


_ ah 1:30 i.3.507 
De nt — ET + cc. Or. 


déduifant de cette derniére Serie, par la méthode 4 retour 
r 0 . # 2 
des jrs, la valeur de 7 née en y, NOUS aurons 7 = À— 


cs RES + — Frère + &c. dont Ia différen- 


tielle FAR RU PU, + 0 te &c. étant 


divifée par 1/ 2 [—<%2 —y, nous donne dt 
pr 2 ei Von 
Vè+s 


= dy É2-+ Paie —+- &c. Je multiplie cette 


2.44 


derniére Serie par = HR pe ee Le Hz + Ge. 


Wu 4 
il vient é t = RE I + ge. 
af adyz AAQES 


2 2 


+ 
Enfin multipliant par ——"— == , mais convertie dans la fuite 


Cas 
X ÿ 


164 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 


2 


1 ré 1, LES » 3187 
Tai 24 2.44 2.4.6a7 &c. & exprimée 


2 


Ka 4 SE 61y 
en ypa > 2.4a) TE 2.4.0.827 2.4.6.8.10,1247 + &c. 


d 2 
nous aurons tt #4 , dy 
er 2 2.4.6a 
Va + V 3 {180 F 
Va+r d 


En —— + &ec. & c'efl-là la valeur de 7x. 


[4 . . Ke 4 . 
Ainfi il ne nous refte plus qu'à intégrer pour avoir dans la 


Je d 3 7 
Série x — I°t = 7 + 2 — 
1e DATES .34 2.4. 6.7 a 
COR 74 ER —— 
+ 
PE) Tr " Lun Lu 97 
F 2.4.6. 8. 10.11 4 Ù &c. où x — 6a 336 4 


11 15 19 23 
3 Ÿ 2 j ? — —+ ? 
Ù 422400 L 96768007 353009666404 18802409472004 


= &c. la relation qu'ont entre elles les coordonnées x &y 
de notre courbe. Le Probleme eft de cette forte entiére- 
ment réfolu, & le calcul qu'exige la Solution eft d’autant 
moins difficile que la Série eft affés convergenté. Cependant 
j'ai cru qu'à caufe de l'utilité qui en pouvoit réfulter, je ne 
devois laiffer au Lecteur aucune forte de fupputations à faire; 
c’eit pourquoi j'ai conftruit la T'able fuivante, en fuppofant 
4—= 100000, ji 


Ÿ 
ÿ 
Le 
ÿ 
À . 
k 
È 
Ÿ 
Ÿ 
S 


TE Men de Lead 8 plss pag 16 ] 
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EE \ a | 
5 ee \|H 


D'E:s 1: S CE NICE S 165 


TABLE 


Des Dimenfions de la dérniéré de routes les Lignes courbes, 
qui eff propre à former des Domes. 


RE TARA POP RP TO CN EC CIC ER CR ED 


HAUTEURS HAUTEURS 
LARGEURS|depuis le fommet LARGEURS|depuis le fommet 
jufqu’à juiqu'à 
du Dome. chaque point du Dome. chaque point 
de l'axe, 


de l'axe. 


1495 


5 

= 1721 
& 1986 
T 2216 
5 2476 
+ 2668 
+ 2878 
5 3107 
3 3357 
4 3630 
+ 


Le Dome formé fur ces dimenfions aura toutes fes aflifes 
dans un parfait équilibre; & par cette raifon il n'aura pas 
pour fe foûtenir contre l'action des agens extérieurs, préci- 
fément autant de force qu’en ont les autres Domes que nous 
avons indiqués. Il en aura cependant toûjours aflés, puifque 


X ii 


166 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
les joints des Voufloirs ne font jamais infiniment polis; & 
d’ailleurs comme ïil fera le plus convexe, & que fes côtés 
s'éloigneront de l'axe le moins qu'il fera poffble, il aura 
auffi l'avantage particulier d’avoir une pouffée moins grande, 
Une remarque que nous devons encore adjoûter, quoiqu'elle 
n'appartienne point à la Géométrie, c’eft qu'en traçant par 
les nombres de notre Table la figure d’un Dome, nous nous 
fommes aflürés qu'elle faifoit un fort bel effet à la vüë. 
Enfin fi lon vouloit laiffer une ouverture au fommet, & 
y placer un autre petit Dome ou une lanterne, on n’auroit 
u’à donner à cette lanterne la même pefanteur qu’à la partie 
retranchée de la Voute, ou une pefanteur moindre. 


| DITES" 48 Ci E Nic MS: 167 
{ 0 - 
no: FRS AAENR JEAN CE N 


Sur les différents degrés de froid qu’on peur produire, 
en mélant de la Glace avec différents Sels, ou avec 
d'autres matiéres, foi folides, foit liquides; èr de 
divers ufages utiles auxquels ces expériences peu- 

_ vent fervir. 


Par M. DE REAUM U R. 
VEc du feu aftuel, avec du feu fenfible appliqué 


contre des matiéres que nous nommons inflammables, 
nous fçavons produire de nouveau feu. Cette production du 
feu fi facile, & qui nous eft fi néceffäire, nous paroîtroit 
un des plus merveilleux phénomenes de Ia Nature, fi nous 
étions moins accoûtumés à la voir. Rien ne devroit nous 
paroître plus furprenant que de ce qu'au moyen d'une étin- 
celle on peut transformer des mafles immenfes dans une 
matiére prodigieufement active, pareille à celle de l'étincelle 
même. Ce qu'’eft pour nous du feu actuel pour la produétion 
de nouveau feu, la glace Feft pour la production de nou- 
velle glace. Avec de la glace, mélée avec certaines matiéres, 
avec certains fels, on gele, on transforme en un corps folide, 
en glace diverfes efpeces de liqueurs aqueufes. 

La pratique connuë & ufitée pour faire de Ia glace, lorf- 
que l'air n'eft pas aflés froid pour geler l'eau, fuppofe donc 
de la glace déja faite. On met dans un vafe mince , tel qu'un 
vafe de fer blanc, la liqueur qu'on veut convertir en glace, 
On pofe ce vafe dans un autre vafe plus grand ; & on rem- 
plit de glace pilée & mélée avec quelque fel F'efpace qui eft 
entre les parois intérieures du grand vafe & les parois exté- 
rieures du vafe qui contient la liqueur qu’on veut faire geler. 

Cette voye de produire des congélations, qu'on peut 
Aommer arfficielles, a fourni aux Phyficiens une ample 


s Mai 
1734e 


168 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 
matiére à des expériences curieufes. Pour prendre une idée 
fuflifante de toutes celles qui ont été faites fur ce füjet, & 
fur beaucoup d’autres fujets de Phyfique, on n'a qu’à lire 
la Traduétion Latine que nous a donnée depuis peu M. 
Mufichenbroeck des Effais de Académie de Florence. Ce 
fçavant & laborieux Auteur Ta accompagnée d’additions 
confidérables, où il a raffemblé avec un très-grand foin les 
expériences les plus finguliéres qui ont été faites par d'au- 
tres, ou par lui-même, fur chacun des fujets traités dans le 
corps de l'ouvrage depuis 1 667, c'eft-à-dire, depuis le temps 
où il fut imprimé pour la premiére fois. 

Malgré pourtant le grand nombre d'expériences qui ont 
été faites fur les congélations artificielles, j'ofe dire que c’eft 
une matiére qui neft encore qu'ébauchée ; les expériences 
les plus fimples, qui font pourtant les fondamentales, nous 
manquent encore ; d'autres plus recherchées, les ont fait 
népliger. 

On fçait que l'eau qui commence à bouillir, a pris le plus 
grand degré de chaleur qu'elle puiffe prendre, mais il n’en 
eft pas de même du degré de froid qu'a pris l'eau qui com- 
mence à fe geler, ou de la glace qui n’a que le degré de froid 
qu'il ui faut pour refter glace : elle eft fufceptible d’une fuite 
de dégrés de froid de plus grands en plus grands, dont nous 
ignorons le terme. Différents fels mêlés avec la glace, ou 
le même fel mêlé avec la glace en différentes proportions, 
font naître des degrés de froid fupérieurs à celui qu’elle avoit, 
lorfqu'elle a été formée, & ces degrés de froid font plus 
grands felon la nature du fel qui a été employé. Ce que 
j'appelle les expériences fimples & fondamentales, font celles 
qui doivent nous apprendre quel degré de froid peut pro- 
duire chaque fel, & la proportion dans laquelle ïf doit être 
mêlé avec la glace pour produire le plus grand des froids 
qu'il eft capable de faire naître. Ces expériences font les 
points d’où nous devons partir pour arriver à des expériences 
plus curieufes, & elles nous fourniront quelques réfultats 
utiles auxquels nous nous arrêterons principalement ici 

J'ai 


D'ERS® PSACUR EUNt Cas 169 

» J'ai donné dans les Mémoires de 1730, la conftruétion 
de Thermometres dont les degrés font comparables, c’eft- 
. à-dire, de Thermometres tels que fi on en place plufieurs 
les uns auprès des autres, ils marqueront par un même 

nombre de degrés, l’état du froid ou du chaud de Pair qui 
les environne, & en degrés qui ne font pas des portions du 
‘ tube prifes arbitrairement, mais qui font chacun des portions 
égales d’un volume connu d'une liqueur connuë. Comme 
de pareils Inftruments étoient abfolument néceflaires pour 
nous donner des mefures connuës des degrés de refroidifie- 
ment, il étoit en revanche abfolument néceffaire de produire 
de très-grands degrés de froid, & de les faire foûtenir à ces 
Thermometres, pour mettre leur marche hors d'état d’être 
troublée par les froids des plus rudes hivers auxquels ils 
peuvent être expofés; car‘il y a long-temps que des Phy- 
ficiens ont obfervé que la marche des Thermometres à efprit 
de Vin étoit quelquefois dérangée par de grands degrés de 
froid. J'ai établi ailleurs que le dérangement qui y arrive 
étoit produit par l'air qui s’en échappe, & j'ai cherché à 
mettre leur efprit de Vin en un état tel que les plus grandes 
chaleurs de l'air que nous refpirons, ne puffent occafionner 
Féchappement d'aucunes bulles d'air de leur liqueur. I n’eft 
pas moins certain que le grand froid, comme le grand chaud, 
donne occafion à des bulles d'air de fe dégager de l'efprit 
de Vin, & ce font les bulles qui s’en échappent pendant le 
grand froid, qui troublent alors les marches des Thermometres. 
Les obfervations qui ont été faites fur ces T'hermometres par 
un attentif obfervateur *, dans un Voyage aux Indes Orier:- 
tales, nous ont déja appris qu’on peut pafler la Ligne, vivre 
fous les'Tropiques, & près de la Ligne fans être expofés 
à des chaleurs auffi infupportables qu'on les imagine dans 
des endroits où les rayons du Soleil font dardés prefque à 


plomb. : Les obfervations faites pendant plus de 16 mois, 


tant aux Îfles de Bourbon, de France & de Madagafcar, que 
” dans la route pour y arriver, & par conféquent fous {a Ligne, 
ont fait voir que dans ces 1 6 mois il n’y avoit pas eu un jour 


Mem. 1734 ' 


* M. Coffigny. 


170 MEMOIRÈS DE L'ACADEMIE ROYALE 

dont la chaleur n'eût été au moins inférieure d'un degré où 
deux à celle que nous avons eué à Paris dans certains jours de 
nos étés les plus chauds. Il feroit de même curieux de fçavoir 
fi les plus rudes froids des pays habités près des poles, ne: 
font pas inférieurs à ceux que nous avons éprouvés dans le 
mémorable hyver de 1709, ou s'ils leur font de beaucoup 
fupérieurs : mais pour cela il faut être für que la liqueur des 
Thermometres ne fera aucunement altérée par un froid plus 
grand peut-être que ceux qu'on a jamais reflentis dans aucun 
des pays où les hommes ayent pénétré. 

Nous fommes maîtres de faire naître prefque dans un 
inftant de ces prodigieux degrés de froid, Avant que de parler 
des moyens par lefquels on les produit, nous dirons que 
Lorfqu'on s'eft fervi de ces grands froids pour regler le Ther- 
mometre, on peut enfuite lui faire foûtenir les mêmes degrés 
de froid fans qu'il en foit dérangé le moins du monde. Mais 
il nous fufft aétuellement de fçavoir que nous avons dans 
nos Thermometres des inftruments propres à mefurer tous 
les degrés de froid. Nous nous en fommes d’abord fervi pour 
reconnoître celui que pourroit produire chaque fel, & pour 
régler mieux les rangs dans lefquels on doit mettre les fels par 
rapport à cet effet, qu'ils ne l'ont été jufqu'ici, Nous aver- 
tirons encore que toutes nos expériences ont été faites dans 
des temps où l'air n’étoit pas aflés froid pour geler l'eau, & 
où la glace n’avoit que le degré de froid néceflaire pour la 
conferver dans fon état de glace. 

Le Salpêtre a été regardé comme un des fels des plus 
efficaces pour produire des congélations artificielles ; tous 
les Traités qui ont été faits fur la glace concourent à nous 
en donner cette idée. M, de la Hire, dans le Traité qu'il 
publia en 1673, fu la formation de la Glace, & où il 
l'attribuëé à une efpece de fel très-volatil, contenu en plus 
où moins grande quantité dans les {els concrets, prétend 
que le Salpêtre ou le Nitre a beaucoup plus de ce fel volatil 
propre à geler que le fel marin. On a recours au Nitre pour 
expliquer divers phénomenes finguliers de congélation. Si 


| D ES: SiCHI:EN CES. Vzt 
des Riviéres prennent à Ja Chine à des hauteurs de poles & 
dans des faifons où le froid ne fembleroit pas devoir être 
capable de geler, on en attribué la caufe au Nitre ou au 
Salpètre dont font imprégnées les terres des pays où ces 
Riviéres ont leur cours. Il eft vrai auffi que le Sdpètre eft 
+ propre à produire des congélations, mais il s’en faut bien 
qu'il puifle faire naître des degrés de froid aufli grands que 
* ceux que peuvent produire d'autres fels.. Avec quelques foins, 

en quelques proportions que j'aye mêlé avec la glace, du 
Salpètre bien raffiné, tel que celui de la troïfiéme cuite, ou : 
du Salpètre des Indes, le froid qui a réfulté du mélange n’a 
fait defcendre fa fiqueur de nos Thermometres que 3 degrés L 
au-deffous-du terme de la congélation artificielle, c’eft-à-dire 
au-deflous du froid qui fuffit pour geler l'eau; & nous ver- : 
rons bientôt que des {els dont on n'a pas une fi grande idée 
par rapport au vefroidifiément, font capables de faire def 
cendre plas bas la liqueur du Thermometre. 

. Le fl marin für-tout, le {el de table a bien une autre 
efficacité pour la produ@tion du froid. Si on le mêle dans 
les proportions convenables avec la glace, c'eft-à-dire, fr on 
mêle une partie de ce {el avec deux parties de glace, ou 
encore mieux deux parties de fel avec trois parties de glace, 
au milieu des plus grandes chaleurs de l'été, on fait naître 
dans l'infant un degré de froid plus confidérable que celui 
que l'hiver de 1709 fit fentir dans ce pays. Par des com- 
paraifons d’obfervations faites en différents temps fur le T'her- 
mometre de FObfervatoire, le plus violent degré de froid 
de cette année eût fait defcendre 1a liqueur de nos Ther- 
mometres à 14 degrés + ou environ, &.le fel marin mélé 
avec la place pilée fait defendre la liqueur du T'hermometre 
à 1 5 degrés complets. . 

: I eft vrai que le froid de la boule du Thermometre eft 
alors bien grand; fi on la retire du mélange où elle l'a pris, 
les gouttes d'eam qu'on fait tomber fur cette boule font 
gelées prefque auffi-tôt qu'elles Pont touchée; Un certain 
degré de chaleur tel que celui de la falive, ne retarde pas 

Y ï 


172 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 
fenfiblement cet effet ; un crachat qui tombe fur la boule n’a 
pas le temps d'y couler, il eft folide dans l'initant. Sion 
plonge alors la boule dans de l'eau, elle eft fur le champ 
enduite d'une calote de glace, & on l'envelopperoit ainfi 
fucceflivement d’une couche de glace très-épaifle, comme 
on couvre une mêche du fuif dans lequel on la plonge. 

Le Salpètre ne peut donc produire qu'un degré de froid 
déterminé par trois degrés & demi de notre Thermometre, 
pendant que le Sel marin en produit un de 1 $ degrés. Les 
degrés, qui font les mefures de l'efficacité du froid de chaque 
fel, feront commodes pour nous donner des degrés fixes de 
froid ; car en mêlant chacun de ces fels dans des proportions 
conftantes avec la glace, on parvient conftamment à avoir 
le même degré de froid. D'où il fuit que dès que d’autres 
fels que ceux que nous venons d'examiner, nous donneront 
d'autres degrés de froid intermédiaires, nous ferons en état 
de mieux déterminer les degrés de froid de différents jours 
d'hiver & de différents païs, de les caractérifer en quelque 
forte. Les uns pourront être défignés par le froid produit 
par le Salpêtre; les autres par le froïd produit par le Sel 
marin; & les autres par des froids d’autres fels dont nous 
parlerons dans la fuite; au moyen de quoi il fera toûjours 
aifé de ramener les degrés de froid marqués par un Ther- 
mometre quelconque aux degrés de froid du nôtre. 

La différence connuë des efficacités du Sel marin & du 
Salpêtre peut être employée à un ufage qui paroîtra plus 
important à bien des gens, & qui généralement paroîtra plus 
fingulier. Pendant la guerre, tout ce qui y a rapport eft ce 
qui nous touche le plus. La Poudre à canon eft le grand & 
le principal agent des opérations militaires; il importe extré- 
mement de faire de bonne Poudre, & par la même raifon 
il importe extrêmement d'avoir des moyens de s’aflürer de 
la qualité des Poudres. On en a enfeigné plufieurs moyens; 
on a imaginé & conftruit diverfes efpeces d'éprouvettes ou 
de machines pour reconnoître les forces des différentes 
Poudres. Toutes ces machines font faites pour mefurer, foit 


DES S €elE N C'E:s. Fi 1928 
létenduë de la dilatation de la Poudre qu'on effaye, foit {a 
force avec laquelle elle fe dilate. Mais ceux qui font le plus 
au fait de l’Artillerie, fçavent combien toutes les épreuves 
de la Poudre qu'on a propolées jufqu'ici font incertaines. 
Quoique je vienne de préparer à la propofition que je vais 
avancer, peut-être ne s’attend-on pas encore que je pro- 
pofe comme le meilleur moyen d’éprouver la Poudre à : 
canon, qu'on n'a jamais confidérée que par rapport à fon 
inflammabilité, que je propole, dis-je, de l’éprouver par le 
froïd qu'elle peut produire. Toute paradoxe que femble cette 
propolition, elle paroîtra bientôt certaine, au moins pour 
l'épreuve de la plus eflentielle des matiéres qui entrent dans 
la compofition de cette Poudre, pour le Salpètre. II paroïtra 
tout aufli fingulier que le Salpètre, qui eft d'autant plus par- 
fait, qu'il eft plus inflammable, ne puifie pas être éprouvé 
auffi fürement par le feu qu'il le peut être par la glace. Des 
notions fimples & familiéres à ceux qui ont quelque con- 
noiflance des Sels, & fur-tout de la maniére dont on raffine 
le Salpètre, fufffent pour faire voir la certitude du nouveau 
genre d'eflai du Salpêtre que je propofe. On fçait que le 
meilleur Salpètre eft le plus rafñiné, & que raffiner le Salpêtre 
n'eft prefque que lui ôter une partie du Sel marin avec le- 
quel il étoit mêlé : on lui en ôte une quantité confidérable 
par la premiére cuite; on lui en ôte par la feconde cuite; 
& on lui en ôte encore par la troifiéme ou derniére cuite, 

Rappellons-nous à préfent nos deux premiéres expériences 
fur l'efficacité des fels pour produire du froid ; rappellons- 
nous que le Salpêtre bien raffiné ne produit que 3 degrés & 
demi de froid au deflous de la congélation, & que le Sel 
marin en produit 15, & on ne pourra s'empêcher d'en 
conclure qu'un Salpètre qui ne fra pas bien raffiné, qui 
gontiendra plus de Sel marin que n’en contient celui qui 
ne peut faire defcendre la liqueur du Thermometre qu'à 3! 
degrés & demi au deflous de la congélation; que ce Saf- 
pètre, dis-je, moins raffiné, fera defcendre la liqueur du 
Thermometre au deflous de 3 degrés & demi; qu'il Ja fera 
| Y ii 


174 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarE 
defcendre d'autant plus bas qu'il fera moins raffiné, où qu'il 
contiendra plus de fel marin. Cela ef fi évident , que je ne 
crois pas même qu'il faille avoir recours aux expériences 
pour le prouver. Auffi me bornerai-je à en citer deux qui 
donneront quelque idée de ce qu'on peut attendre de ce 
genre d'épreuves. 

Dans la premiére, j'ai mélé du Salpêtré de la premiére 
cuite avec de la glace pilée, dans es mêmes proportions que 
favois mêlé du Salpètre bien raffmé avec de pareille glace. 
La Hiqueur du Thermometre mis dans ce nouveau mélange 
à defcendu à 8 degrés & demi. Du Salpètre plus raffiné ne 
leût fait defcendre que de 3 degrés & demi. Dans une fe- 
conde expérience J'ai employé du Salpêtre encore moins 
épuré ; la EE fonte a defcendu à 1 1 degrés. 
Si on a eu fi grande idée du froid que le Salpêtre peut pro- 
duire, c’eft qu'on n'a pas été difhcile fur le choix, lorfqu’on 
a voulu l’employer pour faire de la glace, & qu'on aura fou- 
vent pris le moïns parfait , le moins falpêtre, qui heureu- 
fement étoit le plus efficace pour la produétion du froid. 

Je ne m'arréterai point aétuellement à faire voir plus au 
long combien ïl eft facile de déterminer par cette voye le 
degré de perfeétion de tout Salpètre donné. I eft clair que 
fi on prend la peine de raffiner du Salpêtre autant qu'il eft 
poffible; que fi on l’amene à un point où il necontienne plus, 
ou au moins il puiffe être cenfé ne plus contenir de fel marin; 
É qu'on fe fera afluré du point où ce Salpêtre peut 

ire defcendre Ja liqueur du Thermometre, fi on mêle en- 
fuite avec ce même Salpétre du fel marin en différentes pro= 
portions toûjours de plus grandes en plus grandes, & qu'on 
s'aflüre du degré de froïd que peut produire le Salpêtre mêlé 
avec chacune de ces différentes dofes de fel marin, on aura 
une Table des qualités des différents Salpêtres, exprimées 
en degrés du Thermometre; & cette Table apprendra en- 
fuite la quantité de fel marin que contiendra tout Salpètre 
dont on éprouvera la qualité, 

Je ne crois donc pas qu'on puiffe avoir tme meïlleure 


21 D'E GN S CUT'EN GIE | 117$ 
maniére d'eflayer le Salpêtre que par le froid qu'il peut pro- 
duire, Le même genre d'épreuve ne paroïtra pas moins con- 
venir à la Poudre à canon, lorfqu'on fçaura qu'elle eft les 
trois quarts falpètre; car les dofes ordinaires de fa compofition 
font de trois parties de Salpètre, d’une demi-partie de charbon 
pilé, & d'une demi-partie de foufre, Le charbon & le foufre 
ne font par eux-mêmes aucunement capables d'augmenter 
ou de diminuer le froid de la glace, & combinés avec Le 
Salpêtre, ils n'en altérent point l'effet; en voilà des preuves 
décifives. J'ai mélé une partie de bonne Poudre à canon bien 
pulvérifée avec deux parties de glace ; le froid qui a été excité 
par ce mélange a fait defcendre la liqueur du Thermometre 
dvprès de 3 degrés +, comme elle y füt defcenduë, fi du 
Salpètre eût été mêlé avec la glace. 

Mais pour m'aflürer des différents degrés de froid que la 
Poudre à canon produiroit felon la différente mi du Sal, 
pêtre qui feroit entré dans fa compofition, j'ai fait moi-même 
deda Poudre avec du Salpêtre de la troifiéme cuite, & ma 
Poudre a eu le même effet que la bonne Poudre que j'avois 
achetée. J'ai fait d'autre Poudre avec du Salpêtre de la pre- 
miére cuite; j'en ai mêlé une partie avec deux parties de glace 
pilée ; ce mélange a fait defcendre a liqueur du Thermo- 
metre à 8 degrés +, c'efl-à-dire, à $ degrés + plus bas que 
n'eût fait la Poudre compofée de Salpêtre bien raffiné, 

De la Poudre à canon faite avec de bon Salpêtre pourroit 
pecher en ce qu'on n'auroit pas fait entrer aflés de ce fel 
dans fa compofition, parce qu'on auroit employé le charbon 
& le foufre en trop grandes dofes. Notre épreuve avec la 
glace nous mettroit encore en état de connoîtrel'imperfection 
de cette Poudre; mêlée en même quantité & en même pro- 
portion avec de la glace, elle ne produiroit pas autant de 
froid que de bonne Poudre en produiroit dans les mêmes 
mise nee : 

vrai qu'on pourroit combiner de mauvais Salpêtre 
 # des dofes plus fortes de charbon pilé & de foufre, de 
maniére que de la Poudre qui pecheroit, & par des dofes, 


176 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

& par la qualité du Salpètre feroit capable de faire naître le 
même froid que fait naître la bonne Poudre, fi on les méloit 
l'une & l'autre en même proportion avec la glace pilée. Mais 
le rapport du poids & du volume de la mauvaife Poudre, 
au poids & au volume de la bonne, pourroit aider à re- 
connoître la tromperie, pour peu qu'on l'eût foupçonnée. I y 
auroit même un moyen für de la découvrir. On feroit diflou- 
dre de cette Poudre avec une fufhfante quantité d'eau, l'eau 
fe chargeroit de fon Salpêtre. Après avoir filtré cette eau, on 
la feroit évaporer, & on auroit le Salpètre de cette Poudre. 
Par l'effai de la glace, on reconnoîtroit aifément fa qualité, 
comme on peut reconnoître celle de tout Salpêtre. Aïnfi il 
ne paroït pas qu'il puifle y avoir aucune mauvaife manœuvre 
dans la fabrique de la Poudre, que notre épreuve par la glace 
ne découvre. Sans aucun appareil, on parviendroit même à 
reconnoître la Poudre dans laquelle feroit entré le mauvais 
Salpètre; on n'auroit qu'à la mêler en grande dofe avec la 
glace, par exemple, à parties égales; elle produiroit alorsun 
froid plus grand que celui qu'elle avoit produit dans de la 
glace, y étant mêlée dans une moindre proportion, un froid 
de plus de 3 degrés+. La Poudre au contraire faite avec le bon 
Salpêtre ne fera jamais naître plus de 3 degrés + de froid 
au-deffous de la congélation. 

Mais, pour reprendre la fuite de nos eflais des fels, & 
pour déterminer en même-temps les degrés de froïd de notre 
Thermometre qui leur répondent, nous fuppoferons que 
nous les avons mêlés chacun avec la glace dans la propor- 
tion la plus avantageule, nous dirons ailleurs quelle eft cette 
proportion la plus avantageufe pour chacun d'eux. Les degrés 
dont nous parlerons feront toüjours des degrés au-defious 
du terme où l’eau commence à fe geler. 

Quoiqu'on regarde le Soufre comme propre à refroidir 
l'eau, il n’a nullement refroidi la glace. Le Charbon pilé ne 
Ya aufli aucunement refroidie. 

Le Borax n'a donné à la glace qu'un demi-degré de froid 
au-deflous de la congélation. AT 

Les 


DLEt sm 16 0 bR EC GE 820: Vi 
-: 0 Le Vitriol verd ou de Mars donne 2 degrés de froid au 
deflous de la congélation. Le fel de Glauber n'en donne 
pas davantage.  : 

Mais le Sucre a fait defcendre la fiqueur du T'hermometre 
à s degrés au-deflous de la congélation; il eft capable de 
produire un froid plus grand d'un degré & demi que celui 
du Salpêtre bien raffiné. 

Le fel de Verre, qui eft un fel moyen de {a nature du 
fel marin, a fait defcendre la liqueur du Thermometre à 
10 degrés. 

Les effais précédents ent été faits avec des fels moyens; 
des fels d’une autre nature, des fels alkalis méritoient d’être 
éprouvés. L'effet du fel de Tartre eft aflés confidérable , il 
a fait naîtreun froid plus grand de 10 degrés que celui qui 
fuffit pour geler l'eau. 

Le Natron d'Egypte, quieft une efpece de fel alkali naturel 
qui fe trouve mêlé inégalement avec le fel marin, a auffi 
donné un froid de 10 degrés. 

Tous les fels alkalis ne font pas capables de produire 
autant d'effet ; celui que j'ai tiré de la Soude n’a pû faire 
defcendre la liqueur du Thermometre qu'à 6 degrés + au 
deffous du terme de la congélation. 3 

La Chaux même, malgré la chaleur qu’elle produit, quand 
l'eau la pénétre, augmente d’un degré & demi le froid de 1a 
glace avec laquelle elle eft mêlée. 

- La Soude, c'eftà-dire, cette cendre de la Plante appellée 
Kai ; la Soude, dis-je, qui eft employée à tant d'ufages ,' 
d'où a été tiré l’efpece de fel dont nous venons de parler, 
fait defcendre la liqueur du Thermometre un peu plus de 
3 degrés au deflous de la congélation. 
+ Le goût pour ces liqueurs glacées que nous nommons 
des Glaces, va tous les jours en augmentant. Le temps où 
ane chaleur exceffive nous porte à chercher à nous rafrat- 
<hir, l'Eté n'eft plus la feule faifon qui leur foit confacrée; 
on n'eft plus étonné de les voir paroître fur les tables au 
milieu de l'Hiver fous des formes variées & recherchées, & 
Men. 1734. . Z 


178 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

avec des couleurs différentes. Quoi qu'il en foit du bon ou 
du mauvais ufage que nous faifons des liqueurs glacées, le 
grand ufage que nous en faifons füt-il l'effet d’un luxe poufié 
trop loin, plus cet ufage s'étend, & plus il importe de pou- 
voir faire les glaces à moins de frais, en tout temps, & 
en tous lieux ; le réfultat de notre derniére expérience nous 
en donne un moyen. On fçait déja que ceux dont la pro- 
feflion eft de les vendre, les ont mifes à un prix exceflif 
par rapport à celui qu'elles leur coûtent. La plus grande 
dépenfe à laquelle elles engagent, eft celle du fel marin, 
du fel de table qu'on y empleye ordinairement. Si on s'en 
eft tenu à ce fel, quoique cher à Paris, c’eft qu'il l'eft encore 
moins que le Salpètre. Si le Salpêtre ne coûtoit que deux 
ou trois fols la livre , les faifeurs de glaces fe donneroient 
bien de garde d'employer le fel marin. Nous avons dans la 
Soude une matiére capable de produire à peu-près autant 
d'effet que le Salpêtre bien raffiné, & une matiére à fi bon 
marché, qu'on lemploye même pour les leflives ordinaires. 

Ne doutant nullement du fuccès , j'ai donc eflayé de 
faire des glaces avec la Soude mêlée avec de la glace ordi- 
naire ; l'expérience a réuffi felon mon attente toutes les fois 
qu'elle a été répétée, quoique je l’aye faite dans des endroits 
auffi chauds que le font pendant l'Eté ceux où lon fait des 
glaces. 

Puifque le fel marin eft capable de produire un degré de 
froid fi fupérieur à celui du Salpètre & de la Soude, il fem- 
bleroit que le {el marin devroit être employé avec beaucoup 
plus d'avantage que la Soude, & avec un avantage qui com- 
penferoit la différence du prix. Mais lorfqu’il eft fimplement 
queftion de produire des glaces telles que celles que nous 
prenons, il n'eft pas néceflaire d’avoir recours aux matiéres 
qui peuvent donner les plus grands degrés de froid. Quel- 
ques remarques fur la petite manœuvre de la fabrique des 
glaces, nous feront voir même qu'un degré de froid exceffif 
ne répondroit pas aux vüës qu’on fe propofe. Les glaces defti- 
nées à nous être fervies, ne doivent pas avoir la dureté des 


, EC ? 


DES SCIENCES. ' 
morceaux de glace, nous les voulons femblables à fa neige’; 
pour louer même des glaces bien faites, nous les appellons 
des neiges. On fçait que l'eau qui touche les parois du vafe, 
fe gele la premiére, c'eft l'endroit le plus proche des matiéres 
qui produifent le refroïdiffement, & l'endroit qui fe refroi- 
dit le premier. Pour parvenir à avoir de la glace rare, de la 
glace en neige, on ratifle de temps en temps avec une 
lame de coûteau ou avec quelque inftrument équivalent Ja 
couche de glace qui's’eft formée contre les parois intérieures 
du vafe ; on la divife  ainfi en petites parties qui viennent 
nager dans’la liqueur. Plus on ratifle fouvent, plus on eft 
attentif à emporter des couches minces, & mieux on réuflit 
à avoir une glace bien en neige. Si les matiéres qui produi- 
fent le froid, produifent trop fubitement un froid exceffif, 
des couches épaiffés fe forment trop vite, on ne réuffit pas 
à faire une glace fi parfaite pour nous. 

‘Une autre confidération encore, c’eft qu’il eft difficile de 
compafler le temps néceffaire à faire des glacés, de manicre 
qu'elles ne foient faites que dans celui où on les veut pren- 
dre. On eft fouvent obligé de les garder pendant plufieurs 
heures, & alors on eft en rifque de les perdre, fi on ne 
revient, & quelquefois à bien des reprifes, à {és entourer 
de nouvelle glace mêlée avec du fel. La glace d’eau, celle 
qui a fervi à les produire f fond, elle s'échauffe, & les 
liqueurs glacées ont lé même fort, I ne fuffit donc pas que 
la matiére qu'on employe donne un grand degré de froid, 
il vaut mieux qu'elle donne un degré de froid moindre, & 
qu'elle le donne perdant un temps plus long. D'où il füit 


” que lorfqu'on veut faire des glaces, & les conferver pendant 


quelque temps, la préférence peut être accordée pour cetté 
opération à des fels qui produifent un moindre degré de 
froid, s'ils le produifent pendant un temps plus long. Les 
fels qui mêlés avec la glace, font naître un plus grand dégré 
defroid, & généralement toutes fes matiéres qui font naître 
un froïd plus fubit, fondent plus fubitément Ex glace. Si {a 
Soude ne produit pas un degré de froid auffi confidérable 
Z ij 


180 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 

que celui du fel marin, degré de froid qui n'eft pas nécef- 

faire pour notre opération, & qui peut même nuire à un 

fuccès parfait, elle a fur le fel marin l'avantage confidérable 

de ne pas faire fondre auffi promptement la glace, & de Ja 

maintenir plus long-temps dans le degré de froid qui fufft 
our empêcher les liqueurs qu'on a gelées de fe fondre. 

II réfulte de tout ce que nous venons de dire, que quand 
on veut faire des glaces promptement, qu’on veut les faire 
en cinq ou fix minutes, comme on s'en pique aujourd’hui, 
il faut avoir recours à un {el capable, comme le fel marin, 
de produire fubitement un froid exceffif ; mais que fi on 
aime mieux les faire à moindres frais, quoique ce foit en 
plus de temps, on doit {e fervir de la Soude, & qu’on doit 
l'employer par préférence, lorfqu'on a befoin de conferver 
fes glaces pendant plufieurs heures, pendant des demi- 
journées. 

Heureufement il en eft encore ici de la Soude comme du 
Salpêtre, la meilleure, je veux dire la plus eftimée comme 
Soude, & la plus chere, celle d’Alicante eft la moins efficace 
pour la production du fel. Cette Soude vaut quelquefois 
jufqu'à quatre fols la livre chés les marchands, & ils ont, ou 
au moins ils ont eu, & ils auront, quand on voudra, des 
Soudes, dont ils ne trouvoient pas le débit, qu’ils ne ven- 
dent qu’un ou deux fols la livre; ces mauvaifes Soudes font 
capables de produire 9, 10, & même 12 degrés de froid 
au deflous de celui de la congélation , c’eft-à-dire, un froid 
capable de faire des glaces aflés promptement. 

Mais veut-on encore une matiére plus fimple & à meilleur 
marché que les Soudes les moins cheres, & dont on fe fer- 
vira avec fuccès, pourvû qu’on ne foit pas preflé par le temps, 
& une matiére qu'on peut trouver par-tout; c’eft la Cendre 
ordinaire. On n’a qu'à prendre celle qui fe trouve en toute 
cheminée où on a brûlé du bois neuf. Cette cendre mêlée 
avec la glace, à peu-près à poids égal, donne un degré de 
froid de 3 degrés au deffous de la congélation, un degré 
de froid peu inférieur à celui du Salpêtre rafhiné, & peu 


’ 


DES: S'C'YE N C'Eis A à 
différent de celui de la Soude d’Alicante. Sileréfroidiffément 
-qu'elle produit n’eft pas bien fubit, elle a au moins l'avan- 
tage de conferver pendant long-temps le degré de froid 
qu'elle eft capable de faire naître : fa matiére terreufe boit 
l'eau qui fort de la glace qui {e fond ; cette matiére terreufe 
devient une efpece de pâte qui arrête mieux les impreffions 
de l'air extérieur, & qui eft plus difficile à échauffer que ne 
feroit de l’eau. 

Mais fi on veut abfolument faire des glaces en auffi peu 
de temps qu'on les fait avec le fel marin, les faire avec un fel 
capable de produire un auffi grand degré de froid, nous trou- 
verons encore un fel plus cher à la vérité à Paris que la Soude 
ordinaire, mais moins cher que le fel marin, qui méritera 
d'être préféré à ce dernier. Le fel dont nous voulons parler 
eft encore une efpece de Soude; on fçait qu’en général les 
Soudes font des cendres qui font extrêmement chargées de 
fel fixe. Il y a de ces efpeces de cendres qui font prefque 
tout fel, & qui font faites de bois ordinaires brûlés dans des 
efpeces de fours, & avec certaines précautions que noûs ne 
devons pas expliquer ici. Ces efpeces de foudes, ou de fels, 
font appelées des poraffes ; elles nous viennent d'Allemagne, 
& on en peut faire par-tout où on a trop de bois. On les 
vend à Paris au plus huit fols, & quelquefois fix fols la 
livre, & on pourroit les y avoir à très-grand marché. Quel- 
ques-unes de ces potafles font aflürément préférables au fel 
marin pour faire promptement des glaces. J'en ai eflayé qui 
ont produit un degré de froid de 17 degrés ?, c’eft-à-dire, 
un froid de 2 degrés + plus grand que celui du fl marin. 
De moins bonnes que celles dont je viens de parler, m'ont 
encore donné un degré + de froid de plus que le fel marin, 
16 degrés +. 

«Les différences confidérables qui font entre les efficacités 
des différentes Soudes pour la produétion du froid, nous 
fourniffent un genre d’épreuve pareil à celui dont le Salpêtre 
nous a donné occafion de parler, pour reconnoïître les diffé- 
rentes qualités de ces fels. ds 
… Zi 


182 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

Le fel ammoniac eft celui de tous des fels à qui on a 
accordé le premier rang par rapport aux congélations , cepen- 
dant dans un très-grand nombre d'épreuves, & dans les pro- 
portions les plus favorables de fon mélange avec la glace, 
il ne n'a jamais produit que 1 3 degrés de froid, c’eft-à-dire, 
2 degrés de moins que le fel marin. 

Le fel marin capable de faire naître 1 $ degrés de froid 
au deflous de la congélation , eft le fel de table dont nous 
“nous fervons à Paris, celui qu’on tire des Marais falants de 
Brouage, & de ceux des pays voifins ; mais il peut y avoir, 
& il y a des fels marins qui ne produiroient pas d’auffi grands 
effets, & il peut y en avoir, & il y en 2 qui en produifent 
de plus grands. 

Le fel marin ou le fel de même nature qui f trouve au 
fond des chaudiéres dans lefquelles on rafhine le Salpètre, a 
pourtant fait defcendre la liqueur , comme notre {el de table, 
à r 5 degrés au deflous de la congélation. Mais du fel gemme, 
qui, comme on fçait, eft un fel foffile de la nature du fel 
marin, a produit plus de froid que le fel marin de nos tables, 
I à fait defcendre la liqueur du Thermometre à 17 degrés, 
à 2 degrés plus bas que le fel marin ordinaire. 

Avec des efprits, avec des liqueurs fpiritueufes tirées de 
ces mêmes fels dont nous avons éprouvé la puiffance, on 
parvient à faire naître de prodigieux degrés de froid. C’eft 
fur quoi on a déja fait de curieufes expériences, mais que 
nous avons eu befoin de répéter pour en déterminer les 
effets en degrés de notre Thermometre. 

Qu'on prenne de la glace pilée très-fine, & réduite pref- 
qu'en neige, qu'on mette un de nos petits Fhermometres 
dans cette glace, contenu elle-même dans un vafe de capa- 
cité proportionnée à celle du Thermometre. Qu'on prenne 
une quantité d'efprit de Nitre dont le poids foit environ 
égal à la moitié de celui de la glace, & à qui om ait ew 
foin de donner le degré de froid de la congélation, en le 
tenant pendant quelque temps au milieu de la glace. Tout 
étant ainfi préparé, verfés l'efprit de Nitre fur la glace; 

La 


—# 


DES SCcrENCES 183 . 
vous verrés defcendre la liqueur du Thermometre avec beau- 
. coup de vitefie, & elle ne s'arrêtera que lorfqu'elle fera à 

environ 19 degrés au deflous de la congélation. Voilà done 
4 degrés de froid par de-là les 1 $ que donne le fl marin, 
On ira pourtant plus loin ; on produira un degré de froid 
beaucoup plus grand, fi avant que de verfer lefprit de Nitre 
fur la glace, on a fait prendre à cette glace & à l'efprit de 
Nitre un plus grand degré de froid que celui de Ja congé- 
lation. Je les ai refroidis fun & Pautre au point d’avoir le 
degré de froid de 14 degrés, en les environnant de glace 
mêléeavec du {el marin. Cet efprit de Nitre, déja très-froid à 
verfé fur de la glace très-froide, a produit un froid qui à 
fait defcendre la liqueur du Thermometre à 23 deprés _ 
- Si on avoit refroidi la glace & l'efprit de Nitre à ce 
prodigieux degré de froid , c’eft-à-dire, fi on avoit fait 
prendre à la glace 22 à 23 degrés de froid, & fi on avoit 
fait prendre le même depré de froid à l'efprit de Nitre, du 
mélange de cet efprit de Nitre fi prodigieufement refroidi 
avec de la glace également refroidie, il en naîtroit une nou- 
velle augmentation de froid que j'ai ainfi pouffée jufqu’à 
2 5 degrés. On ne voit point le terme où le froid pourroit 
être porté, en verfant de F'efprit de Nitre de plus froid en 
plus froid avec de la glace de plus froide en plus froide. 
C'eft pourtant une progreffion qui -va en décroiffant, & 
même en décroiffant aflés vite. 
L'efficacité du fel marin étant fi fapérieure, par rapport 
à la prodution du froid, à celle du Salpêtre , il fmbloit 
qu'on devoit attendre que l'efprit de Sel €mployé avec les 
mêmes précautions que lefprit de Nitre, feroit naître un : 
degré de froïd beaucoup plus confidérable. Mais plus on 
fait d'expériences, plus nous avons de preuves que nous ne 
devons pas trop nous fier aux premiéres apparences. L’efprit 
de Sel a produit un peu moins de froid que l'efprit de Nitre 
n'en avoit produit, trois quarts de degré de moins. 
* S'il eft fimgulier que l'efprit de Sel ne foit pas capable de 
produire un plus grand degré de froid que celui que l'efprit 


184 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarE 
de Nitre peut produire , if doit le paroître bien davantage 
qu'une liqueur inflammable, qu'une liqueur que nous regar- 
dons comme tout feu, que l’efprit de Vin en un mot foit 
propre à produire un degré de froid à peu-près égal à 
celui que font, naître les efprits acides les plus violents. 
Les Phyficiens fçavent pourtant que Fefprit de Vin verfé 
fur de la glace, produit fur le champ un refroidifiement 
qui eft fupérieur à celui de fels affés efficaces. Mais, pour 
mieux connoître tout ce que peut l'efprit de Vin pour la 
produétion du froid, je lui ai fait prendre à lui-même 
19 degrés de froid, en environnant la bouteille, dans la- 
quelle il étoit, de glace refroidie à ce point. Je Fai verfé 
fur de la glace refroidie au même degré ; la liqueur du 
Thermometre qui étoit dans cette glace, eft defcenduë à 
2 1 degrés +, ceft-à-dire, qu'il ne s’en eff fallu que 2 degrés 
que le froid produit par l'efprit de Vin n'ait été égal à celui 
qui eft produit par l'efprit de Nitre dans les mêmes circon- 
ftances. 

Nous nous fommes fait une loi de ne nous point arrêter 
à donner des explications qui pourroient paroître incer- 
taines, dans un Mémoire où nous ne pourrons même rap- 
porter qu'une petite partie des faits que nos expériences nous 
ont fournis. Les explications que nous pourrions donner, 
devant être tirées des faits, le détail des faits doit les pré- 
céder. Un fait que nous pouvons prendre pour certain, c’eft 
que fi on mêle une matiére quelconque avec la glace, ce 
mélange ne produit de froid qu’autant qu'il occafionne la 
fonte de la glace. C'eft un principe que M. de Mairan n’a 
pas manqué de faifir dans fon Traité de Ja Glace, & dont 
il a bien fçù faire ufage. Dans la vüë de démontrer la vérité 
de ce principe, j'ai fait une expérience dont le fuccès eût 
furpris ceux à qui ce principe n'eût pas été connu. J'ai fait 
prendre à de la glace bien pilée 1 2 degrés de froid ; j'ai jetté 
fur cette glace du fel marin froid lui-même de 1 2 degrés, 
La glace & le fel froids à ce point étoient très-fecs l'un & 
l'autre ; le fel devoit toucher la glace, être mêlé avec elle 


fans 


,7 


DES SCIENCES. 185! 
fans la fondre. Je les ai mélés enfemble avec un inftrument 
très-froid; il ne s’eft fait aucune fufion, aufli ne s’eft-il fait 
aucune nouvelle produétion de froid. La Jiqueur du Ther- 
mometre qui auroit dû defcendre à 1 $ degrés par l'effet du 
mélange du fel & de la glace, a refté à 1 2 degrés, c’eft-à-dire, 
au degré qu'avoient la glace & le fel avant que d'être mélés. 

J'ai pourtant cru qu'avec de la glace & du fel refroidis 
on pouvoit produire des degrés de froid plus grands que 
ceux qu'ils donnent lorfqu’on les mêle enfemble » n'ayant 
chacun que le froid de la congélation, ou un froid moindre. 
J'ai mêlé enfemble de la glace & du fel marin qui avoient 
chacun 14 degrés de froid; la liqueur du Thermometre eft 
reftée à ce terme. Pendant qu'elle y paroifloit fixe, J'ai verfé 
fur la glace, de l'eau chargée de {el marin, & froide de 8 
à 9 degrés. Le but que je me propoois ef aifé à voir, je 
voulois mettre le fl marin concret & la glace en état de 
fondre. La glace & le fel fe font auffi fondus, & fur le champ 
le froid des matiéres qui fe fondoient a augmenté. Non 
feulement la liqueur du Thermometre a defcendu à r s degrés, 
terme ordinaire du froid de la glace & du fel marin, elle eft 
defcenduë 2 degrés plus bas, à 174 D'où il fuit qu’au 
moyen de cet expédient, on pourroit avec de Ja glace & du 
fel refroidis de plus en plus, produire des degrés dé froid 
de plus grands en plus grands. Cette manicre de faire ufage 
des fels, & les combinaifons que j'ai tenté de faire de diffé- 
rents fels les uns avec les autres, m'ont déja appris qu'avec 
des {els concrets on peut produire des degrés de froid prefque 
auffi confidérables que les plus grands qui ayent été produits 
avec les plus forts efprits acides. Avec du falpêtre, du fei 
marin & du fel ammoniac refroidis, mélés fucceffiyement 
avec la glace, en dofes convenables, j'ai fait naître un degré 
de froid de 22 degrés. Partant de-là pour faire ufage des 
efprits acides, quel froid ne produiroit-on pas! 

La meilleure & la plus précife maniére de mefurer les 
degrés du froid, eft aflürément par les degrés de condenfa- 
tion qu'il produit dans la liqueur du Thermometre; il en eft 

Mem, 173 4 Aa 


186 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 
encore une autre qui a quelque chofe de moins exaét, mais 
de plus fatisfaifant, c’eft celle qui nous détermine leur puif- 
fance pour geler, pour faire prendre de fa folidité à des 
liqueurs. L'eau eft gelée par un degré de froid que nous 
prenons pour le terme d’où nous commençons à compter les 
degrés qui vont en augmentant. Il y a des liqueurs qui con- 
fervent leur fluidité, quoiqu'on leur faffe prendre les plus 
grands degrés de froïd que nous ayons produits ; tel eft 
heureufement l'efprit de Vin de nos Thermometres. Si on 
Yaffoiblit en le mêlant avec de l'eau, on donne plus de prife 
au froid pour le fixer, pour le rendre folide. Dans mes 
différentes épreuves j'ai mis dans le mêlange de glace & de 
fel de petits tubes de verre remplis chacun d'efprit de Vin 
affoibli en différentes proportions. Tout ce qu'a pü faire 
le froid de 23 degrés +, c'eft-à-dire, ce prodigieux froid 
qui naît de Fefprit de Nitre refroidi, verfé fur la glace re- 
froïdie, a été de faire geler l’efprit de Vin, tel que celui de 
nos Thermometres, mêlé en parties égales avec l’eau. Un 
mélange de trois parties du même efprit de Vin & de deux 
parties d’eau a confervé fa fluidité au milieu de ce grand 
froid. Mais ce mélange: de trois parties d'efprit de Vin & 
de deux parties d’eau a été converti en glace par un degré 
de froid de 2 5 degrés, que j'ai produit en verfant de l'efprit 
de Nitre très-refroidi fur de la glace très-refroidie. 

Le froid de 1 $ degrés, celui que produit le fel marin, 
ne peut geler qu'un mélange fait d’une partie d’efprit de Vin 
& de trois parties d’eau. 

Nous ne fommes pas furpris que les liqueurs inflamma- 
bles, telles que l'efprit de Vin, & peut-être ne le devons- 
nous pas être encore, que les puiffants efprits acides, que les 
eaux mêmes chargées de beaucoup de fels confervent leur 
liquidité contre des froids exceffifs. Mais la Nature fçait 
compofer des liqueurs qui ne font nullement inflammables, 
qui n'ont pas d’acidité fenfible pour nous, & qui cependant 
font en état de réfifter à de très-grands froids. Je veux parler 
de Fefpece de fang qui circule dans des Infe6tes de tant 


DES S CHEN CR 187 
d'efpeces ; par fa couleur, par fon goût, nos fens grofliers 
le jugeroient de l'eau , ou au moins une liqueur extrêmement 
aqueufe. Les canaux dans lefquels il circule, nous conduifent, 
à la vérité, à en prendre une autre idée. H m'a paru curieux 
de fçavoir quels degrés de froid étoient capables de foûtenir 
les liqueurs des Infeétes fans fe geler. S'il eft un état de 
mort, c'eft aflurément celui où toutes les liqueurs font 
gelées, où toùt leur mouvement, même leur mouvement 
inteftin, eft arrêté. Quand Fhyver nous fait fentir un froid 
que nous trouvons trop rude, ce feroit une efpece de confo- 
lation de fçavoir qu'il nous délivre de certaines efpeces 
d'Infectes ; qu'il fait périr telle efpece de Chenilles qui pen- 
dant l'été auroit dépouillé les arbres de nos jardins de leurs 
feuilles ; qu’il en fait périr une autre qui auroit ravagé les 
choux ou d’autres légumes. J'ai mis dans des tubes de verre 
des Chenilles de différentes efpeces & d’autres infeétes, & 
cela pendant l'hyver, & au commencement du printemps. 
J'ai placé ce tube de verre dans un mélange de glace & de 
fel propre à faire naître un grand degré de froid, qu'un 
Thermometre placé dans la même liqueur me faifoit con- 
noître. Je réferve le détail de ces expériences pour un autre 
ouvrage, pour lhiftoire des Infectes où il doit fe trouver: 
je me contenterai d'en donner ici quelques réfultats. Huit 
degrés de froid au-deflous de la congélation ont été néceffaires, 
mais ils ont fuffi pour geler parfaitement des Chenilles de 
quelques efpeces. Ces 8 degrés de froid les ont renduësroides, 
& auffi dures que la plus dure glace, on ne pouvoitles couper 
que comme on. coupe une pierre tendre; auffr toutes ces 
Chenilles étoient-elles bien mortes, & ne { font jamais 
donné de mouvement depuis. 

J'ai expofé au même degré de froid, & enfuite à de plus 
grands degrés de froid, des Chenilles qui, quoiqu’elles 
dûffent devenir d’une grandeur médiocre, c’eft-à-dire, lon- 
gues de plus d’un pouce, & grofles à proportion, n’avoient 
que deux ou trois lignes de longueur , & n'étoient guere 
plus grofles que de grofles épingles. Si jeunes , & par 


a i] 


188 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE ROYALE 
conféquent fi délicates, elles ne fembloient pas être en état de 
réfifter à un froid bien rude ; il y en a pourtant eu à qui 
j'ai fait foûtenir un froid de plus de 17 degrés, plus grand 
de près de 3 degrés que celui de l'année 1709. Quand je les 
ai eu retirées de l'endroit où regnoit un fi furieux froïd, elles 
fembloient mortes, mais elles ne l’étoient pas ; leur corps 
avoit fa premiére foupleffe, ii cédoit fous le doigt , il fe 
laifloit plier. Enfin ces Chenilles réchauffées peu-à-peu, 
c'eft-à-dire, d’abord dans de la glace ordimaire, ont com- 
mencé à fe mouvoir, & ont paru aufli vigoureufes qu'elles 
Tétoient avant que d’avoir été mifes à une fi rude épreuve. 
Le fang & les principales liqueurs qui fe trouvent dans le 
corps de ces infeétes, toutes aqueufes qu'elles nous femblent, 
font donc d’une nature à foûtenir un froid exceffif fans fe geler. 
Je vois bien qu’on peut foupçonner que ce que j'attribuë à læ 
nature de leurs liqueurs, a peut-être pour caufe la chaleur 
qui regne dans l'intérieur de l'infecte, & la rapidité avec 
laquelle les liqueurs y circulent. Quoiqu’après une diette de 
trois à quatre mois qu'avoient faite les Chenilles dont je parle, 
la vitefle de la circulation dût être bien affoiblie, & 1a chaleur 
intérieure bien diminuée, j'ai pourtant craint que les deux 
caufes dont je viens de parler, ne produififfent l'effet que 
j'attribuois à la qualité de leurs liqueurs. Le doute étoit aifé 
à lever par une expérience. J'ai tué plufieurs de ces Chenilles, 
& bien mortes, je {es ai mifes dans le tube de verre que j'ai 
tenu pendant un temps fufhfant au milieu du mélange qui 
produit un froid de 1 7 degrés; quand je les en ai euretirées, 
j'ai vû que leurs corps étoient auffi fouples que l'étoient, après 
la même épreuve, ceux des Chenilles qui l'avoient foûtenuë 
vivantes. Les liqueurs du corps des mortes n’avoient donc 
été aucunement gelées par un fi grand froid ; ce n’eft donc 
ni la chaleur intérieure de leur corps, ni le mouvement rapide 
de leurs liqueurs qui empêche ces liqueurs de fe geler. 
Nous ne pouvons donc pas efpérer que les plus grands 
froids de notre climat nous délivrent, ni même qu'ils dimi- 
nuent le nombre des Chenilles de l'efpece dont je viens de 


——— 


DES SCIENCES ‘189 
parler, & malheureufement c'eft celle qui fait le plus de 
ravage; dans certaines années, le nombre de:fes individus 
égale peut-être en. France celui des individus! d’un millier 
d'autres efpeces , aufii avons-nous nommé cette elpece /z 
Commune. C’eft celle qui pañle l’hyver dans des nids de toiles 
qui paroïflent fur les arbres, mieux qu'en tout autre temps, 
lorfque leurs feuilles font tombées. 

Il n'eft pas für même que l'hyver nous délivre des efpeces 
de Chenilles dont les liqueurs font gelées par 7 à 8 degrés 
de froid, lorfque le froid de Fair devient plus confidérable. 
Le grand Maître qui a fait Les Chenilles, a plus fongé à les 
conftituer comme elles le devoient être, qu'à les conftituer 
comme nous voudrions qu'elles le fuflent. Quantité d’efpeces 
pañlent Fhyver fous la forme de crifalides. Il y a de ces 
crifalides qui, pendant cette rude faifon, font attachées contre 
des murs, contre des entablements d’édifices, contre des 
branches d'arbres ; qui y font nuës, c’eft-à-dire, qui ne font 
point couvertes d'une coque de foye. J'ai fait fouffrir à de 
pareilles crifalides de très-grands degrés de froid, fans que 
leurs liqueurs fe foient gelées, fans qu'elles ayent paru en 
fouffrir. Dautres crifilides au contraire ont été durcies par 
un froid de 7 à 8 degrés, & elles ont péri; mais ces derniéres 
étoient des crifalides venuës de Chenilles qui étoient entrées 
en terre, qui s'y étoient conftruit des coques dans lefquelles 
elles s’étoient métamorphof&es. Ainfi les infectes qui reftent 
expofés à de grands degrés de froid font ceux qui les peu- 
vent braver. Ceux qui font plus fenfibles aux impreffions du 
froid, agiflent comme-s’ils prévoyoient celui qui doit regner 
pendant lhyver fur Ia furface de la terre, & auquel ils ne 
fçauroient réfifler ; je dis qu'ils agiflent comme s’ils le pré- 
voyoient, parce que ce ne font pas les approches de l’hyver, 
le froid actuel qui détermine les Chenilles à entrer en terre, 
il y a des Chenilles qui s’y enfoncent dans les mois de Juillet 
& d'Août, & d’autres même dès le commencement du prin- 
temps. Peu après y être entrées, elles s'y transforment en 
crifalides, & y xeflent quelquefois des neuf à dix mois, & 

a li 


r90 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE 
même près d'une année. Ce n’eft que l’année fuivante qué 
Vinfede fort de terre fous la forme de Papillon. 

Au refte le fang des grands animaux, celui des oifeaux, 
celui des quadrupedes & le nôtre même non feulement fe 
coagulent aifément, mais ils font bien plus aifés à geler que 
celui des infeétes. Le fang d’un Pigeon qu'on à fait couler 
tout chaud dans un tube, a été réduit en glace très-dure 
par 7 à 8 degrés de froid, & eût pü être gelé par un moindre 
froid. Le fang d’un Agneau a foûtenu, fans fe geler, 3 degrés 
de froid, mais $ degrés l'ont rendu de la glace. Les grands 
animaux ont dans leurs corps une chaleur & un principe 
de chaleur qui ne fe trouvent pas dans ceux des infeétes. 
Les grands animaux n'avoient donc pas befoin d'avoir un 
fang qui gelât auffi difficilement que gele celui des infeétes. 

Pour avoir des Thermometres dont la marche foit Îa 
même, dont les degrés foient exaétement comparables, ils 
doivent être remplis d’une même liqueur, d’un efprit de Vin 
également dilatable , auffi la difficulté qui nous a arrêté le 

lus, a été de trouver un moyen de nous aflürer de la 
dilatabilité de l’efprit de Vin. Pour y parvenir, nous avons 
cherché combien différents efprits de Vin condenfés par le 
froid de la congélation artificielle de l'eau qui commence 
à fe geler, pourroient être dilatés par le plus grand degré de 
chaleur que l'efprit de Vin puifle prendre fans bouillir. Lorf- 
que nous avons enfeigné la maniére de faire cette épreuve, 
nous avons averti qu’elle eft extrêmement délicate, qu'elle 
demandoit à être faite par quelqu'un qui y apportât toute 
fon attention, & même qui s’y füt exercé plus d'une fois. 
H y a à craindre, lorfqu'on chauffe un peu trop brufquement 
Peau, de faire bouillir l'efprit de Vin avant que de lui avoir 
fait prendre tout le degré de chaleur qu'il peut prendre fans 
bouillir, lorfqu'il eft échauffé plus doucement. Quand 
l'épreuve eft bien faite, l’efprit de Vin le plus redtifié fe 
dilate davantage que celui qui left moins. Tel efprit de Vin, 
dont le volume condenfé par la congélation de l'eau eft à 
1000, a un volume de 1090, lorfqu'il eft dilaté par le 


D'E S$:4S:C TE N CES 197 


9 
. plus grand degré de chaleur qu'il puiffe prendre fans bouillir. 


Dans le même cas le volume d'un autre efprit de Vin plus 
foible fera de 108 5; & nous avons choifi pour nos Ther- 
mometres l'efprit de Vin, dont le volume condenfé par la 
congélation étant 1000, devient 1080 rarefé par le plus 
grand degré de chaleur qu'il puifle prendre fans bouillir, 

Si le même degré de chaleur rarefie davantage lefprit 
de Vin le plus rectifié, le même degré de froïd condenfe 
davantage cet efprit de Vin qu'il n'en condenfe un plus 
foible. Au lieu de caraétérifer l'efprit de Vin par fon degré 
de dilatabilité, nous pouvons donc le caraétérifer par fon 
degré de condenfabilité. On a deux efprits de Vin différents 
dont le volume eft réduit à ro00 par le degré de froid de: 
la congélation de l'eau ; fi on met des boules de Thermo- 
metres faits de ces différents efprits de Vin, dans un mélange 
convenable de fel & de glace, l’efprit de Vin le plus foible 
ne defcendra pas auffi bas dans fon tube que l'efprit de Vin 
le plus fort defcendra dans le fien. Nous avons vû, par 
exemple, que l'efprit de Vin ordinaire de nos Thermometres, 
Yefprit de Vin dont nous les rempliflons, eft defcendu à 1 S 
degrés dans un mélange de fel & de glace fait dans les rap- 
ports de 1 à 2 & de 2 à 5. J'ai mis dans un autre Thermo- 
metre un efprit de Vin rectifié, de celui que je fais affoiblir 
en le mêlant avec l’eau, avant que d’en remplir les Thermo- 
metres, cet efprit de Vin a defcendu à 17 degrés 1, Ja 
boule du Thermometre ayant été mife dans un pareïl mé- 
lange de fel & de glace. Aiïnfi le rapport de condenfabilité 
de ces deux efprits de Vin eft comme 1 $ à 174 La dila- 
tabilité de ces deux efprits de Vin, prife au-deflus de la 
congélation, étoit comme 80 à 90, comme 8 à 9, & leur 
condenfabilité comme 1 sè17+, ce qui ne donne pas un 
rapport aufli différent qu'on auroit pà l'attendre: 

La commodité de ce genre d’épreuve, c'eft qu'elle ne 
demande d'autre attention que celle de bien mêler lefel & 
la glace; on n’a point de bouillonnements à craindre: elle 
peut être aifément répétée. Si les réfultats des différents effais 


192 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLr 

font les mêmes, ou varient peu, on eft für d'avoir bien 
opéré. À la vérité on n'a pas une auffi grande fuite de degrés 
de condenfabilité que celle des degrés de dilatabilité, mais 
ce defavantage eft plus que compen{é par le peu d’incon- 
vénients auxquels cette épreuve expofe. Il eft très-aifé de la 
faire avec précifion. On pourroit même prendre une aflés 
grande fuite des degrés de condenfabilité, fi au lieu de faire 
l'épreuve à un froid de 1 $ degrés au deflous de la congé- 
lation dans notre Thermometre ordinaire, on la faïfoit à 
un froid de 22 à 23 degrés. 

Mais, pour revenir aux expériences par le moyen def 
quelles nous produifons des augmentations de froid , il eft 
clair que la matiére qu'on mêle avec la glace y doit être 
mêlée en une certaine proportion & avec certaines précau- 
tions. Des regles générales feront aifées à déterminer, fi on 
fe rappelle l'expérience qui a prouvé inconteftablement que 
Je refroidiffement ne fe fait qu'à l’occafion de la fonte de Ia 
glace; elle apprend, cette expérience, qu'il faut employer 
la quantité, foit de matiére folide, foit de liquide, nécefaire 
pour fondre la glace, & qu'il ne faut en employer que cette 
quantité. Si on n’employe pas le fel marin, par exemple, en 
quantité fufffante, le degré de froid qui fera produit ne fera 
pas auffi confidérable qu'il peut l'être. Si on mêle au contraire 
e fel marin en trop grande proportion avec la glace, il en 
arrivera encore que l'on n'aura pas un auffi grañd degré defroid 
qu'on auroit eu, fi on l'eüt employé dans une moindre dofe. 
Ce n’eft pas feulement la glace qui doit fe fondre, le fef 
doit fe fondre en mème temps; c’eft la liqueur qui vient 
de la glace & du fel fondu qui a un plus grand degré de 
froid que la glace. Le fel & la glace qui ne font pas fondus, 
font moins froids que la liqueur compofée de glace nou- 
vellement fonduë & de fel ; d'où il fuit que le fel excédent 
qui a été employé, ne fert qu'à réchaufler les parties qui 
fe fondent & qui fe mêlent par la fufion. 

Deux expériences, dans l'une defquelles le fel marina 
été employé en trop petite quantité, & dans l'autre defquelles 

é° ce 


Z 2 er. 


11m ES 1S* CAEN TRES. 193 
te fel a été mis en trop grande quantité, donneront les 
preuves de ce que nous venons d'avancer. La plus petite dofe 
dans laquelle j'ai employé le fel marin , a été d’une feule 
partie de ce fel contre dix de glace. I n'a pas laiflé de ré- 
fulter de cé mélange un froid confidérable , il a été de 8 


degrés +, moindre pourtant de 6 degrés+ que celui qui eût 


été produit par la combinaifon la plus avantageufe. Dans 
une autre expérience, j'ai mêlé le fel avec la glace en parties 
à peu-près égales, huit parties de fel avec neuf de glace; le 
froid qui a été produit, n'a été que 13 degrés +, moindre 
par conféquent d'un degré + que celui qui eût été donné 
par la proportion la plus favorable. 

La proportion a plus efficace du mélange d’un fel avec 
l'eau feroit aifée à déterminer, fi le {el pouvoit être mêlé par 
dés parties indéfiniment petites avec Îa glace prodigieufe- 
ment divifée; la quantité de fel feroit alors à peu-près égale 
ou peu fupérieure à la quantité de ce fel que l'eau peut tenir 
en diflolution. Mais comme le fel eft toujours employé en 
gros grains, que la glace même, füt-elle prife en neige, eft 
toûjours en gros molécules, pour que la glace foit le plus tou- 


chée qu’il eft poffible par le fel, pour que la fufion foit opérée 


4e plus promptement qu'il eft poffible , la quantité du fel qui 
- doit être employée, doit furpafler celle que cette eau tien- 


droit en diflolution. Ainfi, quoique l'eau ne puifle tenir 
qu'un peu plus du tiers de fon poids de fel marin diflous, j'ai 
trouvé qu’il falloit mêler une partie de fel marin en grains 
avec deux parties de glace. Il y a mème fur tout cela des 
Jimites d’une affés grande étenduë ; deux parties de fel mêlées 
avec trois parties de glace, ont produit le même effet qu'une 
partie de fel mêlée avec deux parties de glace. 

Mais au moins réfulte-t-il de ces obfervations, que pour 
produire les plus grands degrés de froïd pofibles avec diffé- 
xents fels, on employera en moindres dofes que le fel marin 


es fels dont l’eau ne peut pas tenir en diflolution une auf 


grande quantité que celle qu'elle tient de ce fel; & qu'on 
gmployera au contraire en plus grande proportion les {els 


Mem. 1734 : 


194 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 
dont l'eau peut difoudre davantage que de fel marin. 

Enfin, on voit qu'il faut faire le mélange de la glace & 
du fel le plus parfaitement & le plus promptement qu'il eft 
poffible, pour produire le plus grand degré de froid pofible. 
Plus le froid tarde à naître, & moins il eft grand, parce 
que la chaleur des matiéres extérieures a plus le temps d'agir 
avec fuccès contre le mêlange. La meilleure maniére de 
méler enfemble la glace & le fel, m'a paru être de {es pofer 
June & l'autre par couches autour du vafe qu'on veut refroi- 
dir, & de remuer enfuite le tout avec quelque inftrument 
de fer bien refroidi. La pratique de quelques faifeurs de 
glace eft de mêler la glace & le fel enfemble dans un grand 
vafe, d'où ils la tirent bientôt pour la mettre dans un vale 
plus petit où eft celui qui contient la liqueur qu'ils veulent 
geler ; mais il eft évident que ce procédé fait perdre une 
partie du froid. Pendant qu'on mêle Ja glace avec le fel, ü 
s'éleve une fumée très-épaifle, femblable à celle d’un feu 
qu'on vient d'éteindre, la vapeur qui ne peut s'élever que 
très-lentement dans un air très-froid, s’y raflemble fous la 
forme de fumée. 

Quoiqu'il femblât que plus le fel feroit pulvérifé & réduit 
en grains fins, & plus fon effet feroit prompt, j'ai pourtant 
obfervé qu'on réuffifloit fouvent moins bien en employant 
le fel marin, par exemple, extrèmement pulvérifé, qu'en 
Temployant après avoir fimplement écrafé fes grains, ou en 
eur laiflant même toute leur groffeur. Ce n'eft pas qu'il ne 
oit certain que le meilleur des procédés eft celui de mêler 
da glace & le fel par les plus petites parties qu'il eft poffble, 
mais il arrive que lorfqu'on a jetté du {el en poudre très-fine, 
il fe trouve bientôt dans fa glace par mafles plus grofles que 
celles des grains écrafés, ou dans leur entier, l'humidité lie 
enfemble des ainas de ces petits grains. 

Moins de circonftances s’oppofent à ce que l'efprit de Vin, 
les efprits acides, & généralement tous les liquides propres 
à faire naître du froid, en produifent les plus grands degrés 
qu'ils font capables de produire. Ils fe mêlent bien plus 


7 


DES SCIENCES, 195 
parfaitement avec la glace, ils la touchent & fattaquent dans 
un inftant de toutes parts. 

Une remarque que nous avons faite, c’eft que pour pro- 
duire de nouveaux degrés de froïd, il faut que de la glace 
fonduë & de là matiére foit folide, foit liquide, qui a été 
employée, il fe fafle un nouveau liquide. De-là naït une 
regle pour connoître les liqueurs, qui mélées avec la glace, 
font incapables d'y produire du froid. Toutes les liqueurs 
huileufes qui ne peuvent pas fe mêler avec feau, feront 
employées fans fuccès. Auffi ai-je éprouvé que des huiles 
grofhéres, telles que l'huile de Lin , ou des huiles plus fub- 
tiles, comme l'huile & lefprit de Térébenthine, feront jettées 
inutilement fur la glace; elles la peuvent fondre, mais elles 
ne peuvent fe mêler avec l’eau qui naît de la fufion, & par-là 
elles font incapables de produire des degrés de froïd. II en 
eft de même de toute matiére, foit grafle, foit terreufe, de 
forme folide qui ne pourra être tenuë en une parfaite difo- 
lution par l'eau, qui ne forme pas avec elle un nouveau 
fluide. J'ai inutilement fait mêler de la glace avec de la graïfle, 
& avec des matiéres terreufes qui contiennent peu de fels 
dont l’eau puifle fe faifir, telle que la Craye; il ne s’en eft 


fuivi aucun refroidiflement. 


& fine Bb i 


196 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 


Sub. T ss 
DE PEUSIEURS PROBLEMES 
Où il s'agit de trouver des Courbes dont la proprieté confffle 


dans une certaine relation entre leurs branches, 
exprimée par une Equation donnée. 


Par M. CLAIRAUT. 
D" les Courbes dont on parle dans ce Mémoire, 


il ne fuffit pas, comme dans la plüpart des autres, de 
confidérer un de leurs points quelconques, où une partie 
infiniment petite de la Courbe pour la déterminer toute 
entiére. Les propriétés de celles-ci demandent néceflairement 
qu'on prenne à la fois plufieurs points à des diftances finies 
les uns des autres, & dans des branches différentes. 

Les Problemes que je vais donner, & ceux qui font de 
la mème efpece, feroient fort faciles, fi, pour trouver les 
Courbes qui en font la folution, on fe contentoit de prendre 


deux ou plufieurs branches de différentes Courbes, au lieu 


de trouver une feule Courbe qui les comprenne toutes. 
Prenant une branche d’une Courbe quelconque, en en 
trouveroit aifément d’autres par les méthodes ordinaires, qui 
aurojient avec cette premiére la relation demandée. Mais 
pour faire enforte que les différentes branches appartiennent 
toutes à la mème Courbe, il faut néceffairement avoir recours 
à d'autres méthodes qui adjoütent de plus grandes difficultés 
à ces Problemes. 

I n’y a eu jufqu'ici, du moins que je fçache, que très- 
peu de Problemes de cette nature, on peut dire même qu'il 
n'y a d'expliqué que le fameux Probleme des Trajeétoires 
réciproques, dont M.'s Bernoulli, Pembreton & Euler ont 
donné des folutions dans les A@tes dé Leipfic, années 1718, 


CO OR, 


DTEuSY :SLCUL'E Nr CAES  : 


97 
2719 & 1720, & dansie TomelIl. des Mémoires de l’Aca: 


démie de Peterfbourg. 

Dans les autres Problemes, dont je parlerai tout à l'heure, 
on ne trouve que quelques-unes des Courbes qui ont la 
propriété demandée, fans montrer la méthode, ou du moins 
fans donner le détail néceflaire pour la faire bien entendre. 


DÉFINITIONS. 


On doit fçavoir que par fonétion d'une variable, on 
entend une quantité compofée de cette variable & de con- 
ftantes, de quelque maniére qu'elle en foit formée, par 


» es font des fonétions 


de x. Je me fervirai de différents fignes comme Ilx, dx, 
Ax, &c. pour exprimer différentes fonétions en général. 
Lorfque je parlerai dans ce Mémoire, d'équations où deux 
quantités font la même fonétion, ce fera des équations où 
on peut mettre une de ces deux quantités à la place de 
l'autre, fans que l'équation en foit changée, par exemple, 
ya, + a, bx + by + cxy + + = d, 
font de ces fortes d'équations. 


LEMME: 


Si dans une équation où deux quantités font la mêmé 
fonction, lon fubftituë à la place de l'une de ces quantités 
A+ BP, & à la place de l'autre A—_B (4 &B marquent 
tout ce que l’on veut), il arrivera toüjours dans le rélultat 
qu'il ne reftera plus que des puiffances paires de B. Par 
exemple, dans l'équation dx by cxy—d, fi on met 
pour x, AB, & pour y, A—B, il viendra 24 4-+cAA 
— cBB=—d, où B éft au quarré; dans x°+-y =, on 
trouvera 2 A+ 6ABB—a, &c. 

La même chofe arrivera fi lon met pour les deux quantités 


exemple, x°, x?, xŸ+ ax? 


Aura 41 p 104 ep AYC+B . 
LS ES RPM ET SD TE 


général, fi on employe deux quantités qui ne différent 
entre elles que par le figne + ou -— qu'on donnera à 2. 
Bb ïij 


198 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyAtE 

Mais fi l’on fait les mêmes fubftitutions dans une équation 
où les deux quantités ne font pas la même fonétion, les 
puiflances impaires de B ne s'en iront point. 

Dans les Journaux de Leipfic (années 1 696 & 1697), 
le célébre M. Jean Bernoulli donne un Mémoire qu'il in- 
titule Supplementum defetlus Geometriæ Cartefianæ circa inven- 
tionemt locorum, y remarque que d'autres courbes que le cercle 
peuvent avoir cette propriété, que d'un point extérieur tirant 
une infinité de droites fécantes, le produit des fegmens eft 
toüjours conftant, & il donne une équation qui renferme 
quelques-unes des courbes qui ont cette propriété, mais fahs 
montrer fa folution. 

IL imagine enfuite que les fécantes, au lieu de partir d'un 
point fixe, foient toutes paralleles entre elles, & terminées 
par une droite donnée de pofition, & il donne quelques-unes 
des courbes dans lefquelles le produit de ces fegmens eft 
conftant, enfuite il prend pour la propriété des fegmens 
que leur fomme foit conftante, au lieu de leur produit. 

Et il propofe aux Géometres, de trouver des Courbes 
dans lefquelles la fomme de deux puifflances quelconques 
des fegmens foit conftante. M." Leïbnitz, Jacques Bernoulli, 
& le Marquis de Hôpital réfolurent ce Probleme , en 
donnant chacun une équation qui renfermoit quelques-unes 
des courbes demandées, mais fans démonftration, excepté 
M. Jacques Bernoulli dont la folution n’eft autre chofe 
que de prendre une équation y = a x” + bx”, dont les 
coëffcients & les expofants font arbitraires, & de les trouver 
enfuite par la méthode des indéterminées, de façon que 
la courbe ait la propriété demandée; mais il eft aïfé de voir 
que cette méthode n’eft pas directe. Il n’en eft pas de même 
d'une folution de ces Problemes que M. Newton a mife 
dans le même Journal, on voit bien par le peu qu'il donne, 
qu'il avoit le véritable chemin pour les réfoudre; mais fa 
méthode eft fi peu expliquée que j'ai cru qu'onfverroit 
avec plaifir la folution fuivante, qui, au fonds, eft, je crois, 
1 même que celle de M. Newton, mais avec toute l'étenduë 


. da réfout pour avoir la valeur de l'ordonnée 


DIE S. SC EZN QUE 5, .l{ 90 

i m'a paru néceflaire pour Ja rendre claire & applicable 
à tous les Problemes de la même nature. 

Les deux premiers des Problemes fuivants ne font unique- 
ment que ceux de M. Bernoulli pris plus généralement ; mais 
letroifiéme eftextrémement différent, & beaucoup plus diffi- 
cile. 11 ne paroît pas d'abord de la même forte, on pourroit 
croire-même qu'il eft de ceux qui font réfolus par une feule 
équation, mais cependant il y a une infinité d'équations 
de formes différentes qui le réfolvent, & je donne la maniére 
de les trouver: La principale difficulté de ce Probleme con- 
fiftoit à trouver ce qu'il avoit de commun avec les deux 
premiers, j'efpere que la méthode au j'employe pour cela 
pourra fervir à beaucoup d'autres Problemes, 


PROBLEME L 


On demande la courbe MON, que chacune, d'une infinité 
de droites PMN, paralleles entre elles, &r terminées par l'axe AP, 
coupe de façon que la relation entre PM dr PN Joit exprimée 


par une équation donnée ! 
| SOLUTION. 


Puifque les droites PAZN, qui font les 
ordonnées de la courbe MON, font ren- 
contrées en deux points 47 & N\, l'équation 
de cette courbe doit être telle que fi on 


exprimée en abfcifle, on trouve deux va- 
leurs en même temps, l’une de PA, & À 
Yautre de PN. Je cherche donc ce qui peut entrer dans 
Texpreflion de l’ordonnée pour qu'elle puifle avoir deux 
valeurs, ce ne peut être que quelque quantité radicale. Ainfi 
de Probleme fe réduit à trouver des quantités dans lefquélles 
il y ait des radicaux qui, felon que l’on prendra le ligne + 
ou le figne -— donnent deux valeurs telles qu'étant fubfti- 
tuées dans l'équation donnée, l'une à 4a place de PM, & 
Tautre à la place de 2N, elles réfolvent cette équation 


00. MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
Pour cela, on n'aura qu'à prendre une pi 
forme de fonction dans laquelle il y ait 
un radical qué lon fuppofera inconnu, 
& toutes les autres quantités connuës & 
prifes à volonté, puis fubftituer les deux 
valeurs que lon peut avoir en prenant 

ce radical en + ou en — dans lé Z% P 
quation donnée, & chercher la valeur 
de ce radical, comme on fait pour dégager une inconnuë ; 
enfuite ayant trouvé ce radical, on le mettra dans la fonction 
qu’on avoit choifie pour la valeur de l’appliquée de la courbe 
cherchée. Alors fi on prend le figne + on aura l’équation 
de la branche compofée des points W, & fi on prend le 
figne — on aura celle des points 7, ou au contraire. 
Et en faifant évanouir les radicaux, on aura l'équation de 
la courbe entiére. [ 
Suppofons, par exemple, qu'on veuille trouver la courbe 
où PM°+ PN°—aa. Je nomme AP, x; PM, y; PN, y’, 
j'imagine que l'ordonnée de la courbe foit exprimée en 
général par la quantité & u H V7 où $ # exprime une 
quantité quelconque compofée de # & de conftantes, & 
V4 un radical que je vais déterminer. Par ce que je viens 
de dire, y' fera du 7, &y, Du —Vz; fubftituant 
ces deux valeurs dans l'équation PM°+ PN°= aa, 
ou-yy + y'y —aa, on aura 2/Ÿ ut} + 27—=aa; 
d'où l'on tire 7 —+aa—/bu)* qui étant remis dans la 
valeur de l'ordonniée donnera y = 1 + VT£aa—[&u)], 
&y=Du—VÎiaa—/du)], & en fafant évanouir 
des radicaux y y — 2y Du—+aa—2/$u)", & 
yyY— 27 Du—Taa— 2/$u)" qui font les mêmes, 
‘& qui font voir que les deux branches 47/0, NO, font 
à fa même courbe, & ont là propriété demandée. Il en 
fera ainfi des autres, quelque forme de fonétion que lon 
imagine avec des radicaux, réfoudra le Probleme, s'il peut 
être réfolu. Mais il y a bien des cas où il eft impoflible de 
trouver des courbes dans lefquelles P47 & PN ayent certaine 
relation 


£ 
g 


DES, SIC IN GES 20H 
relation entre elles. Ces cas font ceux où la relation entre 
PM & PN n'eft pas exprimée par une équation dans laquelle 
ces deux quantités faflent la même fonction, il n'y a point 
de courbes qui réfolvent le Probleme alors. 

La démonftration de tout ce que nous venons de dire 
eft évidente par le Lemme précédent; car les quantités dans 
lefquelles il entreun radical font dans le même cas que À -+- 
& A—B, dont j'ai parlé dans ce Lemme: ainfi en les fub- 
ftituant dans une équation où PAZ & PN font la même 
fonction, les puiflances impaires du radical V2 que l'on a pris 
s'évanouiront, & il n'y aura plus que des 7, de maniére qu'en 
dégageant le 7 de ces équations, on en aura une valeur dont 
la racine quarrée pourra être mife à la place de y%. Mais 
fl PM & PN ne font pas la même fonction, les Vz ne 
s'en iront pas par-tout, & l'on ne trouvera pas pour y? une 
valeur qui ne foit purement qu'un radical, il y entrera des 
quantités rationnelles auxquelles on ne pourra pas donner 
à volonté le figne -p où ——. Pour mieux faire voir 
par un exemple comment il eft impoñfible de trouver des 
courbes où PM & PN ne faflent pas la même fonétion, 
fuppofons que l’on demande des courbes où PM 2PN 
a; faïlant PM Gu +2 & PN—Du— 77, on 
aura 3®u—V7—a, d'où l'on tire ÿz— 3%v — à, qui 
n'eft pas une quantité radicale, & qui ne peut pas par con- 
féquent donner deux valeurs différentes à PM & PN. Si 
Yon vouloit trouver des courbes où 214 FH PN x b—aa;, 
en fuppofant toûjours 2A1—% uvre & PN—= uv, 
on aura (Du) 2bu Ver + Du —4 = a à) 
dans laquelle 1a quantité % fe trouveroit égale à un radical 
plus une quantité rationnelle, & par conféquent elle ne 
pourroit pas être fubflituée pour 47 dans la fonction & u 
= V3. Mais dans toutes les équations où PA & PN entrent 
de la même maniére, les termes où front V3 fe détruiront, 
il n'y aura que des 7, & par conféquent après avoir dégagé 
ces 7, on aura une valeur de ÿz qu'on pourra prendre en + 
ou en — pour avoir les valeurs de 24 & de PN,. 

Mem 1734 . Cc 


202 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
EXEMPLE. 


Pour faire quelque application de notre Probleme, {up- 
pofons qu’on demande la courbe où PM x PN— A. 

Faifant PM ou PN en général = ®x + yz, on 
aura {D x)*—7—= À, qui donnez —/®x) — A; d'où 
l'équation de la courbe eft y—=®x + y[/dx) — A], ou 

faifant évanouir les radicaux pour avoir l’équation de la 
courbe entiére y y — 2y® x + A—o qui renferme une 
infinité de courbes, car on peut mettre à la place de &x 
telle fontion compolée de x & de conftantes qu'on voudra. 

Si x eft feulement x, on aura J}— 2x) + À qui 
exprime une hyperbole. 

Si bx— x", on a yy—2yx" + A— 0. 

Si au lieu de fuppofer y—%$x 73, on l'avoit fait 
== 4 Px + 7), le Probleme auroit été réfolu de même, 
& l'on auroit eu y°”— 2 y” x + 4" — 0. 

Si l’on veut que le produit des fegments, au lieu d'être 
conftant , foit égal au produit des : 


fegments PA & PB, la méthode 

fera la même, au lieu de fuppofer 

(Ex +-Vr) x (bx—vr) = A, i À E 
faudra l'égaler à — /bx— xx), GE 
(b étant la valeur de AB). Je mets 


cette quantité en moins, parce que 
dans la Figure la partie P N eft en deffous, & par confé- 
quent négative. 

Par la réduétion , il viendra x°—7——2x+xx, 
d'où l'on tire 7 —/Dx)—xx-1+Bx, & par conféquent 
J=dDx EVI/Dx) —xx + bx] ou yy—27dx 
—6bx— xx qui exprime une infité de courbes qui ont la 
propriété demandée. On en trouvera encore autant d'autres 
que l’on voudra, felon les différentes formes de fonctions 
qu'on imaginera, où il entrera un radical. Dans cette équa- 
tion, pour que à exprime la droite AB qui eit rencontrée 


hEspise 


DES SCTENCES 203 
aux points À & B par la courbe demandée, ül faut que fr 
lon faitx—o &—b, y ait dans ces deux cas, une valeur 
= 0, c'eft ce qui arrive effetivement, car l’on a, foit que 
X—O ou —b, yy—2y®x—0, d'où lon tire y—20x 
0 PER 

Pour trouver le cercle parmi toutes les courbes précé- 
dentes, il faut faire 5x — a, & lon a JJ — 2ay—=bx 
— xx qui exprime un cercle, quand l'angle A/PA eft droit. 

Si lon vouloit que PM x PN füt égal en général à 
quelque fonétion que ce foit de x & de conftantes , a mé- 
thode iroit encore, & même on pourroit fappofer de plus 
la relation entre P/Z & PN telle que l'on voudroit, pourvû 
que ces deux quantités fiflent la mène fonétion dans l'équa- 
tion qui exprimeroit leur relation. 


RO BL E M Er:lf 


Soit À un point fixe que Ton prendra pour le pole d'une inf- 
sité de droites comme À MN, on demande les courbes MN 
que toutes ces droites coupent en deux points M & N, de telle 


façon que la relation entre AM € AN Joit exprimée par une 


équation où elles faffent la méme Jonction. 
S O L'U T I O N: 


On prendra la droite AP pour N 
axe, & l’on abbaifiera des points 
M & N des perpendiculaires AP 
& NQ; AP, x, & PM, y, feront 
les coordonnées du point M, & 
AQ, x’, &QN, y’, feront celles du 
point W. À P Q 


-  Enfüte on nommera # la quantité FL où 7 qui 


exprime la tangente de l'angle ALAP, & par conféquent 
la pofition de la droite AMN. On nommer: auffi es droites 
A “1 & AN qui font les fegments de Ia fécante AMN, 
u & uw’, 
Cci 


- 


204 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 

Cela fait, pour avoir des cour- . 
bes où À M & MN ayent la N 
relation donnée, on fuppofera 
que # en général eft une fonction 
de‘: qui ait deux valeurs en 
même temps, c'eft-à-dire, une 
fonction où il entre des radicaux ; < P 
& fubftituant à la place de # & œ 
de u’ les deux différentes valeurs que l'on a en prenant le 
figne +- ou le figne — , on déterminera le radical comme 
dans le Probleme précédent, de forte que l'on aura une 
valeur de z enr. Si on fe contentoit d’une équation de 
cette nature pour exprimer a courbe MN, le Probleme 
feroit réfolu. Mais fi on veut avoir l'équation en x & 


en y, on fe fervira des équations xx + y y—=uu & = —t 


par le moyen defquelles on chaffera # & z. 


Suppofons que IT# foit la valeur de 7, on aura 


= Ir ea. tIlr : US a 
*= 77 JA ui peuvent fervir à exa 


miner la courbe, & à déterminer le nombre de fes branches, 
aufli-bien que l'équation en x & en y. 


EXEMPLE. 


Suppofons que l’on veuille trouver les courbes où (AM 
+ (AN)" = 1, on prendra 2"—=@r+ V7 &u"—@r 
— Vz, qui étant fubftitués, donneront 2 ®r— 1 où ül 
n'y a point de7, ce qui marque qu’on peut prendre pour z 
tout ce que lon veut, ainfi #”"—=+;=+V/A1) marque une 
infinité de courbes qui ont la propriété demandée. 

En faifant évanouir les radicaux, on aura #°”* —#" 
+= At dans laquelle fi Ton met à la place de v & 
de t leurs valeurs en x & en y, on aura l'équation de la 
courbe exprimée par fes coordonnées. Si on veut que l'équa- 
tion foit femblable à celle que M. Bernoulli donne pour 
ces courbes dans les Journaux de Leipfick 1 696 & 1697, 


où les hypoténufes des coordonnées fervent d'ablcife, les 


L'AF SM MO ICNT ER QUE oi: 28 
ordonnées étant confervées les mêmes ; je fuppoferai que #, 
au lieu d'exprimer la tangente de l’angle AZ4P, en exprime 
le fmus, ce qui peut fe faire à caufe que le finus marque 
auffi-bien la pofition.de la droite 4/7 que la tangente, alors 


lordonnée PMy fera — ut, d'où l'on tire 12, qui 


étant fubftitué dans l'équation précédente, donnera 2°”— 1" 


sf 2 )— 3% qui eft infiniment plus générale que celle 
de M.': Bernoulli, Leibnitz & de l'Hôpital. Qu'on fuppofe 
feulement / A 2) mn +. ++, on aura a — 4" 


— by, qui eft celle de M. Leibnitz, & en faifant 


(AZ)=E 2 HE, ona nu "— 4" — By, qui 


4" 


eft celle de M.'s Jacques Bernoulli & de Hôpital. 


Dans cet exemple, on a pris #”—& +77 qui a donné 
un calcul fort fimple. Si on avoit pris feulement :— © 
+ V7, comme cela étoit plus naturel d'abord, on auroit 
eu (dr+ V2)" + (%t— 9)" —xr, de laquelle on ne 
fçauroit tirer la valeur de 7 en général. Et il y a bien d’au- 
tres cas de relations entre PAZ & PN où on arriveroit par 
la fuppofition de # égale à une quantité, comme ®:+- VZ 
a des équations de cette nature. Cependant comme on eft 
bien für que fi elles étoient réfoluës, on auroit pour 7Z 
des valeurs purement radicales, on peut regarder l'équation 
précédente & celles qui arrivent en pareïl cas, comme réfol- 
vant le Probleme, quoiqu'on n’en puifle pas dégager le z 
pour avoir l'équation de la courbe cherchée. On peut bien 
voir même qu'elle peut fervir à décrire la courbe, quel que 
foit #1, car par la géométrie de Defcartes on peut apprendre 
à réfoudre par des conftruétions géométriques une équation 
comme la précédente, ce qui prouve la généralité de la 
méthode. 


Cci 


06 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royer 


PROBLEME IIL 


Trouver les courbes M O N autour defquelles faifant glhffer 
l'équerre MEN, le fommer C de cetté équerre Joit toüjours 
dans la courbe donnée EC. 


SO: LU! POP OUNT 


Soient 41 & N deux 

différents points de la . = die 
courbe AON touchés 
par les deux jambes de 
Yéquerre MCN ; MP, 
PA, NQ, QA, les coor- 
données correfpondan- 
tes à ces deux points; 
MRm & SN, leurs 
triangles différentiels ; 
CB & AB, les coordonnées de li courbe EC pour le 
point C, qui eft le fommet de l'équerre, & en même temps 
un point quelconque de la courbe £C, HCL, une parallele 
à l'axe AP. 


Je fais AP = x AG 
PM= y QN = y. 
RM= dx SN = dx. 
Rm = dy Sr = — dy. 


AB —=n, BC, qui eft lordonnée de Ia 
courbe ÆC, fera donné en #, ainfi je le fais —®w, d'où 
vient HC—x—1u IC = 3x" 

HM=7y—œ% IN= y — du. 
Enfuite les triangles CM, RMm, NnS, CIN, donnent 

= EE RH 


dx Gr N— 4 U — 
où (5) Lt, 
Et l'angle MCN étant droit, les triangles RMm, NnS, 
feront femblables, ainfi l'on aura 4 y:dx:: dx": — dy, 


AN 


DE HS 4 COÂ'E Ni Que is 1207 
donc —— dy dy —=dx dx, où /C) + x . = — 14 
| Cette équation avec les deux autres ne fuffit pas pour 
avoir celle de la courbe MON, car ïf y a cinq variables. 
On voit bien que fi l'on avoit de plus une équation entre 
l x & y qui exprimât la branche de la courbe qui eft touchée 
par le côté 1C de l'équerre, on auroit l'équation de l'autre 
branche, dont les coordonnées font x’ & y’. La difficulté 
du Probleme eft donc de trouver une équation entre x & y 
telle que celle qui en proviendra entre x’ & y pare réfultat 
des équations précédentes foit {1 même, 

Pour exprimer cette derniére condition du Probleme, 
j'abandonne pour un moment la façon ordinaire de prendre 
les équations des courbes ; j’en cherche une entre la quan- 
tité LA & la quantité #, c’eft-à-dire, que je prends la droite 
AB pour abciflé, & la tangente de l'angle AC M pour 
ordonnée. I eft bien für que lorfqu'on aura cette équation, 
on en trouvera une entre x & y avec le fecours des équations 
précédentes. Je fuppofe que cette équation m’eft donnée, 
& j'examine quelle propriété elle doit avoir: elle doit être 
telle que, pour un même #, on trouve à la fois deux valeurs 


de 2 , Tune qui exprime la tangente de l'angle ACM que 


j'ai déja appellé fimplement 2 , & l'autre qui foit la valeur 


de la tangente de Fangle ZCN que j'ai appellé #., c'eft- 


ä-dire, qu'en réfolvant cette équation, on doit trouver pour 
la valeur de 2 en général, une fonétion de # fufceptible 


% de deux valeurs qui ayent entr’elles {a relation exprimée par 
l'équation /C). Je cherche enfuite quelle forme doit avoir 
cette fonction de 1. 

Pour cela, je prends, aïinfi que dans les Problemes pré- 
cédents, une quantité où les radicaux entrent de la façon 
la plus fimple, c’eft-à-dire, une fonction compofée de. 
deux membres, dont l'un foit un radical, & l'autre une 


208 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr 

quantité quelconque fans radicaux, ou au moins dans laquelle 
il n'entre que des radicaux impairs. J'écris ainfi cette 
quantité © u +- Vz qui donnera pour fa feconde valeur 
Ou— V7, & je cherche à déterminer z de façon que ces 


deux valeurs mifes à la place de ne & de A réfolvent 
l'équation (C}). 

Les fubftitutions faites donneront /O 4) —7—=—1, 

«d’où lon tire 7=—= (Ou) +1, & remettant cette valeur 


à la place de 7 dans + y, elle deviendra Ou + 
V[(@u) +1] = #. &Ou—V|(Ou) +1) = Lis” 
c'eft-à-dire, que la quantité > eft en général dans la courbe 


Ou v{[(Ou) + 1). Ce qui donne une 4."€ équation, 
qui avec les trois 4, B, C, réfoudra entiérement leProbleme. 
Pour le bien démontrer, nous allons, par le moyen de 
cette équation & de l'équation /4), trouver les valeurs de x 
& de y en ” ; & de même par le moyen de l'équation que 


donne la valeur de A & de l'équation / 2) nous trouve- 


rons les valeurs de x’ & de y’ en #, & Ton verra alors que 
les valeurs de x & de y ne différeront de celles de x’ & de y 
que par les fignes + & — des quantités radicales, & qu'en 
les faifant évanouir, les équations qui en viendroient feroient 
abfolument les mêmes. 

Comme les équations À & B ont abfolument la même 
forme, il fuffra de fe fervir de l'équation À & de la valeur 


de 2 en général; & pour abréger, au lieu de la fonction 
dy=OuVv(@ +1), nous mettrons fimplement IT. 


LAN: E dy ___ y—Du CS 
Nous aurons donc 52 —TIlx & 52 = 2, d'où 


Yon tirera (Æ), xTIu—uIlu—=y—%4 & 2 À ÿ7 
ou dy —=dxlTlu. 
En différenciant la premiére de ces deux équations, & y 


fubftituant pour dy la valeur que donne la feconde , on aura 
dxII4 


DES /S'c/riR/N etes 209: 
dxTlu—Nudu—=UMudx—du=u—xduAu+-udu At 
(je fuppole que du Au & du’Æu foient les différences de 
Ilu & de du) ou à caufe que Zx IT # fe détruit de part 
Ü & d'autre, & que toute l'équation fe divife par du 


| Ex = ee qui étant fubftituée dans l’'équa- 


tion (Æ) donnera /G) y — Ar AE , ce qui 
donne la réfolution générale de équation A. Il n’y a plus 
qu'à remettre dans ces équations pour Il fa valeur © 
EE V[(@u)"+1], & lon aura, felon que lon prendra 
le figne +- ou le figne — des quantités radicales, la valeur 
de x & de y ou de x’ & de y, & en faifant évanouir les 
radicaux & chaffant , une équation qui exprimera égale- 
ment les deux branches de la courbe HON. 


no 18e REMARQUE. 


Dans la façon précédente de traiter les équations À & 
ue 


ire. 
paroït d’abord néceffaire pour les réfoudre, & même dans 
un autre chemin qui fe préfente pour parvenir à la folution, 
on arrive à une équation entre y &x, dx & dy, qui fem- 
bleroit demander bien plus vifiblement le calcul intégral, 
Ce chemin eft de réfoudre par le moyen de l'équation 


T4, on évite le calcul intégral, cependant ce calcul 


D TI], la valeur de ven = & enfuite de la fubftituer 


dx 

dans l'équation À, alors on arrive à une équation en 
+ dx, dy, y, x, dont l'intégrale devroit être la folution 
w ; LES 
g des équations À & % — II, cependant cette folu- 
à tion, par le calcul intégral, ne peut pas être la même que 


la précédente, car elle doit renfermer une conftante que l’on 

ajoûte toûjours en intégrant. Ilrefte à voir fi cette équation 

intéorée ne feroit point plus générale que celle que lon à 

par l'autre méthode, & fr elle ne la renfermeroit pas par la 

détermination de la conftante ajôütée ; mais comme on ne 

peut pas fuivre cette feconde méthode en général, à caufe 
Men. 173 4: . Dd 


210 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
que l’on ne connoiît la quantité Ty que dans chaque exemple 
particulier, il vaut mieux reprendre la premiére méthode, 
& examiner fr quelque chofe pourroit empêcher d’être 
générale. 

Premiérement le procédé du calcul jufqu'à l'équation 
x Audu —Tludu—udu Au = —#% u du n'empêche 
fürement pas cette équation d'être aufli générale que tout 


« : #2 L : dy ; 
ce qui peut provenir des équations À & 2 —Ilu. Mais 


dans Ja réduétion de cette équation à xAu—TTu —uAu 
= — Zu qui fe fait en divifant tout par du, on prend 
une équation qui n'eft pas la feule, car on pourroit aufli tirer 
du —=o, ceflà-dire, u— à une conftante quelconque 4. 
Remettant donc pour cette valeur dans l'équation Æ, on 
aura x [1a—alle—y—%4 qui appartient toüjours à 
une ligne droite, & ne renferme point les équations trouvées 
par la premiére méthode. Aïnfi il fe rencontre dans ce cas 
deux folutions à la fois des mêmes équations, différentes 
Tune de l'autre. Mais la premiére eft la feule qui foit vérita- 
blement la folution du Probleme précédent ; car la feconde, 
au lieu de donner les courbes touchées par l’équerre, n'ex- 
prime que les droites qui font les branches de cette équerre. 


Préfentement je vais donner quelques exemples où lon 
verra encore mieux comment le calcul intégral ne donne 
jamais que les lignes droites exprimées par l'équation géné- 
rale xITIa—alla—y—a, & comment les équations 
trouvées par la premiére méthode échappent à l'intégration. 

Suppofons que les fonctions IT # & 4 foïent chacune 
fimplement v, Au & Æu feront égales à r, d'où les équations 
D Nu & 2 — 2% fe changeront en Z—# 
& dy __ y—u 


= qui donneront x dy dx — dy = ydx°, 


À —41 


— dydx où dy — dydx=—ydx", & par conféquent 


—xdydx 


dy ps A, Et = dx V—y+()] où 


DES SCIENCES. 2 ny; 


pe Le 


x ; dont l'intégrale eft x a — 


1H * 


Vis + (22 )"] 


— 2 Vl— y + ()T, ou en réduifant 24X — 2x 


A1 
- p 

à la ligne droite, qui eft pofitivement la même que celle 
que l'on auroit trouvée par la fubfitution de a à la place 
de ITa &de ® a dans x[1a—aTla—y—a que l'on a 

A2 2h g » o ES = pi . q pe 

prouvé être l'équation générale qui proviendroït par l'in- 
tégration des équations À & _ —= 114, ä y a feulement 
à remarquer que la lettre 4 ajoütée n’eft pas la même, mais 


= — 4ÿ#H1—aa, OU (——<) x —= y + , équation 


2 


‘que la de l'une vaut = de l'autre. , 


Mais fi l’on fe fert de Ia premiére méthode, en fubfti- 
tuant # pour ITz & Du, on aura par les équations générales 
F&G, x—=2u — 1 & y —uu, d'où lon tirera 
4Y—=XX 2% I qui eft à une parabole, 

Si l'on reprend maintenant l'équation 
ape dx E 
dx ———"— qui par fon intégration a donné 

A D PU reg 


une ligne droite, on verra que la parabole de l'équation 


AY —=XXHIx + 1 ya réfout aufi, quoiqu'elle ne 
foit point renfermée dans l'intégrale ; car en fubftituant 


3—= (=)? que donne cette équation à la parabole dans 


2 


équation différentielle, le numérateur & le dénominateur 


“deviennent zero, à caufe que le premier eft la différentielle 
du fecond,.& de cette façon dx peut être égal au quotient, 


d'où l'on voit donc que l'équation xdydx — dy = y dx 


«— dy dx provenuë des équations La Éamer),) De 4 PE 
étoit fufceptible de deux folutions différentes, dont l’une fe 
trouve renfermée dans intégration, & l'autre en eft indé- 


‘pendante. 
F Dd ij 


212 ne DE L'ACADEMIE ROYALE 
Soit II 1 —= 


& Du —0o, on aura par les équations 
y dx 


L— ——— 


— [lu & 2 2 =, ® MËrs dy 
f—4 PAUTREL ydx 

A HXx — 
d 


rer 


où a dy + x dy —ydydx—= xdxdy — dx ou 
Axis = — )dx—— te , d'où l'on tire 


dy+ydy _— + 4*y+44a9 
Ale — oc — dy TE + és Te 


2ydx—s dy dj = dy Ur — 233-233 — 40) 
= dl)" —-44], où À VT( + —Vr)—4a] 


— _2ydh—vdy—ydy Lu } 2 y 
= ie > ou (a) — - 
Lx — Vi — 44] 


dont l'intégrale eft 
she ie ls a — 44], 
ou en repaflant aux nombres & y — rs — y + 


VI( — —V}) — 4a] qui donne, après la réduétion, 


Bby—2bx + 2by— —4a, équation à une ligne 
droite. Mais fi l'on reprend l'équation (a), on verra que le 
numérateur étant la différence du dénominateur, le dénomi- 
nateur peut être fuppofé = 0, & l'équation br —Vy=V4a 
qui en provient, réfout auffi l'équation (a), & exprime une 
ligne courbe. Si on fubftituë dans les formules F'& G, à la 
place de ou & deTI, leurs valeurs, & qu'on les réduife 
enfuite, on arrivera à la même équation, de mème que 
l'équation générale x [Ta— 411a—y——Da ne contien- 
droit que la ligne droite exprimée par l'équation 2 by — 2 8x 
+ 20y—=—4a. 

Il en feroit de même, quelque fonction que l’on prit 
pour [Tu & œu. Je fuis entré dans ce détail d'exemples, 


DES SCIENCES 21 
pour mieux faire voir la généralité des formules F & G. C'’eft 
une digreflion dans le Probleme que nous traitons dans ce 
Mémoire , mais J'ai été bien aife de montrer cette fingula- 


_ rité de calcul qui s’eft préfentée d'elle-même ; on pourroit 


l'énoncer, indépendamment du Probleme préfent, de cette 
maniére. [Il ÿ a des équations différentielles capables d’avoir 
deux folutions différentes fune de autre, dont l'une 
(& même dans ce cas-ci la plus générale) n’a pas befoin du 
calcul intégral ; telles font les équations précédentes x 4y dx 
— dy —=ydx"—dydx à laquelle 4y=xx ax tr 
& 24x—2xX—— 4y—+1— aa fatisfont également, 
& adyÿ +xdyÿ—ydydx—xdx dy — ydx* qui donne 
pour folutions -— y =V4a & bby—2 bx + 20y 
= — 44 

En général Sur —= à une fonction quelconque de 
#, y, dx, dy, feroit de cette nature ; intégrée, elle donne- 
roit une équation, & fans aucune intégration ® xy — o 
feroit l’autre. 

Il y a encore d’autres Problemes où cette fingularité fe 
rencontre, mais ce feroit fortir de lobjét de ce Mémoire 
que de s'étendre davantage R-deflus. Je réferve un plus long 
détail pour un autre Mémoire. 


ExEmMPLE L 


Suppofons que la courbe £C CA Q 
devienne la ligne droite ACP 


pour avoir les courbes HONWN; De N 
autour defquelles faifant gliffer ii 
Yéquerre MCM, le fommet C N 


_de cette équerre foit toüjours 
‘dans fa droite PQ, ïl faudra faire € 


évanouir la quantité Du, & par conféquent aufi Æ 4 dans 

les équations précédentes F & G, parce que cette valeur 

exprimoit l'ordonnée BC qui eft devenué nulle, les équations 
Dd ii 


Sr4 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 
fe réduiront à x = y & y — EX, dans lef 
quelles fubftituant pour IT # quelqu'une des fonétions expri- 
mée généralement par 1 =Ey{1+-0 1)" que nousavons 
trouvé précédemment ; & pour À 4, la différence de cette 
antité dont on a Ôté le /u, on aura deux équations, 
d'où ayant chafié v, il en viendra une en x & y qui expri- 
mera une courbe qui aura la propriété demandée. 
De cette maniére les formules À & G deviendront, en 
fuppofant que du u foit la différence de ow, : 


GE Eee LE (Eh en [ou vi (œ@u))] * 


mn VE CUT qui détermineront une des courbes cher- 


chées aufli-tôt que l’on aura mis pour ®# une fonction de 
quelconque, & pour Zv fa différence dont on aura Ôté 41. 
En prenant le figne +, on aura la branche touchée par un 
côté de léquerre, & en prenant le figne —, ce fera 
J'autre. Mais en faifant évanouir #, on aura l'équation en x 
& en y qui exprimera toute la courbe entiére. 


Que ®&w foit fimplement #, les équations deviendront 
su EV (ion) & y = [4 Vi un) x Vi un). 


tX—1 


———, qui étant fubflituée 


dans la feconde, donnera y = <# qui exprime une 


parabole dont la directrice eft AC & le fommet © diftant 
de la directrice de +. 
Si l'on fait &u —uu, & par conféquent Zu — 24, on 


aura M & y —uu (1 ui)] x EE 


24 


On tire de la premiére # — 


au V{itu#) +3 + ut 
24 


l'équation d’une autre courbe qui fatisfait au Probleme, & 
ainfr des autres. 


a 
— 


; d'où faifant évanouir #, on aura 


. Taxe foit AP, le fommet 


DES SCTE-N Cc-Rs 215. 
EXEMPLE Il 


Soit pris pour la courbe P B PE 
‘ÆC, une parabole dont 


À, & le parametre 1, © 
fera égale à un, & Zu 
à 2w; ainfi mettant ces 
valeurs dansles équations 
F&G, elles deviendront 
x == on & 

22 uIl ; | 
Je Eau qu lefquelles il ny a plus qu'à 


mettre pour TT quelqu'une des fonctions exprimées par 
Eu VTi + (Eu 7°]: Je me fervirai encore de # += 
V(i-+-uu) Qui donne Ay — +0) » & qui change 


V(i--uu) 
par conféquent les équati récé —panti#s 
P q quations précédentes en x == au) 


À Ji 2UU — y V{1-+uu), d'où faifant évanouir 4, 
On aura une équation entre x & y qui fera celle d'une courbe 
autour de laquelle faifant glifler une équerre, le fommet eft 
toüjours dans une parabole. On en trouvera une infinité 
d'autres, en mettant À {a place de IT # d’autres fonétions ren- 
fermées dans l'expreffion générale Eu 4-14 (&u°]. 


216 MEMOIRES DE L'ACABEMIE RoyALE 


RECHERCHES SUR LE TOUR. 


PREMIER MÉMOIRE. 


Par M. DE LA CONDAMINE. 


Deféription à7 Ufage d'une Machine qui ünite 


les mouvements du Tour. 


8 Juille Et Tour femble n'avoir été imaginé que pour donner 

1733: une parfaite rondeur aux ouvrages auxquels cette forme 
pourroit convenir. Cette Machine en fournit un moyen fur 
& commode. 

Mais ce qui a pañlé d’abord pour le chef-d'œuvre de l'Art, 
eft devenu bientôt une pratique ordinaire & commune. 
Toute l'adrefle & l’induftrie des Artifles ne s’eft prefque 
employée depuis qu'à s'éloigner de plus en plus dans les 
ouvrages du T'our, de la forme circulaire qui avoit été le but 
de l'inventeur dans la premiére découverte. 

LeTour a été porté depuis un fiécle, & fur-tout de nos 
jours , à une grande perfection. Nous avons des ouvrages 
qu'on a peine à concevoir que le Tour puifle executer , mais 
qu'on imagine encore moins qui ayent pü fe faire fans le 
fecours du Tour. Plufieurs ouvriers habiles & divers parti- 
culiers qui fe font appliqués à cette ingénieufe méchanique, 
ont trouvé en différents temps le fecret de faire fur le Tour 

» Payë la De. des chofes nouvelles & finguliéres *, mais la plüpart tenoient 
pre 4 + leur pratique fecrette, dans la vüë de faire plus admirer ou 
Grollier de Sa- xechercher leurs ouvrages. 
piéress Le P. Plumier, Minime, publia en 1701 fon Livre de 

l'Art de Tourner, dans lequel il révéla les plus fecrets myfteres 
de cet art, ou du moins donna des moyens d'executer ce 
qu'on avoit vû de plus fmgulier dans ce genre. C'eft le feul 
Auteur François, venu à ma connoiffance, qui ait approfondi 

cette 


@-. wo. VUS 


DH SV SICN.ELN CES 217 


cette matiére, & qui foit entré dans un auffi grand détail 
fur les ufages du Tour fimple & du Tour figuré. Je ne parle 
point de ce que M. de Ia Hire a donné en 1719 dans les 
Mémoires de Acad. qui ne peut être d’ufage que pour le cas 
particulier des Polygones à pans droits auquel il s’eft borné. 

La conftruétion & l’ufage du T'our font aflés connus, fur- 
tout aujourd’hui qu’il eft devenu un amufement à la mode. 
Cependant en faveur de ceux à qui la méchanique du Tour 
n'eft pas bien familiére, on rappellera en peu de mots ce qui 
eft néceflaire pour l'intelligence de ce Mémoire. 

On appelle Tour fimple, celui qui ne fert qu'à tourner en 
rond. Le Zour figuré et celui dont on fe fert pour tourner 
toute autre figure que le Cercle. Je ne parle point du Zour 
ovale, qui a fa conftruction particuliére , quoiqu'on puifle 
tourner un ovale quelconque avec le feul fecours du Tour 
figuré. 

La principale piéce qui caraétérife le T'our figuré, eff celle 
qu'on nomme la Ro/erte ; c’eft elle feule qui fournit le moyen 
de tracer les différentes figures qu'on peut donner aux ou- 
vrages du Tour ; fans elle , avec tout le refte de l'appareil 
du Tour figuré, on ne pourroit décrire que des Cercles. 

La Rofette, comme on fçait, eft un morceau de fer plat 
de trois ou quatre lignes d'épaiffeur à peu-près, & d'environ 
deux ou trois pouces de diametre. Son contour eft ordinai- 
rement à pans, tantôt fimples, tantôt ondés ou goderonnés. 
H peut y en avoir d'une infinité de figures différentes fuivant 
le goût & la fantaifie de l'ouvrier. 

Cette Rofette eft percée dans fon centre d’un trou quarré, 
Yarbre du Tour eft auffi équarri pour la recevoir & lui fervir 
d'effieu. La Rofette ainf ajuftée, tourne avec l'arbre, & le 
bord de la Rofette, en tournant, rencontre une pointe de 
fer moufle, qu'on appelle Touche*. Cette Touche eft fixe & 
© # La Touche, pour une plus grande commodité dans l’execution, eft 
ordinairement garnie d’une Roulette; maïs pour ne point trop compliquer cette 
defcription, on fuppofe, quant à préfent, la Touche fimple, & ne portant 
fur la Roferte gen un point, comme lorfqw’elle eit taillée en coin, ce qui 
Æ pratique aufli quelquefois, 


Men. 1734 . Êe 


‘ 


Voy. l'Art de 
Tourner, du P. 
Plum. part. 6. 
Chi I.P.1245 


218 MEMOIRES DE L'AÂCADEMIE ROYALE 
inumobile, mais l'arbre qui porte la Rofette peut fe mouvoir 
parallelement à lui-même, & par conféquent s'approcher & 
s'éloigner de la Touche contre laquelle il eft continuellement 
prefié par un reflort difpofé pour cela. | 

Ainfi tandis que la Rofette tourne, elle porte toüjours 
par {on côté fur la Touche, y étant contrainte par la force du 
reflort ; le centre de la Rolette s'approche donc ou s'éloigne 
de la Touche felon que le permettent les inégalités du contour 
de cette Rofette, qui préfente fucceffivement tous fes points 
à la Touche. Par la même raifon, le centre de la piéce qu'on 
travaille qui eft ajuftée & centrée comme la Rofette, mais 
à l'autre extrémité de Farbre, s’approchera & s’éloignera de 
la pointe de l'outil qu'on lui préfente, à mefure que la Ro- 
fette s'approchera ou s’éloignera de la Touche; l'outil mor- 
dra donc fur la piéce, tantôt plus près & tantôt plus loin de 
fon centre, & par conféquent tracera fur la piéce un contour 
dépendant de celui de la Rofette. 

On ne parle point d’un autre mouvement qu'on peut pro- 
curer à l'arbre du Tour dans la direétion de fon axe, & qui 
fert à pratiquer des creux & des reliefs fur Fouvrage. H n’eft 
ici queftion que des contours qu’on peut tracer fur une fur- 
face plane. 

Au premier coup d'œil on pourroit être tenté de croire 
que la même Rofette ne peut produire qu'une même figure; 
jufqu’à préfent les T'ourneurs n’ont été guere plus loin, du 
moins on peut dire qu'avec la mème Rofette ils tracent à 
peine deux contours vraiment différents, lun à peu-près 
femblable à celui de la Rofette, l'autre qui eft, pour ainff 
dire, la contre-partie du premier. 

Le premier deflein femblable ou prefque femblable au 
contour de la Rofette, éft l'effet de la Touche placée du 
même côté de l'arbre que l'outil, parce que dans cette fitua- 
tion l'arbre par fon mouvement de parallelifme s'approche 
& s'éloigne de l'outil & de la Touche en même temps. 
L'autre deffein eft l'effet de la Touche placée à l'oppofite 
de l'outil, de l'autre côté de l'arbre, parce qu'alors l'arbre 


DES: SLEUTIEAN HR . 219 
s'éloigne de l'outil, quand il s'approche de la Touche, & 
réciproquement ; ce qui doit nécellairement changer les arcs 
concaves de la Rofette en convexes fur {a piéce, & les 
convexes en concaves. Voilà, à peu de chofe près, jufqu'où 
s'étend la pratique des ouvriers, & le P. Plumier lui-même, 
qui a raflemblé dans fon Livretout ce qu'il a recueilli chés 
les plus habiles Tourneurs, & ce que fa propre expérience . 
lui a fourni, n’en dit pas davantage. 

Mais en y regardant d’un peu plus près, on découvrira 
que la même Rolfette peut donner un très - grand nombre 
de contours différents ; que ce n’eft que dans un cas unique 
que le contour tracé eft parfaitement femblable à la Rofette, 
& qu'alors il ui .eft auf égal ; enfin que quelques Rofettes 
fort fimples donnent en certains cas des figures fort bifarres, 
comme des courbes nouées & entrelacées , chofes inouies 
chés les T'ourneurs. 

IL feroit donc utile de connoître les différents contours 
que peut produire la même Rofette, & jufqu'où peut s’éten- 
dre leur variété, en un mot, de fçavoir, une rofette étant 
donnée, tout le parti qu'on en peut tirer. Ce n’eft pas encore 
tout : avec un grand nombre de Rofettes différentes, & une 
connoiflance exacte de tous leurs effets poffibles, on ne 
{croit pas plus avancé, fi on avoit à tracer quelque figure 
qui ne pût être produite par aucune des Rofettes dont on 
connoïtroit la capacité. 

IL eft vrai que comme l'on fait qu'il y a un cas où la 
Rofette & la figure font femblables & égales, on pourroit 
quelquefois réuflir, en employant pour Rofette la figure 
mème qu'on veut tracer, mais le plus fouvent la figure 
propolée feroit peu commode, pour les raifons que nous 
dirons ailleurs, & quelquefois auffi il feroit impoffible d'en 
faire ufage ; par exemple, fi le trait de la figure étoit entre- 


‘cé, comme dans celles qui ont des nœuds, qui peuvent 


cependant fouvent être produites par le moyen d'une Ro- 

fette à fimple contour. 

+ I ne füuffit donc pas de pouvoir connoître tous les effets 
Ee ij | 


* M. Gram- 
mare, Prefid. 
au Gren. à Sel 


de Harfieur. 


* V. l'Hift. 
del'Ac.1729. 
Por. 


2320 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
poffibles d'une Rofette propofée. Pour n'être jamais arrêté, 
il faudroit avoir encore le moyen de trouver toutes les 
Rofettes poffibles qui peuvent produire la figure que on 
peut tracer ; car alors parmi toutes ces Rofettes on feroit 
en état de choifir la plus convenable pour 1a facilité de 
Vexecution. J’avois entendu parler d’une Machine que fon 
Inventeur * tenoit fort fecrette, & qui fervoit, difoit-on, 
à l'un & à l'autre de ces deux ufages ; premiérement, une 
Rofette étant donnée, à connoîïtre toutes les figures qu’elle 
peut décrire ; fecondement , un contour étant donné, à 
trouver toutes les Rofettes qui peuvent fervir à tracer ce 
contour. J'ai cherché quellé pouvoit être la Machine qui 
produifoit ces deux effets, en voici une que j'ai imaginée. 

