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Point par Anx. Cyypel
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L'ACADEMIE
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DÉS SCIENCES.
ANNÉE M. DCCXXXVITI
Avec . Mémoires de Mathématique & de Phyfque,
pour la même Année,
Tirés des Roeoiftres de cette Académie.
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
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PHEFSTOUE-GENERAEE
4 Us 8 l'Eetricite. Page r
Obfervations de Phyfique générale. y
ANATOMIE.
Objervations Anatomiques. ; 46
CHIMIE.
s wr une nouvelle Encre Simpatique. 54
Sur le mélange de quelques, Couleurs dans la Teinture. 58
Obfervations Chimiques, G2
BOTANIQUE.
Sur la maniére dont les Arbres croiffent, dr fur les dommages
que la Gelée leur fair. 65
2
Oljervations Botaniques. 7
x ÿ
FT. AB, L E.
GE COMME RTE. 75
À S-T/R-O:N-OùM RE
Sur une Aberration apparente des Fixes. 76
Sur la Conjonétion E’chptique de Mercure à de Venus,
le 28 Mai. 84
Sur une Comete de cette année 17 37e 87
Sur la Figure de la Terre. 99
AU CTONUES TT EF QE:
Sur la Propagation du Son, &r de fes différents Tous. 97
—
MECHANIQUE. 10$
Machines ou Zuventions approuvées par l'Académie
en 1737: 106
Eïoge de M. Saurin, « 110
1scouwrs fur la Propagation du Son dans les différents
Tons qui le modifient. Par M. DE MairaAN. Page t
Eclairciflements fur le Difcours précédent,
I. Sur la différence des particules de l'Air entr'elles. 20
IT. Sr l'Analogie du Son à des différents Tons avec la Lumiére
&r les Couleurs en général. 22
+ TIT: Sur l'Analogie particulière des Tons à: des Couleurs prif-
| matiques. 5 24
IV. En quoi l'Analogie du Son à de la Lumiére, des Tons &
des Couleurs, de la Mufique à de la Peinture, eft impar-
… Jaite, ou nulle. 34
OV. Sur l'Analogie de Propagation entree Son à les Ondes, par
rapport à l'expérience dont il eff fait mention: 45
(VI. Sur la maniére dont les vibrations de l'Air fe communiquent
a l'organe immédiat de l'Ouie. 49
Ufage des Suites pour la Réfolution de plufieurs Problemes de la
Méthode inverfe des Tangentes. Pax M. NicoLr. sois
Septième Mémoire fur l'E'leGricité, contenant quelques Additions
aux Mémoires précédents. Par M. pu Fax. 86
Sur une nouvelle Encre Jympatique, à l'occafion de laquelle on
+ done quelques effais d’Analyfe des Mines de Bifmuth, d'Azur
** à d'Arfenic dont cet Encre eff la teinture. Premiére Partie,
Par M. HELLOT. 101
* ii
LT A.B-L KE
Recherches de la caufe de l'excenvricité des couches ligneufes qu'on
apperçoit quand on coupe horifontalement le Trone d'un Arbre ;
de l'inégalité d'épaiffeur , & dgdifférent nombre de ces couches,
tant dans le bois formé quêdans l'aubier. Par M." pu
HaAmEz &' DE BUFFON. 121
Obfervation de l'E ‘clipfe totale de Lune du 20 Septembre 17 36.
Par M. LE MONNIER. ! : 135
Olfervation dè l'Eclipfe du Soleil, du 1. Maïs 1737, faite
à Verfailles en préfence du Roy. Par M. CassiNr. 136
Obfervation de l'E‘dipfe du Soleil, du 1.7 Mars 173 73 faite
- à l'Olfervatoire Royal de Paris. Par M. CassiNr DE
THury. 137
Olférvation de l'E‘dlipfe du Sokil, faire au College d'Harcourr
de re Mars.1737. Pa M. LE MoNNIER. ,;;14r
Defcription anatomique des Yeux de la Grenouille ér de la Tortuë.
Par M PET1T fe Médecin. De 142
De la Comete qui a-par aux mois de Février, de Mars à
d'Avril de cette année r7.37: Pw M: CAssiNI. 17a
Mémoire dans Jequel on examine ft l'Huile d'Olive efl un fpéti-
fique contrerla morfare des Vineres. Par MS GEOFFROY
& HuNAULD. 183
De l'Aberration apparente des Etoiles, caufée par le mouvement
© progrefff de la Lumiére. Par M. CLATRAUT.:, «205
Seconde Partie du Mémoire fur d'Encre fmpathique , ‘ou Teinture
extraite des Mines de Bifmuth, d'Agçur © d'ArfenicPax
M. HEezLor. Er 228
= Obfervation du Paffage de Méreure fur le Difque du. Soki,
* arrivé le 111 Novembre\r 7136, faite au Chäteaudu Boifliffan-
deau en bas Poitous Par M, GRANDJEAN -DE Foucar.
M 1248
TABLE.
“Obférvations phyfiques fur le mélarge de quelques Couleurs dans
la Téinture. Par M. pu Far. 253
Regles pour connoître l'effet qu'on doit elpérer d'une Machine.
Par M. PITOT. 269
Obfervations des différents effets que produifent fur les Végétaux,
les grandes gelees d'Hiver 7 les petites gelées du Printemps.
Par Ms pu HAMEL & DE BUFFON. 272
Occultation de Jupiter par la Lune, obfervée le 2. TI
Par M. Cassini DE THury. 299
Obfervation fur la Conjonéfion de Jupiter à la Lune, faite à
Paris le 29 Novembre 1737. Pax M. LE MONNIER
le Fils. 303
Huitiéme Mémoire fur l'E ledfricité. Par M. Du FA%. 307
Sur la plus grande Equation du centre du Soleil. Par M, LE
. MonNiEeR le Fils. 326
Le Phofphore de Kunckel, 7 Anafe de l'Urine. Pax M.
HELLOT. 342
Olfervation de la Conjondion de Mercure avec Venus, qui a
dû être E‘chiptique le 28 Mai de cette année 1737. Par
M. CassiNL 379
La Figure de la Terre déterminée par Meffieurs de l Académie
Royale des Sciences, qui ont mefuré le Degré du Méridien
au Cercle Polaire. Pa M. DE MAUPERTUIS. 389
Obfervations faites au Cercle Polaire.
PREMIÉRE PARTIE. Opérations pour la Mefure du Degré
du Méridien. 430
SECONDE PARTIE. Vérifications de tout l'ouvrage. 448
Obfervation de l'Occultation de Jupiter par la Lune, faite à Paris
le 29 Novembre 1737. Pa M. GRANDJEAN DE
Foucur. 467
TABLE
Oëfervations du Thermometre faites à Paris pendant l'année
1737, comparées avec celles qui ont été faites dans des cli-
mats très-différents de celui de Paris. Par M. pe ReauMuR,
A7
Obfervations Météorologiques faites à l'Obfervatoire pendant
l'année 1737. Par M. MARALDI1, 49€
Fautes à corriger dans les Mémoires de 1735.
Page Ligne Lifés,
17. II. donne 3 pieds.
Q 2, dc.
189. 15: 25945 : 8810 EST De
HISTOIRE
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L’'ACADEMIE ROYALE
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Année M. DCCXXXVII.
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PHISIQUE GENERALE.
SUR L'ELECTRICITE:
ZA N ne fera pas furpris que l'Electricité, quoique y. 1 M.
EI déjatraitée en 1733 * &en 1734%* de ma- p. 86. &
niére que M. du Fay croyoit cette matiére 3°7-
épuifée, du moins pour lui, ne le {oit pourtant *p.4. &f
2% pas encore, & qu'il la reprenne fur nouveaux * P* 1 #1:
frais. Quelle matiére de Phifique finira jamais abfolument, &
fi on la quitte, ne fera-ce pas toüjours par lfitude ? M. Gray
À
Hif. 1737:
2 HisTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
répétoit & vérifioit en Angleterre les expériences de M. du
Fay, comme M. du Fay avoit commencé cette recherche par
répéter & vérifier en France celles de M. Gray; ils fe don-
noient l'un à l'autre des vües, & s'ouvroient réciproquement
de nouvelles routes, & c’eft d’une des derniéres découvertes
de M. du Fay, pouffée plus loin par M. Gray, & enfuite par
M. du Fay lui-même, que nous allons parler ici.
On a vü d'après lui en 1734, qu'un Homme, & en
général un Animal vivant, étant fufpendu horifontalement
par des Cordes de foye, on l'éleétrile par le Tube de Verre
que le frottement a rendu Electrique à lordinaire, & qu’en-
fuite fi quelqu'un approche fa main de l'Homme fufpendu &
életrifé, il en fort un petit trait de flamme brillant, accom-
pagné d'un petit bruit, & qui caule, tant à la perfonne tou-
chée qu'à celle qui a touché, une douleur, comme d'une
picqueure, ou d’une brülure légere.
C'étoit donc la main d’un Homme qui tiroit d’un autre
Homme éleétrifé ce trait de flamme, cette étincelle. M. du
Fay avoit trouvé que les corps vivants font du nombre de
ceux que l’on rend difficilement Eleétriques par le frotte-
ment, & comme les Métaux en font aufli, il jugea que du
Métal employé au lieu de la main fur le corps de l'Homme,
pourroit faire le même effet, ce qui fe trouva vrai par l'expé-
rience, Mais M. Gray jugea de plus que comme dans l'expé-
rience fondamentale les deux-corps étoient de même efpece,
qu'une main d'homme agifloit fur un homme, de même
il étoit apparent qu'une barre de Métal étant fubflituée à
THomme, fufpendue & éleétrifée, un morceau de Métal en -
feroit fortir l’étincelle, & le fuccès juftifia a conjecture. Voilà
donc les deux opérations devenues parfaitement analogiques,
mais il ef très-fingulier qu'elles le foient avec des corps aufl
effentiellement différents, que des Animaux d'un côté, &
des Métaux de l'autre. j
Sur cela M. du Fay fe mit à tourner de tous les fens
l'opération des Métaux. Il imagina un moyen affés ingénieux
d'éprouver fi quelques Métaux faifoient plus d'eflet que
=
pr
y
D'E s MSNC'rE ER 'NNC'E S 3
d'autres , il trouva tout égal. De même il eft indifférent quel
foit d'un côté le Métal touché, & de l'autre le touchant, les
diverfes combinaifons des deux Métaux n'y font rien. Seu-
lement en comparant enfemble l'opération des Animaux &c
celle des Métaux, M. du Fay a cru reconnoître que dans la
premiére les étincelles étoient plus picquantes, & dans la
_feconde plus brillantes ; elles le font quelquefois au point,
qu'il w'eft pas befoin d’être dans l'obfcurité pour les voir. On
conçoit bien qu'il doit fortir des Animaux, quelque chofe de
plus perçant & de plus vif que ce qui fort des Métaux.
Tous les Corps, ainfi qu'il a été diten 1734, ne font pas
propres à donner ces étincelles. Peut-être ceux qui les don-
nent, font-ils revêtus d'une Atmofphere, qui, lorfqu'on les
électrife, retient autour d'eux la matiére éleétrique, & quand
on approche d'eux d’autres corps de même efpece, qui par
conféquent ont aufir une Atmofphere, la matiére électrique
.de ceux qui font déja éle&rifés, fort avec impétuofité de
JAtmofphere qui la renfermoit, pour entrer, pour fe répandre
dans la nouvelle Atmofphere, & fi elle a quelque réfiftance
à vaincre, s'il fe fait à un choc, if en peut naître un petit
trait de lumiére. I eft vifible que cela n'aura pas lieu, quand
Jun des deux corps fera naturellement privé d’Atmofphere,
du moins d'une Atmofphere propre à retenir la matiére
Electrique. Ce n'eft là qu'une idée que M. du Fay hazarde
avec toute la timidité que demande f'obfcürité du fujet ; ces
fortes d'idées, Iors même qu’elles ne font pas vrayes, repré-
fentent toüjours plus fortement les phénomenes, & font de
quelque fecours pour l'imagination.
Les Tourbillons indiqués par l'attraction & la répulfion
des Corps électriques, ou électrifés, fe confirment toñjours.
Des Aïguillées de Fil, de Coton, de Soye, de Laine, égales
en longueur , ont été mifes fur une barre de fer horifontale à
diflances égales, de forte que les deux bouts de chaque
Aiguillée pendoient librement & verticalement de côté &
d'autre de Ja barre, & également, de chaque côté. On a
électrifé Le tout enfemble par le Tube de Verre. Les deux
À ij
4 Hi1STOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
bouts de chaque Aïguillée qui étoient paralleles, fe font
écartés l'un de l’autre, parce que, felon toutes les apparences,
ils acqueroient chacun un T'ourbillon Eleétrique, & que les
deux Tourbillons fe repoufloient, s'arc-boutoient l'un contre
l'autre. Mais, ce qui eft bien remarquable, les deux bouts
de chaque Aiguille ne faifoient pas entre eux le même écart,
ceux de l’Aiguillée de Fil faifoient le plus grand, & de-là
les écarts alloient en diminuant felon l’ordre où nous venons
de ranger les différentes matiéres des Aiguillées. La force des
Tourbillons alloit donc de même en diminuant, ils fe re-
poufloient plus foiblement, & par conféquent les Corps
avoient pris moins de vertu électrique. M. du Fay, auteur
de cette expérience, la juge très-propre à mefurer les diffé-
rents degrés de cette vertu en différents Corps, à s’affürer
des circonflances, qui dans le même corps lui feront favo-
rables ou contraires, &c. Comme les bouts d’Aiguillées,
après s'être écartés, reviennent à leur premiére pofition, qui
éioit la verticale, & qu'alors la vertu qu'ils avoient contraétée
eft éteinte, on verra aufir quels font les corps qui la confer-
vent le mieux, & combien elle peut durer.
Nous avons toüjours fuppofé ici, quand nous ne l'avons
pas dit expreflément, que les Corps éleétrifés l'étoient avec
le Tube de Verre. Si à la place de ce Tube on employe un
Cilindre de Cire d'Efpagne, un morceau d’Ambre, &c. bien
entendu qu'on les ait rendus Electriques aufir par le frotte-
ment, les fils de l'expérience précédente ne font prefque pas
d'écarts, ce qui prouve aflés que l'Electricité vitrée eft fort
fupérieure à {a réfineufe, De plus quand on employe la réf-
neufe, on ne tire point ces étincelles que la vitrée produit
fi facilement. M. du Fay, qui a découvert leur différence,
ne la croyoit pas lui-même fi grande. |
Cette différence fpécifique d’Eleétricité demande qu'on
y ait beaucoup d'égard. Quand l'Homme fufpendu fur des
Cordons de Soye en éleétrife un autre, il l'électrifera mieux
quand ce fecond fera porté fur un gâteau de Réfine qui ne
fera guere propre à prendre pour lui-même de la matiére
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Electrique, & à la détourner par conféquent de l'Homme
qu'il porte; en même temps les Cordons de Soye, qui foû-
tiennent le premier, la prennent plus facilement.
De tous les phénomenes qui dépendent de la différence
fpécifique d'Eletricité, voici celui où elle eft la mieux mar-
quée, & c’eft auf le plus furprenant de tous les phénomenes
rapportés jufqu'à prélent. Au centre d'un gâteau de Réfine
polé horifontalement, on met une boule de fer, on rend le
tout électrique par le Tube, on a un fi délié, au bout du-
-quel eft attachée une petite boule de Liége, on prend ce fil
par l'autre bout, & on le tient en l'air avec la main dans une
fituation verticale, & telle que le centre de la boule de Liége
foit autant qu'il eft poflible dans la même ligne droite que
le centre de la boule de Fer. Cela fait, & la main qui tient
le fil demeurant fixe, on voit la boule de Liége fe mettre en
mouvement, & décrire un Cercle d’un certain rayon autour
de la boule de Fer, fur laquelle auparavant elle étoit fufpen-
due verticalement, &, ce qui eft prodigieux, il peut y avoir
jufqu'à cent de ces circulations de fuite.
Heureufement M. du Fay avoit déja établi le principe qui
explique ce merveilleux fait découvert par M. Gray ; des
Corps de la même Electricité fe font des Tourbillons qui fe
repouflent mutuellement, & la Réfine, les Métaux, les Bois, :
font de la même Electricité réfineufe. Donc quand le gâteau
de Réfine & la boule de Fer fe font fait un Tourbillon, &
qu'on vient à y plonger la boule de Liége qui s'en fait un
auffi, cette boule, fort aifée à ébranler, eft repoufiée du
centre du gâteau vers la circonférence, mais elle a en même
temps fa pefanteur, quoique petite, qui tend à la retenir dans
la ligne verticale où elle étoit, & ce n’eft que l'excès de la
force de répulfion fur celle de la pefanteur qui porte la boule
de Liége à une certaine diftance du centre. Le mouvement
qu'elle a une fois pris, dure tant que ces deux puiffances
oppolées agiflent, ou, pour parler plus exaétement, tant que
la force de répulfion agit, & que les Tourbillons dont elle
dépend fubfiftent, car la pefanteur fubfifte toûjours,
À iii
6 HisTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
Si au lieu de plonger la boule de Liége dans le Tourbillon
- du Gâteau à fon centre, on la plonge à l'endroit jufqu'où
J'on a vû s'étendre fes circulations dans une expérience pré-
cédente, la boule y reflera immobile, parce que la force de
répulfion ne peut la porter plus foin malgré la pefanteur.
Et fi on la plonge encore plus loin du centre, elle prendra
du mouvement, non commé auparavant du centre vers la
circonférence , mais de la circonférence vers le centre, &
feulement jufqu'à une certaine diftance égale à celle dont elle
auroit pû s'en éloigner. On en voit aflés la raifon.
M. Gray avoit trouvé que les circulations de la boule de
Liége fe faifoient toûjours de la gauche à la droite d'Occi-
dent en Orient, & il étoit furpris & charmé avec raïfon de
leur conformité avec les circulations céleftes. Quelle nouvelle
& vafte efpérance pour toute l’Aftronomie ! Cet habile Ob-
fervateur mourut, lorfqu'il en étoit à, & M. Weler, membre,
comme lui, de la Société Royale, lui fuccéda dans l'entreprife
de pourfuivre les recherches de E lecricité, M. du F ay de
fon côté fe tourmenta beaucoup, & inutilement, pour trouver
les circulations de la boule de Liége toujours d'Occident en
Orient. Il eut recours à M. Weler, avec qui il étoit, ainft
qu'il avoit été avec M. Gray, dans une correfpondance où
regnoient une franchife & même une générofité fort rares
entre Sçavants qui travaillent à un même fujet. Les expé-
riences de M. Weler commencerent par être d'accord avec
celles de M. Gray, mais enfuite elles variérent à tel point,
que M. Weler renonça à l'idée agréable qu'elles avoient an-
noncte. Il conçut que quelques mouvements imperceptibles
& involontaires de la main qui tient le fl fufpendu, quelques
agitations infenfibles de l'air, malgré toutes les précautions
qu'on pouvoit prendre, fuffifoient pour déterminer la direc-
tion des circulations, peut-être auffi quelquefois la prévention
qu'on y apportoit qu'elles fe feroient en un certain fens.
Quel prodigieux nombre de fources d'erreur !
DES.SCIENCE s. 7
OBSERVATIONS
DE PHISIQUE GENERALE.
F
M le Chevalier Sloane, A flocié Etranger de? Académie,
. & Préfident de la Société Royale de Londres, a écrit
à M. Geoffroy que M.Bechier, Chirurgien, Membre de a
Société, dinant un jour chés un Teinturier en Toiles, remar-
qua que dans du Porc qu’on avoit fervi à Table, & qui étoit ”
de très-bon goût, les Os étoient rouges. On lui dit que cela
venoit de ce qu’on avoit mêlé avec les aliments ordinaires
du Cochon un Son de farine, qui avoit bouilli avec des Toiles
peintes que lon nettoyoit ainfi d’un Rouge file, dont elles
avoient été furchargées par l'infufion de la Racine de Rubie
Tinclorum.: Ce rouge ne s'attache point à d’autres parties de
TAnimal qu'aux Os, on a trouvé la même chofe dans d’autres
Cochons nourris de la même maniére.
Comme la Rudia Tindorum n'eft pas la feule matiére qui
entre dans la teinture de nos Indiennes, M. Bechier à voulu
voir fi elle produifoit feule l'effet dont il s'agit. Il a mêlé
de la poudre de cette Racine avec tous les aliments dont if
nourrifloit un Coq; & au bout de quinze jours il a trouvé
fesOs devenus rouges, mais non pas au degré de perfection
où étoient ceux de plufieurs Cochons. On fit efpérer que
ces expériences feront fuivies plus loin.
Ki IL
-L'éruption du Vefuve ayant été plus violente cette année
au mois de Mai qu'elle n’avoit été depuis long- temps, en
voici la principale circonftance tirée d’une Lettre écrite à M.
le Cardinal de Polignac par M. de Montealegre, Secretaire
d'Etat du Roy de Naples. La Montagne vomifloit par plu-
fieurs Bouches de gros Torrents de matiéres métalliques fon-
dues & ardentes qui fe répandoient dans la campagne, &
/
8 HiSTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
s'alloient jetter dans la Mer. M. de Montealegre obferva aveé
horreur un de ces Fleuves de feu, & vit que fon cours étoit
de 6 ou 7 Milles depuis fa fource jufqu'à la Mer, fa largeur
de so ou 60 Pas, fa profondeur de 25 ou 30 Palmes, &
dans certains fonds ou vallées de 1 20. La matiére qu'il rou-
lit étoit femblable à l'Ecume qui fort du fourneau d'une
Forge. Le Chimifte du Roy de Naples y trouva par FAnalife
du Sel commun, du Nitre, du Fer, du Soufre, une certaine
matiére extrêmement corrofive , & uné-médiôcre quantité
d’excellent Sel Armoniac. ru
T TE
M. Coffigny, Ingénieur & Correfpondant de Y Académie,
a fait dans le cours de fa navigation à FIfle de France, où if
eft employé, des expériences pour voir s'il eft vrai, comme
on l'affure, que l'eau pénetre dans les Bouteilles de Verre
plongées au fond de la Mer. On les fuppofe bien bouchées,
& celles dont M. Coffigny s’eft fervi, l'étoient avec un foin
extraordinaire, & autant qu'elles le puiflent jamais être fans
l'être hermétiquement, car il n'avoit pu en avoir de cette
forte.
A 180 Brafles, la Bouteille fut entiérement fracaffée par
le poids d’une fi grande hauteur d’eau, & ce qui en eft encore
un effet plus furprenant, un morceau de toile très-forte &
bien gaudronnée qui couvroit le Bouchon de Liége, & une
ficelle qui le ferroit fortement, éioient en Charpie
A 60 Brafles, le Bouchon avoit été porté au fond de Ia
Bouteille, le morceau de toile gaudronnée fans être percé ni
déchiré, étoit enfoncé dans le Goulot de tout ce qu’une forte
ligature avoit pu permettre fans lâcher prife, & de tout ce
que la toile avoit pu fouffrir d’extenfion fans fe rompre. La
Bouteille revint prefque toute pleine d’une eau, qui après
avoir eu la force de chafer le Bouchon, avoit encore eu celle
de pénétrer au travers de la toile gaudronnée.
À 40 Brafles, la Bouteille revint entiére, rien de ce qui
la bouchoïit n'étoit dérangé, pas une goutte d’eau dans fon
intérieur,
À 100
. D'ESLSTCOME NICE 8,
© Ax0o0o Brafles, la même Bouteille, qui n’avoit rien fouffert
de l'expérience précédente, revint encore entiére, mais fon
Bouchon, dont le bout qui fortoit en dehors, avoit été laiflé
exprès bien plus gros que le Goulot afin qu'il n’y püt être
enfoncé, l’étoit cependant jufqu’au bas du Goulot où il s'étoit
arrêté. La toile gaudronnée étoit pareillement ün peu en-
foncée au commencement de l'ouverture, fans être déchirée,
TI y avoit au fond de la Bouteille une petite cueillerée d’eau
claire.
Cette eau ou aura pénétré au travers des pores du Verre,
forcée par des Colonnes de 100 Brafles de haut, ou fera
entrée par le Goulot de la Bouteille malgré la toile gaudron-
-née, & même malgré le Bouchon arrêté au bas de ce Goulot,
. qui devoit le comprimer extrêmement à caufe de fa figure.
Et ce qui femble s’oppofer à cette feconde explication, c'eft
-que la Bouteille étant encore dans ce même état, on avoit
beau {a renver{er & la fecouer violemment, il n’en fortoit pas
une goutte de cette eau qui auroit dû repañler par où elle
‘avoit déja pañlé. Cependant M. Coffigny tient toüjours pour
cette penfée. Quand {a Bouteille étoit au fond de la Mer, le
poids des Colonnes avoit aflés étendu la toile gaudronnée
‘pour la rendre pénétrable à l'eau, hors de la Mer le reflort
-des parties de cette membrane lavoit refferrée, & il n'étoit
-pas étonnant que les plus vives fecoufles du corps entier de
da Bouteille n’y fiffent abfolument rien.
Cette cueillerée d’eau fe trouva être très-falée, quoiqu'affü-
xément rien ne lui manquât pour une parfaite filtration.
4 Eîte année parut le 3m° Volume de l'Æifloire des Infectes
y de M. de Reaumur. Nous avons rendu compte du r<r
en 1734 * & du 24 en 1736 * Apparemment après la
lecture des deux 1°, on ne fera plus étonné que les Infectes
. fourniflent tant, & on fe trouvera même beaucoup plus dif-
pofé à leur accorder toute l'attention qu'ils méritent. Il ya
une certaine quantité d'intelligence répandue entre tous les
Animaux de notre Globe terreftre, les Hommes en ont eu
Hifl. 1737: B
%
P- 18
& fuiv.
* p. 8.
& fuive
ro HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
en partage la portion fans comparaifon la plus confidérable,
mais après cela fi on obferve ce qui en eft échu aux grands
Animaux d’un côté, tels que les Chevaux , les Bœufs, les
Moutons, &c. & de l'autre aux plus petits Animaux ou In-
feétes , tels que les Abeilles, les Araignées, les Chenilles, &ce.
on verra, & peut-être avec furprife, que les Infeétes que nous
méprifions tant, ont eu le plus gros lot. On ne trouve guere
parmi les grands Animaux que les Caftors qui ayent une de
ces induftries finguliéres & incompréhenfibles à l'Efprit hu-
main, dont les exemples font fi communs & fi variés chés
les Infectes.
Deux Volumes affés gros n’ont pas épuifé es Chenilles.
On n'y avoit point vû celles qui, dès qu'elles font nées, per-
cent une feuille d'Arbre pour s'y loger, s'y nourrir de fa
fubflance, où parenchime, & y pañler au moins toute leur
vie de Chenille, car quelquefois elles y paffent aufli celle de
Crifalide. C’eft par elles que ce 3 me Volume commence.
Elles percent les feuilles les plus dures, & f nourriflent
fufffamment des plus minces. J'entends que ce feront celles
de différentes efpeces de ce même Genre, qui habite dans
l'intérieur d’une feuille, & s’en nourrit.
Comme elles minent fous la feuille qu’elles ont percée de
la même maniére dont nous minons fous terre, M. de Reau-
mur les appelle mineufes, & continuant la métaphore, il dit
qu'elles minent tantôt en galerie, lorfqu’elles fuivent toûjours
dans leur travail une même ligne droite ou courbe, tantôt en
grandes aires où en grand, loriqu'elles travaillent fur un-efpace
qui a quelque forte de rondeur.
Si la Chenille mine en gallerie, la ligne qu’elle fuit aug-
mente toûjours de largeur, parce qu'elle mange tout ce
qu'elle mine, & qu'en croiffant elle mange & mine toûjours
davantage.
La membrane de Ia feuille devient fouvent tranfparente
dans les endroits minés, mais fr elle ne le devient pas affés
pour laifler voir un aufi petit Infecte, ou fi l'Infecte s’eft
trop enfoncé dans le parenchime de la feuille, on le trouvera
De
De GR +
Sr.
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*
DES SCIENCES. II
toûjours , lorfque la mine-eft en gallerie, fous l'endroit où
cette gallerie a le plus de largeur ; C'eft-là où il eft arrivé en
dernier lieu.
Deux Chenilles, qui auront percé la même feuille du même
côté & en deux différents endroits, peuvent faire chacune à
part leur gallerie, & enfuite par une efpece de hazard fe ren-
contrer, après quoi il fera aflés naturel que leur ouvrage foit
une mine en grand.
Affés fouvent la partie minée de la feuille a‘une conve-
xité qui regne dans tout fon milieu felon fa longueur. D'où
vient cette convexité? La Chenille a filé des toiles, mais très-
fines, & prefque invifibles, qui ont obligé la feuille à prendre
cette figure, ce qu'il eft aflés facile d'imaginer, pourvü que :
- Jon imagine auffr que l'Infele a voulu fe ménager un plus
grand efpace où fa peau tendre & délicate füt plus à couvert
des frottements.
Tout ce que nous venons de dire des Chenilles mineufes
convient à des Vers qui ne font point Chenilles, & font mi-
neurs auffi, Nous ne les avons féparés que pour plus d'ordre
& plus de clarté. Ces Chenilles & ces Vers font très-difficiles
à diftinguer à caufe de leur extrême petitefle. Mais quand
on les auroit confondus dans leur premiére vie, & dans celle
de Crifalide, on les déméléra fûrement dans la derniére, car
il viendra ou des Papillons, ou des Mouches, ou des Scarabés,
{es Papillons feront venus de Chenilles, es Mouches ou les :
Scarabés feront venus de Vers. |
Si lon veut que tout foit nué dans da Nature, ces Vers
douteux entre le Genre de Ver & celui de Chenille, & qui
de la feuille qu'ils rongent fe font en même temps un loge-
‘ment où un habillement, feront la nuance & le paflage des
Vers à une efpece de Chenilles qu'on appelle eigues, qui fe
nourriflent & s’habillent des mêmes matiéres. Car M. de
Reaumur trouve que les T'eignes bien examinées, non pas
feulemenit autant qu'elles pourroïent l'être à f'œil, mais encore
à da Loupe, doivent être rapportées pour la plus grande
partie auGenre des Chenilles , & ce qui Serre spi
Bi
»
12 HisTOiRE DE L'ACADEMIE ROYALE
du moins pour celles-là, elles finiffent par être Papillons.
Les Teignes ont la tête, leurs ferres, leurs fix premiéres
jambes, & peut-être leur premier Anneau, d'une matiére
aflés écailleufe, mais tout le refte de leur corps, & qui en
fait la plus grande partie, n’eft couvert que d’une peau rafe
& très-délicate, qui fouffriroit beaucoup ou des injures de
V'air, ou des frottements des corps étrangers. De-là leur vient
le befoin de s'habiller. Nous ne parlerons d’abord que de
celles qui s’habillent à nos dépens, & par-là font nos enne-
mies, puifqu'elles ravagent nos étoffes de Laine, nos Pelle-
teries, nos Fourrures.
Prefque aufli-tôt qu'une Teïgne eft née, ou fortie de l'Œuf
que le Papillon fa Mere avoit dépolé fur une Etoffe, elle fe
met à fe filer une enveloppe de foye conforme à la figure
de fon corps, & par conféquent cilindrique, ouverte par les
deux bouts, fi mince qu'à peine eft-elle vifible, & beaucoup
plus ample qu'il ne faudroit fi la T'eigne n’avoit pas à croître
fous cette enveloppe. Jufques-là l’habit feroit bien léger, mais
YInfecte qui n'a pas beaucoup de foye à y dépenfer, va
couper ou arracher des poils de l'Etoffe fur laquelle il eft né,
car il n’eft pas aïfé de diftinguer laquelle il fait de ces deux
actions, feulement on voit que c’eft fa tête tirée hors du
fourreau de foye, qui en fe contournant felon qu’il eft né-
ceflaire, & avec beaucoup d’agilité, va prendre des brins de
laine, les pole fur le fourreau de foye, les y arrange propre-
ment en forme d’anneaux, & apparemment les unit & les
colle tant entre eux qu'avec le fourreau, par le moyen d'un
peu de foye qu'elle file en même temps, & qui eft une ma-
tiére glutineufe. Il eft facile d'imaginer enfuite comment fe
forme le fourreau total, dont la furface intérieure eft toute
de foye, parce qu'elle touche le corps de l’Animal, & dont
tout le refte de l'épaifleur eft un tiffu moins doux de beau-
coup de laine & d'un peu de foye, qui ne fert qu'à défendre
TAnimal des accidents du dehors.
Sa partie antérieure, dans une certaine étendue, étant,
comme il a été dit, moins délicate que le refte du corps,
F2
dl
DÉESS NS UC NACTEIS 13
c'eft cette partie qui fe produit au dehors & à l'air pour tra-
vailler au fourreau, l’autre demeure cachée. Mais cela même
fait naître une difhculté. Le fourreau de laine & de foye ne
pourra donc avoir qu'une longueur égale à celle de la partie
antérieure de Animal? Certainement cela n’eft pas, mais
c’eft que l Animal fçait fe retourner d’un bout de fon fourreau
à l’autre, tant qu’il veut ; après avoir travaillé au bout antérieur,
il va travailler au poftérieur où il porte les mêmes inftruments
qu’il avoit déja employés, & peut-être un renflement qu’on
apperçoit d'ordinaire au milieu de fon fourreau, vient-il en
partie de ce que c’eft-là où en fe retournant il fait contre
les parois de ce fourreau des efforts qui les étendent & les
pouflent en dehors.
La Teigne fe nourrit de la même laine dont elle fe fait
un vêtement ; & quoiqu'elle le faffe d’abord trop ample par
une efpece de prévoyance, il arrive pourtant qu'il eft trop
court & trop étroit quand elle a crû jufqu'à un certain point,
& il faut qu’elle foit toüjours vêtue, quoique plus forte. Que
faire ? elle va allonger, & fur-tout élargir fon habit, & cela
avec tant d'art qu'elle ne demeurera nue que le moins qu’il
foit poffible. |
Que l'on imagine deux lignes tirées felon la longueur de
Yhabit cilindrique, & dans un plan qui comprenne l'axe du
cilindre. La Teigne part du milieu d’une de ces lignes, & la
fuit jufqu’à un boutien fendant toûjours & ouvrant le cilindre
avec fes Serres ou fes Dents, & enfüite elle remplit de laine
& de foye le vuide qu'elle a fait. Voilà le premier commen-
cement de l'élargiffére. W refte à en faire autant fur les trois
autres parties égales du cilindre, elle le fait, & ce qui eft de
plus étonnant, c’eft qu’elle le fait indifféremment fur ces trois
parties, commençant tantôt par l’une, tantôt par l'autre, &
pourfuivant arbitrairement par lune ou l'autre des deux
reftantes. Dans ce qu'on appelle Finftinét des Animaux il y a
plus de détermination, plus de néceflité, plus de ce qui peut
avec quelque apparence les faire paffer pour de pures Ma-
chines: Ici il paroît qu’il y a quelque chofe d’abandonné à
ii
14) HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
un choix libre. Tout ce qui eft déterminé par la Nature, tout
ce qui peut être Machinal, eft que l'opération de l'Infeéte
foit coupée en quatre parties, afin qu’ ne demeure jamais
nud dans toute fon étendue, i eft le maitre du refte, qui
fera toûjours le même effet.
L'allongement des habits après l'élargiffement eft bien aifé
à concevoir. Les Teignes n'ont plus qu'à porter leur tête
fucceflivement aux deux bouts.
En même temps elles s'attachent, fi elles veulent, 8&{e cram-
ponnent par des fils de foye à l'Etoffe fur laquelle elles font.
Mais {1 elles veulent marcher, leur tête fort du fourreau,
s'attache à un point de l'Etofle le plus éloigné qu'elle puiffe
fair, & la partie poftérieure qui s'eft accrochée au dedans
du fourreau, fe tire en avant fur le point d'appui de la tête.
L'Eflomäc des Teignes digere la laine puifqu'elles s'en
nowrriflent, mais il eft remarquable qu'il ne digere pas les
couleurs de la faine, c’eft-à-dire, les matiéres qui lui ont
donné ces couleurs. Les excréments de ces Infeétes font tou-
jours de la couleur des laines dont ils fe font nourris.
. Quelquefois ils employent dans la compofition de leurs
fourreaux ces excréments liés avec de la foye, parce qu'ils
font aflés durs & aflés folides. Cela leur eft plus commode
que d’aller arracher ou couper hors de leur fourreau des brins
de laine.
Par là même raifon de commodité, s'ils trouvent des four-
reaux abandonnés par de plus anciennes Teignes qui fe font
déja métamorphofées en Crifalides ou ‘en Papillons, ils en
prennent les laines pour les faire fervir de nouveau à leurs
fourreaux , au lieu d'en aller chercher d’autres qui leur coû-
teroient plus de peine. Et de-là vient qu'on peut trouver far
une Etoffe d'une certaine couleur, des fourreaux d’une autre
‘couleur, ce qui fembleroit difficile à expliquer.
Les Teignes des Fourrures & des Pelleteries ne different
pas fenfiblement de celles des Etofles, & n'ont pas d’autres
manœuvres. 7
Mais il féroit plus important de fçavoir fe défaire des unes
DES DH EUNUCLE Se 1$
&'des autres que de les connoître fi bien, ou plûtôt il n’eft
“fort important de les bien connoître que pour trouver plus
aifément les moyens de s'en défaire. Aufli M. de Reaumur
a-t-il employé autant de temps, de foins & d’obfervations à
chercher ces moyens, qu'à étudier ces Infeétes mêmes. Les
poifons les plus efficaces qu'il ait trouvés pour leur deftruc-
tion, font l'Huile de Thérébenthine & la fumée de Tabac.
Nous n'entrerons nullement dans le détail qui feroit néceflaire
pour la pratique ; ceux qui.en cette matiére fongeront à l'uti-
lité, ne doïvent rien perdre de ce qu'en a dit M. de Reaumur,
au lieu que les fimples Curieux peuvent fe contenter de
connoiflances plus générales & moins approfondies,
Ils feroient certainement fichés de perdre fur ce fujet une
idée hardie & extraordinaire de M. de Reaumur, elle deman-
deroït qu'au lieu de détruire les Teignes, on les multipliät,
ce qui ne feroit pas difficile. Mais pour en faire évanouir le
paradoxe, c’eft que M. &e Reaumur demande fi ces excré-
ments des Teignes dont les couleurs font fr inaltérables, ne
pourroient pas fervir aux Teinturiers & aux Peintres. Qui .
fçait ce que l'on trouvera en fouillant toûjours de plus en
plus dans le fein de la Nature ?
Plufieurs efpeces de Teignes obligées à fe vêtir par les
mêmes raifons que celles dont nous venons de parler, le font
du moins fans nous caufer tant de dommage. Elles n’y em-
ployent que des feuilles d’Arbres, & comme elles font fort
petites, le dommage eft léger. Leur petiteffe fait même qu’on
ne les connoît prefque pas, & qu'elles ont lon g-tempséchappé
aux recherches & à la vigilance de M. de Reaumur. ©
En général elles font nées fur le deffous d’une feuille. Elles
la percent, s’infinuent dans l'intérieur , s’en nourriflent fans
toucher ni à la membrane fupérieure ni à l’inférieure de la
feuille qu'elles habitent, & quand elles ont rongé un efpace
fufhfant du parenchime, elles coupent avec leurs Dents les
poitions des deux membranes qui répondent à cet efpace
rongé & vuide, & fe font un habit de ces deux portions
rapportées & aflemblées par le moyen de leur foye. Après
16 HisTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
cela elles peuvent fortir du dedans de cette feuille où elles
étoient emprifonnées, s’aller promener au dehors, & même
changer de feuille.
Müis cette defcription eft bien groffiére en comparaifon
de l'art dont elles ufent. Un Tailleur donne aux différentes
piéces d’un habit les contours qu'elles doivent avoir chacune
féparément pour former enfuite l'habit par leur affemblage.
De même il paroît que ces T'eignes, en dépouillant de paren-
chime les portions correfpondantes des deux membranes de
la feuille, ont foin de fuivre les contours qu’elles doivent
avoir pour s’affembler enfuite.
Quand la Teigne vient à couper lune ou l'autre portion
des deux membranes, il feroit à craindre qu’elles ne fe dé-
tachaffent avant le dernier moment de l'opération ; la fupé-
rieure lincommoderoït comme un Toit qui tomberoïit fur
elle, ou bien l'inférieure tomberoit à terre, & féroit perdue.
L’Infecte a la précaution ou de n’en couper encore que les
groffes fibres, & de les laifler attachées au refte de la feuille
{eulement par les plus petites, ou de les couper en efpece
de zic-zac , afin que leurs parties s'engrainent un peu les unes
dans les autres, & fe foûtiennent mutuellement.
Ces Teignes ont ordinairement l’efprit de choifir un en-
droit de la feuille vers le bord pour le percer, & entrer par-là
dans l'intérieur. Car elles trouveront les deux membranes
extérieures de la feuille déja attachées & coufues naturelle-
ment enfemble à ce bord, c’eft une partie de l’aflemblage de
leur habit déja faite, autant de peine épargnée pour elles.
Auffi voit-on plufieurs de leurs fourreaux très-proprement &
agréablement dentelés fur le dos, ce n’eft pas qu'elles ayent
affecté cet ornement , ni qu'elles y ayent travaillé, mais c’eft
qu’elles ont taillé leurs habits à des bords de feuilles dentel-
lées, comme font celles d'un grand nombre d’Arbres.
Elles font leurs fourreaux plus grands des deux tiers peut-
être qu'il ne feroit-néceflaire pour l'état où elles font alors,
elles ne veulent pas être obligées à recommencer fouvent cet
ouvrage,
Le fourreau
Des SN CNT EI NICLE"S ï
Le fourreau a fon bout antérieur ouvert, il faut bien que
la tête ait toûjours la liberté de fortir pour fes opérations, &
même afin qu’elle les fafle plus commodément, ce bout eft
rebordé d’une efpece de bourlet qui la foûtiendra mollement
quand elle fortira. Le bout poftérieur eft fermé par trois piéces
triangulaires ou à peu-près, qui viennent fe joindre libre-
ment, mais qui à ce point de concours peuvent être féparées
& foûlevées par le derriére de l’Animal , lorfqu'il s’avance
vers là pour Jetter fes excréments dehors, après quoi il fe
retire, & laifle les trois piéces fe remettre en leur premier
état, ou par leur pefanteur, ou par leur reflort.
Avant que la T'eigne foit habillée pour la premiére fois,
elle a été nue un certain temps pendant lequel elle fe nour-
rifloit de la même feuille qui dévoit lui fournir un habit.
Mais ce premier habit fait, elle va ou fur un autre endroit
de la même feuille, ou fur une autre feuille, & elle ne fe
nourrira plus que vêtue. Elle applique le bout antérieur de
fon fourreau au nouvel endroit qu’elle veut ronger, & 1’
4
applique de {orte qu’il fait un angle quelconque, même quel-
quefois droit, avec le plan fur lequel il eft pofé. Plufieurs
Teignes à la fois hériflent quelquefois ainfi la furface d’une
feuille. Ce bourlet dont nous avons parlé, doux & flexible
comme il eft, fe prête à l'angle que l'Infecte veut prendre.
M. de Reaumur ne croit pas que ces Teignes travaillent
plus de trois fois en leur vie à fe faire un fourreau,
Si elles le font toüjours par précaution trois fois plus ample
qu'il ne faudroit pour l'état préfent, elles ne doivent avoir
qu'un tiers de ligne de longueur, quand elles viennent de
naître, car leur premier fourreau n’a qu'une ligne. 11 ne fera
pas étonnant qu'elles échappent alors aux yeux bien faci-
lement. |
I y a de certaines T'eignes qui ne paroiffent pas y épargner
Vétoffe ni le travail. Ces Juppes à falbalas qui ont été fr
Jong-temps à la mode, avoient certainement bien du fuperflu,
les fourreaux de ces Teignes en auront un pareil, à moins
que nous nejugions plus favorablement de ces Infectes que
Hi. 1737.
1$ H1isSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
de nos Dames, qui ne font pas tant fous la direction de la
funple Nature. Le corps de ces fourreaux eft une efpece de
Cone creux habité par Animal , orné en dehors de trois
rangs de falbalas qui l'entourent, s'y attachants par leur partie
intérieure, & flottants librement par l'autre, décroiflants entre
eux de grandeur où d'ampleur depuis le bout antérieur du
Cone jufqu'au poftérieur. Îl y a apparence que l'Infeéte habite
toûjours le même tuyau conique, qu'après y avoir crü juf-
qu'à un certain point, & y avoir fait un premier falbala, if
allonge & élargit le tuyau à deux reprifes différentes, & l'em-
bellit à chaque fois d'un falbala nouveau. M. de Reaumur a
vû qu'ils étoient faits, aufli-bien que le tuyau, des mêmes
membranes de feuilles d'Aftragales, dont les Teignes, qui
avoient fait tout cet ouvrage, avoïent mangé le parenchime:
Les falbalas, afin que rien n'y manquît, étoient découpés en
certains endroits, &, comme on a dit, pretintaillés. À quoi
fervent-ils ? C’eft encore un fecret, à moins qu'on n'imagine
que l'Infecte à fongé à fe cacher auffi-bien qu'à s'habiller, &c
plus peut-être à fe cacher. M. de Reaumur n’a encore pû
voir les Teignes travailler à ces fourreaux.
En récompenfe il en a vû de plufieurs efpeces différentes
dans le même goût général. Is pouvoient bien appartenir à
des Teignes de différentes efpeces. Les uns étoient faits de
petits morceaux de feuilles qui avoient été coupées quarré-
ment par lInfeéte, ce qui avoit demandé du travail & une
adrefle prévoyante. Ces feuilles n'étoient pas toüjours celles
dont l'Animal {e nourrifoit, plufieurs fortes d’Arbres four-
nifloient des matériaux à ce petit bâtiment, d’autres four-
reaux étoient faits de brins de gramen, qui n'ayant point de
largeur , n'avoient eu beloin d’être coupés que felon une
dimenfion, ce qui avoit épargné de la peine à des Teignes
plus parefleufes ou plus habiles. Quelquefois ces brins de
gramen coupés à peu-près de la même longueur, étoient
difpofés felon la longueur du tuyau intérieur de foye en autant
de rangs qu'elle en pouvoit tenir. Quelquefois toute l’enve-
loppe du tuyau intérieur n'étoit pas formée deices brins, ils
DES SCIENCES. 7
avoient manqué apparemment , & un refte de l'enveloppe
étoit formé de petits morceaux de feuilles. Les brins de
-gramen difpolés par rangs, d'étoient de plusen recouvrement,
‘comme les tuiles d’un Doit, ils n’étoient attachés au tuyau
intérieur que par un bout, libres par l'autre qui débordoit
fur le rang fuivant. C’étoit-à encore une efpece de falbala.
Quelquefois ces brins étoient aflés iongs pour couvrir toute
da longueur du tuyau fans aucune répétition de rangs.
Plufieurs de ces Teignes prennent la forme de Crifalide
dans leur fourreau même, & ne fe font point d'autre Coque,
& par conféquent elles n’en fortent qu'après leur derniére
métamorphole. On verra l'hiftoire d’un Papillon qui en fortit
n'ayant point d'ailes, & ‘beaucoup plus femblable encore
d'ailleurs à une Chenille qu'à un Papillon, & qui cependant
en devoit être un, fi, comme on étoit forcé de le croire par
toutes les apparences, il avoit pondu des Œufs bien condi-
tionnés qui {e trouverent dans le tuyau intérieur. On devroit
être plus étonné des découvertes füres qui ont été faites juf
qu'ici fur ce fujet, que des incertitudes qui peuvent y refter
encore, mais celle-ci fera prefque entiérement levée par des
obfervations fuivantes, tant il eft utile de n’en pas difconti-
nuer le travail.
Puifque les Teignes font des Chenilles, & qu'il ya,
comme nous l'avons vû en 173 6 * des Chenilles aquatiques,
J'analogie femble demander qu'il y ait aufli des T'eignes aqua-
tiques, & il y en a. Les vêtements, & l'art de fe vétir, qui
conftituent principalement toute l'efpece, ne font certaine-
“ment pas moins remarquables dans celles-ci.
- Leur fourreau, dont la fuperficie intérieure eft toûjours
de foye, comme chés les Teignes terreftres, eft quelquefois
- couvert en dehors de petits morceaux de feuilles d’une Plante
aquatique coupés quarrément, aflemblés avec tant de juftefe
& de propreté que l'œil n'en difcerne pas les joints, & que
M: de Reaumur ofe les comparer aux ouvrages de Marque-
terie les mieux faits. Quelquefois le fourreau extérieur n’eft
pas un aflemblage de ces feuilles difpofées par tranches
Ci
4
p. 66.
& fuiv,
20 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
perpendiculaires à l'axe du Cilindre, mais par tranches qui y
font toutes également inclinées, ce qui fait l'effet d’un Ruban
roulé tout le long d'une Canne. Quelquefois le fourreau inté-
rieur n’efl recouvert que de petits grains de pierre, de gravier
ou de fable, enchäffés très-adroitement dans la foye dont il eft
fonné, ou liés entre eux par de nouvelle foye.
Tous ces ouvrages font fort propres, & agréables à l'œil,
mais ils ne le font pas tant quand les Teignes y employent
ou de petits bâtons, ou des tiges aflés fermes & aflés longues
de quelques Plantes. Alors elles en font comme la Char-
pente du petit édifice, elles aflemblent, par exemple, &
lient cinq petits brins de bois, de forte que chacun touche-
roit environ par fon milieu un même Cercle, ce qui feroit
un Pentagone; d’autres brins de bois pareillement aflemblés'
feront quelque figure peu différente, & plufieurs aflemblages
pareils feront une cavité que lInfeéte n’aura plus qu'à tapifier
de foye. Elle fera irréguliére, fur-tout par fa couverture
extérieure, mais cette irrégularité ne nuit à rien. :
Ce fera encore pis quand la T'eigne fera entrer dans fon
bâtiment des fragments de Coquilles, & pis fans comparaifon
quand elle n’y fera entrer que de très-petites Coquilles en-
tiéres. Aflürément la furface extérieure du fourreau ne fera
pas bien lifle, & encore moins quand tous les matériaux que
nous avons nommés entreront enfemble dans la compofition
du même fourreau. Croiroit-on que ces Coquilles entiéres
dont les T'eignes aquatiques s’habillent quelquefois, ne laiffent
pas de contenir chacune leur petit Animal vivant ? Voilà
donc un Animal qui s’eft vêtu lui-même, & a voulu fe vêtir,
non de dépouilles d'Animaux morts, mais d’autres Animaux
vivants auff-bien que lui. L'Obfervateur le plus convaincu
par fes expériences de fa vafle poffibilité des chofes de la
Nature, fe feroit-il attendu à celle-là? - |
‘Ce qui contribue encore à la bizarrerie extérieure de ces
Teignes, eft un art particulier qui leur eft néceflaire, &
qu'elles pofledent. Il faut qu'elles puiffent tantôt defcendre
au fond de l'eau, tantôt remonter, Mais elles ne nagent point,
ps:
ES ot QU 2 ue À
he
es
DE lSN/S! CÈrn E NC ES. 2
“our très-mal. I faut donc que revêtues de feur fourreau, elles
ayent une pefanteur {1 approchante de celle de l'eau où elles
‘ont, que par quelque petit mouvement qu'elles voudront
-ou fe donner ou ne {e pas donner, elles deviennent auffi-tôt
‘ou plus légeres que l’eau, ou plus pefantes ; dans le premier
cas elles montent, dans le fecond elles defcendent. Quand
cet équilibre avec l'eau n’eft pas au point requis, elles s’en
apperçoivent, & pour y parvenir elles chargent leur fourreau
de quelque petit corps de plus, & le placent felon le befoin.
I n'eft point là queftion de fimétrie.
Elles fe transforment en Crifalides dans leur fourreau. S'il
étoit alors entiérement ouvert par le bout antérieur comme
il l’eit naturellement, l’eau qu'elles ne pourroient nullement
éviter, y entreroit en trop grande abondance, & les fubmer-
‘geroit: D'un autre côté cependant il leur faut de l’eau pour
refpirer ; M. de Reaumur croit qu'elles en tirent air par le
moyen de certains Mammelons ; & comme elles font affés
long-temps Crifalides, fi elles étoient tout ce temps-là enfer-
mées avec la mème eau, elles n'auroient à refpirer que le
même air, qui feroit aflés tôt ufé & privé de fes particules
.actives. Elles fçavent concilier tout, en ne fermant le bout
antérieur du fourreau que par une Grille de foye aflés ferme
& aflés épaifle, dont les petits intervalles vuides ne laiflent
pafler que la quantité d’eau néceflaire, & lui permettent de
{e renouveller..
Ces Crifalides deviennent tantôt Mouches à quatre aîles,
tantôt Mouches à deux aïîles. J'entends que par conféquent
les Teignes aquatiques auront été de différentes efpeces. Alors
elles ne font plus Chenilles, à: parler dans la grande rigueur;
il eût fallu pour cela finir par être Papillons. C'eit ce qui
fera réfervé, fi l'on veut, à d'autres efpeces de Teignes dont.
nous allons parler.
Dès les premiers commencements de l’Académie, on
obfervoit les Infectes, & il fut parlé de quelques-uns que lon
croyoit qui rongeoient les Pierres, comme il:y en a effecti-
vement qui rongent les Bois les plus durs. M. de Reaumur;.
C ü}
22 HisToiRE DE L'ACADEMIE RoYyALE
à qui les mangeurs de Pierre n'ont pas dû échapper, s'ils
exiflent, a trouvé qu'à la vérité les T'eignes qui couvrent de
petits grains de fable, & quelquefois de petites parcelles de
pierre, leurs fourreaux de foye, peuvent avoir des dents pro-
pres à détacher ces parcelles, qu'il y a réellement des Teignes
qui vivent dans les Murs, mais qu'il n'eft nullement apparent
que ce foit de la fubflance de la pierre, & que c'eit bien
plûtôt de celle de ces petites Moufles ou Lichens, dont la
furface des pierres eft fouvent couverte. Or ces Teignes des
murs fe changent en ce Papillon extraordinaire dont nous
avons parlé ci-deffus *, & que M. de Reaumur penfa ne
prendre que pour une Chenilie la premiére fois qu'il le vit.
Des fourreaux encore plus furprenants que ceux qui font
faits de Coquillages vivants, ce {ont les fourreaux que quel-
ques Teignes fe font de leurs propres excréments. M. de
Reaumur a bien raifon de comparer aux Hottentots des In-
fectes mal-propres à cet excès, fr cependant la propreté &
la mal-propreté ne font pas des qualités enfantées par notre
imagination.
L’Anus de ces Teignes eft placé & tourné de façon qu'il
leur jette les excréments fur le dos. Comme ils feroient tous
jettés à peu-près au même endroit, tout ce qu'ils pourroient
faire de mieux, ce feroit de s’y amonceller, & de fe lier
enfemble par quelque glutinofité naturelle, mais ils ne for-
merojient pas une couverture. Afin qu'ils la forment, & qu'ils
s'étendent de la partie poftérieure du corps vers l'antérieure,
les anneaux dont ce corps eft compofé, s'enflent & fe def-
enflent les uns après les autres, de forte qu’un anneau pofté-
rieur enflé, & par conféquent plus élevé, fait tomber &
rouler une parcelle d’excrément fur l'anneau fuivant antérieur
qui eft defenflé & plus bas, & toûjours ainfi de fuite. Tout
Animal fe trouve donc couvert, à l'exception du ventre
auquel fuffit la portion de feuille fur quoi il pofe. Cet Infeéte
tout hériflé d'une aflés grofe croûte raboteufe de grains noirs
irréguliérement femés, eft defagréable aux yeux, mais il
gagne beaucoup à fi derniére métamorphofe, il devient un
petit Scarabé fort joli.
DES" SCT E N CE 8 2#
Dans ce même genre de Teignes il y en a qui n'ont pas
leur couverture d'excréments immédiatement appliquée fur
eur corps, ainfi qu’il femble qu'elle devroit toüjours être,
mais. feulement portée en l'air comme une efpece de Parafol,
Et comment portée? par une fourchette à deux fourchons,
qui fort de leur partie poftérieure, fe recourbe tout le long
du dos fans y toucher, & reçoit les excréments fur fes four-
chons, qui ont l’art de les conduire vers la tête autant qu'il
le faut. |
Après tout cela, que des Teignes fe faffent des fourreaux
de pure foye, ce n’eft rien moins qu'une merveille. Mais
comme fi elles affeétoient de fe rendre remarquables auffi
par cet endroit, elles ne font pas ce fourreau tout fimple &
tout uni, elles y adjoûtent de la façon & de l’ornement fans
trop de néceflité apparente, Il y en a qui revètent leur tuyau
cilindrique d’une efpece de manteau large, flotant, qui eft de
deux piéces diffinétes, & ce n’a pas été fans peine que M.
de Reaumur a pénétré dans l’art de cette conftruétion.
Toutes les Teignes dont nous avons parlé jufqu'ici, { font
de véritables habits qu'elles tranfportent avec elles, mais il y
en a d’autres, aufii véritablement Chenilles, qui ne fe font
que des logements oùelles font à couvert, & pour les diftin-
guer, M. de Reaumur appelle les premiéres wrayes Teignes,
ou fimplement Zéignes, &c les fecondes fauffes Teisnes, Du
refte les logements font faits avec la même induftrie & dans
le même goût que les habits. Un tifiu intérieur de foye eft
recouvert des matiéres étrangeres dont l'Infecte a pü difpofer,
& s'il le faut, de fes excréments.
Les fauffes T'eignes qui ont le plus de befoin de logements,
font celles qui vont s'établir dans des Ruches d’Abeilles pour
y manger leur Cire, car elles n’en veulent point au Miel.
Là au milieu d’une Armée ennemie, nombreule, très-coura-
geufe, & bien pourvüûe d'armes, elles féroient bien-tôt abfo-
lument détruites & exterminées, fi chacune d’elles ne fçavoit
fe faire dès fa naïffance un logement qui la mît à couvert de
toute infulte, Elles s’en font un effeétivement proportionné
24 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
d'abord à leur très-petit volume, & qui les défend fuffifam-
ment, parce qu'étant de foye, les Aiguillons des Abeilles
ne feroient que s'y embarraffer fans effet ; peut-être aufi
échappent-elles à leurs ennemies par leur petitefle. Il eft vrai
que pour fe nourrir, il faut qu'elles tirent la tête hors de ce
logement, mais c’eft une tête écailleule , capable de réfifter
à l'Aiguillon. À mefure qu'elles croiflent, elles allongent le
logement, & le font plus large. Elles le conduifent dans la
-Ruche en différents fens, perçant les Alvéoles de Cire qu’elles
rencontrent en leur chemin, & quelquefois perçant de part
en part les Gâteaux mêmes, car on fçait que les Gâteaux
portent des Alvéoles fur leurs deux plans oppoés. Elles ne
manquent pas de fortifier en dehors leur logement de foye,
foit par des grains qu'elles détachent de cette même Cire
dont elles mangent une autre partie, foit par leurs propres
excréments. |
La Cire, qui a tenu bon jufqu'ici contre tous les Diflol-
vants de la Chimie, cede à l'Eftomac des faufles T'eignes, &
s'y laifle difloudre, puifque ces Infeétes s’en nourrifient. La
diflolution n’eft pourtant pas parfaite, de faufles Teignes qui
n’avoient pour toute nourriture qu'une poudre d'excréments
laiflés par une génération précédente de faufles Teignes, s'en
font fort bien nourries, ont fubi leurs métamorpholes, & ont
parfaitement fourni leur carriére; la génération fuivante qu'on
a mife dans le même cas, en a fait autant, &, ce qui eft
prefque incroyable, cela a duré 7 ou 8 années, & n'étoit pas
encore fini. Il eft vrai que d'année en année le nombre des
faufles Teignes a paru diminuer , mais la merveille n’en ef
guere diminuée,
On verroit affés par une fuite de ce qui vient d’être dit,
que ces Infeétes fe changent en Crifalides & en Papillons fans
{ortir de leurs logements, & y laiffent leurs Œufs. Peut-être
les Cadavres des Papillons fervoient-ils en partie de pâture à
la génération fuivante, qui fe trouvoit en grande difette.
Toüjours eft-il certain qu'il y a de faufles Teignes qui ne
les rebutent pas. Celles que M. de Reaumur à trouvées fort
À 1 friandes
DES ESTÉATMENN CES 25
ffiandes de Chocolat, pourroient n'être pas de ce nombre.
Après les Chenilles, dont le Genre a compris les Teignes,
viennent des Infectes d’un autre Genre, qui n'ont de com-
mun avec elles que de prendre des Aïles dans leur dernier
état, encore ne les prennent-ils pas par une efpece de méta-
morphofe, au moins apparente, & ils ne deviennent alors
que Moucherons, & non pas Papillons. Ils font prefque fans
comparaifon plus petits que les Chenilles, d’une forme tout-
à-fait différente, & ils ne fçavent point filer. Ce font les
Pucerons qui fe trouvent fur toutes les efpeces de Plantes, où
on les a cherchés jufqu'à préfent, quoiqu'il y ait un très-
“grand nombre de pieds de chaque efpece où ils ne fe trouvent
point. S'il n'y a point d'efpece de Plante exempte de Puce-
rons, sil n'y a pas beaucoup d’efpeces de Pucerons qui
puiflent vivre de la même Plante, & fi différentes efpeces de
-Pucerons ne peuvent vivre que de différentes parties d'une
même Plante, & tout cela eft très-vraifemblable, le nombre
des efpeces de Plantes & celui des efpeces de Pucerons ne
différeront guere. On n’eft pas encore en état de diflinguer
beaucoup d'efpeces de ces Infectes, tant à caufe de leur peti-
tefle, que de la difficulté & de la rareté des obfervations.
Les Pucerons ne reflemblent à des Puces que par leur petit
volume, du refte ils font bien éloignés d’en avoir la vivacité
-& l’agilité, ils paffent leur vie de Puceron attachés au même
endroit d'une feuïlle ou d’une tige, contents, à caufe de leur
petitefle, de ce qu'ils en peuvent tirer.
Ïls aiment à vivre enfemble, & par groffes troupes. Quel-
quefois une feuille en eft toute chargée, & c’eft par le deflous,
apparemment parce qu'ils veulent fe cacher, ou que cette
furface de la feuille eft plus fraîche & plus tendre. Alors ils
ne font pas épars confufément & fans ordre fur cette petite
-plaine, toutes feurs têtes font tournées vers un centre com-
mun, Quelquefois ils font une large ceinture à une tige qu'ils
enveloppent, ayant tous leurs têtes tournées vers un même
-côté, Dans ces deux difpofitions ïls font auffi ferrés les uns
‘contre les autres qu'ils peuvent l'être, & même dans la feconde
Hill. 1737: D
r
26 HiISsToIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
on voit quelquefois l'enveloppe doublée felon une affés
grande partie de fa Jongueur ou hauteur. En ce cas-là les
Pucerons fupérieurs ne peuvent fuccer la tige qu'en gliflant
leur Trompe dans les intervalles que laiflent entre eux les
Pucerons inférieurs.
Quand ils font fur une tige ou petite branche, & qu'ils
én ont pris le deflous qu'ils affectent fouvent auffi-bien que
le deffous des feuilles, la tige n’a plus la direétion qu'elle eût
eûe naturellement , elle fe’ courbe, tournant fa concavité du
côté où font les Pucerons, par la même raifon qu’une petite
Verge humide expofe au feu, devient concave vers le feu.
Elle a été de ce côté-là plus ou plütôt privée de l'humidité
qu'elle contenoïit, & par conféquent c’eft en ce fens-là qu'elle
fe raccourcit; il en va de même de la tige fuccée en deflous,
& privée en cette partie de fes fucs par les Pucerons. <
Cela peut aller au point qu'une petite branche bien flexible
fe tournera en une efpece de Spirale, dont les tours feront
pofés en différents plans, & fi de plus elle a aflés de feuilles,
ces feuilles rapprochées par-là les unes des autres, forme-
ront une touffe qui fournira aux Pucerons la retraite la plus
cachée qu'ils puifient defirer.
Is font autrement cachés, & non pas tout-à-fait fi-bien,
du moins à notre égard, quand ils le font dans ces excroif-
fances ou tubérofités qui naïffent fouvent fur les feuilles, &
qu'on appelle Galles, car leurs figures feules trahiffent les
Infectes, & avertiffent qu'on en trouvera à. Ces Galles ha-
bitées par les Pucerons, font des cavités formées entre les
. deux membranes de la feuille, la fupérieure & linférieure,
détachées l'une de l'autre de maniére que inférieure eft
comme un plancher au deflus duquel la fupérieure s'éleve
comme un Dome qui enferme tout ; on concoit bien que
tout cela n'a nulle régularité, mais il fe préfente d’ailleurs
deux queftions.
1°. Comment le Puceron eft-il entré dans cette cavité
fi-bien fermée, que l’on n’y apperçoit abfolument aucune
ouverture ? S'il n'y étoit pas entré, s'il y étoit né d'un Œuf
Di SYES AUCUNE IN CE LS 27
que la Mere y eût dépof& en picquant la feuille prefque im-
perceptiblement , rien ne feroit plus fimple, mais les Puce-
rons font vivipares, & non ovipares, M. de Reaumur s'en
eft aflüré par un grand nombre d'obfervations. Il refte donc
que le petit Puceron foit entré dans la feuille par un trou
proportionné à fon volume, & qui f fera aifément refermé
par de reflort naturel des parties de la feuille, foit parce qu'elle
fe fera étendue en croiflant après fa bleffure.
2°. Comment fe forme le Dome de a cavité! Le Pu-
ceron, qui a percé le deffous de la feuille, ne peut plus qu'en
ronger ou en fuccer le parenchime, diminuer d'autant la quan
tité de la fubftance qui auroit {ervi à la nourriture de toute
la feuille, & par conféquent à celle de fa membrane fupé.
rieure, & cependant cette membrane croît -précifément à
l'endroit où fe fait cette diminution, puifque de plane qu'elle
étoit , elle s'éleve en voute, elle devient même plus folide &
plus épaifle ; comment peut-elle profiter de fes pertes? C'eft
qu'aux endroits de la feuille bleflés par l'Infecte, les petits
tuyaux qui portent les fucs nourriciers, ayant été ouverts, &
le mouvement de ces fucs y étant devenu plus libre, ils sy
font portés en plus grande abondance, & ont caufé dans ces
endroits-là même un plus grand accroiflement en tous fens.
Il arrive de-à que les Pucerons & leur logement croiffent en
même temps, & par les fuites d'une même Méchanique.
Ceci peut femblen.contraire à ce qui a été dit plus haut*
fur le cas où une petite tige qui a été attaquée d'un feul côté
par les Pucerons , fe courbe & fe raccourcit de ce côté-là.
Mais il faut confidérer que les fucs qui, à l’occafion d'une
bleflüre, fe portent toüjours en plus grande abondance vers
l'endroit bleflé, fe portent en ce cas au côté de la tige fain,
& l'allongent, parce qu'ils trouveroient une plus grande ré-
fiflance à vaincre du côté attaqué qui fe defléche, & dont
les tuyaux fe ferment. Dans le cas préfent les fucs n'ont point,
pour ainfi dire, deux partis à prendre, ils ne peuvent couler
que dans la fimple membrane fupérieure dela feuille.
Les Pacerons font ordinairement nés dans es Galles qu'ils
Dj
2 P: 26%
# p.30. &f.
28 HisTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
habitent. Une Mere Puceron y eft entrée, & y eft accouche
d'une nombreufe famille,
Il eft fi für qu'elle étoit vivipare, qu'en Ja preflant douce-
ment on la fait aflés aifément accoucher de fes petits vivants,
& auffi vifs qu'ils le feront jamais. Ce qu'il y a de fingulier,
c’eft qu'ils paroiffent vifiblement de différents âges, & que les
plus âgés viennent les premiers dans cet accouchement forcé,
Les Pucerons changent de peau comme tous les autres
Infecles. On ne fçait pas encore combien de fois. Mais toû-
jours il eft für que ce n'eft qu'à la derniére qu’ils prennent
des aîles, s'ils en doivent prendre.
La plüpart des efpeces ont le corps couvert d'une forte
de duvet cotonneux, compolé de fils blancs très-déliés, dont
ka plus grande longueur peut varier en différentes efpeces,
depuis un pouce jufqu'à une demi-ligne. Ils n’ont point ce
duvet immédiatement après avoir fait peau neuve, tout au
plus paroiflent-ils comme poudrés légérement de blanc. M. de
Reaumur foupçonne que leur tranfpiration fournit cette ma-
tiére en fortant par petits grains, dont les premiers fortis font
pouffés en avant par ceux qui les fuivent.
On n’a pü voir jufqu'à préfent parmi les Pucerons que des
Meres, nulle diftinétion de Mâles & de Femelles par être aîlés,
ou non aïlés, ou par quelqu'autre figne vifible, ils accouchent
tous également. S'il n'y avoit qu'à les croire Hermaphrodites,
on s’y réfoudroit fans peine, c'eft une merveille à laquelle on
eft deformais accoûtumé, mais-en ce cas 1à on pourroit voir
leur accouplement, & on ne le voit jamais avec quelque
foin & quelque afliduité qu’on les obferve, & quoiqu'on les
obferve à découvert tant que l'on veut. Nous avons parlé er
1710 * d'une Moule qui, felon feu M. Mery, /e multiplie
indépendamment d'un autre Animal de fon efpece, à efl le Pere
7 la Mere de ce qui naît de lui. Les Pucerons auroient-ils ce
don extraordinaire ? M. de Reaumur ne croit.pas impoflible
qu'ils s'accouplafient dans le ventre de leur mere même, &
avant leur naïflance; tant on eft réduit fur ce point à de grandes
extrémités,
DABIS M SUCRÉ IE -NYCTELS, 29
Entre les Pucerons qui à leur dernier changement ou dé-
pouillement ne prennent point d'ailes, les plus remarquables
font ceux qui ont une Trompe plus longue par rapport à
leur corps, que celle d'aucun autre Animal à Trompe. Elle
excéde trois fois la longueur de leur corps. Elle fe recourbe
fous leur ventre & entre leurs jambes, fort au bout du der-
riére comme fi elle en partoit, & a encore au de-là une
étenduë deux fois plus grande, où elle eft tantôt traînante,
tantôt horifontale, tantôt même verticale, ou à peu- près.
L'Infegte peut s’en fervir pour s’accrocher à un endroit plus
élevé que fon corps, & aflés éloigné. H la pique dans le bois
avec tant de force, que quand on veut le tirer de 1à, la
Trompe emporte quelquefois un petit fragment de bois avec
elle,
Les Pucerons ont des ennemis, aucune efpece d'Animaux,
n'en eft exempte. On a vû que les Fourmis cherchoient les
Pucerons, & on acru que c’étoit pour les détruire, mais on
s'eff trop preffé de juger de leur intention fur un figne équi-
voque, elles les cherchent parce qu’elles font fort-friandes de
fucre, & de tout ce qui eft fucré, & que les Pucerons jettent
par deux tuyaux particuliers, faillants en dehors, une eau fu-
crée qui eft un excrément, & felon l'apparence, leur urine. If
feroit à fouhaiter que cette eau püt être de quelque ufage,
s'il y avoit lieu d’efpérer qu’on en eût jamais une aflés grande
quantité. Sinon, les Fourmis feules en profiteront,
Au lieu de ces faux ennemis que l'on donnoit aux Puce-
rons, ils en ont d’autres très-réels, très-avérés, & très-
redoutables. Ce font des Vers qui ont ur grand avantage par
leur mafe feule. Ils font plus gros que les Pucerons, prefque
dans la proportion d'un Loup à un petit Chien; de plus, les
Pucerons ne leur oppofent aucune réfifiance, pas la moindre
induftrie qui répare leur foiblefle. Ils ne fçavent feulement
pas fuir. H n'eft pas ordinaire dans la Nature que des Ani-
maux foient f1 abfolument livrés à d’autres.
Ces Vers mangeurs de Pucerons fe divifent en deux genres
par rapport aux jambes feules, les uns n'en ont point, les:
D ïj
30 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
autres en ont fix. Ceux du premier genre fe transforment
en Mouches à deux aîles, ceux du fecond, ou en Mouches
à quatre aîles, ou en Scarabés, Ces Mouches, ou ces Scarabés,
fçavent choifir les lieux où il fe trouve des Pucerons pour
dépolfer leurs Œufs, les Meres ont foin que leurs Enfants
naiflent dans l'abondance.
Commençons par les Vers fans jambes. Leur corps eft com-
pofé d'Anneaux extrémement flexibles , qui peuvent s’éloi-
gner ou s'approcher les uns des autres à tel point que quel-
quefois le Ver a la véritable figure d'un Ver beaucoup plus
long que large, & quelquefois celle d'une Boule à peu près.
La partie antérieure cft fort menuë , & la poftérieure grofe
& renflée. La tête n'a point de forme ni de confiftance dé-
terminée comme dans la plüpart des Animaux. Elle s’allonge,
s'accourcit, s’enfle, fe defenfle felon la volonté de l’Infecte,
C'eft par elle que fe fait le mouvement progreffif, il la cram-
ponne en quelque endroit, & fur ce point fixe il tire le refte
de fon corps qu'il raccourcit, après quoi il le rallonge.”
Dès que le Ver eft né, il attaque un Puceron qui peut
cependant alors être plus gros que lui, mais qui ne fait point
de deffenfe, & fi par le hazard il eft moins parefleux &
moins immobile qu'à l'ordinaire, le Ver lui faute fur le dos,
le perce, & le fucce. Les grands Vers font une autre ma-
nœuvre ; ils faififient le Puceron avec un dard qu'ils font
fortir de leur tête, ils la retirent enfuite, & la font entrer fous
leurs premiers Anneaux, & tiennent là leur Captif entiére-
ment livré à leur cruauté. Ce dard eft une efpece de Pompe
avec quoi ils le fuccent. Il eft expédié en une minute, & if
n'en refle que la peau bien féche. Ils en font autant à un
grand nombre de Pucerons tout de fuite, & à voir leur vo-
racité, il efl étonnant que les Pucerons fe maintiennent,
quelle que foit leur fécondité. ,
H paroît que ces Vers font aveugles. Dans un endroit où
il y a des Pucerons ils ne vont point droit à quelques-uns
d'entre eux, ils tätonnent avec cette tête fi mobile pour dé-
couvrir où il y en a. :
r \
DEENS MIS CT EN, C'EOS 3Ÿ
Leur derniére peau eft la Coque où ils fe transforment
en Mouches. Elle s'eft aflés durcie pour être une retraite fûre
‘pendant un temps d'immobilité & d’inaction. De plus ils
l'attachent & la fixent dans quelque lieu convenable avec une
glu qui fort de leur corps, & dont ils difpolent.
Les Mouches de ces Vers ont une fingularité curieufe.
Elles éclofent fort petites, & un-quart d'heure après on les
voit fort grandes fans qu'elles ayent pris aucun aliment.
11 vient d'abord dans l'efprit que quand elles étoient Crifa-
lides ou Nimphes, leurs parties étoient pliées, emboîtées
les unes dans les autres, de façon à ne faire que le plus petit
paquet pofhible, & que fous la forme de Mouches toutes
ces parties bien dégagées , bien développées tiennent un plus
grand volume ;maisnon, caren tâtant le corps de ces Mou-
ches, on devroit donc le fentir mol & flafque, & on le
fent au contraire dur & tendu. Cela vient, felon M. de
Reaumur, de ce que les Crifalides prenoient fort peu d'air,
elles avoient tous les conduits, où il eût dü pénétrer, ré-
trecis & embarrafiés, mais dès qu'elles font Mouches, if
coule librement par tout, & elles en font d'autant plus avides,
qu'elles en ont été long-temps prefque entiérement privées.
Et en effet, fi on pique le corps d’une Mouche avec une
petite épingle, on entend un très-petit fiflement, & le
corps de la Mouche fe defenfle & s’amollit.
Les Vers à fix jambes font pour les Pucerons des ennemis
encore plus redoutables que les Vers fans jambes. M. de
Reaumur qui leur trouve quelque conformité avec les For-
mica-leo ennemis des Fourmis , les appelle les Lio des Pa-
cerons, où fimplement petits Lions. Is faififlent leur proye
avec deux crochets pointus, qui {ont en même temps des
Pompes, dont ils {e fervent pour la fuccer fans en rien laifier
que la peau. Le plus gros Puceron eft entiérement fuccé en
une demi-minute. Auffi ces Infeétes, très-petits à leur naif-
fance, croifient - ils fort vite. Hs font fi voraces qu'ils ne
s'épargnent pas les uns les autres, lors même que les Puce-
rons ne leur ont pas manqué, M. de Reaumur fait trois genres
32 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
de petits Lions, bien entendu qu'il ne prétend pas qu'il n'y
en ait que trois.
1! y en a qui fe filent des Coques ainfi que les Chenilles,
ce qui n'eft pas fort commun aux Vers, aufir ne filent-ils
qu'en cette occafion. Leur Coque eft bien ronde, & fort
petite, & on eft furpris d'en voir fortir une jolie Mouche,
dont le corps eft menu & fort long, les quatre aîles extré-
mement fines & déliées, mais fort amples, le tout d'un
volume qui ne paroiffoit pas pouvoir être empaqueté dans
une Coque de la groffeur d'un Pois. Ces Mouches reflem-
blent aux Demoifelles.
Elles pondent, mais il femble qu'elles en faffent miftére
auffi-bien que les Abéilles, quoique d’une autre façon. On
voit quelquefois pendre à des branches de Plantes ou d’Ar-
bres d'aflés longs filets, qui fe terminent par un bout plus
gros qui en eft comme le fommet , quoique polé en embas.
Qui ne croiroit que c'eft-là une production végétale ? D'ha-
biles Obfervateurs ont voulu en donner l'explication fur ce
pied-là, mais M. de Reaumur qui avoit vü long temps de
ces productions fans les connoître, a été enfin conduit par
une fuite de conjectures prifes de plus loïn, à foupçonner que
les fommités de ces filets pourroient être des Œufs d'Infectes,
& en s'attachant à les obferver de près, il en a vü en effet
fortir de petits Lions vivants, & voilà un point décidé ;
c'étoient des Œufs de ces fortes de Mouches.
Mais comment ont-elles pondu ces Œufs, qui pendent
au bas d’un filet attaché par fon extrémité fupérieure à une
branche? Il eft aifé, pour peu qu’on y penfe, d'en fentir la
difficulté. M. de Reaumur n’a encore pû voir les Demoifelles
dans cette opération ; en attendant , il hazarde une explica-
tion du fait, qui mériteroit d’être vraye; fi elle ne l’étoit pas,
la raifon des Philofophes eft affés accoûtumée à céder à l'inf
tinct des Infectes.
De petits Lions d’une autre efpece veulent être habillés,
mais ils reflemblent aux Sauvages qui fe contentent d’ha-
billements très-grofliers. Ces Vers portent fur le dos comme
une
DES SCIENCES. 33
une Montagne informe compofée de petits brins de diffé-
rentes matiéres légéres prifes où ils ont pû, & liées enfemble
par les feuls accrochements & entrelaffements fortuits. Sou-
vent ce font les dépouilles des Pucerons qu'ils ont tués, &
M. de Reaumur a raifon de les comparer à Hercule revêtu
de la peau du Lion de Nemée. C’eft avec une tête extréme-
ment agile, & qui fe tourne très-facilement en tous fens,
qu'ils fe jettent fur le dos tout ce qu'ils veulent, & ce qu'ils
ont Jjetté d’abord s'engage & s'arrête par hazard dans cer-
taines rugofités de leur peau , ou entre leurs anneaux, &
arrête ce qui eft jetté enfuite. Si les hazards ne font pas fa-
vorables, l'opération fe recommence, & toute la conftruc-
tion en eft plus longue.
Ils fe filent une Coque, & fe transforment à peu - près
comme ceux dont nous avons déja parlé.
Il y a enfin des Vers à fix jambes, mangeurs de Pucerons,
qui fe transforment en Scarabés aflés petits & forts jolis,
femblables pour la figure à des T'ortuës prefque infiniment
réduites en petit, & femblables encore par le luifant, le
poli parfait de leur dos, fans compter la variété & la beauté
des taches colorées qu’ils ont quelquefois. La figure oblongue
de Vers fous laquelle on les a vûs d’abord, a donc été étran-
gement changée dans leur derniére métamorphole.
Les Vers de cette efpece qui méritent le plus d'attention,
font ceux que M. de Reaumur a nommés petits Barbets blancs,
parce qu’ils font couverts d’une matiére blanche, cotonneufe,
compofée de touffes de fils affés longs, toute pareille à celle
de quelques Pucerons, dont il a été parlé ci-deflus *. Pour
peu qu’on pañle le doit fur le corps de l'Infecte, cette matiére
s’enléve, &: il demeure à nud, mais au bout de 10 à 12
heures on la voit entiérement ou prefque entiérement reve-
nuë telle qu'elle étoit. C’eft donc une matiére qui revient
néceffairement ; fi elle étoit filée, ou exprimée du corps de
FInfefe à fa volonté, elle ne le féroit pas toûjours, & d’ail-
leurs on n'a point vû qu'il ait agi. Cela confirme beaucoup
la penfée de M. de Reaumur, que c'eft une tranfpiration.
Hif.1737. E
* p. 28,
34 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
Nous avons déja dit que les Pucerons font naître des Galles:
fur les parties de Plantes ou d’Arbres qu'ils ont piquées pour
en tirer leur nourriture. Les Vers mangeurs de Pucerons
fçavent pénétrer dans ces retraites. On peut regarder les Pu-
cerons comme les habitants naturels d’une Galle, & les Vers
comme des Etrangers barbares, qui fe font emparés du Pays
d'autrui, On trouve prefque toûjours enfemble les Conqué-
rants, & les malheureux Sujets très-maltraités.
Les Galles, dont la formation eft dûe aux Mouchés, font
très-différentes entr'elles par la grandeur, par la figure, par
le tiflü, par la difpofition , foit extérieure, foit intérieure, I
y en a de groflés comme de petites Pommes, & d'autres
comme des Grofeilles; de rondes & de très-baroques ou
informes; de dures comine du bois, & de fpongieufes ; avec
un pédicule, ou fans pédicule du moins apparent ; n'ayant
qu'une cavité, ou en ayant plufieurs ; rafes & lifles à leur
furface extérieure, ou révétuës d’un chevelu affés long; feules,
ou en grouppe, & quelquefois difpofées en grappes le long
d’une branche que l’on croiroit chargée de fruits. Les plus
bifarres font celles que M. de Reaumur appelle en arrichaut,
parce qu’elles forment un paquet de feuilles pointuës qui
s'élévent par étages les unes au deflus des autres ; une véri-
table Plante n’a pas plus l'air de Plante,
11 tomberoit aflés naturellement dans l’efprit que les diffe-
rentes Galles font produites par différentes efpeces de Mou-
ches, & en joignant à cette idée une autre fort naturelle auffs
de M. Malpighi, que ces excroiffances des Plantes fe forment
comme celles des Animaux bleffés par des bêtes vénimeufes,
& que par conféquent différents venins feront apparemment
différentes excroiflances, on auroit au moins en général une-
caufe affés plaufible de la grande variété des Galles. Mais ni
Fune ni l'autre de ces deux penfées ne paroît affés füre.
1. On voit quelquefois k
qui deviennent différentes Mouches. Ainfi la différence des.
elpeces de Galles, & celle des efpeces de Mouches ne pa-
zoiffent pas avoir affés de liaifon..
es mêmes Mouches fortir de-
différentes Galles, ou les mêmes Galles habitées par des Vers.
DES) SOTENCES 35
2. La parité de la Galle & de l'excroifflance de chair
m’eft pas aflés jufte. Dans l'excroiflance de chair les fucs ex-
travalés fe corrompent, & deviennent du pus, tant par la
ceffation de leur mouvement, que par leur fermentation avec
un fuc étranger & contraire, Dans la Galle il n’y a rien de
femblable ; nul épanchement de fucs, nulle corruption, nulle
apparence qu’une gouttelette , un atome de fuc étranger, ou
vénimeux ait pû fermenter avec celui de la Plante.
L'excroiffance ne f forme donc que parce que les fucs
de la Plante fe portent en plus grande abondance dans des
vaifleaux ouverts, qui ne font plus auffi étroits qu'ils l'euffent
été, & qui par la même caufe fe dilatent toûj@tirs de plus
en plus. Îl ne f fait point d'épanchement parce qu'il y a [à
des Habitants, qui prennent les fucs à mefure qu'ils arrivent,
& s’en nourrifient, & il leur en faut toûjours de plus en plus,
puifqu’ils croiffent. T1 ne fe forme point de pus dans la playe
d’un homme que l’on fucce, & la Plante qui a reçû la blef-
fûre eft toñjours fuccée à ce même endroit; & par confé-
quent refte toûjours faine.
Cela paroït fuffifant pour l'explication des Galles en gé-
méral, mais quand on vient au détail de leurs figures, con-
fiftances, &c. on trouve plus de difficulté. Cependant il
arrive ici que la plus bifarre de toutes. ces figures, celle en
artichaut eft la plus aifée à expliquer. Ces Galles ne naiflent
w’aux endroits où l’ Arbre eüt eu un bouton, un petit paquet
de feuilles naïffantes extrémement ferrées les unes contre les
autres, retenuës en cet état par une efpece de Calice formé
de feuilles plus épaifles & plus fortes, deftinées à tomber
uand les autres fe développeront & s'étendront. On com-
prend facilement que fi én vertu de la playe faite à l'endroit
du bouton les feuilles cadugues prennent plus de nourriture,
plus de force, & ne tombent point, les autres toñjours
gênées dans leur développement fe fépareront moins qu'elles
n’euffent fait, croitront davantage en hauteur & en épaifleur,
enfin feront l'artichaut.
Si des Vers ne prennent pour {eur nourriture que les fucs
E ÿ
# p.09. &f.
# ps 37 &f.
36 HISTOIRE DE L’ACADEMIE RoYyALE
les plus fins & les plus déliés, il ne reftera plus pour fa for-
mation de la Galle que les plus groffiers & les plus terreftres,
& elle pourra être d’une fubftance plus dure mème & plus
ligneufe que le bois de l'Arbre. Ce fera le contraire fi les
Vers préférent les fucs groffers, il fe formera une Galle
fpongieufe.
Il faut encore avoir égard ici & à la nature de Arbre, &
à fon âge, & à la faifon de F'année.
Si une Mouche à fait plufieurs piqueures dans des endroits
fort voifins, & qu’elle ait dépofé un Œuf dans chacun, if
viendra une Galle à plufieurs cavités,
Ces exemples choifis pour leur facilité encourageront à
fuivre avec M. de Reaumur, la recherche de cas plus difh-
ciles, ou en feront du moins entrevoir confufément l'expli-
cation, & empècheront qu'on ne la croye defefpérée.
Ette mème année parut le 3.m° Tome de M. l'Abbé
de Molieres, intitulé Leçons de Plifique contenant les
Eléments de la Phifique, déterminés par les feules Loix des Me-
chaniques. M a été parlé des deux premiers Tomes en 17 34*
& en 1736 *. Le tout enfemble ne perfuadera jamais fi bien
. que quand on le verra du même coup d'œil. Nous avons
déja commencé à transformer les grands & admirables mou-
vements céleftes, ft éloignés de nous, en tous ces petits
mouvements particuliers qui fe pafient fur la Ferre, & fous
nos yeux ; non-feulement les mêmes Loix régleront tout,
mais ce ne feront par tout que les mêmes effets, & la Chimie
fe confondra avec l'Aftronomie,
Quand on voit la prodigieufe effervefcence que caufe la
feule rencontre de deux matiéres, qui l'inftant précédent
étoient fort tranquilles, quand on confidére cette tempête
qui s'excite d'elle-même, cet Ouragan capable de brifer le
Vaifleau, & qu'on fe demande, d’où part tout ce mouvement
R? Où étoit-il renfermé? Qui l'empêchoit d'éclater, & qui
Fy détermine maintenant? En vérité.fe fent-on bien fatisfais
de ce combat d’Acides & d’Alkalis fi communément reçü?
DES, Sue ME N)C'E ES 7
Nous n'infifterons point ici fur les difficultés de cette ex-
plication, elles font extrémement connuës , & on ne peut
guére fe les diffimuler autant qu’on le voudroit.
Dans le fifteme des grands & des petits T'ourbillons, on
a un fond prefque infmi de mouvement, qui eft comme en
réferve, qui ne s'exerce point, & qui n’attend que des occa-
fions pour fe manifefter. Tout fe meut dans l'Univers, mais
tout y garde fa place, tous les Tourbillons connus par ob-
fervation, tous ceux que l'on imagine par analogie, font
toûjours aux mêmes diflances par rapport à certains points,
& y font retenus par l'équilibre de certaines forces, dont les
unes tendroient à les éloigner de ces points fixes d’un cer-
tain fens, les autres à les en approcher d’un fens oppofé.
Un équilibre n’eft pas une extinétion de forces, ce n’en eft
qu'une fufpenfion, & dès qu'il eft rompu, la force devenuë
fupérieure agit aufli pleinement fur l'autre que fi elle n'avoit
jamais été fufpenduë. Tous les Tourbillons fubalternes qui
compofent le Tourbillon Solaire font en équilibre les uns
avec les autres, font autant de grands Reflorts qui s'arc-
boutent mutuellement, & dont aucun par conféquent ne
ermet à un autre de s'approcher ou de s'éloigner du Soleil,
Les Tourbillons des fixes qui environnent de toutes parts
notre Tourbillon Solaire, agiflent de même contre lui, &
lui contre eux, & fi l'on veut defcendre du grand au petit,
on retrouve cette même idée qui y régne également. On
peut remarquer en, paflant qu’elle demande abfolument le
Plein, mais ele eft elle-même une efpece de preuve du
Plein, tant elle à d'avantage fur celle d'an Univers qui ne
feroit prefque qu'un grand Vuide fans liaifon , fans dépen-
dance mutuelle de fes parties , à moins qu'elles n’euflent Je
don miraculeux de lattraction. |
L'Univers eft donc en même-temps & dans un grand
mouvement, & dans un grand calme, & ce calme nous
cache une reflource infinie de mouvement, qui fe manifeftera
tout d’un coup & avec violence, dès que l'équilibre général
fera rompu en quelque endroit, & par quelque caufe que ce
E ii
38 HisToiRE DE L'ACADEMIE RoyALe
puiffe être. Suppofons, par exemple, qu'à l'endroit où notre
grand T'ourbillon Solaire & celui de Sirius fetouchoient, &
fe foûtenoient l'un contre l’autre, celui de Sirius foit devenu
le plus fort.
Il ne le peut être qu'il ne s'empare auffi-tôt d’une partie
de la matiére de notre Tourbillon, & ne foblige à circuler
autour de Sirius au lieu qu’elle circuloit auparavant autour
du Soleil. Selon le degré de la fupériorité de force qu’aura
le Tourbillon de Sirius, il s’aflüjettira une plus grande où
moindre partie du nôtre, jufqu'à Saturne, jufqu'à Jupiter, &c.
Peut-être s'aflüjettira-t'il le T'ourbillon Solaire entier, qui ne
fera plus qu'un Tourbillon fubalterne dans celui de Sirius.
Müis quoi qu'il puifle arriver, il eft certain que l'élafticité
totale du Tourbillon de Sirius ayant forcé celle du nôtre,
il y entrera une grande quantité de matiére étrangére qui en
fera fortir une quantité égale de celle qui y étoit, & cela
très-fubitement & très-impétueufement, & que le choc
de ces deux matiéres fera une tempête à laquelle les plus
grandes que nous connoiffions ne peuvent en aucune forte
être comparées. IT eft certain que fi la matiére étrangére eft
plus ou moins denfe que celle dont elle prendra la place,
le defordre fera encore plus terrible, & l'équilibre de tout
le Tourbillon Solaire plus rompu. II ef certain que cet équi-
libre ne fubfiftant plus, Saturne pourra defcendre, Mercure
pourra monter, que les Satellites pourront abandonner leurs
Planetes principales, & que par conféquent les T'ourbillons
pourront changer d'ordre, ceux qui étoient du fecond fe
transformer en Tourbillons du premier, &c.
I! feroit inutile de repréfenter ici un plus grand boulever-
fement dans notre T'ourbillon Solaire, enfoncé à la fois par
plufieurs autres Tourbillons voifins, on fent aflés que tout
ceci n'eft qu'une image de ce qui arrive dans les opérations
de Chimie, mais une image qui eft la chofe même, à cela
près qu'elle eft prife extrémement en grand. Les change-
ments qui attaqueroient ces grands & immenfes Tourbillons
dont l'Univers eft compofé, doivent apparemment être rares,
DES SCitENCESs
du moins fera-t'il encore infiniment plus rare que nos obfer-
vations puiffent feulement nous conduire à les foupçonner,
mais nous avons fous les yeux, & entre nos mains tous ces
petits Tourbillons qui forment l'Air, l'Eau, l'Huile, le Feu*,
ils font conftruits de la même maniére, & fuivent abfolu-
ment les mêmes loix que ceux du Soleil, de Sirius, &c. Et
tout ce que nous concevons clairement qui arriveroit à ceux-
ci en cas que leur équilibre füt rompu, nous devons étre
fürs qu'il arrivera à cés petits T'ourbillons lorfqu'ils feront
dans le même cas. Nous procédons du grand au petit, quoi-
que ce ne foit pas la marche la plus ordinaire, mais la fé-
conde fimplicité de Ja Nature eft toûjours notre garant.
Nous venons de voir des efférvefcences fubites & violentes,
des précipitations, des fublimations, des transformations, qui re-
préfentent les principaux & les plus furprénants phénomenes
Chimiques. H n’a point fallu recourir à des Dards, dés Pointes,.
des Guaines, figures vifiblement forgées pour le befoin, pof-
fibles, à la vérité, mais qui ne tiennent à rien de ce qui eft
connu, & dont les mouvements n’auroient ni aucun autre-
exemple réel, ni aucune explication méchanique. Ici une
même Méchanique, bien avérée pour le Ciel & pour les
Aflres, comprend auffi les Sels, les Soufres, les Huiles.
La condition eflentielle pour les phénomenes Chimiques,.
eft que l'équilibre des petits T'ourbillons entre eux foit rompu.
H l'eft fouvent parce qu'on a échauffé quelques matiéres ;:
Yélafticité de certains petits Tourbillons augmentée par ce
moyen les a rendus fupérieurs à d’autres, leur irruption fou-
daine dans'les plus foibles fufhroit pour caufer la chaleur de-
la fermentation, mais de plus, il arrive alors ordinairement
que l'Huile portée dans les petits Tourbillons qui lui font
particuliers ou {e rarefie, ou même s’enflamme, Et quand les:
fermentations font froides, ce qui a paru étonnant, lexpli-
cation ne laïfle pas d'être bien fimple, c’eft que les petits:
Tourbillons d'Huile ont eu la liberté de s'envoler dès les pre:
miers commencements de l'opération.
Sans chaleurétrangére, c'eft aflés que deux petits Tourbillons:
* V.PHift.
de 1736. p:
37 &
40 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
de différente force, peut-être, fi l'on veut, parce qu'ils feront
de différents ordres, fe trouvent contigus. Ainfi fi un Métal
contient dans fes pores de petits Tourbillons d'Huile qui
foient du premier ordre, & qu'on lui préfente une Eau forte
dont les interftices ou les pores renferment des Tourbillons
du fecond, auffi-tôt les T'ourbillons de la furface du Métal
plus forts, & prefque fans comparaifon plus forts que des
Tourbillons qui ne font que du fecond ordre , tendront à
s'aggrandir à leurs dépens, s’'aggrandiront en effet, & par-là
fouléveront toûjours de plus en plus les particules métalliques
qui les tenoient enfermés ; voilà le commencement d’une
diflolution, dont fa fuite eft aifée à imaginer. |
M. Abbé de Molieres croit que les Métaux différent
effentiellement des autres corps en ce que leurs parties fo-
lides , celles où lon arriveroit par une diflolution ou dé-
compofition pouflée jufqu'au bout, font plus petites, & en
plus grand nombre, & que delà vient qu'ils font plus pefants,
& que l'art ne peut parvenir qu'à en féparer des parties in-
tégrantes, & non les élémentaires. De l'Or eft toüjours de
.TOr, quelque divifion & fubdivifion qu'on en fafle. Ses
pores vont donc toüjours en décroiflant à mefure qu’on fub-
divife, car fi on pouvoit venir enfin à deux derniéres parties
élémentaires infiniment petites, il feroit néceflairement in-
finiment petit auffi. II y a donc des 1,975 245 pores, &c. à
commencer par les plus grands. Les res renferment de plus
grands Tourbillons, & ainfi de fuite, & l’on voit affés que
cette gradation de petits Tourbillons différents en force à
proportion de leur grandeur, ou plütôt de leur petitefie, doit
avoir fon ufage en plufieurs occafions.
Les Chimiftes en ont donné beaucoup jufqu'à préfent à
la matiére du Feu, qu'ils ont conçû qui s'amafloit & même
fe condenfoit dans les Corps que la calcination rend plus
pefants. Mais cette idée eft fujette à d’étranges difficultés.
On commence à ne plus croire la pefanteur effentielle à la
matiére, il eft très-poflible , il eft même en quelque forte
vifible que les Corps qui tendent vers un point déterminé, y
font
ATEN |
«
DES MSIÈNTE NC E STI £a
cRAN:
font pouffés par d'autres Corps qu'une force bien connuië porte
à s'en éloigner, & s'il y a une matiéré qui ne f6it pas pefante
par elle-même, certainement c'eft une matiére aufli fubtile
& auffi agitée que celle du Féu. Il'eft vrai qu'on peut dire
qué les matiéres combuftibles employées pour la éaléinatioi,
le bois, le charbon, ont fourni les! particules grofféres qui
ont augmenté le poids des Corps calcinés ; mais ce poids
augmente de même au Miroir ardent, où les feuls rayons
du Soleil agiffent. L’embarras de cette matiére ignée, fr peu
propre aux fonctions qu'il faudroit lui donner ici, n’eft point
pour M: Abbé de Molieres, qui ayant formé ces pêtits!
Tourbillons fur le modelle de ceux des Planetes, les’ a char-
gés d’un ou de plufieurs petits corps pefants, qu rs émportent
ordinairement , & que l'équilibre sl leur fait RM
dans des matiéres calcinéesi SHOT 23
Mäis comment fé peut-il que dé ces petits coïps prefe:
Hfane petits, quoique péfants , il s’en foit dépolé afés
dans certaines matiéres calcinées pour en augmenter le poids
de20à 25° 1 faudroit donc qu'une prodigieufe quantité de
ces Tourbillons qui portent ces petits corps pu “vinffent
en quelque forte ! leXprès pour dés dépofer dans l'endroit où
fe fait la calcination. ls : y viennent effectivement, felon:
M. l'Abbé de Molieres, en auffi grande quantité que s'ils ÿ_
venoient exprès. Ils ne dépofent leurs petits corps pefants
que parce que F équilibre eft rompu, dès que ces petits corps
font dépofés dans la matiére calcinée, les Tourbillons devenus
plus légers montent, s’élévent, & d’autres encore chargés
prennent néceflairement leur place, &cette fucceflion con-
- tinuelle dure autant de temps que dure l'équilibre rompu.
Plus cette méchanique ft si plus il eft PoPole que
ce foit celle de la Näturé.
"LNoûs. néfüivrons pas plus loinles phénomiencs Chimiqües,
dont Je détail feroit trop long, & nous pañlons à d’autres
phénomenes aüffi fürprenants toût au moins, & plus récem-
ment connus, & dont on n’avoit point encore entrepris le
ffleme . (phifique. M. Abbé de Molieres en donne ‘une
ere F
* p. 41. &f.
* p.41 &f.
2 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
ébauche felon fon idée des petits Tourbillons; il n’a pas pris
la peine de remonter pour cela jufqu'aux grands Tourbillons,
& d'en tirer les propriétés des petits, mais nous allons le
faire pour foûtenir jufqu'au bout une analogie fr heureufe,
On ya voir combien il feroit poffible que l'Eledricité fe
trouvât dans les Tourbillons céleftes, 1
Il réfulte de ce qui a été dit en 173 5 *, que les Atmof
pheres des corps céleftes retardent la viteffe de rotation qu'ils
auroient eûe précifément par leur Tourbillon, & en vertu
de fa place qu'ils y tiennent. Nous prenons cela du moins
pour un principe d'expérience. I faut fe bien fouvenir que
quoique le mot de Tourbillon fe puifie quelquefois prendre
fans erreur pour celui d'Atmofphere, ils font ici très-diffé-
rents. Le Tourbillon eft un'fluide! dont toutes les couches,
fphériques circulent autour du même centre en des temps,
inégaux , & l'Atmofphere eft un fluide attaché en. quelque
forte à un Corps central folide, & dont toutes les couches
ne circulent que toutes enfemble, & dans le même temps,
ue ce corps, fi elles circulent. 10 sf,
Suppofons le Soleil fans Atmofphere, fa rotation fera donc
de moins de 25 jours, & fa viteffe étant plus grande, il en
imprimera une plus grande à tout fon Tourbillon. Mais s'il
vient à avoir une Atmofphere, voilà fa vitefle, & celle de
tout le Tourbillon diminuée, les Planetes qui. fe tenoient
chacune à une certaine diftance de lui en vertu de leurs forces
centrifuges, ne pourront plus fe tenir à de fi grandesdiftances,
puifque leurs vitefles étant diminuées, leurs forces centrifuges
le feront auffr, car de tous les autres principes de l'équilibre
expofés en 173 6%, il n'y aura que celui-là d’altéré, Les Pla-
netes fe rapprocheront donc du Soleil par la feule raifon qu'il
aura acquis une Atmofphere, & il paroîtra les avoir attirées,
Si une Planete defcendoit jufques dans l Atmofphere du
Soleil, fi de plus il arrivoit qu'une partie de a matiére de
cette Atmofphere vint à en former une autour de cette Pla-
nete, elle deviendroit par-là un plus grand corps, elle auroit
donc de ce chef une plus grande force centrifuge, & par
LA
De a ME el Nic El 4
conféquent elle ne pourroit plus demeurer en équilibre auffi
près du Soleil, elle monteroit, & le Soleil après l'avoir at-
tirée paroïtroit la repoufler.” | 7} °
On voit bien qu'afin que la Planete attirée d’abord par Le
Soleil en foit enfuite repouflée, ïl faut qu'elle n'ait pris fon
Atmofphere qu'après être enfrée dans celle du Soleil, &
même que l'augmentation de grandeur qui lui farvient par
fon Atmofphere, foit à un certain point, car au deflous de
ce point la Planete feroit toûjours attirée, quoique moins,
& ne feroit point repouflée, * ”
. De-là il fuit que fi une Planete n’entroit dans l'Atmof-
phere du Soleil que toute revêtué: déja d'une Atmofphére
particuliére, elle en feroit attirée & non enfüite repouflée
fr fon Atmofphere n'étoit que d'une certaine pétitefle, ou
- ‘au contraire toûjours repouflée & jamais attirée, fi l'Atmo£
phere étoit plus grande.
Si l’on fe rappelle ce qui a été dit en 1733 * fur l'Elec-
ticité, on voit ici une image en grand de fon phénomene
principal & fondamental. Il°n’eft befüin que d'avoir conçû
auparavant que fr tous les corps deviennent Eletriques pour
avoir été frottés, où chauffés, ou tous les deux enfemble,
c'eft qu'on leur a donné une Atmofphere formée d’une in-
finité de petits Tourbillons qu’on à fait fortir de leurs pores,
& qui pendant quelque temps n’abandonnent point leurs fur-
faces jufqu'à une certaine diflance.’ Les corps fimplément
électrifés ou éleétriques par communication font ceux'qui
“ont pris uné Atmofphére pour avoir été mis dans une At-
mofphere électrique déja formée. Celà pofé, l'attraction &
venfüite la répulfion d’un corps léger non éle@hifé que l'on
préfente au Tube de Verre, ou Fattrattion feule & la ré-
_pülfion feufe du même corps s'il a été précédémment élec-
“té, font des chofes déja expliquées. °° °° |
On n'a pû donner à ün Corps une Atmofphere par le
= frottement, fans rompre l'équilibre qui étoitentre les petits
. Towbillons intérieurs, renféfmiés dans fs pores, & les ex-
“térieus qui né faifoïent que l'environner fans ca à lui.
ÿ
Xp: 4
24 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoYyALE
Les intérieurs fortis de fes pores, & plus forts par le frot-
tement, ont aflujetti les extérieurs à prendre leurs mouve-
ments & leurs directions, & à former avec eux une efpece
d’enveloppe qui fe rapportât au Corps devenu éleétrique.
Cette enveloppe ou Atmofphere fe forme d'autant plus
promptement & plus facilement, que l'équilibre étoit plus
près de fe rompre naturellement entre les Tourbillons inté-
rieurs & les extérieurs. -
Un équilibre rompu peut aller bien Join, & on en a été
fi perfuadé que l'on x demandé f le faut d'une Puce ne faifoir
pas trembler la Terre. Géométriquement cela va à l'infini,
mais non pas phifiquement. Une grande Atimofphere élec-
tique & fenfible ne fera donc pas furprénante.
Sa figure ne fera pas néceflairement ronde, ou à peu-près.
Si les Tourbillons les plus forts trouvent d’un côté moins
de réfiftance à en aflüjettir d’autres à leur mouvement, cer-
tainement l Atmofphere s’étendra davantage de ce côté-là.
Des Tourbillons plus homogenes entr’eux feront apparem-
ment plus difpofës à prendre lemouvement les uns des autres,
mais on fçait aufli qu’il y a des hétérogénéïtés qui, par rap-
port à certains effets, produifent plus de convenance que
lhomogénéïité même.
Par-R on voit la poffibilité de ces Cordes d’une longueur
fi étonnante , auxquelles Ia vertu Electrique femble s’accro-
-cher pour aller jufqu'à plus de 1200 Toifes. Ce font des
Atmofpheres qui ne font guére que des lignes droites. M.
l'Abbé de Molieres dit que ces Cordes font dans le même
cas que fi on les avoit bien frottées d'Efprit de vin, & qu’on
eût mis le feu à fun des bouts, il gagneroit jufqu'à Fautre,
quelque éloigné qu'il fût. WA
Après tout cela, les fpectacles les plus frappants de l'Elec-
tricité, ces traits de lumiére où de feu qu’on tire des corps
électrifés, font précifément ce qu'il y a de moins frappant
pour les Philofophes. Toute cetteEleétricité étoit une grande
. merveille qui commence à venir fe foûmettre à eux.
Nous ne dirons rien de lAïman & des Météores que
RE ne
Des SciENcEs. 4$
M. l'Abbé de Molieres traite auf felon fon fifteme, l'Aiman
‘ demanderoit trop d'explication, les Météores n’en deman-
dent point après tout ce qui a été dit. Nous finirons par une
réponfe très-courte à une objection que f' Auteur d’un nou-
veau Traité de Phifique, a cru qui renverferoit le ‘fifleme
général des Tourbillons. Ils ne peuvent abfolument fubfifter,
dit-d, puifque quelque nombre qu'il y git &e Tourbillons
différents en grandeur, dont les petits rempliront les inter-
valles des grands, il faut à la fin qu'il y ait des intervalles
fans Tourbillons, & là les derniers T'ourbillons n'étant plus
foûtenus les uns par les autres , perdront néceflairement leur
forme de Tourbillons, après quoi tout l’Edifice s’écroulera,
pour ainfi dire, en un inftant. M. l'Abbé de Molieres répond
que tout eft plein, & que ces derniers intervalles feront rem-
plis d'ane matiére qui n'aura point la forme de T'ourbillon.
N Ous renvoyons entiérement aux Mémoires
Les Obfervations du Thermometre à Paris en 1737,
V. les M,
comparées avec celles de quelques autres Climats par M. de p. 470,
Reaumur.
Et les Obfervations Météorologiques de M, Maraldi , p. 4071,
pendant fannée 1737«
46. HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoYALr
ANATOMIE.
OBSERVATIONS ANATOMIQUES.
1É
Farcy, Chirurgien de Ia Fléche, a envoyé à M.
M. Morand , l'hifloire d’une Exoftofe prodigieufe du
Tibia à fa partie fupérieure. Une Femme en 1727 étant
tombée fur le Genou, fa Jambe fe gonfla, & ce gonflement
qui paroifloit intérefler également les Os, & les parties molles,
augmenta confidérablement jufqu'en 1735, que ce même
Genou ayant été rudement comprimé contre un Arbre, il s'y
fit une playe à la partie antérieure & fupérieure; l'Os fut dé-
couvert, & peu-à-peu le tiflu fpongieux de l'Exoftofe fut
entamé, alors on apperçut que les Lames offeufes prodi-
gieufement aflongées en dehors, laifloient en dedans une
Caverne celluleule, quiretenoitune Chopine d’injeétion fans
qu'il en revint une goutte par la playe du dehors. M. Farcy ne
fut confulté qu'en Mai 173 6, & parce que la Femme étoit
grofe, il ne put faire l'amputation de la Cuifle, qui étoit le feul
reméde à pratiquer. Après les couches, il ne fut plus temps
de la faire, la pourriture s'étoit mife dans {a playe, & la
Femme mourut dans Le moïs de Novembre. M. Farcy diffé-
qua l’Exoftofe qui n'étoit recouverte que des T'écuments fort
émincés, les Vaifleaux qui rampoient fur fa furface étoient
tous variqueux, & logésidans desfillons creux à une certaine
profondeur; du refte le Pied ; l'extrémité inférieure du T'ibia,
les Condiles du Fémur, le Péroné, la Rotule, n'étoient nulle-
ment altérés, feulement le Péroné étoit écarté à fa partie
fupérieure par le foûlévement de l’Exoftofe, qui l'éloignoit
de fa fituation ordinaire. L'Académie a vû cet Os ainfi gonflé,
Entre les cavités qui xgçoivent le Fémur & la tubérofité du
{
LL Di ass Cac AÈL NC Eu
*_Tibia, il avoit 22 pouces de circonférence, 10 + de furface
en devant, 7 + du côté du Jarret.
TI
. Pour avoir un Crane dépouillé des parties molles, on avoit
mis dans du fumier de Cheval une. Tête humaine entiére, &
on ly laifla 8 ; jours. Enfuite on détacha aifément les parties
molles qui avoient été comme cuites dans le fumier, & pour
nettoyer le tout plus exactement, on le Java, après quoi on
le mit dans un Vaifeau plein d’eau , où le Crane trempa
pendant 10 jours: Quand on le retira de-1à, on le plongea
- encore 3 ou 4 fois dans un fceau d’eau nette, & enfin on
le Jaïfla expoié à à l'air fans l'efluyer. A mefure qu’il féchoit,
il fe couvroit de petits Criftaux à plufieurs faces, la plûpart
cubiques, & extrémement brillants, & d'un éclat fort vif
uand on les expofoit 2 à la lumiére. Il n’y en avoit point
à la bafe du Crane qui eft pleine d'inégalités, ils ne s’étoient
attachés que fur le haut-du Crane, au haut de la Foffe oxbi-
_ taire, à la Mâchoire inférieure, & fur es Dents, où ils étoient
plus jaunes, quoique toüjours fort brillants. .
En les examinant on reconnut que c’étoit du Tartre, &
cela fit qu'on fe fouvint que dans le Vaiffeau plein d’eau où
le Crane avoit trempé 10 jours, il y avoit eu de Ia Lie de
Vin. H falloit que le Crane eût eu par lui-même plus de
difpofition qu un autre Corps à fe charger de ces Criflaux
de Tartre, qu'il eût même contribué à {eur formation, &
fur-tout à ce grand éclat qu'ils ne devoient pas avoir natu-
rellement. Que n’eût-on point fait de cette Tête. de mort
lumineufe, fi elle ft tombée.entre les mains d’ Impofteurs?
C'eft à M. Morand que l'on doit + oREneHon.
III.
M. Martin Doieur en Médecine & en Chr ur gie à 1rète
fume, dont nous avons déja parlé en1725 él 722,
a écrit à l’Académie, qu'après avoir été tourmenté pendant
60 heures d'une violente Toux féche, qui avoit réfifté à
*p.21 &22,
* p. 30,
48. HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE: :- 18
tous les remédes ordinaires ; il s’étoit perfuadé que le Siége
du Mal étoit au haut de la Trachée, dans un endroit qu'il
fentoit vivement picoté, & qu'il avoit conçû que de petits
Vaifleaux trop ouverts & trop dilatés y déchargeoient quel-
que matiére acre. L'air froid devoit être propre à les refferrer,
& le temps y convenoit mieux que jamais, parce que c'étoit*
alors le mois de Janvier, & qu'il faïfoit fort froïd à Laufanne.
Mais quel reméde? Eût-il jamais ofé le confeiller à un Malade!
H le prit au moins pour lui, il s'expofa à l'air, d'abord avec
quelque précaution , & il fe fentit foulagé fur le champ, il
s'y expofa enfuite davantage, & fut guéri.
I V.
Encore une pratique fort fimple pour la petite Vérole ,
& qui vient de lui. I baffine la peau du Vifage, & de tout
Je Corps, avec un linge mollet trempé dans de Peau tiéde
& cela de 4 heures en 4 heures, jufqu’à l’éruption des Puf
tules. Il a vû les grands accidents fe calmer fort vite par ce
moyen, les Puflules paroître de bonne heure, & ne laïfler
aucune cicatrice remarquable,
V. +
Ï paroît que M. Martin eft fécond en remédes fimples, &
il feroit à fouhaiter que fon exemple & fes fuccès en ren-
difient lufage plus univerfel. I[ a eu entre les mains un
Homme de 1 8 ans, fujet à de fréquents vomiflements, parce
qu'il avoit reçû à l'endroit du Cartilage Xiphoïde un coup
qui le lui avoit enfoncé. Tous les remédes avoient été inu-
tiles, jufqu’à ce qu'enfm M. Martin s'avifa de faire retourner
en dehors ce Cartilage, & de le replacer par un mouvement
de deux doigts de la main droite, ce qui lui fit même en-
tendre une efpece de petit craquement. Il ne connoïfloit
point le Livre de Codronchus De prolapfu Cartilaginis mu-
cronatæ, on doute encore de la poffibilité de cette cite,
Vobfervation de M. Martin la favorile.
VI
D'E S «SCT EN CES 49
V I.
Ce n'eft plus ici une Cure qu'il ait faite, ce n’eft qu'un
témoignage qu'il rend. [1 a vü une Dame de fon Pays, qui
eft fourde, & qui entend ce qu’on dit, en voyant le mou-
vement des Levres de ceux qui parlent, ainfi qu'on l'a déja
rapporté de quelques autres Sourds. Elle répete ce qu’elle a
entendu par ce moyen, mais d’un ton bas ordinaire aux
Sourds. L'Art ne peut fuppléer à la Nature avec plus de
finefle.
VII.
M. Chomel a fait à l’Académie l'hiftoire d'une Epilepfie
fnguliére qu'il avoit vüe & traitée. Une jeune Femme, née
au commencement du Siécle où nous vivons, eut de violents
chagrins, que pour comble de malheur elle étoit obligée de
difimuler, & fa fanté, qui avoit été jufques-là aflés bonne,
y fuccomba entiérement. Elle commença en 1731 a être
tourmentée de Migraines qui duroient 24 heures, & aux-
quelles fuccédoit un vomiffement d’un fang épais & noirâtre,
fans efforts & fans Toux. La Crife fe terminoit par une foi-
bleffe & un évanouiffement. Ces accidents furent les mêmes
pendant deux ans. Elle ne laïfla pas d'avoir deux Enfants
dans cet intervalle, Vers les derniers temps de la groffefle
elle étoit plus fujette aux vomiflements de fang, qui s’'an-
nonçoient par une douleur vive dans {a région du Foye.
En 1733 les chagrins redoublérent, & les accidents auffr.
11 furvint une Jaunifle. L'accès étant venu, & la Malade
tombée dans l'évanouifiement, on s’apperçut qu'elle étoit cou-
verte d’une fueur épaifle, les linges dont on l’efluya furent
teints dans l’inftant d’une couleur faffranée, & la Jauniffe fe
diffipa De fortes convulfions s'étant jointes à tous les autres
accidents, on reconnut que c'étoit une Epilepfie que caufoit
Yacreté de la Bile arrêtée dans le Foye, capable d’irriter le
Genre nerveux.
Les accès commençoiïent par des convulfions fouvent fi
fortes, que la T'ête étoit retirée fur l’Epaule droite, le Bras
if 1737: ñ
50. HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoYyALE
droit retiré du même côté, l'Epine du Dos courbée en arc.
La Malade crioit qu’on lui tirât les Jambes & le Bras droit,
mais, comme il arrive prefque toüjours dans les Maladies.
convulfives, la force des Mufcles en cet état étoit prefque
infurmontable; aux convulfions fuccédoient le vomifiement,
& enfin l'évanouiffement terminoit tout. Incontinent après.
la Malade fe relevoit, fouvent fans fe fouvenir de ce qu'elle
avoit fouflert, & elle reprenoit fon train de vie ordinaire ,.
quoique fort languiflante & fort abbattuë,
Un de nos plus grands Médecins la voyoit, mais fa guérifon,
qui ne pouvoit être que fort lente, au cas qu'elle füt pofible,
m'alloit pas affés vite à fon gré, & elle fe mit entre les mains
d'un Empirique, qui alloit la guérir en peu de temps, &
à fond. Ses Remédes ne furent pas fans eflet, les convul-
fions devinrent beaucoup plus violentes, elles f faifoient
fentir dans tous les Vifcéres du bas Ventre, avec des douleurs
très-aiguës, & la Tête même étoit attaquée comme les Vif-
céres, fa Vüe s’éteignoit abfolument pendant des demi-
beures; au lieu de ces vomiffements ordinaires, & quelque-
fois outre ces vomifiements, il lui fortoit une grande abon-
dance d’une férofité fanguinolente, tantôt par le bout du
Sein droit, tantôt par le Nombril & par l'Ouraque qui fe
xouvroient, & alors la férofité avoit une forte odeur d'urine.
De fi énormes convulfions, & des évacuations fi contraires.
aux loix de la Nature, revenoient deux fois par jour.
La Malade tomba dans un état où l’on ne fongeoit plus
qu'à lui donner fes Sacrements. Ce fut alors que M. Chomel
ka vit pour la premiére fois en Décembre 1733, dans la
feule efpérance de lui procurer quelque foulagement; il fit
rappeller M. Aftruc qui l'avoit vûe, pour agir de concert
avec lui. Ils la trouvérent dans le commencement d’une grof-
fefle, & en furent aflés étonnés, mais ils le furent encore plus
du fuccès de leurs foins, tous les accidents diminuérent & de
fréquence & de force, il n'y en eut qu'un de remarquable
dans le 3e mois de la groffefle, ce fut un vomifflement
accompagné de tant d'efforts, qu'il fortit par le Nombril une
4 DES SCIENCES sr
“Once ou deux de fang épais & caillé. Enfin au mois d’Août
1734 vint un Enfant à terme, & bien fain, fur lequel on
n'eût certainement p25 compté.
La Mere a eu pendant près de deux ans une fanté aflés
-chancelante, le moindre chagrin lui caufoit des évanouifie-
ments Epileptiques, les Lavements & les plus légers Purga-
tifs lui donnoient des convulfions, mais elle n’avoit plus “de
fes anciennes évacuations extraordinaires. Depuis ce temps-
là elle eft encore mieux, & M. Chomel a attendu qu'elle
fût en cet état, pour ofer dire qu'elle fût guérie, mais il la
croit encore bien délicate fur les peines de lefprit. Si le
Corps par fes maladies a le droit d'afiger l'Ame, Ame
exerce bien à fon tour le même droit fur le Cor ps.
{ V1LE
M. old Profefleur Royal de Médecine à Aix, &
Correfpondant de l’Académie, a envoyé à M. du Hainel un
Corps offeux d'environ un pouce de longueur fur un demi-
pouce de largeur, & de figure irréguliére, trouvé dans le
côté droit du Cervelet d’un jeune Homme de 18 ans Epi-
leptique, mais qui ne l'étoit que depuis quelques années.
Cette piéce, quoiqu'enveloppée de la fubftance du Cervelet,
tenoit par plufieurs attaches ligamenteufes à la Dure-mere,
dont on eut quelque peine à la détackéer. Cet accident n'eft
pas commun à tous les E “pileptiques , & M. Lieutaud en a
ouvert plufieurs fans y rien trouver de femblable.
IX.
M. Morand a fait voir les parties intérieures d’une grofle
Carpe, où l'on voyoit diftiétement d'un côté les Œufs, &
de l'autre la Laïte, elle étoit donc véritablement Herma-
phrodite. A cette occafion M. de Reaumur a dit qu'il avoit
obfervé plufieurs fois la même chofe dans le Brochet, &
M. Marchant dans le Merlan. On y peut adjoûter les Mouies
dont nous avons parlé en 1710 *, & voilà bien des Poif- Xp. 30 &f.
fons Hermaphrodites, qui en feroient EG beaucoup
)
2 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoyALE
d’autres. Que d'éclaircifiements à défirer fur ce fujet! Toute
une efpece n'aura-t-elle que des Hermaphrodites, où fera-
t-elle mêlée? Plufieurs Hermaphrodites ont le befoin ordi-
maire d’un autre Animal de leur efpece pour engendrer, les
Moules engendrent toutes feules. De quel genre feront ces
nouveaux Hermaphrodites, qui fe trouvent parmi les Poif-
fons ?
Ette année M. Bertin Médecin, a préfenté à l’Académie
un Mémoire où il fait un détaïl des Anaftomofes des
Artéres épigaftriques & mammaires, & des Artéres inter-
ceftales & lombaires, telles qu'il les a démontrées dans une
piéce préparée dont les Vaifleaux font très-bien injeétés;
cette piéce fait voir fon adrefle dans cette partie de l’Ana-
tomie, & le Mémoire fa fagacité dans les conféquences qu’il
tire des communications de ces Vaiffeaux.
Ette même année M. Morand à été à Roïüen pour vo
M. le Cat, pratiquer l'opération de la Taille Latérale
dans l'Hôtel-Dieu de cette Ville, & il a fait voir à Académie
les Pierres que M. le Cat avoit tirées à fix Malades taillés par
cette méthode, & qui ont été parfaitement guéris. Les deux
années précédentes 173 $ & 17-36, M. le Cat n'avoit pas
été fi heureux, de vingt-un Taillés il en étoit mort dix à la
fuite de l'opération. M. le Cat a des éclairciffements à donner
fur cette différence de fuccès, par rapport à quelques circonf
tances de l'opération auxquelles il a fait des changements ;
mais il veut attendre que de nouvelles opérations ayent con-
firmé ce qu'il a imaginé.
Au furplus, l'opération de la Taille Latérale fait tous les
ans de nouveaux progrès. Depuis les opérations dont Fhif
#p45&46. toire a été rapportée en 1734*, M. Morand en a fait trois
qui ont réufli. En même-temps, M. la Haye Chirurgien de
la Marine à Rochefort , qui eft venu à Paris pour apprendre
cette opération de M. Morand, en a fait fix en Xaintonge,
dont le fuccès a été complet. M. Perchet à fait l'opération à
DE SMISICHUENN CES C(lI. 157
trois Malades, dont un eft mort. M. Vacher Correfpondant
de l'Académie, en a fait deux à Befançon qui ont réuffi ; &
* un Elévétde M. Morand, M. Ruffel le jeune, en à fait une
à un Homme de Sains en Brie, îgé de $ $ ans, bien guéri.
Ce qui fait en tout 42 opérations par la méthode Latérale
faites à Paris, ou dans les provinces depuis 173 4.
N Ous renvoyons entiérement aux Mémoires
La defcription Anatomique des Yeux de a Gre- V.LksM.
nouille & de la Tortuë, par M. Petit le Médecin. PA
Gi
V. les M.
p- 101. &,
128,
s4 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoyaLE
:0:0/0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:
CHEMTES
SUR UNE NOUVELLE ENCRE
SLM-P À T'E QiUNE:
O N appelle Encres Simpatiques celles dont on écrit des
caractéres qui, ayant été d’abord invifibles parce qu'ils
étoient de la couleur du papier, viennent à paroître par l’ad-
dition de quelque nouvelle matiére. Il a femblé que ces
Encres avoient quelque fimpatie particuliére avec la matiére
qui les rendoit viftbles, lors même que ce n'étoit que le
grand air ou le feu.
On entend déja par-là qu'il y a deux moyens de faire
paroître les écritures invifibles, ou deux efpeces d'Encres
Simpatiques. Une matiére diffoute difparoït ordinairement
dans fon Diflolvant, quoique colorée par elle-même, parce
que ce Diflolvant a beaucoup écarté fes parties, fur-tout s'il
eft en grande abondance; & il eft fort poffible que le grand
air le faffe évaporer, au moyen de quoi les parties qu'iltenoit
en diflolution fe rapprocheront, & par-là reparoitront avec
leur couleur. Le feu feroit encore cette action plus puiflam-
ment , & quoiqu'il femble qu'elie foit la même de part &
d'autre pour le fond , & feulement avec un degré différent
de force, cependant comme ces fortes d'opérations font déli-
cates, un petit changement de circonftances peut les changer,
& telle Encre qui ne fera point fimpatique pour le feu, le
fera peut-être pour l'air bien que plus foible.
Que des caraétéres invifibles foient écrits avec une matiére
glutineufe, & qu’on jette deflus une poudre très-fine colorée,
il n'y aura pas grande merveille qu'ils la retiennent, & pa-
roiffent tout d’un coup fous cette couleur.
Müis il y aura un peu plus d'art à faire paroître ces caractéres
DE SSANSNCAP E NT CE ts: s5
en les arrofant d’une liqueur nouvelle, ou feulement en 1éur
en faifant recevoir la vapeur. Il faut pour cela que les carac-
téres ayant été écrits avec une matiére qui a perdu fa couleur
* par être difloute, on trouve juflement le précipitant de ce
qui l'a difloute ; car alors il eft für qu'elle fe revivife, qu’elle
renaît, & fe remontre avec fa couleur. Le diflolvant la lui
avoit Ôtée, le précipitant la lui rend.
Sur cela eft fondé un jeu d'Encre Simpatique qui a dû
furprendre quand il a été nouveau, il étoit bien imaginé
pour écrire avec plus de miftére & de füreté. Sur une écriture
invifible on met une écriture vifible, dont fe contenteroient
ceux qui auroient intercepté la Lettre, mais celui qui aura
le fecret fçaura de quelle matiére il faut fe fervir pour y faire
difparoître écriture vifible & faufle, & faire paroître l'in-
vifible & vraye. Il ÿ aura une même matiére qui fera le
diflolvant de la vifible, & le précipitant de l'invifible. On:
voit que cela confifte en un certain rapport bien précis &
unique d’une liqueur à deux autres.
De tout ce qui vient d'être dit, il réfulte qu'il y a quatre
Clafles d'Encres Simpatiques , felon des quatre différents
moyens qu'on peut employer pour faire paroître l'écriture
invifible, l'air, le feu, une poudre colorée, une liqueur ou
vapeur feulement. C’eft-là tout ce qu’on fçait jufqu’à préfent
fur ce fujet. j |
Quand écriture invifible a une fois paru par l'un de ces.
quatre moyens, elle ne difparoît plus, à moins qu'on ne verfe
deflus une liqueur nouvelle, qui faffe une feconde diffolution:
de la matiére précipitée. M. Hellot propofe ici une Encre
Simpatique d’une efpece différente, & qu’il juge propre à
faire une cinquiéme Claffe. Après avoir paru elle difparoît
& reparoît enfuite de nouveau, tant que l’on veut, fans
aucune addition, fans altération de couleur, & pendant un
très-long-temps, fi elle a été faite d’une matiére bien con-
ditionnée.
C'’eft en Fexpofant au feu, & en lui donnant un certain:
degré de chaleur qu'on la fait paroître, réfroidie elle difparoît,
56 HisToiIRE DE L'ACADEMIE Royce
& toûjours ainfi de fuite. I faut que le feu mette en mou-
vement, & par ce moyen rapproche des particules colorées
qui, dans leur repos, demeurent trop écartées les unes des
autres ; il faut de plus que ces particules foient affés fixes
pour recommencer bien des fois le même jeu fans s’évaporer.
Peut-être auffi le feu ne fait-il que les éléver à la furface la
plus extérieure des caraéteres écrits, après quoi elles retom-
bent dans l'intérieur par la ceflation de ce mouvement; f
cela femble bien délicat & bien léger, il eft certain cependant
que le phénomene confifte en quelque chofe de pareil.
Cette Encre n’a la fingularité de difparoître après avoir
paru, que quand on ne l'a expofée au feu que le temps qu'il
falloit pour la faire paroître, ou un peu plus; fi on l'y tient
trop long-temps, elle ne difparoît plus en fe réfroidiflant,
tout ce qui faifoit le jeu des alternatives d'apparition & de
difparition a été enlevé. Elle rentre donc alors dans fa Clafle
des Encres fimpatiques communes qui fe rapportent au feu,
Elle peut aufir rentrer aifément dans les trois autres
Clafles. Elle fera de la Claffe qui fe rapporte à l'air, fi on
la tient à l'air pendant quelques jours, fur-tout quand il fera
humide, une longue aétion de Fair vaudra quelques inftants
de l'action du feu. Cette Encre eft fufceptible d’une pouf-
fiére colorée, & enfin il y a une liqueur ou une vapeur qui
._agiffent fur elle. C’eft encore une fingularité que de pouvoir
être de toutes les Clafles communes, quoïqu'elle foit par
elle - même d’une Clafle finguliére.
Quand elle eft dans fa perfection elle eft d’un verd mêlé de
bleu, d’une belle couleur de Lilas. Alors cette couleur eft
fixe, c’eft-à-dire, toûjours la même de quelque fens qu'on la
regarde, quelle que foit la pofition de lil par rapport à
Objet & à la Lumiére. Mais il y a des cas où cette couleur
eft changeante felon que l'Œil eft différemment polé, tantôt
elle eft Lilas fale, tantôt Feuille-morte. Et ce qui prouve
que cela doit être compté pour une imperfeétion, & non
pour un ayrément, c'eft que Encre à couleur changeante
ne pourra paroître ou difparoître que 1 $ ou 1 6 fois, au lieu
que
DIES SR EF°N\C ES:
que celle à couleur fixe foûtiendra un bien plus grand nombre
4 de pareilles alternatives.
À Si fon veut que cette Encre devienne de la Chafle qui
; fe rapporte à l'air, & alors il faudra tenir l'écriture expolée
à l'air pendant 8 ou 10 jours, elle fera couleur de Rofe, On
altérera aufli le plus fouvent fa couleur en la faïfant pañèr
dans les autres Clafles, mais il paroït que fes deux couleurs
extrémes ou les plus différentes font celle de Lilas & celle
de Role. ;
Refte à fçavoir quelle eft la matiére dont fe fait cette
Encre. M. Hellot qui en vit pour la premiére fois, entre les
mains d’un Artifte Allemand, l'effet le plus fimple qui eft de
- paroître au feu fous une couleur bleuâtre, vit en même-temps
une mine d'où il tiroit fa matiére, & qu'il lui dit venir de la
Mine de Schéeneberg en Mifnie, qui fournit l’Azur. L’Alle-
mand prétendoit que cette mine de Schéeneberg étoit unique
pour la compofition de fon Encre, mais il eût été très-difficile
d'en avoir, parce qu'il eft défendu d’en tranfporter hors du
. Pays dont elle fait la richefle, & M. Hellot, dont la curiofité
ne fe découragea pas, crut qu'il étoit pofhble de trouver des
matiéres équivalentes, pourvü qu'on les cherchât parmi celles
+ qui avoient le plus de rapport à ce qu'on lui avoit indiqué,
Cette curiofité étoit d'autant plus courageufe qu'il fe voyoit
néceflairement conduit à travailler fur des matiéres qui ne
fe manient pas fans péril, le Bifmuth, le Cobolt, l'Arfénic,
car c’eft parmi ces Minéraux que fe trouve l'Azur, & c'étoit-
R par conféquent qu'il falloit chercher l’Encre Simpatique
de l'Allemand. v
Les recherches de M. Hellot furent longues & pénibles,
& Vhiftoire en eft inflructive, mais elle ne peut l'être fans
avoir toute fon étenduë, qui n’appartient qu’à fon Mémoire.
IL trouva enfin dans es Minéraux que nous avons nommés,
cette matiére colorante, qui étoit fon objet, & l'on croira”
aifément qu'il fa-tourna de toutes les maniéres que peut en-
feigner l'Art de la Chimie, & qu'il en tira tout ce qu'elle
renfermoit de plus caché,
Hif 1737: li
V. les M.
P-253.
58 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoôYyALE
Comme il avoit trouvé un grand nombre de différentes
nuances de couleurs dont il fçavoit précifément la compoft-
tion, il imagina qu'au lieu d'Ecriture Simpatique, on pourroit
avoir un Tableau Simpatique, un Tableau dont certaines
couleurs ne paroîtroient que quand on voudroit, & auroient
été placées de façon que quand elles paroîtroïent toute la
repréfentation du Tableau en füt confidérablement changée,
Par exemple, un Arbre fans vérdure viendroït tout d'un
coup à en avoir, un Hiver feroit fubitement un Printemps.
Le merveilleux de ce Tableau dépendra du nombre de cou-
leurs dont on fera le maître, car fi on en a peu, on féra borné
à ne repréfenter que le peu d'objets qui pourront changer,
& la furprife fera moindre. M. Hellot déclare ce qui lui
manquoit encore pour un Payfage parfait, apparemment il
veut par-là inviter à cette recherche céux qui auront ledoifir
de s'occuper d’une fimple curiofité.
SUR LE MÉLANGE
DE QUELQUES COULEURS DANS LA TEINTURE.
M pu FA y donne ici quelques échantillons d’une def-
. cription entiére de l'Art de la Teinture, dont il a été
chargé par le Confeil. Une infinité de mains pratiquent les
Arts, il n’y a prefque pas d’yeux qui les regardent, & quand
ils feront vüs par des Phificiens , il en reviendra toüjours
du profit, ou à {a pratique elle-même, ou à la Phifique:
Les Etoffes, les Toiles qu'on veut teindre doivent prefque
toujours avoir reçü auparavant un cértain apprêt, qu'on
appelle % Zouillon, où le mordant, parce que c'eft une liqueur
chaude, qui par l'altération qu'elle eaufe à l'Etoffe ou à la
Toile, la difpofe à prendre la couleur. On jugera aifément
que ce bouillon doit être différent felon les différents corps
que l'on veut teindre, fur-tout quand ïls feront fort diffé-
jents entre eux. Mais on ne devineroit pas que du Coton
blanc, & de la Laine blanche, ayant été mis d’abord dans
FE
DB:s: S'er EN CES
4e même bouillon, &.enfuite dans le même bain d'Ecarlate,
fa Laine y-prend parfaitement cette couleur, & fe Coton en
fort avfi blanc qu'il étoit.
Peut-ê:re parce que le Coton & Ja Laine avoient été mis
féparés d'un de l’autre dans le bain ; ilaura pu plus facilement
agir fur Jun & non fur l'autre, Mais M. du Fay a fait faire
exprès une.efpece d’étoffe , dont la chaine étoit de Laine,
& latrame de Goton, elle avoit été bien foulée, les petites
parties de Laine & celles de Coton étoient auffi ferrées-les unes
contre des autres qu'elles pouvoient l'être, & il étoit prefque
ämpofñfñble à Faction du bain de les démèler, & cependant
«lle les déméla; l’étofte fortit du bain parfaitement bien mar-
brée.de couleur defeu, & de blanc. Le même bain, le même
compofé de certaines matiéres actives, agit donc fur certains
corps , & n'agit nullement fur d’autres, quoiqu'il parût de
nature à devoir agir fur tous, ne fût-ce qu'inégalement, puif-
qu'il n'eft queftion que de teindre.
Au contraire le ‘bain agit aflés fouvent fi parfaitement
quand il agit, que toute la matiére colorante qu'il contenoit
-pafle au corps qu'il clore, & qu'il n'eft plus qu'une eau
-claire , &.c'eft à cela que les Teinturiers reconnoïflent que
eur opération eft entiérement finie. N'auroit-on pas cru
que les matiéres colorantes fe iferoient toüjours partagées
entre Feau pure du bain, &lés corps qu'on y plongeoit?
M yale don teint, & le petit où faux teint, On entend afés
-que le premier eft une couleur plus folide & pius durable
que le fecond. Le Débouilli eftune opération par laquelle,on
‘éprouve la bonté d'une couleur, eble eft de-bon ou de-petit
teint, felon qu'elle y réfifte plus ou moins. La fimple expo-
fition à l'Air eft un équivalent du débouilli, car les couleurs
sy paflent plus ou moins vite felon le teint dont.elles font.
Mais l'opération de l'Air eff trop lente, M. du Fay a trouvé
“für quelques couleurs principales qu'iléemployoit, qu'elles
-perdoient autanten $ minutes de débouilli, qu'en 12 jours
d'Eté qu'elles avoient été tenuës au grand air.
Plufieurs couleurs font formées d’autres couleurs primitives.
H if.
60 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
Le verd, par exemple, l'eft du bleu & du jaune, le pourpre da
bleu & du rouge, & par conféquent dans les T'eintures le verd
eft formé d'ingrédients bleus & d'ingrédients jaunes, le pour-
pre d'ingrédients bleus & d'ingrédients rouges. Les T'eintu-
riers font perfuadés que quand dans le mêlange qu'on fait de
ces ingrédients il y en a de différent teint, les forts prêtent de
la force aux foibles, ou ce qui eft le même, que la bonne cou-
leur fait durer l'autre plus qu'elle n’eût fait fans ce fecours, &c-
aflürément rien n’eft plus vraifemblable ; les petits corpufcules
des deux couleurs n'ont-ils pas dû s’accrocher enfemble, de
forte que ceux qui s'évaporeront difficilement retiennent ceux
qui par eux-mêmes y avoient plus de difpofition ? Cependant
M. du Fay s’eft aflüré par un grand nombre d'expériences
que cela n'étoit pas.
I a teint ou en verd ou en pourpre, fe fervant oüjours
d'un ingrédient de bon teint pour le bleu, commun à ces
deux couleurs, c'étoit l'Indigo, & toùjours d’un ingrédient
de petit teint, foit pour le jaune, s'il s’agifloit de teindre en
verd, foit pour le rouge, s’il s'agifloit du pourpre. Il falloit
commencer par teindre l'étoffe avec l'un des deux ingré-
dients, & enfuite avec l'autre. Si on avoit commencé par la
teindre avec ingrédient foible, par deflus lequel on mettoit
le fort, & qu'enfuite on trouvât que fa couleur verte ou
pourpre ne réfiflät pas mieux au débouilli que dans les cas où
les deux ingrédients auroient été foibles, on pouvoit ima-
giner, pour fauver l'idée commune des Teinturiers, que le
foible placé d’abord fur l'étoffe y auroit formé une efpece
d’incruftation , une glace que l'ingrédient fort n’auroit pas
bien pénétrée, moyennant quoi le foible en fe détachant
auroit aifément emporté le fort, mais il arrivoit la même
chofe quand le fort avoit été placé le premier, & alors que
pouvoit-on dire ?
I eft donc indifférent dans quel ordre le fort & le foible
ayent été placés fur l’étoffe, mais quand ils y font une fois,
comment y font-ils difpofés ? If fera affés raifonnable de
fuppofer les corpulcules colorants fi minces & fi déliés qu'ils
DIE LS MISE /ENICTÉ ETC 6
feront tranfparents, Qué l'on voye les jaunes au travers dés
bleus, ou les bleus au travers des jaunes, on verra toûjours
du verd, il en ira de même de la couleur pourpre, Mais des
expériences s’oppofent à cette hypothefe. : 71: 1
Une étoffe verte où: le jaune avoit été placé avant le bleu,
ayant été mife à un débouilli d'Alun, l'eau de ce débouilli
devenoit jaune de plus en plus à mefure que l'étoffe devenoit
toûjours plus bleuë, L'action de l'Alun détachoït les corpuf
cules jaunes d'avec les bleus qui demeuroient toûjours unis
à l'étoffe, & conçoit-on qu'elle eût pu arrachér ces jaunes
de deffous les bleus auxquels elle n’eût pas touché! A
C'eft-là ce qui réduit M. du Fay à imaginer les jaunes &
les bleus, non comme pofés les uns fur les’autres mais les
uns auprès des autres, de forte que les jaunes, par exemple,
rempliflent les intervalles des bleus. Il eff vrai que cela ne
fait qu'une marbrure de bleu ’& de jaune, & non pas du
verd, fi les petites tâches, les unes bleuës, les autres Jaunes,
font aflés grandes pour être fenfiblement diftinétes les unes
dés autres, mais il n'y a qu'à les fuppofer fi petites que fes
deux fenfations de bleu & de jäune viennent à fe confondre,
-& certainement la fenfation compofée, qui en réfultera, fera
du verd. Le fait eft conftant par un affés grand nombre d’ex-
périences.
IL ef fort poffible que ces corpufcules qui rempliflenties in-
tervalles les uns des autres, ne les remplifient pas exactement,
qu'il refle encore des vuides, où par conféquent d'autres
-corpufcules autrement colorés pourront fe loger, pourvûü que
leur configuration, combinée avec celle des premiers placés,
le permette. Une condition eft encore néceflaire pour faire
maître du tout enfemble une nouvelle couleur, & non pas une
-marbrure, c'eft que les intervalles qu’on foppofe remplis les
derniers, foient & très-petits & femés par tout. Il fuit de-à
qu'il n’y aura plus un grand nombre de couleurs qui puiffent
s'ajufter fi bien enfemble. Le jaune & le bleu unis admettent
encore entre eux le rouge, C’eft-à-dire, que de l'étoffe blanche
dont une infinité de parties avoient pris le jaune, une infinité
H iïj
62 Histoire DE L’ACADEMIE ROYALE
d'autres parties le bleu, il en reftoit encére une infinité de
parties blanches qui pouvoient prendre le rouge. Quel ou-
vrage de Marqueterie, .& à quel point cette Marqueterie
eft-elle fine !
: On compte dans l'Art de Ja Teinture, le bleu, le jaune
& le rouge, pour trois couleurs principales & dominantes,
dont le mêlange & la combinaifon peuvent produire toutes
les autres: On a vü, il y a quelques temps, des Tableaux
imprimés, dont l'ingénieufe invention étoit fondée fur ce
principe. S'ilieft bien vrar, comme il le paroït, le fifleme de
M. du Fay, en rend aifément raifon , mais avant que d'arriver
jufque-Hà, combien a-t-il fallu rejetter d'idées qui s'offroient
plutôt, & plus naturellement ?
OBSERVATIONS CHIMIQUES.
I. g
M PSTILANDERHIELM, Gentilhomme Suédois,
1VA.Correfpondant de l’Académie, a écrit à M. Grofle
qu'il a vü faire en Boheme des Boutons d'un Verre noir
compofé d’Ardoife, d'un peu de Terre calcaire tirée des
mêmes Mines que l'Ardoife, & d’une Pierre appellée Quartz.
Ce Quartz eft très-diffcile à vitrifier ; l'Ardoifé, du moins
célle de ces Piys-ci, neife vitrifie-point au plus grand feu,
#euülement au’ lieu de fe mettre en fufron elle fe bourfouffle,
& fe change en une efpece de Scorie, & la merveille du fait
rapporté par M. Pfifanderhielm, eft qu'avec de pareilles
matiéres on puifle faire du Verre.
IL éft bien vrai qu'en Chimie on ne doit pas être fr étonné
‘de ces fortes de merveilles. Des matiéres, qui chacune fépa-
rément font incapables d’un certain effet, peuvent en devenir
“capables par leur union , mais il eft toûjours bon de s’affürer
qu'elles le foient devenues, & c'éft ce qu'a fait M. du Hamel
furle Verre noir de Béheme. Il-en a compofé un tout fem-
blable avec de l'Ardoife &-des Congélations de Stalactite
pes SR CUNE NMGMErc LH
qu'il avoit apportées de Provence, &.qu'il fübflituoit, au
Quartz qui lui manquoit. H avoit bien reconnu ces matiéres,
chacune à part, pour n'être nullement vitrifiables. :: ;
Les Congélations de Provence ont entiérement difparu
dans la vitrification, ce qui prouve combien elles {e font par-
faitement vitrifiées. Du Gipfe de Montmartre, de fa Chaux
ordinaire, du Verre broyé, mis en leur place, n'ônt päs
laiffé de réuffhir aufli. 1
| 4E
M. le premier Medecin ayant vou faire examiner FEam
d'un Puits de Sufly en Brie, fur ce qu'elle avoit la réputation
d'être fulphureufe & nitreufe, ce qui méritoit beaucoup
d'attention, parce que la qualité de nitreafe auroit rendu cette
Eau unique jufqu’à préfent en Europe, M. Geoffroy fe tranf
porta à Sufly, pour en juger dans toutes les regles de l'Art.
Le Puits étant vuidé, il fe trouva qu'il étoit formé de deux
Sources inégalement hautes, dont une avoit fourni aupara-
vant l’eau d’un autre Puits que l'on croyoit fulphureufe, &
l'autre devoit être la nitreufe. La premiére n'étoit fulphu-
reufe que par une mauvaife odeur de bourbe, commune à
tous les Puits qu’on cure, mais le prétendu Nitre de la fe-
conde méritoit plus d'examen. Toutes les épreuves de M.
Geoffroy n’en découvrient point, maïs feulement un Acide
Vitriolique, que cette Eau avoit pris apparemment dans
quelque Banc de Glaife fur lequel. elle avoit féjourné, ou
coulé du moins affés lentérnent. Cet Acide s’étoit uni pour
la plus grande partie à une fhbftance terreufe & gipfule, &
il s'en étoit formé des Criftaux de Sélénite, qui fe trouvoient
effectivement dans cette Eau, & qu'on avoit pris pour des
Criftaux falins & nitreux. Comme cette même Eau préci-
pitoit la diflolution de Mercure en Turbith, c’étoit-Hài un
effet de la portion d'Acide Vitriolique qui étoit demeurée
libre, & ne s’étoit point engagée dans de la terre ou du
Gipf, on reconnoifioit par l'épreuve de 1a Noix de Galle
que l’ Acide Vitriolique n’avoit point attaqué de parties ferru-
gineufes. Enfin par toutes les différentes épreuves & par
"+
+
V. les M.
P.
183:
V. les M.
p.
342.
64 HISTOIRE DE L'ACADEMIE.ROYALE
toutes les réfléxions de M. Geoffroy, l'Eau de Suffy fut ré-
duite! à n'être qu'une Eau de Puits ordinaire. Qui fçait cepen-
dant fi elle n'eût pas fait des guérifons en cas qu'on l'eût
déclarée minérale?
Ous renvoyons entiérement aux Mémoires
L'Ecrit de Mrs Géoffroy & Hunauld, où ils exa-
minent fi l’'Huile d'Olive eft un remede (PAR contre les
morfures des Viperes.
L'Ecrit de M. Hellot fur le Phofphore de Kunckel, &
l'Analife de l'Urine,
BOTANIQUE,
"._
RS LE 7
BE SA SiemENITUUE ee.
CODOOLCOO000000000000 00
BOTANIQUE.
SUR LA MANIERE DONT LES ARBRES
CHAOO LE SSCE.-N TL",
Er fur les dommages que la Gelée leur fair.
S' la néceffité des Expériences faites par des Philofophes, v. les M.
pouvoit être douteufe, rien ne la prouveroit mieux que p- 121. &
l'extrême lenteur des progrès de l'Agriculture, qui cepen- *73°
dant occupe la plus grande partie des Hommes pendant toute
leur vie, & pour leurs befoins les plus eflentiels. Ts n'ont
prefque jamais un certain efprit de recherche & de curiofité;
s'ils l'ont, c'eft le loifir qui leur manque, & s'il ne leur
manque pas, ils ne font pas en état de rien hazarder pour des
épreuves, ni d’en foûtenir les frais. Ainfi ils ne voyent que
ce qu'ils font forcés de voir, & n’apprennent que ce qu'ils
ne peuvent, pour ainfi dire, éviter d'apprendre. Les Acadé-
mies modernes fentent affés combien il eft utile qu’elles tour-
nent leurs vües d’un côté fi intéreflant, quoique peut-être
dépourvû d'un certain éclat ; l'entreprife de défricher l'Agri-
culture elle-même eft très-vafte, & l'on en jugera par un
échantillon qu’en donnent ici M: de Buffon & du Hamel,
qui s'étant unis pour examiner enfemble [a bonté des Bois
deftinés à différents ouvrages, fe font cru obligés de com-
mencer par des recherches fur la maniére dont les Arbres
croiflent, & fur le dommage qu'ils peuvent recevoir de {a
Gelée, Tout ce que nous allons dire appartiendra également
aux deux Affociés, ils ne fe font point picqués d’avoir chacun
leur gloire à part, & c’eft un bon exemple que nous fomfnes
bien aifes d’avoir à propoler.
Tout le monde connoît ces Cercles peu réguliers d'Aubier
Hif 1737:
66 HISTOIRE DE L’'ACADEMIE ROYALE
& de Bois parfait qui fe voyent toûjours dans le tronc d'un
Arbre coupé horifontalement , & qui marquent les accroiffe-
ments en grofleur qu'il a pris fucceffivement chaque année.
Par-là on compte fon âge aflés fürement. Le dernier Cercle
d’Aubier qui eftenveloppé immédiatement par l'Ecorce, & la
derniére produétion du Tronc en grofleur, eft d'une fubftance
plus rare & moins compaéle, il efl bois moins parfait que le
Cercle qu'il enveloppe lui-même immédiatement, & qui a
été la production de l'année précédente. Cela fe dénote par
la blancheur de FAubier, on le voit par le feul coup d'œil.
De même ce 24 Cercle eft encore une efpece d’Aubier par
rapport au 3€ plus intérieur, & toûjours ainfi de fuite juf-
qu'à ce que la différence de couleur s’eflace, mais alors on
ne laifle pas de reconnoïtre encore la trace des Cercles des
différentes années,
On croit aflés communément que ces Cercles font plus
ferrés entre eux du côté du Nord que du côté du Midi, &
on en tire la conféquence, qu'il feroit poffible de s'orienter
dans une Forêt en coupant un Arbre. Il paroît en effet aflés
naturel que les Arbres croiflent davantage èn grofieur du
côté où ils font plus expofés aux rayons du Soleil. Cepen-
dant ce fentiment n’eft pas abfolument général. On foutient
auffi que c'eft du côté du Midi que les Cercles font plus
ferrés, & on en donne la raifon phifique. Quelques-uns
même font pour le Levant, & d’autres pour le Couchant.
Un grand nombre d'expériences des deux Académiciens
accordent tout, tous ces faits oppolés font vrais, & par
conféquent les différentes raifons phifiques tombent, mais la
véritable fe découvre. L’Arbre a de groffes Racines qui fe
jettent les unes d’un côté, les autres d’un autre. S’ilen avoit
quatre, & à peu-près égales, qui fe tournaffent vers les quatre
points Cardinaux de l'Horifon, elles fourniroient à tout le
Tronc une nourriture égale, & les différents Cercles auroient
chaque année un même accroiffement, une même augmen-
tation de largeur ou d’épaiffeur, fauf les inégalités qui peuvent
furvenir d'ailleurs. Mais fi une des quatre Racines manque,
DE SU SNICNTE NCE S. 67
celle du Nord ‘par exemple, ce côté-à du'Fronc fera moins
nourri, & les Cerclés par conféquent moins larges ou plus
ferrés du côté du Nord.’
Une groffe Branche qui part du Tronc d'un certain côté!
fait lé même effet qu'une grofle Racine. La nourriture, qui
a dû fe porter à cette Branche en plus grande abondance,
à rendu les Cércles plus larges de ce côté-là, & de-là le refte
s'enfuit.
Tout cela fuppofe dans le mouvement des Sucs del’Arbre,
une direction réguliére qui peut ne s'y trouver pas toüjours,
H faut qu'ils aillent en ligne aflés droite de a grofle Racine
aux parties latérales du Tronc qui font du mème côté, & la
srofle Racine doit être l’origine d’un faifceau continu de fibres
qui s'éléveront dans le Tronc, pofées parallelement fes unes
aux autres. De même il faut que tous les Sucs, deftinés à
nourrir Ja grofle Branche, ne fe portent que de ce côté-h,
car autrement ils pourroient n'être pas en affés grande quan-
tité pour nourrir auffr cette partie latérale du Tronc plus que
les autres. Une fi parfaite régularité n'eft pas dans a Nature;
auffi arrive-t-il quelquefois que la groffe Racine ou la groffe
Branche ne font pas du côté où les Cercles font les mieux
nourris, mais le grand nombre de cas contraires indique
foffifamment {a caufe générale dont il n’eft pas poffible que
lation ne foit quelquefois altérée par les circonftances.
JI fuit de-là que plus les groffes Racines font également
diftribuées autour du pied del Arbre, & les groffes Branches
autour du Tronc, plus la nourriture fe fera auffi diftribuée
également dans toute la fubftince del’ Arbre, & au contraire,
de forte qu'on aura un figne extérieur d’une de fes princi-
pales qualités par rapport à lufage.
L'Aubier fe convertit peu-à-peu en bois parfait, qu'on
appelle Cœur. H lui arrive toûjours par le mouvement de la
Séve, foit direct, foit latéral, des particules ligneufes qui
s'arrétent dans les interftices de fa fubftance fiche, & la ren-
dent plus ferme & plus dure. Cela fait autant qu'il peut être,
YAubier n'eft plus Aubier, c'eft une Coucheligneufe, Cette
li
468 HisToiRE DE L'ACADEMIE ROYALE
converfion fe fait, comme l'on fçait, de la circonférence
vers le centre, le dernier Aubier eft à la circonférence exté-
rieure du Tronc, & il n’y en a plus quand lArbre cefle de
croître.
Un Arbre eft d'autant plus propre pour le fervice, qu'il a
une moindre quantité d’Aubier &une plus grande de Cœur.
Mr: du Hamel & de Buffon ont mefuré avec beaucoup de
foin ces deux quantités dans des Arbres de même âge, mais
de différente efpece, ou pris en différents terrains. Il eft aifé
de deviner que les bons terrains ont toüjours fourni les Arbres
qui avoient le moins d'Aubier. \E 4
Les deux Aflociés prenoient le nombre, & mefuroient
l'étendue des Couches d’Aubier & des Couches ligneufes ou
de Cœur. Et ils ont toüjours trouvé que plus les Couches
d'Aubier ont d’étendue, plus le nombre en eft petit, car c'eft
l'abondance de nourriture qui leur donne une plus grande
étendue, & cette même abondance fait qu’elles fe conver-
tiflent plus promptement en bois, & ne font plus au nombre
des Couches d’Aubier.
L’Aubier n'étant pas compté pour bois de fervice, deux
Arbres de même âge & de mème efpece, peuvent être tels
par la feule différence des terrains, que celui qui aura crû
dans le bon, aura deux fois plus de bois de fervice que l'autre,
parce qu’il aura deux fois moins d’Aubier. Il faut pour cela
que les Arbres foient d’un certain âge, & on en avoit pris à
46 ans. La proportion de l'Aubier au Cœur varie felon les
âges, mais il y a encore fur ce fujet beaucoup de confidé-
rations à faire, qui viendront avec le temps.
I ne faut pas oublier un autre fruit, quoique moins
important, que les deux Obfervateurs ont déja tiré de leur
travail. On croit communément qu’en plantant les jeunes
Arbres qu'on tire de la Pépiniére, il faut les orienter comme
ils l'étoient dans la Pépiniére, c’eft une erreur. 25 jeunes
Arbres de même efpece, plantés dans un même champ, alfer-
nativement orientés comme dans la Pépiniére, & d'une façon
différente, ont tous également réuffi. I n'y aura aucun mal
WE
+
cr
» DE s Sc Tr E N'C'E's. Co
à placer les Arbres felon leur premiére pofition, mais ce feroit
une fujetion aflés génante dont il vaut mieux être délivré,
Venons maintenant aux effets que la Gelée peut faire {ur
les Arbres. Le froid par lui-même diminue le mouvement
de la Séve, & par conféquent il peut être au point de l'arrêter
tout-à-fait, & l’Arbre périra. Mais le cas eft rare, & commu-
nément le froid a befoin d'être aidé pour nuire beaucoup.
“AéBau,& toute fubftance fort aqueufe; fe raréfie en fe gelant ;
sil y en a qui foit contenue dans les pores intérieurs de
l'Arbre, elle s'étendra donc par un certain degré de froid,
& mettra néceflairement les petites parties les plus délicates
de Arbre dans une diftenfion forcée & très-confidérable,
car on fçait que la force de l'extenfion de l'Eau qui f gele
eft prefque prodigieufe. Que le Soleil furvienne, il fondra
brufquement tous ces petits glaçons, qui reprendront leur
volume naturel, mais les parties de l’Arbre qu'ils avoient
diftendues violemment, pourront ne pas reprendre de même
leur premiére extenfion, & fi elle leur étoit néceffaire pour les
fonctions qu’elles devoïent exercer, tout l’intérieur de l’Arbre
eft altéré, & la végétation troublée, où même détruite, du
moins en quelque partie. 1 auroit fallu que l'Arbre eût été
dégelé doucement & par degrés, comme on dégele des par-
ties gelées d'Animaux vivants. L’analogie eft parfaite ici de
part & d'autre, & elle eft peut-être la plus forte preuve de
tout ce petit Sifleme qui paroît affés délié,
Les Plantes réfineufes font moins fujettes à Ja gelée, ou en
font moins endommagées que les autres. L'Huile ne s'étend
pas par le froïd comme l'Eau, au contraire elle fe refferre.
Un grand froid agit par lui-même fur les Arbres qui con-
tiendront le moins de ces petits glaçons intérieurs, ou n’en
contiendront point du tout, fi lon veut, fur les Arbres les
plus expofés au Soleil, & fur leurs parties les plus fortes,
comme le Tronc. On voit par-là quelles font les circonftances
dént un froid médiocre a befoin pour être fort nuifible ; if
y €h a fur-tout deux fort à craindre pour nous, une que les
Arbres ayent été imbibés d’eau ou d'humidité quand le froid
Liij
70 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
eft venu, & qu'enfuite le dégel foit brufque, l'autre que cela
arrive dans un temps où les parties les plus tendres & les plus
précieu fes de l'Arbre, les Rejettons, les Bourgcons, les Fruits,
commencent à fe former.
L'Hiver de 1709 raffembla les circonftances les plus fà-
cheufes, aufli eft-on bien fur qu'un pareil Hiver ne peut êtré
que rare. Le froid fut par lui-même extrèmement vif, mais
la combinaifon des gelées & des dégels fut finguliérentfènt
funefte. Après de grandes pluyes, & immédiatement après,
vient une gelée très-forte dès fon premier €ommencement,
enfuite un dégel d’un jour ou deux très-fubit & très-court,
& auffi-tôt une feconde gelée très-forte & longue, qui fixe
tout pour jamais dans le mauvais état où elle l’avoit trouvé.
M" de Buffon & du Hamel ont vü beaucoup d’Arbres
qui fe fentoient encore de l'Hiver de r709, & qui en avoient
contracté des maladies ou des défauts fans remede. Un des
plus remarquables eft ce qu'ils appellent le faux Aubier. On
voit fous lEcorce de lArbre le véritable Aubier, enfuite
une Couche de bois parfait, qui ne s'étend pas comme elle
devroit jufqu’au centre du Tronc, en devenant toüjours plus
parfaite, mais qui ef fuivie par une nouvelle Couche de bois
imparfait ou de faux Aubier,, après quoi revient le bois par-
fait qui va jufqu’au centre. On eft für par les indices de l'âge
des Arbres & de leurs différentes Couches, que le faux Aubier
eft de 1709. Ce qui étoit en cette année-fà fe véritable
Aubier, n’y put fe convertir en bon bois, parce qu'il fut
trop ältéré par l'excès du froid, la végétation ordinaire fut
comme arrêtée-là, mais elle reprit dans les années fuivantes
fon cours, & pafla par deflus ce mauvais pas, de forte que
le nouvel Aubier qui recouvrit ce faux, fe convertit en bois
dans fon temps, & qu'il refta à la derniére circonférence du
Tronc celui qui devoit toüjours y être naturellement.
On devinera aïfément par ce qui vient d’être dit, que le
faux Aubier eft un bois encore plus imparfait, plus mal condi-
tionné que le vrai. C'eft ce qu'on a trouvé en eflet par*des
expériences exaétes fur leur différence de pefanteur, & de
# “DES. S:CHE N.C:E.S 71
acilité à rompre. Un Arbre qui auroit un faux Aubier,
feroit fort défectueux pour les grands ouvrages, & d'autant
plus que ce vice eft plus caché, & qu'on s’avife moins de le
foupçonner.
Les gelées comme celle de 1709, & qui font proprement
gelées d'Hiver, ont rarement les conditions néceflaires pour
faire tant de ravages, ou des ravages fi marqués en grand,
mais les gelées de Printemps moins fortes en elles-mêmes,
font aflés fréquentes, & aflés fouvent en état par les cir-
conftances de faire beaucoup de mal. La petite Théorie phi-
fique que nous avons donnée, fuffira pour rendre raifon de
tout, pourvû qu'on en tire les différentes combinaifons de
cas qu'elle peut fournir. Mais elle peut donner aufli dans la
pratique de Agriculture des Regles dont nous nous conten-
terons d'apporter ici quelques exemples. .
Puifqu'il eft fi dangereux que les Plantes foient attaquées
par une gelée de Printemps, lorfqw’elles font fort remplies
d'humidité, äl faut avoir attention, fur-tout pour les Plantes
délicates & précieufes, telles que la Vigne, à ne les pas mettre
dans un terrain naturellement humide, comme un fond, ni
à l'abri du Vent du Nord qui auroit diffipé leur excès d'hu-
midité, ni dans le voifinage d’autres Plantes qui leur en au-
roient fourni de nouvelle par leur tranfpiration, ou de terres
labourées nouvellement, qui feroient le même effet.
Les grands Arbres mêmes, dès qu'ils font tendres à 13
gelée, comme les Chênes, doivent être compris dans cette
Regle. M": du Hamel &de Buffon l’étendent jufqu'à certaines
précautions qu'il fera bon de prendre quand on feme des
Bois, quand on fait des Réferves dans des Coupes, &c. Il ne
faut pas être étonné que de petites attentions foient capables
d'avoir de grands effets, fur-tout dans l'Agriculture & dans
le Jardinage. N'y voit-on pas à chaque moment des diflé-
rences très-fenfibles dans des cas où il ne paroït pas qu’il
. dût s’en trouver aucune? D'où naiflent-elles ? De quelques
petits principes qui échappent par leur peu d'importance
apparente,
A
# p. 50e
4
Le H1STOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE mn
OBSERVATIONS BOTANIQUES.
I.
ParouiLLART, Médecin à Toucy, fut appellé
. pour aller dans un Hameau éloigné de Toucy d'un
demi-quart de lieue. Il fut fort étonné d'y trouver toute une
maifon malade de la même maladie, & d’une maladie fort
étrange, à la réferve du Payfan, pere de famille. Une femme
grofle de $ mois, cinq garçons dont le plus jeune avoit
2 ans, & le plus âgé 18, &trois filles de 1 5, 17 &19 ans,
ou avoient perdu la parole & la connoiffance, ou ne don-
noient aucun figne de vie que par des hurlements, des con-
vulfions, des contorfions horribles de membres. Si quelques-
uns parloient, c'étoit pour prophétifer des malheurs. M. Pa-
touillart s’apperçut aifément qu'ils étoient empoifonnés, &
en interrogeant le Pere de famille, qui feul pouvoit parler,
il apprit de lui que le jour précédent il avoit mis dans la
Soupe des Racines qu’il crut être des Racines de Panets ordi-
naires, & que par un certain hazard il n’avoit point mangé
de cette Soupe. Le Médecin alla auffi-tôt à l'endroit du Jardin
d'où ces Racines avoient été tirées, & quoiqu'il n'y trouvât
plus de feuilles de Ja Plante, if ne laïffa pas de reconnoître
les Racines pour être celles de la Jufquiame. On a déja vû
dans l'Hif. de 1 709 * des effets de cette malheureufe Plante,
moins terribles, mais dans le même genre.
M. Patouillart donna les contrepoifons à tous fes Malades,
en les proportionnant fagement & à l'âge & au fexe. Il lui
falloit fix hommes forts & robuftes pour tenir un des garçons
à qui il faifoit prendre le remede, tant ils étoient agités &
furieux. L'un d'eux s’échappa, & s'alla jetter dans un Etang,
d'où il eut le bonheur d’être tiré.
Le lendemain des remedes pris, ou le troifiéme à compter
de l'accident, M. Patouillart les trouva tous guéris. Ils avoient
leur raïon, mais ils ne fe fouvenoient de rien de ce qui s’étoit
pafié
=
DES SCIENCES. 3
pañfé dans leur maladie, & ce qui eft plus remarquable, ils
virent pendant ce jour-là tous les objets doubles. Le jour
fuivant ils ne les virent plus que fimples, mais rouges comme
de l'Ecarlate, & enfin ce defordre dans la vifion ceffa peu
à peu. Le Cerveau avoit été violemment ébranlé, & il en
refta quelque temps une affés forte impreflion. Cela eft bien
vague, & il feroit fort à fouhaiter que l’on püt dire quelque
chofe de plus précis & de plus particulier. M. Patouillart a
écrit à M. Geoffroy tous ces faits qui lui avoient pafié par
les mains. |
L'Académie a eu encore, par une Lettre de M. Bertrand,
Médecin de Marfeille, à M. du Hamel, une Relation des
mauvais & furprenants effets de la Jufquiame mangée en
falade par une Communauté de Provence. Ils furent plus vio-
lents que ceux dont nous avons parlé jufqu'ici, mais de la
mème efpece. Peut-être le Climat y contribue-t-il plus ow
moins.