M. du Fay, par qui j'ai été invité & encouragé à faire 
cette recherche, a aufi travaillé à deviner ou à remplacer 
la Machine myftérieufe. Je compte que le plus grand mérité 
de celles que j'ai à propoler eft le rapport qu'elles ont avec 
celle de M. du Fay, qui depuis a abandonné ce travail. C’eft 
en 1729 que je préfentai à f Académie, dont je n'avois pas 
encore l'honneur d'être Membre, mon premier eflai fur cette 
matiére * fur laquelle j'ai fait depuis de nouvelles réfléxions. 
J'ai attendu, pour en parler dans nos Mémoires, que je pufle 
y joindre l'examen géométrique de la nature des Courbes 
du Tour, qui n'étoit alors qu'ébauché. C’eft le fujet d’un 
fecond Mémoire, qu’on trouvera dans ce même volume. 

Par la méchanique du Tour figuré que nous venons 
d'expliquer, on conçoit que l'arbre du Tour a deux mou- 
vements : premiérement , il fermeut circulairement fur fon 
axe, c'eft ce qu'il a de commun avec l'arbre du Tour fimple; 
& de plus il fe meut horifontalement en ligne droite pour 
s'approcher ou s'éloigner de la Touche, felon que l’exigent 
les éminences ou les creux du contour de la Rofette, & c'eft 
en quoi le Tour fimple differe du Tour figuré. 

Si l'arbre du Tour figuré n’avoit de mouvement que fur 
fon axe, & qu'au défaut du mouvement horifontal de l'arbre 


qui {ert à l'approcher & à l'éloigner de la Touche, la Touche 


DÉ ES SV CNE E NE QUE 224 
ÿ fuppleit en s’'approchant ou s’éloignant elle-même du 
centre de la Rofette pour fuivre les inégalités de fon contour, 
il eft aifé de voir que l'effet feroit abfolument le même, 
puilqu'il importe peu que l'arbre s'approche de a Touche, 
ou que la Touche s'approche de l'arbre, pourvû que dans 
le cas de la Touche mobile, la pointe de l'outil ait le même 
mouvement que la Touche, & s'approche ou s'éloigne du 
centre de l'ouvrage à mefure que la T'ouche s'approcher: ou 
s'éloignera du centre de la Rofette, & c’eft précifément l'effet 
de la Machine dont voici la conftruction. 
: Un mouvement de Pendule à reflort caché par les platines 
AAA, BBBB, & dont le rouage fe voit marqué Fo. x. 
fait lui feul toutes les opérations, après avoir préparé deffus 
les piéces convenables ; € /Fig. 1.) eft l'arbre du remontoir, 
D eft l'encliquetage, Æ F° eft une détente qui retient Le 
volant G. Cette détente étant levée, laïfle le volant libre, 
& par conféquent le rouage qui tourne de toute la force 
dont le reflort eft capable. L'arbre du pignon que le barillet 
fait mouvoir, eft prolongé de part & d'autre au dehors des 
platines ; l'extrémité Z d'un côté / Fig.1.) porte une piéce 
platte Æ qui repréfente la Rofette du T'our qu'on fuppofe ici 
quarrée , & de l'autre côté /F3g. 1.) le tambour ZL ; l'un & 
l'autre étant fixes à cet arbre, font néceffairement entraînés 
par les révolutions du pignon. La petite piéce A7 /Fig. r. ) 
qui porte fur les bords de la Rofette, eft ce qui tient ici 
lieu de fa touche du Tour, la partie qui frotte eft taillée en 
couteau. Cette touche qui tient à fa piéce ON fe peut ôter 
quand l'on veut, pour fubftituer à fa place une autre touche 
platte que l'on fixe fur le quarré #, & dont on parlera dans 
la fuite. La piéce ON eft attachée par deux vis fur une fe- 
conde piéce pareille unie à deux montants PQ, RS, qui 
gliflent librement dans les quatre tenons Z. Ces piéces & 
ces montants fervent à contenir & à empêcher de balotter 
ka touche 77 qui haufle & baïfle alternativement fuivant que 
lRofette A, tournant fur fon centre, préfente fes angles ou 


fes pans , ileft clair que les angles de la Rofette foüleveront. 


Ee iij 


Planche III, 
Fig. x. 


Planche I, 
Fig. 1. 


Planche I. 
Fig. I. 


Planche II, 
Fig. VI: 


Fig. VIIL. 


222 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

la touche 47, en la repouflant en haut avec la piéce ON 
& les montants PQ, RS. Le tout tend à defcendre non 
feulement par fon propre poids, mais encore par le moyen 
d'un petit barillet 7’ adapté fur la platine derriére la Rofette, 
& d'un fil roulé fur le barillet & attaché à la petite fiche 9, 
en forte que la touche porte toùjours fur les bords de la 
Rofette dans toutes {es fituations. À cette même piéce ON 
eft encore fixée une efpece de broche ou tringle platte YF 
qui traverfe le mouvement, & qui monte & defcend avec 
1a touche dans les deux rainures L L des deux platines. Cette 
tringle a fon autre extrémité coudée & marquée par les 
lettres VXF (Fig. vi.). C'eft à cette extrémité que lon 
ajufte le crayon 4, b, c, d, qui repréfente l'outil, & qui 
trace la figure fur le plan Z L. Le crayon peut fé placer 
dans différents points, à droite, à gauche, haut & bas, par 
le moyen des rainures faites dans le milieu des bras a, b, f, c, 
qui glifient l'un fur l'autre, & qu'on arrête fixement où lon 
veut avec la vis e, 

Fg eft un crochet fous lequel eft un reffort r qui repoufle 
toûjours le crochet en avant ; ce crochet eft mobile fur fon 
point d'appui f, à peu-près aux trois quarts de fa longueur ; 
fon autre bout caché derriére le tambour ZL porte une 
dent qui traverfe la platine, & arrête une rouë qui tient à 
l'arbre du pignon pour le fixer quand il a fait une révolution 
entiére, fans quoi le même contour fe répéteroit à chaque 
révolution du tambour, & le crayon repaferoit fans cefle 
fur le mème trait. Lorfqu'on voudra faire agir la Machine, 
on obfervera de dégager la dent, en pefant fur le bout g, 
après qu’on aura détourné la détente Æ qui eft à la platine 
oppofée (Fig. 1.) & qui retient le volant G. 

Le tambour ZL eft mobile fur une plaque ronde 7K 
fermement attachée fur la platine par deux vis, Fune en p, 
& l'autre du côté oppolé vers f. Le bord de cette plaque 
repréfenté à part (Fig. 111.) & plus diftinétement, eft divilé 
en parties égales, en faifant répondre l’alhidade A1 à chaque 
tour du tambour fur différentes divifions également diftantes.. 


*, Prat des ni 


DES SCIENCES. 22 
Le même deflein fe répéte en fe croifant fous tel angle 
qu'on veut, ce qui forme des traits entrelacés & fimmétri- 
ques qui peuvent faire un effet agréable à la vüé. 

La feconde Planche contient le développement des-parties 
de la Machine, 

ABC (Fig, vri.) eft le porte-crayon avec fes coulifles 
& fa douille À C dans laquelle entre la tringle ou broche 
platte Y XV, qui d’un côté tient la touche 47 qui lui eft 
attachée par des vis ON, & de l'autre le crayon À. Elle 
porte auffr un bout de tringle quarrée Æ dont l'ufage fera 
expliqué. 

KH (Fig. vrrr.) eft le cercle dont on a parlé, divifé & 
fixé fur la platine. C'eft fur ce cercle que tourne le tam- 
bour /L, dans l’épaiffeur duquel font plufeurs cartons ou 
papiers fur lefquels da figure fe trace. On enleve ces papiers 
lun après l’autre avec la pointe d'une épingle, chaque fois 
qu'on veut changer de deflein , ou répéter le même fur un 
autre papier. On taille tous ces papiers à la fois avec un 
emporte-piéce. 

M eft l'alhidade mobile fur les divifrons du cercle XH. 

NN eft le canon qui tourne fur l'effieu du cercle mobile, 

OP (Fig. 1x.) eft un cercle de cuivre plein, coupé dans 
fon milieu par deux rainures difpofées à angle droit, & fur 
lequel eft une petite piéce QR mobile au point À, qui 
s'ajufte le long des côtés des rainures À, X, R, Z, pour tirer 
des lignes qui fe croifent à angle droit dans le centre du 
papier fur lequel on veut tracer une figure. Ces deux lignes, 
lune verticale, Fautre horifontale, fervent à prendre les 
dimenfions pour placer lé crayon dans les difpofitions conve- 
nablés ; pour cet effet, on fait entrer la douille Zc, adhérente 
au cercle de cuivre, à la place de la pareille piéce ZC du 
porte-crayon, fur la piéce YX difpofée pour la recevoir. 

S TV (Fig. r1.) eft un aflemblage de trois piéces qu’on 
adapte fur le quarré X de la Fig. r. On fait entrer ce quarré 
dans l'ouverture £, dans laquelle on l’arrète par le moyen 
_de la vis O. 


Planche II. 
Fig. VIL. 


Fig. VIIL, 


Fig. 1x. 


Planche EL 
Fig, 11 


Planche I. 
Fig. 11. 


Planche II, 
Fig. VII. 


224 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 

Si l'on veut voir les effets de a touche platte TS, on 
détache le côté S Y & Farc F7; en lâchant l’écrou Z, & 
on fait porter la plaque TS à plat fur les côtés de la Rofette; 
fi on veut une touche platte inclinée, on remet en place 
Taflemblage 7Y, VS, au moyen de la vis 7, & des deux 
pointes qui entrent dans les deux tous #, fon incline plus 
ou moins VS fur ZS, à l’aide de la vis 7, mobile dans la 
rainure de l'arc V7: 

On voit que les mouvements de cette Machine font abfo- 
Jument équivalents à ceux du Tour. L'arbre du Tour qui 
porte la Rofette & l'ouvrage, tourne fur lui-même, ce que 
fait dans la Machine l'eflieu qui porte la plaque & le tam- 
bour. Toute la différence confifte en ce que dans le Tour 
Yarbre a un fecond mouvement parallelement à lui-même, 
qui lui permet de s'approcher & de s'éloigner de l'outil & 
de la touche, l'un & l'autre fixes, au lieu que dans la Ma- 
chine, c’eft la tringle, portant à fes deux bouts la touche 
& le crayon, qui fe meut parallelement à elle-même & à 
leffieu qui repréfente arbre, & qui porte la plaque & le 
tambour. Il a été plus fimple & plus commode, dans une 
machine d’Horlogerie, de laïfler fixe le pivot qui porte les 
rouës, & de tranfporter dans la tringle le mouvement de 
parallelifme, du refte il eft clair que cela revient au même. 

I faut encore obferver que le mouvement de parallelifme 
fe fait d'ordinaire horifontalement fur le Tour, au lieu qu'il 
a paru plus commode de l'executer verticalement dans la 
Machine, ce qui ne change rien à l'effet. 

On à fait faire (Fig. v11.) un coude en X à la tringle 
mobile pour faire approcher plus près. du centre le bout 47 
qui porte fur la Rolette, fans être obligé de rendre les Ro- 
{ettes plus grandes. Ce coude n’empêche pas que la tringle 
ne fe meuve parallelement, & il n'apporte aucun change- 
ment efleñtiel à la conftruction de la Machine, il en réfulte 
feulement une plus grande commodité en plufieurs cas. 

On fe fervira indifféremment dans ce Mémoire du mot 
d'outil ou de crayon, puifque le crayon repréfente ici l'outil, 

du 


D: BIS VSNCAIAENR RES, 22% 
‘du Tour, par la même raifon on entendra fa même chofe 
* par l'extrémité de la tringle mobile que par le terme de souche. 

Le premier ufage de cette Machine, & celui qui fe pré- 
fente d'abord, eft de trouver par fon moyen quelles font 
les différentes figures qu'on peut faire tracer à l'outil avec 
la même Rofette, ce qui eft très-facile à executer, dès qu’on 
a en cuivre ou en fer un modele de la Rofette qu'on veut 
eflayer ; car ayant placé & aflujetti ce modele, ou cette 

laque de cuivre, comme nous avons dit, à une des extré- 
mités / (Fig. 1.) de l'arbre du grand pignon, le crayon ajufté 

à l'autre extrémité a / Fig. v'I.) qui par le moyen des rainures 
ae, fc, peut fe placer dans tous les points différents du 
papier, tracera dans toutes les différentes pofitions qu'il peut 
recevoir, tous les defleins poflibles que peut fournir la Ro- 
fette donnée, & cela dans la derniére précifion, fi la Machine 
æft bien faite. 

On eft furpris de l'extrême différence qui fe trouve entre 
certaines figures produites par la même Rofette ; peut-être 
“auffi paroîtra-t-il fingulier que ce foient d'ordinaire les Ro- 
ettes les plus fimples qui donnent les figures les plus bizarres. 
TI eft certain, du moins, que les Rofettes qui ont un grand 
nombre de côtés, ne produifent dans aucun cas des defieins 
auffi différents d’elles-mêmes, qu'une Rofette fimplement 
triangulaire ou quarrée, & cela doit être ainfi. 

Pour en rendre la raifon plus fenfible, & en même temps 
pour donner quelqu'idée de ce premier ufage de la Machine, 
nous allons.examiner fes effets dans quelques cas particuliers, 
réfultants des différentes pofitions du crayon ; & afin de 
rendre la chofe plus fimple, nous prendrons d’abord pour 
exemple la Rofette quarrée , telle que nous Favons propoée 
dans la defcription de Ia Machine. 

. Dans toutes les figures fuivantes, on fuppofe les plans 
paralleles de la Rofette & du deffein projettés l'un fur l'autre, 
de centre de la Rofette & celui de la figure feront par con- 
féquent le même point C /Fig. r.); le trait ponétué mar- 
quera le contour de la Rofette, l'autre trait marquera K 

Mem, 1734 Î ë 


Planche III. 
Fig. 1. 


Planchelll, 


Fig: 14 


226 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Rovare 
deflein qui réfulte de cette pofition , 7 le point de hRofette 
où porte la touche, & O le point du papier où le crayon 
répond au même inftant. 

Si on place le crayon © au deflus du centre C, & à Ja 
même diftance de l'axe que la touche 7, c'eft-à-dire, à l’en- 


: droit même où feroit l'autre bout de la tringle , fr elle n'étoit 


pas coudée, il eft clair qu’il tracera alors une figure égale & 
femblable à la Rofette, puifque la tringle fe meut parallele- 
ment à elle-même, & qu'ainfi fes deux extrémités doivent 
faire le même chemin ; par conféquent l'une des deux ne 
quittant jamais le contour de la Rofette, l'autre doit tracer 
fur le plan qu’elle rencontre une figure égale & femblable à 
la Rofette. Ici le defiein & le contour de la Rofette étant 
femblables, le trait plein & le trait ponctué fe confondent 
en un feul. 

Ainfi, par exemple, dans Îa pofition du crayon que nous 
venons d'examiner, une Rofette quarrée fera tracer au crayon 
un trait quarré de même grandeur, C’eft-là ce cas unique & 
le plus fimple de tous dont on a déja parlé, où la figure 
tracée eft toûjours égale & femblable au contour de la Ro- 
fette ; mais pour peu qu'on écarte le crayon de ce point, & 
qu'on le place ailleurs, la figure tracée ne fera plus un quarré, 
& chaque pofition du crayon caufera de grandes variations 
dans la figure. 

On peut diftinguer toutes les diverfes pofitions du crayon 
en deux efpeces différentes. L'une, lorfque le crayon eft 
placé dans alignement de la rainure où gjlifle la tringle 
mobile, c’eft-à-dire, lorfque la touche 7, le centre C & le 
crayon © font däns la même ligne, qui eft pofée verticale- 
ment dans la Machine. L'autre, lorfque le crayon © eft hors 
de cet alignement. J'appelle les premiéres pofitions directes, & 
les derniéres pofitions obliques. Commençons par la premiére 
efpece. 

Quoiqu'il y ait autant de pofitions directes du crayon qu’il 
y a de points dans l'alignement dont nous venons de parler, 
on peut cependant confidérer fept pofitions qui renferment 


DIET SN 28 108€ NT xt oi 711 sé 
toutes les autres, & qui produifent les effets les plus diffé: 
rents. La premiére eft celle dont le crayon copie exaétenent 
le contour de la Rofette; c'eft celle dont nous venons de 
parler. | 

Si on éloigne le crayon du centre en droite ligne au de-à 
du point où il étoit fixé dans la pofition précédente, mais 
toûjours en de-çà du centre, if tracera une figure plus grande 
que la Rofette, dont les quatre côtés feront bombés ou fége- 
rement cintrés dans leur milieu, la convexité en dehors de 
l figure. C’eft l'effet de la feconde pofition. 

La troifiéme eft celle où le crayon fera plus près du centre 
que la touche, mais de telle forte qu'en defcendant à fon 
plus bas, le crayon ne puifle qu'approcher du centre fans ÿ 
atteindre. En ce cas la figure tracée fera, à la vérité, qua- 
drangulaire, mais fes côtés feront des lignes concaves par 
dehors qui s’approcheront du centre dans leur milieu, plus 
le crayon fera pofé près du centre, pourvû que ce foit toû- 
jours en de-çà, en forte que la concavité deviendra un angle 
rentrant qui approchera à la fin de angle droit. 
: Quatriéme pofition. Si le crayon eft dans fa même ligne 
au de-là du centre, maïs à telle diflance qu'en montant à 
fon plus haut point, il ne puiffe qu’approcher du centre fans 
pouvoir y atteindre, il tracera encore une figure quadran- 
gulaire, mais dont les angles feront rentrants, & les côtés, 
quatre arcs convexes par dehors, & dont la convéxité fera 
d'autant plus grande, que le crayon aura été placé plus près 
du centre, maïs toûjours au de-là. I faut remarquer que ce 
font ici les angles de la Rofette qui font les angles rentrants 
de la figure, au lieu que dans la précédente ils font produits 

le milieu des côtés de Ia Rofette. 

Entre les deux pofitions précédentes du crayon, il y en'a 
une moyenne, qui eft de le placer fur le centre même du 
tambour , mais il peut y être placé dans trois cas différents, 
car comme les angles & les côtés de la Rofette font hauflér 
& baïfler alternativement le crayon porté par la tringle, le 
centre peut être rencontré par lé cyon, _. Quand le 

1] 


Planche IL 
Fig. 2. 


Fig. 36 ! 


Fig. 4e 


Planche 1 V. 
Fig. $- 


Fig. 6. 


228 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
crayon eft au point le plus bas où il puifle defcendre, & 
c’eft l'inftant où la touche eft fur le milieu du côté de la 
Rolette. 2.° Lorfque le crayon eft au point le plus haut où 
il puiffe monter, ce qui arrive Îorfque la touche porte fur 
l'angle de la Rofette. Enfin, & c'eft le troifiéme cas, le 
crayon peut rencontrer le centre dans fa route , je veux dire 
en-paflant du point le plus haut où il monte, au plus bas 
où il defcende, la touche portant entre l'angle & le milieu 
du côté. Ces trois pofitions donnent encore trois figures 
différentes. 

Dans le premier cas, les quatre côtés de la figure qui 
n'étoient que concaves , quand le crayon ne defcendoit pas 
jufqu'au centre du deflein, fe réuniffent & fe confondent 
par leurs milieux en un feul point dans le centre, alors la 
figure tracée reffemblera à quatre feuilles oblongues difpofées 
en fautoir : c'eft l'effet de la cinquiéme pofition directe du 
crayon. 

Dans le fecond cas, ce ne feront pas les milieux des côtés, 
mais les quatre angles rentrants de la Figure 4, qui fe réuni- 
ront au centre dans un feul point ; les quatre côtés feront 
parvenus à leur plus grande convexité, & la figure refiem- 
blera à un trefle à quatre feuilles difpofées en croix. Tel eft 
l'eftet de la fixiéme pofition directe. 

Enfin, & c'eft la derniére des fept pofitions direéles, fi 
le crayon ‘ne rencontre le centre ni au plus haut point, ni 
au plus bas de la ligne droite qu'il parcourt, mais en paffant 
de l'un à l’autre, comme alors il monte au deffus du centre, 
& qu'il defcend au deflous, il raffemble les deux cas pré- 
cédents, aufli décrit-il les deux figures précédentes qui fe 
croifent, de telle forte que les quatre feuilles oblongues en 
fautoir de la premiére fe trouvent placées dans les intervalles 
des quatre feuilles en croix du trefle de la feconde, & que 
le crayon trace les deux fortes de feuilles alternativement 
une à une jufqu'à ce que toute la figure compofée des huit 
feuilles foit entiérement tracée. : 

Si le crayon fait plus de chemin au deflous du centre 


DÉES : SCALE INT CE 229: 
qu'au deffus, les feuilles du trefle feront plus hautes que les 
feuilles oblongues, & s’il en fait plus au deffus qu'au deflous, 
les feuilles du trefle feront les plus petites. | 

Enfin, fi le crayon rencontre le centre précifément à 
moitié chemin, les deux efpeces de feuilles feront de même 
hauteur ; mais foit qu'il rencontre le centre à moitié chemin 


” ou non, toutes les fois que la figure aura huit feuilles, les 


hauteurs des deux différentes feuilles, prifes enfemble, feront 
égales à la hauteur que lune ou l'autre feuille auroit euë 
féparément dans les deux pofitions précédentes où la figure 
n'avoit que quatre feuilles, au lieu de huit, 

Ce font-là les principales pofitions du crayon qui renfer- 
ment toutes celles que j'ai nommées directes , c’eft-à-dire, 
toutes celles où le crayon eft placé dans l'alignement de la 
rainure où glifle la tringle, foit en de-cà, foit au delà du 
centre. Il nous refle à examiner les pofitions obliques du 
crayon, qui font celles où il eft hors de cet alignement, foit 
à droite, foit à gauche, en de-çà, en de-à, ou au niveau 
du centre; mais pour défigner exaétement ces fituations du, 
crayon, il eft à propos de définir quelques termes. 

Il eft indifférent que la rainure où gliffe la tringle mo- 
bile, ait une direction plûtôt qu'une autre, il fuffit que fon 
alignement tende au centre ; mais dans la Machine, telle 
qu'elle eft conftruite, cette rainure eff verticale, ainfi l’aligne- 
ment de la rainure ou le diametre vertical feront deux ter- 
mes finonimes dans ce Mémoire’; j'appellerai la ligne qui 
coupe à angles droits cette perpendiculaire, en paffant par 
le centre. du tambour, le diametre horifontal ou le niveau du 
centre. C'eft par rapport à ces deux lignes feulement que l'on 
peut défigner les pofitions obliques du crayon dans lefquelles 
le crayon ne fe meut plus dans le diametre vertical comme 
dans les pofitions directes, mais parallelement au diametre 
vertical, ce qui fait qu'il ne rencontre plus jamais le centre, 
mais feulement le niveau du centre, ou le diametre horifontal. 

La plüpart des nouvelles figures que donnent les pofitions 
obliques du crayon auront quelque rapport aux précédentes, 

ii 


Planche IV. 
Fig. 8. 


Fig. 9° 


230 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

mais elles auront une infléxion de côté ou d'autre, felon 
que le crayon fera à droite ou à gauche du diametre vertical. 
Par exemple, 

Si le crayon eft placé hors du diametre vertical, en forte 
qu'il ne puifle pas defcendre jufqu'au diametre horifontal, 
les côtés de la figure ne feront plus concaves dans le milieu 
des deux angles, comme Figure 3, mais leur concavité fera 
plus près de lun des deux, fuivant le différent côté où fera 
placé le crayon. 

Si le crayon eft fort près du centre, les quatre côtés de 
la figure reflembleront à des dents de rochet , & tout le refte 
étant égal, le biais fera d'autant plus fenfible que le crayon 
fera plus écarté du diametre vertical, & l'angle d’autant plus 
aigu que le crayon fera plus voifin du diametre horifontal, 
ce qui eft commun à toutes les figures obliques. 

Les trois contours de la Figure 8& répondent aux différentes 
diflances du crayon au centre toûjours dans ce même cas. 

Cette figure eft l'effet de la premiére pofition oblique du 
crayon, & répond à la troifiéme pofition direéte. Les figures 
qui réfultent des deux autres pofitions obliques qui répondent 
à la premiére & feconde pofition directe, ne différent pas 
aflés du trait extérieur de cette derniére figure pour en faire 
une particuliére. 

Si le crayon eft placé au de-à du centre hors de laligne- 
ment de la rainure, mais de telle forte qu'il ne puiffe jamais 
remonter au niveau du centre, c’eft-à-dire, dans les mêmes 
circonftances où il traçoit dans la pofition directe la figure 
réguliére {à quatre côtés convexes /Fig. 4. ); la figure fera 
compofée de quatre goderons d'autant plus inclinés que le 
crayon fera plus écarté du diametre vertical, & d’autant plus 
fenfibles qu'il fera plus près du diametre horifontal. En appro- 
chant le crayon du centre, les goderons fe fermeront, & 
deviendront des boucles. 

Nous n'entrerons pas dans le même détail à l'égard des 
autres pofitions obliques ; les figures où feront marquées dans 
chaque cas les pofitions refpectives de la touche ou de l'outil, 
fuffront pour voir l'effet de chaque pofition, 


Des Set EN ONE 5) 23% 

»« Les pofitions obliques /Æ3g. 1 o. &" r 1.) qui répondent Planche1V. 
à la cinquiéme & fixiéme pofition directe font peu différentes Fig: 10. 
des deux précédentes huit & neuf ; elles ont feulement leurs SR 
angles & leurs goderons plus aigus & plus marqués, par la 
raifon déja alléguée, que dans celles-ci le crayon eft plus près 
du diametré horifontal, puifqu'il l'atteint dans l'une & dans 
Y'autre. d 

La cinquiéme & derniére pofition oblique ef celle où le 
crayon fait une partie de fon chemin au deflus & l'autre au 
deffous du diametre horifontal. Elle répond à la feptiéme 
pofition directe. Au lieu de la figure à huit feuilles de la 
premiére, celle-ci produit une figure à huit boucles, de hau- 
teur égale, entrelacées deux à deux, qui forment quatre 
nœuds ou lacis, & fait reflembler la figure entiére à cet 
ornement de blafon qu'on nomme cordeliére. On a remarqué 
dans la pofition directe, correfpondante à celle-ci, que les 
deux efpeces de feuilles dont elle eft compofée, n'étoient 
égales que lorfquêle crayon faifoit également de chemin au 
deffus & au deffous du centre; cette analogie fe conferve 
dans la poñition oblique correfpondante, & la figure dont on 

vient de parler n’eft tracée que lorfque le crayon fait égale- 
ment de chemin au deflus & au deflous du diametre hori- 
fontal, autrement les proportions de la figure changent ; & 
fi le crayon fait plus de chemin au deflus qu’au deflous, on 
aura lun des traits de la Figure 1 3, felon que le crayon, à Fis.13. 
diftance égale du diametre horifontal, fera plus où moins 
éloigné du diametre vertical : fi au contraire le crayon fait 
plus de chemin au deffous qu'au deffus de l’horifontal, lon planche V. 
aura Fun des traits de la Figure 1 4. Fig. 144 

Ces trois derniéres figures ne font bien fenfibles que lorf. 
que le crayon eft fort près du diametre vertical ; plus on 
Yen éloigne, quoiqu'on conferve la même diftance au dia- 
metre horifontal, plus les nœuds fe rappetifient & fe con- 

fondent avec le contour de la figure, en forte qu'à une 
certaine diflance du diametre vertical, par exemple, à la 
longueur du rayon de la Rofette, les trois derniéres pofitions 


Fig. 12, 


Planche V. 
Fig. 15° 


232 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

du crayon , au lieu de la figure précédente, en donnent une 

que l'œil ne diflingueroit pas du cercle, tant elle en differe 
eu fenfiblement. Nous en verrons bien-tôt {a raifon. 

Voilà quelles font les principales figures que peut donner 
la Rofette quarrée; je dis les principales, parce que je n'ai 
parcouru que les pofitions du crayon les plus différentes 
entr'elles, & qu'entre les deux plus voifines de celles dont 
on a parlé, il y en a autant que de points où on peut 
placer Îe crayon ; mais celles qui viennent d’être détaillées 
fufhifent pour donner une idée des autres qui font toutes 
comprifes dans quelques-uns des cas que nous avons exami- 
nés, en forte que quelque figure qu'on prenne qui faffe l'effet 
d'une Rofette quarrée, elle fera fmblable où à peu-près 
femblable à quelqu’une des précédentes, ou ne s’en éloignera 
que pour reflembler mieux à quelqu'autre de celles dont nous 
avons donné pareïllement la defcription. 

La diverfité & 1a bizarrerie apparente de toutes ces figures 
n'eft caufée que par la différente combinäïfon des deux mou- 
vements, droit & circulaire, de Ja Machine, qu'il faut avoir 
bien préfents pour en démèëler les effets compliqués. Le 
crayon porté à l'extrémité de la tringle mobile n'a que fon 
mouvement en ligne droite, & ce mouvement fe fait, ou 
dans l'alignement de a rainure, c'efl-à-dire, dans le diametre 
vertical, ou hors de cette ligne, mais parallelement à elle: 
dans lun ou dans l'autre cas le crayon ne fait que haufer 
& baïfler alternativement, felon que les angles de la Rofette 
foûlevent la tringle qui porte le crayon, ou que le reflort 
repoufle la tringle fur les pans ou dans les creux de la Rofette. 
Par exemple, dans le cas de la Rofette quarrée, le crayon 


” qui s'éleve chaque fois qu'un angle pañle, & qui fe baifle 


enfuite, monte quatre fois, & defcend autant de fois alter- 
nativement pendant une révolution de la Rofette, en parcou- 
rant à chaque fois un chemin égal en ligne droite; & comme 
les deux extrémités de cette ligne font d'une le plus haut 
point, & l’autre le plus bas où defcende le crayon, & qu'il 
w'eft à fon plus haut point que lorfque la touche porte fur 

Yangle, 


7. 


J DES SCIENCES. 233 
Fangle, & à fon plus bas que lorfque la touche porte fur fe 
milieu du côté, il s'enfuit que la mefure de cette ligne eft 
la différence du plus grand au plus petit rayon de la Rofette, 
c'eftà-dire, fi elle eft quarrée, l'excès de {a demi-diagonale 
fur la demi-hauteur. Si le tambour étoit immobile, le crayon 
allant & revenant fur fes pas, ne traceroit jamais que cette 
petite ligne droite : fi le crayon au contraire étoit immobile, 
& que le tambour feulement fe mût fur fon centre, le crayon 
ne traceroit jamais qu'un cercle ; mais comme pendant que 
le crayon f meut, le tambour tourne, il s'enfuit que le 
crayon montant ou defcendant en ligne droite, trace fur le 
tambour, mû circulairement, une ligne ordinairement courbe, 
compofée de ces deux mouvements, & c’eft cette courbe 
répétée autant de fois que la Rofette a de côtés, qui compofe 
la figure tracée ; je dis une ligne ordinairement courbe, & 
on verra Îa raifon de cette reftriction. HE 

I eft aifé d'appliquer à cette méchanique le principe 
ordinaire qui fert à expliquer les mouvements compolés; 
en examinant quelles font à chaque inftant les deux déter- 
minations que reçoit le crayon; car quoiqu'il n'ait réelle- 
ment de mouvement que celui qu'il reçoit de la tringle en 
ligne droite, le mouvement circulaire du'tambour fait, eu 
égard à la ligne tracée, Ie même effet que fi le crayon; ‘outre 
fon mouvement direct; étoit lui-même emporté circulaire- 
ment autour du tambour du fens oppofé à celui dont le 
tambour fe meut ;4lans ce cas on conçoit qu'à chaque inftant 
le crayon recevroit deux déterminations, fune füivant une 
portion infiniment petite de la circonférence du cercle où 
il fe trouve alors, & qu’il décriroit fr fon mouvement: en 
ligne droite étoit fufpendu, & ce petit côté peut être con 
fidéré comme une ligne droite; l'autre fuivant une partie 
infmiment petite de la ligne droite, fuivant laquelle monte 
ou il defcend, il décriroit donc à chaque inftant, pour fatis- 
faire en même temps à ces deux impreffions, la diagonale 
d'un: petit: parallelogramme dont ces deux’ petités dignes 
feroient les côtés, mais les côtés infiniment petits d'un cercle: 


Mem. 1734 . Gg 


234 MEMOIRES DE L'ACADEMI1E- RoyArE 

changent à chaque inftant de direction. Donc quoique les 
petites portions de là ligne droite, le long de laquelle le 
crayon monte & defcend, ayent la même direction, les 
diagonales réfultantes de chacune d'elles, & de chaque petit 
côté correfpondant du cercle ne doivent pas moins changer 
de direction à.chaque inflant; & par conféquent leur fomme 
doit compofer une courbe, à moins que la combinaifon des 
deux mouvements, droit & circulaire, ne foit telle que les 
eôtés des parallelogrammes compofés des portions infimiment 
petites de la ligne droite parcouruë par le crayon, & des 
portions infinifnent petites de la circonférence où: il pañfe 
fucceflivement, né fuivent entre eux une même proportion 
d’accroiflement ou de diminution; auquel cas toutes ces 
petites diagonales bout à bout l’une de l’autre, compoferont 
une ligne droite. C’eft ce qui arrive dans la -pofition unique 


qui fait copier exactement au crayon le contour de la Rofette, 


& par conféquent décrire des lignes droites quand la Rofette 
eft à pans droits; d'où ilréfulte un paradoxe affés fingulier, 
qui eft qu'un corps mû.en ligne droite, & dont la trace fur 
un plan immobile feroit néceflairement une ligne droite, 
peut, fans changer de vitefle ni de direction, tracer aufii 
une droite für un plan mü ciroulairement. 

Un peu de méditation fur la pofition refpeétive du crayon 
& de la touche, & fur la combinaifon des deux mouvements, 
dioit & circulaire, relativement à cette pofition, éclaircira 
toutes les difficultés qui peuvent fe préfenter à l'infpection 
des figures, & de feur extrême différance d'avec les Rofettes. 
Etil n'y aura aucun point de la courbe ou de la figure tracée, 
qu'on ne puifle afligner, en confidérant quelle portion de 
fon cercle le tambour a décrite pendant que le crayon eft 
monté ou defcendu en ligne droite d’une certaine-quantité, 

Nous n'éntrons pas dans le détail qui feroit infini, nous 
nous contenterons d'indiquer une caufe générale qui peut 
fervir à rendre raïfon de ce qu'on a pü remarquer de plus 
bizarre & de plus fingulier dans les figures que nous:avons 
examinées. 


Le 


DES SCIENCES. 235$ 
+ Soit que le crayon foit près ou loin du centre, 1e tambour 
“acheve toüjours fa révolution dans le même temps, par 
conféquent le grand cercle que traceroit le crayon, s'il étoit 
placé loin du centre, & que la machine n’eût que le mou- 
vement circulaire, s’'acheveroit dans le même temps que le 
petit cercle que traceroit le crayon dans la même fuppoñition, 
S'il étoit plus près du centre; & cela quelque différence qu'il 
puifé y avoir de grandeur entre les rayons de ces deux cercles, 
D'un autre côté, la ligne droite que parcourt le ciayon, 
foit en montant, foit en defcendant, ne change point par 
la diftance du crayon au centre; la courbe tracée ft donc 
le réfültat de deux mouvements, dont Fun, sil étoit feul, 
feroit parcourir au crayon une ligne droite, d'une grandeur 
conftante, & autre pendant le même temps, s'il étoit {eul 
auffi, un arc deicercle toüjours du même nombre de degrés 
à la vérité, mais dont la longueur feroit tantôt plus grande, 
tantôt plus petite felon la diflance du’crayon au centre, on 
voit bien ‘que a figure de (la courbe ‘qui {era tracée dans 
chacune dé ces deux différentes combinaïons doit.être fort 
différente. ‘ NE SEE DIEPPE 
En effet, quand lecrayon-eft loin du centre, la longueur 
de Tarc que le mouvement circulaire feul feroit décrire au 
carton, emporté de beaucoup fur la longueur ide la petite 
ligne droite qu'ilidécrit par fon mouvement propre ; lemou- 
vement circulaire domine alors fur le mouvement direct, & 
da courbe décrite approche bien plus d’un arc de cercle. Au 
contraire quand le crayon eft fort voifim du centre, la petite 
ligne droite que fon mouvement lui faifoit décrire en mon- 
tant ou-en défcendant, toute courte qu’elle eff, devient plus 
Tongue que l'arc de cercle que le feuk mouvement. circulaire 
du carton lui feroit tracer, le mouvement direct l'emporte 
alors fur le mouvement circulaire, & la courbe décrite eft 
d'autant plus différente d'un arc de cercle. y 
* Orh figure tracée par le crayon n’eft, comme-onl'adit, 
autre chofe que la même courbe répétée autant defois que 
la Rofette a de côtés; par:conféquent plus ladigne-droite que 
D Re UE 


* Voy. le Jecond 
Memoire fur le 
Tour. 


236 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 


parcourt le crayon par fon mouvement propre fera petite 
par comparaifon à l'arc de cercle que le carton parcourt dans 
le mème temps, plus la figure tracée ou la portion corref- 
pondante de la figure tracée approchera du cercle, 

Qu'on applique ce raifonnement aux divers cas qu'on.a 
précédemment examinés, on reconnoitra clairement que ce 
qu'on a pü remarquer de bizarre & de fingulier dans les effets 
d'une même Rofette, en eft une conféquence néceffaire: Par 
exemple, que c'eft ce qui fait qu'en général les pofitions du 


crayon voifines du centre, donnent les plus grandes variétés,. 


& que pañlé une certaine diftance du centre, un. peu plus 
ou-un peu moins d'éloignement ne change pas beaucoup la 
figure. On ne fera d'application particuliére de ce principe 
qu'au cas de la Figure 1 $, où l'on a vû que le crayon guidé 
par une Rofette quarrée traçoit un cercle ou plûtôt une figure 
qui ne differe pas fenfiblement du cercle, 
La premiére fois que je rencontrai cette figure, j'avois 
placé mon crayon au hazard, j'avouë que fur le rapport de 
mes yeux, je ne doutai pas dans le premier moment que la 
figure tracée ne fût un cercle, & je ne voyois aucun inconvé- 
mient à le fuppofer. À la vérité, il me paroïfloit fmgulier 
qu'une Rofette quarrée pût faire décrire à l'outil une figure 
circulaire, mais je n'en voyois pas encore limpofñbilité, . 

Cependant la conféquence devenoit délicate, je connoif 
fois en général la nature & les propriétés de la courbe du 
Tour qui, dans le cas préfent, me paroiffoit à la vüë un cercle, 
& je {çavois que cette courbe étoit quarrable toutes les fois 
que l’on pouvoit quarrer fa bafe*, qui dans cet exemple étoit 
une ligne droite; donc fi la courbe étoit réellement un cercle 
on avoit fa quadrature. Cette conféquence très-évidente me 
fit défier de mes yeux, & un peu de réfléxion. fur les deux 
mouvements qui produifent cette courbe, m'eut bientôt 
convaincu qu'elle n'étoit rien moins qu'un cercle. 

En effet, un cercle & une ligne droite, & même plufieurs 
cercles & une ligne droite, de quelque façon que le tout 
foit combiné, ne peuvent jamais produire un cercle. Si le 


"ME 


Pr ENS SLEPÉ EN Ge & 237 
crayon étoit immobile, nous l'avons déja remarqué, il dé- 
criroit un cercle {ur le carton tournant; mais dès-Ià que le 
crayon a un mouvement propre quel qu'il puifle être, à 
moins que ce ne fût un mouvement circulaire qui lui fit 
décrire la même circonférence qu'il traceroit par le. feul 
mouvement du carton, il eft clair que la courbe tracée ne 
peut être un cercle. L1% 

Mais cette courbe peut s'éloigner ou s'approcher plus ou 
moins de la figure circulaire, felon la pofition & la mefure 
de la ligne droite que parcourt le crayon par fon mouvement 
propre en montant & defcendant alternativement, : 

Premiérement, la pofition de cette ligne contribuë beau- 
coup au plus ou au moins de refiemblance que 1a figure 
tracée aura avec le cercle; car fi le crayon eft placé de forte 
que cette droite coupe la circonférence du cercle, que le 
crayon fuppolé immobile, décrivoit fur le carton tournant, 
on conçoit que la figure tracée doit être beaucoup plus 
éloignée de la circulaire que fi la ligne droite, au lieu de 
couper ce cercle, lui étoit feulement tangente. En effet da 
tangente s'éloigne moins du contour du cercle que toutes 
les fécantes poffibles, & de toutes les fécantes, c’efl la fécante 
perpendiculaire ou le rayon qui eft le moins propre à fe 
confondre avec la circonférence. Enfin. il n'eft pas moins 
clair que plus un cercle eft grand, moindre eft fa courbüre, 
& par conféquent plus fa tangente approche de fa circon- 
férence. | 
= C'eft en réuniflant ces circonftances, qu’on peut donner 
au crayon la fituation la plus avantageufe, pour que la figure 
tracée approche du cercle le plus qu'il eft pofüble,, & ce 
font celles que nous avons obfervées, en plaçant le crayon 
-où nous avons dit, pour lui faire décrire une figure fenfi- 
-blement ronde avec une Rofette quarrée. ALTER 

Secondement, plus cette ligne droite fera petite, moins 
“elle altérera la figure circulaire que traceroit le crayon, s'il 
“étoit immobile, & comme elle devient plus courte à mefure 
“que le nombre des côtés du polygone croit, il eff clair que 


Gg ii 


Planche V. 


Fig. 16. 


238 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

dans la fituation du crayon où le quarré même donne une 
figure qui {enfiblement ne differe pas du cercle; tous les 
autres polygones, hors le triangle, donneront une figure plus 
approchante du cercle que le quarré, & d'autant plus qu'ils 
auront plus de côtés : mais non-feulement la ligne droiteen 
queftion, qui n'eft que la différence du plus grand au plus 
petit rayon de la Rofette, devient plus courte à mefure que 
le nombre des côtés du polygone croit, j'adjoüte qu'elle dé- 
croît dans une plus grande raifon que les arcs dont les côtés 
du polygone font les cordes, la démonftration en eft fort 
fimple. 

La différence CD du grand rayon AO au petit rayon OC 
d'un polygone, eft ce qu'on appelle la Feche, je dis que les 
fleches croiffent ou décroiffent dans une plus grande raifon 
que leurs arcs. La fleche CD de l'arc entier AD eft, comme 
on fçait, le fmus verfe de la moitié AD ou BD. 

Soit l'arc AZN variable, double de A. Soit APla fleche 
de Farc AN, & le finus verfe de l'arc AZ, foient fuppofés 
égaux les accroiflements différentiels Pp, px de AP, Je 
les nomme 4x, on fçait que les accroiflements JZR ou wr, 
dy des ordonnées qui répondent à chaque 4x, vont en dimi- 
nuant dans toutes les courbes concaves vérs leur axe; donc 
les atcs infiniment petits ww, m1 ou ds, qui font des 
hipoténufes des petits triangles différentiels, vont pareïllez 
mént en diminuant; donc la fomme de ces hipoténufes, 
c'eft-à-dire, le demi-arc AM augmente par des différences 
décroiflantes, tandis que la fleche À P s'accroît uniformé- 
ment; donc la fleche croît én plus grande raifon quees arcs. 

Hne paroîtra done plus étonnant que les Rofettes les plus 
fimples, donnent quelquefois les figures les plus bizarres & 
les plus différentes de la Rofette qui les produit ; j'entends 
par les Rofettes les plus fimples, celles qui ont le moins de 
côtés, comme le triangle ou le quarré. On voït par ce que 
nous venons de dire, que leurs fleches étant plus grandes 
à proportion que dans les autres polygones, & par conféquent 
le crayon pouvant s'approcher & s'éloigner plus du centre, 


DES 28104 EN CUBES 1 239 
pendant une portion égale de la révolution du tambour, 
la figure tracée doit avoir fes angles ou fes goderons plus 
faillants ou plus rentrants que les figures tracées parle fecours 
d’autres Rofettes; & qu'en général, par la même raifon, il 
doit s'y faire des combinaifons plus variées des deux mou- 
vements, circulaire & direct; d'où on à fait voir que dépend 
la diverfité des figures. 

IL paroït d'abord extraordinaire que ces efleis finguliers 
de Rofettes auffi fmples que le triangle & le quarré, ayent 
jufqu'ici échappé aux Tourneurs, mais l'obfervation précé- 
dente, dont il fuit que les figures produites par les autres 
polygones, font plus femblables à leurs Rofettes que celles 
qui ont pour Rofettes le triangle & le quarré, indique affés 
la raifon qui a empêché jufqu'ici les T'ourneurs d'exécuter 
fur le Tour, les contours finguliers dont nous avons parlé, 
& plufieurs autres de la même efpece, quoique les Rofettes 
qui les donnent ne foient pas fort recherchées. 

- Les Rofettes les plus commodes dans la pratique, font 
celles qui ont un plus grand nombre de côtés, les angles 
en font plus obtus, & la Rofette en gliffe plus aifément fur {a 
touche, au lieu que des angles fort aigus cauferoient des 
fauts à larbre*. A la verité, il n’eft pas impoflible de 
remédier à cet inconvénient, mais il étoit encore plus court 
de n'y pas tomber. C'eft pour cette raifon. que les Rofettes 
qu'on: employe dans l'ufage ordinaire, n’ont guéres moins 
de-huit côtés, fur-tout quand les côtés font droits, & c’eft 
encore pour cela que le plus fouvent elles en ont un bien 


plus grand-nombre, & plûtôt à goderons qu'à pans droits, 


telles font celles dont le P. Plumier donne des modeles dans 
fon Livre. Les figures qui ont paru les phisfinguliéres parmi 


celles que nous avons remarquées ; font produites «par les: 


Rofettes qui ont un petit nombre de côtés, troisiou quatre, 
par exemple. If n'eft donc pas étonnant que lesouvriers qui 
merafnent ordinairement que fur les commodités de pratique, 
trouvant les Rofettes qui ont le plus.de pans owdegoderons 
les plus cemmodes, ne {e foient pas obftinés gratuitement 


* V. les Mers 
de l'Académie; 
a. 17193 


DESS 


240 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarE 
à en eflayer de celles qu'ils fçavoient être füjettes à quelques 
inconvénients, & dont ils ignoroient les avantages. 

Il y a apparence que c’eft encore par la même caufe qu'ils 
ont peu varié la fituation de l'outil, & qu'ils ne font pas 
dans l'ufage de le pofer hors de l'alignement de la touche 
& du centre qui répond dans la Machine au diametre vertical 
du tambour. Nous avons vü que quand la Rofette eft quarrée, 
les pofitions obliques du crayon & de loutil opéroient, dans 
les différents cas, ces goderons obliques, ces dents de rochet 
& ces boucles entrelacées ou nœuds dont on a parlé; mais 
on a remarqué auffi que quand la Rofette a un plus grand 
nombre de côtés, toutes les figures précédentes réfultantes 
des différentes pofitions obliques du crayon, devenoient 
beaucoup moins fenfibles. En effet, il ne refte alors à chaque 
infléxion de la figure qui répond à chaque pan de la Rofette, 
qu'un biais moins fingulier que choquant à la vüë, qui loin 
de donner aucune grace, cauferoit plütôt une difformité à 
l'ouvrage. Si la Rofette eft mélée de pans droits & de gode- 
rons, la figure n’en fera que plus irréguliére par ce mélange 
de différents biais qui s’y trouveront. On va donner le moyen 
de tirer parti de toutes ces diflormités apparentes, & de 
rendre les figures où ellesfe rencontrent, réguliéres & fim- 
métriques, mais il ne faut pas s'étonner fi Je premier coup 
d'œil ayant fait appercevoir aux Tourneurs, un biais dans 
la figure, quand, par hazard, ils ont placé leurs outils hors 
de l'alignement du centre & de la touche, ils ont évité avec 
foin toutes les pofitions obliques. 

Le moyen de fauver toutes ces irrégularités, & même de 
les tourner en agrément , c’eft, après qu'on a tracé le premier 
contour avec tous les biais qui en réfultent, de placer l'outil 
de l’autre côté, à pareille diftance & du diametre vertical & 
de Yhorifontal, on tracera alors un pareil deflein avec des 
infléxions en fens contraire qui croïféront les premiers, & 
déguiferont la figure en la rendant réguliére, fans lui faire 
perdre rien de fa fmgularité. C’eft ainfr que du trait intérieur & 
redoublé dela Fig. 1 rt irréguliére, on peut faire la Fig. 8. 

Pour 


DES ISERE NN CES 241 
© Pour faire une figure chargée d'ouvrages & d’ornements 
avec ‘un trait fort fimple, il n’y a qu'à fa répéter fur elle- 
même, en la faifant fe croifer deux, trois ou quatre fois, 
felon le deffein, fous des angles égaux , ce qui fe peut exécuter 
aïfément par le moyen du cercle gradué, en faifant répondre 
Yalhidade M (Fig. v111.) à chaque révolution du tambour 
qui répéte le deflein à autant de points diférents de la cir- 
conférence également diftants les uns des autres. De cette 
maniére, avec la Figure 4 répétée quatre fois, en faifant 
répondre l'alhidade à chaque révolution fucceflive aux points 
1,2, 314; diftants Fun de l'autre d'un feiziéme de a cir- 
conférence, on aura la Figure 1 9. 

+ Une autre maniére d’orner la figure, de la déguifer, & 
d'en multiplier les traits, fans qu'il foit befoin de la répéter, 
c’eft de fe fervir d’un outil à plufieurs pointes ou dents en 
forme de peigne ; autant l'outil aura de dents, autant tra- 
cera-t-il de traits différents. Ces traits feront quelquefois 
écartés Fun de l'autre, & quelquefois ils fe réuniront en un 
feul. Souvent il ne fera pas befoin , même dans les pofitions 
obliques, de répéter la figure en fens contraire. Le biais qui 
fe trouve dans ces traits entrelacés, n’en a quelquefois que 
plus de grace & de fingularité. Au refte tout ceci n’eft pas 
de pure théorie, comme on le pourroit croire ; toutes ces 
figures ont été exécutées, non feulement fur la Machine 
qu'on vient de décrire, mais fur le Tour même de M. Gram- 
mare *, & la plüpart ont été admirées des connoifleurs en 
ouvrage du Tour à qui on les préfentoit comme des Pro- 
blèmes en ce genre, ce qui a donné lieu aux recherches qui 
font l’objet de ce Mémoire. ; 

: Jufqu'ici nous avons fuppofé la Rofette quarrée, & cette 
feule Rofette à produit toutes les figures que nous avons 
parcouruës, fans toutes les figures intermédiaires dont nous 
n'avons point parlé. On peut juger par le quarré de l'effet 
des autres polygones pris pour rofettes, avec les reftriétions 
convenables , mais la Rofette n’eft pas bornée aux fimples 


polygones, elle peut être compofée de lignes courbes aufli- 


Mem, 173 4 . Hh 


Planche IT. 
Fig. VIIL, 


* If cft mort 
en 1731. M. 
le Duc eft en 
poffeffion de 14 
Machine dont 
on a parlé, du 
Tour de M. 
Grammare, & 
de toutes fes 
inventions. 


Planche V. 


Fig. 20. 


Fig. 21. 


Fig. 22. 


242 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE RoyALE 

bien que de lignes droites, ou des unes & des autres à Ia 
fois, enfin de telle figure qu'on veut, & lon voit bien que 
chacune en particulier pourra {ervir à tracer un grand nombre 
de defeins différents. 

Le quarré & les autres polygones n'étant compofés que de 
lignes droites, font peu propres à donner une idée de l'effet 
d'une Rofette dont les côtés feroient des lignes courbes ; 
c'eft pourquoi, avant que de pafler au fecond ufage de la 
Machine, nous allons, pour fervir d'exemple aux autres cas 
des Rofettes courbes, parcourir feulement les effets de Ovale 
ou de l'Ellipfe prife pour Rofette, & ceux du cercle pris aufft 
pour Rofette, quand ï eft excentrique, je veux dire quand 
le Cercle-rofette tourne fur un autre point que fur fon centre, 
çar s'il tournoit fur fon centre, il eft clair que le crayon, 
quelle que füt fa pofition, ne traceroit jamais que des Cercles. 

Nous fuivrons le même ordre en parcourant les pofitions 
du crayon que nous avons fuivi en examinant les effets de 
la Rofette quarrée, mais nous n’entrerons pas dans un fi 
grand détail. 

Suppofons d'abord la Rofette de figure elliptique, & com- 
mençons par les cas où le crayon eft dans le diametre ver- 
tical que nous fuppoferons répondre au grand axe de l’Ellip{e. 

Le crayon, dans la premiére des pofitions directes, c'eft- 
à-dire, polé à même diftance du centre que la touche, & du 
même côté du centre, tracera un contour égal & femblable 
à celui de la Rofette. Comme en pareil cas la Rofette quarrée 
donnoit un quarré égal à elle-même dans cette pofition, 
quelle que foit la Rofette, la figure tracée lui eft entiérement 
femblable, par les raifons que nous avons dites. 

Dans la feconde pofition directe, c’eft-à-dire, f1 on éloigne 
du centre le crayon, en forte qu'il en foit plus loin que la 
touche & du même côté, l'Ellipfe, ou plûtôt la Courbe 
tracée fera plus grande que l'Ellipfe de la Rofette, mais moins 
allongée à proportion, & plus renflée vers fon petit diametre. 

Si, au contraire, on rapproche le crayon du centre en 
ligne droite, en forte qu'il foit plus près du centre que 


DES MISTOTILEUN (QUE NS; 243 
Ta touche, pourvû qu'il ne puiffe pas defcendre jufqu'au 
centre, ce qui ef la troifiéme pofition directe du crayon; 
la figure tracée fera plus petite que la Rofette, & plus étroite 
à proportion de fa longueur. Si on continuë d'approcher fe 
crayon du centre, la figure fe rétrécira par fes deux flancs, 
& formera deux angles rentrants aux deux extrémités du 
petit diametre; elle reflemblera alors à un corps de violon 
long & étroit, ou à un 8 de chiffre qui ne feroit pas achevé 
de fermer dans fon milieu, & plus le crayon fera près du 
centre fans pouvoir y atteindre, plus k figure approchera 
d'un 8 de chiffre jufqu’à ce qu'elle lui foit entiérement fem- 
blable, ce qui arrivera dans fa quatriéme pofition , lorfque 
le crayon O, à force d’être approché du centre, latteindra 
en defcendant à fon plus bas point o, c’eft-à-dire, au mo- 
ment que la touche qui portoit fur le grand diametre en 7° 
portera fur le petit en r. 

Dans les deux fituations du crayon oppofées aux deux 
précédentes qui formeront la cinquiéme & fixiéme pofition 
directe ; je veux dire, quand le crayon eft placé au delà du 
centre, & toûüjours dans le diametre vertical, fans jamais 
monter aflés haut pour atteindre le centre, & lorfque le 
crayon placé pareïllement au de-là du centre, ne atteint 
précifément que lorfqu'il eft monté à fon plus haut point 
la touche portant fur le plus grand diametre de la Rofette; 
les deux figures différentes entr'elles feront aflés femblables 
chacune à l’une des deux précédentes, avec cette feule difé- 
rence que celles-ci: feront plus larges & plus courtes, & les 
autres plus étroites & plus allongées, & que l'axe de celles-ci 
couperoit à angle droit celui des autres, ce qui provient de 
ce que la touche porte fur le petit diametre dans le dernier cas, 
dans le moment où elle porte fur le grand dans le premier. 

Enfin, & ce fera la feptiéme & derniére des pofitions 
directes , fi le crayon rencontre le centre entre le point le 
plus haut où il monte, & le plus bas où il defcend; foit au 
milieu de la route ou non, il raflemblera les deux cas diffé- 
rents où il auroit tracé les deux 8-de chiffre, l'un plus étroit, 
Hi ji 


Planche V, 
Fig. 23. 


Fig. 24 


Planche VI, 
Fig. 25. 
Fig. 26. 


Fig. 27° 


Planche VI. 
Fig. 28. 
&29. 


Fig. 30. 


244 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

l'autre plus large, & il les tracera effletivement tous deux 
chacun dans fa pofition , de telle forte qu'ils fe croiferont 
à angle droit, ce qui formera une efpece de trefle à quatre 
feuilles, dont deux feront différentes des deux autres, fçavoir 
deux plus étroites qui feront dans la direction verticale, & 
deux plus larges dans l'horifontale. 

I faut remarquer qu'ici, comme dans la figure à huit 
feuilles du quarré, les deux 8 qui compofent la préfente 
figure feront égaux en hauteur, quoique non en largeur, fr 
le crayon fait autant de chemin au deffous du centre qu'au 
deflus, finon ils feront inégaux auffi en hauteur, mais de 
façon ou d'autre les deux 8 pris enfemble n'auront que la 
même hauteur qu'un feul auroit eu dans les cas précédents 
où il n'y en avoit qu'un. 

Ü n'y a que trois fituations obliques du crayon qui mé- 
ritent attention, quand la Rofette eft elliptique : quand il eft 
au deflus du diametre horifontal, & qu'ilne l'atteint point 
à fon plus bas, ou lorfqu'il ne fait que l'atteindre fans pafler 
outre, la touche portant fur le petit diametre, car les deux 
figures dans ces deux cas font à peu-près femblables. La 
feconde, quand le crayon eft plus bas que le diametre hori- 
fontal, & qu'il ne remonte pas jufqu'au niveau du centre, 
ou du moins qu'il ne pafle pas ce niveau, qu'il atteint feu- 
lement quand Ja touche eft fur le grand diametre, car les 
réfultats font aufi à peu-près les mêmes; & la troifiéme, 
lorfque le diametre horifontal partage en deux parties le 
chemin que le crayon fait verticalement. 

Dans la premiére de ces trois pofitions obliques, la figure 
eft fort irréguliére, elle approche de celle d’un concombre 
eu d'un citron, dont les deux bouts feroient inclinés en 
fens contraires. Cette reflemblance, fur-tout la derniére, eft 
d'autant plus marquée que le crayon ef plus voifin du centre. 

Dans la feconde pofition oblique, la figure reflemble à 
ces offelets d’yvoire avec quoi jouent les enfants, ou à un 
double bec de corbin dont les deux bouts feroient fort re- 
courbés en fens contraires. 


DES SCT EN; CiE16, 3 
Dans la troifiéme pofition oblique, la figure reffemble 
. aflés à la précédente, avec cette différence qu'elle a toüjours 
_ des boucles, ce qui ne manque pas d'arriver, quelle que foit 
la Rofette, dès que le crayon placé hors du diametre vertical Planche VE, 
monte au deflus & defcend au deflous du niveau du centre. Fig 31: 
Ces boucles font plus ou moins hautes, felon le plus ou le 
moins de chemin que fait le crayon defflus ou deflous le 
diametre horifontal, ainfi qu'on Fa remarqué en examinant 
les effets de la Rofette quarrée. 
.… Il n'eft pas befoin de remarquer qu'on peut, dans Ia pof- 
tion précédente, tracer une figure fort approchante du Cercle, 
fur-tout fi le crayon fait précifément autant de chemin au 
deffus du diametre horifontal qu’au deflous. Avec la Rofette 
quarrée nous avons dans le même cas tracé une pareille figure, 
& nousavons obfervé, qu'au triangle près, le quarré de tous 
les polygones réguliers y étoit le moins propre. L’Ellipfe 
n'ayant point d'angles, y conviendra mieux pour cet effet 
que le quarré, à moins que a différence de fes deux diametres 
ne füt plus grande que celle du demi-côté du quarré à fa 
demi-diagonale. | 
Le Cercle excentrique ou tournant fur un autre point que 
fon centre étant pris pour la Rofette, les figures qu’il produit 
méritent quelque attention, quoique moins variées que celles 
qui font produites par l’Ellip{e. Premiérement, fi le point À, 
fur lequel on fait tourner le Cercle, & que nous nommerons 
centre de rotation , eit fort près du centre C, la diverfité des 
figures doit être fort peu fenfible. En fecond lieu, fi le centre 
de rotation eft à une diftance fuffifante du centre du Cercle, 
il n’y a que deux ou trois cas où la figure qui en réfulte 
ait quelque fingularité remarquable. u 
On indiquera les diverfes pofitions pour le moment où 
la touche eft le plus près du centre de rotation, comme on 
a fait dans l'examen des effets du quarré pris pour Rofette. 
Le diametre vertical fera celui qui pañlera par le point 7; 
où porte la touche & le centre de rotation R. Pour éviter les 
répétitions, on défignera ici les diverfes pftes du crayon 
jij 


Planche VI. 
Fig. 32. 


Fig, 33. 


Fig. 34. 


Fig. 35e 


246 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
par leurs correfpondantes dans le cas de la Rofette quarrée. 

La premiére pofition direéte donne, comme on fçait, 
dans tous les cas poffibles, une figure égale & femblable au 
contour de la Rofette. 

La 24e, Ja 3me & la 4me pofition directe donneront ici 
des figures très-peu différentes du Cercle. Celle qui réfulte 
de la 3me pofition, eft celle qui s'en éloigne le moins. Son 
diametre vertical eft plus long que Fhorifontal, au contraire 
des deux autres, dont la derniére a fes diametres encore plus 
inégaux. 

La $me & la 6m pofition directe donneront une figure 
qui refiemble à la coupe d’une cerife. L’axe vertical de une 
& de l'autre figure fera égal à la diftance entre la touche & 
le crayon, qu'on a fuppofée ici égale au tiers du diametre 
du Cercle-rofette. La feule différence des deux figures. eft 
que celle de la 6me pofition eft plus large que l’autre. 

La 7e pofition, où le crayon monte ou defcend au 
deflus & au deffous du niveau du centre de rotation ou du 
diametre horifontal, eft compofée des deux figures précé- 
dentes, raccourcies & renfermées l'une dans l'autre ; elles font 
de hauteur égale, & cette hauteur eft moitié de celle de 
chacune des deux figures précédentes, quand OR eft moitié 
de OT, ou quand le crayon fait autant de chemin au deflus 

u’au deffous de l’horifontale, plus le chemin du crayon au 
deffus & au deflous de cette ligne eft inégal , plus le contour 
extérieur croît, tandis que l'intérieur décroît, en forte qu'il 
devient un anneau qui étoit réduit à un point dans les deux 
figures précédentes, mais de façon ou d'autre la fomme des 
deux hauteurs eft toujours la même. 

Les pofitions obliques du crayon ne caufent ici qu'un 
biais à la figure, & ne fournifient rien de remarquable. 

Les exemples précédents des effets de l'elliple & du cercle 
excentrique, pris pour Rofette, fufhifent pour donner‘une 
idée de ce que peuvent produire les différentes Rofettes 
courbes, comme le quarré a pü faire juger de l'effet des autres 


polygones à pans droits pris pour Rofettes. Ainfi quelle que 


D'Es  S'CTEN CE 8 2 


#oit maintenant la Rofette propofée, en confidérant la fitua- 


tion refpective de la touche & de l'outil ou du crayon, & 
fe rappellant ce qui a été obfervé, on pourra juger de fes 
effets, à quelque chofe près, & l'épreuve qu'on en fera fur 
la Machine, déterminera avec précifion ce que l’on en doit 
attendre fur le Tour. 

Les différentes fituations de loutil, qui caufent tant de 
diverfités dans les figures produites par la même Rofette, le 
changement même des Rofettes qui n’a point de bornes, ne 
font pas encore les feules fources de variété dans les deffeins. 

La touche que nous avons jufqu'ici fuppofé ne porter 
fur la Rofette qu'en un point, peut par fes changements de 
figure, en caufer de grands dans l'ouvrage; on peut fuppofer 
par exemple, que la touchesft platte, & qu'elle s'applique 
dans toute fa longueur fur les pans de la Rofette; on la peut 
fuppofer concave où convexe, on peut lincliner en forte 
qu'elle fe préfente obliquement à la rencontre de la Rofette, 
en ne faifant pas un angle droit avec le rayon vertical; tous 
ces changements doivent en taufer-dans la figure, & nous 
ne pouvons nous difpenfer d'en toucher quelque chofe. 

H eft ordinaire aux T'ourneurs Allemands, de fe fervir de 
touche platte, elles font peu d’ufage, & prefque inconnuës 
en France aux ouvriers. Le P. Plumier dans {on Livre, en 
a donné plufieurs defleins; on s'attend peut-être que cette 
forme différente de la touche doit caufer un grand change- 
ment dans les figures, & il eft vrai que dans les mêmes 
pofitions du crayon, l'effet de la touche platteeft fort différent 
de celui de {a touche pointuë; cependant quand la Rofette 
eft telle, que tous les points de la touche platte peuvent 
rencontrer tous les points de la Rofette, ce qui arrive quand 
celle-ci eft à pans droits, il importe peu qu’on fe ferve d’une 
touche platte ou d’une touche pointuë, puifqu’avec lune ou 
autre, l'effet fera fenfiblement le même, en obfervant feu- 


‘lement dans l’un des deux cas, de placer l'outil du côté 
P 


oppofé à celui où on le placeroit dans l'autre, en forte que 
fe fervir de fune de ces deux touches, au lieu de Fautre, 


Planche VII. 


Fig. 36. 


i 


248 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

c’elt à peu-près la même chofe que ff, fans changer detouche, 
on changeoit l'outil de place, en le portant de l’autre côté 
du centre de la Rofétte. 

Dans les effets de la Rofette quarrée, par exemple, on 
a pù remarquer que les figures à angles faillants fe traçoient 
quand le crayon étoit du même côté que la touche & en 
de-cà du centre, & les goderons quand le crayon étoit du 
côté oppofé à la touche & au de-là du centre. Avec la touche 
platte, au contraire, les goderons fe forment en plaçant l'outil 
en de-çà du centre, & les angles faillants en le plaçant au 
de-là. 

Avec la touche pointuë, ce font les angles de la Rofette 
qui font les angles faillants ou rentrants de la figure, & ce 
font les pans qui en font les côtés, foit convexes, foit con- 
caves. Avec la touche platte, au contraire, les angles de Ja 
Rofette, en paflant fous la touche, font tracer au crayon les 
arcs convexes ou concaves de la figure, & fes angles fe tfacent 
quand la touche eft appliquée fur un des côtés de la Rofette. 

Cette différence vient de c qu’en fe fervant de l’une des 
deux touches, le mouvement circulaire domine fur le mou- 
vement direct, précifément dans le temps où le mouvement 
direct l'emporteroit {ur le circulaire, fi on avoit employé 
l'autre touche, & réciproquement. Par exemple, dans le cas 
de la touche pointuë, c’eft lorfque l'angle de la Rofette pafñe 
fous la touche, que le mouvement dire& eft le plus rapidé, 
& c’eft tout le contraire dans le cas de la touche platte. Pour 
s'en convaincre, foit fuppofée d'une part la touche pointuë 
portant fur le milieu du côté Æo de la Rofette au point 7; 
& dans la même figure, pour mieux comparer les effets des 
deux touches, foit fuppofée encore la touche platte 42, 
appliquée dans le même moment à plat fur le côté Ko; faifons 
maintenant tourner la Rofette fur fon centre de B vers A. 

Quand le point o, angle de la Rofette aura décrit Farc o 7; 
la touche aiguë qui portoit für le point 7 de la Rofette aura 
gliflé, en montant, le long du côté To, & fera parvenuë 
au point >. Si on s’eft fervi de la touche platte AB, elle 

fera 


DES S'CYEN GES" | 249 
{ra alors en 4? b?, par conféquent dans l'un & dans l’autre cas 
le crayon placé dans un point quelconque 7 de la figure, 
“& fe mouvant ou dans la verticale 7C, ou parallelement à 2C, 
fera monté dans le même temps d'une quantité égale à T'?, 
chemin de la touche qu'on peut prendre indifféremment 
pour le chemin du crayon qui lui eft égal. Mais pour re- 
connoître dans quelle différente proportion ce mouvement 
direét fe combine avec le circulaire dans les deux différentes 
hypothefes de la touche aiguë & de Ia touche platte, voyons 
quelles portions de la ligne droite T'>, chemin total du 
crayon, répondront dans lune & dans autre hypothefe à 
“chaque arc correfpondant de la circonférence que décrit 
Jangle o de la Rofette. Soit pour cet effet l'arc o } divifé en 
trois arcs égaux 01, 12,23, Compris entre les rayons Co, 
Cr, C2, C ze 
Commençons par le cas de la touche pointuë, le côté To 
de la Rofette, en tournant, va foûlever la touche 7, & Ia 
faire monter dans la verticale 7}, en forte que dans les 
moments où l'angle o répondra aux points 7, 2, 3, ou, ce 
qui eft le même, dans les moments où les points Lo du 
bord de la Rofette, pris fur les rayons terminés aux points 
#3, 2, 1, 0, pañleront fous la touche, la touche répondra aux 
points HQ ; de la verticale 7'>. Les parties du chemin total 
T'; de la touche & du crayon correfpondantes aux arcs égaux 
or, 12, 23, font donc 7H, HQ, Q;, que lon voit qui 
vont en croiflant d'autant plus rapidement que l'angle o 
approche de la touche au point 2. 
Tout le contraire arrive dans la fuppofition de Ia touche 
platte; car fans répéter en détail ce qui vient d'être dit, on 
peut voir d'un coup d'œil, .que la touche platte AB, foûlevée 
d’abord par l'angle o de la Rofette, parviendra fucceffivement 
dans des fituations ab", a*b°, a? b?, pendant que l'angle ou 
le point 0; en tournant, répondra aux points 7, 2, 3. Les 
parties du chemin total 7'} de la touche & du crayon, cor- 
refpondantes aux arcs égaux 07, 12, 23, feront donc dans 
le cas de la touche platte F7 , E2, D3, «TZ, ZD, D}, 
Mem, 17 3 4 k Si 


Planche VIT, 
Fig. 37° 


250 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE RoYALE 
qui, coïnme on voit, vont dans une propreflion fort dé- 
croiflante, à mefure que l'angle o approche du point 3. 

I eft donc vrai que dans les deux fuppoñitions de la touche 
platte & de la touche aiguë, le mouvement direét du crayon, 
eu égard au mouvement circulaire, va en diminuant dans 
V'une précifément quand il augmente dans l'autre ; & comme 
ceft de cette différente combinaïifon de ces deux mouve- 
ments, qu'on a prouvé que réfultoit la diverfité des figures, 
c'eft cette oppofition dans les mouvements des deux touches 
qui fait que leurs effets font abfolument oppofés dans les 
pofitions femblables du crayon. 

Au lieu de divifer Farc o > en trois, on pourroit. le divifer 
en tel nombre de parties qu'on auroït voulu, on eût tiré 
les mêmes conféquences. 

La figure précédente parle aflés aux yeux, mais voici une 
démonftration géométrique. 

On vient de voir que l'accélération de a touche & du 
crayon, dans le cas de la touche pointuë, eft mefurée par 
les lignes TH, HQ, Q3, c'eftà-dire, qu'elle fuit la raïfon 
des accroiffements fucceffifs 7, TQ, T'} de la ligne qui 
devient enfin 7}, ou, ce qui revient au même, les accroifle- 
ments RL=TH, SM=TQ, VO—T;} des fécantes 
CL, CM, CO des arcs égaux 7R, RS, SV, & que dans 
le cas de la touche platte, il n’eft queftion que de prouver, 

1.” Que les finus verfes décroifient en plus grande raifon 
que leurs arcs, ce qui a déja été prouvé. 2.° Que l'excès de 
la fécante d’un arc quelconque fur le rayon, croît dans une 
raifon plus grande encore que le fmus verfe correfpondant 
du mème arc ne décroit; pour le démontrer, 

Soit l'arc TR quelconque CT, fon rayon TM, fa tan- 
gente en 7, CM fa fécante, RE fon finus droit, ZE fon 
finus verfe, & RM Yexcès de la fécante fur le rayon CR. 
Suppofons que ZE croifle de la quantité Æe quelconque ; 
tirés er parallele à £R, & d'arc Mn du rayon CM, l'arc 
TR fera crû de fa quantité. Rr, & la 'fécante CM de la 
quantité zum, Orje dis que rma une plus grande raifon à 


Sd à 


=, + 


D ES : $ CE NC ES 251 
RM que Te à TE, TirésrF parallele à RM, on aura PAZ, 
& par conféquent fon égale rF. RM :: Te.TE; mais 
rm eft plus grand que r F. Donc, &c. €. Q. F. D. 

Quand je dis que les figures font les mêmes avec la touche 
platte qu'avec la touche pointuë, & feulement dans un ordre 
renverfé, j'entends les mêmes à l'œil fenfiblement ; car on 
démontrera dans Îe fecond Mémoire, que les courbes tracées 
dans ces deux cas, font d’une différente nature. Je réferve 
aufh pour la difcuflion géométrique, l'examen de la différence 
qu'il y a entre l'effet de la touche platte, quand elle eft plus 
longue ou plus courte que le côté de la Rofette. Ici où il 
n'eft queftion que de pratique, on ne s'attache qu'aux dif- 
férences qui peuvent frapper les yeux. 

La touche platte difpofée obliquement, ne caufe d'autre 
changement, finon que la figure tracée par la touche oblique, 
croifera l’autre figure fous le même angle que les deux touches 
font entre elles, il refte à examiner les touches courbes. 

Nous avons déja remarqué que les Tourneurs fe fervoient 
ordinairement d’une touche qui porte à fon extrémité une 
petite roulette, dont le mouvement fur fon centre rend celui 
du Tour plus doux, en diminuant le frottement; on conçoit 
que le côté de la Rofette touchant cette roulette en différents 
points de fa circonférence, l'effet ne doit être le même que 
lorfque le côté de la Rofette porte toüjours fur un même 
point, comme dans le cas de la touche aiguë. On verra dans 
le fecond Mémoire, quelle eft la courbe qui en réfulte ; ïl 
fuffit de remarquer ici que la roulette étant très-petite, la 
figure eft fenfiblement la même que fi la touche étoit pointuë. 

Les touches concaves ni les touches convexes, fi ce n’eft 
celles à roulettes, ne font point ufitées, ainfi l'examen de 
leurs effets n’eft que de pure curiofité. Si les touches font 
petites & convexes, elles ne différent pas fenfiblement des 
touches rondes ou à poulies; fi elles font petites & concaves, 
le côté de la Rofette s'applique fur les deux extrémités à la 
fois de l'arc dont ce côté de la Rofette devient la corde, ce 
qui retombe dans le cas de la touche platte, hors pour le 

liïi 


252 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

temps où l'angle de la Rofette entre dans la concavité de 
la touche. Enfm fi la touche eft fort grande, fon arc, foit 
convexe, foit concave, en approche d'autant plus de la ligne 
droite; le peu de différence qui fe trouve, caufe peu de 
changement à la figure, & la courbe paroîtra encore fen- 
fiblement la même, que fi la touche étoit platte. Tous ces cas 
feront examinés géométriquement dans le fecond Mémoire. 

I nous refte un mot à dire du fecond ufage de la Machine. 
Nous lui en avons attribué deux, l’un de faire connoître avec 
exactitude tous les effets différents de la Rofette qu'on veut 
employer, c'eft cé que nous avons jufqu’ici examiné. L'autre 
de faire trouver quelles font les Rofettes les plus commodes 
pour exécuter un deffein quelconque; c'eft maintenant de 
quoi il eft queftion. 

Quand il y a un modele de Rofette ajufté fur Ja Machine, 
ce modele, comme nous avons vü, guide une extrémité 
de la tringle, & le crayon attaché à l’autre extrémité trace 
une figure. Il n’y a donc qu'un des bouts de la tringle de 
conduit, & le crayon adapté à l'autre bout qui ne porte fur 
rien, trace néceflairement un contour réfultant du chemin 
que fait le bout qui eft conduit; la dépendance eft donc 
réciproque entre la Rofette & le deffein qu'elle produit. Par 
conféquent quand on a un deffein pour lequel on cherche 
une Rofette, après avoir placé & aflüré le crayon dans l’en- 
droit le plus convenable, il n’y a qu'à le conduire à la main 
fur le defiein dont on cherche la Rofette, & l'autre bout 
de la tringle, dont l'ufage ordinaire eft d'appuyer fur le bord 
de la Rofette, tracera en ce cas la Rofette qu'on n’a point 
& qu'on cherche. Pour cet effet, au lieu de modele de 
Rofette, on fera porter un fecond carton à cette extrémité 
de l'arbre, & le bout de la tringle fait pour appuyer fur la 
Rofette, dans le premier ufage, portera dans ce casun crayon 
qui tracera le contour de la Rofette cherchée. 

Pour conduire Fun des deux crayons fur le deflein , 
fuffira de le haufler & baïfler à propos, ce qui eft aifé au 
moyen de la tringle qui gliffe librement dans fes rainures, le 


512 TDITET SM 187 CHE: NE © EN 25% 
mouvement circulaire du carton fera le refte ; & comme ce 
mouvement circulaire du carton n’eft pas fort rapide, & 
qu’on peut aifément le ralentir, en caufant quelque petit 
frottement au rouage, on aura tout le temps de hauffer ou 
baiffer le crayon pour qu'il ne quitte pas le contour du deffein 
donné, & lun des deux crayons, car il n’importe lequel, 
ainfi conduit fur un contour quelconque, fera tracer à l'autre 
crayon le contour de la Rofette, qui fera différent fuivant 
les différentes pofitions qu'on donnera au crayon. 

H faut avouer cependant que quelque jufte que foit la 
Machine, l'exactitude du contour pourroit être un peu 
altérée par le fecours de la main qu'on eft obligé d'employer 
dans ce fecond ufage, ce qui ne fe peut guere fans qu'il y 
ait quelque vacillation dont le trait fe reflent infailliblement. 
A la vérité, on pourroit remédier à cet inconvénient, en 
faifant limer un modele du deflein donné en cuivre, dont 
on fe ferviroit comme on a fait des modeles de Rofettes. 
Ce modele conduiroit fürement la tringle fans le fecours 
de Ja main, mais cela demanderoit trop de temps & d’appa- 
reil, fur-tout fi le deffein étoit irrégulier & d'un contour 
difficile. H feroit donc à fouhaiter qu'on pût trouver la Ro- 
fette d'un deflein qu'on veut executer fans être obligé de 
rien conduire à la main, & fans perdre le temps néceflaire 
pour limer en cuivre un nouveau modele à chaque eflai. 
Cette perfection manque à notre premiére Machine ; auffi 
pour ce fecond ufage je préfere de me fervir d’une efpece 
de Compas dont on trouvera la conftruction dans le fecond 
Mémoire. Ce Compas, propre à tracer d’un mouvement 
continu toutes es Courbes du Tour, peut fervir indiffé- 
remment à tracer ou le deffein ou fa Rofette, l'un des deux 
étant donné ; il remplace par conféquent & peut tenir lieu 
de la Machine tenuë fecrette, & propre à ces deux ufages, 


qui a donné lieu à ces recherches. 


Quelques particuliers ont déja fait une application très- 
fimple & très -heureufe à eur Tour, de la Machine qu'on 
vient de décrire, & par ce moyen, d'un Tour fimple dont 

1 T'ï ii 


254 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 

l'arbre n’a que le feul mouvement de rotation fur fon axe, 
on fait un Tour figuré en rendant la touche & l'outil, ajuftés 
fur un fupport, mobiles d'un mouvement commun qui tend 
au centre, & tient lieu du mouvement de parallelifme que 
l'arbre n'a pas. 


EXPLICATION DES FIGURES 


des trois premiéres Planches de ce Mémoire. 


PLANCHE I. 


L A Figure r repréfente la Machine, vûë par la platine 
poftérieure BBBB. : 

C eft l'Arbre du remontoir. 

D eft l'encliquetage. 

EF, Détente qui retient le volant G, laquelle étant levée, 
laïfle courir le rouage. 

G, le Volant. 

H, piéce platte qui repréfente la Rofette du Tour. Elle 
eft fuppofée ici quarrée. 

1, un des bouts de Arbre du pignon que la rouë du 
barillet fait mouvoir. On fixe à ce bout la Rofette par le 
moyen d'un écrou. Cet arbre du pignon repréfente l'arbre 
du Four. 

Æ, Arbre quarré, rivé fur la piéce NO, pour y adapter 
la touche platte, comme il fera expliqué ci-après. 

L, Rainure faite dans la platine BBBB, pour laifier 
monter & defcendre la broche ou tringle platte W qui tra- 
verfe les deux platines du mouvement. 

M, piéce taillée en couteau, qui repréfente la Touche 
du Tour. Elle eft fixée à la piéce NO. 

NO, piéce platte qui s'attache avec deux vis fur Ia tra- 
verfe d’aflemblage des deux regles ou montants PQ, RS, 
laquelle traver{e fait corps avec la tringle platte W- 

PQ, RS, Regles ou Montants ci-deflus expliqués. 

T', petit Barillet à reflort, dont l'effet eft de rappeller à 


# 


ke 


DES" 1840 Â'Æ M xs 255 
lui là piéce NO tirée par,un fil attaché d'un bout au tam- 
bour, & de l'autre au crochet marqué 9 fur cette piéce NO, 

ZZZZ, Venons à coulifle dans lefquels glifent les 
regles PQ, RS. 


La Figure 11 eft compofée de deux Regles plattes TS, 
SY, mobiles, fur deux Pivots ou Crochets en S, où elles 
peuvent même fe féparer, lorfqu'on ne veut qu'une touche 
platte, non oblique, & jointes à leur autre extrémité par un 
arc de cercle refendu d’une rainure dans laquelle s’engage la 
regle SF, de maniére qu’au moyen de l’écrou 7, on tient 
la regle SY plus ou moins inclinée fur la regle S'7: Cette 
regle porte dans fon milieu un Tenon percé d'un trou 
quarré E qui s'ajufte fur l'arbre marqué À /Fig. 1.) fur lequel 


on d'arrête par la vis D. 


La Figure r1r repréfente en grand la piéce NO qui porte 
les Touches. (Sn 


Figure 1v, Rofette quarrée. 
Figure y, Rofettes ronde & ovale. 
PMANCEAE. IL 


La Figure vr eft laMachine vûë par la platine antérieure. 

ae, fc, font deux Regles plattes refenduës chacune d’une 
raïnure , lefquelles au moyen d'un pivot mobile 3, qu'on 
fixe par la vise, peuvent prendre telle indlinaifon qu'on 
fouhaite. 

d'eft un Crayon placé à l'extréinité d'une de ces regles, 
lequel par conféquent peut répondre à tel point qu'on veut 
du plan ZL.. Ce crayon repréfente l'outil du T'our. 

Fg eft une Détente fous laquelle un reffort r eft placé. 
Cette détente.eft mobile fur fon point d'appui Æ, & porte 
à fon extrémité cachée une dent ou cheville qui traverfe la 
platine, & arrête le rouage lorfqu'une figure eft tracée. On 
lui rend fa liberté de courir ;.en appuyant le doigt fur le 
bout g de la détente. 


256 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

i left un Tambour mobile dans l'épaifieur duquel on 
place plufieurs papiers l'un für l'autre fur lefquels fe tracent 
les figures. Ce tambour eft ajufté à frottement fur un canon 
goupillé au bout de l'arbre du pignon, dont on a vü dans 
la Figure z que l'autre bout 1 portoit la Rofette, & repré- 
fentoit l'arbre du Tour, en forte que cet arbre, la rofette & 
le tambour tournent d'un mouvement commun imprimé 
par le rouage. 

HK eft un Cercle divifé en parties égales quelconques, 
attaché à la platine par des Vis en f & en p, avec la précau- 
tion que le tambour lui {oit concentrique, tellement qu'après 
chaque tour du tambour mû par le rouage, fi l'on fait 
tourner à la main ce tambour d'une valeur quelconque, 
YAlhidade A qui répondra à des divifions différentes du 
Cercle HK, fera connoître fous quel angle il faut faire 
croifer le même deflein pour avoir des contours fimmétriques 
& agréables à la vüë. 

L eft la Raïnure de la platine dans laquelle coule Ia Trin- 
gle platte W qui a été dite traverfer les platines du mouve- 
ment (Fig. 1. ). 

V XY eft l'extrémité de cette tringle platte coudée en 
cet endroit, pour ne pas gêner le tambour. C'eft fur cette 
éxtrémité Ÿ qu'entre la douille du crayon. 


La Figure v1r eft le développement de Taffemblage du 
trayon dé la tringle platte & de la piéce qui porte les touches, 

ABC et le Porte-crayon avec fes coulifles, & fa douille 
‘BC qui entre fur la tringle platte en F. 

YXW eft la tringle platte coudée en Æ 

‘M eft la Touche taillée en couteau. 

K eft la Tringle quarrée fur laquelle s'attache fa touche 
patte. 

ON font les Vis qui attachent la piéce AK à la tringle 
platte YXW. 


Figure vrrr. KH eft le Cercle gradué qui tient à fa 
platine. | 
| IL 


DES Se CSL'E.N. GE Se BA 

JL repréfente le Tambour qui peut tourner d’un mou- 
vement propre fur le canon auquel il tient à frottement, 
lorfqu'on le fait mouvoir à la main, mais qui eft cependant 
emporté d'un mouvement commun avec la Rofette, dorfque 
c'eft le rouage qui le meut. 

M eft Y Alhidade qui tient au tambour. 

1L eft la coupe du tambour. 

AN eft le Canon fur lequel il tourne à frottement. 

N bis repréfente le Plan du canon & de l'arbre du pignon 
fur lequel il s'en-arbre quarré ément. | 


Figure IX. OP eft un Cercle de cuivre plein, à la réferve 
qu'il “eft coupé par deux rainures perpendiculaires l’une à 
Yautre, dont l'interfection eft le centre du cercle. I porte 
une petite Regle Q@R mobile au point À, laquelle s'ajuite au 
long des deux rainures, de maniéré qu’elle fert à tirer des 
lignes qui fe conpent- à angles droits au centre du Papier du 
tambour. : : 

bc eft fa Douille, qui f-place comme celle du crayon. 
fur la piéce VX de la tringle platte. 


PLANCHE. IIL 


La Figure. x eft le développement du rouge. 

A, Arbre du remontoir. 

_B, Rouë du barillet, de 84 dents. 

C, Arbre qui repréfente Farbre du Tour fur equel font 
fixés la Rofette & le tambour mobile. 

D, Pignon de 20 qui eft rnené par la rouË B, & qui a ‘ 
pour tige Tarbre C. 

Æ, Rouë de 54, fur laquelle ef rivé £ Le pignon D. 

F, Pignon de 6, mené par la rouë Æ, 

G, Rouë de 48, en-arbrée fur la même tige Le le 
pignon À. 

H, Pignon de 6, mené par ia rouë F. 

Î, Rouë de 42, en-arbrée fur la tige du pignen 2. 
L, Pignon de 6, mené par la rouë Z. 
Men, 1 73 ke : Kk 


258 MEMOIRES DE L’ACADEMIE ROYALE 

M, Rouë de 36, en-arbrée fur la tige du pignon L. 

N, Pignon de 6 pour le volant mené par la rouë AZ 

O, Trou percé dans la rouë Æ pour-recevoir la dent ow 
cheville de a détente FG /Fig. vi.) qui fert à arrêter le 
rouage, lorfqu'il s'eft fait une révolution du tambour ZL 
(Fig. vi.). 

PPPP, Trous pour recevoir les piliers de fa cage. 

Q, Raïnure dans la platine pour laïffer hauffer & baïfler 
 tringle platte /F3g. z. SFr). 


em. de lead :73g pl 15 pag. 258 


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Men. de Chad 1784 pl. 


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hé DES SCIENCES 259 


SUR LE SUBLIME CORROSIF; 


ET A CETTE OCCASION, 


Sur un article de l'Hiftoire de l'Académie Royale 
des Sciences de l'année 1699, où il s'agit 
de ce Sublimé. 


Par M. LÉMERY. 
OO fçait que le Sublimé corrofif ordinaire peut fe faire, 


& fe fait auffi de différentes maniéres ; on peut même 
dire qu'outre celles qui font connuës & pratiquées, on en 
peut encore imaginer & exécuter d’autres qui, en produifant 
le même Sublimé, c'eft-à-dire, blanc & corrofif, auront 
à certains égards, des avantages & des inconvénients qui 
pourront les faire préférer en quelques cas, & rejetter en 
d’autres. 

J'ai imaginé un nouveau mélange pour faire du Sublimé 
corrofif : je de donnerai d’autant plus’ volontiers dans la fuite 
de ce Mémoire, qu'il n'a fort bien réuffi, & qu'il peut avoir 
{on utilité. 

Dans chacun des procedés ufités pour Ia fabrique du 
Sublimé corrofif, le fel commun, ou du moins fon acide 
y entre tojours & néceflairement, & fa feule différence 
qu’il apporte à ces procedés, c'eft que dans les uns il en 
faut moins, & dans les autres davantage, à proportion du 
Mercure qui y a été employé. 

L'état différent du Mercure qu'on mêle aux différents 
ingrédiens avec lefquels on fait du Sublimé corrofif, apporte 
encore une différence particuliére aux procedésde ceSublimé; 
car ou l’on y employe le Mercure crud & coulant, c’eft-à- 
dire, fous fa forme naturelle, ou fous celle de Sel concret 
qu'il'a acquife par l'efprit de Nitre, ou par l'huile de Vitriol 
dont il a été diflout, & dont on a enluite fait évaporer la 

© Kki 


26 Mai 
1734» 


60 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE Royarr 

partie aqueufe; or dans ces différents cas, le mélange des 
autres ingrédiens, & la manœuvre de l'opération, varient 
néceffairement plus ou moins. Enfin le Vitriol dont on a 
coûtume de fe fervir dans les procedés les plus ufités du 
Sublimé corrofif, n’eft pas tojours fi néceffaire pour ia for- 
mation de ce Sublimé, qu'on ne puille fouvent dans fa pré- 
paration, ou s'en palier tout-à-fait, où y fubfhituer un autre 
intermede équivalent. Nous entrerons une autre fois plus 
avant dans le détail & l'explication phyfique de ces différents 
procedés, dont nous ne parlons quant à préfent que par 
occafion, & qu'autant qu'il eft néceflaire pour l'intelligence 
de ce que nous avons à dire dans la fuite. 

H y a peu de temps qu'on voit plus clair qu’on ne faifoit 
auparavant fur la maniére dent les différentes matiéres qui 
entrent dans la compofition du Sublimé corrofif, agiflent 
les unes fur les autres pour la formation de ce Sublimé; on 
peut même dire que malgré les éclairciflements qu'on a tirés 
de quelques expériences nouvelles & anciennes, on n'eft 
point encore parfaitement inftruit, ni de la méchanique de 
l'opération du Sublimé corrofif, ni du contingent que le 
Mercure tire de chacun des Sels qui ont été mêlés avec lui. 

Les Chimiftes qui font venus, ou qui ont écrit avant les 
éclaircifiements dont on vient de parler, donnoïent à peu- 
près & indiftinétement le même emploi aux acides de tous 
les Sels qu’on faifoit fervir à la production du Sublimé cor- 
rofif; ils regardoient ce Sublimé comme un Mercure hérifé 
des pointes de tous ces acides, & s’imaginant que plus if 
en étoit chargé de différents, plus il étoit corrofif; lorfqu'au 
lieu du Mercure diflout par l'efprit de Nitre, ils employoient 
e Mercure crud, ils avoient fouvent foin d’adjoûter dans le 
mêlange des ingrédiens du Sublimé corrofif, une portiorr 
de Salpêtre dont ils comptoient que les acides fe joindroient 
à ceux du Sel commun & du Vitriol, pour fe réunir dans 
Te Sublimé corrofif qui en devoit naître, & ils n'imaginoïent 
pas que le Vitriol même eût d'autre ufage dans l'opération. 
de ce Sublimé, que celui qui vient d'être allegué. 


| D'E SNS CE EN CES 26 

Mais depuis qu'on a découvert l'action du Vitriol ou de 
fes acides fur ceux des autres Sels qui y ont été mélés, ou 
plûtôt depuis que la difficulté qu'on à trouvée jufqu'ici à 
expliquer méchaniquement certains phénomenes chimiques, 
que nous ferons voir en temps & lieu être très-fufceptibles 
d’une explication de cette nature ; depuis, dis-je, que la 
difficulté apparente d'expliquer méchaniquement certains 
phénomenes, a donné lieu d'imaginer pour cela, & d'intro- 
duire en Chimie le fyfteme des Attractions, qui, à dire vrai, 
eft moins une explication qu'un aveu ou une declaration 
formelle de limpoffbilité où l'on croît être de rendre une 
raifon claire & fatisfaifante, des effets dont il s'agit; enfin 
depuis que le fyfteme des Attractions a fait naître l’idée d'afh- 
nités, de rapports plus où moins grands entre différentes 
fubftances, d’où, dit-on, dépendent les mouvements cachés 
qui fuivent le mélange des corps, on a conclu afhrmative- 
ment en conféquence de cette idée, que quelles que foient 
les différences des mélanges avec chacun defquels on fait 


-du Sublimé corrofif, dès que le Sel commun ou fon acide 


ne manque jamais dans tous ces mélanges d’être un des in-. 
grédiens, le Sublimé corrofif qui réfulte de chacun d'eux 
doit toûjours être parfaitement le même, & n'avoir admis 
dans fa compofition que le Mercure & les feuls acides dû Sel 
commun qui, fuivant la fuppofition, ayant plus de rapport 
avec le Mercure que tous les autres acides, y doivent être 
recûs par préférence, fur-tout quand on employe le Mercure 
crud; & lorfqu'on fe fert de celui qui eft déja chargé des 
acides du Nitre ou du Vitriol, ceux du Sel commun, en 
vertu de leur plus grand rapport avec te Mercure, en chaffent 
aufli-tôt les autres acides, ou les en trouvent délogés à leur 
arrivée, parce que ces autres acides qui ont plus de rapport 
avec la matrice du Sel commun qu'avec le Mercure, aban- 
donnent lun pour s'établir dans l'autre, & cédent par-là 
d'eux-mêmes la place aux acides du Sel marin, d’où fl fuit 
que quand on fe fert du Mercure pénétré par les acides dw 
Nitre, ou par ceux du Vitriol, ce ne doit pas être dans 14 


Kk ii 


262 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
vûë de faire un Sublimé plus fort, ou différent de celui 
our lequel on ne fe fert que du Mercure crud, mais pour 
la facilité de l'opération, & en faveur de celui qui travaille 
à incorporer enfemble par la trituration, le Mercure, ie Sel 
& le Vitriok; car outre qu'il eft fort long-temps à en venir 
à bout, il fe trouve encore expofé pendant tout ce temps 
à-une pouffiére incommode, & même dangereufe qui s'éleve 
du mélange. 

Quoiqu'une grande partie des faits qu’annonce ce fyfteme 
fe trouve vérifiée par l'expérience, & conforme à ceux d’un 
autre fyfteme plus méchanique & plus vrai, dans Îe détail 
duquel nous entrerons lorfqu'il s'agira d'expliquer la forma 
tion du Sublimé corrofif, & toutes les fngularités qui s’ob- 
fervent dans les différents procedés de cette opération, on 
ne trouve pas la même certitude dans l'autre partie des faits 
de la fuppofition alleguée, fuivant laquelle on prétend que 
le Sublimé corrofif en général ne contient d'autres acides 
que ceux du Sel.commun, & que celui qui a été fait avec 
le Mercure diflout auparavant par Fefprit de Nitre, ou par 
Fhuïle de Vitriol, n’a rien retenu des acides de ces liqueurs, 
& eft en tout parfaitement femblable à celui qui a été fait 
avec le Mercure crud. Et comme l'expérience. eft fa pierre 
de che des fpéculations chimiques, l'amour de la vérité 
n'a déterminé d’abord à y avoir recours pour la vérification 
de cette fuppolition, & Je Fai fait d'autant plus volontiers, 
qu'outre que cette vérification eft par elle-même curieufe 
& intéreflante pour la Phyfique, & qu'en travaillant fur le 
Mercure, il eft rare qu'on n'y apperçoive pas quelques nou- 
veautés, qui ne font à la vérité que de fimples curiofités 
tant qu’elles font ifolées, mais qui deviennent fouvent utiles 
par l'ufage & l'application qu’on s'avife d'en faire, foit pour 
l preuve de quelques vérités, foit pour fe garantir de quel- 
ques erreurs, ce qui va être prouvé par umexemple qui fait 
le prihcipal fujet de ce Mémoire; il eft encore vrai qu'il eft 
dé la derniére importance pour la Médecine; de connoitre 
à fond la compofition intérieure de: chacun des Sublimés 


DES SCTENCE,s, 263 

eorrofifs qui ont été faits fuivant des procedés différents. 
Quoique cette préparation chimique foit le plus grand 
de tous les poifons, & qu'en cette qualité elle ferve à tuer 
quantité de bêtes incommodes, elle n’en eft pas moins utile 
dans la pratique de la Médecine, foit pour l'extérieur, foit 
pour l'intérieur. On fçait que c'eft un grand efcarrotique 
propre à manger les chairs baveufes , à confumer les callofités 
les plus obftinées dans les ulcéres, les glandes endurcies, les 
verruës; qu'on en fait avec lefprit de Vin, une efpece d'huile 
propre pour les chancres vénériens menacés de gangrene ; 
& avec l’eau de Chaux, eau phagédenique dont on fe fert 
pour nettoyer les vieux ulcéres; qu'elle entre dans les tro- 
chifques de Minium, remede incomparable pour difloudre 
& enlever, par la voye de la fuppuration, des glandes fcro- 
phuleufes. Mais on fçait de plus qu'elle eft 1a bafe du Mercure 
doux & de la Panacée mercurielle, deux des plus grands 
remédes que nous ayons en Médecine, & pour la meilleure 
préparation defquels nous ne devons négliger aucune des 
inftructions que la Chimie eft capable de nous procurer. 
Si elle nous fait voir dans la fuite, que tous les Sublimés- 
corrofifs ne font compofés que de Mercure & des acides du 
Sel commun, nous nous fervirons indiftinétement & fans. 
fcrupule de tous ces Sublimés pour d'intérieur & pour l'ex- 
térieur ; mais frelle nous dit tout de contraire fur cette com 
ofition, fr elle nous avertit qu'il y a des Sublimés corrofifs, 
plus corrofifs & moins faciles à être adoucis que d'autres. 
mous ne nous fervirons des uns ou des autres que dans les 
cas où ils conviendront davantage, & nous n’employerons, 
furtout pour les préparations de Mercure doux & de la Pa- 
nacée, que ceux avec lefquels l'expérience nous aura appris 

u’on en doit faire, & qu’on en fait de meilleurs. 

 C’eft pour remplir les vüës qui viennent d’être propofées, 
que j'ai commencé par faire huit différents Sublimés corro- 
fifs, & que j'en ai tenté quelques autres qui ne m'ont pas 
réufli comme les premiers, quoique pour un d'eux j'eufle 
travaillé fur Ja foi d’un Auteur de réputation, Les premiéres 


264 MEMOIRES DE L'ACADEMI3E RoyaLE 
expériences que j'ai faites fur trois de mes Sublimés, n’ont 
pas feulement juftifié mes doutes fur la différente compofi- 
tion des Sublimés corrofifs qui réfultent de différents mé- 
anges ; elles m'ont encore fourni un éclairciflement & une 
décifion parfaite fur un article de l'Hiftoire de l’Académie 
Royale des Sciences de l'année 1 699, dans lequel il s'agit 
de la falfification du Sublimé corrofif par l'Arfénic, & d'un 
moyen rapporté par différents Auteurs pour la reconnoïtre 
far le champ. Nous nous arrêterons, quant à préfent, à ce 
dernier article; & à égard du premier qui, pour être traité 
à fond, demande un plus grand nombre d'expériences que 
nous n’en avons encore faites, quoique nous en ayons déja 
fait beaucoup, nous le remettons à un ou à plufeurs autres 
Mémoires qui viendront dans la fuite. 

Si le Sublimé corrofif ne fervoit qu'à faire périr différentes 
bêtes qui nous incommodent, ou s'il n'étoit employé en 
Médecine que pour l'extérieur &c.en qualité de topique, on 
ne s’inquiéteroit peut-être pas tant que l’on fait, des ma- 
tiéres arfénicales qu'on peut faire entrer dans fa compofition : 
il eft cependant vrai, & plufieurs Auteurs célebres ont ob- 
fervé que le fimple ufage extérieur de l'Arfenic étoit très- 
dangereux ; que des foibleffes, des fyncopes, la fiévre, le 
délire, des inquiétudes & des mouvements involontaires 
dans les membres en avoient fouvent été la fuite, & que 
plufieurs en étoient morts ; par confequent fi le Sublimé 
corrofif, foupçonné de contenir des matiéres arfénicales , eff 
fi fort à redouter, même pour l'extérieur, que n'en devroit-on 
pas craindre, fi on l'employoit pour les deux remedes inté- 
zieurs dont il a déja été parlé, qui préparés avec du Sublimé 
corrofif bien & fidélement fait, font auflr doux & auffi 
efficaces qu'ils feroient dangereux & funeftes, s'ils favoient 
été avec du Sublimé corrofif mêlé d’Arfenic. 

Pour être dans une parfaite fécurité fur la compofition du 
Sublimé corrofif deftiné à faire des remedes extérieurs ou 
intérieurs, il faudroit que tout Apothicaire fit lui-même 
cette préparation ; mais malheureufement la peine qu'elle 

j donne, 


DIE 5 SCI EIN C'EIS 265 
donne, & qui ne laifle pas d'être grande, fe trouve en pure 
perte pour l’Artifte, auquel il coûte encore plus à faire, qu'à 
acheter tout fait des Droguiftes qui le tirent de Hollande 
& de Venife à très-bon compte; & cela, foit parce qu'il 
y a dans ces lieux de grandes manufaétures de Sublimé 
corrofif, & que ce qui fe fait en grand revient en général 
à bien moins que la même chofe faite en petit, foit parce 
que les Hollandois & les Venitiens étant poftés au milieu 
de la Mer, & à portée d'avoir à bon compte chacune des 
drogues néceflaires pour la fabrique du Sublimé corrofif, 
ils le font à beaucoup moins de frais que chaque particulier 
parmi nous, & ils peuvent auffi le lui donner à un prix 
fort au-deflous de celui qu'il trouveroit à le faire chés foi. 
Cela étant, il n’en faut pas davantage pour engager, au moins 
le commun des Apothicaires, à acheter plûtôt le Sublimé 
corrofif tout fait, qu'à le faire eux-mêmes. 

Je remarquerai ici à l’occafion des manufactures de Su- 
blimé corrofif de Venife & de Hollande, auxquelles le bon 
marché a fait, &, fuivant toute apparence, fera toujours 
avoir recours, qu'on pourroit en établir de femblables en 
France, où le Sublimé corrofif fe fegoit non-feulement à 
bon compte, mais encore à la vüë du Public, & par confé- 
quent avec fidelité, ce qui nous difpenferoit d'avoir recours 
à celui des Etrangers, dont nous ne fommes pas d'ailleurs 
auffi fürs que nous le férions du nôtre. On n’auroit pour 
cela qu'à choïfir un lieu fur le bord de la Mer, des eaux 
de laquelle on auroit permiffion de fe fervir, ce qui épargne- 
roit déja la dépenfe du fel commun, & à l'égard du Vitriof 

ui eft un des ingrédiens de l'opération commune du Su- 
blimé corrofif, quoique ce fel ne coûte pas beaucoup, pour 
épargner encore fur cet article, je lui fubftituérois le Bol ou 
YArgille, qui font toûjours d’un prix fort au-deflous de celui 
du Vitriol, & avec lefquels je fçais, par ma propre expérience, 
qu'on peut faire de très-bon Sublimé corrofif. I eft même 
plus aifé, quand on fe fert du Mercure crud , de l'éteindre 
avec le Bol ou l’'Argille qu'avec le Vitriol. Cette fubftitution 

Mem. 1734 PAT 


266 MEMOIRES DE L'ACADEMI1E RoyALE 
pourroit toûjours fervir à diminuer le prix du Sublimé cor- 
rofif, qui d'ailleurs fe faifant à la fois en grande quantité, 
&, pour ainfi dire, fous nos yeux, non feulement pourroit 
fe donner à bon marché, mais encore feroit moins fufpect 
que celui qui vient de loin, & qui pañle par différentes mains 
plus avides les unes que les autres de gain, & dont plufieurs 
peuvent fe déterminer par ce motif à falfifier après coup avec 
Y'Arfenic le Sublimé corrofif même forti des manufactures 
de Hollande & de Venife. 

Mais, dira-t-on, qu'importe qu'on le faffifie, f: par un 
eflai chimique tout des plus faciles, on en peut découvrir 
fur le champ la falfification ; il n’y a qu’à l'éprouver par cet 
eflai avant que de l'employer. Cet expédient fera toûjours 

lus aifé, & coûtera moins que s’il falloit préparer foi-même 
tout le Sublimé corrofif dont on a befoin pour en faire des 
remedes internes ou externes. 

I eft vrai que plufieurs Auteurs, ou qui n'ont fait que fe 
copier , ou qui ont été féduits par la comparaifon de quelques 
expériences mal examinées, comme on le fera voir dans la 
fuite, avancent, comme une vérité certaine, que la marque 
infaillible du Sublimé corrofif fophiftiqué, c'eft de noircir 
comme de l'encre quand on y verfe de l'huile de Tartre par 
défaillance, & que celle du Sublimé corrofif qui eft bon, & 
tel qu’il doit être pour fa compofition , c'eft de jaunir comme 
Tor avec la mème huile de T'artre. 

Mais Barchufen, dans un Livre intitulé Pyro/ophia, rejette 
l'épreuve dont on vient de parler, & dit pour cela avoir 
obfervé que tout Sublimé corrofif, fophiftiqué ou non, 
arrofé d'huile de Tartre, jaunit, puis rougit, & enfin expolé 
à l'air quelque temps, noircit. à 

Quoique l'obfervation de Barchufen differe, comme on 
le fera voir, de l'épreuve dont il s’agit par une circonftance, 
& laiffe encore par-là quelque chofe à defirer fur la preuve 
de la faufleté de cet eflai, qui ne peut être mife dans tout 
fon jour que par quelques autres obfervations que j'ai nou- 
vellement faites, & que je vais donner dans ce Mémoire; 


DES SctrENcErE:s 267 
on peut toüjours conclure aflés clairement de celle de 
Barchufen, que la couleur noire qui furvient au Sublimé 
corrofif arrofé d'huile de Tartre, & qu'on regardoit comme 
le figne d’un mêlange arfénical, ne doit point paffer pour tel; 
qu'on le reconnoïtroit plütôt, ce mélange, par une odeur 
puante que l’Arfenic communique aux corps avec lefquels 
il eft mêlé, & qui s'attache fortement aux doigts qui tou- 
chent ces corps; qu'enfin, en attendant la découverte de 
nouveaux eflais qui nous annoncent auffi fürement & avec 
autant de facilité l Arfenic qui peut être mêlé avec leSublimé 
corrofif, que la Noix de galle déclare le Fer ou le Vitriol 
qui {e trouve dans certaines eaux , la feule marque infaillible 
pour diftinguer la vérité du fait, c’eft la revivification ou 
Yanaly{e. 

Qui croiroit que des faits rapportés par un Auteur de 
nom, tel que Barchufen, pour réfuter les prétendus moyens 
de diftinguer le Sublimé corrofif fophiftiqué, faits d’ailleurs 
auffi fimples & auffi faciles à répéter & à appercevoir, que 
je vais démontrer qu'ils font vrais, ayent pü, je ne dis pas 
{eulement être foupçonnés , mais taxés de faux, du moins en 
partie, par un Chimifte de réputation & de très-bonne foi, 
qui a cru être en droit de le faire dans un Mémoire pour 
lequel j'ai confulté les Reoïftres de l’Académie, parce qu'il 
n'a été imprimé qu'un extrait de ce Mémoire dans l'Hiftoire 
de l’Académie Royale des Sciences de l’année 169 9. Ce 
Chimifte, qui eft feu M. Boulduc, après avoir verfé un 
grand nombre de fois de l'huile de Tartre fur du Sublimé 
corrofif ordinaire, & fur un autre qu’il avoit fait avec deux 
onces de Sublimé corrofif ordinaire & demi-once d’Arfenic 
fublimés enfemble, dit n'avoir rien remarqué de différent 
“dans lun & dans l’autre Sublimé, qu'ils-ont jauni tous deux 
par le mélange de l'huile de Tartre, moins d'abord, & en- 
fuite davantage ; & comme ïl trouve jufque-là parfaitement 
a même chofe que Barchufen, il conclut auffl comme lui 
-que l’huïle de Tartre n’apportant à lun des deux Sublimés 
d'autre altération que celle qu'elle communique à l'autre, 

Li ij 


268 MEMOIRES DE L'ACADEM1IE ROYALE 

elle ne peut être regardée comme un moyen de diftinguer 
le Sublimé corrofif fophiftiqué d'avec celui qui ne l'eft point, 
& doit être rejettée comme une épreuve faufle, & qui ne 
peut fervir qu'à tromper. 

Mais notre Auteur, après avoir declaré ce qu'il trouve 
de bon & de vrai dans les faits de Barchufen, c’eft-à-dire, 
de conforme à ce qu'il a obfervé, nie formellement la cou- 
leur noire que contracte à l'air le Sublimé corrofif abbreuvé 
d'huile de Tartre, & il la nie fur un très-grand nombre 
d'expériences qui lui ont fait voir le contraire dans l'un & 
dans l'autre Sublimé. 11 adjoûte même, au fujet de celui où 
il étoit entré de l'Arfenic, qu'ayant commencé à jaunir avec 
l'huile de Tartre, il avoit plütôt enfuite blanchi que noirci 
à l'air, ce qu'il a fait voir à la Compagnie. 

Si fes expériences, au lieu d'avoir été faites fur du Sublimé 
corrofif en mafle, l’euflent été fur du Sublimé corrofif en 
liqueur, c'eft-à-dire, diflout auparavant par ce qu'il lui faut 
d’eau pour cela, je ne ferois point furpris qu’il n’y eût point 
apperçü la couleur noire que cite Barchufen, & qui vient, 
comme on le verra par la fuite, d’une poudre noire & très- 
fine qui tombe & fe répand infenfiblement fur a furface 
de la petite maffe du Sublimé, & qui, fouvent par fa finefe, 
refte fufpenduë dans la liqueur furnageante, ce qui fait que 
le Sublimé conferve alors fa couleur jaune ou rouge; mais 
quand cette poudre tombe entiérement fur le Sublimé, & 
qu'il y en a une aflés grande quantité pour couvrir toute 
fa furface, on n'y apperçoit alors que du noir, & la liqueur 
furnageante eft claire, au lieu qu'elle eft noirâtre, auffi-bien 
que le Sublimé, quand une partie de la poudre fe précipite, 
& que l'autre refte fufpenduë dans la liqueur. 

Ce n’eft point à la quantité de cette poudre, mais à f 
fineffe, & à la groffiéreté des parties du Sublimé corrofif, 
comparées à celles de la poudre fine, & employées fous une 
forme féche, qu'eft dûë la couleur noire qui fuccede en quet- 
que forte à la jaune, ou à la rouge : carfi celles du Sublimé 
gorrofif étoient auffi fubtiles, & avoient autant de furfaces 


DES SCIENCES 269 
ue les autres, comme la quantité du Sublimé furpañe in- 
not celle de la poudre noire, les parties de ce Sublimé 
qui feroient auffi infiniment plus nombreufes que les autres, 
bien loin d'en pouvoir être alors recouvertes, commeilarrive 
quand elles font plus groffiéres & plus ramafées, recouvri- 
roient fi fort elles-mêmes les autres, ou les écarteroient 
tellement les unes des autres, qu'elles les offufqueroient en 
quelque forte, & elles les feroient fi bien difparoître à la vüë, 
qu'on n'appercevroit alors que la couleur rouge ou jaune 
du Sublimé, qui {e trouveroit abondamment entre chacune 
des petites parties noires : aufli lorfque le Sublimé devenu 
jaune par l'huile de T'artre a eu le temps de devenir noirâtre, 
de la maniére qui a été dite, fi feulement avec les doigts, 
on écrafe & on divife la matiére, & qu'on la délaye avee 
de nouvelle eau, elle reprendra fa couleur jaune ou rouge, 
qu'elle communiquera à tout le liquide, & le noir difparoîtra 
d'autant plus qu'il fera plus étendu par le liquide, & que 
le Sublimé aura été plus exaétement divife. 

Par conféquent, lorfque le Sublimé corrofif dont on fe 
fert pour faire Fexpérience, a été auparavant diflout dans 
Peau, toutes fes parties y font dans une divifion extrême, 
puifqu'elles y font invifibles, & quand l'huile de T'artre vient 
enfuite à les précipiter fous une couleur jaune ou rouge, 
quoique moins fubtiles alors, puifqu’elles fe font appercevoir, 
elles compofent toûjours une poudre qui eft au moins aufü 
fine que la noire, & les parties de.cette poudre noire qui, 
relativement à la quantité de celles du Sublimé, font peut- 
être un fur-cent, doïvent d'autant mieux difparoître, où 
être moins fenfibles , que la quantité du liquide qui regne 
pour lors, & qui ne fe trouvoit pas de même dans l'autre 
expérience, étend & éloigne davantage ces parties noires 
les unes des autres, les difperfe. & les confond plus exacte- 
ment dans toute la mafle du précipité qui eft auffi lui-même 
plus étendu. . 

* On voit par ce qui a été dit, qu'en fuppofant que les expé- 
riences de Barchufen ont été faites fur le Sublimé corrofif 


LI ii 


270 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoyarE 

en fubftance, & celles de notre Auteur fur le Sublimé cor- 
rofif en liqueur, ül eft facile de rendre raifon de la diffé- 
rence de leurs obfervations; mais mal-heureufement notre 
Auteur dit pofitivement avoir fait fes expériences comme 
Barchufen, c'eft-à-dire, en verfant quelques gouttes d'huile 
de Tartre fur le Sublimé corrofif en fubftance, ce qui lui 
a fait voir le contraire de ce qu'a vü Barchufen, & le té- 
moignage de l'Académie qu'il cite, & dont il s’'appuye, 
joint à fon exacte probité, ne permet pas de douter un 
moment de la verité des faits qu'il allegue. 

1 réfute feulement de la différence de ces faits, & de 
ceux de Barchufen, que des expériences très-fimples, & qui 
paroiflent entiérement femblables & les mêmes, tant par 
la maniére de les faire, qué par les ingrédiens dont on s'eft 
fervi, peuvent avoir des différences très-{enfibles, & capables 
d'en impofer à leurs Auteurs. 

Que Barchufen eût fü, par exemple, les expériences 
de notre Auteur, dans lefquelles le Sublimé devenu jaune 
demeure tel, & ne noircit point à l'air; n'auroit-il pas eu 
autant & plus de droit, de taxer ces expériences-là de faux, 
qu'en avoit eu notre Auteur fur les fiennes, de nier formelle- 
ment celles de Barchufen? Je dis autant & plus, car j'ai 
remarqué à cette occafion , ‘par l'examen fcrupuleux d'un 
très-grand nombre de faits, que tout concourt à juftifier 
ceux de Barchufen, au lieu que rien, ou prefquerien ne parle 
en faveur de ceux de notre Auteur. J'ai obfervé partout 
que le Sublimé devient ou noir, ou brun-foncé tirant fur 
4e noir, ou noir en plufreurs endroits & par points, ou fr 
je Sublimé conferve fa couleur jaune ou rouge, la liqueur 
qui le furnage eft chargée d’une poudre noire qui le fait, 
de maniére que, fuivant mes obfervations, ce qui armive le 
plus généralement, pour ne pas dire toüjours ou prefque 
toûjours, eft entiérement conforme à ce qu'a obfervé Bar- 
chufen; & à l'égard des faits de notre Auteur, je les regarde 
comme une exception à la regle générale & ordinaire. C'eft 
cependant fur ces faits qu'on a voulu donner lexclufion 
aux autres. 


DIE.S SCIENCES. 275 
- Avant que d'entrer dans le détail de ceux qui ont été 
annoncés dans ce Mémoire, pour rétablir & confirmer la 
vérité des obfervations de Barchufen, il eft à propos de faire 
fentix ce qui manque à ces obfervations pour être une preuve 
décifive, & tout-à-fait concluante contre le prétendu moyen 
de diftinguer le Sublimé corrofif fophiftiqué, de celui qui 
ne l'eft pas. 

Les différents Auteurs qui enfeignent & prefcrivent ce 
moyen, & dont j'en ai lü plufieurs, s'expliquent tous de 
même, fur la maniére de difcerner le bon Sublimé, du mau- 
vais. Cette découverte, felon eux, eft prompte, & fe fait 
fur le champ, par quelques gouttes d'huile de Tartre verfée 
fur le Sublimé. Ils ne difent pas que le Sublimé fophiftiqué 
commence par jaunir & rougir, & ne noircifle enfuite 
qu'après avoir été expofé quelque temps à l'air; en ce cas, 
l'épreuve ne fe feroit pas fur le champ, & feroit bien plus 
longue qu'elle ne paroït l'être par l’expofition qu'ils en font. 
Is difent tout fimplement qu’en verfant de l'huile de Tartre 
{ur le Sublimé, s'il eft bon ül jaunit, & s’il eft alteré il noircit; 
& comme le bon jaunit auffi-tôt qu'on y verfe l'huile de 
Tartre, le fophiftiqué doit auffi noircir par-là dans l'inftant, 
S'ils euffent prétendu que le Sublimé fophiftiqué ne noircit 
qu'après être devenu jaune & rouge, & dans un certain 
efpace de temps, ils n'euffent pas manqué de le dire, ou 
plütôt comme l'épreuve n'auroit pas été momentanée, ils 
euflent pà voir par eux-mêmes, que tout, ou prefque tout 
Sublimé corrofif arrofé d'huile de Tartre noircit à la longue, 
& le peu d'apparence qu'ils euflent trouvé à fuppofer en 
conféquence, que tout Sublimé qu'on expofe en vente eût 
été mêlé d’Arfenic, leur auroit donné occafion d’examiner 
la chofe de plus près, & d'en découvrir la verité. Mais il 
y a lieu de croire, comme on le fera voir dans la fuite, 
que quelques expériences leur avoient fait voir d’abord un 
Sublimé corrofif qui, fans avoir jauni & rougi auparavant, 
étoit devenu tout d'un coup noir par le mélange de l'huile 
de Tartre; & comme ils fçavoient que le Sublimé corrofif 


272 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr 
ordinaire, & qui eft bien fait, jaunit toüjours auffi-tôt avec 
l'huile de Tartre, & qu'ils ne s’étoient pas donné le temps 
d’appercevoir la couleur noire qui vient enfuite par deflus 
la jaune ou la rouge, ils avoient conclu de ces deux expé- 
riences faites à la hâte, la marque alleguée du bon & du 
mauvais Sublimé. 

En effet, s'ils n’euflent jamais eu d'exemple de Sublimé 
corrofif capable de devenir noir dès qu'on y jetteroit de 
l'huile de Tartre, & cela fans jaunir auparavant, ils n’euffent 
jamais imaginé ce fait, & ils l’euflent encore moins donné 
comme une regle pour reconnoître le mauvais Sublimé cor- 
rofif. Or comme l'obfervation de Barchufen ne roule que 
fur des expériences dans lefquelles le Sublimé corrofif jaunit 
& rougit toüjours avant que de noircir, peut-être dira-t-on 
que l'induétion qu'il en tire contre l'épreuve du Sublimé 
corrofif arfenical où le noir vient d’abord fans avoir été 
précédé de jaune, peche dans fon principe, c'eft-à-dire, par 
le défaut de conformité, & n'étant point par-là applicable 
à cette épreuve, elle eft incapable de lui faire aucun tort; 
tout ce qu'on en peut induire, adjoûtera-t-on, c'eft que 
dans tous les cas où le noir vient à la fuite du jaune ou du 
rouge, ce noir ainfi précédé n’eft point un indice d’arfenic. 

Il eft vrai que, fuivant les expériences de Barchufen, & 
même de fon antagonifte, le Sublimé corrofif fophiftiqué 
ou non, reçoivent l’un & l’autre de l'huile de Tartre, pré- 
cifément & en tout les mêmes altérations, ce qui fembleroit 
devoir décider, qu’inutilement a-t-on recours à lhuile de 
Tartre, pour reconnoître le bon ou le mauvais Sublimé, 
& que cette épreuve ne peut qu'induire en erreur, à quoi 
peut-être répondra-t-on encore que fi l'huile de Tartre ne 
manifefte point l’efpece de mêlange arfénical que notre Au- 
teur a fait entrer dans fon Sublimé corrofif fophiftiqué, elle 
en découvre d’autres plus fufceptibles de l'épreuve de cette 
huile, ce qui pourtant, à vrai dire, eft plütôt un échappatoire 
qu'une réponfe; mais enfin pour ne rien laifler à defirer fur 
Ja vérification de cette épreuve, & pour fouftraire, s’il eft 

poffible, 


* DES "SCI EUN CES C4 À 
poffible, toute reffource à la chicane qui n’en manque guéres, 
füur-tout lorfqu'il s'agit de préjugés établis de longue main, 
& quiont acquis une efpece de titre de loi en vieilliffant; 
il feroit à fouhaiter qu'on püt découvrir la maniére de faire 
un Sublimé corrofif que l'huile de Tartre ne jauniroit, ni 
ne rougiroit point, mais qu'elle noirciroit aufi-tôt; a con- 
noiflance qu'on auroit de la compofition de ce Sublimé, 
jufqu’ici inconnuë pour cet effet, apprendroit bien-tôt fr 
l'Arfenic auroit part ou non à la couleur noire qui arriveroit 
d'abord, & fans avoir été précédée de jaune ou de rouge. 
J'efpere qu'on trouvera un éclairciflement entier fur ce fujet 
dans plufieurs des expériences qui vont être rapportées. 

J'ai commencé mes expériences fur deux Sublimés cor- 
rofifs, dont l'un avoit été fait avec parties égales de Vitriof 
calciné, de Sel décrépité & de Mercure diflout par Fefprit 
de Nitre, & réduit en fel par lévaporation ; & l’autre avec 
parties égales de Sel décrépité & de Mercure diflout par l'huile 
de Vitriol: mais comme j'ai lieu de foupçonner que dans les 
deux Sublimés réfultants des deux mêlanges rapportés, le 
Mercure n'eft pas pénétré des feuls acides du Sel commun, 
mais d’une Eau régale dans Fun, & dans l’autre d'un mêlange 
d'acide vitriolique & d'acide du Sel commun ; & comme je 
voulois voir & comparer ce que mes effais feroient auffi {ur 
le Mercure pénétré par les feuls acides nitreux, & fur celui 
qui n’en contient point d’autres que ceux du Sel commun; 
je me fuis fervi pour l'un, de la maffe blanche qui refte après 
la diflolution du Mercure par l'efprit de Nitre, & l'évapo- 
ration de la partie aqueufe de cette diflolution, & j'ai em- 
ployé pour l'autre un Sublimé fait avec deux parties de Sel 
commun décrépité, deux parties de Vitriol calciné, & une 
partie de Mercure coulant, le tout bien mêlé par la tritu- 
ration avant que de le faire fublimer. Je fçais bien qu'on 
pourra dire que le Vitriol qui fait partie du mélange, peut 
communiquer. quelques-uns de fes acides au Mercure, qui 
en réunira par-là de deux fortes ; mais en attendant que 
de nouvelles: expériences m'ayent donné lieu, de vérifiez 

Mem, 1734 . Mm 


274 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
parfaitement ce fait, je puis toûjours dire, fur de bonnes 
preuves , que fi dans cette opération le Vitriol a fait pafler 
dans le Mercure quelques-uns de fes acides, ils n'y font pas 
en grand nombre, & que ce Sublimé eft celui de tous où 
Yon peut moins foupçonner alliage des acides du Sel come 
mun avec ceux d'autres fels. 

J'ai donc fait ufage de ce Sublimé pour mes expériences, 
mais il eft à remarquer que qui le feroit refublimer une où 
plufieurs fois encore, après l'avoir mêlé chaque fois avec de 
nouveau Vitriol calciné & de nouveau Sel décrépité, don- 
neroit lieu aux eflais d'y produire toüjours de plus en plus 
des effets différents, & qui rentreroïent dans ceux des autres 
Sublimés corrofifs dont il a été parlé ; & comme nous 
n'avons befoin, quant-à-préfent, que des effets dont ce 
Sublimé qui ne l’a été qu'une fois eft fufceptible, ce fera 
particuliérement fur le produit de cette premiére fublimation 
que nous nous exercerons. 

À l'égard du fel de Tartre & des autres fels fixes qui ont 
été mélés les uns après les autres avec chacune des quatre 
préparations mercurielles dont on vient de parler ; prévenu 
déja par d'autres expériences & obfervations rapportées dans 
deux Mémoires fur les différentes cotileurs des précipités 
du Mercure, imprimés dans les Mémoires de Académie des 
années 1712 & 1714; prévenu, dis-je, par ces expériences: 
& ces oblervations, que les différentes couleurs qu’acquiert 
le Mercure par le mêlange des différents Sels alkalis qu'on y 
mêle, viennent toûjours de quelque chofe que ces Sels 
communiquent au Mercure, fans quoi il paroîtroit fous une 
forme blanche qui eft celle qu’il a naturellement & indé- 
pendemment des Sels alkalis, quand il eft pénétré d’acides; 
fçachant d'ailleurs, & par la différence des expériences de 
notre Auteur & de celles de Barchufen, &par quelques autres 
de ma façon, que deux fels fixes d’une même efpece, & qui 
ne paroiffent avoir entr'eux aucune différence, en apportent 
fouvent de très-fenfible dans les mêmes expériences où 
chacun d'eux a été employé; j'ai obfervé avec foin ce que 


D'E'S: SC EN CES) 27$ 
chaque efpece de Sel fixe pris en différents états, étoit 
capable de faire avec chacune de nos préparations mercu- 
rielles. J'ai diflingué du fl de Tartre anciennèment fait, 
d'autres fels de Tartre faits nouvellement par moi-même, & 
cela parce que dans quelques cas j'y ai apperçü des variétés 
d'effets qui feront remarquées. 

J'aï calciné du Fartre blanc & du Tartre rouge, de chacun 
defquels j'ai tiré un fel parfaitement femblable par fa nature, 
& qui la été auffi par fes effets ; ainfi cette diftinétion n’en- 
trera plus en ligne de compte pour nos expériences. 

J'ai encore fait du fel de Fartre de deux façons. Dans 
Tune, après que le Tartre avoit été bien brûlé & calciné, 
j'avois fait bouillir la matiére avec beaucoup d'eau, dans une 
baffine de cuivre, puis j'avois pafié la liqueur au travers d'un: 
filtre, & je m'en étois fervi de cette maniére pour mes expé- 
riences. Maïs faifant enfuite réfléxion, r.° Qu'on pouvoit 
foupçonner la liqueur qui avoit bouilli dans un vaiffeau de 
cuivre, d'en avoir détaché quelques parties capables d’'influer 
dans les expériences: par leurs effets qu'on attribuéroït mal 
à propos aux fels. 2.° Qu'il eft très-poffible que les fes 
fixes de là liqueur, en bouillant avec le mate du Tartre, 
chargent de quelques matiéres noires & fuligineufes que Le 
feu en avoit féparées, & qui s’y rejoignent pendant l'ébul- 
lition ; j'ai fait recalciner de nouveau T'artre, je l'ai mis dans 
une terrine de grès, j'y ai verfé de l’eau toute bouillante & 
qui venoit de bouillir dans un grand coquemarre de terre 
non vernifié. J'ai enfuite coulé Îa liqueur, qui comparée 
pour fes effets à l’autre folution de fel de Tartre, à bierr 
produit quelques variétés, mais rien d'eflentiellement diffé: 
rent, en un mot lune & l'autre folution ont noirci le Su- 
blimé corrofif; ce qui ne peut être imputé aux parties de 
cuivre communiquées à la folution , car fr cela étoit, celle 
qui n'a point été faite dans des vaifleaux de cuivre, ne devroit 
pas produire de noir comme elle le fait. If eft vrai qu'er 
quelques cas elle en produit moins que l'autre folution, & 
lenoir n'arrive pas fl promptement, parce que n'ayant pas 

m i} 


276 MEMOIRES DE L'ACADEMYE ROYALE 
bouilli de même avec fon marc, elle n’en a point enlevé Ta 
même quantité de parties noires propres à couvrir & noircir 
le Sublimé : & en effet qu’on faffe bouillir de l’eau dans un 
oëlon, qu’on la verfe enfuite dans une terrine de grès fur 
du Tartre bien brülé & calciné, qu'on ne l'y fafle pas bouillir, 
mais feulement infufer, qu’on coule enfuite la liqueur, & 
qu'on la mette en œuvre, on remarquera qu'elle fera parfai- 
tement la même pour fes effets que celle dont l'eau, après 
avoir bouilli d’abord dans un vaifieau de terre non-vernifié, 
a été verfée & laiffée en infufion fur une autre portion du 
même Tartre brülé & calciné de l'expérience précédente ; & 
fr après avoir fait bien bouillir du Tartre calciné dans un 
vaifieau de terre non-verniflé avec de l'eau , on compare la 
folution filtrée qui en réfulte avec celle du même Tartre qui 
a été faite dans un vaifleau de cuivre où elle à bouilli de 
même, & d’où on l'a verfée auffi-tôt après pour la filtrer, 
on reconnoitra encore dans l’une & dans Fautre folution par- 
faitement les mêmes effets ; d’où il paroît que le cuivre n'a 
aucune part à ceux de la folution du {el de T'artre ou de tout 
autre fel fixe qui y a bouilli, & que c’eft au marc de Ja 
matiére & à l'ébullition, que ce qu'il y a de particulier dans 
ces effets doit être attribué. 

Enfin, quand après avoir calciné du Tartre, ou toute 
autre matiére végétale, on en a féparé le fel par le moyen 
de l'eau qu'on a bien fait bouillir fur la matiére, comme il 
eft très-poffible que la folution qui en réfulte, toute limpide 
qu'elle eft devenuë par la filtration, ait tiré du marc de a 
Plante, & contienne des parties qui fe diffipent, & ne fe 
retrouvent plus, du moins auffi abondamment qu'auparavant 
dans le fel tiré par évaporation de cette folution, & redifiout 
dans de nouvelle eau, où, en formant une feconde folution, 
il y a preuve qu'il dépofe toûjours quelque chofe qui fe 
fépare de cette feconde folution lorfqu'on la filtre; j'ai cru 
que ces deux folutions d'un même fel pourroient bien ne 
pas toüjours produire parfaitement les mêmes effets, & 
méritoient par-là d'être diflinguées, & miles en œuvre 


= ET 


DiErs SCT EN C'ÉNSI 277 
féparément; qu’enfin la feconde folution dont on vient de 
parler, pourroit bien avoir une grande conformité d'effets 
avec une premiére folution, qui n’auroit point bouilli, mais 
fimplement infufé fur le marc de fa même Plante, dont 
cette feconde folution auroit tiré fon fel. On verra dans 12 
fuite fi l'expérience s'accorde avec cette idée, ainfi quand je 
parlerai dorefnavant de la premiére & de la feconde folution 
du Tartre, de la Soude, de la Potafle, de la Cendre gravelée, 
je n’entends par-là que ce qui a été dit. 

J'ai encore calciné quelque temps & aflés fortement dans 
un creufet, une portion de fel de Tartre reftée après l’éva- 
poration de la premiére folution de ce fel, & je n'ai point 
trouvé que ce fel recalciné & fondu dans l'eau, ait produit 
alors d'autre effet remarquable fur nos préparations mercu- 
rielles, que celui du fel que je n'ai point fait recalciner, 
& que j'ai fait fondre de même dans de nouvelle eau. 


Expériences fur le Sublimé coïrofif fair avec le Sel commun, 
de Varriol, à le Mercure pénérré des acides 
de l'efprit de Nitre. 


La premiére folution d'un nouveau fel de Tartre, faite 
parvébullition, a jauni te Sublimé, & peu de temps après, 
la liqueur furnageante a commencé à fe charger d'une poudre 
noire qui, augmentant en quantité, a rendu cette liqueur 
noirître, elle étoit telle vingt-quatre heures après & dans 
1 fuite, pendant que la male étoit, au bout de ces vingt- 
quatre heures, & dans la fuite auffi, d'un jaune d’or, mais 
un peu fali par le noir de la liqueur : cette folution un pew 
ancienne n'a plus agi fi vite ni fi fort pour ce qui regarde 
a couleur noire, qu'elle faifoit auparavant. - 

La feconde folution du fel de Tartre, recalciné dans un 


icreufet, a jauni, puis rougi le Sublimé, qui eft enfm de- 
wenu noir, la liqueur furnageante étant un peu rougeâtre, 


À caufé d’une petite portion de poudre rouge qui y étoit 
reftée fufpenduë. ; ; | 
M m iij 


278 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 

La folution d’un ancien fel de Tartre, a fait en cette 
occafion-ci, à très-peu près, la même chofe que la feconde 
du nouveau. 

La premiére folution du {el de Tartre rouge, & celle du 
fel de T'artre blanc, faites lune & l'autre fans avoir bouilli,. 
& par fimple infufion, après avoir jauni & rougi le Sublimé 
l'ont auffi noirci, fans répandre de poudre noire dans la 
liqueur qui en contenoit même un peu de rouge. : 

La premiére & la feconde folution du fel de la Potañle 
ont fait encore à peu-près de même en tout que la feconde 
folution du fel de Tartre. 

La premiére folution du fel de Soude à jauni en couleur 
d'or le Sublimé, & dans le même temps la liqueur furna- 
geante s’eft chargée d'une pouffiére abondante d'un verd- 
brun ou noirâtre, dont une partie a retombé & voltigé fur 
la matiére qu'elle a falie beaucoup; mais dont elle n’a point 
abfolument empêché la couleur d’or de paroïtre, quand on 
remuoit la matiére, & qu'on la découvroit, en quelque 
maniére, de la poudre noire qui étoit tombée, & qui glifloit 
fur fa furface. 

I faut remarquer que cette premiére folution du fel de 
Soude ayant été gardée quelque temps, la produétion de 
la poudre noire n'a été ni aufli prompte, ni aufli abondante 
que quand la folution étoit nouvellement faite. 

La feconde folution du fel de la Soude a d’abord rendwæ 
le Sublimé fort rouge, fans que la liqueur furnageante füt 
d'un verd-brun ou noir, comine avec la premiére folution; 
dont le Sublimé étoit toüjours refté de couleur d'or; vingts 
quatre heures après, le Sublimé de cette feconde folution 
de la Soude s’eft trouvé recouvert en quelques endroits d'un: 
peu de noir, & dans les autres, il avoit une couleur rouge 
rouflâtre. : 

La premiére folution de la Cendre gravelée a donné une 
couleur jaune & orangée au Sublimé; vingt-quatre heures 
après, la liqueur furnageante étoit d'un pareil jaune, mais 
la matiére qui étoit au fond étoit parfemée de noir, & le 


piles sr 18 OAUE 1 CBS] 279 
jaune qui étoit à côté du noir étoit plus terne & plus ob{cur 
qu'auparavant. 


La feconde folution de la Cendre gravelée a produit, à 
peu-près, le même effet que la premiére pour le rouge, fur 
lequel elle a enfuite répandu une couleur brune-grifatre, ce 
qui, avec le rouge, faifoit un rouge gris-brun. 

La Pierre à cautere eft, comme on fcait, le fel de la 
Cendre gravelée, animé des parties de feu de la Chaux, 
avec laquelle on le fait tremper & bouillir dans l'eau ; 1a 
folution de cette pierre verfée fur le Sublimé, lui a donné 
une couleur jaune très-orangée, & n’a differé en cette occa- 
fion-ci de la fimple folution de la Cendre gravelée, qu'en 
ce que vingt-quatre heures après, la matiére du Sublimé étoit 
un peu moins parfemée de noir, & d'un jaune un peu plus 
apparent que celle de la folution de la Cendre gravelée, Ia 
liqueur furnageante le Sublimé de 1x folution de {a Pierre 
à cautere, étoit auffr d'un jaune-orangé & non noire. 

La folution du Nitre fixé par les charbons, a jeuni, puis 
rougi le Sublimé qui, dans la fuite, eft devenu très-noir. 

En verfant la folution de chacun des Sels fixes, dont on 
vient de parler, fur le Sublimé corrofif fait avec le Sel com- 
mun& le Mercure pénétré des acides vitrioliques, & répé- 
tant de la même maniére fur ce Sublimé, toutes les expé- 
riences qui ont été faites fur l'autre, dont on vient de parler, 
tout y eft fi exaétement femblable, & toutes les circonftances 
fe trouvent fr fort les mêmes dans chacune des expériences 
faites fur lun & fur l'autre, que d'avoir rapporté ce qui s’eft 
paflé dans les mélanges de l'un des deux Sublimés avec diffé- 
rents Sels, c'eft annoncer ce que ces différents Sels font. 
capables de produire fur fautre; nous ne nous étendrons: 
donc pas davantage fur fon fujet. love 
:: Quand on confidére que de noir de chacune des expé- 
riencesquiontété rapportées, différe en quantité, en qualité, 
€ par la partie du mélange où il fe loge, & que cette diffé- 
sence répond non-feulernent aux différents Sels qui ont été 
‘employés, mais encore aux différents états d’un même Sel, 


* Pag, 190. 
& Jui. 


80 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

à la différente provifion, ou à la perte qu'il a pû faire de 
certaines parties qu'il dépofe plus ou moins abondamment, 
& qui plus ou moins légéres, couvrent la furface du Sublimé, 
ou fe tiennent confonduës avec le peu de liqueur qui le 
furnage, on eft porté à croire que tout le noir qui furvient 
au mélange, vient des fels qui y font entrés. Cependant, 
comme on fçait par une longue expérience faite & rapportée 
par feu M. Homberg, dans les Mémoires de l'Académie 
de l’année 17 1 0*, que le Mercure même qui a été revivifié 
du Cinabre, tout net qu’il paroifle, contient & donne par 
chaque livre, près de deux gros d’une matiére terreule, légére, 
gris-de-fouris, fans aucune faveur ni odeur, & que cette 
matiére, délayée dans l'eau, la rend trouble & noire, on peut 
croire auffi que le noir de chacune des expériences rapportées, 
vient de cette matiére grife qui, dans chaque expérience, fe 
détache plus où moins abondamment du corps du Sublimé 
qui, quoique fait avec du Mercure revivifié du Cinabre, a 
toûjours confervé cette matiére grile & terreufe. 

Pour répandre quelque éclaircifiement fur cette difficulté, 
j'ai commencé par féparer de l'un & de l’autre Sublimé dont 
il a été parlé, la matiére grife dont il s'agit, & cela par une 
voye bien plus courte & plus facile que celle de M. Homberg, 
& qui donne tout au moins autant, pour ne pas dire beau- 
coup plus de matiére grife que la fienne. Voici de quelle 
maniére je m'y fuis pris. 

J'ai mis une demi-once deSublimé corrofifdansun mortier 
de marbre, j'y ai verfé en cinq reprifes différentes, dix onces 
d’eau, c’eft-à-dire, deux onces chaque fois, remuant à chacune 
l'eau & le Sublimé enfemble, pour en opérer la diffolution; 
après quoi je verfois par inclination la liqueur, avec ce qui 
avoit été diflout, remettant enfuite fur la matiére une égale 
quantité de nouvelle eau, & répétant toûjours la même 
manœuvre jufqu’à la fin de la diffolution totale du Sublimé, 
que j'ai faite par partie, au lieu de la faire toute à la fois en 
verfant tout d’un coup les dix onces d’eau fur la demi-once 
de Sublimé, & cela pour appercevoir à chaque fois la couleur 

de la 


DES: 1ÉNCATLEUNT ci ENS! 28% 
de la matiére reflée dans le mortier, après que Îes deux 
derniéres onces d'eau qui venoient d'y pafler en avoient 
enlevé une portion, & pour examiner par-là plus exaétement 
toutes les circonftances de cette expérience, qui confiftent 
en ce que dès qu’on a eu verfé en deux fois quatre onces 
d’eau {ur le Sublimé, la maffe reftante a paru moins blanche 
qu'elle ne l'étoit auparavant ; qu’elle la paru encore moins 
après qu’on a eu verfé en trois fois fix onces d’eau ; qu'après 
huit en quatre fois elle eft devenuë noirâtre, & qu'aprègdix, 
il eft refté au fond du mortier une matiére terreufe LT 
indiffoluble , & parfaitement femblable à celle de M. Hom- 
berg, mais qui la pafloit de beaucoup en quantité. J'ai cru 
que cette voye prompte & aifée de féparer exactement du 
Mercure les parties terreufes & étrangeres qui y font mélées, 
pouvoit avoir fon utilité en certains cas, & méritoit d’être 
rapportée, fuppofé qu'elle ne lait point été jufqu'ici, ce que 
j'ignore parfaitement ; tout ce que je fçais, c’eft que je ne 
Y'ai apprife de perfonne. : 

Le Sublimé corrofif purifié de cette maniére, & réduit 
fous une forme folide par f'évaporation des parties aqueufes 
qui le tenoient en diflolution, a été mêlé en cet état à- 
chacun des différents fels fixes auxquels il avoit déja été 
avant fa purification, & dans le temps qu'il contenoit tout 
ce qui en a été féparé depuis ; & il s'eft trouvé que tout 
purifié qu’il étoit, chacun des différents fels fixes mis en 
œuvre de toutes les maniéres dont ils l'avoient été précé- 
demment, y ont porté toute, ou à très-peu-près la même 
altération qu'ils avoient fait avant fa purification. 

. Je dis à très-peu près, car je ne voudrois pas affûrer 

pofitivement que le noir des expériences faites fur le Sublimé 
corrofif purifié, le füt exaétement autant, ou aufli abondant 
qu'il favoit été dans le Sublimé non purifié, ce qui don- 
neroit lieu de conjecturer que ce noir pourroit venir de 
deux fources plus ou moins copieufes, fçavoir 1.” de chacun 
des fels fixes qui feroient employés, & qui ne font pas tous 
&. en toute forte de fituation également chargés de parties 

Mem. 173 4 , Nn 


282 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALr 
noires ou grifes-brunes, 2.° du Sublimé corrofif qui peut 
être auffi plus ou moins chargé des mêmes parties. 


Expériences faires fur le Mercure diffout par l'efpri 
de Nitre, à réduit par l'évaporation fous la forme 


d'un Sel concret. 


Ce qui m'engage à rapporter les expériences que j'ai 
fiteggtr le Mercure diflout par l'efprit de Nitre, & réduit 
en ff concret par l'évaporation de la partie aqueufe de la 
liqueur, c'eft qu'outre les preuves nouvelles qu'elles four- 
niflent, du noir qui vient à la fuite du jaune & du rouge 
dans le Mercure pénétré d'acides, elles nous font encore 
appercevoir infiniment mieux que nous n'avons fait jufqu'ici 
par les expériences précédentes, jufqu'où va la différence 
des premiéres & des fecondes folutions de quelques fels, & 
ces faits font aufli curieux qu'ils font clairs & évidents. 

Je remarquerai d’abord, pour abréger fur les circonftances- 
inutiles, que du Nitre fixé par les charbons , des fels de 
Tartre blanc & rouge, anciennement & nouvellement faits, 
des fels de Potafle, de Soude, de Cendre gravelée, retirés 
chacun par évaporation de la premiére folution qui les avoit 
enlevés au marc terreux avec lequel ils avoient été calcinés, 
& étoient devenus alkalis ; que ces fels, dis-je, refondus dans. 
de nouvelle eau, formant par-là chacun une feconde folu- 
tion, & verfés en cet état féparément fur différentes por- 
tions de Mercure pénétré des acides nitreux, y ont agi 
£comme ils avoient fait fur les deux Sublimés corrofifs dont 
il a été parlé précédemment, c'eft-à-dire, qu'ils l'ont promp- 
tement jauni & rougi, & que le paflage du jaune clair au 
jaune plus foncé, & du jaune plus foncé au rouge, a été auffi 
prompt & rapide que celui du rouge au brun où au noir 
a été lent & tardif. 

En effet, dans le mêlange de ces fecondes folutions, avec 
toutes les préparations mercurielles dont il a été parlé, y 
&ormpris celle dont nous parlons aétuellement, il a prefque 


D ES USIC MEN GERS 283 
toûjours fallu plufiewrs heures pour le paflage du rouge au 
brun ou au noir, & ce n’a fouvent été qu'après vingt-quatre 
heures que la matiére a bruni ou noirci jufqu'à un certain 
point, ou autant qu'elle pouvoit le faire. 

D'ailleurs il eft à remarquer que toutes les fecondes folu- 
tions de nos fels fixes, bien filtrées, ne répandent pas ordi- 
nairement de poudre noire voltigeante dans Ia liqueur, & 
que les premiéres folutions de plufieurs de ces fels qui ont 
été faites avec ébullition, & qui font nouvelles, ou du 
moins qui n’ont point été trop long-temps gardées, mêlées 
aux deux fublimés fur lefquels nous avons travaillé, commen- 
cent à peine à les jaunir, qu'elles noirciflent aufli-tôt la 
liqueur qui devient dans la fuite plus ou moins noire fuivant 
la quantité de la poudre de la même couleur qui s’y affemble 
infenfiblement. Mais il faut bien confidérer que c’eft ordi- 
nairement là tout l'effet de ces premiéres folutions fur les 
deux Sublimés qui demeurent toüjours vifiblement jaunes, 
& feulement falis par la poudre noire voltigeante & paffa- 
gere qui tombe fur {eur furface, & qui s’en fépare facilement, 
& que les fecondes folutions des mêmes fels, qui ordinaire- 
ment ne répandent point de poudre noire dans la liqueur, 
portent , s’il eft permis de le dire, tout leur effet de noir 
ou de brun fur la mafle même des Sublimés , fur la furface 
de laquelle le brun ou le noir, bien plus inhérent, cache 
bien davantage la couleur jaune ou rouge qu’avoit acquis le 
Sublimé avant l'arrivée du noir où du brun. C’eft-Rà ce qui 
fait la différence principale des effets des premiéres & des 
fecondes folutions des mêmes fels fur les deux Sublimés ; & 
quoique cette différence foit affés légere, & par cela même 
ne frappe guere, elle paroît d'autant plus fmguliére, quand 
on la cherche dans ce qui peut la produire, qu'elle vient de 
deux liqueurs aufft femblables que le font une premiére & 
une feconde folution d’un même fel par la principale partie 
‘de leur compoñition, je veux dire par leur partie faline, en 
conféquence de lhomogénéité de laquelle une conformité 


Nn i 


284 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
plus grande d'effets fembleroit devoir naturellement fe ren: 
contrer dans ces deux liqueurs. 

Mais fi l'on à lieu d’être furpris de cette différence d'effets 
des premiéres & des fecondes folutions des mêmes fels, quand 
on la confidere fur les deux Sublimés corrofifs dont il a été 
parlé, on a bien un autre fujet d'étonnement, quand c’eft fur 
le Mercure pénétré des acides du Nitre qu'on obferve l'action 
& la différence d'effets de ces premiéres & de ces fecondes 
folutions. 

On à déja remarqué que les fecondes folutions n'y faifoient 
que ce qu’elles avoient fait fur les deux Sublimés, c'eft-à-dire, 
qu'elles opéroient toûjours dans les unes & dans les autres 
préparations mercurielles , un pañlage lent & tardif du rouge 
au noir ou au brun, & qu'ordinairement elles ne répandoiïent 
point de poudre noire dans la liqueur furnageante qui par-là 
reftoit claire, ou fimplement chargée d'une petite poudre 
rouge. 

Pour fentir préfentement toute la différence de ces effets 
des fecondes folutions d’avec ceux des premiéres fur te Mer- 
cure pénétré des acides nitreux, & de combien cette diffé- 
rence l'emporte dans le cas préfent fur celle qui a été obfervée 
dans le cas des deux fublimés ; il n’y a qu'à confidérer que 
Yaétion des premiéres folutions fur le Mercure pénétré des 
acides nitreux, ne fe borne pas alors, comme dans l'autre cas, 
à répandre un peu plus ou un peu moins de poudre noire 
dans la liqueur furnageante prefque auffi-tôt que la matiére 
devient jaune, & à différer déja par-là de l’aétion des fecondes 
folutions fur la même préparation mercurielle; les premiéres 
folutions ont encore ceci de particulier dans le cas préfent, 
c'eft qu'elles noirciflent vrayement la matiére aufli-bien & 
même beaucoup mieux que ne le font les fecondes folutions, 
& de plus, avec cette différence, que la noirceur qui par les 
fecondes folutions n'arrive qu'après plufieurs heures, ne de- 
mande fouvent qu'un inftant fort court pour arriver par le 
moyen des premiéres folutions, ce qui forme un fpeétacle 


DIE :S1S:C/ITIENN GE sa 29% 
curieux & fingulier ; car auffi-tôt que quelques gouttes de la 
premiére folution ont été verfées fur la préparation mercu- 
rielle, on voit, pour ainfi dire, en trois inftants différents la 
matiére devenir d'abord jaune, paffer enfuite au rouge, & 
enfin du rouge au noir, & encore à un noir abondant qui 
rend la liqueur comme de l'encre, & qui s'empare fi bien 
du petit tas de matiére folide qui eft au fond, qu'ordinai- 
rément il en fait difparoître tout le rouge, & n’en laiffe à 
la vûë aucun veftige, à moins qu'on ne verfe beaucoup d'eau 
fur la matiére, & qu’on ne l’écrafe fortement avec les doi gts, 
comme il a déja été dit ci-deffus. : 

I eft cependant à remarquer que fuivant 1a nature de {a 
matiére brülée, dont on a tiré la premiére folution dont on 
fe fert, & auffi füivant que cette premiére folution eft plus 
ou moins nouvelle, linftant du paflage du rouge au noir 
eft plus ou moins court. Mais quoique ce paflage fe fafle 
quelquefois un peu attendre, il eft cependant toûjours aflés 
prompt, & même infiniment rapide, quand on le compare 
& à celui qu'excitent les fecondes folutions fur les Sublimés 
& fur notre préparation mercurielle, & à celui qu'excitent 
fur les Sublimés les premiéres folutions elles-mêmes. 

Quand ce paffage n’eft pas fi vif, comme il n'eft jamais 
long avec certaines folutions dont il fra parlé, on n’en 
apperçoit que mieux les trois couleurs qui fe fuccedent, & 
qui prennent en quelque maniére la place les unes des autres; 
mais quelquefois ce paflage qui fe fait comme celui d'un 
éclair, éblouit & permet à peine d’entrevoir les trois cou- 
leurs qui femblent à la vüë s’aller perdre & noyer au plütôt 
dans le noïr. 

I eft encore à remarquer que les premiéres folutions de 
toute matiére végétale quelconque ne produifent pas le paf 
fage fubit du rouge au noir dont on vient de parler. La pre- 
miére folution entr'autres de la Potafle, du moins celle dont 
je.me füis {ervi, n’a agi fur le Mercure pénétré des acides 
nitreux, & même fur les deux Sublimés, que comme le font 
toutes les fecondes folutions des {els dont il a été parlé, 

Nniy 


286 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 

Parmi les premiéres folutions avec lefquelles j'ai vû opérer 
le paflage fubit du rouge au noir, quand elles ont été faites 
avec ébullition, celle qui m'a toùjours paru demander un 
peu plus de temps que les autres pour fon opération, c'eft 
la premiére folution de la Cendre gravelée ; le noir même 
qu'elle répand dans la matiére, eft moins abondant que celui 
des autres, & c’eft pour cela que la liqueur furnageante de 
cette expérience, au lieu d'être noire, étoit claire. 

Avec les premiéres folutions de fel de Tartre & de fel 
de Soude, verfées féparément fur deux portions de la pré- 
paration mercurielle, l’arrivée du jaune &g le paflage du jaune 
au rouge, & du rouge au noir, fe font faits plus vite que 
dans l'expérience précédente , mais ils fe font daiflé diftin- 
guer ; & dans ces deux mélanges le noir a été encore bien 
plus abondant que dans le précédent , auffi la matiére du 
fond en 2-t-elle été toute recouverte, & la liqueur en eft-elle 
devenuëé comme de l'encre. 

Je remarquera à cette occafion que la premiére folution 
de fel de Soude avec laquelle J'ai fait la premiére fois l'expé- 
rience dont on vient de parler, me manquant prefque, & 
n'agiflant plus avec la même vivacité que devant, parce 
qu’elle étoit devenué ancienne; j'ai fait bouillir à différentes 
reprifes dans l'eau une même quantité de la Soude que j'avois 
déja mife en ufage, & j'ai fcrupuleufement obfervé pour 
chacune de ces premiéres portions de fel de Soude , la même 
manœuvre dont je m'étois fervi d’abord, cependant il eft 
arrivé, malgré cette attention, que deux de ces premiéres 
portions n'ont pas plûtôt fait venir le noir dans l'expérience 
dont il s’agit, que le fait la feconde folution du {el de Soude, 
ce qui prouve combien les circonftances qui font réuflir cette 
expérience font délicates & faciles à manquer. 

Enfin de toutes les liqueurs, celle avec laquelle j'ai vû le 
noir fuccéder le plus promptement aux deux autres couleurs, 
c'eft la folution de la Pierre à cautere. Dès qu'on a mélé 
quelques gouttes de cette liqueur à notre préparation, on 
apperçoit bien un peu le jaune qui vient d'abord, mais le noir 


, DE s ,:S'C/LE NN CE S 28 
fe prefle fi fort d'arriver enfuite, qu'il pafle, pour ainfi dire, 
par deflus le rouge, & le fait difparoître dans l'inftant ; ce 
n'eft cependant pas par l'abondance du noir qu'excite la 
folution, que ce noir arrive fitôt, mais par la vivacité & 
l'action brülante du fel que contient la folution; & en effet, 
après l'expérience qui dure bien peu de temps à fe faire, la 
liqueur qui furnage la matiére du fond, fe trouve claire, & 
cette matiére fe trouve auffi moins noire que celle de la 
premiére folution de la Soude ou de celle du T'artre. 

On remarquera que malgré tout ce qui vient d’être rap- 
porté de la folution de la Pierre à cautere, ce n’eft point 
une premiére folution, ce n’en eft réellement qu'une feconde, 
& qui agit plus vivement qu'une premiére, mais il faut ob- 
ferver que le fel de cette folution étant celui de la Cendre 
gravelée, il contient déja les parties de feu que ce fel à 
amaflées, & il y réunit encore celles qu'il a tirées de 1a 
Chaux avec laquelle il a été mêlé, ce qui lui donne {a pro- 
priété âcre & brülante qu'il n’avoit pas, du moins dans un 
auf haut degré, étant fimplement {el de Cendre gravelée, 
& que n'ont point auffi tous les autres fels fixes. Par cette 
opération de la Pierre à cautere, la Cendre gravelée, dont 
la premiére folution agifloit avec moins de promptitude pour 
1 production du noir, que les premiéres folutions du fel de 
Tartre & de celui de Soude fur le Mercure pénétré des acides 
nitreux, devient, comme on voit, plus aétive à.cet égard que 
ces deux Solutions, ce qui m'a paru mériter d'être remarqué, 


Expériences fur le rroifiéme Sublimé fait avec le Mercure 
coulant , le Vicriol êr le Selcommun, fuivanr les dofes 
+ cy-devant rapportées. 


Voici encore d’autres expériences nouvelles, très-diffé- 
rentes de toutes celles qui les ont précédées, & abfolument 
néceflaires pour l'éclairciflement complet que je me füis 
propofé de donner dans ce Mémoire fur l'épreuve prétenduë 
du Sublimé corrofif. 


288 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

J'ai donc fait, ainfr qu'il a été dit, du Sublimé avec le 
Mercure coulant, le Vitriol & le Sel commun. J'ai verfé {ur 
différentes portions de ce Sublimé, qui étoit fort blanc, 
toutes les liqueurs alkalines employées dans les expériences 
précédentes ; la plus grande partie de ces liqueurs l'ont for- 
tement noirci tout aufli-tôt, quelques-unes n’ont fait que le 
brunir, & encore après un peu de temps, mais elles l'ont 
toûjours rendu par-là très-différent de ce qu'il étoit aupa- 
ravant ; & avant que le noir ou le brun fuccédit au blanc de 
toute la matiére, & en prit la place, aucune de ces liqueurs, 
ce qui eft à remarquer, n'y a fait naître du jaune ou du 
rouge, ni rien qui en approchât, comme dans les expériences 
précédentes. 

I n’a point été queftion avec ce Sublimé, de ladiftinétion 
d'effets des premiéres & des fecondes folutions à l'égard de 
la liqueur furnageante, & de la petite maffe qui étoit au 
fond ; c’eft le Sublimé feul qui en a reçû l'impreflion, & le 
noir s’eft fi peu répandu dans la liqueur qui le furnageoit, 
& a été fi peu en état de s’y répandre & d'y demeurer, 
qu'en verfant encore un peu d’eau fur la matiére, l'écrafant 
& la remuant avec les doigts, la liqueur n’en a pas acquis 
pour cela la couleur du Sublimé, comme elle le fait en pareil 
cas, avec les deux autres Sublimés dont il a été parlé, & 
dans lefquels il fe forme toûjours une pouffiére fine & aflés 
légere, pour occuper, du moins pour un temps, l'étenduë de 
la liqueur, & ne s’en pas précipitéésæhinftant. 

Les premiéres & fecondes folutions qui ont véritablement 
noirci le Sublimé, & qui l'ont fait fur le champ, ce font 
celles 1.” de plufieurs fels tirés depuis peu & de différentes 
maniéres du Tartre rouge & du Tartre blanc, 2° les deux 
folutions du fel de Ia Cendre gravelée qui avec les autres 
Sublimés ne produifoient prefque point de noir, 3.° celles 
du Nitre fixé par les charbons, & enfin celles du fel de la 
Soude, qui eft celui qui a d’abord noirci plus que tous les 
autres, & dont le degré de noirceur eft toüjours refté Le 
même par rapport à celui qu'avoient excité les autres fels. 


La 


le 


a% 


DES SCIENCES 28 

La folution de la Pierre à cautere a aufli noirci d’abord 
le Sublimé, mais moins que n’avoit fait le fel de la Soude, 
& d'une nuance moindre que n'avoit fait auffi le fel de Ia 
Cendre gravelée. ù 

La premiére folution de la Potafle n’a d'abord rien fait 
fur le Sublimé , mais quelque temps après elle l'a fortement 
bruni, & en eft reftée [à dans la fuite, à la différence de Ia 
feconde folution du même fel qui a promptement noirci le 
Sublimé. 

Je ne puis paffer ici fous filence une autre fingularité ou 
bifarrerie d'expériences, qui m'a paru d’autant plus digne de 
remarque, qu'elle donne naturellement lieu à une confé- 
quence qui va bientôt trouver une jufte application. 

Je viens d’obferver que les premiéres & les fecondes {o- 
lutions de plufieurs {els de T'artre que j'avois fait depuis peu, 
avoient d’abord & fortement noirci notre troifiéme Sublimé. 
Cependant un fel de Tartre très-alkali, que j'avois fait auffi, 
mais anciennement, & qui a fervi fous le titre d’ancien {ef 
de Tartre dans les expériences précédentes, verlé fur ce 
troifiéme Sublimé, incapable de jaunir & de rougir, & fuf- 
ceptible feulement de noirceur par les fels fixes & lixiviels, 
n'y a d'abord rien fait, & l’a feulement bruni à la longue, 
mais moins que n'avoit fait la premiére folution de la Potafle ; 
& ce qui fait encore paroître davantage le fingulier& l’extra- 
ordinaire de ce fait, c’eft que cet ancien fel de Tartre qui, 
en comparaifon des reséilés & fecondes folutions du nou- 
veau fel de T'artre, fait peu de chofes fur le troifiéme Sublimé, 
noircit beaucoup & autant les deux premiers Sublimés, que 
le fait la feconde folution du fel de Tartre nouveau, & plus 
que la premiére du même fl, & qu’encore plufieurs autres 
premiéres folutions d’autres fels, qui en récompenfe agiffent 
bien davantage, & plus fortement que l’ancien {el de T'artre 
fur le troïfiéme Sublimé, qui femble les dédommager de ce 
qu'elles ont de moins, & de ce que l'ancien fel de Tartre 
a de plus qu'elles fur les deux autres Sublimés. 

Mem, 1734: . Oo 


290 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE Royare 

I n’eft pas aifé de rendre raifon de cette fingularité, 
non plus que de quelques autres qui ont été rapportées 
dans ce Mémoire; il nous faudroit pour cela de nouveaux 
faits, & de nouvelles obfervations, qui viendront peut-être 
dans la fuite nous éclairer; ce n'eft que par les lumiéres 
expérimentales, qu'on peut voir clair dans la Phyfique, & 
ce n'eft qu'avec de pareils fecours qu'un Chimifte doit fe 
permettre d'interpreter la Nature. 

IE nous refte préfentement à faire ufage, & à tirer de 
juftes conféquences de toutes les expériences dont il a été 
parlé dans ce Mémoire. 

1.” Le fait allegué par Barchufen, du noir qui fuccéde 
au jaune & au rouge dans le Sublimé corrofif ordinaire arrofé 
d'huile de Tartre, fe trouve parfaitement juitifié par l'aflem- 
blage & le concours unanime de la multitude d'expériences 
qui ont été faites fur les deux premiers Sublimés, & fur le 
Mercure pénétré des acides nitreux, & cela non-feulement 
avec une fimple folution du fel de Tartre, mais encore avec 
ce fel confidéré en plufieurs états différents, & avec plu- 
fieurs autres {els fixes confidérés aufli en différents états, 
& qui tous, fans fe démentir, atteftent la vérité de ce fait ; 
de maniére que fr, par une efpece de mal-entendu, il a 
été profcrit, & en quelque forte dégradé dans nos Mémoires, 
il s’y réhabilite par la foule d’autres faits qui dépofent claire- 
ment en fa faveur. 

2.° Si, fuivant nos obfervations, le fl de la Cendre 
gravelée, & celui de la Pierre à cautere qui, à proprement 
parler, font deux fels de Tartre, excitent bien moins de 
noir dans les deux premiers Sublimés, que les autres fels 
de Tartre dont il a été parlé, pourquoi le hazard n'a-t-il 
pes pü faire tomber entre les mains de feu M. Boulduc, un fe 
de Tartre qui y a fait encore moins que ceux de la Cendre 
gravelée, & de la Pierre à cautere, c’eft-à-dire, rien du tout, 
ou fi peu de chofe que l'effet n’en a point été fenfible? Le 
mème hazard a bien fçù me faire retrouver un ancien fel 


D Es: 181 CA: Ex NN CE 6 291 
_deTartre de ma façon, qui, fur le troifiéme Sublimé feule- 
ment, fait prefque l'oppolé d'autres fels de Tartre que j'ai 
faits depuis; du moins, au lieu de noircir ce troifiéme 
Sublimé dès qu'il y a été verfé, comme le font les autres 
els de Tartre, il y demeure long-temps, ainfi que nous 
venons de le remarquer, fans paroître y rien faire, & il 
n'y produit à la longue qu'un petit effet en comparaifon 
des autres. 

Le fel deTartre de notre Auteur a donc pü être à 
peu-près à l'égard de celui de Barchufen fur le Sublimé 
corrofif ordinaire, qui eft celui fur lequel nos premiéres 
expériences ont été faites, ce qu'a été notre ancien {el de 
Tartre à l'égard du nouveau fur le troifiéme Sublimé. Cette 
conjecture foûtenuë des expériences qui viennent d’être 
alleguées en faveur du fait de notre Auteur, tout contra- 
dictoire qu'il eft à celui de Barchufen, dont nous avons 
pris la deffenfe; cette conjecture, dis-je, devient une cer- 
titude, quand on fait réfléxion que M. Boulduc à fait voir 
en pleine Académie, la vérité du fait avancé contre celui 
de Barchufen. 

Enfin les expériences faites fur notre troifiéme Sublimé 

ui ne contient point d'Arfenic, & qui cependant noircit 
d'abord, & fortement, dès qu'on y verfe la folution de 
quelque fel fixe, non-feulement nous fourniffent une preuve 
complette & décifive de la faufleté du moyén dont on s'étoit 
avifé de fe fervir, poux diftinguer & reconnoître le Sublimé 
corrofif fophiftiqué d'Arfenic, mais elles nous indiquent 
encore de quelle maniére, & par quelle avaniure cette erreur 
a pü fe glifler, & s'établir, comme elle a fait, pour une 
vérité. Suppofons qu'un Sublimé parfaitement femblable à 
notre troifiéme Sublimé, foit tombé entre les mains de 
quelque Chimifle, capable d'en impofer par fa réputation 
de probité, & que de fhuile de Tartre répanduë par cas 
fortuit fur ce Sublimé l'ait aufli-tôt noirci; ce Chimifte qui 
avoit fait plufieurs fois du Sublimé corrofif ordinaire avec 

Oo ij 


2902 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

le Vitriol, le Sel commun, & le Mercure diffout par l'efprit 
de Nitre, & qui avoit remarqué que dans l'inftant qu'on 
verfoit de l'huile de Tartre fur ce Sublimé, il ne noircifloit 
pas, mais jaunifloit ou rougifloit, n’a pas manqué de faire 
fes réfléxions fur la fingularité du nouveau fait qui, pour 
ainfi dire, s’étoit préfenté de lui-même à fa vüë, & fans 
qu'il l'eût cherché; & la prévention bien ou mal fondée où 
Yon a toûjours été, & où l’on eft encore, de la fophiftica- 
tion du Sublimé corrofif par l’Arfenic, lui ayant fait ima- 
giner que ce nouveau Sublimé qui ne jaunifloit ni ne rou- 
gifloit point par l'huile de Tartre, pourroit bien ne devoir 
fa couleur noire, qu'au mêlange de l'Arfenic ; il y a lieu 
de croire que cette idée lui a tellement plü, qu'il a trouvée 
fi jufte, & l'a faifie de maniére qu'il n’a pas même daigné 
la vérifier par l'expérience, & que la confiance avec laquelle 
il la diftribuée comme un fait conftant, & une découverte 
de fa façon, a pü faire croire aux autres, qu'il s’étoit affuré 
par l'expérience, de la vérité de la chofe, & qu'il feroit 
dorefnavant inutile de la vérifier de nouveau. C'eft appa- 
remment ainfr que l'huile de Tartre eft devenuë l'épreuve 
du Sublimé corrofif; celui qui en a d’abord été noirci, a 
été taxé d’être arfenical, & chaque Auteur ayant avancé 
Ja même chofe fur la foi les uns des autres, cette erreur 
méconnuë, & prife pour une vérité conftante, s’eft ainff 
perpétuée jufqu'à nous, & pourroit fubfifter encore telle, 
fi le hazard ne s’en étoit peut-être mêlé, c’eft-à-dire, fi la 
fuite de quelque expérience faite à loccafion de toute autre 
chofe que de cette erreur, ne fe füt heureufement trouvée 
propre à jetter de la défiance fur fon compte, à la faire 
entrevoir pour ce qu'elle eft, & à donner lieu à de nouvelles 
expériences, dont les conféquences conftatafient davantage 
cette erreur. Quant à moi, je fçais parfaitement que dans 
prefque toutes les expériences que j'ai faites & avancées, 
foit pour la juftification de Barchufen, foit pour démontrer 


la fauffeté de l'épreuve du Sublimé corrofif par l'huile de 


DIET s: 1-01 ENT CEST 6 29 
Tartre, je n'avois pour objet, en les faifant, ni la jufifr- 
cation de Barchufen, ni l'épreuve en queftion. 

Quoique le noir fubit qu’acquiert notre troifiéme Sublimé 
par l'huile de Tartre, ne prouve rien moins qu'un mélange 
arfenical dans ce Sublimé, il peut cependant être regardé 
comme une preuve certaine que ce Sublimé peche par un 
autre endroit. Et en effet, quand on lexamine, on découvre 
qu'il n'eft point difloluble par l'eau, & qu'il a bien moins 
de force & de corrofion que celui qui s'y diflout. Qu'enfin 
quand on le fait refublimer affés de fois, & toûjours avec 
du Vitriol calciné, & du Sel décrépité, les nouveaux acides 
qu'il acquiert par-là le rendent alors difloluble dans l’eau, 
beaucoup plus corrofif qu'il n'étoit auparavant, & fuf 
ceptible à f'inftant, comme les autres Sublimés corrofifs, 
de la couleur jaune & rouge, par le moyen de l'huile de 
Tartre; de maniére qu'à proprement parler, la couleur noire 
qu'excite d'abord cette liqueur fur un Sublimé, ne prouve 
autre chofe, finon qu'il eft trop peu chargé d'acides pour 
être difloluble, & avoir le degré d'activité & de force du 
Sublimé corrofif ordinaire; aufli voyons-nous que le Su- 
blimé corrofif le plus fort, le plus aifément diffoiuble dans 
l'eau, & celui qui jaunit & rougit davantage par l'huile 
de Tartre, ayant été adouci par la perte de fes acides, & 
devenu par-là indiffoluble dans l'eau, tel que le Mercure 
doux, & a Panacée, ne contraéte plus à l’'inftant ni jaune 
ni rouge, mais une couleur très-noire, par la folution du 
fel de Tartre, ce qui arrive encore de même au précipité 
blanc qui, faute d'un affés grand nombre d'acides, ne fe 
foûtient plus dans l'eau, comme il faifoit avant fa précipi- 
tation, & lorfqu'il en contenoit davantage. 

Je finirai ce Mémoire par une réfléxion, c’eft. qu'il eft 
tout-à-fait trifte que la voye des expériences, dont on 
tire de fi grands éclairciffements, quand on fçait en faire 
ufage, donne fouvent lieu à de faufles induétions, & par 
conféquent à des erreurs d'autant plus dangereufes qu'elles 

o ii 


_ 


294 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLrE 

s'établiffent fur le pied de vérités inconteltables : & quoique 
la découverte de ces erreurs foit moins brillante, & flate 
moins fon Auteur, que celle de quelque vérité; foit pure- 
ment curieufe, foit utile, foit l'un & l'autre à la fois; ce- 
pendant fi lon pefoit d’une part les inconvénients de ces 
erreurs, & de l'autre les avantages de certaines vérités, on 
reconnoitroit peut-être qu'il vaudroit fouvent mieux fe 
défaire des unes, que de faire Ne in des autres. 

89% 


MORT 


plats 'SACILIEN CE 295 


RECHERCHES SUR LE TOUR. 


SEOGOOND MÉMOIRE. 


Par M. DE LA CONDAMINE. 


Examen de la nature des Courbes qui peuvent fe tracer 
par les mOuventents du Tour. 


N°: fappoferons dans ce Mémoire toutes les notions 
préliminaires que nous avons données dans le précé- 
dent, concernant le Tour figuré, & fa principale piece 
appellée Rofctte. 

Outre toutes les différentes fituations qu’on peut donner 
à l'outil, qui changent, comme on a vü, la figure tracée 
en confervant la même Rofette, le contour de la Rofette 
pouvant lui-même être varié à l'infini, il eft clair par ce qui 
a été expliqué, que l’on peut tracer fur le T'our une infinité 
de Courbes différentes; mais comme la Courbe tracée quelle 
qu'elle puifle être, a dans toutes fes fituations poffibles de 
Toutil, un rapport néceflaire & dépendant du contour de 
la Rofette qui la produit, c’eft ce rapport qu'on fe propofe 
d'examiner ici, & par-là de connoître en général la nature 
des Courbes qu'on peut tracer fur le Tour, en regardant 
comme connuës celles qui forment le contour de la Rofette. 

Outre le mouvement de rotation fur l'axe qui fait l’eflence 
du Tour fimple, & qui eft commun à tous les Tours, & 
le mouvement de parallelifme qui eft particulier au Tour 
figuré ordinaire, qu'on peut nommer Zour à Rofette; j'ai déja 
remarqué que l'arbre du Tour pouvoit recevoir un troifréme 
mouvement dans la direction de fon axe. Ce mouvement, 
à l’aide d'une feconde touche, d’un fecond reflort, & d’une 
piece appellée Couronne, qui fait en ce fens l'office de Rofette, 
fertà exécuter des creux & des reliefs für le plan de l'ouvrage. 


296 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

La plüpart des Tours figurés ont ce troifiéme mouvement, 
& cette méchanique eft à peu-près celle d’un Tour fort in- 
génieux & commun en Allemagne, ‘dont on fe fert pour 


- copier des médailles. On conçoit que dans un Tour qui a 


* Recherches 
Jar les Courbes à 
double courbure, 
Paris. 1730. 


ces trois mouvements, & qu'on peut appeller Zour à Rofette 
& à Coironne, la pointe de l'outil change de plan, & que 
par conféquent la Courbe tracée devient à double courbure. 

Le principal but qu’on fe propofe dans ce Mémoire, eft 
d'examiner la nature des Courbes planes que l'outil trace dans 
le Tour figuré ordinaire, fur un plan parallele à celui de 
la Rofette, en faifant abftraétion du troïfiéme mouvement 
qui feroit changer de plan à l'outil; & c’eft cette efpece de 
Courbe plane que nous entendrons deformais fous le nom 
de Courbe du Tour. 

Si l’on defire quelque chofe de plus, après avoir trouvé, 
comme on le peut en décompofant les mouvements du Tour, 
quelles font dans un Tour qui a les trois mouvements, les 
deux courbes qui feroient tracées chacune à part; lune fur 
un plan parallele à l'axe, en faifant abftraétion du moute- 
ment de parallelifime; Fautre fur un plan perpendiculaire à 
Yaxe, en fupprimant le mouvement direct de l'arbre : on 
pourra, par Ja méthode de M. Clairaut*, trouver la courbe 
à double courbure qui réfultera de la combinaifon de ces 
deux courbes planes confidérées comme fes projettions. 
Quant à préfent c’eft des courbes planes qu'il eft queftion. 

Pour commencer par le cas le plus fimple, on fuppofera d’a- 
bord la touche pointuë, c'eft-à-dire, telle qu'un feul & même 
point de Ia touche porte fucceflivement fur tous les points 
du contour de la Rofette. On examinera enfuite les effets 
des touches plattes, convexes, concaves, à roulette, &c. dont 
Vufage eft réel ou poffible; mais jufqu’à ce que nous faflions 
une nouvelle fuppofition, il eft bon d’avertir que tout ce 
qui fuit doit s'entendre dans l’hypothele de la touche pointuë. 

I faut encore obferver que par le nom d'outil, nous n’en- 
tendons qu'une feule pointe qui ne trace qu'un fimple trait, 
telle que l'outil que les Tourneurs nomment grain d'orge. : 

Le 


4 DES ScrEeNcEs 297 
Le rapport de la courbe tracée par l'outil au contour de 


la Rofette, n’eft difficile à appercevoir que parce que l'outil ‘ 


opere fur un plan différent de celui de la Rofette, & de 
plus mobile d'un double mouvement. Pour lever ces deux 
obftacles, 1.” nous rapporterons Îa courbe tracée par l’outil 
au plan de la Rofette, comme on a fait dans les figures du 
premier Mémoire. 2.° On fuppofera que farbre, & par 
conféquent que la Rofétte! n'a plus aucun mouvement, ni 
de parallelifme, ni deïôtation, & on les remplacera par des 
mouvements équivalents qu'on donnera à l'outil. Tout ceci 
fe concevra mieux par un exemple. 

. Soit la Rofette quarrée 7 © 0, dont le centre & celui 
de arbre du Tour eft C. 1..° Le plan de l'ouvrage fur lequel 
l'outil trace la figure Oo Q, plan qui, dans la conftruétion 
ordinaire du Tour, ef fitué à l’autre extrémité de l'arbre, 
parallelement à la Rofette, fera ici fuppofé, rapproché & 
projetté fur le plan même de la Rofette TO 0, tel qu'on 


Planche II. 


Fig. 1, 


le voit dans la figure. Cette fuppofition ne change rien 


d’effentiel à la conftruétion du Tour, c’eft feulement comme 
f la longueur de Farbre qui n'eft faite que pour la com- 
modité de louvrier, étoit réduite à un point, en forte que 


la furface de l'ouvrage ou le plan fur lequel l'outil travaille, - 


f£ trouvât contigu au plan de Ia Rofette. 
If eft à propos, d’obferver que comme il a été plus com- 


mode dans la Mathine du premier Mémoire, de faire faire - 


le mouvement de parallelifme dans la ligne verticale, au lieu 
que dans la conftruction ordinaire du Tour, l'arbre fe meut 
horifontalement|; on fuppofera ici dans toutes les figures, 
la touche en T'au-deflus, & non à côté de la Rofette en r, 
ce qui ne change rien à l'effet. 


2. L'axe de l'arbre réduit à un point étant repréfenté - 


dans la figure par le centre C, le mouvement du point C,. 


dans le plan de l'ouvrage, le Iong de la ligne CT, repré- 

fentera le mouvement de parallelifme de l'arbre du Tour 

ordinaire; pour remplacer ce mouvement, en fuppofant la 

Rofette immobile, il faut concevoir que la touche 7, & 
Men 1734 | “PP 


298 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE 
Voutil O font adhérents au plan de l'ouvrage devenu par 
la fuppofition précédente, contigu au plan de Ja Rofette, & 
que ce même plan qui porte la touche & l'outil, eft mobile, 
en forte que fon centre peut décrire la ligne C, 

Pour fe bien repréfenter ce mouvement, iln’y a qu'à 
imaginer que le plan contigu à la Rofette, dans lequel nous 
avons fixé la touche & l'outil, porte une rainure ou coulifle 
dans la direction ZC, qui lui permet d’aller & venir le Jong 
de cette ligne, en s’approchant ou s'éloignant du point C, 
pris fur le plan de la Rofette devenuë immobile. De cette 
maniére, quelle que foit la pofition de la touche 7° & de 
Voutil O, ce mouvement du plan de l'ouvrage remplacera 
celui qu'a le centre de la Rofette le long de la même ligne 
TC, ou tC, dans la conftruction ordinaire du Tour. 

3° Enfin, au lieu que le plan de la Rofette TO, 
tournoit fur fon centre C, la touche & l'outil demeurant 
immobiles en 7 & en O, ce fera le plan parallele à la Rofette, 
& contigu, qui porte la touche & l'outil 7 & ©, que nous 
ferons tourner fur le centre €, en rendant la Rolfette fixe, 
ce qui eft encore abfolument la même cholfe, 

La rainure 7°C du plan contigu à la Rofette permettant, 
par la feconde fuppofition, à la touche 7, fixée fur ce plan, 
de s'approcher & de s'éloigner du centre fixe C de la Rofette, 
& par la derniére, le même plan étant mobile fur fon centre, 
il eft aifé de concevoir que ces deux uvements réunis 
donneront la facilité de promener la touche T'{ur les bords 
de la Rofette, en fuivant les inégalités de fon contour ; l'outil 
O, entrainé par le même plan qui le porte, décrira le même 
trait que dans la conftruction ordinaire du Tour. 

Tout ceci bien entendu, la folution de ces Problemes, 
dont l'un eff l'inverfe de l’autre, fe préfente d'elle-même. 


PROBLEME X 


Le contour d'une Rofette quelconque, ér-la pofition refpecfive 
du centre de la touche ér de L'outil fur un même plan étant donnés , 
trouver [ur ce plan tous les points du deffein qui en réfultera? 


DES SCIENCES. 299 


PROBLEME IL 


Un deffein ou un contour quelconque étant donné avec la 
pofition du centre de la touche à de l'outil, trouver fur le même 
plan tous les points du contour de la Rofette qui doit produire 
un pareil deffein ! 

Soit tout ce qu'on a déja fuppofé dans la figure précé- 
dente, l'outil répondant au point © fur le plan de la Rofette, 
dans le moment où la touche porte fur le bord de la Rofette 
au point 7: Que le plan contigu à la Rofette fur lequel 1a 
touche & l'outil font fixés, commence à tourner fur fon 
centre, en forte que la touche partant du point 7, porte 
toûjours, en tournant, fur le bord de la Rofette; il eft clair 
qu'elle répondra fucceflrvement aux points 7;f,r, 0, © ; mais 
par l même raïifon, outil partant du point O répondra 
dans le même ordre aux points O, 0, o, w, Q : car, quand Ia 
touche fera arrivée au point T’fur l'angle de la Rofette, la 
ligne 7'C dans laquelle fe meut le centre du plan qui porte 
k touche & Loutil, la ligne TC, dis-je, fera tranfportée 
fur 7 C; & la diftance de a touche à l'outil étant toüjours 
la même, en prenant fur 7C, TO égal à TO, on aura 
le point O où répondra alors l'outil; on trouvera pareïlle- 
ment tous les points 00% Q de l'outil, correfpondants aux 
points #, r, 0, ©, dela touche, on aura donc dans cette pofi- 
tion de l'outil, la figure O Oo 0 © Q, femblable à la Fi. Je 
du premier Mémoire, où les pofitions de a touche & de 
loutil'étoient les mêmes. 

Avec la même Rofette 7+ 0©, fi l'outil ou le-crayon 
eft placé de l'autre côté de la touche T'au point © dans la 
ligne 7C, prolongée au de-R du centre, on trouvera pareïlle- 
ment tous les points O, O, 0, 0, ©, Q, de la courbe que doit 
tracer l'outil dans cette fituation, en ouvrant le compas de 
l quantité 7'O, égale à l'intervalle qu'on a voulu mettre 
entre la touche & l'outil, & portant cette ouverture du 
compas 7°O de chaque point 7,4,r, &c. du contour de la 
Rofette en O,0,0, &c. fur les rayons prolongés TO, 10, + 0. 

Ppi 


Fig. 2. 


Fig. 


3 


300 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE 
Dans cet exemple, la courbe tracée fera pareille à celle de 
la Fig. 4. de Yautre Mémoire. 

Si la touche étoit entre le centre & l'outil; par exemple, 
fi l'outil étoit au point Q, plus loin du centre quela touche, 
il n'y auroit pas plus de difficulté pour trouver les points 
de la courbe, & on s’y prendra toüjours de la même maniére, 
tant que le crayon & fa touche feront dans l'alignement du 
centre, {ur quelque point de la droite 7€, prolongée ou 
non prolongée, que foit placé l'outil. Si on le fuppole placé 
en Q, la touche étant en 7, on trouvera la courbeQ A BCE, 
femblable à celle de la Fig. 2. du premier Mémoire, qui avoit 
été tracée avec la Machine, dans de pareilles circonftances. 

Dans les exemples précédents, on a toüjours fuppofé l'outik 
dans l'alignement du centre & de la touche. Quand Ia po- 
fition de l'outil eft oblique, c'eft-à-dire, lorfqu'il eft placé 
hors de cet alignement, le cas devient un peu plus compo, 
mais on ne laiflera pas de trouver les points de la courbe 
tout aufli exactement. 

Suppofons, par exemple, l'outil placé hors de l'alignement 
de la touche & du centre au point O dela Fig. 7, la touche: 
étant en 7: Quand la touche fera parvenuë en 7, on trouvera 
la place de l'outil ou crayon, en prenant le point O à même 
diftance de la touche 7°, qu'étoit le point O de T, & fur 
la ligne 7°O qui fait le même angle avec le rayon TC, dans 
lequel eft maintenant la touche 7’ que faifoit 7 O, dans fa 
premiére fituation, avec le rayon 7C. Par la même raifon, 
quand la touche fera arrivée au point #, en tirant #0 qui 
fera avec rC le même angle que TO avec TC, & prenant 
{ur 10 prolongée, la diftance 10 égale à TO, on trouvera le 
point o, & ainfi des autres, la fuite des points O, ©, 0, 0, w, 
formera un contour femblable à celui de la Fig. 9. du pre- 
mier Mémoire. 

On trouvera de la même maniére tous les points de Ia 
courbe, en quelque point que foit placé l'outil hors de Faligne- 
ment de la touche ou du centre, & nous retrouverions ici, 
en parcourant toutes les pofitions de la touche & de l'outil, 


DIE s11$ ChENCESs 30 
toutes les figures du premier Mémoire, tracées dans les 
mêmes circonftances. Les trois exemples que nous venons. 
d'alleguer , fufhfent pour faire voir que dans tous les cas, 
foit que la pofition de l'outil foit directe ou oblique, on à 
un moyen fur pour trouver tous les points de la figuré 
tracée, ce qui eft la réfolution du premier Probleme propofé, 


_paflons au fecond. 


On fuppofe maintenant que le contour que doit tracer 
Toutil, eft donné, les pofitions refpectives du centre de la 
touche & de loutil font pareïllement déterminées : on 
cherche la Rofette qui, dans ces circonftances, produira le 
deflein donné. Il n'y aura pas plus de difficulté que dans 
Vautre cas. 

Pour en donner un exemple fenfible & différent des pré- 
cédents, -je fuppofe que fon cherche la Rofette qui feroit 
tracer à l’outile contour O 00 de Ia tête de profil repréfentée 
par la Fig. 4. le centre commun de la Rofette cherchée & 
du deflein donné étant fuppofé en C, & la touche en 7, 
quand foutil eft en O. 

De chaque point O, ©, 0, 0, ©, &c. pris fur le contour 
du deflein, on tirera par le centre C, les droites OC, OC, 
oC, oC, wC, prolongées indéfiniment, & portant une des 
pointes du compas ouvert de la quantité O T' fucceflivement 
{ur tous les points O, O, &c. l'autre pointe marquera fur 
les lignes OC, OC, &c. prolongées, les points T, 7, r; 
T, +, 8, ©, qui formeront le contour de la Rofette cherchée ù 
& l’on aura la réfolution du fecond Probleme propofé.. 

Autrement, fi lon promene l'extrémité O de Ia ligne 
droite O T'fur le contour O, O, o, &c. en forte que li même 
ligne OT s'applique fucceffivement fur les lignes OT or, 
OT, w0, (©, en paflant toüjours par le centre C, l'autre 
extrémité Z' de Ia ligne mobile O T' tracera le contour de 
la Rofette T 77, &c. d’un mouvement continu. 

. C'eft ce qui a donné l'idée de l'inftrument dont on va 
donner la defcription. 

Si la touche étoit fuppofée hors de l'alignement du centre 

_ Pi 


Fig. 4ù 


302 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE à 
& de l'outil, par exemple, au point 7, lorfque Foutil eft 
en O, en forte que O T'fit un angle avec OC au point O, 
au lieu de ne faire avec O C qu'une même ligne droite, il 
faudroit, pour trouver tous les points 7, #,r, &c. de la Ro 
fette, obferver de faire faire à cetteligneOT, mefure de la 
diftance de la touche à l'outil dans fes différentes pofitions 
OT, of, or, &c. un angle aux points O, 0, 0,w, ©, avec les 
lignes OC, oC, oC, wC, QC, toüjours égal à celui que fait 
OT avec OC dans fa premiére pofition, comme on l'a ob- 
fervé dans l'exemple de la pofition oblique /F3g. 3.). 

Chacune de ces deux Rolettes eft l’unique qui puife faire 
tracer à loutil le contour du profil OOo dans les fituations 
données des points C, 7,0, mais on conçoit que tous les 
changements poffibles de Ia fituation de Fun de ces trois 
points, feront trouver une Rofette différente, capable de 
faire tracer à l'outil le même contour, fr on a Ia liberté de 
prendre ces trois points à volonté, & que le deflein feule- 
ment étant donné, on cherche la Rofette la plus propre à 
le produire. Parmi les diverfes pofitions refpeétives des points 
C,T &O, qui donneront autant de différentes Rofettes, on 
choifira, pour la facilité de l'exécution, celle qui donnera 
le contour le plus coulant & Île moins anguleux, & celui 
dont les angles feront les moins aigus. 

C'eft dans cette vüë, & en même temps pour plus de 
fimplicité, qu'à moins de quelque raifon particuliére, 1° on 
prendra le centre € à peu-près au milieu de la figure. 

2.° On préférera la pofition directe ou en droite ligne 
TCO de la touche du centre & de l'outil /Fäg. 30. du rer 
Mlem.) à la pofition oblique TCO (Fig. 31. du 1.47 Mem.} 

3.” On placera la touche & Foutil des deux côtés op- 
pofés du centre en 7 & en ©, plûtôt que du même côté 
du centre. 

4° On:prendra le plus petit intervalle TC de là touche 
au centre, plus grand que le moindre CO du centre à l'outil, 
afin que le contour de la Rofette foit par-tout plus éloigné du 
centre commun que celui du deffein, & puifle lembraffer. 


"7 


DIE S SCIENCES. 303 

En fe rappellant ce qui a été obfervé plus haut, & dans 
le premier Mémoire, fur les diverfes pofitions de la touche 
& de l'outil, on trouvera facilement les raifons du choix de 
ces circonftances, quelle que foit la fituation refpective de 
la touche, & de l'outil, foit droite, foit oblique par rapport 
au centre; nous avons donc un moyen certain pour trouver 
tous les points de la figure cherchée fur le plan de la Rofette 
donnée, ou tous les points du contour de la Rofette qu'on 
cherche, fur le plan où eft tracée la figure prefcrite, ce qui 
eft la réfolution du double Probleme que nous nous étions 
propolé préliminairement, pour mieux reconnoître le rap- 
port qu'ont entre eux les deux contours. 

Avant que de pañler à cet examen purement géométrique, 
il nous refte à donner la defcription de l'inftrument dont 
on vient de parler, qui fournit un moyen court & facile 
de trouver fur le champ, & de tracer d'un mouvement 
continu, tous les contours poffibles des Rofettes, propres 
à exécuter un defléin donné, & réciproquement tous les 
deffeins poflibles que peut produire une Rofette donnée ; 
& cela fans être obligé de limer des modeles en cuivre, 
comme dans la Machine décrite dans le premier Mémoire. 

Cet infrument a les mêmes ufages, & peut tenir lieu 
de la Machine de M. Grammare, dont on 2 parlé dans le 
premier Mémoire, qu'il appelloit fon Oracle, & de laquelle 
on n'a pü avoir aucune connoïflance. 
. ABCD eft une regle de trois pouces de long, percée 
d'une rainure dans fa longueur, la partie À  eft percée de 
plufieurs trous en écrous, afin d'approcher ou d'éloigner 
plus ou moins la pointe B, dont la tête eft faite en vis: 
cette regle eft embraflée par les tenons £,G, d'une feconde 
regle aufli percée d'une rainure ; la premiére peut glifler 
fous la feconde qui porte un petit barillet L, dont le reflort 
tire toûjours à lui la regle de deflous qui lui eft attachée 
avec un fil en D, cette même regle porte une feconde 
pointe V, qui, par conféquent, tend toujours à s'approcher 
du’centre P, ce centre et déterminé par une troifiéme 


Planche I, 
Fig. À, 


Planche I. 
Fig. B. 


304 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
pointe P qui traverfe les deux regles, & qui eft fixée fur 
la regle de deflus £G, au point où l’on veut, avec l’écrou Z.. 
Voici comme on fe fert de cette Machine. | 
Soit le contour de profil d’une tête 7, pour lequel om 
cherche la Rofette la plus convenable; après avoir découpé 
ce profil en carte, on le colle fur une autre carte RS, enfuite 
on prend à volonté un point 7” pour centre au dedans du 
contour de la tête; on perce les deux cartes en ce point, 
& on les attache fur un plan, en y enfonçant la:pointe P; 
après quoi on pole la pointe A fur le contour de relief de 
la tête découpée; on tourne enfüuite à la main, toute la 
Machine, en faifant toûjours porter la pointe A fur le bord 
de la découpure, ou mieux encore, on ne fait que tourner 
d'une main la carte fur fon centre, en tenant de d'autre la 
Machine fixe, & en ayant attention que Îa pointe NV ne 
quitte pas le bord de la carte découpée. Dans l'un & autre 
cas, la pointe Z portant fur la grande carte RS, y trace 
le trait VX qui eft le contour de la Rofette cherchée: la 
pointe AN, rappellée fans cefle vers le centre P, par l'effort 
du reflort L, & repoufiée par le relief du profil découpé, 
en fuit aifément le contour, tant que ce contour ne s'éloigne 
pas du centre en ligne droite, c'eft ce qu'il faut éviter autant 
qu'il eft poffible, en choïfiflant au dedans de ce contour, 
un centre pour placer la pointe fixe P. Si on ne peut em- 
pêcher que la pointe W n’accroche en quelqu’endroit, comme 
au-deflous du nés, par exemple, & que le contour découpé 
ait la pente trop roide, pour repoufler la pointe Ven gliflant, 
if faudra aider un peu avec la main; mais on pourra fauver 
encore ce petit inconvénient, fi on retrace le même trait 
en tournant le carton d’un fens oppolé; de cette maniére, 
Ha pointe qui ne pouvoit, par exemple, remonter fans le - 
fecours de la main, de la narine vers la pointe du nés, glifiera 
fans difficulté, & fera rappellée par la force du reflort, de 
la pointe du nés vers la narine. En changeant de centre P, 
ou en éloignant plus ou moins les deux pointes 3. & AN, 
on fera différents contours, & on choifira le plus coulant 
& le 


DES SCIENCES 350$ 
& le plus praticable fur le Tour, pour fervir de modele à 
la Rofette; avant que de la tailler, il eft à propos de la vé- 
rifier, en découpant une carte fur le trait !°X de la Rofette 
trouvée, & faifant porter une pointe fur le contour, pour 
voir fi l’autre pointe /V redonnera exactement le contour 
de la tête 7° qu'on fe propole d'exécuter. 

Dans cet inftrument on à fuppofé la touche, le centre 8& 
l'outil en ligne droite, parce que cette fituation eft plus 
fimple & plus commode pour la pratique. Si on étoit curieux 
de voir l'effet des pofitions obliques , il feroit aïfé, en adjoû- 
tant à l'extrémité 4-de fa regle AD un petit bras mobile 
fur un clou qui lui ferviroit de centre, de tranfporter hors 
de l'alignement du centre & de la touche la pointe 3 qui 
trace la Rofette, & de lui faire faire un angle quelconque 
avec cet alignement. 

Nous voici parvenus à notre objet principal. II eft quef- 
tion de découvrir la nature de la Courbe tracée par l'outik 
du Tour. Le trait de la Rofette & celui du deffein étant 
rapportés fur un même plan, comme on en a donné les 
moyens, leur rapport va fe manifefter de lui-même. 

Commençons par le cas le plus fimple, & toûjours dans 
lhypothefe de 1a Touche pointuë. 

Soit la droite AB (Fig. 6.) le côté d'une Rofette dont C 
foit le centre ; foit 72°O pris en ligne droite fur CT’, la 
diftance de l'outil © à la Touche 7: De l'ufage expliqué de 
linftrument précédent & de fes mouvements démontrés 


équivalents à ceux du Tour, il s'enfuit que tandis que\la 


Touche 7 parcourt le côté AB de Ia Rofette, l'outil O de- 
meurant toùjours dans Valignement de la Touche & du 
centre, & confervant fa même diflance 70, TO, à la 
Touche 7°, décrira 
r,” La courbe 0 OO concave à l'égard du centre C, fr 
Voutil eft plus éloigné du centre que la Touche 7, & fitué, 
par exemple en O, de l'autre côté de la ligne 42. 
2° La courbe 0'O'O';, convexe parrapport au centre C; 
Mem. 1734 


Fig. 6 


06 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RovALr 
{i l'outil eft plus près du centre que la Touche 7, & placé 
comme en O' en de-çà de la ligne A2. 

3.” Enfin la courbe rentrante 0" O0" 0", fi l'outil eft 
fitué, par exemple en O”" de l'autre côté du centre € que la 
Touche 7; | 

On voit que les trois cas ont cela de commun que les 

inis 0,0”, O", font toüjours dans les lignes TE, TC, pro- 

ngées ou non-prolongées, & que les lignes 70, TO, 
font égales entr'elles, ainfi. que 70’, TO’, & 70”, TO”. 

On reconnoit déja cette courbe tant à fa figure qu'à la 
maniére de la décrire pour la Conchoïde de Nicomede, 
dont C centre de la Rofette fera le pole, A B côté de la 
Rofette, la La/e, dont 7° la Touche fera le point parcourant, 
Q l'outil le point décrivant, & OT diftance de Fun à l'autre 
la mefure. Ceci n'a pas befoin de démonftration, c’eft une 
conféquence évidente de ce qui a été précédemment expofé. 

I faut obferver que fi d'ordinaire fous le nom de Con- 
choïde de Nicomede on n'entend que la premiére de ces trois: 
courbes, c'eft-à-dire 000, ou quelquefois la fecondeO'0O'0" 
produites lune & l'autre en prenant des parties égales 70: 
ou TO’ fur les rayons tirés du pole C foit en de-cà foit 
au de-là de la bafe AB, il n’en eft pas moins vrai que la 
courbe O0" O" O” qui a une portion en de-çà, & Fautre 
au de-R du pole €, & qui fe décrit de la même maniére & . 
avec les mêmes conditions que les deux autres, eft précifé- 
ment la même efpece de courbe, & que ce troifiéme cas 
eft renfermé comme les deux premiers dans l'équation de 
Ja Conchoïde de Nicomede. 

Mais deux circonftances diftinguent Ia courbe du Tour 
généralement prife de la Conchoïde de Nicomede, l’une que 
celle-ci a toùjours pour bafe une ligne droite, au lieu que 
le côté de la Rofette qui fert de bafe à Hi courbe du Tour 
La être une courbe quelconque ; l'autre, que dans la Con- 

oïde de Nicomede le point décrivant qui trace la courbe 
eft toûjours dans l'alignement du pole & du point parcou- 


nt, au lieu que.dans, kx eourbe du Toux la pointe de l'outil 


DES :SC'I'EN CES 


TT 
peut ètre fituée hors de l'alignement du centre & de la 


‘Touche, comme dans les pofitions que nous avons nommées 
obliques , & dont on a donné des exemples. 

La courbe du Tour, prife en général, n’eft donc pas une 
Conchoïde de Nicomede ; mais comme les différences qu’on 
vient de remarquer n’alterent point le principe de généra- 
tion, qui, au fonds eft toüjours le même, la courbe du Tour 
peut être confidérée comme une forte de Conchoïde plus 
générale que celle de Nicomede. 

En effet foit la bafe AB (Fig. 7.) repréfentant le bord de 
la Rofette, une courbe quelconque, au lieu d'une droite, 
comme dans l'exemple précédent. Soit le point € 1e centre 
de la Rofette, & 7 le lieu de la Touche ; fi l'outil eft fitué 
au point O fur TC prolongée, il ne manquera à la courbe 
O 0° 0 qu'il tracera, pour être une Conchoïde de Nico= 
mede, que d'avoir une bafe droite; mais fr Foutil eft fitué 
au point © hors de la'ligne 7'C, en forte que la ligne TO, 
diftance de la Touche à foutil qu'on a nommée la wefure; 
fafle un angle conftant avec la ligne TC qui paffe toûjours 
par le pole C, & que nous nommerons la Regke ; la courbe 
QQ° Q° tracée par le point Q fera une autre efpece de 
Conchoïde différente de la premiére. 

De tout ce qui vient d’être obfervé, on peut tirer les 
conféquences fuivantes, qui font générales dans l’hypothefe 
préfente de la Touche pointuë , & qui, vi ce qui précede, 
paroîtront évidentes. 

1. Toute figure tracée Jur le Tour eff compofée d'autans 
d’arcs de Conchoïdes prifes au fens que nous venons d'expliquer, 
qu'il y a de lignes droites ow courbes qui compofenr le: contour 
de la Rofette. 

2. Chacun de ces arcs de Conchoïde a pour bafe la partie 
du contour de la Rofette, le long de laquelle la Touche a gliffé 
pendant que l'outil traçoit la courbe. | 
# 3° Par conféquent ces arcs feront égaux on femblables entre 
eux, fe les côtés de la Rofette font égaux ou femblables, ou ils 
aerle: feront pas, fi les côtés: de la Roferte font Sn jo 

Ke dy 


Fig. 74 


Fig. 7. 


308 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

4." Le Pole de tous ces arcs de Conchoïdes qui compofenr 
la figure tracée par l'outil, eff le centre de l'ouvrage ou du plan 
Jur lequel la figure eff tracée, r ce centre répond & celui de la 
Rofette , chacun des deux étant un point de l'axe de l'arbre du Tour. 

5" Le point décrivant 4e toutes ces Conchoïdes eff la pointe 
de l'outil qui, bien qu'immobile dans la conftruétion ordinaire 
“du Tour, trace fur le plan de l'ouvrage, au moyen du mouvement 
de l'arbre, la même ligne qu'il décriroit fi l'arbre etoit immobile, 
comme nous l'avons fuppofe, à" que fes mouvements fuffent palfés 
dans la toucher dans l'outil, 

6. Le point parcourant des mêmes Conchoïdes , c'efFà-dire, 
de point qui, dans la defcription de ces courbes, parcourt la ligue 
qui leur fert de bafe, eft repréfenté fur le Tour par la pointe de 
la touche qui, quoiqu'immobile, fait le même chemin fur les bords 
de la Rofette tournante, qu'elle feroit fi elle étoit promenée fur le 
contour de la Rofette immobile, comme on l'a fait voir. Ainfi dans 
Ja conffruéion ordinaire du Tour, le point parcourant de la courbe 
tracée n'eft pas fitué fur la même furface où eff tracée la courbe, 
c'eff-à-dire, fur le plan de l'ouvrage, mais fur le plan de la Roferte, 
Zequel lui eff parallele. On a donné le moyen de rapporter le contour 
de la Rofette & celui de la figure fur le même plan. 

7. La mefüure de la Conchoïde, ou la diflance entre le point 
décrivant € /e point parcourant e/f toéjours fur le Tour, l'in- 
tervalle entre la pointe de la touche la pointe de l'outil, rapportées 
Sur le plan de la Rofette, ou fur tout autre plan parallele, &r cela 
quelle que foit la pofition de la touche à de l'outil, foit droite, 
foit oblique. 

8.° Enfin la regle de ces mêmes Conchoïdes, ou la ligne tirée 
du point parcourant, paffant par le pole, &r prolongée indéfr- 
niment, fera fur le Tour la ligne tirée de la touche par le centre 
de la Rofetre. 

Pour diftinguer les deux efpeces de Conchoïdes 0? 0° O 
&Q'Q°Q /Fig. 7.) on nommera Conchoïde directe, la pre- 
micre 00O, dans laquelle la mefure TO eft prile fur 1 
regle 7C'prolongée ; ayant déja nommé #rede, cette pofition 
de l'outil O dans l'alignement de la touche 7° & du centre €, 


DES SCIENCES. 09 
‘on nomméra par la même raifon, Conchoïde oblique, la feconde 
AQQ, dans laquelle Ia mefure 7Q fait un angle Q TC 
avec la regle ZC, cette pofition de l'outil O hors de Fa- 
lignement de la touche 7° & du centre € ayant été déja 
nommée po/irion oblique. : 

Dans l'hypothefe la plus fimple que nous examinons aétuel- 
lement, c’efl-à-dire, dans lhypothefe de la touche pointuë, 
dont un feul & même point touche les bords de la Rofette, 
ce font donc généralement parlant, des arcs de Conchoïde 
que décrit l'outil. Mais pour voir plus particuliérement 
quelles différences réfultent dans la courbe tracée, des diverfes 
duppofitions qu'où peut fire, tant fur la figure de la Rofette, 
que fur la pofition refpective de la touche & de l'outif, 
mous allons parcourir les divers cas que donne f'hypothefe 
de la touche pointuë, avant que de pañier aux effets des autres 
touches ; cela nous donnera lieu en même temps, de rappeller 
ce qui a été fait fur cette matiére, plufieurs des courbes dont 
il eff ici queftion, s'étant préfentées en diverfes rencontres 
à de célébres Mathématiciens, qui ne les ont pas toûjours 
‘onfidérées fous lafpet de Conchoïdes, fous lequel elles 
£ réuniflent.. à 

Je diftingue trois cas principaux qui comprennent tous 
les cas particuliers. , 

Le premier eft celui où le côté de la Rofette eff une droite, 
L'outil étant dans une pofition dire, ou dans l'alignement du 
centre à de la touche. 

Le fecond, celui o4 le côté de la Rofette eff courbe, l'outil 
“étant pareillement dans une pofition directe. 

Soit que le côté de la Rofette [oit droit ou courbe, je n’en 
fais qu'un feul cas, orfque la pofition de l'outil ef? oblique, où 
hors de l'alignement de la touche é7 du centre ; ce cas qui eff 
de troifiéme, eft le plus général, & renferme tous les autres; 

.& quoique les Fourneurs n’ayent pas jufqu'ici donné com- 
-munément de pofition oblique à l'outil, on a fait voir dans 
de premier Mémoire, quels étoient fes ufages & fes avantages. 
Dans lepremier cas, la courbe du Tour ef une Conchoïde 


Qq ii 


Sp.s6. 


Fig. 8. 


* Mem. de 
l'Acad. 1 70 8, 
p. 208. 


310 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 
de Nicomede, on la vü, & cela eft évident /Fig. 6.) 

Dans le fecond il faut diftinguer, car les côtés de la Rofette 
#ont des arcs de cercle, ou des portions d’une autre courbe. 
Si ce font des arcs de cercle, il y a encore plufieurs fubdi- 
vifions à faire, car le centre fur lequel tourne la Rofette 
peut être pris, ou fur un point de la circonférence, ou en 
dedans, ou en dehors du Cercle-Roferte, & dans tous ces cas 
Ja diflance de la touche à l'outil peut être égale au diametre 
ou au rayon du même cercle, & plus grande ou plus petite 
que Jun & l'autre; on va voir pourquoi nous diftinguons 
chacun de ces différents cas. 

Si le contour de la Rofette eft circulaire, que le centre 
fur lequel tourne la Rofette foit pris fur un point de la cir- 
conférence du Cercle-Rofette, & que la diftance de la touche 
à l'outil foit égale au diametre du même cercle, la courbe 
du Tour fera celle fur laquelle M. Carré a donné un Mémoire 
en 1705*. 

Pour le démontrer, il fufht d’obferver que la courbe de 
M. Carré n’eft autre qu'une Conchoïde dont là bafe eft un 
cercle PBGB, le pole un point de la circonférence P, & 
Ja mefure PG un diametre du même cercle. M. Carré cite 
fur cette courbe un M. Koërfma, à cela près, il la donne 
pour nouvelle. Cependant M. de Reaumur a démontré * 
que c'étoit une portion de Cycloïde géométrique, ce qui 
n'empèche pas que ce ne foit aufli une Conchoïde, car ül 
eft vrai que M. Carré abandonne fa courbe au point €, 
prefque à fon origine, ne faifant parcourir à extrémité B 
du diametre mobile PG qui devient BP, Bc & PC, que 
la demi-circonférence GBP en dedans du cercle, fans doute 
parce que, pour parcourir autre P4G, il eût fallu que le 
diametre mobile parvenu en PC, quittât le point fixe ou 
pole P, ce qui n’étoit pas un obftacle, pourvû que fon aligne- 
ment prolongé paflât toujours par le pole. En continuant 
de faire parcourir avec cette condition, l'autre demi-circon- 
férence PBG, au mème point 2, parvenu en ?, du diametre 
mobile, par le côté extérieur du cercle, l'autre extrémité € 


Le 


DES SCIENCES, 311 
de ce diamètre décrira la portion C c F de la courbe juf- 
qu'en F'; alors le point G ayant été tranfporté fucceffive- 
ment en £, B, ?, B, b & G, aura décrit la circonférence 
entiére du cercle étant parti du point G, & revenu au même 
point. I n'y aura cependant. encore que la moitié de la 
gourbe tracée, car faifant parcourir une feconde fois la cir- 
conférence au même point 4 du diametre mobile actuelle- 
ment revenu en #G, en faifant prendre fucceflivement à ce 
diametre les pofitions Bx, PC, Bc, GP, telles que ce dia- 
metre mème ou fon prolongement pafle par le pole P, on 
aura autre moitié ponctuée F'x CcP égale & femblable à 
la premiére, & les deux enfemble compeferont la courbe 
entiére, dont on voit une moitié décrite dans le Traité de 
M. de la Hire fur les Conchoïdes *, duquel nous allons 
bientôt parler. 

Cet Auteur remarque dans le même endroit *, qu'il y a 
Tong-temps que cette efpece de Courbe a été examinée par 
M. de Roberval ; il faut même que M. de Roberval ne fût 
pas le premier qui en eût parlé, puifqu'il la nomme le 
Limagon de M. Pafchal. Au furplus, quoique la Courbe 
dont il eft proprement queftion dans l'endroit cité de M. 
de la Hire, foit à l'œil un peu différente de la précédente, 
comme on peut voir par la Figure*, elle eft au fonds ab{o- 
lument la même. L'une & l'autre ont pour bafe un cercle, 
pour pole un point pris fur la circonférence, toutes deux ont. 
une mefure fixe. Leur feule différence confifte en ce que M. 
Carré prend pour mefure une ligne égale au diametre PG, 
#& que M.'s Pafchal & Roberval prennent une ligne égale 
au rayon SP qui fait que leur courbe SCPCF rentre au 
dedans du cercle, ce qui ne change point la nature de la 
courbe. D'où il fuit que la Courbe de M, Carré & le Li- 
maçon de M. Pafchal font deux cas particuliers de le même 
courbe. 

Quant à l'application de cette derniére au Tour, on voit 
que la diffance entre la touche & Foutil étant prife égale au 
rayon, au lieu du diametre, comme dans le cas précédent, 


* Mem. de 
l'Acad. 1 70 8, 
P-5 0.fig. 9. 
*P:40.f8. @ 


* Mem, 1708, 
ibid, fg. 6x 


12 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
& le refte de la fuppofition demeurant le même, d'outil, 
au lieu de tracer la Courbe de M. Carré, tracera le Limaçon 
de M. Pafchal. 

On voit bien qu'en difant que foutil trace telle courbe, 
on entend toüûjours la portion de cette courbe correfpon- 
dante à l'arc de la Rofette qui fert de bafe. : 

Tant que le pole fera pris fur la circonférence du cercle, 
la figure de la courbe s'éloignera peu des deux précédentes. 
Si la mefure ef prife plus grande que le diametre, la courbe 
aura dans fon contour un point de rebrouflement comme 
dans la Fig. 8. où la mefure étoit égale au diametre. Sielle 
eft plus petite, comme Æg. 9. le point de rebrouflement 
de la courbe deviendra un nœud d'autant plus petit que la 
mefure fera plus grande, 

Si le pole eft pris au dedans du cercle, tant que la mefure 
fera plus grande que le diametre, la figure de la courbe diffé- 
rera peu de la Fig. 8. Elle commencera à avoir un nœud, 
quand la mefure fera plus petite que le diametre, & à appro- 
cher de la F9, 9. Les Figures dans ces deux cas feront les 
mêmes que les Fig. 3 3. 34. &c. du premier Mémoire, qui 
appartiennent au Cercle excentrique pris pour Rofette. Il eft 
évident qu'on a dû, pour ce qui concernoit Ia pratique du 
Tour , fe borner dans le premier Mémoire à ces deux fup- 
pofitions, puifqu'il ne feroit plus poffible de tourner fi le 
centre de rotation étoit pris hors du contour de la Rofette. 

On a vû que pour tracer la courbe entiére, quand le pole 
étoit pris fur la circonférence du cercle bafe, il falloit que 
la mefure parcourut deux fois cette circonférence, & non 
feulement lorfque la courbe avoit un nœud en dedans, mais 
ors même qu’elle n’avoit qu'un fimple contour. Quand le 
pole eft pris au dedans de la circonférence, il arrive tout le 


contraire, & foit que la courbe foit fimple, foit qu'elle ait 


un nœud, une feule révolution de la mefure autour du pole 

fufñt pour la tracer. 
Enfin fi le pole eft pris hors de la circonférence , Ia 
eourbe aura un grand nombre de différentes figures felon les 
différents 


a 


DES SCIENCES. 313 
différents rapports qu’auront entr'eux [a mefure, {e diametre 
du cercle & la diftance du pole au centre de ce même cer- 
cle. Mais la courbe aura toüjours deux portions fermées & 
rentrantes en elles-mêmes ; la plus voifine du pole pourra 
avoir la figure d’un 8 de chifre, d'un fer de lance droit ou 
renverfé, d’une amande, d’un ovale, d’un éventail, &c. la 
plus éloignée du pole aura conftamment une figure aflés 
approchante d’une 4nule, dont la largeur fera d'autant moin- 
dre, & les angles d'autant plus aigus, que la mefure fera 
plus grande. Tant que la mefure furpañlera le rayon, les deux 
portions de la courbe feront ifolées. Elles commenceront à 
fe toucher, fi la mefure eft prife égale au rayon, & fi on 
la fait plus courte, elles fe croiferont. 

Toutes ces courbes qui ont un cercle pour bafe, un 

ole & une mefure conftante, font, comme on voit, des 
Conchoïdes du cercle. Quoique j'aye parcouru toutes leurs 
diverfes combinaifons, je ne donne pas ici les figures de cha- 
cune en particulier, pour éviter un trop long détail. J'ai déja 
remarqué que plufieurs avoient été examinées & confidérées 
fous un autre afpect. Outre ce qui a été cité, on retrouvera 
trois de ces Courbes dans une piece de M. Jean Bernoulli, 
inférée dans les Mémoires de Leipfick, année 1 69 5, page 9, 
à l'occafon d’un Probleme fur la Courbe le long de laquelle 
doit être fufpendu un poids pour retenir un Pont-levis en 
équilibre dans toutes fes fituations poffibles. 

M. de Reaumur, dans le Mémoire déja cité, applique à 
toutes les Courbes poffibles, prifes pour bafe, I même prin- 
cipe de génération que M. Carré n'avoit employé que pour 
le Cercle. De plus M. de Reaumur Jaïffe la liberté de placer 
à volonté, en un point quelconque du plan, le point fixe 
que M. Carré plaçoit feulement fur la circonférence de fon 
cercle, & par ces deux généralifations non feulement ïül 
renferme les cas du Limaçon de M.'s Pafchal & Roberval, 
la Courbe de M. Carré, & toutes celles du même genre qui 
ont un cercie pour bafe, mais il embrafie une infinité d'au- 
tres courbes. 


Mem, 173 4: *oRr 


314 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

Ainfi non feulement la Courbe du Tour eft celle de M. 
de Reaumur, lorfque le côté de la Rofette efk un arc de 
cercle; mais encore quelle que foit la courbüre de la Rofette, 
& en quelque point que foit pris le centre de rotation, ce 
qui s'étend à tout le fecond cas, c’eft-à-dire, à routes les 
pofitions directes de l'outil, la Rofeite étant à pans courbes , & 
ce qui renferme éminemment le premier cas o4 les côtés de 
la Rofette font Juppofes droits. 

. I refte le troifiéme, qui eft le plus compofé, & qui les 
comprend tous. C'eft celui de la pofition oblique de l'outil, 
foit que la Rofette foit à pans droits ou courbes. Et on à fait 
voir que la courbe tracée dans ce cas étoit la nouvelle efpece 
de Conchoïde prife au fens qui a été expliqué. 

Après m'être aflüré que la Courbe du Tour étoit une 
Conchoïde prife dans un fens plus étendu qu’on ne la prend 
ordinairement ; avant que de m'engager plus avant dans 
Vexamen de fa nature & de fes propriétés, je voulus voir fr 
perfonne n’en avoit traité. C'eft en parcourant les Mémoires 
de l'Académie que j'ai trouvé ce que je viens de citer de 
Mrs Carré & de Reaumur. Je tombai enfuite fur le fçavant 
Mémoire de M. de la Hire fur es Conchoïdes en géneral, La 
Conchoïde en général , fuivant le réfultat de fa définition, ef 
une Courbe tracée fur un plan immobile par un point quelconque 
d'un plan mouvant, dans lequel il y a une ligne droite donnée de 
pofition qui palle todjours par un point fixe du plan immobile, 
tandis que l'extrémité de cette droite parcourt une bafe droite ou 
courbe tracée fur le même plan. 

Ma furprife fut extrême, en voyant par cette définition 
qui comprend ce que nous avons nommé Conchoïde dirette, 
& ce qu'on a appellé Conchoïde oblique, que cette courbe 
dans le point de vüë fous lequel M. de la Hire la confidére, 
eft précifément celle dont nous venons de parler, c'eft-à-dire, 
une Conchoïde renduë plus générale que celle de Nicomede, 
par le retranchement de ces deux conditions particuliéres, 
la bafe droite, & le point décrivant pris dans la regle, lefquelles 
reftreignoient la courbe de l'ancien Géometre. La Conchoïde 


DES SCIENCES 315 
de M. de la Hire eft donc éxaétément la courbe du Tour 7m. 

qu'il n'avoit pas alors en vüé; il eft aflés fingulier qu'en /: 709. 
fuivant fon objet, il n'ait généralifé la Conchoïde ni plus ni 7 7°" 
moins , mais autant précifémént qu'il étoit néceffairé pour 
rencontrer la courbe du Tour, à laquelle éft applicable tout 
ce qu'il dit de fes Conchoïdes. 

Je ne parle point ici d’un fçavant ouvrage dé Géométrie 
du R. P. Pierre Nicolas, Jéfüuite, publié em 1 697, fous là 
titre De Conchoïdibus 7 Ciffoidibus, cet Auteur ayant adopté 
un autre principe de génération pour fes Conchoïdes, dént 
la mefure n’eft conftante que lorfque leur bafe éft un cercle, 
ce qui fait qu'il n’y a que ce feul cas où fa Conchoïde foit 
la même couïbe que là nôtre. 

* Lestermies de af, de pole, demeure, de point parconranr, 
& de point décrivant que j'ai employés; Font été dans le mêmé 
fens par tous les Géometres ; j'ai emprunté de M. de la Hire 
celui de regle, Vayant regardé non-feulemient comme le plus 
propre, mais comme confacré en ce fens par l'ufage qu'en 
a fait cet illuftre Académicien. Les feuls termes nouveaux 
dont je me fuis fervi, font ceux de Conchoïde dire“e, & de 
Conchoïde oblique, pour évitér une longue périphrafe. 

* L'ouvrage de M. dé la Hire, dans lequel il donne des 
méthodes pour trouver les tangentes, les reétifications & les 
quadratures d’un grand nombre de courbes, à encore ce 
mérite particulier, qu'il éft prefque tout fynthétique, & qu’ip 
a par conféquent dû coûter beaucoup plus à l'Auteur. 

I refte peu à glaner dans un champ moiflonné par des 
mains aufli habiles, cependant comme tout ce qu'a donné 
M. de la Hire ne regarde fa courbe du Tour, que dans le 
cas de la touche pointuë, les'cas de là touche platte, & de 
la touche courbe nous reftent tous entiers. D'ailleurs M. de 
la Hire n'a pas donné le moyen de trouver en général le 
lieu des Conchoïdes, foit diredtes, foit obliques, & il paroît 
même qu'il a au moins douté que ces dérniéres fuffent géo- 

métriques, à en juger par ces paroles du Mémoiïre déja cité*, * p ,5, 
toutes Jes Conchoïdes qui ont pour bae des lignes géométriques 

ï Rri 


Fig. 10. 


16 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
font auffi des lignes géométriques, pourvé que dans la deféription 
de la Conchoïde, la mefure foit jointe directement à la regle. 
Avant donc que de pafler aux effets des touches droites 
& courbes, on fera voir que toutes les Conchoïdes, foit 
direes, foït obliques, fans exception, qui ont pour bafe des 
lignes géométriques, font auffi géométriques, en donnant le 


moyen d'en trouver toüjours l'équation en ce cas, ainfi que : 


leurs tangentes, & les éléments de leur rectification & de 
leur quadrature; on fera aufli l'application de la méthode à 
V'exemple de M. de la Hire où il prend le cercle pour bafe, 
ce qui donnera lieu à quelques obfervations. 


PROBLEME IIL 


La bafe TN (Fig. 10.) étant donnée, trouver la Conchoïde 
directe OM, ou la courbe tracée par le point © pris dans la 
regle OL, mobile fur le point fixe ou pole C, en forte que dans 
les diverfes pofitions OL, MQ &e la regle, la mefure, c'eft-à-dire, 
la partie OT, MN @e la regle comprife entre les deux courbes 
{bit toijours égale à une grandeur donnée ! 


S'O2L: UT 1 ON: 


On cherchera deux équations qui expriment le rapport 
des coordonnées CR, r; RN, s de la bafe aux coordonnées 
CP,1t; PM, u de la courbe cherchée. On tirera de ces 
équations les valeurs de 7, s en ? & u; & fubflituant ces 
valeurs dans l'équation donnée de la bafe, on aura celle de 
la courbe cherchée. 


EXEMPLE 


Soit la mefure ou ligne conftante OR, où MN—a, 
les triangles femblables CRN, CPM fourniront les deux 


analogies fuivantes 


CM, Vituu. CP,t:: NM,a.PR,t—1r 


at 
Le »y OÙ É —— 


Vittus tt+uu 


== /e 


d'où l'on tire t—7r=— 


DES SCIENCES 317 
CP,?. PM, ui: CR,1——2 >, RN, 5} 


{au 


LU —— 


x . 14 : r 
d'où l'on tire EL Le 


vr 1+4xu 
H ne refte plus qu'à fubffituer ces deux valeurs de 7 & de s 
dans équation de la bafe TN, 


Soit cette courbe un cercle dont le diametre foit C T, e, 
& l'équation par conféquent er—7r—55; les valeurs 
précédentes de 7 & de s étant fubftituées, on aura 


(= fu en 2, 
IAENTE tt+uu Viit+un 
Et divifant tout par 1 — -< divifeur commun, on 
tt+uu 
QUEA Et (tm ——) ou (u — 2 ), où 
tt+un Vér-E où 


PER a pq Où CETEPT 


Vtt+uu Vit+uu 


+277, ou enfin ti Hu arr a; 
Vir+uu f 
équation à la Conchoïde OM, & plus fimple que celle que 
M. de la Hire* donne pour le même cas, & que voici * Mem. de 
l'Ac. 1708, 
XX) arr 2ry = 47 y xx 479 three 
SI +4 


ce qui provient d’une réduétion que M. de la Hire a népligé 

de faire : car en ordonnant ainfi fon équation x x 39 

ar} xx arr 21ÿ— 2 on verra 
PP +ux 

qu'en la divifant par Var JJ—27r, racine quarrée 


- LA L] + AUME TS 
du premier membre, elle fe réduira à V5 XX — 27 


=, & enfin à 21)=)y tx — 27 Vyy xx 
Vy+xx 


qui deviendra précifément la même que la nôtre, en appelant 
Rr iüï 


# Mem. de 
f'Ac. 1708, 
#53: 


Fig. 11, 


318 MEMOIRES DE L'ACADEMYE Royarr 
r & u, tes coordonnées CP, CM, que M. de da Hire 2 
nommé dans fon: calcul y & x, en nommant e le diametre 
CT qu'il nomme 27, & enfin appellant 4 la mefure MN 

u'il nomme encore 27, la fuppofant égale au diametre, 

L'équation de cette courbe, de laquelle les inconnuës 
montoient à fix dimenfions, fuivant M. de a Hire*, peut 
donc s’abbaifler au quatriéme degré, & par conféquent cette 
Conchoïde dans le préfent cas, eft du même ordre que la 
Couchoïde de Nicomede. 
PROBLEME IV. 

. La-Conchoïde direéte OM (Fig. 1 1.) décrite par le point M 
Jur le pole € étant donnée, trouver le lieu de la Conchoïde oblique 
décrite: par le point S, perpendiculaire fur la regle CM au point 
décrivant M de la Conchoïde directe ! 

SOLUTION. 


On cherchera deux équations qui expriment le rapport 
des coordonnées CP, r; PM, 2 de la Conchoïde direte OM 
aux coordonnées. CQ, x; @s, y de là Conchoïde oblique 
cherchée. De ces deux équations, on tirera les valeurs de z 
& u en x & y, on les fubftituëra dans l'équation donnée de 
Ja Conchoïde directe, & on aura l'équation de la Conchoïde 
oblique que l’on cherche: 

EXEMPLE. 
On nommera a la perpendiculaire AZS donnée, & on fera 
CS (xx+yy) = CM (1t+uu) + MS (aa). 
Donc #t—uu—xx+-yy—aa. (P.r équation À.) 
CPt.. PM, ui: CQx QV, = 


CLlus CHV ir Eu i: MS, a. VS; A TETE 
De ces deux analogies, on tirera 


| QF, ux eee VS L'AETT — @S, » ; ou 


£ 


DES SCIENCE S.. 319 
ty —=UXx + a Vit un. (S.de équation 2.) 


De l'équation À, je tire VU ax y aa un 


& fubftituant dans 2, j'aurai y VAT + y) —qa—uu 


ux a Var yy—aa, ou PV Tu ux +7; 
en faifant, pour abréger le calcul, xx+-yy—4aa— Zt; d'où 
l'on peut tirer la valeur de z en x & en 7: caren quarrant, 
ON AA YYTT —UUYVY—=UUXXHL2AUXZHAdaZ7; 
& réfolvant léquation , on aura après les réductions, 
u— EE qu'il faut fubflituer dans une des premiéres 
équations pour en tirer la valeur de dégagée de y. On choifira 
l'équation 2 où # n'aura qu'une dimenfion, fi on prend 1x 
précaution de mettre à la place de 17 uu fon égale 
xx +-yy — aa, où pour le plus court 77; c'eft donc 
dans 1y—=ux—+ay qu'il faut fubflituer la valeur de 


PR ln LL TA rès Z . —— LNH ayz 
RE En © & on aura après les réductions RE TES TN 


qu'il n'y a plus qu'à fubftituer, en rétabliffant 11 valeur de 27 
dans l'équation de la Conchoïde directe qu'on fuppole 
donnée, pour avoir la Conchoïde oblique, qui eft ce qu'il 
falloit trouver. ï 


PROBLEME V. 


La bafe TN (Fig. x r.) feulement étant donnée, le pole étant C, 
la regle CM, trouver la Conchoïde oblique, ou la courbe tracée 
par un point quelconque S, fitué hors de la regle, la mefure faifant 
au point N avec la regle CM un angle conflant MNS. 


SOLUTION I 


On tirera une perpendiculaire SZ du point décrivant S 
fur la regle CAZ, cette ligne fera connuë étant lé finus de 
Yangle A2NS donné. On cherchera par le Probleme III. 
le lieu à Ja Conchoïde directe, décrite par le point 47 de 
la regle, rencontré par la perpendiculaire SA, cette courbe 


Fig, 11e 


320 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLr 
une fois connuë, on trouvera par le Probleme précédent, 
la Conchoïde oblique cherchée. 


SoLuTion Il 


Pour réfoudre le Probleme directement, & trouver Ïa 
Conchoïde oblique, fans chercher la directe, il n’y a qu'à 
fubftituer les valeurs + & # des coordonnées de la Conchoïde 
directe, trouvées en x & y par le Probleme précédent, dans 
les valeurs r—1 — 2 &f—u— —<{"— des 
: tt+uu V£ 1+uu 


coordonnées de la bafe quelconque {Probl. 171.). Subftituant 


donc 1— Er dans cette valeur der, en fe reflouvenant 


que Vi uni xx + yy— aa, où 77 pour la facilité 

du. calcul., «on, aura ,r == T1" Het tr... 
24+99 

& rétabliflant la valeur de 7; on aura 


ay ue +yy—aa— ax Vrx+ Iÿ— ad 04ÿ—a4% 
= 


#X +99 
A ., . _ LY— ER 
De la même maniére, en fubftituant # = 0 oÉ 
dans f = u — 27 ; on trouvera 
Vrt+uu 
1 =} — - AAN—ANV#X+ÿy—aa—ayVrx4+yy—aa—d4dy . 
AX+IY 


Ces deux expreffions en x & y des coordonnées r & f 
de la bafe, ferviront de formule générale pour trouver la 
Conchoïde oblique décrite par un point quelconque S, fans 
chercher la Conchoïde directe décrite par le point 4, ïl 
n'y aura qu'à fubftituer ces deux valeurs dans l'équation de 
la bafe, & on aura l'équation de la Conchoïde oblique 
cherchée. 


PROBLEME 


DES ScrENCESs 321 
PROBLEME VI. 


La bafe TN (Fig. 11.) 4 pol C, la melure NS, 
l'ange MNS de la mefure avec la regle étant donnés, trouver 
immédiatement la Conchoïde oblique, fans fe fervir des valeurs 
des coordounées de la Conchoïde dirètte. 


SOLUTION. 


On pourra trouver direétement deux équations entre les 
coordonnées r & f de la bafe & les coordonnées x & y de 
la Conchoïde oblique; on en tirera les valeurs de r & de [ 
en x, & les fubftituant dans l'équation de {a bafe, on aura 
la Conchoïde oblique cherchée. 


EXEMPLE. 


Ayant nommé MN, a; MS, b; CR, r; RN, J: CP, x; 
QS, y. Pour trouver le rapport de CR, r & RN, [ à CQ, x 
& QS, y, on cherchera deux équations comme, par exemple, 


celles qui fuivent, 

QV+HVS—=QS, & CV+VM—CN= NM, 
dont on trouvera les expreffions algébriques par les analogies 
fuivantes, 


CRE Cult OO x: OP, 
CR, r.CN, Var: MS. vs, 


CR, r. CN, Vrr ff :: CQ, x. CV, = Ver ff 
CR,r.RN, [ ::MS6.VM A. 


On aura donc Ja +), & = Vrr + ff 


LA 
b 
+ Ï  _Vrr+ff=a 
I eft évident qu'on peut tirer de ces deux équations les 
valeurs de r & f'en x & y, qui étant fubftituées dans l'équa- 
tion de la bafe 7'N, donneront une équation entre x & y, 


Men. 1734: S 


Fig, vre 


Fig. 12. 


322 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
coordonnées de fa Conchoïde oblique tracée par le point S. 
Ce qu'il falloit trouver. 


En réfolvant ces deux équations, on trouvera les mêmes 
valeurs de  & fqu'on atrouvées par une autre voye/Prob, V.). 


PROBLEME--VIIL 
Rectifier les Conchoïdes. 
So LU TION. 
Soit Mm, la bafe (Fig. 1 2.); À, le pole; A MN pro- 


longée indéfiniment, la regle; T#, un arc infiniment petit 
de la Conchoïde, & MT qui fait en #7, avec la regle, 
l'angle conftant; T'MN, la mefure de cette même Conchoïde. 
Tirés TN, perpendiculaire en N fur la regle À AZN, tandis 
que le point parcourant AZ décrira l'arc Am de la bafe, & 
le point 7 l'arc 74 de la Conchoïde oblique, le point N dé- 
crira Varc Vs d'une Conchoïde directe, dont A1N fera la 
mefure. Il eft queftion de trouver la valeur des éléments V# 
& T1; TM étant donné, ainfi que l'angle TAZN, on aura 
MN qu'on fera —a, & TN—u. 

On füuppofera que l’on ait l'équation de Ia bafe Am entre 
les rayons AM, Am (y), qui partent tous du pole À, & 
les arcs infiniment petits {dx} compris entre deux rayons 
confécutifs AM, Am. On aura donc dx = MR, & dy 
—Rm}; on aura auffi Sr = dy, car SR 'E& mn font tous 
deux égaux à MN. Donc de SR & de #n, Otant mf qui 
leur eft commun, on aura Rm— Sn. On fera enfuite les 
analogies fuivantes, pour trouver la valeur des éléments cher- 
chés. Prolongés TN & 1n qui fe rencontreront en ©, on aura 


AM,y - MR,dx :: AN, a+-y NS = — Vi; 
NS & Vr étant les reftes de deux quantités égales 7S & Va, 


dont on a retranché deux égales TN & 1n, on aura auffi, 
à caufe des triangles fmblables ANS, OSn, 


MR, dx. AM, y :: SN. AN:: Sn, dy « SOLÉ2 


| 


Ù Title st EN C'É à MR LL 
& AM, 3. Mr, dx :: TO, b+ 2. TV EE, 
Or Tt=VTV EVE, & Ni=VNS Sn. 


mme LU M'HLLEL LS UNE 
Doncd'r = Verte) nm Y (ee), 


_& Nn — Verre) dy’. 


Il ne refte plus qu'à intégrer ces valeurs de 7% & Mn, 
pour avoir la rectification de ces deux courbes. Mais il faut 
pour cela avoir ces valeurs exprimées en une feule variable, 
ce qu'on tirera de équation de la bafe qui éft füppotée 
donnée. Si l'équation de la bafe fuppofoit des coordonnées 
perpendiculaires, comme AP, PR, on en tireroit paï analyfe 
la valeur de AM & Mr en une féule variable, | 


PROBLEME VIiIl 
… Quarrer les Conchoïdes. 
| SOLUTION. 


On fera les mêmes fuppofitions que dans le Probleme 
précédent. 

Pour avoir la quadrature dés courbes décrites par les 
points V & T'{Fig. 1 2.) H faut trouver la valeur des deux 
éléments Mm Nan & Nn Tr, dont les intégrations donne- 
ront les efpaces renfermés entre la bafe Am & la Con- 
choïde directe tracée par le point /V, & entre celle-ci & Ia 
Conchoïde oblique tracée par le point 7. 
 LeTrapeze Mm Nr où MR NS qui en differe infini- 
ment peu, & feulement de la différence des deux petits 
triangles MR m & NSn, éft le produit de fasses x MN, 

ad +ydx 
Éeftadire EE 4 9, qui fe réduit à sads-ragde, 


Le Trapeze Nu Tr où Sa TV eft Masse x TN, 


bdx+ydy 
où nn 


x b, qui fe réduit à Jiasteirer 


Sfi 


Fig. 124 


Fig. 13. 


324 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
L’équation de la bafe donnée exprimant le rapport de ÿ 
à dx, on tirera la valeur de l'une ou l'autre de ces deux 
variables , & ayant fubftituée dans les éléments précédents, 
on aura leur valeur exprimée en une feule variable, & Jeur 
intégration donnera la valeur des efpaces cherchés. æ 


PROBLEME 1X 
Trouver les Tangentes ér les Perpendiculaires des Conchoïdes. 
DUO L'DT TO N. 


Les mêmes chofes fuppofées que dans les deux Problemes 
précédents, pour trouver la tangente TG { Fig. 1 3.) de la 
Conchoïde T'f & fa perpendiculaire 7 Q, on tirera par le 
pole À, perpendiculairement fur la regle 4 A1, une ligne 
qu'on prolongera de part & d'autre vers Q & vers G. Du 
point 7, dont on cherche la tangente, on menera 77° paral- 
lele à fa regle; : 7° prolongée rencontrera AF prolongée en 
quelque point G, & on aura la valeur de la foütangente GF 
par cette analogie, 


TV, X=5# Vi, EEE CITY fe) 6) y + a 


todx-+ydx) ya SE 
s FG—= — © — qui fe réduit à [PPRSP TRS 


54 
FA, prolongée de l'autre côté, rencontrera la perpen- 
diculaire 7 Q en un point Q, & on aura la valeur de Ja 
foüperpendiculaire FQ par analogie fuivante, 


Vi, ue, TV, “res :: FT, a+-y. FQ— ES 


_++a : LAnts à bdx#+ydy x a+y = bdx+ydy 
x -2-5 qui fe réduit D 
== —- 


—b+ 2%, Donc AQ ou FQ —FA — 24; d'où 
il fuit que dx, MR . dy, Rm :: y, AM. 27 AQ. Ce 


qui fait voir que les triangles 441Q, MRnm, font fembla- 
bles, & que 4/Q eft perpendiculaire à Am, c'eft-à-dire, 


DE si 18 AC TE NT CES 32$ 
à Ja bafe, ce qui donne cette propriété finguliére de {a 
Conchoïde T'r, que fa perpendiculaire, celle de la courbe 
Mim qui lui fert de bafe, & celle qui coupe la regle AM 
dans le pole À fe rencontrent au même point Q, ce qui 
fournit un moyen fort fimple de mener une perpendiculaire 
à a Conchoïde. C’eft aufli le réfultat de la démontftration de 
M. de la Hire, 

Si c'eft la foûtangente Æ£ 7 de Ia Conchoïde Gree Nn 
qu'on cherche, le cas fera plus fimple, la regle même 4N 
tiendra lieu de la parallele 7°}, & on trouvera la foûtan- 
gente AE par cette analogie, 


Sn, dy. NS, LE :: AS, ay. AE Star 


2 


dxx a+ 
J4y 


par celle-ci, NS, LE, Su, dy:: AS, a+y. AL 


D, dyydy =. v47. 
RNA Es FREE 
J 
Dans ces deux cas, en fe fervant de la premiére formule 
une fois trouvée, & faïfant 7 N, b — 0, on trouveroit 
les mêmes valeurs pour la foütangente AE & la foûperpen- 


diculaire AZ que par les deux analogies précédentes. 


J'ai fait l'application de ces méthodes à divers exemples, 
en déterminant la bafe ; je ne les mettrai point ici, pour ne 
pas {ortir des bornes d’un Mémoire. II nous refte d’ailleurs 
à examiner ce que devient la Courbe du Tour dans les diffé- 
rentes fuppofitions qu'on peut faire à l'égard de la Touche. 
Tout ce qui précede, comme on en a averti, n'étant appli- 
cable qu'à l'hypothefe de la Touche pointuë, ou dont un 
feul & même point toucheroit fucceflivement tous ceux du 
contour de la Rofette, ce qui eff le cas le plus fimple, mais 
qui ne peut être rigoureufement vrai dans la pratique, quand 
même on {e ferviroit d’une Touche pointuë. 

Pour remplir l’objet qu'on s’eft propolé, il refte donc à 
‘examiner les hypothefes de la Touche La Ve platte, & 

ii] 


, & la foûperpendiculaire À L 


X a) — 


26 MEMOIRES DE L'ACADEMIE R@yALE 

celles de la Touche courbe. Cet examen &les différents cas 
qui y font renfermés me fourniroient feuls la matiére d’un 
Mémoire aflés étendu , fi le temps de nôtre départ qui 
approche, & les préparatifs qu’entraïne néceffairement un 
voyage *, tel que celui auquel nous fommes deftinés, me 
laïfloient le loïfir de mettre en œuvre tous les matériaux que 
j'ai raffemblés depuis que j'ai entrepris ces recherches. Je me 
contenterai donc d'en donner ici un extrait abrégé, & d'y 
joindre quelques Problemes. 

Jufqu'à préfent la bafe de la Courbe du Tour a toüjours 
été le contour même de la Rofette, ainfi qu'il a été dé- 
montré, le point parcourant dans l'hypothefe de la Touche 
pointuë n'étant autre chofe que la pointe même de Ia T'ou- 
che qui fuivoit le contour de la Rofette. Mais fi on fuppofe 
que la touche eft une ligne droite AT /Fig. 1 4.) ce n'eft 
plus le point 7° qui appuye fur le bord de la Rofette, la 
courbe qu'il décrit eft donc différente du contour de la Ro- 
fette, & c’eft cette courbe qu'il faut chercher, fi l'on veut 
avoir, dans les différents cas que peut fournir la touche recti- 
ligne, la bafe de la Conchoïde décrite par l'outil du Tour. 

La touche étant droite, le côté de la Rofette ne peut être 
que droit ou courbe ; s’il eft droit, ïl peut être plus petit, 
plus grand ou égal à la ligne droite qui repréfente la touche, 
Qu'il foit égal ou plus petit, on verra que cela revient au 
même. Si le contour de la Rofette eft courbe , 11 touche 
rectiligne, fi petite qu’elle foit, eft plus Jongue qu'un côté 
de la Rofette, qui alors eft infiniment petit, mais la touche 
peut être ou extérieure ou intérieure à la courbe. Ce font 
quatre cas différents à examiner. 


* Voyage de trois Académiciens envoyés par le Roy pour faire des 
@bfervations fous l'E‘quateur. | 


= 


Dis SEtRENÉES | 335 
Hyporhefe de la Touche re&iligne. 