IT. à
M. Vacher, Chirurgien Major à Befançon, Correfpon-
dant de l’Académie, lui a écrit l’hiftoire fuivante..
L'année 1 7 20 le Sr Billot, Maître Menuifier à Befançon,
fe promenant dans un Jardin où lon taïlloit des Vignes, y
ramafla une Branche que l’on venoit de couper d'une Treille
de Mufcat blanc, & la porta tout le jour dans fa main comme
une Baguette.
Lorfqu'il fut rentré chés lui, il planta ce Sarment dans un
Pot d'Œuillets pour en foûtenir les Dards.
L'année fuivante, en vifitant ces Œuillets, il s’apperçut
que fa Baguette avoit pris racine, il n’héfita point à facrifier
T'Œuillet, & à larracher pour laifler plus d’efpace à fon
nouvel Arbrifleau, qu'il eut dès-lors envie de cultiver. II le
aifla dans le Pot jufqu'au Printemps, & alors il le trouva fi
augmenté en grofleur & en feuillages, qu'il crut le devoir
mettre dans une Caife.
Au bout de deux ans fon pied de Vigne crût confidéra-
blement, & lui produifit une douzaine de belles Grappes de
K
Aifl. 1737.
HiSTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
Raïfin d’un fort bon goût; & comme la Caifie ne pouvoit
plus fuffre , il fit faire un creux dans un coin de fa Mailon,
fitué rue Potun, expofé au Midi, faifant face à une petite
Place, pour y tranfplanter fon Arbrifleau ; il trouva moyen
d'empêcher qu'on ne l’endommageñt. Comme ce Sep de
Vigne avoit déja befoin d'appui, il fit fur les deux faces de
l'angle des murs de fa Maifon, un petit Treillage où il atta-
cha toutes les branches.
I eut dans peu de temps le plaïfir d'y cueillir affés de fruit
pour en faire part à fes amis, qui le recevoient comme un
fruit rare, parce qu'il naifloit dans une ruë & au milieu d'une
Ville. Tout le monde s’interefloit à une Vigne fi finguliére,
& aidoit fon Maître à la conferver.
Elle augmentoit beaucoup toutes lesannées, & l'obligeoit
toûjours à une nouvelle dépenfe en treillage. I l'éendit non-
feulement jufques fur les toits de fa maifon, mais encore fur
la face de celles de fes voifins, où ïl en a fi bien diftribué
les pampres, qu’ils en ornent les fenêtres & fournifient de
lombrage.
En 173 1 il y eut une gageure cohfidérable fur le nombre
des Grappes de Raifin, elles furent comptées exactement,
& il s’en trouva 4206.
Depuis ce temps-là, ce Sep eft auginenté fi prodigieufe-
ment en largeur & en hauteur, que le Sieur Billot a été
obligé, pour ne point arrêter fon progrès, de pratiquer une
galerie fur le milieu du toit de fa maifon, fuivant toute fon
étenduë qui eft d'environ 3 6 pieds de long fur 9 de large,
fous laquelle il a fait induftrieufement pañler deça & de-là des
branches en quantité, qui en s’élevant, lui font aujourd’hui
un Berceau où l’on eft à l'ombre pendant les plus grandes
chaleurs.
La vendange de ce pied de Vigne monftrueux auroit été
embarraflante, fr l'induftrie du propriétaire ne lui avoit pas
fourni lexpédient de pratiquer un Treillage mouvant fur un
pivot, au moyen dequoi il rapproche de lui, quand il veut,
M. qui s’écartent au loin, les taille, & en cucille
le fruit.
DIE sur Soc iT''E NICE 10 s
Aujourd'hui que ce pied de Vigne occupe toute la face
& la hauteur non-feulement de fa maifon, mais d'une partie
des maifons voifines, le Sieur Billot après avoir fait les pré-
fents ordinaires de fes Raifins, fait du furplus un demi-muid
d’un très-bon Vin, qu’il a le plaifir de boire à l'ombre de la
même Treille qui Fa produit. C’eft dommage qu'Anacréon
ne fe foit trouvé-à. : :
HORDE TNANNOMONONONDRONONONONONON 0
GEOMETRIE.
N° renvoyons entiérement aux Mémoires
L'Ecrit de M. Nicole fur l'Ufage des Suites par 4 v.15 M,
réfolution de plufieurs Problemes. P: 59e
V. les M.
B-205.
76 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
MP EMERE RE RER DE DEAR RE RER EEE MMM
ASTRONOMIE.
SUR UNE ABERRATION APPARENTE
DÉENSIEFEL'UX EURE
Ans le Sifteme de Copernic la Terre au bout d’une
demi - révolution fur fon Orbe annuel, eft plus ou
moins éloignée des mêmes Etoiles fixes, & left de toute
l'étenduë du diametre de cet Orbe, qui eft de 66 millions
de Lieuës. Cette grande différence de diftance devroit natu-
rellement faire appercevoir au bout de fix mois quelque
variation dans la grandeur, ou dans la pofition des mêmes
Fixes, mais on n'y en apperçoit point d’aflés fenfible, où
d’aflés füre, & cela fufñroit pour renverfer le Sifleme de
Copernic, s'il n'étoit d’ailleurs fi bien établi qu'il eft très-
légitime, pour le fauver, de fuppofer que 66 millions de
Lieuës ne font rien par rapport à la diftance des Fixes à la
Terre.
Cependant il vaudroit certainement mieux pour le Sif-
teme qu’on püt découvrir quelque variation dans les Fixes,
& il eft vrai que comme cela demanderoit une très-longue
& très- pénible fuite d'Obfervations très-fubtiles, on n'y à
pas encore fait les derniers efforts. M. Bradley & Molineux
en Angleterre, fe font réfolus à les faire fur la confiance que
leur donnoit la perfeétion de lAftronomie moderne.
Ils ont effectivement réufli à découvrir des variations dans
les Fixes, mais ce ne font point celles qu'ils cherchoient. On
fçait bien quelles devroient être les variations produites par
le mouvement annuel de la Terre, fi fes différentes diflances
aux Fixes étoient fenfibles, mais les variations des deux Sça-
vants Anglois font d’une autre efpece, & quoiqu'inutiles au
premier deffein, elles n'en font pas moins importantes pour
l'Aftronomie.
DES SCIENCES. 55
On voit en différents temps de l'année une même Fixe
en différentes politions, foit de longitude, foit de latitude,
de forte que la fuite de ces différentes pofitions forme dans
le cours de l'année un Cercle où plütôt une Ellipfe autour
d'un certain point central. Les variations en longitude font
inégales entre elles, & pareillement celles en latitude, &
celles d'une efpece inégales à celles de l'autre. Toutes les Fixes
font ce Cercle ou cette Ellipfe, mais de différente grandeur,
& la même les fait auffi de différente grandeur en différents
teïnps. C’eft-À ce qu'on appelle aberration des Fixes, parce
qu'elles femblent s'égarer çà & là : leur mouvement uniforme
& toûjours d'Occident en Orient, parallelement à lEclip-
tique, eft d'une nature toute différente.
M. Manfredi, Académicien Aflocié, a confirmé par fes
Obfervations celles des deux Anglois, & a pris aufli la même
idée que ces habiles Aftronomes fur la caufe d’un phénomene
fi curieux & fi nouveau, quoiqu’aufli ancien que le Monde,
- Il faut fe fouvenir de ce que nous avons dit en 1707*,
que pour expliquer le retardement d'Emerfion du premier
Satellite de Jupiter, M's Caffini & Roëmer imaginerent que
le mouvement de la Lumiére pouvoit être, non pas inftan-
tanée, comme on Favoit toüjours cru jufque-là, mais fuc-
ceflif, ce que nous appuyâmes alors de quelques réflexions,
Cette idée ingénieufe négligée dans la fuite par M. Caffini,
mais toüjours foûtenuë vivement par M. Roëmer, a été
embraflée par les inventeurs de l’aberration des Fixes, & nous
allons tâcher de la développer autant qu'il fera néceflaire,
pour en faciliter l'application aux phénomenes.
. Je vois une Etoile qui fe leve à FHorifon. Si 11 propa-
gation de la lumiére, parvenue de cette Etoile à mon Œil,
s'eft faite en un inftant indivifible, je vois l'Etoile dès qu’elle
eft à l'Horifon, mais fi cette propagation ne fe fait que fuc-
ceffivement, & par conféquent dans un temps fini, en une
. heure, parexemple, je ne vois l'Etoile à 'Horifon que quand
elle n’y eft plus réellement, mais élevée de la quantité qui
convient à une heure. Les Réfraétions n'entrent-là pour riers
, K ij
XP. 77%
& 78.
78 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoyALE
H eft vifible que fi je continue à obferver l'Etoile pendant
fon cours, fa premiére erreur où j'ai été fur fa pofition, eft
füivie d’une feconde pareille, d’une troifiéme, &c. & qu'enfin
je ne vois jamais Etoile dans fa vraye pofition. Je ne puis
me tromper fur fa pofition en hauteur par rapport à l'Ho-
rifon, fans me tromper en même temps fur fa pofition en
Afcenfion droite & en Déclinaifon, ou, ce qui revient au
mème, en Longitude & en Latitude.
Le lendemain fi j'obferve la même Etoile, & qu'il n’y
ait rien du tout de changé, je ne fais que retômber dans'la
même erreur, & voir toûjours l'Etoile dans la même faufle
pofition. Mais il eft impoffible qu'il n’y ait rien de changé,
la Terre s'eft avancée fur fon Orbe annuel, de la quantité
ui répond à un jour, je me fuis approché ou éloigné de
l'Etoile d’une certaine quantité, & fa Lumiére, qui ne fe
répand que fucceflivement & en une heure, en viendra à moi
plütôt ou plus tard, ainfi je la verrai encore dans une fauffe
pofition, mais différente de celle du jour précédent, & parce
que ce fera tous les jours la même chofe, ce feront tous les
jours de faufles pofitions nouvelles; parce que la Terre d'où
je les vois, tourne en un an, je les verrai fe ranger toutes
en un an autour d’un même point central qui fera la vraye
pofition de l'Etoile ; parce qu'il y aura prefque toüjours de
l'inégalité entre les diftances de ces faufles pofitions au point
central, comme il eft aifé de le voir, leur fuite formera plus
fouvent une Ellipfe qu'un Cercle, |
Tout cela fuppofe non-feulement que [a propagation de
Ja lumiére eft fucceflive, mais encore que la vitefle dont fe
fait cette propagation a un rapport fenfible à la viteffe dont
la Terre décrit fon Orbe annuel. Ces deux chofes pourroïent
être féparées. La diflance d'une Fixe quelconque à la Terre
eft certainement finie en elle-même, mais l'étenduë de 66
millions de Lieuës eft fi petite en comparaifon de cette dif
tance, que la Terre plus proche ou plus éloignée de toute
cette étenduë par rapport à une Fixe, ne la voit ni plus
grande, ni plus petite, ainfi la diflance d'une Fixe à la Terre,
AE SUUSLEUR EH NICIE 6 74
quoique finie, eft fenfiblement infinie par rapport à une
étenduë de 66 millions de Lieuëés. De même la vitefle de
la Lumiére, quoique réellement finie, puifqu'on fuppofe que
la propagation en ef fucceffive, pourroit être fenfiblement
infinie par rapport à la viteffe de la Terre fur fon Orbe,
ce qui renverferoit abfolument le Sifteme des aberrations.
Voyons ce qui en eft, car nous n'avons donné une heure à
la propagation de fa lumiére que pour arrêter l'imagination
fur un exemple, & certainement c’eft un temps beaucoup
trop long.
D'après les obfervations de M. Roëmer fur les Emerfions
du Satellite de Jupiter, M. Bradley a conclu que la Lumiére
traver{oit l'Orbe annuel de {a Terre en 16 Minutes, nous
négligeons les Secondes. Donc ia Lumiére fait en 1 Minute
plus de 4 millions de Lieuës, la T'erre fait en 1 Minute 376
Lieuës fur fon Orbe, donc le rapport de la vitelle de la
Lumiére à celle de la Terre eft celui de 4 millions à 376, ou
de 500 mille à 47, ou à peu-près de 10000 à 1, & dans
le cas où nous fommes préfentement, ce ne doit pas être là
un rapport fenfiblement infini. Quel fera donc, pour le dire
en paflant, celui de la diflance des Fixes à l'étenduë de
JOrbe annuel ? I faudra, pour être fenfiblement infini,
comme il left, qu’il foit beaucoup plus grand que celui de
10000 à 1, ou que la diftance des Fixes à la Terre contienne
beaucoup plus de dix mille fois 66 millions de Lieues.
La vitefle de la Lumiére par rapport à celle de la Terre,
quoiqu'elle ne foit pas fenfiblemeni infinie, efl pourtant très-
grande, & par conféquent les aberrations font très- petites,
Elles ne vont qu'à quelques Secondes, & tout au plus à 20.
De-là vient que quand on a trouvé par les obfervations des
Etoiles dans des politions un peu différentes de celles que
donnoient les Tables, on én a accufé les erreurs inévitables
des obfervations, & ce n'a été qu’en obfervant long-temps,
& avec une extrême exactitude, qu'on s’eft apperçû qu'il y
avoit-là un ordre &une régularité, qui devoient avoir quelque
autre caufe que des erreurs fortuites,
»
8o HisToiREe DE L'ACADEMIE ROYALE
Venons maintenant à quelque détail du Sifteme des ab=
érrations apparentes des Etoiles caufées par le mouvement
fucceffif de la Lumiére, & dont la fucceflion nous éft un peu
fenfible. Prenons toûjours pour plus de facilité l'Etoile à
l'Horifon. Je la vois donc toüjours moins élevée qu'elle n’eft,
& quand je conclus de-là fa Longitude & fa Latitude, car if
fufit de les confidérer, je les trouve néceflairement diffé-
rentes des vrayes, ou réelles. Si l'Étoile eft dans l'Ecliptique,
ou, ce qui eft le même, dans le plan de l'Orbe annuel de
la Terre, je ne vois pas l'Etoile fortir de ce plan ou Cercle,
quoique je l’y voye moins haute par rapport à l'Horifon
qu'elle n’eft réellement, ainfr fa Latitude de l'Etoile n’eft
point altérée, puifque je la vois toüjours nulle comme elle
left, il n'y a que la Longitude qui foit changée, car je ne
puis voir l'Etoile fur un point de l'Ecliptique différent de
celui où elle eft fans la rapporter à un Cercle de Longitude
où elle n’eft pas. Le lendemain je lui donnerai de même une
faufle pofition différente de la premiére, mais faufle feule-
ment en Longitude, & non en Latitude, puifqu’il n’y a nulle
raifon de voir l'Etoile hors de l'Ecliptique. Chaque jour,
pendant toute l'année, je verrai l'Etoile dans une nouvelle
faufle pofition, & il eft clair, par tout ce qui vient d'être dit,
que toutes ces fauffes pofitions ne feront qu'une fuite de points
pofés en ligne droite dans le plan de l'Ecliptique. Cette droite
ne peut être que fort courte.
Si l'Etoile eft au Pole de l'Ecliptique, je ne puis la voir
moins haute qu'elle n’eft fans la voir hors de ce Pole, &
par conféquent avec une Latitude moindre que celle qu'elle
a réellement au Pole, où elle eft de 90°, la plus grande
poffible, Au Pole elle n'a point de Longitude, mais dès
qu'elle eft vüe hors de ce point, elle eft vüe néceflairement
fur quelque Cercle de Longitude, elle en change chaque
jour de l'année, & par conféquent je lui vois décrire en un
an un Cerçle dont le Pole de F'Ecliptique eft le centre, &
qui coupe tous les Cercles de Longitude. Comme il n'y a
rien qui lui puifle donner une Latitude différente d’un jour à -
s Jautre,
Ge <>
DES SCIENCES. 8t
lautré, ce Cercle des aberrations apparentes a un rayon
conftant, & eft parallele à l'Ecliptique,
En raflemblant cés deux cas extrêmes des pofitions réelles
. de l'Etoile, qui apparemment n’exiftent point dans la Nature,
on peut juger des cas moyens qui exiftent.
Au Pole de l'Ecliptique l'aberration en Longitude eft Ia
plus grande qu'elle puifie être, puifqu'il n’y a point de Lon-
gitude réelle, & qu'il y en a une apparente ; on pourroit
même traiter cette aberration d'infinie. A l’Ecliptique il y a
aberration en Longitude, donc du Pole à l’'Ecliptique cette
aberration décroit toûjours. Donc elle eft toûjours moindre
felon que des Etoiles font plus proches de lEcliptique, &
en effet, puifque l’aberration vient du retardement de la
Lumiére par rapport à la Terre, ce retardement doit être
moindre quand le Corps lumineux eft dans le plan où la
Terre fe meut, & où par conféquent elle reçoit fes rayons
plus directement.
A l'Écliptique l'aberration en Latitude eft nulle, & il y
en a une au Pole de l'Ecliptique. Donc celle du Pole eft la
plus grande poffible, & de-là jufqu'à l'Ecliptique elle va toù-
jours en diminuant. |
. Donc pour toutes les pofitions moyennes d'Etoiles if y a
toûjours aberration tant en Longitude qu’en Latitude, une
& l'autre décroiflant toûjours du Pole de l'Ecliptique à
YEcliptique.
Si l’une & autre étoient toûjours égales pour chaque
Etoile, le Cercle annuel des aberrations feroit toûjours par-
- fait, comme il l’eft dans le cas extrême de J’Etoiïle au Pole
de l'Ecliptique, mais puifqu'à l'Ecliptique l'aberration en
Latitude s'anéantit, celle en Longitude fubfiftant toûjours,
paroit aflés que dans les cas moyens elles n’ont pas pû être
toûjours égales, & que le Cercle annuel des aberrations au
Pole de fÉcliptique eft devenu hors de là une Ellipfe dont
L grand axe a été dans le fens de la plus grande aberration.
_ Et en effet de ce qu'au Pole de FEcliptique Je Cercle
d'aberration eft parfait, & à l'Ecliptique une fimple ligne
DU He 1757: L
82 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
droite, il paroît que du Pole de l'Ecliptique à l'Ecliptiqueil
a dû dégénérer en Ellipfe toüjours plus étroite, où le grand
axe étoit toûjours plus grand par rapport au petit, & enfin
devenir une Ellip{e infiniment étroite qui n'étoit plus que le
grand axe.
Puifqu’à l'Ecliptique il n’y a d'aberration qu’en Longitude,
c'eft cette aberration qui fait le grand axe de l'Ellipfe infi-
niment étroite, & qui a fait celui de toutes les Ellipfes pré-
cédentes. Donc les aberrations des Etoiles dans toutes les
pofitions moyennes font plus grandes en Longitude qu'en
Latitude.
Enfin puifqu’au Pole le Cercle d’aberration eft parallele à
YEcliptique, & qu’il n’eft plus à l'Ecliptique qu'une droite
dans le plan de l'Ecliptique, il fuit que les Ellip{es d'aberra-
tion des Etoiles font auffi paralleles à ce plan.
Le lieu des différentes Fixes dans le Ciel, par rapport à
YEcliptique, eft une circonftance eflentielle & perpétuelle
qui influe fur la quantité de leur aberration ; mais il s'y joint
aufii une autre circonftance accidentelle, & momentanée en
quelque forte, c'eft celle de la pofition d'une Etoile par rap-
port au Soleil & à la Terre.
Quand l'Etoile eft en Conjenétion ou en Oppofition avee
Le Soleil, c’eft-à-dire, quand le Soleil eft entre la Terre &
l'Etoile fur une même ligne droite, ou que la Terre y eft
entre le Soleil & l'Etoile, on pourroit croire d’abord que
dans le re* cas l'aberration fera plus grande que dans le 24,
parce que dans le 1e* la Lumiére de l'Etoile a tout l'Orbe
annuel de la Terre à traverfer de plus que dans le 24, ce qui
doit caufer un retardement. Mais on fe tromperoit, il eft
arrêté maintenant que l'étendue de l'Orbe annuel n'eft rien:
par rapport à la diftance des Fixes, cette étendue ne doit
point être comptée pour un principe d’aberration. Le prin-
cipe fondamental eft le rapport de la vitefle de la Lumiére
à celle de la Terre fur fon Orbe, Si ce rapport étoit infini,
il n’y auroit point d’aberration, donc il y en aura d'autant
plus que ce rapport fera éloigné d’être infini, ou, ce qui
Mpt-innh — — - - jé RS
DE STISMMMMEUNTCME STI SG
zevient au même, d'autant plus que la vitefle de la Terre
fera plus grande par rapport à celle de la Lumiére fuppofte
conftante. Or quand une Etoile eft en Conjonétion ou en
Oppofition avec le Soleil, la Terre pofée fur la même droite
que le Soleil & l'Etoile eft pofée de façon, que fa vitefle,
quoique fuppofée conftante en elle-même, en eft plus grande
par rapport à la vitefle de la Lumiére qui vient de l'Etoile,
car la l'erre paroît alors à l'Etoile décrire un plus grand
efpace qu'en toute autre pofition, donc il y aura une plus
grande aberration dans les Conjonétions ou Oppofitions de
Etoile au Soleil. Ce n’eft pas la peine de dire qu’elle fera
égale & la plus grande qu'elle puiffe être dans ces deux points,
& égale & la plus petite dans les Quadratures.
Voilà quelle eft en général toute la Théorie des aberrations
apparentes très-ingénieufement imaginée par M. Bradley.
On fent affés que cette matiére réduite en termes Géométri-
ques ou Algébriques doit fournir beaucoup de T'héoremes
& de Problemes nouveaux où l’Art trouvera à s'exercer. M.
Bradley en a donné plufieurs, & les principaux, & aujourd'hui
M. Clairaut ou les rend plus fimples & plus faciles, ou les
étend, ou y en adjoûte d’autres qui lui paroiffent le mériter.
Puifque les Etoiles fixes, qui ne le font pourtant pas à la
rigueur, font les feuls points fixes du Ciel, auxquels on
rapporte tous les mouvements , il eft très-important de ne
fe pas tromper fur leur pofition, & les Catalogues qu’on en
fait, fi néceffaires pour l'Aftronomie, féront ou réformés,
ou conftruits à l'avenir par la nouvelle Théorie des Aberra-
tions. Quand les obfervations ne fent pas abfolument füres,
on a befoin d’en avoir un plus grand nombre pour ofer rien
déterminer, & il faut-des Siécles à l’Aftronomie pour faire
un progrès fenfible. Tout-nous porte aujourd’hui à efpérer
les mêmes progrès en moins de temps.
V. les M.
P: 379:
84 HisToiRe DE L'ACADEMIE ROYALE
SUR LA CONJONCTION ECLIPTIQUE
DE MERCURE ET DE VENUS,
Le 28 Mai,
Uanp deux Aftres font dans le même Cercle d’Afcen-
fion droite ou de Longitude, de Déclinaïfon ou de
Latitude, c’eft-là une Conjonction foit en Afcenfion droite,
foit en Dédclinaifon, &c. Mais afin que la Conjonétion foit
Ecliptique, il faut de plus que l'un éclipfe l'autre, & noûs
le cache, ce qui fait la plus parfaite conjonétion poffble à
notre égard, puifqu’il faut qu'alors la Terre & les deux Aftres
foient fur la même ligne droite, au lieu que dans les autres
Conjonétions, il fufht que les deux Aftres foient fur un
même Cercle où la Terre ne fera pas. Il n’eft nullement
néceflaire pour la Conjonétion Ecliptique qu'un Aftre nous
en cache entiérement un autre, c'eft affés qu'il en cache une
partie.
Selon l’idée générale de Conjonction, il doit toûjours y
en avoir deux des quatre efpeces qui viennent d’être nom-
mées, & par conféquent huit en tout, dans chaque révolu-
tion d’un Aftre comparée à celle d’un autre, & il eft vifible
que plus les révolutions des deux Aftres feront courtes, ou
plus l'une feulement le fera par rapport à l'autre, plus les
Conjonétions feront fréquentes, mais les Conjonctions Eclip:
tiques pourront bien encore ne l'être pas.
Elles demandent, outre la courte durée de l'une des deux
révolutions, au moins par rapport à l'autre, que la pofition
des Orbites foit telle que les deux Aftres puiffent en certains
points s'approcher Fun de l'autre d’une certaine quantité.
De plus la Conjonétion Ecliptique fera d'autant plus diff-
cile, que les diametres apparents des deux Aftres feront plus
petits, ou feulement que lun le fera par rapport à l'autre.
Enfin il faut encore que la Parallaxe contribue ou ne
æuife pas à la Conjonétion Ecliptique, car les lieux des deux
HHANDT ES SAS IG EE MN: CE: Si. 5
“Afkres changés par la parallaxe ne doivent pas l'être de façon
qu'ils ne paroïfient plus fur la même droite, quoiqu'ils y
foient réellement. ré
Après cela, on ne fera pas étonné d'apprendre que la pre-
miére Conjonction Ecliptique de Venus avec le Soleil qui
ait été obfervée, l'ayant été en F639 par un Aftronome
Anglois, il n'y en a point eu d'autre depuis, & qu’il n'y ea
“aura une qu'en 176 1. Cependant le Soleil préfente un affés
grand difque apparent. “
- Side diametre apparent du Soleil qui eft de 32’, étoit
réduit à celui de Venus qui n’eft que de 1”, la rareté de leurs
:Conjonétions Ecliptiques qui étoit auparavant exprimée par
Vintervalle de 1639 à 1761, ou par 122 années, le feroit
salors par plus de 3900.
La Conjonétion Ecliptique de Venus avec Mercure, plus
- petit que Venus, doit être extrêmement rare, & par-là plus
intéreflante pour les Aftronomes. Elle left encore par un
-endroit eflentiel, Mercure ne peut être que rarement & peu
obfervé. Quand il fera en Conjonétion Édliptique avec Ve-
-nus, on aura donc fon lieu vrai dans le Ciel, puifqu’il fera
-Je même que celui de Venus, qui eft beaucoup mieux connuë,
-Ce lieu de Mercure bien déterminé fera d'une grande confé-
-quence pour la vérification ou la correétion de fes Tables:
«Celles de Venus en pourront profiter auffr.
- On fçavoit par toutes les Tables ou Ephémérides diffé-
-rentes que le 28 Mai 1737 au foir, il devoit ÿ avoir une
Conjonction Ecliptique de Venus & de Mercure, mais les
_ «Tables ou les Ephémérides étoient bien éloignées de s’accor-
«der à quelques Minutes près, il s’en falloit deux heures pour
«le moins, ee qui eft énorme pour lAftronomie moderne, &.
marque bien que Mercure, & fi l’on veut, Mercure & Venus, .
-ent encore beaucoup de befoin d'obfervations exactes.
«> Après toutes les préparations néceffaires, M. Caffini tenta
inutilement d’obferver le 28 Mai Mercure & Venus à leur
epaffage par le Méridien, ce qui auroit été fort avantageux,
»mais le Ciel ne le permit:pas, & on ne put les voir qu'après
L jif
86 H1STOIRE DE L'ACADEMIE RoyaLe
le coucher du Soleil. Ils alloient encore vers leur Conjonc-
tion, où felon ka plüpart des Tables ils auroient dû être
arrivés quelques heures auparavant. À 9 heures 3 0" {es bords
des deux Planetes étoient à peu-près fur le même Parallele,
& au bout de 3 Secondes de temps, Mercure eût touché le
bord Occidental de Venus, & eût commencé à s'éclipfer,
mais les vapeurs de l'Horifon dont les deux Planetes étoient
fort proches dérobérent le moment précis de cette impor-
tante obfervation. M. Caflini ne laifla pas de le tirer des
obfervations précédentes par des calculs, & il détermina le
milieu de la Conjonétion à 9h $ 6” 30" au Méridien de Paris.
Les deux Planetes étoient prefqu'à l'Horifon où la Paral-
laxe eft plus grande que par tout ailleurs. Venus étoit prefque
au point de fa Conjonction inférieure avec le Soleïl, où fa
diflance à la Terre étoit la moindre poffble, & par confé-
quent fa parallaxe la plus grande encore &e ce chef, elle alloit
à 3 2 Secondes. Mercure étoit à un point de fon Orbite où
fa diflance à la Terre tantôt plus grande, tantôt plus petite
que celle du Soleil, lui étoit égale, & par conféquent fa pa-
rallaxe étoit de 10 Secondes, comme celle du Soleil. On
pouvoit donc aifément reconnoître fi la Parallaxe, qui chan-
geoit les lieux des deux Planetes, ne les faifoit point paroître
conjointes fans qu'elles le fuflent réellement, c’eft-à-dire, à
l'égard du centre de la Terre, ou plus ou moins conjointes
qu'elles n’étoient. M. Caffini trouva que leur Conjonétion
vüûe à Paris n'étoit qu’un effet de leur Parallaxe, & que pour
un Obfervateur, qui dans le même temps les auroit eûes à
fon Zénith, elles auroient été éloignées l'une de l'autre d’une
quantité à peu-près égale à la fomme de leurs demi-diametres
apparents.
M. Caffini ayant par cette Conjonétion, des détermina-
tions exactes fur Venus & fur Mercure, ne manqua pas de
les comparer à celles que donnoient de nouvelles Tables
Aftronomiques qu'il étoit près de publier. Il es trouva fur
Venus telles qu’il les fouhaitoit , feulement Mercure s'éloi-
gnoit quelquefois un peu. On en voit affés la raïlon. .
…
IDE SI"SNC'T' EN C'E's 87
» La jufteffe des nouvelles Tables fur Venus a porté M. Caf-
fini à examiner deux Conjonétions de Venus avec le Soleil,
annoncées & calculées par liluftre M. Halley, & dont la
premiére fera celle de 1767, dont nous avons déja parlé.
Les Calculs de M. Halley, & les Tables de M. Caffini, ne
font pas tout-à-fait d'accord fur ces Conjonétions. On feroit
trop heureux, fi toutes les incertitudes pouvoient être auffi
fürement décidées que celle-R le fera, & qu'il n’y eût qu'un
peu de temps à attendre,
SUR UNE COMETE
DE CETTE ANNÉE 1737.
Ii n’avoit point paru de Comete depuis celle de 1729,
& nous le remarquons parce qu'on s'attend deformais à
en voir fouvent. Nous avons dit aïlleurs qu'il en paroït une
tous les $ ans? à peu-près & à prendre des nombres moyens.
Ce n'eft pas qu'elles foient réellement plus communes, mais
le Ciel étoiït fans comparaifon moins obfervé, & il n’y avoit
de Cometes que celles qui étoient affés grandes pour frapper
les yeux des peuples, & de plus munies d’aflés Iongues Queuës
pour ne fe pas laifler confondre avec les Etoiles fixes.
M: Caffini & Maraldi en apperçurent une le 1 6 Février
de cette année, qui paroifloit le foir au-deffous de Venus vers
Occident. Ils la fuivirent jufqu’au 2 Avril autant qu'elle put
être fuivie, & il réfulte de leurs obfervations que dans cet
intervalle de temps elle fit 2 Signes 3° 1 6’ d'Occident en
Orient étant partie le 1.6 Février du 3° 27° d’Ariés, &
qu'elle fit 7° 3 2’ en latitude qui avoit été d'abord Méridio-
nale, & fut enfuite Septentrionale.
"Son mouvement diminua toûjours depuis le premier jour
de lobfervation, & en effet M. Caffini trouva par le calcul
_ qu'elle étoit ce jour-là à fon Périgée, pofition où fon mou-
vement apparent doit être le plus grand. 8 jours auparavant
. elle avoit dû être à fon Périhélie,
“
LA:
?
V. les M.
P- 170.
88 HisTOrrRE DE L’ACADEMIE RoyALE
Comme depuis qu’elle fut vüe elle s’'éloigna toüjours du
Soleil & de la Terre, elle diminua toüjours & de lumiére &
de grandeur apparente, de lumiére, parce qu'elle s'éloignoit
du Soleil, de grandeur apparente, parce qu’elle s'éloignoit
de la Terre, & d’ailleurs étoit moins éclairée, Mais elle
diminuoit plus de lumiére que de grandeur, ce qui prouve
qu'elle s’éloignoit plus du Soleil que de la Terre, & plus
{elon une raifon affés confidérable.
Elle a eu une fingularité très-digne de remarque, l'ex-
trème régularité de fon cours par rapport à la Terre. Elle.
a toüjours paru décrire une ligne qui étoit l'arc d’un grand
Cercle du Globe terreftre fans s’en écarter prefque de quelque
Minute, enfin fans s'en écarter autant à beaucoup près que
la Lune, qui eft Satellite de la Terre. Si fon cours eût été
dirigé de mème par rapport au Soleil, c'étoit ce qu'on devoit
attendre d’une Comete dans l'hipothefe que ce font des Pla-
netes Solaires, encore celle-là eût-elle été affés rare à cet
égard, mais fon cours n’a paru fe rapporter qu'à la Terre,
& cela fi exactement, que M. Caflini feroit tenté de Ia
prendre ponr un Satellite de la Terre, mais d’un cours très-
excentrique, & qui le porteroit fi loin dans fon Apogée qu'il
deviendroit invifible, çar fi l'on donne au Soleil des Pla-
netes dont le cours lui eft excentrique, tandis qu’il en a
certainement d’autres d'un cours à peu-près concentrique,
pourquoi des Planetes principales comme là Terre n'auront-
elles pas auffi des Satellites tant excentriques que concentri-
ques à elle? Mais il eft vrai que cette idée, felon M. Caffini
mème, à qui elle s’eft offerte, eft quant-à-préfent trop hardie,
peut-être le deviendra-t-elle moins. Parce que toute cette
matiére des Cometes eft fort intéreffante par rapport au
Sifteme général de l'Univers, il eft aflés naturel qu’on fe
prefle d'élever des édifices avec les matériaux que l'on peut
avoir, mais il y a lieu de croire que l'on en a encore trop
peu, & que le temps en fournira davantage, T'oûjours ne
faut-il pas rifquer qu'il vienne détruire ce qu'on croiroit
avoir bien folidement établi.
Nous
DIE v9h NON CAE IN G: Es, 89
1 Nous avons vû en 1725 * que fon n'a jamais fur une
Comete des obfervations en aflés grand nombre, ni, pour
ainfi dire, aflés déterminantes, pour ne pas avoir la liberté
d'imaginer fur fon cours différentes hipotheles, qui fatisfe-
ront également à tous les phénomenes obfervés. Dans cette
conftruétion d’hipothefes, on fuppofe ordinairement que
quelques portions du cours de la Comete ne font que des
lignes droites, mais on ne le pourroit pas trop pour la Co-
mete de cette année, dont le cours a toüjours été fi exacte-
ment & fi fenfiblement circulaire, mais il eft vrai que ce
n'étoit qu'à l'égard de la Terre, à laquelle M. Caffini ne pré-
tend pas encore la rapporter. D'ailleurs en général lorfque
Tarc circulaire décrit par la Comete peut être fuppolé extré-
mement grand, il n’y a pas d'inconvénient à le prendre pour
une ou plufieurs droites. |
M. Caflini trouve par fes hipothefes & par fes calculs que
la Comete au commencement de fon apparition étoit, par
rapport au Soleil, un peu au de-là de l'Orbe annuel de la
Terre, que fa diftance au Soleil étoit peut-être de 3 $ millions
de Lieues, le rayon de cet Orbe étant de 3 3 , & que la Terre
étoit alors à l'égard de la Comete fur l'extrémité d’une corde
de l'Orbe longue de 60 millions.
Selon lhipothefe des Retours, la plus vraifemblable de
celles qu'on a imaginées fur les Cometes, M. Caflini juge
que la Comete de cette année pourroit avoir déja paru en
1683 après une révolution de $ 4 ans. Ï{ trouve des rapports
aflés juftes, & aflés propres à perfuader, mais il eft à craindre
que cès fortes de rapports ne foient en général moins dûs à
la nature des fujets qu’à l’habileté de ceux qui les traitent.
Jets q q
M. Caffini nous le dit lui-même, en rapportant l'exemple
des variations d’un grand Homme fur cette matiére même,
£L'étoit le fruit de la liberté qu'elle lifle encore. Efpérons
qu'un nombre d'obfervations plus grand nous retranchera
enfin cette malheureufe liberté,
MOVE. 1737. M
* p. 6%
V. les M.
p.389.
* p.47.
& fuiv.
Dpt
90 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
SUR LA FIGURE DE LA TERRE.
Navüen1735$* que malgré les 8 degrés + de Ja
Méridienne de Paris actuellement mefurés fur toute
l'étendue de la France, l'Académie ne croyoit pas encore que
la Figure de {a Terre füt fuffifamment déterminée à être un
Sphéroïde allongé, & que pour une détermination entiére-
ment füre elle avoit formé le deflein de deux Voyages, l'un
à Equateur, l'autre vers le Pole, parce qu’à ces deux extré-
mités la différence de figure fe rendroit beaucoup plus fen-
fible qu'elle n'avoit pü l'être vers le milieu. Les Académiciens
qui devoient aller à l’Equateur, étant partis au mois d'Avril
1735, ceux du Nord partirent environ un an après, &
revinrent au bout de 1 8 mois, c’eft-à-dire en Août 1737,
rendre compte de leur voyage. C’étoient M"; de Maupertuis,
Clairaut, Camus, le Monnier fils, qui furent accompagnés
dans tout leur voyage par M. Abbé Outhier, Correfpondant
de l Académie, & dans leurs opérations par M. Celfius, Pro-
fefleur d'Aftronomie à Upfal, qui les joignit en Suéde, &
dont nous avons parlé en 173 5 *. I n’eft queftion ici que
du Voyage du Nord, celui du Perou n'étant pas fini dans
l'année dont nous écrivons l'Hiftoire.
I falloit faire, comme dans les autres Mefurés précédentes,
deux différentes efpeces d'opérations, les Trigonométriques,
qui confiftoient en Triangles formés fur le terrain, liés les
uns aux autres, & les Aftronomiques, qui devoient donner
des degrés du Ciel. Les opérations Trigonométriques deman-
doient fa faifon la plus douce d’un Climat fort Septentrional,
& fembloient même devoir être favorifées par la longue durée
dés jours d'Eté. De plus on efpéroit que le Golfe de Bottnie,
dont heureufément la direction eft à peu-près celle d’un
Méridien, fournitoit par la quantité d'Ifles dont il eft femé,
un grand nombre de points bien vifibles & bien diftinéts
qui feroient les fommets d'autant de Triangles. Quant aux
opérations Aflronomiques , les longues nuits de l'Hiver y
DES SIOME NICIEIS f
devoient être fort propres. Mais quand on fut fur les lieux,
il y eut beaucoup à rabattre de ce qu'on elfpéroit, & on
trouva des inconvénients imprévüs & terribles.
Dès que l'on examina le Golfe de Bottnie, on vit que fes
fes, quoiqu'en grand nombre, étoient toüjours plattes, fans
Montagnes, fans lieux élevés que Von pût voir de loin, &
qu'au contraire elles fe cachoïent les unes les autres. De plus
elles étoient toutes rangées &, pour ainfi dire, férrées ou
vers la Côte Orientale ou vers l'Occidentale, ce qui n’auroit
pas été avantageux à caufe des petits angles qu'on eût été
obligé de former. IL fallut donc renoncer au Golfe, & ne
faire les Triangles que fur terre, un peu au de-là de fon
extrémité Septentrionale, où une aflés grande Riviére venoit
fe jetter, ayant fon cours à peu-près du Nord au Sud.
Là, on avoit des Montagnes aflés hautes, mais toutes
couvertes de Bois, & fans aucuns Objets qui fe puflent diftin-
guer les uns des autres. Il étoit indifpenfable de fe faire tous
ceux que l'on vouloit avoir, mais pour cela il falloit gravir
fur des Montagnes où les gens même du Pays n’avoient jamais
monté, & que fouvent ils croyoient entiérement inaccef-
fibles, y tranfporter des In ents lourds, & embarraflants,
outre les provifions néce pour fubfifter, abbattre fur le
haut de ces Montagnes une grande quantité d'Arbres pour
y faire des places nettes, où l’on élevoit enfüite des Signaux
qui étoient quelques-uns de ces mêmes Arbres relevés, dif-
pofés entre eux en forme de Cones, & dépouillés de leur
écorce afin que leur couleur blanche les fit voir de plus loin.
11 eft vrai qu'une Troupe de Soldats Finnois que le Roi de
Suede avoit eu la bonté de donner aux Académiciens, les
aidoient beaucoup dans ces travaux fi pénibles, auxquels
certainement ils n’euflent pas fuffñ feuls, mais avec ce fecours
les Académiciens avoient befoin d'un courage aufli déter-
miné que les Soldats, & quelquefois c'étoit à eux à en donner
Vexemple auffi- bien que les ordres. Au haut de ces Mon-
tagnes on ne couchoit que fur la terre couverte de quelques
peaux de Réenes. On y éprouva une incommodité que l'on
M ji;
92 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
n'auroit pas prévüe dans un Climat fi froid, des nuées de
Mouches plus cruelles que celles des Pays les plus chauds,
& qui ne piquoient point fans tirer du fang. On ne s’en
garantifloit qu’en fe tenant enfermé dans l'épaïlle fumée d’un
grand feu, où l'on ne refpiroit qu'à peine.
On faifoit quelquefois des voyages par la Riviére, pour
s'épargner la fatigue de traverfer ou des Forêts ou des Marais
prefque impraticables, fur-tout pour tranfporter plus füre-
ment les Inftruments qu'on craignoit de déranger, mais fi la
fatigue étoit moindre, le péril étoit beaucoup plus grand
à caufe des Cataractes de cette Riviére, & quoique les Fin-
nois ou les Lappons y fçachent conduire de petits Bateaux
très-frèles avec aflés d’adreffe, c’eft une adreffe qui fait trem-
bler, & à laquelle on ne peut fe fier fans être bien hardi.
Un plus long détail feroit beaucoup plus d'honneur à l'exe-
cution de toute cette entreprife, & elle perd confidérable-
ment à une hifloire aufli abrégée que celle-ci.
Toutes les difficultés heureufement furmontées, il partoit
de Torneä, petite Ville fituée vers l'extrémité Méridionale
du Golfe, à 65° 5 1 de latitude une fuite de Triangles qui
traverfoit le Cercle Polaire, &alloit fe terminer à une Mon-
tagne nommée Kittis. Elle avoit été commencée le 6 Juillet
1736, & finie à la fin d'Août. Elle ne confiftoit qu’en
8 grands Triangles , ce qui étoit à fouhait. On en connoïfloit
la pofition par rapport à la Méridienne de Kittis, qu'on avoit
tracée.
II manquoit encore à cette Suite une Bafe auellement
mefurée, dont la grandeur connuë déterminât celle des côtés
des Triangles. On ne pouvoit donc encore connoître quelle
étoit la diftance de T'orneä à Kittis, ou, pour parler plus pré-
cifément, l'étendue terreftre de la Méridienne deKittis pro-
longée jufqu'à Torneë ; cette Bafe, d’où dépendoient ces
connoiflances, demandoit quelque terrain, aux environs de
h fuite des Triangles, le plus uni, le plus plat, le plus long
en ligne droite qu'il füt poflible, & lon ne trouvoit que le
contraire dans les lieux fauvages, incultes, inhabités où l'on
nd
DIE. 5 1SQCUTIE NC ES 7
étoit. On avoit donc réfolu d'attendre que la Riviére füt
gelée pour prendre cette Bafe fur la glace, & on avoit
marqué avec foin l’endroit qui y feroit le plus propre, parce
qu'il avoit plus d’étendue en ligne droite,
En attendant des gelées affés fortes, on fit pendant les
mois de Septembre , d'Octobre & de Novembre, tant à
Torneë qu'à Kittis, les opérations Aftronomiques d’où l'on
devoit tirer la grandeur ou amplitude de Yarc célefte compris
entre ces deux extrémités de la Méridienne terreftre. On la
trouva de $ 1’ 27" moindre de 8° 33” qu'un degré entier.
En Décembre, & c'étoit un peu tard pour ce pays-là, fa
Riviére gela affés fort pour permettre cette opération de Ia
Bafe, quidevoit terminer tout, & donner aux Académiciens
le réfultat de tant de travaux. Elle fut commencée le 2 r de
ce mois, jour folemnel par le Solftice. A peine le Soleil fe
levoit-il alors vers le Midi, mais des Crépufcules très-longs,
des Neiges qui éclairoient tout, ces feux que l’on nomme
ici Aurores Boréales, & qui font-là beaucoup plus brillants,
& plus répandus dans tout le Ciel, tenoient lieu de jour, &
Ton pouvoit travailler fur la Riviére pendant 4 ou $ heures,
quoiqu'avec une extrême incommodité, ou plütôt une ex-
trême fouffrance. La Neige de ce Climat eft une efpece de
poufliére fine & féche, qui couvre ordinairement la terre
juiqu'à 4 ou s pieds de haut, & qu'il eft impoñfble de tra-
verfer à caufe de fa confiftance particuliére, quand elle eft
parvenuë à cette hauteur. Heureufement il n’en étoit encore
tombé que 2 pieds, mais ces 2 pieds étoient un grand obftacle
à la mefure de cette longue étendue de la Bafe, au tranfport
des Perches, & de tout l’attirail néceflaire qu’il falloit faire
de moment en moment, & cet obftacle fe renouvelloit fans
cefle, & ne pouvoit qu'augmenter. Le froid étoit f: cruel
que les Doigts gelérent à quelques-uns. Quand on vouloit
boire, & il n’y avoit que de l'Eau-de-vie qui püt fe maintenir
affés liquide, les Lévres fe colloient à la Tafle, & ne s’en
pouvoient arracher que fanglantes. Si lon avoit abfolument
befoin de boire de l'eau, il falloit creufer la glace des
M ii
_ HisToiRE DE L'ACADEMIE ROYALE
Puits profonds, d’où l'eau avoit bien de la peine à venir
encore liquide jufqu'à la Bouche. Cependant on fuoit de
fatigue & de travail, avec les extrémités du corps glacées.
Au bout de 6 jours l'opération fur la glace étoit fort
avancée, mais on fut obligé de la fufpendre pour un jour,
& M. de Maupertuis voulut profiter de ce temps-là pour fe
délivrer d’un fcrupule qui lui refloit, très-léger, & dont la
plus fâcheufe conféquence n'étoit prefque rien. Il avoit né-
gligé la mefure de Ja hauteur d’un Objet fur une des Mon-
tagnes de Ia fuite des Triangles, voifine de Ia Bafe à laquelle
on travailloit. Il prit la réfolution de retourner fur cette
Montagne couverte alors d'une grande hauteur de Neige,
qui en cachoit les abimes & les précipices. Il n'y pouvoit
aller que dans une très-petite Voiture tirée par un Réene,
Animal, qui, à la vérité, fçait marcher dans la Neige, mais
d’ailleurs peu traitable, toüjours très-mal dreffé, dont on
n'eft pasle maitre, ne füt-ce qu’à caufe de fon extrème viteffe,
qui fait frémir, & expole aux plus grands périls , fur-tout
dans un voyage tel que celui dont il s’agifloit. C’eft-là peut-
être Faétion la plus hardie, & pour tout dire, la plus héroïque
de toute Fentreprife, principalement fi l'on fait attention à
la délicatefle du motif.
Le fuccès en fut heureux, & M. de Maupertuis revint à
la Bale, qui fut enfin trouvée de 7406 Toiles, $ pieds,
c'eftà-dire, de plus de trois lieues, étendue la plus grande qui
ait été jufqu'ici aétuellement mefurée.
Comme elle étoit liée aux Triangles, on trouva bien-tôt
par fon moyen que Fétendue terreftre de la Méridienne de
Kittis à Torneä, à laquelle répondoit dans le Ciel un arc de
57 27", étoit de 55023 Toifes +, d'où il füuivoit qu'à un
degré entier fous le Cercle Polaire répondoit une étendue
terreftre plus grande.de près de 1 000 Toifes qu’on ne l'avoit
déterminée par la mefure des 8 degrés + de la France, & que
par conféquent la Terre étoit applatie vers le Pole, conclu-
fon contraire à celle qui fe tiroit de toutes les anciennes me-
fures de l'Académie. On la tint fort fecrette, tant pour
DES SCIENCES. 95
donner le loifir de la réflexion fur une chofe peu attendue,
que pour avoir le plaifir d'en apporter à Paris Ja premiére
nouvelle.
Le 30 Décembre les Académiciens revinrent s’enfermer
pour long-temps à Torneä, ou plütôt s’enfevelir fous la
Neige, qui montoit jufqu'au toit des Maifons, privées ab-
folument par-là & du peu de jour qu'elles euflent pü avoir
vers le Midi, & de toute communication au dehors. On eut
le temps de repafler fur tout le travail qu'on avoit fait, de
confronter les Regitres que chacun, pour plus de füreté,
avoit tenus en fon particulier , d’en répéter les Calculs, de les
prendre de différentes façons, enfin il paroît que l'on chercha
fincérement à douter, & que l'on n’en put trouver de fujet,
ni fur tout le travail Trigonométrique, ni fur l Aftronomique.
Cependant comme lAftronomique fe pouvoit recommencer
beaucoup plus facilement, on réfolut d’en efluyer encore fa
péine quand on pourroit fortir. j
Nous ne difons rien de celle d’une fi Iongue & fi trifte
captivité, augmentée par la rigueur infifpportable de la Saifon.
A Paris, dans le plus grand froid de 1709, le Thermometre
de Mercure de M. de Reaumur defcendit à 14 degrés au
deflous du point de la Congélation de FEau, à Torneë il
defcendit à 37. Quand on concevra bien quelle eft cette
différence, on ne fera plus étonné des horribles effets du
froid de ces Climats, on le fera feulement qu'il sy trouve
des Hommes.
Pour avoir de nouveau l'amplitude de l'arc célefte compris
entre Tornei & Kittis, il falloit retourner de T'orneä à Kittis,
& on ne le put qu'au commencement d'Avril 1737. On
prit une autre Etoile que celle dont on s'étoit fervi dans la
premiére détermination , & Îes deux déterminations n'en
‘ furent pas moins conformes. On n'eut plus rien à faire par
rapport au principal fujet du Voyage.
Les Académiciens furent de retour à Paris au mois d’Août.
L'applatiffement de la Terre qu'ils rapportoient, quoique ce
füt une nouvelle qui n'appartenoït qu'aux Sciences, devint
. 467.
66 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
une nouvelle du monde. On n’en parla plus que l’on ne fçut
au vrai de quoi il s’agifloit. L'Académie contente d'avoir
acquis des connoiffances qu'elle fçavoit qui lui manquoient,
& qu'elle avoit eu la fagefle d'attendre, voulut que M. de
Maupertuis, Chef de l'entreprife du Nord, en fit l'hiftoire
dans l’Aflemblée publique de la St Martin, & c'eft ce que
nous venons de donner ici, extrêmement en abrégé.
Ous renvoyons entiérement aux Mémoires
L'Obfervation de l'Eclipfe de Lune du 20 Septem-
bre 1736, par M. le Monnier.
L'Obfervation de FEclipfe du Soleil du 1 Mars 1737,
par M. Caflini.
Celle de Ia même Edlipfe par M. de Thury.
Celle de la même Eclipfe par M. le Monnier.
Celle dn Paflage de Mercure dans le Soleil, le 11 No-
vembre 1736, par M. de Fouchy.
L'Occultation de Jupiter par la Lune, du 29 Nov.1737,
obfervée par M. de Thury.
La Conjonétion de Jupiter à la Lune, le 29 Nov.1737,
obfervée par M. le Monnier le fils.
L'Ecrit de M. le Monnier le fils fur Ia plus grande Equa-
tion du centre du Soleil.
L'Obfervation de lOccultation de Jupiter par la Lune,
du 29 Nov. 1737, faite par M. de Fouchy.
ACOUSTIQUE,
DES /S'Èè TE N'C'ES. 97
… _{0000000000000000:00:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0t
F | ACOUSTIQUE.
SUR LA PROPAGATION DU SON,
ET DE SES DIFFERENTS TONS
Ous avons dit dans l'Hiftoire de 1720%*, que fur la y. 1 M,
convenance trouvée par M. Newton entre les 7 cou- p. 1.
leurs primitives que lui donnoient les réfraétions du Prifme, *p.i1.
& les 7 Tons de la Mufique, M. de Mairan avoit conçu que
cette convenance pouvoit encore aller plus loin, & que
comme il faut pour les différentes couleurs d’un même Rayon
de Lumiére rompu par le Prifme, que ce Rayon eût diffé-
rentes parties propres à différentes réfra@tions, il falloit auffr
apparemment qu'il y eût dans le même Air qui porte le Son,
différentes parties propres à faire entendre des Tons diffé-
rents C’eft cette idée que nous allons expofer ici d’après
M. de Mairan, développée, approfondie, & accompagnée de
modifications confidérables, fans quoi elle demeureroit fort
imparfaite. On peut même dire qu'elle n’eft point fondée fur
ce qui fa fait naître, elle n’y tient plus que par une reffem-
blance aflés légere, qui lui eft favorable.
Les expériences de M. Newton démontrent qu'un même
Rayon, qui a paflé par une très-petite ouverture, a des
parties de différente refrangibilité, mais comme ce mot n'eft
qu'une expreflion commode, quoique très-vague, on eft
obligé, fi on veut y joindre une idée véritablement phifique,
de concevoir par-là que ce Rayon à des parties ou de diffé-
rente groffeur, ou de différente viteffe, qui par cette raifon
ne fe rompent pas également à la rencontre du Prifme. Celles
qui par leur groffeur ou leur vitefle, ou par toutes les deux
enfemble, font les plus fortes, fe détourneront moins de
leur ligne d'incidence, c’eft-à-dire, fe rompront moins, &
Hifl. 1737.
L4
98 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
fouffriront une moindre réfraction ; les autres au contraire:
Si dans un Rayon qui n’eft formé que d'Ether, matiére infi-
niment fubtile & véhicule de la Lumiére, il y a des parties
différentes en grofleur & en vitefle, à plus forte raifon y en
aura-t-il dans l'Air, véhicule du Son, infiniment groflier pax
rapport à l'Ether. If n'en faudroit pas davantage pour faire
une preuve Phifique complette de la différence des parties
de l'Air qui tran{met le Son, mais on en a d’ailleurs des
marques indubitables par des expériences du Barometre très-
connues.
L’Elafticité de l'Air eft très-connue auffr, & il eft naturel,
& même néceflaire, que des parties inégales en mafle, plus
ou moins fufceptibles d'un certain degré de vitefle, différent
pareillement en élafticité.
Un Corps fonore ébranle l'Air par es vibrations de fes
paies mifes en Reflort, qui y mettent enfuite les parties de
YAir. Ces vibrations différent entre elles par leur fréquence,
par le nombre plus ou moins grand d'allées & de venues
qu'elles font en un certain temps égal, & de-là, comme on
fçait, naïflent les Tons. Une Corde pincée, qui fera, par
exemple, 100 vibrations en 1 Seconde, fera du même Ton
qu'une autre qui en feroit auf 100, mais elles feront à
TO@ave fi lune en fait 200, tandis que l'autre n’en fait que
100; tous les autres Accords confiftent en d’autres rapports
de vibrations que tout le monde connoït. De même fi une
Corde d’Inftrument fait 100 vibrations en 1 Seconde, &
qu'elle imprime à des parties de l'Air un mouvement, qui
les ayant mifes en reflort, leur fafle faire 1 00 vibrations en
ïi Seconde, on pourra dire que cette Corde & ces parties
d'Air feront du même ton, & puifque nous concevons que
différentes parties de l’Air ont différentes élaflicités, il y en
aura toüjours quelques-unes de la même élafticité, & par
conféquent du même ton que quelque Corde que ce foit.
Quand, par exemple, on entend une Quinte, ce font deux
Cordes, dont l'une fait 2 vibrations, pendant que l'autre en
fait 3, & dont, dans le Sifteme de M. de Mairan, la 1°° a
MIDIE SUNSCGILE N'CÉE S.
mis en reflort des parties d’Air qui ne font que 2 vibrations,
tandis que d’autres parties d'Air mifes en reffort par la 2de
en font 3.
Toute [a difficulté eft que les deux Cordes pincées en
même temps n'ayent pas ébranlé en même temps indifférem-
ment toutes les parties de l'Air, & qu’elles ayent été choifir
chacune celles qui étoient à eur ton. Elles ne les ont pas
choiïlies en effet, elles ont agi fur toutes, mais elles ont perdu
leur ation fur celles qui n’étoient pas à leur ton, par la raïfon
qu'elles n'y étoient pas. Un Corps qui en ébranle un autre,
non par un choc d’un inftant, mais par des vibrations répé-
tées, ne l'ébranle qu'autant qu'il le trouve difpofé à prendre
le même ordre, la même füite de vibrations, car autrement
celles du 24 Corps fe trouvant fouvent contraires à celles
du 1°" elles en amortiflent, en détruifent limpreffion, & la
rendent ou nulle ou trop foible. Cela s’apperçoit fenfible-
ment par deux Claveflins mis exaéternent à luniflon, &
proches l’un de Fautre. L'un étant touché feul, on entend
fur l'autre une efpece de petit Echo de Îa Piéce qu’on joué,
& fi on ne touche qu'une Corde de Fun, Echo ne fe fera
que par la Corde de l'autre qui fera à l'uniflon. On peut
s’en affürer même à l'œil par des marques qu'on mettra fur
les Cordes du 24 Claveffin, & qui tomberont de defus celles
qui feront ébranlées. On a rapporté un exemple de cette
pratique dans PHiftoire de 1701 *.
D'habiles Phificiens ont cru que la propagation du Son
dans l'Air devoit fe faire comme celle des Cercles ou Ondes,
qui fe forment dans une Eau tranquille où lon a jetté une
Pierre; il y a là effectivement toute l'apparence d’une grande
Analogie. Il fembloit même que la grande difficulté de la
tranfmiffion de deux Tons différents en même temps étoit
entiérement levée par l'image fenfible de deux Cercles diffé-
rents formés dans l'eau par deux différentes Pierres, & qui
fe croifent fans fe nuire. Mais à y regarder de plus près Ja
difficulté fubfifloit toüjours ;-quand on entend deux Tons
dans le mème moment, on les entend chacun comme fi on
N ij
100 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
n’entendoit que lui feul, ils ne s’altérent point l'un l'autre
pour faire un ton moyen, au lieu qu'à l'endroit où deux
Ondes fe croifent, il ne peut y avoir qu'un mouvement dont
la diréction‘& la vitefle foient compofées des directions &
des viîtefles des deux différentes Ondes, & une Main placée
à précifément ne fentiroit que ce mouvement moyen.
M. de Mairan a éprouvé fürement -que des Ondes qui
étoient plus grandes parce qu'elles étoient formées par la
chûte de Pierres plus groffes ou jettées de plus haut, s'éten-
doient auffr avec plus de vitefle, & il eft conftant que le.
Son fort ou foible fe répand toüjours avec une vitefle égale
quoiqu'il ne fe répande pas également loin. Un Son qui ne
s'étendra qu'à 1 Lieuë la parcourra dans le même temps où
un autre Son qui s’étendra à 10 Lieuës en aura parcouru
la 1€ où tout autre des 10. C’eft-là encore une différence
très-remarquable entre la propagation du Son, & celle des
Ondes.
On en découvrira facilement fa caufe en remontant à la
premiére origine des deux mouvements. Une Pierre jettée
dans Y'Eau en enfonce la partie fur laquelle elle tombe, &
par conféquent la partie voifine s’éleve, & retombe après par
fon poids, & toûjours ainfi, voilà les Ondes, qui ne font
que l'effet de la chüte d’un Corps pefant, & en doivent
füivre les Loix générales. A un plus grand efpace parcouru
répondra une plus grande vitefle felon un certain rapport,
& réciproquement. Mais le Son eft produit par une action
de Reflort, & un Reffort plus ou moins bandé fe débande
toûjours dans le même temps qui a été néceffaire pour le
bander; ainfi le Son fort ou foible fe répand toüjours en un
temps égal. Cette égalité de temps de la propagation du Son
comparée à l'inégalité de temps des Ondes bien conftatée.
par l'expérience, fufhroit feule pour prouver que les deux
mouvements, qui paroiffent fi femblables, n’ont rien de
commun, & de plus que la propagation du Son vient d’une
ation de Reffort.
Malgré tout ce qui vient d’être dit, il n’eft pas impoflible.
Ro: - CURE Z
Ip'æ SU SENTE N'°'C'E 6 1OT
qu'un Ton ne parcoure un même efpace en plus ou moins
de temps qu’un autre Ton. Il eft certain que le Son fort ou
foible parcourt un efpace en même temps, mais un Ton
n'eft pas fimplement un’Son, c’eft un Son qui a néceflaire-
ment up certain nombre de vibrations en un certain temps
pour être le Ton qu'il eft, & il peut être plus fort ou plus
foible fans cefier d'être le même Ton. Une Cloche qui don-
nera un certain Ton à luniflon d’une Corde de Claveffin,
caufera dans ŸAir un bien plus grand ébranlenient que cette
Corde, & ce Ton bien inégal en force des deux côtés ne
laïffera pas d’être le même, parce que les vibrations des deux
Corps fonores, plus fortes dans la Cloche, & d'une plus
- grande étendue dans la Corde, feront de part & d'autre en
même nombre. I fe pourroit donc qu'un Ton plus aigu
parcourût fon efpace en moins de temps, parce qu’il feroit
plus aigu, c'eft-à-dire, parce qu'il feroit en un même temps
un plus grand nombre de vibrations.
Cette queftion ne peut être décidée que par l'expérience.
H y faut deux Corps fonores de différent Ton, & les plus
éloignés qu'il fera poffible du lieu de lobfervation, afin que
les deux Tons différents {fe démêlent plus aifément l’un de
autre, s'ils ont à fe déméler. M. de Mairan ‘fait l'hiftoire
de toutes les précautions qu'il y apporta, & qui ne pouvoient
guére être ni en trop grand nombre ni trop fcrupuleufes.
Enfin il crut reconnoître qu'entre deux Cloches qu'il avoit
choifies, & qu'il entendoit de loin, 1e Son de Ia plus petite,
& par conféquent de la plus aigüe, étoit celui qu’on enten-
doit le plütôt, mais il ne fe fie pas encore lui-même à {a
petite différence qu’il trouva.
Quoi qu'il en foit, il fuffit pour le Siflême de M. de
Mairan qu'il y ait dans l'Air autant de molécules différentes
que de Tons fenfibles, montées à tous ces Tons, & toûjours
prêtes à répondre aux divers mouvements des Corps fonores,
chacune-en fon particulier exclufivement à toutes les autres.
Sans cela comment concevroit-on qu’une même molécule
feroit entendre une Quinte, par exemple? Pourroit-elle {ç
N ii
102 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
mouvoir de façon qu’elle fit 2 vibrations en 1 Seconde, &
en même temps 3, 100, fi l'on veut, & 1 50? En feroit-elle
100 & 200 pour une Octave ? On tomboit dans cette
horrible abfüurdité, fi les particulésEthérées différemment
réfrangibles & différemment colorées de M. Newton n'a-
voient donné lieu d'imaginer les particules Aëriennes diffé-
remment fonores. Tout eft fi lié, qu'il feroit difficile qu'une
vérité n’en produisit pas d’autres.
Cependant il ne faut ufer des Analogies qu'avec une cer-
taine circonfpeétion, & on ne doit pas croire que pour dé-
couvrir ce qui appartient à l'Acouftique ou aux Tons, on
n'ait qu'à copier ce qui aura été découvert fur l'Optique ou
fur les Couleurs. Le Parallele des Couleurs & des Tons eft
aflés borné. 7
En recevant les parties différemment rompues d’un même
Rayon fur un Papier où elles s'étendent & fe démèlent les
unes d'avec les autres, M. Newton a vü 7 Couleurs bien
diftinctes, & voilà déja un rapport de nombre avec les 7
Tons de la Mufique. De plus il a vû que ces Couleurs ran-
gées de fuite fur Le Papier, y occupoient des efpaces inégaux,
il les a mefurés avec beaucoup d'adrefle, car il en falloit, &
il es a trouvés inégaux , non comme les 7 Tons pris dans
une certaine fuite, mais comme les différences ou intervalles
de ces Tons, ce qui n’étoit pas à fouhait pour la perfection
du Parallele. Eft-on même bien affüré que la vüe la plus:fine,
aidée de fart le plus fubtil, puifle déterminer les limites où
Yune de deux couleurs contigües cefle précifément, & où
Yautre commence? N'y a-t-il pas toûjours-là, dans d’auft
petites étendues, un peu de confufion à craindre, & pour
peu qu'il y en ait, comment répondre de l'exactitude des
limites, d’où dépendent des rapports d'efpaces fort petits?
Un autre point fort efentiel & fort conftant, trouble
encore l’analogie des Couleurs & des Tons. Une Couleur eft
telle par elle-même, parce qu'elle eft formée de parties Ethé-
rées d’une telle grofieur, & mües d’une telle vitefle, toute
autre Couleur fera formée de parties autrement conditionnées
nt tn e Én ndS S S
4
DE SN SACUIEINACIELS 103
à ces deux égards. Un Ton n'eft point tel par lui-même, if
ne l'eft que parce qu'il a un certain rapport à un autre Son,
& pourvä qu'il conferve ce rapport, il demeurera le même,
quoique formé par des molécules d'Air qui auront plus ou
moins de mafle ou de vitefle. Une Lumiére que j'appelle du
Verd, n’en fuppofe & n’en demande aucune autre à laquelle
je doive fa comparer , un Son que j'appelle Quinte, fuppofe
& demande deux Sons qui ayent un certain rapport.
Nous pouvons négliger de dire que le Son, qui ne fait
en 1 Seconde que 1 80 Toifes, doit être d’une prodigieufe
lenteur en comparaifon de la Lumiére, qui dans la même
Seconde fait plus de 10000 Lieues. On conçoit aflés fans
cela combien le Parallele de la Lumiére & du Son_eft im-
parfait, & combien il fera fage de ne fe pas laifler aller. à la
tentation de le poufler trop loin. Peut-être ne fournira-t-if
rien de plus que ce que M. de Mairan en a tiré.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré le Son que dans fon pre-
mier véhicule, dans l'Air ébranlé par le Corps fonore; il doit
pafler de-là à lOreille, & de Oreille à l Ame, mais il n'eft
pas poffible de le fgivre dans ce dernier pañlage, & ce fera
bien aflés de l'avoir fuivi jufque dans l'Oreiïlle,
CetOrgane eft plus compolé que l'Œï, peut-être moins
étudié, mais certainement moins connu, & plus difficile à
connoître dans le détaïl de toutes fes parties, & de leurs ufages..
M. de Mairan fe contente d'y remarquer ce qui convient à.
l'idée nouvelle qu'f propofe fur la propagation des différents
Tons dans l'Air, il trouve de même dans la Lame Spirale ;
qui eft felon toutes les apparences l'organe le plus immédiat
de l'Ouiïe, des Fibres d’inégale longueur, & peut-être auflx
d'inégale tenfion, dont chacune pourra fe mettre en reffort
ou frémir pour le Ton qui lui fera propre, & ne frémir que
pour celui-là ; car cette Lame eft une efpece de Rampe qui
monte en tournant autour d’un petit Cone, & y fait environ:
deux tours & demi en diminuant toûjours de largeur,
IL eff certain que les fenfations que l’Ame reçoit par l’Ouie,
font beaucoup plus fortes que celles qui lui viennent par la
104 HISTOIME DEMACADEMIE ROYALE
Vüe. Un air ou fort gai ou fort tendre, fera une impreflion
que l'aflortiment de Couleurs le plus recherché dans quelque
genre & dans quelque deflein que ce foit, ne. fera jamais.
M. de Mairan conjecture que la caufe de cette différence
pourroit être dans les matiéres mêmes qui compofent les deux
Organes. Celles de la Vüe font liquides ou molles, celles de
l'Ouïe font féches, dures, roides, & il eft évident que celles-ci
doivent avoir dans leurs mouvements plus de vigueur & plus
de fermeté. C’eft encore là un point confidérable où le Pa-
rallele des Couleurs & des Tons ne fe foûtient pas. Si lon
vouloit pafier aufli en revüe les autres Sens, il ne {eroit pas
impoffble de les arranger felon leurs degrés de force, & il.fe
trouveroit que, comme le dit M. de Mairan, la Vüe eft le
plus paifible de tous.
MECHANIQUE;
DES ScrENCESs. ro
De0aC20=02020200=0=02C=01020€
MECHANIQUE.
Ette année M. Belidor, Commiflaire Provincial d'Ar-
tillerie, Profefleur Royal des Mathématiques au même
Corps, Membre des Académies Royales des Sciences d'An-
gleterre & de Prufle, Correfpondant de celle de Paris, dédia
à cette Académie fon Architeélure Hydraulique, où l'Art de
conduire, d'élever, & de ménager les Eaux, &c. L'Académie à
déclaré qu'elle jJugeoit cet Ouvrage très-utile au Public.
Il y en a de deux fortes à qui ce titre peut appartenir en
matiére de Sciences, ceux qui donnent des vües nouvelles
& folides, & ceux qui raflemblant ces vües répandues en
un grand nombre d'Ouvrages différents, non-feulement em-
pêchent qu'elles n'échappent aux Sçavants même, comme
elles pourroient faire quelquefois, mais encore les fortifient
par l’ordre & par l'union. Si de plus de nouvelles vües s’y
joignent, il n'y a rien à defirer pour l'utilité, & elle y eft
même plus grande que celle des ouvrages purement origi-
naux. Telle eft l'Architeéture Hydraulique de M. Belidor.
C'eft un grand corps de Science, où tout eft établi par fes
premiers principes, & fuivi dans toutes fes conféquences &
fes applications. La Théorie eft toûjours fubordonnée à a
Pratique, & l’Algébre ne paroït que pour le befoin & non
pour la pompe. On verra par le Calcul exact d'un grand
nombre de Machines & de toutes leurs parties, & on le
verra avec étonnement, combien il faut de différentes atten-
tions pour en prévoir l'effet, combien il eft facile de s’y
méprendre, & combien il doit être au-deflous de ce qu'on
Sen promet fi fouvent. On opérera avec beaucoup plus de
füreté, mais il en coûtera plus d'étude que l'on n'auroit peut-
être voulu. Ïl ne paroît encore que la 1° partie de l'Ouvrage
qui eft un affés gros in-4u F |
Hifl 1737. "0
V. les M.
p-269.
106 HisTOIRE DE FACADEMIE RoYALE
N Ous renvoyons entiérement aux Mémoires
Un Ecrit de M. Pitot, qui donne des Regles pour
connoître l'effet qu'on doit efpérer d’une Machine.
MACHINES OU INVENTIONS
APPROUVEES PAR L'ACADEMIE
EN M DCCXXXVIIL.
L.
NE maniére d'appliquer la force des Hommes aux,
Roïes dont on fe fert pour élever les Pierres des Car-
riéres, propolée par M. Briandferré. Le travail des Hommes,
qui font tourner ces Roïües en appliquant à leur circonfé-
rence le poids de leur corps, eft d'autant plus grand & plus
\
forcé, qu'ils font obligés de monter plus haut, car alors le. :
plan fur {equel on peut concevoir qu'ils montent eft vertical,
au lieu que dans tous les autres cas ce plan ef incliné. Selon
la propofition de M. Briandferré, ils agiront toüjours à l’ex-
irémité du diametre horifontal de la Roüe, & auront pour
fe retenir avec leurs mains une Traverfe fixe. Cette maniére
qui pourroit avoir des inconvénients dans les cas ordinaires,
pourra avoir fes avantages quand on aura affés d' Hommes
pour augmenter la force felon le befoin, conune à la Carriére
de l'Hôpital de Paris.
Lx
Un moyen propolé par le Sr Martin de Grenoble, pour
faire enforte que des Moulins à eau fixés à quelque Bâtiment
foient garantis des accidents qui arriveroient quand les eaux:
croitroient, ou quand ils feroient frappés par des corps d'une
aflés grande mafle, des bateaux, des piéces de bois, entraînés
par le Courant. Une porte s’ouvriroit avec toute la prompti-
tude-néceflaire, donneroit paflage, & obligeroit en même-
temps la Roüe du Moulin à s'élever. Le méchanifme en a.
tes mr -use nd. "> He 0.
tiMp'E ts See NiciEe . 107
paru très-ingénieux, malgré une aflés grande multiplication
de frottements. L’inyention a été difputée au Sr Martin par
le S' Alloüard de la même Ville, mais il n’appartenoit pas
à l’Académie de juger de leur conteftation.
III.
Une Machine du S* Moulin pour plier les Etoffes avec
. plus de facilité. Elle confifte en deux piéces, l'une platte,
& l'autre cilindrique, dont la longueur excéde Ia largeur de
VEtofle, & qui au moyen d'une marche fur laquelle s’'appuye
l'Ouvrier qui travaille, s’approchent l’une de l'autre pour
ferrer également l'Etoffe, pendant qu’on la roule fur la Plan-
che, ou fur le Rouleau. Cette Machine à paru nouvelle, fort
fimple, & utile.
T V.
Des Additions faites par M. de Méan à un Inftrument de
fon invention, approuvé par l'Académie en 1731*, & qui
le rendent plus général & plus fimple. Elles confiftent en
une Alidade droite par un de fes bords & courbe par l'autre,
qui fert à la réfolution des Triangles reilignes, curvilignes,
& mixtes, & en un Cercle divilé comme le Zodiaque en
Signes , & en degrés, qui fert à montrer chaque jour le lieu
du Soleil, & celui de la Lune.
Vois
Deux Montres, & une Pendule de M. Thiout l'aîné,
Maître Horloger , toutes trois nouvelles par quelque endroit
confidérable.
La rere Montre eft de grofieur ordinaire, elle fonne d'elle.
même les Heures & les Quarts, & lorfqu’on le veut les Heures
à chaque Quart. Elle répete pareillement les Heures & les
Quarts quand on poufle le Bouton. Elle eft de plus à Tour
ou Rien, & porte une piéce de filence qui fait qu'elle ne
fonne les Heures & les Quarts que lorfqu'au moyen d'un
Bouton on a difpolé cette piéce à fonner. Elle ne s'épuife
point, comme il arrive à d’autres Montres de cette efpece,
après qu'on les a fait fonner fouvent aux Heures chargées
d'un grand nombre de coups. . Malgrétous les ufages de cette
O ji
* V.l'Hite
P: 924 |
108 HISTOIRE DE L'ACADÉEMIE ROYALE
Montre, elle n'eft guére plus compofée que les Montres :
ordinaires à répétition, elle n'a que 5 piéces de plus, très-
fimples & d'une execution facile. La difpofition du tout a
paru très-ingénieule,
La 24 Montre n’eft que celle qui a été propofée par
M. Bernoulli qui a remporté le Prix de 1736. M. Thiout
ne veut que le mérite d’être le premier qui l'ait executée,
& préfentée à l'Académie. Ë
La Pendule eft à Equation. Elle eft exempte de plufieurs
inconvénients des Pendules de cette efpece, & n’en eft pas
moins fimple. On a trouvé que ces différents ouvrages étoient
de nouvelles preuves de l'intelligence de M. Thiout, & de
fon application à perfeétionner fon Art.
VE
Une Machine pour battre les Grains inventée par M:
Meiffren, Capitaine Garde-Côte, & Commiffaire Infpec-
teur des Haras en Provence. L’ufage des Provinces Méri-
dionales du Royaume eft de battre les Grains par le moyen
de Chevaux que l'on fait trotter en rond fur une grande
quantité de Gerbes étendues dans une Aire. M. Meiffren
remarque qu'entre plufieurs autres inconvénients de cette pra-
tique, on fait fouvent avorter les Juments Pouliniéres, &
qu'on gâte ou qu'on détruit en partie les pieds des Poulains, qui
fans cela auroïent pü devenir de bons Chevaux de manége,
& il adjoûte que par cette raifon cet ufage a été défendu dans
les Pays où l'on veut avoir foin des Chevaux, en Efpagne,
en Italie, en Barbarie, &c. L'Académie a vû travailler la
Machine qu’il fubftitue aux Chevaux, & a jugé qu'elle pou-
voit faire en 12 heures l'ouvrage de 6 bons batteurs en
Grange. Elle pourra avoir encore befoin d’être ou corrigée
ou perfectionnée, & on a cru M. Meifiren très-capable de
la rendre d'un ufage très -utile.
VIT.
Une Machine du S' Bedeau pour faire au Mêtier des
Chauflons, Chaufettes, Coiffes de nuit, & autres piéces
femblables fans couture, L'idée de ces fortes d'ouvrages n’eft
35)DSE S..S$ CIE. N CES, 109.
as nouvelle, & l'Académie a vü une Chemife dont même
he Manches, les Poignets, & le Col étoient enticremertt
fans couture, ce qui étoit encore plus fort que ce que le
S.r Bedeau propofoit, mais comme on ignoroit la maniére
dont cette Chemie avoit pu être faite, on a jugé la Machine
du S' Bedeau très-ingénieufe, & on a cru qu'elle pouvoit
être utile,
VIII.
Un Niveau de M. l'Abbé Soumille. C’eft un Pendule,
dont, par la difpofition de la Machine, les plus petites incli-
naifons deviennent très-fenfibles, & par conféquent auffi les
moindres changements de Niveau. On pourra s’en fervir
utilement pour des opérations fur le terrain, & principale-
ment pour connoître les Minutes d'inclinaifon des Niveaux:
de pente,
x10 HISTOIRE DE L'ACADEMIE RorALE
0O0o0000000000000000000000000
EuL:O :.GhE
D Es M5 SA sUi RELAN:
J OsEpx SAURIN nâquiten 1659 à Courtaifon dans
la Principauté d'Orange, Pierre Saurin fon Pere, Miniftre
Calvinifte à Grenoble, eut trois Garçons qu'il deftina tous
trois au Miniftére, & dont ül fut le feul Précepteur, depuis
l'Alphabet jufqu'à la Théologie & à l'Hébreu. Jofeph étoit
le dernier des trois, & il fut reçu, quoique fort jeune,
Miniftre à Eure en Dauphiné.
Beaucoup d’efprit naturel, &, ce qui efl encore plus im-
portant, beaucoup de Logique naturelle, un caractére vif,
ferme, noblement audacieux , & qui rendoit l’éloquence plus
impérieufe , un extérieur agréable & animé, qui s’'accordoit
au difcours & le foûtenoit, ce furent les talents qu'il apporta
à la prédication, & qui ne manquerent pas d'être applaudis
par fon parti, dans un temps principalement où le Calvinifme
vifiblement menacé d'une ruine prochaine en France, avoit
befoin plus que jamais d'Orateurs véhéments. M. Saurin ne
le fut apparemment que trop, il s'échappa dans un Sermon
à quelque chofe de hardi, ou d'imprudent, & il fut obligé
de quitter le Royaume, & de fe retirer à Geneve, d’où il
pafla dans l'Etat de Berne, qui le reçut avec toutes les dif-
tinctions dûes à fa grande réputation naiflante, & à fon zéle
our la caufe commune.
Si fes Sermons ne lui avoient pas été volés avec d’autres
effets qu'ils accompagnoient, nous pourrions parler avec
encore plus de füreté du genre de fon éloquence, mais nous
fçavons d’ailleurs quels étoient fes principes fur cette matiére.
I! rejettoit fans pitié tous les ornements, il ne vouloit que
le Vrai rendu dans toute fa force, expolé avec fa feule
beauté naturelle, Une éloquence fi févére eft affürément plus
nr LD ÉETSEN OS C HAE NACRE Le 2.0 | F3 127
chrétienne, plus digne d'hommes raifonnables, mais ne parle-
t-on pas toüjours à des hommes?
M": de Berne donnerent à M. Saurin, quoiqu'étranger,
une Cure confidérable dans le Bailliage d’Y verdun. Il étoit
bien établi dans ce pofte, lorfque 1a révocation de l'Edit de
Nantes arrivée en 1685 difperfa dans tous les Etats Pro-
teftants prefque tous fes Confréres François, fugitifs, errants,
incertains du fort qui les attendoit. Mais le bonheur dont il
jouifloit en comparaifon d'eux, ou du moins fa tranquillité
ne fut pas de longue durée.
Les Queftions de la Prédeftination & de la Grace excitent
des divifions & des tempêtes parmi les Proteflants comme
parmi nous. Ils ont comme nous deux Siflemes Théolo-
giques : Fun plus dur, Fautre plus doux. Le plus dur eft te
plus ancien chés eux, c’eft celui de Calvin, & c’eft de-là
que tous fes Seétateurs font partis d’abord. Mais la Raifon
naturelle réfifte trop. à ce Sifleme, & comme il faut que
malgré l'extrême lenteur de fon opération, elle produife enfin,
quelque effet, elle a ramené avec le temps un grand nombre
de Théologiens Calviniftes au Sifteme le plus doux. Les Dé-
fenfeurs de l'autre ont pour eux l'ancienneté, révérée dans
le befoin, même chés les Novateurs, le nom impofant ou
plûtôt foudroyant de leur premier Chef, & l'autorité de 12
Magiftrature, affés conftante à fuivre {es anciennes VOYES.
Ils ont obtenu en Suiffe un Formulaire abfolument dans leur
. goût, que tous ceux qui y exercent le miniftere eccléfiaftique
font obligés de figner.
Ces Théologiens dominants, auffi durs dans 1a pratique
* qu'ils l'étoient dans leur Théorie, demanderent la fignature
du Formulaire aux Miniftres François Réfugiés, dont on
fçavoit affés que le fentiment n'y étoit pas conforme, & dont
la malheureufe fituation méritoit quelques ménagements par-
ticuliers. D'abord tous les François refuferent de figner, mais
il.s’agifloit de demeurer exclus de toute fontion utile, & le
premier emportement de courage ceda peu-à-peu à cette
confidération bien pefée ; tous les jours il fe détachoit quel-
qu'un, qui alloit figner.
a12 HisTOIRE DE L'ACADEMIE RoYyALE
M. Saurin ne fut pas de ce nombre, il éluda la fignature
par toutes les chicanes à peu-près raifonnables qu'il put ima-
giner pour gagner du temps, réfolu, quand il ne pourroit
plus fe défendre, à quitter une place, qui étoit toute fa for-
tune, & à fe retirer en Hollande. Toutes fes mefures étoient
déja prifes pour cette courageufe retraite, lorfqu’un ancien
Miniftre fort accrédité en Suifle, fort fon ami, & qui ne
voyoit qu'avec douleur que la Suifle alloit le perdre, trouva
lexpédient de lui donner un Certificat abfolu qu’il avoit droit
de donner, mais fur une fignature qu'on ne verroit point,
conçüûe en des termes dont toute la délicateffe de confcience
de M. Saurin s’accommoderoit. Heureufement cet Ami étoit
d'un caractere auffi ferme & aufli vigoureux que M. Saurin
lui-même, qui ne fe füt pas livré à la conduite d’un homme
dont les principes différents des fiens lui auroient paru dan-
gereux.
Il demeura donc tranquille dans fon état, & ce fut pen-
dant ce temps fi convenable qu’il époufa à l'âge de 26 ou
27 ans une Demoifelle de l'ancienne & noble Famille de
Crouzas dans le Pays de Vaux, bien alliée dans toute la Suiffe.
Un étranger, ne poflédant pour tout bien qu'une Cure, plus
confidérable, à la vérité, que plufieurs autres, mais au fond
d'un revenu très-médiocre, n’étoit pas en droit de penfer à
un pareil mariage, mais fon mérite perfonnel fut compté
pour beaucoup. Les Pays les plus fenfés font ceux où ce n'eft
pas-là une fi grande merveille,
Il n'étoit en repos que parce qu'il paroifloit avoir figné
le fatal Formulaire. Les modifications fecrettes appaifoient
fa confcience, mais l'apparence d’une lâcheté blefloit fa gloire,
ï vouloit l'honneur d'avoir eu plus de courage que les autres,
& il fit quelques confidences indiferetes de la maniére dont
tout s’étoit pañlé. H prêcha même contre le fentiment Théo-
Jogique qu'il n'approuvoit pas, & quoiqu'il eût pris des tours
éxtrémement adroits, on pouvoit l'entendre, & l’on fçait
combien des Ennemis ont l'intelligence fine. Il a réparé ces
fautes en les racontant dans un Ecrit public. C’eft le chef.
d'œuvre
- DES -S.C/1.6.N C-E «6. 1h
- d'œuvré de la plus fincere modeftie que d'avouer de l'orgueil,
_& les imprudences de cet orgueil.
Un orage violent { formoit contre lui, toute la protec-
tion, qu'il pouvoit efpérer de l'alliance qu'il avoit piife, ne
Yauroit pas dérobé aux coups de Théologiens inexorables,
il le fçavoit, mais ce n'étoit pas à fà plus grande peine, il
- étoit dans le fond du cœur fort ébranié fur la Réligion qu'il
profefloit. 11 en avoit fait toute fon étude, & toûjours.dans
le deflein de s’y affermir , maïs un bon efprit n’eft pas autant
qu'un autre le maître de penfer comme il voudroit, peut-être
aufli avoit-il déja trop fouffert d’une autorité Eccléfiaftique,
qui pour n'être que purement humaine, & pour ne prétendre
à rien de plus, n'eneft pas moins abfolue ni moins rigoureufe,
Mais une Femme eftimable, qu'il aimoit, & dont il étoit
aimé, étoit un nouveau lien qui l'attachoit à cette Religion,
dont il comimencoit à fe defabufer, Quel parti prendre dans
une fituation fi embarrafante, & fi cruelle ?
Après bien des agitations qui n’admettoient aucun Confi-
dent, bien des irréfolutions qui n'étoient ni éclairées ni fou-
lagées par aucun confil étranger, il détermina.à pañler en
Hollande fur un prétexte, qui quoique. vrai, trompoit fa
femme, qu’il laifloit en Suifie. Les entretiens qu'il eut avec
les plus habiles Miniftres de Hollande le confirmérent d’au-
tant moins dans leur parti, qu'ils étoient apparemment moins
précautionnés avec un Confrere, & enfin il écrivit à l'illuftre
M. Bofluet, Evêque de Meaux, le deffein, ou plûtôt le befoin
où il étoit.de conférer avec lui für la Religion. Les Sauf-
conduits néceffaires, car on étoit aloïs dans la Guerre, qui
commença en-1 688, furent bien-tôt expédiés, toutes les
difficultés du voyage applanies, le zéle de ce grand Prélat
égaloit {es lumiéres, & en peu de temps le voilà tête à tête
dans fa maïfon de Germini avec le jeune Miniftre Calvinifte
fort inftruit, plein de feu dans la difpute, nullement dreffé
.à la politefle d’un monde qu'il n'avoit pas encore yü, ne
.xéconnoiflant rien de fupérieur à lui que la raifon, fecrette-
ment animé encore, comme on le peut fapronres, par la
… A 1737
14 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
gloire de paroître à M. de Meaux une conquête digne de Jui,
Ji le fut à la fin, & il fit fon abjuration entre les mains du
Vainqueur le 21 Septembre 1 690, âgé de 3 1 an.
Le fecret lui étoit abfolument néceflaire par rapport à fa
femme, mais un malheureux hafard le fit découvrir, & dès
que la nouvelle en fut portée à Berne, il eff aifé de s'imaginer
le cri univerfel qui s’éleva contre lui. De-là partirent des
bruits qui attaquoient fon honneur, & comme ils n’ont pas
été appuyés par la conduite qu’il a tenue depuis en France,
on doit juger que le zéle de Religion produifit alors, ainfr
qu'il le fait quelquefois, tout ce qui eft le plus contraire à {a
Religion.
l s'agifloit de tirer de Suiffe Made Sanrin, &, ce qui étoit
incomparablement plus difficile, de la convertir. Le voyage
de M. Saurin déguifé, fes entrevües fecrettes avec fa femme,
les reproches qu’il eut à foûtenir, les larmes qu'il eut à efluyer,
Vart qui lui fut néceffaire pour amener feulement la propo-
fition du monde la plus révoltante, le refus abfolu qu’on lui
fit d'abord de le fuivre, les combats de l'amour & du préjugé
de Religion qui fuccéderent à ce premièr refus, la viéteire
de l'amour, encore imparfaite cependant & fuivie de nou-
veaux combats, enfin une viétoire entiére, & a réfolution
deformais ferme de fuivre un Mari, leur départ bien con-
certé, la détention du Mari fur la frontiére, féparé alors de
fa Femme, détention à laquelle par le crédit de M. de Meaux
le Roï même s'intérefla, c'eft ce que M. Saurin appelloit le
Roman de [a Vie ; n’a pas voulu par cette raïfon le donner
au Public dans un grand détail, & nous l’abbrégeons encore
infiniment en parlant à l’Académie des Sciences.
M: Saurin, arrivé à Paris, eut l'honneur d'être préfenté
par M. de Meaux au Roï, qui le reçut avec une extrême:
bonté, & fur le témoignage du Prélat, lhonora aufli-tôt de
fes bienfaits. C’eft-là où commence la partie de fon hüftoire
qui nous intérefle le plus.
Libre deformais & tranquille dans Paris, il n’eut plus qu'à
fe déterminer fur le choix d’une occupation, fon efprit & fa
20
2
(DIE S. LOCALE "NI CE «Se LES
fortune en avoient également befoin. IA délibera entre a
Géométrie & la Jurifprudence, la Géométrie Femporta. I
.“fortoit d'une Théologie toute contentieufe, il feroit tombé
dans la Jurifprudence qui l'eft encore davantage; il conçut
‘qu'en fe donnant à la Géométrie, il habiteroïit une Région
-où la Vérité eft moins fujette à fe couvrir de nuages, & où
fa raïfon trop long-temps agitée jouiroit avec füreté d’un
certain repos. De plus il avoit l’efprit naturellement Géomé-
trique, & il eût été Géometre jufque dans le Barreau.
Dès l'an 1703, c'eft-à-dire, après 12 ans tout au plus
d'application aux Mathématiques, il s'y trouva affés fort pour
ofer défendre le Sifteme des T'ourbillons de Defcartes contre
une objection de l’'illuftre M. Huguens , fous laquelle tous
les Cartéfiens avoient fuccombé,. & qu'ils avoient le déplaifir
de voir fouvent répétée comme viétorieufe. M. Huguens
avoit prouvé que felon Defcartes les Corps pefants auroient
dû tendre, non au centre de la Terre, comme ils y tendent
toûjours, mais à différents points de l'Axe de la Terre, &
M: Saurin démontra , fort fimplement même, & fort natu-
‘rellement , qu'ils tendroient toûjours au Centre. L'objection
ne reparoït plus depuis la réponfe.
+ Après ce coup d’effai il donna encore dans la même année
Ja folution d'un Probleme propofé par M. 1e Marquis de
Hopital dès 1692 aux Géometres, comme #éritant Jeur
recherche, & qui certainement n’avoit pas été 10 ou 1 1 ans
ans être tâté & même bien tourné de tous les fens par les
-plushabiles ; mais inutilement. M.Saurin étant alors le Géo-
metre de la petite Société. choifie qui travailloit,au Journal
desSçavants, omoit ceJournal de tout ce qu'il vouloit publier
dans: le genre qui lui appartenoit. se
=: Enfuite il fe trouva engagé dans la fameufe difpute des
Anifiniment petits ; il fembloit que quoique refugié dans-le
Sein de l:Géométrie, 1: Controverfe allät l'y chercher. Son
-Adverfaire étoit M. Rolle; le plus profond denos Algébriftes,
‘& en même temps fubtil, artificieux , fécond en certains
- … ratagemes, dont on ne croiyoit pas trop que des Sciences
P ÿ
* V.PHift.
p.68, &fuiv.
t16 HisTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE
démonftratives fuflent fufceptibles. Avec la bonne caufe er
main, c'étoit bien tout ce qu'on pouvoit faire que de le
fuivre de retranchement en retranchement, & de fe fauver
de tous les piéges qu’il fçavoit tendre fur fon chemin. M.
Saurin las d’avoir paffé bien du temps à cet exercice, las de
fes avantages mêmes, s’adreffa à l'Académie, dont M. Rolle
étoit membre, pour lui demander une décifion, déclarant
que fi elle ne jugeoit pas dans un certain temps, il tiendroit
M. Rolle pour condamné, puifque toute la faveur de la
Compagnie devoit être pour lui. L'Académie ne jugea entre
eux qu’en adoptant M. Saurin en 1707, & avec des diftinc-
tions flateufes. 11 eut l'affürance de ne demeurer que fort peu
de temps dans un premier grade par où la rigueur de l'ufage
établi vouloit qu'il pañlàt, & quand if parvint à celui qui
lui convenoit, il fut préféré à des Concurrents dont on ne
put s'empêcher de faire l'éloge dans le temps qu’on ne les
choïfifloit pas. La Géométrie des Infiniment petits n’avoit
pas befoin d’une décifion plus formelle,
M. Saurin débuta dans l’Académie par d'importants Mé-
moires fur les Courbes de la plus vite Defcente, queftion que
les illuftres Freres M": Bernoulli avoient chargée à l'envi de
difficultés pour s'embarraffer mutuellement, & à plus forte
raifon ceux qui oferoient toucher après eux à cette matiére.
Nous en avons rendu un compte aflés ample en 1709 *,
Havoit entrepris un Traité fur la Pefanteur felon le Sifteme
Cartéfien, & il en donna un morceau dans la même année.
H fe trouvoit en tête le redoutable M. Newton, & quoi-
qu'animé par fon fuccès avec M. Huguens, if n'en étoit pas
enflé au point d'attaquer fans beaucoup de crainte ce nouvel
Adverfaire. I propofe des vües ingénieufes, mais il ne les
donne pas pour démontrées quand elles ne le font pas, il ne
fe diffimule rien de ce qui eft contre lui, & fauve du moins
fa gloire; mais au milieu des difficultés dont il fe fent envi-
ronné, il paroît toüjours bien convaincu que les vrais Philo-
fophes doivent faire tous leurs efforts pour conferver les
Touwrbillons de Defcartes, fans quoi, dit-il, ou [e trouveroit
Fe SE V1
DA DESI SCIENCES 11
replongé dans les anciennes ténebres du Péripatétifine, dont le Ciel
veuille nous préferver. On entend aflés qu’il parle des attractions
Newtoniennes. Eût-on crû qu’il fallût jamais prier le Ciel
de préferver des François d'une prévention trop favorable
pour un Sifteme mcompréhenfible, eux qui aiment tant Ja
clarté, & pour un Sifteme né en Pays étranger , eux qu'on
accufe tant de ne goûter que ce qui leur appartient?
Le principal, & prefque l'unique divertiflement de M.
Saurin, étoit d'aller tous les jours à un Café, où s’affem-
bloient des Gens de Lettres de toutes les efpeces, & là fe
. forma le plus cruel orage qu’il ait jamais effuyé. Nous n’en
renouvellerons point l'hiftoire en détail , elle fut long-temps
Tentretien de Paris & des Provinces. Il fe répandit dans ce
Caffé des Chanfons contre tous ceux qui y venoient , ou-
vrage digne des trois Furies, fi elles ont de l'efprit. On en
foupçonna violemment M. Roufleau, illuftre par fon talent
poëtique, & celui-ci en accufa juridiquement M. Saurin, à
qui perfonne ne penfoit, & qui ne faifoit point de Vers.
Cependant fur l’accufation du Poëte le Géometre fut arrêté
en 1711 pour avoir fait les Chanfons. Il écrivit de fa prifon
à des perfonnes d’un grand crédit, qui protégeoient haute-
ment & vivement M. Rouffeau, des Lettres fort touchantes,
&.où le Vrai fe faifoit bien fentir, il publia fur le même ton
des Requêtes adreflées au Public autant qu'aux Juges, des
Mémoires où il faifoit le parallele de fa vie & de fes mœurs
avec la vie & les mœurs de fon Accufateur, & c’eft de-là
que font tirées quantité de particularités que nous avons rap-
portées. Toutes ces piéces font aflés bien écrites, & aflés
bien tournées pour faire beaucoup d'honneur à quelqu'un qui
auroit recherché cette gloire. Enfin le Parlement termina
Yaffaire par un Arreft du 7 Avril 1 7 1 2. M. Saurin fut pleine-
ment juftifié, & M. Rouffeau banni à perpétuité duRoyaume,
& condamné à des dépens & dommages très - confidérables,
La France perdit un Poëte dont le génie & la réputation lui
firent encore de grands & de sefpectables Protecteurs dans
les Pays étrangers, où il pouvoit appeller de l’Arreft du
Parlement.
x18 HisToiRE DE L'ACADEMIE RoYALE
Cette interruption d'études dans la vie de M. Saurin, toti-
jours fort cruelle malgré l'événement, fut auffi fort longue,
& on ne voit reparoître fon nom dans nos Volumes annuels
* V.l'Hif, qu'en 1716 *. Un ébranlement violent dure encore après
de1716: que la caufe en a ceflé, & une ame long-temps agitée, bou-
ARE RE leverfée en quelque forte par de vives paflions, ne recouvre
pas fi-tôt la tranquillité néceffaire pour reprendre le fil délié
des fpéculations Mathématiques , qu'elle avoit entiérement
perdu. M. Saurin les recommença par une Queftion impor-
tante, déja entamée avec M. Rolle fur la nouvelle Méthode
des Tangentes des Courbes, il faifoit voir que l'ingénieufe
application qu’en avoit faite M. Bernoulli à un fujet différent
en apparence étoit plus étendue que n'avoit cru M. Bernoulli
ui-même, & il en montroit aux yeux toute luniverfalité
par de certaines Colonnes de différentes grandeurs qui ré-
pondoient aux différents cas. La Géometrie va jufqu'à avoir
de l'agrément, quand elle donne de ces fortes de fpeétacles
-dont l'Ordonnance &, pour ainfï dire, l'Architeéture plaifent
à l’efprit,
# V. les M. M. Saurin traita encore cette matiéreen 1723*, & non-
p.222, feulement il continuoit de répondreà M. Rolle, qu'il étoit
‘à propos de pourfuivre jufqu'au bout, mais il donna des
éclairciflements fur quelques autres points de la nouvelle
Géometrie, qui n'avoient pas été bien faifis par d’habiles
gens, car ce na été qu'avec le temps qu'on a appris à bien
manier un Inftrument fi fin & fi délicat. Ici j'héfite à lui
donner un témoignage public de ma reconnoïffance, où l'on
pourra bien croire que ma-vanité aura la principale part. If
annonça à cette occafion dans les termes des plus obligeants,
‘un ouvrage manuferit fur 4 Géomerrie de l'Infini qu'il avoit
“entre les mains, ‘& qui fut imprimé 4 ans après en 1727. Il
3 Y. les M. épuifa enfin en 172 5 * tout ce fujet qu'il avoit tantappro-
p. 238. fondi , &c rectifia encore quelques idées d’un bon Géometre.
Les intérêts du Sifteme des Tourbillons ne lui étoient pas
moins chers que ceux de la nouvelle Géometrie, mais ïl
procédoit par tout de bonne foi. l auroit bien fouhaité pour
:
$
DES SCIENCES. 119
fe débarraffer entiérement d'une terrible objetion de M.
Newton , que des fluides plus: fubtils:euffent eu par eux-
mêmes moins de force pour le choc, maisil fe convainquit:
malgré lui par fes propres lumiéres que cela n'étoit pas, &
en donna en 171 8:* une démonftration ff fimple & fi
naturelle qu'ellé en marquoit'encore plus combien: ilavoit eu:
tort: Cependant, & il le fçavoit bien , cette difficulté même
pourra être réfolue d'ailleurs, d'autres aufii invincibles en ap-
parence ont déja été furmontées, tout commence às’éclaircir,
& il eft permis de croire que l'Univers Cartefien violem-
ment ébranlé & étrangement défiguré, fe raffermira & re-
prendra fa forme.
On n'a eu qu'un échantillon de Remarques de M. Saurin
fur Art de FHorlogerie* dont il avoit entrepris un Examen
général. Il avoit beaucoup de peine à fe contenter lui-même,
& par conféquent il expédioit peu, & finifloit difficilement,
I n'eft pas impofñfible qu'un peu de parefle ne fe cache fous
d'honnètes apparences , mais c’eft dommage qu'il ait aban-
donné cette entreprife qui demandoit beaucoup de finefe
d'efprit. Ce font des Ouvriers, mais habiles, qui, conduits
moins par des principes fcientifiques que par des obfervations
bien faites & des expériences bien fuivies, ont formé à {+
Tongue un Art fi merveilleux. If s’agit maintenant pour les
Sçavants de développer ce qu'on peut y avoir mis fans trop
fçavoir qu'on ly mettoit, & de découvrir de la Géometrie
& de la Méchanique où elles ne font pas vifibles pour tous:
les Géometres & pour tous les Méchaniciens.
Nous ne nous arréterons plus fur quelques morceaux de:
Géometrie, prefque tous dans le goût de recherches fines,
que M. Saurin a femés dans nos Volumes, jufqu’à ce qu'enfinr
3l demanda & obtint la vétérance en 1737. H oommencçoit
à reffentir les infimités de l'âge avancé, il devenoit füjet à:
de fréquents accès de fiévre qui paroïfloient venir de fon
naturel toûjours ardent, Le temps de fon repos fat occupé
tantôt par des confultations qu'on lui faifoit d'Ouvrages im-
-portants, auxquelles il avoit le loifir de fe prêter, tantôt par
a Y. Tes M,
Pe 19
* V.THift;
de 1720.
p- 106, &
fuive
t20 Hisr. DE L'ACAD. ROYALE DES SCIENCES.
de fimples le&ures, dont il laifloit le choix à fon goût feul,
&, fi lon veut, aux caprices de fon goût. Pouflerons-nous
affés loin la fincérité que nous nous fommes toûjours pref-
crite, pour ofer dire ici qu'il lifoit jufqu'à des Romans, & y
prenoit beaucoup de plaifr ? Cependant fi on y fait réflexion
on trouvera que cette lecture frivole peut aflés accommoder
les deux extrémités de la vie, la jeuneffe infiniment moins
touchée du fimple Vrai que d’un Merveilleux toûjours paf
fionné, la vieilleffe qui devenue moins fenfible au Vrai, aflés
fouvent douteux ou peu utile, a befoin d'être réveillée par le
Merveilleux.
M. Saurin mourut d’une fiévre létargique le 29 Decem-
bre 1737. Son caractére eft déja prefque entiérement repré-
fenté dans ce qui a été dit : d’un côté un efprit élevé, lumi-
neux, qui penfoit en grand, & adjoûtoit du fien à toutes
les lumiéres acquifes, un grand talent pour toutes les opé-
rations d’efprit, & qui n’attendoit que fon choix pour fe
déterminer entre elles, d’un autre côté du courage, de Ia
vigueur d'ame, qui devoient rendre aufli les paflions plus
difficiles à maîtrifer. Il avoit cette noble fierté qui rend im-
pratiquables les voyes de la fortune, qui fied fi bien, & eft
finuifible, & qui par conféquent n'eft guere permife qu’à un
homme ifolé dont la conduite ne tire à conféquence que
pour lui. La famille de M. Saurin a recueilli après fa mort
quelque fruit de fon nom & de fon mérite, mais elle l'auroit
peut-être manqué fous un Miniftére moins perfuadé de lef-
pece de droit qu'elle avoit, & moins fenfible à la maniére
ingénieufe dont il fut appuyé par le fils du Défunt.. Les foins
de M. Saurin vivant auroient dü naturellement avoir des
effets plus confidérables. 11 ne cherchoit pas à fe faire beau-
coup de liaifons, & jufqu'à fa forme de vie tout s’y oppoloit,
il travailloit toute la nuit, & dormoit le jour. Ses principaux
amis ont été M. de Meaux, M. de l'Hôpital, le P. Male-
branche, on y peut joindre M. de Ia Motte digne d'entrer
dans une lifle f noble, & fi courte,
has MEMOIRES
Î (l À ‘|
| MAN
MATHEMATIQUE
F4
D E PHYSIQUE,
la BI R ENS DES RECAST RE S
de l’Académie Royale des Sciences,
|
De l'Année M. DCCXXXVIL
L
|
D'EFS"C OURS
Sur la Propagation du Son dans les différents Tons
qui le modifient.
Par M. DE MAIRAN.
»
AE Son peut être confidéré dans quatre Sujets 4 Maï
différents ; dans le corps fonore, qui en fait le 1737.
# fujet immédiat par fes vibrations ; dans l'air, ARS
qi e en eft le milieu, en tant que fufceptible des vibrations 74h
Mem, VE
* V. l'Hif.
de l'Ac.17e4.
»- 88, à Mem.
1709 p.48.
2 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
du corps fonore ; dans l'organe de l’ouïe, ébranlé par les
vibrations de Vair ; & enfin dans lAme, par lé fentiment
qu'elle en reçoit, & qui n'a d'autre rapport avec toutes ces
vibrations & ces ébranfements, du corps fonore, de l'air, &c
de l'organe, que d’être excité à leur occafion.
2. Ces quatre parties de la queftion du Son fe lient, &
s'éclairent mutuellement : je ferai obligé par-là aujourd'hui
de les parcourir toutes ; mais je ne ferai mon principal objet
que de la feconde, de l'air confidéré comme milieu ou
véhicule du Son, & je ne m'arrêterai même dans celle-ci,
qu'à ce qui regarde le Son modifié en tel ou tel ton, aigu
ou grave, ou, comme on dit communément, haut ou bas,
en un mot qu'à la propagation des Tons, qui par leur fuc-
ceffion, & leur concours, font la matiére de la Mufique.
3+ On fçait que les vibrations plus ou moins promptes.
du corps fonore, d'une corde, par exemple, felon qu’elle
eft plus où moins tenduë, donnent un ton plus haut ou plus
bas. Ainfi une corde qui rend le ton de U#, en faifant 100
vibrations dans une feconde de temps, rendra l'Oétave ur
en enhaut, fi, étant plus tenduë, elle en fait 200 en temps
égal, & fa Quinte Sv/, fi elle en fait feulement 1 50. Ce fera:
la même chofe, fi laïflant la corde à un même degré de
tenfion, on l'accourcit de la moitié, ou du tiers; ou, fi au
lieu de cordes tenduës, on frappe des corps folides de bois,
ou de métaïl ; mais de telles figures, ou de telles dimenfions,
que les vitefles de leurs vibrations ayent entre elles un fem-
blable rapport, fçavoir de 100 à 200, ou de 1 à 2 pour
FOétave, & de 100 à 150, ou de 2 à 3 pour la Quinte,
& ainfi de tous les autres aceords à l'infini, felon le rapport
de viteffe des vibrations qui les conftituent.
4 M. Carré à fait voir par de fortes raifons *, & M.
de la Hire étoit avant lui de ce fentiment, que le Son n’eft
pas immédiatement produit par les vibrations totales & fen-
fibles du corps fonore, mais par Îes tremblements ou fré-
miflements de fes parties infenfibles, toûjours aidés, & quel-
quefois caufés par les vibrations totales. Mais fans approfondir
DES SCIENCES. %
davantage cette penfée, que je crois conforme à la Nature,
il nous fufhra de faire obferver après ces Auteurs, que comme
les tremblements ou les frémiflements particuliers font en même
aifon pour le nombre, à pour la fréquence, que les vibrations
totales, on peut toijours prendre ces vibrations pour la mefure des
accords, & pour la détermination des tons ; & c'eft ainfi que
nous en uferons dans la fuite.
s- Ces principes pofés, je dis que fair, en tant que
véhicule du Son, eft un affemblage d’une infinité de parti-
cules de différente élafticité, dont les vibrations font analo-
gues par leurs durées à celles des différents tons du corps
fonore ; qu'entre toutes ces particules , il n’y a que celles de
même efpece, de même durée de vibration, & à l'uniffon
du corps fonore, qui puiflent retenir les vibrations fembla-
bles de ce corps, & les tranfmettre jufqu'a l'oreille ; que fa
| plus petite mafle d'air fenfible contient plufieurs de ces par-
\ ticules de toute efpece, & que toutes leurs vibrations à la
fois, ou les frémiflements de la mafle dans toutes fes parties,
ne peuvent produire que le Son en général ou Ie bruit.
6. Je propofai cette idée à l’Académie en 1719 ; ce
fut à loccafion du Syfteme de M. Newton fur la Lumiére &
les Couleurs, & en faifant le rapport de la feconde Edition
Latine de fon Optique, dont cette Compagnie m'avoit
chargé. Car je penfe qu'on voit déja aflés combien leSyfteme
de M. Newton fur la Lumiére, & lhypothefe que je viens
d’énoncer fur la propagation du Son fe reffemblent. D'un
côté, autant d’efpeces de corpufcules lumineux de différente
réfrangibilité que de couleurs ; de l'autre, autant de parti-
cules fonores d'Air de différente élafticité que de Tons : là
1e mélange de tous les corpufcules lumineux & colorés pro-
duit la Lumiére, ici le frémiffement de toutes les particules
fonores & toniques forme le bruit. C’eft auffi par cette com-
paraïfon, ou, comme je ferai gloire de le dire, par cette
imitation du Syfteme de M. Newton, que M. de Fontenelle
_ indiqua celui-ci dans le Volume de l’Académie de 1720 *. * Hf.p.rn
"J'en écrivis peu de temps après à M. Mewron même; &
A if
4 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
comme j'ai lieu de penfer que mon idée n'a pas déplu à ce
grand Homme, ni à quelques autres Sçavants, parmi lefquels
il y en a du premier ordre, qui m'ont fait l'honneur de l’em-
ployer dans leurs Ouvrages, j'ai erû devoir enfin a donner :
au Public mieux développée, & plus complete que je n’avois
fait jufqu'ici. C’eft ce que je me propole dans ce Difcours.
7. 1 m'a toûjours paru impoñlible de concevoir comment
plufieurs tons différents pouvoient fe faire entendre dans le
même temps, comment plufieurs voix, par exemple, qui
chantent en partie dans un Concert, ou plufieurs cordes de
différents tons, qu'on touche à la fois,. imprimant, pour
ainfi dire, chacun de leurs tons fur l'air immédiat qui les
environne, & celui-ci les communiquant à la ronde, & de
proche en proche à l'air qui le fuit, ces tons, & par confé-
quent autant de frémiflements de différentes durées étoient
portés fidellement, & fans confufion, jufqu'à l'oreille. Car
fi l’on fuppofe, comme il a été reçû jufqu’ici, que les parti-
cules de l'air, qui font le véhicule du Son, ne différent point
entre elles à cet égard, fi ce ne font qu'autant de reflorts à,
Yuniflon ou de même tenfion entre eux, comment la même
mafle d'air pourra-t-elle recevoir en mème temps les vibra-
tions de différente durée propres à chaque ton, & les tranf-
mettre jufqu'à l'organe de fouïe ? Par exemple, on frappe
Faccord parfait de T'ierce majeure & de Quinte, Ur, M, Sol;
fi V'air pour retenir l'impreffion du ton fondamental , {#;
doit faire 100 vibrations par feconde, il en devra faire 1 25]
pour la T'ierce, & 1 50 pour la Quinte, en raifon de $ à 4
pour lune, & de 3 à 2 pour Fautre. Mais la même mafle
d'air peut-elle faire 125, & 1 50 vibrations, tandis qu’elle
n'en fait que 100? Peut-elle frémir avec trois vitefles dé-
terminées, & différentes à Ja fois? Et fi lon dit, que ces
vitefles réfident en des portions différentes de cette mafe,
je demande, qu'eft-ce qui détermine cette portion plütôt
que cette autre à faire 12 $ vibrations ou 1 $ 0, quand l'autre
n'en fait que 100, puifqu’elles font toutes fuppofées de même
reflort, toutes à J'unifion par elles-mêmes ? D'ailleurs, &
FH PAUDÉES SA STCON'E NICE Es: $
indépendamment de ce concours de deux ou de plufieurs tons
à la fois, tout reflort n'a-t-il pas des contractions, & des
explofions d'une durée fixe & invariable, tant qu’il ne chan ge
ni de figure ni de mafle? Donc fi les particules élaftiques de
Y'air font toutes capables de donner, par exemple, 100 vibra-
tions en une feconde, par quelle méchanique nouvelle &
inconnuë en donnent-elles aufli 125 & 150 ? C'eft, je
lavouë, ce que je n'ai jamais pû comprendre, quoique j'y
aye beaucoup penfé.
8. Cependant quelques perfonnes ænt crû répondre à
cettedifficulté, en difant, que comme quatre ou cinq pierres
jettées en même temps fur la furface d'une eau tranquille,
y produifoient autant d'ondulations circulaires très-diftinétes
autour de différents centres, & cela malgré leurs interfeétions.
réciproques ; tout de même quatre où cinq tons différents
excités dans l'air, pouvoient s’y conferver, & s'y faire diftinc-
tement entendre tous à la fois, par le moyen des différentes
portions de cet air, quoiqu'uniforme dans toutes {es parties,
& fans que l’entrelaflement de leurs vibrations différentes en
arrétât, ou en confondit la propagation. Et je trouve auffi
cette répon/fe dans les Ecrits d'un des plus fçavants Géometres
du Siécle pañé.
9. Remarquons d'abord combien la comparaifon tant de
fois rebatuë de la propagation du Son, & du progrès des
ondes, adoptée par des Auteurs d'ailleurs très-éclairés, eft
peu concluante dans Îa ‘queftion dont il s'agit, & fouvent
même capable d’induire en erreur.
- Le Son fe fait dans l'intérieur, ,& comme au centre du
. fluide qui en eft le véhicule, les ondes au contraire fe font
_ à l'extrémité fupérieure du fluide qui en eft le fujet, à la
furface qui le termine, & qui le fépare pour l'ordinaire d’un
… autre fluide tout différent par fa nature, & fur-tout par fon
poids. Le Son eft produit en vertu de l'élafticité de fon
. milieu, & par les alternatives de compreffion & de dilatation
- de fes parties infenfbles ; les ondes au contraire ne font for-
mées qu’en vertu de Ja pefanteur du Hansen voye de
ii
6 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
chûte & d’afcenfion confécutives, dans des portions ou des
mafles de ce liquide très-fenfibles, & plus ou moins grandes,
Le Son ne confifte qu’en des reflorts qui frémiflent après
avoir été frappés, les ondes ne font que d'efpeces de Balan-
ciers ou de Pendules, qui tombent, & qui fe relevent après
avoir été tirés du lieu le plus bas de leur équilibre. Auffi la
propagation du Son, fort ou foible, fe fait-elle toûjours en
temps égal, à même diftance : le Son parcourra toûjours,
par exemple, 173 toifes en une feconde. If peut y avoir
de petites variations que diverfes expériences y ont fait re-
marquer ; mais elles ne viennent que des imperfections inévi-
tables de ces mêmes expériences, ou de quelques circonftances
de lieu, ou de temps, & jamais de la force ou de la foibleffe
du Son. Car le Son qui eft aflés fort pour fe faire entendre
à dix lieuës à la ronde, ne parcourra pas avec plus de viteffé
la premiére lieuë que la feconde, ou la dixiéme. Et ainfi le
bruit du Canon qui va plus loin, & plus long-temps que le
bruit du Moufquet, parce qu'il fe communique à une plus
grande mafle d'air, ne va pas plus vite, C’eft que le bande-
ment ou le débandement des reflorts, en quoi confifte le
Son, eft toûjours ifochrone à lui-même, toûjours de a
même durée dans le même reflort, foit qu'il ait été fortement
ou foiblement bandé. Mais ïl n’en eft pas de même du mou-
vement progreffif des ondes, leur vitefle, ou leur lenteur,
fur la même eau, eft relative à la force qui les a excitées,
à leurs étenduës, ou à leurs Latitudes, & toüjours en raïfon
{oùdoublée de ces Latitudes, comme la durée des vibrations
des Pendules l'eft à leur longueur. Une expérience contraire
à ces principes, qui eft rapportée dans nos anciens Mémoires,
& attribuée à M. @e la Hire, ne doit pas nous arrêter, quelque
refpettable d’ailleurs que ce nom foit pour nous : elle donne
une vitefle conftante aux ondes, foit grandes, foit petites,
de même qu'auSon, & en raïfon du poids fpécifique de l'eau
à celui de l'air. Mais ces principes font démontrés dans M.
+ Princ. Math. Newton *, & Vexpérience même dont il s’agit, & de laquelle
245: M, de la Hire a eu la prüdence de fe défier, leur fert-de
LLPDRES SHSSUCIAUE NI GES. 7
preuve fenfible, quand elle eff faite avec plus de foin, comme
je l'ai éprouvé, & comme il fera plus particuliérement expli-
qué à l'Académie. Ainfi le progrès des grandes ondes fur le
même liquide peut être double, décuple, ou centuple, par
rapport à celui des petites, tandis que la propagation du Son,
fort ou foible, & quel que foit le corps réfonnant, fe trouve
toûjours être de la même viteffe dans le même air.
10. Or toutes ces différences une fois établies, entre les
* mouvements des mafles d’eau d’où réfultent les ondes, &
les vibrations des parties infenfibles de l'air qui conftituent
les Sons, qui ne voit qu'il peut y avoir plufieurs ondes de
différente grandeur & de différente vitefle à la furface d’une
eau d'ailleurs très-uniforme dans toutes fes parties ; & qu’au
contraire des vibrations de différente durée ne fçauroient
fubffter dans une mafle d’air uniformé, & dont toutes les
parties feroient de a même élafticité ?
La difficulté demeure donc dans toute fa force, & je ne
vois point d'autre reflource pour concevoir Îa propagation
fimultanée des différents tons, que d'admettre dans fair, qui
en eft le véhicule, différentes parties fonores propres à chacun
d'eux, par les vitefles particuliéres, & toûjours les mêmes, de
leurs vibrations.
11. Mais comment les vibrations & les frémiflements du
corps fonore de tel ou tel ton vont-ils ébranler, entre les
particules d'air qui l’environnent, précifément celles qui ré-
pondent à ce ton, préférablement à toutes les autres? Com-
ment une telle féparation de parties, dans l’intérieur d'un
fluide élaftique, peut-elle fe faire, ou fubfifter fans confufion
depuis le corps fonore jufqu'à l'organe ?
Je réponds que le corps fonore par fes vibrations & fes
frémiflements ébranle fans diftinétion toutes. les parties. am-
biantes du milieu; mais que l'ébranlement ou le frémiffement
“communiqué par lui au milieu ne {e conferve, & ne devient
fnfible pour l'oreille, que dans les parties qui font à l’unifion
. avec lui, c’eft-à-dire, d'égale fréquence dans leurs vibrations.
Æt ces parties parfaitement mélées, & toûjours en aflés grand
8 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
nombre dans la plus petite mafle d'air, pour qu'il s'en trouve
plufieurs de même efpece, ou fort proches, ou qui appuyent
les unes fur les autres, y forment comme autant de files ou
de rayons toniques, qui s'étendent à la ronde, en partant du
centre occupé par le corps fonore. C’eft ainfi que le moindre
rayon de lumiére fenfible fe divife en une infinité d’autres
rayons ou parties capables d’exciter en nous les fentiments
des différentes couleurs, en tombant fur les différentes {ur-
faces des corps qu'on nomme colorés. Mais une expérience
connuë va mettre ceci dans tout fon jour.
12. On fçait que lorfque deux cordes font montées à
Yuniflon fur le même Inftrument, ou fur deux Inftruments
différents, l’une ne fçauroit être touchée, fans que l'autre ne
réfonne & ne frémiffe fenfiblement, pendant qu'on n’apper-
çoit rien de pareil dans celles de différent ton. On peut
rendre cette expérience plus complette par rapport à notre
fujet, en fe fervant de deux Clavecins, placés à côté l’un
de l’autre, & exaétement accordés au même ton. Car fi l’on
fait jouer quelque piéce de Mufique fur lun des deux, on
l'entendra fur l’autre, comme une nuance ou une idée légere
de ce qui fe paffe fur le premier. J'obmets quelques précau-
tions qu'il y a à prendre, pour écarter tout ce qui pourroit
amortir le Son de ces Inftruments, & fur-tout à l'égard de
celui qui n’eft deftiné qu'à répéter les airs joués fur l’autre.
Mais fi le Son vigoureux du Clavecin actuellement touché,
& fon retentiffement qui fe mêle fans ceffe avec le foible
écho du fecond, faifoient craindre encore ici quelque illu-
fion , & rendoient fufpeét le jugement de l'oreille, on peut ÿ
adjoûter celui des yeux. C'eft ce qu'on fe procure en mettant
de petits chapperons de papier ou de fil d'argent fur quelques-
unes des cordes du fecond Clavecin, c'eft-à-dire, fur celles qui
doivent revenir le plus fouvent, en conféquence du ton &
du mode fur lequel on à deflein de jouer ; car on verra ces
petits corps tremblotter, lorfque les mêmes cordes à l'uniffon
fur le premier Clavecin viendront à être ébranlées.
13. Il ne fçauroit y avoir deux avis fur la caufe de cet
effet.
on
3
DES MS MOMES EN VOLE LS.
effet. Une premiére vibration de l'air ne peut ébranler qu'im-
perceptiblement la corde tenduë quelconque qu'il vient frap-
per ; il y faut un grand nombre de vibrations femblables &
de fecouffes réïtérées coup fur coup, pour que l’ébranlement
devienne fenfible. Et qu'arrive-t-il alors à plufieurs cordes
différemment tenduës, ou de différent ton , & toutes égale-
ment expolées aux impulfions de l'air ? Les unes, fçavoir les
cordes à l’uniflon du corps fonore, celles dont les vibrations
vont & viennent comme les vibrations de l'air & du même
côté, reçoivent à chaque inftant une nouvelle fecoufle, qui
accélere leur mouvement de plus en plus jufqu'au point de
devenir {enfible. Les autres, les cordes d’un ton différent, &
dont les alternatives, les allées & les venuës ne fe font pas
tout de fuite comme celles de l'air, & du même côté,
émouffent ou interrompent d'intervalle en intervalle, par des
directions contraires , l'effet des impulfions de Fair, & le
mouvement qu'elles en reçoivent, ne fçauroit jamais acquérir
Je degré de force qu'il faut pour devenir fenfible ; ainft l'on
entend les unes, on les voit frémir, & l'on n'entend point
les autres, elles paroïflent dans le repos.
14 Les parties & les rayons toniques de différente vibra-
tion, que j'admets dans l'air, font comme autant de cordes
du fécond Clavecin, ébranlées par les vibrations des cordes
du premier, qui eft le corps fonore. Mais cette application
eff fi aifée, qu'il feroit inutile d'y infifter, ou de la détailler
davantage, & je pourfuis.
15- Ne faudra-t-il pas auffi fuppofer dans l'organe de
T'ouïe quelque chofe de tout femblable à ce que nous fuppo-
fons dans l'air, des fibres de différente vibration , & de diffé-
rent ton ? Car on peut nous retorquer ici l'argument dont
nous nous fommes fervis fur les particules de l'air. Un paquet
de fibres ne fçauroit. être ébranlé en même temps par des
vibrations de différente viteñe, fi ces fibres font toutes de
même élafticité ; encore moins la même fibre, qui n'eft
qu'une corde tenduë, peut-elle frémir en même temps avec
différentes vitefles, comme Ur, par exemple, & comme S/,
+ Men ND 7
Du Verney,
Traité de l'Or-
gane de l'Ouie,
æF:97:
10 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
I faudra donc qu'il y ait dans l'organe de l’ouïe autant de-
ces fibres de différente fréquence dans leurs vibrations qu'il
y a de cordes, & de tons poflibles dans l'Inftrument le plus -
parfait, ou qu’il y a en nous de perceptions correfpondantes-
à ces divers tons.
16. C'eft-là aufii ma réponfe. L’organe immédiat de-
l'ouïe eft en effet, on le peut dire, un véritable Inftrument
de Mufique, comme l'œil eft une vraye Lunette d'approche :
c'eft une forte de Clavecin, formé d’une fubftance dure, .
offeufe, & propre à réfléchir le Son, dont la capacité remplie:
d'air, & fort large d’un côté, fe termine en pointe de l'autre,
dans lequel font tenduës une infinité de cordes, qui par leurs
différentes longueurs, & par leurs différentes tenfions, font.
en état de fournir aux rapports, & aux vibrations de tous
les tons poffibles. Ceux qui connoiflent les parties internes
de l'Oreiïlle, verront bien que je veux parler du Limaçon, &
fur-tout de la Lame Spirale, qui regne le Iong du milieu des
contours de fa cavité, & qui la divife en deux Rampes. Car.
la portion membraneufe de cette Lame eft une expanfion du
Nerf Auditif, comme la Rétine, & la Choroïde, organes im-
médiats de la vûe, font des expanfions du Nerf Optique.
Elle eft dure, féche, mince 7 caflante, capable de reflort, .
tournée en hélice par fon tranchant autour d’un cone offeux, .
comme la chaîne d’üne Montre fur fa fufée, & faifant, comme
le Limacon, environ deux tours & demi autour de ce Noyau
commun, diminuant infenfiblement de largeur depuis fa bafe
jufqu’à fa pointe, & étant compofée vers fon tranchant exté-
rieur d’une infinité de fibres tranfverfales, qui forment une
fuite décroiflante femblable à celle des cordes d’un Clavecin,
ou des tuyaux d’un jeu d'Orgue. La refflemblance va plus
loin encore ; cette partie membraneufe de la Lame Spirale
eft double, il y a deux couches de ces fibres tranfverfales,
comme il y a deux rangs de cordes d'uniffon à un Clavecin ;.
& fa partie offeufe, qui tient au Noyau conique, ou qui n'eft
qu'une extenfion de fa fubftance, demeurant fixe & inébran-
lable, eft une efpece de Chevalet d'où partent, ou fur lequef
CN CUT a
DAELS 1 SNCUIMEUN, CE. S. IL
font appuyées toutes ces fibres, qui vont s'appliquer, & fe
replier de l'autre côté, contre les parois internes des deux
Rampes du Limaçon.
17. Ce que nous venons de dire de la Lame Spirale, &
ce que nous en dirons dans la fuite, ou l'équivalent, eft donc.
appliquable à la membrane qui tapiffe en dedans les deux
Rampes où Cornets du Limaçon, puifqu’elle n'eft qu'une
continuation & un double repli latéral de la Lame Spirale.
On en peut dire autant de quelques autres parties membra-
neufes, ou même ofieufes de l'oreille interne, qui concou-
rent à occafionner, à modérer, ou à fortifier le fentiment
du Son, & des différents tons.
18. Quant à la maniére dont les vibrations de l'air exté-
rieur fe communiquent à la Lame Spirale, à Yair qui l'en-
toure, & au Limaçon qui la contient, elle nous engageroit
dans un détail Anatomique, où il n’eft pas à propos d'entrer
aujourd'hui. Il fufft que l'on conçoive en général, qu'il fe
fait une réaction continuelle & réciproque des frémiffements
de l'air intérieur de ces parties, & de ceux des fibres qui les
compofent, toüjours analogue aux frémiflements quelcon-
ques de Fair extérieur, & du corps foncre, c'eft-à-dire, à
tous fes tons.
‘19. Après ces éclairciflements, il ne me refte qu'à faire
voir, quelle eff la liaifon de mon hypothefe avec es Phéno-
menes les plus curieux d’Acouftique, & de Mufique, de
quelle commodité, ou plütôt de quelle néceflité elle eft poux
des expliquer, & combien en même temps tout autre fyfteme
fe refufe à leur explication. Le champ eft vafte ; mais je vais
me boerner à un de ces Phénomenes dont l'intelligence four-
ira la clef de plufieurs autres.
20. Lorfqu'on touche à vuide une grande corde fur un
Anftrument de Mufique, on entend, outre le Son principal
qu'elle rend, & qui eft de beaucoup le plus fenfible, plufieurs
petits Sons, tels que la r 2e d'en haut, la 1 5e, & la 17e,
qui ne font, comme on fçait, autre chofe, que l'Octave de
a Quinte, la double Oétave du ton principal, & la double
ÿ | Bi
12 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE |
Odtave de fa Tierce; en un mot les Otaves ou doubles
Oftaves de ce qu'on appelle l'accord parfait. s
21. Cette expérience demande une oreille délicate &
exercée, un obfervateur attentif, & elle doit être faite pen-
dant la nuit, ou dans un grand filence, mais elle n’en ef pas
moins certaine. Je l'ai répétée en préfence d’un Muficien
habile; M. Sauveur la rapporte dans fon Traité d’Acouflique,
le P. Merfenne Va très-bien circonftanciée dans fon Æarmonie
univerfelle ; & il femble que les Anciens en ayent eu quelque
connoiflance ; car on trouve parmi les Problemes de Mufique
d’Ariflote, cette Queftion, Pourquoi le Son devient-i! plus aigu
en finiffant ! Ce qui repréfente aflés bien notre Phénomene ÿ
puifque c’eft lorfque le Son de la corde eft prêt à s'étéindre,
que l’on y diftingue le mieux les accords dont nous venons
“de parler, & que la 12m, la 1 $me, & la 17° donnent en
effet des tons fort aïgus par rapport au ton fondamental.
22. Quelle eft la caufe d’un effet fr extraordinaire ? Je
n'ai rien vû dans les Auteurs qui l'explique le moins du
monde. Il eft clair cependant que cette caufe ne peut réfider
que dans le corps fonore, ou dans le milieu même du Son;
dans la corde, ou dans air. Mais il eft impofñhible que Ia
corde par elle-même donne jamais ni Tierce, ni Quinte,
redoublées où non redoublées. Ici les nœuds ou points de
repos imaginés, ou employés fi heureufement à d’autres
égards par M. Sauveur, cette efpece de fubdivifion naturelle
de la longueur de la corde, occafionnée par un leger obftacle
qui en interrompt ou qui en partage les vibrations, ne peut
nous être d'aucun fecours ; la corde eft fuppolée libre de
tout obftacle, & fi l'on veut y faire attention, on verra qu'il
ne fçauroit jamais y furvenir par fon mouvement aucune
efpece de #œud, ou de fubdivifion, qu’en raïifon foüdouble.
Car on peut imaginer, par exemple, qu'elle eft d'abord
divifée en deux par fon milieu, ou, comme on l'appelle, par
le ventre de fa vibration totale, où fe trouve fon plus grand
mouvement; qu'enfuite, & par la même raifon, il en arrive
autant au milieu de chacune de fes moitiés, à l'égard
DES SCIENCES. 13
defquelles le point du milieu précédent devient un point
d'appui & de repos, & ainfi de fuite ; mais une corde ne
fçauroit jamais par cette voye être divifée en tiers, ni en
cinquiémes. Or la divifion foüdouble ne peut donner que
des Odtaves, & des Otaves d'Otave, à l'infini : il faut
donc néceffairement en venir ici au véhicule même du Son,
aux particules de l'air, qui étant, felon notre hypothele, de
_différente vibration entre elles, agiflent les unes fur les autres,
à raifon des rapports harmoniques, 1, 2, 3: 4, 5, &c. des
promptitudes de leurs vibrations.
.23+ Pour bien entendre cette réaction des parties de l'air
furelles-mêmes ou entre elles, il faut fe rappeller l'expérience
décrite ci-deflus, des deux Clavecins à l'uniflon. Nous avons
dit feulement qu'une corde quelconque du fecond Clavecin
réfonnoit, lorfqu'’on touchoit fa pareille fur le premier ; mais
il faut fçavoir préfentement, qu'outre cette corde d’uniffon,
qui eft celle dont l’ébranlement eft le plus fenfible, toutes fes
harmoniques réfonnent auffi avec elle, & cela à proportion,
qu'elles font plus harmoniques, c’eft-à dire, felon que leur
rapport de vibration avec la fondamentale eft plus fimple,
ou que l'expofant de ce rapport approche davantage de l'ori-
gime de Ja fuite naturelle des nombres, 1, 2, 2 sl CC
Ainfi une feule corde touchée fur le premier Clavecin fera
réfonner, outre fes uniflons, toutes fes harmoniques, tant fur
Tui-même que fur le fecond Clavecin , dans cet ordre pour
la force, Oétave, Quinte, Tierce, & les autres, conformé-
ment à la fuite naturelle des nombres.
_ 24. La raifon que nous avons donnée de l’ébranlement
des cordes à l’uniflon, s'applique aifément à celui des cordes
harmoniques, & il eft clair, que feurs vibrations venant à
concourir, de 2 en 2, de 3 en 3, par exemple, avec celles
de fa corde immédiatement ébranlée, il en réfultera bien-tôt
un frémiflement d'autant plus fenfible, qu'elles feront plus
harmoniques, ou que la coïncidence des impulfions fera
plus fréquente. Je dis la même chofe de Fair ; les particules
à l'unifion y ébranlent bien-tôt leurs harmoniques ; c'eft
B ii
& M. Rameau.
14 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
pourquoi une corde, qui ne pourroit par elle-même exciter
dans l'air que cet unifion, ou fes Otaves, ne laifle pas d'y
occafionner & d'y faire entendre la Quinte, & la Tierce, ou
leurs Oétaves. Et ces Octaves ou doubles Otaves, je veux
dire, la r2me, la rs çme, & la 17€, y font entenduës, ou
diftinguées par l'oreille préférablement à la Quinte, à la fim-
ple Oétave & à la Tierce proprement dites ; parce que ces
derniéres ou leurs fréquences de vibration s'y trouvent trop
approchantes, trop confonduës entre elles, & avec le ton
fondamental & primitif, qui les couvre, & qui les renferme
par la /atinnde de fes ébranlements fur l'organe. :
25. Voilà donc une de ces expériences, à mon avis,
inexplicables par tout autre fyfteme. On trouve ici en même
temps les principales loix de l'harmonie diétées par la Nature
même, l'accord parfait fondé fur la correfpondance que les
particules harmoniques de Fair ont entre elles, & une fource
féconde de Regles, que l'Art & le Calcul pourront étendre,
& que la Philofophie pourra avouer.
26. :Le fentiment confus de l’harmonie aïnfi développé,
& juftifié par les propriétés du Son ou du milieu fonore,
qu'on fe propoleroit de réduire en pratique, felon ces Regles,
feroit fans doute un très-digne fujet de recherche ; mais je
puis d'autant plus me difpenfer d'entrer à deffus dans le
détail, qu'un célebre Muficien * de nos jours, à qui ces idées
& mon hypothefe ne font pas inconnuës, va donner in-
ceflamment au Public un Traité de Mufique qui tend à ce
but, & qui porte fur ces mêmes principes.
27. Je dois cependant obferver, qu'à parler exaétement
& à la rigueur, ce ne font pas les vibrations harmoniques,
en tant que telles, excitées dans l'air par le corps fonore d’un
ton déterminé quelconque, qui ont fait naître en nous le
fentiment de l'harmonie, & qui nous en ont indiqué les pre-
miéres Regles. Car cette relation de mouvements dans le
milieu du Son, n’eft en effet qu'un accident méchanique, qui
n’a en foi aucun rapport avec nos fenfations. Mais fouvenons-
nous de la correpondance établie ci-deflus entre les fibres de
DES. SYCUNE) NC ES 15
l'organe de l’ouie, de toutes les longueurs & de tous les tons,
avec les particules analogues de l'air, de maniére que ce qui
arrive à celles-ci, ou aux cordes d’un Clavecin , doit arriver
de même à ces fibres, & en particulier à celles de 1a Lame
Spirale, principal inftrument de l'organe immédiat de l'ouie
dans l'Homme. C'eft-là la véritable origine du fentiment
confus, mais invariable de l'harmonie, Quelques-unes des
fibres de cet organe ne pouvant frémir fans que toutes leurs
harmoniques nefrémiflent aufli en même temps, dans le degré
de force qui leur convient par rapport aux premitres, & le
féntiment que nous en recevons ayant été répété des millions
de fois depuis notre naiflance, il s’en eft formé en nous une
habitude qui peut porter à jufe titre lé nom de fentiment
naturel de l'harmonie. De forté que nous ne {aurions en-
téndre aucun Son, fans qu’il ne réveille en nous une idée
confufe, un léger fentiment de fes tons harmoniques ou de
Taccord-parfait.
28. C'eft à la relation méchanique & involontaire de
Vorgane de l’ouie avec les confonances excitées dans l'air, &
à fa prompte communicition des ébranlements de cet organe
à tout le genre nerveux, qu'eft dûe la guérifon de ces ma-
ladies fpafmodiques, de ces fiévres accompagnées de délire, :
& de convulfions, dont nos Mémoires rapportent plus d'un :
exemple *, & qui après avoir réfifté aux remedes commu- -
nément reçüs, & les plus efficaces, ont cedé enfin aux douces
impreffions de l'harmonie. -
… 29. Maïs quelle eff la caufe du plaïfir attaché au fentiment
de l'harmonie, & d’où vient au contraire {a fenfation def.
agréable que nous font éprouver les diffonances & les mau-
” vais accords? Seroit-ce à la correfpondance des fibres harmo-
niques, ou non harmoniques de l'organe, qu'il faudroit les
attribuer ? Et pourquoi l'ébranlement des fibres dont les
Vibrations ont un rapport harmonique; produiroit-il un {en-
timent de plaïfr, & lébranlement de celles qui n'ont point
* P.l'Hf.
de l'Académie
1707. p. 7.
1708. p.224:
FP. auffi ce qui
regarde la Ta=
ventule, Hifl
1702.p.1 64 *
ce rapport, ou même dont les longueurs font incommenfu. -
rables, feroit-il une occafion de douleur ? Dirons-nous avec
16 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
dé fameux Philofophes modernes, que Ame par fa nature
reffent toûjours du plaifir à juger de la proportion des objets
qui l'affeétent, à les comparer, & au contraire, une peine
fecrete, quand elle ne peut que difficilement en faire la com-
paraifon , comme il arrivé dans le cas oppolé de la confon-
nance & de la diflonnance, de la commenfurabilité & de
l'incommenfurabilité? Mais n’eft-ce pas fubftituer un juge-
ment explicite, & une fatisfaétion purement intellectuelle à
une pure fenfation ? La véritable raifon de ees deux effets &
de leur différence eft donc, à mon avis, uniquement fondée
fur ce qui fe paffe alors dans l'organe, par rapport à fa con-
fervation, & à fa deftruction, à fon rétablifiement, ou à fon
état de fanté, favorifé dans un cas, & menacé, ou dérangé
dans l'autre. Par exemple, la Lame Spirale ne diminuant
qu'infenfiblement de largeur, depuis fa bafe jufqu’à fa pointe,
les fibres tranfverfales harmoniques s’y trouvent toüjours à
de grandes diftances es unes des autres, à des moitiés, à
des tiers, ou à des quarts, &c. de fa longueur. Par-là le
commun ébranlement qui s’y fait à loccafion des Sons har-
moniques, excite fans doute fur cette membrane une efpece
d’ondulation, qui fans y caufer de diftenfion violente, y pro-
duit, & y entretient la foupleffe dont elle a beloin, malgré
fon élafticité, & un libre cours au fluide fubtil qui peut
circuler dans fes vaifleaux, malgré fa fécherefle. Et c'eft-1à
une vraye fource de plaifir, felon les loix de l'union de | Ame
à fes organes. Au contraire les Sons non harmoniques, les
mauvais accords, dont la commenfurabilité avec le Son prin-
cipal eft beaucoup moindre, ou nulle, répondant à des fibres
trop proches les unes des autres, ne pourront les ébranler
enfemble d’un & d'autre côté, fans caufer fur la membrane
des plis aigus, plütôt que des ondes, & fans rifquer par-fà
de la faufler, de la déchirer, ou de la rompre. C’eft pour-
quoi, & par les mêmes loix, nous devrons dans cette occafion
éprouver un fentiment d'inquiétude ou de douleur.
30. Îl eft vrai qu'on introduit des Sons non harmoniques,
ou des diflonnances dans la Mufique ; mais ce n'eft que pour
un
DES SCIENCES. 17
un moment, & pour la rendre plus picquante. Ce n’eft auffi
qu'avec une efpece d'affaifonnement qui corrige le mauvais
effet qui leur eft propre, que les diffonnances font pérmifes.
Car il faut toûjours ou prefque toûjours les préparer , les
accompagner , & les fauver par de bons accords.
31. On ne doit pas alléguer encore contre cette théorie
du fentiment naturel & néceflaire de l'harmonie » que les
‘Anciens ne connoifloient, ou ne pratiquoient point l’har-
monie proprement dite, ne compofant qu'à une feule partie,
non plus que bien des peuples d'aujourd'hui, dont la Mufique
ne confifte que dans la mélodie ou le fimple chant. Car les
æepgles de la mélodie ne différent pas de celles de l'harmonie,
elles n'ont que l'harmonie pour fondement, & le chant n’eft
qu'une harmonie fucceffive.
- 32. Enfin, ce que les difpofitions naturelles, & les ha-
bitudes différentes, ou oppolées pourroient produire ici de
diverfité, ne fait pas non plus une objeétion valable. Eh! qui
peut douter que fa culture & V'art venant à feconder une
heureufe conformation de l'organe, ne puiflent nous pro-
curer ce difcernement exquis des Sons, prefque toûjours
accompagné d’une fenfation délicieufe, que n'éprouveront
jamais les oreilles imparfaites, ou engourdies, pour qui lhar-
monie n'eft que du bruit! Aufli les guérifons furprenantes
-opérées par la Mufique, dont il a été parlé ci-deflus, n’ont-
.€lles été faites que fur des Muficiens.
3 3- Il faut cependant que le commun des hommes differe
peu dans la ftruéture interne de l'oreille, puifqu’il n'y a peut-
être pas de peuple für fa Terre, quelque éloigné qu'il foit de
notre climat, & de nos mœurs, dont la Mufique, s'il en a
une, ne foit fondée fur les Sons harmoniques : on les ÿ
démêlera du moins aifément, & l’on en peut juger par ce
que nous avons de morceaux de Mufique Siamoife, Chinoife,
& Amériquaine.
Je réferve pour nos Affemblées particuliéres quelques
autres Remarques ou Eclairciflements de cette nature, & je
sais finir préfentement par le court énoncé d'une expérience
Men 1737.
% Merfenne,
Hflruments à
percuf. Prop. 7.
18 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
que je fis étant à Béziers en 1723, & qui fournit une nou-
velle preuve en faveur de mon idée fur la propagation des
tons.
34 Les rapports du Son avec la Lumiére, & des Tons
avec les Couleurs, m'avoient fait naître la penfée, que celles-ci
ayant des réfrangibilités différentes, à raifon, comme je l'ai
dit dans un autre ouvrage, des différentes vitefles des parti-
cules, ou des vibrations qui les conftituent, ceux-là devoient
avoir quelque chofe de Émblable, & que malgré la propa-
gation toüjours la même du Son, ou du bruit en général,
les tons qui le modifient pourroient bien fe répandre en des
temps un peu différents, ou avec différentes vitefles. Cette
différence pourroit auffi, je l'avouë, être infenfible. Mais
avant que de raifonner davantage là-deflus, & que d'en
venir aux hypothefes, & aux calculs, je jugeai à propos de
tenter les expériences. |
35- H sagifloit donc de fçavoir, fr, le Son aïgu & le
Son grave étant fuppofés partir tous deux à la fois du même
lieu, & écoutés d'une diftance confidérable , l’un alloit plus
vite, ou parvenoit plütôt à l'oreille que Fautre, d’une quan-
tité fenfible?
Je choiïfis pour cela deux Cloches qui font dans la Tour
de la Cathédrale de cette Ville, l’une de $ pieds 6 pouces
7 lignes de diametre ou d'ouverture, & qu’on fçavoit pefer
114 quintaux ; l'autre de 2 pieds 2 pouces 3 lignes d’ouver-
ture, & du poids conclu d’après fes dimenfions, & felon les
regles de l'art des Fondeurs*, de 7 quintaux feulement. Leurs
tons refpectifs comparés à celui de fOrgue de cette Cathé-
drale, étoient B-fa-f, & D-la-re, en intervalle de Tierce
mineure à lOave d'en haut, c'eft-à-dire, à la Dixiéme
mineure de la grande Cloche ; & par conféquent, les vibra-
tions de l'accord de Tierce mineure étant en raifon de s à 6,
& celles de la Dixiéme de $ à 12, $ vibrations de la grande
Cloche répondoïent à 12 vibrations de la petite.
36. Mon plan étoit de faire frapper dans le même inftant
fur chacune des deux Cloches, & de diftribuer en trois bandes
IT TE
ER
DES SUCRE Nr CLE: S 19
toutes les perfonnes dont j’avois befoin, & pour cela, & pour
lobfervation. L'Académie des Sciences & Belles Lettres, qui
venoit de fe former dans cette Ville, & la difpofition fin-
guliére de la plüpart de fes habitants pour tout ce qui con-
cerne les Sons & la Mufique, me furent en cette occafion
d’un fecours peu commun. La premiére bande devoit refter
dans la Tour auprès des Cloches pour les frapper, ou pour
juger de l'inflantanéité du double coup : les deux autres de-
voient fe tranfporter en quelque lieu paifible à quatre ou
cinq cents toifes de la Ville ou du corps fonore, l'une au
deflus , l’autre au defous du vent, moins pour la différence
que le vent y pouvoit caufer, & qui apparemment eft nulle,
ou infenfible, que pour avoir deux fortes de jugement fé-
parés, & non concertés. Je devois d’abord être de la pre-
miére bande, & enfuite à mon tour de Îa feconde, & de Îa
troifiéme. Je ne détaillerai point ici comment je vins à bout
de faire frapper les deux Cioches dans le même temps, fans
que l'oreille la plus fine y pût diftinguer d'intervalle. J'y
trouvai plus de difficulté qu'on ne croiroit peut-être ; mais
enfin j'en vins à bout. On devoit frapper les Cloches de
minute en minute, afin que chaque obfervateur muni de fa
Montre, fut attentif au moment du coup: & lorfque quel-
ques-uns de ces coups ou doubles coups ne tomboient pas
exactement enfemble, ce qui étoit rare, on en frappoit fur
le champ un fecond fur la grande Cloche, pour avertir de
- ne pas tenir compte du premier, & d'attendre à la minute
füivante.
37. Le tout ayant été exécuté felon ce projet, & cin-
quante ou foixante coups ayant été frappés comme je viens
de dire, il en réfulta, que le Son aigu de la petite Cloche
parvenoit plütôt à loreille que le Son grave de la grande,
d'une quantité extrémement petite, mais qui pouvoit cepen-
dant être diftinétement apperçüe.
8. Une femblable expérience mériteroit fans doute
d'être foigneufement répétée, pour lever tous les fujets de
doute que la difficulté de fon exécution peut faire naître, &
Ci
20 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
par l'importance dont elle feroit en cette matiére. Mais ft
en attendant on veut s’en tenir à cette premiére épreuve, on
n’y trouvera rien qui foit contraire aux principes de la com-
munication du mouvement dans les Fluides élaftiques, &c qui
ne confirme notre théorie.
ECLAIRCISSEMENTS
SUR LE DISCOURS PRECEDENT.
1
Sur la différence des particules de l'Air entr'elles. Difc.
Aït. 5.
Le: parties intégrantes des corps folides ou fluides nous
échappent par leur petitefle, nos yeux ne fçauroient ni
par eux-mêmes, ni avec le fecours des plus excellents Mi-
crofcopes, nous rien apprendre de leur figure, & de leur
grofleur. Ce n'eft que d'après les propriétés de ces corps
obfervées dans leurs parties fenfibles, c’eft-à-dire, dans quel-
ques-unes de leurs portions, dont la plus petite contient une
infinité de parties intégrantes, que nous conjecturons la
figure, & le plus ou le moins de grofieur de celles-ci, leur
égalité, leur homogénéité, ou les différences qui regnent
entr'elles. Les différents tons qui modifient le Son, confi-
dérés comme on a vû dans le Difcours précédent, font déja
une affés forte induétion de l'inégalité des parties intégrantes
de l'air, du moins en ce qui regarde leur élafticité, ou la
différente vitefle des vibrations dont elles font capables; &
cette différence en fuppofe néceflairement une autre, comme
caufe, ou dans la figure, ou dans la groffeur, ou dans le tiffu
plus ou moins ferré de la matiére dont chaque particule eft
compofée : il fe peut faire auffi qu’elle foit l'effet de toutes
les trois enfemble. Mais il y a d’autres Phénomenes, d’où l'on
peut déduire, en général, que les parties intégrantes de fair,
différent entr'elles, &, en particulier, qu'elles ont différentes
Mr rDAIESSUAUSRGUME at CE So 2E
grofleurs. Tels font principalement ceux du Barometre, dans
quelques expériences où l'on a vû le Mercure s'y foûtenir
jufqu'à 75 pouces de hauteur; ainfi que je penfe l'avoir
expliqué, & prefque démontré dans le fecond Chapitre de Ja
2de Settion de mon Traité de Aurore Boréale, fans parler
de quelques autres effets finguliers dont il a été fait mention
dans ce même Chapitre, & qui tendent au même but. Dans
la premiére lecture que j'en fis à l'Académie en 173 r, j'avois
fortifié mes preuves fur la différente groffeur des particules
de l'air, de la néceffité dont elle me paroît étre pour la pro-
pagation des différents tons de Mufique par les vibrations
de différente durée. Car en fuppofant toutes ces particules
de même figure, & de femblable matiére, l'inégalité des
vibrations entraîne, comme on voit, l'inégalité des groffeurs.
Mais la conféquence étant réciproque, je puis dire aujour-
d'hui avec autant de fondement, que fi les particules de l'air
font de différente groffeur, & avec cela toutes élaftiques,
elles font donc auf de différent reflort, & leurs vibrations
ou alternatives de compreffion & de dilatation, font de diffé-
rente durée, & répondent à différents tons.
Durefte, comme l'élaflicité de l'air a été le principal point
de vüe des Phyficiens, dans les figures qu'ils ont attribuées
à {es parties intégrantes, qu'ils ont faites fpirales, ou rameulfes,
ou globuleufes, creufes ou folides, ou compofées d'autres
parties en mouvement, comme autant de petits tourbillons,
& que cette élafticité fait encore ici mon principal objet, en
tant que fufceptible de vibrations de différente durée, peu
importe à mon hypothefe, que cette différence vienné ou
de la figure, ou de la grofleur des particules de l'air, ou de
toutes les deux à la fois. 11 me fuffit qu'on voye aflés, fans
en détailler la preuve, que ces deux principes féparément, ou
combinés enfemble, peuvent produire l'effet dont j'ai befoin;
& je n'ai garde de prendre aucun parti dans une queftion que
je crois fi Join de pouvoir être décidée,
Ci
22 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
EL
Sur l'Analogie du Son à des différents Tons avec la
Lumiére àr les Couleurs en général. Difc. Art. 6.
L’uniformité que l'on découvre dans les premiers principes
de la Nature, & dans fes effets les plus généraux, à mefure
qu'on parvient à les mieux connoître, n’eft pas un petit argu-
ment en faveur de notre hypothefe fur la propagation du Son
& des tons qui le modifient, par fon analogie avec la théorie
de la Lumiére & des Couleurs, L’analogie de la Lumiére &
du Son avoit été apperçüe il y a long-temps à certains égards;
mais il me femble qu'elle n’avoit eu lieu jufqu'ici que fort im-
parfaitement , & dans un fens tout contraire à celui de notre
hypothefe : je veux dire, que les Phénomenes du Son & des
T'ons, ayant été regardés comme mieux connus que ceux de
la Lumiére, ont fervi de bafe aux explications de ceux-ci, &
qu'on ne s'eft point avifé, du moins que je fçache , & avant ce
que j'en donnai en 1720, d'expliquer le Son & fes Tons,
quant au milieu où ils réfident, par les propriétés & les
affections de la Lumiére & des Couleurs. On eft même tombé
à cette occafion dans une méprife aflés grofliére ; on a mis
en parallele le Son aigu ou grave, avec la Lumiére forte ou
foible, & l'on en a conclu en faveur du Son, que fa force
étoit déterminable, tandis que celle de Ia Lumiére ne l'étoit
pas, ou ne l'étoit que très-difficilement, que l’ouïe étoit le
feul de tous nos fens qui, par un privilege particulier, pût fe
* Del Cham. donner une mefure exacte de {a quantité de fon objet *, &
pt h qu'on ne pouvoit pas déterminer de mème en voyant deux Lu-
lis, p. 185. mieres, par exemple, fi l'une étoir plus grande, trois ou quatre
me fois davantage que l'autre, comme on dit qu'un Son eff plus aigu
# Aurout, de tant de tons que l'autre *, WU a été fait divers ouvrages de
pone Lucimétrie {ur ce pied-là, & tel Auteur qu'on croiroit s'être
PSS. garanti de l'erreur , après avoir dit, que l'oreille n'a aucun
* Journal des avantage fur les autres Jens, &r que chaque fens eff à fon objet,
Srav. 1668. DEEE fe E
AE comme l'ouïe eff au fien *, n'a fait que la couvrir, ou l'aggraver
i
Moro er Sn TOME TN: Ex ETS 23
par une mauvaife application de fon principe. ‘Après tout ce
qu'on a vù dans le Difcours, & ce que tous les Phyficiens
fçavent aujourd'hui du Syfteme de M. Newton fur la Lumiére,
il feroit inutile de montrer dans le détail, combien les tons
& les intenfités du Son font des chofes eflentiellement diffé-
rentes, comment les couleurs & les tons peuvent être déter-
minés au Compas, ou par le Calcul, les uns fur fe Mono-
chorde, & les autres fur l'image oblongue & colorée du
Soleil, rompué à travers le Prifme; mais qu’à l'égard de la
force, celle du Son en général, n’eft pas en effet plus aifée à
déterminer que celle de la Lumiére. Tout cela eft évident,
il feroit feulement à fouhaiter que quelque main habile nous
donnût fur les intenfités du Son, des expériences conduites
avec aütant d'art & de fçavoir , que le font celles de l Æffai
d'Optique fur la gradation de la Lumiére *, qui nous furent
données il y a fept à huit ans.
Mais l'un des principaux articles du parallele de 1a Lumiére
& du Son doit être, fi je ne me trompe, celui des différentes
vitefles de vibration qui les modifient, l'une dans fes couleurs,
autre dans fes tons. On a vü dans le Difcours précédent,
* Par M.
Bouguer.
combien ces différentes vitefles étoient néceffaires dans le :
milieu du Son pour y produire & y conferver la propaga-
tion des différents tons, & je penfe avoir démontré dans mes
Recherches fur la Réflexion é7 la Réfradfion des corps, équiva- .
lent de cette même propriété pour le milieu ou pour le fujet
de la Lumiére dans fes couleurs, en tant qu'elles font l'effet
ou la caufe du différent degré de réfrangibilité. C’eft ce qui
fe déduit de cette propofition, gue le finus * de l'angle de
Réflexion ou de Réfration , ef? au finus de l'angle d'incidence
en raifon renverfée des forces totales du mobile, c'eff-à-dire, comme
Ja quantité de mouvement ou la viteffe avant le choc, à la quantité
de mouvement , ou à la vftele aprés le choc ; d’où je tire enfuite
plus direétement, que la Lumiére, ou fes différents corpufcules,
ou les parties du milieu qui en ef le fujet , en paffant d'un milieu
dans un autre, ou en fe rompant, s'écartent ou s'approchent d'au-
tant plus de la perpendiculaire | &r font moins ou plus réfrangibles,
* IT y a dans
l'endroit cité,
Sinus du com-
plément ; maïs
ce n’eft qu'une
dénomination
différente que
j'avois adoptée,
par des raïfons
qu'il feroit inu-
tile de rappor-
ter ici.
24 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
* Rech. Phyfeofelon qu'ils ont plus ou moins de viteffe ou de facilité à fe mouvoir *,
RAËE #. Tout cela a été adopté, & développé avec beaucoup d'élé-
“Mem. 1722. gance dans la Piéce de M. Jean Bernoulli, Doéteur en Droit,
TU qui remporta le Prix de l'Académie l'année derniére, & qui
à quelques au- à a Lumiére pour fujet, & je ne crois pas pouvoir mieux
ne #97 faire que d'y renvoyer le Lecteur. I eft vrai que toute fa
i théorie eft fondée fur les vibrations de preffion de la Lumiére,
& que ce que j'ai dit roule fur le mouvement ou le tranfport
actuel des parties. Mais on fçait que les loix de la direétion
des corps follicirés à fe mouvoir, font les mêmes dans la fim-
ple tendance, que dans leur mouvement ou leur tranfport
actuel ; & ce que j'ai démontré pour un cas, j'ai prétendu le
démontrer pour l'autre, aïnfi que je m'en fuis expliqué dans
ces mêmes Recherches, Arr. XXXIY. |
III.
© Sur l'Analogie particuliére des Tons à des Couleurs
prifmariques.
Il y a une autre analogie bien furprenante entre les cou-
leurs de la Lumiére, & les tons. Les fept couleurs que donne
le Prifme, & que M. Newton appelle Primitives, parce que
leurs réfrangibilités font toüjours les mêmes, & différentes
entr'elles, forment, comme on fçait, ce qu'il nomme le
Spectre, & qui n'eft autre chofe que l'image’ colorée du Soleil,
allongée & rompuë à travers le Prifme. Or ces fept couleurs,
fçavoir, le Violer, le Bleu Turquin où Indigo , le Bleu céleffe,
le Verd, le Jaune, YOrangé, & le Rouge, prifes ainf de fuite,
& dans l’ordre où elles font couchées fur cette bande, y
occupent fenfiblement des efpaces proportionnels aux inter-
valles que laiffent entrelles les divifions du Monochorde
pour les huit notes de Octave, Re, MG, Fa, Sol, La, $,
Ut, re. La même, ou une femblable analogie fe découvre
encore dans des expériences beaucoup plus compofées, faites
avec des Verres convexes, appuyés par leur convexité contre
des Verres plans, & que M. Newton a rapportées dans le 24
Livre
È
À
L
|
|
DES SCIENCES "#4
Livre de fon Optique. Mais nous ne parlerons ici que de
l'analogie la plus fimple, & qui fe trouve dans l'expérience
ordinaire du Prifme.
Quoique cette propriété furprenante des couleurs de 1a
Lumiére foit fort connuë en général, & qu'elle ait été donnée,
& confirmée de bien des façons par fon illuftre Auteur, ou
par fes Difciples, je crois qu'elle demande encore quelque
éclairciflement par rapport à mon fujet,
Je remarquerai donc, r.° Que lanalogie des couleurs
avec les tons de Mufique n’eft énoncée dans M. Newton que
relativement à l'ancienne Gamme : de forte qu’au lieu de Re,
Mi, Fa, Sol, La, Si, Ur, re, dont je viens de me fervir pour
la défigner, il écrit toüjours So/, La, Fa, Sol, La, Mi, Fa,
Sol. Le Si eft, comme on fçait, une nouvelle expreffion de
note, qui fut introduite dans la Mufique vers le milieu du
Siécle paflé, pour fimplifier, & faciliter lintonnation, en
donnant par fon moyen un nom différent à chaque ton de
l'Oétave. J'employe donc la méthode du Si, pour indiquer
l'analogie dont il s’agit, préférablement à l’ancienne maniére
_ de folfer, qui n’eft prefque plus connuë en France. Mais ce
n'eft qu'après m'être convaincu, par les valeurs numériques,
qui répondent aux intervalles exprimés par So/, La, Fa,
So/, &c. dans M. Newton, que ces intervalles font les mêmes
que ceux des notes Re, Mi, Fa, Sol, &c.
- 2.° Que ordre des couleurs ci-deflus, dans la pofition
verticale du Speére, réfultant de fa pofition horifontale du
Prifme, dont l'angle réfringent eft tourné en embas, comme
on le pratique d'ordinaire , eft renverfé par rapport à la fuite
des intervalles toniques qui leur répondent : c'eft-à-dire, que
le Violet, Y Indigo, le Bleu célefle , le Verd, &c. allant en def-
cendant jufqu'au Rouge, expriment les intervalles des notes
qui montent, Re, Mi, Fa, Sol, &c. jufqu'au re de FOave
d'en haut.
3.” Que ces intervalles des tons correfpondants aux
“efpaces colorés du Spectre, font donnés dans M. Newton tels
que les fait le Syffeme ancien ou rigoureux, & non pas felou
Mem 1737:
26 -MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
le Syfleme tempéré : c'eft-à-dire, qu'ils font fuppofés parfaite-
ment juftes, que la Quinte n’y eft pas afloiblie, & la Quarte
fortifiée, &c. Cependant il ne faut pas conclurre de-là,
que M. Newton ait prétendu fixer les limites de fes couleurs.
primitives à ce degré de jufteffe, quelque foin qu'il ait eu
d’en bien déterminer les bords dans les expériences. Ce n’eft
qu’à peu-près, ou à très-peu-près , comme il en avertit en.
plus d’un endroit. Or l'altération que le Tempérament intro-
duit dans les intervalles toniques, exprimée en lignes, eft
à mon avis bien plus infenfible, que ce qu'il peut refler de.
douteux entre les limites des deux couleurs contiguës : ainff
l’on ne fçauroit prendre cette indication des intervalles co-
lorés, qu’en général, comme très-approchants des intervalles.
du Monochorde. Mais n’y ayant point de raifon de ramener
lanalogie au fyfteme tempéré plûtôt qu'au fyfteme rigoureux,
du moins felon les expériences de M. Newton, il convient
de donner la préférence à ce dernier, comme plus fimple, &
plus géométrique, tel qu’il réfulte des rapports trouvés ou.
adoptés par M. Newton.
4. Que toute cette diftribution de couleurs par les va-
leurs des efpaces qu’elles occupent fur la Jongueur du Spectre,
ou plûtôt par les limites qui les terminent, fe rapportent au.
mode mineur, déterminé par la Tierce du ton fondamental.
H ne fçauroit y avoir à d'équivoque, les intervalles du mode-
majeur différant trop fenfiblement de la proportion que les.
efpaces colorés ont entr'eux..
s+” H faut bien prendre garde à ne pas confondre ici,
comme on a coûtume de faire, même dans les Livres qui-
traitent de la Mufique, les valeurs abfoluës des tons de.
FOGave exprimées par les longueurs des cordes, avec leurs.
intervalles ou différences. Car ce n'eft qu'à ces différences.
prifes tout de fuite, que les fept couleurs du Spectre font
confécutivement proportionnelles par leurs étenduës, & non.
aux tons mêmes.
6.° Enfin je dois avertir, que je prendrai toüjours ici:
Les différentes réfrangibilités de la Eumiére, ou fes différentes
FÉES
ES
Ze
pe rae
2%
£
Æ
77777
Tiolet
RE
Cedeute
Vert
i aie
| Jaune
S———2}
DE] 9
Rouge
F M\°
a
a
à t
&.
& en
S ne
/
*
€ £
45
6go
mu
fa
PT]
480
773
TE
M”
E/7]
| DES SCIENCES. 27
witefles pour fynonymes, ou réciproquement proportion
nelles, conformément à ce qui en a déja été dit ci-deffus,
Elairaf. 1, & à ce que j'elpere en dire plus particuliére-
ment dans la Svire de mes Recherches fur 1 Réfraction. En
attendant, le Leéteur peut aïfément l'en déduire, ou recevoir
cette idée par maniére de fuppofition, & fans crainte d'erreur.
Car outre que les forces ou les vitefles des rayons colorés,
ou leurs degrés de réfrangibilité font prefque toûjours des
grandeurs comvertibles , & que c’eft-là la vraye théorie de M.
Newton fur ce fujet, cette maniére de les concevoir jette une
très-grande clarté dans leur analogie avec les différents tons
de Mufique. Puifque la corde totale, ou du ton fondamental,
qui eft tenduë fur le Monochorde, & à laquelle on fait fonner
TOGave, la Quinte, ou la Quarte, en faifant couler le che-
valet mobile fous fa moitié, fes deux tiers, ou fes trois quarts,
ne change point de tenfion, & que le poids qui eft cenfé
produire cette tenfion, eft toûjours fuppofé le même pour
tous des tons de la corde. Ce n’eft donc qu'aux différentes
vîtefles de fes vibrations, réciproquement proportionnelles
à fes longueurs, que fe rapportent nos différentes fenfations
de ton, de même qu'on peut concevoir que nos différentes
fenfations de couleur font dûes aux différentes vitefes avec
Jefquelles la Lumiére différemment réfrangible, vient frapper
l'organe de Ia vüe.
Je vais mettre ce petit Commentaire, & quelques autres
paiticularités que j'ai à remarquer, fous les yeux, en les
adjoûtant à la Figure 4me de la 2de Partie du Premier Livre
de Optique de M. Newton.
Ayant tracé le Spectre coloré AP G MT F, prolongé
fes côtés AF, GM, en B & X, de maniére que AB, GX,
foient doubles de AF ou GM., & écrit les noms des couleurs
à la place qui leur convient dans la pofition horifontale du
Prifme décrite ci-deflus, je joints Z & X, je prends fur le
prolongement de la figne qui paffe par ces deux points, V4
GA, que je divife, commeG/ eft divifée, par les limites
- des couleurs : Jéléve fin les points de-cette divifion autant
D ji
28 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
de perpendiculaires, mi Z, fai, fol 4, &c. dont les longueurs
repréfentent les huit cordes de l'Oétave, y comprife XG,
fçavoir, Re, Mi, Fa, Sol, La, Si, Ur, re, d'après la fonda-
mentale YG— 2GM, & j'écris fous chacune de ces cordes
les rapports numériques, 720, 640, 600, &c. de ces lon-
gueurs proportionnelles aux fractions +, À, &, &c. qui fe
trouvent fur GM, à côté des limites des fept couleurs, &
relativement à la fuppofition de GX — 720, &c. L'inf
pection de la Figure, avec ce que je vais encore adjoûter,,
fera aflés entendre tout le refte,
1. Les différences GÀ, /c, it, hz,ed, gb, af, des huit
cordes Re, Mi, Fa, Sol, &c. font proportionnelles & /conffr.)
égales aux efpaces colorés du Spectre, & aux intervalles
toniques repréfentés fur XF, & dont la fomme 80 + 40
+ 60, &c. —= 360 =: GX.