PROBLEME x. 


Trouver la Courbe décrite par le point T (Fig. 14.) inter. 
Jefion de la Touche ab ér de la droite CT, le côté de la Rofette 
étant AB , le centre C , à la Touche étant la droite ab égale 
au côté AB de la Rofette. 


SOLUTION. 


Ce r'eft plus ici comme dans l'hypothefe de 1: Touche 
pointuë , le côté AB, dont tous les points rencontrent fuc- 
ceflivément le point 7° de la touche, ce font au contraire 
les angles de la Rofette, par exemple, l'angle À qui glifle 
le long de la touche, & rencontre fucceflivement tous fes 
points depuis a jufqu'à & Ce mouvement peut être rem- 
placé, en faifant mouvoir l'équerre 4 T°O fur les points C 
& Aj, en forte que le côté TO porte toüjours fur €, & le 
côté a T toûjours fur 4. H eft clair qu’en ce cas le point T° 
ou le fommet de l’équerre décrira un arc de cercle fur le 
point / qui partage AG en deux également. | 

Si la touche a 2 étoit oblique au côté AB de Ia Rofette, 
Yangle a TO ne feroit plus droit, maïs le point 7’ n’en dé- 
criroit pas moins un arc de cercle (par la 23 "€ propofition 
du 3.m€ Livre d'Euclide). 

La courbe du Tour ou la courbe décrite par le point O 
fera donc en cé cas la Conchoïde, dont l'arc de cercle dé- 
crit par le point T fera la bafe. Cette Conchoïde fera Grece 
ou oblique , fon que le point décrivant © fera placé où fur 
la regle’ ou hors de la regle TC. 

On voit que foit que la touche foit égale à 24, foit 
qu'elle foit plus longue, comme FD, cela revient au même, 
puifque l'angle À de la Rofette ne peut jamais rencontret 
Ja touche qu'au point a, & la quitte au point 2, 


Fig. 14 


Fig. 15. 


Fig, 16. 


Fig. 15. 


328 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
PROBLEME XI. 


Trouver la Courbe décrite par le point T ( Fig. 15.) le côte 
de la Rofette étant AB, le centre C, dr la Touche étant DE, 
plus courte que AB côté de la Rofette. 


SOL ULT ON. 


On remarquera que ce n’eft plus ici le point 7, mais le 
point D ou F qui porte fur le bord de la Rofette. Le point 
D ou F eft donc le point parcourant qui fe trouve ici tranf- 
porté hors de la regle. Ainfi pour avoir un mouvement 
équivalent à celui du Tour, au lieu de faire tourner la ligne 
TCO fur le point C, en faifant fuivre au point 71e bord 
de la Rofette, c'eft l'équerre entiére O TD qu'il faut faire 
mouvoir fur le même point C, en faifant décrire au point 
D ou F le contour de la Rofette. Le Probleme fe réduit 
donc à celui-ci. 


Trouver la Courbe décrite par le fommet de l'équerre DT O 
(Fig. 16.) dont la branche TO , prolongée indéfiniment , gliffe 
fur le point fixe ©, tandis que le point D de la branche V D 
parcourt une droite À B. 


On: fera CT =a; TD,1d=b; CE, TGC—=% 
GT=y; Li=a+y; dG=V Ib —yy, & on dira 
LC, x. Lt, a+-y:: GT, y. 4G, VEE— y. D'où l'on 


tire xV4b—yy—=ay+yy &bbxx— xxyy—aay y 
+ 24ay +7", équation générale de cette courbe qui 
donne pour les différents cas des figures très -différentes, 

felon que a >< ou — 4. Ce détail nous meneroit trop loin. 
Le point 7'/Fig. r 5.) ne décrit réellement fur le Tour 
que la portion fupérieure à la ligne 4 2, commençant au 
point D, & finiffant lorfque le point D de l'équerre ren- 
contre le point À ou l'angle de la Rofette ; alors c’eft le 
point À qui gliffe le long de la branche de l'équerre DT, 
& on retombe dans le cas du Probleme X. Aïnfi lorfque la 
touche 


DES SCIENCES. 329 
touche D F'eft plus courte que le côté 4 B de la Rofette, 
le point quelconque © décrit à chaque demi-pan de la 
Rofette deux portions de Conchoïde, lune qui a pour 
bafe la courbe précédente, l'autre qui a pour bafe un arc 
de cercle. 

Si la touche D F n'étoit pas perpendiculaire à la regle 
CT; fi, par exemple, elle faifoit avec CT l'angle CQF, 
le fommet 7'de la fauffe équerre décriroit une courbe d’un 
degré plus élevé, dont la précédente n’eft qu'un cas parti- 
culier ; la recherche de cette courbe feroit abfolument étran- 
gere à notre objet, & inutile pour parvenir à la courbe du 
Tour décrite par le point © dans le cas même où la touche 
feroit oblique. I fufht que quel que foit l'angle en 7, l’équa- 
tion précédente donnera toüjours la courbe décrite par 7; 
point de concours de la regle C7, & de la perpendiculaire 
DT tirée du point décrivant D fur la regle, & cette courbe 
fera toûjours la bafe de la Conchoïde, foit directe, foit 
oblique, décrite par le point O. 


PROBLEME ‘XII 


Trouver la courbe décrite par le point T (Fig. 17.) la courbe 
AB étant le côté de la Rofette, le centre étant C, & la touche etant 
une droite quelconque DE, tangente à la Rofette fucceffivement 
dans tous Jes points. 


SOLUTION. 


Pour remplacer ici le mouvement ordinaire du Tour, la 
double équerre DTCF, compofée de la regle TC, & de 
la touche DF doit fe mouvoir, en forte que le point D, 
par exemple, fuive le contour 42 de la Rofette, fans que 


- le côté DT coupe jamais la courbe; ce qui eft néceflaire, 


puifque la touche du T'our ne peut que s'appuyer fur le bord 

intérieur de la Rofette. On voit que dans ce cas, la touche 

DEF, dans toutes {es fituations poffibles, fera toûjours tan- 

gente à la Rofette dans le point Æ, & que la regle pañlant 
Mem. 1734: ! SULE 


Fig. 17. 


* Recherches 
Jur les Courbes 
a double cour- 
bâre, p.106. 


Fig. 18. 


330 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
toûjours par le point C, dans toutes les fituations de DFE 
lui demeure toüjours perpendiculaire en 7. Or M. Clairaut 
a démontré *, qu'en tirant des perpendiculaires d’un point 
fixe fur les tangentes fucceflives d’une courbe quelconque, 
les points de concours de ces perpendiculaires & des tan- 
gentes, feront dans une Epicycloïde. Le point 7, ou le 
fommet de notre équerre mobile étant le point de concours 
de la tangente & de la perpendiculaire, décrira donc une 
Epicycloïde, & il fuit de la même démonftration, que cette 
Epicycloïde fera foüdouble de celle que décriroit le centre 
de la Rofette, en la faifant rouler fur fa pareille. La courbe 
du Tour, ou la courbe décrite par le point © fera donc en 
ce cas la Conchoïde directe ou oblique, dont FEpicycloïde 
précédente fera la bafe. 

I refte un quatriéme cas dans la fuppofition de la touche 
rectiligne, c’eft celui où la touche feroit intérieure à la courbe 
qui fert de Rofette. Ce cas n’a pas lieu dans la pratique 
ordinaire du Tour où la touche, quelle que foit fa figure, 
ne porte jamais que fur le bord extérieur de la Rofette. 
Mais il feroit poñlible de pratiquer un rebord de champ à 
la Rofette, & en coudant la touche, de faire porter fon plat 
fur ce rebord par dedans, ce qui fournit la matiére d’un nou- 
veau Probleme; on va examiner ce cas, parce qu'il en ré- 
fulte une nouvelle efpece de Conchoïde plus générale encore 
que celle de M. de la Hire. 


PROBLEME XIII 
Trouver la courbe décrite par le point M (Fig. 1 8.) La courbe 
AB étant le côté de la Rofette, le centre étant C, à la touche 


étant une droite quelconque D' MT, qui porte toijours par un 
point V fur le contour À B de la Rofette, du côté concave vers C. 


SOLUTION. 


On voit que la différence du cas préfent à celui de Ia 
touche pointuë, confifte en ce que le point parcourant qui, 


SR 3 A 


& +. 212 


DES :S:CAMIEUN CE SR 327 
dans le premier cas, étoit pris dans la regle, comme en #7, 
eft ici tranfporté hors de la regle en T, en forte que la courbe 
donnéé AB n’eft pas, à proprement parler, & fuivant la 
définition précédente, la vraye bafe des Conchoïdes tracées 
par les points ©, 0, mais une bafe empruntée, pour ainfi dire, 
que noùs nommerons fauffe bafe, pour la diftinguer de l'autre 
qu'on appellera {a vraye bafe. Le Probleme fe réduit donc 
à trouver la courbe que décrit le point 47, ou la tète de 
l'équerre CMT, tandis que le point 7” parcourt la courbe 
donnée AB. 
Soit MT—a, CQ=—p, & TQ—3, coordonnées de 
la courbe donnée À B, parcouruë par le point 7’; CP=—r, 
& PM, coordonnées de la courbe cherchée, tracée par 


le point 47, on aura M Πre +. ff, & on fera les analo- 


gies fuivantes, pour avoir les valeurs de p & 4, exprimées 


en f &r. 


MG Vi. MP: MT.a.TR=PQ— 
. Vrr+ff 


MC, Vrr+-f]. CP,r MT AIMER. 7 — ; 
JHiTÉ | Vrr+ff 


Or CQ—=CP+ PQ. Donc p=r+ Sr OS À 7) 
Vrr+ SS 

— MP— MR. Donc 4 = [+ ——. 
ITS T 

Ces deux valeurs de p & de g, fubftituées dans l'équation 

fuppofée donnée de la faufle bafe 4 B, donneront la courbe 

tracée par le point AZ, laquelle fera la bafe de toutes les 

Conchoïdes tracées par les points ©, o, &c, 


Si on veut trouver ces courbes O, o, directement, fans 


“chercher la bafe A», on le pourra par le Probleme fuivant, 


Tti 


Fige 19e 


332 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 


PROBEEME XFWV. 


La faufle bafe, ou Ja courbe AB (Fig. 19.) tracée par le 
point parcourant V\, pris hors de la regle CM, étant donnee, le 
pole étant C ; trouver immédiatement la courbe du Tour, ou la 
Conchoïde tracee par nn point quelconque S, fans chercher préa- 
lablement la courbe tracée par le point M fervant de bafe à la 
Conchoïde S £. 


SOLUTION. 


Soit SN—a, MT—&6, MN—=c, CR=p, RT—=3; 
CP=x, PS=y, PO =; on pourroit fe pafler de cette 
troifiéme inconnuë, mais on introduit pour {a facilité du 


calcul, & on la fera difparoître enfuite. On aura aufi PR, 


où QH=p+x, & CO—= V4 x + gg On pourra 
faire les analogies fuivantes, 


CP;x.P0, z :CR, p . RH, 
CP,x.CO,Vrx+u:: SN, a 50, VE. 
CP,x. PO, > : MT, b . HM, 
CPxe PO, " g  :SN, & : ONE: 
Ps COVaEu:MT 6 . HT, Waru, 


CP,x.CO, Var x :: HQ,p+x. HO V sx + 3e 
D'où l'on tirera ces trois équations 
S0.+0 PPS. 


Donc ELITE TERRE ou aVrx Hi = x) 


2 


ÉNENEREE Er 


DFE SL CR EN CS 33% 
RH+HT=RT. 


Donc 2 EE Vax + zr— 9, 


ou PH Var rx ge 
ON+OH+HM=MN. 


Donc <£ + 2: Vax ++ te 6; 


OÙ 4-07 + px LATEST 


I eft évident qu'avec ces trois équations on peut fairé 
évanouir 7, & tirer les valeurs de p & g, coordonnées de 14 
courbe donnée 77, en x & y, coordonnées de la courbe 
cherchée S/, qu'il n’y aura plus qu'à fubftituer dans l'équation 
donnée, pour avoir celle de {a courbe Sf que lon cherche. 


CoOROLLAIRE. 


En faïfant 4«—o, le point S deviendra le point M, & 
donnera, au lieu de la Conchoïde oblique S/, la Con- 
choïde direéte Vy, tracée par le point A fitué dans la regle 
MCN. x 

Remarqués que la courbe S/ ni fa courbe y, ne font 
Conchoïdes qu'à l'égard de la courbe que trace le point AZ 
qui peut leur fervir de bafe; mais confidérée par rapport à la 
faufle bafe Tr, ce n'eft plus une Conchoïde, ou c'en eft une 
d'une nouvelle efpece, dont les Conchoïdes de M. de 1a Hire 
ne font qu'un cas particulier. Au lieu d'une ligne droite, 
comme Nicoméde, lAuteur moderne prend pour bafe une 
ligne quelconque, & au lieu de prendre le point décrivant 
fur la regle, il le prend dans un point quelconque du plan: 
Nous ajoûtons quelque chofe de plus, ou plütôt nous retran- 
chons une condition qui reftreint encore la Conchoïde de 
M: dela Hire; car s'il Jaifle la liberté de prendre le point 
décrivant S, hors de la regle A/CN, il prend du moins fon 

Ti 


Fig. 20. 


334 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

point parcourant A7, toûüjours dans la regle, au lieu que le 
point parcourant de la nouvelle Conchoïde, peut, ainfi que 
le point décrivant, être pris dans un point quelconque du 
plan, fans aucune reftriétion. 

On en pourra trouver les tangentes & les perpendiculaires, 
foit par la méthode ci-devant indiquée, foit par celle de M. 
de la Hire, en réduifant auparavant la nouvelle Conchoïde à 
l'efpece dont il a traité, par la recherche de la courbe #7, qui 
lui fervira de bafe, comme on l’a enfeigné Probleme XII. 
Quant à la redification & à la quadrature de la nouvelle 
courbe, voici le moyen d’en touver les élements, & le Pro- 
bleme propolé dans toute fa généralité, 


PROBLEME XV. 


Trouver les élemenrs Mm, Nn, T't (Fig. 20.) des courbes 
tracées ur le plan immobile, par les points M, N, T, du plan 
mobile, tandis que le point S du même plan parcourt la courbe 
donnée Sf. Trouver de plus la valeur des elements tTmM, 
SfnN, pour avoir la quadrature des efpaces renfermés entre 


les courbes Tt, Mm, Nn & Sf 
SL VTTrION 
Soit MT—a, MCN=—=i, NS=c, CP=x, PSY, 
en aura CS — Vax y}; CN, Var y) — =, 
CM= b — 7. 
Le rayon étant fuppofé égal à Vunité, on trouvera Ia 
tangente de Vangle SCP=— = =1. Donc la différentielle 


À dt 
du même angle = 


de l'angle SCN— + Donc la différentielle de angle SCN 


. Par la même raïfon, fa tangente 


= ed u : 
= —“— — ©, Donc la différentielle de l'angle 
1 _” ce z 74 — € c 


LA 


NCEP, ou le petit angle NCn = 4 — —£it— 


TEA + ce" 


Di E 83 SC NÆEAN CES Mi 335 
Maintenant pour avoir l'arc Ng, dont le rayon eft CW, 


- dt cage à zds ALIEN 
OH pri ET pd En RE 


& comme "0, Na font des arcs de cercle, & que MN—mn, 
il fuit que MO—ng=d3. Pour avoir 4 M, je me fers 
des triangles femblables 4/M, NCg; car n/M eit fem- 
blable à OrM, celui-ci à MCO, & MCO à MC; on 
fera donc CN. NQ ::ul— MT .uM. Retranchant 
u M de OP, j'aurai 1 O ou r/, & je trouverai mO, en faifant 
Cg . Ng :: Cm. mO—IT. 

Ayant les valeurs de NQ, #g, mO, OM, 11, IT, on 
aura tous les éléments des courbes cherchées Mn, Mm, Tr. 

Voilà ce qui regarde la Touche rectiligne, il refte à exa- 
miner les effets de la Touche courbe. 


Hypothefe de la Touche courbe. 


Au lieu de fuppofer la touche pointuë ou reéiligne, on 
peut fuppofer que c’eft une portion de courbe ; cette fuppo- 
fition n’a dieu dans la pratique, qu'à l'égard du cercle, puif- 


que, comme on a déja remarqué, pour rendre le mouvement 


du Tour plus doux, la touche porte ordinairement à fon 
extrémité une petite poulie ou roulette, contre laquelle 
s'appuye le côté de la Rofette. 

Tous les cas de l’hypothefe de {a touche courbe fe peuvent 
réduire à deux ; celui où le côté de la Rofette eft une droite, 
& celui où le côté de la Rofette eft une courbe. 

Si le côté de la Rofette eft une droite, il eft clair que cette 
droite fera tangente fucceflivement aux divers points de 1x 
courbe qui forme la touche. Le mouvement du Tour, en 
ce cas, fera remplacé, en fuppofant que l'angle mixtiligne 
FTC(Fig. 21.) compofé de la courbe 7F qui repréfente 
la touche, & de la regle 7 CO, fe meut en gliffant fur le 
point C, en forte que le côté A B de la Rofette eft toûjours 
tangent à la courbe 77. 

On:voit qu'il n’y a en ce cas aucun point de la touche qui 


Fig. 212 


336 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
parcoure le côté AB de la Rolette; la ligne AZ n’eft done 
point ici la bafe de la courbe tracée par l'outil du Tour fitué 
en quelque point © ou o. Pour avoir cette courbe, il n'eft 
queftion que d’en trouver une qui puiffe lui fervir de bafe, & 
il fuffit pour cela de connoïtre une des courbes qui, dans le 
mouvement prefcrit, feroit tracée par un des points de Ia 
regle TC. Nous choïfirons comme la plus fimple, celle que 
trace T, ou le point de concours de la regle OT, & de la 
touche 7F. 


PROBLEME XVI. 


Soit la courbe VF donnée (Fig. 2 1.) attachée en T à la regle 
TC, prolongée indéfiniment vers O, &r mobile [ur le point fixe C. 
La droite TCO paffant toéjours par le point C, qu'on faffe mou- 
voir la courbe D F Xe long de la ligne donnée AB, qui lui fera 
tangente dans. fes divers points FŸ fucceffivement ; on demande 
quelle eff la courbe T't tracée pendant ce mouvement par le point T. 

SOLUTION. 

Soient HG—x%, GT—y, coordonnées de la courbe 
cherchée 74, PF—u & TP—7, coordonnées de la courbe 
donnée T°F, dont on connoît par conféquent la tangente 
L FT, & la foûtangente L P=—f, on aura LT —/f—7, 
& la diftance donnée du point C à la ligne AB fera HC—a, 


on cherche l'équation de la courbe 77. 


Les triangles CTQ, CHL, LPF, LTG font fem- 


blables, on aura donc 

PEu.LEÆEt:: HG a.CL, <—, 

EF;t LP, [= CL LT, + f—1.CQ,x 
= aft+uff—ufz 


On aura auf LE, 1, PF, ui: LT, [—3, GT, y 


æ— Ju —uy 
= r 0 


Ayant 


DAEUS MAMICUILE NT CE 15 37 

‘Ayant les valeurs de x & y en u & 7, avec l'équation de la 
courbe 77, on aura de quoi faire difparoître v & 7, & ïl 
reftera l'équation de la courbe cherchée 77, qui étant prife 
pour bafe, fervira à trouver toutes les courbes que peut tracer 
l'outil dans fes diverfes fituations Oo, &c. On eût pü tirer 
ici, comme dans {es Problemes précédents, les valeurs de # 
& 7 en x & y; mais elles euflent été mêlées de : & /, tangente 
& foûtangente de la courbe 7F, defquelles on n'a la valeur 
qu'en # & Z. 

Enfin, fi le côté de la Rofette eft une courbe, Ia touche 
étant à roulette, c’eft comme fi la regle A/C0 étoit attachée 
au cercle ZND, & qu'on fit rouler ce cercle fur la courbe 4Z, 
en faifant gliffer la regle A1CO, fans jamais quitter le point C. 
Tous les points de la regle décriront en ce cas diverfes 
courbes qui feront mutuellement les bafes & les Conchoïdes 
les unes des autres. Nous chercherons, comme la plus fimple, 
celle qui eft décrite par le point #1, centre du cercle qui 
forme la roulette de 11 touche. 


PROBLEME XVII. 


Trouver la courbe tracée par le point M (Fig. 22.) centre du 
cercle ND, qui roule fur la courbe donnée AB, tandis que MIO, 
diametre prolongé du même cercle, gliffe fur le point fixe C, [ans 
jamais s'en écarter. 

SOLUTION. 


Le cercle ZND touche Ia courbe AB en un point quel- 
conque !V, par où paffe la tangente commune LAN. Tirés LF 
à volonté, pour fervir d’axe à la courbe donnée AB, & à la 
courbe cherchée A1D, dont les coordonnées auront leur 
origine commune au point fixe €. Soit donc CP=—x, 
PM=y, CQ=u, QN=7, MK parallele à PQ, fera 
u—x. NK, prolongement de QN, feray—7. Le cercle 
IND, & la courbe À B étant donnés, on aura Îe rayon 
MN=—=a, la perpendiculaire NS=p, & la foüperpendi- 
culaire QS=—f. 

Men 1734 . Vu 


Fig. 22, 


Fig. 22: 


_ 


338 MEMOoIRESs DE L'ACADEMIE RoyaLE 
On fera NS, p . QS, [:: MN, a « MK, u—x—"l 
Donc x— u — 4. 
P 
NS, p. NQ,7:: MN, a. NR; pee 
Donc y=7+ 


az. 
P?- 


La relation entre # & 7 étant connuë par l'équation de la 
courbe donnée 4 B, on fera difparoïtre # & 7, & on aura 
l'équation cherchée en x & y de la courbe A7D. Cette courbe 
peut férvir de bafe à toutes les Conchoïdes décrites par les 
points O, o, &c. Et en donnant la courbüre A2D à la Rofette, 
&. fuppofant la touche pointuë, l'outil traceroit les mêmes 
courbes que dans le cas préfent de la touche en roulette, & 


de la Rofette AB. 
Si la regle prolongée Z M ne pafloit pas par le centre du 


cercle, mais en étoit une corde, ou fi.on fuppofoit à la touche 
une autre courbüre que la circulaire, fuppofition qui n’a pas 
lieu dans la pratique, on ne pourroit employer avec le même 
avantage la perpendiculaire. & la foûperpendiculaire de la 
courbe 4 B, Il faudroit chercher plufieurs analogies entre les 
coordonnées des trois courbes, & on pourroit fe fervir des 
méthodes employées dans quelques-uns des Problemes pré- 
cédents; mais le calcul en feroit long, & d'ailleurs inutile au 
but que nous nous fommes propolés, ainfi nous nous en 
tiendrons Îà. 

On a donc démontré que dans le cas de la touche pointuë, 
Ja courbe tracée par l'outil du Tour étoit toujours une Con- 
choïde prife fuivant la définition de M. de la Hire; & quoi- 
que cela ne foit plus vrai hors de cette hypothefe, pour 
ramener la courbe du Tour au même point de vüë dans 
toutes les fuppofitions qu'on peut faire fur les diverfes figures 
de la touche, on a donné le moyen de confidérer toüjours la 
courbe tracée par outil, comme une Conchoïde, en cher- 
chant dans les divers cas de la touche rectiligne ou curviligne, 


LEP RER" 


DES SCIENCES. 339 
fa courbe qui peut fervir de bafe à celle du Tour prife pour 
Conchoïde, c’eft-à-dire, pour en faire l'application au Tour, . 
la courbe dont il faudroit que la Rofette eût 1a figure, pour 
faire fuivre à l'outil le même trait, en fuppofant la touche 
pointuë, | 

Quelle que foït Ia figure de ‘la Rofette & de Ta touche, & 
quelle que foit la pofition de l'outil, on a donc le moyen dé 
reconnoître {a nature & Tefpece de courbe tracée par l'outil 
du Tour, ce qui éft l'objet qu'on s'étoit propolé. : 

Je n'ai point parlé des Tours dont l'arbre fixe par une 
extrémité, n'eft mobile que par l'autre, comme un levier de 
la feconde efpece. La feule différence entre l'effet de ceux-Cf, 
& l'effet du Tour parallele que nous avons décrit, confifte 
en ce que dans ceux dont il eff ici queftion , la figure tracée 
peut, en confervant fes proportions, devenir plus où moins 
grande, en approchant ou en éloïgnant feulement l'ouvrage 
de la Rofette: au lieu que dans le Tour parallele, 1a diftance 
de la Rofette à l'outil, n'apporte aucun changement dans les 
dimenfions de la figure. 


IL y a auffi des Tours dans lefquels arbre, au lieu de fe 
mouvoir parallelement à lui-même, «eft porté par deux pou- 
pées mobiles, fur un axe ‘commun parallele à l'arbre, en forte 
que l'axe de l'arbre, au Jieu-de fe mouvoir dans un plan, fe 
meut dans la fuperficie d’un cylindre, & que le centre de Ia 
Rofette, au lieu de décrire une droite, comme ïl la décrit 
dans fon mouvement alternatif de parallelifme, que nous 
avons expliqué, décrit un arc de cercle. H eft vrai que Ja 
hauteur des poupées étant d’un ou deux pieds, le rayon de ce 
cercle eff fi grand par rapport au petit arc que décrit le centre 
de la Rofette, que cet arc peut être pris fenfiblement pour 
une ligne droite; & la conftruétion de ce T'our n’eft faite 
que pour en éviter une plus compofée que demanderoit le 
mouvement de parallelifme proprement dit. 

… À l'égard dela courbe du Tour qui en réfuite, c'eft une 


Conchoïde plus compofée encore que toutes celles dont 
Vui 


Pr 
= A 
*, 


340 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 

nous avons parlé, puifque cette conftruétion du Tour fait à 
l'égard de la courbe tracée, le même effet que fi la regle que 
nous avons toüjours fuppofée droite, devenoit circulaire, 
Les mêmes méthodes que nous avons employées feroient 
trouver l'équation de cette nouvelle Conchoïde; le calcul 
feulement en feroit plus long, & il n’a rien qui invite à en 
furmonter les difficultés. 


Au lieu de fuppofer la regle circulaire, on pourroit la 
fuppofer courbe d’une courbüre quelconque , fuppofition 
très-éloignée de la pratique, & qui ne feroit que des cas 
particuliers de tout ce que nous avons donné de plus général, 
ruais ce Mémoire n'eft déja que trop long. 


Me. de Lead. 1734 PL 21.pag.34o . 


Fig. 2 


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Mem. de Acad 1784 pl 28pag 340 ; 


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DES SCIENCES. 341 


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CINQUIFME MEMOIRE 
SUR LETECTRICITE: 


Où l'on rend compte des nouvelles découvertes für cette 
matiére, faites depuis peu par M. Gray; 


Er où l'on examine quelles font les circonffances qui 
peuvent apporter quelque changement à l'E le@riciré pour 
l'augmentation où la diminution de [a force, comme la 
température de l'air, le vuide, l'air comprimé, àrc. 


Par M. pu Fay. 


: cr que je travaillois aux expériences dont j'ai 
rendu compte à f Académie dans mes précédents Mé- 
moires, M. Gray a continué fes recherches à Londres, & il 
a publié fes découvertes dans les Tranfactions Philofophiques, 
Ness 423 & 426, je vais en donner un extrait en peu de 
mots; premiérement, parce qu'ayant donné dans mon pre- 
mier Mémoire, la fuite hiftorique de tout ce qui avoit été 
fait fur cette matiére jufqu'au moment que j'ai commencé 
d'y travailler, il eft néceflaire de faire voir les progrès qui 
ont été faits depuis; & en fecond lieu, parce qu'on trou- 
vera que ces découvertes font très-curieufes, & qu'elles 
concourent avec les miennes pour donner quelques idées fur 
les caufes de l'Eleétricité. 

M. Gray a trouvé dans l'Electricité deux propriétés nou- 
velles, Fune qu'elle eft permanente, c'eft-à-dire, qu'elle peut 
fubfifter dans les corps très-long-temps après qu'elle y à été 


- excitée, & l’autre qu'elle s’y trouve dans certains cas, fans 
. que les corps ayent été frottés. Voici de quelle maniére il 


a éprouvé que F Electricité étoit permanente; il a fait fondre 


. dans une cuillier de fer différentes matiéres réfineufes fépa- 


rément, comme de Ja réfine blanche, de la noire, de la poix, 
Vu ïï 


21 Juillet 
1734 


Tran. Pie]. 


N° 423. 


Expériences 
Phyfcomechan. 
P-99.Ü'100. 


342 MEMOIRES DE L'ACADEMIÉ RotALE 


de la gomme-lacque, de la cire & du foufre. Lorfque ces 


différentes matiéres avoient pris la forme de la cuïlier en 
s'y refroïdiflant, il chauffoit de nouveau la cuillier un not 
ment, afin d'en faire détacher les matiéres qui fe trouvoient 
de cette maniére conferver la forme d’un fegment de fphere. 

M. Gray a remarqué que lorfqu'il frotioit ces corps, tan- 
dis qu'ils étoient encore chauds, ils ne devenoient point 
électriques, & ils ne commençoient à avoir une vertu fen- 
fible que lorfque leur chaleur étoït à peu-près celle d'un œuf 
qui fort de deflous la poule. La vertu électrique augmentoit 
enfuite à mefure que le corps refroidifloit, & paroifloit dé- 
cuple de ce qu'elle avoit été d'abord. M. Gray enveloppoit 
alors ces différents corps dans du papier, dans de la flanelle, 
ou dans toute autre matiére femblable, & ils y ont confervé 
leur électricité pendant plufieurs mois, & même jufqu'au 
temps qu'il écrit, qui étoit environ un an & demi après fes 
premiéres expériences. Il a fait la même chofe avec un cone 
de foufre, & avec un cylindre de même matiére, ce.dernier 
moulé dans un tube de verre, & le premier dans un verre 
à boire. D'où il réfulte que l'éeétricité n’eft point une qua- 
lité qui fe diffipe peu de temps après avoir été excitée, 
comme on l'avoit cru jufqu'à préfent, mais qu'elle éft per: 
manente, & fe peut conferver très-long-temps dansles corps: 
J'ai vérifié ces expériences, qui m'ont réuffi de même qu'à 
M. Gray, & j'ignore, auffi-bien quelui, quel terme on peut 
affigner à la durée dela vertu éleétrique. 4 

IH y a encore un fait très-curieux que M. Gray a remar 
qué, qui eft qu'il y a des corps qui n'ont pas befoin d’être 
frottés pour devenir éleétriques ; M. Haukfbée avoit déja 
remarqué que poix étant encore chaude, attiroitiles feuilles 
d'or à fa diftance d'un ‘ou de deux doigts, fans avoir été 
frottée, & celaluia paru très-fingulier ; l'en eft néantmoins 
demeurédà, & s'il-eût pouffé fes obférvations auffrloin que 
M. Gray, il auroit reconnu qu'il y a plufieurs matiéres dans 
le même cas, &ique tous des corps réfineux font de ice 
nombre. Voici de quelle-maniére:on doit procéder pour s'en 
appercevoir. . 


_ led RE = 


DES SCIENCES. | 343 
: Après avoir fondu dans une cuillier de fer, comme nous 
venons de le dire, quelque corps réfineux , comme de {a 
poix, de la gomme-lacque, de la cire, &c. & l'avoir fait 
fortir de la cuillier en la chauffant un moment, fi on le 
Jaifle refroidir dans cet état pofé fur une table où far toute 
autre matiére, il devient électrique de lui-même & fans qu'on 
y touche en aucune façon, & cependant il ne commence 
à le devenir que lorfqu'il eft prefque froid. Pour s'apperce- 
voir, dans ces expériences, de {a plus petite électricité {en- 
fible, M. Gray attache un fil très-délié & un peu long au 
bout d'un bâton, & Fapprochant peu-à-peu du corps élec- 
tique, on remarque très-facilement {1 moindre vertu qu'il 
peut avoir. 
Pour faire cette expérience avec un cone de foufie, il n'y 
a qu'à verfer le foufre fondu dans un verre à boire bien fec 
& un peu chauffé, on peut le laifier refroidi dans cet état 
même pendant plufieurs jours, ainfi que je l'ai obfervé,, on 
renverfe enfuite le.verre, & on l'enleve de deffus le cone 
de foufre; fi lon en approche alors un fil, il fattire forte- 
ment ; & comme on pourroit foupçonner qu'en retirant Île 
verre, on feroit l'effet d’une efpece de frottement fur le. cone; 
j'ai pris toutes les précautions néceflaires pour m'aflürer qu'il 
n'y en avoit point, & le foufre a toñjours été électrique, & 
même l'éleétricité à été fenfible à travers le verre, ainfi que 
Ya remarqué M. Gray, car le fil étoit attiré ayant qu'on eût 
Ôté le verre de deflus le cone de foufie, mais cette attraétion 
eft très-foible, & au bout de quelques jours elle ne m'a 
plus paru fenfble, tandis qu'elle étoit encore très-forte dans 
le cone de foufre, Iorfque j'en ôtois le verre duquel j'avois 
foin de le recouvrir pour conferver fon éleétricité qu'il a 
encore depuis plus d’un an, & qu'il confervera encore très: 
long-temps fuivant toutes les apparences, à en juger par Je 
peu de diminution qui. y: efb arrivé pendant cet efpace. de 
temps. M. Gray a auffi remarqué qu'un gâteau de foufre 
d'environ douze onces, confervoit très-long-temps une foible 
éleétricité fans: être enveloppé ni couvert d'aucune matiére) 


LS 


344 .MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

il avertit enfuite qu'il travaille actuellement fur l'attraction 
du Verre & de quelques autres corps pour la rendre per- 
manente de même que celle de ces premiers, & il foupçonne 
que la température de l'air ÿ apporte plus de dérangement 
qu'aux autres. 

M. Gray rapporte à la fin de ce Mémoire les expériences 
fuivantes qu'il a faites avec la Machine pneumatique. Il a 
frotté une boule de verre de deux pouces de diametre, & 
l'ayant renduë électrique, il Fa fufpenduë par un fil de cuivre 
au haut d’un récipient, en forte qu’on la pouvoit facilement 
abbaïfler ou élever pour l’approcher plus où moins de feuilles 
d’or qu'il avoit placées fur un papier foûtenu par une foûcoupe 
pofée fur la platine de la Machine pneumatique ; après avoir 
pompé fair, il n’a trouvé dans la vertu électrique de cette 
boule auéun changement fenfible, non plus que lorfqu’il y 
a laïffé rentrer Vair. Il a fait la même expérience avec du 
foufre, de la gomme-lacque, de la réfine & de la cire blanche, 
fans que l'attraction d'aucune de ces niaticres parût moins 
forte dans le vuide que dans le plein ; if a même pris pour 
faire ces expériences avec précifion, toutes les mefures que 
l'on peut attendre de fon exactitude & de fon attention. On 
trouve dans Boyle & dans le Livre de M. Haukfbée plufieurs 
expériences dans le même genre, mais nous aurons occafion 
d’en parler dans la fuite de ce Mémoire, lorfque nous exa- 
minerons les changements qui arrivent à l'électricité dans le 
vuide. Nous devons maintenant fuivre le travail de M. Gray, 
& dire un mot de fes derniéres découvertes. 

On les trouve dans deux Lettres inférées dans les Tranf- 
actions philofophiques, N.° 426. Dans la premiére, il 
rapporte qu'ayant fufpendu un fil dans le récipient de la 
Machine pneumatique, & ayant enfuite frotté ce récipient 
pour le rendre électrique, après en avoir pompé Fair, le fl 
avoit été attiré avec beaucoup de vigueur. Le tube életrique 
attiroit auffi ce fil fufpendu dans le vuide, & on lui commu- 
niquoit divers mouvements fuivant que lon en approchoit, 
ou que lon en éloignoit avec plus ou moins de vitefle le 


tube, 


À 


os. ES 


ss À A 


DES SCIENCES: 345 
tube, ou fimplement la main : le fil étoit paréillement attiré, 
lorfqu'il y avoit deux récipients lun fur l'autre, & même 
M. Wheler, au rapport de M. Gray, ayant mis l’un dans l'autre 
cinq récipients, le fil étoit également attiré, quoiqu'ils fuffent 
tous vuides d'air. Il eft à obferver que pour mieux réuffir 
dans ces expériences, il faut que le récipient foit joint à la 
Machine pneumatique avec un ciment de cire & de théré- 
bentine, & non fimplement pofé fur un cuir mouillé à la 
maniére ordinaire, parce qu’en pompant fair, il s’éleve de 
ce cuir des vapeurs aqueufes qui diminuent confidérablement 
électricité. 

M. Gray a auffi remarqué que les corps opaques n'arré- 
toient point la vertu électrique, en forte qu'un morceau de 
liége barbouillé de miel fufpendu fous une cloche de métal 
pofée fur une glace, attiroit les feuilles d'or, lorfqu'on appro- 
choit le tube de la cloche. Je rapporte cette expérience de 
M. Gray, quoique le réfultat n'en foit que le même que 
celui de plufieurs expériences inférées dans mon troifiéme 
Mémoire, mais je fuis très-aife de la conformité qui fe trouve 
entre les fiennes & les miennes, cela ne peut que confirmer 
la vérité des unes & des autres ; il eft même arrivé, comme 
on le va voir, que nous en avons fait chacun de notre côté, 
qui font prefque entiérement femblables, & il n'eft pas im- 
poflible que cela ne nous arrive encore très-fouvent , fi nous 
continuons l’un & l'autre à fuivre le même travail, mais cette 
efpece de concurrence, dont en mon particulier je fuis extré- 
mement flatté, ne peut que tourner au profit des Sciences, 
& nous faire avancer plus promptement dans la connoiffance 
des phénomenes de l'électricité. 

M. Gray pañle enfuite à diverfes expériences fur la tranf 
mifion de l'électricité au moyen de deux enfants, dont l'un 
étoit fufpendu fur des cordes de crin, & l’autre avoit fous 
chacun de fes pieds un gâteau de réfine de huit pouces de 
diametre, & de deux pouces d'épaifieur. En approchant le 
tube de Fun de ces enfants, l'électricité fe communiquoit à 
l'autre, foit qu'ils fe tinflent par Ja main, ou qu'ils tinflent 


Mem, 1734 . Xx 


346 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
chacun un bout d’une longue perche ou d'une corde ; il les 
a mis enfuite tous deux fur des gâteaux de réfine, & les a 
fait communiquer l'un avec l’autre de diverfes maniéres, foit 
avec le doigt, avec des cordes, ou feulement par les plis 
de leurs habits. Après avoir fait ainfi plufieurs combinaifons 
différentes & très-curieufes de cette expérience, il fait voix 
que Félechricité fe peut communiquer fans que ce foit par 
un corps continu, & pour cela il fufpend horifontalement 
fur deux foyes une perche de deux piéces de 34 pieds de 
long, & à deux pieds de diftance d’un des bouts de cette 
premiére il en fufpend une feconde de $ pieds de long qui 
fait un angle droit avec la premiére; lorfqu'on approche le 
tube du bout de une de ces perches, l'électricité fe com- 
munique au bout le plus éloigné de la feconde malgré le 
changement de direction , & l'interruption de deux pieds qui 
eft entre l'une & autre. On peut voir dans mon troifiéme 
Mémoire que j'ai fait la même chofe avec des cordes, & 
ce qui eft arrivé lorfque j'ai interpolé différents corps entre 
les bouts des deux cordes. M. Gray finit cette Lettre par le 
détail des expériences qu'il a faites, en éloignant plus ou 
moins l'une de l'autre les baguettes ou les ficelles, & il a 
trouvé que Fattraétion étoit encore fenfible après les avoir 
éloignées à 47 pouces Anglois lune de l'autre. 

Dans la feconde Lettre, M. Gray rapporte encore quel- 
quesexpériences fmguliéres fur la communication de la vertu 
éleétrique, fans que ce foit par un corps continu. Îl fait 
pañlér une corde vers le centre d'un cerceau de 20 pouces 
de diametre, fufpendu par des foyes, ou foùtenu fur un 
piédeftal de réfine dans une fituation verticale, & ayant rendu 
la corde électrique par l'approche du tube, tout le cerceau 
Yeft devenu, quoique fa circonférence füt éloignée d'environ 
ro pouces de la corde qui pañloit par fon centre. On voit 
dans la fuite de cette Lettre, que la même expérience à 
réuffi avec un cerceau de 40 pouces de diametre, foûtenu 
verticalement par un cylindre: ou gros tuyau de verre, & 
que toute fa circonférence eft devenuë aflés fenfiblement 


D rs TB'er ERNEST ur 
‘éleétrique pour attirer un fil blanc à un demi-pouce de 
diftance. 

La vertu électrique donnée par le moyen du tube à une 
corde tenduë, s’eft pareillement communiquée à une boule 
de liege foûtenuë par un rofeau vertical qui avoit pour pied 
un entonnoir de verre renverfé, & l'attraction de la boule 
a été fenfible, quoiqu’elle fût diftante de la corde d’environ 
deux pieds. Enfin M. Gray termine fa feconde Lettre par 
une expérience un peu diférente des précédentes, & qui 
mérite attention. Il pofa fon cerceau de 40 pouces de dia- 
metre fur le gros cylindre de verre dans une fituation ver- 
ticale, & fit pafer à l'ordinaire une ficelle par le centre, il 
approcha le tube du cerceau, alors non-feulement toute la 
circonférence du cerceau devint électrique, mais la ficelle & 
une boule d’yvoire qui étoit à fon autre extrémité le devin- 
rent aufli; il fit enfuite gliffér la boule dans le centre même 


du cerceau, mais alors le fil qu'il préfentoit, pour éprouver 


la force de attraction, fut repouflé par la boule, au lieu 
d’en être attiré; & lorfqu'il préfentoit ce même fil aux autres 
parties de la corde, ïl en étoit attiré à l'ordinaire, comme 
dans les expériences précédentes. 

Ce fait qui paroît très-fingulier s'explique naturellement 
par le principe que j'ai établi dans mon quatriéme Mémoire, 
& on peut le regarder comme une nouvelle preuve de mon 
hypothefe; car, lorfque là boule eft placée au centre du 
cerceau, & qu'elle eft renduë électrique par la communica- 
tion du cerceau qui left devenu lui-même par l'approche 
-du tube, on ne peut approcher le fi de cette boule, qu'en 
le plongeant dans le tourbillon électrique qui circule fans 
cefle de la boule au cerceau ; ce fil doit donc devenir lui- 
même électrique, & fuivant lhypothefe que j'ai avancée, 
il fera repouflé par la boule, puïfque j'ai fait voir que deux 
‘corps empreints d’une électricité de même nature fe re- 
pouffent au lieu de s’attirer. Ce fil, au contraire, {era attiré 
par la ficelle dans tous les points qui feront éloignés du cer- 
‘ceau, parce qu'alors étant hors de l'étenduë du tourbillon 


Xxi 


348 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
éleétrique du cerceau, il ne contraéte aucune vertu, & par 
conféquent il doit être attiré par la ficelle ou par la boule, 
fi on léloigne du centre du cerceau, & qu'on le promene 
le long de la corde. 

Je me fuis un peu étendu fur l'explication de cette expé- 
rience, parce que, comme c'eft à M. Gray que nous Ja 
devons, & que mème elle lui a paru finguliére, j'ai cru qu'il 
étoit important de faire voir combien elle s'accorde natu- 
rellement avec mon hypothefe qui ne fe trouve jufqu'à 
préfent contredite par aucune expérience, & qui, au contraire, 
quadre avec toutes celles dont l'explication avoit paru juf 
qu'à préfent la plus difficile. 

Après avoir rendu compte des découvertes de M. Gray, : 
qui, jufqu’à ce jour, font venuës à ma connoiflance, je vais 
continuer le plan que je me fuis propolé de fuivre, & rap- 
porter en peu de mots les obfervations que j'ai faites fur les 
divers changements que la température de l'air peut caufer 
à l'Eleétricité. La plüpart des Phyficiens ont remarqué que 
l'air humide apportoit beaucoup d'obftacle aux expériences 
de lEledricité, M. Gray fa pareillement obfervé, & ül 
adjoûte dans une des Lettres dont nous venons de rendre 
compte, que l'attraction du verre eft encore plus fufceptible 
de ces changements que celle de l'ambre & des autres corps 
femblables. J'avois deffein de faire fur ce fujet des obferva- 
tions exactes, mais cela n’eft pas poffible, à caufe de plufieurs 
difficultés qui font abfolument infurmontables; premiére- 
ment, on ne fçauroit s’affürer de frotter plufieurs fois de fuite 
le tube, ou tout autre corps électrique, d’une force à peu- 
près égale, ainfi cela fait une premiére caufe d’irrégularité; 
fecondement, les corps que l'on préfente pour être attirés, 
font de nature à ne pouvoir pas être toüjours difpofés de la 
même maniére; s'ils font fufpendus, le moindre mouvement 
dans l'air les agite; s'ils font pofés fur quelque corps que 
ce foit, ils y adhérent plus où moins fortement, fuivant des 
circonftances qui nous font abfolument imperceptibles. Enfin 
le lieu où l’on conferve le tube caufe encore des variations; 


DES HSNICYE E EN CHE SR 349 
s’il a été quelque temps à l'air, fa vertu eft plus difficile à 
exciter que s'il a été enveloppé; la matiére dont on fe fera 
fervi pour l'envelopper, apporte encore du changement, 
de même que le froid ou le chaud du lieu où on l'a confervé; 
toutes ces difficultés m'ont empêché de faire ces obfervations 
avec autant d'exactitude que je me l'étois propolé, & je m’en 
fuis tenu à celles qui font affés fenfibles pour étre facilement 
apperçüës, je doute même qu’il fût d'aucune utilité de Les 
faire avec plus de précifion, & je ne crois pas que cela nous 
donnât plus de connoïffance fur la nature des écoulements 
électriques. ï 

Il eft certain que humidité nuit infiniment à l'action 
des corps électriques, cet obftacle eft tel que lorfque le temps 
eft humide, on frotte quelquefois le tube pendant 4 ou $ 
minutes, fans lui avoir communiqué aucune vertu, & même 
celle qu'il acquiert, lorfqu’on s’obfline à le frotter, eft toû- 
jours très-peu de chofe en comparaifon de celle qu’il a dans 
un beau temps. On doit auffi obferver que quoique le temps 
foit, lors de l'expérience, beau, fec, & tel qu'on le peut 
defirer, on a quelquefois de la peine à exciter la vertu du 
* tube, ce qui vient de ce que les jours précédents auront été 
humides, & que l'humidité s'eft attachée aux parois inté- 
rieures du tube, il faut alors le nettoyer foigneufement, en 
y introduifant avec une baguette un peu de coton fec & 
un peu chaud; il eft bon auffi de F'efluyer par dehors avec 
un linge, ou une étoffe de laine un peu chauffée, cela le 
met en état de devenir plus promptement électrique. 

J'ai aufli remarqué que le temps chaud n’eft pas le plus 
propre à l'Electricité, foit que cela vienne des vapeurs in- 
fenfibles qui font alors plus abondamment élevées de la terre, 
foit que l’on s’échauffe trop vite en frottant le tube, & que 
la tranfpiration du corps rallentiffe le cours de la matiére 
électrique, où en occupe une partie; quoi qu'il en foit, il 
eft certain que les expériences ne réuffiffent jamais fi bien 
dans un jour fort chaud, ni dans les heures les plus chaudes 
d'un jour ordinaire. 


X x ï 


Exyper. Phyfco- 
mechan. p. 3 9. 


P. 108. 


350 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

On auroit pû croire que le vent eût été un obftacle aux 
écoulements électriques, on a vü cependant dans mon troi- 
fiéme Mémoire, que lorfque je fis l'expérience dans laquelle 
la vertu électrique fut tranfmife le long d’une corde, à 
la diftance de 1256 pieds, il faifoit un vent très-violent, 
ce qui n'empècha pas néantmoins qu'elle ne réufsit par- 
faitement ; d’où il réfulte que l'air agité n’entraîne point fa 
matiére électrique, ou du moins s’il y apporte quelque dé- 
rangement, il n'eft pas aflés confidérable, pour qu'on s'en 
apperçoive fenfiblement. 

Enfin pour réunir toutes les circonftances qui m'ont paru 
les plus favorables à l'Eledricité, il faut choïfir un temps fec 
& frein, un vent de Nord, & un jour médiocrement chaud, 
ou même une belle gelée, qui pourroit bien être le temps 
de tous qui y feroit le plus propre, on trouvera que dans 
ces circonftances, l'électricité eft infiniment plus forte que 
dans les temps couverts, ou humides. Voilà tout ce dont 
jai pü m'aflurer par rapport à la température de l'air, & 
ces obfervations font conformes à celles de M. Haukfbée, 
& de M. Gray. Voyons maintenant quels changements le 
vuide, où du moins l'air extrêmement rarefié peut apporter 
dans les expériences de l'Electricité. 

M. Haukfbée rapporte qu'ayant ajufté à un tube de verre 
un robinet, pour le pouvoir appliquer à la Machine pneu- 
matique, & en ayant pompé l'air, le tube, quoique frotté 
à l'ordinaire, n’avoit prefque aucune vertu fenfible, il agitoit 
feulement les plus petites feuilles de laiton, lorfqu'on l'en 
approchoit très-près, mais ayant laiflé‘rentrer Vair, le tube 
devint tout à coup électrique, fans l'avoir frotté de nouveau, 
& il attiroit les feuilles à la même diftance à laquelle il ne 
leur donnoit aucun mouvement, étant vuide d'air; il n’avoit 
pas cependant autant de vertu qu'à Fordinaire, mais ayant 
été enfuite frotté de nouveau, il recouvra toute fon électricité. 

Le même Auteur adjoûte dans un autre endroit, qu'ayant 
enduit intérieurement un globe de verre de cire d'Efpagne, 
& l'ayant fait tourner fur fon axe, après en avoir pompé 


Di E Sy +98 C,L'E Nr CES 351 
l'air, ce globe étoit devenu électrique, en pofant la main 
deflus pendant fon mouvement de rotation, mais qu'il ne 
l'étoit qu'aux endroits qui étoient intérieurement enduits de 
cire d'Efpagne, n'ayant aucune vertu dans quelques autres 
où il n’y avoit point de cire. IL eft vrai que laiflant rentrer 
l'air dans le globe, les endroits enduits de cire devenoïient 
encore plus électriques qu'auparavant, ce qu’il reconnoifloit 
par des fils qu'il laifloit pendre librement au deflus de ce 
globe, 

M. Haukfbée à dit aufi qu'un tube rempli d'air libre, ou 
un cylindre de verre folide, frotté dans un récipient vuide 
d'air, n'acquéroit aucune vertu; d'où il conclud que l'air a 
beaucoup de part aux phénomenes de l'éledricité; il penfe, 
par exemple, que lorfqu’il y a de l'air dans l'intérieur du tube, 
cet air empêche a matiére électrique d’y entrer fi librement, 
& par conféquent la fait agir au dehors; au contraire, lorf. 
que le tube eft vuide d'air, cette même matiére s'y porte 
avec beaucoup de facilité, & par conféquent n’a plus d’aétion 
au dehors. À égard de l'air qui environne le tube exté- 
rieurement, M. Haukfbée penfe que c’eft lui qui tranfporte 
les corps légers vers le tube, & qui eft caufe de tous leurs 
mouvements ; d'où il conclud que fi on vient à ôter cet air 
extérieur, ou, ce qui eft la même chofe, fi l’on frotte le 
tube dans le vuide, tout l'effet apparent de l'électricité doit 
être anéanti. Îl explique par les mêmes principes, la tendance, 
ou la direétion des fils vers le centre du globe de verre rendu 
élechrique, lorfque l'expérience eft faite dans l'air libre, & 
la ceflation de cette tendance lorfque le globe eft vuide d'air, 
ou lorfqu'en étant rempli à ordinaire, on Ôte l'air extérieur 
en faifant l'expérience dans le vuide. 

Ces derniéres expériences de M. Haukfbée ne paroifient 
pas trop S'accorder avec celle de M. Gray que je viens de 
rapporter, qui confifte à rendre une boule de verre électrique 
par le frottement, & la fufpendre enfuite dans le récipient 
de la Machine pneumatique, & il a remarqué qu’alors l'élec- 
tricité ne fouffroit aucune diminution, foit que le récipient 


Page 1 6, 


352 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 

fût rempli d'air ordinaire, foit qu'il en fût vuide, ou qu'en- 
fuite on le fit rentrer; ces efpeces de contrariétés m'ont en- 
gagé à apporter l'attention la plus fcrupuleufe , lorfque j'ai 
refait ces expériences, & même à les combiner de différentes 
maniéres, ainfi qu'on le va voir. 

J'ai commencé par celles de M. Haukfbée avec le tube 
de verre, & elles m'ont réuffi de même qu'à lui, en forte 
qu'il eft conftant que lorfque ce tube eft vuide d'air, if 
n’acquiert prefque point d'électricité, & qu’il la recouvre 
dès qu'on y laifle rentrer l'air, quand même on ne le frot- 
teroit pas de nouveau ; j'ai obfervé de plus que lorfqu'il eft 
vuide d'air, il ne produit point, à l'approche des mains, 
ou du vifage, ces petillements qui arrivent toüjours lor{qu'il 
eft rempli d'air à l'ordinaire, mais cette obfervation tient à 
celles qui concernent la lumiére, & qui doivent faire le fujet 
d'un autre Mémoire. 

Pour faire avec plus de commodité & d'exactitude les 
expériences dans le vuide, je me füuis fervi d’un petit Baro- 
metre que M. de Mairan a eu la bonté de me communi- 
quer, & qui rend toutes les expériences du vuide infiniment 

lus faciles à faire qu’elles ne le font avec un récipient, au- 
quel eft ajufté un Barometre ordinaire, ou même avec le 
tube appliqué à la Machine pneumatique, comme cela fe 
pratique en Angleterre, & dans lequel le Mercure s'éleve à 
proportion que le reflort de l'air diminué dans le récipient. 

Le Barometre de M. de Mairan eft femblable pour la 
forme aux Barometres ordinaires, fi ce n'eft qu'il n’a en tout 
que 3 pouces de ong ou environ; on le remplit tout entier 
de Mercure; ainfi que la partie inférieure de la boule, & 
on l'ajufte fur un petit pied, afin qu’il puiffe demeurer dans 
une fituation verticale. Lorfqu'on veut connoître par le 
moyen de cet inflrument, la quantité dont l'air eft dilaté 
dans le récipient, on le pofe fous ce récipient fur la platine 
de la Machine pneumatique; on conçoit aflés que les pre- 
miers coups de pifton ne font aucun effet fur ce Barome- 
tre, mais lorfque l'air eft dilaté au point que le Barometre 

ordinaire 


DES SCIrENCESs,. 

ordinaire feroit defcendu de 24 pouces ou environ, celui-ci 
commence à agir, & fi on le fait defcendre de 2 pouces, 
on doit juger que le Barometre ordinaire feroit defcendu 
de 26 pouces, & ainfi du refte. On ajufte à ce Barometre 
une petite regle de cuivre divifée en pouces & en lignes, 
& fi l'on veut que les opérations foient faites avec toute la 
jufteffe que l'on peut defrer, il faut avoir égard à la hauteur 
actuelle du Barometre ordinaire lors de l'expérience, mais 
communément il n’eft pas néceflaire d’ apporter une fr grande 
précifion. Pour celles dont il eft queftion préfentement, il 
ne s'agit que de juger de la quantité d'air qui refte dans le 
récipient, & il eft très-aifé de le faire, au moyen de la petite 
regle de cuivre qui indique en lignes Ia différence de hau. 
teur entre le Mercure contenu dans le vuide du tube, & 
celui qui eft dans la boule. 

On feroit de pareïls Barometres un peu plus longs, fr 
on avoit befoin de connoître les degrés d'un vuide moins 
parfait, mais il arrive rarement qu'on en ait befoin:; il n'ya 
que ceux qui font dans Fhabitude de faire de pareïlles expé- 
riences, qui puiflent connoître le prix d’une invention aufii 
fimple, mais pour moi j'avouë que je l'ai trouvée d’une 
commodité infinie, & j'ai cru ne pas devoir nepgliger l’oc- 
cafion de Ia rendre publique. 

Pour m'affürer enfuite fi les différents corps frottés dans 
le vuide acquéreroient de l'électricité ou non, j'ai pris un 
récipient ouvert par le haut; une boîte de bois cylindrique 
d'environ 4 pouces de haut entroit dans cette ouverture 
du récipient, & y étoit exactement cimentée; le fond & 
le couvercle de la boîte étoient percés d'un trou d’une ligne 
& demie de diametre, & elle étoit entiérement remplie de 
plufieurs cuirs appliqués les uns für les autres, percés auffr 
dans le milieu, & graiflés de façon que l'air ne pût s’intro- 
duire ni entre les cuirs, nientr'eux & les parois de la boîte: 
un fi de fer poli traverfoit d'un bout à l'autre fa boîte & 
tous ces cuirs, & l’un de ces bouts qui entroit dans le réc{- 
pient, étoit taillé en vis pour, au moyen d’un peu de filafle 


Mim 1734 | : Yy 


354 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

ajufter une boule percée d'ambre, de verre, ou tout autre 
corps femblable; le bout fupérieur de ce fil de fer qui étoit 
au-deflus de la boite, & hors du récipient, étoit garni d'une 
petite bobine, ou poulie de bois, on faifoit tourner cette 
bobine avec un archet, & par ce moyen le fil de fer & 
la boule qui y étoit attachée, tournoient dans le récipient 
avec beaucoup de rapidité, fans que l'air püt en aucune façon 
y entrer. 

Pour que cette boule püt être frottée par ce mouvement, 
j'avois ajufté une efpece de pince platte & recourbée, garnie 
d’étoffe qui embrafloit la boule & la ferroit foiblement, cette 
pince étoit attachée fixement au tuyau de la platine de la 
Machine pneumatique, enfin il y avoit des fils fufpendus 
au dedans du récipient, pour pouvoir reconnoitre f1 la boule 
étoit devenuë électrique. 

Tout étant ainf difpofé, je commençai par faire lexpé- 
rience fur une boule d'ambre, je Fajuftai pour cet effet au 
bout du fil de fer, & je la fis defcendre entre les branches 
de la pince garnie d'étoffe; je pompai l'air alors jufqu'à ce 
que le Mercure füt defcendu dans le petit Barometre à 3 lign. 
près du niveau, je frottai enfuite la boule d’ambre en faifant 
tourner la bobine par le moyen de l'archet, après quoi foù- 
levant la bobine, je retirai la boule d'entre les branches de 
a pince, ce qui la fit rencontrer vis-à-vis des fils que j'avois 
difpofés à cet effet, elle les attira fortement, & tout de 
même, à ce que j'en puis juger, qu’elle auroit fait dans V'air 
libre. Il rentra fi peu d'air dans le récipient pendant le cours 
de cette expérience, que le Barometre ne monta que d'en- 
viron une demi-ligne. J'ai répété plufieurs fois cette expé- 
rience, & elle a toüjours réuffr de la même maniére, en forte 
qu'il peut demeurer pour conflant que ambre frotté dans le 
vuide devient électrique de même que dans l'air ordinaire. 

J'ai fait la même expérience avec une boule de criftal de 
roche, après avoir garni de papier les branches de la pince, 
parce qu'il m'a paru que le papier faifoit mieux que l'étofte 
pour le verre & les matiéres femblables; ayant pompé Fair 


| 


DE s1 $ CT EN C'E 8. 355 
au mème point-que dans l'expérience précédente, j'ai trouvé 
que la vertu éleétrique étoit confidérablement diminuée, & 
qu'elle étoit rétablie, lorfqu'ayant laïflé rentrer Fair, je 
frottois la boule de nouveau ; d’où il réfulte que le verre & 
les corps femblables frottés dans le vuide n'acquiérent que 
très-peu d'électricité, quoiqu’ils la confervent dans le vuide, 
s'ils ont été précédemment frottés dans l'air libre, & que les 
corps, dont l'électricité eft de la nature de celle que nous 
avons appellée réfineufe, acquiérent cette vertu étant frottés 
dans le vuide, de même qu’ils feroient dans l'air libre, ce 
qui établit encore une nouvelle différence entre ces deux 
éleétricités. 

Ayant fait ces expériences dans le vuide, j'ai voulu voir 
ce qui arriveroit en comprimant l'air dans le tube; & pour 
connoître exactement la quantité dont l'air feroit comprimé, 
J'ai cherché une machine qui me pût donner les degrés de 
condenfation, comme celle que je viens de décrire me don- 
noit ceux de dilatation. . 

La voye la plus fimple n'eft pas pour l'ordinaire celle qui 
e préfente la premiére ; il me vint d’abord des idées aflés 
compliquées, & d’une execution difficile, enfin je m'arrétai 
à un moyen très-facile, & plus fmple encore, s'il eftpoffible, 
que le Barometre dont je viens de parler; c’eft un Tube de 
s ou 6 pouces de long, de demi-ligne ou environ de dia- 
metre intérieur, ouvert par un de fes bouts, & fermé par 
autre. Ce Tube eft porté par une petite monture de cuivre 
divifée en pouces & en lignes, & dans laquelle il peut glifier 
avec un peu de force, enforte que l’on place l’une de fes 
‘extrémités fur la divifion que l’on veut, & qu'il y demeure. 
La monture de cuivre qui enveloppe le tube, eft fenduë fui- 
vant fa longueur , en forte qu'on voit le tube d'un bout à 
autre par cette fente. 

J'ai vû depuis dans le Livre de M. Halès fur 'Analyfe 
de l'Air, une méthode qu'il employe pour connoître a 
profondeur de la Mer, qui a quelque rapport à cette ma- 
chine, & qui auroit pù m'en faire naître l'idée, fi je l'avois 


Yyi 


356 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
connuë plûtôt, mais qui eft encore moins fimple que celle 
que je propofe ici. Ayant difpofé le tout de la maniére que 
je viens de le décrire, on fait entrer dans le tube une goutte 
de mercure, & avec un fil de fer on la place vis-à-vis une 
des divifions de la monture ; comme on peut mouvoir le 
tube dans la monture, & la goutte de mercure dans le tube, 
on arrange l'un & l'autre en forte que Fair compris entre 
le bout fermé du tube & la furface inférieure de la goutte 
de-mercure réponde à un certain nombre de lignes fur la 
monture ; le tout étant difpofé de la forte, on l'ajufte fur 
le canal du robinet, & on l'introduit dans le tube. 

On conçoit facilement que lorfque l'air viendra à être 
comprimé dans le tube, il pefera fur la goutte de mercure, 
& la fera baifler dans le petit tuyau de verre jufqu'à ce que 
l'air contenu fous la goutte foit dans un degré de condenfa- 
tion égal à celui du tube; or comme ce degré de conden- 
ation eft très-aifé à connoître par la quantité de lignes dont 
le mercure defcend, on connoïît pareillement la condenfation 
de l'air du grand tube, 

On me peut faire une objection qui eft bien fondée, mais 
qui eft de très-peu de conféquence , cependant je n'ai pas 
cru devoir négliger d'y répondre. On peut dire que le poids 
de la goutte de mercure comprime un tant foit peu l'air 
du petit tuyau, & qu’ainfi cet air n’eft pas précifément dans 
le même degré de dilatation que l'air extérieur ; on adjoûtera 
que lorfque l'air eft comprimé à un certain point, cette 
même pefanteur ne fait prefque plus aucun effet fur la petite 
colomne inférieure, en forte que cela ne peut pas indiquer 
bien précifément le degré de condenfation , mais je réponds 
à cela que l'erreur eft trop légere pour mériter qu'on y faffe 
attention ; de plus, pour peu que l'on voulüt s'y arrêter, il 
feroit facile de la corriger par le calcul ; enfin, fi l'on veut 
entiérement l'éviter, il n’y a qu'à pofer le petit tube dans une 
fituation horifontale. 

Avec ce petit inftrument, que j'appellerai E/aterometre; 
j'ai fait les expériences fuivantes. Par un beau temps, le tube 


CT 


ml 


DES SCIE N°C ES 357 
étant fort électrique, en forte qu'à la diftance de 3 3 pouces 
il attiroit un aflés gros fil fufpendu librement, j'introduifis 
avec la pompe de l'air dans le tube, en forte que l'efpace 
entre le fond du petit tube & la furface inférieure de a 
goutte de mercure, qui étoit de 54 lignes dans fon état 
ordinaire, fut réduit à 1 8 lignes, l'air étoit donc alors trois 
fois plus comprimé que dans fon état ordinaire ; je fermai 
enfuite le robinet, & ayant frotté le tube, ïl n'attiroit qu'à 
peine le fil à la diftance de 3 pouces, mais je n’en fus pas 
furpris, parce que cela me paroiffoit très-fenfiblement venir 
d'une vapeur grafle que l'air avoit entraînée avec lui en 
pañfant par la pompe, & qui s’étoit attachée aux parois inté- 
rieures du tube ; l’ayant frotté pendant quelque temps, il a 
recouvré aflés d'électricité pour attirer le fil à la diftance 
de 20 pouces, ce qui n'eft néantmoins arrivé qu'après que 
la vapeur, dont je viens de parler, a été diflipée, & a 
monté vers le haut du tube. Jai enfuite ouvert le robinet 
pour laifler fortir l'air, & le tube, après Favoir frotté,, eft 
devenu auffi électrique qu'il Fétoit auparavant. 

Ayant réitéré l'expérience, & comprimé l'air au même 
point, il eft arrivé précifément ka même chofe que la pre- 
miére fois. Quelques heures après je l'ai répétée une troi- 
fiéme fois, & le fuccès a été à peu-près le même. 

La quatriéme fois je comprimai l'air un peu davantage, 
en forte que la goutte de mercure baiffa de 39 lignes, c’eft 
dire que l'air qui dans fon état de liberté occupoit $ 4 lignes, 
& dans les expériences précédentes n'en occupoit plus 
que 1 8, étoit dans celle-ci réduit à 1 $, ce qui eft à peu-près 
tout ce que je puis faire avec ma pompe, car les derniers 
coups de pifton ne font plus. d'effet fenfible, d'ailleurs je 
craindrois qu'une plus forte compreffion ne brifât le tube, 
Je frottai le tube dans cet état, & il n'attira que très-foi- 
blement le fil à la diftance de 3 pouces. J'ouvris alors le 
robinet, & je laiflai fortir l'air avant que le nuage intérieur 
fût difparu , & que la vertu fût recouvrée, comme il étoit 
arrivé dans les premiéres expériences ; je voulois voir s'i 

Yy i 


353 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
n'attiroit pas par ce moyen le fil de plus loin fans l'avoir 
refrotté de nouveau, mais cela n’arriva point, & fa vertu 
refta auffr peu confidérable ; il eft vrai que venant enfuite à 
le frotter pendant quelques inftants, il acquit autant d'élec- 
tricité qu'il en avoit jamais eu. 

I femble qu'il réfulte de-là que l'air introduit dans le tube 
par le moyen d’une pompe, y porte avec lui une vapeur 
grafle qui nuit à l'électricité, & on ne peut pas empêcher 
que cela n'arrive, car fi l'intérieur de la pompe & le pifton 
n'étoient enduits de graifle, l'air ne pourroit y être contenu 
Jorfqu’on vient à le comprimer , & cet air appuyant forte- 
ment contre les parois onétueufes , il fe charge néceflaire- 
ment de quelques parties grafles qu'il porte avec lui dans 
- Fintérieur du tube; fi lon mouilloit la pompe au lieu de la 
graifler, l'air porteroit pareïllement dans le tube une vapeur 
aqueufe qui nuiroit pour le moins autant que celle-ci à 
l'électricité. 

Ces raifons m'ont obligé d’avoir recours à d'autres moyens 
pour comprimer l'air dans le tube, fans y introduire d'hu- 
midité, ni de vapeurs graffes. Je me fuis d'abord fervi de 
l'expédient le plus fimple de tous, qui eft de chauffer le tube 
après lui avoir ôté la communication avec l'air extérieur en 
fermant le robinet. I eft vrai que de cette maniére je n'aug- 
mentois pas la quantité d’air dans le tube, mais je rendois 
fa compreffion plus confidérable, en augmentant fon élaf 
ticité; J'ai donc chauffé le tube le plus qu'il m'a été poflible, 
ou plûtôt autant que j'en ai pû fupporter la chaleur au travers 
du papier dont je me fervois pour le frotter, mais la com- 
preffion de l'air a beaucoup moins augmenté que je ne l’aurois 
cru, car la goutte de mercure n’a defcendu que de 6 lignes, 
ce qui ne dénote que l'augmentation d’un neuviéme dans le 
reflort de L'air; dans cet état, le tube frotté attiroit le fil à 
la diftance de 36 pouces, ce qui eft de 3 pouces plus loin 
que dans les expériences précédentes, mais il eft à croire 
qu'une auffi petite augmentation de la compreflion ou du 
reflort de l'air, n'étoit pas la caufe de ce que le tube attiroït 


DES MAS IAE AN EJB UUit 1ve 
le fil plus loin; il eft plus naturel d'attribuer ce fait à la 
chaleur du tube, parce que j'ai remarqué que dans tous les 
cas la chaleur augmentoit l'action des corps électriques; la 
crainte que j'ai euë de cafler le tube en l’expofant à une plus 
forte chaleur, jointe à la difficulté de le frotter quand il eft 
fort chaud, a fait que je n'ai pas tenté d'augmenter davan- 
tage par cette voye, le reflort de l'air intérieur, & j'ai ima- 
giné de me fervir de la maniére fuivante, 

J'ai fait faireun globe de cuivre creux d'environ 10 pouces 
de diametre, à ce globe étoit foudé un tuyau de 3 pieds de 
Tong, recourbé par fon extrémité, le tout étoit très-exacte- 
ment foudé de foudure forte, & je me fervis de ce globe 
de cuivre, comme d’un éolipile, pour introduire de l'air & 
le comprimer dans le tube. Pour cet effet, le bout recourbé 
du tuyau de cuivre portoit une vis qui s’ajuftoit au robinet 
du tube de verre, & cette extrémité du tuyau étoit recourbée, 
afin qu'on eût la commodité de chauffer la boule de cuivre, 
& que fon tuyau étant horifontal, le tube de verre püt être: 
dans une fituation verticale, & qu'ainfi on püt diftinguer 
facilement les degrés de condenfation, par le moyen du petit 
Elatérometre dont nous venons de parler. 

Je pris d’abord toutes les précautions néceffaires, pour 
que l'air qui pañleroit de la boule dans le tube ne füt chargé 
d'aucune humidité, & pour cela je la fis bien chauffer d’abord 
fans y ajufter le tube de verre, &c en ayant fait fortir le plus 
d'air qu'il me fut poflible par ce moyen, je la retirai du few 
pour la faire refroidir, mais afm qu'il n’y rentrât qu'un air 
très-fec, je mis le bout recourbé du tuyau de cuivre: très- 
proche du feu jufqu'à ce que la boule fut entiérement re- 
froidie, & que par conféquent elle fut remplie de tout l'air 
qu'elle pouvoit contenir dans fon état naturel, je bouchaë 
enfuite exactement le tuyau jufqu'au moment que je fs 
Yexpérience. 

‘Ayant alors débouché ce tuyau, j'y ajuftai le tube garni 
de fon robinet & de Elatérometre, & ayant mis la boule 
für le feu, je condenfai V'air dans. le tube jufqu'à ce que le 


360 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
mercure fut defcendu de 27 lignes, c’eft-à-dire, précifément 
du double de ce qu'il étoit dans l’état naturel, je fermai alors 
le robinet, & je détachaï le tube du tuyau de la boule, je 
le frottai à l'ordinaire, & même beaucoup plus long-temps 
que je n’avois coûtume de faire, il n’acquit cependant qu'une 
très-médiocre élericité, je continuai à le frotter, mais fa 
vertu demeura toüjours très-foible; j'ouvris alors le robinet 
pour laiffer fortir l'air qui y étoit retenu, l'ayant enfuite 
frotté pendant quelques inftants, il recouvra fon électricité 
ordinaire, je refis trois fois de fuite la même expérience, 
& elle réuflit toujours de la même maniére. 

Je voulus voir ce qui arriveroit en Îa faifant dans l’obfcu- 
rité; lorfque l'air fut condenfé du double de Yétat naturel, 
j'eus beau frotter letube, je ne pus pas appercevoir la moindre 
lumiére, & il ne parut aucune étincelle lorfque j'approchois 
du tube les doigts ou le vifage, mais à peine eus-je fait fortir 
Yair condenfé, que le tube devint lumineux au moindre frot- 
tement, & que tous les autres phénomenes qui accompagnent 
Yélectricité reparurent comme à l'ordinaire. 

Il demeure donc pour conftant, que l'air comprimé dans 
le tube, nuit confidérablement à fon électricité ; J'avouë que 
je m'attendois à un effet tout contraire, & que je penfois 
avec M. Haukfbée, que fi le tube perdoit fon électricité 
Jorfqu’il eft vuide d'air, c’eft que la matiére électrique trou- 
vant plus de facilité à fe mouvoir par l'abfence de Fair, fe 
portoit en abondance dans l'intérieur du tube, & par confé- 
quent agifloit plus foiblement au dehors ; j'inferois de-là 
qu’en augmentant dans l'intérieur du tube la quantité de l'air, 
on multiplioit les obftacles qui s’oppofoient aux écoulements 
électriques, & que par conféquent leur aétion devoit fe 
porter au dehors, & faire un effet plus confidérable que lorf- 
que le tube ne contenoit que de Fair dans fon état naturel. 
Lorfque je trouvois que l'expérience étoit contraire à ma 
conjecture, je l'attribuois à la qualité de l'air humide ou 
gras que j'avois introduit dans le tube, maïs je ne puis rien 
foupçonner de femblable dans cette derniére expérience, j'ai 

pris 


D 


LE 


à "TR Te 


DES SCIENCE. 36r. 

pris toutes les précautions poffibles pour que Fair que j'y 

introduifois füt dénué de graifle & d'humidité » & cepen- 

dant l'électricité a été très-fenfiblement arrêtée, Peut-être 

dira-t-on que l'air qui fort de la boule de cuivre échauffée, 

porte avec lui quelques parties fulphureufes qui nuifent à 
l'électricité; mais comme ce n’eft-là qu'une conjecture faite 
au hazard, & que je n’imagine aucune maniére d'introduire 
de l'air dans le tube gui ne foit fujette à plus d’inconvénients 
que cette derniére, Je me contenterai de dire que l'air com- 
primé dans le tube nuit à l'électricité, puifque toutes les 
expériences concourent à me le prouver. Il eft vrai qu'il 
paroîït fort fingulier que l'air comprimé & l'air dilaté pro- 
duifent un effet femblable par rapport à l'électricité, & que 
cet effet foit précifément le contraire de ce qui arrive dans 
l'air libre; mais l'explication de ce fait tient peut-être à 
quelque principe qui ne nous eft pas encore connu, & loin 
d'être découragés par ces efpeces de contrariétés apparentes, 
cela nous doit animer de plus en plus dans nos recherches, 
nous prouver la néceflité de l'examen fcrupuleux des faits; 
& nous faire tenir en garde contre les conféquences que 
nous fommes fouvent tentés de tirer d’une expérience à une 
autre par le rapport & l’analogie que nous croyons trouver 
entrelles, & qui pourroient nous induire en erreur, parce 


que ce rapport nemous eft prefque jamais connu dans toutes 
fes parties, 


à Men. 17 3 94 mt S LZ 


362 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 


D'EL AC CRAN" D'EUPS 
DES SATELLITES DE JUPITER, 


Et des erreurs qui fe gliffent dans les Obférvations 
de ces Sarellires. 


Par M. MARALDE 


Es Satellites de Jupiter font fi éloignés de Ia Terre, 

qu'ils font invifibles à la vûé fimple, & ils nous pa- 
roiflent même très-petits avec les plus longues & les plus 
excellentes Lunettes ; l'angle que leurs images font au foyer 
de ces Lunettes, ne fçauroit être mefuré par le Micrometre 
dont on fe fert ordinairement pour mefurer les diametres 
des corps céleftes. 

Simon Marius, peu de temps après la découverte de ces 
Satellites, en détermina fort groffiérement la grandeur. On 
ne pouvoit pas alors avoir beaucoup de précifion. On ju- 
geoit du rapport des Satellites à Jupiter feulement par eftime 
& conjeélures; les Lunettes, qui venoient d'être inventées, 
n’avoient pas la perfection des nôtres, & ne pouvoient pas 
donner le moyen de déterminer la grandeur des Satellites 
qu'elles nous fourniffent aujourd'hui. On voit par nos Lu- 
nettes, les Satellites entrer fur le difque de Jupiter, & en 
{ortir ; ainfi en obfervant le temps qu'ils employent à entrer 
fur le difque de Jupiter, ou à en fortir, & le comparant à 
celui qu'ils mettent à le parcourir, lorfqu’ils paflent par le 
centre, on aura les diametres de ces Satellites. Il paroiït que 
feu M. Caffini a employé cette méthode pour trouver le 
temps de la demi-demeure des centres de ces Satellites fur le 
difque de Jupiter, & le temps qu’ils employent à entrer fur 
ce difque, & à en fortir, dont il nous a donné des Tables. 
I s'en eft fervi pour trouver le rapport du diametre du 1er 
Satellite au diametre de Jupiter, qu'on voit dans une Lettre 


Sn. ECS 


D'E'Ss" SCT EN CES 363 


- écrite au P. Gottignés, imprimée à Bologne en 166 Fo 


IL eft très-diffcile de faire ces obfervations avec exacti- 
tude ; j'ai voulu effayer d'en faire, mais J'avouë que je n'y 
ai pas réuf. La lumiére de Jupiter les rend très-douteufes. 
On héfite pendant long-temps fi le Satellite touche le bord 
de Jupiter, & s’il eft entiérement entré fur le difque. J'ai 
fouvent perdu de vüë un Satellite qui n'étoit pas à moitié 
entré fur le difque, & je n'ai pû le voir à fa fortie que 
lorfqu'il étoit à moitié forti. Cependant on trouve plufieurs 
de ces obfervations dans les Regiftres de FObfervatoire, qui 
paroïfflent avoir été faites avec précifion. J'en rapporterai 
trois faites par feu M. Caffini, qui m'ont paru les plus pro- 
prés pour déterminer les diametres des Satellites. 


En 169$. 


Le 8 de Février, à 10h 46’ 20" le re Satellite touche le 
bord de Jupiter. 
10 53 20 il entre entiérement, 
13 13 21 il commence à fortir. 
13 20 30 il fe fépare de Jupiter. 


Le 9 deFévrier, à 8 35° 30"le 2.4 Satellite touche Ie 
tp, bord de Jupiter. 
8 45 15 il fe cache derriére le 
ifque. 
11 45 o il eft à moitié forti, 
11 49 35 il fort entiérement. 


Leo deFévrier, à 10h 1° $5"le 3.me Satellite touchoit 
| le bord de Jupiter. 
10 11 45 ileftentré. 
13 53 17 il commence à paroître. 
14 5 23 il fe détache du bord 
de Jupiter. 


Jupiter étoit au temps de ces obfervations à 21° > du 
Lion, à 7 degrés du nœud defcendant des Satellites, On 
Zzi 


364 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarE 
voit par ces obfervations que le 1.€* Satellite a employé 
7 minutes à entrer fur le difque de Jupiter, & qu'il yueft 
refté 2h 27'; que le 2d Satellite a été 9' 40" à entrer, & 
qu'il a employé 3h 4’ 20" à parcourir le difque, & que le 
36 NRA ASTRA {ortir du difque de Jupiter, & qu'il 
a demeuré 3h 43" 38"; à l'égard du 4me j'ai conclu des 
Tables qu'il eft environ 1 $ minutes à entrer fur le difque 
de Jupiter, & qu’il lui faut $ heures pour le parcourir. Le 
temps que ces Satellites demeurent fur le difque de Jupiter 
étant divifé par le temps de leur entrée ou de leur fortie, 
donne pour le 1°", le 24 & le 4me Satellite 20 au quotient, 
& 18 un peu plus pour le 3m; d'où j'ai conclu que le 
diametre du 3° Satellite eft [a 1 8€ partie du diametre de 
Jupiter, & les diametres destrois autres en font {a 2omepartie, 

Pour comparer la grandeur de ces Satellites à la grandeur 
de la Terre, & à celle de la Lune, qui eft le Satellite de Ia 
Terre, il eft néceflaire de connoiître la grandeur de Jupiter, 
que divers Aftronomes ont donné différente, & comime la 
différence eft grande, je rapporterai l'obfervation dont je 
crois que M. Caffini s'eft fervi pour déterminer le diametre 
de Jupiter, car elle eft très-rare par rapport aux circonftances 
qui l’accompagnent. | 

En 1690, le 27 de Septembre, feu M. Caffini ayant 
mefuré la diftance entre les foyers d'une Lunette de 3 4 pieds, 
il la trouva de 404 pouces, & il remarqua que l'image de 
Jupiter comprile entre deux fils paralleles qui étoient au 
foyer de loculaire dreflés fuivant le cercle du mouvement 
journalier de Jupiter, entre lefquels il marchoit, touchant 
lun & l'autre, étoit précifément la ro partie d’un pouce, 
qui étant comparée à la diftance des foyers de la Lunette, 
donne par la Trigonométrie un angle de $ 1 fecondes qui 
mefure le diametre apparent de Jupiter. 

Cette Planete avoit été le jour précédent à 7h 1 8” du foir 
en oppofition avec le Soleil, & elle étoit très-proche de fon 
périhélie ; deux circonftances favorables pour obferver les 
diametres des Planetes : en toute autre fituation il faut avoir 


À 


DÂE: 519 ICE E AN GHE (9 365 
égard, 1.° à leurs afpeéts avec le Soleil, car ils font plus où 
moins éclairés fuivant leur éloignement, mais le défaut de 
lumiére dans Jupiter ne peut jamais étre par cette raifon que 
comme dans la Lune un jour avant ou après fon plein, ou 
comme le finus verfe de 11 degrés, qui eft la parallaxe 
annuelle de cette Planete dans les quadratures. H faut avoir 
égard en fecond lieu à leur diftance à Ja Terre, car les dia- 
metres apparents des Planetes varient en raifon réciproque 
des diftances à la Terre. La variation du diametre de Jupiter 
peut monter jufqu'à 19"; car par les hypothefes de feu M. 
Caffini, la plus petite diftance de Jupiter à la Terre, qui eft 
dans l'oppofition avec le Soleil qui arrive dans le périhélie, 
eft à fa plus grande diflance qui eft dans la conjonétion 
avec le Soleil. qui arrive dans l'aphélie, comme 43450 à 
70950, où comme 29 à 47 ; & fuppolé que ce diametre 
apparent foit de $ 1 fecondes quand il eft le plus grand, il 
fera de 3 2 fecondes quand il fera le plus petit, de forte que 
la variation qui peut arriver au diametre de Jupiter eft de 1 9: 
fecondes. Mais toute cette variation ne lui fçauroit arriver 
qu'en fix années, qui eft l'intervalle entre la conjonction qui 
arrive à l'aphélie, & l'oppofition qui arrive au périhélie ; 
cependant elle peut monter à 17 fecondes dans l’efpace de 
fix mois, qui eft entre l'oppofition de Jupiter avec le Soleil 
& fa conjonction, car dans cet intervalle de temps la varia- 
tion de la diftance de Jupiter à la Terre, en l'année que 
Jupiter eft dans fon périhélie, ef comme 43450 à 65637, 
ou environ comme 4 à 6; donc la variation de fon dia- 
metre fera comme 6 à 4, ou comme 51 fecondes à 34 
fecondes. 

Comme la différence du lieu de Jupiter au temps de cette 
oppofition, au lieu de fon périhélie, n’eft tout au plus que 
de s degrés, & la diftance de Jupiter à la Terre ne varie pas 
fenfiblement par cet éloignement du périhélie, nous avons 
fuppofé que Jupiter étoit à fa moindre diftance de la Terre 
au temps de cette obfervation, & que le diametre obfervé 
étoit le.plus grand qu'il eft poffible. 

Zz üj 


j 


366 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

Or la moindre diftance de Jupiter à la Terre eft à a 
moyenne diftance du Soleil à la Terre, fuivant M. Caffini, 
comme 43450 à 11000, où comme 79 à 20, ou environ 
comme 4 à 1. Donc le diametre de Jupiter, vü d'une dif 
tance égale à la diftance moyenne du Soleil à la Terre, feroit 
de quatre fois $ 1 fecondes, qui font 3° 24". 

Mais le diametre de la Terre, vü de la même diftance, 
felon la détermination de feu M. Caffini, qui eft à lafin 
” dela recherche de la Parallaxe de Mars, eft égal à la roome 
partie du diametre du Soleil, qui dans les moyennes dif 
tances eft de 32° 10", ce qui fait 19” -& pour le diametre 
de la Terre, d'où lon tire que le diametre de la Terre eft 
un peu moins de la rome partié du diametre de Jupiter. 
Nous avons trouvé que le diametre du 3° Satellite eft 
la 18e partie du diametre de Jupiter, & que les diametres 
des trois autres font la 2 ome partie de celui de Jupiter; donc 
Jeurs diametres font au moins la moitié de celui de la Terre, 
leurs furfaces font le quart de celle de a Terre, & les globes 
font la 8me partie du globe de la Terre. Mais on trouvera 
que les globes de ces Satellites font plus de fix fois plus 
grands que celui de la Lune ; car, fuivant M. Caffini, le 
diametre de la Lune eft au diametre de la Terre comme 27 
à roo, les diametres des Satellites font la moitié du diametre 
de la Terre; donc le diametre de fa Lune fera aux diametres 
de ces Satellites comme 27 à so, les furfaces comme 729 
à 2500, & les globes comme 19683 à 125000, c'eft- 
à-dire, comme 1 à 6, un peu plus ; d’où il paroît que ces 
Satellites font plus petits que la Terre, mais plus grands que 
la Lune. ” 

On a remarqué, &ileft rapporté dans plufieurs endroits 
des Mémoires de l'Académie, que la proportion des Satel- 
lites entr’eux ne fe trouve pas toüjours la même. Le 4me 
Satellite, qui le plus fouvent paroît plus petit que les autres, 
paroit quelquefois le plus grand ; le 3€, qui ordinairement 
paroît le plus grand, paroït quelquefois égal aux autres, & 
même plus petit. Ces Satellites paroiffent auffr plus petits, 


x 


1, DPErsm: SION Em GES LEZ 
lorfqu'ils font proche de Jupiter, que quand ils en {ont 
éloignés, ce qui fut d’abord remarqué par Galilée ; dont on 
a attribué la caufe à a lumiére prochaine de Jupiter, qui 
offufque à notre égard celle des Satellites, comme fait la 
Lune aux Afres dont elle approche. Feu M. Caffini à de 
plus remarqué que le temps qu'un Satellite met à entrer 
dans le difque de Jupiter, ou à en fortir, ne paroît pas avoir 
toüjours la même proportion au temps qu'il met à parcourir 
le diametre de Jupiter, & la durée de limmerfion qui dans 
la même conjonction devroit étre égale à la durée de f'émer- 
fion, fe trouve fouvent inégale. 

Il eft vrai que l'obliquité de la ligne du mouvement d'un 
Satellite à la circonférence du difque de Jupiter, à mefure 
qu'un Satellite paffe plus ou moins éloigné du centre, caufe 
un peu de différence; comme auffi le défaut de lumiére d’un 
Satellite & de Jupiter, dont ils doivent manquer vers les 
quadratures avec le Soleil, comme nous avons dit ci-deflus. 
Müis ces caufes n'étant pas fuffifantes pour expliquer la diffé- 
rence confidérable du temps qu'un même Satellite met à 
entrer fur le difque de Jupiter & à en fortir, M. Caffini a 
cru pouvoir en attribuer une partie aux taches des Satellites, 
comme M. Godin l'a expliqué dans l'Hiftoire de l'Académie 
de 1694; il en rejette une autre partie fur la grande diffi- 
culté de déterminer précifément l'inftant des phafes de ces 
Satellites. Je fuis perfuadé que cette caufe eft La principale, 
& qu'il fe glifle, dans les obfervations des Satellites de Ju- 
piter, des erreurs qu'il eft impoffble d'éviter, & dont j'ai 
remarqué un effet très-fingulier dans les différences des Mé- 
ridiens qu'on conclut des obfervations des Immerfions des 
Satellites dans l'ombre, & de leurs Emerfions. 

La différence des Méridiens entre Greenwich & Paris, 
déterminée par les Etclipfes des Satellites de J upiter, réfulte 
fenfiblement plus grande par les obfervations des Immerfions 
des Satellites dans l'ombre que par les Emerfions, comme 
on peut voir par la comparaifon que nous avons faite des 
unes & des autres. Il n’y a pas de doute que la différence 


368 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE 

ne vienne des erreurs glifiées dans les obfexvations ; il paroît 
que les erreurs font dans les obfervations faites à Greenwich. 
Car puifque la différence des Méridiens qui réfulte des ob- 
fervations des Immerfions eft plus grande que celle qu'on 
conclut des obfervations des Emerfions, c’eft une marque 
qu'on a obfervé à Greenwich les Immerfions trop tôt, & 
les Emerfions trop tard. En voici la preuve. Greenwich eft 
plus occidental que Paris, & par conféquent on compte 
moins de temps dans le même inftant à Greenwich qu'à 
Paris, il faut donc fouftraire le temps d’une obfervation faite 
à Greenwich, du temps de la même obfervation faite à Paris, 
pour avoir la différence des Méridiens ; donc la différence 
fera plus grande, lorfque le temps obfervé à Greenwich fera 
moindre qu'il ne doit être, & elle fera plus petite, lorfque 
le temps cbfervé à Greenwich fera plus grand. Mais la plus 
grande différence des Méridiens réfulte des obfervations des 
Immerfions, donc le temps auquel on a marqué ces phafes 
à Greenwich a été moindre qu'il ne doit être, donc on a 
obfervé les Immerfions trop tôt, & la plus petite différence 
des Méridiens réfulte des obfervations des Emerfions, donc 
le temps auquel on a marqué ces phafes à Greenwich a été 
plus grand qu'il ne doit être, donc on a vü les Emerfions 
trop tard. Nous allons appliquer ce raifonnement à un 
exemple tiré des deux premiéres obfervations, afm de le 
rendre plus clair. 

En l'année 1677 on oblerva à Greenwich l’Immerfion 
du premier Satellite dans l'ombre de Jupiter le 1 6 de Juin 
à 14h 546", & à Paris à 14h 1 6’ 10", qui donne la diffé- 
rence des Méridiens de 10’ 24". Si au lieu d'avoir marqué 
à Greenwich lImmerfion totale à 14h s’ 46”, on eût vü le 
Satellite une minute plus tard à Greenwich, & qu'on n'eût 
marqué l’Immerfion qu'à 14h 6’ 46", la différence ne feroit 
que de 9" 24"; de même dans l'Emerfion du méme Satellite 
du 1 8 Septembre de la même année, fi au lieu d’avoir vû 
le Satellite à 1 1P 42° 56" à Greenwich, & à Paris à 11h 
5146", ce qui donne 8’ so” feulement pour la différence 

des 


DES SCIENCES 365 
es Méridiens, on eût vü le Satellite plûtôt à Greenwich, 


_& marqué l'Emerfion à 115 41° 56, on auroit eu la diffé 
rence des Méridiens de 9° so", à 26 fecondes près de celle 


qui réfulte des obfervations des Immerfions, au lieu qu'il y 
a une différence d’une minute 30 fecondes. Si on fuppole 
que les erreurs font dans les obfervations faites à Paris, & 
qu'on y applique le même raifonnement, on augmentera 
l'erreur dans la différence des Méridiens, au lien de Ia di- 
minuer. On m'a afluré qu'à Londres & aux environs Pair 
eft moins pur qu'à Paris, ce qui peut être une fource de 
ces erreurs. La différence des Lunettes pourroit auf y avoir 
quelque part ; car M. Caflini, étant à Londres en 1 698, 
obferva une Immerfion du 1° Satellite avec une Lunette 
de 1 6 pieds, pareille à celles dont on fe fert à l'Obfervatoire 
de Paris, & détermina par la comparaifon de l'obfervation 
correfpondante faite à Paris, la différence des Méridiens, 
entre Londres & Paris, de 9’ 41", & celle entre l'Obferva- 
toire de Greenwich & celui de Paris de 9’ 10", qui s’'accor- 
deroit à la différence moyenne qui réfuite de nos Obferva- 
tions comparées à celles qui font rapportées dans le Livre 
de l'Hiftoire Célefte de M. Flamfteed, telles qu'on les a 


marquées ci-deflous. 


OBSERVATIONS des E‘clpfes des Satellites de Jupiter 
ET faites à Paris, ; 
Avec les Correfpondantes faites à Greenwich. 


IMMERSIONS. 
D RSR ? 


Les mêmes Differ. 
Immerfons obfervées à Paris. obfervées des 
à Greenwich. Merid. 


Jours. He M. JS. 
11677 Juin 16 14 16 10 Im. 
| Juillet 2 12 29 oo Im. 
1680 OŒ. 21 14 56 48 Im. 
: O&. 23 9 25:44 Im. 
1681 Oct. 26 12 39 46. Im. 


Mem. 1734: à Ataa 


RSR 


# 


370 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 


Les mêmes 
Immerfons obfervées à Paris. obfervées 
à Greenwich. 


1681 Nov. 


Les mêmes 
obfervées 
à Greenwich. 


JOIE) 


Jours. H. M. S. Ë ui à 
1677 Sept. 18 11 51.46 Em. p.|18 11 42 56 | 8 50 

Sept. 12708 "78% 30"Emr|2 8 9 40| 8 50 
+682 Mars 15 10 12 40 Em.s.lis 10 3, 53] 8 47 
1688 Sept. 6 9 46 7Em.T.| 6 6 40 | 9 27 
1690 Nov. 9 9 5$ 20 Em.pr 8! 9 12 
1691 Fevr. 13 6 42 14 Em.s 8 54 

Dec. 19 11 55 15 Em.s 7 58 
1693 Mars 4 s DSe2iEnT"P 9 31 
1694 Mai 1 9 31 51 Em.p Pa A 
1095 ANS IE 12 2) 13 ENT 8 26 
1696 Juin 23 10 4 $s3 Em.p 8 13 
1697 Avril 27 8 33 38 Em.p 8 13 

Mait172230 6 386 Em.s 8 42 
1707 Nov. 8 10 25 43 Em.p 9 15 


D'E S 1S:CTEIN CIE: 37% 


SUR LES COURBES TAUTOCHRONES, 


Par M. FONTAINE. 


AR CoUrBE TAUTOCHRONE, j'entends une Courbe 
dont tous les arcs, comptés du point le plus bas, feront 
defcendus ou remontés dans des temps égaux. 

Je diftingue deux maniéres d'être T'autochrone, parce que 
quoique dans quelques hypothefes une même Courbe le foit 
en même temps des deux, ül doit y en avoir une infinité 
d’autres où elle ne pourra l'être que d’une feule. 

On 2 la détermination de ces Courbes pour quelques cas 
particuliers, mais on n’a point encore de Méthode générale 
pour toutes les hypothefes de pefanteur & de réfiftance, & 
voici en quoi confifte la difficulté. 
Soit la Courbe AMM B, on veut 
que cette courbe foit telle que tous 
fes arcs AM, A M, &c. foient 
parcourus en temps égaux, foit en 
montant, foit en defcendant, ou 
plus généralement on veut que les 
temps foient commune fonction 
donnée des arcs & des abfcifles 
correfpondantes. 

On voit d'abord que pour e 
ner une origine fixe aux abfciffes, 
il faut toüjours concevoir le corps 
partant de À, & que pour repréfenter la defdfite, au lieu 
que le milieu retarde, il n’y a qu'à imaginer qu’il accélere, 
& du refte naturellement on s'y prendroit ainfi, on com- 
menceroit par déterminer la vitefle dans un point quelcon- 
que "m de Farc AZ, pour avoir le petit temps de "en y; 
ayant ce temps, on en prendroit la FLuente, & on auroit 
le temps de À en w, on fubftituéroit pour les lignes 4, 

Aaza ji] 


17 Février 
1734» 


72 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RôyALe 
Ap, les lignes AM, AP, & on auroit généralement pour | 
toute courbe le temps de À en A, on égaleroit ce temps 
à la fonétion donnée, & cette équation détermineroit la 
courbe AMM'B, mais 1.° il n'ya ‘que quelques hypothefes 
où l'on puille avoir la vitefle ; 2.° Quand bien même on 
auroit cette vitefle, on ne pourroit pas intégrer l'élément 
du temps. Dans les cas où lon peut avoir la vitefle, voyons 
ce que Mrs Newton & Bernoulli nous ont donné. 

Soit, en premier lieu, le milieu fans réfiftance, & foit 1æ 
force telle qu'on voudra, décrivésune courbe, telle que la partie 
de cette force qui retardera le long de fes petits côtés foit 
toüjours comme l'arc parcouru, cette courbe fera tautochrone.. 

Car foit l'arc à parcourir 444 
— X, l'arc parcouru Am *, 

Farc que le corps parcourt actuel- 


sn dt Dust = à 


lement — x, la vitefie qu'a le 
corps en #1}, celle qu'il perd 


de » en p — y, le temps total 
de À en M—T, le temps écoulé 
de À enm—t, le temps préfent 


| B 
—=t, & foit la force — 2x, on ne 
aura (—nx).+—y, où xx My6 ps 
+—yy=0, sons ASS &” 
AC &y—r (X°— x°)°, donc ji 25e & 

VX — x 
HU a —: mais ÀL ï eft. uné, 
X°— x J (= 


fonction de dimenfion nulle de X & ti x; donc fi on 
avoit cette FLuente, & qu'on fubftituèt pour x, 4, on 
auroit 7° égal à une fonction de dimenfion nulle de #, 
c'eft-à-dire, à un nombre conftant. 


Soit en fecond lieu la réfifiance du milieu — 2, &. 


DE1 SN: SCA EN, CiEus)) if 378 
foit Ia force égale à la gravité ordinaire = z, l'abicifie 


. Lu : ; 
verticale Ap—7; on aura /— É H). DE Ja 
Li 


OU 87) *—+)y—0, 


Sr 
n° 


MG Eee AU “x C }ÿ=—=0, 
( par € j'entends le nombre dont le logarithme eft 1 ) ou 


LC PT ec ere Ta) 


2 — 2 
ot 


donc 
»=V2s CV ACT" 2)EL(C "y 
& => ERE 


Ve. Ve Ar AE pan + 
Pour que 7° foit un SE conftant, il faut r.° que la 
quantité précédente foit une fonétion de dimenfion nulle 
de deux autres fonctions ; 2.° que l’une de ces fonctions 
devienne l’autre, lorfque x deviendra — X, & que toutes 
les deux foient — 0, lorfque x & X feront — o. 
Gr LA 


. + Ars . 
K& _: Lea 27 FA À ; 2 
Soitz= rx C + x, & on trouvera 


= #. 


C he 


V F<+X, F+x, 
FL(C Z) & FL(C &) 

4 { n DE FLD 
fonétion de dimenfion nulle de (+= —C RE) 


que eft une 


— I 
SES 


X 
& de (5<C D D re SE QUE \parr conféquent. 


l courbe eft tautochrone. 

* Maintenant voici une méthode qui ne demande point 

qu'on ait la vitefle, & qui paroît générale pour tous les 

Problemes de ce genre; mais avant tout je dois avertir que 
ù | Aaäa üj 


374 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 

comme j'ai été obligé, dans mes calculs, de faire varier les 
mêmes lignes de deux manitres différentes, il à fallu que 
je défigne leurs variations différemment; j'ai marqué les unes 
à la façon des Anglois par des ffuxions, les autres par des 
différences, à notre maniére, en forte qu'ici dx ne fera pas 


la même chofe que x, dx que x, &c. 
ExEemMPpPLE L 
Dans ’hypothefe de la gravité ordinaire & d'un milieu 


fans réfiftance, on demande que 7 
= . Soient ici les mêmes dénomi- 
nations que précédemment ; & foit de 
plus L=PXs PIX Q TX, &c. 
on aura {— gp). ==}; Où gpx 
+ y — o. Il faut à préfent faire en 
forte que lorfque x deviendra = X, 
# tn A bof M 
PONT nt à devienne = 3. F 


1 
D 
; À | 
Pour cet effet, je prends fur la 


courbe AM M B un autre arc AM 
infiniment peu différent du premier, 7 
& je fais ce nouvel arc à parcourir 
AM' = X", le temps pour le par- 
courir 7° — __ , arc parcouru 
Am = x", la vitefle au point #'=y", 
le petit arc m'w'—x", la vitefle que le 
corps perd de =’ en w'—=y", & on aura “M 
ici, comme dans l'autre arc, g p' x" > , 
RE à EF 
A 


+y'y =o. Soit X— XY—/1X, 


x = dx, y —y=dy,x —x= 4x, ÿ—y=dy 


D R:Si: Let EN GES 375 


Et on aura (px +yÿ)—(6px +) =d(gpx +) 
—o. Donc gpdx+gqxdx + ydy +ydy—0. Je 
fuppofe dx —çdX, & par @, j'entends une fonction de X 


& de x. Soit e—=y*, y—=A*, AZ=UX, &c. Donc 
dx—yx4 X. Pour avoir dy, je fais la proportion fuivante 
qui renferme les conditions du Probleme, 


FL (Ë) : FL(É) ::T{ ou (27) :T, où (#r). Ou, 
en divifant, dFL(+) : FL(S) ::mdX: X. Donc 
dEL (5) =" FL (E) Donc d(2) = "X (à), 
DÉS Pr UE UN Donc dy—yyd X— 22 


& dy—yydX+ ayxd X — 2, Subflituons ces 
valeurs dans notre équation fluxio-différentielle, & elle de- 


Mes Ep JAH 840% AY) AE TE à. 

Où £ (gra) x + ie J'y 0. Faifons 
X 

que cette équation foit la même, terme à terme, que celle-ci, 


£ PX + y = o, & par-là nous aurons les deux équations 
fuivantes, À — 0, IT — p. Donc à x == 0! 
TX. 


27 — 
Donc y—"M. Donc yx=Mx Donc p— Mx+N. 
Mais & doit être —o lorfque x—0, & —1 lorfque x —X: 
car au commencement du mouvement, la différence des 
arcs parcourus en temps proportionnels eft nulle, & à la fin 
elle eft égale à la différence totale des deux arcs. Donc N—0 


& M—-. Donc g——+ & y— 7. Je fubfiitué ces 
valeurs dans la feconde équation, & elle devient 222 =, 


2—2m 


376 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Rorare 


où fi——2#)p—=gqx Donc fi—an) 228, & 
par conféquent {1 — 271) 1x —/1 — 2m) 173 


Donc a de Eu + Donc px 718"; Le AT 
Donc enfin 7287154554 Si =—=\ot, on aura 


ezg—x", comme on le fçait depuis long-temps ; fi m—+, 
on aura 7 x, ou en général, fi nous guflions pris la 
fluente autrement, 7 x. 


ERXEM PE EC TT 


Suppofons à préfent que le mouvement fe fañle dans un 
Milieu qui réfifte en raifon de la vitefle, & qu'on veuille 
-une Courbe où tous les temps foient égaux, l'équafipn fera 


{—sp ny) $ =}, OÙ SX n* +} 0, & 
fa différence gpdx +-gqxdx ==nydx uxdy + ydy 
+) dy—=0. Subflituons pour dx & dx, dy & dy leurs 


valeurs, & nous aurons cette équation cy 
mis ETRXTE 2H))X + 29)) HA x 0, 
8 (PET Frs nyx + D À X+yy=0, | 
4 termes, comparés avec ceux de Ja premiére, don- 
neront AO & 222 — 


Si on-fuit ces re équations comme dans l'exemple 
précédent, on trouvera 7 = 6 2e, 


ExEempPpLe TITI 
Soit la réfiftance — _ , & qu'on veuille la Tautochrone 
de cette hypothele, équation fera {— 3p + =") = y, 
où gpx = y x+yy = 0, fa différence fera gpdx 


ega di y di yxdy y dy +ydy= 0, 
& après 


% 


Di us: SCIENCES M Ge 
& après la fubftitution on aura 
BPYX EIRE TV) XH2yyy HAYX 0, 
É Fiy+a , ,: cher toi 
ou BEST )x+(———) ) X+yy=0; 


EE 
DYER D 5 PF #98 VOIS 
& en comparant Ce ir & 5 =, 


donc 1° <yx+ax—o, donc + g+y =", 


où tx TETE donc = +x—7//p + » M) 
s = # 
H/N, & par conféquent Ne=rNM=C " , 


& en remplifant les conditions que @ foit — 0 au com- 
mencement & — 1 à la fin, on aura + »NM=—=x 


+—X 22 x , . 
& N+rMN=C , d'où l'on tirera 


HM= 1 


— /p+- 1m, & par conféquent mp — cr" 


, MTS ZE — * , 
donc mpx —=mz=C x—x*x, donc m7 = 
E = nd » . / . 
nC — x ==n; & fi l'on veut avoir une équation 
fans quantité exponentielle, il n'y aura qu'à faire 


à: == Es 
HurC =my En+x & HrC — 
a, & on tirera Emnz =mMmIxX + x Xe 


à Mem. 1734 - sb IREE 


378 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
ExEempPpLe Î V. 


ï ms 2 “ 
Soit la réfiftance — IT. & trouvons encore Îa 


Tautochrone de cette hypothele, qui eft «til: de la nature, 
quoiqu'apparemment cette courbe ne puilie être d'aucun 
ufage, attendu que fi les ofcillations de gauche à droite 
font ifochrones, celles de droite à gauche ne le feront pas, 


Dans ce cas-ci, nous aurons (—gp y y) = Ÿo 
ou BYE VIT Lit) 0. Prenons la diffé- 
rence gpdx + gqxdi y dx yxdy = ydx 
x dy + pdy + ydy —=0. Subftituons, & elle 
deviendra gpy* +890 y X ZE 2 yyx 


À 


- se : ++) 
+27) +HAÿ x—0, oug( D ke? 


x yx y} —0x Comparons, & nous trouverons 


les mêmes équations que dans Fhypothefe précédente, ce 
qui prouve que fa T'autochrone left auf de celle-ci. 


PREMIÉRE REMARQUE. 


Soit en général la force le long des petits côtés de la 
çourbe — f, la réfiflance = p, le temps = 7, & 47 
—=SdX,.& on aura (—f—p) = Y > Où fx px 
TT — 0, &kdy = y} — D), mais il arrivera très- 
fouvent que les. deux équations fuxionelles qui dans les 
exemples précédents ont toüjours été comparables, ne le 
feront pas, alors if faudra, par te moyen de ces deux équa- 
tions, faire difparoître les y; & enfuite Touz étant donné, 


tâcher de déterminer autre par les méthodes ordinaires, & 
en rempliffant les deux conditions de 9. 


DES SCrENcCESs 379 
SECONDE REMARQUE. 


Ileft évident que fi au lieu de l'équation des forces, on 
avoit toute autre équation entre le parametre À de la courbe 
AB, Y'abfcifie totale #, l'abfciffe partiale x & l'ordonnée y, 
en termes finis ou en fluxions, ïl eft évident que la méthode 
précédente pourroit également fervir non feulement à trou- 


ver ce que deviendroit FL { se ), mais toute autre fonction 


donnée de ces lignes (comme FL {yx) où FL PRET. 
ou, &c.) lorfque x deviendroit = *, ou réciproquement 
à faire que cette fonction devint une quantité donnée, 
x devenant — Ÿ, & qu'ainfi il peut y avoir une infinité 
de Problemes qui dépendent de cette méthode fluxio-diffé- 
rentielle, 


Bbb ÿ 


26 Juin 
1734 
a W. les Mem. 
de l'Académie, 
an. 1729. 
p-22J. 
b 230 
P: 23 . 


380 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 


ANALYSE: DE Su PL ASTRA 
Pa M. PETiIT le Médecin. 


) 
Ar donné un Mémoire? fur la précipitation du Sel maria 
dans la fabrique du Salpètre, dans lequel j'ai dit P que la 
liqueur qui fournit le Salpêtre eft une leffive faite avec de l'eau 
paljée pluieurs fois fur des Cendres, ér des Plâtras brifés prefqu'en 
pouffiére. Les Cendres fourniffent un fel fixe. Les Plätras ont 
empreints de deux efpeces de fel armoniac, l'un nitreux, € l'autre 
falin ; ce qui fera prouvé dans un Mémoire que je donnerai fur 
cette matiere. Ce Mémoire et l’analyfe de l’eau-mere de fal- 
pètre, que je m'étois propolé de donner, j'y ai travaillé; mais 
jy ai trouvé tant de chofes à examiner, que je me fuis trouvé 
obligé de le divifer en trois parties. La premiére fera l'analyfe 
des Plâtras. La feconde fera un détail des expériences faites 
fur le Sel fixe de bois neuf & de bois flotté, & de plufieurs 
autres fels fixes de plantes capables de produire du falpètre 
avec l'imprégnation de Plâtras, & avec l'efprit de nitre. La 
troifiéme fera fur l'Eau-mere de Salpètre. Je vais donner 
Yanalyfe des Plâtras. 

IL s'agit d'abord de fçavoir fi le falpêtre fe trouve dans les 
plâtras, comme le croyent les falpêtriers, & comme ils ont 
fait croire au public, ou dans les cendres, ou bien s'il fe forme 
de la combinaifon des parties falines qui font contenuës dans 
lun & dans l'autre, & c’eft ce que nous pouvons découvrir 
par l’analyfe de lun & de l'autre. 

Les falpêtriers croyent que les plâtras contiennent du 
falpêtre, parce qu'ils en ont effectivement retiré fans le fecours 
des cendres, mais ils n'ont pas pris garde qu’ils avoient mis 
eux-mêmes le falpêtre dans les plâtras qu'ils avoient en réferve 
dans leurs hangars, & fur lefquels ils ont coûtume de jetter 
les écumes & les fondrilles de leur cuitte, & le plus fouvent 
leur eau-mere, Toutes ces matiéres contiennent beaucoup 


S'ersir Science saut M! Sa 
de falpêtre & de {el marin, qu'ils peuvent retirer fans le fecours 


-des cendres. Mais comme ce falpêtre ne leur paroïfloit pas 


fi beau que celui où l’on 2 employé la cendre, ils ont cru que 
cette cendre ne fervoit qu'à dégraifler les plâtras. Ainfi lorf. 
qu'on fe propole de travailler fur les plâtras, il ne faut pas 
en prendre chez les falpêtriers, il vaut mieux prendre immé- 
diatement ceux que l’on trouve dans les démolitions des 
maifons ; mais il y a un choix à faire. Les falpétriers difent 
que pour connoître les bons plâtras il faut en mettre fur la 
langue, & que ceux qui ont le goût piquant & falé, font les 
meilleurs. 11 faut joindre à cela que ces plâtras font un peu 
gris, & qu'étant mis en poudre & jettés fur les charbons 
ardents, ils produifent des étincelles de feu; plus ils en pro- 
duifent, meilleurs ils font. Ils ont outre cela une certaine 
onctuofité en les frottant entre les doigts, que les autres 
plâtras n'ont pas. On les trouve dans les vieilles maifons, dans 
des lieux bas, où le Soleil ne donne pas, & où l'on ne fait 
point de feu, & même dans les maifons de moyen âge, 
principalement fi on les prend des démolitions des murailles 
d'écuries & de latrines, & ce font de ces plâtras que j'ai choifis 
dans la maifon où je demeure, où l'on a été obligé d’abbattre 
une cloifon de plâtre qui féparoit l'écurie des latrines. J’& 
trouvé ces plâtras très-bons & très-propres à exécuter le 
deflein que j'avois d'en faire l'analyfe. 

J'ai pris douze livres de ces plâtras battus en poudre grof- 
fiére, je les ai mis dans une grande baffine d’étain avec 18 
livres d'eau, je les ai fait chauffer fur un fourneau pendant 
3 où 4 heures, en les remuant de temps en temps, pour tirer 
plus promptement la teinture des plâtras; je l'ai filtré par le 
papier gris. On peut fe difpenfer de la faire chauffer fi l'on 
weut; car foit que l'on faffe couler de l’eau froide ou chaude 
deffus ces plâtras en maniére de leffive, foit qu'on les mette 
tremper à froid dans des vaiffeaux de terre ou d'étain pendant 
8 ou ro jours, en remuant les plâtras plufieurs fois dans la 
journée, on tire toujours la même teinture, qui eft'plus où 
moins forte felon la bonté des pltras, & felon la quantité 

ii 


382 MEMoIREs DE L'ACADEMIE RoyaLe 

d’eau qu'on employe. Je l'ai fait de toutes ces maniéres, j'ai 
trouvé peu de différence dans la teinture qui eft ordinaire- 
ment jaune, tranfparente, amere & d'une légére äcreté. 

Sa pefanteur fpécifique eft pour l'ordinaire à celle de l'eau, 
comme 38 à 37, ou comme 32 à 31, & quelquefois 
comme 27 à 26. | 

Après bien des effais, j'ai tiré à plufieurs fois la teinture 
de so livres de plâtras avec 72 livres d'eau ; j'ai filtré cette 
teinture par le papier gris, je l'ai fait évaporer jufqu'à ce que 
jeme fuis apperçü qu'elle étoit bien chargée de parties falines*, 
ce qui eft marqué par une äcreté plus forte & une plus grande 
amertume, & la couleur rougeître; fa pefanteur fpécifique étoit 
à celle de l’eau comme 4 à 3; il y en avoit 4 livres, elle étoit 
limpide, gris-de-lin, je Vaï fait évaporer jufqu'à confiftance 
d'extrait liquide; car je n'ai pü la faire évaporer jufqu’à ficcité; 
mais lorfqu'elle a été refroidie, elle s’eft trouvée plus ferme 
que du beurre. Cette matiére fe réfout facilement à l'air en 
une liqueur qui a la confiftance de firop. Je l'ai filtrée, fa 
pefanteur efl à l'eau comme 5 à 3, & plus. Si l’on continuë de 
la laifler à l'air , elle s'imbibe de plus en plus de l'humidité de 
Yair, & diminuë de pelanteur fpécifique. C’eftavec cette im- 
prégnation que j'ai fait les expériences fuivantes. 

1." Elle rougit le papier bleu d'un rouge pourpre. Ily ades 
imprégnations qui le rougiflent plus les unes que les autres, 

2.° Mélée avec partie égale d’efprit de nitre, elle n'a 
produit aucun changement. La même chofe eft arrivée avec 
Jefprit de {el. 

3+° J'ai mis une feuille d'or dans le mélange d’imprégna- 
tion & d’efprit de nitre, elle fe diflout en $ ou 6 minutes, ft 
on la remuë pendant ce temps-là. La liqueur étoit plus tranf£ 
parente deux heures après avoir mis cette feuille, qu'elle 
n'étoit auparavant. 


* C'eft le feul moyen de la faire | de nouveaux plâtras, l’on confome 
très-forre, & l'on n’en viendroit pas | meroit beaucoup de plâtras inutiles 
à bout, en reverfant plufieurs foisla | ment, & l’on perdroit 0 du temps. 
même imprégnation où teinture fur 


d'or, elle s'y eft difloute en 1 2 heurés, du moins elle a été 


rn DES SCtENCES . 383 
3 J'ai misune feuille d'or dans le mélange d'imprégnation & 
d'efprit de fel, cette feuille s'eft difloute de même en $ ou 
6 minutes. Je n'ignore pas que de très-habiles Chimiftes 
ont cru * que l'efprit de {el feul diflolvoit l'or, mais ils n’a- : 7 Fe TER 
voient pas pris garde apparemment que cet efprit de fel étoit ; 4 ie) tr 
peut. être fait avec du fel marin des falpêtriers. J'ai même 7° :102. 
pris de Fefprit de fel chés de fameux Chimiftes, qui diflol- 
voit l'or*. Mais M. Geoffroy & M. Boulduc ont apporté * Mm. 1715: 
à l'Académie , chacun en particulier, de l'efprit de fel qu'ils? ‘7: 
avoient fait eux-mêmes, qui na pü difloudre des feuilles 
d'or, quoiqu'on fait fait chauffer très-fort ; j'ai adjoûté de 
Timprégnation de plâtras à cet efprit de {el, qui a pour lors 
diflous les feuilles d’or. 
4° J'ai fait diffoudre une feuille d'argent dans Fefprit de 
nitre, jy ai mêlé de limpregnation. Le mêlange s’eft troublé, 
il s’eft fait un précipité blanc dont une partie eft tombée au 
fond de la liqueur, & l'autre a nagé deflus. 
5° Notre imprégnation s'efl coagulée avec partie égale 
d'huile de vitriol +, le mélange à fermenté avec une grande 
chaleur, & a donné des vapeurs rouges qui fentoient l’eaw 
forte, & en a donné pendant plufieurs jours toutes les fois 
que j'ai remué ce mélange. Si l'on adjoûte encore de l'huile 
devitriol, elle fermente avec chaleur & fumée, le tout de- 
vient plus liquide & fait un précipité très-blanc'au fond de 
la liqueur tranfparente. 
Si fon met une feuille d'or fur ce méhinge, elle fe diflout 
prelque par la vapeur qui s’en exhale. 
.…- J'ai fait le même*mêlange , j'ai mis de l’eau pour difloudre 
les fels, & retenir les vapeurs, je l'ai laiflé jufqu’au lendémaim, 
j'ai tixé la liqueur furnageante & claire, j'y aï mis une feuille 


divifée en une pouffiére très-menué b. 


* BuCette huile de: vitriol étoit con- B L’efprit de nitre ñe fait aucure 
centrée; & fa pefanteur fpécifique | effet fur le coagulum produit par 
étoiträwleau commune comme 28 | le mélange d’imprégnation de pli: 
à 15. -. ! tas avec l'huile de vitriol, il n’en 


384 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 

6. L’imprégnation ne s'eft point d’abord mêlée avee 
l'huile de tartre par défaillance, & ces deux liqueurs fe font 
tenuës féparées *, il ne s’eft pour lors exhalé aucune odeur 
urineufe ; J'ai mêlé les deux liqueurs, je les ai bien remuées 
avec une verge de verre, le mélange s'eft coagulé en confi- 
ftance de beurre blanc, & avoit l'odeur urineule. 

Si on adjoûte à ce mélange un peu de diflolution de {u- 
blimé corrofif, on ne s’apperçoit plus d’odeur urineufe; la 
même chofe arrive, fi au lieu d’imprégnation on fe fert de 
diffolution de fel armoniac; fi l’on remuë très-fort le mélange, 
elle fe fait encore fentir, mais elle cefle en adjoütant de fa 
folution de fublimé corrofif: c'eft fans doute parce que l’efprit 
de fel & de nitre s'unit avec les fels volatils, & les empêche 
de s’exhaler; & une preuve de cela, c’eft que l'efprit de nitre 
ou de {el mis à la place de la folution de fublimé, produit le 
même effet, mais il fermente avec l'huile de tartre, & diffout 
le coagulum, puis il fe fait un précipité falin. 

Si on adjoûte de l'huile de vitriol au mélange de Fimpré- 
gnation de plâtras & d'huile de tartre par défaillance, le tout 
fermente avec une grande chaleur, il fe fait beaucoup de pré- 
cipité. 

L'efprit de nitre produit le même effet, mais il diflout le 
coagulum fans laifler de précipité, à moins d'y adjoûter 
beaucoup d’efprit de nitre. L'on demande la raifon pourquoi 
Je mélange d'imprégnation de plâtras & d'huile de vitriol, ou 
bien d'huile de tartre, produit un coagulum , je crois que cela 


fait. point du tout, ni fur la liqueur 
traniparente en particulier, ni fur le 
précipité. 

L'efprit volatil d'urine fermente 
très-fort avec le mélange d'imprégna- 
tion de plâtras & d’huile de virriol, 
mais fans produire beaucoup de cha- 
leur, tout le coagulum fe diflout, & 
ne laifle qu'un très-leser précipité. 