2.° Et par conféquent les efpaces colorés pris de fuite, &
de l'un à l’autre, ne font point proportionnels aux longueurs
des cordes de l'Oétave dont ils expriment les différences : car
GA n'eft pas à A1, ou 80 à 40, comme G Re, eft à / mi,
ou 720 à 640, &c..
3.” Cependant les efpaces colorés dans certains intervalles
confonnants, tels que ceux de Quinte ou de Quarte, &c..
font entr’eux comme les longueurs des cordes confonantes
dont ils expriment les différences, ainf GA (80).»€ (60)
:: XG (720). Xn, ou fol 4 (540) en intervalle de Quarte,.
Ar (4o)yx(27) :: Ya (mi/=640).xy (li g—=432)
en intervalle de Quinte, &c. mais ce n'eft qu'à caufe de la
reflemblance d’intervalles ou progrès diatoniques d’une partie
de l'Otave avec Fautre partie, comme nous le verrons plus:
particuliérement dans la Remarque fuivante. Ainfi pour avoir
les couleurs proportionnelles aux tons mêmes, ou aux fon-
gueurs des cordes qui les expriment, & en mème temps leurs
efpaces fur ie Spectre proportionnels aux intervalles toniques
pris de fuite, il faudroit que fe Spectre s’étendit fur tout
Vefpace BXGA, de maniére qu'une certaine lumiére homo-
gene n'y occupât que l'efpace BX MF, une autre Fefpace.
Lis mes Le 207
Vire, s SicrENCEs ri 2%
BXab, & ainfi de fuite, jufqu'à la derniére BXGA, qui
feroit pure, fimple, & violette en AG A, toutes les autres
_ réfüultant depuis À jufqu'en #7, & de plus en plus, de leur
mélange réciproque, jufqu'au mélange entier de toutes, qui
feroit la lumiére compofée, & proprement dite, fur l'efpace
BXMF. Mais rien de pareil ne nous eft indiqué dans l'expé-
rience.. Aucune forte de lumiére fimple ni compolée ne rem-
plit l'efpace BXMF, & l'on voit toutes les autres, je veux
dire, toutes les couleurs fe ranger fur lefpace reftant FMGA,
qui eft celui du Spectre, felon leur différent degré de réfran-
gibilité, & fans qu'il y paroifle de mélange, qu'un peu tout
proche des limites. |
4° Les différences des finus de-réfraétion qui répondent
aux limites des couleurs fur le Spectre, font fenfiblement
proportionnelles aux diftances de ces limites. Les nombres
qui les expriment ici, fçavoir 77, 77%, 774,771, 771,
775 775; 73, font ceux qui répondent à la fuppofition
de M. Newton, que le commun finus d'incidence dés rayons.
de lumiére différemment colorés, les plus ou les moins ré-
frangibles, en paflant du verre dans l'air, étoit comme 50
à77 & 78. La différence de 77 à 78 ayant donc été divifée-
en même raifon que G A7, donne les fractions D Dr &Ce
qui accompagnent ces nombres, & qui par conféquent font
entr'elles en même raïfon que les efpaces colorés, ou les inter-
valles toniques, 45, 27, 48, &c.
5 Donc les différences des forces ou des viteffes de
tranfport ou de vibration de la Jumiére de différente couleur:
font entr'elles réciproquement comme les efpaces que les.
couleurs occupent fur le Spectre, felon fa longueur, ou en:
raïfon inverfe des intervalles toniques. Car nous avons vû
dans la Remarque précédente, que 4 Sinus dé la Réfratfion eft°
tojours au Sinus Æ ‘Zncidénce, en raifon inverfe des Forces totales,
ou des viteffes du. mobile, avant &r après le choc, c'eft-à-dire,.
avant ou après la rencontre du. plan réfringenr, Yes valeurs des
foresg des vitefles pourront donc former cette fuite 73».
D ij
tu MEMÔIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
1, !_, &c. correfpondante aux valeurs des finus aux-
1?
PTE T7
quels elles font réciproquement proportionnelles, comme il
éft marqué dans la Figure. Mais les différences des finus font
en railon directe des longueurs des efpaces colorés aux limites
defquels ils répondent fur le Spectre, & des intervalles diato-
niques. Donc les différences des forces le feront auf.
Du refte, on voit bien que ni les forces ou viteffes, ni les
finus, pris en intervalle de Quarte ou de Quinte, ne fçau-
roient être proportionnels aux différences correfpondantes,
de la maniére dont il a été remarqué que le font certaines
cordes confonnantes à leurs différences d'avec la corde qui
les fuit. Par la raïfon que les nombres primitifs ou extrêmes
77 0u78, ou &$, ont un tout autre rapport à lafomme
de leurs différences intermédiaires, qui eft 1 où CPE , que
Les cordes extrêmes 3 60 & 720, n'ont à la fomme des leurs,
qui eft 360.
Voilà le Phénomene tel que je le conçois d’après les
expériences de M. Newton.
Quant à la caufe de cette analogie entre les efpaces colorés
du Speûtre, & les intervalles des tons de FOGave, j'ai cru
un temps l'appercevoir, mais les lueurs qui me l’avoient fait
croire, {e font évanouïes à mefure que je fuis entré plus avant
dans le détaïl des circonftances. Voici la fuite de mes raifon-
nements fur ce fujet. é
J'obfervois, 1.” Que dans le Phyfique où Ie Méchanique
de nos fenfations de ton, où de couleur, on n’apperçoit que
des ébranlements plus ou moins forts, plus où moins fré-
quents, fur les fibres de l'organe; caufés par des vibrations
plus ou moins fortes, & plus ou moins promptes de la part
des corps lumineux, ou fonores, & des milieux qui leur
fervent de véhicule.
2.° Qu'il n’y a point d'incompatibilité que ce plus ou
ce moins de force ou de vitefle de la part des objets de nos
fens, ou des milieux qui portent jufqu’à nous les moulfements
énoncé
RE TE #4"
Dies eoÉE N:C ES: ET
de leurs parties infenfibles, foit feul capable d’exciter en nous
des fenfations auffi différentes que le Rouge left du Jaune, ou
du Verd, le Son: grave du Son aigu , & même des fenfations
auffi oppofées que le plaifir & la douleur, à peu-près comme
mous l'éprouvons à l'égard du feu, felon la diftance où nous
en fommes.
* Qu'il faut que les degrés de force ou de vitefle dans
les vibrations de da part de l’objet, ou du milieu, foient plus
ou moins grands jufqu'à un certain point, pour changer la
pature de la fenfation qu'ils occafionnent , fans quoi nous
p'éprouvons que des modifications ou des nuances de la
même fenfation ; comme il arrive dans l'exemple du feu, dont
nous pouvons approcher plus où moins jufqu'à une certaine.
diftance, fans cefier de fentir ou du plaifir, ou de la douleur ;:
& dans le cas préfent des couleurs étenduës fur le Spectre,
où toute la couleur qui remplit l'efpace GA, par exemple,
nous paroît rouge, & où feulement le rouge qui commence
en FM, & qui a le moins de réfrangibäité, & par conféquent
le plus de vitefle, nous paroît plus vif que celui qui finit en.
Ba, & ainfi de faite detoutes lesautres couleurs.
4° Que la portée de l'organe dans ce nombre de fenfa-
tions fpécifiquement différentes que nous éprouvons à fon.
occafion, dépend d'une flruéture dont il n’eft pas néceffaire
que nous connoiffions le détail pour expliquer Fanalogie
dont il s’agit ; ainfi lorfque j'éprouve fept fenfations diffé
rentes de la part du Son d’une différence affés marquée entre
elles, & entre les limites de lOfave, & fept fenfations de
couleur entre les limites du Speétre ; c'eft-à-dire, à l'égard.
des premiéres, entre des vibrations, qui font pour leur fré-
quence en raïifon de 2 à 1, & à l'égard des fecondes, en:
raifon de 78 à 773 OÙ 7% à 7 il n'eft pas néceflaire que
explique pourquoi il n'y a ni plus ni moins de termes.
moyens aufli marqués, autant de tons primitifs, ou autant
de couleurs primitives, entre ces extrêmes, & il me fufft de.
&rouver pourquoi ces termes moyens pris de part & d'autre,
ou leurs différences, ont le rapport que me donnent les
2 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
divifions de fOŒtave fur le Monochorde, & celles de Ia
lumiére colorée fur le Spectre.
s- Enfin, difois-je, fi les intervalles diatoniques entre
les limites de l'Ottave me donnent les rapports de vibrations
les plus commenfurables entre elles, ou, ce qui revient au
même, les fenfations de même genre les plus marquées par
leur diverfité, j'aurai tout lieu de croire que la même chofe
devra arriver dans les efpeces d'un autre genre, & en parti-
culier dans les fenfations de couleur, lorfque l'étenduë que
les couleurs occupent fur le Spectre, fera divifée en même
raifon que celle qu’occupent les intervalles diatoniques fur le
Monochorde.
Or il eft aflés connu que la divifion de l'Oétave ou du
Monochorde, d'abord en +, enfuite en +, +, +, &c. ou,
ce qui revient au même, En +, +; +; +» CCC felon la pro-
greffion harmonique, donne en général les rapports & les
intervalles les plus marqués entre leurs extrèmes. Les deux
intervalles de femi-ton, Ai, Fa, & Si, Ur, qui s'y trouvent,
comune auffi ceux de quelques tons qui interrompent la fuite
naturelle de cette progreflion, & qui femblent s'écarter de
cette vüe, y rentrent parfaitement 0 un autre afpect. Car
la premiére divifion de lOétave en Quinte & Quarte, qui
fournit tout ce qu’il y a de plus marqué entre les deux fen-
fations des notes extrèmes de l'Oftave ou du Diapafon, & qui
fait après elles la plus grande impreffion poffble fur l'oreille,
ne peut fubfifter dans l'oreille, qui la retient, ou qui la
foufentend, qu'avec ce mélange de tons & de femi-tons, tels
que les donne le Monochorde divifé harmoniquement, felon
les regles reçüës. Et la raifon en eft, par exemple, à l'égard
des demi-tons, que l'intervalle de Quarte ne contient que
deux intervalles de ton, & un de demi-ton, & l'intervalle
de Quinte trois intervalles de ton, & un de demi-ton, &
ainfi du refte ; l'Art fe conformant en tout ceci à la Nature,
c'eft-à-dire, au fentiment de l'oreille, qui a fuggéré ce progrès
des tons de l'Oétave long- temps avant que l’Art s’en mêlât.
Donc les intervalles de la lumiére de différente réfrangibilité,
différant
Te
DES SCIENCES. 33
différant entr’eux de la même maniére que les intervalles du
Son de différente vibration, nous doivent affecter dans le
même ordre d'autant de {enfations les plus. différentes qu'il
foit poffible entre leurs limites. Ou, réciproquement, le fens
dé’la vüe étant fufceptible de fept fenfations différentes de
couleur, comprifes entre les limites de la plus grande & de la
. moindre réfrangibilité de la lumiére, l'étenduë de ces limites
doit être divifée en même raifon que l'étenduë du Mono-
chorde, qui répond aux fept intervalles diatoniques ; & il
n’eft plus étonnant que les fenfations qui appartiennent à la
vûe & à l'ouie, & qui font deux genres fi différents, gardent
les unes & les autres les mêmes rapports dans les divifions
de leurs efpeces principales ; en un mot, que les intervalles
des fept couleurs primitives foient entr'eux comme les inter-
valles des fept Sons primitifs.
H me femble que c’eft-là tout au moins Îa route qu'il fau-
droit tenir pour arriver à la caufe du Phénomene,
Mais cette explication , telle qu'on vient de la voir, péche,
à mon avis, dans un point très-important ; elle ne porte
point fur le rapport réciproque de vibrations entre les objets
ou les organes des deux fens. Car nous avons montré ci-defiüs,
que les forces, les vitefles ou les fréquences de vibration cor-
refpondantes aux huit divifions du Spectre, y compris Îes
fimites extrêmes, ne font nullement entr’elles ni directement,
ni indirectement comme les huit longueurs des cordes, où
les huit différentes fréquences de vibration qui conflituent les
huit tons de l'Octave. C'eft cependant du rapport qu’auroient
entr'eux les deux ordres de vibrations, & non du rapport de
leurs différences, qu'il me paroît que devroit naître la fmili-
tude d'intenfités ou d’efpeces dans les deux genres de fenti-
ment ; car c'eft à raifon des forces abfoluës de l'objet, & par
les modifications mêmes de l’ébranlement que l'organe en
reçoit, que nous fommes afleétés, & non pas flon leurs
différences.
Men, TF3 E
34 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
LV.
En quoi l'Analogie du Son à de la Lumiére , des Tons
&r des Couleurs, de la Mufique èr de la Peinture, à
eff imparfaite , ou nulle.
Rien n’eft plus capable d’éclaircir & de conftater en quoi
confifte la vraye analogie du Son & de la Lumiére, des tons
de Mufique & des couleurs, que de voir où elle manque, &
où elle n’eft qu'impropre & imparfaite. Cet examen, beau-
coup plus fécond qu'il ne paroît d'une premiére vüe, me
fourniroit amplement la matiére d'un Traité, mais je m'en
tiendrai encore ici à quelques réflexions.
Nous venons de voir dans la Remarque précédente, que
Tanalogie des tons & des couleurs manque dans ce point
eflentiel, que le rapport direct, ou réciproque, qui devoit fe
trouver entre les forces, ou les fréquences de vibration, qui
conflituent ces deux genres de fenfation, ne fubfifte que dans
leurs différences ou intervalles. Ce défaut un peu approfondi
eft plus grand encore qu'il ne paroît d’une premiére vüe; il
va Jufqu’à détruire en un fens l’analogie même des intervalles
ou des différences. Il y a égalité d’intervalles diatoniques en
différentes parties de lOGave, malgré l'inégalité que les divi-
fions du Monochorde offrent aux yeux : il y a même inter-
valle, par exemple, de So/ à La que de Ur à Re, de Mi à
Fa que de $ à Ur, &c. quoique les efpaces 0Ë, BF, &
px, d\B, ou les nombres abfolus, 60,45, & 40, 27, qui
les expriment, foient bien différents, tant fur le Monochorde
que fur le Spectre. Ces intervalles, dis-je, font égaux, &
reconnus tels, parce que relativement au paflage d’un ton à un
autre, il y a femblable chemin à faire dans les deux cas, & que
540 .480::405.360, oui — #2, ouf —É,
Oo
MISIOL= 3:60?
5 —= 7, &c. mais cette égalité fe trouve entiérement
troublée à l'égard des couleurs de la lumiére, par le défaut de
proportion entre les vitefles ou réfrangibilités différentes-qui
les produifent, & les longueurs des cordes des tons qui leur
MOSS AG ALENN CES. 111 24
répondent. Car il s’en faut bien que DE ab: pa foit égal
3 a
x I
à ! L LRU ren nn SE comme
M NS 7 TRS ZA 7 T7 BRUIT
on s’en convaincra , fi l’on veut fe donner la peine de faire
la réduétion de ces quantités, ou, pour plus de facilité, de
celles des finus 771—77+, &c. qui leur font récipro-
quement proportionnelles. Or fi lon fuppofe, comme il eft
naturel de le croire, que les fenfations font proportionnelles
aux ébranlements de l'organe, ou à quelqu'une de leurs
fonctions, telles que leurs cubes, leurs quarrés, ou leurs Racines,
& les ébranlements de l'organe, proportionnels aux chocs
du milieu qui agit fur eux, il fuit qu'il n'y a plus même
diftance ou même différence de la fenfation du Violet, par
exemple, qui finit en y A, ou de celle du Bleu Turquin qui
y commence, à celle du Bleu célefte, que de la fenfation du
Jaune qui finit en J\y, ou de celle de l'Orangé qui y com-
mence, à celle du Rouge, quoiqu'il y ait égalité parfaite
entre les intervalles de femi-ton majeur, A%-fa & Si-ut
qui leur répondent. Et ainfi du refte.
Mais il convient d’examiner tout ceci d'une maniére plus
générale.
Le point fur lequel roule cette théorie, tant à l'égard des
Sons & des Couleurs, que des autres qualités fenfibies, eft
da diftinétion bien marquée de ce qui fe pañle dans les objets,
ou dans les milieux qui en tranfmettent l'action jufqu'à nos
organes, de ce qui arrive dans ce moment à nos organes,
& de ce que reflent l Ame à leur occafion. D'un côté lon
peut dire en général que l'analogie de nos fenfations quel-
conques eft parfaite, en ce que tout n’y confifte qu'en des
mouvements, des vibrations, & des ébranlements purement
méchaniques : de l’autre, nulle analogie proprement dite. La
couleur, en tant que fentiment, ne reffemble pas plus au Son
. ou à l'odeur, que la vitefle d’un corps en mouvement à fa
figure, ou fon poids à fa faveur. Il n’y a de relation entre ces
fntiments, que par l'intenfité ou la grandeur ; nulle relation
6 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE
d'ailleurs, ni dans leur nature, ni dans l'idée qui nous les
repréfente. S'il y en avoit le moins du monde, il ne feroit
* pas impoflible de donner à un Aveugle né, qui n'eft pas
fourd, quelque idée des couleurs & de la peinture, & réci-
roquement à un Sourd qui n'eft pas aveugle, quelque idée
des Sons & de la Mufique. Ce n’eft donc que dans un cer-
tain détail plus approfondi du méchanifme des objets fenf-
bles, qu'on peut dire, qu'il y a de lanalogie entreux, &
qu'elle eft plus ou moins parfaite, & à certains égards qu'il
n'y en a point du tout.
Cela pofé, nous dirons que le Son & Ia Lumiére font
analogues par rapport à leurs fujets immédiats, le corps fonore
& le corps lumineux, en ce que vraifémblablement l'un de
ces corps ne modifie le Son en différents tons, & l'autre la
Lumiére en différentes couleurs, que par un plus grand ou
un moindre mouvement dans fes parties infenfibles, ou par
des vibrations plus où moins promptes. z
Le Son & la Lumiére font aufli analogues dans leurs mi-
lieux, en tant que ces milieux font capables de recevoir &
de tranfmettre les mouvements ou les vibrations du corps
fonore & du corps lumineux, & que l'un & l'autre contien-
nent des parties propres à chaque modification particuliére
de leur genre, l'un à chaque ton, l'autre à chaque couleur,
comme je penfe l'avoir prouvé.
Cependant la Lumiére differe du Son, & dans le fujet
immédiat, & dans le milieu, par la promptitude prefque
infinie avec laquelle fe fait fa propagation. Car tandis que
le Son ne parcourt qu'environ 3 6 lieuës communes en une
minute de temps, la Lumiére en doit parcourir, felon lob-
fervation de M. Roemer, près de 30 millions, & être par
conféquent plus de 800000 fois plus prompte que le Son.
Mais d’un autre côté Ia diverfité des mouvements ou des
vibrations dont la Lumiére eft fufceptible pour produire les
couleurs, ne s’écarte que peu des vitefles ou des vibrations
de la Lumiére en général ; elle fe trouve en cela renfermée
dans des bornes beaucoup plus étroites que le Son pour
PT TT 16 CE. |
DES SctrenNces
produire les différents tons. Car les extrêmes des différents
degrés de réfrangibilité qui conftituent les fept couleurs pri-
mitives de M. Newton, n'étant qu'environ comme 78 eft à -
77, quand la lumiére pañle de l'air dans le verre, font fort
proches relativement à {a réfrangibilité fondamentale, ou à
l'angle que fait la lumiére, quand elle pafle de l’un de ces
- milieux dans l’autre, &'en général, ou à proportion, de tout
milieu dans un autre ; au lieu que les différentes vitefles de
vibration de tous les tons, qu’on peut appeller primirifs dans
une Octave quelconque à auffi jufte titre que dans une autre,
pouvant être en raifon de 2, 3, 4, 5, &c. à 7, varient
entreïdes limites fort écartées par rapport au bruit ou au Son
‘en général, comme nous verrons encore dans la fuite.
Je ne fçaurois (tenir compte ici de analogie que l'on a
-cru voir entre la Lumiére & le Son, par rapport au change-
ment de milieu, ou à leur paflage à travers différentes fub-
ftances ; qui eft que l’un & l'autre y fouffroient réfraction,
‘en fe détournant ou en s’approchant de la perpendiculaire, &
en changeant de vitefle. Le P. Aerfenne eft le premier, que
je fçache, qui ait parlé de cette propriété du Son *. NH dit
que le même corps fonore frappé dans fair, ou dans l'eau,
‘y donne des tons qui font en raifon de s à 2, ou en intervalle
-de 11° majeure ; & il adjoûte, que dans l'huile de Téré-
benthine, & dans quelques autres liqueurs plus legeres que
Yeau, ce rapport ne differe du précédent que d'environ un
demi-ton. Mais comme toutes ces expériences du P. Mer/enne
fe réduifent, fi je ne me trompe, à celle d'une Cloche
plongée dans ces liqueurs, & que par bien des raifons qu'it
feroititropdong de déduire ici , de Phénomene dont je viens
deparler, me paroît fort différent de celui de la Réfraétion
de da Lumiére, je n'infifterai pas davantage fur cet article.
La communication du Son par les canaux les plus tortueux,
montre aflés combien ül doit différer de la Lumiére dans
gette partie.
A l'égard des deux organes de Ja Lumiére & du Son, tous
“deux capables d'ébranlement dans les fibres qui les compolent,
E ïï
* De la nat:%
du Son, p. 67:
8 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
par les impulfions du milieu qui vient les frapper , & en cela
très-analogues ; il y a cette différence que l'un, fçavoir l'or-
gane immédiat de l'ouïe, réfulte principalement de fibres ou
de membranes dures, féches & élaftiques, & l'autre, celui de
la vûe, n’eft compolé que de fibres ou de membranes flexi-
bles & humides ; différence qui ne doit pas peu influer fur la
nature, ou fur la force des Senfations.. Et je fuis fort trompé,
fi ce n'eft à cette caufe qu'il faut rapporter la forte imprefion
que font fur nous les confonnances ou les diflonnances, en
comparaifon de ce qu’on appelle couleurs affortiffantes, où non
affortifflantes.
L’analogie des fept efpaces colorés avec les fept intervalles
des tons de lOftave, a conduit quelques perfonnes à croire
que les couleurs féparées fur le Spectre par des intervalles
confonnants, devoient mieux s’aflortir que les autres, c'eft-
à-dire, faire enfemble un effet plus agréable aux yeux, par
exemple, le couleur d'or &Y Indigo , en intervalle de Quinte.
M. Newton paroït fe prêter à cette idée, & il en eft quelque
chofe fans doute. Mais outre qu’il y a bien des circonftances
accidentelles dans le fentiment de ces convenances, que les
avis y peuvent être fort partagés, en différents temps, & en
divers lieux , en un mot que l'habitude & la mode y exercent
leurs droits, tandis que les affortiments toniques fondamen-
taux, ou les confonnances parfaites, font de tous les temps,
& de tous les pays ; je demande aux perfonnes qui ont de
bons yeux, & l'oreille délicate, fr une feconde coloree entiére,
ou de femi-ton, le Werd & le Jaune, par exemple, le Rouge
& l'Orangé ou le couleur d'or, vüs un près de l’autre pen-
dant quelques minutes, font fur eux une impreffion auffr
defagréable que celle que feroit un Fa & un $o/, un U4 &
un Si, qui réfonneroient continüment enfemble pendant le
même temps ? Pour moi, j'avouë que je n'y trouve nulle
comparaifon, nulle analogie, & je penfe que la molleffe, la
flexibilité & l'humidité des fibres de la Rétine ou de la
Choroïde, en oppofition à la dureté & à la féchereffe des
membranes & des parties offeufes de l'organe de l'ouie, ont
DES SCIENCES
beaucoup de part à cette différence. Car les membranes de
Toreiïlle interne peuvent être menacées de rupture ou d’alté-
ration par des vibrations diflonnantes trop proches & trop
durables, comme il a été expliqué dans le Difcours ci-deffus;
leur fécherefle & leur roideur les y expole, tandis que celles
de l'œil interne, capables de céder à tous les mouvements, ne
fçauroient rien fouffrir de pareil de la part des couleurs les
plus difcordantes, & les plus prochaines. Il y a au contraire .
une forte de plaifir à confidérer des nuances bien ménagées,
& à paffer ainfi par degrés infenfibles d’une couleur à une
autre ; tandis que rien n'eft plus defagréable que l’efpece de
émiflement d’un corps fonore qui monte, ou qui defcend
par de femblables degrés d'un ton à un autre, comme on
l'éprouve en accordant Orgue ou le Clavecin.
Mais deux couleurs contiguës nous repréfentent-elles deux
Sons qui fe font entendre en même temps, & ne feroit-ce
pas plütôt deux couleurs parfaitement mélées enfemble ? Car
chaque vibration de l'un des deux tons ébranle mon organe
un inftant avant ou après chaque vibration de l’autre, ces
vibrations ne venant à concourir que par des intervalles
d'autant plus grands, que les deux tons font moins confon-
nants & moins commenfurables. Ainfi pour me repréfenter
ces percuffions alternatives & prochaines par les couleurs, il
faudroit que les parties infenfibles de la matiére colorée fe
trouvaflent de même alternativement les unes près des autres,
comme dans les couleurs mêlées fur la palette d’un Peintre.
Mais en ce cas le mélange de deux couleurs, du Jaune &
du Bleu, par exemple, ne me donne ni la fenfation du Jaune,
ni celle du Bleu, mais celle du Verd, qui eft une autre cou-
leur très-différente, du moins quant à la fenfation, & f
différente, que ce n’a jamais été, apparemment, par da théorie,
. qu'on a découvert qu'il réfultoit une couleur verte du mé-
lange du Jaune avec le Bleu, mais uniquement par hazard,
ou par expérience. L’analogie manque donc encore ici tota-
ement ; car le mélange de deux tons, du Fa, par exemple,
avec le La, qui répondent au Bleu & au Jaune dans l'image
460 MEMOIRES DE L'ACADÉMIE Royazr
prifmatique du Soleil, & qui conflituent une Tierce majeure,
ne produit nullement un ton qui reflemble au So/, qui eft
entre deux, & qui répond au Verd. Ces deux tons n'excitent
en nous que la fenfation d'un accord, très-diftinéte de Ja
fenfation du So/ unique, ou bien ils fe font entendre encore
tous les deux, ou enfin le plus fort des deux l'emporte, &
fe laifie diftinguer feul ; comme on fçait qu'il arrive, & qu'on
le pratique à defein dans les jeux d'Orgue, où chaque touche
fait fonner en même temps la Tierce & là Quinte avec fon
ton propre.
Pouffons plus loin notre examen fur le Vera,
C'eft, ce me femble, un fait reconnu pour certain, que
le V’erd eft en général de toutes les couleurs la plus agréable ;
la plus falutaire pour l'organe, & fur laquelle auffi les yeux
s'arrêtent le plus volontiers : on l'a cru de tout temps, & l'on
en a donné une aflés bonne raifon d’après Ariflote, qui en a
fait le fujet d’un de fes Problemes. On 2 conjecturé ou fenti
que le Verd, par la maniére dont il afiecte l'organe, tenoit
un milieu entre le Blanc ou la Lumiére, & le Noir. Mais on
peut dire que ce n'eft que par l'expérience du Prifme que
cette raifon a été mife dans fon jour, & qu'elle a cefé d’être
une fimple conjeéture. Car on voit en effet le Jerd com-
mencer au milieu du Spectre en venant du Violer, & pafler
enfuite par le point moyen des réfrangibilités, & des forces
de la Lumiére colorée, autour duquel il s'étend. Or il eft à
croire, que l'organe dont l'état de fanté confifte à agir fans
fe détruire, s'exerce, & fe repofe le plus volontiers & le plus
long-temps fur les objets qui l'ébranlent & l'affetent modé-
rément , aflés pour l'entretenir en action, & point affés pour
en diffiper les forces, ou en déranger le tifiu. En général il
a un fentiment de plaifir attaché à l'exercice modéré de
nos facultés. Or l'exercice de la vüe eft nul en préfence du
Noir, ou dans les ténébres, & elles nous attriftent ; il eft
trop fort à la lumiére pure, & elle nous éblouit. Le Violer le
plus foncé qui eft à un bout du Spectre, & le Rouge le plus
vif qui eft à l'autre, feront quelque chofe d'approchant où
d'équivalent;
Sax OI E 87 SerenNces 41,
_d'équivalent ; mais {a lumiére ou a couleur verte, tempérée
*entre ces deux extrêmes, favorife l'activité de ox gane fans
se fatiguer ou le blefier, & elle produit en nous un fentiment
-de plaifir. Cette cxplietien des avantages. du: Verd fur les
vautres couleurs, pour la confervation de l'organe, efl fans
doute très- fre able
: Mais que devons-nous penfer de l'analogie que l'on trouve
“entre la couleur verte & la Quinte? La Quinte eft auffi en
effet l'accord le plus agr éable de Ja Mufique; & ïl eft vrai que
le Verd occupe fur le Spectre un intervalle renfermé entre
des limites , qui par rapport aux couleurs extrêmes, font pla-
-cées pr En comme les divifions deQuinte & de Quarte
für de Monochorde par rapport au ton fondamental & à fon
-Oéave. N'eft-ce pas R une analogie bien marquée ? y en
a-t-il quelqu'une qui le foit davantage? On va voir cependant
«fi elle eft bien folide, & ce qu'il convient de penfer de [a
plüpart de celles qui lui reflemblent.
2 IH n’y a dans la Nature ni ©# ni So] qui foit Quinte ou
*Quarte par foi-même, parce que U#, So/ ou Re n'exiftent
-qu'hypothétiquement felon de ton fondamental que l'on a
‘adopté. L’analogie des couleurs & des tons de Mufique man-
que donc totalement dans les deux genres de fenfation, en
ce que la fenfation de chaque couleur primitive de la Lumiére
-eft abfoluë, invariable, & réfultante d’un degré conflant de
_ #vitefle où de réfrangibilté, & qu'au contraire la fenfation de
- chacun des tons n’a rien en foi de propre à la place qu'il tient
-dans lOétave, rien qui le diftingue des autres. Le Re de
+ -TOpera pourroit être FL de Chapelle, ou au contraire : la
| - même vîtefle, la même fréquence de vibrations qui confitue
Jun, pourra me quand on voudra, à conftituer l'autre ; ils
D #ne diéérent dans le fentiment, qu’en qualité de plus E haut ou
- de plus bas, comme huit vibrations, par exempl erent
. de neuf, & non pas d'une différence fpécifique de fenfation.
- Maïs il n'en eft pas de même des couleurs ; les ébranlements
+ de l'organe, qui en occafionnent les fenfations, dépendent de
1 pr degrés de force, ou de fréquence de vibrations de Îa
Men. 7 PANNES F
42 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royazr |
Lumiére, déterminés & conftants. Ainfi la quantité de force
ou de vibrations de la Lumiére qui fait le Rouge, le fera toû2
jours, & ne fera jamais le Verd ; le degré invariable de ré-
frangibilité de ces couleurs nous indique, & leur conferve,
fans aucune hypothefe préliminaire, la place qu'elles occu-
pent fur le Spectre, & réveille en nous avec la même conf:
tance, des fentiments qui ne fçauroient en aucun cas être pris
Fun pour l'autre, ni en eux-mêmes, ni relativement à leur
place. S'il y a donc une couleur dans la Nature, qui, indé-
pendemment de celles qui l'entourent , & par la feule pro-
portion qu'elle a avec nos organes, foit la plus agréable de
toutes, je demande quel eft dans la Nature, ou parmi les
Sons, le ton qui répond à cette couleur, & qui nous plaît
plus, en général, que tous les autres? Quel qu'il foit, ce né
fera pas du moins en qualité de Quinte qu'il nous plaira ; caf
un ton n'eft pas un accord ; ou s’il en eft un, dans ce fens,
que fes harmoniques font ébranlés avec lui dans fair, un ton
n'a rien en cela de plus qu'un autre. Eh! que devient alors
Y'analogie du Perd avec la Quinte?
Il fuit de ces remarques que les lumiéres homogenes où
les couleurs n'ont point d'Oétaves, ni dans le corps lumi-
neux, ni dans le milieu, ni dans l'organe, ni dans nos fen=
fations, chaque couleur étant toüjours dépendante d'une
réfrangibilité, ou d’une fréquence déterminée de vibrations,
& les Oftaves ne réfultant que de vibrations quelconques de”
différente vitefle en raïfon double ou foufdouble.
Nous ne fçaurions dire quelles fenfations feroient naïîtredes
vibrations deux fois plus ou deux fois moins promptes que
celles qui conftituent la lumiérerouge, la plus forte de toutes
les lumiéres colorées. Et c’eft encore ici une différence bien
fpécifique entre les Fons & les Couleurs. Car bien loin que
les expériences des couleurs nous donnent rien d’approchant
de ce rapport de 1 à 2 dans leurs vibrations ou leurs forces
exprimées par leur différent degré de réfrangibilité, à peine
trouve-t-on un rapport de 77 à 78 dans les couleurs dut
Spectre les plus éloignées. Ce qu'il y a de certain, c'eft que
CN PPT
0 ABTESS AS COTLE ANT CRI So:
res. la vitefle, ou la fréquence de vibrations qui eft au
deflus de celle de Ja lumiére rouge, ne produit pour nous que.
de la lumiére en général, comme celle qui feroit moindre,
-& au deflous du violet foncé, ne nous préfenter oit fans doute
que du noir ou zero de couleur. Du moins ne feroit-ce rien
autrement d’analogue aux Octaves toniques.
On trouve, il eft vrai, dans le fecond Livre de M. Newton,
& par les expériences qu'il a faites avec des objectifs de Lu-
nette appliqués fur d’autres Verres plans ou convexes, fes
couleurs primitives redoublées plufieurs fois de part & d'autre
du point de contact. Mais il n’y a rien là qui fe rapporte aux :
Oétaves de la Mufique, ni qui réfulte d’une différente réfran-
gibilité de chaque couleur par rapport à fa femblable. Si cela
étoit , il n'en faudroit pas davantage pour renverfer tout le
Syfteme de M. Newton, & toutes fes expériences, dont le
principal but, dans ce Traité, eft de bien conftater la réfran-
gibilité invariable de chaque couleur ou lumiére homogene.
Ce ne font que des Réflexions & des Réfractions de lumiére
diverfement compliquées avec les différentes épaifleurs, &
les différents angles des lames d'air que laifient entr'eux les
deux Verres preflés Jun contre l'autre, & dont M. Newton
fe fert pour expliquer les caufes des couleurs des corps naturels.
C'eft à peu-près comme fi l'on redoubloit le Spectre par le
moyen A différents Prifmes ajuftés l'un au deflus, ou au
_deffous de l'autre.
Toutes les couleurs poffibles ne s'étendent donc que fur
Les compris entre les limites du Speétre analogue par
divifions à celles de l'Oftave, & elles ne s’y étendent,
_ comme il a été dit, qu'en raifon ou entre les limites de 77
_à78, par rapport à leurs forces abfolues ; elles n’ont point
. d'Oave, & elles font par-là fort xefferrées en compuraifou
des tons de Mufique..…
_ Enfin dans les fentiments de Ame attachés aux fnfitions
g. des couleurs & des tons, il n’y a pas même une analogie de
| quantité : je veux dire, que les impreffions de plaifir. ou -
4 peine que l'Ame reçoit par la préfence & Le le divers
1]
44 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
aflemblage des couleurs, ne font prefque rien en comparaifon
des impreffions caufées par les Sons. Nous en avons touché
quelque chofe en particulier au fujet des couleurs affortif-
fantes, mais on fera plus pleinement, & plus généralement
convaincu de cette vérité, fi l'on fait attention à la grofhié-
reté de l’un des deux milieux par rapport à la fubtilité prefque
infinie de l'autre, comme auffi à la différente confiftance des
organes expofés à leur choc. Car l'expérience nous apprend
que ceux de nos fens qui font les plus grofhers, & qui font
frappés, en tant que tels, par une matiére plus folide, font
la fource de nos fenfations les plus fortes, & les plus capables
d'ébranler promptement tout le genre nerveux. C’eft pour-
quoi le goût & l'odorat heurtés par des molécules falines ou
fulfureufes peu convenables, excitent des naufées, ou des
pamoifons , où des convulfions dangereufes ; ce qui n'arrive
gueres par l'ouïe, ou par la difcordance des Sons, & jamais
par la vüe, fi l'on y fait abftraétion de toute idée accefloire
réveillée à loccafion des objets apperçüs. Les Sons par leur
aflemblage, & par leurs mouvements, vont cependant quel-
quefois jufqu'à exciter, ou à calmer les paffions, & cela par
une voye prefque toute méchanique. Mais la vüe, le plus
délicat, & en même temps, s'il m'eft permis de le dire, le
plus paifible de tous nos fens, ne nous procuré méchanique-
ment, & par le moyen des couleurs, que des imprefftons
infiniment foibles, & qui fe confondent avec là fimple per-
ception, comme fi elles n’étoient , ou peu s’en faut, que des
objets de l’entendement. Si l'on fépare du plaifir qui naît de
la vüe d'un beau Tableau, par exemple, tout ce qui s’y
mêle d’intelleétuel, on trouvera que la partie de ce plaïfir qui
appartient aux couleurs , à leur diftribution, ou, fi l'on veut,
à leur Aarmonie , s'évanouit prefque entiérement. Le riant, ou
le fombre, le doux, ou le terrible, &tous les affemblages
de couleurs, qui concourent à réveiller en nous ces différents
fentiments, nous y plairont tour à tour ; ou plütôt, unique-
ment attentifs à l'expreflion du fujet, & à fon execution
de Ia part du Peintre, nous ne ferons affeétés ni par ces
4
4
à
ss
4
!
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DES SCIrENCESs. 4$
couleurs-ci, ni par celles-là en elles-mêmes, ou nous ne le
ferons qu Mio peu. Le plaifir que fait un beau Tableau
n'eft donc, à proprement parler, qu'un plaifir indirect, &
réfléchi. Mais le plaifir qui naït des Sons & des accords,
d'une harmonie bien foûtenue & bien variée dans une piéce
de Mufique, eft une impreffion très-forte, indépendemment
de ce que l'efprit y peut appercevoir ; c’eft du moins quelque
_ chofe de tout autrement apprétiable que le pur effet des cou-
leurs, & qui va de pair avec le plaifir qui naît de l'expreffion,
& de tous les rapports intelleétuels qui laccompagnent.
On voit donc aflés par tout ce que nous venons de dire, :
que l'analogie de la Lumiére & du Son, & de leurs modif-
cations, fe réduit à quelques rapports Phyfiques , ou Mathé
matiques extérieurs, qui n'entrainent qu'une analogie fort
indirecte dans leurs qualités fenfibles. Auffi la Peinture, &
la Mufique ont-elles eu toüjours des moyens différents de
plaire, Fune par le repos mutuel. & la fituation permanente
de fes couleurs, l'autre par le mouvement & la fucceffion.
_continuelle, lente ou rapide, de fes tons & de fes accords.
yen
Sur lAnalogie de Propagation entre le Son èr les Ondes;
par rapport à l'expérience dont il eff fair mention,
' Art. 9. du Difc.
: Gafendi eft un des premiers entre les Philofophes mo+
… dernes, qui ait infifté {ur l'analogie des ondes qui fe forment
y ue avec les‘ondulations dé l'air qui produifent le Son;
. & qui ait avancé, que /es ondes excitées par la châte d'une groffe
| pierre,ne parvenoient pas plûrét à la rive, ou au terme: marqué,
. | que celles qui avoient été excitées par une petite pierre FA IOERE + Asa 25
» fans doute avec des difpofitions trop favorables à ce préjugé, ft Gb. 10. Dieg.
“ que M. &e la Hire, étant à Meudon, & défirant fçavoir depuis Dr a7re
Fr Dong- temps, fi le mouvement des ondes qui fe forment fur la furface
- dé l'eau par la châte des corps que lon y jette, avoit quelque
… rÿle certaine, fit l'expérience qui eft rapportée dans un des”
F ïÿ
APOra Lt
Ÿ' nouv. Edit.
1.10. p, 3 Ëge RE
46 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Volumes de nos anciens Mémoires, fçavoir en l'année 1 69 3*,
Selon cette expérience, le progrès des ondes formées par
hûte d’une groffe, ou d'une petite pierre, fut toüjours
trouvé uniforme, & de la mème vitefle ; il donna toüjours
12 pieds en 8 fecondes + ou environ. D'où il eft conclu,
que fi l'on compare cette viteffe — avec la viteffle du mouvement
des ondes de l'air, qui parcourt 1 8 0 toifes en une feconde de
temps, ou trouvera que l'onde de l'air parcourt 7 € 3 pieds pen-
dant le temps que leau ne parcourt qu'un pied ; ce qui eff &
peu-près dans la proportion que M. de la Hire a trouvée de le
pefanteur de l'air à la pefanteur de l'eau.
H ne doit pas être queftion ici de la petite différence de
calcul qu'il y a entre 763 pieds & 765 qu'il auroit fallu
mettre pour la vitefle obfervée de 1 2 pieds en 8 fecondes +;
car 1 80 toiles ou 1680 pieds multipliés par 8+, & enfuite
divifés par 12, font 765. L'expreflion d'environ 8 + auroit
pô fournir à M. de la Hire, ou à M. l'Abbé Galbis, qui eft
V'hiftorien de ce fait, des limites moins reflerrées, pour fub-
flituer un nombre beaucoup plus éloigné de 765, s'il avoit
été nécefaire, & la préférence donnée à celui de 763, nous
fait voir feulement que ce devoit être là tout jufte le rapport
ue M. de la Hire avoit trouvé entre les pefanteurs de l'eau
& de l'air. D'ailleurs M. de la Hire avouoïit que cette expé-
rience ne pouvoit fe faire avec une très-grande jufleffe par cette
méthode. Mais quelque imperfection que l'on y admette, je
ne fçaurois encore trouver dans tout ceci de quoi concilier
exactitude de l'Obfervateur , & la théorie de M. Newton, fr
clairement démontrée dans fes principes. Car felon cette
théorie, des ondes, par exemple, de 3 pieds 8 lignes de lati-
tude, ou de même longueur à peu-près que le Pendule à
fecondes, parcourront cette longueur en une feconde, & par
conféquent en 8 fecondes + elles parcourroient près de 26
pieds. De forte que pour n’en parcourir que 1 2 dans le même
temps , leur latitude doit être tout au plus de 8 pouces, fça-
voir, comme le quatriéme terme des nombres 26 & 12, ou
13 & 6, qui expriment le rapport des efpaces parcourus en
MAP BTE STE EIN CES. 47
… Aemps égal élevés au quarré, & de la latitude 3 pieds 8 lign.
2
-# où 440 lignes, ce qui donne 13 (169) V4 (36) :: 440
-93 3 — environ 7 pouces À de ligne. Ainf les ondes
fur lefquelles M. de /a Hire fit fon calcul, auront été autour
de 7 à 8 pouces de latitude.
Voilà fans doute la fource de l'erreur : des ondes plus petites
nê pouvant être que peu fenfibles, ou de courte durée, du
moins par le moyen que paroît y avoir employé M. & Je
_ Hire, celles qui furent comparées entr'elles ne purent lui
fournir que des différences de temps d'autant plus petites, que
leurs viteffes étoient ou devoient être, felon la régle, en
raifon des racines des chemins parcourus ; & ces petites diffé
rences, il les aura peut-être attribuées à la défeétuofité des.
moyens dont il fe fervoit.
. J'ai trouvé en effet que c’eft à une des difficultés de cette
expérience. Si l'on excite des ondes fort petites, on ne peut
les obferver que fur une fort petite longueur de 1a furface
de l'eau ; il faut donc les faire d’une certaine grandeur, ce qui
eft encore difficile, à moins qu'on n’y employe des corps
d'une groffeur & d’un poids confidérables, de forte qu'on n'a
- pour l'ordinaire que des ondes moyennes qui différent peu
- entrelles, fur-tout en vitefle,
Il faut encore prendre garde que les premiéres ondes exci-
» tées de proche en proche à une grande diftance du lieu où.
. Yon a jetté la pierre, font toûjours fort plattes, & d'autant
» plus difficiles à diftinguer de la fürface tranquille de Feau,
- qu'elles ont plus de /atitude. Ce n'eft que par les fecoufies.
— redoublées de celles qui les fuivent, qu'elles commencent à
… s'élever d'une maniére fenfible : ce qui fait que le progrès
- des grandes ondes produites par ce moyen, paroît ordinai-
… rement retardé de quelques fecondes de temps.
Pour tâcher cependant de furmonter ces difficultés, &
pour avoir premitrement de fort petites ondes, voici com-
— ment je m'y fuis pris. J'ai rempli d'eau une efpece d’auge de
… quatre pieds de long, & d'environ deux pieds de large, que
43 MEemoirres DE L'ACADEMIE ROYALE
j'avois chés moi, & qui étoit à couvert du vent. Cette ea&
étant bien tranquille, j'ai placé à l'un des bouts un corps
blanc, ou une bougie allumée dans une Lanterne, de façon
que mon œil étant à peu-près au deflus de l'autre extrémité,
je voyois le corps blanc ou la flamme de la bougie qui fe
réfléchifloit à l'extrémité de la furface de l'eau. Alors tenant
d’une main une Montre à fecondes, qui pouvoit.être arrêtée
fubitement, & regardant fur le Cadran à fecondes, j'atten-
dois que l’Aiguille arrivät à quelque divifion jufte, & je
Jaiflois tomber dans ce moment de l’autre main, & d'environ
‘un pied de hauteur, une balle, de fufil fur la furface de l’eau
à l'extrémité de l’auge oppoñée à la bougie. Par ce moyen
j'appercevois les moindres trémouflements parvenus à l’autre
extrémité de la furface de l'eau, & je fis des ondes qui ne
parcouroient qu'environ un pied par feconde, & qui par
rapport à celles que M. Newton donne pour exemple de fa
théorie, ne devoient avoir qu'environ 4 pouces de latitude.
Quant aux grandes ondes, je les ai obfervées à diverfes re-
priles, & en divers lieux. Les derniéres expériences que j'en
ai faites, & le plus en grand, ça été fur les foflés du Château
de Frêne, fur une longueur de 3 6 toiles, ou 2 1 6 pieds, en
Jaïffant tomber de 10 à 12 pieds de haut une pierre d'en-
viron 80 livres pefant. J'ai excité par ce moyen des ondes
qui parcouroïent ces 216 pieds à raifon de 2 pieds + par
feconde, & quelquefois de près de 3 pieds, d'où j'ai conclu
Ieur latitude d'environ 2 pieds 6 lignes, & de plus de 2 pieds
1 1 pouces. Voilà donc des ondes dont les unes ont fix fois
& les autres près de neuf fois la latitude des petites, qui ne
parcouroient qu'un pied par feconde, & dont la vitefle eft
2 +, ou trois fois plus grande. C'en eft aflés, fi je ne me
trompe, pour montrer par l'expérience, après l'avoir prouvé
par la théorie /Difc. Art. 9.) combien le progrès inégal des
ondes de différente grandeur reffemble peu à la propagation
conftante du Son fort ou foible ; & ce n’eft même que par
Ja déférence dûe à l'autorité de M. de la Hire, que J'ai cru
£n devoir faire l'épreuve, & la rapporter.
VI.
tt tn RS te = 1
û
8
BES SCIENCES 49
VI. 54
hr
Sur la maniére dont les vibrations de l'Air fe communiquens
à l'organe immédiat de l'Ouïe. Difc. Art. 18.
La forme abbrégée d’un Mémoire deftiné à être 1 dans
une Aflemblée publique, ne me permettoit pas d'entrer dans
le détail fur la maniére dont les vibrations de l'air extérieur
fe communiquent à l'organe immédiat de lOuïe, que j'ai
fuppofé avec les plus fameux Anatomiftes fur cette matiére,
réfider dans le Limagon, & für-tout dans la Lame Spirale*, M
peut naître delà cependant une difficulté qui mérite que nous
y faffions attention. Car de quoi ferviroient, par rapport à
l'ufage que nous leur affignons, toutes ces fibres de différente
longueur, de différente tenfron & de différent reflort, qui fe
trouvent dans cette partie interne de l'oreille, fi les particules
toniques de l'air qui leur répondent, ne pouvoient {eur com-
muniquer les vibrations de différente fréquence qu’elles ont
reçües du corps fonore ? Je ne dois point diffimuler cepen-
. dant que cette communication ne foit aflés mal aifée à dé-
couvrir. Car il s’en faut bien que le milieu fonore ne puiffe
frapper les expanfions nerveufes dans l’organe immédiat de
… Touïe, aufli directement que la lumiére vient frapper dans
Voœil la Rétine & la Choroïde. L'air extérieur n’a pas feulement
à paffer par toutes les anfraétuofités de l'oreille, pour arriver
jufqu’au Limaçon, 4 trouve encore en chemin divers obfta-
cles qui paroïflent lui en devoir défendre l'entrée. La mem-
brane du Zympan pofée à extrémité du conduit auditif
“ externe, comme une cloifon, s’oppofe d’abord à fon pañlage
Fe rapport à la cavité qui vient après, & qu'on fçait être
Caifle du Tympan où Tambour ; & d'ici au Veffbulke, autre
. cavité qui précede le Limaçon, on ne trouve pour toute
- communication que les deux trous appellés les Zux Fenétres,
June ovale, & l’autre ronde. Mais la premiére eft bouchée
#1
par la bafe de Efrier, que l'on croit même y adhérer par une
petite membrane *, & la féconde par une autre membrane
Mem. 1737:
* Les Lecteurs
qui ne font pas
affés au fait de
tout ce qui eft
dit ici de l'Or=
gane de l'Ouie,
pourront avoir
recours aux Fi=
gures & aux
Explications
qu’on y a ajoë-
tées à la fn.
* Caffebohm;
de Aure huma-
a, Tract. IV,
S.130.
50 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
très-mince , mais fufhfante pour refufer toute entrée à l'air.
Du Veflbule au Limaçon la communication eft toute ouverte.
Mais comment la communication fe fait-elle jufques-là ?
Il me fufhroit peut-être de répondre en général, que de
quelque maniére qu'elle fe fafle, foit immédiatement, foit
médiatement, il demeure pour vrai qu'elle fe fait, puifque
nous fommes affectés par le Son, & par fes différents tons,
relativement aux différentes vibrations des corps fonores &
de l'air; & avec cela, comme on trouve dans l'organe de
louïe une infinité de fibres, qui par leur fubftance, & par
leurs rapports de longueur & de tenfion, font fufceptibles de
cette diverfité de vibrations, il eft au moins très-probable,
que c’eft de la voye que j'ai indiquée, que la Nature fe fert
pour faire naître en nous la variété de fentiments que nous
éprouvons en ce genre. Je vais tâcher cependant d'appro-
fondir encore un peu cette matiére, en faveur de la relation
qu'elle a avec mon fujet, & comme étant d’ailleurs aflés in-
téreffante par elle-même. Mais je dois avertir auparavant,
tant par reconnoiflance, qu'afin de donner quelque poids à
ce que je dirai, que ce n'eft prefqu'ici que le réfultat des
entretiens que j'ai eus là-deflus avec M. Winflow, ou pour
parler plus exaétement, des leçons qu'il m'a données, en
m'indiquant tout ce qu'il y avoit de meilleur à lire & à voir
fur fa ftruéture de l'oreille interne, ou en me le montrant fur
les parties mêmes préparées avec art, & tout cela avec cette
bonté, & cette candeur, qui ne le caractérifent pas moins
que fa pénétration & fon fçavoir.
I ne manque pas de fçavants Anatomiftes, qui, malgré
tout ce que nous venons de dire, fe font déterminés, après
Rivinus , poux la communication immédiate de l'air extérieur
avec celui du Labyrinthe, & qui croyent en avoir trouvé les
routes. Î y a, dit cet Auteur, un petit trou percé oblique-
ment fur la peau du Tambour ; c'eft par ce trou que pale,
felon lui, Ia fumée du Tabac que quelques fumeurs font fortir
par Oreille. Car le Conduit d'Euflache va, comme on fçait,
de la Caiffe du Tambour vers le derriére du Palais, & par-là
anatn Dntat. nt à
DES SCHENCES si
communique avec la bouche. Il ne s'agit point ici de ces pe-
tites ouvertures que Va/falya prétend avoir découvertes fur Les
parois du Z'ambour, & dont il fe fert pour réfoudre le fameux
probleme de da Jortie du fang ou du pus par l'oreille dans les
bleffures internes de la tére. Quant à la bafe del Erier, qui paroït
adhérante au fond de la Caiffe , & boucher entiérement 1a
Fenêtre ovale, elle peut fe foülever par reprifes, lorfque l'organe
eft mis en aclion par les vibrations du 7ympan, & de Y'air
contenu dans la Caiffe, & ouvrir à cet air des paffages de
communication avec celui du Weflibule, qui feront impercep-
tibles dans le cadavre. Il y a mille exemples de ces différences
du Cadavre à l’Animal vivant, & l'on n'a pas moins d’expé-
viences qui nous apprennent que fair pafle à travers des
‘corps, où les yeux ne fçauroient appercevoir d'ouverture
fenfible. Si air a une fois pénétré jufqu'au Veflbule,
pañfera aïfément de-là au Limaçon, de même qu'aux Canaux
@mi-circulaires, qui font toûjours ouverts.
Mais il y a plus, la Lame Spirale, qui eft tenduë au milieu
‘de Ja cavité du Limaçon, depuis fa bafe, c’eft-à-dire, depuis
l'endroit le plus large de la premiére Spire jufqu’à fa pointe,
partage, comme nous lavons dit dans le Difcours, cette
_ cavité en deux Rampes, qu'on nomme l'une fupérieure, par
‘rapport à la pointe du Zimaçon, ou antérieure, & Yautre infe-
rieure, pax rapport à fa bafe, ou poférieure. L'on a été long-
temps fans appercevoir la moindre communication entre ces
deux cavités ou Rampes ; maïs enfin on a trouvé à leur extré-
mité, à la pointe du Limaçon, une petite ouverture qui donne
‘paffage de fune à autre. Voici comment M. /4ry, qui
aroît en avoir fait la découverte, s’en explique dans fa
Defcription de l'Oreille de l Homme, adrefée à M. Lami, Mé-
decin, par une Lettre écrite en 168 r. Ces deux canaux*,
_ dit-il, (il veut parler des deux Rampes) qui fonr féparés l'un
* de l'autre à la bafe de la Coquille (ou Limaçon) & dans toute
la continuité de leurs tours, deviennent plus étroits à mefure qu'ils
… approchent de plus près de la pointe de la Coquille, où ils fe
communiquent l'un avec l'autre par un trou très-petit, ce qui fait
4 G ïij
* Page 32:
52 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
que l'air qui a paffé du tambour par le trou ovalaire dans la
conque , à de cette cavité dans le canal antérieur de la Coquille,
fouffre une compreffion fort violente, en palfant par ce petit trou,
d'où il retourne par un chemin contraire dans le canal poflérieur,
&r vient frapper la membrane qui bouche fon ouverture dans le
tambour, à y fait apparemment la même impreffion que l'air
extérieur fait fur celle du tambour. Et ceci eft fondé fur ce
qu'il avoit dit auparavant, que es deux canaux de la Coguille
(ou rampes du Limaçon) à fa bafe ont des embonchüres affes
larges, oppofees l'une à l'autre ; que celle du canal antérieur e
toute ouverte dans la conque (ou le veftibule) au deffous du trou
ovalaire , mais que celle du canal pofférieur qui aboutit dans le
fond de la caiffe du tambour ef? bouchée par une membrane qui
empêche l'air du tambour de paffer par cette ouverture dans la
Cogrille, ni dans les autres cavités du Labyrinthe.
Je ne fçaurois me perfuader que tant de petits conduits,
imperceptibles à la premiére vüe, & qui paroifient fr induf-
trieufement & fi fubtilement ménagés dans les organes inté-
rieurs de l’ouïe, ne fervent de rien à la communication de
l'air extérieur, ou de fes vibrations ; non que je dife qu'ils
y foient à cette intention, car nous ne connoiflons point
affés les intentions de la Nature pour pouvoir lui en afligner
à notre gré; mais parce que fans cela, fans cette efpece de
circulation qui entretient tant de petits conduits ouverts, il
me femble qu'ils devroient s'être bouchés dès l'enfance,
comme l’Anatomie nous apprend qu'il arrive en une infinité
de femblables occafions.
La communication des vibrations de l'air extérieur avec
celui des parties internes de l'oreille, ou avec les fibres de
ces parties, peut fe faire encore de trois maniéres au défaut
de a communication immédiate.
La premiére, par le plus ou le moins de tenfion des fibres
intermédiaires, qui les rendra ifochrones aux frémifiements
du corps fonore. La membrane du Tympan, par exemple,
réfulte de plufieurs couches de fibres de cette efpece, qui
peuvent être plus ou moins bandées ou relâchées par les
DES SCIENC'ES. 3
mufcles du Marteau, felon que l'exige la diverfité des tons ;
& cela, comme le remarque fort bien M. Duverney, dans fon
Traité de lOrgane de l'Ouie, non par aucun acte de la volonté,
mais par da feule impreflion des objets, ou des vibrations
aétuelles de l'air. Ce qui arrive alors aux fibres du 7ÿmpan,
fe voit clairement dans celles de Pris, dont les dilatations
ou les contractions involontaires rétréciflent ou augmentent
Vouverture de la prunelle, lorfqu'il fe préfente plus où moins
de lumiére pour entrer dans l'œil.
La feconde, par la diminution ou par l'augmentation des
capacités internes de l'oreille ; ce qui peut arriver par l'élé-
vation plus ou moins grande de la peau du Tambour, laquelle
eft un peu convexe en dedans ; comme auffi par le foûleve-
ment plus ou moins grand, dont eft fufceptible la bafe de
T Etrier dans la Fenétre ovale. On n'aura point de peine à croire
que de fi petits changements dans les cavités de l'oreille,
puiffent les rendre capables de divers tons, fi l'on fait atten-
tion à la petitefle des reflerrements & des dilatations de la
glotte, qui produifent cependant tous les tons poffbles de
la voix humaine. Selon M. Dodart, il faut que ce trou, ou
plûtôt cette ouverture oblongue, qui n’a gueres qu'une ligne
de largeur, puifle être, & foit actuellement divifée, dans cette
dinfénfion, en 9 6 3 2 parties, pour fournir à tous les chan-
gements néceffaires à la formation de ces tons.
Enfin, quand tout cela nous manqueroit, Îa troifiéme
maniére dont je conçois que fe peuvent communiquer les
vibrations du milieu fonore à l'organe immédiat de l’ouie,
fuffroit pour mettre notre hypothefe à couvert ; je veux
parler de l’ébranlement d’une infinité de petites portions ou
fibres ofleufes & membraneufes de tout laflemblage des
parties externes ou moyennes de l'oreille expofées aux fré-
miflements de l'air, & capables d’en recevoir des impreffions
de tous les tons poffibles, & de les tranfmettre à l'air inté-
rieur, ou aux fibres de l'organe immédiat. Comment les os,
les membranes, & les cartilages des conduits & des cavités
de l'oreille ne feroient-ils pas capables d’un tel effet? On peut
G ii
54 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE
le remarquer dans les corps dont la contexture eft en appa-
rence la plus uniforme. Le Son & fes tons y mettent en
vibration mille parties différentes. Qu’on enferme, par exem-
ple, deux Montres à Réveil ou à Sonnerie dans la Machine
Pneumatique, ou qu'on y fufpende deux Sonnettes de diffé-
rent ton, qu'on pompe une partie de l'air contenu dans le
Récipient, feulement pour affermir fur la platine qui le
foûtient, & afin que l'air intérieur ne puifle plus commu-
niquer avec l'extérieur, on entendra encore diftinétement le
Son & les deux tons différents des Timbres & des Sonnettes.
Les vibrations de l'air intérieur font donc communiquées à
Y'air extérieur par le moyen du verre du Récipient. Et com-
ment le font-elles, fi des parties de ce verre ne frémifient
avec la fréquence propre à chacun des deux tons ? Il fe
trouve donc dans ce verre, tout homogene & continu qu’il
nous paroît, des parties qui frémifent différemment, & avec
des retours ifochrones à ceux des deux corps fonores qui les
ont mifes en mouvement. Et qu'y a-t-il encore de plus
continu qu'une corde de métal bien tendue? Les nœuds de
M. Sauveur, dont nous avons parlé dans le Difcours, & qui
viennent ici à leur véritable place, y font cependant diftin-
guer des parties de différente vibration par rapport à celles
de fa totalité. Pourquoi donc la communication de l'airéxté-
rieur ne fe feroit-elle pas par le moyen des parties offeufes,
membraneufes, nervéufes & tendineufes de l'oreille, en con-
féquence des différentes vibrations dont elles font capables?
Ceux qui feroient tentés de refufer à la plûpart de ces
parties, & même au Limaçon, & à la Lame Spirale, la pro-
priété de recevoir en vertu des fibres de différente longueur
& de différente tenfion qui les compofent, les vibrations
hétérochrones & fimultanées, qui font excitées dans Fair par
plufieurs corps fonores à la fois, n'ont pas fait afiés d’atten-
tion à ces effets, non plus qu'à celui des deux Chivecins à
luniflon, dont il a été parlé dans le Difcours ci-deflus. Car
après tout, les yeux de l'efprit, aidés.de toutes ces expériences,
& de mille autres, nous fant clairement appercevoir dans
(LLDBE 5518 ,G ÎLE IN C:E ss
Je tiflu intime des corps, des parties auffi réellement féparées,
& auffi capables de différents mouvements que le font fur
un Inflrument de Mufique les différentes cordes qui y font
tendues. Le fait conftant de ce qui fe pafñe dans le fénforium,
en eft, ce me femble, une preuve fans réplique, puifque
toute fenfation différente doit néceflairement réfüulter de
quelque mouvement différent de l'organe, ou dans les mêmes
_partiés, ou dans des parties différentes. Or, comme nous
Yavons dit, & nous ne fçaurions trop le répéter, la même
partie, prife individuellement , ne fçauroit être agitée en
même temps par des vibrations de différente durée. 1 y en
a donc plufieurs qui participent en même temps aux diffé-
rentes vibrations de l'air. Qu'on en affigne le lieu où l'on
voudra, ma Théorie peut fe pafier.de le déterminer.
J'avouë cependant qu’autant qu’il m’eft permis de prendre
parti l-deflus, & jufqu'à ce que je voye de fortes raifons
du contraire, je m'en tiendrai à faire du Limaçon, & de la
Lame Spirale, le principal organe de Fouïe dans { Homme.
Au moins ai-je dû les adopter par préférence, & les prendre
pour exemple, comme ce qu'il ÿ avoit de plus propre à
aider l'imagination, & à faire entendre ma pénfée. D'ailleurs
le corps du Limaçon termine, pour ainfi dire, Ie cul-de-fac,
le fond de l'oreille interne, il communique avec les Canaux
femi-circulaires, par le moyen du Vefhbule, & il fait la prin-
cipale partie du Labyrinthe. Toutes les cavités du Labyrinthe
font remplies d'air; & fi elles ne l’étoient pas, comment le
poids immenfe des colomnes extérieures de PAtmofphere
n'enfonceroit-il pas & le 7ympan, & toutes fes autres mem-
branes qu'on croit leur ôter {a communication immédiate
_des vibrations avec l'air extérieur ? Il faut donc néceffai-
_ rement que la communication médiate ou immédiate des
vibrations de l'air extérieur foit portée jufqu'à la pointe du
Limaçon, & que par le moyen de la petite ouverture de M.
+ Mery, Yaix intérieur en revenant de l'une à l’autre Rampe,
avec Îles vibrations qu'il a reçües, & qu'il retient, frappe de
part & d'autre la Lame Spirake, qui fait la cloifon entre ces
SNzrs.r6.
Ÿ 17:
56 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
deux Rampes. Y a-t-il rien dans l'oreille qui porte plus vifr-
blement le caractere de l'organe immédiat du Son, ou qui
doive plus néceffairement en faire partie? à quoi l'on peut
ajoûter ce qui en a été dit de plus dans le Difcours *, & qu'il
eft inutile de répéter ici.
Qu'importe que le Limaçon & Ya Lame Spirale ne fe trou-
vent pas dans plufieurs Animaux ? Ces Animaux ont fans
doute des parties équivalentes qui en font l’ofhce, s'il eft
vrai que l'organe de l’ouïe foit auffi parfait chés eux pour {a
diverfité des tons, que dans l'Homme. Leurs Canaux femi-
circulaires, dont la cavité fe rétrécit peu-à-peu vers fon milieu,
leur fufifent apparemment pour la plüpart des ufages du
Limaçon & de fes deux Rampes. Je penfe même que chacun
de ces canaux, eu égard à fa cavité, réfultant de deux efpeces
de Cones à axe courbe, & joints enfemble par leurs fom-
mets tronqués, eft équivalent aux deux Rampes du Limaçon,
qu'il faut imaginer en ce cas comme déroulées, féparées &
écartées l'une de l’autre du côté de leur bafe, mais afflemblées
bout à bout par leur pointe, par où elles fe communiquent
toûjours, comme elles faifoient au moyen du #rou découvert
par M. Mery. La membrane qui tapifle intérieurement ces
canaux, & dont les fibres latitudinales forment autant de cer-
clés inégaux & décroiflants, leur tiendra donc lieu de Lame
Spirale, & de fes fibres tranfverfales de différente longueur,
quoique celle-ci, par les circonflances de fon tiflu & de fa
pofition, réponde peut-être à des fenfations plus exquifes &
plus variées. Les vibrations de l'air contenu dans les Canaux
femi-circulaires , ÿ agiront avec d'autant plus de force, que
faction ou la réaétion de cet air s’y termine, & qu'elle ne
peut paffer au de-là, faute de Limaçon, comme dans l Homme.
Quoi qu'il en foit, du moins ne s’enfuit-il pas de la priva-
tion où fe trouvent quelques Animaux à cet égard, que dans
l'Homme le Limaçon & Ta Lame Spirale ne faflent pas une
partie très-effentielle à la perception du Son & des tons, ni
même peut-être que les Animaux qui en font privés, & qui.
ont par-là l'organe immédiat de l’ouïe moins compolé que
nous,
DES SCIENCES... y
nous, en foient plus mal partagés. L'Homme n’a que deux
yeux, deux criftallins, deux rétines, &c. plufieurs efpeces
d'Infeétes en ont des milliers ; faudra-t-il en conclure qu'il
n'y en a que deux qui faffent chés eux les fonctions d’organe
de la vûe, ou que cet organe eft plus parfait chés eux que
chés nous? La Nature eff fertile en compenfations. L’organe
de l'ouïe peut fouffir, & fouffre peut-être en effet, dans les
différentes efpeces d’Animaux, autant de variétés qu'il y en a
h dans les différents Inftruments de Mufique que l'Art nous
a procurés, fans que ce qui eft néceflaire ou inutile pour les
uns, tire à aucune conféquence pour les autres.
AVERTISSEMENT.
. Sur ce qu'on m'a repréfenté que tout ce que je viens de dire
de l'Organe de l'Ouie , exigeoit quelques Figures, fans quoi je ne
pouvois étre entendu que des Añatomifles de profeffion, à qui les
parties &r la méchanique de cet organe font familiéres , je me fuis
déterminé à y adjoüter les Figures qui fuivenr. Je les ai choifies
parmi celles des plus grands maîtres, ou fait deffiner d'après
nature ; du moins n'en ai-je décrit aucune dans l'explication que
j'en donne, fans m'être inffruit auparavant fur les parties mêmes.
Le tout relativement à Te que j'en ai dit dans le Difcours &
dans l'E'clairciffement précédents, à conformément à la manicre
dont j'ai vë & concû la Nature fur ce fujet ; toéjours fous la
conduite de M. Winflow. |
EXPLICATION DES FIGURES.
FIGURE I.
D'après Duverney. Cette Figure repréfente la Lame Spirale en
… J'air, plufieurs fois grande comme nature. 7, 2, 7, fa partie inté-
- rieure & offeufe attachée au Voyaz , autour duquel elle tourne, ne
faifant avec lui qu’une feule fubftance. 4, $, #, fa partie extérieure
& membraneufe, diftinguée de l'intérieure, dans cette Figure, par fa
. … Jigne qui les fépare, & par les fibres tranfverfales qui la compofent,
» . & qui font dirigées vers l'axe du Voyau, comme les rayons d’une
roue vers l'axe de fon moyeu. La Lame Spirale, de même que le
Mem, 1737 H
58 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
canal du Limaçon qu’elle fépare en deux, & dont à caufe de cela,
elle eft appellée la Cloifon, fait environ deux tours & demi, depuis
fa bafe jufqu’à fa pointe, en montant de droite à gauche dans l'oreille
droite, comme font les Spires des Limaçons ordinaires, & de la plû-
part des Coquillages turbinites ; & au contraire de gauche à droite
dans l'oreille gauche, comme une efpece de Limaçons & de Coquil-
hges très-rares. La Liune Spirale de cette Figure appartient donc à
J'Oreille droite,
FIGURE II.
D'après Duverney. Repréfente le Zimaçon, dont on a enlevé
une partie pour découvrir fa cavité dans l'os pierreux, fon noyau , &
la partie offeufe de la Lame Spirale de l'oreille droite. M. Winflow
m'a fait voir fur plufieurs préparations anatomiques de cette partie,
qu'il a chés lui, & fur celles qui fe trouvent dans le Cabinet de M.
d'Ons-en-Bray, de la façon du S.' Aay Démonfirateur d’A natomie
à Strafbourg, & Correfpondant de l’Académie Royale des Sciences,
des rainûres tracées fur l'os en forme de rayons, & fur quelques autres
des vaiffeaux fanguins de la membrane, qui y font demeuré attachés,
& qui fuivent la même direction, à peu-près comme les hachüres de
L Figure les repréfentent.
Pre vor ENT.
D'après Duverney. Le Noyau, fur lequel on peut remarquer les
traces 1, 2, ?, des pas de la Lame Spirale, & celles 4, 5, 6, du
Canal Spiral , comme les Cannelures qui fent autour d’une fufée de
de Montre, Il faut obferver que la pofition du Voyau, de même que
celle de la Lame Spirale, & du Limaçon qui les renferme, par rapport
à leur axe commun, eft fuppofée verticale dans toutes ces Figures ;
ce n’eft pas cependant fa véritable dans la tête de l’homme ; elle eft
plütôt horilontale, & telle que fi lun & l’autre axe des Noyaux par
rapport aux deux oreilles, venoïent à être prolongé, ils fe croiferoient
vers le milieu de Focciput, leurs fommets & les pointes des deux
Limaçons étant tournés obliquement vers le dehors de la tête, &
leurs bafes vers le dedans.
ETGUREdN
D'après M. Caffebokm. C'’eft une coupe du Limaçon le long de
fon axe, c’eft-à-dire, par fon fommet & par le centre de fa baie, dans
Vos pierreux où il eft contenu , comme on le voit dans l'oreille gauche
d’un adulte. La double rampe ou le double cornet du Limaçon, de
même que Les canaux femi-circulaires fe montrent dans les enfants, &
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_ parleur concavité, & par leur convexité ; mais dans les adultes ils ne
ï fe manifeftent que par leur concavité ; la paroi ou fuperficie ofleufs
… quiles forme, fe confondant abfolument avec lerefte de l'os pierreux.
Î Ii faut donc imaginer ces parties comme tracées dans cet os par voye
( d’excavation, & comme fr c’étoit l'ouvrage d’un Ver qui eût voulu
| s’y loger. Le Canal qui fe voit ici à l'axe du Noyau, eft celui par
: où s'infinuë le Nerd Auditif, dont les filets s’écartent tout autour,
& paffent par les petits trous que l'on voit fur la convexité du Noyau
à l’une & l’autre furface de la Lame Spirale, dans la direction rayonnée
de fes fibres.
s: FIGURE V.
Si l'on conçoit que la cavité du Limagon, telle qu’on la peut
déduire des Figures précédentes, foit exaétement remplie de cire, &
que l'os où cette cavité eft creufée, vienne à difparoître, il en réfultera
un corps tourné en Spirale ou Hélice conique, fort femblable à celui
qui ef ici dépeint. Conique, en ce qu’il rampe autour d’un Cone
ou Conoïde un peu évafé, & de plus en ce que fa grofieur va en
diminuant depuis fa bafe jufqu’à fa pointe. On à tracé par des points
le prolongement des deux Canaux, dont l’un, fçavoir le fupérieur,
qui dans la fituation naturelle eft l'extéfeur , va aboutir à 11 fenêtre
. ronde, ce qui l'a fait nommer le Cana/ ou la Rampe du Tambour;
& l'autre, l'inférieur, qui dans à fituation naturelle eft Pintérieur,
va aboutir à la cavité du Veflibule, ce qui a fait appeller le Canal
ou la Rampe du Vefibule.
FIGURE VI.
» Repréfente féparément une coupe du double Canal Spiral à fa
premiére Spire. On y a exprimé ki membrane qui tapifle intérieu=
rement chacun de fes canaux, & dont les deux portions qui viennent
. s’adoffer après s’être appliquées à la partie offeufe de la Lame Spirale,
forment par leur adoflement Ia partie membraneufe de cette Zame
ou Cloifon, à peu-près comme les deux Pleuvres de la Poitrine, en
…. s'adoffant près du Srernum & des Vertebres, y forment le Mediaflin.
…. On voitpar-là, qu'à la rigueur la partie offeufe de la Lame Spirale
repréfentée dans h Figure Î, ne lui appartient pas. Ce n’eft en effet
» que l’AréreSpirale qui rampe autour du Noyau, & qui n'eft qu’une
“ continuation de fa fubftance in{érée entre les deux membranes, de-
- puis fà furface conique, jufque vers le milieu de la cavité exprimée
par le relief de la Figure précédente. Chacune de ces membranes
Jui ft adhérente de part & d'autre, de même qu'au refte des parois
—. des Canaux ; ,& l’Arête offeufe foûrient ainfi, jufqu’à l'endroit où
Horn L ' H ij
60 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
elles s'appliquent réciproquement lune fur Pautre, les filets ner-
veux qui traverfent en maniére de rayons toute Ja largeur de la Lame
Spirale, Les hachüres de la Figure expriment la partie ofleute dans
laquelle le-double Canal ef creufé , & les points, l'air qui cfl contenu
dans ce double Canal.
ERGUIRE VIT.
D'après Duverney. Repréfente une portion du Veflibule, & les
trois Canaux femi-circulaires, dans leur fituation naturelle, mais plus
grands que nature, & avec leurs cinq embouchüres. 4, la portion
. inférieure du Vefibule. Z, le Canal fupérieur. €, linférieur. D, le
moyen. 7, 2, 7, 4, 5, leurs cinq ouvertures, dont lune ( 5) eft
commune au fupérieur & à l'inférieur. €, 7, les deux trous de la
partie du Veftibule qui donnent paflage à des branches ou filets du
Nerf Auditif, dans le détail defquels nous n’entrons point ici.
FIGURE VIill.
D'après M. Caffebohm, Repréfente toutes les piéces du Zaby-
rinthe aflemblées. Ce tout confidéré en gros, contient trois parties
principales ; fçavoir, une antérieure, une poflérieure, & une moyenne.
L’antérieure eft le Limaçon, où à indique la premiére Spire, 2 la
feconde, & c la demi-Spire, qui fe termine au fommet. La poftérieure
contient les Canaux femi-circulaires, d le fupérieur , e l'inférieur ,
& f le moyen ou l’externe. La partie moyenne, par où les deux précé-
dentes fe communiquent, eft la cavité qu’on nomme Veflibule, percée
de plufieurs trous ; fçavoir g, la fenêtre ronde, 4, la fenêtre ovale,
par où il communique à la caiffe du Tambour, &c. Toutes ces piéces
font vûes ici par leur convéxité, de grandeur naturellé, & comme
elles paroiffent en un enfant de fix mois.
EI G OU R'ELIX.
D'après Duverney. Repréfente l'os des Temples, Ta peau du Tym-
pan, où membrane du Tambour vûe de front & en dehors ; la longue
branche de l’Enclume , & le manche du Marteau appliqué par der-
riére à cette membrane, vûs à travers; le Canal offeux, &c. le tout
environ deux fois auffi grand que nature. Il faut imaginer le Conduit
Auditif appliqué obliquement fur la partie orbiculaire, où étoit pen-
dant Penfance le Cerceau offeux dans la rainûre duquel eft enchâffé
le Tympan. Ce conduit étant une efpece de Cylindre un peu applati,
. fa fe“tiion oblique, dans Ie fens de fon applatiffement, donne Ja
figure circulaire du Tympan. La peau du Tympan ne forme pas un
plan parfait, elle eft un peu enfoncée vers le dedans de la caiffe du
Tambour
Du Na man SCA ENT € © © s7bie
. Tambour par fon centre, femblable à un‘Cone évalé, dont da hau-
_ teur feroit fort petite à raïfon de fa bafe ; en tout comme H patte
d'un verre à boire ordinaire, & comme fi le manche du Marteau,
qui eft attaché-par toute fa longueur àdu face interne de cette mem-
_ brane, & dont le bout tient à peu-près à fon centre, la tiroit un
peu plus par ce point que,par tous les autres. Les T'ympans des deux
oreilles ne font point paralleles ; ils s'inclinent ou s’approchent réci-
proquement l'un vers l'autre par leurs bords inférieurs, de maniére
que fi l’on menoit une ligne par chacun de ces bords, laquelle paffèt
par le centre, &par lebord fupérieur oppolé, les deux lignes érant
prolongées par embas, s'iroient croifer vers le deflous dela gorge.
FIGURE X. : :
D'après Ruyfch. Repréfente les Offélets contenus dans Îa caifle
du Tambour , en grand, & les mêmes de grandeur naturelle dans les
adultes. Ils font indiqués en grand par les lettres majufcules, & de
grandeur naturelle par les minufcules. 4, à, le Marteau ; B, b,
VEnclume ; C, c, VEtrier; D, d, VOs orbiculaire ou lenticulaire,
qui s'articule avec la tête de l'Etrier, & la jambe longue de J'En-
clume, & qui eft le plus petit non feulement des os de l’Oreille, mais
de tout le Corps humain. J’y adjoûte, en grand, le plan, Z, de Ja
bafe de V'Etrier, à caule de fa figure finguliére, toüjours arquée d’un
côté, & à peu-près recliligne de l'autre. Les deux bafes des E'triers
font verticales, leurs jambes horifontales , & ces bafes fe regardent
intérieurement , le côté arqué étant en haut. Et comme cette pofi-
tion ne fçauroit fubfifter avec celle de tout le refte , fans que l'Etrier
& la branche de l’Enclume à laquelle il'eft attaché par Os orbicu-
hire, ne forment un coude, c’eft encore une circonftance à fuppléer
dans la Figure de Ruyfch.
FIGURE XI. è
D'après Valfalva. Pour repréfenter l’enfemble des parties ci-deflus.
C’eft la partie antérieure de l’Oreille droite, vûe du côté de la face,
en déclinant un peu vers POcciput. On y voit de plus Ia furface
externe du Conduit Auditif, & V'Oreille proprement dite ; la Trompe
d'Euflache ( T') qui va de la caifle du Tambour vers le derriére du
Palais , & par-à communique à la cavité de la bouche; [a portion
molle des Nerfs Auditifs ( N) qui vont aboutir au Limaçon, &c.
II ne faut pas compter cependant que cette Figure repréfente dans
- Ja derniére exactitude, & dans Ja fituation naturelle, tout J'aflemblage
des parties de Oreille, tant externes qu’internes. Cela eft très-difficile,
pour ne pas dire impofible, comme M, Cafebohm Y'a remarqué
Men. 1737: ' H ijj
.”
58%: MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE |
dans fon Traité De Aure humana. Mais c’eft un à peu-près que
nous pouvons donner à limitation d’un auffi habile homme que
Valfalva, & qui nous devient néceffaire pour fuppléer à quantité
de chofes que nous obmettons à deflein, dans une defcription fr
abbrégée d’un organe fi compoté.
Fac uk: XI
Eft un enfemble du double organe immédiat de l'Ouïe., avec les
Os de la Tête, &c. defliné & gravé avec foin, de grandeur natu-
relle, d’après une Tête d'enfant , ainfi préparée par M, Duverney,
& que l’Académie conferve parmi les piéces les plus curieufes qui
lui ont été laiflées par ce fçavant & célebre Anatomifte,
Lo
D E*s S:.C-YE N CE.s. soËe
D USAGE DES SUITES
Ÿ Pour LA RÉSOLUTION DE PLUSIEURS PROBLEMES
De la Mérhode inverfe des Tangentes.
Par M. NICOLE.
j Es différents Problemes dont on donne la Solution dans
! ce Mémoire, fe réduifent à trois efpeces. ‘
d On cherche les Courbes qui en coupent une infinité
ÿ d'autres femblables, à Arcs, ou à Segments égaux, ou de
; maniére que ces Arcs foient parcourus en temps égaux.
Ces Courbes ainfr coupées, font Géométriques ou Mé-
4 chaniques.
.… Lorfqu'il faut les couper à Arcs égaux, elles font redi-
fiables, ou non.
Lorfqu'il eft queftion de les couper à Segments égaux,
elles font quarrables, ou non; & lorfqu'il faut les couper
de maniére que les Arcs foient parcourus en temps égaux,
lexpreffion du temps de la chüte par un de ces Arcs eft
Algébrique, ou non (j'entends par A/gébrique, une quantité
qui ne renferme point de différentielle).
Ce font ces différentes circonftances qui rendent le Pro-
bleme plus ou moins facile. à
On s'eft difpenfé d'examiner le cas le plus fimple, c'eft
celui où les Courbes coupées étant Géométriques, la pro-
priété demandée eft Algébrique, parce que dans ce cas il
n'y a aucune difficulté ; l'Equation de la Courbe cherchée
naît fur le champ de l'expreffion Algébrique de la condition
du Probleme.
On s’eft renfermé dans les cas où les Courbes coupées
étant Géométriques, la propriété demandée n’eft point Algé-
brique. Ou ceux dans fefquels les Courbes coupées étant
Méchaniques, la propriété demandée eft Alsébrique.
H ii
16 Mars
1737°
Got: MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Dans tous les Problemes relatifs à ces deux cas, on trouve
une Courbe méchanique pour la Courbe coupante.
On s’eft fervi de deux Méthodes pour chaque Probleme.
La premiére qui procede par les Suites infinies, fournit
TEquation de la Courbe cherchée fous deux formes diffé-
rentes.
L'une, dans laquelle les Coordonnées font mélées entre
elles, & avec leurs différences, de maniére qu'il eft fort difh-
cile de les féparer.
L'autre, dans laquelle les Coordonnées font mêlées entre
elles, & avec les différences de deux fonctions de ces mêmes
Coordonnées, eft telle, que l’une ou l'autre de ces fonétions
indique toûjours une fubftitution propre à faire la féparation
des indéterminées.
La feconde Méthode eft la Méthode commune, qui con-
fidere des portions femblables des Courbes coupées ; mais
outre que cette Méthode demande plufieurs Analogies, elle
fournit pour l'Equation de la Courbe cherchée la même
Equation que celle de [a premiére Méthode dans laquelle les
indéterminées font mêlées.
Ce qui m'a donné occafion de travailler fur cette matiére,
eft une Lettre qu'un fçavant Bénédictin m’écrivit dans le
mois de Décembre dernier, pour me prier de chercher la
Solution d’un Probleme qu'il avoit propofé lui-même, fans
fe nommer, dans le Mercure du mois d'Ottobre 1727.
Voici comme ce Probleme étoit propole.
Soient données plufieurs Cercles, les uns dans les autres, en
proportion quadruple, par rapport à l'Aire, ou double par rapport
à la circonférence, de maniere que tous ces Cercles fe touchent à
un point commun.
On demande quelle eff la Courbe qui palle par le point x 804
du plus petit Cercle, par le point 904 du fecond Cercle, par le
point 454 du troifiéme Cercle, par le point 224 30° du quatriéme
Cercle, & ainfi à l'infini,
Pour peu que l’on faffe attention à la Queftion propolée,
on voit
N'+
DRATDTE S'TSICITE EN MIS M Cr
on voit que la premiére condition eff inutile, & que ce
Probleme doit être propolé de cette façon.
; PROBLEME I.
+ Soient les Cercles AM, AM, Am, en nombre infini, paflant
tous par le point À , &r dont les diametres Jont fur la droite AO.
On demande la nature de la Courbe D Mm C qui coupe tous
ces Cercles, de maniére que les arcs AM, AM, Am, de, foient
égaux entr'eux, © à la quantité conflante b.
SOLUTION.
Entre Finfinité de Cercles, qu'il en foit pris un 40;
dont le diametre foit AO — 2 a; foit de plus 4AP— +, on
aura PM=—V(2ax — xx), & la différentielle de l'arc 4/4
adx adx ï 10.
dans ce Cercle Ge tr =, * (2 a—x) TE, Si
donc on éleve le binome 24—x à la puiflance — 1, on
aura une Suite infinie qui fera (2a—x JR — —
1
4 Fe K
247
! x Fi 1.3 Hal 1.3: #3
+ — x 3 + = x T4 = X —
2er E i 2°.1.2 2 * 27.1.2.3 Z
(22) (24)? (a)
1,305 «4 ._ . adx d
7. Ds x —, &c Donc" —,, 7 %*
. 2#1.2.3.4 (a)? Vzar—s#x) 2aix
* = $
À d ï 4 +2? dx r, 3 ù +? dx 1.3.5 +2 dx
EL. 21 3 RATE > 29e 10 2° Zz
| 24a? za 3: 2a2
\ Z ? !
Le +? dx L Ds 2 n
er X —, + &c.) dont l'intégrale eft l'arc
ë 2H 2083400 2 2799 NS)
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; L % 24 - 2a?
NT EC
TÈE 7e :
2,1,2,3 FA À 26,1. 2.3:4 #1 FRE &c.
24°? 247
4 ue Cette Suite exprime _donc la valeur de l'arc 4/7 du
… Cercle déterminé dont le diametre eff 2 4, Si l'on veut que
Fig. Te
62 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
cette Suite exprime la valeur d'un arc AM, AM, ou Am,
de tout autre Cercle indéterminé, il ne faut que fubftituer
dans cette Suite pour 2 a la valeur du diametre indéterminé
qui convient à tous ces Cercles.
Pour la trouver cette valeur, foït nommé PAZ ou Pm, y.
Les coordonnées de la Courbe D Mm C qu'on cherche,
feront donc 4 P & PM, où x & y. |
Ces mêmes grandeurs font auffi les coordonnées d’un
Cercle quelconque, car AP & PM appartiennent au Cercle
AM, AP & PM appartiennent au Cercle AM, & Ap
& pm appartiennent au Cercle À m. Donc V/xx + y)
exprimera la corde AM, Am, d'un Cercle indétérminé, &
TEST
#
parconféquent exprimera le diametre de ce Cercle
indéterminé.
Si donc on fubftituë = à a place de 24, dans la
Suite qui a été trouvée pour l'expreffion de Farc 4/4, on
aura pour AM, AM, Am, ou b— (xx +yy) + —
F Fe xt L
xLx —— + re x FX EE xS
3 ë 2 Ab. 2 = 27.1,2.3 7
(3 +399) (s#+y)
; x£ 1:3-5-7 Gp ae 3-5-7.9
E 5 4, Ê =: 232.
(zx +33) Mi NRE (xx+3)? rex
1 + &c. qui eft l'Equation de la C
bi = .q quation de là Courbe
(4x +93)?
cherchée, exprimée en une infinité de termes.
On peut réduire cette Equation à un nombre fini de
termes, de cette maniére.
Si lon multiplie les deux membres de cette Equation
Ÿ sd See 5 ana 1
LR TESTI SES xx +3y = (77) TE Et
# 3 123 % # $ FU
Creer Ta Gen HS CE
dure dt, 20 ff te 7 UE LE M ELD
Kia fes: FE 112454 09 À RAS AIO
F
me € SUCYILE EN C:E 19; : 63
D LA AVE NT s: À M'ET DE x (rs) + &c, Et en pre-
nant la dentelle É cette Equation, on aura, . . . ;
éd x (sx+39) —(2xdx+2ydy)*xbx
! (xx+9) D LA Creer pl)
RES Phrase pe + Mar EI 7 A
é 8
+ x reel AA à (re ce
re Pet JO C ET NE él
:
Mais cette derniére Suite eft I SALLE x Lee —=—)
+ es ee dre M Te RE ES en nue TES:
# "79
are / RES TA ON rer 2 em ©
= LÉ 1— ne Ac Yon éleve ce dernier
. ++
piorie De
cette même Suite,
à la puiffance — 1, on trouvera
as MEL
Or cette grandeur [ /r — 357 as #
Donc
Bxx du +byyds—2bxxdx— 2bxydy V{xs+ys)
EE ————————— EE —
(xx) J
AD) ET je En prenant donc la différentielle 5
0 dy
_ona DEEE , lEquation de la Courbe cherchée fera
PARTIE F
“4 bypdi—brs da 2 bsrdy VEx +39) Cyde— »y4y)
pere CFE STE ere 1e Re
(83499)?
… ou byydx—bxxdx—2bxydy —(xx+3) x (ydx—xdy)
qui donne cette proportion ER bte 2%
‘4e Mix Tee 7:
Pt HER ds rude
. Ce qui fait voir que fi d’un point AM quelconque de læ
és cherchée, on mene Les tangentes AZ à cette Courbe,
64 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
& rt au agé la foûtangente PT" de la Courbe DMmC.
fera 2% ; le diametre AO du Cercle AM étant 27, le
rayon Fe fera “222, donc KP AR AP ==" 3
& en faifant XP: PM: PM:PR, on aura PR— 22
ITESTL
donc MR =V(PM' PR) = V3 + A pr)
— 2*{##992 À Aïn Ja proportion 2 /*#222 : ÿ::
PER E JIJ —44
dx 24 . 494 : À
25 + tx ft MR : Varc MA (4)
: RT: AT, qui eft une propriété de fa Courbe cherchée
D MMC.
Mais pour connoître plus pores cette CES.
foit repris VE age Pen x DE DER,
CET) Tr MER
Si l'on {uppofe-——— NEA —=+, on aura xx+-yy—
Æ
d'où il fuit = & & J=— V(bb— 74). En
fubftituant ces valeurs dans lésion elle fe changera en
MT = D ut AS Loge eft fr =E (44
qui donne x = —— On a auf y= = Ve )
V(b5—z/
V(Lb— 3) : ;
on aura donc y = ie qui fournit cette conf-
V(b5=r/
truction.
Du rayon AB = foit décrit le demi-cercle BNGDF.
Soit mené un rayon AV au point V de ce Cercle pris où
lon voudra ; par ce point foit mené ordonnée Q N au
Cercle; que cette ordonnée foit prolongée en S, de maniére
que la droite QS foit égale à l'arc circulaire 8 N.
La Courbe BS HET qui paflera par tous les points S,
déterminés de cette façon, eft celle qui eft connuë fous le
nom de Compagne de la Cycloïde.
Cette Courbe ainfi décrite, fi fur une de fes ordonnées
quelconque
‘4
DE" S" SSICUE EN CES 6;
quelconque Q S, on prend Q À, troifiéme proportionnelle
à QS & QN; que par le point À on mene À P parallele
à BA, elle rencontrera le rayon AA au point A4 qui fera à
la Courbe cherchée.
DÉMONSTRATION.
Soit nommé 40, 7 ; NO fera V{èb— 77), Varc BN
fera f TS" & par la conftruétion Q S': / er! )
:QN(x):: QN(L) : QR—=AP= x = — €,
hdz
Vis)
Les Triangles femblables A WO, AMP, donnent auffi
Zi: WM(bb—37)::x y ETC, Donc, &c.
Jéconde Manière de réfoudre ce Probleme.
Soit fuppolé Ie point 47 à la Courbe cherchée, on nom-
mera AP, x; PM, ; ; l'arc AM, 4.
Entre tous ces Cercles, qu’il en foit prisun 4 Wy», dont
le diametre foit 2 4.
_ Si l'on mene la corde 4 M, elle rencontrera le Cercle
conftant A/Vm en N, de maniére que les arcs AM & AN
feront femblables. ‘
Cette corde AM fera y/xx +7), donc le diametre
du Cercle AM fera EI , & lon aura ces Analogies
222 ; 2a ::Varc AM /b) : Farc AN — TETE
LE. 24°: AP (x) : A0 DE RAS
XX + . .. « —
= à 24:2: PME y) : ON — ET
Et en menant g # infiniment proche de Q N, on aura
- byyd#—4abxydy —
Nn D defarc AN = 27225 4 4PE pa) sa bande,
(x3 +5)" 4
4axyyds—4axxydy
1 Q 3 — 15 232) #2 ee) eo 4ien ae Je Pal er “os
nn UE —24ax+ydx+2aÿ dx+1axdy—21axyydy
h.. TS (ÉLE F2
Mim. 1737: I
Fig. 3.
66 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE
Mais on fçait que Nr v{nr + Qq°), ce qui eft én
2abyydx—2abxxdx —4abxydy
(sx+ 3)"
A ;
(xx +33)
qui fe réduit à byydx—bxxdx—2bxydy—(ydx—xdy)
x V[(2x3)° + (37 — xx)", ainfi f'Equation de la Courbe
fera byydx—bxxdx— 2bxydy=y dx + xxydx
— xyydy — x? dy, qui eft la même que celle qui a été
trouvée par la premiére méthode, mais dont les indétermi-
nées ne font pas aifées à féparer, au lieu que fous cette forme,
termes analytiques ,
que la premiére méthode donne encore, D (——
=) = ee
V{xx+ y»)
)
xD TEE" ), on le peut facilement.
PROBLEME 1E
Soit une infinité d'Elliples femblabls AmR, AMB,
AmO, qui ont toutes pour ja le point À, Du les g'ändt
Axes font fur la droite AO.
Ou demande la nature de la Courbe D mMmC qui les coupe
toutes de maniere que l'efpace A MP oi conffant, & égal à la
quantité bb.
SOLUTION.
Soit pris FEHipfe conftante À AB, dont le grand Axe
AB—2a, AP=x, PM=y, & le rapport du grand
Axe au petit Âxe ::#:1.
L’Equation de cette Ellipfe fera y= + y/2ax—xx),
la différentielle de l'efpace APM fera donc 4"24%—##2
dx vx 1 1 Ci T7 4°
— FL,
—— x(2a en À DUR NE
; L -h =
AS ER CDS x TS (za) 24.
; — &c ) dont l'intégrale eft
see pie 3! SE:
21 5 L 2.1. #
24 %
z :*
x 2 :
N'rR RE” — &c.) qui eft a valeur
à 3 2.1.2
EE ie 24?
de f'elpace 4 MP de l'Ellipf conftante À M B.
Mais de l'Equation dé cette Elliple, on tire 2 a —
2D2-È2%, $j donc on met pour 24 cette valeur, on aura
r Cd
Es et x Chnyy 8 Nr E x x
ho à #
x \ Le Ana en AT ne
“1 4 ET
î )
Tore3 5 x 1, Li3e ël
CN OE TE: ENG CH 1,£ 2 ekyia fi 4 *yar
\ , (nuyy Hzxx)S è
. «7
x — ) —=65 pour l'Equation à la Courbe qu'on
PEUT
cherche. ; ACPRNE 10e
Si l'on multiplie les ak er es de cette Ec quation par
—, ellé deviendra Res 3
2 x(nhyy+ xx)" 3
nxx
2 x (unyy+xx)
nu D 2 nb jm VALERIE 1 MEN EC ARRET" PRES
& Érrenil PSE enter LEE
x FARONNLE LC de à FEXx l 9
* CERTRONE PROS Eee STI)
SR Le ! — &ec. Eten
prenant les différences, il vient D (— binss ie) =
I
R #7
o—
( * . )
2401 2.3.4 TEE V(nnyy + xx)
2 APTE
D ro * x [ Gramlis V (To 13944) Ë
PRE LITE 7 7 ME age mé A p
Den = D (raser) * ser /
AE Green — aa MT)
x fr 8e]
j
68 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
L ?. Li . x D LA
Mais cette derniére Suite eft [1 — x (7) JF
LLIT 2 =
= renese/. &
Cette Equation fe réduit donc à 225 x D/ -)
(nnyy a
xxY *
* AIT PAPE TES) ); & en prenant les
—
(nnyy + xx)?
différences indiquées, on trouvera 2 b x {n nyydx —xxdx
— 2unxydy) =uuxy dx —nnxx}yydy qui donne
à nnxÿ) dx 2nnx
cette Analogie DER E Ep ne in
ARYP—XX — dy nnYY—*Xx
dx re ;
RE, c'eft-à-dire, que fi lon mene les tangentes
—dy
M@ à YEllip@, & AT à la Courbe, on aura toûjours
cette proportion, lé Triangle MPQ (——— ne —""— ) : à lefpace
conflant APM (bb) :: QT (EE + ze )
CAT (x
Pour connoître cette Courbe plus particuliérement , foit
. 5 . *
repris l'Equation +28 x D Perles AL E TNT
3
(nr +xx)#
g ui re + xx) Æ
Déxsx
Soit fuppofé Tr , donc nnyy+xx = =
Mas x
RE =
NS x V(bb—77) dr xxx =
Re +6b x D (SEE) œ
EME pp x D (LE) où 27744 (bb — tr)
n bt
Re » 7 hb— ral
—0d6n x DEA Louisa tre LP PE a ee
+éên _ 2
MAAVO ES SATSACTIENN C'ÉTS RS
: shbngt Bzr x V(5n)
ERA —— 2 Rx = ——
S'rrdrvV(bb— ct) VU rrdrvV(bb—27/]"
Br V(=U)
d'où il fuit y — TRUE qui font les valeurs
des coordonnées de 1a Courbe cherchée.
Seconde manière de réfoudre ce Probleme.
Si l’on fuppofe le point 47 être à la Courbe qu'on cherche,
& qu'entre cette infinité d’Ellipfes , on en prenne une
conftante À NmR, dont le grand Axe AR foit 4; que Fon
mene la corde AN, & que fon nomme AP, x, & PM, y,
- L'axe de l'Ellipfe indéterminée fera "2; & à caufe
que les efpaces elliptiques APM, AQN, font femblables,
ces efpaces font entr’eux comme les quarrés des Axes qui
appartiennent à ces Ellipfes, on aura cette proportion . ..….
ES HOPPER TE = à l'efpace elliptique
* (xx + nn)
AO, On a aufñ TT; g 5: x A0,
x X# + An PS
CERN) t axsy-
1 RE en ST CS ON
x SY+719y
Donc" x D) DE)
SX + Anny} fer (33 +nnyy)"
| xy 24 dxx(xx+nnyy)—xxx{(1xd#+2nnydÿ)
, ë ( xx nn) ) E ,
#* + nn) (xx +nnsy)
20bxdx x (xx-nnyy) —2bbxx x (xx nnyy) x (2xdx+21nnydy)
jh DATE TETE
qui fe réduit à »nxy dx — nnxxyydy = bbunyy dx
— Dbxxdx — 2bbnnxydy qui eft la mème Egration
que celle de la premiére Solution.
e
7o MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe
PR OB-LEEME-ITE
Soit une infinité de Logarithmes AM, Am, AM, paffant
toutes par le point À , r ayant pour afymptotes les droites BC,
bK,bO.
On demande la Courbe D M m MR qui les coupe toutes,
de maniére que les efpaces APM, Apm, Ap4, foient égaux
à la quantité conflante bb.
S'ONLAUVTE-T ON,
Soit pris a logarithmique conftante AA, dont la foù-
tangente QT — À B — a ; foit les coordonnées de cette
logarithmique BQ— 7 & QM —u, on aura udg =
— a du pour fon Equation ; d'où il fuit /ud7—=—au,
c'eft-à-dire, l’efpace AMQ B A —aa—au, & Vefpace
AMP—=aa—au— 7u, c'eft cet efpace qui doit être
Li
égal à 8b, on aura donc l'Equation aa—au—yu—=568.
Soit aufli les coordonnées de la Courbe DM mMR
qu'on cherche À P= x, PM=y, on aura a —x &
du = — dx; fi donc on fubftituë dans udz; ——adu,
pour # & du, ces valeurs, on aura d7 x (a—x)—=adx,
ou dy —= cu qui étant étenduë enfuite, devient d7—=dx
x ?
x
+ _ +- &c.) dont l'inté-
x (IH EE +
PE
xx #3 x4 a5 4
K72 —+ Ce
qui eft Equation de la logarithmique déterminée qui a la
quantité a pour fa foûtangente.
grale et 7—=x+
24 34aa 44
Si donc on met pour 4 l'indéterminée +, & pour 7 fa
2 . . 3
aleur uation de a y— LEK, | as gets
valeur y, cette Equation deviendra y = x + + + =
#4 25 C D «522 * L
Eee &c. ou en divifant par r, 2 — (+)
cu Ce RL ve NIET di à
INDNENS MESNICUNLE INTENSE 71
dont Ja différence A D) =D(E) x [1+ (54
HP +R + (ES + (+) + &c. ]
on
£
X
= [ep pepe eye
+ (<) + &c.] mais cette derniére füite eft
YEquation fera donc D/7) = #
pr)
Det ps)
* Si maintenant on fubflitué dans la premiére Equation
aa — au —qju—bb, pour a, fa valeur +, pour z fa
valeur y, & pour w {a valeur : — x, elle deviendra 277
HUX—1y xp db Ix ty + xy qui donne
Db— x
=.
SERRES -
En fubftituant cette valeur de z dans la feconde Equation,
k Y XD ) __ bb—xy #32 — xy À
glle deviendra D Gens D Feng ) qui
eft l'Equation de la Courbe cherchée, dans laquelle il ne
faut que différencier les grandeurs indiquées pour avoir cette
- Equation en x, y, dx, dy.
- Mais comme le calcul eft long, il eft plus fimple de re-
prendre Equation D /2)=-1 x D/ —=) qui donne
tdy—ydt. t tdx—+dt ttdx+ 1x dy—rtd
Re PL ile OUI PESTE"
17] 1— tt XY + 1% —1y
Db— xy
Fr
Mais de ce que r — Frans et SITE
—5T UT s+uzg À
…_ en füubffituant dans le dernier membre de cette Equatio®,
€
HO
CENT PRE ee téds-ts dy —êrdy
rt as A
Eh
72 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
i dx—xx dy +bbdy bd.
pour 4, fa valeur, elle deviendra ONE ARENA" 0
(x—3}°
(dx— dy) à (TT D +ady x (LEZ)
= Pr PTT ou
dx x(aB#t—3bbxy+xxyy —bbyy) :
RE Te tirer 0 D NES
bh—xx bE— xx 4
Analogie + 3 À da er pere) dé DE SPR TE +
2
sx +, c'eft-à-dire (en menant les tangentes A1G,
MS) que Triangle GPM eft à l'efpace conftant APM
comme GS eft à AS.
ll eft peut-être difficile de féparer les indéterminées de
dx x (20t—2hbxy<+xxyy— bbyy)
20 hhxy—2bb:x +2 y A
Equation dy =
il fera aifé de le faire, en reprenant l'Equation D EE re RES
en D (RL) qui eft auffi celle de Ja Courbe
bh— xx
cherchée fous une autre forme.
Pour cela foit fuppok +
So : , ON aura BR Bxy
Bbz—bsx
—0bz— 3x}, d'où lon We = & Bb —xy
brx— 1 D SET t Dbz—bxx
— —_— ; au = = = = < x (———
ON = ;; ed
aires PT Ur CAE
qax—bxx k
Si donc on fubftituë toutes ces valeurs dans Equation 3,
elle deviendra D / Fr © — ) = ci x D (+)
brr—t** HART
a TARGUS . ——
qui fe réduit à D{ ”| Donc f Pare
d?
grx—baxx PE
EL À dent
U
TT gar— bars $
= x (xx —bxx) bg —gxx,
ou
DES SCIrENCESs. 73
dr: d .
ou =. dis XXx —Ü7— xx, d'où l'on tire
b vi
xx = ——— <—— & x = =———
nlten VONES VLr+ (5) «fe ]
d
bbz MS L
CV Vlr (ab) x [ET
& par conféquent y —=
# ! EVE x [
Vlr+ (ab) x SE]
PROBLEME IV.
Soit une infinité de Cercles AM, AM, Am, qui pallent tous
par le point À, à dont les diametres Jont fur la droite AB.
On demande la Courbe Cm M MD qui les coupe tous, de
mianiére que tous les arcs Am, AM, AM, foient parcourus
par un même corps dans un temps égal.
S.0 L U TION:
Soit pris le Cercle conftant A ZE, dont le diametre
foit 24, & foit AP—x & PM — y, on aura =
V{zax—xx), & la différentielle du temps employé à par-
L adx d —i
courir l'arc AM, fera = x2a— x
(2ax—x%x)# PE]
—à, + À
A E #4 dx 3 xFdx 13.7 + dx
ppp" | x( y + pe X Z PTE 2 EUX
24* a (a)? per 24%
3 11 xTdx 1A
ee : - 5 + &c. ) dont l'intégrale eft
47. 1.2, 3 2a# /
mure 3
4 d 3 4 # à
ax(+x È D EX + 7x4
AC 4 2E 4.1.2
2 ï.
} [1 37.11 4 x .
A Mines hs * = te Ge) 'quiexprime
2a + za *
_ de temps que le corps employe à tomber de À en 2, en
parcourant l'arc 4 #7 du Cercle conftant AA E.
Mem, 1737: K
Fig. $e
\
MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE
Mais de lEquation y = {2ax— xx), on tire
+ ë due
2a = "?, Si donc on fubflituë cette valeur, on aura
*
2 5
XX +Y x* 3 x#
{ 2) x [£ x NUM —+ re x & x RE
(222) (+2)?
o
né V=
ee 7 x Ë x ——— + &c.] qui exprimera le
au la À
Æ (EEE
temps que le corps employe à tomber par un arc quel-
conque AM ou Am d’un Cercle indéterminé. Cette gran-
deur doit donc être égale à une quantité conflante, telle
que y2.
2x vb x
On aura donc Equation —— —
4x (8% +99)
52
x +32)*
3 # 3.7 1 #
SE SE Fm de
FA ir
(xx+ 33)" (xx+ 33) *
. . 7
troie Pope men)
FES (s#+39)#
En multipliant chaque terme de cette Equation par
X#+9Y deviendr PAUL RASE PR è
ge elle deviendra Re 2 MATE M
PS PAPER ent LPS Le 1) 2 ASE PACE
ra RAC Te *3* (Term)
3 7er x ( Va )" 37.11 15 Sa
F5 V[Vx +») 4%..1. 2. 3.4 17
+—— IE
Ji
{——"—— )'"7 + &c. Et en prenant les différences,
vV{bx) A L vx
2V(sx+399) VLV(xx +59)]
vx 4 37 Ve 8 ER
ru Mere y 00 J
V{bx) v# xx 2
ES D — x fr NT
(ss+391% Free
on aura D ) * [x An en
ou D Dan —
DPENSTASNCNÉELE IN: CES HS
ñ 3
ou D (EE 1 DRE P RES
né (xx +yy)*
Si donc on prend les différences indiquées, on aura
F < pydx—xxdx —2xydy pydx—x;xdy
AP nr 2 EE
** +9) 7 nr
VU x een x (ydx—xdy)
2 FRET D AU 64 12
: 6 4 2 xpy er
qui donne cette proportion {— D rer (ri)
x + " 2V) 2x +
Qt RU opus y x ( 39) : VA.
JITEE 4 JD — xs
D'où l'on voit que fi lon mene les tangentes AZRA au
Cercle, & AIT à la Courbe cherchée, le temps par la tan-
Vy x
gente RM 2 ) eft au temps conftant pendant
ue les arcs Am, AM, AM, font parcourus / 4)
dx 2x s dx
: RTS Ne ES
These
Pour connoitre plus PROS cette Courbe, oi
repris l'Equation +74 x D V{———) — (2 2 j+
## +9)
: vx
D —, & foit Wuppolé =———— — Di: Donc
(x#+33)% nl az
Dbx: V(Bb—
XX HV = _ = er . On aura donc
IVEx [DE —)] = ee Dv=
Se pe 4
GK
Dr
Bb note :
— ———- }# qui fe AR, al LE
= * (nu q V(bx) jé
b
(bi— ru)?
1 y ÉTAT
NA —
—) ou1y8 »x ea
x ( —); d'où l'on tire bx = —
76 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Donc x = ——° y In
of ( T hs b[( T 2
1 3
Vrx (bb—17r)* Var (bb—z À
qui font les valeurs des coordonnées de la Courbe qu'on
cherche.
Seconde maniére de réfoudre ce Probleme.
Si lon fuppole le point 47 être à la Courbe qu'on cher-
che, & que l’on nomme À P, x, & PM, y,le diametre
du Cercle À M fera = f
Soit auffi pris le Cercle conftant 4 M N, dont le diametre
{oit a ; fi l'on mene la corde AMN, les arcs AM, AN,
feront femblables, & ces arcs feront parcourus par un même
corps dans des temps qui feront entr’eux comme les racines
quarrées de leurs diametres, on aura donc ces proportions
v(ab
4 Sr) CPPRTR E (abx) 1 tu temps par
V(rx +9 Jarc AN.
#4 + axx
= PANNE Aro En As
SX + ax
Ne ee — Qi".
x X+yy
Pour avoir une feconde expreflion du temps par l'arc AW,
il faut avoir la différentielle de cet arc À N, & la divifer
par Y{QN) ; prenant donc les différences de 4AQ & Q NW,
on aura D/AQ) — Re & D(QN)
___ ay7—axxx (ydx—xdy) ___ sds—=#dp
= 7 NE done D(AMN) — (x +20
À 4 ___aydx—axdy
x V{aay —24aXx)}+aax —+-4aaxxyy) = ee
Donc la différentielle du temps par l'arc À M N fera
(>dx— x>xdy) Va
V{sy)x (#3 +33)
V{(abx) \
sx+yp)?
qui doit être égal à la différence de
—+xdx—2xyd.
cette différence eft + y/ab) x ( Een © À
3
(xx) uv
\
k
H
h
is
À
x
4
4
DES SCIENCES 77
(pdx—xdy) va.
VOD ras)"
(27dx—2xdy) x (xx + yy) = V (by) x (yydx—xxdx
— 2x*ydx) qui eft fEquation qui a été trouvée par la
premiére méthode, & dont il n’eft pas aifé de féparer les
indéterminées.
qui doit être égal à Equation fera donc
PROBLEME V.
Soit une infinité de Cycloïides AB, Am, Am, AM, qi
ont toutes pour fommet le point À, 7 dont les bafes A1, A2,
_ A3, A4, font Jur la même ligne À 4, les diametres des Cercles
génerateurs étant Br, D2,E3, F4.
On demande la Courbe Bmm M C gui les coupe toutes , de
maniere que tous les arcs A M, dc. foient parcourus par un
même corps dans un temps égal à celui que ce corps employeroit
a tomber de À en C par la droite AC —b.
SoLzuTIon I
Entre cette infinité de Cycloïdes, qu'il en foit prife une
conftante Aom D, dont le diametre du Cercle générateur
foit D2—2a; foit aufli nommé lordonnée pm de cette
Cycloïde 4.
On fçait que le côté infiniment petit m0 eft parallele à
la corde D correfpondante, & qu'ainfi on aura cette pro-
portion D /2a —u) : Du [V{4aa—2au)]|::mr (du)
x __ duvV(gaa—zau) __ duv(za)
NN == NP ue À —=. Cr vhe
Le temps de la defcente par le petit arc om fera donc
du V(2a) adu
Vlaau—us) — v(au—m)
mera le temps de la defcente par l'arc cycloïdal Am; mais
RE at eft l'arc circulaire
V(zau—ux)
correfpondant 2 Ln. Soit nommé / cet arc, on aura donc
x V =, dont l'intégrale expri-
on fçait que l'intégrale de
- pour l'expreflion du temps de fa defcente par l'arc Am
de la Cycloïde.
Fig. 6.
78 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Le temps de la defcente par la droite 4C fra ke ‘il
EE72
faut donc que 2 = == ou f V2 = 2 V{ab) qui
donne /— V{2ab).
. D'où lon voit que filon prend Farc circulaire 2 L#,
moyen proportionnel entre fon diametre 2 D & la droite
donnée AC, & que l'on mene par le point # la droite #"”
parallele à la bafe de a Cycloïde, cette droite #m rencon-
trera la Cycloïde À # D au point # qui fera à la Courbe
cherchée.
Et comme ce même raïifonnement aura lieu dans toute
autre Cycloïide Am, À M, il s'enfuit que tous les points
B, m, m, M, C, de la Courbe cherchée, fe détermineront
par les arcs circulaires 2 Ln, 3gn, 4 1N, pris, tous moyens
proportionnels entre la même droite AC, & les diametres
B1,D2, E3, F4, des Cercles générateurs de toutes ces
Cycloïdes.
Pour donc avoir l'Equation de cette Courbe, foit nommé
Ses abicifies AP, Apres seat
Ses ordonnées PM, pm.........., y.
Les diametres des Cercles générateurs Br, D2, E3... r
Tesrarcs crcuames 7 122,223, INTA SE Nes Rene
On aura dans tous les points , 5 — /b1). Et parce que
2Ln—AP+#hn, qui eft la propriété de la Cycloïde,
on aura encore.s x V{1y —yy).
On aura donc l'Equation ÿ{/b1)=x+V{1y —yy})
ou V{ty—yy) =V(bt)—x qui donne 7y —yy—=6t
xx 2x V{bt) où bt—ty— 2x V{bt) = —xx—yy
3 V(be — #4 — D
qui donne — Cole 22, &:en réfolvant
b— by
re er x vb Dxx —brs —byy + xxy +
l'égalité y == TREETT Ge Es nm ee
s VHEV(xxy +» — by»)
Donc: = D2 —
b—
DPENS MIS: CHE N°cC ES 79
Er LE lp) à anal bx Ev(bxxy + lp —Dlyy)
sat b—3 Ron b—y
= 2Ln, donc Dh = D2 —h 2 —1— 7 fera
EE br D) je, & partant a V{Dh x h2)
b—y
e SEV(bxxy +by— by) À Sa L 2
=, &2n = V[{r) +(h2}]
ee *V(by)Æyv(#x+y5—by)
== pers ë
Maintenant fi des points #,#, N, des Cercles générateurs
répondant aux points #, m, M, des Cycloïdes Am, Am, :
» A, on mene les cordes 2, 13, N4, & des points, m,
nr ZA, les lignes m9, mio, Mix, qui leur foient paralleles.
On fçait, par la propriété de la Cycloïde, que chacune de
ces lignes font perpendiculaires aux Cycloïdes Am, Am,
“ A, dans les points w, mm, M. Or c’eft l'interfection de
! ces lignes om, 10m, 11 A1, qui forment les petits côtés
de fa Courbe qu'on cherche. Donc ces lignes font tangentes
à cette Courbe Bmm MC : donc cette Courbe coupe à
angles droits l’infinité de Cycloïdes Am, Am, AM, & les
Triangles mem & n 2 font femblables, ce qui donne cette
proportion #4 PE. : k2 (y)
:: mt (dx) : 1m {—dy}), donc dx = — dy
( Eee" eg l'Equation de Ja Courbe
. (by) x
cherchée.
Mais nous avons donné dans es Mémoires de 1725,
… page 142, l'Equation générale qui exprime la nature de {a
Courbe, qui coupe à angles droits une infinité de Courbes
d'un certain ordre, dans tequel ordre les Cycloïdes fe trou-
à. vent ; & cette Equation dans le cas des Cycloïdes eft
pds —:dy
. 10707
Courbe).
—= ds (en nommant ds le petit côté mm de
80 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
I faut donc, pour que ces deux Solutions conviennent,
que de Equation que nous venons de trouver , on puiffe
tirer cette derniére, ce qui fe fait de cette maniére : De
(PTE —x+xdy%—dy V(bxx+ byy—Dby) Me D A +y dy
(b—y) w Ly—y»
— dy V{Exxy + by —5byy)
By —y5
Fr 2xydxdy +439 dÿ° — dx(brxy +ÿ—bbyy)
+ by—ys Bye (by 55}
Ad A eme 2]
339
, dont le quarré eft
2xydxdy
LE Tom À
en) qui donne d x* x {by—yy)})
+2xydxdy = dy x (xx—by), où yydx*—2xydxdy
+ xxdy —=bydx" + bydy, donc ydx — xdy—V (by)
5 2 dx—x:dy
x V{dx° +-dy") —=ds V(by) où Ty ds.
Mais comme on ne peut féparer les indéterminées de cette
Equation, & qu'il y a la même difficulté dans celle trouvée
: y + V(bxx+byy—5b
ci-deflus, qui ft — dx —dy x CEE),
où d x + dx
= EE
nous allons donner une autre Solution, qui fournit une
Equation de laquelle on peut les féparer.
S © LOT L0 NN Î L
Soit nommé les coordonnées 4 P & PM, x & y, & le
diametre du Cercle générateur d’une Cycdoïde quelconque #,
Le côté infiniment petit o# de cette Cycloïde fera
dy vt
v{t—s)
SR CE rs
fera RATS DS EL x(t—y)?=dyx (y
3
1%
, & l'inftant pendant lequel ce petit arc eft parcouru,
En 2 ed x 2
27.1 ’ 2 t 210203 2
RU ET et —- &c.) dont l'intégrale ( qui eft
| le
:
î
DUE.S 9. CI EN. CE 8x
le temps pendant Iran l'arc Am eft parcouru ).eft Z x y=
#5
2 L ré 2 :3 1.3.5
Hix—X——+Tx Re «lie BNP NT
2% 2.1 t ; ue a 7
23, 1,2, 3
2
x 2 —+- &c. Cette Suite doit
24, 1.2.3.4
donc être égale à 2 ÿb, qui exprime le temps de la defcente
par la droite AC.
Si donc on multiplie cette te par — , on aura
VE (VE) + a x (VE) + x
* (VE +3 + ne dé x (V= =—)7, + &c. dont h
différence eft oo x [1+ x (V2) :
hr sn
+ —— ie. + &c.]
=D(VE) »* DRE re
Donc D (V5) = 7 * D(VT)
Ven —by) +2 vb js
b—y J’ A
(b—») vb )= V(xxy +5— By) x vb
Vs agp — pp) vb V(bex+byy—bby)+x y
x D( RSS ) qui eft l'Equation de la
DE
x D (V2).
Si donc on met pour # k valeur /
on aura D ‘4
V{xxy +9 —byy) +s vb
Courbe cherchée,
Pour féparer les a HUE foit fuppofé. . . . . .
CRETE VS
TES ENTIERE FA , donc Vxy +y —by})
+ x Vb = CA dont le quarré eft xx y +7?
—- Ru à V{bxxy + dy — 0Byy)
Men. 1737: L
82 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
— = | Si l'on ôte de chacun des membres de
cette Eos la quantité {b— y} x y, elle deviendra
RAY + byy +-bxx —bby + 2x V(bxxy + by —Dbyy)
= LT — x (b—y)" x y, dont la racine quarrée eft
Vbxx+-byy—0bby) + x V9 = —— x V{bb—72).
Si donc on fubflituë ces valeurs dans Equation de fa
à à t (by) x by xt
Courbe, on aura Dr) = RS GIE
; , SR re: Fe = 4% d?vh
x x D(F),cet-è-die D) ge
dy vb D tt
— ON Y = ————
FM di ? Re 0 .
Mais de ce que {x xy+-y—0yy) x 0 — —" SR
—»)" x86h 2bx x (b—#) x
il fuit xx y y —byy = CPR ER LE dE
tt t
; ES , . v{b Db—b
+ bxx, d'où lon tire bxx—xxy — =
By) Fr
= y —byy — T2 ; & en divifant par 8 —y,
mi ES 2b+vV{by) Bby x (b—3)
Ent XX — = — y — ———
il v a J) FE ,
Bv(by) By Ey+blyy
donc x = —" — ÿ/— —yy— ————") où
: leon RATS à
2 Bb— 1
— PROC" , & partant x =
t
LE
) (Tarn?
V(bb—
Lis ARC on a donc les valeurs de x & de y
LES LÉ rrmavu 2 _
Vibb— sr)
en 7 & dy.
Pour faire voir l'accord de ces deux Solutions, il faut
que de l'Equation que fournit la feconde Solution, qui eft
DES" SCIENCES 83
D B— y vb 5 M bee aient 2 DS
ÉD ER ee ya
xD( TE ET ), on puifle tirer celle que fournit
#Vy + V(bxx+byy—bly) ,.
D—y y. 7.
Pour cela il ne faut que différencier les grandeurs qui
doivent l'être, & faire les multiplications indiquées, on doit
retrouver la même Equation ; mais comme ce calcul eft fort
vt
la premiére, qui eft— 1x —dy x(
: 1e , 5 $
long, oit repris l'Equation D (Y—) — Ge D(VZ);
AL. à tie — dt vb vt (tdy—ydt)
en différenciant, il Ve ns Pr RD PE TUE"
tdyvt
pvi—v(biy— by) ‘
Si donc on met dans cette Equation, pour : & dr, leurs
. 4 . VE + V(xxy + 5
valeurs tirées de Equation 1 — ms J%
d'où l'on tire dr —
V(bre + byy—5by)+x %
on trouvera — dx = dy x CS), qui
eft la même Equation qui a été trouvée pour Îa Courbe
cherchée.
I ne nous refte plus qu'à rendre compte de ce qui a été
fait jufqu'à préfent fur la matiére qui fait l'objet de ce
Mémoire.
Par le Journal des Sçavants de l'année 1 697, page 394,
on voit que le célebre M. Jean Bernoulli propofa fix Pro-
blemes, dont deux regardent une partie des Courbes que
nous venons de rechercher , il demandoit la Courbe qui
coupe une infinité d'Ellipfes, de maniére que les Segments
fuflent égaux, & celle qui coupe une infinité de Paraboles,
de maniére que les Arcs fuffent égaux ; il falloit déterminer
la nature de ces Courbes, & la maniére de tirer leurs T'an-
gentes. .
On trouve dans le Journal de Leipfik du mois de Janvier
Li
84 MEMOIRES DE L'ACADEM1IE ROYALE
1698, page s1, une Solution de ces deux Problemes par
feu M. le Marquis de l'Hôpital. Ces Solutions font fans
analyfe, on fe contente de donner dans chacune des deux
Courbes qu'on cherche, l'analogie qui convient pour tirer
leurs Tangentes.
On trouve aufli dans les mêmes Journaux de Leipfik, au
mois de Mai 1 698 , pages 228 & 229, la Solution de ces
deux Problemes par feu M. Jacques Bernoulli. Ces Solutions
font aufi fans analyfe, on y donne les analogies convenables
pour tirer les T'angentes de ces Courbes.
Le dernier Probleme qui fe trouve réfolu dans ce Mé-
mioire, eft celui où lon cherche la Courbe qui coupe une
infinité de Cycloïdes qui ont même fommet, de maniére que
les Arcs de ces différentes Cycloïdes foient parcourus par un
même corps dans un temps égal à celui que ce corps em-
ployeroit à tomber d’une hauteur donnée,
M. Jean Bernoulli a donné la Solution de ce Probleme
fans aucune analyfe, dans le Journal de Leipfik du mois dé
Mai 1697, pagez10.
I dit feulement que cette Courbe coupe à angles droits
cette infinité de Cycloïdes, & en détermine la fuite des
points par la fuite des Arcs des Cercles générateurs de toutes
ces Cycloïdes, pris chacun égaux à la moyenne propor-
tionnelle entre la droite donnée & le diametre de chaque
Cercle générateur ; mais il reftoit quelque difficulté pour de
cela tirer Equation de la Courbe, fur-tout fi l'on exige que
dans cette Equation les indéterminées foient féparées.
Ce que nous difons ici paroîtra vraifemblable à ceux qui
fçavent qu'environ vingt ans après, M. Leibnitz, peu de
temps avant fa mort, propofa un Probleme où il s’'agifloit
de trouver la Courbe qui coupe à angles droits, une infinité
de Courbes d’un certain ordre, dont la Cycloïde eft un cas
particulier.
Le même M. Jean Bernoulli en donna plufieurs Solutions,
& quelques-uns des premiers Géometres Anglois donnerent
aufli les leurs,
LE
ue
À
. N
ï Ë
Ÿ
W
ÿ/
W/
Mem. de lAcad 1787
PL3. pag. 84
4
À
QAPIPUP
Sinon Jeulp
Mem. de lAacad 1737. pl, 4. Pay: 84.
Mem. de Cicad 173 pla4. pag 83
Mem. de L4cad.1:37. pl. 5. pag .84.
| DES TSICIE N CES. s
- Je donnai auffi, quelque temps après, une Solution de ce
Probleme ; elle eft imprimée dans nos Mémoires de 1725,
& c'eft par la méthode des Suites, que je trouvai cette
Solution.
L'Equation à laquelle on arrive par ces différentes Solu-
tions eft la même, mais elle eft telle que les indéterminées
n'en font point féparées, même dans le cas particulier des
Cycloïdes. ANAL A5
L'on a vü dans la nouvelle Solution de ce cas particulier
que nous donnons ici, que cette féparation fe fait avec autant
de facilité que dans les exemples qui précédent,
L üj
30 Mai
1736.
86 MEmoiRes DE L'ACADEMIE RofALE
SEPTIEME MEMOIRE
SUR) LE LrE-CT, RIACAM-TER
Contenant quelques Addirions aux Mémoires précédents.
Par iM;; pDu:-F A y:
Lie fix Mémoires fur Electricité, que j'ai donnés à
l'Académie, & qui fe trouvent dans nos Recueils de
1733 &de1734, me paroifloient remplir le plan que je
m'étois propolé, & je ne croyois pas revenir fi-tôt à une
matiére que je ne fais prefque que de quitter ; mais Ty al
été déterminé par une Lettre de M. Gray, de la Société
Royale, adreffée à M. Mortimer, Secretaire de la même
Société, & inférée dans les Tranfactions Philofophiques du
mois de Mars 173 5, N.° 43 6. ‘Je vais rendre compte de
cette Lettre, & des Expériences qu'elles m'a donné lieu de
faire pour fervir de fuite à l’hiftoire de l'Electricité que j'ai
donnée dans mon premier Mémoire, & continuer de mettre
fous les yeux du Public, ce que l'on fçait jufqu’à préfent fur
J'Eleétricité, qui fe trouve être une qualité univerfellement
répanduë dans toute la matiére que nous connoiflons, & qui
par-là influë peut-être beaucoup plus qu'on ne penfe dans le
Méchanifme de l'Univers.
Je ne fçaurois trop exhorter les Phyficiens à s'appliquer
à un objet auffi intéreffant ; mais fi quelque chofe doit encore
les y exciter, c’eft la perte que nous venons de faire de M.
Gray ; il étoit prefque le feul en Angleterre qui fuivit cet
objet, nous lui devons les plus finguliéres découvertes qui
- ayent été faites en ce genre, & tous ceux qui aiment véri-
tablement la Phyfique, doivent le regretter infiniment ; il
étoit uniquement occupé de ce qui pouvoit lenrichir de
nouvelles obfervations, & il a continué fon travail jufqu’à
fa mort, ayant mème confié, en mourant, à M. Mortimer
où Pres A
mes TS ten CES 87
ce qu'il avoit découvert fur l'Electricité depuis ce que lon
en trouve dans l'endroit des Tranfaétions Philofophiques
que je viens de citer, & dont je vais rendre compte en peu
de mots.
M. Gray a la bonté de dire que ce font les découvertes
que j'ai faites, & dont il a Iü l'extrait dans une Lettre que
Javois écrite à M. le Duc de Richmont, qui a été depuis
traduite en Anglois, & inférée dans les Tranfaétions Philo-
fophiques, N.° 43 1, qui l'ont mis fur les voyes & dans le
chemin des expériences dont il va rendre compte. I] rapporte
enfuite qu’il a vérifié ce que j'avois dit au fujet des Etincelles
brûlantes ou picquantes que lon fait fortir du corps d'un
Enfant fufpendu fur des cordes de foye, ou monté für un
gâteau de réfine, ou quelque autre corps électrique. On fe
fouvient que j'ai dit dans mon troifiéme Mémoire, que pour
faire fortir ces étincelles, il ne falloit qu'approcher du corps
de l'enfant le tube rendu électrique, & qu'enfüite, lorfqu'on
y touchoit avec la main, où qu'on ne faifoit fimplement que
Fapprocher à cinq ou fix lignes de diftance, l'étincelle fortoit
du corps de l'enfant ; mais que cela n'arrivoit pas de même
lorfqu'on touchoit l'enfant avec un corps inanimé, comme
-du bois, de la foye, de da laine, &c. que cependant fi on
le touchoïit avec un morceau de quelque métat que ce für,
Fétincelle fortoit comme elle auroit fait avec la main, ce qui
montroit entre les métaux & les corps animés une analogie
que l’on n’auroit pas foupçonnée. C'eft cette conformité fi
fmguliére entre deux matiéres fr différentes qui, fuivant que:
le dit M. Gray, l'a conduit à porter fes recherches de ce
-côté-l. De ce qu'un morceau de métal étoit capable de faire
fortir l’étincelle du corps de l'enfant, comme auroit fait Ia
-main d’une autre perfonne, M. Gray a conclu qu'il pourroït
“arriver la même chofe, en fufpendant fur les cordes de foye
» une barre de métal à la place de l'enfant, & y touchant en-
fuite avec la main, après avoir rendu la barre éleétrique par
1 Tapproche du tube, & il a trouvé par l'expérience que fa
… conjecture étoit véritable, ce qu'il éprouva avec une pelle,
88 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
une pincette, un fourgon, & quelques autres inftruments
femblables.
M. Gray, qui fuit l'ordre des dattes dans le récit de fes
expériences , rapporte enfuite ce qu'il obferva avec M,
Wheler, après avoir fufpendu fur les cordes de foye un gros
homme & un coq vivant, & il adjoûte qu’il n'arriva rien
que de conforme à ce que j'avois dit dans ma Lettre ; ils
firent tuer le coq, & il n’y eut aucune différence dans l'expé-
rience ; mais ayant mis fur les cordes un morceau de bœuf
tué depuis deux jours, l'étincelle & le picotement furent
beaucoup moindres.
M. Gray & M. Wheler mirent enfuite une barre de fer
fur les cordons, & ayant appliqué le tube à l’une des extré-
mités de cette barre, il parut de la lumiére tant à l'extrémité
voifine du tube qu’à l'autre, & même le Iong de la barre,
& cette lumiére étoit accompagnée, au moment de l’appro-
che du tube, d’un petit bruit que M. Gray compare à un
filement, & que je ne puis gueres exprimer, qu'en difant
wil reflemble aflés à celui que l'on entend lorfque l'on
brûle des cheveux. On juge bien que pour voir cette lumiére,
il faut que l'expérience foit faite dans l’obfcurité, je l'ai cepen-
dant quelquefois vüe au grand jour, & alors la lumiére paroît
violette ou pourpre.
M. Gray voulut voir quel changement réfulteroit de fa
différente figure des barres, & il les fufpendoit tantôt fur des
foyes, tantôt il les poloit fur des gâteaux de réfine, de lacque,
ou des cylindres de verre, ce qui ne change rien dans toutes
les expériences de l'électricité, comme je l'ai remarqué ailleurs.
Lorfqu'après avoir appliqué le tube à l'une des extrémités,
ou au milieu de ces barres, on préfentoit le doigt ou la jouë
à l’autre extrémité, il en fortoit cette étincelle brülante dont :
nous avons parlé ; mais on la fentoit beaucoup plus vivement
lorfqu'on la faifoit fortir de l'extrémité Ja plus groffe d’une
des barres que par l'autre extrémité qui alloit en pointe, en
forte que la plus grande mafle contribuoit à augmenter la
quantité, la vivacité & la force de la lumiére. S'étant un
une
1
€
:
ni
| DAESU20 IC E'NTCONErS 89
. d'une boule de fer de deux pouces de diametre, & foûtenuë
. fur un pied de verre, il parut de la lumiére, mais il n’y eut
| ‘aucun picotement fenfible,
+ Ayant pofé une barre de quatre pieds de long dans une
_ fituation horifontale, & Fayant fait toucher par un de fes
bouts à la boule dont nous venons de parler, il a approché
le tube de la barre, & appliquant la main ou la jouë à la
_ boule, la lumiére a été plus vive & le picotement plus fort
que dans aucun des autres cas ; on juge bien que tant la
barre que la boule étoient foûtenuës par des matiéres conve-
nables pour ne pas détourner les écoulements électriques.
M. Gray éloigna un peu la barre de Ja boule, & quoiqu'il
ait porté cet éloignement jufqu’à un pouce, l'effet a été très-
peu différent de ce qui arrivoit lorfqu'elles fe touchoient.
La barre de fer reftant dans la même fituation horifon-
tale, M. Gray a difpofé une plaque de cuivre ronde fur un
autre pied ou gueridon, en forte que l'extrémité de Ia barre
füt environ à un pouce du centre de la plaque ; il y eut
de même des étincelles & des picotements, mais moindres
qu'avec la boule, & tels à peu-près que ceux qui étoient
produits par des barres pointuës par leurs extrémités. On
voyoit aufli une lumiére qui alloit de la barre au centre de
Ja plaque, lorfqu'on appliquoit le doigt de fautre côté vers
- ce centre; un plat d'étain a fait à peu-près les mêmes effets.
_ Ayant mis le plat dans une fituation horifontale, & l'ayant
rempli d’eau, le picotement s’eft fait fentir en approchant le
. doigt des bords du plat, & ft on lé mettoit au deflus de la
… furface de l'eau, elle s'élevoit vers le doigt, formant une
- efpece de monticule qui crevoit enfuite , & retomboit avec
… um éclat fenfible, & faifant des ondulations, comme nous
» avons dit ailleurs que cela arrivoit lorfqu'on approchoit le
» tube de la furface de l'eau contenuë dans une foûcoupe de
“porcelaine, & foûtenuë fur un gueridon de verre. Alors
rétoit le tube électrique qui attiroit la furface de l'eau, &
ans cette derniére expérience de M. Gray, le vafe & l'eau
y eff contenuë, ayant été rendus électriques par l'approche
. n Men. 1737. M
o MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
du tube, l'eau fe porte vers les corps qui ne le font point,
ce qui eft conforme au principe que j'ai établi, &c qui a été
jufqu'à préfent confirmé par toutes les expériences qui font
venuës à ma connoiflance.
M. Gray a mis un plat de bois fur un fupport de réfine,
& après en avoir approché le tube, il y a préfenté le doigt,
il a paru de a lumiére, mais il n'y a eu ni petillement ni
picotement, c’eft ce que j’avois obfervé à l'égard de tous les
corps inanimés, & que j'ai rapporté dans mon troifiéme Mé-
moire. Ayant mis de l’eau dans le plat de bois, la lumiére
a été plus grande, mais fans picotement ; cependant ayant
approché le tube à quelques pouces du doigt, qui étoit près
de la furface de l'eau, lon a entendu le petillement, & le
doigt a été frappé comme dans l'expérience faite avec le plat
d'étain. M. Gray conclut de toutes les expériences rapportées
dans cette Lettre, que lon peut produire par la communi-
cation de l'électricité une flamme actuelle avec une explofion
& une ébullition dans l’eau froide, dont à la vérité les effets
ne font actuellement connus qu'en petit, mais dont il ne faut
pas defefpérer d’en trouver de plus confidérables, fi on peut
parvenir à en augmenter la caufe ; il finit, en difant que le
tonnerre & les éclairs paroiflent tenir beaucoup de la nature
de ce feu, ou de cette lumiére électrique.
J'ai executé avec foin toutes ces expériences, elles m'ont
réufli de Ja même maniére qu'à M. Gray, & j'ai remarqué
de plus que non feulement cette étincelle brülante ou pic-
quante fort d’un morceau de métal fufpendu fur des cordons
de foye, & rendu électrique par le tube lorfqu’on en appro-
che la main ou le vifage, mais qu’elle fort pareillement fr
on en approche un autre morceau de métal quelconque, ce
qui confirme de plus en plus cette analogie fi finguliére que
j'ai trouvée entre les métaux & les corps animés. Ayant refait
ces expériences un grand nombre de fois, j'ai cru remarquer
quelque différence entre l'effet d’un corps animé & celui
d'un morceau de métal fufpendu fur les cordons, ce dernier
m'ayant prefque toüjours paru donner des étincelies plus
DEN S US ACAE MNT GET S. K
brillantes, mais moins picquantes ; il eft vrai que la diffé-
rence n'eft pas bien confidérable , & qu'elle vient peut-être
de ce que l'électricité a plus de force dans un temps que dans
-un autre, & que même ce changement arrive quelquefois
d'un moment à l'autre, foit qu'il vienne du papier, ou des
autres matiéres dont on fe fert pour frotter le tube, foit que
cela foit caufé par la tranfbiration du corps de celui qui frotte
le tube pendant long-temps, ou que cela vienne de quelque
autre caufe ; ce qu'il y a de vrai, c'eft qu'il m'a paru que
pour l'ordinaire l’on fentoit plus vivement les étincelles qui
fortoient d’un corps animé, & qu'au contraire celles qui for-
toient des métaux étoient plus brillantes.
Les demi-métaux, comme le Zink, le Bifmuth, l’Anti-
moine, font pareillement fortir des étincelles tant des corps
animés que des métaux ; l’Aiman fait aufli le mème effet,
mais toutes les autres matiéres, comme le bois, la paille, les
étoffes, les pierres communes ou précieufes , lambre, les
corps électriques de toute nature, enfin tout ce que j'ai re-
marqué qui ne faifoit pas fortir les étincelles du corps vivant,
ne les fait pas non plus fortir des métaux , & lorfque lon en
‘approche ces matiéres, il paroït une lumiére vive, mais
douce & tranquille, & qui n'eft point picquante, enfin telle
que j'ai dit ailleurs qu'il en fortoit d'un fagot, d'une botte
de paille, d'un animal mort, &c. fufpendus fur des cordons
de foye, & rendus éleétriques par l'approche du tube. Tous
ces faits n’ont rien qui ne s'accorde avec les principes établis
dans mes Mémoires précédents, & même que l'on n'eût pû
+ F5 en faifant l'application de ces principes ; c'eft cette
‘application de principes qui a fait juger à M. Gray, comme
nl le dit lui-même, que les métaux fufpendus, comme ül
convient, feroient le mêmeeffet que les corps animés. Quoi-
"que j'eufle découvert le principe, cette conféquence m'avoit
échappé, & il n'eft point étonnant que cela arrive dans un
- fujét auffi vafte que l'eft la recherche des phénomenes de
É pi électricité,
. "J'ai voulu voir s'il n'étoit pas poflible de réduire en feu
M ïi
»
#
92 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
actuel & brûlant cette étincelle qui fort tant des corps ani-
maux que des métaux, & qui caufe une fenfation très-mar-
quée lorfqu’elle vient frapper quelque partie du corps ; quoi-
que je n'aye pas pù y parvenir jufqu'à préfent, je crois qu'il
eft à propos de rapporter les tentatives que j'ai faites , afin
que ceux qui auroient envie de fuivre cette recherche, ne
fe donnent pas une peine inutile à refaire les mêmes expé-
riences, ou que du moins s'ils les font, ils foient avertis par
mon exemple de prendre des précautions auxquelles je puis
n'avoir pas penfé, & à l’obmiflion defquelles je dois peut-
être attribuer le peu de fuccès que j'ai eu.
J'ai cru devoir d’abord m'affürer fi tous les métaux étoient
doués au même degré de cette propriété de produire des
étincelles picquantes, & pour le faire avec toute l'exactitude
que je croyois néceflaire, j'ai pris fept cylindres plats &
égaux en diametre & en épaifleur , & de métaux différents;
fçavoir, d'Or, d'Argent, de Cuivre rouge, de Cuivre jaune,
de Plomb, d’Etain & de Fer; les ayant ajuftés de façon qu'ils
puffent s'appliquer les uns aux autres, en forte que tous leurs
axes fufient fur fa même ligne, ou plûütôt qu’ils ne formaffent
qu'une feule ligne, je les aflujettis en cet état avec un peu
de cire appliquée à une petite partie de leur circonférence,
de maniére qu'ils ne faifoient qu'un cylindre ; je pofai ce
cylindre compolé des fept petits fur une barre de fer fufpen-
duë fur des cordes de foye, dans telle fituation que fon axe
étoit parallele à l'horifon, & coupoit à angles droits celui
de la barre ; j'approchai alors le tube de la barre pour la
rendre électrique auffi-bien que le cylindre qui étoit pofé
deflus, & je préfentai enfuite mon doigt à ce cylindre pa-
rallelement à fon axe, afin que mon doigt fût également près
de chacun des fept métaux, & pour voir fi létincelle ne
fortiroit pas plûtôt de l'un de ces métaux que des autres, ce
qui m'auroit fait juger que ce métal auroit été le plus propre
de tous à produire ces étincelles picquantes, mais je ne püs
remarquer aucune différence fenfible, & ayant recommencé
l'expérience un très-grand nombre de fois, l’étincelle fortit
DO SI GATE NEC Ets 93!
toûjours indifféremment , tantôt de l'un & tantôt de l'autre
de ces métaux ; & même changeant les métaux de place,
en forte qu'ils fe trouvoient fucceflivement au milieu, ou
aux extrémités de ce cylindre compolé des fept autres, je
n'ai remarqué aucune différence fenfible.
S'il füt forti des étincelles d’un métal plûtôt, de plus loin,
ou plus abondamment que des autres, ou que j'eufle re-
marqué quelque différence dans la fenfibilité des picotements,
j'aurois effayé de mettre ce cylindre fur des barres de diffé-
rents métaux, & enfin fur différentes matiéres ; mais ayant
remarqué le même effet dans tous les métaux, je n'ai pas
cru qu'il y eut rien de particulier à attendre des divers corps
fur lefquels on poferoit ce cylindre. 2
Je pris enfuite à la main ce cylindre des fept métaux, &
ayant fait rendre la barre de fer électrique par le moyen du
tube, j'approchai ce cylindre de laBarre, de maniére que
tous les métaux en fuflent également proche, il fortit à
chaque fois que je répétai l'expérience, une, ou quelquefois
plufieurs étincelles de la barre, qui vinrent frapper quelqu'un
des métaux du cylindre, mais ce fut avec autant de variété
que dans l'expérience précédente ; en forte que quoique la.
barre fût de fer, l’étincelle n’alla pas plus fouvent frapper le
cylindre de fer qu'aucun des autres, ce que j'obfervai avec
beaucoup d'attention, & d'autant plus de facilité, que ces
étincelles font aflés brillantes pour pouvoir être très-bien
diflinguées pendant le jour, qui eft néceflaire dans ces expé-
+ riences pour pouvoir s'aflürer vers lequel de ces cylindres va
_ fe diriger l'étincelle. |
“ Voyant que tous les métaux faifoient à peu-près le même
effet par rapport à la lumiére , il étoit à propos d'examiner
- sil n’y auroit pas quelque différence par rapport à l'éleétri-
… cité confidérée dans fa faculté attractive ; pour cet effet,
… après avoir polé fur la barre de fer le cylindre entier dont
… je viens de parler, & avoir rendu l’un & Fautre électrique
— par le moyen du tube, j'approchois de ce cylindre un fil
. délié, &le préfentant fucceffivement à chacun des cylindres
M iij
MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
de différent métal, dont ’affemblage formoit le gros cylindre,
j'examinois fi l'un w’attiroit pas le fil plus vivement ou de
plus loin que les autres, mais j'y trouvai la même égalité
que j'y avois reconnuë par rapport à la lumiére ; ainfi on
peut ètre aflüré que sil y a quelque différence entre les
métaux par rapport à l'électricité, cette différence eft fi
legere qu'elle n'eft pas fenfible, ou qu'elle confifte dans
quelques autres phénomenes de électricité qui ne nous font
pas encore connus.
M'étant donc aflüré de cette égalité pour les expériences
que j'avois deflein de tenter, je me füuis fervi d'une barre
de fer d’un pouce en quarré & de quatre pieds de long, elle
étoit, comme je l'ai dit, fufpenduë fur des cordons de foye
& ifolée, afin que rien ne pût détourner le tourbillon élec-
trique qui lui feroit communiqué par le tube. Je plaçai fur
l'extrémité de cette baïfe un morceau d’amadou préparé avec
la poudre à canon, & coupé très-mince ; je l'affujettis fur
la barre avec deux petits morceaux de cire ; ayant enfuite
rendu le tube bien éleétrique par le frottement, & la barre
par l'approche du tube, je préfentai le doigt à la partie de
la barre couverte d'amadou, mais il n’y eut point d’étincelle
picquante, & je ne vis même aucune lumiére pendant le jour.
Ayant refait l'expérience dans lobfcurité , il parut une fu-
miére lorfque j'approchois le doigt, mais ce n’étoit point
cette lumiére vive & étincellante qui fortoit lorfque je pré-
fentois le doigt à tout autre endroit de la barre, c'étoit une
lumiére douce, tranquille, uniforme, & qu'on ne fentoit en
aucune maniére fur la main. Je préfentai enfuite à l'amadou
un morceau de métal au lieu du doigt, & il arriva précifé-
ment la même chofe. J'enveloppai mon doigt, & enfuite
une piéce de métal, d’amadou pareil à celui qui étoit appli-
qué für la barre, & je préfentai fucceffivement lun & l'autre
tant à la barre nuë qu'à l'endroit couvert d’amadou , & l'effet
fut toûjours le même, c'eft-à-dire, qu’au lieu d’étincelle, il
ne parut que cette lumiére ou flamme dénuée de picotément
dont je viens de parler. On diroit, s’il eft permis de hazarder
à DE !S LS CAME N° C.E S.
“ quelques conjectures fur une matiére qui eft encore aufli
neuve, qu'il y a une atmofphere particuliére qui environne
| tant les métaux que les corps animés, que cette atmofphere
retient, pour ainfi dire, la matiére électrique répanduë au-
tour de ces corps par l'approche du tube, que lorfqu'on
porte dans cette atmofphere un autre métal ou un autre corps
animé, la matiére électrique fort avec effort, avec violence
& avec bruit de cette premiére atmofphere qui la retenoit,
pour pafler dans celle qu’on lui préfente, & que c’eft cette
éruption & le paflage d’une atmofphere dans l'autre, qui fe
manifefte fous l'apparence de cette étincelle picquante que
nous voyons, & que nous fentons. Si au contraire on pré-
fente à la barre un corps dénué d'une pareille atmofphere,
la matiére électrique va s'appliquer fans effort à ce corps
autour duquel je fuppofe qu'il n’y a point d’atmofphere à
pénétrer, & de-là cette lumiére tranquille, fans éclat, ni
percuffion.
On juge bien que je ne donne pas cela pour l'explication
. des faits dont je viens de rendre compte, & je crois être
. encore bien loin de Ia trouver, cependant j'ai cru pouvoir
… hazarder ce peu que j'en viens de dire, parce que cela ne
laifle pas de donner une idée de la maniére dont les chofes
peuvent fe pafler, & ne s'accorde pas mal avec l'expérience
que je vais rapporter.
J'ai mis fur la barre de fer fufpenduë horifontalement à
… l'ordinaire, des aiguillées égales en longueur de foye, de fil,
… de laine & de coton ; elles étoient éloignées de fix pouces
ne de l'autre, & les bouts de chacune étoient auffi longs
un que l'autre de chaque côté de la barre. J’approchai du
- bout de la barre le plus éloigné de ces aiguillées le tube
+ rendu électrique, tous ces filets le devinrent auffi-tôt, &
. par conféquent s’écarterent les uns des autres, & fe repouf-
rent, ainfi que je l'ai obfervé ailleurs ; f1 chacune de ces
natiéres eût été auffi fufceptible de l'électricité Fune que
d'autre, tous ces filets fe feroient écartés à peu-près égale-
ment, ou du moins la différence ne feroit venuë que de ce
96 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
que les uns auroient été plus près que les autres de la partie
de la barre à laquelle j'appliquois le tube, mais on remar-
quoit une différence confidérable & très-fenfible , car les
deux bouts de laiguillée de fil fe font beaucoup plus écartés
Jun de l'autre que n’ont fait la foye, la laine & le coton ;
ce dernier eft celui dont les bouts fe font le plus écartés
après le fil, la foye enfuite, & enfin la laine eft celle dont
les bouts ont demeuré les plus proche l'un de l'autre ; on
conçoit aflés que ce différent écartement vient de ce que la
matiére électrique fe réunifloit plus abondamment autour
des uns de ces filets qu’autour des autres, ce qui leur don-
noit plus de force pour fe repouffer ; je me fuis bien affüré
que cela ne venoit pas de ce que les uns étoient plus près
que les autres de lune des extrémités de Ja barre, car je les
ai changés plufieurs fois de place, & le fuccès a toüjours été
le même, en forte que ces matiéres contractent réellement
plus d'électricité l'une que l'autre dans l'ordre fuivant, fçavoir
le fil, le coton, la foye & Îa laine. Je n'entre point dans
les différences qui peuvent fe rencontrer dans la variété des
couleurs de ces matiéres, parce que ce point a été traité
amplement dans mon troifiéme Mémoire ; mais j'obferverai
feulement que celles qui s’impregnent d’une plus forte élec-
tricité, ce que l'on juge par l'écartement de leurs filets, font
auffi celles qui font le plus vivement attirées lorfqu’on.en
approche le tube, ainfi le fil eft attiré le plus fortement de
tous, & Ja laine l’eft le moins.
M'étant aflüré que le fil étoit la matiére qui convenoit le
mieux au deflein que j'avois, j'en mis une aiguillée fur la
barre de fer, & lorfque la barre fut devenuë électrique par
la préfence du tube, & que par conféquent les deux brins de
fil ayant partagé fon électricité, s'étoient fortement écartés
Jun de l'autre, j'approchai mon doigt de Ia barre, j'entendis
fur le champ l'étincelle partir, & je la fentis frapper mon
doigt ; je vis alors, & dans le même inftant, les deux bouts
de fil fe rapprocher l’un de l'autre avec une efpece de fecouffe
qui paroifioit produite par l’éruption de l'étincelle. Cette
expérience
DES SCIENCES. 97
‘expérience eft fi facile que je la recommençai un grand
nombre de fois, & il arriva toüjours la même chofe; lorfque
je ne tenois mon doigt qu’à une certaine diftance de la barre,
‘comme d'un pouce ou un pouce & demi, l’étincelle ne
‘partoit point, &les deux brins de fil demeuroient écartés ;
mais fi-tôt que j'approchois mon doigt plus près, & que
l'étincelle fe faïfoit entendre & fentir, les fils étoient fubi-
tement, & comme par effort, portés l’un vers l'autre.
Il arrive quelquefois qu'il fort deux étincelles de fuite du
-même endroit de la barre, ce qui vient de ce que la pre-
miére n’a pas emporté ou diflipé la totalité du tourbiilon
électrique ; alors quoique les deux brins de fil ayent eu une
premiére fecoufle qui les a un peu rapprochés l’un de l'autre,
ils s'en tiennent encore néantmoins un peu écartés, parce
qu'il leur refte encore affés d'électricité pour fe repouffer l'un
Yautre, & ils fubfiftent dans cet état jufqu’à ce que la feconde
étincelle les en ait dépouillés entiérement ; les métaux font
précifément le même effet que le doigt dans cette expérience
comme dans les autres, ainfi on peut {e fervir indifféremment
de lun ou de l'autre.
Si au lieu de la main ou des métaux, on applique à la
barre de fer électrique un morceau de bois, d’yvoire, ou
quelque autre de ces corps qui n’en font point fortir d’étin-
celles, l'électricité de la barre, & par conféquent celle des
fils, fera pareïllement enlevée, mais ce fera d’une maniére
toute différente; ces fils écartés fe rapprocheront lentement,
fans fecoufle & fans effort, & il s’écoulera quatre ou cinq
fecondes avant qu'ils foient retombés dans une fituation
perpendiculaire, ce qui dénote qu'ils font alors entiérement
“dénués d'électricité.
» C'eft ce fait que j'ai obfervé plufieurs fois avec foin, qui
m'a fait penfer à cette atmofphere que j'ai fuppofée plus haut,
* qui environnoit les métaux & les corps animés; mais, je le
répete, je ne donne cette idée que comme une conjecture
… vague & des plus légeres, que je promets d'abandonner à fa _
. moindre objeétion plaufible, ou fi-tôt qu'il fe rencontrera
Mem. 1737:
98 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
quelque expérience avec laquelle il ne fera pas poffible de
la concilier.
Une aiguillée de fil pofée fur une barre de fer fufpenduë
par des cordons de foye, préfente l'idée de la plus fimple
de toutes les expériences, cependant elle peut fournir de
fujet à des méditations profondes, & elle fert à confirmer
la plüpart des principes que j'ai établis dans mes Mémoires
précédents, tant fur la communication de l'électricité & fes
effets de répulfion & d'attraction , que fur la réalité des deux
genres d'électricité, fçavoir la Vitrée & la Réfineufe. Elle
{ert auf à connoitre fi la force de l’éleétricité eft plus ou
moins grande, ce qui eft très-commode dans fa pratique de
toutes ces expériences ; il ne s’agit pour cela que de pofer
fur la barre le bout de fil, comme nous l'avons dit, on verra
pour lors les deux bouts qui pendent librement d’un côté
& de l'autre de la barre s’écarter l'un de l'autre avec plus ou
moins de force, & former un angle plus ou moins grand,
fuivant que la barre aura reçû du tube plus ou moins de
vertu électrique, & cela fera connoître d’une maniére affés
exacte, le degré de force de l'éle&ricité, de forte que l'on
pourra choifir le temps & les circonftances les plus favorables
pour les expériences qui demandent la plus forte électricité,
telles que font celles qui concernent la lumiére, ou la com-
munication le long d’une corde ou d’un autre corps continu.
H arrive auffi dans cette expérience quelques phénomenes
qui demandent une attention particuliére ; par exemple, fr
Ton préfente à ces fils, déja imbus d'électricité par leur
contiguité à la barre, le tube aufli éleGtrique, il les repouffe
d’abord, & en cela il n’y a rien que de conforme à ce que
nous avons établi ailleurs; mais fi l'on approche le tube de
plus près, ou que fimplement on le laïffe pendant quelques
fecondes à la même diftance, il attire ces mêmes fils qu'il
vient de repouffer, de même que le pole d’un aimant repouffe
de pole de même nom d’une aiguille aimantée, & que néant-
moins il V'attire enfuite fi on l'en approche de fort près ;
arrive dans ce cas-ci à peu-près la même chofe, comme fr
Di DES SC1ENcCErESs. 9
l'électricité que les fils ont acquife de la barre étoit trop
foible pour réfifter à celle du tube, qui en effet eft beaucoup
plus forte, d'autant qu’elle fe renouvelle à chaque inftant
pendant un efpace de temps affés confidérable, au lieu que
celle de fa barre & des fils-va toùjours en s’affoiblifiant
depuis le moment qu’elle leur. a été communiquée, ce que
Yon voit clairement par le rapprochement des fils qui fe fait
très-fenfiblement, & ne dure pour l'ordinaire que pendant
environ une minute, jufqu'à ce que les fils foient devenus
perpendiculaires, & n'ayent aucun mouvement lorfqu'on en
approche le doigt. : RE nus Fret
+ Cette maniére de connoître la force & la durée de l’élec-
tricité, donne encore un moyen für de juger quels font les
corps les plus propres à foûtenir la barre pour qu'elle con-
ferve long-temps fa vertu, & qu’elle en acquierre le plus
qu'il eft poffible ; ce que j'ai trouvéde meilleur, & que j'avois
jugé devoir l'être, eft de la fufpendre à deux tubes de verre
bien fecs, & même rendus électriques, ils font plus propres
que toute autre chofe à repouffer l'électricité communiquée
à la barre, & par conféquent à l'y faire demeurer plus long-
temps.
-. On juge bien par ce que nous avons dit des deux éleri-
cités, que les fils pofés fur la barre électrique, font attirés
par un cylindre de cire d'Efpagne, un morceau d'ambre &
toute autre matiére femblable, & cela arrive en effet; mais
je n'ai pas pû communiquer à la barre & aux fils l'électricité
réfineufe en affés grande abondance pour produire des
… étincelles, ni même pour faire que les fils Sécartaflent bien
fenfiblement lun de l'autre, ce qui prouve que l'éleétricité
réfineufe eft fort inférieure en force à l'électricité vitrée; je
Favois déja remarqué dans d’autres occafions, mais je ne
croyois pas que la différence fût auffi confidérable. Cette
.… grande inégalité rend raifon de quelques variétés qui arrivent
. quelquefois dans ces expériences ; j'ai, par exemple, vû
arriver une fois qu'une feuille d’or repouffée par le tube,
Y'étoit auffi par un cylindre de cire d'Efpagne, cela ne dura
Ni
100 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE
qu'un moment, & ayant bien nettoyé la furface de ce cy-
lindre, & l'ayant frotté de nouveau, il attira la feuille comme
cela devoit arriver naturellement. Je ne puis rendre raifon
de ce fait, qu’en difant que le cylindre de cire d'Efpagne
n'avoit contracté qu'une très-foible électricité réfineufe à
caufe de quelque graifle ou humidité qui étoit fur fa furface,
& qu'au contraire il avoit acquis, pour avoir été approché
du tube, une électricité vitrée qui lui faifoit repoufler les
mêmes corps qui l'étoient par le tube ; ayant enfuite bien
nettoyé fa furface, & excité fon électricité naturelle qui étoit
réfineufe, il a produit l'effet que l'on devoit en attendre.
Je n'ai pas voulu obmettre cette petite irrégularité, quoi-
que je ne l'aye éprouvée qu’une feule fois, parce que je fuis
perfuadé qu'on ne fçauroit rapporter trop fcrupuleufement
ce qui arrive de fingulier dans les expériences, fur-tout
lorfque cela paroït ne pas s’accorder avec les principes que
Jon a envie d'établir ; car fi les principes font vrais, la caufe
de ces irrégularités fe découvrira tôt ou tard, & fi l'on n'a
conçü l'idée de ces principes que fur des expériences mal
faites ou mal appliquées, ce que l’on peut faire de mieux
& de plus utile pour la Phyfique, efl de mettre les autres
fur la voye d'en découvrir la fauffeté, en rapportant les faits
tels qu'on les a obfervés.
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SUR UNE NOUVELLE ENCRE
F D TT MO PEA PUF OUT,
À l'occafion de laquelle on donne quelques effais d'Analyfe
des Mines de Bifinuh, d'Azur à d’Arfenic
dont cerre Encre eff la teinture.
Par M. HELLOT.
PREMIÉRE PARTIE.
O N appelle Encre fympathique, toute liqueur avec laquelle
on peut écrire fans que les caraétsres paroiflent, en forte
qu’ils ne font lifibles que lorfqu’on a employé quelque moyen
qui leur donne une couleur différente de celle du papier.
Il y a plufieurs efpeces de ces Encres dont on trouve des
defcriptions dans quelques ouvrages de J. B. Porta, dans
Caneparius, dans Rabelais *, dans les Tranfactions Philofo-
‘phiques, dans les additions de M. Mufichenbroek aux expé-
riences de l’Académie de Florence, dans la Chymie de feu
-M.Lémery, & dans plufieurs Livres de Secrets imprimés
en Latin, en François, en Allemand.
Toutes ces Encres fympathiques, qui font connuës, peu-
-vent être diftribuées en différentes clafies, fuivant les diffé-
-rents moyens dont il faut fe fervir pour les faire paroître, &
ces moyens fe réduifent ordinairement aux quatre fuivants.
Faire pafler une nouvelle liqueur, ou la vapeur d'une nouvelle
Jiqueur, fur l'écriture invifible ; c’eft la premiére clafe.
Expofer la premiére écriture à l'air pour que les caracteres
Je teignent ; c'eft la feconde clafie.
Paffer légerement fur l'écriture une matiére colorée réduite en
poudre fubtile ; c’eft la troifiéme.
ÆExpofer l'écriture au feu ; c'eft la quatriéme claffe, ou le
"quatriéme moyen, qui eft en même temps le moyen général
Ni
4 Mai
1737°
* Liv. 2,
chap. 24.
102 MEMOIRES/DE L'ACADEMIE ROYALE
par lequel on peut s'aflürer f1 dans une Lettre qu'on foup-
çonne, il n’y a point une écriture cachée,
Mais tout ce qu'on a écrit avec ces Encres fympathiques
ne difparoît plus, dès qu'une fois on a rendu les caracteres
lifibles, à moins qu'on ne pafle deflus une nouvelle liqueur.
L’Encre {ympathique, dont il s'agit dans ce Mémoire, eft
d'une autre efpece. Les caracteres qu'on a tracés avec cette
liqueur, ne paroiflent (lorfqu'on a confervé le papier dans
un lieu fec) qu'en lui donnant un certain degré de chaleur.
Si on le laifle refroidir, ces caraéteres difparoiflent : qu’on
le chauffe de nouveau, ils font lifibles comme la premiere
fois, & ces alternatives d'apparition & desdifparition fe
répetent & durent très-long-temps, toüjours les mêmes, &
fans altération de fa couleur, quand la teinture a été tirée
d'une mine bien choilie.
Comme aucune des Encres fympathiques des claffes pré-
cédentes n’a les propriétés de celle-ci, on da doit diftinguer,
& en faire une cinquiéme dclafle, dans laquelle on pourra
peut-être faire entrer un jour d’autres efpeces de liqueurs qui
auront les mêmes propriétés.
Mais pour établir plus fenfiblement les différences dont
J'ai à parler, j'ai cru qu'il n'étoit pas inutile de donner dans
ce Mémoire quelques exemples des Encres fympathiques des
quatre premiéres claffes. CI
Dans la premiére, où l'on met les Encres qui ne paroiflent
que par l'application d’une nouvelle liqueur, ‘eft celle dont
feu M. Lémery a donné le procédé dans fa Chimie, On écrit
avec une impregnation de Saturne, c'eft-à-dire, avec une
diflolution de Litarse ou autre chaux de plomb dans le
vinaigre diftillé ; l'écriture, étant féchée à l'air & non au feu,
ne paroît point. On pañle deffus un pinceau trempé dans une
diflolution d'Orpiment faite par l'eau de chaux, ou bien on
ui en fait recevoir la vapeur, l'écriture paroït auffi-tôt,
d'abord jaune, & enfuite noire. On peut l'effacer en paflant
“deflus une troifiéme liqueur qui foit acide, comme del'Eau-
#orte où de l'efprit deNitre. Enfin on la fera reparoître, fi
ne
ADI EESET ÉOLIEN CRIE: IN 108
après avoir laiffé fécher le papier, op pafle deflus Ja même
difiolution d'Orpiment. On voit aifément que tous ces
effets font dûs aux précipitations &aux diffolutions qui fe
fuccedent. Hhilos sf |
Autre exemple de Ja premiére claffe. On fait diffoudre
dans de l'eau-régale tout Or qu'elle peut difloudre, & lon
affoiblit cette diflolution. par cinq ou fix, fois autant d'eau
commune. On fait. difloudre.à part de FEain fm dans de
l'eau-régale : lorfque de diflolvant en eft bien chargé, on y
adjoûte une mefure égale d’eau commune.
Ecrivés avec la diflolution d'Or fur du papier blanc;
laiflés-le fécher à l'ombre, & non au foleil, écriture ne
paroïtra pas, du moins pendant les fept ou huit premiéres
heures. Trempés un pinceau dans la diflolution d'Etain, &
paflés ce pinceau fur l’écriture d’or, dans le moment elle
“paroîtra de couleur pourpre.
Les: autres métaux diflous par un même diffolvant, ne
font pas le même effet. À la vérité, l Argent fe précipite
lorfqu'on verfe fa diflolution fur du Cuivre, quoique l'eau:
forte foit également le diflolvant de ces deux métaux. Mais
lorfqu'ils ont été diffous féparément dans cet efprit acide, le
mélange des deux diflolutions ne produit aucune précipita-
tion, non plus que-les autres métaux, pourvû qu'ils ayent
été diflous dans le même diflolvant.
Ainfi F'eflet extraordinaire de FEncre fympathique d'Ox
- & d'Etaineft une exception à la regle générale, puifque
deux fübftances métalliques, difloutes chacune dans la même
eau-régale, changent de. couleur dans leur confufion fans
qu'on voye aucune fermentation. ee slobns :
= On peut effacer la couleur pourpre,de l'écriture d’or en
la moïüillant d'Eau-régale. On. la fera reparoïtre une feconde
fois, en repaffant deflus de la folution d'Etain. Kunkel dans
fon Art de la Verrerie, Caflius dans fon Traité de Or,
Orfchal dans fon Sol. fine weffe, rapportent des: expériençes
dont l'Encre,fympathique que. je viens de décrire eft une
conféquence. Ces.Auteurs ayoient pour objet, de trouver
À LL
104 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
le moyen de donner au Criftal faétice la couleur du rubis
oriental.
Je pourrois encore rapporter quelques exemples d'Encre
fympathique de cette premiére clafle, en les prenant même
dans le regne végétal, mais les deux précédents fuffifent : je
afle à la feconde.
Cette clafle comprend les Encres fympathiques dont
l'écriture invifible devient colorée en lexpofant à l'air.
Adjoûtés, par exemple, à une diffolution d'Or, dans l'eau-
régale, aflés d'eau pour qu'elle ne fafle plus de taches jaunes
fur le papier blanc. Ce que vous écrirés avec cette liqueur
ne commencera à paroître qu'après avoir été expolée au
grand air pendant une heure ou environ. L'écriture conti-
nuera à {e colorer lentement jufqu’à ce qu'elle foit devenuë
d'un violet foncé prefque noir.
Si au lieu de l'expofer à l'air, on a garde dans une boîte
fermée, ou dans du papier bien plié, elle reftera invifible
pendant deux ou trois mois, mais à la fin elle fe colorera,
& prendra la couleur violette obfcure.
Tant que lOr refte uni à fon diflolvant , il eft jaune;
mais l'acide de fon diffolvant étant volatil, la plus grande
partie s'en évapore, & il n'en refte que ce qu'il en faut pour
colorer la chaux d’or qui eft demeurée fur le papier.
La diflolution de l'Argent fin dans l’eau-forte, qu'on a
affoiblie enfuite par l'eau de pluye diftillée, comme on a
affoibli celle de l'Or, fait aufi une écriture invifible, qui
tenuë bien enfermée, ne devient lifible qu'au bout de trois
ou quatre mois ; mais elle paroït au bout d’une heure fi on
l’expofe au foleil, parce qu'on accélere l'évaporation de l'acide.
Les caracteres faits avec cette folution ‘font de couleur d’ar-
doife , parce que l'eau-forte eft un diflolvant toùjours un
peu fulphureux, & que tout ce qui eft fulphureux noircit
Argent. Cependant comme shine eft volatil, il
sévapore, & dès qu'il eft entiérement évaporé, les lettres
reprennent la véritable couleur de l'argent, fur-tout fr celui
qu'on a employé dans l’expérience eft extrêmement fin, &
fi l'expérience
MR Mr à MC
Cr 10
: DES SCIENCES. ïos
fi l'expérience fe fait dans un endroit exempt de vapeurs,
L On peut mettre encore dans cette clafle plufieurs autres
i diflolutions métalliques, comme du Plomb dans le vinaigre,
du Cuivre dans l’eau forte, qui donnent une couleur tannée
fur le papier; de l'Etain dans l'eau-régale, du Mercure dans
leau-forte, du Fer dans le vinaigre, de l'Emeril & de cer-
taines Pyrites dans Fefprit de fel, &c. mais toutes ces diflo-
È lutions qui à l'air avec le ternps, & au feu dans l'inftant,
{ donnent chacune leur couleur particuliére, ont le défaut de
4 ronger le papier, en forte qu'au bout d’un an ou environ
L l'écriture fe trouve à jour, & comme formée par des em-
: porte-piéces. )
| La troifiéme claffe :eft celle des Encres fympathiques dont
l'écriture invifible paroît en la frottant avec quelque poudre
‘brune ou noire. Cette claffe comprend prefque tous les Sucs
glutineux & non colorés, exprimés des fruits & des plantes,
le Laït des animaux , ou autres liqueurs grafes & vifqueules.
On écrit avec ces liqueurs, & quand l'écriture eft féche, on
fait pañfer deffus légerement & en remuant'le papier, quelque
terre colorée réduite en poudre fubtile, ou de la poudre de
‘charbon. Les caraéteres refteront colorés, parce qu'ils font
formés d’une efpece de glu qui retient cette poudre fubtile, :
* Enfm la quatriéme claffe eft celle de ces écritures qui ne
font vifibles qu’en les chauffant. Cette claffe eft fort ample,
& comprend toutes les infufions & toutes les diffolutions
dont la matiére diffoute peut fe brûler à très-petit feu, & fe
réduire .en une efpece de charbon. En voici un exemple qui
foffra. : “
+ Difflolvés un fcrupule de Sél ammoniac dans deux onces
. d'eau pure. Ce que vous écrirés avec cette folution, ne pa-
. roîtra qu'après Favoir chauffé fur le feu, ou après avoir pañfé
-deflüs un fer un peu chaud. Il ÿ à grande apparence que la
partie grafle & inflammable du Sel ammoniac fe brûle & fe
réduit en charbon à cette chaleur qui ne fuffit pas pour brûler
e papier. Au refle cette écriture étant fujette à s’'humecter
à l'air, elle s'étend, les lettres fe confondent, & au bout de
Mem. 1737. . O
106 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
quelque temps, elles ne font plus diftinguées ou féparées les
unes des autres.
L’Encre fympathique dont je vais parler, a des propriétés
plus finguliéres. Je la puis faire telle, qu'elle fera des quatre
claffes précédentes. Elle fera de la premiére, en ce qu'elle
ne paroîtra, fi je veux, qu’en paflant deflus une nouvelle
liqueur, ou la vapeur d’une autre. Elle fera de la feconde,
fi je tiens l'écriture expofée pendant quelques jours à l'air,
fur-tout à l'air humide. Elle fera de la troifiéme, fi je pañie
deflus une pouffiére colorée. Elle pourra être de la quatriéme,
c'eft-à-dire, qu'elle ne paroîtra qu’en l’expofant au feu ; & fi
on l'y tient aflés long-temps, elle ne difparoïtra plus. Enfin
elle fera la cinquiéme clafle dont j'ai parlé, en ce que d’in-
vifible elle deviendra d’un verd bleuâtre qui paroîtra & dif-
paroîtra tant que je voudrai. Jé l'aurai aufli, verte, bleuë,
jaune, colombin , incarnate & couleur de rofe, fuivant la
maniére de la traiter. C’eft ce qui va être éclairci par quelques
détails abfolument néceffaires.
* Je ne fuis pas le premier qui ai découvert Fune des pro-
priétés de la liqueur en queftion ( celle de paroître verd.-
bleuitre en la préfentant au feu ). Un Artifte Allemand de
Stolberg fit voir l'été dernier à quelques perfonnes de cette
Académie, un Sel couleur de rofe qui devenoit bleu en
Vapprochant du feu. Il montra la mine dont il tiroit la tein-
ture de fon Sel, il la nommoït minera marchaffitæ. C’eft le
nom qu'on donnoit autrefois à la mine de Bifmuth. Iadjoûta
que c'étoit la véritable mine d'Azur de Shnéeberg, & pré-
tendoit qu'il n’y avoit que cette mine dont on püt efpérer
une pareille teinture. On fçait que cette mine eff fort diffcile
à recouvrer, parce qu'il eft défendu d'en tranfporter hors du
pays, dont elle fait ia richefle. On y en fabrique le Safre &
T'Azur dont il fera parlé dans la fuite. Il avoüa qu'il tiroit la
teinture de cette mine par l’eau-forte, & qu’il la fixoit par
le {el commun. Cette déclaration fuccinte eft la bafe de ce
Mémoire ; c’eft tout ce que l'Artifte Allemand auroit droit
de revendiquer sil étoit l’auteur de la découverte.
ES
DES -SCTE NcCEs 107
Après avoir vû ce Sel, j'eflayai plufieurs efpeces de coboit,
mais alors fans réuffite, jufqu’à ce qu’en rifquant la tentative
fur une mine arfénicale que feu M. le Marèchal de Villeroy
avoit donnée à M. Geoffroy, j'eus un Sel qui avoit les
mêmes propriétés du Sel de l'Allemand. Sel au refte qu'un
Chymifte d'Hambourg, qui a eu quelques fâcheufes avan-
tures à la Cour du Roy de Prufle, a promené par toute
l'Allemagne, mais dont il n’eft pas non plus l'inventeur,
puifqu'on en trouve une efpece de defcription dans un gros
recueil de Secrets imprimés en Allemand.
Cette petite curiofité valoit la peine qu’on l'examinât, &
qu'on tichàt de découvrir d'où ce Sel tiroit une propriété
fr fmguliére : c'eft ce qui m'a engagé à travailler les diffé-
rents cobolts que j'ai pà recouvrer. M. de Reaumur & M.
Geoffroy m'en ont donné des morceaux de différents pays,
& j'en ai acheté chés plufieurs droguiftes. Malgré la négative
du Chymifte Allemand , j'ai tiré prefque de tous une teinture
qui fait l'effet de la mine de Shnéeberg. A la vérité aucun de
ceux que j'ai raffemblés ne réuffit mieux que la mine tenant
du Bifmuth donnée à M. Geoffroy par feus M." les Maref-
chaux de Villeroy & de T'allard : elle vient du Dauphiné; je
n'ai pü fçavoir de quel endroit. J'ai eu auffi chés un dro-
guifte upe mine qui m'a été venduë pour mine de Zinc; mais
qui eft une véritable mine de Bifmuth, dont j'ai tiré une aufi
belle teinture que des deux précédentes. è
Voici comme on prépare le Sel ou la liqueur dont il s’agit.
-J'indiquerai enfuite le moyen de reconnoître aflés vite la
mine qui donnera la belle couleur, & celle dont on ne tirera
qu'une teinture que jappelle fauffe ou changeante. |
On met en poudre groffiére la mine propre à donner Î
teinture. Sur deux onces de cette poudre;-on verfe un mé-
Jange de cinq onces d'eau commune & de cinq onces d’eau-
forte : on ne chauffe point le vaifleau jufqu'à ce que les pre-
miéres ébullitions foient pañlées : enfuite on le met fur un
bain de fable doux, & on l'y laifle en digeftion jufqu'à ce
qu'on ne voye plus de bulles d'air s'élever. Lorfqu'il n’en
O ji
108 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
paroît plus à cette chaleur, on l'augmente jufqu'à faire bouillir
légerement le diflolvant pendant un bon quart d'heure. II fe.
_ charge d’une teinture à peu-près de la couleur d'une bierre
rouge. La mine qui donne cette couleur à l’eau-forte eft la
meilleure. On laiffe refroidir la diflolution en couchant le
matras fur le côté, afin de la pouvoir décanter plus aifément,
lorfque tout ce qui. a été épargné par le diffolvant s’eft pré-
cipité. On tient encore incliné le fecond vaiffeau dans lequel
on a fait la premiére décantation, pour qu'il fe faffe un
nouveau précipité des matiéres non difloutes, & l’on verfe
la liqueur dans un troifiéme vaiffeau. I ne faut point filtrer
cette liqueur, fi l'on veut que le refte du procédé réuffiffe
bien, parce que l’eau-forte difloudroit quelque portion du:
papier, ce qui altéreroït la couleur de cette liqueur, que je.
nommerai dorefnavant émpregnation.
Quand on a cette impregnation bien clarifiée par trois ou
quatre décantations, on la met dans une caplule de verre avec
deux onces de fel marin bien net. Le fel blanc des marais
falans eft celui qui m'a le mieux réuff. A fon défaut, on
prend un fel de Gabelle ordinaire, purifié par folution , fil
tation & criftallifation ; mais comme il eft rare d’en trouver
qui ne contienne quelque teinte ferrugineufe, le fel blanc des
marais eft préférable. On met.la capfule de verre fur un bain
de fable doux, & on l’y tient jufqu'’à ce que ce mêlange fe
foit réduit par évaporation en une maffe faline prefque féche.
Si l'on veut en retirer l'eau-régale , il faut mettre lim-
pregnation dans une cornuë, y faire tomber le fel, & diftiller
à petit feu & au bain de fable. Je me fervois d'abord d'une
cornuë pour éviter l'odeur des vapeurs du diflolvant qui
s'évapore dans le vaiffeau découvert, mais il en réfulte un
petit inconvénient. C’eft que ne pouvant agiter la mafle fa-
Jine à mefure qu’elle fe coagule dans la cornuë, elle fe réduit
en un pain de fel coloré compaéte, qui ne préfente qu’une
feule furface à l'eau qui doit le difloudre, de forte que cette
diflolution dure quelquefois cinq à fix jours. Dans la capfule,
au contraire, on réduit la mafle faline en {el grainé, en
- SAGE A
BE S L'ANGLE C 48 Su 4 2 11 LE
l'agitant avec une baguette de verre. Aiïnfi grainé, il a beau-
coup plus de furfaces , il fe diflout plus aifément, & fournit
fa ieinture à l'eau en quatre heures de temps. A la vérité, on
eft plus expofé aux vapeurs du diflolvant, & ces vapeurs
feroient dangereufes, fi l'on faifoit fouvent cette opération
fans prendre de précautions.
Lorfque la capfule ou petit vaifleau qui contient le mé-
lange de l’impregnation & du fel marin eft échauffé, la liqueur
qui étoit d’un rouge orangé, devient rouge cramoifi, & quand
tout le flegme du diflolvant eft évaporé, elle prend une belle
couleur d'émeraude. Peu-à-peu elle s’épaifit, & pañle à {a
couleur fale du verd-de-gris en mafñle. Alors il faut avoir foin
de l'agiter avec la verge ou baguette de verre, afin de grainer
ce fel, qu'on ne doit pas tenir au feu jufqu'à ce qu'il foit
entiérement fec, parce qu'on courroit le rifque de perdre
fans retour la couleur qu’on cherche, comme cela m'’eft arrivé
deux fois. On s'apperçoit de cette perte, quand par trop de
chaleur le fel qui étoit verd pafle au jaune fale. En cet état,
il ne change plus en refroidiflant ; mais quand on a foin de
le retirer du feu lorfqu'il eft encore verd, on le voit. pâlir
peu-à-peu, & devenir d'un beau couleur de rofe à mefure
qu'il refroidit. |
On le détache de ce vaiffeau pour le faire tomber dans
un autre où l’on a mis de l'eau de pluye diftillée, & l’on tient
ce fecond vaifleau en douce digeftion, jufqu'à ce qu'on voye
que la poudre qui fe précipite au fond, foit parfaitement
blanche. Si au bout de trois ou quatre heures cette poudre
eit encore teinte de couleur de rofe, c'eft une marque qu’on
m'y a pas mis aflés d'eau pour difloudre tout le fl qui. a
enlevé la teinture de l'impregnation. En ce cas, il faut dé-
- canter la premiére liqueur teinte, & remettre de nouvelle
eau à proportion de ce qu'on juge qu’il peut être refté de fel
teint mêlé avec le précipité.
… Ordinairement quand la mine eft pure, & fans beaucoup
de fluor ou de quartz, telles que font les mines du Dauphiné
dont j'ai parlé, elle: fournit par once de la teinture pour huit
O ij
11260 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
à neuf onces d’eau, & la liqueur eft d’une belle couleur de lilas.
Si la mine eft cuivreufe, comme Îe font plufieurs mines
d'Azur & d’Arfénic, qui ne rendent point de Bifmuth aux
eflais, la liqueur fait bien fur le papier Feffet dont je vais
parler, mais elle eft de faufe couleur. C’eft-à-dire, que fr on
la regarde le jour devant la bouteille, elle paroït de couleur
de lilas fale : {1 on fe place entre le jour & la bouteille, elle
eft de couleur feüille-morte. Enfin fi on la regarde le foir à
Ra lumiére d’une bougie, elle eft verd-de-mer fale. On fçait
v’une infufion de bois néphrétique change auffi de couleur
diivant {a pofition où fe trouve la bouteille qui la contient,
ar rapport à la lumiére & à notre œil. n
L'effet de la liqueur à couleur faufe fur le papier, ne dure
pas fi long-temps que celui de la liqueur qui eft d’une cou-
leur conftante dans tous les fens où on la regarde. A [a quin-
ziéme ou feiziéme fois qu'on la préfente au feu, après l'avoir
laïflé refroidir à chaque fois, le verd-bleuâtre n’eft prefque
plus fenfible. Il y a pourtant un moyen de corriger ce défaut,
& il en fera parlé dans la feconde Partie de ce Mémoire.
Quand l'eau a enlevé toute la teinture de la poudre pré-
cipitée, quand cette poudre eff parfaitement blanche, lopé-
ration de l'Encre fympathique eft finie. Je la nommeraï dans
la fuite sinture, pour la diftinguer de l’impregnation.
L’Artifte Allemand m'a dit qu'il chargeoït de nouveau
cette teinture de fel marin , & qu'il la criftallifoit une feconde
fois. Mais fon objet étoit de préparer le remede que le Chy-
mifte d'Hambourg a mis pendant quelque temps en ufage
dans la bafle Allemagne, & depuis en Hollande, comme un
remede univerfel. Il ne s’agit que de faire digérer ce fecond
fel coloré dans de l’efprit ardent de rofes, pour avoir ce'te-
mede tant vanté, mais qui ne peut être employé fans rifque :
car on a beau précipiter l’Arfenic & le Bifmuth de cette
teinture ou de ce fel, par des additions répétées de fel marin,
le remede aura toûjours une origine fort fufpette.
On renouvdlle affés fouvent le débit & l'ufage de ces
fortes de remedes, & f1 M. Cluton ne s'eft point trompé dans
t
PTS E
Lenoi ee
an
press
pes SCIENCES. 111
V'analyfe qu'il a faite des Pilules de Ward, qui font tant de
bruit à Londres, il réfulte de fon examen qu’elles font com-
pofées de Verre d’Antimoine, de Safre & d'Arfenic. On peut
voir fur cela le Livre qu’il a publié Fannée derniére en An-
glois : il y a raflemblé tous les bons & mauvais effets connus
de ces Pilules : le nombre des derniers furpafle de beaucoup
celui des premiers.
Pour voir l'effet de la teinture dont je viens de donner le
procédé, il faut écrire avec cette liqueur, couleur de lilas,-fur
de bon papier bien collé, & qui ne boive pas. On peut s’en
{ervir auffi à enluminer les feüilles de quelque arbre ou de
quelques plantes dont on aura auparavant deffiné le trait lé-
gererhent à l'encre de 11 Chine, ou à la pointe d’un crayon
de mine de plomb. On laifiera fécher cette écriture ou ce
deflein enluminé à l'air fec, & non devant le feu, parce
‘qu'en ce cas la liqueur colorée pourroit s'étendre au de-là
du trait. Lorfque le papier eft bien fec, on n'apperçoit au-
cune couleur tant qu'il eft froid ; mais fi on le chauffe len-
tement devant le feu, on verra l'écriture ou le deffein prendre
peu-à-peu une couleur bleuë ou bleu-verditre, qui efl vifible
tant que le papier conferve un peu de chaleur, & qui difpa-
-xoit entiérement quand il eft refroidi.
Cette expérience réuffit beaucoup mieux dans les temps
froids que dans les temps chauds, parce que le refroïdifie-
ment du papier eft trop lent quand le Thermometre de M.
de Reaumur eft à 20 au a de zero. Le 14 d'Août de
l'année derniére, l'un des deux jours les plus chauds de l'été,
je ne püs parvenir à faire difparoître la couleur bleuë de
Yécriture qu’en pofant le papier fur une table de marbre, &
-par deflus une afliette de fayence où je fus obligé de mettre
un morceau de glace pour le rafraichir.
Jufqu'ici cette Encre fympathique eft de fa claffe parti-
_culiére, c'eft-à-dire, qu’elle paroît & difparoît fans addition
d'aucune liqueur. On la fera entrer, comme je l'ai dit, dans
la quatriéme cle, fi on chauffe le papier jufqu'à le faire
* rouflir un peu, alors le bleu de l'écriture deviendra brun, &
112 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
ne difparoïtra plus, même quand on mettroit de la glace
deffus. Si l’on tient l'écriture expolce à l'air hümide pendant
huit ou dix jours, d'invifible qu'elle étoit, elle deviendra
couleur de rofe, c’eft la feconde claife des Encres fympathi-
ques qui fe colorent à l'air. Pour [a faire entrer dans la pre-
miére clafle, il n’y a qu'à prendre limpregnation de la mine
par l’eau-forte, & au lieu de la faouler de fel marin, y mettre
une quantité fuffifante d’Alun, puis executer le refte du pro-
cédé qui a été décrit ci-devant. Si vous écrivés avec la liqueur
couleur de rofe que vous en aurés retirée, il ne paroitra rien
fur le papier, même en le chauffant, fur-tout fi on y a mis
affés d’eau ; mais paflés fur les caracteres un pinéeau trempé
dans une folution de fel marin bien claire, laifiés fécher &
chauffés le papier, l'écriture fera bleuë, comme fi la liqueur
teinte avoit été préparée avec le fel marin au lieu de l'alun.
La même chofe arrivera fi vous expofés l'écriture à lx vapeur
de l'efprit de fel bouillant actuellement dans un petit vaiffeau.
Pendant que limpregnation de la mine par l'eau-forte eft
fur le bain de fable avec l'alun , le mêlange ne prend point Ia
couleur verte, il refte toüjours incarnat : réduit en mañfe faline,
ne change prefque pas de couleur, mème en refroidiffant.
Je voulois, en faifant cette expérience, m'afürer fi le
‘changement de couleur d'incarnat en verd n'étoit dû qu'au
el marin ; j'en eus un commencement de preuve en me fér-
vant de l'alun : le refte de l'expérience démontroit affés bien
que l'acide du fel marin étoit Lagent dans ce changement. Je
voulus auffr reconnoître ce que feroit la bafe de ce fel unie
à un autre acide. Je fubftituai à l’alun un fel de Glauber bien
fait. On fçait aflés de quoi il eft compofé, fans le répéter ;
“mais je n'eus pas plus de changement de couleur qu'avec
l'alun, qui a pour bafe une terre de la nature des terres abfor-
bantes. D'où je coriclus qu'en me férvant de l'acide du fel
‘marin à la place de l'acide nitreux pour faire l'impregnation
“de la mine, j'aurois également l’Encre fympathique chan-
geante ; & l’on verra par la fuite que l'opération à un fuccès
“femblable.
J'ai
DES SCIENCES. 112
: J'ai mis aufli fur limpregnation de a mine par l'eau-forte,
du Nitre bien pur à la place du Sel marin. Le mélange, en
fe defléchant, prend une belle couleur pourpre qui blanchit
dans l’inftant qu'on met l'eau deflus. Elle en tire une belle
teinture couleur de rofe qui fait un trait invifible fur le papier
tant qu'il eft froid ; mais fi on le chauffe, ce trait devient
couleur de rofe, & difparoït en refroidiffant. Si on le veut
bleu, il n'y a qu’à pafer deflus de la folution de Sel marin,
daifler fécher & chauffer.
Le Borax fait le même effet, ou s'il y a que variété,
elle eft peu confidérable.
Tous les Sels que j'ai employés ci-devant avec l'impregna-
tion ; le Sef marin, l’Alun, le Sel de Glauber, le Nitre, le
Borax, font des fels moyens qui n'ont pas fermenté avec
cette liqueur, & qui par conféquent pouvoient n’en pas pré-
cipiter la matiére colorante. Il falloit fçavoir ce qui arriveroit
en employant des Sels alkalis.
Aïnfi j'ai mis, fur environ trois onces d'impregnation, du
f1 de Tartre bien pur que j'ai fait tomber peu-à-peu jufqu'à à
ce qu'il ne fermentât plus. Cependant je nai point apperçü-
de précipitation confidérable, feulement un peu de fédiment
blancheâtre. J'ai évaporé ce mélange jufqu’à confiftance fa-
line prefque féche : tant que ce mélange ef chaud, il eft d'un
beau pourpre ; il plit en refroidiffant, & l’eau Le blanchit
auffi prefque dans finflant. Cette teinture extraite par l'eau,
donne fur le papier un trait incarriat qui paroït & difparoit
quand il eft chaud ou froid. Si on le paffe fur un defiein de
fleur qu'on ait légerement terni avec la mine de : plomb, il
lui donne, lorfqu'on le chauffe, cette couleur qu’on appelle
de colombin. La folution du fl marin lui fait prendre au feu
le vérd-bleuâtre.
* Le {el de Soude purifié, fermente de même, & précipite
plus que ne fait le fel de Tartre, parce qu'il entre dans fon
._ compofé beaucoup plus de terre que dans celui du fel de
Tartre. Le mélange de ce fel avec limprégnation s’épaiffit
én un cäillé blanc qu 1 m'a fallu étendreavec un peu d’eau
Men, 1737.
114 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE
pour le iquefier. 11 devient d'une couleur tannée fur le
feu, & lorfque tout le flegme eft évaporé, il fe fait une
nouvelle fermentation de l'acide non détruit, avec le pré-
cipité terreux. Enfin le tout fe coagule en une maffe faline,
partie pourpre, partie jaune-aurore. Cette mafle donne à
Veau un beau couleur de rofe qui teint le papier en incarnat,
paroiffant & difparoiflant comme la liqueur où le fel de
Tartre eft entré.
L'un & l’autre fel fermente comme alkali avec l’impregna-
tion acide, fans en altérer la couleur après que l'opération
eft achevée. Sur quoi il eft à propos de faire l'obfervation
fuivante. Si l’on verfe une liqueur acide fur le Syrop violat,
il devient rouge : un alkali le rend vert. Dans fexpérience
réfente, c’eft le contraire. L'impregnation eft d’un rouge
fale, un fel alkali embellit ce rouge, l’exalte étant chaud, juf=
qu'au pourpre, & l'acide du fel marin verdit cette liqueur
concentrée tant qu’elle eft chaude, ou auffi-tôt qu’on l’expofe
au feu, après qu'elle eft refroidie.
Si on furcharge cette impregnation, de fel de Tartre où de
fel de Soude, après que toute fermentation de l'acide avec
le fel alkali ef ceflée, on précipite tellement la matiére colo-
rante, que l’eau qu'on verfe enfuite fur la mafle faline deffé-
chée, pour la difloudre, n’en enleve plus aucune couleur : par
conféquent, pour que la mafle faline fourniffe de la teinture
à l'eau, il faut. qu'elle foit plus acide que neutre.
En fubftituant au fel de Tartre & au {el de Soude le Ma-
trum , tel que M. Granger l’a envoyé d'Egypte, il fe fait une
vive fermentation avec l’impregnation, parce qu'il yia beau-
coup de fel alkali naturel dans ce fel. Mais comme il entre
auffi dans fa compofition une aflés bonne quantité de fel de
la nature du fel marin, le mélange, en s'évaporant fur le
fable chaud, prend une couleur auffi verte que fi on eût
employé le fel marin même. L'eau en tire aufft une teinture
couleur de lilas, & le trait qu’on en fait fur le papier, devient
bleu-verdâtre devant le feu.
Le fel ammoniac & le {el fixe d'urine donnent auf: à
sr
DES SCIENCES. 115
impregnation la couleur verte. La teinture extraite par l’eau
du mêlange defléché, n’eft pas couleur de lilas, mais d’un
beau jaune-aurore. C'eft la partie graffe unie à ces deux fels
qui caufe cette différence de couleur. Au furplus, cette tein-
ture fait fur e papier le même effet que fi on eût employé
le {el marin pour l'extraire.
De ces deux fels, l’un eft compofé de l'acide du fel marin
& d’un fel alkali volatil ; l'autre eft un véritable fel marin, un
peu mêlé d'ammoniacal , d'une matiére graffe & de quelque
petite portion de fel alkali fixe. Enfin, dans ces deux fels,
ainfr que dans le Natrum, l'acide du fel marin eft uni à des
fels alkalis, ou fixes ou volatils. II s’'agifloit de fcavoir, fi le
même acide, qui feroit joint à une terre regardée comme
purement abforbante, n'apporteroit pas quelque changement
à la couleur dela teinture enlevée par l’eau.
J'ai mêlé, pour m'en aflürer, partie égale d'impregnation
de la bonne mine & d'huile de chaux. Le mélange et de-
venu dans linflant d'un bel aurore. En l’évaporant, cette
couleur s'eft changée en verd-de-pré. Vers la fm de l’éva-
poration , lorfque l'acide du fel marin a été en partie évaporé
(car on fçait qu'il eft Le plus volatil de ces deux acides mêlés
enfemble } il s’eft fait une fermentation, avec bruit & fiffle-
ment, de l'acide nitreux avec les parties terreufes de la chaux
abandonnées par la portion évaporée de l’efprit de fel. J'expo-
fois de temps en temps à l'air froid la baguette de verre avec
laquelle j'agitois le mélange, pour voir fi l'enduit fälin, qui
fe congeloit en refroidiflant, deviendroit couleur de rofe,
comme cela arrive quand j'employe le fel marin. Je fus fort
étonné de voir qu'il reftoit verd, & qu'il fe mettoit fort vite
en deliquium lorfqu'il étoit refroidi. J'augmentai un peu le feu
pour grainer le {ef dans a capfule, mais je ne pûs y réuffir
au bain de fable, ïl refta toûjours liquide comme une cire
fonduë. Je retirai le vaifeau du feu, & aufli-tôt que ce Syrop
falin & verd commença à fe refroidir, il fe congela. Je le
reportai fur le fable chaud, où ïl fe refondit aufii vite qu'au-
roit fait de la cire. J'en fis entrer une petite quantité dans
Pi
116 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
une fiole, que je bouchai exaétement, en la maftiquant pour
garantir ce fel de l'humidité de Fair, & pour voir fi avec
cette précaution je pourrois le conferver long-temps verd;
mais la plus grande partie prit au bout de deux jours une
couleur incarnate, & il n’y a eu que la partie exactement
collée aux parois du verre qui foit reftée verte.
Quant au réfte de ce fel verd qui s'humeéte aifément à
Fair, fon deliquium ou fa folution dans l’eau donnent égale-
ment une liqueur incarnate, invifible fur le papier, & qui
devient verd-de-montagne en Îe chauffant. S'il fe met en
deliquium, 4 ne s'en précipite rien, parce qu'il ne prend que
ce qu'il lui faut d'humidité. Sï on le diflout dans l'eau, il y
blanchit dans l'inftant, & donne un précipité plus abondant
que fi pour préparer ce fel, on eût employé le fel marin,
parce qu’au magiftere de Bifmuth qui fe précipite, quand on
s'eft fervi du fel marin, fe joint ici la terre de l'huile de chaux
que j'ai fubftituée à ce fel.
Après avoir précipité par beaucoup d’eau ce magiftere &
la terre de la chaux, je décantai la liqueur teinte qui furna-
geoit, & je l'évaporai de nouveau. Je croyois qu'après avoir
féparé cette terre alkaline, je pourrois avoir un {el, qui en
refroïdiflant , deviendroit couleur de rofe comme les autres;
mais il me fut encore impoflible de le fécher & de le grainer.
I fe fit même, vers la fin de l'évaporation de la partie aqueule,
une nouvelle fermentation, preuve que toute la terre de la
chaux n’avoit pas été féparée par la précédente précipitation.
Ce fecond fel, qu'on ne peut deffécher au bain de fable, fe
congele très-vite à l'air froid , & y refte verd pendant plus
d'une heure; mais comme il shumeéte, il pâlit peu-à-peu,
& blanchit par la feule humidité de Fair, ce que le premier
n'avoit pas fait à beaucoup près fi vite. Je l'ai noyé une
feconde fois dans beaucoup d’eau, & j'en ai féparé par le
filtre tout ce qui s’en eft précipité : en l’évaporant, j'ai eu
un troifiéme fel, fufible comme les deux premiers , & qui
refte verd au froid jufqu'’à ce qu’il foit totalement tombé en
deliquium : alors cette liqueur ou huile de fel impregnée de
RE Lou
=
ARNDPENSN TS NC AMLEN fe iaN tir
Ja matiére colorante de là mine dévient & demeure couleur
de rofe. -
I paroît aflés probable par ces trois expériences, que
quand la chaux eft unie à ce magma falin , elle lui conferve
la couleur verte qu'il a prife au feu, & défend cette couleur
de l'impreffion de l'air froid, tant que les parties de cette
chaux confervent entr'elles un tiflu ferré; mais fi ce tiflu fe
divife, fi fes particules font féparées par des parties aqueufes
prifes de l'air ou autrement, alors elles ne défendent plus le
{el de l’action de Fair froid, & ce fel vert fubit le changement
de couleur comme les autres fels dont il a été parlé.
Dans ces autres fels, il n’eft refté que la bafe du {el marin,
concentrée avec un refte de l'acide de ce fel, dans l'acide
nitreux de l'eau-forte : ce mélange fait un {el concret qui fe
deffeche & fe graine, parce que cette bafe eft telle qu’elle
doit être pour s'unir intimement avec ces acides, & qu'on ne
peut l'en féparer que très-difficilement & par une fuite de
plufieurs opérations , ainfi que M. du Hamel l'a fait voir dans
fon Mémoire fur la Bafe du Sel marin. La terre de la chaux
au contraire n'a pas été deftinée par la Nature à faire la bafe
de ces fels : fi on la joint à leurs acides par quelque moyen
que ce foit, on réprime à la vérité leur acidité, mais il ne
réfulte point du mélange un fel concret, & la moindre hu-
midité fait liquéfier ce mélange. Ainfi il paroit que M. du
Hamel a eu raifon de conclure que la bafe aétuelle du fe
marin eft un fel alkali, & non pas une pure terre, du moins
ce n'eft pas une terre de la nature de la chaux. De plus,
lorfqu'au {el marin je fubftituë le Natrum d'Egypte, dont le
fel alkali naturel fait partie, j'ai une mañle faline qui fe coagule
» & fe graine, qui devient verte à la chaleur, parce qu'il y a
une portion de fel marin unie à ce fel alkali naturel, ainf
que je l'ai dit précédemment ; mais outre que le mélange
falin fe graine, il prend dans l'inftant la couleur de rofe au
froid, comme fi à ce fel d'Egypte j'avois fubftitué l'efprit de
. Sel & le fel de Soude, ou l'efprit de Sel & le fel de Tartre.
Je paffe à une autre expérience qui démontre que poux
| ï
118 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
avoir le mélange falin de couleur verte fur le feu, il faut
adjoûter à l'impregnation de la mine, une concrétion faline
dont l'acide du fel marin puifle fe développer avec quelque
facilité. Car fr l’on choiïfit pour cela un compolé où cet
acide foit trop concentré, trop lié, on n'aura point la cou-
leur verte. Je me fuis fervi, par exemple, de lune cornée,
où l'on fçait que l'acide du fel marin eft étroitement uni à
l'argent, mais je n'ai pû avoir la couleur verte. Le mêlange
defléché a pris, étant encore fur le feu, une couleur tirant
fur le pourpre. L'eau s'eft colorée deffus en incarnat, & cette
teinture mife fur le papier n’a point changé en le chauffant,
parce que le difolvant n'eft point devenu eau-régale, comme
dans toutes les concrétions falines précédentes qui devien-
nent vertes au feu. Cette expérience prouve que l'acide du
fel marin ne quitte l'argent que très-difhcilement : la diff.
culté de réduire la lune cornée fans perte de l'argent, en eft
une autre preuve déja bien connuë. On verra dans la feconde
Partie de ce Mémoire, que l’Argent eft un des meilleurs
moyens que j'aye trouvés pour enlever à l'Encre fympathi-
que dont je parle, la matiére qui la colore.
IL faut donc que le diflolvant foit régalifé pour opérer le
changement de couleur en verd. I n'importe de quelle ma-
niére il le foit, le Sel commun, le Sel ammoniac, le Natrum
non purifié, l'huile de Chaux, font l'effet en queftion, quand
on les joint à l'impregnation de la mine faite par l’eau-forte.
On y réuflit de même par l'inverfe. Je m'explique : au lieu
d'employer l’eau-forte pour avoir limpregnation de la mine,
je me fuis fervi d’efprit de fel. A la vérité, il faut beaucoup
plus de cet acide que d'acide nitreux, & j'ai été obligé d'en
mettre jufqu’à quatre onces fur une demi-once de mine pul-
vérifée. Il n’agit point à froid ; mais quand ileft un peu
échauffé par le bain de fable, il fe fait une forte ébullition,
le matras s'emplit de vapeurs rouges, & il en fort une odeur
fort puante. Auffi-tôt que ce diffolvant a pris une couleur
tannée, il paroît cefler d'agir, du moins il n'ya plus d’ébul-
lition, mais peu-à-peu il augmente de couleur en digérant,
D er cees tE
|
PANDA ST ASTICNÉUE ANT CE fi
&-devient rougeâtre. Un trait de cette impregnation fait
avec un pinceati für le papier, prend devant le feu la couleur
d'un verd fale, puis d’un verd terreux brun, qui ne difparoît
point au froid , foit parce que l'acide eft encore un pur elprit
de fel , foit parce qu'étant encore top acide, il diflout la
fubftance du papier. |
+ Quand je charge de Nitre cette impregnation par l'efprit
de fel , j'aï, en procédant comme aux expériences ci-devant
rapportées, une mafe faline congelée en fel vert par le milieu
& bleu parles bords, tant qu'elle eft chaude, & qui devient
. couleur de rofe au froid. L'eau entire une teinture qui fait
fur le papier un:trait invifible au froid, & verd-de-mer forf
qu'on le chaiffe.
+ H réfulté de toutes ces expériences que c’eft l'acide du fel
marin qui-colore en verd le magma falin tant qu'il eft fur le
feu; que fans cet acide, le magma falin refte rouge, &qu'ainff
impregnation de la mine de Bifmuth par l'eau-forte peut
fervir de pierre de touche pour s’affürer fi un Sel‘inconnu
qu'on examine, contient ou non du fel marin ou une portion
d'acide du fel marin. à
J'ai tenté de faire l'impregnation de la mine par l'efprit
de Vitriol, mais cet acide n’en diffout que la gangue ou le
ffuor. H fait avec elle une efpece d’Alun de plume ou de fe
pierreux, fans tirer aucune teinture de la partie colorante du
néral. Pour m'en aflürer davantage, j'ai traité trois onces
de cette diffolution avec1e fel marin, le mélange coagulé n’a
point changé de couleur au feu : l'eau qui la diflout enfuite,
n’en a tiré aucune teinture, Ars
Ainfi le véritable diffolvant de ces mines de Bifmuth,
d'Azur & d’Arfenic eft l'acide nitreux : il diflout tout ce
qu’elles contiennent de métallique & de matiére colorante,
n'épargnant que la portion fulfureufe & arfénicale qui refte
précipitée pour ka plus grande partie ; ce qui fera prouvé par
. d’autres expériences. L'acide du fel marin agit, à la vérité,
fur ces mines, comme je viens de le dire, mais foiblement,
& feulement à laide d'une longue digeftion. Quand on a fait
120 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
l'impregnation de ces mines par cet acide, qu’on détruife ou
non fon acidité par un fel alkali, quel qu'il foit, qu’on l'en
furcharge tant qu'on voudra, l’eau qu'on verfera deflus le
mélange defféché pour le difloudre, en enlevera une teinture
qui, donnera toûjours au papier chauffé une couleur bleuë
verdâtre, & jamais une couleur de rofe, parce que c’eft dans
l'acide du fel marin que réfide la faculté de faire ce change-
ment de couleur. D'où lui vient cette faculté? c'eft ce que
je ne me crois pas en état d'expliquer.
Mais quelle eft la matiére extraite de la mine par les
diffolvants qui donne la couleur de lilas à la liqueur que j'ai
nommée Encre fympathique ou Teinture ! On fe doute bien
que c’eft la partie du minéral qui colore en bleu le fable qu'on
vitrifie avec cette mine pour en faire le Safre ouf Azur. Pour
le démontrer, il faut décompofer cette Teinture, afin d’exa-
miner cette matiére qui la coloroit lorfqu’elle en fera féparée.
Je réferve cette expérience pour la feconde partie de ce Mé-
moire, où je donnerai lanalyfe des Coboits & de la mine
de Bifmuth par le feu, la maniére de les diftinguer affés vite,
avec quelques autres expériences aflés curieufes.
RECHERCHES
DES SCIENCES (21
RECHERCHES
De la caufe de l'excentricité des couches ligneufes qu'on
appergoit quand on coupe horifontalement le Tronc d'un
Arbre ; de l'inégalité d'épaiffeur, 7 du différent nombre
de ces couches, tant dans le bois formé que dans l'aubier,
Par M: Du HAMEL & DE Burron.
NN ne peut travailler plus utilement pour la Phyfique,
qu'en conftatant des faits douteux, & en établifant la
vraye origine de ceux qu’on attribuoit fans fondement à des
caufes imaginaires ou infufhfantes. C’eft dans cette vûe que
nous avons entrepris, M. de Buffon & moi, plufieurs re-
cherches d'Agriculture; que nous avons, par exemple, fait
des obfervations & des expériences fur Paccroïfiement &
Yentretien des Arbres, fur leurs maladies & fur leurs défauts,
fur les Plantations & fur le rétabliflement des Forêts, &c.
Nous commençons à rendre compte à l’Académie du fuccès
de ce travail par l'examen d’un fait dont prefque tous les
‘Auteurs d'Agriculture font mention, mais qui n'a été (nous
n'héfitons pas de le dire) qu'entrevû, & qu'on 4 pour cette
raïfon attribué à des caufes qui font bien éloignées de la
vérité, SR au
Tout le monde fçait que quand on coupe horifontalément
le tronc d’un Chène, par exemple, on apperçoit dans le cœur
&. dans l’aubier des cercles ligneux qui s’enveloppent, ces
cercles font féparés les uns des autres par d’autres cercles
ligneux d'une fubftance plus rare, & ce font ces derniers qui
diftinguent &c féparent la crûe de chaque année ; il éft nas
turel de penfer que fans des accidents particuliers, ils de-
vroient être tous à peu-près d'égale épaiffeur, & également
éloignés du centre. |
en eft cependant tout autrement, & la: plipart des
Mem, 1737, . Q
27 Février
1737*
122 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Auteurs d'Agriculture, qui ont reconnu cette différence,
ont attribuée à différentes caufes, & en ont tiré diverfes
conféquences. Les uns, par exemple, veulent qu'on obferve
avec foin la fituation des jeunes arbres dans les Pépiniéres,
pour. les orienter dans la place qu’on leur deftine, ce que
les Jardiniers appellent planter à la Louffole. Ms foûtiennent
que le côté de l'arbre qui étoit oppolé au Soleil dans la
Pépiniére, fouffre immanquablement de fon action lerfqu'il
y eft expolé.
D'autres veulent que les cercles ligneux de tous les arbres
foient excentriques, & toüjours plus éloignés du centre ou
de l'axe du tronc de l'arbre du côté du Midi que du côté du
Nord, ce qu'ils propofent aux Voyageurs qui feroient égarés
dans les Forêts comme un moyen aflüré de s'orienter & de
retrouver leurs routes.
Nous avons cru devoir nous affürer par nous-mêmes de
ces deux faits ; & d’abord pour reconnoiître fi les arbres tranf-
plantés fouffrent lorfqu'ils fe trouvent à une fituation con-
traire à celle qu'ils avoient dans la Pépiniére, nous avons
choifi cinquante Ormes qui avoient été élevés dans une
Vigne, & non pas dans une Pépiniére touffuë, afin d’avoir
des fujets dont l'expofition fut bien décidée. J'ai fait à une
même hauteur étêter tous ces arbres, dont le tronc avoit douze
à treize pouces de circonférence, & avant de les arracher,
j'ai marqué d’une petite entaille le côté expofé au Midi, en-
fuite je les ai fait planter fur deux lignes, obfervant de les
mettre alternativement, un dans la fituation où il avoit été
élevé, & l'autre dans une fituation contraire, en forte qué
jai eu vingt-cinq arbres orientés comme dans la Vigne, à
comparer avec vingt-cinq autres qui étoient dans une fitua-
tion toute oppofée : en les plaçant ainfi alternativement, j'ai
évité tous les foupçons qui auroient pü naître des veines de
terre dont la qualité change quelquefois tout d’un coup. Mes
arbres font prêts à faire leur troifiéme poule, je les ai bien
examinés, il ne me paroït pas qu'il y ait aucune différence
entre les uns & les autres, il eft probable qu'il n’y en aura.pas
DES SCIENCES. 129
dans la fuite ; car fi le changement d’expofition doit produire
quelque chofe, ce ne peut être que dans les premiéres années,
& jufqu'à ce que les arbres fe foient accoûtumés aux im-
preflions du Soleil ou de Vent, qu’on prétend être capables
de produire un effet fenfible fur ces’ jeunes fujets.
… Nous ne déciderons cependant pas que cette attention eft
füuperfluë dans tous les cas ; car nous voyons dans les terres
légeres les Pêchers & les Abricotiers de haute tige, plantés
en efpalier au Midi, fe deflécher entiérement du côté du
Soleil, & ne fubfifter que par le côté du mur. H femble donc
que dans les pays chaux, fur le penchant des Moritagnes au
Midi, le Soleil peut produire un effet fenfible fur la partie
de l'écorce qui lui eft expofée. Mais mon expérience décide
inconteftablement que dans notre climat, & dans les fitua-
tions ordinaires, il eft inutile d'orienter les arbres qu'on
tranfplanté, c'eft toûjours une attention de moins, qui ne
laïfleroït pas que de gêner lorfqu'on plante des arbres en
alignement; car pour peu que le tronc des arbres foit un peu
courbe, ils font une grande difformité quand on n’eft pas le
maître de mettre la courbüre dans le fens de l'alignement. !
__ À l'égard de l’excentricité des couches ligneufes vers le
Midi, nous avons remarqué que les gens les plus au fait de
Yexploitation des Forêts ne font point d'accord für ce point,
Tous, à la vérité, conviennent de l’excentricité des couches
annuelles ; mais les uns prétendent que ces couches font plus
épaifles du côté du Nord, parce que, difent-ils, le Soleil
defféche le côté du Midi, & ils appuyent leur fentiment für
le prompt accroiflement des arbres des pays feptentiionaux
qui viennent plus vite, & grofliflent davantage que ceux des
pays méridionaux.
D'autres au contraire, & c’eft le plus grand nombre, pré-
tendent avoir obfervé que les couches font plus épaifles du
côté du Midi, & pour adjoûter à leur obfervation un raifon-
nement phyfique, ils difent que le Soleil étant le principal
moteur de la {eve ‘il doit la déterminer à pafler avec plus
d'abondance dans da partie où il a le plus d'action, pendant
Qi
1f0
Expérience.
r24 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
que les pluyes, qui viennent fouvent du vent du Midi, ha-
mectent l'écorce, la nourriflent , ou du moins préviennent le
defféchement que la chaleur du Soleil auroit pü caufer.
Voilà donc des fujets de doute entre ceux-là mêmes qui
font dans l'ufage aétuel d'exploiter des bois, & on ne doit
pas s'en étonner, car les différentes circonftances produifent
des variétés confidérables dans laccroiflement des couches
ligneufes. Nous allons le prouver par plufieurs expériences,
mais avant que de les rapporter, il eft bon d’avertir que nous
diftinguons ici les Chênes, d’abord en deux efpeces; fçavoir,
ceux qui portent des glands à longs pédicules, & ceux dont
les glands font prefque collés à la branche. Chacune de ces
efpeces en donne trois autres ; fçavoir, les Chênes qui portent
de très-gros glands, ceux dont les glands font de médiocre
grofieur, & enfin ceux dont les glands font très-petits. Cette
divifion, qui feroit groffiére & imparfaite pour un Botanifte,
fufit aux Foreftiers, & nous l'avons adoptée, parce que nous
avons cru appercevoir quelque différence dans la qualité du
bois de ces efpeces, & que d’ailleurs il fe trouve dans nos
Forêts un très- grand nombre d’efpeces différentes de Chêne
dont le bois eft abfolument femblable, auxquelles par confé-
quent nous n'avons pas eu d’égard.
Le 27 Mars 1734, pour nous affürer fi les arbres croiffent
du côté du Midi plus que du côté du Nord, M. de Buffon
a fait couper un Chêne à gros gland, âgé d'environ foixante
ans, à un bon pied & demi au deffus de la furface du terrein,
c'eft-à-dire, dans l'endroit où la tige commence à fe bien
arrondir, car les racines caufent toûjours un élargiffement au
pied des arbres ; celui-ci étoit fitué dans une liziére décou-
verte à l'Orient, mais un peu couverte au Nord d'un côté;
& de l'autre au Midi. H a fait faire la coupe le plus horifon-
talement qu’il a été poffible, & ayant mis la pointe d'un
compas dans le centre des cercles annuels, il a reconnu qu’
coïncidoit avec celui de la cireonférence de l'arbre, & qu’amfi
tous les côtés avoient également groffi ; mais ayant fait cou=
per ce même arbre à vingt pieds plus haut, le côté duNord
ee tr ee nes pit Vent
DIS HSNGNILEUN CE Si À: rois
étoit plus épais que celui du Midi, il a remarqué qu'il ÿ avoit
une grofle branche du côté du Nord, un peu au deflous des
vingt pieds. 32
Le même jour il a fait couper de la même façon, à un 14
pied & demi au deffus de îerre, un Chêne à petits glands, Expérience.
âgé d'environ quatre-vingt ans, fitué comme le précédent ;
il avoit plus groffi du côté du Midi que du côté du Nord.
HI a obfervé qu'il y avoit au dedans de l'arbre un nœud fort
ferré du côté du Nord, qui venoit des racines,
Le même jour il a fait couper de même un Chêne à Ili.me
glands de médiocre groffeur , âgé de foixante ans, dans une Expérience.
liziére expofée au Midi; le côté du Midi étoit plus fort que :
celui du Nord , mais il l'étoit beaucoup moins que celui du
Levant. Il à fait fouiller au pied de Parbre, & il a vü que Îa
plus groffe racine étoit du côté du Levant ; ïl a enfuite fait
couper cet arbre à deux pieds plus haut, c’eft-à-dire, à près
de quatre pieds de terre en toùt, & à cette hauteur le côté
du Nord étoit plus épais que tous les autres.
Le même jour il a fait couper à la même hauteur un : jy.me
Chêne à gros glands, âgé d'environ foixante ans, dans une Expérience,
liziére expofée au Levant, & il a trouvé qu'il avoit également
groffi detous côtés ; mais à un pied & demi plus haut, c’eft-
à-dire, à trois pieds au deffus de la terre, le côté du Midi
étoit un peu plus épais que celui du Nord.
Un autre Chêne à gros glands, âgé d'environ trente-cinq V.me
ans, d’une liziére expolée au Levant, avoit groffi d'un tiers Expérience.
de plus du côté du Midi que du côté du Nord, à'un pied
au deflus de terre, mais à un pied plus haut cette inépalité
diminuoit déja, & à un pied encore plus haut il avoit égale-
ment groffr de tous côtés, cependant en le faïfant encore
couper plus haut, le côté du Midi étoit un tant foit peu
plus fort. ss
‘Un autre Chêne à gros glands, âgé de trente-cinq ans, yyme
d'une liziére expofte au Midi, coupé à trois pieds au deffus Expérience.
- deterre, étoit un peu plus fort au Midi qu'æ Nord, mais
bien plus fort du côté du Levant que d'aucun autre côté.
Q ï
VIl.me
Expérience.
VIIIme
Expérience,
IX.me
Expérience,
X.me
Expérience.
126 MEMoIRESs DE L’ACADEMIE RoYALE
Un autre Chêne de même âge, & même gland, fitué au
milieu des bois, étoit également crû du côté du Midi & du
côté du Nord, & plus du côté du Levant que du côté du
Couchant.
Le 29 Mars 1734, il a continué ces épreuves, & il a fait
couper à un pied & demi au deflus de terre un Chêne à gros
glands, d'une très-belle venuë, âgé de quarante ans, dans une
liziére expofée au Midi; il avoit groffi du côté du Nord beau-
coup plus que d’aucun autre côté, celui du Midi étoit même
le plus foible de tous. Ayant fait fouiller au pied de l'arbre,
il a trouvé que la plus grofle racine étoit du côté du Nord.
Un autre Chêne de même efpece, même âge, & à la
même expofition, coupé à la mème hauteur, d'un pied &
demi au deflus de la furface du terrein, avoit groffi du côté
du Midi plus que du côté du Nord. I a fait fouiller au pied,
& il a trouvé qu'il y avoit une grofle racine du côté du Midi,
& qu’il n’y en paroifloit point du côté du Nord.
Un autre Chêne de même efpece, mais âgé de foixante
ans, & abfolument ifolé, avoit plus groffi du côté du Nord
que d'aucun autre côté. En fouillant, il a trouvé que la plus
groffe racine étoit du côté du Nord.
Je pourrois joindre à ces obfervations beaucoup d’autres
pareilles que M. de Buffon a fait executer en Bourgogne,
de même qu'un grand nombre que j'ai faites dans la Forêt
d'Orléans, qui fe montent à l'examen de plus de quarante
arbres, mais dont il m'a paru inutile de donner le détail. If
fuffit de dire qu’elles décident toutes que l’afpe& du Midi ou
du Nord n’eft point du tout la caufe de l’excentricité .des
couches ligneufes, mais qu'elle ne doit s'attribuer qu'à la
pofition des racines & des branches, de forte que les couches
ligneufes font toûjours plus épaifles du côté où il y a plus
de racines ou de plus vigoureufes. Il ne faut cependant pas
manquer de rapporter une expérience que M. de Buffon a
faite, & qui eft abfolument décifive.
H choifit ce même jour 29 Mars, un Chêne ifolé , auquel
il avoit remarqué quatre racines à peu-près égales, & difpofées
ne OS
AN Tp cadre + "D -
RC
SJ AUDAEN SN AS ICE NC CES: 127
-aflés réguliérement, en forte que chacune répondoit à très-
peu près à un des quatre points cardinaux, & l'ayant fait
couper à un pied & demi au deflus de la furfaces du terrein,
il trouva, comme il le foupçonnoit, que le centre des cou-
ches ligneufes coïncidoit avec celui de la circonférence de
Yarbre, & que par conféquent il avoit groffi également de
tous côtés.
‘Ce qui nous a pleinement convaincu que la vraye gris
de 'excentricité des couches ligneufes eft la pofition des
racines, & quelquefois des branches, & que fi l’afpect du
Midi ou du Nord, &c. influë fur les arbres pour les faire
groffir inégalement, ce ne peut être que d'une maniére in-
fenfble, puifque dans tous ces arbres, tantôt c'étoit les cou-
ches ligneufes du côté du Midi qui étoient les plus épaifles,
& tantôt celles du côté du Nord ou de tout autre côté, ê
que quand nous avons coupé des troncs d'arbres à diffé-
. rentes hauteurs , nous avons trouvé les couches ligneufes,
_ tantôt plus épaiffes d’un côté, tantôt d’un autre.
Cette derniére obfervation m'a en gagé à faire fendre plu-
“ fieurs corps d'arbres par le milieu. Dans quelques-uns le cœur
fuivoit à peu-près en ligne droite l'axe du tronc ; mais dans
le plus grand nombre, & dans les bois même les plis parfaits
& de la meilleure fente, ïl faifoit des inflexions en forme de
* zic-zac ; outre cela, dans le centre de prefque tous les arbres,
j'ai remarqué, aufli-bien que M. de Buffon, que dans une
épaiffeur d’un pouce ou un pouce & demi vers le centre, il
y avoit plufieurs petits nœuds, en forte que le bois ne s'eft
trouvé bien franc qu'au de-là de cette petite épaifeur.
Ces nœuds viennent fans doute de l’éruption des branches
À que le Chène pouffe en quantité dans fa jeunefle, qui venant
… äpérir, fe recouvrent avec le temps, & forment ces petits
nœuds auxquels on doit attribuer en partie cette direction
ur éguliére du cœur qui n'eft pas naturelle aux arbres. Elle
. peut venir auffi de ce qu’ils ont perdu dans leur jeuneffe leur
flche ou montant principal par la gelée, l’abroutiffement du
bétail, la force du vent, ou quelque autre accident, car ils
Lre
Obfervation.
JI.de
Obfervation.
IIIe
Obfervation.
IV.me
Obfervation,
128 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
font alors obligés de nourrir des branches latérales pour en:
former leur tige, & le cœur de ces branches ne répondant
pas à celui du tronc, il s’y fait un changement de direction.
li eft vrai que peu-à-peu ces branches fe rédreffent, mais il
refte toûjours une inflexion dans le cœur de ces arbres.
Nous n'avons donc pas apperçü que l'expofition produisit
rien de fenfible fur l’épaiffeur des couches ligneufes, & nous
croyons que quand on en remarque plus d’un côté que d’un
autre, elle vient prefque toüjours de l'infertion des racines,
ou de l'éruption de quelques branches, foit que ces branches
exiftent aétuellement, ou qu'ayant péri, leur place foit recou-
verte. Les playes cicatrifées , la gélivüre , le double aubier,
dans un même arbre, peuvent encore produire cette augmen-
tation d’épaiffeur des couches ligneufes ; mais nous la croyons
abfolument indépendante de Fexpofition, ce que nous allons
encore prouver par plufieurs obfervations familiéres.
Tout le monde peut avoir remarqué dans les Vergers, des
arbres qui s'emportent, comme difent les Jardiniers, fur une
de leurs branches, c'eft-à-dire, qu'ils pouffent fur cette bran-
che avec vigueur, pendant que les autres reflent chétives &
Janguiflantes. Si lon fouille aux pieds de ces arbres pour
examiner leurs racines, on trouvera à peu-près la même chofe
qu’au dehors de la terre, c'eft-ä-dire, que du côté de la bran-
che vigoureufe il y aura de vigoureufes racines, pendant que
celles de l'autre côté feront en mauvais état.
Qu'un arbre foit planté entre un gazon & une terre fa-
çonnée, ordinairement la partie de l'arbre qui eft du côté de
la terre labourée, fera plus verte & plus vigoureufe que celle
qui répond au gazon.
On voit fouvent un arbre perdre fubitement une branche,
& fi l'on fouille au pied, on trouve le plus ordinairement la
caufe de ces accidents dans le mauvais état où fe trouvent les
racines qui répondent à la branche qui a péri.
Si on coupe une groffe racine à un arbre, comme on Île
fait quelquefois pour mettre un arbre à fruit, ou pour l'em-
pêcher de s'emporter fur une branche, on fait languir là partie
de l'arbre
À
L
dite
L
[l
D Es : SCI E°N C'E Is. 129
de l'arbre à laquelle cette racine correfpondoit, mais if
n'arrive pas toûjours que ce foit celle qu’on vouloit afoiblir,
parce qu'on n’eft pas toüjours aflüré à quelle partie de l'arbre
une racine porte la nourriture, & une même racine la porte
fouvent à plufieurs branches. Nous en allons dire quelque
chofe dans un moment.
: Qu'on fende un arbre depuis une de ces branches par fon
tronc jufqu’à une de fes racines, on pourra remarquer: que
les racines, de même que les branches, font formées d’un
faifceau de fibres, qui font une continuation des fibres Ion-
gitudinales du tronc de l'arbre,
Toutes ces obfervations femblent prouver que le tronc
des arbres eft compolé de différents paquets de fibres longi-
tudinales qui répondent par un bout à une racine, & par
l'autre quelquefois à une, & d’autres fois à plufieurs branches,
en forte que chaque faifceau de fibres paroît recevoir fa
«nourriture de la racine dont il eft une continuation. Suivant
cela, quand une racine périt, il s'en devroit fuivre le defé-
chement d’un faifceausde fibres dans la partie du tronc &
dans la branche co idante, maïs il faut remarquer
1.” Que dans ce cas les branches ne font que languir,
& ne meurent pas entiérement.
2.° Qu'ayant greffé par le milieu fur un fujet vigoureux
une branche d'Orme affés forte qui étoit chargée d’autres
petites branches, es rameaux qui étoient fur la partie infé-
rieure de la branche greffée pouflerent, quoique plus foible-
ment que ceux du fujet. Et j'ai vû aux Chartreux de Paris
un Oranger fubfifter & groflir en cette fituation quatre à
cinq mois fur le fauvageon où il avoit été greffé. Ces expé-
_ riences prouvent que la nourriture qui eft portée à une partie
d'un arbre, fe communique à toutes les autres, & que par
-conféquent la féve a un mouvement de communication laté-
rale. On peut voir fur cela les expériences de M. Hales ;
mais ce mouvement latéral ne nuit pas aflés au mouvement
direét de la féve, pour l’empêcher de fe rendre en plus graride
… abondance à la partie de l'arbre, &au faifceau même de fibres
Men, 1737. R
Ve
Obfervation,
130 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
qui correfpond à la racine qui la fournit, & c’eft ce qui fait
qu'elle fe diftribué principalement à une partie des branches
de l'arbre, & qu'on voit ordinairement la partie de l'arbre
où répond une racine vigoureufe, profiter plus que le refte,
comme on le peut remarquer fur les arbres des liziéres des
Forèts, car leurs meilleures racines étant prefque toüjours du
côté du champ, c’eft auffi de ce côté que les couches ligneufes
font communément les plus épaifles.
Ainfi il paroït par les expériences que nous venons de
rapporter, que les couches ligneufes font plus épaifles dans
les endroits de l'arbre où la féve à été portée en plus grande
abondance, foit que cela vienne des racines ou des branches,
car on fçait que les unes &r les autres agiffent de concert pour
le mouvement de la féve.
C'eft cette même abondance de féve qui fait que l'aubier
fe transforme plûtôt en bois, c’eft d'elle dont dépend Fépaif-
feur relative du bois parfait avec l'aubier dans les différents
terreins & dans les diverfes efpeces, car l'aubier n’eft autre
chofe qu’un bois imparfait, un boisymoins denfe, qui a be-
foin que la féve le traverfe, & y dép es parties fixes pour
remplir fes pores, & le rendre femblable au bois ; la partie
de l'aubier dans laquelle fa féve pañiera en plus grande abon-
dance, fera donc celle qui fe transformera plus promptement
en bois parfait, & cette transformation doit dans les mêmes
efpeces fuivre la qualité du terrein.
EX'PERTIENC ES.
M. de Buffon à fait fcier plufieurs Chênes à deux ou trois
pieds de terre, & ayant fait polir la coupe avec la plane,
voici ce qu'il a remarqué.
Un Chêne âgé de quarante-fix ans ou environ, avoit d'un
côté 1 4 couches annuelles d’aubier, & du côté oppolé il en
avoit 20, cependant les 1 4 couches étoient d’un quart plus
épaifles que les 20 de Fautre côté.
Un autre Chêne qui paroifloit de même âge, avoit d'un
côté 1 6 couches d’aubier, & du côté oppolé il en avoit 22,
DIE, SU SNCNTIE NC ETS. 137
cependant les 1 6 couches étoient d’un quart plus épaifies
ue les 2 2.
Un autre Chêne de même âge avoit d'un côté 20 couches
d'aubier, & du côté oppolé il en avoit 24, cependant les
20 couches étoient d'un quart plus épaifles que les 24.
Un autre Chène de mème âge avoit d’un côté 1 0 couches
d’aubier , & du côté oppolé il en avoit 1 $, cependant les ro
couches étoient d'un fixiéme plus épaifles que les 1 5.
Un autre Chène de même âge, avoit d'un côté 1 4 cou-
ches d’aubier, & de Fautre 21, cependant les 1 4 couches
étoient d’une épaifleur prefque double de celle des 2r.
Un Chêne de même âge, avoit d’un côté 11 couches
d’aubier , & du côté oppolé il en avoit 17, cependant les 11
couches étoient d’une épaifieur double de celle des 17.
H a fait de femblables obfervations fur les trois efpeces
de Chênes qui fe trouvent le plus ordinairement: dans les
Forêts, & il n'y a point apperçû de différence.
Toutes ces expériences prouvent que l’épaiffeur eft d’au- :
tant plus grande que le nombre des couches qui le forment
eft plus petit. Ce fait paroït fingulier, explication en eft
cependant aifée. Pour la rendre plus claire, fuppefons pour
un inftant qu'on ne laifle à un arbre que deux racines, l’une
à droite, double de celle qui eft à gauche, fi on n’a point
d'attention à la communication latérale de la féve, le côté
droit de l'arbre recevroit une fois autant de nourriture que
le côté gauche; les cercles annuels groffiroient donc plus à
droite qu'à gauche, & en même temps la partie droite de
l'arbre fe transformeroit plus promptement en bois parfait
que la partie gauche, parce qu'en fe diftribuant plus de féve
dans {1 partie droite que dans la gauche, il fe dépoferoit
dans les interftices de l’aubier un plus grand nombrede parties
fixes propres à former le bois.
Il nous paroît donc aflés bien prouvé que de plufieurs
arbres plantés dans le même terrein, ceux qui croiffent plus
vite, ont leurs couches ligneufes plus épaifles, & qu’en même
temps leur aubier fe convertit plütôt en bois que dans les
R ïi
132 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
arbres qui croiflent lentement. Nous allons maintenant faire
voir que les Chênes qui font crüs dans les terreins maigres,
ont plus d’aubier par proportion à la quantité de leur bois
que ceux qui font crüs dans les bons terreins. Effectivement
fi l'aubier ne fe convertit en bois parfait qu’à proportion que
la féve qui le traverfe y dépofe des parties fixes, il eft clair
que l’aubier fera bien plus long-temps à fe convertir en bois
dans les terreins maigres que dans les bons terreins.
C'eft auffi ce que j'ai remarqué en examinant des bois
qu'on abbattoit, dans une vente dont le bois étoit beaucoup
meilleur à une de fes extrémités qu’à l’autre, fimplement
parce que le terrein y avoit plus de fond.
Les arbres qui étoient venus dans la partie où il y avoit
moins de bonne terre, étoient moins gros, leurs couches
ligneufes étoient plus minces que dans les autres, ils avoient
un plus grand nombre de couches d’aubier, & même géné-
ralement plus d’aubier par proportion à la grofieur de leur
bois ; je dis par proportion aux bois, car fi on fe contentoit
de mefurer avec un compas l’épaifleur de Faubier dans les
deux terreins, on le trouveroit communément bien plus épais
dans le bon terrein que dans l'autre.
M. de Buffon a fuivi bien plus loin fes obfervations ; car
ayant fait abbattre dans un terrein fec & graveleux où les
arbres commencent à couronner à trente ans, un grand
nombre de Chênes à médiocre & petit gland, tous âgés de
quarante-fix ans, il fit aufli abbattre autant de Chènes de
même efpece & du même âge dans un bon terrein, où le
bois ne couronne que fort tard. Ces deux terreins font à
une portée de fufil l’un de fautre, à la même expofition, &
ils ne différent que par la qualité & la profondeur de la bonne
terre, qui dans l’un eft de quelques pieds, & dans l'autre de
huit à neuf pouces feulement. Nous avons pris avec une
regle & un compas les mefures du cœur & de Faubier de
tous ces différents arbres, & après avoir fait une Table de
ces mefures, & avoir pris la moyenne entre toutes, nous
avons trouvé :
D'E'S *S'C/HE'N CES. 133
‘1°. Qu'à l'âge de quarante-fix ans, dans le terrein maigre,
les Chênes communs ou de gland médiocre avoïent 1 d’au-
bier & 2 + £ de cœur, & les Chênes de petits glands 1
d'aubier & 1 +--5 de cœur ; ainfi dans le terrein maigre
les premiers ont plus du double de cœur que les derniers.
2." Qu'au même âge de quarante-fix ans, dans un bon
terrein, les Chênes communs avoïent 1 d’aubier & 3 de
cœur, & les Chênes de petits glands r d’aubier & 2 £ de
cœur ; ainfi dans les bons terreins les premiers ont un fixiéme
plus que les derniers.
3.” Qu'au même âge de quarante-fix ans, dans le même
terrein maigre, les Chênes communs avoient 16 ou 7
couches ligneufes d’aubier, & les Chênes de petits glands en
avoient 21 ; ainfi l'aubier fe convertit plûtôt en cœur dans
les Chênes communs que dans les Chênes de petits glands,
4 Qu'à l'âge de quarante-fix ans la groffeur du bois de
fervice, y compris laubier des Chênes à petits glands dans
Je mauvais terrein, eft à la grofieur du bois de fervice des
Chênes de même efpece dans le bon terrein, comme 2 1 1
font à 29 ; d’où l'on tire, en fuppofant les hauteurs égales,
- Aa proportion de la quantité de bois de fervice dans le bon
terrein, à la quantité dans le mauvais terrein, comme 841
font à 462, c'eft-à-dire, prefque double ; & comme les
arbres de même efpece s'élevent à proportion de la bonté &
de la profondeur du terrein, on peut affürer que la quantité
du bois que fournit un bon terrein, ef beaucoup plus du
double de celle que produit un mauvais terrein. Nous ne
parlons ici que du bois de fervice, & point du tout du taïllis ;
car après avoir fait les mêmes épreuves & les mêmes calculs
fur des arbres beaucoup plus jeunes, comme de vingt-cinq
à trente ans, dans le bon & le mauvais terrein, nous avons
trouvé que les différences n'étoient pas à beaucoup près fi
randes ; mais comme ce détail feroit un peu long , & que
d'ailleurs il y entre quelques expériences fur l'Aubier & le
Cœur du Chêne felon les différents âges, fur le temps abfolu
qu'il faut à l'Aubier pour fe transformer en Cœur, & fur le
R ii
134 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
produit des terreins maigres comparé au produit des bons
terreins, nous renvoyons le tout à un autre Mémoire.
If n'eft donc pas douteux que dans les terreins maigres
l'aubier ne foit plus épais par proportion au bois, que dans les
bons terreins ; & quoique nous ne rapportions rien ici fur les
proportions des arbres qui fe font trouvés bien fains, cepen-
dant nous remarquerons en pañlant , que ceux qui étoient un
peu gâtés, avoient toûjours plus d'aubier que les autres. Nous
avons pris auffi les mêmes proportions du cœur & de l'aubier
dans des Chênes de différents âges, & nous avons reconnu
que les couches ligneufes étoient plus épaifles dans les jeunes
arbres que dans les vieux, mais aufli qu'il y en avoit une
bien moindre quantité. Concluons donc de nos expériences
& de nos obfervations :
I. Que dans tous les cas où la féve eft portée avec plus
d'abondance, les couches ligneufes, de même que les couches
d’aubier, y font plus épaiffes , foit que l'abondance de cette
féve foit un effet de la bonté du terrëin ou de la bonne confti-
tution de l'arbre, foit qu'elle dépende de l'âge de f'arbre, de
la pofition des branches ou des racines, &c.
IL. Que laubier fe convertit d'autant plütôt en bois, que
la féve eft portée avec plus d’abondance dans des arbres ou
dans une portion de ces arbres que dans un autre.
III. Ce qui eftune fuite de ce que nous venons de dire,
que l'excentricité des couches ligneufes dépend entiérement
de l'abondance de la féve qui fe trouve plus grande dans une
portion d’un arbre que dans une autre, ce qui eft toüjours
produit par la vigueur des racines ou des branches qui répon-
dent à la partie de l'arbre où les couches font les plus épaiffes
& les plus éloignées du centre.
IV. Que le cœur des arbres fuit très-rarement l'axe du
tronc, ce qui eft produit quelquefois par l'épaifleur inégale
des couches ligneufes dont nous venons de parler, quelque-
fois par des playes recouvertes, ou des extravafations de
fubflance, & fouvent par les accidents qui ont fait périr le
montant principal.
#2 à
CRE OR EESEREPRRT ENRRST
DHELS } SJ CARE NC Ss, 135
BR ee Ur nt Sn, à larve
OBS ER PA LEO NN
DE 'L'ECLIPSE TOTALE Dp LUNE,
Du 20 Septembre 1736.
Par M. LE MONNIER.
J OnsE RVAI à minuit le diametre de fa Lune, que je 9 Février
trouvai de 30 38 . 1737.
ABS 7° commencement certain de l'Eclipfe.
12 23 un doigt d'éclipfé.
19, 22 Ariftarchus entiérement dans l'ombre,
24 52 Bouillaud entiérement dans ombre,
26 2 Heraclides entiérement dans l'ombre,
29 37 lombre au milieu de Copernic.
30 47 lEclipfe eft de quatre doigts.
39 42 TEcliple eft de fix doigts.
43 45 lombre au milieu de Platon.
34 Tombre au bord de Manilius.
50 48 l'ombre au bord de Menelaïüs.
56 31 l'Ecliple eft de neuf doigts.
1 47 l'Ecliple eft de dix doigts.
12 46 Immerfion totale.
O 34 commencement de l'Emerfion,
ER 5P ON See eric er Sa A 0
+
VA
136 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royazr
OSBYSSE" R VI ANTATIOM
DE E'ECL RES EMUMTV'ONL'ERES
Du 17 Mars 1737.
Faite à Verfailles en préfence du Roy.
Par M. Cassini.
] E Ciel a été couvert pendant une partie du temps de
cette Eclipfe, ce qui nous a empêché d'en oblerver
le commencement & la fin.
A 3h 9’ o"le Soleil étoit éclipfé de quatre doigts.
3 18 25 cinq doigts exacts.
3 50 o huit doigts deux tiers.
3 55 15 la Tache feptentrionale qui ef la plus petite,
s'éclipfe.
o. o neuf doigts & quelques minutes, qui eft Ia
plus grande éclipfe.
16 45 huit doigts.
2$ 15 fept doigts.
41 30 cinq doigts exacts.
Dh
Le Soleil s'eft caché enfuite dans les nuages jufqu’à la fin
de l'Eclipfe, que lon n’a pas pû appercevoir.
En comparant enfemble les deux phafes correfpondantes
de l'Eclipfe, qui ont été obfervées le plus exactement lorf
qu'elle étoit de cinq doigts, on trouve que le milieu eft
arrivé à 3h 59° 58" du foir à Verfailles, qui eft plus occi-
dental que Paris de o' 5 2" d'heure.
Le = 0
OBSERVATION
| travers de
DES SCIENCES. 137
OBSERVATION
DE.IL'E CLUI PSE D'OSSOAME LL,
Du 1." Mars 1737.
Faite à T'Obfervatoire Royal de Paris.
Par M. CaAssiNI DE THuR.
1 Ciel qui avoit été découvert prefque toute la matinée,
fe couvrit vers le temps que déevoit commencer l'Eclipfe,
. de forte que je n’en aï pü obferver le commencement. Ce-
pendant les nuages au travers defquels {a lumiére du Soleil
aroifloit de temps en temps, & même tantôt plus vive &
tantôt plus foible, me permirent de le diftinguer à 2P 3 8’,
&lEclipfe n’étoit pas encore commencée. Il fe cacha enluite,
& reparut à 21 42”, & l'on diftinguoit déja fur fa partie occi-
dentale du Soleil une échancrüre afés confidérable, de forte
que le commencement de l'Eclipfe a dû arriver entre 2h 38"
& 2° 42°. . ,
_ J'avois préparé, pour faire cette obfervation, une Lunette
de 8 pieds, montée fur une machine parallaétique & garnie
d'un Micrometre, dont les 1 2 réticules comprenoient exac-
tement le diametre du Soleil, que j'ai trouvé à midi de 32°
23". J'obfervai auffi le paffage au Méridien d'une Tache, [a
plus confidérable de celles qui paroifloient alors fur le difque
du Soleïl, & dont je m'étois propolé d’obferver F'occultation
-par la Lune, elle pafñla 1 1" 2 après le centre du Soleil.
Voici pique phafes de l'Eclipfe que les nuages, au
| permis de déterminer.
} A EL 5’ 6" le Soleilétoit écliplé de 3 doigts +environ.
3 12 22 4 doigts+ environ.
Mem. 1737: )
quels on entrevoyoit quelquefois le Soleil, m'ont
16 Mars
1737°
338 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Fgh2m-33" -6"doigts.
34-50 .7 doigts.
35 36 la Tache eft entiérement cachée.
Le Soleil s’eft enfuite découvert, de forte que les phafes
fuivantes ont été déterminées avec affés de précifion.
39 4 7 doigts +.
42 35 8 doigts.
56 o 9 doigts environ.
4 O 47 9 doigts & près d’un quart, ce qui ef
la plus grande Eclipfe.
18 15 8 doigts.
23 O 7 doigts +
27 32 7 doigts.
31 25 6 doigts +
34 50 6 doigts.
38 48 5$ doigts +.
42 30 $ doigts.
7 4 doigts +
$0 16 4 doigts.
$4 Oo 3 doigts =.
Le Soleil fe cacha entre les nuages, & il ne reparut plus.
En comparant les phafes de cette Ecliple, telles qu'elles
réfultent des doigts éclipfés & du commencement que nous
avons déterminés à très-peu près, on trouve que le com-
mencement de l'Eclipfe a dû arriver à 2h 41”, le milieu à
4h 1° 15", & Ja fin à $" 20". Dans la Connoiffance des
Temps, calculée felon les Tables de mon Pere, le commen-
cement eft marqué à 2h 50, la fin à $h25', ce qui don-
neroit le milieu à 4h 7’, à 6 minutes près de celui qui a été
déterminé par obfervations. Selon les Ephémérides de M.
Defplaces, calculées fuivant les Tables de M. de la Hire, le
commencement a dû arriver à 2h 39’ 34", & ia fin à $b
26" 34", ce qui donne le milieu à 4? 3’, avecune différence
27. ste :
’ & DIE:S :-S ClENCGES. 13
de 4 minutes entre ces deux Tables pour le temps de fa
conjonction.
On voit par cette comparaifon que les Ephémérides de
M. Defplaces, qui s'accordent mieux dans e commencement
& dans le milieu, s’en éloignent un peu plus vers la fin. -
A l'égard de la grandeur de lEclipfe, nous l'avons jugée
de 9 doigts & un peu moins d'un quart, ce qui” s'accorde
mieux à la grandeur marquée dans la Connoiïffance des Temps
que dans les Ephémérides de M. Defplaces, qui ne l’a déter-
minée que de 8 doigts $ 2°.
Nous avons reçü l'obfervation dé cette Eclipfe faite à Aix
par M.'5 de Montvalon & de Bœuf, que nous rapportons
ici, parce que le commencement & la fin de cette Eclipfe
y ont été obfervés, & que nous nous en fommes fervis en
quelque façon pour déduire le commencement & la fin que
nous n'avons pü obferver ici.
Cette obfervation a été faite avec deux Donvties. une
de 15 pieds, & l'autre de 6 pieds.
La Lunette de 6 pieds renvoyoit l'image du Soleil fur un
Cercle de $ pouces de diametre tracé fur un carton qui étoit
porté à la Lunette, & par le moyen duquel lon a mefuré
les doigts éclipés.
Le commencement de 'Eclipfe fut déterminé tant fur le
carton qu'avec la Lunette de 1 5 pieds, à 38 3"35", la fin à
h28' 59"; le milieu, tel qu'il rélulte du commencement
& dela fin, ‘ef amivé À 48 16° 17° è
La grandeur de l'Ecliple a été de 7 doigts & un quart ou
un tiers tout au plus.
Lis obferverent auffi Le oir à 7h 1 la Comete qu'ils avoient
apperçüe depuis le 1 1 de Février au $."€ degré de Y avec
une déclinaifon méridionale de 1° +, elle étoit Île 1$ au
; 7: me degré, bien près de l'Equateur ; elle l'a coupé le 27,
. & étoit au 20.me degré. Elle parut le 1. de Mars, jour de
_Eclipte, au 27.m€ depré avec environ 2° de déclinaifon
» feptentrionale beaucoup plus foible que les jours précédents.
S ij
i40 MEmoïrEs DÈ L'ACADEMIE ROYALE
Obférvation de l'E‘clipfe du Soleil faire à Aix par M:'
de Monivalon à de Bœuf.
commencement de l'Eclipfe.
10 40 le Soleil étoit éclipfé d’un doigt.
û 2 :
HAMABDÈENSIESUCON LE AE CE SPNN 144
DO IOBSNEUR PAT ON
DE. L'ECLIPRSE DOS OL EL L,
Faite au College d'Harcourt le 1." Mars 1737...
Par M. LE MONNIER.
nn - ] E commencement & la fin de cette Eclip{e n’ont pâ 9 Mas
ne être obfervés à caufe des nuages, 1737-
A:13.25 44 $ doigts 40”.
29:33 6 doigts 25.
34 40 6 doigts 37.
\ 35 11 Ja Lune au bord de la grofie Tache.
À 35 36 la Tache entiérement cachée,
EVA 7 doigts 16.
39 6 7doigts 30.
40 49 7 doigts 46.
AS 42 Bdoigts 3.
48 25 8 doigts 37.
dual er 9 doigts 7.
9 27 8 doigts 409.
Han Où à FHBAAOIDIS 18.
14 43 Sdoigis 3.
= 23 4 7doigts 22.
26 11 6doigts 56.
29 38 Gdoigts 34.
NX: 32 54 6Gdoigts 9.
2 MÉOARIOPNE LE) 5 doigts 43.
1e 37 10 Sdoigts 34 |
_ Deces phafes obfervées, il réfulte que le milieu del'Eclipfe
_ tarrivéà4h 1" 30", & que la grandeur a été de 9 doigts
DO 7 minutes, not landi 3:
RC è ere SUR) à
S iÿ
142 MEMOaRES) DE L'ACADEMIE RoyALE
DESCRIPTION ANATOMIQUE
ui À DER YEUX
DELA GRENOUILLE. ET DE LA TORTUE.
Pa M. PETiIT le Médecin.
20 Riié ORSQUE j'ai commencé à travailler fur les Yeux de
1737 la Grenouille, je ne les ai d'abord examinés que par
rapport à une Membrane très-tranfparente qui s’éleve & qui
Oligenus Jaco- fe baifie fur leurs yeux , & que Jacobæus à cru être femblable
Mondes d à la troifiéme paupiére des Oifeaux. J'ai cherché les reflorts
Parifis 1 676. qui font mouvoir cette Membrane. J'ai reconnu qu'elle n'a
er: point de mufcles particuliers, & que fon mouvement dépend
de tous les mufcles de l'Œil ; ce qui m'a déterminé de donner
la defcription entiére de TŒif, & d'en faire un Mémoire.
Je vais donner une idée générale de la Tête : mais je dé-
crirai plus particuliérement l'Orbite de il, parce qu'il eft
très-fnpgulier ; je n'en ai point vû qui lui reflemble dans
aucun des animaux que j'ai difléqués ; enfüuite de quoi je
donnerai la defcription de toutes les parties de l'Œil.
J'ai coupé la tête à une grofle Grenouille à la r.re ver-
tebre, elle eft de figure à peu-près triangulaire À, 2, C, D,
elle a 10 lignes de longueur ; elle pefe 78 grains avec la
mâchoire inférieure. Je me trouve obligé de mettre les autres
dimenfions à l'explication des Figures , parce que l'on a cru
que ce détail rendroït le Mémoire trop ennuyeux.
La peau qui couvre fa tête eft très-fine. Si l'on met pen-
dant quelques jours tremper la tête dans l'eau commune, on
fépare facilement Fépiderme de cette peau.
Il y a deux trous £, E, à la partie externe & antérieure de
cette tête ; ils ont petits, ils n’ont que + dé ligne de longueur
& + ligne de largeur, ce font les narines; fr on les touche avec
le bout d’un ftilet, à une Grenouille vivante, ils deviennent
encore plus petits.
Fig. 1.
LT ATODNÉ SNS SNCÉLIEUNENE 18 m1 7 148
* Les oreilles externes Æ, Æ; font bouchées par la peau &
par un cartilage qui leur fert de couvercle | comme l'a décrit
Jacobæus. L'endroit eft remarquable, en ce que la peau qui
couvre ce cartilage eft d’une couleur un peu différente de
celle de la tête; ce cartilage eft à peu-près rond, & a 2 lignes
de diametre.
Si l'on examine le palais, après avoir enlevé la mâchoire
inférieure, on trouve quatre petits trous, deux à la partie
“antérieure £, £, qui communiquent avec les narines ; deux
à la partie poftérieure Æ F, qui fe rendent dans l’intérieur des
oreilles , ils font l'office de trompe de fallope. Les premiers
font tant foit peu ovales, quelquefois ronds ; les feconds
forment aflés fouvent un triangle curviligne, dont les côtés
ont chacun une ligne de longueur.
On remarque entre les deux trous antérieurs deux pétites
“élévations ou tubérofités , Z, qui ont tout au plus demi-ligne
de longueur, ce font les extrémités de deux os À, BCGDYE,
Fig, 2,
Fig. 3.
Fig, 9.
deffinés plus grands que le naturel; placés à la partie anté-
rieure du palais. Ces extrémités 4; À, ne font revêtuës d’au-
cune membrane ; il s’y élève deux petits crochets très-fins &
picquants, mais tout le refte de ces os BD, E, C, D, eft enve-
doppé dans la duplicature de la membrane du palais. Chacun
de ces os:a encore trois apophyles Æ, CD, qui reflemblent
à des dents plattes & fort aiguës, mais de la maniére dont
ces os font placés, ces apophyfes ne peuvent fervir de dents.
* Elles forment deux échancrüres D,C,C, E, c'eft entre les
-échancrüres D, C, que. fe trouvent les trous antérieurs du
“palais £, E, qui communiquent avec le nez. Ces os font
- concaves du côté du palais, & convexes du côté du nez. Les
“extrémités À, À, de ces deux os ne fe trouvent pas de même
dans le Crapaud.
…. Jacobæus a donné une Figure de cet os, qu'il a obfervé,
f dit-il, avec le Microfcope, & qu'il a fait definer tel qu'il la
vû. J'ai cru qu'il étoit bon de donner fa Figure, pour faire
. noir la différence qui fe trôuve entre cette Figure 8 & ma
Figure 9. Il n'eft pas néceffaire de fe fervir de Microfcope
#0 22! j
Fig. 2. |
Fig. 10,
Fig, 8
144 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALr
pour bien voir cet os ; il ne nva pas paru de différente figure
Page 42. avecume bonne Loupe, au furplus voici ce que Jacobæus en
Tab.3. Bg.5: dit : Dentes Ranarum obfervatione digni. Ærrat Libavius, qui
Fig. 2.
Fig. 3.
Ranas dentibus exarmat, morfufque fuos labiis durioribus peragere
ait , maxilla fuperior dentibus ferie fua difpofitis ornatur , fed mi-
nutis © præter dentium ordinem confpicuum, binos in palato obfervo
dentes majores, quorum altér in dextra, alter in finiffra palati
parte Jitus, tribus acuminatis eminentiis intro fpetlantibus, dentef-
que æmulantibus , affurgit, qualem ope Microfcopii depinxi,
Tout ce qu'on peut conjeéturer de ce paflage, c'eft que
Jacobæus n’a fait fes obfervations que fur une Grenouille,
-& que Libavius n’a fait les fiennes que fur un Crapaud: Je
Hes ai faites fur les Grenouilles & fur les Crapauds bruns, mais
je ne les ai point faites fur les Crapauds verdiers
Le palais eft tapifié d’une membrane G, G, très-forte qui
couvre les deux yeux à eur partie inférieure ; elle eff atta-
chée à toute la furface offeufe du palais.
Lorfqu’on à enlevé cettemembrane, on voit quatre petites
“cavités. Il y en a deux antérieures #, Æ°, elles font entre la
partie antérieure latérale interne des yeux & la partie latérale
interne du crâne qui fépare les deux yeux. Leur figure eft
différente felon le plus ou le moins d’écartement des mufcles ;
le côté le plus large eft à la partie antérieure, mais le côté
poftérieur finit en pointe : ces cavités font longues de 2 lign.
deux tiers. d
Les deux autres cavités font entre F, F, & G, G, à la partie
poftérieure des nerfs optiques G, G, qui les féparent des deux
-cavités antérieures ; elles font ovales, elles ont demi-ligne de
grand diametre & un tiers de ligne de petit diametre. Il fort
-de chacune de ces cavités'un faifceau de vaifieaux compofés
d’arteres, de veines & de nerfs qui fortent de la cavité du
crâne par les trous qui donnent paflage aux nerfs optiques,
& vont fe diftribuer dans la membrane qui couvre le palais.
J'ai fait bouillir une tête de Grenouille dans l'eau pendant
une minute d'heure, elle s’eft trouvée affés cuite pour féparer
facilement les chairs des os. Si on la laïffe bouillir davantage,
les os
« een a. dns
f 2121 MCR DES SCIENCES. 145
_ ? Jes os fe féparent avec les chairs; on ne peut conferver les
os unis les uns avec les autres, & l'on ne peut conferver la
figure de l'orbite ; mais en prenant cette précaution, les os
-reftent dans leur fituation naturelle, après es avoir nettoyés
de leur chair & de leur membrane.
… Cette tête bien féchée, pefe 6 grains + avec la mâchoire
inférieure ; elle a 9 lignes £ de longueur À, 2.
… Cequ'il y a de remarquable dans ce crâne, font les trous
des narines £, Æ, & les zygoma C, H, D, H, qui ont des ou-
vertures en forme de fufeau, & qui font finguliéres ; chacune
eft formée par l'union de la mâchoire fupérieure & de l'os
D: qui fait la rondeur de la partie latérale externe de l'orbite :
| c'eft à la partie poftérieure de chacun de ces zygoma que
s'articule {a mâchoire inférieure À, 2, C.
. Letrou 2 donne pafage à la moëlle allongée ; il eft pen-
tagone, on le voit bien defliné dans la petite Figure de gran-
deur naturelle À, B, B, C, C; il y a deux petites têtes 2, B,
qui s’articulent avec la premiére vertebre. |
La mâchoire inférieure s’emboîte dans Ia fupérieure. Ces
deux mâchoires font découpées en forme de fcie, ce qui fait
les dents de la Grenouille ; elles font fi petites, qu’on a de
la peine à les appercevoir, & font plus fines à la mâchoire
inférieure qu’à la mâchoire fupérieure. J'ai déja dit que ces
: dents ne fe trouvent point dans le Crapaud.
Je ne connois point d'animal qui ait un orbite comme
-- celui de Ja Grenouille. If eft remarquable par fa fingularité;
à fa figure G, K, eft une efpece de fenêtre à peu-près fem-
‘1 blable à un D majufcule. Son côté interne & fupérieur Z, Z,
_ ‘eft produit par la partie latérale du crâne qui contient le
+ cerveau; on y voit une ouverture #7, 7, en forme de
. trapeze fermée par une membrane cartilagineufe très-fne,
_ & fur laquelle on trouve quelquefois des points offeux, Ce
… - trapeze ef très-petit, puifque le plus long de fes côtés n'a
qu'une ligne & demie,
La partie latérale externe de l'orbite eft formée par un
os très-mince, qui a pourtant une ligne de largeur ; il eft
Mem. 1737:
Fig. 4.
Fig. 6.
Fig. 4
Fig. Se
Fig. 1. &7.
Fig. 1.
146 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE" ROYALE
demi-circulaire, attaché par fes deux côtés au crâne, &aw
2JROmAIpRE fa partie moyenne ; enfin cet orbite eft long de
3 lignes + à fa partie fupérieure, de 4 lignes à fa partie infé-
rieure, & large de 3 lignes +
L’œil eft logé dans a orbite, il y eft pol obliquement,
& recouvert de deux paupiéres jufqu’à la cornée. J'ai déja
dit ailleurs que ces paupiéres font formées par la peau qui
eft très-fine, & en fait la partie externe, la conjonétive en
fait la partie interne.
La paupiére fupérieure G, Z H, eft adhérente au bord de
toute la partie fupérieure de l'orbite depuis le grand angle 4
jufqu'au petit angle G. Si l'on met le bout d’une fonde fous
la partie moyenne de cette paupiére, il y entre de la longueur
de demi-ligne feulement, quoique la paupiére paroiffe large
de 2 lign. depuis le rebord de Forbite jufqu'au bord de la
cornée ; c'eft que la conjonétive eft adhérente à la fclérotique
depuis le grand coin jufqu'au petit coin Æ, Z,G, Fig. r, &
E, Gr OGMia-:7niee qui eft marqué par de petits points ; la
peau de la paupiére n'y eft point adhérente, & mème la
conjonctive n'eft adhérente à la peau que fur le bord de la
paupiére, ce qui produit une vacuité fous cette paupiére,
longue de 3 lign. + & large de 2 lignes. Cette vacuité ne
contient aucune matiére vifible, & n'a point de communi-
cation avec l'air extérieur.
J'ai ouvert cette vacuité dans toute fa longueur dans une
Grenouille vivante, pour voir fi les parties de la paupiére
coupée s'écarteroient lorfque l'œil s'enfonceroit vers le palais,
mais elles ne fe font point écartées, & quelque mouvement
que j'aye excité dans l'œil, elles font reflées on comme
sil n’y avoit aucune ouverture.
La paupiére inférieure eft adhérente tout du long de la
partie inférieure de l'orbite depuis le grand angle jufqu’au
petit angle, à une membrane très-forte, qui s'étend de toute
la longueur de cette partie inférieure.
Ces paupiéres n'ont aucun mouvement par elles-mêmes,
elles n'ont point de mufcles particuliers pour les mouvoirs
!
|
DES SC E NC RS AIM gr
Le peu de mouvement qu'elles ont leur eft commun avec le
obe, comme nous le prouverons à la fuite de ce Mémoire.
+ Les Grenouilles ont une 3. paupiére, comme je l'ai dit
ci-deflus, mais différente de celle des oifeaux & des animaux
à quatre pieds. Jacobæus * Va cruë femblable à celle des + page 4e.
oifeaux, il lui a donné le même nom & {es mêmes mufcles
que Stenon * a donné à la 3.m° paupiére des oifeaux ; & + 44 Ha.
quoique cette membrane ne cille point dans la Grenouille, rien. vol. 2.
_ & ne fe mette en mouvement que lorfqu'on touche l'œil, il 244 FE es)
Va néantmoins appellée membrana nidfitans. Quoi qu'il en foit, Aratom. ain,
il eft redevable de cette découverte à M. Marchant *. Voici /” LA:
ce que Jacobæus en dit lui-même : Æanc membranam nidi-
tantem primus mihi oftendit Nicolaus Marchant, floræ Parifienfis
infigne decus. Cette 3."€ paupiére eft une membrane très-fine,
& fi tranfparente, qu'on ne lapperçoit point lorfqu'elle
couvre entiérement la cornée, mais on la diftingue très-bien
lorfqu'elle ne la couvre qu'en partie, comme on la voit'dans
la Fig. 7, en F, D, A, à caufe de fon bord qui eft opaque.
On ne peut introduire qu’avec peine un ftilet très-fin entre
cette 3-M€ paupiére & la cornée, lorfque la Grenouille eft
vivante, mais on l’introduit facilement lorfqu'elle eftmorte.
Cette 3.m€ paupiére fe plifle en fe retirant fous la paupiére
inférieure à laquelle elle eft adhérente, aufli-bien qu'à une
membrane très-forte qui eft fur la partie interne de la pau-
piére inférieure. Elle paroït être continuë avec le mufcle
tranfverfal, car fi on met une fonde entre la paupiére infé-
_ rieure & l'œil, on introduit facilement entre le mufcle -
_‘tranfverfal & l'œil dans une Grenouillé morte ; pour le bien
* voir, il faut enlever la membrane qui couvre le palais.
I! regne tout du long de Ja partie fupérieure de cette
.… paupiére une corde blancheâtre & opaque, ce qui la diftingue
. de la paupiére interne qui eft tranfparente. Cette corde dé-
“borde des coins de # membrane de la longtieur de demi-ligne ;
+ = Ilétoitde l'Académie desScien: travaille depuis long-temps à la def-
711 Et & Pere de M. Marchant, qui cription des Plantes de l’Académie,
— left auffi de certe Académie, #@ qui , + 2 et à
r Ti
148 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
ces deux extrémités de la corde font plus blancs, & paroiffent
tendineux , ils fe rendent obliquenient au deflus des coins
de l'orbite, & paroiflent être une continuité de l'aponevrofe
des mufcles qui font entre l'œil & l'oreille, ce qui m'avoit
d'abord fait croire que le mouvement de cette 3.m€ paupiére
dépendoit de ces mufcles; mais après les avoir difléqués &
examinés plufieurs fois, je me fuis affüré que ces mufcles ne
fervent qu'au mouvement de la mâchoire inférieure, ils font
l'office de crotaphite & de mafletere, & qui les extrémités
de la corde de la 3.m° paupiére s'attachent jufque fur l'origine
du tendon de ces mufcles, mais qu'ils n'y font point
continus. :
J'ai encore examiné tous les mufcles de l'œil, pour voir
fi je n’en pourrois point trouver quelqu'un qui püt fervir au
mouvement de la 3.me paupiére. J'ai enlevé les deux pau-
piéres, j'ai trouvé un mufcle qui prend fon origine de toute
la partie du crâne qui fait la partie fupérieure de l'orbite, &
va s'inférer à toute la partie fupérieure de la fclérotique de-
puis le grand angle jufqu'au petit angle, à 2 lignes + de Ia
cornée, quelquefois moins. Ce mufcle eft long d’une ligne,
& n'a pas + de ligne d’épaifleur, il eft quelquefois divifé en
trois mufcles ; on peut le nommer releveur de l'œil, parce qu'il
fert à le relever conjointement avec le mufcle fuivant.
Le fecond mufcle couvre toute la partie inférieure du
globe de l'œil, une de fes extrémités eft attachée au grand
coin, & l’autre au petit coin de l'orbite, en forte qu'on ne
peut dire qu’une de ces extrémités eft plütôt fon origine que
l'autre. (Il m'a paru quelquefois pafler vers la partie fupérieure
de l'œil pour aller s’inférer à la partie fupérieure de l'orbite,
& quelquefois prendre fon origine de la partie fupérieure de
l'orbite, & s’inférer au petit coin de l'œil ; ceci eft douteux).
Je l'appelle tranfverfal, il fert à relever Fœil, conjointement
-avec le mufcle précédent, lorfqu'il a été abbaifié par Le
mufcle fuivant.
Le globe de l'œil eft enveloppé à fa partie poftérieure
par un mufcle, qui par fa forme, par fon origine & par {on
LDJEN SAS ICE UN, CE 8, : 149
infertion, eft prefque femblable à celui que lon trouve dans |,
les animaux à quatre pieds, & que l’on appelle fsfpenfeur de
l'œil, mais fort mal-à-propos, car il n’a point cet ufage,
comme je le ferai voir dans un autre Mémoire. On peut
encore aflürer qu'il ne peut avoir cet ufage dans les yeux de
la Grenouille, car il eft facile de voir que lorfque ce mufcle
fe met en contraction, il tire l'œil en bas. Je nommerai ce
mufcle choanoide , parce que fi on détachoit ce mufcle, il
auroit la figure d’un entonnoir. I prend fon origine de a
partie poftérieure de l'orbite près du trou par où le nerf
optique pafle pour entrer dans cet orbite. Il enveloppe ce
nerf & la partie poftérieure du globe de l'œil, & s’infere au-
tour de la partie moyenne de ce globe. Ce mufcle eft long
de 2 lignes À dans toute fa circonférence, mais fa partie infé-
- rieure s’infere à une ligne de la partie inférieure de la cornée,
& fa partie fupérieure s’infere à 2 lignes + de la partie fupé-
rieure de la cornée à caufe de la fituation particuliére de l'œif
dans fon orbite. Si lon prend bien garde à la différence de
ces deux infertions, on trouvera toute la méchanique de
labbaiffement de l'œil, à caufe des fibres qui s’inférent à
2 lignes de la cornée, par ce moyen Fœil eft tiré plus vers
le bas de l'orbite que vers fa partie poftérieure ; car fi les
fibres de ce mufcle étoient auffi allongées à la partie fupé-
rieure de l'œil qu'à fa partie inférieure, elles tireroient l'œil
également vers le nerf optique. Ce mufcle eft le plus charnu
& le plus fort de tous les mufcles des yeux de la Grenouille,
il tire l'œil vers le palais, & occafionne le mouvement de Ja
-paupiére interne, comme je le dirai.
… Voilà tous les mufcles que j'ai trouvés, il n’y en a point
: i faffe mouvoir immédiatement la 3.Me paupiére, comme
\ “je Yai dit. ; à 9
_+ Je n'ai point trouvé de graifle entre ces mufcles, ni en
saucun endroit de l'orbite & du globe de l'œil.
Lorfque l'œil eft tiré vers le palais par le mufcle choanoïde,
… if pouffe une membrane GG qui le foûtient, & dont le palais Fig, 2.
… cf revêtu. Elle eft attachée à toute la QUE des à
Hi, OT i}
so MEMOIRES DE 1'ACADEMIE ROYALE
orbites ; elle n’eft adhérente à aucune partie de l'œil, elle eft
blanche, forte & aponévrotique, Elle reçoit de chaque côté
à fa partie poflérieure, un failceau d’arteres, de veines & de
nerfs qui lui viennent de la cavité du crâne par les trous par
où paient les nerfs optiques.
À confidérer les yeux de la Grenouille, ils paroiflent fort
{aillants. Dela maniére dont l'orbite eft formé, ils le doivent
être à la partie fupérieure ou à la partie inférieure ; ils le font
naturellement, à la partie fupérieure, de 2 lignes+ depuis
a partie fupérieure de l'orbite jufqu'à la partie antérieure de
Ja cornée ; mais lorfquel’on touchel'æil, le mufcle choanoïde
fe met en contraétion, l'œil s'enfonce vers le palais, de ma-
mniére que le point le plus éminent de la cornée fe trouve de
niveau avec les deux coins de l'orbite, l'œil devient faïllant
du côté du palais ; pour bien voir cette faillie, il faut enlever
a membrane dont le palais eft revêtu.
Le globe de l'œil, dépouillé de fes mufcles, avoit 3 lign. +
de diametre horifontal, 3 lign. de diametre vertical & 3 lign.
-d'axe, quelquefois plus. Il pefe 3 grains À.
La conjonéive étoit blanche, mais plus à fa partie infé-
rieure & aux coins, qu’à fa partie fupérieure ; elle eft fouvent
plus ou moins parfemée de points noirs.
La cornée avoit 2 lign. + de diametre horifontal & 2 lign.
de diametre vertical, je l'ai trouvée une fois de 3 lignes de
diametre horifontal & 2 lignes + de diametre vertical ; elle
étoit bordée d’un filet noir, large d’un dixiéme de ligne à fa
partie fupérieure, & d’un huitiéme à fa partie inférieure; elle
avoit à fes côtés des portions de bandes dorées, larges de demi-
ligne, qui s'étendoient quelquefois vers la partie inférieure.
La fclérotique paroïfloit extérieurement noire dans les
endroits où la choroïde étoit noire, & dorée où la choroïde
eft dorée ; mais lorfqu'elle étoit féparée de la choroïde, elle
étoit blanche & tranfparente comme du verre, elle avoit tout
au plus un quinziéme de ligne d’épaiffeur.
L'uvée avoit à fa partie poftérieure une mucofité noire
comme l'homme & les animaux à quatre pieds. L'iris étoit
sd
EE
: ler SES IDin ENT E QT 1$T
parfémé de quantité de points de couleur d’or, avec un cercle
de même couleur dont elle étoit bordée à l'entour de fa
prunelle , ce cercle étoit large d'un fixiéme de ligne. Je l'ai
trouvée quelquefois toute dorée à fa partie fupéri ieure, un
* peu moins à fa partie inférieure & à fes côtés, pour Ao1s of
ne voyoit point de cercle doré autour de la prunelle.
Cette uvée étoit large d’une ligne + à fa partie fupérieure,
deux tiers de ligne à fa partie inférieure, & demi- ET à
chaque angle des yeux.
La prunelle O, O, à ordinairement la figure d’un taie
curviligne. Il ÿ a deux angles vis-à-vis fes deux coins des päus
” piéres, & le 3.meeft à la partie inférieure. Cette prünelle avoit
PTS FRE ur
Dr Las
VE ES era à
vertical ; je lai trouvée fouvent plus grande, & plus elle eft
grande, plus elle approche de la figure circulaire : j'en ai vâ
qui avoient 2 lignes de diametre horifontal, & une ligne:
de diametre vertical, Si pour lors on touche l'œil dans uné
Grenouille vivante, da pranellé f rétrécit quelquefois, mais-
fans faire aucune vibration, elle devient triangulaire, & feu
M ement à l'œil que l’on touche; l’on voit quelquefois les deux
prunelles de différente gr andeur dans la même Grenouille.
% La choroïde eft noire en certains endroits, & dorée en
d'auties, & plus épaiffé que la fclérotique. Je n'ai rien trouvé
de particulier dans Îa rétine.
Le nerf optique G, G, fort du crâne tout près la partie
| poftérieure de Forbite, & s'infere à un quart de ligne dé
… l'extrémité poftérieure de l'axe de l'œil. Ï a une ligne 2 de
longueur, une demi- “ligne d'épaiffeur, & deux tiers de ligne
. delargeur.
Les deux nerfs optiques font unis dans Île crâne comme
font dans l’homme & les animaux à quatre pieds.
y à de Fhumeur aqueufe non feulement dans les deux
bres de l'œil, mais encore entre la rétine & f'humeur
litrée, comme dans les poiflons & dans les oifeaux, il eft
é impoffible d'en déterminer précifément la quantité
1 Grenouille, j'en ai quelquefois trouvé un grain : ou
uné ligne à de diametre horifontal, & uneligne de diametre
Fi De 7
Fig. 3°
352 MEMoOIREs DE L'ACADEMIE RoYALE
Le criftallin a 2 lignes de diametre, & une ligne +, quel-
uefois À d'axe ; il pefe un grain +. Sa convexité antérieure
fit la portion d'une fphere qui a 2 lignes ? de diametre &
la poftérieure 2 lignes. Sa partie externe eft fort glaireufe, &
molle comme dans les poiflons, il eft dur vers le centre;
cette portion dure a une ligne de diametre & deux tiers de
ligne d’axe, quelquefois moins.
J'ai mis un criftallin dans l'eau bouillante, il eft devenu
blanc, opaque, comme il arrive à tous les criftallins que l'on
fait cuire ; il avoit les mêmes dimenfions étant cuit qu'avant
de l'être, c’eft-à-dire, 2 lign. de diametre & uneligne+ d’axe.
Je l'ai laiffé fécher à l'air, il eft devenu un peu tranfparent
& jaunâtre, il n'avoit plus qu'une ligne de diametre & une
ligne + d’axe. J'ai laiffé en même temps fécher l'autre criftallin
de la même Grenouille fans le faire cuire, il eft refté tranf-
parent comme du criftal ; il étoit rond, & avoit une ligne
de diametre & d’axe.
Quelque recherche que j'aye faite, je n'ai pû trouver de
proceffus ciliaires, mais feulement une bande de mucofité
noire, large de deux tiers de ligne.
Après avoir décrit toutes les parties qui compofent l'œil
de la Grenouille, il faut en expliquer les ufages.
L'on fçait que dans l'homme & les animaux à quatre pieds,
& dans une partie des oifeaux, les paupiéres fe ferment &
s'ouvrent, elles couvrent les yeux, elles les mettent en quel-
que maniére à l'abri des injures des objets externes qui peu-
vent les bleffer, & par leur cillement elles détournent in-
ceflamment de deflus la cornée, la pouffiére & les petits corps
qui voltigent dans l'air. Elles poliflent cette cornée, aidées
de la liqueur que fourniffent les glandes, dont le réfidu pafe
dans la gorge par les points lacrymaux. Nous ne voyons rien
de tout cela dans les poiflons & les Grenouilles. Celles-ci
ont pourtant une glande triangulaire fous le grand coin de
J'œil , elle eft très-petite, puifqu’elle n'a qu’une ligne + de
Jongueur, & une ligne de largeur & d’épaifieur, & ne peut
par conféquent filtrer qu’une petite quantité de liqueur pour
humeéter
À se nt 18 RSC AN: C ES 153
. humeéler leur cornée lorfqu'ils ne font pas dans l'eau ; on y
= cherche inutilement les points lacrymaux, on n'y trouve
point de mouvement aux paupiéres, comme je l'ai fait voir
ci-deflus. L2
… J'ai examiné les yeux de la Grenouille vivante à différentes
+ fois, & aflés long-temps à chaque fois ; J'ai paflé & repaflé
des objets devant fes yeux, j'y ai préfenté dans un lieu
. obfcur des bougies allumées, je n’ai remarqué aucun mou-
- vement dans les paupiéres ni dans le globe de l'œil, ni même
- dans fa 3. paupiére : elle ne fait point de cillement, tel
qu'on de voit dans la 3.me paupiére des oifeaux ; mais fi on
touche l'œil de la Grenouille avec le doigt ou le bout d’une
- fonde, l'œil s'enfonce vers le palais, ce qu’il fait en fe baiflant
. fans tourner fur fon centre, comme on le voit dans l'homme
& les animaux à quatre pieds. La cornée fe cache en partie
fous la paupiére inférieure, qui s'approche en même temps
- dela paupiére fupérieure, & couvre, le plus fouvent, entiére-
_— ment l'œil, au lieu que dans l'état naturel ces deux paupiéres
_ _ {ont diftantes l'une de l'autre de la largeur de la cornée,
comme je l'ai dit ci-deflus. La 3.me paupiére s'éleve fur la
. cornée, & tout cela fe fait par un feul mufcle, que j'ai nommé
choanoïde , qui fe met en contraction, & qui tire l'œil vers
“ depalais, mais auffi-tôt qu'on a retiré le ftilet de deflus l'œil,
cet œil fe releve, les paupiéres s'écartent, la 3. paupiére
._ Æpliffe fous la paupiére inférieure, enfin tout fe remet dans
… Je mêmeétat qu'il étoit avant d’avoir touché l'œil, & tout
cela fe fait par la contraction du mufcle tranfverfal & du
‘releveur de l'œil. 6
… On doit remarquer ici deux chofes : La premiére eft qu'il
faut toucher l'œil pour occafionner les mouvements dont
. nous venons de parler, car fi on touche feulement la pau-
… pire fupérieure ou inférieure, il ne fe fait le plus fouvent
» aucun mouvement, il arrive feulement à quelques Gre-
ouilles, qu'après leur avoir touché l'œil & l'avoir fait baiffer,
‘abord que l'œil eft relevé, on leur touche la paupiére, ou
Men. 1737.
154 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE |
qu'on approche feulement le filet près de l'œil fans le tou-
cher, l'œil fe baifie.
La feconde chofe que nous avons à remarquer, c’eft qu’il
n'y a que l'œil que l'on touche, qui fe met*en mouvement,
l'autre œil refte immobile.
Ces mouvements font plus ou moins vifs, felon que les
Grenouilles ont été plus ou moins gardées après avoir été
priés, parce que les Grenouilles ne mangent point ; après
qu'elles font prifes, elles deviennent d'autant plus foibles
qu'elles ont été gardées plus Jong-temps.
Si on coupe la tête à une Grenouille vivante, cette tête
refte trois ou quatre heures vivante lorfqu'elle eft nouvelle-
ment prie ; l'on fait faire aux yeux les mêmes mouvements
pendant tout le temps qu'elle vit, comme fi cette tête n’avoit
oint été féparée du corps, mais ces mouvements font plus
foibles, & elles meurent plûtôt felon le plus ou le moins de
temps que les Grenouilles ont été gardées.
J'ai dit ci-defus que l'œil fe baifle par la contraétion du
mufcle choanoïde; pour n'en aflürer, j'ai coupé la mâchoire
inférieure à une Grenouille vivante, j'ai enlevé la membrane
dont le palais eft revêtu, pour voir la partie inférieure des
eux à découvert ; j'ai touché la cornée de l'œil, qui s’eft
d'abord enfoncé du côté du palais, & lorfque l'œil s'eft
relevé, j'ai vû le mufcle tranfverfal fe mettre en contraétion.
Je nai pû voir la contraétion du mufcle choanoïde lorfque
l'œil s'eft baïffé, parce qu’il eft recouvert du mufcle tranf-
verfal ; j'ai été obligé de couper le mufcle tranfverfal en
travers, depuis la partie antérieure de l'œil jufqu'au nerf
optique, & de le difféquer de part & d'autre du côté des
angles, & pour lors l'œil s’eft trouvé un peu baiflé par la
contraction naturelle du mufele choanoïde, mais non pas
entiérement, à caufe de la réfiftance du releveur de l'œil ;
j'ai touché l'œil, j'ai vû pour lors la contraction du mufcle
choanoïde qui a tiré l'œil tout-à-fait en bas, qui après cela
ne s'eft relevé qu'en partie, à caufe de l'inaction du mufcle
DES:SCIENCE.S. r HESS
’tranfverfal qui étoit coupé; j'ai enfuite coupé {e releveur de
lœil, le choanoïde s’eft mis naturellement en contraction,
il ne fe trouvoit plus de mufcle pour réfifter à fon action
maturelle, l'œil ne s’eft point relevé. Par la même raifon j'ai
voulu executer tout le contraire de ce que je venois de faire,
c'eft-à-dire, de couper le mufcle choanoïde & de laifler le
tranfverfal, mais il ne m'a pas été poffible de couper le chos-
noïde fans couper le tranfvérfal, 8 même après avoir coupé
le tranfverfal, je ne pouvois couper toutes les fibres du
mufcle choanoïde, & détruire entiérement fon aclion : je me
fuis avifé de couper le nerf optique près du trou par où il
fort du crâne, & par ce moyen j'ai eu la facilité de couper
toutes les fibres du mufcle choanoïde à leur origine, ce que
‘j'ai fait, après quoi j'ai touché la cornée, je l'ai irritée autant
que j'ai pü, l'œil ne s’eft point baifé, &.afin qu'on ne puifle
i'oppofer que la Grenouille étant devenuë très-foible par
cette opération, elle n'étoit plus en état de faire agir fon œil,
c’eft qu’en même temps j'ai touché à l’autre œil, où je n'avois
rien coupé, & je lui ai fait faire tous les mouvements qu'il
‘fait en pareil cas. |
1 Dans tous les mouvements que nous avons vû faire aux
* yeux, nous avons remarqué qu'il n’yen a que de deux fortes,
un de fe baïfler, & l’autre de fe relever; que lorfque l'œil
fe baifle, la 3.me paupiére s’éleve fur la cornée, & la couvre
entiérement, & lorfque l'œil fe releve, la 3.m° paupiére fe
“baifle, & cela £ fait avec tant d'égalité des deux côtés de Ia
3. paupiére, que fi fon mouvement fe faifoit par des muf-
“cles particuliers à cette 3.me paupiére, ils feroient certaine-
ment différents de ceux qui font mouvoir la 3.° paupiére
‘dans les oifeaux.
- Pourtrouver? la caufe de ce mouvement, il faut remar-
… quer, r.° Que fa 3.m paupiére ne couvre jamais l'œil que
orfqu'il s'enfonce vers le palais. 2.° Qu'on lui fait faire le
EU dl y F
E' de Voyés Jacobæus, page 40, qui elaflicam feu refultatricem .mem-
— dit, Aperiendæ membrane nictitanti branæ concurrentem cum convexitate
Jüfficere putat laudatus Steno, vim :- tunicæ corneæ. Vi
\'&
l
Fig. 7.
156 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
même mouvement dans une Grenouille morte que dans une
Grenouille vivante, & pour cela j'ai pris une Grenouille
morte, j'ai découvert les mufcles de l'œil du côté du palais,
j'ai pris ces mufcles avec une pincette, j'ai tiré l'œil en bas,
il seft baiflé vers le palais, la 3.®° paupiére a recouvert
entiérement la cornée, après cela j'ai repouflé l'œil vers la
partie fupérieure , la 3.me paupiére s'eft retirée en bas fous
la paupiére inférieure, de la même maniére qu'elle Le fait
lorfqu'elle eft vivante ; jai fait plus, j'ai enlevé la 3.me pau-
piére dans une Grenouille vivante & dans une Grenouille
morte, j'ai fait faire à l'œil les mêmes mouvements que nous
avons vüs ci-deflus. Ce qui fait voir que l'œil peut faire tous
fes mouvements indépendemment de la 3. paupiére, mais
que la 3.me paupiére ne peut faire fes mouvements indépen-
demment du globe de œil.
Nous avons encore une remarque à faire; c’eft que lorf-
que la 3.m€ paupiére F, D, H, couvre la comée , elle eft
élevée au deflus de 7, qui ef la partie fupérieure de la cornée,
& fait F, 1, H}; pour lors la corde qui regne fur la partie
fupérieure de cette paupiére, fait une ligne prefque droite
qui eft par conféquent plus courte que la corde F, D, H, qui
eft courbe, & pour cela elle a dû fe mettre en contraction,
foit mufculaire, foit de reflort.
Pour bien comprendre ceci, il faut obferver que lorfque
la 3. paupiére F, D, À, eft baifée au deflous de D, elle eft
retenuë en cet état par la convexité de la cornée Z, D, qui
fait une faillie au deffus de la 3.€ paupiére, c'eft un frein qui
empêche les cordons F, H, d'agir ; mais aufh-tôt que le mufcle
choanoïde à tiré l'œil du côté du palais, & que la 3.m€ pau-
piére n'eft plus arrêtée, elle eft tirée fur l'œil par la contraétion
des cordons ; enfin lorfque te mufcle choanoïde cefle d'agir,
le mufcle releveur de l'œil & le mufcle tranfverfal fe mettent
en contraction & relevent l'œil, la cornée s'avance, & oblige
par fa convexité la 3. paupiére de gliffer fur cette cornée,
& de defcendre à fa partie inférieure D.
Cette explication méchanique peut être fortifiée par
*
:)*D'E°S:.$ CFE N:C:E-S. 157
Tobfervation fuivante. J'ai trouvé quelques Grenouilles mor-
“ tes, dont la 3.mc paupiére couvroit le globe de l'œil jufqu'à
k 3°. paup 8 Juiq
À
la partie inférieure de la prunelle, parce que le globe de l'œil
n'étoit baiflé qu’en partie du côté du palais, j'ai pouflé cette
paupiére à la partie inférieure de la cornée avec un‘ftilet, &
après avoir retiré mon ftilet, elle eft retournée au même
endroit d’où je l'avois retirée, mais en pouflant le globe de
l'œil de bas en haut, cette 3.m€ paupiére s'eft tout-à-fait
baiflée, & eft reftée en cet état tant que j'ai retenu l'œil
relevé, & auffi-tôt que j'ai ceflé de retenir l'œil, il eft revenu
à fon premier état, & la 3. paupiére s’eft relevée au même
endroit où elle avoit été, J'ai déja dit ci-deffus qu’en tirant
l'œil du côté du palais avec une pincette dans une Grenouille
morte, la 3.m€ paupiére s'élevoit jufqu'à la partie fupérieure
de la cornée.
-. Après tout ce que je viens de dire des mouvements de
la 3. paupiére, il n’eft pas difficile de deviner fes ufages.
On voit bien qu'elle ne peut garantir l'œil des impreflions
des objets externes à caufe de fa délicatefle, & quand elle
feroit capable de réfifter aux objets externes, elle ne pourroit
‘avoir cet ufage, puifqu’elle ne fait aucun cillement lorfqu'on
lui préfente des objets devant les yeux. Son principal ufage
eft de nettoyer l'œil de la pouffiére & des autres corps qui
peuvent y entrer pendant qu’elle eft à terre ; j'ai jetté du
fablon dans les yeux d’une Grenouille vivante, ils fe font
+ d’abord enfoncés vers le palais, la 3. paupiére s’eft relevée,
\ puis s'étant baiffée, on a vû que fon bord & celui des pau-
<piéres fupérieures & inférieures étoient chargés de tout le
. fablon qui étoit entré dans l'œil, il n’en paroifloit plus fur la
cornée. J'ai mis la Grenouille dans l'eau, & l'ayant retirée,
_ je n'ai plus apperçü de grain de fablon dans aucun endroit
. : de l'œil, l'eau les avoit retirés des paupiéres.
… J'ai voulu voir fi cette. 3 :me paupiéré eft de quelque ufage,
Horfque la Grenouille eft dans l'eau ; j'en ai mis une dans
“une boîte de verre remplie d’eau, enforte qu’on pouvoit voir
l'au travers du verre ce qui fe pañloit dans fes yeux. Je fai
‘et ide de Vi ï
Fig. r.
158 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
examiné long-temps, je ne leur ai vüû faire aucun mouve-
ment ; J'ai pourtant vû dans une autre Grenouille la paupiére
s'élever de démi-ligne une fois ou deux.
DES YEUX DE LA TORTUE.
Lo a envoyé de l'Tfle de Bourbon deux T'ortués de terre;
elles étoient vivantes, l'une avoit deux pieds & demi de
longueur, fans y comprendre la tête & la queuë ; l'autre
n’avoit que deux pieds. J'ai examiné les yeux de ces T'ortuës
vivantes, je les ai touchés avec un flilet, la paupiére infé-
rieure s'eft élevée lentement jufqu’à la paupiére fupérieure qui
reftoit immobile tout près du bord de la cornée, & en même
temps la 3.m€ paupiére, dont nous parlerons ci-après, recou-
vroit l'œil, en fe portant du grand angle au petit angle avec
beaucoup de lenteur, ne faifant jamais de mouvement que
conjointement avec la paupiére inférieure; cela arrivoit toutes
les fois que l'on approchoit un objet de l'œil, ou que l'on
touchoit fune ou l'autre paupiére, & feulement à l'œil que
Von touchoit, car il ne fe faifoit aucun de ces mouvements
à l'autre œil : dans tout cela je n’ai point apperçû de mou-
vement dans les globe de l'œil.
La plus petite Tortuë eft morte au mois de Novembre;
je n'ai pû avoir la tête que fix jours après fa mort, les yeux
n'étoient plus en état d'être difléqués ? : voici ce que j'ai pû
y remarquer.
La tête, féparée de la r.re vertebre, pefoit 6 onces 2 gros,
elle étoit longue de 3 pouces 2 lignes ; les autres dimenfions
font dans l'explication des Figures b,
2 C'eft ce qui m'a obligé de diflé-
uer de petites Tortuës de terre que
l'on vend à la halle. Les plus grandes
que j'ai pü avoir, font de 6 pouces
e longueur, mefurées par le dos
(que l’on appelle carapace) fans y
comprendre la tête ni la queuë, &
4 pouces de largeur. Je marquerai
par annotations en quoi Ja tête & les
yeux different des mêmes parties de
la Tortuë de l’Ifle de Bourbon. Foy.
l'explication de la 1."° 7 de la 2.#°
Figure.
ë Voyés dans les anciens Mémoires
de l’Acad. tome 7. part. 2. p.178.
la defcription d’une Tortuë longue de
pieds +, dont la tête avoit 7 pouces
e longueur & 5 pouc. de largeur.
“
(DIE: S1 19 IC HUE -N: CES : - ; 159
-. Les narines font deux petits trous ronds d’une ligne 1 de
diametre À. :
Ine paroifloit point de trou externe de l'oreille, il étoit
bouché par un cartilage recouvert de la peau, de la maniére
dont Jacobæus * l'a décrit, & qu’on le voit dans les anciens * 744 à
Mém. del Académie * : on remarque à l'endroit où font ces pe
trous, un petit enfoncement à la peau Z. Nous avons vû Ja parr.2. p.20 3:
même chofe dans la Grenouille. Voyes ci-deflus, p. HET
1 y 2 deux trous à la partie antérieure du palais ; chaque
trou 2 la figure d'une larme dont la pointe eft tournée vers
la gorge, ils font longs de 2 lignes +, larges de deux tiers
de ligne. Ils communiquent avec la cavité du nez, & font
féparés par une membrane large de trois quarts de ligne.
… J'ai ôté de cette tête tontes les parties charnuës:; elle étoit
pour lors longue de 37 lignes, & pefoit $ gros 16 grains.
On voit une épine particuliére B, P, elle étoit triangulaire, Fig. 3.
& fortoit de la partie poftérieure du crâne. pas
. I y avoit au deffous du trou par où paffe la moëlle de
lépine , une petite apophy{@ en forme de bouton, qui s’arti-
cule avec la 1.'° vertebre. Poy. l'explicat. des Figures 3. Ÿ 4
Chaque mâchoire eft revêtuë d’un cartilage qui forme Fig. s.& 6.
plufieurs rangs de dents, ou, pour mieux dire, de dentelûres
découpées ou entaillées en forme de fcie, plus profondément
ns que les autres. 11 y en à trois rangs à la mâchoire
upérieure ; le premier eft fur le bord extérieur de la mà-
choire, les deux autres font au palais.
… Ladentelure extérieure 2 eft découpée plus profondément Fig. 5
que les deux autres qui font intérieures C, D. H y a deux
dents principales à fa partie antérieure À au deffous du nez,
qui font plus longues & plus larges que les autres, elles n’ont
pourtant qu'une ligne + de longueur depuis leur bafe jufqu'à
- eur pointe, & une ligne de largeur & deux tiers de ligne
… d'épaifleur à leur bafe ; elles font triangulaires, plates, aigui-
{es fur leur bord, & fe terminent en pointe, qui laïffent
Ni _ à La Figure $ repréfente feulement Le cartilage féparé de la mâchoire
SC: x 4 : D
—. infrieure. Voyés La page fuivante.
Fig. 6.
Fig. 5e
Fig. 3°
160 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
un efpace de 2 lignes entre elles. Les autres dents de cette
dentelure extérieure font prefque toutes d’égale grandeur,
elles font longues & larges d’une ligne. Les dentelures in-
ternes font plus petites & à peu-près dans le même nombre 2,
La mâchoire inférieure s'emboïte dans la mâchoire fupé-
rieure; elle a quatre rangs de pareilles dentelures de chaque
côté, elles fe fuivent par étage fur le penchant de la partie
extérieure de cette mâchoire, deux fupérieurs & deux infé-
rieurs , le quatriéme n'eft pas fi bien marqué que les autres.
En général ces dentelures font à peu-près pareilles à celles
de la mâchoire fupérieure, où on en trouve huit à chaque
rang. Il fe trouve une dent de plus à fa partie antérieure du
fecond rang, elle eft plus grande que les autres, elle fe loge
entre les deux dents qui font à la partie antérieure de a mä-
choire fupérieure ; elle eft épaiffe d’une ligne + à fa bafe, elle
eft aiguifée fur les bords de fes deux côtés, & fe termine en
pointe, elle forme un triangle équilatéral avec fa bafe.
En examinant ces cartilages , je m'apperçüs qu'ils étoient
continus avec la peau du mufeau de cette Tortuë, ce qui
m'engagea de faire cuire cette tête dans l'eau pour enlever
non feulement ce qui reftoit de parties charnuës, mais encore
la peau du mufeau. Lorfque la tête a été cuite, les carti-
ages fe font détachés conjointement avec la peau. J'ai trouvé
un mucilage entre les cartilages & les os du palais & des
mâchoires, & outre celales mêmes rangs de dentelures que
ceux des cartilages. Les dentelures font entaillées dans les
os des mâchoires de la même maniére qu'elles le font dans
les cartilages dans lefquels elles semboïitent, mais elles font
plus petites.
Cela m'a fait foupçonner que les Tortuës peuvent bien
muer comme les Ecreviffes ; c'eft encore un probleme.
3 Nos petites Tortués de terre n’ont
oint de dents aux deux mâchoires ;
E partie antérieure de la mâchoire
inférieure s’allonge au dedans de la
mâchoire fupérieure ; mais à la place
des dents, les parties des mâchoires
” qui font cartilagineufes dans la grande
Tortuë, & qui s'en féparent par
lébullition, comme nous le dirons,
font offeufes dans les petites Tortuës,
& s’enlevent pareillement par l'ébul-
lition.
Elian
;
NY |
DES ScrENcCcESs. 161
Elian * dit que les Tortuës terreftres fe dépouillent de leur + puy. tes ane.
écaille, & François Pyrard dit que les Infulaires des Maldives Ti és À ME :
féparent les écailles des Tortuës de mer vivantes en les 28"
préfentant au feu, puis ils rejettent dans la mer ces Tortuës,
fur lefquelles il fe produit une nouvelle écaille, mais tout
cela paroît bien douteux, & d'autant plus que M. de Reaumur
nous a dit qu’il a examiné avec beaucoup de foin de petites
Tortuës de jardins, & qu'il n’a pû découvrir fi elles quittoient
\ leurs écailles. Quoi qu'il en foit, fi les T'ortuës dépoloient
“ leurs écailles, elles pourroient bien dépofer auffi les cartilages
des mâchoires, cela n’eft pas plus difficile à croire que la muë
de l'eftomach dans les Ecrevifles.
Nous avons encore l'orbite de l'œil à décrire. Cet orbite Fig. 3.
Æ,G, M. N, eft ovoïde à fa partie externe. Le côté le plus
large eft au grand angle, le plus étroit eft au petit angle. I
‘ a 9 lignes de grand diametre, 7 lignes de petit diametre,
À & de cette partie externe jufqu'au fond de l'orbite il diminuë
à en forme de cone ; il eft profond de 9 lignes. Les deux
L orbites ne font féparés l'un de l’autre que par une membrane
cartilagineufe & fine 2. {
Toute la partie externe de l'orbite eft offeufe dans fon
contour, auffi-bien que la partie fupérieure interne, mais la
partie poftérieure & la partie inférieure interne ne font pas
offeufes, ces endroits font remplis par des mufcles de la mà-
choire inférieure, dont les principaux font les mufcles crota-
phites & mafleteres, c'eft dans cet orbite que l'œil eft logé,
‘Les paupiéres avoient 6 lign. de longueur d’un coin à l’autre,
elles fe joignent & s’unifient en ligne droite de la longueur
de 4 lignes + forfqw'elles font fermées, mais cette ligne fe
réfléchit vers le bas aux deux extrémités de la longueur d’une
digne + de chaque côté, où elle forme un angle obtus P ; elles
s’uniflent obliquement par un plan d'une ligne de largeur fur
2 L’orbite eft de la même forme 3 lignes ? de petit diametre de haut en
…."& dans la même fituation dans nos bas; il eft profond de $ lignes.
…. "peries Tortuës, mais feulement de b_ Cela n’eft pas bien exprimé dans
A lignes de grand diametre depuis le Ja 1.° Figure, maïs elle l'elt mieux
Mn grand angle jufqu'au petit angle, & dans la 2° Fig. dela petite Tortuë.
Men. 1737:
r
162 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
leur bord#, lorfque la paupiére inférieure couvroit l'œil.
H y avoit un mufcle fphinéter qui environnoit les deux
paupiéres auxquelles il étoit attaché ; il étoit compolé de
deux mufcles qui fe réunifioient par leurs tendons aux deux
coins des paupiéres, & de l'orbite où ils s’attachoient.
La 3. paupiére, ou paupiére interne, formoit un croif-
fant dans le grand coin de l’œil comme celle des oifeaux,
elle étoit très-fine, & prefque auffi tranfparente que celle de
la poule, elle étoit noire fur fon bord, mobile, de la largeur
d'une ligne, elle paroïfloit opaque dans la Tortuë vivante;
quoique le mouvement de cette paupiére foit du grand coin
au petit coin de l'œil, comme dans les oifeaux, c’eft pour
tant d’une maniére différente. |
Cette 3.me paupiére eft attachée à deux glandes qui fe
trouvent au grand coin de l'œil.
La premiére de ces glandes étoit faite en cone, dont la
bafe avoit 4 lignes de largeur, & une ligne + d’épaiffeur.
L'autre glande étoit à peu-près quafrée, longue de 6 lign.
large de $ ; elle étoit fituée au deffous du grand angle près
de la premiére glande b.
Je n'ai point trouvé dé points lacrymaux. Je n'ai pû
difféquer les mufcles, parce qu'ils étoient trop gâtés ; tout ce
que j'ai pû remarquer, ce font quatre mufcles qui m'ont paru
femblables à quatre petits mufcles qui font l'office de mufcle
fufpenfeur dans les yeux des Chiens €,
2 Les paupiéres dela petite Tortuë antérieure, & d’une ligne à fa partie
étoient longues de 4 lignes, elles poflérieurc, épaifie d'une ligne.
étoient ferméés en ligne droite de la © J'ai examiné ces mufcles dans
maniére que je l'ai dit ci-deflus dañs une dé nos petites Tortuës de 6 pouc.
K Toruë de lle de Bourbon, & delongueur. J'ai difléqué la paupiére
conmme on le voir dans la 2.4 Fioure. inférieure jufqu’a fon boïd, j’ai trouvé
b Je n'ai trouvé qu'une glande un muféle a renoit fon origine du
blancheñtre à nos petites Tortuës fous petit coin de l'orbite & du coin des
ke grand angle, attachée à la 3."€ deux paupiéres; les fibres charnuës de
paupiére placée de la même mantére ce mufclé s’étendoient en éventail.
qu'elle eft dans les animaux à quatre Ces fibres charnuës n'étoïent bièn
pieds ; elle eft longue de 2 lignes? apparentes que près le petit coin de
de la partie antérieure vers la pofté- Pœil; les unes étoient adhérentes tout
rieure, large de 2 lignes à fa partie Je long de la paupiére inférieure, &
À
ARR O TES
Men e mic Er ss \ 163
Je n'ai remarqué aucun mouvement dans les yeux des
Tortuës vivantes.
? Le globe de l'œil droit avoit 6 lignes de diametre & 6
lignes d'axe, le gauche avoit 6lign. + de diametre & 5 lign.+
d'axe ; ils pefoient chacun 22 grains ?.
s’alloïent attacher au grand coin de
lorbne ; d'autres s'attachoient plus
avant dans ce grand coin, & d’autres
enfin alloient fe rendre par deffous le
nerf optique jufque fous le cerveau.
Ce mufcle eft le plus grand & le plus
fort de tous les mufcles des yeux , il
n'a aucune attache au globe de l'œil;
* pour le bien obferver, il faut enlever
la partie inférieure de l'orbite, Je n’ai
pü appercevoir aucune direétion de
fibres que du côté du petit angle &
fous la peau qui horde la paupiére,
mais j'ai vü dans d’autres petites Tor-
tués, la direction des fibres qui paffent
deflous le nerf optique ; ce mufcle
couvre toute la partie inférieure de
œil, en le traverfant de plufieurs
fens, on peut le nommer tranfverfal.
J'ai pris ce mufcle près le petit angle
avec des pincettes, je l’ai tiré vers ce
petit angle; la paupiére inférieure s’eft
élevée fur la cornée ; je lai pris vers
le grand angle, & je l’ai tiré de ce
côté-hà, je n’ai produit aucun mou-
vement à la paupiére inférieure, mais
la paupiére interne seit avancée du
grand angle au petit angle : j’ai pris
les fibres qui vont fe rendre vers le
fond de l'orbite, & les ayant tirées de.
ce côté-là, la paupiére inférieure fe
baifle & découvre l'œil, & en même
temps la 3.4 paupiére, ou paupiére
incerne , fe retire du côté du grand
anple. Je n'ai apperçû dans toutes ces
expériences aucun mouvement dans
le plobe de l'œil. .
… Pour faire ces expériences, il faut
‘emporter la partie inférieure de l’or-
- bite du côté du palais, en laiflant fon .
bord extérieur. ;
La Tortuë paroît avoir un fufhen-
pa RE
feur, mais je n'ai pa bien le dé-
velopper: |
Je n'ai trouvé aucun mufcle parti-
culier pour le mouvement de la sms
paupiére, on voit dans les anciens.
Mémoires de l’Académie {rome ».
part. 2. p.202.) que la paupiére
interne a les mêmes mufcles que’ les
oifeaux. Selon toute apparence on
s'elt vompé. :
J'ai vü à la partie poftérieure de
l'œil quatre muftles pofés oblique-
menrcomme dans la Carpe & d’autres
poiflons, ce qui eft différent de la
pofition des quatre mufcles de l'œil de
la Tortuë de l’Ifle de Bourbon.
+ Le globe de l'œil de nos petites
Tortuës avoit 3 lign. + de diametre
& 2 lien: d’axe, là cornée ronde
avoit 2 lignes? de diamerre, la pru-
nelle ronde avoit une ligne de dia-
metre, je l’ai vüe de deux tiers de
ligne & de demi-ligne en différents
temps dans la même T'ortuë vivante;
cette prunelle, vüe par la partie pofté-
rieure de l’uvée difléquée, n’avoit que
demi-ligne de diametre ; le bord de
la prunelle étoit environné d'un cercle
de couleur d’or d’un quart de ligne
de diametre; outre cette couleur, il y
avoit fur lis quatre taches brunes...
difpofées en croix, deux vis-à-vis les
deux coïns de l'œil, & deux à [a
partie fupérieure & inférieure; cette
ervix étoit cantonnée de quatre taches
aurores. Ÿ”. les anc. Men. de l Acad.
tome 2. part. 2,p.202. L'uvéeavoit
un mucus nojr à fa partie poltérieure ;
Je criftallin avoit une ligne + de dia-
metre &une ligne d’axe, & très-mou.
J'ai vü,des proceffus ciliaires longs
d'une ligne.
X ÿ
164 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
La cornée étoit ronde, elle avoit 3 lignes de diametre, |
L'iris étoit brun. La prunelle étoit ronde.
Le criftallin avoit 2 lignes + de diametre & une ligne +
d'axe ; il pefoit un grain +.
EXPLICATION DES FIGURES
Qui repréfentent les parties des Yeux de la Grenouille.
L À Figure premiére repréfente la fituation des yeux dans
une Grenouille femelle, fongue de 3 pouces 4 lignes depuis
la partie antérieure du mufeau jufqu'à l'anus ; elle pefoit 1 $
gros 64 grains.
La tête 4, B, étoit longue de ro lignes + depuis À juf-
qu'en B, 13 lignes de l'extrémité poftérieure C de la mà-
choire inférieure À, C, D, à l'autre extrémité D de la même
mâchoire, 14 lignes depuis la partie antérieure du mufeau À
jufqu’aux parties latérales poftérieures € & D, 6 lignes de-
puis le deffus de la tête jufqu’au deflous de la gorge ; cette
tête pefoit 78 grains.
Æ, £, l'ouverture des narines.
F, F, la partie extérieure des oreilles.
G, G, les yeux. G, le petit angle. Æ, le grand angle.
G, H, 1, la partie de l'œil où la paupiére fupérieure eft
adhérente, marquée par des points.
G, H, L, la partie de l'orbite de l'œil où la paupiére
fupérieure eft adhérente.
G, H, 1, L, cavité formée par ces deux adhérences fous
. la paupiére fupérieure.
La Figure feconde À, B, C, D, fait voir le palais; on a
enlevé la mâchoire inférieure. L'on voit les mêmes dimen-
fions que dans la 1.re Figure.
£, E, les trous antérieurs du palais qui communiquent
avec les narines ; ils ont demi-ligne de grand diametre, &
un tiers de ligne de petit diametre.
_ Æ,F, les trous poftérieuxs du palais qui communiquent
dans les oreilles,
Î
N
H
1
Hip ts tt Sie rie Nic sie 165
G,G, la membrane dont le palais eft revêtu, & qui
couvre la partie inférieure des yeux.
H, H, le zygoma
1, I, les petites apophyfes qui font à [a partie antérieure
du palais, & que Jacobæus nomme des 4ents.
La Figure troifiéme fait voir le palais, où on 4 enlevé la
membrane dont il étoit revêtu. à
A, B,C, D, E, F, A, I, marquent les mêmes parties
qu'on vient de voir dans la 2.de Figure.
KF, KF, la partie antérieure inférieure des yeux.
G, G, les nerfs optiques entre lefquels fe trouve l'os
qui fépare les deux orbites à leur partie poftérieure, & une
cavité où pale le faifceau de vaifleaux qui fe diftribuent dans
la membrane dont le palais eft revêtu. |
La Figure quatriéme repréfente le crâne vû par fà partie
fupérieure.
À, la partie antérieure. B, Ia partie poftérieure où eft le
trou par où pale la moëlle allongée ; on voit ce trou en 4,
BB, CC, petite Figure deffinée dans toutes fes dimenfions :
naturelles. Cette tête a 1 0 lignes de longueur depuis À juf-
qu'en B, 10 lignes depuis le zygoma C 4 du côté droit,
au zygoma D H du côté gauche. Le trou du zygama eft
long de 2 lignes, large d’une ligne dans fon milieu, il eft
en forme de fufeau. La partie du crâne, ou le crâne propre-
ment dit, Z, /, L, L, qui contient le cerveau, eft long de
6 lignes, large de 2 lignes à fa partie antérieure Z, Z & épais
d'une ligne. .
L, L, eft la partie poftérieure du crâne qui eft large de
3 lignes, & épaifle de 2 lign. 2,
Æ, E, les trous des narines.
G, K, l'orbite de l'œil.
On voit en Xune apophyfe pointuë, longue de trois quarts
‘de ligne, & large de demiligne ; c’eft une produétion d’un
petit os qui reflemble en quelque maniére à un marteau
X iüj
166 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
dont l'apopliyfe pointuë eft le manche fitué à la partie latérale
poftérieure de l'orbite.
La Figure cinquiéme xepréfente le crâne du côté du palais.
À, B,C, D, H, H, repréfentent les mêmes parties que
dans la 4.me Figure.
M, M, font des ouvertures que l'on voit à chaque côté
du cräne en forme de trapeze, fermées par une membrane
cartilagineufe très-fine, & fur lefquelles on trouve quelque-
fois des points offeux, ce qui donne lieu de conjecturer que
cette membrane devient offeufe ; quoi qu'il en foit, le côté
fupérieur de ce trapeze eft long d'une ligne +, l'inférieur eft
long d'une ligne+, le côté latéral antérieur n’a qu'une ligne
de longueur, le côté poftérieur à une ligne +.
La Figure fixiéme eft la mâchoire inférieure. À, la partie
antérieure. 2, €, les parties poftérieures.
La Figure feptiéme repréfente toutes les parties de l'œil
droit, que l’on peut remarquer en le regardant par fa partie
antérieure ; les dimenfions font le double de l'état naturel,
dans cette Figure, on a enlevé les paupiéres.
À, B,C, E, le globe de l'œil. À, partie fupérieure. B, partie
inférieure. F7, le grand coin de l'œil. A, le petit coin.
D, 1, la cornée, à travers laquelle on voit l'iris qui eft
fur uvée. ©, ©, la prunelle. Lorfqu'elle eft petite ya
un angle à [a partie inférieure.
H, D, F, la 3. paupiére, où lon voit les cordons
A;
C, G, E, marquent par des points l'endroit de la fcléro-
tique où la conjonétive eft adhérente.
Figure huitiéme. À, B, eft la figure que Jacobæus donne
aux petits os qu’il appelle les durs de la Grenouille.
La Figure neuvième ef la figure de ce petit os, tel que je l'ai
trouvé dans la Grenouille, mais plus grande que le naturel. :
DES sn a AU Re, Erxiaue M 167
:: À, À, Yextrémité des deux os qui ne font revêtus d'au-
cune membrane.
F, C, D, trois apophyfes plates qui reflemblent à des
dents, & revêtuës de membranes.
La Figure dixiéme eft fa figure dans le Crapaud , mais plus
grande que le naturel. Les lettres repréfentent les parties qui
ont du rapport avec la 9.mé Figure,
E xplication des Figures des parties de la Tére dde la Torrnë
de d'Ile de Bourbon.
La Figure premiére repréfente la tête de la Tortuë ; cette
tête étoit longue de 3 pouces 2 lignes depuis le mufeau 4,
B,C, jufqu’à la'partie poftérieure D, N, £, elle étoit large
de 2 1 lignes mefurées à fa partie antérieure G de l'oreille Z,
haute de 19 lignes depuis le finciput L jufqu’au deflous de
la gorge PA
AC, paie antérieure du mufeau, haute de i4 lignes
depuis le deffus du nez À jufqu'au deflous de la mâchoire
inférieure €, elle étoit large de 8 lignes à fa partie fupérieure
& de 6 lignes au deflous du nez, il y avoit 20 lignes de
gauche à droite des articulations Æ, Æ, des deux mâchoires,
& 1 4 lignes depuis la partie antérieure du mufeau 2 jufqu'aux
angles À’ fofmés par l'union des deux levres. La machoire
inférieure s’emboîte un peu dans la mâchoire fupérieure.
K, le grand coin des paupiéres. 41, le petit coin.
O, paupiére fupérieure. 12 paupiére inférieure.
- Figure feconde. La tête de la petite Tortuë peloit 3 gros
4 grains ; elle étoit longue de 1 7 lignes depuis À jufqu'en D,
large de 1 3 lign. d’une oreille à l'autre G, épaifle de 1 o lign.
dépuis a partie fupérieure de fa tête Z jufqu’en Æ fous la
gorge. I y avoit 4 lignes d'un angle à l'autre des paupiéres.
K, M, Tœi enfoncé & flétri, quoiqu'il n'y eût que dix
heures qu'on lui avoit coupé fa tête vivante, & ke cofps a
À refté vivaht pehdant neuf jours, il eft vrai qué les mouve-
168 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE
ments qu'elle faifoit dans les derniers jours, lorfqu'on fa
prenoit, étoient bien foibles.
J'ai débarraffé la tête de la grande Tortuë de toutes, les
parties molles, comme on le voit dans la Figure troifiéme.
À, B,C, D, le crâne long de 37 lignes ; {çavoir, 27 lign.
depuis le mufeau À, C, jufqu'au trou O par où pañfe la
moëlle allongée à la partie poftérieure du crâne, 10 lignes
depuis ce trou © jufqu’à l'extrémité de l’épine B, cette épine
eft triangulaire P, B, O, elle fort de la partie poftérieure du
crâne 2, O, jufqu'en 2, ce qui fait une longueur de 1 1 lign.
mais à la prendre à la partie fupérieure du crâne où elle
commence, elle eft longue de 1 6 lignes; elle eft haute de
6 à 7 lignes, épaiffe de $ lignes au deflus du trou O, ce trou
eft rond, & a 4 lignes de diametre ; il y a au deflous de ce
trou une apophyfe ovale en forme de bouton, elle a 3 lign.
de diametre horifontal, 2 lignes + de diametre vertical ; elle
s'articule avec la 1.'° vertebre.
Le crâne a 9 lign. de largeur, mefuré à fa partie moyenne
derriére les orbites enS, mais fi on le mefure fur le zygoma F;
il a 21 lignes ; il a 1 2 lignes depuis le finciput 77 jufqu'au
alais.
L F, G, ML, N, orbite de l'œil. Z, le fond de l'orbite.
K, apophyle, à la partie inférieure de laquelle fe fait
Y'articulation de la mâchoire inférieure.
F, V, l'os de la pommette.
L,R,T, le fond de l'oreille.
Figure quatriéme. On y voit les mêmes parties notées
par les mêmes lettres dans le crâne de nos petites Tortuës ;
toute la différence qui s’y trouve, c'eft que la mâchoire infé-
rieuré Q, X, y eft jointe, ce qui ne fe trouve pas à la
3.me Figure.
. |
Figure cinquiéme. Elle repréfente le cartilage féparé de la
mâchoire fupérieure 4, B, B, C.
A, angle antérieur & externe. Z, l'angle poftérieur.
Figure fxième.
Fonenness Jrulp =
Men. de LAcad 1787. pl. 7- pag .168.
Fig. 11.
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Mem de La 787. pl 7 pag 168 |
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S'AATDAETS M AISICNR Æ NT CBS 3] ré
… Figure fixiéme. _ S, mâchoire inférieure avec fon os
À, dent unique à la partie antérieure, & qui fe place
entre les deux dents 4 de la 3-° Figure:
one, D, Je cartilage attaché à cette mâchoire, où pr voit
les trois rangs de pr is pareils à à ceux du car rtilage ‘de la
mâchoire fupéri ieure, ©
C,C, les endroits où hi échoire bete eft articulée
avec la mâchoire fupérieure.
Figure Je prime. S, mâchoire inférieure de la petite” Tortuë,
A, paitie antérieure. C, C, l'endroit où elle. s'articule
avec Tapophyfe K de la ER Figure. Ces petites Tortuës
n'ont point de dents. ,
+
R'IHOLEE >7
4 Mai
1737:
x70 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
DE: LrAtwC OM: PE
Qui a paru aux mois de Février, de Mars &r d'Avril
de cette année 1737:
Par M CASSENT. :
Le 1 6 Février de cette année, fur les fix heures du foir,
nous apperçumes, M. Maraldi & moi, du côté de
l'Occident, une Cometé qui étoit au deflous de Venus, à Ja
diftance de 7 ou 8 degrés de cette Planete.
Sa tête paroifloit , à la vüe fimple, à peu-près auffi grande
qu'une Etoile fixe de la feconde grandeur , mais beaucoup.
moins lumineufe, & environnée d’une efpece de chevelüre
ou nébulofité.
Elle avoit une queuë qui occupoit environ 2 ou 3 degrés
dans le Ciel, & qui fe terminoit en pointe à fon extrémité.
Cette queuë avoit la couleur d’un nuage blancheître, &
s'étendoit de l'Occident vers l'Orient dans la direction oppo-
fée à celle du Soleil, de la même maniére qu’on la remarqué
dans prefque toutes celles que l’on a apperçües jufqu’à préfent.
Cette Comete paroïfloit par les Lunettes, de la grandeur
au moins de Jupiter vü par des Lunettes de pareille longueur,
avec une efpece de noyau au milieu, beaucoup plus lumineux
que ce qui l'environnoit, & on diftinguoit dans l’ouverture
de ces Lunettes une portion de fa queuë à peu-près de Ia
même couleur & clarté qu'à la vüe fimple.
Nous commençâmes à l’obferver le même jour par des
Lunettes montées fur des machines Parallaétiques , mais nous
ne pümes pas déterminer avec toute l’exaétitude requife fa
fituation, ni remarquer la direction de fon mouvement pro-
pre, parce qu'elle fe plongea dans les vapeurs qui s’étoient
élevées au deflus de l'horifon après le coucher du Soleil.
Nous remarquâmes feulement qu'à 7 heures du foir, elle
TJIAMBE #8 à Sr CHE No © Br 203 M 171
étoit précifément dans la ligne qui pañloit par Venus, &es
deux Etoiles des cornes du Bélier, à peu-près dans le même
vertical que Venus, dont elle étoit éloignée des deux cin-
quiémes de la diftance de cette Planete à ces Etoiles.
… Le 17 Février cette Comete fut vûe à Verfailles par le
Roy, la Reine, Monfeigneur le Dauphin, & toute la Cour.
Elle étoit à peu-près de la même grandeur & clarté que le
Jour précédent, mais elle s'étoit écartée de da direction de
Venus & des Etoiles du Bélier d'environ 2 degr. vers l'Orient,
M. Maraldi & mon Fils ayant comparée à une Etoile
fixe de la fixiéme grandeur, qui étoit à peu-près fur le mêmé
parallele, déterminerent à l'Obfervatoire à 7h 14" du foir,
fon afcenfion droite de 445.6’, & fa déclinaifon de 2940!
vers le Midi, Elle étoit alors au deflus des Etoiles de la queuë
de la Baleine entre ces Etoiles & le Poifon le plus méri-
dional.
Le 18 & le 19 Février le Ciel fut couvert, mais on
lobferva le 20 par un temps fort ferein. Elle avoit déja
diminué fenfiblement de clarté, quoique fa queuë parût à
peu-près de la même longueur que les jours précédents,
L'ayant comparée à diverfes Etoiles qui fe trouvoient dans
le même parallele, telles que l'Etoile 4 de la troifiéme gran-
deur, qui eft dans la tête de la Baleine, on détermina fon
afcenfion droite de 1 14 41’, & fa déclinaifon de 1 4 x 1” 40"
vers le Midi, ayant parcouru dans l’efpace de trois jours 6d
45° de l'Occident vers l'Orient fuivant la fuite des Signes,
ce qui eft à raifon de 2 degrés L par jour, avec un mouve-
ment par conféquent plus prompt que celui du Soleil ou: de
la Terre, qui n'étoit alors que d'un degré & quelques fecondes.
_ Elle étoit auffi plus feptentrionale que le 17 Février d'un
_ degré & demi dont elle s’étoit approchée de Equateur du
_… même fns que le Soleil, mais d’une quantité plus grande.
_ Cette direction & quantité de mouvement qui d’écar-
« toient de plus enplusde notrehorifon, nous firent juger qu’on
- l'appercevroit encore quelque temps, ce qui nôus donneroït
. lemoyendedéterminerune paitie des éléments de fa théorie.
Vray
172 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
On continua de l'obferver les trois jours fuivants par un
temps fort ferein. Dans l'Obfervation du 2 3 Février, qui fut
faite en préfence de Monfeigneur le Duc d'Orléans, elle pa-
roifoit afés diftinétement à la vüe fimple, & on la voyoit
par une Lunette de r 8 pieds avec fa queué, au milieu de la-
quelle il y avoit une Etoile fixe que l’on diflinguoit très-
aifément de la Comete, parce qu'elle étoit petite & fort claire,
au lieu que la Comete paroïfloit beaucoup plus grofle &
moins lumineufe.
Son mouvement s'étoit déja rallenti, n'ayant été dans
l'efpace de trois jours, depuis le 20 jufqu'au 23 Février, que
de 64 27', au lieu que dans les trois qui les avoient précédés,
on lavoit trouvé de 64 45, aufli paroïfloit-elle beaucoup
plus foible que lorfqu'on avoit commencé à l'appercevoir.
Suivant nos Obfervations, elle avoit traverfé l'Equateur,
entre le 22 & le 23 Février, à la diftance de 1 74 du point
du Bélier, fa déclinaifon qui étoit le 22 à 7h du foirde 1 6"
so“ vers le Midi, ayant été obfervée le 2 3 à la même heure
de 13° 10" vers le Nord.
Le 24 & le 25 Février le Ciel fut couvert, & le 26 on
apperçut la Comete, dont on détermina lafcenfion droite
à 7his'de23d58 $o", & la déclinaifon de 14 3 140".
Elle avoit dans l'efpace de trois jours parcouru $4 $0'en
afcenfion droite, au lieu que dans le même intervalle de temps
qui l'avoit précédé , elle en avoit décrit 64 22”.
Depuis le 26 Février jufqu’au 4 Mars on ne put, à caufe
du mauvais temps, appercevoir la Comete que le 2 8 Février
qu'elle parut quelques moments entre les nuages.
On continua enfuite de la voir depuis le 4 jufqu'au 13
Mars, fans d'autre interruption que celle d’un jour. La clarté
de la Lune qui avoit commencé à être nouvelle le premier
de ce mois, l’avoit fait difparoïtre à la vûe fimple, mais on
T'appercevoit diftinétement par des Lunettes de 7 à 8 pieds,
& on détermina le » 3 Mars fon afcenfion droite de 454 s 6”
1 6", & fa déclinaifon feptentrionale de 64 2 1’ 40", ayant eu
dans l’efpace de 24 jours un mouvement de l'Occident vers:
4 tent 8 net ré ir GE 26: I
Orient de 414 40’ avec une déclinaifon de 9 degrés vers
le Nord. Elle avoit pafé le 4 Mars & les jours fuivants entre
_ les Etoiles qui compofent la tête de la Baleine, & s’étoit
avancée le 1 3 jufqu'au pied occidental du Taureau.
Le Ciel fut couvert les jours fuivants jufqu'au 17 Mars
qu'on apperçut la Cométe au commencement de la nuit.
On continua de la voir le 1 8, qu'elle parut dans la Lunette
aflés diftinétement, & peu différente en grandeur de ce qu'on
Favoit vüe au commencement qu'on l'avoit apperçüe, quoi-
que cependant plus petite , mais fa lumiére étoit beaucoup
plus foible; de forte qu’il étoit impofñble de Ha diftinguer à
la vüe fimple, quoique le Ciel füt fort ferein, & qu'il n'y eût
plus de clair de Lune. On trouva ce jour-là à 8 heures du
foir fon afcenfion droite de 534 3° 30", & fa déclinaifon de
7423 50", dans le même lieu précifément où nous avions
jugé qu'elle devoit être par les Obfervations des jours pré-
cédents, pour pouvoir la retrouver dans le Ciel. Elle s’étoit
avancée vers le genou du Faureau, & étoit à peu-près dans
le même parallele que la Luifante de l'épaule d'Orion à la-
«._ quelle on l'avoit comparée pour déterminer fà fituation.
—. Depuisler18 jufquau 26 Mars le Ciel fut couvert. Son
_ mouvement qui avoit été d'abord de 2 degrés + par jour,
sétoit fort ralenti, n’ayant été dans cet intervalle que d’un
. degré ou environ, l’un portant Fautre.
“On continua enfuite de voir la Comete prefque tous les
_ jours jufqu'au 2 Avril que l’on trouva fon afcenfion droite
. de 664 54’ 30”, & fa déclinaifon feptentrionale de 94 3 1’
… 30", ayant décrit dans l'intervalle de 44 jours depuis le 17
… Février, 62 degrés en afcenfion droite, & 1 24 1 2’en décli-
aifon. Elle étoit alors au deflous de l'œil du Taureau 4/%-
baram , dont elle étoit éloignée d'environ 6 degrés vers le
Midi. Elle paroifloit par une Lunette de 8 pieds, comme un
» Lune étant furvenuë, on cefla d’appercevoir la Comete.
| Y üij
174 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Ayant, fuivant ces Obfervations, déterminé la route de
cette Comete dans le Ciel, on trouve qu'elle étoit le 17
Février, lendemain du jour qu'on l'a apperçüe, à 34.27’ 0"
du Bélier, avec une latitude méridionale de 44 24’, & que
le 2 Avril fuivant, qui ef le dernier jour qu'elle a été vifible,
elle étoit à 64 42' 40" du Bélier avec une latitude de 1 14
6" vers le Midi, ayant parcouru dans cet intervalle 21 34
1 6’ en longitude fuivant la fuite des Signes, & 74 32' en
latitude.
Nous nous réfervons de donner dans nos affemblées par-
ticuliéres le détail de toutes les Obfervations que nous avons
faites de cette Comete, il nous fuffira de remarquer que les
ayant comparées enfemble, elles s'accordent toutes à faire
décrire à la Comete un arc d’un grand Cercle incliné de
1 2d 2'à l’Ecliptique, qu'elle a coupé à 1 24 1 $’des Poiffons,
à la diftance feulement de 174 45° du point du Bélier.
Cette régularité dans la direëtion du mouvement de cette
Comete eft remarquable. On en voit peu d'exemples dans
le cours des autres Planetes qui tournent autour du Soleil.
Car comme la Terre n'eft point au centre ou au foyer de
leur mouvement, elles ont à notre égard des irrégularités
apparentes telles que leurs flations, où on ne leur apperçoit
d'autre mouvement qu’en latitude, & leurs rétrogradations
où leur mouvement eft en fens contraire à la direction réelle
de leur cours; & lon n’en a jamais vü qui dans l'intervalle
de plus de 63 degrés ait décrit un grand Cercle à l'égard de
la Terre, fans s'en écarter de plus de 2 ou 3 minutes de part
ou d'autre, comme on l’a obfervé dans cette Comete. On ne
remarque point même de fi grande régularité dans la direc-
tion du cours dela Lune qui fe meut immédiatement autour
de la Terre, & qui doit décrire un grand Cercle à fon égard.
C'eft par cette raifon que l'on pourroit avec quelque fon-
dement foupçonner que cette Comete eft un Satellite de la
Terre placé entre les orbes de Mars & de Venus, conformé-
ment aux fentiments de plufieurs Aftronomes, qui ont jugé
que comme le Soleil n'eft pas le feul qui ait des Planetes dont
JANDIESS MISNEMNE Nid EMA pos
fes révolutions fe font autour de lui, il fe peut faire auffr
qu'outre les Cometes qui tournent autour du Soleil, il y en
ait d’autres qui fe meuvent autour des Planetes principales,
… & font, pour ainfï dire, leurs Satellites.
On peut, par cette hypothefe , réfoudré cette objection
. faimeufe contre le fyfteme des Tourbillons , fur ce qu’on a
vüû un'aflés grand nombre de Cometes qui ont paru avoir un
“ mouvement rétrograde, & décrire une route plus ou moins
- inclinée à 'Ecliptique dans tous les fens différents, ce qui ne
“ paroît point s’accorder à a direction conftanté de la matiére
“ qui devroit les entraîner toutes dans le même fens de l'Occi-
dent vers l'Orient. <
… NH fuffroit de répondre à cette objeétion, qu'il en eft de
“ même de certaines Cometes que des Satellites de Jupiter &
: de Saturne, qui pendant la moitié entiére de leurs révolutions
nous paroiffent rétrogrades, quoiqu'ils foient réellement di-
* rects, fans que cette apparence répugne au fyfteme des Tour-
“ billons, fuivant lequel on peut rendre raïfon aïfément de Ia
“ révolution de la Lune autour de la Terre & des Satellites
“ autour de leurs Planetes principales, fans s’écarter des loix
“ communes du mouvement.
“ Il ne froit pas même néceflaire de fuppoler que ces Co-
“ métes faffent leurs révolutions autour des Planetes que nous
. éonnoïflons. Depuis la plus éloignée de ces Planetes, qui eft
…. Saturne, jufqu'aux Etoiles fixes les plus voifines, il y a un
intervalle immenfe par rapport auquel le diametre entier de
— l'Orbe annuel, qui eft de plus de 60 millions de lieuës, n’a
prefque aucuné proportion, ff l'on admet le fyfteme de Co-
pernic, & il n'y auroit rien de furprenant que toute cette
rétenduë fût parfemée de Planetes trop éloignées de nous pour
n'être apperçües, puifque la Terre même ne pourroit pas
être vüe de Saturne fans le fecours des Lunettes.
"Mais nous n'avons pas eu encore befoin d’avoir recours à
cés fortes d'explications, quoique très-vraifemblablés, pour
ndre raïfon de la différente direction de la route des Co-
netes. Nous avons fait voir dans les Mémoires de l’Académie
;
Puge 49 6«
Page 90.
176 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
de 173 1, qu'en fuppofant que toutes celles dont on a décrit
le cours, fuflent des Planetes qui euflent leurs révolutions
autour du Soleil, on pouvoit les ramener toutes à la direétion
commune de l'Occident vers l'Orient, & que leur rétrogra-
dation pouvoit n'être que l'effet d’une apparence femblable
à celle qui s’obferve dans les autres Planetes qui pendant une
partie de leurs révolutions paroiffent rétrogrades, quoiqu'elles
foient réellement directes.
La Comete de 1729, qui eft la derniére que lon a
apperçüe, & dont on a obfervé le cours pendant près de fix
mois, nous en avoit fourni un exemple mémorable. Elle
parut d’abord rétrograde ; maïs fa fituation dans le Ciel par
rapport au Soleil & à la Terre, nous fit juger qu'elle paroï-
troit dans la fuite direéte, & l'évenement confirma notre
fentiment.
On pourroit objeéter que la conformité que M. Newton
a fait voir dans fes Principes, entre le mouvement des Co-
metes obfervé & celui qui réfulte de fes hypothefes, eft une
preuve que non feulement elles font leurs révolutions autour
du Soleil, mais même qu’elles ont des mouvements fuivant
des directions différentes. On peut voir ce que ce celebre
Auteur rapporte de la Comete de 1680 & 1681, dans fa
remiére édition, où il ne laifle pas de fe trouver entre fon
calcul & lObfervation, des différences qui montent à 3 2
minutes dans la longitude & 22 minutes dans la latitude;
mais on peut voir en mème temps ce qui eft rapporté par
mon Pere dans le Traité de cette Comete imprimé en 1687,
où fuppofant fa révolution autour de la Terre, if trouva que
les Obfervations les plus éloignées ne s'écartoient pas de fa
théorie de plus de 1 $ minutes, précifion encore plus grande
que celle qui réfultoit des hypothefes de M. Newton, qui la
faifoit tourner autour du Soleil. Il eft vrai que dans l'édition
füivante fon calcul s'éloigne moins des Obfervations ; mais il
y a encore des différences qui montent à plus de 20 minutes,
que l’on a trouvé le moyen de rapprocher encore dans la
troifiéme édition.
Ce que
DES SCIENCES. 177
_ Ce que nous avons remarqué ici, fait voir qu'on peut fort
bien repréfenter les mêmes Obfervations par des hypothefes
| _ + fort différentes, & qu'ainfi la conformité que l’on y remarque
_ eft moins uné preuve de Ia vérité des principes fur lefquels
| chacune de ces hypothefes eft fondée, que de a fagacité de
Ë ceux qui les ont imaginées, N
… Mais revenons à notre Comete. Quoiqu'on eût pu, par
les raifons que nous avons alléguées, rapporter fon mouve-
ment immédiatement à la Terre, nous n'avons pas cru de-
voir nous écarter du fentiment le plus communément reçû
des Aftronomes, que ce font des Planetes qui font leurs
révolutions autour du Soleil, à l'égard duquel elles décrivent
des Orbes fort excentriques.
. 1} feroit inutile d'entreprendre de prouver ici que les Co-
_ metes font, de même que les Planetes, des corps durables qui
| exiftent toûjours, que nous appercevons lorfqu'elles font dans
- a partie de leurs orbes qui eft la plus nr de la Terre, &
‘que nous ne perdons de vüe que lorfqu’ils en font éloignés
. à une trop grande diftance pour pouvoir en être découverts.
| Cette opinion eft prefque univerfellement reçüe de tous
» : ceux qui ont les moindres teintures des Sciences, & il n'y a
» plus qu'une partie du Vulgaire qui les regarde comme des
| … phénomenes pañlagers, deftinés à annoncer quelque évene-
ment fingulier. |
. Maïs s'il reftoit encore quelque doute fur ce fentiment,
“notre Comete feroit très-propre à le diffiper. Jamais on n’a
lapperçüû de Planete qui aït eu un mouvement plus régulier
que celle-ci. La route qu’elle avoit parcouruë pendant les
mers jours qu'on l'a obfervée, nous à fervi à reconnoître
e qu’elle devoit fuivre les jours fuivants, & à la retrouver
ns {e Ciel, après quelques jours de mauvais temps, lorf-
elle a ceflé de paroître à la vüe fimple. Une pareille ré-
ularité pourroit-elle être attribuée à des phénomenes paffa-
& de peu de durée? 5
- Comme on ne-voyoit la Comete que peu de temps für
- Thorifon, à caufe qu'elle étoit vers f Occident, nous n'avons
L Men. 1737. ,
4178 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
pas pü déterminer fa diftance à la Terre par la Méthode
employée par mon Pere en 1680, fuivant laquelle il eft
néceflaire de l'obferver pendant un intervalle de plufieurs
heures, principalement lorfqu'elle eft dans fa plus grande &
fa plus petite élévation , en la comparant aux Etoiles fixes
qui l'environnent, & diftinguant l'effet de la parallaxe qui
doit la faire paroître tantôt s'approcher & tantôt s'éloigner
de ces mêmes Etoiles. I1 y a même bien de l'apparence,
fuivant ce que nous rapporterons ci-après, qu'elle étoit, dès
le temps qu'on a commencé à la voir, au de-là du Soleil,
où fa parallaxe n'eft plus fenfible, ce que l'on pourra dans
la fuite vérifier , fi les Aftronomes de cette Académie en ont
fait des Obfervations au Pérou, où ils F'auront pu voir plûtôt
que nous & avec plus d'évidence, parce que fa route décli-
nant du Midi vers le Septentrion, elle devoit être plus élevée
{ur leur horifon que fur le nôtre.