L'efprit de fel armoniac par la 
chaux n’a produit qu’un peu de cha- 
keur & de fumée , fans fermentation. 


Si lon adjoûte de l'huile de tar- 


tre au mélange d’imprégnation & 
d’huile de vitriol, il fe fit une grande 
fermentation , puis beaucoup de pré- 
cipite, 

* L’imprégnation eft tombée au 
fond de l'huile de tartre, parce qu’elle 
étoit plus pefante, fa pefanteur étoit 
à celle de l’eau commune, comme $ 
à 3, & celle de Phuile de tartre étoit 
comme 3 à 2, ainfi la pefanteur de 
limprégnation étoit à celle de l'huile 
de tartre comme $0 à 45, ou com= 
me 10 à 9. 

ne 


DES SCIENCES. 385 
ne vient que de la quantité de parties falines que ces matiéres 
contiennent, mais principalement de la quantité de terre plà- 
treufe qui fe trouve dans limprégnation ; & ce qui le prouve 
très-bien, c’eft que fi l'on prend la diflolution de 1a matiére 
qui refte dans la cornuë dans laquelle on a diftillé l'efprit de 
{el armoniac avec la chaux, cette diffolution fait un coagulum 
très-épais avec l'huile de tartre par défaillance ; voici encore 
une autre preuve. Jai pris une once & demie de fel de chaux, 
c'eft cette matiére qui fe forme fur l’eau de chaux, je l'ai mis 
dans deux onces & demie d’efprit denitre qui a diflout ce {el 
avec chaleur & une grande effervefcence, il s’eft fait un préci- 
pité. J'ai adjoûté de l'eau, je l'ai filtrée & évaporée de maniére 
qu'elle étoit bien chargée de matiére diffoute, J'en ai mêlé 
avec l'huile de tartre par défaillance, je Yai bien remuée , 
elle eft devenuë épaifle comme du beurre, ce qui eft une 
feconde preuve que la partie terreufe eft la principale ma- 
tiére qui fait ce coagulum. On peut adjoûter à ceci que Fim- 
prégnation faît un coagulum avec les fortes diflolutions de 
vitriol d'Angleterre, de vitriol de Chypre, de vitriol blanc, 
& avec la diflolution d’alun, toutes matiéres qui contiennent 
beaucoup de terre. 

J'ai dit ci-deffus qu'il faut bien remuer le mélange d’impré- 
gnation & d'huile de tartre par défaillance, fans cela on ne 
feroit point de coagulum, ce que j'ai voulu expérimenter, 
J'ai mis de l’imprégnation dans un gobelet, j'y ai verfé partie 
égale d'huï'e de tartre, Je ne les aï point remuées, ces deux 
liqueurs fe font toûjours tenuës féparées fans fe mêler, on 
voyoit au contact des deux liqueurs une légére coagulation. 
Quinze jours après, Fimprégnation étoit féchée en un fe 
blanc qui n’avoit aucune âcreté, il avoit un goût de falpêtre 
terreux mêlé de lixiviel, j'en ai mis fur les charbons ardents, 
ï n'a jetté que quelques étincelles, & a bouilli : ce fel en fe 
formant, avoit laifé des vuides qui étoient entre des lames 
& des aiguilles , ce qui marque une criftailifation. J'ai mis de 
ce fel dans de l'efprit de nitre, il a fermenté comme du {el 
fixe de tartre, & a produit un peu de précipité falin. L'huile 

Men. 17 34 . Ccc 


386 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

de tartre qui étoit au fond du gobelet, deflous le fel dont je 
viens de parler, étoit devenuë jaune & âcre, elle a fermenté 
avec l'efprit de nitre, comme ï huile de tartre ordinaire, & a 
fait un précipité falin. J'ai brouilié enfemble ce qui me reftoit 
d'huile de tartre, de fel & d’imprégnation dans le gobelet, 
pour voir fr j'en formerois un coagulum en forme de beurre, 
mais if ne s’en eft point produit, le {el eft tombé au fond de 
la liqueur jaune, & ne s’y eft point difiout. 

7° Si lon méle de l'imprégnation avec partie égale de 
diflolution de fublimé corrofif, il n'arrive aucun changement, 

uelqu’agitation que vous donniés à ce mélange; mais fi on 
adjoüùte de l’huile de tartre par défaillance, le mêlange fe trou- 
ble, & en le remuant avec un ftilet ou verge de verre, ïl 
devient comme du beurre très-blanc *. Si on y adjoüte dela 
folution de fublimé corrofif, il devient oranger, & à force 
de le remuer il devient blancheître, & enfin fait un précipité 
blanc au fond de la liqueur tranfparente. Ainfi on ne fera pas 
étonné de voir que le mêlange d'huile de tartre & de folution 
de fublimé corrofif, qui devient d’abord oranger, devienne 
blanc après y avoir adjoûté de l'imprégnation de plâtras. On 
ne fent aucune odeur urineufe dans ces mélanges, à moins 
qu'on y ait mis trop peu de folution de fublimé, car pour 
lors cette odeur fe fait fentir en remuant très-fort & un peu 
long-temps le mêlange , mais on la fait cefler dans l'inftant, 
en y adjoûtant un peu de folution de fublimé, pourles raifons 
que j'ai dites ci-devant. 

8.” On produit les mêmes changemens, fi au lieu d’huïle 
de tartre, on employe l'eau de chaux ; elle y a de même excité 
üne odeur urineufe, & toute la différence qu’il y a, c’eft que 
le mêlange ne devient pas épais, comme il devient avecl'huile 
de tartre, & que lorfque l’on mêle d’abord l'eau de chaux 
avec la folution de fublimé, & qu'on y adjoûte après cela 


* Cette expérience eft équivoque |. roit prouver que l’inprépnation con- 
par rapport à la blancheur qui y arri- | tient du fel armoniac , puifqu’on pro- 
ve, &fice n'étoit l'odeur urineufe | duit lamême blancheur avec la difio- 
que lon y apperçoit, cela ne pour- À fution de fel marin. 


| 
| 


DE SAS IGIAUE AN CES, 387 
Timprégnation, le mêlange ne devient pas blanc avec autant 
de facilité, il faut plus de temps & plus de mouvement qu'a- 
vec l'huile de tartre *, 

9." L'imprégnation deplätras a produit le même coagulum 

avec l'efprit d'urine, qu'elle a produit avec l'huile detartre 
par défaillance, mais elle n'a fait aucun coagulum avec l’ef 
prit de fel armoniac fait par la chaux, ce qui n’eft arrivé que 
parce que l'efprit d'urine étoit très-chargé de fel volatil, & 
que l'efprit de fel armoniac en contenoit peu. On s'imagine 
pour l'ordinaire que l’efprit volatil de {el armoniac ou d'urine, 
& leplus vif à Podorat & le plus pénétrant, eft plus chargé 
de parties falines, ce qui ne fe trouve pas vrai, car l'efprit 
volatil de {el armoniac, ou l'efprit d'urine par la chaux, eft 
plus pénétrant que l'efprit de fel armoniac par le {el fixe de 
tartre, qui eft-plus chargé de parties falines, & que lefprit 
d'urine fait fans aucun mélange. 
… 10.” Si on trempe dans l'imprégnation, du linge ou 
du papier, que l'on les laifle fécher, ce linge ou ce papier 
allumé fufe comme s’il avoit été trempé dans da difiolution 
de falpêtre, j 

JL paroït-par Ja 2.4e 3.me 4ime <.me 6,me ;7.me & r1o.me 
expérience que d'imprégnation de plâtras contient un fe] 
armoniac falin & nitreux. Car fi l'on fubitituë la diflolution 

_de felarmoniac falin, &.qu'on y adjoûte de l'efprit de nitre 
#pL'eau de chaux que j'ai em- | à peu devenoit -blanche-opaque en 


-ployée dans ces expériences, a été | refroidiffant, se/ étoit celui de M. 
faire avec une livre de chaux-&qua- | Boulduc. 


tre livres d’eau, & peloit plus que |  J’obferverai encore que j'ai eu des 
T'eau, {a pefanteur fpécifique étoit à |, fublimés dont une partie s’eft tenuëé 
celle de l'eau comme 56 à 57. en diflolution à froid dans 12 parties 


La folution de fublimé corrofif | d’eau, d’autres dans 14, d’autres 
contient une partie de fublimé fur 1$ | dans 16 parties, plus ou moins: ces 
-parties d’eau , .quin’en a pas putenir || difolutiens étant faites dans la même 
davantage en diflolution à froid. J'ai | température d’air, les criftaux de fu- 
‘eu des fublimés dont la diflolution | blimé font fort ditlérents, ily en a 
étoit tranfparente, chaude oufroide, | degrêles & longs depuis 2,3,4 lignes, 

. xeléroit ane du Frere Simon, Char- | jufqu’à 2 pouces ; il y en a d'autres 
itreux. J'en aï eu d’autres dontladif: | plus courts qui fe forment ‘en éven- 
folution étoit très-tran/parente pen- } tail, & cela arrive fuivant le plusou 
dant qu’elle étoit chaude , & qui peu l le moins de fublimé qui fe criftallife. 

Ccc i 


388 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
empreint de fels volatils urineux à la place de l'imprégnation, 
elle produit dans toutes ces expériences les mêmes chan- 
gements, & toute la différence que j'y ai trouvée, c'eft que la 
diflolution de {el armoniac blanchit plus vivement & plus 
promptement avec la diffolution de fublimé, & elle ne fe coa- 
gule pas avec l'huile de tartre par défaillance, ni avec l'huile 
de vitriol, ni avec l'efprit d'urine, comme fait limprégnation 
de plâtras, parce que cette folution n’eft pas fi chargée de fel 
& de bitume que l'imprégnation de plätras. 

Piton de Tournefort ? a fait quelques-unes de ces expé- 
riences, par lefquelles il a reconnu que finfufion de plätras 
contient du fel armoniach, (fon infufion étoit très-foible, 
eu égard à celle que j'ai employée) mais je ne crois pas 
qu’il ait eu raifon de dire que cette infufion ou imprégnation 
contient un fel alkali fixe , parce que l’'infufion de noix de 
galles fait un coagulum avec cette imprégnation, & qu'elle en 
fait un avec l'huile de tartre par défaillance. Il n'a pas fait 
attention que linfufion de noix de galles fe trouble avec la 
folution de fel commun. 

On devroit dire par la même raïfon, que l'imprégnation 
contient de lalun , puifque l'huile de tartre par défaillance fe 
coagule avec la diffolution d’alun , & que l'imprégnation fe 
coagule avec lun & avec l’autre. 

L’imprégnation fe coaguleavecla diffolution devitriol verd, 
de vitriol bleu & de vitriol blanc, comme elle fait avec l'huile 
de tartre par défaillance ; dira-t-on pour cela que cette impré- 
gnation contient des efpeces de vitriol; ce qui eft d’ailleurs 
uue preuve affés certaine que ces fortes de coagulations fe pro- 
duifent par la quantité de fels qui fe trouvent dans les diflo- 
lutions. 

H dit que l'on fépare du fel marin de l'imprégnation ou in- 
fafion de plätras, & que l’on y reconnoit le falpêtre par le 
détonation. 


+ Célebre par le nouveau fyfteme qu'il a donné fur la Botanique, & qui 
aété de cette Académie. 


P Dans la Préface de fon Hiftoire des Plantes des environs de Paris. 


D'E s'rSrotEinN-cariSmeil 38 

Je n’y ai trouvé ni falpêtre ni felmarin, par aucun procedé, 
ä n’eft pas poflible d'en retirer des plâtras , à moins d'y ad- 
joûter un fel fixe; lon voit feulement que le linge ou le 
papier trempés dans limprégnation & féchés, ont fufé vive- 
ment fur les charbons ardents , mais ce n’eft point du falpêtre, 
c’eft du fel armoniac nitreux; on produit la même chofe avec 
le mélange d’efprit de nitre & d’efprit volatil d'urine fermentés 
enfemble; fi lon fait brûler du linge ou du papier trempés 
dans cette liqueur, il fe fait une déflagration très-vive. 

Si l'on fait évaporer jufqu'à pellicule le mélange d’efprit 
de nitre-& de {el volatil d'urine, on en retire des criftaux 
en longues aiguilles qui fe terminent en pointe; ils font quel- 
quefois formés par des pieces articulées, principalement 
dans les derniéres criftallifations : mais ces criftaux ne font 
pas hexagones, on ne peut les avoir bien fecs, ils fe fondent 
facilement à l'air, & encore plus facilement à la chaleur ; ils 
fufent très- vivement fur les charbons ardents. J'en ai mis 
fur une pelle que j'ai expofée au feu,les criftaux fe font fondus, 
puis ils fe font enflammés avec détonation; ils ne fulminent 
quelquefois pas fur la pelle, mais très-vivement fur les 
charbons ardents. 

I réfulte des expériences que je viens de rapporter, qu’il 
y a dans les plâtras un efprit de nitre & un efprit de fel, 
qui avec des fels volatils urineux forment un fel armoniac 
nitreux, & un fel armoniac falin, & c’eft ce que nousallons 
encore prouver par la diftillation de limprégnation de 
plitras. | 

Je me fuis porté d'autant plus volontiers à ce travail, que 
je m'étois apperçu que cette imprégnation contientun bitume 
qui fe fait fentir en faifant évaporer cette liqueur. Outre 
cela, j'avois lieu de croire qu'elle contenoit quelqu'autre ma- 
tiére avec le fel armoniac, & queje pourrois découvrir par La 
diftilation. à 

J'ai d’abord voulu voir quelle liqueur je retirerois en fai- 
fant diftiller limprégnation dans une cucurbite des plus hau- 
tes à un feu très-lent, mais il n'a diftillé que du flegme qui 

Ceci 


390 MEMOIRES DE L'ÂCADEMITE RoYALE 
entoit le bitume; & après bien des effais, j'ai reconnu que 
plus je retirois de flegme, plus il avoit l'odeur de bitume, çe 
qui me faifoit préfumer que ce bitume étoit aufli volatil que 
l'eau, ou bien fi adhérent à l’eau, qu'ilne pouvoit s'en féparer, 
& ilm’a paru épal de diftiler cette imprégnation dansune 
cucurbite ou dansune cornuë. 

J'ai donc rempli une grande cornuë de verre d'impré- 
gnation qui n'étoit point évaporée, je l'ai mife dans le fable, 
jy ai joint un récipient fans le lutter, j'ai fait un feu lent, 
Hadiftié une liqueur claire tranfparente, ayant l'odeur de 
bitume & d'un goût très-defagréable. La liqueur quia diftillé 
le fecond jour avoit uneodeur de bitume plus forte, ce qui 
m'a obligé de lutter le récipient le troifréme jour. J'ai conti- 
nué de la diftiller pendant deux jours, il diftioit peu de chofe 
a nuit, car jy mettois feulement du charbon en me cow 
chant; & enfin le quatriéme jour je me fuis apperçu qu'il ne 
diftioitplus rien. Je voyois pourtant la matiére bouillir dans 
la cornuë, comme une bouillietrès-épaifle. J'ai cefléle feu ; da 
cornuë étant refroidie, je l'ai retirée du fable, & j'ai vä au 
fond de cette cornuë une matiére qui paroïfloit dure & 
jaunâtre. Je l'ai remife dans le fable, j'y ai lutté le même 
récipient vuide de la liqueur qu’il contenoit. Elle fentoit très- 
fort le bitume *, elle n'a fait aucun changement avec le 
vinaigre ni l'efprit de vinaigre, elle avoit lamême pefanteur 

ue l'eau commune. 

J'ai mis le feu au fourneau, je l'ai pouffé par degrésle plus 
fort que j'ai pu; les vapeurs fe font élevées fort rouges dans 
la cornuë & dans le récipient, dans lequel’elles ont eu de 
la peine à pafer. Ha diftillé peu de liqueur , les vapeurs ‘ont 
fubfifté toute la journée dans la cornuë & danse récipient,de 
maniére que je n’y découvrois ni {el ni liqueur. Ces vaifleaux 


* II m'eft arrivé dans cette occa- ‘ 


fon, ce qui eft arrivé à ceux qui ont 
voulu:adoucir l'eau de la mer, &la 
rendre potable ; en la faifant diftiller : 
mais ils n’ont pù empécher le bitume 
que l’eau de la mer contient, de s’é- 


lever avec l’eau, & c’eft ce bitume 
qui la rend d’un très-mauvais gens 
cæ qui ie fait foupçonner que le bi- 
tume quielt dans notre imprégnation, 
eft femblable à celui de l’eau de fa 


mérs. 


DES SCIENCES. 391 
fe font éclaircis le foir; j'ai remarqué que le récipient s'e 
éclairci le premier, & que les vapeurs ont fubfifté encore 
quelque temps dans la cornuë, J'y ai vû un fl blanc, dont 
une partie s'étoit rangée & comme fublimée fur les côtés de 
la cornuë. Le tout étant refroidi le lendemain, j'ai retiré le 
récipient dans lequel il y avoit feulement cinq gros de li- 
queur, qui, à toute épreuve, s'eft trouvée de l'eau régale». 
J'ai mis de l’eau chaude dans la cornuë pour difloudre le {el 
blanc ; la diflolution étoit toute blanche comme du lait, ïl 
s'eft précipité une terre blanche au fond de la liqueur, qui eft 
reftée tranfparente. Je les ai féparés l'un de l'autre, j'ai bien 
lavé la terre, & après l'avoir féchée, elle ne m'a paru être que 
du plâtre b. 

La diflolution de ce fel étoit tranfparente & fans couleur, 
âcre & amere, avec une odeur aromatique. Si l'on frotte cette 
liqueur entre les doigts, on lui trouveune onétuofité fembla- 
ble à celle de F'huïle d’olive ou de l'huile detartre par défail- 
lance; elle eft très-pefante, fa pefanteur fpecifique eff à l’eau 
comme 1 1 à 6. " 

J'ai répété cette diftillation deux fois, mais je n’en ai retiré 

ue de l'efprit de nitre à toute épreuve, au lieu d'eau régale. 
J'en donnerai {a raifon, lorfque je parlerai ci-après de la difti- 
lation des plâtras dont je n'ai tiré que de l'efprit de nitre. 
Au refte, j'ai retiré dans les deux derniéres diftillations de 
l'imprégnation de plâtras, le même fel blanc, âcre & amer. 
Je me fuis imaginé que l'odeur aromatique qu'il avoit, ne 
lui venoit que d’un peu d’efprit de nitre ou d'eau régale 
mêlée avec du bitume qui n’eft que la vapeur rouge que l’on 
voyoit dans la cornuë, & qui n'ayant pû être pouflée dans lé 
récipient , eft retombée fur le fel qui étoit dans la cornuë; & 
voici des obfervations qui peuvent rendre cette idée vrai- 
femblable. 
1° Ayant expofé cette liqueur à l'air, elle a perdu peu à 
peu fon odeur aromatique au bout de trois jours. 
= 8 M. Lémery.en a auffi tiré de l’eau l » C’eft.ce qui produit la magnéle 
régale. V. Mem.1717.p. 49« dans l’eau-mere. r 


392 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
2.° Si l'on mouille du papier bleu avec cette liqueuravant 
qu’elle ait perdu fon odeur, ellerougit ce papier, mais elle ne 
le rougit plus lorfqu'elle a perdu fon odeur. 
3° J'ai fait rougir un creufet entreles charbons ardents, 
jy ai jetté peu à peu fix onces d’imprégnation de plâtras 
évaporée autant qu'il a été poffible ; je l'ai calciné à blancheur, 
j'ai diflout, filtré & évaporé cette diflolution, elle n'avoit 
aucune odeur aromatique, parce qu'étant calcinée à l'air, le 
bitume a enlevé avec lui toute l’eau forte qu’il a pu enlever, 
& dont les acides ne font point bien unisavec les fels alkalis 
volatils; ainfi cette liqueur ne rougit point le papier bleu, 
& ne differe point de celle que j'ai retirée après la diftillation 
de la même imprégnation, & qui expofée à l'air, a perdu fon 
odeur aromatique *. L'une & autre de ces deux liqueurs 
ont produit les mêmes effets que l’imprégnation de plâtras 
avec les efprits de nitre & de fel qu'elles ont rendu capables 
de difloudre l'or. Elles ont fait le même coagulum avec 
Yhuile de vitriol, & la même fermentation. La chofe a été un 
eu différénte avec l'huile de tartre par défaillance, & avec 
l'efprit volatil d'urine; car quoiqu'il fe fafle le même coagu- 
um, il arrive pourtant une fermentation après le coagulum 
formé par le mélange de cette huile & de la diflolution de 
{el de plâtras, qui n'arrive pas avec le mélange de cette huile 
& de limprégnation de plâtras. L'efprit d'urine produit le 
même effet que l'huile de tartre avec ces liqueurs ; le coagu- 
um quieft très-blanc fe diflout par la fermentation, & le 
mélange devient liquide comme de la crème de lait; & enfin 
il fe fait un précipité blanc : cette fermentation n'arrive pour 
lors, que parce que les acides nitreux & falins {ont plus à 


*_J'airetiré du flegme de l’impré- 


n’étoit pe exactement bouchée, qui 
gnation de plâtras qui rougifloit bien 


rougit bien le papier bleu ; mais il 


le papier bleu, & qui avoit l’odeurde 
bitume. J'en ai mis pendant quinze 
jours à l'air dans un gobelet, ila perdu 
cette odeur; il rougir encorele papier 
bleu, mais pas fi bien. J’en ai, qui de- 
puis deux ans étoit dans une fiole, qui 


faut prendre garde que c’eft de l’efprit 
de nitre qui eft dans le flegme , & qui 
eft féparé des autres matiéres , au lieu 
que dans la diffolution de ce fel il n'y 
a plus d’efprit de nitre féparé , & que 
ce qu’il y en a s’évapore. 
découvert 


ardt 


DES SCIENCES, 393 
découvert dans ce fef, que dans l'imprégnation qui contient 
du bitume. 

Cette diflolution de fel de plâtras a la même pefanteur que 
Fimprégnation deplâtras. Nous-examinerons la caufe de cette 
pefanteur en parlant de l'eau-mere. J’oubliois de dire que 
la diffolution du fel de plâtras, mélée avec la diflolution de 
fublimé corrofif, ne fait aucun changement; fi l'on y adjoûte 
de l'huile de tartre, le mélange devient oranger ; mais à force 
de le remuer il devient blinc, puis il fe fait un précipité 
blanc. $ 

. Voilà donc encore une fois les fels armoniacs nitreux & 
falins bien démontrés dans notre imprégnation de plâtras; 
& en conféquence, j'ai voulu voir fi le fel de plâtras pourroit 
fe fublimer comme le fel armoniac; j'en ai rempli la moitié 
d'une fiole; je lai mis dans le fable, & j'ai poufié le feu par 
degrés autant qu'il m'a été poffble; le fel s’eft fondu, & s’eft 
affaiflé en fe féchant ; il s’y eft formé plufieurs trous, d’où 
{ortoient des vapeurs qui avoient l’odeur d’eau forte, mais 
il ne s’eft fait aucune fublimation. 
: Après les expériences que je viens de rapporter fur l'impré- 
gnation de plâtras, j'ai voulu voir fi je ne retirerois point de 
l'eau régale de la diftillation de pareils plâtras. J'en ai mis 
14 livres dans une grande cornuë de grès, que l'on à 
placée dans un fourneau de reverbere; on y a adapté un balon, 
on a mis le feu au fourneau à 8 heures du matin, que lon 
a augmenté par degrés jufqu'à 1 1 heures, c’eft-à-dire, pen- 


dant 3 heures: il y avoit déja beaucoup de liqueur diftillée, 


mais qui n'avoit produit aucune vapeur apparente. On a 
enfuite pouffé le feu le plus fort qu’on a pu, ce quia donné 
des vapeurs rouges jufqu'à 4 heures après midi qu’elles ont 
ceflé, & l’on n'a plus continué le feu ; on n'a retiré les 
vaifleaux que le fendemain; la cornuë s’eft trouvée fêlée, ce 
qui a caufé la perte de quantité de vapeurs, comme nous 
Yallons voir. 

Je caflai tout-à-fait la cornuë pour en retirer les plâtras, 
il y en avoit 9 livres 8 onces, & il n’y avoit que 2 livres 


Mem. 1734 . Ddd 


394 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

14 onces de liqueur dans le balon, ce qui fait en tout 12 
livres 6 onces; il y a donc eu 26 onces de perte, foit efprit, 
foit flegme. x 

Cette liqueur diftillée avoit l'odeur d'eau forte, mais foible, 
elle étoit à l'eau, pour la pefanteur, comme 6 1 à 60, ce qui 
m'a obligé de la déflegmer, & pour cela je lai fait diftiller 
dans une cucurbite, j'en ai tiré 24 onces 4 gros de liqueur 
qui n'avoit pas plus de pefanteur que de l'eau commune, 
& qui avoit une très-légére odeur d'efprit de nitre, elle 
n'a fait aucun changement au papier bleu, elle n’a caufé 
aucun mouvement avec lhuile de tartre par défaillance; il 
eft refté dans la cucurbite 2 1 onces 3 gros de liqueur qui 
fentoit bien lefprit de nitre, & qui a fermenté foiblement 
avec l'huile de tartre, elle a rougi le papier bleu, elle étoit 
à l'eau comme 2 3 à 20, elle n'a diflout ni l'or, ni l'argent, 
ni le cuivre. Je lai déflegmée encore une fois; j'en ai retiré 
16 onces 2 gros ou environ, de flegme femblable au pré- 
cédent, mais qui avoit pourtant l'odeur d'efprit de nitre 
un peu plus forte, il eft refté $ onces de liqueur dans fa 
eucurbite, dont la pefanteur fpécifique étoit à l’eau comme 
3 à 4, & qui, à toute épreuve, étoit de bon elprit de 
nitre*, il a bien diffout l'argent, mais il n’a point touché à 
For, j'ai mis quelques gouttes d’efprit de {el dans un gros de 
cet efprit, il a très-bien diflout l'or. 

J'ai leffivé les plâtras reftés dans la cornuë avec de l’eau 
bouillante, je l'ai filtrée, cette liqueur s'eft coagulée avec 
l'huile de tartre par défaillance, en beurre aflés ferme, elle 
n’a donné qu’une très-légére odeur d’efprit urineux. 

Elle s’eft troublée très-fort avec l’efprit d'urine, mais elle 
n'a pas pris la confiftance de beurre. 

Mélée avec l'efprit de nitre, elle a diffout Tor bien plus 
promptement que limprégnation de plâtras mêlée avec de 
pareil efprit. | 

Elle n’a point blanchi le mélange d'huile de tartre & 


* M. Boulduc a tiré de l’efprit de nitre des plâtras. W. /'Hiff. de l' Acad, 
de M. Duhamel, année 1696, pag. 416. à 417: 


DES :$ CiE:N c'es. 9: 
de fublimé, non plus que le mélange d’eau de chaux & 
de fublimé. . 

Enfin, j'ai fait évaporer jufqu'à pellicule, ce qui me reftoit 
de cette liqueur. Deux jours après, j'ai trouvé au fond de 
la liqueur une matiére qui n’avoit aucune figure déterminée, 
elle reflembloit à du fel de chaux, fans aucun goût, quoi: 
que la liqueur qui furnageoit füt d’un goût très-aner, falé, 
un peu âcre, & de couleur jaune, fa pefanteur fpécifique 
étoit à l'eau comme 7 à 6, la matiére terreufe n’a pû fe 
diffoudre dans fefprit de nitre, & le fel de chaux s'y eft 
diflout âvec fermentation. : | 

J'ai encore fait évaporer ma liqueur jufqu'à pellicule ; 
deux jours après, j'ai trouvé au fond de cette liqueur, de 
vrai fel marin, bien figuré, mais très-petit, falé, & en petite 
quantité, par rapport à d'autre fel qui y-étoit en bien plus 
grande quantité, & qui n'étoit point figuré, ce dernier fel 
n'étoit point fi falé, j'ai d’abord cru que c'étoit du falpêtre, 
mais outre qu'il n'en avoit pas la figure, c’eft qu’il n’a point 
fufé fur les charbons. 

IL s'agit de fçavoir pourquoi je n'ai retiré que de l'éfprit 
de nitre des plâtras, & de quelque diftillation d'imprégna- 
tion de plâtras, & pourquoi le fel marin que je n'ai retiré 
par aucun procedé de limprégnation de plâtras, qu'en y 
adjoûtant un fel fixe ; comment, dis-je, ce fel marin fe 
trouve tout formé dans la leffive des plâtras diftillée, 

14° H faut obferver qu'il y a moins d’efprit de fel dans 
les plâtras que d'efprit de nitre, tous les plâtras n'ont pas 
la même quantité d’efprit de fel & d’efprit de nitre*, 

J'ai fait voir dans un Mémoire, que dans une cuite qui 
contenoit 350 livres de falpêtre, il fe trouvoit environ 
‘150 livres de fel marin; preuve qu'il ÿ a beaucoup plus 
d'efprit de nitre dans les plâtras que d’efprit de fel. 

2.° Que les efprits acides ne peuvent fe retirer par la 
diftillation des matiéres avec lefquelles ils font combinés, 


* Nous vérrons dans un autre Mémoire, une Analyfe qui m'a donné 
plus de fel marin que de falpêtre. 
Ddd ïÿ 


V. Mem. de 


l'Acad. 1 729, 


231. © 


232. 


396 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
que par le moyen des matiéres fulphureufes & bitumineufes 
que lon y mêle, on le voit dans la diftillation de l'efprit 
de nitre & de l'efprit de fel, ou bien lorfqu'elles y font 
naturellement mêlées, & c'eft ce que l’on voit dans la diftit- 
lation du vitriol, & dans celle des plâtras & de l'imprégna- 
tion de plâtras. 

3° Qu'il n'y a qu'une certaine petite quantité de matiére 
bitumineufe dans les plâtras & dans leur imprégnation, qui 
étant confommée par la diftillation d'une certaine quantité 
d'efprit, il ne peut plus s'élever d'efprit, quelque feu que 
Von fafle. On fçait que l'efprit de nitre a plus de facilité à 
s'élever que l’efprit de fel ; il y a apparence que la matiére 
bitumineufe s'unit plus facilement à l'efprit de nitre qu'à 
l'efprit de fel, & qu'elle s'éleve avec cet efprit ; ainfi s’il n’y a 
qu'une fuffifante quantité de bitume capable d'enlever l'efprit 
de nitre qui s’y trouve, il ne s’élevera point d’efprit de fel, 
quelque feu que fon fafle. Voilà pourquoi nous n'avons eu 
que de l'efprit de nitre dans la diftillation des plâtras, & 
de fon imprégnation, & c'eft ce que nous verrons dans la 
diftillation d’eau-mere & dans fa calcination. Il n'y a pas 
même toûjours affés de matiére bitumineufe pour enlever 
tout l'efprit de nitre, mais il s'en trouve aufli quelquefois 
plus qu’il n’en faut pour la quantité d’efprit de nitre, & pour 
lors äl s'éleve une portion d’efprit de fel, & produit de l’eau 
régale; mais s’il ne s’en trouve pas pour enlever de l'efprit de 
fel, cet efprit agité par un feu violent fe détache en partie 
des efprits urineux, & comme il manque de véhicule pour 
l'enlever, il fe mêle avec la terre du plâtre, il s’y unit, & 
forme un fel concret, & pour dire en un mot, un vrai {el 
“marin ; ainfi il peut fe faire que le fel marin que j'ai retiré 
de la leffive des plâtras diftillés, ne fe foit formé que pendant 
la diftillation. On ne manquera pas de me dire que fi lon 
fait diftiller des efprits acides, ils s’élevent, fans que pour 
cela on ait befoin d’une matiére fulphureufe pour les aider; 
cela eft vrai, mais fi ces efprits font adhérents à des fels fixes, 
à de a terre, à des fels volatils, ils ne s’éleveront point qu'il 


DES SCTENCES. 7 397. 


| n'y ait quelque matiére capable de les détacher de ces {els 


& c’eft ce que produifent les matiéres fulphureufes. 

Les vapeurs d'eau forte qui fe font élevées lorfque j'ai 
mêlé de Fhuile de vitriol avec l'imprégnation de plâtras, 
m'ont donné lieu d’efpérer que je tirerois de l’eau régale par 
la diftillation de ce mélange, puifque lon retire de l'efprit 
de fel du fel marin, en le mêlant avec l'huile de vitriol, 

J'ai mis dans une cucurbite de verre 10 onces d’impré- 
gnation de plâtras, évaporée autant qu'il a été poffible, 
J'ai adjoûté à cette cucurbite, qui pefe 11 onc. 6 gros 36 
grains, un chapiteau tubulé, auquel j'ai adapté un matras 
pour récipient ; le tout accommodé fur un bain de fable, jai 
fait un petit feu pour liquefier limprégnation, puis j'ai verfé 
environ un gros d'huile de vitriol, ce qui a fait fermenter 
la matiére, puis j'en ai adjoûté peu à peu autant, à mefure que 
je voyois la fermentation cefler, jufqu'à 24 gros 3 6 grains, 
& à chaque fois je bouchois l'entrée du tuyau avec un bon 
bouchon de liege, mais peu à peu la matiére s'eft gonflée 
de maniére qu'elle a entiérement rempli la cucurbite, j'ai 
été obligé de retirer le peu de feu qu'il y avoit dans le 
fourneau, fans quoi la matiére auroit paflé dans le récipient, 
il s'eft élevé des vapeurs rouges qui ont rempli le chapiteau 
& le récipient, il a diftillé une liqueur, Les vapeurs rouges 
fe font prefque diffipées, la matiére s'eft affaiflée dans la 
cucurbite, J'ai remis du feu dans le fourneau, je ai augmenté 
aflés fort, les vapeurs rouges ont reparu, je l'ai continué 
jufqu'au foir; lorfque je me fuis apperçû qu'il ne diftilloit 
plus rien, j'ai ceffé le feu, les vaiffeaux font devenus froids, 
les vapeurs rouges fubfiftoient dans la cucurbite, Le chapiteau 


& le récipient, il y en avoit encore le lendemain matin; 


j'ai retiré le récipient, il contenoit 4 onc. 4 gros de liqueur 
qui, à toute épreuve, s'eft trouvée de leau régale, elle 
diffolvoit une feuille d'or en un quart d'heure, elle réduifoit 
‘une feuille d'argent en un fédiment noirâtre. L 


J'ai déluté le chapiteau, j'ai trouvé encore des vapeurs 
rouges dans la cucurbite, qui pefe avec la matiére blariche 


Ddd 


398 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
qui eft dedans, 7 onc. 2 gros, j'ai verfé de l'eau fur cette 
matiére, elle set difloute en une liqueur blanche comme 
du lait, je l'ai filtrée, la liqueur a paffé claire & tranfparente, 
il eft refté dans le filtre 3 onces 1 gros de terre blanche, 
j'ai fait évaporer la liqueur filtrée, je n'ai p la defécher, 
mais en la laiffant refroidir, elle s’eft réduite en une matiére 
gommeufe & dure, il y en avoit 33 gros, elle fe liquefioït 
à l'air & à la chaleur, de même que l’imprégnation de plâtras 
évaporée, peut-être que fi jy eufle mis une plus grande 
quantité d'huile de vitriol, j'en aurois retiré davantage d'eau 
régale. 

J'ai donc recommencé cette opération dans le même vaif- 
feau, avec des circonftances un peu différentes; j'ai d'abord 
mis dans la cucurbite $ onces d'imprégnation de pltras*, &c 
4 onc. d'huile de vitriol peu à peu & alternativement par 
le tube du chapiteau, la matiére a fermenté, il s'eft élevé 
des vapeurs rouges, mais qui n’ont point paflé dans le réci- 
pient, je l'ai laiffé ainfi jufqu’au lendemain, fans faire de feu, 
& je n'ai rien trouvé dans le récipient ; j'y ai adjoûté $ onc. 
d'imprégnation, & j'ai mis le feu au fourneau à 7" du matin, 
je l'ai augmenté par degrés, j'ai encore mis 2 onc. d'huile 
de vitriol, les vapeurs fe font d’abord élevées, & ont paffé 
dans le récipient, la matiére ne s'eft prefque point rarefñée, 
comme il eft arrivé à l’opération précédente. Enfm lorfque 
je voyois les vapeurs diminuer, j'y adjoütois de l'imprégna- 
tion, de forte que j'ai employé dans cette opération 1 4 onc. 
$ gros d’imprégnation, & 6 onces d'huile de vitriol; j'ai 
continué le grand feu jufqu’à 8h du foir, parce que je voyois 
toûjours des vapeurs rouges dans la cucurbite & dans fon 
chapiteau ; j'ai trouvé le lendemain 10 onc. 6 gros d'eau 
régale dans le récipient, elle diffolvoit une feuille d’or dans 
une demi-minute, elle étoit à l'eau comme 6 + à $, ou 
comme 13 à 10. 

I eft reflé 8 onces 3 gros de matiére blanche dans la 


* Elle pefe avec l’Aréometre 29 onc. 66 grains, elle eft à l'eau comme 
49 à 30, c'eft à peu-près comme $ à 3+ 


DES -S:CI EN C‘E Suit 399 
cucurbite, il s’eft donc perdu 1 2 gros de parties fpiritueufes 

ii fe font diffipées; j'ai diffout cette matiére, je l'ai filtrée, 
il eft refté dans le filtre de la terre blanche qui, étant bien 
féchée, pefoit $ onc, 2 gros, il y avoit donc 3 onc. 1 gros 
de fel qui s'eft diflout dans l'eau, cette diffolution eft aigre- 
lette, elle eft à l'eau comme 10 + à 9 +, ou comme 24 
à 19 ; elle rouyit le papier bleu, elle n'a point fermenté, 
ni fait aucun changement avec l'huile de tartre par défaillance, 
elle n'a point difiout For; étant évaporée jufqu’à pellicule, 
elle n’a point donné de criftaux bien formés, maisune matiére 
faline informe, 

Voici de l’eau régale que j'ai retirée du fel de plâtras, j'a 
pris 14 onces de forte diflolution de fel de plâtras, reftée 
après la diftillation d'imprégnation de plâtras, dont j'avois 
tiré de l'efprit de nitre, comme je l'ai dit ci-deflus ; j'ai mis 
cette diflolution dans une cornuë pofée au bain de fable, 
& y ayant mis un récipient fans le luter, je l'ai fait diftiler 
jufqus ce que j'aye apperçû la matiére en confiflance de firop 
épais & bien cuit ; j'ai ceflé le feu, il y avoit dans le réci- 
pient 4 onc. 2 gros de flegme limpide & fans couleur, if 
avoit l'odeur de bitume tirant fur celle d’eau forte, & qui 
a bien rougi le papier bleu; elle n'a produit aucun mouve- 
ment de fermentation avec l'huile de tartre; fa pefanteur 
fpécifique étoit à l'eau comme 2 1 7 à 2 1 6, elle n’avoit point 
de faveur *. 

Lorfque la cornuë a été refroidie, j'y ai verfé $ onces 
d'huile de vitriol qui, en la remuant, s'eft coagulée avec le 
fel de plâtras, & a commencé à jetter des vapeurs rouges ; 
je l'ai mis promptement dans le fable, j’y ai adapté un grand 
matras pour récipient, je l'ai luté tout d’abord, les vapeurs 
rouges ont rempli la cornuë & le récipient; quoiqu'il n'y 
eût point de feu, la cornuë s’eft échauffée fort bien par le 
mélange, je l'ai laiflée en cet état pendant deux heures : comme 


* J'ai mis r grain d’eaurégaleque | papier bleu que le flegme dont je 
Jairetiré dans F5 gros d'eau; ce | parle, je n’y ai apperçü aucune f:- 
mélange a rougi aufli vivement le | veux { 


400 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

j'ai vû qu'il ne fe formoit aucune liqueur dans le récipient, 
j'ai mis le feu au fourneau que j'ai augmenté peu à peu; 
demi-heure après, il s'eft formé des gouttes qui ont diftillé, 
ce qui a continué pendant trois heures & demie, après quoi 
les vaifleaux fe font éclaircis, principalement la cornuë; j'ai 
augmenté le feu, mais malgré cela, il n’a plus rien diftillé; 
le lendemain matin, j'ai retiré mes vaifleaux, il y avoit 
encore des vapeurs rouges, je n'ai trouvé que $ onces de 
liqueur dans mon récipient, elle a diflout lor dans l’'inftant, 
cette eau régale eft à l'eau comme 4 à 3, elle eft couleur 
de gris-de-lin jaune, toutes mes autres eaux régales font 
verdâtres, tirant fur le jaune*. 

Il eft refté dans la cornuë 9 onces 2 gros de matiére 
blanche & dure, fur laquelle j'ai jetté 6 ou 7 onces d’eau 
prefque bouillante, pour faire difloudre le fel, je l'ai filtrée, 
& comme cette diflolution me paroiffoit très-pefante, car 
elle étoit à l'eau comme 4 à à 3, je l'ai confervée à part ; 
j'ai continué de verfer de l’eau prefque bouillante fur le refte 
de la. matiére, que j'ai eu de la peine à difloudre, car il a 
fallu beaucoup d'eau, & la rechauffer bien des fois; je l'ai 
filtrée, il eft refté une terre blanche que j'ai fait fécher fur 
le feu dans un creufet, il s’en eft trouvé $ onces, il y avoit 
4 onces 2 gros de fel difiout dans l’eau, qui font 9 onces 
2 gros qui, joint à 4 onces 2 gros de flegme, & $ onces 
d’eau régale que J'ai retiré, font 1 8 onces 4 gros; il s’eft 
donc perdu 4 gros de matiére volatile qui ne peut être que 
de l'eau régale, ou de fefprit de vitriol. 

Cette diffolution s'eft échauffée avec lhuile de wvitriol, 
mais rien de plus. 


* Lorfque l’on diltille l'imprégaa- 
tion de plätras avec l’huile de vitriol, 
Pinconvénient qu'il y a à craindre, 
eft la grande rarefaétion de la matiére 
contre laquelle on doit être en garde, 
parce qu'elle pafleroit dans le réci- 
pienr. Nous y avons remedié dans la 
feconde diftillation de cette imprégna- 
tion; nous n'avons point à craindre 


de gonflement ou rarefaétion avec le 
fel de plâtras dans cette derniére opé- 
ration, mais il faut prendre garde 
que la quantité des vapeurs qui ne 
fe réfolvent que difhcilement en 
liqueur, ne caflent les vaifleaux , 
c’elt pourquoi il faut bien ménager 
le feu, 


Elle 


pDiesrSio ft en éreisims IT ei 
- Elle n'a produit ni mouvement ni changement avee- 
Tefprit de {el armoniac. 

Elle a diflout une feuille d’or en ro minutes. 

Si l'on méle cette liqueur avec la folution de fublimé, il 
n'arrive aucun changement; fi l'on y adjoûte l'huile de tartre, 
il fe fait une fermentation vive, mais le mélange ne jaunit 
point, il fe trouble en blanc. 

Si l'on mêle l'huile de tartre par défaillance avec partie 
égale de diffolution de fublimé, l'on fçait que le mélange 
devient couleur de fafran, mais fi on y adjoûte peu à peu 
partie égale de notre diflolution, le précipité fe diflout, le 
mêlange devient clair & tranfparent pendant la fermentation, 
puis il fe fait un précipité blanc. 

J'ai fait évaporer la diflolution du fel, à Jaquelle il a fallu 
adjoûter beaucoup d'eau pour a difloudre, je l'ai fltrée, je 
Yai fait évaporer jufqu'à pellicule, il s’eft formé des criftaux 
longs d’une ligne jufqu'à une ligne & demie, fins comme 
des cheveux, ils étoient les uns fur les autres, fans aucun 
ordre, très-blancs, n'ayant prefque pas de faveur; ce {el 
wa ni fufé, ni petillé, ni bouilli fur les charbons ardents; 
j'ai fait difloudre ce fel, la diflolution a rougi vivement le 

apier bleu. J'ai fait évaporer une feconde fois ce qui reftoit 
de diflolution, elle a forméune efpece de gâteau de fel très- 
blanc, fans aucune figure déterminée. 

Voïlà notre Analyfe bien avancée, je puis même dire 
qu'elle eft entiérement faite. Par la décompofition de toutes 
les parties des plâtras, j'en ai tiré du flegme, du bitume, 
de 'efprit de nitre, de l'eau régale, & de la terre plâtreufe. 

Le bitume fe découvre par fon odeur, & par fa couleur 
jaune gris-de-lin qu'il communique à toute la matiére, il 
s'éleve avec le flegme, par un petit feu, & avec les efprits 
acides, mais il faut pour ces derniers un feu plus violent. 
YL femble parà qu'il y ait dans ce bitume une partie plus 
volatile que l'autre, mais à dire le vrai, ils font tous deux 
très-volatils, puifque fi on expole le flegme & les efprits 
à l'ai, le bitume s'échappe, il ne laifle pas même de fe 

Mem. 1734: Éd 7 


402 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
difliper avec de temps dans des bouteilles bien bouchées. 

J'ai tâché de le féparer par l’efprit de vin, en réduifant 
l'imprégnation de pltras en une confiftance de beurre, mais 
il entraine des fels avec lui, qui fe diflolvent dans l'efprit 
de vin, en forte que je n'ai pü le féparer feul. 

Nous avons fait voir par nos expériences, qu'il y a des 
fels volatils urineux unis avec l'efprit de {el & l’efprit de mitre, 
& qui fe font manifeftés par leur odeur urineufe, & par la 
blancheur qu'ils ont produit dans le mélange de l’imprégna- 
tion de plâtras, du fublimé eorrofif, & de d'huile de tartre 
par défaillance ; il eft vrai que la blancheur ne paroït pas 
Î promptement, & n'eft pas fi vive, que lorfqu'on fe {ert 
de diffolution de fel armoniac à la place de limprégnation,, 
mais il femble que cela n'arrive que parce que les fels volatils 
font un peu embarraflés par le bitume, & ce qui le prouve 
bien, c'eft que la difiolution du fel de plätras, débarrafiée 
de ce bitume (car il y en refle très-peu) blanchit bien plus 
promptement que limprégnation de plâtras avec la folution 
de fublimé, & l'huile de tartre. 

J'ai tenté de retirer des fels volatils de cette imprégnatiom 
de plâtras, j'en ai pour cela mis 19 onces dans une cucurbite 
de verre qui contenoït 2 pintes + d’eau, je l'ai fait diftiller 
au bain de fable, j'en ai tiré 9 onces de fleyme couleur de 
tifanne, il n’avoit point d'odeur; lorfqu'on pouffe la diftil- 
lation un peu fort, le flegme qui diftille prend une odeur 
d'empireume. I eft donc reflé 10 onc. d'imprégnation qui, 
étant refroidie, étoit ferme, j'y ai adjoüté 10 onc. de diffo- 
lution de fel fixe de tartre, j'ai remis ma cucurbite au baïr 
de fable, & après avoir adapté un récipient, j'ai fait un 
fort petit feu, il n'a rien diftillé pendant une heure, après 
cela la matiére s'eft rarefiée, de maniére qu’il a fallu ôter 
entiérement le feu, elle seft élevée jufqu'au deffus de 1a 
cucurbite, mais elle ne s’eft point répanduë dehors, à caufe 
de fa vifcofité; la matiére a enfuite baïflé peu à peu, & s’eft 
tout-à- fait affaiffée, j'ai remis du few, elle s'eft encore rare- 
fée, mais pas tant, elle s'eft encore affaiflée tout-à-fait, j'ai 


ét un. 


mD'iETS : Se r € NC E SONT 40 
pouité le feu pendant 4 heures, après-quoi j'ai cefé le feu 
voyant qu'il ne diftiloit plus rien. Le lendemain, j'ai trouvé 
dans le récipient $ onc. $ gros de liqueur limpide, couleur 
d'ambre, qui étoit à leau‘comme 18: à r 80, elle fentoit 
fort l’empireume, elle n'avoit aucun goût, & laifloit feule- 
ment une très -légére âcreté fur la langue. 

Elle fait fur le papier bleu à peu-près le même rouge- 
blafard, tel que le fait la diflolution de fel armoniac. 

Elle à blanchi le mêlange d'huile de tartre & de fublimé 
corrofif, de la même maniére que le fait limprégnation de 
pltras. 

La matiére qui eft reftée dans la cucurbite étoit blanche, 
compacte, dure & féche, qui étant leflivée & évaporée, a 
donné de beaux criftaux de nitre, & du fel commun, l'un 
& l’autre très-blanc. 

Je n'ai retiré aucun efprit volatil urineux, j'ai voulw voir 
fi je pourrois en retirer avec la chaux. 

J'ai mis une livre d’imprégnation de plâtras dans une 
grande cucurbite, pofée fur ur bain.de fable, jy ai mis un 
chapiteau & un récipient, fans les luter, j'ai fait diftiller cette 
matiére, j'en ai tiré 6 onces de liqueur, cette liqueur m'avoit 
aucune faveur, la derniére once qui a diftillé, a rougi le papier 
bleu, comme la diflolution de fel armoniac; ce que les autres 
n'ont pas fait; ce qui étoit dans la cucurbite avoit la con- 
fiflance d'extrait, ÿ y ai mêlé dans le même temps.une livre 
de chaux en poudre, il ne s’eft exhalé aucune odeur urineufe, 
quoique la matiére füt très-chaude, j'y ai luté un chapiteau 
& un récipient, j'ai pouflé le feu pendant $ heur. la matiére 
a diftillé fort lentement, je n'ai pü retirer que 2 onces de 
liqueur qui avoit une odeur d'empireume, mêlée d’efprit 
volatil urineux. 

Elle n’avoit aucun goût. 

Elle n’a point fait de changement au papier bleu. 

Elle n’a point fermenté avec l'efprit de nitre, mais elle 
a jetté des fumées épaifles qui fentoient l'efprit urineux, & 
ne s’eft point échauffée. 

Ece ij 


404 MEMOIRES DE L'ACADEMIYE RoyaLE 
= Elle à fait de même avec l'huile de vitriol, mais elle s’eft 
échauftée. 

Elle a blanchi, comme de Îa crème, la folution de fublimé 
corrofif, & l’a renduë auffi épaifle, j'ai jetté fur ce mélange, 
de la diflolution de fel de tartre qui étant bien mêlée, le 
tout eft devenu blanc. ‘ 

La matiére reftée dans la cucurbite, étoit dure & très- 
blanche, elle peloit 23 onces, j'en ai retiré, par la lotion, 
20 onces de terre très-blanche, il eft donc refté 3 onces 
de matiére faline difloute dans l'eau. Cette liqueur évaporée 
jufqu'à pellicule, & mêlée féparément avec l'efprit de nitre, 
l'efprit de fel, l'huile de vitriol, Fhuile de tartre par défaillance, 
& la folution de fublimé corrofif, a donné les mêmes chan- 
gements que la diflolution de fel de plâtras, mêlée avec les. 
mêmes liqueurs, & dont j'ai parlé ci-deflus. 

Fout ce que la chaux a produit dans cette diflillation, 
c’eft de donner une liqueur légérement urineufe, & point 
d’efprit acide. 

REMARQUE. 


J'ai dit à la page 3 89, que je n'ai trouvé ( dans les Plâtras } 
ni falpètre, ni fel marin par aucun procedé, & qu’il n’eft pas 
poffble d'en retirer, à moins d'y adjoûter un fel fixe; je n'ai 
pas prétendu qu'il n’y en avoit pas du tout, car il peut y en 
avoir, L'on connoit affés le falpêtre de houffage, j'en ai retiré 
moi-même de très-beau & detrès-vif, qui s’étoit formé fur 
des murailles & fur des pierres particuliéres : c’eft une chofe 
que j'expliqueraï dans fe Mémoire que je donnerai, en parlant 
de la formation du falpètre. L'on y verra la raïfon pourquoi 
Von ne retire point de falpêtre des Plätras, quoiqu'il puifie y 
en avoir; & pourquoi le falpêtre qui fe forme fur certaines 
pierres, eft beaucoup plus vif que tout autre falpêtre. 


\ F Ÿ æ 
or 
Q 


DES SCTENCES. 405$ 


PR OB LE M E. 


Quatre points ou quatre objets étant donnés Jur un plan, 
placés CONNUE O1 voudra , £TOuVEr un cinguiéme point 
duquel ayant tiré des lignes aux quatre objets, les trois 
angles formés par ces quatre lignes foient égaux, on 
dans tel rapport donné qu'on voudra. 


Par M. PITor. 
Te n'entre point ici dans la queftion de fcavoir fi les 


diftances vüës fous des angles égaux, paroiffent ou font 
jugées égales, il me paroït feulement que notre jugement 
R-deflus doit varier fuivant qu'il y à entre notre œil & 
ces mêmes diftances, plus ou moins d'objets interpofés. 

Pour réfoudre ce Probleme, il ne faut d’abord confidérer 
que trois des objets, & chercher les points d’où l’on puifle 
voir ces trois objets fous deux angles égaux. Ce Probleme 
eft toüjours indéterminé, mais le lieu en eft différent, 
fuivant les différentes fituations refpeétives des objets entre 
eux ; ce lieu peut être une ligne droite, une fection conique, 
une courbe du fecond genre, & plus généralement, une 
courbe du troifiéme genre. 

Lorfqu'il y a quatre objets, le Probleme eft déterminé, 
mais fa folution dépend entiérement de celui de trois; car 
ayant trouvé la courbe qui fatisfait à trois des objets quel- 
conques, on en laiflera un à volonté pour prendre le qua- 
triéme, & ayant trouvé, par fa même méthode, la nouvelle 
courbe pour ces trois derniers, le point où ces deux courbes 
fe couperont, réloudra le Probleme. 

Le cas le plus fnnple eft lorfque les objets font placés fur 
une ligne droite; ce cas me fut propolé par un de nos Mrs 
je le réfolus fans calcul, par une méthode très- fimple, 
bien différente, & moins compofée que les folutions que 

ee iij 


28 Juillee 
1734 


Fig. 1. 


Fig. 2. 


406 MEMOIRES DE L'ACADEMRE RoxALE 
M.'s Guinée & Ozanam ont données de ce mêmecas, 

Comme la folution générale que je donne ici, fuppofe 
ma méthode pour le cas fimple dont je viens de parler, 
j'ai befoin de commencer par cette méthode. 

Trois objets À, 2, C, étant donnés fur une ligne droite: 
pour trouver le point G, en. forte que les angles AG, 
BGC foient égaux, on formera fur les intervalles AZ & BC 
des triangles femblables & ifofceles ADB, BEC, ontirera 
la ligne EDF, & du point F pour centre, & du rayon FB 
on décrira le cercle BGH, qui fera le lieu de tous les 
points G, Car du point Æ pour centre ayant décrit le cercle 
CBG, & du point D le cercle À BG, ïl eft évident que 
les angles ADB, BEC, étant égaux, les angles à la cir- 
conférence AGB, BGC, font aufli égaux. Or, en faifant 
différents triangles ifofceles ADB, BEC, on aura diffé- 
rents points G, & la ligne BG fera toüjours divifée en deux 
également & perpendiculairement par FDÆ. Donc cette 
même ligne BG fera toüjours une corde du cercle BGH. 
Donc le cercle BGH eft le lieu de tous les points G. 

Si les angles AGB, BGEC, {ous lefquels on voudroit voir 
les trois objets À, B, C, étoient donnés, le Probleme feroit 
déterminé, on feroit fimplement les angles 4 DB, BEC, 
doubles des angles donnés AGP, BGC, 

Si on vouloit que les angles AGB, BGC, au lieu d’être 
égaux, fuffent doubles ou triples Fun de l'autre, ou géné- 
ralement dans tels rapports qu'on voudra, on feroit fimple- 
ment les angles ADB, BEC dans ces mêmes rapports. 
Ainfi on réfoudroit très-aifément cette queftion : 7rouver 
Le point d'où l'on peut voir trois objets fur une ligne droite fous 
deux angles donnés ! 

Pour réfoudre préfentement le cas général, ou dont les 
trois objets font placés indifféremment fur le plan, on joindra 
deux des objets quelconques par une ligne indéfinie, & on 
rapportera le troifiéme objet fur cette ligne; ainfr ayant 
joint À & C, par la ligne ZAC, il efb évident que fi l'on 
tire du troifiéme objet 2, une ligne à volonté BE 47, qui 


ÿ DES (SCIENCES 407 
coupe AC en Æ, onpourra trouver fur cette ligne le point 4% 
d'où ayant tiré MA, MC, elles feront avec AZEB, les 
angles AMB, CMP égaux : Car il n'y a qu'à confidérer 
que les trois objets {ont À, £, C, faire comme au premier 
cas, les triangles femblables & ifofceles AGE, E FC, tirer 
FGH, & du point Æ pourcentre, décrire le cercle EMI 
qui fera tel, que de tous les points de fa circonférence, on 
verra les trois points À, Æ, & C, fous deux angles égaux. 
Mais entre tous les points de cette circonférence, il n'y a 
évidemment que le point 47, d'où lon puïifle voir les trois 
objets À, B, C, fous deux angles égaux. (On peut cepen- 
dant trouver une infinité de points #7, en tirant différentes 
lignes BEM, & opérant comme ci-deflus ; la fuite de tous 
ces points #7 formera une ligne courbe. Voici la maniére 
dont nous avons déterminé fon équation. 


Par les points B & M, on tirera les perpendiculaires BD, 
MP; foient nommées les données À D, a; D@b; BD, c; 
& les indéterminées DP, x; PM, y; ED,7; AH, u. 
APferaa—x; AË,a—7; EC,b+-7;: HE, a+u—7 
Donc /E£—2u+2a— 27, & IP— 204 2a—7—x 
Cela pofé, les triangles femblables CFH, EGA, donneront 
CE, EH :: FG, GH, & les triangles femblables £FH, 
AGH donnent £A, AH :: FG, GH. Donc CE, EH 
:: EA, AH; ou, en termes analytiques, b+7.a+-u—7 
1: 4— 7. u, ce qui donne une premiére équation 

but2qu—au—aa—2a7 +7 

Les triangles femblables EDB, EPM donnent ED, z 
« DB, c:: EP, x—7. PM, y. D'où l'on tire une 2.4e 
équation 7y—cx—c7 Enfin les triangles femblables 
EPM, MP1 donnent EP, x—7. PM,3y:: PM, y 
+ Pliu—2a—3y—x, ce qui donne une 3. équation 

JYHAX— 7 —20X #2 IUX — 27 
H faut préfentement avec la 1.7 & la 3.me équation, faire 
évanouir l'indéterminée , & fubftituer dans la nouvelle 
équation, la valeur de 7, tirée de la feconde; & lon aura 


Fig. 1. 


408 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
enfin, après les réduétions, l'équation de la courbe 


ay —2cxÿ — bccyy —2bcxxy + 2accxx=0 
— by + 2acy + accyy + zabcxy | 
—2bcy}—2ccxyy 4-2acxxy 
—Haxxÿy —20cxy 
+ 2abxyy 
—Dxxyy. 


Comme nous avons donné Ja méthode de trouver, par 
une opération très-fimple, tant de points 47 de Ia courbe 
qu'on voudra, il feroit très-inutile de chercher à la décrire 
par le moyen de fon équation. 


Cette équation renferme tous les cas poflibles; car fr, 
pour tomber dans le premier cas qui efl, comme nous avons 
dit, le plus fimple, on fuppofe BD nulle, alors les points 
B & E fe confondront avec le point D, & effaçant dans 


l'équation, les termes où BD, c, fe trouve, elle fe réduira 


2ab 


x : x LS, rt 2abx 41%: 
à celle-ci xx —=yy, UT — xx —=J}s, 


fuivant que (a) eft moindre, ou plus grand que /b). Or il 
eft très-aifé de voir que cette équation eft celle du cercle 
BGH, ou du lieu de tousles points qui fatisfont au premier 
cas; car ayant donné aux lignes du premier cas, les mêmes 
dénominations qu'à celles du fecond, on aura A B— 4, 
DCE AT EU, DEN (CET 

Les triangles femblables CEF, BDF donnent CE, BD 
«: CF, BF: Mais CE. BD :: CB. AB. Donc CF. BF 
:: CB. AB ; ce qui donne en termes analytiques + 4-+-# 


.au::b.a; d'où lon tire AFu—-, & BF 
ab 


qui eft le rayon du cercle — -—, & l'équation du cercle 


2abx 


fera 2 — xx —yy. Si À B avoit été plus grand que 


BC, le point F feroit tombé de Fautre côté, & l'équation 
2abx 


du cercle feroit = — xx = y. 


Si 


SE à v né 


% 
L2 


D'ESTÉETENCES 469 
” Si les trois objets forment un triangle ifofcele & 4 BC, 
alors les trois grandeurs 4, à & c feront égales, & l'on aura, 
en mettant a pour à & r, cette équation y} xx y—aax—04 
— a ay. 
Nous pourrions faire plufieurs obfervations fur ce Pro- 
bleme, & en tirer beaucoup de Corollaires. 


METHODE NOUVELLE 


DE. TR O UV ER 
PAR OER AND T EC R-" DU POLE. 


Par M. GopDIn. 


T A hauteur de l'Equateur, ou, ce qui revient au même, 
L la hauteur du Pole fur lhorifon, lorfqu'on ne la veut 
connoître qu'à une minute près, n’eft pas difficile à déter- 


 miner. Dés Voyageurs qui ne font que Voyageurs, avec 


des inftruments médiocres peuvent aller jufqu'à ce degré de 
précifion ; mais cela ne füfhit pas aux Aftronomes, & cet 
arc qui {e rencontre à chaque pas dans les calculs aftrono- 
miques, auxquels il fert très-fouvent de bafe, s’il n'étoit 


connu qu'à une minute près, répandroit un faux général, 


& fouvent des abfurdités dans les Théories. Cependant on 
ignore encore fi l'on peut s’aflürer, ou plütôt fi l’on connoît 
la hauteur du Pole d'un lieu à 20” près, d’un lieu même 
dans lequel on a la commodité de faire une longue fuite 
d'obfervations. M.': Caffini & Maraldi ont toüjours retenu 


la hauteur du Pole à 'Obfervatoire Royal, de 48° 50° 10", 


M. de la Hire l'a toüjours prife de 10" moindre. 
+ Fixer la hauteur du Pole par les hauteurs méridiennes 


du Soleil & des Etoiles fixes, ou par la plus grande & la 


plus petite hauteur d’une Etoile toüjours apparente, c’eft, 
ans le premier cas, fuppofer entr'autres chofes, la hauteux 


 Mem. 1734 . FFF 


28 Juillet 
1734 


10 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
du Pole déja bien connuë, & dans les deux enfemble, une 
Table exacte des refraétions, fans compter des irrégularités 
dans quelques Etoiles fixes, & peut-être dans toutes, dont 
on s’eft apperçû fans les avoir encore limitées. Si j'oblerve, 
par exemple, la Polaire dans fes deux médiations au-deflus 
& au-deffous du Pole ( ce que l'on doit regarder comme 
une des meilleures maniéres de trouver la hauteur du Pole) 
quelle Table de refraétions choifirai-je? elles différent toutes 
entrelles. De plus, cette Etoile a des variations fmguliéres ; 
car au lieu de s'approcher réguliérement du Pole, elle femble 
quelquefois s’en éloigner, en forte qu’en divers temps, les 
obfervations donnent des hauteurs de Pole différentes, & 
cette différence va à plus d’une demi-minute. Que cela 
vienne du mouvement annuel de la Terre, ou fimplement 
d'une nutation de fon axe, ou de la variation des refractions 
en différents temps, c'eft ce qu'on ne fçauroit encore déci- 
der, & les obfervations faites jufqu'à préfent ne s'y accor- 
dent pas : ce qu'il y a de certain, c'eft que vers l'Equinoxe 
du Printemps, cette Etoile paroït plus bafle qu'elle ne devroit; 
que vers l'Equinoxe d'Automne, elle paroït plus haute; & 
qu'en général en diverfes années, fes hauteurs varient indé- 
pendamment de fa diftance au Pole, comme je le détaillerai 
dans un autre Mémoire. 

Ces réfléxions m'ont fait chercher une méthode de trou- 
ver la hauteur du Pole, qui fût exempte de ces incertitudes, 
& fur-tout qui ne fuppofit pas les refractions. Je n’en ai 
pas trouvé de cette nature qui fût directe, mais celle que 
Je vais donner en approche, & elle donnera la hauteur du 
Pole à s” près, dans les mêmes circonftances que j'employe. 
En voici une idée générale, en ne fuppofant point les ré- 
fraétions. 

Je choifis une des Etoiles circompolaires qui, dans fa 
plus grande hauteur méridienne, pate aflés près du Zénith, 
& foit par-là exempte des réfraétions, telle eft à mon égard 
Ja Luifante du côté de Perfée /æ, Bayeri) qui vient à 7° 
environ du Zénith. 


DE S!'S"'C'r EN Er 8, AT 
FTAvyant placé un Quart-de-cercle garni d'une Lunette en 
alhidade, dans le plan du cercle de 6 heures, le centre tourné 
vers le Pole, j'abferve l'Etoile dans fes plus grandesdigreffions 
apparentes du Pole, c'eft-à-dire, lorfqu’en parcourant fon 
parallele, elle vient à rencontrer le cercle de 6 heures; ce 
temps {e connoît aifément, foit par l'heure à peu-près, foit 
parce qu'elle paroît alors décrire le fl horifontal de la Lunette, 
devenu vertical par la fituation de l'Inftrument. Ces deux 
obfervations dans les deux digreffions donnent fur le limbe 
du Quart-de-cercle, un arc égal au double de 1a diftance 
de l'Etoile au Pole, dont la moitié étant Gtée de Ia plus 
grande hauteur méridienne de l'Etoile qui eft hors des ré- 
fiäétions, puifqu’elle pale à 7’ près du Zénith, donnera fa 
hauteur du Pole, fans avoir égard à l'effet des réfractions, 

Dans un lieu dont la latitude feroit moindre que 45°, 
il faudroit un arc plus grand qu'un Quart-de-cercle, & il 
faut auffi que l'inftrument dont on fe fervira, foit au moins 
du double de deyrés que le complément de la déclinaifon 
de l'Etoile dont on fe fert : par exemple, on ne pourroit 
pas faire ufage d’un Quart-de-cercle pour une Etoile qui 
n'auroit que 40 degrés de déclinaifon, parce que fà diftance 
au Pole étant de so degrés, fa double diftance, ou Farc 
compris entre fes deux digreffions, qui eft celui que l’on 
obferve, fera de 100 degrés. 

Mais parce que l'Etoile eft fujette aux réfraétions dans fes 
diverfes hauteurs fur l'horifon, l'arc entre fes deux digreffions 
‘apparentes & mefuré fur l'inftrument, n’eft pas le véritable, 
Dans ces deux fituations, l'Etoile fouffre de part & d’autre 
deux réfractions égales qui élevant fuivant un vertical, di- 
minuënt l'arc total entre les deux digreffions véritables, & 
par conféquent la diftance de l'Etoile au Pole, en forte que 
“par cette méthode, la hauteur du Pole viendra plus grande 
-av’elle ne doit être. 

"Si Z eft le Zénith, P le Pole, AEC le parallele de 
TEtoïle, £P qui eft une portion du cercle FE 6 heures, 
Fff ij 


412 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

fera la véritable diftance de l'Etoile au Pole; mais l'Etoile. 
étant en Æ, par exemple, dans fa plus grande digreflion, 
elle fera vûë à caufe de la ré- | 
fraction en un point Sdu ver- 
tical ESZ, & de même dans 
Vautre digreflion, & la moitié 
de l'arc obfervé fera SO, diffé- 
rent de ÆP. Voici de quelle 
maniére j'employe cet arc ob- 
{ervé SO à trouver l'arc ZP, 
& par conféquent la hauteur 
du Pole. 

SO eftune portion degrand 
cercle, puifqu'il eft formé par 
le plan prolongé du Quart-de- 
cercle dont on fe fert dans l'obfervation : de plus, il ef 
perpendiculaire à Z P, parce que fes poles font nécefaire- 
ment fur le cercle ZP, c'eft pourquoi le triangle ZSO eft 
rectangle en ©. Si, dans l'inftant que l'Etoile eft obfervée 
en S dans fa plus grande digreflion apparente, on prend fa 
hauteur aufli apparente fur l’horifon, le complément de cette 
hauteur fera ZS. On connoît donc dans ce triangle les deux 
côtés ZS, OS, outre l'angle droit, c’eft pourquoi l'on trou- 
vera l'angle SZ O. 

Suppofant maintenant la réfraétion Æ£S d’une certaine 
quantité, on aura Z £, & dans le triangle Z EP, rectangle 
en ?, connoiffant deux angles & un côté, on trouvera ÆP, 
diftance véritable de l'Etoile au Pole, qui, étant adjoutée 
à Z À, complément de la hauteur méridienne de l'Etoile, 
donnera Z P, complément de la hauteur du Pole. 

La folution exacte de ce Probleme, ne dépend donc que 
de là valeur £S de la réfraction, c'eft en la fuppofant de 
différente grandeur que l’on parviendra à une folution fort 
approchée; car fi, donnant à £S différentes valeurs, aflés 
différentes entr'elles, & beaucoup plus qu'elles ne doivent 


: DES SCcIïtENCE:Ss. PRES 
l'être, par tout ce que nous connoiffons des réfraétions, la 
hauteur du Pole vient à très-peu près la même, ia folution 
du Probleme fera aufli bonne que fr elle étoit directe. En . 
voici un exemple appliqué à des obfervations. 

Les 13, 15, 58 & 19 Novembre 1733, qui eft un 
temps propre pour lobfervation de la Luifante du côté de 
Perfée dans les circonftances que j'ai dites, j'obfervai cette 
Etoile dans fes plus grandes digreflions apparentes du 
Pole, auxquelles elle arrive vers les 6 heures du foir & du 
matin. L'arc total entre fes deux digreflions, fut trouvé 
de 82° 3° 19", fa hauteur apparente fur Fhorifon alors 
étoit de 34° 37° 28", & fa hauteur méridienne de 89° 
5 3 ! Oo’. À 

* Dans le triangle rectangle Z SO, on connoït SO de 41° 
1/39", & le côté ZS, complément de la hauteur obfervée 
eft auffi connu de $ 5° 22° 32", c'eft pourquoi on trouvera 
Jangle OZS de 52° 54° 39°. 
A OR S": 22! Gal 
5 SOA TE r39 19817183113r 
D 0 0 UC PURE TAN 
S OZS. 52 54 39 990018392012 

241589 
150423 f9+ 
143262 \; sg18 


Lfm 


Le 


7161 


Suppofons maintenant qu'à la hauteur de 34° 37’ 28", 
où étoit l'Etoile dans le temps de fa plus grande digreffion, 
la réfraction l'ait élevée de 1” 25”, qui eft celle que donne 
… la Table de M. Caffini, on aura ZE de $5° 23° 57". 
Cela polé, dans le triangle rectangle Z EP, on connoît £Z, 
- & l'angle £ZP que l'on vient de trouver, c’eft pourquoi: 
on trouvera £P par l'analogie fuivante de 41°,2' 30", 


Fff ïj 


4t4 MEMOIRES DE L'AGADEMIE Royaze 
A 90° o’ o" 
S. EZP.$2 $4 39 + 990183392012 


101682 


S ZE. $$ 23 57 299154572648 


S EP. 41 2 30+ 498173066342 (£ 
59685 \24184 
6657 
Or EP eft égal à PA, c'eft pourquoi fi de la hauteur 
méridienne de l'Etoile. . . . . . . . . . 89: 530! 
nn ioie LA aheser eo dun et: AE Mn » 4I 2 30+ 


Hi reftera pour a hauteur du Pole. 21248 59 30 


Voilà le Problemeréfolu, en fuppofant la réfraétion de 125", 
à la hauteur de 34° 37° 28"; mais fi la réfraction étoit 
moindre ou plus grande, qu’elle fût, par exemple, de 1° 3 8", 
telle que M. de la Hire la donne à cette hauteur, voyons 
quelle différence il viendroit dans Îa hauteur du Pole; ou 
plütôt prenons deux réfraétions, telles que 1" $" & 145”, 
lune plus petite, & l'autre plus grande que celle que j'ai 
prife de 20°. 

En prenant la plus petite, on aura cette nouvelle analogie 
où £P vient de 41° 2° 18" + 
SE 90° o’ o” 
S EZP,$2 54 39 4 990183920112 


101703 
S ZE 55 23 37 909154282087 


S EP. 41 2 184 r98172775802 
PK: 
199878 £E: 
193512 \24189 
6366 


En prenant la plus grande réfration, on aura celle-ci 
où £P vient de 41° 2° 42°: 


z° 


DES SciENCESs. 4TS 
ST. pb 70 ic ! | 
à à 
ne A CU e E ETTE 
S ZE $$ 24 17 991548633147 
S EP. 41 2 42% 98173356820 
01530 


$ 5290 ( 
48364 
6926 

Ce qui donne 24" de différence dans la hauteur du Pole 
pour 40” de différence dans la réfraétion, c'eft-à-dire, 6" 
pour 10” de réfraction, qui eft touté la différence qu'il 
peut y avoir dans les Tables de Réfractions, conftruites par 
différents Aftronomes pour le! même lieu, à des hauteurs 
d'environ 40°. Cette incertitude fera moindre encore à 
des hauteurs plus grandes, & j'ai amené le Probleme à un 
point, fi je ne me trompe, affés important, qui eft de 
trouver la hauteur du Pole par le moyen d’une Etoile fixe, 
fans connoître fa déclinaifon, & en telle forte que l'erreur 
qui viendra des réfraétions mal connuës, foit diminuée de 
fa moitié. L 

Pour juger de ce que Fon gagne à éviter de fuppofer la 
déclinaifon de l'Etoile, il n'y a qu'à remarquer que celle 
de l'Etoile « de Perfée que j'ai choifie, & qui eft une belle 
Etoile de la feconde grandeur, eft très-différente dans nos 
meilleurs Catalogues. M. Maraldi donne cette déclinaifon 
pour le commencement de l'année 1734, de 49° 1° 40", 
& M. Flamfteed pour le même temps, de PH EEE Are 
la différence entr’eux, eft de 8’ 22”. 

I ne me refte qu'une remarque à faire, qui eft que Ia 
hauteur de l'Etoile, Jorfqu'elle eft dans fes plus grandes 
digreffions, n’eft pas fujette à erreur, comme on le pourroit 
croire d'abord, à caufe que dans cette fituation fa hauteur 
change très-promptement, au lieu que fon élongation refte 


CES 


La 
24 


24182 


416 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE 
long-temps la même, de forte qu'il paroïtroit fort aifé de 
bien déterminer l'angle de fon élongation, mais fort difficile 
au contraire, de faifir fa hauteur dans le véritable inftant 
qu’elle eft dans le cercle de 6 heures; cependant, il eff fort 
facile d'y parvenir, il n'y a qu'à faire attention que de part 
& d'autre du Pole, cette hauteur doit être la même, & que 
les deux foient prifes dans des temps juftement éloignés 
de 12-heures. Aiïnfi, lorfque l'Etoile, par exemple, eft 
dans la digreffion orientale, il faut prendre fes hauteurs, 
au moins de minute en minute, & marquer l'heure, & 
faire la même chofe lorfqw'elle fe trouve à fa digreffion 
occidentale. On verra enfuite quelles font Îes hauteurs égales 
qui font éloignées lune de Fautre de 12 heures, & ces 
hauteurs feront les véritables qu'il faudra employer. Si, de 
toutes celles qu’on a prifes, il ne s'en trouvoit aucunes qui 
fuflent dans ce cas, on les y fera venir par le rapport des 
changements de hauteurs aux intervalles des temps, & cela 
ne peut produire aucune erreur fenfible. 


MEMOIRE 


Di Sy CE EN CES 417 


MES UE OL ERI CE 


‘ SUR 
EME RICTTEY D'E L'ANTIMOINE, 
SUR LE TARTRE E METIQUE, 
ET SUR LE KERMÉES MINERAL. 


Par M. GEOFFROYÿY. 


’UsaGE du Tartre émétique, introduit avec fuccès 13 Novemb, 
dans la Médecine, lorfqu'il eft néceflaire de faire vomir 1734 

les malades : celui du Kermès minéral, employé fagement 
par les grands Praticiens, pour cuire les humeurs, & les 
difpofer à une évacuation falutaire, feroient l'un & l'autre 
hors de tout foupçon (quand ils font ordonnés à propos )| 
fi ces deux remedes étoient préparés avec toutes les précau- 
tions néceflaires, & fi l'on fuivoit par-tout le meilleur & Ie 
même procedé; mais il arrive fouvent qu'un Tartre émétique 
donné à 3 grains, fait de grands effets, pendant qu'un autre 
émétique, préparé différemment, ne fera rien à 6 ou 7 grains; 
& cela dans des difpofitions à peu-près femblables de 1a 
part des malades. 
. ILen eft de même du Kermès minéral, l'un n’excite que 
très-peu de naufées à la dofe de 3 & 4 grains, l'autre fait 
vomir à un grain où un grain & demi, fans qu'on puifle 
attribuer cette différence d'effet au plus ou moins d'acide 
féjournant ou introduit dans leftomac. 

Une telle variété méritoit qu’on en examinât Ia caufe, 
puifque le Public y eft intéreffé. 
. J'airaffemblédeplufieursendroits douzeT'artres émétiques, 
& un pareil nombre de préparations de Kermès minéral, 
La maniére dont je les ai analifés, la différence de leurs 
produits, font en partie le fujet de ce Mémoire, & cette 
différence donnera une indication certaine, ou un moyen, 


Mom, 173 4: . Géeg 


418 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe 

de connoître l’eflet qu'on doit attendre de tel ou tel Erné.. 
tique, de tel ou tel Kermès, en fuppofant dans les malades 
des difpofitions à peu-près égales. Je propolerai à la fm 
du Mémoire, un autre remede bien fimple, qui peut être 
fubftitué au Kermès dans plufieurs cas, & fouvent avec un 
fuccès moins douteux. - 

L’Antimoine, dont on fçait que le Tartre émétique & 
le Kermès font deux préparations, eft un minéral compolé 
d’un peu de terre métallique facile à vitrifier, d'une portion 
affés confidérable d'acide vitriolique, & du bitume ou huile 
de la terre. 

Cet acide, joint au bitume, forme le foufre brûlant; 
foufre qui eft quelquefois f abondant dans l’Antimoine 
minéral, que fouvent il s’en trouve qui s'enflamme comme 
le foufre commun. C'’eft ce foufre uni à la terre métallique 
de l’Antimoine, qui fait voir dans ce minéral (lorfqu'il na 
fubi que les premiéres fontes fervant à le purifier) cette 
multiplicité d'aiguilles dont il eft compolé ; mais c’eft à l'acide 
vitriolique, uni au bitume, & formant le foufre commun, 
que ces aiguilles font düës, & non à la matiére huileufe 
feule. Car fi l'on fond du verre d’Antimoine avec un fimple 
phlogiftique qui n'ait point cet acide, comme le charbon 
de bois pulvérifé, on reffufcite ce verre en régule, qui n’eft 
pas aiguillé comme l’Antimoine, mais rempli de facettes ou 
de lames brillantes. Si au contraire, on employe le foufre 
commun pour reflufciter de femblable verre d’Antimoine, 
on trouve dans le creufet un Antimoine aiguillé, comme 
YAntimoine ordinaire, parce qu'on a rendu à ce minéral 
vitrifié tout ce qu'il avoit perdu pendant fa calcination, 
c'eft-à-dire, fon acide vitriolique, & cette graïffe de la terre, 
formant enfemble le foufre commun qui lui eft effentie 
pour être Antimoine. 

La preuve de l'exiftence d’une terre vitrifiable dans lAn- 
timoine, eft fa facilité à fe vitrifier, lorfque par la calci- 
nation on en a fait évaporer l'excédent de l'acide vitriolique 
& du phlogiftique qui interrompoient la continuité ow 


Rs OEM BIO EN ENTER 
Tattouchement des particules intégrantes de cette terre 
métallique. 

Ainfi il réfulte de ce que je viens de dire, que cette terre 
défunie ou divifée par beaucoup de foufre brülant, fait de 
J'Antimoine. 

Que la matiére inflammable étant enlevée en partie, en 
forte qu'il n’en refte que ce qu'il en faut pour conferver à 
l’'Antimoine une forme métallique, on a du régule. 

Que fi on enleve prefque totalement cette matiére in- 
flammable par une calcimation moderée, la terre métallique 
de FAntimoine prend la forme du verre lorfqu'on la met 
à un feu de fufion. 
+ Qu'enfin, fr Fon poufle cette calcmation par degrés à 
un feu extrême, on a une chaux défanimée, ou une terre 
qui, quant à l'éméticité, n'a plus les proprietés ni les vertus 
de l'Antimoine, de fon régule, ou de fon verre. 

Il y a quelques Auteurs, du nombre defquels eft Kunckel, 
qui fuppofent dans l’Antimoine un principe mercuriel con- 
courant avec le foufre & la terre vitrifrable pour la formation 
de ce minéral. L’Auteur que je cite, indique même énig- 
matiquement, plufieurs voyes pour découvrir ce mercure :- 
mais je n'ofe admettre ce principe mercuriel, jufqu’à ce que 
pa quelque procedé hors de tout foupçon, je puifle me 
convaincre de l'exiftence d’un mercure coulant dans Y An- 
timoine. J'ai déja commencé, fur la foi de Kunckel qui 
étoit un excellent Artifte, quelques-unes des opérations par 
lefquelles on prétend obtenir, & mes expériences, fi elles - 
réuffiffent, me fourniront de quoi donner un autre Mémoire 
à la Compagnie. 

Quant à préfent, je ne reconnois que trois principes fe- 
condaires qui foient fenfibles dans FAntimoine, un acide 
vitriolique femblable à l'efprit de foufre , une matiére ful- 
phureufe, bitumineufe, huïleufe, ( il nimporte, pourvû 
qu'avec l'acide vitriolique elle puifle former un foufre com- 
mun;) enfin une terre métallique vitrifiable. 

+ Lefoufrecommun n’eft point émétique, l'acide vitriolique, - 
L 


Gggi 


20 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
Ra plûpart des liqueurs huïleufes avec lefquelles ïl pourroit. 
produire du foufre, ne le font pas non plus. La chaux 
défanimée de l Antimoine n’excite aucune naufée : cependant 
de toutes ces matiéres combinées il fe forme un minéral; 
& de ce mineral, l'art extrait un régule, un verre, & d'autres 
préparations qui font violemment émétiques. 

Sid'on fait digerer du verre d’Antimoine pulvérifé dans 
du vinaigre blanc, jufqu'à ce que le vinaigre n’en tire plus de 
teinture ; fi l'on refond la poudre jufqu'à la vitrifier, qu’on la 
pulvérife de nouveau, qu'on la faffe digérer dans de nouveau 
vinaigre blanc, & qu'on répéte cela plufieurs fois; enfin, 
à la quatriéme ou cinquiéme vitrification, le verre fe trouvera 
noir, n'aura prefque plus de tranfparence , & ne fera plus du 
tout émétique, quoique les deux ou trois premiers le fuffené 
confidérablement. 

Tous les vinaigres précédents font émétiques à différents 
dégrés : les premiers font un peu plus falés que les derniers, 
qui femblent avoir un goût aftringent. Ils ont pris tous une 
teinture rouge en digérant fur ces verres pulvérifés ; ( mais 
fur toute matiére purement fulphureufe ils prendroient une 
femblable teinture, & ne feroient pas pour cela émétiques; ) 
il faut donc que l'huileux du vinaigre ait extrait la teinture 
d'un refte de matiére fulphureufe ou du phlogiftique con- 
centrée dans le verre d'Antimoine, & que Facide du même 
vinaigre ait corrodé ou diflout une portion de la partie ré- 
guline du verre, ou fi l'on veut, de cette partie aifée à régu- 
lifer. Or on fçait déja, & je vais faire voir que c’eft la partie 
réguline de Antimoine qui conftituë fon éméticité; c’eft- 
ä-dire, que cette éméticité eft réfidente dans un combiné 
quelconque de foufre compofé de très-peu d'acide vitrio- 
lique & d'une portion de matiére inflammable, unis à unes 
terre vitrifrable. Si cette terre a peu d’interftices remplis par 
le foufre, elle fera très-émétique, tel eft le verre d’Antimoine, 
qui eft une des plus émétiques de toutes les préparations 
de ce mineral. Si ces interftices font plus grands où plus 
multipliés, comme ils le font dans le régule qui contient plus 


D'E st $ c'1E Nic Es 421. 
de foufre que le verre, elle fera un peu moins émétique : 
enfin fi ces interftices font fi larges qu'il yait plus de foufre 
groffier que de cette terre vitrifiable, il n’y aura plus d'émé- 
ticité que par accident; comme dans l'Antimoine, qui ne fait 
vomir qu'à l’aide de quelque acide. 

. La principale raifon pourquoi l'Antimoine brut n’eft pas’ 
“émétique, c’eft que l'acide vitriolique y eft uni à un phlo- 
giftique onctueux avec lequel il forme un foufre groflier & 
bitumineux, qui lie fi bien les particules de la terre métallique, 
qu'elles ne peuvent agir dans l'eftomac fans un fecours 
étranger. Mais quand la plus grande partie de cet acide & 
de ce phlogiftique bitumineux eft enlevée par le feu ou par 
tout autre moyen; alors il ne refte dans le régule qu'un 
foufre capable d'expanfion, & par conféquent en état d’en- 
lever avec lui des particules de la terre métallique vitrifiable, 
qui par leur roideur peuvent irriter le genre nerveux, & 
exciter des contractions violentes; car je fuppofe que cette 
irritation eff la premiére caufe du vomifiement. 

. On m'objeétera peut-être que tout ce que je viens de dire 
fur l'éméticité de l’Antimoine, étoit en partie connu; cela 
peut être: mais je ne pouvois me difpenfer, par rapport à la 
fuite de ce Mémoire, de faire voir que le phlogiftique ou 
principe inflammable de ’Antimoine, n'eft émétique qu'au- 
tant qu'après avoir été dégagé de fon acide vitriolique, il eft 
uni à faterre vitrifable, c'eft-ä-dire, autant qu'il approche 
de la forme du verre, ou au moins de celle du régule: qu'ainfi 
plus le Tartre émétique & le Kermès contiendront de régule 
aifé à reflufciter, plus ils feront émétiques. Je vais pafler à 
des expériences. qui Je prouveront. 

J'ai employé une once de chacun des Tartres émétiques 
que j'ai raflemblés: je les ai broyés féparément avec pareil 
poids ou un peu plus de flux noir, compolé de deux parties 

: de Tartre rouge, & d’une partie de nitre calcinés enfemble: 
jai mis ces mélanges dans différents creufets faits en cone 
renverfé; je les ai tenus au feu de fonte, jufqu'à ce que les: 
fels fondus fe fuffent affaifiés & paruffent comme une huile 


Gggi 


422 MEMOIRES DE L'ACABDEMIE ROYALE 
tranquille au fond du creufet. J'ai laifié éteindre le feu & 
refroidir les creufets : je les ai caflés, & j'ai trouvé le régule 
reflufcité, raflemblé au fond du creufet. 

Des plus foibles T'artres émétiques, j'ai eu par once depuis 
30 grains jufqu'à un gros 18 grains de régule. 

De ceux d’une éméticité moyenne, un gros & demi: & 
des plus violents dans leurs effets, jufqu'à 2 gros ro grains? 

Les fcories de ces effais qui étoient jaunes d'abord, font 
devenuës vertes enfuite, puis elles ont noirci, & enfin elles 
{ font miles en deliquium. 

L'action des plus forts Tartres émétiques dépend donc de 
la quantité du régule d'Antimoine que la crème de Tartre a 
difloute; & plus les préparations antimoniales fur lefquelles 
on fait bouillir la folution de la crème de "Tartre, approchent 
de la forme de régule ou de verre, plus le Tartre émétique 
eft violent, parce qu'alors l'acide végétal du Tartre agit plus 
immédiatement & diflout davantage de la partie émétique 
de lAntimoine. 

Si au contraire on met cette folution de Tartre bouillir 
avec l'Antimoine crud dont les parties régulines font enve+ 
loppées & défenduës par le foufre groflier, à peine cet acide 
agira-t-il deflus. 

J'ai fait broyer deux onces de crème de Tartre avec une: 
once d’Antimoine qui avoit été déja porphirilé : j'ai fait 
bouillir ce mélange dans une grande quantité d’eau pendant 
18 heures: la liqueur ayant pris. une couleur jaunâtre & un. 
goût ftiptique approchant du vitriolique, je l'ai filtrée chaude 
par un double papier. La mafle reftée au fond du matras ré. 
pandoit une odeur fulphureufe. Cette imprégnation étant, 
évaporée, j'ai eu un criflal de Tarire qui à 2 grains na 
donné que quelques foiblesnaufées. ” 

J'ai pris une once de ce criftal de Tartre légérement em- 
preint de l’'éméticité de l'Antimoine, & je l'ai fondu comme 
les autres Tartres émétiques avec le flux noir, j'ai trouvé 
dans le creufet refroidi & café beaucoup de fcories jaunes: 
avec quelques petits grains épars de régule, mais fi menus: 


LA . . 


paAvañ nm Sin rt E nt CAES à (VERS 
& en fr petite quantité, qu'ils n’avoient pû par leur poids 
{ raflembler au fond du creulet. 

Quoiqu'il foit évident par cette expérience que l'acide du 
Tartre agit fur l'Antimoine, & qu'il corrode un peu de fa 
partie réguline, cependant cette corrofion eft fi foible, qu'il 
n'eft pas poffble de raflembler par la réduétion les particules 
du régule enlevé par cet acide végétal : aufli eft-il certain 
que, quelque fine que foit la poudre de l Antimoine, cha- 
eune de ces petites parties refle toüjours enveloppée de fon 
foufre grofier, & ce foufre la défend & oppole un enduit 
à l'action de l'acide du Tartre. 

Heft donc prouvé que pour qu'un acide végétal devienne 
fufffamment émétique par fon féjour fur FAntimoine, il 
faut que ce minéral foit délivré, le plus qu'il eft poffible, de 
{on foufre groffier; qu'il foit réduit en un régule très-pur; 
& que plus il approchera de Ja forme du verre, fans addition 
d'aucune matiére étrangere qui en facilite la vitrification, 
plus lacide du Tartre enlevera, avec le foufre, de ces parties 
roïdes de la terre métallique que j'ai dit ci-devant être la 
caufe du vomifiement. Ainfr tout Tartre émétique qui aura 
été préparé avec le verre d'Antimoine & le foye d’Anti: 
moine lavé, qui eft une efpece de vitrification, fera beau- 
coup plus émétique qu'aucun autre. 

J'ai fait voir ci-devant par la quantité de régule contenu 
dans les différents émétiques dont j'ai fait la réduétion, qu'il 
n’eft pas indifférent de fçavoir à quel degré ce remede eft 
émétique, & qu'il peut arriver dans les campagnes de grands 
accidents de ces ordonnances de routine qui prefcrivent 4, 
15 & 6 grains d'émétique pour faire vomir un malade. Si 
donc on jugeoit à propos de fuivre ma méthode pour con- 
noître à quelle quantité un émétique quelconque doit faire 
vomir, fans que le vomifflement foit fuivi d'accidents; voici 
une table tirée du produit de mes réduétions. J'ai choifi les 
deux extrêmes, c’eft-à-dire, le plus foible & le plus fort 
émétique, & j'y ai adjoûté celui qui m'a toüjours paru con- 
tenir la proportion la plus convenable de régule.. : 


424 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

Un Tartre émetique dont on réduit 3 2 gr&ins de régulé 
par once, en contient 4 grains par gros, & un dix-hui- 
tiéme de grain par grain; par conféquent il peut être regardé 
comme trop foible. 

Celui qui fournit deux gros de régule par once, en con- 
tient 18 grains par gros: c'eft un quart de grain par grain. 
H eft violent, à moins qu'on ne le donne en très-petite 
dofe. j 

Enfin, celui qui rend un gros & demi de régule par once, 
en contient 13 grains & demi par gros; c’eft trois feiziémes 
de grain par grain. Cette proportion eft bonne, & je fçais 
que ce dernier fait vomir fuffifamment à la dofe de deux 
grains ou deux grains & demi; c'efl-à-dire, en introduifant 
fix ou fept feiziémes de grain de régule dans l'eftomac. 

Quoique je fixe ici la quantité de régule contenuëé dans 
chaque grain d'émétique, relativement au produit total d’une 
fimple réduétion par le flux noir, je n'en prétends pas con- 
clurre que chaque grain de Tartre émétique non réduit, ne 
contienne précifément que la dofe de régule ci-devant mar- 
quée : je fçais qu'il en contient un peu davantage. Mais ce 
fürplus étant dans les fcories de la réduétion, il faudroit les 
difloudre dans de l'eau, & en précipiter la poudre commu- 
nément nommée foufre de l'Antimoine, puis réduire cette 
poudre par le flux noir, on en retireroit encore un peu de 
régule. J’abandonne cette réduétion pour rendre mon opé- 
ration fervant d'épreuve, plus aifée & moins longue. 


Examen du Kermeès minéral. 


Cette préparation, publiée par ordre du Roy en 1720, fe 
‘fait par une ébullition de l’Antimoine dans de l'eau de pluye 
animée par la liqueur du nitre fixé par les charbons : c'eft 
Yalkaeft de Glauber : il fe précipite, après la filtration de la 
liqueur encore chaude, une poudre qui bien édulcorée eft 

le remede en queftion. 
Le Kermes a été regardé pendant un temps comme un 
foufre de l'Antimoine. Suivant cette idée, je l'ai examiné 
d'abord 


113 DÛEs Sv SCIE NC À S 423$ 
d'abord par la déflagration, afin de fçavoir s’il ne brüloit pas 
différemment de l'Antimoine en poudre & du foufre doré 
d'Antimoine. 

J'ai fait rougir trois morceaux de porcelaine épaifle à un 
même feu; j'ai fait tomber fur l'un 10 grains d'Antimoine 
porphirilé; fur l'autre 10 grains de foufre doré d’Antimoine 
de la quatriéme précipitation, parce que c’eft le plus fin ; 
fur le troifiéme autant de Kermès bien choifi & haut en cou- 
leur. Le Kermès donne une flamme plus bleuâtre que les 
deux autres, il fe confume plus vite que le foufre doré de 
'Antimoine, qui bouillonne en brülant comme l’Antimoine 
même ; ces deux derniers donnant des vapeurs ou une fumée 
beaucoup plus groffiére. L'odeur du Kermès dans cette ex- 
périence étoit moins fulphureufe & moins piquante que celle 
des deux autres. En continuant le feu, ces trois matiéres fe 
font évaporées, & ayant ceflé de fumer, l’Antimoine a laifé fux 
fa porcelaine une tache d’un brun rouge, ou couleur de café. 

Le foufre doré a laïflé une matiére rougeâtre parfemée de 
quelques points blancs. t 
: Quant au Kermès, il n’a laifé qu’une terre blanche, rare, 
fpongieufe, avec quelques petits points jaunes. 

J'ai dit que j'avois choiïfi un Kermès haut en couleur, 
parce qu'il faut faire remarquer que fi cette poudre rouge n’a 
pas été fuffifamment édulcorée par de fréquentes lotions 
d'eau, & que s’il y refte trop de fel alkali, elle perd fa cou- 
leur à l'air, & fe couvre d’une fleur ou couche blanche. J'ai 
même une mafle de Kermès de cette efpece qui eft devenu 
tout blanc, & qui en blanchiflant a perdu prefque toute fon 
odeur fulphureufe, ce qui fuppofe beaucoup de volatilité 
dans la partie fulphureufe de cette poudre; car le foufre de: 
cette préparation n’eft plus de la nature du foufre grofier de 
YAntimoine, parce que l'acide vitriolique en a été dénaturé 
par l'alkali du nitre fixé. Pour le démontrer, j'ai pris du 
Kermès très-édulcoré, une partie; avec cette poudre j'ai 
éteint dans un mortier de verre deux parties de mercure très- 
pur, que j'avois reflufcité fans diflilation du fublimé corxofif 


Mem, 1734 . Hhh 


426 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE 

par la limaille de fer. Il s’eft formé de ce mêlange une poudre 
noire ou æthiops, comme quand on éteint le mercure avec 
Je foufre commun : cependant voici la différence. L'æthiops 
fait par le foufre commun eft une préparation qui donne toù- 
jours le cinabre artificiel par la fublimation. Si le Kermès eût 
été un foufre de même nature, c'eft-à-dire, s’il avoit eu un 
acide vitriolique libre d'agir, j'aurois eu de mon æthiops de 
Kermès un cinabre d'Antimoine. Cependant après l'avoir 
pouffé au feu dans une cornuë prefque jufqu'à la fondre, 
le mercure a paflé fans diminution de poids dans le réci- 
pient : il y a eu feulement à la partie du col de la cornuë 
fortant immédiatement du fourneau, un petit cercle rouge, 
mais qui n'étoit qu'une teinte prefque fans confiftance. J'ai 
trouvé au fond de la cornuë le Kermès fondu en plufieurs 
petites mafles détachées les unes des autres, d'une couleur 
plus obfcure que le foye d’Antimoine; quelques-unes étoient 
pleines de bulles d'air, & toutes étoient caflantes. Aucune 
de ces mafles n'avoit ni les aiguilles de l'Antimoine, ni les 
facettes du régule. Je crois que ce quia facilité cette fonte 
du Kermès, quoiqu'imparfaite, ou qu'on ne peut regarder 
comme une réduétion, c’eft la portion de fel alkali néceffai- 
rement exiflante dans cette poudre, mais qui n'eft pas 
fufhfante pour faire la revivification complette du régule, 
Toutes les mafles dont je viens de parler, étoient hériflées de 
petites aiguilles tranfparentes, roides & caffantes ; la voute 
de la cornuë étoit enduite d’une pouffiére blanche très-fine, 
parfemée en quelques endroits de petits tas de femblables 
aiguilles, prefque toutes rangées en étoile à plufieurs rayes; 
elles étoient plus apparentes près du col de la cornuë, où 
elles s'étoient arrêtées fur un enduit de pouffiére jaunâtre. 
Les différences de couleur de cette poufliére, & ces tas 
d’aiguilles fublimées n’ont été aifées à obferver que lorfque 
j'ai fait cette opération avec peu de matiére; car, quand 
j'en ai employé une plus grande quantité, le feu en fondant 
le Kermès, a fait élever une matiére beaucoup plus confufe 
& plus brune à la voute de la cornuë. 


DES SCT EN ER a 0 
* Si donc on veut avoir du cinabre par le Kermès & le 
mercure, il faut ou y adjoüter un acide vitriolique, ou 
dégager celui qui a été faifi par l'alkali du nitre fixé, afin 
qu'avec la partie inflammable du Kermes, il puifle agircomme 
un foufre commun reproduit. 

Premier exemple. J'ai pris une once de Kermès, j'ai verfé 
deflus, en triturant, jufqu'à 1 6 gouttes d'huile de vitriol 
blanche & non fulphureufe; après une heure de trituration 
la poudre ne m'a point paru acide, enfuite j'y ai éteint petit 
à petit 4 gros de mercure purifié ; j'ai fait triturer pendant 
15 à 16 heures, car le mélange a été très-long temps 
à prendre la couleur noire de l'æthiops ; enfin j'ai mis cét 
æthiops dans une cornuë, il a monté dans le col, du foufre 
jaune en petite quantité, enfuite une matiére fort noire & 
bitumineufe, le mercure a paflé coulant dans le récipient ; 
voyant qu'il ne montoit plus rien, j'ai augmenté le feu & 
fondu le fonds de la cornuë, & le lendemain j'ai trouvé à 
la voute & fur la furface de la mafñie reftée dans le fond, 
affés confidérablement d’un fort beau cinabre d’Antimoine, 
mais il a fallu un feu de fonte pour le fublimer. 

Secondexemple. Poux dégager l'acide vitriolique du Kermès 
embarrafé dans le {el alkali du nitre fixé, j'ai pris 3 parties 
ou 9 gros de Kermès, & 4 parties ou 12 gros de fublimé 
corrofif ( ce font les proportions de feu M: Lémery qui a 
fi bien analyfé l'Antimoine), j'ai mis ce mêlange dans une 
cornuë, & je l'ai pouflé au feu de reverbere; la diftillation 
m'a fourni du beurre d'Antimoine en liqueur, premiére 
preuve de fexiftance d’un régule dans le Kermès, puis du 
mercure reflufcité, & enfin du cinabre véritable d’Anti- 
moine; j'ai trouvé auffi au fond de la cornuë une matiére 
femblable à de l'Antimoine fondu qui auroïit un peu de 
fcories, la voute de la cornuë étoit tapifiée d’une farine ou. 
fleurs blanches d’Antimoine. ; 
If paroît par cette expérience que l'acide du fel marin qui 
étoit dans le fublimé corrofif, a abandonné fon mercure 


pour attaquer la partie réguline du Kermès, la difloudre, & 
Hhh ij 


428 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
en faire du beurre d’Antimoine: il paroît aufli que ce régule 
réduit en beurre, a laïffé libre {a portion d'acide vitriolique 
qui étoit uni avant Fopération avec l'alkali du nitre fixé, 
avec la partie fulphureufe & avec la terre métallique de 
l'Antimoine, dans le Kermès ( car ce font-là les quatre ma- 
tiéres qui entrent dans le compolé de cette poudre ) ; & 
qu'alors cette portion d'acide vitriolique dégagée en partie 
de ces liens, a repris la proportion de phlogiftique qui lui 
convenoit pour fe régénérer en foufre.commun, & s'élever 
en cinabre, en s’uniflant au mercure. J'ai pris la mafle du 
fond de la cornuë, & 'ayantréduite par le flux noir, j'ai eu 
42 grains de régule de mes 9 gros de Kermès employés 
dans cette expérience; c'eft-à-dire, un grain un tiers par 
gros de Kermès. Comme j'ai répété douze fois la précédente 
opération toute entiére fur douze Kermès différents, les pro- 
duits dela réduétion ont varié; car j'ai trouvé deux Kermès 
qui n'ont rendu par le flux rédudtif jufqu'à deux grains un 
huitiéme de régule par gros de poudre mife à l'épreuve. 
Auffi ce Kermès dont le régule eft fi aifé à reflufciter, eft-il 
le plus émetique de tous. A ces produits de régule reflufcité, 
il faut adjoûter la portion de régule qui a pafé dans le beurre 
d’Antimoine, & celle qui eft reftée dans les fcories de fa 
xéduétion. | 

Pour prouver encore qu'il ny a point de foufre commun 
dans le Kermès, où du moins que s'il en refte encore fous 
la forme de foufre commun, il eft en trop petite quantité 
pour s'élever en cinabre avec le mercure; j'ai mis dans une 
cornuë uné demi-once de Kermès bien lavé fans aucune 
addition , j'ai conduit le feu par degrés, & à une chaleur 
aflés douce, il s’'eft formé au col de la cornuë un cercle jaune; 
c'étoit un véritable foufre; mais il étoit en auffi petite quan- 
tité que le cercle rouge fans confiftance de ma premiére ex- 
périence du Kermès trituré avec le mercure. 

J'ai donc fait voir que le Kermès & le mercure joints en- 
femble ne peuvent donner du cinabre qu'à laide d’un acide 
vitriolique, ou par le fecours du fublimé corrofif. Voyogs 


Dh SUIS CURE NC CES 429 
ce qu'il produira avec l'acide vitriolique concentré dans Îe 
mercure. 

J'ai mis dans une cornuë un gros de turbit minéral broyé 
avec autant de Kermès, la cornuë ayant été placée au feu 
de reverbere, il eft forti d'abord un peu de flegme infipide, 
enfuite il s'eft dépolé ou attaché au col de la cornuë une 
vapeur d'abord blanche, puis jaune, enfuite rouge-pâle, & 
enfin rouge-foncé, comme du cinabre. Ce rouge a bruni 
dans la partie du col la plus expofée au feu. Les parois 
intérieures de la cornuë fe font enduites d’une couche jaune 
& rouge, & fur cette couche fe font fublimées des houppes 
ou flocons d'aiguilles pareïlles à celles dont j'ai déja parlé. 
En ôtant le récipient, il eft forti une odeur fulphureufe 
très-pénétrante. J'ai retiré du récipient $ 2 grains de mercure 
reflufcité, & la cornuë ayant été coupée, j'ai trouvé au fond 
une mafle divifée en plufieurs parties, toutes paroïffant mé- 
talliques, quant à la couleur, mais fpongieufes & hérifées 
de petites aiguilles blanches & brillantes. 

Ainfi dans cette expérience l'acide vitriolique du turbit 
aabandonné fon mercure, pour fe faifir ou attaquer le phlo- 
giftique, l’alkali & la partie métallique du Kermès, une partie 
de cet acide s'étant unie au phlogiftique, s’'eft régénérée em 
foufre brülant, ce font les cercles jaunes du col & de la voute 
de la cornuë ; car en ayant un peu détaché, je l'ai vû brüler 
comme du foufre. De ce foufre régénéré, une partie s’eft 
jointe à quelque portion de mercure, & s’eft fublimée en 
cinabre, du moins le cercle rouge m'a paru en être de véri- 
table: enfm le refte de cet acide s’eft concentré avec la partie 
réguline, & c'eft lui qui a fait végéter toutes ces aiguilles 
dont les maffes du fond de la cornuë paroïfloient hérifiées. 

Le mème acide vitriolique du turbit trouve dans 1e mer- 
cure précipité rouge de quoi fublimer une autre matiére qui 
n'eft niun cinabre, ni un fublimé corrofif. Quoique l'expé- 
rience que je vais lire femble ne pas appartenir à ce Mémoire, 
non plus que celle qui la fuivra, j'ai cru cependant qu'elles 
méritoient d'y avoir place. 

Hhh üj 


430 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

J'ai mis dans une cornuë un mélange d'un gros de turbit 
minéral & d'un gros de précipité rouge, ces deux matiéres 
ont donné d’abord un acide qui étoit nitreux à l’odeur & au 
goût, enfuite il eft venu une odeur fulphureufe très-forte, 
qui ne peut avoir fa fource que dans le phlogiftique du mer- 
cure , ou dans celui de l'efprit de nitre, il n'importe. 

Il a paffé dans le récipient un gros & 24 grains de mer- 
cure, le refte s’eft fublimé au col de la cornuë en un fel 
mercuriel blanc, qui n’eft pas un fublimé corrofif, mais un 
turbit fublimé, puifqu’il ne fe diflout pas dans l'eau, & qu'il 
y jaunit comme le turbit minéral. 

Le turbit minéral mis feul dans une cornuë, ne m'a rendu 
par gros que 3 1 grains de mercure coulant , encore a-t-il 
fallu pouffer le feu jufqu'à fondre la cornuë, au fond de la- 
quelle il eft refté une tache blanche qui avoit pénétré la fub- 
flance du verre; & dans le col j'ai trouvé fublimé un peu de 
foufre jaune régénéré apparemment avec le phlogiftique du 
mercure & une matiére blanche compacte que l’eau ne diflout 
ni ne change point de couleur, non plus que la tache du 
fond de la cornuë. Ce fublimé blanc indifioluble eft, felon 
Kunckel, le fel qui étoit dans l'huile de vitriol, & que le mer- 
cure a eu la force d'élever; ne feroit-ce pas auffi ce qu’il ap- 
pelle en plufieurs endroits le Jel des métaux ! cax felon le 
même Auteur, ce fel eft dans l'huile de vitriol. 

Le précipité rouge pouffé à grand feu, fe reffufcite de lui- 
même fans addition, cela eft connu : il rend par gros depuis 
65 jufqu'à 66 grains de mercure : il refte dans le fond de la 
cornuë une terre grife rougeître, & il paroït dans le col trois 
cercles, rouge, jaune & blanc. 

Le même précipité étant diftillé à un gros avec poids égal 
de Kermès bien lavé, il en fort une liqueur acide fulphureufe; 
il paroït à la voute & au col de la cornuë une très-petite 
teinte rouge, & il fe refufcite 6 $ grains de mercure. 

Le mème précipité rouge ayant été diftillé avec l'Anti- 
moine crud porphirifé au poids d’un gros de chacun, le mer- 
cure s'eft reflufcité moins vite que dans les deux expériences 


D'E S :SC1IENCHES,: 437 
précédentes, parce que les fleurs qui s'élevoient de l'Anti- 
timoine étant très-abondantes, les parois intérieures de a 
cornuë en devenoient moins lifles, & par conféquent les 
vapeurs mercurielles glifloient deflus plus difficilement. Ce- 
pendant ayant raflemblé tout le mercure, j'en ai eu 66 grains 
bon poids. Ainfi il eft évident par ces trois expériences, que 
dans un gros de précipité rouge il n'y a que 6 à 7 grains. 
d'acide du nitre. 

Revenons au Kermès; j'ai fait voir que cette poudre qu'on 

a pû regardercomme un foufre, eft la partie métallique même 
de l'Antimoine, puifqu’on en peut retirer un beurre d’Anti- 
moine & un régule, mais le foufre brûlant de l’Antimoine a 
changé de nature. L’alkali du nitre fixé a formé avec lui un 
hépar fulphuris qui fe trouve divifé & fufpendu dans la di- 
queur pendant ébullition qui doit extraire le Kermès. On 
{çait que l'hépar fulphuris a la vertu de difloudre tous les 
métaux, même l'or, lorfqu'on les fond avec lui. II eft vrai que 
dans la préparation du Kermès par ébullition, ce n’eft pas un 
hépar fulphuris en fufion; cependant rien n'empêche que 
fimplement diflout dans l'eau, il ne puifle attaquer la partie 
métallique de FAntimoine, & cela eft fi vrai que fi lon 
charge l'eau de pluye de trop de fel alkali, s’en précipite 
un Kermès dont on réduit par le flux noir beaucoup plus 
de régule que lorfqu’il a été préparé par une liqueur moins 
âcre. Donc le Kermès n'eft autre chofe qu'un hépar fulphuris 
chargé de la partie métallique de lAntimoine, mais cette 
putie métallique y eft divifée en particules extrêmement 
déliées; plus ces particules feront fines, moins le Kermès 
fera émétique. Ainfi après qu'on l'a préparé, en fuivant le 
procedé publié par ordre du Roï, qui eft le meilleur de tous, 

fi on veut avoir un Kermès qui n’agifle que comme fondant, 
” fans exciter de naufées, il faut en prendre un gros, le mettre 
dans un matras aflés grand, verfer deflus 4 livres + d'eau, 
& y difloudre 2 gros + de nitre fixé qui ait été auparavant 
diflout, filtré, évaporé, & réduit en forme féche, pour le 
dépurer d'un fédiment affés confidérable qu'il laifle fur le filtre, 


32 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 

enfin le faire bouillir, il fe précipitera une terre grife avec 
la portion du régule ka plus groffiére; & en furvuidant la 
liqueur, & la laiflant refroidir, on aura un Kermès très-fin, 
très-rouge, beaucoup plus für que celui de la premiére pré- 
paration, quand on ne veut pas qu'il fafle vomir, car ce 
Kermès corrigé ou rectifié ne peut jamais devenir émétique 
que par accident. Il eft vrai que par cette rectification on 
en perd près de fa moitié. 

Quant au Kermès non-rectifié, comme il arrive fouvent 
qu'on en trouve qui n'eft pas préparé avec toutes les précau- 
tions néceffaires, pour que la partie réguline y foit fuffifam- 
ment divifée & atténuée, je crois qu’on peut en toute füreté, 
lui fubftituer l'Antimoine lui-même, préparé comme je vais 
le dire. j 

I faut prendre de f Antimoine de Hongrie en petits pains, 
le choifir en belles aiguilles brillantes, le pulvérifer & le 
tamifer, puis le faire broyer avec de l'eau fur un porphire, 
jufqu'à ce qu'il ne craquette plus fous la dent ; enfuite on 
le met dans une jatte pleine d’eau, on brouille l’eau avec 
une fpatule de bois, & après avoir laiflé dépofer la poudre 
la plus groffiére pendant 12 ou 1 $ fecondes, on furvuide 
l'eau par inclination, en la verfant fur un ou plufieurs filtres, 
on prend Ja poudre fubtile qui eft reftée fur ces filtres, & 
on Îa fait fécher dans une étuve; quand elle eft bien féche, 
on la broye de nouveau fur le porphire, en adjoûtant un 

ros de fucre candi en poudre bien féche, fur une once 
de poudre d’Antimoine, & l'on continuë de broyer jufqu’à 
ce qu'en applatiflant un peu de a poudre avec un couteau, 
on n'y apperçoive au grand jour aucun brillant, alors elle 
eft préparée pour l'ufage. 

H y a déja long-témps qu'on a vanté l'Antimoine en 
poudre comme un excellent remede contre les maladies du 
poumon, & comme un bon fondant dans l'afthme, & dans 
plufieurs autres maladies. 

En 1674, Kunckel reflentant des douleurs très-aiguës 
dans le bras droit, confulta Sennert Médecin de Wirtemberg, 

fils 


C2 


< 


DESTBICTrTENCES 
fils du fameux Sennert, qui lui confeilla l’ufage de lAnti- 
moine, il en prit pendant un mois, & fut guéri. 

En 1679, le même Kunckel eut encore recours à l'An 
timoine porphirifé, pour de vives douleurs de goutte dans 
les mains & dans les pieds. Il en fit faire des tablettes avec 
e fucre rofat, & fut guéri. Ces tablettes antimoniales font 
encore connuës dans quelques villes d'Allemagne, fous le 
nom de Tablettes de Kunckel. 

Si mon témoignage peut être ici de quelque poids, j'ofe 
affürer que l'ufage de ce minéral en poudre fubtile, eft un 
remede fouverain pour les enfans rachitiques ou noués, & 
pour tous ceux qui ont des glandes obftruées. Il réuffit 
aflés bien dans les enfants tourmentés par les vers, & j'ai 
vû des femmes ayant des fleurs blanches, qui, après les 
remedes généraux, ont été bien guéries par lufage de cette 
poudre; mais on ne doit la donner dans le commencement 
qu'en fort petite dofe, comme d’un grain, & quoique 
TAntimoine ne foit point émétique par lui-même, ül eft 
bon cependant de joindre à fa poudre 3 ou 4 parties de 

uelque alkali, comme des yeux d'Ecrevifle ou autre. On 
augmente les dofes par degrés, & lon peut aller ainfi juf- 
qu'à 8 ou 10 grains par jour. Si l'on augmentoit les dofes 
de ce minéral avec trop de précipitation, il exciteroit des 
mouvements dans les entrailles, purgeroit ou donneroit des 
naufées. If faut avoir auffi la précaution de deffendre aux 
malades, lufage du vin, à moins qu'il ne foit très-mur, du 
vinaigre, & de tout autre acide, même des potages où l’on 
auroit mis des herbes acides, comme l'ofeille, &c. 

I réfulte de tout ce que j'ai 1û dans ce Mémoire, 

1.° Que l’'éméticité de l’Antimoine eft dans fa terre 
métallique vitrifiable ( ce que les Chimiftes fçavoient déja). 
Que le Tartre émétique ne fait vomir que parce qu'il eft 
chargé de beaucoup de particules groffiéres de cette terre: 
Qu'en le réduifant par le flux noir, on peut fçavoir à quel 
degré il eft émétique. 

2.° Que le Kermès eft un hépar fulphuris qui a diffout, 

Mem. 173 4 s'Tii 


434 MEMOIRES DEL'ACADEMIE ROYALE 

mais plus fubtilement que ne fait l'acide du Tartre, me 
portion de cette terre métallique : Qu'on peut rectifier Le 
Kermès pour le rendre fimplement fondant & diaphoretique; 
Enfin qu'on peut fubflituer au Kermès, une poudre fubtile 
de l’Antimoine. 


DE LA PERPENDICULAIRE ,. 
A LA MERIDIENNE DE PARIS, 
Prolongée vers l'Orient. 


Pa M CAssiIn1 
N° US avons rendu compte à l'Affemblée publique 


d’après la Saint Martin de l’année derniére, des opéra- 
tions que nousavions faites pour prolonger la Perpendiculaire 
à la Méridienne de Paris du côté de l'Occident, & des avan- 
tages qui en doivent réfulter, non-feulement pour la per- 
fection de la Carte de la France, mais auf pour la navigation 
en général, où il eft abfolument néceffaire de connoïtre le 
rapport des degrés de longitude à ceux de latitude, 

ÏL s’agifloit enfuite de prolonger cette même Perpendieu- 
laire du côté de l'Orient jufqu’aux bords du Rhin, pouravoir 
à l'égard de Paris, toute l'étenduë de la France de FOrient 
vers l'Occident, de la même maniére que l'on avoit déja 
déterminé par la Méridienne fa longueur du Nord vers le 
Midi, depuis Dunkerque jufqu'aux Pyrenées. | 

Cet ouvrage dont M. le Controlleur général avoit formé 
le projet l’année derniére, conformement aux Mémoires qui 
m'avoient été communiqués par M. Malet de l’Académie 
Françoife, & dont l'exécution, fuivant ce qui avoit été .pra- 
tiqué jufqu'alors, fembloit être réfervée pour les temps de 
paix, n'a p être retardé par les guerres qui font furvenuës 
depuis qu’on Favoit commencé, parce qu'il fuffit qu'une en- 


treprife {oit agréable au Roy & utile à d'Etat, pour que le 


DE S'S C8 EN CES Mt D 
Miniflere concourre unanimement à la faire exécuter, fans 
que d'autres affaires qui paroiflent plus preflantes puiflent 
empêcher d'y donner toute l'attention qu'elle mérite, 

Ainfi je reçûüs ordre du Roy de me difpofer à ce voyage 
pour le printemps de cette année avec Mrs Maraldi, Abbé 
de laGrive, Chevalier, le Roy, & deux dé mes fils. 

Nous partimes de Paris le dernier du mois de May de cette 
année. Comme M. Picard avoit dans fa mefure de la Terre, 
déterminé du côté de lOrient deux bafes, l'une de Brie- 
Comte-Robert à la Tour de Montjay, & Fautre de cette 
Tour à Dammartin; nous jugeâmes devoir les employer tou- 
tes les deux pour former nos triangles, afin que f1 les objets 
nous manquoient d’un côté, nous puflions continuer de l’autre 
fans aucune interruption, & fans être obligés de revenir fur 
hos pas, comme il nous étoit arrivé l'année derniére aux envi- 
rons de Verneuil. I devoit encore en réfulter deux avantages 
confidérables; le premier de comprendre par ce moyen & dé- 
terminer une plus grande étendué de pays. Le fecond, de véri- 
fier lés mefures obiervées fur une bafe, par celles qui auroient 
été déterminées fur l'autre, lorfqu'on viendroit à fe réunir, 

Nos premiéres obfervations furent à Brie-Comte-Robeït, 
qui eft le terme le plus méridional des deux bafes que nous 
voulions employer : nous allâmes de-là à la tour de Montjay, 
qui eft environnée par des ruines d'anciens bâtiments qui 
émpèchent d’obférver au rés-de-chauffée. IL étoit donc à 
fouhaiter de pouvoir monter fur cette tour, non-feulement 

“pour y déterminer le troifiéme angle de plufieurs triangles qui 
devoient s’y réunir, mais auffi parce que M. Picard n’avoit 
pas marqué l'endroit où il y avoit fait élever un fignal en 
forme d’une piéce de bois grofhe de paille, pour s'y diriger; 
“ce qui laifloit quelque incertitude fur fa diftance précife au 
“élocher de Brie-Comte-Robert. I ne refte plus préfentement 
‘qu'environ la moitié de cette tour en forme de croiffant, 
ê elle étoit dès l'année 1 669, en fr mauvais état, que M. 
Picard ne jugea pas à propos que l'on s’exposât une feconde 
fois au danger qu'il y avoit d'y monter. ; 

iii 


6 MEMOIRES DE L'ACADEMIE* ROYALE 

Ces difficultés n’empêchérent pas plufieurs de nos M.rs 
d'y faire leurs obfervations fur fon fommet, & même à deux 
reprifes différentes, pour déterminer la pofition de divers 
objets que l'on n’avoit pas apperçüs la premiére fois. Nous 
continuâmes enfuite nos obfervations jufqu'à Meauxoù nous 
commençâmes à nous partager pour former des triangles, les 
uns vers le Midi, à l'égard de la Perpendiculaire, & les autres 
vers le Nord. 