Nous avons cependant eflayé de déterminer la diftance
de cette Comete à la Terre, par le moyen de quatre Obler-
vations, en fuppofant que dans l'intervalle entre ces Obfer-
vations, elle ait eu un mouvement fort approchant d’une
ligne droite. J'ai choifi pour cet effet les Obfervations des
20 & 23 Février, 4 & 12 Mars, qui ont été faites avec
une très-grande exactitude, & j'ai trouvé que notre Comete
étoit les premiers jours que nous l'avons apperçüe, fort pro-
‘che de lOrbe annuel, au de-là du Soleil, dont elle étoit
éloignée autant à peu-près que nous le fommes de cet Aftre;
de forte que fuppofant la diftance de la Terre au Soleil de
33 millions de lieues, celle de la Comete au Soleil étoit
le 1 6 Février de 3 5 millions de lieues, & à la Terre d'en-
viron 60 millions. :
Quoique l’on puifle par ce moyen, repréfenter avec affés
d'exactitude le mouvement de cette Comete autour du Soleil,
en fuppofant, fuivant la regle de Képler, qu’elle a décrit des
aires égales en temps égaux, nous ne prétendons point cepen-
dant avoir déterminé avec.une entiére évidence fa véritable
diftance au Soleil & à la Terre,
e
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Les moindres erreurs dans les Obfervations, es plus petits
dérangements produits dans la Comete par quelque caufe
phyfique, peuvent nous la faire paroître plus ou moins
éloignée aflés confidérablement ; d'ailleurs la fuppofition que
pendant l'intervalle entre les Obfervations que lon a em-
ployées pour cette recherche, elle à fuivi une ligne fenfible-
“ mentdroite, ne doit être admife qu'en fuppofant en même
$ temps {on orbe d’une très- grande étenduë. Nous jugeons
: ne Hi 4 . )
i cependant, à caufe de la direction dé fa route, qu'elle n'au-
}
roit pas füivie avec tant d'exactitude, fi elle avoit décrit une
ligne dont la courbüre fût fort fenfible, qué nous nous fom-
mes fort approchés de fa véritable diftance. LLTR
- Suivant notre théorie, elle a dù pañler par fon périhélie
le 8 Février, huit jours avant que nous ayons apperçüe à
Paris, & c'eft le temps où elle a dû paroître la plus lumi-
neufe. Elle s’eft enfuite écartée continuellement du Soleil,
de maniére que le 12 Mars, c'eft-à-dire, 3 2 jours après elle
en étoit éloignée de plus du double de % diflance où elle
étoit dans fon périhélie. | e fre
* À l'égard de l'éloignement de cette Comete à la Terre,
il n’a pas füivi la même proportion. Son périgée a dû arriver :
de 16 Mars, le même jour que nous l'avons découverte à
Paris ; & quoique depuis ce temps elle f foït toüjours
éloignée dé la Térre, ellé n'étoit cependant le 1 2 Mars qu'à,
une diflince LR à la prémiére, tout au plus comime
3 ta2. C'At par cette raïfon qu'elle a dû diminuer plus
…_ fénfiblement de lumiére que de grandeur, ce qui eft con-
forme à l'apparence où dans Les temps où elle a paru le plus
- foiblé, elle ne laïffoit pas de paroître d'une grandeur confi-
MDES ,, ." e | DANCE”
» A l'égard de fa Que, elle a paru les premiers jours avec
… aflés d'éclat; on l'a vûe fes jours füivants occuper à peu-près
une même étenduë dans le Ciel, mais avec une lumiére
.… beaucoup moins fenfible, ce qui s'accorde auffi à fa diflance
… où elle fe trouvoit du Soleil dont elle s’étoit éloignée beau-
coup plus à proportion que de la Terre dans le même
# | ‘Zi |
ES
180 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
intervalle de temps, & on a ceflé de la voir felon les appa-
rences, lorfque fa lumiére a été trop foible pour nous réflé-
chir les rayons du Soleil. |
Ayant comparé cette Comete avec celles qui ont été
obfervées depuis environ un Siécle ; nous trouvons que celle
de 1683 y a beaucoup de rapport.
Cette Comete fut obfervée à Londres par M. Flamfteed,
avec une queué qui étoit très-foible, & avoit à peine 3 ou
4 degrés de longueur. Il trouva qu'elle étoit le 24 Juillet
1683 à 1347 de l'Ecrevifle avec une latitude boréale de
284 29’, & il continua de lobferver jufqu'au 6 Septembre
de la même année qu'elle étoit à 2 4d 44’ du Bélier avec une
latitude méridionale de 1 64 3 8”, ayant parcouru dans l'efpace
de 44 jours, 78 degrés contre la fuite des Signes, avec un
mouvement qui au commencement n'étoit que de 45° par
jour, & qui fur la fin étoit de plus de 4 degrés.
Les circonftances de cette Obfervation paroiffent d’abord
fort différentes de celles que l’on a remarquées dans la Co-
mete de cette année, que nous avons apperçüe le 2 6 Février
au commencement du Bélier, éloignée de plus de 3 Signes
du lieu où on avoit commencé à la voir en 1683, & qui
dans l’efpace de 44 jours a parcouru 78 degrés contre a
fuite des Signes, au lieu que la derniére en a décrit 63 à
peu-près dans le même intervalle de temps fuivant une di-
rection tout-à-fait oppofée. Mais ces différentes apparences
ne forment aucune contradiétion, fi l'on confidere que la
Comete de 1683 fut apperçüe le 23 Juillet, au lieu que
celle-ci a commencé à paroître le 1 6 Février, la Terre étant
fur fon Orbe annuel prefque dans une fituation oppofée à
celle où elle fe trouvoit en 1683.
C'eft précifément cette différente fituation de la Terre fur
fon Orbe, qui fait paroître les Planetes tantôt directes, tantôt
rétrogrades, quoiqu'elles ayent un mouvement régulier au-
tour du Soleil toûjours du même fens. Ainfi la différente
direction du mouvement apparent de ces deux Cometes
n’empèche pas qu'on ne puifle fuppofer qu'elles ayent fuivi
1 mème route. F Fu NP KE CT MUR
DES SCTENCES 7:81!
. ,- lA l'égard de la latitude de celle de 1683, elle a été ob-
fervée de plus de 29 degrés, au lieu que dans la derniére fa
latitude n’a pas excedé 1 2 degrés. Mais cette différence peut
- auffi provenir de ce que la Comete de 1683, quoiqu'à la
| même diftance du Soleil que celle de cette année dans le
temps de fon périhélie, s'eft trouvée alors beaucoup plus
| près de hTerre, comme on le déduit avec aflés d'évidençe,
de la comparaifon que l’on a faite de leurs Obfervations,
. On peut voir ce qui en eft rapporté en 1731, dans un
Mémoire fur le mouvement véritable des Cometes à l'égard
du Soleil & de la Terre, où l'on a fait voir que quoique le
-mouvement de la Comete de 1 68 3 ait paru rétrograde pen-
dant tout le temps qu'on l'a obfervée, on repréfente fort bien
fon mouvement fuivant la fuite des Signes, en fuppofant
qu'elle étoit d'abord entre le Soleil & la Terre, mais plus
près de la Terre que du Soleil, qu'elle à traverfé l'Ecliptique
le 30 Août au 1 3.me degré des Poïflons, & qu'elle s’eft
trouvée à la fin de fon apparition au de-là de l'Orbe annuel,
ainfi qu'on en a décrit le cours dans la Figure qui eft jointe
à ce Mémoire.
Ces circonftances s'accordent affés bien aux Obfervations
de notre Comete. Celle de 1 683 avoit traverfé l'Ecliptique
au 13.m€ degré des Poiflons. Celle-ci l'a rencontrée préci-
fément au même degré : toutes les Obfervations concourant
à placer fon Nœud à r 24 1 6” des Poiïffons. H eft vrai qu'étant
vüûe du Soleil, fon Nœud a dû être plufeurs degrés au de-là,
plus ou moins fuivant qu'elle a été plus ou moins éloignée
» de cet Aftre, mais on peut attribuer cette différence au mou-
. vement des Nœuds'de cette Comete pendant l'intervalle de
{54 années. ch
Nous trouvons auffi que fa latitude de celle de 1 683, qui
… étoit d'abord Boréale, eft devenuë Auftrale après avoir paflé
» par fon Nœud, conformément à ce que l'on a obfervé dans
… Ja Comete de cette année, avec la différence que la latitude
… de celle-ci augmentoit beaucoup moins en apparence d'un
…. jour à l'autre, que celle de 1683, comme il devoit arriver
Z ïi
182 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE
“en effet, parce qu'elle étoit réellement beaucoup plus éloignée
de la Terre. A l'égard de la quantité de fon mouvement vû
du Soleil, il a auffi été à peu-près égal de part & d’autre dans
le même intervalle de temps.
Voilà les raïfons qui pourroient faire foupçonner que fa
Comete de cette année eft la mème que celle qui avoit paru
54 années auparavant, en 1683, ce que l'on ne pourra
cependant reconnoître qu'au cas qu'on la voye reparoître dans
la même fituation à l'égard du Soleil, dans les mêmes cir-
conftances, & après un pareil nombre d'années, ou un inter-
valle de temps qui lui foit commenfurable. Car comme fa
révolution des Cometes autour du Soleil ne s’acheve pas dans
“un certain nombre exact de révolutions de a Terre autour
du Soleil, il fuit nécéflairement que nous nous trouvons à
leur retour dans des différentes fituations à leur égard,où elles
peuvent nous échapper à la vûe, foit à caufe de leur trop
rande diftance, foit parce qu'elles font alors cachées par les
rayons du Soleil, & qu'ainfi il peut s’écouler une ou plufieurs
de leurs révolutions fans que nous puiflions les appercevoir..
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Di:
3
|
DES SCIENCES. 183
VE MON RE
Dans lequel on examine fi l'Huile d'Olive eff un
fpécifique contre la morfure des Viperes.
Par M GEOFFROY & HunNAuLp.
ADÉMIE & Je Public ont été informés qu’un Païfan
L_1 Anglois affüroit avoir trouvé un fpécifique contre la
morfure des Viperes, dans l'application de l'Huïle d'Olive ;
on difoit même que des expériences que ce Païfan avoit faites
fur lui & fur quelques animaux, en préfence de perfonnes
éclairées, confrmoient cette propriété de l'Huile.
La matiére étoit trop importante pour que l'Académie
n'en prit pas connoiffance ; elle nous chargea donc de véri-
fier fi on pouvoit réellement regarder l'Huile d'Olive comme
un remede propre à empêcher les effets terribles du Venin
de la Vipere.
Nous allons rapporter les expériences que nous fimes dès
le mois de Juillet de l'année précédente, pour nous aflürer
de l'effet de ce remede. Nous expoferons enfuite ce que l'ou-
verture des animaux qui ont péri par la morfure des Viperes,
nous a fait appercevoir. Enfin nous propoferons quelques
réflexions que nos expériences nous ont donné occafion de
faire. e ;
Nous avons fait mordre par des Viperes un nombre affés
confidérable de Pigeons & de Poulets, deux Coqs, une Oye
un Dindon, deux Chats & huit Chiens.
_ A l'endroit mordu par la Vipere, on apperçoit d’abord
pour l'ordinaire deux petits points rouges, quelquefois il
paroît un peu de fang ; il fe forme en peu de temps une
. tumeur qui augmente & qui s'étend. C'eft à la jambe que
nous avons fait piquer la plüpart des animaux. La jambe dans
les volatils eft cette portion de l'extrémité qu'on comprend
184 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
ordinairement avec {a partie qui eft au deflus, fous le nom
de cuiffe ; c’eft ce qu'on appelle vulgairement dans les Poulets
rotis le pilon. La tumeur gagne la cuifle, qui devient livide
ainfi que la jambe; la tumeur & la lividité augmentent &
s'étendent jufques fous le ventre. I furvient ordinairement
du vomifiement & des mouvements convulfifs ; quelquefois
les volatils remuent leur col comme pour vomir. I! leur
fort du bec quelque humeur ; la mort ne tarde pas pour
l'ordinaire.
Nous ne nous fommes fervis dans toutes nos expériences
que des Viperes qui nous ont paru les plus vives & les plus
fortes. On coupoit les plumes qui recouvroient les parties
des volatils que nous faifions mordre, & nous avions foin
de préfenter ces parties de façon que les dents des Viperes
pénétroient dans les chairs, pour que la morfure ne fe bornât
pas à une fimple égratignüre de la peau.
Lorfque nous difons fimplement qu'un Pigeon ou tel autre
animal a été mordu par Ne MAP nous entendons que Îa
Vipere n'avoit pas encore mordu d’autres animaux ; dans les
cas où elle aura déja fervi à faire une ou plufieurs morfures,
nous aurons foin d'en avertir.
Pour reconnoître les effets de Ia morfure de la Vipere fur
les Pigeons, nous en avons fait mordre quatre fans rien
tenter pour leur guérifon. Un eft mort au bout d’un quart
d'heure & demi. Les trois autres ont été mordus fucceflive-
ment par la même Vipere qui avoit déja mordu quatre autres
animaux, Le premier mordu de ces trois Pigeons, eft mort
en 10 minutes, le fecond en $ o minutes, & le troifiéme au
bout d'une heure & $ minutes.
Deux Pigeons ayant été mordus, nous avons, 3 minutes
après, chauffé la partie, nous avons enfuite frottée avec
Thuile d'Olive chaude, & ils font morts, l'un en 2 $ minutes,
& l'autre en une heure & demie.
Deux autres Pigeons ont été mordus, on les a frottés dans
le moment avec l'huile bien chaude, fans chauffer auparavant
la partie, lun eft morten 1 $ minut. & l'autre en une heure +.
Tous
DES SCIENCES. 185
” Tous ces Pigeons, comme nous lavons dit, ainfr que
prefque tous les Poulets dont nous allons parler, ont été
mordus au pilon.
Nous avons fait mordre un Pigeon à l'aile, & nous y
avons appliqué tout de fuite l'huile, il eft mort en $ minutes.
Huit Poulets ont été mordus au pilon, on ne les a point frottés
avec l'huile. Is ont tous eu les accidents qui fe manifeftent
après la picquüre, mais il y en a eu deux qui ont réchappé.
Un eft mort dans lefpace d’une heure ; deux qui avoient été
mordus par une même Vipere font morts, le premier a péri
au bout d'une heure, le fecond au bout d’une heure +. Enfin
les trois derniers ont été mordus par une même Vipére qui
avoit déja mordu auparavant un animal. Le premier mordu
: dé ces trois derniers Poulets a péri dans l'efpace d’une heure,
le fecond au bout de 7 heures, & le troifiéme au bout d'une
heure & demie.
- À huit autres Poulets qui ont été mordus, on a commencé
à appliquer huile chaude en temps différents, mais on n’a
pas laiffé paffer 1 o minutes avant que de fe fervir de l'huile.
Trois de ces Poulets ont été guéris, les autres font morts en
affés peu de temps; un feul a vècu jufqu’au lendemain de
l'expérience.
- Six Poulets ont été frottés d’huile chaude immédiatement
après la morfure, on a répété, ainfi qu'aux précédents, plu-
fieurs fois l'application de l'huile. Is font tous morts dans des
temps affés courts, un feul a furvêcu 6 heures à la morfure,
Deux grands Cogs ont été mordus. A lun on a appliqué
lhuile fort peu de temps après, il eft mort au bout de 3 heures.
Le fecond Coq ne fut point frotté, on approcha de très-près
de la morfure Îe cautere actuel pendant 3 minutes, il périt
+ au bout de 2 heures. Sur Ia tumeur livide, on remarquoit
+ une impreffion affés forte qu'avoit fait la chaleur.
… Nous voulumes faire mordre par une Vipere Ja jambe
. d'une Oye, la morfure nous parut douteufe, nous la fimes
remordre auffi-tôt par une autre Vipere, on appliqua l'huile
peu de temps après, ce qu'on continua de faire à plufieurs
— Men. 1737. A
186 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
reprifes & pendant aflés long-temps, les accidents ordinaires
parurent bientôt. Cette Oye but beaucoup & plufieurs fois,
quoiqu'elle n'eût point manqué d’eau auparavant. Nous re-
marquons cette circonftance, que nous avons encore apper-
çûe dans quelques autres cas. Elle mourut au bout de 2 heures
un quart.
N'étant pas certains de deux morfures que nous voulumes
faire à un gros Dindon, il le fut fürement à la troifiémefois;
s minutes après il fut frotté d'huile, ce qu'on répéta plufieurs
fois pendant un aflés long-temps ; les accidents qui ont coû-
tume de fuivre la morfure, parurent, mais ils ceflerent d’aug-
menter au bout de 3 heures +, Le Dindon fut malade pen-
dant quelques jours, & maigrit beaucoup ; enfin il fe rétablit.
Onze jours après le même Dindon fut picqué deux fois
par une même Vipere, on ne lui fit aucune application, il
fut très-malade pendant plufieurs jours, & enfin il guérit.
Un Chat jeune, mais vigoureux, fut picqué près du nez
par une Vipere, on appliqua l'huile prefque auffr-tôt, il fur-
vint de l'enflüre & de la lividité qui fubfifterent, le lendemain
il guérit.
Un gros Chat qui avoit été picqué par quatre Viperes,
fut frotté avec l'huile, & on lui en fit avaler, il nous échappa,
mais on l'a vü depuis.
Nous avons fait mordre huit Chiens, les uns à la cuifle,
es autres au mufeau & les autres fous le ventre. Trois ne
furent point frottés avec l'huile, on ne leur fit rien, il leur
furvint tumeur & lividité ; ils guérirent, de même que quatre
autres Chiens à qui on appliqua l'huile : un d'entre eux étoit
fort jeune. Le‘huitiéme Chien étoit un Danois, qui quoique
fort grand , n’étoit âgé que de deux mois. I fut mordu dans
plufieurs endroits & par plufieurs Viperes. On ne commença
à le frotter avec l'huile que plus d'une heure + aprèsles pic-
quûres, & il avoit dès-lors Fair fort abbattu & la refpiration
‘gênée. Ayant apperçû que les tumeurs augmentoient, nous |
y fimes des fcarifications dans lefquelles on introduifoit
Yhuile chaude ; on lui en fit avaler plufieurs fois. Deux
| D'T:s SIC EN CE. SE 187
heures après les morfures, nous découvrimes des tumeurs
que nous n'avions point encore apperçües, nous les traitèmes
comme les précédentes. Le Chien parut plus malade & plus
abbattu ; il lui vint un peu d’écume aux coins de la gueule ;
il fe coucha & fe releva plufieurs fois ; on apperçut quelques
convulfions. I{ but, & ne mangea point ; il vomit deux fois,
& alla du ventre. Enfin il mourut environ 48 heures après
les morfures.
- On voit par le détail des expériences précédentes, que
l’huile n’a eu aucun bon effet fur les Pigeons, puifque malgré
fon application, tous ceux qui ont été mordus par les Viperes,
font morts. L'article des Poulets n’eft guere plus favorable à
ce remede. Sur huit qui. ont été frottés avec l'huile quelque
temps après la morlure, il y en a trois à la vérité qui ont
réchappé; mais on fçait aflés que la morfure des Viperes ne
caufe pas toûjours la mort : Pofum affirmare, dit M. Redi, 1/4
me didiciffle Oves, Canes, Pullos gallinaceos, me curante, rabiofe
demorfos à Viperis paucos ante dies in campis fole ardentiffimo
“ captis, non effe mortuos. Nous avons en même temps l'exemple
“ de huit Poulets à qui on n’a rien appliqué, & dont deux ne
font pas morts, quoiqu'ils ayent tous eu les mêmes accidents,
Ce qui fert encore à faire voir que nous ne fommes pas en
droit d'attribuer à l'huile la guérifon de ces trois Poulets, c’eft
que des fix Poulets à qui on a appliqué l'huile immédiate-
ment après la morfure, aucun n’eft réchappé. Or la prompti-
tude avec laquelle cette application a été faite dans ce dernier
exemple, ne peut pas avoir été un obftacle à l'efficacité de
Yhuile,
Le Dindon auquel en 2 appliqué l'huile, & qui n’eft pas
mort de fes morfures, ne forme pas un préjugé bien conf-
. dérable en faveur de ce remede, puifqu'ayant été mordu une
… feconde fois 11 jours après la premiére, il guérit fans le
. fecours de l'huile.
… Quand même l'huile feroit un remede efficace pour a
“ morfure des Viperes, elle auroit bien pü ne pas guérir le
- Chien Danois ; fon application fut retardée fortlong-temps,
Aaï
188 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALF
le Chien avoit été picqué par plufieurs Viperes, ainfi on ne
peut rien conclurre de cette expérience, On ne peut pas
mettre fur le compte de l'huile la guérifon des quatre Chiens
à qui on l'a appliquée, puifque fans fon fecours trois autres
Chiens ont été guéris.
Si cependant on veut mettre quelques guérifons fur le
compte de l'huile, on fera au moins obligé de la regarder
comme un remede fort douteux. L'exemple d'un Homme
guéri après l'application de l'huile, ne feroit pas une preuve
bien forte de fon efficacité, fur-tout fi on s’étoit fervi en
mème temps de quelques autres fecours, puifque nous fça-
vons qu'avec ces autres fecours il y a des Hommes qui ont
été guéris de la morfure des Viperes. Aux hiftoires qu'on en
trouve dans quelques Livres, nous én joindrons deux qui
nous ont été comimuniquées par deux Apothicaires connus.
Ils furent eux-mêmes mordus, & ils guérirent après avoir
employé les remedes dont on a coùûtume de fe fervir en
pareils cas. D'ailleurs il n’eft pas certain que tout Homme
mordu par une Vipere doive périr, quoique qu'il efluye des
accidents confidérables, & qu'on ne tente rien pour fa gué-
rifon. Nous fçavons par nos expériences fur les Animaux
d’une même efpece, que les uns font morts, & que les autres
ont réchappé, foit qu'on ait employé pour les uns & pour
les autres les mêmes moyens, foit qu'on n’en ait employé
aucun. Ne pourroit-il pas en être de même à l'égard des
Hommes ?
RAPPORT de ce qui eff arrivé à des Hommes mordus
par des Viperes.
Le S.r Piron, atuellement premier Apothicaire de l'Hôtel-
Dieu de Paris, fut mordu en 1723 d'une Vipere irritée, elle
lui prit le doigt index à la derniére phalange ; il en fortit une
goutte de fang , il étoit alors 2 heures après midi. Ïl appliqua
deflus, pendant un bon quart d'heure, de la Thériaque, dont
il enveloppa tout le doigt.
DAELS. JU CUHNE!N.C/ES, 189
+, On lui fit douze à quinze fcarifications, premiérement für
la morfure jufqu'à la premiére phalange, & les autres furent
placées fur toute la furface du doigt, qui par fon enflûre
donnoit des places fuffifantes.
On écorcha la Vipere, on la mit fur le gril pour la faire
manger au Malade, & il but par deflus un grand verre de
vin dans lequel on avoit diflous de Ia Thériaque en bonne :
dofe, le tout animé de quelques gouttes d’efprit volatil de
Viperes. On panfa le doigt avec des compreffes mouillées
d'eau-de-vie.
Le Malade fe mit au bout de quelque temps fur fon lit.
JL commença à avoir de grandes envies de vomir, à mefure
que l'enflûre gagnoit, il furvint un vomifiement confidé-
rable qui dura une heure & plus. On fut obligé de le def-
habiller, & de déchirer la chemife qui l'étrangloit. Comme
l'enflûre gagnoit jufqu'à l'avant-bras, on y fit à 4 heures une
vingtaine de fcarifications, que lon couvrit de comprefles
mouillées d’eau-de-vie. La tête du Malade fut prife, il fut
cependant confeffé, mais à 7 heures le Malade ne s’en fou-
venoit plus. On lui faifoit prendre des bouillons animés de
fel volatil de Viperes. On refit de nouvelles fcarifications
jufqu’aux os du carpe. Les perfonnes qui étoient auprès de
lui, lui frent boire depuis 1 1 heures + jufqu'à une heure
après minuit, la valeur d'une bouteille du meilleur vin de
. Bourgogne. Le Malade s’endormit jufqu'à 6 heures du matin
fans fe réveiller, & les accidents ceflerent contre l'attente
des fpectateurs.
Le Chirurgien vouloit fcarifier de nouveau, mais le Ma-
Jade n’en voulut plus entendre parler. Il fut deux mois entiers
. à guérir fes playes par les panfements ordinaires d’eau-de-vie
& de vin. Il jouit aétuellement d’une parfaite fanté.
Le nommé la Motte, garçon Apothicaire, d'un tempé-
» rament fort & vigoureux, alloit le 27 Septembre 173$ à
… 3 heures après midi, chés un Gentilhomme Anglois, apprêter
… une Vipere pour faire un bouillon, à l'ouverture de la boîte
… clies s'échapperent toutes. Il en raffembla L mais la
: < a ii
190 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
fixiéme étoit cachée fur un potager auprès d'une terriné qui
étoit fur le feu. Cette dérniére Vipere, irritée par une cha-
leur plus vive, fe jetta fur lé doigt index de la main gauche
du garçon, & le mordit jufqu'au fang.
Le Malade fentit alors une douleur qu’il compare à lim-
preffion qu'auroit fait l'efprit de Vitriol dont on auroit laïffé
tomber une goutte fur une playe. Sans s’allarmer, il coupa
la tête de la Vipere, l’écrafa, & l'appliqua fur la morfure.
Comme il fentit une plus vive douleur, il fit lier fon doigt
d'une ficelle, qu'il fit ferrer le plus fort qu'il fut poffble.
I! eflaya inutilement avec de méchants cifeaux de fcarifier
fon doigt qui s'enfloit confidérablement. If eut recours au
Gentilhomme pour qu'il lui fit la fcarification , étant dans le
deffein d'y appliquer enfuite un fer rouge ; mais le Gentil-
homme qui avoit quelque pratique de Médecine, l'en diffuada,
en lui difant qu’il fe feroit plus de mal qu’il n’en avoit, qu'il
fuffloit de prendre la graifie de Viperes, & de s'en frotte
chaudement, que cela empêcheroit le progrès du venin, qu'il
avoit même vü plufieurs Charlatans à Londres & en d’autres
Villes d'Angleterre, qui pour faire voir l'effet de leur anti-
dote, animoient une Vipere dont ils faifoient mordre quel-
qu'un de leur troupe; que comme la partie morduë enfloit
fur le champ, ils ne faifoient autre chofe que de lui faire
avaler de la Thériaque, & frotter enfuite la partie morduë
avec la graifle de Vipere chauffée, & qu'à mefure que l’en-
flüre augmentoit, ils frottoient au deflus, de forte qu'en
moins de 24 heures le Malade étoit guéri. Le garçon fuivit
auffi-tôt ce confeil, il tua trois ou quatre Viperes, il en fit
fondre la graifle, dont il frotta fa main qui enfloit confidé-
rablement, puis la couvrit d’une ferviette. Il avala environ
trois gros de Thériaque & un peu de vin par deflus.
fe mit alors fans inquiétude en chemin pour revenir à la
maifon , mais au milieu de la route, comme il s’apperçüt que
fa main enfloit continuellement, il fut dans l'obligation de
détacher les boutons de fa chemife, & d'ouvrir la manche dé
la vefte. Il fentit une douleur fous L aiflelle du même côté,
14 DES SCIENCES. 197
_ & s’'apperçut que les glandes en étoient confidérablement
: gonflées, ce qui lui donna un peu d'inquiétude & de défiance
- furles remedes propofés par le Gentilhomme Anglois. A fon
r arrivée il fentit un feu par tout le corps, & même la main
du côté oppolé senfloit à ne pouvoir la fermer qu'à peine.
n On eut récours à une potion compolée d'Eau thériacale
“ d'environ trois onces, autant d'Eau générale, un peu d'Eau
de Melifle compolée, environ demi-once de Thériaque, un
gros de Camphre, les Sels volatils de Viperes, de Succin &
Ammoniac, environ 24 à 3 0 grains en tout, Efprits volatils
de Selammoniac & huileux de Sylvius un gros en total.
Après avoir pris cette potion, on le coucha ; il fut confeflé,
puis on lui fit prendre une potion à peu-près pareille à Ja
précédente. I] fentoit un feu dans la gorge, dans fa poitrine,
& même il ne pouvoit prefque plus parler à caufe des grandes
douleurs qu'il fouffroit. Cet état détermina à avoir recours
à une Saignée; on fit donc une faignée du bras oppolé, & .
. Ton tira environ fix palettes de fang. Le Chirurgien n'eut
» pas plütôt mis la ligature, que le Malade perdit connoiflance,
- & vomit pendant trois quarts d'heure, après quoi on fit une
- incifion le long du doigt fans qu'il fortit de fang. La chair
. bourfouffloit par deflus la playe. On fit enfuite une embro-
… cation depuis le bout du doigt jufqu’à l'épaule & fur la révion
- ducœur. Cette.embrocation étoit compofée d’efprit de La-
. vande, de Camphre, quantité de Thériaque & de graifle de
_ Viperes. Après le vomiflement, le Malade ranimé par cette
… friétion, fe fentit très-foulagé & fans aucune douleur. Sur
. des huit heures du foir on lui fit faire une autre potion à
… -peu-près compofée comme les autres, après quoi il s’afloupit
. jufqu'au lendemain matin quatre heures ; au bout de ce temps
. il fe réveilla extrêmement altéré, & la tête-fort embarrafiée.
On lui fit boire un grand verre de vin, il refta jufqu'à
6 heures + fans rien prendre, & fort tranquille. Vers les 7
heures il mangea d’un grand appetit une cuifle & un blanc
j de Poulet.
192 Memoires Dr L'ACADEMIE RoyALE
des fcarifications le long du bras, il es pria de différer deux
ou trois jours, pour voir s'il n'y auroit pas moyen de s’en
difpenfer. Au bout de ce temps il lui furvint une efpece
d'Eréfipelle fur lequel Ie Malade appliqua le $.me jour un
liniment compofé d'environ demi-feptier d'Eau-de-vie, deux
onces d’onguent d’Althea, demi-once de Thériaque, mêlés
enfemble.
Ce remede fit diminuer l’enflüre depuis l'épaule jufqu'au
coude ; il continua la même chofe pendant trois jours tous
les 24 heures, ce qui acheva de diminuer l’enflüre, excepté
celle de la main. Le refte du bras étoit cependant demeuré
noir en plufieurs endroits & violet en d’autres, on lui con-
feilla de faire un cataplafme réfolutif avec la décoétion des
herbes émollientes, huit onces de Miel commun, une livre
des quatre Farines, un peu de Populeum pour envelopper
la main deux fois le jour, après l'avoir frottée d’huile-rofat,
ce qu'ayant pratiqué l’efpace de s jours, l'enflüre de la main
diminua totalement. Ce garçon eft actuellement plein de vie,
fort & vigoureux.
La Relation fuivante a été envoyée à l’Académie par M.
Mortimer, Secrétaire de la Société Royale de Londres, &
Correfpondant de l’Académie; & c’eft cette relation qui nous
a déterminés à faire toutes les expériences qu’on a rapportées.
» Guillaume Olivier & fa femme, de la Ville de Bath, dont
» leur métier eft de prendre & de vendre des Viperes, s’offri-
» rent à fouffrir la morfure de quelque Vipere que ce füt, fe
» fiant à la vertu d'un remede dont le hazard leur avoit fait
» faire la découverte, un jour que la femme ayant été morduë ;
» ils eflayerent inutilement tous les remedes connus, & que
» Fapplication même de l'huile de Vipere ne diminua nullement
» fes douleurs, fur-tout celles qu'elle reffentoit à la mammelle
» du côté de la main où elle avoit été bleffée.
» Au mois de Mai 1734, ces gens fe préfenterent à quel-
» ques perfonnes curieufes à Windfor, offrant de fe faire mor-
» dre de quelque Vipere que ce fût, fe fiant à la vertu de leur
» remede ; ce qui fut fait, & avec le fuccès qu'ils avoient
promis
ll
4 D: PISMMBACUT EN, CE S 193
» promis fans aucun fymptôme violent. Ils me furent adrefés «
. de- par M. Guillaume Burton, Médecin de Windfor, qui «
* avoit été témoin de cette expérience furprenante, & de qui «
ils m'apportérent une Lettre. | &
Le r.°* Juin 1734, en préfence de plufieurs membres de «
la Société Royale, & d’autres perfonnés, l'homme fut mordu «
‘au poignet & au pouce de la main droite par une Vipere «
vieille & noire, fort irritée, de forte que des gouttes de fang
fortoient des playes. Il dit qu'il fentoit auffi-tôt une douleur «
“violente & picqüante, qui pénétroit jufqu'à l'extrémité du «
pouce, & fe répandoit par tout fon bras, même avant que «
* da Vipere fût détachée de fà main, & que peu après il fen- «
toit une douleur femblable à l’action d’un feu, qui & glifloit «
1e long de fon bras : en peu de minutes fes yeux commen- «
cerent à paroître rouges, & quafi en feu, & à verfer beau- «
coup de larmes ; en moins d’une demi-heure il apperçut que «
le venin fe faififloit de fon cœur par des douleurs aiguës ; ce «
qui fut accompagné d'une grande foibleffe & d'une difficulté «
. de refpirer, & fuivi de fueurs froides & abondantes : peu «
. après {on ventre commença à s’enfler avec des tranchées fort «
aiguës, & des douleurs aux reins accompagnées de vomifie- «
ments & de déjettions très-violentes. ‘ MO «x
Il déclara que pendant Ja violence de ces fymptômes il «
perdit la vüe deux fois, pendant plufieurs minutes de fuite, «
… mais qu'il entendit les voix qui lui étoient familiéres. I dit «
» que dans les expériences qu'il avoit faites auparavant , il «
… m'avoit jamais différé l'application de fon remede plus long- «
temps que jufqu'à ce qu'il fentit les effets du venin appro- «
cher de fon cœur, mais cette fois-ci, pour fatisfaire pleine- «
Li ment à la curiofité de la compagnie, il n’appliqua rien avant «
qu'il fe fentit très-mal, & que la tête lui tournât. &
_ Une heure & un quart après qu'il eut été mordu, on «
apporta un réchaud de charbons de bois bien allumés, & fon «
» bras nud fut tenu deflus auffi près qu'il pouvoit le fouffrir, «
» pendant que {a femme le frottoit d'huile avec la main, en &«
MOurnant le bras continuellement au deffus des charbons, &
no” em. 1737: Bb
NS
194 MEMOIRES Dr L'ACADEMIE ROYALE"
# comine fi elle vouloit le rotir; il dit que la douleur s’étoit
‘ » bientôt appaifée, mais la tumeur n'étoit pas beaucoup di-
» minuée ; les vomiflements & les purgations par bas commen-
» cerent bien-tôt avec violence , & fon poulx devint fi petit
» & fi intermittant, qu'on jugea néceflaire de lui donner les
» cordiaux fuivants à un quart d'heure l'un de l'autre,
» Prenés Eau de Lait alexitaire, trois onces.
» Eau de Pivoine compofée, trois onces.
» Efprit de Lavande compolé, un gros; mêlés pour deux
» dofes.
» _ Prenés confection Raleigh, c’eft une compofition cordiale
» décrite dans la Pharmacopée de Londres, demi-gros.
» Eau thériacale, une once & demie.
» Efprit volatil de Corne de Cerf, dix gouttes ; mêlés pour
» une dofe.
» Prenés confection Raleigh, demi-gros.
» Thériaque, demi-gros.
» Efprit volatil de Corne de Cerf, dix gouttes.
» Eau thériacale, deux onces; mélés pour deux dofes.
» I] difoï: qu'il ne fe fentoit pas beaucoup foulagé par ces
* cordiaux , mais qu'un ou deux verres d’huïle d'Olive qu'il
» büvoit, le foulageoient extrêmement. Etant dans cet état
» dangereux, il fut mis au lit auffi-tôt qu'il fut poffible, où
» lon frottoit fon bras d'huile comme auparavant. I fe plaignoïit
» beaucoup du dos & du bas ventre; là-deffus je confeillai à
» fa femme de le frotter du même remede chauffé dans une
» cuillere, ce qui fut fait, & il déclara d’abord qu'il fe fentoit
» tout auffi-tôt foulagé comme par enchantement, & il n’eut
» pas après, plus de deux ou trois vomiffements ou elles ; maïs
» fon urine, qui étoit aflés abondante, n'étoit pas affés déco-
» Jorée; bien-tôt après if tomba dans un fommeil profond, qui
» fut interrompu jufqu’à minuit par ceux qui le venoient voir.
» Depuis minuit il dormit de fuite jufqu'à $ ou 6 heures du
» matin, & en s'éveillant il fe trouva bien ; mais l’après-diné
» ayant bû des liqueurs fortes, jufqu’à être un peu ivre, la
»# tumeur revint avec beaucoup de douleur, & avec des fueurs
DIE: SU USUGNÉ E INC ES 195
_ froides, qui diminuerent bien-tôt quand le bras fut frotté
comme auparavant ; & enveloppé dans du papier gris trempé
+ dans l'huile.
Deux Pigeons furent mordus par la même Vipere, immé-
diatement après l'homme ; ils devinrent bien-tôt malades &
étourdis. On n’appliqua rien à ces deux oifeaux ; lun mourut
dans une heure , l’autre une demi-heure après. Leur chair
paroifloit noire, comme fi elle étoit gangrenée, & leur fang
étoit coagulé & noir.
Le 3 Juin l'homme avoit encore fon bras enflé, rouge,
marbré de taches jaunes, mais mol au toucher. Il pouvoit
mouvoir le bras, & même les doigts, fans aucune douleur
& avec facilité.
On fit mordre le nez d'un petit Chien par une Vipere
nouvellement prife ; le remede y fut d’abord appliqué chaud,
& on en frotta bien la partie, jufqu'à ce que tout le poil en
fut entiérement mouillé ; le Chien ne fmbloit pas fe porter
: fort mal , fon nez s’enfla un peu ; il mangea peu après ; le
nés fut frotté encore au foir, On le trouva fort bien le len-
demain ; mais on lui frotta le nez encore une fois pour affürer
la guérifon. Il ne fut attaqué d'aucun fymptôme dans la fuite,
il s’eft bien porté depuis, & vit encore.
Un autre Pigeon fut mordu auffi deffous l'aile en même
temps que le Chien , mais par une autre Vipere, le remede
y fut immédiatement appliqué chaud, & la partie en fut bien
frottée jufqu'è à mouiller toutes les plumes. Cet oifeau ne fem-
bloit point du tout affecté par le venin ; il mangea d'abord,
& on le trouva bien le lendemain, fans aucune inflamme-
tion ou tumeur remarquable dans Îa partie bleflée, On appli-
qua le remede deux fois par jour pendant deux ou trois jours
de füite. L’oifeau fe portant bien, nos preneurs de Viperes
J'amenerent avec eux comme en triomphe, car ils n’avoient
jamais éprouvé l'effet de leur remede fur un animal fi petit;
+ carccommeil reçoit par lamorfure une auffi grande quantité
de venin qu'un animal plus at il court plus rifque d’en
mourir.
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L]
A4 44
MR in nt ae 0 0 N'RRORM
A
196 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
» Nos marchands de Viperes difoient qu'ils avoient expé-
» rimenté l'effet de leur remede fur les Vaches, les Chevaux
» & les Chiens dix heures après la morfure; mais qu'à l'égard
» d'eux-mêmes, comme ils étoient fouvent mordus à la cam-
» pagne, en prenant les Viperes , ils portent de leur xemede,
» qui eft de l'huile à falade ou huile d'Olive dans leur poche,
» & que tout auffi-tôt qu'ils étoient bleflés, fans perdre de
» temps ils fe frottoient du remede la partie bleflée ; & fi la
» playe étoit au tulon , ils en mouilloient bien le bas ; fi elle
» arrivoit au doigt, ce qui eft le plus ordinaire, ils verfoient
» du remede dans le doigt du gand correfpondant , dans lequel
» ils enfonçoient d’abord le doigt, & ils n’en fentoient plus
» aucun inconvénient, pas même autant que de la piquüre
» d'une Abeille.
Tout le détail qu'on vient de lire, a été depuis imprimé
dans les Tranfaétions Philofophiques, page 3 13 du N° 443.
Voilà donc trois Hommes mordus. L’Anglois, preneur
de Viperes, a ufé d'huile d'Olive & de cordiaux. Un François
qui a employé d’abord la graifle ou l'huile de Viperes avec
l'ufage des remedes cordiaux. Etun troifiéme, fur qui on n'a
rien appliqué d'onétueux, & qui a ufé à peu-près des mêmes
remedes intérieurement. Tous les trois ont eu des accidents
qui ont beaucoup de rapport entr'eux & avec ceux qui font
furvenus aux animaux cités dans nos expériences.
: … Ces trois hommes ont ufé de cordiaux qui font à peu-près
, les mêmes ; les accidents ont ceflé à peu-près de la même
s façon ; le fommeil leur eft furvenu dans les mêmes circonf-
{tances. En vérité, ou leur morfure n'étoit pas mortelle, ou
: fi l’on veut attribuer leur guérifon à quelqu'un des fecours
_ qu’ils ont employés, ce fera aux cordiaux. Mais par quelle
. vertu les cordiaux pourroient-ils agir en pareils cas ? En
auroient-ils une fpécifique contre le venin de là Vipere? ou
plûtôt ne préfervent-ils point nos humeurs contre la putré-
fation gangréneufe que le venin dé la Vipere: leur commu
. nique ( car comme nous le ferons voir, l'effet de ce venin
et la Gangrene) ! Cette derniére idée paroîtra aflés plaufible,
DES SCIENCES. 197
fi lon fait attention que dans plufieurs cas de gangrene pro-
venant de toute autre caufe, les cordiaux s’'oppofent à {es
progrès, & empêchent qu'elle n’infeéte la mañle de notre fang.
. Si l'on veut regarder l'huile d'Olive comme une matiére
grafle & onétueufe qui enveloppe les parties du venin de la
Vipere, il faut faire attention que ce venin ne laifle pas de
pénétrer affés profondément à la faveur des dents de cet ani-
mal. Il n’eft pas aifé de faire faire autant de chemin à l'huile.
> On ne conçoit pas trop non plus comment l'huile peut aller
chercher les parties du venin qui ne tardent pas à fe répandre
dans les environs, & à altérer le corps. D'ailleurs c’eft dans
la membrane cellulaire, qui eft fous la peau, où le venin de
la Vipere agit plus puiflamment fur le fang, comme nous le
erons voir par la fuite. Or cette membrane eft toute pleine
de la graifle des animaux mordus, c’eft le réfervoir de leur
huile. Ainfi fi la feule onctuofité fuffifoit pour embarrafler les
parties du venin, ce ne féroit pas au milieu de cette huile
naturelle que ce venin produiroit une gangrene fi fubite & fi
confidérable. L'Oye, qui étoit fort grafle, avoit été un des
animaux des moins épargnés par le venin.
Enfin pour voir fi l'huile peut agir immédiatement fur les
parties du venin de la Vipere, foit en altérant leur qualité,
_foit en les enveloppant de façon qu'elles foient hors d'état
d'opérer, nous avons penfé qu'il étoit à propos de faire entrer
dans le corps des animaux le venin de la Vipere, après lavoir
exactement mêlé avec l'huile d'Olive. If eft certain que l'huile
- dont on frotte une païtie morduë par la Vipere, ne peut péné-
» trer que lentement jufqu'où le venin a été introduit, & que
É ce venin a eu le temps de s'étendre & de faire du chemin,
- quelque prompte que foit l'application extérieure de l'huile,
_ puifque dans le moment de la morfure on apperçoit du gon-
… flement. II eft certain encore qu'il ne peut arriver qu'une très-
. petite quantité d'huile pour fe joindre aux parties du venin
- quieft dans le corps de l'animal. Si donc l'huile eft le fpéci-
# fique contre le venin de la Vipere , elle doit donner des
. marques de fon efficacité, étant mêlée D: venin de la
# ÿ lu}
Î
j
!
198 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Vipere avant fon introduétion dans le corps de l'animal.
Nous avons exprimé le venin du fac d'une feule dent d'une
Vipere, nous l'avons mêlé exactement avec quatre fois autant
ou environ d’huile d'Olive chaude pour introduire le tout
dans le pilon d’un Poulet.
Nous n'avons pü tirer d'une autre Vipere que très-peu
de liqueur jaune mêlée avec la liqueur qui fe trouve dans la
gueule de ces animaux, on y a adjoûté de l'huile, nous avons
deftiné ce dernier mélange pour un Pigeon. :
Nous avons fait une playe au pilon du Poulet & du Pigeon
pour y introduirenos mêlanges à la faveur d’un petit pinceau.
Le fang qui venoit continuellement, s’oppofoit à fon entrée,
mais par le fecours du pinceau nous faifions rentrer le fang
& le mélange qui s’y joignoit avec le plus de foin qu'il nous
étoit poffible, c’eft cependant ce que nous ne pouvions faire
qu'imparfaitement.
Cela nous détermina à n’introduire un nouveau mélange
d'huile & de venin dans la playe que nous avions faite à un
fécond Pigeon, que lorfqu'elle eut ceflé de donner du fang.
Nous renconträmes une nouvelle difficulté ; la playe des
mufcles étoit reflerrée, de façon qu’elle ne permettoit pas
l'introduction facile du pinceau, encore moins celle du mé-
lange. Nous nous bornâmes donc à promener le pinceau
entre la peau & les mufcles, & à y faire entrer le mélange.
L'effet des deux premiéres expériences fut à peu-près le
même ; très-peu de temps après il furvint de la tumeur & de
la lividité au pilon du Poulet & du Pigeon, qui s'étendirent
d’abord , mais leur progrès fut moins confidérable & plus
lent que dans les cas où le venin ef introduit par les dents
mêmes de la Vipere. Cette tumeur & cette lividité fubffterent
long-temps aux environs de la playe, & if y furvint une
efcarre comme dans les Poulets qui ont échappé à la mor-
fure des Viperes. Nos deux animaux, après avoir paru ma-
lades, fe rétablirent, & l’efcarre tomba.
A toute la jambe du fecond Pigeon, if parut bien-tôt de
la tumeur & de la lividité qui s’étendirent fur la cuifle, il fut
DES SCIENCES. 199
aflés malade, il ne voulut point manger, il s'endormit au
bout de quelque temps. Enfuite il büt & mangea, & parut
être mieux, mais toute la jambe refla enflée, noire & dure.
Après plufieurs jours il mourut ; il étoit extrêmement maigre,
toute la peau qui environnoit le pilon, formoit une efcarre
qui étoit noire, épaifle & folide, il y avoit dans quelques
endroits des parties qu'elle couvroit, un peu de fuppuration.
Nous ne pouvons pas attribuer la mort du fecond Pigeon
au venin, tel qu'il a coûtume de la procurer aux autres ani-
maux ; ici il n'en eft que la caufe éloignée, & c’eft le mau-
vais état de fa jambe qui en eft la caufe prochaine. Notre
premier Pigeon & le Poulet ne font pas morts; cependant
ces trois expériences font voir que l'huile n’a pas détruit le
venin de la Vipere, & qu'elle ne lui a pas Ôté fon action. A
la tumeur & à la lividité qui furvinrent & qui augmenterent
après l'introduction du mélange, on ne peut s'empêcher de
reconnoître que le venin, malgré huile, gardoit fon caractere.
Sida mort & les grands accidents qui feroient vraifembla-
blement arrivés, fi ces animaux avoient été mordus par des
Viperes, ne font pointici furvenus, on en fent bien les raifons.
Dans le fecond Pigeon Îe mélange n’a été introduit que fous
la peau : dans les deux autres expériences le fang pouñoit
continuellement le venin hors la playe, il n’en entroit que
peu, au lieu que lorfqu'il eft porté par la dent, il ne vient
point ou prefque point de fang. Les ouvertures que font les
dents de l'animal font extrêmement petites, il n’en fort au-
cune partie du venin ; fr quelquefois on apperçoit dans l'en-
… droit mordu une goutte de liqueur jaune, elle a été exprimée
du fac qui environne la dent, lorfque la mâchoire de la Vipere
4 Let contre la chair de l'animal ; de plus'le venin, à la
…. faveur de la dent qui eft affés longue & qui eft recourbée,
. eft porté bien avant dans les chairs. Il fe peut faire encore
… quelhuile, en écartant les parties du venin les unes des autres,
… contribué à rendre leur aétion plus foible, & peut-être que
… tout autre mélange avec le venin, produiroit le même effet.
On voit donc par ces derniéres expériences, que l'huile n’a
Lar
Es
200 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
as Ôté au venin fon action, car il a procuré de la tumeur
& de la lividité, il a gangréné les. parties qui l'ont reçü,
toute la peau qu'environnoit le pilon de notre fecond Pigeon
a été privée de la vie; il eft vrai que le venin introduit par
les dents de la Vipere, produit des effets plus confidérables,
mais on peut croire qu'ici ce font des circonftances étran-
geres à la nature de l'huile, qui font caufe qu'il n'a pas agi
auffi puiflamment qu'il a coûtume de faire.
L'ouverture des animaux qui ont péri par la morfure de
la Vipere, foit qu'ils euffent été frottés avec l'huile, foit qu'ils
ne l'euflent pas été, nous a fourni les mêmes chofes à ob-
ferver. La jambe picquée étoit extrêmement groffe & livide;
Ja tumeur & la lividité s’étendoient le long de Ja cuifle juf-
que fous le ventre, où elles paroïfloient plus confidérables;
quelquefois même elles gagnoiïent jufqu'à la poitrine Une
incifion faite dans la peau , le long de ces parties, nous faifoit
voir toutes les cellules graifleufes qui font entre les mufcles
& la peau, remplies d’une férofité fanguinolente. Elles étoient
gonflées, noirâtres & gangrénées. L'amas de cette férofité &
la diflention des cellules fe trouvoient fort confidérables du
côté du bas ventre. La peau eft attachée aux mufcles de
Yabdomen par une fubftance cellulaire qui cede beaucoup ;
& comme c’eft la partie fa plus déclive du tronc de l'animal,
il n’eft pas étonnant qu’il s’y fafle un plus grand amas qu'ail-
leurs. La gangrene s’étendoit en s’affoibliffant du côté de
da poitrine & du croupion. Dans les autres parties la graifle
& les cellules qui la contiennent, étoient blanches à l'ordi-
naire. Il fortoit fouvent des endroits gangrénés une odeur
puante, & quelquefois cadavéreufe. Comme les dents des
Viperes pénétroient dans les mufcles, nous trouvions auffi
les mufcles de la jambe d'un rouge brun, leurs fibres avoient
perdu de leur confiftance, & fe déchiroient facilement, par
conféquent la gangrene les occupoit aufli. Elle pénétroit juf-
qu’à l'os toute l'épaifieur des mufcles où étoit la morfure &
ceux qui en étoient voifins. Elle étoit moins profonde dans
les mufcles de la jambe oppofés à la morfure, Cette gangrene
occupoit
DES SCIENCES. 20F
“ ccupoit les mufcles qui environnent le femur, mais elle y
“ étoit plus fuperficielle; elle s’étendoit auffi le long des mufcles
1
“. du bas ventre, & quelquefois on appercevoit quelques points
gangrénés fur le grand pectoral, du côté où l'animal avoit
été mordu. Le venin de la Vipere, introduit avec la dent,
$ pénétroit la peau & la fubftance cellulaire, pour arriver juf-
qu'aux mufcles. Puifque ce venin eft de nature à produire la
gangrene, il n’eft point étonnant qu'elle fe manifeflit plus
particuliérement dans la fubftance cellulaire. Nous favons
que c'eft la même chofe chés nous, où la gangrene fait un
progrès plus grand & plus prompt dans cette partie que dans
les autres. Peut-être que le venin de la Vipere agit de plu-
freurs façons pour caufer la mort, mais il eft certain que Ja
gangrene confidérable qu'il produit, doit y avoir beaucoup
de part. Cependant ce venin fi puiflant n'a, au rapport de
M. Redi, d'autres qualités fenfibles que la confiftance & la
faveur de l’huile d'Amande douce.
Le Dindon & les Poulets qui n’ont pas péri par la mor-
fure des Viperes, foit qu’ils euflent été frottés avec l'huile,
foit qu'ils ne leuffent pas été, ont effuyé à peu-près les
mêmes accidents. De l'endroit de la picquüre il fuintoit pour
Tordinaire une férofité, lorfque la lividité & la tumeur com-
mençoient à être un peu confidérables ; nous. n'avons pas
obfervé un pareil fuintement dansles animaux qui font morts.
II eft furvenu, après quelque temps, au Dindon & à tous
les Poulets qui ont réchappé, une efpece de croûte noirâtre
_ à l'endroit de la picquüre. C’étoit une efcarre profonde, qui
au bout de quelques jours fe détachoit peu-à-peu, la peau
devenoit ridée à fa circonférence, & enfuite elle tomboit. If
fe formoit une pareille efcarre fous le ventre, quoique l’ani-
. mal n'eût pas été picqué dans cet endroit: nous avons dit que
. dans la cellulofité qui ef fous le ventre il s’'amafloit beaucoup
d'humeur, & que l'inflammation & la gangrene y étoient très-
… confidérables. Voilà pourquoi il s’y faifoit auffi une efcarre.
- Ifef clair que la gangrene produite par le venin introduit
… dans la morfure, fe communique de proche en proche aux
Mem. 1737 vu Ce
ue
202 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
parties voifines, mais nous fçavons auffr que le fang infeété
par la gangrene, la produit dans des parties bien éloignées
de celle par où le venin eft entré. Nous en avons eu plufieurs
preuves, particuliérement dans l'O ÿe dont nous avons parlé,
car nous avons remarqué fur le ventricule droit de fon cœur
un commencement de gangrene fuperfcielle, & il y avoit fur
fon ventricule gauche trois points gangréneux qui n'étoient
gueres plus étendus chacun que la tête d’une épingle, cepen-
dant aucune partie voifine du cœur n'étoit gangrénée. La
face concave du foye de ce même animal étoit gangrénée,
& n'avoit nulle confiftance : on ne remarquoit prefque pas
de changement à fa face convexe, qui pourtant eff la feule
qui touche aux parties extérieures du bas ventre.
Dans un Poulet qui avoit été mordu à l'aile, la gangrene
s'étoit étenduë aux mufcles intercoftaux & à la plevre. La
partie du poumon qui y répondoit, étoit livide, & le refte
du poumon paroiïfloit fain.
Cette portion du poumon avoit-elle été affectée par les
parties voifines ? ou bien le fang infeté, après être arrivé par
les voyes de la circulation à cette partie du poumon , avoit-il
caufé l'altération ?
Nous n'avons trouvé pour l'ordinaire aucun indice de
gangrene, ni même d’inflammation à l’eflomach. Le vomif-
fement qui furvient aflés conftamment & aux hommes & aux
animaux après la morfure, prouve que cette partie eft affeétée.
Mais on fçait affés que dans beaucoup de cas il y a du vo-
miflement, quoique le mal n’agifle pas immédiatement fur
Feftomach. Nous avons examiné le cerveau & la moëlle dé
lépine dans quelques-uns des animaux morts après la morfure,
& nous n’y avons découvert aucune altération fenfible.
Nous n'avons trouvé aucun indice de coagulation dans le
fang de ces animaux, au contraire nous y avons trouvé des
marques de fluidité, 1.° La férofité épanchée étoit fanguino-
lente. 2.° Les arteres étoient vuides de fang, & les veines en
étoient remplies. 3.° Nous faifions couler avec facilité le
fang dans les veines, long-temps après la mort des animaux,
nl -
DAE: S SLGIMEUN? CES 203
4° Les caïllots de fang qui étoient dans les oreillettes & dans
les ventricules, n’avoient prefque point de confiftance.
Nous avons éprouvé qu'on ne peut pas toûjours réufflir
à.faire qu'une méme Vipere morde plufieurs fois de fuite, il
y en a même qu'on ne peut obliger à mordre ; cependant if
s'en eft trouvé une qui a mordu vingt-quatre animaux dans
l'efpace de trois heures. Elle a commencé par un Coq, c'eft
celui pour lequel on s'eft fervi du cautere actuel, & il eft
moït, comme nous l'avons dit, au bout de deux heures &
quelques minutes. Enfuite nous avons fait mordre trois Pou-
lets ; on n'a rien tenté pour leur guérifon, non plus que pour
celle de tous les animaux mordus par la même Vipere. Le
premier Poulet a péri dans l'efpace d'une heure. Le fecond
au bout de 7 heures, & le troïfiéme au bout d'une heure &
demie. Trois Pigeons après cela ont été mordus, le premier
a péri en 10 minutes, le fecond-en $o minutes, & le troi-
fiéme en une heure $ minutes. 11 y a apparence que les der-
niers mordus de ces fept animaux ne feroient morts guéres
plus promptement, s'ils avoient été picqués par des Viperes
qui n’euflent point encore fervi. Par rapport à la prompti-
tude de la mort, nous ne devons pas comparer les Poulets
avec les Pigeons, nous fçavons qu'en général ceux-ci ne
réfiftent pas fi long-temps. Par l'expérience faite fur ces der-
niers Pigeons, il paroïîtroit que le venin alloit en s'affoi-
bliffant, mais on ne trouve pas la même chofe du côté des
trois Poulets ; de plus il eft fouvent arrivé, après avoir fait
mordre deux Poulets ou deux Pigeons par la même Vipere,
de voir d’abord périr celui qui avoit été mordu le dernier.
On voit par-là que c’eft fans trop de fondement que bien des
perfonnes aflürent que l'effet de la feconde morfure d’une
Vipere eft moins prompt que celui de la premiére; qu'à la
troifiéme morfure il eft encore plus affoibli, & ainfi fucceffi-
vement comme par degrés. La fuite de ces expériences fera
bien voir que la morfure des Viperes n’a pas toüjours la même
force; mais celles que nous venons de rapporter, prouvent
auffi que le décroiflement de cette force n'eft je exactement
ci
C4
L
204 MEMOIRES DE L’ACADEMIE ROYALE
gradué, comme quelques-uns le penfent. Enfin notre Vipere
qui avoit déja répandu fon venin dans le corps de fept ani-
maux, a encore mordu dix-fept Poulets ; il leur eft furvenu,
du moins à la plüpart, un peu de lividité & de la tumeur,
mais moins confidérable & moins prompte que dans les
expériences précédentes. De ces dix-fept Poulets on en a
trouvé deux morts au bout de 24 heures, c'étoit le rer &
le 1 6.me, c'efl-à-dire, le 8.me &r le 2 3 .me des animaux mordus
par la même Vipere, mais nous ne fçavons pas trop la caufe
de leur mort. On les avoit renfermés dans une cage où ils
étoient fort gênés, & nous n'avons pü les examiner après leur
mort. Parmi ceux qui ont furvêcu , nous ne pouvons pas dire
au jufte lefquels ont été le plus affectés par la morfure, les
marques qu'on leur avoit mifes pour les diftinguer, s’étoient
détachées.
Sept des Poulets dont nous venons de parler, qui avoient
réchappé, furent mordus neuf jours après par de nouvelles
Viperes , & trois d’entr'eux réchapperent encore ; ils furent
frottés avec huile cette feconde fois ; mais fi l'on ne veut
compter pour rien l'application de fhuile, ne pourroit-on
pas foupçonner qu’ils doivent leur guérifon à ce que l'action
du venin reçû la premiére fois, étant trop foible pour les faire
périr, elles les avoit rendus moins fufceptibles d’un nouveau
venin, à peu-près comme l'Opium, dont on peut prendre
une dofe bien forte quand on s’y eft difpolé fucceflivement
par des dofes plus foibles ? Nous regardons cette conjeéture
comme fort douteufe, quoique lexpérience du Dindon
mordu deux fois à neuf jours de diflance, lui fembleroit favo-
rable, mais il en faudroit davantage pour établir une telle
idée. II eft plus naturel de croire que parmi les animaux d'une
même efpece, il y en a fur lefquels le venin de la Vipere
produit plus ou moins d'effet. On fçait que la picquüre d’une
feule Vipere fuffit quelquefois pour faire périr un Chat ; nous
en avons fait picquer un par quatre Viperes, il n’en eft pas
mort. D'où on pourroit conclurre que ce n’eft pas toüjours
la quantité du venin introduit par la morfure, qui eft la caufe
ER cold
PET RO
mm
DES SCIENCES. 20$
de fa mort, ou d’une mort plus ou moins prompte. De plus,
pour peu qu'on y fafle attention, on fentira aflés qu'il peut
y avoir bien des différences dans les morfures faites à deux
animaux, quoiqu'elles paroiffent d’abord les mêmes.
DE L'ABERRATION APPARENTE
| DE SAP OT'INUE S;
Caufée par le mouvement progreffif de la Lurniére.
Par M. CLAIRAUT.
ges à M. Bradley que l’Aftronomie eft redevable de
la belle découverte de l Aberration de la Lumiére, Ce
célebre Aftronome, travaillant de concert avec M. Molyneux,
par le fecours d'un excellent Seéteur, dans la vûe de vérifier
ce que le Docteur Hook avoit avancé fur la Parallaxe des
Fixes ; bien-loin de confirmer la Théorie de ce Sçavant,
trouva des variations dans la hauteur des Etoïles, d’un fens
contraire à celles que la Parallaxe de l'Orbe annuel auroit dû
caufer.
.… Après avoir imaginé plufieurs Théories pour expliquer ce
que lui avoient donné lesObfervations qu’il aveit faites avec
M. Molyneux, comme quelques mouvements dans l Axe de
la Terre, ou quelque mutation annuelle dans la direétion des
Graves, il vit que les Obfervations ne pouvoient pas quadrer
avec ces Théories, parce qu'il en faudroit de particuliéres pour
chaque Etoile.
If penfa enfuite que le mouvement progrefif de la Lu-
-miére en pouvoit bien tre la caufe, & il vit que fes obfer-
vations s’'accordoient parfaitement avec cette explication, &
faifoient une démonfiration des plus fortes de la découverte
de M. Roëmer fur le mouvement progreffif de a Eumiére,
M. Bradley donne dans les Tranfact. Philof. N.° 406,
Thiftoire de fes recherches, & plufeurs de fes obfervations.
Cc ii
11 Decemb.
1737:
206 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Il y démontre pourquoi une Etoile ne doit pas paroitre dans
fon véritable lieu, lorfque la vitefle avec laquelle elle lance
fa Jumiére, n’eft pas infinie par rapport à la vitefle de la Terre
dans fon orbite.
I dit enfuite que l'Etoile doit paroiître décrire une Ellip{e
autour de fon vrai lieu, dont le grand axe eft vû fous un
angle dont le finus eft au rayon, comme la vitefle de la Terre
eft à celle de Ja Lumiére. If donne auffi des regles extrème-
ment belles & fimples pour trouver les variations apparentes
des déclinaifons des Etoiles pour tous les temps de l’année,
mais fans aucune démonftration.
Comme cette matiére efl des plus importantes en Aftro-
nomie, puifque fi M. Bradley a raifon, il ne s’agit pas moins
que de corriger fenfiblement les obfervations de toutes les
Étoiles, dont celles qui font les plus éloignées de l'Eclip-
tique, peuvent paroître tantôt trop hautes & tantôt trop baies
de 20 fecondes, felon le temps de l'année où on les oblerve,
jai cru que l'Académie approuveroit le but que je me pro-
pole, d'éclaircir cette Théorie dans le Mémoire que je donne
actuellement.
Je démontre les Méthodes dont M. Bradley n’a donné que
les réfultats, & j'y joins plufieurs recherches nouvelles {ur 1a
même matiére, J'ai trouvé deux Solutions, l’une par l'Analyfe,
Vautre par la Synthele; je les ai féparées, afin que ceux qui
n’en voudront lire qu'une, puifient pafler l'autre.
J'ai cherché auffi des Regles pour trouver les variations
apparentes des afcenfions droites des Etoiles, qui réfultent
de l'Aberration de la Lumiére, & je crois que celles que je
donne, approchent, autant qu'il eft pofñble, de la fimplicité
des Regles de M. Bradley pour la déclinaifon. Ces Regles
peuvent être utiles, puifqu'elles tendent à corriger l'Afcen-
fion droite des Fixes d'une quantité confidérable, & que
c'eft un des meilleurs moyens de confirmer la Théorie de
Y'Aberration de la Lumiére, que de fe fervir des Afcenfions
droites des Fixes, ainfi que M. Manfredi La fait voir dans un
Mémoire inféré dans les Commentaires de l'Académie de
Ÿ
‘
D ES SICHEN CES 207
Bologne 1730, où il rapporte les obfervations qu'il a faites
fur plufieurs Etoiles, qui confirment ce que M. Bradley à
donné, & font entiérement contraires à la Parallaxe des Fixes.
Dans ce Mémoire M. Manfredi donne auffi des Regles pour
trouver l’Aberration en Afcenfion droite, mais jé crois que
les miennes paroîtront beaucou p plus fimples & plus exaétes
pour la Pratique.
1. Soite une Etoile fixe qu’on fuppofe placée à une dif-
tance infinie, non feulement par rapport à la grandeur de fa
Terre, mais même par rapport à fon orbite. I eft évident
que de tous les rayons que cette Etoile lance ; il n'y a que
ceux qui viennent fuivant une certaine direction, qui puiffent
rencontrer la Terre, & que tous ces rayons 67, eC,er, font
cenfés paralleles. )
Que EC repréfente doncla direction de tous ces rayons,
fi lon confidere la Terre comme en repos, dans un point
quelconque de fon orbite, il faudra placer la Lunette fuivant
cette direction eC, pour appercevoir l'Etoile, puifque fans
cela les particules de la lumiére n'y entreroient pas. Mais fi
Ton fuppofe la Terre en mouvement, lorfque les corpufcules
de la lumiére viennent Ia frapper, il n’en fera pas de même,
il faudra que la Lunette ait une autre direction, pour que les
paticules de la Jumiére y entrent. On le peut voir facile-
ment, en réduifant la queftion à une de Statique des plus
conimunes.
Suppofons qu'une infinité de corps, par exemple, les glo-
bules G,G, &c. d’une pluye très-rapide, tombent tous paral-
Jelement les uns aux autres fuivant la direction GA, fur la
furface AB, & qu'on veuille diriger des tuyaux de telle ma-
niére qu'ils foient traverfés dans toute leur longueur par les
corps tombants, fans que leurs parois en foient touchées sil
eft évident que fi les tubes font en repos, il faut qu'ils foient
tous paralleles à GA ; mais fi les tubes font emportés paral-
element à eux-mêmes de Z vers D, leurs parois feront tou-
chées, Pour qu'elles ne le foient pas, il faut donner à ces
tuyaux une directionGC, qui foit, pour ainfi dire, redreflée.
Fig. 1.
Fig, 2°
Fig. 1.
Fig. 3°
208 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE
par le mouvement du tuyau. Cette inclinaifon fe trouvera
ainfi.
Soit pris AC à G À, comme la viteffe du tube ef à celle
des corps tombants; & foit imaginé que ces corps, au lieu
de fe mouvoir fuivant la direction GA, tombent tous paral-
lelement à GC avec la vitefle exprimée par GC, pendant
que le milieu où ils font eft emporté de G vers À, paralle-
lement à BD avec la vitefle exprimée par CA. I eft évident
que cette fuppofition ne change rien à la maniére dont les
corpufcules & viennent fur la fuperficie BD.
Mais comme le tube a la même vitefle que le milieu
où font alors les corps tombants, on peut donc le regarder
comme étant dans le même milieu, ou, ce qui eft la même
chofe, on peut regarder le mouvement G Æ du milieu &
celui du tube comme nuls, les corps fe mouvants feulement
alors fuivant G € avec la vitefle GC. D'où il eft aifé de voir
que le tube doit être dirigé fuivant GC, pour recevoir les
corps tombants.
Si l'on confidere préfentement la parfaite reffemblance de
cette queftion à celle de la lumiére, on verra, fans aucune
difficulté, que € C étant la direction des rayons d'une Etoile
qui viennent à la Terre, & 7 Cr le cours de la Terre dans
fon orbite, il faudra prendre £f à EC, comme la vitefle
de la Terre eft à celle de la Lumiére, & C+ fera la pofition
de la Lunette qui doit faire appercevoir l'Etoile, de maniére
que l'Etoile, au lieu de paroître en €, paroïîtra en e.
PROBLEME TI.
Trouver pour un temps quelconque de l'année, la différence du
lieu apparent d'une Etoile à fon lieu vrai, & la Courbe qui ren-
ferme tous les lieux apparents de la même Etoile.
IT. Que AT FB repréfente l'Orbite de la Terre, ou
Edliptique fuppofée circulaire pour le cas préfent ; C,, le
centre où eft le Soleil ; P, le pole de 'Ecliptique ; F, le lieu
où eft la Terre dans l'Equinoxe de Printemps, c'eft-à-dire,
lorfqu’elle
AR CHLE: SU AS JON LE Sr GE 12 209
orfqu'elle voit le Soleil en Y ; 48, la longitude del'Etoite.
En prenant À E égale à la latitude de l'Etoile, CE feroit
la pofition de la Lunette pour l’appercevoir, fi la T'erre étoit
au centre en ©, & même en quelque endroit 7 qu’on la
fuppofe dans fon orbite ( à caufe de la prodigieufe diftance
des Etoiles) f la lumiére avoit une vitefle infinie par rapport
à celle de la Térre. Maïs par le Lemme précédent, il faudra
mener Æ parallele au petit côté Tr de l'orbite de la Terre
en 7, & en même rapport au rayon C_£ que la vitefle de
la Terre à celle de la Lumiére ; & Ce fera la pofition de la
Lunette pour appercevoir l'Etoile, & le point e où C7 pro-
Jongé rencontre la Sphere, fera le lieu apparent de l'Etoile,
bien entendu qu'on fait toüjours abftraction de la petitefle
de CT par rapport à la diftance des Fixes.
III. Si l'on fait attention préfentement à ce que la vitefle
de la Lumiére & celle de la Terre font toüjours les mêmes,
on verra que £t eft conftant ; & à caufe que les petits côtés
T+ font fucceflivement toutes les inclinaifons poffibles avec
AB, on verra que les points # forment un Cercle parallele
‘au plan de FEcliptique, dont le rayon eft £z. L'on verra
avec la même facilité que les lieux apparents e de l'Etoile font
. dans la projection de ce Cercle fur la Sphere, l'œil étant
en C, ou, ce qui revient au même, font dans la Courbe, qui
eft la commune fection de la Sphere & du Cone qui a le
cercle fa pour bafe & C pour fommet ; & comme Ia partie
de la furface de la Sphere qu'occupe cette feétion, peut paffer
pour platte, vü fa petitefle qui vient de ce que la viteffe de
la Lumiére eft extrêmement grande en comparaifon de celle
de la Terre, la courbe 4ea de tous ces lieux apparents eft
fenfiblement une Ellip{e.
_ IV. I eft évident que le grand Axe de cette Ellip{e fera
E a égale à Er, & perpendiculaire au plan CPA; c'eft-à-dire,
… parallele à la tangente de l'orbite de la Terre en À. De même
le petit Axe de cette Ellip{e fera Æ4 que l'on a en menant
ÆEf= Et, & perpendiculaire à CP, c'eft-à-dire, parallele
à la tangente de l'orbite en F, qui eft également diftant de 4
Mem. 1737 D
Fig. 4e
210 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
& de B, & en tirant enfuite Cf ; de forte que le petit Axe
eft au grand, comme ZX finus de la latitude de l'Etoile eft
au rayon C £, à caufe des Triangles femblables £4f, ECK.
V. Lorfque l'Etoile eft en conjonction ou oppofition avec
le Soleil , le lieu apparent de l'Etoile eft le plus diftant du
vrai’; la longitude apparente differe le plus de fa véritable, &
la latitude apparente (à moins que P£ ne foit extrêmement
petit) eft égale à la vraye,
VI. Et lorfque l'Etoile eft en quadrature avec le Soleil,
on à le lieu apparent le plus proche du lieu vrai, la longitude
apparente égale à la vraye, & la latitude la plus petite ou fa
plus grande.
VII. Il eft évident que plus FEtoile fera proche du pole
de l'Ecliptique, plus l'Ellipfe qu'elle paroît décrire, appro-
chera d’un cercle, en forte que fi le vrai lieu de Etoile
étoit au pole même de 'Ecliptique, elle paroîtroit décrire
autour de ce pole un cercle du rayon Æ7, & fa longitude
apparente parcourroit fucceffivement tous les Signes, fa lati-
tude apparente étant conftante & toûjours trop petite de Ær.
VIII. Si la diftance de l'Etoile au pole de 'Ecliptique
eft moindre que Æ#, il en fera de même pour la longitude.
IX. Mais fi l'Etoile au contraire n'avoit que très-peu de
latitude, c’eft-à-dire, qu'elle füt prefque dans F'Ecliptique,
elle paroîtroit décrire une Ellipfe fi étroite qu’elle feroit pref.
que confonduë avec fon grand axe, & l'aberration en latitude
feroit prefque nulle, elle le feroit effectivement fi l'Etoile
étoit dans l'Ecliptique.
PROBLEME Il.
Trouver la différence de la longitude apparente à la vraye pour
un temps quelconque, r celle de la latitude apparente à la vraye
pour le même temps.
X. En abbaiffant fur le cercle de Tongitude PE une petite
perpendiculaire e Z du lieu apparent e de l'Etoile, trouvé par
le Probleme précédent, & faifant pafler par le pole P, & le
| DES ScrENCES. arr
même point 2, le cercle de longitude apparent Pe, le Pro:
bleme fe réduira à mefurer l'angle £ Pe pour avoir la dific-
rence de longitude, & la petite droite ou arc Z Æ pour avoir
celle de latitude. A eh Gi
Pour cela on menera £O parallele à C À, & on abbaïffera
fur cette droite la perpendiculaire r O ; enfuite joignant CO,
dont le prolongement doit tomber en 7, on aura Ze parallele
& égale à Or, d'où en nommant & finus de AZ, ou de Is
latitude de l'Etoile, a fon cofinus, 7 le finus de l'angle Or Æ
ou ACT, « la petite droite £#, r le rayon de la Sphere,
on aura OE—, Oile=< V{rr—73), &par
conféquent / Æ ou Ia différence de la latitude apparente à
la vraye — Le
XI. Et en prenant le finus de PE pour celui de Pe, ce qui
fe peut faire à moins que l'Etoile ne foit extrêmement près
du pole de l'Ecliptique, on aura Je x ou V{rr 13)
pour l'expreflion de Farc de grand cercle qui mefure l'angle
Æ Pe, ou, ce qui revient au même, pour la différence de
la longitude apparente à la vraye lorfque la Terre eft en 7.
PROBLEME III
… Trouver la différence de la déclinaifon apparente à la vraÿe
pour un temps quelconque.
2
. XII. Soit PEp un Triangle fphérique déterminé par P
pole de l'Ecliptique, p pole du Monde, Æ vrai lieu de l'Etoile.
Que e foit le lieu apparent pour le temps donné, trouvé
. par l'article TT, en menant Yarc Pe & a petite perpendi-
culaire e 7, comme dans le Probleme précédent ; & de plus
Varc pe & la perpendiculaire ei à pÆ, Ei fera la différence
en déclinaifon de Etoile.
…. Mais par la propoñition précédente e 1 — Lien 2? &
Ye
sh , donc en menant ZS parallele à 65, e H parallele
D d jj
Fig. s,
Fig. 3.
212% MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
à £i; &en nommant c le finus de l'angle P£p &e fon
eba : :
cofinus, on aura ES = — L , & à caufe des Triangles fem-
blables e/ A1, 1SE, e H = Tru, d'où l'on tirera
ca vV{rr—1t)
= de ar pour Æi, différence de la décli-
naifon apparente de l'Etoile à Ia vraye lorfque la Terre eft
en Z.
XIII. Si l'on veut trouver le temps où la déclinaifon
apparente eft égale à la vraye, il faut égaler à zero la quantité
LE ba ac V(rr— b
précédente TE + RL Éédtre Dan & lon aura "€
» 7? 1}
—2@cv(rr— ARC
== a , ou en réduifant & quarrant bbzzee
V(bbee+rrec) ppu£
le finus de l'arc AM ou BAT, c'eft-à-dire, pour le finus de
la différence de la longitude de l'Etoile à celle du Soleil alors.
—=# cc—rrcczz, d'où lon tire 7 =
XIV. Si l’on veut avoir le temps où la déclinaifon appa-
rente differe le plus de la vraye, on différentiera la quantité
acv(rr— bad d
Pass LUE NER Reel feat SE Ton aa "#27
n rr r? rrV(rT— 1)
w'il faudra égaler à zero, d’où l'on aurarcz— be Y{rr—
q T Tt/»
rte ber
ou en réduifant 2 pe Ylécrr Lite) pour le finus de AQ
ou 2Q, Q étant le lieu de la Terre où la déclinaifon appa-
rente de l'Etoile differe le plus de la vraye. Et en comparant
cette valeur du finus de 4 Q à celle du fmus de BM déja
trouvée, on voit que ces deux arcs font compléments lun
de l'autre, c'eft-à-dire, qu'il y a toüjours trois Signes d'inter-
valle entre les temps où la déclinaifon apparente eft égale à
Ja vraye, & ceux où elle en differe le plus.
X V. Si pour trouver ces temps, au lieu d'employer le
finus de l'arc BA, on vouloit fe fervir de fa tangente, on
auroit une expreflion beaucoup plus fimple, car de l'expreflion
A LIDHÉ SLT EUNACT EL ‘213
du finus & du cofinus de B 41 que nous venons de trouver,
11 s re = ?C
on tire pour la tangente = qui donne (© étant la tangente
de l'angle PEp) la démontftration de Ja regle de M. Bradley,
qui porte que X finus de la latitude de l'Etoile ef? au finus total,
comme la rangente de l'angle P Ep eff à la tangente de l'arc BM
qui eff la différence de la longitude de T Etoile à celle du Soleil,
lorque la declinaifon apparente de l'Etoile ef? égale à la vraye.
XVI. Pour avoir la plus grande différence de la déclinaifon
apparente à la vraye, il faudra fubftituer dans la valeur de Zi
(Fig. 5.) pour 7, le finus de ZQ qu'on vient de trouver, &
pour V{rr—72) la valeur du finus de BM, on aura ainf
ccæ bbee : ZT x V(ccrr+bbee)
————— + ——— , qui fe réduit à TT
vY(blee+ccrr) 17 V(bbee+ccrr)? q T ni Qu
eV finus de BA,
d'où lon a Ja démonfiration de la regle de M. Bradley, qui.
confifte en ce que Le finus de l'arc B M eff au finus de l'angle
PEp, comme le rayon du cercle ft a eff à la plus grande diffé-
rence de la déclinaifon apparente à la vraye.
XVII. Si lon veut démontrer enfuite la méthode de
M. Bradley, qui apprend à trouver la différence entre la
* déclinaifon apparente & la vraye, lorfque la Terre eft en un
lieu quelconque 7°, il ne s'agit que de faire voir que la quan-
tité précédente E + ee”
au finus de Varc MT,
“Pour cela nous nous fervirons de la formule
Re
ou à +, en appellant #,
eft proportionnelle
V{rr=ss) V(rr=s's!)
L&4
+ qui exprime le cofinus de la différence de deux arcs,
dont lun a pour finus s & l'autre s’, Nous mettrons pours,
p
! q fins de 4 T & pour s', CE à fnus de AQ, d’où
crvV{rr— 7) +bez
vV{ccrr+bbee)
— AQ ou QT, ou, ce qui revient au même, le finus de
Dd iïj
pour le cofinus de l'arc AT
…. nous aurons
Fig. 7.
214 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
de MT ; or cette quantité eft proportionnelle à
acr V{rr—3t)
baze
3
+ D'où l'on voit que /a différence de la
Tr
déclinaifon apparente à la vraye eff proportionnelle au finus de
l'are MT.
METHODE SYNTHETIQUE
Pour trouver le changement apparent de la déclinaifon
d'une Etoile, qui eff caufé par l’Aberration
de la Lumiére.
XVIII Nous avons vü (art. III.) que tous les lieux
apparents d’une Etoile quelconque Æ pendant le cours d’une
année, font dans une petite ellipfe £ea, qui eft la projection
du cercle fra fur la Sphere, ou, ce qui revient au même, à
caufe de la petitefle de f £ par rapport à C_Æ que tous ces
lieux font dans la feétion du cylindre oblique 4ftalgb élevé
“für le cercle fagb, & incliné de l'angle Af£, par un plan
RE perpendiculaire au côté 4 f de ce cylindre. De cette
maniére de trouver les points de l’ellipfe £a, on en tire une
beaucoup plus aifée à pratiquer, en concevant que le cercle
f £a tourne autour delaxe ba, & fe place fur le plan &Ea
de l'ellipfe. Dans ce cas le point f tombera dans le prolon-
gement de 4E, & les perpendiculaires & au plan fra qui font
en même temps paralleles à f 4, deviennent des paralleles
à f£, ce qui fournit cette conftruétion pour avoir le lieu
apparent e d'une Etoïle dans un temps quelconque de l’année.
XIX. II faut premiérement tracer le cercle 4 fag autour
du vrai lieu Æ de l'Etoile avec le rayon fÆ qui foit en même
raifon au rayon de la Sphere, que la vitefle de la Terre eft
à celle de la Lumiére. On décrira enfuite l'ellip{e 4a/6, dont
le grand axe foit £a, qui eft perpendiculaire à fÆ, qui re-
préfente une partie du cercle de longitude, & dont le petit
axe foit 7, pris en même raifon à à a que le fmus de la
latitude de l'Etoile eft au rayon ; puis prenant l'angle a Et
" ' DES SCIENCES. 215
égal à Fangle ACT (Fig. 3.) donné par la longitude du
Soleil alors; & tirant 1e parallele à f Æ, on aura le lieu appa-
rent e de l'Etoile.
XX. De la même maniére un lieu apparent e étant donné
fur l'ellipfe précédente, en menant la parallele e à fÆ, on
» a l'arc af ou l'arc À T° qui donne le temps de l'année où
> l'Etoile paroït avoir le lieu donné.
à XXI. Pour trouver la différence de la déclinaifon appa-
rente à la vraye dans un temps quelconque de l'année, il
faut fe tranfporter à la Figure 8, dans laquelle, outre le
cercle fa & l'ellipfe 4 a décrite fur une petite portion de Ia
Sphere qui peut pafler pour platte, on voit P pole de l'Eclip-
tique placé fur le prolongement de £ f cercle de longitude
& p pole du Monde. En menant par p & par Æ un grand
cercle pE, & lui abbaiïffant la perpendiculaire ei du lieu appa-
rent #, Æi fera la différence de la déclinaifon apparente à
la vraye. l
XXII. Si Von veut avoir les temps de l'année où la dé-
clinaifon apparente eft égale à la vraye, il faut mener le dia-
metre #'#" de l'ellipfe qui foit perpendiculaire au cercle p Æ,
&lespointssr, »'’, feront les lieux apparents de l'Etoile alors,
: d’où l'on a auffi-tôt les temps où l'Étoile a ces lieux appa-
rents. Car en menant les droites #'m, n'n, on a par l'art. XX,
les arcs am, an, ou leurs proportionnels les arcs 44, AN,
(Fig. 3.) dont la tangente eft à la tangente de l'angle a £ y
ou PÆEp, comme f E à Ek, c'eft-à-dire, comme le rayon eft
au fus de la latitude de l'Etoile. D'où l'on a la démonftra-
‘tion de la premiére analogie de M. Bradley.
. XXIIL. Pour avoir les temps où la déclinaifon apparente
differe le plus qu'il eft poffible de la vraye, il faut mener
« q'r' diametre conjugué au diametre w' #', & les points g', r’,
… feront les lieux apparents de l'Etoile alors; car dans ces points
_ des petits côtés de l'ellipfe feront paralleles à #'»', c'eft-à-dire,
—— perpendiculaires à pE, d'où g' fera le point le plus près du
… polep, &r fera le plus loin. En menant gg &'r, on aura
. par l'article XX, les arcs ag, ar, proportionnels aux arcs
Fig. 9.
216 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
AQ, AR, qui donnent les lieux du Soleil, lorfque fa dé-
clinaifon apparente differele plus qu'il eft poffible de la vraye.
Mais fi l’on fait attention à la nature de l'Ellipfe, on verra
que les points g', r', & m',n', extrémités des diametres con-
jugués, étant projettés en g,r, & m, n, dans le cercle J28 b,
doivent déterminer des diametres r Eg & m En placés à
angles droits l'un à l'égard de l'autre. D'où l’on a la démonf-
tration de ce Théoreme, que les temps où l'Aberration ne change
rien à la déclinaifon, &r ceux où elle la change le plus qu'il eff
poffible, font à un intervalle de trois fignes les uns des autres,
XXIV. Si l'on veut avoir la plus grande différence de
la déclinaifon apparente à la vraye, il faut, fuivant l'article
XXI, abbaifler la perpendiculaire g'i fur ƣp, ou, ce qui
revient au même, g 4 fur E#»', afin d'avoir £i ou g'h, qui
eft cette plus grande différence. Pour avoir cette droite ou
petit arc g'h, fans être obligé de faire aucune opération gra-
phique, nous nous rappellerons une propofition des Sections
Coniques, qui apprend que Faire d’un parallelogramme cir-
confcrit à une ellip{è eft toujours conftant. Nous aurons
donc nn" x 2hg'—klxab, où g'hx En —EnxkE, qui
donne En" : En::kE : g'h, ou en prolongeant # x’ en d;
di, dn.
RCE
de dn à À E celle de nd à En; ue : Le. Er
Mais eft le finus de l'arc an ou AN, & _ eft celui
:: AE : g'h, ou en mettant à la place de la raifon
de l'angle AE »' ou PEp; l'on a donc cette analogie pour
trouver la plus grande différence de la déclinaifon apparente
à la vraye; Le finus de l'arc AN ou BM eff à celui de l'an-
gle PEp, comme le rayon du cercle fa g eff à la plus grande
différence, rc.
XX V. Si l'on examine encore la nature de l'Ellip{e, on
en tirera une propriété qui démontrera facilement le dernier
Théoreme de M. Bradley, qui fert à trouver l'Aberration
de la déclinaifon d’une Etoile pour un temps quelconque.
Ceite différence eff (par le Théoreme de M. Bradley) roéjours
proportionnelle
PL
RE
ee
DRE éd ets,
conque de l'année,
DES SCIENCES 21%
proportionnelle au finus de l'arc MT qui exprime l'intervalle de
temps écoulé entre le moment donné &r celui où la déclinaïfon appa-
rente eff égale à la vraye.
…… Pour démontrer ce Théoreme, fuppofons Ja Terre,comme
nous l'avons fait dans l'art. XIX, dans un point quelconque
de fon orbite, & prenons l'arc at proportionnel à 4 T
(Fig: 3.) enfüuite abbaïffons e4 perpendiculaire à £’ qui
exprimera l’Aberration en déclinaifon. En menant 29 paral-
Tele au diametre 7'£, c'eft-à-dire, ordonnée au diametre M,
il eft clair que cette droite e\ fera en rapport conftant avec
eh, d'où lon apprend que la différence quelconque de 14
déclinaïfon apparente à la vraye eft proportionnelle à l'or
donnée e À\ au diametre m' 1’ de Y'ellipfe. Si préfentement on
mene la droite y parallele à fg qui rencontre la droite Z£m
en, & que l'on tire sy; je dis que de même que les dia-
metres conjugués m' n', g'r', étant projettés fur le cercle fa
par des paralleles #’m, qq, à f, font devenus (art. XXIII.)
des diametres perpendiculaires mn, gr ; ordonnée e N\ à
l'ellipfe devient une ordonnée ou finus sy au cercle , per-
pendiculaire par conféquent à Zn. On verra de plus query
fera en raifon conftante avec e 4\; ce qui fe rapporte entié-
rement au Théoreme de M. Bradley, puifque r + eft le finus
de Farc 1 ou de l'arc 2m proportionnel à l'arc A/7 (Fig. 3.)
PROBLEME I v.
Trouver ? Aberration d'afcenfion droite pour un temps, quel-
: 13 :2
SOLUTION ANALYTIQUE.
XX VI. Te mêmes chofes étant pofées COMME ds
art. XII, il ne s'agit que de trouver l'expreffion de l'angle
ep E. Pour cela on fe {ervira encore des Triangles fembla-
bles eZH, ESJ, qui donneront Z4 =, qui
‘bcaz
3
étant retranché de / S, dont la valeur eft nr 0ù donnera
Mem. 1737. à Ee
Fis, re.
Fig. ç-
Fig. 3.
218 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
4 bca «a Vfrr — 77) 4
ei — _… — RATE LENS enfuite nommant f le
LÆ4
finus de pe ou pE, diftance de l'Etoile au pole, on aura
Bedy—eur V{rr —4
r1f
Epe, c'eftà-dire, de la différence de l'afcenfion droite appa-
rente à la vraye pour un temps quelconque donné par f'are
AT (Fig. 3.) dont le finus eft 7.
XXVIL Pour trouver le point X où F'afcenfion droite
apparente eft la même que la vraye, il faut faire la quantité
précédente = o, & l'on aura bacz —=raeV{rr—7t}
ee x ei ou 2 pour l’expreffion de l'angle
rre
V{bbec+rrec)
XXVIIL. Si l'on veut avoir le point Z où l'afcenfion
droite apparente differe le plus qu'il foit poflible de la vraye,
il faut faire — 0 la différentielle de la quantité précédente,
hacdzy+raerzdz (343%
V(rr — 71) Vibhec+rree)
pour le finus de l'arc 4 Z ou BZ ; & la valeur de ce finus
fait voir facilement que l'arc 4 Z eft le complément de
l'arc 8 X, c'eft-à-dire, que les temps où l'afcenfion droite
apparente eft égale à la véritable, & ceux où elles different
le plus l’une de l’autre font à des intervalles de trois Signes,
ainfi que nous avons vû pour la déclinaifon.
d'où l'on tire 7 —= pour le finus de l'arc A.
& l'on aura , d'où l'on tire 7 =
XXIX. On peut pour trouver les points & Z, avoir
une expreffion plus fimple, fr l'on fe fert des tangentes au
lieu des finus; car en fubftituant dans la formule = :
(qui apprend à trouver la tangente par le moyen du finus)
rre 1
Ur 5, ———" que nous avons trouvé pour le fin
po ? V{hbccrree) q P à d
de Parc AW, on aura __. pour la tangente de l'arc À X':
d’où lon voit que pour trouver cet arc, il faut faire cette
analogie, Comme le Jinus de la latitude de l'Etoile
effan rayon,
VDE SMAS CAEN ÉRS NV Sté
Ainfi la cotangente de l'angle PER
eff à la tangente de l'arc AX, qui étant tronvé,
donne auffi-tôt l'arc AZ.
| XXX. Lorfque l’on a trouvé les vos X&Z, on peut
tirer de F ’expreffion générale de ep£ une maniére bien fim-
ple d'avoir l'Aberration quélconque en afcenfion droite, au
que nous avons fait pour la déclinaifon. !
Pour le faire voir, foit reprife l'expreffion de epÆ,
bacy—raevV{rr— 17) bcz—rev(rr—21)
on v1f v{bbccrree)
fi on fe {ert de la formule Vi—ss) V(i—s"s) —5s
Fm exprime le cofinus de la fomme de deux arcs, dont Jun
bez—re"{rr—7t)
vV{bhcc+rree)
eft le cofmus de Le ZT ou de {a fomme de Farc Z B, dont
le finus eft TT & de Farc AT dont le fmus ef 7;
mais le:cofinus de Parc ZT eft le fiñus de: Farc XT ; dont
Fangle-Bpe eft proportionnel. au fimus de FX "?
Appellant donc « le finus de arc. AT, on aura
ÊT de AE,
RP 3 pour. L'expreffion: Fi Epe, qui eft plus
fimplé que la pére & qui Je devient encore plus en
qui eft proportionnelle à
a pour finus s & l'autre s’, on verra que
nommant g, D TRRERP)
pour. la valeur de Æpe. .
XXXI. En faifant dans cette valeur HN EYE e qui fait
que 1 Le point Fa tombe en me on a CPE qui exprime la plus
‘grande différence \de l'afcénfion droiei ‘apparenté à Ha vraye,
têc. qui étant une fois trouvée, donne toutes les autrés diffé.
rencés , en les prenant propôr tiorinelles aux finus de X T..
ja de AX, on aura rh
ml SOLUTION SANTHÉTIQUE, |
XXXII. La Terre étant dns an dieu Er T de fo
érbite,ilceft évident quepouravoit la différence'de Päfcénfion
Ee ï
Fig. 3°
Fig. 11.
220 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
droite apparente de l'Etoile à la vraye, il faut toûjours, comme
dans l'art. XIX, prendre at (Fig. 7.) proportionnel à AT,
puis tirer er, enfuite abbaiffer ei (Fig. 8.) perpendiculai-
rement fur pÆ qui exprimera l'aberration d'afcenfion droite,
le finus de pi ou p Æ qui en differe infiniment peu étant
pris pour rayon ; d’où il fuit que ei multiplié par le rayon,
& divifé par le finus de p Æ, ou de la diftance de l'Etoile
au pole , exprimera l'aberration d'afcenfion droite.
XXXIII. IL eft clair que les points x’ & y’, où le grand
cercle p£ coupe l'ellipfe, font les lieux apparents de l'Etoile
où il n'y a point d'aberration en afcenfion droite, de forte
qu'en menant les paralleles x’ x, y' y, on a les arcs ax & ay,
ou leurs proportionnels les arcs A4, AŸ, (Fig. 3.) qui
donnent les lieux du Soleil lorfque l'aberration d’afcenfion
droite eft nulle. Et cette conftruction donne tout de fuite
la démonftration du Théoreme que nous avons donné dans
l'article XXIX ; car il eft évident que la tangente de l'angle
a Ex ou AC X eft à la tangente de l'angle x" £a ou la
cotangente de P Ep comme f £ à Ek, c'eft-à-dire, comme
le rayon eft au finus de la latitude de Etoile.
XXXIV. Il eft évident auffi que les points 7’, &”, placés
à l'extrémité du diametre 7’ &” conjugué à x’ y’ feront ceux
où l'aberration d'afcenfion droite fera la plus grande, & pax
conféquent qu'en menant &" &7, 7, on aura les arcs a &r,
az, proportionnels aux arcs A&, AZ, qui donnént les
lieux de la Terre dans fon orbite où l'Etoile s’écarte le plus
de fa véritable afcenfion droite ; & par les mêmes propriétés
des Seétions Coniques fur lefquelles eft fondé l'art. XXIV,
on verra que xy fait un angle droit avec 7 &, ou, ce qui
revient au même, que es points X, Y, font à un intervalle
de trois Signes de Z, &. w.
XXXV. Pour trouver la plus grande aberration d’afcen-
fion droite, nous abbaiflerons la perpendiculaire &”" « fur
x" y', & elle exprimera cetteplus grande aberration en pre-
nant le finus de pÆ pour rayon. "k
La valeur de &' fe trouvera fans faire d'opération
CRE
;: _
à ein, Te =
rnlesiiSrotiEnnx ciriSMAN s27
graphique, en fe fervant encore du Théoreme qui apprend
que les parallelogrammes circonfcrits à une ellip{e font
égaux. De ce T héoreme ül fuit que &'e x Ex' = Éa xkE
= Ex x Ek qui donne x'£: Ex :: Ek: 4, ou prolon-
#7 #7
geant xx'en 7, Re: 7 :: Eh: d'w, ou mettant pour
. es à XT #7
la raïfon de x'7 à E4 celle de x à fÆ, on aura EE
::fE : &'o, c'eft-à-dire, que 4 finus de l'arc ax où de
l'arc AX eff au cofinus de l'angle P Ep, comme le rayon du
cercle fa eff à &'w, € multipliant cette quantité par le rayon,
© la divifant par le cofinus de la déchinaifon de l'Etoile, on
aura la plus grande aberration d'afcenfion droite.
XXXVI. En fe fervant des mêmes propriétés des Sec-
tions Coniques que dans Particle XXV, on trouvera encore
que la différence de l'afcenfion droite apparente à {a vraye
pour un temps quelconque donné par l'arc AT ou ar, eft
à la plus grande aberration d’afcenfion droite, comme le
finus de l'arc x ou TX eft au rayon ; car en menant l’or-
donnée e À au diametre £ x", elle fera en rapport conftant
avec ei, & cette ordonnée e À étant projettée en r 4 par les
aralleles, À 6,.e1, donne la droite 47 qui lui eft propor-
tionnellé, & qui eft le finus de l'arc x# proportionnel à TK,
Donc ei eft proportionnelle au finus de ZX, donc l'aberra-
tion en afcenfion droite pour le temps où {a Terre eften 7;
eft comme le finus de ZX. |
+ Dans les Méthodes que nous venons de donner pour
trouver les variations en déclinaifon & en afcenfion droite,
caufées par 'Aberration de la Lumiére, nous avons fuppofé
que l'Etoile étoit aflés loin du pole pour que le rayon £r
où E a ne fût pas comparable à cette diftance, de forte que
ces Méthodes ne feroient plus exactes, fi l'Etoile étoit très-
près du pole. Par exemple, fr le pole fe trouvoit enfermé
dans Ja furface de l'ellipfe 4 E7;: comme il arrive dans la
Figure r 2, le cercle d’afcenfon droite: del’Etoile paroîtroit
parcourir fucceffivement tous les degrés de l'Equateur, & les
Ee ii
222 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
lieux où la déclinaifon apparente feroit égale à la vraye, fe
trouveroient en menant l'arc w'n' du centrep & du rayon pE,
& les lieux m' & »’ ne feroient point en ligne droite, c'eft-
à-dire, que les temps où laberration ne changeroit rien à
la déclinaifon de l'Etoile, ne feroient pas à un intervalle de
fix Signes. De même le lieu apparent où la déclinaifon eft
la plus petite, & celui où elle eft la plus grande, {e trouve-
ront dans les points g' & 7, où pq eft la plus courte des
perpendiculaires qu'on peut mener de p à la circonférence
elliptique, & pr' la plus longue; & les temps où l'Etoile
paroitra dans ces lieux g' & r ne feront pas à trois Signes
de ceux où l'Etoile paroît avoir fa véritable déclinaifon.
Je ne m'arrêterai point à combiner les différentes pofi-
tions du pole à l'égard de la petite ellipfe 4e/, foit en de-
dans, foit en dehors, ni à trouver des analogies pour avoir
fes Aberrations tant de déclinaifon que d’afcenfion droite
dans cès cas’, parce que l'Etoile la plus près du pole qu'on
obférve ordinaïrement, eft l'Etoile polaire qui en eft à 2° $';
&cette diffance, toute petite qu'elle eft, fe trouve fi grandé
par rapport au rayon £+, que les méthodes précédentes font
plus que fufffantés pour cette Etoile.
XXXVIL. Nous avons négligé jufqu'à préfent de donner
la valeur précife du rayon £#, dont il a été queftion dans
tout ce Mémoite, parce qu'il nous fufhfoit, pour nos dé-
monitrations , de fcavoir qu'il étoit très - petit ; cépendant
avant que de paffer à aucune application de ce que nous
avons dit, nous fommes obligés de donner fa valeur , que M.
Bradley a calculée d’après fes obfervations. Elle eftde 20"+,
en prenant un milieu-entre ce: que lui donnoïent toutes fes
Etoiles. | nb diol 255410 ehLEe p
IE y avoit des Etoiles dont les: variations! auroïent êxi
20"+ pour ce rayon; & d’autres pour defquelles il n’aüroit
fallu que 20", ce qui féroit croire que la viteffe de la lumiére
de certaines Etoiles feroit plus grande que celle de:quelques
autres. Mais la différence de 20" à 20" étant:fi petite,
qu'on peut l'attribuer aux obfervations qui: l'ont données,
OP ENRE, Rae
ne
É Han 240
ee Er in TE" ap
D'E'S SIC MEN c'es 11 22
M. Bradley aime mieux, avec raifon, fuppofer que la lumiére
de toutes les Etoiles eft également prompte, & choifit le
milieu 20"+ entre ces nombres pour le rayon Æ£t où £a
. La vitefe dela Terre dans fon orbite, étant connue &
fuppolée conftante (ce qui ne peut pas apporter d’erteur dans
la matiére prélente ) ‘on aüra facilement’ celle de la lumiére,
puifque ces deux vitefles font comme £ à CE (art. I.) Cette
vitefle fe trouve, d'après les Calculs de M. Bradley, fondés fur
ce que nous venons de dire, telle que la lumiére mettroit 8”
12" à venir du Soleil à nous, ce qui eft prefque le milieu
entre les obfervations qui avoient été faites pour trouver di-
rectement ce temps-là par les Eclipfes desSatellites de Jupiter;
& comme les obfervations de M. Bradley fur les Fixes dé-
pendent de-bien moins d'éléments que celles des Satellites de
Jupiter, on doit croire que 8' 1 2", quoique ce ne foit pas
exactement le milieu entre les r 1" que on avoit trouvé par
les premiéres obfervations, & les 7’ qu'avoient donné les
fecondes, eft cependant le temps que la lumiére met à venir
du Soleil à nous. & par conféquent que la viteffe de la lumiére
du Soleil & de celle des Etoiles fixes font les mêmes. ?
sk BRA TA T QUE... 62
is Pour calculer l'Aberration des Etoiles fixes. dr
Avant que de terminer ce Mémoire fur YAberration de
la Lumiére, nous récapitulerons les Formules que nous avons
trouvées ou démontrées ci-deflus pour trouver l’Aberration
tant en afcenfion droite qu’en déclinaifoh, afin que les per-
fonnes qui en auront befoin; ne les trouvent pas difperkes,
& ayent précifément le procédé du'calcul, fans s’embarraffer
des démontftrations..… ! : AR D 4 PA
XXXVIIT. Premiérement, tant pour la déclinaifon des
Etoiles que pour lafcenfon droite : 72 faut calculer l'angle
dont le fommet eff au lieu de l'Etoile: donnée , &r dont les côtés
vont aux poles arliques on antaréfiques devl'E"chptique à" du
Monde, [lon que l'Etoile: a une: lativude\ fépeitrionale où
224 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
méridionale. Nous appellerons cet angle, l'angle Æ, fi la lati-
tude de l'Etoile eft feptentrionale, & l'angle £” fi elle eft
méridionale.
Cet angle étant calculé, on fera ainfi pour la déclinaifon
des Etoiles :
Le finus de la latitude de l'Etoile
eff au rayon,
Comme la tangente de l'angle E ou E”
eff à la tangente d'un arc que je nomme À ,
Qui doit être retranché de la longitude de l'Etoile (plus 3 60
fi elle eft trop petite) pour avoir le lieu du Soleil lorfque la
déclinaifon apparente de l'Etoile eft égale à la vraye; j'appelle
ce lieu du Soleil, 47.
Six Signes après, la déclinaifon apparente eft encore égale
à Ja vraye ; & trois Signes après & avant, la déclinaifon
apparente de l'Etoile differe le plus de la vraye. On fera
enfuite : Comme le finus de l'arc À
ef an finus de l'angle E,
Ainf 20"+
font à la plus grande différence de la déclinaifon apparente
à la vraye.
Si l'on veut avoir la différence de Ia déclinaifon apparente
à Ja vraye pour un temps quelconque, il faut prendre la diffé-
rence de la longitude du Soleil alors à celle qu’il a lorfque
FEtoile paroît avoir fa vraye déclinaifon. Cette différence,
nous l'appellons Farc D, que l’on employe ainfi :
Comme le rayon
eff au finus de l'arc D,
Ainfi la plus grande différence de la déclinaifon apparente
à la vraye
eff à la différence pour le temps donné.
Quart à l’afcenfion droite des Etoiles, on fera ainfi :
Le finus de la latitude de l'Etoile
ef? au rayon,
Comme la cotangente de E
LE efl à la tangente d'un arc que je nomme B, |
Qui
DES SCIENCES 25
Qui doit être retranché dela longitude de l'Etoile ns 3 É 0°
{1 cela eft néceflaire ) pour avoir Sa lieu X du Soleil lorfque
l'afcenfion droite apparente eft égale à la vraye.
Six Signes après, l'Aberration eft encore nuile en afcen-
fion droite; & trois Signes devant ou après, l'afcenfion droite
apparente differe le plus qu’il eft poffible de da vraye.
On devroit faire enfuite deux analogies ( fuivant l'article
XXXV.) mais je les indique ainfr par les logarithmes.
Le logarithme du re,
IL faut Li 2 SN Gus dette LE. 20”
Er celui du cofinus de FE 1 DA
pere rer
Le logarithine du finus
De cette fomme on retranchera..) 4 /#c8.
Et celui du cofinus de la décli-
naïfon de l'Etoile.
* Le refle fera Le logarithme du nombre de Jecondes de la plus
grande différence de l'afcenfion droite apparente à la vrayee
Si l'on veut avoir la différence de l'afcenfion droite appa-
rente à la vraye pour un temps quelconque, il faudra prendre
Ja différence de la longitude du Soleil alors, à celle qu'il a
lorfque l'Etoile paroït avoir fa véritable een on droite; &
cette différence, que nous appellerons l'arc A, s’employera
ainfi : Le rayon
eff au finus de l'arc À, 4
_ Comme la plus grande différence de l'afcenfion De
apparente à la vraye
eff à la différence pour le temps doiné.
Dans les formules précédentes, il eft à remarquer que les
arcs À & B peuvent auffi-bien furpañer 90° qu'être moin-
dres, & qu'on ne fçauroit les diftinguer en calculant, puifque
le F d d’un arc & celui de fon fupplément font les mêmes,
en forte que les perfonnes qui fe ferviroient des formules
précédentes f1 nous en reftions-là, feroient obligées de fzire
des Figures pour les cas particuliers, & de fe rappeler {a
théorie précédente pour diflinguer les cas où les arcs À
& B ont moins de 90°, de ceux où ils en ont davantage.
Mem, 1737. FT
Lé
226 MEMOIRES DE L'ACADEMIE- ROYALE
Mais comme nous nous fommes propofés dans cet article,
d’épargner la peine de repafler ce que nous avons dit ci-deflus,
nous allons donner une Table de tous ces cas.
Nous donnerons d'autant plus volontiers cette Table, que
M. Bradley, à qui l’on doit les formules pour l’Aberration
en déclinaifon, les a expofces d'une maniére générale qui
pourroit tromper dans des cas particuliers.
Comme ce que nous avons donné pour avoir les temps
où la déclinaifon & où l’afcenfion droite apparente different
le plus qu'il eft poffible des véritables, fert à trouver ces
temps, fans diftinguer fi c'eft a déclinaifon ou 'afcenfion
droite la plus petite que lon a alors, ou bien la plus grande,
nous donnerons un détail fuffifant là-deffus dans la même
Table,
Pour la déclinaifon des Etoiles.
Si PE'toile eft dans les Signes afcendants. . .. =... . la latitude feptentrionale..
Ou Si l'Etoile eft dans les Signes defcendants . .. . la latitude méridionale.
L’arc À eff plus petit qu’un droit, & l'Etoile eft le plus loin du pole de même
0 nom que fa latitude, 3 Signes après le temps où le Soleil eft en 4.
L’angle E que f 3 Signes ap P
ee Si l'Etoile eft dans les Signes defcendants. . . . .…. la latitude feptentrionale.
Ou Si l'Etoile eft dans les Signes afcendants. , . . . la latitude méridionale,
L’arc À eft plus grand qu’un droit, 3 Signes après le temps où le Soleil eft
en M, l'Etoile eft le plus près du pole de même dénomin. que fa latitude.
Si l'Etoile eft dans le 1." quartier de l'E cliptique. . la latitude feptentrionale.
Ou Si l'Etoile eft dans le 3.m°.,............ Ja latitude méridionale.
A eft plus grand qu’un droit, l’Etoile le plus loin du pole, 3 Signes après.
L'an gle ÆE!} le temps où le Soleil eft en 47.
obtus. K s
Ou Si l'Etoile eft dans le que ....,... ...... la latitude méridionale,
i l'Etoile eft le 2.4 quartier de l'Ecliptique ..… la latitude feptentrionales
A et plus petit qu’un droit, & l’Etoile eft la plus près du pole, 3 Signes.
: après Je temps où le Soleil eft en 44,
Men de l'Acad. 1737 pl8. pag.226
Simonneat Settlp M
Men de lAcad. 1787 pl8
Pag 210
ronnes eu
Merni. de Lacad. 1737, PL 9. l'ag.226
P :
Jimonneae Net
pletstétetnin in cierso r : N° Lay
Pour l'afcenfion droite des E'roiles.
Si l'Etoile eft dans les Signes afcendants . ... . .. . fa latitude feptentrionale.
—
Qu Si J'Efoile eft dans les Signes defcendants... : la latitude méridionale.
L'arc B et plus grand qu’un droit, 3 Signes après , l'afcenfion droite eft
Ja plus petite. L'angle E
Si l'Etoile eft dans les Signes defcendants .. .. .... Ja latitude feptentrionale. aigue
Ou Si l'Etoile ‘eft dans les Signes afcendants. . . .…. la latitude méridionale.
L'arc B eft plus petit es un droit, 3 Signes après X, l’afcenfion droite eft
la plus petite.
Si l'Etoile eft dans Je 1 er quartier de l’Etcliptique. . la latitude feptentrionale.
a
Qu Si l'Etoile eft dans le 3."° quartier... ... . . la latitude méridionale.
Be plus petit qu’un droit, 3 Signes après X, l’afcenfion droite eft IL
plus sr Cas : £ L'angle E
? dbtus.
à Ou Si l'Etoile eft dans le 4."< quartier... . .. . . la latitude méridionale.
B €ft plus grand qu’un droïit, 3 Signes après X, l’afcenfion droite eft
plus grande.
Si l'Etoile d dans le 24 quartier de l'Etliptique. . Ja latitude feptentrionale
h
Ffÿ
$ Juin
1737:
»
»
y
C3
ÿ
»
»
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Fo
228 MEMOIRESIDE WACADEMIE ROYALE
SECONDE PARTIE DU MEMOIRE
SUR L'ENCRE SYMPATHIQUE,
OU
UNE IE CNET ET CRUE
Extraire des Mines de Bifmurh, d'Azur à d'Arfenic.
Par M. HEeLLoT.
bu Mines qui peuvent donner fa teinture changeante
dont j'ai décrit le procédé dans la premiére Partie de ce
Mémoire, font difficiles à connoiïtre à quiconque ne les a
pas examinées par la voye de l'anal yle chimique. Les Auteurs
modernes, qui ont écrit fur.cette matiére, ‘ont rapporté, à
la vérité, tout ce qu'ils ont obfervé dans les lieux où lon
prépare le Smalt, avec quelques fignes fervant à diflinguer
le Cobolt propre à la fabrique de ce Verre bleu ; maïs ce
qu'ils en difent ne fufft pas pour reconnoître la Mine qui
avec cette matiére colorante donnera auffi du Bifmuth.
Au N.° 39 3, des Tranfactions Philofophiques, on trouve
un Mémoire du Doéléur Krieg, où il dit que « le Smak eft
fait de Cobolt ou Cadmie naturelle; que c'eft une pierre
grife & brillante qu’on trouve en quantité dans les environs
de Snéeberg, & dans quelques autres endroits du Woistland
en Franconie ; que cette mine eft fouvent mêlée de mar-
cafite, & quelquéfoïs de mine d'Argent & de mine de
Cuivre ; que même on y rencontre l'Argent pur en forme
de poils, mais que cela arrive rarement : il décrit enfuite la
maniére d'en féparer le fluor inutile par des Moulins à pilons
& par un courant d’eau ; la maniére de torréfier ou rotir la
partie pefante que l'eau n’a pas entrainée pour en faire éva-
porer le Soufre & l’Arfenic. I donne la figure des Fourneaux
où fe fait cette torréfaction, & celle des l'uyaux coudés des
DAE -S 1, SLC LME IN5 €; ES 22
Cheminées où l'Arfenic fe fublime & fe raflémble. Apres
quoi on trouve dans ce Mémoire, le procédé de la Vitrifi-
cation de cette mine rotie, en Smalt, par le moyen des
Cailloux calcinés & de la Potafie qu'on mêle avec elle : puis
la figure des Moulins à pilons qui réduifent ce Sma/ en
poudre, connuë ici fous le nom d'Azur ».
Sur quoi il faut obferver que la matiére colorante du
Cobolt étant unie par le feu à la frite, a différents noms dans
le pays, felon les différents états de fa fonte. On l'appelle
- Safre quand le mêlange de la mine avec le Sable & le Sel
aikali commence à couler dans fon bain. On le retire quel-
quefois en cet état de demi-fonte pour le tranfporter en
Hollande, où l'on en acheve la vitriñcation & perfectionne
Ja couleur par des additions de matiéres qui font encore le
fecret de la fabrique. On le nomme Sa/r quand le mêlange
eft exactement vitrifié & dans un bain calme &lifle. En cet
état, on le retire avec de grandes cuilleres pour le jetter dans
l'eau, où ce Verre bleu fe refend, & en devient plus aifé à
pulvérifer. Ce Verre, étant réduit en poudre, prend le nom
d'Azur à poudrer, fi cette poudre eft encore un peu groffiére ;
& celui d'Azur fin où d'Émail, fi elle eft d'une grande
finefle. On {çait que cet Email fert à peindre des fleurs &
des compartiments bleus fur la Fayence & fur la Porcelaine
. qu'on fabrique en Europe; maison ne fçait pas peut-être que
_ depuis que les Chinois le füubflituent à l’Azur naturel, qu'ils
employoient autrefois, le bleu de leur Porcelaine moderne eft
de beaucoup inférieur au bleu de la Porcelaine ancienne. Cette
pierre d'Azur naturel & minéral fe nomme à la Chine Yao-
Loufou, qui veut dire Porcelaine de Toufou. EMle ne vient point
… de Thoufou , mais de Nankin-chequian : on en trouvoit aufft
. autrefois dans l'ifle de Æainan. Mais aujourd'hui ces deux
» mines en fourniflent fi peu, & cette matiére eft par confé-
- quent devenuë fi chere & fi rare, que les Chinois ne fe fervent
plus que de l'Email ou Azur en poudre fine que les Hollan-
» dois leur portent. Je tiens cette obfervation d’un Officier des
. Vaifeaux de la Compagnie des Indes, dont pue commu-
4 k FE üj
c
L4
230 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
niqué la Lettre avec un échantillon de ce bel Azur naturel.
Au N.° 39 6, des mêmes Tranfaétions Philofophiques,
M. Link a donné une defcription un peu plus ample du Co-
bolt qu'on travaille à Snéeberg & à Anneberg, « Cette mine
» eft, dit-il, d'un gris blancheâtre, femblable, quant à la cou-
» leur, à la mine blanche d'Argent, quoiqu'un peu plus obfcure.
» Elle contient lArfenic blanc & une terre fixe entremêlée
» de veines d’un Caïllou ou efpece de Marbre blanc que les
» Allemands appellent Quartz quand ïl fe vitrifie, & Sparr
» quand il fe réduit en chaux fans fe vitrifier. (M. de Reaumur
» m'a donné un Cobolt de S.te Marie-aux-Mines à qui cette
» defcription peut convenir). Elle eft auffi quelquefois unie à
» d'autres mines métalliques, ce que les ouvriers connoïflent
» par des eflais de vitrification. Si 1e Cobolt ef pur, la matiére
» vitrifiée eft bleuë. S'il eft mêlé de Pyrites fulphureufes &
- ferrugineufes, ce verre eft noir. S'il y a de la mine de Cuivre,
» ileftroux. Si c'eft de la mine d'Argent qui fe trouve unie
» dans le Cobolt à fa mine de Cuivre, le Verre en eft plus ou
» moins noirâtre.
» Les mêmes ouvriers diftinguent auffi les différents degrés
» de bonté du Cobolt en le difolvant dans l'efprit de Nitre:
» car fi fa diflolution eft d’an jaune foncé & obfcur, il don-
» nera de beau Salt. Si elle eft rouge, c'eft une marque que
le Cobolt contient du Bifmuth ».
Cette obfervation rapportée par M. Linck, a été confir-
mée par mes expériences; car la mine de Dauphiné, venant
des Terres de M.": de Villeroy & de Tallard, & celle qu'on
m'a venduë fous le nom de mine de Zinc, m'ayant donné
toutes les trois une impregnation d’un aflés beau rouge, m'ont
fourni auffi à l'effai de la fonte un fort beau Bifmuth, ainft
qu'on le verra dans la fuite de ce Mémoire. Mais je n'ai
point eu de Bifmuth de la mine compacte de deux différents
Cobolts de S.te Marie-aux-Mines, ni de trois autres Cobolts
d'Allemagne que j'ai examinés. |
Il réfulte auffi, tant des obfervations de l Auteur que des
miennes, que le Cobolt, c’eft-à-dire, ce minéral duquel on
MES ML SAC-AIIE NNC:E:Ss. 23E
tixe Ja matiére colorante du Sat, eft prefque toûjours mêlé
avec la mine de Bifmuth : & dans ce cas il eff le plus propre
de tous ces minéraux à donner la belle teinture couleur de
lilas dont j'ai parlé dans la premiére Partie de ce Mémoire,
La poudre qui s'en fépare, lorfqu'on diflout dans l’eau {a
concrétion faline, provenant de limpregnation par l'Eau-
: forte évaporée avec le Sel marin, eft toüjours d’un blanc
parfait, parce que c'eft un magiflere de Bifmuth que le Sel
commun a précipité.
. La poudre précipitée de même d’une concrétion faline,
provenant de l'impregnation du Cobolt, qui ne tient point
de Bifmuth, eft ordinairement fale & jaunâtre. Mais outre
ces différences, & quelques autres dont il fera parlé, on
peut diftinguer aflés aifément ces deux mines par la fimple
infpection.
Le Cobolt fans Bifmuth eft plus compacte, plus plombé,
moins brillant que la mine de Bifmuth, qui eft beaucoup plus
rare ou d’un mélange plus lâche. D'ailleurs celle-ci eft flriée
de ftries brillantés & métalliques arrangées fur différents
plans : ce qui fait que quand on tourne un morceau de cette
mine de divers fens au grand jour, tous ces plans de ftries
réfléchifient la lumiére, non enfemble, mais fucceffivement :
ils font, pour ainfi dire, l'effet de la gorge de Pigeon.
Cette mine de Bifmuth, du moins les morceaux que j'ai
examinés, reflemblent un peu à ces mines de Plomb qui
tiennent beaucoup d'Argent ; mais celles-ci ne noircifient pas
les doigts, au lieu que la mine de Bifmuth les fait.
… On trouve affés fouvent la mine de Bifmuth dans les envi-
_ rons des mines d'Argent. Les ouvriers la regardent comme
… un indice aflüré de la richefle de la mine. C’eft pour cette
- raifon qu'ils la nomment Argenti tefum. Dès qu'ils rencon-
.. trent, en fouillant, une mine de Bifmuth, ils difent qu'ils font
. venus trop tôt, étant perfuadés que fi on eût attendu, te qui
m'eft encore que Bifmuth feroit devenu Argent, Ce font de
» ces opinions qui vraifemblablement ne font que populaires,
-& qui par conféquent ne méritent pas qu’on y fafe attentions
232 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Les Métallurgiftes rotiflent cette mine de Bifmuth, avant
que de la fondre, pour en chafler par un feu doux tout ce
qu'elle contient de fulphureux & d’Arfénical. Si, fans cette
précaution, ils expoloient la mine à un feu violent, ces
matiéres volatiles emporteroient avec elles la partie métal-
lique qu'ils ont deflein de raflembler par Ja fonte.
J'ai remarqué aufli qu’en fondant cette mine, même après
qu'elle eft torréfiée, tout le Bifmuth s’'évapore en fumée ff
on le tient trop long-temps au feu. Ainfi l'eflai de cette
mine n'eft pas facile à faire quand on ne veut rien perdre des
différentes matiéres qui s'y trouvent raflemblées.
Je ne fçais pour quelle raifon divers Auteurs regardent le
Bifmuth comme un corps factice. Quincy, Auteur de la
Pharmacopée de Londres, eft de ce nombre. I prétend que
tout le Bifmuth qu'on trouve chés les Droguiftes de cette
Ville, eft un produit de l’Art ; qu'il eft compofé d'Etain,
de Tartre & d’Arfenic ; qu’on le fabrique ainfi dans quel-
ques Etats du Nord de l'Allemagne, d'où on F'apporte en
Angleterre. î
On trouve à Ja page 8 s o du fecond Tome de la Grofura
materiæ medicæ d'Hermann, commentée par Boecler, une
Recette pour a compofition de ce prétendu Bifmuth fadice,
dans laquelle il prefcrit l'Etain, l'Arfenic, le Tartre & le
Nitre en certaines proportions. L’Auteur anonyme de | 4/-
chimia denudata, donne un autre procédé d’un Bifmuth qui,
felon lui, doit être jaune. Comme je ne me fuis pas propolé
de vérifier, quant-à-préfent, tous ces procédés, je me contente
d'indiquer les principaux endroits où ils fe trouvent.
Quoi qu'il en foit, s'il ne falloit qu'employer l'Etain,
lArfenic & quelques Sels pour faire du Bifmuth, pourquoi
les Fondeurs de mine d'Etain, dans la Province de Cor-
noüailles, fe ferviroient-ils du véritable Bifmuth, lorfqu'ils
veulent rendre leur Etain brillant, dur & fonnant ? ils n'au-
roient que l'Arfenic & les Sels à y adjoüter.
Je reviens à mon objet. J'ai examiné, à la maniére des
Eflayeurs de mines, les Cobolts & les mines de Bifmuth qui
me
Û
à
“:
A ES) LD AC REP GE 15 142 4.2
_me font tombés entre les mains. J'ai employé enfuite les
_ moyens que j'ai cru convenables, pour connoître de quelle
nature étoit la réfidence épar gnée par les acides du Nitre &
du Sel marin, mis fur ces mines pulvérifées. J'ai tenté {a
fublimation des précipités des teintures par faites, reftés [ur les
filtres, parce que je cr oyois d’abord que ces précipités étoient
déVArfnic. Enfn ; jai eflayé de décompofer ces mêmes
teintures pour avoir à part la matiére qui fert à les colorer,
Je n'allongerai point ce Mémoire du détail de beaucoup
d’autres expériences qui ne m'ont pas réufli ; car comme la
matiére qui fait mon objet, n’a d’ autre mérite que d'être un
peu curieufe, & que je ne crois pas qu'on foit fort tenté de
s'expofer à fes vapeurs arfénicales, je ne penfe pas non plus
qu'il foit néceflaire de dire tout ce que j'ai imaginé, peut-être
mal à-propos, pour la mieux connoître.
J'ai torréfié ou roti d'abord à petit feu, le minéral qu’on
_m'avoit vendu pour mine de Zinc, mais que j'avois lieu de
croire une mine de Bifmuth, puifque fon impregnation par
d'Eau-forte étoit d’un affés beau rouge. J'en ai mis une once
pulvérifée dans un creufet large & plat au milieu d’un feu
… affés doux pour ne pas rougir le creufe& Les premiéres fumées
_ qui fe font élevées, avoient une odeur de Soufre mêlée d’une
: odeur de Bitume. Cette mine ne s'eft point embrafée à ce
. feu doux comme Îe Cobolt qui s’y allume, ainfi qu'il fera dit.
Il s’eft évaporé à ce premier feu ün gros jufle de cette matiére
fulphureufe Îa Plus volatile de a mine, après quoi elle a ceflé
de fumer. J'ai mis les fept gros qui reftoient dans un autre
creufet neuf au milieu des charbons allumés dans un fourneau
‘de fonte. La matiére y a fumé beaucoup, & cette feconde
fumée avoit l'odeur d'ail, & blanchifloit le Cuivre ; c’étoit
del’ Arfenic. J'ai pefé la matiére reftante, lorfqu' elle a ceffé
fumer, & quand elle a été froide : j'en ai trouvé fix gros
oins deux ou trois grains. J'ai mis ce refte dans un autre
creufet, après l'avoir mêlé avec poids égal de flux noir, &
ayant couvert & creufet, j'ai donné un bon feu. En un quart
eure toute la gangue de cette mine $'eft vitrifiée avec la
Mn. RAT G g
234 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
partie colorante à l'aide du Sel alkali. J'ai retiré le creufet du
feu, & l'ayant caffé froid, j'ai trouvé des fcories d’un beau
bleu-foncé, bien compaétes, fans fouflüres, & au fond du
creufet qui étoit en pointe, un culot de fort beau Bifmuth
qui pefcit trois gros.
Ainfi cette mine contient trois huitiémes de Bifmuth, un
huitiéme de Soufre bitumineux, un huitiéme ou un peu plus
d’Arfenic, & environ trois huitiémes de fluor & de matiére
colorante.
Dans cet eflai, mon objet étoit de raffembler tout le
Bifmuth, & de le fondre vite, fans {e tenir trop long-temps
au feu de crainte qu’il ne s’'évaporât. J’avois mis pour cela
fix gros de fondant : mais c'en étoit trop par rapport à la
quantité de fuor & de matiére colorante qui devoient donrer
le Smalt : aufli je nr'apperçus le lendemain que le verre ou
les fcories bleuës s'étoient humectées & prefque mifes en
deliquium à air. Je recommençai l'opération, & après avoir
fait évaporer le Soufre bitumineux & l’Arfenic, je ne mis
avec les fix gros qui reftoient, qu'un gros & demi de fel de
Tartre. Il me fallut deux heures de feu pour vitrifier la gangue,
mais aufli je trouvai dans le creufet un fort beau Sma/r, d'un
bleu-foncé, & qui ne s’humeéte point à l'air. Quant au
Bifmuth, la plus grande partie s’en étoit évaporée pendant ce
grand feu, puifque le culot raffemblé fous le Salt au fond
du creufet ne pefoit pas tout-à-fait un gros.
Ainfi en fuivant les dofes de la premiére expérience, &
en fe fervant de flux noir, on peut par la même opération,
& fans addition de fable ou de cailloux calcinés, retirer de
cette mine & detoute mine femblable, ce qu'elle peut fournir
de fixe au feu, c'eft-à-dire, la partie métallique & la partie
colorante. I] eft vrai qu’une autre mine de Bifruth, qui n’au-
roit pas tant de for, auroit befoin d’une addition de matiére .
vitrifiable, comme fable lavé ou pierre à fufil calcinée.
La mine de feu M. le Maréchal de Villeroy, que j'ai traitée
de même, m’a donné par once jufqu'à trois gros 48 grains
de Bifmuth, & une fcorie bleuë femblable, Elle eft cependant
DYE 51: SNCAME N'CE,S. 235
un peu différente de la précédente, en ce qu'elle ne contient
que très-peu de fluor, & quand j'ai voulu en faire le Sratr,
j'ai été obligé d’y adjoûter jufqu'à un gros de chaux de cail-
Joux, parce qu’il falloit faire une fritte aflés abondante pour
que la matiére colorante pût s'y introduire & s'y étendre.
Quand on rotit cette mine de Dauphiné à petit feu, elle
donne des fumées qui ont d’abord l'odeur pure de Soufre fans
. mélange de Bitume, & enfuite au même feu doux des fumées
d’Arfenic, parce que cette mine ayant peu de gangue, l'Ar-
fenic y eft moins enveloppé que dans {a précédente, & par
conféquent il s'échappe plus aifément. Les ftries & les points
brillants & métalliques de cette mine font auffi beaucoup plus
nombreux & plus ferrés que dans l'autre. à
Comme ce font ces mines qui m'ont donné par l'Eau-forte
une impregnation d’une belle couleur rouge, & enfuite par
le refte du procédé de F'Encre fympathique, une teinture
d’une belle couleur de lilas, conftante, & qui ne change point
dans quelque pofirion qu'on la regarde, on en doit conclurre
jue pour faire l Encre fympathique, dont j'ai donné le pro-
cédé, il faut préférer la mine qui rend du Bifmuth, au Coboit
ui n'en donne pas, ainfi qu'on va le voir. .
- J'ai fait rotir dans un creufet placé comme le précédent,
au milieu d’un feu doux, une once de Cobolt , femblable,
quant à l'extérieur ; au Cobolt de S.:* Marie-aux-mines, que
. M. de Reaumur m’avoit donné : il étoit fans ftries, compacte,
ombé & aflés plein de for ou de gangue. Les premiéres
_ fumées ont été fulphureufes & arfénicales. Cette mine s'em-
brafe & brûle à ce petit feu, ce que ne font pas les mines
ftriées de Bifmuth, comme je l'ai fait remarquer plus haut.
. À plus grand feuelle continue de fumer beaucoup, & perd
_ en Arfenic évaporé jufqu’à trois gros 5 4 grains de fon poids,
._ c qui eft près de la moitié.
Si Yon verfe de FEau-forte fur cette mine, quand elle eft
à demi-rotie, il fe fait une fermentation violente, & l'acide
nitreux en tire une temture verte, au lieu que le même
diflolvant fe colore toûjours en rouge fur 1x mine de Bifmuth,
4 Gzgi
236 MEMOYRES DE L'ACADEMIE RoyALE
foit qu’elle foit rotie ou qu'elle ne le foit pas. De plus l'Eau-
forte qu'on verfe fur ces deux différentes mines, l'une &c
l'autre torréfiées jufqu’à ceflation des fumées fulphureufes, en
épargne une matiére qui refle en poudre au fond des matras;
parfaitement blanche dans celui qui contient la mine de Bif-
muth ; brune & prefque noire dans celui où l'on a mis le
Cobolt. C’eitencore un moyen de diftinguer ces deux mines.
J'ai pris quatre gros de ce Cobolt roti, & qui en cet état
étoit prefque noir, & l'ayant réduit en poudre fine, je l'ai
mêlé avec poids égal de flux noir pour en réduire le Bifmuth
s'il en eût contenu, mais je n'en aï pas trouvé un atome.
A la place du Bifmuth, j'ai apperçû dans les fcories quelques
grains de Cuivre parfemés. |
J'ai répété l'expérience avec quatre gros de Ja même mine
préparée, & je n’y ai mis qu'un gros de Sel de Tartre fans
y adjoûter de matiére vitrifiable, parce qu'il y avoit affés de
fluor dans ce Cobolt : un feu fort violent l'a vitrifié en une
mafle couleur de Café très-brûlé, ayant des foufHüres colo-
rées d'uneteinte cuivreufe, & quelques petits grains de Cuivre
qu'on n'apperçoit, à la vérité, qu'avec la Loupe.
Sans ce mélange de Cuivre, j'aurois eu un Salt ou Verre
bleu, comme m'en a donné f’autre Cobolt de S.te Marie-aux-
mines que je tenois de M. de Reaumur. C'eft fans doute à
cette portion de Cuivre qu’il faut attribuer la couleur verte
que prend l'Eau-forte qu'on met en digeftion fur cette mine
à demi-rotie; car quand elle eft rotie à l'extrême, & qu'on:
Y'a tenue long-temps rouge dans le creufet, alors ce diflolvant
prend deflus une couleur incarnate aflés belle, parce que la
partie cuivreufe étant calcinée, l'acide ne peut plus la diflou-
dre. Il y a encore d’autres moyens de démontrer cette partie
cuivreufe, j'en parlerai dans l'article des Précipitants.
Dans cette expérience la couleur verte que prend F'Eau-
forte fur ce Cobolt, étoit un indice de la préfence du Cuivre.
Tout autre, auffi-bien que moi, l'auroit pris pour une preuve:
certaine; c'en eft cependant une bien douteufe. M. de Brou,
Intendant d'Alface, a envoyé depuis peu à M. le Controlleux
) ,
en,
DRE SUN EN ECNT CAE 5 MEET.
général cinq ou fix morceaux d'un Cobolt de S.te Marie-
aux-mines, qui n'eft pas le même que celui de M. de Reaumur,
quoiqu'à la vüe il paroïfle aflés femblable, Ce dernier arrivé
donne à J'Eau-forte, fans être roti, une belle couleur d’éme-
raude, & il sen eft précipité un fédiment de la couleur de
lorpiment broyé. Cette impregnation ayant été congelée
avec le Sel marin, eft devenuë d’un verd foncé au feu, & a
feulement pli à l'air froïd fans prendre le couleur de rofe.
L'eau que J'ai verfée deflus pour difloudre le Sel, au lieu de
devenir couleur de lilas, belle ou fale, a pris une couleur
verte-bleutre, & il s’eft dépofé au fond du vaiffeau une plus
grande quantité de fédiment que des Cobolts ordinaires ;
celui-ci eft bleuâtre, & je n’en ai pu rien réduire de métal-
lique. La teinture bleue ne fait point fur le papier l'effet de
Encre fympathique, qui paroît & difparoit, aufli ne con-
tient-elle prefque pas de matiére colorante.
En rotiflant ce Cobolt à.feu doux comme les autres, ïl
s'allume un peu, fume beaucoup, & perd en Arfenic qui
s'évapore, deux gros 46 grains par once : en le traitant par
la fonté avec le flux noir, j'ai eu de 100 grains, 42 grains
d’un métal anonyme, aigre & caflant, à grains fms, qui ref
femble dans fa caflure à un Régule de Fer & d’Arfenic. Ni
ce métal, ni les précipités de la teinture ne donnent à l'efprit
volatile de Sel ammoniac aucune teinture bleue, 1a Noix
de Gale ne change fa couleur ni en violet ni en noir. Ces
épreuves, quant-à-préfent, fufhfent pour prouver que dans
ce Cobolt il n'y a point de Cuivre, quoique lEau-forte s’y
teigne en verd, & qu'ainfi cette couleur peut venir d’une
autre caufe que du Cuivre. Elles prouvent aufli qu'il n'y a
point de Fer dans cette teinture, puifque a Noix de Gale ne
la change pas même de couleur. Le culot de métal réduit
de ce Cobolt, n'eft pas non plus du Bifmuth ; j'en donnerai
la preuve une autrefois.
De tous mes eflais on peut déduire une méthode affés
fûre d'examiner ces fortes de mines, en fuppofant que toutes
les mines de Bifmuth & d'Azur reffemblent à celles fur qui
| G8 ü
338 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
j'ai travaillé. Mais comme je ne les ai pas raflemblées toutes,
& que je fçais qu'il y en a une grande quantité de différentes
elpeces, je ne prétends pas avancer que cette méthode foit
générale : peut-être faudra-t-il d'autres réduétifs pour d'autres
mines de cette efpece, que je ne connois pas. On fçait, par
exemple, que toutes les mines de Plomb ne s'eflayent pas par
le même réduétif: dans quelques-unes il faut employer le
Fer, dans d’autres la Chaux, &c.
On a vû dans la premiére Partie de ce Mémoire, que
quand je verfe de l'eau fur la concrétion faline incarnate qui
doit donner la teinture couleur de lilas, il fe précipite une
poudre blanche. Je croyois d'abord que c'était de l'Arfenic.
Pour en faire la fublimation, je mis cette poudre édulcorée
& féche dans une cornuë que je chauflai Jufqu’à la fondre :
je n’eus aucune vapeur arfénicale dans le récipient. I fe
fublima feulement un peu d'Orpiment, ou, f1 l'on veut,
d’Arfenic jaune dans le col, avec quelques fleurs perlées de
Bifmuth : le refte demeura fixe au fond du vaifleau. Cette
expérience prouvant que ce qué je croyois tout Arfenic, ne
l'étoit qu'en partie, le refte devoit être par conféquent un
magiftere de Bifmuth que le Sel marin adjoûté à l’impregna-
tion, avoit précipité. J'effayai la réduétion de deux gros &
demi de ce magiftere par le flux noir, & je trouvai au fond
du creufet refroidi un petit culot de Bifmuth pur, & par
deffus une mafle de fcories bien vitrifiées, d’un verd-foncé
bleuâtre. Cette feconde épreuve démontre que dans ce pré-
cipité font encore la plus grande partie des matiéres qui en-
trent dans le compofé dela mine, c’eft-à-dire, un peu d’Arfenic
uniavec une matiére fulphureufe, puifqu’il s’eft fublimé jaune
au col de fa cornuë ; une portion aflés confidérable de Bif-
muth, puifque le culot pefoit près de 24 grains : une partie
de gangue ou de fur, puifqu'il s'eft fait une vitrification
avec le flux noir ; & une portion de la matiére colorante,
puifque cette vitrification étoit d’un verd-bleuâtre.
H'eft inutile de faire obferver qué le précipité mis à cette
épreuve, provenoit de Fimpregnation de la mine de Bifmuth..
D'ES) SICTE NC F6 239
Car lorfque j'ai executé le même procédé avec le précipité
du Cobolt, je n'ai point eu de Bifmuth, mais feulement une
fcorie vitrifiée, bleuâtre quand ce minéral n'étoit point cui-
veux, & brune lorfqu'il venoit d’un Cobolt altéré par ce
métal. pes
I eft queftion préfentement de la décompofition des
Teintures ou de l Encre fympathique toute faite. Je l'ai tentée
d’abord de la maniére qui fuit, parce que je ne voulois pas
y rien adjoûter d'étranger. Si par ce moyen je n'ai pu paï-
vénir à la décolorer, j'ai réuffi du moins à la rendre d'une
. bien plus belle couleur.
J'ai fait évaporer dix onces de cette liqueur couleur de
lilas jufqu’à fec, le {el eft devenu verd à Fordinaire étant
chaud, & couleur de rofe en refroidiflant. Je l'ai rediflout
dans neuf onces d’eau , il s’eft fait un précipité blanc fort
confidérable que j'ai mis à part. L'eau a paru chargée d’une
teinture couleur de rofe beaucoup plus vive & plus belle
qu'elle ne l'étoit avant cette précipitation. Après avoir filtré
cette belle teinture, je l'ai évaporée une feconde fois : auffi-tôt
que Îa liqueur faline a commencé à fe concentrer, ce fyrop
falin qui à la premiére évaporation étoit verd d'éméraude,
a pris cette fois ici une couleur violette, & en approchant
de la coagulation , il a paflé au bleu turquin. J'ai répété
encore fix fois ces folutions, filtrations & coagulations, mais
je n'ai point eu de verd depuis la féparation du premier pré-
cipité blanc : par conféquent c’eft dans ce précipité qui pa-
-xoit blanc, qu'eft cachée fa matiére jaune qui teint en verd
da partie bleue colorante du minéral; & cette matiére jaune
eft fans doute cette portion de Soufre & de Bitume dont
- Todeur eft fenfible & ailée à diftinguer dans le temps qu'on
rotit cette mine de Bifmuih. C'eft auffi cette portion de
Soufre qui teint en jaune l’Arfenic du précipité dans la fubli-
mation dont j'ai parlé ci-devant : car je le puis dire en
pañant, l'Arfenic peut fervir dans plufieurs expériences à
- s'affürer fi une matiére contient ou non un principe fulphu-
reyx qu'il feroit difficile d'appercevoir pas d’autres moyens.
240 MEMOIRES DE L'AÂCADEMIE ROYALE
Le premier précipité eft blanc & pefant, c’eft du Bifmuth;
le flux noir l'a refiufcité. Les fix autres font légers, en flo-
cons cotoneux & teints d’un incarnat aflés beau : avec un
peu de Sel alkali & de cette matiére, j'ai donné une couleur
bleuître à du Criflal factice d'Angleterre que j'avois mis en
poudre fubtile pour rendre le mélange plus exact avant que
de le fondre.
J'ai dit que le Magma falin devient bleu après les pre-
miéres précipitations qui le purifient. Il eft fi fenfible alors
à l'impreffion de l'air, quand il eft totalement congelé, que
dès qu’on leve un peu le vaifleau de verre de deffus le fable
chaud, il prend dans l’inftant le couleur de rofe. Sa folution
concentrée jufqu'à un commencement de criftallifation eft
d'un fort beau cramoifi fans reflets jaunâtres. Si on l'applique
fur le papier, elle n’eft pas exactement invifible, parce que
les particulés colorantes font trop rapprochées par l'évapo-
ration du flegme, mais elle eft très-fenfible à Ia chaleur, &
dans fe moment qu’on préfente le papier au feu, le trait qu'on
y a fait, devient d'une belle couleur de cendre bleuë.
On ne corrige pas de même, par la voye des folutions,
filtrations & coagulations répétées, la couleur fale de la tein-
ture extraite du Coboit cuivreux. Le Cuivre, quoiqu'en
petite quantité, l’altere toujours, & la liqueur refle verte en
la regardant à la lumiére. Ainfi pour précipiter cette partie
cuivreufe, il a fallu préfenter à la liqueur un métal qu’elle
pôt difloudre avec plus de facilité qu'elle n'auroit diffout le
Cuivre fi elle n’en avoit pas déja contenu. Je l'ai fait bouillir
avec de la limaille de Fer, & il s'en eft diflout une partie,
puifque la liqueur qui avant cette addition, ne donnoit au
papier chauffé qu'une teinte bleuâtre tirant fur le verd, lui a
donné alors une belle couleur de verd-de-pré; ce qui n'a pu
venir que de Ja jonction des parties jaunâtres du crocus ferru-
gineux avec les parties bleues du minéral répandues dans fa
liqueur, laquelle par cette addition refte de couleur tannée
dans fa bouteille, quand elle eff froide , & devient d’un verd
foncé, quand on la concentre au feu. Je précipite ce Fer en
un beau
| DES SCIENCES. 241
un beau crocus orangé, fi je préfente à cette liqueur de petits
morceaux de Zinc à difloudre. Cependant il refte toüjours
une portion de Fer dans cette teinture, ce qui l'empêche de
prendre la belle couleur de lilas que je voulois qu'elle eût ;
& l'on voit qu'en augmentant ou diminuant cette partie fer-
rugineufe’ on peut donner à la teinture, confidérée comme
. Encre fympathique, différentes teintes de verd qui font un
affés joli effet dans un Payfage deffiné qu’on enlumine. Il ef
“vrai que la partie du Fer qui s'eft dépofée fur le papier ne
difparoït pas bien, & que lorfque le verd eft évanoui à l'air,
il refte fur le papier une couleur de feuille- morte.
Enfin fans pafler par toutes ces précipitations qui fe fuc-
cedent, il y a un moyen de faire prendre à la teinture du
Cobolt cuivreux une belle couleur de lilas ; c’eft de la verfer
fur du Zinc réduit en grenailles, de la coaguler par évapo-
ration, & de redifloudre dans de l'eau pure le nouveau Sel
qui réfulte de ce mélange. En répétant deux fois cette opé-
ration, on aura la couleur que lon cherche. Le Zinc en fe
diflolvant , précipite le Cuivre, & il fe précipite lui-même
dans la grande quantité d’eau qu’on verfe fur le Sel congelé,
Si l’on veut cette nouvelle teinture corrigée, de couleur cra-
… moifie, il n’y a qu'à répéter les coagulations, folutions &
filtrations, fans y rien adjoûter. |
Je pañfe à des précipitations d’un autre genre. Quand je
-verfe de fefprit volatil de Sel ammoniac fur l'Encre fÿm-
pathique, cet alkali volatil fait difparoïtre dans 'inftant 1a
. couleur de lilas. IT fe précipite un fédiment, d’abord bleuâtre,
. & la liqueur famnageante eft, dans les premiers moments,
d’une couleur tannée, mais elle devient très-rouge avec le
temps.
… Un trait fait fur Le papier avec ce mélange, y prend, en
. e chauffant, une couleur de violet noirâtre ou fale qui ne
- difparoït que très-lentement, & même y laifle quelque teinte.
- … Si l'on expofe un trait invifible fait avec la teinture {eule
. & pure à la vapeur pénétrante qui fort d’une bouteille pleine
- d'unefprit volatil urineux nouvellement fait, cette vapeur
Mens 7 37e, 4 00 Hh
242 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
le fait paroître auffi-tôt, non pas verd-bleuûtre, comme le feu
le feroit, mais du même violet fale dont je viens de parler,
Tant que le mêlange des deux liqueurs (l'efprit volatil &
la teinture) répand une odeur volatile urineufe , la couleur
rouge qu'il a prife peu-à-peu, paroît jaunâtre par les bords du
verre ; mais quand le volatil urineux eft entiérement évaporé,
quand on n'apperçoit plus rien de fon odeur pénétrante,
toute la partie jaune qui fe méloit au rouge eft précipitée,
& la liqueur rouge devient d'un beau cramoifr.
On fçait qu'il y a deux efpeces de rouge ; lun dont le
jaune eft le premier degré, & qui par le rapprochement de
fes parties augmentant peu-à-peu de teinte, & pañlant par
l'orangé, devient couleur de feu, qui eft l'extrême de la
concentration du jaune : le Ainium, le Précipité rouge, le
Cinabre, en font des exemples que la Chimie nous fournit.
L'autre rouge part de l’incarnat ou couleur de chair, & pafle
au cramoifr, qui eft le premier terme de fa concentration;
car en rapprochant davantage fes particules colorantes , on
le conduit par degrés jufqu’au pourpre. L’Encre fympathique
bien dépurée, prend fur le feu toutes ces nuances. Le rouge
qui a une origine jaune, ne prendra jamais le cramoifr, fi
l'on n’en a pas Ôté ce jaune qui le fait de la clafle des cou-
leurs de feu : de même le rouge, dont la premiére teinte eft
incarnate, ne deviendra jamais couleur de feu fi Yon n'y
adjoûte pas le jaune.
Dans l'expérience préfente, comme dans celle de Ja puri-
fication de la teinture lilas par des folutions & filtrations
répétées , le changement de la couleur en cramoifi fe fait par
une fouftraction des particules jaunes du Soufre & du Bitume
de la mine, dont une portion s’étoit introduite dans l'im-
pregnation. Le filtre les fépare dans l'expérience des folutions
répétées, & l'alkali volatil les précipite dans celle-ci.
Cette liqueur rouge cramoifie, quoiqu’affés chargée d'alkali
volatil, ne précipite point l'Or quand je la verfe fur la folu-
tion de ce métal : il fe fait cependant une légere fermenta-
tion. Mais comme je mets du jaune dans la liqueur cramoifie,
out the de + D
\
DES SC1ENCESs. 243
Le purpurin du premier mélinge difparoit, Ja liqueur reprend
. la couleur d’un rouge où le jaune domine, & refte en cet
état pendant trois jours fans changement ni précipitation.
Le quatriéme jour j'ai verfé fur ce mélange de diffolution
d'Or, d'Encre fympathique & d’Efprit volatil, autant de
nouvel efprit volatil urineux qu'il en falloit pour précipiter
tout l'Or qui répandoit fon jaune dans la liqueur, & j'ai eu
la confirmation de ce que je viens de dire fur fa différence
des deux rouges : car quand tout lOr a été précipité, a
liqueur furnageante a repris la couleur incarnate, & en fe
_ concentrant par une évaporation lente, elle a paffé de nou-
| veau au cramoifr. |
Quand je verfe de l'huile de Tartre par défaillance fur fa
- teinture filas, il fe fait un précipité d'abord d’un blanc-fale,
qui peu-à-peu devient bleu, enfuite verd, &cenfin rou ge de
brique au bout de trois femaines ; la Hiqueur qui furnage refte
fans teinture : ainfi un alkali fixe précipite tout ce quel Eau-
forte a extrait par diflolution dela mine du Bifmuth. J'ai déja
fait cette obfervation dans la premiére Partie de ce Mémoire.
- : LeNitrefixé par les fleurs de Zine, précipite en incarnat
_ ce que l'huile de Tartre précipite en bleu, mais cet incarnat
ne change point.
L'eau de Chaux ne précipite point la matiére colorante
de la teinture, mais la terre de la Chaux fe précipite elle-
+ même fans caufér aucune altération à cette teinture, puifque
Ja liqueur qui furnage le précipité terreux, fait fur le papier
-e même effet qu'auparavant.
_ La liqueur éthérée de Frobenius n’enleve aucune couleur
_ dela teinture; on a beau agiter le mélange, l'éther furnage
. -toûjours, & s'en fépare fans couleur : en un mot il n'en prend
| ni n’en précipite rien. : j
… … L'efprit de Vin qu'on fait digerer fur la teinture congele
. en fel couleur de rofe, s’y teint de cette couleur, ce qui
. pourroit être attribué à la partie flegmatique de cet efprit
… inflammable qui diffout une portion de ce {el.
2 La même teinture faite par leSel blanc, ne précipite point
h j
244 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyaLE
la folution du Sublimé corrofif, parce que l'acide du Sel marin
eft pur & fans mêlange d'Ammoniac dans l'une & l'autre
liqueur. Si l'on fe fert de ce mélange pour faire un trait fur
le papier, ce trait prend devant le feu la couleur d’un bleu
d'indigo affoibli ou délayé dans beaucoup d’eau.
La teinture aurore préparée avec le Sel d'urine fixe pré-
cipite en blanc la même folution du Sublimé corrofif, & le
trait fait fur le papier eft plus verdâtre que le précédent. La
teinture préparée avec le Sel ammoniac fait le même effet;
donc il y a un volatil urineux dans le Sel fixe de lurine, ce
qui fera encore mieux démontré dans un autre Mémoire.
La teinture lilas ordinaire précipite la diflolution du Mer-
cure par l'efprit de Nitre en caillé très-blanc, qui ne change
point de couleur avec le temps : elle agit comme une folution
fimple de Sel marin, car la liqueur ne perd point fa couleur.
Au contraire fi je verfe fur cette teinture de la diflolution
d'Argent dans l’Eau-forte, il fe fait fur le champ une lune
cornée, & le fel en s’uniffant à Argent, le faifit, pour ainfi
dire, avec tant d'avidité, qu'il entraîne avec lui la matiére
colorante de la teinture. La liqueur qui furnage, refte déco-
lorée, & peu-à-peu le précipité d'Argent devient bleuâtre.
On a vü dans la premiére partie, que quand j'ai employé la
lune cornée à deffein de faire pañler fon acide du Sel marin
dans l’impregnation de la mine, je nai pu y réuflir, cet
acide n'a point abandonné l'Argent. Ici il quitte la teinture
pour s'unir à ce métal, & pour s’y joindre, même avec la
partie colorante, qui étoit fufpenduë dans a liqueur.
J'efperois, en faifant tous ces Précipités, de trouver des
variétés de couleur qui puflent, entre les mains d’un bon
Deffinateur, fervir à faire un Payfage bien dégradé dans fes
teintes, mais qui ne püt être vü qu’en le chauffant : un hiver,
par exemple, qui dans l'inftant deviendroit un printemps.
J'ai déja plufieurs couleurs qui peuvent être employées à
cette curiofité ; un bleu qui rend aflés bien la couleur du
ciel, un verd d'eau pour les riviéres, un verd pour les arbres
& les terrafles qui ne difparoït point au froid fans laifler aux
. DE s : SCrENCES. 245
feuilles la couleur tannée qu'elles ont pendant l'hiver : un
verd gai pour les prairies, un incarnat qu'on peut afloiblir
pour peindre des bâtiments éloignés, un colombin pour les
extrémités des horifons : il me manque une couleur de terre
d'ombre & de biftre pour les mafles du devant du tableau, &
je n'ai pu la trouver, non plus qu'un rouge vif qui difparût.
Quant au jaune, je le fais en concentrant {a liqueur lilas fur
du Vitriol bleu, l'eau en tire enfuite une teinture bleuë, qui
- mife fur le papier, ne paroît que très-peu, & qui devient
d’un beau jaune citron quand on le chauffe. Elle difparoît
enfuite en refroidiflant , à la vérité un peu plus lentement
que les autres couleurs. Quand je ne fais difloudre que très-
peu de ce Vitriol bleu dans la belle teinture couleur de lilas,
Je lui donne le même ton de couleur qu'a naturellement 1a
teinture extraite du Cobolt cuivreux.
Le Vitriol vért donne le même verd que la Timaille de Fer
employée dans l'expérience dont j'ai parlé ci-devant.
‘Le Vitriol blanc d'Allemagne, diflout dans la teinture, puis
coagulé avec elle par évaporation, prend, en refroidifiant,
. une belle couleur pourpre : l’eau s’y teint en couleur de rofe,
- &.en concentrant un peu cette nouvelle teinture par évapo-
_ ration, on a une liqueur dont un trait appliqué fur le papier,
» prend, en le chauffant long-temps, une couleur violette -
_ claire, qui s'évanouit totalement au froid.
Le Plomb, l'Etain, le Bifmuth, ne donnent aucune va-
… riété de couleur qui mérite d’être rapportée. L'Orpiment ne
- fait rien non plus de fingulier, fi ce n’eft qu'il rend la tein-
. ture d'une couleur un peu plus belle.
… Mais avec le Plomb j'ai prefque une preuve que c'eft à
. V'air froid & humide, & non au froid feul, qu'on doit rap-
. porter l'effet fingulier de Encre fympathique, qui a été le
. principal objet de ce Mémoire. Car ayant verfé de la tein-
ture lilas fur du Minium, & l'ayant fait évaporer à petit feu,
cette liqueur faline a diffout une partie de cette chaux de
“ Plomb. Quand tout le mélange falin a été defféché, il n’y a
eu que les couches minces des parois du vaifieau qui foient
Hh ii
246 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
devenues rougeâtres à l'air. La mafle du fond a refté bleue
en refroidiflant pendant la nuit du 1 8 au 19 Mars qu'il gela
à glace, & quoique la caplule de verre où étoit ce fel, fût
expofée à cet air froid fur une fenêtre du côté du Nord, ce
bleu n’a point changé de couleur malgré le froid , foit parce
ue l'air étoit fec, foit parce que la matiére colorante étoit
enduite d’un fel devenu glutineux par laddition du Plomb,
& que l'humidité de Fair ne pouvoit difloudre auffi aifément
qu'il lauroit fait fans cette addition. Mais il paroît que c’eft
à la féchereffe de l'air qu'il faut attribuer la conftance de cette
couleur bleuë , car aufli-tôt que j'eus verfé un peu d’eau fur
cette concrétion faline encore bleue, le bleu difparut dans
l'inftant. Ce qui prouve affés fenfiblement que ce retour au
rouge n’eft dû qu'à l'humidité. Voici une autre expérience
qui le démontre encore mieux : j'en fuis redevable à M. de
Reaumur.
On à defléché exactement un Tube de verre déja fcellé
par un bout : on a préparé l'autre extrémité à être fcellée
dans un inftant. On à fait entrer dans ce Tube un rouleau
de papier enduit de la teinture, puis chauffé & defféché juf-
qu'à être bleu, & on a fcellé le Tube auffi-tôt. Le papier
n'a point changé de couleur en réfroïdiffant dans ce Tube,
parce que l'humidité de Fair n'a pu s'y introduire,
Ces expériences doivent faire foupçonner que la couleur
naturelle de la matiére qui colore le Salt eft rouge tant
qu'elle eft humide; qu'elle ne devient bleue que par le feu
qui la defléche exaétement ; qu'une fois qu'elle eft devenue
bleue, il n’y a qu'à la défendre de Fhumidité pour lui con-
ferver cette couleur, & que c’eft ce qu’on fait dans la fabrique
du Salt, où par la vitrification du fable qu'on joint à {a
matiére colorante, chaque petite partie de cette matiére que
le feu a rendu bleue, conferve cette couleur, parce qu'elle
fe trouve enveloppée dans de petites capfules de verre que
humidité de l'air ne peut pénétrer. En un mot c’eft l'expé-
rience du Tube multipliée à l'infini.
Il y a des Mines fort profondes à Saberg en Saxe, où lon
DIE S S CL1EN CE S 2
trouve le Cobolt entremélé de criftaux pourpres : ce Cobolt
eft excellent pour la fabrique du Smal. On en trouve près
de Blackemberg dans le Duché de Brunfwick , d’auffi bon
que le précédent, qui eft revêtu extérieurement d’une couche
_ incarnate, Dans l'un & dans l'autre la matiére colorante s’eft
extravafée , &. s'étant infinuée dans les interflices entr'ouverts
du fuor toûjours uni à ces fortes de mines, les a teints de fa
couleur naturelle qui eft ronge, parce qu'à la profondeur où
_ ces mines fe trouvent, il y a beaucoup d'humidité. Mais
auffi-tôt que par un feu de vitrification on a chaflé cette hu-
midité, en lui fermant toute ifuë pour fon retour, la même
matiére qui humide étoit rouge, paroît bleue, parce qu'elle
eft féche.
J'aurois encore à expliquer pourquoi il faut que l'acide
du Sel marin foit introduit dans Encre fympathique en
queftion, pour que les particules colorantes de la mine, fuf-
penduës dans cette liqueur, prennent la couleur bleue Iorf
qu'on expole au feu le papier fur lequel elles fe font dépofées,
& pourquoi ces mêmes particules ne paroiïflent au feu que
. rouges ou rougeätres, quand j'ai employé avec l'impregna-
. tion de Ja mine par l'Eau-forte tout autre Sel que le Sel
. commun. Ce Mémoire feroit complet fi je pouvois donner
. 1a folution de ce probleme, mais aucune expérience n’a pu
. m'aider à le réfoudre. Il me feroit difficile auffi de rendre
. zaïfon du changement fubit de la couleur jaune d’une diflo-
tion d'Or en une liqueur pourpre, lorfque j'y fais tomber
ne goutte de diflolution d’Etain. Ces deux faits, & plu-
… dieurs autres, même des plus communs en Chimie, refteront
. encore Îong-temps fans explication.
15 Mai
1737°
248 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
O:B" SLECR, VLA 1, 10PNE
Du Pafjage de Mercure fur le Difque du Soleil,
arrivé le 1 1 Novembre 1736.
Faite au Château du Boiffiffandeau en bas Poitou.
Par M. GRANDIEAN DE Foucuy.
Ja fait cette Obfervation par une méthode particuliére,
& que je crois plus fimple que celles qui font en ufage
pour déterminer la pofition d'un point fur le difque du Soleil
au moyen de fon paffage par les fils d’une Lunette, au moins
exige-t-elle moins de précautions dans la maniére d’obferver,
& moins de compofition dans les inftruments ; il ne faut
qu'une fimple Lunette avec deux fils perpendiculaires à fon
foyer & une Pendule à fecondes ; encore s’il n’étoit queftion
que de déterminer la pofition d’un point fans fe mettre en
peine de connoître le moment où on lobferve, il ne feroit
pas néceffaire que la Pendule füt réglée, & même en ce cas
fi on manquoit de Pendule, on pourroit fe fervir d’un Pen-
dule fimple de 3 pieds 8 ignes + de long, fans craindre que
l'erreur qu'on pourroit commettre dans la mefure du Pen-
dule fit le moindre tort à l'exactitude de l'opération. If ne
faut pas non plus, comme lorfqu'on fait pafier un Afre par
les deux filets d'un Quart-de-Cercle, que l'un des deux filets
foit exactement horifontal & lautre vertical, & que l’on
connoiffe au jufte la hauteur du filet horifontal, on n’eft pas
obligé, comme avec le Réticule fimple, de faire parcourir
un fil à l’Aftre. Nulle autre précaution que d’affermir la Lu-
nette dans telle fituation que les deux bords du Soleil pañlent
* L’Extrait de ce Mémoire a été imprimé dans l’Hiftoire de l’année 1736,
à laquelle cette Obfervation fembloit appartenir , quoique réellement elle n'ait
été Ie qu’au mois de Mai 1737
par
TBE SSCTENCES. _ 249
par les deux fils, “céqui fe peut toujours faire aifément,
- L'obfervation de Mercure fervira d'exemple.
Le temps qui avoit été extrèmement couvert &t pluvieux
. les jours précédents, s'étant éclairci le 1 r au matin, je pris
quelques hauteurs pour régler ma Pendule. Un peu avant
9 heures le Soleil entra dans des nuages clairs qui lobfcur-
cifloient aflés pour empêcher de le none & d’ Es
cevoir aucune de fes l'aches. Enfin fur les ro heures À il
parut à découvert par une ouverture entre les nuages ; nie
tôt y ayant pointé une Lunette de 7 pieds, j'apperçus Mer-
cure aflés avancé fur le difque du Soleil, & ayant difpofé ma
Lunette, je fis les obfervations HUF dans lefquelles
j'appelle les filets horifontal & vertical, non qu'ils le fuflent
effectivement, mais parce qu'ils approchoient plus de cette
fituation que de toute autre.
de 118 0° 48" le bord fupéri jeur à l’horifontal.
12 1 42 Mercure à l'horifontal. à -
11 2 22 Le bord précédent au vertical.
1 4 20 Mercure au vertical.
12 4 58 le bord fuivant au vertical.
11 6 x le bord inférieur à l'horifontal.
: Quelque temps après & avant que j'euffe pu achever une
fronde obfer vation, le Soleil rentra dans les mêmes nuages
clairs, où il refta juque vers les 2 heures après midi, auquel
temps s'étant entiérement dégagé, je n'apperçus plus Mer cure,
mais feulement les Taches inhérentes au Soleil, telles que je
les avois vües le matin, &telles queles repréfente k Figurel],
que j'avois tirée au foyer de ma Lunette dès le matin, afin de
les reconnoître pendant l’obfervation. Efflayons pr pen
au moyen de ces obfervations, de déterminer ia pofition de
- Mercure fur le difque du Soleil.
r Soit AGBD le champ de la Lunette, dont 4B & GD
… {ont les fils. Connoiflant exactement l'heure à Jaquelle le
4 Soleil arrive en À au fil horifontal, & celle où il le quitte
. en /, on aura, en partageant par moitié le temps.écoulé entre
Mem. 1737. Ti
æso MEmoinrs DE L'ACADEMIE ROYALE
les deux obf&rvations, l'heure à laquêllé le centre du Soleil
a pañlé en AN par le fil horifontal, qui, dans cet exemple eft
11h 3° 24". Si de même on partage en deux parties égales .
le temps écoulé entre le paflage des bords précédent & fui-
vant par le fil vertical en F7 & en À, on aura 11h 3° 40"
pour le paffage du centre du Soleil en © par le fil vertical ;
& fi l'on réduit en degrés de grand Cercle la différence entre
ces deux paflages, qui eft 16", on aura pour la valeur de
NO 3'49" ou 229" de grand Cercle.
Au Triangle £ NF rectangle en F, on connoït EN,
temps écoulé entre le paflage du bord en Æ par le fil hori-
fontal & le paflage du centre en V par le même fil réduit en
fecondes de degré de grand Cercle, & qui eft ici de 2237”,
le côté EF demi-diametre du Soleil de 977" & l'angle
droit F'; on connoîtra donc ENF de 25° 53° 49", & fon
complément VNOC de 64° 6° 11”.
Au Triangle NOC rectangle en C, on connoît Îles trois
angles & le côté NO de 229", on aura donc VC de 206".
Au Triangle CYL, on a le côté JL, temps écoulé entre
les paflages de Mercure en L par le fil hoxifontal, & en
par le vertical, qui, réduit en fecondes de grand Cercle, eft
2259", l'angle droit en C, & l'angle CYL égal à NOC, à
caufe-des paralleles EN, LY; on aura donc CL de 2032",
duquel ôtant VC déja trouvé de 206", reftera NL de
18216”.
Au Triangle N L X formé par la perpendiculaire N K
élevée au point A fur les deux routes de Mercure & du So
leil, on a l'angle droit en X, l'angle X L N égal à CNO,
l'angle XN L égal à NOC, & le côté N L de 1826" dé-
terminé au Triangle précédent ; on aura donc NX de 79 8",
& LK de 1643": |
Or N£ étant perpendiculaire à {a route du Soleil, eft
néceflairement un Cercle de déclinaifon, & par conféquent
Farc VX que nous en avons déterminé, eft la différence
de déclinaifon de Mercure & du Soleil, qui eft 798", ou
de 13° 18". ù
p'ELS JSUGMEUNl CE 5 254}
* Si l'on réduit préfentement. en fecondes de temps du pa-
rallele la ligne / À trouvée de 1643" » ON aura 1° 55" de
temps, qui l'étant adjoûtées à 1 18 1° 42", temps du paflage
* de Mercure en L, donnera l'heure de fon pañlage par le
Méridien VX, 1163" 37", mais le centre du Soleil a pañté
en! par le même Méridien à x r° a 24"; gn aura donc
pour la différence des deux pañlages 1 3" de temps, ou 3° 1 5"
du parallele, ou enfm 3° 6" de grand Cercle pour la diffé-
rence dslcenfion droite de Mercure & du centre du Soleil ;
on connoît d'ailleurs leur différence de déclinaifon, on con-
noît donc la pofition de Mercure fur le difque que l'on
cher choit.
D'où if fuit qu'ayant plufieurs points de la voye de Mer-
cure far le Soleil, déterminés comme nous venons de dire,
on tracera aifément fa route fur le difque du Soleil de Ja
même manitre que dans toutes les autrés méthodes qui font
en ufage, & qu'on connoïîtra fon inclinaifon à l'égard de
l'Écliptique.
Pour cela foit AZ BC le difque du Soleil, ÆQ le dia-
metre parallele à Equateur, 4 2 la portion du Méridien
. qui pafe par le centre du Soleil, £C Le diametre parallele à
…._ 1Ecliptique, D, D, deux points pris dans la route 7G d'un
même mobile, defquels on connoïfle la différence d’afcenfion
droite S A, & la différence de déclinaifon D H d'avec le
centre du Soleil. Dans les T'riangles S D Æ on connoiît le
côté DH, différence de déclinaifon, le côté SA, différence
d'afcenfion droite, & l'angle droit en 1, on connoîtra donc
les trois angles & le côté DS ; & en réfolvant le Triangle
DSD, dans lequel on a les côtés SD & l'angle DSD,
- compris fupplément de a fomme des deux angles DSH
_à 180 degrés, on connoîtra l'angle SDD, auquel adjoûtant
. ADS, on aura ADD), indlinaïfon de la route FG à l'Equa-
teur. Maintenant fi on réfout le Triangle DJS, dans lequel
4 on a l'angle droit Z, le côté DS & l'angle DS1, fomme ou
k di fférence de l'angle DS H & del HoiHeon dé t Ecliptique
- à l'Equateur dans ce point (qui fe trouve dans les Tables)
Dr li ïj
252 MEMoIREs DE L'ACADEMIE ROYALE
on aura le côté DJ, différence de latitude, & le côté SZ,
différence de Jongitude du centre du Soleil avec les points D,
& en Ôtant ou adjoûtant à l'inclinaifon ADD à l'Equateur
linclinaifon Æ $ Æ de l'Ecliptique, on aura l'inclinaifon
IDD que lon cherchoit.
On pounit m ‘objecter que j'employe ici un élément
étranger à la méthode que je propofe, je veux dire le demi-
diametre du Soleil ; mais outre qu'on peut aïfément Favoir
par obfervation avec les mêmes inflruments que j'employe,
cet élément eft déterminé fi exactement, qu'on peut, fans
aucun fcrupule, employer celui que l'on tire des Tables.
Je fuppofe auffi la route de Mercure dans le tuyau paral-
1ele à celle du centre du Soleil pendant le temps LP, c'eft-
à-dire 2° 38", ce qui n'eft pas géométriquement vrai, mais
ne peut caufer aucune erreur fenfible.
11 n’y a donc point de doute qu'on ne puiffe faire ufage
de cette méthode, tant pour déterminer des pofitions de
Planetes & de Taches fur le difque du Soleil, que pour trouver
la fituation des cornes dans une Eclipfe, & la pofition des
Taches dans les pleines Lunes; on peut même d'autant mieux
en faire ufage, que Péoes n'étant fujette à aucune
précaution , il eft prefque impoflible de s'y tromper.
“à
49.252,
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À
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DES SCIENCES, . 253
…. OBSERVATIONS PHYSIQUES
DANS LA TEINTURE,
il Par M. pu Far.
\ é Teinture eft un des Arts qui peut fournir le plus
d'expériences finguliéres à ceux qui voudroient l'étudier
en Phyficiens. Il a été jufqu’à préfent livré aux feuls artifans
qui en font profeflion, & mème il y a apparence qu'il ny
en a jamais eu aucun qui en ait connu toutes les parties,
parce que les raifons de Police ont concouru avec celles de
la commodité des ouvriers pour féparer la teinture en diffé-
rentes claffés, & interdire aux uns la partie qui faifoit l'objet
du travail des autres. k
Lorfque par de fages Réplements on a ordonné une pre-
miére diftinction entre le bon teint & le faux ou le petit
teint, on a eu pour but de ne pas laïfler les ouvriers les
maîtres d'employer indiftinéternent toutes les matiéres colo-
rantes fur toutes fortes d’étoffes, parce qu’on avoit reconnu
qu'il y avoit des ingrédients dont la couleur étoit bien moins
folide que celle des autres ; il a réfulté de-là que les Teintu-
riers qui fe font attachés à l’un des genres de teinture, n’ont
eu, pour la plüpart, aucune connoiffance de l’autre.
La commodité particuliére des ouvriers, & la difficulté
d'executer certaines couleurs, ont fait que quelques Teintu-
riers s'y font particuliérement appliqués, tandis que d’autres
fe font réduits à ne faire que les couleurs les plus communes
& les plus faciles. Il a dû réfulter néceffairement de-là qu’au-
. cun Teinturier'n’a pu avoir une connoiffance générale de
… toutes les parties de fon art. J'ai trouvé cette difficulté, lor£
n qu'ayant été chargé par le Confeil de l'examen particulier
“ des tcintures, j'ai voulu m'inftruire fur cette matiére par le
ff Li ii
6 Juillet
.1737°
254 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
fecours des ouvriers ; j'ai été obligé de travailler long-témps
avec plufieurs d'entr'eux pour pouvoir parvenir à acquérir
les connoiflances de pratique qui m'étoient abfolument né+
ceflaires. |
Ce travail m'a donné lieu de faire une defcription exacte
de tout l'art de la Teinture, & cet ouvrage fera partie de la
defcription des Arts, entreprife par l'Académie, & dont une
grande partie eft déja executée ; mais comme ce Traité fur
la T'einture n'aura pour objet que la pratique de cet art, j'ai
cru pouvoir en détacher quelques obfervations de pure
théorie, dont la connoïiflance & l'examen pourront peut-être
donner lieu à quelques nouvelles découvertes en Phyfique,
ce qui ne peut arriver que très-difficilement lorfqu’elles ne
feront connuës que d'un petit nombre d'atifans qui n’ont
aucun intérèt à les poufier plus loin, & qui ne regardent
que comme une perte de temps réelle tout ce qui ne tend
pas à leur utilité particuliére.
L'idée qui fe préfente le plus naturellement à l'efprit pour
expliquer fa maniére dont un corps prend la couleur de a
teinture dans laquelle on le plonge, eft de penfer que les
parties colorantes qui nagent dans la liqueur, s'appliquent
immédiatement fur la furface du corps qu'on y plonge, &
y adherent fi fortement, qu'il y a des couleurs qu'on ne peut
plus enlever de defius les corps fur lefquels elles font appli-
quées, fans enlever ou détruire abfolument leur furface. Mais
il ne fufñt pas toûjours de plonger un corps blanc dans une
liqueur colorée pour teindre ce corps, il n'y a même qu'un
petit nombre de couleurs qui fe puiffent employer de la
forte, & les autres demandent que la matiére que l’on veut
teindre ait reçü une premiére préparation que les ouvriers
nomment bouillon. Ce bouillon eft pour l'ordinaire une diffo-
lution d'Alun & de‘ Fartre dans l’eau commune, on le fait
plus ou moins fort d’Alun, & on y fait bouillir 'étoffe plus
ou moins de temps fuivant la nuance ou la nature des cou-
leurs. Lorfque l’étoffe a été bouillie dans cette liqueur, elle
cit en état de recevoir la plüpart des couleurs ; je dis La
| DE S'U'SNEURE INUCE si 325$
4 plüpart, car pour le bleu elle n’a befoin d'aucune préparation,
.& pour l'écarlatte le bouillon fe fait fans alun, & d’une ma-
… mniére très-différente de toutes les autres couleurs.
La matiére fur laquelle la couleur doit être appliquée,
oblige aufli quelquefois à changer l'efpece du bouillon ou
mordant dont on doit fe fervir, & le plus habile Phyficien
qui n'auroit aucune connoiflance de l'art de la T'einture, fe-
roit vraïfemblablement fort furpris de voir que fi l'on plonge
dans la teinture écarlatte un écheveau de laine blanche & un
autre de coton blanc, quoiqu’ils ayent reçû l'un & l'autre le
même bouillon & les mêmes préparations, l'écheveau de
laine fortira de la chaudiére teint du plus beau couleur de
feu, tandis que celui de coton fera auffi blanc que lorfqu'il
y aura été mis ; l'artifan voit tous les jours ce prodige, &
fans réfléchir fur ce qu'il y a de furprenant dans cette opé-
+ ration, il s’en fert feulement pour teindre des bas de laine
en écarlatte, en y laiflant un coin blanc; il fuffit pour cela
que le coin foit de coton, & il demeure blanc, quoique le
refte du bas foit teint de la plus belle couleur.
Pour voir fi cela ne venoit pas de ce que le coton pre-
noit plus difficilement que la laine l'apprèt que nous avons
appellé douillon ; parce qu'en eflet il lui faut plus de temps
qu'à la laine pour fe mouiller & s’imbiber d’eau , j'ai fait faire
. une efpece de drap ou d’étoffe dont la chaîne étoit de laine
- & la trame decoton. Ayant fait mettre cette étofe au foulon,
toutes les parties, tant de laine que de coton, étoient exacte-
. ment mélées, en forte qu'il étoit impoñfible que les unes
. fuflent pénétrées du bouillon & de la couleur, fans que les
. autres le fuffent également. Avec toutes ces précautions
. d'effet a été le même que dans les expériences précédentes,
. les parties de coton font demeures blanches, & l’étoffe ef
… devenuë marbrée de couleur de feu & de blanc, en forte
À qu'on peut regarder comme un fait certain, que la couleur
. de la cochenille ne peut pas être appliquée fur le coton par
. de moyen des acides, & que par conféquent on né peut pas
_ s'en fervir pour le teindre en écarlatte, Je dirai la même
= ;
D!
256 MEmoireEs DE L'ACADEMIE RoyaLE
chofe du kermès & de la gomme-lacque qu'on peut fubfi-
tuer à la cochenille pour teindre la laine en écarlatte, mais
qui ne font pas plus d'effet lorfqu'on les employe fur le coton.
Ce n'eft pas qu'on ne puilie faire prendre fur le coton la
cochenille & ces autres matiéres colorantes, mais c’eft par
le moyen de l'alun, & alors fa couleur qui en réfulte el le
cramoifi, & la préparation eft à peu-près la même pour la
laine & pour le coton ; d'où il réfulte que ce n'eft pas la
matiére colorante qui ne peut s'appliquer fur le coton, mais
qu'il ne fçauroit être pénétré par l'acide nitreux, ou que s'il
le pénétre, il n’agit pas fur fes parties comme il fait fur celles
de fa laine. J'ai employé l'acide du fel marin, celui du vitriol
& celui du vinaigre ou du verjus, tous donnent avec la
cochenille une couleur tirant fur l'écarlatte, qui prend fort
bien fur la laine, mais qui ne fait aucun effet fur le coton.
On verra dans la defcription de la fabrique de la Toile
peinte, que j'ai lüe à l'Académie, & qui fait partie de F'art
de la Teinture auquel je travaille atuellement, plufieurs
exemples des changements qu'apporte à la même matiére
colorante la différence des apprêts ou mordants qu'on a pré-
cédemment appliqués fur la toile, car la cochenille ou a
garence, ou le mêlange de ces deux matiéres, donnent toutes
les nuances de rouge depuis le couleur de rofe jufqu'au rouge
le plus foncé, toutes les nuances de violet depuis le plus clair
jufqu'au noir, & toutes les nuances de pourpre fuivant a
nature de l’apprêt, tandis que ces mêmes matiéres ne font
qu'un rouge pâle & fale fur le fond de la toile qui n'a reçû
aucun apprêt, ce qui fait encore qu'elles font fi imparfaite-
ment attachées fur ce fond, qu’on en enleve facilement toute
la couleur, & qu'on parvient à lui donner la blancheur que
Jon voit aux toiles peintes les plus communes.
Un autre phénomene très-ordinaire dans la teinture, mais
qu'on obferve particuliérement dans la teinture en écarlatte,
& qui mérite grande attention, parce qu’il peut donner quel-
que idée de la maniére dont les parties colorantes de la ma-
tire s'appliquent {ur celles de l'étoffe, c'eft l'état dans lequel
demeure
DES SCIENCES. 257
demeure le bain de teinture lorfqu'il eft tiré, c’eft-à-dire,
lorfque l’étofte s’eft chargée de couleur autant qu’elle le peut
être : il n’y auroit rien d'étonnant que trempant un morceau
‘étoffe de laine dans une liqueur rouge & bouillante, elle
prit une couleur rouge femblable à celle de ce bain, c'eft ce
qu’on juge naturellement qu'il doit arriver, & ce qui arrive
en effet ; mais comme ce bain n’eft compolé que d’une eai
chaire, dans laquelle nagent des parties colorées, il doit perdre
de fa couleur à proportion de la quantité de ces parties colo-
rantes qui {e feront attachées à l’étoffe. C’eft ce qu’on obferve
dans prefque toutes les couleurs ; mais cela arrive dans l'écar-
latte d’une maniére plus fenfible que dans les autres couleurs,
car toutes les parties colorantes de la cochenille fe vont
appliquer fur la laine fans qu'il en refte la moindre apparence
dans la liqueur du bain, qui devient claire comme de l’eau
lor{qu'elle a bouiïlli environ une heure & demie, II femble
qu'on feroit moins furpris que l’étoffe prit une nuance pa-
reille à celle du bain, & qu'elle partageñt, pour ainfi dire,
avec la liqueur le nombre des parties colorantes, mais l’étoffe
retient toutes ces parties à mefure que le mouvement de Ia
liqueur les en approche, elles y adherent ff fortement , que
la mème liqueur continuant de bouillir, ne peut plus les
détacher, & qu’au contraire plus Iong-temps elle bout, &
lus elle perd de fes parties colorantes jufqu'à devenir fem-
blable à l'eau claire, comme nous l'avons dit.
On peut croire que c'eft la préparation que l’'étoffe a
reçüe précédemment, qui la met en état d'attirer, pour ainft
dire, ou du moins de retenir les parties colorantes de Îa
liqueur ; mais on fait quelquefois l'écarlatte en un feul bain,
&. alors l’étoffe n'a reçû aucune préparation, on la plonge
… feulement dans un bain compofé de cochenille, de difiolu-
tion d’étain affoiblie dans une grande quantité d’eau, d’un
… peu de felammoniac & de creme de tartre, teus ces ingré-
dients font mêlés enfemble lorfqu'on y plonge l'étofle, &
« Jorfqu'elle y a bouilli environ une heure & demie, toute la
“ couleur du bain a paflé dans l'etofte,
… _ Mem. 1737: KK
258 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYaLE
La même chofe arrive dans la cuve de paitel & dans celle
d'indigo pour la couleur bleuë, & mème dans la plüpart des
autres couleurs ; mais comme les ingrédients ne font pas fi
purs que la cochenille, & font mèlés pour l'ordinaire d'un
grand nombre de parties hétérogenes, le bain ne fe tire pas
à beaucoup près auffi exaétement, on le voit cependant très-
bien pour peu qu'on y fafle attention, & les Teinturiers qui
ont intérêt de tirer de leurs matiéres colorantes toute la cou-
eur qu'elles peuvent donner, ne manquent pas de prendre
de temps en temps quelque portion du bain qu'ils font tomber
de haut à l'oppofite du jour, pour juger de la quantité de
parties colorantes qui reftent encore dans le bain, & par
conféquent du temps que l'étoffe doit encore demeurer dans
la teinture.
L'expérience nous apprend que tous les ingrédients colo-
rants ne s'appliquent pas également à l'étoffe, & n'y adherent
pas avec la même force ; le paftel, l'indigo, la cochenille,
le kermes & plufieurs autres s'arrêtent à la furface de l'étoffe,
comme fi la force avec laquelle les parties de ces ingrédients
s'y appliquent, ne leur permettoit pas de pénétrer jufqu'au
fond de l'étoffe qui demeure blanc, ou très-légerement teint,
quoique la liqueur du bain y pénetre, & qu'elle foit égale-
ment mouillée dans toutes {es parties. Il eft vraifemblable
cependant que la tiflure ferrée de l'étofle fait l'office d'un
crible ou d'un tamis qui arrête à fa fuperficie les parties
colorées du bain, tandis que la liqueur feule & prefque déco-
lorée, pénetre jufqu'au fond de l'étofle, d'autant que cela
n'arrive qu'au drap, ou aux autres étoffes qui ont pañlé au
foulôn, & qui font fort ferrées ; mais la même cho/e n'arrive
pas à toutes les efpeces d'ingrédients colorants, & il y en a
plufieurs, comme l'écorce d'aune, la racine de noyer, la fuye,
le brou de noix, le fantal, &c. qui pénétrent jufqu'au fond
de l'étoffe, & la colorent également dans toutes {es parties.
Cela donne lieu de croire que les parties colorantes de ces
derniers ingrédients font plus déliées, ou peut-être plus inti-
mement mélées & plus adhérentes à la liqueur que celles de
DES SCIENCES. 259
la cochenille, de l'indigo, & des autres dont nous venons de
parler, en forte qu'elles font portées jufqu’au fond de l'étoffe,
& par-tout où la liqueur même peut pénétrer. Quelque fimple
que paroifle cette explication, elle n’eft pas abfolument fans
difficulté, car il eft bien difficile de concevoir que lorfque
- Yétoffe eft long-temps dans le bain, & que fa furface exté-
rieure eft aufli chargée de teinture qu’elle peut l'être, il ne
pafle pas jufqu’au fond quelque portion des parties colorées:
cela n'arrive cependant pas pour l'ordinaire, ainfi l'on pour
roit encore adjoüter à la raifon que nous venons de rappor-
ter, qu'il y a des ingrédients qui s’attachent avec tant de
force aux premiéres parties de 'étoffe qu'elles rencontrent,
que fi-tôt qu’elles les ont touchées, elles ne vont pas plus
loin, & ne pénétrent pas plus avant. Cette explication peut
encore être confirmée, fi l’on fait attention que ces mêmes
ingrédients que nous fuppofons avoir la plus forte adhérence
avec les parties de l'étofle, font ceux qui fe tirent le mieux
du bain, pour me fervir du langage des ouvriers, c'eft-à-dire,
dont le bain refle, après l'opération, le plus clair, ou le moins
chargé de couleur, ce qui femble indiquer que ces ingré-
dients ont moins d’adhérence avec l'eau qu'avec les parties
de la laine. On rendroit raïfon de la même maniére des ob+ |
fervations finguliéres que nous avons rapportées à l'égard
du coton & de la laine, mais j'avoue qu'une pareille expli-
cation laifle encore beaucoup à defirer, & je l’abandonnerai
fans peine fi l'on m'en propofe une qui foit plus vraifem-
blable ; il y a même lieu de croire qu'un examen bien exact
de l'effet des divers ingrédients employés avec différents mor-
dants fürune même étoffe, pourroit donner bien des lumiéres .
pour l'explication de ces faits, mais ce feroitun travail très-
confidérable, & je crois qu’il nous manque encore bien des
connoiflances pour en retirer tout le fruit qu’on pourroit en
attendre. Ep
Voici, par exemple, fur quoi il faudroit être parfaitement
“inftruit, Il y a des ingrédients qui réfiftent long-temps à
action de fair, & que par cette raifon on a rangés dans ka
KKk ij
#60 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
clafle du bon teint ; il y en a d'autres que la fimple expo-
fition à l'air efface & décolore en très-peu de jours, ce font
ceux que l'on a rangés dans la claffe du petit teint, ou du
faux teint. Comment doit-on expliquer l'effet de l'air fur ces
derniers ! L'air enleve-t-il es parties mêmes de ingrédient
coloré de deflus celles de l'étoffe, ou détruit-il feulement la
tiflure foible des parties de cette matiére, quoiqu'elle de- .
meure toûjours adhérente à l'étoffe ? C'eft ce qu'il paroît
aflés difhcile de décider par les expériences que nous avons
rapportées jufqu'à préfent, mais il y en a d'autres dont nous
allons rendre compte, & qui pourront peut-être éclaircir
cette difficulté.
Comme il arrive très-ordinairement que l’on employe
dans la teinture divers ingrédients mêlés enfemble & pour
former une feule & même couleur, on pourroit croire que
joignant une matiére bonne & folide avec une autre dont la
couleur eft de faux teint, la bonne retient l'autre fur l’étofle
plus long-temps qu'elle n’y demeureroit fi elle y étoit appli-
quée toute feule ; plufieurs ouvriers font même dans ce fen-
timent, & prétendent qu'une fauffe couleur peut être aflürée
& rendue folide par le mêlange d’une bonne, mais j'ai re-
connu par un grand nombre d'expériences, que le fait n’eft
pas véritable, & qu'une faufle couleur fe pañle auffi | prompte-
ment à l'air lorfqu’elle eft mêlée avec une bonne*que lorf
qu'elle eft employée feule. Il n’y a pas beaucoup de couleurs
für lefquelles on puiffe faire ces fortes d’expériences , parce
qu’il faut qu'elles foient aflés différentes entre elles pour que
Yaltération de l’une foit fenfible à l'œil malgré Ja folidité &
la permanence de l'autre. J'ai choifi pour cet effet la couleur
verte, qui eft, comme on le fçait, le produit d’un mélange
de jaune & de bleu, & je vais rendre compte de quelques
obfervations que j'ai faites fur ce mélange, qui m'ont paru
aflés finguliéres.
Je me fuis toûjours fervi pour le bleu, de paftel, de voüede
ou d’indigo , c'eft-à-dire, du bleu de bon teint, & pour le
verdir j'ai employé tantôt des jaunes de bon teint, comme
DIE sir SAC ILE: N:C2HE 5 26
la gaude, la farette, la geneftrolle, le bois jaune & le fenu-
grec; & tantôt des ingrédients de faux teint, comme la graine
d'Avignon, la terra merita, le fuftet, le fafran & le roucou.
Lorfque je me fuis fervi de jaune de bon teint, la couleur a
toûjours été bonne & folide, foit qué j'aye commencé par
teindre l'étoffe en bleu, & la pañler enfuite en jaune, ou que
Jaye commencé par le jaune & fini par le bleu , ainf cette
opération ne m'a rien appris par rapport à mon objet; mais
lorfque je-me fuis fervi de jaune de faux teint, il en a réfulté
des effets auxquels il femble que naturellement on ne devroit
pas s'attendre.
Comme il eût été très-difficile d'apporter dans ces expé-
riences toute l'exactitude qui y eft néceflaire en expofant ces
couleurs à l'air, parce que la différente température de l'air
peut altérer plus ou moins les couleurs, quoiqu'elles y foient
expofées pendant un temps égal, j'ai pris le parti de faire mes
épreuves par le débouilli. Sans entrer dans le détail de cette
opération, qu'on trouvera expliquée fort au long dans mon
Aït de la T'eïnture, je dirai fimplement ici que dans le cas
particulier des couleurs dont je me fuis fervi, elles perdoient
en bouillant pendant cinq minutes dans une pinte d’eau
chargée de quatre gros d’alun , ce qu'elles auroient perdu par
Yexpofition à l'air pendant douze jours d'été ; d’autres cou-
leurs demandent des épreuves différentes, mais celle-là eft
celle qui m'a le mieux réuffi pour toutes les nuances de bleu,
de jaune, de rouge & de verd; & comme ce font-là les
feules couleurs dont il eft maintenant queftion, je ne parlerai
pas des autres maniéres d’éprouver les différentes couleurs.
- Je me fuis arrêté au verd & au pourpre par cette même
raifon, afin que le même débouilli me pût fervir également
pour les unes & pour les autres, & qu’il y eût par ce moyen
dans toutes les expériences autant d'égalité qu'on pouvoit le
defirer. Le pourpre étant compofé de rouge & de bleu,
comme le verd left de jaune & de bleu, il m'a fallu chercher
des moyens de faire chaque couleur primitive ou compo-
fante d'une même nuance; c'eft à quoi je ne parvenu en
iij
563 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Httant chaque morceau d'étoffe, c'eit-à-dire, en couvrant une
partie que je ferrois fortement entre deux petites lames de
bois avant que de la mettre à h teinture; le deflous de ces
lames demeuroit blanc, ou de la premiére couleur qui avoit
été donnée à l'étofle, tandis que le refte prenoit la couleur
du bain. Les ouvriers font obligés par les Réglements, de fe
fervir d’un moyen à peu-près femblable pour faire voir que
dans les couleurs compofées ils ont employé celles qui leur
font prefcrites, & ils fe fervent pour cela d'une corde groffe-
comime le petit doigt, qu'ils coufent fortement für le bord
de la liziére qui touche immédiatement l'étofie, c'eft cette
opération qu'on appelle Æster, & mes petites tringles ou re-
gles de bois faifoient le même effet, fr ce n’eft que je les
pouvois appliquer avec plus de régularité. Voici à quoi elles
m'étoient utiles : je voulois faire deux échantillons de pour-
pre, par exemple, dont l'un eût été mis d'abord en bleu, &
Fautre en rouge, & qui fuffent parfaitement femblables pour
la nuance, je ne pouvois y parvenir fans conferver fur l'étoffe
une partie blanche pour que la feconde couleur püût y être
vûe diftinétement, & que je fufle en état de ne la pas faire
plus forte ou plus foible qu'elle ne devoit être pour être
aflortie à l’autre échantillon. J'obmets encore plufieurs autres
petites précautions que j'ai été obligé de prendre, & je fuis
même fâché de n'avoir pü me difpenfer d'entrer dans le détail
de celles que je viens de rapporter, mais on auroit pü croire
que j'aurois négligé quelques circonftances qui pouvoient
mériter attention. J'ai donc teint deux morceaux de drap en
verd, & deux autres en pourpre ; les deux verds étoient par-
faitement femblables, & à l'un le bleu étoit mis le premier,
au lieu qu’à l'autre c'étoit le jaune. Les deux pourpres étoient
auffi de la même nuance, & lun étoit teint en rouge d’abord,
& enfuite en bleu, au lieu que l'autre avoit reçü le bleu le
premier. Dans l'une & l'autre de ces expériences fe bleurétoit
de bon teint, comme nous l'avons déja dit, & le jaune de
même que le rouge étoit de faux teint.
On ne fera point furpris que le verd & le pourpre, qui
DIE Sy-HONCNT UE N- G -E::S5 263
ont été d'abord teints en bleu, & enfuite rougis Où jaunis
avec des ingrédients de faux teint, foient redevenus bleus par
le débouilli, puifqu'il doit avoir emporté le jaune ou le rouge
qui font, ou peu folides par eux-mêmes, ou foiblement ad-
hérents, & qui étant appliqués fur le bleu, n'y tiennent pas
avec plus de force qu'ils feroient fur l'étoffe qui n’auroit reçû
précédemment aucune teinture ; mais lorfque le rouge ou le
* jaune ont été d'abord appliqués fur l'étoffe dont ils fémblent
avoir couvert toutes les parties, & qu'enfuite on vient à Y
appliquer le bleu, il femble que le bleu n'étant appuyé que
fur les parties peu adhérentes du jaune ou du rouge, doit
n'avoir pas plus de folidité que ces couleurs, & qu'il doit être
emporté avec elles par l’action du débouilli; ou que fi par fa
nature il s'attache à l’étoffe fans pouvoir être enlevé, il doit
y retenir les parties du jaune ou du rouge qui y font plus
immédiatement appliquées qu'il ne peut l'être, puifqu'elles
y ont été placées les premiéres ; cependant rien de tout cela
m'arrive, & les chofes ne fe paflent pas autrement qu'il arri-
veroit {1 chacune de ces couleurs étoit mile féparément fur
différentes étoffes ; car le débouilli d’alun emporte Îe rouge
& le jaune qui ont été couverts par le bleu avec autant de’
facilité que ceux qui n’ont été mis qu'après que létoffe à
reçû le pied de bleu. H en arrive de même par l'expofition à
Vair ; mais il eft plus difficile, comme nous l'avons déja re-
marqué, de s’affürer de la parité de l'expérience, au lieu qu'en
faifant débouillir les deux échantillons dans te même bain,
on peut être certain que ce genre d'épreuve eft égal pour l'un
& pour l'autre.
IL faut avouer que ce phénomene eff très-difficile à expli-
quer, car il femble que le jaune, par exemple, ne s'applique
4 pas fur toutes les parties de l'étoffe, qu'il en refte qui demeu-
. rent entiérement blanches, & que le bleu s'applique enfuite
fur ces derniéres, en forte que le verd ne réfulte que de
Yapproximation des parties bleues & des parties jaunes,
comme le pourpre de celle du bleu & du rouge. Quelques
expériences peuvent donner du poids à cetie conjecture; car
264 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
fi on mêle enfemble de a laine bleue & de la laine jaune,
toutes deux en toifon, & fans être filées, qu'on les carde
enfemble, qu’on les file, qu'on en fafle une étoffe qui pate
enfuite au foulon, & foit apprêtée comme un drap ordinaire,
cette étoffe fera verte, & d'un verd plus ou moins foncé,
fuivant a proportion qu'on aura mife entre la quantité de
laine jaune & celle de laine bleue, c’eft ce que j'ai éprouvé,
& la même chofe arrive fans doute par le mélange du bleu :
& du rouge, duquel il doit par la même raifon réfulter une
couleur pourpre. Divers exemples pris de la Peinture, peu-
vent encore appuyer cette opinion; car il eft certain que
lorfque pour peindre on mèle enfemble diverfes terres, pierres
ou fables colorés, on ne fait que mettre, les unes auprès des
autres, des parties de différentes couleurs, fans qu’il fe fafle
aucun changement réel dans la tiflure de ces mêmes parties,
ainfi on pourroit croire qu'il arrive à peu-près la même chofe
dans la teinture, & que l'action de l'air, ou celle de falun,
emporte & détache de l'étoffe les parties des ingrédients
rouges ou jaunes de faux teint, tandis qu’elle ne fait rien fur
celles de lindigo, qui font ou plus folides par elles-mêmes,
ou plus fortement adhérentes à l'étoffe.
Voilà l'idée qu’on peut fe former fur cette opération, mais
il faut pour cela que les parties jaunes ou rouges foient appli-
quées fur des parties de la laine autres que celles fur lefquelles
doivent s'appliquer dans la fuite les parties de l’indigo ; c’eft
ce qui eft affés difficile à concevoir, mais qu'il me paroît
cependant néceffaire de fuppofer fi fon adopte cette expli-
cation.
Une expérience très-connue m'a fait naître encore une
autre idée qui, à quelques égards, paroît fouffrir moins de
difficulté, mais qui n’en eft pas cependant exempte. On fçait
que fi l'on regarde les objets à travers un Verre bleu appli-
qué fur un Verre jaune, tous les objets paroîtront verts; ff
les rayons de fumiére tombent fur un affemblage de deux
pareils Verres, le trait de lumiére fera vert. On pourroit penfer
qu'il arrive à peu-près la même chofe dans notre expérience;
les parties
DES SCIENCES. 26:
les parties colorées des mixtes que l'on employe, font infi-
niment minces & déliées, on en peut conclurre qu'elles font
tranfparentes, & ce que nous connoiflons des corps les plus
opaques, nous conduit à en tirer cette conféquence; on peut
donc juger que la couleur jaune feroit vüe à travers les parties
mêmes de la couleur bleue, & qu'il en réfute du verd comme
dans l'expérience des deux plaques de verre : il eft certain de
plus que l’action de l'air agit à travers les corps tranfparents.
Entre plufieurs exemples que je pourrois citer, je parlerai
feulement d’un rideau de taffetas cramoifi faux qui avoit de-
meuré Jong-temps étendu derriére une fenêtre, toutes les
parties qui étoient vis-à-vis les carreaux de verre, étoient
entiérement décolorées, tandis que celles qui répondoient au
bois du chaflis, étoient beaucoup moins pafées ; il y avoit
encore quelque chofe de plus, c'eft que la foye même étoit
prefque détruite dans les parties décolorées, & que le rideau
fe déchiroit avec la plus petite force en ces endroits-là, tandis
qu'onlduitrouvoit à peu-près la force ordinaire dans {es autres
endroits. Quoique cette derniére obfervation fur la deftruc-
tion de Vétoffe, n'ait pas de rapport avec l'autre, j'ai cru
devoir la rapporter pour donner un exemple fingulier de
Yeffet de la lumiére du jour & de l’action du foleil ; c’eft M.
de Fouchy qui m'a fourni le fujet de cette remarque. On
ourroit donc croire que lorfque le rouge ou le jaune font
de faux teint , ils font effacés & détruits par l'action de l'air
ou de la lumiére à travers les parties mêmes du bleu, qui
étant plus folides, ne font pas füujettes à une femblable aité-
ration, & ne font ici l’ofhce que d’un verre bleu qui feroit
pofé fur une étoffe jaune ou rouge.
» Si l'on trouve cette explication plus vraifemblable que la
premiére, par rapport à laétion de l'air, if n'en fera peut-être
as de mème lorfqu'on en voudra faire l'application à l'effet
du débouilli d'alun ; car fi le jaune eft réellement couvert par
le bleu, on aura peine à concevoir que les parties acides de
alun puiflent agir à travers ce bleu pour aller détruire ou
déranger les parties jaunes qui font deffous; if faut pour cela
Men. 1737: EI
266 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
que les gaies falines foient portées immédiatement fur le
jaune, fans quoi il ne paroiït pas poflible qu'il puifle y avoir
une action réelle, 1 y a plus, & il ne fufhit pas que l'acide
de l'alun pointille, pour ainfi dire, & incife les parties jaunes
à travers les petits pores qu’on peut fuppoler à cet eflet entre:
les parties bleues, il faut que le jaune foit réellement détaché
& enlevé de deflus l'étoffe, car la diflolution d’alun devient
jaune à melure que l'étoffe pafle du verd au bleu; ce qui
prouve que ce n'eft pas une fimple deftruétion du jaune
réfultante du dérangement de fes parties, mais qu'elles font
arrachées de deflus le drap, & qu’elles paffent enfuite dans l&
liqueur du bain , c’eft ce que ce fait ne permet pas de révo-
quer en doute.
Ji faut donc néceflairement en revenir à dire que les par-
ties du bleu laiffent entr’elles des interftices, des pores affés
confidérables pour que la diflolution d’alun pañle à travers,
& atteigne juiqu’aux parties jaunes ; il faut de plus que les.
parties jaunes puiflent pañler dans ces mêmes interftices, puif-
qu'elles fe trouvent enfuite dans la liqueur ; mais ce n’eft pas
encore tout, & il faut encore qu'il ne refte aucune partie
jaune fous les parties bleues, fans quoi il refleroit certaine-
ment une teinte verte à l’étoffe à caufe de la tranfparence
qui eft une fuite néceflaire du peu d'épaifleur des parties
bleues ; fi cela eff, il faudra en conclurre que lorfque l’étoffe
a été premiérement teinte en jaune, les parties de cette cou-
leur n'ont pas couvert toutes celles de l'étofle, qu'elles ne
fe touchoient pas immédiatement, & qu'elles ont laïflé entre
elles des intervalles qui ne peuvent être caufés que par la
forme des parties intégrantes du corps colorant, qui ef telle,
qu'elles ne peuvent fe toucher dans tous leurs points, & qu’il
doit refter néceffairement des efpaces vuides, & ce font ces
efpaces qui feront dans la fuite occupés par les parties bleues,
dont la forme particuliére empêche pareillement le contaét
immédiat entr'elles dans tous leurs points.
Suivant cette hypothefe, on ne trouvera plus de difficulté
dans explication des faits que nous venons de rapporter,
DES SCIENCES. 267
mais l’hypothefe doit encore aller plus loin, & ce que nous
avons dit du mélange de deux couleurs, fe doit entendre du
mélange de plufieurs , car lorfque le jaume & le bleu font
appliqués fur une même étoffe, & qu'il en réfulte du verd,
on peut encore y placer le rouge, il faut donc qu'il fe trouve
des parties dénuées de toutes couleurs pour recevoir ces par-
ties rouges. M ne faut pas croire néantmoins Ans doive aller
de la forte à l'infini ; car il fuffit peut-être de ces trois cou-
leurs-là, & {l'on examine bien la fuite des couleurs du Prifme,
on verra que les fept qui font vûes diftinétes l’une de l’autre
dans le fpeétre coloré, fe peuvent réduire à trois couleurs
primitives, mais cet examen nous jetteroit maintenant dans
un trop long détail, & nous le réfervons pour un autre ou-
vrage : nous adjoûterons feulement que ces trois couleurs font
appellées matrices ou primitives dans l'art de la T'einture, parce
que toutes les autres peuvent dériver de leur mélange & de
leur combinaifon , & qu'elles ne peuvent être produites ou
compofées par le mélange d'aucune des autres ; que de plus
on a vû, il y a plufieurs années en France, des Tableaux faits
par le S.' le Blon, qui les imprimoit für du papier au moyen
de trois planches de cuivre gravées, chacune defquelles por-
toit l’une de ces trois couleurs, rouge, bleu , ou jaune, & du
mélange defquelles réfultoient toutes les nuances & toutes les
couleurs dont la nature nous peut fournir l'idée. On a même
fait des étoffes tifluës fur le même principe, & le fuccès
qu'elles ont eu, s'accorde parfaitement avec l'effet des Ta-
bleaux imprimés. Le S.' le Blon a fait depuis imprimer en
François & en Anglois un petit Traité intitulé l Æarmonie du
Coloris dans la Peinture réduite en pratique, où il donne une
idée du fyfteme des trois couleurs.
| L'application de ce principe au noir & au blanc demande
un travail particulier & plufieurs expériences, mais les Phyfi-
ciens n'auront pas de peine à croire que cet examen doit
. conduire à la confirmation de l'hypothefe que je viens de
propofer, & qui confifte feulement à dire que toutes les
couleurs de la Nature fe peuvent réduire aux trois que nous”
LI i
268 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
avons établies (car celle qui eft connue des T'einturiers pour
la quatriéme primitive fous le nom de fauve, peut être re-
gardée comme une nuance du jaune) que les parties inté-
grantes de ces trois couleurs, ou plütôt des corps dans lefquels
elles réfident avec le moins de mêlange, font figurées de forte
qu'elles ne peuvent fe toucher fans laïfler entr'elles des efpaces
propres à recevoir les autres, & qu'enfin s'il n’y a pas dans
la Nature un plus grand nombre de couleurs primitives, c'eft
qu'il n'y a que ces trois configurations de parties qui fe
puiffent placer entre les pores les unes des autres de la ma-
niére néceflaire pour réfléchir à nos yeux les différents rayons
qui compofent la Lumiére,
DES SCIENCES. 269
REGLES POUR CONNOISTRE L'EFFET
qu'on doit efpérer d'une Machine.
Par M. PiTor.
Es avantages & les fecours infinis qu’on retire des Ma-
chines, portent quantité de perfonnes à en inventer de
nouvelles, mais la plüpart de ces perfonnes n'étant que peu
ou point au fait des vrais principes des Méchaniques, on ne
doit pas être furpris fi parmi le gïand nombre des Machines
nouvelles qu'on propofe tous les jours, il s'en trouve fi peu
de bonnes & d’utiles.
Dès qu'un Machinifle fans principe croit avoir inventé
une Machine nouvelle, capable de faire un grand effet, l'ex-
trême envie qu'il a de réufflir, fait qu'il n’examine plus fi cet
effet eft poflble, il pafle par deffus tous les inconvénients;
T'amour propre, la gloire, & fouvent l'envie de gagner & de
faire fortune, le perfuadent entiérement de la réuffite de 1a
Machine. S'il demande l'avis des perfonnes capables de le
détromper, c’eft à condition qu'on fera de fon fentiment,
fans cela il en accufe l'envie, & croit qu’on veut lui ravir un
bien réel. Enfin, étant pleinement perfuadé, il execute fa
Machine, il fait de la dépenfe; c’eft encore beaucoup fi après
le mauvais fuccès, il reconnoît fa faute, & s’il avoue qu'il a
fuivi trop légerement fes idées mal digérées.
C'eft pour tâcher d'éviter au moins une partie de ces in-
convénients, que je propofe une Méthode aifée de recon-
noître par un Calcul numérique très-fimple, le plus grand
effet ou produit qu’on doit efpérer d’une Machine. Voici en
quoi confifte cette Méthode.
Dans toutes les Machines il y a quatre quantités à confi-
dérer.
La premiére ef la puiffance ou la force motrice qui meut
la Machine ; cette force peut étre tirée des hommes ou des
LI ji
23 Novemb.
1
1737
270 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
chevaux, ou de l'impulfion d'un fluide, comme l'eau, le vent,
& même le feu.
La féconde quantité, c’eft la viteffe ou le chemin de la
force motrice dans un temps donné.
La troifiéme eft la force de la réfiftance, ou du poids mû
par la Machine.
Et la quatriéme, c’eft la vitefle ou le chemin de ce poids
dans le mème temps donné.
De ces quatre quantités, le produit des deux premiéres eft
toûjours égal au produit des deux derniéres, ces produits
étant les quantités de mouvements. Or par le principe fon-
damental des Méchaniques, dans toute Machine les quantités
de mouvements font toüjours égales ; c’eft de l'égalité par-
faite de ces deux produits ou des quantités de mouvements,
qu'on peut déterminer par des regles très-fimples le plus grand
effet de toutes les Machines, car trois de ces quantités étant
connuës & données, on trouvera la quatriéme. Si, par exem-
ple, la force & le chemin de la puiffance font données avec
le chemin de la réfiftance, alors la premiére, {a feconde &
la quatriéme quantité feront connuës ; d’où l'on trouvera Îa
troifiéme ou la force de la réfiftance, en divifant le produit
des deux premiéres quantités par la quatriéme, le quotient
donnera là force de la réfiflance, ou la valeur du poids mû
par la Machine. Maïs voici l'application de ces regles que nous
nous fommes propolés de faire aujourd’hui, afin d'éviter, s'il
eft poffible, que le Public ne {oit pas féduit par des promeffes
trop magnifiques. Les Nouvelles & les Gazettes ont annoncé
au Public une Machine pour l'élévation des Eaux, dont l'effet
doit être infiniment au defius de ce que Îles Machines ordi
naires ont produit jufqu'à préfent. On propofe cette Machine
pour donner de l'Eau à la Ville de Paris, & on ne craint point
d'avancer qu’elle élevera à la hauteur de 1 3 0 pieds la quan-
tité de plus de 100 mille muids d’eau par chaque jour ; mais
on ne dit rien du moteur ou agent néceflaire pour faire agir
une Machine capable d’un tel effet, c’eft-[à cependant par où
on doit toüjours commencer; car peut-on juger des avantages
DES SCHENCES. 2974
d'une Machine, fans comparer fon produit avec la dépenfe
néceflaire pour la faire agir?
. Le modelle en grand de fa Machine dont nous parlons,
éleve de l'eau à 2 1 ou 2 2 pieds de hauteur ; elle eft mûe par
la force des hommes. Voyons donc quel feroit le nombre des
hommes ou le nombre des chevaux qu'il faudroit appliquer
à cette Machine pour la rendre capable d'élever r00 mille
muids d'eau par jour à {a hauteur de r 30 pieds. Un muid
d’eau pefe environ 5 60 livres, ainfi le poids total des ro0
mille muids eft de $ 6 millions de livres, lequel étant divifé
par 86400, nombre des fecondes du temps contenuës dans
un jour ou 24 heures, on aura 648 livres d’eau que la Ma-
chine doit donner à chaque feconde. Voilà la valeur du poids
mû par {a Machine, ou la troifiéme quantité de notre regle.
Le chemin de ce poids eft de r 3 0 pieds, puifque la Machine
doit élever l'eau à cette hauteur, ce qui eft la quatriéme
quantité. Enfin le chemin de la puiflance, ou la vitefle de {a
main des hommes ou du pas des chevaux qui meuvent une
Machine, eft tout au plus de 3 pieds par feconde, ce qui eft
la feconde quantité. Multipliant à préfent la troifiéme quan-
tité par la quatriéme, ou 648 par 1 30, on aura la quantité
demouvements de 84240 livres, laquelle étant divifée par:
la feconde quantité ou par 3 , le quotient 28080 livres fera:
la valeur de la puiflance ou du moteur néceffaire pour faire
agir la Machine. On eftime communément la force des hom-
mes de 2 5 livres, & celle des chevaux de 175, ainfi divifant
28080 par 25, le quotient 1123. fera le nombre des.
hommes néceffaires pour mouvoir & faire aller {a Machine,
& de même divifant 28080 par 175$, le quotient 160
fera le nombre des chevaux, le tout en fuppofant la Machine
la plus parfaite qu’il foit poflble, & fans frottement ; d'où:
Yon voit évidemment qu’à caufe des imperfections & des:
frottements inévitables pour faire agir une Machine capable
de donner r 00 mille muids d'eau en. 24 heures, il y faudroit
appliquer à la fois la force de 1 4 ou 1 $ cents hommes, ow
celle de 200 chevaux ; & de plus.ces hommes ou ces chevaux:
272 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE
pourroient-ils travailler 24 heures de fuite? I faudroit, pour
un travail continu, doubler, & même tripler, le nombre des
hommes & des chevaux ; ainfi on peut dire qu'il faudroit,
pour le fervice de cette Machine, environ 4000 hommes
ou 600 chevaux. Peut-on à préfent ne pas convenir que
pour faire faire un grand effet à une Machine, il faut un
moteur puiflant & proportionné ? Mais fi l'on fe fait illufion,
en fe flattant de faire un grand effet avec un moteur mé-
diocre ; fi l'on veut, pour ainfi dire, que l'effet foit plus grand
que fa caufe, on peut alors fe promettre tout ce qu'on voudra
de l'effet d'une Machine, comme de donner des Eaux abon-
damment aux plus grandes Villes, de deffécher les Marais,
d’épuifer les Eaux des Mines, des Baflins, des Ports de Mer,
de tranfporter les Eaux d’une ou de plufieurs Riviéres d'un
terrain fur l'autre, de remplir les Eclufes des Canaux de
Navigation. Toutes ces belles promefles font annoncées au
Public dans les Gazettes & les Nouvelles Littéraires. Mais if
y a plus; on veut, au moyen de cette Machine, élever les
Eaux d’un Puits, afin de fe fervir enfuite de ces mêmes Eaux
pour faire aller des Moulins à Bled, à Foulon, à Tan, à Sucre,
à Papier, &c. fans faire attention qu'à caufe de la profondeur
du Puits, on perdroit la plus grande partie de la force em-
ployée, &.qu'au lieu d'appliquer cette force à élever l'Eau
d’un Puits, on feroit infiniment mieux de l'appliquer aux
Moulins mêmes ; car enfin ne pourroit-on pas auffi fe fervir
de l'Eau élevée du Puits pour faire agir la Machine? & alors
l'Eau fe puiferoit elle-même, & on auroit le mouvement.
perpétuel.
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OBSERVATIONS
RL)
DES SCIENCES « 273
LA
OBSERVATIONS
Des différents effets que produifent fur les Végétaux,
les grandes gelées d'Hiver 7 les petites gelées
du Printemps.
Par M pu HMMEL & DE BUFFON.
À Phyfique des Végétaux qui conduit à la perfection
de l'Agriculture, eft une de ces fciences dont le progrès
ne S’'augmente que par une multitude d’obfervations qui ne
peuvent être l'ouvrage ni d’un homme feul, ni d’un temps
borné. Auffr ces obfervations ne paflent-elles gueres pour
certaines que lorfqu'’elles ont été répétées & combinées en
différents lieux, en différentes faifons, & par différentes per-
fonnes qui ayent eu les mêmes idées. Ca été dans cette vûe
que nous nous fommes joints, M. de Buffon & moi, pour
travailler de concert à l’éclairciffement d’un nombre de phé-
nomenes difficiles à expliquer dans cette partie de l’hifloire
de Ja Nature, de la connoiffance defquels il peut réfulter une
infinité de chofes utiles dans la pratique de l'Agriculture.
L'accueil dont l’Académie a favorifé les prémices de cette
affociation ; je veux dire, le Mémoire formé de nos obfer-
vations fur l’excentricité des couches ligneufes, fur l'inégalité
de Yépaïfleur de ces couches, fur les circonftances qui font
. que laubier fe convertit plûtôt en bois, ou refte plus long-
temps dans fon état d’aubier; cet accueil, dis-je, nous a
encouragés à donner également toute notre attention à un
autre point de cette Phyfique végétale, qui ne demandoit pas
moins de recherches, & qui n’a pas moins d'utilité que le
premier.
La gelée eft quelquefois fi forte pendant l'hiver, qu’elle
détruit prefque tous les Végétaux, & la difette de 1709 eft
une époque de ces cruels effets.
Mem. 1737: Mrm
4 Mai
1737
274 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Les grains périrent entiérement. Quelques efpeces d'arbres,
comme les Noyers, périrent auffi fans reflource ; d’autres,
comme lesOliviers, & prefque tous les arbres fruitiers, furent
moins maltraités, ils repouflerent de deflus leur fouche,
leurs racines n'ayant point été endommagées. Enfin plufieurs
grands arbres plus vigoureux pouflerent au printemps pref-
que fur toutes leurs branches, & ne parurent pas en avoir
beaucoup fouffert. Nous ferons cependant remarquer dans
la fuite les dommages réels & irréparables que cet hiver leur
a caufé,
Une gelée qui nous prive des chofes les plus. néceffaires
à la vie, qui fait périr entiérement plufieurs efpeces d'arbres
utiles, & n’en laifle prefque aucun qui ne fe reffente de fa
rigueur , eft certainement des plus redoutables ; ainfi nous
avons tout à craindre des grandes gelées qui viennent pen-
dant l'hiver, & qui nous réduiroient aux derniéres extré-
mités fi nous en reflentions plus fouvent les effets, mais
heureufement on ne peut citer que deux à trois hivers qui,
comme celui de l'année 1709, ayent produit une calamité
fi générale.
Les plus grands defordres que caufent jamais les gelées du
printemps, ne portent pas, à beaucoup près, fur des chofes
auffi effentielles , quoiqu'elles endommagent les grains "&
principalement le Seigle lor{qu'il eft nouvellement épié & en
lit, on n’a jamais vû que cela ait produit de grandes difettes.
Elle n'affecte pas les parties les plus folides des arbres, leur
tronc ni leurs branches, mais elle détruit totalement leurs
produétions, & nous prive des récoltes de vins & de fruits,
& par la fuppreffion des nouveaux bourgeons elle caufe un
dommage confidérable aux Forêts. ;
Ainfi quoiqu'il y ait quelques exemples que la gelée
d'hiver nous ait réduits à manquer de pain, & à ètre privés
pendant plufieurs années d'une infinité de chofes utiles que
nous fourniffent les végétaux, le dommage que caufent les
gelées du printemps, nous devient encore plus important,
parce qu'elles nous affligent beaucoup plus fréquemment ;
x
DES SCIENCES. 27$-
car comme il arrive prefque tous les ans quelques gelées en
cette faifon, il eft rare qu’elles ne diminuent nos revenus.
À ne confidérer que les effets de ta gelée, même très-
fuperficiellement, on apperçoit déja que ceux que produifent
les fortes gelées de l'hiver, font très-différénts de ceux qui
font occafionnés par les gelées du printemps, puifque les unes
attaquent le corps même & les parties les plus folides des
arbres, au lieu que les autres détruifent fimplement leurs pro-
ductions, & s’oppofent à leurs accroiflements. C’ef ce qui
fera plus amplement prouvé dans la fuite de ce Mémoire.
Mais nous ferons voir en même temps qu'elles agiffent
dans des circonftances bien différentes, & que ce ne font pas
toûjours les terroirs, les expofitions & les fituations où l'on
remarque que les gelées d'hiver ont produit de plus grands
defordres, qui fouffrent le plus des gelées du printemps.
On conçoit bien que nous n'avons pü parvenir à faire cette
diftinétion des effets de la gelée, qu’en raffémblant beaucoup
d'obfervations, qui rempliront HR plus grande partie de ce
Mémoire. Mais {éroient-elles firmplement curieufes, & n’au-
roient-elles d'utilité que pour ceux qui voudroient rechercher
la caufe phyfiqué de la gelée ? Nous efperons de plus qu’elles
feront profitables à l'Agriculture, & que fi elles ne nous
mettent pas à portée de nous garantir entierement des torts
que nous fait la gelée, elles nous donneront des moyens pour
en parer une partie : c'eft ce que nous aurons foin de faire
fentir à mefure que nos obfervations nous en fourniront
loccafion. I faut donc en donner le détail , Que nous com-
mencerons par ce qui regarde les grandes gelées d'hiver, nous
parlérons enfuite des gelées du printemps.
Nous ne pouvons pas raifonner avec autant de certitude
des gelées d'hiver que de celles du printemps, parce que,
comme nous l'avons déja dit, on eft aflés heureux pour
n'éprouver que rarement leurs trifles effets.
La plüpart des arbres étant dans cette faïfon, dépouillés de
fleurs , de fruits & de feuilles, ont ordinairement leurs bour-
geons endurcis, & en état de füpporter des gelées aflés fortes,
Mn ij
276 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
à moins que l'été précédent n'ait été frais ; car en ce cas les
bourgeons n'étant pas parvenus à ce degré de maturité que
les Jardiniers appellent aoûves, ils font hors d'état de réfifter
aux plus médiocres gelées d'hiver : mais ce n’eft pas l'ordi-
naire, & le plus fouvent les bourgeons meurifient avant
l'hiver, & les arbres fupportent les rigueurs de cette faifon
fans en être endommagés, à moins qu’il ne vienne des froids
exceffifs joints à des circonftances ficheufes dont nous par-
lerons dans la fuite.
Nous avons cependant trouvé dans les Forêts beaucoup
d'arbres attaqués de défauts confidérables qui ont certaine-
ment été produits par les fortes gelées dont nous venons de
parler, & particuliérement par celle de 1709; car quoique
cette énorme gelée commence à être aflés ancienne, elle a
produit dans les arbres qu’elle n’a pas entiérement détruits,
des défauts qui ne s’effaceront jamais.
Ces défauts font 1.” des gerces qui fuivent la direction
des fibres, & que les gens de Forêts appellent des gelivéres.
2.° Une portion de bois mort renfermée dans de bon bois
ce que quelques Foreftiers appellent la ge/ivére entrelardee,
Enfin le double aubier, qui eft une couronne entiére de
bois imparfait, remplie & recouverte par de bon bois, if
faut détailler ces défauts, & dire d’où ils procedent. Nous
allons commencer par ce qui regarde le double aubier.
L’aubier eft, comme l’on fçait, une couronne ou une
ceinture plus ou moins épaifle de bois blanc & imparfait,
qui dans prefque tous les arbres fe diftingue aifément du bois
parfait qu'on appelle le cœur, par la différence de fa couleur
& de fa dureté, I fe trouve immédiatement fous l'écorce, &
il enveloppe le bois parfait qui dans les arbres fains eft à
peu-près tout de la même couleur depuis la circonférence
jufqu'au centre. Mais dans ceux dont nous voulons parler,
le bois parfait fe trouve féparé par une feconde couronne de
bois blanc, en forte que fur la coupe du tronc d’un de ces
arbres on voit alternativement une couronne d’aubier, puis
une de bois parfait, enfuite une feconde couronne d’aubier,
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D E sr SC 1 EN CE Ss 277
& enfin un maffhf de bois parfait. Ce défaut eft plus ou
moins grand, & plus ou moins commun, felon les différents
terreins & les différentes fituations:: dans les terres fortes &
dans le touffu des Forêts il eft plus rare & moins confidérable
que dans les clairiéres & les terres légeres.
A la feule infpeétion de ces couronnes de bois blanc, que
nous appellerons dans la fuite le faux aubier, on voit qu'elles
font de mauvaife qualité ; cependant pour en être plus cer-
tain, M. de Buffon en à fait faire plufieurs petits foliveaux
de deux pieds de longueur fur neuf à dix lignes d'équarriffage,
& en ayant fait faire de pareils de véritable aubier, il a fait
rompre les uns & les autres en les chargeant dans leur milieu,
& ceux de faux aubier ont toüjours rompu fous un moindre
poids que ceux du véritable aubier, quoique, comme l’on
fçait, la force de l'aubier foit très-petite en comparaifon de
celle du bois formé.
.… Il a enfuite pris plufieurs morceaux de ces deux efpeces
d’aubier , il les a pefés dans l'air, & enfuite dans l'eau, & it
a trouvé que la pefanteur fpécifique de l'aubier naturel étoit
toüjours plus grande que celle du faux aubier. Il à fait a
même expérience avec le bois du centre de ces mêmes arbres,
pour le comparer à celui de Ja couronne qui fe trouve entre
les deux aubiers, & il a reconnu que la différence étoit à
peu-près celle qui fe trouve naturellement entre la pefanteur
du bois du centre de tous les arbres & celle du bois de 1a
circonférence ; ainfi tout ce qui eft devenu bois parfait dans
ces arbres défectueux, s’eft trouvé à peu-près dans l’ordre
ordinaire. Mais il n’en eft pas de même du faux aubier,
puifque, comme le prouvent les expérjences que nous venons
de rapporter, il eff plus foible, plus tendre & plus léger que
le vrai aubier, quoiqu'il ait été formé vingt à vingt-cinq ans
auparavant, ce que nous avons reconnu en comptant les
cercles annuels, tant de l’aubier que du bois qui recouvrent
ce faux aubier, & cette obfervation que nous avons répétée
fur nombre d'arbres, prouve inconteftablement que ce défaut
eftune fuite du grand froid de 1709. Car il ne faut pas être
[BLe Mu ii
278 MEMOIRES DE L'ACADEMIr ROYALE
furpris de trouver toüjours quelques couches de moins que
le nombre des années qui fe font écoulées depuis 170 9, non
feulement parce qu'on ne peut jamais avoir par le nombre
des couches ligneufes Fâge des arbres qu'à trois ou quatre
années près, mais encore parce que les premieres couches
ligneufes qui fe font formées depuis 1709 étoient fi minces
& fi confufes, qu'on ne peut les diflinguer bien exaétement.
I eft encore für que c’eft la portion de l'arbre qui étoit
en aubier dans le temps de la grande gelée de 1709, qui au
lieu de { perfeétionner & de fe convertir en bois, eft au
contraire devenuë plus défeétueufe ; on n’en peut pas douter
après les expériences que M. de Buffon à faites pour s'aflürer
de la qualité de ce faux aubier.
D'ailleurs il eft naturel de penfer que l'aubier doit plus
fouffrir des grandes gelées que le bois formé, non feulement
parce qu'étant à l'extérieur de l'arbre, il eft plus expofé au
froid, mais encore parce qu’il contient plus de feve, & que
fes fibres font plus tendres & plus délicates que celles du bois,
Tout cela paroît d'abord fouffrir peu de difficulté, cependant
on pourroit objecter l'obfervation rapportée dans l'Hiftoire
de l'Académie de 1710, par laquelle il paroît que les jeunes
arbres ont mieux fupporté le grand froid que les vieux arbres
en 1709 ; mais comme le fait que nous venons de rapporter
eft certain, il faut bien qu'il y ait quelque différence entre les
parties organiques, les vaifleaux, les fibres, les vefficules, &c.
de l’aubier des vieux arbres & de celui des jeunes; elles feront
peut-être plus fouples, plus capables de prêter dans ceux-ci
que dans les vieux, de telle forte qu'une force qui fera capar
ble de rompre les unes, ne fera que dilater les autres. Au
refle comme ce font-là des chofes que les yeux ne peuvent
appercevoir, & dont l’efprit refte peu fatisfait, nous paflérons
légerement fur ces conjeétures, & nous nous contenterons
des faits que nous avons bien obfervés. Cet aubier a donc
beaucoup fouffert de la gelée, c’eft une chofe inconteftable,
mais a-t-il été entiérement deforganifé ? If pourroit l'être
fans qu'il s'en fût fuivi la mort de l'arbre, pourvü que l'écorce
À pr s SIC E NN CIE LS 279
fût reftée faine, la végétation auroit pû continuer. On voit
tous les jours des Saules & des Ormes qui ne fubfiftent que
par leur écorce, & la même chofe s'eft vüe long-temps à Ia
Pépiniére du Roule fur un Oranger qui n’a péri que depuis
quelques années. »
Mais nous ne croyons pas que le faux aubier dont nous
parlons, foit mort, il m'a toûjours paru être dans un état bien
différent de laubier qu'on trouve dans les arbres qui font
attaqués de la gelivüre entrelardée, & dont nous parierons
- dans un moment ; il a auffi paru de même à M. de Buffon,
lorfqu'il en a fait faire des foliveaux & des cubes pour les
expériences que nous avons rapportées, & d’ailleurs s’il eût.
été deforganifé, comme il s'étend fur toute la circonférence
des arbres, il auroit interrompu le mouvement latéral de la
féve, & le bois du centre qui fe feroit trouvé recouvert par
cette enveloppe d’aubier mort, n’auroit pas pû végéter, il
feroïit mort auffi, & fe feroit altéré, ce qui n'eft pas arrivé,
comme le prouve l'expérience de M. de Buffon, que je pour-
rois confirmer par plufieurs que j'ai executées avec foin, mais
dont je ne parlerai pas pour le préfent, parce qu'elles ont été
faites dans d’autres vües ; cependant on ne conçoit pas aifé-
ment comment cet aubier a pü être altéré au point de ne
ouvoir fe convertir en bois, & que bien loin qu'il foit mort,
il ait même été en état de fournir de la féve aux couches
ligneufes qui fe font formées par deflus dans un état de per-
feétion, qu'on peut comparer aux bois des arbres qui n’ont
fouffert aucun accident. 11 faut bien cependant que la chofe
f foit paflée ainfi, & que le grand hiver ait caufé une ma-
Jadie incurable à cet aubier; car s'il étoit mort, auffi-bien que
Técorce qui le recouvre, il n’eft pas douteux que l'arbre auroït
péri entiérement ; c'eft ce qui eft arrivéen 1709 à plufieurs
ambres, dont l'écorce s’eft détachée, qui par un refte de féve
qui étoit dans leur tronc, ont pouflé au printemps, maïs qui
- font morts d'épuifement avant l'automne, faute de recevoir
aflés de nourriture poux fubfifter.
Nous avons trouvé de ces faux aubiers qui étoient plus
280 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
épais d'un côté que d'un autre, ce qui s'accorde à merveille
avec l'état le plus ordinaire de l’aubier. Nous en avons auffi
trouvé de très-minces, apparamment qu'il n’y avoit eu que
quelques couches d'aubier d'endommagées. Tous ces faux
aubiers ne font pas de la même couleur, & n’ont pas fouffert
une altération égale, ils ne font pas auffi mauvais les uns que
les autres, & cela s'accorde à merveille avec ce que nous
avons dit plus haut. Enfin nous avons fait fouiller au pied de
quelques-uns de ces arbres, pour voir fi ce même défaut
exiftoit auffr dans les racines, mais nous les avons trouvées
très-faines, ainfi il eft probable que la terre qui les recouvroit,
les avoit garanties du grand froid.
Voilà donc un effet des plus ficheux, des gelées d'hiver,
qui pour être renfermé dans l'intérieur des arbres, n’en eft
pas moins à craindre, puifqu'il rend les arbres qui en font
attaqués, prefque inutiles pour toutes fortes d'ouvrages ; mais
outre cela il eft très-fréquent, & on a toutes les peines du
monde à trouver quelques arbres qui en foient totalement
exempts ; cependant on doit conclurre des obfervations que
nous venons de rapporter, que tous les arbres dont le bois
ne fuit pas une nuance réglée depuis le centre où il doit être
d’une couleur plus foncée jufau’auprès de l'aubier, où la cou-
leur s'éclaircit un peu, doivent être foupçonnés de quelques
défauts, & même être entiérement rebutés pour les ouvrages
de conféquence fi la différence eft confidérable, Difons main-
tenant un mot de çet autre défaut, que nous avons appellé
la gelivére entrelardée.
En fciant horifontalement des pieds d'arbres, on apperçoit
quelquefois un morceau d’aubier mort & d’écorce defléchée
qui font entiérement recouverts par le bois vif. Cet aubier
mort occupe à peu-près le quart de la circonférence dans
l'endroit du tronc où il fe trouve ; il eft quelquefois plus brun
que le bon bois, & d’autres fois prefque blancheître. Ce
défaut fe trouve plus fréquemment fur les côteaux expofés
au Midi que par-tout ailleurs. Enfin par la profondeur où
cet aubier fe trouve dans le tronc, 1l paroît dans beaucoup
d'arbres
: D ESS ET EN CE S 28r
‘d'arbres avoir péri en 1709 , & noûs croyons qu'il eft dans
‘tous une fuite des grandes gelées d'hiver qui ont fait entiére-
ment périr une portion d'aubier & d’écorce, qui ont enfüite
été recouverts par le nouveau bois, & cet aubier mort fe
trouve prefque toûjours à l’expofition du Midi, parce que le
Soleil venant à fondre la glace de ce côté, il en réfüulte une
humidité qui regele de nouveau fi-1ôt après que le Soleil a
difpau, ce qui forme un verglas qui, comme l’on fait,
caufe un préjudice confidérable aux arbres. Ce défaut n’oc-
cupe pas ordinairement toute la longueur du tronc, de forte
que nous avons vù des piéces équarries qui paroiffoient très-
faines, & que l’on n’a reconnu attaquées de cette gelivûre que
quand on les a eu refendues pour en faire des planches ou des
membrüres. Si on les eût employées de toute leur groffeur,
on les auroit cru exemptes de tous défauts. On conçoit cepen-
dant combien un tel vice dans leur intérieur doit diminuer
de leur force, & précipiter leur dépériflement.
= Nous avons dit encore que les fortes gelées d'hiver fai-
foient quelquefois fendre les arbres fuivant la diretion de
leurs fibres, & même avec bruit, ainfr il nous refte à rapporter
les obfervations que nous avons pü faire fur cet accident.
Ontrouve dans les Forêts des arbres qui ayant été fendus
fuivant la direétion de leurs fibres, font marqués d’une arête
qui eft formée par la cicatrice qui a recouvert ces gerçüres
_ quireftent dans l'intérieur de ces arbres fans fe réunir, parce
| que, comme nous le prouverons dans une autre occafion, il
ne fe forme jamais de réunion dans les fibres ligneufes f-tôt
qu'elles ont été féparées ou rompues. Tous les ouvriers re-
gardent toutes ces fentes comme l'effet des gelées d'hiver,
pourquoi ils appellent des gelivéres toutes les gerçüres
s appércoivent dans les arbres. IL n'eft pas douteux que
feve qui augmente de volume lorfqu’elle vient à geler,
me font toutes les liqueurs aqueufes, peut produire plu-
urs de ces gerçüres, mais nous croyons qu'il y en a aufi
qui font indépendantes de la gelée, & qui font occafionnées
par une trop grande abondance de féve.
no. Men. 1737. Nn
282 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Quoi qu'il en foit, nous avons trouvé de ces défectuofités
dans tous les terroirs & à toutes les expofitions, mais plus
fréquemment qu'ailleurs dans les terroirs humides & aux
expolitions du Nord & du Couchant ; peut-être cela vient-il
dans un cas, de ce que le froid eft plus violent à ces expo-
fitions , & dans l’autre, de ce que Îes arbres qui font dans les
terroirs marécageux, ont le tiffu de leurs fibres ligneufes plus
foible & plus rare, &de ce que leur féve eft plus abondante
& plus aqueufe que dans les terroirs fecs, ce qui fait que
l'effet de la raréfaction des liqueurs par la gelée ef plus fen-
fible, & d'autant plus en état de defunir les fibres ligneufes,
qu'elles y apportent moins de réfiftance.
Ce raifonnement paroit être confirmé par une autre ob-
fervation, c'eft que les arbres réfineux , comme le Sapin,
font rarement endommagés par les grandes gelées, ce qui
peut venir de ce que leur féve eft réfineufe ; car on fçait que
les huiles ne gelent pas parfaitement, & qu'au lieu d'augmenter
dé volume à la gelée comme l’eau, elles en diminuent lorf-
qu'elles fe figent *.
Au refte nous avons fcié plufieurs arbres attaqués de cette
maladie, & nous avons prefque toüjours trouvé fous la cica-
trice prééminenté dont nous avons parlé, un dépôt de féve
ou du bois pourri, & elle ne fe diftingue de ce qu'on appellé
dans les Forêts des abbreuvoirs ou des gouttiéres, que parce que
ces défauts qui viennent d’une altération des fibres ligneufes
qui s'eft produite intérieurement, n'a occafionné aucune cica-
trice qui change la forme extérieure des arbres , au lieu que
pendant l'hiver, font celles qui tranf=
* M.Hales, ce fçavant Obferva-
pirent le moins, cependant on fçait
teur qui nous a tant appris de chofes
far la Végétation, dit dans fon Livre
de la Sratique des Végétaux, p. 19,
que ce font les plantes qui t'anfpirent
le moins, qui réfiftent le mieux au
froid des hivers, parce qu’elles n’ont
befoin, pour fe conferver, que d’une
très-petite quantité de nourriture. I]
prouve dans le même endroit, que les
plantes qui confervent leurs feuilles
que l’Oranger , le Myrte, & encore
plus le Jafmin d'Arabie, &c. font
très-fenfibles à la gelée, quoique ces
arbres confervent leurs feuilles pen-
dant l'hiver, il faut donc avoir recours
à une autre caufe pour expliquer
pourquoi certains arbres, qui ne fe
dépouillent pas l'hiver, fupportent fi
bien les ‘plus fortes gelées.
4
L
D'EFSMISLETEN CE « 28
Jes gelivüres qui viennent d'une gerçüre qui s’eft étenduë à
l'extérieur, & qui s'eft enfuite recouverte par une cicatrice,
forme une arête ou une éminence en forme de corde, qui
annonce le vice intérieur. HAE
Les grandes gelées d'hiver produifent fans doute bien
d'autres dommages aux arbres, & nous avons énicore rémar
qué plufieurs défauts que nous pourrions leur attribuer avéc
beaucoup de vraifemblance ; mais comme nous wavons pas
pû nous en convaincre pleinement, nous n’adjoûterons rien
à ce que nous venons de dire, & nous pañlérons aux obfer-
vations que nous avons faites fur les effets des gelées du prin=
temps, après avoir dit un mot des avantages & des defavan-
tages dés différentes expofitions par rapport à la gelée, car
cette queftion eft trop intéreflante à l'Agriculture pour né
pas eflayer de l'éclaircir, d'autant que les Auteurs fe trouvent
‘dans des oppoñitions de fentiments plus capables de faire
naître des doutes que d'augmenter nos connoiffances, les uns
prétendant que la gelée fe fait fentir plus vivement à l'expo:
fition du Nord, les autres voulant que ce foit à celle du Midi
où du Couchant, & tous ces avis ne font fondés fur aucuné
obfervation. Nous fentons cependant bien cé qui a pù par-
tager ainfi les fentiments, & c'eft ce qui nous à mis à portéé
de les concilier. Maïs avant que de rapporter les obfervations
& les expériences qui nous y ont conduits, il eft bon de
donner une idée plus exacte de 1 queftion.
M n'eft pas douteux que c’eft à l'expofition du Nord qu'il
Fait le plus grand froid, elle eft à l'abri du Soleil, qui peut
feul dans les grandes gelées témpérer la rigueur du froid,
_ d'ailleurs elle eft expofée au vent de Nord, de Nord-eft &
3 _de Noïd-oteft, qui font les plus froids dé tous, non feule-
nent à én juger par les effets que ces vents produifent für
. fous, mais encore par la liqueur des Thermometres dont 1a
_étifion eft bien plus certaine. |
. Aufli voyons-nous le long de nos efpaliers, que la terre
… éft fouvent gelée & endurcie toute la journée au Nord, pen-
dant qu'elle eft meuble, & qu'on la peut labourer au Midi.
n ij
284 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE
Quand après cela il fuccede une forte gelée pendant Ia
nuit, il eft clair qu'il doit faire bien plus froid dans l'endroit
où il y a déja de la glace que dans celui où la terre aura
été échauffée par le Soleil ; c’eft aufli pour cela que même
dans les pays chauds, on trouve encore de la neige à l'expo-
fition du Nord fur les revers des hautes Montagnes ; d’ailleurs
la liqueur du Thermometre fe tient toüjours plus bas à
lexpofition du Nord qu'à celle du Midi, ainfi il eft incon-
teflable qu'il y fait plus froid, & qu'il y gele plus fort.
En faut-il davantage pour faire conclurre que la gelée doit
faire plus de defordre à cette expofition qu'à celle du Midi?
& on fe confirmera dans ce fentiment par l’obfervation que
nous avons faite fur la gelivüre fimple que nous avons
trouvée en plus grande quantité à cette expofition qu'à toutes
les autres.
Effectivement il ef für que tous les accidents qui dépen-
-dront uniquement de la grande force de la gelée, tels que
celui dont nous venons de parler, fe trouveront plus fré-
quemment à l'expofition du Nord que par-tout ailleurs. Mais
eft-ce toüjours la grande force de la gelée qui endommage
les arbres, & n'y a-t-il pas des accidents particuliers qui font
qu'une gelée médiocre leur caufe beaucoup plus de préjudice
que ne font des gelées beaucoup plus violentes quand elles
arrivent dans des circonftances heureufes ?
Nous en avons déja donné un exemple, en parlant de fa
gelivüre entrelardée qui eft produite par le verglas, & qui fe
trouve plus fréquemment à lexpofition du Midi qu'à toutes
les autres, & l’on fe fouvient bien encore qu'une partie des
defordres qu'a produits l'hiver de 1709 , doit être attribuée
à un faux dégel qui fut fuivi d'une gelée encore plus forte.
que celle qui l’avoit précédé ; mais les obfervations que nous
avons faites fur les effets des gelées du printemps, nous four-
niflent beaucoup d'exemples pareils, qui prouvent incon-
teftablement que ce n’eft pas aux expofitions où il gele le
plus fort, & où il fait le plus grand froid, que la gelée fait
le plus de tort aux Végétaux, nous en allons donner le détail,
D'TE SN BIC HE NL CES 285
qui va rendre fenfiblela propofition générale que nous venons
d'avancer, & nous commencerons par une expérience que
M. de Buffon à fait executer en grand dans fes Bois, qui font
fitués près de Montbart en Bourgogne.
H a fait couper dans le courant de l'hiver 1734, un Bois
taillis de fept à huit arpents, fitué dans un lieu fec, fur un
terrein plat bien découvert, & environné de tous côtés de
terres labourables. I a faïflé dans ce même Bois plufieurs
petits bouquets quarrés fans les abbattre, & qui étoient orientés
de façon que chaque face regardoit exaétement le Midi, le
Nord, le Levant & le Couchant. Après avoir bien fait net-
toyer la coupe, il a obfervé avec foin au printemps l’accroif-
fement du jeune bourgeon, principalement autour des bou-
quets réfervés ; au 20 Avril il avoit pouflé fenfiblement dans
les endroits expofés au Midi, & qui par conféquent étoient
à l'abri du vent du Nord par les bouquets ; c’eft donc en cet
endroit que les bourgeons pouflerent les premiers & parurent
les plus vigoureux. Ceux qui étoient à l'expofition du Levant,
parurent enfuite, puis ceux de l’expofition du Couchant, &
enfin ceux de lexpofition du Nord.
Le 28 Avril, la gelée fe fit fentir très-vivement le matin
par un vent du Nord, le Ciel étant fort ferein, & Pair fort
{ec, fur-tout depuis trois jours.
Il alla voir en quel état étoient les bourgeons autour des
bouquets, & il les trouva abfolument gâtés & noircis dans
tous les endroits qui étoient expofés au Midi & à l'abri du
vent du Nord ; au lieu que ceux qui étoient expolés au vent .
froid du Nord qui fouffloit encore, n'étoient que légerement
endommagés , & il-fit la même obfervation autour de tous
les bouquets qu'il avoit fait réferver. A l'égard des expofitions
‘du Levant & du Couchant, elles étoient ce jour-là à peu-près
-également endommagées.
… Ler4,le 15 &le 22 Mai, qu'il gela affés vivement par
‘es vents de Nord & de Nord-nord-oueft, il obferva pareil-
“ement que tout ce qui étoit à l'abri du vent par les bouquets,
étoit très-endommagé, tandis que ce qui re été expolé au
| n ii
386 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
vent, avoit très-peu fouffért. Cette expérience nous paroît
décifive, & fait voir que quoiqu'il gele plus fort aux endroits
éxpofés au vent du Nord qu'aux autres, la gelée y fait cepen-
dant moins de tort aux Végétaux.
Ce fait eft aflés oppofé au préjugé ordinaire, mais il men
éft pas moins certain, & même il eft aifé à expliquer ; if
fufhit pour cela de faire attention aux circonftances dans lef-
quelles Ja gelée agit, & on reconnoîtra que l'humidité eft fa
principale caufe de ces effets, en forte que tout ce qui peut
occafionnér cette humidité, rend en même temps da gelée
dangereufe pour les Végétaux, & tout ce qui diflipe lhumi-
dité, quand même ce feroit en augmentant le froid , tout ce
qui defléche, empêche les defordres de la gelée. Ce fait va
être confirmé par quantité d’obfervations.
Nous avons fouvent remarqué que dans les endroits bas,
& où il regne des brouillards , la gelée fe fait fentir plus
vivement & plus fouvent qu'ailleurs.
Nous avons, par exemple, vü en automne & au printemps
les plantes délicates geler dans un Jardin potager qui eft fitué
fur le bord d’une Riviéré, tandis que les mêmes Plantes fe
confervoient bien dans un autre potager qui eft fitué fur la
hauteur: de même dans les vallons & les lieux bas des Forêts,
le bois n’eft jamais d’une belle venuë, ni d’une bonne qua-
lité, quoique fouvent ces vallons foient fur un meilleur fond
que le refte du terrein: Le Taïllis n'eft jamais beau dans les
endroits bas ; & quoiqu'il y poufie plus tard qu'ailleurs, à
caufe d'une fraîcheur qui y eft toûjours concentrée, & qué
M. de Buffon nra affüré avoir remarqué même l'été, en fe
promenant la nuit dans les Bois, car il'y reflentoit fur les
éminences prefque autant de chaleur que dans les campagnes
découvertes, & dans les valions il étoit fifi d’un froïd vif
& inquiétant ; quoique, dis-je, le bois y pouflé plus tard
qu'ailleurs, ces pouffes font encore endommagées par la gelée,
qui En gâtant les principaux jets, oblige les arbres à pouffet
des branches latérales, ce qui rend les taillis rabougris, &
hors d'état de faire jamais de beaux arbres de fervice ; & ce
1
DES SCIENCES. 287
que nous venons de dire ne fe doit pas feulement entendre
des profondes vallées qui font fi fufceptibles de ces inconvé-
nients, qu'on en remarque d’expofées au Nord & fermées du
côté du Midi en cul-de-fac, dans lefquelles il gele fouvent
les douze mois de l'année, mais on remarquera encore la
même chofe dans les plus petites vallées , de forte qu'avec un
peu d'habitude , on peut reconnoître fimplement à la mau-.
vaife figure des taillis la pente du terrein ; c’eft auffi ce que
j'ai remarqué plufieurs fois, & M. de Buffon l'a particuliére-
ment oblervé le 28 Avril 1734, car ce joun-là les bourgeons
de tous les taillis d’un an, jufqu'à fix & fept, étoient gelés
dans tous les lieux bas, au lieu que dans les endroits élevés
& découverts il n'y avoit que les rejets près de terre qui
fuffent gâtés. La terre étoit alors fort féche, & l'humidité de
l'air ne lui parut pas avoir beaucoup contribué à ce dom-
mage ; les Vignes, non plus que les Noyers de la campagne,
ne gelerent pas ; cela pourroit faire croire qu'ils font moins
délicats que le Chêne, mais nous penfons qu'il faut attribuer
cela à l'humidité, qui eft toüjours plus grande dans les bois
que dans le refte des campagnes , car nous avons remarqué
que fouvent les Chénes font fort endommagés de la gelée
dans les Forêts, pendant que ceux qui font dans les hayes,
ne le font point du tout.
Dans le mois de Mai 17 3 6, nous avons encore eu occa-
fron de répéter deux fois cette obfervation, qui a même été
accompagnée de circonftances particuliéres, mais dont nous
fommes obligés de remettre le détail à un autre endroit de
ce Mémoire pour en faire mieux fentir la fingularité.
. Les grands Bois peuvent rendre les taillis qui font dans
leur voifinage, dans le même état qu'ils feroient dans le fond
d'une vallée, auffr avons-nous remarqué que le long & près
des liziéres de grands Bois, les taillis font plus fouvent endom-
magés par la gelée que dans les endroits qui en font éloïgnés,
comme dans le milieu des taillis & dans les Bois où onlaifle
un grand nombre de baliveaux, elle fe fait {entir avec bien
plus de force que dans-œux qui font plus découverts. Or tous
288 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALÉ
les defordres dont nous venons de parler, foit à l'égard des
vallées, foit pour ce qui fe trouve le long des grands Bois,
ou à couvert par les baliveaux, ne font plus confidérables
dans ces endroits que dans les autres, que parce que le vent
& le foleil ne pouvant diffiper la tranfpiration de la terre &
des plantes, il y refte une humidité confidérable qui, comme
nous l'avons dit, caufe un très-grand préjudice aux plantes.
Aufli remarque-t-on que la gelée n'eft jamais plus à crain-
dre pour la vigne, les fleurs & fes bourgeons des arbres, &c.
que lorfqu'elle fuccede à des brouillards , ou même à une
pluye, quelque légere qu'elle foit , & toutes ces plantes fup-
portent des froids très- confidérables fans en être endom-
magées lorfqu'il y a quelque temps qu'il n'a plû, & que la
terre eft fort féche, comme nous l'avons encore éprouvé ce
printemps dernier,
C'eft principalement pour cette même raifon que la gelée
agit plus puiffamment dans les endroits qu'on a fraîchement
labourés qu'ailleurs, & cela parce que les vapeurs qui s’éle-
vent continuellement de la terre, tranfpirent plus librement
& plus abondamment des terres nouvellement labourées que
des autres, il faut néantmoins adjoûter à cette raifon, que les
plantes fraîchement labourées pouffent plus vigoureufement
que les autres, ce qui les rend plus fenfibles aux effets de
la gelée.
De même nous avons remarqué que dans les terreins légers
& fabloneux la gelée fait plus de dégâts que dans les terres
fortes, en les fuppofant également féches, fans doute parce
qu'ils font plus hätifs, & encore plus parce qu'il s'échappe
plus d’exhalaifons de ces fortes de terres que des autres,
comme nous le prouverons ailleurs ; & fi une vigne nou-
vellement fumée eft plus fujette à être endommagée de da
gelée qu'une autre, n'eft-ce pas à caufe de l'humidité qui
s'échappe des fumiers?
Un filon de Vigne qui eft le long d’un champ de Sainfoin
* ou de Pois, &c. eft fouvent tout perdu de la gelée lorfque
le refte de la Vigne eft très-fain, ce qui doit certainement être
attribué
D'ESSENCE 5. 289
attribué à la tranfpiration du Sainfoin ou. des autres plantes
qui portent une humidité fur les poufles de la Vigne.
Auffi dans la Vigne les verges qui font de long farment
qu'on ménage en taillant , font-elles toüjours moins endom-
magées que la fouche, fur-tout quand n'étant pas attachées
à l'échalas, elles font agitées par le vent, qui ne tarde pas
de les deflécher.
La même chofe fe remarque dans les Bois, & j'ai fouvent
vû dans les taillis tous les bourgeons latéraux d’une fouche
entiérement gâtés par la gelée, pendant que les rejettons fupé-
rieurs n’avoient pas fouffert, mais M. de Buffon a fait cette
même obfervation avec plus d’exactitude ; il lui a toüjours
paru que la gelée faifoit plus de tort à un pied de terre qu'à
deux, à deux qu'à trois, de forte qu'il faut qu’elle foit bien
violente pour gâter les bourgeons au deflus de quatre pieds.
Toutes ces obfervations, qu'on peut regarder comme très-
conftantes, s'accordent donc à prouver que le plus fouvent
ce n'eft pas le grand froid qui endommage les plantes, mais
que c’eft plütôt quand la gelée agit fur des plantes chargées
d'humidité, ce qui explique à merveille pourquoi elle fait
tant de defordres à l'expofition du Midi, quoiqu'ik y fafle
moins froid qu'à celle du Nord, & de même la gelée caufe
plus de dommage à l’expofition du Couchant qu'à toutes les
autres, quand après une pluye du vent d'Ouéft le vent tourne
. au Nord vers le Soleil couché; comme cela arrive affés fré-
- qüemment au printemps, ou quand par un vent d'Eftil
. s'éleve un brouillard froid avant le lever du Soleil, ce qui
_ n'eft pas fi ordinaire. .
- Il ya auffi des circonftances où la gelée fait plus de tort
à l'expofition du Levant qu’à toutes les autres ; mais comme
nous avons plufieurs obfervations fur cela, nous rapporterons
auparavant celle que nous avons faite fur la gelée du prin-
temps de 173 6, qui nous a fait tant de tort l’année derniére.
Comme il faifoit très-fec ce printemps, il a gelé fort long-
temps fans que cela ait endommagé les Vignes ; mais il n’en
étoit pas de même dans les Forêts, apparamment parce qu'il
Mem. 1737. Oo
296 MEMOIRES) DE+L'ACADEMIE ROYALE
$ y conferve toûjours plus d'humidité qu'ailleurs ; en Bour-
gogne, de même que dans la Forêt d'Orléans les taillis furent
endommagés de fort bonne heure. Enfin la gelée augmenta
fi fort, que toutes les Vignes furent perdues malgré fa féche-
refle qui continuoit toüjours ; mais au lieu que c'eft ordi-
nairement à l'abri du vent que la gelée fait plus de dommage,
au contraire dans le printemps dernier les endroits abrités ont
été les feuls qui ayent été confervés, de forte que dans plu-
ficurs clos de Vigne entourés de murailles on voyoit les fou-
ches le long de l'expofition du Midi être aflés vertes pendant
que toutes les autres étoient féches comme en hiver, & nous
avons eu deux cantons de Vignes d’épargnés, lun parce qu'il
étoit abrité du vent du Nord par une pépiniére d'Ormes, &
l'autre parce que la Vigne étoit remplie de beaucoup d'arbres
fruitiers.
Mais cette obfervation eft très-rare, & cela n’eft arrivé
que parce qu'il faifoit fort fec, & que les Vignes ont réfifté
jufqu'à ce que la gelée foit devenue fi forte pour la faifon,
qu'elle pouvoit endommager les plantes indépendemment de
l'humidité extérieure; &, comme nous l'avons dit, quand Ja
gelée endommage les plantes indépendemment de cette hu-
midité, & d’autres circonftances particuliéres, c’eft à l'expo-
fition du Nord qu'elle fait le plus de dommage, parce que
c'eft à cette expofition qu'il fait le plus de froid.
Mais il nous femble encore appercevoir une autre caufe
des defordres que la gelée produit plus fréquemment à des
expofitions qu'à d’autres, au Levant, par exemple, plus qu'au
Couchant ; elle eft fondée fur l’obfervation fuivante, qui eft
aufli conftante que les précédentes.
Une gelée aflés vive ne caufe aucun préjudice aux plantes
quand elle fond avant que le Soleil les ait frappées. Qu'il gele
la nuit, file matin le temps eft couvert, s'il tombe une petite
pluye, en un mot fi par quelque caufe que ce puifle être,
la glace fond doucement & indépendemment de l'action du
Soleil, ordinairement elle ne les endommage pas, & nous
avons fouvent fauvé des plantes affés délicates qui étoient par
DES $S\C/IENN C Es. 291
hazard reflées à la gelée, en les rentrant dans la ferre avant
le lever du Soleil, ou fimplement en les couvrant avant que
le Soleil eût donné deflus.
Une fois entrautres, il étoit furvenu en automne une
gelée très-forte pendant que nosOrangers étoient dehors, &
comme il étoit tombé de la pluye la veille, ils étoient tous
couverts de verglas, on leur fauva cet accident en les couvrant
avec des draps avant le Soleil levé, de forte qu'il n'y eut que
les jeunes fruits & les pouffes les plus tendres qui en furent
endommagés, encore fommes-nous perfuadés qu'ils ne l'au-
roient pas été fr la couverture avoit été plus épaifle.
De même une autre année, nos Geranium, & plufieurs
autres plantes qui craignent le verglas, étoient dehorslorfque
tout-à-coup le vent qui étoit Sud-oueft fe mit au Nord, & fut
fi froïd que toute l’eau d’une pluye abondante qui tomboit,
de geloit, & dans un inftant tout ce qui y étoit expolé fut
couvert de glace ; nous crumes toutes nos plantes perdues,
cependant nous les fimes porter dans le fond de la ferre, &
“nous fimes fermer les croifées, par ce moyen nous en eûmes
-peu d'endommagées.
Cette précaution revient aflés à ce qu'on pratique pour les
animaux. Qu'ils foient tranfis de froid , qu’ils ayent un mem-
bre gelé, on fe donne bien de garde de les expoler à une
chaleur trop vive, on les frotte avec de la neige, ou bien on
es trempe dans de l’eau, on les enterré dans du fumier, en un
“mot on les réchauffe par degrés & avec ménagement.
- De même fi lon fait dégeler trop précipitamment des
fruits, ils fe pourrifient à l'inftant, au lieu qu'ils fouffrent
. beaucoup moins de dommage fi on les fait dégeler peu-à-peu.
Pour expliquer comment le Soleil produit tant de defor-
.dres fur les plantes gelées, quelques-uns avoient penfé que
“a glace en fe fondant, fe réduifoit en petites gouttes d’eau
: hériques qui faifoient autant de petits miroirs ardents quand
_ le Soleil donnoit deflus ; mais quelque court que foit le foyer
d'une Loupe, elle ne peut produire de chaleur qu'à une dif-
_ tance, quelque petite qu’elle foit, & elle ne spas pas produire
o ij
292 MEMOIRES DE L’ACADEMIE ROYALE
un grand effet fur un corps qu'elle touchera ; d'ailleurs Ja
goutte d’eau qui eft fur fa feuille d’une plante, eft applatie
du côté qu'elle touche à la plante, ce qui éloigne fon foyer.
Enfin fi ces gouttes d’eau pouvoient produire cet effet, pour-
quoi les gouttes de rofée qui font pareillement fphériques, ne
le produiroient-elles pas aufli? Peut-être pourroit-on penfer
que les parties les plus fpiritueufes & les plus volatiles de la
féve fondant les premiéres, elles feroient évaporées avant que
les autres fuffent en état de fe mouvoir dans les vaifleaux de
la plante, ce qui décompoferoit la féve.
Mais on peut dire en général, que la gelée augmentant le
volume des liqueurs, tend les vaifleaux des plantes, & que le
dégel ne fe pouvant faire fans que les parties qui compofent
le fluide gelé entre en mouvement, ce changement fe peut
faire avec aflés de douceur pour ne pas rompre les vaifieaux
les plus délicats des plantes, qui rentreront peu-à-peu dans
leur ton naturel, & alors les plantes n’en fouffriront aucun
dommage, mais s’il fe fait avec trop de précipitation, ces
vaiffeaux ne pourront pas reprendre fr-tôt le ton qui leur eft
naturel ; après avoir fouffert une extenfion violente, les li-
queurs s'évaporeront, & la plante reftera defléchée.
Quoi qu'on puifle conclurre de ces conjectures, dont je
ne fuis pas à beaucoup près fatisfait, il refte toujours pour
conftant :
1.” Qu'il arrive à Îa vérité rarement qu'en hiver ou au
printemps les plantes foient endommagées fimplement par la
grande force de la gelée, & indépendemment d’aucunes cir-
conftances particuliéres, & dans ce cas c'eft à l'expofition du
Nord que les plantes fouffrent le plus.
2.° Dans le temps d’une gelée qui dure plufieurs jours,
lardeur du Soleil fait fondre la glace en quelques endroits,
& feulement pour quelques heures, car fouvent il regele
avant le coucher du Soleil, ce qui forme un verglas très-pré-
judiciable aux plantes, & on fent que l'expofition du Midi
eft plus fujette à cet inconvénient que toutes les autres.
3.7 Ona vû que les gelées du printemps font principa-
DE SU OLGMLEUNNICE LS 29
lement du defordre dans les endroits où il y a de l'humidité,
les terroirs qui tranfpirent beaucoup, les fonds des vallées, &
généralement tous les endroits qui ne pourront être defléchés
par le vent & le Soleil, feront donc plus endommagés que
les autres.
Enfin fi au printemps le Soleil qui donne fur les plantes
gelées, leur occafionne un dommage plus confidérable, il eft
clair que ce fera 'expofition du Levant & enfuite celle du
Midi qui fouffriront plus de cet accident.
Mais, dira-t-on, fi cela eft, il ne faut donc plus planter
à l’expolition du Midi en à-dos, qui font des talus de terre
qu'on ménage dans les Potagers, ou le long des efpaliers, les
Giroflées, les Choux des avents, les Laitues d’hiver, les Pois
verts, & les autres plantes délicates auxquelles on veut faire
pafler l'hiver , & que l’on fouhaite avancer pour le printemps,
ce fera à l'expofition du Nord qu'il faudra dorefnavant planter
les Pêchers, & les autres arbres délicats. If eft à propos de
détruire ces deux objections, & de faire voir qu'elles font de
faufles conféquences de ce que nous avons avancé.
On fe propofe différents objets quand on met des plantes
paffér l'hiver à des abris expofés au Midi, quelquefois c’eft
pour hâter leur végétation ; c’eft, par exemple, dans cette in-
tention qu'on plante le long des efpaliers quelques rangées de
Laitues, qu’on appelle à caufe de cela des Laitues d'hiver, qui
réfiftent aflés bien à la gelée, quelque part qu’on les mette,
mais qui avancent davantage à cette expofñition ; d’autres fois
c'eft pour les préferver de la rigueur de cette faifon, dans
l'intention de les replanter de bonne heure au printemps ;
on fuit, par exemple, .cette pratique pour les Choux qu'on
appelle des avents, qu'on feme en cette faifon le long d’un
-efpalier. Cette efpece de Choux, de même que les Broccolis,
font aflés tendres à la gelée, & périroient fouvent à ces abris
fi on n’avoit pas foin deles couvrir pendant les grandes gelées
avec des paillaffons ou du fumier foûtenu fur des perches.
Enfin on veut quelquefois avancer la végétation de quel-
ques Plantes qui craignent la gelée, comme feroient les
Oo iïj
294 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLr
Giroflées, les Pois verts, & pour cela on les plante fur des
à-dos bien expofés au Midi, mais de plus on les défend des
randes gelées en les couvrant lorfque le temps l'exige,
On fent bien, fans que nous foyons obligés de nous éten-
dre davantage fur cela, que l'expofition du Midi eft plus pro-
pre que toutes les autres à accélérer la végétation, &on vient
de voir que c'eft auffr ce qu'on fe propole principalement
quand on met quelques plantes pafler l'hiver à cette expofi-
tion, puifqu’on eft obligé, comme nous venons de le dire,
-d'employer outre cela des couvertures pour garantir de la
gelée les plantes qui font un peu délicates ; mais il faut adjoû-
ter que s’il ya quelques circonftances où la gelée fafle plus de
defordre au Midi qu'aux autres expofitions, il y a auffi bien
des cas qui font favorables à cette expofition, fur-tout quand
il s'agit d'efpaliers. Si, par exemple, pendant l'hiver il y a
quelque chofe à craindre des verglas, combien de fois arrive-
t-il que la chaleur du Soleil qui eft augmentée par la réfle-
xion de la muraille, a aflés de force pour diffiper toute l'hu-
midité, & alors les plantes font prefque en füreté contre le
froid? De plus combien arrive-t-il de gelées féches qui agiffent
au Nord fans relâche, & qui ne font prefque pas fenfibles au
Midi? De même au printemps on fent bien que fi après une
pluye qui vient de Sud-oueft ou de Sud-eft, le vent fe met
au Nord, l'efpalier du Midi étant à l'abri du vent, fouffrira
plus que les autres ; mais ces cas font rares, & le plus fouvent
c'eft après des pluyes de Nord-oueft ou de Nord-eft que le
vent fe met au Nord, & alors l'efpalier du Midi ayant été à
Yabri de la pluye par le mur, les plantes qui y feront, auront
moins à fouffrir que les autres, non feulement parce qu'elles
auront moins reçü de pluye, mais encore parce qu'il y fait
toûjours moins froid qu’aux autres expofitions, comme nous
l'avons fait remarquer au commencement de ce Mémoire.
De plus, comme le Soleil defléche beaucoup la terre le
long des efpaliers qui font au Midi, la terre y tranfpire moins
qu'ailleurs.
On fent bien que ce que nous venons de dire doit avoir
DIE: 5: PS CULE NICE & 29$
M fonapplication à l'égard des Pêchers & des Abricotiers qu'on
- a coùtume de mettre à cette expolition & à celle du Levant,
nous adjoûterons feulement qu'il n'eft pas rare de voir les
Pêchers geler au Levant & au Midi, & ne le pas être au Cou-
chant ou même au Nord, mais indépendemment de cela on
ne peut jamais compter avoir beaucoup de Pêches ni de bonne
qualité à cette derniére expofition, quantité de fleurs tombent
toutes entiéres & fans nouer ; d’autres après être nouées, fe
détachent de l'arbre, & celles qui reftent, ont peine à parve-
nir à une parfaite maturité. J'ai même un efpalier de Pêchers
à l'expofition du Couchant , un peu déclinante au Nord, qui
ne donne prefque pas de fruit, quoique les arbres y foient
plus beaux qu'aux expofitions du Midi & du Nord.
Ainfi on ne pourroit éviter les inconvénients qu'on peut
reprocher à l’expofition du Midi à l'égard de la gelée, fans
tomber dans d’autres plus fâcheux.
Mais tous les arbres délicats, comme les Figuiers , les Gre-
nadiers, les Lauriers, &c. doivent être mis au Midi, ayant
foin, comme l’on fait ordinairement, de les couvrir ; nous
remarquerons feulement que le fumier fec eft préférable pour
cela à la paille, qui ne couvre jamais fi exactement, & dans
laquelle il refte toüjours un peu de grain qui attire les Mulots
& les Rats qui mangent quelquefois l'écorce des arbres pour
fe defaltérer dans les temps de gelées où ils ne trouvent point
d'eau à boire, ni d'herbe à paitre, c’eft ce qui nous eft arrivé
deux à trois fois; mais quand on fe fert de fumier, il faut qu'il
foit fec, fans quoi il s’'échaufferoit, & feroit moifir les jeunes
branches.
Toutes ces précautions font cependant bien inférieures à
ces efpaliers.en niche ou en renfoncement, tels qu'on en
conftruit actuellement au Jardin du Roy, les plantes font de
_ cette maniére à l'abri de tous les vents, excepté de celui du
. Midi qui ne Jeur peut nuire ; le Soleil qui échauffe ces en-
droits pendant le jour, empêche que le froid n'y foit fi vio-
lent pendant la nuit, & on peut avec grande facilité mettre
fur ces renfoncements une légere couverture qui tiendra les
296 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
plantes qui y feront dans un état de fécherefle infiniment
propre à prévenir tous les accidents que le verglas & les gelées
du printemps aurojent pü produire, & la plüpart des plantes
ne fouffriront pas d'être ainfi privées de l'humidité extérieure,
parce qu'elles ne tranfpirent prefque pas dans l'hiver, non plus
qu’au commencement du printemps, de forte que l'humidité
de l'air fuffit à leur befoin.
Mais puifque les rofées rendent les plantes fi fufceptibles
de la gelée du printemps, ne pourroit-on pas efpérer que les
recherches que M. Mufichenbroeck & M. du Fay font fur
cette matiére, pourroient tourner au profit de l'Agriculture?
Car enfin puifqu'il y a des corps qui femblent attirer Ja
rofe, pendant qu'il y en a d’autres qui la repouffent, fi on
pouvoit peindre, enduire ou crépir les murailles avec quelque
matiére qui repoufleroit la rofée, il eft für qu'on auroit lieu
d'en efpérer un fuccès plus heureux que de la précaution que
l’on prend de mettre une planche en maniére de toit au deffus
des efpaliers, ce qui ne doit gueres diminuer l'abondance de
la rofée fur les arbres, puifque M. du Fay a prouvé que
fouvent elle ne tombe pas perpendiculairement comme une
pluye, mais qu'elle nage dans Fair, & qu'elle s'attache aux
corps qu'elle rencontre, de forte qu'il a fouvent autant amafé
de rofée fous un toit que dans les endroits entiérement dé-
couverts. Il nous feroit aifé de reprendre toutes nos obfer-
vations, & de continuer à en tirer des conféquences utiles à
la pratique de l'Agriculture ; ce que nous avons dit, par
exemple, au fujet de la Vigne, doit déterminer à arracher tous
les arbres qui empêchent le vent de diffiper les brouillards.
Puifqu’en labourant la terre, on en fait {ortir plus d’exha-
laifons , il faut prêter plus d'attention à ne la pas faire la-
bourer dans les temps critiques.
On doit défendre expreffément qu'on ne feme fur les
fllons de Vigne, des pliaites potageres qui par leurs tranfpi-
rations nuiroient à la Vigne. |
On ne mettra les échalas aux Vignes que le plus tard qu'on
pour T4
On
DES SCIENCES. 297
On tiendra les hayes qui bordent les Vignes du côté dt
Nord, plus bañes que de tout autre côté.
+ On préférera à amender les Vignes avec des terreaux plû-
4ôt que de les fumer. .
Enfin fi on eft à portée de choifir un terrein, on évitera
ceux qui feront dans des fonds, ou dans les terroirs qui tranf-
pirent beaucoup. jé
. Une partie de ces précautions peut auffi être employée
très-utilement pour les arbres fruitiers, à l'égard, par exemple,
des plantes potageres que les Jardiniers font toüjours em-
preffés de mettre aux pieds de leurs buiffons, & encore plus
le long de leurs efpaliers. |
S'il y a des parties hautes & d’autres baffes dans les J ardins,
on pourra avoir l'attention de femer les plantes printaniéres
& délicates fur le haut, préférablement au bas, à moins qu'on
n'ait deffein de les couvrir avec des cloches , des chaffis, &c.
car dans ce cas où l'humidité ne peut nuire, il feroit fouvent
avantageux de choifir les lieux bas pour être à l'abri du vent
du Nord & de Nord-oueft.
On peut auffi profiter de ce que nous avons dit à l’avan-
tage des Forêts ; car fr on a des réferves à faire, ce ne fera
Jamais dans les endroits où la gelée caufe tant de dommage.
Si on feme un Bois, on aura attention de mettre dans
les vallons, des arbres qui foient plus durs à la gelée que
le Chêne.
Quand on fera des coupes confidérables, on mettra dans
les claufes du marché, qu'on les commencera toüjours du côté
du Nord, afin que ce vent, qui regnè ordinairement dans les
temps des gelées, diffipe cette humidité qui eft fi préjudi-
. ciable aux taillis,
Enfin fi, fans contrevenir aux Ordonnances , On peut faire
. des réferves en liziéres, au lieu de laiffer des baliveaux, qui
fans pouvoir jamais faire de beaux arbres, font à tous égards
la perte des taillis, & particuliérement dans l’occafion pré-
fente, en retenant fur le taillis cette humidité qui eft fi fà-
cheufe dans les temps de gelée, on aura en même temps
Mem. 1737. Pp
298 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoÿALr
attention que la liziére de réferve ne couvre pas le taillis du
côté du Nord.
I y auroit encore bien d'autres conféquences utiles qu'on
pourroit tirer de nos obfervations, nous nous contenterons
cependant d'en avoir rapporté quelques-unes, parce qu'on
pourra fuppléer à ce que nous avons obmis, en prétant un
peu d'attention aux obfervations que nous avons rapportées,
Nous fentons bien qu'il y auroit encore fur cette matiére
nombre d'expériences à faire, mais nous avons cru qu'il n'y
avoit aucun inconvénient à rapporter celles que nous avions
faites ; peut-être même engageront-elles quelque autre per-
fonne à travailler fur la même matiére, & fi elles ne pro-
duifent pas cet effet, elles ne nous empêcheront pas de fuivre
les vües que nous avons encore fur cela.
DIE, S2S CINE NC E s. 299
OCCULTATION DE JUPITER
“PARIDA LUÜNE,
Obfervée le 29 Novembre 1737.
Pa M. Cassini DE THURY#Y.
TANT averti par le Calcul tiré des Tables de mon 11 Decemb.
Lu Pere, que dans la conjonétion de Jupiter avec la Lune, 1737.
du 29 Novembre de cette année, Jupiter devoit être caché
_par la Lune, nous nous préparâmes à faire cette obfervation
avec une Lunette de 8 pieds, ayant à fon foyer des fils qui
fe croifent à angles de 45 degrés, & montée fur une machine
parallactique. Nous nous propofons de déterminer, avant &
‘après la conjonétion de ces deux Planetes, leur différence
d'afcenfion droite & de déclinaïfon, & de continuer nos ob-
fervations tant qu'elles refteroient vifibles fur l'horifon, pour
pouvoir les comparer à celle de leur pañlage au Méridien, qui
devoit arriver quelque temps après la conjonction, ce qui
nous donneroit lieu de déterminer la Parallaxe de la Lune;
élément eflentiel à connoître dans la théorie de cette Planete.
Parmi toutes les obfervations que nous avons faites, nous
_ n'en rapporterons ici que quatre, dont les deux premiéres ont
été faites environ dans le temps de la conjonction, & par
conféquent peuvent fervir à déterminer l'heure à laquelle
_ elle eft arrivée, les deux autres dans le temps que Jupiter
entroit & fortoit du difque de la Lune pour fixer ces deux
points , & la diftance de Jupiter au centre de la Lune.
_ A 6h 21° 24” Je bord précédent de fa Lune au Cercle hor.
22 3 la corne inférieure au Cercle horaire.
22 52 Îa corne fupérieure au Cercle horaire.
À 23 10 Jupiter au Cercle horaire.
+ . 23 41 Jupiter au fecond oblique
Ppi
300 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
A 6h 24' 38"le bord précédent de la Lune au Cercle
horaire.
2$ 17 la corne inférieure au Cercle horaire,
25 52 Jupiter au premier oblique.
26 7 la corne fupérieure au Cercle horaire.
26 20 Jupiter au Cercle horaire.
26 48 Jupiter au fecond oblique.
A 7h 6’ 13"le bord précédent de {a Lune au Cercle
horaire.
6 52 la corne inférieure au Cercle horaire.
6 57 Jupiter au premier oblique.
6 $9 Jupiter au Cercle horaire.
7 2 Jupiter au fecond oblique.
7 41 la corne fupérieure au Cercle horaire.
24" 13"1e bord précédent de la Lune au Cercle
horaire.
24 28 Jupiter au premier oblique.
24 3 5+Jupiter au Cercle horaire.
24 44 Jupiter au fecond oblique.
24 52 la corne inférieure au Cercle horaire.
25 41 la corne fupérieure au Cercle horaire.
Par le moyen de ces obfervations, jointes à celles que nous
avons faites, nous avons tracé, dans la Figure ci-jointe, la
route apparente de Jupiter par rapport à la Lune.
Après les deux premiéres obfervations, nous attendimes
le paffage de Ja Lune & de Jupiter au Méridien ; & comme
le mauvais temps ne nous avoit pas permis de voir le Soleil
à midi, nous obfervâmes à 6P 37’ 1 5" + le pañlage au Mé-
ridien de l'Etoile @ dans la Conftellation du Verfeau, qui
étoit à peu-près dans le même parallele que Jupiter. Les
obfervations que nous avions faites les jours précédents de
cette Etoile, comparées au pañlage du Soleil au Méridien,
nous avoient donné lieu de déterminer fon afcenfion droite ;
& comme elle ne devoit paffer au Méridien que quelques
DES SCIENCES. 30
minutes avant la Lune, elle étoit des plus propres pour
déterminer avec exactitude lafcenfion droite de ces deux
Planetes.
A 6r40' 45” le centre de la Lune 33°28’ o‘hauteur apparente du
au Méridien. centre de la Lune.
6 4x 2 lecentredeJupiterau 33 46 45 hauteur! apparente de
Méridien. Jupiter.
17 différence. 18 45$ différ. entreles centres.
Ces obfervations réduites & comparées avec celle de
FEtoile®, donnent la longitude de Ja Lune à fon pañlage au
Méridien, de 14° 29' 12", fa latitude de o° 54’ 10", la
Zongitude de Jupiter à fon paffage au Méridien de 1 4° 2 2° 6”,
plus petite de 7’ 6" que celle de la Lune, & fa latitude de
(D:2 1/40! À
Nous continuâmes enfuite nos obfervations avec la Ma-
chine parallaétique, tandis que M. Maraldi, avec une Lunette
de 18 pieds, déterminoit le moment de lentrée & de Ia
fortie de Jupiter & de fes Satellites à l'égard du difque de la
Lune, car ces obfervations peuvent fervir en certains cas à
déterminer la grandeur du diametre de Jupiter, la fituation
de ces Satellites, & leur diftance au centre de cette Planete,
en comparant les intervalles entre le temps de leur éclipfe.
A 7h 5’ 16” le troifiéme Satellite entre.
44 Jupiter paroît à moitié caché,
9 56 le premier Satellite entre.
13 22 Jupiter entiérement caché.
æ$ 39 Jupiter commence à paroitre.
18 19 le fecond Satellite fort.
20 27 ‘le troifiéme Satellite fort.
26. 39. Jupitereft entiérement forti.
27 58 le premier Satellite fort.
41 56 Le quatriéme Satellite fort.
“Par da comparaifon de quelques-unes de ces phafes, Ton
… trouve l'heure du milieu du paffage de Jupiter par le difque
- delalune, à 7h15 0".
Ppi
\
302 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RorALE
- Pendant cette obfervation nous avons examiné attentive-
ment fi Jupiter, en approchant de li Lune, ne changeoïit point
de couleur, & nous n'avons remarqué aucune autre altération
fenfible, foit dans fa couleur, foit dans fa figure, que celle
qui peut provenir de fa différente fituation dans la Lunette,
comme on l’a remarqué plufieurs fois.
Nous attendions le jour fuivant le paffage de Ia Lune &
de Jupiter au Méridien, mais le temps qui fut couvert, nous
priva de cette obfervation, qui nous étoit eflentielle pour faire
ufage de toutes celles que nous avions faites les jours précé-
dents, & que nous avions continuées jufqu’au coucher de ces
deux Planetes pour déterminer la Parallaxe de la Lune.
Nous ne vimes plus k Lune au Méridien que le 2 Dé-
cembre, & nous avons toüjours continué, autant que le
temps nous l'a permis, de faire cette obfervation, qui eft la
plus propre pour déterminer avec exactitude le lieu des Pla-
netes dans le Ciel. Nous en rapporterons ici les longitudes
& les latitudes, déduites de nos obfervations, faites pendant
fpt jours confécutifs, au cas qu'on veuille en faire quelque
ufage pour la théorie de cette Planete.
" Longitudes. Latitudes.
Le 2 Décembre à 8h47 56” X 21°27 1"...3044! 28” Auftr.
3 Décembre à 9 30 6 3 37 27...4 2k 4
4 Décembre à 10 13 18 © 1$ SI 9...4 46 37
$ Décembre à 10 $7 52 % 28 10 2...4 58 40
6 Décembre à FI 44 7 x 10 36 3z...4 $7 3
7 Décembre à 12 31 4$ ox 23 12 48 ...4 42 2
8 Décembre à 13 20 $0 ® $ 54 40:..4 10 38
Éongitudes de Jupiter. Latitudes.
Le 2 Décembre à . 6h28” 57 X 14° 36 57”...1°21" 10” Auftr.
6 Décembre à 6 4 44 OX 14 52 4$...1 20 26
LA
Mer.
de-
Lscad.
4787. pl.n P:
. pag. 80
2
Par
Nov
emÛr.
e 1797
Pme
Lune me
sd
Oecculertion de
la Lunel 29 À
Mer. de Lscad.1737. pl.n. pag. 802
420 2 par
r 2
OVEINOTE 179)
DES SCIENCES 303
‘1 OBSERVATION
* DE LA CONJONCTION DE JUPITER
ALAN ENT NE, |
Fate à Paris le 29 Novembre 1737.
Par M. LE MoNNieR le Fils.
Es obfervations des Planetes & des Etoiles fixes éclipfées
par la Lune, ayant été employées depuis la fin du der-
nier Siécle, pour déterminer les Longirudes fur Terre, les
| Aflronomes, depuis ce temps-là, y ont toüjours été fort
. attentifs, & ils ont auffr penfé aux divers avantages qu'on
à | pourroit retirer de ces obfervations dans l’ Aftronomie. Les
uns ont inventé des Méthodes fort fumples pour en déduire
| Je diametre de la Planete éclipfée. Les autres ont voulu prou-
M ver que la Lune n'avoit point d'Atmofphere ; & comme
“… dans l'Eclipfe d'une Etoïle fixe par la Lune, on voit, quelque
M temps avant limmerfion, cette Etoile S'avancer un peu fur
; m2 difque éclairé de la Lune, ils ont eu recours à diverfes
‘4 expériences, qui toutes prouvent fort bien que les diametres
‘à apparents obfervés des corps fumineux fur un fond obfeur,
. font toüjours un peu plus grands, & qu'au contraire les dia-
metres apparents obfervés des Corps opaques fur un fond
mineux, font toüjours plus petits que les véritables. L'ob-
ation de M. Picard fur un feu de trois pieds, à la diftance
31897 toiles, qui parut dans la Lunette de fon Quart-
ercle fous un angle de 8”, au lieu qu’il n’auroit dû paroître
ue fous un angle de 31 4, eft une preuve afés forte pour
nfirmer la premiére partie de ce fentinrent, & l’obfervation
’Eclipfe de Soleil arrivée l'an 1 684 , où le diametre de
une parut tout au plus fous un angle de 30'5", quoiqu'un
jour ou environ avant & apr ès Y l'Ecliple, ce diametre mefuré
ttrouvé plus grand de 1” 2 5”, c'eft-à-dire, 3 1’ 30”; cette
7 Decemb.
1737°
304 MEMOIRES.DE L'ACADEMIE ROYALE
obfervation, dis-je, paroît confirmer la feconde partie de ce
fentiment.
Enfin quelques Aftronomes ont employé aufi ces fortes
d'obfervations, pour en déduire, à la maniére des Anciens, le
vrai lieu de la Lune dans fon orbite, & fa latitude ou diftance
à l'Ecliptique ; mais outre que le lieu de la Lune & fa latitude
font fort difficiles à conclurre de cette maniére, à caufe de
la Parallaxe, qui rend le calcul plus compliqué, & du peu
d'exactitude avec laquelle les longitudes & les latitudes de
l'Etoile ou de la Planete peuvent être connues par les catalo-
gues ou par les Tables aftronomiques ; il eft encore certain
qu'il y a des cas où le lieu de la Lune ne peut être déterminé
par cette méthode avec autant d'exaétitude que par les obfer-
vations faites au Méridien ; & ces raifons ont été fans doute
la véritable caufe du peu d’obfervations que nous avons des
appulfes de la Lune aux Planetes & aux Etoiles fixes. Cepen-
dant comme il eft important pour la théorie de la Lune,
d’obferver fon mouvement horaire, qui ne fe peut conclurre
des obfervations faites plufieurs jours de fuite au Méridien,
nous ne laiflerons pas de tirer dorénavant tout l'avantage
qu'on peut efperer de ces fortes d’obfervations, & nous don-
nerons dans la fuite les différentes Méthodes dont on peut fe
fervir pour le déterminer aufli exactement qu'il eft poffible.
H y a auffi des cas où l'occultation d'une Planete par a
Lune ne peut être d’un grand ufage pour les Longitudes fur
Terre ; par exemple, dans lEclipfe de Jupiter par la Lune,
obfervée le 29 Novembre au foir, le chemin apparent de Ju-
piter s’efl trouvé trop oblique à la circonférence du difque de
la Lune; mais ces cas font fouvent des occafions fort avanta-
eufes pour éclaircir quelques-unes des difficultés qui reftent
à réfoudre fur les diametres apparents des Aflres. Par exemple,
on fçait que dans la pleine Lune le diametre mefuré avec le
Micrometre, eft plus grand que le véritable d’un certain
nombre de fecondes, mais il eft évident que cette augmen-
tation diminue dans les autres phafes. Nous aurions bien
voulu vérifier, par exemple, f: dans les Quadratures telles
qu'au .
214108: FIST BACITIEEN, état: M 330$
qu'au 29 Novembre 1737, ce diametre apparent méfuré
avec le Micrometre, étoit encore trop grand ; ou fi la lumiiére
n étant très-foible vers des extrémités de la ligne des Cornes,
…_ ce diametre obfervé étoit le même que le véritable : maïs
_ il'étoit à craindre que cet effet ne fût pas auffr fenfible avec
une Lunette de fix pieds, dont je me fers ordinairement pour
mefurer les diametres du Soleil &:de da Lune, comimeayéc
aneautre der 3 pieds+, qui eft fort bonne, & que j'émploye
_ toûjours pour les Eclipfes des Satellites de J upiter. Or il faut
remarquer qu'il faudroit un trop grand oculaire pour mefurér
le diametre de la Lune avec cette Lunette: de 1: 3 piedsi}
outre que l'œil ne pourroit affés promptement y appércevoik
les deux extrémités du diametre de cet Aftre : néantmoiïns ff
Ton demande quel étoit 1e diametre de la Lune obfervé avec
la Lunette de fix pieds, où eft toûjours adapté mon Micro:
mêtre, Jerapporterai mon obfervation faite à Ja hauteur a ppas
rente del Lune d'environ 3 0°, fon diametre ayant paru de
_ 30*29”, lequel doit être corrigé par la différence des réfrac:
_ tions, & on aura 30° 31". |
à Avec da Luerte de 13 pieds 2. .
» A 7h 4" 20" le bord inférieur de J upiter commencoit à.
4 “ 1 2° \ , - 5 a
être caché par le difque obfcur de la Lune, & Je remarquai
… enfuite que cette même portion du difque obfcur de la Lune
.… paroifloit fort bien terminée fur le difque lumineux de Ju?
piter. Je n'ai point trouvé qu'on dût rapporter cette portionf
dé circonférence du difque obfeur à un cercle concentriqué:
&d'ünrayom plus petit que le cercle du difque lumineux de!
Ja Lune: il m'a été d'autant plus facile d’en juger, que J upiter
fmbloit fe mouvoir étant un péu plus de moitié éclip{é juf-
… qu'à la ligne des cornes où fon centre fe trouva.à 75 10! 30"
| & j'ai pû facilement examiner quelques fecondes auparavant,
fi la circonférence du difque lumineux de la Lune étoit la
nême que la circonférence du difque obfcur dont on voyoit la
petite portion fur Jupiter, ou fi cette circonférence du di fque
obfcur de la Lune lui étoit feulement concentrique. Elle
Mem. 1737. Qq
N *
#
,
306 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
devoit être concentrique néceflairement felon les expériences
& les obfervations fur l1 lumiére, que j'ai rapportées ci-devant,
& la différence devoit être d'autant plus grande entre les deux
circonférences, que les deux caufes concouroient à produire
cet effet de la maniére la plus fenfible qu'il étoit poflible. Car
fuppofant le demi-diametre apparent & lumineux de la Lune,
augmenté de quelques fecondes, le demi-diametre apparent
& obfcur de la Lune qui étoit terminé à la portion de Ja
circonférence, vû fur un corps lumineux comme Jupiter, de-
voit par conféquent être plus petit que le véritable : d'où
réfultoit la fomme des différences entre ces deux demi-dia-
metres & le véritable, ce qui donnoit le cas le plus favorable
qu'on pôt fouhaiter. Cependant je n’ai pu y remarquer aucune
différence, & je voyois la même circonférence, dont une
partie étoit lumineufe, & l’autre obfcure, mais apparente far
un fond lumineux ; ce qui vient fans doute de ce que la lu-
miére & de la Lune & de Jupiter, étoit très-foible dans ce
moment, c’eft-à-dire, quelques fecondes avant la conjonétion.
D'où l'on doit conclurre que dans les Quadratures le diametre
obfervé avec le Micrometre feroit fenfiblement le même que
le véritable, fi lon pouvoit obferver ce diametre avec la
Eunette de 1 3 pieds + dont je me fuis fervi.
Peu de temps après ces obfervations, c’eft-à-dire, 3’ en-
viron après la conjonétion apparente, Jupiter fut entiérement
éclipfé, ce que j'ai déterminé à 7h 13° 30": on avoit vù
pendant ces trois minutes une très-petite partie du difque de
Jupiter, qui diminuoit peu-à-peu, & qui fembloit parcourir
la circonférence du difque éclairé de la Lune, comme feroit
une petite Montagne de la Lune mife en mouvement.
Jupiter reparut enfuite, & fortit entiérement du difque
lumineux de la Lune à 7h 26° 30".
D RSA SAGITERN CTEr Su 2 [A 307
HUITIEME MEMOIRE
SUR L'E LECTRICITE.
Par M. pu Fay.
LE travail que j'ai entrepris fur l'Eleétricité,, eft une ,° Decembs
À__1 efpece d'obligation que je me fuis impofée de rendre 1737.
compte de toutes les découvertes qui fe font fur cette matiére,
on en peut voir Ja fuite dans les Mémoires que j'ai donnés
jufqu’à préfent à l'Académie, & dont le dernier annonce la
mort de M. Gray, à qui cette partie de la Phyfique doit fes
plus belles découvertes. M, Granville Wheler fuit préfente-
ment le même objet en Angleterre ; il a été chargé par la
.Société Royale, de la vérification de quelques expériences
que M. Gray avoit confiées en mourant tant à lui qu’à M,
Mortimer, & il s'y eft appliqué avec une attention infinie;
mais avant que d'en venir à ces expériences, nous devons,
pour ne nous point écarter de l'ordre que nous avons fuivi
_ jufqu'à préfent, rendre compte d’une Lettre de M. Gray à
M. Mortimer, publiée depuis fa mort dans les Tranfactions
Philofophiques, N.° 439, page 1 66.
+ M. Gray dit dans cette Lettre, qu'il a pofé fur des appuis
de matiére propre à l'électricité, tels que des gâteaux de ré-
fine, de foufre, &c. des verges de différents bois, comme
de fapin, de frêne & de houx; qu'il les a rendues électriques
. ar l'approche du tube, & qu'il paroïfoit alors une lumiére
Kembluble à une frange courte & mal terminée, qui fembloit
“adhérente à ces verges de bois quand le tube en étoit pro-
che. Lorfqu'après avoir éloigné le tube, on approchoit la
main de ces verges, il en fortoit une lumiére femblable, mais
fans étincelles & fans picotements, comme il arrive dans les
verges ou barres de fer & dans les corps animés. J'avois déja
remarqué ce phénomene à l'égard d’un fagot, d'une botte
de paille, d'un corps inanimé, & je l'avois rapporté dans mon
| Qaÿ
308 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
troifiéme Mémoire. M. Gray a remarqué que lorfque la verge
de bois étoit plus grofie à un bout-qu'à l'autre, la lumiére fe
failoit un peu {ntir par une efpece de répulfion , & que cela
étoit plus fenfible avec le houx qu'avec les autres bois: Ayant
placé une planche dans une fituation verticale au bout & en-
viron à un demi-pouce de diftance de cette verge de houx,
il paroifloit une lumiére qui alloit de la verge à la planche,
& il en paroifioit auffi une femblable lorfqu'on touchoit fa
planche avec le doigt, mais c'étoit tojours fans picquüre &
fans étincelles, “e
M. Gray a fufpendu tantôt un enfant & tantôt une barre
de fer fur différents cordons, & de différentes couleurs, ce
qui a apporté des changements confidérables dans les expé-
riences ; mais comme j'ai traité cette matiére fort amplement
dans mes Mémoires précédents, je crois qu'il fuffira de dire
‘que les expériences de M. Gray n’ont rien qui ne fe rapporte
avec les miennes, & qui ne fuive naturellement des principes
que j'ai établis.
Je dirai la même chofe de Féleétricité communiquée à
l'eau contenue dans une petite coupe d'yvoire, &pofée fur
un corps électrique, ces phénomenes ont trop de rapport
avec ceux dont nous avons déja parlé, pour nous y arrêter.
M. Gray rapporte enfuite une expérienætrès-jolie, & qui
s'explique facilement par le même principe que celles dont
j'ai parlé dans mon feptiéme Mémoire. Un enfant étoit fuf-
pendu fur des cordes de foye, une autre perfonne étoit auprès
de lui, montée fur un gâteau de réfine, on approcha le tube
de l'enfant pour le rendre éleétrique , & une troifiéme per-
fonne préfentoit à l’une des mains de l'enfant des bouts de
fi qu'elle attiroit fortement ; l'enfant alors approcha fon
autre main de celle de la perfonne qui étoit montée für le
gâteau de réfine, l'un & l'autre fentirent un picotement vio-
lent, accompagné d'un pétillement que tous les fpectateurs
entendirent, l'enfant perdit dans l'inftant la plus grande partie
de fon éleétricité, ce que l'on reconnut par le mouvement
des brins de fl qu'on tenoit fufpendus auprès de lui, &z
‘
à
TE SAN
h
+
L
DE SIMSOGTE NICE ’sS 309
l'électricité pafla à la perfonne montée fur le gâteau de réfine,
quoique l'enfant n’eût fait qu'approcher fon doigt de la main
de cette perfonne fans la toucher ; l'enfant ne fut néantmoins
dénué de toute électricité qu'après lavoir communiquée de
hi forte à trois ou quatre reprifes,
Si lon fe rappelle les expériences dont j'ai rendu compte
dans mon feptiéme Mémoire, à l'occafion des fils pofés fur
üne barre de fer rendue éleétrique, on verra qu'elles font
entiérement conformes à celles-ci, & que l'enfant doit par-
tager la vertu électrique avec la perfonne montée für Le gâteau
de réfine; & s'il a lui communique en plus grande quantité
qu'il ne lui en refte, c'eft que le gâteau de réfine l1 détourne
moins que les cordons qui foûtiennent l'enfant ; mais forfque
les deux perfonmes feront foûtenues où fupportées par des
corps femblables, la vertu électrique fe partagera également
entr'elles, à moins qu'il n’y eût des gens plus propres les uns
que les autres à conferver le tourbillon éleétrique, ce qui, à
ce que je crois, n’a point été abfervé jufqu'à préfent..
” M. Gray a difpofé de la même mariére trois perfonnes,
Yune à côté de l’autre, fur des gâteaux de foufre, de cire ou
de réfme, & l'électricité a été partagée entre toutes les trois,
comme on voit que cela doit naturellement arriver. :
1 M: Gray finit cette Lettre par quelques expériences fur
la durée de la Éd électrique dans les différents corps, &
fufpendus avec dés cordons de différentes matiéres & de
différentes couleurs ; d’où il conclut que les cordons de foye
. font ce qui eft le plus propre à conferver le plus long-temps:
dans les corps la vertu électrique dont ils font impregnés..
_ Ontrouvera dans mes premiers Mémoires un fort long détail.
- d'expériences faites dans les mêmes vüûes, & d’où je conclus
k même chofe, fi ce n'eft qu'il faut auffLavoir égard à la
couleur, non pas confidérée comme coul@tir , mais à caufe:
: des ingrédients qui entrent dans fa compofition.
1 Quelque furprenants que foient tous les phénomenes de:
Félecricité dont nous avons rendu compte jufqu'à préfent,
+ onpeutdire qu'ils ne font rien encore en comparaifon de
Qi
310 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
ceux que nous fait entrevoir la derniére Lettre de M. Gray
à M. Wheler, inférée dans les Tranfaétions Philofophiques,
N.° 441. M. Mortimer avoit eu la bonté, dans trois Lettres
des 6 & 14 Juillet, & 20 Septembre 173 6, V.S. d'entrer
avec moi dans quelque détail fur les expériences indiquées
par cette Lettre, & en dernier lieu M. Wheler, qui a été
chargé par la Société Royale de les vérifier, m'a mandé le
réfultat de quelques-unes, mais je crois ne pas devoir rendre
public ce que ces Meffieurs ont eu la politeffe de me confier,
jufqu'à ce que les expériences dont il eft queftion, ayent été
imprimées en Angleterre, & je me contenterai de parler
maintenant de la derniére Lettre de M. Gray, d’une partie de
celle de M. Wheler, & des tentatives que j'ai faites en confé+
quence. La Lettre de M. Gray eft fi courte, que j'aurai auffi-
tôt fait de la rapporter toute entiére que d'en faire un extrait.
La voici donc telle qu’elle fe trouve dans {es Tranfaét, philof.
au lieu que je viens d'indiquer,
» Derniére Lettre de M. Gray, de la Société Royale
» . deLondres, à M. Wheler de la même Société, fur les
» révolutions d'Occident en Orient, que l'Electricité
» fait faire à un petit corps fufpendu & mobile autour
» d'un corps d'un plus gros volume, de même que les
» Planetes font les leurs autour du Soleil.
“
» JE viens de faire en dernier lieu quelques expériences toutes
» nouvelles fur les mouvements que l'Eleétricité peut produire
» dans les corps légers fufpendus. J'ai trouvé que par la vertu
» électrique on pouvoit les déterminer à fe mouvoir, & même
» à faire plufieurs révolutions autour d'un corps d'un plus gros
» volume, foit dans des Cercles, foit dans des Ellipfes concen-
» triques ou exceñtriques à ce corps. J'ai remarqué que la di-
» rection de leur mouvement étoit conftamment la même que
» celle des Planetes autour du Soleil, c'eft-à-dire de gauche
» droite, ou d'Occident en Orient, mais que ces petites Pla-
» netes, s'il meft permis de m'exprimer ainfr, ont beaucoup
w
DES SCIENCES. II
plus de mouvement dans lApogée que dans le Périgée de
leurs Orbites, ce qui eft, comme vous le fçavés, direétement
contraire au mouvement des Planetes autour du Soleil.
Je n'ai point encore communiqué mes expériences à Îa
Société Royale, parce que j'efpere pouffer plus loin mes dé-
couvertes, ou du moins me mettre en état de faire ces expé-
riences beaucoup mieux que je ne les ai faites, & de les pré-
fenter fous un plus beau jour : c’eft alors que j'aurai honneur
de vous en donner un plus long détail. Je fuis, &c.
A Londres, le 6 Février 1734.
C'eft à Foccafion de cette Lettre, dont M. Mortimer
m'avoit donné communication , que je lui écrivis, & le priai
de me mander de quelle maniére M. Gray failoit ces expé-
_ riences, pour ne pas employer inutilement un temps confi-
dérable en tentatives qui pouvoient être infruétueufes. Il me
manda que c'étoit au moyen d’un gâteau de lacque & de
réfine de 10 à 1 1 pouces de diametre, & de deux à trois
d'épaifleur ; que M. Gray plaçoit au centre de ce gâteau rendu
électrique, une boule d'environ un pouce de diametre, de
quelque matiére que ce fût, que cependant M. Gray pré-
féroit le fer ; que tenant enfuite une petite boule de liége
fufpendue à un fl délié de 8 ou 10 pouces de long, à la
hauteur de l’équateur de la boule de fer, cette petite boule de
Jiége prenoit d'elle-même un mouvement circulaire d’occi-
dent en orient autour de la groffe boule, qu’elle continuoit
. fouvent pendant plufieurs minutes, & que même cette petite
boule avoit encore un mouvement de rotation autour de fon
axe. Deux circonftances dont je n'ai point encore parlé,
étoient néantmoins néceflaires pour le fuccès de l'expérience,
_ La premiére confiftoit dans la façon de rendre le gâteau élec-
trique, car il ne falloit pas le frotter circulairement, comme
6n auroit été naturellement difpofé à le faire, il ne falloit pas
. mémele frotter en tout, mais feulement le frapper perpendi-
… culairement avec la main tant par deflus que par deffous.
=: Ea feconde circonftance eft qu'il falloit tenir le bout du
12 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
fil fufpendu à la main entre le pouce & le doigt index fans
de prendre avec une pince, ou l'attacher à quelque corps
immobile ; j'ai cependant appris que depuis la mort de M.
Gray, l'expérience avoit été faite en paflant le bout fupé-
rieur du fi] dans da fente d’une plume qu’on tenoit à la main,
& en appuyant la main fur le dos d'une chaife pour éviter
les mouvements involontaires que peut caufer l'attitude un
peu contrainte dans laquelle on eft obligé d'être pendant
l'expérience.
Voilà les premiéres connoiffances que j'ai eües du phéno-
mene énoncé dans la Lettre de M. Gray. Quelque incroyable
qu'il me parût, l'habitude où j'étois depuis le commencement
de mon travail fur cette matiére, de faire avec tout le foin
poflble les expériences découvertes par M. Gray, & le bon-
heur que j'avois toûjours eu d'y réuflir, ne me permirent pas
de demeurer long-temps fans en faire l'expérience par moi-
même. Je préparai des gâteaux de réfine pure, & d'autres
d'un mélange de réfine & de gomme-lacque, & j'avertirai en
pañlant que ces derniers font préférables à plufieurs égards
dans toutes les expériences, ils font plus folides, moins füjets
à s’éclatter, & plus faciles à frotter lorfqu'on les veut rendre
éleétriques par ce moyen, qui n'eft pourtant pas, comme
vous l'avons déja dit, celui qu'il convient d'employer dans
l'expérience dont il s’agit. Ces gâteaux avoient à peu-près
les proportions qui nrétoient indiquées, & pour les faire, je
p'ai rien trouvé de mieux que de prendre un cercle de bois
d’un diametre & d’une hauteur convenable, de le pofer fur
un marbre ou une pierre bien unie, de y fceller avec du
plâtre, & lorfqu'il eft fec, on y verfe un mélange de deux
parties de gomme-lacque & d'une partie de réfine ou de
colophone fondues enfemble; M. Wheler s’eft fervi de cire
& de réfine, & je crois que cela eft affés indifférent , de:
mème que les proportions des diamerres & des épaifleurs des.
gâteaux.
Ayant ainfi préparé ce gâteau, je l'ai rendu électrique de
la maniére prefcrite, c'eft-à-dire, en le frappant perpendicu-
j lairement
DES SCIENCES. 313
lairement avec la main, tant en deffus qu'en deflous ; j'ai
même prié M. Mortimer & M. Defaguilliers, dans le dernier
voyage que j'ai fait à Londres, de me montrer de quelle
maniére ils l'avoient vû faire à M. Gray, & j'ai và que je
m'y étois pris précifément de la même maniére. J'ai placé au
centre de ce gâteau rendu électrique de la forte, une boule
de fer de 1 4 lignes de diametre, qui eft devenue fur le champ
électrique par la communication du gâteau, comme il étoit
aifé de s'en affürer en approchant quelque corps léger de Ha
boule; je pris enfuite une boule de liége d'une ligne & demie
de diametre, fufpendue à un fi très-délié, je tins à la main
le bout de ce fil qui avoit un pied de long, & appuyant ma
main le plus folidement qu'il m’étoit poflible, je defcendis
la petite boule jufqu'à ce qu'elle répondit à peu-près à l'équa-
teur de la grofle ; je dis à peu-près, parce que comme on
tâche de tenir le fil bien verticalement au deflus de la boule,
il n'eft pas facile de faire répondre la petite boule bien préci-
fément à l'endroit où l’on veut ; d’ailleurs la main a toüjours
quelque mouvement qui fait qu’il n’eft pas poffible de la tenir
Iong-temps à la même hauteur, mais je crois que toutes ces
circonftances font bien-peu importantes. Lorfque la petite
boule étoit dans la fituation que je viens de décrire, on la
voyoit en effet s’écarter de la boule de métal, & faire autour
d'elle plufieurs révolutions, mais Je ne puis pas dire qu'elles
fuflent plûtôt de loueft à left que de l'eft à l'oueft ; il me
parut même que tout ce qui arrivoit dans cette expérience
n'étoit qu'une fuite du principe que j'avois découvert depuis
Jong-temps, & qui m'avoit férvi dans mes premiers Mé-
moires, à l'explication de plufieurs faits dont la caufe étoit
- demeurée jufqu’alors inconnue. Ce principe eff que les cor: s
P
impregnés d'une électricité de même nature, de l'électricité
réfineufe, par exemple, comme dans le cas préfent , font
repouñlés l'un par l'autre, au lieu d’être portés l'un vers l'autre,
comme il arrive lorfque l'un des deux n’eft point électrique,
ou qu'il eft impregné de l'électricité vitrée, fi le premier l'eft
de la réfineufe.
Mem. 1737: Rr
314 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Ce principe qui fe retrouve par tout, & qui rend raifon
des plus finguliéres expériences de l'éleétricité, me parut
caufer dans celle-ci tous les effets que j'y remarquois. La
petite boule de liége fe trouvant plongée dans le tourbillon
qui entoure tant Je gâteau de réfine que la boule de fer qui
en occupe le centre, devenoit éleétrique elle-même fur le
champ, & par conféquent elle étoit repouffée loin de cette
boule, & comme je tenois le fil auquel étoit fufpendue la
boule de liéve le plus exaétement que je pouvois, au deflus
de l'axe vertical de la boule de métal, cette petite boule ne
pouvoit en demeurer écartée à un certain point fans retomber
à droite ou à gauche, & être par-là déterminée à tourner
autour de la grofle boule par laquelle elle étoit continuelle-
ment repouflée, & pour peu que la main qui foûtenoit le fil,
eût de mouvement, les révolutions de la petite boule deve-
noient plus exaétes, & il s'en faifoit un plus grand nombre,
mais elles me paroifoient fe faire indifféremment d'un côté
ou de Fautre.
Lorfque je tenois deux boules de liége fufpendues chacune
à un fil, & que je les voulois approcher l’une de l’autre, elles
s’en écartoient de même que de la boule centrale, & pa-
roifloient décrire des cercles les unes autour des autres, mais
toûjours avec indifférence pour un côté & pour l'autre, &
avec beaucoup d'irrégularité.
Lorfque je plaçois la boule de métal en quelque endroit
de la furface du gâteau éloigné du centre, les cercles que
décrivoit la petite boule, s’allongeoient du côté oppolé, &
devenoient des efpeces d'ellipfes, & lorfque je metiois plu-
fieurs boules de métal, de bois ou d’yvoire fur le gâteau, fa
boule de liége décrivoit autour d'elles, & quelquefois entre
elles, felon l'éloignement où elles étoient les unes des autres,
des courbes très-irréguliéres, maïs qui me paroifloient dé-
pendre beaucoup de la répulfion réciproque des petites boules
& des grofles.
Lorfque j'attachois le fil à un appui folide au lieu de le
tenir à la main, il fe faifoit moins de révolutions, mais il ne
DES, SGEN CES j 31
laifloit pas de s'en faire ordinairement, parce que lorfque la
petite boule étoit écartée de Ja grofle, & qu'elle trouvoit,
pour ainfi dire, dans les limites de fon atmofphere de répul-
fon, la moindre agitation de Fair la portoit d'un côté ou de
l'autre, & par-là lui imprimoit un mouvement qui devenoit
toûjours circulaire, parce qu'il étoit déterminé par la pefan-
teur de la petite boule qui la portoit vers le centre de la
groffe, & par la force répulfive qui tendoit à l'en écarter.
: de dois adjoûter que dans ces expériences que j'ai répétées
plufieurs fois, je ne trouvois pas la différence dont parle M,
Gray, dans la maniére de rendre le gâteau électrique, & qu'il
me paroifloit que le fuccès étoit à peu-près le même, {oit
qu'on excität fon électricité en le frappant, ou en le frottant,
fi ce n'eft que de cette feconde maniére elle me paroifloit être
plus vive & durer plus long-temps. ;
IL y a une autre cirçonftance dont je n'ai point encore
parlé, & qui mérite grande attention... Lorfque la main dont
je tenois le fil auquel étoit fufpendue la boule de liége, étoit
placée au defus de l'axe vertical de la boule de fer, la boule
de liége s'en écartoit, comme je viens delle dire, & en de-
meuroit éloignée d'environ un pouce & demi ou deux pouces,
& reftoit rarement immobile, comme on peut bien le juger,
mais fe mouvoit circulairement, & prefque continuellement
d'un côté où d'autre. J'éloignai ma main du point qui ré;
pondoit au deffus de la boule de fer, en approchant du bord
du güteau d'environ deux pouces ou deux pouces & demi,
c'eft-à-dire, jufqu'à la diftance de la boule de fer où fà vertu
répulfive portoit la petite boule de liége, en forte que le fil
qui foûtenoit cette boule, étoit alors vertical , & que par-là
je détruifois la force centripete, puifque fa pefanteur ne ten:
doit plus à la porter vers le centre de la boule de fer ; là
petite boule demeura pour lors immobile, & abfolument dans
le même cas que s'il n'y avoit eu auprès d'elle ni gâteau de
réfine, ni rien qui eût rapport à l'électricité. |
J'éloignai enfuite ma main encore davantage, & toû jours
du même fens, c’eft-à-dire, que j'approchai la petite boule
r_ij
316 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
encore plus près du bord du gâteau, en l'éloignant toûjours
de la boule de métal, il arriva pour lors tout le contraire de
ce qui étoit arrivé jufques-là, car la petite boule dans la pre-
miére expérience, & lorfque le fil qui la foûtenoit, étoit
directement au deflus de la boule de métal, s’écartoit & pa-
roifloit tendre vers les bords du gâteau, dans celle-ci au
contraire elle s'écartoit des bords du gâteau, & paroifloit
tendre vers le centre, ou plütôt vers cet efpace circulaire qui
étoit entre la boule de fer & les bords du gâteau au deflus
duquel elle étoit demeurée immobile, en forte qu’elle étoit
réellement repouffée par le centre & par les bords du gâteau,
& ne demeuroit immobile ou flationnaire que lorfqu'on 1a
tenoit fufpendue vers le milieu de l'efpace qui étoit entre le
“bord du gâteau & la circonférence de la boule de métal.
Quoique ce fait füt affés fingulier, je n’eus pas de peine à
en trouver l'explication dans le même principe dont J'ai déja
parlé. J'ôtai la boule de métal de deflus le gâteau de réfine,
& tenant la petite boule de liége fufpendue au deflus de di-
vers points de la furface du gâteau, je vis que le fil s'inclinoit
toûjours, & que la boule tendoit vers le centre du gâteau,
ear ce n'étoit que lorfque ma main étoit au deflus de ce point
que le fil demeuroit vertical, par tout ailleurs il étoit détourné
de la perpendiculaire, & étoit dirigé vers le centre du gâteau,
qui toit, pour ainfr dire, le foyer de l'attraction.
On conçoit aifément que ce foyer d’attraétion eft confi-
dérablement dérangé lorfque j'y place une boule de métal
autour de laquelle l'atmofphere de matiére éle@trique vient fe
raflembler , cette atmofphere doit repouffer la petite boule,
comme nous venons de le voir, & il fe doit trouver fur la
furfece da gâteau un lieu circulaire où il y ait équilibre entre
k force répulfive de la boule de métal & l'attraction du centre
du gâteau ; c’eft dans cet orbe ou dans l'étendue de ce lieu
circulaire que nous avons vü fa petite boule refter immobile,
& le fil qui la foûtient, demeurer perpendiculaire, ce qui,
comme on le voit, dépend du principe que nous avons établi,
& eft conforme aux loix de la Phyfique les plus fimples &
les plus générales.
RC CE sé E
D'ES - $C LE NC E S. 317
+ N'ayant pas pu mieux réuflir dans cette expérience de
M. Gray, toute fimple qu'elle eft, il n'eft pas étonnant que
plufieurs autres -du même genre, qui étoient pareillement
décrites dans les Lettres de M. Mortimer, n’ayent pas eu plus
de fuccès entre mes mains, je n’en ferai ici aucune men-
tion, par les raifons que j'ai alléguées plus haut ; mais je
ferois très-fâché que l’on prit le détail que je viens de faire,
pour une négation formelle des expériences dont il s’agit,
nous en voyons tous les jours manquer par Fobmiffion des
circonftancés qu'on croit les moins importantes, & je dois
à l'exactitude de M. Gray & de M. Wheler, la juftice de
dire que jufqu'à préfent toutes les expériences qu'ils ont
rapportées dans leurs différentes Lettres & Mémoires, m'ont
réuffi précifément de la même maniére qu’à eux, & M. Gra
pareillement , ayant été chargé par la Société Royale de ré-
péter à Londres les expériences que j'ai données à l’Acadé-
mie, & dont j'avois inféré quelques-unes dans une Lettre
que j'écrivis il y a deux ans à M. le Duc de Richemont, a
trouvé le fuccès entiérement conforme à celui que j’avois eu.
à Paris. 1
Ayant recommencé plufieurs fois inutilement fes mêmes
tentatives, & n'ayant pu, dans mon dernier voyage d'An-
gleterre, voir M. Wheler, qui étoit pour lors dans une Pro-
vince éloignée, j'ai pris le parti de lui écrire au mois de
Novembre dernier, de lui expofer mon embarras, mes doutes,
& la maniére dont la plus fimple de toutes les expériences de
ce genre m'avoit réufli ; je lui rendis compte de tous les
moyens que j'avois employés, je lui dis que j'avois tenté de
tenir le fil avec une pince de métal pour éviter tout foupçon
d'un mouvement involontaire dans la main ou dans le bras,
& parce que j'avois reconnu depuis Jong-temps que dans la
‘plüpart des expériences les métaux produifoient les mêmes
effets que les corps animés ; enfim Je tâchai de n'obmettre
aucune des difficultés que j'avois rencontrées, afin qu'il pût
#me donner fur chacune les éclairciflements que je lui deman-
dois. IL me fit réponfe immédiatement après avoir reçû. ma:
Rr ü
318 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Lettre, & je ne puis mieux faire que de donner ici un extrait
de fà réponfe, qu'il m'a permis de communiquer. |
Je vous avoue, dit-il, que j'ai commencé à vérifier ces
expériences avec très-peu d'efpérance, & feulement fur fa
connoiflance que j'avois de la probité & de la bonne-foi de
M. Gray ; mais un homme auffi près de la mort peut fe
tromper, une main de foixante & dix ans doit trembler, &
ce mouvement fuffit pour en produire cent autres, qui joints
à la gravité du petit corps fufpendu, & de fon fil qui eft
contrebalancé par une force répulfive, peuvent être pris pour
un mouvement circulaire. Je me fuis convaincu de l’exiftence
de cette force répulfive entre la boule & les petits corps
fufpendus par plufieurs expériences que j'ai faites en 1732,
je les fis voir l'été fuivant à M. Gray, & j'ai eu le plaifir de
les voir confirmées par vos expériences particuliéres ; cepen-
dant comme le tremblement n'eft autre chofe qu'un mouve-
ment en avant & en arriére, il me paroifloit difficile qu'il
pôt concourir à produire un mouvement circulaire & régu-
lier toûjours dans la même direction ; d’ailleurs j'ai reçû une
Lettre de l’Auteur, qui n’a précédé fa mort que de trois ou
quatre jours, & qui m'a Ôté tout foupçon que fon efprit
eût baiflé.
Par ces motifs, & par l'opinion que j'ai de fa probité, j'ai
perfifté malgré plufieurs effais malheureux , & j'ai été furpris
de voir qu'après avoir frappé le gâteau perpendiculairement
fur toute fa furface, il fe produifoit un mouvement conftant,
régulier, de plufieurs circulations toüjours du même fens, &
de l’oueft à l'eft. Je l'ai répété plufieurs fois, & le même effet
s'en eft toûjours fuivi. Je n'ai fenti ni apperçû dans le temps
de l'expérience aucun changement, aucune altération dans {a
façon de tenir ma main, ou le corps fufpendu, non plus
qu'aucun mouvement qui ait pû être donné à l'un ou à l'autre,
Et pour éloigner toute impreffion de mouvement circulaire
aux corpufcules, j'avois appliqué ma main fur le gâteau, en
le frappant parallelement à un feul & même diametre. ;
Dans tous les eflais qui avoient précédé ceux-ci, j'avois
DE S'IS CUNENN C'E's 319
frappé & frotté le gâteau en différents fens pour mieux, à
ce que je penfois, exciter la vertu électrique, mais cela même
m'empêchoit de reconnoître la direétion des mouvements ;*
j'appercevois feulement, mais d’une maniére incertaine, qu'ils
fe dirigeoient indifféremment , tantôt de l’oueft à l'eft, &
tantôt de l'eft à l'oueft,
Dé fingularités en fingularités , j'ai été entraîné à faire
beaucoup de différentes expériences que j'ai même répétées
en partie aux yeux de la Société Royale, & d'autres en pré-
fence de quelques-uns de fes membres choifis, mais je ne
veux pas leur donner encore üne plus grande publicité, parce
que je n’ai pu lever cette difficulté dont j'ai parlé dans mes
Lettres à la Société Royale, qui eft que la premiére & prin-
cipale expérience ne m'a jamais réufli réguliérement lorfque
le corps fufpendu étoit attaché à un point fixe & immobile,
quoique j'aye tenté différentes maniéres de le tenir, par des
pinces de fer, comme vous l'avés fait, & par d’autres façons ;
& quoique j'aye pris toutes les précautions poflibles, foit pour
la pofition, la figure circulaire, & la furface life & unie de
mon gâteau, foit pour le corps fufpendu, & fa fituation exacte
au deffus du fommet de la boule placée au centre du gâteau.
Car tant que cela nous manquera, nous ne ferons pas aflés
bien fondés pour établir fur ces apparences la caufe du mou-
vement régulier des Aftres vers loueft, quelque utile que la
force de répulfion, jointe à la gravité, puifle étre pour expli-
quer avec facilité un grand nombre de phénomenes, comme
je l'ai laïflé entrevoir dans plufieurs queftions que j'ai pro-
pofées. Je nedois pas cependant paffer fous filence, qu'il nv'eft
arrivé une fois d'avoir fept révolutions réguliéres & fuccef-
fives fans aucun changement de direétion, lorfque l'extrémité
1 “upérieure du fil étoit fixée à un point immobile, & qu'il
m'eft arrivé bien plus d’une fois d'en avoir un grand nombre
de fort réguliéres lorfque le fil étoit pañlé par la fente d’une
plume que je tenois à la main, & qu'il avoit 9 ou 10 pouces
de longueur, .... Je vous dirai de plus que je me fuis fervi
ordinairement d'un gâteau circulaire d'environ ro pouces de
8
320 Memoires DE L’ACADEMIE RoyALE L
» diametre, & d’un pouce & demi d’épaiffeur, compolfé d’une
» partie de réfine, & de trois ou quatre parties de cire. La
» boule étoit d’yvoire dans la plüpart des expériences , fon
» diametre étoit d’un pouce & un quart, & elle étoit percée
» d’un trou qui pafloit par le centre. Le corps fufpendu n’eft
» qu'un petit morceau de liége, & même quelquefois de plomb;
» le fil eft délié, & ordinairement il a depuis ,7 jufqu'à 1 2
» pouces de longueur ; ma main eft appuyée fur le dos d’une
» chaife, ou fur un cordon de foye, ce que je fais pour appro-
» cher le petit corps auffi près qu’il eft poffible du fommet de
» Ja boule, alors je la laifle aller doucement jufqu'à ce qu'elle
» s'échappe, & qu’elle commence fa révolution ; cela étant fait,
» je tâche d'oublier ma main autant qu'il eft poffible, & de
» tourner mes yeux & toute mon attention vers le petit corps
» fufpendu. Je dois avertir auffi que le gâteau eft ordinairement
» placé fur'un récipient de verre d’un pied, ou même un peu
» plus de hauteur, dont j'excite l'éleétricité en le frottant, &
» quelquefois, mais rarement, en le chauffant. Je me füis auf
fervi d'un récipient de 2 pieds 4 pouces de haut, mais alors
» j'ai remarqué de la différence dans le mouvement. On trouve
» dans ces expériences, comme dans toutes les autres fur l’élec-
» tricité, des différences confidérables dans les différents temps,
» mais rien ne faifoit plus mal que de chauffer le gâteau au feu,
» ou de pañer un fer chaud au deffus ou autour du récipient,
» & rien ne faifoit mieux que ma main nûe qui eft fort féche. *
» Vers la fin du mois deJuin dernier quelques circonftances
» finguliéres m'engagerent à faire cette expérience d’une autre
» maniére, & Je fus furpris de voir que fans exciter de nouveau
» Ja vertu électrique, elle étoit affés forte & affés durable pour
» produire des révolutions depuis huit heures du matin jufqu’à
» près de midi, le bras fe repoloit fouvent, & on recommençoit
» aufli-tôt après l’expérience, il fe fit fouvent so révolutions,
» même7o, & une fois jufqu'à 1 00 avant qu'on fe fût repofé
» le bras ; mais comme ces derniéres expériences ont auffi été
>» faites en tenant le fil avec la main, ce feroit abufer de votre
» patience que de vous en faire le détail, à moins que la
premiére
»
M
D'ÉEAST SMIC RE TENC TES, 321
premiére ne vous réuflifie à votre fatisfaction ; fi cela arrive,
“& que ces derniéres vous puiflent faire plaifir, je vous en
enverrai le détail auflr-tôt, de même que celui des autres
expériences que vous fouhaiterés de voir. ,
On peut bien juger que cette Lettre de M. Wheler m'a
encouragé à faire de nouvelles tentatives pour réuffir dans
une expérience qu'il paroît avoir faite avec tant de précau:
tions & d’exactitude, je n'ai cependant pas été plus heureux
que la premiére fois, quoique j'aye placé le gâteau fur un
appui de verre, que je me fois fervi d’une boule d’yvoire, &
que j'aye obfervé avec l'attention la plus fcrupuleufe tout ce
qui étoit marqué dans cette Lettre ; je voyois prefque toû-
jours une rotation, & quelquefois plufieurs révolutions de
fuite, mais c'étoit tantôt dans un fens & tantôt dans l'autre,
& il me fembloit que ce mouvement circulaire étoit prefque
toûjours déterminé par l'agitation de l'air, ou par un mou-
vement involontaire de la main contre lequel il efl bien
difficile de prendre toutes les bat qui font néceffaires en
pareil cas.
Le fil qui fe tortille par lé mouvement de rotation que ce
petit corps fufpendu a le plus fouvent fur fon axe, fait encore
un obflacle qui me paroït devoir troubler l'expérience; pour
y remédier, j'avois imaginé de fixer fur la boule d’yvoire un
petit bâton perpendiculaire, de oàto pouces de long, au
fommet duquel j'avois attaché avec de la cire d'Efpagne un
rubis creux & poli dont la partie concave étoit en deflus ;
j'avois enfuite préparé une elpece de petit fléau de balance
d'un fil de laiton très-délié, qui étoit traverfé d’une aiguille
fine qui lui fervoit de pivot vertical, & dont Îa pointe très-
aigüe portoit fur la partie concave du rubis ; ce pivot n'avoit,
* comme on le voit, que très-peu de frottement, & la plus
petite force étoit capable de faire tourner le fléau d'un côté
ou d'autre, Le fil qui foûtenoit la boule de liége, étoit attaché
à fun des bras de ce fléau, & comme il n y tenoït que par
‘une fimple boule, on pouvoit l'approcher du pivot , ou l'en
… éloigner autant qu'on le vouloit ; un petit morceau ‘de cire
Mem. 1737: | Sf
R a R A
322 MEMOIRES.DE L'ACADEMIE RoyYaALE
attaché à l'autre bras du fléau, faifoit équilibre avec la boule
de liége, & on conçoit facilement qu'il étoit aifé de le rendre
d’une égale pefanteur en lapprochant ou l'éloignant du centre
du mouvement.
Tout étant difpofé de Ia forte, & ayant fixé à environ
6 lignes du pivot le fil qui foûtenoit la boule de liége, après
avoir rendu le gâteau éleétrique, la boule fe mit en mouve-
ment, & fit tourner le fléau, mais ce fut d'abord de left à
loueft ; après deux révolutions, le fléau s'arrêta, & peu après
tourna en fens contraire; enfin je ne vis rien de plus précis
dans cette expérience que dans les autres. Je plaçai le fil à
environ un pouce & demi du pivot, mais alors la boule de-
meura prefque fans mouvement, parce que fa force centri-
pete ou fa gravité n’agifloit plus, elle fe trouvoit dans le lieu
où la répulfion de la boule d'yvoire l’auroit placée, & rien
ne contrebalançoit cette force, par conféquent la boule de-
meuroit en repos, ou n'avoit d'autre mouvement que celui
qui lui étoit communiqué par l'agitation de Fair, qui ne laifle
pas d'être toûjours aflés confidérable malgré toutes les pré-
cautions que l’on peut prendre pour faire ces expériences
dans un lieu tranquille & à l'abri de tous les mouvements
qui peuvent venir du dehors,
N'imaginant plus de moyens nouveaux pour réufflir dans
ces expériences, je récrivis à M. Wheler, je lui rendis compte
du peu de fuccès que j'avois eu, & je le priai de m'envoyer
le plütôt qu'il lui feroit poffble, un des gâteaux de réfine
dont il fe fervoit, une boule d’yvoire, enfin tout ce qui étoit
néceffaire pour faire cette expérience avec les mêmes matiéres
& les mêmes piéces dont il s'étoit fervi en Angleterre. M.
Wheler a bien voulu avoir cette complaifance ; il m'a envoyé
tout ce que je lui avois demandé, & je me préparois à recom-
mencer mes tentatives avec plus de foin & d'attention que
je n’en avois apporté, lorfque je reçüs une derniére Lettre
de lui dans laquelle il me marque que les révolutions de la
boule de liége font plus fenfibles & plus durables lorfque a
boule d’yvoire, la boule de liége, & même le fl ou la foye
DES SCcTENCES. 323
font mouillés avec de l'eau commune, & il adjoûte plufieurs
autres circonftances curieufes dont nous ne rendrons point
compte, parce qu'elles n'ont pas un rapport direct avec
l'objet dont il eft queftion; mais ce qui importe extrémement
à l'expérience prélente, c'eft que M. Wheler conclut d'un
grand nombre d'obfervations qu'il rapporte, que l'intention
& l'envie de produire un mouvement d'occident en orient a
pû être la caufe fecrette qui a déterminé le corps fufpendu
à tourner dans ce fens tant dans les expériences de M. Gray
que dans les fiennes, quoique l'on ne fentit aucun mouve-
ment dans la main ; qu'enfin cette rotation ne vient point
de {1 nature de l'életricité, ni de la figure du corps placé au
centre du gâteau, qu'elle eft réellement irréguliére, & qu'elle
dépend d’un mouvement involontaire & infenfible qui la
détermine à fe mouvoir de droite à gauche ou de gauche à
droite ; c’eft de quoi il s’eft affüré par un grand nombre
d'expériences qu'il a faites en tenant le fil tantôt avec la main
droite, tantôt avec la gauche, en appuyant fon bras, & dif.
pofant fon corps de différentes maniéres, enfin en attachant
le fil à des appuis inébranlables. M. Wheler ayant adreffé à
M. Mortimer, Secrétaire de la Société Royale, cette Lettre
dont il m'a envoyé copie, j'attendrai qu’elle paroïffe dans les
Tranfations Philofophiques pour en rendre un compte plus
exa à l'Académie , & je me contente d'en avoir extrait ce
qui pouvoit juftifier le peu de fuccès que j'avois eu dans ces
expériences fur la rotation des corps fufpendus. J'ai cru de-
voir à M. Wheler la juftice de he public fon témoignage
à cet égard, qui lui fait d'autant plus d'honneur qu'il avoit
“été jufqu'à préfent confirmé dans l'opinion contraire par des
expériences très-féduifantes, & par la confiance qu'il avoit
en celles qui lui avoient été communiquées par M. Gray. La
même raïfon m'empêche de parler d’un détail d'expériences
für cette matiére, dictées le 1 4 Février 173 # par M. Gray,
‘a veille de fa mort à M. Mortimer, & qu'on trouve dans les
"Tranfactions Philofophiques, N.° 444, parce qu’elles font
antérieures aux Lettres de M. Wheler, & que l'état où étoit
Sfi
324 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
alors M. Gray ne lui a pas permis de les faire avec l'exaétitude
néceffaire.
Je finirai ce Mémoire par une obfervation que j'ai faite
depuis long-temps, mais que j'ai eu occafion de remarquer
dans ces derniéres expériences plus précifément que je n'avois
fait jufqu’à lors ; c'eft que pour qu'un corps foit dans le cas
d'être repouffé par un autre corps électrique, il ne fufhit pas
que le premier fe trouve plongé dans le tourbillon électrique
du fecond, au contraire ils font alors pouflés l’un vers l’autre,
& s’attirent mutuellement ; par exemple, lorfque le gâteau de
réfine eft électrique, & que j'ai pofé fur fa furface une boule
d'yvoire ou de métal, fi j'approche de cette boule un fil délié,
elle l'attirera, quoiqu'il foit plongé dans le tourbillon électri-
que, parce que ce fil que je tiens à ma main, ne prend point
un tourbillon particulier, & qu’il eft enveloppé dans le même
tourbillon que le gâteau & la boule ; mais fi ce fil eft un peu
long, & qu'il porte à fon extrémité inférieure une boule de
liége, ou tout autre corps d'un volume plus confidérable que
lui, il fe formera autour de cette boule ou de ce corps un
petit tourbillon particulier, & alors il fera repoufié par celui
de la boule d’yvoire. Dans le premier cas il ne fe forme point
de tourbillon autour du fil, parce que la matiére électrique
s'étend tout du long de ce fil, qu’elle parvient à la main, &
fe répand par tout le corps de celui qui tient le fil, en forte
ue le tout {e trouve comme enveloppé dans le même tour-
billon qui fe diflipe peu-à-peu, & d'autant plus promptement,
qu'il fe communique à des corps d'un plus gros volume.
Dans le fecond cas, la petite boule de liége ayant été
entourée de matiére électrique par le voifinage du gâteau &
de la boule d'yvoire, cette matiére ne peut pas s'écouler le
long du fil qui foûtient la boule en auffi grande quantité que
le gâteau en fournit à la boule, par conféquent ce furplus de
matiére refte autour de la petite boule, & lui forme un tour-
billon particulier qui eft repouflé par celui de la boule
d'yvoire. Ïl arrive cependant , lorfque l'expérience dure long-
temps, qu'une partie du tourbillon de la petite boule fe diffipe
or. LE
tai
ERA RÉ RENE APR RER ES RTE
e,
Gas
DES SCIENCES. 25
le Iong du fil, alors elle cefe d’être repouflée, elle retombe
fur la boule d'yvoire, elle y reprend de nouvelle matiére
électrique, dont il fe forme autour d’elle un nouveau tour-
billon ,.& elle eft repouflée de nouveau jufqu'à ce que ce
fecond tourbillon foit diffipé à fon tour. Ce qui pañle dans
cette expérience eft à peu- près femblable à ce que nous
avons vü dans celle de la parcelle d’or, ou du morceau de
duvet & de la boule de foufre rapportée par Otto deGuerike,
& dont j'ai donné l'explication dans mon 4.me Mémoire.
Memoires de
H eft aifé de conclurre de-là que pour rendre la vertu /#24.:733.
éle&trique plus durable dans la petite boule de liége, il faut 77/7
la fufpendre avec une foye, qui étant une matiére plus propre
que le fil à devenir électrique par elle-même, eft par cette
même raifon moins difpofée à recevoir l'éledricité de 1a
boule, comme je l'ai prouvé par un grand nombre d’expé-
riences ; & pareilement fi lon veut tenter les expériences
que nous avons rapportées, en attachant le fil à un appui
folide , au lieu de le tenir à la main , la matiére la plus con-
venable pour faire cet appui, fera du foufre, de fa lacque,
de la réfine, ou quelque autre corps de femblable nature, &-
d’une éleétricité femblable à celle qui aura été communiquée
à la boule de liége.
î | SL
28 Decemb.
1737:
26 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
3
SUR LA PLUS GRANDE EQUATION
DU CENT RES DD PE SNOl LEE TT
Par M. LE MoNNIER le Fils.
‘USAGE continuel que Von fait en Aftronomie des
Tables du Soleil ; Vutilité immenfe de ces Tables dans
les différents Voyages tant fur mer que fur terre, princi-
palement lorfque les Obfervateurs font munis d'inflruments
faits avec foin ; enfin la néceffité d'employer un des prin-
cipaux éléments qui entre dans leur conftruétion, pour en
déduire les Equations du moyen mouvement de la Lune,
celles de fon Apogée & de fon Nœud, font les trois prin-
cipaux motifs qui m'ont porté depuis long-temps à examiner
quelles feroient les meilleures de ces Tables, ou plütôt de
quelle maniére on pourroit les porter à un plus grand degré
de perfection qu’elles ne font encore aujourd'hui. En effet, il
a paru dans ce Siécle-ci des Tables Aftronomiques propofées
par de célébres Aftronomes, & qui approchent bien mieux
de la vérité que toutes celles qui les ont précéaées ; & fr
cependant on compare les lieux du Soleil calculés par ces
Tables, on trouvera quelquefois une différence de plus d’une
minute, ce qui arrive principalement vers les moyennes diflances
du Soleil à la Terre, c'eft-à-dire, quelques jours après Jun
& l’autre Equinoxe.
Si on recherche la vraye caufe de cette différence, on
trouve d'abord que ces Tables ne s'accordent pas tout-à-fait
dans le lieu moyen du Soleil, ni dans le lieu de fon Apogée,
ce qui contribue quelquefois à produire une partie de la
différence dont on vient de parler ; mais la principale caufe
eft l'E‘quation du centre du Soleil, & c'eft d'elle dont dépend
toute la jufteffe des Tables Aftronomiques : or dans la plus
grande Equation du centre du Soleil, on trouve environ une
minute de différence entre M. de la Hire & M. de Louville ;
RE TETE re
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DRE D rs 1e à)
JS HACDE SU SN CÉLEINUCIE LS. 327
car M. de la Hire la donne de 1° $ 5’ 42”, au lieu que M.
de Louville l'établit en 1720 de 1° 5445".
On trouve aufli que M. Famffeed , dans les Prolegomenes
de fon Fifloire Célefle, publiée en 1725, corrige celle qu'il
avoit donnée autrefois de 1° $ 5’ 0". La méthode nouvelle
u'il employe, eft la même que celle dont nous allons nous
ay or les obfervations de ce fçavant Auteur donnent la
plus grande Equation du centre du Soleil de 1° 56’ 0’
(ou 1° 56" 20” felon les Tables publiées par M. Hogdfon
en 1723) ; enfin M.rs Halley & Newton donnent aufli cette
plus grande Equation de 1° 56’ 20", & on trouve que c’eft
celle qui fert de fondement aux Tables de la Lune; elle fur-
pañle par conféquent celle de M. de Louville de 1° 35", ce
qui eft une différence très-confidérable, & fait voir en même
temps combien cet élément eft difficile à bien déterminer.