On alla pour cet effet à Dammartin dont il étoit néceffaire 
de connoître la diftance exacte à la tour de Montjay, qui étoit 
la feconde bafe que nous devions employer. M. Picard y 
avoit fait fes obfervations dans le pavillon ovale du Château 
de cette ville. Mais il avoit reconnu par la fuite que le milieu 
dé ce pavillon étoit difficile à diftinguer, lorfqu'on le regar- 
doit de certains endroits, ce qui lui fit avouer qu'il avoit eu 
raifon de tenir pour fufpeéts les triangles qui y aboutifient. 

Pour éviter de pareils inconvénients, nous primes le parti 
de faire nos obfervations dans le clocher de la Collégiale de 
Dammartin, qui domine fur le Château , & fe voit de tous 
les environs à une grande diflance, fans qu'on puifle s'y mé- 
prendre. 

C'eft fur cette nouvelle bafe du centre de fa tour de Mont- 
jay au clocher de Dammartin, que nous commençâmes à 
former nos triangles du côté du Nord. ; 

Le pays paroifloit plus découvert que du côté du Midi où 
fe trouvoit la forêt de Crefly qui couvroit une grande partie 
de l’horifon ; cependant après y avoir formé quelques trian- 
gles, ne s'étant plus trouvé d'objets remarquables vers le 
Nord, nous fümes obligés de nous réunir à ceux que l’on 
avoit prolongés du côté du Midi jufqu'au clocher de Doue à 
la diftance de Paris de 3 131 5 toiles. 

Le premier triangle que lon forma enfüuite, nous donna 
deux bafes fur lefquelles nous continuâmes nos opérations, de 
la mème maniére que nous les avions commencées, les unes 
du côté du Midi, & les autres vers le Nord jufqu’aux confins 
de la Brie avec la Champagne, où nous nous réunimes encore 
une feconde fois. 


DE sn rS CN EN ecsioma A3. 
* Ce fut à où nous commençâmes à rencontrer des bois 
qui s'étendoient du Midi vers le Nord, & nous couvroient 
divers objets remarquables aux environs de la Perpendicu- 
lire, tels que la tour du Mont- Aimé qui fe voit de divers 
endroits de la Champagne à une très-grande diftance. 

Après avoir donc fait diverfes tentatives inutiles fur les 
clochers des environs qui paroifloient les plus éminents, nous 
primes le parti d'aller dans ces bois chercher quelques arbres 
du fommet defquels on püt découvrir le clocher de Cham- 
paubert qui paroifloit le mieux difpofé, & la tour du Mont- 
Aimé, & ayant choifi celui qui fe trouvoit le plus près de 
la direction de ces deux objets, on fit placer un fignal en 
forme de drapeau blanc qui fut obfervé en même temps de 
Champaubert, Mont-Aimé & du clocher d’Allemant, & 
qui nous donna la diftance entre ces objets avec à peu près la 
même précifion que fi l'on avoit pü les obferver immédiate- 
ment les uns des autres. 

Nous étions alors à la diftance de Paris d'environ 60 mille 
toifes, & comme Îe pays y étoit découvert, nous y pliçämes 
un poteau fur la Perpendiculaire par la méthode qui avoit 
déja été pratiquée en pareille occafion, en mettant un fignal 
dans la direétion commune de endroit où l'on avoit calculé 
qu'il devoit fe trouver fur cette Perpendiculaire. Ce lieu s’eft 
rencontré un peu au-delà du village d'Onifeux à la diftance 
de 3 3 34 toiles de la tour du Mont-Aimé. 

Nous formâmes enfuite dans les plaines de Champagne 
divers triangles d’une affés grande étenduë, qui fe vérifioient 
lun l'autre, & nous trouvàmes encore le moyen de placer 
une pyramide fur la Perpendiculaire à la diftance de 80 mille 
toiles, par une méthode un peu différente de la premiére ; 
car comme les objets que l'on découvroit des environs, tels 
que Chälons, Nôtre-Dame de lEpine & l'arbre du Mont 
de la Fourche, étoient à une trop grande diftance, pour qu'on 
pütappercevoir du lieu où devoit être la pyramide, les diffé- 
rents fignaux que l'on auroit dû faire de ces divers endroits 
pour fe mettre dans la direction requife, on eut recours à la 

Tii üj 


8 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaALeE 
méthode de déterminer la fituation d’un lieu mconnu, er 
obfervant de ce lieu les angles de pofition entre trois objets 
dont la diftance entreux eft connuë. Ayant ainfi établi la 
pofition de deux lieux près la Perpendiculaire, il fut enfuite 
fort aifé de déterminer le point qui étoit à la diftance cher: 
chée de 80 mille toifes, qui fe trouva à l'Occident de la 
riviére de Marne entre Châlons & Vitry-le-François, près 
du chemin qui conduit de Cheppe à Vefigneux. 

Nous continuâmes enfuite nos opérations jufqu’aux fron- 
tiéres de la Lorraine, qui fe trouvent un peu en-deçà de 100 
mille toifes mefurées fur la Perpendiculaire, & nous arrivä- 
mes à Bar-le-Duc, d'où ayant informé Madame la Ducheffe 
Regente du fujet de notre commiffion, Son Alteffe Royale 
donna ordre à fes Officiers de nous y laïfler vaquer libre- 
ment dans fes Etats, ce qu’elle renouvella enfuite par des 
ordres plus précis, lorfqu'elle eût reçü des lettres que M. le 
Garde des Sceaux lui en écrivit de la part du Roy. 

Ce fut vers ces endroits que le pays commença à être 
prefqu’entiérement dépourvû d'objets, ce qui nous obligea 
de placer divers fignaux dans les lieux les plus éminents, 
pour continuer nos triangles. 

Nous parvinmes ainfi jufqu’à la Meufe, au bord de laquelle 
il y a plufieurs chaînes de montagnes couvertes de bois dans 
une étenduë de 7 à 8 lieuës du Nord au Sud, fur 2 à 3 de 
largeur. Nous fûmes donc obligés de parcourir ces bois en 
divers fens, faifant monter fur les arbres les plus élevés pour 
découvrir fi l’on pouvoit appercevoir les objets à l'entour, 
Enfin, après plufieurs jours de recherche, nous en trouvimes 
un placé fur une petite butte, du fommet duquel un de nos 
Meffieurs découvrit avec une Lunette du côté de l'Occident, 
la butte d'Ifoncourt qui étoit un de nos points déja déter- 
minés, & du côté de l'Orient divers objets propres à con- 
tinuer nos triangles. Mais il lui fut impoffible d'appercevoir 
un fignal que l’on avoit élevé fur la butte de Sorbé vers l'ex- 
trémité méridionale de ces bois, ce qui paroifloit néceflairé 
pour lier nos triangles. ; 


DES SCIENCES. 439 
. FH y avoit à la diftance d'environ $ oo toifes de cet arbre, 
une ancienne Chapelle du Château de Trognon que l'on avoit 
vûüë du fignal de Sorbé, & d'où lon appercevoit du côté 
de l'Orient les mêmes objets que du fommet de l'arbre; mais 
on ne pouvoit point découvrir de-là la butte d’Ifoncourt, 
ce qui formoit la même difficulté pour da continuation des 
triangles, qui demandent que d'un objet en avant, on en 
puifle reconnoître deux dont la pofition eft déja déterminée, 
Dans ces circonftances, nous examinâmes la fituation du 
terrein, & nous reconnümes qu'entre notre arbre qui étoit 
prefqu'à l'extrémité occidentale des bois, & la Chapelle, il y 
avoit un terrein uni fur lequel on pouxroit mefurer une bafe 
d’une dongueur fufhfante pour déterminer exaétement 1a 
diftance de l'arbre à la Chapelle. Nous fimes donc élever 
deux fignaux , un fur le fommet de arbre, & autre fur les 
ruines dela Chapelle, afin d’avoir des points précis auxquels 
on pût { diriger; & ayant mefuré par deux fois une bafe de 
118toifes, &mis des piquets à fes extrémités, nous obfer- 
vâmes de-là avec un Quart-de-cercle les angles entre ces 
fignaux, par le moyen defquels on calcula leur diftance pré- 
cife ; ce qui joint à la direction du fignal de Yarbre à l'égard 
de celui de Sorbé obfervé de la Chapelle, nous donna 1x 
diftance de cette Chapelle au fignal de Sorbé, avec une pré- 
cifion à peu près de même que fi on avoit vû de-là la butte 
d'Ifoncourt, ou du fommet de l'arbre 1e fignal de Sorbé, 
puifqu'il eft aifé de faire voir qu'il ne peut pas y avoir eu 
fur cette diftance qui eft de 1 $03 6 toifes, une erreur de plus 
d'un pied, qui doit par conféquent être négligée. 
Cette détermination étoit même préférable à celle que 
Yonauroit eué, fi l'on avoit vü du fommet de l'arbre le fignal 
de Sorbé, parce que n'étant pas poffible d'y obferver off 
n'auroit pû déterminer que deux angles de chaeun des trois 
triangles qui y aboutiflent; au lieu que par la méthode que 
nous avons pratiquée, il n’y a eu à la Chapelle de Trognon 
qu'un feul angle de conclu, & tous les autres ont été obfervés, 
de même que ceux de tous les triangles que l’on avoit formés 


430 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royaze 
juiqu'alors, ce qui en rend la mefure beaucoup plus précife. 

Nous allâmes du Château de Trognon au moulin du vil- 
lage de Brulé près de Toul, qui eft dans une belle expoft- 
tion. On voyoit de-là les montagnes des Vofges qui féparent 
Ja Lorraine d'avec l’Alface, entre lefquelles les plus apparentes 
font celles de Thaun qui fe reconnoiflent avec évidence, à 
caufe qu’auprès de la plus élevée nommée X grand Thaun où 
Donon, y en a une autre plus baffe qui fe termine en pointe. 

Nous commençämes dès-lors à déterminer leur pofition 
à l'égard des objets aux environs; & comme nous prévimes 
que ces montagnes pourroient bien changer de figure, & 
former différents afpe@s , fuivant les différents endroits d’où 
on les obferveroit, nous envoyâmes pofer un fignal fur le 
lieu le plus éminent, afin d’avoir un point fixe auquel on 
pôt toüjours fe diriger fans craindre de s’y méprendre. 

Nous continuâmes enfuite nos opérations par le moyen de 
divers fignaux, jufqu’à Vic qui eft une ville de la dépendance 
du Roy, enclavée dans la Lorraine. Nous étions alors à la di- 
flance de près de 1 60 mille toiles de Paris, & ayant reconnu 
que le terrein où devoit fe rencontrer la Perpendiculaire à 
cette diflance, étoit dans la demi-lieuë qui a été cédée au 
Roy de part & d’autre du grand chemin de Mets à Strafbourg, 
nous profitämes de cettefituation pour y élever une pyramide 
de pierre de taille furmontée d’une fleur de lis, & laifier au 
milieu des Etats de la Lorraine un monument durable de 
ouvrage que nous y avions executé par ordre du Roy. Nous 
employâmes pour cet effet une méthode encore un peu diffé- 
rente de la premiére, en mefurant fur le terrein une bafe de 
186 toiles pour fuppléer au défaut d'un objet dont il auroit 
été néceffaire de connoître la fituation, pour déterminer de- 
f la direction du lieu où devoit être cette pyramide. 

Nous allämes de Vic à Morhange où nous trouvâmes 
l'horifon couvert de bois du côté où il auroit été néceffaire 
de découvrir quelques objets pour continuer nos triangles. 
Onauroit pù pratiquer une méthode femblable à celle qui 
avoit réufli en pareilles occafions, qui étoit de pofer des 

G fignaux 


EE 


D E S,S Ch1'E N CE S. 441 


À fignaux fur les arbres les plus élevés de ces bois. Mais fur ce 


que les habitans nous aflürérent que plus nous avancerions, 
plus nous trouverions de bois à traverfer; nous primes le parti 
d'aller faire nos obfervations fur la montagne de Thaun, après 
avoir été reconnoître une tour que l’on avoit apperçüë des 
fignaux de Delme & de Vic, & que nous jugeämes être près 
de Phalfbourg. Cette tour fe trouva être la plus éminente 
des trois que l'on appelle d Haut-Bar, près de Saverne, & 
d'où l’on découvre Strafbourg & divers objets tant de l’Alface, 
que dela Lorraine, 

Avant que d'y faire nos obfervations, nous jugeâmes à 
propos d'aller fur la montagne de'Thaun, & nous partimes 
de Phalfbourg pour nous y rendre. Quoique cette montagne 
n’en füt éloignée que de 1 $ à 1 6 mille toifes, nous employä- 
mes un jour & demi à y arriver par des chemins ou plütôt 
des fentiers au travers des bois prefqu'impraticables, & con- 
pus feulement par des chafieurs qui en font les feuls guides. 
- Nous parvinmes cependant, quoiqu'avec beaucoup de . 
peine, à y faire tranfporter notre plus grand Quart-de-cercle, 
parce qu'il étoit d'une grande importance d'apporter toute 
la précifion poffible dans les obfervations que nous projet- 
tions d'y faire. Nous ne pûmes d’abord reconnoïître du fom- 
met de cette montagne, aucun des objets d’où nous Favions 
apperçüë, ce qui nous fit prendre le parti d'y obferver le 
foleil à fon pañlage par le Méridien, pour déterminer le point 
du Midi fur Fhorifon, & nous diriger par ce moyen aux 
objets dont la pofition étoit connuë par rapport au Méridien; 
mais il nous fut impoffible ce jour-là d'en appercevoir aucun. 

Nous primes fur cela la réfolution d'envoyer faire des feux 
aux objets qu'il étoit néceflaire de diftinguer, de même qu'on 
lavoit pratiqué autrefois dans la mefure de la terre, quoiqu'à 
des diftances beaucoup moins grandes; & pouren retarder 
le moins qu’il fût poffible l'exécution, nous fimes partir dès 
le lendemain matin deux perfonnes en pofte, l'un pour le 
moulin de Brulé, & l'autre pour le fignal de Delme, avec 
ordre d'y faire des feux, dans le premier de ces endroits 


Mem, 1734 +. KKK 


442 MEMOIRES DE L'AÂCADEMIE ROYALE 
pendant trois jours confécutifs, & dans le fecond pendant 
quatre jours, afin de pouvoir les appercevoir des lieux où 
nous jugions devoir faire nos obiervations, 

Nous retournâmes le lendemain fur {a montagne par un 
temps beaucoup plus ferein que le jour précédent, & nous 
eùmes la fatisfaétion d'y voir aflés diftinétement le moulin 
dé Brulé & le fignai de Delme. Le premier de ces objets 
étoit à la diftance de $ 1300 toifes qui excede le quart de 
celle de Strafbourg à Paris, & il parut un peu avant le cou- 
cher du Soleil comme un fil très-délié. 

H occupoit à peine $ fecondes dans la Lunette, quoique 
fon diametre extérieur qui avoit été meluré de 20 pieds, eût 
dû paroître à cette diftance au moins de 13 fecondes; mais 
tel eft l'effet des objets qui ne font point éclairés, lefquels 
vôs de loin, paroiffent plus petits qu'ils ne le devroient être, 
tout au contraire des objets lumineux dont Île diametre ap- 
parent paroït plus grand, comme on le verra dans la fuite. 

Le fecond objet qui étoit formé par deux arbres qui fe 
touchoient & avoient chacun 7 à 8 pieds de diametre, n'étoit 
qu'à la diftance de 37 500 toifes, & on avoit plus de peine 
à le diftinguer. A l'égard des autres objets d'où l'on avoit 
apperçû cette montagñe, comme ils étoient moins élevés 

e les précédents, il fut impoffible de les reconnoître, quoi- 
qu'ils en fuffent plus proches, parce qu'ils étoient confondus 
avec le terrein. 

Nous obférvâmes ce jour-là le Soleil à fon coucher lorf- 
qu'il touchoit l’horifon, & ayant déterminé en cet endroit 
Fabaiflement de l'horifon qui étoit de 44’ 40", nous calcu- 
lâmes fon amplitude occidentale & l'angle que le point de 
Oueft devoit faire avec le moulin de Brulé que nous trou- 
vâmes à peu près de même que par la fuite des triangles, 
ce qui étoit une preuve que la Perpendiculaire à la Méri- 
dienne que nous avions prolongée jufques-là, ne s’étoit pas 
écartée fenfiblement de fa direction qu’elle devoit avoir. 

Nous retournämes encore fur la même montagne le troi- 
fiéme jour, qui étoit celui où les feux devoient commencer, 


D'E 5/18 C1 æ NN CES 443 
dans le deflein d'y pañler la nuit pour les obferver; car il 
étoit très-eflentiel pour la précifion de nos opérations, de 
reconnoître avec une entiére évidence fi c’étoïent les mêmes 
objets que ceux que nous avions apperçüs le jour précédent. 
Nous déterminämes en attendant, les angles de pofition en- 
treun grand nombred’objets, d'un côté dans la Lorraine, & 
de l'autre dans l'Alface, où l'on voyoit Strafbourg & plu- 
fieurs villes ou villages jufqu’aux montagnes Noires qui font 
au-delà du Rhin; & pour n'avoir rien qui nous cachit lho- 
rifon, nous fimes abbattre tous les arbres qui nous en empé- 
choient la découverte. 

On obferva par ce moyen la pofition d’un fignal en forme 
de drapeau blanc que quelques-uns de nos Meflieurs étoient 
allé faire placer fur la montagne de Nole, que l’on nous dit 
être à quatre lieuës de-là, & de laquelle on nous aflüra que 
lon voyoit une partie de la Lorraine & de lAlface : car 
comme il nous fut impoffible de découvrir du lieu où nous 
étions, la tour du Haut-Bar qui étoit cachée par plufieurs 
chaînes de montagnes , il nous paroifloit néceffaire de dé- 
terminer la fituation de quelqu'autre objet pour continuer 
nos triangles, au cas qu'on ne püt pas trouver quelqu'ex- 
pédient pour nous lier avec cette tour. 

Nous ne laïflämes pas de remarquer dans la direction où 
elle devoit fe trouver, un autre château fort éloigné qui 
dominoït au-deflus des montagnes qui nous la cachoïient , 
que nous jugeâmes pouvoir fervir à notre deffein, & dont 
nous déterminämes pour cet effet l'angle de pofition à l'é- 
gard de Strafbourg. Nous apperçümes encore ce jour-là 
vers le coucher du Soleil aflés diftinétement, le moulin de 
Brulé de même que le fignal de Delme, & y ayant dirigé 
les Lunettes de deux de nos Quarts-de-cercle, nous attendi- 
mes la nuit pour obferver les feux que l'on y devoit faire. 

En effet, une heure après le coucher du Soleil, nous com- 
mençämes à appercevoir celui de Delme, & quelques mi- 
nutes après celui de Brulé, que nous eûmes la fatisfaétion de 
trouver aflés exaétement au centre de la Lunette, faifant avec 


Kkk 


444 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
celui de Delme le même angle que nous avions déterminé 
pendant le jour. 

Is paroifloient à la vüë fimple à peu-près de la grandeur 
de Mars, lorfque cette Planete eft en oppolition avec le Soleil 
où fon diametre apparent eft d'environ 4o fecondes, mais 
dans la Lunette, ils occupoient à peine, à ce que nous pûmes 
en juger, celle de 12 à r$ fecondes, faifant en cela l'effet 
des Etoiles fixes qui ont leur lumiére en elles-mêmes, fans 
l'emprunter d'aucun Aftre, & dont les Lunettes n'augmen- 
tent pas la grandeur apparente dans la même proportion que 
celle des Planetes. 

La largeur du feu que l'on avoit fait au moulin de Brulé, 
étoit d'environ 10 pieds, d’où il réfulte qu'il n’auroit dû 
paroître à cette diftance que fous un angle de 6 à 7 fecondes, 
au lieu qu'on Favoit vû de 1 2 à 1 $ fecondes, par la Lunette 
qui augmentoit par conféquent deux fois fa grandeur. 

H fit cette nuit, qui étoit entre le 30 & le 31 Août, 
un très-grand froid par un vent de Nord, & nous obfer- 
vâmes le matin le point de l'horifon où le Soleil fe leva dans 
les montagnes Noires, de même que nous avions fait la 
veille à fon coucher aux environs de T'oul. 

La montagne de Thaun qui, comme nous l'avons dit 
ci-deflus, fe diftingue des autres du côté de la Lorraine, eft 
encore remarquable par des monuments anciens & bas-reliefs 
qu'on y trouve en aflés grande quantité; ce qui a donné 
lieu à la tradition populaire & fabuleufe du pays, que c’eft à 
où Pharamond a été enterré. 

IL étoit d’ailleurs important d'en connoître Ia fituation 
exace, parce qu’elle fe trouve aux confins de trois Etats, qui 
font l’Alface, da Lorraine, & la Principauté de Salms, dont 
on nous affüra qu'on avoit marqué les limites par le moyen 
d’une borne triangulaire qui a été placée au milieu des bois. 

Comme cettemontagneeft une des plus élevées des Vofges, 
nous y obfervâmes le 28 Août, fur les 2 heures après midi, 
Ja hauteur du mercure dans le Barometre, que nous trouvimes 
par deux fois de 24 pouces 6 lignes, moins grande de 3; 


DES STCHÉ'E NS CHE SO AU Aa 
pouces + que fa hauteur moyenne au niveau de la Mer; d’où 
il réfute, füivant les regles que l’on a données dans les 
Mémoires de l'Académie de 1703 & 1705, que fa hauteur 
eft de 570 toifes au defius du niveau de la Mer. Nous fimes 
auffi le même jour au foir, au village de Ravon-fur-plaine, 
qui eft au pied de cette montagne, à la diftance d'environ 
une lieuë de fon fommet, l’obfervation du Barometre, dont 
nous trouvämes la hauteur de 2 $ pouc. 1 1 lig. ce qui donna 
l'élevation de ce village fur le niveau de la Merde 304 toiles, 
moindre de 266 toifes que fur le haut de la montagne. 

Après avoir terminé nos obfervations fur la montagne 
de Thaun, quelques-uns de nos Meffieurs retournérent à 
Nole, pour y faire élever un fignal que l'on pût appercevoir 
de loin, & y obferver pendant le jour & la nuit, les mêmes 
objets qu'on avoit apperçüs fur le T'haun, & nous prîmes le 
cheminde Saverne, où nous n'arrivâmes que le fur-lendemain, 
ayant employé près de deux jours entiers à faire cette tra- 
verfe qui n'eft que de 14 à 1 $ mille toiles en, droite ligne. 

Nous allâmes le lendemain fur la tour du Haut-Bar, qui 
n'en eft éloignée que de trois quarts de lieuë, dans le deffein 
d'y obferver les fignaux de Delme & de Vic, d'où nous 
lavions apperçüë, mais nous ne pûmes reconnoître que très- 
foiblement celui de Delme, auquel nous dirigeimes le foir 
la Lunette de notre Quart-de-cercle, pour y voir le feu que 
lon y devoit faire exprès le quatriéme jour. Nous obfer- 
vâmes, en attendant, la pofition de diverfes villes ou villages, 
tant dans la Lorraine, que dans Alface, & nous reconnümes 
le même objet que l'on avoit apperçü de Thaun, à peu-près 
dans {a direétion de notre tour, & que nous apprimes étre 
le château de Lichtemberg, qui en eft éloigné d’environ 6 
lieuës. La nuit étant furvenuë, nous eûmes encore la fatisfi- 
étion d'appercevoir le feu qu’on avoit fait au fignal de Delme, 
qui rafoit le fil vertical de la Lunette un peu à gauche en 
apparence, ce qui pouvoit faire une différence d'environ s 
à 6 fecondes dans l'angle que l'on avoit obfervé pendant le 
jour, ce que nous crûmes devoir négliger. 


KKK i 


446 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

On avoit cependant obfervé du fignal de Ja montagne 
de Nole, la pofition de Strafbourg, mais la diftance de cette 
montagne à celle de Thaun que l'on avoit employée pour 
bafe, & que les gens du pays jugeoient être de 4 lieuës, à 
caufe de la longueur des circuits qu’il falloit faire pour y 
arriver, ne s’étoit trouvée que de 3423 toiles, & par 
conféquent trop petite pour déterminer avec précifion la 
fituation de Strafbourg. 

I étoit donc à fouhaiter de trouver quelque expédient 
pour pouvoir lier la tour du Haut-Bar avec le fignal de 
Thaun, avec la même précifion que fr ces objets avoient pü 
s'appercevoir lun de l'autre. Voici celui que l'on employa, 
& qui eut tout le fuccès qu'on en pouvoit attendre. 

Comme on avoit vü du fignal de Thaun, & de Ia tour 
du Haut-Bar, le château de Lichtemberg, on alla à ce château 
pour y obferver ces deux objets qui étoient, de même qu'on 
les avoit jugé, à peu-près dans la mémedireétion dont on ne 
les trouva éloignés que d’un angle de $ 4 minutes. On auroit 
pô, par le moyen de a diftance de ce château à la tour du 
Haut-Bar, trouver l'angle que l’on auroit dû obferver du 
fignal de Thaun entre Strafbourg & cette tour, ff elle avoit 
été vifible de ce fignal. Mais pour une plus grande précifion 
on alla fe placer dans l'endroit où le fignal de Thaun & la 
tour du Haut-Bar paroifloient dans la Lunette fous un même 
vertical, & comme ce lieu étoit dans un fond, où on auroit 
eu de la peine à appercevoir le fignal qu'on y auroit fait, 
parce qu'il fe feroit confondu avec le terrein, comme on 
Yavoit expérimenté en pareilles occafions, on donna ordre 
d'y faire un feu qu'on alla obferver la nuit fuivante, de la 
tour du Haut-Bar. On eut, par ce moyen, l'angle entre ce 
feu & la tour de Strafbourg, dont le fupplément à deux droits 
devoit être précifément égal à celui que le fignal de Thaun 
auroit dû faire à l'égard de cette tour, s’il avoit été vifible. 

Ainfr par le moyen de divers feux pendant la nuit, nous 
fommes parvenus à déterminer fa fituation des objets les plus 
importans de nos mefures, puifque les trois triangles où on 


ESA 


DES SCIENCES. 7 
les a employés, comprennent eux feuls plus du tiers de la 
diftance de Strafbourg à Paris. 

Après avoir achevé nos obfervations à Lichtemberg & à 
Haui-Bar, nous allimes à Strafbourg où nous obfervâmes fur 
la tour de l2 Cathédrale , d’où la vüë s'éténd de côté & d'autre 
le long du Rhin à une grande diftance, & n’eft bornée du 
côté de la France que par les montagnes des Vofges, & du 
côté de l'Allemagne que par les montagnes Noires. 

Ceite tour eft fameufe par fa belle ftrudure, & fur-tout 
par fa hauteur, qui furpañle toutes celles qui ontété conftruites 
en Europe, & nous en mefurâmes géométriquement la hau- 
teur qui fut trouvée de 440 pieds au-deflus du pavé de 
TEglile, à peu-près de même que feu M. Einfenfchmid l'avoit 
autrefois déterminée; ce qui, pour en donner une idée aflés 
jufte, furpafle deux fois 1a hauteur des tours de Nôtre-Dame 
de Paris. 

On obferva de la plate-forme qui eft élevée für e rés-de- 
chauffée d'environ 3 o toifes, la hauteur apparente du fommet 
de la montagne de Thaun de 48’ au-defius de l'horifon, ce 
qui, au moyen de fa diftance connuë de 22563 toiles, 
donne la hauteur véritable de cette montagne au-deflus du 
rés-de-chauflée de l'Eglife, de 438 toiles. Ainfi fuppofant 
qu'elle füt élevée au-deffus du niveau de la Mer de s70 toiles, 
comme on l'a trouvé par l'obfervation du Barometre, il fuit 
que la pente des eaux du Rhin dont le niveau n’eft que de 
quelques toifes plus bas que le rés-de-chauffée de l'Églife, 
doit être de près de 1 30 toiles, ce qui eff à raifon d’une toife 
par lieuë , eu égard aux divers contours que les eaux de cette 
riviére font‘obligées de faire avant que d'arriver à la Mer. 

Les triangles principaux que nous avons employés pour 
“prolonger jufqu'à Strafbourg la Perpendiculaire à la Méri- 
dienne de Paris, ne font qu'au nombre de 2 9, Ce qui vient 
de la grande étenduë de la plüpart de ces triangles, dont il 
n'y.en a pas un feul où les angles foient fort aigus & moindres 
de 20 degrés, ce qui contribuë beaucoup à leur précifion. 


Ayant calculé par la fuite de nos triangles la diftance de 


48 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
Paris à Strafbourg, nous trouvons qu'elle eft de 205120 
toiles en ligne droite, & de 20499 2 toifes mefurées fur da 
Perpendiculaire à la Méridienne de Paris, dont Strafbourg eft 
éloigné de 7326 toiles vers le Midi. 

Cette Perpendiculaire traverfe le Rhin entre Strafbourg 
& le Fort-Louis, dont l'on jugea à propos de déterminer la 
fituation que l'on a trouvée à la diftance de 21 $ 600 toiles, 
mefurée fur la Perpendiculaire à la Méridienne, dont le Fort- 
Louis eft éloigné de 6000 toiles vers le Nord. 

On détermina enfin de cette derniére ville, de même que 
de la tour de Strafbourg, un grand nombre d'objets remar- 
quables, tant en-deçà qu'au-delà du Rhin, tels que Offem- 
bourg où étoit alors campée notre Armée, la tour de Bihel, 
&c. Cette tour qui eft fur une montagne dans une belle 
expofition, s’eft trouvée 2442 toiles au Nord de la Perpen- 
diculaire à la diftance de Paris de 221312 toiles, & c'eft 
le terme le plus oriental de nos mefures. 

Nous les avions terminées l’année derniére du côté de 
l'Occident à la tour de Frehel fur les côtes de Bretagne, qui 
étoit éloignée de Paris de 175850 toifes. Ainfi la Perpen- 
diculaire à la Méridienne de Paris occupe de l'Orient vers 
l'Occident près de 400 mille toifes, que nous avons mefurées 
dans l’efpace de deux campagnes. 

H ne reftoit plus pour l'entiére perfeétion de nos opéra- 
tions, que de trouver un terrein uni où lon püt mefurér 
une bafe & comparer fon étenduë avec celle qui réfultoit de 
la fuite de nos triangles. 

Nous allâmes pour cet effet avec M. Herteinftein célébre 
Mathématicien dans l'Univerfité de Strafbourg & Profefleur 
royal de l'Ecole d’Artillerie, dans une plaine qu’il nous avoit 
indiquée, où après l'avoir parcouruë en divers fens, nous 
jugeâmes qu'on pouvoit mefurer une bafe depuis le clocher 
de la Wantznaw jufqu'à la jonétion de deux grands chemins 
qui vont de Strafbourg l’un à Haguenau, & l'autre au Fort- 
Louis. À yant donc fait dreffer un fignal dans cedernier terme, 
pour pouvoir le reconnoïtre du clocher, nous plaçimes 

divers 


+ 


| DES ScrEeNceEs. 449 

| divers piquets dans la direction commune de ces deux objets, 
& nous mefurämes de la maniére qui a été pratiquée en 
pareille occafion, la diftance entre les deux termes de a 
bafe , ayant fait la réduction néceflaire à caufe d’une maïfon 
qui empêchoit de mefurer direéétement la diftance du clocher 
de la Wantznaw au piquet qui en étoit le plus proche. 

Cette bafe s’eft trouvée de 3 34r toifes 3 pieds, & ayant 
obfervé à fes extrémités divers objets compris dans nos 
triangles, tels que le clocher de Strafbourg, la tour du Haut- 
Bar & le fignal de Thaun, elle fut déterminée de 3 342 
toifes 2 pieds avec une différence feulement de $ pieds de 

a melure actuelle. 

Comme cette bafe peut être très-utile pour lever la Carte 

‘de PAlface avec précifion, nous y fimes placer un poteau 
de bois de chêne de 9 pieds de hauteur, avec les Armes du 
Roy & une infcription au-deffous, où eft marquée fa diftance 
au centre du clocher de la Wantznaw. Pour en conferver la 
mémoire, M. le Maréchal du Bourg a bien voulu faire pofer 
une borne de pierre de $ à 6 pieds auprès de ce poteau, & 
donner les ordres néceflaires pour que les Communautés des 

environs ayent foin de l'entretenir dans l'état où nous l'avons 
placé. 

Pendant que nous étions occupés aux opérations géomé- 

_triques, nous ne perdions point de vüë les- obfervations 
aftronomiques qu'ilétoit à fouhaiter de pouvoir faire vers les 
“extrémités orientales de la France, pour les comparer aux 
géométriques, & connoître le rapport des degrés de longi- 
tude à ceux de latitude. | Mat | 

Ce fut dans ce deffein que lorfque nous fûmes à Saverne, 
je pris les devants pour aller à Strafbourg y obferver quel- 
ques Eclipfes des Satellites de Jupiter qui devoient encore 
arriver avant la conjonction de cette Planete avec le Soleil, 
dont elle approchoït. Mais le temps qui depuis notre départ 
avoit été le plus fouvent couvert & pluvieux, comme on 
n'a euque trop d'occafions de le remarquer par l'intérêt que Le Siege de 
Yon -prenoit aux affaîres publiques, ne nous permit pas de Philifbourg. 
Mem. 1734 4 


450 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
faire ces obfervations, du moins avec l'exactitude requife.. 

Au défaut de ces obfervations, nous avons celles que few 
M. Einfenfchmid célébre Mathématicien de Strafbourg y a 
faites, & que M. Herteinftein fon digne fuccefleur nous a com- 
muniquées, telles qu’il les avoit déja envoyées à M. de Mairan 
pendant notre voyage, pour en faire part à l'Académie. 

Ces obfervations ont même l'avantage fur celles que nous 
aurions pû faire, que l’on ne peut pas les foupçonner d'avoir 
été accommodées à aucune hypothefe. 

Entre ces obfervations, il y en a plufieurs d'Eclipfes du 
Soleil, de la Lune & des Satellites de Jupiter. Nous nous 
arréterons à ces derniéres, parce qu'on les juge plus propres 
pour déterminer avec exactitude la différence des méridiens. 
des lieux où elles ont été faites. 

La premiére eft une émerfion du premier Satellite de Ju- 
piter du 28 Août 1699, qui comparée à celle qui avoit 
été faite par M. de la Hire & mon pere, donne fuivant 
celle-ci, la différence des méridiens entre Strafbourg & Paris. 
de 22° 18" d'heure, & fuivant l'autre de 21° 56”. | 

La feconde eft auffi une émerfion du premier Satellite de: 
Jupiter du 2 $ Septembre de l’année 1700, qui étant com-. 
parée à celle qui avoit été faite à Paris par M. de la Hire, 
donne cette différence de 22° 8". à 

Quoique M. Einfenfchmid paroiffe préferer la différence 
des méridiens qui réfulte de l'obfervation de mon pere, & la dé: 
termine de 22° 20", ainfi qu'il s’en explique dans ces termes : 
Cum differentia meridianorum inter Parilios à Argentoratum 
mihi fere pro certo explorata fit 22° 2 0". Cependant pour ne pas 
donner la préférenceaux obfervations qui femblent favorifer 
le fentiment que j'ai fuivi jufqu'à préfent {ur la figure de la 
Terre, j'ai cru devoir prendre un milieu entre ces différentes 
déterminations, & établir cette différence de 2 2° 1 1” d'heure 
ou 5 degrés 32° 45", ce qui s'accorde mieux à ce qui réfulte 
d’une autre obfervation de l’émerfion du premier Satellite de 
Jupiter obfervée à Strafbourg & à Nuremberg le 17 Août 
de l'année 1700, de laquelle M. Einfenfchmid fe {ert poux 


D ES SET IE IN C'EMS AST 
conélurre la différence des méridiensentre Paris & Strafbourg 
de 22° 10" d'heure, oude $4 32° 30" 

Calculant la longueur du parallele de Strafbourg com- 
prife eritre cette ville & la Méridienne de Paris, on la trouvé 
de 205 roo toifes ayant égard à la réduction qu’il convient 
de faire à caufe des montagnes fur lefquelles on a fait les 
obfervations. Divifant cette diftance par SUN "OR 
aura la longueur de chaque degré fur le parallele de Strafbourg 
de 37066 toifes. Calculant dans l’hypothefe de 1 Terre 
fphérique, le degré de longitude pour la latitude de 484 3 s' 
qui eft à peu-près celle de Strafbourg, on le trouve de 37745 
toifes, plus grand de 680 toifes qu’on ne l'a déterminé par 
les opérations géométriques comparées aux aftronomiques. 
Ainfi fuivant ces obfervations, la grandeur du degré de lon: 
gitude eft plus petite que fi lon fuppofe la Terre fphérique. 

… Onaurcit trouvé la grandeur du degré encore plus petite 
de 300 toiles que par la comparaifon précédente, fi l'on 
avoit fuppofé la différence des méridiens entre Strafbourg & 
Paris, telle que l'a établie M. Einfenfchmid, ce qui s'accorde 
avec aflés de précifion à celle que lon a trouvéé du côté de 
Occident par les obfervations faites à Paris & à Saint-Malo: 
mais nous nous arrétons à la détermination précédente, parce 
que dans les obfervations qui paroiffent avoir été faites avec 
üne égale précifion, il eft toûjouts plus für de prendre une 
moyenne entrelles, que de donner la préférence à celles qui 
s'accordent mieux à nos hypothefes. 

Nous avons remarqué dans le Mémoire précédent que 
fuppofant la Terre de figure elliptique, dont le plus grand 
axe pañle par les Poles, telle qu’elle réfultoit des obfervations 
de la Méridienne, les degrés de longitude doivent être plus 
petits que dans l’hypothefe fphérique. Ainfi toutes ces obfer- 
vations faites, tant du Midi vers le Nord, que de l'Orient 
vers l'Occident de Paris, s'accordent à donner à a Terre Ia 
figure d’une ellipfe allongée vers les Poles, ce qui, filon ne 
le regarde pas comme une preuve complette, doit du moins 
être un grand préjugé en faveur de cette M Car quand 

Lili 


452 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
même on voudroit choifir entre les obfervations que j'ai 
rapportées, celle qui paroït lui être le moins favorable, &c 
füivant laquelle la différence des méridiens n'eft que de 2 1" 
56", ou 5429’, on aura toûjours la grandeur du degré 
de longitude fur le parallele de Strafbourg, plus petite de 
340 toifes que dans l'hypothele fphérique, ce qui doit être 
très-fenfible fur toute la circonférence de ce parallele. 

Nous avons auffi fait à Strafbourg un aflés grand nombre 
d’obfervations de hauteurs méridiennes, du Soleil & d’'Etoiles. 
fixes, qui toutes, à la réferve d'une feule, concourent à 
donner la diftance entre le parallele de Paris & la Perpen- 
diculaire à la Méridienne, plus grande qu'elle ne le devroit 
être fuivant l'hypothefe fphérique, & femblent favorifer le 
fentiment de la Terre allongée vers les Poles. Mais comme 
ces obfervations ne s'accordent pas à la hauteur du Pole de 
Strafbourg, déterminée par M. Einfenfchmid, nous n'avons 
pas cru devoir afléoir aucun jugement fur nos propres obfer- 
vations, jufqu'à ce que cette hauteur ait été déterminée plus 
exactement dans l'Obfervatoire que les Magiftrats de Straf- 
bourg font conftruire prefentement fur une tour de la ville 
qui y avoit été déja deftinée. 

Après avoir achevé nos obfervations à Strafbourg & aux 
‘environs, nous avons pris la route de Metz pour établir la 
pofition de cette ville & de diverfes autres qui étoient aw 
Nord de la Perpendiculaire, & dont nous avions obfervé. 
quelque direction, en formant nos triangles, & nous avons 
terminé nos opérations à Reims, après avoir déterminé la 
potion de cette ville & de la plus grande partie de celles 
qui font de côté & d'autre de la Perpendiculaire, même à 
une affés grande diftance, de même que des bourgs, villages 
& autres objets qui peuvent fervir à lever avec précifion Îes: 
Cartes particuliéres des Provinces de Brie, Champagne, 
Lorraine & Alface, que nous avons traverfées dans le cours. 
de notre voyage. 


EL /Fe 


DES, SCIENCE S 45% 


RE duR. QU ES 
DOC TA OUR INT S CT. KR "RENSS 


SECONDE PARTIE. 


Par M. WinsLow. 
À Fu si la premiére Partie de ces Rétnard il je m'étois 


borné aux Montres fimples, c’eft-à-dire, à ceux qui 
le font fimplement par conformation extraordinaire, ou par 
défaut. Je vais confidérer dans la feconde Partie les Monftres 
compolés, c’eft-à-dire, ceux qui font doubles, triples, &c. 
foit en total, foit par portions, comme par quelque organe 
confidérable, vifcere, &c. Je commencerai par les deux 
exemples qui ont donné occafion à ces Remarques, & dont 
je n'ai pas achevé l’examen dans la ‘premiére Partie, pour 
des raifons y alléguées, fçavoir, exemple du Faon à deux 
têtes, & celui de la Fille à deux ventres & quatre extrémités 
inférieures. Immédiatement après ces deux exemples, je pro- 
duirai les deux, qui, dans les Mémoires de Académie ont 
été fpécialement employés pour foûtenir les deux différents 
_ fyftemes ; fçavoir celui de M. Duvernay de 1706, & celui : 
de M. Lémery de 1724. Après quoi je rapporterai en 
abbrégé, fuivant l'ordre de la premiére Partie, les autres 
exemples qui fe trouvent dans l'Hiftoire & les Mémoires 
de l'Académie, &c. - 


1 


Examen anatomique du Faon à deux Têtes, envoyé pay 
, CES JU, 4 ” P 

ordre du Roy, dont l'extérieur à été décrit dans la 
* premiére Partie de mes Remarques fur les Monffres. 


H fuffit ici de rapporter fuccinétement de la premiére 
Partie de ces Remarques, que les deux têtes étoient pofées 


LU ‘e 


454 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RôyaLE 

fur un feul col; que l'une des têtes étoit fituée prefque dans 
l'attitude ordinaire en haut; que l'autre étoit placée latéra- 
lement , étant jointe par la partie latérale inférieure du côté 
droit de fon occiput, à la partie latérale inférieure du côté 
gauche de Pocciput de la tête fupérieure; que le col étoit 
plus court qu'à Fordinaire & un peu incliné à droite; que 
les deux têtes étoient jointes par dehors, jufques vers le 
milieu des jouës voifines; que les mâchoires inférieures des 
deux têtes étoient également mobiles, & formoient avec 
les fupérieures deux bouches, dont chacuné avoit 
une langue à l'ordinaire. 

J'ai averti dans la premiére partie, à la fin de [a defcrip- 
tion de l'extérieur de cet animal, que je m'étois contenté 
d'en examiner les têtes en particulier par l'anatomie, & 
de m'attacher principalement dans cet examen à ce que les 
parties communes aux deux têtes préfentoient de plus fingu- 
lier. Je remis alors pour la feconde partie de ces Remarques 
le détail de la diffection, parce que j'en avois deftiné la pre- 
mire uniquement pour les Monfîres fimples, & la feconde 
pour les Montres compolés. 

Avant la diflection je fis d’abord deffiner le Faon entier, 
& enfuite fes deux têtes à part dans des attitudes différentes, 
comme onles voit dans les trois premiéres Figures. 


PF GUUIR € "TE 
Le Faon entier avec fes deux Têtes, vû du côté gauche 
de Yanimal. 

- a, la Tête fupérieure, ou droite. 
b, la Tête latérale, ou gauche. 
c, Oreille droite de la Tête fupérieure. 
d, Oreille gauche de la Tête latérale. 
e, l'Oreïlle commune aux deux Têtes. 


ff. j, ha livrée du Faon. 
EbaPe, 0 RUE TER 


Le Col avec les deux Têtes, vü du côté droit, 
a, b,c, d, e, comme dans la Fig. L 


D HS, S GIE N CE s 455 
cb D CH à La: bu ds © 


! 
Les deux Têtes vüës en plein, pour montrer le fond dou- 
ble de l'Oreille commune. 
a, b, c, d,e, comme dans a Fig. I. 
f; ligne faillante qui partage de creux de cette Oreille 
en deux fonds. 7 
8 8, la direction de chaque fond d'Oreilles vers Les 
Têtes. 

Après avoir fait deffiner Fextérieur du Faon, j'en ouvris 
le bas-ventre où je ne trouvai rien de fingulier. Les efto- 
macs que ces animaux ont de commun avec les ruminants 
étoient vuides, de même que les inteftins grêles ; les gros 
inteftins étoient très-remplis; le foye, la rate, les reins, la 
veflie, & luterus ( car c’étoit une femelle) n'avoient rien 
d'extraordinaire. 

. La poitrine & les parties y renfermées étoient auf dans 
l'état naturel d'un feul animal, même celles qui répondoient 
aux deux têtes; fcavoir, la trachée artere & l'œfophage. Ces 
deux tuyaux gardoient leur fimplicité & leur ftructure ordi- 
naire tout le long du col. I n'y avoit qu'un Brynx & un 
pharynx, placés l'un devant l'autre, comme on les trouve 
communément dans un feul animal. 

Le col étoit compolé de plufieurs vertebres, toutes fimples, 
même la premiére, quoiqu'elle füt articulée avec les deux 
têtes. J’avois fait obferver dans la premiére partie de ces 
Remarques, que le col étoit court, plus courbé qu'à Pordi- 
naïre, & un peu incliné; c’étoit à l'extérieur qu'il paroifloit 


“ainfi : mais l'ayant difléqué, je trouvai que la difpofition 


des vertebres en étoit la caufe, étant arrangées un peu en S 
romain, par deux courbures en contre-fens, dont l’une dé- 
pendoit en particulier de la quatriéme vertebre, qui étoit 
comme écrafée entre la troifiéme & 1a cinquiéme, de forte 
que les vertebres repréfentoient en cet endroit plütôt un pli 
ou angle, qu'une courbüre en arc. | 

La moëlle renfermée dans le canal de ces vertebres, depuis 


456 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe 

la premiére inclufivement jufqu'à la derniére, n’étoit que 
fimple comme à l'ordinaire, & fans aucune marque de com- 
pofition extraordinaire. 


FIGURE. LV. 


Voulant profiter du temps ordonné pour la diffeétion, 
je ne fis pas grande attention aux mufcles que les deux têtes 
avoient communs avec le col unique ; & ayant trouvé à 
peu-près dans l'état ordinaire les mufcles propres de ce col, 
de même que les mufcles fterno-thyroïdiens &fterno- 
hyoïdiens, comme auffi les petits mufcles propres du larynx, 
& les différentes portions charnuës du pharynx; je détachai 
de ces deux têtes les mâchoires inférieures avec les deux 
langues, le larynx, & le pharynx, conjointement enfemble. 

Je plaçaï enfuite ces parties de maniére que les mentons 
(a, b) avec les langues /c, d,) étoient en haut, & que les 
grofies branches des mâchoires inférieures /e, f, g, h,) de 
même que la trachée-artere, avec l’œfophage, étoient en bas. 
J'examinai en cette attitude l’un & l'autre côté des deux 
mâchoires, & l'un & l’autre côté des parties qui y répon- 
doient, en commençant par le côté qui regardoit le devant 
du col, & qui eft repréfenté dans cette Figure IV, dont 
(ac, ) marquent le menton & la langue de la tête droite, 
(b,d,) le menton avec la langue de la tête gauche, /8,) 
la trachée-artere, & / 9,) l'œfophage. 

J'y découvris d'abord Ia bafe d’un feul os hyoïde /i,i), 
fes deux cornes /4, 4); les deux grandes appendices qui fe 
trouvent ordinairement dans ces fortes d'animaux , comme 
dans le Mouton, &c. je découvris le devant d’un feul pha- 
ryhx (1,2, 3,4, ); le devant d'un feul larynx / 5, $,); 
dont je ne marque ici que les mufcles crico-thyroïdiens 
(6,6), &les mufcles thyro-hyoïdiens /7, 7, ). | 

Cette bafe de l'os hyoïde, dont la forme & Ia fituation 
devant le larynx étoient comme à l'ordinaire, portoit deux 
mufcles bafogloffes /p, 4,), lun /p) pour le côté gauche 
de la langue fupérieure ou droite, & l'autre / 4) pour la 

langue 


4 


{ D HS ISTICML EN CM rs 457 
“angue latérale ou gauche. Je n'ai pas trouvé les deux autres 
mufcles bafioglofies à l'oppofite de ceux-ci; mais j'y trouvai 
entre les deux langues près de leurs bafes ou racinesun plan 
de fibres! charnuës tranfverfalement courbes & fans aucune 
apparence d'attache à d’autres parties. Ce plan mufculaire, 
exprimé dans la Fig. IV. par / a) & dans la Fig. VI. par (4), 
m'a paru ténir lieu des bafoglofles que je n'avois pas trou- 
vés, & qui devoient répondre aux bafiogloffes /p, 4,) dela 
Fig. IV. 

. Attenant le milieu de la partie antérieure de la même bafe 
de Fos hyoïde /5, i,) étoit pofée verticalement une petite cloi- 
fon cartilagineufe /w) qui donnoit attache à quatre mufcles 
genio-hyoïdiens /r, r,s, 5, ), deux pour chaque tête, & me 
parut par conféquent tenir lieu d'un autre os hyoïde. Le 
plan charnu où mufculaire / x), dont je viens de parler, y 
étoit comme collé, mais fans apparence de vraye attache. 

… On voit dans là Figure, au côté de cette cloïfon cartila- 
gineufe, un petit vaifleau tronqué (A) pañler par le deflus de 
la bafe de l'os hyoïde en fe recourbant. C’eft l'extrémité fupé: 
rieure d'une artere carotide extraordinaire, dont il fera parlé 
ci-après, & dont la continuation eft interrompuë dans a 
Figure, pour ne pas dérober à la vüë ce qu’elle auroit caché 
par fon trajet. kiwcbrtslotesb ob 
Des deux grandes appendices hyoïdiennes //, m) chacune 
portoit une efpéce de mufcle kerato-gloffe. L’appendice du 
côté droit //) portoit le mufcle kerato-gloffe droit /4) de Ia 
tête fupérieure, & lappendice du côté: gauche portoit le 
mufcle kerato-glofie /o) de a tête latérale. SH) 
fl 1(4 ; Z,) marquent ‘une petite portion antérieure : d'un 
mufcle mylo-hyoïdien fort fingulier, dont'la plus grande 
portion-a été eMmportée, pour ne/pas cacher au Deflinateur 
les parties qui en auroient été couvertes. Ce mufcle mylo- 
hyoïdien appartenoit au grand'os hyoïde5,i, 4,4), & fes 
attaches latérales, au lieu d’être aux portions latérales ou 
branches de la mâchoire inférieure d’une feule tête ; étoient 
d'un côté à la branche droite de la mâchoire de la tête 
Mem. 173 4 . Mmm 


458 MEMoIRESs DE L'ACADEMIE Royare 
fupérieure, & de l'autre côté à la branche gauche de Ja mâ- 
choire inférieure de la tête latérale. Je n'ai pas trouvé le 
mylo-hyoïdien des côtés oppofés ; mais au lieu de cela je 
trouvai un plan large & mince de fibres charnuës qui alloïent 
d'une mâchoire à l’autre, comme on verra ci-après dans la 
Figure VI. 

Les deux corps olivaires /x, y,) qui paroiflent immédiate- 
ment au deffous de la portion du mufcle mylo-hyoïdien /z,7) 
font les glandes fublinguales de lune & de fautre langue. 
Elles fe touchoïent immédiatement par la moitié poftérieure 
de leur volume, & même y paroïfoient en partie confon- 
duës enfemble. Elles m'ont paru chacune tenir lieu de deux 
pour chaque langue, n’en ayant pas trouvé d'autres ; & c'eft 
peut-être de cela que dépendoit la grofleur extraordinaire de 
ces deux-ci. 

I y avoit quatre glandes maxillaires /£,r, u,u,) deux pour 
chaque tête, comme à l'ordinaire. Deux de ces glandes, 
fçavoir /r, #,) font ici repréfentées hors de fituation, & les 
deux autres (4, u,) dans leur fituation naturelle. 


ÉRIC U RIES LV. 


I! n'y avoit que trois arteres carotides pour les deux têtes, 
dont deux étoient latérales, & une étoit mitoyenne & anté- 
rieure. Les deux latérales /r r, 1 2,) étoient placées à peu- 
près à l'ordinaire le long de chaque côté du col. La-caro- 
tide du côté droit alloit au côté droit de la tête fupérieure, 
& la carotide du côté gauche alloit au côté gauche de la 
tête latérale. La carotide mitoyenne ou antérieure r > ) 
montoit par une route extraordinaire direétement devant la 
trachée artere & le larynx, & fe glifloit enfuite entre les 
bafes ou racines des deux langues à côté de la petite cloifons 
cartilagineufe /w) de la Figure IV. jufques fous la rencontre 
ou union des deux têtes, où fon extrémité (A } fe divifoit 
pour le côté gauche de la tête fupérieure, & pour le côté 
droit de la tête latérale. Ces trois carotides partoient d'un 
&onc commun fort court fr 0). 


D E:8, : S\uÈL:EN CES A$9 
FicuRrEe VL 


Cette Figure marque les se. du côté oppolé au côté 
repréfenté dans la Figure IV, ceft-à-dire, du côté de k 
proximité des deux mâchoires inférieures. Les mentons 
(a, b,) avec les langues /c, d,) font ici tournés en haut, 
tomme dans la Fig. IV, & les branches /e, f; 3, 4) des deux 
mâchoires inférieures font tournées en bas, mais à contre 
fens de la Figure IV, par rapport à leurs parties latérales. 
‘La branche ff) eft du côté gauche de la tête fupérieure ou 
droite. La branche 4) eft du côté droit de la tête latérale 
ou gauche. Ces deux branches /f, #,) étoient bien près lune 
de l'autre, principalement en arriére, La branche /e) eft du 
côté droit de la tête fupérieure ou droite, & la branche /2) 
eft du côté gauche de la tête latérale ou gauche. J'avois 
coupé & emporté la groffe portion où moitié poftérieure 

«“ branches (f; h,) pour mettre à découvert les parties que 
-jé vais décrire. ; 

Les fibres tranfverfales, & en partie un peu courbes /i), 
qu'on voit ici entre les portions des branches coupées /f, 4, ) 
& qui font attachées par leurs extrémités à lune & à l’autre 
de ces branches, font celles que j'ai dit dans l'explication 
de la Figure IV, avoir trouvées au lieu d'un mufcle mylo- 
hyoïdien, qui devoit répondre au mylo-hyoïdien 7, 4) 
de cette Figure IV. 

Ces fibrés /i) avoient cela de particulier, qu’elles pa- 
_xoïfloient être uniquement attachées aux mâchoires, & d’être 
réciproquement d'une continuité entiére, fans la moindre 
apparence de tendon mitoyen; elles étoient plus courtes 
que celles du mylo-hyoïdien /7, ,) de a Fig. IV, & cela 
à caufe de la proximité des deux mâchoires en cet endroit; 
ce plan charnu n'étant attaché qu'aux feules mâchoires, ne 
“pourroit pas être nommé mylo-hyoïdien , mais fimplement 
myloïdien. F 
Les fibres courbées en contre-fens /4) que l’on voit im- 
médiatement au-deflous de celles-là, font les mêmes qui font 

Mumnm ij 


- 


460 MEMOIRES DE L’ACADEMIE RoyALE 
exprimées dans la Figure IV. par /& ), & dont j'ai dit dans 
l'explication de cette Figure IV. qu'elles ne paroifloient pas 
attachées à la petite cloifon cartilagineufe /w) qui paroïfloit 
tenir lieu d'os hyoïde. 

Sous la coupe des branches maxillaires coupées /, f,) entre 
les racines ou bafes des deux langues, on voit defcendre deux 
mufcles /7, m,) lun du côté gauche de la tête fupérieure, & 
J'autre du côté droit de la tète latérale, & s'unir comme en 
pointe à l'extrémité d’un os fort délié /, o,). 

Cet os délié /», o,) m'a paru être une efpece d’appendice 
hyoïdienne, & tenir lieu des deux grandes appendices qui 
devoient être pareilles à celles de l'autre côté /p,p,). Les 
deux mufcles //, m,) font pareils aux deux mufcles kerato- 
glofles de ces grandes appendices, excepté qu'ils font joints 
enfemble à une feule appendice. 

I faut obferver que cet os délié qu'on peut ici appeller 
l'appendice hyoïdienne commune, n'étoit pas collé ou attaché | 
immédiatement au pharynx, comme la repréfentation op- > 
tique de la Figure le pourroit faire penfer. Il en étoit écarté 
à peu-près de fa même façon que les appendices /p, 4,), ou 
appendicices hyoïdiennes ordinaires ; & par fa fituation fym- 
métrique il répondoit à l'endroit de l'union des deux têtes. 

À la racine ou bafe de chaque langue, on voit une fof- 
fette (r, r,) qui eft le conduit de chaque bouche à un feul 
pharynx commun. Les deux grands trous (5, 5,) font des 
ouvertures, par lefquelles ce pharynx commun communique 
avec le fond des narines de chaque tête. Le refte (444) 
qui eft après ces ouvertures, eft le corps du pharynx vû 
par derriére. L'œfophage /t) & la trachée /4) font auffi re- 
préfentés ici par leurs faces poftérieures. Le tendon mitoyen 
des fibres charnuës du pharynx eft, pour la plus grande partie, 
caché dans cette Figure par l’appendice hyoïdienne com- 
mune /#,0,). Le dedans de la cavité de ce pharynx étoit 
tout fimple, & l'épiglotte, la glotte, &c. y étoient aufli 
dans la conformation ordinaire d'un feul animal. 


aa A 1 C0 Eu So ÉLO AE HN, CHRy Speo M si 
FT GQUuIRE VILA PS1 


Les deux crânes unis enfemblè, vüs de.front. en, plein, 
dans la même attitude que j'ai donnée aux deux têtes entiéres 
dans la Figure IL oo de x aD SA 

Cesicrânes étoient unis PER de MAnICES que, le trot 
auditif externe du côté gauche de la tête fupérieure touchoit 
de pr ès le trou auditif externe du côté droit de la tête laté- 
rale: les apophyfes pierreufes de ces côtés fe touchoient auffi 
Fm l'autre tout au long. Les parties latérales de ces mêmes 
côtés des deux os occipitaux y manquoient. 

a, le Crâne fupérieur. 1. AT Vo a 

b, le Crâne latéral. 

c, YOs occipital fupérieur. 

d, YOs occipital latéral.  * Mines à 
tas f l'union des deux Occiputs. 

- gr gr Tunion des deux Os temporaux, & Laoene 
ou la proximité des deux conduits auditifs ex- 
ternes, auxquels répondoient les deux fonds de 
loreille commune, repréfentés dans la Fi ig. IL 

h, lOrbite gauche du Crâne fupérieur. 
i, TOrbite droite du Crâne latéral. | 


FIGURE VITE 


Les mêmes deux crânes vüs par leurs ais, mais dans 
wne attitude oppofée à celle de ka Fig. VIL | 

: Les partiés latérales de-ces côtés des.os- De, c'eft- 
à-dire, la partie latérale droite de Vos occipital de la tête 
fupérieure, &. la partie latérale gauche de los occipital de la 
tête latérale, formoient enfemble un feul grand trou occipi- 
tal, comme à l'ordinaire; de forte qu'au bord'de ce grand 
trou, il n'y avoit que deux apophyfes condyloïdes, comme 
dans un fujet fimple. L’ apophyle condyloïde droite, appar- 
tenoit à l'occiput de la tête fupérieure, & l'apophyfe con- 
dyloïde gauche appartenoit à l'occiput de la tête latérale. 
Ces deux apophyfes condyloïdes étoient articulées avec 1z 

M mm ii 


462 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr 
premiére vertebre du col, de la même maniére & avec Ia 
même fimplicité que les apophyfes condyles d’un feul os 
occipital ordinaire font ‘articulées avec la feule premiére 
vertébre d'un fimple fujet, ) 

Les deux os occipitaux n’avoient qu’une feule bafe, qui 
fe terminoit en deux allongements bafilaires, dont fun ré- 
pondoit à los fphénoïde d’une tête, & l'autre à l'os fphé- 
noïdé de l'autre tête. 

Explication de la FIGURE IX. 


a, le Crâne fupérieur. 

b, le Crâne latéral. 

c, Os occipital du Crâne fapérieur, 
d, Os occipital du Crâne inférieur. 

e, f, Yunion des deux Occiputs. 

8, 8, L'union des deux Os des Temples, & l’adoffément 
des deux Os petreux, dont l’un eft le gauche 
du Crâne fupérieur, & l'autre eft le droit du 
Crâne latéral. 

4, YOïbite gauche du Crâne fupérieur. 

i, lOrbite droite du Crâne latéral. 

4, lOrbité droite du Crâne fupérieur. 

1, TOrbite gauche du Crane latéral. 

m, l'Apophyfe pierreufe droite du Crâne fupérieur, 

n, TApophyfe pierreufe gauche du Crânie latéral. 

0, le grand trou occipital commun des deux Grânes 

p, TApophyfe condyloïde droite de FOcciput fu- 

rieur. 

4, TApophyfe condyloïde gauche de l'Occiput latéral, 
r,r, la Bafe commune des deux Occiputs, > 

5, l'allongement occipital où bafilaire du Crâne fs 

_périeur. ne 

r, Yallongement occipital ou bafilaire du Crâne latéral. 

2, Vos fphénoïde du Crâne fupérieur, 

x, Os fphénoïde du Crâne latéral. 


DES SCIENCES! 463 
RÉFLÉXIONS. "AA 


Pour juger que la formation de ce Faon à deuxtètes puifle 
être rapportée au fyfteme des Monftres par accident ou 
confufion, il faudroit s’imaginer, ou que deux germes en- 
tiers {e fuffent trouvés directement l'un à côté de l'autre, & 
réciproquement euflent été comprimés de maniére, qu'à 
exception des têtes, les deux moitiés voifines du refte de 
leurs corps euflent été tout-à-fait détruites; qu’à leur place 
les deux moitiés oppofites fe fuflent unies pour compoler 
enfemble de nouveau un feul tronc ou corps entier avec les 
extrémités à l'ordinaire, & que les deux têtes qui feroient 
reftées prefque entiéres, fe fuflent accommodées fur un feul 
col; ou il faudroit s'imaginer que par une telle rencontre 
-& par une telle compreflion, tout le corps de l’un, excepté 
la tête, eût été détruit, & que cette tête échappée eût été 
unie à la tête du corps entier. 

Ni lune ni Fautre de ces deux idées me paroiffent s’ac- 
corder avec les obfervations que je viens de rapporter fur 1a 
diffetion de cet animal. La premiére idée, fçavoir celle de 
la confufion des moitiés oppofées par la deftruétion des moi- 
tiés voifmes , pourroit avoir quelque vraifemblance quant à 

 Yextérieur du corps, eu égard au rapport réciproque & fym- 
métrique des deux côtés oppofés; mais pour peu qu'on en 
: confidére bien, & avec une exacte connoïffance anatomique, 
les parties internes , fur-tout celles qui {ont folitaires & fans 
fymmétrie, celles qui font creufes & remplies de fluide, & 
encore plus celles qui font mobiles &plus ou moins flottantes, 
comme l’œfophage, le cœur, leftomac, les inteftins; cette 
idée paroïtra par lesraifons détaillées dans la premiére Partie 
de mes Remarques, non-feulement infoûtenable, mais elle 
paroîtra outre cela capable d’induire à l'erreur, en ce qu'elle 
pourroit donner lieu de s’imaginer qu’un tel ou tel corps en- 
tier, foit d'homme, foit d'autre animal, quoiqu'un corps 
fimple en apparence, 4 été origimairement compolé de deux ; 
gar ce qu'on s'imagineroit être arrivé à la plus grande partie 


26% MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
dé deux corps, comme dans ce Faon, pourroit de même 
arriver à deux corps en total, puifqu'on trouve aufli des 
Montres avee une feule tête fur deux troncs bien conformés 
féparément l'in de l'autre, comme on en trouve avec deux 
têtes fur un tronc. La feconde idée, felon laquelle, par la 
rencontre & par la compreflion réciproque dedeux germes, 
Jun en feroit refté tout-à-fait entier, pendant que autre 
feroit détruit jufqu’à la feule tête qui feroit unie à la tête du 
corps entier; cette idée, dis-je, eft auffi infoûtenable que 
la précedente; car, par exemple, dans le cas préfent, elle ne 
s'accorde nullement avec la difpofition & la diftribution par- 
ticuliére des trois arteres carotides de ceFaon. Le col étoit. 
fimple dans fa ftructure , comme left ordinairement celui 
d'un feul animal ; des vertebres, la moëlle épiniére, la trachée, 
Yofophage, la plus grande portion du larynx & du pharynx, 
toutes ces parties y étoient dans leur fimple conformation 
ordinaire. Cependant les deux carotides latérales : qui mon- 
toient fur les côtés d’un feul col comme à l'ordinaire, ne 
vont pas comme à l'ordinaire toutes deux à unie feule tête; 
mais au ‘dieu de. cela, pendant que l'une pañle fur le côté 
d'une tète qu'on fuppoferoit appartenir. originairement au 
corps entier, l'autre pafle fur le côté oppofé de la tête qu'on 
fappoleroit être le refte d'un autre corps détruit ; & au lieu 
que la tête accefoire auroit quelques ramifications de Ja caro= 
tide voifine de la tête du corps-entier, il fe trouve ici une 
carotide mitoyenne, qui après un paflage extraordinaire par- 
devant la trachée & le larynx , fe partage pour les deux têtes, 
comme fi cette carotide mitoyenne & extraordinaire avoit 
été formée par union ou confufion de la carotide droite 
d'un col, & de la carotide gauche d'un autre col, ce que 
dans le col de notre Faon la fimple ftructure des autrespar: 
ties de ce même colexpolées ci-deflus, paroît démentir, für- 
toutcelle des: vertebres, celle de Ja trachée, celle de l'œfo- 
phage, & celle de leurs dépendances. mr : 
Ces deux idées ne s'accordent pas non plus dans le cas 
préfent avec la ftructure de la bafe commune des deux os 
occipitaux, 


DES F'SLCÎT ENN CRENS: 465 
ccipitaux, ni avec la formation du grand trou occipital & 
des apophyfes condyloïdes voifines, ni avec l'articulation de 
ce double occiput fur une feule vertebre fimple. Le fyftème 
general de confufion porteroit d’abord ceux qui ne font pas 
affés au fait de la ftructure, à penfer & à dire que les os oc- 
cipitaux des deux crânes s'étant rencontrés obliquement l'un 
à côté de l'autre, les portions voifines de ces deux os ont 
été détruites de maniére que la moitié du grand trou occi- 
pital d'un crâne avec Fapophyfe condyloïde de {a même 
moitié, & la moitié réciproque du grand trou occipital de 
Yautre crâne avec fon apophyfe condyloïde, ont formé en- 
femble par leur union accidentelle un feul grand trou occi- 
pital avec deux apophyfes condyloïdes, comme à l'ordinaire 
d'un feul os occipital & d’un crâne fimple. 

Mais le détour extraordinaire qu'auroient fait, felon 
cette idée, les portions latérales de lun & de l'autre crâne, 
pour former un feul grand trou occipital femblable à celui 
d'un feul crâne ordinaire, reftera toûjours extrémement 
difficile à expliquer felon le fyfteme des accidents, fur-tout 
la correfpondance exacte du grand trou occipital de ces deux 
têtes avec le grand trou d’une fimple vertebre, & d'expliquer 
la connexion articulaire des condyles oppofés de deux diffé- 
-xents os occipitaux avec les cavités de cette feule vertebre. 

Car il faudroit pour cela ou s’imaginer que toute 1a lon- 
-gueur du corps de ce Faon eût été formée par les moitiés 
latérales de deux corps, ce qui paroît tout-à-fait impoffible 
pour les raifons expolées ci-devant; ou il faudroit s’imaginer 
que, par exemple, le condyle droit de la tête fupérieure de ce 
Faon eût refté comme à l'ordinaire articulé avec Ja cavité arti- 
culaire droite de la feule premiére vertebre, & que la cavité 
articulaire gauche de cette même vertebre eût refté vuide, . 
fans être endommagée par la deftruétion du condyle gauche 
-de la même tête fupérieure, fans l'être par celle du condyle 
droit de la tête latérale, & par celle de leurs ligaments, &c. 
& que le condyle gauche de la tête latérale ayant quitté fa 
connexion avec la vertebre détruite du corps perdu, eût été 


Men, 17 3 4 . Nnn 


M 


266 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
articulé de nouveau avec a cavité gauche de la même pre- 
micre vertebre du corps reftant. Mais je répéte encore ici 
que pour peu qu'on foit au fait de la vraye ftruéture de ces 
parties, & qu’on fe donne la peine de bien comparer en. 
détail l'extraordinaire avec l'ordinaire, on fentira une extrême 
difficulté d'expliquer par le fyfleme des accidents la con- 
nexion & Farticulation des deux têtes de ce Faon avec la. 
premiére vertebre de fon col. 

M. de Reaumur a confervé dans fon cabinet depuis plu- 
fieurs années une double tête de Veau, dont il a vû lui-même 
tout le corps en vie. Elle eft pour la plus grande partie 


femblable à la tête double du Faon du Roy, principalement 
par rapport à l’occiput commun, au grand trou, aux condyles, 


à la bafe commune de l’occiput, & à la bifurcation de cette 


bafe en deux allongements pour les os fphénoïdes des deux. 


têtes, comme on le peut voir Fig. X, & XI. 


Explication de la F1GURE X. qui repréfente les Crânes 
de la double Tére de Veau, vié de fronr. 
a, a, l'union des deux Crânes. 


&, b, les Orbites voifines. 
c, c, le bord des Orbites de l'autre côté. 


d, d, l'endroit de l'union, où la partie latérale des 


Os occipitaux, une grande partie des Os 
temporaux voifins, avec leurs apophyfes pier- 
reufes, &c. manquoient tout - à -fait. 

e,e, les Zygoma. 


Explication de la FicurE XI. qui repréfente la même 


double Tête renverfée 7 vue par fes bafes. 


a, le grand Trou occipital commun aux deux Crânes.. 
B,b, l'union des deux Os occipitaux. 
€, c, les Apophyfes condyloïdes, dont lune eft la droite 
k d'une Tête, & l'autre la gauche de l'autre Tête. 
d, d, les Apophyfes pierreufes, lune d'an côté, & 
l'autre de l'autre côté de chaque Tète.. 


| Di ES: SIC/TE.N C,E.Ss _ 467 

æ, la bafe commune des deux Os occipitaux. . 

f, l'allongement occipital commun de ces Crânes. 

g, 8, les Orbites, &c. 5 

4, 4,k,h, les fofles nafales. “1 

i, l'union de deux Zygoma tronqués. ï 

Je reviens aux autres parties des deux têtes du Faon. 
La flruéture, arrangement & lufage des deux os hyoïdes, 
de même que les attaches de leurs mufcles, ne me paroïfient 
pas non plus s’accorder avec le fyfteme des accidents. L’os 
hyoïde /i,i,k,k,) qui par f ftrudure & fon arrange- 
ment, reffemble à un os hyoïde ordinaire d'un feul animaf, 
fert ici à deux têtes, ayant deux différents mufcles bafo- 
glofies /p,q4,), un pour la langue de chaque tête. La petite 
cloïfon cartilagineufe {w.) quej'ai regardée comme un hyoïde 
imparfait, foütenoit d’un côté les genio-hyoïdiens /r, r,) de 
lune des têtes, & foûtenoit auffi de l'autre côté les genio= 

hyoïdiens / s, s,) de l'autre tête. | 
On pourroit, felon le fyfteme des accidents, s'imaginer 
que los hyoïde /5, i,k,k,) a été formé parles moitiés de 
deux différents os hyoïdes, & que la petite cloifon /w.,) a 
été formée irréguliérement & imparfaitement par les autres 
moitiés de ces mêmes os hyoïdes; mais outre que je ne vois 
nullement comment pour cet effet ces quatre mufcles genio- 
glofles fe feroient rencontrés, Ia feule attache des quatre 
mufcles génio-hyoïdiens me paroît tout-à-fait contraire 
au fyfteme des accidents, felon lequel cette cloïfon ou ce 
faux hyoïde ne devoit {ervir d'attache qu'à deux genio- 
hyoïdiens, & les deux autres genio-hyoïdiens devoient 
être attachés à la bafe du grand os hyoïde (5, i, ) attenant 
lattache des -bafo-ploffes /p, g,). 
. La connexion fymmétrique d’un feul Jarynx & d’un feul 
pharynx avec ces autres parties ft extraordinairement doubles 
“& fi extraordinairement tranfpofées, fait encore plus paroïître 
a difficulté de ce fyfteme dans le cas préfent. Car la diffi- 
-culté me paroît ici plus grande que dans la connexion d'une 
eule vertebre avec les moitiés de deux. os occipitaux. Mais 
Nan ij 


468 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

il faut être entiérement au fait de la ftructure & de la difpo- 
fition de toutes ces parties, & avec cela fe donner la patience 
de comparer en détail l'extraordinaire avec l'ordinaire. 

A l'égard de Fos grêle /»,) Fig. VI. qui porte les deux 
mufcles /m”,1,), on pourroit avec quelque vraifemblance , 
expliquer fon origine par la confufion de deux grandes 
appendices hyoïdiennes qui, fans une telle confufion acci- 
dentelle, auroient été pareilles à celles de la Fig. IV. //,m, ). 
Le confrontement des mufcles de cet os grêle /,) Fig. VI. 
avec ceux des grandes appendices / 7, m, ) Fig. IV. pouxroit 
encore favorifer le fyfteme, quoique la diftribution de ces 
quatre mufcles bien examinée, pourroit en rendre l'appli- 
cation difficile. 

Le mylo-hyoïdien commun /7,7,) dela Fig. IV. le faux 
mylo-hyoïdien /i) de la Fig. VI. Le bafio-glofle unique & 
imparfait (a ) de la Fig. IV.& /4) dela Fig. VI. ces trois 
plans mufculaires bien examinés par rapport à leur ftructure 
& à leur connexion extraordinaires confrontées felon toute 
l'exactitude anatomique avec la ftruéture & la connexion 
ordinaires des mufcles mylo-hyoïdiens & des mufcles bafro- 
gloffes, me paroiflent prefqu'aufii incompatibles avec le 
fyfteme des Monftres par accident, que la fituation renverfée 
des vifceres du Soldat des Invalides, dont j'ai rapporté l'hi- 
étoire dans la premiére Partie de ces Remarques. 


LE 
Réflexions far l'hifloire anatomique de la Fille à deux 


ventres à quatre extrémités inférieures , rapportée 
dans la premiére Partie de ces Remarques. 


Voici une récapitulation très-courte des particularités de 
cette hiftoire. Le bas du dos du demi-corps étoit au bas du 
fternum de la grande Fille; de forte que le devant du ventre 
& des extrémités du demi-corps regardoit directement le 
devant du ventre & des extrémités de la grande Fille. L'efto- 
mac, le duodenum, le jejunum & une partie de l'ileum de 


DESNSCIENCES. : | 469 

h grande Fille étoient fimples & d’une conformation natu- 
relle. L'autre partie de l'ileum étoit bifurquée ou divifée 
en deux branches, dont lune continuoit fa route ordinaire 
dans la grande Fille, l'autre alloit au ventre du demi- corps, 
Le lobe gauche du foye de la grande Fille n’étoit pas mince 
comme à l'ordinaire, mais gros comme une efpece de Iobe 
droit, & il y avoit à la face inférieure ou concave de ce 
lobe gauche une véficule du fiel, outre la véficule ordinaire 
du lobe droit. Ces deux véficules étoient à peu -près pareilles 
en conformation & en fituation ; & alloient toutes deux au 
duodenum à peu de diftance lune de autre. Il n’y avoit 
dans le ventre du demi-corps, outre les vaifleaux & les nerfs, 
que la branche de l'ileum bifurqué de la grande Fille, avec 
le refte des inteftins, les reins, les ureteres & la veflie. Le 
rectum s’ouvroit dans la vefie, & la veffie fe terminoit par 
une efpece d’anus en maniére de fente, par où fortoient la 
matiére fécale & l’urine mélées enfemble. [1 n’y avoit aucune 
marque de fexe, ni en-dedans, ni en-dehors. Les hanches, 
les fefles & les jambes de ce demi-corps étoient bien con- 
formées & d’un embonpoint ordinaire par la feule graifle, 
fans la moindre trace de mufcles ou de fibres charnuës. Les 
os étoient dans leur état naturel, entre lefquels & la peau 
il y avoit tout au long dans le corps graifieux une diftri- 
bution de vaifleaux fanguins & de nerfs. Il eft encore à 
propos de faire fouvenir que la grande Fille fentoit les im- 

reffions faites extérieurement fur la peau du demi-corps. 
Selon le fyfteme des Monftres par confufion, on diroit 
pour expliquer tout ceci, que de deux fujets qui fe feroient 
rencontrés de front dans leur premiére conformation, l'un 
auroit, par quelque contrainte, compreffion ,. ou autxe acci- 
dent, été détruit jufqu’à la moitié inférieure du-bas-ventre, 
de forte qu'il n’y en auroit refté que la. moitié inférieure 
de ce bas-ventre avec une portion de l'inteftin ileum, &c. 
&t les extrémités inférieures après la deftruétion totale de 
la tête, des extrémités fupérieures, de toute la poitrine, 
du diaphragme, du petit lobe ou lobe gauche du foye, de 
Nan iij 


470 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
Veftomac, du duodenum, du jejunum, de la premiére por- 
tion de l'ileum, & de la moitié fupérieure du bas-ventre, 
pendant que l'autre fujet feroit demeuré dans fon entier, 
excepté le petit lobe ou lobe gauche du foye, & la petite 
portion de l'épigaftre, où étoit l'union du demi-corps avec 
le corps entier. 

Ceux qui ne font pas entiérement au fait de la ftruéture 
& dela connexion des parties, ou qui ne fe donnent pas 
la peine de tout examiner, pourront trouver cetteexplication 
très-fatisfaifante & très-naturelle ; mais ceux qui font en état 
d'examiner à fond les difficultés fuivantes, ne a trouveront 
peut-être pas de même. ( 

1. Diffculté. M faudroit, felon le fyfteme de la confufion, 
s'imaginer que le fobe gauche du foye du grand fujet ait été 
originairément le lobe droit du petit fujet, & que par la 
deftruétion du lobe gauche de un & de l'autre, leurs 1obes 
droits avec leurs véficules biliaires auroïent été confondus, 
& auroient formé enfemble un {eul corps de foye avec deux 
véficules. | 

Li-defflus on pourroit d'abord demander comment cette 
portion du foye du petit fujet auroit échappé la violence de 
l'accident que l'on fuppofe avoir détruit non-feulementtoutes 
les parties qui étoient immédiatement au-deflus d'elle, mais 
auffi plufieurs autres confidérables qui étoient immédiate- 
ment au-deflous. Mais voici ce qui me paroît inexplicable 
par le fyfleme. Les deux corps s'étant rencontrés de front, 
les petits lobes des deux foyes fe feroient par cette rencontre 
mutuellement détruits, & les gros lobes de ces mêmes deux 
foyes fe feroient réunis latéralement enfemble & auroient 
formé dans le grand fujet comme un feul foye, dont le 
deflus & le deflous, de même que le droit & le gauche, 
n'auroient pas d'abord paru beaucoup différents d’un foye 
ordinaire, & dont l'extraordinaire auroit été d’avoir lelobe 
gauche plus gros qu'à l'ordinaire, & d’avoir deux véficules. 
Mais fans parler d’autres circonftances, la fituation & l'at- 
titude de la véficule de ce lobe gauche étoient à l'égard du 


25 ATDMEMSMEMENRE Ni: CE SMA I] 47% 
grand fujet, pareilles à da fituation & à l'attitude de la vé- 
ficule du lobe droit; c’eft-à-dire, le fond de la véficule 
gauche ou extraordinaire étoit en devant, & le col de cette 
véficule étoit en arriére, comme l’étoient le fond & le cof 
de la véficule ordinaire du côté droit. 

Pour expliquer ceci felon le fyfteme des accidents par 
rencontre & par confufion de deux fujets originairement 
féparés & entiers; il faudra s’imaginer, ou que la fule véfi» 
cule extraordinaire ait été déplacée en contre-fens, en même 
temps que le lobe eût refté comme il étoit avec le bord’an- 
térieur placé vers le dos du grand fujet, & le bord poftérieur 
vers le devant; ou il faudra s’imaginer que tout ce lobe avec 
la véficule , ait été dans cette rencontre de front, tourné 
en fens conforme au grand fujet, & à contre-fens à l'égard 
du petit. Cette difhculté me paroît un vrai nœud gordien 
dans le fyfteme des Monftres par confufion. 

11. Difficulté. L'infertion du canal cholidoque gauche où 
extraordinaire dans le duodenum du grand fujet, à peu de 
diftance du canal cholidoque ordinaire, comment feroit-elle 
arrivée felon le fyfteme des accidents? & fuppolé que ce 
canal ait quitté le duodenum anéanti du petit fujet, comment 
Vextrémité de cet inteftin auroit-elle pañlé jufqu'au duodenum 

. du grand fujet par le grand intervalle que la rencontre de 
front avoit laiflé entre le canal cholidoque du petit fujet, 
& le duodenum du grand? 

Pour répondre quelque chofe à cette difficulté, il faudra: 
revenir ou à la tournure de la véfieule, ou à celle de toute. 
a mafle du lobe avec la véficule, c’eft-à-dire, à la premiére 
difficulté, à laquelle je ne vois pas ce qu'on pourra répondre 
avec folidité. 

111. Difhculré. Va bifurcation de l'inteftin ileum ne parott 
gueres moins difficile à expliquer felon le fyfleme des acci: 
dents. Auroit-elle été formée par la confufion des moitiés: 
longitudinales de deux inteftins pareils qui, dans la füite,. 
auroient été débarraflés de leur union ou confufion, & 
auroient formé féparément deux inteflins ou deux branches: 


C2 


72 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoOyALE 
d’inteftins pareils ? On pourroit même tenter d'étendre cette 
idée jufqu'aux deux jejunums, & aux deux duodenums , 
& de trouver par-à un moyen d'expliquer comment s'eft 
formée l'infertion de deux cholidoques dans un feul duo- 
denum. Mais pour peu qu'on réfléchifle fur les circonvolu- 
tions en contre-fens, fur les croifements vagues, & fur les 
différents intervalles changeants des inteftins de deux fujets 
qui fe rencontreroient directement de front, on verra qu'elle 
ne peut pas avoir lieu. 

I paroîtroit peut-être plus fimple, felon le fyfleme des 
accidents, d'expliquer la bifurcation de l'inteftin ileum, par 
l'application de embouchure du pareil inteftin tronqué du 
petit fujet à une ouverture latérale arrivée à l'inteftin entier 
du grand fujet. Mais alors il faudroit auffi expliquer comment 
cette ouverture latérale feroit arrivée à l'inteftin entier, & 
par quelle méchanique proportionnée à leur ftruélure, deux 
ouvertures flaches de deux canaux, pareïllement flaches &c 
flottans, auroient refté tenduës & fans fe plifler, pendant 
qu'elles s’unifloient par leurs circonférences. 

IV. Difficulté. Ces deux Sujets étant unis de front, & 
vis-à-vis l’un de l'autre, les vaifleaux & les nerfs du côté droit 
de lun communiquoient immédiatement avec les vaifleaux 
& les nerfs du côté gauche de l'autre, quoique les troncs 
de ces vaifleaux & de ces nerfs de l'un fufient auffi éloignés 
de ceux de l'autre, que les vertebres de l’un étoient éloignées 
des vertebres de l’autre. On aura de la peine à expliquer 
par le fyfleme des accidents, ces communications en contre- 
fens, fur-tout celles des grofies branches, d'autant plus que 
dans le petit fujet, la moëlle épiniére, l'aorte, & a veine, 
cave ont été, pour la plus grande partie, détruites & perduës, 

V. Difficulté. Tousles organes internes du fexe manquoient 
dans le petit fujet, nonobftant que l'endroit où ils devoient 
fe trouver, fçavoir le baffin, ne paroïfloit pas avoir efluyé 
la moindre compreffion, & avoit fon étendu£ naturelle, De 
plus, il n’y avoit pas la moindre apparence de mufcles ou de 
fibres charnuës dans toute l’étenduë des extrémités inférieures 

| du 


D #5: 49) C/IE: NC ES 473 
du mème fujet, quoique la conformation externe en fét 
très-naturelle, & tout-à-fait pareille à celle d’un fujét bien 
charnu & bien nourri. Cette belle conformation externe 
dépendoit uniquement d’une graifle qui, par la feule diffé- 
rence d’épaifleur, foûlevoit différemment la peau, & faifoit 
paroître les fefles, le pli des fefles, le gros des cuifles, & 
le gras des jambes dans la forme ordinaire de l'embonpoint 
de ces parties, & par conféquent il n’y avoit aucune mar- 
que de deftruétion par compreffion. Ces deux défauts bien 
-examinés & confrontés avec les circonftances qui les accom- 
pagnoient, me paroiflent encore très-difficiles à expliquer 
par le fyfteme des accidents, conformément à 1a vraye 
ftruéture & à la connexion ordinaire des parties. 

Je ne parlerai pas ici de l’'infertion extraordinaire du 
rectum dans la veffie, ni de ouverture extraordinaire de 
cette veflie par un anus informe, n'y trouvant pas tout-à-fait 
les mêmes difhcultés de les expliquer par le fiffeme des accidents. 


ECT 


Remarques fur le Memoire de M. Duvernay, donné à 
| l’Academie en 1706, au figet de deux 
Enfants joints enfemble. 


1. C'étoit deux mâles. Ils étoient joints ou unis par la 
partie inférieure de leurs troncs, de maniére qu’étant couchés 
tout au Îong fur leur dos, les têtes terminoient la longueur 
du total, & les cuiffes de l'un croifoient avec les cuifles de 
Yautre. L'union de ces deux corps étoit en devant marquée 
fur la peau par une efpece de raphé ou coûture, qui alloit 
tranfverfalement depuis un côté jufqu'à l’autre, & dans ce tra- 
‘jet, où font pour l'ordinaire les os pubis, on ne fentoit aucune 
-partie offeufe ni cartilagineufe. Leur union en arriére fe trou- 
Yoit à la rencontre des quatre fefles par un pli tranfverfal, qui 
diftinguoit les deux fefles de l’un d'avec les deux fefles del’au- 
tre. IL y avoit au milieu de la couture un nombril commun à 
tous deux , & au milieu du pli entreles quatrefeffes, à la place 

Men. 1734. * Ooao 


474 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE, 

de l'anus qui y manquoit, étoient les parties naturelles de l'un 
& de l’autre. Les deux cuiffes de chaque côté étoient rplus:re- 
culées en arriére que de coûtume dans leur articulation avec 
es os des hanches. 

Réfléxion. Eu feulement égard à cette conformation .ex- 
terne, iln’y auroit pas grande difficulté d'admettreicile fyfte- 
me des accidens, & de s’imaginer que ces enfans avoient été 
joints enfemble par une confufion accidentelle, &.que les os 
pubis, qu'on ne fentoit pas dans leur place ordinaire, avoient 
été détruits parleur rencontre dans cette confufion. (Cepen- 
dant par la diffection tous les quatre os pubis, c'eft-à-dire, des 
deux os pubis de chaque «enfant, ont été trouvés dans leur 
entier, & unis à l'ordinaire avec les autresos dechaque baffin ; 
mais les os pubis de chaque enfant, au lieu detenir fermement 
enfemble fur le devant par une connexion cartilagineufe, 
étoient extrémement écartés de côté & d'autre, d'une maniére 
qui me paroît inexplicable par le fyfteme des accidents. 

2. Ces deux enfans avoient été renfermés fous les mêmes 
membranes, & n'avoient qu’un feul cordon ombilical & un 
feul placenta. Les membranes de leur enveloppe commune 
étoient plus fortes & plus épaifles qu'à l'ordinaire, le placenta 
étoit plus grand & plus épais, & le cordon ombilical plus 
gros. Ce cordon étoit compolé d'un ouraque, de deux veines 
& deitrois arteres, l’un des enfants en ayant deux, & l'autre 
n'en ayant qu'une. 

Réfléxion. On conviendra fans peine que deux enfants 
avoient befoin d’un placenta plus grand'& plus épaisqu'àl’or- 
dinaire ; mais de penfer que ce-placenta a été formé para con- 
fufron de deux placentas originairement féparés, la moindre 
attention fur laftruéture d’un feul cordon qui en dépend , pour 
ne pas parler de celle des membranes, m'en empêche. Caril 
faudroit pour céla s'imaginer que ce cordon unique a été for- 
mé par l'union de deux cordons flottans, dont chacun , com- 
me on fcait, doit pareillement être compofé tout au long de 
trois ou quatre vaifleaux contournés en maniére de rampe, & 
pleins de fang. Il faudroït encore s’ imaginer que dans les deux 


D'ES US CONE No Son iN 47g 
placentas originaires, le cordon-de chaque n’a pas été dans le 
milieu; car ce feroit par cette inépalité qu'on expliqueroit la! 
largeur extraordinaire du placenta, fans néantmoins pouvoir 
auflienexpliquer l'épaifleur par cette inégalité. En un mot, la 
formation d’un tel cordon flottant para rencontre & l'union: 
de deux pareils cordons flottans, me préfente à peu près: lai 
même difficulté que j'ai expolée ci-devant fur la formation 
d'un inteftin par la confufion de deuxinteftins. 

. Les ospubis de chaque enfant étant extrémement écartés. 
&c éloignés de leur fituation naturelle, comme j'ai dit ci-deflus,, 
ceux deT’unétoient attachésà ceux de l’autre par des ligaments 
extraordinaires, très -courts &très-forts, qui permettoient 
aux deux baflins un mouvement en'maniére de charniére, de 
forte que par ce moyen onpouvoit alternativement écarter & 
un peu rapprocher ces deux enfans l'un de l'autre. 

Réflésion. Je ne comprends pas comment on peut expli- 
quer par le fyfteme des Monftres accidentels, 1e grand écarte: 
ment des os pubis; pourquoi par la rencontre des deux germes 
ces os n'ont pas plütôt été détruits, ou courbésen dedans, que 
renver{ésen dehors fi extraordinairement; comment ces mé- 
mes parties étant par ce détour prefque pofées de champ, fe 
font f1 heureufement rencontrées par leurs bords naturelle- 
ment très-minces, fans que les unes euffent gliffé fur les au« 
tres, comme s'explique M. Duvernay, & enfin d’où font pro- 
venus ces nouveaux ligaments. 

4. La couture tranfverfale qui marquoit für la peau l'endroit 
de la jonction des deux enfans, étoit au-dedans garnie tout au 
long depuis une extrémité jufqu'à l’autre, de plufieurs fibres 
tendineufes extraordinaires; & le pli qui diftinguoit les feffes 
de l'un d'avec les fefles de l'autre, étoit au- dedans attaché à 
une bande lisamenteufe extraordinaire, très-forte &:épaifle, 
quipar fes extrémités étoit attachéeaux deux ligaments courts, 
par lefquels les os pubis de l'un étoient attachés aux os pubis 

de l'autre. 

- Réfléxion. Le fyfteme de la confufion ne me paroît pas pou- 

voir ‘expliquer dx fabrique de ces deux bandes particuliéres ; 
Ooo ï 


476 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
fur-tout en ce qu'elles font à contre-fens de toute matiére f- 
breufe qui fe trouve pour lordinaie à ces endroits & aux 
environs. 

s- Les mufcles droits du bas-ventre de l’un & de l'autre en- 
fant, au lieu de s'accompagner bien près, depuis la pointe du 
fternum jufqu'au pubis, fe féparoient en leur trajet par un 
détour vers les os pubis écartés, où ils étoient attachés; de 
forte quel’écartement de ces quatre mufcles formoit une efpece 
de lozange, dont l'intervalle étoit rempli par une expanfion 
particuliere de l’aponevrofe des autres mufcles du bas-ventre. 
Par ce dérangement les mufcles obliques étoient devenus 
droits, ce que M. Duvernay avoit oublié dans fa defcription; 
mais Îa figure l’exprime afés. 

Réfiéxion. M n'y auroit pas grande difficulté d'adopter ici le 
fyfteme des accidents, fi on ne faifoit pas une attention parti- 
euliére à la ftruéture naturelle des gaines de ces mufcles droits, 
& à la compofition de la ligne blanche. 

6. Les inteftins grêles de l'un & de l'autre enfant fe joi- 
gnoïent par leurs extrémités, & aboutifloient dans un inteftin 
commun , qui par le dehors étoitcommeuneefpece de colon, 
& avoit à un de fes côtés un petit cœcum avecun petit appen- 
dice vermiforme, mais étoit au-dedans garni de valvules con- 
niventes, comme un inteftin grêle. Cet inteftin commun après 
avoir fait deux courbüres en contre-fens, s’ouvroit dans un 
autre inteftin plus long, qui avoit deux coœcums & deux ap- 
pendices, & qui après quelque trajet fous les inteftins grêles , 
s'ouvroit d’une maniétre fort bifarre dans une double veffie 
très-charnuë, qui fervoit de cloaque commun aux matiéres 
fécales & aux urines de l’un & l'autre enfant, dont les uretres 
étoient extraordinairement larges. Il y avoit à l'endroit de 
l'union de {a double veffie avec les deux urethres de côté & 
d'autre, deux paires de mufcles extraordinaires, lefquels par 
un double croifement oblique de leurs fibres, repréfentoient 
deux X romains mis à côté l'un del’autre, & unis enfemble 
par leurs extrémités voifines, de forte qu’il en réfultoit une 
elpece de lozange, qui renfermoit dans fon intervalle le cof 


1AYDIENSMMTCENLE NN: C'EIS z. 
commun de la double veflie, & paroifloit pouvoir faire {1 
fonction d’un fphinéter très-extraordinaire. 

Réfléxion. Je répéte ici la difficulté que j'ai marquée ci-deflus 
à l'article II. de cette feconde partie de mes remarques, à 
Toccafion des inteftins de la fille à deux bas - ventres. Mais 
je demande de plus ici, comment on pourroit expliquer par 
le fyfteme des accidents, la formation d’un troifiéme coœcum 
& d'un troifiéme appendice, & la formation de ces deux 
paires de mufcles nouveaux fi extraordinairement fitués. 

7- Les veines méfaraiques des deux inteftins communs, 
dont je viens de parler, fe déchargeoient immédiatement 
dans la veine-cave inférieure. On fçait que dans l'état ordi- 
naire les veines méfaraiques compofent un tronc commun 
fous le nom de veine-porte, & que ce tronc après une dilata- 
tion -particuliére, fe ramifie de nouveau, & aboutit par fes 
derniéres ramifications à de pareilles ramifications dont les 
troncs appellés veines hépatiques, fe déchargent enfin dans 

‘a veine-cave. 

Réfléxion. Une tranfplantation, pour ainfi dire, fi étrange, 
fi éloignée, & même fi contraire à l'état ordinaire de l’œco- 
nomie animale , une telle tranfplantation de tronc en tronc, 
tous deux remplis de fang, je ne vois aucun moyen d'en 
fuivre les traces par le fyfteme des accidents, pour peu qu'on 
foit au fait de Ja ftruéture naturelle, & qu’on veuille fe donner 
la peine de la confronter ici avec la ftruéture extraordinaire. 

8. Je laifle les autres particularités de f’hifloire de ces 
deux Enfants, auxquelles j'applique les mêmes difficultés. 
Car enfin parmi toutes fortes de dérangement , de tranfpof- 
tion, de complication de parties, foit par accident, foit par 
artifice, qu'on rencontre dans l’homme, dans les animaux, 
dans les arbres, les plantes, &c. où il eft évident que ces païties 
ont été dans un état ordinaire avant l'accident & avant Far- 
tifice; on y trouve toûjours quelques traces de leur forma- 
tion, comme je le ferai voir dans un autre lieu par des exem- 
ples très-bifarres, tirés de la Chirurgie & du Jardinage. Je 
remets pour le réfultat général la conclufion du Mémoire de 

Oo ii 


478 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
M. Duvernay, qui n’eft pas entré dans le détail de toutes ces 
difficultés que je viens d’expofer. 


L V. 


Remarques fur le Mémoire de M. Lémery, donné & 
l'Académie en 1724, au fier d'un Enfant 


à deux têtes. 


‘1. C'étoitun Enfant né à fept mois & demi de groffeffe. IF 
avoit deux têtes bien conforméesen tout, placées l’une à côté 
del'autre, & pofées chacune fur un col propre. Ces deux cols 
particuliers paroïffoient à l'extérieur fe joindre endefcendant, 
& ne former qu'un feul col'unique & commun. Le refte de 
tout le corps ne paroifloit à l'extérieur que très-fimple &: 
d’uné conformation ordinaire, excepté la poitrine qui étoit 
fort large, & les parties naturelles de deux fexes fituées non 
à côté l'une de l’autre, comme les têtes, mais dans un même 

lan vertical. 

Par la diffeétion on y découvrit plufieurs chofes extraor- 
dinaires, comme on verra dans les articles fuivants. 

Réfléxion. La conformation externe de cet Enfant à deux: 
têtes porteroit très- naturellement ceux qui ne connoiffent: 
pas à fond la ftruéture, la fituation & la connexion des parties: 
internes dans leur état ordinaire, à juger qu'il a été formé 
par deux germes originairement féparés qui, par quelque 
compreflion accidentelle à leur rencontre latérale, auroient 

erdu chacun depuis la partie inférieure du col, la moitié 
collatérale de tout le refte du corps, & auroient été réunis en 
un feul corps par les moitiés oppofites. Cette idée me paroît 
devoir, même indépendamment de l'examen anatomique: 
d'un tel fujet, faire peine à ceux qui confidérent le déran- 
gement inexplicable que les parties devroient fubir par une: 
telle confufion. Je vais fuivre pas à pas lexpofition anato- 
mique de la ftruéture interne de ce foetus, & je marquerai fi 
chaque article mes Réflexions. 

2. Ï! y avoit deux épines ou colomnes vertébrales entiéres: 


Re — À 


Dr ESC .T EN. CE, S 47. 
depuis fa bafe des crânes jufqu’à l'extrémité des coccyx fituées 
à.côté l'une de l'autre, & bien près l'une de l'autre. Les douze 
vertebres dorfales de chaque épine ou colomne portoient fur 
les côtés oppofés douze côtes entiéres qui par le devant fe 
joignoient à un flernum.commun, -& ces mêmes vertebres 
portoient fur des -côtés les plus voifins douze fragments où 
petites portions,de côtes qui,parla rencontre & l'aflemblace 
de leurs-extrémités, formoient une tefpece de faufie épine 
entre les deux vrayes-épines. I[ y avoit.en haut, comme à 
l'ordinaire, deux-omoplates, deux clavicules deux bras avec 
des reftes.des deux extrémités fupérieures. H y avoit en bas 
un feul baffin commun avectoute la fuite ordinaire des deux 
extrémitésinférieures. Au lieu des os facrum &.des COCCYX, 
onne voit dans la Figure qu'unefuite uniforme.devertebres 
toutes pareilles à celles .des lombes, avec.cette feule diffé- 
rence qu'elles diminuent en volume, à mefure quelles ,de- 
viennent inférieures. | 

Réfléxion. La jonction artificielle de deux fquelettes ordi- 
naires, qu'on auroit placés l’un à côté.de l’autre, après.en avoir 
«emporté da plus -grande portion des.côtes des.côtés voifins 
avec les:omoplates, les os des hanches, &tout le-refte desex- 
trémités fupérieures &c inférieures de.ces mêmes côtés; .cette 
jonction, dis-je, que M. Lémery a très-ingénieufement ex- 
pofée, paroît d'abord le moyen le plus fimple & leplusnaturel 
d'expliquerla formation de la charpente offeufe de ce fœtus, 
par la confufion de deux charpentes offeufes originairement 
toutes entiéres, & appartenantes chacune à un corps tout 
entier. 

Ce moyen pourroit fans grande difficulté favorifer le fyfte- 
medes accidents par rapport à.cet article, fi par la mémevoye 
les autres chofes extraordinaires quife rencontrent dans 4a 
conformation de ce fœtus, pouvoient être expliquées avec 
autant de facilité & avec autant de vraifemblance, que des 
deux.épines, &c. comme M. Lémery:paroît le prétendre,.en 
difant, que l'examen des parties internes we démentoit point les 
idées que les parties externes lui ayoient fait naître. 


480 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

3- I yavoit dans la poitrine de ce fœtus deux poulmons 
entiers, c'eft-à-dire, quatre grands lobes, avec quatre troncs 
de bronches & deux trachées, qui répondoient à l'ordinaire 
aux deux cols, &c.oupour mieux dire, il y avoit dans chaque 
côté de la poitrine un poulmon entier avec fes deux grands 
lobes, deux troncs de bronches & une trachée. 

Réfléxion. Cet article paroît encore pouvoir favorifer à peu 
près aux mêmes conditions que celui des deux épines, le 
fyfteme des accidents, ou des monftres par confufion. Mais 
les difficultés qui y font contraires, me paroïflent encore plus 
confidérables ici par rapport à la éonformation bifarre du cœur 
monftrueux & unique, mais principalement par rapport à la 
route extraordinaire des groflesartéres & veines entre ce cœur 
& les poulmons, & par rapport à la diftribution des aortes & 
des veines-caves, comme je vais faire voir dans les articles 
fuivans. 

4. Ce cœur étoit unique, placé au milieu de la poitrine, & 
femblable à une gibeciere. I ne formoit qu'un feul ventricule, 
qui avoit deux embouchures, une ä droite, & l’autre à gauche, 
de chacune defquelles partoïent deux troncs d’artéres, qui fe 
portoient un peu fur les côtés, & dont l’un étoit fupérieur à 
l'autre. Le tronc fupérieur étoitun tronc d’aorte, & l'inférieur 
étoit un tronc d’artére pulmonaire ; de forte que de ce ventri- 
cule unique fortoient quatre troncs d’artéres, fçavoir deux 
aortes & deux artéres pulmonaires; une aorte & une artére 
pulmonaire du côtédroit; l'autre aorte & l'autre artére pulmo- 
naire du côtégauche. 

H n'y avoit pour toute oreillette qu'une poche membraneufe, 
fituée à la partie poftérieure du ventricule, & qui fe continuant 
fur la bafe du cœur, formoit une efpece de cul-de-fac entre les 
quatre artéres. Elle ne faifoit avec le ventricule qu'une même 
cavité, & recevoit par fa partie fupérieure, du côté droit, la 
veine-cavefupérieure, qui feglifloit entre les deux troncs d’ar- 
téres du côté droit. Elle recevoit auffi par fa partie inférieure 
la veine-cave inférieure, & par fes deux côtés deux troncs 
de veines pulmonaires. I y avoit au bas de la veine-cave 

fupérieure, 


+ 


5 EMA EN Cie S 48n 
fupérieure, non feulement des valvules triglochines, mais 
il y avoit encore fur les côtés de cette veine deux petites 
cloifons qui la féparoient des deux artéres du côté droit, &: 
qui paroifloient pouvoir faire l'office de valvules, quand le 
fang étoit poufié de bas en haut. 

Voilà le précis de lexpofé de M. Lémery. Il en conclut, 
que ce cœur unique & monftrueux étoitun compofé de deux 
cœurs confondus enfemble par une preffionaccidentelle, &c. 
que chaque moitié de ce compolé étoit originairement le 
cœur de celui des deux fœtus, qui étoit du même côté de 
cette moitié; & que le cœur unique ainficompolé, faifoitici 
“office de deux cœurs. 

M. Lémery prend pour preuve convaincante de l'union de 
deux cœurs, Îes deux troncs d’artéres qui partoient de cha- 
que côté de ce cœur unique, en prétendant que la diftribu- 
tion de deux troncs à droite, & de deux à gauche, défrgnoit 
dans ce compofé la moitié qui en appartenoit à chaque fœtus. 
- I finit ainfr fon Mémoire : Comment deux cœurs ori- 
ginairement féparés auroient-ils pû n’en faire plus qu'un feul, 
fi les cloifons qui les féparoient ne fe fuflent ouvertes, & 
n'euflent permis à ces deux cœurs de s'appliquer immédia- 
tement lun contre l’autre, & de s'unir intimement? 

Réfléxion. M. de Fontenelle dans fon Hifloire au fujet de 
Yunion de deux fquelettes, felon l'idée de M. Léméry, dit 
que des yeux anatomifles y trouvoient fürement les traces 
de ce qui étoit paflé. Mais j'avouë que jufqu’à prefent les 
miens ne les ont pas pü troüver par rapport à ce cœur & à 
fes dépendances, ni même par rapport aux vifceres du bas- 
ventre. Voicideux difficultés qui entr'autres m'en empêchent. 

Premiére diffculre. M faudroit, felon l'idée de M. Lémery, 
s'imaginer que deux fœtus ori ginairement entiers, feferoient: 
trouvés à côté l'un de l'autre, & qu'ayant été mutuellement: 
comprimés par accident, les parties laterales voifines de l'un 
& defautreauroient d'abord été détruites jufqu'’à la rencontre 
des deux cœurs. Mais je ne vois pas comment les deux moi- 
tiés, ou grands lobes de poulmon, qui dans la rencontre. 


Men 17 34: + Ppp 


482 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

d'une telle attitude latérale fe feroient trouvés entre les deux 
cœurs, auroient plus réfifté à leur deftruction par leur com- 
preffion mutuelle, que les autres parties naturellement plus 
fermes qu'eux, comme les os, les mufcles, &c. 

La difficulté me paroît d'autant plus grande, que, felon 
l'expreffion du Mémoire de M. Lémery, les deux côtés de la 
poitrine étoient occupés par deux poulmons entiers, ce qui 
marque que les deux grands lobes voifins étoient auffr entiers 
que les deux lobes éloignés. Je ne n''arrète pas ici à la figure 
qui accompagne ce Mémoire, & dans laquelle les deux grands 
lobes voifins font pour la plus grande partie cachés par les 
deux autres grands lobes; ce qui a été apparemment fait ex- 
près pour mieux faire voir ka diftribution des gros vaifieaux 
du cœur. 

Seconde difficulté. On fçait que dans l'état naturel ou ordi- 
naire le cœur humain eft à peu-près d’une figure conique, 
applatie par un côté, arrondie par la bafe & par la pointe. 
On fçait qu'il eft couché à plat dans le péricarde fur le dia- 
phragme, que fa pointe eft beaucoup plus tournée à gauche 
qu'en devant, & fa bafe beaucoup plus à droite qu'en arriére ; 
en un mot, que fa fituation eft prefque tranfverfale. On 
fçait la difpofition de la cloifon des ventricules, celle des 
deux ouvertures de chaque ventricule, celle des oreillettes, 
& enfin celle des gros vaifleaux. 

J'ai examiné autant qu'il m'a été poffible, toutes fortes de 
coupes de deux cœurs femblables, & de leurs oreillettes, &c. 
non pas tant en prétendant pouvoir trouver un affemblage 
de différentes portions de deux cœurs qui imitât entiérement 
la compofition du cœur monftrueux dont il s'agit, qu'en 
efperant trouver au moins quelques petites traces de rapport 
entre ces portions, à peu-près comme on en peut trouver 
dans les combinaifons extraordinaires, foit artificielles, foit 
notoirement accidentelles, de quelque partie d'animaux ou 
de plantes, même dans les combinaifons les plus bifarres. 
Mais il m'a été impoffble d'en trouver ici, & je n'entrevois 
aucun moyen d'y parvenir, en examinant avec de vrais yeux 


DES $S:CTEN C'E:s 483. 
anatomiftes. Les tentatives par difleétion & par figures ex- 
primeroient plus évidemment la difficulté, que la defcription, 

H eft bon d’avertir que je parle ici des cœurs femblables 
en conformation : car fi l’un des deux étoit conformé à 
l'ordinaire, & l'autre conformé à contre-fens, comme 
l'étoit celui du Soldat des Invalides, dont j'ai parlé dans la 
premiére Partie de mon Mémoire, je n’y trouverois peut- 
être pas tant de difficulté; mais auffi alors la conformation 
originairement extraordinaire d’une partie, rendroit entié- 
rement inutile tout ce qu'on pourroit avancer en faveur de 
k conformation accidentelle du total. 

Les deux petites cloifons qui, au bas dé la veine-cave fu+ 
périeure, outre les valvules triglochines ordinaires, étoient 
fur les côtés de cette veine, & a féparoient des deux arteres 
du côté droit, étoient certainement des parties furnumé- 
raires, dont il ne fe trouve ni traces ni apparence dans 
l'état ordinaire. Elles étoient même organifées, puifqu’elles 
ont paru à M. Lémery pouvoir faire l'office de valvules, 
Ainfi voilà dans un même fujet, parmi & outre les parties 
dont la conformation extraordinaire eft cenfée être acciden. 
telle, d’autres parties extraordinaires & furnuméraires, dont 
on ne peut attribuer ou rapporter la formation à aucun acci- 
dent, & qu'on eft par conféquent obligé de regarder comme 
réellement originaires. : 

. Les deux arteres pulmonaires, après avoir fait un peu 
de chemin fur les côtés, fe partageoient chacune en deux, 
pour les deux grands Jobes de chaque pouimon entier. 

-: Les deux aortes formoient chacune deux arteres carotides, 
une artere fouclaviere, un canal de communication avec 
l'artere pulmonaire du même côté, une artere axillaire; & 
enfin ces deux aortes formoient chacune de fon côté une 
aorte defcendante, laquelle alloit fe loger avec la pareille 
aorte defcendante de l’autre côté, dans une finuofité formée 
par la fauffe épine, où les deux aortes defcendantes s’anafto- 
mofoient enfemble, & ne formoient plus qu'un ul tronc 


Pppi 


484 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
commun qui fourniffoit les divifions & fubdivifions d'arteres 
comme dans l’état naturel. { 

Réflexion. Pour placer latéralement aux deux côtés de fa 
bafe de ce cœur compolé, les deux gros troncs d'arteres, & 
y placer chaque tronc d'aorte au-deflus de chaque tronc 
d’artere pulmonaire, il faudroit s'imaginer dans le cœur ori- 
ginaire du fœtus gauche une portion ou coupe, non-feule- 
ment très-bifarre, mais encore très-défavantageufe par fe 
tournüre, pour pouvoir en imaginer l'union avec le reftant 
de l'autre cœur. Mais à l'égard des gros vaifleaux du cœur 
droit, ou celui du fœtus qui étoit à droite, il me paroît 
impoflible d'imaginer le tronc de l'aorte, le trone de l’artere 
pulmonaire, & le canal de communication contournés & 
diftribués, comme il le faudroit felon lexpofition de M. 
Lémery, & flon la Figure qui les reprefente, à moins que 
ce cœur droit ou du côté droit ne fût originairement formé 
à contre-fens, comme j'ai dit ci-deflus, par rapport au côté 
droit du cœur monftrueux. 

6. Au-deffous de chaque tête, étoit un pharynx fuivi d'un 
œfophage, qui defcendoit dans la poitrine commune le long 
des parties latérales externes de l'épine particuliére qui ré- 
pondoit au col d'où il venoit. Ces deux œfophages, lun à 
gauche, & l'autre à droite, alloïent enfuite percer les parties 
latérales du diaphragme, & fe terminoient par deux eftomacs, 
un de chaque côté, qui occupoient auffi les parties latérales 
de la région fupérieure du bas-ventre. 

Chacun de ces eflomacs formoit un arc ou demi-cercle, 
& ils entouroient par-R le foye, à l'exception de fa partie 
fupérieure, de maniére que la petite courbüre de chacun re- 
gardoit le foye, & la grande regardoit les fauffes côtes. Ils 
fe terminoient chacun par un pylore au-deflous du foye, & 
il partoit de chaque pylore un petit bout d’inteftin; de forte 
qu'il y avoit deux pylores avec deux bouts d’inteflins. Ces 
deux bouts ou portions fe réunifloient bien-tôt en un canal 
commun, qui {e portoit de la région épigaftrique dans le 


DES SCIE NC ris 485 
flanc droit, & après avoir fait fes circonvolutions à l’ordiz 
naire, aboutifloit entre les deux releveurs de l'anus. 

Réfléxion. Si Von examine attentivement & avec toute 
l'exactitude anatomique la difpofition de ces deux œfophages, 
de ces deux eftomacs, & de ces deux bouts d'inteftin, qui 
apparemment tenoient lieu de deux duodenums, on trouvera, 
fi je ne me trompe, fur l'œfophage du côté droit, fur l’efto- 
mac du même côté, &fur le bout d’'inteftin qui en dépend, 
la même difficulté que j'ai fait remarquer ci-devant fur le 
côté droit du cœur monftrueux, fur les gros vaifleaux, & 
fur le canal arteriel de ce côté; fçavoir, 1.2 que fa fituation 
extraordinaire de ces parties, telle qu'elle eft ici, n’eft pas 
concevable, fans y fuppofer une organifation tout-à-fait à 
contre-fens. 2.° qu'une telle organifation ne pouvant être 
expliquée par aucun accident, paroît réellement originaire. 

L’aboutifiement des deux petits bouts d'inteftin à un fimple 
canal inteftinal très-long, & la formation de toute la fuite des 
différentes circonvolutions flottantes d’un tel canal, par la 
confufron accidentelle de deux pareils canaux ori ginairement 
féparés, me paroïflent encore auffi peu favorables au fyfteme 
des accidents, que l'inteftin bifurqué de a Fille à un corps 
& demi, l'inteftin commun aux deux Enfants joints enfemble, 
& le cordon ombilical unique des deux Enfants {éparés, 
dont les hiftoires font rapportées ci-devant. 

7- Le foye étoit au milieu de la partie fupérieure du bas- 
ventre entre les deux eftomacs, & dans lefpece de cercle 
qu'ils formoient autour ; il n’étoit point divifé en lobes, fa 
partie fupérieure, au lieu d’être dans le bas-ventre, & au- 
deflous du diaphragme, comme le refle de fon volume, 
traverloit la portion tendineufe du diaphragme, & occupoit 
la partie inférieure de la poitrine, où elle étoit fortement 
attachée au péricarde; la veine ombilicale lui fervoit auffi de 
igament comme à Fordinaire. 

Réfléxion. S'H n'y a point d'inconvénient d’idmettre dans 
un même fujet, deux fortes d'extraordinaires, lune par acci- 
dent, & l'autre d’origine, on ne feroit pas grande difficulté 


Pppii 


486 MEMoIREs DE L'ACADEMIE Royare 

de Jaiffer au fyfteme des accidents, la formation de ce Foye 
extraordinaire, d'autant plus que dans l'expolé, il n'eft pas 
fait mention de conduits biliaires, ni de veine-porte, qui 
auroient peut-être donné lieu de juger autrement. 


V. 


Après ces quatre exemples détaillés des Monftrescompofés, 
mon deflein étoit de donner un abrégé chronologique de 
tous les autres, dont l’Académie a pris connoiflance, & dont 
plufieurs font affés favorables au fyfleme des accidents, 
d’autres y paroiflent contraires, & quelques-uns très-équi- 
voques. Mais comme on peut, par le moyen des Tables de 
M. Godin, de cette Académie, trouver affés facilement tous 
ces autres exemples, je me contenterai d'en rapporter deux 
que j'accompagnerai d’autres femblables, tirés de notre 
célébre Riolan, & y joignant quelques-uns qui n'ont pas 
encore été inférés dans les Mémoires de l’Académie. 

1705. Par M. Littre. Une Matrice partagée intérieure- 
ment en deux cavités latérales, par une cloifon mitoyenne, 
auxquelles deux cavités répondoient extérieurement deux 
convexités très-diftinétes ; le refte de l'extérieur du corps de 
cette Matricé étoit fimple & uniforme comme à l'ordinaire; 
chacun des deux fonds n’avoit qu'une trompe, &c. laquelle 
étoit avec le refte de fes accompagnements, du côté oppofé 
à l'autre fond, & il n'y avoit rien de tout cela aux côtés 
voifins de ces deux fonds. 

Réflexion. Ce n'eft pas le feul exemple d'une Matrice 
double. Riolan, dans fon Anthropographie, en rapporte 
deux exemples, l'un d’une femme difléquée dans les Ecoles 
des Lombards en 1599, & l'autre qu'il avoit lui-même 
difléquée en 1 61 5. En parlant de la premiére, il dit : Urerus 
fepto medio divifus erat ; & de l'autre: Ab orificio externo ufque 
ad fundum duplex erat Matrix , mediano pariete [ecreta; reliquæ 
partes genitales fimplices erant, ac Ji fuiffet unicus uterus 

Cela me paroît auffi difficile à expliquer par le fyfteme 
des accidents, que le contre-fens des vifceres du Soldat des 


Die s17S 10 AE M CHE rs 487 
Invalides, & la formation des parties furnumeraires bien 
organifées, dont il y a tant d'exemples bien averés, comme 
de fix doigts, de huit vertebres du col, de treize côtes, de 
différents mufcles, &c. tels que les mufcles peétoraux extra- 
ordinaires, dont M. Dupuy, Médecin de Rochefort, a com- 

muniqué lhiftoire à l Académie en 1726. 

M. de Fontenelle dans fon Hiftoire, au fujet de l'obferva- 
tion de M. Littre, dit avec grande raifon, que les difpofitions 
extraordinaires des parties internes doivent faire naître aux 
Médecins des cas imprévus, qui rompent toutes les mefures 
de l'art. Il applique fa réflexion au cas de fuperfétation, & un 
peuaprès : Comment, dit-il, cette matrice double at-elle pü 
être l'effet d’un accident fortuit du développement! il eft diffi- 
cile de fimaginer, répond-il. Seroit-ce, continue-t-il, qüe 
deux œufs femelles fe feroient attachés enfemble, & que 
toutes les parties de fun auroient péri, excepté fa matrice, 
qui par conféquent fe feroit trouvée double dans le fœtus ré- 
fultant de ce mélange? Cette fuppofition, répond encore M. 
de Fontenelle, paroït un peu forcée. 

- En 1723 M. Geoffroy communiqua une obfervation fur 
deux enfants unis l'un à l’autre par un nombril commun, de 
forte que le tout enfemble n’étoit que deux moitiés de deux 
corps unies par le plan inférieur de chacun. Ces deux moitiés 
étoient pofees du même fens, & les têtes qui terminoient le 
tout, étoient tournées en même tems, ou vers le haut, ou 
vers le bas, &c. On a vü ce monftre déja âgé de trois femaines 
bien vivant. Ces deux enfans avoient deux nourrices; ils 
tétoient & mangeoient de la bouillie avec beaucoup d'appetit 
& un grand air de fanté : quelquefois lun tétoit, pendant que 
Yautre dormoit; ils ont été tous deux baptifés, & nommés 
Jeanne. 

. Si des monftres à deux têtes, comme celui-ci, dit M. de 
Fontenelle là-deflus, vivoient aflés longtemps, il feroit 
curieux d’obferver la différence des penfées & des volontés 
des deux têtes, & comment le monftre total fe prendroit à les 
accorder , ou à les facrifier les unes aux autres, 


a 


488 MEMoOIREs DE L'ACADEMIE RoYyALE 
Réfléxion. Je rapporte cet exemple en partie, à caufe defa - 
reflemblance avec celui de M. Duvernay, en partie pour don 
ner, en attendant mieux, quelque fatisfaction au fouhait de 
M. de Fontenelle, par deux exemples tirés d’une diflertation 
latine de Riolan, fur un monftre né à Paris en 1 60 5, laquelle 
fe trouve à la fin de fon Anthropographie. Voici fes propres 
paroles : /1 Anglia non procul ab Oxonia natum eff monftrum 
biceps , quatuor manibus donatum , fed ventre unitum , à” partibus 
inferioribus unicum. Ex iflis gemellis uno vigilante , alter dormiebat; 
dum hic lætam faciem offenderet , ille triflis 7 mæflus apparebat; 
quindecim dies vixére, Jed alter unico die alteri fuperviit. 
Memorabilis ef? hifloria monftri cujufdam in Northumbria orti, 
quod ventre cohærebat, gemino capite, quaternis manibus , fed infe- 
riores partes communes habebat. Id Rex diligenter &° erudiendum 
€ educandum curavit, ac maxime in muficis, qua inre mirabiliter 
profecit, quin à varias inguas edidicit, 7 variis voluntatibus duo 
corpora fecum difcordia diffentiebant , ac interdum litigabant , cum 
aliud alteri non placeret ; interdum veluti in commune confulrabant. 
Îllud etiam in illo memorabile fuit, quod cum inferné crura lumbive 
_offenderentur, utrumque corpus communiter dolorem fentiret ; cum 
vero fuperse pungeretur , aut alioqui læderetur , ad alterum corpus 
tantüm doloris fenfus perveniret; quod difcrimen in morte fuit magis 
perfpicuum. Naïn cum alrerum corpus complures ante alterum dies 
extin@tum fuiffet, quod fuperfles fuit, dimidio fui computrefcente 
paulatimcontabuit. Vixit id monffrum annos viginti odlo, ac deceffrr, 
adminiffrante rem Scoticam Joanne Prorege. 
»  C'eftà-dire : En Angleterre, pas loin d'Oxford, naquit 
» un Monftre à deux têtes, & ayant quatre mains. IL étoit 
» joint par le ventre, & unique par rapport aux parties infé- 
» rieures. Tandis que l'un de ces deux jumeaux veilloit, Fautre 
» dormoit; & lorfque le vifage de lun montroit de la gayeté, 
» l'autre paroifloit trifle & mélancholique. Ils vécurent quinze 
» jours, l'un n'ayant furvécu l'autre que d'un feul jour. 
» On raconte auffi une hiftoire mémorable d’un Monftre né 
» dans le Northumberland, lequel étoit joint par le ventre, 
» ayant deux têtes & quatre mains, mais il avoit les parties: 
infcrieures 


.. 


D'EZS@SACDT.E N!C ENS 489 

inférieures communes. Le Roy le fit élever & inftruire avec 
foin, & fur-tout il lui fit apprendre la mufique; non-feulement 
il y fit des progrès merveilleux, mais il apprit encore plu- 
fieurs langues. Ces deux corps ne s'accordant pas, àvoient 
des volontés différentes, & fe querelloient quelquefois quand 
ce qui plaifoit à l’un ne plaifoit pas à l'autre; quelquefois auffi 
ils prenoient confeil un de Fautre. Ce qu'il y eut de plus 
remarquable, fut que lorfqu’on leur faifoit mal aux cuifles où 
aux reins, l'un & l'autre reffentoit de la douleur; mais lorf. 
qu'on piquoit, ou qu’on faifoit autrement mal à l’un des deux 
aux parties fupérieures, il,n’y avoit que l’un des deux qui 


le fentoit. Cette différence fut encore plus évidente à la mort; . 


car l’un des deux corps étant mort plufieurs jours avant l'autre, 
le furvivant dépérit peu à peu, à mefure que l'autre moitié 
de lui-même pourrifioit. Ce Monftre vécut 2 8 ans, & mourut 
fous le gouvernement de Jean, Vice-Roy d'Ecofle. | 

En 1733, M.ie Cardinal de Polignac a fait voir à la 
Compagnie, deux petits Veaux joints enfemble par leurs 
poitrines & par le derriére de leurs têtes; de forte que la 
fituation des deux têtes par rapport à celle des deux troncs 
étoit telle, qu'en regardant direétement le milieu du dos de 
Tun, on voyoit tout-à-fait à plein & en même temps les 
parties latérales, ou le profil des deux têtes, & en regardant 
lune des deux têtes direétement de front, on voyoit tout à 
la fois les deux côtés ou le profil des deux troncs & de toutes 
leurs parties. Il n’y avoit aucun moyen de diftinguer exté- 
rieurement auquel des deux troncs appartenoït chaque tête; 
lune étoit plus difforme que l'autre, & avoit au haut du front 
une efpece de cavité quadrangulaire, dans laquelle les deux 
yeux étoient placés fort près l'un de l'autre, & en partie 
cachés par les bords de la cavité /Woyés les Fig. X11. XIII. 
© XIV). La difpofition de ces deux Veaux étoit en cela 
à peu-près comme celle du Fœtus humain, dont M. de 
la Condamine à donné la defcription & la figure dans les 
Mémoires de cette année. , 


Son Eminence à encore fait voir à la Compagnie deux 


Men. 17 34 . Qgqgq 


490 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
petits Pigeons, dont chacun avoit deux têtes unies enfemble 
par les parties latérales de leurs crânes. Ces deux Monftres 
étoient tous deux d'une même mere, l'un étoit né un mois 
après l'autre. Dans l'un de ces petits Pigeons, les deux têtes 
étoient chacune articulées avec un petit col particulier, & ces 
deux petits cols formoient enfuite un feul col commun pofé 
fur un ful tronc, dont toutes les autres parties étoient fimples 
&à l'ordinaire, comme celles d’un feul & unique tronc. Les 
deux têtes de l'autre petit Pigeon étoient articulées fur un 
feul col comme les têtes du Faon du Roy, & du petit Veau 
de M. de Reaumur, dont il eft parlé au commencement de 
cette Partie. Woyés les Fig. XV. XVL XVI. à XVI. 
Réfléxion. La difficulté me paroïît ici en général fembla- 
ble à celle que j'ai marquée dans l’examen du Faon du Roy, 
& du Veau de M. de Reaumur; mais en particulier elleme 
paroït beaucoup plus grande par rapport à la difpofition 
atérale des têtes des petits Veaux ide M. le ‘Cardinal, & de 
celles du fœtus humain de M. de la Condamine. 


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Mem. de ltead 1784 pl. 27.pag.#90. 


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Men. de ladi734 pl 9. pag 450 


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Fig XVI | 


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Pimsanas del er Rule 


DES SCIENCES . 491 


_ QUE L'OBLIQUITE DE L'ECLIPTIQUE 


diminuë, àr de quelle maniére ; 


ET QUE LES NOEUDS DES PLANETES 
font immobiles. 


Par M. GopDi. 


E traiterai ici ces queftions aftronomiquement, & fans  Affmblée 
m'embarrafler d'aucune Théorie phyfique, foit en dé- pie é 
duifant immédiatement des obfervations ce que j'aurai à 3 :. À 4 
établir, foit en faifant des hypothefes dont on verra l'accord 
avec les obfervations. , 
Quelque précifion que feu M. de Louville ait apportée 
dans fon Mémoire fur la diminution d’obliquité de 'Eclip- 444 Erdir. 
tique, qu'il détermine d'une minute en 100 ans, il y a Z#/. 1719: 
toüjours deux raifons de douter de la certitude de cette dé- 
termination : la premiére, à caufe qu’il employe les mêmes 
réfractions, telles que nous les avons ici, pour corriger les 
obfervations des anciens Aftronomes, faites en différents 
temps & en différents lieux. La feconde eft que fa hauteur 
du Pole à Marfeille, qui eft le principal fondement de fon 
“examen, ne paroît pas bien certaine, elle a été donnée encore 
par d’autres Aftronomes, M.r's Gaflendi, Caffini, de la Hire, 
& il y a entre eux environ 4 minutes de différence. 
Pour éclaircir ces difficultés, j'ai crü qu'il étoit mieux 
d'employer des obfervations récentes, faites avec l'exactitude 0 
de l’Aftronomie moderne, & dans les mêmes lieux, ou dans 
différents, mais dont les réfractions fuflent connuës. 
Celles que je choifis pour fondamentales, furent faites, 
en 1655, à Bologne, par feu M. Caflini, au gnomon de 
S.t Pétrone qu’il venoit de conftruire; l'obliquité de l'Eclip- . 
tique qui en réfulte, eft de 23° 29° 15". è 
* Oril eft certain, par toutes les obfervations faites à Paris : 


Qqq ij 


492 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
& en d’autres parties du monde, ces derniéres années, depuis 
1730, que cette obliquité eft à préfent de 23° 28’ 20", 
fans qu'il y ait peut-être $ fecondes d'erreur. Elle a donc 
diminué de $ $ fecondes en 80 ans, ou, à très-peu près, 
d'une minute en 90 ans. Par-à on repréfentera les obfer- 
vations des Aftronomes modernes, M.'s Richer, de la Hire, 
Roemer, Bianchini, de Louville, à $ fecondes près. On 
trouvera, par exemple, pour n'en citer que deux dont les 
conditions font connuës, & que M. de Louville n'a point 
citées, que cette obliquité a dù être en 1681 de23°29', 
telle que M. de la Hire l'a trouvée alors à Paris. Qu'en 1706, 
elle a été de 23° 28’ 41”, comme elle réfulte des obferva- 
tions de M. Roemer, faites à Coppenhague. 

Puifque l'angle de l'Ecliptique & de l'Equateur diminué, 
il faut que l'un de ces deux cercles s'approche de l'autre. Si 
Yon fuppole que ce foit Equateur qui s'approche de l'Eclip- 
tique, ou que dans le fyfteme de Copernic, l'axe de Ia ré- 
volution diurne de fa Terre devienne peu à peu perpendi- 
culaire au plan de fon orbite, en ne confidérant que ce qui 
doit arriver jufqu'à la confufion des deux cercles, ou, ce qui 
eft la même chofe, jufqu’au parallelifme exaét des deux axes 
de la révolution diurne & du mouvement annuel; il eft 
évident que les Etoiles fixes, indépendamment de ce qui 
doit réfulter de leur mouvement en longitude, changeront 
leur déclinaifon par les loix fuivantes. 

1.° Les Etoiles dont la latitude & fa déclinaifon font de 
même dénomination, toutes deux boréales, ou toutes deux 
auftrales, augmenteront en déclinaifon, fi leur latitude eft 
plus grande que leur déclinaifon, & au contraire, frelle eft 
plus petite, leur déclinaifon diminuëra. 

2.° Si la latitude & la déclinaifon font de différente 
dénomination, les Etoiles diminuëront de dédclinaifon juf- 
qu'à devenir nulle; après quoi cette déclinaifon prendra a 
même dénomination que la latitude, & fera fujette à la 
premiére loy. 

Or on peut fçavoir fort exaétement quel doit être le 


DAME SLCA EAN een is 1 M das 
changement d'une Etoile fixe en déclinaifon, en vertu de 
fon mouvement en longitude qui eft connu, & de fa décli- 
naifon une fois obfervée : Donc en prenant une telle ob- 
fervation pour époque, on aura dans la fuite un fort bon 
moyen de reconnoitre fi a déclinaifon des Etoiles fixes 
fubit d’autres changements que ceux qui leur arrivent par 
eur mouvement en longitude; & par conféquent fi l'Equa- 
teur s'approche de l'Ecliptique, ou celui-ci de l'autre. Dans 
ce fecond cas, la déclinaifon des Etoiles fera telle que le 
mouvement en longitude la doit donner, mais leur latitude 
changera, au lieu que dans le premier cas elle eft toüjours 
la même, & la déclinaifon obéit à deux caufes de variation. 

Je fuppofe ici que l'axe de ce mouvement, foit de lEclip- 
tique, foit del'Equateur, paffe par les points des E quinoxes, 
parce que je ne vois rien encore qui m'oblige de le fuppoler 
autrement fitué. On voit bien d'abord qu'il ne paffe pas par 
les points qui répondent aux Solftices, puifque l'obliquité 
diminuë, & que celle de ces points que nous prenons pour la 
plus grande, devroit toüjours êtrela même. D'où il fuit, que 
s'il eft vrai, comme plufieurs Sçavans l'ont cru, qu'Herodote* 
ait voulu dire d'après les Egyptiens , que l'Ecliptique eût été 
autrefois perpendiculaire à Equateur, fon obliquité pré- 
fente de 23° 28' nous prouve que ce mouvement ne fe 
fait pas fur des points plus éloignés des Equinoxes, que de 
23° 28’; mais fans faire aucune attention à cette prétenduë 
tradition, je fuppofe Faxe de ce mouvement placé comme 
j'ai dit, & je vois que toutes les obfervations & les raifonne- 
ments aftronomiques concourent à l'y fixer : on én va voir 
une partie dans la fuite. 

Si les Anciens nous avoient laiffé des obfervations exactes 
de la pofition des Etoiles fixes, & fur-tout en déclinaifon, 
Teur comparaifon avec les nôtres décideroit aujourd’hui lequel 
des deux cercles s'approche de l'autre : mais celles que rap- 
porte Ptolémée * les feules qui nous reftent de l'antiquité, ne 
font pas propres à nous éclaircir fà-deflus. Tantôt elles favo- 
rifent une opinion ; elles font, par exemple, approcher 


Qqqi 


* Hifi. Ub. 24 
ed hac non 
videtur dixife. 
Vid. Pompon. 
Melam lib. 
2 eum Vadiant 

omment. page 
mir SS. RE 
caflorii Homo- 
centr. Ject. . 
cap. 8. Riccrol, 
Almag. novum, 
1. 1.Pe 10 Sa 


* LD Na 
Almagefl, 


494 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe 
J'Équateur de FEcliptique immobile, & tantôt l'opinion 
contraire : pour plus de précifion, j'ai corrigé ces déclinai- 
fons rapportées par Ptolémée, en cette forte. Il eft vraifem- 
blable que cet Aftronome les a déduites de leur hauteur 
méridienne adjoûtée ou fouftraite de la hauteur del’E‘quateur 
à Alexandrie, qu'il a toüjours fuppofée dans fon Almagefte 
de 59° 2'; mais M. de Chazelles la trouva en 1692 de 
$ 8° 49: Par-là les déclinaifons boréales de Ptolémée font 
trop petites de 13’, & les auftrales trop grandes de la même 
quantité ; mais comme cela ne me donnoit aucun éclaircifie- 
ment, j'ai pris un autre chemin. Suppofant & corrigeant 
les déclinaifons que Ptolémée rapporte, dont lobfervation 
Jui a été plus facile que toute autre, & fuppofant auffi l’obli- 
quité de l'Ecliptique de fon temps, telle qu'elle rélulte de 
celle d’aujourd’huy augmentée de 1’ en 90 ans, & prenant 
enfin le lieu des Étoiles, comme il réfulte auffi des obferva- 
tions modernes, j'ai cherché quelle devoit être {a latitude de 
ces Etoiles fixes; & comparant cette latitude avec celle 
qu'elles ont aujourd'hui, j'ai reconnu que la plüpart s'ac- 
cordent à donner à l'Ecliptique le mème mouvement que 
demande la diminution de fon obliquité depuis Ptolémée 
jufqu'à nous. 
Ce même argument qui eft très-fort, a été employé par 
Progymnafn. T ycho le premier pour le même fujet : mais parce qu'il 
5. 1.7-233- prend les déclinaifons des Etoiles telles que Ptolémée les 
Œubms. donne, & qu'il fuppofe l'obliquité de l'Ecliptique trop 
grande de plus de $”, la même qui a été donnée par Era- 
tofthenes, mais deux fiécles avant J. C. & trois & demi avant 
Ptolemée; & enfin queles latitudes qu'il donne à ces Etoiles, 
tirées de fes propres obfervations, n'ont pas la précifion des 
nôtres, il étoit néceflaire de rénouveller cet argument, & 
de lerevêtir de toutes fes circonftances les plus conformes 
aux faits que nous connoiffons. 
En voici un exemple fur l'Etoile appellée /4 claire de 
Almag. nv. lAïgle, qui eft une de celles que Riccioli regarde comme 
#27.#42: peu favorables à cètte hypothele, 


D ES:N9 CLEAN CES 9 

Sa déclinaïfon, fuivant Ptolémée, eft de s” 50’boréale; 
yadjoûtant 13", elle viendra de 6°. 3’. Par mes obferva- 
tions de la longitude de cette Etoile faites en 1732 & 
1733, & le mouvement connu des Etoiles fixes, elle étoit 
du tems de Ptolémée en 5° 33° %, & par conféquent fort 
proche du colure des Solftices, ou du lieu de la plus grande 
variation en latitude; l'obliquité étoit alors de 2 3° 46', d'où 
l’on trouvera la latitude decette Etoile de 29° 43’ & environ 
10"; mais cette latitude eft aujourd'hui de 29° 24' 30", 
elle a donc diminué depuis Ptolémée jufqu'à nous, de 18’ 
40"; & fi lon a égard à l'effet de la réfraction fur la déclinai- 
fon de l'Etoile, cette diminution fera encore un peu moin- 
dré : mais la diminution de l'obliquité de l'Edliptique eft 
pour le même temps de 17' 40", d'où lon voit que cette 
Etoile, prefque placée fur le colure des Solftices , a diminué 
fa latitude de Ia même quantité à peu-près que l'obiiquité de 
lEdcliptique, commeil a dû arriver, f1.ce.cercle s’eft efledi- 
vement approché de l’'Equateur. 

Jufqu'ici ce fentiment me paroït très - probable, étant 
confirmé de la même maniére par leplus grand nombre 
des Etoiles dont la déclinaifon a été obfervée par Ptolémée : 
mais il en réfulte deux conféquences remarquables, qui fer- 
viront de preuves completes de ce fentiment, fi ces confé- 

uences fe trouvent conformes aux obfervations. 
 Lapremiéreeft,queles plus grandes latitudes des Planetes, 
ou l'inclinaifon de leurs orbites doit changer; la fecondeeft, 
que leurs Nœuds afcendans étant tous dans les fix premiers 
Signes du Zodiaque, ils doivent indépendamment de toute 
autre caufe, rétrograder parrapportaux F'quinoxes confiderés 
comme fixes, plus ou moins les uns que les autres, fuivant 
leur fituation particuliére .& l'angle des orbites. Un feul 
driangle que l’on réfoudra pour chaque Planete en fera la 
preuve, & l'on trouvera, en fuppofant les Nœuds des Planetes 
& leur inclinaifon à lEcliptique pour la fin de cette année, 
comme les. donne da Table fuivante /4), & que ces Nœuds 
font fixes par rapport aux Etoiles; que 100 ansavant, c'eft- 


496 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
à-dire, au premier Janvier 1 63 $ , ces Nœuds & ces Inclinai- 
{ons étoient comme les donne la feconde Table /2). 


Nœuds en 1734 Inclinaifon en 1734. 
Tab. (A). Sp ic2 tr. Ts Èbe 
Cheat 120 ©, H Fit 423 
A EE .:36: 3% EL GS 
pr TÉL 7 PO 1. 20 
RU 2Z LES UE 
Nœuds en 1634. Inclinaïfon en 1634. 
Th: (B). ci RSR o" ÿ 7° 10! 48" 
9, 1436 30.H 21, 28 
@ 17 47 0 V I ,SOÛT.S 
L PRE AE VIA PRE 120 
D'2202 10 CIEL SAME NO 


D'où l'on voit que les Nœuds ont retrogradé en 100 ans 
depuis 1634 jufqu'en 1734. . 


Celui de %$ 64e 


CAT 1 TIERS 1) 
AGE 0. 
LATE LADA 


b:.:20 o 


a 


Mais ce mouvement rétrograde n’eft tel, qu’en fuppofant 
les Nœuds fixes par eux-mêmes, & que les points Equinoc- 
tiaux foient immopiles aufi : cette derniére fuppofition qui 
eft faufie, étant rectifiée, change le mouvement relatif des- 
Nœuds, & les fait avancer fuivant l’ordre des Signes, à caufe 
que le mouvement de préceffion des Equinoxes fe faifant 
contre l’ordre des Signes, ïl fait parcourir en apparence en 
100 ans à chaque point du Cielun arc de 1° 24° 3 5" beau- 
coup plus grand qu'aucun de ceux que nous venons de trouver, 
que les Nœuds devoient parcourir en rétrogradant. Par là on 
trouvera que les Nœuds afcendans des Planetes étoient au 
commencement de l'année 1 63 $ comme il fuit, Tab, /C). - 

Nœuds 


Re 


Di-ES4 SAC AE CAES 497 


Noœuds en 1634. = Mouvement en 100 ans depuis 16344 
Lo E à 55 40" v 1’ 235" 20"! 
CRE 6120 2 7102 48 
a 16 28 30 $ I 7.24 
% 6 44 20 S 42 40 
D 21 S 20 % I S 40 


Ces Nœuds comparés à ceux de 1734, de la Table /4), 
donnent le mouvement pour 100 ans, comme il paroït par 
la même Table /C), d'où le mouvement annuel fe déduit 


| par les Tables modernes. Différence. 
pour S y 12"! Fi 22 O0 A 438"— 
Q 44 20 de 40, 0 I 40 — 
go 40730 ST Te AO LR 
10 AE OU TA 9 9 36 + 
D 39 24 pm ONE 32 36 — 


Parmi ces mouvements annuels déduits de hypothefe des 
Nœuds fixes, & de la diminution d’obliquité del'Ecliptique, 

. ceux de Venus & de Mars s'accordent à ce qui en a été déter- 
miné ci-devant par les Aftronomes, en conféquence des ob- 
fervations immédiates : je puis donc fuppofer qu’à l'égard de 


Tab. (C): 


ces deux Planetes cette théorie de leurs Nœuds eft vraie, puif- 


que ce que j'en déduis s'accorde avec les obfervations. Il ne 
paroît pas qu'il en foit de même des Nœuds de Mercure, 
Jupiter & Saturne. 

LesT ables aflronomiquesles pluseftimées donnent de mou- 
vement annuel au Nœudde Mercure 1°2 $", & je ne le trouve 
-que de ; 1" 12°"; la différence eft prefque de 34", ce qui eft 
fort confidérable. Mais ileft certain que l'on a pris jufqu’à pre- 
fentce mouvement beaucoup plus prompt qu'il n'eft en effet ; 
le moyen de s’en convaincreeftde comparer la Conjonction 
écliptique de cette Planete avec Je Soleil, obfervéeen 172 3» 
avec une femblable obfervée en 1 63 1 par Gaffendi : il en 
réfulte un mouvement annuel de 1° 1 6", déja plus petit de 
9" que celui des Tables aflronomiques. Mais fi, au lieu de 

Mem. 1734 RTE 


f 
Page 259. 


Memoires de 
l’Acad. 1 70 6. 
?. 61. 


Mem. Acad. 
4704.p.3 06 


Alnageff. 


8 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
lobfervation de Gaflendi qui ne fut pas complette, on 
compare celle de 1723 à celle qui fut faite en 1 690, l'une 
& l’autre avec exactitude & par les Aftronomes de l’Aca- 
démie, on trouvera, comme M. Caffini la rapporté dans 
nos Mémoires de 1723, que ce mouvement annuel n'eft 
que de 53", à moins de 2° près du mien. 

De même je donne au Nœud de Jupiter un mouvement 
annuel de 25" 36", les Aflronomes modernes ne lui en 
donnent que 14”, je nefçais fur quel fondement ; car finous 
employons à cette recherche la méthode ordinaire, qui eft 
de comparer deux lieux du même Nœud dans des temps fort 
éloignés, nous trouverons le mouvement que je lui attribue 
confirmé. La conjonétion de Jupiter avec une Etoile fixe 
de la conftellation du Cancer, obfervée 241 ans avant J.C. 
& rapportée par Ptolémée, eff la plus célébre & la plus pro- 
pre pour ce deflein. Feu M. Maraldi qui a calculé lui-mème 
cette obfervation, en a conclu que le Nœud de Jupiter étoit 
alors en 24° 43° H: mais le même M. Maraldi trouva ce 
Nœud en 1693 en 7° 20° %.Doncen 19 34 ans le Nœud 
avoit avancé fuivant d'ordre des Signes, de 12° 37',ce qui 
donne pour le mouvement annuel 2 3" 30"",à 2" 6" prèsde 
ce que j'ai déterminé. 

Enfin, j'ai donné au Nœud de Saturneun mouvement an- 
nuel de 39" 24", au lieu qu'on le croit communément de 
1° 12”, près de 33" plus grand. Je me fers encore ici d’un 
examen fait par M. Maraldi des obfervations anciennes. Par 
celles de Tycho faites en 1 s 9 2, lorfque Saturne étoit proche 
de fon Nœud, ce Nœud fe trouveen 21° 5. M. Maraldi le 
trouva en 1 696 en 22° 10° du même Signe. Donc en 104 
années il avoit eu un mouvement direct de 1° 8’, ce qui 
donne pour le mouvement annuel 39" 1 $'", à r0"" près de 
ce que j'aitrouvé. 

Si l'on compare de même ce qu’en dit Ptolémée en des 
termes fort generaux,avecl'obfervation de 1 696, on trouvera 
ce mouvement annuel feulement de 1 2" plus grand que par 
les obfervations de Tycho; mais comme il n'y a aucune 


D'ES S CLENCESs 499. 
précifion dans ce qu'en dit Ptolémée, on ne doit pas Sy 
arrêter. 

Oril faut remarquer, & cela eft vifible, que ce mouve- 
ment des Nœuds des Planètes ne doit pas être récherché 
par les obfervations anciennes comparées aux modernes, car 
comme il n'eft que relatif & occafionné par le mouvement 
del'Ecliptique en déclinaifon, qui va couper l'orbite des Pla- 
netes en différents points, il fuit que ce mouvement nedoit pas 
être le même en différents intervalles de temps. Il n’y a que 
Jupiter & Saturne, mais le premier principalement, pour 
lefquels cette méthode puifle être d’ufage, à caufe de la fi- 
tuation particuliere de leur Nœud proche du commencement 
del'Ecrevifle, & à caufe de leur peu d’inclinaifon. Mercure, 
par exemple, dont l'inclinaifon eft fort grande, n’a fon Nœud 
qu'au 1 5 .° degré du Taureau; c'eft pourquoi les obfervations 
les moins éloignées font des plus propres pour trouver les 
mouvements de fes Nœuds. 

En général on voit bien que ces mouvements feront 
inégaux en différents temps, & par conféquent plus les ob- 
fervations feront éloignées, plus elles donneront d’inégalités, 
à moins que le mouvement annuel ne foit fi petit que ces 
inégalités deviennent en quelque façon infenfibles, & c’eft 
ce qui arrive particuliérement dans le Nœud de Jupiter, dont 
le mouvement annuel eft le moindre. 

Cette théorie au contraire eft fort commode & fort exacte 
pour reprélenter la pofition des Nœuds dans les temps les 
plus reculés. Par exemple, elle donne très-bien le lieu du 
Nœud de Jupiter pour l'année 241 avant J. C. tel qu'il a 
été calculé par M. Maraldi fur l’obfervation rapportée par 
Ptolémée. L'intervalle entre ce temps-là & le nôtre, étant 
de 1975 ans, le mouvement de préceflion des Equinoxes 
a été de 27° 50’ 31": c'eft pourquoi fi l'Ecliptique eût 
toûjours eu la même obliquité qu'aujourd'hui, le Nœud de 
Jupiter fuppolé fixe & à préfent en 7° 27' 5, eût été alors 
en 20° 23° 31" H ;maisäcaufe du changement d'obliquité 
de 1°en 90 ans, fon obliquité étoit alors de 23° 50° 17", 

a] 


oo MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

d’où l’on conclut que le Nœud de Jupiter étoit aufiralors en 

25° 28° 30" H. L'obfervation calculée le donne en 24° 
3’ du même Signe; la différence n’eft que de 45' + dont 

la théorie le donne trop avancé. 

Si l'obliquité ne diminuë que d’une minute en 100 ans, 
comme M. de Louville l'a penfé, le Nœud fe trouvera en 
23° 48 38"H, moins avancé de 54 22° que par le 
calcul tiré de Fobfervation; d’où lon voit qu’afm de repré- 
fenter parfaitement cette oblervation, telle qu'elle a été 
calculée par M. Maraldi, il fufhiroit de fuppofer que l'obliquité 
de l'Ecliptique change d’une minute en 94 ans. 

Si l'on examine maintenant de quelle maniére la théorie 
communément reçüë du mouvement des Nœuds de Jupiter, 
& les Tables aftronomiques les plus exactes, repréfentent 
cette obfervation, on verra que celles de M. de la Hire, 
par exemple, mettent alors ce Nœud en 29° 3515", 
à prefque 5° de l'obfervation, tandis que felon les mêmes 
Tables, le Nœud de Jupiter ne parcourt ces cinq degrés 
à l'égard des points équinoétiaux qu'en près de 12$0 ans. 

Cet accord fi fingulier entre les conféquences tirées de 
la diminution d’obliquité de l'Ecliptique pour la théorie des 
Noœuds des Planetes, & celles qui ont été déduites des ob- 
fervations, fans égard à cette vüë, prouve qu'en effet l'Eclip- 
tique s'approche, & non pas l'Equateur; car en fuppofant 
d'abord, comme j'ai fait, les Nœuds fixes, & que ce foit 
TE quateur qui s'approche de l'Edliptique, ces Nœuds n’au- 
ront d'autre mouvement que celui que nous remarquons dans 
les Etoiles fixes. Ils avanceront donc tous également, & 
de 1° 24° 35" en 100 ans; mais les obfervations & les 
Tables aftronomiques leur donnent un mouvement fort 
différent dans le même temps, par rapport aux Equinoxes, 
plus grand aux uns, & moindre aux autres. I s’enfuivroit 
donc que les Nœuds feroient mobiles, retrogrades dans 
certaines Planetes, comme Venus, Mars & Jupiter, & directs. 
dans les deux autres, Mercure & Saturne ; ce que je ne crois 
pas devoir être admis fans de bonnes preuves, La maniére 


D'EXS MST CURE INT CEE: soi 
dont je conçois ces mouvements fournit peut-être encore 
Texplication d'un phénomene qui a paru mériter attention: 
M. de Fontenelle l'expofe ainfi dans l'Hiftoire de l’Académie 
de 1706. « Le mouvement des Nœuds des Phinetes pour- 
roit bien n'avoir pas toüjours la même direétion, mais re- 
trograder quelquefois, & avoir des efpeces de vibrations 
irréguliéres. A l'égard de la Lune (continuë M. de Fontenelle) 
cela eft conftmt, M. de la Hire croit en être für pour 
Saturne; peut-être dans les autres Planetes, les irrégularités 
du mouvement des Nœuds font-elles moins fenfibles. 

On à cru remarquer à peu-près la même chofe dans les 
Noœuds de Venus, mais cela ne vient que de ce qu'on à 
trouvé le mouvement annuel, par des obfervations fort 
proches, plus petit que celui qu'on trouvoit par d’autres ob- 
fervations plus éloignées, comme il a dû arriver en effet 
fuivant ma théorie. ; 

A l'égard des inclinaifons des Orbites, elles varieront 
aufi un peu, mais je ne trouve pas de différence fenfible 
entre l'inclinaifon de 1734; & celle de 1 634; i n'y a que 
Mercure où cette différence va à r' 12”. I faudra toüjours 
y faire attention dans la fuite. 


.) 


Memoires de - 
l’Acad. tome X, 


Pe 213: 


Puifque les hypothefes que j'ai faites ci-deflus, & que 


les calculs que j'en ai déduits, s'accordent fi bien avec les 
obfervations, je crois pouvoir en tirer les quatre conféquences 
fuivantes. 
1.” Que l'obliquité de l'Ecliptique diminué. 
- 2.° Que ce mouvement fe fait fur les deux points des 
Equinoxes. 
3. Que c'eft l'Ecliptique qui s'approche de f'Equateur. 
4. Enfin, Que les Nœuds des Planetes ont aucun 
mouvement propre, mais qu'ils paroiïfient avancer fuivant 
la fuite des Signes, mégalement en différents temps. 
Quelques Aftronomes avoient déja foupçonné ces Nœcuds 
fixes, mais fans autre fondement, du moins que je fçache, 
ue le peu de différence du mouvement de ces Nœuds à 
celui des Etoiles fixes, ou de la préceflion des Equinoxes. 


Rrr ii 


: Srreer. Affron, 
Carolin. p. 34% 
Ü ad Le, edit, 
Noribere. 
Whifion Pret. 
Affron.p.1 94 


502 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 

Ici ces quatre points {e lient naturellement enfemble, & 
paroifent auffi bien prouvés que le comporte la nature des 
connoiflances aftronomiques. On verra une autre fois l'effet 
qui réfuite de ces mêmes hypothefes pour le mouvement 
des Aphélies. Je n’ai voulu examiner ici que les Nœuds, 
& même le Nœud afcendant feulement; car le Nœud def. 
cendant pourroit bien, en fuivant la même loi, n'avoir pas 
les mêmes nombres, & il n'eft pas für que les Nœuds d’une 
Planete foient oppofés l'un à l'autre. Dans Saturne & dans 
Venus, il femble par quelques obfervations faites depuis un 
fiécle & demi, que la ligne des Nœuds ne pafle pas par le 
Soleil; mais c'eft une chofe à examiner dans la fuite, & 
ce que j'ai dit ici des Nœuds en général, fera fort utile à 
cet examen. 


Dies Si 1$ C1 EN CES 503 


SIXIEME MEMOIRE 
SORTE C TIICITE" 


Où l'on examine quel rapport il y a entre l'E ‘ledricié, 
7 la faculté de rendre de la Lumiére, qui eff commune 
à la plipart des corps éleétriques, à ce qu'on peur 
tnférer de ce rapport. 


Par M. pu Far. 
ï be ne parlerai point dans ce Mémoire de tout ce qui fe 


trouve dans un grand nombre d’Auteurs fur la Lumiére 
des corps électriques, il me faudroit pour cela remonter à 
ces temps où la Phyfique remplie de fables admettoit des 
pierres précieufes qui rendoient dans lobfcurité une lumiére 
égale à celle d’un flambeau allumé; beaucoup d'exagération, 
des faits véritables, mais mal rédigés, & quelques circon- 
flances obmifes dans le récit de ces faits, ont vraifemblable- 
ment donné lieu à ces récits merveilleux, dont on a embelli 
4 defcription de l'efcarboucle & des autres pierres de fem- 
blable nature. 

Nous nous en tiendrons à des expériences plus récentes, 
& à des faits plus pofitifs, & nous n’examinerons la Lumiére 
qu'en tant qu'elle fera liée à l'Electricité, fans parler des 
autres phofphores qui n’y ont point de rapport, ou du moîns 
dans lefquels nous n'y en connoïflons point. Otto de 
Guerike que nous avons cité fort au long dans le premier 
Mémoire, a remarqué que la boule de foufre fur laquelle il a 
fait un f grand nombre d'expériences fnguliéres par rapport 
à l'Electricité, étoit lumineufe lorfqu'elle étoit frottée dans 
Tobfcurité. 

Boylea fait un petit ouvrage intitulé Adamas lucens , dans 
lequel il y a plufieurs faits finguliers, mais celui de tous qui a 
traité cette matiére avec le plus d'exaclitude, eft Haukfbée, 


Page 5 49 


Efper. Fifico- 
mecan.in Firent. 


4716.p.19: 


504 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE | 
& comme fon objet principal étoit de confidérer la lumiére 
des corps par rapport à leur électricité, nous allons donner 
une idée des principales expériences qu'il a faites à ce fujet. 
J'ai eu tant d'attention à citer dans mes Mémoires précé- 
dents fur l'Electricité, & principalement dans le premier de 
tous, les Auteurs defquels j'ai tiré quelques expériences, 
que jecroyois être à l'abri de tout reproche à cet égard; ce- 
pendant j'ai appris que quelques perfonnes, fur les leétures 
que j'ai faites dans les Aflemblées publiques, ont jugé que 
j'avois eu deflein de m'attribuer les découvertes de plufieurs 
Auteurs; je réitére donc aujourd'hui les proteftations que 
j'ai faites à ce fujet dans mon troifiéme Mémoire. Comme 
j'ai entrepris de traiter avec quelque détail une matiére qui 
jufqu'à préfent ne l'avoit été qu'imparfaitement, & pour ainff 
dire, en paffant, par divers Auteurs, j'ai été forcé d'employer 
les expériences de ceux qui m'ont précédé ; mais ce n’a jamais 
été dans la vüë de me parer de ce qu'elles ont de neuf & de 
fingulier, puifque j'ai toûjours cité les Auteurs d’où je les ai 
tirées; s'il y en a d’autres que j'aye cru m'être propres, & qui 
{e trouvent dans quelques Auteurs dont je n'aye pas eu con- 
noiflance, on me feroit injuftice de croire que j'ai voulu 
cacher la fource d'où je les ai tirées, & je puis affürer que 
mon filence ne viendra que de ce que je les aurai ignorés; car 
je n'ai pas même négligé de rendre la juftice qui étoit dûë aux 
perfonnes qui m'ont donné verbalement quelques avis dont 
j'ai profité, & je fuis perfuadé que cette juftice que l’on rend 
fait infiniment plus d'honneur que n’en pourroit faire la 
découverte même. Après cette courte apologie que j'ai cru 
nécefaire, je reviendrai aux expériences d'Haukfbée. 

H a frotté dans le vuide fur une étoffe de laine une boule 
de verre creufe, elle a donné d'abord une belle lumiére pour- 
pre, qui a blanchi & diminué d'éclat à mefurequ'ila laïffé ren- 
trer l'air dans le récipient; ce qu'il y a de très-fingulier, c’eft 
que refaifant la même expérience une feconde fois avec la 
même boule de verre, cette lumiére pourpre n'a pas paru, 
mais ayant repris une autre boule, elle donna pour la agé 

ois 


HD! ESS /CAEIN cris sos: 
fois feulement, une femblable lumire, après quoi elle {fut 
toûjours blanche comme il étoit arrivé avec la premiére 
boule; en forte qu'il paroît que le verre peut s’'épuifer de la 
matiére propre à produire cette lumiére purpurine, au lieu 
que toutes les autres expériences concourent à prouver que 
le verre, ainfi que tous les autres corps électriques, ne dimi- 
nuent point de vertu, quelque nombre de fois & quelque 
temps qu'ils ayent été frottés. 

Ia imbibé enfuite, premiérement d’efprit de vin & en- 
fuite de diflolution de nitre Ja laine fur laquelle fe faifoit le 
frottement, pour voir fi cela apporteroit quelque change- 
ment à l'expérience; mais cela n’a pas empêché la lumiére de 
paroître en forme d'éclairs; il eft vrai que le mouvement qu'il 
imprimoit à la boule de verre, étoit fi rapide, que la laine en. 
étoit échauftée au point d’être brülée. 

Le globe dont nous avons parlé dans les Mémoires précé- 


Page jo 


dents, étant ‘vuide d'air & tourné rapidement fur fon axe, /tivanres. 


devient très-lumineux dans tout fon intérieur, lorfqu'on 
appuye légérement la main fur fa furface extérieure, & la: 
lumiére n'en eft ni plus confidérable ni plus vive lorfqu'on 
appuye la main beaucoup davantage, & que par conféquent 
le frottement devient plus fort; cette lumiére eft dans le 
même cas que nous avons déja remarqué à l'égard du tuyau;. 
il n'en fort point de ces parties brillantes qui s’attachent aux 
corps voifins, comme il arrive lorfque f'intérieur du globe: 
ou du tube eft rempli d'air dans fon état naturel, & ce qui 
eft aflés fmgulier, c’eft que dans un ni dans l'autre cas, {a 
chaleur du tube n’augmente pas fenfiblement fa lumiére. 

. M. Haukfbée a ajufté Fun dans l'autre deux récipients Cy-: 
lindriques, en forte qu'au moyen de deux différentes rouës, 
femblables à celle que nous avons décrite dans le premier! 
Mémoire, on pouvoit les faire tourner féparément ou en 
femble, foit du même fens, foit en fens contraire: il y avoit: 
auffi un robinet ajufté à chacun de ces récipients, pour:pou- 
voir pomper l'air de un indépendamment de l’autre, & il 
asremarqué que fi l’on pofe la main fur le récipient extérieur, 

Mem. 1734 S {1 


Page 46 


Page js: 


Page » 6. 


Page 100. 


Page 9 6. 


LL 


506 MEMOoIRESs DE L'ÂACADEMIE ROYALE 

tandis qu'il eft tourné rapidement, la lumiére qui en fort va 
s'appliquer fur la furface du récipient intérieur, mais que cette 
lumiére eft beaucoup plus vive fi les deux récipients tournent 
à la fois, foit que ce foit du même fens ou en fens contraire. 
La même chofe arrive quoique le récipient intérieur foit vuide 
d'air. On peut voir dans l’auteur mème tout le détail de cette 
expérience, fi l’on n'en a pas une idée affés claire par la de- 
{cription abrégée que je viens d’en faire, mais je n’aurois pas 
pà l'expliquer plus nettement fans copier tout ce qui eft dans 
le livre même. Ce font-là les principales expériences qu'a 
fait M. Haukfbée fur la lumiére des corps dont l'électricité 
eft celle que nous avons appellée vitrée; voici maintenant 
celles qu'il a faites fur ceux de l'électricité réfineufe, ou fur 
les uns & les autres compris &, pour ainfi dire, confondus 
dans la même expérience. 

H à frotté très-rapidement dans le vuideune bouled’ambre 
fur de la laine, elle a donné une belle lumiére & beaucoup 
plus vive & plus abondante qu'elle n'avoit fait étant frottée 
dans l'air libre auffr fortement & avec la même viteffe. Le 
foufre frotté dans l'air libre lui a donné très-peu de lumiére,, 
& dans le vuide il n'y en a eu aucune. 

Un cylindre de gomme lacque tournant rapidement fur 
fon axe dans l'air libre, a donné beaucoup de lumiére lorf 
qu'il a appliqué deflus un morceau de flanelle, mais ilen a 
donné beaucoup davantage lorfque ç'a été la main; cette 
lumiére partoit de l'endroit où fe faifoit le frottement, & fe 
répandoit fur tout le cylindre; elle difparoifoit dans l'inftant 
que le mouvement cefloit, & il ne fe détachoit point de ces 
parties brillantes, qui dans les expériences faites aveele verre, 
vont s'appliquer fur les corps voifins. La lumiére produite: 
par le frottement du même cylindre fur la laine danse vuide, 
étoit beaucoup plus vive que dans l'air libre; em forte qu'il 
a remarqué dans l: gomme lacque prefque tous les pheno- 
menes qu'il avoit obfervés dans l'ambre. 

Voicimaintenant une expérience qui tientaux deux éleétri- 
cités combinées enfemble, & qui, fuivant qu'elle eft décrite 


DES \SiCIEN CE 6. 507 
par M. Haukfbée, paroit un des plus étranges paradoxés 
qui fe puifle imaginer en phyfique. I a pris un globe de 
verre de fix pouces de diametre qu'il a enduit intérieurement 
de cire d'Epagne, à l'exception des Poles où il avoit réfervé 
un efpace de 3 ou 4 pouces fans y mettre de cire; en ayant 
enfuite pompé l'air, & f’ayant ajufté fur la machine ou tour 
dont nous avons parlé, il fit les obfervations fuivantes: à 
peine y eût-il appliqué la main pour occafionner le frotte- 
ment, qu'il apperçût, malgré l'obicurité, d'image & la figure 
diftinéte de toutes les parties de fa nain peinte fur la furface 
concave & intérieure de la cire d'Efpagne, en forte que cette 
cire fembloit être devenuë tranfparente, & qu'on peut même 
dire qu'elle l'étoit réellement ; car il voyoit fà main précifé- 
ment comme s’il ny eût eu que le verre feul fans aucun enduit 
de cire d'Efpagne ; il a obfervé de plus que la cire n'étoit 
pas moins tranfparente dans les endroits où l’enduit étoit plus 
épais, que dans Îes autres; elle 'étoit pareïlement dans quel- 
ques parties qui s’'étoient un peu écartées du verre en fe re- 
froidifiant, mais la lumiére étoit moins vive en ces endroits 
que dans le refte du globe. Cette tranfparence qui faïfoit 
que la main appliquée extérieurement fur le glebe paroifloit 
peinte en-dedans, étoit d’une efpece finguliére, car on ne 
voyoit pas cette image de la main en regardant fur les en- 
droits du globe enduits de cire, ïl falloit regarder dans l'in- 
térieur du globe par les deux endroits où il n’y avoit point 
de cire, & alors on voyoit diftinétement l’image de da main 
peinte fur la cire de la maniére que nous venons dede décrire. 
La couleur de cette lumiére étoit la même que s’il n'y eût 
eu que le verre feul, maïs ayant daïffé rentrer dans le globe un 
peu d'air, la lumiére cefla de paroître dans les parties enduites 
de cire, & continua dans celles où ül n’y avoit que le verre 
feul. | Ù 

Voilà les principales expériences que j'ai trouvées dans 
les Auteurs fur la lumiére des corps éleétriques, car je ne parle 
point des phofphores qui font en très-grand nombre, mais qui 
n'ont aucun rapport à l'éleétricité; je piste": Tdi 

1j 


Page 107: 


508 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE 
la liaifon que peuvent avoir entr'elles ces deux propriétés 
finguliéres, & pour fuivre dans cet examen le même ordre 
que dans les autres Mémoires, je confidérerai féparément 
les deux efpeces d'électricité dont j'ai reconnu & démontré 
Yexiftence, & je vais commencer par rapporter quelques 
obfervations fur la lumiére des corps électriques réfineux. 
Si l'on prend un morceau d’ambre, de gomme copal, de 
cire d'Efpagne, ou de foufre, & qu'on le frotte dans lobf 
curité, ilen fort de la lumiére, & ces quatre matiéres m'ont 
paru en donner prefque également & de la même maniére, 
lorfque les morceaux dont je me fervois étoient à peu -près 
de la même forme & de la même grofleur. Si donc on prend 
une boule, ou, pour plus de commodité, une pomme de 
canne d’ambre, & qu'on la frotte par deffus avec la main, 
on apperçoit entre l'ambre & la main une lumiére continuë 
pendant le frottement; mais fi après l'avoir légérement frottée 
deux ou trois fois, on enleve fubitement la main de deffus 
fans la gliffer, & qu'enfuite on approche le doigt du bord 
de cette pomme, fans même la toucher, on voit un petit 
cylindre d'une lumiére très - vive qui fort de lambre, va 
frapper le doigt, & retournant du doigt à l’ambre, fe fépare 
fur la furface en rayons brillants difpofés en forme d’éventail, 
& difparoït dans l'inftant. Si, au lieu d'appliquer le doigt 
au bord de la pomme d'ambre, on le pofe au milieu en- 
deflus, la lumiére fait le même mouvement; mais en retour: 
nant du doigt fur lambre , les rayons fe difpofent en foleïl 
qui a pour centre l'endroit où le doigt a été appliqué. 
Lorfque j'ai répété cette expérience plufeurs fois de fuite, 
il eft fouvent arrivé qu'il n'étoit pas néceffaire de frotter 
F'ambre pour exciter cette lumiére, & qu’il fufifoit de frapper 
deflus un peu fortement avec la main, & de la relever bruf 
quement fans la glifler fur ambre. Quelquefois, au contraire, 
la lumiére ne paroïfloit que difficilement en frottant avec 
la main, & en ce cas je me fervois d'un morceau d'étoffe de 
laine, & l'expérience réuffifloit de la même maniére lorfque 
j'approchois le doigt: il ya toute apparence que ces variétés 


s D'EIS4S: CL EUN: CES \ . Séÿ 
dépendent de quelque humidité ou graifle qui fe rencontre 
dans la main, car j'ai fouvent vû que je ne pouvois exciter 
de à lumiére avec le creux de la main, tandis qu'avec la 
paume ou le bout des doigts, cela réufffloit parfaitement, 
Lorfqu'on trouve de ces fortes de difficultés, le plus court 
eft de fe fervir d’une étoffe de laine ou de foye, car en s’ob- 
ftinant à frotter avec la main on s’échauffe, & cela nuit d’au- 
tant à la réuflite de l'expérience. 

Voici maintenant quelques circonftances qui accOMpPa- 
gnent cette expérience, qui n'ont point encore été obfervées, 
& qui méritent attention. Lorfque la pomme d’ambre a été 
frottée, j'ai quelquefois attendu jufqu'à deux minutes pour 
en approcher le doigt, & l'éclat de lumiére s'eft fait à l'or- 
dinaire, mais il a été moins vif, & lorfque j'ai attendu plus 
long-temps, il ne s’en eft point fait du tout. Si au lieu 
d'approcher de l'ambre frotté le doigt ou la main, je me fer- 
vois d'un morceau de laine, de foye, de papier, ou de quel- 
que autre corps femblable, il ne fortoit de ambre aucune 
lumiére, ou s’il en paroïfloit quelquefois, elle étoit fi foible 
qu'on avoit peine à lappercevoir. La même chofe arrivoit 
dorfque j'approchois de ambre un autre morceau d’ambre, 
de copal, de foufre, &c. Ce font donc les corps électriques 
ou plutôt ceux qui ont le plus de difpofition à le devenir, 
qui ne font point fortir de l'ambre frotté cette lumiére qui 
paroït fi l'on en approche le doigt; on voit combien ce fait 
a de rapport avec la plüpart des expériences que nous avons 
décrites dans les Mémoires précédents. Nous y avons vû 
que les corps les plus propres à devenir électriques par eux- 
mêmes, étoient ceux qui le devenoient le moins par com- 
munication, ici ces mêmes corps ne font point fortir la Iu- 
miére des corps électriques réfineux, tandis que les autres 
le font, même fans y être appliqués immédiatement. 

Pour que le rapport füt exact, il falloit que la foye, la 
laine, l'ambre & les autres corps femblables étant mouillés, 
c'eft-à-dire, étant dans la difpofition la plus contraire à 
l'électricité, il falloit, dis-je, qu'ils fiflent le même effet que 

SfT ü 


10 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

le doigt; c'eft effectivement ce qui arrive, & lorfqu'après 
avoir frotté de l'ambre, de la copal, du foufre, &c. j'em ai 
approché quelqu'un de ces mêmes corps, ou quelque corps 
que ce foit mouillé, il en eft forti l'éclat de lumiére de même 
que fi j'en avois approché le doigt ou la main ; enfin les métaux 
rendent d’analogie entiérement complette. Nous avons vüû 
par les Mémoires précédents, que les métaux font les corps 
les moins propres à devenir électriques par eux-mêmes, & 
qu'en même temps ce font ceux qui le deviennent le plus 
facilement par communication , ils doivent donc par cette 
même raifon faire fortir la lumiére des corps électriques; c'eft 
en effet ce qui arrive, & il n1'a paru que le choix des métaux 
étoit à peu-près indifférent, mais l'expérience la plus frap- 
pante en ce genre, eft de frotter un morceau de copal ou 
autre corps femblable, & d'en approcher enfuite une canne 
à pomme d’ambre, on voit que fi l’on applique ambre fur 
la copal, il n’en fort point de lumiére, & qu'elle paroît en- 
fuite fi Von en approche la virolle d'or ou d'autre métal qui 
joint la pomme à la canne; car il eft à remarquer que lorfque 
le corps électrique eft frotté de maniére à pouvoir donner 
de la lumiére, fr on le touche avec une de ces matiéres que 
nous avons reconnu n'être point propres à la faire paroître, 
cela ne le dépouille pas de la faculté de donner de la lumiére, 
& qu’elle paroît auffi-tôt qu'on vient à en approcher le doigt, 
un métal, &c. en forte que l'on peut encore adjoûtér aux 
principes que nous avons établis, celui-ci: que les corps 
réfineux ayant été rendus éleétriques par le frottement, f 
Yon en approche les corps les moins propres à devenir élec- 
triques, ils en font fortir de la lumiére, & qu'au contraire 
les électriques réfineux ne le font point. 

Quoique j'aye parlé en général de tous les corps dont 
l'électricité eft réfineufe, il s’en faut beaucoup néantmoins 
que la lumiére qu'ils rendent foit accompagnée des mêmes 
circonftances, & il y a fur ce fujet plufieurs obfervations 
curieufes à faire, mais ce détail qui feroït immenfe, & 
qui paroïtroit aujourd'hui de*peu d'importance, deviendra 


| DA Es Suiv 9, CTIENN €: EI & sit 
vraifemblablement un jour plus facile, & peut-être fort inté: 
reffant lorfque cette matiére fera connuë plus parfaitement. 
On peut dire la même chofe des corps, dont l'électricité eft 
celle que nous avons appellée virée; quoiqu'ils faffent tous à 
‘ peu-près les mêmes effets par rapport à l'électricité, & qu'il 
n'y ait prefque de différence que par le plus ou le moins de 
force de cette vertu, les phénomenes qui les accompagnent 
par rapport à lalumiére font très-différents; ceux dontla vertu 
électrique eft foible, ne rendent point de lumiére, ou du 
moins elle eft fi peu confidérable, qu'elle ne fubfifte que dans 
le frottement, & en ce cas la matiére dont on { fert pour 
frotter, empêche qu’on ne l'apperçoive, maïs comme nous 
fçavons que la faculté de rendre de la lumiére eftunefuiteañtés 
ordinaire de l'éleétricité, & que nous avons vû dans le pre- 
mier Mémoire que tous les corps folides, ou qui peuvent être 
frottés, font capables d'éleétricité, on peut conjecturer qu'ils 
le font auffi de rendre de la lumiére ; mais ce fait n'eft pas affés 
important en lui-même, pour qu'on fe donne toute la peine 

i feroit néceflaire pour le vérifier; il nous refte un aflés 
grand nombre de faits curieux à obferver dans les corps dont 
B lumiére peut ètre très-fenfiblement excitée, pour quenous 
puiffions négliger ceux-là , ou du moins les remettre à un autre 
temps. 

Nous avons parlé dans les Mémoires précédents de 11 In: 
miére que rend le verre dans différentesexpériences, nous en 
dirons encore quelque chofe dans la fuite; mais je dois com 
mencer par les pierres précieufes qui me paroiflent, à pro- 
portion de leur volume, être plus lumineufes que toutes les 
autresmatiéres que j'ai eflayées. Je n’en ai trouvé aucune qui 
ue rendit de la lumiére étant frottée, maïs avec des varietés 
dont il n'a été impoflible de déméler la caufe, parce que fou- 
vent elles fe rencontrent dans des pierres de même nature & 
de même efpece. J'ai, par exemple, trouvé des diamants, qui 

idant qu'on les frotioit fur une étoffe de laine, ou autre 
matiére femblable, paroificient entourés d’une lumiére tran- 


_ quille qui les fuivoit dans tout le niouvement qu'on leur 


Pré; 


512 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
donnoit, & qui difparoïffoit fi-tôt qu’on cefloit de les frotter. 
D'autres ne font pas fenfiblement lumineux tandis qu’on les 
frotte, mais fi, après les avoir frottez, on vient à glifier le 
doigt ou longle deflus, on en voit fortir de petites étincelles 
brillantes ; il y en a fur lefquels il fufht de pafler le bout du 
doigt, & qui à chaque fois qu'on le pañle, donnent une lu- 
miére douce &tranquille, fans éclats ou étincelles, qui fem- 
ble fuivre le doigt, & s'évanouit fitôt qu'il ne touche plus la 
pierre; d'autres en les frottant de la même maniére, confer- 
venf cette lumiére 4 ou $ fecondes; en forte querecommen- 
çant à paffer le doigt deflus, lorfque leur lumiére s'affoiblit; 
ils paroiflent donner une lumiére prefque continué & unifor- 
me. Enfin il y en a qui frottez fur {a laine, la foye, &c. 
s'impreignent d'une lumiére qu'ils confervent pendant plu- 
fieurs minutes. On trouve dans l'Hiftoire de Ÿ Académie de 
l'année 1707, diverfes expériences. faites par M. Bernoulli, 
& M. Caflini, fur plufieurs corps durs frottés contre le verre 
& les diamants; mais ces obfervations n'ont aucun rapport 
à l'électricité, ainfi nous n'en parlerons point préfentement. 
Si lon examinoit un plus grand nombre de diamants, 
peut-être y trouveroit -on encore d’autres variétés ; mais 
comme on ne finiroit point fi on vouloit s'arrêter à toutes 
les circonftances qui méritent attention, je vais feulement 
rendre compte de quelques faits que Boyle rapporte dans 
le Traité intitulé Adamas lucens, dont nous avons parlé plus 
haut, & qu'il a obfervés fur un diamant qu'il croyoit alors 
être le {eul qui eût cette propriété; il en a cependanttrouvé 
d'autres depuis qui faifoient à peu-près le même effet, mais 
ildit en avoir eflayé plufieurs inutilement, ainfr quelescriftal 
de roche; cependant j'ai obfervé que le criftal de roche, &c: 
tous les diamants & autres pierres précieufes tranfparentes: 
ont donné de la lumiére de quelqu'une des maniéres dont je 
viens de parler à l'égard des diamants. _: | 
Le diamant dont s'eft fervi M. Boyle étoit long de 4 lignes: 
& un peu moins large, il avoit une table aflés grande, il étojt: 
d'ailleurs d'une vilaine eau, & avoit un nuage blanchâtre 


qui 


} 


DES SD CM EN CES 1 ué 
qui occupoit environ le tiers de la pierre, il l'examina aù 
microfcope, & n'y trouva rien de fingulier. 

Ce diamant confervoit fa lumiére après avoir été frotté, 
en forte que l’agitant dans l’obfcurité avec vitefle, on voyoit 
une traînée de lumiére continué ; étant expolé de fort près à 
la flamme d’une bougie, & enfuite tranfporté dans l’obfcurité, 
il confervoit une lumiére fenfible,: mais plus foible que celle 
qui étoit excitée par le frottement : j'ai tenté cette expérience 
fr un grand nombre de diamants, & j'en ai trouvé plufieurs 
qui faifoient le même effet, & dont quelques uns ont con- 
ervé dans l'obfcurité une lumiére fenfible pendant plufieurs 
minutes. | 

M. Boyle a obfervé de plus, qu’appliquant ce diamant fur 
un fer chaud, ou letenant quelque temps preflé fur fa main, 
ou quelqu’autre partie de fon corps échauffée, il rendoit un 
peu de lumiére, mais très-foible. A yant eflayé fi le diamant, 
après avoir été rendu lumineux par quelqu'un de ces moyens 

différents du frottement, avoit contraété quelque vertu élec- 
trique, ila trouvé qu'il n'en avoit aucune, ce qui femble 
prouver que cette lumiére eft d’une autre nature que celle qui 
accompagne l'électricité que nous avons appellée vitrée. 

_ Ha auffi cru remarquer quelque différence dans la vivacité 
de la lumiére de ce diamant, fuivant la couleur de l’étoffe fur 
laquelle il étoit frotté, en forte qu'elle étoit plus brillante fur 
une étoffe blanche que fur une noire. La lumriére étoit pareit- 
Iement excitée en le frottant fur divers autres corps, comme 
du bois, de la fayence, de la corne, &c. ï 
. Ayant rendu ce diamant lumineux par Je frottement, 
il la plongé dans l’eau, & enfuite dans diverfes autres 
Jiqueurs, comme f’efprit de vin, les efprits acides, Les liqueurs 
alkalines, &c. & il y a confervé fa lumiére; mais ayant 
tenté de l’'exciter fous l’eau même, en y plongeant un mor- 
ceau de bois, & frottant le diamant deflus, il n'a pas pu y 
réuffr; il a auffi obfervé que lorfqu'il avoit été mouillé, ül 

… falloit le frotter beaucoup plus long-temps pour exciter f& 

lumiére; cependant il lui eft quelquefois arrivé de le rendre 


Men 1734: Ttt 


si4 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE 
ün péu lumineux en le tenant quelque temps plongé daris 
Yeau chaude. 

I a éprouvé qu'on pouvoit exciter fa lumiére fans le chauf 
fer, hi le frotter, en le preflant fortement fur un morceau 
dé fayence, où en appuyant brufquémient un poinçon d'acier 
cotre Ja table du diamant; mais il eft aifé de juger que toutes 
ces maniéres de le rendre luraineux, ne le faifoient point de- 
venir électrique, ce qui prouve de plus en plus la différence 
que nous avons déja fuppofée entre là matiére de l'éleétricité 
& celle de cetteefpece de lumiére. | 

J'ai fait avec foin la plüpaït de ces expériences, & elles 
m'ont toutes réuffl à peu-près de la même maniére qu'à M. 
Boyle, avec cette différence, que jé nai jufqu'à prefent 
trouvé aucun diamant qui ne rendit de la umiére étant frotté; 
toutes les autres pierres précieufes qué j'ai eflayées en ont 
rendu aufli, ainfr que jé l'ai déja dit; maïs le plus ou moins 
de lumiére ne dépend ni de la beauté, ni de la groffeur de fa 
pierre : j'ai frotté pendant affés long-témps deux très - gros 
diamants de l’eau la plus belle & à plus féche, ils n’ont pris 
qu'une lumiére affés foible qu'ils ont confervée pendant très- 
peu de temps, mais qu'ils n'ont pas perduë en paflant deffus 
un linge mouillé; ils n'avoient l'un & l'autre qu'une très- 
médiocre éleétricité : un troifiéme diamant d'une auffi belle 
eau, mais taillé d'une façon extraordinaire, qu'on nomme à 
Y/ndienne, où en puits, étoit très-lumineux pour peu qu'on 
le frottit, il étoit auffi très - électrique; cependant je ne con- 
nois entre ces diamants d'autre différence que celle de Ja 
taille, fes deux premiers ayant une très-grande table, & le 
dernier layant fort petite, mais étant très- élevé & très- 
profond. Je n'ai pas ofé chauffer les deux premiers à la flam- 
me, craignant de ne les pas chauffer aflés également à caufe 
de feur grande étenduë, & qu’il ne leur arrivät quelque ac- 
cident; mais je juge par lanalogie dès autrés expériences 
quie j'ai faites, qu'ils n’auroient contracté que très -difficile- 
ment de Ja lumiére, & qu’en ce cas même elle auroït été 
très-foible, mais j'ai chauffé fe troifiéme à à flamme d'une 


DITES AS CAE IN CHEB Mr DES 
bougie, & l'ayant tranfporté dans l'obfcurité, il a paru en- 
touré d'une lumiére très-vive & à peu-près femblable à 
celle des vers luifants. La même chofe eft arrivée à un petit 
diamant bleu, & à un diamant jaune d'une groffeur aflés 
confidérable : mais cette forte de lumiére n'ayant aucun rap- 
port à l'électricité, puifque tous ces diamants dans le temps 
qu'ils rendoient le plus de fumiére ; n'avoient aucuné at- 
traction fenfble, je me contenterai de dire préfentement que 
plufieurs diamants, quelques pierres précieufes, le criftal de 
roche, & plufieurs autres corps qu'on ne s’'aviferoit pas de 
foupçonner, étant expofez à la Hamme, ou à la chaleur, ou au 
Soleil, ou même à la feule lumiére du jour, quoiqu'à l'ombre 
du Soleil, ainfi que je l'ai éprouvé, y acquierent une lumiére 
qu'ils confervent dans lobfcurité pendant un temps affés con- 
fidérable; ce Phénoméne nouveau mérite une attention par- 
ticuliére, & peutfaire le fujet d'un travail très-curieux, mais 
qui né paroît pas avoir de rapport à l'objet aétuel de nos 
recherches. Les Auteurs qui.ont dit que certaines pierres 
précieufes , & en particulier le diamant ; éclairoient-dans l’obf 
curité, étoient peut-être beaucoup mieux fondés qu'on ne 
Ya cru jufqu'à préfent. Qu'une perfonne ayant demeuré 
quelque temps dans un lieu obfcur, & ayant par:conféquent 
k prunelle fort dilatée, y ait vü apporter un diamant qui 
auroit été expolé pendant quelques minutes au Soleit, ou à 
quelqu'autre chaleur équivalente ;ou fimplement à la lumiére 
du jour, elle aura certainement vü ce diamant lumineux; & 
comme ç’aura été fans deflein que ce diamant aura été ex- 
. pofé au Soleil, ou à la lumiére, on n'aura pas imaginé d'at- 
æribuer ce fait fingulier à une caufe aufli legere, & on aura 
pénfé, ou que les diamants font lumineux par eux-mêmes, 
“ou que c'en eft une efpece;particuliére à laquelle on a donné 
Aenom d’efcarboucle, dont par la fuite on a embelli a defcrip- 

tion & exageré les propriétés. | aibiau 
J'adjoûterai encore que fi: quelqu'un veut tenter ces:expé- 
riences fur le peu que j'en ai dit, 1 y trouvera des variétés 
‘furprenantes, dont iln’eft pas temps de de maintenant 

£ Jtti 


16 MEMGIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
l'éclairciflement ; j'ai voulu feulement indiquer les principaux 
faits fur lefquels je compte fonder quelque jour un nouveau 
travail, & tàcher en même temps de faire naître à quelqu'un 
l'envie d'y travailler auffr de fon côté, perfuadé que rien 
neft plus propre à augmenter les connoiflances que nous 
avons en Phyfique, que le concours du travail de plufieurs 

rfonnes fur une même matiére, mais il eft temps derevenir 
à l'électricité vitrée. : 

J'ai effayé un grand nombre de diamants, & quoique tous 
ayent été rendus éleétriques par le frottement, & qu'ils ayent 
tous donné de la lumiére, il y a eu des différences très = 
confidérables dans leurs effets, dont il eft difficile de pouvoir 
affigner la caufe; ce que je puis feulement dire en général, 
c'eft que les plus gros diamants, comme du poids de 70 à 
80 grains, ne font ni plus élefriques, ni plus lumineux que 
les petits; que même la beauté & la netteté du diamant ne 
paroîït pas y rien faire, mais la façon dont il eft taillé n’eft pas 
auffi indifférente : j'ai toüjours trouvé que ceux qui font plats 
& ont une grande table, font moins électriques & moins 
lumineux que les brillants élevés. 

Les diamants de couleur méritent une attention particu- 
liére; de tous les jaunes que j'ai eflayés, je n'en ai trouvé 
qu'un qui ne füt que médiocrement électrique ; tous ont été 
très-lumineux : un très-beau diamant fleur de pêcher ren- 
doit une lumiére confidérable dès le premier frottement, 8 
étoit électrique, mais moins que les jaunes; un verd n’a pris 
que difficilement de la lumiére, & cependant il étoit plus 
électrique que le précédent ; un diamant bleu d'une afés 

ande étenduë, mais rempli de points & de glaces, n’a point 
donné de lumiére fenfible étant frotté, il en fortoit feule- 
ment quelques étincelles, lorfqu'après l'avoir frotté on en 
approchoit le doigt, cependant il étoit très-électrique; enfm 
un diamant couleur d’amethyfte faifoit les mêmes effets, tant 
par rapport à la lumiére, que par rapport à l'électricité; 
Jadjoüterai que tous les diamants dont je viens de parler 
étoient brillantés : je les ai frottés fur différents corps, fans y 


DES SCIENCES. S17 
avoir remarqué de différence bien fenfible, non plus que par 
rapport à la couleur de l’'étoffe fur laquelle je les frottois, 
quoique M. Boyledife y en avoir remarqué. 

Lesexemples quenous venons de rapporter fuffifent pour 
faire voir que la-faculté de rendre de la lumiére n’eft pas: 
tellement dépendante de la vertu éle@trique, qu'il n’y ait 
des corps de même nature & de même efpece, dontles uns 
font plus lumineux & moins électriques, & les autres au 
contraire plus électriques & moins lumineux; d’où il réfulte 
que quoique ces deux propriétés paroiflent extrémement 
hées l'une à l’autre, elles ne tiennent pas cependant à la 
même caufe; & on peut apporter une preuve bien fimple 
& bien décifive de cette différence, qui eft que, fi l’on frotte 
un diamant capable de devenir électrique & lumineux, & 
qu'après l'avoir frotté on le mouille, ou que fimplement on 
Thumecte avec l'haleine, fa vertu électrique fe trouve anéan- 
tie fur le champ, mais fa lumiére fubfifte auffi long-temps 

e s'il n'avoit point étémouiilé. 

7 J'ai fait les mêmes expériences fur toutes les efpeces de 
pierres précieufes, mais les varietés qui en réfultent n'ont rien 
d’aflés déterminé, pour qu'on puifle fçavoir s’il les faut at- 
tribuer à la couleur, à la taille ; à la dureté, ou à quelque 
autre caufe moins connuë ; ainfi je n’entrerai dans aucun dé- 
tail à ce fujet, & je me contenterai d'adjoûter aux autres 
principes découverts dans les Mémoires précédents, celui-ci: 
que la lumiére excitée par le frottement n’eft pas tellement 
liée à l'électricité, qu'elle ne puiffe fubfifter lorfque cette 
derniére propriété eft anéantie par le moyen de l'humidité. 
: Je ne rappellerai point ici les expériences dont nousavons 
parlé dans les Mémoires précédents par rappoït à la lumiére 
qui accompagne toûjours l'électricité du verre, mais jobfer- 
verai que ce Phofphore fi connu qui fe fait en vuidant d'air 
un matras dans lequel il y a du Mercure, eft une nouvelle 
preuve de la différence réelle qu'il y a entre la matiére qui 
fert à l'électricité, & celle qui occafionne la lumiére; car fi 
Yon frotte ce matras dans l'obfcurité, il devient tout à la fois 
Ftt ii 


518 MEMOIREs DE L'ACADEMIE Royare 
électrique & lumineux ; fr au contraire on fe contente d'agi- 
ter fortement le Mercure, il devient lumineux, comme l’on. 
fçait, mais il ne contracte pas la moindre électricité. 

La lumiére qui accompagne électricité n'eft pas toüjours 
une fimple lumiére, elle eft quelquefois un: feu réel & fenfi- 
ble, comme nous l'avons vü dans l'expérience que j'ai rap- 
portée à la fin de mon troifiéme Mémoire; il eft bon de la 
remettre fous les yeux en peu de mots, parce qu'elle tient à 
d’autres faits avec lefquels elle concourt pour l'établifiement 
d’un autre nouveau principe. | 

On fufpend une perfonne fur des cordes de foye, ou, ce 
qui revient au même, on la fait monter fur une planche qui 
eft fupportée par des pieds de verre, de cire, de foufre, dé 
gomme lacque, &c. aflés élevés pour que les écoulements 
éleétriques foient trop éloignés du plancher & des autres 
corps {olides, pour pouvoir être détournés; on approche 
de cette perfonne le tube rendu éleétrique, fans néantmoins 
qu'il foit néceflaire de la toucher, cela fuffit pourl'environ- 
nér d’un tourbillon de matiére éleétrique qui fe manifefte 
par tous les effets rapportés dans mon troifiéme Mémoire; 
mais celui de tous qui me paroît le plus furprenant, eft que 
lorfqu'une autre perfonne approche la main de celle qui eft 
ain fufpenduë, il fort de la partie du corps de cette der- 
nicre, la plus proche de la main qu'on en approche, une 
étincelle de feu accompagnée d'un bruit très-fenfible, & 
d'une lumiére plus vive de beaucoup que celle qui paroït 
dans toutes les autres expériences de l'électricité; cette lumiére 
eft même, comme nous l'avons dit dans le Mémoire déja 
cité, accompagnée d'une douleur femblable à une picqueure 
ou à une brülure, dont les deux perfonnes font également 
affectées; & j'ai fait une obfervation qui eft conforme à ce 
que nous avons vû plus haut, c'eft qu'un morceau d'ambre, 
de verre, ou de tout autre corps naturellement électrique; 
ne fait point paroître cétte étincelle, il faut que ce foit une 
matiéré fa plus contraire qu'il eft poffible à l'éleétricité, com- 
me un corps vivant, un morceau de métal, de glace, toute 
forte de matiére mouillée, &c, à 


BE iSL TS, CLIEUN. CES. s19 
: : Un animal vivant fufpendu de a même maniére, fait pré- 
‘cifément les mêmes effets; mais fi c’eft un animal mort, il 
me paroît plus d’étincelles, on ne voit qu’une lumiére pile & 
uniforme qui paroît fortir de ce corps lorfqu’on en approche 
a main. je 
Le corps vivant d’un homme, ou d’un animal, eft donc 
entouré d'une Atmofphére, dont la matiére eft capable d’al- 
Jumer, pour ainfi dire, & de réduire en feu actuel la lumiére 
‘qui accompagne l'électricité vitrée. Je n’ai pas eu la com- 
modité de faire la même expérience fur l'électricité réfineufe, 
parce qu'elle eften général plus foible, & que d'ambre, qui 
eft le corps en qui elle eft la plus forte, fe trouve rarement 
en aflés gros morceaux pour pouvoir faire un effet auffi con- 
fidérable que cela feroit néceffaire pour réuflir danscette ex- 
“périence; mais je fuis perfuadé que cela arriveroit de même 
“qu'avec le tube, fr-on fe fervoit de quelque corps ‘qui eût à 
eu-près autant de vertu électrique. 
J'ai fait depuis peu une autre expérience, qui prouve qu'il 
faffit pour produire ces étincelles brûlantes, de rendre élec- 
trique un corps vivant, foit que ce foit par lui-même qu'il le 
“devienne, où par la communication du tube, ‘oude quelque 
autre corps éleétrique. J'ai pris un Chat, dont j'ai rendu de 
h- poil fort électrique, en lui pañlant à plufieursreprifes la main 
fur le dos; lorfqu'eñfuite j'approchoiïs mon autre main de fes 
pattes, de fon nés, ou‘deifes ‘oreilles, il en fortoit de pa- 
reilles étincelles accompagnées de bruit &de douleur que 1e 
Chat paroïloitreflentir très -vivement, par l’impatience qu'il 
marquoit de s'enfuir , &'queje fentoisauffi de mon côté dans 
‘le doigt ou dans la main. 
_ Cette expérience, quoique très-fimple, ne laïfle pas de: 
réuffir aflés difficilement; tous les Chatsme deviennent pas 
auffi électriques les uns que les autres, :céla dépend de la ru- 
_déffe, ou de la douceur de leur poil, ifaut:choïfir'ceuxdont 
le poileft le plus'rude ; il faut deplas qu'il faffe froid &fec, 
. “& pour mieux réuflir, il faut pofér HetChat für du taffetas, 
“ou quelque autre étoffe de foye, ou fur quelque matiére 


520 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
réfineufe, afin que le tourbillon électrique demeure plus 
abondant autour de fon corps, & ne foit point détourné par 
les corps voifins. Je ne doute point que la même expérience 
ne puifle fe faire de beaucoup d’autres façons, & peut-être 
que l'effet en feroit encore plus fenfible; peut-être même 
pourroit-on porter ce feu jufqu'à embrafer les corps com- 
buftibles. Dans un fujet auffi rempli de faits nouveaux & 
finguliers, il eft permis de hafarder des conjefures; je crois 
-donc que c’eft un feu réel, ou une matiére très-propre à le 
devenir, qui fort des corps électriques ; que cette matiére 
fortant d'un corps entouré d’une Atmofphére trop peu denfe, 
ou à laquelle il manque peut-être des parties grafles ou ful- 

hureufes, elle ne produit qu'une lumiére tranquille; que 
fortant du verre dont  Atmofphére, Iorfqu’il eft rendu élec- 
trique, eft chargée de parties fulphureufes que l'on fent très- 
diftinétement à l'odorat, elle produit des étincelles qui frap- 
pent le vifage ou la main très-fenfiblement, mais ne font 
pas affés embrafées pour qu'on en fente La chaleur ; & qu'en- 
fin lorfque cette matiére environne un corps vivant, foit 
qu'elle en forte par le frottement, foit qu'elle y vienne par 
la communication & l'appproche du tube, ou de quelque 
autre corps électrique, elle trouve dans PAtmofphére de 
ce corps un aliment convenable qui l'embrafe, & Ia fait 
devenir un feu aétuel capable de brüler & de caufer de fa 
douleur. Ainfi il eft très-poflible qu'on trouve quelque 
moyen de le réduire à un point d'activité capable d'allumer 
des corps combuftibles, foit en enveloppant le corps animé 
de quelque matiére fort féche & combuftible, & en raffem- 
blant quelques-unes des circonftances les plus propres à 
augmenter l'action de ce feu, foit de quelque autre maniére 
que l'on peut imaginer, fi l'on trouve que ce fait mérite 
qu'on fe donne la peine de le fuivre & de s’y arrêter, 

H nous refte à éxaminer l'effet des deux éleétricités jointes 
enfemble; nous avons rapporté au commencement de ce 
Mémoire une expérience finguliére de M. Haukfbée dans ce 
genre, qui confifte à faire tourner fur fon axe un globe de 

VeITe 


TD ESS CAVE NC: Es: dégr 
-verre enduit intérieurement de cire d'Efpagne, & dont l'air 
eft exaétement pompé. J'ai fait cette expérience avec grand 
foin, & elle eft effectivement une des plus bellesde celles qui 
concernent la lumiéré des corps électriques. 

Pour enduire de cire d'Efpagne l'intérieur de ce globe, il 
ne faut que la pulvérifer, & après l'avoir introduite dans le 
globe, le tourner fur fon axe au-deflus d’un réchaut plein de 
feu; on fait par ce moyen appliquer la cire aux endroits que 
Ton juge à propos. À mefure qu'elle fe refroidi, elle fe dé- 
tache du verre en plufieurs endroits, ce que l'on voit par 
les lames d'air qui s'y introduifent, & les couleurs d'Iris qui 
en réfultent, & même elle s'éclatte & fe fend en divers 
fens, mais tout cela ne nuit en rien à l'expérience. Ayant 
ainfi préparé ce globe, j'en pompai l'air le plus exactement 
qu'il me fut poffible, & je le fis tourner fur fon axe avec 
beaucoup de rapidité.par.le moyen du tour décrit dans mon 
premier Mémoire ; à peine eus-je appliqué la main deflus, 
qu'il parut beaucoup de lumiére dans l'intérieur du globe, 
elle étoit plus vive dans la partie où ma main étoit appliquée, 
que dans toute autre, & elle y étoit continué ; il fe formoit 
outre cela des éclats de lumiére qui paroifloient partir de cet 
endroit, & s’élançoient de toutes parts dans l'intérieur du 
globe. Jufques-à ces phénomenes font très-peu différents 
de ceux qui arrivent avec le globe vuide d'air fans étre 
enduit de cire d'Efpagne, mais voici ce qu’il y avoit de plus 
fngulier, & que M. Haukfbée avoit regardé comme un des 
plus furprenants paradoxes qu'il y eût en phyfique ; c'eft 
qu'en regardant dans le globe par un endroit qu'à deffein je 
n'avois point enduit de cire d'Efpagne, on y voyoit une 
image de la main que je tenois appliquée fur le globe, & que 
cela faifoit le même effet que fi ma main eût été lumineufe, 
& la cire d'Efpagne aflés tranfparente pour qu'on la vit à 
travers. 

Un peu de réflexion me fit connoître la raifon de ce phe- 
momene;. j’obfervai que lorfque j'appliquois le bout de mon 
doigt fur la furface du globe, cela excitoit en-dedans une 

Mem. 17 34 , Vuu 


522 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
lumiére qui fortoit de la cire d'Efpagne dans le feul endroit 
où mon doigt étoit appliqué: lorfque j'appliquois ma main 
toute entiére, la lumiére fortoit pareïllement de tous les en- 
droits où ma main touchoit le globé, mais comme dans 
Yintervalle de mes doigts le globe n’étoit point frotté, (car 
je le fappofe toûjours tournant fur fon axe) ; il s'enfuit qu'il 
ne paroifloit point de iumiére vis-à-vis cet intervalle, non 
plus qu'au-delà du contour extérieur de ma main, & par 
conféquent l'image de la main & des doigts étoit exaéte- 
ment figurée par la fumiére qui, partant de tous fes points 
d'attouchement & traverfant la cire, fe faifoit voir au-dedans 
du globe. 

Lorfque j'appuyois médiocrement la paume de Ia main 
fur le globe, les plis naturels qui y font & les principaux 
traits ne portoient point fur le globe, ce qui caufoit une 
ombre vis-à-vis ces traits, & par conféquent les deffmoit 
aflés correctement fur cette image lumineufe de la main; 
mais lorfque j'appuyois plus fortement fur le globe, ces 
ombres difparoifloient, toute la paume de là main étoit 
lumineufe, & il n’y avoit plus de fenfible que le contour 
extérieur qui demeurant oblcur, formoit toüjours une image 
lumineufe de la maïn; ainfi ce fait fe réduit à prouver qu'un 
globe enduit de cire d'Efpagne intérieurement & vuidé d'air 
tournant fur fon axe, fi l'on vient à le toucher extérieure- 
ment, il part de tous les points d'attouchement une Jumiére 
qui pale à travers la cire d’Efpagne & paroît dans l'intérieur 
du globe. J'ai déja rapporté dans mon troifiéme Mémoire 
qu'une plaque de cire d'Efpagne n'empêche point l'action 
des corps électriques, & que le tube attire & repoufle des 
feuilles d’or à travers cette plaque; on voit que c'eft ici le 
même fait, & que, quoique les pores de la cire d'Efpagne 
ne foient point permeables à la lumiére ordinaire, ils le font 
néantmoins à la matiére de l'électricité, & lorfque cette ma- 
tiére eft lumineufe, comme dans l'expérience préfente, il 
en réfulte les faits que nous venons de décrire. 


J'ai appuyé fur le globe pendant fà rotation, dek laine, 


D'Es/S ce NC Es s23 
du papier, du linge, de la foye ; la laine & le papier n’ont 
donné aucune lumiére, le linge très-peu, & la foye da- 
vantage, mais aucune de ces matiéres n'a fait, à beaucoup 
près, aufli bien que la main; les corps durs comme Îe bois, 
les métaux, &c. n'ont rien fait non plus, il faut une matiére 
fouple, & qui occafionne un frottement, tel que celui qui 
cft néceflaire dans les autres expériences de l'électricité, 

J'ai enduit un pareil glôbe de gomme lacque pure, & les 
effets n’en ont point été différents, quoique cette gomme 
füt tranfparente; j'en ai enduit un autre de foufre, mais le 
foufre diminuë de volume en refroïdiflant, ce qui fait déta- 
cher l’enduit entiérement, & ïl fe brife orfque l’on vient à 
faire tourner le globe. J'ai fait les mêmes expériences avec 
des tuyaux de verre, mais les différences font peu confidé- 
rables, & ne m'ont pas paru pouvoir nous rien apprendre 
de plus fur le fait de la lumiére, ni de l'électricité, ainfi je 
n’en rapporterai ici aucune. : el 

Je fnirai donc ici ce Mémoire qui eft le dernier des fix 
que je n''étois propofé de faire dès le commencement de 
mon travail fur cette matiére, & dans chacun defquels j'avois 
formé le plan d’examiner quelques-unes des principales pro- 
priétés de l'électricité; quoique cet examen ne nous ait pas 
donné la connoiffance des caufes phyfiques & primordiales 
de l'électricité, il nous à néantmoins conduit à découvrir 
plufieurs principes inconnus jufqu’à préfent, qui fimplifient 
confidérablement la théorie de électricité, & qui {erviront 
à avenir de bafe & de fondement à ceux qui voudront faire 
de nouvelles recherches fur une matiére f1 féconde, & fur 
laquelle il y a, flon toutes les apparences, encore un grand 
nombre de découvertes à faire. Voici en peu de mots quels 
font ces principes dont on trouve le détail & les preuves, 
tant dans ce Mémoire que dans les précédents. 


1.9 Tous les corps qui font dans fa Nature font fufceptibles 2.° Mémoire 
- d'éleétricité, à l'exception des métaux & des matiéres qui eus 
ne font pas de confiftence à pouvoir être frottées. 
Vuui 


3. Mémoire 
fur lElectri- 
cité, 


© Mémoire 
fur l'Electri- 
cité, 


524 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

2 Tous, fans exception, même les liquides, deviennent 
éleétriques par communication, la flamme feule ne le devient 
point, & n'eft point attirée par les corps életriques. 


3-° Les corps naturellement éleériques font les feuls qui 
le puiflent devenir par communication étant polés fur un 
appui où bafe de métal, de bois, ou d'autre matiére qui n'eft 
que peu ou point électrique; & aycontraire, ils le deviennent 
moins que tout autre fur une bafe difpofée à l'électricité. 


4° Les matiéres naturellement éleétriques interpofées 
entre le tube & les feuilles d’or, ou autres corps legers, laiffent 
pañler les écoulements électriques, au lieu que toutes les autres 
matiéres les interceptent. 


5° Les électriques font les moins propres de tous à tranf 
mettre au loin l'électricité, & les corps mouillés font les 
plus propres. 


6.° Le plus grand vent ne détourne point les écoulements 
électriques, que l'on fait communiquer au-delà de 1 2 50 pieds 
au moyen d'une corde ou de quelqu'autre corps continu. 


7. Les corps de même nature s’impreignent de l'éleGri- 
cité, ou l'interceptent à peu-près en raifon de leur volume. 


8. Il fort des étincelles brülantes d'un corps vivant 
rendu éleétrique par la communication du tube, & cette 
lumiére ne caufe aucune fenfation de douleur, f elle {ort 
d'un corps inanimé. 


9. IT y a deux électricités différentes & diftinétes l’une 
de l'autre, fçavoir, la vitrée & Ia réfineufe, dont l'une attire 
les corps repoulfés par l’autre. 

ps rep P 


10. Les corps éleétriques attirent toûjours &indiftinéte- 
ment tous ceux qui ne le font point, & repouffent au con- 
traire tous ceux qui font doués de celle des deux éledricités 
qui eft de même efpece que la leur. 


Des /o4' Enr eisuiN Ga 
: 131.0 L'air humide & chargé de vapeurs, nuit à l'eétri- 5° Mémoire 
cité, de quelque nature qu'elle foit, & diminue confidéra- As 
- blement fes effets. - 


12.0 Les corps électriques placés dans le vuide, y exer- 
cent leur action, mais la matiére de l'électricité fe porte 
plûtôt dans le vuide que dans le plein, en forte qu'un tube 
où un globe vuidé d'air, ne fait d'effet fenfiblé que dans fon 
intérieur. Ces deux derniéres obfervations avoient déja été 
faites par M.rs Boyle, Haukfbée & Gray, mais avec quelque 
différence, comme on le peut voir dans le Mémoire cité 
ci-deflus. 


13.° L'air condenfé dans l'intérieur du tube paroît nuire 
autant que l'air rarefié aux effets extérieurs de l'électricité, 


14.° Tousles corps dont l'éleétricité eft un peu confidé- 6.° Mémoirs 
rable, foit qu'elle foit vitrée ou réfineufe, font lumineux, fur l'Eleéti- 
avec quelques différences néantmoins dans la lumiére qui ‘A 
eft excitée par le frottement. | 


15-° La matiére de cette efpece de fumiére n’eft pas 1a 
même que celle de l'éleétricité, l'une de ces deux propriétés 
pouvant fubfifter mdépendamment de l'autre. 


1 6.° Enfin les corps réfineux , quoiqu’opaques, donnent 
un libre pafage à la lumiére, lorfqu'elle émane de la matiére 
électrique, ou du moins qu'elle en eft accompagnée, ainff 


qu'on vient de le voir dans la derniére expérience de M. 
Haukfbée. 


Voilà les principes, ou, fi l'on veut, les faits fimples & 
primitifs auxquels fe peuvent réduire toutes les expériences 
fur P'Ele@ricité, qui font connuës ;le nombre de ces principes 
diminuera vraifemblablement à mefure que lon parviendra 
à une connoiflance plus exacte de cette merveilleufe pro- 
priété de la matiére, qui jufqu'à préfent n’étoit indiquée que 
par quelques expériences très-compliquées qui Favoient fait 

Vuu ii 


$26 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
juger particuliére à certaines matiéres, & dépendante de 
circonftances bifarres, & dans lefquelles il ne fe trouvoit 
prefque rien d'aflüré ni de pofitif. Aujourd'hui c’eft peut- 
être une qualité de la matiére en général dépendante de prin- 
cipes invariables, aflujettie à des loix exactes, & qui peut 
influer beaucoup plus que nous ne penfons, fur l’œconomie 
du globe ; mais faute d'avoir été confidérée dans ce point de 
vüé, nous n'en avons que des connoïffances fuperficielles ; 
j'efpere que nous n’en demeurerons pas R, & je fuis perfuadé 

e les Amateurs de la Phyfique ne négligeront pas un champ 
fi fertile, & pour ainfi dire, un nouveau monde, dans lequel 
il ce vraïfemblablement tant de découvertes intéreflantes 
à faire. 


DES, S GIEIN CES, | Sax. 


| PROBLEME. 


Une Courbe érant donnée, trouver celle qui [eroit décrire par 
le fommer d'un Angle dont les côtés roucheroient conri- 
nuellement la Courbe donnée; & réciproquement la Courbe 

. 2° A 12 2 / 
qui dois être décrite par le fommer de l'Angle, étans 
donnée, trouver celle qui fera touchée par les côtés. 


Par M. FONTAINE. 


E Probleme direct n’a aucune difficulté, aufi n’eft-ce 
1 1 


que de l'inverfe dont ül fera ici queftion. Nous aurons 
befoin, pour le réfoudre, de fçavoir trouver des Courbes 
dont les points pris deux à deux ayent une relation donnée ; 
& comme M. Newton donna en 1 697, dans les Journaux 
de Leypfick, une méthode pour cela, nous commencerons 
par la rappeller ici en forme de Lemme. 


LEMME L 


Suppofons qu'on demande une Courbe BAZN qui ait fa 
propriété qu'exprime l'équation y°+y—4* (Ap—x, 
PM=y,pN=y) puifqu'à chaque point p de labcifie 
ordonnée a deux valeurs, équation à la courbe BMN 
aura cette forme y*+Qy+R=—=o (Q & R font des quan- 
tités compofées de x & de conftantes) ; & en réfolvant 


cette équation, on aura ÿ=—7Q — Ke Q—RE 

=—1Q+VIQRj —IQ—R+QVIO—R 
& y°—1:Q—R—Q v£ Q°—R, donc par la condi- 
Q°—42° 


tion donnée Q°—2R=—=a, & par conféquent R— î 


ainfi toutes les courbes exprimées par l'équation y* + Qy 
| ru 


0 dans hiquelle on pourra donner à Q telle 


Fig. 2. 


528 MEMOIRES DE L'AGADEMIE ROYALE 
valeur qu'on voudra en x, auront la propriété demandée, 
& on ne fçauroit avoir de ces courbes une équation plus 
générale; fi la relation donnée étoit entre trois ordonnées, 
alors on prendroit une équation du 3 ®<degré; fientre quatre 
une du 4me, &c. Si on veut qu'il y ait des ordonnées poli- 
tives, & d’autres négatives, on prendra une équation dans 
laquelle cette condition foit remplie. Enfin on voit bien 
que cette méthode ne laïfle rien à defirer, mais on doit 
obferver, comme l'a fait M. Newton, que pour que le Pro- 
bleme foit pofüble, il faut néceffairement que la relation à 
laquelle on veut fitisfaire foit exprimée, par une équation 
dans laquelle les ordonnées entrent toutes de la même ma- 
niére ; car fi on propoloit, par exemple, comme le faïfoit 
M. Jean Bernoulli, de trouver une Courbe dont la propriété 
fût que le quarré de l’une des ordonnées par l'ordonnée cor- 
refpondante fit toûjours un même produit, alors je deman- 
derois de laquelle des deux ordonnées on veut que je prenne 
le quarré, pour le multiplier par l'autre ordonnée, étant bien 
évident qu'à moins que toutes les ordonnées fuflent égales, 
il ne fçauroit être indifiérent de prendre le quarré de l’une 
des deux, & de le multiplier par l'autre pour avoir un pro- 
duit déterminé. Si on me dit que c'eft le quarré de la plus 
grande qui doit être multiplié par la plus petite, alors il n’y 
aura plus une loi uniforme dans toute la courbe, ce qui eft 
impoflible, l’ordonnée à l'une des branches qui eft d'abord 
plus grande devenant à fon tour plus petite, 


LEMME TT. 


La bi de l'Angle T MP étant donnée, trouver la Courbe 
touchée par la ligne Mp. 

Soit prife fur Mp une ligne Ma égale au parametre p 
de la courbe AMN; & du point a foit menée fur 744 
l1 perpendiculaire ab, & foit 118 —9 ( par & j'entends une 


fonction des coordonnées 7 & de la courbe A4), la diffé- 


rence de 416 étant dy, celle de l'angle 7Ap fera — EE. 


Vp—et 
di di 


DES SeErIENCES. 529 
du point 47 qu'on mene fur 7°A4 la perpendiculaire 414, 
& du point N la ligne Ng qui fafle fur la tangente 7 N un 
angle V4 qui differe autant d'un droit que l'angle : Np 
differe de l'angle 7 Mp ; enfuite qu'on imagine que ve 
T'Nr s'ouvre jufqu'à ce que l'angle sg foit droit, &le 


nouvel angle de contingence fera — -{t44_ 2 


& comme Îe rayon de la développée eft toûjours égal au 
côté de la courbe divifé par l'angle de contingence, on aura 


Mg — Vaé + du 


did, de? & Pa Emoyÿendes 


dé dif Var = 
triangles femblables ANL, Mba, & MpL, MN, 
Va +de. Vp° — 
__ »pdzddu LA) __pd® 
dé + du? = 3 
sb Va —9 
maintenant x & y les coordonnées au point p de a courbe 
touchée, fi on fait le calcul comme pour les développées 
Vr— 9. (du Vp— 9 — par) 
2 dr ddu 4 TT 
P:(— FIRE ——) 
& au V?°—?; 
RUE — V?—9. (dz Va? —g+ pds) 
D— dyddu 49 
Jerry =) 
ê —+ du Vr—$* 


on aura À p =. ._ Nommant 


ordinaires, on trouvera x —= 


— ll, 


SOLUTION. 


Que AM B foit la courbe donnée, & concevons que les 
côtés de l'angle C/D ont dansla figure la pofition qu'ils 
doivent avoir, lorfque fon fommet eft parvenu au point 44 
je nomme © le cofinus de l'angle CAT, & + celui de 
Yangle D MT’; & fuppofant le rayon = p, le finus de 
l'angle donné CMD —», fon cofinus — m, je trouve entre 


ep &p cette équation CL 2 p'+p —=un, qui a, 
comme on le voit, les conditions que nous avons dit être 


Mem, 173 4 e D XX 


dé +du° Vr—® Car 


Fig. 3, 


530 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE 
néceflaires pour pouvoir appartenir à une feule courbe dont 
l'abfcifle fera celle de la courbe A/1B & — 7, & les deux 
ordonnées feront 9 &g’. Suppofons done que l'équation à 
cette courbe foit p+—Qe+R=—o (on fe fouvient que 
Q & R font des quantités qui dépendent de 7 & dep), & 
nous aurons g——+(Q + v£ Q—R, &p——+ 
— Le Q°—R. Subitituons ces valeurs & leurs quarrés 
dans l'équation à laquelle nous devons fatisfaire, & nous 


2171 


trouverons Q° — 2 R — Rio n 1,8 per 


conféquent RE jé es CTI , don = — + Q 


2") 
D SOLE RE" CRETE 
a srrie V/m—p)Q + 2pnr & g —=—+ 
2 Vo+m 
Faite, rs PAR € V{/m—p) @Q*—+-2pnn. Mais nous avons 
2Vp+m 


appris dans le Lemme fecond à trouver Ia courbe touchée, 
la loi de l'angle TMC où TMD étant donnée, & nous 
venons de déterminer cette loi en trouvant le finus de cet 
angle convenable aux conditions de notre Probleme, donc 


il eft réfolu. 


Men de Licad. 2784 - PL35. pag. 834 


Fr 2 


Ver de Urrad 3733. pL3S pag 530 
LE Et 1 
VS 
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Ï / ; ” 
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D'eS""S/CNEIN CES 531 


REMARQUES 


SYESR 
LA METHODE DE M FONTAINE, 


Pour réfoudre le Probleme où il s'agit de trouver une 
Courbe qui touche les côtés d'un Angle conflant done 
le femmer glffe dans une Courbe donnée. 


Par M. CLAIRAUT. 


A Méthode de M. Fontaine confifte en ceci: 

Soit AM la courbe donnée, CMD les côtés de 
l'angle conftant dans une pofition quelconque, @ le cofinus 
de l'angle TMC, @' celui de angle TD, m le cofinus 
de l'angle conftant CMN, n le fmus, p étant le rayon, on 
trouvera entre @ & ?' cette équation p? — ci pe—+p 


x 


— nn. Pour fatisfaire à cette équation, on prendra 


10 + —"— Vin Q-rapan & 


2 Vo+m 
g=—1Q — —— V/{m—p) Q°+-2pun | par Q 
2 Vp+m 


on entend une fonction quelconque de Fabfcifle 7 de Ia 
courbe donnée |. Cette valeur de @ qui ne differe de celle 
de o’ que par le figne du radical, fait que l'équation générale 


e——1:Q+ 7 V{n— p)Q°+-2pnn déterminé 


2Vp+m 
la courbe cherchée, puifque le Probleme fe réduit à trouver 
la courbe qui touche les côtés AC placés par l'équation 
précédente. On peut parvenir de différentes façons à achever 
le Probleme alors. M. Fontaine avoit commencé par un 
Lemme qui, en fuppofant que 9 füt donné, donnoit les 
coordonnées de la courbe cherchée. , . . . + . . . . « 
Xxx i) 


Fig. 10 


532 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 
Vip (du Vp —® —pdr) 


A pp FRE 40 SZ 
dé + du Vo —@* 
È ee. à 2 d EE 2 d , 
& y g(drVP—g" +oqdu) 


Ce, VP pi 


Ainfi cela termine fa Solution. 


Voici préfentement ce qu’on peut, ce me femble, objecter 

à cette Solution. Lorfque l’on a trouvé la valeur de 9 = 

QE == V{m—p) Q'—+2pnn, & que l'on 
2 Vp+m 

veut employer cette valeur pour la fubftituer dans les valeurs 


générales de x & de y, on eft obligé d’avoir Vpp—99 
qui eff alors Vpp—1QQ +1 2 np Q 


Vp+m 
+2pnn)— ee — (m— p Q + 2pnn)]. 
4 PHMm 


Mais il eft à remarquer dans cette grande expreffion que 
tout ce qui eft fous le figne radical eft un quarré, en forte 
qu'elle fe réduit à NE tn de DCS ON CN COR 


+ PO EER LE —V{m—p Q+2pun)]. 
Vp+m 2 Vp— m 

Dans ce cas les valeurs de x & de y, au lieu d'exprimer une 
feule & même courbe, en expriment deux, Fune en prenant 
le figne +, & l'autre en prenant le figne — , & il me 
femble que M. Fontaine doit démontrer que chacune de 
ces courbes a la propriété demandée, & non pas que ces 
deux courbes enfemble font touchées par les côtés de l'angle 
conflant. Car il eft très-naturel de penfer qu'il fe pourroit 
bien faire que pour avoir les deux branches touchées par les 
deux côtés de l'angle, if faut prendre la quantité précédente 
de ces deux maniéres 


DES SCIENCES, 1. is88 


Or pre — —— V{m—p@ + 2pnr) 
Vp+m 2 Vp—m 
& + iQ — ——— V{m—pQ@ + 2pnr), 
Vp+m 2 Vp—m 
ce qui ne donneroit pas la même courbe, car il faudroit au 
contraire fe fervir des deux expreffions 


— 2 QT — — {mp Q°+-2pnn) 
‘ V?+m 2 Vp—m 


& HIQ ET + 0 Vin —pO+2pnn). 
Vp + 7m 2 V? — nm 
En fe fervant de ces deux expreffions, on auroit bien 1a 
même courbe, mais ne fe peut-il pas faire que les tangentes, 
au lieu d’être placées de maniére que TMD TMC, où 
Y'angle CMD, foit conftant, ce foit l'angle 7A1D-+- TMC 
qui foit conftant , de forte qu’en fuppofant une autre courbe 
qui touche les côtés Aa”, Ma”, des angles a" A14, a'""M14, 
égaux à aMb, a’ Mb, on a un aflemblage de deux courbes 
touchées par Fangle conftant 4" Ma ou 4'"Ma. Cette 
autre courbe c D feroit en ce cas celle qui viendroit par 


l'expreffion + + Q Ven Æ —— V(n—p Q'+2pnr) 

Vp+m 2 Vp—m ; 
qui eft renfermée dans l'exprefion générale quis'eft trouvée 
un quarré. Îl me femble que fon eft en droit de penfer 
qué cela peut arriver ainfi dans la Solution dé M. Fontaine, 
jufqu'à ce qu'on voye une démonftration du contraire, car 
il n'y a rien dans fa Solution qui réponde à cette objection. 
Car quoique par la conftruction de M. Fontaine, pour un 
mème z qui répond au point A, on ait deux cofinus 478 
& A6" qui ont enfemble la relation exprimée par léqua- 


m 


tion gp — — 
rence des angles à Ma, b'Ma', eft conftante, & qui a les 
conditions néceflaires pour être poffible.: 


Xxx iij 


po+p eo —unn qui fait que la diffé 


534 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoYALr 

“IH eft à remarquer que les fnus 424 & /44'. donnent 
auffi-bien la pofition des lignes A7 4", M a”, que celle des 
lignes Ma & Ma', un cofinus ou un finus peut être pofitif, 
quoique la tangente A/C, Mc; foit en deffus ou en defous. 

Ï n’en feroit pas de même fi l'expreffion de la tangente 
de l'angle a Mb fatisfailoit à la relation requife, pour que 
l'angle 4/15 furpañle l'angle 4 AZ& d'un angle conftant. Car 
fuppofons que a M—p pris fur la touchante A2T de a 
courbe donnée AT, foit le rayon pendant que la perpendi- 
culaire aff" donne les tangentes af & af” à l'angle aMf", 
Si l'on avoit une équation de la courbe cherchée entre 
l'abfcifle 7 de la courbe donnée au point 4, & la tangente 
de l'angle af où a Mf, de façon que pour unz on eût 
deux valeurs pour af & af, qui fuffent telles que a A1f", 
— a Mf fût conftant, il n'y auroit pas à choïfir à pofer 
ces tangentes en deflus ou en deflous. 

Mais comme de l'expreffion que M. Fontaine trouve pour 
les cofinus 474, ©, & Mb’, +, on peut tirer celle des tan- 
gentes af & af” des angles L Ma & b Ma’, nous allons 
vérifier fi elles font telles que a A1f — a Mf foit conftant. 


IL eft clair que CUTERT & 2Vrr 


Er 
LT En feront les 


tangentes a f & af”. Comme ces tangentes, ainfi que les 
cofinus, ne different que par les fignes des radicaux qui 
entrent dans leurs expreffions, il fuffira de réduire l'expreffion 


)— , . —9/ 
rvr - 2%, & l'on en tirera auffi-tôt celle de PATE TER 
Pour cela on reprendra Fexpreflion que nous avons 


trouvée de V2 p—çe, & Von aura af ou LUI —88. 


ion ———— Vim—pQQ+apnn) 
Vr+m 2 Vp—m 


— + Q+——V(m—pQQ+2pur) 
2 Vp+m 


ALT 
donnera af D'RPATENTE e Qi ee 0. ,e ee le = 


Ci ] qui 


DIE: e8 1 CULIE Ny GES 535 


Da gr Vol RUE) 
= p [ Vp+m 2 Vp—m ] 
“HT me 1Q— "7 V(m—pQQ+2prn) 

2 Vy+m 


On peut démontrer préfentement que ces deux valeurs 
de a f & de af” font telles que la fomme des angles 4 1f 
& a Mf' eft conftante, au lieu de la différence. Pour avoir 
l'angle conftant ff; foit + & + les tangentes de deux 
angles dont on veut trouver la fomme, le rayon étant p, 


He fera la cotangente de la fomme des deux angles, 


C'eft un Lemme facile qu’on peut fuppofer, f l'on fubftituë 


# 
dans cette valeur Rp pour # & r' les valeurs précé- 
dentes de af & de a f, on aura, après les réduétions, 


pVpp=mm. qui eft la cotangente de l'angle dont le finus 


mt 
eft », c'eft-à-dire, de l'angle CAD, en forte que les courbes 
de M. Fontaine ne touchent que les côtés de deux angles 
aMf', a Mf, qui fe furpaflent d’un angle conftant, & 
qu'il faut une feconde courbe qui touche les côtés des deux 
angles a" Mb, a""Mb, pour faire l'aflemblage de deux 
courbes qui foient touchées par l'angle 4" Ma’ ou a" Ma. 
Ce qui n'eft pas le Probleme propoté. 

On peut rendre tout ce que je viens de dire plus clair, 
en prenant un cas particulier, par exemple, celui où l'angle 
conftant eft droit, dont j'ai donné une Solution dans ce 
Volume, p. 206. Examinons fi la Solution de M. Fontaine 
donne ce cas-là. 


Les tangentes a f & af” des angles TMC, TMD, de- 
r(10+:Virr= 00) p(+Q@—:V2pp—Q0) 
1Q—+V:rr—QQ +Q0+:V2rr—00 
Je dis que ces tangentes font celles de deux angles 2/C, 


aMD, dont les côtés AC & MD, qui touchent la courbe 
cherchée, ne font pas à angles droits comme le Probleme 


viendront 


ME 


Fig. 1, 


y V4 


536 Memorres DE L'ACADEMIE Royazr 
le demande, mais placées de façon que a Mf +aMf eft 
un angle droit. Car 1.” ces deux valeurs ne peuvent être 
que toutes deux pofitives, ou toutes deux négatives; par 
\  conféquent les côtés AC, MD, ne peuvent être diftants 
Tun de autre d'un angle droit. 2.° Le produit de ces 
deux quantités eft pp, ce qui rend les triangles a M1f, a Mf', 
femblables ; par conféquent l'angle a M f + a M f' 
vaut un droit. 

Pour que les deux côtés 4 AZ fuflent à angles droits, if 
auroit fallu que le produit des quantités précédentes eût été 
— pp, c'eft-à-dire, qu'une des tangentes af ou af” eût été 
négative, & eût porté le côté 41f° de l'autre côté de MT, 
ainfi que cela fe trouve dans ma Solution. 

Selon les principes que j'ai donnés, il faudroit prendre, 
au lieu des quantités précédentes, des valeurs, comme 


R+VRR—+pp &R=—VRR —-pp (par À on entend 
une fonétion quelconque de 7) dont le produit eft — pp, 
& l’on auroit des tangentes af & af” oppofées Yune à 
l'autre, qui donneroient des droites A1f, Mf", à angles 
droits, ce qui n’arrivera point de la façon de M. Fontaine, 
c'eft-à-dire, en prenant pour af & a f” des valeurs dont le 
produit foit + pp. ; 

Nous finirons ces remarques par un exemple très-fimple, 
où les valeurs des tangentes des angles af, a MAf", 
donnent +-pp par leur produit, au lieu de — pp. Que 


ces valeurs foient 7 + Vz2 — pp &7— V%z —pp, & 
Fig.3. que la courbe AM ne foit qu'une ligne droite exprimée par 
l'équation 4 — 0. Pour trouver l'équation entre AB, x, & 
BD, y, AM étant 7, a M, p, & af, 7 + V22 — pp, 
on peut fe fervir des formules de M. Fontaine, ou de la 
8me Section des Infiniment-petits, en faifant cette équation 


SET 
} 


= 1 ou x—7 {+ Ver — pp =py, 
t+ Var | 

& en prenant enfuite fa différence, en fuppofant x & y 

conflants, 


em. de Uird 3734 pl 36. pag 536. 


I 


Fay. 2 


DES SCIENCES. . $37 
conftants, ce qui donne x — 7 ({d7 + Vera LS as Te 


tt — PP 
D fr Mono RP) Op) on ee * 
(Ne 4 D 


x d7 tam Var—rr)=dt (x +Vrr — pp} 


ou x —= 7 + Var — pp, qui étant fubflituée dans 


X— 7 ave z—ppr)=p}, donne, après l'évanouiffe- 
ment de 7, 2py—pp—=Xxx; équation à une parabole DC 
dont BA eft une perpendiculaire à l'axe pañlant par le foyer 
qui eft À, le parametre étant 2p. On voit aifément que 
cette parabole ne peut pas être touchée par un angle droit 
dont le fommet f mouvroit dans A//B, mais que l'angle 
CMD qui la touche eft la différence, ou plütôt le complé- 
ment à deux droits de la différence de deux angles BA1f, 
BMf', dont la fomme eft un angle droit, ce qui n'eft pas 
la folution du Probleme propofé. 

Si l'on avoit pris, fuivant ce que j'ai enfeigné dans mon 


Mémoire, pour a je + Ve z+-pp, dont le produit par Fig. 4 


a fs z Ver, donne — pp, on auroit EU 2py—-pp 
— x x qui exprime une parabole dont BA eft la directrice 
avec le mème parametre que la précédente, & cette para- 
bole dans tous fes points peut être touchée par les deux 
côtés de l'angle droit DAC, dont le fommet 47 eft dans 
la droite AZ. 


Mem. 1734 - Yyy 


Fig. 3° 


538 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 


R) E P\O"NMN S E 
AUX REMARQUES PRÉCÉDENTES. 


Par M. FONTAINE. 


ps" Si vous prenés pen —= 2 14 —— 1Q+: 
ide yapeies fin }Q 


per 
1 faudra prendre PRE PT VE Jo A 
— Vapnn (pm) Q. 


aVr=n | 
Et fi vous prenés Pre Cu ee VE OS 
= V2pnn— (p —m) 0” 


2 Vp—m 

IL faudra prendre VD — 9° —. vs, | 4 JE 
=. V2pnn — (p—m) tnt 
2 Vp—m 


Car à caufe de l'angle conftant 4 fa’ ïl y a un même 
rapport entre les finus 4 &, a'b', qu'entre les cofinus 478, 
M b'; or ce rapport détermine les fignes de la maniére, 
précédente. 

2.° Puifque pour chaque 7 ïl doit y avoir deux finus, 
deux cofinus, deux tangentes , deux, &c. il eft évident par 
le Lemme premier, que Q doit être un radical, parce que . 
c’eft fur fon coëfficient que tombe la différence des fignes. 

3° Enfin on aura la même courbe, foit qu'on fubftituë 
dans les formules du Lemme fecond les valeurs de A1b & 
de ab, ou celles de 474' & de a’ 4’, Donc, &c. 


LOT 


Dr UMSLCATIENN c'ets: | 639 


SU Rés Bi ME: R-CU R°E, 


Par M BOERRHAVE. 


] ’Ecrivis l'année paflée quelques Obfervations fur le 
Vif-Argent, par lefquelles il paroifloit que, quoiqu'il 
femblât fe transformer continuellement en d’autres corps, il 
confervoit pourtant d’une maniére furprenante la propriété 
d'être immuable. J’offris ces Obfervations à cette Aflemblée 
fçavante qui orne l'Angleterre fous les aufpices de Sa Majefté 
Britannique. Elles y ont été goûtées au-delà de mes efpé- 
rances ; de forte qu'on les a jugé dignes d’être imprimées 
parmi les Mémoires de ce Corps illuftre. Mon unique but 
dans cet écrit étoit de rapporter fidellement & précifément 
les opérations que j'ai faites fur le Vif-Argent, & le produit 
de ces opérations, & d’exempter par-là mes leéteurs du foin 
& de la dépenfe néceflaires pour les répéter. J'ai à préfent 
le même deflein, & j'offre ici à cette Académie fi floriffante 
par les bienfaits de Sa Majefté Très-Chrétienne, quelques 
expériences que j'ai faites fur le même fujet. En joignant ces 
deux Differtations, on pourra juger de la fidélité & de l’exa- 
titude des anciens & vrais Alchymiftes dans ce qu'ils ont 
dit touchant le Mercure; & on verra en même temps qu'il 
faut bien de l'application & de Ja prudence pour être en état 
d'expliquer leur fentiment, ou les critiquer avec fondement. 
J'efpere auffi mettre ceux qui s’attachent à la Chimie en état 
de n'être pas facilement les duppes du fçavoir extravagant des 
Alchymiftes modernes, gens qui dans le fond ne fçavent 
rien de bon & de folide, & qui n'ont que Fart d'attrapper 
par leurs fourberies Vor très-réel de ceux à qui ils font 
croire qu'ils leur apprendront à en faire. Enfin je confir- 
merai ce que j'ai déja prouvé de l'immutabilité, de {a fim- 
plicité & des propriétés finguliéres du Vif-Argent. C'eft à 
une Aflemblée aufli fçavante que la vôtre, Meffieurs, qu'il 
Yyyi 


s4o MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 
convient de juger de l'utilité & de la vérité de cet écrit, à 
examen duquel je vous prie de donner quelques moments 
de relâche de vos occupations plus importantes. Je fçais 
que ces moments font rares, auffi j'aurai foin d'être auff 
concis qu'il me fera poflible. J'entre en matiére. 
I. 

Le vif-argent pur, tel qu’on le trouve ordinairement chés 
les marchands en compagnie à Amfterdam, mis long-temps 
en digeftion fur le feu, ne fe change point en métal. 


É' XP 'É RE NuGE 

Ce vif-argent étant diftillé, n’a laiffé aucune fece. Après 
cela mêlé avec le vinaigre diftillé & le fel marin, & agité 
pendant long-temps, il eft refté pur. Je l'ai fait pafier par une 
peau de Chamois, & j'en ai mis enfuite une livre dans un 
matras bien net à long col, dont j'ai bouché l'ouverture avec 
un cornet de papier & par-deflüs recouvert d'un autre papier 
bien lié au col du matras, de maniére qu'aucune pouffiére 
n’y pouvoit entrer, & que cependant l'air avoit le paffage 
libre pour y entrer & en reflortir : je l'ai placé fur un four- 
neau à une chaleur continuelle, qui au Thermometre de M. 
Fahrenlhreyt, a toüjours été entretenuë au-deflus de cent 
degrés depuis le 1 $ de Novembre 1718, jufqu'au 23 de 
Mai 1734. J'ai trouvé alors le Mercure fluide dans ce ma- 
tras avec un peu de pouffiére noire fur la furface. Cette 
poufliére fe revivifioit en Mercure en le frottant dans un 
mortier. J'ai mis tout ce vif-argent en diftilation dans une 
cornuë de verre bien nette, en augmentant le feu vers la 
fin au point que la retorte étoit prefque rouge. II n'eftrefté 
quoi que ce foit dans la retorte, & le Mercure en eft forti 
fans aucun changement fenfible. 

COROLLAIRES. 

1. Le feu au degré & pendant le temps fufdits, ne 
change rien à la fluidité, à la volatilité, ni à la nature du 
vif-argent mis dans un vafe où l'air a le paffage libre, il ne 
s'eft fait aufli aucune féparation du pur d'avec Fimpur. 


De ES ANS CAMEMNT CNET AN I 

2. H ne s’eft fait non plus aucune génération fenfible d 
la moindre quantité de métal. 

. Bien moins encore d'argent ou d’or. 

4. I ne s’eft rien fixé du Mercure dans cette opération 
continuée pendant 15 ans +, il n'a pas paru le moindre 
commencement de fixation métallique, non pas même du 
plomb , qui cependant, au dire de ceux qui fe vantent de le 
bien fçavoir, eft le métal qui doit fe former le premier par 
cette opération. 

s- Cette expérience n'eft nullement favorable au fenti- 
ment de ceux qui afhirment que les métaux fe forment du 
vif-argent comme matiére, & du feu comme foufre fixant, 
unis par la digeftion. : 

6. I y a toute apparence que toutes les opérations fem- 
blables faites avec le Mercure commun pur, ne répondent 
nullement à ce qu'on en promet, puifque le peu de poufiére 
noire dont j'ai parlé, eft plus légére que le Mercure Êe la fur- 
face duquel elle flotte, & qu'elle redevient Mercure très- 
facilement. Voyés dans les Tranfaétions Philofophiques ce 
que j'ai dit d'une poufliére femblable produite du Mercure 
par le feul mouvement. 

7. H ne paroît pas que le vif-argent puifle fe changer dans 
Jes mines en quelque chofe de métallique que ce foit, par la 
{eule ation de la chaleur foûterraine agiflante pendant un 
Tong temps, & dans un lieu où l'air ait un accèslibre: car 
Ja chaleur ne monte guéres au-delà de 70 degrés dans les 
lieux où fe trouvent les veines des métaux. On dit à la vérité 
qu'il faut mille ans pour produire cet effet; mais comment 
les hommes qui vivent fi peu ont-ils pü s'en aflürer? 

8. Le foufre que les Alchymiftes ont cru être un des 
principes des métaux , & dont ils difent qu'il unit enfemble 
les éléments du vif-argent pour faire un corps folide, fixe à 
un degré de feu capable de le mettreen fufron & malléable: ce 

_ foufre, dis-je, paroît être toute autre chofe que la matiére de la 
lumiére ou du feu, quoique le feu feul foit l'unique moyen de 
produire cette union admirable de ce foufre & du Mercure, 


Yyy i 


l 


542 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaAzr 

Cependant dans cette expérience l'air avoit un accès libre 
au Mercure, & Ton pourroit dire peut-être que c'eft ce qui 
empèche cette aétion du feu, d'autant plus que les Alchymi- 
tes difent que Fair crud empêche la coction philofophique: 
c’eft ce qui n'a porté à faire l'expérience fuivante que je vais 
rapporter. 

a LE 


Le vif-argent mis en digeftion dans des vaiffeaux bien 
fermés, pendant le temps exprimé ci-deflous, ne produit 
aucun métal. 

OPÉRATI O.N. 


J'ai mis du vif-argent pur dans un vafe de verre conique 
à fond plat, tel que les Eflayeurs s'en fervent pour la fépara- 
tion de l'argent & de Vor, je l'ai expofé à une chaleur dé 
100 degrés depuis le 6 Décembre 173 2, jufqu'au 8 Juillet 
1733. Le vafe étant toüjours bouché, le Mercure n’a fouffert 
aucun changement notable; j'en aï pris 6 onces que j'ai mis 
dans un vafe femblable au précédent, dans l'ouverture duquel 
j'ai fait entrer le col d’une phiole renverfée, fans luter les deux 
vafes enfemble, je l'ai expofé pendant 4 jours au feu de fable 
affés ardent pour que le Mercure commençät à monter, & 
cela dans la vüë d'en chafler toute l'humidité qu'il pouvoit 
yavoir. Lorfqu'il m'a paru qu'il n’y avoit plus le moindre 
figne d'humidité, j'ai luté exactement l'endroit où ces deux 
vafes fe joignoient ; j'ai expofé le Mercure au feu de fable 
aflés violent pour le faire doucement monter & defcendre; 
j'ai continué ce degré de chaleur jufqu’au 29 Janvier 173 4. 
Je n'ai trouvé au fond du vafe que du Mercure fluide légé. 
rement couvert d'une poufliére noire, légére & fine, rien 
de fixe, point de précipité, quoique le degré de chaleur ait 
toüjours été fort approchant de celui de l’eau bouillante, 
Alors j'ai fait pafler ce Mercure par un entonnoir de papier 
bien net & bien fec, dont l'ouverture par embas étoit à peine 
grande à laïffer pafler un cheveu. Le Mercure bien net a 
pafñlé par ce petit trou, & il eft reflé dans l'entonnoir, à fes 


» 


ETS C/TENN CT Er Evo M dus 
parois, & autour du petit trou un peu de noir qui, en Î 
broyant dans un mortier, eft redevenu Mercure. J'ai mis 
diftller ce Mercure ainfi épuré dans une retorte de verre 
bien nette à feu de fable, & à la fin à feu de fuppreffion:; ül 
n'eft rien du tout refté de fixe au fond de la retorte. Le vif 
argent a paru peut-être un peu plus fluide qu'auparavant, mais 
d'ailleurs nullement changé. 