Cependant il s’eft trouvé plufieurs Auteurs qui, ayant exa-
miné ces différences dans la plus grande Equation du centre
du Soleil, ont cru tout d’un coup que l’excentricité de l’'Or-
bite de a Terre alloit en diminuant : car cette opinion de
quelques anciens Aftronomes, tels que Copernic & Lanfberge,
s'eft renouvellée depuis quelques années, lorfqu'on a penfé
que M. de Ja Hire, Halley & Flamfleed avoient déterminé la
plus grande Equation du centre du Soleil par des obfervations
faites fur la fin du dernier Siécle; au lieu que M. 4e Louville
n'a commencé à répéter les mêmes obfervations que 30 ou
40 ans après : c'eft pourquoi le plus grand nombre de ceux
qui prétendent que l'obliquité de l'Ecliptique a diminué d’en-
viron une minute depuis 1 00 ans, a bien-tôt regardé comme
une vérité, dont on ne pouvoit prefque plus douter, que la
plus grande Equation du centre du Soleil, & par conféquent
… l'excentricité de l'Orbite de la Terre auroit encore diminué;
& quoique M. de Louville ait fait entrer dans cette recherche
wn grand nombre d'éléments très-difhiciles à bien établir, tels:
que font la hauteur du Pole, la Réfraction, la Parallaxe du
Soleil & fa hauteur méridfenne obfervée, néantmoins la plü-
pat n'y ont pas fait affés d'attention; d’ailleurs étant prévenus
28 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
en faveur de M. de Louville, à caufe de cette grande exacti-
tude qu’il a toüjours apportée dans fes obfervations ; & confi-
dérant de plus que l'excentricité qu'il avoit établie, étoit
confirmée ou plütôt vérifiée par une autre méthode très-diffc-
rente de la premiére, c'eft-à-dire, par les diametres apparents
du Soleil obfervés avec toute l'attention poflible dans fon
Périgée & fon Apogée en 1724, ils n'ont point fait difhculté
d'adopter le fentiment de M. 4e Lowville, & de s'en tenir à
lEquation du centre du Soleil qu'il avoit établie,
Ainfi fuppofant avec eux que l'Equation du centre du
Soleil auroit diminué , elle devroit donc être préfentement
plus petite que celle de M. de Louville, propolée en 1720,
& par conféquent plus on avanceroït dans ce Siécle, plus on
s'appercevroit de cette diminution ; en un mot comme-on
ignoreroit encore la loi fuivant laquelle elle décroîtroit, on
feroit de plus en plus incertain fur Equation du centre du
Soleil, qu'on doit employer pour trouver fon vrai lieu; mais
d’un autre côté fuppofant qu'elle ne diminue pas, il reftera
toûjours beaucoup d'incertitude, ‘car on eft embarraflé fur le
choix de celle qui eft la plus conforme à Ja vérité.
IL eft donc abfolument néceflaire de déterminer aujour-
d’hui avec précifion cet élément principal des Tables du So-
leil, & qui influe fur toutes les autres T'ables Aftronomiques;
ainfi je me propole d'y employer non feulement les meilleures
obfervations que j'ai faites pour cette recherche, mais auffi de
me fervir d’une méthode indépendante de la hauteur du Pole,
des Réfractions & de la Parallaxe du Soleil, ce qui doit me
donner fans doute un très-grand avantage fur celle de M. 4e
Lourville. Enfin je me fervirai aufli de Ia théorie de M. Bradley
fur l'Aberration des Etoiles fixes, & je n'en fervirai principa-
lement pour trouver les variations du Quart-de-cercle mural
dont je me fuis fervi pour faire toutes les obfervations que je
rapporterai ci-après, & parmi lefquelles on trouvera qu'après
avoir comparé quatre Etoiles, dont les unes ont eu des
aberrations entiérement oppofées Ycelles des autres, il en a
réfuité, lorfque les corrections ont été faites, un accord fr
heureux -
D'UN SICUTIEUNN CHE: : 329
heureux, qu’on ne peut fouhaiter une confirmation plus évi-
dente de cette belle Théorie. Voici premiérement les obfer-
vations que j'ai faites en 1733
Le 2 Octobre au matin le paflage de Procyon par le vertical
du milieu de la Lunette du Quart-de-cercle mural fut obfervé
à 6h $ 2° 1" de la Pendule, & peu de temps après, fçavoir à
6h 5334", Procyon pañfla par un autre filet vertical de Ia
même Lunette.
Le même jour je déterminai par quatre hauteurs corref-
pondantes du Soleil, fon paffage au Méridien à 1 18 59'43"L
Je me fuis fervi pour cet effet d'un Quart-de-cercle ordinaire
de 2 pieds & demi de rayon, & je fuis aflüré de n'avoir pas
une demi-feconde d'erreur dans le Midi vrai.
La hauteur méridienne du bord fupérieur du Soleil, fans
aucune correction de la part de l'inftrument, non plus que de
la Parallaxe & de laRéfraGion, fut trouvée de 37° 42'40".
… Le 3 Octobre au matin Procyon pafla par le vertical du
milieu de la Lunette du Quart-de-cercle mural à 6? 47° 8"
de la Pendule, & par l’autre vertical de la même Lunette à
6h 48° 41": d'où il fuit que la Pendule retardoit chaque
jour {ur la révolution des Etoiles fixes de 4’ $ 3"; on aura
donc le 2 Octobre 173 3 à midi, la différence en afcenfion
droite, entre Procyon & le Soleil, de 77° 1 1° 20", dont le
Soleil étoit plus oriental que l'Etoile : cependant il faut re-
marquer que cette différence en afcenfion droite n’eft pas
exacte, car le point du Quart-de-cercle mural qui répond à
la hauteur de Procyon, décline à l'Orient d'environ 1 3” de -
temps, de forte que la vraye différence en afcenfion droite
obfervée auroit été 77° 8’ ; mais nous n’aurons point égard
à cette erreur de l’inftrument, car il fuffit feulement qu'elle
refte toujours la même pendant les fix mois écoulés entre nos
obfervations, & nous ferons voir ci-après comment on s'en
eft aflüré,
+ L'année fuivante 1734 j'obfervai le 10 Mars au foir le
paflage de Sirius au vertical du milieu de la Lunette du Quart-
Mem. 1737: Tt
330 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE RoyaLe
de-cercle mural à 7h 3 5" 0"+, & par l'autre filet vertical de
la même Lunette à 7" 36° 37".
Le 13 Mars au foir Sirius paffa par le filet vertical du
milieu de la Lunette à 7h 23"57", & par l'autre filet à 7h
2533", ce qui donne le retardement de la Pendule fur Ja
révolution des Étoiles fixes de 3'°41"+
Le 14 Mars au foir Sirius a paflé à 7h 20° 15"+, & à
7h 21° 52"+, ce qui donne Îe retardement de la Pendule
fur la révolution des Etoiles fixes de 3°41"+, c'eft pourquoi
nous fuppoferons ce retardement de 3°41", par conféquent
on peut établir le paflage de Srius au Quart-de-cercle mural
le 11 Mars à 7h 31° 19"2.
Le 11 Mars 1734 le centre du Soleil a paffé par le filet
vertical du milieu de la Lunette du Quart-de-cercle mural à
oh25'5"7, & la hauteur méridienne de fon bord fupérieur
a été trouvée de 37° 42° 1”, plus petite de 0° 39"que celle
du 2 Oftobre 1733 à midi: Or nous avons trouvé le 2
Otobre 1733 à midi, la déclinaifon du Quart-de-cercle
721
mural de o' 19"+ à l'Orient, on aura donc le Midi vrai
le 11 Mais1734 à oh25'25"+.
IL étoit cependant de la derniére importance de s’affürer
fi cet inftrument mural n'avoit point remué, ou s'il ne don-
noit pas les corrections pour les afcenfions droites, différentes
de celles qui avoient été trouvées fix mois auparavant ; c'eft
pourquoi j'obfervai le 1 $ Mars 1734 des hauteurs corref-
pondantes du Soleil, & je trouvai que la déclinaifon du même
inftrument étoit de 18"2, ce qui donne pour le 1 1 Mars
19"2+, caï le Soleil étoit d'un degré & demi plus élevé ; &
comme l’erreur de l'inftrument va en décroiflant, puifque j'ai
trouvé le 1 4 Avril 1 0"+, leSoleil étant à la hauteur de 5 o°+,
il n’y auroit donc tout au plus qu'une demi-feconde pour
la variation de l'inftrument dans les afcenfions droites, ce qui
doit être regardé comme une différence trop peu fenfible
pour en tenir compte, d'autant qu'elle peut bien venir auffi
de quelques erreurs inévitables dans les obfervations; en un
-752_éée Las
L.
1
ESS
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RE TE creme De VE
à Échos
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D'E SN IS ACTE IN É'E Se 21
mot nous fuppoferons le vrai paflage du Soleil au Méridien
le rx Mars 1734 à oh25 25"+ de Ja Pendule, & partant
Ia différence en afcenfion droite jobs entre le Soleil &
Sirius fera 106° 44" 57", maïs par un grand nombre d’ob-
fervations faites en plein jour au mois d'Avrili734; &
faifant toutes les corrections néceflaires pour Îa Préceffion &
V'Aberration des Etoiles fixes, j'ai conclu qu'entre les paflages
de Sirius & Procyon au Quart-de-cercle mural, on auroit dû
trouver le 1 1 Mars 1734, 13° 3° so”, c'eft pourquoiler:1
Mars 1734 nous établirons la différence en afcenfion droite
entre le Soleil & Procyon, de 119° 48" 7 . Il faut encore
remarquer qu'il y a ici une erreur de 3'+ à caufe de la dé-
” clinaïfon du Quart-de-cercle mural a fOtient: car la vraye
différence en afcenfion droite apparente doit être de 119°
s2' ou environ ; mais comme nous n'avons befoin que de
la fomme de ces deux différences en afcenfion droite, il eft
évident que fi celle que nous avons conclue le 2 Oétobre à
midi ef trop grande, celle-ci au contraire eft plus petite que
la véritable de la même quantité, de forte qu’il eft abfolument
inutile de connoître exaétement cette quantité, puifque a
fomme fera toûjours de 1 97 "0° 7° dont le complément à
360°0'0", fçavoir 162° 9° 5 3" fera l'arc de l'Equateur
parcouru par le Soleil depuis le 2 O&obre 173 3 à midi,
jufqu' au 11 Mars 1734.
‘H yanéantmoins quelques corrections à faire à cet arc, car
on a fuppoé que Procyon n’avoit eu pendant fix mois aucun
mouvement en afcenfion droite, quoiqu'il ait varié cependant
de quelques fecondes à caufe de la préceffion des E‘quinoxes &
de l’aberration. Or j'ai calculé fur la Théorie de M. Bradley,
V'aberration le 2 Oétobre de 3", 74 à l'Occident, &ler 1
Mars de 9", 59 à l'Orient, c ft pourquoi on adjoütera pour
Ja préceffion 22", & PORT aberration AL l'arc trouvé ci-
defius de 1 62° Ds 53"; &lon aurar63° 0 28".
On voit tout d’un coup que fi la hauteur du Soleil avoit
… été la même à midi, le 2 O&obre 1 73 3 &le 11 Mars 1734,
le Soleil auroit eu ces jours-là précifément la méme déclinaifon,
Titi
332 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
ou, fi l'on veut encore, la méme diflance au colure des Solffices ;
d’où il fuit qu'en prepant la moitié de ce qui s'en manque à
1 80° de l'arc trouvé ci-deflus de 1 63° 0’ 28”; cette moitié,
dis-je, fcroit la diflance en afcenfion droite du Soleil, aux
points Y'& 2, ainfi l'afcenfion droite du Soleil. étant déter-
minée par ces obfervations, on auroit par conféquent fon
vrai lieu dans l'Ecliptique indépendamment de la hauteur du
Pole, de la Réfraction & de la Parallaxe.
D'où il fuit que cette méthode ef la plus fimple de toutes
celles qu'on a propolées avant ces derniers temps, & que par
conféquent elle peut nous conduire bien plus fürement à dé-
terminer la plus grande E‘quation du centre du Soleil ; mais
comme le Soleil étoit un peu moins élevé le 1 1 Mars 1734
à midi, il faut calculer par la Trigonométrie fphérique à
quel arc d’afcenfion droite doit répondre la différence des
déclinaifons où hauteurs du Soleil que l'on trouve, en compa-
rant les obfervations du 2 Octobre & du 1 r Mars fuivant.
Nous avons déja cette différence de 0° 39", mais le demi-
diametre du Soleil étoit plus grand de 3" en Mars qu'en
Octobre, ainfi la différence fera de 42", ce qui fuppofe néant-
moins que le Quart-de-cercle mural n'ait fouffert aucune
variation.
Cependant on doit ici remarquer qu'il étoit encore né-
ceffaire de s'affürer fi dans ces deux temps éloignés d'environ
fix mois, l'inflrument ne pointoit pas différemment dans le
Ciel ; car quoiqu'on connût déja qu'il n'étoit arrivé aucun
changement dans les afcenfions droites obfervées, on n'étoit
pas porté à conclurre de-là que l'inftrument n'avoit pas varié,
quant aux déclinaifons, puilque tous les murs, comme l'on
fçait, s'affaiflent toûjours un peu , & tel changement fe re-
marquera dans les déclinaifons, que l'on ne pourroit jamais
appercevoir par les afcenfions droites.
H fe préfente d’abord deux méthodes fort fimples, & qui
font deux moyens excellents de connoître les variations d'un
Quart-de- cercle mural dans les déclinaifons obfervées. La
premiére efl d'employer un grand Niveau, iel que celui de
l
Lin
Î
Î
DES M STCANE Nu: E-s. 333
M. Picard, qu'on élevera à la hauteur du Quart-de-cercle
-mural, & que l'on pointera à un objet dans l'horifon ; car
en comparant les oblervations faites par ‘ces deux inftruments,
on découvrira l'erreur du Quart-de-cercle dans tel temps de
l'année que l'on voudra. L'autre méthode eft d’obferver Ja
hauteur méridienne d’une Etoile fixe, & de la corriger conti-
nuellement par /es aberrations ; car fi linftrument varie, les
hauteurs de l'Etoile corrigées, comme nous venons de le
dire, donneront des différences entre elles, & par conféquent
donneront l'erreur de inftrument à chaque fois qu'il aura
varié, Cette méthode eff la plus fimple de toutes celles qu'on
a propofées, mais elle demandoit qu'on connût les loix de
Vaberration des Etoiles fixes, & ce n'eft que depuis environ
dix ans qu'on y eft parvenu, l'Aftronomie étant redevable à
M. Bradley de cette grande découverte. On pourroit cepen-
dant tomber fur des Etoiles qui n’ont aucune aberration
fenfible en déclinaifon, comme fa pratiqué M. Famfleed, en
fe fervant des Etoiles du pied des Gémeaux, dont la latitude
eft très-petite.
On dira peut-être que ces corrections ne font pas fuff-
fantes, parce que quelques-uns ont foupçonné que les Ré-
- fractions étoient inconftantes fuivant les différents degrés de
chaud ou de froid, felon les différents vents qui regnent
dans l'air, & enfin felon la plus ou moins grande hauteur du
Mercure dans le Barometre ; d’où il fuit qu'on ne pourroit
trouver le lieu du Soleil par la méthode que nous avons
fuivie, tant qu'on ne connoîtroit pas la quantité dont la Ré-
fraction auroit varié de l Automne au Printemps.
Mais il ef aifé de répondre à ces objections, fi l’on veut
comparer les obfervations que nous rapporterons ci-après,
& qui ont été faites fur plufieurs Etoiles, dont les unes font
très- proche du Zénit, & les autres au deflus de 20° fur
Yhorifon ; car on verra que la réfraction d’un Equinoxe à
Vautre auroit à peine changé de 7" à la hauteur de 2 $°, qui
eft celle de Sirius au Méridien, d’où à plus forte raifon elle
auroit beaucoup moins changé à la hauteur du Soleil, que
Ttiÿ
Bafñs Aftro-
nomiæ, ŸC.
edit. Havria,
at. 173$:
334 .MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
nous avons trouvée d'environ 3 8°; d'ailleurs j'ai trouvé par
diverfes obfervations, que les variations qui font très-grandes
dans les Réfraétions horifontales, décroifient fort fenfible-
ment à chaque degré de hauteur ; par exemple, du plus grand
chaud au plus grand froid il n’y a qu'une minute de différence
à la hauteur de $° fur l'horifon.
Pour m'aflürer enfin fi l'inftrument auroît varié, je me fuis
fervi de la Luifante de la Lyre, que j'ai obfervée en plein jour
aux mois de Mars &’d'Oftobre, de forte qu'il n'a pas été
nécefluire d'éclairer les fils de la Lunette, ce qui eft un avan-
tage dont j'ai toüjours voulu profiter avant que de connoître
le petit Tube inventé par M. Roëmer.
Hauteurs méridiennes de la Luifante de la Lyre.
En Octobre 1733: En Mars 1734.
TES Enr 70230020 ETES ne: 7 0012 SITE
PAIE SE 0 79 39 39 HORS ee ss e+79 387
FDA e she tets heu 79 39 33 ER RO OT A 79 38 50
TN etai le «79 39 34 Par un milieu....79 38 522
SRE Co Halo NES Aberration additive.... 17+
era 79 39 25 Donc...... 79 39 10
Par un milicu....79 39 32
Aberration fouftraét.... 17
Douce: .e 79 AO LS
Ainfi linftrument donnoit $” plus haut en Oftobre qu'au
mois de Mars fuivant, ce qui feroit toute fa variation. Nous
remarquerons ici que cette Etoile étoit /fationnaire au temps
de ces obférvations, de forte qu’on peut, fans erreur fenfible,
prendre le milieu des obfervations, & le corriger enfuite par
l'aberration ; car dans tout autre temps il faudroit calculer
V'aberration de l'E toile pour chaque jour d’obfervations, & faire
la correction qui leur eft dûe, ce qui doit donner plus exaéte-
ment le vrai milieu des obfervations que lon cherche.
La vraye différence des hauteurs méridiennes du Soleil du
2 Oétobre 1733 à midi & du 11 Mars 1734 fera donc
-
DELSY SSUCARE NN CES 335
de o! DEA dont celle du mois de Mars eft plus petite : c’eft.
pourquoi on trouvera par le calcul 1° 26" pour l'arc de
lEquateur, ou le mouvement du Soleil en afcenfion droite
qui répond à fon mouvement en déclinaifon deg’ 37". Enfin
on adjoûtera 1° 26" à l'arc parcouru par le Soleil de 163°
o' 28", & la fomme fera de 163° 1° 54”.
Soit préfentement un Cercle YCP250SY qui repréfente
l'Equateur ; foit auffi fuppofée l'af-
cenfion droite du lieu du Soleil que
Ton cherche le 2 Oétobre 1733 à
midi en quelque point s ; foit enfin
le point P, le lieu où fe coupent
Equateur & le Cercle de décli-
naifon qui pañle par Procyon. Nous
fuppoferons ici, pour rendre cette explication plus fimple,
que cette Etoile n’a aucun mouvement en afcenfion droite
pendant fix mois, c’eft-à-dire, nous ne ferons point attention
à l'aberration ni à la préceflion des E'quinoxes ; maintenant on
confidérera que l'arc s P eft connu par 'obfervation, auffi-
bien que l'arc SY CP, différence en afcenfon droite ob-
fervée le 11 Mars 1734 entre le Soleil & Procyon. Adjoû-
tant ces deux arcs 522, SY CP, la fomme fera l'arc entier
SYCP2S5, qui étant retranchée de 3 60°, le refte fera l'arc
s0.S que nous avons trouvé de 1 63° 0’ 28"; mais comme
la hauteur méridienne du Soleil étoit plus petite le 1 1 Mars
qu'au 2 Oétobre précédent, il eft évident que fa déclinaifon
méridionale étoit plus grande, & par conféquent le Soleil
étoit plus près le 1 1 Mars à midi du colure qui pañfe par %,
qu'il n'en étoit diftant le 2 Octobre 1733 à midi. Or
comme la différence des hauteurs méridiennes, & par confé-
quent la différence en déclinailon, æété obfervée de 37”, qui
répond à un arc de l'Equateur de 1'26"—S%, il faut donc
adjoûter 1° 26" à l'arc sOS pour avoir le vrai arc (50 S
—163"1" 54") parcouru par le Soleil depuis le 2 Oétobre
à midi jufqu'au temps où il eft revenu à la même diftance
dû colure des Solftices qui pafle par # : on connoîtra donc
336 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
la moitié de cetarc, fçavoir s O qui fera de 81° 30" 57";
or l'afcenfion droite Y C0 du colure qui pafle par % eft-
270°0'0". Si on en retranche doncsO0=—8 1° 30'57", le
refte vC 2 5 fera l'afcenfion droite du Soleil le 2 Oétob. 173 3
à midi, fçavoir 188° 29° 3". Ainfi l'afcenfion droite du
Soleil étant connue, on a calculé par la Trigonométrie fon
vrai lieu, en fuppofant l'obliquité de l'Ecliptique de 2 3° 28°
20”, & l'on a trouvé le vrai lieu du Soleil de 9° 14" 1 2"2:
le lieu moyen du Soleil fe trouve par les Tables de M.
Louville, le 2 Otobre 1733 à midi, à 11° 10°25"æ;
donc Equation du centre du Soleil fera de 1° 56’ 13", au
lieu de 1° 54° 45" que l'on devroit trouver par les mêmes
Tables. Mais fi lon calcule le feu moyen du Soleil fur les
Tables de M. Famffeed, on aura 1 1° 10'8"2, & partant la
plus grande Equation du centre du Soleil feroit de 1° 5 5" 56".
J'ai vérifié une feconde fois cette Æ'quation du centre du
Soleil par d’autres obfervations faites en 1734, & j'ai em-
ployé pour cet effet trois Etoiles obfervées au Méridien à
des hauteurs différentes.
. Les obfervations de ces Etoiles que j'ai comparées, m'ont
fervi principalement à connoître s’il m'étoit arrivé aucun
changement au Quart-de-cercle mural dont je me fuis fervi
pour obferver leurs différences en afcenfion droite. Voici
donc les pañlages obfervés en temps de la Pendule, dont le
retardement fur la révolution des Etoiles fixes étoit chaque
jour de 3° 42".
Capelle. Rigel. Sirius.
Lé‘ro Mars ui7344. 06 ot GR 31 RSR E
LG 20 RER IEEE SN22U52 5. 526032
L'2I6 AIMER SPAION 3 8 A Er AAA 6 35 362
AE do mihc dre 4 53 15 ...4 $6 56 ... 6: 2814
C'eft pourquoi le 23 Mars 1734, Capella a dù pañfer à 5" 11° 45"
ananas hé $ , TS 20
Sirius... ...., FT -LONAOMA
Le même jour 23 Mars, le centre du Soleil a paflé 4u
Méridien
DEN si ES CHR EE NA © El 6. 337
Méridien à oh 24261, fon paflage au Quart-de-cercle
mural ayant été obfervé à “oh 24 10". On aura donc fa
différence en afcenfion droite obfervée à midi entre le Soleil
ra ra fes _ #$ qu'il faudroit corriger par la Table
Sirius 95 49 10
des Déclinaifons du plan du Quart- de-cercle à l'Orient, sil
étoit néceflaire de connoître ici les vrayes différences en
afcenfion droite.
La hauteur du bord fupérieur du Soleil, le 2 3 Mars à midi,
fans aucune correction, tant de la part de linftrument que
des Réfractions & de la Parallaxe, étoit de 42° 25" 40".
Avant l'Equinoxe d'Automne j'obfervai le retour du Soleil
à la même hauteur de 42° +, & j'obfervai auffi le pañlage au
Méridien des trois Etoiles que j'avois comparées avec le Soleil
fix mois auparavant : ainfi la hauteur du bord fupérieur du
Soleil, le 20 ” Septembre 1734, étoit de 42° 29 2 3", plus
grande de 3° 43" que celle du 23 Mars ; mais fi lon fait
- une correction de 3”, dont le demi-diametre du Soleil étoit
plus grand le 23 Mas, on aura 3° 46". Voici les pañlages
des trois Etoiles.
Capella. Rigel. Sirius.
Te8/Septemb. 17344 5416! 24"... 5h20! "50... 6h5 1 23°
PÉPOEC eee NON ere NZ 04e OTAAN 11
Le 20 Septembre le pañage du Soleil au Méridien fut
éonclu par un grand nombre de hauteurs correfpondantes à
ol o'10"i.
C’eit pourquoi le retardement de Ia Pendule fur Ia révo-
lution des Etoiles fixes étant chaque de 3° 36”, on aura les
nn . s Capella 102°$9" 58"
. différences en afcenf. droite obfervées entre: 102 4 34
. Sirius... 79 11 43
& le Soleil.
Adjoûtant ces différences en afcenfion droite obfervées,
à celles du 1 1 Mars précédent, la fomme fera
Par Capella 175° 0/42". Par Rigel 17 5° 0'42". Par Slam se o/s 3°:
Ce qui feroit l'arc parcouru par le Soleil depuis le 23 Mars
Mem. 1737. Wu
333 MEmoiRes DE L’ACADEMIE RoYaLE
1734 juiqu' au 20 Septembre à midi, fi chacune de ces
Etoiles n’avoit eu aucun mouvement en afcenfion droite
caufée par l'aberration & la préceffion des Equinoxes.
La correction qu'il faut faire à Farc conclu par Capelle
eft 46" additive, fçavoir 1 4" pour l'aberration, & 3 2" pour
la préceffion des Equinoxes. er Ph pe la correction pour
Farc conclu par Aigel eft 3 1 ” additive, étant compofée de
deux autres aufli additives, fçavoir 9" + pour l'aberration, &
21" pour la préceffion des É‘quinoxes ; mais la correction
pour l'are conclu par Sirius eft beaucoup plus petite, car celle
que demandent les loix de l'aberration eft de 6” fouftractive,
au lieu que la préceffion des Equinoxes en fuppofe une additive
e2.0", on aura donc la correction pour l'arc conclu par Sirius
de 1 4" additive, c'efl pourquoi ces trois arcs corrigés feront
Par Capella 175° 128% Par Rigel175s°1 13". Par Sirius 1750107".
Donc par un de. «ù 175° 1° 16” répondent au véritable arc
de l'Equateur pârcouru par le Soleil depuis le 23 Mars juf-
qu'au 20 Septembre 1734 à midi.
Nous avons comparé ci-devant les hauteurs méridiennes
du Soleil, & nous avons trouvé la hauteur du 20 Septembre
à midi, plus grande que celle du 23 Mars ; ainfi le Soleil
n'étoit donc pas encore parvenu précifément à la même dif-
tance du colure des Solftices. Or fi l'on fuppofe que 3° 46”
donnent exactement la différence des hauteurs méridiennes
ou des déclinaifons du Soleil, on connoîtra ficilement Îa
correction qu'il faut faire au mouvement du Soleil en afcen-
fion droite, mais il faut examiner auparavant fi Finftr ument
dont on s’eft fervi pour connoître les hauteurs méridiennes,
n'a point fouffert quelques altérations caufées par le mouve-
ment du mur qui fe feroit affaitlé. Comparant les obfervations
des quatre Etoiles fuivantes, on trouve que le Quart-de-cercle
mural donnoit les hauteurs plus pre en Septembre que
fix mois auparavant de 1 o"à:18"2, ainfi au lieu de 3° 46”
nous prendrons 3° 31".
D ENS PSC MATE
La Quene du Cygne. Srus.
+ Lens Mars 85°26" qu” |Le 4 Mars24°4s 5"
Leross.ies 24145 35
; NS RERPAUE 24 4$ 10
| ER PRERNE 24 45 S
Perou 24 4$ 12!
Le26 24 44 57
1 4 Lie284: Qu 24 4$ ro
Par un milieu 8$ 26 41 |......... 24 45 8
Obfervations ...: + 15 |....,.:4....,.. + 13
NEC ON TOR ET 2414521
bien de la vraye hauteur.
La Queue du Cygne. Sirius,
… Le 1 Sept. 85°27 35” |Le13 Sept. 24°45/ 49°.
MTc 2.85 27 30 Lerg.....24 45051
pRre 4... 85 27 22 |Le1o.....24 45 49
Mers. 85 27 26 à
De 6,.::. 8$ 27 24
Le1o.:... 85 27 20
MLe 12 .8$ 27 25
Le:s ss. 85 27 30
Le 19..... 85 27 23
Parun milieu 85 27 26 |......... 24 45 50
re Correct. pour L
Aberration…. #14 dote SAINTENE — 13
CCE AE ET PACE 24 45 37
Le Covr. pour la
réceff. des Equin.
è—
NOMME" 16e
Rigel.
Lero Mars 32° 34
Leco. 31234
BEPrAREPE 32 34
sous 32 34
omis péarrete ele ar
sonne 32 34
Rigel.
Le: 3 Sept. 32° 35°
PORNCRLPE FANS
LENGE 32:35
Le r9..... 32 35
Lebor 132,35
LEE 32 35
CURE EAP
Faarterise DAMES
Hauteurs meridiennes d'E’toiles fixes oblervées au mois de Mars 1 :
Vi
339
Capella.
53“ |Le 10 Mars 86° 47/ 25°
HOME Zo,. ... 86 47 10
484 lezc,.... 86 47 20
Copet. 86 47 22
128... 86 47 26
An LEE CE 86 47 22+
HOT: sa + do ae — 7%
GCASORE FRE 86 47 15
… Les hauteurs méridiennes de Sirius ont été répétées plu-
fieurs fois à caufe de la difficulté qu'il y avoit de bien ob-
ferver cette Etoile, qu'on ne voyoit pas dans le crépufcule
comine les trois autres ; ce qui a été auffi pratiqué dans le
mois de Septembre à l'égard de la Queue du Cygne qui pañloit
au Méridien entre oh & r1oh du foir, ainfi on peut être
affuré que les milieux de ces obfervations approchent aflés
Hauteurs méridiennes des mêmes E'toiles obfervées en Septembre 17 34°
Capella.
34" |Le 3 Sept. 86° 47/ 20
25 ILE F'ADONE 86 AT 25
32 MERE 86 47 19
28 Le 62 1 86 47 25
37 |Lens..... 86 47 24
Leg... 86 47 25
31 sous . 86 47 23
UOAAERAE « à 2e ciao ie + 7+
BOT s s oo « 86 47 304
DE Ralate nette ae ARRETE
18 MÉDOC 86 47 28
340 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RovaLE
On ne fçauroit trop remarquer ici l'utilité de fa Théorie
de M. Bradley dans la recherche des variations de l’inftrument
dont on s’eft fervi pour obferver les hauteurs des Etoiles dans
ces deux temps éloignés d'environ fix mois ; car on trouve
que le Quart-de-cercle donnoit les hauteurs trop grandes en
Septembre de o’ 10" par les obfervations de la Queue du
Cygne, de 017" par les obfervations de Sirius, de 0° 18"4
par les obfervations de Rige!, & enfin de o’ 13" par les
obfervations de Capella, c'eft-à-dire, en prenant un milieu
de o’ 1 5"; au lieu que fi lon n'avoit aucun égard à la décou-
verte de M. Bradley, on trouveroit la correction du Quart-
de-cercle mural par les obfervations de la Queue du Cygne
+ 0’ 41"+, par les obfervations de Sirius +- o' 43", par
les obfervations de Rige/ + 0° 39"+, & enfin par les ob-
fervations de Capella — 0° 2". D'où lon voit l'embarras
extrême où doivent fe trouver ceux qui ne veulent pas
encore admettre la Fhéorie de M. Bradley fax Ÿ Aberration des
E'oiles fixes. me femble enfin qu’on peut les faire convenir
ici que quoique les obfervations que M. Bradley à publiées
en1728, n'ayent été faites que fur des Etoiles qui pañlent au
Zénit de Londres, néantmoins fa Théorie eft générale pour
toutes les Etoiles de part & d'autre de l'Equateur, comme il
paroît par les obfervations que nous venons de rapporter.
Je reviens à ces hauteurs du Soleil obfervées, lune fe 2 3
Mars, & l'autre le 20 Septembre 1734. Nous avons trouvé
celle du mois de Septembre plus grande que celle du mois de
Mas, de 3° 31". Or 3° 31° du mouvement du Soleil en
déclinaifon le 20 Septembre, répondent à 8* 6” de fon
mouvement en afcenfion droite ; il faut donc adjoûter ces
8° 6" à l'arc trouvé ci-deflus de 17$° 1° 16”, & l'on aura
175°9"22", dont la moitié 87° 34’ 4r" fera la vraye diffe-
rence en afcenfion droite le 23 Mars 1734 à midi entre le
Soleil & le colure qui pañle par &, c'eft pourquoi l’afcenfion
droite du Soleil fera de 2° 25° 19", & le vrai lieu du Soleil
le 23 Mars 1734 à midi Y 2° 38" 25", mais le lieu moyer:
du Soleil, felon les Tables de M. de Louville, étoit Y o°43"o".
DES SNCUTAEL NUG ES 34
Donc l'E'quation du centre du Sokil le 23 Mars étoit de 1°
s5 25”, & y adjoûtant 46", on aura la plus grande E‘qua-
tion du centre du Soleil de x° $ 6° x 1", ou bien en fe fervant
du lieu moyen tiré des Tables de M. Flumfleed , fçavoir Y 0°
42° 46", on aura la plus grande E‘quation du centre du Soleil
de 1° 5622", & par un milieu 1° 56" 17".
… Ainfi nous fommes en état de prouver que la pls grande
Equation du centre du Soleil n’étoit guere éloignée en 1734
de 1° 56’.
Nous continuerons d'examiner dans la fuite cet élément
principal des Tables Aflronomiques, & nous ferons en forte
de le porter à fon plus grand degré de perfection, foit en y
employant un Quart-de-cerele mobile pour connoître les dédli-
naïfons ou les hauteurs méridiennes du Soleil, foit en ne:
déterminant les paflages au Méridien que par des hauteurs
correfpondantes, au lieu d'y employer un Quart -de-cercle
mural, comme’on la toüjours pratiqué.
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13 Novemb.
1737°
342 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
LE PHOSPHORE DE KUNCKEL,
EXT
A NA SE, PDNE MLOURRAPNNIE,
Par: M HELLOT;
AE {çait déja que ce Phofphore eft une des plus heureufes
découvertes que la Chimie ait faites dans le dernier
- Siécle. Mais fes trois premiers inventeurs n'ont jamais dévoilé
tout le myflere du procédé ; & quoiqu’on en trouve des
defcriptions dans prefque tous les Auteurs qui ont donné des
Traités de Chimie, il paroït cependant qu'aucun d'eux n'a fçû
ou na voulu déclarer le véritable tour de main duquel dé-
pend le fuccès de l'opér ation, puifqu'il n’y à eu jufqu'à pré-
fent en Europe qu'un feul Chimifte qui {çût le faire.
Nous rendons public ce tour de main, fans en rien taire,
afin de mettre tout Artifte en état de Le l'opération, & d'y
réuffir comme nous. Nous fuivons en cela l'intention du
Miniftere, qui a bien voulu récompenfer l'Etranger qui nous
a dit le mot effentiel duquel tout le fuccès dépend. Le Public
fçait aflés que c’eft un ufage, & un ufage établi depuis plu-
fieurs années, que tout ce qui peut contribuer au progrès des
Sciences & des Arts, foit mis au rang des dépenfes néceflaires
de l'Etat. £
C'eft à des vüûes regardées avec raifon comme chiméri-
ques, qu'on eft redevable de ce Phofphore. Son premier In-
venteur, & plufieurs autres avant lui, cherchoient dans l'Urine
il Agent philofophique, fans lequel ils ne pouvoient commen-
cer ni finir le grand Œuvre. Kunckel même, qui d’ailleurs
eft un CHE d’une pratique fort exacte, dit en plufieurs
endroits de fes ouvrages, que fi l’on fçavoit ce que l'Urine
vaut, on gémiroit d'en voir perdre une feule goutte. C'eft
dans cette liqueur, adjoüte-t-il, qu'il faut chercher ce qui peut
En res
DRCEE Tac À
LUE TON ER SNA BUGYANE IN CE LS. 342
décompofer l'Or. I ne fe trouve dans aucune autre matiére,
& fans l'Urine on ne peut tranfporter la teinture de ce métal
fur d’autres métaux de moindre prix.
Ces chimeres étoient le point de vüe d'un nommé Brandt,
bourgeois de la Ville d'Hambourg, qui, dans F'efpérance de
rétablir ou d'augmenter fa fortune, travailla plufieurs années
fur l'Urine. If eut apparemment le fort d'un grand nombre
de fes confreres : if ne trouva pas ce qu'il cherchoit, & trouva”
ce qu'il ne cherchoit pas. Ce fut cette matiére lumineufe fa-
. cile à s'enflammer, ce Phofphore enfin, auquel on x donné
le nom, non pas de fon premier inventeur qui le trouva
en 1677, mais de celui dont on va parler. C’eft Kunckel :
celui-ci s'étant rendu à Hambourg, auffi-tôt qu'il eut recû
la nouvelle de cette découverte, écrivit à Kraft fon ami, qui
étoit alors à Drefde, de le venir trouver pour faire en fociété
Facquifition du Secret. Kraft, infidele à fon ami, s’il en faut
croire Kunckel, vint à Hambourg, mais fecretement, &
traïta avec Brandt moyennant 200 Rifchedales, avec la con-
dition exprefle que le fecret ne feroit jamais communiqué à
Kunkel.
Ce dernier, outré du procédé de cet ami, retourna à
Wittemberg, où il travailla fur J'Urine avec tant d’obflina-
tion, qu'il trouva par lui-même le Phofphore de Brandt, &
qu'il le rendit plus parfait & plus criftallin que lui. C’eft du
moins de quoi il fe vante dans le 44." chapitre de fon La-
boratoire chimique. ,
M. Leibnitz, qui donne l'hiftoire de cette même décou-
verte dans le 1. volume des Journaux de Berlin, accufe-
Kunckel & Kraft d'avoir trompé Brandt, de n'avoir pas.
executé leurs conventions, & de s'être attribués {à découverte.
Mais fi cela eût été vrai, ce Phofphore n'auroit pas porté
depuis le nom de P/o/phore de Kunckel dans toute l'Allemagne,
& d'ailleurs Kunckel n’auroit pas eu l'audace d'accompagner,
fans courir le rifque de fe deshonorer, le récit de fa décou-
verte des circonflances qu'on vient d'entendre, & que j'ai
empruntées de lui. È
344 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Voilà déja deux inventeurs de ce Phofphore : le troifiéme
eft le Chevalier Boyle. Ce célebre Phyficien ayant vü à
Londres un petit morceau du Phofphore de Brandt, que Kraft
y avoit apporté en 1679, pour le faire voir au Roy & à la
Reine d'Angleterre; & ayant fcû de lui qu’il étoit tiré d’une
matiére appartenante au Corps humain, il travailla fur cette
vague confidence, à le découvrir.
Après plufieurs tentatives inutiles, il parvint enfin à faire
l'année fuivante une petite quantité de ce Phofphore ; mais
des affaires l’empêchant alors de porter cette opération à fa
derniére perfection, il dépofa ce premier témoignage de fa
découverte entre les mains du Secrétaire de la Société Royale,
qui lui en donna un Certificat. ‘
Quoique Brandt, depuis fa négociation avec Kraft, ait
vendu ce fecret à plufieurs perfonnes, même à vil prix; quoi-
ue M. Boyle en ait publié le procédé, il eft cependant très-
vraifemblable que l'un & l'autre fe font réfervés le mot de
l'énigme, puifqu'à la réferve de Kunckel & de M. Gotfritch
Hantkuit, à qui M. Boyle a dévoïé tout le myftere, aucun
Chimifte n’a fait voir une quantité un peu confidérable de
ce Phofphore, venu d’une feule opération, qui foit fufible
comme de la cire dans l'eau bouillante, qui puifle fe mouler,
& prendre telle forme qu'il plaira à l'Artifte.
Nous fommes bien éloignés cependant de prétendre que
tous ceux qui en ont décrit l'opération, ayent voulu en im-
poler ; mais nous croyons que la plüpart ayant vû paroître
des vapeurs lumineufes dans le balon, & quelques étincelles
vers la jointure des vaifieaux, ils ont cru que cela leur fufffoit.
Ainfi nous ne craïgnons pas de le répéter : M. Gotfritch .
Hantkuit a été depuis la mort de Kunckel, & depuis celle
de M. Boyle, le feul Chimifte qui en ait pù fournir à tous
les Phyficiens de l'Europe.
Comme fous le nom de Phofphore on confond ordinaire-
ment les Poudres qui s'enflamment à l'air avec le Phofphore
moulé dont il eft queftion préfentement, nous allons décrire
quelques-unes de {es propriétés. Je donnerai aufli un extrait
des
+ D 'EUSN ASC NT © Tiisi Mi ll ex
des différents procédés communiqués par les Auteurs qui en
ont traité, afin qu'on puifle les comparer avec le nôtre. On
_ verra par cette comparaifon que la réuffite de l’opération ne
-dépend pas tant des proportions du mêlange qu'on fait entrer
dans a Cornue, que du choix des Cornues, de {a conftruction
du Fourneau, de l'extrême violence du feu, & fur-tout de fa
maniére de préparer le Balon ou Récipient dans lequel Ia
matiére lumineufe & brûlante doit fe raflembler.
Le Phofphore dont il s'agit, a été nommé P/o/phorus fut-
gurans, Lumen conffans, par Kunckel & par Esholt; Nodfiluca
aërea par Boyle; Phofphore élémentaire pax Hoocke; Lumiére
condenfée pax Sturmius ; Phofphorus igneus & Pyropus par M.
Leibnitz. Il fe peut mouler comme. on l'a dit. Ainfi moulé,
on le conferve dans l'eau ou dans l’efprit de vin, & pourvû
qu'il foit entiérement couvert par fune ou l'autre de ces deux
liqueurs, il y demeure plufieurs années fans fe décompofer,
fi ce n’eft lécerement à fa furface.
Expolé à l'air, il s’y diflout. Ce que l’eau ne peut faire,
ou ne fait que pendant huit ou dix années, l'humidité de l'air
le fait en dix ou douze jours ; foit parce que le Phofphore
s'allume à Fair, & que la partie inflammable s’évaporant pref.
que toute entiére, elle laifle à découvert l'acide de ce Phof-
hore, qui, comme tout autre acide extrêmement concentré,
€ft fort avide d'humidité ; foit aufli parce que l'humidité de
Fair étant une eau divifée en particules infiniment déliées,
elle fe trouve alors d’une ténuité analogue à la petitefle des
Pores du Phofphore, dans lefquels les particules trop groffiéres
de l’eau commune r’auroient pü s’introduire.
Il paroït aflés vraifemblable. que l'une ou l'autre caufe
- contribue à cette déliquefcence du Phofphore, & que peut-
. être toutes les deux y ont part. Quoi qu’il en foit, fe Phof-
. phore étant totalement décompolé, il refte dans le vaiffeau
- une liqueur très-acide, qui n'eft point un acide vitriolique,
- comme quelques-uns ont dit, mais un véritable efprit de fef,
… puifque ce deliquium ne fait point de précipité avec l'huile de
chaux, & qu'il précipite a diflolution de l'Argent en véritable
Men, 1737: €
346 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE Royare
lune cornée, qui paroît même plus volatile qu'une lune cornée
faite par l'efprit de fel ordinaire. Aufli y refle4-il encore unie-
une petite portion de matiére fulfureufe & inflammable ,
puifqu’en la fondant à feu modéré pour lui donner la tranf-
parence de corne, on apperçoit une petite figuration.
Par cette décompofition, on reconnoît que l'acide du fel
commun s'eft uni dans ce Phofphore à une matiére grafle,
qu'il ne s’agit, pour ainfi dire, que de y concentrer par un.
feu violent, & qu'ainfi on pourroit peut-être par d’autres
moyens que par la diftillation, parvenir à former cette efpece
de Bitume inflammable par lui-mème, qui eft l’objet de ce
Mémoire : au moins cette idée, que je ne puis juftifier encore
par aucune expérience, peut-elle autorifer à en faire quel-
ques-unes.
Les autres acides minéraux employés à même deffein,.
mous donnent auffi des Phofphores, mais différents de celui-ci.
L’acide vitriolique encore joint à une bafe terreufe { lalun
par exemple)donne par fa calcination avec des matiéres graffes,
le Phofphore en poudre qui de lui-même prend feu à Fair,
mais qui ne peut fe réunir en une mafle fufible dans l'eau
chaude. De ce mélange mis, comme on fçait, dans un Matras
pour y être calciné, il s'éleve au haut du col une flamme bleue
qui n'eft pas fort brülante, qui s'attache au doigt, & qui le
rend lumineux dans l’obfcurité ; d’où l’on pourroit conclurre
qu’en mettant un femblable mélange dans une Cornue, & le
pouflant par un feu extrême, pareil à celui du Phofphore de
Kunckel, il en pourroit peut-être difliller un Phofphore qui
ne feroit différent que par fon acide. Ce n’eft encore qu'une
conjeéture, mais ces fortes de conjeétures peuvent occafionner:
des découvertes. .
L'acide du nitre introduit & concentré auffi par calcination
dans des matiéres terreufes, comme de la craye, &c. donnele
Phofphore de Balduinus, qui eftun aimant de la lumiére, mais.
qui ne s’'enflamme ni ne brüle. Celui deViganus eft à peu-près.
du même genre ; c’eft le fel tiré de la tête-morte de l’eau-forte,.
fuchargé par des cohobations de l'acide nitreux, il le réduit
ds DES STCTENCES. ‘347
+. par fon procédé en une liqueur qui n’eft pareïllemient que
lumineufe. Le Phofphore liquide d'Ifaac Hollandus eft une
efpece d’eau régale chargée des foufres de l'arfenic, de Panti-
oine & du fer, mais dans laquelle l'acide nitreux domine :
ce Phofphore n'eft que lumineux, ainfr que les précédents.
. Une autre propriété de ce deliguium du Phofphore de
Kunckel, fur-tout fi ce déliquium fe fait après une déflagra-
tion de Îa partie inflammable en vaïfieau clos, c’eft de fe
réduire en une matiére faline, qui après quelques manipula-
tions, devient fixe au feu, & peut y être changée en un
verre tranfparent prefque de la dureté des pierres colorées
naturelles. Je ne métendrai pas davantage fur cette expé-
rience curieufe dont on peut voir le détail au n.° 428 des
Tranfaétions Philofophiques. Elle fera répétée, & nous en
rendrons compte à la Compagnie.
… Quand on fait bouillir fe Phofphore dans l'eau, il fui
- communique fa faculté lumineufe. M. Morin, Profeffeur de
» Philofophie à Chartres, & Correfpondant de l’Académie,
ÿ
dun du mois de Février 173 1.
Le même Phofphore fe diffout dans les huiles effentielles,
<eft ce qu'on nomme le P/ofphore liquide. M fe difiout de
même dans la liqueur éthérée de Frobenius qui eft auffi une
éfpece d'huile eflentielle du vin. I rend les unes & les autres
Jumineufes auffi-tôt qu'on ouvre le flacon qui contient ces
liqueurs. Ce n'eft pas tout, il s’y criftallife ; & voici ce que
ces criftaux ont de fingulier : lobfervation eft de M. Grofie.
- «Ils s'allument à l'air, foit qu'on les jette dans un vaifieau
D trempe dans l'efprit de vin, &£ qu’on les en retire fur le champ,
=. ils nes'enflamment plus à l'air ; ils fument un peu & pendant
— très-peu de temps, & ne fe confument prefque point. H en a
Jaïffé pendant quinze jours dans une cuillere fans qu'ils ayent
…_ paru diminués de volume ; mais fi on chauffe un peu la
…_ cuillere, ils s'enflamment comme le féroit lePhofphore avant
— fi folution & fa criflallifation dans une huile eflentielle ».
| X x ij
= +
a publié le premier cette expérience dans le Journal de Ver-
_ fc, ou qu'on les mette fur un morceau de pupier. Si on les.
348 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE
En 1726 M. Grofle examinoit un de ces criftaux de Phof-
phore qu’il avoit mis dans une cuillere pleine d’eau. Le Ciel
étoit couvert alors d'une nuée d'orage dont il partit un éclair
qui alluma ce Phofphore au milieu de l’eau : Ja flamme rou-
Joit particuliérement fur les bords, & le feul fouffle de a
bouche la fit difparoître.
Le Phofphore de Kunckel fe diflout auffi dans l'huile de
Pétréole, & même dans les huiles par expreffion, telles que
l'huile d'amande douce, l'huile d’œuillette, &c. pourvü qu'on.
aide la diflolution par la chaleur du Bain-marie. Alors ces
huiles communes deviennent aufli lumineufes que les huiles
eflentielles.
Nous ne rapporterons rien de cette multitude d’autres
expériences dont ce Phofphore eft le principal inftrument,
Elles font fufffamment connues des Phyficiens. Il nous fuffit
‘d'avoir indiqué les principaux caracteres qui le diftinguent
des autres Phofphores dont nous avons parlé. IL eft temps de
pafer au procédé. Nous allons le décrire avec des circonf-
tances fi détaillées, qu'il fera impoffble de ne pas réuffr,.
pourvû qu'on fe ferve de vaifleaux qui puiffent réfifter au feu
violent de l'opération.
On fait évaporer cinq ou fx muids d'Urine : il n'importe
que ce foit de l'urine de perfonnes beuvant dé la biére ou du
vin, pourvû qu'elle ait fermenté au moins cinq ou fix jours.
Celle que nous avons employée venoit des corridors de
l'Hôtel royal des Invalides où les Soldats boivent peu de l'une
ou de l'autre de ces deux liqueurs.
Il faut que par l'évaporation Furine foit réduite en une:
matiére grumeleufe, dure, noire, & à peu-près femblable à
de {a Suye de cheminée. Cinq muids de l'urine des Invalides
nous ont laifié environ 38 livres de cette matiére dure &
_ caffante.
Pour faire cette évaporation un peu vite, on conftruit un.
Fourneau de briques, compofé d'un cendrier & d’un foyer,
féparés à l'ordinaire par une grille pour y faire un feu de
flamme avec du cotret, du bois pelart, ou autre bois {ec :-
RL
*
A0
À
DES SCtrENCESs. | 349
au moyen de cette grille la braife du bois fe confume, ce qui
n'arriveroit pas fi le bois étoit à plat fur le fol du Fourneau,
car alors elle y noircit, & le feu s'éteint. I faut donner 8 à
9 pouces de hauteur au cendrier, placer fur fes parois les
barres de la grille, & y élever un foyer de 1 2 pouces, puis
ajufter deflus une grande marmite ou chaudiére de fer de La
capacité de quatre ou cinq feaux : on l'entourera de briques
éloignées d'elle par fe bas d'un bon pouce, & rapprochées
par le haut jufqu'à la toucher. On aura foin de laïfler quatre
évents ou regitres pour donner de air à la flamme. On
entourera le haut de cette premiére marmite de feuilles de
fer blanc, aflujetties tout autour par des briques, excepté du.
côté droit du Fourneau, où il faut que ces feuilles de fe
blanc manquent de la largeur de 7 à 8 pouces, afin de mé-
nager un égoutoir à l'écume qui s'éleve de l'urine pendant fon.
premier bouillon. Cette écume fe déchargera par cet égoutoir-
dans une autre marmite de fer dont on va parler.
. Au côté droit de ce premier Fourneau on en conftruira.
un fecond moins haut, fans grille, & fur lequel on ajuftera.
une feconde marmite de fer à peu-près de même capacité que
la précédente. Il faut que celle-ci foit moins élevée d'un
demi-pied que la premiére, afin que l’écume dont on vient
de parler, puiffe fe dégorger dans cette marmite baffe Le long,
du plane incliné de l'égoutoir, qu’on fera faire de fer blanc
avec des bords relevés de $ ou 6 pouces. Le foyer fimple
de ce Fourneau n'aura que 9 à 10 pouces de haut. Ces deux
Fourneaux doivent avoir d'épaifleur la largeur des briques
ordinaires pofées de plat & liées enfemble par un lut de terre
grafle, détbourre hachée & d’un peu de briques pilées.
Ces fourneaux & les chaudiéres étant ainfr difpofées, on
emplira à moitié la premiére marmite d'urine fermentée, &
l'on allumera deflous un feu clair de bois bien fec, l’'écume
qui s'élevera, tombera par l’ésoutoir dans la marmite infé-
rieure, fous laquelle on aura mis un feu de charbon ; celle-ci
fert non feulement à recevoir l’'écume, mais auffi à chauffer
Lurine qu'on doit mettre dans la fuite dans la marmite haute
X x ii,
350.MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
à mefure que cette urine diminue de hauteur en s'évaporant :
car pour éviter l'élevation de l'écume quand lébullition a
commencé, if ne faut plus remplir la marmite haute qu'avec
de l'urine chaude, & même bouillante.
Cependant fi Malgré toutes ces précautions l'écume étoit
trop abondante, & que la marmite ne füt pas capable de la
contenir, il n’y a qu'à jetter deflus gros comme une petite
féve de Suif, dans linftant cette écume s'affaifle, & l'urine
en prend plus vite le bouillon.
Au moyen de ces deux marmites ainfi difpofées, on éva-
pore plus d'un muid d'urine en 24 heures. Vers la fin de
'évaporation de deux muids d'urine il ne faut plus en mettre
de nouvelle, dans la marmite haute où cette liqueur com-
mencera à s’'épaiflir & à noircir, c'eft alors qu'il faut la re-
muer fans ceffe avec une grande fpatule de fer, en ratiflant
le fond du vaiffeau, pour empècher que le {el de l'urine n’y
forme une incruftation trop épaifle qui ne pourroit fe déta-
cher enfuite qu'avec beaucoup de peine, Par cette agitation
non difcontinuée, la matiére fe réduit en une poudre grenüe,
noire & luifante, ainfi que je l'ai dit.
Dix-huit à 20 livres de cette matiére féche fuffifent pour
deux opérations faites dans des Cornues bien choïfies, de Ia
capacité de 3 à 4 pintes.
On en prend à la fois 4 ou $ livres. On les met dans
une marmite de fer fur un feu de charbon, aflés vif pour en
rougir le fond. On place en grand air le fourneau qui doit
chauffer cette marmite, & l’on agite la poudre fans relâche
jufqu'à ce que le fel volatil &lhuile fétide foient diffipés
prefque entiérement, que la matiére ne fume plus *& qu'elle
ait pris l'odeur de fleurs de pêcher. On recommence cette
calcination avec d'autre matitre, & l’on continue jufqu'à ce
ue des 20 livres foient calcinées.
1 faut enfuite deffaler en partie la quantité qu’on deftine
à une opération. Pour une Cornue de a grandeur ci-deflus
prefcrite, on en prend 6 à 7 livres. On verfe deflus 7 à 8
pintes d’eau chaude, on agite la poudre dans cette eau, & on
DES SCcrENCES. 35
Fy laïfle tremper 24 heures. On verfe l'eau falée par incli-
mation, & l'on defléche & réduit en poudre fine la matiére
leffivée. La calcination précédente avoit enlevé à Ia premiére
matiére environ le tiers de fon poids ; la leffive emporte la
moitié des deux autres tiers *, Ce dernier tiers eft fuffifant
pour une opération; & pourvû qu'il y en ait 3 livres ou un
peu plus, on aura 9 gros de Phofphore tout moulé.
Avec ces 3 livres de matiére calcinée, leffivée & defféchée,.
on mêle une livre & demie de gros fable, ou de grès jaunâtre:
égrugé, dont on a féparé le plus fin par un tamis pour ne
px l'employer. Le fable de riviére ne feroit pas un intermede-
convenable, parce qu'il pétille au grand feu. On adjoûte à.
ces 4 livres & demie de mêlange 4 à $ onces de poudre de
charbons de Hêtre, ou autre bois qui ne foit pas de Chêne,
parce qu'il pétille auf. On humeëéte le tout avec une demi-
livre d'eau, en maniant bien le mélange & le roulant entre
les mains, puis on le fait entrer dans la Cornue avec des pré-
eautions pour n’en pas falir le col.
Avant que de placer la Cornue dans le fourneau, il eft
bon de faire un eflai du mélange précédent pour voir s'il y æ
. efpérance de réuflr. On en met environ une once dans un
-. petit Creufet; on le chauffe jufqu'à le rougir. Le mélange,
après avoir fumé, doit fe refendre, fans fe gonfler, fins même:
s'élever. H en fort des ondulations de flammes blanches &
bleuâtres qui s'élevent avec rapidité. C'eft-à le premier Phof-
phore ; c'eft celui qui fera tout le danger de l'opération.
Quand ces premiéres flammes font pafées, il faut augmenter
. Fardeur de la matiére en mettant fur le creufet un gros char-
. bon allumé. On voit alors le fecond Phofphore : c’eft une
| vapeur lumineufe, tranquille, couvrant toute la fuperficie de
- a matiére, & de couleur tirant fur le violet. Elle dure fort
» Jong-temps, & répand une odeur d'ail, qui eft l'odeur diftinc-
» tive du Phofphore de Kunckel. Les autres Phofphores en:
poudre ont une odeur de foufre ou d’epar fulphuris.
… * Voyés à la fin de ce Mémoire l'obférvation que j'adjoûte fur: les différents:
… Sels qu’on trouve dans cette lefive.
352 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE
Lorfque toute cette vapeur Jumineufe eft diffipée, il faut
verfer la matiére embrafée du creufet fur une plaque de fer,
S'il ne fe trouve aucune goutte de fel en fufion, & qu’au
contraire tout fe réduife en poudre ; c’eft une marque que fa
matiére a été fufftfamment leflivée, & qu’elle ne contient de
fai fixe, ou, fi l'on veut, de fel marin, que ce qu’il lui en faut,
Si l’on trouve fur la plaque quelques gouttes de fel figé, c’eft
qu'il eft trop reflé de {el ; & l'opération court rifque de ne
as réuflir, parce que la cornue fera rongée & percée par ce
{el furabondant. En ce cas il faudra {efliver de nouveau le
mélange, puis le deflécher fufifamment.
J'ai dit ci-devant que la matiére ne devoit pas fe gonfler
dans le creufet, & j'adjoüte que fi elle fe bourfouffle, elle ne
donnera pas de Phofphore. Nous avions évaporé pour notre
premiére expérience près de deux muids d'urine dans lef-
quelles il y en avoit 8 ou 9 feaux d’une urine putréfiée, prife
chés les Teinturiers, & nous avons fçû depuis qu'ils y met-
toient de l'alun. La matiére reftée féche de cette évaporation,
fe gonfla dans le creufet d'épreuve, de la hauteur de près de
2 pouces ; elle ne donna point de vapeurs lumineufes, & à
la place de l'odeur d'ail, on reconnut une odeur confufe
d’efprit de fe : depuis que nous avons fçû quel étoit l'obftacle
qui avoit pû nous empêcher de réuffir, j'ai humecté avec de
l'eau chargée d’alun, de la matiére préparée, qui avant cette
addition ne fe gonfloit pas, & rendoit des vapeurs lumineufes :
l'eau d’alun l'a rendue inutile comme celle dont j'ai parlé ci-
deflus : elle s'eft sonflée, s’eft calcinée, & prefque tout l'acide
du fel s’en eft évaporé, chaffé fans doute par l'acide de l'alun,
ainfi que cela arrive quand on diflille lefprit de fel, du fe
commun mêlé avec ce {el vitriolique.
Le choix des.Cornues eft encore effentiel au fuccès de
Vopération. Les Cornues de grès qu'on vend à Paris, ne peu-
vent réfifter au grand feu de notre Fourneau : toutes celles
que nous avons employées fe font félées malgré le lut qui les
défendoit. Nous en avons fait faire par nos Fournaliftes de
Paris, qui n’ont pas mieux réuffi. H a fallu en faire venir de
Hefle-Caffel,
DES SCIENCES. s54
Hefle- Caffel où l'on fait la plus grande partie des Creurets
qui nous viennent d'Allemagne. Celles-ci ont réfifté à la
diflillation de l'huile glaciale de vitriol, qui a duré quatre jours
& quatre nuits, & à l'opération du Phofphore. Jufqu’à préfent
nous n'en connoiflons point d’autres avec lefquelles on puifle
efpérer de réuflr.
. Quant au Fourneau, il doit être tel que dans un efpace affés
petit il puifle donner autant & plus de chaleur qu'un four de
Verrerie, fur-tout pendant les fept ou huit derniéres heures
de l'opération. Ce Fourneau doit avoir en tout 2 pieds 10
pouces de haut : fçavoir, 2 pouces pour le fol ou plancher du
cendrier, 1 o pouces pour fa hauteur. Sur les quatre murs de
ce cendrier, larges chacun de 8 à 9 pouces, on placera hori-
fontalement fix barres de fer de 6 lignes d’épaifleur, entre
chacune defquelles on laiflera le paflage | libre du doigt. Enfuite
on formera quarrément le bas des murs du foyer dont chaque
côté s'écartera un peu en glacis jufqu'à la hauteur de 4 pouces,
ce qui lui donnera 9 pouces de large. À cette hauteur de 4
pouces on formera à la face antérieure du Fourneau, & au
deflus de {a porte du cendrier, une gorge ou plinte de 2 pouces
& demi de faillie, pour faire couler & ranger de côté une
brique réduite à 4 pouces de longueur qui fermera la porte
de ce foyer. De-l il réfulte que le charbon jetté par cette
porte, tombera dans un baflin quarré de 4 pouces de profon-
deur. Au deflus de ce baffin quarré il faut commencer à
arrondir le Fourneau, toûjours en élargiffant un _ mur
qui doit être vis-à-vis le fond de la Cornue, afin qu’il puifle
l'embraffer par une ligne circulaire à peu-près concentrique
à la Cornue, & former en s’élevant, une efpece de vouflure
qui ne laiffe de tous côtés que 2 pouces de diftance entre la
Cornue & les parois du Fourneau , d'où l'on conçoit qu'il
faut avoir les Cornues avant que de conftruire le Fourneau..
_ Cette vouflure fe rétrécira un peu au deflus de la Cornue
pour forcer la flamme à la mieux envelopper de tous côtés.
Enfin ce foyer doit avoir depuis la grille jufqu'à la platte-
: forme évuidée qui le termine, environ 1 8 pouces 6 lignes
De Mn 1737. Yy
4 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
de haut, c'eft-à-dire, 8 à 9 pouces depuis la grille jufqu’aux
deux barres de fer qui doivent foûtenir la Cornue, & le refte
pour la capacité de cette Cornue. Ces deux barres de fer
doivent avoir au moins 1 2 à 1 4lignes en quarré; plus foibles,
elles pourroient fe plier par le poids de la Cornue pendant la
grande ardeur du feu. I eft bon auffi qu'elles entrent à l’aife
dans les trous quarrés qui les reçoivent, afin qu’on puiffe leur
en fubflituer d’autres lorfqu'elles font trop calcinées, fans être
obligé de démonter le Fourneau. Lorfque ce Fourneau fera
conftruit, on l’enduira en dedans & en dehors d’un lut com-
ofé de terre à four détrempée & bien mêlée avec du creufet
d'Allemagne pilé & un peu de bourre.
Ce Fourneau étant bien fec, on y place la Cornue de telle
forte, qu'il y ait 2 pouces de jeu tout autour, même autour
du rétréciflement où commence le col de ce vaifleau, car il
faut que la flamme frappe cette partie de la Cornue ; enfuite
on garnit de morceaux de brique & de lut l'échancrüre du
Fourneau réfervée pour placer ce col, qui ne doit demeurer
incliné que fous un angle de 60 degrés.
On place en travers de l'ouverture qu'on a laiffée à la
platte-forme du Fourneau pour y faire entrer la Cornue, une
barre de fer de l'épaiffeur de 1 2 à r lignes. Entre le deffous
de cette barre & le deflus de la Cornue il ne doit y avoir
qu'un pouce & demi d’efpace. On appuye fur cette barre par
une dedeurs extrémités trois briques d’un côté & trois briques
de l’autre: ces briques doivent être élevées d’un doigt par leur
autre extrémité au deflus de la platte-forme, afin qu’elles
puiffent former un toit prefque plat, qui ne foit que de 2
pouces & demi au deffus de la voute ou hémifphere fupérieur
de la Cornue. On ferme avec des mafles de lut faupoudrées
de fable, tous les vuides qui fe trouvent entre le deflous des
briques du toit & la platte-forme du Fourneau. Le fable dont
on faupoudre le lut, empêche qu'il n’adhere trop au Fourneau
& aux briques, parce qu'il faudra le retirer pour donner
paflage à la flamme quand il fera temps de pouffer le feu à.
extrème. On éleve auffi fur le bord du Fourneau du côté du:
DE) sx SIGNE NN CE. 355
. balon, un petit mur de 7 ou 8 pouces de haut pour empè-
cher que la flamme, qui fort rapidement de deflous les briques
du toit ou réverbere, ne fe rabatte fur ce vaifleau de verre :
de plus ce petit mur empêche que le balon ne foit trop éclairé,
& il eft néceffaire de le tenir dans un lieu obfcur, afin qu'on
puifle mieux voir les vapeurs lumineules qui doivent circuler
dedans.
La Cornue étant placée, on y adapte un grand balon rem-
pli d’eau au tiers. On en ferme exactement les jointures avec
un dut gras fait de terre à pipe crûe & d'huile graffe des
Peintres, on le recouvre d’un lut ordinaire humecté avec une
folution de cole-forte. On bouche, comme on la dit, toutes
les ouvertures fupérieures du Fourneau, & on laifle fécher les
luts pendant trois ou quatre jours. Si pendant l'opération le
bourlet de lut qui recouvre l'union des deux vaifleaux, venoit
à fe refendre, il faut avoir tout prêt du lut détrempé avec de
Feau de cole, & en mettre fur les gerçüres avec une grofle
brofle de Peintre, parce qu'il ne faut pas que cet endroit de
la jointure des deux vaifleaux ait la plus petite ouverture : on
en va voir la raifon.
. Si l'air qui fe rarefie à l'extrême pendant l'opération, ne
trouvoit pas de temps en temps une iflue, les vaifleaux fe bri-
feroient en mille morceaux. Si pour lui conferver cette iffue,
‘on mettoitentre les jointures du balon & du col de la Cornue
un petit bout de tube de Thermometre, comme le font plu-
-fieurs Chimiftes dans d’autres opérations, le Phofphore, fur-
tout le premier qui eft volatil, chercheroit à s'échapper par
cetube; & comme cet endroit eft extrêmement chaud, il s’y
allumeroit, s'y brüleroit en pure perte ; de plus il mettroit le
feulrau fecond Phofphore, ce qui feroit encore brifer les vaif-
feaux avec beaucoup de rifque pour les affiftants.
Cependant cette iffue pour l'air eft abfolument néceffaire,
“ans elle on ne peut réuflir. C'eft, pour ainfi dire, tout le
_ fecret de l'opération, dont aucun CHE n'a parlé en décri-
| vant le Phofphore. Mais il faut la placer de telle forte que le
À Doiphorc pee obligé de circuler un peu fur l'eau du balon.
Yyi
356 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
avant que de la rencontrer. Pour cela on fait à ce vaiffeau un
petit trou d’une ligne de diametre dans fa partie la plus enflée,
& l’on place ce balon de telle maniére que le petit trou fe
trouve à 4 où $ pouces feulement au deflus de l'eau.
Pour faire ce petit trou fans rifquer de caffer le balon , j'ai
foudé au bout d'un fil de fer de la groffeur d’une plume à
écrire, un morceau de cuivre rouge de 3 à 4 lignes de dia-
metre & long de 6 lignes, j'ai diminué à l'extrémité de ce
morceau de cuivre une longueur de 3 lignes, j'ai achevé de
Farrondir fur le Tour jufqu’à le réduire à un cylindre de trois
quarts de ligne de diametre. J'avois fait à fon extrémité un
petit trou dirigé fuivant fon axe & profond d’une ligne &e
demie..Cette efpece de foret creux avoit 8 pouces de long.
J'ai arrêté à fon autre extrémité un cuivrot comme en ont
tous les forets des Horlogeurs. Cet outil étant préparé, j'ai
colé fur la partie du balon que je voulois percer, un petit
morceau de cuir de veau , au milieu duquel if y avoit un trou
de la groffeur de mon foret. J'ai empli ce petit trou d’émeril
en poudre, humeété d'huile, j'y ai placé le foret que j'ai fait
tourner rapidement avec un petit archet léger de baleine,
garni d’une corde de luth. On voit aflés que je creufe l'extré-
mité du foret pour y retenir l'émeril, & afin que cet outil
faffe l'effet d’un emporte-piéce ; pour peu qu'il fût conique,
il agiroit comme le coin, & cafleroit le vaifleau. Je mets un
cuir percé d’un trou, parce qu'il empêche le foret de gliffer ,.
& retient l’émeril dont j'ai befoin pour ufer le verre.
On bouche ce trou du balon avec un petit brin de bouleau
qui puifle y entrer fort à l’aife, & où il y ait un nœud pour
Fempêcher de tomber dedans. On le retire de temps en temps
pour préfenter la main à ce petit trou, & voir fi l'air rarefré
par la chaleur de la Cornue fort trop rapidement ou pas aflés.
Si le dard d’air de cet éolipile eft trop fort, & fort avec
fifement, on ferme entiérement la porte du cendrier pour
ralentir le feu : s’il ne frappe pas aflés vivement la main, on:
ouvre davantage cette porte, & l'on met de grands charbons:
dans le foyer pour ranimer le feu par une flamme fubite. En:
STE Yon 5
ccénité
PT 50 SpA EME
DES SCIENCES. 357
un mot le feu étant bien conduit, l'opération réuffit fans
rique, & ce n'eft que par le moyen du petit trou qu’on peut :
efpérer de le bien conduire.
L'opération du Phofphore dure ordinairement 24 heures,
& voici les fignes qui annoncent qu’elle réuffira fi 1a Cornue
peut réfifter au feu. Nous l'avons toûjours commencée à deux
heures du matin, en mettant du charbon noir dans le cendrier,
& un peu de charbon allumé à la porte afin d’échauffer {a
Cornue très-lentement : quand il eft allumé, on le poufle
dans le cendrier, & on en ferme la porte avec une tuile.
Cette chaleur modérée acheve de fécher le Fourneau & les
luts, & fait diftiller le flegme du mélange.
A fix heures nous mettons du charbon fur la grille du
foyer, le feu de deffous l’allume peu-à-peu. A ce fecond feu
- approché de la Cornue, le balon s'échauffe & fe remplit de
vapeurs blanches qui ont une odeur d'huile fétide..
Vers les dix heures, ce vaifleau fe refroïdit & s’éclaircit,
= Alors il faut ouvrir d’un pouce la porte du cendrier, mettre
du charbon dans le foyer de trois minutes en trois minutes,
&. en fermer à chaque fois la porte pour que l'air froid de
dehors ne frappe pas le fond de la Cornue, ce qui la feroit
fêler.
. A midi ou environ, le balon commence à fe tapifier d'un
fel volatil qui ne peut être chaflé que par un très-grand feu.
Hparoîtroit différent du {el volatil ordinaire de l'urine, puif
qu'il ne vient qu'après fa diftillation de l'huile fétide : cepen-
dant en faifant l'examen des Sels de l'urine, dont il fera parlé
à da fin de ce Mémoire, je l'ai fublimé à fort petit feu. I faut
prendre garde que’ce fel concret ne bouche le petit trou du
balon, parce que ce: vaifleau fe briferoit, la Cornue étant
rouge alors, & l'air par conféquent très-rarefé. Ce {el a une
odeur affés forte d'amandes de noyaux de pêche. L'eau du
» balon qui s’échauffe par le voilinage du Fourneau, fournit des
ñ wapeurs qui diflolvent ce {el ramefié, & le balon:s'éclaircit
_ ne demi-heure après que fà diftillation a ceffé.
0 Mers les trois heures après-midi le ne fe remplit dé:
À D Pr
358 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
nouvelles vapeurs qui ont l'odeur d’un fel ammoniac qu'on
brûleroit actuellement fur le charbon. Elles fe condenfent
aux parois de ce vaiffeau en un el qui n’eft plus ramefié, mais
formé en longues ftries perpendiculaires, que les vapeurs de
l'eau du balon ne diflolvent point. Ces vapeurs blanches font
les avant-coureurs du Phofphore, & vers la fin de leur difti-
lation elles perdent leur premiére odeur de fel ammoniac &
prennent l'odeur d'ail,
Comme elles fortent avec beaucoup de rapidité, il faut
déboucher fouvent le petit trou pour voir s’il ne fifHe point
trop fort, car en ce cas il faudroit refermer entiérement la
porte du cendrier. Ces vapeurs blanches durent environ deux
heures. Quand on reconnoît qu’elles ont ceflé, on dérange
un peu les mafles de lut qui fervoient à boucher les regiftres
du haut du Fourneau, pour donner quelque iflue à la flamme,
On entretient le feu dans cet état moyen jufqu'à ce que le
premier Phofphore volatil commence à venir.
C'eft vers les fix heures du foir ou un peu plus qu'il paroït.
Pour le fçavoir, on retire de minute en minute le petit brin
de bouleau, & on le frotte contre un endroit échauffé du
Fourneau, où il laïflera un trait de lumiére s’il eft enduit de
Phofphore.
Peu de temps après qu'on a reconnu ee figne, on voit
fortir par le petit trou du balon un dard de lumiére bleuâtre
qui dure plus où moins aongé jufqu'à la fin de l'opération.
Ce dard ou jet de lumiére ne brüle point ; qu’on y tienne le
doigt 20 ou 30 fecondes, il fe charge de cette lumiére, &
fi lon en frotte la main , il l'en enduit & la rend lumineufe.
Mais de temps en temps ce jet s'allonge jufqu'à 7 ou 8
pouces avec décrépitation & étincelles, alors il brüle les corps
combuftibles qu’on lui préfente. Quand cela arrive, il faut
conduire le feu avec beaucoup d'attention, fermer entiére-
ment la porte du cendrier, fans difcontinuer cependant de
mettre du charbon dans le foyer de 2 minutes en 2 minutes.
Ce Phofphore volatil dure deux heures, au bout defquelles
le petit jet de lumiére fe raccourcit à une ligne ou deux. C'eft
DES! SCIENCES. 359
alors qu'il faut pouffer le feu à l'extrême, ouvrir la porte du
cendrier, y mettre du bois, déboucher tous les regiftres du
réverbere, mettre de grands charbons dans le foyer de minute
en minute. En un mot, il faut que pendant 6 à 7 heures tout
le dedans du Fourneau foit blanc, & qu'on ne puifie y diftin-
guer la Cornue,
Pendant ce feu extrême, le véritable Phofphore diftille:
comme une huile où comme une cire fondue; une partie eft
foûtenue par l'eau du récipient, l'autre s’y précipite. Enfin
on s’apperçoit que l'opération eft finie, quand la partie fupé-
rieure du balon où le Phofphore volatil s’eft condenfé en une
pellicule noirâtre, commence à rougir; c’eft une marque qu'à
l'endroit de cette tache rouge le Phofphore eft brûlé. Il faut
alors boucher tous les regiftres, & fermer toutes les portes du
Fourneau pour étouffer le feu, puis boucher le petit trou du
balon avec du lut gras ou dela cire. On laïffe le tout en cet
état pendant deux jours, parce qu’il ne faut pas démonter les
vaifleaux qu'ils ne foient parfaitement refroidis, de crainte
que le Phofphore ne s'allume.
Auffi-tôt que le feu eft éteint, le balon qui fe trouve alors
dans l’obfcurité, offre un fpeétacle aflés agréable : toute 1a
partie vuide de ce vaifleau qui eft au deflus de l'eau, paroît
remplie d’une belle Lumiére bleue qui dure pendant 7 ou 8
heures, ou tant que ce vaifieau eft chaud, & qui ne difparoît
entiérement que quand il eft refroidi.
Le Fourneau étant parfaitement froid, on démonte les
vaifleaux en humeétant le bourlet de lut qui entoure leurs
cols avec un linge mouillé; on les fépare l'un de l’autre le plus
proprement qu'il eft poflible ; on enleve avec un linge toute:
la matiére noire qu'on trouve à l'entrée du col du balon, car
fi cette faleté fe méloit avec le Phofphore, elle empêcheroit
qu'il ne devint bien tranfparent dans le moule. Il faut que
. cela fe faffe vite : après quoi on verfe deux ou trois pintes.
d’eau froide dans le balon pour accélérer la précipitation du
… Phofphore qui eft foûtenu fur l’eau, On agite enfüite l'eau du
- balon pour détacher tout le Phofphore qui feroit adhérent
360 MÉMOIRES DÉ L'ACADEMIE ROYALE
aux parois, puis on verfe toute cette eau agitée & trouble
dans une terrine bien nette où on la laifle s’éclaircir. On dé-
cante enfuite cette premiére eau inutile, & on verfe de l’eau
bouillante fur le fédiment noirître, refté au fond de la terrine,
pour fondre le Phofphore. Il s’unit alors avec la matiére fuli-
gineufe ou Phofphore volatil qui s'eft précipité avec lui, &
il fe met en une mafie couleur d’ardoife. Quand cette eau,
dans laquelle le Phofphore s’eft fondu, eft fuffifamment re-
froidie, on le jette dans l'eau froide, on l'y cafle en petits
morceaux pour le mouler.
Je fuppofe qu'auparavant on à choïft un Matras dont le
long col foit un peu plus gros ou plus large vers la boule qu'à
fon autre extrémité; qu'on a coupé la moitié de cette boule
ou globe pour en former un entonnoir, & qu'on a bouché
d'un bouchon de liége le bout étroit de ce col. Ce premier
moule étant ainfi préparé, on le plonge de toute fa longueur
dans un vaiffeau plein d’eau bouillante, & on l’emplit de cette
eau. On jette dans cet entonnoir les petits morceaux de la
muafle ardoifée, qui fe fondent de nouveau dans cette eau
chaude, & fe précipitent tout fondus au bas du col ou tube.
On agite cette matiére fondue avec un fil de fer, pour aider
le Phofphore à fe féparer de la matiére fuligineufe qui le fa-
lifloit, & qui étant moins pefante que lui, prend peu-à-peu
le deflus du cylindre. On entretient l’eau du vaifleau dans fa
premiére chaleur, jufqu'à ce qu’en retirant le tube, on voye
le Phofphore net & tranfparent, alors on laïfle un peu re-
froidir le tube à l'air, & on le trempe enfuite dans de l’eau
froide où le Phofphore fe congele en fe refroidiffant. Lorf-
qu'il eft bien congelé, on ôte le bouchon de liége, & avec
un petit bâton à peu-près de la groffeur de l’intérieur du tube,
on poufle le cylindre de Phofphore vers fentonnoir, qui eft
le côté de la dépouille. On coupe la partie noire du cylindre
pour la mettre à part, car lorfqu'on en a une certaine quan-
tité, on la peut refondre par la même méthode, & en féparer
le Phofphore net qu’elle contient encore. A l'égard du refte
du cylindre qui eft net & tranfparent, fi l’on a deflein de le
mouler
DRE
DES SCIENCES. 6x
-mouler en plus petits cylindres de la grofeur de celui d'An-
-gleterre, on le coupe par tronçons pour le faire refondre à
J'aide de l’eau bouillante dans des tubes de verre plus petits.
11 7, #2: LR / 4 » fe P
Voilà de quelle maniére j'ai procédé dans 1 opération que
je viens de décrire, qui a réuffi pour la premiére fois le 2 2
-Août dernier. Cette opération faite avec trois livres & demie
-de matiére calcinée & leffivée, m'a fourni fix bâtons de Phof.
phore de près de 4 pouces de long chacun, pefant enfemble
9 gros & quelques grains, & au moins aufli beau que celui
d'Angleterre. J'ai l'obligation du fuccès aux confeils & au
fecours que m'ont donnés M. du Fay, M. Geoffroy & M.
du Hamel. C'eft en leur nom comme au mien, que j'ai ré-
digé. ce Mémoire, & nous croyons tous enfemble pouvoir
__aflürer que c’eft le premier Phofphore de cette efpece qui ait
été fait en France.
Comme il peut arriver des accidents pendant le cours de
l'opération , il ya quelques précautions à prendre. Parexem-
ple, fi le balon venoit à fe rompre pendant que le Phofphore
diftille, ce qui en tomberoit fur des corps combuftibles, y
mettroit le feu avec rifque d'incendie, parce que ce feu eft
difficile à éteindre. Ainfi il faut que le Fourneau foit conftruit
dans quelque endroit voûté, ou fous la hotte élevée de quelque
cheminée qui pompe bien l'air, il ne faut pas non plus laifer
auprès aucun meuble ou uftenfile de bois. S'il tomboit du .
Phofphore allumé fur les jambes ou fur les mains, en moins
de trois minutes il pénétreroit jufqu’à l'os. Il n'y a que l'Urine
qui puifle arrêter le progrès de cette brûlure. M. Groffe
m'avoit enfcigné ce remede, j'ai été obligé de m'en fervir,
& j'ai trouvé qu'il arrêtoit für le champ la douleur, & beau-
coup mieux que l’eau ni l'efprit de vin, qui ne font pas la
même chofe : ainfi il eft bon d’avoir près de foi un {eau plein
d'urine. Si pendant que le Phofphore difille, la Cornue fe
fêle, l'opération eft manquée : il eft aifé de s’en appercevoir,
4 parce qu'on fent auprès du Fourneau l'odeur de l'ail , & de
plus la Hamme qui fort de deflous les briques du réverbere
eft d'un beau violet, parce que l'acide du fel marin teint
Men. 1737. Zz
De
M. BoYLeE.
nn rs
Tranfactions
Philofophiques,
2° 196,
362 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
toûjours de cette couleur fa flamme des matiéres qui fe brû-
lent avec lui. Mais fi la Cornue fe cafle avant que fe Phof-
phore ait commencé à paroître, on peut fauver la matiére en
jettant plufieurs briques froides dans le foyer & un peu d’eau
par deflus pour étouffer le feu fubitement.
J'ai promis au comméncement de ce Mémoire un Extrait des
différents Procédes publiés par les Auteurs : le voici, mais fans
m'aflujettir à l'ordre des temps où ces Chimifles ont travaillé.
L'exaditude chronologique ne me paroît pas néceffaire ici.
À la fin du mois de Septembre 1680, M. Boyle publia
la maniére de préparer le Phofphore qu'il avoit trouvé dès
l'année précédente. I réduit l'urine en extrait : dans cet extrait
encore liquide, il incorpore trois fois fon poids de fable blanc.
Le mêlange étant mis dans une Cornue de bonne terre, il y
adapte un grand balon à moitié plein d’eau, de telle forte que
le bout du col de la Cornue touche prelqu'à l'eau. I fait
fortir par un feu doux toute la partie flegmatique & volatile :
énfuite il augmente le feu, & l'entretient très-violent pendant
6 ou 7 heures (car, dit-il, cette violence du feu eft une cir-
eonftance qu'il ne faut pas obmettre dans cette opération ) il
paroît des vapeurs blanches en abondance qui fe diflipent,
le récipient s’éclaircit ; après quoi on y voit des vapeurs qui
répandent une foible lumiére bleuâtre, & en dernier lieu le
feu étant dans la plus grande violence, il fort une autre fub-
ftance qu'on juge plus pefante que la premiére, puifqu'elle
traverfe l'eau, & tombe au fond du récipient. C'étoit le
Phofphore qu'il cherchoit. H paroît que ce procédé n'eft que
la relation de fes premiéres tentatives. Sans doute qu'il l'a
perfeétionné dans la fuite, en le faifant préparer par M.
. Gothfritch, qui a été fon Artifte, puifqu'on m'a affüré que
ce dernier fe fervoit de balons percés d'un petit trou comme
le nôtre.
DeKnarr. Dans un petit Traité des Phofphores de l'Abbé Comiers,
imprimé à la page 1 38 du Mercure-Galant du mois de Juin.
2683, on trouve le procédé de Kraft, cet ami de Kunckel.
DES SCIENCES. 363
dont il a été parlé plus haut. Il retire par une Cornue tout
ce qui peut diftiller d’une urine épaiflie, cafle la Cornue, &
prend le capur mortuum. W déflegme toute l'huile fétide qu'il
en a retirée, & la réduit en matiére féche : il mêle enfemble
le premier caput mortuum avec cette huile defféchée, I diftille
le mélange à très-grand feu fans mettre d’eau dans le balon,
où il dit qu'on voit defcendre des nuages blancs qui font
fuivis d’une matiére jaunâtre, laquelle fe fublimant , forme le
Phofphore contre les bords intérieurs du col du récipient. I
détache tout ce qui s’'eft fublimé, avec de l'eau froide qu'il fait
chauffer enfuite : la matiére huileufe viendra, dit-il, au deflus
- de l’eau, & tous les petits morceaux de Phofphore fe fondront
en une maffe qu'on peut conferver dans une bouteille pleine
d’eau. H me paroît aflés clair que ce procédé ne peut réuflir,
parce que le Phofphore, en fe fublimant dans un vaifleau où
il ne peut être humecté par aucune vapeur aqueufe , doit
s'allumer à mefure qu'il fe fublime. |
M. Hoocke, dans fon recueil d'expériences & d'obferva-
tions, qui a été publié en Anglois par M. Derham en 172 6,
a inféré le procédé de notre Phofphore tel que Brandt, le
premier inventeur, a bien voulu le communiquer. Celui-ci
fait putréfier lurine jufqu'à ce qu'on y voye des vers, il
l'évapore en confiftance féche comme nous. II la réduit en
poudre fine, en fait {a leflive pour en féparer tout le fel avec
de l’eau bouillante. 11 fitre la leffive, & congele ce {el par
évaporation. 11 prend enfüite du caput mortuum d’eau-forte,
faite avec le vitriol & le falpetre, le poids d'une livre, qu'il
mêle avec une demi-livre du {el précédent, en les réduifant
Yun & Yautre en poudre fubtile, il fait digérer pendant 24
heures ce mélange dans de l'efprit de vin très-reétifié, mis à
la hauteur de trois doigts, jufqu’à ce que le tout foit réduit
en une efpece de bouillie. H le fait enfuite évaporer fur un
bain de fable, il refte une maffe de fel rouge ou rougeitre, il
broye ce fel, & le met dans une Cornue, à laquelle il donne
un feu extrême pendant 24 heures. Il éteint ce feu, quand il
voit le récipient blanc & lumineux , & qu'il n'apperçoit plus
Z 2, ij
De BRANDT.
Page 178.
De M:
HOMBERG.
Anciens Mé-
moires de l’A-
cadémie , année
31692, vol, 2.
P:235:
364 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
d’élancements de vapeurs fortant de la Cornue, il ramaffe fe
Phofphore avec une plume. Je ne daigne pas adjoûter le
refte de ce procédé, qui eft évidemment faux , & dont l Au-
teur n'a pü retirer qu'un efprit de fel fulfureux & quelques
fleurs ammoniacales, quoiqu'il n’en parle point.
M. Homberg, qui dit avoir vü faire ce Phofphore à
Kunckel, veut qu’on fafle évaporer de l'urine fraïche jufqu’à
ce qu'elle foit réduite en une matiére folide qu'il met pourrir
à la cave pendant trois ou quatre mois; il mêle enfuite 2 livres
de cette matiére avec 4. livres de fable ou de bol, comme s’il
étoit indifférent de fe fervir de l’un ou de F'autre. I] met ce
mMêlange dans une Cornue, à laquelle il adapte un récipient
à col un peu long, & dans lequel on ait mis une ou deux
pintes d’eau ; il augmente le feu par degrés, & l'entretient
pendant trois heures dans [a derniére violence. Après que le-
fel volatil & l'huile fétide ont pafé, on voit, dit-il, paroître
la matiére du Phofphore en forme de nuées blanches, qui
s'attache aux parois du récipient comme une petite pellicule
jaune, ou qui tombe au fond du récipient en forme de fable
menu : on réduit ces petits grains dans une lingotiére avec
de l'eau chaude. Il faut, felon M. Homberg, de l'urine ré-
cente, & non pas de l'urine fermentée, parce que, dit-il,
ks parties volatiles qui auroient été féparées des fixes par la fer-
mentation, s'évaporeroient auffi-tôt que l'urine feroit fur le feu,
le Phofphore eff, adjoûte-t-il, dans la partie volatile de l'urine.
Quand au contraire on fait évaporer l'urine avant la fermen-
tation, il ne s’en évapore guere que la partie aqueufe, le refte
qui eft volatil, fçavoir le fel, l'huile & le Phofphore demeu-
rent dans la matiére, & il faut un feu très-violent pour fes
en féparer. C’eft auffi pour cette raifon , felon lui, qu’il faut
laifler fermenter la matiére noire pendant quelques mois. Il
faut avoir foin, continue-t-il, de ne rien laiffer fortir hors du
vaifleau pendant l'évaporation, parce que la partie grafle de
Yurine étant la plus légere, s'éleve pour peu quele feu foit trop
fort en évaporant. Or le Phofphore eft cette partie graffe de
Furme concentrée dans une terre volatile très-inflammable.
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& arts :
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.
DES SCIENCES. 365
+ Apparemment qu'on avoit tenté de répéter cette opéra-
- tion, & qu'on l'avoit fait fans fuccès, puifque l'année fuivante vins A:
il dit que ceux qui ont effayé de faire le Phofphore dans les # HAE
endroits où lon boit du vin, ont manqué. If faut, dit-il, D. Al di
que l'urine vienne de perfonnes qui boivent de la bierre, la-
quelle fournit apparemment cette matiére grofñére & gom-
meufe néceflaire au Phofphore , la partie fpiritueufe du vin
lui paroïflant contraire.
On a vü ci-devant que le fuccès de notre opération réfute
aflés cette opinion. II fait voir auf que le Phofphore venant
le dernier dans la diftilation de furine, peut être regardé
comme réfidant dans la partie la plus fixe après la terreufe,
& non dans la partie volatile de ce mixtes.
On trouve encore dans les anciens Mémoirés de l'Aca- Tome r:
démie, un procédé communiqué par M. de Tfchirnaufen, & ?:7#2-
envoyé en 1682 par M. Leibnitz : comme c’eft celui de
Kraft inféré dans le Mercure-Galant dont je viens de donner
l'extrait, je pañlerai à celui de M. Theichmeyer.
Ce Phyficien commence l'opération comme M. Boyle, Dem.
en mélant trois parties de fable & une partie d'urine évaporée TAeicxmerer
en confiftance d'extrait. Il en fépare par une forte diftillation
le flegme, lefprit, le {ef volatil & l'huile fétide. IL defléche ras 87 experi-
cette huile fétide en confiftance de poix : il en prend une nn
once qu'il adjoûte à 4 livres du caput mortuum, il y met pour
intermede 8 livres de fable & 4 livres de bol, & il a un
Phofphore qui diftille en forme de beurre réfineux où métal-
lique. On peut, dit-if, fubftituer à cette huile animale l'huile
fétide de tartre. Je ne lui contefte point la poñlibilité de 1a
réuffite, mais comme il ne dit point quelle quantité de Phof-
phore il a retiré de fes feize livres de mélange, & qu'il lau-
roit dit fans doute fi elle eût été ün peu confidérable, je
eroirai toûjours que notre procédé eft plus für que le fien,
& qu'il eft difficile que des vaiffeaux exaétement clos, puiffent d
réfifter à la furieufe rapidité des vapeurs.
Feu M. Frederic Hoffman dit que {ePhofphore de Kunckel PA bd
fe fait du caput mortuum de Vuxine, fi on 3 met une partie Rae
z il
nibus. Edit. de
Hall 1722.
p.33 6
De M.
NIEWENTUIT
Exiflence de
Dieu démontrée,
Dep. 374
De
WEDELIUS
& de
ROTHENS.
Chimie Alle-
366 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
avec deux parties de charbon en poudre & une demi-partie
d’alun. I y a apparence que l'Auteur n’a pas vérifié cette
recette : ’alun qu'il y adjoûte, fuffit pour faire manquer l'opé-
ration : j'ai rapporté une expérience qui le démontre. Ce
mélange donneroit tout au plus du Phofphore en poudre ;
cependant j'en ai calciné dans un Matras, & je n'ai pu avoir
cette poudre inflammable.
M. Niewentuit a pris du fédiment d'urine qui avoit reflé
Jong-temps dans une cuve d'hôpital, où elle avoit acquis la
confiftince de favon ; il y mit un peu d'eau de pluye, &
remua le mêlange pour incorporer les matiéres : il verfa ce
qu'il y avoit de plus liquide par inclination. IN laiffa la matiére
dans fa même eau jufqu’à ce qu'elle fût entiérement préci-
pitée. II l'édulcora avec de l'eau fraîche mife deflus à plufeurs
répriles, & après avoir fait fécher cette matiére édulcorée, il
Ja mit dans deux petites Cornues, il en retira par une pre-
miére diftillation une matiére jaunâtre qui fermente avec de
l'eau-forte ; par un feu plus fort, il eut dans de nouveaux réci-
pients à moitié pleins d'eau, des vapeurs embrafées & rouges
avec du Phofphore au fond de l'eau.
H eft difficile de juger de ce procédé : une cuve découverte
d'hôpital où l'on jette de l'urine, peut y recevoir beaucou
d’autres matiéres différentes. M. Niewentuit a dû par TA
leffives répétées, emporter trop de fel de fa matiére, il faut
qu'il en refte une certaine quantité pour former la matiére
bitumineufe du Phofphore. Au refte le fédiment de la cuve
où de S.r de la Fond ramafle de furine pour préparer fon
Orfeille, étant calciné jufqu'à noirceur, fait efpérer par le
petit effai du creufet, qu'il fournira affés confidérablement de
Phofphore : de plus on a écrit d'Angleterre que M.Gotfrich
Hantkuit ne faifoit pas évaporer l'urine, mais qu’il employoit
la matiére tartareufe détachée des parois & du fond des cuves
où quelques T'einturiers de Londres font fermenter l'urine. -
Enfin le procédé qui approche le plus du nôtre, eft celui
de Wedelius, rapporté par Rothens dans fa Chimie Alle-
mande, H prend, comme.nous, l'urine calcinée, il en enleve
DES SCHENTCES. 367
Je fel par des leflives, la fait fécher enfüite, y mêle trois fois mande de Cor.
autant de fable, il diftille par le feu Le plus violent ; il a diffé fried Rothens,
rentes vapeurs blanches, puis des vapeurs lumineufes, & enfin
e véritable Phofphore qui fort du col de la Cornue comme
un ruiffeau de miel : Rothens adjoûte au mélange de Wede-
ius demi-partie de charbon de hêtre & une certaine quantité
d'huile fétide. On ne peut douter que ce procédé ne réuffifie
<omme le nôtre, fi lon fait un trou au balon pour prévenir
a rupture des vaifleaux. |
Je poutrois encore citer d’autres Traités de Chimie où l’on
trouve le Phofphore décrit; mais les Auteurs de ces Traités
n'ont fait que copier quelques-uns des procédés que j'ai
rapportés. Je pale à l'examen dés liqueurs falines de notre
opération ; telles que l'eau où le Phofphore s’eft reduit en une
mafle en s’y fondant ; l'eau qui a fervi à deffaler la matiére
avant que de la mettre dans la Cornue ; l'eau du balon où
les fels qui précedent la diftillation du Phofphore, £ font
fublimés, puis diflous; enfin l'eau qui a fervi à leffiver le
‘caput morturum de Ja Cornue après l'opération finie,
J'ai dit qu'on verfoit de l'eau bouillante fur le fdiment
noir avec lequel le véritable Phofphore ft mêlé, pour le
fondre & le réduire en une mañle. Il refle dans cette eau une
aflés bonne quantité de ce fédiment noir & non fufble, qui
“ft le Phofphore vohtil fublimé précédemment aux parois du
balon. Ce fédiment noir eft lumineux quand on l'excite par
“quelque frottement un peu rude, mais il n’eft pas brûlant, Si
‘on concentré par une évaporation lente l'eau qui le contient;
4 l'on met enfuite cette eau dans un vaiffeau bien bouché,
& fi on l'agite, elle paroït lumineufe, parce que les petites
parties du fédiment noir fe heurtant les unes contre les autres,
de particules Jamineufes fortent de leurs réfervoirs félés ou
rompus, H fe peut auffi qu'il y ait dans cette eau quelque
portion du véritable Phofphore en diflolution, comme dans
Texpérience de M. Morin dont j'ai parlé ci-devant. J'ai ur
Bocäl d'orfévre à moitié plein de cette eau, bouché avec du
maftic recouvert de vefie ; dont l'eau depuis trois mois eft
368 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe
dumineufe quand on l'agite : quoique l'effet ne foit plus fr
fenfible que pendant le premier mois, on y voit encore affés
bien la plüpart des phénomenes d'une aurore boréale,
A l'égard de l’eau qui a fervi à deffaler la matiére calcinée
avant que de la mettre dans la Cornue, je l'ai confervée pen-
dant un mois dans une cruche, afin qu’elle y dépofât ce qu'elle
contenoit de plus groflier, & que je pufle examiner s'il n’y
auroit pas des, différences entre la liqueur fupérieure & celle
du fond de la cruche; car en fuppofant des {els différents
dans cette eau, leur pefanteur fpécifique devoit les foûtenir,
quoique diflous, à différente hauteur. J'ai donc tiré avec un
fiphon Ia moitié fupérieure de cette lefive : elle a été éva-
porée à feu lent dans une terrine de criftal. Elle étoit d'abord
verdâtre, comme l'eft ordinairement toute liqueur faline qui
a diffout quelque portion de fer. Or celle-ci en devoit con-
tenir, puifqu'on avoit évaporé l'urine dans des marmites de
fer. Après l'évaporation du fixiéme ou environ de la liqueur
faine, elle s'eft troublée, elle eft devenue jaunâtre, & il a
commencé à fe précipiter une terre de couleur orangée ou
efpece d’ocre fort fin, qui, calciné dans la fuite avec un peu
de fuif, a donné une poudre noire, attirable par le coûteau
aimanté. La liqueur à demi-concentrée avoit un goût de fel
commun, mais plus âcre, plus picquant, & approchant un
peu de celui du fel ammoniac. Après 6 ou 7 heures d'éva-
poration, les particules qui devoient former les criftaux falins,
fe font rapprochées à la furface où ïl a paru d’abord de petits
quarrés parfaits qui ont fervi de point d'appui ou de premiére
affife à d’autres particules longues qui fe font arrangées au-
tour des quatre côtés du quarré, & ont formé des piramides
creufes & renverfées. Chacune de ces piramides s’eft préci-
pitée au fond de la terrine de criftal, à mefure qu'elle a acquis
fufffamment de pefanteur par l'addition des parties qui en
élevoient également & uniformément les côtés.
M. Homberg fit voir à l’Académie en 1702, un fem-
blable fel en piramide, & l'on trouve dans la partie hiftorique
de la même année la defcription de la formation de ce fel.
Si
D'IELSD AIGLE UN © E ‘s 369
Si T'évaporation eft accélérée par un trop grand feu; on
me peut pas fi bien obferver la formation de ce fel. Les pre-
miers petits quarrés qui doivent faire le fommet tronqué de
la piramide, s’'aflemblent trop vite & en trop grande quantité
fur toute la furface de la liqueur, où il fe fait en ce cas une
pellicule continue, dont les bords du difque, foudés aux
parois de la terrine, la foûtiennent fur {e liquide, & alors
l'évaporation cefle par cet obftacle. Mais quand la précipi-
tation des piramides renvertées {e fait lentement , on les voit,
lorfque la liqueur eft refroidie, fe remplir peu-à-peu d’autres
petits quarrés qui s'arrangent irréguliérement & infenfible-
* ment, elles prennent une figure quarrée plane par une face,
& triangulaire par les quatre autres. C’eft alors la figure d’une
piramide folide ; enfin avec le temps & très-lentement elles
deviennent des cubes. L'arrangement irrégulier des petits
quarrés qui ont rempli le creux de a piramide, eft caufe
qu'aucun de ces cubes falins n’eft diaphane. Ils font tous d’un
blanc opaque, & je n'en ai jamais eu de tranfparents, de
quelque maniére que je m'y fois pris pour les criftallifer. On
voit aflés la caufe de cette opacité dans la multiplicité de
fractions que fouffrent les rayons de la lumiére qui les tra-
verfent. ’
IL a fallu quinze jours à ces criftaux pour prendre la figure
cubique. Dès qu’ils Font eu acquife, ils n’ont plus augmenté:
leur volume femble fe fixer à 2 lignes ou 2 lignes & demie.
Voyant qu'en deux mois écoulés depuis leur formation par-
faite, ils n'avoient point augmenté, j'ai décanté la liqueur.
J'ai lavé les criflaux avec de l'eau froide pour en féparer le
fédiment rougetre & ferrugineux dont j'ai parlé plus haut,
* & qui ne fert de rien à leur formation, puifqu'ils reftent
très-blancs.
Apparemment que ces crifaux cubiques s'étoient appro-
priés la plus grande partie de a terre alkaline nageante dans |
la liqueur, & convenable à leur bafe; car ayant fait éva-
porer la liqueur décantée de deflus ces criftaux, les piramides
Men, 1737 e Aa
370 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
renverfées qui fe font formées dans cette feconde évapora-
tion, fe font foûtenues beaucoup plus long-temps à la furface
de la liqueur que celles de la premiére ; chacune de leurs
parties étoit formée alors d’une matiére plus légere. Lorf-
qu'après avoir attendu 7 ou 8 heures, j'en ai vû aflés de
précipitées ; j'ai laiflé refroïdir la liqueur, j'ai placé le vaiffeau
au froid, mais en un mois de temps elles ne fe font point
remplies comme les précédentes ; elles font reftées dans leur
premier état.
La troïfréme évaporation de la liqueur décantée m'a donné
un fel piramidal creux femblable au fecond.
Enfin la quatriéme portion de liqueur en ayant été féparée
pour ètre évaporée comme les précédentes , n’a plus donné
de piramides ; mais en continuant de l’évaporer & de l'agiter
avec une fpatule d’yvoire, je l'ai réduite en un fel grenu ad-
hérent fortement aux parois du verre comme fait le {el marin
ordinaire qui a été calciné, diflout & filtré plufieurs fois. Ce
fel grenu fe met très-vite en defiquium , aufli-bien que celui
qui refle en piramides creufes, lequel eft auffi très-avide de
humidité de l'air, parce que fes pores ne font pas fuffifam-
ment remplis de la terre alkaline propre à aider leur forma-
tion fubfequente en cubes, & que ces piramides reftant creufes,
leurs huit côtés préfentent plus de furfaces à l'air que les fix
côtés des criftaux cubiques qui shumectent beaucoup plus
difhcilement.
Cette premiére moitié de la liqueur faline prife dans Ja
partie fupérieure de {a cruche fans l’agiter , ne nvavoit pas
donné de fels en prifmes, la feconde ou celle qui étoit reftée
au fond de ce vaiffeau, m'a fourni ceux dont je vais parler.
Mais il faut faire obferver auparavant qu'il s'étoit précipité
au fond de fa cruche une terre d’un blanc grisâtre, que j'ai
féparée & édulcorée foigneufement pour l’examiner à part.
Je n’avois pas filtré la premiére portion de la leflive, j'ai filtré
celle-ci pour en féparer la térre en quéftion ; puis j'ai mis éva-
porer cette feconde portion de leffive au même feu que la
_
t JOOTE SNS MERE UN C Es, 371
premiére, il s'en eft précipité une terre orangée plus abon-
dante. Il ne s'eft point formé de criftaux piramidaux à 1a
furface, mais une pellicule mince qui paroïfloit un peu graff,
Le feu étant éteint, j'ai trouvé au fond de la liqueur refroidie,
des criftaux Prifmatiques, dont lés quatre côtés font paral-
leles, mais leurs plans ne font pas perpendiculaires les uns
aux autres. Les deux bouts de ces prifmes forment un lozange.
J'ai décanté les trois quarts de la liqueur faline qui Les fur-
nageoit, & j'ai mis à part ces criftaux avec l'autre quart de a
liqueur & la terre rougeûtre, au milieu de laquelle ils s’étoient
formés pour leur donner le temps de groffr & de fe multi-
plier. J'ai remarqué que cette terre eft inutile à leur for-
mation, parce que j'ai eu des criflaux prifimatiques fur une
terre d'une autre nature, de couleur grife, beaucoup plus finé
& femblable à ces précipités que Ludovic appelle wagifteria
plumofa. QUE
J'ai remis évaporer jufqu'à pellicule les trois quarts de la
liqueur décantée, & j'ai trouvé le lendemain au fond de la
terrine de petits criftaux exactement quarrés, blancs, opaques
& non cubiques. Ces petits criftaux en quinze jours de temps
n'ont augmenté ni en volume ni en nombre, quoique le
froid de Ia faifon fût favorable à la criftallifation.
La terre d'un blanc grisâtre que j'ai trouvée au fond de {a
cruche, & que j'en ai féparée, comme il à été dit plus haut,
ne m'a pas paru de la nature des terres alkalines. J'ai verfé :
deffus les acides du vinaigre, du fel, du nitre & du vitriol :
aucun ne l'a attaquée, même pendant plufieurs jours. Je l'ai
_ calcinée à grand feu, elle n’eft point devenue chaux ; mais
après la calcination, l'acide concentré du vitriol en a diffout
quelque portion, du moins j'ai vû des bulles d'air s'élever.
A l'égard des criflaux prifmatiques, on les peut regarder
comme une efpece de gyps ou de matiére plâtreufe que M."s
Geoffroy & Boulduc ont nommée Séknire. Car ils fe calci-
nent fur le feu fans fe fondre, & ne {e diflolvent point dans
l'eau froide, Il n'eft pas difficile d'imaginer pourquoi cette
aa ij
372 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE
matiére gypfeufe s'eft trouvée dans l'urine que nous avons
évaporée; nous l'avions tirée, comme je l'ai dit, de l'Hôtel
des Invalides : or l'eau qu'on boit dans cet Hôtel, eft celle
d'un nouveau Puits conftruit depuis environ trois ans. Par
l'analife que M. Geoffroy en a faite pour M. d'Angervilliers,
elle donne des indices d’acide vitriolique & de la félénite.
Cette eau a paffé par les digeftions dans l'urine des foldats
avec les matiéres hétérogenes dont elle étoit chargée, & par
conféquent avec des embrions de félénites tout formés, puif-
que les criftaux auxquels on a donné ce nom, font un com-
pofé de matiére gypfeufe & d'acide vitriolique.
Je paffe à l'examen de l'eau du balon, où les fels qui pré-
cédent la diffillation du Phofphore fe font diflous. Je fai
filtrée pour en féparer quelques fuliginofités qui étoient au
fond : après cette filtration elle étoit jaune-rougeätre, mar-
quée d’une portion d'huile fétide unie au fel volatil qui y
étoit en diflolution. Après l'avoir concentrée à moitié par
l'évaporation, il s’en eft précipité de petits flocons noirs que
je prenois d’abord pour de petites mouches qui s'étoient
noyées dans la liqueur ; mais en touchant ces flocons avec
une paille, ils fe divifoient fur le champ-en une poudre fi fine
qu'elle difparoifloit. Ainfi je n'ai pu féparer cette poudre
noire pour l'examiner ; d’ailleurs elle étoit en très-petite
quantité. Enfin la liqueur s'eft couverte d'une pellicule grafle
que j'en ai féparée par le filtre, & qui brûle comme une ré-
{me ; c’eft un refte d’huile fétide : {es flocons noirs étoient
apparemment le charbon où la fuye de la partie qui s’en étoit
brülée.
On me demandera peut-être quel étoit mon deffein d'éva-
porer une folution de fel volatil, & fi je ne devois pas pré-
voir qu'il s’éleveroit en pure perte. C'eft bien auffi ce qui
eft arrivé en partie ; mais je ne croyois pas d’abord que ce
fût un fl purement alkali volatil, car la liqueur avoit d'abord
le goût d’une folution de fel ammoniac. Enfin m'appercevant
que cette liqueur diminuoit d’âcreté, j'ai ceffé l'évaporation,,
DIETSE LS AGENCE 15 7
& je l'ai divifée en deux parties égales. J'ai mis l'une dans un
Matras à long col, au haut duquel j'ai joint & uni avec de
la cire d'Efpagne un autre Matras percé d’un petit trou, &
dont le col n'avoit qu'un pouce de long. J'ai placé ces deux
vaifleaux fur un bain de fable doux, au bout de 3 o heures
jai eu des panaches de fel volatil très-blanc, qui difloutes
de nouveau dans l'eau, ont précipité en blanc la folution du
- fublimé corrofif.
J'ai mis évaporer à Fair Pautre moitié de Ia liqueur dans
une capfule de verre fort évafée, & j'y ai trouvé au bout d’un
mois environ trois gros de fel ammoniac fale & gras : je l'ai
mis dans une petite Cornue, où il s’'eft fublimé de nouveau,
partie en fleurs, & partie en {el ammoniac aflés compacte qui
s’évapore en fumée fur le charbon, & dont le {el de tartre
développe fur le champ un efprit volatil urineux..
Quant à la production de ce fel ammoniac, je crois qu’on
la peut concevoir ainfi. Nous avions mis pour intermede dans
notre mélange une livre & demie de gros grès jaune & rou-
geûtre. I eft aflés reçû en Chimie, que toute matiére terreufe
colorée contient plus où moins d'acide vitriolique , & il eft
inutile d'entrer dans des détails pour le démontrer. Or cet
acide , une fois fuppofé, doit quitter f premiére bafe, lor{qu'il
en rencontre une autre qui lui convient davantage. Cette
bafe qui lui convient eft celle du fel marin : if y a encore
une portion confidérable de ce fel dans notre matiére, quoi-
que leffivée. Si l'acide vitriolique de Fintermede faifit une
partie de la bafe de ce fel, il en: doit dégager à proportion.
une certaine quantité d'acide. Cette portion d'acide du fek
marin hbre-alors, & non encore concentré dans l’huileux de
la matiére, trouve un fel volatil urineux qui s'éleve ; il en
faifit une partie, & des deux il fe forme la petite quantité de
#1 ammoniac que j'ai trouvée.
Du Balon pañlons à la Cornue. J'ai verfé de l’eau chaude
fur Le caput mortuum d'une Cornue qui fe féla dans le temps
que les vapeurs lumineufes commençoient à paroître, c’eft:
Aaa ii
374 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyAtr
à-dire, au bout de 17 à 1 8 heures de feu. J'ai évaporé juf-
qu'à pellicule cette leffive filtrée, & m'appercevant qu'il y
avoit au fond de la terrine de verre une affés grande quantité
de terre légere & fpongieufe, j'ai verfé par indlination la
moitié de la liqueur faline concentrée & féparée de fa terre
dans un grand poudfrier de verre, & l’autre moitié avec toute
fa terre dans un autre vaifleau femblable. J'ai préféré ces
fortes de vaifleaux à d’autres, parce qu'ils font cylindriques,
& parce que j'ai remarqué que les vaifleaux qui font inté-
rieurement d’une figure approchante du cone renverfé, faci-
litent la végétation murale des fels qui grimpent le long
des parois inclinées de ces vaifleaux ; ce qui n'arrive ni fi
aifément ni fi fouvent dans les vaifleaux cylindriques, dont
les côtés font perpendiculaires au fond. Mon deffein étoit,
en divifant ainfi ma liqueur faline, de voir fi dans celle qui
étoit verfée à clair, Îes criftaux fe formeroient moins vite, à
caufe de la privation du fédiment terreux, que dans le vaifieau
où étoit l'autre moitié de la liqueur avec fon fédiment. Je
me fuis aflüré par ce moyen que ce fédiment terreux eft in-
utile à la criftallifation, du moins des premiers criftaux prif-
matiques ; car en fix jours ils fe font formés dans le poudrier
fans fédiment, tant au fond qu'aux parois du vaiffeau , quel-
ques-uns de la largeur d’une ligne & de la longueur de 9
à 10, d’autres un peu plus étroits & un peu plus courts. Au
contraire dans le vaifleau contenant le fédiment, les criftaux
n'ont commencé à paroître qu’au bout de douze jours, fem-
blables à des aiguilles déliées, cependant prifmatiques à quatre
côtés comme les précédents. Ni ceux-ci, ni ceux du premier
poudrier n’ont augmenté ni dans leur largeur, ni dans leur
longueur, quoique je les aye laïflés pendant deux mois dans
leurs vaiffeaux fans les remuer.
Prefque aflüré qu'il n’y avoit plus d’efpérance de les voir
augmenter, j'ai furvuidé la liqueur faline, & j'en ai continué
l'évaporation jufqu'à commencement de pellicule. Je l'ai re-
mife dans les poudriers nets, où elle n’a plus donné de {ef
Le DIE SOUCI EN €.E :S 375
… prifmatique, mais des criflaux quarrés opaques , quelques
… petits criflaux plats aux parois des vaifleaux, & à la furface
de la liqueur d’autres criftaux opaques figurés en feuilles de
_ fougere naïflante, & fufpendus par un pédicule à une croûte
faline fort mince. J'en ai enlevé quelques-uns avec une paille
avant qu'ils fuflent tombés au fond du vaifeau ; je les ai mis
fur un charbon où ils ont fumé comme le fel ammoniac avec
une petite décrépitation ; ainfi je crois que c’eft un commen:-
cement de fel ammoniac qui n’a pas eu le temps de fe féparer
parfait de la mafle faline où il étoit, ou, fi l’on veut, dans
laquelle il s’eft compofé pendant le long feu de l'opération,
. Mais comme c’eft du capur mortuum dont ce {el'a été lefivé,
_ & que les vapeurs lumineufes commençoient à fortir quand
la Cornue seft félée, on en pourroit conclurre avec M.
Gotfrich Hantkuit, qu’il entre dans la compofition du Phof-
phore un fel tendant à devenir felammoniac, puifque ce fel,
s'il étoit ammoniac parfait, feroit compolé alors d’un fel
volatil urineux, de l'acide du fel marin, d’un phlogiflique
huileux & d’une terre fubtile. Or toutes ces maticres exiftent
réellement dans l'urine, ainfi que l’anaïife de cette liqueur ou
l'opération entiére du Phofphore, prife partie à partie, le
démontre inconteftablement.
- Aurefte ileft impoffible de criflallifer entiérement par les
+ moyens ordinaires la leflive du caput mortuum dont il eft
. queftion préfentement. Dans un temps fec elle donne tous
F2 criftaux que je viens de décrire; mais fi le temps eft hu-
._ mide, tous ces criftaux, hors les prifmatiques, difparoiïffent
. ou fe diflolvent. Ceux qui font en feuilles de fougere font
es premiers diffous.
Enfin j'ai pris le parti de réduire en mafle faline tout ce
qui mereftoit de cette efpece d'eau-mere, en l'agitant fur un
. feu aflés vif. Lorfque le fel a été bien fec, j'en ai broyé
. 4 onces avec 20: onces d'alun calciné feulement jufqu'à éva-
. poration de fon humidité, & je lai mis dans une Cornue
2 pour en chaffer l'acide que je foupçonnois devoir être un:
376 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
diflolvant de l'or. Je ne me fuis point trompé; j'en ai retiré
environ une demi-once qui diflout l'or, à la vérité, en le
faifant chauffer un peu vivement.
Quatre autres onces du même fel traité à [a maniéré de
Glauber par l'huile de vitriol concentrée, m'ont donné un
efprit de fel fumant extrêmement volatil, qui mis fur or
dans un Matras à col très-long, le diflout auffi fi on le
chauffe. Ce dernier efprit de fel étoit encore fumant au bout
de fix mois, mais peu-à-peu il étoit devenu prefque noir.
I réfulte de cette expérience que le fel fixe de l'urine
donne un efprit de fel tout régalilé, ce que ne fait pas le
fel marin ordinaire, dont l'acide n’attaque point l'or, à moins
qu'on n'y adjoûte du nitre à la maniére ordinaire, où un peu
de fef volatil urineux felon le précepte de Kunckel. Otés de
ce fel fixe de l'urine fon volatil urineux par cinq ou fix fo-
lutions & calcinations à feu ouvert, vous le réduirés prefque
entiérement à la nature du {el marin ordinaire. L’efprit que
j'en ai diftillé alors par l'huile de vitriol, n’a plus diffout
l'or, même en le chauffant; à la vérité, pendant la diftillation,
j'ai eu attention de ne pas poufler le feu aflés fort pour faire
monter l'huile de vitriol.
Je crois avoir donné dans ce Mémoire une analife de
TÜrine plus complette qu'on ne la peut trouver dans aucun
Traité de Chimie, & je l'ai mife dans un ordre qui me dif
penfe, à ce que je crois, d’une récapitulation. Le charbon
de cette matiére dépouillée de tout ce qu'elle contenoit, n'a
Jaiffé un très-petite portion de cendre que je n’ai pu vitrifier.
I me refte à dire ce que j'ai {çû de l’ufage qu'on peut faire
de l'huile fétide de l'Urine, au cas qu’on la veuille retirer de
la matiére féche en la diftillant par la Cornue. Une perfonne
digne de foi, m'a dit qu’en la rectifrant fans addition de chaux
jufqu'à vingt-cinq fois, il en reftoit une huile éthérée, blanche,
tranfparente, de bonne odeur, qui étoit un remede fouverain
contre l'Epilepfe, infiniment fupérieure à l'huile de Dippe-
lus, qui eft l'huile du fang de Cerf rectifiée de même. Ce
n'eft
/
DES SCIENCES. 377
n'eft pas à moi à garantir ce fait : il ne me conviendroit pas
d'en faire des expériences.
ADDITION.
II faut remarquer que la même matiére urineufe defléchée,
qui, leffivée dans le premier mois de fa préparation, n'avoit
donné que des criftaux de la nature du fel marin après l'éva-
poration de fa leflive, fournit un fort beau Sel de Glauber,
lorfqu'elle a été expofée pendant du temps à l’aétion de l'air.
“On avoit laiflé 4 à 5 livres de cette matiére noire, féche &
grenue dans une grande terrine de grès neuve, fimplement
couverte d'un papier gris, & l’on avoit mis cette terrine dans
une chambre haute, dont les fenêtres reftent prefque toûjours
ouvertes. Elle y a demeuré 1 8 mois, pendant lefquels elle
s'eft humectée dans les temps de pluye, & defféchée dans
d’autres. On en a eu befoin au mois de Décembre dernier
pour une nouvelle opération du Phofphore, & après l'avoir
calcinée comme il a été dit, on en a fait la leffive. Au bout
de deux jours on a trouvé un fel tranfparent, criftallifé aux
parois d'un pot de grès verniflé qui n’a jamais fervi qu'à
recevoir ces fortes de leflives. On a attendu 6 ou 7 jours à
décanter cette leflive : on a purifié ce fel par folution & fil-
tration , & l’on a eu un beau Sel de Glauber : outre ce fel,
il s’étoit formé au fond d’un poudrier de criftal, où l'on avoit
mis d’abord cette folution concentrée, d’autres criftaux falins
qui ne fe diflolvent que dans l’eau bouillante, on en à filtré
a folution à part, en Îa tenant la plus chaude qu'il étoit
poffble : auffi-tôt qu’elle a été refroidie, elle s'eft congelée
en une maffe faline demi-tranfparente, & qui paroît foyeule,
qu’on 2 fait voir en cet état avant que de l’examiner davan-
tage. De la découverte de ce Sel de Glauber dans la matiére
urineufe qui a été long-temps expofée à l'air, il femble qu'on
pourroit conclurre qu’il y auroit eu dans l'air, fur-tout dans
les temps d'orage, un acide vitriolique qui fe feroit uni à Ja
_ bafe du fl marin de l'urine pour former le Sel de Glauber
en queftion; mais une feule expérience ne donne que de la
Men. 1737: ÿ BDD
378 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
probabilité à cette opinion, qui d’ailleurs a été rejetée jufqu'à
préfent par d'habiles Phyficiens. Cependant j'adjoûterai que
j'ai recueilli au mois d'Août 173 $ de l'eau d'un orage dans
des terrines placées fur un lieu élevé au milieu d’une cour;
que cette eau avoït une odeur fulfureufe, & qu'elle précipi-
toit l'huile de chaux en un coagulum femblable à celui qu'on
en précipiteroit par un efprit de Vitriol fort afloibli. De plus
M. Grofle a eu du Tartre vitriolé, en faifant difloudre du fef
de Tartre pur dans de l'eau d'orage qu'il avoit recueillie à
Pafly en 1724. Si c'eft dans l'air qu'il faut chercher la caufe
de ces Sels dans les cas propolés, l'Eté dernier a été très-
propre à faire naître ce foupçon, puifqu'il a été extrèmement
orageuxs
DPENSTNMICNNE.N CE # 379
O'B: SE, RV ANT 10..,N
DE LA CONJONCTION DE MERCURE
AVEC VENUS,
Qui a di tre Echptique le 28 Mai de cette année 1737:
Par M. Cassin.
Our déterminer la fituation des Planetes fur leurs orbes
& par rapport à l'Ecliptique, on a foin de les comparer
au Soleil, aux autres Planetes, ou à des Etoiles fixes dont
la pofition eft connue.
Mais entre ces obfervations, celles qui méritent une atten-
tion finguliére, font lorfqu’elles fe rencontrent en Conjonc-
tion entr'elles ou avec des Etoiles fixes, parce que la fitua-
tion des unes étant connue, on détermine la pofition des
autres avec plus de précifion & d’évidence lorfqu'elles en font
proche, que lorfqu'elles en font éloignées.
Mais autant que ces obfervations font utiles pour s’affürer
de leur vrai lieu dans le Ciel , autant eft-il rare d’en trouver
qui arrivent dans les circonftances où leur longitude & leur
latitude étant la même dans le même inftant, elles doivent
pañler l'une devant l'autre, en formant une Eclip{e fur celle
qui eft la plus éloignée. Car pour ce qui eft des Planetes
fupérieures, on ne peut jamais appercevoir leurs Conjonétions
avec le Soleil , quand même elles feroient alors dans leur plus
grande latitude à fon égard, à caufe de fa clarté qui les fait
difparoître plufieurs jours avant & après.
H en eft de même des Conjonctions fupérieures des Pa-
metes inférieures, & il n’y a que leurs Conjonétions infé-
rieures, lorfqu'elles paflent entre le Soleil & nous, que l'on
ifle obferver ; mais quoique ces Conjonétions arrivent
afés fouvent, il eft rare qu'elles fe trouvent alors avoir une
: Bbb if
10 Juillet
1737:
380 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
latitude à l'égard de l'Ecliptique qui n'excede pas le demi-
diametre du Soleil. Auffi depuis l'invention des Lunettes,
nous n'avons eu que huit obfervations du Paffage de Mercure
fur le difque du Soleil, dont la derniére eft arrivée le x x,
Novembré 1736.
Pour ce qui eft de Venus, quoique le plan de fon orbite
foit beaucoup moins incliné à l'Ecliptique que celui de Mer-
cure, fon paflage fur le difque du Soleil eft encore beaucoup
plus rare que celui de Mercure; car outre que Venus employe
trois fois plus de temps que Mercure à faire fa révolution
autour du Soleil, ce qui rend fes Conjonétions moins fré-
quentes, elle fe trouve alors beaucoup plus près de la Terre
que Mercure, ce qui augmente en apparence fa latitude, &
la fait pañler à l'égard de la Terre prefque toüjours au deffus
ou au deffous du Soleil. Aufli n’y a-t-il point de mémoire
qu'on ait vü pafler Venus fur le difque du Soleil avant l'année
1639, qu’elle fut obfervée le 24 Novembre par Horoccius
à Hoole près d'Heverpole en Angleterre, ainfi qu'elle a été
rapportée dans fes ouvrages imprimés en 1673.
Nous n’expoferons point ici les avantages que l’on a retirés
de cette obfervation, qui fut faite avec beaucoup de foin &
d’exactitude, & qui a beaucoup contribué à perfectionner la
Théorie de cette Planete, qui jufqu’alors étoit fort défetueufe.
FH nous füffira de remarquer que depuis ce temps-là il n’en ef
point arrivé de femblable, & qu’il n’y en aura qu'en 1761,
après un intervalle de 1 22 années.
Ce que nous venons de rapporter de l'intervalle de temps
qu'il doit y avoir entre le dernier paflage de Venus par Îe
Soleil & celui qui doit arriver immédiatement après, doit
(fi lon en excepte la Lune, dont les mouvements font plus
rapides & le diametre plus grand que celui des autres Pla-
netes) faire juger de la rareté des obfervations des Conjonc-
tions écliptiques de Venus avec les autres Planetes, & fur-
tout avec Mercure, dont le diametre apparent eft le plus
petit de toutes. On pourroit même donner quelque idée
du temps qu'il peut y avoir entre deux Conjonétions de
DEUSE SCALE IN. CE 8. 38r
cette Planete avec Venus, en multipliant l'intervalle entre
les deux Conjonétions de Venus avec le Soleil les plus pro-
chaines, qui eft de 122 années par 32, qui ef le rapport
du diametre du Soleil à celui de Venus, qui n’eft tout au
plus que d'une minute, ce qui donneroit 3900 années
pour le retour de la Conjonction écliptique de Venus avec
Mercure. L
.- [left vrai que les intervalles entre les Conjonétions éclip-
tiques de Venus avec le Soleil ne font pas toûjours d’une fi
grande durée, ce qui doit diminuer l'intervalle que nous
venons d'établir entre les Eclipfes de Mercure par Venus ;
mais auffi la difficulté d'appercevoir Mercure dans les diffé-
rents points de fon orbe, étant quelquefois impofñfble d'ob-
ferver cette Planete pendant tout le cours d’une de fes révo-
lutions, à caufe qu'elle eft prefque toûjours plongée dans les
rayons du Soleil, doit rendre encore plus rare le nombre des
obfervations de fes Eclipfes par Venus, qui puiflent être
vifibles. .
Si cette obfervation eft remarquable par fa rareté, elle
n'en eft pas moins importante pour la Théorie de ces deux
Planetes, & fur-tout de Mercure, qui n'eft peut-être pas en-
core entiérement portée à fa derniére perfection. On l'avoit
annoncée pour le 2 8 Mai de cette année dans les Ephémé-
rides de M. Manfredi, qui, fans cependant marquer l'heure
de la Conjonétion précife de Mercure avec Venus, avoit
jugé que ces deux Planetes devoient paffer bien près l'une de
J'autre, ce qu'il avoit exprimé par le mot Latin are, On
trouve cependant par le mouvement de ces Planetes, tiré de
fes Ephémérides, qu’elle devoit arriver à Bologne le 28 Mai
à 7h du foir, c'eft-à-dire, à Paris à 6h s4’, la latitude de
Venus étant de 2° 9° 5 3" vers le Nord, & celle de Mercure
de 2° 8" 5", avec une différence feulement d’une minute 48
fecondes.
. Cette même Conjonction eft marquée dans les E‘phémé-
rides de M. des Places à 5" 9” du foir. Ainfi il fe trouve,
fuivant ces deux déterminations, une différence dans le temps
VBD-D 1
382 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
de cette Conjonction d’une heure 4$ minutes, qui feroit
encore confidérablement plus grande fi on avoit déduit ce
temps du lieu de ces Planetes marqué dans ces derniéres
Ephémérides.
D'autres Tables Aftronomiques donnent des différences
encore plus grandes, ce qui fait voir combien il étoit impor-
tant de s’aflürer de la vraye fituation de ces Planetes fur leurs
orbes. Je me difpofai donc de faire cette obfervation avec
M. Abbé de Ja Caille, qui en avoit fait le calcul fuivant les
Tables de M. de la Hire, qui donnent cette Conjonétion à
3 h 3 9 1 I 3 TE
Comme Mercure devoit être près de Venus dans le temps
du pañlage de cette Planete par le Méridien, qui a dû arriver
le 28 Mai à 1P 36° après-midi, nous eflayames de les y
obferver ; mais le Ciel qui ne fe découvroit que par de petits
intervalles, ne nous permit pas de faire cette obfervation, &
ce ne fut qu'après le coucher du Soleil que nous apperçümes
Venus avec Mercure qui n'étoient pas encore arrivés à leur
Conjonétion, quoique fuivant prefque toutes les Tables elles
devoient lavoir paflée quelques heures auparavant.
A yant placé Mercure dans une Lunette de 8 pieds, montée
fur une Machine Parallaétique , de maniére que cette Planete
fuivit exactement par fon mouvement journalier un des fils
qui eft au foyer de cette Lunette, nous trouvâmes qu'à 8h
29'30" ke paflage de Mercure par le fil horaire précédoit
celui du centre de Venus de 28 fecondes de temps ou de
o° 7’ o" en afcenfion droite, & que Mercure étoit plus mé-
ridional que le bord inférieur de Venus d'un peu plus de fon
demi-diametre, c'eft-à-dire, de 3 $ fecondes, qui étant ad-
joûtées au demi-diametre de Venus, qui étoit alors d'une
demi-minute, donne la déclinaifon méridionale de Mercure
à l'égard du centre de Venus à 8h 29° 30", temps de la
premiére obfervation de 1° 5".
Nous continuâmes, par la même méthode, nos obferva-
tions, par lefquelles on voyoit Mercure s'approcher conti-
nuellement de Venus, tant en afcenfion droite qu'en décli-
DES SCIENCES. 38
naifon, de forte qu'à oh 30" o" le centre de Mercure étoit
déja plus feptentrional que le bord méridional de Venus, &
les bords de ces deux Planetes étoient à peu-près fur 1e même
parallele.
On continua enfuite de les voir jufqu'à 9° 44’ que Mer-
cure étoit à peine éloigné de 3 fecondes de temps ou de 45
fecondes de degrés du bord occidental de Venus, dans lequel
il devoit s’éclipfer quelques minutes après. Mais les vapeurs
qui étoient fur l'horifon , dans EE ces deux Planetes fe
plongerent, nousempécherent de faire cette ob{ervation, qui
devoit arriver un peu avant leur coucher.
Pour déterminer par le moyen de ces obfervations, la
Conjonétion précife de Mercure avec Venus, nous avons
comparé la différence entre le pañlage de ces Planetes, obfervé
à 8b 29° 30" de 28 fecondes, avec celui que l'on avoit dé-
terminé par les obfervations fuivantes, & nous avons trouvé,
en prenant un milieu entre les différents réfultats, que la
-Conjonétion écliptique de Mercure avec Venus en afcenfion
droite, a dû arriver à 9P 5 6* 30" au Méridien de Paris, ce
qui ne différe point fenfiblement de fa Conjonétion en lon-
gitude, à caufe que ces Planetes étoient alors fort près du
Tropique de l'Ecrevifle, où le parallele à PEquateur fe
confond avec l'Ecliptique.
Pour ce qui eft de fa déclinaifon, elle étoit à 8h 29’ 30"
plus méridionale que le centre de Venus d’une minute $ {-
condes, Elle parut à oP 29’ 40" éloignée du centre de Venus
du demi-diametre de cette Planete qui étoit de 3 0 fecondes
moins celui de Mercure qui n'’étoit que de 2 à 3 fecondes,
c'eft-à-dire de 27"+. Son mouvement en déclinaifon a donc
été, dans lefpace d’une heure, de 37"1; d'où l'on trouve
qu'au temps de la Conjonction écliptique de Mercure avec
Venus les centres de ces deux Planétes ne devoient être
éloignés l'un de l'autre que de 10 à 1 1 fecondes, dont celui
de Mercure étoit plus méridional que celui de Venus.
Dans cette obfervation , Venus & Mercure étoient fort
près de l'horifon, où la parallaxe eft la plus grande qui foit
384 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
poflible. Suppofant celle du Soleil de 1 0 fecondes, celle de
Venus qui étoit alors près de fa Conjonélion inférieure entre
le Soleil & la T erre, devoit être de 3 2 fecondes, dont cette
Planete paroifloit au deflous du lieu où elle étoit dans le Ciel.
A l'égard de Mercure, fa diftance à la Terre étoit alors peu
différente de la diftance de la Terre au Soleil, ce qui donne
fa parallaxe horifontale de 1 o fecondes, qui étant retranchée
de celle de Venus, qui étoit de 3 2 fecondes, donne 22 fe-
condes pour l'effet de la parallaxe, qui a dû faire paroître à
Paris ces deux Planetes en Conjonétion avec une latitude dé
1 1 fecondes, pendant qu'elles en étoient réellement éloignées
de plus d’une demi-minute.
Ainfi un Obfervateur placé fur le Tropique d'Eté, à a
diftance de 8h 20’ du Méridien de Paris vers l'Occident,
auroit vü à fon Zéhnit, dans le temps que la Conjonétion eft
arrivée à Paris, ces deux Planetes éloignées l'une de l'autre
d’une quantité à peu-près égale à la fomme de leurs demi-
diametres, ce qui auroit donné une mefure fenfible de leurs
Parallaxes.
Ayant calculé pour le temps de cette Conjonétion, le vrai
lieu de Venus par le moyen des obfervations de cette Planete
par le Méridien des 29, 30 & 31 Mai, nous trouvons qu’il
étoit le 28 Mai à 9" 56° 10", temps de fa Conjonétion
véritable de ces Planetes en 29° 30° 28" des Gémeaux, la
latitude feptentrionale de Venus étant de 2° 9° 1 5". Celieu
eft à quelques fecondes près, caufées par la différence des
Parallaxes, le vrai lieu de Mercure ; äinfi nous avons par la
même obfervation un point correfpondant dans les orbes de
chacune de ces Planetes, ce qui fert à vérifier leur théorie &
les Tables qu'on en a déduites.
Nous avons pour cet effet calculé par nos Tables qui font
imprimées & prêtes à donner au public, le vrai lieu de ces
Planetes pour le temps de la Conjonction obfervée, & nous
avons trouvé celui de Venus en x 29° 29° 39" éloigné fen-
lement de 49 fecondes de degrés de celui qui réfultoit de
cette obfervation avec une latitude feptentrionale de 2° 9°
7"
DIE SAN ORNE CE ve 385
$7", qui differe de celle qui a été obfervée, de 42 fecondes,
À l'égard de Mercure, fon vrailieu calculé par les Tables,
devoit être alors de 2° 29° 34° 33", éloigné de 46" de
celui qui avoit été obfervé avec une fatitude de 2° 9°0", qui
ne diflere que de 1 $ fecondes de l'obfervation.
On voit par cette comparaifon que ces Tables repréfentent
affés exactement la latitude de ces deux Planetes pour le temps
de feurs Conjonctions, qu'elles donnent auffi la longitude de
Venus fort approchante de celle qui a été obfervée, & qu'il
n'y a que Mercure où il y ait une différence de 4’ 6” entre
le calcul & l'obfervation.
Mais comme il peut arriver que des Tables s'accordent à
quelques obfervations, & s’en éloignent dans d’autres, nous
avons examiné ce qui réfultoit des obfervations fuivantes de
ces deux Planetes, que nous en avons faites en aflés grand
nombre, entre lefquelles il y en a deux remarquables, l'une
du paflage de Mercure par le Méridien en plein jour, qui eft
arrivée de 6 Juin fuivant à 1° 44° 5 8”après midi, & l'autre
de la Conjonction inférieure de Venus avec le Soleil, qui eft
arrivée le 1 4 du même mois, &c qui a été déduite des obfer-
vations qui l'ont précédé & qui l'ont fuivi.
Suivant la premiére de ces obfervations, le vrai lieu de
Mercure a été trouvé de 39° 45" 51", il a été calculé par
les Tables de 31 9°48" 45"; ainfi i y a entre le calcul &
Jobfervation une différence de 2’ 54” plus petite que celle
_que l'on avoit trouvée au temps de la Conjonétion précé-
dente. A l'égard de la latitude de cette Planete, on l'a trouvée
de 1° 15° 58" boréale, plus petite feulement de 1 2 fecondes
que celle qui avoit été obfervée de 1° 16° 10”.
… Pour ce qui eft de la Conjonétion inférieure de Venus
avec leSoleïl, on trouve qu'elle eft arrivée le 1 3 Juin 17 7
à 3" 43' du matin, fa longitude étant de 2f22° 0" 30", &
fa latitude méridionale de 1 ° 8° 1 2”. Suivant nos Tables, on
a trouvé pour ce temps la longitude de cette Planete de 2
22° 0° 37", & fa latitude méridionale de 1° 8’ 30", avec
une différence dans l’une & dans l'autre de peu de fecondes.
Mem. 1737: Cec
386 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Cette conformité entre nos Tables & cette obfervation
nous a donné lieu de calculer deux célebres Conjonétions
de Vénus avec le Soleil, annoncées par M. Halley dans les
Tranfations Philofophiques de 169 r, dont la premiére doit
arriver le $ Juin de l'année 1761, nouveau flile, & la fe-
conde le 3 Juin de l’année 1769 , huit années après, qui
paroît aflés douteule, la latitude feptentrionale de Venus étant
marquée pour le temps de cette Conjonétion de 1 s 43%
plus petite feulement de 7 fecondes que le demi-diametre “
Soleil; d'où il fuit que fans l'effet de parallaxe on n'apperce-
vroit qu'une partie du diametre de Venus fur le difque du
Soleil, & peut-être point du tout, au cas qu'il y ait quelque
dif rats entre la vraye latitude obfervée & celle qui réfulte
de fes Tables.
Les circonftances de la derniére Conjonétion de Venus
avec le Soleil, que nous avons obfervée, paroiffent des plus
favorables pour cette recherche. Elle eft arrivée dans le même-
mois & à peu de jours près de celles qu'il s’agit de déter-
miner, de forte que s'il y a quelques erreurs, tant dans les
éléments de la théorie du Soleil que dans celle de Venus, foit
à caufe de leur excentricité, foit par rapport à la figure des
orbes que ces Planetes décrivent, & à la maniére dont leur
mouvement fe diftribue fur ces orbes, toutes ces variétés ne-
peuvent prefque point influer fur la détermination des Con-
jonétions qui fe trouvent à quelques degrés près de celle que
Ton a obfervée; de forte que celle-ci étant conforme aux
Tables qui avoient été établies principalement fur l'obférva-
tion faite en 1639 par Horoccius, il y a lieu de juger qu’on
peut repréfenter avec une aflés grande exaclitude, par les
mêmes Tables, celles de 1761 & 1769.
Ayant donc eee Conjonétion de Venus avec leSoleif
de 17671, nous trouvons qu'elle doit arriver le 6 Mai à 5h
23. I ÿ* du matin, la longitude de Venus étant de 21 15°
3443", & fa latitude de 9’ 1" vers leMidi, & que le milieu
del Éciple Res ou de fon paflage par le difque du Soleil,
arrivera à $P 3° 15" du matin au Méridien de Paris, la
péeusviSie ti ne CES à 87
diflance du centre de cette Planete au centre du Soleil Gant
de 18! s 5".
Suivant M. Halley, le milieu de l'Eclipfe doit arriver le 6
Juin à $h s s' du matimau Méridien de Londres, c'eft-à-dire,
à 6h 4° 40" au Méridien de Paris, avec une différence d’une
heure & une minute de celle qui réfulte de nos Tables, ce
qui doit faire voir cette Eclip{e dans des lieux où elle n’auroit
pas paru, & réciproquement.
À l'égard de la diftance de Venus au centre du Soleil, nous
la trouvons de 8° $ $" vers le Midi, plus grande de plus du
double que celle que M. Halley a déterminée de 4! 1 5", ce
qui doit caufer de grandes variations dans la durée des phafes
de cette Eclipfe; dont le commencement, fuivant nos'T'ables,
ATTIVETA Àessss.ssesesesese.se 1028 32" du matin
L'entrée du centre. ............ 1 40 1
L'entrée totale. ..............., 2 3 8
Le pañlage par le milieu.….........5. 3 1 S
Le commencement de la fortie.... 8 3 22
L’émerfion du centre. ........... 8 20 29.
Et l'Emerfion totale à ....:...,. 8 37 58
Ce qui donne fa durée totale de... 7h 0° 26”.
Ayant calculé de même la Conjonétion de Venus avécle
Soleil du 3 Juin 1769, nous trouvons qu’elle doit arriver le
3 Juin 1769 à 9 52’ 22" du foir, le lieu du Soleil & de
Venus étant de 2{ 13° 25° 50", avec une latitude boréale
de 1049", d’où lon trouve le temps du paflage de Venus
par le milieu du Soleil à roh 16/21", & fa diftance au centre
de 10’ 42" vers le Nord.
Suivant le calcul de M. Halley, le milieu de cette Eclipfe
doit arriver à 1 1P o’ au Méridien de Londres, c’eft-à-dire,
à r1P ro’ à Paris, avec une différence de s4 minutes de
celle qui réfulte de nos Tables. A l'égard de fa diflance au
Soleil, elle doit être de 1 s°43", plus grande de 5’ 1" que
‘par notre calcul, fuivant lequel, s'il fe trouve conforme à
Jobfervation, on verra à Paris fon entrée dans le Soleil près
d'une heure avant fon coucher, au lieu que fuivant le calcul
; Cccij
389 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
de M. Halley, on n’auroit pü voir aucune des phafes de cette
Eclipfe à Paris, ni même dans aucun pays de l'Europe, à Ja
réferve des pays feptentrionaux où le Soleil fe couche ce
jour-là à 11 heures du foir.
Cette différence de latitude, qui eft à peu-près fa même
que celle que l'on avoit trouvée pour la Conjonétion de
1761, doit, à caufe que Venus {e trouve, fuivant M. Häalley,
en 1769 beaucoup plus près du bord du Soleil qu'en 1767,
caufer des variations encore plus grandes dans les phafes de
cette Eclipfe, dont le commencement doit arriver à Paris
le 3 Juin à... sas se bla
L’immerfion du centre. ......... 7 20 16
L'immerfion totale ............ 7 43 18
Le pañlige par le milieu ........ 10 16 21
Le commencement de l'émerfion.. 12 49 24
L'émerfion du centre.......... 13 12 26
Et fon émerfion totale à........ 1 0 5
Ce qui donne fa durée totale de.. 6h29" 4".
L'on n’a point tenu compte dans ces calculs, de la Para-
laxe, qui doit caufer des variations confidérables dans les
phafes de ces Edipfes, qui, comme fa remarqué M. Halley,
font très-propres pour déterminer avec plus d'évidence & de
précifion qu’on ne l'a fait jufqu’à préfent, la Parallaxe de cette
Planete, & par conféquent fa diftance au Soleil & à la Terre,
de même que celle de toutes les Planetes à la Terre dont on
connoît le rapport entre elles avec aflés d'exactitude,
DÉS SONIELENNRE Es se 389
Re
LA FIGURE DE LA TERRE
DETERMINEE
PAR MESSIEURS DE L'ACADEMIE ROYALE
DNE SUP ENRIE NICE :S)
Qui ont mefuré le Degré du Méridien au Cercle Polaire.
Par M8 DE MAUPERTUIS.
J Exposat, il ya dix-huit mois, à la même Aflemblée, Ditcours qui
J le motif & le projet du Voyage au Cercle Polaire; je vais DER
lui faire part aujourd'hui de l'exécution. Mais il ne fera peut- ue
être pas inutile de rappeler un peu les idées fur ce qui a fait *3 Novembre
entreprendre ce Voyage. AE
M. Richer ayant découvert à Cayenne en 1 672, que fa
Pefanteur étoit plus petite dans cette Ifle voifine de l'Equa-
teur, qu'elle n'eft en France, les Sçavants tournerent leurs
vüës vers toutes les conféquences que devoit avoir cette fa-
meufe découverte. Un des plus illuftres Membres de l'Aca-
démie trouva qu’elle prouvoit également, & le mouvement
de la Terre autour de fon axe, qui n’avoit plus guere befoin.
d'être prouvé, & l'applatiflement de Ja Terre vers les Poles,
qui étoit un paradoxe. M. Huygens appliquant aux parties.
qui forment la Terre, la théorie des Forces centrifuges, dont
ü étoit l'inventeur , fit voir qu'en confidérant fes parties.
comme pefant toutes uniformément vers un centre, & comme:
faifant leur révolution autour d’un.axe; il falloit, pour qu'elles.
demeurafient en équilibre, qu'elles formaffent un Sphéroïde
* applati vers les Poles. M. Huygens détermina même la quan-
tité de cet applatiflement, & tout cela par les principes ordi.
paires fur la Pefanteur.
M. Newton étoit parti d’une autre théorie, de l'attraction
des parties de la matiére les unes vers les autres, & étoit arrivé:
Ccc ii
590 MEMOIRES DE L’ACADEMIE ROYALE
à la même conclufion, c'efl-à-dire, à l’applatiffement de Ja
Terre, quoiqu'il déterminât autrement la quantité de cet
applatiflement. En effet, on peut dire que lorfqu'on voudra
examiner par les loix de la Statique, la figure de la Terre,
toutes les théories conduifent à l'applatifiement ; & l’on ne
fçauroit trouver un Sphéroïde allongé, que par des hypothefes
affés contraintes fur la Pefanteur.
Dès l’établiffement de l Académie, un de fes premiers foins
avoit été la mefure du degré du Méridien de fa Terre; M.
Picard avoit déterminé ce degré vers Paris, avec une fr
grande exactitude, qu'il ne fembloit pas u'on pût fouhaiter
rien au de-là. Mais cette mefure n'étoit univerfelle, qu’en cas
ue la Terre eût été fphérique, & fi la Terre étoit applatie,
elle devoit être trop longue pour les degrés vers l'Equateur,
& trop courte pour les degrés vers les Poles.
Lorfque la mefure du Méridien qui traverfe fa France, fut
achevée, on fut bien furpris de voir qu'on avoit trouvé les
degrés vers le Nord plus petits que vers le Midi; cela étoit
abfolument oppofé à ce qui devoit fuivre de Fapplatiflement
de la Terre. Selon ces melures, elle devoit être allongée vers
les Poles ; d’autres opérations faites fur le Parallele qui tra-
verfe la France, confirmoient cet allongement, & ces mefures
avoient un grand poids. :
L'Académie fe voyoit ainfi partagée; fes propres lumiéres
lavoient renduë incertaine, lorfque le Roy voulut faire dé-
cider cette grande queftion, qui n'étoit pas de ces vaines
fpéculations, dont l'oifiveté ou l'inutile fubtilité des Philofo-
phes s'occupe quelquefois, mais qui doit avoir des influences
réelles fur l’'Aftronomie & fur la Navigation.
Pour bien déterminer la figure de la Terre, il falloit com
parer enfemble deux degrés du Méridien les plus différents
en latitude qu'il füt poffible; parce que fi ces degrés vont en
croiffant ou décroiffant de l'E‘quateur au Pole, la différence
trop petite entre des degrés voifins, pourroit fe confondre
avec les erreurs des obfervations, au lieu que fi les deux degrés
qu'on compare, font à de grandes diftances l'un de l'autre,
x
DE RASNSUICAE IN: C'E s 397
cette différence fe trouvant répétée autant de fois qu'il y a
de degrés intermédiaires, fera une fomme Kap confidérable
pour. échapper aux obfervateurs.
M. le Comte de Maurepas qui aime les Sciences, & qui
veut les faire fervii au bien de l'Etat, trouva réunis dns cette
entreprie, l'avantage de la Navigation & celui de l Académie;
& cette vüé de Putilité publique mérita l'attention de M. le
Cardinal de Fleury; au milieu de la Guerre, les Sciences
trouvoient en lui une protection & des Rue qu'à peine
auroient-elles ofé efpérer dans la Paix la | plus profonde. M. le
Comte de Maurepas envoya bien-tôt à l'Académie, des
ordres du Roy pour terminer la queftion de la Figure de la
Terre ; l'Académie les reçut avec joye, & fe hâta de les
exécuter par plufieurs de fes Membres ; les uns devoient aller
fous l'Equateur, mefurer le premier degré du Méridien, &
partirent un an avant nous ; les autres devoient aller au Nord.
mefurer le degré le plus feptentrional qu il fût poffible. On
vit partir avec a même ardeur ceux qui s'alloient expoler au
Soleil de la Zone brülante, & ceux qui devoient fentir les
horreurs de l'hiver dans la Zone glacée. Le même efprit les
animoit tous, l'envie d’être utiles à la Patrie,
La troupe deftinée pour le Nord, étoit compofée de quatre
Académiciens, qui étoient M. Clairaut, Camus, le Monnier
& moi, & de M. l'Abbé Outhier, auxquels fe j joignit M.
Celfius célébre Profeffeur d’Aftronomie à Up/al, qui a afhifté
à toutes nos opérations, & dont les lumiéres & les confeils.
nous ont été fort utiles. S'il m'étoit permis de parler de mes
autres compagnons, de leur courage & de leurs talents, on:
verroit que l'ouvrage que nous entreprenions, tout difhicile-
qu'il peut paroître, étoit facile à exécuter avec eux.
Depuis long-temps nous n'avons point de nouvelles de
ceux qui font partis pour l'Equateur. On ne fçait prefque:
encore de cette entreprife, que les peines qu’ils ont eüés ; &
notre expérience nous a appris à trembler pour eux. Nous:
avons été plus heureux, & nous revenons apporter à Ac:
démie, le fruit de notre travail,
2 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
Le Vaifleau qui nous portoit, étoit à peine arrivé à
Stockholm , que nous nous hâtämes d'en partir pour nous
rendre au fond du Golfe de Bottnie, d'où nous pourrions
choifir, mieux que fur la foi des Cartes, laquelle des deux
côtes de ce Golfe, feroit la plus convenable pour nos opé-
rations. Les périls dont on nous menaçoit à St6ckholm ne
nous retarderent point ; ni les bontés d'un Roy, qui, malgré
les ordres qu'il avoit donnés pour nous, nous répéta plufieurs
fois, qu'il ne nous voyoit partir qu'avec peine pour une entre-
prife aufli dangereufe. Nous arrivames à Zornea aflés tôt
pour y voir le Soleil luire fans difparoître pendant plufieurs
jours, comme il fait dans ces climats au Solftice d'été, fpec-
tacle merveilleux pour les habitants.des Zones tempérées,
quoiqu'’ils fçachent qu'ils le trouveront au Cercle Polaire,
I n’eft peut-être pas inutile de donner ici une idée de
fouvrage que nous nous propofions, & des opérations que
nous avions à faire pour mefurer un degré du Méridieri.
Lorfqu'on s'avance vers le Nord, perfonne n'ignore qu'on
voit s'abbaifler les Etoiles placées vers Equateur, & qu'au
contraire celles qui font fituées vers le Pole s’élevent ; c'eft ce
phénomene qui vraifemblablement a été la premiére preuve
de la rondeur de la Terre. J'appelle cette différence qu’on
obferve dans la hauteur méridienne d’une Etoile, lorfqu'on
parcourt un arc du Méridien de la Terre, l'Amplirude de cet
arc ; c'eft elle qui en mefure la courbüre, ou, en langage
ordinaire, c’eft le nombre de minutes & de fecondes qu'il
contient.
Si la Terre étoit parfaitement Sphérique, cette différence
de hauteur d’une Etoile, cette amplitude feroit toûjours pro:
portionnelle à {a longueur de l'arc du Méridien qu’on auroit
parcouru. Si, pour voir une Etoile changer fon élévation
d'un degré, il falloit vers Paris, parcourir une diftance de
57000 toiles fur le Méridien, il faudroit à T'orneä, parcourir
la même diftance pour appercevoir dans la hauteur d'une
Etoile , le même changement.
Si au contraire la furface de la Terre étoït abfolument
platte;
DAE EM IS NOR EIN EE S
_platte; quelque longue diftance qu'on parcourüt vers leNord,
Etoile n'en paroitroit ni plus ni moins élevée.
- Si donc la furface de la T'erre eft inégalement courbe dans
différentes régions ; pour trouver la même différence de hau-
teur dans une Etoile, il faudra dans ces différentes régions,
-parcourir des arcs inégaux du Méridien de la Terre ; & ces
arcs dont (l'amplitude fera toüjours d'un degré, feront plus
longs là où la T'erre fera plus applatie. Si la T'erre eft applatie
vérs Les Poles, un degré du Méridien terreftre fera plus long
vers les Poles que vers l'Equateur ; & l'on-pourra juger ainfr
de la figure de la Terre, en comparant fes différents degrés
les uns avec les autres.
On voit par-là que pour avoir la mefure d’un degré du
Méridien de la Terre, il faut avoir une diftance mefurée fur
ce Méridien, & connoître le changement d’élévation d’une
Etoile aux deux extrémités de la diftance mefurée, afin de
pouvoir comparer la longueur de l'arc avec fon amplitude.
La premiére partie de notre ouvrage confiftoit donc à
mefurer quelque diftance confidérablé fur le Méridien ; & if
falloit pour cela former une fuite de Triangles qui commu-
niquäflent avec quelque bafe, dont on pourroit mefurer Îa
longueur à la perche. é
Notre efpérance avoit toûjours été de faire nos opérations
; fur les côtes du Golfe de Bottnie. La facilité de nous rendre
par Mer aux différentes flations, d'y tranfporter les inftru-
ments dans des chaloupes, l'avantage des points de vüë, que
nous promettoient les Ifles du Golfe, marquées en quantité
fur toutes les Cartes ; tout cela avoit fixé nos idées fur ces
côtes & fur ces Ifles. Nous allimes auffr-tôt avec impatience
les reconnoître ; mais toutes nos navigations nous apprirent
qu'il falloit renoncer à notre premier deflein. Ces Ifles qui
bordent les côtes du Golfe, & les côtes du Golfe même,
_que nous nous étions repréfentées comme des Promontoires,
qu'on pourroit apercevoir de très-loin, & d'où lon en
pourroit appercevoir d’autres auffi éloignées, toutes ces Ifles
étoient à fleur d'eau , par conféquent bien-tôt cachées par la
Men. 1737: Ddd
94 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE
rondeur de la Terre ; elles fe cachoïent même l'une l’autre
vers les bords du Golfe, où elles étoient trop voifines ; &
toutes rangées vers les côtes, elles ne s’avançoient point affés
en Mer, pour nous donner la direction dont nous avions
befoin. Après nous être opiniätrés dans plufieurs navigations
à chercher dans ces Ifles ce que nous n’y pouvions trouver,
il fallut perdre l’efpérance, & les abandonner.
J'avois commencé le voyage de Stockholm à Torneé en
carroffe, comme le refte de {a compagnie ; mais le hafard
nous ayant fait rencontrer vers le milieu de cette longue
route, le Vaiffeau qui portoit nos inftruments & nos domef-
tiques, J'étois monté fur ce Vaifleau, & étois arrivé à Torneä
quelques jours avant les autres. J'avois trouvé en mettant
pied à terre, le Gouverneur de la Province qui partoit pour
aller vifiter la Lapponie feptentrionale de fon gouvernement ;
je m'étois joint à lui pour prendre quelque idée du pays, en
attendant l’arrivée de mes compagnons, & j'avois pénétré
jufqu’à quinze lieuës vers le Nord. J'étois monté la nuit du
Solftice fur une des plus hautes Montagnes de ce pays, fur
Avafaxa ; & j'étois revenu auffi-tôt pour me trouver à Tor-
neä à leur arrivée. Mais j'avois remarqué dans ce voyage,
ui ne dura que trois jours, que le fleuve de Torneä fuivoit
affés la direction du Méridien jufqu’où je Favois remonté ;
& j'avois découvert de tous côtés de hautes Montagnes, qui
pouvoient donner des points de vüë fort éloignés. |
Nous penfâmes donc à faire nos opérations au Nord de
Torneä fur les fommets de ces Montagnes; mais cette entre-
prife ne paroïfloit guére poflble.
I falloit faire dans les Deferts d’un pays prefque inhabi-
table, dans cette Forêt immenfe qui s'étend depuis Torneä
jufqu’au Cap-Nord, des opérations difficiles dans les pays les
plus commodes. If n’y avoit que deux maniéres de pénétrer
dans ces Deferts, & qu'il falloit toutes les deux éprouver ;
l'une en naviguant fur un Fleuve rempli de cataractes, l'autre
en traverfant à pied des Forêts épaifles, ou des Marais pro-
fonds. Suppofé qu'on pût pénétrer dans le pays, il falloit
DES SCIENCES. 395$
après les marches les plus rudes, efcalader des Montagnes
efcarpées ; il falloit dépouiller leur fommet des arbres qui S'Y
trouvoient, & qui en empêchoient la vüë ; il falloit vivre
dans ces Deferts avec la plus mauvaife nourriture ; & expolés
aux Mouches qui y font fi cruelles, qu’elles forcent les Lap-
pons & leurs Reenes, d'abandonner le pays dans cette faifon,
pour aller vers les côtes de l'Océan, chercher des lieux plus
habitables. Enfin il falloit entreprendre cet ouvrage, fans
fçavoir s’il étoit poffible, & fans pouvoir s’en informer à per-
. fonne ; fans fçavoir fi après tant de peines, le défaut d’une
Montagne n'arrêteroit pas abfolument la fuite de nos Trian-
gles ; fans fçavoir fi nous pourrions trouver fur le Fleuve,
une bafe qui püût être liée avec nos Triangles. Si tout cela
réuffifoit, il faudroit enfuite bâtir des Obfervatoires fur la
plus feptentrionale de nos Montagnes ; ïl faudroit y porter
ün attirail d'inftruments plus complet qu'il ne s'en trouve
dans plufieurs Obfervatoires de l’Europe ; il faudroit y faire
des obfervations des plus fubtiles de Affronomie.
Si tous ces obftacles étoient capables de nous effrayer ;
d'un autre côté cet ouvrage avoit pour nous bien des attraits.
Outre toutes les peines qu'il falloit vaincre, c'étoit mefurer
Xe degré le plus feptentrional que vrai-femblablement il foit
permis aux hommes de mefurer, le deoré qui coupoit le
Cercle Polaire, & dont une partie feroit dans la Zone glacée,
Enfin après avoir defefpéré de pouvoir faire ufage des Ifles
du Golfe, c’étoit la feule reffource qui nous reftoit ; car nous
ne pouvions nous réfoudre à redefcendre dans les autres Pro-
vinces plus méridionales de la Suede.
… Nous partimes donc de T'orneä le vendredi 6 Juillet, avec
une troupe de foldats Finnois, & un grand nombre de ba-
teaux chargés d'inftruments, & des chofes les plus indifpen-
fables pour la vie ; & nous commençâmes à remonter Îe
. grand Fleuve qui vient du fond de la Lapponie fe jetter dans
la Mer de Bottnie, après s'être partagé en deux bras, qui
forment lapetitelfle Swentzar, où eft bâtie la Ville à 65° 51”
_defatitude. Depuis ce jour, nous ne vêcümes plus que dans
Ddd ji
Juillet
173 6x
Juillet.
96 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
les Deferts, & fur le fommet des Montagnes, que nous vou-
lions lier par des Triangles les unes aux autres.
Après avoir remonté le Fleuve depuis 9 heures du matin
ju{qu'à 9 heures du foir, nous arrivâmes à Xorpikyla, c'eft un
Hameau fur le bord du Fleuve, habité par des Finnois ; nous.
y defcendimes, & après avoir marché à pied quelque temps
à travers la Forêt, nous arrivâmes au pied de Niwa, Montagne
efcarpée , dont le fommet n'eft qu'un rocher où nous mon-
times, & fur lequel nous nous établimes. Nous avions été fur
le Fleuve, fort incommodés de groffes Mouches à tête verte,
qui tirent le fang par-tout où elles picquent ; nous nous
trouvâmes fur Niwa, perfécutés de plufieurs autres efpeces
encore plus cruelles. #
Deux jeunes Lappones gardoïent un petit troupeau de
Reenes fur le fommet de cette Montagne, & nous apprimes
d'elles comment on fe garantit des Mouches dans ce pays;
ces pauvres filles étoient tellement cachées dans la fumée d’un
grand feu qu’elles avoient allumé, qu’à peine pouvions-nous
les voir, & nous fümes bien-tôt dans une fumée auffi épaiffe
que Îa leur.
Pendant que notre troupe étoit campée fur Niwa, j'en
partis le 8 à une héüre après minuit avec M. Camus, pour .
aller reconnoître les Montagnes vers le Nord. Nous remon-
tâmes d’abord le Fleuve jufqu’au pied d’Avafaxa, haute Mon-
tagne, dont nous dépouillämes le fommet de fes arbres, &
où nous fimes conftruire un Signal. Nos fignaux étoient des
cones creux, bâtis de plufieurs grands arbres qui, dépouillés
de leur écorce, rendoïent ces fignaux fi blancs qu'on les pou-
voit facilement obferver de 10 & 12 lieuës ; leur centre
étoit toüjours facile à retrouver en cas d'accident, par des
marques qu'on gravoit fur les rochers, & par des picquets
qu’on enfonçoit profondément en terre, & qu'on recouvroit
de quelque groffe pierre. Enfin ces fignaux étoient auf
commodes pour obferver, & prefque auffi folidement bâtis
que la plûpart des édifices du pays.
Dès que notre Signal fut bâti, nous defcendimes d’Avafaxa;
…—
| DIE SHC E NRC: ES. 397
&étant entrés dans la petite Riviére de Zenghiô, qui vient au
pied de la Montagne fe jetter dans le grand Fleuve, nous
remontämes cette Riviére jufqu'à l'endroit qui nous parut le
plus proche d’une Montagne, que nous crûmes propre à
notre opération ; là nous mimes pied à terre, & après une
marche de trois heures à travers un Marais, nous arrivâmes
au pied d'Aorrilakero. Quoique fort fatigués, nous ÿ mon-
tâmes, & pañlämes la nuit à faire couper la Forêt qui s'y
trouva. Une grande partie de la Montagne eft d’une pierre
rouge, parfemée d'une efpece de criftaux blancs , longs &
fendre des Mouches, plus cruelles fur cette Montagne que
fur Niwa. I fallut, malgré la chaleur qui étoit très-grande,
nous envelopper la tête dans nos Lappmudes ( ce font des
robes de peaux de Reenes) & nous faire couvrir d’un épais
rempart de branches de Sapins & de Sapins mêmes entiers,
qui nous accabloient, & qui ne nous mettoient pas en fûreté
pour long-temps. +
= Après avoir coupé tous les arbres qui fe trouvoient fur le
fomimet d'Horrilakero, & y avoir bâti un Signal, nous en
-partimes & revinmes par le même chemin, trouver nos ba-
-teaux que nous avions retirés dans le Bois ; c’eft ainfi que les
gens de ce pays fuppléent aux cordes dont ils font mal pour-
_vüs. Il eft vrai qu'il n'eft pas difficile de traîner, & même
de porter les bateaux dont on fe fert fur les Fleuves de Lap-
ponie. Quelques planches de Sapin fort minces, compofent
une Nacelle fi légere & fi flexible, qu'elle peut heurter à
tous moments les pierres dont les Fleuves font pleins, avec
- toute la force que lui donnent des torrents, fans que pour
+ cela elle foit endommagée. C’eft un fpectacle qui paroît tér-
. rible à ceux qui n’y font pas accoûtumés, & qui étonnera
_toûjours les autres, que de voir au milieu d’une cataracte
» … dont-le bruit eft affreux, cette frêle machine entraînée par
. un torrent de vagues, d’écume & de pierres, tantôt élevée
. dans l'air, & tantôt perduë dans les flots ; un Finnois intré-
_ pide la gouverne avec un large aviron, pendant que deux
4 | . Ddd ï
aflés paralleles les uns aux autres. La fumée ne put nous dé-
Juillet.
Juillet,
398 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyareE
autres forcent de rames pour Ja dérober aux flots qui 1a
pourfuivent, & qui font toüjours prêts à l'inonder; fa quille
alors eft fouvent toute en l'air, & n'eft appuyée que par une
de fes extrémités fur une vague qui Jui manque à tous Mo-
ments. Si ces Finnois font hardis & adroits dans les cataractes,
ils font par-tout ailleurs fort induftrieux à conduire ces petits
bateaux, dans lefquels le plus fouvent ils n’ont qu’un arbre
avec fes branches, qui leur fert de voile & de mût.
Nous nous rembarquämes fur le Tengliô ; & étant rentrés
dans le Fleuve de Torneä, nous le defcendimes pour retourner
à Korpikyla. A quatre lieuës d'Avafaxa, nous quittimes nos
bateaux, & ayant marché environ une heure dans la Forêt,
nous nous trouvâmes au pied de Cuiraperi, Montagne fort
efcarpée, dont le fommet n'eft qu'un rocher couvert de
moufle, d’où la vûë s'étend fort loin de tous côtés, & d’où
lon voit au Midi la Mer de Bottnie. Nous y élevimes un
Signal, d’où l'on découvroit Horrilakero, Avafaxa, Torneä,
Niwa, & Kakama. Nous continuâmes enfuite de defcendre
le Fleuve, qui a entre Cuitaperi & Korpikyla, des cataractes
épouventables qu'on ne pañle point en bâteau. Les Finnois ne
manquent pas de faire mettre pied à terre à l'endroit de ces
cataractes ; mais l'excès de fatigue nous avoit rendu plus facile
de les pafler en bateau, que de marcher cent pas. Enfin nous
arrivames le r r au foir fur Niwa, où le refte de nos Mrs
étoient établis ; ils avoient vü nos fignaux, mais le Ciel étoit
fi chargé de vapeurs, qu'ils n’avoient pü faire aucune obfer-
vation. Je ne {çais fi c'eft parce que la préfence continuelle
du Soleïl fur l'horifon , fait élever des vapeurs qu'aucune nuit
ne fait defcendre ; mais pendant les deux mois que nous
avons paffés fur les Montagnes, le Ciel étoit toûjours chargé,
jufqu'à ce que le vent de Nord vint diffiper les brouillards,
Cette difpofition de Fair nous a quelquefois retenus fur uné
feule Montagne huit & dix jours, pour attendre le moment
auquel on püt voir aflés diftinétement les objets qu'on vou-
loit obferver. Ce ne fut que le lendemain de notre retour fur
Niwa, qu'on prit quelques angles; & le jour qui fuivit, un
DE: Si LS CMTLEUN <C-E 5, 9
went de Nord très-froid s'étant levé, on acheva les obfer-
-Vations. ?
Le 14, nous quittimes Niwa, & pendant que M.'s Camus,
Je Monnier & Celfius alloient à Kakama, nous vinmes Mrs
Clairaut, Outhier & moi fur Cuitaperi, d’où M. l'Abbé
Outhier partit le 1 | planter un Signal fur Pullingi.
Nous fimes le 1 8 les obfervations qui, quoiqu'interrompuës
par le tonnerre & la pluye, furent achevées le foir : &le 20
nous en partimes tous, & arrivâmes à minuit fur A vafaxa.
… Cette Montagne eft à 1 $ lieuës de T'orneñ fur le bord du
Fleuve; l'accès n'en eft pas facile, on y. monte par la Forêt
qui conduit jufqu’à environ la moitié de la hauteur ; la Forêt
eft là interrompuë par un grand amas de pierres efcarpées &
gliflantes, après lequel on la retrouve, & elle s’étendoit ju£
ques fur le fommet ; je dis, elle s'étendoit, parce que nous
fimes abbattre tous les arbres qui couvroient ce fommet. Le
côté du Nord-eft eft un précipice affreux de rochers, dans
lefquels quelques Faucons avoient fait leur nid: c’eft au pied
de ce précipice que coule le Tengliü, qui tourne autour
d’Avafaxa avant que de fe jetter dans le Fleuve de Tornez,
. De cette Montagne la vüë ef très-belle; nul objet ne l'arréte
vers le Midi, & l'on découvre une vafte étenduë du Fleuve:
fieurs Lacs qu'il traverfe; du côté du Nord, la vüë s'étend
à 12 ou 1 5 lieuës, où elle eft arrêtée par une multitude de
Montagnes entaflées les unes fur les autres, comme on re-
_ préfente le Cahos, & parmi lefquelles il n'étoit pas facile
d'aller trouver celle qu'on avoit vûüe d’Avafaxa.