CE; O0 RO L LANTA EE 


De ceci on peut à peu-près tirer les mêmes conclufrons 
que de l'expérience précédente, & en les joignant à ce que 
J'ai écrit fur ce fujet dans les Tranfa&tions Philofophiques, il 
paroïîtra clairement que le vif-argent eft immuable de fa 
nature par les mouvements méchaniques, par les diftillations, 
& par les digeftions décrites. Je conclus de tout ceci, que 
les Chimiftes peuvent fe difpenfer du travail inutile de ré- 

éter toutes ces opérations, dans la vüë de fixer le Mercure, 
ou de le changer en quelqu'autre corps que ce foit; je leur 
confeille de plus, de fe défier de ces ignorants, abondants en 
vaines promefles, dont la moins mauvaile efpece ef de ceux 
qui tâchent d'hafarder des expériences aux dépens d'autrui. 

Je vais rapporter le réfultat de quelques autres expérien- 
ces que j'ai faites fur les métaux, & qui ne n'ont pas moins 
coûté de travail que les précédentes. Il y a long-temps que 
je travaille à fçavoir au jufte, s’il eft vrai que les métaux 

_puifient fe réfoudre par art en vif-argent & en un autre 
principe; plufeurs Auteurs l'affirment fi nettement & en 
tant d'endroits, qu'il ne me paroifloit pas même permis de 
douter du fait : je le croyois fur la foi de ces Auteurs; mais 
pour en être convaincu par mes propres yeux, Je mme mis 
à operer fur le plomb. Le fameux Van Helmont dit que 
plomb, à caufe de la crudité de fa nature métallique, telle que 
quelquefois le feu feul peut le détruire , peut auffi par la partie 
graffe des fels fixes être divilé dans les principes qui le compofent , 
de forte qu'il laiffe \couler le vif- argent crud. (poteft. medicam, 
$: 40.) Son fils François-Mercure Van Hélmont dit, 


544 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
(difcours paradox. part, 2. $. 21.) que /e plomb peut fe re- 
foudre par des fels fixes, ou autres, ou par des huiles qui en 
féparent le Joufre, en forte que ce métal fe transforme en vif- 
argent volatil, fluide, &r qui ne peut fouffrir le feu. Joachim 
Becherus aflure la même chofe, & répond du fuccès de 
plufieurs opérations qu’il décrit pour cet effet. ( dans les 
Collettanca quingentorum experimentorum à pag. 3 10. ad page 
333) Voici clairement &en peu de mots ce que j'ai appris 
fur ce fujet, au prix d’un travail très-long & très-ennuyeux. 


OP SESR TAC TETE ON: 


- 

J'ai fait diffoudre de la cérufe pure, autant qu'elle a pû fe 
difloudre, dans l’efprit de nitre affoibli par fix fois fon poids 
d’eau; j'ai fltré cette diflolution qui s’eft trouvée extréme- 
ment claire; cette liqueur mife dans un vaiffeau de verre 
bien net, épaifie à une chaleur douce, enfuite laiffée en 
repos dans un lieu froid, il s'y eft formé des criftaux, dont 
j'ai pris 14 onces, que j'ai réduits en poudre dans un mortier 
de verre, & avec un pilon de verre: j'ai fait difloudre cette 
poudre dans de l'eau de pluie bien pure, & j'ai affoibli cette 
diflolution par trois fois autant d'eau de pluie, enfuite j'ai 
verfé lentement & avec précaution une autre diffolution fil- 
trée & bien claire, faite de fel armoniac, dans de l'eau de 
pluie; le mélange devient blanc comme lait, & le plomb fe 
précipite d’abord, comme il arrive à l'argent diflous dans 
leau-forte, dès qu'on y mêle le {el armoniac; la poudre 
précipitée au fond, & qui étoit blanche comme neige, étant 
lavée dans beaucoup d’eau, puis féchée, s’eft trouvée fort 
infipide, & peloit 18 onces+ : j'ai mis 6 onces de cette 
poudre blanche & féche dans un urinal de verre bien net, 
& j'y ai verfé jufqu’à la hauteur de deux doigts, en deffous de 
cette poudre, d’une lefive très-forte, compofée de chaux 
vive & de cendres gravelées, & que j'ai gardées plufieurs - 
années dans une bouteille bien bouchée; enfuite j'ai couvert 
Turinal d'un papier brouillard bien lié tout au tour de fon 
col, & je lai placé dans un fourneau de putréfaétion à une 

chaleur 


FD St SS CLIN ES s4s 
chaleur de 9 6 degrés, où je l'ai laiffé depuis le 6 de Fevrier 
1732, jufqu'au 1 3 d’Août de la même année, pour effayer 
fi ce mêlange expofé à Fair, feroit changé par cette chaleur 
de putréfaétion; je n'ai trouvé qu'une mafle blanche que j'ai 
réduite en poudre, & qui avoit le goût de fel ; je l'ai mife 
-dans une retorte de verre enduite d'un lut compofé d’argille 
& de fable; je l'ai pouflée à feu ouvert jufqu'à la faire rougir, 
& la tenir pendant trois heures en cet état : il eft monté un 
peu de fuye blanche dans le col de la retorte, mais point du 
tout de Mercure, & il eft refté dans le fond une matiére 
fragile à demi vitrifiée, de couleur de cendres; je l'ai réduite 
en poudre de même couleur, que j'ai fait long-temps broyer 
dans un mortier avecuneleflivede fel alkali fixe & de chaux 
vive; je l'ai fait fécher à feu lent, j'y ai verfé de nouvel alkali, 
& je l'ai expofée à la chaleur de 96 degrés, depuis le 1 8 
Août 1732, jufqu'au 1 5 Oétobre 173 3, la broyant tous 
les jours dans le mortier de verre où elle étoit, qui n'étoit 
couvert que d'un papier, de forte que l'air y avoit un libre 
accès; c’étoit alors une poudre blanche, féche & âcre: j’ 
ai de nouveau verfé de la mêmeleffive, & je l'ai fait broyer 
jufqu'à ce qu'elle füt réduite en pâte; je l'ai mife en putré- 
faction comme ci-deflus, en continuant à la broyer fouvent, 
depuis le fufdit jour, jufqu'au 2 1 Février 17 34; C'étoit alors 
une mafle faline, blanche, & d’un goût fort approchant du fel 
-marin : après lavoir broyée & lavée avec de l’eau, & fait bien 
fécher très-lentement, j'ai eu une poudre blanche très-infipide; 
je l'ai mife dans une cornuë où je l'ai tenuë pendant quelques 
heures au plus grand feu que le verre luté peut fu porter; le 
20 Mai 1734, il n'en eft venu aucun Min ME col de la 
retorte étoit peint de diverfes couleurs, & la mafle friable qui 
refloit dans le fond, jettoit aufli diverfes couleurs difpofées 
‘par couches, & pefoit s onc. 6 gros +; la poudre où elle fut 
réduite, en la broyant, étoit de couleur de cendres rouflâtres. 


SC HOT ILE. 


Dans cette opération, le plomb étoit d’abord de Ia cérufe, 
Were 1724 7 LZz2z 


46 MEMOIRES DE L'AÂCADEMIE ROYALE 
c'eft-à-dire, qu'il étoit pénétré & diflous par la vapeur du 
vinaigre, & réduit en chaux blanche, enfuite réduit en pou- 
dre fine. I a été diflous dans l'efprit de nitre affoibli, & 
eft par-là devenu une liqueur très-claire, fans couleur, d’un 
goût doux, dans laquelle le plomb étoit réduit & divifé en 
parties extrémement petites. En troifiéme lieu, le fel armo- 
niac diflous qu'on y a verfé, en chaffant l'efprit de nitre, y 
a fubilitué l’efprit de fel marin, & s'uniflant intimement à 
la partie métallique du plomb, l'a difpofé, autant qu'il fe peut, 
à faciliter la féparation du Mercure d'avec la partie métalli- 
que, fuivant l'opinion de tous ceux qu'on croit avoir le 
mieux écrit fur ces matiéres; car ils attribuent fur-tout au {el 
armoniac & au {el marin, la propriété de féparer le Mercure 
des métaux. En quatriéme lieu, la chaux ainfi préparée & 
mife en digeftion pendant fept mois avec un alkali très- 
violent, fembloit devoir faire reparoître le Mercure, en ab- 
forbant le foufre du plomb : cependant, quoique poufiée à 
grand feu, elle n’a pas donné 1e moindre Mercure. En cin- 
quiéme lieu, cette maffe broyée long-temps & fortement, 
& puis mêlée d'un nouvel alkali très-fort, & mile en di- 
geftion pendant quatorze mois, n'a donné aucune apparence 
de Mercure. En fixiéme lieu, elle a été encore broyée avec 
de nouvel alkali, & mife en digeftion pendant cinq mois, 
de forte qu'après toutes ces opérations, elle a été aflés ex- 
pofée à l’action de lalkali, pour qu'il eût le temps de féparer 
la partie fulphureufe du plomb, & que le Mercure dégagé 
de ce foufre, pût être exprimé de cette male par la force du 
feu. Cependant, après tout ce travail, le plus grand feu n'a 
fait paroîtré aucun Mercure. 

H eft donc clair, que ce que les Auteurs avancent hardi- 
ment touchant la facilité qu'il y a de tirer le Mercure du 
plomb, n'eft pas confirmé par l'expérience. Or le plomb 
eft, difent ces Auteurs, le métal qui contient le plus de 
Mercure, & qui fe réfout le plus facilement en Mercure par 
les fels refflufcitants. La chofe'eft donc plus difficile dans 
des autres métaux. Les Auteurs aflürent cependant que cela 


DES SCIENCES $ÿ4y 
peut fe faire aflés aifément, & ils prefcrivent des méthodes 
peu différentes de celle que je viens de rapporter, & qui, 
après toute la peine qu'elle m'a caufée, m'a fait voir que ce 
qu'ils m'avoient promis, ne me réuflifloit point du tout. Je 
doute que ces Auteurs ayent été fondés en obfervation dans 
leurs aflertions fur ce fujet; & je panche beaucoup à croire 
qu'ils fe font plütôt livrés à leur opinion en cette matiére, 
qu'ils n'ont confulté l'expérience. Tout ce que je viens de 
rapporter, fervira au moins à exempter Île lecteur, de la peine 
& de la dépenfe de répéter ces obfervations, & à 'empé- 
cher d'admettre facilement ces prétendus principes de la 
fcience des métaux. Il froit bien à fouhaiter que ces Chi- 
miftes habiles & laborieux nous euflent raconté fidellement 
Je réfultat des expériences qui ont trompé leur attente, & 
qu'ils ne nous euflent jamais prefcrit d'opérations avant 
de les avoir faites eux-mêmes, cela nous épargneroit du 
temps, de la dépenfe & du travail, & la Chimie pourroit 
en peu de temps prendre fon rang entre les fciences. Par 
toute autre voye, fi je ne me trompe fort, on ne parviendra 
jamais à la vérité qui eft le but de nos recherches. 

, TITI 

Tfacus Hollandus a écrit que le vif-argent pouvoit 
facilement fe tirer du fl de plomb fait par le moyen du 
vinaigre diftillé : pour en faire l'épreuve, j'ai préparé avec 
la meilleure litharge & le vinaigre du vin diftillé, ce fuc 
concret qu'on appelle fuc de Saturne; j'en aï calciné 2 onces 
dans un vaifleau de verre ouvert par un feu doux continué 
depuis le 6 Juin 1734 jufqu'aur 9 Juillet fuivant. La poudre 
blanche qui en eft provenuë a été pilée fort fine dans-un 
mortier de verre avec un pilon de verre. Je l'ai fait broyer 
fort vite & fort long-temps, en y adjoûtant une leffive autant 
chargée du plus: violent fel alkali fixe, que Peau en a pü 
difloudre. Je l'ai gardée dans le même mortier couvert de 
papier, dans une chaleur continuée depuis le 2 1 Juillet juf- 
qu'au 27 Novembre. Pendant tout ce temps j'ai toûjours 
eu foin, dès que cette poudre étoit féche, de la rebroyer, 

Zzz ij 


548 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE 

en y adjoûtant de nouvelle leffive. Je l'ai tenuë, couverte 
d'un papier, à une chaleur de 90 degrés, la féchant, lhu- 
mectant & la broyant ainfi alternativement pendant tout ce 
temps-là. Le dernier jour je pilai cette matiére féche & 
blanche en poudre impalpable, & l'ayant mife dans une cornuë. 
de verre lutée, j'ai poufié le feu par degrés avec précaution, 
jufqu'à ce que la cornuë füt rougie, & je l'ai tenuë en cet état 
pendant 4 heures. Il ne parut pas le moindre petit globule 
de Mercure ni dans le récipient, ni dans le col de la cornuë, 
dans le fond de laquelle il s'eft trouvé une mafletrès-noire, 
légére, en forme de poudre d’un goût d’alkali brûlant. Je l'ai 
mile le 28 Novembre dans un plat de verre à la cave, où 
elle eft d'abord devenuë humide, & je l'y ai laifiée jufqu’au 
8 Janvier 173 5. Cette matiére avoit alors augmenté de 
volume, toute {a partie faline s'étant tournée en liquide 
d'elle-même par le fecours de l’humidité de l'air, &c la partie. 
métallique étant au fond en forme de pouffiére noire. J'ai 
fait fécher le tout enfemble, tant ce qui s'étoit fondu que 
ce qui ne l'étoit pas, & ce mélange s’eft trouvé irès-noir. Je 
J'ai remis encore dans une retorte de verre, & je l'ai pouffé 
à la fin à un feu qui a tenu le tout rouge pendant 4 heures. 
I ne parut cette fois non plus que l'autre, pas la moindre 
marque de Mercure, ni dans le récipient, ni dans la cornuë, 
dans le fond de laquelle il refta une matiére de couleur de 
cendre d’un goût brülant comme du feu, qui immédiatement 
fetournoit en liquide étant expofée à l'air. 

Dans cette opération le plomb diflous & ouvert par le 
vinaigre pur, & difpofé de forte qu'il pütêtre intimement 
pénétré par le fel; mêlé & broyé avec un alkali fixe, cauftique 
& liquide; mis en digeftion, mis en putréfaétion, expolé à 
un feu violent ; diffous par l'humidité de l'air pendant un 
mois philofophique ; derechef pilé, féché, pouffé à grand 
feu, n'a pas produit de Mercure le moins du monde. 

Que penfer donc de cette matiére & de ce qu'en avancent 
fi hardiment des gens crédules, parefleux, ou attachés à la 
fpéculation feule? Ils engagent ceux qui ont plus d'application 


D ES :$ c Y E-N C:E:s. \ 549 
au travail que de connoiffances, à des travaux inutiles & 
à des dépenfes exceflives, & rendent par-là odieux un des 
plus beaux arts. Les autres peuvent profiter de mes peines 
& de la dépenfe que j'ai faite, & s’en fervix à épargner les 
leurs. 

I V. 

Après m'être aflüré par ma propre expérience, que les 
fels appelés reffufcitants, ne peuvent pas tirer, à la maniére 
décrite, le Mercure du plomb; j'ai voulu eflayer ce que le 
vifargent lui-même pouvoit produire en ce cas; vû fur-tout 
que les Chimiftes appellent ce fluide V'Æau des métaux, dans 
laquelle, difent-ils, ceux-ci meurent, renaiffent & fortent 
plus beaux qu'ils n'étoient auparavant. J'ai fait donc fondre 
une once de plomb dans une cuilliere de fer bien nette. J'ai 
fait en même temps chaufler dans une autre cuilliere fem- 
blable trois onces de vif-argent pur. J’ai verfé enfuite le Mer- 
cure chaud fur le plomb fondu ; ïf s'y eft mêlé d'abord, & 
ils fe font formés en mafe folide, de couleur d'argent. Je Fai 
pilée, & après lavoir ramollie, je l'ai mife dans un petit ma- 
tras que j'ai fait chauffer, & l'ayant enfuite bouché d'un bou- 
chon de liege, je l'ai pofée dans un fourneau de digeftion à 
une chaleur toûjours égale de 84 degrés, depuis le 1 1 Fé 
vrier 173 2, jufqu'au 1 0 Janvier 1773 5; c'étoit un amalgame 
mol, coulant comme du beurre fous le pilon, noirciffant 
d’abord quand on le fecouoit, pefant quatre onces juftes. Je 
Tai mis le même jour dans une cornuë de verre, bien nette, 
à un feu de fable, & à la fin au feu de fuppreffion , au point 
que le fable étoit tout rouge, & cela pendant quatre heures; 
il pafla 2 onces 6 gros + de Mercure dans le recipient. Il 
y avoit au fond & au col de la cornuë une poudre rouge 
formée par le Mercure dans la diftillation, il y avoit un peu 
de vif-argent au col, & il y avoit quelques petits globules 
de plomb tout pur en forme de pouffiére, tout cela pefoit 
enfemble $2 grains. Enfin il y avoit au fond une mafle 
folide de plomb pefant 1 once moins $ grains, lefquels 
faifoient la valeur de ces petits globules de plomb en forme 

Z 22 ii 


Lsso MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royae 
de poufliére dont je viens de parler, de forte qu'il paroïtque 
‘tout le plomb y refloit, & qu'il s'étoit diflipé 43 grains de 
Mercure. Ceux qui ont quelque connoiflance de ces matiéres, 
trouveront facilement la caufe de cette diffipation dans les 
caufes mentionnées ci-deflus, fur-tout s'ils confiderent que 
dans les diftillations une partie de ce Mercure refte attachée 
à la fuperficie fort étenduë d’un grand récipient, & qu'une 
autre partie demeure en forme de petits nuages fur la fuper- 
ficie de l'eau qu’on doit toûjours mettre dans le récipient. 

J'ai appris par cette opération que par une digeftion du 
Mercure avec le plomb, continuée pendant près de 3 ans, & 
par une diftillation des plus violentes, on ne peut tirer aucun 
Mercure du plomb, & qu'on ne peut non plus, par ce moyen, 
fixer le Mercure en plomb, parce que dans la difillation du 
Mercure, il y en a toûjours une petite quantité qui fe change 
en poudre rouge qui eft fixe dans le feu en cette application; 
mais le poids du plomb ef toüjours refté le même. 

J'ai fait la même opération fur un amalgame fait de 
3 onces de vif-argent & 1 once de bon étain, je l'ai mis 
au même degré de chaleur pendant autant de temps, enfuite 
je l'ai mis diftiller de la même maniére dans une cornuë de 
verre par le même feu : voici quel en fut le fuccès. J'ai retiré 
du récipient 2 onces 4 gros de Mercure ; dans le fond de 
la retorte il y avoit une poudre dont une partie étoit fine & 
compofée d'une petite quantité de Mercure fixé, & l’autre 
patie plus grofliére étoit noire, compofe de très-petits 
morceaux d’une confiftence telle qu'eft celle de l'étain. H 
avoit encore un peu de Mercure au bas du col de la retorte: 
tout cela pefoit enfemble 2 gros $ grains. Au fond étoit une 
male folide d'étain, pefant 1 once 1 gros 9 grains. Le déchet 
étoit de 46 grains: j'ai déja donné les raifons de ce déchet. 

Il paroît que par cette opération on ne peut point tirer 
de Mercure de l'étain ; mais il yaeu 3 gros 14 grains, c'eft- 
à-dire, plus de la feptiéme partie du Mercure qui s'eft uni 
avec l'étain, & fr bien fixé, qu'il n’a pû en être féparé par 


Die suaS CA EAN cUE:s age. 
un feu qui failoit rougir le fable, continué pendant 4 heures, 
Il y a grande liaifon entre Jupiter & Mercure, & le Soleil 
eft au milieu des deux. Nov, Lum. Rem. Trattat. 9. 

| V I. 

J'ai verfé 10 onces de Mercure, après les avoir bien 
chauffées, fur 2 onces de très-bon étain mis en fufion dans 
une cuilliere de fer bien nette. Je l'ai broyé, le tout en un 
amalgame uniforme que j'ai mis bien chaud & bien fec dans 
une bouteille de verre nette & chaude, que j'ai enfuite bien 
bouchée; je lai placé dans une boîte de bois, que j'ai attachée 
au martinet ( pilon) d’un moulin à foulon travaillant conti- 
nuellement, & là elle a été dans un mouvement prefque 
continuel jour & nuit depuis le 30 Novembre 1732, juf- 
qu'au 9 Janvier 173 5. J'ai Ôté alors la bouteille qui étoit 
entire, au fond de laquelle fe trouvoit du Mercure coulant, 
& après un repos de quelques jours, il s'eft trouvé au-deffus 
un amalgame affés dur; le tout pefoit exaétement r 2 onces. 
J'ai fait diftiller dans la cornuë de verre lutée 11 onces 7 
gros de cet amalgame, & cela à feu ouvert pouffé vers la fin 
au point d'entretenir la cornuë toute rouge pendant deux 
heures. 11 n’en eft forti précifément que la même quantité 
de Mercure qui y avoit été mife, & elle en fortit très-fluide, 
& ül reftoit au fond une maffe d'étain attachée au verre avec 
un peu de matiére jaune qui étoit comme feuilletée. Cette 
mafie étoit fufible à feu médiocre comme l’étain, & alors la 
fuperficie expofée à l'air fe peignoit de diverfes couleurs. La 
mafle d’étain pefoit r once 6 gros+, & il y avoit encore 
une petite quantité de la matiére jaune dont ïl vient d'être 
fait mention. 

Heft donc certain qu’à l’aide d'un mouvement continué 
pendant un auffi long temps, le Mercure ne peut pas difloudre 
létain, de maniére qu'on en puifle tirer du Mercure par une 
diftillation faite à très-grand feu, 


SCHOLIE. 


Une chofe finguliére que j'ai remarquée dans ces trois 


$52 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE RoYALE 
derniéres opérations, c'eft que le Mercure féparé du plomb 
ou de l'étain par la diflillation, étoit extrêmement liquide, & 
qu'en le remuant dans un pot de fayence blanche bien net, 
il pâlifloit en fort peu de temps la fuperficie de cette fayence, 
& y laïfloit une petite tache noire fort adhérente. Dès que 
j'avois nettoyé cette tache en leffuyant avec du papier bien 
net & bien fec, il s’en reformoit d'abord une autre, & cela 
plufieurs fois de fuite. Cela m'a fait penfer que cela devoit 
s'attribuer à une partie du métal grafle qui dans la diftilla- 
tion s’élevoit avec le Mercure, & refloit attachée à fa fuper- 
ficie & s’en féparoit alors. Pour m'éclaircir fur ce fait, j'ai 
répandu ce Mercure fur du papier blanc très-net & très-fec, 
& il y a laiffé une légére trace noire par tout où il a pañlé; 
d’ailleurs la fuperficie de ce Mercure étoit toüjours couverte 
d’une pellicule extrémement mince & qui paroifloit comme 
un peu de graifle. Aïinfi quoique par des diftillations de 
Mercure fouvent réïtérées, quelques parties des autresmétaux 
puifient bien s'unir avec le Mercure, il ne s’enfuivroit pas 
que quelques-unes fufient changées en Mercure. 

_ J’avois eu foin de faire la même expérience avec le plomb, 
& ilavoit été expofé au même mouvement pendant le même 
temps; mais dans le temps que je voulois le faire détacher 
de ce martinet du moulin, la bouteille fut caffée par mal- 
heur, & la matiére étant perduë, je ne pûs pouffer l'opéra- 
tion à la fin. 

Ces expériences peuvent répandre plus de Jumiére für la 
nature du Vif- Argent. J'en ai fait plufieurs autres fur le 
Mercure & fur les métaux, fort différentes de celles-ci, & 
qui m'ont coûté beaucoup plus de travail. Je les donnerai 
au public dès que j'en aurai trouvé le temps. 


SUITE 


D'EHS NS CHENC ES 552 


SUITE DES OBSERVATIONS 
DU THERMOMETRE, 


Faites à l’Ifle de Bourbon par M. COSSIGNY, 
Correfpondant de l Académie ; 


Et le Réfulrar de celles de chaque mois, faites à Paris 
pendant l'année 1734, avec un Thermomerre pareil 


à celui de M. Coffigny. 


Pa M DE REAUMUR. 


CossiGnYy partit de la rade de l'Orient pour fIfle 

. de Bourbon le re Janvier 1732, bien pourvü de 
Thermometres conftruits fur nos principes. Pendant fa route 
il fut attentif à obferver chaque jour la hauteur où fe trou- 
voit la liqueur du Thermometre aux heures les plus chau- 
des de l'après-midi. Après fon arrivée à FIfle de Bourbon, 
il continua fes obfervations, & il les continua de même à 
TIfle de France & à la Baye d’Antongil de l'Ifle de Mada- 
gafcar où il fut obligé d'aller. Il nous envoya en 1733. 
toutes celles qu'il avoit faites pendant plus de quatorze mois 
confécutifs; nous les avons rapportées dans les Mémoires de 
173 3. Le réfultat de ces obfervations eft aflürement curieux. 
{ fait voir qu'on peut paffer la Ligne, & habiter conftam- 
ment dans les lieux fitués entre les Tropiques, fans avoir à 
craindre de fouffrir des chaleurs plus grandes que celles 
auxquelles nous fommes expofés à Paris dans certains jours 
d'été. M. Coffigny a continué fes obfervations, & nous a 
envoyé celles qu'il a faites pendant près de douze autres 
mois à l'Ifle de Bourbon, c'eft-à-dire, celles qu'il y a faites 
pendant le mois d'Avril, & tous les autres mois fuivants 
de 1733, & pendant les mois de Janvier, & Février 
de 1734. Nous croyons faire plaifir au Public en les lui 


Men 1734 , AAaa 


554 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

communiquant ; il verra que le réfultat des premiéres obfer- 
vations n’a point été démenti par les fuivantes. Afin même 
qu'on ait ici une fuite d'obfervations faites pendant douze 
mois préfque complets, nous reprendrons celles de quelques 
jours de Mars 1733, quoiqu’elles ayent déja été imprimées. 


Obfervarions des degrés auxquels s'eff trouvée la liqueur 

du Thermometre à l’Mle de Bourbon, à deux ou trois 

© heures après midi, depuis le 4 Mars 1733 Jufqu'au 
1 de Mars 1774. 


MARS 1733. 
4 Degrés. 

Asie s-ghidgier Portiolrer lag BCE 

CPR RE CAN SUP OR M TUE | 

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Tennessee eu qe 24 7e 
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. ÉTRR SE DE eS -.. 


’ 


Lai S Salt dense el 2e 


Ici finifioit la Table des obfervations du mois de Mars; 
& dans une lettre écrite à la fin du même mois, M. Cofligny 
me marquoit que depuis le 13 jufqu'au 26, la hauteur 
de la liqueur du Thermometre avoit été entre 26, 27 & 
28 degrés, ÿ 


DES SCIENCES BUS LSS 


AVRIL M A I. JUIN. 


1733° 


JU LL L'EIT: 


Thermom. Thermom, Thermom. Thérmon. 


SE EPS 
Jours. Deprés. Jours. : Degrés 
I 2e 1 22 
2 26 2 22 
3 25 3 3 23 
+ 25 4 22 
LE: 25 + $s 22 
EE [264 21+ 
7 7 215 
8 8 22 
4 9 23 3 
10 10 22 + 
11 11 LENS 

12 12 ! 23 
15 2 23% 22 2 
14 14 23% 22 
15 MS 1$ 25% 22 
es 16 23 23 
17 17 | 225 23% 
18 3 18 22 ? 23 À 
19 2 19 225 23 
20 POS 20 22 + 21 
21 23 Fi à 22 + 2r 21+ 
22 24% 22 23 23 3 
23 235 | 23 23 22% 
24 24% 24 21 22 
25. 25 25 21 À 22 
26 2$ 26 21 20 
27 25 27 21 + 22 
28 2) 25 28 21+ 22 
29 25 à 29 2 29 215 22 2 
30 ÊE 30 24 39 225 22 + 
31 24% us 


556 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALe 


A O U ST |SEPTEMBRE. }OCTOBRE. 
LAS 


NOVEMBRE. 


Thermom. Thermom. Thermom. Thermom. 


» Degrés. | Jours. Degrés. Jours. Degrés. Degrés. 
I 293 Nr. 214 Na FE Let | 
2 21 + 2 21 + 2 23 2 25 
3 21 + 3 22 3 23 3 25 
4 20 + 4 21 X 4 22 + 4 25 
15 5 : s EST #44 
F6. 202 | 6 | 2: 6 21 6 24, He 
FA 22% 7 2E 24 22 7 24 À 
8 20 8 22 83 21 à 8 24 
9 21 9 22 9 22 9 24 
10 21 10 21 + 10 22 à 10 24. 
11 HOT PRES (8 MTS ÉETT © 
12 12 24 
13 21 13 21 13 21 13 2424 
14 20 14 2 14 25 
15 : 22 Mrs + IS 23 
16 23 16 24 
17 23 17 25 + 
18 18 22 18 22 18 25 
19 19 22 19 22 19 23 + 


b 
bb 


ble bib bin 


CO) 


D'EISTIS © 1 EN CE ST $6y 


DECEMBRE JANVIER |FEVRIER. 
1733 dé bi 


Thermom. Thermom. Thermom. 
Jours. | Degrés. Jours. | Degrés. | Jours. |  Deprés. 
23 25 2 
24% 26 
25 26 
244 DE 
24 + 26 
25 
2% 
247 
22 
27 
27 
A 
22 
271 
27 
W25 
24% 
244 
26 
26.2° 
23 
26 
26 
26 


58 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 


Si nous prenons dans les Tables précédentes de chaque . 


mois les jours où la liqueur du Thermometre à monté le 
plus haut, & ceux où elle s'eft tenuë le plus bas après midi, 


nous trouverons ce qui fuit. 
Moindre 
chaleur. 
MARS 


Les derniers jours du mois à 2 84, HEC M PAERCAEEE 24, 


Plus: grande 
chaleur. 


AVR. 
eine Ras it. COME VE LES CC OR NI DA 
M A I. 
Lef2r a er. Li FINEGT fers. à... 2e 
JU TIPN" 


LÉ AE RS LUCE .. 44 5487. ÎLes 24 & 26: 2.4," Hp LA 


ON MERE ES EE 254 Les 14.22. & 23. à... 204, 
SEPTEMBRE. 

Les 16.17. 25.&:29. à 234. Les 677: Eire cle ent 
O’C'T:O'BR'E- 

LebEraT se er 20 Îles 6: rr.&rsà.... nt. 
NOVEMBRE. 

Le 17.à 0. 4 24 2513. [Lez2r. à .:.....7 201E 

DECEMBRE. 


R 1734 
+ 12 13) af./ sidte 2244 
FE VRE ER: 
Depuis le 9. jufqu’au 16.à 271. [Le CN PRE MNT cle 234 


La plus grande chaleur qui fe foit fait reffentir à l'Ifle de. 


Bourbon, pendant douze mois confécutifs, a donc été mar 


quée par 2.8 degrés de hauteur de la liqueur du Thermometre, 


e 


D'E:s: S Ci E NC ES 9 
& la liqueur n’eft montée à ce terme que le 28 Janvier & 
les derniers jours de Mars. Dans les après-midi les moins 
chaudes, qui ont été celles des 14, 22 & 23 Août, la 
liqueur s’eft tenuë à 20 degrés. La différence entre la cha- 
leur de l'après-midi la plus chaude de ces douze mois, & 
celle de l'après-midi la moins chaude n’a donc été que de 8 
degrés. Nous fommes fujets dans nos climats à des inéga= 
lités bien plus confidérables. Pour en être convaincu, on n’a 
qu'à confulter la Table des plus grands chauds & des plus 
grands froids de chaque mois de l'année 1734, qu'on 
trouvera ci-après. Quoique cette année ne nous ait fuit 
reflentir ni froid ni chaud exceflif, on verra que le 24 Juin 
la liqueur du Thermometre s’eft élevée à 2 7 degrés + à 3 
heures après-midi, & que le 22 Janvier à pareille heure, elle 
étoit à 2 degrés au-deflous de la congélation : ainfi, à Paris, 
la différence entre la chaleur de l'air de deux après-midi a 
été exprimée par plus de 29 degrés. Dans d’autres années on 
trouvera cette différence de 3 2 degrés & plus, & elle n'eft x 
TIfle de Bourbon que de 8 degrés. Les voyageurs {e réuniflent 
pour vanter la falubrité de l'air de cetteIfle. I la doit peut 
être en grande partie à ce que fa température ne varie pas 
auffi confidérablement que celle du nôtre. 

La différence qui eft entre notre pofition & celle de l'Ifle 
de Bourbon, nous montre aflés que d'un Solftice à l'autre, 
nous devons être fujets à des variétés de chaud & de froid 
qu'on n'éprouve pas dans cette Ifle. On ne voit pas de 
même pourquoi nous fommes fujets à des inégalités de cha- 
leur beaucoup plus grandes dans le même mois, & dans les 
mois même où le Soleil eft prefque flationnaire, où nous 
fommes fujets à des variétés auxquelles l'éloignement. ou 
Fapproche du Soleil n’ont aucune part. Nous trouverons, 
par exemple, dans la Table fuivante, que dès le 18 Mai a 
liqueur s'eft élevée à 3 heures après-midi à 26 degrés, & 
que le 26 du même mois à 2 heures après-midi la liqueur 
n'étoit qu'à ro degrés; ainfi le 26 la liqueur étoit à 16 
degrés plus bas qu'elle n'avoit été le 18 à pareille-heure, 


560 MEMOTRES DE L'ACADEMIE ROYALE. 
Dans 8 jours de temps on aune différence de chaleur exprimée 
par un nombre de degrés, double de celui qui exprime la va 
riation de chaleur trouvée dans fIfle de Bourbon pendant le ! 
cours de 1 2 mois, à de pareilles heures, & triple ou quadruple 
de la variation d’un mois dans la même lfle. Les mois de Juin, 
de Juillet & d’Août nous fournifient dans d’autres années de 
ces variétés & de plus grandes. On trouvera celles que nous 
avons eüës en 17 34 dans la Table fuivante. On y marque le 
jour de chaque mois où la Jiqueur eft defcenduë le plus bas le 
matin; le jour de chaque mois où la liqueur a été le plus 
bas l'après-midi; le jour de chaque mois où la liqueur a été 
le plus haut le matin ; & le jour de chaque mois où la liqueur 
s'eft le plus élevée après midi. Pendant les mois de Septembre 
& d'Oétobre j'ai été en Poitou, ou en route pour y aller & 
pour en revenir, & j'ai marqué les endroits où les obferva- 
tions ont été faites; les autres obfervations ont été faites, ruë 
S.t Thomas du Louvre, à l'hôtel d'Uzès, avec un Thermo- 
metre expolé au Nord à Fair extérieur, où à Charenton. 
Les degrés qui fe trouvent au-deflus de ce trait —, font au- 
deflus de la congélation, & ceux qui font au-deflous, font 
au-deffous de la congélation. 


Obfervarions des plus grands Froids à des plus grands 
Chauds de chaque mois, pendant l'année 1734, 


aux heures marquées dans les Tables. 


Plus grand froid | Plus grand froid | Plus grand chaud | Plus grand chaud 
du matin. de l'après-midi. du matin. de l'après-midi. 


JANVIER 1734. 
4 a6% à 101 


FE VR:RE R: 


ct 


+ à" à 144)28: à7h à ydilré. 


MARS. 


agh à 6dil18. à6hà vi |rs. 


D ES, S C LE NC ES S6x 


Plus grand froid 


Plus grand froid | Plus grand chaud | Plus grand chaud 
du matin. 


de l'après-midi. du matin. de l’après-midi. 
En 


AVRIL 1734 


28. à3hlàroû | 3, à6hiàrrd 


M A I. 


26. à2h àrod ro. à 6h ar 


18. à3h à264 
ra 


JUIN. 


11. à2h à164 |26. à shlàaryda 


4 à 2132741 


JUILLET. 


18. 38 à 12 8. à6n à 1612 


16. à68 àridr 


—————————_———— 


a65 à rot 


SEPTEMBRE. 
A Reaumur, A Amboife. 


A Reaumur, À Saïint-Dié, 


; NE APE RETe à <hZàr6dz à . 
àérlà s + 43 4 2°3)10. àshran6l;| 8. à3n à 2742 
EE a — 


À E'tampes. A Reaumur, 


a6h à 


29. à2h?à jar 


DECEMBRE, 


11. à2h1à pd | $- àa6h1à Ga 


Cette Table nous apprend que le 4 Janvier à 6 heures du 
matin, la liqueur du Thermometre étoit à ro deg. + au-deflus 
de la congélation, & que le 26 du mois de Mai à 2 heures 
après midi, elle n'étoit qu'à 10 degrés. Il faifoit donc plus 


Mem. 1734 + BBbb 


562 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

chaud le 4 Janvier à 6 heures du matin que le 26 Mai à 
2 heures après midi; cependant dès 1e 18 Mai, la liqueur 
s'étoit élevée après-midi à 26 degrés, ce qui marque un 
degré de chaleur de nos jours d'été très-chauds. 

Le 24 Juin eft de tous les jours de cette année celui où 
nous avons obfervé la liqueur plus haut, après midi elle 
s'éléva à 27 degrés 3. Les obfervations rapportées par M. 
Maraldi donnent le 8 Septembre pour le jour le plus chaud, 
& nous leuflions apparemment trouvé tel f1 nous euflions 
été à Paris. La liqueur de Fancien Thermometre de l'Obfer- 
vatoire y monta à 7 5 degrés; j'étois ce jour-là à Saint-Dié 
près de Blois. La liqueur de notre Thermometre polfé en 
dehors d’une fenêtre tournée vers le Nord, ne monta qu'à 
27 degrés; mais la différence des pofitions d'un Thermo- 
metre, peut donner de plus grandes différences que celles d’un 
demi-degré, ou même d’un degré. J'ai fouvent obfervé que 
dans une chambre d'une grandeur médiocre, la liqueur du 
Thermometre placé à côté de la cheminée, étoit conftam- 
ment élevée de 3 degrés de plus que celle du T'hermometre 

ui étoit placé vers le milieu de cette chambre. 

Notre Table nous donne le plus grand froid le 23 
Janvier à 7 heures + à 6 degrés À au-deflous de la congé- 
lation. Le 10 Décembre à pareille heure à peu-près, nous 
avons eu la liqueur à 6 degrés au-deflous de la congélation, 
& ce dernier jour eft celui qui a été trouvé le plus froid 
à l'Obfervatoire. 

Le $ Septembre j'étois en route vers les cinq heuresaprès 
midi, la liqueur de deux Thermometres qui étoient dans 
ma Breline, étoit à 25 degrés; nous étions quatre dans la 
même Breline à qui ce degré de chaleur étoit très-incom- 
mode. Je voulus voir quel étoit alors le degré de chaleur de 
ma peau, & deux autres perfonnes eurent la même curiofité 
pour avoir celui de la leur. Nous appliquâmes les boules des 
Thermometres immédiatement contre notre peau au-deffous 
de la poitrine, nous les recouvrimes autant qu'il étoit poffi- 
ble, pour que l'air extérieur fit fur elles peu d'imprefion, 


DES SCrENcyEs, 3 
La chaleur de nos peaux f trouva à peu-près la même; elle 
ne put faire monter fa liqueur à plus de 3 2 degrés, & celle 
d'un de nous trois ne la fit monter qu'à 3 1 4, J'ai rapporté 
ailleurs que j'avois fait une épreuve femblable pendant l'hiver 
étant auprès de mon feu où l'air étoit tempéré. La chaleur 
de ma peau fit alors monter la liqueur du Thermometre à 
3 2 degrés comme dans l'expérience précédente. Nous pou- 
vons donc être dans un air dont nous avons peine à fuppor- 
ter la chaleur, & dans un air dont nous aimons la tempé- 
rature, fans que notre peau ait réellement un plus grand 
degré de chaleur dans une que dans l'autre de ces circon- 
ftances, 


BBbb 1j | 


564 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 


OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES 
PACE SA où DIT RE CAETAT. ne. 
PENDANT L'ANNEE M. DCCXXXIV, 


ÆExtraites d'une Lettre de M. MuUSSCHEMBROEK. 


} 


Par M pu Fay. 


M MussCHEMBROEK Profefleur de Mathématiques 
. à Utrecht, & Correfpondant de F Académie, qui fait 
depuis plufieurs années les obfervations Météorologiques en 
cette ville, avec toute l'attention & toute l'exactitude qu'on 
peut attendre d'un homme auffr verfé qu'il left dans toutes 
les parties de Phyfique & de Mathématique, m'a envoyé 
celles de Fannée 1734; M. de Mairan à qui j'ai commu- 
niqué cette Lettre, en a extrait ce qui concernoit les Aurores 
Boréales, & en a rendu compte à l'Académie ; j'ai fait la 
même chofe pour ce qui regarde les Parhélies, Halos, ou 
Paraflénes, & on trouvera dans les Mémoires de l'année 
prochaine, plufieurs obfervations que j'ai faites ou recueillies 
fur cette matiére, parmi lefquelles font celles de M. Muñ- 
chembroek. Je vais maintenant faire un extrait de fes autres 
obfervations qui n'ont pü trouver place dans ces deux 
Mémoires. 

La plus grande hauteur du Barometre fut à Utrecht le 2 2; 
Janvier, elle fut de 29 pouces 10 lignes +, mefure du Rhin, 
ce qui revient à 28 pouces 10 lignes + ou environ, de notre 
mefure. M. Mufichembroek n’avoit point encore vü le mer- 
cure monter aufli haut, le vent étoit au Nord, & ce qu'il y 
eut de fingulier, c'eft que le lendemain le Ciel fut couvert, 
& il dégeloit un peu; cependant le mercure ne baïffa que 
d'une demiigne, & demeura encore le jour fuivant à la 
mème hauteur. Ce fut le 25 Décembre à midi qu’il fut le 


D'EUSUNST CR mr NICNETS 565 
plus bas, il n’étoit qu'à 27 pouces 8 lignes, ou 26 pouces 8 
lignes + de notre mefure. Ce jour-R fut mémorable: par une 
tempête qui fit périr un très-grand nombre de Bâtimens, tant 
fur les côtes de Hollande que fur celles d'Angleterre. Le plus 
grand froid a été le 2 2 Janvier fur le foir, le même jour au- 
quel le Barometre avoit auffi été le plus élevé; le T'hermo- 
metre de Fahrenlhreyt étoit à 2 2 deg. cequirépond à s degrés 
au-deflous du terme de la congélation du Thermometre 
de M. de Reaumur; & le plus grand chaud 2 été le 19 Mai 
& le 9 Juillet, le Thermometre de Fahrenihreyt ayant 
monté ces deux jours-là au 82. degré, ce qui revient au 
23 + de celui de M. de Reaumur. I y eut le $ Juillet une 
pluye prodigieufe; car depuis 1 1 heures du matin jufqu’à 
minuit il tomba 47 lignes + d'eau, & cependant il y eut une 
interruption aflés confidérable depuis le commencement 
jufqu'à 2 heures après midi; cette pluye fut accompagnée 
d'un tonnerre peu confidérable qui dura depuis 3 heures £ 
jufqu’au foir. £ ÿ 

La quantité d'eau de pluye tombée à Utrecht en 1734, 
a été de 3 5 pouces 1 1 lignes 7, ou 34 pouces 0 lignes de 
notre mefure, ce qui feroit beaucoup plus pour Paris que 
ce n'eft pour Utrecht, car on y compte l'année moyenne 
de 24 pouces du Rhin , ou de 23 pouces 10 lignes du pied 
de Roi. La fomme de l'évaporation pendant toute l'année a 
été de 2 5 pouces 3 lignes, ce qui fait 24 pouces 2 lignes, 
melure de France. 

M. Mufichembroek fait avec un foin très-particulier les 
obfervations de l'inclinaifon & dela déclinaifon de l'aiguille 
aimantée, & il a trouvé qu'il y avoit quelquefois d'un jour 
à l’autre des changements affés confidérables; es aiguilles dont 
il fe fert, font très-grandes, & elles demeurent toûjours dans 
la même pofition fur des appuis très-folides, & defquels i 
a eu foin d’éloigner tous les corps métalliques qui pouvoient 
apporter quelque dérangement aux obfervations; la décli- 
maillon à varié dans le cours de cette année depuis 124 s 5! 


BBbb ii 


566 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
jufqu'à 144, & en général les plus grandes déclinaifons ont 
été pendant les mois de Juillet, Août & Septembre, mais 
cette regle n’a pas été fans exception : l'inclinaifon de Lai- 
guille aimantée a varié depuis 714 10’ jufqu'à 774 3 0', elle 
a demeuré pendant plufieurs jours à cette déclinaifon au mois 
de Novembre pendant une gelée aflés forte, mais les autres 
changements font arrivés dans toutes les températures indif- 
féremment, fr ce n’eft qu'après avoir été prefque toûjours 
croiflante depuis le milieu de Juillet jufqu'au milieu de No- 
vembre, elle a décrû enfuite jufqu’à la fin de Fannée, où elle 
nétoit que de 734 35°. 


DES SC LL TE NC EE 1 '$6z 
JOURNAL D'OBSERVATIONS 
DES AURORES BOREF ALES, 


Qui ont éré vüës à Paris ou aux environs, à Utrecht, 
d'à Peterfbourg, dans le cours de l’année 1 7 34: 


Avec quelques Obférvations de la Lumiére Zodiacale, 


Par M DE MAIRAN. 


E remarquai l'année derniére, en finiffant un pareil Jour- 
nal, qu'elle avoit été moins féconde en grandes Aurores 
Boréales que la précédente 1 732; & 1732 moins encore 
que l'année 173 1. Ü n’en étoït pas tout-à-fait de même à 
‘égard de la fréquence abfOIuE du” Phénomene pris indiffé- 
remment dans toutes fes apparitions plus où moins mar- 
quées; car il avoit paru plus fouvent en 173 2 qu’en 1 731. 
Mais fa diminution tant de fréquence, que de grandeur & 
de régularité, a été beaucoup plus fenfible cette année 17 34» 
que dans aucune de celles dont je viens de parler. Ce qui 
doit fans doute être attribué en partie au mauvais temps, 
& à plufieurs nuits fombres qu'il a fait cette Automne, 
c'eft-à-dire, dans la faïfon de l'année où les Aurores Boréales 
font communément les plus fréquentes , les plus grandes, & 
les plus réguliéres. 

Janvier, Je n'ai obfervé le Phénomene dans tout cé mois, 
que le 8, quoiqu'il s'y foit pañlé peu de foirées fans que j'y 
aye fait attention ; il étoit informe, & répandu par gros flocons 
de matiére lumineufe en divers endroits du Ciel, le Nord 
en étant cependant beaucoup plus chargé que tout le refte, 
Je avois apperçu dès 6 heures 2 du foir, malgré le temps 
fombre qu’il avoit fait toute la journée, & qui duroit encore. 
H eft vraï que la Lune qui avoit 4 jours, & qui étoit fur 
Yhorifon, pouvoit rendre ces apparences équivoques; mais 


10 Decemb, 
1734. 


68 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
à 8h À, & après le coucher de la Lune, Aurore Boréale 
w’étoit plus douteufe; elle me fut bientôt dérobée par quan- 
tité de nuages obfcurs, | Wan. ” 

J'ai appris par des perfonnes qui étoient fur pied à 4 
heures du matin, le jour des Rois, qu'ils avoient vü vers le 
Nord, & le Nord-Oueft, une grande clarté, comme fr 
le jour alloit paroître. C'étoit, felon toute apparence, un 
refte de l’Aurore Boréale de la veille (le $), laquelle n'avoit 

u fe montrer à caufe du temps fombre; car ce n’étoit ni 
l'heure, ni le lieu de la Lumiére Zodiacale, & il n’y avoit 
oint de Lune. 

J'ai appris aufft par deux Lettres de M. Bouillet, que le 
9, après le coucher du Soleil, on avoit vü à Servian, gros 
village à 2 ou 3 lieuës de Béziers, une bande de lumiére 
rougeitre qui s'élevoit au-deffus de l’horifon, à peu-près à 
l'endroit du coucher. C’étoit, fans doute, la Lumiére Zodia- 
cale; mais comme cëtté Tumiére ne {€ términoit nullement 
en pointe, qu'elle montoit fort haut, & qu'elle dura aflés 
avant dans la nuit fous cette forme, il y a grande apparence 
auffi que la matiére de l'Aurore Boréale s'y mêla, comme 
il arrive fouvent, & fous l'apparence d’une de ces bandes 
Zodiacales dont nous avons parlé plufieurs fois dans les 
obfervations des années précédentes. 

Du refte, je n'ai vû la Lumiére Zodiacale qu’une ou deux 
fois dans tout ce mois, quoique j'y aye été attentif, & qu'il 
ait fait plufieurs belles foirées très- propres à la faire paroître. 

Février. Le 3, le temps ayant été couvert après le coucher 
du Soleil, & long-temps après, j'ai été averti à 1 r heures 
qu'il paroifloit une Aurore Boréale, & je l'ai trouvée en 
effet très-bien formée, clair-céladon, horifontale, & décli- 
nant beaucoup vers l'Occident : elle s’étendoit depuis lOueft 
jufqu'au Nord-Eft; le Ciel étoit ferein dans toute cette 
partie, & les Etoiles y brilloient. La plus grande clarté du 
Phénomiene, &, comme je le préfume, fon milieu répondoit 
au-deflous & entre le triangle de Caffiopée & les Etoiles 
du Dragon, dont plufieurs fe trouvoient alors difpofées 

verticalement. 


DES SCIENCES. 569 
verticalement. Quelques minutes après elle a été coupée par 
une bande noire horifontale, de 2 ou 3 degrés de largeur, 
élevée de s à 6, & le Ciel s'eft bientôt couvert de brouillards 
ou de matiére fumeufe & opaque; j'ai cru y appercevoir quel- 
ques rayons à Îa jambe orientale de Farc vers les 111, 
mais tout cela a difparu, ou a été obfcurci dans un inftant, 

Le 18, j'ai vû dans le Ciel, peu de temps après le cou- 
cher du Soleil, de ces bandes blancheîtres, concourantes vers 
les deux points oppofés, en forme de côtes de melon, dont 
J'ai parlé plus d’une fois dans les obfervations des deux années 
précédentes, & qui m'ont paru tenir quelque chofe de la ma- 
tiére dél'Aurore Boréale, ou Fannoncer comme prochaine, 

Le 21, la Lumiére Zodiacale a paru fort grande vers les 
7V 2 du foir. 

Le 22, il y a eu une Aurore Boréale, tranquille, bañle, 
mais aflés bien terminée. Je ne lai obfervée que fur fes fins L 
ou pendant que des nuages l’offufquoient, vers les 8h 1 du 
foir; mais M. Godin qui l'a vûë à 7h 2, m'en a donné une 
note, d'où je recueille qu’il y avoit un fegment obfcur, & 
par-deffus un arc lumineux très-brillant; que la corde de 
cet arc mefurée fur l’horifon étoit de 104 degrés, & que 
fon milieu, qui s’élevoit à plus de 10 degrés, déclinoit du 
Nord vers l'Oueft de 14 degrés. La luifante de la queuë 
du Cigne étoit à cette heure fur le bord de l'arc lumineux, 
dont la largeur étoit d'environ 141; mais cette Etoi!: dé- 
clinoit vers l'Oueft par rapport au fommet de l'arc. Le 
même Phénomene a été obfervé à Bayeux par M. l'Abbé 
Ourhier, avec quelques différences que la fituation, l'heure & 
d'autres circonftances peuvent avoir occafionnées. 

Le 26, malgré un Ciel fort couvert, & par un vent de 
Sud qui tenoit de la tempête, il y a eu vers les 8h À du foir, 
des fignes fort marqués de l’Aurore Boréale, des traînées de 
umiére blanches, des nuages rougeîtres que je ne fçaurois 
attribuer à aucune autre caufe. 

Mars. Le 8 de ce mois, par un temps fort femblable à 
celui du 26 Février, & le Barometre fe trouvant plus bas 

Men. 1734 "CCcc 


\ 


570 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoyALE 

que je ne f'avois vü depuis long-temps, fçavoir à 26 pouces 
9 lignes, j'ai vü l'Aurore Boréale, qui a été auffi remarquée 
à 9" par M. Grand-Jean, & quelque temps après par M. 
Godin. 

Le 28, le 30 & le 31, la Lumiére Zodiacale, ou l'Au- 
rore Boréale, ou peut-être les deux enfemble ont paru; car 
il m'a été difficile de les bien diftinguer : cependant je pré- 
fume qu'il y a eu certainement beatcoup de matiére Bo- 
réale le 3 1. 

Le 11 & le 14, la Lune a été environnée d’une cou- 
ronne où Æ/alo, que je juge avoir été du nombre de celles 
qui ont 44 à 45 degrés de diametre. 

Avril. L'Aurore Boréale s'eft fouvent montrée dans ce 
mois : elle a été bien décidée le 5, le 7 &le 8; douteufe 
ou peu marquée le 2, le 4, le 9 & le 10 : mais cette der- 
niére n'a pas été peu marquée en Italie. 

Celle du 8 a été ici la plus forte: elle avoit des jets de 
lumiére, & paroifloit avec la Lune qui avoit quatre jours. 
Je juge qu'elle pouvoit avoir commencé vers les 8 heures. 
La journée avoit été froide; le Soleil y avoit fouvent été 
caché par les nuages, avec de la pluye & de la grêle. A 8h 4 
il y avoit fous l'Etoile Polaire une fi grande clarté rougeûtre, 
& fi femblable à l'effet d’un grand feu allumé derriére des murs 
qui le cacheroient, que me trouvant alors dans les ruës, j'ai 
été obligé de monter chés moï, & de voir cette partie du 
Ciel à découvert, pour me convaincre que c’étoient les 
approches d’une grande Aurore Boréale, dont je voyois 
déja çà & là divers rayons qui partoient de plufieurs nuages 
fumeux répandus du côté du Nord. A 9h Farc étoit formé, 
mais aflés mal terminé, fort large, d'environ 4 à $ degrés, 
de couleur céladon fort beau & fort vif. Je n'ai pü bien 
diftinguer le pied occidental de cet arc, ni l'extrémité du 
fegment obfeur qu'il bordoit, à caufe de la clarté de la Lune 
qui étoit au-deflus, & de plufieurs nuages vrais ou apparents 
qui s'y méloient; mais l’extrémité oppofée de ce fegment 
vers l'Eft, pañloit 2 ou 3 degrés au-delà du vertical de 


DES SCIENCES. | sys 
l'Etoile « de la Lyre vers le Midi, c'eft-à-dire, 47 ou 48 
degrés d'amplitude orientale; de forte que comptant l'occi- 
dentale à environ 8$ ou 86, à peu-près fous le vertical 
de a Lune, on aura r 32 ou 133 degrés pour la corde ho- 
rifontale du fegment, & fa déclinaifon de 18 à 20 degrés. 
Comme il étoit mal terminé, je mai pû juger dela hauteur 
de fon fommet qu'imparfaitement, de 1 2 à 1 $ degrés. H y 
a eu encore quelques jets après 9h on 9b+, prefque toûjours 
mêlés de matiére fumeufe, la clarté dominante tirant vers 
le citrin céladon. Le Phénomene a toûjours été enfuite en 
diminuant de vivacité & de hauteur, & à 1 r heuresonne 
voyoit plus qu'une petite clarté blancheâtre vers cette partie . 
du Ciel. 

Les circonftances du temps ne m'ont pas permis d’obferver 
le Phénomene du 10. Je vis feulement du côté de lEf 
vers les 9 heures, une aflés grande clarté dont la préfence 
de la Lune me rendoit la caufe douteufe, parce que du côté 
oppoié où elle étoit, & où le Ciel fe trouvoit plus décou- 
vert, cet Aflre dardoit fa lumiére fur la plüpart des nuages, 
ou fur des pelotons de matiére fumeufe & boréale qui étoient 
parfemés dans tout le refte du Ciel. Mais j'ai été bien dé: 
dommagé de ces obflacles par fexaéte defcription que M. 
Manfredi m'a ‘envoyée de .ce qu’il avoit vû à Bologne le 
même jour & à la même heure. A1 obferva, fans doute, par 
un temps très-favorable, puifqu’à compter depuis 8h à 
qu'il commença d'appercevoir le Phénomene, jufqu'àminuit, 
ilen remarqua toutes les apparencesiprefqu'à chaque minute, 
Je garde précieufement ce détail pour m'en fervir dans 
Poccafion, & je me contente d’en tranfcrire iciice qu'il con- 
tient de plus effentiel par rapport au plan que je me fuis fait 
dans ce Journal. L nil 

Le Phénomene confiftoit d’abord, à 8h£ du foir, en 
une lumiére couchée fur l'horifon à l'Orient équinoétial : 
elle étoit fi vive, qu'on eût dit que le Soleil alloit fe lever. 
Au-deflus de cette lumiére, ‘en tirant vers la droite, on 
voyoit une matiére fumeufe, de couleur cendrée, quis’élevoit 


CCcci 


572 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

ar pelotons; & un peu plus haut, à environ $ à 6 degrés 
au-deffus de horifon, & perpendiculairement fur le milieu 
du Phénomene, paroifloit un petit nuage lumineux & 
rougeâtre, qui sy maintint fans changer de place jufqu’à 

ou 10 minutes après 9 heures. Tout cet amas de lumiére. 

& de fumée fembla enfuite avoir un mouvement qui le rap- 
prochoit du Nord, confervant toüjours cependant une 
pofition fort orientale. Il y eut quelques rayons, dont les 
plus grands ne montoient guéres au-delà de 8 degrés +. 
Vers les ro heures, c'étoit la partie feptentrionale du Phé- 
«nomene qui étoit la plus brillante. Enfin fa lumiére s’afloi- 
blit de vivacité & d'étenduë, & il n’en reftoit à minuit que 
quelques traces, fous une forme ronde, & de fa grandeur 
de la Lune naïflante. Ces fortes d'Aurores Boréales, ou 
plûtôt Orientales, font très -rares. 

Les Aurores Boréales du $ &c du 7 dans le même mois, 
& dont j'ai déja fait mention, étoient du nombre de celles 
que j'appelle informes. Celles du 2, du 4 & du 9 m'ont paru 
douteufes en ce qu'elles étoient foibles & mêlées de Ia Lu- 
miére Zodiacale, fi ce n’étoit la Lumiére Zodiacale toute 
feule qui paroifloit, & mal terminée, comme je juge qu'elle 
a paru encore le 29 du même mois. 

May. J'apprends de M. Maraldi qu'il y a eu une petite 
Aurore Boréale le 24. Le 2, la Lumiére Zodiacale s’étendoit 
jufqu'aux Etoiles des Gemeaux, mais mal terminée. Je ne 
donne aucun détail du Parhélie qui fut obfervé le jour pré- 
cédent, & que M. du Fay a décrit. Il me fuffit d'en faire 
mention, pour remplir mon objet, dans l'ignorance où je. 
fuis de la liaifon que tous ces Phénomenes pourroient avoir 
enfemble. 

Juin. Je n'ai rien apperçû dans ce mois, ni de l’Aurore 
Boréale, ni de la Lumiére Zodiacale. 

Juillet. Le 2, je juge par une lumiére qu’il y a vers le Nord 
à 11b, & qui furpañle celle du Crépufcule, de même que 
par plufieurs autres circonftances, qu'il y a affürément une 
Aurore Boréale, ; 


do rD ES SCLENCES 573 
Août. L'Aurore Boréale paroît le 23 à 1 1* parune fimple 
clarté, mais bien marquée fur Fhorifon, prefque direétement 
au-deflous de l'Etoile Polaire, ayant feulement une décli- 
naifon occidentale de 2 ou 3 degrés. ne 
Le 24, le 25, le 26 & le 30, iln'y a eu que des apparences 
équivoques du Phénomene, tant par elles-mêmes, que par 
les circonflances extérieures du temps. Mais le 31 il ya 
eu une de ces Aurores Boréales qui occupent prefque tout 
lhorifon, & qu'on peut par- appeller horifontales. Celle-ci 
. confiftoit en un nuage fumeux furmonté de blanc, à 5» 6, 
10 & 12 degrés de hauteur; un peu plus haut on voyoit 
les Etoiles ternies, fans doute par fa continuation de ia 
même matiére autrement diftribuée ou modifiée; ce que j'ai 
obfervé avec divers changements peu remarquables depuis 
9" du foir jufqu'à 11. r 
Septembre. Le 19 de ce mois, étant à Nointel près de 
Beaumont, j'ai obfervé lAurore Boréale à rayons & jets de 
lumiere, maïs fans arc lumineux, ni fegment ob[cur, ce qui eft afés 
rare, & qui pourroit même être douteux en cette occafion ; 
parce que je nai commencé de l'obferver qu'à 10 heures, & 
que j'ai fçù qu'elle paroïfloit avec beaucoup d'éclat tout au 
moins à 9. Or comme je l'ai remarqué dans mon Traité fur 
cette matiére, l'arc ou le limbe lumineux, & le fegment obfcur 
venant à ne plus former qu'un amas confus de lumiére fur 
la fin du Phénomene, lorfque, felon ma conjeure, toutes 
fes parties ont eu le temps de s’enflammer, il y a grande ap- 
parence que je n'ai vû celui-ci qu’en cet état; & en effet il a 
toûjours diminué jufqu'à 1 1 heures, où il n’en reftoit aucun 
veftige. 
Le 20, il y a eu fürement une Aurore Boréale, mais fr 
obfcurcie & f1 interrompuë par les nuages, que je n'ai rien 
à en dire de pofitif. L'on m'a appris depuis qu'elle avoit été 
beaucoup mieux vüë à Paris, & les mêmes perfonnes m'affü- 
rent qu'un femblable Phénomene y avoit paru le 13. 
Le 23 & le 27, Aurores Boréales bien marquées & 
tès-fumineufes, mais dont on ne peut déterminer les 
CCcc üj 


74 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALe 
limites, à caufe du temps fombre, nébuleux, & changeant, 
Le 28, autre Aurore Boréale à peu-près dans les mêmes 
circonftances de temps que les deux précédentes; mais qui a 
eu cela de particulier, qu'elle a été d’abord Lumiére Boréale 
& Méridionale tout enfemble, le refte du Ciel étant parfemé . 
çà & là dans fes autres parties, & fur-tout vers le Zénith, de la 
même matiére. C’eft l’état où étoit le Phénomene lorfque 
je l'ai apperçü à 8h 2, après quoi il m'a été fouvent caché 
en tout ou en partie. À 1 1", toute cette matiére fumeufe ou 
éclairée s'étoit entiérement jettée vers le Nord, l'Oueft & 
YEft, du moins n’en ai-je rien pü difcerner vers le Midi. 
Le 29, à Paris, après une belle journée & un beau coucher, 
n'ayant rien vü dans le Ciel qui m’annonçit l’Aurore Boréale, 
javois négligé d'y être attentif; mais ayant éfé averti à 
11h qu’elle paroifloit, je l'ai trouvée «en effet très-bien for- 
mée, à fegent, avec un arc lumineux, foible-&-blancheître ; 
ce qui joint à quelques autres circonftances, me fait juger 
u'elle dévoit avoir commencé depuis quelque temps &tirer 
{ur {à fin. Le limbe de l'arc étoit comme entrelacé avec les 
Etoiles de la grande Ourfe, paffant à gauche ‘ou du côté de 
l'Occident entre les Etoiles 2 & y de cette Conftellation, & 
à droite entre celles qui font marquées e, Ë, & n, de maniére 
que B, €, 6, fembloient rafer le bord fupérieur de ce limbe, 
& y; », l'inférieur, lemilieu ou le fommet fe trouvant entre 
ces deux derniéres, mais un peu plus près de # que de +. Ce 
qui donne une détermination de fa hauteur de 13 à 14 de- 
grés au bord fupérieur, & de 1 2 à 1 3 à l'inférieur, falargeur 
demeurant par-là d'environ un degré. J'ai auffi déterminé fon 
amplitude occidentale de $ 9 ou 60 , par le moyen du vertica 
de l'Etoile de la Lyre, où fe trouvoit aflés exactement le 
pied de cet arc; mais je n'ai pù voir fon pied oriental, à 
caufe de la face du vieux Louvre qui répond à cette partie 
du Ciel, & qui me la cachoït. A 1 1h+ il ne reftoit prefque 
plus rien du Phénomene. ; 
Odobre. Le 10, à 9h il y avoit autour de la Lune une 
couronne dont la partie comprife entre foncentre&-l'Etoile 


D'LINYNSIOATIENN cYEss,, 2 S7$ 
de la Lyre, m'a paru partager cet intervalle, en raifon de 
2à 5 ,les $ demeurant entre l'arc dela couronne & l'Etoile. 
Ce qui par le lieu aétuel de la Lune (à environ 2 34310806, 
latitude feptentrionale 3° 20’) & fa diftance à cette Etoile 
(environ 78° ), donne un peu plus de 22 degrés de rayon 
à la couronne: c’eft à peu-près la mefure ordinaire de ces 
Phénomenes felon M. Huguens. 

Dans la plüpart des jours de ce mois e temps a été fombre, 
pluvieux, & accompagné quelquefois d’un vent de tempête ; 
par exemple, le 1 $ & le 1 6, le Barometre qu'on a à Nointel 
où j'étois, s’eft trouvé fort bas, & 3 ou 4 lignes au-deflous 
de 27 pouces. C'eft un Barometre à gros tuyau, où j'ai 
vérifié que le Mercure peut aller jufqu'au bout. L'Aurore 
Boréale aura donc pû être bien des fois dans 'Atmof. 
phere, fans paroître : mais j'ai jugé qu'elle y étoit fürement 
le 19, par la grande clarté que jai vüë du côté du Nord, 
depuis l'entrée de la nuit jufqu'à 11h21, & de même à peu- 
près le 21 &le 23. : 

Le 2 5, le Ciel étant beaucoup plus ferein, le Phénomene 
a paru après 7 heures du foir, il étoit tranquille, & à fimple 
Lumiére feptentrionale, déclinant vers le couchant. Cette lu- 
miére, ou, fi l'on veut, cette efpece de nuage blanc & 
lumineux, formoit au-deffous dela grande Ourfe un fegment 
bien terminé, dont le fommet, autant que j'en ai pû juger, 
répondoit à l'intervalle des deux Etoiles À, €, de cette 
Conftellation, & il déclinoit par-là vers le couchant, d’une 
vingtaine de degrés. Il faut remarquer cependant que dans 
les Aurores Boréales fort bafes, il eft mal aifé de diftinguer 
le fommet du fegment par lui-même. Telle étoit celle-ci où 
la hauteur de ce fommet ou de la partie que j'ai prife pour 
le milieu, m'a paru un peu moindre que la diftaince de la 
premiére & de la derniére Etoile (€, », } de la queuë de 
l'Ourfe, à laquelle je pouvois aifément la comparer. Et je 
n'ai pà déduire ce milieu de l'amplitude du fegment für l’'ho- 
rifon, parce que du lieu où j'étois il nr'étoit caché à l'Orient, 
& qu'au couchant il y avoit une efpece de gros nuage qui 


576 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
couvroit la lumiére. Le Phénomene s’eft foûtenu à la même 
hauteur jufqu'à 1 1 heures, après quoi il a diminué fenfi- 
blement d’étenduë, & de clarté. L 

Le 26, le 27,le 28 & le 29, j'ai apperçü des marques 
certaines que Aurore Boréale étoit dans l’Atmofphere & 
au-deflus des gros nuages qui m'ont permis d’en voir la clarté 
par intervalles, malgré le temps obfcur & couvert de toutes 
ces nuits. 

Novembre. Le 14 & le 15, Aurores Boréales informes. 

Le 19, à 8h + du foir, tout le Ciel étant couvert d'une 
efpece de brouillard, j'ai apperçü vers le Nord-Eft une clarté 
fort haute, & fort large, qui avoit toutes les apparences d’un 
grand rayon de l’Aurore Boréale, & qui ne pouvoit en effet 
être attribué qu'à ce Phénomene, fice n’eft qu'au lieu d’un 
rayon, ce pouvoit n'être que la lumiére de l’Aurore Boréale 
en général : vÜE à travers une ouverture ou un intervalle que 

.{e brouillard laiffoit en ce moment dans cette partie du Ciel. 
Elle a été effacée dans quelques minutes. 

Le 22, l'Aurore Boréale fe montre à diverfes fois derriére 
des nuages depuis 8h  jufqu'à rob. 

Décembre. Je n'ai vü l’Aurore Boréale que le 17, & par 
un temps auffi peu favorable à l'obfervation que dans le mois 
précédent. Mais il y en a eu de fimples apparences qui fe 
compliquent, à mon avis, avec ia Lumiére Zodiacale les 1 9, 
22; 24, 25 & 30. 

Où je dois cependant remarquer que le 2 1, le Ciel étant 
beau & fans nuages, & ayant fait attention à l'un & à l'autre 
de ces Phénomenes aux heures les plus convenables, je n’en 
ai pü appercevoir le moindre veftige. A l'égard du 25, j'ai 
appris par M. Bouguer, que les apparences que j'y avois re- 
marquées, {e font trouvé à Roüen & fur le chemin du Havre 
à cette ville, où ilalloit ce jour-là, des fignes non équivoques 
d'une Aurore Boréale fort claire, & fort étenduë,. 

Le Barometre a été encore fort bas dans ce mois, fçavoir, 
le 26, étant defcendu à 26 pouces 8 lignes, ou 7 lign.+. 
On peut même préfumer qu'il avoit été plus bas ap 

a nuit, 


DAEMSAS) CAE NRC ELS 577 

la nuit, parce qu'à 8 heures du matin le mercure montoit, 
comme Je l'ai reconnu à fa furface convexe dans le tube*, 
& comnie la fuite l'a juftifié une heure après. Nous avons 
vü ci-deflus qu'il avoit été au même point dans le mois 
d'O&tobre; ce qui eft aflés rare, y ayant bien des années 
où il n'en approche pas. 

Je ne fçaurois mieux terminer ce Journal d'Obfervations 
de l'Aurore Boréale, que par des marques publiques de recon- 
noiflance pour tout ce que je dois fur cette matiére à M. 
Celfius Profefleur en Aftronomie à Upfal, & aujourd'hui 
très-connu perfonnellement, & par fon fçavoir, de {a plüpart 
des Membres de cette Compagnie. Vers le commencement 
de cette année, j'appris qu'il avoit donné dans la précédente 
1733, & à peu-près au même temps que mon Traité de 
Aurore Boréale parut, un Recueil d’obfervations de ce Phé- 
nomene, au nombre de 3 16. faites dans toute la Suede, & 
jufques fous le Cercle Polaire, foit par lui-même, foit par fes 
correfpondants, depuis 17 1 6 jufqu'en 1 73 2 inclufivement. 
Parmi ces obfervations qui roulent fur 224 Aurores Bo- 
réales différentes, il y en a 1 88, c'eft-à-dire, environ s de 6, 
qui n'ont point paru ici, ou qui mavoient été inconnués. 
On peut juger de l'empreffement que j'eus pour recouvrer un 
livre fi intéreflant pour moi, & que je ne regardois pas moins 
comme un trélor, en ce qu'il pouvoit contenir de peu favo- 
rable à mes idées, & me donner lieu par-là de les rectifier, 
qu'en tant qu'il étoit capable de les favorifer. L'ouvrage 
n'étoit guéres répandu encore qu'en Îtalie, où M. Ceffius étoit 
alors depuis plufieurs mois, & où il l'avoit apporté d’abord 
après limpreflion. M. le Marquis Poleni à qui il en avoit fait 


: * Le frottement ou la vifcofité du 
mercure fur la paroi intérieure du 
tube, fait qu’il y devient plus convexe, 
Jorfqu'il monte, & beaucoup moins, 
ou méméconcave, lorfqu'’il defcend: 
Ce que lonreconnofîtra en frappant 
doucement fur la planche du Baro- 
metre ; car on y verra fur le champ 


Men. 1734: 


le mercure monter ou defcendre d’une 
demi-ligne plus ou moins, felon qu'il 
eft en montée, ou en defcence. J'écris 
ici cetre remarque, route fimple qu’elle 
eft, für ce que l’on m'a dit qu’elle 
pouvoit être utile, pour voir tout 
d’un coup, fi le Barometre monte, 
defcend, ‘ou eft fixe & /?arionnaires! 


. DDdd 


73 MEMOIRES DE L'ACADEMTE ROYALE 

* Lettre du 1 5 préfent, n'en donna le premier connoiflance*, & däns ui 
411734 Gétail qui eft trop important fur la matiére dont il s'agit, 

& qui fait trop d'honneur à mon hypothele, pour être pañfé 

fous filence. M. Poleni venoit de recevoir mon Traité, & 

comme il avoit fait beaucoup d'attention aux Tables que 
j'y ai données, pour comparer par voye de dénombrement 
ka fréquence ou la rareté des apparitions du Phénomene, fe- 
lon les différentes fituations de la Terre fur l'Edliptique, où 
{lon fes différentes diftances au Soleil, il {es avoit appliquées 
aux obfervations de M. Célfius ; en un mot, il en avoit drefé 
des Tables toutes pareilles aux miennes, & ce font ces Ta- 
bles d’obfervations faites dans des vüës, en des temps, & en 
des lieux fi différents de ceux qui font marqués dans celles 
que j'avois recueillies, qui ont fourni à M. Poleni des réfultats 
tout femblables aux miens; la plus grande fréquence du Phé- 
nomene, par exemple, aux Périhélies de la Terre, à fes temps 
d’afcendance; où lorfqu’elle eft dans les Signes feptentrionaux 
afcendants, & ainfi du refte. Mais j'ai encore des obligations 
plus directes à M: Celfius ; car depuis qu'il eft à Paris, il n'a 
fait part de fon livre, & d'une infinité d’obfervations ou de 
matériaux qu’il a raffemblés depuis fur le même fujet, tant 
par rapport aux années renfermées dans fon ouvrage, que 
pour des temps plus reculés, où pour les années fuivantes 
1733 & 1734, & cela avec une générofité & une politeffe 
peu communes. Par le moyen des Phénomenes que m'a 
fournis M. Celfius, & de tous ceux que j'ai recueillis d’ailleurs, 
ou obfervés moi-même depuis la publication-de mon Traité, 
je puis appliquer la méthode & les principes que j'y ai adop- 
tés, à plus de 600 apparitions de l'Aurore Boréale, au lieu 
de 229 feulement, que j'y avois employées. C'eft auffi ce 
que je compte faire dans un fupplément que je ferai par-là 
en état de donner bien plûtôt que je n’eufle ofé Fefpérer. 
J'y rendrai juftice aux autres perfonnes qui m'ont fourni, où 
qui me fourniront à l'avenir leurs obfervations, & entre 
lefquels le fçavant M. Xirch éft un de ceux à qui je fuis le 
plus redevable, ayant reçû de lui fur ce fujet une lettre 


DoETSMIS CT E CE 579 
remplie de réflexions & de recherches curieufes, où remonte 
jufqu'aux Aurores Boréales qui ont paru depuis deux fiecles. 
Cependant les obfervations de ce Phénomene que M. Muff- 
chembroek Profeffeur de Mathématique à Utrecht & Corref 
pondant de l Académie, nous a envoyées depuis peu pour 
la préfente année, trouvent naturellement ici leur place. Elles 
font contenuës dans une lettre datine du 3 Janvier 17 a 5 
adreflée à M. dy Fay, & avec toutes les autres obfervations 
météorologiques de l'année 1734. Je ne toucherai qu'aux 
Aurores Boréales, & je me contenterai d'en donner un 
extrait abrégé. Du refle l'exactitude & de fçavoir de M. 
Muffchembroek font trop connus par fes excellents ouvrages, 
pour qu'il foit néceffaire d'en faire mention. 


Aurores Boréales obfèrvées à Utrecht, pendant tout 
de cours de l’année 1724. 


Le 3 Février, à 7" + du foir, l'Aurore Boréale parutentre 
le Nord & le Nord-Oueft; elle jetta quelques rayons parmf 
lefquels on en vit qui atteignoient jufqu'au Zénith. Cesrayons 
s'élevoient du bord fupérieur & éclairé d'un nuage d'ailleurs 
très-obfcur, qui étoit comme fufpendu un peu au-deffus de 
lhorifon. Cette Aurore Boréale ef? marquée & décrite ci-deffus. 

Le 22 Mars, il y eut une petite Aurore Boréale à 8h du 
{oir, laquelle s'étendoit depuis le Nord jufqu'à l'EÂt, & qui 
s'élevoit d'environ 10 degrés au-déflus de l'horifon. 

Dans le mois d’Arri/, on a vû l'Aurore Boréale trois nuits 
confécutives, fcavoir, le 7, le 8 & le 9; celles du 7 & du 9 
furent peu confidérables, mais celle du 8 fut très-grande, 
Elle brilloit déja à oh du foir, s'étendant de d'Orient au 
‘Couchant, au -deflus d’un nuage éclairé; elle avoit des jets 
de lumiére qui montoient jufqu’au Zénith, & qui à mefure 
qu'ils approchoient de ce point, fembloient s’y confondre 
& s'y allumer. Il fouffoit pendant ce temps-là un petit 
vent de Nord-Eft, le Ciel étoit ferein, & le Phénomene dura 
prefque toute da nuit.On peut voir ce que j'en ai dit ci-deffus, 

: DDdd ij 


‘ 
- 


580 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
é7 comparer avec ceci la manière dont il parut à Paris.v 

Le mois de Mai a été un des plus féconds en Aurores 
Boréales à Utrecht, M. Muffchembroek en a compté jufqu'à 1 23 
fçavoir, le 1, le 4, le s, le 6, & les 8 derniers jours de ce 
mois. 11 faut que des circonftances de temps ayent été con- 
traires à ce Phénomene à Paris ; car je ne fçache pas qu’on l'y 
ait obfervéaucun de ces jours, excepté le 24. 

L’Aurore Boréale du premier Mai étoit tranquille, fa lu- 
micre comme fufpenduë au haut de lAtmofphere, fur-tout 
vers le Nord & vers l'Occident, laifloit voir toutes les Etoiles 
fi diftinétement, que M. Muffchembroek ne fe fouvient pas 
d'en avoir obfervé de pareille à cet égard. 

Celle du 4, n'étoit pas de la même tranfparence vers 
cette partie du Ciel, elle n’y laifloit appercevoir que les 
Etoiles de la premiére & de la feconde grandeur; mais du 
côté du Midi où elle s’étendoit auffi jufqu’à la hauteur de 1 $ 
degrés, on en voyoit de la troifiéme & de la quatriéme 
grandeur. M. Muffchembroek dit avoir remarqué dans le cours 
de ce Phénomene, que la mmatiére qui le compoloit, fe por- 
toit fouvent du Septentrion au Midi: & comme il y a re- 
marqué la plüpart des mêmes apparences, quoïque fans jets 
de lumiére, qu'on a coutume de voir du côté du Nord, il 
croit qu'on peut l'appeller méridional. W y avoit auffi un 
femblable mouvement, foit vrai ou apparent du Septentrion 
vers le Midi, à lAurore Boréale du $, qui parut à 9 heures 
du foir après un peu de pluye. On juge d'ordinaire ce mou- 
vement à l'infpection de quelques flocons ou nuages de ma- 
tiére lumineufe; mais on voit combien il faut être réfervé 
à l'établir de la part de la matiére Boréale proprement dite, 
Car comme des nuages & des amas de vapeurs qui n'appar- 
tiennent pas au Phénomene, peuvent fort bien en avoir les 
apparences , étant éclairés par fa lumiére, rien n'eft plus aifé 
que de s'y méprendre. On doit auf fe tenir beaucoup fur 
fes gardes dans les jugements que l'on porte des apparitions 
de l’Aurore Boréale dans tous ces mois qui avoifinent fe 
Solflice d'Eté; car le Soleil ne s’y trouvant jamais pendant 


DES ASC À E NI C'PIvo MM ‘Ste 


k nuit que fort près de l’horifon, les Crépufcules ÿ font 


Tongs & forts, & s’y compliquent fouvent avec la Lumiére 
Zodiacale, dont les apparences dans ces rencontres ne différent 
prefque point de l'Aurore Boréale tranquille & horifontale > 
& c'eft de quoi M. Mufchembrock nous avertit lui-même, 
comme nous allons voir. 

L’Aurore Boréale du 6 donna encore une lumiére méri- 
dionale toute femblable à la lumiére feptentrionale. 

Avant que de parler de l'Aurore Boréale du 24, & de 
celles qui l'ont fuivie prefque fans interruption jufqu'au 7 
Juin, » Me voilà parvenu, dit M. Muffchembroek, à une 
Aurore Boréale la plus longue, &, pour aïnfi dire, la plus 
opiniâtre que j'aye jamais vuë, ayant vraifemblablement duré 
pendant l'efpace de 1 5 jours, quoiqu'il y ait eu deux jours 
dans cet intervalle (fçavoir le 3 & le 6 Juin) où elle n'a pas 
été vifible. Ce n'eft, adjoûte-t-il, qu'avec beaucoup de cir: 
confpection qu'il faut obferver l'Aurore Boréale dans ces 
temps-ci, à caufe de la Lumiére Zodiacale, qui pourroit fort 
aifément tromper ceux même qui y font les plus exercés, 
s'ils n'avoient pas d’ailleurs des indices #anifeffes de l Aurore 
Boréale. Depuis quelques années» continuë le fçavant 
Profefleur « que j'obferve ce Phénomene avec attention, j'ai 
appris à le difcerner & à le prévoir pendant le jour, & 
le préfaige ne men a pas trompé jufqu'ici; non que je 
puifle connoître la matiere Boréale pendant que le Soleil 
eft encore fort élevé, mais feulement lorfqu'il commence à 
. s'approcher du couchant, & qu'il n'eft tout au plus qu'à une 
quinzaine de degrés fur l'horifon; car fi l'on voit alors vers 
le Septentrion des nuages bleuâtres, comme s’il alloit tonner, 
on peut s'aflurer qu'ils contiennent de la matiére Boréale, 
Mais je connois encore mieux cette efpece de nuages, que 
Je ne les puis décrire, &c. | 

I pafle enfuite à la defcription de l'Aurore Boréale du 
24 Mai, dont la lumiére s’étendoit à 40 degrés au-deflus 
de l'horifon, & qui a continué fous différentes formes, 
juiqu'au 7 Juin inclufivement. 


DDdd ii 


2 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 

Dans le mois de Juin, M. Muffchembroek n'a vû Ÿ Aurore 
Boréae que le 24. Elle étoit rranquille, mais fa lumiére 
s'étendoit jufqu'au Zénith, entre le Septentrion & le Levant: 
c'étoient des nuages très-legers & fort interrompus. 

En Juiller, le Phénomene a paru le $, le 7, & peut-être 
le 8. Ce dernier eft douteux, à caufe de la lumiére de Ja 
Lune qui entroit dans fon premier quartier. Celui du $ fe 
montra vers les heures du foir, parmi fa pluye & le 
tonnerre. 

Le 6 Août, il y eut, felon toute apparence, une Aurore 
Boréale tranquille, qui fe manifefta fur tout l'horifon par 
des nuages lumineux difperfés çà & là. Maïs le 7 de ce 
mois elle ne fut pas équivoque, & elle confiftoit de même 
en des nuages interrompus & difperfés vers la partie occi- 
dentale du Ciel, ce qui rend d’autant plus vraifemblable 
l'apparition du jour précédent. Elle parut auffi le 0. 

M. Muffchembroek a vü 4 Aurores Boréales dans le mois 
de Septembre à Utrecht, fçavoir, le 21, le 25, le 27 & 
le 29; jai aufii obfervé les deux derniéres auprès de Paris, 
comme il a été rapporté ci-deflus. Celle du 2x étoit méri- 
dionale, n'ayant prefque vers cette partie du Ciel où elle 
étoit fort lumineufe, & où elle s'étendoit, qu'environ 20 
degrés d'amplitude, avec la même hauteur fur l'horifon. 
Celle du 25 étoit au Nord, au Couchant, & au Midi: l'une 
& l'autre ont été mêlées de pluye. Dans celle du 27, M. 
Muffchembroek remarqua des colomnes ou verges qui s’éten- 
doient du Septentrion au Midi, paralleles entr'elles, & à 
Yhorifon, virgæ parum ducentes , copiofæ, breves; exporrelæ 
omnes à Septentrione ad Auflrum, érc. & il n'avoit, adjoûte-t-il, 
jamais vû un femblable Phénomene. Je fuis bien trompé fi 
ce n’eft là ce que j'ai obfervé quelquefois, & que j'ai défigné 
par des bandes, ou grandes traïnées blancheâtres difpolées 
en côte de melon, &qui s'étendent depuis un côté du Ciel 
jufqu'au côté oppofé fur l'horifon, où.elles femblent concourir. 
Voyés-en des exemples ci-defius au 18 Février, p. 569, 


& dans les Mémoires de l'année derniére, pp. 486 & 49 1; 


DIE S SER EN CES ” s8z 
éar ce qui eft dit ici de leur parallélifme pourroit bien 
tomber fur leur partie fupérieuré vers le Zénith, ou à quek 
que diftance de leurs points de concours vüs ou préfumés 
fur lhorifon, lorfqu'il eft affés découvert pour. cela; & il 
peut faire que Fhorifon d'Utrecht ne l'étoit pas. L’Aurore 
Boréale du 29, que je n'ai obfervée à Paris que fur fà fin, 
depuis 1 1h jufqu'à environ 11h24, fut vûë un peu après 
xoh à Utrecht; elle y parut occuper la plus grande partie 
du Cüiel: cependant M. Auffchembroek ne Xa met qu’au nom- 
bre des rranquilles, n'Y ayant remarqué aucune émiffion de 
jets de lumiére. Ce n'eft pas ce que j'en aurois jugé, en la 
voyant encore fr marquée à {on dernier quart d'heure, M, 
Muffchembroek adjoûte qu'il fembloit y avoir dans ce Phé- 
homene un mouvement aflés lent de l'Eft à l'Oueft. Mais 
J'ai fait obferver ailleurs combien cette apparence peut être 
trompeufe, foit par la matiére qui s’flemblé d'un côté, 
tandis qu'elle fe diffipe de l'autre, foit par celle qui s'allume, 
ou qui vient à être éclairée, & qui ne Vétoit pas aupara- 
vant, &c. 

H n’y a prefque pas eu un jour ferein dans le mois d'O&o- 
bre. M. Muffchembrock wa pas laïflé d'y obferver $ Aurores 
Boréales, le 1, le 2, le $, avec une très-grande pluye, le 

6 & le 14. Pendant cette derniére, qui étoit foible, & qui 
paroifloit entre le Nord & l'EfF, il vit une couronne autour 
de la Lune, qu'il trouva avoir exaétement 44 degrés par 
fon diametre intérieur. 

Le refte de l'année ne lui à fourni que 2 Aurores Bo- 
téales; fçavoir le 19, & le 25 Décembre, 


Aurores Boréales obfervées à Peterfbourg, pendans 
les mois de Septembre, OGobre, &7 Novembre, 
par M. Delife. 


Entre plufiéurs Aurores Boréales obfervées à Peterfbourg 
par M. Dclife, & dont il a bien voulu me faire part, il y 
éna 18 des mois dé Seprembre, Oltobre & Noyembre de cetie 


584 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare 
année. Je les adjoùte ici avec leurs defcriptions, telles qu'elles 
m'ont été envoyées, & fur lefquelles on peut d'autant plus 
compter, que, comme M. Delifle me Vapprend dans une 
de fes Lettres, il a fait placer une efpece de Quart-de-cercle 
azimuthal fur le haut de fon Obfervatoire, dans le feul 
deflein de bien déterminer la grandeur, les pofitions, & 
toutes les apparences de ces Phénomenes. IL rapporte une 
de ces apparences bien finguliére, du $ Oétobre à 3 heures 
du matin, après une Aurore Boréale qu’il y avoit eu lé foi 
de la veille. C’étoit une lumiére très-vive qui avoit Fair de 
la queuë d’une Comete obliquement couchée au-deffus de 
Yhorifon, & qui, felon la figure qu'il m'en a envoyée, & la 
comparaifon que j'en ai faite avec l'état actuel du Ciel fur le 
Globe, devoit fe trouver précifément dans le plan de l'E- 
quateur Solaire par le milieu de fa longueur. Si cette bande 
de lumiére avoit été placée à l'Orient, on ne douteroit point 
que ce ne fût la Lumiére Zodiacale, qu'on fçait devoir pa- 
roître le matin en Automne; mais elle étoit à l'Occident, 
Du refte, il paroït par les Phénomenes qui ont été vûs à 
Peterfbourg en Oétobre, que le Ciel y a été pendant çe 
mois beaucoup plus ferein qu'à Paris. 


Ler à 2 Septembre 1734, à Peterfhourg. 
Le 1 & 2 Septembre 1734, il a paru de foibles Aürores 


Boréales indécifes, depuis 10 heures environ du foir, avec 
quelques traits ou jets de lumiére verticaux au Nord-Oueff, 
fans arc lumineux, ni forte lumiére dans ces Aurores. Celle 
du 1 a duré prefque toute la nuit; au moins le 2 au matin elle 
étoit encore vifible avant la lumiére du Soleil. Celle du 2 
au foir a été plus foible, & n'a pas duré fi long-temps. 


Le 3 Septembre 1734. 


Le 3 Septembre, il a encore paru une Aurore Boréale, 
depuis le foir après le crepufcule, mais fans traits de lumiére. 
H n’y avoit qu’un arc lumineux femblable au crepufcule élevé 
de quelques degrés, & ayant un fegment obfeur à l'ordinaire 


qui 


’ 


a 18 
DES SCI:E'N CES 
qui lui fervoit de bafe; mais ce fegment & la fumicre qui le 
bordoit ne paroifloient pas parfaitement circulaires. Is étoient 
défigurés un peu au Nord-Eft. Le tout étoit élevé de peu de 
degrés, & s’eft abbaiffé vers le milieu de a nuit, de forte qu'il 
a difparu peu après une heure du matin, le 4 Septembre. 


Le 8 Séprembre 1734. 


Après quelques jours de temps couverts, il paroifloit le 8 
Septembre au matin, un peu devant le crépufcule, vers les 
3 & 4 heures, un refte d’Aurore Boréale indécife qui s’élevoit 
encore de 8 à 9 degrés. 


Le 18 Septembre 1734. 


La nuit du 18 au 19 Septembre, äl y 2 eu une affés 
grande Aurore Boréale, dont les nuées n’ont laiflé voir Le 18 
au foir jufqu’à 8° 2 qu'une fumiére aflés élevée indécife ; mais 
vers les 1 1 heures du foir, il y avoit dés jets de lumicre fort 
hauts, & le matin du 19, à 4P L environ, on n’en voyoit 
plus rien, autant qu'on Îe pouvoit difcerner au travers des 
nuées dont prefque tout le Ciel étoit couvert. 


Le 23 Septembre 1734. 


Le 23 Septembre au foir à 8h s', il paroifloit comme 
un faifceau de Lumiére Boréale au deffous des Pléïades, ayant 
2 à 3 degrés de largeur, & 5 à 6 degrés d'étenduë, en fe 
perdant infenfiblement depuis la bafe qui étoit la plus Jumi- 
neufe, & qui n'étoit élevée que de 2 ou 3 degrés fur l'ho- 
rifon. Il paroifloit en même temps une autre grande bande 
Jumineufe qui commencoit à droite de la tête du Bélier, & 
qui pañloit au deffous de la luifante de l'Aigle. Cette lumicre 
n'avoit que 2 degrés environ de largeur dans fes extrémités, 
& 10 où 12 dans fon milieu. 

À 8h 20' la premiére lumiére s’élargit beaucoup en forme 
de gerbe, & eft dirigée vers l'Etoile Polaire. Elle a si6 
degrés de largeur, & eft longue de 10 à 12 degrés. Les 

Mem. 17 34 . EEee 


A À 

86 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 
Pléiades font fur fon bord vers le Midi. L'autre bande s'efface 
prefqu'à 8h 22°. y 
La lumiére au deflous des Pléiades eft reftée la même 
jufqu'à 8h 33" prefqu'aufl brillante qu'aucune Lumiére Bo- 
réale. Le Ciel étoit ferein par-tout, & il n’y avoit aucune 
autre lumiére, pas même au Nord : lhorifon étoit un peu 
fombre au deflous de cette lumiére jufqu'à la hauteur de 2 
ou 3 degrés. 

À 8h 35’ la lumiére a commencé à s'affoiblir en s'éloi- 
gnant des Pléïades, & reftant dans une même fituation à 
Végard de l'horifon. A 8h 3 8' elle eft très-foible. A 8h 40° 
elle n'eft pas encore diffipée. 

Depuis, jufqu'à 8° 43’, au lieu de fe diffiper, elle s'eft un 
peu rallumée par deux reprifes différentes. 

A 8 47’ cette lumiére ne paroït plus, mais immédia- 
tement après, il paroifloit au Nord plufieurs rayons fans 
fegment, peu élevés, & en petit nombre. Il en parut encore 
quelques-uns de même à 10P, & puis le tout s'eft réduit à 
une Lumiére Boréale indécife, qui fe perdoit infenfiblement 
depuis l'horifon jufqu'à la hauteur de 8 ou 10 degrés, & 
cela jufqu'à 1 r heures du foir. 

Le fegment boréal s'eft enfuite élevé peu après jufqu'à Ja 
hauteur de 8 ou 10 degrés qu'il avoit atteints à minuit & 
demi, mais il déclinoit confidérablement, c'eft-à-dire, 
‘d'environ ro degrés du Nord vers l'Oueit, ce dont on n'a 
pô s'affürer exactement, n'ayant fait cette eftime qu’à la vüë 
fans inftruments. Le 24 Septembre, à 4 heures du matin, il 
ne paroifloit plus rien au Nord ni ailleurs que le crépufcule 
ordinaire au Nord-Eft. : 


Le 24 Septembre 1734. 


Le 24 Septembre, dès les 8 heures du foir, il a paru au 
Nord de confidérables jets de lumiére fort étroits, & qui 
montoient fort haut : il n’y avoit point de fegment obfcur 
ni d'arc lumineux. Le lendemain à 4h du matin, le Ciel 


Dirishn$ioAuEIN erB;anaM 687 
étant très-ferein, comme il l'a été toute la nuit, il n’y avoit 
plus aucune Lumiére Boréale. La fatigue des obfervations de 
la veille précédente m'a fait coucher ce foir-là de bonne 
heure, ce qui m'a empêché d’obferver tout le progrès de 
cette lumiére boréale de la nuit du 24 au 2 $ Septembre. 


Le 29 Septembre 1734. 


Le 29 Septembre au foir, entre 7 & 8 heures, il pa- 
roifloit un rayon de lumiére étroit en forme de lance. La 
tête de cette lumiére, qui étoit fous les nuées, étoit dans 
le Taureau vers les Plérades : de-là cette lumiére alloit un 

eu en s'élargiflant. Sa fituation étoit oblique à l'égard de 
lhorifon. Elle laifloit les plus bafles Etoiles de Perfée au 
deflus d'elle, & les touchoit prefque. Sa longueur étoit d'en- 
viron 3 o degrés, & fa largeur d’un degré au plus. Cette lu- ” 
mire étoit fort foible, fur-tout à fon extrémité la plus 
élevée: L'on a vû le même foir & {a nuit une Aurore Bo- 
réale indécife dont je n’ai pas obfervé la durée ; mais les 
nuées dont le Ciel a fouvent été couvert en auroient bien 
troublé lobfervation. 


Le 30 Septembre 1734. 


La nuit du 30 Septembre au premier Oétobre il y a eu 
une Aurore Boreale que je n’ai pas obfervée. 


Le x Oétobre 1734. 


La nuit du r au 2 OGobre, le Ciel étant extrêmement 
ferein, il a paru une petite Aurore Boréale fort peu élevée, & 
indéterminée pendant la plus grande partie de la nuit. 


Le 4 Odobre 1734. 


© Le 4 OGtobre au foir, il paroifloit une petite Aurore Bo- : 

réale vers les 9 heures fans fegment , avec des raÿons. Le 5: 

à 3 heures du matin elle étoit fans rayons & mêlée de nuées; 

* mais il y avoit à lOueft une lumiéré très-vive, qui avoit 

Yair de la queuë d'une Comete dirigée vers le point du Ciel 
EEee ïij 


* Cette de- 
fcription a été 
ajoûtée d’après 
une figure qu’il 
yavoitici, & 
conformément 
acequien aété 
dit ci-deffus, 
P. 584. 


588 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoyaALE 

qu'occupoit alors la Planete de Saturne, à obliquement à l'ho- 
rifon dans le même Jens, &7 à peu-près felon la même inclinaifon 
que le plan de l'Ecliptique auquel elle étoit prefque parallele du 
côté du Sud *, ë 


Le 6 O&obre 1734. 


Le 6 O&obre, à 3 & 4 heures du matin, il paroifoit une 
Aurore Boréale avec un fegment obfcur élevé feulement de 
quelques degrés. Le fommet de ce fegment déclinoit aufli de 
quelques degrés à l'Oueft. E 


Le 14 Oüobre 17314. 
Le 14 O&obre au foir, il y a eu de 7 à 8 heures de fort 


belles apparences d’une Aurore Boréale, remarquable par des 
portions d'arcs fort lumineux & fort étroits, mais fort in- 
terrompus, & fort changeants par leur fituation. Il y en 
avoit des portions élevées jnfqu'à la hauteur de 30 à 40 
degrés. IH n'y a point eu de fegment obfcur, mais feulement 
quelques traits verticaux de lumiére, qui s'élevoient jufqu'à 
15 à 20 degrés de diftance du Zénith. 


Le 16 Odobre 1734 au marin. 


Le 16 O&tobre, à 2 heures du matin, il paroïfloit une 
grande Aurore Boréale compolée d'un fegment obfcur. élevé 
d'environ 20 degrés par fon fommet, qui déclinoit confi- 
dérablement vers lOueft. Ce fegment étoit bordé par un arc 
Jumineux de plufieurs degrés de largeur, qui fe perdoit infen- 
fiblement. Cet arc s’eft enfuite élevé confidérablement, & 
s'eft divifé, & il a paru des traits de lumiére avec des ondu- 
lations. Les parties de Farc lumineux qui s’élevoient & fe 
détachoient, avoient la figure de petits cintres furbaiflés, & 
aux extrémités la lumiére étoit plus vive & plus large. Ces 
arcs pouvoient avoir 40 degrés dans leur plus grande étenduë 
pofée horifontalement. Il ne paroifloit plus rien à 3 heures 
du matin. 


DES Sciences: |! 589 
Le 16 O&tobre 1734 au forr. 
Le 1 6 Oftobre au foir après le Crépufcule, il a paru un 


grand arc circulaire fort large, & fe perdant infenfiblement, 
fon fommet pafloit par les Etoiles de la tête de la grande 
Ourfe ; il fe terminoit du côté de l'Occident environ fous le 
vertical d'Arcturus, & du côté de l'Orient fous le vertical de 
la Lune qui fe levoit alors; c'étoit vers 8 heures. I] y avoit 
au-deflous de cet arc un fegment obfcur, mais qui n’étoit pas 
fort fombre. Le tout n'a pas duré long-temps; une heure 
après, toute cette apparence étoit fort diminuée, & à 9° du 
{oir environ il n’y avoit plus rien. 


Le 17 O&tobre 1734. 


Le 17 Oétobre au foir, il y a eu une fort grande Aurore 
Boréale qui, à 6h+, étoit élevée jufqu'aux Etoiles les plus 
baffes du quarré de la grande Ourfe. H y avoit un grand feg- 
ment obfcur & deux arcs lumineux fort larges, principalement 
le fupérieur. Le tout a duré plufieurs heüres. 


Le 20 Olobre 1734. 


Le 20 Oétobre au foir, il paroïfloit une Aurore Boréale 
plus baffe que celle du 1 7, elle avoit auffi un fegment obfcur 
qui n'étoit pas bien terminé. Sie 


Le 26 Novembre 1734. 


= 


La nuit du 26 au 27 Novembre, il a paru une petite Au- 
rore Boréale élevée de quelques degrés; elle me paroifloit 
un peu décliner vers l'Oueft; elle étoit tranquille, formée 
par une fimple lumiére au-deflus d'un fegment obfcur, mal 


terminé, 


ic EEec ii 


3 Février 
1734 


so MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE 


Mi ET HT Où DAME 
D'OBSERVER LA VARIATION 


DE L'AIGUILLE AIMANTEE 
EN MER. 


Par M. Gopin. 
S' étoit toujours poffible d'obferver les Aftres à l’horifôn 


toutes les fois qu'ils y arrivent, je ne crois pas qu'il y 
eût de meilleure méthode d’obferver la variation de l'Aivuille 
aimantée en Mer, que la méthode ordinaire desPilotes, reéti- 
fiée fur les remarques de M. Bouguer, & dans laquelle on fe 
ferviroit d’une Bouflole qui, fuivant M. de la Condamine, 
porteroit un Cercle divifé, pofé de chan fur le bord de 
la Rofe, enforte qu'il y en eût une moitié en deflus, l'autre 
moitié en deflous, ce qui me paroît adjoûter à cet inftru- 
ment une perfection confidérable. Dans ce cas, les pinnules 
ou filets verticaux doivent être d'une telle étenduë, qu'on 
puifle par leur moyen vifer à lhorifon, tant en deflus de la 
Role pour un des côtés du Ciel, pour l'Eft par exemple, 
qu'en deflous pour l'Oueft. Dans les deux cas, le même filet 
vertical dirigé à l’Aftre, marquera fur l'un des demi-cercles : 
gradués, le degré de la Rofe auquel répond l'aftre à fon 
lever ou à fon coucher, à compter depuis la pointe de la 
Fleur-de-Lys; & fçachant l'amplitude de cet aftre, on aura 
la variation à la maniére ordimaire, ce qui ne demande qu'un 
feul obfervateur. Mais cette méthode, la meilleure de toutes 
fans contredit, eft prefque toûjours impraticable, faute de 
pouvoir obferver les Aftres à lhorifon, & même fort fou- 
vent le Soleil qui y eft enveloppé de vapeurs. I feroit donc 
utile de pouvoir fe fervir des Aftres dans d’autres fituations, 
& d'en dédüire commodément la variation. Voici pour cet 
effet un moyen qui ne dépend que d'une Addition fort fumple 
faite au Compas ordinaire de Variation. 


_ 


DES SCIENCES | $ot 

Je fuppofe qu'on fçache ’heuré en Mer. On peut la 
connoitre par le lever, & le coucher du Soleil, même avec 
aflés de précifion ; on peut encore prendre des hauteurs cor- 
refpondantes, en fe fervant du Quartier Anglois ; enfin on 
la peut avoir par une fimple obfervation de quatre Etoiles, 
dont deux foient dans un-même vertical vers Orient, & 
les deux autres dans un même vertical vers l'Occident : car 
cette obfervation qui ne demande qu'un à-plomb & des 
Tables d'Afcenfion droite & de Déclinaïfon des Etoiles, f 
elle fe peut faire en Mer, donnera en même temps la hauteur 
du Pole & l'heure de l'obfervation. Le calcul en eft effedti- 
vement un peu long ; mais comme l’obfervation fe peut faire 
à terre avec précifion, qu'elle ne demande aucun appareil 
d'Inftruments, & qu’elle peut être répétée autant de fois que 
Ton voudra, & être fort utile en bien des occafions, lorfque 
les autres moyens manqueroient, j'ai cru la devoir adjoûter 
ici à la fuite de la Méthode d’obferver la Variation. 

Mais fi l’on connoït l'heure par le lever ou 1e coucher du . 
” Soleil, on pourra auffralors obferver a variation : cela eft vrai, 
mais la méthode de l’obferver à toutes les heures du jour ou 
de la nuit n’en fera pas moins utile. 

Je fais une Bouflole où Compas de Variation dont la 
Rofe foit évidée intérieurement, autant qu'il eft poffible, & 
dont la circonférence foit divifée en degrés. M. de la Conda- 
mine s’en {ert auffi dans fa Méthode, du moins dans certains 
cas, & il remarque que la Bouflole en devient plus légere, 
& peut être plus agile. Je tends un fil un peu au defius, qui 
pafle par le milieu de la chape. Dans la Boîte je mets une 
Glace de Miroir qui en occupe tout le fond. 

Je dis qu'avec une telle Bouflole, & connoiffant l'heure, 
on obfervera aifément la variation toutes les fois qu'il y aura 
quelque Aftre vifible fur l'horifon, à quelque hauteur & en 
quelque azimuth qu'il foit. Mais il eft plus facile de le 
prendre lorfqu'il eft au Méridien : or on fçait, par des Tables 
ou toutes calculées, ou très-aifées à calculer, à quelle heure 


chaque Afîre, chaque Etoile doit pañler par le Méridien; 


s92 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE 

donc puifqu'on connoît l'heure, on fçaura le moment auquel 
cette Étoile fera effectivement dans ce cercle. Alors tournant 
la Bouflole à l'Etoile, de maniére que fon image peinte fur 
le Miroir du fond foit coupée par l’image du fl, ce fil 
repréfentera exactement la Méridienne du lieu, & dans cet 
inflant on remarquera à quel degré du cercle de la Rofe le 
même fil répond , ce qui donnera tout d’un coup la varia- 
tion par la différence de ce degré à r 80 , dont la dénomi- 
nation fera aifée à reconnoître par le fens de la divifion de 
la Rofe. 

Cette méthode, comme on voit, ne demande que l'heure 
par quelque moyen qu'on la connoiffe ; elle n'a pas befoin de 
la hauteur du Pole fi heure eft donnée indépendamment, 
elle n’eft point fujette aux refractions, elle peut être répétée 
un très-grand nombre de fois de fuite, enfin un feul obfer- 
vateur lui fuffit. 

Elle fe peut encore pratiquer dans tous les autres Azimuths, 
mais alors ül faut connoître la Latitude du lieu & l Azimuth 
de l’Aftre, ou l'angle qu'il fait avec le Méridien. On peut 
Favoir par un calcul fort court, en connoiflant l'heure de 
fon paflage par le Méridien & fa déclinaifon, ce que les 
Ephémérides donnent & l’heure de lobfervation, mais il 
feroit très-aifé de faire une Table qui évitât ce calcul. 

On peut auffi fe pafler de connoître l'heure, & cepen- 
dant trouver affés précifément le temps auquel une Etoile 
pafle par le Méridien, & en conclure enfuite tous les Azi: 
muths dans lefquels on voudra prendre l'Etoile pour obferver 
la variation. : ‘ 

Voici maintenant la méthode de trouver la Latitude & 
l'heure fans autre inftrument qu’un à-plomb. 

Soit P le Pole, Z le Zénith, ZP, Z D, deux verticaux 
quelconques ; foïent CD deux Etoiles dans un même ver 
tical du côté de l'Orient, & AB deux autres Etoiles dans 
un autre vertical vers l'Occident dans le même inftant. 

Dans le Triangle PAC étant donnés PA, PC, & l'angle 
compris CPA, on connoîtra AC & les angles fur AC; De 


même 


| Dir Se rrNCErS $93 
fnème dans le Triangle PBC on connoît PB, PC, & l'angle 
compris CPB, donc on connoîtra BC &r les angles fur BC, 

Dans le Triangle BAC on connoït donc AC, BC, & 
l'angle compris ACZ, qui eft la différence entre les angles 
PCB, PCA, donc on connoîtra BAC, dont le fupplément 
fera l'angle ZAC, Or Otant cet angle de l'angle PAC, ïf 
reflera l'angle PAZ. < 

Dans le Triangle PBD on connoît PB, PD, & Yangle 
compris BPD, on connoïtra donc BD & l'angle CBD ; 
c'eft pourquoi dans le Triangle CBD, connoiflant les deux 
côtés CB, BD, & angle compris, on aura l'angle BCD, 
dont le fupplément ZC£, diminué de l'angle ACP, donnera 

angle Z AC. 

Or dans le Triangle ZC À, on connoît le côté AC, & 
les angles faits fur le côté en C & en À, donc on connoîtra 
les côtés ZA, ZC, & l'angle CZA. 

Enfin dans le Triangle PAZ, on connoît AZ, PA, & 
Yangle PAZ, donc on connoîtra PZ, complément de 1a 
latitude du lieu. f 

Maïs dans ce même Triangle on connoîtra auffi l'angle’ 
APZ, qui eft l'azimuth de l'Etoile 4. Or par-là on con- 
noîtra l'heure en connoiffant lafcenfion droite de l'Etoile à 
l'égard du Soleil, & par conféquent à quelle heure elle doit 
paffer par le Méridien. Suppofons, par exemple, qu'à l'heure 
de lobfervation une Horloge quelconque, une Montre, par 
exemple, ait marqué 6h 3 0° après-midi; que l'angle APZ, 
réduit en heures, ait été trouvé de 2h 5 s', & que l'Etoile 
foit à l'Occident ; donc l'Etoilé#4 à paffé par le Méridien 
2h $ $” avant l'heure de lobfervation, c’eft-à-dire, à 335 
après-midi. Mais fi par le calcul des Afcenfions droites, cette 
Etoile à dû pañler par le Méridien à 3P 45’, il fuit que la 
Montre de laquelle on s'eft fervi, retarde fur le temps vrai 
de 10". Donc le temps vrai de lobfervation étoit à 6h 40° 
après-midi. 

: J'ai obmis ici plufieurs attentions ou corrections dont 
jaurois pû groflir cet Ecrit, & dont on feroit un très-bon 


Men. 173 4 à FFfF 


12 Janvier 
3735: 


MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyArE 
ufage dans lobfervation de la Variation en Mer, parce que 
je fuppofe qu'on les remarquera, en y faifant la moindre 
attention. 


OBSERVATIONS ME TEOROLOGIQUES 
FAITES 
PENDANT L’'ANNE'E M DCCXXXIV. 


Pa M MARALODTI. 


Obférvations fur la quantité de Pluye. 


FE: y a long-temps qu'il n'y a eu d'année auffi pluvieufe 
que l'année 1734 ; elle eft Ia plus pluvieufe qu'il y ait 
eû depuis 1720, cependant la pluye n'a pas été aufii abon< 
dante qu'aux années où on.a commencé. à faire les Obfer- 
vations Météorologiques , & où on avoit déterminé une 
année commune à 1 9 pouces. La quantité de la pluye tombée 
en 1734 a été de 17 pouces 6 lignes +, ce qui approche 
de l'année commune, qu'on a été obligé de réduire der- 
niérement à 17 pouces+. Voici le détail de la pluye tombée 
chaque mois. l 


pouc.._ lign: pone: Jignz 
En Janvier... 1 22] EnJuilet,...... 31€ 
Février. à se O9 AOÛt....e.se © 10% 
Mars... 1  5* Septembre ... © 2% 
Avril...) 5 : 1 O&tobre..... r 11 
Mai. ........ L 114 Novembre ... o 8 
Jui ee dune 1 T | 2% Décembre... 2 9+ 
7_10$ «9 8% 


_ Donc Ia fomme totale de la pluye eft de 17 pouces 
6 lignes +. 
La pluye tombée dans les fix premiers mois a été de 7 


Mem . de Cacad.1734 . pl. 37 pag. 


DES SCIENCES 
pouces 10 lign. +, moindre de 1 pouce o lign. £ que celle 
ui eft tombée dans les fix derniers mois, qui eft de 9 pouces 
8 lignes +. Elle a été diftribuée fort inégalement dans les 
fix derniers mois ; le feul mois de Juillet en a fourni autant 
e les trois mois fuivants, Août, Septembre & OGobre, 
J'ai vü plufeurs Riviéres qui ont débordé au commence- 
ment de ce mois, comme la Marne, 1a Meufe & la Mofelle, 
aux bords defquelles la plus grande partie des fourages a été 
perduë. Le vent a toüjours été pendant ce mois au Sud, 
tirant tantôt veiïs l'E, tantôt vers l'Oueft. La pluye du 
mois de Décembre à été auffi très-abondante, elle a été de 
22 pouces o lignes ?, IL y a eu fur {a fin de ce mois des vents 
de Sud-Oueft très-violents, &le 25 de ce mois il y a eu 
un grand orage avec des éclairs & tonnerres. 


Obfervarions Jur le Thermometre. 


L'hiver a été très-modéré, le plus grand froid na fait 
‘defcendre la liqueur du Thermometre ordinaire qu'à 23 de- 
grés +, & celle du Thermometre de M. de Reaumur à 9.9 6 
degrés, le 23 & le 24 de Janvier, par un temps couvert & 
un grand vent de Nord-Eff; mais le vent s'étant calmé le 25, 
la liqueur de lun monta à 24 degrés +, & celle de l'autre à 

6 +, &le 28 du même mois elle étoit dans le premier 
à 28 degrés, & dans le fecond à 999. I paroît que le plus 
grand froid de l'année 1734 efl arrivé, fuivant les Thermo- 
metres, le 30 de Novembre. La liqueur du Thermometre 
ordinaire eft defcenduë ce jour-là à 22 degrés +, & dans 
celui de M. de Reaumur à 094+ ; elle avoit été le 29 à 
24 degrés + dans le premier, à 997 dans le fecond. La 
chaleur de l'Eté n’a pas été fort grande, les mêmes Ther- 
mometres ont marqué la plus grande chaleur au commen- 
cement de Septembre. Le 6 de ce mois, à 3 heures après 
midi, la liqueur de l’un eft montée à 76 degrés, & celle de 
Fautre à 102$ + par un vent d'Oueft. Le 7 elle étoit à 72 
degrés dans le plemier, & à 1024 dans le fecond, mais 


FFff ÿj 


96 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE ROYALE 


le 8 elle étoit montée à 75 degrés dans lun, & à 10251 
dans l'autre. ; 


Jur le Barometre. 


Le Barometre a marqué la plus grande élévation du Mer- 
cure le 9 de Février à 28 pouces 6 lignes, le 1 6 du même 
mois à 28 pouces 6 lignes + par un temps couvert & un vent 
de Nord-Eff ; il a été plufieurs jours avant & après à 28, 
pouces 5 lignes +, enfin ils’eft foûtenu à une grande hauteur 
pendant fes mois de Janvier & de Février. 

Le même Barometre a marqué la plus petite hauteur Je 
26 & le 27 de Décembre à 26 pouces 1 r lignes par un 
temps couvert & pluvieux, & un très-grand vent de Sud- 
Oueft qui a regné pendant la plus grande partie de ce mois. 


Déclinaifon de l’Aïguille aimantée. 


J'ai obfervé le 13 de Mai 1734, avec une Aiguille de 
4 pouces, la Déclinaifon de l Aiman de 1 $° 3 5’ au Nord- 
Ouett. M. Buache l'a obfervée le r .er de Décembre avec une 
Aiguille de 6 pouces de 1 $° 40”. 


Dir So SCALE N.CE $0?. 


ADDITION au Mémoire qui à pour titre 
Nouvelle Maniére d'obferver en Mer la Décli- 
naifon de l’Aiguille aimantée. 


ÆExtrair d'une Lettre de M. DE LA CONDAMINÉ, 
de Saint-Domingue, le r$ Juilles 1735. 


P ENDANT notre traverfée de France à la Martinique 
& à Saint-Domingue, nous avons eu le loifir de faire 
Texpérience de mon nouveau Compas de Variation. M's 
Godin & Bouguer, mes compagnons de voyage, en ont 
paru fort contents, & le préférent à tous ceux dont on fe 
fert Mer, particuliérement pour lebfervation des Am- 
plitudes horifontales, ce qui eft fon ufage principal & le 
plus ordinaire. MH fait très-bien fon effet, & eft d’une grande 
commodité, en ce qu’il ne demande qu'un obfervateur, & 
qu'il n’a pas befoin comme les autres d'être continuellement 
dirigé vers le Soleil, auquel il fuffit de l’expofer. Les Pilotes, : 
qui n’approuvent gueres ce qui a un air de nouveauté, lui 
donnent unanimement la préférence fur leur Compas de Va- 
ration, & ont trouvé celui-ci d'un ufage facile & commode, 
Si leur fuffrage eft de quelque poids, c’eft fur-tout dans les 
choles de pratique ; vous pouvés voir de quelle maniére 
s'exprime dans fon Certificat le S.' Auroy, ancien Pilote, 
Vice-Amiral des Vaifleaux du Roy, qui étoit embarqué avec 
nous. 

J'avois craint que lorfque le Soleil ne feroit pas bien net 
à l'horifon, ce qui arrive affés fréquemment, on ne pût pas 
obferver faute de pouvoir diftinguer ombre du Stile, & 
javois fongé à me fervir en ce cas d’un Verre convexe pour 
raflembler les rayons, & former une ombre fenfible. Mais 
l'expérience m'a fait connoître qu'en fe plaçant à l’oppofite 
du Soleil, on peut toñjours & fort aifément remarquer à 


quel degré du rebord vertical répond le Stile ou le Pivot, 
FFÉ£f ii 


898 MEMOIRES DE L’'ÂACADEMIE ROYALE 
en leur faifant couper en deux également Îe difque du Soleil 
levant ou couchant. Lorfque le Soleil eft brillant, on a de 
choix d'obferver ou de cette maniére ou par ombre, on 
des deux maniéres tout à la fois. 

L’expérience-m'a encore appris qu’on peut auffi obferver 
directement la variation avec ce Compas par le moyen des 
Etoiles fixes, en les prenant au Méridien, & remarquant 
alors à quel degré du rebord vertical répond le Stile ou le 
Pivot. La feule difficulté en ce cas confifte à bien éclairer 
les degrés de la Rofe ou du rebord fans préfenter la lumiére 
aux yeux de lobfervateur qui bornoye l'Etoile par le Stile 
vertical ou par le pivot, felon que le rebord vertical gradué 
eft fupérieur ou inférieur au plan de la Rofe : on comprend 
bien que les Etoiles les plus proches de lhorifon font les 
plus commodes & les plus propres pour cette obférvation. 
On trouve des Boufloles toutes faites de cette nouvelle 
conftruétion à Paris, Quai de l’'Horloge, chés le Sr le Maire 
fils, au Quartier Anglois; il les met en état d'être tranfportées 
par terre. 


Corrections 7 Additions pour le Mémoire inrirulé Nou- 
velle Maniére d’obferver en Mer la déclinaifon de 
VAiguille aimantée, 14. Novembre 1733. 


Page 446. ligne €. après ces mots , tout le fecours qu'on 
en doit attendre, Adjoätes, peut-être n'eft-ce qu'à limper- 
fection de l'Inftrument dont on fe fert en Mer pour obferver 
la Variation, qu'il faut s'en prendre, fi on n’a encore pü 
tirer aucun avantage, pour la connoiflance des longitudes 
en Mer, de l'ingénieux Sifteme des Courbes de Variation 
de M. Halley. 

Ligne ro. Ce n'eft probablement pas. Lifés, & ce n'eft 
probablement pas. 

Ligne 19. Le mérite de ce. qui a paru d’excellent fur 
cette matiére. Lifes, le mérite de tout ce qui a paru fur cette 
imatiére, S è 


NN DEN" S € JEUNE. 599. 
Page 447, ligue 3 3. On peut voir ce qu'en ont dit M. 
de Radouay, &c. Lifés, On peut voir ce qu'en ont dit le 
P. Feuillée dans fon Journal d'Obfervations, Îe P. Laval 
dans fon Voyage de a Louifiane, M. de Radouay, &c. 


Page 448, ligne r. Je me contenterai d’obferver qu'outre 
les défauts auxquels on peut remédier, &c. Lifés, Je me 
contenterai de rapporter ici les termes dont fe fert l'illuftre 
M. de la Hire, en parlant des Boufloles de Vaifleau en 
général, celles de Mer font fi groffiéres qu'on ne peut allés s'étonner 
comment on s'y fe poursla conduite d'un Vaiffeau, mais on n'a rien 
de meilleur ni de plus commode. Mem. de l' Acad. 171 6. p. 6. 
Ouire les défauts auxquels on peut remédier, &c. 

Ligne 4. après ces mots, dans fon état prefent. Adjoïtés, 
tel à peu-près que le font les Compas de Variation de con- 
ftruction Angloife. 

Ligne 14. M ne fuffit pas que chaque obftivation inftan- 

tanée foit jufte en elle-même, fi elles ne font pas exaétement 
contemporaines. Lifés, il ne fuffit pas que les deux obfer- 
vations foient juftes en elles-mêmes, fi elles ne font pas 
fimultanées, 


DA 
ADIeRe 
FIN. © 


# Cox 100 
gr” 


PA 


LL