… , Nous paffâmes dix jours fur cette Montagne, pendant lef-
quels la curiofité nous procura fouvent les vifites des habitants
des Moutons, & les miférables fruits qui naiflent dans ces
.… Forëts, |
Entre cette Montagne & Cuitaperi, le Fleuve eft d’une
… très-grande largeur, & forme une efpece de Lac qui, outre
/ fonétenduë, étoit fitué fort avantageufementf pour notre bafe;
[h
du côté de J'Ef, elle pourfüit le Tengliô jufques dans plu-
des campagnes voifines ; ils nous apportoient dés Poiflons,
ne.
Juillet.
Juillet.
Août,
400 MEMoïREs DE L’ACADEMIE ROYALE
Murs Clairaut & Camus fe chargerent d'en déterminer fa
diredion, & demeurerent pour cela à Ofwer-Tornea après
que nos obfervations furent faites fur Avafaxa, pendant que
j'allois fur Pullingi avec M.'s le Monnier, Outhier & Celfius.
Ce même jour que nous quittèmes Avafaxa, nous paflâmes
le Cercle Polaire, & arrivames le tendilain 3 1 Juillet fur les
trois heures du matin à Zwrtula, c'eft une efpece de Hameau
où l’on coupoit le peu d'Orge & de Foin qui y croit. Après
avoir marché quelque temps dans la Forêt, nous nous embar-
uâmes fur un Lac qui nous conduifit au pied de Pullingi.
C’eft la plus élevée de nos Montagnes ; & elle eft d’un
accès très-rude par la promptitude avec laquelle elle s’éleve,
& la hauteur de la moufle dans laquelle nous avions beau-
coup de peine à marcher. Nous arrivèmes cependant fur le
fommet à fix heures du matin ; & le féjour que nous y fimes
depuis le 3 r Juillet jufqu'au 6 Août fut auffi pénible que
labord. H y fallut abbattre une Forêt des plus grands arbres ;
& les Mouches nous tourmenterent au point que nos Soldats
du Régiment de Weftro-Bottnie, troupe diftinguée, même
en Suede où il y en a tant de valeureufes, ces hommes en-
durcis dans les plus grands travaux, furent contraints de s’en-
velopper le vifage, & de fe le couvrir de godron; ces infectes
infeétoient tout ce qu'on vouloit manger, dans l’inftant tous
nos mets en étoient noirs. Les Oifeaux de proye n'étoient
pas moins affamés, ils voltigeoient fans cefle autour de nous,
pour ravir quelques morceaux d'un Mouton qu'on nous
apprétoit. |
Le lendemain de notre arrivée fur Pullingi, M. Abbé
Outhier en partit avec un Officier du même Régiment qui
nous a as beaucoup de fervices, pour aller élever un
Signal vers Pello. Le 4 nous en viîmes paroître un fur Miemi,
que-le même Officier fit élever ; ayant pris les Angles entre
ces fignaux, nous quittâmes Pullingi le 6 Août après y avoir
beaucoup fouflert, pour aller à Pello; & après avoir remonté
quatre cataractes, nous y arrivimes le même jour.
Pello eft un Village habité par quelques Finnois, auprès
ÿ duquel
DES SCIENCE .s. 401.
duquel efl Kris, la moins élevée de toutes nos Montagnes;
c'étoit-là qu'étoit notre fignal, En y montant, on trouve une
grofle Source de l'eau la plus pure, qui fort d’un fable très-
fin, & qui, pendant les plus grands froids de l'hiver, conferve
fa liquidité; lorfque nous retournâmes à Pello far la fin de
l'hiver, pendant que la Mer du fond du Golfe , & tous les
Fleuves étoient aufli durs que le marbre, cette eau couloit
comme pendant l'été. à
-. Nous fümes affés heureux pour faire en arrivant nos 03:
fervations, & ne demeurer fur Kittis que jufqu’au lendemain:
nous en partimes à trois heures après midi, & arrivâmes le
même foir à Turtula.
I y avoit déja un mois que nous habitions les Deferts, ou
plûtôt le fommet des Montagnes, où nous n'avions d'autre
lit que la terre, ou la pierre couverte d’une peau de Reene,
ni guere d'autre nourriture que quelques Poiflons que les Fin-
nois nous apportoient , où que nous pêchions nous-mêmes,
& quelques efpeces de Bayes ou fruits fanvages qui croiflent
dans ces Forêts. La fanté de M, le Monnier, qu'un tel genre
de vie dérangeoit à vûüë d'œil, & qui avoit recû les plus
rudes attaques fur Pullingi, ayant manqué tout-à-fait, je le
laiflai à Turtula, pour redefcendre le Fleuve, & s’aller rétablir
chés le Curé d'ôfwer-Torneë, dont la maifon étoit le meilleur,
& prefque le feul afyle qui fût dans le pays.
Je partis en même temps de Turtula, accompagné de M.rs
Outhier & Celfius, pour aller à travers {x Forêt, chercher
le Signal que Officier avoit élevé fur Niemi. Ce voyage fut
terrible ; nous marchâmes d’abord en fortant de Turtula ju |
qu’à un Ruifleau, où nous nous embarquämes für trois petits
bateaux ; mais ils naviguoient avec tant de peine entre les
pierres, qu’à tous moments il en falloit defcendre, & fauter
d'une pierre fur l'autre. Ce Ruifèau nous conduifit à un Lac
fi rempli de petits grains jaunâtres, de la grofleur du Mi,
que toute fon eau en étoit teinte; je pris ces grains pour a
Chryfalide de quelque Infeéte, & je croirois que c'étoit de
quelques-unes de ces Mouches qui nous perfécutoient, parce
Mem. 1737. Eec
Août:
Aoùt ,
402 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLre
que je ne voyois que ces animaux qui püflent répondre par
leur quantité, à ce qu'il falloit de grains de Mil pour remplir
un Lac aflés grand. Au bout de ce Lac, il fallut marcher
jufqu'à un autre de la plus belle eau, fur lequel nous trou-
vâmes un bateau ; nous mimes dedans le Quart-de-cercle,
& le fuivimes fur les bords. La Forêt étoit fi épaifie fur ces
bords, qu’il falloit nous faire jour avec la hache, embarraflés
à chaque pas par la hauteur de la moufle, & par les Sapins
que nous rencontrions abbatus. Dans toutes ces Forêts, il ya
prefque un auffi grand nombre de ces arbres, que de ceux
qui font fur pied ; la terre qui les peut faire croître jufqu’à
un certain point, n'eft pas capable de les nourrir, ni aflés
profonde pour leur permettre de s'affermir; la moitié périt
ou tombe au moindre vent. Toutes ces Forêts font pleines
de Sapins & de Bouleaux ainfr déracinés ; le temps a réduit
les derniers en pouffiére, fans avoir caufé la moindre alté-
ration à l'écorce ; & l’on eft furpris de trouver de ces arbres.
aflés gros qu'on écrafe & qu’on brife dès qu’on les touche.
C'eft cela peut-être qui a fait penfer à l’ufage qu’on fait en
Suede de l'écorce de Bouleau ; on s’en fert pour couvrir les
muaifons, & rien en effet n’y eft plus propre. Dans quelques
Provinces, cette écorce eft couverte de terre, qui forme fur
les toits, des efpeces de jardins, comme ïl y en a fur les
maifons d'Upfal. En Weffro-Bottnie, Yécorce eft arrètée par
des cylindres de Sapin attachés fur le faite, & qui pendent
des deux côtés du toit. Nos Forêts donc ne paroifloient que
des ruines ou des débris de Forêts dont la plüpart des arbres
étoient péris ; c'étoit un Bois de cette efpece, & affreux entre
tous ceux-là que nous traverfions à pied, fuivis de douze
Soldats qui portoient notre bagage. Nous arriviämes enfin
fur le bord d’un troifiéme Lac, grand, & de la plus belle
eau du monde; nous y trouvâmes deux bateaux, dans lefquels
ayant mis nos inftruments & notre bagage, nous attendimes
leur retour fur le bord. Le grand vent, & le mauvais état
de ces bateaux, rendirent leur voyage long ; cependant is
revinrent, & nous nous y embarquâmes, nous traverfames
DES S'CTENCE S 40%
le Lac, & nous arrivmes au pied de Niemi à trois heures
après midi. x
Cette Montagne, que les Lacs qui l’environnent, & toutes
les difficultés qu’il fallut vaincre pour y parvenir, faifoient
reflembler aux lieux enchantés des Fables, feroit charmante
par-tout ailleurs qu'en Lapponie ; on trouve d’un côté un
Bois clair dont le terrein eft auffi uni que les allées d'un jar:
din ; les arbres n’empêchent point de fe promener, ni de voir
un beau Lac qui baigne le pied de la Montagne ; d’un autre
côté on trouve des Sales & des Cabinets qui paroiffent taillés
dans le roc, & auxquels # ne manque que le toit : ces rochers
font fi perpendiculaires à 'horifon, fi élevés & fi unis, qu'ils
paroifient plûtôt des murs commencés pour des Palais, que
Touvrage de la Nature. Nous vîmes-là plufieurs fois s'élever
du Lac, ces vapeurs que les gens du pays appellent Æafios,
& qu'ils prennent pour les Efprits auxquels eft commife a
garde des Montagnes : celle-ci étoit formidable par les Ours
qui s'y devoient trouver ; cependant nous n'y en vîmes
aucun, & elle avoit plus air d'une Montagne habitée par les
Fées & par les Génies, que par les Ours.
Le lendemain de notre arrivée, les brumes nous empé-
cherent d’obferver. Le 10, nos obfervations furent inter-
rompuës par le tonnerre & par la pluye; le r r elles furent
achevées, nous quittimes Niemi, & après avoir repañlé les
trois Lacs, nous nous trouvâmes à T'urtula à neuf heures du
Dir. Nous en partimes le 12, & arrivâmes à trois heures
‘après midi à Ofwer-T'orneñ chés le Curé, où nous trouvâmes
. nos Ms; & y ayant faiffé M. le Monnier & M. l'Abbé
Oüthier, je partis le 1 3 avec M.rs Clairaut, Camus & Celfius
pour Horrilakero. Nous entrâmes avec quatre bateaux dans
le Tengliô qui a fes cataraétes, plus incommodes par le peu
d’eau qui s'y trouve, & le grand nombre de pierres, que par
Ja rapidité de fes eaux. Je fus furpris de trouver fur fes bords,
fi près de la Zone glacée, des Rofes aufli vermeilles qu'il en
naïfle dans nos jardins. Enfin nous arrivämes à neuf heures
du foir à Horrilakero. Nos obfervations n’y furent achevées
| Ece ï
Act
Août,
404 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
que le 17; & en étant partis le lendemain, nous arrivämes
le foir à Ofwer-Torneä, où nous nous trouvâmes tous réunis.
Le lieu le plus convenable pour la bafe avoit été choifi ;
& Mrs Clairaut & Camus, après avoir bien vifité les bords
du Fleuve, & les Montagnes des environs, avoient déterminé
fa direction, & fixé fa longueur par des Signaux qu’ils avoient
fait élever aux deux extrémités.
Etant montés le foir fur Avafaxa, pour obferver les An-
gles qui devoient lier cette bafe à nos Triangles, nous vimes
Horrilakero tout en feu. C’eft un accident qui arrive fouvent
dans ces Forêts, où l’on ne fçauroit vivre l'été que dans la
fumée, & où la Moufle & les Sapins font ft combuftibles,
que tous les jours le feu qu’on y allume, y fait des incendies
de plufieurs milliers d'arpents. Ces feux ou leur fumée nous
ont quelquefois autant retardés dans nos obfervations, que
l'épaifleur de fair. Comme l'incendie d'Horrilakero venoit
fans doute du feu que nous y avions laiflé mal éteint, on y
envoya trente hommes pour lui couper la communication
avec les Bois voifins. Nous n’achevâmes nos obfervations fux
Avafaxa que le 21 ; Horrilakero brüloit toüjours, nous le
voyions enfeveli dans la fumée ; & le feu qui étoit defcendu
dans fa Forêt, y faifoit à chaque inftant de nouveaux ravages,
Quelques-uns des gens qu’on avoit envoyés à Horrilakero,
ayant rapporté que le Signal avoit été endommagé par le feu,
on lenvoya rebâtir; & il ne fut pas difficile d'en retrouver
le centre, par les précautions dont j'ai parlé,
Le 22, nous aflämes à Poiky-Tornea, fur le bord du
Fleuve, où étoit le Signal feptentrional de la bafe, pour y
faire les obfervations qui la devoient lier avec le fommet des
Montagnes; & nous en partimes le 23 pour nous rendre à
l'autre extrémité de cette bafe, au Signal méridional qui étoit
fur le bord du Fleuve, dans un endroit appellé Memifby, où
nous devions faire les mêmes obfervations. Nous couchâmes
cette nuit dans une prairie affés agréable, d’où M. Camus
partit le lendemain pour aller à Pello, préparer quelques
cabanes pour nous loger, & faire bâtir un Obfervatoire {ur
Se
Sétotiinnses nié. me
D'E SN SICT'ELN C'E ‘s 405
Kittis, où nous devions faire les obfervations aftronomiques
pour déterminer l'amplitude de notre Arc.
Après avoir fait notre obfervation au Signal méridional,
nous remontâmes le foir fur Cuitaperi, où la derniére obfer-
vation qui devoit lier la bafe aux T'riangles fut achevée le 2 6,
Nous venions d'apprendre que le Secteur que nous atten-
dions d'Angleterre, étoit arrivé à Torneñ ; & nous nous
hâtmes de nous y rendre pour préparer ce Secteur, & tous
les autres inftruments que nous devions porter fur Kittis:
parce que comme les rigueurs de l'hiver étoient plus à
craindre fur Kittis qu'à Torneë, nous voulions commencer
‘avant les grands froids, les obfervations pour l’amplitude de
l'Arc à cette extrémité de notre Méridienne. Pendant qu'on
préparoit tout pour le voyage de Pello, nous montâmes dans
la Flèche de l'Eglife qui eft bâtie dans l’Ifle Swentzar, que je
défigne ici, pour qu’on ne la confonde pas avec l'Eglife Fin-
noife, bâtie dans l’Ifle Biérckühn, au Midi de Swentzar : &
ayant obfervé de cette Flêche, les Angles qu'elle fait avec nos
Montagnes, nous repartimes de Torneë le 3 Septembre avec
quinze bateaux, qui faifoient fur le Fleuve la plus grande Flote
qu'on y eût jamais vüë, & nous vinmes coucher à Xrckula,
+ Le lendemain, nous arrivâmes à Korpikyla ; & pendant
que le refte de la compagnie continuoit fa route vers Pello,
jen partis à pied avec Mrs Celfius & Outhier pour aller à.
akama , où nous n'arrivâmes qu'à neuf heures du foir par
une grande pluye.
Tout le fommet de Kakama eft d'une pierre blanche,
feuilletée & féparée par des plans verticaux, qui coupent
fort perpendiculairement le Méridien. Ces pierres avoient
tellement retenu la pluye, qui tomboit depuis long-temps,
que tous les endroits qui n’étoient pas des pointes de rocher,
étoient pleins d'eau ; & il plut encore fur nous toute la nuit,
Nos obfervations ne purent être achevées le lendemain ; if
fallut paffer fur cette Montagne une feconde nuit auffi hu-
mide & aufli froide que la premiére; & ce ne fut que le 6:
que nous achevämes nos obfervations. LAINE
Ece ii
Août * |
Septembre.
Septunbre,
406 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyArE
Après ce fâcheux féjour que nous avions fait fur Kakama,
nous en partimes ; & la pluye continuelle, dans une Forêt
où l'on avoit beaucoup de peine à marcher, nous ayant fait
faire les plus grands efforts, nous arrivâmes, après einq heures
de marche, à Korpikyla. Nous y couchämés cette nuit ; &
étant partis le lendemain, nous arrivämes 1e 9 Septembre à
Pello, où nous nous trouvames tous réunis.
Toutes nos courfes, & un féjour de foixante-trois jours
dans les Deferts, nous avoient donné la plus belle fuite de
Triangles que nous puflions fouhaiter. Un ouvrage com-
mencé fans fçavoir s'il feroit poffible, & pour ainfï dire, au
hazard , étoit devenu un ouvrage heureux, dans lequel il
fembloit que nous euflions été les maîtres de placer les Mon-
tagnes à notre gré. Toutes nos Montagnes avec l'Eglife de
Torneë, formoient une figure fermée, dans laquelle fe trou-
voit Horrilakero, qui en étoit comme le foyer & le lieu où
aboutifloient les Triangles, dans lefquels fe diviloit notre
figure. C’étoit un long Heptagone qui fe trouvoit placé dans
la direction du Méridien. I étoit fufceptible d’une vérifica-
tion finguliére dans ces fortes d'opérations, dépendante de fa
propriété des Polygones. La fomme des Angles d'un Hepta-
gone fur un plan, doit être de 900 degrés : la fomme dans
notre Heptagone couché fur une furface courbe, doit être un
peu plus grande ; & nous la trouvions de 900° 1° 37" après
1 6 Angles obfervés. Vers le milieu de FHeptagone fe trou-
voit une bafe plus grande qu'aucune qui eût jamais été me-
furée, & fur la furface la plus platte, puifque c'étoit fur les
eaux du Fleuve que nous la devions mefurer, lorfqu'il feroit
glacé. La grandeur de cette bafe nous affüroit de la précifion
avec laquelle nous pouvions mefurer Ÿ Heptagone; & fa fitua-
tion ne nous laïfloit point craindre que les erreurs puflent
aller loin, par le petit nombre de nos Triangles, au milieu
defquels elle fe trouvoit. ART
Enfin la longueur de Arc du Méridien que nous mefu-
rions, étoit fort convenable pour la certitude de notre opé-
ration, S'Ü y a un avantage à mefurer de grands Arcs, en ce
DFE ST SUOMI CE 5, 407
que les erreurs qu'on peut commettre dans la détermination Septembre.
de l'Amplitude, ne font que les mêmes pour les grands Arcs |
& les petits, & que répanduës fur de petits Arcs, elles ont
. plus d'effet, que répanduës fur de grands ; d’un autre côté,
les erreurs qu'on peut commettre fur les Triangles, peuvent
avoir des effets d'autant plus dangereux, que la diftance qu'on
mefure eft plus longue, & que le nombre des Triangles eft
plus grand. Si ce nombre eft grand, & qu'on ne puifle pas
fe corriger fouvent par des bales, ces derniéres erreurs peu-
vent former une Série très-divergente, & faire perdre plus
d'avantage qu'on n’en retireroit par de grands Arcs. J'avois
:ü à l'Académie, avant mon départ, *un Mémoire für cette * Momoires de
matiére, où j'avois déterminé la longueur la plus avantageufe l’Acad. r 73 6.
qu'il fallüt mefurer pour avoir la mefure la plus certaine ; ?*702-0 Ju.
cette longueur dépend de la précifion avec laquelle on ob-
ferve les Angles horifontaux, comparée à celle que peut
donner linftrument avec lequel on obferve la diftance des
Etoiles au Zénith. Etappliquant à notre opération, les réfle-
xions que j'avois faites, on trouvera qu'un Arc plus long ou
plus court que le nôtre, ne nous auroit pas donné tant de
certitude dans fa mefure.
Nous nous fervions, pour obferver les Angles entre nos
Signaux, d’un Quart-de-cercle de deux pieds de rayon, armé
d'un Micrometre, qui vérifié plufieurs fois autour de l'ho-
rifon, donnoit toûjours la fomme des angles fort près de
quatre droits ; fon centre étoit toûjours placé au centre des
Signaux ; chacun faifoit fon obfervation, & l'écrivoit fépa-
rément ; & l'on prenoit enfuite le milieu de toutes ces ob{er-
vations, qui différoient peu les unes des autres.
Sur chaque Montagne, on avoit foin d’obferver la hauteur
ou l'abbaiflément des objets dont on fe fervoit pour prendre
- des Angles ; & c’eft fur ces hauteurs, qu’eft fondée Ja réduction
.des Angles au plan de Fhorifon.
. Cette premiére partie de notre ouvrage, celle fur laquelle
-pouvoit tomber l'impoffbilité, étant fi heureufement termi-
née, notre courage redoubla-pour le refle, qui ne demandoit
plus que des peines.
Septembre.
408 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr
Dans une Suite de Triangles qui fe tiennent les uns aux
autres, par des côtés communs, & dont on connoît les Angles,
dès qu'on connoît un côté d'un feul de ces Triangles, il eft
ficile de connoître tous les autres. Nous étions donc fürs
d'avoir fort exaétement la diftance entre la Flèche de l'Eglife
de Torneà, qui terminoit notre Heptagone au Midi, & le
Signal de Kittis, qui le terminoit au Nord, dès qu'une fois
la longueur de notre bafe feroit connuë ; & cette mefüure fe
pouvoit remettre à l'hiver, où le temps, ni la glace ne nous
manqueroient pas.
Nous penfâmes donc à l'autre partie de notre ouvrage ; à
déterminer F Amplitude de l'Arc du Méridien compris entre
Kittis & Torneä, que nous regardions comme mefuré. J'ai
dit en quoi confiftoit cette détermination. II falloit obferver.
la quantité dont une même Etoile, lorfqu’elle pafloit au
Méridien, paroïfloit plus haute ou plus bafle à Torneä qu'à
Kittis; ou, ce, qui revient au même, Îa quantité dont cette
Etoile à fon paflage par le Méridien, étoit plus proche ou
plus éloignée du Zénith de Torneä que de celui de Kittis.
Cette différence entre les deux hauteurs, ou entre les deux
diflances au Zénith, étoit l Amplitude de l'Arc du Méridien,
terreftre entre Kittis &.Torneä. Cette opération eft fimple,
elle ne demande pas même qu'on ait les diftances abfoluës
de l'Etoile au Zénith de chaque lieu ; il fuffit d'avoir la diffé-
rence entre ces diflances. Mais cette opération demande a
plus grande exactitude, & les plus grandes précautions. Nous
avions pour la faire, un Secteur d'environ neuf pieds de
rayon, femblable à celui dont fe fert M. Bradley, & avec
lequel il a fait fa belle découverte fur Aberration des Fixes.
L'inflrument avoit été fait à Londres, fous les yeux de M.
Graham, de la Société Royale d'Angleterre. Cet habile Mé-
chanicien s’étoit appliqué à lui procurer tous les avantages,
& toutes les commodités dont nous pouvions avoir befoïn :
enfin il en avoit divifé lui-même le limbe.
H y a trop de chofes à remarquer dans cet inftrument,
pour entreprendre d'en faire ici une defcription complete.
Quoique
DES SCIENCES. 409
Quoique ce qui conftituë proprement l'inftrument, foit fort S'eptenkeé)
fimple ; fa grandeur, Je nombre des piéces qui fervent à le
rendre commode pour l'Obfervateur, fa pefanteur d'une large
pyramide d'environ douze pieds de hauteur qui lui fert de
pied, rendoient prefque impraticable {on accès fur le fommet
d’une Montagne de Lapponie.
On avoit bâti fur Kittis deux Obfervatoires. Dans l'un
étoit une Pendule de M; Graham , un Quart-de-cercle de
deux pieds de rayon, & un inftrument qui confiftoit dans
une Lunette perpendiculaire & mobile autour d’un axe hori-
fontal, que nous devions encore aux foins de M. Graham ;
cet inftrument étoit placé précifément au centre du Signal
qui avoit fervi de pointe à notre dernier Triangle ; & lon
s'en fervoit pour déterminer la direction de nos Triangles
avec la Méridienne. L'autre Obfervatoire, beaucoup plus
grand, étoit à côté de celui-là, & fi près qu'on pouvoit aifé-
ment entendre compter à la Pendule de l'un à l'autre ; de
Secteur le remplifloit prelque tout. Je ne parlerai point des
difficultés qui {e trouverent à tranfporter tant d’inftruments
fur la Montagne. Cela fe fit; on plaça fort exactement le
limbe du Secteur dans le plan du Méridien qu’on avoit tracé,
& l'on s’aflüra qu'il étoit bien placé, par l'heure du paflage de
l'Etoile, dont on avoit pris des hauteurs. Enfin tout étoit
prêt pour obferver le 3 0 Septembre ; & l'on fit les jours fui-
vants, les obfervations de l'Etoile du Dragon , entre lef-
quelles Ja plus grande différence qui {e trouve, n'eft pas de
3 fecondes.
Pendant qu'on obfervoit cette Etoile avec le Secteur, les O&obre.
autres obfervations n’étoient pas négligées ; on régloit tous
les jours la Pendule avec foin , par les hauteurs correfpon-
dantes du Soleil ; & l'on obfervoit avec l'inftrument dont j'ai
parlé, le paffage du Soleil, & l'heure du pañlage par les ver-
ticaux des Signaux de Niemi & de Pullingi. On détermina
par ce moyen, la pofition de notre Heptagone à l'égard de
la Méridienne ; & huit de ces obfervations , dont les plus
écartées n'ont pas entrelles une minute de différence, donnent
Mem, 1737, PT È
Ocobre,
410 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
par un milieu, l'angle que forme avec la Méridienne de Kittis,
la ligne tirée du Signal de Kittis au Signal de Pullingi, de
LUS 5 2"
Toutes ces obfervations s’étoient faites fort heureufement ;
mais les pluyes & les brumes les avoient tant retardées ; que
nous étions venus à un temps où l'on ne pouvoit prefque
plus entreprendre le retour à Torneä; cependant il y falloit
faire les autres obfervations correfpondantes de la même
Etoile ; & nous voulions tâcher qu'il s'écoulât le moins de
temps qu’il feroit poflible entre ces obfervations, afin d'éviter
les erreurs qui auroient pü naître du mouvement de l'Etoile,
en cas qu'elle en eût quelqu'un qui ne fût pas connu.
On voit aflés que toute cette opération étant fondée fur
Ja différence de la hauteur méridienne d’une même Etoile
obfervée à Kittis & à T'orneë, il faut que cette Etoile pen-
dant l'opération, demeure à la même place ; ou du moins
que s'il lui arrive quelque changement d’élévation qui lui
foit propre, on connoifle ce changement, afin de ne le pas
confondre avec celui qui dépend de la courbüre de l'Arc
qu'on cherche.
Les Aftronomes ont obfervé depuis plufieurs Siécles, un
mouvement des Etoiles autour des Poles de l’Ecliptique, d’où
naît la Préceflion des Equinoxes, & un changement de dé-
-clinaifon dans les Etoiles, dont on peut tenir compte dans
Yaffaire dont naus parlons. |
Mais il y a dans les Etoiles, un autre changement en
déclinaifon, fur lequel, quoiqu'obfervé plus récemment, je
crois qu'on peut compter aufli fürement que fur l'autre.
Quoique M. Bradley foit le premier qui ait découvert les
regles de ce changement, l'exaétitude de fes obfervations, &
Yinftrument avec lequel il les a faites, équivalent à plufieurs
fiécles d’obfervations ordinaires. Il a trouvé que chaque
Etoile obfervée pendant le cours d’une année, fembloit dé-
erire dans les Cieux, une petite Ellipfe dont le grand Axe
eft d'environ 40". Comme il fembloit d’abord y avoir de
grandes variétés dans ce mouvement des Etoiles, ce ne fut
DÉE "SA OTEMI EE NN GIE S 41
qu'après une longue fuite d’obfrvations que M. Bradley
trouva fa théorie de laquelle ce mouvement, ou plütôt cette
apparence, dépend. S’il avoit fallu fon exactitude pour dé-
couvrir ce mouvement, il fallut {a fagacité pour découvrir le
principe qui le produit. Nous n’expliquerons point leSifteme
de cet illuftre Aftronome, qu’on peut voir, beaucoup mieux
qu'on ne le verroit ici, dans les Zranfactions Philofophiques,
N.406. Nous dirons feulement que cette différence qui
arrive dans le lieu des Etoiles, obfervé de la Terre, vient du
mouvement de la lumiére que l'Etoile lance, & du mouve-
ment de Îa Terre dans fon orbite, combinés l’un avec l'autre.
Si la Terre étoit immobile, il faudroit donner une certaine
inclinaifon à la Lunette, à travers laquelle on obferve une
Etoile, pour que le rayon qui part de cette Etoile, la tra-
verft par le centre, & parvint à l'œil. Mais fi la Terre qui
porte la Lunette, fe meut avec une vitefle comparable à 1a
vitefle du rayon de lumiére, ce ne fera plus la même incli-
naifon qu'il faudra donner à la Lunette; il la faudra changer
de fituation, pour que le rayon qui la traverfe par le centre,
puifie parvenir à l'œil ; & les différentes pofitions de la Lu-
nette dépendront des différentes directions dans lefquelles 1a
Terre fe meut en différents temps de l’année. Le calcul fait
d'après ce principe, d’après la vitefle de la Terre dans fon
orbite, & d’après la vitefle de la lumiére connuë par d’autres
expériences ; le changement des Etoiles en déclinaifon fe
trouve tel que M. Bradley l'a obfervé; & l'on eft en état
d’adjoûter ou de fouftraire à la déclinaifon de chaque Etoile,
la quantité néceffaire pour la confidérer comme fixe pendant
: 5 ä T4
le temps écoulé entre les obfervations qu'on comparé” les
unes aux autres, pour déterminer l Amplitude d’un Arc du
Méridien.
Quoique le mouvement de chaque F'toile dans le cours
de l’année, fuive fort exactement la loi qui dépend de cette
théorie, M. Bradley a découvert encore un autre mouve-
ment des Etoiles, beaucoup plus lent qué les deux dont nous
. venons de parler, & qui n’eft guére fenfible ee plufieurs
1j
Oéobre.
Oétobre.
412 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
années. H faudra encore, fi l'on veut avoir la plus grande
exaétitude, tenir compte de ce troifiéme mouvement. Mais
pour notre opération, dans laquelle le temps écoulé entre
les obfervations eft très-court, fon effet eft infenfible, ou
du moins beaucoup plus petit que tout ce qu'on peut raifon-
nablement efpérer de déterminer dans ces fortes d'opérations.
En effet, j'avois eonfulté M. Bradley, pour fçavoir s'il avoit
quelques obfervations immédiates des deux Etoiles dont
nous nous fommes fervis pour déterminer l'Amplitude de
notre Arc. Quoiqu'il n'ait point obfervé nos Etoiles, parce
qu'elles pafñlent trop loin de fon Zénith , pour pouvoir être
obfervées avec fon inftrument, il a bien voulu me faire part
de fes derniéres découvertes fur l’Aberration, & fur ce troi-
fiéme mouvement des Etoiles : & la Correction qu'il m'a
envoyée pour notre Amplitude, dans laquelle il a eu égard
à la Préceflion des Equinoxes, à l'Aberration de Ja Lumiére,
& à ce mouvement nouveau, ne differe pas fenfiblement de
la correction que nous avions faite pour la Préceflion &
l'Aberration feulement ; comme on le verra dans le détail
de nos opérations. * | -
Quoiqu'on puifle donc affés fürement compter fur a cor-
reétion pour l’Aberration de la Lumiére, nous voulions tà-
cher que cette correction füt peu confidérable ; pour fatisfaire
ceux (s'il ÿ en a) qui ne voudroient pas encore admettre fa
théorie de M. Bradley, où qui croiroient qu'il y a quelque
autre mouvement dans les Etoiles : il falloit pour cela que
le temps qui s'écouleroit entre les obfervations de Kittis &
celles de Torneä, füt le plus court qu'il feroit poflible.
Nous avions vû de la glace dès le 19 Septembre, & de
la neige le 21 ; plufieurs endroits du Fleuve avoient déja
glacé ; & ces premiéres glaces qui font imparfaites, le rendent
quelquefois long-temps innavigable, & impraticable aux
traineaux.
En attendant à Pello, nous rifquions de ne pouvoir arri-
ver à Torneñ, qu'après un temps qui mettroit un trop long
intervalle entre les obfervations déja faites, & celles que nous
DES SCIENCES. 413
devions y faire; nous rifquions même que notre Etoile nous -Oære,
échappât, & que le Soleil qui s'en approchoïit, nous la fit
difparoitre. 11 eût fallu alors revenir dans le fort de l'hiver,
faire de nouvelles obfervations de quelque autre Etoile fur
Kittis, & c'étoit une chofe qui ne paroifloit guere prati-
cable ni pofhble, que de pañler les nuits d'hiver fur cette
Montagne à obferver.
En partant, on couroit rifque d’être pris fur le Fleuve par
les glaces, & arrêté avec tous les inftruments, on ne fçait où,
ni pour combien de temps. On rifquoit encore de voir par-là
les obfervations de Kittis devenir inutiles ; & nous voyions
combien les obfervations déja faites, étoient un bien difficile
à retrouver dans un pays, où les obfervations font fi rares :
où tout l'été nous ne pouvions efpérer de voir aucune des
Etoiles que pouvoit embraffer notre Secteur, par leur peti-
tefle, & par le jour continuel qui les efface ; & où l'hiver ren-
doit lObfervatoire de Kittis inhabitable. Nous délibérimes
fur toutes ces difficultés ; & nous réfolûmes de rifquer le
voyage. M.'5 Camus & Celfius partirent le 2 3 avec Île Sec-
teur ; le lendemain Mrs Clairaut & le Monnier; enfin le 26
je partis avec M. l'Abbé Outhier. Nous fümes affés heureux
pour arriver à Torneä en bateau le 28 Oétobre ; & lon
nous aflüroit que le Fleuve n’avoit prefque jamais été navi-
able dans cette faifon.
- L'Obfervatoire que nous avions fait préparer à Torneä,
étoit prêt à recevoir le Secteur, & on l’y plaça dans le plan
du Méridien. Le 1." Novembre, il commença à geler très-
fort, & le lendemain tout le Fleuve étoit pris. La glace ne
fondit plus, la neige vint bien-tôt la couvrir; & ce vaite
Fleuve qui, peu de jours auparavant, étoit couvert de Cygnes
& de toutes les efpeces d'Oifeaux aquatiques, ne fut plus
qu'une plaine immenfe de glace & de neige.
On commença le 1. Novembre à obferver la même
Etoile, qu'on avoit obfervée à Kittis, & avec les mêmes
précautions ; &c les plus écartées de ces obfervations ne difle-
rent que d’une feconde, Tant ces derniéres ru que:
F£E£ ii
Novembre.
IVoyembre.
14 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
celles de Kittis, avoient été faites fans éclairer les fils de [a
Lunette, à la lueur du jour. Et prenant un milieu entre les
unes & les autres, réduifant les parties du Micrometre en
fecondes , & ayant égard au changement en déclinaifon de
YEtoile, pendant le temps écoulé entre les oblervations, tant
pour la Préceffion des Equinoxes, que pour les autres mou-
vements de l'Etoile, on trouve pour l’Amplitude de notre
Arc 57 27'e
Tout notre ouvrage étoit fait pour ainfi dire ; il étoit
arrêté, fans que nous puffions fçavoir s’il nous feroit trouver
la Terre allongée ou applatie; parce que nous ne fçavions
pas quelle étoit la longueur de notre bafe. Ce qui nous reftoit
à faire, n’étoit pas une opération difficile en elle-même, ce
w’étoit que de mefurer à la perche, la diftance entre deux
Signaux qu’on avoit plantés l'été paflé ; mais cette mefure
” devoit fe faire fur la glace d’un Fleuve de Lapponie, dans un
pays où chaque jour rendoit le froid plus infupportable; &
la diftance à mefurer étoit de plus de trois lieuës.
On nous confeilloit de remettre la mefure de cette Bafe
au printemps ; parce qu'alors, outre la longueur des jours, les
prémiéres fontes qui arrivent à la fuperficie de la neige, qui
font bien-tôt fuivies d’une nouvelle gelée, y forment une
efpece de croûte capable de porter les hommes ; au lieu que
pendant tout le f6rt de l'hiver, la neige de ces pays n'eft
qu'une efpece de poufliére fine & féche, haute communé-
ment de quatre ou cinq pieds, dans laquelle il eft impoftible
de marcher, quand elle eft une fois parvenuë à cette hauteur.
Malgré ce que nous voyions tous les jours, nous craignions
d’être furpris par quelque dégel. Nous ne fcavions pas qu'il
feroit encore temps au mois de Mai, de mefurer la Bale : &
tous les avantages que nous pouvions trouver au printemps,
difparurent devant la crainte la moins fondée de manquer
notre mefure.
Cependant nous ne fçavions point fi a hauteur des neiges
permettroit encore de marcher fur le Fleuve à l'endroit de
Bi Bafe ; & Mrs Chiraut, Outhier & Celfius partirent
| DIMM PSICRE NN CE "11! 'Zre
le 1 0 Décembre pour en aller juger. Is trouverent les neiges Dre
déja très-hautes ; mais comme cependant elles ne faifoient pas ‘
defefpérer de pouvoir mefurer, nous nous rendimes tous à
Ôfwer-Torneä.
M. Camus, aidé de M. l'Abbé Outhier, employa le 19
& le 20 à ajufter huit perches de 3 o pieds chacune, d’après
une Toife de fer que nous avions apportéêtde France, &
qu'on avoit foin pendant cette opération, de tenir dans un
lieu où le Thermometre de M. de Reaumur étoit à 1 $ degrés
au deflus de zero, & celui de M. Prins à 62 degrés, ce qui
éft la température des mois d'Avril & Mai à Paris. Nos per-
ches une fois ajuftées, le changement que le froid pouvoit
apporter à leur longueur, n'étoit pas à craindre; parce que
nous avions obfervé qu'il s’en falloit beaucoup que le froid
& le chaud caufañlent fur la longueur des mefures de Sapin,
* deseffets auffi fenfibles que ceux qu’ils caufent fur la longueur
» des mefures de fer. Toutes les expériences que nous avons
T faites fur cela, nous ont donné des variations de longueur
| prefque infenfibles. Et quelques expériences me feroient
croire que les mefures de bois, au lieu de fe raccourcir au
froid, comme les mefures de métal, s’y allongent. Peut-être
un refte de féve qui étoit encore dans ces mefures, fe gla-
çoit-il orfqu’elles étoient expofées au froid, & les faifoit-il
participer à la propriété des liqueurs , dont le volume aug-
mente lorfqu’elles fe gelent. M. Camus avoit pris de telles
précautions pour ajufter ces perches, que malgré leur extrême
longueur, lorfqu'on les préfentoit entre deux bornes de fer,
elles y entroient fi jufte que l'épaiffeur d'une feuille du papier
Le plus mince de plus ou de moins, rendoit l'entrée impofli-
ble, ou trop libre.
Ce fut le Vendredi 2 1 Décembre, jour du Solftice d'hiver,
jour remarquable pour un pareil ouvrage, que nous com-
mençâmes la mefure de notre Bafe vers Avafaxa, où elle fe
trouvoit. À peine le Soleil fe levoit-il alors vers le midi ;
mais les longs crépufcules, la blancheur des neiges, &cles feux
dont le Ciel eft toûjours éclairé dans ces pays, nous donnoient
Décembre.
416 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
chaque jour aflés de lumiére pour travailler quatre ou cinq
heures. Nous partimes à onze heures du matin de chés le
Curé d'ôfwer-Torneä, où nous logeâmes pendant cet ou-
vrage ; & nous nous rendimes fur le Fleuve, où nous de-
vions commencer la mefure, avecun tel nombre de traïneaux,
& un fi grand équipage, que les Lappons defcendirent de
leurs MontagneSattirés par la nouveauté du fpeétacle. Nous
nous partageimes en deux bandes, dont chacune portoit
quatre des mefures dont nous venons de parler. Je ne dirai
rien des fatigues, ni des périls de cette opération ; on ima-
ginera ce que c'eft que de marcher dans une neige haute de
deux pieds, chargés de perches pefantes, qu'il falloit conti-
nuellement pofer fur la neige & relever ; pendant un froid ft
grand , que la langue & les levres fe geloient fur le champ
contre la tafle, lorfqu'on vouloit boire de l'Eau-de-vie, qui
étoit la feule liqueur qu'on pût tenir affés liquide pour la
boire, & ne s’en arrachoient que fanglantes ; pendant un froid
qui gela les doigts de quelques-uns de nous, & qui nous
menaçoit à tous moments d'accidents plus grands encore.
Tandis que les extrémités de nos corps étoient glacées , le
travail nous faifoit fuer. L’Eau-de-vie ne pût fuffre à nous
defaltérer, il fallut creufer dans la glace, des puits profonds,
qui étoient prefque aëffi-tôt refermés, & d’où l’eau pouvoit
à peine parvenir liquide à la bouche. Et il falloit s'expofer
au dangereux contrafle, que pouvoit produire dans nos corps
échauffés, cette eau glacée.
Cependant l'ouvrage avançoit ; fix journées de travail
lavoient conduit au point, qu'il ne refloit plus à mefurer
qu'environ 500 toiles, qui n'avoient pü être remplies de
picquets aflés tôt. On interrompit donc la mefure le 27, &
Mrs Clairaut, Camus & le Monnier allerent planter ces pic-
quets, pendant qu'avec M. l'Abbé Outhier, j'employai ce
jour à une entreprife aflés extraordinaire.
Une obfervation de a plus légere conféquence, & qu'on
auroit pü négliger dans les pays es plus commodes, avoit
été oubliée l'été paflé ; on n'avoit point obfervé Ja hauteur
d'un
D'EUS LA IGUR EUNIIGLE. s. I
d'un objet, dont on s’étoit fervi en prenant d'Avafaxa, lAngle
entre Cuitaperi & Horrilakero. L’envie que nous avions que
rien ne manquât à notre ouvrage, nous faifoit poufler l'exac-
titude jufqu'au fcrupule. J'entrepris de monter fur Avafaxa
avec un Quart-de-cercle. Si l'on conçoit ce que c'eft qu'une
Montagne fort élevée, remplie de rochers, qu’une quantité
prodigieufe de neige cache, & dont elle recouvre les cavités,
dans lefquelles on peut être abimé, on ne croira guére poffible
d'y monter. Il y a cependant deux maniéres de le faire : June
en marchant ou plütôt en gliflant fur deux planches étroites,
longues de-huit pieds, dont fe fervent les Finnois & les
Lappons, pour ne pas enfoncer dans la neige, maniére d'aller
qui a befoin d'un long exercice ; l'autre en fe confiant aux
Reenes qui peuvent faire un pareil voyage.
Ces animaux ne peuvent traîner qu'un fort petit bateau,
dans lequel à peine peut entrer la moitié du corps d'un
homme : ce bateau deftiné à naviguer dans la neige, pour
trouver moins de réfiftance contre la neige qu’il doit fendre
avec la prouë, & fur laquelle il doit glifier, a la figure des
bateaux dont on fe {ert fur la Mer, c’eft-à-dire, a une prouë
pointuë , & une quille étroite deflous, qui le laïffe rouler, &
vérfer continuellement, fi celui qui eft dedans, n’eft bien
attentif à conferver l'équilibre. Le bateau ef attaché par une
onge au poitrail du Reene, qui court avec fureur lorfque c’eft
fur-un chemin battu & ferme. Si l’on veut arrêter, c’eft en
vain qu'on tire une efpece de bride attachée aux cornes de
Fanimal ; indocile & indomptable, il ne fait le plus fouvent
que changer de route; quelquefois même il fe retourne, &
vient fe vanger à coups de pied. Les Lappons fcavent alors
renverfer le bateau fur eux, & s’en fervir comme d’un bou-
clier contre les fureurs du Reene. Pour nous, peu capables de
cette reflource, nous euflions été tués avant que d’avoir pû
nous mettre à couvert. Toute notre défenfe fut un petit bä-
ton qu'on nous mit à la main, qui eft comme le gouvernail,
avec lequel il faut diriger le bateau, & éviter les troncs d’ar-
bres. C'étoit aïnfi que m'abandonnant aux Reenes, j'entrepris
Mem. 1737. G£gg
Décembre,
Décemntre.
418 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
d’efcalader Avalaxa, accompagné de M, l'Abbé Outhier,
de deux Lappons & une Lappone, & de M. Brunnius leur
Curé. La premiére partie du voyage fe fit dans un inftant;
il y avoit un chemin dur & battu depuis la Mailon du Curé
jufqu'au pied de la Montagne, & nous le parcourûmes avec
une vitefle, qui n’eft comparable qu'à celle de fOifeau qui
vole. Quoique la Montagne, fur laquelle il n’y avoit aucun
chemin, retardat les Reenes, ils nous conduifirent jufques
fur le fommet ; & nous y fimes auffi-tôt l’obfervation, pour
laquelle nous y étions venus. Pendant ce temps-là, nos
Reenes avoient creufé des trous profonds dans la neige, où
ils paifloient la moufle , dont les rochers de cette Montagne
font couverts ; & nos Lappons avoient allumé un grand feu,
où nous vinmes bien-tôt nous chauffer avec eux. Le froid
étoit fi grand, que la chaleur ne pouvoit s'étendre à la
moindre diftance ; fi la neige fe fondoit dans les endroits que
touchoit le feu, elle fe regeloit tout autour, & formoit un
foyer de glace.
Si nous avions eu beaucoup de peine à monter fur Ava-
faxa, nous craignimes alors de defcendre trop vite une Mon-
tagne efcarpée, dans des voitures qui, quoique fubmergées
dans la neige, gliflent toûjours, traïnées par des animaux déja .
terribles dans la plaine ; & qui, quoiqu'enfonçant jufqu’au
ventre dans la neige, cherchoïent à s'en délivrer par leur
viteffe. Nous fümes bien-tôt au pied d’Avafaxa; & le mo-
ment d’après, tout le grand Fleuve fut traverfé, & nous à
la Maifon. L
Le lendemain, nous achevimes la mefure de notre Bafe ;
& nous ne dûmes pas regretter la peine qu'il y a de faire
un pareil ouvrage fur un Fleuve glacé, lorfque nous vimes
Vexaétitude que la glace nous avoit donnée. La différence
qui fe trouvoit entre les mefures de nos deux troupes, n’étoit
que de 4 pouces fur une diftance de 7406 toifes $ pieds;
exactitude qu'on n'oferoit attendre, & qu’on n'oferoit pref-
que dire. Et on ne fçauroit la regarder comme un effet du
hazard & des compenfations qui {e feroient faites après des
DES ASUCEE UN CNE :s, 419
_ différences plus confidérables ; car cette petite différence nous Décembre.
vint prefque toute le dernier jour. Nos deux troupes avoient
mefuré tous les jours le même nombre de toifes ; & tous les
jours, la différence qui {e trouvoit entre les deux mefures,
n’étoit pas d’un pouce dont l’une avoit tantôt furpañié l’autre,
& tantôt en avoit été furpaffée. Cette juflefle, quoique dûë
à Ja glace, & au foin que nous prenions en mefurant, faifoit
yoir encore combien nos perches étoient égales : car la plus
etite inégalité entre ces perches, auroit caufé une différence
confidérable fur une diftance aufli longue qu’étoit notre bafe.
- Nous connoiffions Amplitude de notre Arc ; & toute
notre figure déterminée n'attendoit plus que la mefure de
lEchelle à laquelle on devoit la rapporter, que la longueur
de la Bafe. Nous vîmes donc aufli-tôt que cette Bale fut
mefurée, que la longueur de l'Arc du Méridien intercepté
entre les deux Paralleles, qui paffent par notre Oblervatoire
de Torneë & celui de Kittis, étoit de $ 5023 toiles; que
cette longueur ayant pour amplitude s 7' 27", le degré du
Méridien fous le Cercle Polaire étoit plus grand de près de
1000 toifes qu'il ne devoit être felon les mmefures du Livre
de la Grandeur & Figure de la Terre.
Après cette opération, nous nous hâtimes de revenir à
Torneë, tâcher de nous garantir des derniéres rigueurs de
Thiver.
La Ville de Torneë, lorfque nous y arrivâmes le 30 Dé-
cembre, avoit véritablement l'air affreux, Ses maifons bafles
fe trouvoient enfoncées jufqu'au toit dans la neige, qui auroit
‘empéché le jour d'y entrer par les fenêtres, s'il y avoit eu
du jour : mais les neiges toûjours tombantes, ou prêtes à
tomber, ne permettoient prefque jamais au Soleil de fe faire
voir pendant quelques moments dans horifon vers midi.
Le froid fut fi grand dans le mois de Janvier, que nos T'her-
mometres de Mercure, de la conftruétion de M. de Reaumur,
ces Thermometres qu’on fut furpris de voir defcendre à 14
degrés au-deflous de la congélation à Paris dans les plus
grands froids du grand hiver de 1709, defcendirent alors à
- Gggi
420 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
37 degrés : ceux d'Efprit de Vin gelerent. Lorfqu'on ouvroit
la porte d’une chambre chaude, l'air de dehors convertifloit
fur le champ en neige, la vapeur qui s'y trouvoit, & en for-
moit de gros tourbillons blancs : lorfqu'on fortoit, l'air fem-
bloit déchirer la poitrine. Nous étions avertis & menacés à
tous moments des augmentations de froid , par le bruit avec
lequel les bois dont toutes les maifons font bâties, fe fen-
doient. A voir la folitude qui regnoit dans les ruës, on eût
cru que tous les habitants de la Ville étoient morts. Enfin
on voyoit à Torneä, des gens mutilés par le froid : & les
habitants d'un climat fi dur, y perdent quelquefois le bras
ou la jambe. Le froid, toüjours très-grand dans ces pays,
reçoit fouvent tout-à-coup des augmentations qui le ren-
dent prefque infailliblement funefte à ceux qui s’y trouvent
expolés. Quelquefois il s’éleve tout-à-coup des tempêtes de
neige, qui expofent encore à un plus grand péril : il femble
que le vent fouffle de tous les côtés à la fois ; & il lance la
neige avec une telle impétuofité, qu'en un moment tous les
chemins font perdus. Celui qui eft pris d’un tel orage à la
campagne, voudroit en vain fe retrouver par la connoiffance
des lieux , ou des marques faites aux arbres ; il eft aveuglé
par la neige, & s’y abime s’il fait un pas.
Si fa Terre eft horrible alors dans ces climats, le Ciel
préfente aux yeux les plus charmants fpeétacles. Dès que les
nuits commencent à être obfcures, des feux de mille couleurs
& de mille figures, ‘éclairent le Ciel, & femblent vouloir
dédommager cette terre, accoütumée à être éclairée conti-
nuellement, de l’abfence du Soleil qui la quitte. Ces feux
dans ces pays, n’ont point de fituation conftante, comme
dans nos pays méridionaux. Quoiqu’on voye fouvent un arc
d'une lumriére fixe vers le Nord, ils femblent cependant le
plus fouvent occuper indifféremment tout le Ciel. Ils com-
mencent quelquefois par former une grande écharpe d’une
Fumiére claire & mobile, qui a fes extrémités dans l'horifon,
& qui parcourt rapidement les Cieux, par un mouvement
femblable à celui du filet des pêcheurs, confervant dans ce
BRELS SN ENG Es 421
mouvement aflés fenfiblement la direction perpendiculaire
‘au Méridien. Le plus fouvent après ces préudes, toutes ces
lumiéres viennent {e réunir vers le Zénith, où elles forment
le fommet d’une efpece de couronne. Souvent des arcs, fem-
blables à ceux que nous voyons en France vers le Nord, fe
trouvent fitués vers le Midi ; fouvent il s’en trouve vers le
Nord & vers le Midi tout enfemble : leurs fommets s’appro-
chent, pendant que leurs extrémités s’'éloignent'en defcen-
dant vers l’horifon. J'en ai vû d'ainfi oppolés, dont les fom-
mets fe touchoient prefque au Zénith ; les uns & les autres
ont fouvent au de-là plufieurs autres arcs concentriques. Hs
ont tous leurs fommets vers la direction du Méridien, avec
cependant quelque déclinaifon occidentale , qui ne m'a pas
paru toûjours la même, & qui eft quelquefois infenfible.
Quelques-uns de ces arcs, après avoir eu lenr plus grande
largeur au-deflus de l’horifon, fe reflerrent en s’en appro-
chant, & forment au-deflus plus de la moitié d'une grande
Ellip{e. On ne finiroit pas, fi lon vouloit dire toutes les
figures que prennent ces lumiéres, ni tous les mouvements
qui les agitent. Leur mouvement le plus ordinaire, les fait
_reffembler à des drapeaux qu’on feroit voltiger dans l'air ;
& par les nuances des couleurs dont elles font teintes, on
les prendroit pour de vaftes bandes de ces taffetas, que nous
_appellons flambés. Quelquefois elles tapiflent quelques en-
_ droits du Ciel, d’écarlate. Je vis un jour à Gfwer-Torneë
… (c'étoit le r 8 Décembre) un fpeétacle de cette efpece, qui
attira mon admiration, malgré tous ceux auxquels j'étois_
_accoûtumé. On voyoit vers le Midi, une grande région du
Ciel teinte d’un rouge fi vif, qu'il fembloit que toute la
Confiellation d’'Orion fût trempée dans du fang : cette lu-
miére, fixe d’abord, devint bien-tôt mobile, & après avoir
_ pris d’autres couleurs, de violet & de bleu, elle forma un
. dôme dont le fommet étoit peu éloigné du Zénith vers le
. Sud-oueft ; le plus beau clair de Lune n’effaçoit rien de ce
_fpectacle. Je n'ai vû que deux de ces lumiéres rouges qui
- font rares dans ce pays, où il y en a de tant de couleurs ;
Gg8 ii
422 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
& on les y craint commele figne de quelque grand malheur.
Enfin lorfqu’on voit ces phénomenes, on ne peut s'étonner
que ceux qui les regardent avec d’autres yeux que les Philo-
fophes, y voyent des chars enflammés, des armées com-
battantes, & mille autres prodiges.
Nous demeurâmes à Torneä, renfermés dans nos cham-
bres, dans une efpece d'inaétion, jufqu’au mois de Mars, que
nous fimes de nouvelles entreprifes.
La longueur de l'Arc que nous avions mefuré, qui diffé-
roit tant de ce que nous devions trouver, fuivant les mefures
du Livre de la grandeur & figure de la Terre, nous étonnoit;
& malgré linconteftabilité de notre opération, nous réfo-
lûmes de faire les wérifications les plus rigoureufes de tout
notre ouvrage.
Quant à nos Triangles, tous leurs Angles avoient été ob-
fervés tant de fois, & par un fi grand nombre de perfonnes
qui s'accordoient, qu'il ne pouvoit y avoir aucun doute fur
cette partie de notre ouvrage. Elle avoit même un avantage
qu'aucun autre ouvrage de cette efpece n’avoit encore eu:
dans ceux qu'on a faits jufqu'ici, on s'eft contenté quelque-
fois d'obferver deux Angles, & de conclurre le troifiéme.
Quoique cette pratique nous eût été bien commode, &
qu'elle nous eût épargné plufieurs féjours defagréables fur le
fommet des Montagnes, nous ne nous étions difpenfés d'au-
cun de ces féjours, & tous nos Angles avoient été obfervés. :
De plus, quoique pour déterminer la diftance entre Torneä
& Kittis, il ny eût que huit Triangles nécefaires ; nous
avions obfervé plufieurs Angles furnuméraires : & notre
Heptagone donnoit par-là des combinaifons ou fuites de
Triangles fans nombre.
Notre ouvrage, quant à cette partie, avoit donc été fait,
pour ainfi dire, un très-grand nombre de fois; & il n'étoit
queflion que de comparer par le calcul, les longueurs que
donnoient toutes ces différentes fuites de T'riangles. Nous
pouflämes la patience jufqu'à calculer douze de ces Suites : &
malgré des Triangles rejettables dans de pareilles opérations, |
D'IETS 181001. E IV C € s 423
par la petitefle de leurs Angles, que quelques-unes conte-
noient, nous ne trouvions pas de différence plus grande que
de 54 toifes entre toutes les diftances de Kittis à Torneë,
déterminées par toutes ces combinaifons : & nous nous arré-
tâmes à deux, que nous avons jugé préférables aux autres,
qui différoient entr’elles de 4 toifes =, & dont nous avons
pris le milieu pour déterminer la longueur de notre Arc.
Le peu de différence qui fe trouvoit entre toutes ces dif.
tances, nous auroit étonné, fi nous n'euffions {çû quels foins,
& combien de temps nous avions employé dans l'obferva-”
tion de nos Angles. Huit ou neuf Triangles nous avoient
coûté 63 jours ; & chacun des Angles avoit été pris tant de
fois, &c par tant d'Obfervateurs différents, que le milieu de
toutes ces obfervations ne pouvoit manquer d'approcher fort
près de la vérité.
Le petit nombre de nos Triangles nous mettoit à portée
de faire un calcul fingulier, & qui peut donner les limites
les plus rigoureufes de toutes les erreurs que la plus grande
mal-adrefle, & le plus grand malheur joints enfemble, pour-
roient accumuler. Nous avons fuppofé que dans tous les
Triangles depuis la Bafe, on fe füt toûjours trompé de 20”
dans chacun des deux angles, & de 40" dans le troifiéme;
&t que toutes ces erreurs allaffent toüjours dans le même fens,
& tendiffent toüjours à diminuer la longueur de notre Arc.
Et le calcul fait d’après une fi étrange fuppofition, il ne fe
trouve que 5 4 toifes + pour lerreur qu’elle pourroit caufer.
L'attention avec laquelle nous avions mefuré la Bafe, ne
nous pouvoit laifler aucun foupçon fur cette partie. L'accord
d'un grand nombre de perfonnes intelligentes, qui écrivoient
féparément le nombre des perches ; & {a répétition de cette
mefure avec 4. pouces feulement de différence, faifoient une
füreté & une précifion fuperfluës.
Nous tournâmes donc le refte de notre examen vers Am-
plitude de notre Arc. Le peu de différence qui fe trouvoit
entre nos obfervations, tant à Kittis qu'à Torneë, ne laifloit
rien à defirer, quant à la maniére dont on avoit obfervé,
24 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
À voir la folidité & la conftruétion de notre Seéteur, &
les précautions que nous avions prifes en le tranfportant, il
ne paroifloit pas à craindre qu’il lui füt arrivé aucun dé-
rangement.
Le Limbe, la Lunette & le centre de cet inftrument, ne
forment qu'une feule piéce; & les fils au foyer de l'objeétif,
font deux fils d'argent, que M. Graham a fixés, de maniére
qu'il ne peut arriver aucun changement dans leur fituation,
& que malgré les effets du froid & du chaud, ils demeurent
toûjours également tendus. Ainfi les feuls dérangements qui
paroîtroient à craindre pour cet inftrument, font ceux qui
altéreroient fa figure en courbant la Lunette. Mais fi l'on fait
le calcul des effets de telles altérations, on verra que pour
qu'elles caufaffent une erreur d’une feconde dans l Amplitude
de notre Arc, il faudroit une flexion fi confidérable qu'elle
feroit facile à appercevoir. Cet inflrument, dans une boîte
fort folide, avoit fait le voyage de Kittis à Torneä en bateau,
toûjours accompagné de quelqu'un de nous, & defcendu dans
les cataraétes, & porté par des hommes.
La fituation de l'Etoile que nous avions obfervée, nous
affüroit encore contre la flexion qu’on pourroit craindre qui
arrivât au rayon ou à la Lunette de ces grands inftruments,
lorfque l'Etoile qu'on obferve eft éloigné: du Zénith, &
qu'on les incline pour les diriger à cette Etoile. Leur feuf
poids les pourroit faire plier ; & la méthode d'obferver
l'Etoile des deux différents côtés de l'inftrument, qui peut
remédier à quelques autres accidents, ne pourroit remédier
à celui-ci : car s'il eft arrivé quelque flexion à la Lunette,
lorfqu’on obfervoit, la face de l'inftrument tournée vers l'Eft;
lorfqu'on retournera la face vers l'Ouelt, il fe fera une nou-
velle flexion en fens contraire, & à peu-près égale ; de ma-
nicre que le point qui répondoit au Zénith, lorfque la face
de l'inftrument étoit tournée vers l'Eft, y répondra peut-être
encore lorfqu’elle fera tournée vers l'Oueft ; fans que pour
cela F'Arc qui mefurera la diftance au Zénith, foit jufte. La
diftance de notre Etoile au Zénith de Kittis, n'étoit pas d'un
demi-degré;
Di MSLASAGNTNENN CE :s 425
demi- degré ; ainfi il n’étoit point à craindre que notre Lu-
nette approchant fi fort de la fituation verticale, eût fouffert
aucune flexion.
Quoique par toutes ces raifons, nous ne puffions pas dou-
ter que notre Amplitude ne fût jufte, nous voulümes nous
aflürér encore par l'expérience qu'elle l’étoit : & nous em-
ployâmes pour cela la vérification la plus pénible, mais celle
qui nous pouvoit le plus fatisfaire, parce qu’elle nous feroit
découvrir en même temps & la jufteffe de notre inftrument,
& la précifion avec laquelle nous pouvions compter avoir
Y Amplitude de notre Arc.
Cette vérification confiftoit à déterminer de nouveau
Amplitude du même Arc par une autre Etoile. Nous atten-
dîmes donc loccafion de pouvoir faire quelques obfervations
confécutives d’une même Etoile, ce qui eft difficile dans ces
pays, où rarement on a trois ou quatre belles nuits de fuite :
& ayant commencé le 17 Mars 1 7 3 7 à obferver l'Etoile
du Dragon à Torneñ dans le même lieu qu'auparavant, &
ayant eu trois bonnes obfervations de cette Etoile, nous
partimes pour aller faire les obfervations correfpondantes fur
Kittis. Cette fois notre Secteur fut tranfporté dans un trai-
neau qui n’alloit qu’au pas fur la neige, voiture la plus douce
de toutes celles qu'on peut imaginer. Notre nouvelle Etoile
pafloit encore plus près du Zénith que l'autre, puifqu'elle
n'étoit pas éloignée d’un quart de degré du Zénith de Torneë.
La Méridienne tracée dans notre Obfervatoire fur Kittis,
nous mit en état de placer promptement notre Secteur ; & le
4 Avril, nous y commençâmes les obfervations de 4. Nous
eûmes encore fur Kittis trois obfervations-qui, comparées à
celles de Torneä, nous donnérent l Amplitude de 57° 30°+,
qui ne différe de celle qu’on avoit trouvée par d\, que de 3°+,
en faifant la correction pour Aberration de Ia lumiére.
Et fi l'on n'admettoit pas la T'héorie de lAberration de Ja
Mars 17274
Avril,
lumiére, cette Amplitude par la nouvelle Etoile ne diffé .
reroit pas d’une feconde de celle qu'on avoit trouvée par
YEtoile 4.
Mem. 1737: Hhh
Avril.
426 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
La précifion avec laquelle ces deux Amplitudes s’accor-
doient, à une différence près fi petite, qu’elle ne va pas à celle
que les erreurs dans lobfervation peuvent caufer ; différence
qu'on verra encore dans la fuite, qui étoit plus petite qu'elle
ne paroifloit. Cet accord de nos deux Amplitudes étoit Ja
preuve la plus forte de la jufteffe de notre inftrument , & de
la fûreté de nos obfervations.
Ayant ainfi répété deux fois notre opération , on trouve
par un milieu entre l Amplitude concluë par d, & l'Ampli-
tude par #, que l'Amplitude de l'Arc du Méridien que nous
avons méfuré entre Torneä & Kittis, eft de 57’ 2 8", qui,
comparée à la longueur de cet Arc de $ $02 3 toifes, donne
le degré qui coupe le Cercle Polaire de s7437 toiles, plus
grand de 377 toiles que celui que M. Picard a déterminé
entre Paris & Amiens, qu'il fait de $7060 toiles.
Mais il faut remarquer que comme ’Aberration des Etoiles
n'étoit pas connuë du temps de M. Picard, il n’avoit fait au-
cune correction pour cette Aberration. Si l'on fait cette cor-
rection, & qu'on y joigne les corrections pour la Préceffion
des Equinoxes & la Réfraction que M. Picard avoit négli-
_gées, l'Amplitude de fon Arc eft 1° 23° 6"+, qui, comparée
à la longueur, 788 5 o toifes, donne le degré de 56925
toifes, plus court que le nôtre de 5 1 2 toifes.
Et fi lon n’admettoit pas l’Aberration , Amplitude de
notre Arc feroit de $7' 25", qui, comparée à fa longueur,
donneroit le degré de s 749 7 toifes, plus grand de 437 toifes
que le degré que M. Picard avoit déterminé de $ 7060 toiles
fans Aberration.
Enfin, notre degré avec l'Aberration différe de 9 5 o toiles
de ce qu'il devoit être, fuivant les mefures que M. Caffini a
établies dans fon Livre de la Grandeur & Figure de la Terre;
& en différe de 1000 en n’admettant pas l Aberration.
D'où l'on voit que /a Terre eff confidérablement applatie vers
les Poles.
Pendant notre féjour dans la Zone glacée, les froids étoient
encore fi grands, que le 7 Avril à $ heures du matin, le
\ DEL SK SUCRE UN: C ES 427
Thermometre defcendoit à 20 degrés au-deflous de la con- Awrit.
gélation ; quoique tous les jours après midi, il montât à 2 &
degrés au-deflus. I parcouroit alors du matin au {oir, un
intervalle prefque auffi grand qu’il fait communément depuis
les plus grandes chaleurs jufqu'aux plus grands froids qu'on
reflente à Paris. En 1 2 heures, on éprouvoit autant de vicif
fitudes, que les habitants des Zones tempérées en éprouvent
dans une année entiere.
Nous pouflâmes le fcrupule jufques fur la direction de
notre Heptagone avec la Méridienne. Cette direction, comme
on a vü, avoit été déterminée fur Kittis par un grand nombre
d'obfervations du paflage du Soleil par les Verticaux de Nie-
mi & de Pullingi; & il n'étoit pas à craindre que notre figure
fe füt dérangée de fa direction, par le petit nombre deT rian-
gles en quoi elle confifle, & après la jufteffe avec faquelle Ia
fomme des Angles de notre Heptagone approchoit de 900
degrés. Cependant nous voulümes reprendre à Torneä cette
direction.
: On fe fervit pour cela d'une autre méthode que celle qui
avoit été pratiquée fur Kittis ; celle-ci confiftoit à obferver
Y Angle entre le Soleil dans l'horifon , & quelques-uns de nos
fignaux, avec l'heure à laquelle on prenoit cet Angle. Les trois
obfervations qu'on fit, nous donnérent par un milieu cettq
direétion, à 34" près de ce qu'elle étoit, en la concluant des
obférvations de Kittis.
Chaque partie de notre ouvrage ayant été tant répétée,
il ne refloit plus qu'à examiner la conftruétion primitive &
la divifion de notre Seéteur. Quoiqu'on ne püt guére la foup-
çonner, nous entreprimes d’en faire la vérification, en atten+
dant que la faifon nous permit de partir ; & cette opération
mérite que je la décrive ici, parce qu'elle eft finguliére, &
qu'elle peut fervir à faire voir ce qu’on peut attendre d’un
inftrument tel que le nôtre, & à découvrir fes dérangements,
s'il lui en étoit arrivé.
Nous mefurèmes le 4 Mai(toüjours fur la glace du Fleuve) Zi,
une diftance de 38otoifes ypied 3 pouces oligne, qui devoit
Hbhh ji
Mai,
428 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
fervir de rayon ; & l’on ne trouva, par deux fois qu'on la
mefura , aucune différence. On planta deux fermes poteaux
avec deuxanires dans la ligne tirée perpendiculairement à l'ex-
trémité de cette diftance ; & ayant mefuré la diflance entre
les centres des deux mires, cette diftance étoit de 3 Gtoifes
pieds Gpouces 6Llignes, qui devoit fervir de tangente.
On plaça le Secteur horifontalement dans une chambre,
far deux fermes affuts appuyés fur une voute, de maniére
que fon centre fe trouvoit précifément à l'extrémité du rayon,
des Botoifesi:ppiéd3jponces 41 &, cinq obfervateurs différents
ayant obfervé l’Angle entre les deux mires, la plus grande dif-
férence qui fe trouvoit entre les cinq obférvations, n'alloit pas
à 2 fecondes ; & prenant le milieu, l'Angle entre les mires
étoit de 5° 29°5 2,7. Or, felon la conftruétion de M. Gra-
ham, dont il nous avoit averti, l'Arc de $°+ fur fon limbe,
eft trop petit de 3"2; retranchant donc de Angle obfervé
entre les mires, 3"2, cet Angle eft de 5° 29° 48",95 : &
ayant calculé cet Angle, on le trouve de $° 29° 50", c'eft-
à-dire, qu'il différe de 1”-5 de l'Angle obfervé.
On s’étonnera peut-être qu'un Secteur, qui étoit de
$° 2956" dans un climat aufli tempéré que celui de Lon-
dres, & divifé dans une chambre, qui vrai-femblablement
n'étoit pas froide , fe foit encore trouvé précifément de la
même quantité à T'orneä, lorfque nous en avons fait fa véri-
fication. Les parties de ce Secteur étoient fürement contrac-
tées par le froid, dans ce dernier temps. Mais on ceffera d'être
furpris, fi l'on fait attention que cet inftrument eft tout formé
de la même matiére, & que toutes fes parties doivent s'être
contractées proportionnellement : on verra qu'il avoit dû fe
conferver dans une figure femblable ; & il s’y étoit confervé.
Ayant trouvé une exactitude fi merveilleufe dans F Arc
total de notre Secteur, nous voulümes voir fi les deux degrés
de fon limbe, dont nous nous étions fervis, l’un pour d, l'autre
pour #, étoient parfaitement égaux. M. Camus, dont l'adrefle
nous avoit déja été fr utile en plufieurs occafions , nous
procura les moyens de faire cette comparaifon avec toute
DIE! SYASAGALEON CIE :< ‘11 439
Vexactitude poffible ; & ayant comparé nos deux degrés fun gai
avec l'autre, le milieu des obfervations faites par cinq obfer-
vateurs, donnoit le degré du limbe dont on s'étoit fervi
pour d, plus grand que celui pour +, d’une feconde.
Nous fümes furpris, lorfque nous vimes que cette inégalité
entre ces deux degrés, diminuoit encore la différence très-
petite que nous avions trouvée entre nos deux Amplitudes ;
& la réduifoit de 3"+ qu’elle étoit, à 2"£, Et l’on verra dans le
détail des opérations, qu'on peut aflés compter fur cette diffé-
rence entre les deux degrés du limbe, toute petite qu'elle eft,
par les moyens qu'on a pratiqués pour la découvrir.
Nous vérifièmes ainfr, non-feulement l’Amplitude totale
de notre Secteur; mais encore différents Arcs, que nous com-
purûmes entreux : & cette vérification d’Arc en Arc, jointe
à la vérification de Arc total, que nous avions faite, nous
fit connoître que nous ne pouvions rien défirer dans la con-
ftruction de cet inftrument, & qu'on n'auroit pas pu y efpérer
une fi grande précifion.
Nous ne fçavions plus qu’imaginer à faire fur la mefure du
degré du Méridien ; car je ne parlerai point ici de tout ce que
nous avons fait fur la Pefanteur ; matiére auffi importante que
celle-ci, & que nous avons traitée avec les mêmes foins. I]
fuffira maintenant de dire, que fi, à l'exemple de M.': Newton
& Huygens, & quelques autres, parmi lefquels je n’ofe pref-
que me nommer, on veut déterminer la Figure de la Terre
par la Pefanteur ; toutes les expériences que nous avons faites
dans la Zone glacée, donneront la T'erre applatie, comme la
donnent celles que nous apprenons que M." Godin, Bouguer
& de la Condamine ont déja faites dans la Zone torride.
Le Soleil cependant s’étoit rapproché de nous, ou plütôt
ne quittoit prefque plus notre horifon : c’étoit un fpectacle
fngulier que de le voir fi long-temps éclairer un horifon tout
de glace, de voir l'été dans les Cieux, pendant que l'hiver
étoit fur la Terre. Nous étions alors au matin de ce long
jour, qui dure plufieurs mois ; cependant il ne paroïfloit pas
que ce Soleil affidu caufât aucun changement à nos glaces,
ni à nos neiges,
Mai, ?
Juin.
430 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLr
Le 6 Mai il commença à pleuvoir , & l’on vit quelque
eau fur la glace du Fleuve. Tous les jours à midi, il fondoit
de la neige, & tous les foirs l'hiver reprenoit fes droits. Enfin
le 10 Mai, on apperçut la terre, qu'il y avoit fi long-temps
qu'on n'avoit vüë : quelques pointes élevées, & expofées au
Soleil, commencérent à paroître, comme on vit après {e
Déluge, le fommet des Montagnes ; & bien-tôt après tous
les Oïfeaux du pays reparurent. Vers le commencement de
Juin, les glaces rendirent la terre & la mer. Nous penfimes
auffi-tôt à retourner à Stockholm : nous partimes le 9 Juin,
les uns par terre, les autres par mer. Mais le refte de nos
aventures, ni notre naufrage dans le golfe de Bottnie, ne
font point de notre fujet.
OBS ERA DL OiNHS
FAITES AU CERCLE POLAIRE
PREMIÉRE PARTIE.
Opérations pour la Mefure du Degré du Méridien.
ARTICLE PREMIER.
Obfervations pour former les Triangles, à dérerminer
leur pofition par rapport à la Méridienne.
(CAE
Angles obfervés.
T'ovs les Angles fuivants ont été obfervés avec un Quart-
de-cercle de deux pieds de rayon, armé d’un Micrometre ;
& cet inftrument vérifié plufeurs fois autour de l'horifon,
donnoit toujours la fomme des Angles fort près de 360°..
Les dixiémes de fecondes, qu'on trouvera ici , viennent de
ce que dans la réduétion des parties du Micrometre en fecon-
des, on a voulu faire le calcul à la rigueur, & non pas d'une
exactitude imaginaire, à laquelle on croiroit être parvenu.
Voici ces Angles tels qu’ils ont été obfervés, avec les hau-
teurs apparentes des objets obfervés, où le figne +- marqué
ne
D'ENTSTOMMENN CE s:
de lhorifon.
ANGLES OBSERVÉS.
ANGLES RÉDUITS
à l'Horifon.
È V4 F4 e. 43 ,
des élévations, & le figne — des abbaiflements au-defious
HAUTEURS.
Dans la Fléche de l'Evlife de Tornea.
"1
CTK..... 2423! 0,2 | 24 22 588 [C:.,,,.0 0
Et par la réduétion , pour
ce que le centre de l’inftrument "
étoit à $Pi‘ds du centre de Ia
Flèche, dans la diréélion de
Cuitaperi.
CR re de se] 24 220 45
Kfren 19 38 20,9 | 19 38 20,1 [n.....+ 3 oo
Et par la réduction pour le
lieu du centre, l'inftrument
placé dans le même endroit.
ne 1958 r7, 80 KP QUE. | 8 No
x & l'Horifon de {a mé.
— II O
Sur Niwa.
TnK.... 87°44! 24,8 | 87° 44" 19,"4 ÎT.....— 17 40"
Hank... 73 58 6,$ | 73 58 5,7 |K.....+16 so
AnK.... 95 29 52,8 | 95 29 544 |4.....+ 4 40
AnH=An1K—Hnk | 21,31 48,7 |[Æ,...— 0 30
AnH= 21 32 16,9 | 21 32 16,3
AnH eftdonc........ PIN EEE
CnH.... 31 $s7 SOIT SA
Sur Kakama.
TKn.... 72°3720,"8| 72
CKn.... 45 50 46,2 | 45
HKn.... 89 36 o,4 | 89
HKC=nKH —CKn | 43
HKC.... 43 45 46,8 | 43
HKC.... 43 45 41,5 | 43
HKC eft donc.,,...| 43
CKT=CKn+nKT |118
HKN:.. 9 4r 48,1 1:
37 27,'8
50 44,2
36, 2,4
45 18,2
45 47,0
45 41,7
45 35,6
28 12,0
41 47:37
190
Fig. 1.
432 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyArE
ANGLES RÉDUITS
ANGLES OBSERYÉS. Bose
à l'Horifon.
HAUTEURS. À
Sur Cuitaperi.
en 10 10!
KCn.,... 28° 14 56,"9 | 28° 14 547 |n.....—19 o*
TCKi.e 37 09015307] 37. 09 1230 DITES — 24 10 1
HCK..100.9 56,4 [100 9 56,8 |H..... — 2 40 4
ACH.... 30 56 54,4 | 30 56 53.4 [4..... + $ oO g!
” Sur Avafaxa.
HAP... $3°45 58,1 | 53° 45’ 56,7 |P.....+ 4 so 4
HAx.... 24 19 348 | 24 19 35,9 |Æ.....— 8 o
x An..., 77 47 46,7 | 77 47 495$ |xX-.:..:—10 40
AC... 88" 2 11,0 | 88€ 2 15,67 ICS AIS
HAn— HAx+xAn |102 7 24,5 Hors ——20 20
HAC=CAx+xAH |112 21 48,6
GANn EE rO AN 42 TO T3 5258
Sur Pullingi.
ea Suiot
APH... 31919 5357 |.310 190 /55"5 |A..,..—18 "10
QPN.... 87 527! 9:7 |, 87. 52 22431, |Q@..s,,— 32 40
NP: 37 24580 37322212; NM. —20460
Sur Kirris.
NQP.... 40°14 57,3 | 40° 14° 52,7 |[P.....+22! 30"
NE a mé RU
Sur Niemi. |
P +18 30"
PNO:. 12053" 13,7 usa ss tas" 10.514, 0
PNH ns... 093025. 822793, 26 © 7:5 «| 4....- — 2 40
HN 2 NOR SES
Sur Horrilakere.
CHn.... 19°38/ 21,"8 | 19° 38° 21,0 [n.....— 1815"
CHA... 501420450183 PAS ele. o o
AHP ... 94 53 49:7 | 94 53 40,7 1| PH. 0
PHN..:. 49 13 11,9 | 49 13 9,3 . |W.....— 15) o
KHn..., 16 26 6,7:| 16 26 6,3 |K...… — 12 30
CHK.. 361: 4 54,101 362 4. 54,7. 1C2:.4. —-101 40
DES SCIENCES. 433
* Angles pour lier la Bafe Bb avec les Jommets d'Avafaxa
© de Cuitaperi.
HAUTEURS
des objets
vüs du point B.
ANGLES RÉDUITS
ANGLES OBSERVÉS. À
au même plan.
ABb... 9°21'58,"0| Réduifant ABy, yBC,
AbB... 77 31 48,1 |[& AB7, 7BC, au même
BAb... 93 6 7,2 |plan ABC, &prenant unl 4. .+o 40" 30°
milieu entre les deux valeurs
ABy... 61 30 54 de ABC, qu’on a par-là. Jes+ 1 23 30
BC... 41 12 3,4 C..+1 4 5$
AB7... 46 7 575 |ABC...102° 423," s|z..+ 1 11 0
zBC:.. 56 34 22,2 -
ACB... 54 40 28,8
BAC... 22 37 20,6
Les lettres x, y, z, défignent des objets intermédiaires qui ont fervi
à prendre en deux fois les angles A An, HAC, & ABC, qui étoient
plus grands que l'amplitude du Quart-de-cercle.
S\LE
Obfervations faites fur Kittis, pour déterminer la Ligne
Méridienne.
L’inftrument avec lequel on a fait ces obfervations, con-
fiftoit en une Lunette de 1 $ pouces, mobile autour d'un axe
horifontal, auquel elle eft perpendiculaire. Cet inftrument
étoit placé au centre du Signal qu’on avoit bâti fur Kittis,
où la hauteur du Pole eft de 66° 48° 20", & qu'on a fup-
pofé dans ce calcul, plus oriental que Paris de 1h 23”,
Il y avoit au même lieu, une Pendule qu’on régloit tous
les jours par des hauteurs correfpondantes du Soleil, &.c’eft
l'heure du pañfage du centre du Soleil déterminé par les paffa-
ges des deux bords, que nous donnons ici en temps vrai.
Men. 1737: Tii
Fig. 3.
434 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Paffages du centre du Soleil par le Vertical du Signal
de Pullingi,
Le 30 Sept. 1736. à 1h rs Dédlin. mérid. du Soleil. .. 3° o’ 40"
Le rOdobre....àr so 7+|Déclin. mérid.duSoleil...3 24 x
Le 2Od@obre...,à 1 so 26 |Déclin. mérid. du Soleil... 3 47 19
Le 7OdGobre....àr $r 54%|Déclin. mérid. duSoleil...$ 42 56
Le 8Oétobre,...à 1 $2 145|Déclin. mérid. du Soleil, .,6 6 10
Paffages du centre du Soleil par le Vertical du Signal
de Niemi.
Matin.
Le 4 Of.1736.à 11h16 37” | Déclin. mérid. du Soleil... 4° 311 22"
Le 7 Octobre. ..à 11 16 15 | Déclin. mérid. du Soleil. .. $ 40 26
Le 8 Octobre..,àrr 16 12 |Déclin. mérid. du Soleil, ..6 3 39
ARTICLE ME
Angles formés par la Méridienne è7 par les lignes tirées
de Kitis à Pullingi à à Niemi.
La méthode dont on s’eft fervi pour trouver par ces ob--
fervations, les angles que forment avec la Méridienne , les
lignes tirées de Kittis à Pullingi & à Niemi, confifte à ré-
foudre les Triangles fphériques PZS, PZs, où l'on connoît
Je côté PZ de 23° 11° 40”, diftance du Zénith de Kittis
au Pole ; PS ou Ps, le complément de Îa déclinaifon du
Soleil pour le temps de lobfervation ; & l'angle ZPS ou
Z Ps donné par le temps du pafage du Soleil par le ver-
tical Zp ou Z N de Pullingi ou de Niemi ; d'où lon trouve
les angles /Zp & HZN, ou HQp & HQN, que forment
avec la Méridienne, les lignes tirées de Kittis à Pullingi &
à Niemi.
Deus ESC E AN CE sc
Voici comme on a trouvé ces angles par chaque obfer-
vation.
Déclinaifon occidentale de Pullingi. | Déclinaif. orient. de Niemi.
——
+
30 Septembre..... 2, 80/05 LAN"
n'Ottobre...:.. 28 051, 56
21Oétobre ue. 0 28; 52%, {5
4 Otobre . à sus see moe sens see HR L10 2 76 ON
71Octobre. . : ... 28.51 43 NT /#235%123
8 Octobre....... DÉCPNES) à IE 221031
Et comme on a l'angle NQ P /p.432.) de 40° 14’
52,7, les déclinaifons précédentes de Niémi fe peuvent
changer dans les déclinaifons fuivantes de Pullingi.
280 siti23 €
28805S 1030
28002, 422
Prenant un milieu entre toutes ces déclinaifons, on a
pour la déclinaifon du Pullingi, ou l'angle PQ,
RIOS ARTS 27
ARTICLE III.
Mefure de la Bafe, à" calcul des Triangles des deux Suites
principales.
BE
Mefure de la Bafe.
Bb eft la bafe ; elle a été mefurée deux fois par deux
troupes différentes, dont chacune avoit quatre perches, lon-
gues chacune de 30 pieds.
DA Toïf. Pieds Pouc.
La premiére mefure étoit de .....,.., 06 o
P 5
Lafeconde } de 244, dieu ds bout 7406 ua 4
Donc par un milieu, la bafe étoit de... 7406 $ 2
liii
Fig. 2.
Fig. 1e
436. MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE
SUnTe
Calcul des deux Triangles par lefquels commencent toutes
les Suites.
AB b.
Angles obfervés, Angles corrigés pour le calcul.
En ABS. 2. Us 208 "ot LE PE 921 2200
A DB. 042 Ta M AO role etelenele re ZA NEO
BAPE. DC 2 MIE -Lte aie 103 MONNIER
179 :59" 5313 AS
ABC.
ABC 2 moe 14 al 15 RACE 102 42 12
B'ACT RAA E7r CLONE NEC ES 22183 720
ACB NS 4 240,0 2808 ere 54 40 28
TT NET TBE (61e 280. “ro: ro an
En calculant ces deux Friangles d'après la bafe B & de
7ao6toifes çpieds 2 pouces, on trouve la diftance AC, entre
Avafaxa & Cuitaperi, de 8659,94toifes,
Et comme ces deux Triangles font d’une grande juflefe,
& que leur difpofition eft très-favorable pour conclurre exac-
tement cette diftance, on peut regarder AC comme la bafe.
STE
Calcul des Triangles de la premiére Suite.
ACH.
Angles obfervés , réduits à l’horifon. Angles corrigés pour le calcul.
Fig. 2. OBS TONNERRE SLR NTSPN2 RTE
ACER CASE AA PRET 3OUNS GMA
ACROSS NME ANNE Te Rte rE 3 6141 056
LT ER RNSEU PEUT OUEN
CHK.
CHE 2: D 136) JAN SA | RAR er 090) 1cEeS
CRE: Lie, NAS NAS 08 55 OR TMMENEENE Ae 43: 4500806
MOSS 100 NO NN SO D te iectele te 100 9 48
180 o 27,1 180 0 o
DES
SCIENCES.
457
CKXT.
Angles obfervés, réduits à l’horifon. Angles corrigés pour le calcul.
CSC MES No 2H ON Er MAL)" 7"
CRT NN TN) 28/4 r 20m lb TE 2: 118 28 3
CR AI 2 ANT 22 MAP an Es ME rte 24022. 0
180 MONNIES 180 o
AHP.
PEN SOA NON 40700 RO ARS MSG
TERRES EP NC A M SONORE SAAPTOMETE
PAPERS ETAT 19. 5555 STONE 101 fe MONT
179 59 41,9 180 oo o
HN P.
POLE UT ES | LES ARTE CE MPOT ONE
PEN ET ENS ALES EAN EN RER CEE “b4puRgs nl
PINS. SAONE GE PORTER AMEN CCS
So Mo. 18,9 In l 189 ..0. o
| NPQ. A
NRONIN ONE 7 US 20240311 |N etre à Lee 87 SZ 17
NQP..... 40 14 52; lea 40 14 46
NO ST RS D A AE eee die ue La SU 52 SZ
Re ON O2 120 r6o No No
Prenant À C = 8659;,94tifes, tel qu'on la trouvé
(p. 43 6.) par les deux Triangles 4 B6, ABC ; on trouve
par la réfolution des Triangles précédents,
AP
re
toifes,
TETE)
10676,9
CT -—=:24302,64
Ces lignes forment avec
vants,
PQD
APE.
ACF
CTG
HU I
la Méridienne, les angles fui-
61° 8 8"
84 33 54
MEANS
69 49 8
ii ii
Fig. 2°
b
.
438 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Et la réfolution des Triangles reétangles DQ P, APE,
ACEF, CTG, donne pour les parties de la Méridienne, *
toifes. l
PD = 935045 |
AE = 14213,24
AF = 8566,08
CG = 22810,62
QM —154940,39
pour l'arc du Méidien qui pañle par Kittis, & qui eft ter-
minée par la perpendiculaire tirée de T'orneä.
& IV.
Calcul des Triangles de la feconde Suite.
ACH.
Angles obfervés, réduits à l'horifon. Angles corrigés pour Îe calcul,
AO ON CS OAI eee tea CPS OA
CAEN T2 RM 3 250 TEEN RE T2 M2
AC NES AA NN MAUR ENE 36 41 56
180 © 29,4 PAR CUT TRES
CHK.
CRC COPA A 7 Eee 36e 4076
CIRE ERA AS URSS OMR ed DASUASTEC
KCH OO MRO US ONS | Alerte 100 9 48
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CXT.
CHKETA DOM 201230 £ 118 28 3
CTK 24 22 54,3 DO 24 - 22, $a
KICNP: BARON TON] RENTE . 2770007
180 Oo -:1:8,3 180 o © #
AK N.
HKN OT ATP 7er ler 42, 097, ATUESO)
HNX 27 NN lE eee eee 27% MINE
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.… Angles obfervés, réduits à l’horifon. Angles corrigés pour le calcul.
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INTERNE NOR 0 OPA ENONRE
180 oo 18,9 180. Loue
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IN OPA MAO Deere en 40 14 46
PINCE NOTE MINES ASIE TRIO PE 1 RON PEES ES SNS 2 NE
180 DUAM FiBot Portrait
Se fervant toûjours de
toifes,
AC — 8659,94
on a par la réfolution des Triangles précédents,
@ ; REM 35 CAE Li,
NK — 25053,2;$
HTC ee
-Ces lignes forment avec [a Méridienne, les angles fui-
vants, 1
NQd = 78 37 6”
KNL — 86 7 12
è KTg 85 48 7
La réfolution des Triangles Q Nd4, XNL, KT£, donne
pour les parties de la Méridienne,
(l
toifes
N d — 13297,88
RE — 24995,83
Kg — 16651,0$5
QM — 5494476
L’autre Suite donnoit....... QM = 54940,39
Donc par un milieu...... QM —= 54942,57
Fig. 2,
440 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
À R'TI CC ENS
Détermination de la véritable longueur de l Arc du Méri-
dien, dont on a déterminé l'Amplitude.
si TE
Les lieux de nos Obfervatoires qui répondoient au centre
du Secteur avec lequel on a obfervé les Etoiles pour déter-
miner l'amplitude de l'arc mefuré, étoient, celui de T'orneñ
plus méridional que le point 7, Flèche de fEglife, fommet
du premier Triangle, de 73 toifes ypieds ç pouces, qui furent
mefurées fur la glace du Fleuve par des perpendiculaires
abbaiflées ; & celui de Kittis plus feptentrional quele point Q,
centre de notre Signal, de 3toifes 4pieds 8 pouces,
Adjoûtant donc ces deux diftances à la diftance Q 4,
on aura gm = 5 5020,09tcifes,
CAUINT
Cette ligne 7» n'eft pas exactement Farc du Méridien
qui doit être comparé à la différence en latitude.
Car la perpendiculaire £m n'eft point Farc du parallele
paffant par # ; fuppofant l'arc sw ce parallele, pour trouver
le point w, il faut lui tirer la tangente ty, & divifer la dif-
tance #1y en deux également.
Pour avoir là valeur de »y, il faut premiérement calculer
mt, qui ne differe pas ici fenfiblement de 4/7, & qu'on
trouvera de 3 149,5 toiles par la réfolution des T'riangles
précédents : par cette ligne, & par la latitude de Torneä, en
fuppofant la Terre fphérique & le degré de 57000 toiles
({uppofition qui ne peut apporter ici aucune erreur fenfible),
on trouvera facilement l'angle que forment entr'elles les tan-
gentes des deux Méridiens qui paffent par Q & par 7, qui
eft le même que l'angle 111. Cet angle eft de 7° 24"; d'où
my doit être de 6,76 1oïles, dont la moitié 3,38 eff Ja
valeur de #u, qu'il faut adjoûter à la diflance 9m pour avoir
l'arc du Méridien dont on a obfervé l'amplitude ; cet arc
1u=—S Jo2p.47oile,
ARTICLE V.
DA\Et SV 2 B1CLEUN C E « 44
À RE LOL E NV.
Obfervations pour déterminer Amplitude de l'Arc du
Méridien , terminé par les Paralleles qui pafens
par Kirtis à Torneë.
GE
Nous ne ferons point ici, de l'inflrument dont nous nous
fommes fervis, une defcription complette, qui feroit d’un
trop long détail, & que nous réfervons pour un autre ou-
vrage. Nous tcherons feulement d'expliquer ce que cet inf
trument a de particulier, & de le faire connoître autant qu'il
eft néceflaire pour qu’on entende mieux, & les obfervations
que nous en donnons, & les vérifications que nous en avons
faites.
Une groffe Lunette de cuivre d'environ 0 pieds, forme le
rayon d'un limbe qui n’eft que de $°+, & qui a deux divi-
fions, chacune de 7'+ en 7'+, l'une d'un rayon plus court,
& faite par des points plus gros ; l'autre d’un rayon plus long,
& marquée par des points plus petits. Au foyer dela Lunette,
font deux fils d'argent en croix, que M. Graham lui-même
a pris foin d'attacher de la maniére la plus folide, & qui fe
tiennent toûjours également tendus par le moyen de deux
reflorts, afm qu'ils ne foient fujets à aucun dérangement.
Cette Lunette, le centre d’où pend le fit à plomb, & fon
limbe, ne font qu'une feule piéce, qui eft proprement tout
linftrument, qui, comme lon voit, n’eft pas fujet à fe dé-
ranger, comme le font ceux dont le centre eft amovible. IH
pend librement par deux tourillons cylindriques qui font à
l'extrémité fupérieure de la Lunette, & qui portant fur deux
couffinets fixes, lui permettent d’ofciller comme un Pendule,
Un des tourillons fe termine par un cylindre très-délié, qu'on
a encore diminué à l'endroit qui fe trouve dans le plan de
l'arc du limbe, dont il eft le centre. C’eft à cet endroit de
laxe du tourillon qu'eft fufpendu le fil à plomb ; & c’eft
autour de cet axe que fe meut la Lunette, pendant que fon
Men 1737: Kkk
442 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
limbe, par le moyen de deux roues, coule toûjours appliqué
contre un autre limbe immobile attaché à un gros arbre, qui
pafle par le milieu d’une- grande pyramide de bois qui fert
de fupport à l'inftument, C’eft à ce limbe immobile qu'on
attache le Micrometre, à l'endroit qui convient pour l'obfer-
vation ; & voici l’ufage de ce Micrometre.
Le limbe immobile & celui du Seéteur étant placés dans
la direétion du Méridien , la Lunette pendant fur fes touril-
lons, fe tiendroit dans une fituation verticale ; mais un poids
léger attaché à une ficelle qui paffe {ur une poulie, la tire
vers le Midi, pendant que le Micrometre la repoufe vers le
Nord, par le moyen d’une pointe d'acier qui s’appuye fur un
endroit de la Lunette où ft un petit Miroir d'acier. Cette
pointe conduite par une vis très-fine, s’avançant contre le
Miroir, ou fe retirant, fait décrire à la Lunette autour de
es tourillons, de petits arcs; & deux Cadrans, pendant ce
temps-là, marquent le nombre de révolutions & de parties
de révolution dont la pointe du Micrometre s'eft avancée ou
retirée; c'eft-à-dire, l'amplitude de l'arc qu'a décrit la Lunette
ndant cè mouvement ; pourvû qu’on connoifle le rapport
de chaque révolution de la vis aux minutes & aux fecondes,
Comme ce rapport changeroït , fi la pointe de la vis
portoit plus haut ou plus bas contre de petit Miroir ; ceMiroir
hors du temps de l'obfervation eft recouvert d'une lame de
cuivre fur laquelle eft tracée une ligne, à la hauteur de da-
quelle fe doit trouver la pointe du Micrometre, afim que fes
révolutions confervent toûjours le méme rapport aux mi-
nutes. On peut hauffer ou baïfler la pointe, jufqu'à ce qu’elle
fe trouve à la hauteur de’cette ligne : &cc'eft pour cette fitua-
tion du Micrometrequ'on a déterminé de rapport des réva-
lutions aux minutes. .
On‘commençoit l'obfervation parplacerle point du fimbe
le plus proche pour da fituation où la Lunette devoit être,
fous le fil qui pend du centre, & dont le poids trempoit
dans un vaïffeau rempli d’eau-de-vie. Oette opération:fe fait
avèc tant de jufteffe par le moyen du Micrometre, & d'u
DES SCIENCES 443
Microfcope, dont le foyer eft éclairé perpendiculairement
au limbe, que plaçant, & déplaçant plufieurs fois le point,
rarement trouve-t-on une partie de différence fur le Cadran
du Micrometre, c'efl-à-dire, rarement une feconde : & quand
le fil, au lieu d'être pendu librement, étoit arrêté fur des che-
valets, comme dans nos vérifications, rarement trouvoit-on
plus de + de feconde de différence entre une fois & une autre
qu'on phçoit le point fous Îe fl. Cette précifion pourra
paroître difficile à croire à ceux qui n’ont pas vû d’inftrument
comme le nôtre ; mais ils verront ce qu'ils en doivent penf{er,
lor{qu’ils examineront les obfervations qui ont été faites avec
cet inftrument par plufieurs Obfervateurs différents.
On écrivoit ce que marquoit le Micrometre, lorfque le
point du limbe étoit bien coupé par le fil à plomb avant le
paflage de l'Etoile. Lorfque l'Etoile pafloit au Méridien,
lObfervateur fans pouvoir voir les Cadrans du Micrometre,
en tournoit la vis jufqu'à ce que l'Etoile lui parût bien
coupée dans la Lunette par le fil perpendiculaire au limbe,
On comptoit alors les révolutions & parties de révolution
que l'Obfervateur faifoit faire à la vis, qu’il falloit adjoûter
ou fouftraire à l'arc terminé par le point que coupoit le fil
à plomb avant l’obfervation, pour avoir le lieu du limbe far
lequel tomboit le fil au pañfage de l'Etoile. Enfin, après fe
paflage, on vérifioit Foblervation, en remettant fous le fil,
le point fur lequel le fil avoit été avant l’obfervation. Si le
Micrometré marquoit encore le même nombre de révolu-
cagu'i marquoit après, Ç'auroit été une preuve qu'il feroit
KKK à
444 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE
. arrivé quelque mouvement à l'inflrument, & qu'il n’auroit
pas fallu compter fur cette obfervation.
Les deux Etoiles que nous avons obfervées avec cet inf-
trument, pafloient fi près du Zénith, que l'une n’étoit pas
éloignée de + degré du Zénith fur Kittis, & l'autre ne l'étoit
pas de + de degré du Zénith à Torneä. Quoique la fituation”
de ces Etoiles rendit peu à craindre pour nous les erreurs
qui, dans d’autres cas, peuvent être dangereufes fi l'on fe
néglige fur la pofition du Seéteur : & quoique nous fçüffions
que plufieurs minutes d'erreur dans l'angle de cette pofition,
ne pouvoient avoir fur nos obfervations d'effet fenfible, nous
plaçimes cependant fort exaétement notre Secteur dans le
plan du Méridien qu'on avoit tracé ; & nous vérifiâmes fa
pofition par Fheure du pañlage des Etoiles, dont on avoit
pris des hauteurs. FRS
CES
Olfervations de l'Etoile S du Dragon, faites fur Kittis, avec
le Setleur, pour déterminer l'Amplitude de l'Arc
du Méridien.
Ee 4 Octobre 1736.
Avant l'obfervation du pañfage de l'Etoile par Ie Méridien, le fi à
plomb ayant été mis fur le point du limbe marqué 2° 37’ 30” de la
divifion fupérieure dont nous nous fommes toûjours fervis, le Micio-
metre. marquoit. . + « « « tele rene NE 2 ART OA
dons 44
, . 3 : fe €
Pendant Yobfervation, c’eft-à-dire, au pafage révohu
de l'Etoile par le Méridien, le Micrometre mar- tone
quoit . . « . « . nel sue ahonate one Ar 20%
Après V'obfervation de l'Etoile, le même point
2° 37 30" étant remis fous le fil, le Micrometre
marquoit. , « . . + : . Count OS pc le ob 24 12,5
Prenant le milieu entre ce que marquoit le Mi-
crometre avant & après le pafflage de l'Etoile,ona.. 24 LL 64
D'où ôtant. . . . en SAR 22 dr 0-9
entre le point du limbe marqué 2° 37’ 30”, & celui
fur lequel fe trouvoit le fl à plomb au pañage de
LOUER LE Er LR ane ed en I 2457
DES SCIENCES. 445
‘ Ayañt 'obfervation . +, . 24Révol. 1 3, 3euv
5 Octobre. . . . 2 Pendant l'obfervation . . . 22 31,4
Aprés te ut ee age 25,3
L 24 14,3
22} hat 4
Différence, . . . . .. ANNE 26,9
RE —©—©———————
MAN eme ie ve lotte 24 9,8
MD bbcn tie APendanr NN TS 28,2
CON EME LC UBTE OR 24 9,8
24 9,8
22 28,2
x Différence in pe UL 25,6
STE CTP TOP FPT VU TPE RENE TEE PEN EIRE NTIEE El
. an D VOLE ROME 1 1,0
8 Oétobre. . . Pendant Neon ei à 16 16,7
- Après serie hs tele 1741004340
18 o
16 16,7
DHrEnCe MERS He et re:
SE TP RG GET RSR GE SNSRIGEL TRE ES
PARAPENTE Ne Me ee 17 1 33,0
10 Octobre. . . . < Pendant . . . SPEARS 16 8,3
AC Aprés se CR UT 139,
17 33,0
16 8,3
Différences 90629, à 24,7
Ces obfervations furent faites à la lumiére du jour, fans
éclairer les fils du foyer de la Lunette.
KKK iÿ
446 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE
STE R ,
Obfervations de la même Etoile faites à Torneë,
1736.
Le fil à plomb fur le point du limbe marqué 1° 37" 30°
de la divifion fupérieure ;
Le Micrometre marquoit,
Avant eo ar er + « 1784039; 6emu
x Novembre. . . . 4 Pendant. . . . . . . .. T9 ENS 072
: APTES MMM el eN Melle 7 (AO S
171 040:0
19, 36,3
Différence .#. 1.000204 1 40,3
AVATE NE Se Te ES ARS à LE
2 Novembre, . . . < Pendant. . . . . . ... 20 8,8
APTESS lolo sets ee NUIS ENT 0
15 TES
20 8,8
Mréctencer: terne Ir do
MA, ,,......18 37,0
3. Novembre... . < Pendant, , , 4% + - - 20" 339
APTES eee Ve LAON 135,0
AVENE Le le en sue 6h, 122,2
4 Novembre. . . . 4 Pendant. . . . . ... . , 20 28,4
APTES Se eee etes 0 TU 2100
DIRérence ie este 2e 1 440,8
des SCHENCES 447
Avant ...... . . . . « 12R6t24,4rav
$ Novembre. . . . à Pendant. . . . . . . . . 14 20,5
PARTES- Vols Dale tone) eZ 2.4.0
12 24,2
14 20,5
Différente . . . / .. . . 1 ° 40,2
Ces obfervations furent faites à la lumiére du jour, fans
éclairer les fils du foyer de Ia Lunette.
AR TECLE. VE
Calcul del’ Arc du Méridien obfervé.
Les obfervations fur Kittis donnent. . . . . . . ci 24,708
HZ 620
I 25,6
TM 2722
VOL 247
Dont TemiheuieR een. 2. 00. . ET)
Les obfervations de Torneä donnent . . . . . . 1 40,3
En 207
MAT
1 140,9
# 07
Dont le milieu ef. . . ......... 4 40,6
On a donc pour l'arc dudimbe, fur Jequel
tomboit le fil pendant Îe paflage de l'Etoile Révob Pur)
: DH TONIE D ONENE MIRE NN ME 2037 30"—1 25,8
Et pour l'arc du limbe fur lequel tomboit
île fil pendant le re de la même Etoile 1
à Torneë . . . + 1 37 30+1 40,6
La différence de ces denrear arcs , “dome. a
différence de Ia diflance de cette Etoile au
Zénith de Kittis & de Tornet. . . . . . . 1 LD la 2 22,4
Pour réduire les révolutions & les parties du Micrometre en minutes
Fig. 1.
448 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
& fecondes, il faut fçavoir (page 45 9.) que
15/=—20023,57., & lon a... ir. 0. 022,48 2 33,8
qui étant retranchées de ........,. .. 1° 0’ o”
donnent l'arc obfervé de. . . . . . . .. 0° $7 26,2
De plus, par la conftruction du Secteur,
la corde de 5°: qui eft de 10,625 pouces
Anglois, efl trop petite de 0,002, ou de 3"2
pour le rayon du Secteur, qui eft de 110,75.
Ces 3°2 fur 5° donnent pour 57'+. . . . . . 4% 0,"6$
qu'il faut ôter ; & l'on a pour l'arc ObIEFVÈLS rares 57!25:"55
SECONDE PARTIE.
Vérifications de rout l'ouvrage.
ARTICLES
Vérification des Angles horifontaux par leur femme
dans le contour de l'Hepragone.
CPR ee 24° 22 $4,s
RICHES SLT ES 37 à 91. 12,0
RARES Te ALES 2ES TOO 6,8
DÉMO MEN CTI TRE 30 56 53,4
CAN DER nl eee 112 21 48,6
ANRT RARE EE 53 450 567
APH: T0... Fe NS PATIO SD
LINE RARES L E Ne DAV R Te el
INTRO AIRES 87 1528 24,2
PONNE RE. 0e AOMVAMES 2,7
CNE RE ES Ci EE À Ad LE
PINANIEN EME le A2 SE 7 XS
DEINERER ECC CT ANNE 523
NON IEEE ch 9ù ALIAS
TOC NE ET On A3 A2 550
CET ES EE ALNTE 1118- 28% 712;0
Somme, ME MEET + 900 1 37, qui differe
de 137" de ce qu'elle devroit être fi la furface étoit platte, & s’il n'y
avoit aucune erreur dans les obfervations ; mais qui doit être réellement
un peu plus grande que 900°, à caufe de la courbüre de a Terre.
ARTICLE Il
D'ES SCIENCE s 449
ARTICLE
Vérification de la pofition de l Hepragone faite à Torne2.
Le centre du Quart-de-cercle de deux pieds derayon étant
placé dans la ligne qui pañloit par la Flèche de l'Éolife de
Torneä, & le Signal de Niwa, on obferva l'angle que formoit
avec le Signal de Niwa, le Soleil dans l'horifon, en marquant
le temps par le moyen d'une Pendule qu'on avoit portée fur
de lieu le plus élevé de lle Swentzar, & dont on rapporta
Fheure plufieurs fois par des Signaux à celle d’une Pendule
réglée dans la Maifon où je demeurois. \
1737 , le 24 Mai au foir.
Temps vrai.
Ag55"16"...nCS...13° 36 26" angle entre le fignal de Niwa &
le centre du Soleil, conclu par
le pañage des deux bords par
1e fil vertical de la Lunette.
Suppofant la déclinaifon du Soleil de 20° 5 3’ 29” feptentrionale,
& la latitude du lieu de lobfervation 65 $1 o,
on trouvera... RCS...28° 5 5’ 48 angle du vertical du Soleil, avce
la Méridienne, calculé poux
l'inftant de l'obfervation ;
d'où ôtant ...2CS...13 36 26 obfervé ci-deffus; on a
. RCn, ou RTn...15 19 22 pour l'angle que forme avec Ia
Méridienne , la ligne tirée de
la Fléche de Torneë au fignai
de Niwa.
1737, le 25 Mai au matin.
Le centre du Quart-de-cercle placé dans Ia direction de
Kakama & de la Flèche de Torneë.
Temps vrai. W
Az3'5"...nCS...44° 6! 34"5 angle obfervé entre le fignal de
Niwa, & le centre du Solcif
. Jevant.
nCK...19 $2 34 angle obfervé fur Ie méme lieu
TT 10 1) entede @pnal de Niya.æ
celui de Kakama.
Mem. 1737. Lil
Fig. 4e
Fig. ç»
450 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Fig. 5. KCS...24° 14 o"+angle entre le fignal de Kakama;
& le Solcil levant. .
RCS...28 32 48 angle du vertical du Soleil avec
la Méridienne, calculé pour le-
moment de l’obfervation ; la
déclinaifon du Soleil étant
de 20° 5522”.
KCR,ouKXTR... 4 18 472 angle que forme avec la Méri-
dienne, la ligne tirée de Ia
Fléche de Torncà au fignal
de Kakama.
_—_—_—_—_————
1737, le 25 Mai au matin. d
Le Quart-de-cercle dans la même fituation.
Temps vrai.
À 2h09! 38"...nCS...45 36 342
HOMO MENT
KOS "25 44 oO
RCS...30 2 25 la déclinaifon du Solcil étant
ET ROC de 208 5 s’ PSV
KXTR... 4 18 242 angle que forme avec Ia Méri-
dienne, la ligne tirée de la
Flêche de Torncä au fignal.
de Kakama.
Réduifant la pofition de Niwa, donnée par la premiére obfervation»
Fig. 4. à celle de Kakama, par l'angle 7 7°K, qui eft (page 481.)
& 5. de. Het 192 8707
on aura KT'R... 4 18 56 pour la déclinaifon de Kakama. Et
prenant un milieu entre ce que donnent ces trois obfervations,
AP 187 247
4 18 4720 on aura 4° 18’42"+ pour la déclinaifon orientale
4 18 56 de Kakama.
Mais par le calcul précédent des Triangles, nous avons trouvé
ect-angle ide... tr. ALLER
à quoi adjoûtant . . . . . . . . . O 7 24 que nous avons
trouvé {page 440.) pour la conver-
gence des Méridiens de Torncä & de
Kittis, on aura X TR. . : . . 4 ur9 7
Par les trois obfervations précé-
dentes, cet angle étoit de. . . . . 4 18 42%
qui ne differe que de . . . . . . . 0 0 34%
Cette différence eft trop petite, pour qu'on puifle k
D'EUS-1SNCISELN CE $, 45sr
regarder comme une véritable déviation de la Méridienne :
partant nous n’en avons tenu aucun compte, d'autant plus que
da pofition de la figure, à l'égard de Ja Méridienne, avoit été
concluë fur Kittis, par un plus grand nombre d’obfervations.
ARE CL E ILL
Vérification de la diflance de Torneà à Kitts,
par dix nouvelles Suites de Triangles.
I.
Par les Triangles TK, nKC, CKH, HCA, AHP, PHN,
INPQ. J
Partant toûjours du côté À C, Ia réfolution de ces Triangles donne
pour la diflanceQM.............. 54941 Toifes.
Qui differe de Ia diftance concluë (page 439.) . . 54942,57
par nos deux premiéres Suites, de. . . « . . . . (AE
LE
Par les Triangles TK, KHn, nCH, HCA, APH, HNP,
PINO onaQM. re. re. ess es . 54936
Qui differe de Q M{pagey3g.) de... . .. 6=
HA
Par les Triangles Ta K, Kn H, HnA, ACH, HAP,PHN,
INPOMon a Q AT MEME RS Are 54942%
Qui ne differe pas fenfiblement.
IV.
Par les Triangles TK, KCH, HnC, CHÀ, AHP, PHN
INPORCON LOMME ULRICH. 549432
Qui differe de. . . . . . . . . . . . ete I
V.
Par les Triangles TK, KnC, CnA, ACH, HAP, PHN,
AP MON a lOML MEN ER NE ECS 54925
AQui differe de. . . . . . . .. Dee ni) AU PUITS
VI.
Par les Triangles T2 K, KnH, HAn,nCA, AHP, PHN,
NPQ,on 1QM-..N 2540 PAU $S4915E
Qurdifere de... eme UM le 27 } à
Fig. 6.
Fig. ?
Fi Fa Se
Fig. 95
Fig, 16%
Fig. IT,
Fig. 12e
Fig. 14:
Fig. 15.
Fig. 16.
452 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
VF
Par les Triangles TK, KnC, CAn,n HK, KHN, NHP,
PINOT ta QT: TE MAIN LS BOT: 54912 Toifes.
Qurdiffere: de ‘ans m0 RMI SE 30+
V'ETE
Par les Triangles TK, KCn,nAC,CKH, HKN, NHP,
PNQ No OMENRSNAONRNE METIER 54906+
OS CO RU RS POULE 36
1
Par les Triangles TC, CnA, AnH, HAP, PHN, NPQ,
ON ORNE MEN ENS MRC MESSE 54910
QUINTIHETERAE MAN E EME ER 32%
X.
Par les Tipngies TnC, CAn,nCK, KrH, HKN, NHP,
PNQ,onaQM. ra SR DS CLR 54891
Gardiens de SEC RSR CORNE s1<
Quoiqu'il ne fe trouve pas entre toutes ces Suites, de
différences bien confidérables, nous n'avons pas cru les de-
voir faire entrer dans la détermination de la longueur de
notre arc, que nous avons faite fur deux Suites qui nous ont
paru préférables aux autres.
AR TIC GE DIV
Autre Vérification de la diflance de Torneä à Kuis.
Quoiqu'on puifle affés voir par les dix Suites précédentes,
qu'il ne s'étoit pas pü glifier d'erreur confidérabie dans les
obfervations des Triangles de la Méridienne ; puifque toutes
ces Suites, dont plufieurs employent des Triangles rejettables
par la petitefle de leurs angles, ne donnent pas de g gr andes
différences entrelles ; voici une autre efpece dé vérification
qui Ôte toute inquiétude {ur l'erreur des obfervations, quand
même on n’auroit obfervé que les angles néceflaires pour la
premiére Suite.
Nous fuppofons que dans chaque Triangle, il y eüt une
TODUE SLA SGEN icf Es, 452
erreur de 20” à chacun des deux angles, & de 40"autroi- Fig. 16,
fiéme : & que ces erreurs euflent toüjours diminué la lon-
gueur de la Méridienne Q 4. La petitefle de la différence
qu'on a par cette fuppofition, fait voir l'avantage que nous
avons dans le petit nombre de nos Triangles, & dans la
pofition de la bafe à l'égard de ces Triangles, Voici com-
ment le calcul doit s'entreprendre.
Partant toüjours de la bafe BD, & faifant les angles 254
& b Ba plus petits de 20" que Bb A &b BA, on a le côté
a B au lieu de 4 B, Se fervant enfuite de ce côté a 2, &
faifant les angles BaC & a Bc plus petits de 20" que BAC
& ABC, on à le point c au lieu du point C, & le côté ac
au lieu de AC.
Par ac, on a les côtés ak &ch, au lieu de AH & CA,
en fuppofant les angles ca h & ac# plus petits de 20" que
les angles C4 H & ACH: & allant ainft toûjours, en di-
minuant les Triangles de la Méridienne, on a la figure
gpnhackt au lieu de QPNHACKXT.
ÆEnfuite fuppofant aufi une erreur de 20" dans fa pofition
de la Méridienne, c'eft-à-dire, en fuppofant que pm foit
plus petit de 20" que PQM; on a, le calcul étant fait en
toute rigueur, 7» plus petit que QZ de 5 4 toiles, erreur
peu confidérable,, quoiqu'elle réfulte de la fuppofition la plus
- étrange de mal-adreffe & de malheur.
A RITAR EU ES Ve
Vérification de l Amplitude de l'Arc du Méridien.
GS
Olfervations de V E‘toile « du Dragon, faites à Torneà, dans
le même lien où l'on avoit obfervé l'Eoile
AAA
Le fil à plomb fur le point du fimbe marqué 3° 1 50"
de la divifion fupérieure ;
Le Micrometre marquoit,
Lili
454 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Ayant l'obfervation . . . . roRévol.3 2,7pæ
17 Mas. . . . . Pendant Yobfervation . . . 16 42,0
APE SE ne ee ie Pr CHINE) 34,0
19 2003353
16 42,0
Différence eee 22 BE
PATATE tn ie le D rot Te 22 UUNTT:0!
18 Mars eee Pan LE OMC
PAPIER RENAN NE 22 |{etohx,9
22 VIT
19. - 3054
Différence. Hate 2 303
ARTE Vus are Me Belle 0 AE 21,0
ao Mars. . - . . À Pendant. , . +... 18 RAA
APrES Aie te He je leNs 21 2/D;3
DEP URETE IR
18 32,1
Différence NE ER IRUE 2 33,0
s IT
Obfervations de la même E‘toile, faites Jur Kittis , dans le même
lieu où l'on avoit obfervé l'Etoile A\.
1737:
Le fil à plomb für le point du limbe marqué 4° 15° 0°
de la divifion fupérieure ;
Le Micrometre marquoit,
AVAL INR EURO CET ESS
2 AT PE TA NE el USENET 14 43,0
APTES ne otiolte lolens os 20 NT 2; ONE
CR
14 43
Différence. 1: UCI 6 13,0
D'E S!©S CL EN CE s 455
+ AVANL ete UNE + . 21Réw0kz2, cree
RAT ee FERA 1 NS 0,0
non EEE CA Pan 122
257:
15 0,0
Différence . : , . ... .« . 6 12,3
LEE
Ayané Se CRAN e IOSS
DR ANIL TT. 2 Le Pendants à 5 Suis da 15 722
CAE EE EN EME 19,7
21 19,6
È 15 752
Driférente si V0 RUE 12,4
Ces obfervations, tant à Torneä que fur Kittis, furent:
faites à la lumiére d’un flambeau qui éclairoit par réflexion.
les fils du foyer de la Lunette.
e
RRMECEE VE
Calcul de l'Arc du Méridien obfervé.
Ees obfervations de Torneä donnent . . . . . . 2Rével3c,3pur
2 3553
MALTE NO
Dont le milieu eft. . . . , . . . . .. MENIONEAS
Les obfervations fur Kittis donnent. . . . . .. GATE D
Gr: «233
Ÿ 6 12,4
Dont le flic Ma A 0 se à ct NU 2, €
On a donc pour l'arc du lixbe, fur Iequel tomboit Ie 6 pendant
456 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Révol. arts
le paffage de l'Etoile à Torncä . . . . . . FE 15 V0 2 345
Et pour l'arc du limbe fur lequel tomboit
le fil pendant le pañlage de la même Etoile
LTPAREUIS een cie OUT +... 4 15 0—6 12,6
La différence de ces deux arcs, donne Îa
différence de Ia diflance de cette Etoile au
Zénith.de Kittis & deToyuçé,... + MM N0No = 30022/r
ESC QUI ASE EEE PEL. OPA AES
qui étant retranchées de . . .. . ... +. .: 1 oo o
donnent l'arc obfervé de. . . . . . . at ON TS 70e
Correction pour la petiteffe de Ia corde de 5°, . o° oo 0,65
on a pour l'arc obfervé . . . . . ae he DOC OR ZE
ARTE. CL VE L Æ
Vérificarions du Seéteur.
ST
Vérifications de l'Arc de S4+ du Secteur.
Le 4 Mai 1737 à Torneä, nous mefurâmes fur la glace
du Fleuve, une diftance de 3 8otoiïfes y pied 3 pouces oligne :
elle fut mefurée deux fois; & entre la premiére & la feconde
mefure, on ne trouva aucune différence. A l’une des extré-
mités de cette diftance, étoit placé le centre du Secteur, qu'on
avoit pofé horifontalement fur deux gros affuts, dans une
chambre qu’on avoit choifie fur le bord du Fleuve. A l'autre
extrémité étoit un poteau, fur lequel on avoit placé une mire,
du centre de laquelle on mefura dans une direction perpen-
diculaire à la diftance qui devoit fervir de rayon, une autre
diftance de 3 étoifes 3 pieds Gpouces Glignes£, qui devoit fervir
de tangente, & qui étoit terminée par le centre d’une autre
mire attachée fur un fecond poteau ; ce qui formoit fur la
glace, un Seéteur d'environ 3 8 o toifes.de rayon, auquel nous
comparions le nôtre. |
On avoit tendu un fil d'argent depuis le centre du Secteur,
jufqu’à un point d'appui éloigné d'environ $ ou 6 pouces du
limbe :
Dr Ers ASE TIELN € Es. 457
limbe : ce point étoit toùt-à-fait immobile, ainfi qu'on le
vérifioit ; & le fil d'argent effleuroit le limbe du Secteur,
_ qu'on faifoit mouvoir horifontalement autour de fon centre.
L'angle entre les deux mires pris par cinq Obfervateurs,
fut trouvé plus grand que 5° 30’.
: Parties du Micrometre.
PARIS DICHUEr, dE 2 Season ne 0: 6,5
Par, le fecond, de. ... ... ... . . ..8,3
Par dé troiféme,. de 2:50 ri 5 | 7,0
Par le quatriéme, de . . . . . . . . . 7,9
Parle emqmiéme dés Ava eue x 516,8
Donc par un milieu, de . . . . . . . 7,31 ou de 7,"3
Or, felon la conflruction du Seéteur, /page 448.) arc
dont nous nous fommes fervis, eft trop petit de 3" 2:
fè
IMCIRIAENe0, eee ee ea e 29 75 6,25
En retranchant encore. . . . . . o o 73
J'angle obfervé, eft d…. . .. . .. s 29 48,95
& l'angle calculé , eft de . . . . . .:$ 29 50,00
D'6ù l'on voit quelle eft la juftefle de cet inftrument ; &
“à quel degré de précifion on peut obferver avec. Cette
différence de 1" für l'arc de $° +, ne mérite pas qu'on y fafle
atiention, & peut venir de l'erreur de lobfervation.
CS
Vérification des deux degres du limbe, dont on s'eff fervi pour
déterminer l'Amplitude de l'Arc du Meridien.
Le Se“teur toûjours pofé horifontalement fur fes afluts,
on avoit tendu deux fils partant du centre, & qui faïfant
entr'eux un angle fort approchant d’un degré, efHeuroient le
limbe, & étoienit fixés fur deux chevalets immobiles. On
avoit placé au deffus de chacun de ces fils, un Microfcope,
dont le foyer étoit éclairé par la lumiére d’une bougie, réunie
par une lentille : & lorfque le Micrometre faifoit mouvoir la
Mem. 1737. Mmm
458 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaALE
Lunette, les points du limbe fe trouvoient tous fucceffive-
ment aux foyers des Microfcopes.
On comparoit ainfi avec l'intervalle fixe que les fils laif-
foient entr'eux, les deux degrés dont on s'étoit fervi pour
les deux F'ioiles, en faifant pañler ces deux degrés l'un après
Fautre {ous ces fils : & l'obfervation faite par cinq Obferva-
teurs, on trouvoit l'arc compris entre Îes points marqués
1°37 30", & 2° 37 30", plus grand que l'arc compris
entre les points 3° 15° 0", & 4° 15" 0".
Le premier Obfervateur, de MEN JRPNEN TE
Ée fcobde dem 2e 2 TT SUN 0,7
Éétroieme te te MER Mr RO 0,95
Le quatriéme, de. . . . . . . . : . . . 0,85
Le cinquiéme, de. . . . . . .. . : . . 1,8
Donc par un milieu, Farc fur lequel on avoit obfervé
l'amplitude par l'Etoile d\ étoit plus long que celui fur lequel
on avoit obfervé l'amplitude par l'Etoile & , de 0,95.
Il faut remarquer ici, qu'on peut tout autrement compter
fur cette petite différence obfervée entre les deux degfés du
limbe, que fur celle de l'article précédent ; parce que celle-là
dépendoit de l'obfervation du point fous le fil, & de l'obfer-
vation de l’objet dans la Lunette ; au lieu que celle-ci ne dé-
pend que de lobfervation du point fous le fil, qui, par le
moyen des Microfcopes bien éclairés, fe peut faire avec la
derniére juftefle.
CATDE
‘ Vérification de la divifion du Secteur.
On examina de la même maniére, chaque intervalle du
limbe, de 1 5’ en 1 5", dans la divifion fupérieure ; & voici
la Table de ce qu'on trouva, qui fera connoiître l'exactitude
de la divifion de cet inftrument, & de fon Micrometre.
DES ST ES MEUNLC: ES. 459
Suivant nous. … Suivant M. Graham.
Révolut. Pari Parties.
De o°, 15! à 0° 30.17 0% 20 23,2... . 22,75
OMMHON AE OMPAIS Me delete Vote 22,244 4.1. 22,25
RON EL SÉRIE Oo ea se RAR 23,7. NN N23SS
1,00 À 1 1$ ee. + + + + 2354 + + + 23,75
MARI Sax D)ÿ 70% Ve, 2124901. 24,5
D LPC CS PT eo MT DEMI 23,2. 235
FE SE EN ON ne de LA 2320: 24,5
PANO OM NA 2AINLS ARS RTE Le 2354 + + « 23,875
DA PA CÈRE ME eo MRC R EEE € Rd 231 23,5
DNA OTIA NZ HAN LUI SENS Le 23,6 24,125
CMS MIE TE PR NN OT MEET 233 de CUN23085
3 00 : 2 GI. Le ie Le - 2433: + + .« 24,375
BTS AA S (20) OHMNTETANE 2450-h2 1: 2 24,0
3 30 . 3 45 23:11. + /210023;25
BRAS. LA OU acn ein met e 24,0. + + . 24,125
AR OO ANS Ne. a. 23,4. 24,125
PE ONSTPRRRt 2259 he + 23:75
HO AE) AS ER PRrIAESE Expos
ANA da SAT OOMa Mere eee AT 2220: 22,5
SINOO A SN NS NEA Rae ere 23564-02400)
So RE CA ME AC) ‘ 23,0. 23,625
CU LÉ YO AU RO CES» RE + 22,1: #0 .022,5$
Le milieu donne . . . . 15—20" 23,3%. , , 23,6Px
ARTICLE VAT
Dérerminarion du Degré du Méridier, qu coupe
le Cercle Polaire.
Lust id |
Détermination de l'Amplitude de l'Arc dn Méridien , terminé
par les Cercles pai ‘alleles qui EE par Kittis dr Tornea.
On a trouvé /page 148. ) pour l'amplitude de l'arc du
= Méridien, déterminée par l'Etoile d, :
M m m ij
460 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
l'arc ob er vécue 0e: eos 7 255$
Et pour l'amplitude du même arc, déter-
minée par l'Etoile & (page 456.)
lafctôblervé. :. 2 6 one à 0.9.0 © 05 7 1225010
Pour avoir les véritables amplitudes que donnent l'une
& l’autre de ces Etoiles, il faut faire à ces arcs différentes
corrections. S |
Pour l'ETorzE à
Par la Préceffion des Equinoxes, depuis le 6 Oétobre
jufqu'au 3 Novembre, qu'on prend pour l'intervalle entre
les obfervations de l'Etoile À du Dragon, cette Etoile s’étoit
approchée du Pole, de o0,"48 : & comme elle étoit vüé au
Nord fur Kittis, il faut retrancher
de l'arc obfervé (page 448.) . . . . . . « 57° 25,55
cepté quantité: 2008 27h eus: s LR be A OÏS OA
, ; à NZ » BAT RT TE
Et l'on a l'amplitude corrigée pour la Préteffion.. $7' 25,07
Par l Aberration de la lumiére, cette Etoile
pendant le même temps, s’étoit éloignée du
Pole des terrine eme are nee M0
qu'il faut adjoûter.
Et lon a l'amplitude par d\, corrigée pour la
Préceffion & l'Aberration. + . .... . . . . 57° 26,9
Pour l'ÉTOILE «a.
Par Ja Préceflion des Equinoxes, depuis le 1 8 Mars juf-
qu'au $ Avril, qui eft l'intervalle entre les obfervations de
l'Etoile & du Dragon, cette Etoile s’étoit éloignée du Pole
de 0,8 s. Et comme elle étoit vûë au Midi à Torneë, il faut
retrancher de Farc obfervé /page 456)... 57° 25,85
cétté (quantités ane ts lame ten ebelt 5 1e 0007 1 0,85
Etl'ona l'amplitude corrigée pour la Préceffion.. 57 25,00
Par l’Aberration de 1a lumiére, cette Etoile pendant le
nu LA EIDREN SA ISN CRIE INT €: S 461
même temps, s'étoit approchée du Pole, de.. os, 35
qu'il faut adjoûter.
Et l'on a l'amplitude | par &, corrigée pour la
Précefjion à l'Aberration . . . . D SAUT CES
s. IL
Détermination plus exate de l Amplitude de l'Arc du Méridien,
terminé par les Cercles paralleles qui paflent par Kirris
à Tornea,
M. Bradley ayant bien voulu me faire part de fes derniéres
découvertes, fur les mouvements des Etoiles ; & me com-
muniquer la correétion néceffaire aux deux arcs obfervés par
les deux Etoiles A & &, tant pour la Préceflion des Equi-
noxes, que pour l'Aberration de la lumiére, & pour un troi-
fiéme mouvement, dont nous avons parlé /p.41 2.) nous
employerons pour avoir une plus grande exactitude , les
corrections telles qu'il nous les a envoyées, quoiqu’elles ne
different pas fenfiblemént de celles que nous venons de faire.
I faudra à l'arc obfervé par À (p.448.). . . 57" 25,'55
TÉL NE MEN CARRE Gr rAÈ MALE | Qu 1,38
Et l'on aura l'amplitude par À, corrige pour
tous les mouvements . . . . . . . ... . . , 57" 26,03
I faudra à l'arc obfervé par & (p. 456.).. 57 25,85
der vh iete oiedtee de Oo 57
Et l’on aura l'amplitude par &, corrigée pour
tous les mouvements . «+ +... . + + + + $7 30,42
PAR RES 78
Quoique la différence qui fe trouve ici entre ces deux
amplitudes, ne foit que de 3,49, on voit {page 458.)
qu'elle n’eft rééllement que de 2," 5 4: & elle n'iroit pàs ÉENEA
- {1 l'on ne faifoit ufage que des obfervations les plus parfaites;
_ que de celles où le Micrometre, après le paflage de l'Etoile,
lorfqu’on remettoit le point fous le fl, marquoit à 1" ou
moins, près, ce qu'il avoit marqué auparavant. Cette
M mm iij
Fig. 2.
462 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE .
différence eft fi petite, qu'on ne peut pas douter que les
deux opéfations ne foient fort juftes.
Nous ne faifons ici aucune correction pour la Réfraétion;
parce que s’il y en a encore à de fi petites diflances du
Zénith, elle n’y fçauroit être bien connuë ; & que fürement
elle ne produit pas ici d'effet fenfible,
MIT TE
Détermination du Degré du Meridien, qui coupe
le Cercle Polaire.
Nous prendrons donc pour la vraye amplitude de Parc du
Méridien, compris entre les paralleles qui pañlent par Kittis
& Torneä 57’ 28,"67, qui eft l'amplitude moyenne entre
les deux précédentes. Et comparant cette amplitude avec la
longueur de Farc gw, qui (page 440.) eft de $s$023,47
toiles, on trouvera que /a longueur du degré du Meridien qui
soupe le Cercle Polaire, efl de $7437,9 toiles.
s IV.
Remarque fur le Degré mefuré par M. Picard.
Ce degré, comme on voit, eft plus long de 377,9 toiles,
que celui qu'on prend communément pour le degré moyen
de la France, que M. Picard a déterminé de 57060 toiles.
Müais fi lon fait au degré de M. Picard , la correction
néceflaire pour l'Aberration de l'Etoile À du Genouil de
Caffiopée, par laquelle il détermina fon amplitude, on verra
que prenant le 1 5 Septembre & le 1 5 Octobre pour les
milieux des temps de fes obfervations, il faut adjouter 8"
à l'amplitude de Farc de Malvoifine à Amiens : y adjoëtant
encore 1" + pour la Préceffion des Equinoxes, & 1"+ pour
la Réfaction , correétions qu'il n'avoit point faites ; cette
amplitude fera 1° 23° 6"+ : & comparée à la longueur
de l'arc 7880 toiles, elle donne le degré vers Paris, de
5 6925;,7 toiles, plus court que le nôtre, de 5 r 2,2 toiles.
Enfin, fi lon refufoit d'admettre la Théorie de M. Bradley,
DHEUSNUSICHIMEUN CE s.1 1. 463
& qu'on n’attribuât aux Etoiles que le changement en décli-
naifon, caufé par la Préceflion des Equinoxes, l'amplitude
de notre arc feroit par l'Etoile A /page 40 0.) 57° 25,07;
& par l'Etoile & (page 46 0.). . . . .. 57 25,'00.
D'où l'on trouveroit notre degré encore plus long qu'on ne
le trouve en fuivant la Théorie de M. Bradley.
CAVE
CoNCLUSION.
Le degré du Méridien qui coupe le Cercle Polaire, furpaffant
le degré du Méridien en France, la Terre eff un Spheroide applati
vers les Poles.
ACRIRICE EE LC
Maniére de trouver la Figure de la Terre, par la mefure
de deux Degrés du Méridien.
Lorfqu'on connoît Ja fongueur de deux différents degrés
du Méridien, mefurés dans des lieux dont on connoît la
latitude, la figure de la Terre eft déterminée : voici la folu-
tion de ce Probleme, & une formule pour trouver le rapport
de l'axe de 1 Terre au diametre de Equateur.
1 PROBLEME.
La longueur &r la latitude de deux degrés du Meridien, étant
données, trouver la Figure de la Terre !
Confidérant la Terre comme un Ellipfoïde, parce qu'elle
n'en differe que très-peu : Soit l'Ellipfe PAp, qui repré-
fente le Méridien ; dans laquelle l’axe eft Pp, & le diametre
de l'Equateur Aa. Soient deux degrés de cette Ellip{e, ou
deux petits arcs d’une même amplitude £e, Ff. Les perpen-
diculaires à l Ellipfe qui les terminent, concourent aux points
G & H, faïfant les angles G & A égaux. Et les latitudés où
fe trouvent ces deux degrés font données par les angles EKA,
FLA.
Fig. 17:
Fig. 17:
464 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr
Soit le rapport de CP à CA, celui de m à 1; CM=x,
EM—y; le finus de l'angle £ AA, c'et-à-dire, le finus
de latitude du point £ = f, pour le rayon — 1 ; le finus
de l'angle F LA, ou le finus de fatitude du point F=— 5,
pour le même rayon. Enfin, foient les arcs £e— E, &
On a par la propriété de l'Ellipfe y—=#m {1 — xx);
EK=mV(i—xx+-mmx x); & le rayon de la déve-
loppée EG——(1 xx mmxx)t, Et FL & FH,
ont les mêmes expreffions pour l’x qui leur convient. Puif-
que f eft le finus de l'angle £ KA pour le rayon 1 , on a
s:f::my(i—xx+mmxx) :mV(1—xx). Ou
y DE
7 ff mal,
l'expreffion de EG & FH, on a EG — —"———,
G—Jf+mmff)*
—. Et puifque les arcs Ze & Ff,
(i—s5+mmss)?
ont Ja même amplitude, c'eft-à-dire, que les angles G & H
mm mm
xx Et mettant cette valeur de xx dans
mm
FH
font égaux, ona £:F:: 3?
+
=ff+mmff) (i—ss+mmss)
3 3
ou E x [i—(um—1) ff} = EF x [1 (um—i)ss|"
ou réduifant en Suites, Æ x [1 42 /mm—1) ff +
3 (mm—3) ff +kc]=Fx [1 + à fmm—i)ss
+ à (mm—i) + &c.]
Mais comme l'Ellip{oïde de la Terre ne differe pas beau-
coup du Globe, la quantité mm—1 eft fort petite, & l'on
peut négliger les termes où fe trouvent fon quarré & fes
puifances ultérieures. Et on a £ x [1 + /mm—31)/f]
Ex [1-2 (mm—3)ss] où 2 E+3 (mm—1) Eff
2 (EE)
(EF)?
ou prenant D, pour la différence entre le demi-axe & le
rayon
-
=2F+ 3 (mm—3)Fss; où 1 — mm —
DES SCIENCES, 465
rayon de lEquateur, on a D — ET ou D —
E—F
3 E(]—5s)
de l'Elliploïde, & conftruire une T'able des différentes lon-
gueurs du degré pour chaque latitude.
. D'où l'on peut facilement déterminer l'efpece
Coroll. Si un des degrés qu'on compare, eft pris à
EF
3 ESS ” Fe
fi l'autre degré eft pris au Pole, la formule devient D ÆÆ
E—F
3E
triple du dernier degré de latitude, comme la différence
entre le diametre de Equateur & l'axe, eft à la différence
entre le premier & le dernier degré de latitude.
l'Equateur, la formule précédente devient D —
; d’où l’on voit que le diametre de l'Equateur eft au
Nous ne donnons point ici les autres Olférvations que nous
avons faites dans le Nord ; on les trouve dans le Livre de La Figure
de la Terre que nous Jêmes imprimer à notre retour, ér dont il ya
= » TA Je, ra
un trop grand nombre d'E‘ditions en différentes Langues, pour que
uous répétionS ic toutes les parties qui compofent ce Livre.
Nous dirons Jeulenrent un mot des expériences que nous avons”
faites fur la Pefanteur à Pello , Village Jitué au pied de Kittis,
où la latitude eff de 66° 48'20", Parce que cette matiére eff
liée avec celle de la Figure de la Terre.
Ces expériences faites avec un grand foin à des inffruments
excellents, nous ont appris que le Perdule de Paris à Pello accélé-
roit de $9,1" en 24 heures. D'où nous avons conclu que le
Pendule ifochrone étroit plus long à Pello qu'à Paris de 0, 6 de
ligne : er que la pdfanteur à Paris étoit à la pefanteur à Pello
COMME LOOOO à 1001 4»
Pois la Table des augmentations de Pefanteur que nous avons
formée fur l'augmentation que nous avons trouvée de Paris à Pebo,
d'après le principe, Que les augmentations de la pefanteur, de
Mem. 1737. Nan
466 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE
l'Equateur vers le Pole, fuivent à fort peu près la proportion
du quarré des finus de latitude.
TABLE des Accélérarions de la Pendule ; èr des Allon-
gements du Pendule ; depuis l'E ‘quateur
jufqu'au Pole.
|
LATITUDE || ACCÉLÉRATION Parties de Ligne,
d de la Pendule & Lignes
a pendant une révolu- | | d’Aflongement
LIEU. tion des Fixes. du Pendule.
D acrens mar à oemneemns | | ee eo
Lo] [e]
1,6 0,016
0,065
0,145
0,2 54.
0,387
0,542
0,713
4
DIE Se1S,:GA EN € ES 467
OBS ERP TAMENT, O N
DE L'OCCULTATION DE JUPITER
PA RUSSE ANNE TTINT ee
Faire à Paris le 29 Novembre 737:
Par M. GRANDIEAN DE Foucurx.
Êx temps qui avoit été fort couvert toute la journée,
s'étant mis au beau fur les cinq heures, je me préparai à:
Fobfervation ; ce que je fis avec d'autant plus-de foin, que
quoique la Conjonétion ne fût pas marquée Ecliptique, je
jugeois à la vüe fimple que Jupiter pañeroit au moins fort
près du bord feptentrional de la Lune; circonftance favorable
pour obferver fi quelqu'un des phénomenes qu’on attribue à
- F'Atmofphere Lunaire paroïtroit en cette occafion, & même
d'autant plus favorable, que Jupiter devoit y entrer très-
obliquement, & être long-temps à la traverfer. En effet j'ai
vû Jupiter éclipfé en partie par le bord obfcur de la Lune,
enfuite totalement par la partie claire, & enfin fortir très-
obliquement de cette derniére. Voici les obfervations telles
que je les ai faites, réduites au temps vrai.
A7" 5! 40" Jupiter commence à s’éclipfer.
7 7. 0 le fecond Satellite difparoit.
7 10 5 le premier Satellite difparoît.
7 10 50 Jupiter fe trouve dans la ligne des Cornes, éclipfé par
la partie obfcure des trois quarts de fon difque, &
par la partie claire totalement.
7 16 o Jupiter commence à reparoître, & à faire une petite
éminence dans le rayon du difque de {a Lune pañfaut
par Eudoxe & Ariftote.
23 5 Jupiter ef forti à moitié.
24 OO ss... aux trois quarts.
DONS DD AD E ee tout-à-fait.
39 10 je commente à voir Jupiter à la vüe fimple.
NNNN
Je n'étois fervi d’une Lunette de 7 pieds, mais excellente,
Nan ij
7 Decemb,
1737:
268 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
& telle que je voyois nettement les bandes de Jupiter ; je
l'avois préférée à une plus longue, étant bien-aife, pour quel-
ques vûes particuliéres, que le champ de ma Lunette comprit
le difque entier de la Lune, &cau de-là, & nous verrons dans
la fuite de ce Mémoire, l'erreur qu'a pû caufer le peu de lon-
gueur de la Lunette,
Voici.préfentement les remarques que j'ai faites pendant
la durée de l'opération.
1. Le difque éclairé de la Lune me paroifloit excéder .
en demi-diametre la partie obfcure du quart du diametre de
Jupiter, où 12"+.
2.° Lorfque la partie de Jupiter qui étoit reftée claire,
{e fut jointe à la partie claire de a Lune, je ceffai abfolument
de lappercevoir, & cela fans doute parce que Jupiter & la
Lune ont à peu-près le même degré de lumiére, mais füre-
ment une lumiére de Ja même nature, ce qui feroit arrivé
différemment fi c’eût été une Etoile confidérable : je dis
confidérable, car une petite Etoile, quoiqu’elle eût une lu-
micre différente, ne pourroit pas fe diftinguer fur le difque
de fa Lune, & feroit effacée par fa clarté.
3.° Jupiter ne me parut ni s'allonger ni changer de cou-
feur en approchant du bord obfcur de {a Lune, finon quand
je le mettois vers les bords de ma Lunette, & même je ne
remarquai aucun changement aux bandes de la partie de
Jupiter qui reftoit claire, ce qui cependant auroit dü arriver,
Jupiter ayant traverfé très-obliquement toute lathmofphere
de la Lure fi elle exiftoit.
Ce qu'il y eut de plus fmgulier, eft que dans l'émerfion
de Jupiter du bord éclairé de la Lune, on voyoit diftincte-
ment Jupiter abfolument féparé par une raye noire qui
l'enveloppoit, quoiqu'il parût encore enfoncé de plus du tiers
de fon difque dans le bord de Ja Lune, à peu-près comme
fi on eût fait en cet:endroit du difque de la Lune une échan-
crüre plus grande que Jupiter, preuve évidente que cette
augmentation de diametre dont nous venons de parler, n'eft
qu'une illufion d'optique, & non pas l'effet d'un fluide,
Mem. de lAcad.1r37. planche 12. page 468.
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che 12. page 468
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| Mer. de Lcad.1787. pl.13. pag.468.
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Mer. de Lacad.1737. pl.14 .pag.468. =
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QM= S4941 toûes QM= 54086 cotes
plus court de: tises plus courtde6$ mises
QM= 549422 Toues
qu ne dffere pau
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Mem. de l'4cad. 1787. pl. 16. Pag 768.
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QM= S4928 tnoeo QM= Syo1S 4 torsas
plus court de17 3 toisco plus court de 27 toises .
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Mem. de Lcad.1737. pl. 16. P49.468.
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I plus court de 301tm5es plus court de 36 toires Plur courtde 328 toires
|
Mem. de L'acad. 1787. pl. 17. pag.468.
Fig.16
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qe = 54886 lnses plus court que Q M de 54 torses.
Q M= 54801 toues
plus court de 81 # wues
M |
qe = 54886 tes plus court que Q M de 54 torses
-
DES SCIENCES. * 469
puifque quand quelque corps réellement éclairé fe préfente au
de-là, elle cefe, & laifle appercevoir la différence entre cette
lumiére empruntée & l'éclat du corps même de la Planete.
Je voulus auffi voir fi les vapeurs ne pouvéient pas caufer
quelques-unes de ces apparences, & pour cela de temps en
temps je plaçois ma Lunette de façon que le rayon pañlit
à travers la fumée d’une cheminée qui étoit placée commo-
dément pour cela, & je remarquai que cela me rendoit, les
objets tremblottants & confus fans changer conftamment
“leur figure.
Je finis ces obfervations par une remarque aflés impor-
tante, c'eft qu'il s'eft pañlé 12° 28" entre le moment où
j'avois vû Jupiter entiérement forti à la Lunette, & celui au-
quel j'ai pû l'appercévoir à la vüe fimple ; d'où il fuit que
V'augmentation du diametre de la Lune dans fa partie claire
que nous avons obfervée à la Lunette d'environ 12", eft à
la vûe fimple de 6’ 14". On ne doit donc pas s'étonner ft
Kepler & tant d'autres Aftronomes donnent le diametre de
cette Planete plus grand qu'il ne left réellement ; maïs ce
que l'on ne fera peut-être pas fiché de voirici, c'eft que la
différence entre ces deux augmentations fe trouve prefque
réciproquement proportionnelle au pouvoir amtplifant de la
Lunette, car la Lunette dont je me fervois ayant un objectif
de 7 pieds, & un oculaire de 2 pouces + ou 30 lignes, fon
pouvoir amplifiant eft 33 + ou environ ; & fi on divife
6/14" par 332 il viendra 11", qui ne différe pas d’une
feconde de la quantité obfervée, ce qui fait voir que fi je
im'étois fervi d’une plus longue Lunette, cette augmentation
auroit été prefque infenfible.
J'efpere examiner par la fuite les changements que peu-
vent produire fur cela les différences des Lunettes, mais en
attendant, on peut prendre pour regle générale, d'employer
toûjours à ces fortes d'obfervations les Lunettes les plus lon-
gues que l'on pourra, & de n’employer qu'avec la plus grande
précaution Les obfervations faites à la vüe fimple.
à +
OCR Cx
Non il
470 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
OBSERVATIONS DU THERMOMETRE
Faites à Paris pendant l'année 17 77
Comparées avec celles qui ont éré faites dans des climats
très-différents de celui de Paris.
Par M. DE REAUMUR.
U 4 N D on a eu les obfervations du Thermometre
faites journellement & pendant quelques années confé-
cutives dans le même lieu, c'en eft affés pour fçavoir quelle
y eft, pour ainfi dire, la marche du froid & du chaud. IL
fufhroit alors d’avoir des obfervations du plus grand froid &
du plus grand chaud de chaque mois de l’année pour ce même
lieu. Cette remarque fembleroit nous difpenfer de faire pa-
roître ici, comme nous l'avons fait dans les volumes précé-
dents, la Table des obfervations que nous avons faites en
1737, foit à Paris, foit à Charenton, pendant dix mois, &
celles que nous avons faites pendant les deux autres mois,
ceux de Septembre & d'Octobre, tant en Poitou que dans la
route que nous avons prife, foit pour nous y rendre, foit
pour en revenir. Nous croyons pourtant devoir donner en-
core ici la fuite complette de ces obfervations, en faveur de
ceux qui en font journellement, tant en France que hors Îa
France, parce qu’il ne faut pas les laiffer manquer de termes
auxquels ils puiflent les comparer, & que la pofition de Paris
“en fournit de très-convenables ; d’aïlleurs il y a peu de Villes
en Europe d'où on puifle s'attendre à avoir auffi conftam-
ment de ces fortes d’obfervations.
On doit fe fouvenir, par rapport aux Tables fuivantes, que
lorfqu'une petite ligne fe trouve au deffus d’un chiffre, ce
chiffre exprime un degré au deflous du terme de la congé-
lation ; 4 fignifie ju à degrés au deflous de ce terme.
DES SCTrENC'ESs. 47T
JAN LE R. DOBTT PEVALE R
Degrés du Matin. | Degrés d’Après-midi. | J. | Degrés du Matin. | Degrés d’Après-midi.
Heures. Degrés. | H£ures. Dégrés.
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[1737]
472 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
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Heures. Degrés. | Heures. Dregrés, Degrés. | Heures. Degrés,
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474 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
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476 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE
NOVEMBRE [1737] DECEMBRE.
Degrés du Matin. Degrés d’Après-midi. | J. | Degrés du Matin. | Degrés d’Après-midi.
Heures. Digrés, | Heures. Degrés. Heures. Degrés. | Heures.
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4e
DES SCIENCES 477
RESULTAT Des TABLES PRÉCÉDENTES,
gui donnent les plus grands chauds à les plus grands froids
de chaque mois de 1737, foit du marin, foit de l'après-midi.
Plus grand froid | Plus grand chaud | Plus grand chaud
de l’Après-midi. du Matin. de l’Après-midi,
JANVIER
Plus grand froid
du Matin.
. àa2k àrat
far à 101
2h àr2di
3- à2h àr12d}
a —
à 9217. à 6h àr4d |r6. à3h à 244
SUILLET. .
26. à3h àgy4d 118. àsh=àa18dil2o, à3l à2641
8 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
47
Plus grand froid | Plus grand froid | Plus grand chaud | Plus grand chaud
du Matin. del Après-midi. du Matin. de l'A près-midi.
ee En ms
SEPTEMBRE.
Jours.
Jours, Jours.
4 à3" Aroftfra à6h à1542l12. à 3hà2ç4
OCTOBRE.
. à 6hla od 126. à 2h àrid |
zd 9
. àa2h à1od
Dans cette Table les degrés expriment ceux qui ont été
marqués par le Thermometre expolé à air extérieur, mais
appuyé contre un mur capable d'échauiter où de refroidir le
Thermometre felon la faïfon ; auffi ayant fufpendu à 6h +
du matin, le 24 Décembre, à un if de mon jardin le Ther-
mometre dont la liqueur étoit à 2 degrés au deflous de Ia
congélation ; à 7 heures la liqueur de ce même Thermo-
metre fut trouvée à s degrés + Le froid du milieu de mon
jardin avoit donc été capable de faire defcendre fa liqueur
de 2 degrés + de plus que ne l'avoit fait defcendre le froid
qui étoit auprès du mur,
Nous avons déja donné dans le Volume précédent les
obfervations faites par M. Granger en différents endroits de
Ja Syrie & de l'Affyrie pendant l'année 173 6 ; il pañla les
dix-fept derniers jours de cette année à Bagdat. Nous allons
rapporter actuellement les obférvations qu'il a faites en cette
derniére Ville en 1737 pendant tout le mois de Janvier, &
DES SCIENCES. 479
jufqu'à la mi-Février. Ces obfervations font d'autant plus
précieules , que nous ne devons pas efpérer d'en avoir fi-tôt
de faites dans une Ville fi peu fréquentée par les Phyficiens ;
ce font auffi les derniéres obfervations de çe genre de M.
Granger, que nous pourrons communiquer au public, a mort
nous ayant enlevé ce Voyageur, fi propre par fon zele, par
fon courage, & par fes connoiflances, à inflruire de ce que les.
pays qu'il parcouroit avoient de digne de l'attention de ceux
qui aiment les différentes parties de l'Hiftoire naturelle. I£ne
fe contentoit pas de faire chaque jour deux obfervations du
Thermometre, fouvent il en écrivoit cinq à fix fur fon jour-
nal; mais nous nous fommes bornés à en tirer deux pour
chaque jour, celle qui donnele plus grand froïd du matin,
& celle qui apprend le plus grand chaud de Faprès-midi.
Obfervations faires à Bagdat en 1737.
JANVIER.
Jours.| DEGRÉS pu MATIN. |DEGRÉS DE L'APRES-MIDI.
Heures, Degrés. Heures. Degrés.
parie sais Gran la. 4 tee eh 012
2 AÉERSRSTN 7 Palaos Die HUTte
3 ie tete 7 à midi r ,, +... 125$
4 CE na 6+ EDP UNR A MO etes
s État 7 Dérlit ut JA TRS
6 palette lee 8+ AP DO RIUE :
7 éibicedaishs F3 'ate ee % SU AY
8 Gete es ae à 7 Déter des iy
9 (OR TNA. ROME 10 4er res 17
10 GlosaneTeMENe 8 Zevees eu
11 Finiceeit à 41,94 Abe wmlart et 17H
12 Gui ele tit 9, 14 Dee le oo LÉ
18 Fo SN RIRE 2Ufuee Real Es LEE
14 Br mi ehe à 3 3 us. see 14
15 CARRIERE de 84 3 ss. + 13
16 CES ENT IIOEOR 7
17 AT RARE Besse. 14
4830 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Jours.| DEGRÉS DU MATIN. |DEGRÉS DE L'APRE'S-MIDI.
Heures. Digrés. - | Heures, Degré.
18 04 6 4.4 9 4.3 1e) oeile to oo 14
19 63 RUE UNE &ossse es 14
20 DANIEL $ Ces lee cale mx
21 7 geléc blanche 3 D'etrletelle RUE
22 6...... LE Dre +. 10
23 OT ENMEU SNS A 22 É RURON NEC » 10+
24 73e" 0e brR te HE 3 tetis he ne 6
25 SU EU HO 2. Bi: s'iroie
26 65.4 met n ere de . $=+
27 +... +. . < . point d'obfervations.
28 JD FOND REC 2 italie Moye ‘eiebie 7
29 tac helps Na PUR: Pen 10
30 GR TRS TO, De NelUe te le Lee ENS
31 Toto rse 4 ERONO VIE NAN OMR”
FEVRIER.
Jours.| DEGRÉS DU MATIN. |DEGRÉS DE L’APRE'S-MIDI.
Heures. Degrés. Heures. Degré.
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Le 15 fut le jour du départ de M. Granger de Bagdat
pour Bafora.
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: Quoique Bagdat foit fitué à environ 3 3 degr: 1 5 minutes
d’élévation du Pole, dans un pays où il doit faire, & où il fait
extrèmement chaud pendant l'été, fe froid y a été plus confi-
dérable en 1737 qu'il ne l'a été à Paris, puifque le 3 1 Jan-
vier la liqueur defcendit à 4 degrés au deffous de la congéla-
tion. Pendant l'hiver la variation du T hermometre y eft bien
autrement grande qu'à Paris; la Table précédente nous donne
des jours où la liqueur a parcouru 1 1 & 1 2 degrés ; il eft
fare qu'elle fafle plus de chemin à Paris dans les jours les plus
* chauds de Fété,
Les Volumes précédents des Mémoires de l'Académie,
nous donnent Îa fuite des obfervations faites par M. Coffigny
dans fes traverfées du Port de l'Orient, foit à l'Ifle de Bourbon,
{oit à l'Ifle de France, & la fuite de celles qu’il a faites dans
ces deux Ifles pendant les années qu'il y a demeuré. Ces
derniéres obfervations nous ont inftruits de la marche du
TFhermometre dans l’une & dans l'autre de ces Ifles : elles
nous ont appris que les variations de la température de l'air
y font peu confidérables, qu'elles ne s’y font pas par fauts
comme à Paris. C'eft ce qui eft fr bien prouvé, que nous
croyons pouvoir nous difpenfer de rapporter ici en entier le
journal de 1 737 à ffle de France; que M. Cofligny nous a
envoyé, & où il a marqué la plus grande hauteur où la liqueur
- s'eft élevée chaque jour après-midi. Nous nous contenterons
d'extraire de fes Tables deux obfervations pour chaque mois;
celle du jour où la liqueur a monté le plus haut, & celle du
jour où elle a le moins monté, *
SEE ADESUE RANCE.
Jour de chaque mois où la liqueur Jour de chaque mois où la liqueur
du Thermometre s’eft le plus élevée. | duThermometre s’eft le moinsélevée,
JANVIER 1737
Jours. * Degrés. Jours: Degrés.
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482 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Jour de chaque mois où la liqueur | Jour de chaque mois où la liqueur
s’eft le plus élevée. s'eft le moins élevée.
MARS 1737. »
Jours. Degrés. Jours, Degrés.
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LaTable précédente apprend que le jour le plus chaud de
Yannée 1737 à l'Ifle de France fut le 2 Janvier. La liqueur
ne s'y éleva cependant qu'à 27 degrés +, terme où elle arrive
à Paris dans la plüpart de nos étés, & qu'elle pafle même
affés ordinairement. Mais ce que cette T'able offre de plus
remarquable, c’eft que dans tous les mois de l'année, fi on
en excepte celui de Janvier, la chaleur du jour le plus chaud
; D'IEts) FSNCIANE NN CHE re 483
d'un mois, ne différe de la chaleur d'après-midi du jour le
moins chaud du même mois, que de 2 à 3 degrés, & fouvent
de moins. La plus grande différence de cette efpece a été
trouvée en Janvier, & elle n’eft encore que de 6 degrés +,
Nous avons déja eu occafion de fairè remarquer dans le
Volume précédent, que la température de l'air n’eft pas la
même, à beaucoup près, dans toute cettelfle, ce qui va encore
être confirmé par un réfultat des obfervations qui y ont été
faites pendant les fept premiers mois de 1737 à trois lieuës
de la Loge & du Port de F'Tfle de France, c’eft-à-dire, à trois
lieuës de l'endroit où M. Coffigny a fait les fiennes. On
remarquera non feulement des différences dans la chaleur, de
deux endroits peu éloignés ; mais on remarquera encore, ce
qui me paroît plus fingulier, que les jours les plus chauds d’un.
de ces endroits, n’ont pas été les plus chauds de l’autre,
Obfervations fur le Thermometre, faites à trois lieuës de la Loge
à du Port du Nord-oueff de l'Ifle de France, depuis le 1.
de Janvier jufqu'à la fin de Juillet 17 3 7.
Degré le plus haut
à lamême heure.
Degré le plus bas
Degré le plus bas |Devré le plushaut
à fix h. du matin.
a uneh-après-midi. | à 1a mêémeheure.
JANVIER 1737.
Jôurs. Degreés. | Jours. Degrés: | Jours. Degrés. | Jours, Degrés.
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484 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
Degré le plus bas | Degré le plus haut | Degréleplüsbas | Degré le plus haut
à fix h.du matin, | àlaméme heure. [iuneh.après-midi. | à la même heüre:
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On trouve dans le Volume des Mémoires de l'Académie
qui précede celui-ci, les obfervations du Thermometre faites
à Pondichery depuis le 10 Sept. jufqu’au dernier Décemb.
1736; nous allons donner la Table des obfervations faites
dans la même Ville pendant onze mois confécutifs de 1737.
Nous euflions été en état de donner des obfervations pour
l'année complette, fi la feuille fur laquelle étoient rapportées
celles du mois de Janvier n’eût pas été égarée. Ces obferva-
tions font dûes à un Religieux Capucin, qui a eu l'attention
d'obferver réguliérement le Thermometre chaque jour à 6h +
du-matin, à 11h, à 2h après-midi & à 5h, & de marquer
encore l'heure du jour où la liqueur s’étoit le plus élevée. Des
cinq colomnes d'obfervations dont fa Table eft compofée,
nous nous fommes bornés à en faire imprimer deux ; celle qui
donne le degré du Thermometre à 6 heures + du matin, &
celle qui donnele degré de la plus grande chaleur du jour.
DES SCIENCES. 485
»
… Obfervations faires à Pondichery fur le Thermomerre,
depuis le 1." de Février jufqu'au dernier
Décembre 1737.
(737 UC RENERD'E TR:
MARS.
A 6h.+| La plus grande | À Gh.£| La plus grande
du élevation du élévation
matin. après-midi. matin. après-midi.
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_____486 MEmoiR MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
du élévation du élévation
(1737) ANRILL. cs | JUIN.
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DES
SCIENCES.
(1737) JUILLET.
Jours.
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La plus grande
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matin. | avant & après midi. | matin. | avant & après midi. {matin.
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du élévation du élévation
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488 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE
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Jours. | du élévation du élévation du élévation
matin. |av.'@&aprèsmidi.} matin. |av. t&aprèsmidi.| matin. |av."@&aprésmidi.
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Selon a Table précédente, le jour le plus chaud de l’année
1737 a été à Pondichery le 7 Juin. La liqueur s’éleva ce
jour à 3 heures + à 3 2 degrés, ce qui marque une chaleur
plus confidérable que celle que les Poules font prendre aux
œufs qu'elles couvent. Le jour où il ait fait le moins chaud
le matin dans cette Ville, a été le 26 Novembre, jour au-
quel à 6 heures + du matin fa liqueur étoit à 17 degrés<.
Feu M. du Fay, fi regretté par l'Académie, & par tous
ceux à qui le progrès des Sciences eft cher, me remit, il
y a plufieurs mois, un journal d’obfervations du Thermo-
metre faites fur un de ceux qui font conftruits felon nos prin-
cipes, dans le Vaiffeau Ze Fleury, parti le 20 Décembre 1736
du Port de l'Orient pour Pondichery. Pendant toute la route,
on à eu foin d'écrire chaque jour fur ce journal la plus grande
hauteur à laquelle la liqueur du Thermometre s'eft élevée, &
à quelle latitude & à quelle longitude l’obfervation a été faite.
Nous nous contenterons cependant d'en extraire quelques
obfervations, du nombre defquelles font celles qui ont été
faites à Cadix pendant dix jours du mois de Janvier.
Obfervations faites à Cadix en Janvier 1737.
Jours. Deprés. Jours. Deprése
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Depuis le $ Mars que le Vaifleau Z Fleury fe trouva à
‘2 degrés 40 minutes Nord, jufqu'au 1 4 du même mois, où
il parvint à 3 degrés 3 minutes latitude Sud, la liqueur du
‘Thermometre ne monta chaque jour qu'à 26 degrés ou à
26 degrés & demi; ce qui confirme ce dont nous avons
déja donné plus d’une preuve, que fous la Ligne, & aux
environs de la Ligne, on n’eft pas expofé à un air auffi chaud
Men, 1737 Qqaq
LA
490 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE
qu'on lavoit cru. Peut-être même que 26 & 26 degrés?
expriment une chaleur plus grande que celle qu'on a dü ref-
fentir dans ce Vaifleau en paflant la Ligne. Voici ce qui fait
mon doute. Le Vaifieau arriva à l'Ifle de France le premier
de Mai, & en repartit le 28. Les obfervations qui y ont été
faites, donnent environ 2 degrés de chaleur de plus que celles
sk M. Cofligny. Le mème Vaifleau arriva à Pondichery le
3 Juillet, & on eut foin de faire les obfervations du Ther-
mometre juiqu' au 22 Août. Ces obfervations donnent en-
core communément les chaleurs de Pondichery de 2 degrés
plus grandes que ne les donnent celles qui ont été faites avec
tant d'affiduité par le R, P. Capucin. La caufe de ces diffé-
rences peut venir que de ce que le Thermometre du Vaifleau
le Fleury a été tenu dans un endroit trop expolé à être échauffé
par les rayons du Soleil, ou de ce que par quelque dérange-
ment, la liqueur de ce T'hermometre fe tenoit trop haut jour-
néllement. Des bulles d'air peuvent avoir été introduites dans
la liqueur de la boule ou dans celle du tube fans qu'on les y
ait apperçües.
DES $CIENCE:Ss, 491
OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES
faites à l'Obférvatoire pendant l'année 1737.
Par M. MARALDI.
Obfervarions Jur la quantité de la Pluye.
4 pouc. lign. 1 pouc: dign:
N Janvier... o 6 En Juilet..... 2 4% 8 Janvier
Février.... o i AOttae sure 2 1 1735.
Mars, 24.100 o 10% | Septembre.. 1 11#
Avril. 0 3% Oétobre.... 1 4
Manet RARE Novembre. 1 o*
. 4 V4 : 4
Juin... EU Décembre. 0 45
3 4
GAS D. SE
Aiïnfi la quantité de la pluye tombée à l'Obfervatoire eft
de 1 5 pouces r 0 dignes = moindre qu'en l’année commune,
qu'on a déterminée à 1 7 pouces. La pluye tombée dans les
fix premiers mois eft de 6 pouc. 4 lign.+ moindre de 3 pouc.
que celle qui eft tombée dans les fix derniers, qui a été de
9 pouces 5 lignes +.
La pluye du mois de Juin eft prefque égale à la pluye des
cinq premiers mois, elle n’en differe que de 3 lignes, dont
la pluye des cinq premiers mois eft plus grande; mais ce qui
eft étonnant, la pluye tombée en deux feuls jours du mois
de Juin, fçavoir le ro & le 1 r, eft plus grande que celle des.
quatre premiers mois de l'année, car celle du ro efl de ro:
lignes, & celle du, 1 1 eft de 1 pouc. 5 lign. +, ce qui fait
2 pouc. 3 lign. +, au lieu que la pluye tombée pendant les
quatre premiers mois n'a été que de 2 pouc. 2 lignes+, Le
Barometre s’eft foûtenu pendant le mois deJuin à une grande
hauteur, il n’eft defcendu qu'à 27 pouc. 8 lign. + le 25 de
ce mois à 3 heures après-midi par un vent de Sud-oueft &
un temps pluvieux ; le r 0 & le r r de ce mois, jours de la
. grande pluye, il a été à 28 pouces, & le refte du mois il a été:
plus fouvent au deflus de 28 pouces qu'au deflous.
492 MEM. DE L'ACAD. ROYALE DES SCIENCES.
2 Obfervations fur le Thermometre, |
Le froid de cette année 1737 a été très-modéré, puifque
la liqueur de trois T'hermometies eft à peine defcendue à Ja
congélation de l'eau pendant le mois de Janvier, où l'on
remarque pour l'ordinaire le plus grand froid de l'année, &
le plus grand froïd eft arrivé le 29 Décembre, que la liqueur
de l'ancien Thermometre de M. de la Hire qui marque la
gelée à 30 degrés, & qui eft dans la Tour découverte de
VObfervatoire, eft defcendu à 2 s degrés, & la liqueur d'un
T'hermometre de M. de Reaumur, qui eft à côté de l’ancien,
a été à 3 degrés au deflous de la congélation de l'eau, & un
autre Thermometre de M. de Reaumur, qui eft en dehors de
la Tour expolé au Nord, eft defcendu à 4 degrés au defious
de la congélation.
Les mêmes Thermometres ont marqué la plus grande
chaleur de l'Eté le 1 6, le 17 & le 2 1 Juillet, que la liqueur
de l’ancien Thermometre eft montée à 7 degr.+ à 3 heures
après-midi, & celle du Thermometre de M. de Reaumur, qui
et à côté de l'ancien, eft montée à 2 $ degr.+, & celle de
celui qui eft en dehors de la Tour eft montée à 2 3 degrés +.
Suivant les obfervations faites à Montpellier, le Thermo-
metre de M. de Reaumur a marqué le plus grand froid à 3!
degrés au deffous de la congélation de l'eau le $ Février à
heures du matin, & il a marqué la plus grande chaleur le
21 Juillet à 3 heures après-midi à 26 degrés+, qui eft un
jour des plus chauds qu'il ait eu à Paris.
Obfervations fur le Baromerre.
Le Barometre a marqué la plus grande élévation du mer-
cure à 28 pouc. 7 lign. le 30 & le 3 r Janvier ; il a été à
28 pouc. 6 lign. le 1 6 Novembre, & il a été plufieurs fois
à 28 pouc. 5 lignes. Il a marqué la moindre hauteur à 2
pouc. 5 lign. le. $ Mars, & à 27 pouc. 7 lign. le 26 Mars.
Déclinailon de l'Aiguille aimantée. |
J'ai obfervé plufieurs fois pendant l'année 1737 la décli-
naïfon d’une Aiguille aimantée de 4 pouces, de 1 4 degrés
45 minutes vers le Nord-oueft.
FIN
ES